Fichier
Nom du fichier
1733, 11, 12, vol. 1-2
Taille
22.60 Mo
Format
Nombre de pages
659
Source
Lien vers la source
Année de téléchargement
Texte
Presented by
John
Bigelow
to the
Century
Association
DM
Mere
Mirened
*DI
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROY.
NOVEMBRE . 1733 .
SPARGIT
ECOLLIGITS
Papill
A PARTS;
GUILLAUME CAVELIER.
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais,
M. DCC. XXXIII.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY A V I S.
336
ADRESSE generale eft à ASTOR, ENOX ND
TILDEN Monsieur MOREAU , Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Fran-
1905
,
goife , à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure
, à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inflamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'aurons
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porterfur
T'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
Ini indiquera,
PRIX XXX, SOLS,
}
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROT
NOVEMBRE. 1733 ~
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
ODE EN STROPHES LIBRES.
AM. TITON DU TTLLET , Commissaire Pro
vincial des Guerres , cy- devant Capitaine de
Dragons , et Maître d'Hôtel de feue Madame
la Dauphine , Mere du Roy.
Par Mlle DE MALCRAIS DE LA VIGNE,du Croisic
en Bretagne, en le remerciant du present qu'il
lui afait de son Ouvrage, intitulé : Le Parnasse
François, dédié au Roy.
A
Rchitecte fameux , dont la sçavante
main
Eleve un monument à l'honneur de
la France ;
La majesté pompeuse , et l'exquise élégance ,
A - ij Se
2332 MERCURE DE FRANCE
Se prêtant à l'essor de ton art souverain ,
Ont poli la matiere , et réglé l'ordonnance ;
De ton édifice divin
M
Sans avoir épuisé les deux bords de l'Hydaspe ;
Ton adresse a charmé notre goût et nos yeux ;
Et ton Ouvrage précieux ,
Tiroit l'éclat divers du Porphire et du Jaspe,
Ce Monument transmis à la Postérité ,
Des temps impétueux bravera les outrages ;
De la flamme et du vent il sera respecté ;
Et jusqu'aux derniers jours qu'auront les derniers
âges ,
Ton nom victorieux sera par tout vanté,
Jupiter même en vain voudroit réduire en pou
dre ,
Ces Côteaux triomphans des rigueurs des Hy
vers;
Les durables Lauriers , dont tu les as couverts ,
Les garantiront de la foudre.
L'ingénieuse Antiquité ,
Fit passer jusqu'à nous , d'un Parnasse inventé
L'Image ambitieuse dans son cerveau tracée ,
TIPON, par un secret qu'on n'avoit point tenté ;
Scair
NOVEMBRE . 1733. 2835
Sçait faire à la Fable éclipsée ,
Succeder la réalité.
Les habitans du Pinde écartent l'ombre noire ,
1
Qui , des terrestres demi Dieux
Tâche àcouvrir les noms d'un voile injurieux ,
Et des dents de l'envie , arrachant leur mémoire,
Leur ouvrent la porte des Cieux .
2
TITON, quel honneur doit donc suivre
Tes incomparables travaux !
Tu redonnes la vie à ceux qui font revivre
Les humains,qui bravant les dangers et les maux,
Ont eu la valeur pour Egide ,
Et que le mérite solide ,
Donne aux Dieux même pour rivaux.
Mais quel charmant Spectacle est offert à ma
vuč ?
Un Groupe incrusté d'or , se forme d'une nuë ;
Des Anges argentez , t'élevant dans les airs ,
T'y font un Thrône de leurs ailes ;
Le Ciel , la Terre en feu, répetent leurs concerts
Tout s'anime au doux son de leur voix immortelle
;
J'entends des Instrumens divers ,
Je vois la Musique et les Vers ,
A iij
S'ec2334
MERCURE DE FRANCE
S'accorder à l'envi , pour chanter tes louanges ;
Et du brillant séjour des Anges ,
Les répandre aux deux bouts de ce vaste Univers.
M
Le puissant Protecteur des Boileaux , des Corneilles
,
Du Fils du Grand Henry , le vaillant rejetton ,
Qui des nobles Esprits attentif aux merveilles ,
Sçut les encourager , récompensant leurs veilles,
De top Parnasse est l'Apollon .
Son Royal héritier , ni moins grand , ni moing
bon ,
Formé du même sang , suit son auguste trace
Et peut tenir aussi la place ,
De Monarque de l'Hélicon .
Sous son regne brillant , les beaux Arts fructí
fienr ;
A défricher leur champ , lui - même il prend
plaisir ,
Tous les Sçavans s'en glorifient :
Le Ciel en le donnant , couronna leur désir.
23
Il est l'honneur, l'exemple et l'amour de la Terre;
Des Royaumes divers que son contour enserre
Les divers Souverains n'en disconviendront pas.
·
MiNOVEMBRE.
1733 2335
Minerve est son fidele guide ;
Et portant son grand nom , gra sur son Egide,
L'annonce en précedant ses pas.
Du coeur de ses sujets, il a fait la conquête ;
Travaillez , des neuf soeurs , diligens Nourissons,
Célébrez ses vertus ; sa main est toute prête
A répandre sur vous la douceur de ses dons,
Croissez sur les doubles collines,
Jeunes et tendres Arbrisseaux ,
Le Fleuve se déborde et la source divine
Qui fait reverdir vos Rameaux ,
Yous inonde déja du trésor de ses caux.
Ah ! ciel , si tu daignois seconder mon envie ,
Et prêter l'oreille à mes voeux •
On verroit s'écrouler du Monde ruïneux ,
Dans ses creux fondemens , la machine englou
tie ;
Avant que le trépas , sous son vol ténébreux ,
Fit jamais éclipser les rayons de sa vie.
Mais si l'inclémence du sort ,
S'attache obstinément à briser la barriere ,
Que notre juste zéle oppose à son effort ,
Qu'avant de perdre la lumiere
#
A. Hij
2336 MERCURE DE FRANCE
Il puisse au moins deux fois parcourir la carriere
De ce Roy conquerant a,dont la rapidité ,
Surprit dans ses Marais le Batave indompté ;
Qui pouvoit dominer du Couchant à l'Aurore ,
S'il n'eut enfin lui-même arrêté ses progrês ,
Et que nous pleurerions encore ,
Si de son Successeur , que l'Univers adore ;
Les talens infinis n'étouffoient nos regrets.
'Alors , malgré la Parque , au Temple de Mé
moire ,
Entre les bras de la victoire ,
Près de son Bis-ayeul , notre Roy volera ;
Assis au même rang , sur ce Mont il verra
Ce VALOIS (6) renommé , qui chassant de la
France ,
L'Orgueilleuse et folle ignorance ,
Fut le Pere et l'appui des Arts qu'il illustra
Et qu'excita la recompense.
Que ne peux-tu,TITON, vivre encor jusques - là i
Sur magnifique Parnasse ,
Tu lui décernerois de cette illustre place ,
L'honneur que l'équité lui prépare déja.
a LOUIS XIV.
FRANCOIS I.
RE
NOVEMBRE 1733. 2337
REPONSE de l'Auteur du Projet , sur
Montaigne , à la Lettre de Mademoiselle
de Malcrais de la Vigne , imprimée
dans le Mercure de Septembre 1733 .
MA
ADEMOISELLE ,
Je vous dois des remercimens, et pour
Phonneur que vous m'avez fait de me
critiquer , et pour la politesse dont vous
avez assaisonné votre Critique . C'est déja
quelque chose de bien flateur pour moi
que mon Projet sur Montaigne ait attiré
votre attention , et que vous ayez pris la
peine de l'examiner . Que ne vous dois je
donc point pour les louanges que vous
m'avez données : Vous , MADEMOISELLE
que tant de Plumes ont célébrée à l'envi
Vous , l'Héroïne de ce Poëte fameux , si
avare de son encens a . Quel poids n'ajoute
point à l'éloge qu'il a fait de vos talens
, le jugement rigoureux qu'il a prononcé
dans son Temple du goût , contre
tant d'illustres Auteurs ? Le Public s'est
a Voyez l'Epitre de M. de Voltaire à Mlle Malerais
de la Vigne , dans le Mercure de Decembre,
8. vol. 1732.
Ay qu'il
2338 MERCURE DE FRANCE
révolté contre cet Ouvrage , tout ami
qu'il est de la Critique , mais il n'a rien
trouvé à dire à la belle Epître que M. de
Voltaire vous a adressée , tout ennemi qu'il
est des Panégiriques. M. de Voltaire a déplu
au Public , quand il a combattu l'opinion
publique ; il lui a plû quand il s'y
est conformé
Mais pourquoi ne vous a- t- il pas donné
une place honorable dans son Temple du
goût? Pourquoi au moins ne vous a- t- il
pas mise avec Madame Deshoulieres , à la
quelle il vous avoit comparée ? Je crois
Mademoiselle , que je ne suis pas le premier
qui vous fais cette question . Quoi
qu'il en soit des raisons qu'a pû avoir
M. de Voltaire , et dans lesquelles je n'ose
entrer , je vous puis assurer , Mademoiselle
, qu'il y a bien des Auteurs qui ont
été charmez de ne point trouver votre
nom dans cet Ouvrage , parce qu'ils s'attendoienr
à y trouver le leur . Le silence
de M. de Voltaire sur votre sujet les a consolez
de l'exclusion qu'il leur a donnée .
Quand onleur demande pourquoi M. de
-Voltaire n'a fait aucune mention d'eux
dans son Temple dugoût , ils répondent
qu'il en a usé de même à votre égard , et
ils croient par-là l'avoir convaincu d'une
injustice qui doit lui ôter toute autorité
dans la République des Lettres.
NOVEMBRE. 1733. 2339
Vous n'approuvez pas mon projet sur
Montaigne , et vous croyez sans doute
que je vais le soutenir contre vous.
Non , Mademoiselle , je l'abandonne
sans peine ; il n'est pas plus de mon
goût que du vôtre ; et je n'ai jamais eû
une intention bien sérieuse de l'éxecuter.
Ce travail serbit assez désagréable , et
quand même l'Ouvrage réüssiroit , il en
reviendroit peu de gloire , parce qu'on
ne s'imagineroit pas qu'il eût dû beaucoup
coûter.
Mais quoique je sois très - déterminé à
laisser Montaigne tel qu'il est,il me semble
cependant que les raisons que vous appor
tez contre mon Projet, ne sont pas absolument
sans réplique.Voyons donc ce qu'on
y pourroit opposer . Cela nous amusera
peut-être vous et moi , et d'ailleurs je
suis trop flatté de l'occasion de rompre
une lance avec vous , pour la laisser
échapper.
Je conviens d'abord que le mot de
Traduction dont je me suis servi , n'est
pas tout-à- fait exact , et ne dit pas précisément
ce que je veux faire entendre ;
mais je ne l'ai employé qu'au deffaut d'au
tre et pour abréger . Dailleurs j'ai expliqué
plus d'une fois en quel sens je le
prenois.
A vj
29
2340 MERCURE DE FRANCE
>
2º. Je suis Traducteur , et Traducteur
proprement dit en quelques endroits
de l'échantillon que j'ai donné de mon
travail , et c'est lorsque je change entierement
les tours et les mots de Montaigne
, parce que ces tours et ces mots
sont tellement vieillis qu'ils ne sont plus
françois. Traduire , c'est rendre en une
autre Langue les pensées d'un Auteur ;
j'admets la définition. Or la Langue dans
laquelle je rends les pensées de Montaigne
, est quelquefois une autre Langue
que celle qu'il a parlée. Celle- cy est ce
qu'on appelle communément du Gaulois.
Or mettre du Gaulois en François ,
c'est à la lettre , traduire. Ces mots Gaulois
ont été jadis François ; mais aujour
d'hui ils ne le sont pas plus que des mots
Italiens ou Espagnols, si on en excepte la
terminaison qui est toujours Françoise .
Le plus souvent , je l'avoue , je ne fais
que corriger Montaigne ; quelquefois aussi
je le traduits.
3°. Le projet de mettre en François
moderne un Ouvrage écrit en vieux Fran .
çois il y a environ 150. ans , n'est pas
d'une espece aussi singuliere qu'on pour
roit le croire d'abord. On a traduit ou
corrigé quelques Ouvrages de S. François
de Sales , à peu près comme je voudrois
traduire
NOVEMBRE. 1733. 234x
traduire ou corriger les Essais de Montaigne.
Cependant S. François de Sales
n'est mort qu'en 1622. mais pourquoi
les a- t'on traduits ? C'est parce que ces
Ouvrages si propres à inspirer le goût
de la pieté et à en faire connoître l'esprit
et les regles , n'étoient presque plus
lûs par ceux mêmes qui s'occupent le
plus de la lecture des Livres spirituels.
Je conviens , car il faut être de bonne
foi , qu'il y avoit une raison de traduire
S. François de Sales , qui est peut- être
une raison de ne point traduire Monaigne.
Cette raison , c'est que le vieux
stile de S. François de Sales jette un certain
plaisant et un certain comique sur
ses pensées qui est tout près du ridicule
et qui par conséquent est diamétralement
opposé à l'effet sérieux qu'elles doivent
produire. Or ce plaisant et ce comique
est tout- à- fait à sa place dans Montaigne.
Bien loin de gâter ses pensées et
d'en empêcher l'effet , il y ajoute une
nouvelle grace et une nouvelle force ,
ensorte que son stile est agréable , nonseulement
parce qu'il est vif , léger , & c.
mais encore parce qu'il est vieux . Peutêtre
étoit-il moins agréable à ses Contemporains.
Telle phrase de Montaigne ,
qui aujourd'hui déride le front du Lecteur
2342 MERCURE DE FRANCE
teur le plus sévere , étoit lûë il y a 150.
ans avec le plus grand sérieux , et on étoit
bien éloigné d'y trouver le mot pour
rire. Nous rions en lisant nos vieux Auteurs
, comme nous rions en voyant les
Portraits de nos grands- peres habillez à
la maniere de leur temps . La naïveté est
un des principaux caracteres de Montaigne;
on aime beaucoup cette naïveté et
on lui en fait un grand mérite. Mais si
on y prend garde , on verra qu'elle consiste
en grande partie dans son vieux.
langage. Montaigne paroissoit autrefois
moins naïf qu'il ne le paroît aujourd'hui .
Nous voyons dans cet Auteur ce qui
n'y est point , ou du moins ce qu'il n'y
a point mis. Nous attribuons à l'Ouvrier
ce qui n'est que l'effet du temps
qui a passé sur son Ouvrage. Ou si l'on
veut encore , nous attribuons à l'Auteur
et au Livre ce qui n'est qu'en nous- mêmes.
C'est une vraye piperie et une sorte
de prestige ; voila pourquoi le vieux
langage , le stile Marotique est si pro
pre aux Ouvrages qui doivent être naïfs
et plaisants , comme les Epigrammes ,
les Contes , les Fables , &c. Il y a tel
Vers de la Fontaine , de Rousseau , à qui
Vous ôteriez tout son sel en changeant
sculement un mot Gaulois en un mot
François.
NOVEMBRE. 1733. 2343
François . On comprend assez pourquoi
le vieux langage nous paroît plaisant et
naïf; c'est une espece de mascarade . Ce
langage est encore en grande partie celui
des gens de la campagne et du Peuple
, surtout dans les Provinces les plus
éloignées de Paris. Mais par la même
raison il doit paroître bas plutôt que
naïf , et ridicule plutôt que plaisant à
plusieurs personnes. Il faut donc le réformer
dans les anciens Livres ; il faut
y substituer le langage moderne , si l'on
yeut que ces personnes les lisent avec
plaisir . C'est pour elles que je voudrois
traduire ou corriger Montaigne.
On niera peut- être l'existence de ces
personnes , ou du moins qu'elles soient
en grand nombre. Mais on se trompe
souvent cn jugeant des autres par soimême,
ou par quelques amis qui pensent
comme nous. Pour moi , Mademoiselle ,
je puis vous assurer que je connois plusieurs
gens de fort bon esprit , à qui
j'ai voulu faire lire Montaigne , et quelques
autres de nos vieux Ecrivains en
Vers et en Prose , et qui m'ont dit qu'ils
ne pouvoient soutenir cette lecture. Ce
vieux langage , comme je l'ai dit , leur
paroît bas , ridicule , souvent même inintelligible.
Mais
2344 MERCURE DE FRANCE
Mais les Essais de Montaigne , corrigez
et réformez comme les trois Chapitres
qu'on a vûs dans le Mercure , plairoient-
ils à ces personnes dont je viens
de parler ? Seroit- ce pour elles une lec
ture agréable ? Voilà le point essentiel
de la question , car il ne s'agit pas de
ceux qui lisent avec plaisir Montaigne tel
qu'il est. J'aurois quelque lieu de le croire
, Mademoiselle , si mon stile étoit
digne des loüanges que vous lui avez
données. Il est pur , dites - vous , elegant ,
harmonieux. Vous ajoûtez que si la France
n'eût point vû naître un Montaigne avant
moi , je pourrois en continuant sur le méme
ton , prétendre au même rang. Ce n'est
là , sans doute , qu'une politesse dont il
faut rabatre beaucoup , et en ce cas je
n'en puis rien conclure ; mais si vous
m'avez parlé sincerement , je puis me flater
que mon Ouvrage auroir quelque
succès. Montaigne n'est point né , il n'existe
point pour ceux qui ne le lisent
point , et qui ne peuvent même le lire.
Or , je le repete , ils sont en grand nombre
, surtout parmi les femmes . Il en est
fort peu , qui comme vous , Mademoiselle
, joignent le sçavoir à l'esprit ; la
plupart même sont extrémement ignorantes
, et beaucoup d'hommes ne le
sont
NOVEMBRE. 1733 2345
sont pas moins qu'elles. Or il faut au
moins quelque teinture de litterature
pour lire Montaigne avec plaisir.
cet
On pourroit me faire une autre objection
à laquelle je serois plus embar
rassé de répondre. Traducteur de Montaigne
, j'ai loué , j'ai éxalté mon Original
, mais ne l'ai-je point trop loüé ? Ne
faudroit- il point distinguer ici l'Auteur
et le Livre , Montaigne et ses Essais ,
le 16. siecle et le 18. Montaigne étoit
un excellent esprit , un rare génie , mais
ses Essais sont- ils réellement un excellent
Livre ? Cet Ouvrage égal ou supérieur
à tous ceux qui l'ont précedé dans
le même genre , l'est- il de même à tous
ceux qui l'ont suivi ? En un mot ,
Ouvrage admirable par le temps où il
a parû , l'est- il aussi pour le temps où
nous vivons ? Je connois des gens d'esprit
bien éloignez de le croire . Beaucoup
de pensées , nouvelles quand Montaigne
les a écrites , sont dans la suite devenuës
très communes. Mille Ecrivains les ont
répetées. Aujourd'hui elles appartiennent
à tout le monde. Elle leur sont familieres.
Aussi les bons Auteurs qui écrivent
sur les matieres ausquelles ces pensées
ont rapport , ne les répetent plus. Ils les
supposent comme suffisamment connuës ,
et
2346 MERCURE DE FRANCE
et partent de - là pour aller à des veritez
nouvelles. Si Pascal , la Bruyere , la Rochefoucault
, ont pris beaucoup de choses
dans Montaigne , ils y en ont ajoûté une
infinité d'autres. En un mot , les Esprits
se sont bien rafinez depuis 15o. ans . Ils
sont bien avancez aujourd'hui du côté
des refléxions sur l'Homme; et le Livre si
vanté de Montaigne paroîtroit peut- être
dans ma Traduction un Livre assez com .
mun et assez vuide , un Livre où ceux
qui connoissent ce qui s'est fait de meil
leur depuis 60. ou 80. ans , ne trouveroient
presque rien à apprendre et qui
fût nouveau pour eux. Ainsi il arrive .
roit à Montaigne ce qui est arrivé à quel.
ques Auteurs Grecs et Latins , dont la
réputation est beaucoup diminuée depuis
qu'ils sont traduits. Voilà ce que
m'ont dit des Personnes de mérite , et
je suis très- porté à croire qu'elles ont
raison.
On me fait encore une objection à laquelle
j'avoue que j'étois assez simple
pour ne me pas rendre. Vous voulez
supprimer dans votre Traduction , m'at'on
dit , tout ce qu'il y a de trop libre.
dans Montaigne , tout ce qui s'y trouve
de contraire à la foi et aux bonnes moeurs,
et on ne peut que vous en loüer.Mais dèslors
NOVEMBRE. 1733. 2347
lors ce n'est plus Montaigne que vous nous
donnez. On n'aime point ces Auteurs
mutilez ; ils ne sont bons que pour les
Colleges ; et outre que ce que vous retrancherez
dans votre Traduction , fait
une partie considerable de l'Original ,
c'est peut -être la plus agréable pour une
infinité de gens. Quoiqu'il en soit , on
veut qu'une Traduction représente l'Original
en son entier ; on veut avoir le
bon et le mauvais , l'utile et le dange
reux , parce qu'on veut avoir tout. J'ay
peur encore que cette objection ne soit
fort bonne ; elle m'est venuë de bien
des endroits.
J'ai été encore très-frappé d'une de
vos Remarques , Mademoiselle , et j'en
ai même éprouvé la vérité depuis l'impression
de mon Projet. C'est que plu
sieurs de ceux qui avoüent qu'il y a beau
coup d'Endroits dans Montaigne qu'ils
■'entendent point , seroient les premiers
à se dédire lorsque ma Traduction leur
auroit éclairci ces passages difficiles.
Enfin ,je suis persuadé que les graces de
Montaigne consistent principalementdans
son stile , et vous ne paroissez pas vousmême
, Mademoiselle , fort éloignée de
certe opinion. Or j'avoue que c'est une
entreprise bien hardie que de traduire un
Auteur de ce caractere.
2348 MERCURE DE FRANCE
Vous dites , Mademoiselle , que mon
stile n'a point de rapport à celui de Montaigne.
D'autres ont trouvé qu'il n'en
avoit que trop , qu'il n'étoit pas assez
original , assez moderne. Il vous arrivera,
m'ont-ils dit,si vous n'y prenez garde, que
Montaigne vous gagnera insensiblement.
Vous vous familiariserez avec son vieux
langage et vous l'adopterez sans y penser.
Je suis entierement de leur avis , et
si je continuois ma Traduction , je m'éloignerois
beaucoup plus de mon Ori
ginal que je n'ai fait.
Vous aimez Montaigne, Mademoiselle, er
vous avez raison de l'aimer.Mais permet
tez- moi de vous dire que votre goût
pour cet Auteur vous a emportée trop
loin.Il vous a rendue injuste à l'égard de
ceux qui l'ont critiqué. M. Nicole, M. Pas
cal , et le Pere Mallebranche , dites-vous,
devoient parler avec plus de circonspection
duMaître qui leur apprêt à penser. Mais vous
même , Mademoiselle , avez- vous parlé
en cet Endroit avec assez de circonspec
tion ? Ceux qui ne connoîtroient pas ces
grands Hommes que vous nommez , ne
les prendroient- ils pas pour quelques - uns
de nos médiocres Ecrivains. Certainement
un grand Génie , tel qu'étoient ces
Messieurs , n'apprend à penser de personne
NUVEM BKE. 1733. 2349
sonne . Ceux-cy auroient été de grands
Auteurs , quand même Montaigne n'eût
jamais existé. Il est vrai , comme je l'ai
dit , qu'ils ont emprunté de lui beaucoup
de choses , mais je ne doute point
qu'ils ne les eussent bien trouvées
d'eux-mêmes , si elles avoient encore été
à trouver. Ils ont fait preuve d'invention
et d'originalité . Cette façon de parler
, Montaigne est le Maître qui leur apprit
à penser, a un air de mépris , et il
ne conviendroit tout au plus de s'en servir
que par rapport à des Auteurs du second
ordre . Or ceux dont il s'agit ici
sont , sans contredit , du premier rang
parmi les Auteurs du premier ordre.
Ce que vous ajoûtez une page plus bas ,
que c'étoit la jalousie du métier qui forçoit
Mallebranche et Pascal à rabaisserMontaigne
, m'a fait encore de la peine. C'est du
moins un jugement témeraire, et un jugement
témeraire en matiere grave. On ne
rabaisse guéres par jalousie de métier un
Auteur mort, et mort il y a long- tems. On
l'éleve plutôt pour rabaisser ses Contem
porains. D'ailleurs lePereMalebranche n'a
pas écrit dans le même genre que Montaigne.
Celui-cy est un Philosophe Moral
encore faut- il prendre le nom de Philosophe
dans un sens fort étendu , si on
yeut
་་་
veut qu'il lui convienne. Quant au Perc
Mallebranche , c'est principalement un
Philosophe Métaphysicien , et en cette
qualité un Ecrivain ami de l'exacte jus
tesse et dont la sorte d'esprit étoit trèsdifferente
de celle de Montaigne . Il n'est
donc pas étonnant qu'il l'ait peu goûté ;
et c'est la vraye raison du jugement peu
avantageux qu'il en á porté , plutôt que
ia jalousie du métier. Le genre dans - lequel
a écrit M. Pascal , a plus de rapport
avec celui de Montaigne . Ils ont l'un et
l'autre etudié et peint l'Homme. D'ailleurs
bien des gens n'auroient pas peine à soupçonner
M. Pascal d'avoir quelquefois écrit
par passion. Mais la vérité est qu'il n'a
point rabaissé Montaigne entant qu'Ecrivain.
Au contraire personne ne l'a
plus loüé que lui du côté de l'esprit.
Il ne l'a rabaissé que du côté du coeur
et des moeurs. Rappellez vous , s'il vous
plaît, Mademoiselle, le Passage de M.Pascal
, que j'ai cité dans mon Projet.
Je ne crois donc pas que M. de la
Bruyere l'ait eu en vûë , non plus que le
Pere Mallebranche , dans i'endroit de ses
caracteres qui commence par ces paroles
: Deux Ecrivains ont blamé Montaigne
, &c. L'un , dit- il , ne pensoit pas
assez pourgoûter un Auteur qui pense beaucoup
;
coup ; l'autre pense trop subtilement pour
s'accommoder des pensées qui sont naturelles
Peut-on reconnoître- là le Pere Mallebran
che , et M. Pascal ? Duquel des deux peuton
dire qu'il ne pense pas assez ? On
s'éloigneroit moins de la vrai - semblance,
en disant qu'ils pensent l'un et l'autre
trop subtilement. Je croirois donc plutot
que M. de la Bruyere a voulu désigner
Balzac et la Mothe le Vayer. Bal
zac ne pense et ne s'exprime pas assez
naturellement. La Mothe le Vayer ne
pense gueres ; ce n'est presque qu'un
Compilateur. Ce qui me fait pourtant
douter de la verité de cette conjecture ,
c'est que je ne vois pas pourquoi M. de
le Bruyere n'auroit pas nommé ces Auteurs
, au lieu de se contenter de les désigner
, puisqu'ils étoient morts il y avoit
longtemps lorsqu'il écrivoit. Au reste ,
si M. de la Bruyere a eu en vûë le Pere
Mallebranche et M. Pascal , il faut dire
qu'il a entierement méconnu leur caractere
, ce qui n'est pas aisé à croire d'un
Ecrivain aussi judicieux que lui ; mais
quand même il auroit bien caracterisé
ces Auteurs , il ne s'ensuivroit pas de- là
qu'ils eusent blâmé Montaigne par jalousie
de métier , puisqu'on trouvoit une
raison suffisante de leur improbation et
de
2352 MERCURE DE FRANCE
de leurs critiques dans la difference de
leur goût et de leur tour d'esprit.
Vous avez la bonté de me dire , Mademoiselle
, que vous me croyez en état
de donner au Public quelque Ouvrage
digne de lui plaire. J'accepte l'augure.
Cet encouragement est venu fort à propos.
Je pense depuis quelque temps à
faire imprimer plusieurs petits Ecrits que
j'ai composez sur diverses matieres , et
vous avez achevé de me déterminer. Ce
Recueil aura pour titre : Essais sur divers
sujets de Litterature et de Morale.
C'est un mêlange de plusieurs choses
assez differentes , et il regnera du moins
une grande varieté dans cet Ouvrage.
J'y suis tour à tour Montaigne , Pascal ,
la Bruyere , Saint Evremont , &c. Vous
croyez bien , Mademoiselle , que je n'entens
parler que de la forme que j'ai donnée
aux differens morceaux qui composent
mon Recueil . On y trouvera de
petites Dissertations , des caracteres ,
des
maximes , &c. Ces Ecrits ont été pour
moi les intermedes d'occupations plus
suivies et d'Etudes plus sérieuses. La plupart
des Gens de Lettres , des Sçavans de
profession , ont toujours sur leur table
quelques- uns de ces Livres qui ne demandent
point d'être lûs de suite , et qu'on
feut
NOVEMBRE . 1733 2353
peut prendre et laisser quand on le veut.
Ils interrompent leur travail pour en
lire quelques pages , et ils retrouvent dans
ce délassement de nouvelles forces pour
le continuer. Heureux si je pouvois enrichir
la République des Lettres d'un
nouveau Livre de ce genre , d'unLivre qui
ouvert au hazard, presentât toujours quelque
chose d'agréable , et qu'on fût bien
aise de trouver sous sa main , lorsqu'on
voudroit se distraire pour quelques momens
d'une application pénible. Je suis,
Mademoiselle , & c.
Q
ODE
Sur l'Ouvrage des six jours .
Ue vois-je ? quel pompeux Spectacle
Enchante mes regards surpris ?
Qui produit ce nouveau Miracle ,
Qui vient de charmer mes esprits ?
D'une masse informe et grossiere
Sort un Océan de lumiere ,
Qui doit éclairer l'Univers,
Le néant enfante la Terre ,
* Que la lumiere soit faite: et elle futfaite.Geni
Chap . premier.
B Et
2354 MERCURE DE FRANCE
Et tout ce que son sein enserre ?
Se soutient au milieu des Airs,
2
De quelle admirable structure ,
Paroît ce Pavillon ( 4) voûté ?
Il enveloppe la Nature ,
Dans sa sublime immensité.
Des Eaux séparant la matiere
Il lui sert de forte barriere
Contre leurs rapides efforts ;
Tel l'écueil en Mer orageuse
Arrête la vague orgueilleuse ,
Qui viendroit inonder nos bords,
Quelle brillante broderie , (")
Par son azur resplendissant ,
De cette liquide Prairie , (c)
Décore le pourpris naissant ?
Dans la nuit la plus effroyable ,
J'apperçois un nombre innombrable
D'Astres féconds et radieux ,
Dont les influences fertiles ,
(a ) Le Firmament.
(b ) Les Etoiles .
(c ) Le Firmament,
TomNOVEMBRE.
1733. 2358.
Tombant sur les terres stériles ,
Font germer des dons précieux .
1
Dès
que le sommet des Montagnes ,
Des feux de l'Aurore est doré ,
Je vois luire dans les Campagnes
Un Globe de flamme entouré. (a)
Ce superbe et grand Luminaire ,
Prétant sa chaleur salutaire ,
Annonce le jour aux Mortels.
Et dans sa carriere féconde ,
Décrit le vaste tour du Monde ,
Par ses mouvemens éternels.
Mais la nuit de ses voiles sombres ;
A peine couvre l'Univers ,
Qu'un Astre (6) dissipant les ombres .
Va prendre l'Empire des Airs.
Toujours fixe en son inconstance ,
Il doit ses rayons , sa puissance ,
Aux feux d'un Astre (c) plus brillant ;
Et sa lumiere bienfaisante ,
Guidant ma démarche tremblanté ,
Assure mon corps chancelant.
(a ) Le Soleil.
( b ) La Lune .
(c ) La Lune emprimio salumiere du Soleil,
Bij J'ad2356
MERCURE DE FRANCE
J'admire ces Plaines (a) profondes ,
Qui dans leurs immenses Bassins ,
Roulent de mugissantes Ondes ,
Jusques au bord de leur confins ;
Leur orgueil se brise au Rivage ;
Elles ne portent point leur rage ,
Au-delà des termes reglez ;
De cet humide et large espace ,
Les vens agitent la surface
Par des sifflements redoublez .
諾
Mais quelle Nation barbare ;
Habitera cet Element ?
A qui donner cette Eau bizarre
Et ce Monde si véhément ?
Un Peuple (6 ) muet et sauvage ;
Qui ne vit que de brigandage ,
Remplira ces affreux climats.
Dans ce grand et profond abyme ;
Du fort le foible est la victime ,
Après de funestes combats. (c)
Qu'à son gré ces Races féroces
S'abandonnent à leur fureur ;
( a ) La Mer ,
( b ) Les Poissons.
(c) Leurs guerres
Loin
NOVEMBRE . 1733 2357
Loin d'ici ces Monstres atroces ;
Evitons ce lieu plein d'horreur.
Entrons dans ces Plaines (a ) fleuries
Parcourons ces vertes Prairies ,
Qui tiennent nos yeux enchantez.
Cueillons ces Fruits que nous présente ;
Leur fécondité complaisante ,
Et jouissons de leurs bontez.
M
Je découvre d'autres merveilles
Et j'entens .... mais quel bruit ? quels sons &
Les Oiseaux frappent mes oreilles
Par leurs admirables Chansons.
Quelle charmante Symphonie ;
Quelle douce et tendre harmonie ,
Sort de ce foible et petit Corps ? (6)
A cette charmante Musique ,
Qui surpasse le son lyrique ,
Mille voix joignent leurs accords.
潞
Lorsque , ramenant la froidure
Tous les Aquilons frémissans , `
Vont dépouiller de leur verdure ;
Nos Bois tristes et languissans ;
Ceux-cy ( c) s'assemblant sua la Rive }
(a ) La Terrejonchée de fleurs.
(b ) Le Rossignol.
(c) Les Oiseaux de passage.
Bij D'une
1
2338 MERCURE DE FRANCE
D'une aîle prompte et fugitive ,
Vont sur des bords plus gracieux ;
Telle on voit la fleche empennée,
Sans être en chemin détournée ,
Traverser la Plaine des Cieux.
Enfin je poursuis et j'avance ,
Jusques dans le sein des Forêts
J'y vois une rustique engeance,
Que je perce d'un de mes traits.
Sa peau me sert de couverture ,
Je prens sa chair pour nourriture ,
Bien-tôt se présente un Ruisseau ;
11 tombe du haut des Montagnes ,
Et serpentanr dans les Campagnes
M'invite à boire de son cau.
Grand Dieu , que tes Oeuvres sont hellesà
Vous qui jouissez du bonheur
Des félicitez immortelles ,
Louez à jamais le Seigneur ;
Ce Seigneur , qui d'une parole
A créé l'un et l'autre Pole ,
Et le vaste Empire des Mers.
Par une éternelle priere ,
Louez l'Auteur de la Lumiere ,
Loüez l'Auteur de l'Univers.
Mais
NOVEMBR E. 1733 2355
Mais qui de toutes ces richesses ,
Doit être le dispensateur ?
Qui sera comblé des largesses
D'un si prodigue Bienfaicteur
De ces biens quel sera le Maître
C'est Adam , je le vois paroître ,
Il naît (a) de la terre formé.
Vers le Ciel il leve la tête.
Pour le distinguer de la bête ,
Dieu l'a de son souffle animé,
a
Pour partager le cours durable ,
De ses jours calmes et sereins ,
S'offre une Compagne ( 6) agréable ;
Qui doit seconder ses desseins:
Dieu rend communes leurs années,
En unissant leurs destinées ,
Par de mutuelles amours ;
Ah ! dans ce beau lieu ( c) de Plaisance ,
Une vive reconnoissance ,
Dans leurs coeurs doit vivre toujours
諾
Dans cette source de délices ,
Heureux Couple , vivez en paix.
>
T
(a ) Création de l'homme.
(b ) La femme.
(C) Le Paradis Terrestre.
Biiij
Offrez
1366 MERCURE DE FRANCE
Offrez vos coeurs en sacrifices ,
A l'Auteur de tant de bienfaits.
Respectez ses Loix adorables ,
Ne portez point des mains coupables,
Sur les Fruits d'un Arbre fatal .
Fuyez la voix enchanteresse ,
Qui surprenant votre foiblesse ,
yous feroit commertre le mal.
M
L'Eternel , après ces Miracles ,
Que d'un seul mot il a produits ,
Approuve en ses divins Oracles ,
Des Ouvrages si bien construits.
Il contemple leur excellence ,
Laissant reposer sa puissance ,
Pour benir ces Etres parfaits.
Et voulant que l'Homme et les Anges,
A l'envy chantent ses loüanges ,
Consacre ce jour à jamais .
Aubry de Trungy
LET
NOVEMBRE. 1733 2361
LETTRE écrite de Dieppe le 21. Août
1733. par MM. Latier , Médecin des
Hôpitaux , Broussin Doyen des Chirurgiens
, et Bauys , Lieutenant de M. le
Premier Chirurgien du Roy dans la
même Ville , au sujet de l'Appareil Lateral
, & c.
Vou
Ous avez fait part au Public les
années précedentes des Opérations
de la Taille , faites à la nouvelle Méthode
qu'on appelle l'Appareil Latéral ; l'excelfence
de cette maniere d'opérer , et notre
reconnoissance pour celui à qui nous
l'avons vû pratiquer , nous engagent à
apprendre à ce même Public › par le
moyen du Mercure , que M. le Cat , *
Chirurgien de l'Hôtel- Dieu de Rouen ,
en survivance , a fait ce Printemps deux
Tailles Latérales dans notre Ville de
Dieppe , et que le succès a répondu à
la haute idée que ce célebre Praticien
nous avoit donnée de lui dans les Discours
Théoriques qu'il nous fit pendant
* M. le Cat , est Docteur en Médecine , mais
par un goût particulier , il s'est fixé à cette partie
de la Médecine.
B v
2-362 MERCURE DE FRANCE
temps qu'il préparoit ses Sujets à l'O,
pération.
le
Le premier de ces Taillez est le nome
mé Jean-Pierre Mutel , ruë au Lait , âgé
de quatre ans ; la Pierre fut saisie et
tirée dans le moment ; sa figure et son
volume sont d'une grosse Olive , raboreuse
, et du poids d'un gros il a été
taillé le 25. May , et la cicatrice a été
faite le 12. Juin .
Le second est le nommé Jean Becquet
rue S. Jean , âgé de trois ans et demi ;
il fut taillé le 2. Juin ; M. Chariere ,
Chirurgien de Versailles , qui s'est trouvé
à Dieppe dans ce temps , tenoit la
Sende ; la Pierre étoit du volume d'ane
petite noix et molle ; l'Opération ne
dura que deux minutes; ce Malade , d'un
naturel et d'une pérulence indomptable ,
se donna et aux Chirurgiens , la torture
pendant toute sa Cure ; il n'est pas possible
d'exprimer combien ce petit Sujer ,
par sa mauvaise humeur , a éloigné sa
guérison , ses cris ont été poussez avec
tant de violence , qu'il lui en est survenu
une descente ; cependant , malgré
tant de contretemps sa playe fut cicarisée
le vingt- sixième jour.
Le Lithotome dont s'est servi cet ins
génieux Chirurgien , est un Instrument
de
NOVEMBRE. 1732. 2363
son invention , dont on doit
airer de grands avantages , e
vous en envoye la figure ave .
ma Lettre .
L'Instrument a huit- pouces
et demi de long , il est d'un
seul morceau d'acier , dont cha
que extremité est une lame, et
le milieu qui fait le manche
est garni d'écaille ; la lame A
est une espece de Couteau pour
l'incision des Tégumens et de
l'Urethre , lequel a en son milieu
une vive arête D pour en
rendre la pointe obruse et plus
solide ; son dos a la forme d'un
E, E,et il est tranchant depuis
A jusqu'à B.
Cette disposition de tranchant
lui donne au- dessus du
Lithotome Anglois, l'avantage
de couper haut et bas et de dé
gager la crenelure de la Sonde
sans la quitter ; ce qui sauve
l'inconvénient de faire de nouvelles
incisions , comme il arrive
avec le Lithotome Anglois
, chaque fois qu'on est
obligé de reporter l'Instrument
sur la Sonde; inconvénient au-
B vj
2364 MERCURE DE FRANCE
quel cette façon de tailler est d'autant
plus sujette qu'on y a beaucoup plus de
tissu cellulaire à pénetrer , et qu'on sçait
ce tissu de nature à se pousser bien- tôt
après l'Instrument retiré, sur la premiere
route qu'il s'est faite.
La crenelure de la Sonde dégagée , le
Chirurgien y coule l'ongle du doigt indice
de la main gauche , le long du précedent
Couteau , et retournant son Instrument
il introduit dans la crenelure ,
sur son ongle , l'autre extremité qu'il
poussé dans la vessie.
Cette extrémité B. est une lame ressemblante
à celle des Scalpels à deux
tranchants ; sa vive arêtte D est terminée
par une lame A, son côté B est
tranchant , et C est un dos qui se porte
dans la crenelure de la Sonde .
Au moyen de cette lame A , 1. vous
appercevez beaucoup plus sensiblement
qu'avec une pointe tranchante , si vous
êtes dans la crenelure de la Sonde ou
dans quelque fausse route tracée sur quelque
os voisin , par exemple , sur l'Ischion
, ce qui est quelquefois arrivé ; 2º .
l'Instrument coule avec beaucoup plus
d'aisance dans la crenelure ; 3 ° . Il peut
être poussé aussi loin qu'on veut dans
la vessie , sans risque de la percer ni les
parties
NOVEMBRE. 1733 2365
parties voisines ; accident qui est souvent
arrivé au Frere Jacques , Auteur de la
premiere ébauche de cette nouvelle Opération.
Nous tenons cette théorie de ce Chirurgien
même , et sa bonne pratique en
a vérifié sous nos yeux la solidité . C'est
le même M. le Cat qui a fait l'an passé
à Gaillon , deux semblables Tailles , et
avec un succès pareil , en la présence de
M. Morand. Le Public ne sera peut- être
pas faché d'apprendre que ce Chirurgien
est l'Auteur des deux Mémoires qui
ont concouru au Prix de 1 - Académie
Royale de Chirurgie , l'année 1732. et
qui seront imprimez dans l'Histoire de
cette Académie.
LA TOURTERELLE.
LE
IDILLE.
E temps , aimable Tourterelle ,.
Qui triomphe à la fin de tout ,
Ne pourra- t'il venir à bout
D'adoucir la peine cruelle ,
Dont à chaque instant votre coeur ,
Sent renouveller la rigueur. “
Si
2566 MERCURE DE FRANCE
Si pour me dérober aux chaleurs excessives
Du chien enflammé de Procris ,
Je me promene sur ces Rives ,
Où Zéphire entretient par ses souffles chéris
Une fraîcheur toujours nouvelle ;
Loin d'y goûter quelque douceur,
Un Echo, de votre douleur ,
Interprete hélas ! trop fidele ,
En redisant vos tristes sons ,
ur mes plus doux plaisirs répand de noirs
poisons.
De votre Compagne chérie ,
Dessous la main de l'Oiseleur ·
Tombant à vos côtez sans vie •
Vous dûtes plaindre le malheur.
Mais
par les pleurs de tant d'années
A ses fâcheuses destinées
Vous n'avez que trop satisfait ,
Et si dans les lieux qu'elle habite ,
Elle ressent quelque regret „
C'est de voir le chagrin qui toujours vous agite.
Cessez donc de pousser d'inutiles soupirs ,
Jouissez enfin des plaisirs ,
Que vous présente la Nature ;
Elle a paré pour vous ses Forêts de verdure
Pour vous seule , cent et cent fleurs
Etalent à l'envi les plus riches couleurs .
Entendez le Zéphis volage ,
Oubliant
NOVEMBRE. 1993. 2364
Oubliant aujourd'hui son penchant naturel,
Vous promettre en sont doux langage ,
Un attachement éternel.
Vous même à vous- même importune ,
Si vous avez éte si sensible aux malheurs ,
Qu'a sur vous exercé la cruelle Fortune ,
Pourquoi refusez-vous de l'être à ses faveurs♪
Laissez l'homme verser des larmes ;
Lui seul a drait de s'affliger ;
Chaque jour lui fait voir de nouvelles allarmesşi
Rien ne peut l'en dédommager
Des plus vives douleurs un affreux assemblage ,
De sa condition est le triste appanage
Il naît , et déja ses sanglots
Semblent à sa premiere Aurore ,
Par avance annoncer des maux ,
Qu'il ne peut pas connoître encores
Son infortune avec les ans
Insensiblement se déploye ,
Les soins , les socis dévorants
Ferment son coeur à toute joye.
De sa propre raison tyran imperieux
Il u'écoute que son caprice ,
Et ne paroît ingénieux
Que pour se procurer quelque nouveau supé
plice..
A lui creuser son précipice
Plusieurs s'empressent avec lut.
L'un en tous lieux à forcé ouverte ,
Cons
1368 MERCURE DE FRANCE
Conspire indignement sa perte ,
Un autre fait semblant de lui servir d'appui ;
Mais en secret il se prépare
A lui porter le coup barbare
Qu'il médite depuis long-temps.
Ainsi nous voyons dans les champs
Un Loup avide de carnage :
De la Brebis prendre l'image
Pour mieux executer ses desseins violens.
Heureuse Tourterelle en vos disgraces mêmes
L'Auteur de vos peines extrêmes
Fut de tout temps votre ennemi ,
Nos maux , le plus souvent , nous viennent d'un
ami ;
Dans le temps même qu'il nous blesse ,
Séduits par une vaine erreur ,
Nous adorons la main traitresse ,
Qui nous a fait tomber dans le dernier mal
heur,
A. de la Boisseliere.
ME
NOVEMBRE. 1733 2389
MEMOIRE sur la question proposée
dans le Mercure de Juin 1733. seconde
Partie , pag. 1410.
LA
A question est proposée en ces teres
mes : Si les Musiciens peuvent et doivent
être écoutez, et suivis dans les raisonnemens
qu'ils tiennent sur le Plain - chant
ou chant d'Eglise , s'ils sont en état de raisonner
et d'être crûs sur les manieres dont il
est varié dans les Eglises différentes ; et s'ils
en sont juges tout- à -fait compétens et irréfragables
? S'il n'y a pas deux extrêmitez à
éviter ; l'une de ne les croire juges en rien
l'autre de les crcire juges en tout , et en quoi
donc ils peuvent être consultez et écoutez ?
>
Il ne me seroit pas aisé de répondre à
toutes les parties de cette question . Je ne
suis pas instruit de tous les raisonnemens
que tiennent les Musiciens sur le Plainchant.
Il peut y en avoir de mauvais , il
peut aussi y en avoir de bons ; il y a quel-'
que chose que je n'entends pas bien dans
ce qui suit , s'ils sont en état de raisonner
et d'être crûs sur les différentes maniéres
dont il est varié dans les différentes Eglises.
Je m'en tiendrai donc à la derniere partie
de la question , que je réduits à ces
ter
2370. MERCURE DE FRANCE
termes fort simples , jusqu'à quel point on
doit déférer à l'autorité des Musiciens en
matiére de Chant Ecclesiastique ?
C'est un préjugé presque universellement
répandu , que la science du Plainchant
est inséparable de celle de la Musique
, et que tout homme qui est assez
hable pour réussir dans la composition
des Piéces de Musique d'Eglise , réussira
à plus forte raison à composer du Plainchant,
qui est sans comparaison plus simple
et plus aisé ; ainsi dès qu'il s'agit de
mettre en chant de nouveaux Offices , it
est ordinaire qu'on en charge quelques
Musiciens , et qu'on adopte leurs Ouvrages
sans beaucoup d'examen : Je dis sansbeaucoup
d'examen, mais je pourrois dire
absolument , sans examen ; car on croit
ne pouvoir rien faire de mieux , que de
s'en rapporter entierement au goût et au
jugement de ce qu'on appelle les Gens
du métier.
A la faveur de ce préjugé , les Musi
ciens se sont emparez presque par tout du
Chant Ecclésiastique,ils l'ajustent à leurs
idées ; ils changent , ils ajoûtent , ils retranchent
tout ce qu'il leur plaît , et leur
goût décide seul dans les choses mêmes
où les régles et les usages de l'antiquité
devroient seuls être écoutez et suivis.
Pour
NOVEMBRE. 1733. 2371.
Pour sçavoir si le préjugé commun est
bien fondé , il n'y a qu'à prendre la pluspart
des Chants nouveaux , qui sont de
la composition des Musiciens , et examinet
s'ils sont selon les regles et dans le
goût de l'ancien Plain- chant , ou Chant
Grégorien ; car c'est à ces deux choses ,
les regles et le goût, qu'il faut faire attention
dans l'examen des Ouvrages de
Plain chant ; et c'est sur ce pied là qu'on
doit juger de leur mérite.
Premiérement , les regles de la composition
y sont elles exactement suivies &
Conserve t on à chaque Ton ses proprié
tez? Y fait-on sentir la différence du Ton
Plagal ou Pair , d'avec l'Authente ou Impair
? Les chûtes et les repos quadrent-ils
avec la ponctuation? Les Antiennes et lest
Modes de psalmodie sont- ils en proportion
réciproque ? Le Chant est - il varié
selon la diversité des Piéces et selon ce qui
est propre à chacune? Y voit- on une dif
férence bien marquée , non seulement entre
les Antiennes et les Répons , entre
les Chants de la Messe et ceux des autres
Offices ; mais encore entre les diverses ,
Parties de la Messe , dont chacune a sa
propriété , et, pour ainsi dire , son gé
nie particulier
Secondement , la Mélodie de ces nouvelles
SEA
372 MERCURE DE FRANCE
velles Piéces est- elle dans le goût de l'antiquité
et dans celui des Chants modernes
, dont les Auteurs se sont attachez à
prendre pour modéles les Ouvrages des
anciens Maîtres ? A- t'elle la gravité , la
simplicité , la modestie , la douceur que
tout le monde admire dans les Chants
des Offices du Saint Sacrement , ( 1 ) de la
Trinité , et dans plusieurs autres ? Du
moins en approche - t-elle ? Et peut - on
dire, en comparant ces nouvelles compositions
avec les anciennes, que quoiqu'elles
leur soient inférieures en beauté, il paroît
néanmoins que leurs Auteurs ont
travaillé dans le même goût.
Voilà , si je ne me trompe , les princi
pés suivant lesquels nous devons juger
des nouveaux Ouvrages de Plain- chant.
Si tous , ou du moins la plûpart , y sont
conformes; je souscris au sentiment commun
; et je reconnois avec plaisir que la
composition du Plain - chant ne peut- être
dans de meilleures mains que dans celles
de nos Musiciens. Si au contraire ces Ouvrages
montrent le plus souvent dans
leurs Auteurs une ignorance inexcusable
( 1 )Je regarde principalement eet Office comme
il est aujourd'hui dans l'Antiphonaire de Paris , où
l'on a été attentif à faire quadrer les repos des
Chant avec la ponctuation de la Lettre.
ou
NOVEMBRE . 1733. 2371
ou un mépris formel des régles ; si j'y vol
regner une dépravation de goût, qui tend
évidemment à faire disparoître des Offices
divins l'ancien Chant Grégorien , pour
y substituer une composition guindée et
bizarre , qui n'est ni Plain- chant ni Musique
; j'en conclurai que c'est mal-à- propos
qu'on défére sans discernement une
autorité absolue aux Musiciens dans cesmatieres,
Qu'on prenne donc les Offices
propres
de la Paroisse de S. Eustache , du Séminaire
des Bons Enfans , de S. Etienne du
Mont , les nouveaux Chants qu'on a
insérez dans le Rituel de Paris , l'Office
des Morts du prétendu nouveau Manuel
de Beauvais , dont le Chant est d'un
tres-habile Maître de Musique . Qu'on
prenne l'Antiphonaire de l'Ordre de Cluny
, qui est de la composition de Nivers,
le Graduel du même Ordre , qu'on imprime
actuellement ; les nouvelles Hymnes
de l'Antiphonaire , et plusieurs Proses
du Graduel de Rouen, Qu'on examine
, sans prévention , tous ces Ouvrages
de Plain - chant moderne , et qu'on les
compare avec l'ancien Chant ; je m'assure
qu'il n'y a personne parmi ceux qui s'y
connoissent tant soit peu , à qui la diffe
rence , ou plutôt l'opposition de l'un à
Pau2374
MERCURE DE FRANCE
l'autre ne saute aux yeux . Les uns pêchent
contre les régles , les autres contre le bon
goût , plusieurs contre les deux ensémble.
Il me seroit aisé de justifier par des
exemples ce que j'avance ; mais ces sortes
de démonstrations ne peuvent se faire
qu'en représentant les Piéces mêmes , qui
ne peuvent entrer icy . J'y renvoye donc
ceux qui sçavent les régles et qui ont étudié
le vrai caractére du Plain- chant.
Il paroît d'abord étonnant que des
gens nourris dès l'enfance dans l'étude et
dans l'exercice du Chant , contribuent
plus que tous les autres à le gâter. Cependant
rien n'est plus vrai , et il n'est pas ,
ce me semble , bien difficile d'en appercevoir
les raisons ; elles se tirent du génie
même de la Musique moderne et de l'éducation
qu'on donne aux Enfans de
Choeur dans les Maîtrises ou Ecoles de
Chant , d'où sont sortis la plupart des
Musiciens.
Le Plain- chant et la Musique ont les
mêmes principes , et , pour ainsi dire , la
même origine et le même berceau ; mais
à cela près , ils se ressemblent fort peu ,
sur tout dans ces derniers temps , où la
Musique , qui autrefois ne différoit guére
du Plain-chant que par la mesure et
l'harmonie , est aussi différente d'ellemême
NOVEMBRE . 1733. 2375
même, que la seroit une femme, qui après
avoir paru dans le monde , vétuë et coëffée
très- simplement et avec une contenance
modeste et sérieuse , se montreroit
parée de riches étoffes , la tête chargée
des ornemens les plus recherchez , avec
-la démarche affectée , et les airs enjouez
-d'une Coquette.
Doit-on être surpris que des Gens qui
sont élevez dans l'estime et dans le goût
-d'une telle Musique , qui passent toute
leur jeunesse à l'étudier , et à s'y perfectionner
; qui enchérissént les uns sur les
autres pour trouver de nouveaux raffinemens
dans cet Art ; doit - on , ' dis -je , être
surpris que de telles gens ne puissent
communément revenir à cette noble sim,
plicité , qui fait le caractére essentiel du
Plain - chant. Les idées de Musique dont
ils sont pleins , se présentent à chaque
moment ; tout se montre à eux sous cette
forme. S'ils s'abandonnent à leur génie ,
ils ne peuvent produire qu'un Chant
musical . S'ils font effort pour se contraindre
, leur composition se sent presque pár
tour de la gêne où est leur esprit , elle
est dure , inégale et n'a rien de cet air
aisé , simple et naturel , qu'on admire
dans les Chants anciens ; marchant sans
régle , sans dessein, sans autre art qu'une
froide
1376 MERCURE DE FRANCE
•
froide expression , qui consiste le plus
souvent à appliquer au hazard certains
tons sur certaines paroles , sans s'embar
rasser de l'effet que cela peut produire ,
avec ce qui peut précéder ou ce qui suit.
Je m'imagine voir un Cheval fougueux
à qui l'on tient la bride courte ; son allure
n'a rien de réglé , il va à droit , à gau
che , il avance , il recule , parce qu'il est
contraint et qu'on ne lui permet pas de
suivre sa fougue. Une imagination livrée
de longue main à ses caprices et exercée ,
pour ainsi dire , à des sauts périlleux , se
trouve à la gêne , lorsqu'on veut la faire
marcher d'un pas égal dans un chemin
droit et uni; elle s'échappe , malgré qu'on
en ait , ou , si elle est retenuë , tous ses
mouvemens sont forcez et de mauvaise
grace.
D'ailleurs les Musiciens sçavent peu les
regles et les respectent encore moins ; ils
les sçavent peu , parce qu'on n'a pas eu
soin de les en instruire, et qu'eux- mêmes
tout occupez de leur grand objet qui est
la Musique , négligent de les apprendre.
Il y a à la tête de l'Antiphonaire Parisien
plusieurs observations tres-utiles , sur tout
en ce qui regarde les usages de l'Eglise de
Paris ; mais il y a tres - peu de gens , même
parmi les Maîtres , qui prennent la peine
de
NOVEMBRE. , 1733. 2377
de les lire. Celui qui a composé le Chant
du Propre de S. Germain l'Auxerrois ,
està Paris depuis près de trente ans, chargé
d'apprendre le Chant aux Enfans , et c'est
peut-être le plus sçavant Musicien qu'il
yait en France. Il ne paroît pas cependant
qu'il ait jamais lû les observations
dont je parle ; ou , s'il les a lûës , il s'est
peu soucié de les réduire en pratique ;
car ces Messieurs traitent le Plain- chant
cavalierement , et ne se mettent pas fort
en peine de marcher sur les traces des anciens
Maîtres. Ils cherchent de nouvelles
routes et des beautez d'un autre genre ;
et dédaignant d'être de bons et de judicieux
imitateurs , ils deviennent de mauvais
originaux.
Il y a donc peu de Musiciens , même
parmi les Maîtres , à qui on puisse confier
sûrement la composition du Chant
Ecclésiastique ; et un homme tel que feu
M. l'Abbé Chastelain , Auteur de l'Antiphonaire
Parisien , qui avec quelque
teinture de Musique , a bien étudié et
médité les bons Ouvrages de Plain- chant,
et qui s'est rempli des justes et nobles
idées des anciens Maîtres , est plus capaẻ
ble de faire d'excellentes compositions
dans ce genre , que plusieurs de ceux qui
passent pour les meilleurs Musicien ,
C Ja
2378 MERCURE DE FRANCE
4
ges
Je ne prétens pas , au reste , les récuser
absolument pour juges dans cette matiére;
et je suis bien éloigné de penser qu'il
ne doivent pas être consultez ; ils sentent.
parfaitement les beautez d'une Piéce de
Chant ; ils ne sont pas moins que nous ,
passionnez admirateurs des bons Ouvraanciens
et modernes . L'Office du saint
Sacrement , l'ancien Office de la Trinité ;
le Chant Parisien de l'Hymne Deus tuorum
militum , celui du dernier Répons de
l'Office nocturne du Samedi Saint ; l'Antienne
, Qui docti fuerint ; les Répons de
l'Office des Morts ; les Hymnes O quam
glorifica . Ave maris stella.Ut queant laxis;
les Proses Veni sancte Spiritus. Mittit ad
Virginem , et plusieurs autres Piéces les
charment et les enlevent, J'ai oui dire
que le fameux Lully ne trouvoit rien de
plus beau ni de plus touchant que la
modulation si simple de la Préface de la
Messe . La bénédiction du Cierge Paschal
, selon l'usage de Rouen , paroissoit
à un habile Organiste de la Cathédrale
de cette Ville un chef d'oeuvre inimitable.
J'ajoûte que la Musique donne à co
Messieurs une grande délicatesse de dis
cernement pour appercevoir dans ur-
Piéce , de petites négligences qui échaj:
pent à d'autres moins habiles qu'eux da
la science des sons, }
NOVEMBRE . 1733. 2379
Ils sont donc en état de juger par le
sentiment et le goût du mérite d'une
Piéce ; et par conséquent on doit les consulter
pour ce qui regarde la mélodie et
profiter de leurs avis.
Je suis même persuadé qu'il y a des
Musiciens , dont l'heureux génie réünit
ensemble le goût du Plain - chant et celui
de la Musique, sans mélange et sans confusion
. Il est bien sûr qu'avec la connoissance
de l'histoire du Chant et des anciens
usages, et l'attention aux Régles, de
tels Musiciens feroient de très - beaux
Ouvrages dans le genre de Chant Ecclésiastique.
Mais je persiste à croire que la qualité
de Musicien et d'habile Musicien , ne
donne point par elle- même à ceux de cette
profession la capacité de bien composer
en Plain- chant , ni le droit de juger
souverainement de ces matiéres. Qu'ils
donnent leurs avis , à la bonne heure ,
sur les compositions des autres , pour ce
qui ne dépend que d'un certain goût que
la Musique peut donner.Mais on ne peut,
sans risque d'altérer le Chant Ecclésiastique,
ni leur abandonner la composition
des nouveaux Offices , ni s'en rapporter à
leur jugement dans les choses qui dépendent
de la connoissance des régles et des
Cij
usi2330
MERCURE DE FRANCE
usages ; à moins qu'ils n'ayent fait preuve
qu'ils sçavent ces régles , qu'ils les respectent,
et qu'ils sont capables d'une compo
sition sage , modeste , grave , conforme
au génie et au goût des Anciens.
Par M ***
*******::********
LE TRIOMPHE
DE L'AMOUR.
Dans le combat d'Atalante avec Hippomène.
Vous ,de qui la beauté touchante ,
Enchaîne et captive les coeurs
Quittez , trop aimable Atalante ,
Ou vos attraits , ou vos rigueurs.
Cessez de prendre pour victimes
Des amans qui n'ont d'autres crimes ,
Que l'amour dont ils sont épris ;
De cet amour est-on le maître ?
Vous-même vous le faites naître ,
Et votre haine en est le prix !
*
Songez , qu'envain vous êtes belle
Si rien ne sçauroit vous toucher ;
Que les doux plaisirs suivent celle
NOVEMBRE . 1733 2381
Que l'Hymen a sçû s'attachér.
Tant de soins joints à tant d'allarmes ,
Tant de maux causez par vos charmes ,
Méritoient bien un sort plus doux
Est-il effort que l'on n'essaye ;
La mort n'a rien qui nous effraye
Dans l'espoir d'être aimez de vous.
En ces mots un essain fidéle ,
D'Amans pénétrez de douleur ,
Oserent à cette cruelle ,
Peindre leur flâme et leur malheur.
Hélas ! quelle fut leur ressource !
İl falloit la vaincre à la course ,
Pour fléchir son coeur inhumain
Et si l'on perdoit la victoire ,
On devoit ( pourra - t-on le croire ?
Se voir d'un Dard percer le sein.
On croit que le bien qu'on souhaitte }
N'est point au dessus du pouvoir
Tous d'une victoire complette ,
Conçoivent l'agréable espoir .
Le sort leur paroissoit propice ,
Ils ne voyoient le précipice ,
Que sous les plus belles couleurs ,
Ciij D'ac
2382 MERCURE DE FRANCE
D'accord l'Amour et la Fortune ,
Avoient d'une ardeur non commune ,
Parsemé l'abîme de fleurs.
M
Non tels que ces Rois , dont l'Elide ,
'Aime à vanter les vains Lauriers ;
Le prix d'une course rapide ,
Se devoit seul à leurs coursiers . ;
Ni pareils aux vangeurs d'Héléne ;
Qu'on vit sur la rive Troyenne ,
Affronter les fureurs de Mars ;
Il leur falloit une victoire ,
Dont chacun remportât la gloire,
Et seul essuyât les hazards.
Enfin le jour prescrit arrive ,
Qu'ils devoient ou vaincre ou mourir ,
Des amours la troupe attentive ,
Sçut à ce spectacle accourir,
Atalante insensible et fiere ,
S'avance et court dans la carriere ;
Adraste le premier l'y suit ,
Restant dans la Lice après elle ,
Sur l'heure il est par la cruelle ,
Plongé dans l'éternelle nuit.
Tous semblent se faire un mérite ;
D'être
NOVEMBRE 1733 2383.
D'être par elle mis à mort ,
Ciel ! que j'en vois mourir de suite
Tous ont déja ce triste sort .
O que l'amour est redoutable !
Malgré ce massacre effroyable ,
Son empire est-il moins puissant |
Hyppoméne , fils de Neptune ,
Vient encor tenter la Fortune ,
Si rigoureuse à chaque Amant.
D'abord la Princesse à sa veuë ,
Prend de plus tendres sentimens ,
Sa fierté tombe , elle est émeuë ,
Le trouble saisit tous ses sens :
Une naissante et vive flâme ,
Se glisse en secret dans son ame
Elle sent attendrir son coeur ,
En faveur du seul Hyppoméne ,
Un penchant violent l'entraîne ,
A désirer qu'il soit vainqueur.
Où vas - tu ? Prince , lui dit-elle ,
C'est trop peu ménager tes jours ;
Songe , dans l'ardeur de ton zéle ,
Que c'est à la mort que tu cours ;
Ciiij
Måle
2384 MERCURE DE FRANCE
Malgré ta témeraire envie ,
Je veux prendre soin de ta vie ,
Va, cesse de vouloir périr ;
Envain ; ce Héros intrépide , 1
Regarde la belle homicide ,
Et compte pour rien de mourir,
Ils courent à perte d'haleine ,
Mais les plus amoureux transports
Troublent le coeur de l'inhumaine ,
Et lui font blâmer ses efforts.
Elle tremble que sa vitesse
N'ôte à l'objet de sa tendresse ; '
Les moïens de fuïr le trépas ,
L'amour approuve ses allarmes ,
Et lui fait trouver mille charmes , 1
A moderer un peu ses pas.
Les trois Pommes d'or que présente ;
Et jette Hyppoméne en courant ,
Viennent au secours d'Atalante
Seconder son tendre penchant .
Joignant la ruse à sa surprise ,
Elle affecte d'en être éprise ,
Et pour tarder s'en fait un jeu ;
Hyppoméne couvert de gloire,
•
G
NOVEMBRE. 1733. 2385
Ne trouve plus par sa victoire ,
Aucun obstacle à son beau feu.
Après ce combat mémorable,
L'on oüit ces mots dans les airs 9
Que l'Amour , ce vainqueur aimable;
Triomphe de tout PUnivers.
Envain une belle infléxible ,
Veille sur son coeur insensible
Un seul trait peut la désarmer ;
Pour mille Amans elle est sévére ;
Mais qu'un seul ait l'art de lui plaire ,
Elle sçaura bien-tôt aimer.
DE MONTFLBURY
LETTRE écrite de Paris , le 15 d'Octobre
1733. sur le Testament de Pierre Pithon.
Ly a quelques jours , Monsieur , que
le Testament de Pierre Pithou me
tomba sous la main, il respire un si grand
amour de la vertu ; il contient des Préceptes
si excellents pour régler la conduite
des hommes dans tous les temps , que
j'ai cru qu'une traduction françoise de ce
petit ouvrage ne pourroit qu'être utile
C V
et
2386 MERCURE DE FRANCE
et mériteroit peut- être d'avoir sa place
dans votre Journal.
Ce Testament a été imprimé en Latin
en 1628. à Troyes, chez du Ruau , à la
tête du Commentaire de Pithou , sur la
Coutume de Troyes.On le trouve au commencement
du premier volume du Corpus
Juris Canonici Gregorii XIII. notis illustratum
Pet. et Franc. Pithai , ex Bibliotheca
illustrissimi Claudii le Peletier.A Paris
, chez Thierry, 1687. il étoit encore
parmi les OEuvres de M. Boivin , Garde
de la Bibliotheque du Roy , imprimées
en 1711 .
Pithou a occupé une des premieres
Places entre les Jurisconsultes et les Sçavans
du quinziéme siécle. Quel siecle
Monsieur , pour les Sciences et pour les
Belles Lettres ! Les plus Grands Hommes
de son temps , Cujas , Turnebe , de Thou,
Scaliger , Pasquier , Loisel , Papire Masson
, Rapin , Passerat ; tous, en un mot,
en faisoient un cas singulier; tous lui ont
consacré des Eloges . Le mordant Scaliger
avouë qu'il étoir parfaitement honnête homme
, aimant à faire, plaisir à un chacun ,
menant tout le monde dans sa Bibliotheque ,
prêtant volontiers et présentant ce qu'il avoit,
si l'on vouloit s'en servir. Ce suffrage seul
confirme tout ce que Pithou dit de foi-.
même. II
NOVEMBRE. 1733. 2387
Il étoit de la Ville de Troyes en Champagne
, descendu d'une noble et ancienne
famille de Normandie ; il fit sa principale
occupation des affaires du Palais.
Le Roy Henry III . l'honora en 1585.
de la Commission de son Procureur General
de la Chambre de Justice , qu'il
envoya en Guyenne. Henry IV. lui donna
la même Commission en 1594. pour
le rétablissement de fon Parlement à
Paris. Pithou a enrichi la République
des Lettres d'une quantité de Livres de
Théologie , d'Histoire et de Belles - Lettres
; une vie si laborieuse et si utile
finit trop tôt ; il mourut âgé seulement
de 57. ans , le premier de Novembre
de l'année 1596.
999 TRADUCTION du Testament de
Pierre Pithou.
N
E' dans un siecle corrompu et parmi
des moeurs entierement perduës
, j'ai conservé la bonne foy et la
droiture autant que j'ay pû.
J'ai chéri , j'ai cultivé mes amis avec
une affection entiere, J'ai été plus sensible
au plaisir de vaincre mes ennemis
par des bienfaits , ou de les laisser dans
l'indifference , qu'à celui de me venger.
Ma femme m'a tenu lieu d'un autre
C vj moi2388
MERCURE DE FRANCE
moi- même j'ai élevé mes enfans avec
indulgence ; j'ai agi avec mes Domesti
ques comme avec des hommes .
J'ai haï le vice , même dans mes plus
proches ; mais j'ai adoré la vertu jusques
dans les Etrangers et dans mes ennemis .
J'ai eu plus de soin de conserver que
d'augmenter mon bien .
Je n'ai point fait et n'ai point souffert
qu'il fût fait aux autres ce que je
n'aurois point voulu que l'on me fit.
Une grace injuste où difficilement ob
tenuë , m'a parû trop cherement achetée.
J'ai regardé la crapule et l'avarice
comme des Monstres détestables dans
tous les hommes , mais sur tout dans les
Ministres de l'Eglise et dans ceux de la
Justice.
Adolescent , jeune homme , homme
fait , j'ai toûjours déféré à la vieillesse .
J'ai aimé uniquement ma Patrie .
Le rang , les honneurs , la Magistra-.
ture , ont eu moins d'attraits pour moi
que le désir d'être occupé ; plus content
d'agir que de commander.
Bien que je ne fusse que Particulier ,
je me suis empressé à être utile au Public;
je l'ai préferé à tout, et j'ai crû que
le parti le plus sûr et le plus avantageux
étoit d'y demeurer attaché .
Ma
NOVEMBRE. 1733 2389
Ma plus chere envie a été de soutenir
et de réparer la République chancelante;
les nouveautez , les changemens , les renversemens
, ne m'ont jamais plû.
Une paix même injuste , ( que les gens
de bien soient de mon avis , ) est plus
avantageuse que les discordes et les
guerres
civiles.
J'ai vu ( a ) avec douleur la Religion ,
la pieté , profanées jusqu'au point de servir
de voile et de prétexte à l'avarice , à
l'ambition et au crime.
Curieux admirateur de la bonne Antiquité
, l'ayant étudiée avec soin , je l'ai
placée au- dessus de la Nouveauté.
J'ai évité , j'ai fui les vaines questions,
les disputes subtiles sur les matieres divines
, comme trop dangereuses.
J'ai connu par experience que la simplicité
accompagnée et comme enveloppée
de la prudence , réussit plus sûrement
et plus heureusement dans ses projets
, que l'artifice et le déguisement.
J'ai moins étudié l'Art de bien dire ,
que la Science qui apprend à juger sai
nement de tour.
(a) Pour l'intelligence de cet article et de quelques
autres, ilfaut se transporter dans les temps ausquels
Pithou vivoit , pendant les guerres de la Religion
et de la Ligue sous les Rois Charles IX. Henry III.
at Henry IV.
2390 MERCURE DE FRANCE
Loin de la foule ambitieuse , sans avarice
, sans envie , au milieu de plusieurs
amis , gens de bien et puissants , dans une
fortune assez commode , j'ai ressenti des
inquiétudes inconnues aux Particuliers .
Il est vrai que les affaires de la République
et celles de mes amis , me les attirerent
plus que les miennes propres.
J'ai compté pour les jours de ma vie
les plus agréables , ceux où j'ai servi le-
Public et mes amis.
Les maux présens m'ont parû plus aisez
à supporter que la vûë de ceux qui me
menaçoient. J'ai soutenu les dernieres
extrémitez avec plus de fermeté qu'un
état flotant et irrésolu .
Pour faire taire la censure la plus maligne,
et pour réprimer les traits plus violens,
j'ay éprouvé qu'il falloit être ferme,
constant , sincere , égal pour tous , dans
l'administration de la Justice .
Que les Loix plutôt que ma volonté ,
décident sur mes biens, quels qu'ils puissent
être après ma mort.
Je ne desire qu'une chose et je l'espere ,
c'est que ma femme , si remplie de vertu
et qui me fut si chere , ait pour nos enfans
les sentimens , les bontez et les mêmes
soins , dont elle m'a comblé pendant
ma vie.
Tes
NOVEMBRE. 1733. 2391
Tels ont été mes sentimens ; tel est le
témoignage de ma conscience ; demandant
en grace à ceux de la Posterité qui
le liront , de le recevoir avec bonté et
de l'interpréter dans un esprit aussi simple
et aussi droit que celui dont je l'ai
écrit.
Fait à Paris. par moi Pierre Pithou , en
l'année 1,87. le premier de Novembre ,
à pareil jour que celui de ma naissance .
LE PASSAGE DE LA MER ROUGE.
CANTATE. *
Seigneur , le Peuple qui t'adore ,
Sous le joug de l'Egypte a trop long- tems gémi
Tonne , frappe , poursuis .... une autre playe
encore ,
A presser son départ force son ennemi,
Mais bien- tôt Pharaon sent renaître sa rage ,
Et pour le rendre à l'esclavage ,
* On a composé cette Cantate , pour faire naître
ceux qui peuvent mieux travailler en ce genre ,
l'idée de renoncer enfin à ces sujets frivoles ou dangereux
sur lesquels ils s'exercent, et de choisir parmi
tant de grands sujets qu'offrent les Livres Sacrez ;
le génie et les moeurs y trouveroient également leur
avantage.
I
2392 MERCURE DE FRANCE
Il marche , il passeroit et les Monts et les Mers
Israël poursuivi , ne voit point de retraite ;
Il redouble ses pas , l'Onde s'offre et l'arrête . . .
Ciel , sans ton prompt secours il rentre dans
les fers.
O force puissante
Qui soumet les eaux !
La Mer mugissante ,
Arrête ses flots.
Dans la Plaine humide ,
L'immortelle main ,
A l'Hébreu timide ,
Ouvre un sûr chemin.
O force puissante , &c.
Pharaon le voit trop , et même encore en douto.
Sont- ils donc sans retour sortis de mes liens ?
Ah ! je les poursuivrai par cette même route ;
Il dit , et sur leurs pas il marche avec les siens.
Signale , Ange vengeur , ta droite meurtriere ;
Nuages , cachez la lumiere ;
Brillez , Eclairs ; gronde , Tonnere affreux;
Aquilons , déployez vos fureurs vagabondes ,
Mer , souleve tes Ondes ;
Périssez , Tyrans des Hébreux ....
Quel désespoir ! quel bruit épouventable
De vagues en courroux , de perçantes clameurs ↑
1
NOVEMBRE. 1733 2393
Ils sont tous engloutis dans l'abyme effroyable;
Israël est vengé de ses fiers oppresseurs.
Louons l'Eternel ,
Chantons sa victoire ;
Quel Vainqueur mortel ,
Egale sa gloire ?
Quel ami sensible ,
A rien de si doux ?
Quel vengeur terrible ;
Frappe de tels coups ?
L'Onde coule en vain ;
Son amour l'enchaîne :
Il parle , et soudain ,
Elle sert sa haîne.
Louons l'Eternel , & c.
Par M. l'Abbé S.
*XXXXXXXXXXXXX
༦༠༡༢;
XXXX
REPONSE de M. le Gendre de
S. Aubin , au Problême qui a été
proposé
dans le Mercure du mois de Septembre
dernier , aux Métaphysiciens Geométres
, sur l'Essence de la Matiere .
C'ES
'Est aujourd'hui le génie des Sciences de
pousser à bout toutes les idées. N'est-ce
point un effort pour parvenir à la gloire de la
nou
2394 MERCURE DE FRANCE
nouveauté , dans un siecle où le nouveau sem→
ble depuis long-temps épuisé ? L'esprit humain
se flatte de parvenir aux degrez les plus sublimes
des connoissances , par des suppositions sans
bornes ; mais cette voye l'écarte infiniment de la
verité, pour peu qu'il y ait d'erreur dans le principe
, ou que la conséquence manque de la plus
exacte précision.
Des Cartes a consideré la matiere et l'étenduë
comme une même chose. Les modernes , pour
la plupart , ne l'ont pas suivi jusques- là , ils ont
persisté à distinguer la matiere de l'étenduë ,
comme le sujet de son essence. On entend par
essence et par proprietez , des qualitez inséparables
naturellement d'une substance , au lieu que
les accidents varient. Il y a même quelque distinction
entre essence et proprietez . Cette distinction
consiste en ce que parmi les proprietes
il s'en trouve quelqu'une plus génerale , et de laquelle
les autres semblent émaner. Or cette essence
, cette proprieté primitive de la matiere , c'est
l'étendue et l'impénetrabilité , la divisibilité à
l'infini , l'unité du lieu , en sont des proprietez.
Aristote a écrit dans sa Métaphysique , que la matiere
n'est rien de tout ce qu'on peut répondre aux
questions qui regardent l'essence , la quantité , la.
qualité , et que ce n'est point un être déterminé.
L'opinion d'Aristote , de la façon dont il la pro
pose , réduit la matiere au néant.
Dans le Problême proposé aux Métaphysiciens
Géometres , sur l'essence de la matiere , on lui
enleve son essence et ses proprietez sans effort ;
il n'en coûte pour cela qu'une supposition , et
l'Auteur du Problême persuadé qu'il ne reste
à la matiere aucune de ses proprietez , invite
Les Métaphysiciens Géométres à lui en chercher
de
NOVEMBRE. 1733. 2395.
de nouvelles. Les conséquences qui résultent des
principes expliquez dans le Problême , sont , à
ce qu'on prétend , que la matiere n'est pas nécessairement
étendue , qu'elle n'a plus d'impéné
trabilité , qu'un corps peut être à la fois aux
deux bouts de l'Univers , aussi- bien que dans
tous les lieux qui remplissent cet intervalle . On
se fonde sur la Géométrie , qui a la certitude en
partage , pour dépouiller tout d'un coup la matiere
des proprietez les plus inhérentes , dont la
Physique l'avoit mise en possession. Comment
les Métaphysitiens Géométres pourront- ils réparer
tant de pertes ? Il y a plus ; la matiere est
réduite à une simple possibilité. Le Pere Castel ,
dit-on , l'insinue ainsi dans sa Mathématique,
Universelle. Je suis bien éloigné de croire que
ce puisse être le sentiment du Pere Castel , puisque
cet ingénieux Auteur établit pour princi
pe , que de la possibilité à l'existence , il y a aussi
loin que du néant à l'être. L'Auteur du Problême
ne prétend assurément pas que Dieu n'ait
créé que des esprits. Cependant si la matiere est
réduite à une pure possibilité , si toutes les proprietez
lui sont enlevées, elle est réduite au néant;
car ce qui n'a aucune proprieté est le néant , auquel
on ne refuse même pas les proprietez néga
tives. Ces conséquences vont loin et trop loin.
Si la matiere n'a aucune existence par ses proprietez
, elie en aura encore moins par une forme
déterminée ou par ses accidents. Il s'agit
même ici de la matière accompagnée de la forme
, puisqu'on prétend que l'unité de lieu n'est
pas une proprieté du corps d'un homme . Examinons
si les principes et les inductions qu'on
Tr. de Physiq. T. 1. Liv. s . Ch. 7.
2396 MERCURE DE FRANCE
en tire pour dépoüiller la matiere de toutes ses
proprietez , nous obligent indispensablement à
les abandonner.
"
"
Il est possible , dit-on , que le même corps
» se trouve la même année à Paris et à Constan-
»tinople , dans l'espace de six mois , de trois , et
» peut- être de deux . Le mouvement de sa nature
est susceptible de plus et de moins à l'infini
la nature est pleine de mouvemens très - rapides
, un boulet , les Planetes , le son , la lumiere.
La lumiere peut parcourir des miliers de
licües en une minute , en une seconde. Dieu
peut transporter le corps d'un homme en un
clin d'oeil d'un bout du Monde à l'autre. Le
plus ou moins de mouvement n'a rien qui
D passe sa toute- puissance , et la matiere n'a rien
qui s'y refuse . Supposons donc un mouvement
toujours croissant par le pouvoir de Dieu , il
» est vrai de dire qu'on peut voir le même hom
"me à Constantinople et à Paris , non - seulement
dans la même année et dans le même
mois , mais dans la même semaine , dans le
même jour , dans la même minute , seconde ,
tierce , quarte , sixte , dixième , centiéme , mil-
» liéme , millioniéme , billioniéme , trillioniéme,
&c . Cela va lóin, et rien ne l'arrête . » Enfin on
prétend conclure de ces principes que le mouvement
en question croissant à l'infini , l'homme
qui seroit porté et rapporté par ce mouvement
de Paris à Constantinople , se trouveroit exactement
au même instant indivisible à Paris et à
Constantinople , dans tout l'entredeux et en mille
autres lieux de l'Univers , dans l'Univers même
antier , si l'on veut.
Il faut d'abord se mettre bien au fait de la
question. Nous examinons quel pourroit être
l'effet
NOVEM BK E. 1733. 2397
T'effet d'un mouvement naturel , susceptible
d'augmentation de plus en plus . Cette question
est semblable à celles de l'asymptotisme infini de
quelques courbes . A la verité , dans l'hypothese
on parle de la puissance de Dieu , mais ce n'est
que pour mettre en oeuvre dans toute son étendue
ce qui est dans la nature , ce dont le mouvement
est capable de lui-même , et à quoi la
matiere n'a rien qui se refuse , dont on trouve
même des exemples assez semblables dans le
cours le plus ordinaire de la nature , comme la
vitesse très rapide de la lumiere . L'Auteur du Problême
entreprend de démontrer par le raisonnement
et par le calcul , que le mouvement étant
susceptible d'augmentation à l'infini , un corps
peut par la force du mouvement portée jusqu'où
elle est capable d'aller , être à la fois dans tout
les lieux de l'Univers, Si cette proposition pou
voit être vraye , nous serions forcez non - sculement
d'abandonner la Physique , dont il ne seroit
pas impossible de se passer , mais de renoncer
tout- à- fait à la faculté de raisonner . J'accorde
pour un moment à l'Auteur du Problême,
que le mouvement qui transporte notre homme
de Paris à Constantinople , fût infini , il n'en
résulteroit autre chose sinon que le temps seroit
divisé à l'infini avec la même réciprocité que le
mouvement de transport auroit été augmenté,
Ainsi , quoique vous vissiez cet homme continuellement
, qu'il ne cessat de vous parler , le
mouvement infini le porteroit et rapporteroit
dans des instants divisez à l'infini , sans que
vous vous apperçussiez de son transport . La division
à l'infini de l'instant , dans lequel ce
transport seroit réïteré , empêcheroit que le
même corps ne fût en même temps dans deux
endroits. Re
2398 MERCURE DE FRANCE
Reprenons l'hypothese des plus imaginaires de
notre homme transporté à Constantinople , c'est
tout au plus une présomption de la divisibilité
du temps à l'infini , qui a toujours été soutenuë
par le plus grand nombre des Philosophes , et
que tous les Infinitaires , à ce que je pense , admettent
aujourd'hui. Quoique vous eussiez continuellement
cet homme devant les yeux , quoique
la vitesse du mouvement vous rendit le
transport imperceptible , l'homme transporté ne
seroit pas davantage à Paris et à Constantinople
dans le même instant,qu'un charbon brûlant qui
tourne avec une vitesse assez médiocre , n'est en
même-temps dans tous les points du cercle qu'il
décrit , lorsque vous croyez voir un cercle de
feu , non parce que le charbon est à la fois dans
tous les points du cercle , mais parce qu'il fait
impression sur des parties de la rétine disposées
en rond, et que l'impression n'a pas cessé dans la
premiere partie ébranlée , quand le charbon agit
sur la derniere. De ce Phénomene on peut conclure
que ,quoique la vision se fasse en un instant fort
court de la présence de l'objet , le sentiment de
voir ne laisse pas de durer pendant un petit espace
de temps au--delà . Nous éprouvons à toute
heure des illusions de nos sens , qui nous font
paroître comme non interrompu , ce qui ne les
affecte que par des mouvemens semez de mille
interruptions. Mais portons nos vûës plus loin.
Un mouvement susceptible d'augmentation de
plus en plus peut- il être supposé infini ?
L'Auteur du Problême appelle le Sistême de
l'infini au secours de son hypothese, et il cite une
autorité qui a le plus de poids et de force ; c'est
celle de M. de Fontenelle, qui a dit , que la grandeur
capable d'augmentation à l'infini , peut être
supposée
NUVEM BK E. 1733. 2290
supposée augmentée à l'infini . C'est effectivement
un principe dont les plus sçavans Géométres se
sont servis depuis près d'un siecle . Mais en fait
de Géométrie , l'autorité est un motif d'examen
et non pas de conviction. Suivons donc de près
cette proposition ; elle présente d'abord une évidence
non suspecte , mais c'est sa contradictojte
qui est réellement évidente. La grandeur capable
d'augmentation à l'infini , ne peut être supposée
augmentée à l'infini , par cette raison même
qu'elle est capable d'augmentation à l'infini. Ainsi
ce qui est inépuisable ne peut être supposé
épuisé , ce qui est infini ne peut être supposé terminé
, ce qui est susceptible d'augmentation et
par conséquent fini , ne peut être supposé infini
Or c'est un principe employé par les Géométres
* et évident en soi- même , que toute ligne
soit méchanique , soit géometrique , ou rentre en
elle-même, ou s'étend à l'infini , puisqu'on peut toujours
en continuer la génération . Aucune ligne
soit méchanique , soit géométrique, ne peut donc
être supposée infinie.
La Géométrie transcendante m'a causé beaucoup
de perplexité. Je trouvois d'une part l'autorité
de plusieurs Sçavans , qui ont donné les plus
grandes preuves de force de génie , et je voyois
un enchaînement bien lié de conclusions et de
calculs . D'un autre côté , je sçavois que la verité
est une dans les objets diversifiez des Sciences ;
que , suivant ce principe , le calcul ne peut être
contraire au raisonnement , et que les veritez
d'un ordre purement naturel ne doivent être con-
* Le Marquis de l'Hôpital , Anal. des Infinim,
pet. § . 5. p. 100. Guinée , Applicat. de l'Algebr, à
la Géométr. §. 12.p.235.
sidéréo
2400 MERCURE DE FRANCE
siderées comme telles par l'esprit humain , qu'autant
qu'elles sont à sa portée et compréhensibles.
Je n'entens pas dire par là que toutes les véritez
naturelles soient à la portée de l'esprit humain,je
suis aussi persuadé qu'il y en a beaucoup de celles
qui sont à sa portée , qui ne sont pas encore
découvertes. Je me renferme à dire ( ce qui me
semble incontestable ) que l'esprit humain ne
peut mettre au nombre des veritez purement naturelles
, que ce qu'il a compris.
J'avoue encore que cette derniere refléxion
augmentoit ma défiance. Je soupçonne une vérité
, me disois -je à moi - même , que quelques
hommes celebres ont donnée pour démontrée
après un travail infatigable ; c'est parce que je
n'ai pas la force d'atteindre où ces hommes sçavans
sont parvenus. Mais enfin lorsque j'ai été
pleinement convaincu que non- seulement ces
prétendues véritez de la Géometrie de l'infini
étoient incompréhensibles pour moi , mais que
j'y découvrois une contradiction évidente
que ceux mêmes qui les soutenoient, reconnoissoient
en même temps qu'ils ne pouvoient les
concevoir , je n'ai plus balancé à chercher l'issuë
de ce labyrinthe de l'esprit humain , et j'ai été
assuré qu'il y en avoit une. J'ai trouvé le fondement
du calcul ruineux , aussi-bien que celui
du raisonnement. Je ne traiterai ici que de la
partie qui concerne le raisonnement , je ne l'acheverai
même pas , de de peur passer les bornes
convenables au Mercure , et je réserverai pour le
mois prochain ce qui restera de la partie du raisonnement
, et la partie entiere qui regarde le
calcul.
La Géométrie dans son état présent est remplie
de conclusions si yastes , qu'elles paroissent
surpasser
NOVEMBRE . 1733. 2401
surpasser infiniment les bornes de l'esprit humain.
Il n'y auroitrien d'étonnant si elle n'étoit
pas la production de l'esprit humain ; mais comme
elle ne se vante pas d'une autre source, et que
si elle étoit assez témeraire pour s'en vanter
il lui seroit impossible de la prouver , qui peut
inspirer à l'esprit humain tant de soumission
pour son propre Ouvrage ? La Géométrie qui
doit être une science de conviction , m'offre de
toutes parts des écueils de raisonnement . Des
infiniment grands , qui sont infiniment petits
par rapport à d'autres ordres ou degrez infinis
d'infinis ; des asymptotismes dont les espaces
sont plus qu'infinis ; des rectangles infinis égaux
à d'autres rectangles finis ; le fini et l'infini proportionnels
, en même-temps qu'on admet pour
principe que les infinis sont égaux entre eux 5
des espaces infinis , qui par leurs révolutions
autour de leurs axes , ne donnent que des produits
finis , appellez fuseaux hyperboliques ; enfin
le mouvement infini semblable au parfait repos
, et la matiere dépouillée de toutes ses proprietez
, suivant l'Auteur du Problême , car tout
cela ne me paroît pas plus solide l'un que l'autre.
Heureusement ces conclusions inconcevables tombent
d'elles-mêmes , par l'unique observation
que j'ai faite cy - dessus , que la grandeur capable
d'augmentation à l'infini , ne peut être supposée
infinie, Comme un moment connu et fini ne
peut être supposé une éternité , de même un
asymptotisme de l'hyperbole d'un degré quelconque
, ni les asymptotistes de la Conchoïde ,
de la Syssoïde ou autres courbes, ne peuvent être
supposez étendus à l'infini , puisque par leur essence
ils sont capables d'être augmentez de plus
en plus. Suivant le même principe , leur prolon
D gement
2402 MERCURE DE FRANCE
gement supposé infini ne pourroit être limite
par une derniere ordonnée , ni aucune figure ne
pourroit être circonscrite à leurs espaces suppo- sez infinis.
Une somme dont je suppose qu'on prend la
moitié , ensuite la moitié de cette moitié , et tou
jours la moitié de la précédente moitié , ne peut
être épuisée ni supposée épuisée, Il est fort aisé de
prendre deux écus dans un sac de mille francs, et
celui qui les tirede ce sac, n'a pas pour cela attrapé
une richesse infinie , mais en supposant qu'un
homme prenne un écu, la moitié d'un écu , la moitié
de cette moitié, et toujours la moitié de la précédente
moitié , ou une portion quelconque des
précédentes portions , sans qu'il soit nécessaire
que le même rapport regne dans la progression ,
je ne puis supposer que cet homme prenne jamais
deux écus ; car quoique j'aye l'idée de deux
écus , comme d'une somme finie , la progession
que je suppose continuée à l'infini , n'y arrivera
jamais , et ce seroit une contradiction manifeste
de supposer en même- temps que cet homme ne
s'écartât jamais de cette progression , et qu'il pût
parvenir à prendre la somme très - modique de
deux écus . Ainsi le fini le plus borné renferme
en soi ( pour me servir des termes très- énergiques
du Pere Castel ) un infini essentiellement
concentré dans son enveloppe , et inépuisable
dans sa mine , qu'aucun développement ne peut
jamais épuiser : c'est la seule espece d'infini géometrique
et physique , auquel tout ce qui peut
être imaginé par l'esprit humain , vient aboutig
comme à un centre commun ; ou plutôt il ne
peut y avoir d'infini en Géométrie et en Physi
que , et tout se réduit dans l'une et dans l'autre
ou fini extensible et divisible de plus en plus , ee
qui
NOVEMBRE . 1733. 2403
qui parconséquent ne peut devenir infini.
On découvre la contradiction d'une maniere
encore plus sensible dans le plus qu'infini . Quel
ques Géometres ont prétendu donner à des
quan .
sitez numériques la qualité de plus qu'infinis ;
nous en parlerons dans la seconde partie de cette
Réponse ; il s'agit maintenant d'expliquer l'Asymptotisme
plus qu'infini de Wallis , * rejetté
par Varignon. Pour cela il faut entendre que
suivant le systême de l'infini , la parabole ordinaire
est une ovale infiniment allongée, qui a ses
deux sommets à une distance infinie , et opposez
par leurs concavitez l'un à l'autre , au lieu que
T'hyperbole a ses deux sommets très - proches ,
mais renversez et opposez l'un à l'autre par leurs
convexitez , comme si après avoir coupé une ovale
en deux , vous retourniez les deux moitież , ou
comme si vous opposiez deux calottes l'une à
l'autre par le dessus . Cela est si clair , qu'il n'est
pas besoin de figures et une plus ample description
de ces deux courbes seroit inutile ici. L'hyperbole
donc partant d'un sommet, et allant de la
gauche à la droite, si l'on veut, aura à parcourir
un espace infini pour joindre son asymptote; elle
sera alors,suivant Wallis, plus qu'infiniment éloignée
de son autre sommet transposé de la droite à
gauche ; ensorte que si une parabole et une hyperbole
s'étendoient à l'infini , la premiere pour
joindre son sommet , la seconde pour atteindre
son asymptote , lorsque la parabole seroit parvenue
à son sommer par un prolongement infini,
Phyperbole arrivée à l'extrémité de son asymptote
auroit encore à parcounir en revenant le même
espace infini , et de plus , la distance qui est entre
ces deux sommets , pour joindre le sommet
✦Vvall. Arith. infin . Schol. propos. 101. et 104.
Dij ima
2454 MERCURE DE FRANCE
opposé à celui d'où elle est partie. On peut
imaginer l'asymptote comme une ligne droite
tirée à côté d'une courbe , dont cette courbe ap
proche toujours , mais par une progression géometrique
semblable à celle dont nous avons par
lé cy- dessus , son progrès n'étant jamais que
d'une partie du précedent espace , comme si l'aproximation
étoit d'un pouce , de la moitié d'un
pouce, de la moitié de cette moitié, & c . De même
que Wallis a appellé certains espaces asymp
rotiques plus qu'infinis , je pourrois dire que Paris
est plus qu'infiniment éloigné de Chaillot
car si je passe par Pekin pour aller de Paris
Chaillot , j'aurai non- seulement à traverser l'espace
que j'ai supposé infini depuis Pekin jusqu'à
Paris , mais il faudra que j'ajoûte à cet espace
le chemin de Paris à Chaillot. Voilà ce que
Wallis a appellé des espaces plus qu'infinis , er
ce que Varignon ( 1 ) a réduit auc omplément fini
d'un espace infini .
M. Chesne dit que le passage du fini à l'infini
se fait par une addition d'unités ; mais il est évident
qu'une addition d'unités , qui peut toujours,
suivant la supposition , être augmentée , ne change
rien à la nature d'une grandeur , et les Géometrès
conviennent que par rapport au fini , un
grain de sable et un Globe qui auroit la distance
de Sirius pour rajon , sont de même nature. Les
Géométres Anglois ( 2 ) considerent le fiai comme
étant en mouvement , ou suivant leur terme
en fluxion pour devenir infini ; or ce qui est en
Auxion pour devenir infini , ne peut être suppo-
(1) Memoires de l'Académie des Sciences , anmée
1706. page 13 .
(2 ) Elem. de la Géométrie de l'infini , part. 1 .
§. 3.2. 197. P. 65.
NOVEMBRE . 173. 2405
sé infini. L'Auteur du Problême prétend expli
quer le passage du fini à l'infini , par l'exaltation
d'une nature inférieure à une nature superieure ,
comme de la ligne à la surface , &c . Mais les
points , les lignes et les surfaces sont des idées.
et des abstractions sans réalité. L'entendement
peut examiner les trois dimensions d'un corps ,
longueur , largeur et profondeur séparément et
d'une maniere abstraite , quoiqu'il soit démontré
que ces trois dimensions ne peuvent être séparées.
La divisibilité à l'infini est fondée sur ce
principe , que la plus petite portion de matiere
ne cesse point d'être matiere elle - même , que
la portion d'un corps la plus divisée , est
toujours un corps qui a de l'étendue et par conséquent
des parties divisibles. Si le corps pouvoit
se résoudre en points , lignes et surfaces ,
on rencontreroit bien- tôt les Atômes d'Epicure
et de Gassendi ; mais ces Atômes ou points indivisibles
, n'ayant point de parties , ne pour
roient avoir ni figure ni étendue, et leur assembla
ge ne pourroit former un corps. La portion de
matiere la plus divisée qu'on puisse imaginer ,
étant mise sur un plan , le touchera toujours par
une de ses parties et ne le touchera pas par celle
qui est au-dessus. Il est donc démontré qu'on
ne peut admettre les points indivisibles et inégaux
soutenus par le Pere Castel , dans sa Mathématique
universelle , ausquels il donne le
nom d'être absorbe dans le néant. Dailleurs l'inégalité
de ces points suppose nécessairement des
parties inégales, une figure et une étendue inéga
les ; c'est une raison de plus pour qu'ils ne puissent
cesser d'être divisibles. Le Pere Castel * ems
Mathém, Univers. p. 5oz.
Diij ploye
9406 MERCURE DE FRANCE
ו כ
ploye ce raisonnement pour une démonstration.
de ces atômes inégaux . Plus l'intersection est
oblique , plus le point d'intersection est grand.
Cela a- t'il besoin d'une démonstration plus expresse
Elle saute aux yeux. Dans un quarré
qui a sa diagonale , les lignes qui coupent un
Coté parallelement à l'autre côté , coupent la
diagonale en autant de points ni plus ni moins;
» or la diagonale est plus grande que le côté ,
donc ses points d'intersection sont plus grands,
ce qu'il falloit démontrer. Les Infinitaires
n'ont pas de peine à répondre que les endroits
où se fait l'intersection , ne sont pas des points
indivisibles , et que si la diagonale est coupée par
le même nombre de sections que le côté plus
petit qu'elle , c'est que les intervalles des sections
sont plus grands dans cette diagonale que dans
ce côté.
Pour revenir à la question dont nous nous
sommes un peu écartez , l'exaltation d'une nature
inférieure à une nature superieure comme
du point à la ligne , de la ligne à la surface
de la surface au solide , ne peut expliquer la
passage du fini à l'infini. On ne peut donner
aucune explication de ce passage , parce qu'il est
impossible et imaginaire. Il ne peut y avoir
d'infini , que l'infini métaphysique de Dieu et de
PEternité. Ces infinis sont très- concevables ;
l'idée de l'infini est naturelle et proportionnée à
Pentendement humain , qui conçoit une chose
sans bornes , aussi aisément qu'une chose bornée.
Nous pensons même à une chose , avant que de
faire réflexion à ses limites . L'infini en Dieu et
dans l'éternité n'est susceptible d'aucune augmentation
; il n'y a d'infini que ce qui l'est par
son essence ; mais le passage du fini à l'infini et
10
NOVEMBRE. 1733 2407
fe retour sont inconcevables à l'esprit humain
et il n'y a en Geometrie et en Physique qu'une
seule espece de substance finie et divisible ou extensible
à l'infini .
C'est par le même principe que peut être décidée
la question de l'infinité du monde , ques
tion qui à si fort embarassé les Philosophes des
differens siccles. La proprieté de la matiere d'être
finie er divisible ou extensible à l'infini , fait
que le Monde entier , sans être infini et étant fini
au contraire , n'a cependant aucunes limites
absolues , en ce qu'elles peuvent être reculées de
plus en plus ; le Monde entier étant comme cha
que portion de matiere , fini mais divisible ou
extensible à l'infini . Si l'on objecte que le Monde
ne peut être limité , parce qu'il est impossible
d'imaginer ce qui seroit plus loin , et que l'Univers
, quelque forme qu'il cut , se dissiperoit
s'il n'y avoit rien au -delà pour le contenir ; il est
aisé de répondre que l'imagination ne pouvant se
représenter que ce qui y est entré par les sens ,
il n'est pas étonnant que nous ne puissions pas
imaginer ce qui est au - delà du Monde ; que c'est
à la Physique à nous accompagner jusqu'à ses
limites, mais que si nous entreprenons de les franchir,
la Physique ou la science du monde matériel
ne peut s'étendre au- delà de ce monde . C'est alors
à la Métaphysique à nous enseigner que l'immensité
de Dieu remplit tout , et que comme il seroit
insensé de ne pas rapporter la création de l'Univers
à la toute - puissance deDieu , il ne le seroit pas
moins de prétendre s'en passer pour sa conservation,
enfin que de vastes et innombrables tourbillons
peuvent être contenus dans leurs bornes
par la Providence divine aussi facilement , que
les Mers dans de petits espaces du Globe que
mous habitons.
D iiij Quel2408
MERCURE DE
FRANCE.
Quelque chemin que l'infini
il ne nous a conduits à rien
d'incompréhensible , nous ait fait faire,
il me semble au
contraire que l'esprit se trouve
affranchi de tout ce que la
Géometrie lui présentoit
d'inconcevable et de
contradictoire. Il suffit
d'être ferme sur ce
principe , que ce
principe, que ce qui est capable
d'augmentaion à l'infini , ne peut être supposé
infini. Ces veritez
deviendront de plus en
plus sensibles par la seconde partie de cette Réponse
. En
attendant , je crois que les
Métaphysiciens
Géométres
s'inquiéteront peu de
suppléer
à un
dépouillement
imaginaire des
propriete
de la matiere.
La suite dans le second volume de
Décemb.prochain.
On a dû
expliquer les Enigmes et Lo
gogryphes du mois dernier par Grenade
Sommeil ,
Hameau , Mois.
1
Explication du dernier.
D'où vient , Tircis , tant de
délicatesse ,
♦ Dès que l'on peut
s'expliquer mieux ⇓
Dans un Enigme avec adresse ,
Pourquoi vouloir cacher aux yeux ,
Que vous m'aimez avec tendresse
MANON DE.
XXXXXXX ***
*****
JE
ENIGM E.
E suis fille d'une
chimere ,
Si l'on
consulte la raison ;
Mais
NOVEMBRE. 1733. 2409
Mais si l'on en croit ceux à qui j'ai l'art de
plaire
Je suis de meilleure Maison ,
Et dans les Cieux , je puis choisir pour Père ,,
Le Dieu qui fait briller notre Orison.
Je suis mâle et je suis femelle ,
Mon rang est toujours tout mon bien
Je n'existe qu'étant jumelle ,
Et sans ma soeur je ne suis rien.
Très connue au Spectacle , où j'ai droit de paroître
,
Avec bien plus d'éclat qu'en tous autres Endroits,
Dans l'Olympe les Dieux se prétent à ma voix ,
Ami , Lecteur , voilà mon Etre.
Mlle F. M. de Marseille.
SONNET ENIGMATIQUE.
CHer Lecteur , sans que rien m'engage `; ,
Je parcours ce vaste Univers ;
Et suis fort souvent dans les airs
Malgré la tempête et l'orage.
Sans craindre jamais le naufrage ;
Je traverse toutes les Mers ,
Et quand je descends aux Enfers
Rien ne s'oppose à mon passage..
Tel qui fouille dans l'avenir ,
Ne sçaura jamais définir ,
Day NI
2410 MERCURE DE FRANCE
Ni ma couleur , ni mon allure.
Enfin quoiqu'invisible aux yeux ,
Sans corps , sans forme et sans figure ;
Je suis le chef- d'oeuvre des Cieux .
BLEZIN , d'Arles:
A MADAME ... en lui envoyant un
Logogryphe qu'elle avoit demandé pour
Bouquet , au jour de sa Fête .
JE
> E l'ai promis , PHILIS et je vous tiens
parole ;*
Voici donc le Bouquet que vous me demandez ,
Un Logogriphe , amas de mainte faribole ,
Voyez si c'est en vain que vous me commandez.
De fleurs et de festons , couronnant votre
tête ,
Cent autres en ce jour avec empressement
Sur le ton gracieux , vous feront compliment;
Et sçauront mieux que moi celebrer votre fête ;
Ees honneurs vous sont dûs ; j'approuve qui les
rend ;
Du silence je fais ma vertu favorite ,
Et sans sçavoir loüer , j'admire le mérite.
( Non pas qu'indifférent , ou de caustique humeur
,
Je ne puisse jamais faire parler mon coeur.
Loin
NOVEMBRE. 1733. 2411
Zoin de moi pour toujours une telle manic.
Ainsi , laissant la flaterie ;
Je vante en vous , Philis , avecque vérité ,
Entre mille talens , cette douce harmonie ,
Que répandent par tout dans la société
Votre esprit , vos discours , dans lesquels le so
lide ,
Apeine laisse voir un agréable vuide ,
Ainsi je puis en or sans aucuns complimens ,
Produire vos vertus , loüer cette sagesse ,
Q'accompagnent mille agrémens ;
Ou bien cette délicatesse •
Cette franchise et cette politesse ,
Qui vous attirent tous les coeurs .
Mais que prétends- je icy ? .... Quelles folles
ardeurs ? ...
Je me tais et reviens à notre Logogriphe ,
Pour vous plaire , Philis , au monent je l'atife ;
Heureux , à votre gout de pouvoir réussir ,
C'est-là mon unique désir.
J
LOGOGRYPHE.
'Ai place dans les Cieux , j'habite sur laterre ,
Mais dans ces deux endroits , grand Dieu , que
je differe ?
Au ciel , où l'oeil ne me voit pas ;
On m'y porte des voeux et l'on m'y rend hommage
D vj Vir
2412 MERCURE DE FRANCE
Visible et commune icy bas ,
On mefoule aux pieds , on m'outrage,
Déja cette ambiguité .
Te rebute , Lecteur , et peut être te choque ;
Mais je veux te tirer de ta perpléxité ;
Ne t'y trompe donc pas , ce n'est qu'un équive
que ,
Enfin , qui que je sois , en mon nom je contiens
Autant de Lettres que d'années
Furent autrefois employées ,
Pour prendre les Murs des Troyens ;
Cecy posé , s'arrange aussi-tôt mon sistême ,
Lecteur , écoute et fais ton Thême.
D'abord en choisissant sept Lettres de mon
tout ,
Qui se trouvent sans art , mises l'une après
l'autre ,
Je donne à l'Astronome un gîte de son goût ,
Pour y marmotter seul sa docte Patenêtre .
Des sept , ôtez le Chef, vous avez sur le champ
Un caractere aimable , ennemi du mensonge :
Puis les sept Lettres reprenant ,
Et selon le besoin , coupant , rognant , trane ›
chant ,
Primò , Voicy venir à nous, sans qu'on y songs,
Palati , patata , tant à pied , qu'à Cheval ,
La garde d'une grande Ville ,
Qui sert à nous rendre tranquille ,
Jour et nuit , en tout temps , contre qui nous
geut mal
NOVEMBRE . 1733 2413
Suit en la même compagnie ,
Un endroit aux fripons , et funeste et fatal,
Où plus d'un dans la gêne a terminé sa vie ,
Qu'en six Lettres je peux appeller Boucherie.
Courage , ami Lecteur , et ne t'effraie en rien
Dans ces six Lettres , cherche bien ,
Tu dois y voir tout d'une bande ,
Un homme plein de Vin , une Ville Normande
Un passage public , un rapide ruisseau ,
Un lieu propre à songer,proche voisin de l'eau
Le songe même , un corps transparent , Dia
phân ,
Un Insecte qui naît dans la pauvre Cabane
Du Païsan , ainsi qu'aux plus riches Palais ;
Préliminaire de la paix ,
Qui toujours n'en est pas une marque certaine
Enfin Us et Coutume humaine.
Aux six Lettres encor , rejoins pour un
ment ,
Le Chef qu'elles avoient , plus haut aupara
vant, Į
Combine , et tu verras un Monstre de Libie ,
4 Qui dans un autre sens est un Fleuve d'Asie.
Un lieu d'azile et de repos ,
Souvent utile à l'homme, ainsi qu'aux animaux;
Oyseau bon à manger dans le temps de ven
dange ,
Autre sorte d'Oyseau qui chemine en Phalange.
Hola
2414 MERCURE DE FRANCE
Hola.... de peur d'ennui... cependant prends
mon tout,
Combine- le de bout en bout ;
Tu rencontres sans peine un Vase propre
boire ,
Ce qui nous même droit au Temple de Mémoire
,
Chose dont à cette heure on parle en tout Paris
Ce qui d'un Livre accroît le prix ;
Un bonnet qu'entre tous , un seul homme peut
mettre ,
Autre que peu de Chefs ont pouvoir de porter ,
Un grand corps , qu'à propos il faut sçavoir
commettre ,
Un Element fougueux , difficile à dompter
Une Echelle , avec quoi l'on apprend à chanter.
Lecteur , ne perd point patience ,
Je veux un peu t'aider et chercher avec toy . . .
Que de combinaisons ! ... Quelle matiere in
mense !
Quel nombre de mots s'offre à moi !
Icy je vois d'abord un témoin de la foy,
Ses peines , son tourment , la cruelle malice
Du barbare Boureau , qui le traîne "au supplice
Le Chef-d'oeuvre de l'Eternel ;
Un petit bâton par lequel ,
Il opera jadis , mainte chose admirable ,
Pour dompter un Monstre intraitable.
Là , c'est un mois qui divertit ,
C'est un Instrument agréable ,
UNG
NOVEMBRE 1733. 241
Une Plante porte appetit ,
Des Insectes le plus petit;
Femme à notre malheur , qui fut trop babil
larde ,
Fillette qui se croit en droit d'être gaillarde ;
Flux et Reflux de Mer , ensemble Poisson frais ;
Assemblage de Chiens , conduits par des Valets,
Mille choses encor ; .... mais bornons la ma◄
tiere ;
Lecteur , voilà trop de mystere .
Ecoute , .. pour te mettre un peu hors d'em
- barras ,
Je veux te dire icy quelque chose tout bas.
-Te souviens- tu de la Batracomiomachie
It des nobles Héros de ce Poëme en Vers ,
Dont le grand Homere en saillie
Jadis régala l'Univers è
Prend l'un de ces Héros , ou fameux person♣
nages ,
Nous le connoissons tous , les fous comme les
sages ;
Joins- y pour t'amuser , deux mots et rien de
plus ,
Sçavoir l'arbre chéri de la belle Venus ;
Certain frimat d'Hyver qui saisit et qui piques
Tu dois avec cela deviner aisément[ ;
Lecteur , car ces trois mots qu'assez blen je t'explique
,
A quelque chose près , te donnent sur le champ,
Le Logogriphe assurément.
H*** De Meaux, en Brie,
Du 16 Septembrę 173.3-
2416 MERCURE DE FRANCE
L
AOTRE.
1
Ecteur , quant à tes yeux Logogryphe s'ex
pose ,
Calcul chiffré ne convient pas ;
Trop- tôt il méne à dévoiler la chose ;
Sous des traits mieux cachez , bannissant tel fa
tras ,
Ce m'est un jeu de voir ton embarras ,
Soixante et plus , icy feront ma glose ,
Opérons ; pour premier aspect ,
Sept Lettres de mon tout comprennent la struc
ture ;
Je dois dans mon entier , confondre l'impos
ture ,
Inspirer dans les coeurs la crainte et le respect.
Quoi de plus? je pourrois sur maint autre avane
tage ,
Me dire l'Instrument qu'en main prend l'Eter
nel ,
Pour assurer un culte à l'immortel ,
Mais je t'aide , Lecteur , à faire mon partage.
Cherche en moi , l'objet seul qui doit guider tes
voeux •
Ce qui peut dissiper l'humeur mélancholique ,
Triple Ton , d'usage en Musique ,
Espece de cri douloureux.
Le nom d'un jeune temeraire,
Fange et vil rebut d'un tonneau j
Triste gîte dans un Vaisseau ,
C&
NOVEMBRE. 1733. 241%
Ce qui du bien , toujours est le contraire.
Lieu que fait parcourir un genereux dessein
Nombre connu mot de tendresse ,
›
>
Soit d'un enfant , soit pour une maîtresse,
Belle saison , commun refrein.
Particule latine , et pour lors conjonctive ,
Espace dominant , qu'on voit sur l'eau de loin ,
Chose utile que forme ufe Mouche avec soin ,
Du volatille une prérogative .
Ville d'Egypte , autre en Artois ,
Temps désirable , après rude Tempête ,
Le nom d'un Saint , dont Avril fait la Fêter
Le même est chez l'Orfévre un poids.j
Femelle d'Animal féroce 2
Etre immortel qui meut de notre corps ,
Jusques dans leurs Replis , les plus secrets Rea
sorts;
Fruit,dans les jeunes coeurs, d'ordinaire précoce
Terme que du François jargon
Maints Sçavans , voulurent exclure ,
Restant malgré leurs soins , il peut contr'eu
donclure ,
Les taxer de peu de raison.
Enfant de douleur ou de joye ,
Objet à cultiver , plus précieux que l'or ,
Pour le besoin , le plus rare Thrésor ,
Quand secret ou chagrin , dans son sein se dé◄
playe ·
Instrument qui jadis , fuueste au genre humain
Fai2118
MERCURE DE FRANCE
Faisoit d'un tendre Enfant l'appanage en la Fable;
Il sçut par ce secours se rendre redoutable ,
Et jamais ne frapper envain .
>
Un vice loin duquel la raison fait retraitte ,
De la brutalité puisqu'il est le portrait ;
Double sujet de crainte , après quelque méfait ,
Ce dont peut-être icy l'oreille est satisfaite.
Matiere dure , Outil rongéant le fer ,
Femme qui fut le prix d'un long servage
L'ordinaire attribut d'un Page ,
Un Oiseau d'eau , Poisson de Mer,
"Aspreté , dure au goût , mais au coeur bienfai
sante ;
Le nom de plus d'une beauté ,
Au même point brillante qualité ,
Qui fait priser le Vin, rend l'Onde transparentes
Acte qui re devroit toujours être odieux ,
Moyen de désarmer la divine justice ,
Jeu de violent exercice ,
Mélange coloré de Métal précieux.
Simbole de douceur , Element qui fait vivre
Autre , dont l'instabilité ,
Peint l'humaine fortune et sa légéreté ;
Grace , qu'un criminel avec cris doit poursui
vre.
Chose picquante ; icy s'offrent encor deux sens
Ville lointaine , et Normande mesure ;
Instrument propre à repousser l'injure ;
Autre
NOVEMBRE. 1733 2419
Autre de forme et d'emplois différens .
Montagne où résidoit jadis un S. Prophéte ,
Pour l'eau , sorte de réservoir ,
Imposteur , chargé du pouvoir
De restaurer la Loy que Mahom avoit faite.
Saint , qu'on invoque pour les yeux ,
Sujet , hélas ! trop illusoire
De vanité , de ridicule gloire ;
Herbe de forte odeur , Ordre Religieux ;
Meuble de Voyageur , Province de l'Asie , . .
Par un plus long détail accroître ton tourment
,
Seroit assez , Lecteur , ma fantaisie •
Je me tais ... mais ...j'insiste encor pour un
moment.
Puis-je , en effet , mieux finir qu'en nom
mant ,
Celle qui du Démon brava la Tyrannie ,
Que la France et ses Rois , pour Patrone on
choisie.
L. H. D.
***************
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
ISTOIRE Litteraire de la France.
Hoù l'on traite de l'origine et du
progrès , de la décadence et du rétabiissea
2420 MERCURE DE FRANCE
sement des Sciences , parmi les Gaulo's et
parmi les François , &c. Par des Reli
gieux Benedictins , de la Congrégation
de S. Maur. A Paris , chez Chaubert
Gissey , Osmont , Huart Paîné , Clousier
Hourdel et David le jeune , Libraires . I.
vol . in 4. divisé en deux parties , & c.
Le seul titre de cette Histoire que nous
avons donné dans toute son étendue.
dans le dernier Mercure , pourroit suffire
pour en donner une grande idée . If
contient le précis de l'Entreprise la plus
vaste et la plus utile qu'on ait encore formée
pour la gloire de notre Nation . Diverses
Histoires particulieres des Sçavans
d'une Province , d'une Ville , d'une Université
, d'un Corps Académique de ce
Royaume , publiées en différens temps ,
et par differens Autheurs , n'ont fait que
mieux comprendre la nécessité d'une
Histoire Générale de la France sçavante
composée tout de suite , et par des Ecri
vains , chargez de ce seul travail . Ce no
ble dessein a enfin été conçu , et en partié
déja heureusement exécuté par de sçavans
Hommes, nez , pour ainsi dire , pour
l'avancement des Lettres , et pour les
plus grandes et les plus laborieuses Entreprises.
Le premier volume dont il s'agit icy ;
pourra
NOVEMBRE. 1733. 242
pourra faire juger du mérite et de l'importance
de tout l'ouvrage , et de l'ordre
de son exécution ; il comprend tous les
temps antérieurs à la naissance de J.C.et
encore l'Histoire des Lettres en France
durant les IV. premiers siècles de l'Eglise
. Entreprendre de donner un juste Extrait
de ce volume , qui contient en tout
près de neuf cent pages , ce seroit à nous
une espece de témerité. Extrait qui nous
jetteroit infailliblement au delà des bornes
de notre Journal , nous nous contenterons
donc de quelques traits qui paroissent
exiger de nous une attention
particuliere.
Nos sçavans Auteurs , après avoir décrit
l'Etat de laRépublique des Lettres dans les
Gaules, avant et durant le tems des Druïdes
, sous le nom desquels on comprenoit
tous les Gens de Lettres des Gaules , exposent
comment les Sciences des Grecs s'y
introduisirent par le canal des Marseillois,
Grecs , Photéens d'origine . Ils n'oublient
rien de tout ce qui se trouve épars dans
divers Auteurs anciens sur cette celebre
Colonie , dont il est aussi parlé amplement
dans deux de nos ( 1 ) Journaux ,
par rapport aux Sciences , aux exercices
( 1 ) Mercure de Decembre 1728. et de Janvier
Aca
1730p
2422 MERCURE DE FRANCE
Académiques , à la Politesse , et aux
Grands Hommes qui ont brillé dans
Marseille Sçavante , ce qui nous engage
d'abreger icy sur ce sujet.
, Son Gouvernement Politique non
moins admirable que son Académie, n'est
pas omis dans cette Histoire . On suivoit
à Marseille , disent nos Auteurs , les Loix
Ioniques exposées dans un lieu public ,
où chacun pouvoit les voir pour s'y conformer.
Le droit d'hospitalité y étoit
en une singuliere veneration ; on y maintenoit
la seureté publique , en ne permettant
à personne d'y entrer armé ; les
représentations licentieuses du Théatre
en étoient sévérement bannies , ainsi que
la molesse , la volupté, la fraude et le mensonge
, et on voyoit regner en la place
dans cette Ville , la bonne foy , la frugalité
et la modestie . Ciceron estimoit si
fort un tel Gouvernement , qu'il doutoit
si Marseille n'étoit pas préférable non
seulement à toute la Grece , mais encore
à toutes les Nations de l'Univers . Aussi
les Marseillois mériterent bientôt le
Titre et les Privileges d'Amis et d'Alliez
du Peuple Romain . Marseille fut appellée
la soeur de Rome.
Diverses Colonies de Marseillois bâtirent
dans les Gaules , selon nos Auteurs ,
les
NOVEMBRE . 1733. 2423
les Villes d'Agde , de Nice , d'Antibes ,
d'Olbic , de Taurence, et peut être celles
d'Arles et de Fréjus . Cette énumeration
pourroit être plus étendue , sans y comprendre
même plusieurs Villes fondéesou
policées par des Colonies Marscilloises,
hors des Gaules , en Espagne , en Italie ,
en-Affrique , et c'est ainsi que se répandit
dans les principales Villes Gauloises
et ailleurs le goût des Lettres ; ces Villes
firent succeder aux Ecoles des Druïdes
des Académies, où elles entretenoient
des Professeurs pour y enseigner , à l'exemple
de Marseille , toutes sortes de sciences.
Telles étoient les Villes de Narbonne
, d'Arles , de Vienne , de Toulouse ,
d'Autun , de Lyon , de Nismes , de Bourdeaux
, et en particulier les Villes qui
devoient leur origine , ou leur ampliation
et leurs moeurs à celle de Marseille.
Le détail de la Litterature et des divers
Sçavans qui ont illustré ces Villes , doit
être lû dans le Livre même , et il le mérite
par l'abondance et par la richesse de
la matiere.
En examinant les Révolutions qu'ont
eues dans les Gaules les diverses Langues
qu'on y a parlé successivement , nos Hisforiens
reviennent à Marseille , ne doutant
point que la Langue Grecque n'ait
été
2424 MERCURE DE FRANCE
été durant long- temps la Langue vulgaire
des Marseillois , tres connue . disentils
, dans toute la Narbonnoise , et à
Lyon même. C'est ce que quelques Sçavans
modernes paroissent avoir ignoré
et ce qui les a jettez dans de grandes méprises
; telle est , par exemple , celle de
M. de Valbonnais , qui n'avoit pas accoutumé
d'errer , et qui a été observée dans
le Mercure d'Août 1721. au sujet d'un
Marbre Antique , chargé d'une Inscription
Grecque, du Cabinet de M.Rigord .
Ce qu'ils disent ensuite de la Langue
Gauloise ou Celtique, est d'une érudition
peu commune , et demande une attention
particuliere . Ils finissent ce sujet-la par
ces mots. De cette Langue Gauloise, jointe
à la Grecque , à la Latine et à celle des
Francs , s'est formé notre Langue Françoise
, qui à l'aide de quelques accroissement
qu'elle a reçus des Langues de nos
voisins , a pris la consistance , où elle est
présentement.
Enfin nos Auteurs remarquent que les
Gaulois Lettrez , sçachant que le Barreau
étoit la Porte la plus ordinaire qui conduisoit
aux charges distinguées, et que l'Eloquence
étoit le moïen le plus certain d'y
briller, ils s'attacherent à cultiver en même-
tems l'Eloquence et la Jurisprudence,
NOVEMBRE . 1733. 2425
ce qui les fit exceller dans la connoissance
du Droit et dans l'art de bien parler.
Ainsi les Sçavans aimerent mieux servir
leur Patrie et le Public de vive voix , que
par écrit. Que si quelques- uns d'entr'eux
ont laissé des Ouvrages de leur façon , la
longueur et le malheur des temps en ont
privé la posterité. Ils nous ont même envié
non seulement la connoissance de
presque tous ces grands Hommes , mais
aussi jusqu'à leurs noms et au moindre.
trait de leur Histoire.
Cette Remarque étoit nécessaire à l'égard
de quelques Lecteurs qui pourroient
s'étonner du petit nombre de Gaulois sçavans
, dont il est fait mention dans cet
Ouvrage , pour les temps qui ont précédé
la naissance de J. C. On y trouve cependant
les Eloges de Pitheas , Philosophe
Astronome et Géographe; d'Euthymenes
Historien et Géographe ; d'Eratoshénes
Philosophe et Historien ; de Lucius Plotius
, Rhéteur ; de Marcus- Antonius Gnipho
, Professeur d'Eloquence et des Belles
Lettres ; de Valerius Cato , Poëte et
Grammairien ; de Roscius excellent
Comédien ; de Divitiac , Philosophe :
de C. Valerius - Procillus , Ambassadeur.
et Favori de Jules César ; de Telon et
Gyardes , Astronomes ; de Cornelius Gal-
E lus,
2446 MERCURE DE FRANCE
lus , Poëte ; de Publ. Terentius- Varo , Historien
et Poëte , de Trogue Pompée , Historien.
N'oublions pas de dire que nos Histo
riens sur la fin d'une Préface , qu'on ne
peut se dispenser
de lire , supplient
les
Sçavans de leur faire connoître
les fautes
qui ont pû leur échaper dans le cours
d'un si long Ouvrage , et de les aider en
leur communiquant
de nouvelles
lumieres
, et en leur faisant part des richesses
litteraires
qui leur manquent. Ils addressent
sur tout cette priere aux divers
Ordres Religieux
du Royaume
, fournis
déja presque tous des Bibliotheques
de
leurs Auteurs , et par là plus à portée
d'indiquer
les autres Ecrivains
qu'ils ont
eu depuis la publication
de ces mêmes
Bibliotheques
. Pour garans de leur re
connoissance
ils donnent les témoignages
publics qu'ils rendent icy des obligations
qu'ils ont à ceux dont le commerce
litteraire
leur a été de quelque secours
,
Nous rendrons compte sommairement
dans l'un de nos premiers Journaux de
la seconde Partie de cette Histoire , qui
comprend les quatre premiers siecles du
Christianisme.
Moi
NOVEMBRE. 1733 2427
MONUMENS DE LA MONARCHIE FRANÇOISE
, &c. Par le R. P. Dom Bernard de
Montfaucon , tom . 5. fol. chez Giffart et
J. Michel Gandoüin , 1733 .
Ce cinquième et dernier tome comprend
les Regnes d'Henry II. de François
II . de Charles IX . d'Henry III . et
d'Henry IV .
On ne vit jamais'de si grands spectacles
aux Entrées des Rois que sous Henry II.
Lyon se signala à la venue du Roy et de
la Reine , par un Palais superbe , construit
sur la Riviere dans de grands Bâteaux
; Rouen par des Chars où étoient
attellées des Licornes ; par des Elephans
qui portoient sur leurs dos des Tours
pleines de Seigneurs et de Dames. L'in
dustrie avoit ainsi métamorphosé des
Chevaux en ces Animaux presque inconnus
dans nos Climats. Mais ces grands
Spectacles furent comme effacez par ce
qu'on appella le Triomphe de la Riviere:
Dans ce tems où le beau Pont de Pierre
subsistoit encore à Rouen , on vit la Seine
converte de Divinités Marines . Neptune
alloit avec pompe dans son Char
sur les Eaux de la Riviere . Les Naïades
et les Néréïdes flottoient sur des Tritons
´et des Monstres Marins .
Paris se distingua aussi par des Repré-
E ij
sen1448
MERCURE DE FRANCE
sentations magnifiques ; mais on n'a pû
trouver que ccs Arcades superbes , faites
à l'endroit le plus large de la rue S. Antoine
, sur lesquelles on avoit élevé de
grands Appartements richement meublez ,
dignes de la Majesté Royale. Tout cela
se voit représenté dans ce volume , tiré
d'Estampes gravées dans le tems même.
La Guerre qui survint causa d'autres
spectacles , qui attirerent l'attention de
toute l'Europe, Henri II. d'intelligence
avec plusieurs Princes Allemans se saisit
de Mets , Toul et Verdun , l'Empereur
Charles - Quint vint avec une Armée
formidable assieger Mets , qui fut si bien
deffendu par le Duc de Guise, secondé des
plus braves de la Nation , qu'après un
long Siége Charles- Quint fut obligé de
se retirer avec une grande perte de ses
gens. Henri II, remporta encore un avantage
considerable à Renti sur l'Armée de
l'Empereur ; la victoire auroit été complette
si le Connêtable fut venu assez à
tems.
Une tréve de cinq ans mal-à- propos
rompuë , fut cause de bien des malheurs :
et la perte de la Bataille de S. Quentin
mit la France en grand péril . Mais le Duc
de Guise revenu d'Italie , rétablit les
choses et la Paix se fit ensuite. Elle fut
très
NOVEMBRE. 1733. 2.4.29
12
,
très-désavantageuse à la France selon
la plupart des Historiens , fondez sur
ce qu'on rendit une centaine de places
aux Ennemis. Mais le P. de Montfaucon
prouve que ce grand nombre de places ,
presque toutes , ou dans le Piémont , ou
dans l'Isle de Corse , furent renduës au
grand bonheur de la France : cela mit fin
aux Guerres d'Italie , cause des malheurs
arrivez au Royaume pendant quatre Regnes.
Par cette Paix Henri fut maintenu
dans la possession de Mets , Toul , Verdun
et de Calais , Places qu'il avoit conquises
et qui étoient fort à sa bienséance,
On passe legerement sur ce qui suit , et
sur le Tournois où Henri II. fut blessé
à mort. On le voit ici dans son lit mourant
, d'après une Estampe gravée dans
ce même tems.
Le Regne de François II. qui fut fort
court , ne fut remarquable que par ia
conjuration d'Amboise , premier acte
d'hostilité que les Calvinistes firent : elle
est ici gravée d'après un original , où
l'on apprend plusieurs choses que les
Historiens ne disent pas.
Ce fut sous le Regne de Charles IX.
que la Guerre civile commença , et donna
des spectacles qu'on peut comparer à ce
qu'il y a de plus tragique dans les Histoi-
E iij
res
430 MERCURE DE FRANCE
res. On voulut d'abord accorder les deux
parties au Colloque de Poissi , qu'on voit
ici représenté en graveure : mais comme
il arrive souvent , ils se séparerent plus
animez qu'auparavant les uns contre les
autres. Le premier signal de la Guerre
civile fut le massacre de Vassi , où quel,
ques Huguenots furent tuez par
les gens
du Duc de Guise. Cela mit toute la Fran
ce en feu ; les Huguenots se saisirent de
plusieurs Villes , ruinerent les Eglises
massacrerent les Prêtres , les Moines ,
tous ceux qui s'opposoient à leurs violen
ces , les Catholiques leur rendirent la pan
reille . Ils reprirent la plupart des places
que les Huguenots avoient occupées , et
taillerent en pieces tous ceux d'entre eux
qu'ils purent attraper.
Tout le Royaume se vit alors plein de
sang et de carnage. On se mit en campagne
de part et d'autre ; l'Armée Royale
reprit Bourges et Rouen , Villes que les
Huguenots avoient occupées Après, vint
la Bataille de Dreux , qui fut la plus disputée
; mais enfin l'Armée des Huguenots
fut mise en déroute : et le Duc de
Guise assiegea Orleans , où il fut tué traitreusement
par Jean Poltrot , et après sa
mort on fit la Paix de l'Isle aux Boeufs.
On passe legerement sur des faits si con
nus
NOVEMBRE . 1733 2431
nus. Ce qu'il y a de plus instructif dans
cet Ouvrage , c'est que toutes ces principales
actions y sont représentées en fi-/
gure d'après des Estampes originales , et
de ce tems-là.
Selon l'opinion commune Catherine
de Medicis cherchoit à perdre les Chefs
des Huguenots : ils prirent de nouveau
les armes , tâcherent en vain de se saisir
du Jeune Roy Charles IX. et perdirent
la Bataille de S. Denis : après quoi , assis
tez des Allemans, ils assiégerent Chartres.
Pendant ce Siége , se fit la seconde Paix ,
qui fut de peu de durée. La Reine persistant
toujours dans le dessein de faire
périr les Chefs des Huguenots, ils prirent
les armes , le Duc d'Anjou gagna sur eux
la Bataille de Jarnac , où le Prince de
Condé fut tué. Une puissante armée
d'Allemans étant venue au ' secours de
l'Amiral de Coligni , il assiégea Poitiers,
fut obligé de lever le Siége , et perdit la
Bataille de Moncontour après laquelle
il se retira ; et augmentant toujours ses
Troupes dans sa longue route , il se rendit
enfin à Arnay -le -Duc. Il y eut là un
combat , où l'avantage fut presque égal
de part et d'autre. On vint enfin à un
Traité de Paix, et cette Paix feinte donna
lieu à Catherine d'éxécuter son projet par
E iiij
le
2432 MERCURE DE FRANCE
le massacre de la S. Barthelemy. Un dé
tail même abregé de tout ce que nous
venons de dire feroit un volume entier.
On fit ensuite le Siége de la Rochelle :
pendant lequel Henri Duc d'Anjou fut
élû Roy de Pologne. Il alla prendre possession
de son Royaume , et peu de tems
après Charles IX. mourut , non sans
soupçon de poison . On le voit ici représenté
avec les Grands du Royaume , on
peut remarquer l'habit des Gentilshommes
de ce tems là , qui est fort singulier.
Henri s'échappa de la Pologne pour
venir prendre possession du Royaume de
France. On avoit conçu de ce Prince de
grandes espérances . Les belles actions
qu'il avoit faites n'érant que Duc d'Anjou,
lui avoient attiré l'amour et l'estime des
François, qui s'attendoient qu'il brilleroit
encore plus , lorsqu'il auroit l'autorité
Souveraine. Mais sa vie molle et effeminée
, et ses mignons , le rendirent méprisable.
Il s'attira aussi la haine du public
par les Edits Bursaux qu'il faisoit tous les
jours à la charge du peuple. Les Processions
, les Confreries de pénitens , des
Actes de Dévotions mêlez avec des choses
d'un genre si different, augmenterent
le
NOVEMBRE. 1733. 2433
le mépris qu'on avoit pour lui, On l'ac
Cusoit, quoiqu'à tort, de favoriser les Huguenots.
Ce fut sur ce faux soupçon ,que se forma
la Ligue qui causa tant de maux à la
France ; quoique le Roy s'en fut déclaré
Chef, cette Ligue se tourna contre luì .
Le Duc de Guise fomentoit ce parti à
dessein de suplanter le Roy et de se mettre
en sa place , à ce qu'on disoit . Sa valeur
le rendoit recommandable. Le peu
ple , et sur tout les Parisiens , l'aimoient
et l'estimoient autant qu'ils méprisoient
le Roy. On cabala enfin contre Henti
et à la journée des Barricades , il fut obligé
pour sa sûreté de s'enfuir de Paris. I
assembla depuis les Etats à Blois ; et le
Duc de Guise continuant ses menées , il
lé fit tuer .
Peu de jours après sa mort , la Reine »
Mere Catherine de Medicis déceda . Le
Portrait de cette Princesse , et l'emploi
qu'elle faisoit de l'Art Magique pour découvrir
l'avenir , se trouvent ici dépeints
dans des Piéces originales , qui n'avoient
point encore vû le jour.
Henri III. après le meurtre du Duc de
Guise , abandonné de presque toutes les
Villes du Royaume , fut obligé de se
joindre à Henri Roy de Navarre. Il assié- ·
Ev
2434 MERCURE DE FRANCE
gea Paris , et fut tué au commencement
du Siége par Jacques Clement. Entre les
Estampes de ce Regne on voit celle de
l'Institution de l'Ordre du S. Esprit , et
plusieurs autres fort remarquables ; celles
des Courtisans qui se rendoient au Louvre
à cheval portant en croupe ou quelque
ami , ou quelque Demoiselle. Celles
des Mousquetaires, des Gardes du Corps,
des Suisses , celle des Pages et des Laquais.
L'Histoire d'Henri IV. est trop con
nue pour s'y arrêter long- tems ; ses grandes
actions et ses Victoires remportées
sur le Duc de Mayenne et sur les Ligueurs
lui auroient difficilement procuré l'entrée
dans Paris s'il ne s'étoit converti à la
Religion Catholique . Ces Ligueurs animez
par des Prédicateurs furieux et Fanatiques
donnerent une scene des plus
extraordinaires . Ce fut la Procession de
la Ligue de l'An 1591. où les Capucins ,
Cordeliers , Carmes , Dominicains , Feüillans
et d'autres Religieux , marchoient
après la Croix , armez de Mousquets
d'Epées , de Piques et de Hallebardes
faisant quelquefois des décharges , comme
pour deffendre la Religion Catholique.
On voit dans ce tome cette Prócession
exactement représentée d'après un
original
NOVEMBRE. 1733 2435
original du tems . La conversion d'Henri
IV. ramena bien des gens , il entra dans
Paris en 1594. On voit ici l'Estampe de
cette Entrée. Après la Réduction de Paris
, les autres Villes suivirent son exemples
, et le Roy se trouva enfin paisible
possesseur de tout le Royaume. La surprise
d'Amiens par les Espagnols jetta
d'abord la terreur dans la France ; mais
la Ville fut bien- tôt reprise , et peu de
tems après on fit la Paix de Vervins qui
fut très-avantageuse. Nous passons legerement
sur ce qui suit ; sur la Guerre de
Savoye qui se termina au souhait d'Henri
IV. sur la conspiration du Maréchal de
Biron , qui eut la tête tranchée ; et enfin
sur la grande Entreprise d'Henri IV. ligué
avec plusieurs Princes de l'Europe ;
entreprise dont on n'a jamais sû le véritable
objet que par conjectures dans le
tems que ce Prince faisoit marcher ses
'Armées il fut assassiné par François
Ravaillac , comme tout le monde sçait.
Et là finit le cinquième et dernier Tome
d'un Ouvrage dont on ne sçauroit assez
louer l'entreprise et l'exécution .
SYSTEME tiré dell'Ecriture Sainte
sur la Durée du Monde , depuis le preşiler
Avénement de J. C. -jusqu'à là fin
Brj dés
2436 MERCURE DE FRANCE
des siècles. A Paris chez Huart , rue
S. Jacques in 12. 1733 .
Le dessein de l'Auteur est de nous
apprendre combien d'années le Monde
doit encore durer d'ici au Jugement
dernier. Avant que d'entrer en matiere
il examine une difficulté qu'il prévoit
que le titre de son Livre pourra faire
naître dans l'esprit des Lecteurs. Comment
entreprendre de fixer le nombre des années
de la Durée du Monde , après que J. C.
a prononcé que personne , si ce n'est le Pere
Céleste , ne sçait ni le jour ni l'heure de son
dernier Avénement ? Il fait voir que cette
parole exclut seulement une connoissance
absolument certaine du dernier jour ,
et qu'elle n'ôte à personne la liberté des
conjectures , fondées sur le Texte Sacré ;
et il prouve par l'exemple de plusieurs
Peres , qu'il a toujours été permis dans
l'Eglise d'user de cette liberté.
Il propose ensuite son Systême qui
'donne au Monde 2401. ans de durée
depuis le premier Avénement de J. C.
jusqu'au second. Voici comme il raisonne
pour appuyer cette conjecture. » La
» fin du Monde est le commencement
>> du grand repos dans lequel Dieu doït
>> entrer et faire entrer ses Elûs par le
ia second Avénement de J. C. et ce repos
NOVEMBRE. 1733 2437
celui
que
que
le pre-
» pos , aussi bien
» mier Avénement
a procuré aux ames
» fidelles dans la Loy de grace , étoit
» figuré par les différents Sabbats , ou
» repos des Juifs. Or ces repos , dont
» l'observance
étoit plus rigoureusement
» commandée
aux Juifs , terminoient
» pour la plupart le nombre septénai-
» re , soit de jours , soit de semaines ,
>> soit de mois , soit d'années , soit de » semaines d'années . Il faut donc
que
ce nombre mystérieux
de sept se retrouve
dans la chose figurée , comme
dans la figure ; c'est -à- dire , que le repos
et du premier et du second Avéhement
de J. C. vienne à la suite d'une
révolution
d'années , formé par le nombre
septénaire , depuis une certaine époque
et cette révolution
doit être égale
pour le , premier et pour le second Avés
nement. L'Auteur
prend pour premiere
époque le Déluge , ou plutôt la seconde
année après le Déluge , et comptant
delà jusqu'à la 37. année de J. C. inclusivement
, cet espace lui donne selón
le calcul de quelques Chronologistes
,
2401 ans, qui fone 343 semaines d'années.
Il réduit ces 343 semaines en d'au»
tres semaines , dont chacune est de sepa
semaines d'années. Sept semaines d'années.
2438 MERCURE DE FRANCE
nées font 49. ans. Ainsi une Semaine
composée de sept de ces semaines , fera
343. ans. Il fait ensuite sept semaines
de 343. ans chacune , ce qui lui donne
2401. ans. De toutes ces suppositions il
conclut qu'à compter depuis la 37. an
née de J. C. exclusivement jusqu'au
grand et éternel repos , qui doit commencer
à son second Avenement
doit y avoir 2401. ans. A ce compte,
la fin du Monde n'arrivera que d'ici à
700. ans .
ik
NOUVELLES ETRENNES , utiles et agréa
bles , contenant un Recueil de Fables
choisies , dans le goût de M. de la Fontaine
, sur de petits Airs et Vaudevilles
connus , notez à la fin , avec un Calen
drier de l'année 1734. A Paris , chez
Ph. Nic. Lottin , rue S. Jacques.
Voici quelques - unes de ces Fables qui
feront juger des autres.
LASNE portant une Idole , sot en dignité.
Sur l'Air : Nos plaisirs sont trop
peu durables.
Un Baudet portoit en voyage ,
Un faux Dieu que l'on adoroit ;
Et pour lui prenoit tout l'hommage ,
Qu'à son Idole on déférois,
C'est
NOVEMBRE. 1733 2439
C'est ainsi qu'un sot s'imagine ,
Que l'on rend à sa vanité ,
Les honneurs que l'on ne destine ,
Qu'à l'éclat de sa dignité.
LE CONSEIL DES RATS. Le
Grelot. Sur l'Air : Pour passer doucement
la vie.
Un Conseil dans une Guérlte ,
Fut tenu par le Peuple Rat ;
Tous dirent , pendons au plus vite ,
Une sonnette au cou du Chat.
Nous
sçaurons la marche et la route
Quand il viendra pour nous guetter :
C'étoit bien avisé sans doute ;
Mais il falloit executer.
Qui de nous ira , dit leur Doge,
'Au Matou mettre le Grelot ?
Mais en vain il les interroge ,
Bas un ne lui répond un mot.
Tout est plein , quand on délibere ,,
De courage et d'activité;
Mais pour agir , ce n'est plus guére ,
Que répugnance et lâcheté.
LA
2440 MERCURE DE FRANCE
LA MONTAGNE EN TRAVAIL,
Grand bruit , peu d'effet. Sur l'Air : Nos
plaisirs sont trop peu durables.
Autrefois la vaste Campagne ,
Frémissoit du mugissement ,
Que poussoit certaine Montagne ,
Dans un travail d'enfantement.
On croyoit qu'une Ville immense ,
Alloit naître après ces grands cris ;
Mais le fruit de cette esperance ,
Fut , n'en déplaise , une Souris.
Tous les jours le Monde se vante ,
Et promet avec grand éclat ;
Mais souvent tout ce qu'il enfante ,
Ne vaut pas mieux que, notre Rat.
TRAITE' de la Simplicité de la Foy.
A Paris , rue de la vieille Bouclerie , et
rue Gist- le - Coeur , chez la Mesle et Heuqueville
, 1733. in 12. de 245. pages .
HISTOIRE CRITIQUE de la Gaule Narbonnoise
, qui comprenoit la Savoye ,
le Dauphiné , la Provence , le Languedọc
, le Roussillon et le Comté de Foix,
avec,
NOVEMBRE. 1733. 2447
avec des Dissertations . A Paris , chez
Grégoire Dupuis , ruë S. Jacques , 1733. in
12. de 574 pages.
TRAITE' DE LA COMMUNAUTE' entre
mari et femme , avec un Traité des Communautez
ou Societez tacites , Par M. Deais
le Brun , Avocat en Parlement , Ouvrage
postume , donné d'abord au Public
par les soins de M. Louis Hideux , Avocat
en Parlement. Nouvelle Edition , augmentée
considerablement de nouvelles
Décisions et de Notes Critiques , par
M ... M ... Avocats en Parlement. A
Paris , rue S. Jacques , chez Cl. Robustel ,
1733. in folio.
CONJURATION de Nicolas Gabrini , dit
de Rienzi , Tyran de Rome en 1347-
Ouvrage Postume du R. P. Du Cerceau ,
de la Compagnie de Jesus . Achevé , retouché
et augmenté par le R. P. Brumoy.
A Paris , chez la Veuve Etienne , ruë
S. Jacques , 1733. in 12 .
RECUEIL de Poësies Diverses du Pere Du
Cerceau , 173 3. quatriéme Edition. Chez
la même , 2. vol. in 12.
LETTRES PHILOSOPHIQUES , sérieuses ;
critiques et amusantes , traitant de la
Pierre Philosophale , de l'incertitude de
la
2442 MERCURE DE FRANCE
la Médecine , de la félicité temporelle
de l'homme , de la nature de l'ame ,
des prétendus Esprits forts qui révoquent
en doute l'immortalité de l'ame , du
retour des Esprits en ce monde , des Génies
, de la Magie , du Célibat , du Mariage
, de la comparaison des deux sexes
des Ris , des Pleurs , de la Mort , des
richesses , des plaisirs du monde , de la
véritable Noblesse , de l'erreur des sens ,
de l'excellence de la Raison , et autres
sujets interessants. A Paris , au Palais
chez Sangrain à la Prudence , 1733 .
in 12. 2. volumes. Tome I. 240. pages.
Tome II. 233. pages.
AURORE ET PHEBUS , Histoire Espagnole.
Au Palais , chez P. Jacques Ribon,
1733. in 12 .
› OEUVRES de M. De Clermont , conte
nant l'Arithmetique Militaire et la Géométrie
- pratique de l'Ingénieur et de
l'Officier. Ouvrage également nécessaire
aux Officiers , aux Ingénieurs et aux
Commençans . A Paris , rue S. Jacques
et Quay des Augustins , chez Witte et
Didot. Nouvelle Edition , in 4. ornée
d'un grand nombre de Planches .
LA
NOVEMBRE. 1733. 2443
LA CONSTANCE DES PROMPTES AMOURS
avec le jouet de l'Amour. A Paris , ruë
S. Jacques , chez André Morin , et ruë
S. Severin , chez Alex. Mesnier , 1733 .
2. vol . in 12. de 500. pages les 2. vol.
NEUVIEME PARTIE des Cent Nonvelles
Nouvelles , de Mad. de Gomez. A
Paris , Quay des Augustins , à S. François,
chez Manduyt , 1733 .
On donnera le inois prochain la dixiéme
partie , et l'on continuera exactement
tous les mois à en donner une
nouvelle.
,
CONTINUATION de l'Histoire du Par
lement de Bourgogne , depuis l'année
1649. jusqu'en 1733. contenant les noms,
surnoms , qualitez , Armes et Blasons des
Présidents Chevaliers , Conseillers
Avocats et Procureurs Géneraux et Greffiers
qui y ont été reçus dans cet intervalle
, avec un précis des Edits et Déclarations
du Roy , portant Création de
Charges en ce Parlement , et des Regle
mens de la Cour.Par M. François Petitor.
infolio. A Dijon, chez Ant. de Fay, 1733 .
ESSAY SUR LES ERREURS POPULAIRES,
ou Examen de plusieurs opinions reçûes
comme vrayes , qui sont fausses ou dou
teuses
1444 MERCURE DE FRANCE
rue
teuses ; traduit de l'Anglois de Thomas
Brown , Chevalier et Docteur en Médecine.
A Paris chez Pierre Witte
S. Facques , et Didot, Quay des Auguftins ,
1733 , 3. vol. in douze , contenant près
de 900 pages , sans les Tables , les Préfaces
et l'Epitre au Duc de Richelieu.
On lit dans la Préface du Traducteur,
que l'erreur en general est un faux jugement
, ou une aprobation du faux ; Or
il est certain , dit il , que le peuple n'est
pas capable de juger si l'objet qui le détermine
est faux ou vray ; et comme il
y a differentes routes qui conduisent à
l'erreur , c'est un pur hazard s'il rencontre
la verité.
Les causes immédiates de ces mêmes
erreurs sont les fausses idées que l'on se
forme à soi - même des objets , ou dans le
moment qu'ils se présentent , ou sur des
rapports infidéles. C'est par- là que s'établit
autrefois l'opinion fabuleuse des
Centaures, et une infinité de semblables;
mais on va plus loin;on ajoute à ces fausses
idées des conséquences étrangeres : et
de -là naissent ordinairement les Sophismes
qui roulent sur les termes ou les choses
même.
Les autres causes sont la crédulité qui
fait adopter tout ce qui est presenté comme
NOVEMBRE. 1733. 2445
→
me vrai ; ou l'incrédulité qui fait rejetter
des verirés constantes , la paresse qui fait
croire ou douter sans fondement , plutôt
que d'examiner la prévention pour
l'Antiquité , ou cette persuasion , que
plus les Anciens nous ont précedés dans
l'ordre des tems, plus aussi ils ont approché
du vrai.
Cet Ouvrage, au reste , est également
méthodique , curieux et varié. L'Auteur
commence toujours par alléguer les témoignages
qui favorisent l'opinion reçue
, et il n'embrasse point de sentiment
nouveau qu'il ne l'appuye par des témoignages
superieurs, qu'il n'y joigne même
l'experience dans les faits où elle peut
avoir lieu , et il finit toujours par indiquer
ce qui a pû occasionner ou accrédi
ter les erreurs qu'il combat.
Nous allons donner quelques morceaux
propres à interesser le Lecteur, caracteriser
l'Ouvrage et faire connoître le stile du
Traducteur.
Dans le 3me chapitre de la cause des erreurs
populaires, l'Auteur expose qu'outre
que par sa disposition naturelle , le Peuple
s'éloigne du vray , il suffit de lui presenter
le faux avec quelque adresse , pour
qu'il le saisisse et qu'il l'adopte. On l'a
vu , dit-il , dans tous les siècles la dupe
de
2446 MERCURE DE FRANCE
de tous les imposteurs et de toutes les
professions .... Or le Peuple étant de
fui-même porté à l'erreur et, y étant sans
cesse entraîné par les autres , faut- il s'étonner
que ses opinions et ses jugemens
en soient un tissu perpetuel.
Cinquième chapitre du second Livre :
On raconte bien des Fables , dit l'Auteur,
touchant la Poudre blanche qui fait sans
bruit le même effet que la Poudre à canon
; mais il y en a peu qui en ayent
allegué de bonnes raisons. La Poudre à
canon est composée de Salpêtre , de
Charbon et de Souffre . Et quoique l'on
trouve en plusieurs endroits du salpêtre
naturel , celui dont on se sert communé
ment ne l'est pas. On le tire d'une infusion
de terres salées , des urines des écu
ries , des colombiers , des caves , et autres
lieux inaccessibles au Soleil qui le dissoudroit.
Le souffre est un corps mineral
dont les parties sont graisseuses et inflammables.
On se sert du souffre vif qui
est d'une couleur foncée , ou du souffre
épuré , tel que nous l'avons en bâtons
d'un jaune plus clair que le premier.
Le charbon de bois est connu de tout le
monde , et pour cet usage on le fait
de Saules , d'Aulnes ou de Coudrier & c.
Etc'est de ces trois corps mêlez dans une
proportion
NOVEMBRE . 1733. 2447
proportion connue , et formez en grains
qu'est composée la Poudre à canon . Or
quoiqu'ils contribuent à un même effet
commun , ils ont pourtant chacun leur
effet particulier dans la composition . Le
souffre produit ce feu perçant et violent ;
car le salpêtre et le charbon mélez ne
produiroient qu'une espece de sifflement,
et le feu ne dure pas. Du charbon vient
la couleur noire , et l'Inflammabilité ; car
le salpêtre et le souffre , bien que pulvérisez
, ne s'enflamment pas si promptement
que ce charbon : l'étincelle qui
sort d'une pierre ne les allumeroit pas ,
non plus que le camphre tout inflam
mable qu'il est. Le charbon tient lieu de
méche , il sert à allumer le souffre , et
à répandre le feu ; et comme ses parties
sont plus grossieres , il pourroit aussi servir
à temperer l'activité du salpêtre , et à
empêcher une raréfaction trop subite.
Du salpêtre procedent la force et le
bruit. Car le souffre et le charbon mêlez
ensemble n'en font point en s'allumant }
et la Poudre qui auroit été faite avec du
salpêtre impur et gras auroit peu de force,
et feroit peu de bruit. Aussi des trois
espéces de Poudre , la plus forte contient
plus de salpêtre ; car elle ne renferme
qu'une part de charbon et de soufre,
SUE
2448 MERCURE DE FRANCE
sur dix de salpêtre ou environ.
ayant
Mais la cause immédiate du bruit
c'est le mouvement violent de l'air à
l'occasion de l'explosion subite et véhémente
de la Poudre > car le feu
gagné dans un instant toute sa substance,
la grande raréfaction qui lui arrive , demande
un plus grand espace que celuiqu'elle
occupoit auparavant ; et trouvant
de la résistance dans l'air , elle le pousse
avec violence pour se faire un passage.
Et si nous admettons ce que dit Cardan ,
que la Poudre allumée occupe cent fois
plus d'espace qu'auparavant , nous concevrons
aisément la violence qu'elle fait
à l'air ; mais nous le concevrons encore
mieux si nous adoptons le calcul plus
raisonnable de Snellius qui prétend
qu'elle en occupe 12600 fois davantage.
Telle est la raison du bruit terrible
que
fait le canon , et cette même raison sert
à expliquer la cause du bruit du Tonnere.
Le Tonnere n'est autre chose qu'un
amas de parties sulphureuses et nitreuses
qui se sont allumées dans l'air , et qui
en demandant un plus grand espace , se
font un passage en brisant les nuës et
en écartant avec violence l'air qui les
environne. Lorsque la matiere estinflam
mable et que les nuages sont pressez , le
>
,
bruit
NOVEMBRE . 1733. 2449
bruit est véhément. Si le nuage est mince,'
et qu'il y ait peu de matiere , l'éruption
aboutit à de simples éclairs , quoique les
nuages n'ayent que 2000 pas de hauteur,
ce qui est leur plus grande élévation .
Delà vient que ces sortes d'éclairs sont
rarement nuisibles › et que le Tonnere
dans un tems serain est une espece de prodige
, quoique l'Histoire en fournisse
quelques exemples.
›
Les tremblemens de terre ont selon
toutes les apparences la même cause
quand des veines de souffre et de nitre
se sont allumées elles se raréfient et
passent avec effort au travers des corps
qui leur résistent. Si la matiere étoit abondante
, et renfermée étroitement , elle a
renversé des Montagnes et des Villes
entieres. Si elle étoit en petite quantité ,
et environnée de terre poreuse , elle n'a
causé que de legeres secousses qui n'ont
rien détruit. Les Anciens qui ignoroient
la composition et les effets de la Poudre
à canon , par laquelle on explique parfaitement
la génération des matieres , ne
pouvoient gueres que se tromper sur cet
article.
Maintenant si quelqu'un veut arrêter
le bruit de la Poudre , il faut qu'il travaille
sur le salpêtre , et qui voudra en
F alterer
2450 MERCURE DE FRANCE
alterer la couleur , doit travailler sur le
charbon, Il y a plusieurs manieres de faire
de la Poudre blanche , la meilleure que
je sçache , dit l'Auteur , c'est de substituer
au charbon de la Poudre de Saules
pourris car tout autre bois qui prend
feu aisément la feroit peut-être brune.
Il y en a qui , au rapport de Berringuccio
dans sa Pirothecnie , ont essayé
d'en faire de rouge . Mais tout ceci n'a
aucun rapport avec le bruit de la Poudre
qui a une autre cause , et qu'on peut également
, ou mieux , selon quelques- uns ,
rendre noire avec des charbons de lin
et de roseaux,ou même avec de la mêche,
et du linge brulé.
On peut en deux manieres arrêter le
bruit de la Poudre , ou en n'y mettant
point de salpêtre , ou bien en le dépouil
lant de sa qualité. Porta promet de dimis
nuer ou d'empêcber cet effet non -seulement
avec des corps graisseux en géné
ral , mais encore avec du Borax et du
beurre mélez ensemble dans une certaing
proportion ; d'où il arrivera , selon cer
Auteur , que le bruit sera à peine entendu
de celui qui le tirea ; et à la verité sĮ
l'on en met beaucoup , non seulement
la Poudre fera peu de bruit mais elle
sera encore très foible. Je n'ai trouvé
qu'un
-
,
NOVEMBRE. 1733 2451
qu'un seul exemple de Poudre faite sans
salpêtre : c'est Alphonse Duc de Ferrare
qui me le fournit. Ce Prince, au rapport
de Brassavole et de Cardan , inventa la
Poudre qui faisoit partir une Balle sans
bruit.
Il n'est donc point absurde de dire
qu'il y ait de la Poudre blanche , et nous
avoüerons même , continuë nôtre Auteur
, qu'elle peut ne causer aucun bruit.
Mais il est bien certain que , soit avec du
salpêtre , ou sans salpêtre , elle sera trèsfoible.
A mesure qu'elle est moins bruyanre
elle perd sa force aussi selon Bassavole
, la Poudre d'Alphonse ne pouvoit
tuer un poulet. Jamque pulvis inventus
est qui glandem sine bombo projicit
tamen vehementer , ut vel pullum interficere
possit.
› nec
LETTRE de M. S. B. Gruys , Capitaine
de Dragons et Major de Brigade de
Cavalerie , au Service de L. H. P. où il
fait voir que les Dragons ne sont connus
aujourd'hui que de nom , et que leur véritable
service est d'être Fantassins à che
val , mêlez parmi la Cavalerie ; comme
aussi pour former la colomne hérissée de
Pertuisances , seconde Edition , corrigée
et augmentée par l'Auteur , en grand in
Fij 4°.
2452 MERCURE DE FRANCE
4°, enrichie de Planches et de Figures en
Taille Douce. Dédiée à S. A. S. Mgr . le
Prince de Nassau Stadt- Houder de Gueldres.
A la Haye , chez Isaac Beauregard.
Livres nouveaux à Paris , chez BRIASSON.
Histoire des Rois de Pologne , et du Gouvernement
de ce Royaume ; où l'on trouve un détail
très- circonstancié de tout ce qui s'est passé
de plus remarquable sous le Regne de FREDERIC
AUGUSTE, et pendant les deux derniers interregnes,
par M *** 4 vol. in 12. Amsterdam, 1734.
Le cinquiéme volume sous presse , contiendra
'Histoire de ce qui s'est passé depuis la Diette
de Convocation , jusques à l'Election du Roy
STANISLAS , et jusques à présent.
Mémoires très- fideles et très- éxacts des ExpéditionsMilitaires
qui se sont faites en Allemagne,
en Hollande et ailleurs depuis le Traité d'Aixla
- Chapelle jusques à celui de Nimegue , ausquels
on a joint la Relation de la Bataille de Senef, par
M. le Prince , et quelques autres Mémoires sur
les principales actions qui se sont passées pendant
cette guerre , in 12. 2. vol. 1734.
Le Droit de a Nature et des Gens , ou Systême
general des Principes les plus importans
de la Morale , de la Jurisprudence et de la Politique
, traduit du Latin de Puffendorf , avec les
Notes de M. de Barbeyrac , nouvelle Edition
très-augmentée , in 4. 2. vol. Amsterdem, 1734.
Refléxions sur la Poësie en general , sur l'Eglogue
, la Fable , l'Idylle , la Šatyre , l'Ode , et
sur les autres petits Poëmes , &c. suivies de trois
Lettres sur la décadence du Goût en France ,
M. R. D. S. M. in 8. La Haye , 1733 .
par
Memoire
NOVEMBR E. 1733. 2453
Mémoire de ce qui s'est passé sur Mer pendant
de 1688. jusqu'à 1697. entre la France
et Angleterre , par M. Burchett , in 12. Londres
, 1732.
la guerre
Continuation de l'Histoire du Parlement de
Bourgogne , depuis 1649. jusqu'en 1733. avec
les Armes et Blasons des Présidens et autres Of
ficiers de ce Parlement , in fol. Dijon , 1733 .
Nouvelle Histoire de la Ville de Tournus , et
de l'Abbaye de S. Filibert , avec une Table Chro
nologique , les preuves de l'Histoire , et le Pouil
lé des Bénefices et l'Histoire des Comtes de Châlons
, de Mâcon et des Sires de Baugé , avec figures
, 4. 2. vol . Dijon , 1735 .
in
Recherches interessantes sur l'Origine , la Formation
, &c. des Vers tuyau , qui infectent
les Vaisseaux et les Digues de Hollande , par
M. Massuet, avec figures , in 12. Amsterd. 1733 .
Traitez Géographiques et Historiques pour
faciliter l'intelligence de l'Ecriture Sainte ,
cueillis par M. de la Martiniere , in 12. 2 , vol .
La Haye.
rc-
Nouvelle Dissertation sur les paroles de la
Consécration de l'Eucharistie , avec une Lertre
de M. l'Abbé Dugué , in 8. 1733.
Les Quatre- Semblables , Comédie, par M. Dominique
, in 12. 1733.
Le Bouquet , Comédie , par Mrs Romagnesi
et Riccoboni , 1733-
On trouve chez le même Libraire toutes sortes
de Livres , tant de France , que des Pays étrangers .
Jean Alb . Tu- On apprend de Verone ; que
mernani , Imprimeur , y va donner par Souscription
, une belle Edition du Traité du Sublime
de Longin, en rec , en Latin , en Italien et en
Fiij Fran454
MERCURE DE FRANCE
François. Cette Edition sera in 4. grand papier
et à 4. colomnes. Le prix sera de 7. livres de
Venise , qui seront payées en souscrivant , et de
7. autres livres qui seront remises en recevant
P'Exemplaire.
L'Académie Royale des Inscriptions et Belles.
Lettres , recommença ses Séances le Vendredy
13. Novembre , par une Assemblée publique à
P'ordinaire ; M. le Cardinal de Polignac prési
doit à cette Assemblée , M. de Bose , Secretaire
de cette Académie , ouvrit la Séance par l'Eloge
de feu M. de Caumartin , Evêque de Blois , Académicien
Honoraire , mort le 30. Août dernier.
M. l'Abbé de Rosnel , lût ensuite une Dissertation
sur le renouvellement de l'ancien usage
de couronner les Poëtes et de leur décerner la
Couronne de Laurier avec le titre de Poeta Laureati.
M. Freret termina la Séance par une Dissertation
sur la certitude et sur l'antiquité de la Chronologie
Chinoise , et montra que l'Epoque du
commencement des temps historiques de cette
Nation ne remonte tout au plus qu'au temps de
la Vocation d'Abraham , à ne consulter même
que les Traditions assurées et les Monumens authentiques
de l'Histoire Chinoise , d'où il résulte
que la Chronologie de cette Nation s'accorde
parfaitement avec celle de l'Ecriture , quoique
tous ceux qui en avoient parlé jusques à present
ayent supposé le contraire,
Le Samedy 14. l'Académie Royale des Sciences
, tint son Assemblée publique , à laquelle le
Cardinal de Polignac présida . M. Cassini ouvrit
la Séance par la lecture d'un Mémoire qui contient
:
NOVEMBRE . 1733. 2453
tient une partie des Opérations qu'il a faites pour
décrire sur la Superficie convexe de la Terre ,
une ligne perpendiculaire au Méridien qui passe
par l'Observatoire Royal de Paris. Ce grand tra
vail , qui a été fait par l'ordre du Roy , a été
poussé cet Eté jusqu'à S. Malo.
M. Jussieu , lût ensuite un Mémoire , dans lequel
il recherche la cause des Maladies populaires
, qui accompagnent ordinairement les basses
eaux des Rivieres , et telles qu'on les éprouva
dans l'Eté de 1731. où les Rivieres de Seine et
de Marne furent extrêmement basses .
M. de la Condamine , donna ensuite la Description
d'un Instrument propre à observer en
Mer avec plus de justesse , la variation de l'Aiguille
aimantée.
M. Pitot , lût aussi un Memoire tendant à
perfectionner l'Instrument qu'il publia l'année
derniere et qui est propre à mesurer la vitesse des
Courants des Rivieres , et du Sillage des Vaisseaux.
M. Pitot déclara qu'il devoit cette Addition,
faite à son Instrument, à M. d'Onsembray.
M. Dufay , finit la Séance par la lecture d'un
troisiéme Memoire sur l'Electricité des corps.
Nous donnerons des Extraits de ces Memoires
dans le premier et le second Volume du Mercure
de Décembre.
OUVERTURE du College Royal.
Les Professeurs du College Royal de France .
Fondé à Paris par le Roy François I. le Pere et
le Restaurateur des Lettres , reprirent leurs Exer
cices , et commencerent leur Année Académique
Je Lundi 23. Novembre. Voici les noms des Sçavans
qui remplissent actuellement les Chaires de
se fameux College, sous l'inspection de M. An-
Eij teing
246 MERCURE DE FRANCE
toine Lancelot , de l'Académie Royale des Inscriptions
et Belles - Lettres , Censeur Royal des
Livres.
Pour la Langue Hébraïque.
Mrs Sallier et Henry.
Pour la Langue Grecque.
Mrs Capperonnier et ...
Pour les Mathématiques :
Mrs Chevallier et Privat de Molieres.
Pour la Philosophie.
Mrs Terrasson et Privat de Molieres
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs Rollin et Souchay.
Pour la Medicine , la Chirurgie , la
Pharmacie et la Botanique.
Mrs Andry , Burette , Astruc et du Bois.
Pour la Langue Arabe.
Mrs de Fiennes , Secretaire- Interprete ordinaire
du Roy , et Fourmont
Pour le Droit- Canon.
Mrs Cappon et le Merre.
Pour la Langue Syriaque .
M. l'Abbé Fourmont .
LETTRE écrite de Perigueux à l'Auteu
du Bureau Tipographique.
Il n'y apas long- tems que j'ai reçû, Monsieur,
la troisième Classe du Bureau Tipographique,
que je vous avois prié de m'envoyer . Ce Bureau
m'a
NOVEMBRE. 1733. 2457
m'a paru du premier abord remplir assez bien
l'idée que je m'en étois faite , sur le rapport de
ceux qui en ont vû l'exercice à Paris ; et quoique
j'y aye trouvé plusieurs choses dont j'ignore encore
l'usage , j'espere qu'en voyant les instructions
que vous avez déja données et celles que
vous pourrez donner dans la suite , je comprendrai
facilement tout ce qui me paroît obscur à
present.
Voici les principales difficultez qui m'embarassent
et ausquelles vous me ferez plaisir de répondre
, soit par les éclaircissemens generaux
que vous donnerez au Public dans l'Ouvrage
que vous faites imprimer , soit par les instructions
particulieres que vous m'avez promises .
Premierement , de deux Enfans que j'ai , l'un a
près de quatre ans , et l'autre n'en a pas encore
deux , je conçois , comme vous l'avez dit quelque
part , qu'un Enfant de trois à quatre ans
peut être amusé utilement aux jeux Tipographes
, mais celui de deux ans n'est- il pas encore
trop jeune pour cet exercice !
Secondement , vous conseillez , par rapport à
la lecture , de commencer par celle du Latin plu
tôt que par celle du François , cependant je trouve
bien des gens d'un avis contraire , de même
que sur la nouvelle dénomination des lettres ,
contre laquelle j'ai vû faire d'assez bonnes objec
tions. Autres questions à résoudre ; est- il croya
ble que par le seul moyen du Jeu Tipographique
et sans le secours des Livres , on puisse apprendre
à lire ensuite couramment par tour ? D'un :
autre côté , faut -il qu'un enfant âgé au moins
de sept à huit ans , scache lire avant que d'être
mis à l'écriture ?
Mais ce qui me fait le plus de peine à com- -
By prendre
2458 MERCURE DE FRANCE
prendre , c'est ce que vous nommez le Rudiment
Pratique de la Langue Latine. Il est vrai que je
n'ai point vû cette derniere partie de votre Sistême
, mais je vous avoue franchement que je
ne conçois presque rien à tout ce que l'on m'en
a dit , je ne conçois , dis-je , point , qu'on puisse
faire entrer dans des logettes ou sur des cartes
isolées , les premières notions de la Grammaire
Latine ni d'aucune autre Langue , et vous m'obligerez
fort si vous voulez bien vous donner
la peine de m'expliquer sur cela votre Méthode.
Je suis , Monsieur , & c.
La Societé des Arts differera jusqu'au retouf
de S. A. S Monseigneur le Comte de Clermont,
son Protecteur , l'Assemblée publique , qu'elle
devoit tenir immédiatement après la S. Martin
de cette année 1733. Elle avertit qu'à l'égard des
deux Prix qu'elle devoit distribuer dans la même
Assemblée , quoique dans les Memoires qui
ont concouru pour ces Prix , il y ait beaucoup
de choses aussi utiles que curieuses , et qui prouvent
le zele et la capacité de leurs Auteurs ,
elle n'y a trouvé neanmoins rien d'assez
nouveau ou d'assez bien developpé pour mériter
de remporrer les Prix proposez , et qu'ainsi
elle recevra encore jusques au premier
Mars 1734. non seulement les mêmes Memoires
augmentez ou éclaircis par des figures
exactes ( qui manquent à la plupart ) mais même
les Memoires nouveaux qui lui seront envoyez
, soit sur les Sujets compris dans le Programme
, soit sur d'autres Sujets , pourvû qu'ils
puissent contribuer à la perfection des Arts , et
qu'elle ne distribuera les Prix que dans l'Assemblée
d'après Pâques de l'année. 1734.
La
NOVEMBRE. 1733. 2459
La Faculté de Médecine de Paris , toujours at
gentive au bien public , et dans la vûë de perfectionner
la Chirurgie en exerçant ses Eleves à la
pratique de cet Art , a jugé à propos de substi
tuer à l'examen de Chirurgie qu'elle faisoit subir
à ses Bacheliers , des Exercices sur l'Anatomie et
sur les Opérations Chirurgicales ; cet établissement
est porté par un Decret de la même Faculté
du 29. Septembre 1733. qui dit que nuls Bacheliers
ne pourront à l'avenir recevoir le degré de
Licence , s'il n'ont pendant le cours de deux années
qu'ils demeureront sur les bancs , executé
de leurs propres mains sur des cadavres , les dissections
anatomiques et les Operations de la
Chirurgie , en subissant devant toute la Faculté ,
un examen de sept jours consécutifs sur chacune
de ces matieres.
રે
On a vu dans les Gazettes d'Hollande le Programme
suivant , de l'Académie de Bourdeaux
qu'on nous prie de donner ici avec quelques éclair
Cissemens fournis par le P.S. J. Auteur de la Dissertation
dont il est fait mention .
L'Académie assemblée le 8. Septembre 1733 %
présents Messieurs , & c. Après qu'il a été vérifié
( a) que le véritable Auteur de la Dissertation
Sur la Circulation de la séve dans les Planes,
couronnée et imprimée sous le nom de M. de la
Baisse , a déja remporté trois Prix en differentes
années . Vû la déliberation ( 6 ) du 29. Avril 1717--
par laquelle il est statué , qu'un même Auteur ne
(a) L'Auteur s'est découvert lui-même en décla→
vant qu'il ne prétendoit point au Prix.
(b) Cette Déliberation n'a point été notifiée à
l'Auteur , comme elle lefut à M. de Mairan. 1
F vj pourra
2460 MERCURE DE FRANCE
pourra obtenir que trois Prix , et que M. le Secretaire
sera chargé de prier ceux qui se trouveront
dans le cas , de ne plus travailler pour le concours .
M.le Secretaire ayant dit qu'il avoit averti l'Auteur
cy-dessus , lorsqu'il eut remporté le troisiéme
Prix dans la même forme que le fut M. de
Mairan (a) en 1717. l'Académie a déliberé que
la Médaille d'or décernée à l'Auteur de la Dissertation
sur la circulation de la Séve dans les
Plantes , demeurera réservée pour un deuxième
Prix à distribuer le 25. Août 1734
Ce nouveau Prix réservé est destiné à celui
qui expliquera avec le plus de probabilité la dureté
, la molesse et la fluidité des corps.
Les Dissertations pourront être en François
ou en Latin ; elles ne seront reçûës pour le concours
que jusqu'au premier May Prochain inclusivement.
Au bas des Dissertations il y aura une Sentence
, et l'Auteur mettra dans un Billet séparé -
et cacheté , la même Sentence , avec son nom ,
ses qualitez et sa demeure d'une façon qui ne
puisse pas former d'équivoque.
Les Paquets seront a franchis de port et adressez .
à M. Sarrau , Secretaire de l'Académie , ruë de
Gourgues, ou au sieur Brun, Imprimeur de l'Académie
, rue Saint James. Signé , SARRAU , Secretaire
de l'Académie.
Le sieur Moyreau a gravé et mis en vente.
depuis peu une Estampe en hauteur , d'aprè ple
(a) M: de Mairanfut priê de ne plus concourir
et reçû Académicien , et l'on n'a pas même répandu
à l'Auteur sur ce qu'il demandoit s'il pouvoit
seulementprétendre à ce titre.
Tableau
NOVEMBRE. 1733. 246
•
"
Tableau original de Ph. Wovermans , de 20
pouces de haut sur 17. de large , du Cabinet de
M. Hallée , Chevalier de l'Ordre de S. Michel.
Elle est intitulée , les Marchands de Chevaux , et
se vend chez l'Auteur , ruë Galande , vis - à- vis .
S. Blaise.
i M. Aubert, Intendant de la Musique de S. A.S.
M. le Duc , vient de donner au Public sa sixiéme
suite du Concert de Symphonie ; cet Ouvrage
est fait exprès pour les Musettes et pour les
Vielles , et peut cependant s'executer , ainsi que.
les cinq précédentes Suites , par les Violons ,
Flutes et Hautbois. L'Auteur donnera à la fin
du present mois un Livre nouveau intitulé , les
Amusettes , contenant six Amusettes ou Sonatilles,
pour les Vielles, Musettes, Violons , Flutes , et
Hautbois , avec la Basse- Continuë. Cette OEuvre
pourra s'executer sur le Clavecin, Dessus et Basse,
en forme de Pieces . On trouve tous cesOuvrages à
la Regle d'or , ruë S. Honoré , à la Croix d'or , ruë
du Roule et chez l'Auteur , rue S. Honoré , visà-
vis la ruë de Grenelle , aux Dames de France,
M. Michel , Chanoine et Maître de Musique
de la Sainte Chapelle de Dijon , a fait chanter
devant le Roy , tous les jours depuis le 23 Octobre
jusqu'au 31. differens Motets , qui ont été
goutez géneralement de toute la Cour et des
Connoisseurs.
Il doit donner au Public incessamment quelques
uns de ses Ouvrages , qui sont actuellement sous
presse ; sçavoir, un Motet à grand Choeur , executé
devant le Roy , et des Leçons de Jeremie à
une , à deux et à trois voix , avec Symphonie et
Sans Symphonie , tant pour les Communautez
Religieuses
2462 MERCURE DE FRANCE
Religieuses , que pour les Chapitres , avec quelques
Observations curieuses ; et se débiteront
à l'Ordinaire chez les sieurs Boivin et le Cler ,
Paris.
Premier Livre de Sonnates , pour le Violoncelle
composé par M. Barriere , Ordinaire de l'Académie
Royale de Musique. Il se vend chez
Boivin , rue S. Honoré , et chez l'Auteur ,
rue des Poulies.
Le sieur Chedeville , cadet , a donné à la Musette
, des augmentations de tours , par le moyen
desquels ceux qui jouent de cet kastrument , peuvent
executer toute sorte de Musique en la transposant
dans le mode convenable. Ces Musettes
descendent en C , sol , ut , en bas , et montent en
G , Ré , Sol de la seconde octave ; elles permettent
de jouer un air entier par accords , et leg
tours d'augmentation s'articulent d'autant
Imieux qu'ils sont tous indépendans les uns des
autres : le grand Chalumeau est tout à l'ordinai
re ; il n'y a de changement que dans la forme du
petit Chalumeau , dont les clefs sont posées et
arrangées avec tant d'art , qu'il faudra peu d'étude
pour en faire usage.
Il vient de donner aussi au Public les Danses
amusantes , son quatrième Livre ; OEuvres pour
la Musette , Vielle , Flute , Hautbois et Violons.
Il demeure dans le petit Cloitre S. Opportune
vis-à-vis la rue des Lombards au Lion d'or..
"
L'Opera
NOVEMBRE. 1733. 2463
L
'Opera d'Hippolyte & Aricie continue
avec beaucoup de succès & paroît
toujours plus goûté ; nous avons crû
qu'on en verroit ici un Air avec plaisir
on l'a transposé afin qu'il pûr être chanté
sans interruption de symphonie. L'Auteur
du Poëme y a ajouté quelques vers
qui servent à remplir les notes de symphonie
, qui n'étoient , qui n'étoient pas à la portée de
la voix ; en voici les paroles : C'est la gran
de Prétresse de Diane qui les chante .
Dieu d'Amour , pour nos aziles
Tes tourments ne font pas faits ;
Tous les coeurs Y font tranquilles ,
Tes efforts font inutiles ,
Tu n'en peux troubler la paix ;
De tes chaînes ,
De tes peines ,
Nous ne nous plaindrons jamais .
Tes allarmes ,
Ont des charmes ,
Pour qui manque de raifon ;
Mais nos ames ,
De tes flammes ,
Reconnoissent le poison
Vaj
2464 MERCURE DE FRANCE
Va ; fui ; perds l'espérance ;
Wa ; fui loin de nos coeurs ;
Contre notre indifference ,
Tu n'as point de traits vainqueurs.
LES ROIS.
Ronde de Table de M. Duvigneau.-
EN nous N nous donnant un Roi nouveau.
Le fort nous fut propice
Amis , au deftin le plus beau ,,
Préférons fon fervice .
Moi je ne veux point d'autre emploi ,
Que d'être l'Echanfon du Roi.
Qu'un Médecin sombre et bourru
Grand Prêcheur de Tisanne ,
Par un Argument biscornu
Sur le vin nous chicanne ,
Moi je ne veux point d'autre emploi ,
Que d'en verser toujours au Roi ,
Qu'un Chiffreur au fond d'un Bureau
Cloué fur l'Escabelle ..
A multiplier le Zero .
Se creuse la cervelle ;
Moi j'exerce un plus doux emploi
Moi
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
THE
NEW
YORKĮ
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
NOVEMBRE. 1733. 2465
Et sans compter je verse au Roi,
Qu'au Palais un Braillard garni
De sacs jusqu'à l'échine ,
A s'égosiller pour autrui ,
Se séche la poitrine.
Moi je ne veux point d'autre emploi
Que d'humecter celle du Roi
Que des Receveurs peu loyaux ,
En fraudant la Gabelle ,
Aux dépens des Deniers Royaux ,
Enflent leur escarcelle ;
Moi je fais mon plus riche emploi ,
De remplir ( la Bedaine . ) Le Coffre du Roi
Qu'un Banquier dans le Change Expert
Chaque matin s'épuise ,
Pour voir ce que notre Ecu perd
En Hollande , à Venise ;
Sans changer de vin , ni d'emploi ,
J'offre toujours du même au Roi,
'Aille qui voudra fur la Mer ,
En prodiguant fa vie ,
Einir dans un breuvage amer
Finis
466 MERCURE DE FRANCE
Sa course et sa folie ;
Moi je fais mon plus sage emploi
De noyer la raison du Roi.
Ler paroles sont de plusieurs bons Freres.
SPECTACLES.
E Novembre , Fête de S. Martin ,
L'Academie Royale de Musique, don
na le premier Bal public qu'on donne
tous les ans à pareil jour , et qu'on con
tinuë pendant differens jours jusqu'à l'Avent.
On les réprend ordinairement à la
Fête des Rois jusqu'à la fin du Carnaval.
Le 17.la même Académie donna la 21 .
Représentation de l'Opera d'Hippolyte et
Aricie , dont il a été parlé , et le 19. Elle
remit au Théatre Issé , Pastorale Heroique
, qui n'avoit pas été reprise depuis
le mois de Septembre
1719. Cette Piece, dont le Poëme est de feu M. de la Mothe,
et la Musique de M. d'Estouches
Sur-
Intendant
de la Musique
du Roi , est
reçue du Public avec de grands applaudissemens
; la Dlle le Maure y jouë le
principal
rolle ; les autres sont aussi parfaitement
bien remplis
: Nous en parle
tons
NOVEMBRE. 1733. 2467
tons plus au long. On n'a pas cessé les
Représentations d'Hippolyte et Aricie , on
joue actuellement cette Piece tous les
Jeudis.
On apprend de Vienne , qu'on y a représenté
devant la Cour Imperiale l'Opera
de Demophon , avec un grand succès
le 4. de ce mois .
On apprend aussi de Londres , qu'on
y a représenté devant le Roi et la Famille
Royale, avec un fort grand succès, lenou
vel Opera de Semiramis.
Le 1. Octobre , on représenta à Naples
sur le Théatre de S. Barthelemy , le nouvel
Opera intitulé , Il Pastor Sfortunato.
Le Théatre François n'a rien donné de
nouveau depuis assez long - tems ; on a
seulement remis au Théatre depuis peu ,
une ancienne Comedie en vers et en cinq
Actes , de feu M. Dancour , intitulée La
Trahison punie , dans laquelle il y a un
rôle de Suivante , rempli autrefois par
Mlle Desmarres , dont la Dlle d'Angeville,
sa Niéce , rappelle aujourd'hui parfaitement
le souvenir , à la grande satisfaction
des Spectateurs.
Le 23. de ce mois on donna enfin sur
CO
1458 MERCURE DE FRANCE
ce Théatre la premiere Représentation
d'une Piece en un Acte , en Vers de M.
de Boissy , intitulée le Badinage, que nous
avons déja annoncée, et depuis long- tems
promise , elle est dans le goût des autres
Parodies de cet Auteur. La critique de
celle - ci , bien plus severe que badine
tombe sur le nouvel Opera d'Hyppolite
et Avicie.
Le 3. Novembre les Comediens François
représenterent à Fontainebleau Esope
à la Cour , et Crispin Médecin.
Le s . Heraclius , et le Rendez- vous .
Le 9. L'Avare , et la Comtesse d'Escarbagnas.
Le 11. L'Andrienne , & Crispin bel
esprit.
Le 16. La Tragedie de Guftave et le
Dédit.
Le 18. L'Ecole des Maris et les Bourgeoises
de Qualité.
Les Comediens Italiens , représenterent
fur le même Théatre , la Comedie du
Prince malade , ou les Jeux Oylmpiques ,
ornée de quatre Intermedes , qui fut suivie
des Effets du Dépit.
Le 14. Les Quatre Semblables , Comedie
du sieur Dominique qui fut fort goutée ,
et l'Ecole des Meres.
Le
NOVEMBRE. 1733. 2469
Le 21. Arlequin apprentif Philosophe , et
la petite Piece d'Arlequin Voleur.
Le 29. Novembre , les Comediens Italiens
firent l'ouverture de leur Théatre à
Paris, après leur retour de Fontainebleau,
par la Comedie de Timon le Misantrope,
par la petite Piéce du Retour de tendresse.
Le 30. ils donnerent une petite Piece
nouvelle d'un Acte , en Vaudevilles, avec
des divertissemens de chants et de danses
intitulée Hyppolite et Aricie , Parodie de
Opera qui porte le même nom ; on ca
parlera plus au long.
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
Surat
Elon quelques avis de Constantinople , le
bruit y courroit vers la fin d'Août que Schaph-
Thamas , Roy de Perse détrôné , s'étoit rendu à
Ispahan depuis la défaite de Thamas-Koulikan,
son Usurpateur, qu'il étoit remonté sur le Thrône
, et qu'il avoit écrit à Topal Osman , pour
l'assurer qu'il désiroit d'observer le dernier Traité
de Paix que ses Ministres avoient conclu avec
ceux de la Porte.
On a appris depuis de Constantinople que le
Grand Seigneur a fait part à tous les Ministres
Etrangers qui résident près S. H. de la Victoire
remportée par l'Armée Otthomane , sur celle de
Thamas
2470 MERCURE DE FRANCE
Thamas Kouli - Kan,et 300 des principaux d'entre
les Persans, qui ont été faits prisonniers dans
le combat , et que Topal Osman a fait conduire
dans cette Capitale , ont été exposez pendant
plusieurs jours dans la Grande Place , vis-à- vis
le Sérail.
Le 3 Septembre , il arriva un Courrier , par
lequel ce General mande à Sa Hautesse qu'on
n'étoit pas encore instruit du lieu où Thamas-
Kouli -Kan s'étoit retire depuis sa défaite , et
qu'Achmet , Pacha de Bagdad , avoit reçu avis
de divers endroits , que Schahp- Thamas étoit retourné
à Ispahan, et que la plus grande partie de
la principale Noblesse Persanne s'y étoit renduë
pour reconnoître son légitime Souverain.
Achmet- Pacha a écrit depuis au G. S. pour
l'informer qu'on assuroit que le Roy de Perse
faisoit tous ses efforts pour détruire l'opinion où
l'on est à Constantinople , que toutes les démar
ches de Thamas - Kouli -Kan ont été concertées
avec lui ; qu'il avoit pour cet effet éloigné
du Ministere tous les Parens et Amis de Thamas◄
Kouli-Kan qu'il avoit rappellé ceux que ce Ministre
avoit dépossédez , et qu'il devoit envoyer
des Ambassadeurs à S. H. pour la prier de ne
point faire porter ni à lui , ni à son Royaume
la peine de la perfidie d'un Sujet Rebelle , dont
al désaprouvoit la conduite , et de lui accorder
une suspension d'Armes , pendant laquelle les
Ministres de la Porte et les siens pûssent convenir
des moyens d'établir une Paix durable entre
les Turcs et les Persans. On ne croît pas que le
G. S. écoute aucune proposition d'accommodement,
à moins que Schaph Thamas ne consente de
lui livrer Thamas - Kouli - Kan .
L'Escadre que le G. S. avoit envoyée pour
escorter
NOVEM 5 K E. 1733. 2471
escorter celle d'Alger est de retour aux Darda
nelles , mais Dgianum Codgia n'est pas encore
arrivé .
Le bruit court qu'on doit faire des levées considérables
d'hommes dans tous les Païs de la ,
domination de S. H. et l'on ne dit point les rai
sons qui l'engagent à faire cette augmentation
dans ses Troupes.
Par les Lettres du 20 Septembre , on apprend
que Topal Osman s'étoit emparé de la Ville de
Tauris , après un Siége de quelques jours, et qu'il
en faisoit rafer les fortifications. On confirme que
l'Armée Persanne a été entierement dissipée , que
Thamas - Kouli -Kan s'est sauvé dans les Déserts
, et que le Roy de Perse devoit envoyer des
Ambassadeurs à la Porte, pour prier S. H.d'ou
blier des Actes d'Hostilité , ausquels il n'a e
aucune part , et pour signer une nouvelle Ratification
du dernier Traité conclu entre les Turcs
et les Persans.
De Constantinople , le 6 Septembre 1733 .
J
E vous ai mandé , Monsieur , par ma Lettre
du 22 Avril , que la Porte avoit ordonné au
Khan de Crimée , d'envoyer un Corps de Tartares
en Perse, & c. Par ceile que je vous ai écri
te le 14 Mai , que ces Tartares , pour éviter de
passer sur les Terres des Moscovites , s'étoient
frayés une nouvelle route , à travers le Mont-
Caucase , qui aboutissoit en Géorgie , proche de
Tiflis , &c. Et par ma derniere du 8 Juillet ,
qu'ayant continué leur chemin , ils étoient ar
rivez dans le Daghestan ; qu'ils y avoient été
joints par les Lesghis , qui habitent les Montagnes
de cette Province , et que ces deux Peuples
réunis , devoient aller ravager les contrées de la
Perse
2471 MERCURE DE FRANCE
Perse , les plus voisines de ce côté - là , &c. ( 1 )
Les nouvelles qui ont couru icy depuis six semaines
, confirment tous ces faits quant au fond ,
et ne différent entr'elles que par les circonstances
; on avoit eu lieu de croire que le passage des .
Tartares en Perse, regardé depuis quatre ou cinq
mois comme une espece de Problême , étoit devenu
d'une réalité à ne plus admettre aucun
doute.
1
Cependant les dernieres nouvelles qu'on a re- ,
çues le 25 du mois d'Août , portent si positivement,
que les Tartares n'ont pû passer Derbent ,
où les Moscovites les avoient arrêtez , que dans
l'incertitude où me jette cette diversité d'avis , je
ne donne la préférence à ceux dont je vais vous
faire part , que parce qu'il faut que je me détermine
à quelque chose , et que la vérité ne se
manifeste pas plus sensiblement dans les uns que
dant les autres.
Aslan Ghuirai , Sultan general de Circassie , et
l'un des Chefs des Tartares , commandez pour
l'expédition de Perse , dépêcha au Khan de Crimée
: ( on ne marque point le jour ) un Courrier
arrivé le 18 Juillet à Bacché- Serraï , Capitale du
Païs , par lequel il lui envoïoit la Relation de
deux actions qui s'étoient passées le 22 et le 23
Juin , aux environs de Solak , ( 2 ) entre les Tartares
et les Moscovites. Voici le précis de cette
Relation , où Aslan Ghuirai parlera lui - même :
Après avoir traversé le Païs de Kabarra ( 3 )
(1 ) Les nouvelles contenuës dans toutes ces Lettres
·sont inserées dans les derniers Mercures.
(2 ) Solak , ou Sancta - Croce, Ville bâtie par les
Moscovites , au pied du Mont Caucase.
(3 ) Grand Pais de Circassie , dont les Turcs et
+
NOVEMBRE. 1733. 2473
et le Fleuve Terki , sans rencontrer aucun obstacle
sur notre route , nous arrivâmes à une Riviere
appellée Cic , que nous passâmes aussi
sans difficulté , mais à peine toutes nos Troupes
furent- elles de l'autre côté , que nous vf ,
mes paroître un gros Corps de Moscovites.
Nous fîmes alte sur le champ , et nous nous
mîmes en bataille ; mais le Capidgi - Bachi du
G. S. qui par ordre de Sa Hautesse nous accompagnoit
dans notre marche , étant d'avis
que nous ne fissions aucun mouvement , pour
que que les Moscovites ne pussent pas dire
que
nous cussions violé la paix les premiers ; il
"s'avança vers leur General et lui demanda si
nous devions les regarder comme amis ou
" comme ennemis Ce General lui répondit
qu'ils étoient amis des Tartares : Pourquoi
donc , repartit le Capidgi , paroissez vous disposez
à nous empêcher de suivre notre route ?
Parce que vous êtes sur nos Terres , repliquerent
les Moscovites : Mais, dit alors le Capidgi
: Nous ne voulons aller que par des Montagnes
incultes, où nous ne pouvons vous causer
aucun dommage ; N'importe, reprit ce General,
ces Montagnes nous appartiennent aussi ,
, et nous ne vous permettrons d'y passer qu'à
condition que vous nous payerez un droit de
Péage. Le Capidgi - Bachi lui représenta qu'il
n'étoit pas fondé à vouloir exiger aucun tribut
des Tartares , et que s'il s'obstinoit à re-
» fuser le passage à des peuples amis, qui ne pen-
"
ע
"
Its Moscovites se contestent la Souveraineté, et dont
les Tartares Circasses qui l'habitent , font partie
sous la domination du G. S. et partie sous celle de
la Czarine.
G soient
2474 MENCURE DE FRANCE
33
nous
soient à faire aucun désordre sur les Terres de
la Czarine , il pourroit en resulter des brouilleries
entre leurs Cours respectives , dont il seroit
à craindre que les suites ne devinssent tresfâcheuses.
Alors les Moscovites lui offrirent de
nous laisser passer au nombre de dix mille seulement
; mais le Capidgi ayant répondu qu'il
ne nous étoit pas possible de consentir à
partager , et les Moscovites s'opiniâtrant dans
leur premier refus , il vint nous rejoindre, et sur
" le rapport qu'il nous fit du peu de succès de sa
négociation , nous tinmes conseil , dont le résultat
fut de continuer notre chemin en bon ordre,
sans attaquer personne , et de nous bien défendre
si l'on nous attaquoit.Dès quenous nous
fûmes remis en marche , les Moscovites firent
avancer leur Infanterie, précédée de treize
Piéces de Canons , et commencerent par en
faire une décharge bientôt suivie de celle
de toute leur Mousqueterie sur un Corps de
Tartares Nogays, qui se trouva le plus exposé,
et qui ne pouvant soutenir un si grand feu ,
prit la fuite avec une perte considérable. Mais
en même temps nos Troupes de Crimée , secondées
des Lesghis , ( 1 ) qui s'étoient joints
A nous , fondirent , le Sabre à la main, sur les
Moscovites; ce Combat fut rude ; et ayant du-
» ré six heures , avec un avantage égal de part
» et d'autre , il nous survint à propos un secours
de 4000 Comouks, ( 2 ) qui déterminerent la
>> victoire de notre côté.
30
→
A
30
(1 ) Les Lesghis sont des Tartares de Montagnes ,
qui habitent celles du Daghestan.
( 2) Les Comouks sont aussi des Montagnards du
Daghestan,et Mahometans,comme les Lesghis:quoi-
Alor
NOVEMBRE. 1733. 2475
Alors les Moscovites se débanderent , et d'en-
❤viron 8 à 10 mille qu'ils étoient , il n'en écha-
»pa qu'un fort petit nombre; nos Troupes étant
si animées , qu'elles poursuivirent les Fuyards
jusqu'à ce qu'elles n'en apperçussent plus aucun.
Le lendemain un Tartare Nogay étant venu
hous avertir de l'approche d'un Convoi de
340 Chariots, chargez de Munitions de guerre.
et de bouche , escortez par 1 500 Moscovites ;
le Sultan Fétih- Ghuirai , notre General , ordonna
à son neveu , le Sultan Sélim Ghuirai
' d'aller à la rencontre de cè Convoi avec 2000
hommes.Il le trouva effectivement au bout de
deux heures de marche , et l'enleva après une
médiocre résistance de la part des Moscovites
leur Commandant fut fait prisonnier , et ils
furent tous tuez ou faits Esclaves , sans qu'un
seul pût se sauver.
29
"
Nous avons gagné dans ces deux actions 13
Pieces de Canons de fønte , les 340 Chariots
chargez de munitions et une grande quantité
d'Esclaves ; et nous avons perdu un Officier
General , deux Mirzas et un assez grand nom-
» bre de Soldats ; du reste , il y a eu peu de biessez
des deux côtez , &c.
29
Quelques jours après l'arrivée de ces nouvelles
à Constantinople , c'est-à - dire le 28 Juillet
la Porte reçut des Lettres du Gouverneur d'Asof
qui confirmerent ces évenemens dans leurs prinqu'ils
soient pour la plus grande partie sous la domination
des Moscovites , ils ont pris les armes
contre eux en cette occasion . Au reste il nefautpas
confondre ces Comouks avec les Calmouks , autre
Peuple Tartare aux environs de Vvolga et d'As-
(TAGAD.
Gij cipales
2476 MERCURE DE FRANCE
cipales circonstances ; ces Lettres contenoient
même d'autres particularitez , qui ne justifiene
pas moins la conduite des Tartares , et qui éta
blissent la nécessité où ils se sont trouvez, malé
gré eux , d'en venir aux mains avec les Moscovites
s'il n'en est point fait mention dans la
Relation d'Aslan Ghuirai, qui a paru icy, et qui
est pleine d'irrégularitez , c'est peut- être parce
que ce Prince en avoit déja informé le Khan ,
avant que de la faire , ou que le traducteur de
sette Piece , pressé de l'envoyer , a supprimé une
partie du détail pour abbréger.
:
Quoiqu'il en soit , le Gouverneur d'Asof
mande qu'ayant le premier combat, il s'étoit fair
réciproquement des propositions entre les Tartares
et les Moscovitesi que ceux- cy persistang
à refuser le passage demandé , qu'ils n'en eussent
reçu l'ordre du Gouverneur d'Astracan , qui
commande dans tout ce Païs- là , avoient souhaité
qu'on leur accordât neuf jours pour pouvoir
faire sçavoir à cet Officier , ce qui se passoit, er
en recevoir une réponse positive , que les Tartares
y avoient aquiescé ; mais que prés de trois
semaines s'étant écoulées sans que cette Répon
se vint ; ils en avoient conçu quelque défiance s'
qu'un de leurs Partis étant allé à la découverte,
at ayant amené au Camp six Moscovites , qu'ils
avoient rencontrez , on les avoit menacez de la
mort, s'ils ne disoient la véritable cause de tous
ces délais ; que ces prisonniers , pressez par la
crainte , avoient enfin avoué , que l'unique vue
des Moscovites avoit été d'amuser les Tartares et de gagner
du temps
, jusqu'à
ce qu'ils
eussene reçu un renfort
de Troupes
qui étoit
en marche
pour les joindre
; que sur cet aveu les Tartares
se résolurent
au combat
; que pour tromper
NOVEMBRE . 1733 2479
ཝཱ
per les Moscovites , ils avoient la nuit suivante
allumé beaucoup de feux dans leur camp , qu'ils
en étoient sortis ensuite pour s'aller poster dans
un endroit avantageux , d'où ils pourroient
prendre leurs ennemis en flanc , et que ce Stra
zagême, qui leur réussit , avoit beaucoup contribué
à leur faire remporter la victoire.
D'autres avis venus depuis le 28 Juillet , one
aussi confirmé ce que le Gouverneur d'Asof
ajoutoit encore dans sa Lettre , sçavoir , que le
Convoi de 340 Chariots dont on a parlé , étoit
destiné pour l'Armée Persanne , et qu'il y avoit
beaucoup de Moscovites dans cette armée.
Voilà,Monsieur, depuis que je ne vous ai écrit,
jusqu'au 25 Juillet , la partie la plus vrai - semblable
et la plus claire des nouvelles mal digérées,
et souvent contradictoires , qui se sont débitées
icy sur la marche des Tartares , d'où l'on avoit
inféré qu'ils étoient surement passez en Perse .
-Voicy maintenant le Sommaire des dernieres
nouvelles , qu'on a répandues depuis ce même
jour.Je m'attens qu'elles vous paroîtront comme
à moi , assez obscures , mais il n'a pas dépends
de mes soins d'en dissiper les ténébres , ni d'en
faire un narré plus exact.
Les Tartares étant arrivez dans un Canton
appellé Tchetchené ( 1 ) , le Commandant de So
lak vint se poster , sur le bord du Coyou - Sovi
avec 7 à 8000 hommes , et de l'Artillerie , pour
les empêcher de traverser cette Riviere. Ce Géaéral
des Tartares qui vouloit éviter tout acts
(r ) Tchetchené , est un Païs situé le long du
Mont Caucase , habité par des Komouks , qui n'ont
pas voulu se soumettre à la domination des Mos
Favites
Giij d'hosti2478
MERCURE DE FRANCE
9
d'hostilité , prit une autre route , que des guides
du Païs lui indiquerent , et qui conduit en droiture
à Solak. Les Moscovites ne pouvant les suivre
, parce qu'ils étoient presque tous Infanterie;
leur Commandant détacha un Corps de 1000
Chevaux seulement , pour couper le chemin aux
Tartares , et les arrêter dans un certain endroit
jusqu'à ce qu'il put y arriver avec le reste de ses
Troupes. Les Tartares rencontrerent près de Solak
ee Corps de Cavalerie , qui les. attaqua , et qu'ils
défirent entierement .Peu de temps après le Commandant
Moscovite arrivant avec sa petite aranée
, le combat recommença , mais si désavantageusement
pour lui , qu'il y fut dangereusement
blessé , et qu'il y perdit tout son monde
avec son Artillerie , dont il ne put presque point
faire usage , à cause d'une grosse pluye qui survint
tout d'un coup.
Ces obstacles levez , les Tartares passerent à la
vue de Solak le Coyou- Sovi, quoique les bords.
en soient fort escarpez , et continuant leur marche
vers Derbent , ils firent la rencontre d'un
gros Convoi de Chariots, chargez de munitions
qu'ils enleverent après avoir totalement défait
environ 1500 Moscovites qui l'escortoient;mais
sur la nouvelle de leur approche , beaucoup de
Troupes Moscovites, s'étant rassemblées à Derbent
, ils y furent arrêtez et ne purent passer
outre.
3
On présume cependant que les Comouks , qui
sont dispersez en un grand nombre d'Hordes ou
Tribus , tant en deçà qu'en delà de cette Place ;
s'étant unis aux Tartares , les Moscovites n'au
ront pû leur disputer long- temps ce passage ,
les empêcher d'entrer. dans le Daghestan , qui
n'en est qu'à deux journées , et delà en Géorgie.
ni
Ce
NOVEMBRE. 1733. 2479
Ce fut même sur cette présomption bien fon
dée , que M. de Neplieuf , Résident de Moscovie
, ayant prié dernierement le Grand Visir àu
nom de la Czarine , d'envoyer des ordres aux
Tartares pour qu'ils se désistassent de leur entreprise
de passer en Perse , et qu'ils s'en retournassent
chez eux , que ce premier Ministre de
P'Empire Otoman lui répondit avec raison , que
vû la situation où étoient les choses au départ du
Courrier qui avoit apporté les dernieres nouvelles
; il seroit à present d'une nullité absoluë d'envoyer
aux Tartares les ordres qu'il demandoit ,
parce qu'avant que celui qui en seroit le porteur
put arriver à Derbent , il étoit moralement
certain que les Tartares auroient été obligez de
prendre un parti, soit en forçant le passage qu'on
Jeur disputoit , soit en se jettant d'un autre côté ,
suivant que la necessité où ils se seroient trou
vez , les auroit déterminez .
On ajoute que dans la partie du Kabarta qui
reconnoît la Czarine pour sa Souveraine , il y
avoit depuis un an 300 Moscovites , que cette
Princesse y avoit envoyez pour soutenir les habitans
de cette Contrée ; que ces Moscovites
ayant appris que leurs gens avoient été battus
en plusieurs rencontres par les Tartares qui
étoient passez , et appréhendant que ceux qui
gont dans l'autre partie du Kabarta soumise av
G.S.ne vinssent les massacer, ils avoient deman
dé au Chef qui commande dans le Kabarta Czarien
, la permissión de se retirer , et une escorte
pour le faire en sureré : que ce Commandant
leur avoit répondu qu'ils pouvoient toujours
partir , et qu'il alloit incessamment les faire suivre
par un nombre suffisant d'hommes pour les
garantir de toute insake ; mais qu'au lieu de leur
G iiij
tenir
240
MERCURE DE
FRANCE
tenir parole , bien loin de leur envoyer du se
cours ; il avoit fait donner avis de leur retraite
au fils du Khan de Crimée, qui
commande dans
le Kabarta , soumis à la Porte ; et que ce Prince
à la tête d'un grand nombre de Tartares , étant
venu fondre sur les 300
Moscovites , les avois
tout passez au fil de l'Epée . 12
On ne sçait point encore quelles suites pourront
avoir toutes ces affaires ; ce qu'il y a de
certain , c'est que sur les premieres nouvelles
qu'on en a reçu à
Constantinople , les Ministres
de la Porte ont fait embarquer en diligence pen
dant plusieurs jours sur des Bâtimens du Païs
beaucoup d'Artillerie et d'autres munitions de
guerre et de bouche qui sont partis de la Mer
noire pour Asof, afin de mettre cette Place en
état de deffense , en cas d'une rupture avec les
Moscovites. Je suis , &c.
RUSSIE.
2
P. V. D. 7
J
A Czarine a ordonné que tous ceux qui pos
LAsedent des biens fonds dans les Pays de
son obéissance , payeront la huitième partie de
leurs revenus à l'Etat , et qu'on retiendra 15.
pour 10c. à tous ceux qui reçoivent des apoin
temens ou des Pensions de la Cour , afin de
fournir aux dépenses de la guerre.
POLOCN E.
Lblement augmentée par l'arrivée d'un grand
A Cour du Roy à Danzick , est considera
nombre de Seigneurs et de Gentilshommes qui
vont offrir leurs services à S. M. Elle tint sur la
fin du mois dernier, avec le Primat et les principaus
NOVEMBRE. 1733. 248T
paux Sénateurs , plusieurs Conseils , et il a été
résolu de publier les Universaux pour faire monter
la Noblesse à cheval .
Le 20 Octobre , il arriva à Danzick un Cou
rier de Rome , dépêché par le Duc de S. Aignan,
Ambassadeur du Roy Très-Chrétien auprès du
Pape , par lequel le Roy a été informé des
instructions que S. S. a envoyées à son Nonce
en Pologne , et des ordres donnez à ce Ministre
de reconnoître le Roy, et de lui remettre la Reponse
de S. S. à la Lettre que S. M. lui avoit
écrite aussi - tôt après son Election.
Depuis la premiere nouvelle de l'Election faite
avec beaucoup de désordre en faveur de l'Elec
teur de Saxe le 5. Octobre , on a appris que le
General Lucci , qui commande les Troupes
Moscovites , avoit été très - allarmé de la division
qui s'étoit mise entre les Opposans , dont les
principaux songeoient chacun en leur particulier
à se faire élire ; que le Palatin de Cracovie
ayant même voulu se retirer de la Confédération,
le Géneral Lucci avoit pensé qu'il n'y avoit pas
un moment à perdre pour faire proclamer l'Electeur
de Saxe ; qu'il avoit , sans demander les
suffrages , crié seul , Vive Auguste , troisiéme
Roy de Pologne et du grand Duché de Lithuanie
; que l'Evêque de Posnanie avoit ensuite proclamé
ce Prince , et qu'il étoit entré avec ceux
qui s'étoient trouvez à cette prétenduë Election
dans l'Eglise des Bernardins , pour y chanter le
Te Deum. Les principaux Seigneurs Polonois
qui ont assisté à l'Election de l'Electeur de Saxe
et qui sont venus à notre connoissance , sont ,
les Evêques de Cracovie et de Posnanie , le Prince
Régimentaire de Lithuanie , les Palatins de
Cracovie , de Novogrod , de Podlachie , de Cul
G F
2482 MERCURE DE FRANCE
*
et de Czernikow , le Prince Sangusko , le Grand
Ecuyer Radzivil , le Comte de Cetner , l'Ecuyer
Tranchant de la Couronne , Rizewki , le Maré.
chal de la Confédération et de l'Election Ponenski
, les, Starostes de Vielun et de Bezzin', le
Comte Zawisza , les. Castellans de Radom , de
Podkommorszy , de Wiltzomer et Plater , et les
ComtesBraniski et Siednieki : ceux qui y ont adhés
ré depuis, sont, le Castelan de Cracovie, le Palatin
d'Inowladislaw , le Castellan de Lenziecinni , le
Staroste de Lenziecinni , et StarosteOppazinski.
"
Le Comte Potoki , Régimentaire de la Cou
ronne qui écrit ces nouvelles , ajoûte que les
Troupes de la Couronne étant sorties de Warsovie,
dans la crainte d'y manquer de fourages , le
parti des Opposans et les Moscovites avoient
passé la Vistule , et que sur cette nouvelle il
avoit mandé au Palatin de Lublin , qui continuë
à rassembler les Troupes , de s'approcher le plus
qu'il pourroit de Dantzik , pour empêcher les.
Moscovites et les Saxons , d'avancer dans la
Trusse Polonoise..
ce ,
Sur l'avis qu'on reçût à Massoire le 4. Octobre,
que quelques Partisans des Opposans avoient
fait conduire sécretement la nuit , une grande
quantité de Poudre et de Balles aux Cazernes du
Palais de Casimir , et que M. Jauch, Lieutenant Colonel,
qui y commande , en avoit eu connoissanil
fut résolu de s'assurer de cet Officier, mais
il prévint par sa fuite le dessein qu'on avoit contre
sa personne. Le peuple irrité de sa trahison ,
pilla la maison où il demeuroit , et l'on transporta
au Camp toutes les munitions qu'on trou
va dans les Cazernes. On eut beaucoup de peine
à arrêter les effets de l'indignation du Peuple et
de Regimentaire fut obligé d'emploïer , la force :
Pous
NOVEMBRE. 1733. 2453
pour empêcher qu'on ne mît le feu à la maison
du Palatin de Podlachie , et à celles de quelques
autres Seigneurs Opposans. Par les soins qu'on
apporta , leurs meubles et leurs effets ont été
conservez , et ils n'ont perdu dans cette émeute
que le Foin et l'Avoine , dont ils avoient fait un
amas considérable pour la nourriture des Chevaux
de l'Armée Moscovite , et qu'on a fait
mettre dans les magasins de celle de la Couronne.
Le 9. le Regimentaire envoya un Officier au
Ministre du Roi de Prusse , pour l'informer
qu'il avoit reçû ordre du Roi de quitter le Camp
de Mariemont et de ne point disputer le passage
de la Vistule aux Moscovites , et le même jour
il alla camper à Piaceczno .
:
Quelques Regimens Moscovites passérent là
Riviere le 11. et ils furent suivis le 13 , le 14 et
le 15.par plusieurs autres qui composent en tout
10 à 12000 hommes.
Plusieurs Opposans , qui mécontens du joug
des Moscovites ont abandonné leur parti , et se
sont rendus ptès du Roi à Dantzick , ont con→
firmé ce que le Comte Potocki , Regimentaire
de la Couronne , avoit mandé à S. M. la ma
niere violente avec laquelle la proclamation de
l'Electeur de Saxe s'étoit faite , et ils ont ajouté
qu'il ne s'étoit pas trouvé à cette Proclamation
plus de soo. Polonois ayant droit de suffrage.
Ils assurent que la plupart de ceux qui y ont assisté
, se plaignent hautement du peu d'égard que
le Général Lucci leur . a marqué en ne daignant
pas seulement permettre que le Maréchal de la
Conféderation recueillit les voix , et qu'il y a des
semences d'une division prochaine entre ce Géné
ral etles principaux Opposans..
Lies
484 MERCURE DE FRANCE
Le Palatin de Lublin s'est avancé vers les Fron
éres de cette Province , avec un corps de Trou
Pes pour la mettre à couvert des courses des Ennemis,
et il doit être joint par 2000. hommes que
cette Ville fait lever, et qu'elle entretiendra à ses
dépens pour le service du Roi .
L'Armée de la Couronne est encore campés
à Tarca ; on a enlevé divers convois aux Mos
Covites , qui bien loin de paroître dans le dessein
de former quelque entreprise , travaillent avec diligence
à se rétrancher dans leur Camp.
Lebruit qui a couru que le Comte Bienlinski ,
étoit du parti du Regimentaire de Lithuanie ,
étoit sans fondement : il est allé à Dantzick as
surer le Roi de sa fidélité , et il exerce auprès de
S. M. sa Charge de Maréchal de la Cour.
Selon d'autres Lettres de Dantzick , le Régimentaire
de la Couronne est toujours dans le
même Camp avec les Troupes qu'il commande ;
les Moscovites continuent à se retrancher avec
diligence prés de Varsovie , et il se passe peu de
jours qu'il n'y ait quelques combats entre les
deux Armées , ces Lettres ajoûtent que jusqu'à
présent les Troupes de la Couronne ont eu l'as
vantage dans toutes les occasions .
Le Comte Poccy que le Roi a nommé Regimentaire
de Lithuanie , à la place du Prince
Wienowieski , s'est mis par ordre de S. M. à la
tête des Troupes , qui ont été rassemblées dans
les Palatinats de Russie , de Mariembourg et de
Vilna , et l'on a appris qu'après avoir enlevé un
Convoi aux Ennemis , il s'étoit posté avec ses
Troupes le long de la Vistule au dessus de leur
Camp , afin d'être à portée d'arrêter tous les
Batteaux qui descendroient pour y porter des:
vivics.
Le
NOVEMBRE. 1733. 2485
Le Prince Czarterinski , Vice Chancelier de
la Couronne , le Castellan de Plocko , M. Tabiawski
, Chambellan de la Couronne , et le
Comte de Denhoff , Chambellan de Lithuanie ,
sont allés à Dantzick pour rendre leurs hom
mages à S. M. On y attend incessamment M.
Paulucci , Nonce du Pape , lequel a reçû ordre de
S. S. de complimenter le Roi sur son Election.
S. M. a ordonné qu'on publiât les Universaux
pour faire monter la Noblesse à Cheval , et elle
écrit en même tems aux Seigneurs et aux Gentils
- hommes de chaque Palatinat une Lettre circulaire,
qui contient , que les Opposans , en se
joignant aux Troupes Moscovites, ne laissent plus
lieu de douter qu'elles ne sont entrées que de
Jeur consentement et même à leur priere sur les
Terres de la Republique ; qu'on a d'ailleurs des
preuves certaines qu'elles y ont été appellées par
les principaux Chefs des rebelles , quoique plusieurs
d'entr'eux se fussent engagés par serment
dans la Diette d'Election à poursuivre comme
traîtres et comme ennemis de leur Patrie , ceux
qui auroient recours aux forces étrangères pour
faire réussir leurs desseins ; qu'on sçait que les
Evêques de Cracovie et de Posnanie sont allés
joindre le Géneral Lucci , afin de prendre avec
lui des mesures pour établir de leur propre authorité
une nouvelle République , composée
seulement de leurs adherans ; qu'ils sont revenus
avec les Moscovites à Praage , et que c'est par
leurs sollicitations réiterées et par celles du Prince
Wienovieski , ci - devant Regimentaire de Lithuanie
, que le Général Moscovite s'est déterminé
à précipiter la prétendue Election , faite
sans aucune formalité et contre toutes les Loix
du Royaume en faveur de l'Electeur de Saxe ;
que
-)
2486 MERCURE DE FRANCE
que l'Evêque de Posnanie en proclamant ce Prince
joint le parjure à la rébellion , puisqu'il s'étoit
engagé par un serment de n'élire et de ne reconnoître
pour Roi qu'un Polonois né de Pere et de
Mere Catholiques , et qui ne possédât aucunes
Terres hors du Royaume ; que depuis la proclamation
de l'Electeur de Saxe, et la jonction des
Opposans et des Moscovites , les uns et les autres
montrent la même ardeur à détruire la République
, et une égale haine pour ceux qui ne veu
lent pas contribuer à sa ruine , que tous les bons
citoïens sont interessés à ne pas souffrir plus
long-tems les attentats d'une Nation étrangere
qui prétend donner des loix à un Peuple libre ,
et la licence d'une troupe de Sujets rébelles , qui
se regardant eux- mêmes comme étrangers dans
leur propre Patrie, et lui ayant déclaré la Guerre,
ne méritent plus qu'on garde avec eux aucun
ménagement , qu'ainsi S. M. compte que la No-
Blesse Polonoise n'a pas besoin d'être exhortée
à se deffendre et à se vanger , et que tous les Gentils-
hommes zélés pour la liberté et pour l'honneur
de la Nation sont également empressés à
suivre l'ordre qui leur est donné de prendre les
Armes pour chasser les Moscovites et dompter
les rébelles.
S. M. ajoûte qu'elle se mettra à la tête de la
Noblesse aussi-tôt qu'elle sera assemblée , et qu'-
elle combattra moins pour conserver la Cou
ronne que pour délivrer la Pologne de la tyrannie
des Paissances étrangeres qui veulent l'opprimer..
Le Primat pour refuter de fausses allégations que
les Ministres de l'Empereur et de la Czarine ont
employées afin de justifier leurs démarches ,
donné un Manifeste , dans lequel il prouve par
a
NOVEMBRE. 1733. 2487
3
un simple récit de ce qui s'est passé depuis la
mort du feu Roi jusqu'à la derniere Election ,
que son premier soin dés le commencement de
PInterrégne a été de rétablir l'union parmi la
Noblesse , qu'après y être parvenu , il a profité
de la Diette extraordinaire , convoquée par le
feu Roi , pour déliberer avec la Noblesse sur ce
qui pourroit assurer la tranquillité et la liberté de
la Nation , et qu'il n'a fait jusqu'à la Diette générale
de convocation aucune démarche qui n'ait
été reglée par le Senat et par les Nonces , quoiqu'en
qualité de Primat il cût pu s'en dispenser
en bien des occasions ; que peu après l'ouverture
de la Diette générale de Convocation la plus
grande partie des.Nonces , trouvant aussi injuste
qu'injurieuse à la Noblesse, la résolution prise
dans une Diette précédente d'exclure les Polonois
du Trône , proposérent de leur propre mouvement
de donuer au contraire l'exclusion à tout
étranger que non seulement . ce projet fut una-.
nimément approuvé , mais que tous les Evêques ,.
les Sénateurs et les Nonces , s'obligérent par serment
à ne donner leurs suffrages qu'à un de leurs
Compatriotes , et que la Diette générale de Convocation
dans sa derniere séance déclara ce serment
une loi fondamentale du Royaume ; que
pendant la tenue de la Diette d'Election , les loix
établies dans la Diette de Convocation , ont toujours
été la regle de sa conduite ; que les Opposans
, en se retirant à Praage , n'ont observé aucune
des formalités qui pouvoient arrêter ou
suspendre les délibérations de la Diette ; qu'ils
quittérent le Camp destiné à l'Election du Roi ,
sans faire aucune protestation ; que lorsqu'on
leur envoya des Députés pour leur demander la
cause de leur retraite , ils répondirent que cette
retraite
2488 MERCURE DE FRANCE
retraite ne devoit troubler l'Election en aucune
maniere ; que ceux qui n'avoient pas signé la formule
de serment prescrit par la Diette contre
ceux qui avoient fait entrer les Troupes Moscovites
dans le Royaume , ne refusérent pas même
de la signer ; que leur retraite n'ayant point été
motivée ni accompagnée d'aucun Acte juridique
d'opposition aux résolutions de la Diette , on
avoit procédé selon les Loix à l'Election du Roi ;
que plus de cent Enseignes y avoient assisté
qu'après qu'il eut récueilli les suffrages en la maniere
accoutumée , tous se trouvérent réunis en
faveur de S. M. régnante , à l'exception de ceux
de quelques Nonces , qui se retirerent en décla
rant qu'ils ne donnoient point leurs voix , mais
qu'ils ne s'opposoient point à l'Election ; que M.
Kamienski , Capitaine du district de Krziemie ,
fut le seul qui protesta , mais qu'il ne persista pas
dans son opposition , et que ce ne fut qu'après
un désistement en forme de sa part , et après
avoir observé toutes les formalités ordonnées par
les Constitutions du Royaume, que se fit la Proclamation.
Le Comte Pocci Regimentaire de Lithuanie , a
envoyé à Dantzick un Courier , pour apprendre
au Roi , que le Convoy qu'il a enlevé aux Ennemis
étoit composé de 1500 Chariots , dont la
plus grande partie étoit chargée de munitions de
Guerre ; qu'on y avoit trouvé une somme considerable
d'argent , et que de 2000 hommes qui
escortoient ce Convoy , 600. avoient été tueż ,
et les autres faits prisonniers.
Ce Général a fait distribuer à ses Troupes un
tiers de l'argent qu'il a pris aux Ennemis , et il
attend les ordres de S. M. sur l'usage qu'il doit
faire du reste de cette somme.
LC
NOVEMBRE 1733. 2489
Le corps de Troupes qu'il commande sere
bientôt en état d'ôter aux Moscovites toute communication
avec l'Ukraine.
On a appris qu'il y a de la divison entre les
Ministres de l'Electeur de Saxe et les Opposans
parceque ces derniers ne veulent pas accorder aux
Moscovites un libre passage par la Pologne . Ce
differend retarde la signature des prétendus Pacta
Conventa que les Opposans ont dressés pour être
signés de l'Electeur de Saxe.
Le bruit court que le Comte Potocki Regi
mentaire de la Couronne , dont l'Armée augmente
tous les jours , doit quitter Tarca pous
aller camper à Lowitz .
ON
ALLEMAGN E.
Na reçu avis du Camp de Pilsen , que
Duc Ferdinand Albert de Brunswick Lunebourg
Bevern en étoit décampé avec les Trou
pes qu'il commande , et qu'elles marchoient sur
cinq Colomnes vers le Haut Palatinat , où elles
doivent être jointes par quelques Regimens du
Camp de Silesie .
L'Empereur a envoyé à la Diette de Ratis
bonne son Décret de Commission au sujet de la
Guerre. Les Troupes que commande le Duc Ferdinand
Albert de Brunswich-Lunebourg -Bevern,
continuent de marcher vers la Suabe , et elles
doivent arriver dans peu de jours à Nordlinge
hem.
On a donné ordre à quatre Regimens d'Infan
terie et à deux de Cavalerie de hâter leur marche
vers l'Italie , et le Comte de Merci , Felde
Maréchal , qui doit commander les Troupes ,
que S. M. I. envoïe dans ce Païs , partira bientôt
pour s'y rendre.
Les
2490 MERCURE DE FRANCE
"
Les Etats des Païs héréditaires doivent faire à
S. M. I. une avance de sept millions cinq cens
mille livres , outre les subsides ordinaires : Le
Royaume de Bohéme , la Silesie , et la Moravie ,
en fourniront cinq , et le reste sera reparti sur
l'Autriche , la Stirie , le Tirol et la Carinthie.
le
On assure que le Prince de Dietrichstein ,
Comte de Staremberg et quelques autres Seigneurs
, ont promis de prêter des sommes considerables
au Gouvernement.
Le bruit court qu'on songe aussi à faire un emprunt
dans les Pais étrangers sur les Mines de
vif-argent qui sont en Hongrie.
ITALIE.
E Pape a écrit au Roi de Pologne pour le féliciter
sur son Avénement au Trône , et il a
-envoyé ordre à M. Paulucci , son Nonce à Warsovie
, de se rendre à Dantzick auprès de S. M. P.
* Dans l'Assemblée de la Congrégation de Nonmullis
, qui se tint le 16 Octobre , il fut résolu
qu'on donneroit un mois à M. Coscia , Evêque
de Targa , pour répondre aux accusations formées
contre lui , et qu'il seroit constitué prisonnier
au Château de S. Ange jusqu'à la fin de
son Procès. On assure que le Cardinal son frete
est déterminé à se soumettre au jugement prononcé
par cette Congrégation, et qu'il acquitera
incessamment une partie des sommes au payement
desquelles il a été condamné.
La Congrégation établie pour examiner les
moyens de terminer les differens qui sont entre la
Cour de Rome et celle de Lisbonne , s'assembla
le 24. Octobre , et il y fut résolu qu'on accorderoit
au Roi de Portugal 4. pour 100. sur le
produit
NOVEMBRE. 1733. 2491
produit des Expéditions que la Datterie délivreroit
pour les Sujets de S. M. et que cet argent seroit
employé à faire rebâtir l'Eglise de S. Antoine
de la Nation Portugaise.
On a appris d'Ancone que le 19. et le 20 d'Octobre
, on y avoit senti deux nouvelles secousses
de tremblement de terre , qui avoient été très
violentes , et renversé plusieurs maisons tant de
la Ville que des environs.
On a appris à Genes le 10. de ce mois , par
L'Equipage d'un Bâtiment venu de Tunis , que
quelques jours avant son départ de ce Port , il y
étoit entré un Vaisseau Anglois , dont l'Equipa
ge s'érant soulevé contre son Commandant l'avoit
massacré , et avoit pris la résolution de courir
sur les Chrétiens ; que ces Pirates avoient fait
diverses prises assez considérables , et qu'ils s'étoient
empatés d'une Galiotte Venitienne , dont
ils avoient égorgé le Capitaine et tous les Matelots
ét à bord de laquelle ils avoient trouvé une som
me considérable d'argent ; qu'ils s'étoient rendus
ensuite à Tunis pour se mettre sous la protection
du Bey ; que le plus grand nombre avoit embrassé
le Mahométisme , et que celui , qu'ils avoient élu
pour leur Chef, avoit fait mettre aux fers ceux
qui avoient refusé de suivre l'exemple de leurs
camarades.
ESPAGNE.
Lano l'Armée destinée à l'expédition projet-
E Roi a nommé les Généraux pour servir
tée ; sçavoir , le Comte de Montemar Général en
Chef, le Comte de Marsillac , le Marquis de
Grazia Real , le Marquis de Reves , le Duc de
Liria , le Comte de Charni , les Marquis de Villadarias
, de Las- Minas , et de Posoblanco Lieu
tenant
1492 MERCURE DE FRANCE
Benans généraux ; le Comte de Mazeda , le Mar
quis de Bay , Don Lucas Patigno , le Marquis
de Tay , Don Nicolas Sangro , Don Macdonel,
Don Isidore Gurma , Don Michel de Sada , Don
Barthelemi Ladron et le Comte Mariani , Maréchaux
de Camp.
Orach
PAYS - BAS
N mande de Bruxelle que le Comte d'Ha
rach, ayant communiqué à l'Archiduchesse,
Gouvernante des Pays- Bas , la Déclaration dont
on a parlé de M. de Joinville au nom du Roi de
France son Maîtte , S. A. S. avoit fait sçavoir à
ce Ministre Qu'Elle étoit très sensible à l'at
tention que S. M. T. C. avoit pour Elle et pour
le Pays de son Gouvernement à l'occasion de la
Guerre qu'Elle avoit résolu de faire à l'Empereur
son Frere . Qu'elle souhaitteroit ardemment que
cette Guerre ne fut pas de longue durée ; qu'Elle
verroit avec plaisir que M. de Joinville restât à
Bruxelle, qu'Elle en écriroit à la Cour de Vienne,
et que s'il arrivoit que l'Empereur ne jugeât pas
sa présence nécessaire dans ce Pays , Elle le feroit
avertir ; mais qu'en attendant on auroit pour lui
tous les égards dûs à un Ministre d'un grand
Roi , et dont la personne lui étoit d'ailleurs très
agréable.
E PITR E
A Mad. de ***
Je voudrois , gentille Femelle ,
A qui d'étroite parentelle ,
Le Ciel favorable m'unit,
Chantea
NOVEMBRE. 1733. 2498
Chanter la longue kirielle ,
Des trésors que Nature mit
En ton coeur , ton corps , ta cervelle ,
Alors que de Dame Immortelle ,
Tu reçûs la clarté du jour.
C'est , dit- on , la Mere d'Amour ,
Qui seroit-ce, si ce n'est-elle ?
Ainsi que Venus elle est belle ,
Mille Amours volent à l'entour ;
On dit pourtant qu'elle est cruelle ;
Sans doute c'est pour se cacher ;
Mais peut-on long-temps la chercher !
Le feu dont son oeil étincelle ,
Et sa grace sur - naturelle
Son immortalité décele.
De ta naissance l'autre soir ,
Ma Muse , qui le doit sçavoir ;
Me fit le récit très-fidele ,"
Je te le rends en peu de mots.
N'aurai-je jamais de repos ?
Dit Vénus , rongeant sa dentélle ;
Faut il toujours qu'on me harcelle ,
Par mille impertinens propos ?
Une multitude de sots •
A tous momens me fait querelle ;
Des Dieux la nombreuse sequelle
Jupin , Mars , Diane , Cybelle ,
Sont sans honneurs et sans Chapelles ;
B
1494 MERCURE DE FRANCE
Et la Déesse des Amans ,
Eternue à force d'encens !
Je veux , ce n'est point bagatelle ,
Me relever de sentinelle ,
Et produire une fille telle ,
Qu'elle me puisse soulager ,
Des soins dont je veux m'alleger :
Je veux que cette Jouvencelle ,
Que je ferai sur mon modelle ,
Puisse me servir de Miroir ,
Ma grace en elle je veux voir.
Aussi-tôt la Déesse appelle ,
Et fait entrer dans sa ruelle
Charite , des trois Graces , celle
Que Paphos honore le plus ;
Tu vins au monde , et puis Venuš
Te donne à la Grace fidelle ,
Disant , je remets à ton zele
Ces appas tout nouveaux venus :
Soigne ces petits Membres nus ,
Nourris cette gente pucelle ,
Du plus pur lait de ta mamelle ;
D'agrémens puisse- tu l'orner ,
Et sçaches si bien façonner
En tout sa beauté naturelle ,
Qu'on voye en tous lieux all umer
Encensoir , Autel et Chandelle ;
Mais chaste comme Tourterelle ,
Qu'elle
NOVEMBRE. 1733. 2495
Qu'elle ait sur son front respecté,
De la Vertu la majesté ;
Qu'au desir le plus effronté
Son air modeste coupe l'aîle..
Mais enfin je suis arrêté ,
J'ai beau foüiller dans l'escarcelle
Je n'ai plus de Rimes en elle ,
Si mon hommage est accepté ,
Après ce trait de ta bonté ,
Je dois ma foi tirer l'échelle .
SUITE de la Relation du Siege et da
la Prise du Fort de Kell , &c.
A nuit du 22. au 23 Octobre , la Tranchée
Lfut relevée par le Marquis de Dreux , Lieutenant
General , par le Marquis de la Fare ,
Maréchal de Camp , et par M. de Buckele , Brigadier
d'Infanterie ; les 250. Travailleurs ,
commandez pour les Ouvrages , furent soutenue
par les trois Bataillons du Régiment de la Marine,
par six Compagnies de Grenadiers du Régiment
de Navarre , d'Alsace et de Rouergue ,
et par des Détachemens de la Gendarmerie et
de la Cavalerie, et des Dragons, pareil à ceux des
jours précedens. Pendant cette nuit la Tranchée
fut poussée à so. toises du chemin couvert de
l'Ouvrage à corne , et on se logea dans une Lunette
de terre, que les Aseiegez n'avoient pas cu
le temps d'achever.
La nuit du 23. au 24. le Marquis de Nangis ,
Lieutenant General , le Comte de Saxe , Maréobal
de Camp , et le Comte de Bayiere , Briga
dier
2496 MERCURE DE FRANCE
dier , monterent la Tranchée avec les deux Ba-)
taillons du Régiment de Richelieu , et celui de
Gensac , six Compagnies de Grenadiers , un Dé.
tachement de la Gendarmerie , de la Cavalerie
et des Dragons , de 550 hommes et 1200 Travailleurs.
On poussa pendant cette nuit une sappe
entre le Rhin et la branche droite de l'Ouvrage à
corne. M. de la Serre , Capitaine des Grenadiers
dans le Régiment de Richelieu, fut tué avec deux
Grenadiers , et il y en eut deux autres de blessez.?
Le 25. M. de Quadt , Lieutenant General , le
Marquis de Clermont , Maréchal de Camp , et
M. de Chenelette , Brigadier d'Infanterie , étant
de Tranchée avec 400. Travailleurs et le même
nombre de Troupes que les jours précedens , les
Assiegez firent une sortie sur la sappe poussée
entre le Rhin et l'Ouvrage à corne , mais les
Grenadiers les obligerent de se retirer et la sapper
fut continuée.
Le Chevalier de Lamberval , Capitaine de Gre- :
nadiers , dans le Régiment de Bourbonnois , fut ?
blessé dans cette occasion , et M. de.Noyelles
Lieutenant des Grenadiers dans le même Régi
ment , fut tué.
Cette nuit la Tranchée fut relevée par le Duc t
de Duras , Lieutenant Géneral , M. de Sioujcat ,
Maréchal de Camp et M. Hosanussy , Brigadier
d'Infanterie , avec trois Bataillons , six Compagaies
de Grenadiers , le Détachement ordinaire
de la Gendarmerie , de la Cavalerie et des Dragons
, et roo, Travailleurs. On a fait pendang
cette nuit un logement dans la Contresparpe du
demi-Bastion de la droite de l'Ouvrage à corne,
et on se dispose à attacher le Mincur à la branche
droite de cet Ouvrage.
Le Marquis de Renel , Colonel du Régiment
de
NOVEMBRE . 1733. 2497 -
Sancerre , et gendre du Maréchal Duc de
Berwick , arriva à Fontainebleau le 31. Octobre
vers les 6. heures du soir, et il apporta au Roy la
nouvelle de la prise du Fort de Kell. Il étoit
parti le 28. a 9. heures du soir , dans le moment
que le General de Phall avoit fait battre la chamade
, et ce n'est que le 2. de ce mois que le Roy
a reçu les articles de la Capitulation accordée à
la Garnison, par le Maréchal Duc de Berwick,
Il a été convenu par cette Capitulation , que
le Fort de Kell et tous les Ouvrages qui en dépendent
, seroient rendus aux Troupes du Roy
le 29. au matin ; que le lendemain 30 la Garnison
sortireit avec armes et bagages , Tambour
battant , Enseignes déployées , deux Pieces de
Canon de bronze , et 12. coups de munition
pour chaque Soldat.
Qu'on donneroit la permission à tous les Offciers
Ecclesiastiques et Séculiers de toute Religion
et Profession , de la Garnison du Fort de
Kell , de se retirer où bon leur sembleroit.
Que les Vivandiers et les Commerçans de la
Garnison , pourroient sortir librement après
avoir vendu leurs meubles et effets , et que ceux
qui voudroient demeurer au Fort de Kell , seroient
traitez comme les Sujets du Roy .
Qu'il seroit permis à la Garnison de laisser
dans la Place les blessez et les malades , avec des
Officiers e tdes Chirurgiens pour en avoir soin.
Que tous les Baillifs et Sujets du Margrave de
Bade , domiciliez dans l'Ouvrage à corne du
Fort de Kell , seroient , ainsi que leurs effets
sous la protection de S. M. que la Garnison
mettroit le temps qu'elle jugeroit à propos pour
se rendre à Erlingheim , pourvû que ce terme
'excedât pas celui de 5. jours ; qu'elle seroit
*
H escortéct
2498 MERCURE DE FRANCE
escortée par les Troupes du Roy jusqu'à Etlingheim
, et qu'on lui donneroit pour aller jusqu'à
Ulm , un Passeport et un Trompette.
Que personne de la Garnison ne seroit inquié
té pour des dettes contractées au Fort de Kell ,
ou à Strasbourg , le General Phull s'en étant
rendu caution personnellement ; que ce General
donneroit les ordres qu'il jugeroit convenables ,
si pendant la marche de la Garnison pour se
rendre à Ulm , il arrivoit quelques desordres sur
la route , qu'il seroit donné des ôtages jusqu'au'
retour des Troupes du Roy qui auront escorté
la Garnison.
Que les Etats des munitions de guerre et de
bouche , seroient remis avec les clefs des Maga
Zins , aux Officiers préposez par le Maréchal Duc
de Berwick.
Qu'on fourniroit les vivres nécessaires pour
la subsistance de la Garnison pendant 3. ou 4.
jours de marche , et qu'il seroit donné un Passeport
à trois Officiers , Ingenieurs Prussiens ,
envoyez depuis 5. mois par l'Empire pour faire
réparer les Fortifications du Fort de Kell , ep
qui n'avoient pas eu
eu le temps de se retirer,
On a appris du Camp de Stolhoffen , que les
Troupes qui composoient la Garnison du Fort
de Kell , en sortirent le 13. du mois dernier , au
nombre de 1200. hommes; elles défilerent le long
de la ligne , l'Armée du Roy étant en bataille .
et conformément à un des articles de la Capitulation
, elles furent escortées jusqu'à Etlinghen
par un Détachement de Cavalerie.
Le même jour le Maréchal Duc de Berwick
fit entrer dans le Fort de Kell , le Régiment de
Gensac et celui de Rouergue , qui y doivent res
ser en garnison , et il nonma pour commander
dans
•
2499%
NOVEMBRE
. 1733
dans la Place M. de la Fitte , Commandant le
troisiéme Bataillon du Régiment de Navarre.
Le 2. de ce mois , le Chevalier de Givry , Ma
réchal de Camp , fut détaché de l'Armée avec
six Bataillons et un Régiment de Dragons ,
pour se rendre à Huningue , et pour y faire rétablir
le Pont de cette Ville. Le lendemain le
Maréchal Duc de Berwick partit avec une partie
de l'Armée du Roy , du Camp de Sundheem,
et il campa à Bichem ; il alla le 4. à Liectenaw
et il arriva le 5. vis-à- vis du Fort- Louis.
Le reste de l'Armée marcha le 4. sous les or¬
dres du Duc de Noailles ; et après avoir campé
le même jour à Bichem , il se rendit le s. à
Stolhoffen , où toute l'Armée est actuellement.
Le centre est à Selingue , la droite au Village de
Stolhoffen , et la gauche à celui d'Hugelsheim.
On travaille à rétablir le Pont de communication
du Fort - Louis à l'Ile du Marquisat et à
l'Ouvrage à corne qui doit le deffendre.
On apprend de Strasbourg , que le Maréchal
Duc de Berwick , fit le 9. de ce mois la Revûë
generale de l'Armée. Le Comte de Charolois , le
Comte de Clermont , le Prince de Conty , le
Prince de Dombes et le Comte d'Eu , s'y trou
verent. Le 12. une partie de l'Armée repassa
le Rhin , le reste suivit le lendemain , et le 13 .
les Troupes commencerent à défiler pour se
rendre dans leurs quartiers . Les Régimens de la
Marine , d'Alsace , de Pont, de Sancerre , Royal
Baviere , et celui de Mortemart , qui composent
ro, Bataillons , sont campez dans l'Isle du Marquisat
, pour y achever les ouvrages qui y ont
été commencez , et les Régimens de Piémont ,
de Lionnois et celui d'Angoumois , sont à Humingue
, pour en faire rétablir le Pont.
Hij MA
2500 MERCURE DE FRANCE
MADRIGAL
LE tendre Amour , fatigué d'un voyage ,
Rencontre Iris , et s'endort sur son sein
Quel trait hardi ! bien- tôt sur son visage ,
Le petit Dieu sent le poids de sa main,
D'un air surpris regardant cette Belle ,
Il rougissoit ; me connois- tu , dit elle ?
L'Amour répond , hélas ! pardonne moy ,
Mes yeux trompez te prenoient pour ma Mere ,
Elle n'a pas plus de charmes que toi ;
Crois-en son fils et calme ta colere,
Par M. de Rougerville , Avocat an
Parlement de Rouen.
MANIFESTE de S. M. le Roi de
Sardaigne.
E Roi de Sardaigne étroitement uni au Roi
L de France ,par les précieux liens du Sang et
de l'amitié , a vivement partagé sa juste sensibi
lité au sujet des Déclarations injurieuses , des
odieuses Négociations et des violentes voyes de
fait , par lesquelles l'Empereur a affecté de choquer
S. M. T. C. et s'est efforcé de fermer le che
min du Trône à un Prince , au sort duquel Elle
prenoit le plus tendre interêt , et qui étoit si digne
de la Couronne , que les insinuations , les
menaces et les hostilitez employées à lui enlever
les suffrages de la Nation Polonoise , n'ont pú
traverser son unanime Election.
Quoique
NOVEMBRE . 1733. 2501
1
Quoique l'esprit dominant à la Cour de Vien
ne se fut assez manifesté en Europe , pour que
les prétentions les plus étendues de sa part ne
dussent plus surprendre , on n'a pu toutesfois y
voir sans étonnement la naissance et le progrés
d'un si injuste engagement : soit que l'on considerât
la Personne du Roi , Stanislas , contre laquelle
il étoit formé , soit la dignité du Roi de
France , qu'il offençoit , soit la constitution du
Royaume de Pologne qu'il s'appoit par les fondemens,
soit enfin la nature des moyens employés à
le soutenir,tels que ceRoyaume se fut à peine attendu
à les voir mettre en oeuvre par le plus dangereux
de ses voisins .
L'objet que présente un grand Roi insulté de
propos déliberé dans l'endroit le plus sensible , et
le spectacle d'une Nation opprimée pour n'avoir
pas voulu renoncer à sa liberté , ne sçauroient
être regardez d'un ceil tranquille par aucune
Puissance. Mais combien le Roi de Sardaigne
n'a-t'il pas lieu d'en être frappé? Lui qui ne peut
s'approprier le bonheur d'une étroite parenté
avec S. M. T. C. sans participer en même tems
à l'outrage qu'on lui a intenté , ni envisager l'usage
que l'Empereur a aspiré de faire de son autorité
dans un Royaume indépendant , sans re-
Béchir aux conséquences de l'abus qu'il fait journellement
de cette même autorité dans une region
, qui lui est déja plus qu'à moitié soumise.
En vain le Roi de Sardaigne a-t-il voulu pendant
long- tems s'aveugler sur ces tristes conséquences
; la Cour de Vienne lui a fait sentir par
ses démarches qu'elle fondoit sur sa ruine celle
de la liberté de l'Italie , dont sa Maison Royale
avoit toujours été le plus ferme soutien .
Les premieres injustices de la Cour de Vienne
H iij
ont
502 MERCURE DE FRANCE
ont pour époque et pour date les tems mêmes
auxquels la Maison de Savoye faisoit les plus gé
néreux efforts en faveur de celle d'Autriche. Le
Traité d'alliance conclu en 1703. entre le feu.
Roi de Sardaigne et l'Empereur Leopold , aussi
mal executé du côté des assistances promises ,
qu'imparfaitement accompli du côté des cessions
stipulées , les considerables avances faites en ce
tems là pour l'entretien des Troupes Imperiales
en Piémont , non encore remboursées , sont les
monumens autentiques de la reconnoissance de
la Cour de Vienne.
Tel fut le traitement que le feu Roi Victor en
reçut en qualité de fidéle et d'utile Allié ; mais à
peine la dissolution de la ligue l'eut -elle obligé
d'entrer dans les mesures pacifiques qui se prirent
à Utrecht , où la pluralité des suffrages de
l'Europe lui décerna le Royaume de Sicile , par
des considerations qui devoient en perpetuer la
possession à la posterité la plus reculée ; que la
Cour de Vienne éclatant contre lui , s'en prie
d'une maniere outrageante à ses Ministres à Vien
ne et à Ratisbonne , par des Decrets aussi violens
qu'injustes , sans épargner les expressions les
plus piquantes , et sans menager la dignité toujours
respectable d'un Souverain.
Le Congrez d'Utrecht , contre lequel les Ministres
Autrichiens se déchaînoient sans cesse
avoit pourtant abondamment pourvû à la splen
deur et à l'élevation de l'Empereur , en lui assurant
la considerable addition des Pays Bas et des
Etats situez dans le continent d'Italie , à ceux
qu'il possedoit déja en Allemagne ; lui - même par
le succès de ses Armes contre le Turc avoit reculé
bien loin les bornes de sa domination du
ôté de la Hongrie et de la Transilvanie, Tant
do
NOVEMBRE . 1733. 2508
de prosperités devoient combler les voeux de la
Cour de Vienne . Cependant la seule Sicile échuë
au Roi Victor, étoit encore un objet suffisant à la
troubler. Il falut la lui ceder par un Traité qui
laissoit néanmoins jour à une discussion avantageuse
au nouveau Roi de Sardaigne. C'est ainsi
que la Maison de Savoye étoit sans cesse desti
née à contribuer à l'agrandissement de celle d'Autriche
, tantôt par les services les plus signalez »
tantôt par les sacrifices les plus coûteux.
N'auroit-on pas cru que la Cour de Vienne
dont on assouvissoit à l'envi les desirs , se seroit
du moins portée à rendre justice au Roi de Sardaigne
sur des articles moins essentiels , que la
sage disposition des Puissances contractantes
avoit renvoyées au Congrez désigné à Cambray,
Tant de condescendances ne firent qu'augmenter
sa dureté : envain les Plénipotentiaires s'y assemblerent
, la lenteur affectée , et l'infléxibilité des
Ministres Imperiaux firent perdre tout le fruit
de cette convocation , et même tout espoir de
voir renaître une occasion favorable de reparer
les préjudices supportez.
Le Roi de Sardaigne entierement livré parla à
la Cour de Vienne , sur le point de sa légitime
satisfaction , éprouva déslors tout le poids de
son aliénation pour lui. Elle n'a cessé depuis de
lui susciter des oppositions et des contestations
de toute espece.
Elle avoit déja prétendu mettre le Roi de Sar→
daigne au rang des simples Vassaux et Feuda
taires par rapport aux contributions , et cela de
l'autorité privée de l'Empereur , et de celle de son
Conseil , sans aucune délibération de la Diette ,
et même sur des lieux qui ont été declarez indé,
pendans de l'Empire par la Paix de Munster , re,
Hij gardée
2 (04 MER CURE DE FRANCE
gardée comme Loy sacrée et fondamentale pour
tout le Corps Germanique .
Elle a permis au Conseil Aulique d'écouter et
d'encourager les Vassaux et Sujets du Roi de Sardaigne
, au préjudice de la prérogative dont il
joint par sa Dignité de Vicaire de l'Empire , et
par les Diplômes accordez par les Empereurs à
la Maison de Savoye.
" Elle lui a formé des difficultez recherchées en
toute occasion , soit dans les Aquisitions qu'il a
faites de l'Empereur à prix d'argent , soit dans
les Investitures générales de ses Etats, en lui disputant
tantôt les Titres , tantôt les Distinctions
dont sa Maison a joui autrefois , et cela même
en s'éloignant par un exemple presque inoui , de
l'avis du Conseil Aulique.
Elle a éludé par des délais infinis la demande
des Titres et autres Ecritures appartenantes au
Duché de Montferrat , dont la rémission est
expressément stipulée par les mêmes Traitez ,
qui portent la cession de cet Etat , et vingt ans
de sollicitations n'ont pû les obtenir.
Afin d'ôter au Roy de Sardaigne les moyens
de se deffendre , elle a prétendu lui limiter la liberté
absolue de fortifier ses Places , que le droit
naturel , aussi- bien que les Traitez , lui accordent
; elle a tâché de forcer par des interprétations
artificieuses le vrai sens des mêmes Traitez.
Elle a fomenté avec soin et soutenu avec hauteur
, les injustes prétentions des Terres de l'Etat
de Milan , confinantes avec les Etats du Roy
de Sardaigne , rejettant même toutes les ouvertures
d'un raisonnable accord , souvent proposées
par ce Prince , la Cour de Vienne affectant
de tenir cette voye ouverte pour l'inquiéter et
roubler sa Jurisdiction.
Enfin
NOVEMBRE. 1733. 2505
•
Enfin la Cour de Vienne attentive aux occasions
de choquer celle de Turin par les endroits
les plus sensibles, a choisi le moment que les
Plenipotentiaires du Roy de Sardaigne alloient
prêter l'hommage de cette partie de ses Etats qui
reléve de l'Empice , pour introduire par surprise
une étrange nouveauté , et une odieuse distinction
contre l'usage établi , et recemment pratitiqué
envers les Rois d'Angleterre , de Dannemarc
et de Suede : Et sur les vives protestations
qui lui ont été faites à ce sujet par les Ministres
du Roi de Sardaigne, elle a prétendu reparer l'offense
au moyen de quelques excuses privées et
échapées par occasion à un Officier de la Cour
de l'Empereur , dont il a refusé de donner Acte.
Dans ces circonstances , le Roi de France qui
de son côté avoit donné pendant long- tems à la
Cour de Vienne les exemples de la plus singuliere
moderation , et les preuves de la plus sage tolerance
, a jugé qu'une pareille conduite cesseroit
d'être louable , dés qu'elle devenoit incompatible
avec sa gloire personnelle , l'honneur de son
Royaume , et l'appui qu'il devoir à ses Alliez . 11.
s'est déterminé à déclarer la Guerre à l'Empereur,
et a invité le Roi de Sardaigne à prendre à cette
Guerre la même part qu'il prenoit aux Motifs.
qui la rendoient indispensable.
Le Roi de Sardaigne engagé par tant d'endroits:
à épouser le jufte ressentiment de S. M. T. C.
ayant de plus ses propres griefs à reparer , convaincu
par une longue experience , que les maximes
de la Cour de Vienne , invariables sur son
compte , tendoient à miner sa Souveraineté , en.
attendant l'occasion de l'opprimer sans ressour
ce. Confirmé dans cette certitude par des exem
ples capables d'allarmer les plus grandes Puis-
Hr sances,
2506 MFRCURE DE FRANCE
sances , a signé un Traité , joignant avec confiance
ses Armes à celles d'un Prince , qui dépouillé
d'ambition , n'a cherché à se distinguer
en Europe que par son amour pour la Paix et par
l'équité de ses desseins .
Le Roy de Sardaigne , en qualité de Souverain
indépendant , est dispensé d'autoriser par des
exemples , les mesures qu'il est contraint de
prendre contre l'Empereur en qualité de Princes
de l'Empire , il en a d'illustres à suivre . Il sçau
ia s'y conformer en maintenant une indissolu
ble union avec cet Auguste Corps , et une par
faite amitié avec les dignes Membres qui le
composent , du nombre desquels il fait gloire
d'être.
C'est donc pour l'honneur de ses Augustes Alliez
, pour le sien propre , pour sa sureté , pour
la tranquillité et le bonheur de ses Etats , que le
Roy de Sardaigne , après avoir marqué par tou
tes ses déterminations, un sincere désir de maintenir
la bonne intelligence avec ses voisins , et d'é
pargner ses Peuples les calamitez de la guerre ,
prend maintenant les Armes .
à
En agissant par des motifs si dignes de déterminer
un Souverain , il espere non seulement .
de trouver dans ses Sujets les mêmes ressources
de zele , de fidélité et de valeur , que ses Augustes
Prédecesseurs ont trouvées en eux , mais aussi
que le Dieu desArmées protegera sa cause et qu'il
benira par d'heureux succès la justice de ses
desseins ,
BOUQUET.
V Ite un Bouquet pour la jeune Julie ;
Allons , Amour , c'est sa Fête demain ?
Bon
NOVEMBRE. 1733. 2507.
Bon , J'aime assez ces Eillets , ce Jasmin ;
Mais en Bouquets , chacun a sa folie :
La mienne , Amour , .est celle des Rimeurs ;
Toujours des Vers accompagnent mes fleurs
Vingt seulement ? j'ose te les prescrire.
Eh ! quel objet peut les mériter mieux ?
Dans son esprit , que toi- seul peus décrire ,
Regne le feu qui brille dans ses yeux ;
Ce sont des Tours neufs , vifs , ingénieux ;
C'est le talent d'a nuser sans médire ;
?
Bref , c'est .... mais quoi ! tu me laisses tout
dire !
Refuses-tu de remplir mon espoir?
J'entens , Amour , sur le coeur de la belle ,
Ton air , tes traits ont été sans pouvoir ,
Et ton orgueil est irrité contr'elle.
Dieu trop jaloux ! eh ! bien suis ton projet;
Au lieu de Vers ( l'offre sera nouvelle )
Julie aura ton dépit pour Bouquet.
ENVOY.
De la fierté qu'en vous l'on voit paroître ,
Si Cupidon quelque jour est vainqueur ,
Belle D ... ne le faites connoître ,
Qu'en me prenant pour son vangeur.
Sur un Portrait sous la figure de DIANE.
En voyant le Portrait de celle qui m'est chere,
6
H vj Venus
2508 MERCURE DE FRANCE
Venus dit : C'est le mien , le Peintre a réussi ;-
Mais Diane , croyant s'y reconnoître aussi ,
Leur débat , sur ce point , devint querelle amere
Amour les écoutoit , riant d'un . ris malin ;
Déesses , leur dit- il , vous disputés envain ;
Ce Tableau represente une simple mortelle ;
Ainsi donc sur ce point , cessez de quereller ;
Ce qui fait votre erreur , c'est qu'elle est sage et
belle.
Eh ! quelle autre par-là , peut mieux vous res
sembler ?
ARMEE D'ITALIE.
L
Es Troupes du Roy qui s'étoient mises en
marche depuis le 12 Octobre , pour passer
les Alpes par Briançon , par la Vallée de Barce-
Jonnette et par la Savoye , s'étant assemblées .
sous Verceil et sous Mortare , elles joignirent les
Troupes du Roy de Sardaigne. Ce Prince partit
de Turin le 29 du mois dernier pour aller se
mettre à la tête de l'Armée . Il arriva le même:
jour à Vigevano , où les Troupes du Roy et les
siennes s'étoient renduës .
Ce Prince après avoir détaché deux Corps de
Troupes pour aller former le Blocus de Tortonne
et celui de Novarre , se disposoit à marcher
avec l'Armée pour investir Pavie , lorsque les
Députez de cette Ville vinrent lui en apporter les
Clefs et celles du Château. Le Marquis d'Aix que
le Roy de Sardaigne a choisi pour commander
dans cette Place , a trouvé que les trois Bataillons
des Troupes de l'Empereur qui en sont sorzis
, y ont laissé 35 Piéces de Canon et 300 milliers.
NOVEMBRE. 1733 2.509.
liers de Poudre,avec beaucoup d'autres munitions.
de guerre.
Le Roy de Sardaigne s'étant avancé vers Pavie
,y a reçu le 4 de ce mois la députation du
Sénat et de la Ville de Milan, et il a commandé
le Marquis de Coigny , Lieutenant General des .
Armées du Roy , avec 9000 hommes pour s'assurer
de cette Place , et pour former le Blocus du
Château.
L'Armée devoit séjourner à Pavie les de ce
mois , et le Roy de Sardaigne comptoit s'avancer
le lendemain sur l'Adda , pour aller à Pizzi
ghitonne.
Le Maréchal Duc de Villars arriva à Turin ,,
le 6 de ce mois ; le lendemain il eut l'honneur de
rendre ses respects à la Reine de Sardaigne , et au
Duc de Savoye , et il partit le 9 , pour se rendre à
l'Armée , qu'il comptoit joindre le 11 , à Pizzighitone..
Suivant les dernieres nouvelles reçuës, de KArmée
, le Roy de Sardaigne devoit partir de Pa
vie le 7, pour marcher à Pizzighitone . Ce Prince
avoit envoyé ordre au Marquis de Coigny
Lieutenant General , de laisser à Milan une partie
des Troupes qu'il avoit pour former le Blo ..
cus du Château , et d'aller le 6 avec s Bataillons
ets Escadrons occuper Lodi , où le Duc d'Harcourt
, Marêchal de Camp , à la tête de 12 Es
cadrons , avoit eu ordre de se rendre.
REMERCIMENT de M. de Senecé,
pour une Visite reçue de M. l'Evêque
de Mâcon.
Debout , debout , grosse Dormeuse ;
Debout , vous qui devriez briller ,
1510 MERCURE DE FRANCE
Et choisir pour vous habiller , ·
La mode la plus fastueuse ,
Vous ronflez sur votre oreiller ,
Comme une vieille raffoleuse !
Debout , debout ; grosse dormeuse.
C'est à vous queje parle; entendez - vous ma voix
Vous , Muse , en qui j'ai confiance ,
Qui m'avez si souvent prêté votre assistance ,
Pour chanter les Héros et celebrer les Rois ?
C'est sur un grand Prélat que se fixe mon
choix.
Est-il plus beau sujet pour vous mettre en dépense
?
Mais mon instance a peu d'effet ;
L'Ingrare à ses faveurs mettant ici le terme,
Ouvre ses yeux , puis les refeime ,
Et retombe sur son chevet,
C'est un meuble fort inutile ,
Qu'une Muse en caducité ;
Sa foiblesse la rend paresseuse , indocile
Et de son indolence elle fait vanité.
Essayons toutes - fois si nous pourrons sans elle ,
Donner quelque coup de pinceau ,
Qui soit témoin de notre zele ,
Et digne d'un ami du fécond Du Cerceau.
Quand je vous vis entrer , Prélat incomparable ,
Dans le sombre réduit de mon Appartement ,
Je crus voir du Soleil un rayon favorable ,
Dorc
7
43 NOVEMBRE
. 1733. ifit
Dorer tous les recoins de l'obscur Logement.
Qui ne seroit charmé de voir la politesse ,
La douceur , l'éloquence et l'aimable entretien ,
Qui sans se dégrader , s'ajuste à la foiblesse ,
Et pour l'encourager në lui reproche rien ?
Qui ne sentiroit pas la puissante énergie
Si propre à réunir les coeurs evenimez ,
Qui fait
par sa seciette et divine magie
Embrasser l'Appellant avec les Intimez ?
La fierre Garnison * qui marche sans Trom
: pettes ,
Dès que vous paroissez a mis les armes bas ;
Et nos pauvres Etats déchargez de leurs dettes
Ont repris du courage au seul nom de Valras .
De plus rares talens, dont j'ai peine à me taire ,
J'oserois bien peut - être entamer le discours ,
Mais que puis - je tenter , Rimeur nonagenaire ,
Sans avoir ni Phébus , ni Muse à mon secours?
ADDITION AUX NOUVELLES.
Na appris de Pologne , par les Lettres du
12. de ce mois , que les Palatinats de Prusse,
de Martembourg et de Russie , ont executé les
ordres portez par les Universaux . La Noblesse
des autres Palatinats se prépare à suivre cet
exemple , et l'on compte qu'elle sera incessam-
* La Province souffroit depuis long-temps une
Garnison pour restes de Tailles.
ment
3512 MERCURE DE FRANCE
ment assemblée dans la Plaine de Radom , on
elle doit attendre les ordres du Roy.
Le Comte Pocci a reçû un renfort considé
rable de Troupes , qui lui a amené M. Rudzinski
, Castellan de Czersko , et il se dispose à aller
joindre l'Armée de la Couronne , qui marche
vers le Palatinat de Sandomir , pour empêcher
les Ennemis de s'approcher de Cracovie. On assure
qu'aussi - tôt après la jonction des Troupes.
de la Couronne et de celles de Lithuanie , le.
Comte Potocki , cherchera l'occasion d'attaquer.
les Ennemis .
Quelques Troupes de Saxe , commandées par
le Duc de Saxe Weseinfels , sont entrées le 2 de
ce mois en Posnanie ; les Partisans des Opposans
publient qu'elles seront bien-tôt suivies de 15000.
hommes, à la tête desquels est le Comte de Vakerbart,
Ft - Maréchal , mais il ne paroît pas que
cette nouvelle cause beaucoup d'inquiétude à la
Cour de Dantzick.
Deux Couriers que le General Lesci envoyoit
à Petersbourg , ont été arrêtez par des Détachemens
des Troupes du Comte de Pocci , et l'on a
appris par les Dépêches dont ils étoient chargez,,
que ce n'est que par des menaces et ensuite par
des promesses avantageuses, que le General Mos--
covite avoit déterminé les Opposans à la prétenduë
Election de l'Electeur de Saxe , qu'il les
avoit forcez d'inserer dans le Pacta- Conventa ,
qu'ils ont dressé toutes les clauses qu'exigeoien t .
les Ministres de Saxe , et que ces prétendus Pacta-
Conventa , avoient été signez le premier de.
ce mois par le Comte de Vakerbart - Salmour ,.
au nom de l'Electeur son Maître. Les mêmes
Dépêches portent que les Ministres de Saxe désiroient
que tous lesOpposans confirmassent leur
ConNOVEMBRE.
1733. 241.3
Confédération par serment , mais que les derniers
avoient rejetté cette proposition ,
On apprend de Strasbourg , que l'Armée du
Roy s'étant séparée le 13. de ce mois , le Maréchal
Duc de Berwick arriva le même jour en
eette Ville , d'où il alla au Fort-Louis et à Huningue
, pour y voir en quel état étoient les travaux
qu'il y avoit ordonnez ; il alla ensuite à
Landau , er le 23 il se rendit à Béfort et de là il
partit pour la Cour , où il arriva le 29 de ce mois .
Les Officiers Généraux et les autres nommez
par le Roi , pour servir en Alsace et sur les Frontieres,
sont , à Strasbourg , le Marquis de Dreux,
Lieutenant général , le Marquis de Balincourt ,
Maréchal de Camp , le Comte de Baviere et M.
Buckeley , Brigadiers d'Infanterie.
Dans la haute Alsace , M. de la Billarderie ,
Marechal de Camp , et M. d'Herouville Brigadier
d'Infanterie .
Dans la basse Alsace M. de Quadr, Lieutenant
général , et M. de Gensac, Brigadier d'infanterie.
Dans les trois Evêchez , le Comte de Belisle
Lieutenant général , M. de Tarneau , Marechal
de Camp , et M. de Lenck, Brigadier d'Infanterie.
A Nancy , M. de Lutreau , Brigadier d'Infanterie.
Sur la Frontiere de Champagne , le Marquis
de Polastron , Brigadier d'Infanterie.
Dans le Comté de Bourgogne , le Chevalier de
Givry , Marechal de Camp , et le Marquis de
Châtelux , Brigadier de Cavalerie.
Le Traité de Neutralité; entre le Roi et les Etats
généraux , a été signé à la Haye le 24. Novembre,
par le Marquis de Fenelon, Ambassadeur de
S. M. en Hollande , et par les Députés des Etats.
RON2514
MERCURE DE FRANCE
4
RONDEAU
A Monseigneur le Cardinal de Fleury,
Par M. de S. Aulaire , sur ce que S.E.
lui avoit écrit que sa pension cessero
lorsqu'il auroit six- vingt ans .
A Sixvingt
ans , vouloir que je limite,
De mon Hyver la course décrépite ,
C'est ignorer que par enchantement ,
A notre Cour ( 1 ) les jours coulent si vîte
Que les plus longs ne sont que des momens.
Quand vous aurez chassé le Moscovite ,
Et rabaissé l'orgueil des Allemans ,
On voudra voir quelle sera la suite
A six- vingt ans.
►
Les Patoureaux enchantez et dormans ,
Sous les Berceaux que no re Fée habite , (2)
Attendront-là ces grands Evénemens ,
Et le comptant de leurs appointemens ;
Car , Monseigneur , vous n'en serez pas quitte
A six -vingt ans.
( I ) Sceaux.
(a ) La Duchesse du Maine.
NouNOVEMBRE
. 1733. 2515
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
La
E Comte de Charolois , le Comte
de Clermont , le Prince de Conti , le
Prince de Dombes et le Comte d'Eu qui
étoient à l'armée d'Allemagne , sont arrivez
à Fontainebleau.
Le Roy a donné à l'Abbé Dandelot la
place d'Aumônier de S. M. vacante par
la nomination de l'Abbé de Choiseul à
l'Evêché de Châlons sur Marne.
S. M. a nommé Ministres d'Etat le
Maroshal Duc d'Estrées , et le Duc d'Antin.
Le Roy et la Reine partirent de Fontainebleau
le 24 de ce mois , après midi.
leurs Majestez allerent coucher au Chareau
de Petit- Bourg, d'où elles arriverent
le 26 au soir à Versailles.
Le premier de ce mois , Fête de la
Toussaints , il y eut Concert Spirituel au
Château des Tuilleries , On y chanta
l'Exurgat Deus , Motet de M. de la Lan
de
2515 MERCURE DE FRANCE
de , qui fut suivi d'un autre à deux voix ,
chiné avec beaucoup de précision par
les Dlles Errement et Petit-Pas;il est de la
composition du Sr le Maire.
Le Sr Jéliot en chanta un autre à voix
seule , du St Mouret qui fut fort applaudi
par une tres nombreuse assemblée.Le
Concert fut terminé par le Dominus regnavit
, précédé de differens Concerto,tresbien
exécutez.
$
Le 2 , il y eut Concert François , on y
exécuta la Chasse du Cerf. Divertissement
du Sr Morin. La Dlle Petitpas chanta le
Rôle de Diane , avec beaucoup d'applaudissement
, et le Sr Cuvilier , différents
Récits qui firent beaucoup de plaisir . Le
Concert finit par le De profundis , de M.de
la Lande , à cause de la Fête des Morts ,
lequel fut précédé d'un Carrillon func
bre , exécuté
par toute la Symphonic.
Le Mardi 10 Novembre , le R. P. D.
Jean -Hilaire Tripret, Prieur du Monastere
de S. Martin des Champs de cetre
Ville ,se transporta à l'Hôtel de M. le
Premier Président du Parlement , et eut
l'honneur de lui présenter , selon la coûttume
, deux Bonnets de Palais , avec la
cérémonie et la formule usitées dans l'Acte
dont nous allons parler. Le méme ReliNOVEMBRE.
1733. 2517
ligieux alla tout de suite chez le Premier
Huissier du Parlement , et lui presenta
une paire de Gands et une Ecritoire.
Cette ceremonie se pratique annuellement
, pour satisfaire à l'Acte d'une Fondation
solemnelle , faite en faveur du
Monastere de S. Martin des Champs, par
Philippe , Seigneur de Morviller, de Clary
et de Charenton , Premier President
du Parlement , et par Dame Jeanne du
Drac , son Epouse , le 4 Decembre 1426.
confirmée et homologuée par Arrêt de la
Cour , du même jour , qui commence
ainsi : HENRICUS , Dei Gratia , Francorum
et Anglia Rex , & c.
Le premier article de cette Fondation
porte , que lesdits Fondateurs et chacun
d'eux pourront être ( si bon leur semble ) enserrez
et sépulturez en ladite Eglise et Monastere
de S. Martin des Champs , en la
Chapelle de S. Nicolas , & c.
Dans les 14 et 15 articles on lit ce qui
suit. Item : » Que chacun an , la veuille
» de la Fête Monsieur S. Martin d'Hy-
» ver , au matin avant midi , sera fait
présent à Monseigneur le Premier Pré-
» sident de Parlement, qui pour le temps
» sera , par le Maire desdits Religieux ,
» Prieur et Convent dudit S. Martin , et
»par un d'iceux Religieux , de deux
Bonnets
2518 MERCURE DE FRANCE
» Bonnets à oreilles , l'un double, et l'autre
sengle , en disant telles paroles :
Monseigneur , Messire PHILIPPE DE MORVILLER
, en son vivant , Premier Président
en Parlement , fonda en l'Eglise et Monas- :
tere Monsieur S. Martin des Champs , à
Paris , une Messe perpetuelle , et certain
autre Service divin ; et ordonna pour la mé«
moire et conservation de ladicte Fondation :
éue donné et présenté chacun an à ce jour,
à Monseigneur le Premier President de Par
lement, qui pour le temps seroit,par le Maire
desdits Religieux et un d'iceux Religieux , ce
don et present , lequel il vous plaise prendre.
en gré. » Et sera ledit don et présent desdits
Bonnets du prix de vingt sols Parisis
, eu égard à là monnoye de present ,
» ayant cours.
»
Item. » Et avec ce sera fait don et pré- .
sent audit jour , par ledict Maire desdits :
Religieux et un d'iceux Religieux , au
» premier Huissier de Parlement , qui
pour le temps sera , de ungs Gands et
>> une Escriptoire , en disant : Sire , Messire
PHILIPPE DE MORVILLER , en son vivant
, Premier Président en Parlement,fon
da en l'Eglise et Monastere de Monsieur ‹
S. Martin des Champs , uunnee Messe Messe perpetuelle
, et certain autre Service divin , et ore
denna pour la mémoire et conservation de
las
NOVEMBRE. 1733. 2519:
"
ladite Fondation, être donné et presenté chacun
an , à ce jour , au premier Huissier de
Parlement , qui pour le temps seroit ,, par le
Maire Religieux , et un d'iceux Religieux ,
ce don et présent , lequel vous plaise prendre
en gré. Lesquelles paroles seront
» baillées par escrit au dessus nommez
» Maire , et Religieux , et sera le don et
» present desdits Gands et Escriptoire , de
douze sols parisis , en regard à la mon-
» noye ayant cours de présent.
A la suite de l'Arrêt , dans lequel toute
la Fondation est rapportée , sont aussi
les Lettres d'approbation et de consentement
de l'Abbé de Cluny , Superieur
General , et plusieurs autres Actes qui
regardent cette Fondation , laquelle fut
faite pour la somme de seize cent livres
tournois , une fois payée , &c. Les Originaux
sont conservez dans les Archives
du Monastete , et exactement imprimez
dans un Ouvrage curieux , devenu rare ,
qui en contient l'Histoire. Il nous a été
tres obligeamment communiqué par les
Religieux de S. Martin des Champs. En
voici le titre : MARTINIANA, id est, Littera
Tituli , Carta , Privilegia , &c. Monasterii
seu Prioratûs Conventualis S. MARTINI
Campis, Parisiis, Ordin , Clun . & C. 1.vol,
8. Parisiis, 1606,
Lo
2520 MERCURE DE FRANCE
Le 12 de ce mois , l'ouverture du Parlement
se fit avec les cérémonies accoûtumées
, par une Messe solemnelle , célébrée
pontificalement dans la Grande Salle
du Palais , par l'Evêque d'Agde , et à
laquelle M. Portail , Premier Président
et les Chambres assistérent.
>
Le 22 de ce mois , Messire François
d'Andigné , du Diocèse d'Angers , Evêque
d'Acqs ( nommé à cet Evêché le s
Avril dernier ) fut sacré dans la Chapelle
du Seminaire de S. Sulpice à Paris
par Melchior de Polignac , Cardinal Prêtre
du Titre de Sainte Marie aux Anges ,
aux Thermes de Dioclétien , Archevêque
d'Auch , són Métropolitain , assisté de
Michel Celse Roger de Rabutin , Comte
de Bussy , Evêque de Luçon , et de Clau
de- Louis de la Chastre , Evêque d'Agde.
Le nouvel Evêque d'Acqs étoit cy- deyant
Doyen de l'Eglise , et Vicaire General
du Diocèse de Luçon . Il est Abbé
Commandataire de l'Abbaïe de Fontenelles
, O. S. A. D. de Fontenelles depuis
1726. Ce Prélat prêta serment entre les
mains du Roy.
Epi
NOVEMBRE. 1733.
2521
Cygit
Epitaphe d'un Avare.
Ygit l'Avocat Pancrace
Homme expert en paperace ,
De qui la plume vorace ;
Mangea jusqu'à la bèsace ,
Cliens et toute leur race .
Passans pleurez sa disgrace ,
Maintenant froid comme glace ,
Le Bourreau fait la grimace ,
De ce qu'un Curé tenace
A pour loger sa carcasse
Vendu trop cher cette place.
XXXXXXXX********
MORTS , NAISSANCES
et Mariages.
D
Ans le Mercure du mois dernier
en parlant de la mort d'Hercule-
Joseph de Lur , Chevalier , Marquis de
Saluces , de Drujac et de la Groliere , on
doit ajouter qu'il étoit ; Vicomte , Seigneur
de Melangein , de l'Isle de Couderot
, &c.
La Maison de Lur est très ancienne , et
tire son origine d'Allemagne ; elle est
établie depuis plusieurs siècles dans la
Ι province
2522 MERCURE DE FRANCE
Province de Guienne , et a contracté en
France des alliances avec les Maisons les
plus considerables du Royaume.
Le Marquis de Saluces étoit l'aîné de la
Maison ; il ne laisse qu'un fils , Officier
aux Gardes Françoises,
D. Gabrielle de Rochechouart- Morte
mar, Abbesse de l'Abbaye de Beaumontlès-
Tours ,Ordre de S. Benoît , mourut le
24. Octobre , âgée d'environ soixante
seize ans , après avoir gouverné cette Abbaye
avec beaucoup de sagesse et d'édification
pendant près de 44. ans. Elle étoit
fille aînée de Louis Victor de Rochechouart,
Duc deVivonne , Pair et Maréchal
de France , Général des Galeres , Gouverneur
de Champagne et Brie , mort le 18
Septemb. 1688.et de D. Antoinette Louise
de Mesmes, morte le 10 Mars 1709.
M. Pierre de Pardaillan de Gondrin
d'Antin , Evêque et Duc de Langres ,
Pair de France , Abbé des Abbayes de
Montier-Ramey et de Lire , Docteur en
Théologie de la Faculté de Paris , et l'un
des 40 de l'Académie Françoise , mourut
dans son Diocèse le 2. Novembre âgé
d'environ 41 ans. Il étoit quatriéme fils er
Le seul qui restât de Louis- Antoine dePar
daillan de Gondrin , Duc d'Antin , Pair
de France , Chevalier des Ordres du Roi ,
Lieutenant
NOVEMBRE . 1733. 2525
Lieutenant général de ses Armées , et de
la haute et basse Alsace &c. Gouverneur
des Ville et Duché d'Orleans & c. Directeur
général des Bâtimens du Roi , Jardins
et Manufactures de France , et de D.
Julie Françoise de Crussol d'Uzez .
Le R. P. Gabriel de Riberolles , Prêtre '
Chanoine Régulier de l'Ordre de S. Augustin
, de la Congrégation de France ,
mourut le 2. Novembre en l'Abbaye Ste
Geneviève à Paris , âgé d'environ 81 ans ,
après avoir été pendant six années Abbé
de cette Abbaye, et Superieur Général de
sa Congrégation . Il étoit de Paris , et fils
d'Abraham de Riberolles , Conseiller au
Châtelet, et de Clemence du Mas , Soeur
d'Hilaire du Mas , Docteur de la Maison
et Societé de Sorbonne , et Conseiller au
Parlement. Le P. de Riberolles , fut élû
pour la premiere fois Abbé de Ste Genevieve
, et Superieur général de sa Congrégation
, le 11. Septembre 1715. et fut
continué par le Chapitre général pour
trois autres années, le is . Septembre 1718.
étant premier Assistant de sa Congrégation
lors de la mort du R. P. Jean Polinier
, Abbé et Superieur général , arrivée
le 6. Mars 1727. Il fut choisi pour achever
les sept mois qui restoient au deffunt
de ses trois ans , et le 11. Septembre sui-
Iij
vant ,
2524 MERCURE DE FRANCE
vant , il fut élû Abbé et Superieur général
pour la troisième fois , et le 11. Septembre
1730. pour la quatrième fois .
J
D. Magdelaine le Cousturier de Neuville
, Veuve de Claude Potier , Comte
de Novion ,Brigadier des Armées du Roi,
mourut le 4. Novembre sans enfans. Elle
étoit fille de Henri le Cousturier , Seigneur
de Neuville , vivant Capitaine ,
commandant le premier Bataillon du Regiment
du Roi , et de Catherine - Françoise-
Louise de la Broise , soeur de la Veuve
de Charles - Jean - Louis de Faucon
Marquis de Ris.
Henri Joseph de Vassé , Marquis d'Esguilly
&c. Seigneur de Fontenay , Mestre
de Camp de Cavalerie , mourut le
6. Novembre , âgé d'environ 34. ans.
Il étoit fils ds Joseph Artus de Vassé
, Marquis d'Esguilly &c. mort le 2 .
Septembre 1710. Et de Louise de Fesque
morte en 1732 ..Il avoit épousé en 1724 .
D. Magdeleine - Gabrielle des Gentils du
Bessay , de laquelle il laisse deux fils .
D. Jeanne Marie Palatine de Dyo de
Momperous , Marquise de Roquefeuil
Baronne de Castelnau , Epouse de Marie
François Roger de Langhac , Comte de
Dalet et de Toulongon &c. mourut le 7 .
âgée d'environ 5.5.ans , laissant deux filles,
dont
NOVEMBRE . 1733 2525
dont la cadette Françoise Charlotte de
Langhac fut mariée le 7. Juillet 1732.
avec Jean-Baptiste - François de Cugnac
Marquis de Dampierre &c. Mestre de
Camp de Cavalerie , cy- devant Cornette
des Chevaux Legers de Berry.
Le même jour , Guillaume - Jean-
Baptiste- François Becdelievre , Seigneur
de la Busnelays et de Treambert , premier
Président en la Chambre des Comtes
de Nantes , Charge en laquelle il·
avoit été reçu par la résignation de son
Pere , le 17. Novembre 1722. après avoir
étéauparavant successivement Maître ordinaire
, et Président en la même Chambre
, mourut âgé de 46. ans . Il étoit fils
aîné de feu Jean - Baptiste Becdeljevre ,
Seigneur de la Busnelays , le deuxième
de sa famille , premier Président én la
Chambre des Comptes de Nantes , et de
Renée de Sesmaisons de Treambert , et
il avoit été marié le 30. Juillet 1705. avec
Françoise Renée le Nobletz , fille de René
le Noblerz , Seigneur de Lescus , et de
Marie Agnes du Chastel . Il en a eu plusieurs
enfans , qui sont rapportés dans
l'Etat de la France'de 17 27. vol.4.p. sí7 .
"la Généalogie de cette famille se trouve
dans le Dictionnaire Histor. éditions de
1725. et 1732.
3
I iij
Le
2526 MERCURE DE FRANCE
Le 8.Philippe- Auguste Porlier, Ecuyer,
Sieur de Compiègne , et de Maillezais ,
autrefois Capitaine au Regiment Dauphin
Infanterie , mourut à Paris , âgé d'environ
65 ans. Il avoit épousé au mois de
Mai 1700. Susanne Fardoil , sa Cousine
issuë de germain , morte le 12. Février
1710. âgée de 32. ans , fille unique de Nicolas
Fardoil , Conseiller en la Cour des
Aides de Paris , mort le 8. Juin 1699. et
de Magdeleine Poussé , de laquelle il laisse
des enfans.
>
D. Charlotte- Elizabeth de Bassompierre
Epouse de Charles Marie , Marquis
de Choiseul , Mestre de Camp de Cava
krie , Sous-Lieutenant des Gendarmes
Ecossois , et Lieutenant général pour le
Roi au Gouvernement de Champagne et
Brie, accoucha le 6. Octobre dans la Ville
de Nanci , d'un fils qui a été nommé
Claude Antoine par M. l'Abbé de Choiseul
, Aumônier du Roi , nommé à l'Evêché
de Châlons sur Marne , et par D.
Charlotte de Choiseul , Comtesse de
Ludre.
D. Anne- Geneviève de Meuves, Epou
se de Jean- Paul Bochard de Champigny,
Capitaine au Regiment des Gardes Françoises
, Chevalier de S. Louis , accoucha
NOVEMBRE. 1733 2527
-
le 24 Octobre d'un fils qui a été nommé
Conrard Alexandre , par Conrard
Alexandre , Comte de Rottembourg ,
Brigadier des Armées du Roi , Gouver
neur de Bethune , Chevalier des Ordres
du Roi , Ambassadeur de S. M. en Espagne
, et par D. Emilie Mailly du Bruëil ,
Epouse de Jean-François de Creil , Brigadier
des Armées du Roi, Capitaine - Commandant
de la Compagnie des Grenadiers
à cheval, Chevalier de S. Louis.
Le Lundy 26, Octobre , à une heure
du matin , a été celebré dans la Chapelle
du Château du Houssay , près de Bonneval,
Diocèse de Chartres par M. Michel
François de Maillé de la Tour Landri ,
Prêtre , Chanoine et Chefcier de l'Eglise
Cathedrale , et Vicaire général de l'Evêque
de Chartres, Abbé commandataire de
F'Abbaye de S.Pierre de L'Esterp, Diocèse
de Limoges , le Mariage de François- Antoine
- Alexandre d'Albignac , Marquis de
Castelnau, âgé de 21. ans, fils aîné de Fran
çois d'Albignac, Chevalier , Baron de Castelnau
, Seigneur du Triadous au Diocèse
de Mende, & c.avec Dlle Anne- Elizabeth-
Constance de Montboissier , âgée de 19 .
ans , fille aînée de Philippe - Claude de
Montboissier- Canillac , Capitaine - Lieu-
I iiij
tenant
2528 MERCURE DE FRANCE
tenant de la seconde Compagnie des
Mousquetaires de la Garde du Roi , et
Brigadier des Armées de S. M. et de D.
Marie-Anne Genevieve de Maillé- Benchart
, Dame du Houssay.
M. le Marquis de Courbons , premier
Président du Parlement de Navarre , fils
de M. Miche , Marquis de Gaubert ,
premier Président au même Parlement ,
épousa le même jour Dlle Angelique
de Lons , fille de feu M. le Marquis
de Lons , Lieutenant pour le Roi et
'Commandant en Navarre et Bearn."
-
Le 13. Novembre , François - Jean-
Baptiste Joseph de Sade , Chevalier ,
Comte de la Coste et de Saumane dans
le païs Venaissin , Colonel général de la
Cavalerie du Pape , fils de Gaspard-François
de Sade , Chevalier , Marquis de
Mazan , Seigneur de Saumane , &c. et
de D. Louise - Aldonce d'Astoüaud de
Mus , épousa à Paris Dlle Marie - Eleonore
de Maillé de Carman , fille de Do
natien de Maillé , Chevalier , Marquis de
Carman , Comte de Maillé , Baron de
Lesquelen , Seigneur Desterres de Dameny
, et de Villeromain , second Baron de
Bretagne , et de Dame Marie - Louise Binet
de Marcognet son Epouse. Ce mariage
a été celebré dans la Chapelle de l'Hôtel
NOVEMBRE. 1733. 2527
tel de Condé , en présence du Duc et
de la jeune Duchesse de Bourbon . La
Mariée a été nommée Dame d'accompagnement
par M.le Duc, à qui elle a l'honneur
d'être alliée . Le marié est d'une des
plus anciennes familles de Provence , l'Abbé
Robert de Briançon en parle avantageusement
dans son Livre intitulé PEtat
de la Provence dans sa Noblesse,Tom.
3. p. 21 , La belle Laure , si connue par les
loüanges , que le fameux Petrarque , qui
s'étoit laissé toucher par sa beauté et par
son esprit , lui donna dans les Vers qu'il
fit en son honneur , pendant sa vie , et
même après sa mort arrivée en 1348. sans
avoir été mariée , étoit de la famille de
Sade. Il y a un article d'Elle dans le Dictionnaire
Histor. sous le nom de Laurc..
La Maison de Maillé originaire de
Touraine , est trop connue pour en parler
icy. La Généalogie de cette Illustre
Maison se trouve dans le 7. Tome des
grands Officiers de la Couronne à l'art.
des Maréchaux de France p. 497.
Nombre des Baptêmes , Mariages, Enfans Trouvez
et Morts de la Ville et Fauxbourgs de Paris ,
pendant l'année 1732. Sçavoir :
Baptêmes ,..
Mariages ,
Enfans .Trouvez
18607
3993
24744
I T
Matis...
2530 MERCURE DE FRANCE
Morts ,
Maisons Religieuses , hommes
et filles ,
17231
}
17532
3012
est
Partant le nombre des Baptêmes de l'année
1732. excede celui des Morts de
Le nombre des Baptêmes dé 1732.
moindre que celui de 1731. de
Celui des Mariages est moindre de
Celui des Morts est moindre de
Celui des Enfans Trouvez est moindre de
1073
272
186
3300
65
ARRESTS NOTABLES.
sous
RREST du 22. Octobre , rendu au sujet de
deux Imprimez répandus sous le nom de
Mandemens de M. l'Evêque de Laon , &c. dont
voici la teneur. ,
Le Roi s'étant fait représenter deux Imprimez
qui paroissent depuis quelques jours , sans que le
nom de l'Imprimeur , ni le lieu de l'impression
y soient marquez , l'un sous le titre de Mande
ment de M. l'Evêque Duc de Laon , contre des
Ecrits intitulez : Arrêt de la Cour du Parlement
du 25. Avril 173 3. et Arrêt de la Cour du Parlement
du 23. Fevrier 1733. donné le 10. May
1733. et enregistré le 20. May au Greffe de l'Offi
cialité ; Mandement de M. l'Evêque Duc de Laon,
second Pair de France , &c. au sujet de quatre
Imprimez qui sont énoncez dans ledit titre, S. M.
auroit reconnu , l'examen qu'elle en a
fait faire dans son Conseil , que ces deux ouvra
ges , soit par les traits qui y sont répandus sans
menagement, soit par les questions qu'on y agite
une maniere aussi peu mesurée,ne peuvent servit
par
qu'à
•
NOVEMBRE. 1733. 253 2
qu'à ranimer la chaleur des disputes , et à aug
menter un feu que le Roy travaille continuellement
à éteindre dans son Royaume ; Que d'ailleurs,
par l'usage qu'on y veut faire des censures,
on retombe dans les mêmes excès que Sa Majesté
a déja été obligée de réprimer par son Arrêt
du 29. Septembre 173 1. qu'on y entreprend
même de s'élever contre la regle que le Roy a
renouvellée par ses Déclarations du 4. Août 1720
et du 24. Mars 1730. en deffendant d'exiger
directement ou indirectement aucunes nouvelles
formules de souscription , à l'occasion des
Bulles des Papes qui sont reçûës dans ce Royau
me , n'étant permis d'en introduire sans déli-
» bération des Evêques , revétus de l'authorité
» du Roy qu'enfin on s'y explique en plusieurs
endroits d'une maniere capable d'exciter de nouveau
les disputes qui s'étoient élevées sur la distinction
des deux Puissances , et dont le Roy a
jugé à propos de suspendre le cours. Qu'ainsi ces
deux Ecrits étant contraires aux Arrêts que S.M.
a rendus sur ce sujet , et entr'autres à celui du
2. Septembre qui ordonne la suppression d'une
Instruction Pastorale du Sr Evêque de Laon ; le
Roy , qui s'est réservé la connoissance de l'execution
de ces Arrêts , ne sçauroit interposer trop
promptement son authorité contre des Ouvrages
dont les suites peuvent être si dangereuses .
A quoi étant nécessaire de pourvoir , Sa Majesté
étant en son Conseil , a ordonné et ordonne
que lesdits Ecrits , dont l'un a pour titre ,
Mandement de M. l'Evêque Duc de Laon , contre
des Ecrits intitulez , Arrêt de la Cour du Parlement
du 25. Avril 1733. et Arrêt de la Cour du
Parlement du 23. Février 1733. donné le 10. May!
mil sept cent trente-trois et enregistré le vingt May
L.V)
de
2532 MERCURE DE FRANCE
de la même année à l'Officialité , et dont l'autre
est intitulé , Mandement de M. l'Evêque Due
de Laon , second Pair de France. Comte d'Anisy
, &c. au sujet des quatre Imprimez , dont
P'un apour titre , Arrêté du Parlement du 6. May
1733. Le second , Très -humbles et très - respectueuses
Remontrances que présentent au Roy
notre très - honoré et souverain Seigneur , les
Gens de sa Cour de Parlement , en date du 15.
du même mois . Le troisiéme , Arrêté du Parlement
fait après le comte que M. le Premier Président
a rendu aux Chambres assemblées , de la
Réponse du Roy aux Remontrances du 19. May
1733. Le quatriéme , Instruction Pastorale de
M. l'Evêque de Montpellier , adressée au Clergé
et aux fideles de son diocese , au sujet des miracles
que Dieu fait en faveur des Appellans de la
Bulle Unigenitus 1733. donné à Laon le 1. Juillet
1733. seront et demeureront supprimez , comme
contraires et attentatoires à l'authorité des Decla
rations et Arrêts de Sa Majesté , tendans à émouvoir
les esprits , et à troubler la tranquillité publique.
Enjoint Sa Majesté à tous ceux qui en ont
des exemplaires , de les remettre incessamment au
Greffe du Conseil , pour y être supprimez. Fait
deffenses à tous Imprimeurs , Libraires , Colporteurs
, et autres , de quelque état ou condition
qu'ils soient , d'en imprimer , vendre , debiter,
ou autrement distribuer , à peine de punition
exemplaire ;
ORDONNANCE du premier Novembre
portant permission aux Capitaines des Régimens
d'Infanterie , de Cavalerie et de Dragons , qui
servent en Italie , de recevoir dans leurs Compagnies
jusques à cinq hommes de nation étrangère.
AUTRE
NOVEMBRE . 1733. 2533
AUTRE du même jour , portant augmentation
des Troupes , par laquelle il est dit que S. M. jugeant
à propos de faire une augmentation dans
ses Troupes , afin de les mettre en état d'être encore
plus utilement employées pour son service ,
a ordonné et ordonne que les XI . Articles con
tenus dans ladite Ordonnance seroient executez
selon leur forme et teneur , & c.
AUTRE du même jour , pour établir un troisième
Officier dans toutes les Compagnies des
Regimens d'Infanterie Erançoise.
AUTRE du f . Novembre , qui admet à profiter
de l'Amnistie du 17. Janvier 1730 , les Cavaliers
, Dragons , Soldats et Miliciens qui ayant
deserté avant ledit jour , ne seront pas rentrez
dans le Royaume dans le terme qui leur étoit
prescrit , à condition d'aller servir à l'Armée
d'Italie.
AUTRE du 9. Novembre , portant deffenses
de transporter des grains hors du Royaume.
AUTRE du 10. Novembre , pour augmenter
d'un Bataillon chacun des Régimens de son Infanterie
qui y sont nommez ; sçavoir , de Picardie
, Champagne , Navarre , Piemont , Norman-
>
Marine, Richelieu , Bourbonnois , Auvergne
, Tallard , Pons , Royal Poitou
Lyonnois , et celui de Monseigneur le Dauphin.
Ordonne S. M. aux Colonels desdits Régimens
tenir la main à ce que lesdites Compagnies soient
mises sur pied du nombre de 40. hommes habillez
et armez entre cy et le premier Mars
prochain , &c.
AUTRE
2534 MERCURE DE FRANCE
AUTRE du même jour , pour augmenter de
14 hommes , chacune des trente Compagnies
ordinaires du Régiment des Gardes Françoises.
AUTRE du même jour , portant augmenta⇒
tion des Compagnies franches de Dragons .
AUTRE du même jour , pour augmenter les
Compagnies franches d'Infanterie.
AUTRE du même jour , pour augmenter de
quarante hommes les anciennes Compagnies des
huit Régimens Suisses , et en lever huit nouvelles
de deux cens hommes chacune.
"
AUTRE du 12. Novembre concernant la Milice
, par laquelle il est dit que S. M. ayant résolu
d'augmenter les Milices qui ont été levéesen
execution de son Ordonnance du 25. Février
1726. de trente nouveaux Bataillons , composez
de 684. hommes chacun ; même de mettre audit
nombre de 684. les 93. Bataillons qui sont actuellement
sur pied , pour les égaler en force
aux Bataillons de Troupes reglées ; comme aussi
de faire commander les Compagnies de Milice ,
par un grand nombre d'Officiers , avec une paye
annuelle et dans une forme differente de celles :
qui ont été établies par les Ordonnances préce-,
dentes ; Elle a ordonné que les 20 Articles contenus
dans ladite Ordonnance , seroient executez
selon leur forme et teneur , au bas de laquelle il
y a un Etat contenant la répartition de 123. Ba
taillons de Milices , composez de 684. hommes ;
qui doivent être fournis par les Provinces et Ge
neralitez du Royaume qui y sont dénommez , -
tant de l'Ordonnance du 25. Février 1716. que
de la presente , &C.
EDIT
NOVEMBRE. 1733. 2535
i
EDIT DU ROY , portant création de Ren
tes Viageres , en forme de Tontine. Donné
Fontainebleau , au mois de Novembre 1733*-
Registré en Parlement , fe 2 Decembre 1733 .
Louis , par la Grace de Dieu , &c. A. tous presens
et à venir : Salut. Etant informé que les
Rentes Viageres , dites Tontine , créées par no
tre tres-honoré Seigneur et Bisayeul, de glorieuse
mémoire , ont été levées avec empressement,
par l'avantage que nos Sujets y trouvoient, de sé
procurer des revenus considerables , avec une
somme modique ; et que l'exactitude avec la
quelle le payement de ces Rentes s'est toujours
fait , même dans les temps les plus difficiles , depuis
leur création jusqu'à present , sans aucune
diminution ni retranchement , leur faisoit sou
haiter que nous voulussions bien en faire une
nouvelle création : Nous nous y sommes déterminez
avec plaisir : Et Nous avons même jugé à
propos , pour l'avantage de nos Sujets , de subdiviser
chaque Classe en plusieurs parties, afin de
partager la jouissance des Rentiers décedez , entre
un plus grand nombre de Rentiers suivans ; de
maniere que le suivant de chaque subdivision
jouira de la totalité des Rentes , dont elle sera
composée ; au moyen de quoi il y aura plusieurs
survivans par chaque Classe , au lieu qu'il n'y
en avoit ordinairement qu'un dans les premieres
Tontines , qui joüissoit des Rentes de sa Classe ..
A ces causes , et autres à ce Nous mouvans , de
l'avis de notre Conseil , et de notre certaine
science , pleine puissance er authorité Royale
Nous avons par notre présent Edit perpetuel ett
irrévocable , dit , statué et ordonné, disons , statuons
et ordonnons , Voulons et Nous plaît.
ART. L. Que par les Commissaires qui seront
par Nous députez , il soit vendu et aliené à nos
chers
2436 MERCURE DE FRANCE
€
chers et bien amez les Prevôt des Marchands et
Echevins de nôtre bonne ville de Paris , un million
cinquante mille livres actuelles et effectives
de rentes viageres , à prendre sur le produit de
nos droits d'Aydes et Gabelles , et des cinq grosses
fermes , que Nous avons declarez et declarons
specialement , et par privilege , affectez et
hypothequez au payement des arrerages desdites
rentes , même par preference à la partie de nôtre
Tresor Royal.
ART. II . Voulons que les constitutions particulieres
en soient faites par les Prevôt des Mar.
chands et Echevins de nôtre bonne ville de Paris,
à ceux de nos sujets , aux étrangers non naturalisez
, même à ceux qui seront demeurans hors
de nôtre Royaume, pays , Terres et Seigneuries de
nôtre obéissance , qui les voudront acquerir ;
renonçant pour cet effet à tous droits d'aubaine
, et autres qui pourroient Nous appartenir >
même à ceux de confiscation , en cas que les particuliers
, au profit de qui lesdites rentes seront
constituées , fussent sujets des Princes et Etats
contre lesquels Nous serions en guerre ,
Nous les avons relevez et dispensez .
>
dont
ART. III . Voulons que les Contrats de constitution
desdites rentes soient passez pardevant
tels Notaires que les acquereurs vaudront choisir
, pour en jouir par eux leur vie durant , comme
de leur propre chose , vray er loyal acquêr
pleinement et paisiblement , en vertu de leurs
contrats, et en être payez actuellement et effectivement
par demi- année , à Bureau ouvert ,
deux payemens par chacun an , sans que lesdites
rentes puissent être réduites ni retranchées , sous
quelque prétexte que ce puisse être. Et seront les
Contrats de constitution desdites rentes ,delivrez
gratuitement aux acquereurs par les Notaires ,
en
aus
NOVEMBRE. 1733. 2537
ausquels il sera par Nous pourvû d'un salaire raisonnable.
IV. Le million cinquante mille livres de
rentes , sera distribué, en sept classes , de cent
cinquante mille livres chacune , et chaque classe
subdivisée en trente parties de cinq mille livres
, qui seront remplies de suite ; de maniere
qu'aussi- tôt qu'une desdites trente parties de
cinq mille livres de rente se trouvera levée , les
nouveaux acquereurs seront inscrits dans la seconde
subdivision , et ainsi successivement dans.
la troisiéme et suivantes , jusqu'à la concurrence
desdites cent cinquante mille livres de rentes ,
dont la classe sera composée : La premiere , des
enfans depuis un an jusqu'à dix ans accomplis ; la
deuxième, de dix ans jusqu'à vingt ; la troisième
de vingt ans jusqu'à trente ; la quatrième , de
trente ans jusqu'à quarante ; la cinquième de
quarante ans jusqu'à cinquante ; la sixième , de
cinquante ans jusqu'à soixante ; et la septième et
derniere , de soixante ans jusqu'à soixante-dix.et
au-dessus .
V. Chaque Action sera de trois cens livres de
capital , et il sera permis à chaque Rentier , d'en
prendre tel nombre qu'il lui plaira dans chaque
subdivision de sa classe , pour lesquelles il lui sera
expedié un ou plusieurs Contrats, à son choix.
VI. Comme il ne seroit pas juste que les personnes
moins avancées en âge , qui selon le
cours de nature doivent plus long- tems jouir
desdites Rentes , en tirassent un aussi fort revenu
que ceux d'un âge plus avancé , ordonnons
que les Rentiers des deux premieres classes , jusqu'à
l'âge de vingt ans accomplis , seront payez
des interêts de leur capital sur le pied du Denier
Quatorze , ceux de la troisiéme et quatriéme
depuis vingt ans jusqu'à quarante , sur le pied
du
2528 MERCURE DE FRANCE
du Denier Douze ; ceux de la cinquième et
sixiéme , depuis quarante ans jusqu'à soixante ,
sur le pied du Denier Dix ; et ceux de la septième
depuis soixante ans jusqu'à soixante - dix et au
dessus , à raison du Denier Huit .
VII. Lorsque les acquereurs desdites Rentes
viageres viendront à déceder , les arrerages dont
ils jouissoient , appartiendront par accroissement
aux survivans de la même subdivision dans laquelle
ils seront employez , et seront distribuez
entre eux d'année en année au sol la livré jusqu'au
dernier mourant , sans que lesdites Rentes
puissent être censées éteintes à nôtre profit par
le décès des acquereurs ; sinon après le décès du
dernier Rentier de chaque subdivision de classe ;
ensorte que le dernier vivant de chaque subdivision
de chacune desdites classes , recueillera
seul le revenu de tous les capitaux qui compose
ront ladite subdivision ; et toutes les Rentes
comprises en icelle demeureront éteintes et
amorties à notre profit , après la mort du dernier
Rentier de ladite subdivision .
VIII. Ceux qui acquerront lesdites Rentes
seront tenus de justifier leur âge par des Extraits
baptistaires en bonne forme , et dûement légalisez
ou actes de notorieté équipolents ; et à l'é
gard des étrangers demeurans hors de nôtre
Royaume, ils seront tenus, outre lesdits Extraitsbaptistaires,
ou autres actes équipolents , de rapporter
des certificats de nos Ambassadeurs , Envoyez
, Résidens ou Consuls de la Nation Françoise,
dans les Cours , Etats , ou Villes étrangeres
où ils demeureront , portant qu'ils se sont
presentez devant eux , et qu'ils leur ont représenté
lesdits Extraits- baptistaires : ou autres actes
équipolents , annexez aux minutes des Contrats
de constitution desdites Rentes,
IX
NOVEMBRE. 1733 2539
IX. Le Bureau sera ouvert à notre Trésor
Royal , huit jours après l'enregistrement de nô
tre present Edit,pour y recevoir les deniers capitaux
desdites Rentes , et en délivrer des quittan →
ces sur lesquelles les Contrats seront passez , pour
être ensuite procedé à la confection des listes de
chaque classe , et par Nous pourvû à la distribution
du fonds necessaire pour le payement des
Rentes de chacune , à raison du Denier ci- dessus
mentionné.
X. Ceux qui acquerront lesdites Rentes viageres
avant le premier Janvier prochain , en aufont
la jouissance à commencer du premier Octobre
dernier , et ceux qui les acquerront avant
le premier Avril , en jouiront du premier Janvier
: lequel temps passé, le Bureau de la Recet
te desdits capitaux demeurera fermé .
XI. Le payement des arrerages desdites Rentesse
fera par les Payeurs qui seront créez à cet effet
, et ainsi qu'il se pratique pour les autres Rentes
de l'Hôtel de Ville,ausquels Payeurs les fonds
seront remis chaque année , par les Fermiers de
nos Aydes et Gabelles et autres Fermes.
XII. Voulons que la presente Tontine soit di
rigée en la même forme et maniere,que les trois
autres ci-devant créées ; et qu'en consequence
le Prevôt des marchands de nôtredite Ville de
Paris procéde à la nominatiou des Syndics honoraires
desdites classes , aussitôt après la confection
des listes , conformement à ce qui s'est
pratiqué jusqu'à present : Et à l'égard des Syndics
onéraires , notre intention est que ceux qui
sont pourvûs de ces Offices pour lesdites trois
premieres Tontines, fassent les mêmes fonctions
pour la présente , suivant la distribution qui leur
sera faite desdites Classes par le Prevôt desMarchands.
2540 MERCURE DE FRANCE
XIII . Et comme il est important d'empêcher
qu'on ne puisse sous des noms supposez , sur des
fausses Quittances , et sur des Quittances signées
par des Rentiers avant leurs décès , recevoir le
payement des arrérages desdites Rentes à notre
préjudice , et à celui du droit d'accroissement acquis
aux furvivans : Voulons et Ordonnons que
les Quittances soient passés par les Rentiers, domiciliez
à Paris , pardevant les mêmes Notaires
qui auront expedié les Contrats de Constitution,
qui attesteront que le Rentier , au nom duquel
la Quittance sera passée , est actuellement en vie
et s'est présenté devant eux lors de la passatiou
de ladite Quittance , de la verité desquelles chacun
desdits Notaires demeurera civil menr res
ponsable , sans que lesdits Rentiers soient obligez
de rapporter d'autre Certificat de vie , dont
Nous les avons dispensez : A l'égard de ceux qui
demeurent dans les Provinces de notre Royaume,
ils pourront faire reccvoir les arrérages , sur des
Procurations en boune forme , passées pardevant
Notaire , et légalisées par le Juge ordinaire
du lieu de la résidence desdits Notaires ,
qui certifiera au pied desdites Procurations
la vie desdits Rentiers : Et ceux qui seront
demeurants hors de nôtre Royaume , seront tenus
de rapporter des certificats de vie , passez
pardevant Notaires , ou autres personnes publiques
, en présence de deux témoins , qui attesteront
avoir vu dans le jour, et parlé audit Rentier,
le tout légalisé par nos Ambassadeurs , Envoyez,
Résidens , ou Consuls de la Nation Françoise
dans les Cours, Etats et Villes étrangeres où ils
sont demeurants ; et dans tous les cas ci- dessus ,
seront les Quittances passées devant Notaires
comme il se pratique pour toutes les autres Rentes
viageres par Nous dues. Voulons au surplus ,
>
qua
NOVEMBRE. 1733. 2541
que que nôtre Declaration du 27. Decembre 1727.
qui établit des peines contre ceux qui recevroient
indûëment les arrerages des Rentes viageres
constituées sur l'Hôtel de Ville de Paris , soit
executée selon sa forme et teneur , pour les Rentes
créées par le present Edit ; et que dans le cas
où les Notaires ne reconnoîtroient pas assez les
Rentiers pour certifier leur existance , il y soit
suppléé conformément à ladite Declaration , par
l'intervention de deux personnes domiciliées à
Paris, qui attesteront l'existence desdits Rentiers .
XIV. Et pour d'autant plus favoriser les acquereurs
desd . Rentes viageres ,voulons que les arrerages
, à quelque somme qu'ils puissent monter
par l'accroissement de la part des prédecedez , ne
puissent être saisis sous quelque prétexte que ce
soit , pas même pour nos propres affaires ; et en
outre que les Rentes qui seront acquises par les
étrangers , soient exemptes de toutes lettres de
marque , et de représailles , pour quelque cause
que ce soit.
XV. Les arrerages desdites Rentes , qui seront
dûs au jour du decès de chacun des Rentiers , seront
payez à leurs veuves , enfans et héritiers, en
rapportant , outre l'Extrait mortuaire en bonne
forme , bien et dûëment légalisé , la Grosse du
Contrat de constitution.
XVI . Les peres et meres qui auront acquis
desdites Rentes viageres sous le nom d'aucun de
leurs enfans , jouiront des arrérages , sans être
tenus d'en rendre aucun compte ,jusqu'à ce qu'ils
en ayent disposé au profit de leursdits enfans.
XVII . Ceux de nos Sujets caillables, qui acquereront
desdites Rentes , ne pourront être imposez
à la Taille à plus grande somme , pour raison
de ladite acquisition , ni même pour l'accroissement
dont ils pourront joüir dans la suite .
XVIII
2642 MERCURE DE FRANCE
XVIII. Les acquereurs desdites Rentes pourfont
faire passer les Contrats sous le nom de telles
personnes qu'ils voudront choisir , pour en jouir
tant par eux , que par ceux qu'ils nommeront sur
leurs quittances , dont il sera fait mention dans
les quittances du Garde de notre Trésor Royal , er
dans lesdits Contracts ; et l'existence des personnes
nommées par lesdits acquereurs , sera justi—
fiée pour recevoir les arrerages et accroissemens,
dans les formes ci - dessus.
XIX. Voulons que s'il arrive quelques contestations
pour raison du payement desdites Rentes
viageres , forme ou validité des quittances
des rentiers , ou touchant quelque autre chose
concernant lesdites rentes , la connoissance en
appartienne aux Prevôt des Marchands et Echevins
de notre bonne ville de Paris ,ausquels Nous
en avons attribué toute Cour ,Jurisdiction et connoissance
; pour être par eux lesdites contestations
decidées sommairement et sans frais , en
premiere instance , et par appel en notre Cour de
Parlement de Paris ; nonobstant et sans prejudice
duquel appel , les jugemens rendus par lesdits
Prevôt des Marchands et Echevins , seront executez
par provision. Si donuons en mandement à
nos amez et feaux Conseillers les Gens tenans notre
Cour de Parlement, Chambre des Comptes et
Cour des Aydes à Paris , que notre present Edit
ils ayent à faire lire, publier et registrer , et le contenu
en iceluy garder et observer de point en
point , selon sa forme et teneur , nonobstant tous
Edits , Declarations , Arrêts , Reglemens et autres
choses à ce contraires , ausquels Nous avons
dérogé et derogeons par le present Edit ; aux copies
duquel , collationnées par l'un de nos amez
et feaux Conseillers-Secretaires , voulons que foy
soit adjoûtée comme à l'original : Car tel est notre
plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et staNOVEMBRE.
1733. 2543
ble à toûjours , Nous y avons fait mettre notre
scel . Donné à Fontainebleau &c.
P
TABLE
Leces fugitives. Ode sur le Parnasse François
. 2331
Reponse à l'Auteur du projet sur M. de Montagne
Ode sur l'ouvrage des six jours.
12337
2353
Lettre sur l'Opération laterale de la Pierre . 2361
La Tourterelle, Idylle , 2365
Mémoire sur la question du Plain- chant &c.
Le Triomphe de l'Amour , Ode.
Lettre sur le Testament de M. Pithou,
Le Passage de la Mer Rouge , Cantate.
2369
2380
2385
2391
Reponse au Problême proposé sur l'essence de la
matiere.
Enigmes , Logogriphes &c.
2393
2408
2419
Nouvelles Litteraires des beaux Arts & c.Histoire
Litteraire de la France & c.
Monumens de la Monarchie Françoise & c. 2427
Systême tiré de l'Ecriture Sainte sur la durée du
Monde & c. 2434
Nouvelles Etrennes , Calendrier et Fables 2438
Essay sur les Erreurs populaires &c. 2443
Livres nouveaux des Pays Etrangers & c. 2452
Ouvertures des Academies après les vacances2454
Ouverture du College Royal & c.
1
2455
Lettre écrite à l'Auteur du Bureau Typographyque
2456
Prix de la Sosieté des Arts & c.
1
2458
Pix de l'Academie. de Bordeaux & c.
2459
Nouvelles Estampes &c. 2460
Nouveaux ouvrages de Musique. 2461
Air poté d'après le nouvel Opera 2463
Les Rois , Ronde de Table.
Spectacles.
2464
2466
Nouvelles Etrangeres, de Turquie et Perse. 2469
Lettre de Constantinople.
De Russie et de Pologne.
247I
2480
D'Allemagne , d'Italie , Espagne et Païs- Bas.
Epitre familiere à Mad.
2489
2492
Suite de la Relation du Siege et de la prise de
Kell .
Madrigal .
Manifeste du Roi de Sardaigne.
2.495
12500
Ibid.
Bouquet. 2506
Portrait en Diane .
2507
Armée d'Italic.
2508
Remerciment de M. de Senecé &c.
2509
Addition aux Nouvelles, 2512
Rondeau de M. de S. Aulaire. 2514
Nouvelles ds la Cour de Paris &c . 2515
Cérémonie remarquable. 2516
Epitaphe d'un Avarn . 2521
Morts , Naissances et Mariages
Ibid.
l'Année 1732. 2527
2530
Nombre des Baptêmes , Mariages er Morts de
Arrêts Notables .
Errata de Septembre.
Charlotte de Rohan Guemené , est morte Epouse
en secondes Nopces de M. Hugues de Crequy ,
dit le Compte de Crequy , et non pas de Jean-
Antoine de Crequy , Comte de Canaples , frere
aîné dudit Hugues.
Errata d'Octobre.
Pag. 2137. ligne 20 fixus lisez fiscus. P. 2304 .
ligne 2. du bas , du Roi , ôtez ces mots.
trenérder la page 24640
MERCURE
DE FRANCE ,
DĚDIE AV ROY.
1733 .
PREMIER VOLUME:
DECEMBRE.
SPARGIT
CURICOLLIGIT
A PARIS
GUILLAUME CAVELIER .
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais.
M. DCC. XXXIII.
Avec Approbation & Privilege du Roy
A VIS.
L'A
>
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure vis - à- vis la Comedie Françoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventſe ſervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toûjours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perie de temps & de les faire porier fur
Pheure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
,
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT:
DECEMBRE. 1733 .
*************************
PIECES
L
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose .
L'HOM M E.
..O D E.
Oin d'ici brillantes chimères ;
De ces cyniques orgueilleux ,
Qui nous ont masqué nos miseres,
Sous les dehors les plus pomp ux.
Suffit- il d'embellir un songe ,
Pour donner chez nous au mensonge ,
L'air spécieux de verité ?
I. Vol. Non A ij
2544 MERCURE DE FRANCE
Non , quelque couleur qu'on employe ,
Je ne puis entrevoir de joye ,
Dans le sein de l'adversité,
V
Au lieu de nous fournir des armes ,
Pour opposer à nos douleurs ;
Pourquoi vouloir dans nos allarmes ,
Nous faire trouver des douceurs ?
Croyez -vous captieux cyniques ,
Par vos emphases magnifiques ,
De l'Homme adoucir les chagrins .
Est- ce que des biens en peinture ,
Peuvent le soustraire à l'injure ,
De ses veritables destins ?
來
Ecartons ces lumieres sombres ,
Qui ne nous offrent qu'un faux jour ,
Craignons en marchant dans les ombres ,
De nous égarer sans retour.
Par une peinture fidelle ,
De la condition mortelle ,
Tâchons d'appaiser les rigueurs ;
Et quand la celeste vengeance
Se voit pour nous sans indulgence ,
Connoissons du moins nos malheurs.
1. Vol.
L'Homme
DECEMBRE . 1733. 2545
L'Homme est le plus parfait ouvrage ,
Que Dieu jamais ait enfanté;
En lui je vois briller l'Image
De la suprême Majesté .
De l'Univers souverain Maître ,
De l'Auteur même de son Etre
Il eût partagé le bonheur ,
Si , toûjours soumis à ses ordres ,
Il n'eût osé par ses désordres "
Allumer son couroux vengeur.
M
Depuis sa desobéissance ,
Ses biens se sont changez en maux ;
La pauvreté , la dépendance
Ne lui laissent point de repos
Il ouvre à peine à la lumiere ,
Une languissante paupiere ,
Qu'il se voit né pour le malheur ,
En chagrins sa vie est féconde ;
Il ne fait voir qu'il est au monde ,
Qu'en poussant des cris de douleur.
Ses malheureuses destinées ,
Dans son coeur insensiblement ,
Reçoivent avec les années ,
Quelque nouvel accroissement.
Il est à la seconde Aurore
I. Vol. Cent
A iij
2546 MERCURE DE FRANCE
Cent fois plus miserable encore
Qu'il n'étoit au premier Soleil ;
Et la nuit ne suspend ses peines ,
Que pour ajoûter à ses chaînes ,
Un nouveau poids à son réveil.
S'il entre au - dedans de lui- même ,
Quel déluge de maux affreux !
Ce qu'il déteste , ce qu'il aime ,
Le rend tour à tour malheureux.
Entend- il gronder le Tonnerre ,
Il croit voir le Ciel et la Terre
Réunis pour son châtiment ,
Et jamais un bien ne le touche ,
Qu'aussi- tôt une peur farouche
N'en dissipe tout l'agrément,
M
A cette regle generale ,
'Aucun Mortel ne s'est soustrait ;
Tous dans cette coupe fatale ,
Boivent le poison à long trait.
Illustre Héros , Hommes sages ,
Vous avez part à ces outrages ,
Comme les derniers des Humains ;
Le vain effort . que vous vous faites
Pour paroître autres que vous n'êtes ,
Ne rend pas vos jours plus séreins.
I. Vol. Ici
DECEMBRE. 1733. 2547
Ici je vois un fou de Grece ,
Du nom de Sage revêtu ,
Qui cherche à cacher sa foiblesse ,
Sous le manteau de la vertu ;
Mais en vain ; ses belles paroles
Ne sont que des contes frivoles ,
Dont je sçai la juste valeur ;
Et malgré la riante image ,
Qu'il affecte sur son visage ,
Je sens qu'il souffre au fond du coeur .
Eh ! pourquoi de ces mêmes peines ,
Ne subiroit- il point la loy ?
Le sang qui coule dans ses veines ,
N'est- il pas tel qu'il coule en moi ?
Enfans de la même Nature ,
Je n'éprouverois que torture !
Il ne connoîtroit nul chagrin !
Non , sortis d'une même source ,'
Nous devons tous dans notre course
Passer par le même chemin.
潞
Le Sage au- dessus du vulgaire ,
A force de refléxion ,
Peut bien quelquefois se soustraire ,
A quelques maux d'opinion ;
Il peut regarder la tempête ,
91
I. Vol. Prête A iiij
1548 MERCURE DE FRANCE
Prête de fondre sur sa tête
Et jouir d'un profond repos ;
Mais quand la douleur le consume
L'Homme en proye à son amertume ,
Oublie aisément le Héros..
Avec une ardeur non commune
Dans les temps les plus orageux
Il peut , vainqueur de la fortune
Braver ses traits impetueux..
Epictete , par son courage
Goute jusques dans l'esclavage
Les douceurs de la liberté ,
L'attaque- t'on dans sa personne a
Toute sa force l'abandonne ,
Il rentre en sa captivité.
Ah ! si la Nature infléxible
Impose de si tristes Loix ,
Du moins , autant qu'il est possible ,
Tâchons d'en affoiblir le poids.
Puisque l'on trouve quelques charmes
A se soulager par des larmes ,
Mortels , versez- en librement ;
Esclaves d'injustes maximes ,
1. Vol.
PourDECEMBRE
1733. 2549,
Pourquoi vous feriez - vous des crimes
D'un si juste adoucissement
C'est une lâcheté de feindre
Pour exagerer son tourment ;
Mais il est permis de se plaindre ,
Quand on souffre réellement :
Trop sensibles à la misere-
Craignons d'outrager notre Mere
Par quelque reproche indiscret ;
Mais ne nommons jamais constance
Une orgueilleuse indifference ,
Que le coeur dément en secret.
の
A. De la Boisseliere , F.
ᎣᎣᎣᎣᎣᎣᎣ
DISCOURS de M. de Ponsan , Trésorier,
de France à Toulouse , prononcé, dans »
l'Académie des Jeux Floraux peu de
temps après sa reception...
MESSIE ESSIEURS,
EURS
,
Vos nouveaux Confreres seroient fondez
à demander que vous eussiez pour
eux la condescendance de les dispensers
de remplir leur tour dans vos conferen
I. Vel A.Y COS S
2550 MERCURE DE FRANCE
ces ; avant qu'ils fussent obligez de parler
devant vous , il seroit juste qu'ils eus
sent joui quelque temps de l'avantage de
vous entendre ; le respect que j'ai pour
vos usages , m'engage à m'y conformer ,
ils me seront toujours plus chers. que mes.
interêts ; je connois tout le danger de ce
que j'ose entreprendre ; mais je m'y expose
d'autant plus volontiers , que je croi
qu'il n'y a pas moins de modestie à subir
votre fine et judicieuse critique , qu'à
n'oser la soutenir ; une attention cons
tante à ne rien mettre sous vos yeux ,
pourroit bien être soupçonnée de quelque
présomption ; rien ne seroit en
moi plus déplacé qu'une pareille pru--
dence; je n'ai pas àà craindre de craindre de compromettre
une réputation acquise ; ce sentiment
trop précautionné a quelquefois
séduit de grands hommes ; ils n'ont pas
sans doute fait attention qu'il est trespréjudiciable
aux interêts du public ; il
lui enleve les avantages que pourroient
lui procurer des Esprits, d'ailleurs excellens
; on a lieu d'être surpris qu'oubliant
ce qu'ils doivent à la société , ils veuil--
lent se condamner au silence , et priver
leurs bons Ouvrages de la lumiere , à
cause que malheureusement pour nous ,
ils se sont fait une idée de perfection à
Vol.
laeDECEMBRE
. 1733. 4551
laquelle ils ne croient jamais pouvoir atteindre
; il seroit à souhaiter que quelque
Génie du premier Ordre , écrivit sur
cette matiere , il tâcheroit de guérir l'esprit
de cette orgueilleuse modestie , et
désabuseroit d'une ambition qui devient
infructueuse , parce qu'elle est démesurée.
Pous vous , Messieurs , vous ne vous
laissez pas surprendre à ces piéges de l'amour
propre ; votre goût pour les Belles
Lettres maintient avec ardeur les travaux
Litteraires de cette ancienne Académie ;
vous remplissez tour à tour nos séances
par des Ouvrages pleins d'agrément , et
en même temps tres utiles , ce qui me
met en droit de dire avec Horace , que
tout ce qui vient de vous est marqué au.
coin de la perfection :
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.
Depuis que j'ai l'honneur d'être témoin
de vos occupations Académiques ( 1 ).
un de vos plus zélez confreres a fait voir
dans un ingénieux Dialogue que l'imagi
nation et la raison se nuisent réciproquement.
Nous devons moderer les fougues
de l'une , fuir les contraintes de l'autre , eten
exciter les lenteurs ; celle - ci nous gê--
(11) M. le Chevalier Daliés,.
I: Vol . A vj
2552 MERCURE DE FRANCE
ne ; celle-là nous égare ; elles peuvent
pourtant se prêter de mutuels secours :-
pour tourner leurs défauts à notre avantage
, il ne faut que mettre en pratique .
les excellens préceptes qui sont semez
dans le Dialogue dont je parle.
Nous avons ensuite écouté avec beau-..
coup de plaisir , la lecture ( 1 ) d'un ou
vrage mêlé de recherches utiles et curieuses
, qui explique le chimérique projet
de cet avanturier , qui prétendoic
avoir un secret pour changer le Fer en
Cuivre , et qui abusa dans cette Ville , il
y a quelques années , de la crédulité de
ceux qui mirent en lui une confiance intéressée
; rien n'égale les illusions de la
Chimie , lorsque sa folle ambition la
porte à s'occuper de la transmutation
des Métaux ; on peut bien dire que l'imagination
égare alors la raison;le grand
oeuvre ne peut faire perdre le temps
qu'aux petits Esprits ; les vaines recherches
qu'on en fait se réduisent à acque
rir à grands frais l'indigence ..
L'Auteur ( 2 ) des Réfléxions sur le
goût nous a donné par cet Ouvrage une
( ) Cet Ouvrage est de M. le Marquis d'Aus-
Bone.
( 2 ) Les Réfléxions sont de M. Rabaudy Vis
ruier de Toulouse
Jakdla..
nou
DECEMBRE. 1733 25535
;
nouvelle preuve de sa délicatesse; il nous .
a fourni en même - temps des Préceptes.
et des Exemples ; ce sujet étoit digne de.
son choix le public ne sçauroit trop ,
marquer sa reconnoissance aux personnes
qui veulent bien tâcher d'établir quelque
chose de certain sur une matiere aussi
importante, et qui ne devient que trop
arbitraire.
Des obstacles , sans doute considéra-,
bles , nous ont privez de la satisfaction.
d'entendre deux autres de nos Confreres; ..
leurs excuses ne sçauroient être aussi lé-..
gitimes que mes regrets ; ils ne peuventqu'être
grands , dès qu'ils sont proportionnez
à ce que je crois avoir perdu ; ils .
seroient extrêmes, si je ne me flattois que ,
cette perte n'est pas irréparable.
L'impossibilité où je me trouve , Messieurs
, de vous procurer dans cette Séan-.
ce autant de plaisir que j'en ai goûté dans
les précédentes , mortifie ma reconnois-,
sance , qui certainement ne seroit pas en
reste , s'il ne falloit beaucoup d'esprit ene
cette occasion pour m'acquitter envers
vous ; je ne négligerai rien pour tâcher
du moins de vous faire connoître ma.
bonne volonté , le hazard m'a fourni le.
sujet sur lequel je vais vous parler.
Je reçûs il y a quelques jours une. Let-
•
JVola
2554 MERCURE DE FRANCE
tre d'une Dame , et comme elle me demandoit
une réponse fort longue , je lui
addressai , après avoir répondu à sa ettre
, un petit Ouvrage pour l'amuser
dans sa Campagne. Je prens la liberté de
vous le présenter pour remplir mon tour
dans cette Séance.
La Dame à laquelle s'addresse ma Lettre
est de ces Personnes dont la beauté
fait le moindre mérite ; elle a le précieux
secret de plaire à tout le monde , et d'obtenir
toutes les préférences ,avec ces avantages
vous n'aurez pas de peine à croire
qu'elle ait inspiré beaucoup de passions ;
mais , ce qui est plus glorieux , elle a sçû
s'attacher plusieurs amis; faites- moi l'honneur
, Messieurs , de croire sur ma parole
, quelque incroïable que cela soit , que
cette Dame , malgré le nombre et le mérite
de ses Amans , a toujours méprisé
l'Amour , et a fait grand cas de l'amitié 3 .
vous voïez par là que son discernement
exquis , l'a mise au dessus des préjugez.
les plus établis , et des usages les mieux
observez ; elle a de l'esprit infiniment, ses
pensées sont ingénicuses , solides et enjouées,
ses expressions sont fortes et pleines
de sens , elle aime , mais sans mali--
gnité , tout ce qui attaque les moeurs corrompues
du siécle ; elle peint vivement
I. Vol. less
DECEMBR E. 1733 . 2555
es travers et les ridicules ; son heureux
génie est fertile en traits que l'amour propre
qualifie d'outrez , et qu'on pourroit
souvent regarder comme adoucis , si l'on
connoissoit toute la malice des hommes.
Les Personnes qui n'aiment pas les
propos
galans ne trouveront rien dans ma
Lettre , sur ce sujet, qui puisse n'être pas
de leur goût , quoiqu'elle soit addressée
à une Dame ; toute ma galanterie se réduit
à lui dire galament , si cela se peut ,
que je n'ai jamais eu d'amour pour elle ;
mon dessein est de lui parler en general
de l'amitié , de faire les éloges de cette
vertu , de démasquer l'amour , et d'établir
la superiorité que l'amitié a sur lui ;
ce sujet fait naître des réfléxions dont je
tâche de tirer parti , pour mêler , s'il .
m'est possible , quelque utilité avec des
badinages.
Quis vetat.
Ridendo dicere verum 2
De pareils sujets ne sont pas déplacez
dans nos Conferences. Messieurs de l'Académie
Françoise s'occupoient dans les
premiers temps à faire de petits Discours
sur telle matiére qu'il leur plaisoit ; ces
Ouvrages n'ont pas été imprimez , mais
Pillustre Historien de cette celebre Com-
La Vol.. pagnie
2556 MERCURE DE FRANCE
pagnie nous apprend que M. Porcheres
Laugier parla sur les différences et les
conformitez qui sont entre l'amour et
l'amitié. M.Chapelain fit un Discours contre
l'amour. M. Desmarais fit une Dissertation
sur l'amour des Esprits , et M. de
Boissat en fit une autre sur l'amour des
corps . J'ai cru que je pouvois après ces
modelles , traiter icy un sujet qui a beaucoup
de rapport avec ceux là .
Comme ma Lettre n'est pas une fiction
, et que je l'ai véritablement écrite
pour répondre à celle que j'avois reçûë ,
il n'est pas possible qu'il n'y ait des choses
personnelles ; je n'ai pû les supprimer
sans déranger le tissu de ce petit Ouvrage
; je ne sçai , Messieus , si je n'abuserai ·
pas , en vous les lisant , de l'entiere liberté
que vous donnez sur le choix des
sujets ; j'use de cette liberté en commençant
par vous lire , avant que d'entrer en
matière sur le sujet annoncé, ma réponse
à la Lettre de cette Dame.
I.Val
LETDECEMBRE.
1733,
2557
htt
LETTRE de M. de P... à Mad. de
L... écrite de Toulouse , le 10 Septembre
1733
MADAME,
J'ai reçû depuis trois jours seulement
la Lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire , il y en a plus de quinze ; je
serois en droit de me plaindre de ceux
qui l'ont retenue et qui ont différé par là
le plaisir qu'elle devoit me faire; je poutrois
déclamer contre eux et contre le
sort ; peut- être réussirois - je à parer ces
lieux communs et ces tours usez de quelque
air de nouveauté ; mais en prenantle
ton ordinaire des Amans , j'aurois à
craindre d'être confondu avec ceux dont
j'aurois emprunté le langage Il me paroît
que votre séjour à la Campagne ne vous.
a pas mise dans des dispositions favorables
pour prêter l'oreille à des propos qui'
pourroient avoir un air galant ; les réflé
xions que vous y faites redoublent votre
dégoût pour les frivoles occupations du
genre humain ; elles excitent votre indignation
contre lui , et vous font sentir-
I. Vol.
cam
2558 MERCURE DE FRANCE
combien est méprisable tout ce qui fait
ses délices ; vous aimez votre solitude
comme un azile qui vous dérobe la vûë
de toutes ces miseres , et par un excès de
précaution vous y prolongez votre séjour
avec plaisir , comme dans un lieu de sureté
contre la contagion de l'exemple . Vos
chagrins philosophiques sont tres légiti
mes; peu de gens pourroient voir sans
confusion , tout ce que la raison et la vertu
comprennent dans la liste des niaise
ries et dans celle des vices ; je n'ai garde
d'entreprendre cette énumération ; les
premiers articles révolteroient la plus
brillante moitié du genre humain, et peu
s'en faudroit qu'avant que de finir je ne
m'attirasse la haine publique ; je croi
d'ailleurs que tout considéré , il vaut
mieux laisser l'Univers en paix , que
d'aller grossir le nombre de ceux qui ont
travaillé vainement à le réformer ; j'espere
que employerai plus utilement mes
Discours en vous priant de faire attention
que vous ne pouvez , sans injustice ,
me river en même- temps de votre conversation
et de vos Lettres ; j'attendois
avec impatience celle dont vous venez
de m'honorer , elle m'a fait un plaisir
infini , j'ai presque oublié votre absence
en la lisant , ou plutôt j'ai formé des re-
I. Vol.
grets
}
DECEMBRE: 1733. 2559
grets sur ce qu'on ne peut jouir de la satisfaction
d'en recevoir qu'au prix de votre
éloignement . Pour me venger de la
rareté de vos Lettres , je suis tenté d'en
faire l'éloge , je pourrois publier hardiment
qu'elles feroient honneur aux meil
leurs Esprits ; on admire en les lisant , la
nouveauté et la finesse des pensées , l'élé,
gance du stile , la politesse du langage ;
vos invectives sont semées de traits qui
ont échapé aux beaux Génies des deux
siécles rivaux ; rien n'est plus ingénieux
ni plus vif que vos dépits , mais ce qui
charme le plus , ce sont les sentimens
nobles et gencreux qui animent tout ce
qui part de vous ; je poursuivrois avec
plaisir , mais connoissant votre éloignement
pour les louanges , je crains de pousser
trop loin ma vangeance , et d'abuser.
de la hardiesse que me donne votre absence
.
Je bornerois là ma réponse , si vous ne
me disicz , Madame , que vous souhaitez
de moi un volume ; vous m'assurez qu'à
la dixiéme lecture , ma Lettie pourra
encore vous délasser des Entretiens triviaux
de votre voisinage champêtre ; animé
de cet espoir séduisant , je vais tâcher
de vous satisfaire ; j'aime mieux m'exposer
au danger de vous ennuyer.comme
1.Vol. VOS
2560 MERCURE DE FRANCE
vos voisins , que de laisser échapper une.
occasion de vous donner des marques de
mon parfait dévouement .
Pour mériter votre attention , du moins
par le choix du sujet , je veux vous parler
de l'Amitié et de sa prééminence sur
l'Amour ; mes réfléxions justifieront la
préférence que vous avez toujours donnée
à vos Amis , sur tous vos Adorateurs.
Le reste paroîtra dans le prochain Mercure...
REFLEXIO NS Morales. Sur la
Reconnoissance.
ΕΙ dans un Parterre , où l'on voit mille
fleurs
TEL que
Disputer à l'envi de l'éclat des couleurs ,
Avec une pompe orgueilleuse ,
S'éleve un Lys impérieux ,
Dont la beauté majestueuse ,
Arrête sur lui tous les
yeux
Telle dans sa magnificence,
Au dessus des autres vertus ,
Seleve la Reconnoissance ,
Et tient par son éclat nos regards suspendus.
Charmé des nobles traits qui nous frappent em
elle ,
1.
Vol
.
ChaDECEMBRE
. 1733. 2.565
Chacun a soin d'en faire une image fidele.
Chacun est son admirateur ,
Mais ce qui m'étonne et me touche ,
C'est de la voir , hélas ! sans cesse dans la boma
che ,
Et presque jamais dans le coeur.
Sur les jugemens du Monde.
Pourquoi s'embarrasser du jugement des hom
mes ?
Ce n'est plus l'esprit qui conduit :
Le coeur dans le temps où nous sommes ,
Nous regle en tout et nous séduit.
Alcidor autrefois me donnoit son estime
Et de cent qualitez me croyoit revêtu
Il me fait maintenant un crime
De ce qu'il appelloit vertu ,
J'étois un Maître en l'Art d'écrire ,
Je change tout à coup avec le même esprit
Sans dégoût on ne sçauroit lire
Rien de ce que ma plume écrit ,
Il n'est pas toutefois difficile de dire
D'où vient un si grand changement
Alcidor m'aimoit tendrement ,
J'étois par cet endroit un Auteur admirable ;
Dans un objet aimé l'on trouve tout aimable
Mais je ne sçai par quel hazard ,
A l'amitié succede une haine effroyable :
1.Vol. Sce
2562 MERCURE DE FRANCE
Ses jugemens dèslors changent à mon égard ;
D'excellent , je deviens Ecrivain pitoyable ;
Dans un objet qu'on hait , tout paroît détestable.
Sur les Auteurs.
Que je plains le sort d'un Auteur
Qui travaille sans cesse à polir
un Ouvrage ,
Pour l'exposer ensuire à la bizarre humeur
D'un public malin et volage ;
Je ne vois pas , quel avantage ,
Il espere tirer d'un si grand embarras ,
Mais j'entends. . en secret de ses travaux in.
grats
...
L'Amour propre le dédommage ,
En faisant à ses yeux , briller la fausse image
D'une vaine immortalité.
Séduits par la même esperance
,
Dont cet Auteur est enchanté .
Plusieurs ont crû , malgré leur obscure naissance
,
Que leurs nonis ; vainqueurs du Lethé ,
Eterniseroient leur mémoire ;
Mais ils se sont envain flatté ,
Au lieu d'éterniser leur gloire ,
Chez toute la posterité ,
Ils ont fait sur le bord le plus triste naufrage ;
Et se sont attirez le mépris de leur âge.
I. Vol. Je
DECEMBRE . 1733. 2563
6
Je passe
là-dessus encore ;
Je veux bien que son nom fameux ,
Du Couchant jusques à l'Aurore ,
Soit révéré de nos Neveux ;
De quoi sert une Renommée ,
Dont jamais la vaine fumée ;
Ne pourra
le soustraire aux injures du sort
De quelque façon qu'on la nomme ,
Peut-elle meriter qu'un homme
Veuille mourir vivant , pour vivre après sa
mort.
DI LA BOISSELIER
XXX*:**** *******
SECONDE LETTRE CRITIQUE ;
sur la Chronologie de la nouvelle Histoire
Universelle traduite de l'Anglais-
V
Ous êtes donc content de ma premiere
Lettre , Monsieur ; la maniere
obligeante dont vous m'en parlez
est pour moi un nouvel engagement de
tenir ma parole . C'est de la Chronologie
en général , et de celle de l'Histoire des
Egyptiens que je vous rendrai compte
aujourd'hui . Et quand même ces Messieurs
auroient connoissance de mes Réfléxions
, ils n'en seroient ni surpris ni
fâchez , puisqu'ils avoüent d'avance qu'il
1. Vol.
2564 MERCURE DE FRANCE
y aura sans doute des fautes dans leur
ouvrage , car il n'en paroîtra , selon cux,
de parfait que l'année où l'on trouvera
le mouvement perpetuel et la Pierre
Philosophale. Mais ils se flattent aussi
de n'avoir commis que des fautes excusables,
Avis au Lecteur. Vous en serez
le Juge..
Tous ceux qui ont entrepris d'écrire
sur l'Histoire ancienne , se sont toujours
tourmentez pour trouver une regle sure
de Chronologie , les Septante ne sont
plus gueres de mise , et la préference
roule aujourd'hui entre l'Hebreu et le
Samaritain . Ces Messieurs prennent une
nouvelle route , ils suivent tantôt l'un >
tantôt l'autre de ces derniers textes , ne
les reconnoissant pour autentiques que
quand et comme ils le Jugent à propos.
C'est encore un autre principe autorisé
par la foi et par la raison que nous n'avons
aucune autre connoissance de l'Histoire
anterieure au Déluge que le peu qui s'en
trouve dans les Livres de Moyse. Ils le
reconnoissent comme nous . Aucune nation
, disent- ils , n'a porté son Histoire
au- delà du Déluge , au moins avec quelque
fondement avis au Lecteur p. 8.
et ailleurs , les Ecrits de Moyse sont les
seuls Monuments autentiques que nous
1. Vol. ayons
DECEMBRE. 1733 2565,
1
ayons
prouver que
›
,
de ces tems éloignez page. 142 .
Après tous ces aveus , qui s'attendroit
que le Compilateur va entreprendre de
le Sanchoniathon Auteur
Phénicien , qui vivoit même avant la
Guerre de Troye , nous a donné une Généalogie
complette de tous les descendans
de Caïn jusqu'au tems d'Abraham
Cela est néanmoins vrai , et il le fait sur
l'autorité de Cumberland. Le Protogone et
P'Eon sont le même couple qu'Adam et
Eve , leurs Enfans Genus et Genua sont
Caïn et sa femme comme on dit dans
la Loy civile , Caïus et Caïa, p. 143. et
pour en convaincre ,il faut voir comment
il déchire et décompose ces mots. De
ces descendans de Carn , combien tiret'il
d'origines curieuses ? p. 144. ct
suiv. La coûtume d'offrir du sang aux
déitez inférieures , et une partie de la
chair des bêtes tuées à la Chasse ; le culte
rendu aux hommes après leur mort ;
la premiere statuë qui leur est élevée , le
premier Temple bâti en leur honneur
Elion ou le Très-Haut est Lamech pere
de Noë celui- ci est Vrane , et son premier
fils Cronus ou Saturne est Cham comme
on aura soin de le prouver dans la suite
Voila ce qui s'appelle du neuf. Mais si
1. Vol. VOUS B
2566 MERCURE DE FRANCE
vous demandez pourquoi Sanchoniaton
n'a point parlé du Déluge dans le cours
de son récit, lui qui rapporte tant d'autres
événemens de peu de conséquence, on vous
répondra que ce fléau étant en partie le
fléau de l'idolatrie , les Payens ont tâché
d'abolir la mémoire d'un monument si
extraordinaire de la vangeance divine et
de leur propre honte.
Cela est bientôt dit. Mais comment
Sanchoniaton et les autres Payens poste
rieurs de plusieurs siècles au Déluge , en
avoient- ils connoissance ? Quelle Histoi
re anterieure subsistoit après ce ravage
universel ? Dans quelle urne , dans quelle
capse , dans quel coffre de fer l'avoit - on
mise pout la sauver du naufrage ? Qui en
avoit eu la pensée et la précaution ? Je
comprens comment Moyse inspiré par
le S. Esprit , et conduit par une tradition
miraculeusement conservée , nous a
tracé succintement l'Histoire de ces tems
obscurs. Mais je n'imagine point par quel
canal , Sanchoniathon , mille ans après
a pénetré dans ce mystere. Néanmoins
suivant ces Messieurs il le savoit et
mieux que Moyse , puisque ce S. Patriarche
Legislateur a ômis deux Genérations
qu'il faut remplir et réformer par la Iu ,
miere de l'Auteur Phenicien p. 148,
I, Vol
Dites
DECEMBRE.
1733 2567
Dites moi en votre conscience , l'auriezvous
jamais crû ?
Vous seriez encore bien plus étonné si
je vous disois ce qu'on raconte d'après
Berose : Qu'un Poisson à deux têtes fut
le premier maître qui instruisit les Caldéens
; que cet animal aquatique et de fi .
gure monstrueuse étoit Adam, et que dix
autres animaux de même sorte sont les
dix Patriarches qui suivirent jusqu'au
Déluge , p. 149. et suiv. Le tout conforme
à la Chronologie Samaritaine , suivant
la réformation de l'ancien Calen
drier Babilonien.
Autre découverte. Voici encore 113 ]
Générations pendant l'espace de 36525
ans de compte fait , qui ont occupé le
Trône de l'Egypte depuis le commencement
du Monde . Toute cette succession
est divisée en trois Races , les Aurites ,
les Mestréens , et les Egyptiens jusqu'à
Alexandre , p . 15;. L'on ajoûte , p • 154 .
et cette Hypothese, comme nous le
verons bien- tôt , s'accorde passablement
bien avec la Chronologie. Cependant ,
comme ce nombre paroît un peu exorbitant
, on aime mieux s'en rapporter à
Manethon , comme à celui de qui l'on
doit principalement puiser l'Histoire
d'Egypte . Et ce Prêtre d'Heliopolis qui
prou-
1. Vol. Bij l'écrivi
2568 MERCURE DE FRANCE
磕
l'écrivit par l'ordre de Philadelphe , est
beaucoup plus modeste , ne donnant que
9000 ans à Vulcain le premier Roy , qui
en font 750. des nôtres .
י
Tout cela vous paroît des réveries , et
vous avez d'autant plus raison , qu'elles
ne sont fondées que sur l'imagination et
sur les Fables du Paganisme.Ces Messieurs
trouvent cependant qu'elles s'accordent
passablement bien avec la Chronologie
et ils veulent s'en servir pour rectifier les
Généalogies de Moyse . Ils ont oublié, par
malheur pour nous , de dire comment
cela se peut faire ; et j'en suis aussi embarrassé
que de pouvoir concilier les differens
articles du jugement qu'ils en.
portent. » Nous venons , disenr- ils, de
» rassembler les differentes parties les
plus essentielles de l'Histoire du Mon-
» de avant le Déluge , que nous ayons
» pù trouver dans les Auteurs profanes,
Quelques- unes de ces parties ne sont pas
» destituées d'un certain air de verité.Ĉependant
à les prendre en général, elles
» nous paroissent peu dignes de croyance.
Nous osons néanmoins nous flatter que
» comme tout ce qui est marqué au coin
» d'une antiquité fort reculée mérite no-
» tre curiosité on ne regardera pas la
peine que nous avons prise comme en-
I. Vol. « ticrement
»
>
D'ECEMBR E. 1733. 2589°
tierement inutile. » Pesez bien cette
Sentence , elle vaudroit elle seule une
Lettre toute entiere.
,
Il n'y a , comme vous voyez , rien de
sûr dans tout cela,et leLecteur après avoir
medité deux cent pages d'un grand in 4°.
sçait moins à quoi s'en tenir que s'il n'avoit
lû que les six premiers chap. de la
Genése. Et comment celui qui a redigé
Ouvrage auroit- il pûr nous donner quelque
chose de net et un sistême suivi ,
lui qui n'en avoit pas pour soi-même ?
Inclinant à vouloir faire passer le Sanchoniathon
Berose , et la Chronique
Egyptienne pour des monumens qui ne
manquent pas d'un certain air de verité , il
adopte le calcul Hebreu , comme le plus .
long , pour les siècles qui ont précédé le
Déluge. Mais ce Texte a perdu , selon lui ,
toute son autenticité dans ce naufrage . Il
a été corrompu par les Juifs , qui vou .
loient décliner la force des Oracles , et il
est trop resserré pour contenir les fairs
qui se sont passez depuis le Déluge jusqu'à
la naissance de Phaleg. C'est le Smaritain
que l'on veut ici parce qu'il
contient 300 ans. de plus dans cet espace.
,
Quelqu'un qui voudroit voir clair dans
ses lectures,et se fonder en raison , deman ,
I. Vol.
deroit
Biij
2570 MERCURE DE FRANCE
deroit naturellement la preuve de ees
interpolations de l'un et de l'autre Texte
dans ces différens âges . Mais ce seroit un
curieux importun auquel on ne daigne
pas répondre. Toute la raison qu'on a
de changer de régle , c'est que l'un convient
mieux que l'autre dans les différentes
circonstances . Ainsi c'est l'Ecriture
qu'on ajuste sur l'Histoire profane ; au
lieu qu'il faudroit regler l'Histoire profane
sur l'autorité de l'Ecriture.
Le grand motif qui fait ici abandonner
le Texte Hebreu est l'impossibilité
de faire commencer la dispersion des
peuples 100 ans après le Déluge , époque
de la naissance de Phaleg ; et de trouver
53 Conducteurs , accompagnez chacun
d'une multitude capable de former le
même nombre des Colonies . Voilà ce
que le Traducteur appelle ingenieusement
la Croix de ceux qui suivent le Texte
Hebreu p. 285. Mais cette Croix n'est
gueres difficile à porter ; et qui pourroit
croire que personne n'a mieux réussi
que ces Messieurs à en diminuer le
poids ?
Tout ce qu'ils disent pour faire voir
que le Genre humain n'étoit pas assez
multiplié un siécle après le Déluge pour
former des Colonies , démontre évidem-
1. Vol. ment
DECEMBRE. 1733. 57%
ment que la chose étoit possible , naturelle
, et peut-être même nécessaire. Je
vous prens volontiers pour nôtre Juge.
Personne n'avoit encore traité si au long
ce point qui est vraiment curieux . Ces
Messieurs , recueillent avec soin les différens
calculs qu'ont fait d'habiles Auteurs
pour montrer jusqu'où alloit la
propagation des hommes chaque siécle
après ' e Déluge.
Suivant le P. Petau la terre contenoit
32768 Enfans mâles cent ans après la
réparation du Genre humain ; et 185 ans
après , il
avoit 155
y fois plus d'habitans
qu'on ne lui en suppose aujourd'hui .
Cumberland n'en trouve que trente mille,
101 ans après le Déluge. 40 ans après il en
augmente le nombre au delà de 300000.et
encore 40 ans après il le fait monter à
3000000, Quelques - uns sont plus moderez
, et ne comptent qu'environ 23000
hommes , d'autres 14000 à la naissance de
Phaleg.
Tout le monde qui double et au delà ,
si l'on y comprend les femmes , ne paroît
pas suffisant à ces Messieurs pour occasionner
la dispersion . Ils veulent attendre
encore 300 ans , c'est- à - dire jusqu'à
ce qu'il y ait , suivant le P. Petau , 247 ,
224,717 , 456 , hommes , ou un peu
I. Vol. Biiij moins
2572 MERCURE DE FRANCE
moins selon d'autres. Alors il auroit été
certainement bien forcé de se séparer ; et
je défie qu'on eût pâ attendre si longtems.
En supposant avec le Texte Hebreu que
la confusion des Langues est arrivée 100
ans après le Déluge , n'obligeoit t'ellepas
les hommes à se diviser suivant la
différence des familles et de leurs idiomes ?
Ils n'avoient pas besoin pour cet effet
d'être en plus grande quantité , ils s'augmentoient
assez de jour en jour , et l'Ecriture
ne dit pas que leur séparation se
fit dans la même semaine ou la même année
, il est très probable qu'il y eut des
intervales plus ou moins grands. Cette
réponse est d'autant plus solide qu'elle
est fondée sur la nature du sujet , qu'elle
tombe sous les sens , et qu'elle démontre
la suffisance du Texte Hebreu .
Mais ce qui va vous surprendre , c'est
qu'elle n'est pas de moi ; et que je la trouve
toute entiere dans ces Mrs, sujets à édifier
et à détruire de la même main. Voici
leurs paroles , p . 292. a Il faut considerer
que chacune de ces Colonies crois-
» soit à proportion qu'elles s'éloignoient
» davantage du centre de leur dispersion
avant que d'arriver au Pays où elles
» fixèrent ensuite leur séjour ; car la terre
1. Vol
DECEMBRE . 1733. 2573
8
» ne fut pas peuplée en une seule fois
» mais par dégrez , par où il paroît qu'il
» n'est nullement besoin de faire des ef-
» forts pour augmenter le Genre humain.
» au tems de la dispersion . » Et moi j'ajoûte
par la même raison qu'il n'étoit pas
nécessaire d'abandonner le Texte par le--
quel on avoit commencé sa Chronologie,
puisqu'il suffisoit pour donner le tems.
aux hommes de se multiplier , et que la
présomption est principalement en
faveur , comme l'ont remarqué les Peres.
On ne peut faire autrement , dit- on
p. 205. puisqu'au tems d'Abraham , qui
seroit suivant le calcul 427 ans , depuis
le Déluge,il y avoit sur la Terre plusieurs
Villes bâties , des Royaumes fondez , er
des Monarques dont l'Empire s'étendoit
depuis la Perse jusqu'au Pays de Canaan .
Tout cela est vrai ; mais si ces Mrs. le
donnent pour une objection solide ; qu'ils
nous dispensent d'en juger de même..
1. En suivant la supputation des Auteurs
qui ont compté les hommes qu'il !
y auroit dû avoir en ce tems là , on verra
que le nombre en est plus que suisant
pour faire des Royaumes très peu-.
plez quand même on s'attacheroit à
ceux qui l'ont plus, diminué. 2 °. Quels
étoient ces Rois ? Il en faut juger pas
1. Vol .
By
2574 MERCURE DE FRANCE
quatre
ce qui arriva à Abraham , qui en fit fuir
devant lui avec 318 hommes.
3 °. On appelloit alors Roy le Maître d'une
petite Contrée , peuplée ou non , le
chef d'une famille ou d'un village , quia
regebat. 4 ° . Mille ou neuf cent ans après
le Déluge , on voyoit encore dans le
Peloponese un Roy de Cerinthe , un
d'Argos , un de Sicyone , un de Mycènes
, un ou plusieurs dans l'Elide , un à
Orchomène , un à Messéne et un autre
à Lacédémone ; cependant toute cette
presqu'Isle n'a pas plus d'étendue que la
Lorraine. Que dirions- nous de neuf ou
dix Rois qui n'auroient que ce Duché
pour appanages Ce ne sont donc point
là des difficultez assez graves pour déroger
à l'autorité du Texte hebreu .
Tels sont les Préliminaires de ces Mrs.
de qui l'on peut diré avec une égale verité
, que personne ne sait plus de choses
sur l'introduction à l'Histoire , et que
personne n'en a des idées moins nettes.
Ils entrent ensuite dans le détail des Peuples
et des Monarchies , et c'est par les
Egyptiens qu'ils commencent. Je me suis
engagé à vous en dire quelque chose ; il
est juste de tenir ma parole.
Ce point y est traité dans le même
goût ; c'est -à - dire , avec une abondance
I. Vol. de
DECEMBRE. 1733. 2575
de recherches et d'érudition qu'on avoit
droit d'attendre d'une habile Societé de
Gens de Lettres. Mais ils se sont contentez
de mettre sous les yeux du Lecteur un
amas de faits qui ne laissent rien à désirer
sur la matiere, que l'ordre et le discernement.
Ils vont même plus loin. Ils raportent
avec diffusion les disputes et les
sentimens de tous les Auteurs sur chaque
point en particulier , et n'omettent rien
de part et d'autre . Mais en Ecrivains
humbles et timides , on ne les voit presque
jamais prendre de parti. Comme les regles
de la Critique ne leur ont point appris à
décider dans la diversité des opinions, ils
doutent et hésitent sur tout , et laissent
les autres dans la même incertitude. L'Analyse
que je vais faire de cette Partie
vous en convaincra,
W
» L'on remarque , disent -ils , de si
grands vuides et des erreurs si manifestes
» dans les successions des Rois d'Egypte ,
que ce seroit une peine très inutile que
de vouloir les ranger dans un ordre
> Chronologique
, qui les accordât entr'elles
, aussi bien qu'avec l'Ecriture
p. 426. « La Chronique
de Marsham
est pleine d'une érudition
admirable
» mais par malheur il s'est attaché trop
scrupuleusement
à la Chronologie
du
2
"
1. Vole B vj » Texte
2576 MERCURE DE FRANCE
Texte hebreu. Attachement qui l'obli-
» ge à supposer que Mènes a été Cham et
point Mizraim , et de faire commancer
son regne, en dépit du bon sens , im-
» médiatement , ( c'est- à- dire plus d'un
ן כ
siécle ) après le Déluge , p. 430. Tous
» les plus grands Hommes ne sçavent ce
» qu'ils disent là - dessus ; et l'on avouë
>> ingenûment que l'on ne comprend pas
.commentle projet d'accorder la Chro-
» nologie Egyptienne des premiers siecles
»avec la nôtre, à la légere différence de
quelques années près, a pû entrer dans
»l'esprit des gens sensez et ce qui a aug-
» menté l'étonnement est le ton décisif
» que quelques uns d'eux ont pris dans
» une matiere aussi incertaine , p . 434.
» Enfin la chose la moins vraisemblable
» est que Menès ait pû commencer son
» regne deux siècles après le Déluge , p.
» 435...
Il n'y a que l'incomparable , Newton qui
7. entende quelque chose . Cet illustre
Auteur ( oui en fait de Mathématique )
croit que Sesostris étoit Osiris . C'est pourquoi
il place après lui , Menès ( que to s
les Anciens ont regardé comme le premier
Roy d'Egypte. ) Et par une conséquence
nécessaire aussi bien - que pour
d'autres raisons , il change la succession
Le Vol. des
DECEMBRE. 1733
2577
des Rois d'Egypte de sa propre autorité
et voici l'ordre qu'il y met: Sasostris , Phee
ron, Proteus, Menès , Rhampsinitus Maris,
Cheops , Cephren , Mycerinus , Nitocris
&c. C'est comme si l'on arrangeoit ainsi
les Rois de France , Charles- Magne, Henri
IV. S.Louis,Mérovée, Pharamond , Il suppose
que Ménès a été le même qu'Aménophis
( le quel ? ) et Memnon , et que
par corruption on l'a appellé : Menès, Minès
, Mineus, Minies , Minevis, Enephes,
Venephes, Phamenophis , Osymanthias , Osimandes
, Ismandes , Imandes , Memnon
Arminon. Papa? Qui est ce qui le croira ?
Suivant cette hypothése , Menès ( reconnu
presqu'universellement pour fils de
Cham ) est plus ancien d'environ trois
cent ans que Psammétique , qui vivoit du
temps de Manassès. Ces découvertes ne
sont -elles pas incomparables , ou plutôt
ne sont- elles pas avancées en dépit du bon
sens, pour me servir de l'élégante expres
sion du Traducteur ?
$
-
Cependant il est vrai que ces Messieurs
se contentent d'admirer ces productions ,
sans les adopter,mais M.Newton ne pour
roit pas s'en fâcher , puisqu'ils rejettent
tout systême , et ne veulent commencer
leur Chronologie qu'à Psammétique.Mais
quoi ! falloit- il donc tant d'esprit pour
I. Vol. voie
2578 MERCURE DE FRANCE
voir
que
Sésac est nommé dans l'Ecriture
à côté de Salomon ? Hérodote ne dit- il
pas que Protée regnoit pendant le Siége
de Troye? Voilà donc la Chronologie remontée
déjà de seo ans. Quel pouvoit
être le Roy qui entréprit ces grands travaux
, qui accablerent les Israëlites ? Hérodote
et Diodore le peignent assez par
l'histoire de Sesostris. Il ne falloit donc
pas avoir une grande sagacité pour donner
de l'ordre à l'histoire des Egyptiens
avant la décadence de leur Empire , eton
peut l'assurer sans prendre le ton décisif.
Il est des yeux qu'un trop grand jour
éblouit. Frappez par les preuves et les objections
de tous les Systêmes Chronologiques
, ces Messieurs y ont vu par tout
du fort et du foible ; ils ont crû qu'on ne
pouvoit rien proposer de mieux que ce
qu'ils trouvoient dans des Ecrivains du
premier Ordre , quoiqu'ils n'ayent pas
consulté ce qu'on nous a donné en France
depuis quelques - temps , qui répand sur
ce sujet plus de lumiere qu'il n'y en avoit
jamais eu ; ils ont mieux aimé raconter
les sentimens d'autrui que d'en hazarder
un d'eux - mêmes , et c'est la méthode
qu'ils observent dans tout le reste de cette
Histoire particuliere ; ensorte qu'on
pourroit l'appeller une Histoire , in utram-
1. Vol.
que
DECEMBRE. 1733. 2579
que
que partem; pour et contre. Je ne choisis
trois exemples entre mille, parce qu'il est
temps de finir. On rapporte tout de suite
98 Systêmes de Chronologie , sans dire seulement
si dans tout ce nombre il y en a
un de bon. Pour sçavoir qui étoit Menès ,
il y a une belle et grande Note de 2 pages
in 4° , en petit texte , fort serré , où l'on
transcrit les raisons de Périzonius , de
Marsham , de Pezron et de M. Newton .
C'est bien pis sur Sésostris; il y a près de
neuf pages entieres de même caractere ,
fort serré , qui en feroient au moins 20
d'un in 12 ordinaire , pour rapporter la
dispute des mêmes Ecrivains, auxquels or
ajoute M.Wisthon quien occupe la meilleure
partie ,pour discuter si ce Prince est
le même que Sézac . Cela n'est- il pas bien
amusant ? On promet neanmoins de rapporter
ces sentimens en moins de paroles
qu'il sera possible . Que seroit- ce donc si
l'on avoit osé se livrer à soi- même ? Il met
vient en pensée un meilleur Titre , que
ces Messieurs auroient pû donner à leur
Ouvrage ; ils auroient dû mettre , ce me
semble , Histoire de ce qu'ont pensé tous les
Auteurs sur l'ancien Empire des Egyptiens,
jusqu'à Alexandre. En voilà assez pour une
Lettre. Si vous exigiez absolument que je
vous donnasse d'autres Extraits sur le rés-
1. Vol.
te
2580 MERCURE DE FRANCE
te de ce volume , j'aurois de la peine à
vous refuser ; mais je vais prévenir toute
difficulté en vous priant de ne me plus
rien demander. Je suis , & c..
LE SOLEIL ET LES NUAGES.
FABLE
AM. DE LA TOUR , Intendant de Bretagne
; par Mlle DE MALCRA IS... de
la Vigne du Croisic...
JA
Aloux de la Lueur féconde ,
Que répand en tous lieux , sur la Terre et dans
l'Onde ,
Le brillant Astre des Saisons ,
Les Nuages un jour , contre lui se liguérent ,
Résolus d'obscurcir à jamais ses rayons.
Au jour prescrit en foule ils arriverents
Des différentes Régions.
Alors dans les Hautes campagnes™
Ces Escadrons épais s'élevant en Montagnes
Formant des Bastions,des Ramparts et des Forts,
S'entasserent, se condenserent ,
Au devant des Rayons de leur mieux se placerent.
Mais qu'en arri va til 2 après tous leurs efforts
1. Vol.
Pour
DECEMBRE. 1733. 2581
Pour trop s'enfler les uns créverent , -
D'autres furent fondus , les autres promptement ,
A bâtons rompus s'échapperent ,.
Portez sur les aîles du vent..
En vain le vice et sa sequele ,
Tâchent d'opprimer la vertu ♬
La vérité combat pour elle ,
Et le vice s'enfuit , ou demeure abbatu .
Intendant des Bretons , dont le rare mérite
D'un Employ souverain , soutient la dignité ,
Qui sçais conformer ta conduite ,
Aux Regles de la Probité ,
Ton esprit obligeant , humain , docte , équitable
Doit trouver en tous Lieux des coeurs reconnoissan
LA TOUR , je t'addresse ma Fable ;
Mieux qu'un autre tu peux en pénétrer lé sens .
LETTRE d'un Habitant du Parnasse,
à M. Titon du Tillet
ONSIEUR,.
La Renommée nous a apporté la description
de votre Parnasse. Ce Livre a
fait à nos illustres Compatriotes , autant
de plaisir que le Parnasse même. Les Anciens
, pour lesquels leurs. Mecènes et
1. Vol.
leurs
2582 MERCURE DE FRANCE
leurs Pollions n'ont jamais rien imaginé
d'aussi honorable , ont parû souffrir forc
impatiemment cet avantage des Modernes
. On a même été sur le point de renouveller
à cette occasion les anciennes
disputes ; mais Apollon a sur le champ
appaisé le bruit par ces paroles :
O vous , qui les premiers en Grece , en Ausonie,
Favoris des doctes Soeurs ,
Sçûtes gouter les douceurs
De la divine harmonie ,
Si dé nobles Rivaux du même zele épris ,
Osent vous disputer le Prix ,
S'ils sçavent dans leurs Vers faire couler vos
Graces ,
Vos accords , vos sons les plus doux ,
Grecs et Romains n'en soyez point jaloux ,
Ce n'est qu'en marchant sur vos traces
Qu'ils s'élevent jusques à vous.
Un compliment si flateur dans la bouche
d'Apollon , contenta ceux des Anciens
dont les Ecrits sont parvenus jusqu'à
nos tems , et nous ont servi de modele;
mais il en restoit un assez grand nombre
dont les noms et les Ouvrages sont absolument
inconnus , et qui sans être comparables
aux grands Maîtres , avoient cependant
un mérite réel. Ceux-là parois-
J. Vol. soient
DECEMBR E. 1733. 2583
soient les plus échauffez et se plaignoient
amérement de l'injustice du Destin , qui
avoit réservé aux Modernes un honneur
qu'ils croyoient eux - mêmes avoir bien
mérité. Ils avoient quelque raison .
Leur siecle en beaux Esprits fertile ,
Ne vit point pour leur gloire un Amateur des
Arts ,
Un homme tel que vous , qui d'une main habile
Sçut avec choix dans un Ouvrage utile
Rassembler tous leurs noms épars.
Si les Muses alors moins avares de gloire ,
Pour éterniser leur memoire ,
Dans les Fastes sçavans les avoient consacrez ,
On y verroit encor paroître ,
dévorez ,
Des noms par le temps
Noms dans leur siecle reverez ,
Et dignes sans doute de l'être.
Vous voyez , Monsieur , que je suis
'de votre avis sur les places qu'occupent
au Parnasse bien des Poëtes , qui sans
être du premier mérite , ne sont pourtant
point méprisables.
Apollon est un Dieu sévere ;
Cependant sur le Mont sacré ,
Il est encor plus d'un degré
Au-dessous de Sapho , de Virgile et d'Homere.
I. Vol. Je
2584 MERCURE DE FRANCE
*
Je reviens aux François , qui pendant
ce temps - là , déliberoient entre eux sur
la maniere de vous témoigner leur reconnoissance.
Quelqu'un se leva et dit :
De GARNIER * la sçavante main
Asçû l'Art d'animer et le Marbre et l'Airain ;
Mais dans sa course journaliere ,
Par sa seule mobilité ,
Le temps peut réduire en poussiere ,
Le Monument le plus vanté.
Bien mieux que sur le Bronze , en ses charmans
Ouvrages ,
TITON à notre gloire éleve un Monument ,
Qui jusques au dernier moment
Du Temps bravera les outrages.
pa- Dès qu'il eut fini un autre prit la
role,et s'exprima à peu près en ces termes ::
Garnier , des Héros de notre âge ,.
Sur le Bronze docile à gravé le visage ;.
Et Du Tillet en ses Ecrits
A fait revivre leurs esprits.
Cependant on ne concluoit rien , quelqu'un
le fit remarquer à la Compagnie ,
* Le Sculpteur qui a executé le Parnasse Fran- -
feis en Bronze sur le Dessein et les ordres de
M. Titon du Tillet.
I. Vol.
qui
DECEMBRE. 1733. 2585
qui voyant que l'immortalité étoit le seul
bien dont pussent disposer les Poëtes ,
s'écria aussi - tôt :
Titon sans doute a merité
Que notre Lyre l'éternise ;
Mais déja son Ouvrage et sa noble Entreprise
L'opt assuré sans nous de l'immortalité.
Tout le monde en convint , et cette
illustre Compagnie se sépara sur le champ.
Pour moi , Monsieur , j'ai crû vous faire
plaisir de vous mander ce qui s'étoit
passé sur le Parnasse à l'occasion de votre
Livre. Je suis avec toute l'estime la plus
parfaite , &c.
Le P. R ** J.
Sur le Parnasse ce 6. Septembre 1733 .
33
LE TRIOMPHE DE L'AMOUR ;
A CLORIS.
UN jour l'Enfant allé qu'on adore à Cythere
Pour qui les Dieux et les Mortels
Elevent dans leurs coeurs des Temples, des Autels,
Fut disgracié par sa Mere ;
Plein de dépit et de colere ,
1. Vol.
D'un
2586 MERCURE DE FRANCE
D'un vol leger l'Amour vint à Paris ,
Suivi des Jeux , des
graces et
des Ris :
Il inspira par tout l'Art d'aimer et de plaire.
Faisons naître , dit-il , dans ce charmant séjour,
Pour le Triomphe de l'Amour ,
Une Beauté frappante , une Venus nouvelle ,
Dont les attraits me vengent des mépris
De la trop altiere Cypris ;
Par un petit batement d'aîle ,
Il vous donna le jour , belle Cloris.
Les Immortels du haut de l'Empirée ,
Admirerent en vous une autre Cytheréc.
Plein de ravissement en cet aimable jour
Chaque Dieu fut d'intelligence
A faire éclater sa puissance ,
Pour rendre plus parfait l'ouvrage de l'Amour?
Jupiter vous fit don d'une ame genereuse ;
Junon vous décora d'une noble fierté ;
Le Dieu des Vers vous fit la faveur précieuse ;
De parler et d'écrire avec solidité ;
Le Destin vous rendit heureuse,
Enfin , Cloris , en vous , talens , félicité ,
Tout égale votre beauté .
Par M. L'Affichards
1. Vol.
DES
DECEMBRE . 1733. 2587
tatatt
DES HIEROGLYPHES , et de
leurs usages dans l'Antiquité. Discours
où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de
tous les Monstres et de tous les Animaux
chimeriques dont les Anciens nous ont
parlé. Par M. Beneton de Perrin .
Es premiers hommes , avec la seule
Lfaculté du langage par les organes
de la voix , auroient manqué de moyens
pour s'entretenir absents les uns des
-autres , et n'auroient pû avoir commerce
entre eux que difficilement, Pour remedier
à ces inconveniens , ils inventerent
des figures et convinrent qu'elles serviroient
à représenter leurs pensées , pour
ne les découvrir qu'à ceux qui en auroient
l'intelligence. Les actions et les
passions étant des accidens qui agitent
également la Nature et les hommes ;
ces figures emblêmatiques servirent d'a
bord à exprimer les unes et les autres
de ces choses , et formerent par-là un
langage muet , qui montroit le coeur
de l'homme aux yeux sans le secours
de la parole.
Les Grecs nommerent ces figures Hie-
1. Vol.
roglyphes
2588 MERCURE DE FRANCE
rogliphes , des mots Ιερος et γλύφος , com .
me qui diroit Sacra Sculptura , parce que
ce furent les Prêtres qui les premiers s'en
servirent pour écrire sur la Religion , et
envelopper par là les Mysteres. Le Pere
Kirker dérive le terme d'Hierogliphe des
mots da T. espos na gaúços , ce qui revient
assez à ce que j'ai dit qu'ils servoient
à une Ecriture sacrée , faite pour
être gravée ou taillée sur le bois ou sur
la pierre , Quasi sacra scalpendo ; les Hierogliphes
se multiplierent à mesure que
Part de parler se perfectionna et que les
Sciences se formerent.
Je les distingue en deux classes ; sçavoir
, les Hierogliphes animez , qui se
représentoient sous des formes de bêtes
soit Quadrupedes , Reptiles , Oiseaux ,
"Poissons et Plantes vegétatives , et les
Hierogliphes inanimez , qu'il faut plutôt
nommer Hierogrammes , parce qu'ils n'étoient
que des figures que les hommes
se firent à leur fantaisie , la plupart desquelles
formerent les Lettres qu'on nomma
Alphabetiques , en s'en servant pour
une autre Ecriture que le Hierogliphique
, comme j'aurai occasion de le faire
voir dans la suite. Les Chaldéens ayant
les premiers observé les Cieux et considere
l'ordre que semblent garder entre
I. Vol. elles
DECEMBRE. 1733. 2589
elles les Etoilles rassemblées , comme par
pelotons , dans ce vaste espace , ils tracerent
des figures dans le même arrangement
, et comme dans les choses mises
en confusion , on croit voir tout ce
qu'on a dessein d'y voir ; ils crurent
avoir remarqué dans ces assemblages d'Etoilles
, des formes distinctes d'hommes ,
d'oiseaux et d'animaux , ce qui leur fit
donner à ces amas ou conjonctions d'Astres
, les noms de Sagittaire , de Vierge ,
de Cigne , d'Ours , de Chien , &c. les
marquant des mêmes figures sur leurs
Tables Astronomiques.
>
Les Grecs nommerent aussi beaucoup
'de Constellations , les appellant du nom
de leurs Héros , et sur tout de ceux qui
se distinguerent dans l'Expedition de la
Colchide , sous le nom d'Argonautes
parce que ces Braves ayant été les
miers hommes qui eussent osé s'exposer
en pleine Mer , et ne se guidant que
par les Etoilles , les Poëtes jugerent qu'u
ne pareille hardie se méritoit que ces
Etoilles portassent leurs noms .
pre-
Les Astres une fois personnifiez , firent
naître l'Idolatrie ; on adora non - seulement
l'Astre en original , que l'on croyoit
influer sur un Pays ; mais encore sa figure
taillée et son Symbole ou Hiero-
I. Vol
C gliphes
2890 MERCURE DE FRANCE
gliphes, devinrent une chose respectable.
On alla même encore plus loin dans la
Deification des Corps de l'Univers ; car
la Terre étant deifiée comme les autres
Corps , on partagea sa divinité pour mul
tiplier les Dieux. Chacune de ces productions
eut séparément cet avantage , et
furent symbolisées par de nouveaux Hicrogliphes
, ce qui augmenta considerablement
et le nombre des cultes et celui
des figures.
Enfin le comble de l'Idolatrie fut qu'on
déïfia les hommes , regardant comme
des Dieux les Héros et les Inventeurs des
Sciences et des Arts. Alors on acheva de
faire porter aux Astres les noms des
personnes illustres , et confondant l'homme
et l'Astre , on honora le tout ensemble
sous la Statue ou le Hierogliphe
qui désignoit également ces deux choses
confonduës.
Par exemple , la Lyre , le Serpent ,
le Centaure , étoient des Signes Celestes ,
ces mêmes Signes ou Hierogliphes , désignoient
un Apollon , Pere prétendu
des Poëtes et des Musiciens ; un Esculape ,
Pere de la Médecine , et un Neptune ,
qui le premier dompta des Chevaux pour
s'en servir à la guerre et à la Chasse.
Mais ce qui embroüilla beaucoup la
I, Vol, signifi
DECEMBRE. 1733. 259%
signification des Hierogliphes , et quit
commença à en rendre l'explication malaisée
, c'est que tous les Personnages qui
réüssissoient dans les Sciences , et qui par
conséquent marchoient sur les traces de
ces hommes déïfiez pour en avoir été
les Inventeurs , se disoient leurs Enfans ;
de bons Poëtes et Musiciens étoient dits
Enfans d'Apollon ; un bon Médecin se
disoit fils d'Esculape , et d'habiles Cavaliers
se mettoient au nombre des descendans
de Neptune , le dompteur de
Chevaux. On qualifioit d'Enfans de Vulcain
tous ceux qui travailloient à forger
les Armes et les Outils pour l'Agriculture.
La Fable ne donne qu'un oeil aux
Cyclopes , pour signifier que les Ouvriers
qui travailloient aux Mines dans les en
trailles de la Terre , séjour continuellement
ténebreux , ne joüissoient que
d'un des deux avantages communs aux
autres hommes qui voyent alternativement
la luraiere du Soleil après l'obscu
rité de la nuit ; d'habiles Pilotes et Mariniers
étoient considerez comme fils
d'Eole et de l'Ocean.
Toutes ces personnes désignoient leur
Art sous un Hierogliphe , lequel souvent
les désignoit aussi eux - mêmes. La marque
étoit relative à la Profession et à
1. Vol. Cij l'Ou2592
MERCURE DE FRANCE
l'Ouvrier , et ces deux qualitez à la Divinité
Protectrice de l'Ouvrage , celafait
qu'un même Hierogliphe pouvoit signifier
trois choses bien differentes , une Sacrée ,
comme marque du Dieu d'un Art ; unc
Méchanique , comme marque de l'Art
même ; enfin une simple marque d'Ouvrier
Ainsi le même Hierogliphe qui
désignoit un Dieu , se mettoit souvent
sur le Tombeau d'un homme , pour montrer
la Profession dont il avoit été . Je
me servirai pour donner de cela un exem
ple sensible , d'un usage observé égale
ment par les Payens et par les premiers
Chrétiens en enterrant leurs Morts , les
uns mettoient souvent une hache sur
leurs Tombeaux , ce qui ne désignoit
pas toujours que celui qui étoit renfermé ||
dedans eût été un Ouvrier , ce pouvoit
être une personne de consideration qui
avoit eu pour Patron quelque Dieu Protecteur
d'un Art ou d'une Science , et
la hache étoit alors le Hierogliphe du
Dieu et non pas celui du Mort . Voilà
selon moi , ce qu'on doit entendre par
les Tombeaux érigez Sub ascia. Pan étoit
le Dieu des Campagnes , on n'enterroit
que là ; il a pû se faire que la hache ou
le hoyau , Instrumens propres à couper
les bois ou à remuer les terres
1. Vel
?
>
ont été
Les
DECEMBRE. 1733 2393
les Symboles des Dieux Champêtres , et
én mettant les Morts sous la protection
de ces Dieux , on mettoit leur Symbole
sur les Tombeaux .
A l'égard des Chrétiens , ils gravoient
une Pale sur les Sépulchres de feurs Martyrs
; ce Hierogliphe avoit une double
signification , l'une de passion , qui étoft
la gloire que s'étoient procuré ces Saints
par la souffrance , et l'autre de Religion , *
qui faisoit connoître celle dont ces illustres
avoient été les soutiens .
La représentation de differentes choses
par le même Hierogliphe , est ce qui
rend aujourd'hui presque impossible l'explication
des Monumens écrits avec ces ·
figures.
Comme je m'étendrai plus sur les Hierogliphes
que sur les Hierogrammes
quoique le mêlange des uns avec les
autres servit à fournir plus de moyens
d'exprimer ce qu'on avoit à faire sentir ;
je ne puis m'empêcher de faire une reflexion
qui tombe également sur tou
tes ces marques , c'est qu'il seroit à
souhaiter que les personnes qui s'appliquent
à les étudier , s'attachassent
bien à distinguer les deux especes dont
je parle , et les differents sujets ausquels
elles convenoient. Chacune de
1. Vol. Cij nos
2594 MERCURE DE FRANCE
nos Sciences a ses termes propres , il
en devoit être de même des Sciences
anciennes qui devoient par la même
Taison avoir aussi leurs marques propres.
Je ne dis pas que l'attention que
j'exige des Etudians en Hierogliphes fût
suffisante pour les conduire à une entiere
connoissance de ces figures énig .
matiques , on sçait assez que les Prêtres
et les Philosophes qui se servirent d'elles
depuis que l'on eut les Caracteres alphabetiques
, ne le faisoient que pour ca
cher une partie des choses dont ils ne
vouloient pas que le commun du peuple
fût instruit , mais du moins pár la
distinction des Hierogliphes on pourroit
en apprendre assez pour distinguer dans
les Monumens qui en sont chargez , ce qui
est de sacré d'avec ce qui est de prophane,
on tiendroit par là en bride les Charlatans
de la Litterature , qui trouvant
dans ces Monumens tout ce que leur
imagination y veut mettre , ne font
qu'embrouiller l'Histoire , loin de l'éclaircir
, et ils se trouveroient par ce
moyen hors d'état d'en imposer et d'ébloüir
les ignorans .
Revenons presentement à l'objet prin
cipal de cet Ouvrage , qui est de montrer
qu'entre toutes ces figures dont les
1. Vol. hommes
DECEMBRE. 1733. 2595
hommes se servirent pour expliquer leurs
connoissances , celles qui représentoient
des Animaux de differente nature , devinrent
dans les siecles où l'intelligence
de ces figures se trouva perduë, des Monstres
que l'ignorance fit croire avoir été
ou être existans. Je pense neanmoins que
dès - lors les Sçavans qui voulurent se mêler
de l'explication de ces Emblêmes , le
firent à l'avanture , et n'ont pas eu sur
cela plus d'avantage que ceux qui ont
voulu marcher sur leurs traces dans des
temps posterieurs , tels qu'Horus Apollo,
Pierrius Valerianus , les sieurs Langlois ,
et Dinet , et les Peres Kirker et Caussini
qui ont donné de ces Explications autant
justes qu'il est possible de le faire
dans une matiere aussi obscure ;il ne faut
pas douter que ce nombre infini de marques
de choses , tant animées qu'inanimées
qui se trouvent rangées dans un si bel ordre
sur les vieux Monumens Egyptiens , ne
contiennent des narrations bien suivies
sur differentes choses dont il falloit être
Instruit , tout s'écrivoit ainsi , et la connoissance
de la Religion , des Sciences ,
et de l'Histoire , ne se conservoit que
par le moyen de cette écriture figurée ,
la preuve de cela s'en peut tirer ( selon
moi ) de ce que dans ces longues nar-
L. Vol Ciiij rations
2596 MERCURE DE FRANCE
rations , certains Caracteres y sont répétez
souvent , et d'autres moins ; il y en
a même qui sont uniques , ou qui ne se.
trouvent répétez que deux ou trois fois
dans une longue Inscription ; ce qui devoit
faire la même chose que ce qu'on
peut remarquer dans notre écriture , où
nous avons des Lettres , comme les cinq
Voyelles qui reviennent souvent, pendant
que les K , les X , les Y , et les Z , y pa
roissent bien moins.
Il y avoit des Hyerogliphes qui contenoient
seuls un sens complet , ou une
pensée entiere; d'autres qui étoient d'abréviation
, et d'autres qui pouvoient ne former
que des demi mots et des mots dont
il étoit nécessaire de joindre plusieurs
ensemble,pour en former une expression
ou un sens déterminés de même que nous
employons en écrivant plusieurs mots ,
composés de différentes syllabes , pour
former une Phrase parfaite. J'ai fait cette
remarque en étudiant avec un peu d'attention
l'Obélisque Pamphile , que nous
a donné le Pere Kirker.
On y voit de fréquentes répétitions de
bras posez en fasce , les uns à mains ouvertes
, et les autres à poing fermé ; beaucoup
de signes en ziguezagues ; des Enfans
assis sur leur cul , le Panier de Séra-
1. Vol.
pis
DECEMBRE . 1733 . 2597
pis sur la tête , de Serpents , d'Anubis, de
Cynocéphales , &c. pendant qu'entre toutes
ces marques , souvent répétées , on ne
trouve qu'un seul sautoir , un seul tourteau
, qui est chargé d'une Croix pattée ,
quelques Etoiles , mais en petit nombre ;
tout cela donne lieu de conjecturer que
cet Obélisque contient des Enseignemens
de plusieurs natures , tant de Religion ,
de Science , que de Politique ; et que
chacune de ces choses avoit ses figures
propres à sonexpression ; ce qui fait que
les unes de ces figures paroissent souvent
dans un endroit , et bien moins dans un
autre , où il s'en trouve d'autres qui n'avoient
point encore paru.
Souvent pour donner à un Hyerogli
phe la force d'exprimer une action complete
, ou une pensée entiere , on étoit
obligé de le faire d'un composé de différens
membres d'animaux , et alors cette
figure devenoit monstrueuse ; tels étoient
les Hyérogliphes d'hommes à tête de
Chien , d'Oyseaux à face humaine , de
Corps à plusieurs têtes , et de têtes à plusieurs
visages ; ce dernier qui servit aux
Romains à symboliser leur Dieu Janus
étoit donc un Hyerogliphe plus ancien
qu'eux , il représentoit chez les Perses
Orimase et Arimane , et chez les Egyp-
1. Vola Cv tiens
2598 MERCURE DE FRANCE
tiens Osiris et Tiphon , c'est -à- dire , les
deux principes que les premiers Philosophes
admettoient pour Auteurs de toutes
choses , bonnes et mauvaises.
A l'égard des Hyerogrammes ou marques
fantasques , les plus simples comme
Le Cercle , le Triangle , le Quarré , le
Chevron, la Croix droite et la Croix panchée
composerent dans la suite les Caracteres
Litteraires , comme l'Omicron
le Delta , le Mi , l'Alpha, le Tau , le Chi
et autres , dont on se servit en quittant
P'Ecriture Hyerogliphique. Celle qui étoit
composée de Lettres , paroissant plus aisée
et plus propre à lier les pensées , et
à les produire dans un Discours suivi .
Je me sers de l'exemple des Caracteres
Grecs , parce que c'est par les Grecs que
nous avons la premiere connoissance de
T'usage que les Egyptiens faisoient de
leurs Hyerogliphes.
Les Hiérogrammes joints aux Hyerogliphes
, ne laissoient pas dans les temps où
l'on n'eut que cette sorte d'Ecriture
d'expliquer assez parfaitement les choses
dont les hommes 'devoient être instruits,
le faisant seulement plus en abrégé que
ne le fait l'Ecriture courante , ainsi il faut
croire que l'Ecriture figurée a toujours
été plus difficile à expliquer , sur tout l'étude
des Hyerogliphes Monstres deman-
1. Vol.
doit
DECEMBRE. 1733 2559
doit une grande attention et une grande
connoissance, puisqu'un seul pouvoit renfermer
un mystere de Religion , ou la
maniere de réussir dans un Ouvrage scientifique
, au lieu qu'il auroit fallu plusieurs
Hyérogrammes pour enseigner ces
choses ; cependant ces marques- cy firent
évanouir les autres ; kes Arabes , Mahométans
, à qui la Religion ne permettoit
pas d'écrire avec des figures d'hommes
et d'animaux , ne conserverent que les
Hyérogrammes, et quoiqu'ils eussent des
Caracteres Litteraires , ils se servirent des
premiers pour l'expression plus abrégée
et plus simple de leurs opérations Philosophiques
et Chimiques , continuant
par- là de faire de ces marques le même
usage qu'en faisoient les Egyptiens , qui
étoit de montrer par elles , la maniere de
décomposer et de recomposer les Corps
élémentaires. Ces mêmes marques ont
passé jusqu'à nos Phisiciens , qui les emploient
aux mêmes usages.
Le monde et toutes les sciences qu'on
peut acquerir se symbolisoient sous un
Hyerogliphe de figure tres bizare. C'étoit
un Globe avec des aîles , et des Serpens
autour de son Disque ; ce qui fait appeller
ce Hyérogliphe par le Pere Kirker :
Ali-Sphero Serpenti formem. On le voit
I. Vola
C vj paz
2600 MERCURE DE FRANCE
ན
paroître au haut de presque tous les
Obélisques , et on le mettoit là , comme
un titre , qui annonçoit que tout le Discours
qui alloit suivre , n'étoit que pour
instruire des choses connues dans l'Univers
, dont ce Globe volant étoit le type,
du mouvement , er des actions qui agitent
eet Univers .
Les Phéniciens , les Egyptiens et les
Chinois sont les premiers peuples qui firent
usage des Hyerogliphes , et qui leur
donnerent l'arrangement méthodique
dont je viens de parler , les divisant par
Classes , pour s'en servir aux différentes
applications qu'ils avoient à en faire s
leur figure fut d'abord fort simple dans
les premiers temps ; le trafic ne se faisoit
que par l'échange des Denrées; pour
le faire ( quand on n'étoit pas present )
on n'avoit d'autres moyens que d'envoyer
la figure gravée sur quelque chose
de ce qu'on vouloit vendre , et de ce
qu'on vouloit en retour. Un homme ,
par exemple , qui vouloit vendre un
Boeuf pour des Moutons , envoyoit à un
autre homme la figure d'autant de Moutons
qu'il prétendoit en avoir pour l'échange
du Boeuf, l'échange des Oyseaux
et des fruits de la terre se faisoit de même;
un Arbre se désignoit par un Arbre,
J.Val
DECEMBR E. 1733 . 260
et une personne qui auroit voulu faire
couper des Bois , en envoyoit l'ordre par
un Arbre renversé . On verra facilement
par ces seuls exemples, comment un hom
me pouvoit faire sçavoir ses volontez à
un autre , par le moyen des Hyérogli
phes, qui furent les premieres Monnoyes,
quoiqu'il n'eussent point de valeur en
eux-mêmes ; les accidens avoient leur
marque , la maladie avoit la sienne , une
personne qui vouloit faire consulter le
mal dont elle étoit affligée , envoyoit au
Médecin le symbole general de la maladie
, auquel étoit joint le symbole particulier
de la partie du corps qui étoit affectée
; si c'étoit le coeur , on mettoit un
coeur , et un oeil , ou un pied , si c'érbit
l'oeil ou le pied qui fut malade. Cela se
fait encore à peu près de même chez les
Chinois , qui ont beaucoup de Caracteres
figurez pour les mêmes choses , qu'ils
ont besoin d'exprimer.
Suivant l'explication qu'un de nos Académiciens
a donnée de la Fable des Gorgones
, il paroît que ce n'est qu'une action
de commerce que P'on avoit mis par
écrit en Hyérogliphes , et qu'après qu'on
eut perdu l'intelligence de ces marques,
en voyant des Yeux , des Dents , des Serpens
, qui n'étoient que la Relation du
LVel
voya
2602 MERCURE DE FRANCE
yoyage et l'énumération
des Marchandises
qu'une Flotte , partant de la Mer Méditerranée
, avoit rapporté des Terres situées
sur la Mer Océane , où le commerce
l'avoit attiré. On a cru que c'étoit
toute autre chose : et sur cela les Poëtes
composerent une Fiction Historique , où
de ces Gorgones , qui n'étoient que des
Vaisseaux revenus , chargez de Diamans ',
de Poudre d'or , et de Dents d'Eléphans ;
ils en firent des Filles horribles , qui
avoient la tête pleine de Serpens .
Parmi les Hyérogliphes il y en avoit
de plus simples les uns que les autres ;
les simples étoient les figures naturelles ,
véritables , et sans exagération ; au lieu
que les autres étoient des figures de pure
imagination; c'est ceux - cy qui ont donné
naissance à certains monstres qui ne
peuvent point avoir existé ; plusieurs
choses ont pû occasionner l'invention de
ces figures si extraordinaires ; par exemple
, un Chef de Nation qui vainquoit
différens ennemis , marquoit son triomphe
par une Bête allégorique , à qui on
donnoit autant de têtes que ce Chef avoit
terrassé de Peuples, ennemis. Voilà d'où
viennent les ( 1 ) Amphisbenes , les Cerbe-
( 1 ) Serpent qui pique par les deux extrémitez de
son corps.
1. Vol. ECS,
DECEMBRE. 1733 280g.
res et les Hydres , représentez avec 2 , 3 ,
et jusqu'à 7 têtes.
Apollon fut surnommé Pythiep , pour
avoir tué , disent les Mythologues , le Ser
pent Python , Monstre affreux qui s'étoie
formé du Limon échauffé , que les eaux
du Déluge avoient laissé sur la terre d'Egypte
; mais il est plus croyable que cette
Fable est une allégorie d'un effet naturel
que le Soleil opére tous les ans par sa
chaleur , qui desseche le Limon du Nil
et que les Rayons de l'astre sont les Flé
ches qui détruisent une pourriture , qui
infecteroit la terre sans ce secours annuel,
auquel on donna un mérite particulier
la premiere fois qu'on remarqua ce salutaire
effet , wu , en grec , signifie putrefaction
.
J'ai déja dit qu'entre les Hyérogliphes il
y en avoit de plus propres les uns que
les autres à caractériser certaines choses,
ainsi en suivant ce principe , la Religion
devoit avoir les siens , et les actions et
passions humaines les leurs ; ce que je
viens de remarquer des Gorgones , et de
ces guerriers symbolisés par des Monstres
suffira pour faire voir quels pouvoient
être les Hyérogliphes d'actions. Passons
présentement à la connoissance de quelques-
uns de ceux de passion , pour venir
I. Vol.
enfin
2604 MERCURE DE FRANCE
enfin à connoître quels étoient ceux de
Religion .
Il faut distinguer les passions humaines
en actives et en passives ; c'est nous
qui agissons dans les unes et nous recevons
l'action dans les autres les premiers
se symbolisoient par des marques fort
simples et les secondes par de plus composées,
un seul exemple suffira pour preu
ve de ce qu'étoient les dernieres , qui fera
l'explication du Hyérogliphe de la fortune
; cette Divinité fantasque , qui malgré
ses caprices , a toujours été l'objet
des désirs de tous les hommes , elle se
symbolisoit diversement selon le gout, le
sexe , l'âge et la condition de ses adorateurs
; on la faisoit tantôt homme , tantôt
femme , tantôt vieille et tantôt jeune,
en l'invoquant sous des noms qui avoient
rapport à ces changemens de figures.
>
Comme fortune aimée , fortuna primis
genia , elle étoit proprement le hazard
que quelques Philosophes soutenoient
avoir seul servi au débrouillement duz
Cahos . Les autres surnoms de la fortune
étoient , fortuna obsequens , l'obéissante
patrone des gens heureux ; privata , la
médiocre , qui est celle qui contente les
Sçavans ; fortuna mulier et virgo ; celle des
femmes et des filles,fortuna virilis;celle des
I, Vol
hom
DECEMBRE . 1733. 2605
hommes qui se représentoit de sexe mas
culin , il y avoit même la fortune des
vieillards , représentée avec une longue
barbe , et celle-cy étoit sans doute de
toutes les fortunes celle qu'on honoroit
le plus tard .
Cette Divinité se représentoit en general
avec tout l'appareil significatif des
effets que ses caprices produisoient dans
le monde , montée sur une roue, avec des
aîles sur le dos , un bandeau sur les yeux,
ses cheveux assemblez sur le devant de
la tête , et chauve par derriere , tout cela
pour montrer son instabilité , son inconstance
, son aveuglement dans la dispensation
de ses dons , et la difficulté de
la ratraper quand elle nous a tourné le
dos ; on lui mettoit aussi un Globe en
une main , et un Gouvernail ou une Corne
d'abondance en l'autre , pour mon
trer qu'elle gouverne le Monde , et y répand
les biens à sa volonté , ce qui étoit
encore signifié par un Soleil et une Lune
qui accompagnoient sa tête ; enfin cette
Deïté , qui est , pour ainsi dire, l'ame du
monde , pouvoit- elle manquer d'être fi
gurée par un Hierogliphe des plus composez
? C'est peut- être celui qui donna
l'idée de faire les figures panthées dont
je parlerai bien-tôt.
1. Vet. Quan
2606 MERCURE DE FRANCE
:
Quant aux Hierogliphes des passions
actives qui sont au - dedans de nous - mê
mes , ils étoient tous simples quand on
n'avoit à lés représenter que chacun séparément
; la Genisse , l'Agneau , la Colombe
, la Tourterelle , & c. marquoient
la pureté , l'innocence , l'amitié et la
constance. La virginité paroissoit sous la
marque d'une fille échevelée , vétuë de
blanc , les Vertus étoient symbolisées par
des Animaux de figures aimables , et les
vices , au contraire , étoient figurez par
des Animaux affreux , dont la seule vûe
causoit de l'horreur ; la Religion Chrétienne
a conservé ces usages , on a dé
signé les pechez capitaux par les plus
hideuses bêtes que nous connoissions , à
l'imitation des Anciens qui inventerent
des Monstres qui n'existoient point, pour
dépeindre les vices avec des couleurs plus
effrayantes.
Ils imaginerent un Basilic qui tuë de
son regard ; un Serpent qui empoisonne
de son écume toutes les herbes où il se
traîne; une infinité d'autres bêtes affreuses
étoient les Symboles des deffauts les plus
nuisibles à la Societé , comme la calomnie
, le mensonge et d'autres ; l'Hiene
étoit la marque de la cruauté ; et comme
les femmes ne sont pas exemptes de ce
I. Vol. vice
DECEMBRE . 1733. 2607
vice , on fit cet Animal hermaphrodite.
Toutes ces Images que je viens de représenter
, étoient simples ; mais quand
il falloit caracteriser en un même Symbole
plusieurs vices ou plusieurs vertus ,
il falloit bien composer un Hierogliphe
dans lequel les Symboles particuliers de
toutes ces choses entrassent , et cela formoit
des Panthées de passions , semblables
aux Panthées sacrez.
L'Antiquité eut des Héros et des braves
, qui ainsi que nos Chevaliers Errans
du temps de Charlemagne , se dévoüoient
à passer leur vie en courant le Monde
pour secourir les foibles et purger la Terre
des brigands , qui en étoient les veritables
Monstres ; tels furent parmi les
Gercs Hercule , Thesée , Jason , Persée ,
et autres. Je métonne que les Auteurs
zelez pour la gloire de notre ancienne
Chevalerie , ayent borné son origine
aux Chevaliers Romains , et qu'ils ne
l'ayent pas remontée jusqu'aux demi-
Dieux de la Grece , nos vieux Romanciers
leur en avoient donné l'ouverture ,
par le merveilleux qu'ils ont répandu sur
les avantures de nos valeureux Paladins ,
Renaud , Roland et Amadis , en leur
fournissant à point nommé des montures
diaboliques pour les conduire plus
par
B.I. Vel
prem
2303 MERCURE DE FRANCE
promptement vers les Géants qu'ils devoient
exterminer , à l'exemple des Poëtes
Grecs qui trouvoient des Pégases pour
en fournir fort à propos aux Deffenseurs
des Dames , télles qu'Andromede et Hésione.
Michel de Cervantes et Rabelais , pour
se mocquer des idées folles des Auteurs
de Romans , ont imaginé les Oriflants ,
les Hippogriphes et les Chevillards , don't
ils ont parlé , l'un dans son Don Quichote
, et l'autre dans son Gargantua .
›
Ce sont ces Chevaux ailez de la Fable
qui ont pû persuader qu'il y avoit des
Licornes ( autres animaux aussi fabuleux )
il est aisé de voir de quelle source partoit
cette fausse persuasion . L'Yvoire venoir
, à ce qu'on disoit d'une Corne de
bête qui se trouvoit en Afrique et
Pline dans son Histoire Naturelle ( L. 8.
C. 21. ) admet des Chevaux volants et
des Chevaux à Cornes , à qui il donne
également le nom de Pégase , et les fait
trouver en Ethiopie , Pays voisin des
Monts Athlas , où Persée eut occasion
de se servir d'un de ces Chevaux . Æthiopia
generat , multaque alia Monstro similia
Pennatos equos et Cornibus armatos
quos Pegasos vocant ; ce Passage ne m'empêchera
pas de conclure que , puisque
I. Vol. los
DECEMBRE . 1733. 2609
tes Pégases sont chimeriques , les Licornes
ne le sont pas moins , et la description
que continue d'en faire le méme
Auteur , achevera de prouver que ces
Animaux ne doivent être regardez que
comme des chimeres , ou plutôt ce sont
des Hierogliphes qui ont eu cette forme
, la Licorne a pû êrre une image
Panthée propre à désigner la fécondité
cu les perfections dans le genre animal ,,
elle avoit le corps d'un Cheval , la tête
d'un Cerf , les pieds d'Elephant , sa
queue d'un Sanglier , avec une corne de
deux coudées de long , placée au milieu
du front.
Q
"
L'Auteur promet la suite.
****** ******
L'AMITIE ,
ODE
A M. de la M.
Ue Pinjuste avec art sçache employer la
brigue ,
L'heureux succès de son intrigue ,
Ne fait qu'exciter ma pitié ;
Plein du feu nouveau qui m'inspire ,
Je ne veux consacrer ma Lyre ,
Qu'à la chaste et pure Amitié.
1. Volg
Fuis
2610 MERCURE DE FRANCE
Fuis loin, perfide Amour, dont les indignes flames,
Ne parviennent qu'à rendre infâmes ,
Ceux qu'elles flattent d'être heureux,
Loin de te ceder la victoire ,
Je veux mettre toute ma gloire ,
A fuir de si funestes feux.
M
Si comme eux l'Amitié me captive et m'entraîne
Le crime ne suit point ma chaîne.
Toi (a) qui dans tes doctes Ecrits ,
Sçûs si bien nous vanter ses charmes ,
Puisse-tu me préter des armes ,
Pour en relever tout le prix ?
來
Aux foiblesses d'autrui , loin d'être inexorable ,
L'Amitié toujours charitable
Soutient notre fragilité ;
Le Chêne immense est moins utile
A l'Arbrisseau tendre et débile ,
Qu'il voit sous ses Rameaux planté..
來
A plaire à son ami , l'ami toujours s'empresse ,
Il sçait même sur sa tristesse
Verser d'utiles agrémens ;
( a ) Ciceron .
I. Vol. N'est
DECEMBRE . 1733. 2615
Si la fortune m'est cruelle ,
N'est- ce pas un Ami fidele ,
Qui calme més gémissemens
En vain suis-je accablé , son zele infatigable ,
M'offre un secours inépuisable
Dans sa tendresse et dans sa foi ,
A- t'il à trembler pour ma tête ?
Le péril n'a rien qui l'arrête ;
Il n'a point d'autre objet que moi .
諾
Ainsi , sage Damon , (a) te prenant pour modele,
Nous aimerons toujours ce zele ,
Qui te fit défier la mort.
Le fier Tyran (6 ) de Syracuse ,
Que sa propre grandeur abuse ,
Est forcé dénvier ton sort.
Ainsi loin des Palais que le luxe environne ,
Tendre amitié , de la Couronne
Tu suis l'appareil emprunté ,
D'un coeur sincere heureux partage ,
Tu vas sous l'humble toît du Sage ,
Assurer sa félicité.
(a) Damon se rendit caution pour son ami Phiz
Aias qu'on conduisoit à la mort ,
(b) Denys le Tiran , s.
c...
I. Vol, Fiers
2612 MERCURE DE FRANCE
Fiers Mortels qui nagez dans le sein des délices ,
Esclaves de mille caprices ,
Vous ignorez un nom si doux ,
Le Laboureur sous sa chaumiere ,
Goute en sa pénible carriere ,
Des plaisirs plus charmans que vous.
柒Les nobles sentimens d'Agrippa , de Mecéne ,
Qu'admira Rome Souveraine ,
Avec lui sont ensevelis ;
De la Vertu les droits augustes ,
Chéris de vos peres plus justes ,
Sont pour nous des droits avilis ,
La sincere amitié près des grands ignorée ;
Et par les hommes alterée ,
Aime à flatter , cherche à mentir ,
L'honneur n'est plus ce qui la touche ,
L'Ami trompeur n'ouvre la bouche ,
Que pour surprendre et pour trahir,
M
Tibere, ton Séjan prend l'interêt pour guide!
C'est un traitre , c'est un perfide ,
Qui se pare du nom d'ami .
Prince aveuglé , ton coeur facile ,
S'ouvre , et le Courtisan habile
Devient un secret ennemi,
Le Vol.
Quel
DECEMBRE . 1733. 2613
Qaels coups sont réservez au vainqueur de l'Euphrate
?
Il périt , comme Policrate ,
Par ceux qu'il se croit affidez ,
Quoi les Princes les plus aimables ,
De flateurs vils et méprisables ,
Seront- ils toujours obsedez ?
Les craignez- vous,Mortels ? Que vos ames hau
taines ,
Formidables autant que vaines ,
Dépoülllent leur férocité.
Fermez les yeux sur votre faste ,
Bien-tôt , par un heureux contraste
Reparoîtra la verité.
D.G
Que j'aime à voir un Roi que la candeur anime,
Il ne donne jamais au crime ,
Le nom de l'aimable vertu.
Bien loin qu'un vil fateur l'abuse.
Toujours modeste il se refuse ,
A l'encens même le mieux dû.
C'est , mon cher M... sur un si beau modelle,
Que d'une union mutuelle
Je veux suivre les douces loix ;
Jamais pour approuver le vice ,
I. Vol. D N'y
2614 MERCURE DE FRANCE
Ni pour balancer la Justice ,
Je ne réserverai ma voix ,
M
Contre un égarement je tournerai mes armes ¿
Si ta vertu succombe aux charmes
D'un vil et lâche séducteur ;
Compte qu'à ta chute sensible ,
Je sçaurai , Censeur infléxible ,
M'élever contre ton erreur.
來
Qui couvre les défauts n'aime point le mérité
Le mal flatté bien - tôt s'irrite
A ne pouvoir plus se guérir.
Au crime le crime succede ,
Et quand on parle du remede ,
Il n'est plus temps d'y recourir .
J. J ...
De Thorigné au Maine , le 4. Octobre
1722
1, Vol.
مو
MLDECEMDKE.
1733. 2615
MEMOIRE sur l'Electricité , lû à la
derniere Assemblée publique de l'Académie
Royale des Sciences.
MR
par
R Dufay termina la Séance
un Mémoire sur l'Electricité ; il
rappelle d'abord que dans le premier il a
donné l'Histoire des Découvertes , qui
avoient été faites jusqu'à présent sur PElectricité
; et que dans le second il a fait
voir par un grand nombre d'Expériences
que cette propriété merveilleuse , qu'on
avoit crue jusqu'à ce jour particuliere à
un petit nombre de corps , étoit commune
à toutes les matieres que leur solidité
met en état d'être frottez assez vivement,
à l'exception néanmoins des Métaux qu'il
n'a jamais pû rendre électriques par euxmêmes
, mais.qui le deviennent par communication
, de même que les fluides , et
tous les autres corps , de quelque nature
qu'ils soient.
Dans ce troisiéme Mémoire M. Dufay
examine quels sont les corps qui sont le
plus vivement attirez par les matieres
électriques , et quels sont ceux qui transmettent
le plus facilement et le plus abondamment
les Ecoulemens électriques.
1. Vol, Dij M.
2616 MERCURE DE FRANC
M. Gray avoit dit dans les Transactions
Philosophiques, que les corps devenoient
plus ou moins électriques relativement
à leur couleur ; cette idée a engagé M. D.
à teindre des Rubans de diverses couleurs
et à les présenter au Tube rendu
électriques il a attiré d'abord le noir,
ensuite le blanc , et le rouge a été le dernier
de tous. M. D. teignit ensuite des
Gazes de mêmes couleurs que les Rubans
, et les ayant montées sur de petits
chassis , il s'en servit pour intercepter les
écoulemens électriques , et il s'apperçut
que la Gaze noire et la Gaze blanche, soutenues
au dessus des feuilles d'or , empêchoient
qu'elles ne fussent attirées par le
Tube , et que la Gaze rouge au contraire
et les autres Gazes de couleurs laissoient
passer les Ecoulemens électriques, ensorte
que les feuilles d'or étoient enlevées , et se
venoient appliquer aux Gazes ; ces expériences
le persuaderent d'abord que les
couleurs avoient quelque rapport avee
l'Electricité et que le noir , par exemple ,
s'abbrevoit plus facilement que le rouge,
de la matiére électrique ; ensorte que le
Ruban noir par cette raison étoit attiré
de plus loin que les autres, et que la Gaze
noire arrêtoit cette matiere , et l'empêchoit
de passer jusques aux feuilles d'or ,
I.Vol.
qui
DECEMBRE. 1733 2614°
qui étoient au- delà. M D. avoue que ces
raisons lui avoient paru vrai- semblables
assez long-temps ; mais ayant remarqué
des variétez dans ces Expériences , suivant
la température de l'air , et d'autres
circonstances , il commença à douter de
cet effet des couleurs , comme couleurs ;
enfin il reconnut , à n'en pouvoir douter,
qu'elles n'entroient pour rien dans ces
Phénoménes ; il fit pour cet effet plusieurs
Expériences sur les couleurs des
Corps naturels , sur celles de la lumiere
par le moyen du Prisme ; il fit chauffer
les Gazes et les Rubans de differentes
couleurs , il les mouilla , et il résulta de
cet examen que ces variétez ne venoient
point de la couleur , mais des ingrédiens
qui avoient servi à colorer. Nous ne le
suivrons point dans ce détail , et nous allons
dire un mot de la transmission de la
vertu électrique le long d'une corde , ce
qui est le second objet de ce Mémoire.
M. Gray avoit porté la distance à la--
quelle se peut transmettre l'Electricité par
le moyen
d'une corde jusques à la distance
de 886 pieds Anglois. M. Dufay après
avoir essayé sur une distance de 25 pieds ,
quelles étoient les circonstances nécessaires
pour réussir dans cette Expérience,
le mieux qu'il étoit possible , à trouvé
a
I. Vol.
que Di
2818 MERCURE DE FRANCE
que
l'Electricité étoit encore tres- sensible
à la distance de 1256 pieds , et il ne dou
te point qu'elle ne puisse aller encore
beaucoup plus loin. Voicy la maniere
dont il s'y est pris . Il a tendu des soyes
de 20 pieds en 20 pieds , en les attachano
transversalement d'un Arbre à l'autre ,
dans une allée ; il a posé sur ces soyes
une corde de la grosseur d'un tuyau de
plume ; ayant attaché un bout de corde
à la premiere soye , il a fait revenir la
corde du bout de l'allée sur les mêmes
soyes , l'ayant fait passer dans des boucles
aussi de soye , attachées au bout de
l'allée. Il a fait faire ensuite à la corde le
même chemin dans une autre allée , parallele
à la premietejet ayant ramené dans
une chambre le second bout de cette mê
me corde , à laquelle étoit soutenuë une
Boule de bois , l'Electricité parut tressensible
dans cette Boule , lorsqu'après
avoir frotté le Tube on l'approchoit du
premier bout de la corde qui étoit distant
du second de 1256 pieds il a remarqué
que pour réussir encore plus parfaitement
il falloit moüiller la corde avec
des Eponges , et bien prendre garde de
moüiller les soyes qui la soutiennent ; il
y a encore plusieurs autres circonstances
à observer , mais il ne nous est pas pos
sible d'entter dans ce détail.
DECEMBRE . 1733. 2619
M.Dufay rapporte ensuite ce qui lui est
árrivé , en faisant une Expérience qui se
trouve dans le Mémoire de M. Gray, qui
consiste à rendre électrique le visage d'un
enfant suspendu sur des cordes en approchant
le Tube des pieds de cet enfants
Voici de quelle maniere s'y est pris
M. Dufay ; il a attaché au Plancher deux
cordons de soye par les deux bouts , et
ayant posé une planche sur ces deux especes
de Boucles , il a placé un enfant de
8 à 9 ans sur cette planche, et l'a fait coucher
de son long , en approchant des
pieds de l'enfant le Tube , après l'avoir
bien frotté le visage et les mains de l'enfant
deviennent fort éléctriques , et attirent
de tres- loin les feuilles d'or. La même
chose arrive aux pieds de l'enfant lorsqu'on
approche le Tube de sa tête .
M. Dufay s'est mis ensuite lui - même
sur la planche à la place de l'enfant , et
cela lui a donné lieu de faire plusieurs
découvertes tres- singulieres , entr'autres
il prit à sa main un carton sur lequel
étoient des feuilles d'or , son autre main,
ni son visage ne les attiroient point alors ,
mais si quelque autre personne qui s'étoit
tenuë éloignée , venoit à présenter la main ,
ou un bâton au dessus de ces feuilles , elles
y voloient sur le champ.Un autre fait
1. Vol. D iiij enco2620
MERCURE DE FRANCE
•
encore plus singulier est que tandis qu'il`
étoit assis , ou couché sur la planche , et
que l'on avoit approché le Tube de ses
jambes , ou de l'une de ses mains ; si quelqu'un
venoit à passer la main auprès de
ses bras , de ses jambes , de son visage, ou
de tout son corps , on entendoit sur le
champ un petit bruit , semblable à un pétillement,
qui sortoit de son bras , ou de
sa jambe , et qui venoit frapper la main
de celui qui l'avoit approchée, ce qui causoit
même , tant à lui qu'à la personne
qui avoit approché la main , une petite
douleur semblable à la piqueure d'une
épingle faite brusquement , ou à la brulure
d'une étincelle.Ces pétillemens étoient
en effet de véritables étincelles , lorsque
l'Expérience se faisoit dans l'obscurité , et
elles arrivoient toujours lorsque c'étoit
un homme ou un animal vivant qui étoit
sur la planche ; mais il ne s'en formoit
point lorsque c'étoit un animal mort, ou
quelque autre corps inanimé, comme une
planche , un fagot , une botte de paille ,
&c. quoique ces corps contractassent
l'Electricité à peu près aussi facilement
que les corps animez.
M. Dufay ajoute encore plusieurs autres
faits curicux , indépendemment de
ceux qu'il dit avoir réservez pour les as-
1. Kol.
бел
1
DECEMBRE . 1733. 4621
semblées particulieres , et il finit par annoncer
la découverte de deux principes
nouveaux et tres- simples , qui servent à
expliquer une grande partie de tous ces
faits. Le premier est que les corps Electriques
attirent tous ceux qui ne le sont
point , et les repoussent lorsqu'ils le sont
devenus par communication; et le second
qu'il y a deuxElectricitez distinctes et tresdifférentes
l'une de l'autre , qui font des
effets entierement opposez , et qui sont la
cause des varietez , et des contrariétez apparentes
qui se trouvent dans la plupart
des Expériences de l'Electricité ; mais la
preuve et le détail de ces principes font le
sujet d'un quatriéme Mémoire , qu'il doit
lire incessamment à l'Académic.
OD E.
Tirée du Pseaume 129. De profundis, & c .
DEE ce sacré séjour, demeure respectable ,
Ou réside à jamais , ton . Thrône redoutable ,
Monarque tout puissant , jette sur moi les yeux ,
D'un coupable mortel entens la voix plaintive ,
Et prêtant à mes cris une oreille attentive ,
Dol
Déco DY .
2622 MERCURE DE FRANCE
Délivre moi des maux que je souffre en ces
lieux .
-
諾
Ministres du Seigneur, Troupe pure et fidelle .
Qui sans cesse adorez sa Puissance immortelle ,
Joignez vos saints Concerts à mes tristes accens
;
Humblement prosternez devant ce Dieu terrible
,
Qui releve le foible et confond l'invincible ,
Offrez- lui ma priere , offrez - lui mon encens.
Que ne puis - je , ô mon Dieu ,
Carriere ,
terminer ma
Que ne puis-je forcer la puissante Barriere
Qui tient' mes pas
fixez dans ce lieu de douleur t
Que ne puis-je, élancé vers la Cité celeste ›
De mes liens de chair, quittant le poids funeste
Aller jouir en paix de l'éternel bonheur !
諾
Si dans ce jour fatal , horrible , épouventable
Où tu nous jugeras en Juge inéxorable ,
Tu péses l'homme au poids de son iniquités
Si, saisi de respect à ta présence auguste ,
Le serviteur fidele et l'homine le plus juste
Doivent trembler d'effroi devant ta Majesté..
洽
1. Val.
Quel
DECEMBR E. 1733 . 2623
Quel Mortel répassant le nombre de ses criines
,
Et voyant sous ses pieds les ténébreux abîmes
Pourra souffrir l'éclat de ton juste courroux
Qui sera mon appuy , si ta bonté propice ,
Ne fait taire en ce jour ta sévére justice ,
Et de tes traits vangeurs , ne détourne les coups?
M.
Séduit par le Tyran de la nuit éternelle ,
Qui nous déclare à tous une guerre mortelle.
De tes commandemens j'ai violé les loix ; .-
Par des discours menteurs , j'ai noirci l'inno
cence ,
Et du vice orgueilleux , approuvant la licence ,
A le vanter par tout , j'ai consacré ma voix.
Je pleure mes péchez ; je gémis de mes crimes ;
Tu déployois déja des tourmens légitimes ,
Si je n'eusse , grand Dieu , reclamé ton secours
Pénétré de douleur,d'avoir pû te déplaire ,
Et d'avoir mérité ta puissante colere .
De mes iniquitez je déteste le cours .
Dès que la nuit obscure , étend ses voiles somebres
,
Et couvre l'Univers de ses épaisses ombres , »
Io Vol Dvi
Par
2624 MERCURE DE FRANCE
Par mes gemissemens j'exprime mes douleuss ,
Le Soleil aux Humains , ramenant la lumiere ,
Recommence le cours de sa vaste Carriere ,
Et me retrouve encore inondé de mes pleurs ...
Mon espoir est en vous , Seigneur , votre teme
I dresse ,
Rassure mes esprits , et soutient ma foiblesse
Contre tous les efforts de mes sens révoltez ,
Pour vaincre mes désirs , pour dompter mes car
prices ,
J'irai vous présenter mes humbles Sacrifices ,
Et de votre clémence implorer les bontez.
AUBRY DE TRUNG Y.
ELOGE du R. P SANADON , de la
Compagnie de JESUS..
LEB
ER . P. Noël- Etienne SANADON est
mort au College de Louis LE GRAND,
le 22 Octobre 1733. dans la 58 année de
son âge. Il étoit entré chez les Jésuites
avec un goût rare pour les Belles - Lettres
, et particulierement pour la Poësie
Latine. Il eut licu de cultiver ce goût naturel
, et il le cultiva en effet toujours
dans les différens emplois dont on le char
1. Vol.
gea
DECEMBRE. 1733. 26235
gea. Son Recueil de Poësies sent le beau
siécle des Maîtres du langage Romain ,
qu'il s'étoit fait une étude d'imiter. Il les
imitoit si heureusement dans chaque
genre de Poësie que ses Modeles ne l'auroient
point désavoué . Dans ses Odes on
reconnoit le feu et le génie d'Horace ';
dans ses Elégies la facilité et les graces
d'Ovide ; dans ses Vers héroïques la cadence
et la correction de Virgile. Il ne se
permettoit pas une expression , pas un
tour , pas même une pensée , qui ne fussent
propres du sujet et du caractere par
ticulier de Vers qu'il employoit ; exact
jusqu'au scrupule sur la Latinité ; il faisoit
passer dans sa Prose cette pureté de
style et de langage , qui fait en grande
partie le mérite des bons Auteurs Latins.
C'est sur tout durant les six années qu'il
a professé la Rhétorique à Paris , que
son application à ce genre d'étude lui a
donné la réputation d'excellent connoisseur
en fait de Latinité. Il a composé de
puis d'autres Ouvrages de Critique qui
lui ont fait honneur. La mort en a inters
rompu d'autres qu'il avoit commencez :
par exemple , un Traité de la Versifica→
tion latine qui devoit être sulyi d'un autre
sur la Poësie , un tres grand nombre
e Recherches Géographiques , quantité
1. Vol. de
2626 MERCURE DE FRANCE
de Remarques sur des expressions latines
, un Rudiment sçavant , des Notes
sur Phédre et sur plusieurs autres Poëtes,
sans compter de petites Poësies fugitives
qui échapoient quelquefois à sa vei
ne, desObservations manuscrites sur quelques
Livres à son usage , et sur le bel
Atlas de Géographie qu'il avoit formé
avec beaucoup de soin , aussi bien que sa
Bibliotheque , qui étoit tres choisie .
Monseigneur le Prince de Conti, dont
il a eu l'honneur de conduire les premieres
années au Collége des Jésuites , l'a honoré
de son estime et de ses bontez.
Voici l'Extrait d'une Lettre écrite depuis
peu à un autre Prince , et bien honorable
à la mémoire du P. Sanadon .
» C'est avec un sensible regret , Mon-
» seigneur , que je rappelle à V.A.le souvenir
du feu P. Sanadon , qui a été le
premier à vous recevoir au Tribunal de
» la Pénitence , et le seul à diriger votre
>>
» conscience à Paris. Il vous aimoit ten-
» drement , et il méritoit toute la tendresse
que vous vouliez bien avoir
» pour lui. La France perd en lui un de
ses plus beaux Esprits. L'Europe un de
ses plus habiles Critiques,et un des derniers
disciples du grand Huet. Pour le
» goût et la délicatesse , il sembloit être
1. Vol du
DECEMBRE . 1733. 2627
du siécle et de la Cour d'Auguste.
» Vous vous rappellez , Monseigneur
» cette douceur , ces graces , et cette mo-
» destie qui l'accompagnoient toujours ;
au milieu des occupations les plus sé-
» duisantes pour l'esprit , entouré d'amis
» qui le chérissoient , il quittoit tout au
» moment qu'il apprenoit qu'un mala-
» de de la lie du peuple souhaitoit de le
» voir , etil alloit loin pour lui porter les
»secours du corps et de l'ame. Pour adou-
» cir la douleur dont je suis pénétré , on
»a permis que je fisse faire son Portrait.
La mort avoit déja effacé quelques
» traits , mais la vive impression qui me
» restera toujours de ce cher ami , m'a-
» voit mis en état d'y suppléer , et de
rendre au Peintre ce qui avoit disparu .
Le caracrere du P. Sanadon étoit tel
qu'on le représente icy ; il étoit doux ,.
obligeant , poli , aussi s'étoit- il fait beaucoup
d'illustres et de vrais amis.Il joignoit
à un grand fonds de probité , une piété
solide , et la pratique constante des vertus
de son état. Son amour pour le bon
ordre se remarquoit dans toute sa conduite
.Occupé uniquement de ses devoirs ,
il ne songeoit qu'à les remplir. Sa charitésur
tout et son talent à gagner la confiance
des coeurs , se faisoient distinguer. En
1. Vola un
2628 MERCURE DE FRANCE
un mot , il étoit encore plus recommendable
par son Christianisme , que par sa
qualité d'Homme de Lettres .
***************
CANTATILLE ,
LE TRIOMPHE DE LA NUIT.
Soulage mes tendres soupirs ,
Amour , vole au devant de mon impatience ;
Pour flater mes brûlans désirs ,
N'as -tu rien à m'offrir qu'une folle esperance : ?
Songe, Amour,qu'il n'est point de solides plaisirs
Pour les Amans , pendant l'absence.
C'est ainsi que Diane aux Echos , des Forêts
Exhale la douleur qui dévore son ame ;
L'heureux Endimion l'enflame ,
Mais elle n'ose au jour confier ses secrets
D'une nuit sombre et bienfaisante ,
*
Elle attend l'utile secours ;
Soleil , en faveur d'une Amante ,..
Hâte , précipite ton cours .
La sombre lueur des Etoiles
Suffit aux amoureux sermens
La nuit recelle sous ses voiles .
Les entreprises des Amants ;
1. Kole
Lor
DECEMBRE . 1733. 2629
Le timide . Enfant de Cithere ,
Marche loin du jour et du bruit ;
Si-tôt que le Soleil l'éclaire ,
L'Amour s'éfarouche et s'enfuit .
*****************
LETTRE écrite le 35. Novembre 1733.
au fujet de l'Ouvrage de M. Michel™,
intitulé , Systême Chronologique &c.
JE porte ,Monsieur , à votre Tribunal
un Procès Litteraire dans lequel lè
principal interessé ne veut point entrer ;
mais tout Homme de Lettres , tout Lecteur
est partie à son défaut. La discussion
dé ce Procès n'est pas difficile , l'exposi
tion du fait le décide.
J'ay lû avec plaisir dans l'ouvrage de
M. Michel , intitulé Systême Chronologique
sur les trois Textes de la Bible qui a paru
cette année , les principes Chronologiques
de l'Auteur : il fait sentir que le
calcul trop abregé des Juifs ne s'accorde ,
ni avec la vraisemblance , ni avec les
Monumens Historiques les moins contestés
, qu'il faut avoir recours aux Textes
Grecs et Samaritains pour les années écoulées
depuis le Déluge jusqu'à l'Epoque
d'Abraham , que cette methode autori-
I. Vol.
sec
2630 MERCURE DE FRANCE
sée par les Saints Peres , et suivie par de
fameux Interprétes et d'habiles Chronologistes
, est la seule qui réunisse l'Histoire
Profane à l'Histoire Sacrée. Mon
plaisir a fort augmenté quand j'ay trouvé
à la page onzième une voie de conciliation
de la Vulgate avec le Grec et le Samaritain
, indiquée, qui conserve à la Vulgate
toute son authorité .
Dans ce commencement de l'ouvrage
de M. Michel , la justesse des conjectures
est appuyée par une érudition choisie . La
marge est chargée d'un grand nombre de
citations. J'y ai cherché la citation des
Memoires de Trevoux , ou des Dissertations
chronologiques du R. P. Tournemine
, et je l'ay cherchée en vain , elle y
manque.
Cependant , Monsieur , la voie de conciliation
entre les trois Textes a été proposée
par le P. Tournemine , il y a trente
ans dans les Mémoires de Trevoux de mil
sept cent trois , au mois de Mars et au mois
d'Août ; il ne se contente pas de la proposer
, cette conjecture ingenieuse , il
l'établit par des preuves ausquelles il est
difficile de resister.
En mil sept cent six M. du Hamel , ce
sçavant Universel , Philosophe , Mathématicien
, Théologien , Interpréte de l'E-
1. Vol. criture
DECEMBRE. 1733. 2651
criture , versé dans toutes les Sciences
adopta avec éloge le sentiment du Pere
Tournemine dans sa belle Edition de la
Bible.
En mil sept cent dix- neuf, le P. Tournemine
expliqua encore plus cette voie de
conciliation dans ses Dissertations chronologiques
latines , jointes à la nouvelle
Edition de Menochius. Ses découvertes
sur l'Histoire d'Egypte , des Assiriens ,
des Médes , de Cyrus , de Judith et d'Ester
sur l'origine des Lacédémoniens ,
sur plusieurs Propheties , entr'autres sur
les semaines de Daniel , sur l'année de la
Naissance de Jesus Christ , contenues
dans ces Dissertations , ont été goutées et
adoptées par d'habiles Critiques.
-
En mil sept cent vingt deux la seconde
Edition des Dissertations du P. Tournemine
parut à Venise. Un docte Italien , attaqua
la voie de conciliation proposée par
ce Pere en mil sept cent vingt-huit. M.
l'Abbé Biacca , fameux Académicien de
Rome , la justifia dans son Trattenimento
istorico Cronologico . Sa Critique judicieuse,
nette , précise , a obtenu les suffrages de
toute l'Italie sçavante.
En mil sept cent vingt-neuf , M. Len
glet du Fresnoy, dans la nouvelle Edition
de sa Méthode pour étudier l'Histoire
I. Vol. Livre
2632 MERCURE DE FRANCE
+
Livre nécessaire à tous ceux qui veulent
la sçavoir , déja traduit en Allemand , en
Espagnol , en Italien , en Anglois , suit
et dévelope le sensiment du P. Tournemine
avec cette clarté et cet ordre qui
fait le caractere et le succès de ses Ou
vrages.
Enfin en mil sept cent trente-deux , la
sçavante Academie d'Angleterre qui s'applique
à éclaircir l'Histoire Universelle ,
et qui en fournit d'excellens materiaux ,
a cité le P. Tournemine et préferé son
sentiment aux autres. On a traduit en
François cet Ouvrage curieux .
Si l'idée , les preuves, les raisonnemens;
les citations que le P. Tournemine a pu
bliés, il y a trente ans , étoient venus dans
l'esprit de M. Michel , la rencontre seroit
merveilleuse , unique ; elle est in
croïable , et pour justifier M. Michel il
faut rejetter la faute de la citation omise
sur le Copiste ou sur l'Imprimeur..
Du
EPIGRAMME.
L'Irrésolution.
U Rondeau que vous avez fait
Vous voulez donc , amy, sçavoir ce que je pense :
I. Vol. Sur
DECEMBRE. 1733. 2638
Sur ce point toujours je balance ,
Et ne puis décider , tant il est imparfait ,
Lequel des deux l'est davantage ,
Ou de l'Autheur ou de l'Ouvrage.
AUTRE.
Le Scrupule.
Oui, c'est mal à propos que Clidaman s'étonne
De ce que dans mes Vers il se voit supprimé ;
J'aimerois cent fois mieux n'avoir jamais rimė
Que d'avoir en rimant dit du mal de personne.
***************
LETTRE fur la HENRIADE , écrite
par M. Antonio Coichy , Lecteur de
Pise , à Monsignor Rinveimi , Secretaire
d'Etat de Florence , traduite parM.
le Baron de C. Chambellan du Roi de
Suede.
S
Elon moi , Monseigneur , il n'y a
rien de plus beau que le Poëme de
la Henriade que vous avez eu la bonté de
me préter.
J'ose vous dire mon jugement avec
d'autant plus d'assurance , que j'ai remarqué
qu'ayant lû quelques pages de
ce Poëme à gens de differente condition ,
1. Vol.
de
2634 MERCURE DE FRANCE
f
de différent génie , adonnez à divers genres
d'érudition , tout cela n'a pas empêché
la Henriade de plaire également à
tous , ce qui est la preuve la plus certaine
que l'on puisse aporter de sa perfection
réelle.
Les Actions chantées dans la Henriade
regardent , à la verité , les François plus
particulierement que nous ; mais comme
elle sont véritables , grandes , simples
fondées sur la justice et entre- mêlées
d'incidens qui frappent , elles excitent
l'attention de tout le monde ?
Qui est celui qui ne se plairoit point
à voir une rébellion étouffée , et l'héri
tier du trône, s'y maintenir en assiégeant
sa Capitale rebelle , en donnant une
sanglante Bataille , et en prenant toutes
les mesures dans fesquelles la force , la
valeur , la prudence et la générosité brillent
à l'envi?
Il eft vrai que certaines circonstances
Historiques sont changées dans le Poëme;
mais outre que les veritables sont notoi
yes et recentes , ces changemens étant
ajustez à la vraisemblance , ne doivent
point embarrasser l'esprit d'un Lecteur
, tant soit peu accoutumé à considerer
un Poëme comme l'imitation du possible
et de l'ordinaire liez ensemble par
des fictions ingenieuses. Tous
DECEM DA E. 1733. 2635
a
Tout l'Eloge que puisse jamais meriter
un Poëme pour le bon choix de son sujet
est certainement dû à la Henriade , d'autant
plus que par une suite naturelle il
été nécessaire d'y raconter le massacre de
la S. Barthelemy ,le meurtre de Henri III .
la Bataille d'Yvri et la famine de Paris
Evenemens tous vrais , tous extraordinaires
, tous terribles , et tous représentez ,
avec cette admirable vivacité qui excite
dans le spectateur et de l'horreur et de
la compassion : effets que doivent produire
pareilles peintures ,quand elles sont
de main de Maître.
Le nombre d'Acteurs dans la Henriade
n'est pas grand , mais ils sont tous remarquables
dans leur Rôle , et extrémement
bien dépeints dans leurs moeurs.
Le Caractere du Héros , Henri IV. est
d'autant plus incomparable que l'on y
voit la valeur , la prudence militaire
l'humanité et l'amour s'entre -disputer le
pas , et se le céder tour à tour et toujours
à propos pour sa gloire .
Celui de Mornais , son ami intime , est
certainement rare il est representé
comme un Philosophe sçavant , courageux
, prudent et bon.
Les Etres invisibles , sans l'entre- mise
desquels les Poëtes n'oseroient entrepren-
I. Vol, dre
2636 MERCURE DE FRANCE
dre un Poëme , sont bien ménagez dans
eclui- ci et aisez à suposer ; tels sont l'ame
de S. Louis et quelques passions humaimes
personifiées , encore l'Auteur les à- t'il
employées avec tant de jugement et d'oeconomie
, que l'on peut facilement les
prendre pour des allegories.
En voyant que ce Poëme soutient
toujours sa beauté sans être farci , comme
tous les autres d'une infinité d'Agens surnaturels
, cela m'a confirmé dans l'idée
quej'ai toujours eûe, que si on retranchoit
de la Poësie épique ces personnages imaginaires
, invisibles , et tout puissants , et
qu'on les remplaçat comme dans les Tragédies
par des personnages réels , le
Poëme n'en deviendroit que plus beau .
Ce qui m'a d'abord fait venir cette
pensée, c'est d'avoir observé que dans Homere,
Virgile, Dante , Arioste, le Tasse,
Milton,et en un mot dans tous ceux que
j'ai lûs , les plus beaux Endroits de leurs
Poëmes n'y sont pas ceux où ils font agir
ou parler les Dieux , le Diable , le Destin
et les Esprits ; au contraire tout cela
souvent fait rire sans jamais produire
dans le coeur ces sentimens touchants qui
naissent de la représentation de quelque
action insigne, proportionnée à la capaci
té de l'homme notre égal, et qui ne passe
1. Vol.
point
DECEMBRE. 1733. 2639
2637
point la Sphere ordinaire des passions de
-notre ame .
C'est pourquoi j'ai admiré le jugement
de ce Poëte , qui pour renfermer sa fiction
dans les bornes de la vraisemblance,
et des facultez humaines , a placé le
transport
de son Hétos au Ciel et aux
Enfers dans un songe dans lequel ces sortes
de visions peuvent paroître naturelles
et croiables .
>
D'ailleurs il faut avouer que sur la
constitution de l'Univers , sur les Loix
de la nature sur la Morale et sur l'idée
qu'il faut se former du mal et du bien,
des vertus et du vice , le Poëte sur tout
cela a parlé avec tant de force et de
justesse que l'on ne peut s'empêcher de
reconnoître en lui un genie superieur et
une connoissance parfaite de tout ce
que les Philosophes Modernes ont de
plus raisonnable dans leur systême.
Il semble raporter toute la science à
inspirer au Monde entier une espece d'amitié
universelle et une horreur générapour
la cruauté et pour le Fanatisme.
le
Également ennemi de l'irréligion , le
Poëte dans les disputes que notre raison
ne sçauroit décider , qui dépendent de la
révélation , adjuge avec modestie et solidité
la préference à notre Doctrine Romai-
I. Vol.
1 E ne
2638 MERCURE DE FRANCE
ne, dont il éclaircit même plusieurs obscuritez.
Pour juger de son stile il seroit néces
saire de connoître toute l'étendue et la
force de sa langue ; habilité à laquelle il
est presque impossible qu'un étranger
puisse atteindre , et sans laquelle il n'est
pas facile d'approfondir la pureté de la
diction.
Tout ce que je puis dire là - dessus
c'est qu'à l'oreille ses vers paroissent aisez
et harmonieux , et que dans tout le
Poëme je n'ai trouvé rien de puerile ,
rien de languissant , ni aucune fausse
pensée , défauts dont les plus excellents
Poëtes ne sont pas tout-à- fait exempts.
Dans Homere et dans Virgile, on en voit
quelques-uns , mais rares ; on en trouve
beaucoup dans les principaux , ou pour
mieux dire, dans tous les Poëtes de Langues
modernes, et sur tout dans ceux de
la seconde Classe de l'Antiquité..
A l'égard du stile , je puis encore ajouter
une expérience qui j'ai faite qui donne
beaucoup à présumer en faveur du sien .
Ayant traduit ce Poëme couramment
en le lisant à différentes personnes , je m
suis apperçû qu'elles en ont senti toute l
grace et la majesté ; indice infaillible qu
le stile en est très excellent , aussi l'Au
1.Vol. teu
DECEMBRE. 1733. 2639
teur se sert- il d'une noble simplicité et
briéveté pour exprimer des choses difficiles
et vastes , sans néanmoins rien laisser
à désirer pour leur entiere intelligentalent
bien rare , et qui fait l'essence
du vrai sublime .
ce ,
>
Après avoir fait connoître en general
le prix et le mérite de ce Poëme
il est
inutile d'entrer dans un détail particulier
de ses beautez les plus éclatantes. Il y en
a, je l'avouë, plusieurs dont je crois reconnoître
les Originaux dans Homere, et sut
tout dans l'Iliade , copiée depuis avec différens
succès par tous les Poëtes posterieurs
; mais on trouve aussi dans ce
Poëme une infinité de beautez qui semblent
neuves, et appartenir en propre à la
Henriade.
Telle est , par exemple , la noblesse et
l'allegorie de tout le 4me. Livre ; l'endroit
où le Poëte représente l'infame
meurtre d'Henri III. et sa juste réfléxion
pag.. sur ce misérable assassin . Edition
de Londres 1733. chez Innis.
C'est encore quelque chose de nouveau
dans la Poësie que le discours ingenieux
que l'on lit au milieu de la page 145 .
sur les châtimens à subir après la mort.
Il ne me souvient pas non plus d'avoir
vû ailleurs ce beau trait qu'il met page
✓ 1. Vol. Eij: I 12,
2640 MERCURE DE FRANCE
112. dans ce caractere de Mornais , qu'il
combattoit sans vouloir tuer personne.
La mort du jeune d'Ailly massacré par
son pere sans en être connu , m'a fait
verser des larmes quoique j'eusse là une
avanture un peu semblable dans le Tasses
mais celle de M. de Voltaire , étant décrite
avec plus de précision , m'a paru
nouvelle et plus sublime.
Les vers page 175. sur l'Amitié sont
d'une beauté inimitable , et rien ne les
égale , si ce n'est la Description de la
modestie de la belle d'Estrée page , 197 .
Enfin dans ce Poëme sont répanduës
mille graces qui démontrent que l'Auteur
né avec un goût infini pour le beau,
s'est perfectionné encore davantage par
une application infatigable à toute sorte
de Science , afin de devoir sa réputation
moins à la nature qu'à lui-même.
Plus il y a réussi , plus il est obligeant
envers notre Italie , d'avoir dans un
discours à la suite de son Poëme préferé
Virgile et notre Tasse à toute autre Poëte
quoique nous n'osions nous mêmes les
égaler à Homere , qui a été le premier
Fondateur de la belle Poësie.
Une légere indisposition et de petites
affaires m'ont empêché , Monseigneur
d'obéïr plûtôt à l'ordre que vous m'a
I. Vol.
いvez
DECEMBRE 1733. 2643
vez donné de vous rendre compte de
eet Ouvrage , j'espere que vous en pardonnerez
le délai , en vous suppliant de
me croire avec respect , Monseigneur
votre , & c.
***********
POESIE
ANACREONTIQUE
Par Me de Malcrais de la Vigne..
དོན་
UN Papillon badin caressoit une Rose
Nouvellement éclose ,
Qu'aussi- tôt il quitta pour succer un Raisin.
Ah ! dit la charmante Catin ,
Qui rêvoit tristement à son Berger volage ;
Bacchus , tu m'as ravi son coeur ;
Ferrions-nous tant d'Amans , sans ton jus čaē
chanteur ,
Dégoutez du tendre esclavage
Bacchus , cruel Bacchus , ta fatale Liqueur ,,
De tous les Inconstans est- elle le breuvage?
LETTRE écrite de Paris cé 23. Novembre
1733. au sujet de la Memoire.
Ay lû , Monsieur , dans votre Jour
nal du mois de Septembre dernier ,
article où il est parlé de la Mémoire ,
I. Vol.
E iij par
2642 MERCURE DE FRANCE
par lequel on demande ce qu'elle contient
, et les differens moyens qu'on peut
mettre en usage pour la cultiver , la conserver
et prévenir ce qui pourroit l'affoiblir
; mais avant que de faire part au
Public de ces moyens , il est nécessaire
de sçavoir quelle est sa nature, où elle réside
, et quel est le temperament qui lui
est plus propre , delà les conséquences
seront faciles à suivre, et à faire parvenir
l'Auteur de cette demande au but qu'il
se propose.
Nature de la Mémoire
La Nature a donné à l'ame la vertu
de conserver les images qu'elle s'est faites
afin de les représenter aux facultez con◄
noissantes quand il seroit nécessaire ,
cette vertu s'appelle Mémoire.
Mais avant que de parler de l'organe
et des dispositions qui sont nécessaires
à la Mémoire , il faut observer qu'il
en a de plusieurs sortes dans l'homme
car comme c'est la gardienne et la depositaire
des images qui sont dans l'ame
il est certain qu'il y a des images qui sont
spirituelles , comme sont toutes celles de
l'entendement , et que les accidens spirituels
doivent avoir un sujet spirituel ,
ne pouvant être reçûs dans la matiere ,
I. Vat.
d:
DECEMBRE . 1733. 2643-
de sorte que c'est une nécessité qu'ou
tre la Mémoire sensitive que nous avons
commune avec les animaux , il y en ait
une intellectuelle qui garde les images
que l'entendement produit.-
Etant donc constant qu'il y a unè
Mémoire sensitive qui doit être organique
comme toutes les autres facultez
animales , il faut voir où elle réside et
quel doit être son organe .
2
Résidence de la Mémoire.
Je ne veux pas perdre le temps à
examiner si le cerveau est le siege de
cette puissance de l'ame , on s'apperçoit
bien que c'est là où se forme le souvenir
, que les maladies de cette partic
blessent la Mémoire , et que l'on y applique
les remedes qui la soulagent et
qui la fortifient ; et certainement comme
les pensées se forment là , il falloit
qu'elles y fussent conservées et devant
servir d'exemplaires pour de nouvelles
connoissances , elles devoient être proches
de la puissance qui les doit produire.
Or , quoique le cerveau puisse retenir
les images et être par conséquent le
siege de la Mémoire , il a neanmoins quelques
parties qui sont plus propres à les
conserver , et sans doute celle qui est
I. Vol.
E
誓au2644
MERCURE DE FRANCE
au-dessus et qui est comme l'écorce qui
environne les autres , est principalement
destinée pour céla , parce que n'étant
point occupée aux fonctions des autres..
facultez , il semble qu'elle n'a point d'autre
usage que de garder les images qu'elles
produisent , et que les détours et les
circonvolutions dont elle est pleine , sont
les galleries et les réduits où elles sont
renfermées et placées chacune en , son
ordre. Si cela est ainsi on se persuadera
facilement que le petit cerveau a le même
emploi , et que sa consistence étant
même plus ferme, est capable d'en conser→ ›
ver quelques - unes plus long- temps que
l'autre ; car c'est pour cela qu'on se gratte
le derriere de la tête quand on a de la peine
à se ressouvenir de quelque chose , la
Nature nous montrant par instinct que
c'est là le fond du magazin , où ces ima
ges se perdent les dernieres .
La principale fonction de la Mémoireest
de conserver , les images , et neanmoins
elle ne peut les conserver, qu'elle ,
ne les ait reçûës auparavant , de maniere
qu'il est nécessaire que l'organe dont elle
se sert ait les qualitez qui sont propres
pour recevoir et pour conserver ; on sçait
que l'humidité reçoit facilement , parce
qu'elle est mobile et qu'elle cede , et que
J. Ve!. la
DECEMBRE . 1733. 2645
la secheresse au contraire conserve les
choses qui ont fait impression sur elle
dautant qu'elle est constante et qu'elle
résiste mais comme ces qualitez sont
ennemies et ne peuvent être ensemble
en un souverain degré , il faut qu'elles
soient temperées pour satisfaire à ces
deux fonctions de la Mémoire ; car si
le cerveau est trop humide , il a beau
recevoir facilement les images , il ne les
garde pas long-temps , et l'impression
qu'elles y font ressemble à celle qui se
fait sur l'eau , où les figures qu'on lul
donne se corrompent et s'effacent incontinent
d'où vient que les Enfants et
tous ceux qui ont cette partie trop hu
mide , ne se souviennent de rien , qu'au
contraire ceux qui l'ont seche , comme
les vieillards et les mélancoliques , manquent
de Mémoire, dautant que les imagues
n'y entrent qu'avec peine , la dureté
résistant à l'impression qu'elles y devroient
faire.
,
Le tempéramment qui est donc propre
à la Mémoire est celui qui participe également
de ces deux qualitez et peutêtre
que cest une des raisons pour lesquel
les l'Homme est le plus excellent de tous
les animaux,parce qu'outre qu'il a plus de
cervelle qu'aucun autre , il n'y en a poinc
Ja Kolam Ev
2645 MERCURE DE FRANCE
à qui la médiocrité du temperament
soit plus naturelle.
Pour venir aux moyens de la conserver
dans cette modération de temperament
, on me dira peut- être, si j'ai le cerveau
naturellement sec , les images ne
s'imprimeront pas facilement dans ma
Mémoire ; au contraire, si je l'ai trop hu-.
mide , la fluidité des especes lâchera fa-.
cilement ce que mon imagination me
présentera : j'avoue qu'il est difficile de
décider sans faire naître des doutes .
Cependant si chacun étudioiť son temperament
, et qu'il y remediât suivant
les circonstances , il ne se verroit pas privé
des fonctions qui lui sont nécessaires ;
le Tabac peut contribuer à faire trouver
cette température que je viens d'expliquer
, car érant par lui-même attractif,
en même tems qu'il résout les humeurs
acres et mordicantes du cerveau , et qu'il
en procure les écoulemens perpetuels ,
ses opérations ne peuvent porter aucun
dommage à celui qui en a les parties naturellement
humides , avec d'autant plus
de raison , qu'il le décharge d'autant
de ces mêmes humeurs qui remplissent
toute la capacité des vaisseaux propres à
retenir ; mais il n'en sera pas de même.
de cui qui a trop de sécheresse ; en ce
1. Vol. Cas
DECEMBRE . 1733. 264
·
cas le Tabac lui feroit un effet tout contraire
, en même tems qu'il pourroit
donner atteinte à sa santé , par le détachement
qu'il feroit peu à peu de l'humide
radical dont la fonction est nécessaire
au cerveau.
•
Au reste, la conservation de la Mémoire
demande beaucoup d'usage : l'étude
continuelle contribue beaucoup à la former
, surtout quand les objets dont on
la charge sont en petit nombre , afin ,
qu'elle ne soit point surchargée, et qu'elle
se dissipe moins l'expérience a fait voir
que ceux qui étudioient le jour ne s'en
souvenoient plus le lendemain , tandis
que ceux qui l'ont pratiqué quelques
moments auparavant leur repos , ont confirmé
l'avantage qu'on y trouvoit. Voilà,
Monsieur , je l'avoue , de foibles moyens ,
pour satisfaire à ce que vous demandez ,
ce ne sont que des conjectures capables
de déterminer les Sçavans à écrire -
dessus , et c'est aussi dans ce dessein là
que je vous les adresse.
La Rime et l'Esprit , sont les Mots des
deux Enigmes du mois dernier. On a dû
expliquer les Logogryphes par Margnerite
et Miracle.
Ja Kola
E VIENAS , -
28 MERCURE DE FRANCE
Q
ENIGM E. .
Uoiqu'un nombre infini d'années
M'ait rendu mille et mille fois ,,
Maître et témoin des destinées
Et des Royaumes et des Rois ,
Quoiqu'une caduque vieillesse ,
Qui conduit doucement les autres au trépas ,
Semble devoir rallentir la vitesse
Dont je précipite mes pas ,
Sur
Je n'ai point changé de méthode ,
Je vais toujours, je cours incessamment ,
It quoique bien plus vieux qu'Hérode ,
Je suis encor plus leger que
le vent
LOGOGRYPHE.
tout vivant j'exerce un Empire sévere ;
Aucun sans moi n'arrive à son terme fatal ,
Mais parmi les Humains, nul n'est assez sincere,
Pour oser en public s'avouer mon Vassal.
Ami Lecteur , c'est ton Ouvrage
De troubler tour à tour l'ordre de mes sept pas ,
Pour trouver tour à tour dans quelqu'autre assemblage
,
I. Vol.
L'effet
DECEMBRE. 1733. 26498
L'effet de la douleur , l'ornement des Bayards ;
L'objet sur qui Philis arrête ses regards ,
Dès qu'une vive ardeur menace son visage ;
Je t'apprendrai quel fut un jeune audacieux
Qui , s'il m'eût écoutée , auroit été plus sage ;
Que j'exprime un Métal commun chez nosAyeux,,
Mais dont la mode a presque éteint l'usage.
Grace au Chimiste curieux ,
Souvent cinq de mes pieds entrent dans son
langage :
Quatre ont un sart plus glorieux ,
Le Roi de son plaisir les déclare le gage ;
Cinq couvrent tous les Chefs existans sous les
Cieux ;
Poussant plus loin , Lecteur , je sçai qu'en ton :
jeune âge.
On t'a dit qu'une Reine eut mille soins pieux »
Pour éterniser son veuvage ;
Je te rends son Etat ; te dirai-je encor mieux
De ma totalité fais un nouveau partage ,
Il t'offrira l'Auteur ingenieux ,
Qui fixa des François l'esprit judicieux ,
Arendre à Melpomene un légitime hommage
Reçois enfin pour mes adieux ,
Une étrange métamorphose ;
Je suis et moins que peu de chose ,,
Et l'ame des Banquets des Dieux,
Par le Poëte de S. Cloud.
La.Vol
AUTRE
265 MERCURE DE FRANCE
AUTRE..
EN deux sens differens mon tout peut être pris;
Dans l'un je n'offre rien qui puisse être agréable ,
Et je suis rarement permis ;
Mais dans l'autre , à bon droit , je puis paroître
aimable.
En deux parts qu'on ne peut jamais égaliser ,
Sans rien changer , on peut me diviser :
La premiere moitié vous donne un corps solide,
Qui , commun à la Ville , aux champs encor
réside :
La seconde offrira deux fruits de même nom ,
Semblables, mais divers ; l'un à manger est bon ,
Etl'autre aux animaux toujours reste en partage :
Celui- cy sur son frere obtient cet avantage ,
Que son pere est chéri pour son utilité ,
Et qu'il est en mourant aussi- tôr replanté
Si ma queue est placée après ma part premiere ,
( Admirez l'effet du hazard , )
Tout ce qui convenoit à ma premiere part ,
Convient présentement à ma moitié derniere ;
Et ce qui sembloit propre à mon membre dernier ;
Distingue à present le premier.
Retranchez cette queue , alors mes deux parties
Seront parfairement l'une à l'autre assorties, I
Laissez- moi tout entier , de changemens divers, s
Je suis aisément susceptible
Lo Kola Bien
DECEMBRE. 1733. 2651 °
Bien-tôtvous trouverez quelque chose d'horrible,
Qui presque sur tout l'Univers ,
Toujours sur tout ce qui respire ,
Etend tôt ou tard son Empire :
Mais dans ce même mot autrement disposé ,
Vous pourrez rencontrer un objet plus aimable ¸ ,
Et sur tout dans Paris plus qu'ailleurs agréable ,
Où sous cent noms divers on le voit baptisé.
Rognez, tournez;l'hyver je me fais fort entendre:;:
Vous me verrez ensuite au rang des Elemens ;
Mais sans plus m'amuser à vouloir vous apprendre
Tous mes differens changemens ,
Je ne dis plus qu'un mot , tâchez de le com
prendre ,
:). ( Ceci pourtant n'est pas aisé : ) .
Quelque nombre de pieds dont je sois composé ,,
Deux consonnes et deux voyelles ,
Mais c'est à vous de les ranger entre elles )
Forment tous mes secrets ressorts ,
Et vous rendront enfin mon corps.
JAi
Par le Poëte de S. Trophime..
AUTRE.
Ai cinq membres pour mon partage ,
On me trouve souvent dans les meilleurs festins,
་ ་
On m'y fait grand accueil quand j'y parcis
sauvage ,
I. Vola
CLT
2652 MERCURE DE FRANCE
Et.ma rusticité plaît au goût les plus.fins.
Trois , deux , puis quatre et cinq , je deviens ne
céssaire ,
De s'assurer de moi chacun fait son affaire ,
Trois , quatre , cinq , portant ma tête jusqu'aux
Cieux ,
Je suis arbre chéri de la Mere des Dieux.
Un , deux , vous me nommez en apprenant la
Gamme ,
Un , quatre , cinq , je couvre et le Prince et la
Dame ,
Cinq , quatre , un , des Anciens nommé Pere -
des Eaux ,
Je donne deux moissons sans beaucoup de travaux
,
Un , quatre , deux , je deviens cette louche,
Qui de six Tribus fut la souche;
Combinez- moi , vous trouverez , Lecteur
Qu'en tout ceci je ne suis point menteur.
L'Abbé facquemin de Donchery.*
DE
AUTR E.,
E tout temps des Héros l'objet le plus cheri,
Je his des plus grands coeurs le penchant favori.
De six Lettres , Lecteur , si vous en ôtez une ,
Je suis Fleuve. A quatre réduit
Vous me pourrez combiner avec fruit
Vous trou verez en moi semence fort commune -
Un des celestes Habitans ;
La Vaka
Al
1
DECEMBRE. 1733 265 3 .
Au son de mes divins accens
Les pierres furent entassées.
Je suis Monstre connu dans le Pays des Fées ;
Un animal qui dort long- temps ;
Un meuble utile à la cuisine ,
Muni d'une vertu divine ;"
Un Saint souffrit par moi les plus affreux toute
méns.
En trois je suis reglement sage ,
Pour la justice et le droit conserver.
Item. Un sacré Personnage
Chargé du soin de les faire observer.
Un vice qui rend l'homme à la bête semblable .
Mon chant dur et peu gracieux ,
Rome , fut autrefois à tes murs favorable..
En deux., objet de bien des voeux ,
Je naissois sous les mains d'un Prince malheureux.
Par Madame Marguillier.
NOUVELLES LITTERAIRES .
A
DES BEAUX ARTS , &C...
LMANACH DU MARIAGE , pour ,
l'année 1734. Ouvrage instructif et
Epigrammatique , nouvelle Edition , aug-
I. Vol. mentée
2654 MERCURE DE FRANCE
mentée de la Carte de l'Isle du Mariage ,-
avec la Description litterale du Pays.
Dédié à la Jeunesse amoureuse , par un
Philosophe Garçon. A Paris , chez Charles
Guillaume , Quay des Augustins , à
S. Charles , in 24.
L'ARITHMETIQUE DE MONTREE,
Ouvrage nouveau , par un Prêtre de l'O
ratoire , ancien Professeur de Mathématique
de l'Université d'Angers ; à Rouen,
et se vend à Paris , rue S. Jacques , chez
Pierre Witte , 1733. in 12. de 216. pages,
Le Pere Jean- Baptiste- Adrien de Mercastel
, Auteur de ce Livre , dit dans sa
Préface que les Maîtres à écrire ensei
gnent des Pratiques très- certaines , qu'il
n'en a point d'autres à mettre en usage
dans tous ses Calculs , et que ce sont les
Regles qu'ils ont coûtume de donner
qu'il entreprend d'expliquer.
Cet Ouvrage est divisé en deux Parties.
Dans la premiere , on explique les
Regles du Calcul ; dans la seconde , on
en montre l'usage dans les questions qui
demandent plusieurs Operations. Ceux
qui ne veulent que la Pratique , la trouveront
ici très bien expliquée ; ils en auront
un Traité bien complet , si en abandonnant
tout ce qui est sous les Titres
La Vel de
DECEM BR E. 1733. 26.58
de Théorêmes et de Démonstrations , ils .
getiennent tout le reste.
L'ARITHMETIQUE MILITAIRE , ou l'Arithmétique-
Pratique de l'Ingénieur et
de l'Officier , divisée en trois Parties ;
Ouvrage également nécessaire aux Offi
ciers , aux Ingénieurs et aux Commerçans.
Troisiéme Edition , corrigée et de.
beaucoup augmentée par M. de Clermont,
Commissaire d'Artillerie. A Paris , chez
P. Witte , rue S. Jacques , et chez Didot ,
Quay des Augustins , 1733. in 4.
L'Auteur s'attache dans la premiere.
Partie de cet Ouvrage , à établir les fondemens
de l'Arithmétique , qui consis
fent en quatre Regles generales. 11 passe
ensuite à l'explication de la Regle de Trois
ou de Proportion , puis à celle de la Raeine
quarrée , &c.
Il explique dans la seconde Partie les
Fractions , d'une maniere claire et convaincante
, et j'ose même dire , ajoûte .
Auteur , qu'on ne trouvera point de
Traité d'Arithmétique en norre Langue,
où elles soient expliquées plus à fond :
et plus nettement.
La troisiéme Partie renferme les Regles
Vulgaires , qui , selon notre Auteur,
sont d'un grand secours dans les diffi
I. Vol. cultez
2056 MERCURE DE FRANCE
cultez qui arrivent dans l'emploi d'um
Ingénieur et dans le détail des affaires
qui regardent les Troupes , aussi - bien
que dans le Commerce , qu'on auroit
peine à développer sans le secours de
ces mêmes Regles . Outre que , dit-il ,
le bien prendre , elles contiennent ce
qu'il y a de plus curieux dans l'Arithmétique
, et qui paroit surprenant à ceux
qui ne sont pas versez dans le Calcul.
AVANTURES de Clamades et de Clar
monde , tirées de l'Espagnol . Par Madame
E. G. D. R. A Paris , rue S. Jacques ,
shez Morin , 17; 3 . in 12. de 348. pages.
POESIES DIVERSES de M. de Segrais
de l'Académie Françoise , les Eglogues ,
l'Athis , Poëme. Pastoral , les Odes , Epitres
, Elegies , Chansons , Stances . Nou .
velle Edition . Rue du Foin , chez la veuve
Delormel , et au Petit Pont , chez René
Josse 1733. in s.
·
LA FOLETTE ou le RHUME , Histoire
Bourgeoise , où regne une varieté agréa
ble et interressante , dédié à Mgr le Duc
de Gesvres , Pair de France , par M. l'Affichard.
A Paris , rue S. Severin , chiz
Mesnier, 1733. Broch. in 12.de 137. pag.
La Vola
-Ce
à
DECEM BRE. 1733 2657
Ce perit Ouvrage est mêlé de Prose
et de Vers. Dès la premiere page on
trouve ce Rondeau .
«C'est l'intérêt qui fait que tout remuë ,
C'est lui qui fait que chacun s'évertuë ;
Tout à son gré se gouverne ici bas ;
Emplois sans lui ne se brigueroient pas :
La Cour des Rois seroit deserte et nuë ;
Si l'homme va d'une ame résoluë
Chercher la gloire aux risques qu'on le tue
Qui lui ravit la crainte du trépas ?.
C'est l'interêt.
L'intention du monde m'est connuë ;
Sur ses projets je n'ai point la berluë ;
Si le profit ne marchoit sur nos pas ,
Four notre coeur tout seroit sans appas.
Notre Boussole et notre point de vue,
C'est Pinterêt.
...f
La troisiéme et la quatrieme Partie de
la Mer des Histoires , paroît chez Char
les Guillaume et P. Gandouin le jeune , Quay
Augustins. 2. vol. in 12.
des
MEMOIRES HISTORIQUES de la Guerre
survenue entre la Maison Imperiale
d'Autriche , et la Royale Maison de Bourbon
, au sujet des Etats de la Mo-
1. Vol. narchic
2658 MERCURE DE FRANCE
narchie d'Espagne , depuis la mort de
Charles d'Autriche second du nom
l'an 1701. jusqu'à l'an 1713. Par L. A. V.
A Venise , 1732. in 4. PP . 747. y compris
la Table. Tout l'Ouvrage est ca
Italien.
La Feuille du Pour et Contre , se- sousient
toujours et se fait lire avec plaisir ,
non-seulement par le choix des matieres,
presqu'aussi interessantes que variées ,
mais par lasmaniere fine , simple et ai
sée dont cet Ouvrage est écrit.
faire
On trouve à la page 82. de la 19. Letda
tre du II . Tome , un article trop avantageux
à la Nation , pour n'en pas
part à nos Lecteurs , d'autant plus que
l'Auteur a toujours paru avoir bien de la
prédilection pour l'Angleterre et pour
les Anglois ; en effet , après avoir vanté
leur disposition d'esprit avantageuse , qui
ne se fait pas un deshonneur de recevoir
des autres Nations ce qu'elles ont d'agréable
ou d'utile , il s'exprime en ces
termes :
.1
เล
เพ
» Il est vrai neanmoins que par rapport
aux Ouvrages d'esprit , les voisins
de l'Angleterre pourroient desirer
» que ce qu'elle emprunte d'eux fût pris
avec un peu plus de ménagement et
1. Vol. employé
→
DECEMBRE. 1733. 2659
employé , si je l'ose dire , avec des marques
un peu plus claires de reconnois-
» sance. Je touche un article délicat ;
» mais la verité m'oblige de déclarer que
» j'ai bien vû des Auteurs Anglois se pas.
» rer des dépouilles de la France , et ou-
» blier d'avertir leurs Compatriotes , que
»les richesses qu'ils leur offroient ne
» venoient pas de leur Isle. Il me seroit
» aisé d'entrer là -dessus dans un détail
» curieux ; mais la matiere mérite d'être
» traitée dans un Ouvrage plus important
que cette Feuille. C'est un pré-
» sent que je promets au Public. On
» sera surpris d'apprendre que non- seu-
» lement les meilleurs Ecrivains d'Angleterre
se sont fait quelquefois honneur
» du travail des François , sans faire semnblant
de leur avoir obligation ; mais
» qu'un grand nombre de bons Livres ,
traduits de notre Langue en Anglois
»passent dans le Pays pour l'Ouvrage
des Traducteurs , parce que les Titres
» sont déguisez , ou qu'il n'y paroit rien
qui fasse connoître que c'est une Tra-
» duction .
On apprend d'Allemagne qu'on a imprimé
à Altena un Traité sur les Femmes
Sçavantes de Danemarck , intitulé : Gyna-
I. Vol. Cruar
2650 MERCURE DE FRANCE
ceum Dania Litteratum.Par M.AlbertThi
ra , Ministre ; qui a déja donnée l'idée d
l'Histoire Littéraire de Dannemark , et qui
ajoutera pour Supplément divers Ou
vrages.
"On mande de Londres , que le sieur le
Camus doit faire à Wolwich , en présen
ce des Commissaires de l'Amirauté , l'Es
sai de deux Rames , par le moyen des
quelles il prétend qu'un Vaisseau de figne
, même du premier rang , pourra re
virer de bord, et faire trois quarts de lieuë
par heure , dans un calme.
de
M. le Gendre de S. Aubin , Auteur du
Traité de l'Opinion ,en lisant ce qui a été
relevé dans le Mercure du mois dernier ',
au sujet de la Maison de Goyon - Mati
gnon , a remarqué deux Equivoques dans
la Critique qui a été faite du passage
ce Traité , où il est dit , tom. 4. part. 2.
page 16. que Mrs de Goyon , Aînez de la
Maison de Matignon , sont encore aujourd'hui
dans le Parlement de Bretagne.
Il ne s'agit pas en cet endroit d'une Afnesse
entre cousins germains ou issus de
germains, et personne n'ignore que l'Aîné
et le Chef de la Maison de Goyon - Masignon
, est aujourd'hui M. le Prince
1. Vo!. M
DECEMBRE . 1733. 2665
Monaco. Ce passage ne signifie pas non
plus qu'il y ait aucun homme de robbe en
Bretagne du nom de Goyon - Matignon . La
question se réduit à sçavoir , si la Maison
de Goyon , d'une ancienne noblesse, qui
est dans le Parlement de Bretagne , a la
même tige que la Maison de Goyon- Matignon
, originaire de la même Province;
et en ce cas , si la branche de Goyon , qui
est restée en Bretagne , est l'Aînée de la
Maison de Goyon - Matignon , établie
depuis long- temps en Normandie. L'Auteur
du Traité de l'Opinion s'en rappor
te, sur ces questions de fait , aux Parties
intéressées.
L'Académie Royale des Inscriptions
ét Belles Lettres , s'assembla le Vendredy
II de ce mois , pour remplir les deux
places d'Honoraires, vacantes par la mort
de M. l'Evêque de Blois , et de M. l'Evêque
de Langres : Elle nomma pour ces
deux Places M. l'Abbé de Rottelin , et
M. le Comte d'Argenson. Le choix de
l'Académie ayant été agréé par le Roy ,
ces Messieurs prirent sceance le Vendre
dy , 18 Decembre .
·
Le Sieur Clausier , demeurant ruë Ga
lande , chez la veuve Frouart , Chande-
I. Vola F liere,
2662 MERCURE DE FRANCE
licre , donne des leçons pour la Géométrie
ancienne et moderne , pour les principales
Langues de l'Europe , et pour enseigner
l'Allemand avec plus de facilité et plus
de perfection. Outre les Méthodes ordinaires,
il se sert des Racines de cette Lan,
gue et d'un Recueil de Germanismes , par
ordre Alphabétique , qu'il a composé.
L'Académie Royale de l'Histoire , à
Lisbonne, élut , sur la fin du mois dernier
pour remplir les deux Places qui y vas
quoient , D Joseph de Cavalho et Mello,
et D. Manuel Moreira de Souza ; et elle
a nommé Académiciens surnumeraires
Don François de Pina de Mello , et le
Docteur Don Joachin Pereira da Silva
Leal,
Il paroît depuis peu une suite d'Estampes
, dont les sujets sont tirez de
Rolland l'Amoureux , du Boyard , de
Rolland le Furieux , et de l'Arioste , traités
d'une maniere interessante et agréable
; ils sont peints par J. Dumont le Romain
, Peintre de l'Académie Royale , et
gravés par les meilleurs Graveurs . L'Au
teur donnera les autres Sujers de suite,
La vente de ces Estampes se fait à Paris,
ruë S. Jacques , chez la veuve Cherean, am
J. Fal deux
DECEMBRE. 1733 : 2663
deux Pilliers d'or. Le premier de ces
Morceaux , représente Angelique , qui
vient trouver Maugis d'Aigrement , sur
Ic Rocher où il étoit enchanté , lui promettant
de le délivrer , s'il la fait aimer
de son cousin Renaud , gravé par C. N.
Cochin , et le second Renaud de Montau
ban , monté sur Rabican , qui combat
et tuë le Centaure , qui enlevoit la belle
Fleur de Lys , Maitresse de Brandimart ;
laquelle se sauva à la nage. Par S.F.Ravene.
M. Vivien , Peintre du Roy , et Conseiller
de son Académie de Peinture et
de Sculpture , vient d'achever un grand
Tableau , de la famille du feu Electeur
de Baviere , Maximilien Emanuel.
Ce Tableau est traité allégoriquement,
d'une maniere simple , avec beaucoup de
sagesse et de noblesse .Un grand concours
de monde va le voir , et les personnes de
la premiere qualité l'ont vû avec beau
coup d'applaudissement. Les plus habiles
de l'Art loüent fort cet Ouvrage et le regardent
comme une chose unique en son
genre ; ce qui fait beaucoup d'honneur à
ce Peintre.
Le 21 Novembre 1733. Louis de Boullongne
, Ecuyer , Chevalier de l'Ordre
1. Val.
Fij de
2664 MERCURE DE FRANCE
de S. Michel , premier Peintre du Roy ,
Directeur et Recteur de l'Académic
Royale de Peinture et Sculpture , Pensionnaire
et Dessinateur de celle des Inscriptions
et Belles Lettres , mourut à Paris
, âgé de 79 ans.
Il avoit acquis la réputation d'un des
plus grands Peintres de son temps, par un
grand nombre d'excellens Ouvrages , dont
nous allons indiquer les Principaux .
Il a peint dans l'Eglise de l'Hôtel Royal
des Invalides la Chapelle de S. Augustin,
à Fresque , et un Choeur d'Anges dans la
croisée à droite; dans la Chapelle du Château
de Versailles , six Apôtres dans les
Voûtes de la Tribune, à droite, et la Chapelle
de la Vierge; dans le Cheur de Notre
- Dame de Paris , deux des huit grands
Tableaux , dont l'un represente la Purification
de la Vierge au Temple ; et l'autre
, la Fuite en Egypte. Il y a aussi deux
grands Tableaux de lui dans la Nef , représentant
le Miracle du Centènier et la
Samaritaine.
Il a peint dans le Salon de Marly , l'un
des quatre grands Tableaux , et beaucoup
d'autres dans les Châteaux de Fontainebleau
, Meudon , Trianon et la Ménagerie,
Il a excellé principalement dans l'élé
gance de la composition et dans la correction
I. Voh
DECEMBRE . 1735. 266
fection du dessein.Il a fait un tres- grand
nombre de Tableaux de Cabinet , qui sont
fort estimez , et dans lesquels on remarque
sur tout un caractere gracieux , qui
faisoit en général l'ame de sa composition .
Le Roy , pour récompenser ses talens,
l'avoit annobli , lui et sa posterité. Il a
laissé pour enfans Jean de Boullongne
Conseiller au Parlement de Mets et premier
Commis des Finances , et Marie-
Anne de Boullongne , femme de Jean-
Pierre Richard , Receveur General des
Finances de la Généralité de Tours. Il
avoit encore un fils qui mourut revêtu
de la même Charge de Receveur General
des Finances de Tours , au mois de
Decembre de l'année derniere , âgé de
30 ans , sans avoir laissé de posterité.
Les Vers qu'on va lire , sont de My
TANEVOT.
Ecoute-moi , Coustou , prends ton Ciseau
Et du fameux Boullongne éleve le Tombeau.
Place au milieu sa Muse désolée ,
Regardant les Graces en pleurs ,
Assises près du Mausolée ,
Qu'au pied , plus d'un Géme exprime ses dou
kurs
Par son air et son attitude ;
Fais-y voir la conftante Etude ,
I. Fol Fiij Lo
2866 MER CURE DE FRANCE
Le Coloris et la Correction ,
L'Ordonnance , l'Invention ,
Et qu'un Amour à tire -d'aîle ,
Forte jusqu'aux Cicux son image immortelle.
REPONSE à la Lettre de Brest
sur le Sistême du Bureau Tipographique,
inserée dans le Mercure du mois d'Octobre
dernier 1733 .
L est vrai , Monsieur, que le Mercure de France
tient lieu du plus commode Bureau d'adresse
qu'on puisse établir dans la Répblique des Lettres
, puisque par cette voye , des personnes qui
ne se sont jamais vûës, peuvent aisément se transmettre
leurs Reflexions , dans quelque éloignement
et dans quelque situation qu'elles se trouvent.
Je profite volontiers d'un moyen si facile
pour répondre à laLettre que vous avez fait inserer
dans le Mercure du mois d'Oct . dernier , et pour
vous apprendre que l'impression du Livre inti-
\ tulé , La Bibliotheque des Enfans , & c. vient en◄
fin d'être achevée . Ce Livre sera mis en vente a
commencement de l'année 1734. chez Pierre Simon
, Imprimeur du Parlement , rue de la Harpe
, à l'Hercule , et chez Pierre Vvitte , ruë saing
Jacques , proche S. Yve , à l'Ange Gardien .
Cet Ouvrage in quarto comprend quatre Parties.
La premiere de 28. feuilles , contient le Sistême
du Bureau Tipographique , ou l'Art de met
tre å profit les premieres années de l'enfance . La
seconde , en 15. feuilles , contient les Leçons du
nouvel Abécé Latin pour les Maîtres et pour les
Enfans , La troisiéme en 31. feiulles , contient les
306. Leçons du nouvel Abécé François , et du
I. Vol.
Su
DECEMBRE. 17337 2667
Supplément de lecture sur l'Arithmétique , sur
le Calendrier et sur l'Ecriture . Ces trois volumes
se vendront ensemble , comme faisant us
seul Ouvrage de Litterature . On vendra séparément
le quatriéme volume qui est en 20. feuilles
in quarto , et contient le Rudiment pratique de la
Langue Latine pour les garçons , et une Introduction
à la Langue Françoise pour les filles. On
vendra aussi séparément et en petit , pour l'Exemplaire
de chaque Enfant , le nouvel Abécé
Latin, le nouvel Abécé François et le Rudiment
pratique.
Vous trouverez , Monsieur , dans cet Ouvra-'
ge le développement du Sistême Tipographique
et les Eclaircissemens que vous demandez sur le
détail des operations et des lectures qui convien
nent le plus à la meilleure institution de l'Enfance.
L'Auteur a répondu aux objections de l'ignorance
, du préjugé , de l'envie , de la mauvaise
foi et de l'avarice , il a cité quelques Enfans Tipographes
en faveur des personnes qui se détérminent
et se conduisent par l'autorité et par l'exemple
de la pratique plutôt que par les raisonnemens
abstraits de la théorie. Vous serez peut-
Etre bien aise d'apprendre en même temps qu'il ,
y a déja à Paris une vingtaine de filles et une.
quarantaine de garçons exercez utilement selon
le Sistême du Bureau. Ne croyez pas au reste .
que cette nouvelle maniere d'instruire les enfans
ne puisse être pratiquée que dans les maisons des
gens de qualité ; un Marchand de Soye ,un Mer- ,
cier , un Orfévre , font actuellement usage du
Bureau . Un Tailleur ingénieux dans la rue du
Four , vient d'en faire un lui- même pour sa fille
et pour son garçon. Les petites Ecoles de M.
Chompré l'aîné , dans la ruë des Carines , et de
1. Vol.
FM.
1768 MERCURE DE FRANCE
M. Chompré le cadet , dans la rue S. Louis du
Palais , ont déja fait l'heureuse experience de
cette Machine. Mais ce qui vous surprendra le
plus , c'est que de simples Bourgeois, sans étude,
comprennent assez facilement l'utilité et l'avantage
de ce nouveau Sistême , pendant qu'il paroît
un scandale scolastique aux yeux de quelques
Docteurs du Païs Latin. Vir bonus quod honestè
se facturum putaverit , faciet , etiamsi laboriosum
erit faciet etiamsi damnosum erit ; faciet etiamsi
periculosum erit. Senec. Epist. 76. J'ai l'honneur
d'être , &c.
A Paris ce 18. Novembre 1733 .
LETTRE de M. Thiout , Horloger
à M. le Chevalier de .... au sujet de
la Pendule que M. Pierre le Roy annonce
dans le Mercure de Sept.mbre dernier.
MONSIEUR ,
Les marques d'estime dont vous m'honorez ',
et l'envie que vous m'avez témoignée de sçavoir
par moi les proprietez de la Pendule que M.Pierre
le Roy annonce, confirment l'interêt que vous
prenez au progrès des Arts . Je vais donc Monsieur
, m'en acquitter le plus succinctement qu'il
me sera possible , selon la description que vous
en avez vûë de l'Auteur.
Cette Pendule marque le temps vrai , par le
moyen d'un cercle appliqué à la circonférence
du Cadran , où sont gravez les mois et quantiémes
inégalement , selon que l'Equation le demande
; les 60. minutes y sont aussi gravées ,
I. Kd • de
DECEMBRE. 1733. 2659
He sorte qu'en le tournant à la main jusqu'an
quantiéme marqué avec deux index , l'Aiguille
des minutes marque sur ledit Cercle le temps
vrai.
Cette méthode , quoique très - bonne , a des
difficultez qui empêchent que le Public n'en tire
Pavantage qu'il desireroit , parce qu'il est diffi
cile d'en faire prendre connoissance aux personnes
même intelligentes , et en ce qu'il faut s'ap
procher du Cadran toutes les fois que l'on veut
avoir l'heure , et avoir toujours égard aux nouvelles
positions du Cercle après l'avoir mis au
quantième , ce qui n'est guère utile pour un usage
ordinaire , mais très-bon pour un Sçavant
comme étoit l'Inventeur , feu M. de la Hire , or
comme est M.du Fay ; qui l'a si bien perfec-
*tionnée.
M. le Roy a ajoûté une détente fort ingénieuse
, après ce Cercle , pour faire sonner le temps
vrai , mais M. Enderlin en a imaginé une , où
il évite les talus qui sont à celle de M. le Roy , ce
qui la rend plus parfaite et plus facile à executer.
Cette Pendule marque le quantiéme du mois
avec une roue de plus, tandis qu'il faut trois roues
et deux pignons aux autres Pendules qui le masquent
, selon M. le Roy. Je ne crois pas que son
dessein soit d'en imposer, cependant il sçait bien
que nos quantiémes ordinaires ne sont composez
que d'un pignon de 16. posé sur la roue de Cadran.
Une roue de 32. engrainée dedans ; portant
une cheville qui passe toutes les 24. heures,prend
une dent du Cercle qui fait changer le chiffre; ainsi
cela ne fait absolument que trois roues, y com
gris le pignon ce qui estbien simple )mais il paroît
que M. le Roy encherit sur cette simplicité , ne
donnant qu'une seule roue à son quantiéme. Il a,
La Volo Fy sans
1670 MERCURE DE FRANCE
sans doute , oublié de compter les deux autres of
il se sert de differentes machines qui font plus
que l'équivalent des deux roues qu'il y a de plus
au quantiéme connû,
La justesse des Pendules ne paroissant pas assez
suffisante avec l'échappement ordinaire , M.
Roy dit avoir imaginé , pour augmenter cette
justesse, un nouvel Echappement qui consiste en
une seule Palette et deux Rochets enarbrez sur le
même Axe. L'un de ces Rochets est plus grand
que l'autre, Lorsque le petit frappe la Palette et
qu'il échappe, le grand se repose sur le Cylindre
de la Verge jusqu'à- ce que la vibration lui ameng
une entaille faite dans ledit Cylindre et en passant,
le petit Rochet frappe la Palette , et ainsi succes
.sivement.. AS 2
que
Remarquez , s'il vous plait , Monsicur ,
cet échappement perd moitié de l'avantage qu'a
celui de la roue de rencontre , n'y ayant que la
moitié des vibrations de Chassées , comme s'il Y
avoit du danger de donner trop de maintien au
Pendule , il est vrai que pour recuperer cette peste
, M. le Roi est obligé de tenir la Palete grande,
mais il n'en résulte que l'inégalité de la force
motrice et du Kouage qui influe plus abondam
›ment sur une grande Palette que sur deux petites,
ce qui est évident , on pourroit s'imaginer , n'y
ayant qu'une Palette de frappée, que la vibration
ne reçoit qu'un choc plus ou moins fort , sans
autre consequence , et que la vibration reve,
nant, elle est independante de toutes causes accip
dentelles. Il faut faire attention que le choc ing-
-gal donne de grandes et de petites vibrations
ainsi celle que l'on prétendroit naturelle ne l'est
pas , étant plus ou moins grande. Il y auroit beau
coup de choses à dire là- dessus , ce que j'ai re
I. Va connú
DECEMBRE. 1753. 2677
cennu par une petite experience que j'en ai faite
en 1725. après M. du Tertre. A l'égard de sa
plus grande durée il seroit difficile de le prouver
, étant égal en avantages.
M. le Roy auroit bien du ne pas faire plus de
mistere à donner la description de rendre égale
l'action du grand ressort des l'endules , qu'il dit
avoir imaginé , qu'à donner la description de sa
détente, le Public lui en auroit sçu bon gré; mais
avec un peu d'attention , on reconnoîtra que la
maniere dont il se sert , est la même que celle que
l'on a pratiquée aux Montres à barillet tournant,
qui est, à la verité , excellente pour une Pendule ,
puisque l'on voit des Montres à minutes sur ce
principe , aller aussi régulierement 24. heures
que celles à fusée.
Voici , Monsieur , comme on dispose un mouvement
de Pendule , quand on veut se servir de
ce principe de justesse ; on donne les mêmes
nombres aux rouages comme pour aller 18 .
jours , où il ne faut que six tours de barillet ›
on noye une petite roue sur celle du barillet excentriquement
; on y ajuste quarément à l'arbres
une dent , et la petite roue en ayant 4. on fait
fait faire un bon ressort de neuf tours , dans les
quels on en chosit 4. des plus égaux , que l'on
fixe au moyen de cette petite roue excentrique ,
ainsi il y a environ trois tours de bande et deux
de reste , font cinq , et quatre d'employez , font
neuf , les quatre tours de réserves tirent douze
jours très- régulierement ; mais comme on remonte
la Pendule tous les huit jours , il n'y a
qu'environ trois tours des neuf qui travaillent ,
ce qui auginente encore la régularité
Ce qui confirme que c'est là la Méthode dont
M. le Roy se sert , c'est qu'après la fusée il ne
5. Ja Vol.
F vi peac
2872 MERCURE DE FRANCE
peut y en avoir d'autre avec laquelle on puisse
mieux regler l'action du grand ressort et qui garantisse
mieux les fractures qui peuvent arriver
en la remontant , comme M. le Roy le remar➡
que Il y a des Horlogers , qui observent encore
pour corriger l'action du ressort , de tenir le
premier pignon plus petit que d'ordinaire et
grossissent les autres en proportion .
A l'égard du bouton dont M. le Roy
se sert pour tourner le Cercle sans ouvrir
la boëte , il faut qu'il y ait long temps qu'il l'ait
imaginé , y ayant 6. ou 7. ans que moi et d'autres
le mettent en usage. Je suis très- respectueusement
, Monsieur , &c .
AVIS touchant un Supplement aux Mèmoires
de l'Académie Royale des Sciences.
Les Libraires qui avoient enrrepris l'Edition du
Recueil des Memoires de l'Académie des Sciences
depuis son établissement en 1666. jusqu'à son
renouvellement en 1699. compris en 13. vol.
in 4. se flattent d'avoir rempli leurs engagemens
a la satisfaction du Public. Le même zele les
porte à proposer une Suite qui rendra cet ancien
Recueil plus complet , et qui se liera naturellement
avec les Mémoires donnez depuis 1699.
dont elle facilitera Pusage.
Cette Suite sera composée des Ouvrages suivans
.
1º. La troisiéme Partie des Memoires pour sexvir
à l'Histoire des Animaux , rédigée par feu M.
Perrault ; et qui n'a jamais parû . Les Figures ont
été gravées sur les Desseins originaux de cet
Académicien. On trouvera dans ce volume la
Description de seize Animaux ; sçavoir :
I
I. Le
DECEMBRE. 1733. 267)
1. Le Tigre.
2. La Panthere.
3. La Palette.
4. La Marmotte .
J. Le Loir.
6. Le Becharu.
7. La Poule Sultane.
8. L'Ibis
9. La Cigogne.
10. La Salamandre.
11. Le Lézard- écaillé.
12. L'Elephant.
13. Le Crocodile.
14. Le Pelican .
15. LOiseau Royal
16. Le Griffon.
ce qui fera 32. Planches de la grandeur de celles
des deux premieres Parties.
2. Un volume de Tables des Matieres contetenues
dans tous les tomes de l'ancien Recueil
depuis 1666. jusqu'en 1699 , dans laquelle Table
Les matieres de la troisiéme Partie de l'Histoire
des Animaux seront comprises ,
3º. Un autre volume de Tables des Matieres.
des Memoires de l'Académie , depuis et compris
1721. jusques et compris 1730,
Les Libraires n'entreprendront point de faire
connoître l'importance de ces Ouvrages dont
Putilité se fait assez sentir. Il leur suffit de
pros
mettre de leur part les mêmes soins et la même
exactitude pour ces nouveaux volumes qu'ils ont
employez dans l'execution des 13. tomes qu'ils
ont distribuez au Public.
Quoiqu'il semble qu'il n'y auroit rien à desirer
de plus pour la perfection des Recueils de
l'Académie , on s'est neanmoins apperçû qu'il y
manquoit une Partie très - essentielle . C'est la Représentation
de toutes les Machines ou Inventions
présentées à l'Académie , et qui ont été
honorées de son approbation depuis son établis-
-sement jusqu'à present ; et qu'on trouve seule
ment indiquées à la fin de l'Histoire de chaqueannée.
Cette refléxion communiquée aux mêmes
Libraires par des personnes éclairées , les a en-
La Vol gagé
2674 MERCURE DE FRANCE
gagez à demander le consentement de l'Academie
pour cette nouvelle entreprise. L'ayant obteau , ils
ont travaillé sous les ordres de cet illustre Com «
pagne , qui a nommé Messieurs de Reaumur et
de Mairan pour Commissaires ; ils ont formé un
Recueil complet de ces Machines , dont ils ont
fait graver depuis quatre ans , environ quatre
cent Planches.
M. Golin , de la même Académie , a revû les
Machines gravées et leurs Descriptions , qui avec
les Desseins , ont été fournies par M. Gallon que
l'Académi : avoit agréé pour ce travail . Elles
sont en état d'ètre exposées à la curiosité de ceux
qui voudront prendre la peine de les venir voir
chez lesdits Libraires. Ce nouvel Ouvrage sera
divisé en six volumes in 4. de la même grandeur
que ceux des Recueils de l'Académie .
Après cet Exposé , les Libraires ont crû devoir
proposer une suite de Souscription en faveur de
ceux qui ont souscrit précedemment .
Les neuf volumes , sçavoir , les trois de supplé
ment aux Mémoires de l'Académie , et les six des
Machines , seront fournis dans le courant de
Pannée 1734 .
Le payement s'en fera de la maniere qui suit
En souscrivant ,
En recevant les 3. vol. des Memoires ,
En recevant les 6. volumes dés Machines
Ceux qui souhaiteront souscrire pour
les Machines , séparement payeront
en souscrivant
30. liv.
30 liv.
30. liv.
90. liv.
36. liv.
En recevant les 6. vol. pareille somme de 36. liv.
72. live
Ceux qui n'auront pas souscrit payeront les
I. Vol.
neuf
DECEMB -R-E ; ~ 1733. · 2674
neuf volumes en feuilles tro. liv. er pour le
Recueil des Machines séparément , aussi c
feuilles 120. liv.
Le prix des treize tomes distribuez au Public
lesquels par leur étendue ne peuvent se partager
en quinze volumes , est pour ceux qui n'ont pas
souscrit , de 180. liv, en feuilles .
On pourra souscrire jusqu'au premier Février
1734. chez G. Martin , Coignard fils , et Guerin
Taine , raë S. Jacques.
Le Sieur Julien Apotiquaire ordinaire du Roi,
'en son Artillerie de France , continue avec succès
de débiter son Sirop connu sous le nom de
Stomachal , souverain pour guerir les maladies
de poitrine , la toux séche et quand on est tourmenté
de fluxions chaudes et subtiles qui tom
bent sur la trachée - artere et les poulmons ; il
en adoucit l'acrimonie , soulage les phtisiqnes
et asmatiques . Sa doze est d'une cuillerée
bouche , trois fois par jour , il est très agréable
à prendre , on le peut prendre en une seule fois
dans du Thé , Prisanne , eau chaude &c .
ου
I
Ou trouvera aussi chez lui la véritable Pâte
de Guimauve , Jus de regliffe blanc , de même
que les Tablettes de soulphre d'une nouvelle
Composition pont le soulagement des asmatiques.
Sa demeure est toujours à Paris > rue de la
Verrerie , proche la rue des Billettes.
On donne avis au Public que Madame d'Algret
a composé un Elixir fortifient & anodin
excellent pour toutes les maladies du cerveau
et de l'estomach , et pour les personnes avancées
en âge ,exténuées par de longues maladies ;
il est encore bon pour toutes les coliques , pour
I. Vol
toutes
2676 MERCURE DE FRANCE
toutes les tranchées des femmes nouvellement
accouchées,il guerit des vomissements et procure
l'évacuation des vidanges lorsqu'elles sont suprimées.
C'est en conséquence des preuves que
Madame d'Algret a fait sous les yeux de M. le
premier Médecin , de la bonté de ce remede &
de l'examen qui en a été fait au Bureau de la
Commission par Mrs les Commissaires, qu'il lui
a été permis le le vendre et distribuct par Brevet
de la Commission.
Le prix de cet Elixir est de 60 livres la pinte,
qui se distribue en bouteilles de différens prix
dont les moindres sont de six et de trois livres.'
Madame d'Algret demeure rue des Poulies , an
petit Hôtel de Conti , vis- à- vis la rue Bailleul
dans la premiere cour , et premier escalier à main
droite , elle avertit le Public pour qu'il ne soit pas
trompé , qu'elle distribue elle même cet Elixir
et n'en fait distribuer par personne ni ailleurs
que chez elle ; on donne avec les bouteilles qui
sont cachetées de fon cachet , la maniere de se
servir de cet Elixir qui se transporte par tout et
ne se corrompt jamais , et qui est fort agréable à
prendre.
康宁
CHANSON.
Tel ! quel orage affreux ! quel horrible Ton
Celnerre !
L'Onde s'unit aux vents pour ravager la Terre,
Quel péril menaçant les Cieux fondent en eau.
Prête à nous écraser dans l'air la foudre gronde
I. Vabe Tremble
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
:
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
DECEMBRE. 1733 : 2677
Tremblez , Mortels , tremblez , un Déluge nouveau
,
Dans l'éternelle nuit ensevelit le Monde ;
Mais je crains peu sa rage , Amis , dans mon
Caveau ,
Pour le braver, je veux que Bacchus me seconde;'
Je veux , quand j'aurai fait de mon ventre un
tonneau ,
Que l'Aquilon le berce, et qu'il flote sur l'Onde.
MUSETTE EN RONDEAU.
ANimez-vous , Musette tendre ,
Iris se plaît à vous entendre ;
Remplissez l'air de mes soupirs
Engagez son coeur à se rendre ,
Au gré de mes plus chers desirs
Animez -vous , Musette tendre ,
Iris se plaît à vous entendre ,
Hélas ! que mon sort seroit doux
Si j'avois un jour comme vous ,
Le secret de me faire entendre.
Musette tendre, animez vous
Iris se plaît à vous entendre,
Par M. de Villeneuve:
I. Vol. SPEC
1678 MERCURE DE FRANCE
L
SPECTACLES.
'Académie Royale de Musique a res
mis pour la quatrième fois au Théatre
Issé , Pastorale Héroïque . Depuis l'année
1697. qu'elle parut pour la premiere
fois , on l'a reprise en 1708. et en 17194
et toujours avec plus de succès , cette
derniere reprise est des plus brillantes.
C'est le premier Ouvrage de deux jeunes
Auteurs , qui semblent se disputer
à qui entrera avec plus de vivacité dans
une carriere qu'ils ont depuis remplie
avec beaucoup d'éclat. M. de la Mothe
qui a fait le Poëme , qu'on croit antérieur
à celui de l'Europe Galante , n'y
dément pas le nom dejeune Homere , qu'il
se donne dans son Epitre Dédicatoire ,
où il choisit Monseigneur le Duc de
Bourgogne pour son Achille ; la gloire
qu'il s'est acquise depuis , a justifié son
ambition naissante ; on remarque que
son stile dans Issé n'est pas tout- à- fait
aussi correct qu'il l'a été dans beaucoup
d'autres Ouvrages qui lui ont assuré l'im
mortalité qu'il se proposoit pour prix
de ses travaux ; mais on en esr dédom
1. Vol
magt
DECEMBRE. 1733. 2679
magé par le plus beau feu qu'Apollon
puisse inspirer à un jeune Eleve.
M. Destouches , Auteur de la Musique ,
non moins avide de gloire , fait voir
dans cette Pastorale , qu'on peut dès
le premier pas faire douter si l'on pourra
se surpasser dans la suite ; son génie et
son goût s'y déployent tout entiers
rien de plus naturel que son chant , rien
de plus vif que ses peintures , sur tout
rien de plus flatteur que son récitatif.
Voilà le témoignage que la voix publique
nous excite à rendre , sur le mérite
des deux Auteurs de cette Pastorales
en voici l'Extrait .
La Fable du Jardin des Hesperides a
fourni à l'ingénieux Auteur de cette Pastorale
, le sujet d'un Prologue Allegorique.
La Paix que LOUIS LE GRAND
accorda à l'Europe , en est l'objet ; nous
ne pouvons donner une plus juste intelligence
de l'allégorie en question ,
qu'en nous servant des propres termes
de M. de, la Mothe . Les voicy.
Ce Prologue est une allégorie dont il est
aisé de découvrir les rapports. Le Jardin
des Hesperides représente l'Abondance ; le
Dragon qui en deffend l'entrée , y signifie
la Guerre , qui , suspendant le Commerce,
ferme aux Peuples qu'elle divise la voye
1. Vol.
do
2680 MERCURE DE FRANCE
de l'Abondance ; enfin Hercule , qui par
la
défaite du Dragon , rend ce Fardin accessible
à tout le monde , est l'image exacte du
Roy , qui n'a vaincu tant de fois que pour
pouvoir terminer la Guerre et rendre à ses
Peuples et à ses Voisrns , l'abondance qu'ils
souhaitoient.
Passons à l'action Théatrale.
Le Théatre représente le Jardin des Hesperides
; les Arbres sont chargez de fruits
d'or; et l'on découvre dans le fonds l'en
trée de ce Jardin deffendue par un Dragon
qui vomit incessamment des flammes.
La premiere Hesperide expose le sujet
par ces Vers :
Nous jouissons ici d'une douceur profonde ;
L'abondance en ces lieux regne de toutes parts;
Nos Bois et nos Vergers offrent à nos regards
Les seuls biens qu'adore le monde ;
Leurs fruits sont enviez du reste des Humains ;
Mais nous ne craignons rien du désir qui les
presse ;
Et ce Dragon veille sans cesse ,
Pour sauver nos trésors de leurs profanes mains.
Elle invite ses soeurs et tous les Habitans
de ce Jardin précieux à chanter le
bonheur dont ils jouissent. On entend
un bruit de guerre ; la premiere Hespeide
excite le Dragon à mettre en pieces
I. Vol. la
DECEMBRE . 1733. 268 i
téméraire Mortel qui vient chercher
La mort; Hercule combat le Dragon , et
en triomphe ; il rassure les Hesperides
par ces Vers :
Craignez-vous que mon bras vienne vous asservir,
Et faire de vos fruits un injuste pillage ?
Non ; je ne viens pas les ravir ;
Mais je veux que le monde avec vous les partage,
Jupiter vient confirmer la promesse
d'Hercule et lui parle ainsi :
Que ton bras se repose, ainsi que mon Tonnerre
Mon fils , termine tes travaux ;
Jouis toi- même du repos
Que ta valeur donne à la Terre.
Il rassemble les Peuples effrayez , qui
témoignent leur joye par ane Féte éclatante.
Jupiter termine ce charmant Pro
logue par ces Vers adressez à Hercule ,
c'est-à- dire au Héros de la France .
Alcide , ce grand jour marqué par la Victoire ,
Assure à l'Univers le sort le plus charmant ;
Plus d'un heureux évenement ,
En doit à l'avenir consacrer la memoire ,
Quand par un effort genereux ,
Ton bras vient aux Mortels rendre une Paix
profonde
5. Vol.
L'Hymenés
2682 MERCURE DE FRANCE
L'Hymenée et l'Amour joignant des plus beaux
noeuds ,
Deux coeurs formez pour le bonheur du monde.
De cette auguste Fête Apollon prend le soin ;
Viens avec tous les Dieux en être le témoin.
Tout le monde sent bien que Jupiter
annonce ici l'Hymen glorieux auquel
nous devons notre auguste Maître.
AU PREMIER ACTE , Apollon sous le
nom de Philemon , se plaint de l'Amour
qui ne l'a jamais blessé de ses Traits que
pour le rendre malheureux ; il se rappelle
la rigueur de Daphné et se reproche
de gémir encore sous de mêmes loix .
Pan , déguisé en Berger , lui conseille
de ne plus cacher sa Divinité aux yeux
d'Issé dont il est épris ; Apollon lui
répond qu'il ne veut devoir le coeur de
cette Nymphe qu'à son amour ; voyant
venir Issé , il se retire pour surprendre
son secret sans être apperçû . Issé , dans
un tendre Monologue , regrette la perte
de son heureuse indifference.
>
Doris soupçonne Issé d'aimer Hylas;
la Nymphe la laisse dans son erreur et
lui fait entendre la nouvelle situation
de son coeur par ces Vers :
Mes jours couloient dans les plaisirs ;
Je goûtois à la fois la paix et l'innocence ,
1. Vol et
DECEMBRE. 1733 2683
Et mon coeur satisfait de son indifference ,
Vivoit sans crainte et sans desirs ;
Mais depuis que l'Amour l'a rendu trop sensible,
Les plaisirs l'ont abandonné ;
Quel changement ! ô Ciel ! est- il possible ?
Non, ce n'est plus ce coeur si content , si paisible;
C'est un coeur tout nouveau que l'Amour m'a
donné.
On entend un bruit d'Instrumens s
Doris apprend à Issé que c'est une Fête
qu'Hilas a fair préparer pour elle.
La Suite d'Hilas représente les Néreïdes
et les Nymphes de Diane , conduites
par l'Amour et les Plaisirs, Hilas déclare
son amour à Issé par ces Vers :
L'Amour a tout soumis à ses loix souveraines ;
Il fait sentir ses feux dans l'humide séjour ;
Il blesse de ses traits , il charge de ses chaînes ,
La fiere Diane à son tour ;
Mais il n'est pas content de sa victoire ;
Le coeur d'Issé manque à sa gloire,
L'objet de cette Fête c'est d'inviter
Issé à aimer. Après la Fête la Nymphe
répond à Hilas :
Autant que je le puis , je résiste aux Amours ;
De leurs traits dangereux je redoute l'atteinte ;
Heureuse si ma crainte
2. Vol. M'an
2684 MERCURE DE FRANCE
M'en deffendoit toujours.
Cette réponse équivoque laisse un peu
d'esperance à Hilas .
Le Théatre représente au second Acte,
le Palais d'Issé et ses Jardins ; Issé se plaint
de l'Amour , et le prie de s'adresser à
d'autres coeurs qui se feroient un plaisir
de se rendre. Doris l'avertit que Philemon
s'avance.
Issé voudroit fuir la présence de Philemon
; mais ce Dieu , transformé en Berger,
Parrête. Cette Scene est très interessante
et très - bien dialoguée ; voici les
Vers qui la terminent.
Issé.
Cessez une ardeur si pressante ;
Je ne veux plus vous écouter .
Apollon.
'Arrêtez, Nymphe trop charmante,
Issé.
Non ; laissez - moi vous éviter.
Apollon.
Vous me fuyez et je vous aime !
Issé.
Je fuis l'Amour quand je vous fuis.
Apollon.
Dissipez le trouble où je suis,
I. Vol.
Issér
1
DECEMBRE. 1733. 2685
Issé.
N'augmentez pas celui qui m'agite moi- même.
Apollon.
Rendez-vous à mes feux.
Issé.
Ne tentez plus mon coeux,
Apollon.
Pourquoi craindre d'aimer.
Issé.
On doit craindre un
Vainqueur.
Apollon suit Issé , qui se retire. L'Acte
Eniroir ici , s'il n'y falloit une Fête ; l'Au
teur y supplée par un Episode ; Pan arrête
Doris , et lui parle d'amour , mais
sur un ton bien different de celui dont
Apellon vient d'en parler à Issé ; il sagit
d'un amour volage ; des Bergers , des
Bergeres et des Pâtres , viennent par
son ordre celebrer le plaisir d'être in ,
constans.
Au troisiéme Acte , Apollon dit à
Pan , que, tout aimé qu'il se croit de la
tendre Issé , il n'est pas encore parfaitement
heureux; il exprime ainsi ce qu'il
souhaite :
Je ne borne point mes desirs ,
A l'imparfait bonheur d'une flamme vulgaire ;
1. Vol.
G. Acheve
2686 MERCURE DE FRANCE
Acheve, acheve, Amour , de combler mes plaisirs;
Tu sçais ce qui te reste à faire,
Il dit à Pan, qui paroît surpris de voir
la celebre Forêt de Dodone , dont les
Arbres rendent des Oracles , qu'Issé doit
les consulter , et que par l'Oracle qu'ils
vont rendre , il sçaura si cette Nymphe
est digne de son amour. Il se retire avec
Pan à l'approche d'Hilas.
Hilas se plaint de l'Amour dont Issé
lui ; voici com- brûle pour un autre que
ment il s'exprime :
Sombres Déserts, témoins de mes tristes regrets;
Rien ne manque plus à ma peine.
Mes cris ont fait cent fois retentir ces Forêts ,
De la froideur d'une inhumaine ;
Hélas ! que n'est- ce encor le sujet qui m'amenę?
L'ingrate , de l'Amour ressent enfin les traits ;
Un perfide penchant l'entraîne.
Sombres Déserts , &c.
Issé qui vient consulter Dodone , veut
éviter la présence d'Hilas ; ce Berger l'arrête
pour se plaindre de l'amour qu'elle
sent pour un autre ; le Monologue et
le Dialogue font également honneur au
Poëte et au Musicien ; les plaintes d'Hilas
obligent Issé de se retirer , il la suit ,
Et le Théare resteroit vuide sans le se-
I. Vol. Cours
DECEMBRE. 1733. 2687
cours de l'Episode ; Pan et Doris se parlent
toujours sur le même ton ; ils conviennent
enfin de s'engager l'un à l'autre
le moins qu'ils pourront , ce qu'ils
font connoître par ce Duo :
Cédons à nos tendres désirs ;
Qu'un heureux penchant nous entraîne ;
Et que l'Amour laisse aux plaisirs
Le soin de serrer notre chaîne.
Leur convention étant faite, on reprend'
le fil de l'action principale ; les Prêtres
et les Prêtresses de Dodone viennent celebrer
leurs sacrez mysteres , et satisfaire le
desir curieux d'Issé , qui vient avec eux ,
et qui leur a déja fait entendre ce qu'el.e
souhaite. Rien n'est si beau que l'invccation
de Dodone ; le Poëte et le Musicien
s'y sont également surpassez ; " lcs
Rameaux mysterieux rendent enfin cet
Oracle :
3
Issé doit s'enflammer de l'ardeur la plus belle ;
Apollon veut être aimé d'elle.
Cet Oracle porte un coup fatal à l'a
mour que la Nymphe sent pour le faux
Philemon ; elle ne laisse pas d'assister à
la Fête qu'on celebre en l'honneur da
choix d'Apollon .
1. Vol. Gi
Le
1688 MERCURE DE FRANCE
Le Théatre représente au quatriéme
Acte une Grotte . Issé vient se plaindre
de la Loi fatale que l'Oracle de Dodone
vient de lui imposer ; ce Monologue.est
des plus touchants , tant par les paroles
que par la Musique ; il finit par cette
résolution d'Issé :
Vainement , Apollon , votre grandeur suprême
Fera luire à mes yeux ce qu'elle a de plus doux;
Je ne changerai pas pour vous ,
Le fidelle Berger que j'aime,
Le sommeil , accompagné des Songes ;
de Zephirs et de Nymphes , vient inviter
Issé au repos ; elle s'endort ; après
les danses , le Sommeil parle ainsi aux
Songes ;
Songes , pour Apollon , signalez votre zele ;
Il veut de cette Nymphe , éprouver tout l'amour,
Tracez à ses esprits une image fidelle
De la gloire du Dieu du jour,
Hilas vient déplorer son sort par un
Monologue , qui exprime tout l'amour
qu'il a pour Issé , qu'il trouve endormie ;
après ce récit , dont tous les Spectateurs
sont justement enchantez , Issé se reveil
le en sursaut , et dit ;
I.Vola
Qu'ai-je
DECEMBRE.
17332689
Qu'ai- je pensé quel songe est venu me séduire
?
J'ai cru voir Apollon quitter les cieux pour
moi ;
Je me trouvois sensible à l'ardeur qui l'inspire #
Un mutuel amour engageoit notre foy ,
Hélas ! cher Philemon , pour qui seul je sou
pire ,
Ne me reprochez point ces songes impuissans
Mon coeur n'a point de part à l'erreur de mes
sens.
Hilas frappé de la victoire que Philemon
remporte sur Apollon même dans
le coeur d'Issé , quitte cette Nymphe
pour jamais. Pan vient apprendre à İssé
que Philemon , instruit de l'Oracle de
Dodonne , se livre au désespoir ; Issé lui
demande où elle pourra le trouver pour
le rassurer ; Pan lui répond qu'il l'alaissé
dans le prochain Bocage . Issé part
sur le champ , pour aller secourir son
Amant, et finit ce bel Acte par ce Vers :
Vole , Amour , sui mes pas, et vien le rassurer.
Le Théatre représente au cinquième
'Acte , une Solitude. Doris commence
l'Acte , et Pan en remplit la seconde Scece
avec elle ; mais comme cela coupe l'action
dans l'endroit le plus interressant ,
nos Lecteurs ne trouveront pas mauvais
I.Vol. Giij que
2690 MERCURE DE FRANCE
que nous ne suivions pas exactement ce
Poëme ; nous passons donc à Appollon
et à Issé , pour qui tous les coeurs s'inté
ressent. Apollon jouit pleinement de la
victoire qu'il remporte sur lui - même ;
Issé n'oublie rien pour détruire les feintes
allarmes de son cher Philemon ; il
lui fait entendre ses frayeurs secrettes ,
par ces Vers :
Les noeuds
que l'Amour a formez ,
Vont être brisez par la gloire ;
Pardonnez mes transporss jaloux , &c.
La tendre Issé lui répond :
Je ne la connois point cette gloire fatale ;
Mon coeur ne reconnoit que vous ,
Ils se disent ensemble :
C'est moi qui vous aime ,
Le plus tendrement ;
Si vous m'aimiez de même ;
Mon sort seroit charmant.
&c.
On trouve que ce Duo étoit mieux
amené dans la premiere Edition ; il venoit
après ces Vers qu'Issé adressoit à son
cher Philemon :
Un vain espoir vous séduit et vous charme §
Et moi , je crains incessamment ,
I. Vol. Votre
DECEMBRE . 1733 2694
"
Votre amour espere aisément ,
Et le mien aisément s'allarme ,
Que nous aimons différemment !
C'est moi qui vous aime ,
Le plus tendrement.
Apollon fait enfin la derniere épreuve
du coeur d'Issé ; le Théatre change et représente
un Palais magnifique. On voit
les Heures qui descendent des Cieux sur
des nuages; Issé ne peut soûtenir ce spectacle
; elle tremble pour son Amant, elle
le presse de fuir avec elle , pour se dérober
à la fureur d'un Dieu jaloux ; Apollon
ne peut plus tenir contre des preuves
si éclatantes d'une fidelité inébranlable
; il se jette aux pieds d'Issé et lui
fait connoître que le Dieu qu'elle craint ',
et le Berger qu'elle aime , ne sont qu'une
même personne ; les Heures forment la
fête de ce dernier Acte , et cette aimable
Pastorale finit par un Choeur des plus
brillans.
On auroit souhaité qu'une action si interessante
ne fut pas coupée par un
Episode dont elle pourroit se passer absolument.
On doit même présumer que
M. de la Mothe s'est défié de lui- même,
quand il a appellé ce galant hors d'auvre
à son secours ; on croit même que s'il
1. Vol. Giiij avoit
2692 MERCURE DE FRANCE
avoit d'abord mis sa Pastorale en cinq
Actes , il l'auroit traitée plus séricusement
, et n'auroit pas rappellé hors de
saison ,une forme de Poëme Lyrique , dont
les Italiens sont les créateurs , que leur
premier imitateur avoit d'abord adoptée
; mais à laquelle il renonça après son
troisiéme Opera , parce qu'il s'apperçut
bien que les François ne s'en accommodoient
pas. Au reste cette Pastotale est
generalement approuvée ; et l'exécution
répond parfaitement à la bonté de l'Ouvrage.
La Dlle le Maure ne brille pas
moins dans le Rôle d'Issé , qu'elle avoit
fait dans celui d'Oriane , dans Amadis .
Les Comédiens François ont remis au
Théatre depuis peu une petite Comédie
de feu M. Dancour , intitulée : Le Retour
des Officiers , qui n'avoit pas été représentée
depuis tres- long- temps.
>
Ils ont aussi repris la Tragédie nouvelle
de Gustave , de M. Piron , que le
Public revoit avec un nouveau plaisir ,
ainsi que
la Comédie des Fils - Îngrats ,
du même Auteur , qu'on vient de remettre
au Théatre.
Les mêmes Comédiens ont donné la
premiere Représentation d'une petite Comédie
nouvelle , en Vers , de M. Poisson,
1. Vole l'aîné,
DECEMBRE . 1733. 2693
l'aîné , sous le Titre de l'Impromptu de
Campagne , qui a été fort applaudie. On
en parlera plus au long.
NOUVELLES ETRANGERES
TUR QUI E.
Na appris de Constantinople que le Grand
Visit voit déclaré par ordre du Grand
Seigneur , au Résident de Moscovie à la Porte
que S H. regardoit comme une infraction aux
Traitez faits entre les Turcs et les Moscovites
l'entrée de ces derniers sur les Terres de la République
de Pologne.
>
On ajoute que le Mufti- Damas- Zadé- Effendi
avoit été déposé, et qu'Isaac Effendi, fils du Prédécesseur
de Damas - Zadé , avoit été nommé
pour lui succeder.
Selon des Lettres de cette même Ville , le Ministre
de l'Empereur à la Cour Othomane, a demandé
audience au G. S. pour lui faire part de
la prétendue Election faite par les Opposans de
Fologne en faveur de l'Electeur de Saxe.
POLOGNE.
ONa sur la fin dernier, un Courrier , arrivé de l'Ukraine à Dantzik
, que le Kan de Budziack , qui étoit campé
près de Choczim , avec un Corps considérable
de Tartares , s'étoit avancé dans cette Province ;
qu'il avoit attaqué les Troupes , commandées
par le Général Wiesbach ; que la Victoire avoit
1. Vol Gy été
2694 MERCURE
DE FRANCE
été dispurée pendant long- temps ; mais qu'enfin
Jes Moscovites avoient été contraints de prendre
la fure , qu'ils avoient perdu beaucoup de monde
, et s étoient retirez sous le Canon de la Ville
de Kiow , avec le reste des Troupes Moscovites.
་
Le Comte Pocci a envoyé au Roy une Lettre
, dont un Officier Moscovite , qui a été arrêté
par quelques Soldats des Troupes de Lithuanie
etoit chargé pour le Général Lesci , et
par laquelle le Baron d'Osterman mande à ce
Général , que la Czarine ne lui envoyera pas
nouveau secours de Troupes qu'il avoit demandé.
le
Il arrive à Dantzick de temps en temps quelques
uns des Gentils- Hommes qui ont assisté à
la prétendue Election faite en faveur de l'Electeur
de Saxe , et qui ne pouvant se résoudre à
paroître avoir part aux violences que le Général
Moscovite exerce dans la Pologne , se dérobent
de son Camp pour se rendre auprès du Roy; ils
ont rapporté que l'Armée ennemie souffroit une
extrême disette , parce que la plupart des Villa- .
ges des environs de Warsovie avoient été abandonnez
par les Païsans , qui ayant eu la précau.
tion de faire voiturer leurs provisions en lieu de
sûreté , avant l'arrivée des Moscovites ,
retirez dans la Forêt d'Ostrolensko , pour ne pas
payer les contributions excessives que les Ennemis
exigeoient d'eux ; les mêmes Gentils hommes
assurent que si le Général Lesci décampe
des environs de Warsovie , ce sera pour trou
ver moyen de faire subsister ses Troupes plutôr
que pour former quelqu'entreprise ; tous confirment
qu'il n'y avoir pas un seul Gentil - homme
de la grande Pologne , parmi les Opposans , lorsque
les Moscovites les forcerent de prociames
I. Vol.
s'étoient
PEDECEMBR
E. 1733. 2695
L'Electeur de Saxe , et que le Prince Wienovieski
après la proclamation de ce Prince , avoit fait
signer l'Acte d'Election à deux jeunes gens de la
Maison de Dialenski , qui étudient les Humanitez
à Warsovie , et au fils du feu Comte Potocki
, âgé seulement de 7 ans , afin qu'on ne pût
dire que la Noblesse de la premiere et de la plus
grande partie du Royaume , n'avoit cu aucune
part à cette Election ; ils ajoûtent qu'elle a été
faite au milieu de l'Armée Moscovire , et que
c'est une Hôtellerie qui a servi de lieu d'Assemblée
pour recueillir les suffrages.
La Noblesse des Palatinats , de Prusse, de Mariemboug
et de Russie , qui est assemblée depuis
quelque- temps à Graudentz , selon les Or
dres portez par les Universaux ; a fait une Confédération
, par laquelle elle s'engage à ne point
quitter les Armes que les Troupes Moscovites et
Saxones ne soient sorties des Terres de la Ré
publique et l'on assure que la plus grande par
tie de la Noblesse des autres Palatinats entrera
dans cette Confédération .
;
Plusieurs Villes et diverses Abbayes de la
Prusse Polonoise , et des autres Provinces Sep
tentrionales de la Pologne , font lever des Troupes
à leurs dépens pour le service du Roy.
On a reçu avis que le Comte Potoski , Régi
mentaire de la Couronne, étoit campé entre Sandomir
et Ospatow avec l'Armée , qui est aug
mentée considérablement , et que le Palatin de
Lublin s'étoit avancé vers Cracovie , avec um
Corps considérable de Troupes , pour empêcher
les Ennemis de s'en rendre maîtres.
Le Comte Poniatowski , Palatin de Masovie ,
qui est allé à Berlin , a écrit au Roy , que le 23
1. Vol. Gv No
2696 MERCURE DE FRANCE
Novembre il avoit eu audience de S. M. Pruss
sienne.
On apprend par Lettre de Dantzică du commencement
du mois , que les Troupes Moscovires
ne pouvant plus demeurer près de Warsovie ,
à cause de la disette des Vivres et des Fourages,
sont a lées campet à Lowitz , où elles exercent
beaucoup de violences,mais qu'elles éprouveront
bien-tôt dans leur nouveau Camp les mêmes incommoditez
qu'elles souffroient dans celui qu'el
Jes ont quitté , parce que la plupart des Pay sans
ont suivi l'exemple de ceux des Villages voisins de
Warsovie, et se sont retirez avec leurs Provisions
dans des Bois et sur des Montagnes d'un accès
fort difficile.
Le Regimentaire de la Couronne est toujours
campé entre Ospatow et Sandomir , er son Armée
est actuellement d'environ 25000 hommes.
Les deux Corps de Troupes qui sont sous les or
dres du Palatin de Lublin et du Comte Pocci,sont
fort augmentez: Le premier est à présent dans le
voisinage de Cracovie , et le second s'est avancé
dans le Palat nat de Russie , pour être plus à por
rée d'arrêter les Convois des Moscovites .
On croit que ces trois Généraux ne réuniront
pas si - tôt leurs Troupes , et que leur dessein est
de détruire l'Armée Ennemie , en lui ôtant tout
de subsister et en l'affoiblissant par des moyen
Combats continuels.
Les Levées que la Ville de Danzick et quelquesautres
de la Prusse Polonoise ont ordonnées,
se font avec beaucoup de succès , et l'on compte
Passembler incessamment dans cette Province
10 ou 12000 hommes de Troupes réglées. Plusieurs
Seigneurs ont fait prendre les Armes à
leurs Vassaux , et ils incommodent extrêmement
1. Vol Les
DECEMBRE. 1733. 2697
les Moscovites , à qui ils enlevent presque tous
les jours quelque Parti ou quelque Convoi. Celui
d'Artillerie et d'Argent qui est arrivé depuis pea
de Moscovie , a été suivi pendant quelques jours
par le Comte Pocci , et l'Escorte a eu à soutenir
contre lui plusieurs Combats , dans lesquels les
Ennemis ont beaucoup perdu des leurs.
Le Général Lesci fait tous les jours de nou
velles instances auprès de la Czarine pour obte
nir un nouveau renfort de Troupes , mais on ne
croit pas que S. M. Czarienne soit en état de lui
en envoyer.
Le Roy a reçu une copie de l'Acte de confé
dération , par lequel la Noblesse de quelques
Palatinats s'est engagée à ne point quitter les
Armes , jusqu'à ce que la Pologne soit délivrée
des Troupes Etrangeres qui l'oppriment.
PARALLELE , de l'Election à la
Couronne de Pologne , faite en faveur du
Serenissime STANISLAS LESZCZYNSKI ,
du Serénissime FREDERIC AUGUSTE.
de
1°. Le Serénissime Stanislas Leszczynski a en
pour lui les suffrages unanimes et prompts
la Republique entiere , assemblée légitimement ,
c'est- à-dire de tous les Palatinats , Territoires
et Districts , au nombre de plus de 60000 hommes,
après que S. A.le Primat leur a eu demandễ
qui on devoit nommer Roi de Pologne ; et le
Grand Maréchal de la Couronne a proclamé ce
Prince en cette qualité .
I. De tant de milliers d'Hommes qui étoient ,
dans le Camp Electoral , pas un n'a nommé le
Serenissime Frédéric Auguste , et par conséquent
s'il n'a été proposé ni à la République ni par la
L. Voli
Ré
2698 MERCURE DE FRANCE
République , il n'a på en aucune maniere êtrè
nommé.
En quel tems .
2°. Le S. Stanislas a été élû dans le terme fixé
par unc constitution de la Diette de convocation
tenue cette année. Ainsi , on s'est conformé en
l'élisant à cette constitution qui prescrit pour des
raisons très importantes de terminer sans délai
P'Election du Roy , outre que dans le tempsmême
de l'Election , les Palatinats demandoient
qu'on pressa la nomination , comme il s'étoit
pratiqué dans un cas semblable ; sçavoir à l'Election
d'Uladislas IV. à laquelle les Russiens vou
loient mettre obstacle .
II. Lorsque le S. Frédéric Auguste a été élû ,
le temps de l'Election étoit passé , parce que cel
le du S Stanislas étant légitimement terminée
par la même , la Dietre d'Election l'étoit aussi ,
et que tous les Palatinats, Territoires et Districts
s'étoient retirez du Champ d'Election , après
avoir reçu les adieux de leur Maréchal , sans
avoir limité l'Acte d'Election , de sorte que si la
premiere Election avoit été deffectueuse , il en
faudroit faire une nouvelle , indiquer une nouvelle
Diette de Convocation , assembler de nouveau
les Diettines, expédier pour ce sujet de noupeaux
Universaux , & c,
En quel lieu.
3 °. Le S. Stanislas a été élû dans le lieu désigné
par une foule de Constitutions du Royaume,
et dernierement encore par celle de la Distte de
Convocation , tenue cette année ; c'est - à-dire
dans le Champ Electoral , ainsi qu'on l'appelle
proprement , entre Warsovie et le Village de
I. Vol. Vuola
DECEMBRE. 1733. 2899.
Vvola , où de temps immémorial des Elections
ont coûtume de se faire selon les anciennes Cons◄
titutions.
III. Le S. Frédéric- Auguste a été élû de l'autre
côté de la Vistule , dans la Plaine de Praage
joignant un Bois , près d'un Village , nommé
Kamien ; et là un grand Chemin a servi de
Champ Electoral , et une Hôtellerie de Szopa .
pour les Sénateurs au mépris des Constitutions,
Usages et Coutumes , et quoique les Dieures de
Convocation fixent toujours le temps et le lieu
où de tels Actes se doivent passer; tellement qu'un
Acte célébré hors du lieu , marqué par la Loy
est déslois absolument nul.
Par qui él .
4°. Le S. Stanislas a eu dans son E'ection , ce
qui en fait le point le plus essentiel ; sçavoir , la,
présence de tous les Palatinats , Terres , et Disericts
, sans en excepter un seul , qui après les
solemnitez ordinaires , Pont élû librement et de
plein gré, tellement que pour lui se sont réunies
les voix de plus de 60000 hommes , et d'un Peu-,
ple Electeur , dont la conduite et le droit song
irreprochables.
IV. Il ne s'est trouvé à l'Election du S. Frédéric-
Auguste, aucun Palatinar , Territoire , ni
District. li n'a été élû que par un petit nombre
de Gens et par de simples Particuliers , à qui la,
République n'avoit point donné pouvoir de le.
faire. Il a été élû par des Gens qu'on arrêta
lorsqu'ils retournoient chez eux après l'Election
et dont les uns donnérent leurs voix , ‹ffrayez,
par les Universaux du Général Lesci , qui menaçoit
de mettre tout à feu et à sang , tandis que
les autres vendirent bien leurs suffrages.
J. Vol.
ป
2700 MERCURE DE FRANCE
Il a été élû par des Parjures , dont quelques
uns avoient juré deux ou trois fois , que , se con
formant à l'intention unanime de la République
et aux Instructions expresses de la plupart des
Palatinats , Terres et Districts , ils n'éliroient
point de Candidat qui ne fut né de pere et de
mere Catholiques Romains , et qui cût des Domaines
ou des Armées hots du Royaume.
Il a eu pour Electeurs des Proscrits et des Ennemis
de la Patrie , déclarez tels , en partie par la
Constitution de la Diette de Convocation , contre
ceux qui éliroient un Roy étranger et ayant
des Domaines hors du Royaume, et en partie par
le Decret de la République entiere , assemblée
dans le Champ Electoral, Décret qu'elle a inséré
dans son Manifeste , contre l'invasion des Russiens
, et que signérent ceux - là même qui ont
adhéré à ces Russiens dans l'Election du S. Fré
deric- Auguste.
Au reste , je dis par le Décret , parce qu'effec
tivement il comprend , non seulement ceux qui
ont attiré l'Armée Russienne , mais encore tous
ceux qui pourroient dans la suite adhérer aux
Russiens , et que la République les y a déclareztous
également Ennemis de la Patrie , abandonnez
à la vengeance d'un chacun , &c.
Il faut aussi remarquer que n'y ayant à l'E
Tection aucun Député de la Grande Pologne , on
ya appellé deux jeunes Seigneurs du nom de
Dzialynski , qui faisoient leurs Etudes à Varsovie.
Ce qu'il y a de plus étrange , c'est qu'ur
Enfant de sept ans , Fils de l'Illustrissime Seigneur
Potocki, Maréchal de la Cour du Royaume
, a été invité à l'Election , et qu'on lui en a
fait signer l'Acte, afin , sans doute , qu'en voyant
ce nom parmi les autres , on puisse croire que
I. Fol. quel
DECEMBRE. 1733. 2701
quelqu'un de la Maison Potocki adhére au parti
de l'Electeur de Saxe.
Par qui nommé.
s . Le S. Stanislas a été nommé par Monsei
gneur Théodore Potocki , Archevêque de Gnêsne,
Primat du Royaume , c'est - à dire , un Prélat à
qui les Loix du Royaume , les Bulles des Papes ,
et particulierement la Constitution de la Diette
de Convocation , Constitution confirmée par le
serment des Evêques , conférent expres ément
et privativement à tous autres Evêques , le droit
de nommer le Roy. Tous sont donc exclus par
leurs sermens et sous certaines peines du droit
de nommer les Rois. Il y a même une Bulle du
Pape Sixte V. qui porté que , si un Roy a été
nommé par un autre que par le Primat du
Royaume , non - seulement l'Evêque qui a fait la
nomination , encourt des peines exprimées dans
cette Bulle , mais encore que cette nomination
est nulle et sans force.
V. Le S. Frederic Auguste a été nommé , non
par le Primat , mais par M. Hostus , Evêque de
Posnanie , en quoi ce Prélat a violé p.emierement
le serment géneral qu'il a prêté comme
Sénateur , de détourner tout ce qui peut être préjudiciable
à la République , puisque par sa nomination
il a attiré sur elle les plus grands maux,
porté atteinte à la liberté des Elections , occasionné
le renversement de l'Etat et des Loix ,
procuré l'effusion du sang humain , la désolation
du Royaume , l'oppression des Pauvres , la vio
lation des immunitez Ecclesiastiques , et enfin
le pillage des biens appartenans au Clergé .
Il a violé en second lieu le serment general
par lequel il s'est obligé dans la Diette de Con-
L. Vol. Vocation
2702 MERCURE DE FRANCE
vocation , de ne point élire de Roy étranger , on
ayant ses Domaines hors du Royaume.
Il a violé enfin le serment particulier que les au
tres Evêques et lui - même ont fait dans la susdite
Diette, de ne point attenter au droit de nommer
le Roy , droit que les Loix ont attaché à la dignité
du Primat. En un mot , le S. Auguste s'est
trouvé n'avoir que la nomination d'un Prélat ,
qui par cette nomination - là même , violoit tout
la fois trois sermens , et qui en même temps
encouroit les peines exprimées par le Decret que
la République entiere a inseré dans son Manifeste
et auquel lui - même a souscrit,
De quelle maniere ?
6. Le S. Stanillas a été élû par la République
avec une entiere liberté , et sans qu'il y cûr ni
Armée ni Troupes qui arrachassent les suffrages
de qui que ce soit en faveur d'un Candidat. Il a
été élú avec le consentement unanime de tous
ceux qui étoient dans le Champ Electoral , et sans
la moindre contradiction : Car il ne faut pas regarder
comme telles ni les oppositions que
M. Kaminski commençoit à faire dans le lieu
de la nomination , ni la retraite du Staroste d'O
poczyn , qui la veille de l'Election sortit du
Champ Electoral; le premier ramené par des re
montrances amiables et par de bons conseils , ré.
voqua son opposition de bon coeur et sans qu'on
lui fit la moindre violence ; il la révoqua à l'instant
et sur le lieu même , et il cria Vive Stanislase
Le second marqua par une Lettre la joye qu'il
avoit de l'heureux succès de l'Election et félicita
le Prince , sur qui elle étoit tombée , et quant
aux autres Electeurs , le lendemain de l'Election
ils allerent saluer l'Elû et l'assurer d'une parfaite
soumission.
DECEMBRE. 1733. 2703.
VI. Le S. Frederic Auguste a été élû avec
tout ce qui marque la derniere violence, puisque
les Electeurs étoient environnez d'une Armée
nombreuse , et qu'on n'obtint leurs suffrages
que par des persuasions armées . L'Election n'a
donc pas été libre. Mais comment eût - ele pů
l'être , lorsqu'un petit nombre de Citoyens pri-"
vez partagez en quatre Candidats , et devant
élire un Roy par confédération , voyoient dans
le parti du S. Frederic Auguste , le General Lesci,
agissant avec une autorité souveraine , nommer
et proclamer le premier ce Prince ? entraînez par.
la force superieure , ils ont accedé à cette Election
avec moins de joye que d'apparence de respect
, et on en trouve les preuves dans une Let-'
tre originale du même General Lesci au Comte
d'Osterman , où il s'exprime en ces termes :
Les Seigneurs Polonois étant divisez entre eux
sur le choix d'un Candidat , je les ai obligez par
des promesses et plus encore par des menaces , à dé
ferer la Couronne à l'Electeur de Saxe. Il sera assez
puissant pour se maintenir sur le Trône et pour
deffendre ceux qui l'y ont élevé.
L'Election du Sérenissime Auguste II. de
glorieuse mémoire , quoique faite par une Session
, a de grands avantages sur la prétendue
Election du S. Frederic Auguste. La premiere
fut l'ouvrage d'une partie considerable de la République
, légitimement assemblée dans le lieu
accoûtumé et désigné par la Constitution et le
temps de l'Election n'étoit pas encore écoulé ,
de sorte qu'en même- temps et au même endroit,
on nomma les deux Candidats en présence de
tous les Palatinats , Terres et Districts . La se
conde n'a été faite ni dans le lieu ni au temps
que les Loix marquaient , ni à la face de la Ré
山
1. Vol. publique
2704 MERCURE DE FRANCE
publique assemblée , et le S. Frederic Augusté a
été proclamé par une poignée d'hommes desti ."
tuez de tout pouvoir et autorité , par des hommes
que les Loix ont notez , par des hommes"
Sujets aux peines décernées contre les Traîtres ,'
et enfin sans qu'il ait assisté à cet Acte aucun
Palatinat , Territoire ni District.
Sans y être mieux
autorisé
, on a transferé
de
Praage
à Warsovie
, les Séances
touchant
les
Pacta
Conventa
, et on les y a continuées
15.
jours de suite aprés cette fausse
Election
. Par les´
mêmes
Pacta-Conventa
, on a ouvert
aux Trou."
pes Russiennes
le passage
en Pologne
, et on leur
a permis
d'y aller en tels lieux qu'il leur plairoit.
On a bien voulu
fournir
par là une occasion
continuelle
à des troubles
domestiques
, et
de justes
raisons
aux Etrangers
de nous déclarer
la guerre
, et on s'est peu soucié
d'einbarasser
la République.
Nous soumettons ce fidelle et exact Parallele
au jugement de l'Univers . Qu'on juge qui il
faut reconnoître pour légitime Roy de Pologne,
ou d'un Prince élû contre toutes sortes de Loix
et Constitutions et par la seule force des Armes
ou d'un autre qui a été élû selon ces Loix er
Constitutions , et que les suffrages libres et unanimes
de tout ce qu'il y avoit d'Electeurs , ont
élevé sur le Trône.
MANIFESTE du Primat de Pologne:
Es faux rapports répandus dans le Public , à
l'occasion de ce qui s'est passé en Pologne
pendant l'interregne , les insinuations injustes ,
et malicieuses dont les ennemis du repos de la
République ont tâché de noircir ma conduite ,
J. Vel.
DECEMBRE. 1733 2705
en m'accusant d'avoir gouverné le Royaume d'une
maniere affectée et interessé , ont arrêté la liberté
des suffrages et violé les droits sur lesquels cette
liberté est fondée , et la necessité enfin de faire
voir au Monde entier que nos ennemis par de
pareils procedez , n'ont eu et n'ont encore pour
but que de ruiner et renverser totalement les
droits , les prérogatives et la liberté de notre
chere Patrie , sont des motifs trop pressans , pour
que je differe plus long- temps à justifier ma
conduite , afin de convaincre tout l'Univers par
une narration succincte et sincere de ce qui s'est
passé avant et après l'Election , la fausseté de ce
qu'on a publié de contraire,
Mon premier soin , depuis la mort du Roy
Auguste, de glorieuse memoire , a été de concilier
et de réunir nos Freres , et j'eus le bonheur
d'y réussir . Je n'entrepris rien que
du consentement
et de l'aveu du Sénat et de la Noblesse encore
assemblée à l'occasion de la Diette extraor
dinaire, convoquée par le feu Roy; j'envoyai des
Ministres aux Cours voisines , je tins de fréquens
Conseils avec les Sénateurs et les Minis
tres des deux Nations ; je ne signai que ce qui
avoit été unanimement résolu ; je pris les mesu
res convenables avec les Régimentaires des deux
Nations pour assurer la sureté interieure et exte
rieure du Royaume et prévenir les inconvéniens
qui pourroient résulter des Assemblées particu
lieres et illicites ; en un mot , afin de n'avoir
rien à me reprocher , je communiquai tout à la
République et ne fis rien sans son approbation ,
quoiqu'en qualité de Primat j'usse pû m'en dis
penser en bien des choses.
Le jour de l'assemblée de la Diette de Convo
Cation étant yenu , je me contentai d'y represen
J. Vol.
2756 MERCURE DE FRANCE
ter le danger auquel le Royaume se trouvoit ex
posé , et je laissai à la prudence d'une Nation libre
le soin de le prévenir. Il y eut au commence
ment de cette Diette de grands débats pour l'E
Jection d'un Maréchal ; les esprits parurent fort
animez , ce qui dura quelques jours et retarda
l'expedition des affaires ; mais par mes soins et
ceux du Sénat , le calmne fut enfin rétabli ; on
élût le Maréchal , et la Noblesse se joignit ensui
te au Sénat ; en qualité de Primat j'écoutai les
avis des Nonces, et me conformai à ce qu'ils désiroient
et à ce qu'ils rejettoient. Le principal
objet de leur délibération regardoit la résolution
prise cy- devant, d'exclure du Trône tout Piaste;
ils ressenroient vivement l'injustice d'une telle
résolution ; ils voyoient , avec indignation , la
honte qui en résultoit à la Nation ; et afin de le
rendre plus efficace , on résolut de le confirmer
par un serment. Cette résolution passa aussi unanimement.
Il est vrai qu'il y a eu à ce sujet des
débats tres vifs , mais ils n'ont eu pour objet que
le formulaire du Serment , et non le Serment
même. Après qu'en qualité de Primat , j'eus
prêté ce Serment , par lequel non seulement
tout Erranger , mais aussi tous ceux qui posse
dent des Provinces Etrangeres , ou qui ont des
Troupes sur pied , qui ne sont pas nez de peres et
de meres Catholiques , sont exclus du Trône.
Les Evêques, Sénateurs et autres le prêterent après
moi , et le firent tous avec joie et sans la moindre
contrainte Les Evêques jurerent aussi qu'ils
m'empiéteroient point sur les Droits du Primat.
La République déclara ensuite ce Serment com
me une Loy fondamentale du Royaume. Oa
dressa quelques Constitutions , et on fixa le jour
pour la Diette d'Election, au lieu ordinaire, con
CI. Vol.
forDECEMBRE.
1733 2707
formément aux Droits ; c'est par là que finit la
Diette de Convocation.
En attendant ce jour important je m'abstins de
toute intrigue , préjudiciab.e à la République ,
et bien loin que je fusse porté par un amour
aveugle pour aucun particulier, l'évitai avec soin
d'entrer dans aucune faction , j'avoue cepen ant
que je souhaitois fort que le Serenissime Roy
Stanislas fut élevé au Trône; je l'en croyois tres
digne, et même plus qu'aucun autre , à cause de
ses éminentes qualitez ; mais je declare en même.
temps que quelque fussent mes souhaits , mon
obstination n'alloit pas jusqu'à le vouloir au
préjudice de la République. J'avois mis toute
ma confiance en Dieu ; c'est par son secours et
celui de la libre Nation Polonoise que j'esperois
voir finir les maux de la République par l'E
lection d'un Roy désiré.
On me fit des offres avantageuses , on me fir
même des menaces , mais je rejettai les premieres
et méprisai les autres ; je n'ai jamais voulų
donner les mains directement ni indirectement
à l'entrée de quelqu'Armée Etrangere. J'ai rejetté
constamment les Instances faites par les
Ministres des Puissances voisines, pour une exclusion
, parce que je voyois qu'elle n'avoit pour
but que leur interêt et leur utilité particuliere ,
et qu'une pareille exclusion ne pouvoit être que
deshonorable à la République et tendre à sa totale
ruine . Comme lesdites Puissances ne laissoient
pas de continuer leurs Instances à ce sujet
, je m'apperçûs bien- tôt qu'on avoit dessein
d'enfoncer le Poignard dans le sein de notre -
berté . J'écrivis pour cet effet au nom de la République
, representée par ceux que les deux Na-
Lions avoient nommés à la Diette de Convoca-
I. Vol. tion
2708 MERCURE DE FRANCE
tion , pour me servir de conseil , à toutes le
Cours de l'Europe , pour les prier de ne pas per
mettre qu'on opprimâ: la Répub ique , d'envoir
des Ministres à S. M 1. et à l'Illustrissime Czarine
pour leur representer que nout ctions une
Nution libre que nous ne dépen tions de personne
, que nous ne permettrions jamais qu'on
donna: Pexclusion , les pliant de se désister de
leurs Instances à ce sujet , et de ne pas se mêlet
de notre Election qui ne dépend que de nous
seuls .
Le jour de l'ouverture de la Diette d'Election
étant venu , je n'eus en vue que l'exacte exécution
des Loix établies dans la Diette de Convocation
, en ce qui regarde l'Election et le maintien
inviolable de la liberté de la Patrie , les commencemens
de cette Diette furent fort paisibles,
et le Maréchal fut élû en peu de jours ; mais cette
tranquilité ne , dura guere ; les esprits s'échaufferent
à la nouvelle de l'entrée des Russiens
dans le Royaume , certifiée et affirmée par le
Chancelier et Régimentaire de Lithuanie toute
l'Assemblée en fut troublée , on fut surpris de
la conduite du Régimentaire en cette occasion ,
et après plusieurs Discours qui ne pouvoient lui
être agréables , on résolut de ne rien négliger
pour découvrir ceux qui avoient appellé les Russiens
dans le Royaume .
·
La peur ayant saisi le Régimentaire , apparemment
par un remords de conscience , il quitta
le Champ Electoral, sans faire aucune protes-
Lation et se retira à Praage,
-On lui envoya des Députez pour demander la
cause de sa Retraite ; sa réponse fut que sa Retraite
ne troubleroit en aucune maniere l'Elec
tion .
I. Vol. Peu
DECEMBRE . 1733. 2709
Peu de jours après, les Etats dresserent un Manifeste
contre ceux qui avoient appellé les Kussiens
dans le Royaume. Nous résolumes là - dessus
de proceder incessament à l'Election ,
selon
la teneur de la Constitution de la Diette de Convocation
, qui porte que l'Election se feroit dans
le terme le plus court qu'il seroit possible , mais
qu'au cas qu'elle ne se pût faire si- tôt qu'on le
souhaiteroit , la Diette ne dureroit neanmoins
que six semaines.
·
Avant que de proceder à l'Acte d'Election je
parcourus , à Cheval , selon le Cérémonial , les
Palatinats , les Starosties et les Districts assemblez
, pour
leur demander quel Roy ils souhaitoient
, et pour leur notifier en même temps
que la Proclamation se feroit le lendemain . Pendant
que j'en faisois le tour , on n'entendit
crier par tout que Vive le Roy Stanislas. Je conviens
cependant qu'il paroissoit qu'il y en avoit
quelques- uns qui y étoient contraires , ceux - cy
se retirreent dans leurs Quartiers, apparemment
pour y dresser le Niepozvalam.
Le lendemain j'achevai le tour des Palatinats , *
Starosties et Districts , je fus obligé dele faire à
pied , mon Cheval étant devenu ombrageux
par les cris réiterez de Vive le Roy Stanislas . Ces
cris se redoublerent avec tant de zéle que je ne
pus m'empêcher de me conformer aux pressantes
Instances de l'Assemblée , et de proceder incessamment
à la nomination du Roy ; mais
avant que de le faire, je déclarai absens ceux qui
s'étoient rendus à Praage ; et comme il ne paroissoit
personne pour contre- dire , car les uns se
tûrent , les autres partirent pour leurs Terres .
parmi ces derniers , le Staroste Opoczynski
1. Vol. ᏗᏤ gu
H
2710 MERCURE DE FRANCE
qui m'assura par une Lettre , qu'il s'étoit retiré
sans contradiction .
Je procedai , en vertu de ma Charge , à la no
mination du Roy , mais je fus interrompu park:
S.Kamienski, Capitaine du District de Krziemit,
dans le Palatinat de Vobhinie , qui me présenta
son Niepozwalam , ce qui m'obligea à garder k
silence pendant quelque temps , jusqu'à ce que
s'étant enfin désisté de sa contradiction , je pro
clamé le Serenissime Roy Stanislas , à present
regnant , sans aucune opposition , dont Dieu ,
qui connoît ce qu'il y a de plus caché dans nos
coeurs , est le témoin , ainsi que le Peuple , con
sistant en plus de 100 Enseignes , et criant una
nimement et sans cesse ; Vive le Roy Stanislas,
Je regarde comme un bonheur particulier d'
voir proclamé pour Roy , celui que des Nation
envieuses ont voulu exclure du Trône ; car
elles avoient réussi dans leur dessein , c'éto
fait à jamais de notre liberté , on nous auro
toujours forcé à élire un Roy à leur gré.
Voilà le récit sincere et veritable de tout
qui s'est passé à l'égard de l'Election de not
Roy , cependant , quelqu'unanime et légitin
qu'ait été cette Election , il se trouve de fau
Freres qui la révoquent en doute ; ils osent avar
cer qu'elle n'a été faite qu'en violant la liberté
et par là , ainsi que par toute la conduite qu'i
ont tenue depuis leur retraite à Praage , ils for
voir évidemment qu'ils ont appellé les Russier
dans le Royaume , ce qui les rend coupables e
tant de sang innocent qui sera peut- être vers
Mais supposé qu'il se soit trouvé quelques Pa
sonnes d'un sentiment opposé , le nombre e
étoit tres- petit , et elles n'ont paru que le jo
I.Vel
.qu'o
DECEMBRE. 1732. 2711
qu'on annonçoit au Peuple la prochaine Election
fixée au lendemain , et non le jour de la nomination
du Roy , qui , selon les Loix ou l'usage
ne se fait jamais à Cheval , mais dans les Tran
chées ou Quartiers préparez pour cet effet , et
où il étoit libre encore à ceux qui vouloient contredire
, d'exhiber leur Niepozvalam.
Les Ennemis du Roy voulant exécuter les pernicieux
desseins qu'ils avoient tramez à Praage ,
allérent joindre les Russiens , et formérent entr'eux
une prétendue République, ou, pour mieux
dire ,un Complot tumultueux de gens qui s'é
tant déclarez eux - mêmes Ennemis de la Patrie ,
en conséquence du Manifeste qu'ils avoient signé
, ne cherchent qu'à renverser la liberté , en
opprimant la veritable et innocente République.
Ce qu'il y a de plus déplorable , c'est qu'il se
trouve parmi eux des Apôtres du Seigneur , des
Evêques , qui comme Judas , trahissent leur propre
Mere , c'est- à- dire , leur Patrie. Ce sont ces.
Evêques qui coupables d'un triple parjure endure
cissent encore davantage les coeurs des Seigneurs
séculiers , en autorisant leur témérité ,
en leur faisant accroire qu'elle est juste et per
mise.
Les Opposans retournerent enfin à Praage ; Ils,
s'imaginoient que pourvu qu'ils pûssent proceder
à une nouvelle Election avant l'échéance des
six semaines que la Diette pouvoit durer , cette
Election seroit légitime ; mais ce terme n'ayant
point été établi comme une Loy , mais comme
une prolongation , au cas qu'on ne pût parvenir
plutôt à une Election , ne peut être regardé que
comme une chimere , puisque l'Election avoit
Jéja été faite légitimement et selon les Loix. Ils
crurent aussi que s'ils pouvoient se rendre sur
1
No I. Vol.
le Hij
2712 MERCURE DE FRANCE
le Champ Electoral , entre Varsovie et Vvola ,
leur Election seroit plus valide ; ils firent tous les
efforts imaginables , mais inutiles , afin d'y parvenir,
employant pour cet effet le fer et le feu.
Pendant ce temps-là on découvrit que les Ministres
de Russie et de Saxe entretenoient une
correspondance avec les Opposans; le Régimentaire
résolut là - dessus de les faire sortir de Varsovie,
et de les attaquer, en cas de refus , ce qu'il
fit , les Ministres Etrangers ne doivent jouir des
prérogatives du Droit des Gens , qu'aussi long.
temps qu'ils observent eux- mêmes les Loix qui
y sont attachéts.
Enfin les Opposans voyant qu'ils ne pouvoient
passer la Vistule , se retirerent dans un Bois , y
dressérent une espece de Kolo , et élurent un
Roy , mais quel Roy ? Un Etranger , un Prince
qui possede des Provinces hors du Royaume , et
qui a des Troupes sur pied , un Prince né d'une
Mere Luthérienne , un Prince enfin qui veut employer
ses Troupes pour réduire une Nation libre
, à une obéissance aveugle. Grand Dieu , à
quoi servent les Constitutions établies dans la
Diette de Convocation ? A quoi sert le serment
qu'on y a prêté ? A quoi sert cette Confédéra¬
tion si solemnelle, pour n'élire qu'un Piaste? &c.
Fait à Dantzick , le 10 Octobre 1733 .
A
ALLEMAGNE.
La parû à Vienne sur la fin du mois dernier ,
un Decret , par lequel l'Empereur impose une
axe sur tous les biens fonds dans ses Etats héeditaires.
Les Protestans qui sont établis dans la hautë ,
sutriche et qui demandoient depuis long- temps
J.Vol.
DECEMBRE . 1733. 2713
la liberté d'en sortir , ont obtenu la permission
de se retirer en Hongrie ou en Transylvanie.
On leve actuellement deux Régimens de Dragons
, deux de Hussarts et huit d'Infanterie ,
dont quatre seront composez d'Allemans , deux
de Napolitains , et deux de Hongrois.
Le Clergé de la Basse Autriche doit fournir à
l'Empereur un don gratuit de deux millions ; on
compte que celui du Clergé de la Haute Autri
che sera de 600000. florins , et que quelques
Ordres Religieux en donneront 400000.
ITALIE.
E 24. Novembre , il parut à Rome an Bref
Lpar lequel le Pape accorde un Jubilé pour
tous les Fideles de l'un et l'autre sexe de cette
Ville , qui pendant l'une des deux premieres se
maines de l'Avent , jeûneront le Mercredy , le
Vendredy et le Samedy , et qui - après s'étre
Confessez et avoir communié , visiteront au
moins une fois les Eglises de Saint Pierre
du Vatican , de S. Jean de Latran et de sainte
Marie Majeure , et feront quelques aumônes aux
vres , pour obtenir du Ciel l'extirpation de
ésie , la conversion des Infidelles er la Paix
Surope.
apprend de Venise , que l'Agent de la Czaen
cette Ville , avoit fait partir plusieurs
Ouvriers en Etoffes de Laine et de Soye pour
Petersbourg , et qu'il avoit eu ordre d'engager
des Families dont les Chefs soient en état d'éta →
blir diverses Manufactures dans les principales
Villes de Moscovie.
Le Comte de Froulay , Ambassadeur de France
auprès de la République ; arriva à Venise
I.
au
Да. Vol. Hiij com
2714 MERCURE DE FRANCE
commencement de ce mois , sur une Galere
de l'Etat de Genes,
On mande de Naples , que le Corps de Ville
s'étant assemblé le 11. de Novembre pour déliberer
sur les subsides demandez par l'Empereur ,
a résolu de lui accorder un million de florins , et
on a chargé un certain nombre des principaux
Bourgeois de chaque quartier de regler la répartition
de cette somme sur les habitans .
Le Prince de Sant-Angelo Impériali, Régent de
la Cour de la Vicairerie , a proposé à l'Empereur
de permettre à tous ceux qui ont été bannis du
Royaume de Naples, pour quelque cause que ce
soit , d'y revenir , à condition que chacun d'eux
payera une somme proportionnée à la faute pour
laquelle il a été condamné au bannissement , et
on prétend que ce projet , s'il est executé , produira
deux millions de ducats .
On a publié un Decret de S. M. I. par lequel
il est ordonné à tous les Seigneurs et Gentils
hommes qui ont des Charges ou des biens fonds
dans le Royaume , et qui sont absents , d'y ve
nir résider , sous peine de saisie de leurs revenus.
La Noblesse de cet Etat a offert à l'Empereur
de lui fournir 800. chevaux.pour la remonte de
sa Cavalerie.
Les dernieres Lettres de Naples , portent que
le Conseil Collateral attend la réponse de l'Empereur
aux Remontrances faites à S. M. I. sur
Timpuissance où ce Royaume se trouve de payer
les subsides demandez .
Il a été proposé aux plus fameux Négocians
de cette Ville , de fournir à l'Empereur des secours
d'argent , mais les offres qu'ils ont faites
jusqu'à present , ne produisent pas une somme
considerable,
1. Vol. Estienn
DECEMBRE . 1733. 2715
LE
ESPAGNE.
E 7. de ce mois, à 7. heures du soir , le Roi,
la Réine , le Prince et la Princesse des Asturies
, arriverent en parfaite santé de l'Escurial au
Palais du Buen- Retiro , où les Infants s'étoient
rendus 2. heures auparavant.
On a reçû avis que les 25. Escadrons qui ont
eu ordre de passer en Italie , et qui ont pris leur
route par la France , marchoient avec beaucoup
de diligence , et que la premiere colomne étoit
déja arrivée aux environs d'Avignon.
GRANDE BRETAGNE.
U commencement de ce mois , plusieurs
bitans de Westminster , les prier de nommer
le Chevalier Charles Wager et M. Claiton ,
Membres du Parlement , mais la plupart de ceux
dont on briguoit les suffrages , répondirent qu'ils
ne pouvoient donner leurs voix à des personnes
qui avoient opiné dans la derniere cession du
Parlement pour l'établissement de l'Excise .
Le 18. Novembre à trois heures après midi, le
Prince d'Orange arriva à Londres de Greenwich,
dans un Berge du Roy et il débarqua au Quay
de la Tour, où il fut reçû par le Comte de Leices
ter , qui en est Gouverneur , et par plusieurs autres
Seigneurs ; il monta ensuite dans les Carrosses
de S. M. accompagné de M. Horace Walpool
, du Comte d'Albermarle , et de M. Dun
can , il se rendit au Palais de Sommerset . Peu de
temps après son arrivée , le Roy , la Reine , le
Prince de Galles , le Duc de Cumberland , et les
cinq Princesses P'envoyerent complimenter , er
la plupart des Conseillers du Conseil Privé , allerent
le saluer.
Hiiij Le
2716 MERCURE DE FRANCE
Le 19. au matin , ce Prince reçut la visite du
Prince de Galles et le Chevalier Clement Cotterel
, Maître des Céremonies , lui présenta les Ministres
Etrangers , les Grand- Officiers de la Couronne,
et les principaux Seigneurs, le même jour,
à une heure après midi , le Maître des Céremonies
le fut peendre dans les Garosses de S. M. et
le conduisit au Palais de S. James. Il fut reçû
à la descente du Carosse par un Ecuyer du Roy ,
au haut de l'Escalier par le Duc de Grafton ,
Grand- Chambellan de S. M. et par le Lord Harvey,
Vice-Chambellan , et dans la Chambre du
Lit , par le Lord Hinton , Gentilhomme de la
Chambre , qui l'introduisit dans le Cabinet de
S. M. les mêmes Officiers le conduisirent à l'Appartement
de la Reine , à l'entrée duquel il fut
reçû par le Comte de Grantham , Grand-Chambellan
de S. M. et par M. Cooke , Vice- Chambellan
, précedez de l'Ecuyer de la Reine. Il alla
ensuite à l'Appartement du Prince de Galles , ou
Ie Marquis de Carnarvon l'introduisit , et delà
à celui du Duc de Cumberland , où M. Points
Pintroduisit ; il retourna à l'Appartement de la
Reine , où L. M. et toute la Famille Royale , se
trouverent , et sur les trois heures il alla dîner au
Palais de Sommerzet.
Le lendemain il rendit une seconde visite à la
Reine , et de -là il fut reconduit au Palais de
Sommerset. Plusieurs Conseillers du Conseil Privé
et quelques Seigneurs , eurent l'honneur de
dîner avec lui. Ce Prince reçut les complimens
du Comte de Mentijo , Ambassadeur Extraor
dinaire du Roy d'Espagne ; et après avoir été
conduit pour la premiere fois à l'Appartement
de la Princesse Royale , il se rendit chez la Reine.
La fievre dont ce Prince a éte attaqué quel-
I. Vol.
ques
DECEMBRE. 1733. 2717
ques jours après son arrivée , et dont il est entierement
rétabli , a fait differer son Mariage
avec la Princesse Royale , qui ne sera celebré que
vers le 20. du mois prochain,
Le 11. de ce mois , vieux stile , Fête de S. André
, L. M. et les Princes et Princesses de la Famille
Royale , porterent , selon la coûtume , la
Croix de l'Ordre de S. André sur leurs habits
le Prince d'Orange en porta aussi une garnie do
diamans d'un prix considerable , dont le Roy lui.
fait présent à cette occasion.
M. Hop , Ministre de la République d'Hollande
en cette Cour , eut le lendemain une Audience
de S. M. à qui il donna part de la résolu
tion prise par les Etats Géneraux , de garder.
une exacte neutralité dans la conjoncture présen
te des affaires.
Le 9. de ce mois , le Baron de Starck , Envoyé
Extraordinaire du Duc de Holstein - Gottorp
, eut une Audience particuliere de L. M. er
l'on assure qu'il a demandé la Princesse Amelie
en mariage pour le Prince son Maître , qui a ré
solu de venir demeurer en Angleterre , s'il épouse
cette Princesse .
ARMEE D'ITALIE.
f
Siege et Prise de Pizzigitbone.
La Rue de son aimée ,pou paavancersur la
E Roy de Sardaigne étant parti de Pavie à
Riviere d'Adda , arriva au Camp de Malleo ,
sous Pizzighitone , le to. Novembre après midi,
et le lendemain il fit investir Gerra d'Adda * par
* C'est un Fort couronné de trois Bastions et de
deux demi Lunes , séparé du corps de la Place de
Pizzighitone , par la Riviere d'Adda.
I. Vola
Hv 24.
2718 MERCURE DE FRANCE
24. Compagnies de Grenadiers et neuf Escadrons
de Cavalerie et de Dragons , commandez par le
Marquis de Maillebois , Lieutenant General.
Le 11. le Maréchal Duc de Villars arriva
les cinq heures du soir au Camp , et il alla rendre
ses respects au Roy de Sardaigne , avec le
quel il eut une longue Conférence Les jours
suivans on s'occupa à préparer tout ce qui étoit
néccessaire pour former le Siege de Gerra- d'Adda
, et à établir par des Ponts sur l'Adda, la communication
avec les Troupes qui étoient de l'autre
côté de cette Riviere, vis- à- vis de Pizzighitone ;
on travailla en même- temps à creuser un Canal
pour l'écoulement des eaux que les Ennemis
avoient retenues dans le dessein de s'en servir
pendant le Siege pour inonder la Tranchée.
La nuit du 17. au 18. le Marquis d'Alsfeld ,
Lieutenant General , le Marquis de Sandricourt ,
Maréchal de Camp , et le Marquis de Louvigny,
Brigadier , firent ouvrir la Tranchée avec 1000.
Travailleurs , soutenus par deux Bataillons du
Régiment des Gardes de Rebinder , par les Régimens
Dauphin , d'Anjou , du Maine , et par celui
de Savoye. Les travaux dont les Ennemis
n'eurent connoissance que deux heures après
qu'ils eurent été commencez , furent fort avancez
cette nuit.
Le 8. à dix heures du matin , le Marquis de
Coigny , Lieutenant General , M. d'Affry , Ma
réchal de Camp , et le Marquis de Boissieux ,
releverent la Tranchée avec le Régiment de Picardie
, celui de la Sarre , et quatre Compagnies
de Grenadiers des Régimens de la Reine , d'Orleans
, de Bourbon , et du Régiment des Fusiliers
de Savoye , et un Détachement de 100. Dragons
des Régimens de la Reine et Dauphin. Les
I. Vol . 800.
77 DECEMBR
E. 1733. 2719
8oo. Travailleurs commandez ce jour-là per
fectionnerent la Tranchée , dont la seconde pa
raltele avoit été avancée la veille jusqu'à jo
toises du chemin couvert. His firent une communication
entre la Tranchée de la droite et celle
de la gauche , et on commença ce jour-là l'établissement
de deux batteries , chacune de 15.
pieces de Canon.
Le soir vers les neuf heures , les Ennemis ten
terent de faire une sortie sur la gauche , mais
ils furent repoussez par les Grenadiers , qui les
obligerent de se retirer avec précipitation dans
le Chemin couvert , et malgré le grand feu de
deur Canon et de leur Mousqueterie , il n'y eut
que deux hommes de tuez et cinq blessez.
Le 19. le Comte de Broglio , Lieutenant General
, le Comte de Chatillon , Maréchal de
Camp et le Comte de Valence , Brigadier , rele
verent la Tranchée avec les Régimens de Cham .
pagne et Royal- Roussillon , deux Compagnies
de Grenadiers du Régiment du Roy , une de ce
lui de Souvré , et une de Riedeman Piedmontois,
Le Prince Charles de Lorraine , Lieutenant
General, le Duc d'Harcourt , Maréchal de Camp
et le Marquis de Lautrec , Brigadier , ont monté
la Tranchée le 20. avec les Régimens d'Auver
gne et de Condé , une Compagnie de Grenadiers
du Régiment des Gardes du Roy de Sardaigne
et trois des Régimens de Louvigny , de S. Simon
et de Medoc .
Le 21 la Tranchée fut relevée par le Marquis
de Ravignan , Lieutenant General , par le
Marquis d'Aix , Officier General dans les Trou
pes du Roy de Sardaigne, et par M. de Cadeville,
Brigadier des Armées du Roy, avec les 4. Batail
lons du Régiment du Roy , deur Compagnies
AI. Vol.
de Hvj
2720 MERCURE DE FRANCE
de Grenadiers du Régiment de Picardie , une
de celui de la Sarre , et une du Régiment de Re
bender.
Le 22 , le Marquis de Savines , Lieutenant General
, le Marquis de Sandricourt , Maréchal de
Camp , et le Marquis de Clermont , Brigadier
des Armées du Roy de Sardaigne , monterent la
Tranchée avec les Régimens Dauphin et de
Bourbon , et 4 Compagnies de Grenadiers des
Régimens de Champagne , du Maine et de
Luxembourg
Les travaux furent vigoureusement poussez
pendant les deux nuits suivantes. On avança la
troisiéme et la quatrième Paralleles à 35 toises
du Chemin couvert, et il n'y cut que s.pt hommes
de tuez ou blessez . Le 23 , le Marquis de
Cadrieux , Lieutenant Général , et le Marquis de
Louvigny monterent la Tranchée avec les Régimens
d'Anjou et de Médoc , et quatre Compagnies
de Grenadiers des Régimens d'Auvergne
, de Souvré , de Condé , et du Régiment de
Savoie.
La nuit du 23 au 2+ , le Roy de Sardaigne fit
attaquer le Chemin couvert de Getra - d'Adda ;
les Ennemis en furent chassez ; nos Troupes y
établirent leur logement malgré le feu des Assiégez
qui fut tres - vif pendant toute l'action ,
dans laquelle il y eut trois Capitaines de Grenadiers
tuez ou blessez , zo hommes de tuez es
11 de blessez .
Le 24 , la Tranchée fut relevée par le Comte
de Beuil , Lieutenant General , et par le Marquis
de Boissieux , Brigadier , avec les Régimens
de Souvré et de Tessé. On travailla ce jour-là à
periectionner les Ouvrages et on acheva la
Communication avec les deux Angies.
'I. Val. M.
DECEMBRE. 1733. 2722
M. de Contade , Lieutenant Général , et le
Marquis de Lautrec , Brigadier , releverent la
Tranchée le 25 avec les Régimens de la Reine e
de Nivernois , on contmua à préparer une Bat
terie sur le Glacis , pour battre en bréche , et à
y conduiré le Canon , et ce fut - ià , en donnant
les ordres pour le faire avancer , que le Chevalier
Dempser , Général de l'Artillerie du Roy de
Sardaigne fut tué près du Pont fait sur l'avant
fossé , lorsqu'on avoit attaqué le Chemin cou
vert.
Le 26, le Marquis d'Entréves , Lieutenant Gé•
néral des Armées da Roy de Sardaigne , et M.de
Cadeville , Brigadier des Armées du Roy , monterent
la Tranchée , qui fut relevée le 27 , par le
Marquis de Maillebois , Lieutenant Géneral , et
par le Marquis de Clermont , Brigadier des Armées
du Roy de Sardaigne. La Batterie de 11
Piéces de Canon , à laquelle on travailloit depuis
quelques jours , fut entierement établie
cette nuit et elle battit en bréche .
On fit pendant la même nuit , l'ouverture de
la Contrescarpe sur la droite , et la desconte du
Fossé se trouva si avancée le lendemain ào
heures du matin , que les Assiégez battirent la
Chamade dans le moment que le Marquis d'Asfeld
et le Marquis de Louvigny relevoient la
Tranchée avec trois Bataillons du Régiment de
Picardie , et deux Compagnies de Grenadiers
des Régimens de Tessé er de Nivernois .
Les Otages ayant été envoyez de part et d'autre
, le Roy de Sardaigne , et le Maréchal de
Villars se rendirent à la Tranchée pour écon
ter les propositions des Assiégez qui demande
rent qu'il leur fut permis de sortir de Gerra
d'Adda avec les honneurs de la Guerre , sans
I.Vd.
qu'il
2722 MERCURE DE FRANCE
qu'il fut libre aux Assiégeans d'attaquer Pizzi.
ghitone par ce côté , mais seulement par l'atta
que commencée de l'autre côté de l'Adda , où
la Tranchée avoit été ouverte le 23.
Leur proposition fut rejettée , et on leur répondit
qu'on ne recevoit aucune proposition sur
Gerra d'Adda , qu'à condition que Pizzighitone
se rendroit en même- temps.
Cette réponse ayant été portée au Gouver
neur , il consentit à rendre Gerra - d'Adda ; et à
l'égard de Pizzighitone , il fut convenu qu'il y
auroit une Tréve de deux jours , pour donner
le temps au Gouverneur d'envoyer à Mantouë
consulter le Prince de Wirtemberg sur ce qu'il
devoit faire.
L'Officier chargé de cette commission et qui
a été accompagné par le Marquis de Boissieux ,
rapporté qu'à son arrivée à Mantoue, le Prin
ce de Wirtemberg et les Officiers Generaux des
Troupes de l'Empereur , avoient tenu un Con
seil de Guerre , dont le résultat avoit été de
mander au Gouverneur de Pizzighitone de se
rendre le 16 Decembre.
Le Roy de Sardaigne et le Maréchal de Vil
Jars , informez de cette réponse , ont offert de
donner huit jours , et c'est à cette condition quela
Capitulation fut signée le 30 Novembre.
Le 2 de ce mois , M. de Contade , Lieutenant
General des Armées du Roy , fut détaché de
l'Armée avec six Bataillons des : Troupes Fran➜
çoises et un des Troupes du Roy de Sardaigne ,
pour aller se rendre maître du Château de Črés
mone , où les Impériaux avoient laissé un Dé--
tachement lorsqu'ils abandonnerent la Ville. La
Garnison de ce Château parut vouloir se deffendre
la nuit, du 3 ou 4 , mais le lendemain elle
capitula et se retira le même jour...
J. Vol. Le
DECEMBRE . 172. 2723
Le Roy de Sardaigne alla à Crémone , où H
coucha le 3 ; il en partit le lendemain pour se
rendre à Cazal- Major , d'où il doit aller à Sabionette
et à Bozolo , pour retourner le 8 aú
Camp devant Pizzighitone , et envoir sortit
la Garnison.
Les Troupes qui sont restées devant cette Pla
ce depuis la signature de la Capitulation , ontcontinué
, suivant ce qui avoit été convenu , à
faire des logemens sur la Contrescarpe ,et à placer
les Batteries , dont l'établissement fut fini le
quatre.
La Tranchée fut montée tous les jours , et relevée
jusqu'à la sortie de la Garnison de la Place.
Le Maréchal Duc de Villars est allé avec le
Roy de Sardaigne à Crémone , d'où il ira visiter
les bords de l'Oglio,
Le Comte de Boissieux , Brigadier , partit le 3 .
de ce mois avec 4 Bataillons et 2 Escadrons
pour s'emparer du Château de Trezzo , de celui
de Lecco , et du Fort de Fuentez.
La Garnison de Pizzighitone en sortit le 9 de
ce mois vers les 9 heures du matin , elle étoit
composée de 2000 hommes , lesquels conformé
ment à la Capitulation , signée le 30 du mois
dernier , se sont retirez à Mantoue avec 4 Canons
2 Mortiers et 4 Chariots couverts . On a
trouvé dans la Place 52 Pieces de Canon, 4 Mortiers
, et une grande quantité de Munitions de
Guerre , et de toute sorte de Provisions. Une
heure avant que la Garnison sortit , k Roy de´
Sardaigne entra dans la Ville . S. Men partit le
lendemain , et elle arriva le 11 à Milan.
و
les Troupes qui étoient devant Pizzighitone
commencerent le 9 à marcher pour s'y rendre.
On y avoit conduit dès le 4 , is Pieces de Ca
I. Volnon
2724 MERCURE DE FRANCE
1
non , et le reste de l'Artillerie y arriva peu après.
Le Marécbal Duc de Villars , après avoir séjourné
que ques jours à Crémone , s'est avancé
vers l'Oglio , et il a visité tous les Postes qui ont
été établis sur cette Riviere , il s'est rendu le 8 à
Sabionette , où il a eu une conférence avec le
Comte de Montemar , Capitaine General des Armées
du Roy d'Espagne , et il a couché le même
jour à Bezzole , d'où il est attendu à Milan .
Le Comte de Boissieux s'est emparé du Château
et de la Ville de Trezzo .
Les avis reçus du Trentin portent que l'Evêque
de Trente avoit fait prendre les Armes à la
Milice du Païs de son obéissance ; que cette Mi
lice étoit commandée par le Comte de wolchenstein
, et qu'elle étoit en marche pour aller joindre
le Corps de Troupes Impériales , que comman
de le General Rost.
LETTRE écrite du Camp de Milan , le
18 Decembre 1733. sur les détails des Siéges
de Pizzighitone et du Château de
Milan.
Voici tout ce que je puis faire , Monsieur, sur
les détails que vous me demandez.
Le 12 Novembre , l'Armée de France et celle
de Piémont , commandée par le Roy de Sardaigne,
arriva à Malet , à 1800 toises de Pizzighitone,
et cette Place fut investie les jours suivans
par 40 Bataillons et jo Escadrons ; on fit
deux Ponts de Batteaux sur l'Adda, pour la communication
de l'Armée.
Pizzighitone est divisé en deux par l'Adda ; la
partie qui est à la droite de cette Riviere , s'ap-
Pelle Gerra-d'Adda , et celle qui est à la gauche
I. Vol
ه ع
DECEMBRE. 1733. 2725
de Pizzighitone , où l'on se communique par un
Pont de Batteaux . La Riviere a 60 toises de lar--
ge de ce côté- là , et 7 à 8 pieds d'eau ; elle est
navigable comine la Seine. Pizzighitone est un
ancien Château où François I. tut d'abord mis
prisonnier , entouré d'un côté de Fossez pleins
d'eau et de l'autre par l'Adda. Cette Place a été
anciennement fortifiée ; et depuis dix ans , l'Empereur
y a fait faire des Bastions , Demi - Lunes ,
Contre - gardes , Chemins couverts , Glacis et
Avant- Fossez le tout entouré d'eau , qui forment
des inondations.
;
La Tranchée fut ouverte devant Pizzighitone,
la nuit du 17 au 18 Novembre , par 2000 Tra-,
vailleurs , soûtenus pars Batail.ons et 12 Compagnies
de Grenadiers qu'on avoit placez venire
terre , audevant des Travailleurs , commandez
par le Marquis d'Asfeld. On fit cette mit 2 Paralleles
, avec les Communications , contenant en
tout 1600 toises de long , qui furent achevez le
18. Les jours suivans on continua les travaux , de
sorte que le 20 au matin on s'approcha entiere
ment de la Place . Il y eut 24 piéces de Canon en
Batterie sur le Plateau des Francisquains , à 250
toises de la place ; et le 22 du même mois , il y
eut par augmentaton 8 Mortiers en batterie et
8 pieces de Canon de 12 livres de balle pour ti❤ .
rer à Ricochet.
Le 24 on s'ouvrit um passage à l'avant - Fossé
et on se logea sur les deux Angles saillans du
Chemin couvert du Bastion de l'attaque. On y
resta le 25 et le 26- ; Je 27 on plaça sur le Chemin
couvert une Batterie de 16 pieces de Canon ,
pour faire bréche aux endroits convenables.
La nuit du 27 au 28 , on passa le Fossé , où il
y avoit 8 pieds d'eau. Comme le Canon faisoit
I, Vol. Son
2725 MERCURE DE FRANCE
son effet et que les Bréches se formoient en plusieurs
endroits , la Garnison qui consistoit en s
Bataillons , faisant 1500 homines d'Infanterie ,
demanda à capituler. On a passé deux jours en
négociation , parce qu'il fallut aller à Mantouë ,
pour sçavoir les intentions du Gouverneur General
du Milanez, qui fut d'avis qu'on capitulât.
On leur accorda 8 jours , et la Garnison në sor .
tit que le 9 Decembre , avec tous les honneurs de
la Guerre ; sçavoir , 6 Chariots couverts , 4 Pieces
de Canon de 12 liv . de balle et 2 Mortiers .
On a trouvé dans la Place beaucoup de Munitions
de bouche , 45 Pieces de Canon , 4 Mor
tiers et 4000 Barils de Poudre.
Le Roy de Sardaigne et le Maréchal Duc de
Villars , se louent beaucoup de Mrs les Ingé
nieurs , de Mrs les Officiers d'Artillerie , et generalement
de toutes les Troupes , Officiers Generaux
, Subalternes et Soldats , qui marquene
tous une ardeur infinie.
M. de la Blottiere a commandé en chef pendant,
ce Siege , les Ingénieurs de France , et ceux
de Savoye , les premiers au nombre de 32 et les
autres de 16. Le Roy de Sardaigne et le Maréchal
Duc de Villars lui firent l'honneur de lui
témoigner beaucoup de satisfaction sur la prompte
reddition de Pizzighitone , dont on a été si
content à la Cour de France, que le Roy la nommé
le 8. de ce mois Brigadier de ses Armées ,
avec des Lettres de service de même darte ; il est
le seul de sa Promotion.
Nous sommes occupez à present à faire le Siege
du Château de Milan , dans lequel il y a environ
2000 hommes d'Infanterie et 150. pieces de
Canon , de l'eau dans les fossez et les Glacis
minez .
I. Vel. La
DECEMBRE . 1733. 2727
La Tranchée fut ouverte la nuit du 15. au 16 .
de ce mois par 2000. Travailleurs. Nous faisons
comme à Pizzighitone , beaucoup de diligence ,
et nous sommes aujourd'hui à huit heures du
matin au pied du Glacis , et à 35. toises de la
Palissade du Chemin couvert.
Nous aurons après demain 36. Pieces de Canon
en batterie et 8. Mortiers. Nous croyons
que ce même jour nous serons en état de faire
travailler les Mineurs pour découvrir les Mines
des Ennemis . Ils pourront travailler six jours et
six nuits , après quoi nous nous logerons sur le
Chemin couvert . Nous y placerons le Canon
nous ferons la descente et le passage du fossé ;
on se logera ensuite sur la Demi - Lune, & c . Toutes
ces Operations pourront nous mener jusqu'aux
premiers jours du mois prochain .
L
ESCADRE D'ESPAGNE.
'Escadre composée de 12. Vaisseaux de guer
re , partit de Barcelone le 29. de Novembre
dernier avec 28. Bâtimens de transport , ayant
été obligée par le vient contraire , de relâcher à
Toulon ; elle mouilla à la Rade le 3. de ce mois
après midi , et elle en partit le 6. pour se rendre
au Golphe de la Specia , où elle joindra 5. Vais
seaux de guerre Espagnols et plusieurs Bâtimens
de transport qui y sont arrivez avec 9. Bataillons .
L'Escadre qui a mouillé à la Rade de Toulon
est commandée par le Comte de Clavijo Les
Troupes qu'on y a embarquées à Barcelone ,
sont , quatre Bataillons des Gardes Espagnoles ,
quatre des Gardes Wallonnes , un du Régiment
Royal Artillerie , et trois autres Bataillons , er
elles sont commandées par le Marquis de Grazia
I. Vol. Real ,
2728 MERCURE DE FRANCE
Real, Lieutenant General des Armées de S. M. C.
et Major des Gardes Wallonnes , par le Marquis
de Lamina , Lieutenant General, et par huit Maréchaux
de Camp.Les 28 Bâtimens de transport
sont chargez de l'Artillerie et d'une grande
quantité de Munitions de guerre.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. .
LF
E 20. de ce mois , 4. Dimanche de
l'Avent , le Roy entendit dans la
Chapelle du Château , la Messe chantée
par la Musique . L'après midy , S. M.
assista à la Prédication du P. Couvrigny,
de la Compagnie de Jesus .
Le 7. du mois dernier , le Prince de
Monico , envoya ses ordres au Chevalier
de Grimaldy , Gouverneur de cette Prin
cipauté , pour y faire déclarer Souverain
M. son Fils Aîné , Honoré de Grimaldy ;
il a eu ensuite l'honneur de le P ésenser
à Versailles le 14. de ce mois à Leurs
Majestez ; et lui ayant donné le nom de
Prince de Monaco , il a repris , avec la
permission du Roy , celui de Duc de
Valentinois , Pair de France , se conservant
en même temps la qualité de Prin
ce Administrateur de Monaco , pendant
la minorité de M. son Fils.
1. Vol. Le
DECEMBRE. 1733. 2729
Le 5. Décembre , les Comédiens Italiens
représenterent à la Cour les Deux
Arlequins , et la Parodie nouvelle d'Hypolite
et Aricie.
Le 1. ils représenterent pour la premiere
fois devant Monseigneur le Dauphin
, une petite Comédie intitulée , le
Tuteur trompé , composée de Scenes détachées
très - comiques , qui divertirent
beaucoup ce Prince .
Le 12. ils joüerent devant la Reine
la Double Inconstance , ct les Paysans de
Qualité. Cette derniere Piece fut suivie
d'un Divertissement dans lequel la
Dlle Roland dansa avec applaudissement.
,
Le 8. Décembre , Fête de la Vierge ,
il y eut Concert Spirituel au Château
des Tuilleries , on y chanta le Motet
Exultate just , de la composition du
sieur Bordier , Maître de Musique de
F'Eglise des Saints Innocents , qui fut
très-bien executé et fort applaudi. La
Dlle Petitpas et le sieur Jeliot , chanterent
un nouveau Motet à deux voix , du
sieur du Bousset , avec beaucoup de précision
; après plusieurs Concerto , executez
par les meilleurs Symphonistes , le Concert
fut terminé par un Motet de M. de
la Lande.
I. Vol.
2730 MERCURE DE FRANCE
Le 24. et le 25. veille et Fête de Noel,
on chanta differens Motets de M. de la
Lande , et un autre nouveau de la com
position de l'Abbé Blanchard , Maître de
Musique de l'Eglise de Besançon , qui
fut très- goûté et fort applaudi par une
très -nombreuse Assemblée. La Dlle Er
remens chanta le Motet Usquequo , de
M. Mouret , avec autant de goût que de
précision , ainsi que la Dlle Petitpas dans
celui de Jubilate du sieur le Maire . On
joua une suite d'Airs des plus beaux Noels
et de Symphonie Pastorales , executée
par les sieurs Charpentier et Danguy ,
sur la Musette et la Vielle ,accompagnez
de toute la Symphonie . Et après deux
Sonates , jouées par les sieurs Blavet et
le Clair , le Concert finit par le Motet
Exultate justi de M. de la Lande .
K
Le 14. Décembre , les Maîtres de Musique
et Musiciens de Paris , firent celebrer
dans l'Eglise des Peres de l'Oratoire
de la ruë S. Honoré , le Service annuel et
solemnel accoûtumé pour leurs Confreres
deffunts dans le courant de cette année ;
il s'y trouva environ 250. Musiciens ,
tous excellens Sujets pour la voix et les
Instrumens , qui executerent dans la
plus grande perfection , plusieurs Mor-
I. Vol.
ceaux
DECEMBR E. 1733. 2731
ceaux de Musique de la composition du
sieur Bordier , Maître de Musique de
l'Eglise des Saints Innocents , qu'il fit
executer lui- même. Il y eut une Assemblée
des plus nombreuses et quantité de
personnes de consideration .
Les Deffunts pour la mémoire desquels
le Service a été fait , sont , les sieurs
BOSSEL , Curé de S. Jean le Rond ; d'ANDRIEU
, Prêtre , Organiste de S. Barthé
lemy ; COUPERIN , Organiste du Roy et
de l'Eglise de S. Gervais ; LISORE' , Organiste
de l'Abbaye de S. Denis , Mo-
REAU DE S. CYR , BOIVIN , LE JEUNE ,
DE LA LANDE , JOSEPH , DE La Motte ,
et EMANUEL OUDART.
RECEPTION de M. le Comte du
Dognon , en la Charge de Lieutenant
de Roy de la Province du Haut- Limousin.
Extrait d'une Lettre écrite de
Limoges le 25. Novembre 1733.
Mah
R. le Comte du Dognon , Colonel
.d'Infanterie , Brigadier des Armées
du Roy , Commandant des Villes et
Châteaux de Brest et dépendances, ayant
été pourvû en l'année 1731. de la Char
ge de Lieutenant General pour S. M.
de la Province du Haut- Limousin , il
L. Vol ... surving
1732 MERCURE DE FRANCE
survint quelques difficultez de la part
des Officiers du Présidial et de la Séne
chaussée de Limoges sur les honneurs
qui lui étoient dûs le jour de son installa
tion ; ces difficultez ont été levées par
une Ordonnance du Roy que j'insere ici
d'autant plus volontiers qu'elle est fort
sommaire et qu'elle pourra servir de Reglement
, s'il arrive jamais de contestations
en pareille maticre..
DE PAR LE Roy, Sa Majesté ayant
ié informée de la contestation qui s'est élevée
entre le Sieur Comte du Dognon et les Officiers
du Préfidial de Limoges , au sujet
&c. Sa Majesté a ordonné et ordonne ee
qui suit.
39
I. Que lorsque ledit Sieur Comte du
» Dognon sera arrivé dans la Ville de
Limoges , il fera sçavoir au Présidial le
» jour qu'il souhaitera être installé , que
» ce jour-là les Maire et Echevins le vien-
» dront prendre en sa maison pour l'ac-
» compagner au Présidial , et le recon-
» duire chez lui après son installation .
» II. Qu'à son passage , en allant et en
>> revenant chez lui , la Milice Bourgeoise
» sera sous les Armes en haye , et fera
» chaque fois une décharge de Mousqueterie
. III. Que le même jour le Prési-
1. Vol.
מ
>> dial
DECEMBRE. 1733- 2733
dialet autresCorps et Compagnies delad.
Ville et des autres de son département,
seront tenus et obligez d'envoyer des
» députez saluer et complimenter ledit
» Sr Comte du Dognon, er qu'ils se serviront
en lui parlant de termes respec-
> tueux. IV . Que dans la Ville de Limoges
>> et autres de son département , en l'ab-,
» sence du Gouverneur et du Lieutenant
» General de la Province , ledit Sieur
» Comte du Dognon aura le rang et la
» préseance au dessus de ceux desdits
» Corps et Compagnies , dans tous les
» endroits où ils se trouveront ensemble,
» même dans les Choeurs des Eglises indistinctement
de la Ville de Limoges ,
» et autres dudit département. V. Que
» les Maire et Echevins desdites Villes en
>> l'absence du Gouverneur et du Lieute-
» nant General , ne pourront faire, pren-
» dre les Armes aux Bourgeois ,sous quel
» que prérexte que ce soit, sans l'ordre du
>> Sieur Comte du Dognon . MANDE et
» ordonne Sa Majesté aux Officiers du
» Présidial &c . de faire enregistrer la
» presente Ordonnance &c. Fait à Versailles
le 30 May 1733. Signé Louis ,
» et plus bas Phelippeaux.
Les choses ainsi reglées , et le Jeudi
12 Novembre dernier ayant été pris
I. Vol.
I pour
2734 MERCURE DE FRANCE
pour cette Cérémonie , les Consuls de
Limoges vinrent la veille sçavoir les
Ordres de M. le Comte du Dognon , et
elle fut annoncée par une d charge des
Canons de la Ville , apportez dans la
grande Place audevant de sa Maison . A
L'entrée de la nuit on alluma uu grand
Bucher au milieu de cette Place , et on
vit des illuminations aux fenêtres, des
maisons qui durerent toute la nuit.
Le lendemain les Consuls, en habits de »
Cérémonie , accompagnez des Officiers
de Ville , vinrent avec leurs Gardes prendre
le Comte du Dognon dans sa maison ,
pour l'accompagner au Palais. Il étoit
précédé dans sa marche de tous les Officiers
militaires , des Gentilshommes et
autres personnes distinguées qui se trouverent
dans la Ville , après lesquelles
suivoit une Symphonie de violons et
d'autres instruments. Le Comte du
Dognon étoit précédé immédiatement
de ses Gardes , et avoit à ses côtez
les Consuls de la Ville. Cependant
toute la Bourgeoisie étoit sous les Armes
formant une double haye sur son passage,
les Tambours battants.
Il trouva dans la Salle d'Audiance ',
extraordinairement ornée un grand
nombre de Dames de la Ville et des en-
-L.Fol-
>
virons
DECEMBRE . 1733. 2735:
virons placées pour voir la Cérémonie
qu'il salua , la séance se tint en cet otdre.
Le Lieutenant General de la Séné
chaussée Président , ayant à sa droite.
tous les Officiers de cette Jurisdiction
et à sa gauche les députez du Chapitre
de la Cathedrale , de la Collegiale et de
l'Election. Au milieu du Parquet étoit
placé M. le Comte du Dognon assis dans
un grand Fauteuil , ayant à sa droite et:
à sa gauche les Consuls de Limoges , et
ies principaux Officiers de Ville , sur des
siéges ordinaires .
Le premier Huissier ayant fait son apel,
le Sieur de Voyon , Avocat, prononça un ,
fort beau Discours sur le sujet de la Séance
, s'étendant sur les Services militaires
du nouveau Lieutenant de Roy ; il re-.
marqua surtout l'intrépidité avec laquel
le il deffendit en 1708. le fameux Tenaillou
de l'Ille pendant l'espace de 37 jours,
ce qui lui attira des Eloges de nos Generaux
et des Generaux ennemis , et lui me-.
rita l'honneur d'être presenté au feu Roy,
dont il reçû des marques d'estime et de
bonté.
Ce Discours fût suivi de celui de M.
Muret, Avocat du Roy , qui parla avec
beaucoup d'éloquence et de dignité sur
le même sujet. Après quoi le Président
1. Vol.
$ I ij ayant
2736 MERCURE DE FRANCE
ayant pris les voix , prononça l'enregistre
ment des Lettres et de l'Acte d'installation
.
Le Comte du Dognon s'étant levé et
ayant salué la compagnie , il reprit sa
marche dans le même ordre au bruit de
la Mousqueterie & des Tambours , jettant
, comme il avoit fait en allant , des
piéces d'argent au peuple , qui fût encore
régalé de plusieurs Barriques de vin ,
coulant audevant de sa Maison . Il retint
à diner un grand nombre des personnes
qui l'avoient accompagné au Palais.
L'après diner se passa à recevoir les
députations et les compliments de tous
les Corps de la Ville , ausquels il répon
dit avec beaucoup d'esprit et de politesse.
Le soir il donna un grand et magnifique
soupé aux Consuls , à tous les députez des
Compagnies , au Colonel, aux Capitaines
, et à tous les Officiers dé la Bourgeoisie.
Il y avoit quatre Tables de 18
couverts chacune. Tout s'y passa dans un
grand ordre avec le plaisir d'entendre une
agréable Symphonie, et au bruit des Canons
qui tiroient sur la Place par intervalles.
Enfin chacun se retira charmé des
honneurs qu'il avoit rendus ou reçûs, à la
clarté des feux de joye , et des illumi
pations qui durerent toute la nuit,
J.Fal BE
DECEMBRE. 1733. 2737
BENEFICES ACCORDEZ
par le Roy le 13. Décembre 1733 .
L'Abbaye Commandataire de S. Sever , vacante
par le décès de M. la Grange , en fa
veur de M. de Chamillart.
Celle de Bonneval , vacante par le décès de
M. de Tressan , Archevêque de Rouen , en faveur
de M. de Jumillac , Prêtre et Grand-Vicaire
de Chartres.
Celle de l'Espau , vacante par le décès de M. de
Tressan , Archevêque de Rouen , en faveur de
M. du Hardaż d'Hauteville , Bachelier en Théologie.
Celle de Fontmorigny , vacante par le décès
de M. de Viantais , en faveur de M. Bernard
Couet , Prêtre et Vicaire General de Paris .
Celle de la Chapelle aux Planchers , vacante par
le décès de M. de Viantais , en faveur de M. Fusée
de Voisenon , Prêtre et Doyen de la Cathédrale
de Boulogne.
Celle d'Echalis , vacante par le décès de M. de
Courtenay , en faveur de M. de S. Julien de
S. Pierre.
Celle de S. Pierre d'Auxerre , vacante par le
décès de M. de Courtenay , en faveur de M. de
Ja Chabrerie , Prêtre et Chanoine de Perigueux.
Celle de Dalon , vacante par le décès de M. de
Vignau , en faveur de M. Certain , Prêtre ,
teur de Sorbonne.
Celle de Turpenay , vacante par le décès de
M. de Vignau , en faveur de-M. de Vienay.
en
Celle de la Clarté-Dieu , Ordre de Citeaux .
vacante par le décès de M. de la Hartelloire ,
faveur de M. de Giry de S. Cyr , Prêtre, Vicaire
General de Tours
I. Vol. I iij Celle
2738 MERCURE DE FRANCE
Celle du Jard , vacante par le décès du M. de
Longueruë , en faveur de M. Chaumont de la
Galezieres :
? Celle de Sept- Fontaines vacante par le décès
de M. de Longuerue , en faveur de M. du Resnel.
Celle de Simorre , vacante par le décès de
M. du Puget , en faveur de M. Xavier-Joseph du
Puget.
Celle de Sauve- Majeur , vacante par le décès
de M. Charpin de S. Romans , en faveur de
M. Charpin de Fougerolles , à la charge des
pensions créées sur ladite Abbaye.
Celle d'Essommes , vacanté par le décès de
M. Néel , en faveur de M. Néel , prêtre , Conseiller
au Parlement de Rouen.
Celle de Silly , vacante par la démission pure
et simple de M. Néel , en faveur de M. du Barail .
Celle de la Honce , vacante par la démission
pure et simple de M. de la Vieuville , Evêque de
Bayonne , en faveur de M. Dartaguierte , Prêtre
Vicaire General de Bayonne.
Celle de la Frenade , vacante par la démission
pure et simple de M. Savalerie , en faveur de
M. de Grossoles.
Celle de S. André de Vienne , vacante par le
décès dé M Sicault , Evêque de Sinope , en faveur
de M. Vayre.
Celle de Donlieu , vacante par le décès de
M. Sicault , Evêque de Sinope , en faveur de
M. de la Rocheaymon .
Celle de Landais , vacante par le décès de
M. Herault , en faveur de M. Jacquemet Gautier
, Prêtre et Grand- Vicaire de Bourges ; à la
charge d'ane pension annuelle et viagere de deux
mille livres , en faveur de M. Jean Paignon ,
Chanoine de S. Marcel à Paris.
I. Vol Le
DECEMBRE. 1733 2739
Le Prieuré Commandataire , Conventuel et
Electif de S. Just vacant par le décès de M, de
Gamaches , en faveur de M. Louis Français de
Mornay , ancien Evêque de Quebec.
L'Abbaye de Vernaison à Valence , vacante par
le décès de la Dame de Bayanne , en faveur de
Madame de Langon.
Le Prieuré Conventuel et Electif de Vausse ,
vacant par la démission de M. Petitbenoist , en
faveur de M. Hyacinte Petitbenoist .
Le Prieuré Conventuel et Electif de Prevessin ,
vacant par le décès de M. le Grand , en faveur
de M. de Carrion.
$
LETTRE DU ROY , écrite à
M. l'Archevêque de Paris , pour faire
chanter le Te Deum , en actions de
graces des benedictions que Dieu a répandues
sur les Entreprises du Roy.
"
་
Mo
ON COUSIN , l'Europe est informée
des justes motifs qui m'ont forcé à prendre les
Armes; je retrouve dans mes Sujets. cette même are
deur que leur ont inspiré dans tous les temps la gloire
de cette Couronne et l'interét de l'Etat ; mais com
me c'est au Dieu des Armées que je dois le succès
heureux qu'il a bien voulu accorder à la droiture et
au desinteressement de mes intentions ; comblé de
ses bienfaits , et mettant toute ma confiance en son
bras tout puissant , je desire que tous mes Sujets
s'unissent avec moi pour lui rendre les Actions de
graces qui lui sont duës , et implorer la continuation
de sa divine protection ; e'est dans cette vûë que je
vous écris cette Lettre pour vous dire que mon intention
est que vous fassiez chanter le Te Deum.
I. Vol. I 1 ) dans
2740 MERCURE DE FRANCE
dans votre Eglise Métropolitaine et autres de votre
Diocèse avec les solemnitez requises , et que vous
invitiez tous ceux qu'il conviendra d'y assister . Sur
ceje prie Dieu qu'il vous ait , mon Cousin , en sa
sainte et digne garde. Ecrite à Versailles le 21. Décembre
1733. Signé , LOUIS , et plus bas ,
PHELY PEAUX.
Et au dos est écrit : A mon Cousin l'Archevêque
de Paris, Pair de France , Commandeur de
mes Ordres .
Le lendemain M. l'Archevêque donna sur ce
sujet un Mandement dont voici la teneur .
CH
HARLES- Gaspard- Guillaume de Vintimille
des Comtes de Marseille du Luc ,
par la misericorde Divine et par la grace du Saint
Siege Apostolique, Archevêque de Paris , Duc de
S. Cloud , Pair de France , Commandeur de l'Ordre
du S. Esprit , &c. Aux Archiprêtrrs de Sainte
Marie- Magdelaine et de S.Severin , et aux Doyens
Ruraux de notre Diocèse , Salut et benediction.
Le Roy convaincu , mes très - chers Freres , que
c'est à Dieu seul qu'il doit rapporter les avantages
et les prosperitez de son Regne , veut que nous rendions
de solemnelles actions de graces des évenemens
glorieux arrivez dans le cours de cette année et de
la benediction que le Seigneur a répanduë sur les
Armes de S. M. et sur celles de ses Alliez ,
Ces prémices heureuses nous font esperer que celui
par qui les Rois regnent , continuera de faire
éclater se protection sur ce grand Royaume , et de
manifester de plus en plus par des succès la justice
d'uneguerre que notre anguste Monarque n'a point
entreprise par le dessein ambitieux de faire des conquêtes
, mais par le seul motif de soutenir la dignité
de sa Couronne et la liberté d'une République
qui luifut toujours chere.
DECEMBRE. 1733. 2740
En marquant au Seigneur votre reconnoissance
pour les bienfaits signalez dont sa divine bonté.
nous a favorisez , demandez -lui avec ardeur qu'il
conserve long-temps un Prince né pour le bonheur
de ses Sujets , dont les intentions sont si pures ; et
qu'après l'avoir comblé de gloire pendant le cours de
la Guerre , il lui fasse goûter et à ses Peuples , les
fruits d'une Paix solide et durable , qui fait tout
P'objet des veux de S. M.
A ces causes , après en avoir conferé avec nos venerables
Freres les Doyen , Chanoines et Chapitre
de notre Eglise Métropolitaine nous ordonnons
que demain Mercredi 23. du présent mois , le Te
Deum sera chanté dans notredite Eglise Métropo
litaine . en actions de graces des Benedictions que,
Dieu a répandues sur les Entreprises du Roy ; Dimanche
27. du courant , dans toutes les Abbayes ,
Chapitres , Paroisses et Convens , exempts et non
exempts dela Ville et Fauxbourgs , et dans toutes les
autres Eglises de notre Diocèse le Dimanche après ,
la reception du présent Mandement. Si mandors ...
aux Archipretres de sainte Marie-Magdelaine et
S. Severin de notifier notre present Mandement à¸
tous Abbez , Prieurs , Curez , Superieurs et Sip?-
rieures de la Ville et desdits Fauxbourgs , et eux2
Doyens Ruraux de l'envoyer aux Curez de la
Campagne , Supérieurs et Superieures des Commu-..
nautez exemptes et non exemptes , à ce qu'ils n'er
ignorent , et qu'ils l'observent et fassent observer,
les personnes qui leur sont scumises . Donné à
Paris en notre Paluis Archiepiscopal le 22. de
Décembre 1733. Signé CHARLES , Arche
vêque de Paris , &c.
par
graces solem
En conséquence de la Lettre du Roy , pou
faire rendre à Dieu des actions de
pelles de Benedictions qu'il a répandues le
I. Vol. Lore
2742 MERCURE
DE FRANCE
1
Entreprises de S. M. et des heureux succès de seg
Armes , on chanta à Paris , le 23 , après midy
dans l'Eglise Métropolitaine , le Te Deum , auquel
M. P'Archevêque officia Pontificalement.
Le Chancelier de France et le Garde des Sceaux ,
accompagnez de plusieurs Conseillers d'Etat et
Maîtres des Requêtes , y assisterent , ainsi que le
Parlement , la Chambre des Comptes , la Cour
des Aydes et le Corps de Ville , qui y avoient été
invitez de la part du Roy , par le Marquis de
Brézé , Grand- Maître des Ceremonies.
Le 23 Décembre , le Cardinal de Bissy , Abbé
de S. Germain des Prez , donna aussi un Mandement
, qui contenoit ce qui suit :
HENRY DE THIARD DE BISSY ,
par la grace de Dieu , et du Saint Siége Apostolique,
Cardinal dela sainte Eglise Romaine, du Titre
de S. Bernard , Evêque de Meaux , Comman-
Yeur de l'Ordre du S. Esprit , Abbé Commandataire
de l'Abbaye Royale de S. Germain des Prez :
A tous ceux qui sont soumis à notre Jurisdiction :
SALUT ET BENEDICTION : Toute l'Europe est téshoin
des mesures pacifiques que Sa Majesté Tres-
Chrêtienne a prises pour maintenir la tranquillité
•publique , pour ôtor tout prétexte de jalousie aux
Princes ses Voisins , et pour procurer un juste équili
bre dans les Etats. Dieu qui connoît la droiture du
soeur de notre pieux Monarque , a beni ses entreprises.
Dès que ses Drapeaux ont paru dans les Pais
Ennemis , la Victoire a suivi leur arrivée. Les
Canquêtes déja faites nous sont un présage beuneux
de celles qui par la protection de Dieu , suirent
de près. Ne differons donc pas d'en rendre nos
tres-humbles actions de graces à la Majesté Divi-
I. Vol.
DECEMBRE . 1733 743
-
se. Réunissons nos coeurs et nos esprits pour implorer
son secours tout puissant . A ces causes , Nous
ordonnons que Samedi , 26 du présent mois , à l'is- "
sue des Vepres , le Te Deum sera chanté dans notre
Eglise Abba iale , en actions de graces des Bénédictions
que Dieu a répandues sur les entreprises
du Roy. Donné à Paris , en notre Palais Abbatial
, le 23 Decembro 1733. Signé , HENRY ,
Cardinal de Bissy.
Le Samedi 26 , seconde fête de Noël , en conséquence
de ce Mandement , on chanta dans l’Eglise
de l'Abbaye S. Germain le Te Deum , avec
beaucoup de solemnité, suivi du Pseaume Exaudiat
, et des autres Prieres accoutumées. Les Of
ficiers de la Justice de l'Abbaye , et plusieurs Personnes
distinguées assisterent à cette Cérémonie,
pendant laquelle on fit plusieurs décharges de
Coulevrines, et de Boëtes ; placées dans les Cours
et dans les Jardins. Le soir il y eut des Feux et
des Illuminations , tant dans la Cour et les Bâ-'
timens du Palais Abbatial , que dans la Cour et
dans l'Enclos extérieur du Monastere.
Le 23. pendant la Messe du Roy , on chanta
dans la Chapelle du Château de Versailles , le Te
Deum , pour remercier Dieu des heureux succès
des Armes de S. M.
DM
MORTS ET MARIAGES.
ME Marie - Magdelaine Prevôt , épouse de
M. Silva , Docteur Régent de la Faculté
de Médecine de Paris , Medecin Consultant du
-
I. Vol.
I vj Roy
2744 MERCURE DE FRANCE
Roy , et Medecin Consultant du Duc de Bout
bon , mourut à Paris le 2 du mois dernier , âgée
d'environ 45 ans.
Jean-Jacques Damas , Comte du Breuil , Lientenant
General des Armées du Roy, Gouverneur
de, Maubeuge , mourut à Mâcon le 7 Novembre
dernier , dans un âge tres avancé. Il étoit troi
siéme fils de Jean Damas, Comte du Breuil,Marquis
d'Antigny , Gouverneur de la Principauté
de Dombes, et de Claudine. Alexandrine de Vienne,
Il avoit quitté depuis quelques années la
Croix de Malte. Il fut fait Brigadier au mois de
Février 1704. Maréchal de Camp en Février 1711.
et Lieutenant General le 30 Mars 1710. Enfin
Gouverneur de Maubeuge , à la mort et en la
place de Louis Anne- Marie Damas , Comte de
Ruffey , son frere , Lieutenant General des Armées
du Roy , Premier Sous - Lieutenant de la
premiere Compagnie des Mousquetaires et Sous-
Gouverneur de la Personne du Roy. La Maison
de Damas est une des plus anciennes et des plus
illustres du Royaume. La Genealogie en est rap-1
portée dans l'Histoire des Grands Officiers de la
Couronne . Nouv. Edit. tom. 8. page 317. Damas
, Porte d'or , à la Croix ancrée de Gueule.
Pierre-Joseph Faure , Maître ordinaire en la
Chambre des Comptes de Paris , mourut le 16
Novembre , dans son Château de Boissette , près -
de Melun , âgé d'environ 74 ans laissant d'Anne
Fautrier , son Epouse , une Fille unique.
D. Anne- Eléonore de Béthune d'Orval , Reli➡-
giuse Professe de l'Abbaye de Réaulieu , Ordre
de S. Benoît , Diocèse de Soissons , er Abbesse
de celle de N. D. du Val de Gif , du même Or~
dre , Diocèse de Paris , depuis le 15 Août 1686 .
mourut en ce Monastere le 28 Novembre , âgée.
de
DECEMBR E. 1733. 2745
de 78 ans ; elle étoit Fille de François de Bethune
, Duc d'Orval , Pair de France, Chevalier des
Ordres du Roy , Lieutenant General de ses Armées
, et du Pais Chatttain , Premier Ecuyer de
la Reine Anne d'Autriche
, et de D. Aune de
Harville de Palaiseau . Par cette mort , la Dame
de Ségur devient titulaire de l'Abbaye de Gif,
dont elle fût nommée Coadjutrice
par le Roy ,
le 2 Mars 1719 .
I
Nicolas Emanuel de Villers , ancien Conseiller
au Parlement , mourut le r Decembre, fort âgé.
Alexandre Baillot , President , Tresorier de
France au Bureau des Finances, et Gran - Voyer
en la Generalité de Paris , mourut le 4 Decembre
, dans la 48 année de son âge.
D. Marie- Elizabeth- Claude - Petronille Bouchu
, épouse de René Mans de Froulay , Comte
de Tessé , &c. Grand d'Espagne , Chevalier des
Ordres du Roy , Lieutenant General de ses Armées
, et au Gouvernement des Pays du Maine,
Perche et Laval , Premier Ecuyer de la Reine ,
mourut le 9 Decembre,âgée de 48 ans. Elle étoit :
Fille de Jean- Etienne de Bouchu , Conseiller d'Etat
ordinaire , et de D. Elizabeth Rouillé des
Meslay.
Nicolas de Fresnoy , Marquis de Fresnoy ,
mourut à Paris , le Decembre , âgé de 74
ans , il avoit été dans sa jeunesse Chevalier de
l'Ordre de S. Jean de Jerusalem , et Abbé de
S. Taurin d'Evreux , Ordre de S. Benoît . Són
frere aîné étant mort sans alliance , il quitra la
Croix de Malte , et remit son Abbaye en 1685% ]
Ilentra depuis dans le Service , et fut successivement
Guidon en 1691. et Enseigne en 1693 de
la Compagnie des Gendarmes d'Anjou . Il se retira
du Service en 1699. et épousa Louise- Ale➡ › ,
I. Vola
1746 MERCURE DE FRANCE
xandrine de Coligny, fille de Jean Comte de Coligny
, &c. Gouverneur d'Autun , et Grand Bailly
de Charolois, Lieutenant General des Armées
du Roy , et d'Anne- Nicole Cauchon de Maupas.
Il a laissé de ce mariage Marie, Marquis de Fresnoy
, né en 1701. leque, a épousé en 1730 Charlotte
Rivié , dont il a un fils .
·
Jean du Chastelet , Seigneur de Fresnieres ,
Conseiller au Grand Conseil, mourut le 15 Decembre
, âgé d'environ 72 ans. Sa famille noble
d'extraction est originaire de Picardie. Il avoit
épousé en 1689, Susanne - Geneviève Talon , fille
unique de Jean Jacques Talon , Seigneur de
S. Val , Contrôleur General des Décimes en
Champagne , et de Genevieve Brussel ; il en a
laissé Alexandre Gaston , appellé le Comte du
Chastelet , cy-devant Ecuyer du Roy , et Alexis-
Jean du Chastelet , appellé le Marquis de Fres
njeres , Ecuyer du Roy , depuis la démission de
son frere.
Le 22 Decembre , Paul Emile , Marquis de
Braque , Chevalier Seigneur du Luat , a épousé
Dlle Elizabeth Lorimier , fille d'Antoine- Charles
Lorimier , Ecuyer , Conseiller Secretaire du
Roy , Maison , Couronne de France et de ses
Finances , et de Dame Marie - Louise Boucher.
昌高
ARRESTS NOTABLE S.
O R
RDONNANCE DU ROY , du premier
Août , concernant le Commandement
et le Service des Places , par laquelle il est die
que S. M. étant informée des differens usages
I. Vol. 1-
DECEMBRE. 1733. 2747
introduits dans les Places de guerre , tant sur le
Commandement , que sur le service ; et jugeant
nécessaire d'établir sur cette matiere une regle
fixe et uniforme , afin que les Officiers de ses
Troupes en étant instruits , sçachent en quelque
Place qu'ils se trouvent , quels sont les devoirs
qu'ils doivent y remplir ; S. M. après avoir fait
rassembler toutes les dispositions répandues dans
Les anciennes Ordonnances , sur les differens détails
relatifs au Commandement et au Service des
Places , et après avoir pris l'avis de plusieurs Of
ficiers Generaux de ses Troupes, et des Commandans
de Places , les plus experimentez , a ordonné
et ordonne que les 120. Articles contenus dans
ladite Ordonnance , soient executez nonobstant
toutes dispositions portées au contraire dans les
Ordonnances précedentes , ausquelles 5. M.
dérogé et déroge à cet égard seulement .
ARREST du 4. Août , qui maintient le
sieur Phelypeaux , en qualité d'Engagiste de Sa
Majesté , du Comte de Montlhery , dans le droit
de péage par terre dépendant dudit Comté , pour
en jour et percevoir les droits de Montihery et
non ailleurs ; et fixe la quotité desdits droits .
ORDONNANCE DU ROY du 25. Août ,
Concernant les Engagemens limitez des Soldats
Cavaliers et Dragons , par laquelle S M. orionne
que les 8. Articles contenus en ladite Ordonnan
de , seront executez selon leur forme et teneur
ARREST du 25. Août qui maintient les
Religieux et Convent de l'Abbaye de S Denis
en France , dans la possession du droit de Bac
sur la Riviere de Seine au Port d'Asnieres , eg
en fixe la quotité.
AUTRE du 15. Septembre , qui ordonne
I. Val qu'il
2748 MERCURE DE FRANCE
qu'il sera procedé par Messieurs les Intendang
des Provinces et Generalitez du Royaume ,
l'adjudication de la fourniture de l'Estape aux
Troupes de S M. pour l'année 1734.
DECLARATION DU ROY , du 22. Septembre
, registrées au Parlement le 14. Octobre
, concernant les Billets ou Promesses.causez
pour valeur en argent,par laquelle S. M. ordonne
que tous Billets sous signature privée , au Porteur,
à ordre ou autrement, causez pour valeur ea
argent, autres neanmoins que ceux qui seront faits
par des Banquiers , Négocians, Marchands, Manufacturiers,
Artisans, Fermiers, Laboureurs , Vignerons
, Manouvriers et autres de pareille qualité ,
seront de nul effet et valeur , si le corps du Biller
- n'est écrit de la main de celui qui l'aura signé ,
ou du moins si la somme portée audit Eillet n'est
reconnue par une approbation écrite en toutes
lettres aussi de sa main ; faute de quoi le payement
n'en pourra être ordonné en Justice; voulant
néanmoins que celui qui refusera de payer le contenu
ausdits Billets ou Promesses, soit tenu d'affirmer
qu'il n'en a point reçû la valeur ; et à l'égard
de ses heritiers ou représentans , ils seront seule
ment tenus d'affirmer qu'ils n'ont aucune connoissance
que lesdits Billets ou Promesses soient
dûs. Ordonnons pareillement que tous les Billets
ou Promesses sous simple signature privée fairs
enterieurement à la date des Présentés , par autres
que ceux de la profession ou qualité cy - dessus
marquées , et qui ne seront pas conformes à
la présente disposition , soient renouvellez dans
l'espace de deux ans , ou que pour les faire valider
, la demande à fin de renouvellement ou de
payement en soit faite dans le même délai , à
défaut dequoi er ledit tems passé, lesdits Billets ou
omesses seront et demeureront nuls et de mul
I. Vol.
effet,
DECEMBRE. 1733 2749
effet : deffendons à tous Juges d'en ordonner le
payement , à la charge pareillement de l'affirmation
, suivant et ainsi qu'elle est cy - devant prescrite
et ordonuée, soit par celui qui aura signé
lesdits Billets , soit par ses heritiers ou représen
tans après sa mort.
DECLARATION DU ROY , pour la levée
du Dixiéme lu revenu des biens du Royaume .
Donnée à Fontainebleau le 17 Novembre 1733.
Registrée au Parlement le 22 Décembre , par
laquelle S. M. ordonne ce qui fuit.
ARTICLE PREMIER , Ordonnons que tous
proprietaires , nobles ou roturiers , privilegiez
ou non privilegiez , même les apanagistes ou
engagistes , payeront le Dixiéme du revenu de
tous les fonds , terres , prez , bois , vignes , marais
, pacages , usages , estangs , rivieres , moulins
, forges , fourneaux , et autres usines , cens,
gentes , dixmes , champarts , droits seigneuriaux,
peages , passages , droits de ponts , bacs & rivieres
, et generalement pour tous autres droits
et biens , de quelque nature qu'ils soient , tenus
à rentes , affermez ou non affermez.
" II. Comme aussi le Dixiéme du revenu des
maisons de toutes les villes et fauxbourgs du
Royaume , louées ou non loüées ; ensemble
celles de la campagne , qui étant louées , procurent
un revenu aux proprietaires , mêmepour les
parcs et enclos desdites maisons étant en valeur.
III. Le Dixiéme du revenu de toutes les charges
, emplois et commissions , soit d'épée , soit
de robe , des maisons Royales , villes , police .
ou de finance , compris leurs appointemens , ga
ges , remises , taxations et droits y attribuez , de
quelque nature qu'ils soient , continuëra d'être
perçu sur tous ceux sur qui on le perçoit actuellement
; et sera pareillement levé sur ceux sur
J. Vel.
qui
2750 MERCURE DE FRANCE
qui on auroit oublié de le percevoir, ou qui en au.
roient été exemptez ; dérogeant à cet effet à tous
Edits Declarations et Arrêts , en vertu desquels
l'exemption du Dixiéme pourroit être prétendue.
IV. Et pareillement le Dixiéme de toutes les
Rentes sur le Clergé , sur les villes , provinces
pays d'Etat , et autres à l'exception des Rentes
perpetuelles et viageres sur l'Hôtel de ville de
Paris , et sur les Tailles , des Quittances de fimance
portant intêret à deux pour cent , employées
dans nos Etits , ensemble des gages réduits
au denier cinquante .
V. Seront sujets à la levée du Dixiéme , toutes
les Rentes à constitution, sur particuliers ,
rentes viageres , douaires et pensions , créées et
établies par contrats , jugemens , obligations on
autres actes portant int rets : comme aussi tous
les droits , revenus et émolumens , de quelque
nature qu'ils soient attribuez tant à nos Officiers,
qu'autres particuliers , Corps ou Communautez,
soit qu'ils leur ayent été aliénez , ou réunis ; er
pareillement les octrois et revenus patrimoniaux,
communaux et autres biens et héritages des
villes , bourgs , villages , hameaux et communautez
, même les droits de messageries , carrosses
& coches , tant par terre que par eau , et ge
neralement tous les autres biens de quelque nature
qu'ilssoient , qui produisent un revenu .
le
VI. Mais attendu que les proprietaires des
fonds et heritages , maisons et offices qui doivent
des rentes à constitution , rentes viageres ,
douaires , pensions ou interêts , payeront
Dixieme de la totalité du revenu des fonds sur
lesquels les rentiers pensionnaires et autres
créanciers , ont à exercer , ou pourroient exercer
leurs hypotheques ; voulons que le Dixieme
du par lesdits sentiers , pensionnaires ou autres
I. Vol. créan
DECEMBR E. 1733. 2751
eréanciers , soit à la décharge desdits proprietaires
des fonds ; et qu'à cet effet ledit Dixiéme
soit par eux retenu lorsqu'ils feront le payement
des arrerages desdites rentes , pensions et interêts,
en justifiant par eux de la quittance du pay ement
du Dixiéme des revenus de leurs fonds .
VII. Et comme pareillement les particuliers ,
officiers , corps et communautéz , même les
communautez des villes , bourgs , villages et hameaux,
qui jouissent de droits , revenus & émo-
Jumens , de quelque nature qu'ils soient , droits
d'octrois , revenus patrimoniaux , communaux
et autres biens et héritages , droits de messageries
, carrosses , coches et autres , payeront le
Dixieme de la totalité du revenu de tous lesdits
droits , émolumens , octrois et autres biens , lesquels
peuvent être chargez du payement de rentes
, penfions , droits , taxations, émolumens ou
interes à quelque titre que ce soit voulons que
1e Dixième du par ceux qui jouissent desdites
rentes pensions, droits, taxations , émolumens
ou interêts , soit à la décharge desdits particu
liers , officiers , corps & communautez , et des
corps et communautez des villes , bourgs , vil
lages et hameaux , et qu'à cet effet le Dixiéme
soit par eux retenu , lorsqu'ils feront le payement
desdites rentes , pensions , droits , taxations
, émolumens ou interêts , en justifiant par
enx de la quittance du payement du Dixime de
leursdits revenus.
VIII. Comme dans tous les fonds sur lesquels
nous ordonnons la levée du Dixieme , ne sont
point compris les biens des particuliers commerçant
, et autres dont la profession est de faire
valoir leur argent , et qu'il est juste toutsefois
qu'ils contribuent à proportion de leurs revenus
et profits , pendant la presente guerre , ordon-
I. Vol.
none
2752 MERCURE DE FRANCE
"
nons que chacun d'eux y contribuëra , sur le
pied du Dixiéme des revenus et profits que leur
bien peut leur produire.
IX. Voulons le Dixiéme du revenu des
que
biens , ordonné être levé par nôtre presente Declaration
, soit payé suivant les rolles qui en
feront arrêtez en notre Conseil fçavoir , pour
les trois derniers mois de la presente année 1733.
quinze jours après la signification desdits rolles;
et pour chacune des années suivantes , en quatre
termes égaux , dans les mois de Janvier , Avril ,
Juillet et Octobre par preférence à tous créan
ciers , douaires et autres dettes privilegiées ou
hypothequaires ,de quelque nature qu'elles soient,
même à nos autres deniers; et que les redevables,
leurs fermiers , locataires ou autres débiteurs ,
y soient contraints par les voyes ordinaires et
accoûtumées.
X. Deffendons à tous fermiers , locataires receveurs
, oeconomes , procureurs , regisseurs ,
commissaires aux saisies réelles , tresoriers , receveurs
, commis aux recettes , dépofitaires , débiteurs
, et tous autres tenant ou exploitant des
biens de quelque nature que ce soit , dont le revenu
est sujet à la levée du Dixiéme , de vuider
leurs mains de ce qu'ils doivent ou devront cyaprès
qu'en justifiant préalablement par les
proprietaires , avoir payé le quartier courant ,
et les précedens , du Dixiéme du revenu que les.
dits fermiers , locataires et autres , chacun à
leur égard , auront à payer ausdits proprietaires;
si mieux n'aiment lesdits proprietaires consentir
que leurs fermiers , locataires et autres , seront
tenus de faire dans les termes ci- dessus
prescrits , à peine d'y être contraints , nonobstant
toutes saisies , arrêts , cessions , transports
et délegations quoiqu'acceptées , même nonob-
I.Vol. stant
1
DECEMBRE. 1713. 2713
stant les payemens d'avance qui pourroient avoir
été par eux faits , et en rapportant per le saits
Fermiers , Locataires et autres , les quittances de
ce qu'ils auront payé pour le Dixiéme en l'acquit
desdits Proprietaires , ils en demeureront dautant
quittes et déchargez envers lesdits Proprietaires
ou autres ayant leurs droits , qui seront tenus
d'allouer et passer lesdites quittances du D.xiéme
dans les comptes desdits Fermiers , Locataires et
autres qui en auront fait le payement.
XI. Et pour pouvoir fixer avec égalité, ce qui
doit être payé pour le Dixieme du revenu des
biens qui y sont sujets , ordonnons que les proprietaires
desdits biens fourniront dans quinzaine
, du jour de la publication des Presentes ,
les déclarations de leurs biens à ceux qui seront
préposez à cet effet , et en la forme qui leur sera
prescrite en exécution de nos Ordres : Sçavoir .
pour ceux de notre bonne Ville de Paris , par le
Prevôt des Marchands de ladite Ville ; et pour
ceux des Provinces , par les Intendans et Com →
missaires départis dans lesdites Provinces : Et
faute par lesdits Proprietaires de fournir leurs
déclarations dans le temps prescrit cy dessus ,
voulons qu'ils soient tenus de payer le double
du Dixiéme de leurs revenus, et le quadruple, en
cas de fausse déclaration .
XII. Ordonnons que le recouvrement des de
niers provenant dudit Dixiéme des revenus, sera
fait par les Receveurs des Tailles , dans les Païs
d'Elections ; et dans les Païs d'Etats ; par les Re.
ceveurs et Trésoriers ordinaires des Revenus de
la Province , lesquels en remettront le fonds aux
Receveurs et Trésoriers Generaux, pour être par
eux porté en notre Trésor- Royal.Duquel Dixié
me lesdits Receveurs et Trésoriers , tant Parti
culiers que Generaux , compteront en la même
Le Val
forms
2754 MERCURE DE FRANCE
forme et maniere ordonnées par nos Déclarations
pour le recouvrement de la Capitation. Et
à l'égard du D xiée du revenu desCharges, Emplois
et Commissions, Gages , Pensions et autres
revenus , sujets à la levée du Dixieme , qui se
payent par les Gardes de notre Trésor Royal ,
les Tresoriers de notre Maison , ceux des Maisóns
Royales , les Trésoriers de l'Ordinaire et
de l'Extraordinaire des Guerres , de l'Artillerie ,
de la Marine , des Galeres et autres Trésoriers ;
les Payeurs des Gages , nos Fermiers , Receveurs
Generaux et autres particuliers , et ceux des Pais
d'Etats , et tous autres comptables , ils continueront
d'en compter tant en notre Conseil ,
qu'en notre Chambre des Comptes et par tout
ailleurs qu'il appartiendra , conformément à notre
Déclaration du 27 Decembre 1710 .
Le second Volume du Mercure de ce mois , contenant
les Pieces qui n'ont pù trouver place dans le
cours de l'année , et la Table Generale, est actuellement
sous presse , et paroîtra incessamment.
TABLEP
IECES FUCITIVES , L'Homme , Ode , 2543
Discours Académ.que , &c . 2549
2557: Lettre de M. P... & c.
Reflexions sur la Reconnoissance et sur les Auteurs
,
-2560,2562
Seconde Lettre , sur la Chronologie de la nouvelle
Histoire Universelle ,
Le Soleil et les Nuages , Fable ,
Lettre à M. Titon ,
Le Triomphe de l'Amour ,
usages,
2563
2580
2581
2585
Des Hieroglyphes , de leur origine er de leurs
2587
L'Amitié , Ode ,
2609
Memoire sur l'Electricité , 2619
Ode , tire du De`profondis 2621
Eloge du P. Sanadon ,
2624
Le Triomphe de la nuit , Cantatille , 2628
Lettre sur le Systeme chronologique , 2629
Epigrammes , 2632
Lettre sur la Henriade , traduction , 2633
Poesie
Anacreontique ,
2641
Lettre au sujet de la Memoire , ibid.
Enigmes , Logogryphics , 2648
Nouvelles Litteraires des beaux Arts , & c. 2653
Histoire Bourgeoise , Rondeau ,
Pour et contre ,
Nouvelles Estampes , & c ,
Morts d'Hommes Ilustres , &c.
2656
2658
2662
2663
2666
Réponse à la Lettre sur le Bureau Typography-
& c.
que ,
Lettre de M. Thiout , Horloger , au sujet de la
Pendule de M.
2668
Avis , touchant un Supplément aux Mémoires
de l'Académie des Sciences ,
Chanson notée , et Musette en Rondeau , 2676
Spectacles ; P'Opéra d'Issé , Extrait , 2678
Nouvelles Etrangeres , de Turquie , de Pologne ,
& c.
2672
2693
Parallele de l'Election du Roy Stanislas , et de
P'Electeur de Saxe , 2697
Nouvelles, d'Allemage , d'Italie , d'Espagne et
d'Angleterre ,
2712
Siége et prise de Pizzighitone , 2717
Lettre écrite du Camp de Milan ,
2724
Escadre d'Espagne , 2727
Nouvelles de la Cour , de Paris , 2728
Service pour les Musiciens morts ,
Lettre sur la reception du Comte de Dognon ,
2739
Lieutenant Ceneral , 2734
I. Yel
ر
Benefices accordez par le Roy .
Lettte du Roy à l'Archevêque de Paris ,
Mandement du même Archevêque ,
Te Deum , chantez ,
Morts , Mariages , & c .
Arrêts notables , Edits et Déclarations ,
PAS
Errata de Novembre.
2737
2739
2740
2742
2743
2746
Age 2331. ligne 18. à lisez en. P. 2332. L
7.tiroit l.ternit. Ibid.l. 22 , dans, l. en P. 2333 .
1. 18. Anges , l . Cignes. Ibid. 1. 21. au doux son,
1. aux deux sons . P. 2335. l . 8. les doubles Colines
; l . la double Coline . P. 2361. l . 4. Banys ,
1. Bargs. P. 2363. l. 15. a la forme d'un E , l . ess
à l'endroit marqué e e. > P. 2364. 1. 17. une lame
A son côté B. 1. une larme a. son côté b, Ibid. 1.
20. lame A. l . larme a. P. 2365.1 12. l'Auteur
des deux Memoirs , 1. l'Auteur de l'un des deux
Memoires. P. 2386. 1. 17. quinzïeme, l. seiziéme.
P. 2401. 1. 32. azymptotiste , l. azymptotismes.
P.2402 . 1. 19. progession, I. progression . P. 2403 .
1. 4. du bas , parcaurier , l. parcourir , 2413. 1 .
4. six, 7. cinq. P. 2414. l. 6. même, l. mene. P.
2479. 1. 2. Neplieuf , l . Neplief.
PAS
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 2555. ligne 14. les Eloges , lisez l'Eloge .
P. 2614. 1. derniere , 1721. l. 1733. P. 2662.
1. 20. de , l. et de. Ibid. 1. 21. et , ôtez ce mot. P.
2703. 1. 25. session , I. scission.
L'Air noté doit regarderla page 2670
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
DECEMBRE. 1733 .
SECOND VOLUME.
COLLAGETES
PARCO
29 205
sand
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais
M. DCC. XXXIII.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
A VIS.
L
" 'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure vis - à - vis la Comedie Françaife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventse fervir de cette voye .
pour les faire tenir.
On prie très-inflamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
fain d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
Les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
G
mais
Les Libraires des Provinces des Pays
Etrangers , on les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , et de les faire porier fur
T'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'az
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROT:
DECEMBRE. 1733 .
********************
PIECES FUGITIVES
,
en Vers et en Prose.
Ó D E.
Par M. N...... L. C. D. B.
Uelle sainte fureur s'empare
De ma taison et de mes sens !
Sur le Lut du divin Pindare ,
Vais je former quelques accents ,
A mes yeux tout change de face ,
Ce terrible Dieu de la Thrace ,
N'occupera plus mes esprits ;
Ce sera le vainqueur de l'Inde ,
11.Vol. Qui A ij
2756 MERCURE DE FRANCE
Qui forcera le Dieu du Pinde ,
A s'énoncer dans mes Ecrits.
M
Parmi ces Campagnes riantes ,
Chantons le plus charmant des Dieux ,
Bannissez , joyeuses Bacchantes ,
La triste raison de ces lieux ;
A cette farouche ennemic ,
Des plus beaux jours de notre vie
Ne remettons jamais le sort ;
Enchantez -nous par vos prestiges ,
Et que dans nos fougueux vertiges ,
La joye éclate avec transport.
C Vents , échappez de votre chaîne ,
Déracinez les plus hauts Pins ;
Et renversez de votre haleine 2
Tours , Maisons , Forêts et Jardins ,
L'éclair brille , la Foudre gronde ,
Non , jamais la machine ronde ,
Ne sembla mieux être à sa fin ;
Qu'importe
quand je suis à table ,
Je ne vois rien d'épouvantable
,
Si ce n'est de manquer de vin.
Cresus , par d'utiles souplesses ,
Grossis chaque jour tes trésors ;
II. Vole-
Et
DECEMBRE 1733. 2757
Et pour augmenter tes richesses
Ne bois , ne mange , ni ne dors ;
Dans tes désirs insatiable ,
Parcours sur Mer les Bancs de Sable ,
Et les Ecueils les plus fameux ,
Et suivant toujours ta manie ,
Au dernier instant de ta vie ,
Travaille encor pour être heureux.
Foibles Mortels , pour vous conduire
Vers la gloire et les honneurs vains ,
Employez , pour vous mieux détruire ,
Le feu de cent bouches d'airains ;
Que par un préjugé barbare ,
Cette cruelle vous prépare
Un Triomphe toujours nouveau ;
Je le jure icy par mon Verre ;
Si je déclare un jour la guerre ,
Ce ne sera qu'aux Buveurs d'eaux .
Vous pensez que l'on vous révere ,
Petits Philosophies bourrus ,
Parce que du simple vulgaire ,
Vous êtes admirez , courus ;
Pour un Phantôme de
Sacrifiant la politesse ,
sagesse ,
II. Vol.
Et
A i
2758 MERCURE DE FRANCE
19
Et tous les plaisirs au sçavoir ,
Dans vos humeurs insupportables ,
Vous ne futes jamais capables ,
D'en faire , ' ni d'en recevoir.
Vos maximes sont détestables ,
Vils Avares , vains Conquerants ;
Vos Systêmes sont pitoyables ,
Esprits manquez , quarts de Sçavants &
Notre unique Philosophie ,
N'est que de vivre sans envie ,
Sans soucis , sans maux , sans chagrin ¿
Au sein des plaisirs Epicure
Mieux que vous , connut la nature ,
Et se fit un heureux destin .
L'Auteur de l'Ode précédente venoit
de la lire à ses amis avec qui il étoit à
- Table , lorsqu'on vint l'inviter d'aller
voir M *** , qui étoit arrivée ; ses amis
voulurent le retenir , mais il répondit à
leur empressement par ce Rondeau :
Le Dieu du Vin dans ce séjour
Venoit de rétablir sa Cour ;
Tous les Bergers dans leur Ivresse ,
Avoient oublié la tendresse ,
Et le nom même de l'Amour.
II. Vol. déja
DECEMBR E. 1733. 2719
Déja les Echos d'alentour
Ne retentissoient nuit et jour ,
Que des cris qui chantoient sans cesse »
Le Dieu du Vin.
Cupidon triomphe à son tour , ?
L'aimable Iris est de retour :
Entre ces Dieux le combat cesse ,
Lorsqu'à la servir tout s'empresse ,
On quitte pour grossir sa Cour ,
Le Dieu du Vin.
LETTRE de M. de Ponsan , Trésorier
de France , à Toulouse , à Madame
* * * sur l' Amitié préférable à l'Amours
Inë dans l'Académie des Jeux Floraux.
I'
L est tres - vrai , comme vous le dites ,
MADAME , qu'un véritable Ami est
d'une grande ressource pour soulager nos
peines et nos maux , c'est le trésor le plus
précieux et le plus rare , sur tout pour les
personnes de votre Sexe ; celles qui ont
assez de mérite pour dédaigner l'amour.
craignent , avec raison , en se livrant à
l'amitié , les jugemens du public , ce Tribunal
redoutable , qui ne voit rien qu'il
ne croye être de sa compétence , et qui
décide de tout sans examen ; la plupart
II. Vol. A iiij
des
2760 MERCURE DE FRANCE
gens sont toujours disposez à former des
soupçons injurieux , sur les sentimens
qu'on a pour les Dames ; j'ai éprouvé
cette injustice ; peu s'en est fallu qu'elle
ne m'ait été funeste auprès de vous ; tout
le monde en ces occasions , fait le tort à
l'amitié de la prendre pour l'amour ;
les Dames favorisent une erreur qui les
flatte du côté de leurs charmes et de leur
beauté,pourroient - elles éviter cet Ecueil?
Une vanité mal entendue les engage à
sapplaudir , de grossir le nombre des vils
Esclaves de l'Amour , aux dépens des illustres
sujets de l'Amitié ; plusieurs qui
ne peuvent avoir que des Amans, se font
honneur de confondre avec elles ces
personnes distinguées , qui ont sçu s'attacher
un ami fidele ; une infinité d'Experiences
n'ont pû les convaincre que l'amour
qu'elles inspirent ne suppose en
elles aucun mérite , et ne peut pas même
leur répondre qu'elles ayent de la beauté;
les vûës de leurs Adorateurs , et les motifs
qui les animent , devroient faire regarder
leurs empressemens avec mépris ,
et rendre l'amitié plus chere et plus respectable
; ses plaisirs sont purs , tranquiles
et innocens ; elle n'en goute ni n'en
recherche jamais d'autres ; la générosité
en est la source féconde ; Venus a les
11. Vol. GraDECEMBRE.
1733. 2761
Graces pour compagnes , et l'Amitié les
vertus ; mais ce qui marque bien la supériorité
de celle- cy , et qui fait le plus
éclater son triomphe , c'est que l'Amour
emprunte quelquefois son langage et se
cache sous ses dehors ; il a recours à ce
tour rafiné quand il a épuisé toutes ses
ruses et toutes ses supercheries. Ce déguisement
est l'hipocrisie de l'amour , il
aime mieux alors se trahir lui- même plutôt
que d'échoüer ; ' sa défiance décéle sa
foiblesse et sa honte ; il en fait par là un
aveu forcé N'est - ce pas un hommage
qu'il rend à l'Amitié ? Rappellez - vous ,
Madame , la belle ( 1 ) Sentence de M.de
la Rochefoucaut , que vous avez si souvent
admirée ; vous remarquerez , avec
plaisir , que ce qu'il dit du vice et de la
vertu , convient parfaitement à mon sujet
; cette conformité est aussi honteuse
pour l'amour , qu'elle est glorieuse pour
l'amitié ; elle justifie d'une maniere victorieuse
l'équité de mes invectives et de
mes éloges.
Pour s'assurer d'un accueil favorable
auprès des personnes les plus vertueuses
, l'Amitié n'a qu'à se présenter ; ce
qu'elle a de plus à craindre , c'est d'être
(1) L'Hypocrisie est un hommage que le vice:
rend à la vertu,
II.Vol. A v prise
2762 MERCURE DE FRANCE
prise pour l'Amour, et de devenir la victime
de cette erreur ; cette seule méprise
lui attire toutes les brusqueries qu'el
le essuye ; glorieuses humiliations ! Il lui
suffit d'étre reconnuë, et que tous les honneurs
soient pour elle. Tâchez , Madame,
de la distinguer à des traits certains , pour
vous épargner le chagrin où vous seriez
de lui avoir fait quelque affront; vous remarquerez
dans ses heureux favoris un
merveilleux assemblage des principales
qualitez du coeur et de l'esprit. Un Poëte
distingué a dit hardiment qu'un sot
ne sçauroit être un honnête homme ;
qualité inséparable d'un bon Ami .
Les liaisons d'une tendre amitié sont
entretenues par un commerce doux et
tranquille ; ses attentions , ses bons offices.
s'étendent aux choses importantes et sériuses
, sans oublier ni négliger les bagatelles
, ni les absences , ni les changemens
de fortune ne diminuent en rien
son ardeur ; les pertes de la beauté et de
la jeunesse serrent ses noeuds ; les vrais
amis soulagent leur douleur à la vûë
de ces infortunes per les occasions qu'elles
leur fournissent de signaler leur affection
, et de faire éclater leur tendresse.
Bien opposé à cet aimable caractère , le
temeraire Amour est toujours orageux
H.Vd. C'est
DECEMBRE. 1733. 2763
c'est le Dieu des Catastrophes , son origine
est des plus honteuses ; il doit sa
naissance à l'amour propre , source féconde
de la corruption du coeur , et des
travers de l'esprit ; digne fils d'un tel
Pere , il ne dégenere. pas ; il est aussi pervers
que son principe ; la fourberie , la
supercherie , et l'imposture sont les ressorts
cachez de toutes ses entreprises; tous
ses projets sont des crimes ; l'amitié illustre
et immortalise ses sujets , l'amour
déshonore et dégrade ses Esclaves , il est
P'ennemi irréconciliable de la bonne foy ;
leurs démêlez violens et journaliers les
ont forcez de jurer entre eux un divorce
éternel ; l'amour pur est une chimere ,
' où s'il en fut jamais , ce Phénix n'a pû
jouir du privilege de sa cendre ; on l'a
comparé justement à l'apparition des Esprits
dont tout le monde parle , quoique
personne n'en ait vu ; l'amour enfin est
le partage de la jeunesse , c'est la passion
favorite de cet âge , qui s'est arrogé
le droit d'être relevé de ses fautes, et qui
a la hardiesse de qualifier du nom d'amusemens
excusables , ses attentats les
plus criminels ; peu de gens , sans rien
cacher , ni déguiser , seroient en état ,
après leur jeunesse , de fournir une Enquête
honorable de vie et moeurs. Jose
11. Vol
A vi le
2764 MERCURE DE FRANCE
le dire , après vous , Madame , combien
d'hommes , si tous les mysteres d'iniquité
étoient expo ez au grand jour , seroient
obligez d'implorer lá clemence du
Prince pour ne pas subir la tigurur des
Loix ! Et n'oubliez pas , en faveur de votre
sexe , le sens general du nom d'homme
; la multitude des coupables leur
procure l'impunité , plusieurs abusant de
ce privilege honteux , perpétuent leur
minorité , et se rendent par là d'autant
plus criminels qu'il ne leur reste plus ni
frivoles prétextes , ni indignes excuses ;
je ne dois pas craindre de faire tort à l'amour
en le chargeant de tous les crimes
de la jeunesse , il en est presque toujours
l'auteur ou le complice..
?
La divine Amitié , ce présent du ciel ,
est de tous les âges , et de tous les Etats ;
elle en fit la gloire de tout temps ; ses far
yeurs inépuisables ne sont jamais accompagnées
de dégoûts ;, avec elle on n'a pas
à craindre de parvenir à la derniere ; les
présentes en annoncent toujours de nouvelles
, dont elles sont les infaillibles ga
rans, rien n'est capable d'en fixer le nom
bre, ni d'en borner le cours ; les vrais amis
trouvent à tous momens de nouveaux
charmes dans leur douce société ; mille
sujets interressans soutiennent et animent
II. Vola
leurs
DECEMBRE. 1733. 2765
leurs entretiens ; la délicieuse confiance
fournit toujours sans s'épuiser ; cette ressource
est plus sûre et plus grande que
celle de l'esprit. En tout genre ce qui
mérite le mépris est plus commun que ce
qui est digne d'estime ; ce caractere , matque
infaillible de leur véritable valeur
manque bien moins aux Amis qu'aux
Amans ; rien n'est plus ordinaire que l'amour
, même violent ; rien ne l'est moins
que l'amitié , même médiocre ; on peut
dire à l'honneur de celle cy qu'elle est
tout au moins aussi rare que la vertu ; ce
n'est pas- là le seul rapport qui la rend digne
de cette glorieuse comparaison.
·
Tout retentit des Eloges magnifiques
qu'on donne de toutes parts à l'Amitié ;
permettez- moy , de grace , Madame , de
les appeller des Eloges funébres , puisque
peu s'en faut qu'on ne parle d'une chose
qui n'existe plus ; on ne sçauroit , il
est vrai , faire un plus juste et plus noble
usage de la loüange ; mais l'amour propre,
qui trouve par tout des droits à exercer ,
ne s'oublie pas dans cette occasion ; le Panégiriste
, en publiant des sentimens d'estime
et de vénération pour elle , pense
souvent à s'illustrer lui - même ; on croit
se rendre recommandable par le cas
qu'on fait de cette vertu ; stériles éloges !
II. Vol. puis
2766 MERCURE DE FRANCE
puisqu'on ne voit que tres- peu de gens
qui connoissent les devoirs de l'amitié, et
bien moins qui les observent !
3
Tout le monde se glorifie de posseder
les qualitez propres à former un bon
ami , si nous en croyons les hommes sur
leur parole , il ne manque à chacun
d'eux , pour devenir des modeles de l'amitié
la plus parfaite , que de trouver
quelqu'un qui veuille les seconder dans
leurs prétendues dispositions ; ils souffrent
de ne pouvoir pas mettre en oeuvre
leurs sentimiens ; ceux dont le coeur est le
moins compatissant et le plus dur, livrez
à l'idolatrie la plus honteuse , qui est celle
de soi- même , dont l'interêt et l'amour
propre dirigent toutes les démarches 3
sont ordinairement ceux mêmes qui forment
sur cette matiere les regrets les plus
fréquens ; ils ont même le front de se
déchaîner contre les ingrats que leur
aveuglement est étrange ! où sont les
malheureux que leurs bons offices ont
prévenus et soulagez ? Sur qui se sont
répandus leurs bienfaits ? Qu'ils attendent
du moins , pour être en droit de
déclamer contre l'ingratitude et la dureté
, qu'il y ait quelqu'un dans l'Univers
qui puisse être ingrat à leur égard et qui
ait éprouvé leur sensibilité.
11. Vol
Ов
DECEMBRE. 1733. 2767
On trouve des gens qui voudroient
faire entendre que ce qui les arrête , et les
empêche de suivre leur panchant , c'est
la craipte d'être trompez , ou le danger
de faire des avances , auxquelles on ne
réponde pas ; ne soyons pas les dupes de
ces réfléxions trop prévoyantes ; quand
on est si prudent et si circonspect sur
cette matiere à s'assurer des premiers pas,
on n'est guere disposé à fiire les seconds ;
qui ne sçait point être généreux , ne sera
jamais reconnoissant; ces vertus adorables.
marchent toujours ensemble ; c'est les
détruire que de les séparer.
Vous me fournissez Madame , la
preuve de cette verité ; toutes les qualitez
d'une solide Amie se trouvent
réunies en vous ; à peine en eû je fair
l'heureuse découverte que ce merveil
leux assemblage me remplit d'admiration
, et détourna mes yeux de ce qui
attire d'abord sur vous ceux de tout le
monde , il me parut que ce seroit avilir
votre beauté d'en fire usage pour inspirer
des passions ; c'étoit une chose trop
aisée lui faire honneur , je voyois
pour
en vous avec complaisance tout ce qui
pouvoit servir de lustre à l'amitié , et lui
faire remporter sur l'amour la victoire la
plus éclatante ce ne fut pas sans des
II. Vol
efforts.
2768 MERCURE DE FRANCE
efforts puissants et redoublez que je
m'obstinai à approfondir ces idées ; les
réfléxions que je fis là- dessus furent le
plus sublime effort de ma Philosophie ;
sans leur secours j'aurois éprouvé le sort
commun , et vous m'auriez infailliblement
vû langur , comme mille autres, au
nombre de vos Amans , si vous ne m'aviez
paru mériter quelque chose de mieux
que de l'amour ; dès que je connus votre
coeur et toutes les qualitez qui le rendent
propre à faire gouter les douceurs et les
charmes de l'amitié , j'aurois rougi du
seul projet d'en faire un autre usage ; je
me suis mille fois glorifié de mon choix,
je lui do's l'heureuse préférence dont
vous m'avez honoré , et je vois bien que
c'étoit par là seulement que je pouvois
en obtenir de vous.
Mes soins assidus firent prendre le
change à vos Amans ; ils m'ont honoré
de leur jalousie , les plus clair- voyans, reconnoissant
la méprise , crurent être en
droit de faire peu de cas de mes sentimens
et de m'en faire un crime ; ils ignoroient
qu'on pouvoit vous rendre un
hommage plus digne de vous que les
leurs ; je ne me suis point allarmé , et ne
leur ai cédé en rien ; l'attachement que
j'avois pour vous étoit en état de soute-
II. Vol. Dis
DECEMBRE. 1733. 2769
nir toute comparaison ; mon amitié a
souvent fait rougir leur amour ; le vain
titre d'Amans dont ils faisoient tant de
gloire ,, a perdu tout son éclat à l'aspect
d'un véritable
ami ; ce parallele
en a détruit
tout le faux brillant.
Le succès n'ayant pas répondu à leur
attente , ils ont malicieusement affecté
de me traiter en Rival ; leur feinte jalousie
a tenté de vous faire entrer en défiance
sur mes sentimens. Ils ont essayé d'allarmer
votre délicatesse sur les jugemens
du public. C'est sur les choses qui
peuvent avoir quelque rapport à la galanterie
, que la licence des soupçons et
des propos est la plus effrénée ; le mensonge
et la médisance , la calomnie et l'imposture
s'exercent à l'envi sur cette matiere
, c'est là leur sujet favori ; ce champ
est le plus vaste qu'elles ayent pour triom
pher de l'innocence , parce qu'il est souvant
difficile de se justifier avec évidence
; les indices équivoques , les soupçons
injustes tiennent lieu de preuves completes
; le petit nombre de ceux qui tâ,
chent de sauver les apparences , tire peu
de fruit de leur contrainte, on aime mieux
tout croire étourdiment que de souffrir
que quelqu'un jouisse du fruit de ses
attentions.
II. Vol. Mal
2770 MERCURE DE FRANCE
Malgré cette funeste disposition , le
public , chez qui l'avis le plus favorable
n'a jimais prévalu , a été forcé , après
avoir quelque temps varié dans ses ju
gemens , de rendre témoignage à la vérité
; il s'est fait la violence de déclarer
que l'amitié seule formoit les noeuds qui
nous unfssoient ; cette décision fur pour
moi une victoire éclatante ; rarement on
en obtient de pareille devant un Juge
qui met ordinairement les apparences et
les préventions à la place des lumieres.
Vos Amans déconcertez se sont répandus
en murmures , ils ont donné à votre
coeur des qualifications injurieuses ; ils
l'ont traité d'insensible et de dur ; pour
ménager leur orgueil ils ont voulu vous
faire un crime du peu de cas que vous
ávez fait de leur amour ; injuste accusation
! Ils n'ont jamais été fondez à vous
reprocher votre prétendue insensibilité ,
vous vous êtes à cet égard pleinement
justifiée en faisant voir que vous réserviez
vos sentimens pour un plus digne
et plus noble usage que celui qu'ils leur
destinoient ; mal à propos ils ont appellé
dureté ce qui étoit en vous l'effet de la
glorieuse préférence que vous avez toujours
donnée à l'amitié Pour mériter et
pour obtenir toutes ses faveurs , vous lui
II. Vol. avez
DECEMBR E. 1733. 2771
avez offert les prémices de votre coeur ;
pour vous conserver digne d'elle , vous
n'avez jamais voulu la compromettre
avec l'amour ; vous avez la gloire , Madame
, d'avoir commencé par où bien
d'autres personnes de votre sexe ne peu
vent pas même finir ; leurs charmes et
avec eux leurs Amans les abandonnentils!
elles ne peuvent abandonner l'amour :
les dégoûts qu'elles ont alors à essuyer
les informent fréquemment que le temps
de plaire est passé ; s'il leur restoit quelque
mérite après avoir perdu leur beau.
elles pourroient se dédommager de
leurs pertes par le secours de l'amitié ; elles
n'auroient rien à regreter, si du débris de
leurs adorateurs elles avoient pû se ménager
un bon et fidele Arai , leur bonheur
seroit grand de connoître le prix
d'un échange si avantageux.
Ce parti ne sera jamais celui du grand
nombre ; les éclats souvent scandaleux ,
sont les dénouemens ordinaires des.commerces
galans : par le funeste panchant
des choses d'ic bas , tout tend à la corruption
, bien- plutôt qu'à la perfection ;
On voit souvent que l'amitié dégénére en
amour , mais il est bien rare que l'amour
ait la gloire de se convertir en amitié ;
cette route détournée et peu frayée a ton-
II. Vol.
jours
2772 MERCURE DE FRANCE
jours supposé d'excellentes qualitez dans
les personnes qui l'ont suivie avec succès;
revenus de la passion qui les aveugloit ,
les Amans conservent difficilement l'estime
mutuelle , sans laquelle l'amitié ne
sçauroit subsister; ceux qui ont cet avantage
ont sans doute un mérite éminent ;
on peut dire d'eux qu'ils étoient faits
pour l'amitié , quoiqu'ils ayent commencé
par l'amour ; ils méritent qu'on les
excuse d'avoir marché quelque temps
dans un sentier dont le terme a été aussi
heureux ; on doit croire , en leur faveur
qu'il y a eu de la surprise ; l'amour qui
ne connoît pas de meilleur titre que Pu
surpation pour étendre son empire , n'a
pas manqué de s'approprier des sujets de
Pamitié , qui s'étoient égarez , et a sçû
même quelquefois abuser de leur erreur ;
il n'a jamais été délicat sur les moyens de
parvenir à ses fins ; mais dès que ces
Amans privilégiez ont reconnu la méprise
, ils sont rentrez dans leur chemin ;
l'amitié leur a offert une retraite honorable
, elle a été pour eux un port tranquille
et assuré où ils ont goûté mille
délices et prévenu ou réparé de dangereux
naufrages.
Etes vous satisfaite , Madame ? trou
vez - vous que j'aye assez dégradé l'amour
II. Vol. et
DECEMBRE . 1733. 2773
pas
et exalté l'amitié ? Convenez que je n'ai
été inutilement à votre école ; si j'ai
quelques idées saines sur cette matiere
c'est à vous à qui je les dois , vos judisieuses
et profondes reflexions m'ont soutenu
dans mes sentimens ; vous m'avez
appris par vos discours la Theorie de la
Philosophie , et j'en ai appris la pratique
par les efforts que j'ai faits pour me borner
en vous voyant à la simple admiration
on est doublement Philosophe
quand on le devient auprès de vous ; vos
yeux sont de pressantes objections contre
les principes d'une science , qui fait consister
sa plus grande gloire à gourmander
les passions ; votre présence donne beau
coup d'éclat au mépris qu'on a pour l'amour
; vous sçavez qu'il a été mille fois
le funeste écueil des Philosophes les plus
aguerris , et que leur confiance n'a guere
été impunément temeraire ; mais , j'ose
le dire , je suis assuré de vous faire par là
ma cour; les charmes de vos discours ont
vaincu ceux de votre personne ; toutes
ces difficultez ont cedé à la solidité de
yos raisonnemens ; votre éloquence a
triomphe de votre beauté , nouveau genre
de victoire et le seul auquel vous êtes
sensible ! N'esperez pas que cet exemple
soit suivi ; vous êtes la premiere , et vous
11. Vol. screz
2774 MERCURE DE FRANCE
serez peut- être la derniere de votre sexe ,
qui , comblée des libéralitez de la nature,
emploira toute la finesse et la force d'un
génie heureux à faire comprendre aux
hommes que la beauté ne merite pas
leurs hommages ; ceux qui s'obstinent ,
malgré vous , à la regarder avec trop
d'admiration , vous paroissent manquer
de jugement, il a fallu pour mériter votre
estime , prendre la seule route que vous
offriez ; j'ai fuï ce que vous de extiez ,
j'ai haï l'amour , parce que vous haissiez
les Amans ; le souverain mépris que
vous marquez pour eux , m'a rendu ce
titre odieux ; mais vous m'avez appris
que je devois faire par raison , ce que je
ne faisois que pour me conformer à vos
idées .
Pardonnez , Madame , la liberté que je
me donne de parler de vos charmes , ils
font trop d'honneur à vos sentimens pour
pouvoir s'en dispenser ; vous devez même
me passer une espece de galanterie ,
qui se borne à peindre les obstacles que
j'ai eu à surmonter , pour me conserver
à vos yeux , digne de quelque preference
; vous m'avez permis de me parer du
glorieux titre de votre conquête , mais je
n'ai obtenu cette faveur qu'au nom de
l'amitié que vous sçavez être de tous les
11. Vol.
temps,
DECEM DAD. * 755° 4775
temps , au rang des vertus. Ceux qui
ont interessé l'amour auprès de vous se
sont bien- tôt apperçus du peu de crédit
qu'il avoit sur votre esprit; vous ne leur
avez pas laissé ignorer qu'étant compris
dans la liste des passions , vous n'hésitiez
pas de le mettre au rang des vices.
Je m'apperçois un peu tard,Madame
que je vais vous engager à une lecture
bien longue ; mais n'oubliez pas mon
excuse ; souvenez - vous que vous m'avez
demandé un volume , plaignez- vous si
vous voulez d'être trop obéïe ; pour moi
je ferai toujours gloire de me conformer
à vos volontez ; il m'importe d'ailleurs
que vous ne soyez pas obligée , pour vous
amuser plus long temps , de lire ma Lettre
plus d'une fois , comme vous m'en
aviez menacé , vous pourrez du moins
tirer un avantage de son excessive longueur,
elle vous servira à vous vanger de
Pennui que vous causent vos voisins ; il
ne faut pour cela que les obliger de la
lire.
इ VICT S
Sans doute , Madame , qu'à l'avenir
vous serez plus réservée à me demander
de longues Lettres vous voyez qu'il ne
faut pas se jouer à moy , je suis determi
né à executer aveuglément tout ce que
vous souhaiterez à mes périls et fortu-
11. Vol. ne
2776 MERCURE DE FRANCE
ne ; je n'ignore pas qu'en vous écrivant
aussi longuement je sacrifie les interêts
de mon esprit à ceux de mon coeur ; faites
moi la grace de croire que ce sacrifice
ne me coûte pas bien cher ; je me sens
disposé à vous en faire de beaucoup plus
considérables ; soyez persuadée que je
Vous aurai une obligation infinie toutes
les fois que vous voudrez bien me fournir
les occasions de vous donner de nouvelles
preuves du respectueux et sincere
attachement avec lequel j'ai l'honneur
d'être , &c.
22
IMITATIONE del Madrigale CVII del
Signor Cavaliere Battista Guarini, lavorata
da Madamigella MALCRESIA della
Vigna del Crusico in Bretagna.
Si fugga: l'Amore.
CHiUuol haverfelice , a lito il core ,
Non segna il crudo Amore,-
Quel lusinghier ch'ancide
Quando più scherza, e ride ,
Ma tema di Belta di leggiadria ,
L'aura fallace e ria.›
Al pregar non risponda , à la promessa
II. Vol. Nem
DECEMBRE . 1733. 2777
Non creda ; e se s'appressa ,
Függa pur , che baleno è quel ch'alletta,
Ne mai balena Amor , sc non saetta.
IMITATION.
Renoncez à l'Amour , tournez ailleurs la vuë ;
Que sur l'éclat subtil de ses apas trompeurs ;
Il blesse en caressant , en badinant il tuë ,
Des jours les plus serains , il trouble les dous
ceurs.
M
Comme un Nocher prudent . qui prévoit un
Orage ,
Pour le laisser passer , reste tranquille au port ;
Qu'ainsi l'homme au coeur tendre, évite un beau
visage ,
Qu'il fuye , et qu'il le craigne à l'égal de la
mort.
M
Qu'il soit sourd et muet , quand une Iris le
pric ;
Que même à ses sermens , il refuse sa foi ¿
Et s'il veut sans retour voir sou ame guérie ,
Qu'insensible il persiste à l'éloigner de soi.
Sur un Amant surpris quand un regard arrive
L'Enfer s'ouvre , et l'Amour lance un feu qui
fénd l'air,
11. Vol
B Mais
2778 MERCURE DE FRANCE
Mais l'Eclair ne part point , que la foudre ag
suive ,
Et la mort suit bien-tôt et la foudre et l'éclair.
****:***********
EXTRAIT du Mémoire lû à la rentrée
publique de l'Académie Royale des Sciences
, le Samedi 14 Novembre 1733. sur
une nouvelle maniere d'observer en
Mer la Déclinaison de l'Aiguille Aimanteé.
Par M. de la Condamine .
L
'Auteur commence par déclarer qu'il
est tres éloigné de vouloir chercher
à diminuer en rien le mérite des Ouvrages
a où cette matiere est déja traitée , et
en particulier des excellentes Pieces b qui
ont paru sur le même sujet , qui a été proposé
par l'Académie pour le prix de 1731 ,
Il dit ensuite que l'avantage qu'il eus
cette même année de faire le voyage des
Côtes de Barbarie et du Levant , sur les
Vaisseaux du Roy , l'ayant mis à portée
de reconnoître par lui-même les défauts
assez connus de l'instrument, appellé par
par
les marins Compas de Variation. Il a
:
a Remarques sur la Navigation , par M. de Radouay
, Capitaine des Vaisseaux du Roy , &c.
b Memoires imprimez, de Mrs Bougher et Mey
nier . Hydrographes du Roy , ¿e
11, Vol .
cherDECEMBRE.
1733. 2779
= cherché les moyens d'y remédier par un
nouvel Instrument , ou plutôt par un
changement qu'il propose de faire à l'ancien
, propre à le rendre plus exact et
plus commode dans la pratique .
Les deux principaux inconveniens du
Compas de Variation ordinaire , sont ; le
premier , que son usage exige deux Observateurs,
ce qui nuit à la précision par la
difficulté qu'il y a que les deux observations
soient faites précisément dans le mê
me instant; l'autre, qu'on ne peut se servir
de cet Instrument du moins pour observer
avec quelque justesse , que lorsqu'on
voit le Soleil bien net à l'horizon , ce qui
est assez rare , même quelquefois dans
les plus beaux jours. L'auteur propose de
rémedier à ces deux inconveniens par le
moyen d'un style perpendiculaire placé
au centre de la Rose ; l'ombre de ce style
tombera pendant tout le jour sur le plan
de la Rose et au lever ou au coucher du
Soleil , sur un rebord vertical , adhérant
à la circonférence et disposé pour rece
voir cette ombre , quand le Soleil est à
l'horison, De peur qu'un côté de ce rebord
, par son ombre n'empêche de distinguer
sur l'autre l'ombre du stile ; l'Auteur
partage ce rebord en deux demi circonférences
, l'une superieure au plan de
11. Vol. Bij de
2780 MERCURE DE FRANCE
la Roze pour recevoir l'ombre du stile le
matin ; l'autre , inférieure, pour recevoir
le soir l'ombre du Pivot , qui est dans l'alignement
du stile prolongé , et qui en
fait l'effet. Par le dégré de la circonférence
de la Rose , où répond cette ombre, on
verra d'un coup d'oeil , comme à un Ca- '
dran , et à toutes les heures du jour à quel
dégré de l'horison répond actuellement
le Soleil , qui est ce que l'on cherche.
L'Auteur a présenté à l'Assemblée un
Compas de Variation , construit sur ce
principe. Il est couvert pour contenir le
stile vertical , d'un demi Globe de verre,
au lieu du verre plan , des Compas ordinaires.
L'Auteur propose aussi un moyen
pour se passer du rebord vertical , sans
nuire à la justesse de l'Instrument, ce qui
le simplifie encore , et il observe qu'en
ce cas le changement à faire à l'ancien ,
pour lui procurer tous les avantages de
celui qu'il propose , devient si peu considérable
qu'il espere que l'Instrument
proposé n'aura pas le malheur de paroître
nouveau , et que la prévention ordi
naire contre les nouveautez n'empêchera
d'en faire l'épreuve.
pas
11. Fole
DE,
DECEMBRE . 1733 1781
****************
DEFINITION DE L'AMOUR,
´Ous m'ordonnez , Philis , de définir l'AVousmour
;
Pourquoi chercher à le connoître ¿
Il faut vous le dire en cejour ;
Il n'est pas toujours tel que vous le faites naître.
M
L'Amour est un Enfant , sa Mere est la beauté
L'Esperance , sa nourriture ;
Son emploi , de ravir à tous la liberté ,
En demeurant libre de sa nature.
Son Passage est semé de fleurs ;
On ne le voit suivre les traces ,
Que des Jeux , des Ris et des Graces &
Il verse rarement des pleurs.
M
Jeunes coeurs ,craignez tout de sa vive tendresse,
Pour vous séduire,il n'a que trop d'adresse;
En vain il vous promet mille et mille douceurs
;
Si vous accordez trop , ou trop peu de faveurs ;
Adicu,l'Amour s'envole , et reprend sa promesse.
M. J. DE DON CHERY.
II. Vol.
Biij EX
2782 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'un Mémoire sur les causes
qui ont altéré l'Eau de la Seine , pendant
la sécheresse de l'année 1731.Par
M. Jussieu l'aîné , lû à la rentrée publique
de l'Academie Royale des Sciences
le 14 Novembre 1733 .
Our que l'eau soit salubre , il faut
P qu'elle soit pure , l'impide , sans aucune
odeur , ni saveur sensibles , et que
son usage ne cause aucune maladie.
Quoiqu'en 1731 , l'Eau de la Seine fut
devenue pendant l'Eté et l'Automne plus
légere et plus limpide qu'à l'ordinaire ;
cependant ceux qui étoient obligez d'en
boire furent sujets à des sécheresses de
bouche qui leur causoient une altération
fréquente , à des dégoûts et à des nausées
dont on ignoroit la cause , à des maux
de gorge qui degeneroient en Squinancie
, à des fluxions à la tête et à plusieurs
sortes de fièvres irrégulières et opiniâtres
; ces maladies ne se guérissoient que
par le changement de boisson , ou par les
Prisannes , dont la coction servoit dé
correctif à la mauvaise qnalité de l'eau ;
les personnes au contraire, qui ne buvoient
que de l'eau de Fontaine furent
I Vol. excmDECEMBRE.
1733. 2783
exemtes de toutes ces incommoditez.
Cette observation indiquoit bien en
general qu'il devoit y avoir dans l'eau
des particules étrangeres , qui pour être
imperceptibles à la vuë , ne laissoicnt pas
d'être sensibles par les maladies qu'elles
causoient ; mais il restoit encore à dé
terminer quelle étoit la nature de ces
corpuscules . La Riviere de Seine étoit
tres- basse , on la voïoit de jour en jour
se resserrer au milieu de son lit , son sable
étoit tres - pur , et bien lavé ; le fond
n'étoit point limoneux , et l'eau n'en-.
trainoit avec elle aucune terre ni substance
étrangere , qui put lui faire contracter
quelque mauvaise qualité. Quelle pouvoit
donc être la cause de l'altération de
l'eau Devoit on s'imaginer que ce fut
certaines Plantes qui à l'occasion de la
sécheresse , étoient plus abondantes qu'à
l'ordinaire et mieux nourries à la vérité ;
on voïoit le même Phénoméne dans la
Marne , dans tous les Ruisseaux , dans
les Etangs et dans les Réservoirs , mais
ces Plantes naturellement aquatiques n'avoient
elles pas accoutumé de croître
dans la Seine Si elles y ont cru , pourquoi
les Etez précédens les mêmes maladies
n'ont- elles point regné ? C'est icy
que la Physique est obligée d'implorer le
-
II. Vol.
Biiij se2784
MERCURE DE FRANCE
secours de la Botanique , pour examiner
un peu ces Plantes aquatiques et pour
rechercher leurs différentes qualitez .
Les Plantes aquatiques ont en général
des qualitez plus sensibles que celles de la
plupart des Plantes terrestres ; les unes se
font distinguer par une odeur aromatique
tres forte, comme les Menthes d'eau;
les autres ont une odeur foetide et marécageuse
; par exemple , les Mille - feuilles
et le Preles d'eau ; presque toutes ont
une âcreté intérieure , plus ou moins sensible
au goût , comme les Cressons , les
Poivres d'eau , les Renoncules aquatiques ,
&c. quelques unes enfin , telles que les
Conserves ou Mousses d'eau , échauffent
subitement la main qui les presse , et produisent
un sentiment semblable à celui
que l'Ortie cause quand on l'a touchée.
-
Les Plantes aquatiques qui naissent
tous les ans dans la Seine , y parurent à
la vérité dès le Printems de 1731 , mais
bien différemment des années précedentes
; car celles dont la qualité est la plus
mauvaise et qui ordinairement sont
moins communes, y pullulerent en abondance
; celles au contraire dont la qualité
n'est point nuisible et qui devoient ▼
être en plus grand nombre , s'y trouverent
en moindre quantité , en comparai-
II. Vol. son
DECEMBRE. 1733. 2789
son des autres. Il est facile aux Botanistes
de rendre raison de ce Phénoméne.
La pluspart de ces Plantes , que nous
regardons comme pernicieuses , par les
effets les plus apparens qu'elles produisent
, ne végétent que dans les endroits
du lit de la Riviere où l'eau est la plus
basse et la plus dormante car pour que
les Plantes aquatiques fleurissent , il faut
qu'elles s'élevent au dessus de la superficie
de l'eau ; operation après laquelle
leurs sommitez rentrent ordinairement
dans l'eau , afin que leurs gfaines y meurissent
et s'y répandent ; c'est pourquoi
ces Plantes ne pulluloient que tres- peu
les années précedentes , parce que leur
tige dont la longueur est en quelque fa
çon déterminée ne pouvoit atteindre à la
surface de l'eau ..
De la facilité de végéter qu'avoient
ces Plantes pernicieuses, et de leur abondance
, il s'ensuivoit la suffocation des
Plantes ordinaires , dont les effets ne sont
point à craindre .
On apperçoit le même Phénoméne
'dans la végétation des Plantes terrestres au
Printems des années humides et pluvieuses
, car pour lors le bon grain est étouf
fé et maigri par une multitude de mauvaises
Plantes , aussi ce sont ces années-
II. Vol By là
2786 MERCURE DE FRANCE
là où les maladies populaires sont plus
fréquentes , soit par la mauvaise qualité
des grains qui n'ont pas eu assez de nourriture
, soit par le mélange qui se fait des
semences de ces Plantes.
Entre les Plantes aquatiques , dont on
ressent les dangereux effets , il y en a deux
principales; l'une que les Botanistes nomi
ment Hippuris , genre de Plante sembla
ble par son port exterieur à la Prele de
nos campagnes l'autre porte en latin le
nom de Confema , er en françois celui de
Mousse d'eau , à cause de sa verdure et de
son étenduë.
La premiere de ces Plantes est d'une
odeur foetide et marécageuse , qu'elle
communique facilement à la main qui la
touche et à l'eau qui l'environne ; la se
conde produit non - seulement une are
deur cousiderable à la main qui la serre ,
mais encore elle laisse à l'eau dans laquelle
on la met tremper un feu , qui quand on
la boit , cause dans la bouche une sécheresse
incommode ; et dans le gosier une
âcreté insupportable
C'étoit sur tout de ces deux especes de
Plantes que
les petites marres d'eau dormantes
, répandues tout le long de la Riviere
, étoient remplies ; et comme elles
manquoient d'eau pour être couvertes ·
II.Vol. en
DECEMBRE. 1733 2787.
entierement , la chaleur des rayons du
Soleil fanoit l'extrêmité de leurs feuilles,
et les faisoit corrompre ensuite par le
pied. M. de Jussieu ne se contenta pas
de ces observations , qui à tout autre auroient
paru suffisantes , il voulut encore
assurer son sentiment par de nouvelles
expériences.
Il fit arracher de la Riviere une quantité
suffisante d'Hippuris et de Confema ,
il fit infuser ces Plantes , tantôt séparément
, tantôt toutes deux ensemble dans
des vaisseaux pleins d'eau de Fontaine ,
et il les y laissa en expérience pendant
quelque temps; ces Plantes communiquérent
à l'eau dans laquelle elles trempoient ,
la même odeur et la même saveur désa- -
gréable que cet Académicien avoit remarquée
dans l'eau de la Seine,buë au courant
même de la Riviere au dessus de
Bercy .
M.de Jussieu ne négligea point non plus
d'examiner avec le Microscope , cette eau
macérée , dans laquelle , comme dans
celle de la Seine , il découvrit plusieurs
Insectes tres - petits , qui ne se voient ni
dans l'eau de Fontaine , ni dans celle de
Riviere qui n'aura point été altérée par
la corruption de ces sortes de Plantes.
Enfin , quoique la pourriture des petits
11. Vol.
Bvi Pois2788
MERCURE DE FRANCE
Poissons , qui faute d'une quantité suffisante
d'eau, périssent pendant la sécheres
se, puisse communiquet à l'eau une odeur
foetide ; elle ne doit point être regardée
comme la cause principale , mais seulement
la production extraordinaire de ces
Plantes aquatiques si pernicieuses ; car par
la comparaison de l'état de la Seine pen
dant l'Eté et l'Automne de l'année dernie
re et de celle - ci , avec l'état où elle étoit
en 1731 , on n'y a remarqué que les Plantes
ordinaires ; aussi n'a- t- on point observé
dans la pratique de la Médecine , les maladies
qui ont regné pendant l'Eté et
l'Automne de 1731 .
pent
Tout bon Citoyen , et à plus forte rai-
´son un Médecin zélé , doit , par ses conseils
et ses avis salutaires , mettre les Magistrats
en état de prévenir tout ce qui
altérer la santé des habitans ; c'est
pourquoi M. de Jussieu termine son Mêmoire
par trois observations, qui contiennent
les remedes propres à se garantir des
mauvais effets que pourroit produire la
sécheresse de pareilles années.
Il conseille , 1 ° . de faire nettoyer le lit
de la Riviere , sur tout au dessus de Paris
, et d'empêcher qu'il ne se forme sur
ses bords des Mares où l'eau croupisse.
2. De tenir dans une grande propreté
II. Fol les
DECEMBR E. 1733 . 2789
les cuvettes de tous les Reservoirs qui
distribuent l'eau de la Riviere , et de
faire arracher , toutes les Plantes en forme
de mousse , qui naissent à leurs parois.
3. Enfin , de tenir en bon état les
Aqueducs et les Canaux des Fontaines
d'eau vive , afin que l'eau qu'ils conduisent
puisse par son abondance suppléer
au deffaut de celle de la Riviere , dont
l'usage pendant les années de secheresse
pourroit être dangereux à la santé des
Citoyens. :
*
*XX*X*X****** ******
L'ELOGE
DE LA FIEVRE QUARTE
Fievre Jevre Quarte , belle mignone ,
Que vous êtes bonne
personne ,
Vous nous laissez en paix trois jours ,
Et ne nous tenez pas toujours ,
Comme la Fievre continuë ,
Qui par de longs assauts nous consume c
nous tuë ;
Vous valez mieux enfin que vos deux autres
soeurs ,
Qui presque sans relache exercent leurs fureurs ;
Vous êtes deux fois moins cruelle
Ft. Vol. De
2790 MERCURE DE FRANCE
J
Vousquiêtes deux fois moins cruelles
De trois jours un seul vous appelle ;
C'est agir plus honnêtement ,
Que de nous voir plus rarement ;
Aussi , quand quelqu'un vous possede ,
Malgré Medecin et remede ,
Il vous retient long - remps chez soi ;
Vous traitez de même air le Berger et le Roy;
Vous triomphez de tout l'Art d'Esculappe ,
Et le Medecin qui vous frappe .
Tombe lui- même sous vos traits
Pour moi , devotément j'adore vos atraits ;
Vous êtes à mes yeux gracieuse , charmante,
Où trouvera - t'on´une Amante ,
Ceci soit dit en secret entre nous
Aussi fidelle au rendez - vous ?
Voyez combien vous êtes tendre ,
x
Dans mon lit , sans vous faire attendre ,
Vous vous rendez entre mes bras ;
N'est- ce pas
là voler au-devant de mes pas ?
Vous me trouvez d'abord dans des froideurs
mortelles ,
Vous faites ce que les plus belles ,
Ne sçauroient faire sur mon coeur
Vous dissipez cette tiedeur ,
Pour me faire sentir une ardeur sans pareille
Ce n'est pas la seule merveille
Que vous operez sur mes sens ;
11. Vol.
Lorsque
DECEMBRE. 1733 2791
Lorsque répandue au-dedans ,
Votre chaleut me consume et m'altere ,
Un verre d'une eau fraîche et claire ,
Est cent fois plus cher à mes yeux ,
Que ne seroit le vin le plus delicieux :
Vous portez dans ma fantaisie
La plus charmante rêverie ;
Lorsque vous m'agitez , je me crois un grand
Roy ;
Cent Peuples vivent sous ma loy ;
Je suis un vrai foudre de guerre ;
Et devant moi tremble la Terre ;
Quelque autre fois Amant heureux ,
Je suis favorisé de l'objet de mes voeux ,
Souvent le bruit de ma science ,
Et de ma grande experience ,
Franchit et les Monts et les Mers ;
Je me fais adorer au bout de l'Univers ;
Après tant de bontez , Dieu sçait si je vous aimez
Pour vous mon ardeur est extrême`;
Quel amour ! non , n'en doutez pas ,
'Vous douteriez de vos appas ;
Mais , sûre de cet avantage ,
Contentez-vous de mon hommage ;
Trop d'amour cause trop de soin ,
Nous pouvons nous aimer de loin ;
Songez aux conquêtes nouvelles ,
C'est-là l'Ambition des Belles ;
II. Vol. D'autre
2792 MERCURE DE FRANCE
D'aucun soupçon jaloux , je ne puis être épris ;~
Vous pouvez à mes yeux aimer mes ennemis.
Pierre de Frasnay .
LETTRE du Jardinier Solitaire , à
M. *** au sujet d'une Lettre sur la
Greffe , inserée dans le Mercure de
P
France.
Lusieurs personnes de mes amis
m'ont apporté le Mercure du mois
d'Octobre dernier , pour me faire voir
une Lettre au sujet de la Greffe , qui
paroît m'être adressée , et qu'ils croyoient
m'interesser à cause de l'application que
je donne à tout ce qui regarde l'Agricul
ture , sur tout depuis quinze ans que je
suis chargé du soin de notre Jardin ; mais
je les ai assurez que cette Lettre ne me
regardoit en aucune maniere ; je n'en connois
pas l'Auteur qui me paroît supposé;
je vous dirai même que je n'ambitionne
pas de le connoître , tant j'ai été choqué
de la malignité de son stile ; je souhaite
seulement de me conformer , autant qu'il
me sera possible , aux grands principes
qu'il a mis au commencement et à la
II. Vol. fin
DECEMBRE . 1733. 2793
fin de sa Lettre ; c'est uniquement dans
cette vûë que je ne crois obligé de vous
dire ce que je pense de cet Ouvrage , pour,
rendre justice à M. Duhamel , qui m'a
tnujours communiqué son travail sur
l'Agriculture , peut - être par une espece
de reconnoissance des secours que notre
Jardin peut lui fournir de tems en tems
pour faire les experiences dont il croit
tirer quelque avantage.
Je distingue deux pa ties dans la Lettre
en question ; l'une qui renferme des
Observations sur l'union de la greffe avec
son sujet , et l'autre qui est une Critique
d'un Memoire de M. Duhamel , ou qui
en est plutôt une Parodie.
La premiere Partie m'a parû assez bonne
et m'a fait plaisir à lire , quoiqu'elle
n'ait rien de nouveau pour moi , puisqu'il
y a plus d'un an que M. D. m'a
fait voir les préparations qu'il avoit faites
au sujet de la greffe , et qu'il venoit
de démontrer à l'Académie...
bois
1 °. Que jamais le bois des greffes , en
fente ou en couronne , ne s'unit au
du sujet,non - plus que le bois des écussons
quand de mauvais Jardiniers y en laissent.
2°. Que l'union de la greffe avec son
sujet se fait dans la portion de l'écorce
qui doit devenir bois , c'est-à-dire, dans
11. Vol.
cette
2794 MERCURE DE FRANCE
cette partie interieure de l'écorce dont
les fibres ont une direction longitudinale,
ce que M. D. regarde comme du bois en
herbe , de telle sorte que l'union se fait
principalement par la jonction des fibres
herbaces , tant de la greffe, que du sujet,
qui correspondent les unes aux autres ,
d'abord et plus intimement par en bas ,
ensuite par en haut , même par les côtez ,
&c. mais rarement du corps de l'écusson .
avec le bois du sujet je dis rarement ,
car M. Duhamel m'a fait remarquer des
cas où cela arrive .
3º . J'ai vû avec beaucoup de plaisir
dans plusieurs préparations que M. D.
a faites sur les greffes que l'union étoit
toûjours plus intime entre certaines especes
, qui constamment réussissent bien
dans nos Pépinieres , comme le Bon Chritien
d'hyver sur Coignassier, qu'entre d'autres
qui ont toujours de la peine à s'allier
comme la Merveille d'hyver sur le
Coignassier , ce qui nous a donné lieu
de remarquer qu'assez souvent les fibres
s'inclinent et se replient pour s'aboucher,
pendant que dans d'autes cas ces fibres
se joignent sans aucune infléxion .
4. Par des dissections du Guy , il m'a
fait remarquer , tantôt la conformité , et
tantôt le peu de ressemblance qu'il y a
II. Vol. entre
DECEMBRE. 1733. 2795
entre l'union que le Guy contracte avec
les arbres et l'union de la greffe avec leurs
sujets .
5. Nous avons fait ensemble des playes
à plusieurs arbres pour en observer la
réunion ou la formation de la cicatrice ,
ce qui a encore fourni à M. D. des lumieres
sur la greffe.
6°. Enfin M. D. m'a fait voir plusieurs
fois une suite curieuse de greffes de tous
les âges , preparées de maniere à faire voir
très- clairement les progrès de leur union
avec leurs sujets.
Il est fâcheux pour le prétendu Solitaire
, que M; D. soit nanti de toutes ces
choses depuis plus d'un an , et qu'il en aft
fait la démonstration à l'Académie , et
en mon particulier je n'ai point fait de
mystere de m'en entretenir avec tous
les Curieux qui sont venus se promener
dans notre Jardin , il faut cependant
l'avouer , il y a quelque chose de nouveau
dans les Observations qui sont au
commencement de la Lettre , mais dont
je crois que M. D. ne conviendra pass
on y Tit que
dins
, la greffe
en
écusson
,
la greffe fait toujours avec le sujet un an-
-gle plus ou moins considerable , selon que
sa situation avec le sujet est plus ou moins
oblique. Comme si l'on pouvoit placer
II. Vol.
un
2/90 IVIL
un écusson plus ou moins obliquement
à l'égard de son su et . L'obliquité de la
pousse ne dépend donc pas de la situation
plus ou moins oblique de la greffe ,
puisque la situation d'une greffe en écusson
ne peut varier , mais elle dépend de la
situation du bouton ou de ce que nous appellons
l'oeil , par rapport aux autres parties
de l'écusson; et la situation de cet oeil
dépend de la situation què la branche sur
laquelle on a levé cet écusson , avoit sur
l'arbre dont on l'a coupée.
Quelques lignes après il dit : Alors la
couche de l'écorce qui est exierieure à la
couche interieure du Livre , commence à
Pousser dans celle du sujet qui lui correspond.
M. Duhamel croit que les fibres
de la greffe et celles du sujet s'allongent
mutuellement , ce qu'il avance après
* C'est pour cela que M. de la Quintinie et
mon Prédecesseur , ont recommandé de lever
toujours des écussons sur des branches droites ,
sur tout quand il s'agit de greffer des beaux Presents
ou des Inconnues , Cheneau , &c. qui sont
fort sujettes à pousser de travers, quelquefois cependant
par une fausse position des écussons , il
peut arriver que les fibres de l'écusson soient un
peu inclinez par rapport à celles du sujet et alors
la pousse fera d'abord un petit coude qui se redressera
en peu de temps , je ne sçai pas si c'est
de cette obliquité que l'Auteur de la Lettre veut
parler.
II. Vol.
des
DECEMBRE . 1733. 2797
des observations dont il a fait part à l Académie.
Il ajoûte : Mais la portion ligneuse du
sujet périt d'abord , cela est faux , et si
l'on n'a pas soin d'étêter les arbres écussonnez
, ils poussent comme si on ne leur
avoit rien fait.
On lit ensuite Pareillement la portion
ligneuse de la greffe , & c. C'est une mau
vaise méthode que de laisser du bois
dans la greffe en écusson . Quelques lignes
après il dir : Que cette portion ligneuse
ne s'unit avec aucune partie du sujet ; cola
est vrai et a été bien prouvé par M. D.
Elles cessent même de croître , continue-t'il
cela est bien necessaire , puisqu'elle meurt :
cependant il le prouve ainsi , car la por
tion ligneuse de la greffe étant parvenuë
presque vis-à- vis celle du sujet , elles font
un petit détour. Elles cessent de croître ;
pour preuve de cela : C'est qu'elles parviennent
vis - à- vis de celles du sujet , et
qu'elles font un détour. Voila ce que je
n'entends pas. Il parle ensuite assez obscurément
de la formation de la cicatrice
sur l'argot, ou de la maniere dont se ferme
la playe qu'on a faite en retranchant
la tige du sujet ; mais s'apercevant de
son obscurité , et pour se rendre plus clair
es plus intelligible dans ce qui lui reste à
II. Val. dire
2798 MERCURE DE FRANCE
c'est
dire sur la greffe en écusson , voici ce qu'il
dit : Il est bon de regarder l'écorce qui environne
la greffe , comme divisée en deux por
tions , séparées par la partie ligneuse qui en
occupe le centre. Il y a bien de la métho-
оссире
de là - dedans, mais point du tout de clatté.
Qui a jamais entendu parler de portion
ligneuse qui sépare en deux l'écorce,
qui environne un écusson ? Encore un
coup , il ne doit point rester de bois for
mé dans un écusson bien fait . Si je veux
faire entendre à quelqu'un ce que
qu'un écusson , je le distinguerai avec
M. D. en deux parties principales ; l'une
sera le bouton qui en occupe le milieu ,
l'autre l'écorce qui l'environne. Le bouton
est formé exterieurement par des
écailles membraneuses , et interieurement
par ce qu'on appelle l'oeil ou le racourci
d'une jeune branche qui est tendre et
herbassée . L'écorce qui appartient à l'écusson
se peut aussi diviser en deux parties
, l'écorce , proprement dite , est la
plus exterieure , elle est mince , membraneuse
et sert d'enveloppe à l'autre ,
qu'on appelle improprement écorce , et
qui doit devenir dans peu une couche
ligneuse.
Maintenant que nous lui avons donné
une idée claire de la greffe , nous pou
11. Vol.
YOUS
DECEMBRE . 1733. 2799
vons distinguer avec lui l'écorce qui environne
l'oeil de l'écusson en deux portions
, l'une superieure et l'autre inferieure.
La portion superieure de l'écorce ,
suivant lui , forme le plus souvent un bourelet
, qui peu peu recouvre la tige qui a
été coupée, Nous avons trop
bien vû que
le recouvrement dont il est question est
formé partie par l'écorce de la greffe et
en plus grande partie par celle du sujet,
pour que M. Duhamel convienne que
ce recouvrement soit fait le plus souvent
par un bourelet formé par un prolongement
de la greffe , qui peu à peu recouvre la tige
qui a été coupées cependant le prétendu
Solitaire persiste dans son sentiment , en
disant ; lly a des greffes où cette écorce après
avoirfait cette espece de calotte pour reconvrir
entierement le bois coupé , s'unit tellement
avec l'écorce du sujet , qu'on ne voit
aucune marque de jonction. Il n'est pas
surprenant qu'après s'être mis dans la
tête que l'argot étoit entierement recouvert
par l'écorce de la greffe , il n'y reconnoisse
plus d'union , puisqu'il la
cherche où elle n'est pas , cependant il
est sûr que cette union est quelquefois
peu apparente. Il rapporte ensuite un
exemple qui n'est pas fort interessant ,
d'un arbre qui a poussé une branche de
II, Vol.
cet
2800 MERCURE DE FRANCE
; cet endroit quelle raison y auroit il
pour qu'il n'en poussât pas de- là , comme
d'ailleurs ?
Ce que notre Solitaire dit de la greffe
en fente , revient , à peu de cbose près ,
à ce qu'il a dit de l'écusson ; ainsi nous
nous contenterons d'inviter les curieux à
aller voir une greffe de Pommier , âgée
de 14. ans , c'est , selon lui , une piece
fort précieuse , qu'il conserve avec soin
dans son Cabinet : on sera bien dédommagé
du voyage d'Auxerre.
Voilà , M. où se terminent les Observations
du Solitaire , et où commence
la Parodie du Memoire de M Duhamel ,
que je n'aurois jamais reconnu dans ceux
de l'Académie , si l'Auteur de la Lettre
ne l'avoit pas indiqué dans le Tome
de l'Année 1728 .
Premierement , il dit avoir lû dans
le Volume de cette année un Memoire
de M. D. sur la greffe , ce qui est faux ,
puisqu'il n'y a que deux Memoires de
M. D. en 1728. l'un où il découvre la
source d'une maladie du Saffran , et l'autre
où il recherche la cause phisique des
nouvelles especes de fruits ; il est vrai
que cette recherche l'a engagé à dire un
mot de la greffe , mais ce n'est que par
occasion et dans l'espace tout au plus
II. Vol. de
DECEMBRE. 1733. 2801
de deux feuilles , * ce qui dispense M.Duhamel
de l'exactitude que j'espere qu'on
trouvera dans les derniers Memoires qu'il
a faits sur cette pratique d'Agriculture ,
et où il traite en particulier de la maniere
dont la greffe s'unit au sujet ; ainsi
le Memoire cité pa Auteur de la Lettre
n'a pas la greffe pour objet principal.
Secondement , l'Auteur de la Lettre essaye
en raprochant plusieurs morceaux
détachez du Mémoire de M. D. de forcer
le vrai sens du Mémoire , pour avoir
occasion ensuite de le tourner en ridicule.
En effet , suivant la Lettre il semble
que M. D. annonce la découverte
d'une vraie glande à laquelle il attribuë
de grands avantages , pendant qu'il n'a
d'autre but que de prouver que la greffe
ne change pas les especes ; pour cela M.
D. commence par rapporter tout ce qui
* Dans le Tome de 1730. M. D. dit , j'eus occasion
l'année derniere dans un Memoire qui
avoit pour titre , Recherche sur les causes , & c.
d'examiner en passant l'Anatomie de la greffe ..
Cet examen des parties de la greffe ne m'ayant
pas paru suffisant pour détruire un sentiment assez
generalement adopté , à moins que les Observations
Anatomiques ne fussent soutenues
par des Experiences exactes et plusieurs fois réïterées
, j'ai rapporté plusieurs greffes que l'on
pratique tous les jours , &c...
11. Vol. C pa
2892 MERCURE DE FRANCE
paroît favorable à li greffe ou plutôt au
Systême qu'il combat ; il avoue qu'on ne
peut gueres concevoir que deux Arbres
de differente espece se joignent sans qu'il
en arrive une cicatrice qui soit d'un tissu
plus serré que le tissu des Bois qui se
sont joints , il ajoute qu'on voit assez
souvent des infléxions ou changemens de
directions dans les fibres et qu'il peut
bien y avoir quelque chose qui approche
de la Méchanique des gandes ; il
croît même qu'on peut attribuer à cette
nouvelle organisation la petite perfection
qu'acquerrent les fuits par la greffe , et
suppose que cette perfection sera plus
considérabe à proportion que la cicatrice
sera d un tissu plus serré , et qu'ain.
si on ne peut pas esperer que la greffe
affranchisse beaucoup les especes quand
y ayant trop de rapport entre la greffe et
le sujet l'union est si intime qu'il n'y a
presque pas de cicatrice ( 1 ) , après tout
ce sont- là de ces points de Physique où il
n'y a que de la vrai- semblance , et sur
lesquels chacun peut avoir son sentimen
; mais M, Duhamel revient bien tột
au but principal de son Mémoire , et il
dit qu'il ne voit rien dans cette organi
&
( 1 ) Ce qu'on peut voir dans un de ses Mémoires
, imprimé en 17319
LI, Vol Zie
DECEMBRE. 1733 . 2803
sation qui puisse changer les especes :
Voici comme il termine cet article.
Si en effet la glande,le filtre ou le noud
qui est produit par l'application de la
greffe , étoit capable de changer si considérablement
la séve il en naîtroit un fruit
totalement different de celui qu'on auroit
greffé ; ce qui n'arrive pas , il donne seulement
une petite perfection à la séve ,
et quelque petite que soit cette perfec
tion , elle ne laisse pas de se faire remar
quer dans le fruit ; ce que M. D. ach ve
de prouver par plusieurs expériences de
pratique,
A l'égard de l'union des fibres de la
greffe avec le Bois déja formé ; quoique
cela arrive quelquefois , je n'ai point
vû que M. D. l'eut avancé dans son Mémoire
; au contraire , il y a plus d'un an
qu'il m'a fait voir que cette union n'arrivoit
que rarement ; mais quand il seroit
vrai que M. Duhamel se seroit trompé
dans ce Mémoire au sujet de la greffe ,
ne seroit- il pas en droit d'en appeller à
la suite de son rravail sur cette matiere ?
Puisqu'on ne continue à observer que
pour acquerir de nouvelles connoissances
et rectifier les anciennes , et je n'ai rien de
mieux à faire pour l'entiere justification
de M.D. que d'exhorter ceux qui auront
II. Vol. Cij lû
2804 MERCURE DE FRANCE
lû la Lettre du prétendu Frere , à lire le
Mémoire qui a été l'objet de la critique ,
en attendant que la suite de ses Observations
soit imprimée.
Cependant comme l'ami du prétendu
Solitaire , suivant l'usage de tous les Critiques
de mauvaise humeur , ne manque
pas de taxer M. D, de Plagiaire. J'ai été
curieux de m'assurer par moi- même , si
effectivement les Auteurs citez avoient
échapé à M. D. comme cela auroit pû
arriver. Mais cette recherche n'a servi qu'à
me faire voir combien l'envie et la jalousie
déguisent les objets aux yeux
de ceux
qui sont susceptibles de ces passions.
Voici le passage de M.Tournefort: Pour
remplir le dénombrement des causes auxquelles
l'on araporté les maladies des Plantes ;
Il nous reste, à parler des bosses qui naissent
autour des greffes comme les Vaisseaux de
la greffe ne répondent pas bout à bout aux
Vaissaux du sujet sur lequel on l'a appliquée
, il n'est pas possible que le suc nourrissier
les enfile en ligne droite , si-bien
que le
cal bossu est inévitable ; d'ailleurs il se trouve
bien de la matiere inutile dans la filtration
qui se fait du sujet dans la greffe , et cette
matiere qui ne sçauroit être vuidée par aucun
Vaisseau , ni defferens ni extrotoires , ne
laisse pas d'augmenter la Bosse,
II, Vol On
DECEMBRE. 1733. 2805
On voit par le passage
de M. de Tournefort
que l'objet
de cet Illustre
Académicien
, étant
d'expliquer
comment
se
forment
les Louppes
qui se rencontrent
au lieu de l'application
de certaines
greffes
, il a recours
à l'extravasion
du suc
ligueux
; mais examine
- t-il si le noeud
,
la cicatrice
ou le cal qui naît de l'union
des deux Bois , est capable'de
changer
les
especes
c'est cependant
là le but de
M. Duhamel
, dit-il , que cette nouvelle
organisation
peut
produire
les petites
perfections
que les fruits
acquerent
par la
greffe , comme
le soupçonne
M. D. Ce
n'est point du tout l'objet
de M.de Tournefort
; ainsi tout ce que l'on peut dire >
c'est
les deux
Académiciens
ne se
que
trouvent
point
en contrariété
de sentimens
; ce qui ne peut faire que plaisir
à
M. D. H. Le sentiment
d'Agricola
ne
ressemble
pas beaucoup
plus à celui de
M: Duhamel
, mais je ne m'arrêterai
pas
à établir
cette différence
, il me fuffit de
faire remarquer
que l'Agriculture
parfaite
d'Agricola
est un Livre Allemand
,
assez nouveau
, et qui n'a été imprimé
en
François
qu'en
1732. ce qui le rend bien
postérieur
au Mémoire
de M. Duhamel
,
qui a été imprimé
en 1728. Vous voyez ,
Monsieur
, combien
le reproche
que l'on
.II. Vol. C iij
fait
2806 MERCURE DE FRANCE
fait à M.D. est ridicule , et le cas que l'on
peut faire des Critiques d'humeur ; on ne
peut que déplorer la misérable inclination
de ceux qui employent leur esprit et
leurs talens à altérer la réputation des
autres , et à les traverser dans leur travail.
J'ai l'honneur d'être , &c .
NOEL ,
Pour les Dames Religieuses de Notre-
Dame de Perpignan.
P
Aroissez , jours si salutaires ,
Jours , qui devez nous rendre heureux ;
Beaux jours , tant prédits à nos Petes
Secondez l'ardeur de nos voeux ;
Venez , volez , et que sans cesse
Vos douceurs regnent en tous lieux ;
Beaux jours , répandez l'allégresse ,
Et sur la terre et dans les Cieux.
Paroissez , &c.
›
Mais , quel enchantement ! quel éclat ! quelle
Aurore !
Mille et mille rayons dorent tous ces Côteaux;
Ciel ! quels feux apperçois- je encore !
II. Vol. Dans
DECEMBRE. 1733 . 280
Dans la nuit , un Soleil brille dans nos Ha
meaux ,
Quels sons harmonicux ! une Troupe Angeli
que
Des plus aimables chants , fair retentir les Airs
Qu'on est charmé de ses Concers !
Elle annonce par ce Cantique ,
Un Kédempteur à l'Univers.
» Chantez , Mortels , chantez Victoire ;
Un Dieu se fait Homme pour vous ;
» Célébrez sans cesse sa gloire ;
. L'Enfer va ceder à ses coups.
» Non , non , vous n'aurez plus de Guerre,
» Vos maux finissent pour jamais ,
» L'Eternel n'a plus de Tonnerre ,
"3 Quand son cher Fils donne la Paix,
» Chantez , Mortels , & c .
Mais qu'apperçois- je , 6 Ciel le Messie ado
rable
Parmi deux animaux.
Un Roy dans une Etable
A peine couvert de Jambeaux.
Quoi ! la Souveraine Puissance ,
Quoi ? ce Dieu si grand , si parfait ,
Sur le Foin , aujourd'hui , soupire après le Lait .
Dont l'homme a besoin dans l'Enfance !
II.Vol Cij Cieux
2808 MERCURE DE FRANCE
Cieux , Terre , tout s'unit pour loüer ce Sanyeur
,
Et tes Filles a , Sion , par la grace épurées -
Font retentir ces lieux des louanges sacrées ,
Que les coeurs attendris , donnent au Redempteur
,
Hautbois , Clairons , tendre Musette ,
Célébrez un Dieu plein d'amour ,
Trompette, sonnez en ce jour ,
De l'Empire infernal annoncez la défaite.
Du Dieu qui vienr briser nos fers ,
Chantons la gloire , et la tendresse ;
Livrons- nous tous à l'allégresse ,
Enfin les Cieux nous sont ouverts.
a Les Dames Religieuses..
P.. R. F. Controlleur au Bureau Général
du Tabac à Perpignan.
La Musique est celle de la Cantate, les Jardins
e Sceaux , &c.
SE
REFLEXIONS.
Elon ce proverbe plein de sens ; Non
e degne di esser obedito , chi non ha ·
modo di esser amato.
II. Vol. Gli
DECEMBRE. 1733. 2809
Gli amici falsi sono come l'ombra dell
borivolo , che se il tempo è soreno apparisce
, s'è nebulose s'asconde.
Dans quelque liaison qu'on soit avec
son ami , et quelque épreuve qu'on en
ait faite , il est toujours d'un homme
sage de se réserver un secret pour soimême.
Ama ut oditurus , odi ut amaturus ....
En amitié on ne commence guere sans
y penser , mais en amour on commence
toujours sans refléxion. Aussi tous les
commencemens de l'amour sont semblables
, mais les suites sont differentes.
Les retours de l'amitié sont difficiles ;
ceux de l'amour sont fort aisez .
Quand nos amis nous ont trompés , on
ne doit avoir que de l'indifference pour
eux ; mais on doit toujours de la sensibilité
à leurs malheurs.
Quand on sçait se faire des amis par
ses bienfaits plutôt que par son mérite ,
on est bien digne d'en avoir , mais on
n'en a pas pour cela.
Un bon coeur approuve autant la ma-
11. Vol. Cv xime
2810 MERCURE DE FRANCE
xime de ne haïr que comme pouvant
aimer un jour , qu'il déteste celle de
n'aimer que comme si un jour on devoit
haïr.
Amigo de todos y ninguno , tode es uno.
De amigo reconciliado , guarte del come
del Diablo.
Quien de todos es amigo , o es muy pobre,
• muy rico.
Il vaut mieux être juge entre ses ennemis
qu'entre ses amis , parce qu'étant
juge entre ses ennemis. , on est assuré
au moins de se faire un ami ; mais étant
juge entre ses amis , on est assuré de se
faire un ennemi et quelquefois plusieurs.
L'avarice est un mal si incurable , qu'il
semble que le temps et la mort même
ne peuvent rien sur sa tyrannie.
La prodigalité est un grand vice à la
verité , mais qui ne fait du mal qu'à
soi même et dont les autres se trouvent
bien. L'avarice est odieuse à tout le monde
, elle nuit à soi et aux autres . Nullum
etiam vitium tetrius avaritia , dit Ciceron,
I I. Vol.
pròligus
DECEMBRE. 1733. 2817
prodigus avaro esse melior videtur , quia
ipso multis , illiberalis nemini prodest , immo
nec sibi quidam utilis avaritia .
La prodigalité peut se guérir , mais
l'avarice est une maladie désesperée qui
croît avec l'âge.
Chaque passion a ses plaisirs , et quoi
qu'on regarde la vie d'un avaricieux comme
la plus miserable du monde, jusqueslà
qu'on croit que le plus grand mal qui
puisse lui arriver , c'est qu'il vive longtemps
; cependant le plaisir qu'il a de
posseder son argent , de le voir , de le
compter , d'y songer , lui tient lieu des
plus grandes joyes , et il n'y en a point
dans le monde auxquelles il fut si sensible.
L'Avare croit qu'il n'aura jamais assez
de biens ; son avidité pour ceux qu'il
n'a pas , lui ôte le moyen de jouir de
ceux qui sont en sa possession , et on
peut dire que les richesses le possedent
et qu'il ne les possede pas.
Un Avare ne fait du bien à personne ,
pas même à soy ; et il n'use pas plus
de ce qu'il a , comme de ce qu'il n'a pas.
Tam deest avaro quod habet , quam quod
non habet . Horat .
II. Vol
V ] L
2812 MERCURE DE FRANCE
L'avarice loüable est celle du temps ,
qu'on ne sçauroit trop ménager.
On est toujours très- étroitement attaché
à ce qu'on craint de perdre , et
à ce que les autres nous envient , en sorte
qu'on peut assurer qu'un Avare cesseroit
de l'être , s'il pouvoit se persuader
que personne ne lui envie ses richesses
et qu'il les possedera toujours ; l'inquiétude
nourrit l'amour qu'on a pour elles.
Non luget quisquis laudari , Gallia quarit ;
Ille dolet verè , qui sine teste dolet . Mart.
Les pleurs d'un heritier sont des ris
cachez sous un masque . Heredis fletus sub
persona risus est. Publ. Syrus.
Les disgraces et les infortunes nous
surprendroient moins si nous faisions reflexion
sur la condition de notre nature
et sur les miseres qui en sont inséparables.
On ne doit pas plus se desesperer dans
l'adversité , que se confier trop dans la
prosperité.
Quelque inégalité qui paroisse dans La
distribution des adversitez , Socrate as-
II. Vol. sure
DECEMBRE. 1733 2813
sure que si chacun apportoit toutes ses
peines pour être mises avec celles des
autres , et ensuite partagées entre tous
les hommes en parties égales , chacun
reprendroit bien vîte les siennes , sans
vouloir les partager.
Dans toutes les disgraces qui peuvent
arriver pendant la vie , le comble de
l'infortune c'est d'avoir été heureux . In
omni adversitate fortuna in felicissimum
genus est infortunii , fuisse foelicem. Boece ,
1. 2. de Consolat.
Les grandes afflictions sont muettes ,
et les petites parlent . Cura leves loquuntur
, ingentes stupent. Senec .
Le souvenir des plaisirs passez est d'un
foible secours aux afflictions présentes.
Toute affliction est supportable quand
on a du pain ; mais sans pain tout est
affliction.
Nous devons voir nos amis dans la
prosperité , lorsqu'ils nous en prient ;
mais quand la fortune leur est contraire
et qu'ils sont dans l'adversité , il faut
y courir sans attendre qu'on soit appellé.
II. Vol.
c'est
2814 MERCURE DE FRANCE
C'est l'ordinaire à ceux qui profitent
à la mort de quelqu'un de paroître toujours
les plus affligez. Nulli jactantius
mærent , quam qui maxime lætantur.
Il y a des douleurs que l'on sent davantage
quelque temps après qu'on a
commencé de les sentir , que lorsqu'on
les sent pour la premiere fois.
Nous avons beau nous piquer d'avoir
le coeur bon pour nos amis , nous ne
sentons leurs malheurs que legerement ,
du moins nous ne les sentons pas longtemps
; car presque toutes les douleurs
de compassion sont des douleurs passageres,
dont la moindre distraction soulage.
Il est mal- aisé que celui qui a le feu
en sa maison , porte de l'eau pour éteindre
l'embrasement de son voisin .
La colere est de toutes les passions la
plus dangereuse ; elle ne produit que de
méchants effets , et marque la foiblesse
de celui qu'elle possede ; car il se laisse
aller au torrent qui l'entraîne , sans voir
le précipice et sans consulrer sa raison
qui pourroit l'en détourner et l'en rendre
maître .
11. Vol. La
DECEMBRE. 1733. 2815
La raison ne veut pas toujours qu'on
trouve juste ce qui est veritablement
justę; mais la colere veut qu'on trouve
juste tout ce qu'elle estime juste.
Sono poco da temersi , coloro aquali la lingua
serve per ispada : la colera che isfoga
per la bocca , non isfoga par le mani.
Les invectives et les menaces sont presque
, toujours l'effet et la marque d'une
colere impuissante , qui d'ordinaire ne
diminuent pas la bonne opinion qu'on
a de ceux qu'on attaque.
Non teme il colerico , perche rimira l'oggetto
inquanto lo puo offendere ; non , -inquanto
puo essèr egli offeso.
ރ
La colere la plus aigre et la plus dange
reuse est celle qui sort d'un sujet dont
la vie est molle et effeminée , car les plus
foibles sont les plus susceptibles mouvemens
de cette passion. On le voit assez
dans les ignorans , les malades , les vieil
lards , les femmes et les enfans.
La colere fait toujours trouver nos
raisons meilleures qu'elles ne sont.
II. Vol.
On
2816 MERCURE DE FRANCE
On est presque toujours obligé de continuer
de sang froid , ce qu'on a commencé
en colere .
IMITATION de l'Ode d'Horace ,
Justum et tenasem , &c.
L
'Homme juste et constant dans ses moeurs
héroïques
D'un Peuple mutiné dédaigne les pratiques ,
D'un Tiran menaçant le visage enflammé :
Immobile , il soutient l'effort de la tempête ;
Ferme , il entend gronder la foudre sur sa tête ;
L'Univers tomberoit sans qu'il fût allarmé.
Pour arriver au Ciel , ce moyen fut le guide
Qui dirigea les pas de Pollux et d'Aleide ;
( Auguste boit déjà le Nectar avec eux. )
Ce fut par ce moyen , puissant fils de Semele ,
Que t'éleva jadis à la gloire immortelle
Ton Chariot traîné par des Tigres fougueux .
Par ce moyen encore et si noble et si rare ,
Le divin Romulus évita le Tartare ,
Secondé des Coursiers au Dieu Mars consacrez ;
Après qu'aux Immortels , Junon moins couroucée
,
II. Vol. Dans
DECEMBR E. 1733. 2817
Dans le Conseil Celeste , eut marqué sa pensée ,
Par ces mots à la fois chéris et réverez.
"
»Un Juge incestueux , une Etrangere infâme ,
D'Ilion, par leur crime ont allumé la flam me ,
" Et quand Laomedon aux Dieux manqua de foi ,
» Nos coeurs s'interessant à vanger cette injure ,
La perte des Troyens et de leur Chef parjure ,
Dès -lors fut résoluë entre Minerve et moy.
» Enfin , de ses forfaits il a porté la peine ,
» Cet Hôte si fameux de l'adultere Helene ;
Priam de son Hector fatalement privé ,
» Aux ravages des Grecs n'oppose plus de digues ;
» Ce débat obstiné qu'allongeoient nos intrigues,
» Ce débat malheureux est enfin achevé.
50
לכ
53
C'en est fait , je renonce à ma juste colere ;
Mon petit-fils , Troyen du côté de sa Mere ,
M'est , en faveur de Mars , beaucoup moin
odieux :
Qu'il hahite avec nous ces demeures heureuses;
Qu'il goûte du Nectar les douceurs savoureuses
;
Qu'il vienne , j'y consens , s'asseoir au rang
des Dieux .
Pourvu qu'un long trajet partage Rome er
Troye ,
11. Vol. Qu'ins
1816 MERCURE DE FRANCE
Qu'insultez des Troupeaux,qu'aux Reptiles en
proye ,
De Priam , de Paris les Buchers soient deserts ,
Regnent ces Exilez de l'un à l'autre Pole ;
» Subsiste , j'y consens , l'éclatant Capitole ;
Puisse aux Medes vaincus Rome donner des fers.
Qu'elle étende son nom jusqu'aur bornes du
Monde ,
Bornes qu'entre l'Europe et l'Affrique met
l'Onde ,
Jusqu'en l'heureux Pais par le Nil arrosé :
Qu'en ne cherchant point l'or, vrayement pru
dente et sage ,
Elle aspire à l'honneur d'en dédaigner l'usage ,
Et s'épargne l'affront d'en avoir abusé.
Que de ses traits vainqueurs les atteintes more
telles
Se fassent ressentir à tous Peuples rebelles ,
Des climats les plus chauds , aux climats les
plus froids ;
» Mais à condition qu'une pieté vaine ,
N'excitera jamais la vaillance Romaine
A vouloir d'Ilion renouveller les Toits.
» Ilion rebâti , retombera par terre.
» Je veux , moi , femme et soeur du Maître d
Tonnerre ,
Rassembler contre lui tous mes Grecs en
courroux ; » Qu'ADECEMBRE.
1733. 2819
Qu'Apollon par trois fois d'un mur d'airais
l'entoure ,
Trois fois le renversant , leur fatale bravoure
» Fera pleurer la mort des Fils et des Epoux . )
Que faites-vous, ma Muse,où tend votre délire?
Ceci ne convient pas aux accents d'une Lyrë
Destinée à chanter les Amours et les Ris ;
Vous récitez des Dieux les Discours magna
nimes ;
Gardez - vous d'achever , et de ces Chants su
blimes ,
Par vos foibles accords n'abbaissez plus le prix.
F. M. F.
SECONDE Lettre de M. D. L. R.
sur la Litterature des Mahometans , et
sur celle des Turcs en particulier.
J
E réponds , Monsieur , le plutôt qu'il
m'est possible à la derniere Lettre que
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire
de Constantinople le 30 Mars dernier ,
et je commence par l'Article le plus es
sentiel et que vous me recommandez
particulierement. Vous me demandez si
j'ai prétendu parler bien sérieusement ,
II. Vol.
2820 MERCURE DE FRANCE
du moins s'il n'y a rien d'exagéré dans
la Lettre qui concerne la Litterature des
Mahometans et celle des Turcs en particulier
, que vous avez lue dans le Mercure
de Septembre 1732. ajoûtant que
vous attendez ma réponse pour me développer
les Reflexions que vous avez
faites là-dessus et que dès à présent, c'està-
dire , sans attendre ma Réponse , vous
êtes dans le Préjugé general que les Turcs
sont d'une ignorance crasse ,
très- peu
curieux d'en sortir , &c.
Je vous dirai d'abord , Monsieur , que
j'ai écrit très sérieusement sur le sujet en
question , que je ne crois pas avoir rien
exageré et que je n'ai rien avancé sans
autorité , sur quoi je vous renvoye à ma
Lettre même du Mercure , sans préjudice
des autres autoritez que je puis encore
vous alleguer.
J'ajoûterai à cette affirmation que ce
n'est pas mon Voyage du Levant seul
qui m'a détrompé sur la prétendue ignorance
des Turcs ; je suis allé dans l'Orient
presque avec le même Préjugé où
vous êtes aujourd'hui , et que plusieurs
années de séjour n'ont pas encore détruit
chez vous , Préjugé , pour le dire
en passant , qui empêche , qui ôte l'envie
de s'instruire et de parvenir à la découverte
de la verité.
DECEMBRE . 1733. 2827
Mon voyage ne m'a donné là - dessus
qu'une premiere lueur , mais cette lueur
est devenue lumiere et certitude par les
lectures que j'ai faites depuis mon retour
des ouvrages des Mahometans Anciens et
Modernes , qui fe trouvent dans la Bibliotheque
du Roy et ailleurs , et par le
long commerce que j'ai eû avec plusieurs
sçavans d'élite en érudition orientale ,
qui ont passé une partie de leur vie dans
le Levant et qui sont morts à Paris dans
une haute réputation de vertu , et d'amour
pour la verité. Je n'en nommerai
ici que deux , sçavoir.
François Peris de la Croix Parisien
Sécretaire , Interprete du Roy pour les
Langues Orientales , Professeur en Arabe
au Collège Royal , mort sur la fin de
l'année 1713. M. Colbert le fit passer
dans fa jeunesse et séjourner fuccessivement
à Alep , à Hispaham , à Constantinople
, pour apprendre en perfection les
trois principales Langues , l'Histoire , les
Coutumes & c . des Nations du Levant.
Dans son instruction , dont j'ai une copie,
cette habile Ministre lui ordonne de
s'instruire particulierement à l'égard des
Sciences et des Arts cultivez dans ces differens
Pays. M. Petis en rapporta beaucoup
de doctrine Orientale , dequoi il a
?
11, Vol. donné
822 MERCURE DE FRANCE
·
donné des preuves toute sa vie , et plusieurs
Manuscrits utiles , dont il a tra
duit une bonne partie , entre lesquels est
la curieuse Bibliotheque de Hadgi Calfa,
Turc moderne de Constantinople , * qui
feule est capable de détruire le Préjugé
commun de la prétendue ignorance des
Mahometans & c .
Et Antoine Galland de Noyon , de
PAcadémie Royale des Inscriptions et
des Belles Lettres associé à celle des
Ricovrati de Padoue , Antiquaire du Roy,
Professeur en Arabe au Collège Royal ,
mort au mois de Février 1715 Il suivie
le Marquis de Nointel dans fon Ambassade
de Constantinople , dans son voyage
de la Palestine,et dans sa visite des Echelles
du Levant. De retour en France il fit
encore dux voyages à Constantinople
et au Levant par les ordres de M M. Col
* Ce seul Ouvrage peut détromper bien des gens,
et même quelques Sçavans , qui croyent que les
Turcs et autres Mahometans négligent les Sciences ,
trompez par des Voyageurs , qui ne sçackant pas les
Langues , n'ont pas på conferer avec les Sçavans
des l'ays qu'ils ont parcourus . Cette Bibliotheque
est une veritable Encyclopedie de toutes les Sciences
et de tous les Arts chez les Orientaux . Préface de
P'Histoire de Tamerlan , traduite du Persan pat
M. Peus de la Croix, et donnée au Public après
sa mort. 4. vol. 1 12. Paris 1722.
11. Vol. bert
DECEMBRE . 1733. 2823
1
bert er de Louvois , pour la recherche
des Medalles et des Manuscrits . ce qui
acheva de le perf.ctionner dans l'intelligence
des Langues , et dans la connoissance
de l'Histoire et de tout ce qui concerne
les Orientaux . Il étoit d'ailleurs bon
Critique , excellent Antiquaire et naturellement
Philofophe. Il a composé plusieurs
Ouvrages , dont quelques uns ont
été imprimez. De ses Manuscrits ceux
qui regardent l'Orient ont passé dans la
Bibliotheque du Roy. On lui doit l'Edition
de la Bibliotheque Crientale de
M. d'He belot , faite à Paris en 1697 ,
grand in fol.de 106 pag. et la belle Préface
qui est à la tête . a Preface dont la
(a) On fait quelque grace aux Arabes , et ils
passent pour avoir autrefois cult vé les Sciences aves
grande application. On attribue de la politesse aux
Per ans et on leur rend justice .Mais , par leur nom
seul , les Turcs sont tellement décriez , qu'il suffit
ordinairement de les nommer pour signifier une
Nation grossiere , barbare et d'une ignorance achevée
, et sous leur nom on entend parler de ceux qui
sont sous la domination de l'Empire Ottoman . Cependant
on leur fait injustice ; car sans s'arréter à
Les justifier ici de barbarie et de grossiereté , ce qui
demanderoit un détail .... On peut dire à l'égard
de l'ignorance , qu'ils ne cedent ni aux Arabės ni
aux Iersans dans les Sciences et dans les Belles- Lettrer
, communes à ces trois at.ons , et qu'ils les
cultivent presque dès le commencement de lcur Em-
II. Vol.
scule
2824 ME RCURE DE FRANCE
seule lecture est capable de détruire l'erreur
des Européens qui excluent la cul
ture des Sciences et des beaux Arts de
tout le Mahométisme.
Je pourrois , Monsieur , m'en tenir à
ces autoritez , persuadé qu'elles sont plus
que suffisantes pour confirmer tout ce
que j'ai avancé dans ma premiere Lettres
mais je ne puis omettre un troisiéme Témoin
qui se presente icy bien naturelle.
ment ; Témoin illustre et des plus recevables
sur le sujet qui est en question ;
c'est le fameux Comte de Marsigli, dort
on vient de publier un bel Ouvrage sur
l'Etat (a ) Militaire de l'Empire Ottoman ,
& c.
Ce Seigneur vint à Constantinople avec
pire. La Bibliotheque Orientale en fait foi, et observe
dans leur Histoire une suite continuelle de Docteurs
de leur Religion et de leur Loy , très fameux et
très estimez parmi eux , tant pa . leur Doctrine que
par leurs Ecrits. Ils ont aussi des Historiens trèscelebres
e: très - exacts des Actions de leurs Sultans ,
et on peut compter comme une marque de la délicatesse
de leur esprit le nombre considerable de leurs
Poëtes , qui montoit à 590. vers la fin du siecle
passé , & c. A. Galland , dans son Discours pour
servir de Préface à la Bibliotheque Orientale de
B. d'Herbelot.
(a ) STATO MILITARE dell' Imperio Ottomano
, &c. 1. vol . fol. A la Haye et à Amsterdam
1732.
11. Vol.
DECEM DK E. 1733. 2825
an Ambassadeur de la République de
Venise , n'étant encore âgé que de vingt
ans , dans le dessein de s'instruire à fond,
principalement sur le sujet que je viens
que
de dire , rempli auparavant des préjugez
ordinaires , & c . Il servit ensuite l'Empereur
dans les Guerres de Hongrie . Pris
par les Tartares,qui le vendirent au Pacha
de Témiswar , &c. il sçut mettre à profit
son infortune , pour acquerir toutes les
connoissances qui lui manquoient. Après
avoir recouvré sa liberté , il reprit ses
Emplois dans l'Armée Impériale , et il les
conserva jusqu'à la Paix de Carlowits
à laquelle il servit même utilement ; et ,
après la Paix il fut établi Commissaire
Général pour le Reglement des Limites.
Dans l'Ouvrage qui vient de paroître ,
où il ne s'agit rien moins que de Science
et de Litterature , l'Auteur n'a pû
s'empêcher de rendre là - dessus un témoignage
à la verité. Après avoir dépeint
les Turcs , qu'il dégrade tant qu'il
peut , indolens , mous , oisifs , sur tout
les Asiatiques , n'agissant que par nécessité
, &c. il se récrie contre nos préjugez
sur le point de leurs Etudes. Il par
fe de Constantinople et des autres grandes
Villes , » comme étant remplies de
Personnes instruites dans le Mahome-
II. Vol. Ꭰ tisme
2020 TRANCE
» tisme , qui sçavent au moins les trois
» Langues , le Turc , le Persan et l'A-
» rabe : Esprits cultivez en plus d'un gen-
» re de Litterature , Poëtes délicats , His-
» toriens polis , mais d'une exactitude ,
» scrupuleuse , et par là un peu ennuyeuxs
Dialecticiens subtils , Moralistes pro-
» fonds , Géomêtres , Astronomes , Géographes
, et par dessus tout grands Alchymistes
; ce qu'il a été en état , de :
» prouver par un Catalogue de plus de
» 86000 Ecrivains du dernier siécle , re
>> cueillis dans sa Bibliotheque de Boulogne
, et dont il à fourni une Copie:
» pour celle du Vatican . Si les Turcs
n'impriment pas , ce n'est pas , dit il ,
» qu'il ne leur soit libre de le faire ; leur
» motif est de ne pas empêcher une mul-
>> titude innombrable de Copistes de ga
» gner leur vie. On en comptoit 90009
>> pendant son séjour à Constantinople..
» Une autre sorte d'Etude , selon le mê
» me Auteur , c'est que nul Gouverne,
ment au monde n'est plus appliqué et
plus ponctuel que le Gouvernement
Turc , pour conserver des Registres
A
* Le Comte de Marsigli est de Boulogne , et y a
fondé une Académie . Il est des Académies Royales
des Sciences de Paris et de Montpellier , et de la
Societé Royale de Londres,
II. Vol exacts
DECEM DN E. 1733• 2027
exacts en tout ce qui regarde les Trai-,
a tez avec les Puissances Etrangeres , le..
» Domaine , le Cérémonial , l'Expédi
tion des Ordres , celles des Arrêts ou
Ordonnances et Commandemens ; l'E-
>> tat des Officiers en service , et singulie
☐rement les Finances.
Au reste , Monsieur , je vous connois
un si bon esprit , tant d'amour et de vénération
pour la vérité , pour me servir
de vos termes sur ce sujet , que je ne désespere
pas de vous voir changer un jour
de sentiment , sur tout si vous voulez
vous donner la peine d'apprendre seulement
le Turc , qui n'est pas une Langue
fort difficile, et dans laquelle je vous crois
déja initié;cela vous mettroit en état d'entrer
plus souvent dans cette grande Ville,
de laquelle vous êtes peut - être autant separé
par le préjugé , que par un petit bras
de Mer , et de vous instruire par vousmême
, en conferant avec les Gens de Lettres
, & c. Je ne doute pas que vous
in'ayez trouvé des Turcs d'une ignorance
crasse , et comme vous dites , tres- peu
curieux d'en sortir ; mais ce n'est pas
assez pour affirmet la même chose de
toute la Nation . Où ne trouve- t-on pas
dans l'Europe même , de la rusticité et de
l'ignorance ? On trouve aussi du goûr
II. Vol. Dij de
2808 MENCURE
de la Politesse , et de l'Erudition , quand
rien n'empêche d'en chercher. Mais en
voilà asez sur ce sujet.
Rien n'est plus sensé et plus dans le
vrai que ce que vous me dites , Monsieur,
sur l'impropriété du mot de Sophi , par
lequel les Ecrivains Européens , suivis en
dernier lieu par le a P. du Cerceau , désignent
le Roy de Perse. Vous convenez
qu'à ne consulter que la raison , cette
expression est tout- à fait vicieuse , comme
je l'ai prouvé dans un article de mes
Lettres , auquel votre politesse donne le
nom de Dissertation. La verité est qu'on
n'a point encore décidé dans les formes
que ce terme doive être proscrit parmi
ceux qui se piquent de parler correcte
ment mais en attendant cette décision ,
et malgré la continuation du mauvais
usage par des Ecrivains mal instruits , ou
entêtez , ibn'est pas moins certain qu'on
-he prescrit jamais contre la vérité et contre
la raison , et qu'il est toujours temps
de reclamer en leur faveur. L'usage ,j'en
-conviens ; décide le plus souvent en fait
de langue , au préjudice du bon sens et
des régles, mais c'est quand il ne s'agit
précisément que de la Grammaire. Icy il
( a ) Hissoire de la derniere Révolution de Perse
2 vol . in 12. Paris. 1728,
M. Vel.
s'agie
DECEMBRE . 1733. 2829
s'agit d'un point d'Histoire et de Critique.
J'espere m'étendre davantage sur
ce sujet dans un Ecrit que je prépare , et
qui soutiendra peut- être le titre que vous
voulez bien lui donner par avance .
J'ai enfin reçu depuis peu le beau Jusdam
, ou le Porte Lettres de fabrique
Turque , que vous m'aviez annoncé, orné
d'une broderie parlante ; et si cela se
peut dire , bien obligeante de la part de
ceux qui me font l'honneur de me l'envoyer.
Ils devoient en envoyer aussi l'interprétation
; car je ne sçai si nous aurons
bien réussi à expliquer les deux Vers Persans
qui sont si artistement brodez dessus.
C'est ce que vous pourrez faire examiner
par vos Experts . Voici comment
on a lû et interpreté icy cette galanterie
orientale.
Djah toй hemtchou ni i met ferdaous bi zevăl ,
Felicitas tua sicut gratia Paradisi sine defectu
Umr toй hemtchou middet eflāk bi chumăr,
Atas tua sicut spatium sæculorum sine numero.
On s'est servi de la Langue latine pour
mieux rendre l'original Persan , auquel
les Vers suivans , ajoutez par l'Autheur
ême de la Traduction , pourront servir
de Paraphrase :
II. Vol. Djij N...
2830 MERCURE DE FRANCE
N... qu'un bonheur durable
Soit compagnon de tes travaux ,
Qu'il soit exempt de tous les maux ,
Qu'aux biens du ciel il soit semblable.
Que des jours longs et gracieux
Rendenr ton sort digne d'envie ,
Que le terme du cours des Cieux
Soit aussi celui de ta vie.
J'ai reçu presque en même- tems et da
-même Païs , une très- belle Cornaline ,
qui à, sans doute, servi de Cachet à quelque
dévot Musulman de distinction , car
on y lit ces mots Arabes , tres-bien gravez
en caracteres Persans : Mazhar ila
faiz Aichay , c'est- à-dire , protegé par les
faveurs d'Aichay.
Aichay ou Aischah est une Personne
des plus respectables du Mahométisme
en qualité de troisiéme Femme de Mahomet
, et de Fille d'Abdallah , surnommé
depuis a Abubekre ou Pere de la Pudelle
, parce qu'à son exception , ce faux
Prophete n'a épousé que des Veuves . S'il
y a jamais eu des Héroïnes et des Femmes
sçavantes chez les Musulmans , cel
(a ) Abubckre , successeur immédiat de Mabomet
, et le premier des Califes.
11. Kola
k.
DECEMBRÉ . 1933 . 2831
le-cy doit être considérée comme la plus
celebre et la plus ancienne. Son autorité
dans la Religion fut grande de tout tems
parmi les Sunnites , ou les Orthodoxes
pour avoir retenu et transmis ce grand.
nombre de Paroles prétendues Remarquables
de Mahomet , et de Traditions ,
qui ont fait depuis un corps de Doctrine
appellé la Sunna. Aischah par cette raison
est souvent qualifiée de Nabiah ơs
de Prophétesse , et de Seddika , ou de témoin
fidele et authentique. Ils l'appel
lent aussi la Mere des Fidelles .
Sa renommée n'est gueres moins grande
dans l'Histoire du côté de la Politique
et du Gouvernement , et par la valeur
qu'elle fit enfin paroître à la fatale journée
du (a ) Chameau, dans la Bataille qu'elle
donna contre l'Armée d'Ali , pour vanger
la mort du Kalife - Othman , donnant
par sa présence et par son exemple le
mouvement et le courage à ses Troupes.
Bataille sanglante dans laquelle il y eut
près de zo mille Arabes de tuez sur la
place ; qu'elle perdit cependant avec sa
: ( a ) Ainsi nommée par les Historiens , à cause
du Chameau que montoit Aischah , lequel on ne
put jamais arrêter dans la mêlée , qu'en lui coupant
les Jarrets , ce qui donna lieu à la prise de la
Princesse , et à la déroute de son armée , c. )
II. Vol. D iiij.li2832
MERCURE DE FRANCE
liberté. Ali la lui rendit depuis , en la
renvoyant à Médine, où elle mourut l'an
58 de l'Hégire (a) , c'est à.dire fort âgée,
et fut inhumée auprès de Mahomet son
Epoux.
Je vous envoye avec plaisir, le Plan de
la Principale Face de la Mosquée de sainte
Sophie de Constantinople , gravé icy
par le Sr Surugue , Graveur du Roy , à
l'occasion duquel on a fait en peu de
mots la Description et l'Histoire de ce
fameux Temple, dans le II.Vol.du Mercure
de Juin 1732. Cette Description a
donné lieu à une Critique . M. A .. . de
Marseille , qui a séjourné à Constantinople
, soutient que l'eau de la Mer entre
dans les voutes souterraines , sur les
quelles tout l'Edifice est bâti , et qu'on
peut y aller en Batteau ; circonstance
qu'il ne falloit pas , dit-il , omettre dans
cette Description ; promettant de don
ner là-dessus un Ecrit , qu'il ne donne ce
pendant point.
J'admire , Monsieur , votre complaisance
, laquelle , quoique persuadé du
contraire , par la haute situation où se
trouve cette Mosquée , et par son grand
éloignement du Niveau de la Mer , vous
a porté à vouloir éclaircir ce fait extraor
(a ) 677 de JESUS -CHRIS T.
1x 11. Vol.
diDECEMBRE.
1733. 2833
'dinaire. Cet article de votre Lettre est
réjouissant ; il me semble vor ce vieux
Officier de la Mosquée , chargé du soin
de conduire par tout les Etrangers de
distinction , que vous avez consulté,douter
d'abord , si on lui parloit sérieusement
, puis hausser les épaules , éclater
de rire , et enfin après avoir repris son
sérieux , et bien promené sa main sur sa
barbe , vous assurer gravement qu'il n'y
avoit point d'autre Eau sous Sainte Sophie
, que celle d'une Citerne tres - spacieuse
, d'où on la tire pour l'usage des
Gens attachez au service de la Mosquée ,
par un Puits , dont l'ouverture est dans
le Temple même , et que le reste de ces
Voutes souterraines est divisé en plusieurs
Magazins remplis de Munitions de
Guerre , &c. Cet article mérite d'être
communiqué à M. A... si ses autres Mémoires
sur Constantinople ne sont pas
plus exacts , on ne lui conseille pas de les
mettre au jour.
Au reste j'ai été ravi de voir confirmer
par votre Officier de Sainte Sophie , tout
ce que Guillaume-Joseph Grelor, fameux
Ingénieur François , avoit déja dit de
Eaux souterraines de cette Mosquée
presque dans les mêmes termes , en mar
quant dans ses Plans , la Place précise
II. Vol Dv P
2834 MERCURE DE FRANCE
Puits , de la Citerne , des dégrez pour
descendre aux différens Robiners , & c,
Ce qui marque la grande exactitude de
ce Voyageur , envoyé exprès dans le Levant
par le feu Roy , et dont nous avons
un excellent Ouvrage sur Constantino
ple. Je suis , Monsieur , & c.
A Paris , ce fuillet 1733 .
BALADE, en l'honneur de l'Immaculée
Conception de la Sainte Vierge , qui a
remporté le prix au dernier Palinod , à
Caën. Le sujet est le Laurier , vain
queur du Tonnerre.
Descends de ton sacré Parnasse ,
Vien me seconder , Dieu des Vers ;
Du Laurier les charmes divers
Flatent ma Poëtique audace.
Soutien ton vol ambitieux ,
Muse commence la carriere ,
Et chante en ce jour glorieux ,
L'Arbre que la Foudre révére.
Tandis que les Vents et la Glace ;
Ravagent ce vaste Univers ,
Ciel ! que le vainqueur des Hyvers
II. Vol. Nous
DECEMBRE. 1733. 2835.
Nous montre d'appas et de grace !
C'est toi , Soleil officieux ,
Qui par quelque secret Mystere ;
Fais toujours briller à nos yeux ,
L'Arbre que la Foudre révére.
Jeunes Fleurs , dont l'Eclat surpasse
Celui des plus brillans Eclairs ,
Cedes au Héros de mes Airs ,
Le moindre souffle vous efface ;
En butte aux Orages affreux , j
Par un fortuné caractere ,
Il est en tout temps , en tous lieux ;
L'Arbre que la Foudre révére.
Allusion.
Vous , qui par un destin heureux ,
Des Enfers bravez la colere ,
N'êtes - vous pas Reine des Cieux ,
L'Arbre que la Foudre révére ?
Par M. HARD O Ü I N.
XX-XXXXXXXX XXXXXXXXXXX
LETTRE sur les Bains de Toul et les
Valantines de Metz.
V *
Ous m'avez demandé , M. si dans
les Statuts du Chapitre d'une
Cathedrale où l'Alleluia étoit autrefois
enterré réellement par les Enfans de
Le Chapitre de Toul en Lorraine.
II.Vol.
Dvj Choeur
2836 MERCURE DE FRANCE
Choeur , le Samedy du Dimanche dans la
Septuagesime , il n'y auroit point d'autres
pratiques aussi capables de faire connoître
la grossiereté de certains siécles , que
l'étoit celle là . Il y a long- tems que vous
me pressez là- dessus : mais comme it auroit
fallu suivre ces Statuts presque d'un bout
à l'autre et que vous parler de quantité
de choses qui sont traitées dans le glossaire
de M. Du Cange , sur la foi de quelques
autres monumens de pareille espece,
j'ai crû ne devoir m'attacher aujourd'hui
qu'au zele qu'il paroît qu'on prenoit
dans le quinziéme siécle , à distinguer la
fête de Pâques par un concours general
de tout le Clergé dans la Cathedrale.
Il falloit dans cette Eglise que tout le
Clergé se trouvât à Matines à l'heure de
l'Aurore , ad laudem Refurrectionis Domini
quam in aurora dieifactam credimus extitisses
non - seulement l'Evêque et tous les Chinoines
aussi - bien que les Habituez du
Choeur y étoient tenus étroitement les 3.
fêtes d'après Pâques,mais encore tous les
Curez de la ville ; et ce à quoi vous ne
vous attendez peut être pas , c'est que
les Abbayes éloignées de cinq, dix , quinze
lieües et même davantage , devoient aussi
y envoyer de leur part , de même que cxaines
Egli es Collegiales qui avoient des
II. Vol. maisons
DECEMBRE. 1733 2837
maisons d'Hospice dans la Ville Episcopale.
Ce concours general se faisoit ad ser
viendum Ecclesia in Laudem resurrectionis,
et Cathedralis Ecclesia honorem ac reverentiam,
comme le disent les mêmes Statuts ,
jusques-là on ne voit rien que de loiable
, rien qui ne ressente la grandeur du
Mistere qu'on celebroit , et qui ne fasse
voir la subordination des Eglises du Diocèse
à l'Eglise Cathedrale. Les Evêques
introduisant des Reguliers dans les Eglises
subordonnées aux Cathedrales , les soumettoient
aux mêmes obligations ausquelles
ctoient tenus ceux qui avoient occupé
ces Eglises avant eux.
Ici ( a ) au huitiéme siécle, ce devoir
étoit partagé durant toute l'année ; toutes
les Communautez et Paroisses du Dio .
cèfe devoient rendre service à l'Eglise.
Cathedrale , chacune pendant une femaine:
les Paroisses les plus éloignées durant
l'Eté ; les moins éloignées , dans les sai-
(a)La Charte d'Alain , Evêque d'Auxerre ,
de l'an 1163. touchant l'introduction des Chanoines
Reguliers de Saint Satur en Berry , dans
P'Eglise de S. Amatre , ancienne Abbaye , soumise
à la Cathédrale d'Auxerre , porte cette réserve
: Salvis institutionibus que sunt inter Ecclesiam
S. Amatoris et beati Stephani , qui est l
Cathédrale.
II. Vol
S
2838 MERCURE DE FRANCE
sons où les jours sont plus courts ; et les
maisons de Clercs ou de Moines , durant
les six mois des plus petits jours. Voyez
le Pere Labbe. T. 1. Bibl . nova mss . p .
428. ou plutôt le Pere Martene. De ana
tiqua Disciplina in Div. Off. page 11. où
vous trouverez le mois de Septembre
rempli comme les autres , et non pas
vuide comme l'a representé le Fere Lab.
par l'inadvertance de ses Copistes : ce
qui a trompé d'abord Dom Mabillon
qui a écrit que les Vendanges pouvoient
avoir fait suspendre alors ces devoirs de
POffice divin. ( a )
be
Nous ne sçavons pas combien cet usage
dura . Mais au dixiéme siécle c'étoit
aux Fêtes de la Pentecôte que de tout le
Diocèse , les Curez devoient venir rendre
leurs devoirs à la Cathedrale , accompagnez
de leurs peuples, sans que les
plus éloignez comme sont ceux de dixhuit
et dix- neuf lieues en fussent exceptez.
( b ) Nous ne voyons d'autre puni
*
( a ) Sac. iij Bened.
(b ) C'étoit aussi dans le temps des grands
jours , sçavoir , le Dimanche d'après la Trinité ,
que tous les Curez du Diocèse de Tréguier en
Bretagne devoient venir avec leurs. Peuples à la
Cathédrale pour honorer S. Tugal. Cet usage
s'observoit encore au xiv . Siecle , et il Y avoit
trente sols d'amende contre les négligens . Statuta
ynod. Trecor. t. 4. Thess. Anecdat, pag. 1104.
"
DECEMBRE 1733 , 2839
*
tion presente contre les Abbez et les Pretres
qui seroient négligens à s'acquitter
de ce devoir Cathédratique , qu'une privation
de vin qui leur étoit imposée pendant
quarante jours. C'est ce qu'on appelleroit
aujourd'hui une Pénitence, et qui
seroit une rude mortification . Mais vous
allez voir ce qu'on faisoit à Toul. Il n'est
pas dit que ceux qui refusoient de venir
à l'Office de la Cathédrale , ou qui s'y
rendoient tard et avec répugnance , fussent
privez de vin ; je lis seulement dans
le trente-deuxième Statut de la Collection
, approuvée en 1497 , qu'on leur
faisoit boire de l'eau : Et comment.
Les Soudiacres , et les petits Chanoines
se faisant prêter main- forte par les Domestiques
des Chanoines dignitaires étoient
chargez de les arrêter et de les jetter
dans l'eau, ( apparemment de la Moselle
qui passe au bas de la Ville) prenant
cependant la précaution de ne les pas
noyer. Autre restriction : C'est que si c'é
toit une personne de mérite ou de conséquence
qui eut manqué à ce devoir , elle
pouvoit se liberer de cette inmersion ,
pour la somme de deux sols . C'étoit une
espece de rachat , qui pourroit- être ajou
té à ceux dont M. du Cange a parlé dan
son Glossaire.Le texte latin vous prou
II. Vol.
2840 MERCURE DE FRANCE
ra que je n'ai point employé d'expression
qui n'y fut contenue. Il vous paroîtra
peu sérieux , mais il n'en est pas
moins véritable ; et après l'Extrait du Ĉérémonial
de Viviers , que je viens de lire
dans la nouvelle édition du Glossaire , au
mot Kalenda , la gothicité de cet usage
du quinziéme siécle me paroît devoir
encore le ceder à ceux qui se lisent dans
ce Cérémonial , qui est du quatorziéme.
Si aliqui ex prætactis vel contumaciâ ant
torpentiâ defecerit,projiciundus est in aquam,
non periculosè tamen , in signum baptismatis
Christi , quod Apostoli post ejus resurrectionem
ferventi animo predicaverent.Tamen si
ex prænominatis aliquæfuerint honeste persone
, admittantur ad gratiosam redemptionem
non excedentem duos solidos cursibiles , nisi
suâ liberalitate absque aliquâ coactione amplius
conferre voluerint. Et ista redemptiones
Maranciis Ecclesia ...
Il manque icy quelque mot dans ma
copie.
Suntque hujusmodi poena executores Subdiaconi
feriati et Canonici minores cum familiis
Canonicorum dignitates obtinentium ,
sed non impetuosè cum armis aut violentiis
periculosis , imo sub honestis persuasionibus
et moderaminibus virium ne inde scandala
contingant , &c.
II. Vol. I
DECEMBRE. 1733. 284Y
Il paroît que ce Bain ne se faisoit point
malgré les personnes qui devoient le su
bir , et qu'on tâchoit de persuader ceux
qui étoient dans le cas , de s'y prêter de
bonne grace ; mais l'allusion au Baptême
de N. S. me paroît icy hors de son lieu
En un mot , il falloit là comme icy, quelque
chose à Pâques pour divertir ; et je
vois par ce qui suit , que les Laïques
couroient aux Bains de Toul , comme à
la Pelote d'Auxerre , dont il a été ample
ment parlé dans le Mercure du mois de
May , de l'an 1726.
Je vous avois promis aussi , M. l'interprétation
du mot de Valentina, que vous
dites être de la compétence du Glossai
re. Je ne le trouve que dans des Statuts
Synodaux du Diocèse de Metz , rédigez
dans le siecle dernier . Je lis cette deffense
à la page 109. du Recueil imprimé à
Metz en 1699. Parochi vehementer horten
tur Parochianos suos ut abstineant ... àà pi
blicis saltationibus et nescio quibus pravis
consuetudinibus que vulgò Valentine nuncupantur.
Un Sçavant personnage de la
Ville de Metz (a ) de qui je tenois l'explication
des Fêtes du Tonnerre , marquées
dans les mèmes Statuts , m'en
( a ) M. l'Abbé Brayer , Chanoine de la Ca
thedrale , et Vic. Gen. de M. l'Evêque.
IL. Vol.
don
2832 MERCURE DE FRANCE
liberté. Ali la lui rendit depuis , en la
renvoyant à Médine, où elle mourut l'an
38 de l'Hégire (a) , c'est à.dire fort âgée,
et fut inhumée auprès de Mahomet son
Epoux.
Je vous envoye avec plaisir, le Plan de
la Principale Face de la Mosquée de sainte
Sophie de Constantinople , gravé icy
par le Sr Surugue , Graveur du Roy , à
l'occasion duquel on a fait en peu de
mots la Description et l'Histoire de ce
fameux Temple , dans le II.Vol.du Mercure
de Juin 173 2. Cette Description a
donné lieu à une Critique . M. A ... de
Marseille , qui a séjourné à Constantinople
, soutient que l'eau de la Mer entre
dans les voutes souterraines , sur les
quelles tout l'Edifice est bâti , et qu'on
peut y aller en Batteau ; circonstance
qu'il ne falloit pas , dit-il , omettre dans
cette Description ; promettant de don
ner là -dessus un Ecrit , qu'il ne donne ce
pendant point.
J'admire , Monsieur , votre complaisance
, laquelle , quoique persuadé du
contraire , par la haute situation où se
trouve cette Mosquée , et par son grand
éloignement du Niveau de la Mer , vous
a porté à vouloir éclaircir ce fait extraor
`( a ) 677 de JxsUS CHRIST.
11. Vol
di
DECEMBRE . 1733. 2845
pour laquelle on s'efforce inutilement de les expliquer.
La solution que l'Auteur du Prob ême
donne à cette difficulté , par l'éxaltation d'une
nature inférieure , comme du point à la ligne ,
de la ligne à la surface , de la surface au solide
est opposée au Systême des Infinitaires , que
composent les Plans d'autres Plans infiniment
petits , et les solides d'autres solides pareillement
elementaires. L'Auteur du Prob ême ajoûte : » le
» passage du fini à l'infii n'a ici rien de plus
extraordinaire que ce raisonnement , où il est
incontestable . Je prends un écu , puis un demi
❤écu , puis un quart , un demi quart , &c . Cela
fait un mouvement croissant et qui peut tou-
»jours croître à l'infini ; ou bien par un mouve
32 ment instantanée et fini , je prends d'un seul
» coup deux écus , cela va au même ; et que sçait
» on même si ce n'est pas plutôt le premier que
le second de ces mouvemens qui est infini
»Au moins le premier ne finit pas , et le second
finit aussi - tôt.
Comment l'Auteur du Problême entend-il que
ces deux mouvements vont au même , puisque
de son aveu , le premier ne finit pas et que le
second finit aussi tot ? Le fini ne contient point
P'infini , à moins qu'on n'ajoûte ce correctif, que
c'est un infini essentiellement concentré dans
son enveloppe et inépuisable dans sa mine, qu'au
cun développement ne peut épuiser, La divisibilité
à l'infini est la contradictoire de la division
à l'infini . L'infiniment petit est un indivisible, qui ,
par consequent est exclus de la divisibilité à l'in
fini. Autrement ce seroit rejetter , et admettre les
indivisibles , exclure et supposer les arômes. Bien
loin de conclure de la divisibilité à l'infini , que
Ja matiere contienne une infinité de parties ,
II. Vol.
2848 MERCURE L FRANCE
prolongement qu'on a supposé capable d'auge
mentation à l'infini , étoit achevé et rendu infini,
ou supposé infini , le prolongement infini seroit
toujours égal à la premiere dimension finie de
ce morceau de cire ou de ce lingot d'or. Voilà
en quoi la supposition renferme les deux contradictoires
; sçavoir , que le morceau de cire ou le
lingot d'or puissent être prolongez toujours de
plus en plus , et que leur prolongement soit terminé
, c'est- à - dire qu'ils passent du fini à l'infini
, ou d'un degré inferieur d'infini à un degré
superieur. Car quelque prolongement qu'on ait
donné à ce morceau de cire, ou à ce lingot d'or,
puisque ce prolongement est toujours capable
d'augmentation à l'infini , il ne peut jamais ête
achevé , à quelque progrès d'extension qu'on
l'arrête , il est fini , et étant égal à la dimension
originaire,c'est une quantité finie égale à une autre
quantité finie ; mais il est impossible et contardictoire,
que l'infini et le fini soient égaux entr'eux
, comme on prétend neanmoins le démon
trer dans les Livres des plus sçavans Géometres ,
au sujet des espaces asymptotiques hyperboli
ques , et en plusieurs autres occasions.
Suivant les Principes du Systême de l'Infini ,
les rayons d'un cercle sont des quantitez constantes
qui n'ont point de difference , mais suivant
les mêmes Principes , le cercle étant un polygone
d'une infinité de côtez, le rayon ne peut
être égal à l'apotême. Outre que l'infiniment petit
, comme je l'ai démontré , est un être de raison
, en le supposant neanmoins , le cercle ne
$
* Guinée , l'Hopital , Memoires de l'Académie
Royale des Sciences. Elemens de la Géometrie de
PInfini de M. de Fontenelle , &c.
II. Vol.
peur
DECEMBR E. 1733. 2849
f
peut être un polygone d'une infinité de côtez ,
ar si l'approximation des apotêmes est infinie , il
n'y a plus de polygone . Cette proposition que
le cercle est un polygone d'une infinité de cô ez,
est d'Archimede , ce grand Géometre en a fait
la supposition , pour parvenir à l'approximation
la plus exacte de la quadrature du cercle . S'il
avoit donné cette supposition pour géométrique,
ce seroit le cas d'appliquer ce qui a été dit par
le celebre Viette ; la conclusion d'Archimede ne
peut être juste , que celle d'Euclide ne soit fausse . *
Si verè Archimedes , fallaciter conclusit Euclides.
Car suivant Archimede , les rayons du cercle ne
pourroient être égaux entr'eux , au lieu que , suivant
Euclide , ils sont nécessairement égaux en-
2
ဘ
tr'eux .
Pour prouver le passage du fini à l'infini , on
alleguera peut - être que dans les Démonstrations
appellées de maximis et minimis , il se fait un
passage du fini à l'infini . Voici comment le Marquis
de l'Hôpital ** s'exprime à ce sujet. » On
conçoit aisément qu'une quantité qui diminuë
» continuellement
, ne peut devenir de positive
négative , sans passer par le zéro ; mais on ne
voit pas avec la même évidence , que lorsqu'elle
augmente elle doive passer par l'infini ..
C'est ce qu'il entreprend de démontrer. Je soutiens
au contraire que ni l'infiniment grand ni l'infiniment
petit ne se rencontrent jamais dans les
courbes . Il est vrai que du positif au négatif , on
passe toujours par zero , mais ce passage n'a rien
de commun avec l'infiniment petit , et le changement
d'une quantité qui augmente , ne la fait
* Viette , Supplem . Géometr.
** Anal. des infinim. petits. §. 3. pag. 42 .
II. Vol. E 104-
10.30 ༔ ་ ་ ༧ 、འ ད" c
non-plus jamais passer par l'infiniment grand. Le
changement qui donne liea à cette expression de
l'infini , c'est que la soutangente devient perpen
diculaire ou parallele. Dans les chiffres il est
clair , que soit qu'on descende des nombres entiers
aux fractions , soit qu'on remonte des frac
tions aux nombres entiers, le passage est toujours
le même par zero , sans que l'infiniment grand ni
l'infiniment petit y entrent pour rien .
Si l'on attribue l'infiniment grand à tout ce
qui est parallele , si un côté du triangle differen
ciel devenant nul , l'autre côté est infiniment
grand par rapport à ce côté qui devient nul , en
ce sens- là on pourra dire que tout ce qui existe de
plus petit dans la Nature , est infiniment grand .
Il faut donc avertir que par cette expression de
grandeur infinie , on doit entendre tout ce qu'on
peut concevoir de plus petit ; l'infiniment grand
et l'infiniment petit sont confondus. Qui ne
voit que ces expressions sont entierement contraires
aux idées qu'elles représentent ? Répondra-
t'on au sujet de ces expressions de l'infiniment
grand et du plus qu'infini , que les noms
des choses sont arbitraires ? Mais les noms des
choses ne doivent jamais présenter un sens opposé
aux idées generales , et à plus forte raison ,
aux veritez primitives et incommutables , et aux
notions claires dans lesquelles consiste l'évideace
même. Aristote , Ciceron , et plusieurs
Naturalistes , ont parlé d'un petit animal aîlé ,
qui ne vit qu'un jour , et qui pour cette raison a
été appellé Ephémere.Si l'on découvroit quelque
animal dont la vie fût bornée à la moitié d'un
jour et que les Naturalistes s'exprimassent ainsi ,
le petit animal qui ne vit que la moitié d'un
jour , est éternel ( en sous- entendant par rapport
II. Vol.
ךולכ
ce qui ne vit point du tout ) et la durée de
l'Ephemere est plus qu'éternelle, étant égale à la
duiée éternelle de cet autre petit animal', et de
plus à une demie journée , ces expressions pourtoient-
elles se concilier avec les idées que tous les
hommes se sont formées de la durée du temps ?
Il est démontré que le plus qu'infini est contradictoire
, qu'il ne peut y avoir differens ordres
d'infinis que le fini et l'infini ne peuvent
être égaux , que ce qui est extensible ou divisible
à l'infini , ne peut être supposé entierement
étendu ni entierement divisé ; que l'infiniment
grand et l'infiniment petit en Géométrie comme
en Physique sont des êtres de raison , que le fini
ne contient point l'infini , enfin que les principes
sur lesquels l'Auteur du Probiême s'est tondé
pour dépouiller la matiere de ses proprietez ,
sont insoutenables par le raisonnement.
l'acheverai dans le prochain Mercure cette
Démonstration par le Calcul ; et les observations
qui me restent à faire , sont d'autant plus importantes
, que le Calcul algebrique s'étant emparé
aujourd'hui des avenues de presque toutes les
Sciences , il est d'une conséquence extrême de le
rendre juste et exact dans la derniere précision.
JE
ENIGM E.
E suis fraîche et bien blanche, agréable à la vûë ,
Chacun me peut toucher et me voir toute nuë ,
J'ai du repos le jour , mais un mauvais destin ,
Me menace depuis le soir jusqu'au matin.
II. Vol. E ij Ecant
2852 MERUURE DE FRANCE
Etant Vierge et toute innocente,
Je ne puis concevoir de criminel dessein
Cependant une flamme ardente ,
Que la nuit allume en mon sein ,
Me dévore le corps , m'agite et me tourmente.
LOGOGRYPHE,
J
M
Arithmétique.
On corps n'a que cinq pieds en bonne
Mon premier chef tranché , me lisant à rebours ,
J'offre aux yeux deux tons de Musique ;
Ma premiere moitié se fait voir tous les jours ,
Dans l'eau , dans le bois , dans la terre.
Quatre , cinq , deux et trois , c'est le fruit de la
guerre ;
A
Trois , un et deux , je nais dans un Jardin ;
Pris dans un autre sens , je deviens un chemin.
Remis dans mon entier sans qu'on me décompose
,
Je suis l'apanage d'Iris ;
Heureux enfin qui se dispose
A vouloir sans tarder connoître qui je suis .
D
Blezin , d'Arles.
AUTR E.
Ans un Erat où regne un'ordre merveilleux,
Par une industrie admirable ,
II, Vol.
Sans
DECEMBR E. 1733. 2853
Sans interêt , mes travaux genereux
Te procurent , Lecteur , l'utile et l'agréable ;
A m'arranger exerce toi ;
Réduisant sept à cinq , tu trouveras chez moi
Un petit Globe assez solide ,
Un autre Globe encor tantôt mol , tantôt dur ,
Auquel cas le plus intrépide
Souvent pour le parer auroit besoin d'un mar.
U ne aimable Epitete et par qui la fémelle ,
Acquiert le droit d'être cruelle .
En quatre , on découvre à la fois ,
Trois Villes , une en France , une autre dans la
Suisse ;
A Rome naissante autrefois
La troisiéme fut peu propice.
On voit encore un innocent
Qui souffrit autrefois un trépas violent.
D'un féroce animal la femelle sauvage ,
Un endroit dans la Mer à l'abri de l'orage :
De ton corps je suis une humeur ;
De ta Loi je suis un Prophere ;
Item. Ce que fait un Seigneur
Quand il veut affermer des Terres qu'il achette.
En trois , d'une Liqueur on trouve l'excrement.
Femme de l'Ancien Testament ;
Plus un Légume , un Cercle où regne la Folie
Et dont la tristesse est bannie ..
Curion de Poulainville.
II. Vol. Bij Dans
2854 MERCURE DE FRANCE
Dans le Mercure de Janvier on donnera
l'Explication de ces Logogryphes
et de ceux du premier Volume de Désembre
1733 .
のの
NOUVELLES LITTERAIRES
A
DES BEAUX ARTS , &c.
BREGE ' HISTORIQUE ET CHRONOLOGIQUE
de l'Ordre du S. Esprit ,
contenant les noms , sur- noms , qualitez
de tous les Chevaliers , Commandeurs
et Officiers , depuis son Institution jusqu'à
ce jour. A Paris , chez Pierre Gandonin
, Quay des Augustins , 1734. in 16.
1 TRAITE PHYSIQUE ET HISTORIQUE de
Aurore Boreale. Par M. de Mairan , de
P'Académie Royale des Sciences . A Paris ,
de l'Imprimerie Royale , 1733. in 4. de
281. pages et 15. Planches. Chez Lambert
, ruë S. Jacques , à la Sagesse.
Cet Ouvrage , lû à l'Académie des
Sciences, et annoncé auPublic depuis quelques
années , contient une Explication
Physique de l'Aurore Boréale , fondée
sur quantité d'Observations Astronomiques
, et sur une recherche historique
11. Vol. -des
DECEMBRE . 1733 2855
des Apparitions de ce Phénomene dans
tous les siecles. L'Auteur prétend que
la Lumiere Zodiacale , découverte par
feu M. Cassini , où , ce qui est la même
chose, l'Atmosphere qui environne le Soleil
et qui atteint quelquefois jusqu'à la
Terre , est la véritable cause de l'Aurore
Boreale , dont elle fournit la matiere en
tombant dans l'Atmosphere Terrestre.
11 explique comment , selon quelle Loi
et de quelle distance se fait cette chue ,
d'où viennent les diverses formes , et la
place que prend cette matiere vers le
Nord ou vers les autres parties du Ciel.
Il compare ensuite les temps de la plus
grande frequence et de la plus grande
régularité du Phénomene , avec les differentes
positions de la Terre , et ses diffes
rens mouvemens autour du Soleil , et il
en tire des conclusions favorables à son
Hypothese. Il termine enfin son Ouvrage
par 28. Questions ou doutes sur diverses
matieres qui tiennent directement
ou indirectement à son Sujet et qui peuvent
faire naitre de nouvelles idées ou
procurer de nouvelles Observations, tant
sur la Lumiere Zodiacale et l'Aurore
Boreale , que sur toute la Physique Celeste.
Quoique ce Livre soit à la suite des Me-
II. Vol. Eij moires
2856 MERCURE DE FRANCE
moires de l'Académie des Sciences , on le
vendra séparément à ceux qui ne voudront
pas acheter ces Memoires.
NOUVELLE METHODE pour trouver les
XIV. des nouvelles Lunes Pascales , avec
la Réforme de la Pâques depuis 1700.
jusqu'en dix mille ans , selon le stile
Grégorien , dédiée à M. de Bretons de
Crillon , Archevêque de Toulouse , par
le R. P. Emmanuel de Viviers , Prédicateur
Capucin , Associé à l'Académie des
Sciences de Toulouse , et Correspondant
de celle de Paris. A Toulouse , chez G. Robert
, rue Sainte Ursule , et chez Grangeron,
rue S. Rome.
CALENDRIER PERPETUEL pour connoître
la Pâque , les Fêtes Mobiles et leur
rencontre avec les Fêtes fixes de chaque
année , même avant la réformation de
158 2. ensemble la Pâques des Protestans ,
l'Índicrion , le Nombre d'or , l'Epacte ,
la Lettre Dominicale , l'heure du lever
et du coucher du Soleil , avec les jours du
Mois et de la Semaine. A Aix , chez
Choquel et le Blanc , 1734.
ALMANACH ROYAL , in 8. de 430. pages
, contenant les Cours Superieures et
II. Vol..
JuDECEMBRE
. 1733. 2857
Jurisdictions tant de l'Enclos du Palais
que celle du Châtelet , et generalement
tout ce qui a rapport au Clergé , à l'Epée,
à la Robe et à la Finance ; augmenté
des Abbez Commandataires , Colonels ,
Generaux , Lieutenans Generaux des Armées
du Roy , Maréchaux de Camps , Brigadiers
des Armées Lieutenans Gene-
Laux des Armées Navales et des Galeres ,
Ch fs d'Escadre & c. Et de la date de la
Nomination et Reception de tous les
Officiers ci - dessus , avec une Table generale.
A Paris , au bas de la rue de la Harchez
la veuve d'Hury.
•
Il vient de paroître une feuille imprimée
qui contient en Latin , le Plan d'un
nouvel Ouvrage du R. P, de Montfaucon.
Nous avons crû par l'importance du sujet
, devoir en donner ici une Traduction .
PROJET d'un Ouvrage qui aura pour
titre : Nouvelle Bibliotheque des Bibliotheques.
J'exposerai ici en peu de mots ( c'est
L'Auteur qui parle , le sujet qui m'a fait
entreprendre et publier cet Ouvrage.
Lorsque je visitois les Bibliotheques de
Rome et d'Italie , et que je parcourois
les Manuscrits qui m'étoient confiez
II. Vol. E v j'ai
2858 MERCURE DE FRANCE
j'ai remarqué ce qui m'a paru de plus interessant.
J'ai fait des Catalogues de ces
Bibliotheques , dont j'ai donné la plus
grande partie dans mon Journal d'Italie
en l'année 1702. Non seulement j'ai mis
dans mes Porte- feuilles les Notes que j'avois
faites sur ces Manuscrits , mais j'ai
encore pris avec toute l'exactitude possible,
des Catalogues de ces Bibliotheques
et des Manuscrits , de sorte que je suis re
venu en France amplement chargé de ce
Meuble Litteraire en l'année 1701 .
De retour à Paris , j'ai continué mon
Entreprise, et par le secours de mes Confreres
et de mes Amis , j'ai étendu mes
recherches dans toute la France avec un
tel succès que j'ai recueilli un nombre
presqu'infini de Manuscrits que nos Menasteres
, plusieurs Eglises , et les Cabi
nets des Gens de Lettres m'ont fournis.
Lorsque j'étois occupé à cette Collec
tion , Gosme III . Grand Duc de Toscane,
se rendit par un surcroît de bonheur , à
la priere que j'avois eu l'honneur de lui
faire , de m'envoyer le Catalogue origi
nal de la fameuse Bibliotheque Laurentine
, Ouvrage qui avoit coûté plus de
dix années de travail à deux personnes
d'une profonde Erudition. Enrichi de
ces Tresors , j'ai songé aux moyens de les
II. Vol. rendte
DECEMBRE. 1733. 2858
rendre ut.les , tant pour moi que pour
mes amis. Dom Jean le Maître, mon cher
Confrere , a bien voulu seconder mon
dessein en transcrivant lui - même toute
cette Collection , et en y joignant une
Table aussi ample qu'exacre , travail des
plus penibles qu'il a enfin achevé en
l'année 1720. La Collection contient
2 Vol. in fol.
,
>
C'est par ce moyen un grand avantage
pour moi , pour mes amis et pour tous
les Gens de Lettres , qui s'occupent à
corriger les Ouvrages des Auteurs anciens
et ceux d'un certain âge ; puisque
d'un coup d'oeil il est aisé de distinguer
combien il se trouve de Munuscrits d'un
même Auteur dans près de cent Bibliotheques
ou Cabinets de France et
d'Italie , en tout genre de Litterature ,
principalement en Grec et en Latin , sans
parler des autres Langues ou Idiomes ,
surtout pour ce qui regarde l'Histoire
ou les Moeurs de quelque Nation ou de
quelque siécle dont la plupart sont écrites
en François , d'autres le sont en Italien
et quelques - unes en Espagnol. Plusieurs
personnes tant de nôtre Nation qu'Etrangers
, qui sont venus consulter cette
Collection en ont déja fait l'épreuve. Ce
sont ces mêmes personnes qui m'ont sol-
II. Vol Evi licité
2860 MERCURE DE FRANCE
par
licité de publier l'Ouvrage en le faisant
imprimer. Cependant je ne leur ai pas
obr d'abord, soit parce que me trouvant
distrait d'autres affaires , je ne pou-
Vois pas travailler à cet Ouvrage , soit
parce que je croyois qu'il manquoit encore
quelque chose à sa perfection .
: Mais ils ont redoublé leurs instances
en me representant mon grand âge ,
et que si je venois à mourir, cet Ouvrage
resteroit dans l'obscurité . Enfin après
avoir achevé l'Ouvrage des Monuments
de l'Histoire de France , je me rendis
aux sollicitations de mes Amis , je mis
la main à l'oeuvre , et au commencement
du mois de Juin 1733. j'entrepris de relire,
de corriger et d'augmenter ce Recüeil.
Je disposai pour joindre à cet Ouvrage
plusieurs choses qui m'étoient encore
venues depuis l'année 1720. et ce qui
étoit le plus difficile , je parcourus tous
les Catalogues imprimez des Bibliotheques
, et j'en tirai ce qu'il y avoit de plus
choisi et de plus convenable en quelque
genre de science que ce fut ; omettant et
ce que l'on rencontre communément
dans toutes les Bibliotheques de Manuscrits
, et ce que les sçavans négligent or
dinairement comme les Menées et les
autres Livres qui regardent l'Office Di-
II. Vol.
vin
DECEMBRE. 1733. 2868
vin de l'Eglise Grecque ; les Commenta
teurs d'Aristote tant Grecs que Latins, qui
surpassent en nombre presque tous les
aut res Ouvrages Manuscrits qui se trouvent
dans les Bibliotheques. C'est dans
cet esprit que j'ai choisi dans les Bibliotheques
de l'Empereur , de Coislin, dans
celles d'Angleterre &c. ce qui étoit le
plus important et surtout ce qui m'a paru
le plus avantageux à ceux qui ont entrepris
de corriger les Ouvrages des Auteurs.
Il ne me restoit plus que la Bibliotheque
du Roy , laquelle sembloit demander
encore plus de travail ; Bibliothèque
la plus ample qui ait jamais été , et aussi
fameuse par l'excellence que par le nombre
de ses Manuscrits. François I. appellé
à juste titre le Pere et le Restaura
teur des Lettres , fut le premier de nos
Rois , qui l'enrichit de Manuscrits Grecs
et Latins et de quantité d'autres . Les Rois
qui lui ont succedé ont encore de beaucoup
augmenté ce Trésor Mais Lours
LE GRAND a ajoûté tant de nouvelles richesses
, qu'il n'est point de Bibliotheque
au monde avec qui elle ne puisse disputer
pour le nombre et pour la qualité des
Manuscrits. Au reste cette célébre Bibliotheque
n'a jamais eu d'accroissement
II. Vol.
plus
2862 MERCURE DE FRANCE
plus considerables
que celui que nous
avons vû et qui s'est fait dans l'espace
seulement de 3 années , graces aux soins
et à la vigilance de S. E. M. le Cardinal
de Fleury , qui par ordre du Roy a envoyé
des Sçavans choisis dans l'Orient
gour rechercher
tout ce qu'il y auroit
encore de rare en Manuscrits
Grecs , et
dans les autres Langues Orientales
; ces
Sçavans sont revenus avec une riche moisson
. Par le conseil de ce grand Ministre,
le Roy a encore acquis la Bibliotheque
Colbert , considerée
avec raison comme
une des plus fameuses de l'Europe ; celle
de S. Martial de Limoges
et quelques
au
tres de moindre considération
qui ont
été jointes à la Bibliotheque
Royale ; en
sorte qu'en moins de 3 ans il a été mis
dans cette Bibliotheque
plus de dix mille
Manuscrits
, qui par leur nombre pourroient
composer une Bibliotheque
qui
iroit de pair avec les plus considérables
de
l'Europe , ainsi que par l'excellence
des
Manuscrits
, ce qui fait qu'on compte au.
jourd'hui plus de trente mille Manuscrits
dans la Bibliotheque
du Roy , parmi lesquels
il y en a plus de 4000 en Grec.
Jamais Bibliotheque
ne fut donc plus
abondante
et plus riche en Manuscrits
pas même celle , de Ptolomée
, ce qui se
1 Vol. roit
DECEMBRE , 1733. 2863
roit facile à prouver si l'on y vouloit
employer quelque tems. Je ne dis rien
en cela que de très conforme à la verité.
C'eut été un travail immense s'il avoit
fallu choisir scrupuleusement dans une
relle Bibliotheque ce qui a rapport à mort
dessein particulier . Mais comme depuis
47 ans j'avois fréquenté et la Bibliotheque
du Roy er celle de Colbert qui lui a
été unie , et comme j'avois déja tiré de
ces Bibliotheques beaucoup de choses ,
j'ai vu par là diminuer vû mon travail. J'ai
lû très- xactement le Catalogue de ces
deux Biblio heques , que les Sçavans , qui
en ont la garde , m'ont obligeamment
communiquez , j'en ai pris ce qui m'a
paru le plus important sans oublier les
Variantes des plus fameux Ecrivains que
j'offre aux Sçavans , avec d'autres remarques
singulieres qui regardent quelques
Manuscrits particuliers , afin qu'on s'en
puisse servir en attendant que les sçavans
Hommes qui ont entrepris de donner un
Catalogue plus parfait y ayent mis la der
niere main.
Car le premier Catalogue de la Bibliotheque
du Roy , quoiqu'ancien , n'a
pas été fait avec toute l'exactitude qui
étoit à désirer du moins en cettains articles.
C'est tout le contraire à l'égard
II. Vol.
du
2864 MERCURE DE FRANCE
du Catalogue de la Bibliotheque Colbert
, qui est sorti de la main du célébre
M. Baluze.
Le sçavant Lecteur pourra donc voir
dans quelles Bibliotheques de l'Europe
- sont les Manuscrits de chaque Auteur
en tout genre de Litterature, en Histoire
ancienne et moderne en celle des
Royaumes , des Provinces , des Villes
des Eglises , des Monasteres , des Maisons
Illustres , en un mot, sur toutes les espe
ces d'Arts et de discipline. Tout cela sera
déduit avec plus d'étendue pour la
commodité des Lecteurs dans une Préface
qui sera mise au commencement de
l'Ouvrage.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Pa
ris , le 10 Decembre 1733. au sujet d'un
Livre , intitulé Les Privileges des
Suisses , & c. :
Vsieur ,dans le Mercure de
Ous avez annoncé au public Mondernier
, un Livre qui a pour titre , les
Privileges des Suisses , & c. avec un Traité
Historique et Politique, & c. on vous prie
de vouloir bien aussi lui annoncer les faur
tes qu'on y a remarquées , entres autres
celles qui suivent :
Premierement, Partie premiere, Traité
II. Vol. hisDECEMBRE.
1733. 2865.
historique , pag. 6. lorsque parlant des
Lettres Patentes , dont Louis XI . gratifia
la Nation Suisse en 1481. L'Auteur de ce
Livre parle ainsi : Elles renferment tout le
fondement des Privileges dont les Militaires
Suisses sont en droit de jouir en France.
Ce mot Militaire , semble exclure tout
le reste de la Nation , contre l'esprit et la
teneur de ces Lettres qui accordent les
inêmes Privileges à tous ceux de cette Nation
habituez dans leRoyaume . Il suffisoit de
dire , dont les Suisses sont en droit de jouir
en France ; ou bien , dont les Militaires et
tous autres Suisses sont en droit de joüir
en France , suivant l'esprit des Lettres Patentes.
Deux lignes après , l'Auteur continuë
ainsi : Ceux de cette Nation qui sont an
service du Roy , croiroient n'avoir rien à
desirer , & c. Quoique ces mots' : Qui sont
au service du Roy , ne puissent porter aucun
préjudice aux droits de ceux qui n'y
sont pas ; néanmoins on peut dire que
c'est une erreur, attendu qu'ils suivent de
près la remarqué cy - dessus , outre les suivantes.
Page 6. dans la substance de ces mêmes
Lettres , l'Auteur y a omis ces mots :
Et tous autres de ladite Nation , qui doivent
être à la suite de ceux- cy : Gages
II. Vol. et
2866 MERCURE DE FRANCE
et Solde ; ce qui ne peut être fait que dans
le dessein de soutenir les idées de soR
Traité historique.
Page 40 , lig 10 , et suivantes , on se
persuade que les personnes bien instruites ne
seront point étonnées de voir les Privileges
don jouit cette Nation , et ceux en particu-
Lier qui se sont dévouez au service du Roy
d'une maniere plus spéciale . C'est icy encore
une erreur , car l'Auteur fait toujours
entendre que ce n'est que ceux
qui se sont dévou z au service du Roy ,
qui ont droit de jouir de ces Privil ges ,
et ceux en particulier qui s'y sont dévoüez
d'une maniere plus spéciale .
On passe sous silence ce qu'il dit des
differens Acres qu'il rapporte dans son
Recueil , rendus pour et contre ces Privileges
; mais on peut remarquer en passant
qu'il n'a pas manqué d'omettre ou
de retrancher ces mots : Et tous autres de
la lite Nation , en tous les Actes et en
tous les endroits où ils devoient être.
蒙
L'Esprit équitable , dit encore l'Auteur
, de ceux qui gouvernent cette Netion,
ne les portera jamais à prétendre au delà des
articles stipulez entre les Parties . En cela
il a raison , mais il n'oseroit soutenir que
ces contestations dont il fait mention ,
l'on ne voit que trop souvent naître
que
II. Vol.
DECEMBR E. 1733. 2867.
à l'occasion de ces Privileges , soient arrivées
pour avoir voulu prétendre au delà
des articles stipulez , sur quoi l'on auroit
bien des choses à dire.
Seconde Partie , pag. 2 et 3. dans le
corps des Lettres de Louis XI.on y a aussi
retranché ces mots : Et tous autres de ladi
Nation , et cela en deux endroits.
On a fait la même chose dans les Lettres
Patentes d'Henry IV. de 1602. pag.
62,63,64 et 65. et c'est particulierement
icy où l'omission est grande , puisqu'on
y a retranché cinq fois ces mots :
Et tous autres de ladite Nation . Cependant
voicy un Extrait des propres termes
de ces Lettres Patentes , où ces mots sont
tapporrez cinq fois , collationnées aux
Originaux , par Carpor , Conseiller , Secretaire
du Roy , signez de lui , avec pa
taphe.
» ... auroit été ... octroyé et accordé
à tous de ladite Nation qui étoient alors
» et seroient pour le temps à v nir à son
» service , et à ses gages et solde , et tous
autres de ladite Nation , mariez èt ha-
» bituez , & c,
» .
•
et en outre , afin que les sus-
» dits Gens de Guerre , et tous autres de
» ladite Nation , & c.
•
..
à ceux de la susdite Nation ·
11. Vol.
qui
2868 MERCURE DE FRANCE
" qui sont employez à leurdit service et
» à leurs gages et solde ; à tous autres de
» la susdite Nation , comme dit est , & c.
» . • avons à iceuxdits Suisses , étant
>> en nos gages et solde , et à tous autres de
» ladite Nation , mariez et habituez en
» notre Royaume , et leurs Veuves , du-
>> rant leur viduité , continuez et confir
» mez , &c. . Si donnons en Man-
» dement à nos Amez , &c.
» de nos présentes confirmations , et du
» contenu cy- dessus ils fassent , souffrent
net laissent lesdits Suisses , étant en no-
» tredit service , gage et soide , et tous
•
•
que
autres de ladite Nation , mariez et ha-
» bituez en notre Royaume et leurs Veu-
» ves durant leur viduité , joüir et user
» pleinement et paisiblement , &c.
,
Le Livre sur lequel on a fait ces Remarques
, intitulé : les Privileges des Suis
ses , cst imprimé à Paris , chez la veuve
Saugrain et Pierre Prault. 1731 .
Jean Dessaint , Libraire à Paris , va débiter
un Ouvrage qui paroît mériter l'at
tention des Curieux . C'est un Poëme sur
la Musique , et un autre sur la Chasse.
Une partie du premier Poëme a déja paru
à Lyon et en Hollande , et a reçu des
II.Vol.
éloges
DECEMBRE. 1733. 2869
éloges tres flateurs pour l'Auteur. Nous
ne doutons pas que ce que l'on donne de
nouveau ne soit favorablement
accueilli
par le Public. On n'a rien négligé du côté
de l'exécution
pour flater agréablement
les yeux . On y trouvera plusieurs Estampes
dessinées par Mrs de Troyes et Oudry
et gravées par M. Debats.Le Papier d'ailleurs
, le Caractere et l'Impression
vont
de pair avec ce que nous avons de mieux
en ce genre.
Le même Libraire débite une nouvelle
Edition de ce que nous avons de meilleur
en Oraisons Funebres ; c'est- à - dire
celles de Mrs Bossuet , Fléchier et Mascaron
, en 3 vol. in 12. avec le Portrait de
ces deux derniers , gravé par Edelinck. Le
prix de chaque vol . de ces Oraisons Funebres
est de 2 liv . 1o f. relié.
2
›
NOUVELLES POESIES SPIRITUELLES ct
Morales sur les plus beaux Airs de la
Musique Françoise et Italienne , avec la
Basse . A Paris , chez P. N. Lottin rue
S. Jacques 1733. in 4 en large de 44 pages
et 12 pages pour les Fables sur de
petits Airs et sur des Vaudevilles choisis ,
avec la Basse et une Basse en musette ,
prix 3 livres .
II. Vol. HIS2870
MERCURE DE FRANCE
HISTOIRE DES YNCAS , Rois du Perou ,
depuis Manco Cap c , Fondateur de la
Monarchie du Perou , jusqà la Conquête
de cet Empire par les Espagnols
sous Atahualpa , dernier Y Ca. Avec
P'Histoire de la Floride , et de la Conquêre
des Provinces de l'Amerique Septentrionale
, qui portent ce nom Par
Ferdinand Soto , écrites l'un et l'autre en
Espagnol pir Yaca Garcilasso de la
Vega , et enrichies de figures gravées
d'après les Desseins de Bernard Picard le
Romain , in 4. en trois Volumes. A
Amsterdam , chez Jean Frederic Bernart,
-173'4 .
I. Le prix de cet Ouvrage , divi é ca
trois Tomes in quarto , sera de neuf florins
pour ceux qui s'engageront à le prendre
lorsqu'il sera en état de paroître :
c'est-à dire au 20 Septembre 17 34. Ceux
qui ne s'engageront pas le payeront quatorze
; et comme on n'en imprimera que
très- peu , on ose assurer qu'il ne se vendra
jamais moindre prix,
II. A l'égard du grand papier , on se
propose de n'en imprimer que 75. Exemplaires
à f. 15. la pièce , et seulement par
souscription. Mais pour ce qui est du
grand papier , on demande la moitié de
la souscription d'avance ; c'est- à- dire f.
II. Vol.
7.
DECEMBRE . 1733. 2871
7. 10. s'il s'en souscrit moins de 75.on en
imprimera moins. Mai quoiqu'il en soit
le Libraire n'en vendra jamais aucun
Exemplaire au delà des Exemplaires souscrits
, et cela sans équivoque , ni restricrion.
III. Les Planches sont in quarto , au
nombre de vingt- cinq , y compris une
Planche pour le Titre : sans compter une
Vignette et deux Cartes.
IV. A quatre D sseins près tous les autres
sont de feu M. Picart. Une grande
partie des Planches étant faite , les Curieux
pourront donner ordre de les voir
chez le Libraire , afin qu'il n'y ait aucune
surprise,
V. Comme on se propose d'imprimer
cet Ouvrage en Janvier prochain , on ne
recevra des engagemens que jusqu'à ce
tems- là , et passé le 1. Janvier 1734.
quelque prix qu'on offre du grand papier
, on n'en vendra jamais aucun .
On souscrit à Paris , chez Briasson , Libraire
, rue S. Jacques , à la Science.
ΩΡΙΓΕΝΟΥΣ ΤΑ ΕΥΡΙΣΚΟΜΕΝΑ ΠΑΝ
TA Origenis Opera omnia , &c . Toni ce
qu'on a pu recouvrer d'Ouvrage d'Origéne ,
en Grec , ou seulement en Latin , &c. Par
·D, Charles de la Ruë , Religieux Benedic-
11. Vol. tin
2872 MERCURE DE FRANCE
•
tin de la Congregation de S.Maur. A Paris,
chez Jacques Vincent 1733 , in fol. second
vol. de 334 pag.
C'est la suite de la nouvelle Edition des
Ouvrages d'Origene , dont nous avons
donné le Plan dans le premier volume du
Mercure de Juin dernier. Il y a un fort
bel Extrait de ce second Tome , dans le
Journal des Sçavans , du mois de Decembre
1733.
La dixiéme Partie des Cent Nouvelles
Nouvelles , de Madame de Gomez, paroît
chez de Mauduit, Quai des Augustins , à
S. François.
EPIGRAMME ,
Sur le Traité de l'Opinion de M. le Gendre,
Marquis de Saint Aubin sur Loire , cydevant
Maître des Requêtes.Par Mlle de
Malcrais de la Vigne du Croisic en
Bretagne .
E mois passé je marchandois les Livres ,
Dans lesquels Saint Aubin , ce Sçavant de nos
jours ,
Confond
cours ,
par merveilleux et convainquans dis-
La folle opinion dont nos ames sont yvres ;
Pas un Liard , me dit- on , à . moins de quinze
livres.
II. Vol. Quinze
DECEMDK E , 1733. 2873
Quinze livres , repris - je ; un Traité Vertu
choux ?
Maître Gaspard , y pensez -vous ?
C'est au Mouton plaintif, d'une lame inhumaine.
Couper en verité le cuir avec la laine.
Je le pris cependant ; mais après l'avoir lû ,
En vous remerciant ; vins- je dire au Libraire ;
Certes , ce n'est pas trop vendu ;
Dieu mette en Paradis feu Gaspard votre Pere ;
Mais chez vous la science aujourd'hui n'est point
chére ,
Je croyois pour le prix n'acquetir qu'un Traité
Et je trouve avoir achepté ,
Une Bibliotheque entiere .
REPONSE à la Leure de Périgueux , sur
Le Systême du Bureau Typographique, inséré
dans le Mercure du mois de Novem
bre dernier.
J
E vois Monsieur, par votre Lettre , que vous
serez bien-tôt au fait du Systême Typogratique
, et que par le moyen de la troisiéine Clas- ,
se du Bureau que vous avez reçue il vous sera aisé
d'y faire ajouter les deux rangs de la quatrié-,
me Classe , sur tout lorsque vous aurez lû le
Tipografaire qui est dans Particle 9. du premier"
volume de la Biblioteque des enfans , page 68 .
vous trouverez , Monsieur , dans l'Ouvrage du
Systême Tipografique qu'un enfant de deux ans
nest point trop jeune pour être mis à la premiere
et à la seconde Classe du Bureau. Nous avons
II. Vol. F à
2074 MERCURE DE FRANCE
à Paris des enfans de vingt mois , amuzez utilement
par le jeu instructif des lettres , et des enfans
de deux ans qui les connoissent toutes.
Vous trouverez aussi dans le premier , dans le
second et dans le troisiéme volume les raisons
qui doivent obliger les Maîtres à faire commencer
les enfans par la lecture du latin, plutôt que
par celle du françois , et sur tout quand on ne
fait pas usage du Bureau ; car ce sistême met à
profit en même- remps l'exercice journalier en
P'une et en l'autre Langue ; Méthode heureusement
confirmée par l'expérience . Cette vérité est
démontrée dans plusieurs endroits où l'on réfute
les préjugez et la pratique erronnée de la Méthode
vulgaire , qui en garrotant , pour ainsi dire,
les enfans dans une chaise , et en leur mettant
aux mains un Livre et une Touche, pour ne pas
dire des Menottes , les menacent du fouet s'ils
détournent les yeux de dessus leur livre ; quelle
différence pour un enfant qu'on laisse marcher ,
eourir et sauter librement devant la Table de
son Bureau ?
Je croi avoir aussi démontré la bonne dénom .
mination des lettres , dans le premier volume ,
art. 10. page 77. §. 1. 2. 3. 4. 5. 6. un enfant
de 6 à 8 ans , au reste qui ne sçait pas lire , peut
et doit l'apprendre par le moyen de l'écriture ,
ainsi que je l'ai fait remarquer dans le troisiéme
volume , et il est inutile d'attendre qu'il sçathe
lire pour le mettre à l'écriture. A l'égard des
Elemens du Rudiment pratique de la Langue
latine , pourquoi ne pouira- t -on pas les mettre
sur des cartes et sur du bois , comme sur du papier
et sur du carton ? Si la matiere peut avoir
quelque préférence , le Bureau outre l'équivalent
des Livres a l'avanage de l'outil amusant et ins-
II. Vol.
tructif,
DECEMBK E. 1733. 2575
tructif , par un exercice agréable et varié que
ne peut jamais donner le livre le mieux fait . Je
vous prie , M.de vouloir bien parcourir les articles
5. 6. 7. 14. 15. du premier volume, et vous
y trouverez la réponse à toutes vos autres objec¬
tions . J'ai Phonneur d'être , &c.
AVIS. Les Personnes de Bourg en Bresse et
de Neuchatel en Suisse , qui ont fait demander
des Bureaux , pourront à présent les faire faire
chez eux à beaucoup meilleur matché qu'à Paris,
et épargner en même- temps les frais et les droite
de la voiture.
NOTA . Pour rendre plus utile au public les lettres
sur le sisteme du Bureau Tipografique , nous
nous avons jugé à propos de les communiquer a
l'Auteur, afin de les donner dans le même mois avec
·leurs réponses , plntôt que de les séparer dans deux
mois differens , lorsqu'elles seront courtes de part et
d'autre.
DEMONSTRATION du plus qu'infini
de Wallis.
R. le Gendre qui cite M. Cheyne , auroit
M pû reconnoître que ce sçavant Anglois a
refine l'objection de M. Varignon, contre le plus
qu'infini de Vvallis , sans faire mention de M.
Cheyne sur ce point ; M. le Genare renouvelle
cette objection en citant son Auteur ; quoiqu'il
en soit , le plus qu'infini est adinis sans doute
dans la Géométrie , dès qu'on y adniet des infinis
de tous les ordres en montant à ' infini; car
l'infini du second ordrè est plus qu'infini , étant
infiniment infini d'ailleurs , si la Parabole est infinie
il est bien évident que l'Hyperbole doit être
plus qu'infinie; car il y a même rapport d'ex-
11. Vol. ten- Fij
2876 MERCURE DE FRANCE
tension entre l'Hyperbole et la Parabole , qu'en
tre la Parabole et l'Ovale . Le raisonnement mê
me que M. le Gendre emprunte d'ailleurs sur la
generation respective de ces trois courbes est
tout-à fait contre lui ; mais pour toute réfutatron
l'aggresseur de Wallis dit qu'en passant de
Paris à Pekin pour aller à Chaillot on pourroit
dire de Paris à Chaillot il y a pius qu'infi.
niment loin. Les affaires de Géométrie ne se
traitent pas si cavalierement.
que
DEMONSTRATION du principe de
M. de Fontenelle , que toute grandeur
qui peut augmenter à l'infini , peut être
supposée augmentée à l'infini.
MR
TR de S. Aubin en répondant dans le Mercure
de Novembre , au Problême proposé
en Septembre dans le même Mercute , combat
un principe des Elémens de la Géométrie de l'infini.
Toute son objection se réduit uniquement à
dire que cette grandeur ne peut être supposée augmentée
à l'infini par cette raison même qu'elle est
capable d'augmentation à l'infini.
N'est-ce pas comme si on disoir , qu'une grandeur
qui peut être augmentée à l'infini , ne peut
être augmentée à l'infini , par cette raison même
qu'elle peut être augmentée à l'infini.
Ou même que ce qui peut être augmenté d'un
pied , ne peut être supposé augmenté d'un pied,
par cette raison même , qu'il est capable d'une
augmentation d'un pied .
Il y a une équivoque dans l'objection de M. le
Gendre : il prend le mot de grandeur deux fois
dans le même sens , quoique tout homme qui
II. Vol. enDECEMBRE
. 1733. 2877
ntend le principe , voye d'abord qu'il faut lui
n donner deux ; car la grandeur qui peut augmenter
à l'infini est une grandeur fixée . Au lieu
que la même grandeur supposée augmentée à
l'infini , est infinie et dans ce sens - là elle est désormais
inaugmentable. De sorte que le principe
se réduit à dire , qu'une grandeur finie peut
par les augmentations dont elle est toujours
susceptible dans cet état devenir infinie .
On pourroit donner une démonstration direc
te de ce principe de M. de Fontenelle , en disant
qu'une grandeur qui peut augmenter d'un pied
d'étendue ne le peut que parce qu'il y a dans la
nature des choses un pied d'étenduë qui existe ,
que si elle peut augmenter de deux pieds , il y a
donc dans la nature une étendue de deux pieds
&c. et qu'ainsi une grandeur , pouvant auginenter
à l'infini , suppose necessairement une grandeur
à l'infini , c'est - à - dire infinie , actucllement
suffisante. G. Q. F. D.
Le 29 de ce mois M. de Moncrif , Secretaire
des Commandemens du Comte
de Clermont , et M. Dupré de S. Maur,
Maître des Comptes , furent reçûş dans
l'Académie Françoise aux places vacantes
par la mort de l'Evêque de Blois et
celle de l'Evêque de Langres. Ils firent
leurs Discours de remerciment , ausquels
M. de Boze , Directeur de l'Académie
répondit , et ils parlerent tous trois avec
beaucoup d'éloquence.
On vient de donner au Public le se-
II. Vol. F iij
cond
2878 MERCURE DE FRANCE
cond Oeuvre de Sonates à Violon seul
du sieur Francoeur le cadet , Compositeur
de la Musique de la Chambre du Roy.
La douzième de ces Sonates est pour le
Violoncelle , ou pour la Viole. Il se vend
10 livres , à Paris chez l'Auteur , rue des
petits Champs , vis- à - vis la Compagnie
des Indes , chez Boivin , à la regle d'or ,
rue S. Honoré , le Clair , rue du Roule ,
à la Croix d'or.
Le Jetton dont nous donnons ici la
Graveure a été frappé depuis peu pour
Mrs les Officiers du Guet. On y voit d'un
côté les Atmes du Comte de Maurepas
Ministre et Sécretaire d'Etat ; ces Officiers
ayant l'honneur d'être dans son Département
; et sur le Revers Castor et
Pollux , tels qu'on les voit representez
sur les Medailles Romaines , à cheval
avec une petite étoile chacun au - dessus
du Casque , et cette Legende ALMA
SIGNA QUIETIS , et dans l'Exe gue ,
OFFICIERS DU GUET 1733 .
,
On ne peut gueres voir de Type d'une
invention plus ingenieuse , et dont l'application
soit plus heureuse. Tout le
monde çait que Castor et Pollux étoient
des Divinitez Titulaires des Romains ,
lesquelles annonçoient leurs victoires , et
II. Vol. assuroicnr
DECEMBRE. 1733. 2879
assuroient le repos de la Ville. Leur constellation
étoit aussi le Symbole de la tranquillité
, sur tout dans la Navigation , ce
qui peut faire encore une juste allusion
avec la Nef que porte dans ses Armes la
Ville de Paris.
Ce Type enfin paroît d'autant mieux
convenir aux Officiers du Guet , que
l'ancien ordre de l'Etoile subsiste encore
dans leur Corps , qui est aussi celui qui
contribue le plus au repos et à la tran
quillité des Citoyens. Arrêté par l'Académie
Royale des Inscriptions et Belles
Lettres dans l'Assemblée tenue au
Louvre le 22 May 17 33 .
,
SIGNA
QUIET
OFFICIERS DU GUET
1733.
Papell .
Rien n'est plus ingenieux que le sujet
et la composition d'une Estampe en lar
ge qui vient de paroître ; elle piquera
sans doute la curiosité des gens de goût
et des connoisseurs , elle est gravée par
M. Lepicié , d'après le Tableau qui fait
II. Vol.
Fiiij le
2880 MERCURE DE FRANCE
le pendant , des Enfans à la Toillette , par
M. Charles Coypel. Et se vend chez le
sieur Surugue , Graveur du Roy , ruc
des Noyers; elle porte pour titre THALIE
CHASSE'E PAR LA PEINTURE. Cette allégorie
a été imaginée au sujet d'une personne
qui a sacrifié à l'étude de la Peinture
, le goût qu'elle avoit à composer
des piéces de Theâtre .
D'un côté du Tableau la Peinture dans
une atitude noble et severe , ordonne à
la Poësie de sortir de son Atelier par ces
quatre Vers , gravez sur l'un des mor
ceaux de papier , déchirez sur le devant
du Tableau.
Muse , je plains votre avanture ;
Partez, emportez Prose et Vers :
Pour mettre une tête à l'envers ,
C'est bien assez de la Peinture.
De l'autre côté , la Poësie suivie de
plusieurs Génies , emportent un nombre
de Piéces de Theâtre, dont on lit les titres ,
pendant que d'autres Génies se cachent
sous une table , tenant des Plans à remplir.
Le fond du Tableau est orné de
Statues , de plusieurs Tableaux , et du
Portrait de l'Auteur.
Il paroît aussi deux nouvelles Estampes
II. Vol. dont
DECEMBRE. 1733. 2881
dont nous serions bien caution que les
connoisseurs mêmes les plus difficiles seront
contens. Ce sont les Portraits en
buste sans mains de deux illustres Artistes
de notre Académie. Sebastien Bourdon
, Peintre , et Michel Anguier , Sculp
teur , d'après les Tableaux de Mrs Hiacinthe
Rigaud et Gab. Revel ; tous deux
excellemment gravez , par le Sieur Laurent
Cars , pour sa reception à l'Académie
1733 .
Nous apprenons de Rome que le Pape
a acheté 60000 écus les Statues antiques
qui apartenoient au Cardinal Alexandre
Albani , et qu'on doit les placer dans le
Capitole .
Le Sr Massoteau Sr de saint Vincent
et de Tartifume , Horloger de l'Hôtel
des Monnoyes à Paris, a inventé et composé
depuis peu une Montre à minutes
et secondes qui va huit jours , laquelle a
paru curieuse et utile ; elle est à deux
grands ressorts , chacun dans un barillet
qui tirent également la même fusée ;
quand on monte la fusée les deux ressorts
se montent à la fois .
Il n'y a que deux aiguilles qui sont
placées au centre commun , et dont l'ua
II. Vol. Fv indique .
2882 MERCURE DE FRANCE
indique l'heure avec le quart ,
la demie
les trois quarts et en même tems la minute
, tandis que l'autre aiguille marque
les secondes et les tierces de 20 en 20 par
ses vibrations ; ensorte que l'on voit le
tout d'un coup d'oeil , au lieu que
dans
les Montres à trois aiguilles , il faut pres
que toujours chercher l'une en haut et
l'autre en bas.
La qualité en est meilleure et plus juste
que celles que l'on a fait jusqu'à present.
Il fait aussi des Montres que de tel sens
que l'on tourne la Clef pour les monter,
on ne les dérange point.
Il travaille à une instruction pour regler
les Montres , qu'il donnerà au Public
incessamment .
On écrit de Londres , que le 8 de ce mois on
fit à Wolwich , en presence des Commissaires
de l'Amirauté à bord du Vaisseau de Guerre le
Roebuck , de 40 Canons , l'essai de deux Rames
nouvellement inventées , par le secours desquels
on prétend qu'un Vaisseau de Guerre, même da
premier rang, pourra virer de bord et faire trois
quarts de lieue par heure dans un calme : l'expérience
n'eût pas tout le succès qu'on en attendoit.
M. Jean Kelly a traduit et ajusté au Theâtre
Anglois , la Comédie du Philosophe marié de M.
des Touches , et elle a été joüée avec succès sur
le Theatre Royal , in Coven Farden.
On
DECEMBRE . 1733. 2888
On mande aussi que M. Crusius y a fait imprimer
depuis peu en deux petits Volumes , les
Vies des Poëtes Latins , avec de courtes Dissertations
critiques et historiques au sujet de ces
Poëtes et de leurs Ouvrages , où il fait voir leurs
beautez et leurs défauts . Il y a joint une introduction
, concernant l'origine et le progrès de la
Poësie en general , et un essai sur le Poëme Dramatique
en particulier.
C'est sur un Memoire peu exact qu'on a dit
dans le Mercure de Novembre dernier , page
2459 que la Faculté de Médecine de Paris ,
substitué à l'examen de Chirurgie , qu'elle faisoit
subir à ses Bacheliers , des exercices sur l'Anatomie
et sur les Opérations Chirurgicales .
Par le Decret de la même Faculté du 21 Mars
1732. et en exécution d'icelui ,, elle conserve
l'examen de Chirurgie , le seul changement qui
y a été apporté , c'est d'obliger ses Bacheliers à
faire les Opérations Chirurgicales sur lesquelles
on les interroge dans cet examen qui se dois
faire la seconde année de Licence.
•
Par le même Decret la Faculté a encore établi
un autre examen d'Anatomie , dans lequel les
Bacheliers doivent répondre en dissequant et en
démontrant les differentes parties du Corps Hu
main,et cet examen se doit faire dans la premiere
année de Licence.
Le Sr Neilson , Ecossois , reçu depuis peu à
S. Cosme , Expert pour la guérison parfaite et
radicale des Hernies ou Descentes à l'un et à
l'autre sexe , et de tout âge , avertit qu'il traite
ces sortes de maladies d'une façon particuliere et
par la simple application des Remedes specifiques
II. Vol. et
E vj
2881 MERCURE DE FRANCE
et sans que le malade cesse de vaquer à ses affaires.
Il donne aussi ses avis et ses Remedes à ceux
qui sont dans les Provinces , soulage même les
Hernies les plus inveterées , rend cette incommodité
suportable et empêche les mauvaises
suites. Il demeure dans la rue Dauphine au Coq
d'or , à Paris.
Par Brevet du Roy , du 22 May 1733 ; et Approbation
de son premier Medecin , le Sr Moureau
avertit le Public , qu'il possede un Secret
pour guerir radicalement toutes sortes de retentions
d'urines , causées par des Carnositez ou
Callositez , sans causer aucune inflammation à la
partie . Son remede est connu par les Experiences
qui ont été faites , il s'expliquera plus amplement
à ceux qui le viendront trouver en sa demeure
, rue neuve de Luxembourg , vis à - vis le
Couvent des Dames de l'Assomption de la rue
S. Honoré , chez M. le Cor , Maître Charon , ou
on le trouvera seulement le matin jusqu'à deux
heures après midi .
Adresse de celui qui empêche la fumée , en
mettant des machines sur les cheminées qu'il
appelle églises . C'est le Sr Monreau , Ferblantier,
demeurant rue du Plessis , à côté d'un Tourneur,
dans une allée au rez de chaussée. Sa Boutique est
au coin du Marché au Pain , du côté de la rue
du Plessis.
BOUTSTHE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
Par M. de V. D.
-II. Vol. AUTHE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
,
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
BOUTSDECEMBRE.
1733. 2885
BOUTS - RIMEZ à remplir.
Pauvreté , Bassesse.
Richesse ,
Masculin ,
Prowesse ,
Féminin ,
Lacheté.
Jupe.
Noblesse , Chapeau ,
Humilité, Dupe ,
Vanité , Toutbeau.
********:: *******
CHANSON.
Malgré Algré la toux qui me tourmente ,
Philis , vous voulez que je chante ;
Il faut vous contenter.
La , la , mais quelle peine !
Mon entreprise est vaine.
Pour pouvoir encor y tenter ,
Dans mon verre , Philis, versez pour m'humecter,
Et que par votre main Bacchus en ait la gloire.
Je vais boire pour chanter ,
Je vais chanter
pour boire.
Par M. de V. D.
11. Vol.
AU2886
MERCURE DE FRANCE
IL
AUTRE.
L n'est point volage .
Ce rendre Amant ,
Son coeur est le gage
De son serment :
Je l'ai sans partage ,
Assurément ;
Il n'est point volage ,
Ce tendre Amant.
h* ******
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
LETTRE de Constantinople , écrite le
20. Septembre 1733. sur le Passage des
Tartares en Perse.
E
problêmatique , Monsieur , les nouvelles qui
en sont venues le 14. de ce mois , dans une Lettre
écrite au Grand- Visir , par le Pacha de Ghend.
gé en Géorgie , sont si positives , qu'à moins de
faire une profession outrée du Pyrrhonisme, on ne
peut plus révoquer en doute ce passage , d'autant
plus que le G. V. a fait venir exprès à la Porte
Mrs les Résidens d'Allemagne et de Moscovie ,
pour le leur notifier et leur communiquer la Lettre
qui en contenoit le détail ; mais avant que je
II. Vol. ✰ vous
1
DECEMBRE. 1733. 2887
vous le communique aussi , il faut que je me re-.
leve moi - même sur deux erreurs qui me sont
échappées en suivant une mauvaise Carte et des
Memoires mal conçus , quand je vous écrivis le
6. de ce mois . Je vous marquai alors qu'on présumoit
que les Moscovites n'auroient pû disputer
long- temps le passage de Derbentaux Tartares ,
ni les empêcher d'entrer dans le Daghestan , et
de- là en Georgie , & c.
Premierement les Tartares allant de Crimée en
Perse , il a fallu qu'après avoir passé le grand et
le petit Cabarta , Pays qui fait partie de la Tar
tarie Circassienne , ils soient tombez dans le
Daghestan , et qu'ils Payent traversé avant que
d'arriver à Derbent , qui est dans le Chirvan ,
Province contigue à celle du Daghestan , ainsi il
ne pouvoit plus être question de les empêcher
de penetrer dans cette derniere Province , puisqu'ils
l'avoient déja passé , et en second lieu , il
étoit ridicule de faire entrer les Tartares du Daghestan
dans la Géorgie , puisque par rapport à
la route qu'ils avoient à faire , la Georgie se
trouvant à côté , et de plus sous la domination
du G. S. ils se seroient tout à la fois détournez
de leur chemin et de leur objet , qui étoit d'aller
piller en Perse . Je reviens à la Lettre du Pacha
de Ghendgé , que voici en subttance
Les Tartares , après les divers combats avec les
Moscovites , dont je vous ai parlé dans ma Lettre
du 6. de ce mois , * continuant leur marche
par le Daghestan , au nombre de 30000. hommes
, arriverent près d'une Peuplade de Lesghis ,
Imprimée dans le Mercure de Novembre,
page 2471 .
II. Vol. appellez
2888 MERCURE DE FRANCE
appellez Imas , de nom du Ima , que porte le
principal lieu de leur canton , qui n'est éloigné
de Derbent que de trois journées . Le Chef
de ce Peuple , sur l'avis qu'il eut de l'approche
des Tartares , s'empressa d'envoyer son fils audevant
d'eux pour leur offrir d'unir ses forces
aux leurs et de les mener lui - même en Perse par
un chemin qu'il sçavoit.
Le Sultan Fethi - Ghuirai , General des Tartares
, accepta volontiers de si belles offres , et les
Imas l'ayant joint en grand nombre avec leur
Chef , les deux Armées marcherent ensemble ;
mais au bout de trois jours il fut bien surpris de
se voir dans un Village à une lieuë de Derbent
seulement.
Les Imas qui passent pour les plus scrupuleux
de tous les Mahometans de ces Contrées , et qui
par motif de Religion , trouvent le joug de la
Moscovie d'autant plûs insupportable , ne respirant
que la révolte , avoient exprès conduit les
Tartares dans cet endroit , dans l'esperance que
ne pouvant plus reculer , la necessité les obligeroit
à tout entreprendre et à fondre avec eux sur
les Moscovites pour s'ouvrir un passage en Perse
par Derbent. Ils se tromperent cependant dans
leurs conjectures.
Fethi-Ghuirai ne voulut jamais se rendre
aux sollicitations qu'ils lui firent de profiter de
cette occasion , et se retranchant toujours sur les
* Les Imas , les Komouks et beaucoup d'autres
petits Peuples du Caucase , du Daghestan et du
Chirvan , sont tous Lesghis d'origine , de moeurs et
de Religion , et ne different entre eux que par le
nom que chaquePeuplade a pris de celui du Ċamon
où elle s'est établie.
II. Vol. ordres
DECEMBR E. 1733. 2889
ordres précis qu'il avoit de la Porte , de ne point
attaquer les Moscovites le premier , il résolut
de camper aux environs de ce Village et d'essayer
d'obtenir duCommandant de Derbent , par la voie
de négociation, la permission de passer . Il y eut
effectivement plusieurs pour parler à ce sujet ,
mais le Commandant Moscovite , après avoir
amusé long-temps Fethi - Ghuirai , lui ayant à la
fin refusé nettement ce qu'il demandoit , et le
Chef des Imas voyant qu'il ne pouvoit persuader
à ce Sultan de se faire un passage par la force
des armes , il lui dit qu'il sçavoit un autre route
dans une Montague du Caucase ; qu'il n'avoit
pas voulu s'en servir d'abord , parce qu'il y avoit
douze heures de chemin à monter ; qu'elle étoit
d'ailleurs fort difficile et pleine de défilez , gardez
par des détachemens de Moscovites , mais
que puisqu'il étoit déterminé à ne vouloir pas
s'ouvrir le passage par Derbent, quoiqu'il l'assuroit
encore du succès de cette entreprise , s'il la
vouloit tenter , il n'y avoit plus d'autre parti à
prendre que celui de traverser la Montagne dont
il venoit de lui parler ; que cependant , outre les
difficultez qu'ils y rencontreroient , ils devoient
s'attendre à trouver de l'autre côté dans la Plaine
de gros corps de Moscovites , qui leur opposeroient
un pareil obstacle qu'à Derbent, il lui paroissoit
necessaire d'écrire à Soulkai , Khan de
Chamakié , pour le prier de venir avec le plus de
Troupes qu'il pourroit , pour les aider à sortir
de cet embarras , et d'attendre la réponse de ce
Khan , avant que de se mettre en chemin .
Le General Tartare ayant goûté ces dernieres
propositions , le Chef des Imas expedia cinq ou
six hommes, qui connoissant tous les sentiers détournez
de ces Rochers , porterent heureusement
II. Vol. les
2890 MERCURE DE FRANCE
les dépêches de Fethi-Ghuirai au Khan de Cha
makié.
Il est à propos de remarquer ici à l'occasion
de ce Khan , que suivant le Traité des Limites ,
signé le 8. Juillet 1724. entre les Turs et les
Moscovites , par la médiation de M. le Marquis
de Bonnac , alors Ambassadeur du Roy à la Porte
Ottomane , les Lesghis qui se trouvent dans le
Chirvan , s'étant soumis d'eux - mêmes , comme
Mahometans , au G. S. dont ils reclamerent la
protection ; Si Hautesse leur envoya un Khan
pour les commander , auquel il assigna la Vule
de Chamakié pour Capitale de cette nouvelle
Principauté , avec un Territoire qui s'étendoit
d'un côté jusqu'au Confluant du Cur et de l'Araxe
, et que le commencement des confins ayant
été fixé dans ce point de la jonction des deux Fleu
ves , il fut decidé que le côté qui est vers la Terre,
Ferme appartiendroit aux Turcs , celui qui re
garde la Mer , aux Moscovites , et le troisième ,
où est le Guilan , à la Perse.
Le Khan de Chamakié ayaur reçû les Lettres de
Fethi-Ghurai , il fit réponse à ce General qu'il
aloit rassembler les Lesghis et marcher à son
secours, en prenant les Moscovites par les derrie
res. Sur cette réponse , le Sultan er le Chef des
Imas décamperent de leur Village , où ils avoient
- demeuré 34. jours, et prirent le chemin de la
Montagne ; ils y rencontrerent effectivement ca
plusieurs détroits de petits Détachemens de Moscovites
, avec lesquels ils escarmoucherent er
qu'ils mirent en fuite sans s'arrêter : mais quand
ils eurent presque descendu cette Montagne ils
apperçûrent de loin dans la Plaine beaucoup de
Troupes Moscovites.
Le General Tartare persistaut toujours à ne
II. Vol. vouloir
DECEMBR E. 1732. 2891
Vouloir point en venir aux mains avec eux que
dans le cas d'une nécessité inévitable , leur envoya
demander le passage , ce qui lui ayant été
refusé , il continua de descendre jusqu'au pied
du Mont, où il se retrancha pour y attendre en
sureté des nouvelles du Khan Soulkaï , qui ne
paroissoit point encore ; mais après trois jours
d'attente , il le vit venir en bon ordre à la tête
d'une nombreuse troupe de Lesghis. Il sortit
alors de ses retranchemens et mit ses gens ea
bataille pour marcher aux Moscovites , qui
voyant qu'on les alloit mettre entre deux feux et
qu'ils avoient affaire à trop forte partie , se reti-
1erent promptement et laisserent le Champ libre
aux Tartares et aux Imas. Ces deux Peuples se
joignirent bien- tôt aux Lesghis et poursuivirent
leur route vers Chamakié , d'où l'on juge qu'ils
n'auront pas tardé à se répandre tous ensemble
dans le Guilan et dans les autres Provinces de
Perse qui sont au- delà de l'Araxe ,
Dès que le G. V. cut reçû cette nouvelle , il
s'informa des noms des Mirzas et des principaux
Officiers de l'Armée Tartare , et il dépêcha des
Couriers pour leur porter
des présens , avec des
ordres de prendre le chemin d'Amadan,pour unir
leurs forces à celles de Topal Osman Pacha , que
l'on dit avoir déja pris la route de Sina , qui n'est pas fort éloigné d'Amadan.
P. S. du 15. Novembre 1733 .
P. V. D ,
J'avois differé,Monsieur , à vous envoyer la Les
tre que vous venez de lire , par ce que des personnes
qui se croyoient interessées à soutenir que le
passage des Tartares en Perse éloit impossible
par le chemin qu'ils avoient pris , se sont donné
II. Vol
tant
2892 MERCURE DE FRANCE
tant de mouvement et de soins pour répandre
de fausses nouvelles à cet égard dans le Public ,
que je ne sçavois plus moi- même que croire de
ce passage , malgré sa certitude si bien établie par
la Lettre du Pacha de Ghendgé et la démarche
du G. V. auprès de Mrs les Résidens d'Allemagne
et de Russie ; mais l'Aga que la Porte avoit
chargé d'accompagner ces Troupes dans leur
route , étant depuis peu de retour ici de Tauris ,
où il les avoir laissées , je n'hésite plus à vous
envoyer ma Relation , qui est entierement conforme
pour l'essentiel au compte que cet Aga a
rendu de sa Mission à la Porte,
P. V. D.
AUTRE LETTRE de Constantinople
du 18 Novembre 1733. Défaute de
Thamas Kouli - Kan par Topal Osman.
Plusieurs Tartares arrivez ici dans la nuit du
8. au 9. de ce mois , ont apporté la nouvelle .
d'une seconde victoire que Topal - Osman Pacha
Seraskier a remportée le 22. du mois passé.
Mais avant que d'en faire le récit , il est à propos
de reprendre les choses de plus loin et
de rapporter quelques faits qui ont precedé cer
Evenement, dont on a été d'autant plus surpris
qu'on n'avoit pas lieu de s'y attendre.
Depuis la défaite de Thamas- Kouli Kan , du
19. Juillet , et la levée du Blocus de Bagdad ,
qui deux jours après en fut le premier fruit , ce
General Persan, quoique dangereusement blessé ,
ayant gagné Amadan avec les debris de son Armée,
paroissoit y vouloir demeurer sur la deffensive,
soit par les soins qu'il prenoit de fortifier cette
Place et quelques autres aux environs , soit par
II. Vel - Je
DECEMBRE. 1733. 2893
le peu de monde qui lui restoit en état de servir.
Il est vrai que quelque temps après sa retraite
à Amadan il écrivit à Acmet - Pacha, Gouverneur
de, Bagdad , que malgré les désavantages qu'il
avoit eus cette année , il ne se tenoit pas pour
tout-à- fait vaincu , qu'il reconnoissoit les fautes
qu'il avoit commises , et qu'il n'y retomberoit
plus ; mais que comme il vouloit faire la guerre
noblement , il le prévenoit d'avance qu'au Printemps
prochain il se remettroit en campagne
avec une Armée plus nombreuse que celle qu'il
avoit perdue , et qu'il l'iroit trouver à Bagdad.
Ces menaces pouvant être regardées comme
des rodomontades , sur tout de la part d'un homme
aussi va n que l'est Kouli - Kan , et ne devant
pas d'ailleurs s'executer si - tôt , on n'avoit
pas sujet d'en craindre des effets prochains.
Achmet-Pacha cependant ne laissa pas de redoubler
son attention pour ravitailler sa Place
et la mettre en état de soutenir un second Siege,
autant que le Pais des environs qui est entiererement
ruiné à plus de 20. lieues à la ronde , et
les autres circonstances où il se trouvoit , pouvoient
le lui permettre ; et Topal Osman , qui
de son côté ne pouvoit , faute de munitions ,
tenter de nouvelles conquêtes , se borna à envoyer
Poulac Pacha avec 6000. hommes s'emparer
de Takaya ou Tayon , suivant la Carte de
M. de Lisle , Défilé dans des Montagnes , par où
il faut absolument passer pour venir d'Amadan
sur les Terres de Turquie. Ensuite divisant son
Armée en plusieurs corps pour la faire plus aisément
subsister, il se retira à Kerkout,à cinq journées
de ce passage, avec environ trente mille hommes
seulement , qu'il disposa dans les lieux cir-
Convoisins , n'en gardant avec lui qu'un petit
II. Vol. nombre
2894 MERCURE DE FRANCE
nombre pour servir de garnison à cette Forteresse.
Les choses étoient dans cet état quand le Seraskier
eut avis que le fils de Thamas Kouli-Kan
amenoit au Candahar quarante mille Aghuans à
son pere , il en informa aussi-tôt la Porte par
un Courier qu'il dépêcha , et representa , comme
il l'avoit déja fait plusieurs fois , la necessité
qu'il y avoit d'envoyer en Perse de prompts secours
d'hommes , d'argent et de vivres , et il demanda
en même - temps qu'en consideration de
sa vieillesse et de ses infirmitez , on lui permit
de se démettre de la Charge de Séraskier, en faveur
d'Achinet Pacha , qui étoit plus en état que
lui de la remplir dignement.
Le G. S. deferant à ses prieres , et ne voulant
pourtant pas qu'is se retirat entierement du service
, l'avoit nonmé Pacha de Cutaya'; Ville
d'Asie , à trois journées de Constantinople , et
Beyglerbey de Natolie ; l'expedition des ordres
pour ces nouveaux arrangemens , étoit même
déja prête à partir , lorsque la Porte reçut de
nouvelles Lettres de Topal- Osman , par lesquel
les il mandoit que les Persans avoient forcé le
passage de Takaya , et que leur General s'avançoit
vers lui avec une nombreuse Armee de Cavalerie
, sur quoi il renouvelloit ses instances
pour l'envoi des secours qu'il avoit demandez.
On tint sur ce sujet un Grand- Conseil au Sérail
le premier de ce mois , mais les résolutions
qu'on y prit furent tenues si secrettes , que le
Public ne fut pas même informé alors de la nouvelle
pour laquelle ce Conseil avoit été assemblé.
On scut seulement qu'on y avoit décidé de sus
pendre l'execution des ordres dont j'ai parlé cy
dessus et que Topal -Osman continueroit à com
nander l'Armée Ottomane en Perse.
DECEMBRE . 1733. 2895
>
Venons à Kouli - Kan ; les Aghuans que conduisoit
son fils , l'ayant joint à Amadan , il en
partit peu de jours après avec so. à 60. mille
hommes de Cavalerie , dont il fit prendre les devans
20. mille pour se saisir du défilé de Takaya.
Poulac Pacha , à qui , comme on l'a dit ,
la garde en avoit été confiée soit qu'il cut
négligé de s'y fortifier , ou qu'il eût été surpris
all'improviste , soit qu'il ne lui parût pas possible
de résister à l'Armée Persane , que de faux avis
lui avoient fait monter à 200. milie Combatans ;
Poulac- Pacha , dis je , à la vue des 20. mille
Aghuans qui venoient l'attaquer , prit la fuite et
se sauva , à la verité , avec presque tout son
monde , mais sans pouvoir rien emporter de son
Camp , qu'il abandonna.
Dès que Topal - Osman le vit arriver en
fuyard à Kerkout , il fut si indigné contre lui ,
et sur tout de ce qu'il n'avoit pas eu le soin de
prendre de plus exactes informations sur le veritable
nombre des ennemis, qu'il vouloit lui taire
couper la tête. Cependant tant de gens de cousidération
se jetterent à ses pieds , pour lui demander
la grace de cet infortuué Pacha , en lui
rappellant les marques éclatantes , qu'il avoit
données de sa bravoure dans la Bataille du 19 Juil.
let qu'enfin le Seraskier se laissa fléchir; mais prévoyant
bien qu'il alloit se trouver dans de grands
embarras , que le danger étoit pressant , et qu'il
ne devoit pas compter sur les secours qu'il avoit
si souvent sollicitez à la Porte , il se tourna du
côté des Arabes du voisinage dont il demanda
l'assistance et dont plusieurs Cheiks , ou Commandants
lui ammenerent sept à huit mille
hommes. Il rapella en même tems le plus de
Troupes Ottomanes qu'il put rassembler , sor-
I. Vol.
2896 MERCURE DE FRANCE
氧
tit de Kerkout , mit son Armée en Bataille devant
cette place ; et fit faire de bons retranchemens
, boracz de 60 piéces de Canons.
Il étoit encore occupé à fortifier son Camp ,
lorsqu'un exprès du General de Perse lui en apporta
une Lettre , par laquelle cet orgueilleux
ennemi marquoit qu'il marchoit à lui , et que
non -seulemene il enleveroit sa petite Armée ,
mais qu'il l'enleveroit lui même comme un enfant
avec son Bechik. Pour entendre la mauvaise
plaisanterie que ce mot Persan renferme , il faut
sçavoir qu'il signifie tout à la fois , Berceau et
Litiere , et que Topal Osman à cause de ses infirmitez
est obligé depuis long- tems à se servir
de cette voiture.
Le Seraskier ne répondit autre chose à cette
Lettre insultante , sinon qu'il étoit boiteux ,
vieux , et malade qu'il ne pouvoit aller au devant
de Kouli- Kan, mais qu'il l'attendoit et que
/ Dieu décideroit de tout.
Ce dernier continuant sa route passa près de
Bagdad sans s'arrêter , comptant toujours que
cette place ne pouroit manquer de tomber entre
ses mains , dès qu'il auroit battu les Turcs ,
comme il s'en flatoit : mais on dit qu'il surprit
tine fort grosse Caravane qui sortoit de cette
Ville , et qui étant destinée pour Alep , Smirne,
et Constantinople , étoit d'autant plus riche que
ceux qui l'avoient formée , croyant leurs effets
en sureté sur la route , depuis la défaite et la
retraite des Persans , ils avoient fait des envoys
considerables de Marchandises précieuses pour
se dédommager de la longue interruption de leur
commerce.
Enfin Kouli- Kan venant à paroître à la veuë
de Kerkout , le 22 Octobre Topal - Osman le
II. Vol. laissa
DECEMBRE . 1733. 2897
laissa approcher de ses retranchemens jusqu'à la
portée du fusil : il fit faire alors une décharge
de toute son Artillerie chargée à mitraille , et de
toute sa Mousqueterie , ce qui commença à
jetter un grand désordre dans l'Armée Persane , )
il dit à ses Soldats qu'il n'avoit rien à leur commander
; qu'ils étoient bien retranchez et qu'ils
pouvoient se tenir sur la deffensive ; mais qu'il
permettroit volontiers de sortir du Camp à tous
ceux qui auroient assez de valeur pour aller atta
quer l'ennemi . A ce discours , les Jannissaires
du Caire , et quelques Corps de Romelie qui ne
s'étoient point trouvez à l'Action du 19 Juillet
se piquerent d'honneur ; et secondez par quelques
autres Troupes et par les Arabes , ils fondirent
avec furie sur les Persans . Il faisoit beaucoup
de poussiere , un gros brouillard et un
vent qui soufloit la poudre aux yeux de ceux ci,
dont les Turcs tirerent un grand avantage.
›
Après quatre heures d'un combat opiniâtre ,
le Seraskier s'appercevant que ses Troupes prenoient
le dessus , il fit ordonner à tout ce qui
lui en restoit dans le Camp , de venir partager
le péril et la gloire de cette journée. Ce renfort
redoubla le courage des Turcs et acheva d'abbattre
celui des Persans : ils prirent enfin la fuite,
laissant 6000 des leurs sur la Place , dont on apporta
les têtes aux pieds de Topal - Osman , ct
trois mille Prisonniers , parmi lesquels on dit ,
que sont le Beau- pere et le neveu de Kouli - Kan
avec plusieurs Seigneurs de marque.
> Le Seraskier les ayant fait venir devant lui
leur demanda comment leur General après avoir
été si bien battu auprès de Bagdat, étoit revenu
le chercher avec tant de diligence ? Seigneur
lui répondirent- ils , Thamas Kouli - Kan n'a d'a-
II. Vol. G bord .
288 MERCURE DE FRANCE
,
bord fait cette démarches que sur les assurances
qu'on lui avoit données de plusieurs endroits que
vous étiez mort et dans la persuasion où il étoit
qu'un Chef tel que vous manquant à l'Armée Ottomane
, il en triompheroit aisément , et qu'ensuite il
ne trouveroit que de foibles obstacles à s'emparer de
Bagdad. Il a bien reconnu depuis , qu'on lui en
avoit imposé , mais il n'a pú se résoudre à reculer,
et il s'est d'ailleurs fié en son courage et à celui des
Aghuans , avec lesquels il a ci- devant remporté
beaucoup de Victoires ,
Il est à remarquer qu'aussi - tôt qu'Achmet Pacha
eût apris que Polac Pacha avoit abandonné le defilé
de Taxaya , il se pressa de faire entrer dans sa
Place tout ce qu'il put ramasser d'utile , et de faire
fermer les Portes , ne doutant pas que Kouli - Kan
ne vint en renouveler le blocus . Il régaloit même
dans ce moment le Buyuk Imbrohor , ou grand
Ecuyer du G.S.qui étoit sur le point de partir pour
revenir à Constantinople ; et iui ayant represen
té le risque qu'il y auroit pour lui sur le chemin
de Bagdad à Kerkout , qui devoit être alors infesté
de partis Ennemis , il lui fit prendre la route
de Mossul par le desert. Topal - Osman en
ayant été informé , envoya à ce Grand - Ecuyer
une Relation de l'Affaire qu'on vient de raconter ,
avec ordre de la faire passer incessamment à la
Porte , et d'attendre encore de ses nouvelles à
Mossul.
On présume de - là , qu'apparemment le Seraskier
veut lui faire remettre avec sureté le Beaupere
et le neveu de Kouli- Kan , avec les autres
Prisonniers de distinction , pour qu'il les conduise
et les présente lui - même au G. S.
Comme suivant quelques avis Kouli-Kan
après cette derniere déroute . s'étoit arrêté à
II. Vol. Leilan
DFCEMBRE. 1733. 2899
>
Leilan qui n'est qu'à cinq lieues de Kerkout
et qu'on craint avec raison qu'il ne veuille encore
tenter le sort des Armes , la Porte a dépêché un
Courier à Demir Pacha qui commiande 40
mille hommes aux environs de Tauris , avec ordre
de marcher en diligence avec les Tartares
qui sont passez en Perse , lesquels l'auront joint
vers les lieux où l'Armée de Kouli - Kan sera
campée.
Quoique cette nouvelle Victoire de Topal-
Osman soit encore plus glorieuse pour lui que la
premiere , on n'a cependant point tiré le Canon
ici , comme il est d'usage en pareil cas , parce
qu'on attend, dit - on , l'arrivée du Buyuk Imbrohor,
ou celle de quelque personne qui vienne directement
de la part du Seraskier.
Du 18 Novembre 1733.
P. V. D.
Comme j'allois fermer mon paquet , Monsieur,
on m'est venu dire une nouvelle de la derniere
importance pour cet Empire ; sçavoir , que Topal-
Osman Pacha étant allé attaquer Thamas
Kouli- Kan à Leilan , où je vous ai marqué qu'il
s'étoit arrêté , après sa dérouté du 22 Octobre ,
les Aghuans qui composoient la meilleure partie
de l'Armée Persane, avoient ployé leurs Etendarts
et s'étoient venus rendre à Topal - Osman , que
Kouli-Kan trop affoibli par cette désertion
pour pouvoir resister aux Turcs , avoit pris la
fuite vers la Perse avec environ 10000 hommes
qui lui restoient , que Topal - Osman l'avoit fait
suivre par Menis Pacha à la tête d'un gros
Corps de Troupes , et avoit donné ordre en
même tems aux Curdes de s'emparer d'un defilé
par où il falloit necessairement que les Persans
II. Vol.
Gij
passassent
2000 MERCURE DE FRANCE
>
passassent; que leur General se voyant prêt d'être
assailli par devant et par derriere , sans espérance
de pouvoir échapper , avoit écrit une Lettre
à Topal- Osman , par laquelle il se confessoit
vaincu et lui demandoit la Paix à telles conditions
qu'il voudroit lui imposer , mais que le
Seraskier lui avoit répondu que le regardant
comme un Rebelle , il ne vouloit traiter en aucune
façon avec lui ; enfin que suivant l'extre
mité ou Kouli- Kan étoit réduit au depart des
trois Couriers qui ont apporté cette nouvelle
ce matin , ce General Persan doit avoir été pris
depuis avec le reste de son Armée.
On a tenu ici sur le champ un Conseil general
au Serail , dans lequel il a été résolu d'envoyer
sans délai des pleins pouvoirs à Topal - Osman ,
pour traiter de la Paix avec des Ministres du léitime
Souverain de Perse , que l'on dit être un
jeune Fils de Schah - Thamas , ce dernier étant
à ce que l'on ajoute , et avec ordre de
n'écouter aucune proposition de la part de Thamas
Kouli- Kan,
mort ,
P. V. D.
POLOGNE.
E Roy a fait publier un Decret par lequel
5. M. accorde une Amnistie generale aux
Opposants , qui dans un terme prescrit lui rendront
l'hommage qu'ils lui doivent > et se joindront
à ses Troupes pour chasser les Moscovites
et les Saxons de la Pologne ; S. M. ajoute dans
ce Decret , que si après le terme qui est donné
aux Rebelles pour se soumettre,ils persistent dans
leur révolte , ils seront privez de tous les droits
de la Noblesse , et declarez infames , et que leurs
biens seront confisquez et leurs maisons rasées .
II. Vol. Plusieurs
Plusieurs des Opposans qui étoient restez à
Warsovie depuis que le General Lesci est allé
camper à Lowitz , ont profité du pardon qui
leur a été offert.
Les Moscovites souffrent toujours beaucoup
dans ce nouveau Camp qu'ils occupent , parce
que le Castellan de Czersko a ravagé tous les
environs de cette derniere Ville pour ôter aux
Ennemis les moyens de subsister , et qu'il n'a
pas même épargné les terres du Primat et les
siennes . Le Castellan, celui de Lublin et le "Comte
Pocci, Régimentaire de Lithuanie , sont toujours
près de Louwitz , et ils fatiguent par des
combats continuels les Moscovites qui sont
obligez d'être jour et nuit sur leurs gardes pour
se garantir des surprises . Les Castellans de Mariembourg
et de Plocko ne laissent pas plus
tranquilles les Troupes Saxones, qui depuis leur
entrée en Posnanie n'ont fait aucun mouvement
pour pénétrer plus avant dans le Royaume , er
il se passe peu de jour sans qu'on ait quelqu’-
avantage sur leurs détachements.
Le Comte Potocki Régimentaire de la Couronne
s'est retranché sur les bords de la Vistule ,
pour en disputer le passage aux Ennemts s'ils
marchent vers Cracovie. Quelques violences
que le General Lesci commette sur les Terres
des Seigneurs et des Gentilshommes attachez au
parti du Roy , aucun n'a trahi son devoir, et les
menaces de ce General, loin d'ébranler leur fidelité
, semblent augmenter leur empressement à
entrer dans la confédération faite par la Noblesse
des Palatinats de la Prusse Polonoise.
On apprend en dernier lieu de Dantzick que
la plus grande partie de la Noblesse des sept l'a-
II. Vol. G iij latinats
670.
latinats qui composent la grande Pologne , et
quelques autres Palatinats , sont entrez dans la
Confédération faite par ceux de la Prusse Polonoise.
La Cour du Roy augmente tous les jours,et il
y est arrivé depuis peu plusieursSeigneurs , du nomdesquels
sont les quatre Princes Sapieha , le
Comte Sapieha , qui a quitré la Moscovie où il
avoit été élevé par le Czar Pierre I. à la Digniré
de Feldt - Maréchal, les Princes Jean et Michel-
Czartorinski , les Palatins de Pomerelie , de Livonie,
et de Cujavie, les Castellans de Lubowski,
de Wilda , de Liominski , de Roznaczowiscxi ,
de Lubelski , et de Rokoczinzki , les Starostes
de Wisck , de Craczinski , de Sthum , de Schatowski
, de Buck , et de Ruzzeria.
On a publié un Decret par lequel le Roy
deffend à tous Gentilshommes de se trouver aux
prétendues Diettes particulieres convoquées par
M. Poninski au nom de l'Electeur de Saxe. S , M.
dit dans ce Decret qu'Elle n'est point venuë dans
le Royaume pour disputer la Couronne , mais
pour maintenir la liberté de la Nation , après
avoir fait un Parallele de la maniere dont on a
procedé à son Election , et de la violence avec
laquelle s'est faite la proclamation de l'Electeur
de Saxe , et après avoir comparé les Droits que
l'unanimité des suffrages de la Nation lui dondent
à la Couronne , avec ceux de cet Electeur,
qui n'étant appellé dans le Royaume que par un
petit nombre de rebelles , veut le conquerir par
la force des Armes , le Roy ajoute qu'il compte
que le zele de la Noblesse Polonoise pour la li
berté et pour l'honneur de la Nation , ne lui
permettra point d'obéir aux ordres d'un Prince
qui n'a point droit de lui en donner . S. M.
II. Vol. .finit
DECEMBRE. 1733. 2903.
finit en exhortant la Nation à ne point se laisser,
intimider par la grande puissance des Ennemis
et en lui promettant des secours qui surprendront
ceux qui avoient formé le projet d'assujettir
le Royaume.
ON
ALLEMAG N E.
N apprend de Vienne que le 15. de ce mois
e Comte de Preising et le Baron de Morman
, Ministres Plenipotentiaires de l'Electeur
de Baviere , reçuient de l'Empereur , au nom du
Prince leur Maître , l'investiture de l'Electorat
de Baviere et des autres Fiefs de l'Empire qu'il
possede.
Le 24. Decembre , il arriva à Vienne un Courier
dépêché par le Ministre de l'Empereur à
Constantinople , pour informer S. M. I. que
dans la derniere Audience qu'il avoit euë du
Grand Seigneur , S. H. lui avoit déclaré que
ses Troupes venoient de remporter une victoire,
complette sur les Persans , et que Thamas-Kouli-
Kan étoit actuellement renfermé avec les debris
de son Armée entre deux Montagnes , d'où il ne
pouvoit sortir qu'en se soumettant aux conditions
qu'il plairoit au Vainqueur de lui imposer.
L'Empereur a appris par le mêne Courier , que
le G. S. demandoit d'être instruit des Articles
du Traité conclu entre S. M. I. et la Czarine ,
laquelle lui avoit donné divers sujets de mécontentement
, sur tout en faisant entrer les Troupes
Moscovites dans la Pologne , au préjudice
du Traité de Pruth.
L'Electeur de Saxe , accompagné du Comte de
Sulkowski , son Grand Ecuyer , de M. Brulh ,
Minstre d'Etat , du Comte Flemming et de quelques
autres Seigneurs , partit de Dresde le 9 .
de
II. Vol.
Giiij ce
2904 MERCURE DE FRANCE
ee mois pour aller se mettre à la tête des Troupes
Saxonnes qui sont en Posnanie , prenant sa
route par la Bohéme.
Lour
ITALIE.
E 10. Decembre , la Congrégation établie
pour examiner les moyens de remedier aux
inconveniens des Asiles , et celle des Immunitez ,
s'assemblerent , et les Cardinaux qui composent
Pune et l'autre , résolurent , à la pluralité de
enze voix contre cinq , que les Sujets de l'Etat
Ecclesiastique qui ne sont pas de cette Ville et
qui auront commis quelque meurtre , pourroient
être pris par les Officiers de Justice , même dans
les Eglises où ils se seront retirez.
Les Rebelles de Corse recommencent leurs Actes
J'hostilité , et l'on a appris depuis peu à Genes ,
que soo. d'entr'eux avoient attaqué un Détachement
de so. Soldats qui alloient de Corse à
Rostino , et qu'après quelque résistance ils furent
obligez de ceder au nombre et du prendre la
fuite. Ces Lettres ajoûtent que les Rebelles avoient
attaqué un Convent où il y avoit un Détachement
de cent hommes,qu'ils avoient forcez de se
rendre et qu'ils avoient faits prisonniers de guerre
, contre ce qui avoit été convenu par les Artieles
de la Capitulation ; qu'après cette Expedition
ils avoient marché à Corse pour s'en
rendre maîtres , mais que la Garnison de ce
Château avoit fait une sortie sur eux , les avoit .
mis en fuite et leur avoit enlevé leurs bagages et
soutes leurs munitions.
II. Vol ESPAGNE
DECEMBRE. 1733. 2905
ESPAGNE.
N écrit de Parme , que les rooo. hommes
de Troupes Espagnoles , débarquez de Livourne
, sont arrivez dans les Etats de l'Infant
Don Carlos
Voici l'Exposition du Roy , que nous allons
donner dans sa Langue originale.
NOTICIA al Embaxador del REY
CATHOLICO en la Corte Britanica ,
de las razones que han obligado a su
MAGESTAD Catholica à hacer la
guerra al EMPERADOR.
J
:
Amás el Rey Catholico ha podido mirar con
ojos imparciales , ò con tranquila indiferen-
Cia , la extravagante sèrie de ultrages , y violen-'
tos procederes del Emperador , y Corte de Viena,
para ceñir con su oposicion la autorizada libertad
de la Republica de Polonia , dissimulado
el visible intento de quitarla , con el aparente
disfraz de mantenerla todo à fin de que no se
exalte en su Solio Soberano un Principe , en
quien resplandece tan intimo respetable enlace
con la Augusta Casa de Borbòn , de que es el
Rey Catholico parte tan principal ; ò hacer ,
que elegido , ò elevado , se precipite del Trono,
El silencio de su Magestad Catholica en los
emergentes de este caso , y desde la notoria denigrativa
exclusion de el Rey Stanislao , no explicaba
menos su justo sentimiento , que las publicas
declaraciones del Rey Christianissimo su
sobrino ; ni menos agitaban su Real animo los
agravios de la no sufrible ambicion de la Corte
II. Vol. GY d<
2906 MERCURE DE FRANCE
de Viena , que los generosos estimulos de su
pondonor. Creia , no obstante , su Mag. Catholica
, que no dexaria el Emperador de reflexionar
los riesgos de su escandalosa empressa , y
la imaginaria presumpcion de su superioridad ,
para desistir del contingente monstruoso intento
de chocar ciegamente en el escollo de la delicada
tolerancia de semejantes Potencias , siendo
en entrambas comunes los agravios , y unos
mismos los impulos.
Por tanto su Mag. Catholica , todavia impelido
del deseo de la paz , y siempre influido del zelo
de la universal quietud , prosiguió en solicitar
los efectos de la mediacion , y garantia del Rey
Britanico , para la amigable satisfacion de los
insultos , daños , è infracciones executadas inde
bidamente en los Estados , y persona del Señor
Infante de España Don Carlos su hijo . Pero no
conociendo yà limites la ambicion del Emperador,
y Corte de Viena , animada de un insaciable
furor de soberania , en que le constituyò la lisonja
comun de Europa , en la adquisicion de bastos
dominios ; esforzò , en fin , medios extraordinarios
, con el dificil intento de sacrificar à su
antojo , en la persona del Rey Stanislao , la soberania
de los dos altos Monarcas ,y desatender al
mismo tiempo , con desprecio , las cuerdas proposiciones
del Rey Britanico , para eludir en la
Religiosa resignacion del Rey Catholico , las
profiquas resultas de una dilatada negociacion ,
par la un amigable convenio.
Estas no esperadas resoluciones del Emperador
, influidas de una prepotente animosidad , y
dirigidas , sin rebozo , à violár los derechos de
succession de Principes legitimos , se infieren ,
sin violencia , de los notorios despoticos proce
11. Vol. dimientos
DECEMBRE. 1733. 2907
dimientos contra la libre eleccion del Rey Stanislao.
Y aunque no son menos sabidos los que
maliciosamente se han fraguado contra la suceession
del Señor Infante Don Carlos , non parce
que deba presentemente callarios la incon
trastable justificacion del Rey Catholico.
Apenas muerto el Duque Antonio de Parma
ocupó sus Estados con la fuerza de sus Armas,
desatendiendo , u olvidando el titulo honeroso
con que se avia obligado à sobrogar la inmediata
legitima possession del Señor Infante Don
Carlos , por solemnes , repetidos , y ratificados
Tratados ; valiendose , para cohonestar la usurpacion
, del vergonzoso pretexto de un fingido
preñado de la Duquesa Henriqueta viuda , en
cuya contestacion creyò , sacrificando su decoro,
adquirir escandalosamente con el Emperador un
merito ; y éste , conseguir su injusto intento con
autorizar esta fabulosa Scena en el Teatro del
Mundo , todo con publicos Rescriptos , Juntas
de Govierno , y disposiciones à nombre del solo
imaginado venturo concepto.
Sin duda se persuadiò desde luego la Corte de
Viena de poder con este detestable artificio im
possibilitar la succession del Infante ; pero en el
discurso del tiempo previò dificil la duracion del
engaño , y creyò hacerse un gran merito con
confessarlo , facilitando en esta forma la execucion
de las estipuladas condiciones , à favor de
la succession del Señor Infante , con el Rey de
Inglaterra , que quiso interessar su fee , y autoridad
en la justicia del Señor Infante.
los
Fueron verdaderamente en este intermedio ,
poderosas en el animo del Rey Catholico las
atentas insinuaciones , los eficaces oficios , y
generosos ofrecimientos de su Mag. Britanica
II. Vel
G vi para
1958, MERCURE DE FRANCE
para que su Mag. Catholica concurriesse en la
satisfaccion , que amigablemente le procuraba ,
para la debida pacifica possession del señor Infante
Don Carlos en los Estados de Parma,y seguridad
de las futuras de Toscana.
No obstante no se escondian à la elevada
penetration del Rey Catholico , los evidentes
riesgos de su condescendentia , la experimendata
mala fee de muchos años , la violacion de muchos
Tratados , y el conocimiento de los ambiciosos
fines de la Corte de Viena, que han dado
siempre aliento à la prudente desconfianza, y
al fundado rezelo de que la forzada conniven
cia del Emperador , à la autoridad del Rey Britanico
, pudiesse llegar à tal punto , que experimentasse
limites su prepotencia , y tuviessen frepo
los arrojos mal consentidos de una altivéz
desordenada.
Con el designio de su desengaño quiso su Magestad
Catholica acordarle el riesgo ; y en 6 de
Junio de 173 1. convino con su Magestad Britanica
, que para no encender en una sensible perqurbacion
la publica tranquilidad , admitiria la
amigable , ofrecida , y acordada possession del
señor Infante Don Carlos , y la pacifica introducion
de los seis mil Españoles , con la expressa
condicion de que .... » Ni por parte del Serenissimo
Infante , ni por la de su Magestad
Catholica , fuesse necessario disputar , debatir
, ò allanas dificultad alguna , qualquiera
fuesse que pudiesse ofrecerse debaxo de
qualquier pretexto , que ser pudiesse.
Consintió el Emperador à la execucion de
este convenio , con la ratificacion de su observancia
, que estipulò tambien con el Ministro
de su Magestad Catholica, cuyo Real animo de-
11. Vol. biè
92 que
90
DECEMBRE. 1733 2909
biò esperar prompta , por tan afianzadas segu
ridades , la debida entrega de los Estados de Parma
, y Placencia al señor Infante , y pacifica la
entrada , y_permanencia en Toscana de dicho
Cuerpo de Tropas. Sin embargo , contra toda expectacion,
y solemnidad de contratos , viò la Europa
ultrajado el respeto del Señor Infante , y
desatendida del Emperador la Magestad Catholica
, mediante una nueva impensada repulsa al
Acto acordado de la possession ; prétendiendo ,
que precediesse una jamàs discurrida declaracion
del Ministro de su Mag. residente en Parma , sobre
otras distintas indecorosas condiciones , nunca
articuladas , ni propuestas , y solo dirigidas
à su arbitrio , con un Ministro no autorizado ,
apartando fraudulentamente la communicacion ,
è inteligencia de estos subrepticios procederes, de
los Ministros de su Mag. Catholica , y su Mag.
Britanica , que se hallaban residentes en Viena ,
y avian , en nombre de sus Soberanos , solemnizado
la observancia de lo poco antes diversa-
, mente estipulado. Fundado sobre tan erroneos
instrumentos , immediamente pretendiò , y amenazo
expeler con treinta Batallones , y dos mil
cavallos , los apenas introducidos seis mil Espažolės
.
"
Manifestò su Mag. Catholica al Emperador
el sentimiento que le debia causar tan inaudito
trato , y sonò en toda Europa su justa quexa ; y
no pudiendo obtener respuesta alguna las mas
atentas , y activas instancias , solo pudo conseguir
de un emphatico desprecio , una dissimulada
desistencia .
No satisfecha , al parecer , la Corte de Viena
con tanto provocar el sufrimiento , ordenò se
executassen quantos insultos pudiessen cometerse
II. Vol.
con1910
MERCURE DE FRANCE
contra los limites , y jurisdicion del Señor In
fanre Don Carlos , usurpando terrenos , sitios, y
dominio sobre subditos de tan gran Principe
prohibiendo el reconocimiento de Feudatarios
su soberania , la entrega de los Feudos del Reyno
de Napoles , è incorporando con absoluta
potestad otros à su supremo Dominio , contra
las expressas Clausulas de las Investiduras , y
Tratados. Ese arrebatamiento de voluntarias
violencias , llegò al extremo de expedir dos Rescriptos
injuriosos , condenando en el uno , como
delinquente , al Gran Duque de Toscana , por
aver recibido en su nombre el Señor Infante el
omenage de los Pueblos de aquellos Estados , en
un voluntario reconocimiento de Successor legitimo
; y en el otro al Señor Infante , por suponer
averse indebidamente abrogado el Titulo de
Gran Principe , admitido antecedentemente , sin
controversia , por el Ministerio de Viena , en
Actos publicos , en impression de monedas , y en
la aclamacion de los Pueblos , olvidanto , que
esta practica se reconoce autorizada en todos
tiempos , y aun en el actual , por otros Principes
del Imperio , con el unico identico fundamento
de las investiduras eventuales .
Viendo , en fin , la Corte de Viena descubiertos
los engañosos artes con que intentaba disfrazar
sus maximas , è idèas particulares , recurriè
al de acriminar las referidas inocentes acciones ,
abultandolas , y calificandolas de inexplicables
perjuicios à la feudalidad del Imperio , al passo
que no ay acto de sumission , que aya dexado de
observarse , con la mayor exactitud , para la admission
de Tutores , de emancipada patria potestad
, de reconocimiento de menor edad , y
consiguientemente quanto conduce à los mas
II. Vel. for.
DECEMBRE. 1733. 2971
formales , y puros procederes , aunque todo es
to no pidiesse la observancia de los Tratados , è
Investiduras eventuales.
Enmedio de estos sensibles excessos , ha querido
su Mag. Catholica , que à la vista del mun
do todo , compitiesse su prudente tolerancia
con la inconstante violencia del Emperador , y
antes valerse de la justicia , que del valor . Confiò
à la autorizada interposicion del Rey Eritanico
sus justas quexas contra los incessantes disturbios,
y desprecios , que interrumpian la tranquilidad
de las possessiones del Señor Infante, y
lastimaban el decoro de su Magestad. Adopto
su Mag. Britanica la justicia del Rey Catholico,
y empleò sus oficios con la Corte de Viena ,
tratandose en repetidas conferencias de los medios
mas oportunos para una decorosa amigable
composicion. Pero las continuas di aciones llas
respuestas ambiguas , las inadmissibles proposiciones
, los terminos imperiosos , y lesivos con
que se formaban los proyectos en Viena , las
pretestadas distancias , y la methodica lentitud
de aquel ministerio , han arrastrado la mas solicita
aplicacion à que tan solamente se huviesse
podido por los Ministros Britanicos formar un
Proyecto en 21 de Julio de 1733. que aprobado
por el Embaxador de su Magestad Catholi
ca , recusò el admitirlo el de el Emperador sin
nuevas ordenes de su Soberano. Condescendiò el
Ministro de su Magestad con repetidas protestas
de no querer incurrir en nuevas capciosas
dilaciones , que hiciessen maliciosamente perder
Ja oportunidad de la Campaña. En esta inteli
gencia se despachò à ambas Cortes el proyectado
ajuste ; y al passo que por su Magestad
Catholica fuc promptamente buelto con su Real
II. Vol.
apro2912
MERCURE DE FRANCE
aprobacion , se difiriò por largo espacio la respuesta
de Viena , atribuyendose à la contrariedad
de los vientos , ò à la seria especulacion de
los Ministros de Viena , la dilacion , que à todos
visos maliciosamente se procuraba
Finalmente , quando se esperaba una condescendencia
tan deseada , y solicitada por el Rey
Britanico de la Corte de Viena , y declarada yà
la de su Mag. Catholica al Proyecto propuesto
por su Mag. Britanica , llega con Extraordinario
un Contra - Proyecto , ò Declaracion , igualmente
ilusorio , è injurioso à quantos antes avia
expedido la altivèz de aquella Corte ; de forma ,
( que sorprehendido , è irritado de un tan extravagante
injurioso proceder el Ministro del Rey
Catholico , se viò precisado à declarar , quebrantada
enteramente toda negociacion. Conociò el
Rey Britanico quan fundada era la quexa de este
Ministro , y qual debia ser el justo enojo de su
Mag. Catholica . Y no obstante estàr yà fatigada
la eficacia de los oficios del Rey Britanico à
la Corte de Viena , quiso la zelosa solicitud de
sus Ministros esforzar un nuevo consentimiento
del Rey Catholico para una dilacion de treinta
dias mas. Pero la prudente reflexion de todo lo
ocurrido , hizo prevèr à su Mag. Catholica las
perjudiciales consequencias de su condescendencia
, y los indecorosos efectos de su ulterior tolerancia
à la vista de tan acumulados desprecios,
hechos al mismo tiempo à Principes de la Casa
de Borbón , y conocer indispensable la correspondiente
resolucion de inmediatamente juntar
sus Tropas con las del Rey Christianissimo ,
para hacer la guerra al Emperador , y en esta
forma vindicar los comunes agravios , y restablecer
el respeto de dos Monarquias , que la in-
II. Vol. tole .
DECEMBK E. 1733. 2913
tolerable ambicion del Emperador ha lastimado
con tanto excesso .
No cree su Mag. Catholica , que despues de
tan estudiadas entretenidas , de tan vissibles engañosos
insultos de la Corte de Viene y de
tan repetidas Condescendencias de la de España ,
pueda dexar de aprobar el Rey Britanico su determinacion
, al passo que comprehenderà ofendida
su mediacion , y menospreciada la sobera
nia de Principes , que no reconocen superioridad
, antes bien se persuade , que quedarà agradecido
del reconocimiento de su Mag. Catholi
ca à su loable intencion ; y que procuratà fomentar
mas que nunca una inalterable buena correspondencia
, para que prosigan à experimentar
las dos Naciones las mas beneficiosas resultas de
un continuado fiel Comercio, y logren la satisfaccion
, que afianza la apreciable amistad de los
dos Monarcos.
GRANDE BRETAGNE.
N écrit de Londres que l'Empereur y fait
chercher 250000 liv. Sterlings qu'il veut
emprunter à six pour cent d'intérêt , mais on
doute que les sûretez qu'offre S. M. I. soient
jugées suffisantes.
:Mmmmm
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
Lils de l'Electeur de Baviere , et de Marie-Emi-
E Prince Joseph- Antoine de Baviere , second
lie d'Autriche , mourut à Munich le 6 de ce mois
âgé de 6 ans 3 mois 11 jours , étant né le as
Aoust 1728,
篇
11. Vol. Le
2914 MERCURE DE FRANCE
Le Cardinal Doria mourut à Benevent ,
le 6 Decembre , âgé de 68 ans ; il avoit été fait
Cardinal le 12 Septembre de l'année 1731. par
le Pape regnant , qui lui avoit donné le Titre de
S. Jérône des Esciavons.
Le Vaisseau sur lequel le Cardinal Grimaldi
s'étoit embarqué pour aller à Naples , dont il
esperoit que l'air seroit propre au rétablissement
de sa sauté , y arriva le 17 du mois dernier . Ce
Cardinal fut attaqué en pleine Mer d'un vonissement,
accompagné de convulsions si violentes,
qu'il mourut quelques heures avant que le Bâtiment
entrât dans le Port de Naples . Il étoit
dans la 60 année de son âge , étant né le 15 Novembre
1674. il avoit été fait Cardinal le , da
mois d'Octobre de l'année 1730. par le Pape
regnant , qui lui donna le Titre de Ste Balbine ,
et le nomma Légat de Boulogne.
Le Duc de Chablais , troisiéme Fils du Roy
de Sardaigne , est mort à Turin. Il étoit né le
23 Juillet 1733.
ETRENNES A M.....
Non , Ismene,pour vous je ne suis plus l☛
même ;
Pour vous je n'ai plus d'amitié ;
Ce changement qu'envain mon coeur eût pallié .
Vous cause , je le vois , une surprise extrême.
Quoi ! direz- vous , Eraste après tant de bontez
Après tant de bienfaits qu'il a peu méritez ,
Change soudain avec l'année ?
Qui , sans doute ; et de plus , ce sont précisé
ment ,
II. Vol. Vos
DECEMB.R E. 1733. 2915
Vos bontez , vos bienfaits , qui font mon changement
,
Mais quoique avec raison vous soyez étonnée ,
D'un aveu fait si librement ,
Je ne crois pas qu'il doive exciter votre haine ;
Car tout le changement que pour vous en ce
jour ,
Mon coeur éprouve , belle Ismene ,
C'est que mon amitié s'est changée en amour,
L
COCQUARD .
ARME'E D'ITALIE,
Et Siége du Château de Milan.
E Maréchal de Villars arriva le 14
Decembre à Milan , où les Troupes
du Roy et celles du Roy de Sardaigne ,
qui étoient parties du Camp devant Pizzighitone
le 9 et le 10 de ce mois , et
qui étoient destinées à faire le Siége du
Château , s'étoient renduës le 13 .
La Tranchée fut ouverte du côté du
Bourg des Hortolani, la nuit du 15 au 16,
sous les ordres du Marquis d'Asfeld
Lieutenant Général , ét du Marquis de
Louvigni , Brigadier par 20co Travailleurs
, soûtenus du Régiment des Gardes
du Roy de Sardaigne , de celui de Tessé
et de trois Compagnies de Grenadiers des
11. Vel. Ré2918
Régimens de Champagne , du Roy et de
Piémont. On établit pendant cette nuit
deux Paralleles , dont la plus avancée
n'étoit à la gauche qu'à 60 toises du Chemin
couvert ; il n'y eut pas un seul homme
de tué ni de blessé .
Le 16 , à dix heures du matin , le Marquis
de Savines , Lieutenant General , et
le Marquis de Mison , Brigadier , releverent
la Tranchée avec trois Bataillons du
Régiment de Picardie , et trois Compagnies
de Grenadiers des Regimens d'Auvergne
, du Roy , et de la Ferté- Imbaut;
les Travailleurs furent employez à élargir
et à perfectionner la Tranchée, dont
les Ouvrages furent assez avancez pen
dant la nuit.
Le 17 , le Marquis le Cadrieux , Lieutenant
Général , et M. de Cadeville , Brigadier
, monterent la Tranchée avec les
trois Bataillons du Régiment de Champagne
, et une Compagnie de Grenadiers
du Régiment de Savoye .
On commença cette nuit à travailler à
l'établissement de plusieurs Batteries de
Canons et de Mortiers , et les Ennemis
qui n'avoient pas beaucoup tiré les deux
nuits précedentes s'étant apperçus de ces
travaux , firent un feu si considérable ,
qu'il y cut plusieurs Soldats tucz ou
blessez.
DECEM BRE. 1733. 2917
Le 18 la Tranch e fut relevée par le
Marquis de Beuil , Lieutenant Gen ral ,
et par M. de Cumiane , Brigadier des
Troupes du Roy de Sardaigne , avec les
Regimens d'Auvergne et de Flandreset
une Compagnie de Grenadiers de celui
d'Orleans.
La nuit du 19 au 20. on s'établit dans
un avant-fossé dont on fit une parallele
au pied du glacis , et on poussa en avant
trois sapes , à la tête desquelles on commença
le zo à faire des puits pour pouvoir
éventer les mines . Les assiégez continuerent
à faire un très grand feu d'Artillerie
et de Mousqueterie mais qui
diminua beaucoup le 24. que nos trois
Batteries de Canon et deux de Mortiers
commencerent à tirer.
Le 25 Décembre le Marquis de Lanion ,
Maréchal de Camp , et le Marquis de
Louvigny Brigadier, monterent la Tranchée
devant le Château avec le Regiment
de la Saarre , le second Bataillon de celui
de la Ferté- Imbaut , et deux Compagnies
de Grenadiers des Regimens de
Champagne et de Souvré. Les sapes furent
poussées jusqu'au Chemin couvert ,
et on continua les travaux necessaires
pour pouvoir éventer les mines qu'on
croyoit trouver sous les fortifications du
Chemin couvert .
2918 MERCURE DE FRANCE
La Tranchée fut relevée le 26. sous les
ordres du Marquis de Fervaques , Maréchal
de Camp , et du Marquis de Mison,
Brigadier , par le Regiment Royal Roussillon
, par celui de Piémont , des Troupes
du Roy de Sardaigne et par deux
Compagnies deGrenadiers des Regimens
d'Auvergne et de Nivernois.
Les Mineurs employez à découvrir les
mines n'ayant trouvé que des galleries
abandonnées , on entra dans le Chemin
couvert , d'où les Ennemis s'étoient retirez
, et on s'y logea par une paraliele sur
toute l'étendue de l'attaque.
›
Le lendemain on travailla à perfection .
ner les logemens , et on commença à rétablir
plusieurs Batteries pour battre les
deux faces de la demi lune celies des
deux Bastions d'Acunha et de Velasio ,
et les deux flancs des mêmes Bastions.
Le Comte de Chatillon Maréchal de
Camp , et le Comte de Boissieux Briga
dier monterent laTranchée ce jour- là avec
les deux Bataillons du Regiment des
Girdes du Roy de Sardaigne , un de celui
de Schulembourg une Compagnie
de Grenadiers du Regiment du Roy ,
et une de celui d'Orleans . Le soir , deux
Batteries de quatre piéces de Canons
chicune commencerent de battre en
11. Vol.
و
>
bréche
DECEMBRE. 1733. 2919
,
bréche les deux faces de la demie- lune .
Le 28 la Tranchée fut relevée par le
premier et le troisième Bataillon du Regiment
de Picardie , et par deux Compagnies
de Grenadiers des Regimens de
Louvigny et de Montferrat sous les ordres
de M. S. Perrier Maréchal de
Camp , et de M. de Cadeville , Brigadier,
et le 29. par le Duc d'Harcourt , Maréchal
de Camp , et de M. de Cumiane
Brigadier des Troupes du Roy de Sardai
gne , avec le second Bataillon du Regiment
de Picardie , le Regiment de Tessé,
uneCompagnie de Grenadiers de celui de
la Ferté - Imbaut , et une du Regiment
de Piémont.
On travailla ce jour- là à faire dans le
Chemin couvert six débouchez pour descendre
dans le Fossé , et ils étoient assez
avancez , lorsque le Maréchal Viscomti
qui avoit été forcé d'abandonner la demi
June , et qui jugea que les breches qui se
formoient aux faces des deux Bastions
seroient bien tôt praticables , fit battre la
chamade vers les trois heures après midi.
On lui demanda de livrer une des Portes
du Château , il la remit le lendemain 30 .
le Marquis de Villars partit le même jour
après midi pour en aller
velle au Roy.
porter la nou-
II. Vol. La
2920 MERCURE DE FRANCE
La Garnison du Château , réduite environ
à 800 hommes en sortira le 2 Janver
, avec les honneurs de la Guerre ,
et se retirera à Mantoüe suivant la capitulation
convenuë le 30 de ce mois.
Le Siége de Novarre ayant été resolu ,
15 Bataillons des Troupes du Roy et
trois de celles du Roy de Sardaigne, sont
partis de Milan pour aller faire le Siége
de cette Place , avec les Troupes qui en
ont formé le blocus depuis le commencement
de la Campagne.
· Le Marquis de Coigni , Lieutenant
General , commandera à ce Siége , et les
Maréchaux de Camp qui y serviront sous
ses ordres , sont M. d'Affry , le Marquis
de Fervaques , et le Duc d'Harcourt.
Le Comte de Broglio , Lieutenant Ceneral
, qui commande les Troupes qui
sont aux environs de Cazal Major, envoya
le 28. Decembre un Détachement d Infanterie
de 3000 hommes, cent Dragons ,
cent Carabiniers , et vingt Hussarts du
Regiment de Ratsкy pour s'emparer de
Guastalle. Le Marquis de Valence qui
commandoit ce Détachement, après avoir
fait passer le Po à ses Troupes à Dozolo
er à Viadana arriva le même jour à
Guastalle , où il fut reçû par le Comte
- de · II. Vol.
,
DECEMBRE . 1733 2921
de Spilinberg , Ministre du Duc de
Guastalle, Le Marquis de Valence avoit
été precedé d'un Officier chargé de complimenter
ce Ministre et de lui faire entendre
qu'en occupant cette Place on
n'avoit d'autre dessein que d'empêchet
les Troupes de l'Empereur de s'en emparer.
Le Comte de Boissieux s'est rendu
Maître du Château de Lecco , et du Fort
de Fuentes , dont la Garnison a été faite
prisonniere de Guerre .
ETRENNES.
Moins conduite par la coutume,
Que par mon tendre attachement ,
Mon cher Papa , j'ai pris la plume ,
Pour vous faire mon compliment.
A ce dessein j'ai trouvé des obstacles
Capables de m'intimider ,
Mais l'amour a daigué m'aider ,
L'Amour fait bien d'autres miracles.
Puissent les Dieux , de l'innocence amis ,
A mes voeux empressez se rendre ;
Et qu'à l'enfant le plus soumis ,
Ils conservent long tems le Pere le plus tendre.
11. Vol.
H AV
2922 MERCURE DE FRANCE
Dans
AUTRE.
Ans un âge encore si tendre ,
De l'esprit d'un Enfant que pouvez - vous attendre
?
L'esprit est lent à se former ,
Mais le coeur , qu'elle différence !
Hélas ! dès ma plus tendre enfance ,
Le mien sçait déja vous aimer.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
LFOR
E 4 Novembre , il y eut Concert à
Fontainebleau , chez laReine ; S. M.
souhaita d'entendre l'Opéra d'Endimion ,
que M. de Blamont , Sur - Intendant de la
Musique du Roy , qui en est l'Auteur
fit chanter ; il fut continué le 9 , et le 16
les principaux Rôles furent remplis par
les Dlles Lenner , Mathieu et Petit pas , et
ceux d'Endimion et de Pan , par les Srs
d'Angerville et Jéliot, Cet Opéra fut tresbien
exécuté et plut extrémement à tou
te la Cour,
Le 18 , on chanta le Prologue et le premier
Acte d'Armide , qu'on continua le
23 , par le second et le troisiéme ; et le 221
Decembre on termina cet Opéra à Versailles
, par le 4 et 5 Acte ,
II. Vol
AVA ་ ་ L ° /55 ° 2925
Le 9 , M. de Blamont proposa à la Reine
le Ballet des Fêtes de Thalie , mis en
Musique par M. Mouret ; il fit chanter
le Prologue et la premiere Entrée , qu'on
continua le 14 , par la seconde et la troisieme
, on le finit le 23 , .par la Critique ct
le Divertissement de la Provençale. Les
principaux Rôles ont été chantez par les
Diles Antier , Petitpas et Duhamel ; et
par les Srs Massé , Dubourg , d'Angerville
et Petillot . Ce Ballet fit beaucoup
de plaisir à la Reine qui eut la bonté de
le témoigner à l'Auteur.
Le 29 , on chanta le Caprice d'Erato
Divertissement de M. de Blamont ; la
Dlle Petitpas y remplit le principal Rôle,
qui fut précédé d'un autre Récitatif détaché
, chanté par la Muse de la Musique
dans un autre Divertissement , du même
Auteur , la Dlle Antier fit le Rôle de Junon
, et finit par la Cantatille : O vous
qui d'une aile légere , & c.
Le 1 Decembre , les Comédiens François
représenterent à la Cour la Tragédie
du Comte d'Essex , et pour petite
Piéce , Colin Maillard. Le Sr Fleury , qui
jona le principal Rôle dans la Tragédie ,
a été reçu depuis dans la Troupe du Roy.
Le 3 , le Jaloux désabusé , et le Medecin
II. Vol. Hij mal†
malgré lui. Le Rôle de Celie fut rempli
par la Dlle Guérin .
Le ro , les Menechmes et le Grondeur.
Le 15 , Mithridate , et le Concert ridicule.
Le 17, le Joueur, et la Famille extrava¬
gante.
Le 29 , Gustave , et le Double veuvage .
le Distrait , et le François à Lon-
Le 31,
dres.
Le 20 Decembre , M. Joseph Durey
de Sauroy de Martigny , Capitaine
au Régiment de M. le Marquis d'Estaing
, son oncle , prêta serment entre
les mains du Roy , pour la Charge de
Lieutenant Général de Verdun et Païs de
Verdunois ; vacante par le décès de
François Comte d'Estaing , Chevalier des
Ordres du Roy , Lieutenant Général des
Armées de Sa Majesté , Gouverneur de
Douay , & c. dont M. de Martigny avoit
été pourvu le 8 Avril dernier.
Le 22 la Marquise de Mirepoix fut
presentée au Roy , àà llaa Reine Reine , et aux
Princesses , par le Maréchal de Roquelaure.
La nuit du 26 au 27 Decembre , tout
le Quartier de la Cité , et plus encore les
II. Vol.
particuliers
DECEMBRE. 1733. 2921
particuliers qui habitent les Maisons audessus
du Pont Nôtre - Dame et du Pont
au Change;furent allarmez par l'accident
du feu , qui prit à un Bateau chargé de
foin au- dessus du Port de la Grève , et
qui par la violence du vent , se communiqua
à quelques autres Bateaux ; heureusement
ces mêmes Bateaux allerent se
consumer du côté du Quay de la Megisserie
, tous les Magistrats , le Lieutenant
General de Police , le Prevôt des Marchands
et les autres Officiers de Ville y
accoururent promptement , et empêcherent
pat les ordres qu'ils donnerent , que
le feu ne se communiquat à d'autres Bateaux
chargez de foin et de charbon .
ETRENNES ,
▲ S. A. S. Madame la Princesse de
Conty la Jeune.
ΑνU commencement d'une Année ;
Tout le monde fait des présens ;
Le mien , Princesse fortunée ,
Ne peut être qu'un peu d'Encens
L'Encens a l'odeur agréable ;
Mais on craint d'en être entêté :
Le mien est doux , il est aimable ,
C'est l'encens de la verité,
II. Vol. Hij L'En1926
MERCURE DE FRANCE
L'Encens et sa délicatesse
Doivent se fixer aux saints Lieux ;
Mais sur la Terre on est Déesse ,
Quand on est l'Image des Dieux.
De cette merveilleuse image ,
Je vois en toi briller les traits ;
La vertu seule à l'avantage
D'en conserver tous les attraits.
La Vertu donne la victoire ,
Quand on veut écouter sa voix ;
Elle fera toute la gloire
De l'Epoux digne de ton choix.
Epoux , qui déja de Bellone .
Suit le tumulte et les hazards ;;
Il fait honneur à la Couronne
D'un Roy , le Favori de Mars,
Mars arrêtera le Tonnerre
Qui menace les Allemands
Il est trop ami de Cichere ,
Pour alterer des noeuds charmans .
Noeuds desirez ! que la Prudence
A formez pour notre repos ;
Tu sçais ce qu'en attend la France :
L'héritier de tant de Heros.
11. Vol
Cet
DECEMBR E. 1733. 2927
Cet Heritier dans sa carriere ,
Aura d'Orleans la douceur ;
Du Grand Condé l'ame guerriere ,
Et de Conti la noble ardeur,
T. S. V. P:
L'Ordre du S. Esprit vient de faire
exécuter les Ouvrages ordonnez par délibération
de Chapitre et Assemblées de
Commissaires , pour établir dans le Monastere
des Grands Augustins de Paris où
se sont faites les premieres Cérémonies
des Monumens de sa grandeur, aussi honorables
pour les Maisons Illustres du
Royaume,qu'interressans et curieux pour
les Etrangers. Ces Monumens sont :
1. Cinq grands Tableaux représentant
chacun une cérémonie de cet Ordre ,
sous les cinq Grands- Maîtres , qui ont re
gné depuis sa fondation ; sçavoir , Henry
III. fondateur , Henry IV. Louis XIII .
Louis XIV. et Louis XV. Ces Tableaux
ont été placez dans le Choeur de l'Eglise
de ce Monastere , et accompagnez de
Pilastres et autres Ornemens qui réünissent
une noble simplicité , avec beaucoup
de magnificence. Les habiles Maîtres, Auteurs
de ces Tableaux , sont les Srs Cham,
pagne , de Troyes , et Vanloo .
2º . On a décoré les deux Salles de co
II. Vol. Hiiij Me12928
292 MERCURE
DE FRANCE
Monastére , affectées à l'Ordre du S. Esprit
, de Boiserie , Sculpture, et Dorure ,
convenables à la dignité du sujet , autant
que l'étendue de ces Salles l'a permis.
On y verra par rang de receptions les
Portraits en Buste , avec les Armes et principales
qualitez de tous les Cardinaux ,
Prélats , Commandeurs et Chevaliers reçûs
dans cet Ordre , depuis son établissement
, jusqu'à ce jour. On avertit les
Maisons auxquelles on a demandé ceux de
ces Portraits qui manquent , de les fournir
le plutôt qu'elles pourront , et en attendant
ces Places resteront vuides.
On est redevable de l'exécution de ces
Ouvrages à la vigilance de M. l'Abbé de
Pomponne, Commandeur et Chancelier
des Ordres du Roy , et Conseiller d'Etat
ordinaire , et aux soins de M. le Marquis
de Breteuil , Commandeur et Prevôt ,
Maître des Cérémonies des mêmes Ordres
.
Ceux qui voudront voir ces Salles, s'adresseront
au R. P. Bouge, Religieux Augustin
, chargé par l'Ordre du ŠS.. Esprit ,
de les tenir ouvertes, et d'y accompagner
les Curieux tous les Mercredy et Jeudy
de chaque semaine , fête ou non fête , depuis
onze heures et demi du matin , jusqu'à
quatre heures après midi.
11. Fol. A
DECEMBRE . 1733. 2929
A MADAME d'Hurigny , sur le
souhait qu'elle avoit fait à l- Auteur
pour son Etrenne , de vivre cent ans.
EPIT RE..
Vous m'oi donnez , sage Uranie
De vivre cent ans bien comptez ;
Souhait qui plaît à mon génie ;
Pourquoi j'y résiste ; écoutez.
Je suis en chemin pour le faire.
Mon âge touche presque au but z
Mais le dessein est témeraire ,
Si jamais un dessein le fut.
Sçavez-vous ce que dit l'Histoire ,
De ces souhaits exhorbitans ?
C'est , dit- elle , la Mer à boire ,
Que tâcher à vivre cent ans.
Aujourd'hui les forces humaines ,
Ne nous permettent rien d'égal ,
Compter son âge par centaines ,
C'est un souhait Patriarchal.
Nos vieux Peres à longue haleine ,
De la vie eurent les gros lots ,
Et la Genese est toute pleine ,
De Mathusalems et d'Enocs ,
Un siecle n'étoit qu'amusette ;
Puisqu'un enfant jeune vieillard ,
A cent ans portoit la jacquette ,
II. Val Hr Us
2930 MERCURE DE FRANCE
1
Et jouoit à colin maillard .
Le Déluge aux longues années ,
Mit un clou pour les arrêter ,
Et par ses eaux empoisonnées ,
Les obligea de décompter.
Pourquoi voulez -vous que je vive
n'ont vécu tant de gens , Plus que
A qui la Parque fugitive ,
Fit subir ses ordres urgents ?
Un siecle ! David grand Prophete ,
Grand Compilateur de Pseautiers ,
Grand Roy , grand Guerrier , grand Poëte ,
A peine parvtnt aux deux tiers.
A quatre-vingst , Pinfirmerie ,
A soixante et dix ; c'est assez ,
Il mit ces bornes à la vie ,
Et fit lui - même son procès.
Mais retournons dans notre Sphere;
Sans nous faufiler aux Herps ;
Vivre cent ans est une affaire
Où je coucherois un peu gros.
*
Et quand je mordrois à la grappe ,
Par l'espoir d'un doux avenir ,
Quand Millet mon cher Esculape
Pourroit m'y faire parvenir ,
Garantiroit-il ma vieillesse
De langueur , d'assoupissement ,
* Habile Medecin de Mâcon.
J. Vel.
:
N
DECEMBRE. 1733. 2931
Ni de l'importune foiblesse,
Qui me prive du mouvement ?
Mes héritiers au coeur si tendre ,
Bien que je leur paroisse cher ,
Pourroient-ils par fois se deffendre ,
D'enrager entre cuir et chair a
Mes gens à rente viagere ,
En déboursant le premier son ,
Font cette dévote priere
Le diable. emporte le vieux fou.
» Quand sa mort pourroit à merveille ,
» De ce tribut nous liberer ,
» Plus qu'un Cerf , plus qu'une Corneille ,
» Il vit pour nous désesperer .
Venons aux Dames respectables ,
Dont je tiens à vie un taudis ,
Elles sont assez charitables
Pour me souhaiter Paradis.
Je n'entends parler des Discretes ,
Leur esprit n'est pas si badin ,
Mais les jeunes Soeurs , les folettes ,
Qui soupirent pour mon Jardin.
Sage Uranie , ainsi je n'ose ,
A vos voeux joindre mon desir ,
Puisque ma longue vie est cause
De cent chagrins pour un plaisir.
Les ans sont mauvaises Patentes ,
Pour donner de grands artributs ,
1 I. Vol. Pas-
Hvj
2932 MERCURE DE FRANCE
Pascal à peine en vecut trente ,
Et la Bruyere guere plus.
Cependant , armé de constance ,
Je porte ces fardeaux pesants ,
Suppliant d'avoir patience ,
Mes débiteurs et mes Enfans.
Si quelque chose me travaille ,
Je laisse tout à l'abandon;
Je fais des Vers , vaille que vaille,
Et je trouve encor le vin bon.
Si par hazard je suis en doute ,
Pour quelque symptôme fievreux ,
J'appelle un Medecin , l'écoute ;
Puis je fais tout ce que je veux.
Si ma Méthode est salutaire ,
Pour vivre un siecle , plus ou moins.
Vous obéir est une affaire ,
Où je veux mettre tous mes soins.
C'est à vous aimable Uranie ,
Qu'il convient de vivre cent ans ;
Quand leur course en sera finie ,
Nos Neveux pleureront long- temps.
Vous êtes sage , riche et belle ,
Bienfaisante et pleine d'esprit ,
Le Ciel vous fit sur un modele ,
Qu'il ne montre que quand il rit.
Qui tous vos talens voudroit suivre,
Il ne finiroit d'aujourd'hui
L
II. Vol.
DECEMBR E. 1733. 2932
Obon coeur ! 8 coeur , bon à vivre !
Bon pour vous , et bon pour autrui !
DE SENECE'.
MORT S.
Ame Anne Denis , épouse d'Eusta-
Dche- François le Couturier ., Seigneur
de Mauregard et du Mesnil - Madame-
Rance , President au Grand'Conseil
, ci- devant Trésorier General des
Troupes de la Maison du Roy , mourut
le 13 Décembre sans avoir eu d'enfans.
Elle étoit fille de Jacques Denis , Trésorier
General des Bâtimens et Jardins du
Roy , Ancien Echevin de Patis , mort
en 1729.
Le 16 Décembre 1733. la Marquise de
Vaugrenant , Epouse de l'Ambassadeur
ordinaire de France à la Cour de Turin
mourut de la petite vérole à Malles sous
Pizzigichone , dans le Milanès , dans un
âge peu avancé. Cette Dame étoit Hollandoise,
fille de M.de Sallengre,et de Jaque-
Hine de Rotgans sa femme , d'une noble
et ancienne famille de Hollande , morte
en 1725. et avoit épousé en premieres
Nôces Charles Whitworth Baron de
,
11. Vol. Gal2934
MERCURE DE FRANCE
Galloway , et Lord en Irlande , Ambassadeur
extraordinaire et plenipotentiaire
de la Grande Bretagne , au Congrès de
Cambray , duquel elle étoit restée veuve
le 3 Novembre 1725. M. le Marquis de
Vaugrenant est de la maison de Villers la
Faye en Bourgogne.
Toussaints Sebastien le Vicomte
Comte du Rumain & c. Mestre de Camp
de Cavalerie , premier Cornette de la
Compagnie des Chevaux Legers d'Anjou,
auparavant Guidon de ceile des Gendarmes
Anglois , Chevalier de S. Louis , mourut
à Paris le 23 Décembre dans la 42 .
année de son âge. Il étoit fils de feu Yves
Charles- le- Vicomte , Comte de Rumain
&c. et de Dime Julienne de Querrhæn
de Coëtanfao . et avoit épousé en Janvier
1730. Dame Marie Jeanne Suzanne
de Farcy de Malnoé , dont il n'est point
resté d'enfans , laissant pour Héritier le
Chevalier du Rumain son frere , Major
du Regiment de Cavalerie de Villars
lequel a la réputation d'un très bon Officier
.
La maison le Vicomte est des plus anciennes
de la Province de Bretagne . Les Seigneurs
du Rumain en sont une branche,
et il y a plus de 400 ans que de pere en
fils certe Terre leur appartient.
II. Vol. FranDECEMBRE.
1733 2937
François Salmon , Mareschal , dans la
Paroisse de Sonneville sur Montignac en
Saintonge , est mort âgé de 107 ans accomplis.
Il avoit conservé jusqu'à la fin
de sa vie sa memoire et son bon sens.
LETTRE écrite de Joinville , ce 31
Decembre 1733. par M. V ***
à M. D... F...
les assu
Oicy le temps , Monsieur , de vous
Vo
le
rances de mon attachement inviolable. La
bonne santé dont j'ai joui durant toute
l'année , m'a mis en état d'achever un
petit Ouvrage qu'il y avoit long temps
que j'avois commencé , et que j'ai intitulé
: Additions aux nouveaux Dictionnaires
de la Langue. J'en ai expliqué le
dessein et l'éxécution dans une Préface ,
que je vous communiquerai quelque
jour , avec le Livre même , si je le fais
imprimer à Paris. Je me suis encore appliqué
depuis deux ou trois mois à la révision
, à la description , et à l'explica
tion de mes Médailles Impériales , que
j'ai toutes rangées dans leur ordre chronologique
, et qui ont été pour moi une
source de belles découvertes , qui me guideront
dans l'étude de l'Histoire des Em-
II. Vol. ·PS2936
MERCURE DE FRANCE
pereurs. Mon action de graces , que je vais
vous transcrire , vous découvrira plus au
long mes sentimens et ma situation actuelle.
Je rens graces à Dieu d'être garçon , non fille
D'avoir reçu le jour en honnête famille ;
D'être par le Baptême au nombre des Chrétiens,
De vivre assez content , sans avoir de grands
biens.
D'avoir eu dès dix ans du penchant à l'Etude
D'en avoir tellement contracté l'habitude ,
Qu'elle a fait éclipser toute autre passion .
D'avoir pour l'indigent de la compassion.
D'être au monde venu sur les Terres de France;
D'être enfin pour le ciel tout rempli d'espe
rance.
Cependant , sans avoir égard à mon
premier Vers, je changerois bien de con
dition avec la Muse Bretonne , à qui j'at
consacré ce Dizain.
A Mademoiselle DE MALCRAIS de la
Vigne du Croisic en Bretagne.
MEs acclamations , en allant jusqu'à vous ,
Sçavante de Malcrais , vous rendront mon hom
mage ;
Vous sçavez satisfaire autant de divers goûts ;
Qu'il s'en rencontre à qui Mercure se partage.
Les suffrages d'accord pour vous n'en formen
qu'un ;
II. Vol
beau
DECEMBRE. 1753. 2937
Beaucoup d'admirateurs ; de Critiques , aucun ;
Jamais sur votre compte on n'eut l'ame perplexe
:
C'est à qui vous loüera parmi nos Beaux Esprits
Moins poussez par l'honneur qu'ils déférent an
Sexe ,
Qu'enchantez de ce Beau qui regne en vos Ecrits.
Le sincere Champenois.
ADDITION AUX NOUVELLES
Etrangeres.
O
Na appris en dernier lieu de Cons
tantinople , que comme Thamas
Kouli- Kan n'est qu'à une petite distance
de Kerkoud, et qu'on craint qu'il ne fasse
un dernier effort pour venir attaquer les
Turcs , la Porte a dépêché un Courier à
Demir Pacha , qui commande un Corps
de quarante mille hommes aux environs
de Tauris , et elle lui a envoyé ordre de
marcher en diligence avec les Tartares
qui sont passez en Perse , pour s'opposer
de concert avec Topal- Osman aux desseins
des Ennemis.
>
Les derniere Lettres de Pologne matquent
que le Palatinat de Sandomir et la
plupart des Gentilshommes de celui de
II. Vol.
Cracovie
2938 MERCURE DE FRANCE
Cracovie , sont entrez dans la conféderation
faite en faveur du Roy , qu'elle a
été signée non- seulement par toute la
Noblesse des sept Palatinats de la Grande
Pologne , mais encore par la plus grande
partie des autres Habitans de ces Provinees
, et que tous ceux qui sont en état de
porter les Armes les ont prises .
On a apris en même tems que le Comte
Potocky étoit campé entre Sandomir er
Saradie , mais qu'il devoit marcher incessamment
avec son Armée composée ac
tuellement de près de 20000 hommes
pour occuper un poste important entre
les Rivieres de Wuart et de Pilckza pendant
que le Palatin de Lustin et le Genes
ral de Curdziewzki observeroit avec
leurs Troupes les mouvemens de celles de
P'Electeur de Saxe.
Ces Lettres ajoutent que presque toure
la Noblesse de Lithuanie étoit resoluë de
deffendre jusqu'à la derniere extremité
les intêrets du Roy , et la liberté de la
Nation , qu'elle n'attendoit pour s'assem
bler que les derniers ordres de S. M. que
le Comte Pocci après avoir fait diverses
courses en Curlande , où il a fait beaucoup
ravages , s'étoit retiré par la Samogithie
en Lithuanie , et qu'il y avoit
attaqué les Troupes du Palatin de Nowo-
11. Vol groot
de
DECEMBRE. 1733. 2939
root , lesquelles après un assez long coinat
, avoient été contraintes de prendre la
aite , le Comte de Poniatow ki , le Prince
ean Czatorinski les Palatins de Cujavie
t de Livonie et le Sr Ozarowky , ont levé
hacun un Regiment. Celui du Roy est
ctuellement complet.
On aprend de Dantzick , que deux
Vaisseaux Hollandois y ont apporté une
grande quantité de Munition de Guerre.
Les deux Regiments d'Infanterie et les
deux de Cavalerie que le General Lesci
a fait avancer vers la Prusse Polonoise
se sont arrêtez à quelque distance des
Frontieres de cette Province ; ils n'ont
point été suivis d'autres Troupes , et on
croit que l'Armée Moscovite qui est toujours
à Lowitz et dans les environs n'en
décampera que pour tenter de se joindre
aux Troupes Saxones .
•
Quelques avis reçûs de Warsovie, por
tent que la Députation envoyée par le
General Moscovite et par les Opposans à
P'Electeur de Saxe , est composée du
Prince Wienowieski , ci - devant Régis
mentaire de Lithuanie , du Prince Lubomirzky
, Palatin de Cracovie , des Palatins
de Pollachie , de Culm et de Czernichov
, du Comre de Cetner , et de
quelques Cattellans.
II. Vol. On
2940 MERCURE DE FRANCE
On mande de Vienne que le Comte de
Mercy , Feldt Maréchal , à qui l'Empe
reur a donné depuis peu le Gouverne .
men du Milanois , et le Comte de Sallaburg
, Commissaire Général des Guerres,
partiront le 7
le 7 Janvier pour le Tirol.
Le bruit qui a couru que l'Electeur de
Baviere faisoit lever pour le service de
l'Empereur, 8000 hommes , qui devoient
remplacer les Régimens que S.M.I. a tiré
de Hongrie , n'est pas confirmé.
RONDE A U
AM. le Marquis de Saint Au'aire. -
A
Six vingt ans ! ah ! c'est trop tốt . Now ,
non ,.
N'y souscrivez , Marquis , c'est la raison.
Qui vous a fait vous a fait d'encolure
A les passer ; que sçais - je ? de nature
A mettre au jour l'autre tome d'Eson .
En sept cent vingt ( ce n'est une chanson , )
Vous aviez oeil moins vif , Jarret moins bon ,
Ergo , suivra jeune et leste figure ,
A six vingt ans.
Si danserez encor le Rigaudon
* Esonfut rajeuní à l'âge de cent ans.
II. Vol
Chaz
DECEMBR E. 1733. 294 %
la Princesse , au celebre renom ;
nt à ces Dits moult dignes de Voiture ,
es fins Vers , dont avez fourniture ,
dez- vous bien d'en changer la façon
A six vingt ans.
XXXXXXXXXXXXXXXXXX
ORTS ET NAISSANCES
à Londres.
Epuis le 12 du mois de Décembre
1732 , jusqu'au 11 inclus du même
is de l'année 1733 , on a baptisé à Lon-
58811 Garçons, et 8654 Filles ; et il est
rt 29233 personnes , ce qui fait 5875
plus que l'année précédente ; on rerque
que 11738 sont morts au dessous
deux ans ; 2409 , au dessous de cinq ;
7 , au dessous de dix 754 , entre dix et
gt ans ; 1857 entre 20 et 30 ; 2564 ,
re 30 à 40 ; 2685 , entre 40 à 50; 2196 ,
re so à 60 ; 1871 , entre 60 à 70; 1188 ,
re 7 à 80 ; 804 , entre 80 à 90 ; 198 ,
re so et 100 ; et 12 , depuis 100 jus-
'à 112.
,
********************! *
ARRESTS NOTABLE S.
RREST du 26. Septembre , portant nouveau
Reglement pour les Cotons filez qui
inent des Eschelles du Levant à Marseille ,
11. Vol. par
2942 MERCURE DE FRANC
par lequel S. M. ordonne l'execution des se
Articles contenus dans ledit Airêt.
AUTRE du 6. Octobre , qui supprime
droit de peage , coûtume ou passage , prétend
par le sieur Evêque d'Auxerre sur la Rivier
'Yone , au pertuis de Regennes près la Vill
d'Auxerre.
ORDONNANCE de Police du 10. Oc
tobre , qui deffend aux Revendeuses et autres Pa
ticuliers , de s'attrouper , vendre ni étaller au
cunes choses à la porte des Co leges , à peine c
100. livres d'amende et de prison.
Et à toutes personnes de queique Commerce
Profession qu'elles puissent être , de prendre d
Hardes ou des Livres en payement de Fruits
autres Marchandises vendues à des Ecoliers
Fils de Famille, à peine de 200. liv. d'amende , &
AUTRE du même jour , qui défend à tou
Libraires et autres personnes , d'acheter aucur
Livres et Papiers des Enfans , Ecoliers , Servi
teurs ou autres personnes inconnues , sans
consentement par écrit des Peres , Maîtres c
personnes capables d'en répondre ; et de vend.
ni exposer dans leurs Boutiques ou sur leurs Et
lages , ou de louer aux jeunes gens aucuns Livre
Histoires ou Brochures contraires aux moeu
et à la Religion.
ARREST du 20. Octobre , portant Regl
ment pour empêcher les fraudes et abus qui
commettent à l'occasion de la vente de Tabac
diminution de prix , sur les Frontieres des Pre
vinces privilegiées .
II. Vol. AUTR
DEEM BRE. 1733 . 2943
AUTRE du 17. Novembre qui ordonne
que les Habitans du Bearn et du Pays Basque ,
qui font le commerce de bestiaux , seront tenus
de prendre des acquits à caution dans le eu de
T'enl . vment,lesqueis ne pourront être dechargez
que dans le lieu de la destination .
AUTRE du 24. Decembre , concernant les
frais des procès criminels qui s'instruisent
à la requête des Procureurs de Sa Maj sté
par lequel le Roy ordonne l'execution des aix
Articles contenus dans ledit Arret.
EDIT DU ROY, portant création de
deux Offices de Control eurs des Rentes viageres
en forme de Tontine. Donné à Fontainebleau
, au mois de Novembre 1733. Registre en
Parlement le 2. Decembre .
Louis , &c. Par notre Edit du présent mois ,
nous aurions créé un million cinquante mile
livres de rentes viageres avec accroissement , par
forme de Tontine , dont Nous avons ordonné
que les capitaux seroient levez en especes , à raison
de trois cent livres par action : Et comme
par l'article XII . dudit Edit , Nous avons dit
que les arrerages desdites . rentes seroient regulierement
payez de six en six mois , par les
payeurs qui seroient à cet effet par Nous créez.
A ces causes , et autres à ce Nous mouvans , de '
l'avis de nôtre Conseil , et de nôtre certaine
science , pleine puissance et autorité Roya e
Nous avons par notre present Edit , perpetuel et
irrevocable , établi et établissons une nouvelle
partie de rentes sur l'Hôtel de nôtre bonne ville
de Paris , dans laquelle sera distribué le million
cinquante mille livres de rentes viageres , dites
11. Vel Tontine
2944 MERCURE DE FRANCE
Tontine , créées par nôtre Edit du present mois;
pour avoir les cinquante autres parties ci-devant
établies , composer le nombre de cinquante- une
parties : Et pour faire le service de ladite cinquante-
uniéme partie , Nous avons de la même
autorite que dessus , créé et érigé , créons et
érigeons en titre d'Office formé et héreditaire
deux nos Conseillers - Trésoriers - Receveurs generaux
et Payeurs , l'un ancien - triennal , ét l'autre
alternatif quatriennal , les Rentes dudit Hôtel
de ville , Receveurs des consignations , et dépositaires
des débets de Quittance , et principaux
commis y joints ; Et deux nos Conseillers - Controlleurs
generaux , P'un ancien-triennal , et
Pautre alternatif- quatriennal desdits Payeurs ;
ausquels Payeurs et Controlleurs Nous avons attribué,
sçavoir , à chacun des deux Payeurs , six
mille cinq cens livres de gages effectifs par chacun
an , sur le pied du denier vingt ; et dix- sept
eens quatre vingt - quatre livres sept sols six deniers
, à chacun des Controlleurs , ainsi que
deux mille sept cens livres , par forme de taxations,
aux Payeurs en l'année d'exercice , ensemble
pour la façon , vacations & frais de la reddition
de leurs comptes ; et à chacun desdits Controlleurs
, trois cens quarante- six livres cinq
sols ; Et voulons que la dépense desdits gages ,
taxations et droits d'exercice , soient passez et
alloüez , à commencer au premier Jauvier prochain
, dans les comptes desdits Payeurs , sans
aucunes difficultez . Permettons à ceux qui acquerront
les deux Offices de Payeurs et Controlleurs
créez par le present Edit , de les posseder conjointement
sans incompatibilité d'iceux, ni d'aucuns
autres dont ils pourroient être pourvûs : Et
jouiront lesdits Payeurs et Controlleurs du droit
[J. Vol. de
DECEMBRE . 1733 2945 \
de franc- salé , committimus en grande et petite
Chancellerie , et autres droits dont jouissent les
autres Payears et Controlleurs des Rentes de nôtre
Hôtel de Ville . Voulons au surplus, que ceux
qui prêteront leurs deniers pour l'acquisition
desdits Offices de Payeurs et Controlleurs, ayent
privilege special et préferable sur la finance desdits
Offices , ainsi que sur les gages et taxations
desdits Offices ; à l'effet de quoi leur permettons
de les affecter et hypothequer, et d'en faire toutes
les Declarations necessaires dans les Quttances
de finance. Si donnons en Mandement à nos
ámez et feaux Conseillers les Gens tenans nôtre
Cour de Parlement , Chambre des Comptes et
Cour des Aydes à Paris , que nôtre present Edit
ils ayent à faire lire , publier et regisrrer , et le
contenu en icelui garder et observer de point en
point selon sa forme et teneur , nonobstant tous
Edits , Declarations , Arrêts , Reglemens et autres
choses à ce contraires , ausquels Nous avons
dérogé et dérogeons par le present Edit ; aux
copies duquel collationnées par l'un de nos
amez et feaux Conseillers - Secretaires , voulons
que foy soit ajoutée comme à l'original ; Car
tel est nôtre plaisir. Et afin que ce soit chose
ferme et stable à toûjours , Nous y avons fait
mettre nôtre Scel. Donné à Fontainebleau, &c.
>
EDIT DU ROY , portant rétablissement des
Offices de Gouverneurs , Lieutenans de Roy ,
Majors , Maires , Lieutenans de Maire et autres
Officiers des Hôtels de Ville . Donné à Fontainebleau
, au mois de Novembre 1733. Registré
en Parlement , le 22 Decembre.
LETTRES PATENTES , du 5 Decembre
II. Vol. 1733 I
2946 MERCURE DE FRANCE
1733. qui permettent aux Etrangers d'acque
rir des Rentes créées par la Déclaration du 16
Aout dernier.
LOUIS , &c. Par Arrêt rendu en notre Conseil
, Nous y étant , le premier du present mois,
Nous aurions permis aux Etrangers d'acquerir
les Rentes créées par notre Déclaration du 16
Aoust dernier , de la même maniere, et ainsi que
nos propres Sujets pourroient le faire , même en
disposer entre vifs ou par testament , et en quelque
sorte et maniere que ce soit , Voulant qu'en
cas qu'ils n'en ayent pas disposé , leurs Héritiers
leur succedent, encore que leurs Légataires, Donataires
ou Héritiers soient Etrangers et non
Regnicoles , renonçant à cet effet au droit d'Aubeine
et autres droits , même à celui de confis →
cation en cas de Guerre avec les Puissances
Etrangeres , desquels droits Nous avons relevé et
dispensé lesdits Etrangers : Nous aurions ordonné
en outre que lesdites Rentes qui seroient acquises
par lesdits Etrangers , seroient exemptes
de toutes Lettres de marques et de représai les
sous quelque prétexte que ce fût , et qu'elles ne
pussent être saisies par leurs Créanciers Regnicoles
ou Etrangers , et que pour l'exécution dudit
Arrêt toutes Lettres nécessaires seroient expediées
; et voulant faire joüir lesdits Etrangers de
l'effet dudit Arrêt : A ces causes , de l'avis de
notre Conseil , qui a vû ledit Arrêt de notre
Conseil , du premier du present mois , cy-atta
ché sous le contre scel de notre Chancellerie ;
Nous avons permis, et par ces Présentes, signées
de notre main , permettons aux Etrangers d'acquerir
les Rentes créées par notre Déclaration
du 16 Aoust dernier, de la même maniere et ainsi
que nos propres Sujets pourroient le faire , mê-
II. Va. mo
DECEMBRE. 1733. 2947
Voume
en disposer entre vifs et par testament , et
en quelque sorte et maniere que ce soit ;
lous qu'en cas qu'ils n'en ayent pas disposé,leurs
Héritiers leur succedent, encore que leurs Légataires
, Donataires ou Héritiers, soient Etrangers
ou non Regnicoles, renonçant à cet effet au droit
d'Aubeine et autres droits , même à celui de confiscation
en cas de Guerre avec les Puissances
Etrangeres ; desquels droits Nous avons relevé er
dispensé lesdits Etrangers ; Voulons en outre
que lesdites Rentes qui seront acquises par lesd .
Etrangers soient exemptes de toutes Lettres de
marques et de représailles , sous quelque prétexte
que ce soit, et qu'elles ne puissent être saisies par
feurs Créanciers Regnicoles ou Etrangers. Si vous
Mandons que ces Présentes vous ayez à faire lire,
publier et registrer , et le contenu en icelles garder,
observer et executer de point en point selon
leur forme et teneur, nonobstant tous Edits, Déclarations
, Ordonnances , Réglemens et autres.
Lettres à ce contraires ; ausquels Nous avons
dérogé et dérogeons par ces Présentes , aux Copies
desquelles collationnées par l'un de nos amez
et féaux Conseillers - Secretaires , voulons que
foy soit ajoutée comme à l'Original : Car tel est
notre plaisir. Donné à Versailles , &c.
Registrées , oni er ce requerant le Procureur Ge
neral du Roy , pour être executées selon leur forme
et teneur et Copies collationnées envoyées aux
Bailliages et Sénéchaussées du Ressort , pour y être
lüës , publiées et enregistrées ; Enjoint aux Substituts
duProcureur General du Roy d'y tenir la main,
et d'en certifier la Cour dans le mois , suivant l'Arrêt
de ce jour. A Paris en Parlement le 30 Décem
bre 1733. Signé Dufranc.
II. Vol. I ij TAAPPROBATION.
'Ay lú par ordre de Monseigneur le Garde
des Sceaux , le second Volume du Mercure de
France du mois de Décembre , et j'ay crû qu'on
pouvoit en permettre l'impression. A Paris , le
25. Janvier 1734.
HARDION.
TABLE
P
IECES FUGITIVES Ode ,
Lettre sur l'amitié , &c.
Imitation du Guarini ,
2755
2759
2776
Extrait d'un Memoire sur une nouvelle maniere,
* d'observer l'aiguille aimantée
Définition de l'Amour ,
2778
2781
Extrait d'un Memoire sur les causes qui ont al-
Eloge de la fiévre quarte ,
teré l'eau de la Seine en 1731 , 2782
2789
Lettre sur la greffe des arbres , 2792
Noël ,
2806
Reflexions , 2808
Imitation d'une Ode d'Horace 2816
Seconde Lettre sur la litterature des Turcs, 2819
Frix du Palinod , Balade ,
2834
Lettre sur les Bains de Toul et les Valentines de
Metz ,
2835
Vers à M. Pesselier , par Mlle de la Vigne, 2843
Seconde partie de la réponse de M. le Gendre
sur l'essence de la matiere ,
Enigme , Logogryphes , &c.
2844
2851
NOUVELLES LITTERAIRES &c . Historique de
l'Auroré borcale , & c.
2854
Nou-
II. Vale
Nouvelle Bibliotheque des Bibliotheques &e .
2857
Les Priviléges des Suisses , &c. 2864
Histoire des Yncas , & c. 2870
Tous les Ouvrages d'Origène , &c. 2871
Epigramme sur le traité de l'Opinion,
2872
Réponse à la Lettre sur le Burean Typographique
,
2873
Demonstration du plus qu'infini , &c. 2875
Demonstration de M. de Fontenelle , &c. 2876
Jetton frappé pour les Officiers du Guet , 2878
2879
2881
2885
ibid
Nouvelles Estampes ,
Nouvelle Montre qui va 8 jours
Bouts Rimez à remplir ,
Chansons notées ,
Nouvelles Etrangeres , Turquie et Persè , Lettre
de Constantinople ,
Autre Lettre du 18 Novembre
De Pologne et Allemagne ,
Italie et Espagne ,
Exposition du Roy Catholique en Espagnol ,
2886
2892
2900
2904
2,995
2911
Etrennes , 2914
Armée d'Italie , Siége du Château de Milan, 2915
Etrennes , 2921
2922
Grande Bretagne et morts des Pays Etrangers ,
Nouvelles de la Cour de Paris , &c.
Etrennes à Madame la Princesse de Conti , 2925
Nouveaux Tableaux de l'Ordre du S. Esprit
aux Grands Augustins de Paris 2927
Vers de M. de Senecé , 2929
Morts ,
2933
Lettre en Prose et en Vers , à Mlle de la Vigne ,
2935
Addition aux Nouvelles Etrangeres ,
2937
II. Vel Ron- I j
Rondeau 1940
Morts et Naissances à Londres ;
Arrêts notables ,
f
2942
ibid
Errata da premier vol. de Décembre.
PAge 2040. ligne s . là , lisez lú.
1. P. 2735. 1. 2. qu'il , . lesquelles.
P. 2737. l. 17. Planchers , l. Planches.
Fautés à corriger dans ce Livre..
Page 2782. ligne 8. l'impide , lisez limpide. P. 2784. l . 16. Conserves , l . Conferves.
P. 2786. l. 11. Confema , 1. Conferva.
Ibid. 1. 10. Confema , 1. Conferva.
P.
2790. 1. 1. Vous qui , &c. ôtez ce Vers:
P. 2794. l. 6. herbac , l. herbacées.
P. 2804. 1. 2. du bas , defferens , ni extroioires,
1. deferens ni excretoires
P. 2808. 1. z . du bas , degne , 1. degno.
P. 1815. 1. 7. par , l. pe.
1.
P. 2905. 1. 3. de , l. a.
II. Vee TABLE.
TABLE GENERALE
A
De l'Année 1733 .
A.
Cadémie Françoise , 164. 551. 762. 1877.
2027. 2877
·Des Sciences , 764. 1623. 2035.2215 . 245 4.
2672
Des Belles- Lettres , 763.2454.266
£
Des Jeux Floraux 1880. 2549. 2759
De Lyon ,
553
De Bourdeaux , 2035. 2227.2459
De la Rochelle , 463
172.2226 De Marseille ,
-De Chirurgie ,
De Lisbone ,
124. 769. 1356
1627. 2228. 2662
Acides ( nouvelles idées sur les )
Accouchement extraordinaire ,
Aichay , femme de Mahomet ,
114
228. 1627
2830
1983
550
2759
Aignan ( Sépulture de S. )
Albâtre Carriere d' ) (
Amitié préferable à l'Amour ,
Anecdotes de la Cour de Philippes Auguste ,
Angleterre de Toyras ,
Anjou ( Mort du Duc d' )
1376. 1581
2213
814
Antiques , 230. 300. 695. 885. 1191. 1612.
1811. 2120. 2185
Arithmétique démontrée, 2654. Militaire, 2655
Arrets du Parlement de Paris , 192. 404. 616.
827. 1251. 1683. 2112. De Dijon , s . D'Aix,
II. Vol. I iiij 204
TABLE
204. De Toulouse , 332. Du Conseil , 402.
611. 831. 1250. 1685. 2530. Du Grand-
Conseil ,
'Aubert ( Mort de Pierre )
613
935
Auguste ( Mort du Roy Frederic ) 375° 583.
Aurore Boreale , 1
B.
BA
Adinage ( le ) Comédie ,
Bains de Toul ,
Balade ,
Barton Booth , Comédien ,
Bassi ( Laura Maria Catarina )
Beauvoisis ,
2854
2468
2835
2834
1840
120
36
Bibliotheque Italique , 327. Raisonnée , 107.
Des Theatres , 718. Des Bibliotheques , 2857
Boulogne ( Mort de Louis de ) 2663
Bouquet ,
916. 1938. 2506
Bouquet ( le ) Comédie , 2042
Bourdeaux ou Bordeaux , 416.659.862
Boursault ( Mort du P. Claude- Edme. ) 769
Boutures , 760
Bruyere ( la ) 78
Bureau Tipographyque, 2218. 2456. 2666. 2873
C.
Amaldule ( Ambroise ) 533
Cantare, Cantate , les quatre Ages 1.Les Noces de Plutus,
so La Fête d'Iris, 147.Hero , 246. L'Aurore
, 657. Ajax , 1513. l'Amour et la Beauté ,
1710. L'Indiscretion , 1748. Le Passage de la
Mer Rouge , 2391. Le Triomphe de la
nuit ,
Cantique des Cantiques ( le )
Cartesianisme deffendu ,
Catafalque ,
Causes Celebres ,
2628
1901
1731
385
2023
Ceremonie de l'Entrée des Evêques àAmiens, 1615
Cerisy , Abbaye ,
II. Vot
692
Geuta
DES MATIERES.
Ceuta
Chanoine Laïque ,
Chant d'Eglise ,
Chartres ('Eglise de )
Chine ( Description de la )
70.292
472.730
1408. 2369.
1624
750
1326 Chirurgie ( Traité d'Operations de )
Chronologie de la Bible , 1392. 2629. Tables
Chronologiques ,
College Royal ,
Compas de variation rectifié ,
Complaisant ( le ) Comédie ,
Conte >
Cornara ( Lucrece Helene )
Coustou ( Mort de Nicolas )
Curiositez Naturelles ,
D.
1399
551.2455
2778
780
480. 488. 1757
537
1196
671.838
Enis ( Mort de Pierre ) 989. S. Denis , 1050
Départ de l'Opera Comique ( le ) Opera
Comique ,
Deposuit ( faire le )
1861
1764
Dictionnaire de la Fable , 529. Des Cas de Conscience
, 736. Critique Anglois , 1190. De R.
Etienne , 1611. Remarques sur les Dictionnaires
,
Discours de l'Evêque de Laon ,
Divertissement ,
Duel ,
E
E.
1759
1889
1342
515
Au de la Seine alterée par la secheresse , 2782
Ecarlate des Gobelins ,
Electricité ,
Elegie ,
Emilie ( Histoire d')
Empire de l'Amour ( l' ) Ballet ,
398
1348. 2619
431 1322. 1534
426. II3I
793.998
Enigme , 311. 104.732. 944. 1147. 1371. 1575.
1797. 2002. 2192. 2648. 2851.
Enseignes Militaires , 261 , 1050 1262
II. Vol. EpiTABLE
Epigramme , 1458. 1763. 1934. 2632. 2872
Epitaphe 2521
Epitre en Vers , 469.682.711 . 865. 906. 1210.
1307 1502. I 71 2492. 2929
2443
Erreurs populaires ( Essay sur les )
Estampes, 174. 340. §54 772. 991. 1190. 1198.
1420. 1627. 2026. 2229. 2460. 2662. 2879
Etrennes ( les ) Comédie , 146.559
F.
F
Able. L'Amour et la Jalousie , 299. Coena
insperata , 1077. Ulisse et Circé , 1276.
Le Chesne et le Lierre , 1924 Le Soleil et
les Nuages ,
Fausse Antipatie ( la ) Comédie ,
2580
2249
Fausse Egyptienne ( la ) Opera Comique , 16;4
Félibien ( Mort de Jean François ) ,
Fêtes Grecques et Romaines Baller ,
Feu rare et singulier , $ 44. Boreal ,
Follette ( la ) Histoire ,
Fontenelle ( OEuvres de )
Enabum
G.
Généalogies
Historiques ,
Glossarium Enneasticum ,
Goyon Matignon .
Greffe ,
Grimond ( Mort de N. )
Guespin ,
Gustave , Tragédie ,
H.
Enriade ,
Hermaphrodites ,
1848
1424
1605
2656
977
1713
966
91
2660
2360. 2792
1198
182
354
2633
1369
1428
Heureux Stratagême ( l' ) Comédie ,
Hyerogliphes , Origines des Animaux chimeriques
,
2587
Hypolite et Aricie , Opera , 2233. Parodie , 2469
Histoire des vingt - quatre Peres de l'Eglise , des
II. Vol.
EmDES
MATIERES.
Empereurs Romains et caracteres de 8. des
meilleurs Historiens Orateurs , &c. 95. Diplo
matique, 27. Principes de l'Histoire , 743.De
Bourgogne , 1804. depuis le Déluge jusqu'à
J. C. 2217. Universelle , 749. 1559. 2963 .
Litteraire de France , 1802. 2419
Hyver (1) Comédie ,
Horlogerie ,
J
I.
365
495
Ainville (Mort du P George-Thomas de ) 771
Idille. Les Coquillages , 285. La Tourterelle ,
Jephté , Opera ,
2365
564
Jérôme ( Supplément des OEuvres de S. ) 334
Jettons , 125.2878
Images des Heros , &c. 519
Imitation de j. C.
1822
Imprimerie de Constantinople , 521
Impromptu de Campagne ( ' ) 2693
Incedie ,
2924
Infini ,
2875
Inondation de la Loire , 1240
Invention , 127.907
Jonathas Machabée , Tragédie ,
1852
Isle du Mariage ( 1 ) Opera Comique ,
2047
Issé , Opera, 2466. 2678
K.
K
Ermès ,
L.
Ambert (Mort de la Marquise de )
Lampride ,
Litterature des Mahometans ,
Logogryphes , 81. 312. 504. 734. 946-1148.
1372. 1576. 1798. 2003 , 2192. 2648 : 2852.
Expliquez en Vers ,
Longin , Traité du Sublime ,
83. 1574
2453
1064
1843
23T. 233. 1488
2819
DES MATIERES:
M.
Achine pour élever l'eau ,
Maffei. ( Scipione )
Madrigal , 64, 173. 942. 1459.2500
Magic ,
1418. 19; 5
116
317
Manifeste du Roy de Sardaigne 2500. du Roy
d'Espagne ,
Manumission d'Orleans ,
Marbre de Rouerge ,
2905
177
1420
Martin des Champs ( fondation de S. ) 2516
Matiere , ( essence de la ) 1939. 2393. 2844
Matignons , ( Mausolées des ) 1524
Médailles , 179. de Hadrien, 249. du Roy, 340,
de Diadumenien
1516
Médecine , ( Aménitez de ) 507. Histoire de la
Médecine , SII. ( Faculté de )
Mémoire ,
2883
2641
Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes
Illustres dans la République des Lettres , §32 .
Mercure Suisse ,
Moliere ,
Monde , ( durée du )
2017
1413
1835
2435
Montagne ,( essais de ) 1279.1949.2144 2337
Montjoie ,
Monumens de la Monarchie Françoise ,
Musa rethorices ,
J272
2427
100
Musique , ( essai sur le bon gout en) 1163. (l'art
d'apprendre la )
N
Nature, leSpectacle de la )
Navigation , ( problême de )
Nobilaire ,
Noels ,
Nouvelles Etrennes ,
II. Vol.
1607.2222
22
849
987
75.2806
2438
TABLE
Chin , ( Bernardin ) 333
Ode , la Tragédie , 18. l'Espérance , 199.
l'Ame persécutée , 258. le Temps , 411. le
Triomphe d'Hébé, 667. le Héros parfait ,833 .
le Préjugé , 846. les Muses , 929. l'Ambition,
962. la Gloire , 1045. Vie de l'homme, 1967.
l'Amitié , 1089. 2609. le mépris des Richesses
, 112 , l'Astrologie judiciaire , 1257. aux
Muses , 1484. du Palinod , 1547 la Flatterie,
1689. l'utilité des Prix académiques , 2115.
contre le Duel , 2140. la necessité de mourir,
2148. le Triomphe de la raison , 2175. à M.
Titon , 2331. la Création , 2353. Atalante ,
2380. l'Homme , 2543. Bacchique , 2755.
Imitée d'Horace , 34. 228 494. 498. 1772.
2816. d'Anacréon , 131. des Pseaumes, 1143 .
1728 , 2184 2621.
Omphale , Opera ,
Opinion, (traité de l' ) 755-950.1154.1404.2216
344
Oran ,
65.292.643
Ordre du S. Esprit , 2927
Oriflame ,
ď)
Ovinius ,
P
Origêne , ( ouvrages
Orthographe moderne ,
Panegyrique de S. François , 110. de Saint
2206
1265
1168
- 2153
236
Louis ,
Paresseux , (le ) Comédie , 1000
Parnasse de Titon , 481. 917. 2588
Pastourelle , 995
Pauvreté , ( éloge de la ) 1787
Peintres renommez , 489. 15os
Pélopéc. Tragédie , 1638
Pendule marquant et sonant le temps vrai, 1926.
2668
IIVol,
Perse
TABLE
Perse , 185. 366. 579. 1013. 1213. 1469, 2886
Petra fidei ,
454
Paenoméne , vû à Lisbone ,
510
Pique ( François ) 2071
Pahou , ( Testament de Pierre ) 2385
2717 Pizzighitone ,
Pians en relief ,
156
Poeme. La Réligion défenduë , 523. les deux
Temples, 621 Codrus , 1467.1979 . le Pécheur
trouble , 1989
Pologne , 1120. 1654• 2ª 51. 2267.2480 2511.
2693.2900. 2937
Pont de Compiègne , 1850
Pour,et contre ( 'c ) 1593 , 2658
Prophétie attribuée à David , 1774.1919
500
567 Q
Ualifications singulieres ,
quatre semblables , ( les ) Comédie
127. 128. $ 49 . 907 988. 11368 Question
1623. 1851.2036
Quien , ( mort du P. Michel le ) 606. 869.1622
R
Ecueil de Pieces d'Histoire et de Littéra-
RE
ture ,
Réfléxions ,
Rendez- vous , ( le ) Comédie >
Renobert , ( Saint )
Révolutions d'Espagne ,
Rhames ,
δε
1079. 1990. 2808
1013. 1201
443
973
392. 590. 599
Ricci , ( Béatification de Catherine de ) 1237
Rondeau , 80. 212 650.1520.1917.25 14.2940
Rosni ,
Aladin ,
S.
1101
S Sanadon , ( Eloge du P. Noël Etienne ) 2824
Sentiment ,
Serrurerie ,
II. Vol.
137.907
774
SogoDES
MATIERES.
Sigonius , ( Euvres de Charles )
Societé des Arts ,
Sonnet ,
1402
2458
190
Sophi , mot impropre pour désigner le Roy de
Sophie , ( Sainte )
Perse ,
Spectacles ,
Stances ,
Sublime ,
Suisse de la rue aux Ours , 1232. Privileges des
2828
'2832
777.789. 1174
1062
213. 1309
Suisses , 2864
Sulpice , ( Portail de S. ) 1192
Swift ,
106
T.
Ableaux ,
1420, 2228. 2663'
Taille laterale ; 2361
Talismant contre les Rats , 2120
Tartares Calmuques
1751
Temple du gout ( le ) Comédie , 1630. 1831.
2250
Theâtre. S'il est une école pour former les
moeurs ,
Theophraste , voyez la Bruyere ,
767.980
These , an à functionum integritate mentis sanitas,
Torigny ,
Tour , ( mort du P. de la )
878
1521
552.626
Traductions faites par les enfans de Langue ,
1093
Tremblement de terre , 152. 379. 589. 1671,'
Troade sans Evêché ,
Troupes de France , (Abregé Chronologique
Historique des )
Tyard , ( Pontus de )
1884
437
1594
2012
II. Vol.
TABLE DES MATIERES.
V.
Albonnais , ( Jean Pierre de )
Valentines de Metz
Vancleve , ( Corneille )
Vanrobais ,
Verona illustrata ,
134
2841
553
1195
545
Vers,81 . Etrennes, 158. 2914. 2921.2925.Songe,
167.les deuxAmours, 175. contre lesSatiriques
184.Provençaux ,422. à Mlle de Malcrais 442-
462.875 . 1136. 1330. 2134. Imitez de Seneque
, 453. au Cardinal de Fleury , 600. à M.
de Nicolai , 610. l'Hyver , 727. Jugement de
Themis , 857. à M. Carelet , 874. de Mile
C... 884. méprise de l'Amour , 1097. àla
D. du Maine , 1353. sur un Portrait , 1456.
Plan de Ch. 1553. à M. Pibrac , 1787. Priere
1948. de Mlle de Malcrais au sommeil >
1974. 2157. 2776. à Mc . Felicité , 2189. de
Poisson , 2250. à l'Evêque de Macon , 2509.
Réflexions morales , 2560. le Triomphe de
l'Amour , 2585. Anacreontiques , 2641. définition
de l'Amour , 2781. Eloge de la fièvre
quarte , 2789. à M. Pelletier , 2843
Vetera domus ,
Viduité , ( droit de )
1472.2136.
1694. 1904
Vieillesse extraordinaire , 169. 602. 2267. 2935
Vocabulaire des Villes de France ,
Voltaire , ( OEuvres de M. de )
1975
129. 341. Sſo
1416
442. 692. 885
Volcan de Prague ,
Voyage de Normandie
,
Usages , ( Bizarerie
des
Aire Tragédie ,
Z.
133. 651
ZZodiaque de la vie humaine , ( le " 197
John
Bigelow
to the
Century
Association
DM
Mere
Mirened
*DI
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROY.
NOVEMBRE . 1733 .
SPARGIT
ECOLLIGITS
Papill
A PARTS;
GUILLAUME CAVELIER.
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais,
M. DCC. XXXIII.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY A V I S.
336
ADRESSE generale eft à ASTOR, ENOX ND
TILDEN Monsieur MOREAU , Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Fran-
1905
,
goife , à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure
, à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inflamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'aurons
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porterfur
T'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
Ini indiquera,
PRIX XXX, SOLS,
}
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROT
NOVEMBRE. 1733 ~
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
ODE EN STROPHES LIBRES.
AM. TITON DU TTLLET , Commissaire Pro
vincial des Guerres , cy- devant Capitaine de
Dragons , et Maître d'Hôtel de feue Madame
la Dauphine , Mere du Roy.
Par Mlle DE MALCRAIS DE LA VIGNE,du Croisic
en Bretagne, en le remerciant du present qu'il
lui afait de son Ouvrage, intitulé : Le Parnasse
François, dédié au Roy.
A
Rchitecte fameux , dont la sçavante
main
Eleve un monument à l'honneur de
la France ;
La majesté pompeuse , et l'exquise élégance ,
A - ij Se
2332 MERCURE DE FRANCE
Se prêtant à l'essor de ton art souverain ,
Ont poli la matiere , et réglé l'ordonnance ;
De ton édifice divin
M
Sans avoir épuisé les deux bords de l'Hydaspe ;
Ton adresse a charmé notre goût et nos yeux ;
Et ton Ouvrage précieux ,
Tiroit l'éclat divers du Porphire et du Jaspe,
Ce Monument transmis à la Postérité ,
Des temps impétueux bravera les outrages ;
De la flamme et du vent il sera respecté ;
Et jusqu'aux derniers jours qu'auront les derniers
âges ,
Ton nom victorieux sera par tout vanté,
Jupiter même en vain voudroit réduire en pou
dre ,
Ces Côteaux triomphans des rigueurs des Hy
vers;
Les durables Lauriers , dont tu les as couverts ,
Les garantiront de la foudre.
L'ingénieuse Antiquité ,
Fit passer jusqu'à nous , d'un Parnasse inventé
L'Image ambitieuse dans son cerveau tracée ,
TIPON, par un secret qu'on n'avoit point tenté ;
Scair
NOVEMBRE . 1733. 2835
Sçait faire à la Fable éclipsée ,
Succeder la réalité.
Les habitans du Pinde écartent l'ombre noire ,
1
Qui , des terrestres demi Dieux
Tâche àcouvrir les noms d'un voile injurieux ,
Et des dents de l'envie , arrachant leur mémoire,
Leur ouvrent la porte des Cieux .
2
TITON, quel honneur doit donc suivre
Tes incomparables travaux !
Tu redonnes la vie à ceux qui font revivre
Les humains,qui bravant les dangers et les maux,
Ont eu la valeur pour Egide ,
Et que le mérite solide ,
Donne aux Dieux même pour rivaux.
Mais quel charmant Spectacle est offert à ma
vuč ?
Un Groupe incrusté d'or , se forme d'une nuë ;
Des Anges argentez , t'élevant dans les airs ,
T'y font un Thrône de leurs ailes ;
Le Ciel , la Terre en feu, répetent leurs concerts
Tout s'anime au doux son de leur voix immortelle
;
J'entends des Instrumens divers ,
Je vois la Musique et les Vers ,
A iij
S'ec2334
MERCURE DE FRANCE
S'accorder à l'envi , pour chanter tes louanges ;
Et du brillant séjour des Anges ,
Les répandre aux deux bouts de ce vaste Univers.
M
Le puissant Protecteur des Boileaux , des Corneilles
,
Du Fils du Grand Henry , le vaillant rejetton ,
Qui des nobles Esprits attentif aux merveilles ,
Sçut les encourager , récompensant leurs veilles,
De top Parnasse est l'Apollon .
Son Royal héritier , ni moins grand , ni moing
bon ,
Formé du même sang , suit son auguste trace
Et peut tenir aussi la place ,
De Monarque de l'Hélicon .
Sous son regne brillant , les beaux Arts fructí
fienr ;
A défricher leur champ , lui - même il prend
plaisir ,
Tous les Sçavans s'en glorifient :
Le Ciel en le donnant , couronna leur désir.
23
Il est l'honneur, l'exemple et l'amour de la Terre;
Des Royaumes divers que son contour enserre
Les divers Souverains n'en disconviendront pas.
·
MiNOVEMBRE.
1733 2335
Minerve est son fidele guide ;
Et portant son grand nom , gra sur son Egide,
L'annonce en précedant ses pas.
Du coeur de ses sujets, il a fait la conquête ;
Travaillez , des neuf soeurs , diligens Nourissons,
Célébrez ses vertus ; sa main est toute prête
A répandre sur vous la douceur de ses dons,
Croissez sur les doubles collines,
Jeunes et tendres Arbrisseaux ,
Le Fleuve se déborde et la source divine
Qui fait reverdir vos Rameaux ,
Yous inonde déja du trésor de ses caux.
Ah ! ciel , si tu daignois seconder mon envie ,
Et prêter l'oreille à mes voeux •
On verroit s'écrouler du Monde ruïneux ,
Dans ses creux fondemens , la machine englou
tie ;
Avant que le trépas , sous son vol ténébreux ,
Fit jamais éclipser les rayons de sa vie.
Mais si l'inclémence du sort ,
S'attache obstinément à briser la barriere ,
Que notre juste zéle oppose à son effort ,
Qu'avant de perdre la lumiere
#
A. Hij
2336 MERCURE DE FRANCE
Il puisse au moins deux fois parcourir la carriere
De ce Roy conquerant a,dont la rapidité ,
Surprit dans ses Marais le Batave indompté ;
Qui pouvoit dominer du Couchant à l'Aurore ,
S'il n'eut enfin lui-même arrêté ses progrês ,
Et que nous pleurerions encore ,
Si de son Successeur , que l'Univers adore ;
Les talens infinis n'étouffoient nos regrets.
'Alors , malgré la Parque , au Temple de Mé
moire ,
Entre les bras de la victoire ,
Près de son Bis-ayeul , notre Roy volera ;
Assis au même rang , sur ce Mont il verra
Ce VALOIS (6) renommé , qui chassant de la
France ,
L'Orgueilleuse et folle ignorance ,
Fut le Pere et l'appui des Arts qu'il illustra
Et qu'excita la recompense.
Que ne peux-tu,TITON, vivre encor jusques - là i
Sur magnifique Parnasse ,
Tu lui décernerois de cette illustre place ,
L'honneur que l'équité lui prépare déja.
a LOUIS XIV.
FRANCOIS I.
RE
NOVEMBRE 1733. 2337
REPONSE de l'Auteur du Projet , sur
Montaigne , à la Lettre de Mademoiselle
de Malcrais de la Vigne , imprimée
dans le Mercure de Septembre 1733 .
MA
ADEMOISELLE ,
Je vous dois des remercimens, et pour
Phonneur que vous m'avez fait de me
critiquer , et pour la politesse dont vous
avez assaisonné votre Critique . C'est déja
quelque chose de bien flateur pour moi
que mon Projet sur Montaigne ait attiré
votre attention , et que vous ayez pris la
peine de l'examiner . Que ne vous dois je
donc point pour les louanges que vous
m'avez données : Vous , MADEMOISELLE
que tant de Plumes ont célébrée à l'envi
Vous , l'Héroïne de ce Poëte fameux , si
avare de son encens a . Quel poids n'ajoute
point à l'éloge qu'il a fait de vos talens
, le jugement rigoureux qu'il a prononcé
dans son Temple du goût , contre
tant d'illustres Auteurs ? Le Public s'est
a Voyez l'Epitre de M. de Voltaire à Mlle Malerais
de la Vigne , dans le Mercure de Decembre,
8. vol. 1732.
Ay qu'il
2338 MERCURE DE FRANCE
révolté contre cet Ouvrage , tout ami
qu'il est de la Critique , mais il n'a rien
trouvé à dire à la belle Epître que M. de
Voltaire vous a adressée , tout ennemi qu'il
est des Panégiriques. M. de Voltaire a déplu
au Public , quand il a combattu l'opinion
publique ; il lui a plû quand il s'y
est conformé
Mais pourquoi ne vous a- t- il pas donné
une place honorable dans son Temple du
goût? Pourquoi au moins ne vous a- t- il
pas mise avec Madame Deshoulieres , à la
quelle il vous avoit comparée ? Je crois
Mademoiselle , que je ne suis pas le premier
qui vous fais cette question . Quoi
qu'il en soit des raisons qu'a pû avoir
M. de Voltaire , et dans lesquelles je n'ose
entrer , je vous puis assurer , Mademoiselle
, qu'il y a bien des Auteurs qui ont
été charmez de ne point trouver votre
nom dans cet Ouvrage , parce qu'ils s'attendoienr
à y trouver le leur . Le silence
de M. de Voltaire sur votre sujet les a consolez
de l'exclusion qu'il leur a donnée .
Quand onleur demande pourquoi M. de
-Voltaire n'a fait aucune mention d'eux
dans son Temple dugoût , ils répondent
qu'il en a usé de même à votre égard , et
ils croient par-là l'avoir convaincu d'une
injustice qui doit lui ôter toute autorité
dans la République des Lettres.
NOVEMBRE. 1733. 2339
Vous n'approuvez pas mon projet sur
Montaigne , et vous croyez sans doute
que je vais le soutenir contre vous.
Non , Mademoiselle , je l'abandonne
sans peine ; il n'est pas plus de mon
goût que du vôtre ; et je n'ai jamais eû
une intention bien sérieuse de l'éxecuter.
Ce travail serbit assez désagréable , et
quand même l'Ouvrage réüssiroit , il en
reviendroit peu de gloire , parce qu'on
ne s'imagineroit pas qu'il eût dû beaucoup
coûter.
Mais quoique je sois très - déterminé à
laisser Montaigne tel qu'il est,il me semble
cependant que les raisons que vous appor
tez contre mon Projet, ne sont pas absolument
sans réplique.Voyons donc ce qu'on
y pourroit opposer . Cela nous amusera
peut-être vous et moi , et d'ailleurs je
suis trop flatté de l'occasion de rompre
une lance avec vous , pour la laisser
échapper.
Je conviens d'abord que le mot de
Traduction dont je me suis servi , n'est
pas tout-à- fait exact , et ne dit pas précisément
ce que je veux faire entendre ;
mais je ne l'ai employé qu'au deffaut d'au
tre et pour abréger . Dailleurs j'ai expliqué
plus d'une fois en quel sens je le
prenois.
A vj
29
2340 MERCURE DE FRANCE
>
2º. Je suis Traducteur , et Traducteur
proprement dit en quelques endroits
de l'échantillon que j'ai donné de mon
travail , et c'est lorsque je change entierement
les tours et les mots de Montaigne
, parce que ces tours et ces mots
sont tellement vieillis qu'ils ne sont plus
françois. Traduire , c'est rendre en une
autre Langue les pensées d'un Auteur ;
j'admets la définition. Or la Langue dans
laquelle je rends les pensées de Montaigne
, est quelquefois une autre Langue
que celle qu'il a parlée. Celle- cy est ce
qu'on appelle communément du Gaulois.
Or mettre du Gaulois en François ,
c'est à la lettre , traduire. Ces mots Gaulois
ont été jadis François ; mais aujour
d'hui ils ne le sont pas plus que des mots
Italiens ou Espagnols, si on en excepte la
terminaison qui est toujours Françoise .
Le plus souvent , je l'avoue , je ne fais
que corriger Montaigne ; quelquefois aussi
je le traduits.
3°. Le projet de mettre en François
moderne un Ouvrage écrit en vieux Fran .
çois il y a environ 150. ans , n'est pas
d'une espece aussi singuliere qu'on pour
roit le croire d'abord. On a traduit ou
corrigé quelques Ouvrages de S. François
de Sales , à peu près comme je voudrois
traduire
NOVEMBRE. 1733. 234x
traduire ou corriger les Essais de Montaigne.
Cependant S. François de Sales
n'est mort qu'en 1622. mais pourquoi
les a- t'on traduits ? C'est parce que ces
Ouvrages si propres à inspirer le goût
de la pieté et à en faire connoître l'esprit
et les regles , n'étoient presque plus
lûs par ceux mêmes qui s'occupent le
plus de la lecture des Livres spirituels.
Je conviens , car il faut être de bonne
foi , qu'il y avoit une raison de traduire
S. François de Sales , qui est peut- être
une raison de ne point traduire Monaigne.
Cette raison , c'est que le vieux
stile de S. François de Sales jette un certain
plaisant et un certain comique sur
ses pensées qui est tout près du ridicule
et qui par conséquent est diamétralement
opposé à l'effet sérieux qu'elles doivent
produire. Or ce plaisant et ce comique
est tout- à- fait à sa place dans Montaigne.
Bien loin de gâter ses pensées et
d'en empêcher l'effet , il y ajoute une
nouvelle grace et une nouvelle force ,
ensorte que son stile est agréable , nonseulement
parce qu'il est vif , léger , & c.
mais encore parce qu'il est vieux . Peutêtre
étoit-il moins agréable à ses Contemporains.
Telle phrase de Montaigne ,
qui aujourd'hui déride le front du Lecteur
2342 MERCURE DE FRANCE
teur le plus sévere , étoit lûë il y a 150.
ans avec le plus grand sérieux , et on étoit
bien éloigné d'y trouver le mot pour
rire. Nous rions en lisant nos vieux Auteurs
, comme nous rions en voyant les
Portraits de nos grands- peres habillez à
la maniere de leur temps . La naïveté est
un des principaux caracteres de Montaigne;
on aime beaucoup cette naïveté et
on lui en fait un grand mérite. Mais si
on y prend garde , on verra qu'elle consiste
en grande partie dans son vieux.
langage. Montaigne paroissoit autrefois
moins naïf qu'il ne le paroît aujourd'hui .
Nous voyons dans cet Auteur ce qui
n'y est point , ou du moins ce qu'il n'y
a point mis. Nous attribuons à l'Ouvrier
ce qui n'est que l'effet du temps
qui a passé sur son Ouvrage. Ou si l'on
veut encore , nous attribuons à l'Auteur
et au Livre ce qui n'est qu'en nous- mêmes.
C'est une vraye piperie et une sorte
de prestige ; voila pourquoi le vieux
langage , le stile Marotique est si pro
pre aux Ouvrages qui doivent être naïfs
et plaisants , comme les Epigrammes ,
les Contes , les Fables , &c. Il y a tel
Vers de la Fontaine , de Rousseau , à qui
Vous ôteriez tout son sel en changeant
sculement un mot Gaulois en un mot
François.
NOVEMBRE. 1733. 2343
François . On comprend assez pourquoi
le vieux langage nous paroît plaisant et
naïf; c'est une espece de mascarade . Ce
langage est encore en grande partie celui
des gens de la campagne et du Peuple
, surtout dans les Provinces les plus
éloignées de Paris. Mais par la même
raison il doit paroître bas plutôt que
naïf , et ridicule plutôt que plaisant à
plusieurs personnes. Il faut donc le réformer
dans les anciens Livres ; il faut
y substituer le langage moderne , si l'on
yeut que ces personnes les lisent avec
plaisir . C'est pour elles que je voudrois
traduire ou corriger Montaigne.
On niera peut- être l'existence de ces
personnes , ou du moins qu'elles soient
en grand nombre. Mais on se trompe
souvent cn jugeant des autres par soimême,
ou par quelques amis qui pensent
comme nous. Pour moi , Mademoiselle ,
je puis vous assurer que je connois plusieurs
gens de fort bon esprit , à qui
j'ai voulu faire lire Montaigne , et quelques
autres de nos vieux Ecrivains en
Vers et en Prose , et qui m'ont dit qu'ils
ne pouvoient soutenir cette lecture. Ce
vieux langage , comme je l'ai dit , leur
paroît bas , ridicule , souvent même inintelligible.
Mais
2344 MERCURE DE FRANCE
Mais les Essais de Montaigne , corrigez
et réformez comme les trois Chapitres
qu'on a vûs dans le Mercure , plairoient-
ils à ces personnes dont je viens
de parler ? Seroit- ce pour elles une lec
ture agréable ? Voilà le point essentiel
de la question , car il ne s'agit pas de
ceux qui lisent avec plaisir Montaigne tel
qu'il est. J'aurois quelque lieu de le croire
, Mademoiselle , si mon stile étoit
digne des loüanges que vous lui avez
données. Il est pur , dites - vous , elegant ,
harmonieux. Vous ajoûtez que si la France
n'eût point vû naître un Montaigne avant
moi , je pourrois en continuant sur le méme
ton , prétendre au même rang. Ce n'est
là , sans doute , qu'une politesse dont il
faut rabatre beaucoup , et en ce cas je
n'en puis rien conclure ; mais si vous
m'avez parlé sincerement , je puis me flater
que mon Ouvrage auroir quelque
succès. Montaigne n'est point né , il n'existe
point pour ceux qui ne le lisent
point , et qui ne peuvent même le lire.
Or , je le repete , ils sont en grand nombre
, surtout parmi les femmes . Il en est
fort peu , qui comme vous , Mademoiselle
, joignent le sçavoir à l'esprit ; la
plupart même sont extrémement ignorantes
, et beaucoup d'hommes ne le
sont
NOVEMBRE. 1733 2345
sont pas moins qu'elles. Or il faut au
moins quelque teinture de litterature
pour lire Montaigne avec plaisir.
cet
On pourroit me faire une autre objection
à laquelle je serois plus embar
rassé de répondre. Traducteur de Montaigne
, j'ai loué , j'ai éxalté mon Original
, mais ne l'ai-je point trop loüé ? Ne
faudroit- il point distinguer ici l'Auteur
et le Livre , Montaigne et ses Essais ,
le 16. siecle et le 18. Montaigne étoit
un excellent esprit , un rare génie , mais
ses Essais sont- ils réellement un excellent
Livre ? Cet Ouvrage égal ou supérieur
à tous ceux qui l'ont précedé dans
le même genre , l'est- il de même à tous
ceux qui l'ont suivi ? En un mot ,
Ouvrage admirable par le temps où il
a parû , l'est- il aussi pour le temps où
nous vivons ? Je connois des gens d'esprit
bien éloignez de le croire . Beaucoup
de pensées , nouvelles quand Montaigne
les a écrites , sont dans la suite devenuës
très communes. Mille Ecrivains les ont
répetées. Aujourd'hui elles appartiennent
à tout le monde. Elle leur sont familieres.
Aussi les bons Auteurs qui écrivent
sur les matieres ausquelles ces pensées
ont rapport , ne les répetent plus. Ils les
supposent comme suffisamment connuës ,
et
2346 MERCURE DE FRANCE
et partent de - là pour aller à des veritez
nouvelles. Si Pascal , la Bruyere , la Rochefoucault
, ont pris beaucoup de choses
dans Montaigne , ils y en ont ajoûté une
infinité d'autres. En un mot , les Esprits
se sont bien rafinez depuis 15o. ans . Ils
sont bien avancez aujourd'hui du côté
des refléxions sur l'Homme; et le Livre si
vanté de Montaigne paroîtroit peut- être
dans ma Traduction un Livre assez com .
mun et assez vuide , un Livre où ceux
qui connoissent ce qui s'est fait de meil
leur depuis 60. ou 80. ans , ne trouveroient
presque rien à apprendre et qui
fût nouveau pour eux. Ainsi il arrive .
roit à Montaigne ce qui est arrivé à quel.
ques Auteurs Grecs et Latins , dont la
réputation est beaucoup diminuée depuis
qu'ils sont traduits. Voilà ce que
m'ont dit des Personnes de mérite , et
je suis très- porté à croire qu'elles ont
raison.
On me fait encore une objection à laquelle
j'avoue que j'étois assez simple
pour ne me pas rendre. Vous voulez
supprimer dans votre Traduction , m'at'on
dit , tout ce qu'il y a de trop libre.
dans Montaigne , tout ce qui s'y trouve
de contraire à la foi et aux bonnes moeurs,
et on ne peut que vous en loüer.Mais dèslors
NOVEMBRE. 1733. 2347
lors ce n'est plus Montaigne que vous nous
donnez. On n'aime point ces Auteurs
mutilez ; ils ne sont bons que pour les
Colleges ; et outre que ce que vous retrancherez
dans votre Traduction , fait
une partie considerable de l'Original ,
c'est peut -être la plus agréable pour une
infinité de gens. Quoiqu'il en soit , on
veut qu'une Traduction représente l'Original
en son entier ; on veut avoir le
bon et le mauvais , l'utile et le dange
reux , parce qu'on veut avoir tout. J'ay
peur encore que cette objection ne soit
fort bonne ; elle m'est venuë de bien
des endroits.
J'ai été encore très-frappé d'une de
vos Remarques , Mademoiselle , et j'en
ai même éprouvé la vérité depuis l'impression
de mon Projet. C'est que plu
sieurs de ceux qui avoüent qu'il y a beau
coup d'Endroits dans Montaigne qu'ils
■'entendent point , seroient les premiers
à se dédire lorsque ma Traduction leur
auroit éclairci ces passages difficiles.
Enfin ,je suis persuadé que les graces de
Montaigne consistent principalementdans
son stile , et vous ne paroissez pas vousmême
, Mademoiselle , fort éloignée de
certe opinion. Or j'avoue que c'est une
entreprise bien hardie que de traduire un
Auteur de ce caractere.
2348 MERCURE DE FRANCE
Vous dites , Mademoiselle , que mon
stile n'a point de rapport à celui de Montaigne.
D'autres ont trouvé qu'il n'en
avoit que trop , qu'il n'étoit pas assez
original , assez moderne. Il vous arrivera,
m'ont-ils dit,si vous n'y prenez garde, que
Montaigne vous gagnera insensiblement.
Vous vous familiariserez avec son vieux
langage et vous l'adopterez sans y penser.
Je suis entierement de leur avis , et
si je continuois ma Traduction , je m'éloignerois
beaucoup plus de mon Ori
ginal que je n'ai fait.
Vous aimez Montaigne, Mademoiselle, er
vous avez raison de l'aimer.Mais permet
tez- moi de vous dire que votre goût
pour cet Auteur vous a emportée trop
loin.Il vous a rendue injuste à l'égard de
ceux qui l'ont critiqué. M. Nicole, M. Pas
cal , et le Pere Mallebranche , dites-vous,
devoient parler avec plus de circonspection
duMaître qui leur apprêt à penser. Mais vous
même , Mademoiselle , avez- vous parlé
en cet Endroit avec assez de circonspec
tion ? Ceux qui ne connoîtroient pas ces
grands Hommes que vous nommez , ne
les prendroient- ils pas pour quelques - uns
de nos médiocres Ecrivains. Certainement
un grand Génie , tel qu'étoient ces
Messieurs , n'apprend à penser de personne
NUVEM BKE. 1733. 2349
sonne . Ceux-cy auroient été de grands
Auteurs , quand même Montaigne n'eût
jamais existé. Il est vrai , comme je l'ai
dit , qu'ils ont emprunté de lui beaucoup
de choses , mais je ne doute point
qu'ils ne les eussent bien trouvées
d'eux-mêmes , si elles avoient encore été
à trouver. Ils ont fait preuve d'invention
et d'originalité . Cette façon de parler
, Montaigne est le Maître qui leur apprit
à penser, a un air de mépris , et il
ne conviendroit tout au plus de s'en servir
que par rapport à des Auteurs du second
ordre . Or ceux dont il s'agit ici
sont , sans contredit , du premier rang
parmi les Auteurs du premier ordre.
Ce que vous ajoûtez une page plus bas ,
que c'étoit la jalousie du métier qui forçoit
Mallebranche et Pascal à rabaisserMontaigne
, m'a fait encore de la peine. C'est du
moins un jugement témeraire, et un jugement
témeraire en matiere grave. On ne
rabaisse guéres par jalousie de métier un
Auteur mort, et mort il y a long- tems. On
l'éleve plutôt pour rabaisser ses Contem
porains. D'ailleurs lePereMalebranche n'a
pas écrit dans le même genre que Montaigne.
Celui-cy est un Philosophe Moral
encore faut- il prendre le nom de Philosophe
dans un sens fort étendu , si on
yeut
་་་
veut qu'il lui convienne. Quant au Perc
Mallebranche , c'est principalement un
Philosophe Métaphysicien , et en cette
qualité un Ecrivain ami de l'exacte jus
tesse et dont la sorte d'esprit étoit trèsdifferente
de celle de Montaigne . Il n'est
donc pas étonnant qu'il l'ait peu goûté ;
et c'est la vraye raison du jugement peu
avantageux qu'il en á porté , plutôt que
ia jalousie du métier. Le genre dans - lequel
a écrit M. Pascal , a plus de rapport
avec celui de Montaigne . Ils ont l'un et
l'autre etudié et peint l'Homme. D'ailleurs
bien des gens n'auroient pas peine à soupçonner
M. Pascal d'avoir quelquefois écrit
par passion. Mais la vérité est qu'il n'a
point rabaissé Montaigne entant qu'Ecrivain.
Au contraire personne ne l'a
plus loüé que lui du côté de l'esprit.
Il ne l'a rabaissé que du côté du coeur
et des moeurs. Rappellez vous , s'il vous
plaît, Mademoiselle, le Passage de M.Pascal
, que j'ai cité dans mon Projet.
Je ne crois donc pas que M. de la
Bruyere l'ait eu en vûë , non plus que le
Pere Mallebranche , dans i'endroit de ses
caracteres qui commence par ces paroles
: Deux Ecrivains ont blamé Montaigne
, &c. L'un , dit- il , ne pensoit pas
assez pourgoûter un Auteur qui pense beaucoup
;
coup ; l'autre pense trop subtilement pour
s'accommoder des pensées qui sont naturelles
Peut-on reconnoître- là le Pere Mallebran
che , et M. Pascal ? Duquel des deux peuton
dire qu'il ne pense pas assez ? On
s'éloigneroit moins de la vrai - semblance,
en disant qu'ils pensent l'un et l'autre
trop subtilement. Je croirois donc plutot
que M. de la Bruyere a voulu désigner
Balzac et la Mothe le Vayer. Bal
zac ne pense et ne s'exprime pas assez
naturellement. La Mothe le Vayer ne
pense gueres ; ce n'est presque qu'un
Compilateur. Ce qui me fait pourtant
douter de la verité de cette conjecture ,
c'est que je ne vois pas pourquoi M. de
le Bruyere n'auroit pas nommé ces Auteurs
, au lieu de se contenter de les désigner
, puisqu'ils étoient morts il y avoit
longtemps lorsqu'il écrivoit. Au reste ,
si M. de la Bruyere a eu en vûë le Pere
Mallebranche et M. Pascal , il faut dire
qu'il a entierement méconnu leur caractere
, ce qui n'est pas aisé à croire d'un
Ecrivain aussi judicieux que lui ; mais
quand même il auroit bien caracterisé
ces Auteurs , il ne s'ensuivroit pas de- là
qu'ils eusent blâmé Montaigne par jalousie
de métier , puisqu'on trouvoit une
raison suffisante de leur improbation et
de
2352 MERCURE DE FRANCE
de leurs critiques dans la difference de
leur goût et de leur tour d'esprit.
Vous avez la bonté de me dire , Mademoiselle
, que vous me croyez en état
de donner au Public quelque Ouvrage
digne de lui plaire. J'accepte l'augure.
Cet encouragement est venu fort à propos.
Je pense depuis quelque temps à
faire imprimer plusieurs petits Ecrits que
j'ai composez sur diverses matieres , et
vous avez achevé de me déterminer. Ce
Recueil aura pour titre : Essais sur divers
sujets de Litterature et de Morale.
C'est un mêlange de plusieurs choses
assez differentes , et il regnera du moins
une grande varieté dans cet Ouvrage.
J'y suis tour à tour Montaigne , Pascal ,
la Bruyere , Saint Evremont , &c. Vous
croyez bien , Mademoiselle , que je n'entens
parler que de la forme que j'ai donnée
aux differens morceaux qui composent
mon Recueil . On y trouvera de
petites Dissertations , des caracteres ,
des
maximes , &c. Ces Ecrits ont été pour
moi les intermedes d'occupations plus
suivies et d'Etudes plus sérieuses. La plupart
des Gens de Lettres , des Sçavans de
profession , ont toujours sur leur table
quelques- uns de ces Livres qui ne demandent
point d'être lûs de suite , et qu'on
feut
NOVEMBRE . 1733 2353
peut prendre et laisser quand on le veut.
Ils interrompent leur travail pour en
lire quelques pages , et ils retrouvent dans
ce délassement de nouvelles forces pour
le continuer. Heureux si je pouvois enrichir
la République des Lettres d'un
nouveau Livre de ce genre , d'unLivre qui
ouvert au hazard, presentât toujours quelque
chose d'agréable , et qu'on fût bien
aise de trouver sous sa main , lorsqu'on
voudroit se distraire pour quelques momens
d'une application pénible. Je suis,
Mademoiselle , & c.
Q
ODE
Sur l'Ouvrage des six jours .
Ue vois-je ? quel pompeux Spectacle
Enchante mes regards surpris ?
Qui produit ce nouveau Miracle ,
Qui vient de charmer mes esprits ?
D'une masse informe et grossiere
Sort un Océan de lumiere ,
Qui doit éclairer l'Univers,
Le néant enfante la Terre ,
* Que la lumiere soit faite: et elle futfaite.Geni
Chap . premier.
B Et
2354 MERCURE DE FRANCE
Et tout ce que son sein enserre ?
Se soutient au milieu des Airs,
2
De quelle admirable structure ,
Paroît ce Pavillon ( 4) voûté ?
Il enveloppe la Nature ,
Dans sa sublime immensité.
Des Eaux séparant la matiere
Il lui sert de forte barriere
Contre leurs rapides efforts ;
Tel l'écueil en Mer orageuse
Arrête la vague orgueilleuse ,
Qui viendroit inonder nos bords,
Quelle brillante broderie , (")
Par son azur resplendissant ,
De cette liquide Prairie , (c)
Décore le pourpris naissant ?
Dans la nuit la plus effroyable ,
J'apperçois un nombre innombrable
D'Astres féconds et radieux ,
Dont les influences fertiles ,
(a ) Le Firmament.
(b ) Les Etoiles .
(c ) Le Firmament,
TomNOVEMBRE.
1733. 2358.
Tombant sur les terres stériles ,
Font germer des dons précieux .
1
Dès
que le sommet des Montagnes ,
Des feux de l'Aurore est doré ,
Je vois luire dans les Campagnes
Un Globe de flamme entouré. (a)
Ce superbe et grand Luminaire ,
Prétant sa chaleur salutaire ,
Annonce le jour aux Mortels.
Et dans sa carriere féconde ,
Décrit le vaste tour du Monde ,
Par ses mouvemens éternels.
Mais la nuit de ses voiles sombres ;
A peine couvre l'Univers ,
Qu'un Astre (6) dissipant les ombres .
Va prendre l'Empire des Airs.
Toujours fixe en son inconstance ,
Il doit ses rayons , sa puissance ,
Aux feux d'un Astre (c) plus brillant ;
Et sa lumiere bienfaisante ,
Guidant ma démarche tremblanté ,
Assure mon corps chancelant.
(a ) Le Soleil.
( b ) La Lune .
(c ) La Lune emprimio salumiere du Soleil,
Bij J'ad2356
MERCURE DE FRANCE
J'admire ces Plaines (a) profondes ,
Qui dans leurs immenses Bassins ,
Roulent de mugissantes Ondes ,
Jusques au bord de leur confins ;
Leur orgueil se brise au Rivage ;
Elles ne portent point leur rage ,
Au-delà des termes reglez ;
De cet humide et large espace ,
Les vens agitent la surface
Par des sifflements redoublez .
諾
Mais quelle Nation barbare ;
Habitera cet Element ?
A qui donner cette Eau bizarre
Et ce Monde si véhément ?
Un Peuple (6 ) muet et sauvage ;
Qui ne vit que de brigandage ,
Remplira ces affreux climats.
Dans ce grand et profond abyme ;
Du fort le foible est la victime ,
Après de funestes combats. (c)
Qu'à son gré ces Races féroces
S'abandonnent à leur fureur ;
( a ) La Mer ,
( b ) Les Poissons.
(c) Leurs guerres
Loin
NOVEMBRE . 1733 2357
Loin d'ici ces Monstres atroces ;
Evitons ce lieu plein d'horreur.
Entrons dans ces Plaines (a ) fleuries
Parcourons ces vertes Prairies ,
Qui tiennent nos yeux enchantez.
Cueillons ces Fruits que nous présente ;
Leur fécondité complaisante ,
Et jouissons de leurs bontez.
M
Je découvre d'autres merveilles
Et j'entens .... mais quel bruit ? quels sons &
Les Oiseaux frappent mes oreilles
Par leurs admirables Chansons.
Quelle charmante Symphonie ;
Quelle douce et tendre harmonie ,
Sort de ce foible et petit Corps ? (6)
A cette charmante Musique ,
Qui surpasse le son lyrique ,
Mille voix joignent leurs accords.
潞
Lorsque , ramenant la froidure
Tous les Aquilons frémissans , `
Vont dépouiller de leur verdure ;
Nos Bois tristes et languissans ;
Ceux-cy ( c) s'assemblant sua la Rive }
(a ) La Terrejonchée de fleurs.
(b ) Le Rossignol.
(c) Les Oiseaux de passage.
Bij D'une
1
2338 MERCURE DE FRANCE
D'une aîle prompte et fugitive ,
Vont sur des bords plus gracieux ;
Telle on voit la fleche empennée,
Sans être en chemin détournée ,
Traverser la Plaine des Cieux.
Enfin je poursuis et j'avance ,
Jusques dans le sein des Forêts
J'y vois une rustique engeance,
Que je perce d'un de mes traits.
Sa peau me sert de couverture ,
Je prens sa chair pour nourriture ,
Bien-tôt se présente un Ruisseau ;
11 tombe du haut des Montagnes ,
Et serpentanr dans les Campagnes
M'invite à boire de son cau.
Grand Dieu , que tes Oeuvres sont hellesà
Vous qui jouissez du bonheur
Des félicitez immortelles ,
Louez à jamais le Seigneur ;
Ce Seigneur , qui d'une parole
A créé l'un et l'autre Pole ,
Et le vaste Empire des Mers.
Par une éternelle priere ,
Louez l'Auteur de la Lumiere ,
Loüez l'Auteur de l'Univers.
Mais
NOVEMBR E. 1733 2355
Mais qui de toutes ces richesses ,
Doit être le dispensateur ?
Qui sera comblé des largesses
D'un si prodigue Bienfaicteur
De ces biens quel sera le Maître
C'est Adam , je le vois paroître ,
Il naît (a) de la terre formé.
Vers le Ciel il leve la tête.
Pour le distinguer de la bête ,
Dieu l'a de son souffle animé,
a
Pour partager le cours durable ,
De ses jours calmes et sereins ,
S'offre une Compagne ( 6) agréable ;
Qui doit seconder ses desseins:
Dieu rend communes leurs années,
En unissant leurs destinées ,
Par de mutuelles amours ;
Ah ! dans ce beau lieu ( c) de Plaisance ,
Une vive reconnoissance ,
Dans leurs coeurs doit vivre toujours
諾
Dans cette source de délices ,
Heureux Couple , vivez en paix.
>
T
(a ) Création de l'homme.
(b ) La femme.
(C) Le Paradis Terrestre.
Biiij
Offrez
1366 MERCURE DE FRANCE
Offrez vos coeurs en sacrifices ,
A l'Auteur de tant de bienfaits.
Respectez ses Loix adorables ,
Ne portez point des mains coupables,
Sur les Fruits d'un Arbre fatal .
Fuyez la voix enchanteresse ,
Qui surprenant votre foiblesse ,
yous feroit commertre le mal.
M
L'Eternel , après ces Miracles ,
Que d'un seul mot il a produits ,
Approuve en ses divins Oracles ,
Des Ouvrages si bien construits.
Il contemple leur excellence ,
Laissant reposer sa puissance ,
Pour benir ces Etres parfaits.
Et voulant que l'Homme et les Anges,
A l'envy chantent ses loüanges ,
Consacre ce jour à jamais .
Aubry de Trungy
LET
NOVEMBRE. 1733 2361
LETTRE écrite de Dieppe le 21. Août
1733. par MM. Latier , Médecin des
Hôpitaux , Broussin Doyen des Chirurgiens
, et Bauys , Lieutenant de M. le
Premier Chirurgien du Roy dans la
même Ville , au sujet de l'Appareil Lateral
, & c.
Vou
Ous avez fait part au Public les
années précedentes des Opérations
de la Taille , faites à la nouvelle Méthode
qu'on appelle l'Appareil Latéral ; l'excelfence
de cette maniere d'opérer , et notre
reconnoissance pour celui à qui nous
l'avons vû pratiquer , nous engagent à
apprendre à ce même Public › par le
moyen du Mercure , que M. le Cat , *
Chirurgien de l'Hôtel- Dieu de Rouen ,
en survivance , a fait ce Printemps deux
Tailles Latérales dans notre Ville de
Dieppe , et que le succès a répondu à
la haute idée que ce célebre Praticien
nous avoit donnée de lui dans les Discours
Théoriques qu'il nous fit pendant
* M. le Cat , est Docteur en Médecine , mais
par un goût particulier , il s'est fixé à cette partie
de la Médecine.
B v
2-362 MERCURE DE FRANCE
temps qu'il préparoit ses Sujets à l'O,
pération.
le
Le premier de ces Taillez est le nome
mé Jean-Pierre Mutel , ruë au Lait , âgé
de quatre ans ; la Pierre fut saisie et
tirée dans le moment ; sa figure et son
volume sont d'une grosse Olive , raboreuse
, et du poids d'un gros il a été
taillé le 25. May , et la cicatrice a été
faite le 12. Juin .
Le second est le nommé Jean Becquet
rue S. Jean , âgé de trois ans et demi ;
il fut taillé le 2. Juin ; M. Chariere ,
Chirurgien de Versailles , qui s'est trouvé
à Dieppe dans ce temps , tenoit la
Sende ; la Pierre étoit du volume d'ane
petite noix et molle ; l'Opération ne
dura que deux minutes; ce Malade , d'un
naturel et d'une pérulence indomptable ,
se donna et aux Chirurgiens , la torture
pendant toute sa Cure ; il n'est pas possible
d'exprimer combien ce petit Sujer ,
par sa mauvaise humeur , a éloigné sa
guérison , ses cris ont été poussez avec
tant de violence , qu'il lui en est survenu
une descente ; cependant , malgré
tant de contretemps sa playe fut cicarisée
le vingt- sixième jour.
Le Lithotome dont s'est servi cet ins
génieux Chirurgien , est un Instrument
de
NOVEMBRE. 1732. 2363
son invention , dont on doit
airer de grands avantages , e
vous en envoye la figure ave .
ma Lettre .
L'Instrument a huit- pouces
et demi de long , il est d'un
seul morceau d'acier , dont cha
que extremité est une lame, et
le milieu qui fait le manche
est garni d'écaille ; la lame A
est une espece de Couteau pour
l'incision des Tégumens et de
l'Urethre , lequel a en son milieu
une vive arête D pour en
rendre la pointe obruse et plus
solide ; son dos a la forme d'un
E, E,et il est tranchant depuis
A jusqu'à B.
Cette disposition de tranchant
lui donne au- dessus du
Lithotome Anglois, l'avantage
de couper haut et bas et de dé
gager la crenelure de la Sonde
sans la quitter ; ce qui sauve
l'inconvénient de faire de nouvelles
incisions , comme il arrive
avec le Lithotome Anglois
, chaque fois qu'on est
obligé de reporter l'Instrument
sur la Sonde; inconvénient au-
B vj
2364 MERCURE DE FRANCE
quel cette façon de tailler est d'autant
plus sujette qu'on y a beaucoup plus de
tissu cellulaire à pénetrer , et qu'on sçait
ce tissu de nature à se pousser bien- tôt
après l'Instrument retiré, sur la premiere
route qu'il s'est faite.
La crenelure de la Sonde dégagée , le
Chirurgien y coule l'ongle du doigt indice
de la main gauche , le long du précedent
Couteau , et retournant son Instrument
il introduit dans la crenelure ,
sur son ongle , l'autre extremité qu'il
poussé dans la vessie.
Cette extrémité B. est une lame ressemblante
à celle des Scalpels à deux
tranchants ; sa vive arêtte D est terminée
par une lame A, son côté B est
tranchant , et C est un dos qui se porte
dans la crenelure de la Sonde .
Au moyen de cette lame A , 1. vous
appercevez beaucoup plus sensiblement
qu'avec une pointe tranchante , si vous
êtes dans la crenelure de la Sonde ou
dans quelque fausse route tracée sur quelque
os voisin , par exemple , sur l'Ischion
, ce qui est quelquefois arrivé ; 2º .
l'Instrument coule avec beaucoup plus
d'aisance dans la crenelure ; 3 ° . Il peut
être poussé aussi loin qu'on veut dans
la vessie , sans risque de la percer ni les
parties
NOVEMBRE. 1733 2365
parties voisines ; accident qui est souvent
arrivé au Frere Jacques , Auteur de la
premiere ébauche de cette nouvelle Opération.
Nous tenons cette théorie de ce Chirurgien
même , et sa bonne pratique en
a vérifié sous nos yeux la solidité . C'est
le même M. le Cat qui a fait l'an passé
à Gaillon , deux semblables Tailles , et
avec un succès pareil , en la présence de
M. Morand. Le Public ne sera peut- être
pas faché d'apprendre que ce Chirurgien
est l'Auteur des deux Mémoires qui
ont concouru au Prix de 1 - Académie
Royale de Chirurgie , l'année 1732. et
qui seront imprimez dans l'Histoire de
cette Académie.
LA TOURTERELLE.
LE
IDILLE.
E temps , aimable Tourterelle ,.
Qui triomphe à la fin de tout ,
Ne pourra- t'il venir à bout
D'adoucir la peine cruelle ,
Dont à chaque instant votre coeur ,
Sent renouveller la rigueur. “
Si
2566 MERCURE DE FRANCE
Si pour me dérober aux chaleurs excessives
Du chien enflammé de Procris ,
Je me promene sur ces Rives ,
Où Zéphire entretient par ses souffles chéris
Une fraîcheur toujours nouvelle ;
Loin d'y goûter quelque douceur,
Un Echo, de votre douleur ,
Interprete hélas ! trop fidele ,
En redisant vos tristes sons ,
ur mes plus doux plaisirs répand de noirs
poisons.
De votre Compagne chérie ,
Dessous la main de l'Oiseleur ·
Tombant à vos côtez sans vie •
Vous dûtes plaindre le malheur.
Mais
par les pleurs de tant d'années
A ses fâcheuses destinées
Vous n'avez que trop satisfait ,
Et si dans les lieux qu'elle habite ,
Elle ressent quelque regret „
C'est de voir le chagrin qui toujours vous agite.
Cessez donc de pousser d'inutiles soupirs ,
Jouissez enfin des plaisirs ,
Que vous présente la Nature ;
Elle a paré pour vous ses Forêts de verdure
Pour vous seule , cent et cent fleurs
Etalent à l'envi les plus riches couleurs .
Entendez le Zéphis volage ,
Oubliant
NOVEMBRE. 1993. 2364
Oubliant aujourd'hui son penchant naturel,
Vous promettre en sont doux langage ,
Un attachement éternel.
Vous même à vous- même importune ,
Si vous avez éte si sensible aux malheurs ,
Qu'a sur vous exercé la cruelle Fortune ,
Pourquoi refusez-vous de l'être à ses faveurs♪
Laissez l'homme verser des larmes ;
Lui seul a drait de s'affliger ;
Chaque jour lui fait voir de nouvelles allarmesşi
Rien ne peut l'en dédommager
Des plus vives douleurs un affreux assemblage ,
De sa condition est le triste appanage
Il naît , et déja ses sanglots
Semblent à sa premiere Aurore ,
Par avance annoncer des maux ,
Qu'il ne peut pas connoître encores
Son infortune avec les ans
Insensiblement se déploye ,
Les soins , les socis dévorants
Ferment son coeur à toute joye.
De sa propre raison tyran imperieux
Il u'écoute que son caprice ,
Et ne paroît ingénieux
Que pour se procurer quelque nouveau supé
plice..
A lui creuser son précipice
Plusieurs s'empressent avec lut.
L'un en tous lieux à forcé ouverte ,
Cons
1368 MERCURE DE FRANCE
Conspire indignement sa perte ,
Un autre fait semblant de lui servir d'appui ;
Mais en secret il se prépare
A lui porter le coup barbare
Qu'il médite depuis long-temps.
Ainsi nous voyons dans les champs
Un Loup avide de carnage :
De la Brebis prendre l'image
Pour mieux executer ses desseins violens.
Heureuse Tourterelle en vos disgraces mêmes
L'Auteur de vos peines extrêmes
Fut de tout temps votre ennemi ,
Nos maux , le plus souvent , nous viennent d'un
ami ;
Dans le temps même qu'il nous blesse ,
Séduits par une vaine erreur ,
Nous adorons la main traitresse ,
Qui nous a fait tomber dans le dernier mal
heur,
A. de la Boisseliere.
ME
NOVEMBRE. 1733 2389
MEMOIRE sur la question proposée
dans le Mercure de Juin 1733. seconde
Partie , pag. 1410.
LA
A question est proposée en ces teres
mes : Si les Musiciens peuvent et doivent
être écoutez, et suivis dans les raisonnemens
qu'ils tiennent sur le Plain - chant
ou chant d'Eglise , s'ils sont en état de raisonner
et d'être crûs sur les manieres dont il
est varié dans les Eglises différentes ; et s'ils
en sont juges tout- à -fait compétens et irréfragables
? S'il n'y a pas deux extrêmitez à
éviter ; l'une de ne les croire juges en rien
l'autre de les crcire juges en tout , et en quoi
donc ils peuvent être consultez et écoutez ?
>
Il ne me seroit pas aisé de répondre à
toutes les parties de cette question . Je ne
suis pas instruit de tous les raisonnemens
que tiennent les Musiciens sur le Plainchant.
Il peut y en avoir de mauvais , il
peut aussi y en avoir de bons ; il y a quel-'
que chose que je n'entends pas bien dans
ce qui suit , s'ils sont en état de raisonner
et d'être crûs sur les différentes maniéres
dont il est varié dans les différentes Eglises.
Je m'en tiendrai donc à la derniere partie
de la question , que je réduits à ces
ter
2370. MERCURE DE FRANCE
termes fort simples , jusqu'à quel point on
doit déférer à l'autorité des Musiciens en
matiére de Chant Ecclesiastique ?
C'est un préjugé presque universellement
répandu , que la science du Plainchant
est inséparable de celle de la Musique
, et que tout homme qui est assez
hable pour réussir dans la composition
des Piéces de Musique d'Eglise , réussira
à plus forte raison à composer du Plainchant,
qui est sans comparaison plus simple
et plus aisé ; ainsi dès qu'il s'agit de
mettre en chant de nouveaux Offices , it
est ordinaire qu'on en charge quelques
Musiciens , et qu'on adopte leurs Ouvrages
sans beaucoup d'examen : Je dis sansbeaucoup
d'examen, mais je pourrois dire
absolument , sans examen ; car on croit
ne pouvoir rien faire de mieux , que de
s'en rapporter entierement au goût et au
jugement de ce qu'on appelle les Gens
du métier.
A la faveur de ce préjugé , les Musi
ciens se sont emparez presque par tout du
Chant Ecclésiastique,ils l'ajustent à leurs
idées ; ils changent , ils ajoûtent , ils retranchent
tout ce qu'il leur plaît , et leur
goût décide seul dans les choses mêmes
où les régles et les usages de l'antiquité
devroient seuls être écoutez et suivis.
Pour
NOVEMBRE. 1733. 2371.
Pour sçavoir si le préjugé commun est
bien fondé , il n'y a qu'à prendre la pluspart
des Chants nouveaux , qui sont de
la composition des Musiciens , et examinet
s'ils sont selon les regles et dans le
goût de l'ancien Plain- chant , ou Chant
Grégorien ; car c'est à ces deux choses ,
les regles et le goût, qu'il faut faire attention
dans l'examen des Ouvrages de
Plain chant ; et c'est sur ce pied là qu'on
doit juger de leur mérite.
Premiérement , les regles de la composition
y sont elles exactement suivies &
Conserve t on à chaque Ton ses proprié
tez? Y fait-on sentir la différence du Ton
Plagal ou Pair , d'avec l'Authente ou Impair
? Les chûtes et les repos quadrent-ils
avec la ponctuation? Les Antiennes et lest
Modes de psalmodie sont- ils en proportion
réciproque ? Le Chant est - il varié
selon la diversité des Piéces et selon ce qui
est propre à chacune? Y voit- on une dif
férence bien marquée , non seulement entre
les Antiennes et les Répons , entre
les Chants de la Messe et ceux des autres
Offices ; mais encore entre les diverses ,
Parties de la Messe , dont chacune a sa
propriété , et, pour ainsi dire , son gé
nie particulier
Secondement , la Mélodie de ces nouvelles
SEA
372 MERCURE DE FRANCE
velles Piéces est- elle dans le goût de l'antiquité
et dans celui des Chants modernes
, dont les Auteurs se sont attachez à
prendre pour modéles les Ouvrages des
anciens Maîtres ? A- t'elle la gravité , la
simplicité , la modestie , la douceur que
tout le monde admire dans les Chants
des Offices du Saint Sacrement , ( 1 ) de la
Trinité , et dans plusieurs autres ? Du
moins en approche - t-elle ? Et peut - on
dire, en comparant ces nouvelles compositions
avec les anciennes, que quoiqu'elles
leur soient inférieures en beauté, il paroît
néanmoins que leurs Auteurs ont
travaillé dans le même goût.
Voilà , si je ne me trompe , les princi
pés suivant lesquels nous devons juger
des nouveaux Ouvrages de Plain- chant.
Si tous , ou du moins la plûpart , y sont
conformes; je souscris au sentiment commun
; et je reconnois avec plaisir que la
composition du Plain - chant ne peut- être
dans de meilleures mains que dans celles
de nos Musiciens. Si au contraire ces Ouvrages
montrent le plus souvent dans
leurs Auteurs une ignorance inexcusable
( 1 )Je regarde principalement eet Office comme
il est aujourd'hui dans l'Antiphonaire de Paris , où
l'on a été attentif à faire quadrer les repos des
Chant avec la ponctuation de la Lettre.
ou
NOVEMBRE . 1733. 2371
ou un mépris formel des régles ; si j'y vol
regner une dépravation de goût, qui tend
évidemment à faire disparoître des Offices
divins l'ancien Chant Grégorien , pour
y substituer une composition guindée et
bizarre , qui n'est ni Plain- chant ni Musique
; j'en conclurai que c'est mal-à- propos
qu'on défére sans discernement une
autorité absolue aux Musiciens dans cesmatieres,
Qu'on prenne donc les Offices
propres
de la Paroisse de S. Eustache , du Séminaire
des Bons Enfans , de S. Etienne du
Mont , les nouveaux Chants qu'on a
insérez dans le Rituel de Paris , l'Office
des Morts du prétendu nouveau Manuel
de Beauvais , dont le Chant est d'un
tres-habile Maître de Musique . Qu'on
prenne l'Antiphonaire de l'Ordre de Cluny
, qui est de la composition de Nivers,
le Graduel du même Ordre , qu'on imprime
actuellement ; les nouvelles Hymnes
de l'Antiphonaire , et plusieurs Proses
du Graduel de Rouen, Qu'on examine
, sans prévention , tous ces Ouvrages
de Plain - chant moderne , et qu'on les
compare avec l'ancien Chant ; je m'assure
qu'il n'y a personne parmi ceux qui s'y
connoissent tant soit peu , à qui la diffe
rence , ou plutôt l'opposition de l'un à
Pau2374
MERCURE DE FRANCE
l'autre ne saute aux yeux . Les uns pêchent
contre les régles , les autres contre le bon
goût , plusieurs contre les deux ensémble.
Il me seroit aisé de justifier par des
exemples ce que j'avance ; mais ces sortes
de démonstrations ne peuvent se faire
qu'en représentant les Piéces mêmes , qui
ne peuvent entrer icy . J'y renvoye donc
ceux qui sçavent les régles et qui ont étudié
le vrai caractére du Plain- chant.
Il paroît d'abord étonnant que des
gens nourris dès l'enfance dans l'étude et
dans l'exercice du Chant , contribuent
plus que tous les autres à le gâter. Cependant
rien n'est plus vrai , et il n'est pas ,
ce me semble , bien difficile d'en appercevoir
les raisons ; elles se tirent du génie
même de la Musique moderne et de l'éducation
qu'on donne aux Enfans de
Choeur dans les Maîtrises ou Ecoles de
Chant , d'où sont sortis la plupart des
Musiciens.
Le Plain- chant et la Musique ont les
mêmes principes , et , pour ainsi dire , la
même origine et le même berceau ; mais
à cela près , ils se ressemblent fort peu ,
sur tout dans ces derniers temps , où la
Musique , qui autrefois ne différoit guére
du Plain-chant que par la mesure et
l'harmonie , est aussi différente d'ellemême
NOVEMBRE . 1733. 2375
même, que la seroit une femme, qui après
avoir paru dans le monde , vétuë et coëffée
très- simplement et avec une contenance
modeste et sérieuse , se montreroit
parée de riches étoffes , la tête chargée
des ornemens les plus recherchez , avec
-la démarche affectée , et les airs enjouez
-d'une Coquette.
Doit-on être surpris que des Gens qui
sont élevez dans l'estime et dans le goût
-d'une telle Musique , qui passent toute
leur jeunesse à l'étudier , et à s'y perfectionner
; qui enchérissént les uns sur les
autres pour trouver de nouveaux raffinemens
dans cet Art ; doit - on , ' dis -je , être
surpris que de telles gens ne puissent
communément revenir à cette noble sim,
plicité , qui fait le caractére essentiel du
Plain - chant. Les idées de Musique dont
ils sont pleins , se présentent à chaque
moment ; tout se montre à eux sous cette
forme. S'ils s'abandonnent à leur génie ,
ils ne peuvent produire qu'un Chant
musical . S'ils font effort pour se contraindre
, leur composition se sent presque pár
tour de la gêne où est leur esprit , elle
est dure , inégale et n'a rien de cet air
aisé , simple et naturel , qu'on admire
dans les Chants anciens ; marchant sans
régle , sans dessein, sans autre art qu'une
froide
1376 MERCURE DE FRANCE
•
froide expression , qui consiste le plus
souvent à appliquer au hazard certains
tons sur certaines paroles , sans s'embar
rasser de l'effet que cela peut produire ,
avec ce qui peut précéder ou ce qui suit.
Je m'imagine voir un Cheval fougueux
à qui l'on tient la bride courte ; son allure
n'a rien de réglé , il va à droit , à gau
che , il avance , il recule , parce qu'il est
contraint et qu'on ne lui permet pas de
suivre sa fougue. Une imagination livrée
de longue main à ses caprices et exercée ,
pour ainsi dire , à des sauts périlleux , se
trouve à la gêne , lorsqu'on veut la faire
marcher d'un pas égal dans un chemin
droit et uni; elle s'échappe , malgré qu'on
en ait , ou , si elle est retenuë , tous ses
mouvemens sont forcez et de mauvaise
grace.
D'ailleurs les Musiciens sçavent peu les
regles et les respectent encore moins ; ils
les sçavent peu , parce qu'on n'a pas eu
soin de les en instruire, et qu'eux- mêmes
tout occupez de leur grand objet qui est
la Musique , négligent de les apprendre.
Il y a à la tête de l'Antiphonaire Parisien
plusieurs observations tres-utiles , sur tout
en ce qui regarde les usages de l'Eglise de
Paris ; mais il y a tres - peu de gens , même
parmi les Maîtres , qui prennent la peine
de
NOVEMBRE. , 1733. 2377
de les lire. Celui qui a composé le Chant
du Propre de S. Germain l'Auxerrois ,
està Paris depuis près de trente ans, chargé
d'apprendre le Chant aux Enfans , et c'est
peut-être le plus sçavant Musicien qu'il
yait en France. Il ne paroît pas cependant
qu'il ait jamais lû les observations
dont je parle ; ou , s'il les a lûës , il s'est
peu soucié de les réduire en pratique ;
car ces Messieurs traitent le Plain- chant
cavalierement , et ne se mettent pas fort
en peine de marcher sur les traces des anciens
Maîtres. Ils cherchent de nouvelles
routes et des beautez d'un autre genre ;
et dédaignant d'être de bons et de judicieux
imitateurs , ils deviennent de mauvais
originaux.
Il y a donc peu de Musiciens , même
parmi les Maîtres , à qui on puisse confier
sûrement la composition du Chant
Ecclésiastique ; et un homme tel que feu
M. l'Abbé Chastelain , Auteur de l'Antiphonaire
Parisien , qui avec quelque
teinture de Musique , a bien étudié et
médité les bons Ouvrages de Plain- chant,
et qui s'est rempli des justes et nobles
idées des anciens Maîtres , est plus capaẻ
ble de faire d'excellentes compositions
dans ce genre , que plusieurs de ceux qui
passent pour les meilleurs Musicien ,
C Ja
2378 MERCURE DE FRANCE
4
ges
Je ne prétens pas , au reste , les récuser
absolument pour juges dans cette matiére;
et je suis bien éloigné de penser qu'il
ne doivent pas être consultez ; ils sentent.
parfaitement les beautez d'une Piéce de
Chant ; ils ne sont pas moins que nous ,
passionnez admirateurs des bons Ouvraanciens
et modernes . L'Office du saint
Sacrement , l'ancien Office de la Trinité ;
le Chant Parisien de l'Hymne Deus tuorum
militum , celui du dernier Répons de
l'Office nocturne du Samedi Saint ; l'Antienne
, Qui docti fuerint ; les Répons de
l'Office des Morts ; les Hymnes O quam
glorifica . Ave maris stella.Ut queant laxis;
les Proses Veni sancte Spiritus. Mittit ad
Virginem , et plusieurs autres Piéces les
charment et les enlevent, J'ai oui dire
que le fameux Lully ne trouvoit rien de
plus beau ni de plus touchant que la
modulation si simple de la Préface de la
Messe . La bénédiction du Cierge Paschal
, selon l'usage de Rouen , paroissoit
à un habile Organiste de la Cathédrale
de cette Ville un chef d'oeuvre inimitable.
J'ajoûte que la Musique donne à co
Messieurs une grande délicatesse de dis
cernement pour appercevoir dans ur-
Piéce , de petites négligences qui échaj:
pent à d'autres moins habiles qu'eux da
la science des sons, }
NOVEMBRE . 1733. 2379
Ils sont donc en état de juger par le
sentiment et le goût du mérite d'une
Piéce ; et par conséquent on doit les consulter
pour ce qui regarde la mélodie et
profiter de leurs avis.
Je suis même persuadé qu'il y a des
Musiciens , dont l'heureux génie réünit
ensemble le goût du Plain - chant et celui
de la Musique, sans mélange et sans confusion
. Il est bien sûr qu'avec la connoissance
de l'histoire du Chant et des anciens
usages, et l'attention aux Régles, de
tels Musiciens feroient de très - beaux
Ouvrages dans le genre de Chant Ecclésiastique.
Mais je persiste à croire que la qualité
de Musicien et d'habile Musicien , ne
donne point par elle- même à ceux de cette
profession la capacité de bien composer
en Plain- chant , ni le droit de juger
souverainement de ces matiéres. Qu'ils
donnent leurs avis , à la bonne heure ,
sur les compositions des autres , pour ce
qui ne dépend que d'un certain goût que
la Musique peut donner.Mais on ne peut,
sans risque d'altérer le Chant Ecclésiastique,
ni leur abandonner la composition
des nouveaux Offices , ni s'en rapporter à
leur jugement dans les choses qui dépendent
de la connoissance des régles et des
Cij
usi2330
MERCURE DE FRANCE
usages ; à moins qu'ils n'ayent fait preuve
qu'ils sçavent ces régles , qu'ils les respectent,
et qu'ils sont capables d'une compo
sition sage , modeste , grave , conforme
au génie et au goût des Anciens.
Par M ***
*******::********
LE TRIOMPHE
DE L'AMOUR.
Dans le combat d'Atalante avec Hippomène.
Vous ,de qui la beauté touchante ,
Enchaîne et captive les coeurs
Quittez , trop aimable Atalante ,
Ou vos attraits , ou vos rigueurs.
Cessez de prendre pour victimes
Des amans qui n'ont d'autres crimes ,
Que l'amour dont ils sont épris ;
De cet amour est-on le maître ?
Vous-même vous le faites naître ,
Et votre haine en est le prix !
*
Songez , qu'envain vous êtes belle
Si rien ne sçauroit vous toucher ;
Que les doux plaisirs suivent celle
NOVEMBRE . 1733 2381
Que l'Hymen a sçû s'attachér.
Tant de soins joints à tant d'allarmes ,
Tant de maux causez par vos charmes ,
Méritoient bien un sort plus doux
Est-il effort que l'on n'essaye ;
La mort n'a rien qui nous effraye
Dans l'espoir d'être aimez de vous.
En ces mots un essain fidéle ,
D'Amans pénétrez de douleur ,
Oserent à cette cruelle ,
Peindre leur flâme et leur malheur.
Hélas ! quelle fut leur ressource !
İl falloit la vaincre à la course ,
Pour fléchir son coeur inhumain
Et si l'on perdoit la victoire ,
On devoit ( pourra - t-on le croire ?
Se voir d'un Dard percer le sein.
On croit que le bien qu'on souhaitte }
N'est point au dessus du pouvoir
Tous d'une victoire complette ,
Conçoivent l'agréable espoir .
Le sort leur paroissoit propice ,
Ils ne voyoient le précipice ,
Que sous les plus belles couleurs ,
Ciij D'ac
2382 MERCURE DE FRANCE
D'accord l'Amour et la Fortune ,
Avoient d'une ardeur non commune ,
Parsemé l'abîme de fleurs.
M
Non tels que ces Rois , dont l'Elide ,
'Aime à vanter les vains Lauriers ;
Le prix d'une course rapide ,
Se devoit seul à leurs coursiers . ;
Ni pareils aux vangeurs d'Héléne ;
Qu'on vit sur la rive Troyenne ,
Affronter les fureurs de Mars ;
Il leur falloit une victoire ,
Dont chacun remportât la gloire,
Et seul essuyât les hazards.
Enfin le jour prescrit arrive ,
Qu'ils devoient ou vaincre ou mourir ,
Des amours la troupe attentive ,
Sçut à ce spectacle accourir,
Atalante insensible et fiere ,
S'avance et court dans la carriere ;
Adraste le premier l'y suit ,
Restant dans la Lice après elle ,
Sur l'heure il est par la cruelle ,
Plongé dans l'éternelle nuit.
Tous semblent se faire un mérite ;
D'être
NOVEMBRE 1733 2383.
D'être par elle mis à mort ,
Ciel ! que j'en vois mourir de suite
Tous ont déja ce triste sort .
O que l'amour est redoutable !
Malgré ce massacre effroyable ,
Son empire est-il moins puissant |
Hyppoméne , fils de Neptune ,
Vient encor tenter la Fortune ,
Si rigoureuse à chaque Amant.
D'abord la Princesse à sa veuë ,
Prend de plus tendres sentimens ,
Sa fierté tombe , elle est émeuë ,
Le trouble saisit tous ses sens :
Une naissante et vive flâme ,
Se glisse en secret dans son ame
Elle sent attendrir son coeur ,
En faveur du seul Hyppoméne ,
Un penchant violent l'entraîne ,
A désirer qu'il soit vainqueur.
Où vas - tu ? Prince , lui dit-elle ,
C'est trop peu ménager tes jours ;
Songe , dans l'ardeur de ton zéle ,
Que c'est à la mort que tu cours ;
Ciiij
Måle
2384 MERCURE DE FRANCE
Malgré ta témeraire envie ,
Je veux prendre soin de ta vie ,
Va, cesse de vouloir périr ;
Envain ; ce Héros intrépide , 1
Regarde la belle homicide ,
Et compte pour rien de mourir,
Ils courent à perte d'haleine ,
Mais les plus amoureux transports
Troublent le coeur de l'inhumaine ,
Et lui font blâmer ses efforts.
Elle tremble que sa vitesse
N'ôte à l'objet de sa tendresse ; '
Les moïens de fuïr le trépas ,
L'amour approuve ses allarmes ,
Et lui fait trouver mille charmes , 1
A moderer un peu ses pas.
Les trois Pommes d'or que présente ;
Et jette Hyppoméne en courant ,
Viennent au secours d'Atalante
Seconder son tendre penchant .
Joignant la ruse à sa surprise ,
Elle affecte d'en être éprise ,
Et pour tarder s'en fait un jeu ;
Hyppoméne couvert de gloire,
•
G
NOVEMBRE. 1733. 2385
Ne trouve plus par sa victoire ,
Aucun obstacle à son beau feu.
Après ce combat mémorable,
L'on oüit ces mots dans les airs 9
Que l'Amour , ce vainqueur aimable;
Triomphe de tout PUnivers.
Envain une belle infléxible ,
Veille sur son coeur insensible
Un seul trait peut la désarmer ;
Pour mille Amans elle est sévére ;
Mais qu'un seul ait l'art de lui plaire ,
Elle sçaura bien-tôt aimer.
DE MONTFLBURY
LETTRE écrite de Paris , le 15 d'Octobre
1733. sur le Testament de Pierre Pithon.
Ly a quelques jours , Monsieur , que
le Testament de Pierre Pithou me
tomba sous la main, il respire un si grand
amour de la vertu ; il contient des Préceptes
si excellents pour régler la conduite
des hommes dans tous les temps , que
j'ai cru qu'une traduction françoise de ce
petit ouvrage ne pourroit qu'être utile
C V
et
2386 MERCURE DE FRANCE
et mériteroit peut- être d'avoir sa place
dans votre Journal.
Ce Testament a été imprimé en Latin
en 1628. à Troyes, chez du Ruau , à la
tête du Commentaire de Pithou , sur la
Coutume de Troyes.On le trouve au commencement
du premier volume du Corpus
Juris Canonici Gregorii XIII. notis illustratum
Pet. et Franc. Pithai , ex Bibliotheca
illustrissimi Claudii le Peletier.A Paris
, chez Thierry, 1687. il étoit encore
parmi les OEuvres de M. Boivin , Garde
de la Bibliotheque du Roy , imprimées
en 1711 .
Pithou a occupé une des premieres
Places entre les Jurisconsultes et les Sçavans
du quinziéme siécle. Quel siecle
Monsieur , pour les Sciences et pour les
Belles Lettres ! Les plus Grands Hommes
de son temps , Cujas , Turnebe , de Thou,
Scaliger , Pasquier , Loisel , Papire Masson
, Rapin , Passerat ; tous, en un mot,
en faisoient un cas singulier; tous lui ont
consacré des Eloges . Le mordant Scaliger
avouë qu'il étoir parfaitement honnête homme
, aimant à faire, plaisir à un chacun ,
menant tout le monde dans sa Bibliotheque ,
prêtant volontiers et présentant ce qu'il avoit,
si l'on vouloit s'en servir. Ce suffrage seul
confirme tout ce que Pithou dit de foi-.
même. II
NOVEMBRE. 1733. 2387
Il étoit de la Ville de Troyes en Champagne
, descendu d'une noble et ancienne
famille de Normandie ; il fit sa principale
occupation des affaires du Palais.
Le Roy Henry III . l'honora en 1585.
de la Commission de son Procureur General
de la Chambre de Justice , qu'il
envoya en Guyenne. Henry IV. lui donna
la même Commission en 1594. pour
le rétablissement de fon Parlement à
Paris. Pithou a enrichi la République
des Lettres d'une quantité de Livres de
Théologie , d'Histoire et de Belles - Lettres
; une vie si laborieuse et si utile
finit trop tôt ; il mourut âgé seulement
de 57. ans , le premier de Novembre
de l'année 1596.
999 TRADUCTION du Testament de
Pierre Pithou.
N
E' dans un siecle corrompu et parmi
des moeurs entierement perduës
, j'ai conservé la bonne foy et la
droiture autant que j'ay pû.
J'ai chéri , j'ai cultivé mes amis avec
une affection entiere, J'ai été plus sensible
au plaisir de vaincre mes ennemis
par des bienfaits , ou de les laisser dans
l'indifference , qu'à celui de me venger.
Ma femme m'a tenu lieu d'un autre
C vj moi2388
MERCURE DE FRANCE
moi- même j'ai élevé mes enfans avec
indulgence ; j'ai agi avec mes Domesti
ques comme avec des hommes .
J'ai haï le vice , même dans mes plus
proches ; mais j'ai adoré la vertu jusques
dans les Etrangers et dans mes ennemis .
J'ai eu plus de soin de conserver que
d'augmenter mon bien .
Je n'ai point fait et n'ai point souffert
qu'il fût fait aux autres ce que je
n'aurois point voulu que l'on me fit.
Une grace injuste où difficilement ob
tenuë , m'a parû trop cherement achetée.
J'ai regardé la crapule et l'avarice
comme des Monstres détestables dans
tous les hommes , mais sur tout dans les
Ministres de l'Eglise et dans ceux de la
Justice.
Adolescent , jeune homme , homme
fait , j'ai toûjours déféré à la vieillesse .
J'ai aimé uniquement ma Patrie .
Le rang , les honneurs , la Magistra-.
ture , ont eu moins d'attraits pour moi
que le désir d'être occupé ; plus content
d'agir que de commander.
Bien que je ne fusse que Particulier ,
je me suis empressé à être utile au Public;
je l'ai préferé à tout, et j'ai crû que
le parti le plus sûr et le plus avantageux
étoit d'y demeurer attaché .
Ma
NOVEMBRE. 1733 2389
Ma plus chere envie a été de soutenir
et de réparer la République chancelante;
les nouveautez , les changemens , les renversemens
, ne m'ont jamais plû.
Une paix même injuste , ( que les gens
de bien soient de mon avis , ) est plus
avantageuse que les discordes et les
guerres
civiles.
J'ai vu ( a ) avec douleur la Religion ,
la pieté , profanées jusqu'au point de servir
de voile et de prétexte à l'avarice , à
l'ambition et au crime.
Curieux admirateur de la bonne Antiquité
, l'ayant étudiée avec soin , je l'ai
placée au- dessus de la Nouveauté.
J'ai évité , j'ai fui les vaines questions,
les disputes subtiles sur les matieres divines
, comme trop dangereuses.
J'ai connu par experience que la simplicité
accompagnée et comme enveloppée
de la prudence , réussit plus sûrement
et plus heureusement dans ses projets
, que l'artifice et le déguisement.
J'ai moins étudié l'Art de bien dire ,
que la Science qui apprend à juger sai
nement de tour.
(a) Pour l'intelligence de cet article et de quelques
autres, ilfaut se transporter dans les temps ausquels
Pithou vivoit , pendant les guerres de la Religion
et de la Ligue sous les Rois Charles IX. Henry III.
at Henry IV.
2390 MERCURE DE FRANCE
Loin de la foule ambitieuse , sans avarice
, sans envie , au milieu de plusieurs
amis , gens de bien et puissants , dans une
fortune assez commode , j'ai ressenti des
inquiétudes inconnues aux Particuliers .
Il est vrai que les affaires de la République
et celles de mes amis , me les attirerent
plus que les miennes propres.
J'ai compté pour les jours de ma vie
les plus agréables , ceux où j'ai servi le-
Public et mes amis.
Les maux présens m'ont parû plus aisez
à supporter que la vûë de ceux qui me
menaçoient. J'ai soutenu les dernieres
extrémitez avec plus de fermeté qu'un
état flotant et irrésolu .
Pour faire taire la censure la plus maligne,
et pour réprimer les traits plus violens,
j'ay éprouvé qu'il falloit être ferme,
constant , sincere , égal pour tous , dans
l'administration de la Justice .
Que les Loix plutôt que ma volonté ,
décident sur mes biens, quels qu'ils puissent
être après ma mort.
Je ne desire qu'une chose et je l'espere ,
c'est que ma femme , si remplie de vertu
et qui me fut si chere , ait pour nos enfans
les sentimens , les bontez et les mêmes
soins , dont elle m'a comblé pendant
ma vie.
Tes
NOVEMBRE. 1733. 2391
Tels ont été mes sentimens ; tel est le
témoignage de ma conscience ; demandant
en grace à ceux de la Posterité qui
le liront , de le recevoir avec bonté et
de l'interpréter dans un esprit aussi simple
et aussi droit que celui dont je l'ai
écrit.
Fait à Paris. par moi Pierre Pithou , en
l'année 1,87. le premier de Novembre ,
à pareil jour que celui de ma naissance .
LE PASSAGE DE LA MER ROUGE.
CANTATE. *
Seigneur , le Peuple qui t'adore ,
Sous le joug de l'Egypte a trop long- tems gémi
Tonne , frappe , poursuis .... une autre playe
encore ,
A presser son départ force son ennemi,
Mais bien- tôt Pharaon sent renaître sa rage ,
Et pour le rendre à l'esclavage ,
* On a composé cette Cantate , pour faire naître
ceux qui peuvent mieux travailler en ce genre ,
l'idée de renoncer enfin à ces sujets frivoles ou dangereux
sur lesquels ils s'exercent, et de choisir parmi
tant de grands sujets qu'offrent les Livres Sacrez ;
le génie et les moeurs y trouveroient également leur
avantage.
I
2392 MERCURE DE FRANCE
Il marche , il passeroit et les Monts et les Mers
Israël poursuivi , ne voit point de retraite ;
Il redouble ses pas , l'Onde s'offre et l'arrête . . .
Ciel , sans ton prompt secours il rentre dans
les fers.
O force puissante
Qui soumet les eaux !
La Mer mugissante ,
Arrête ses flots.
Dans la Plaine humide ,
L'immortelle main ,
A l'Hébreu timide ,
Ouvre un sûr chemin.
O force puissante , &c.
Pharaon le voit trop , et même encore en douto.
Sont- ils donc sans retour sortis de mes liens ?
Ah ! je les poursuivrai par cette même route ;
Il dit , et sur leurs pas il marche avec les siens.
Signale , Ange vengeur , ta droite meurtriere ;
Nuages , cachez la lumiere ;
Brillez , Eclairs ; gronde , Tonnere affreux;
Aquilons , déployez vos fureurs vagabondes ,
Mer , souleve tes Ondes ;
Périssez , Tyrans des Hébreux ....
Quel désespoir ! quel bruit épouventable
De vagues en courroux , de perçantes clameurs ↑
1
NOVEMBRE. 1733 2393
Ils sont tous engloutis dans l'abyme effroyable;
Israël est vengé de ses fiers oppresseurs.
Louons l'Eternel ,
Chantons sa victoire ;
Quel Vainqueur mortel ,
Egale sa gloire ?
Quel ami sensible ,
A rien de si doux ?
Quel vengeur terrible ;
Frappe de tels coups ?
L'Onde coule en vain ;
Son amour l'enchaîne :
Il parle , et soudain ,
Elle sert sa haîne.
Louons l'Eternel , & c.
Par M. l'Abbé S.
*XXXXXXXXXXXXX
༦༠༡༢;
XXXX
REPONSE de M. le Gendre de
S. Aubin , au Problême qui a été
proposé
dans le Mercure du mois de Septembre
dernier , aux Métaphysiciens Geométres
, sur l'Essence de la Matiere .
C'ES
'Est aujourd'hui le génie des Sciences de
pousser à bout toutes les idées. N'est-ce
point un effort pour parvenir à la gloire de la
nou
2394 MERCURE DE FRANCE
nouveauté , dans un siecle où le nouveau sem→
ble depuis long-temps épuisé ? L'esprit humain
se flatte de parvenir aux degrez les plus sublimes
des connoissances , par des suppositions sans
bornes ; mais cette voye l'écarte infiniment de la
verité, pour peu qu'il y ait d'erreur dans le principe
, ou que la conséquence manque de la plus
exacte précision.
Des Cartes a consideré la matiere et l'étenduë
comme une même chose. Les modernes , pour
la plupart , ne l'ont pas suivi jusques- là , ils ont
persisté à distinguer la matiere de l'étenduë ,
comme le sujet de son essence. On entend par
essence et par proprietez , des qualitez inséparables
naturellement d'une substance , au lieu que
les accidents varient. Il y a même quelque distinction
entre essence et proprietez . Cette distinction
consiste en ce que parmi les proprietes
il s'en trouve quelqu'une plus génerale , et de laquelle
les autres semblent émaner. Or cette essence
, cette proprieté primitive de la matiere , c'est
l'étendue et l'impénetrabilité , la divisibilité à
l'infini , l'unité du lieu , en sont des proprietez.
Aristote a écrit dans sa Métaphysique , que la matiere
n'est rien de tout ce qu'on peut répondre aux
questions qui regardent l'essence , la quantité , la.
qualité , et que ce n'est point un être déterminé.
L'opinion d'Aristote , de la façon dont il la pro
pose , réduit la matiere au néant.
Dans le Problême proposé aux Métaphysiciens
Géometres , sur l'essence de la matiere , on lui
enleve son essence et ses proprietez sans effort ;
il n'en coûte pour cela qu'une supposition , et
l'Auteur du Problême persuadé qu'il ne reste
à la matiere aucune de ses proprietez , invite
Les Métaphysiciens Géométres à lui en chercher
de
NOVEMBRE. 1733. 2395.
de nouvelles. Les conséquences qui résultent des
principes expliquez dans le Problême , sont , à
ce qu'on prétend , que la matiere n'est pas nécessairement
étendue , qu'elle n'a plus d'impéné
trabilité , qu'un corps peut être à la fois aux
deux bouts de l'Univers , aussi- bien que dans
tous les lieux qui remplissent cet intervalle . On
se fonde sur la Géométrie , qui a la certitude en
partage , pour dépouiller tout d'un coup la matiere
des proprietez les plus inhérentes , dont la
Physique l'avoit mise en possession. Comment
les Métaphysitiens Géométres pourront- ils réparer
tant de pertes ? Il y a plus ; la matiere est
réduite à une simple possibilité. Le Pere Castel ,
dit-on , l'insinue ainsi dans sa Mathématique,
Universelle. Je suis bien éloigné de croire que
ce puisse être le sentiment du Pere Castel , puisque
cet ingénieux Auteur établit pour princi
pe , que de la possibilité à l'existence , il y a aussi
loin que du néant à l'être. L'Auteur du Problême
ne prétend assurément pas que Dieu n'ait
créé que des esprits. Cependant si la matiere est
réduite à une pure possibilité , si toutes les proprietez
lui sont enlevées, elle est réduite au néant;
car ce qui n'a aucune proprieté est le néant , auquel
on ne refuse même pas les proprietez néga
tives. Ces conséquences vont loin et trop loin.
Si la matiere n'a aucune existence par ses proprietez
, elie en aura encore moins par une forme
déterminée ou par ses accidents. Il s'agit
même ici de la matière accompagnée de la forme
, puisqu'on prétend que l'unité de lieu n'est
pas une proprieté du corps d'un homme . Examinons
si les principes et les inductions qu'on
Tr. de Physiq. T. 1. Liv. s . Ch. 7.
2396 MERCURE DE FRANCE
en tire pour dépoüiller la matiere de toutes ses
proprietez , nous obligent indispensablement à
les abandonner.
"
"
Il est possible , dit-on , que le même corps
» se trouve la même année à Paris et à Constan-
»tinople , dans l'espace de six mois , de trois , et
» peut- être de deux . Le mouvement de sa nature
est susceptible de plus et de moins à l'infini
la nature est pleine de mouvemens très - rapides
, un boulet , les Planetes , le son , la lumiere.
La lumiere peut parcourir des miliers de
licües en une minute , en une seconde. Dieu
peut transporter le corps d'un homme en un
clin d'oeil d'un bout du Monde à l'autre. Le
plus ou moins de mouvement n'a rien qui
D passe sa toute- puissance , et la matiere n'a rien
qui s'y refuse . Supposons donc un mouvement
toujours croissant par le pouvoir de Dieu , il
» est vrai de dire qu'on peut voir le même hom
"me à Constantinople et à Paris , non - seulement
dans la même année et dans le même
mois , mais dans la même semaine , dans le
même jour , dans la même minute , seconde ,
tierce , quarte , sixte , dixième , centiéme , mil-
» liéme , millioniéme , billioniéme , trillioniéme,
&c . Cela va lóin, et rien ne l'arrête . » Enfin on
prétend conclure de ces principes que le mouvement
en question croissant à l'infini , l'homme
qui seroit porté et rapporté par ce mouvement
de Paris à Constantinople , se trouveroit exactement
au même instant indivisible à Paris et à
Constantinople , dans tout l'entredeux et en mille
autres lieux de l'Univers , dans l'Univers même
antier , si l'on veut.
Il faut d'abord se mettre bien au fait de la
question. Nous examinons quel pourroit être
l'effet
NOVEM BK E. 1733. 2397
T'effet d'un mouvement naturel , susceptible
d'augmentation de plus en plus . Cette question
est semblable à celles de l'asymptotisme infini de
quelques courbes . A la verité , dans l'hypothese
on parle de la puissance de Dieu , mais ce n'est
que pour mettre en oeuvre dans toute son étendue
ce qui est dans la nature , ce dont le mouvement
est capable de lui-même , et à quoi la
matiere n'a rien qui se refuse , dont on trouve
même des exemples assez semblables dans le
cours le plus ordinaire de la nature , comme la
vitesse très rapide de la lumiere . L'Auteur du Problême
entreprend de démontrer par le raisonnement
et par le calcul , que le mouvement étant
susceptible d'augmentation à l'infini , un corps
peut par la force du mouvement portée jusqu'où
elle est capable d'aller , être à la fois dans tout
les lieux de l'Univers, Si cette proposition pou
voit être vraye , nous serions forcez non - sculement
d'abandonner la Physique , dont il ne seroit
pas impossible de se passer , mais de renoncer
tout- à- fait à la faculté de raisonner . J'accorde
pour un moment à l'Auteur du Problême,
que le mouvement qui transporte notre homme
de Paris à Constantinople , fût infini , il n'en
résulteroit autre chose sinon que le temps seroit
divisé à l'infini avec la même réciprocité que le
mouvement de transport auroit été augmenté,
Ainsi , quoique vous vissiez cet homme continuellement
, qu'il ne cessat de vous parler , le
mouvement infini le porteroit et rapporteroit
dans des instants divisez à l'infini , sans que
vous vous apperçussiez de son transport . La division
à l'infini de l'instant , dans lequel ce
transport seroit réïteré , empêcheroit que le
même corps ne fût en même temps dans deux
endroits. Re
2398 MERCURE DE FRANCE
Reprenons l'hypothese des plus imaginaires de
notre homme transporté à Constantinople , c'est
tout au plus une présomption de la divisibilité
du temps à l'infini , qui a toujours été soutenuë
par le plus grand nombre des Philosophes , et
que tous les Infinitaires , à ce que je pense , admettent
aujourd'hui. Quoique vous eussiez continuellement
cet homme devant les yeux , quoique
la vitesse du mouvement vous rendit le
transport imperceptible , l'homme transporté ne
seroit pas davantage à Paris et à Constantinople
dans le même instant,qu'un charbon brûlant qui
tourne avec une vitesse assez médiocre , n'est en
même-temps dans tous les points du cercle qu'il
décrit , lorsque vous croyez voir un cercle de
feu , non parce que le charbon est à la fois dans
tous les points du cercle , mais parce qu'il fait
impression sur des parties de la rétine disposées
en rond, et que l'impression n'a pas cessé dans la
premiere partie ébranlée , quand le charbon agit
sur la derniere. De ce Phénomene on peut conclure
que ,quoique la vision se fasse en un instant fort
court de la présence de l'objet , le sentiment de
voir ne laisse pas de durer pendant un petit espace
de temps au--delà . Nous éprouvons à toute
heure des illusions de nos sens , qui nous font
paroître comme non interrompu , ce qui ne les
affecte que par des mouvemens semez de mille
interruptions. Mais portons nos vûës plus loin.
Un mouvement susceptible d'augmentation de
plus en plus peut- il être supposé infini ?
L'Auteur du Problême appelle le Sistême de
l'infini au secours de son hypothese, et il cite une
autorité qui a le plus de poids et de force ; c'est
celle de M. de Fontenelle, qui a dit , que la grandeur
capable d'augmentation à l'infini , peut être
supposée
NUVEM BK E. 1733. 2290
supposée augmentée à l'infini . C'est effectivement
un principe dont les plus sçavans Géométres se
sont servis depuis près d'un siecle . Mais en fait
de Géométrie , l'autorité est un motif d'examen
et non pas de conviction. Suivons donc de près
cette proposition ; elle présente d'abord une évidence
non suspecte , mais c'est sa contradictojte
qui est réellement évidente. La grandeur capable
d'augmentation à l'infini , ne peut être supposée
augmentée à l'infini , par cette raison même
qu'elle est capable d'augmentation à l'infini. Ainsi
ce qui est inépuisable ne peut être supposé
épuisé , ce qui est infini ne peut être supposé terminé
, ce qui est susceptible d'augmentation et
par conséquent fini , ne peut être supposé infini
Or c'est un principe employé par les Géométres
* et évident en soi- même , que toute ligne
soit méchanique , soit géometrique , ou rentre en
elle-même, ou s'étend à l'infini , puisqu'on peut toujours
en continuer la génération . Aucune ligne
soit méchanique , soit géométrique, ne peut donc
être supposée infinie.
La Géométrie transcendante m'a causé beaucoup
de perplexité. Je trouvois d'une part l'autorité
de plusieurs Sçavans , qui ont donné les plus
grandes preuves de force de génie , et je voyois
un enchaînement bien lié de conclusions et de
calculs . D'un autre côté , je sçavois que la verité
est une dans les objets diversifiez des Sciences ;
que , suivant ce principe , le calcul ne peut être
contraire au raisonnement , et que les veritez
d'un ordre purement naturel ne doivent être con-
* Le Marquis de l'Hôpital , Anal. des Infinim,
pet. § . 5. p. 100. Guinée , Applicat. de l'Algebr, à
la Géométr. §. 12.p.235.
sidéréo
2400 MERCURE DE FRANCE
siderées comme telles par l'esprit humain , qu'autant
qu'elles sont à sa portée et compréhensibles.
Je n'entens pas dire par là que toutes les véritez
naturelles soient à la portée de l'esprit humain,je
suis aussi persuadé qu'il y en a beaucoup de celles
qui sont à sa portée , qui ne sont pas encore
découvertes. Je me renferme à dire ( ce qui me
semble incontestable ) que l'esprit humain ne
peut mettre au nombre des veritez purement naturelles
, que ce qu'il a compris.
J'avoue encore que cette derniere refléxion
augmentoit ma défiance. Je soupçonne une vérité
, me disois -je à moi - même , que quelques
hommes celebres ont donnée pour démontrée
après un travail infatigable ; c'est parce que je
n'ai pas la force d'atteindre où ces hommes sçavans
sont parvenus. Mais enfin lorsque j'ai été
pleinement convaincu que non- seulement ces
prétendues véritez de la Géometrie de l'infini
étoient incompréhensibles pour moi , mais que
j'y découvrois une contradiction évidente
que ceux mêmes qui les soutenoient, reconnoissoient
en même temps qu'ils ne pouvoient les
concevoir , je n'ai plus balancé à chercher l'issuë
de ce labyrinthe de l'esprit humain , et j'ai été
assuré qu'il y en avoit une. J'ai trouvé le fondement
du calcul ruineux , aussi-bien que celui
du raisonnement. Je ne traiterai ici que de la
partie qui concerne le raisonnement , je ne l'acheverai
même pas , de de peur passer les bornes
convenables au Mercure , et je réserverai pour le
mois prochain ce qui restera de la partie du raisonnement
, et la partie entiere qui regarde le
calcul.
La Géométrie dans son état présent est remplie
de conclusions si yastes , qu'elles paroissent
surpasser
NOVEMBRE . 1733. 2401
surpasser infiniment les bornes de l'esprit humain.
Il n'y auroitrien d'étonnant si elle n'étoit
pas la production de l'esprit humain ; mais comme
elle ne se vante pas d'une autre source, et que
si elle étoit assez témeraire pour s'en vanter
il lui seroit impossible de la prouver , qui peut
inspirer à l'esprit humain tant de soumission
pour son propre Ouvrage ? La Géométrie qui
doit être une science de conviction , m'offre de
toutes parts des écueils de raisonnement . Des
infiniment grands , qui sont infiniment petits
par rapport à d'autres ordres ou degrez infinis
d'infinis ; des asymptotismes dont les espaces
sont plus qu'infinis ; des rectangles infinis égaux
à d'autres rectangles finis ; le fini et l'infini proportionnels
, en même-temps qu'on admet pour
principe que les infinis sont égaux entre eux 5
des espaces infinis , qui par leurs révolutions
autour de leurs axes , ne donnent que des produits
finis , appellez fuseaux hyperboliques ; enfin
le mouvement infini semblable au parfait repos
, et la matiere dépouillée de toutes ses proprietez
, suivant l'Auteur du Problême , car tout
cela ne me paroît pas plus solide l'un que l'autre.
Heureusement ces conclusions inconcevables tombent
d'elles-mêmes , par l'unique observation
que j'ai faite cy - dessus , que la grandeur capable
d'augmentation à l'infini , ne peut être supposée
infinie, Comme un moment connu et fini ne
peut être supposé une éternité , de même un
asymptotisme de l'hyperbole d'un degré quelconque
, ni les asymptotistes de la Conchoïde ,
de la Syssoïde ou autres courbes, ne peuvent être
supposez étendus à l'infini , puisque par leur essence
ils sont capables d'être augmentez de plus
en plus. Suivant le même principe , leur prolon
D gement
2402 MERCURE DE FRANCE
gement supposé infini ne pourroit être limite
par une derniere ordonnée , ni aucune figure ne
pourroit être circonscrite à leurs espaces suppo- sez infinis.
Une somme dont je suppose qu'on prend la
moitié , ensuite la moitié de cette moitié , et tou
jours la moitié de la précédente moitié , ne peut
être épuisée ni supposée épuisée, Il est fort aisé de
prendre deux écus dans un sac de mille francs, et
celui qui les tirede ce sac, n'a pas pour cela attrapé
une richesse infinie , mais en supposant qu'un
homme prenne un écu, la moitié d'un écu , la moitié
de cette moitié, et toujours la moitié de la précédente
moitié , ou une portion quelconque des
précédentes portions , sans qu'il soit nécessaire
que le même rapport regne dans la progression ,
je ne puis supposer que cet homme prenne jamais
deux écus ; car quoique j'aye l'idée de deux
écus , comme d'une somme finie , la progession
que je suppose continuée à l'infini , n'y arrivera
jamais , et ce seroit une contradiction manifeste
de supposer en même- temps que cet homme ne
s'écartât jamais de cette progression , et qu'il pût
parvenir à prendre la somme très - modique de
deux écus . Ainsi le fini le plus borné renferme
en soi ( pour me servir des termes très- énergiques
du Pere Castel ) un infini essentiellement
concentré dans son enveloppe , et inépuisable
dans sa mine , qu'aucun développement ne peut
jamais épuiser : c'est la seule espece d'infini géometrique
et physique , auquel tout ce qui peut
être imaginé par l'esprit humain , vient aboutig
comme à un centre commun ; ou plutôt il ne
peut y avoir d'infini en Géométrie et en Physi
que , et tout se réduit dans l'une et dans l'autre
ou fini extensible et divisible de plus en plus , ee
qui
NOVEMBRE . 1733. 2403
qui parconséquent ne peut devenir infini.
On découvre la contradiction d'une maniere
encore plus sensible dans le plus qu'infini . Quel
ques Géometres ont prétendu donner à des
quan .
sitez numériques la qualité de plus qu'infinis ;
nous en parlerons dans la seconde partie de cette
Réponse ; il s'agit maintenant d'expliquer l'Asymptotisme
plus qu'infini de Wallis , * rejetté
par Varignon. Pour cela il faut entendre que
suivant le systême de l'infini , la parabole ordinaire
est une ovale infiniment allongée, qui a ses
deux sommets à une distance infinie , et opposez
par leurs concavitez l'un à l'autre , au lieu que
T'hyperbole a ses deux sommets très - proches ,
mais renversez et opposez l'un à l'autre par leurs
convexitez , comme si après avoir coupé une ovale
en deux , vous retourniez les deux moitież , ou
comme si vous opposiez deux calottes l'une à
l'autre par le dessus . Cela est si clair , qu'il n'est
pas besoin de figures et une plus ample description
de ces deux courbes seroit inutile ici. L'hyperbole
donc partant d'un sommet, et allant de la
gauche à la droite, si l'on veut, aura à parcourir
un espace infini pour joindre son asymptote; elle
sera alors,suivant Wallis, plus qu'infiniment éloignée
de son autre sommet transposé de la droite à
gauche ; ensorte que si une parabole et une hyperbole
s'étendoient à l'infini , la premiere pour
joindre son sommet , la seconde pour atteindre
son asymptote , lorsque la parabole seroit parvenue
à son sommer par un prolongement infini,
Phyperbole arrivée à l'extrémité de son asymptote
auroit encore à parcounir en revenant le même
espace infini , et de plus , la distance qui est entre
ces deux sommets , pour joindre le sommet
✦Vvall. Arith. infin . Schol. propos. 101. et 104.
Dij ima
2454 MERCURE DE FRANCE
opposé à celui d'où elle est partie. On peut
imaginer l'asymptote comme une ligne droite
tirée à côté d'une courbe , dont cette courbe ap
proche toujours , mais par une progression géometrique
semblable à celle dont nous avons par
lé cy- dessus , son progrès n'étant jamais que
d'une partie du précedent espace , comme si l'aproximation
étoit d'un pouce , de la moitié d'un
pouce, de la moitié de cette moitié, & c . De même
que Wallis a appellé certains espaces asymp
rotiques plus qu'infinis , je pourrois dire que Paris
est plus qu'infiniment éloigné de Chaillot
car si je passe par Pekin pour aller de Paris
Chaillot , j'aurai non- seulement à traverser l'espace
que j'ai supposé infini depuis Pekin jusqu'à
Paris , mais il faudra que j'ajoûte à cet espace
le chemin de Paris à Chaillot. Voilà ce que
Wallis a appellé des espaces plus qu'infinis , er
ce que Varignon ( 1 ) a réduit auc omplément fini
d'un espace infini .
M. Chesne dit que le passage du fini à l'infini
se fait par une addition d'unités ; mais il est évident
qu'une addition d'unités , qui peut toujours,
suivant la supposition , être augmentée , ne change
rien à la nature d'une grandeur , et les Géometrès
conviennent que par rapport au fini , un
grain de sable et un Globe qui auroit la distance
de Sirius pour rajon , sont de même nature. Les
Géométres Anglois ( 2 ) considerent le fiai comme
étant en mouvement , ou suivant leur terme
en fluxion pour devenir infini ; or ce qui est en
Auxion pour devenir infini , ne peut être suppo-
(1) Memoires de l'Académie des Sciences , anmée
1706. page 13 .
(2 ) Elem. de la Géométrie de l'infini , part. 1 .
§. 3.2. 197. P. 65.
NOVEMBRE . 173. 2405
sé infini. L'Auteur du Problême prétend expli
quer le passage du fini à l'infini , par l'exaltation
d'une nature inférieure à une nature superieure ,
comme de la ligne à la surface , &c . Mais les
points , les lignes et les surfaces sont des idées.
et des abstractions sans réalité. L'entendement
peut examiner les trois dimensions d'un corps ,
longueur , largeur et profondeur séparément et
d'une maniere abstraite , quoiqu'il soit démontré
que ces trois dimensions ne peuvent être séparées.
La divisibilité à l'infini est fondée sur ce
principe , que la plus petite portion de matiere
ne cesse point d'être matiere elle - même , que
la portion d'un corps la plus divisée , est
toujours un corps qui a de l'étendue et par conséquent
des parties divisibles. Si le corps pouvoit
se résoudre en points , lignes et surfaces ,
on rencontreroit bien- tôt les Atômes d'Epicure
et de Gassendi ; mais ces Atômes ou points indivisibles
, n'ayant point de parties , ne pour
roient avoir ni figure ni étendue, et leur assembla
ge ne pourroit former un corps. La portion de
matiere la plus divisée qu'on puisse imaginer ,
étant mise sur un plan , le touchera toujours par
une de ses parties et ne le touchera pas par celle
qui est au-dessus. Il est donc démontré qu'on
ne peut admettre les points indivisibles et inégaux
soutenus par le Pere Castel , dans sa Mathématique
universelle , ausquels il donne le
nom d'être absorbe dans le néant. Dailleurs l'inégalité
de ces points suppose nécessairement des
parties inégales, une figure et une étendue inéga
les ; c'est une raison de plus pour qu'ils ne puissent
cesser d'être divisibles. Le Pere Castel * ems
Mathém, Univers. p. 5oz.
Diij ploye
9406 MERCURE DE FRANCE
ו כ
ploye ce raisonnement pour une démonstration.
de ces atômes inégaux . Plus l'intersection est
oblique , plus le point d'intersection est grand.
Cela a- t'il besoin d'une démonstration plus expresse
Elle saute aux yeux. Dans un quarré
qui a sa diagonale , les lignes qui coupent un
Coté parallelement à l'autre côté , coupent la
diagonale en autant de points ni plus ni moins;
» or la diagonale est plus grande que le côté ,
donc ses points d'intersection sont plus grands,
ce qu'il falloit démontrer. Les Infinitaires
n'ont pas de peine à répondre que les endroits
où se fait l'intersection , ne sont pas des points
indivisibles , et que si la diagonale est coupée par
le même nombre de sections que le côté plus
petit qu'elle , c'est que les intervalles des sections
sont plus grands dans cette diagonale que dans
ce côté.
Pour revenir à la question dont nous nous
sommes un peu écartez , l'exaltation d'une nature
inférieure à une nature superieure comme
du point à la ligne , de la ligne à la surface
de la surface au solide , ne peut expliquer la
passage du fini à l'infini. On ne peut donner
aucune explication de ce passage , parce qu'il est
impossible et imaginaire. Il ne peut y avoir
d'infini , que l'infini métaphysique de Dieu et de
PEternité. Ces infinis sont très- concevables ;
l'idée de l'infini est naturelle et proportionnée à
Pentendement humain , qui conçoit une chose
sans bornes , aussi aisément qu'une chose bornée.
Nous pensons même à une chose , avant que de
faire réflexion à ses limites . L'infini en Dieu et
dans l'éternité n'est susceptible d'aucune augmentation
; il n'y a d'infini que ce qui l'est par
son essence ; mais le passage du fini à l'infini et
10
NOVEMBRE. 1733 2407
fe retour sont inconcevables à l'esprit humain
et il n'y a en Geometrie et en Physique qu'une
seule espece de substance finie et divisible ou extensible
à l'infini .
C'est par le même principe que peut être décidée
la question de l'infinité du monde , ques
tion qui à si fort embarassé les Philosophes des
differens siccles. La proprieté de la matiere d'être
finie er divisible ou extensible à l'infini , fait
que le Monde entier , sans être infini et étant fini
au contraire , n'a cependant aucunes limites
absolues , en ce qu'elles peuvent être reculées de
plus en plus ; le Monde entier étant comme cha
que portion de matiere , fini mais divisible ou
extensible à l'infini . Si l'on objecte que le Monde
ne peut être limité , parce qu'il est impossible
d'imaginer ce qui seroit plus loin , et que l'Univers
, quelque forme qu'il cut , se dissiperoit
s'il n'y avoit rien au -delà pour le contenir ; il est
aisé de répondre que l'imagination ne pouvant se
représenter que ce qui y est entré par les sens ,
il n'est pas étonnant que nous ne puissions pas
imaginer ce qui est au - delà du Monde ; que c'est
à la Physique à nous accompagner jusqu'à ses
limites, mais que si nous entreprenons de les franchir,
la Physique ou la science du monde matériel
ne peut s'étendre au- delà de ce monde . C'est alors
à la Métaphysique à nous enseigner que l'immensité
de Dieu remplit tout , et que comme il seroit
insensé de ne pas rapporter la création de l'Univers
à la toute - puissance deDieu , il ne le seroit pas
moins de prétendre s'en passer pour sa conservation,
enfin que de vastes et innombrables tourbillons
peuvent être contenus dans leurs bornes
par la Providence divine aussi facilement , que
les Mers dans de petits espaces du Globe que
mous habitons.
D iiij Quel2408
MERCURE DE
FRANCE.
Quelque chemin que l'infini
il ne nous a conduits à rien
d'incompréhensible , nous ait fait faire,
il me semble au
contraire que l'esprit se trouve
affranchi de tout ce que la
Géometrie lui présentoit
d'inconcevable et de
contradictoire. Il suffit
d'être ferme sur ce
principe , que ce
principe, que ce qui est capable
d'augmentaion à l'infini , ne peut être supposé
infini. Ces veritez
deviendront de plus en
plus sensibles par la seconde partie de cette Réponse
. En
attendant , je crois que les
Métaphysiciens
Géométres
s'inquiéteront peu de
suppléer
à un
dépouillement
imaginaire des
propriete
de la matiere.
La suite dans le second volume de
Décemb.prochain.
On a dû
expliquer les Enigmes et Lo
gogryphes du mois dernier par Grenade
Sommeil ,
Hameau , Mois.
1
Explication du dernier.
D'où vient , Tircis , tant de
délicatesse ,
♦ Dès que l'on peut
s'expliquer mieux ⇓
Dans un Enigme avec adresse ,
Pourquoi vouloir cacher aux yeux ,
Que vous m'aimez avec tendresse
MANON DE.
XXXXXXX ***
*****
JE
ENIGM E.
E suis fille d'une
chimere ,
Si l'on
consulte la raison ;
Mais
NOVEMBRE. 1733. 2409
Mais si l'on en croit ceux à qui j'ai l'art de
plaire
Je suis de meilleure Maison ,
Et dans les Cieux , je puis choisir pour Père ,,
Le Dieu qui fait briller notre Orison.
Je suis mâle et je suis femelle ,
Mon rang est toujours tout mon bien
Je n'existe qu'étant jumelle ,
Et sans ma soeur je ne suis rien.
Très connue au Spectacle , où j'ai droit de paroître
,
Avec bien plus d'éclat qu'en tous autres Endroits,
Dans l'Olympe les Dieux se prétent à ma voix ,
Ami , Lecteur , voilà mon Etre.
Mlle F. M. de Marseille.
SONNET ENIGMATIQUE.
CHer Lecteur , sans que rien m'engage `; ,
Je parcours ce vaste Univers ;
Et suis fort souvent dans les airs
Malgré la tempête et l'orage.
Sans craindre jamais le naufrage ;
Je traverse toutes les Mers ,
Et quand je descends aux Enfers
Rien ne s'oppose à mon passage..
Tel qui fouille dans l'avenir ,
Ne sçaura jamais définir ,
Day NI
2410 MERCURE DE FRANCE
Ni ma couleur , ni mon allure.
Enfin quoiqu'invisible aux yeux ,
Sans corps , sans forme et sans figure ;
Je suis le chef- d'oeuvre des Cieux .
BLEZIN , d'Arles:
A MADAME ... en lui envoyant un
Logogryphe qu'elle avoit demandé pour
Bouquet , au jour de sa Fête .
JE
> E l'ai promis , PHILIS et je vous tiens
parole ;*
Voici donc le Bouquet que vous me demandez ,
Un Logogriphe , amas de mainte faribole ,
Voyez si c'est en vain que vous me commandez.
De fleurs et de festons , couronnant votre
tête ,
Cent autres en ce jour avec empressement
Sur le ton gracieux , vous feront compliment;
Et sçauront mieux que moi celebrer votre fête ;
Ees honneurs vous sont dûs ; j'approuve qui les
rend ;
Du silence je fais ma vertu favorite ,
Et sans sçavoir loüer , j'admire le mérite.
( Non pas qu'indifférent , ou de caustique humeur
,
Je ne puisse jamais faire parler mon coeur.
Loin
NOVEMBRE. 1733. 2411
Zoin de moi pour toujours une telle manic.
Ainsi , laissant la flaterie ;
Je vante en vous , Philis , avecque vérité ,
Entre mille talens , cette douce harmonie ,
Que répandent par tout dans la société
Votre esprit , vos discours , dans lesquels le so
lide ,
Apeine laisse voir un agréable vuide ,
Ainsi je puis en or sans aucuns complimens ,
Produire vos vertus , loüer cette sagesse ,
Q'accompagnent mille agrémens ;
Ou bien cette délicatesse •
Cette franchise et cette politesse ,
Qui vous attirent tous les coeurs .
Mais que prétends- je icy ? .... Quelles folles
ardeurs ? ...
Je me tais et reviens à notre Logogriphe ,
Pour vous plaire , Philis , au monent je l'atife ;
Heureux , à votre gout de pouvoir réussir ,
C'est-là mon unique désir.
J
LOGOGRYPHE.
'Ai place dans les Cieux , j'habite sur laterre ,
Mais dans ces deux endroits , grand Dieu , que
je differe ?
Au ciel , où l'oeil ne me voit pas ;
On m'y porte des voeux et l'on m'y rend hommage
D vj Vir
2412 MERCURE DE FRANCE
Visible et commune icy bas ,
On mefoule aux pieds , on m'outrage,
Déja cette ambiguité .
Te rebute , Lecteur , et peut être te choque ;
Mais je veux te tirer de ta perpléxité ;
Ne t'y trompe donc pas , ce n'est qu'un équive
que ,
Enfin , qui que je sois , en mon nom je contiens
Autant de Lettres que d'années
Furent autrefois employées ,
Pour prendre les Murs des Troyens ;
Cecy posé , s'arrange aussi-tôt mon sistême ,
Lecteur , écoute et fais ton Thême.
D'abord en choisissant sept Lettres de mon
tout ,
Qui se trouvent sans art , mises l'une après
l'autre ,
Je donne à l'Astronome un gîte de son goût ,
Pour y marmotter seul sa docte Patenêtre .
Des sept , ôtez le Chef, vous avez sur le champ
Un caractere aimable , ennemi du mensonge :
Puis les sept Lettres reprenant ,
Et selon le besoin , coupant , rognant , trane ›
chant ,
Primò , Voicy venir à nous, sans qu'on y songs,
Palati , patata , tant à pied , qu'à Cheval ,
La garde d'une grande Ville ,
Qui sert à nous rendre tranquille ,
Jour et nuit , en tout temps , contre qui nous
geut mal
NOVEMBRE . 1733 2413
Suit en la même compagnie ,
Un endroit aux fripons , et funeste et fatal,
Où plus d'un dans la gêne a terminé sa vie ,
Qu'en six Lettres je peux appeller Boucherie.
Courage , ami Lecteur , et ne t'effraie en rien
Dans ces six Lettres , cherche bien ,
Tu dois y voir tout d'une bande ,
Un homme plein de Vin , une Ville Normande
Un passage public , un rapide ruisseau ,
Un lieu propre à songer,proche voisin de l'eau
Le songe même , un corps transparent , Dia
phân ,
Un Insecte qui naît dans la pauvre Cabane
Du Païsan , ainsi qu'aux plus riches Palais ;
Préliminaire de la paix ,
Qui toujours n'en est pas une marque certaine
Enfin Us et Coutume humaine.
Aux six Lettres encor , rejoins pour un
ment ,
Le Chef qu'elles avoient , plus haut aupara
vant, Į
Combine , et tu verras un Monstre de Libie ,
4 Qui dans un autre sens est un Fleuve d'Asie.
Un lieu d'azile et de repos ,
Souvent utile à l'homme, ainsi qu'aux animaux;
Oyseau bon à manger dans le temps de ven
dange ,
Autre sorte d'Oyseau qui chemine en Phalange.
Hola
2414 MERCURE DE FRANCE
Hola.... de peur d'ennui... cependant prends
mon tout,
Combine- le de bout en bout ;
Tu rencontres sans peine un Vase propre
boire ,
Ce qui nous même droit au Temple de Mémoire
,
Chose dont à cette heure on parle en tout Paris
Ce qui d'un Livre accroît le prix ;
Un bonnet qu'entre tous , un seul homme peut
mettre ,
Autre que peu de Chefs ont pouvoir de porter ,
Un grand corps , qu'à propos il faut sçavoir
commettre ,
Un Element fougueux , difficile à dompter
Une Echelle , avec quoi l'on apprend à chanter.
Lecteur , ne perd point patience ,
Je veux un peu t'aider et chercher avec toy . . .
Que de combinaisons ! ... Quelle matiere in
mense !
Quel nombre de mots s'offre à moi !
Icy je vois d'abord un témoin de la foy,
Ses peines , son tourment , la cruelle malice
Du barbare Boureau , qui le traîne "au supplice
Le Chef-d'oeuvre de l'Eternel ;
Un petit bâton par lequel ,
Il opera jadis , mainte chose admirable ,
Pour dompter un Monstre intraitable.
Là , c'est un mois qui divertit ,
C'est un Instrument agréable ,
UNG
NOVEMBRE 1733. 241
Une Plante porte appetit ,
Des Insectes le plus petit;
Femme à notre malheur , qui fut trop babil
larde ,
Fillette qui se croit en droit d'être gaillarde ;
Flux et Reflux de Mer , ensemble Poisson frais ;
Assemblage de Chiens , conduits par des Valets,
Mille choses encor ; .... mais bornons la ma◄
tiere ;
Lecteur , voilà trop de mystere .
Ecoute , .. pour te mettre un peu hors d'em
- barras ,
Je veux te dire icy quelque chose tout bas.
-Te souviens- tu de la Batracomiomachie
It des nobles Héros de ce Poëme en Vers ,
Dont le grand Homere en saillie
Jadis régala l'Univers è
Prend l'un de ces Héros , ou fameux person♣
nages ,
Nous le connoissons tous , les fous comme les
sages ;
Joins- y pour t'amuser , deux mots et rien de
plus ,
Sçavoir l'arbre chéri de la belle Venus ;
Certain frimat d'Hyver qui saisit et qui piques
Tu dois avec cela deviner aisément[ ;
Lecteur , car ces trois mots qu'assez blen je t'explique
,
A quelque chose près , te donnent sur le champ,
Le Logogriphe assurément.
H*** De Meaux, en Brie,
Du 16 Septembrę 173.3-
2416 MERCURE DE FRANCE
L
AOTRE.
1
Ecteur , quant à tes yeux Logogryphe s'ex
pose ,
Calcul chiffré ne convient pas ;
Trop- tôt il méne à dévoiler la chose ;
Sous des traits mieux cachez , bannissant tel fa
tras ,
Ce m'est un jeu de voir ton embarras ,
Soixante et plus , icy feront ma glose ,
Opérons ; pour premier aspect ,
Sept Lettres de mon tout comprennent la struc
ture ;
Je dois dans mon entier , confondre l'impos
ture ,
Inspirer dans les coeurs la crainte et le respect.
Quoi de plus? je pourrois sur maint autre avane
tage ,
Me dire l'Instrument qu'en main prend l'Eter
nel ,
Pour assurer un culte à l'immortel ,
Mais je t'aide , Lecteur , à faire mon partage.
Cherche en moi , l'objet seul qui doit guider tes
voeux •
Ce qui peut dissiper l'humeur mélancholique ,
Triple Ton , d'usage en Musique ,
Espece de cri douloureux.
Le nom d'un jeune temeraire,
Fange et vil rebut d'un tonneau j
Triste gîte dans un Vaisseau ,
C&
NOVEMBRE. 1733. 241%
Ce qui du bien , toujours est le contraire.
Lieu que fait parcourir un genereux dessein
Nombre connu mot de tendresse ,
›
>
Soit d'un enfant , soit pour une maîtresse,
Belle saison , commun refrein.
Particule latine , et pour lors conjonctive ,
Espace dominant , qu'on voit sur l'eau de loin ,
Chose utile que forme ufe Mouche avec soin ,
Du volatille une prérogative .
Ville d'Egypte , autre en Artois ,
Temps désirable , après rude Tempête ,
Le nom d'un Saint , dont Avril fait la Fêter
Le même est chez l'Orfévre un poids.j
Femelle d'Animal féroce 2
Etre immortel qui meut de notre corps ,
Jusques dans leurs Replis , les plus secrets Rea
sorts;
Fruit,dans les jeunes coeurs, d'ordinaire précoce
Terme que du François jargon
Maints Sçavans , voulurent exclure ,
Restant malgré leurs soins , il peut contr'eu
donclure ,
Les taxer de peu de raison.
Enfant de douleur ou de joye ,
Objet à cultiver , plus précieux que l'or ,
Pour le besoin , le plus rare Thrésor ,
Quand secret ou chagrin , dans son sein se dé◄
playe ·
Instrument qui jadis , fuueste au genre humain
Fai2118
MERCURE DE FRANCE
Faisoit d'un tendre Enfant l'appanage en la Fable;
Il sçut par ce secours se rendre redoutable ,
Et jamais ne frapper envain .
>
Un vice loin duquel la raison fait retraitte ,
De la brutalité puisqu'il est le portrait ;
Double sujet de crainte , après quelque méfait ,
Ce dont peut-être icy l'oreille est satisfaite.
Matiere dure , Outil rongéant le fer ,
Femme qui fut le prix d'un long servage
L'ordinaire attribut d'un Page ,
Un Oiseau d'eau , Poisson de Mer,
"Aspreté , dure au goût , mais au coeur bienfai
sante ;
Le nom de plus d'une beauté ,
Au même point brillante qualité ,
Qui fait priser le Vin, rend l'Onde transparentes
Acte qui re devroit toujours être odieux ,
Moyen de désarmer la divine justice ,
Jeu de violent exercice ,
Mélange coloré de Métal précieux.
Simbole de douceur , Element qui fait vivre
Autre , dont l'instabilité ,
Peint l'humaine fortune et sa légéreté ;
Grace , qu'un criminel avec cris doit poursui
vre.
Chose picquante ; icy s'offrent encor deux sens
Ville lointaine , et Normande mesure ;
Instrument propre à repousser l'injure ;
Autre
NOVEMBRE. 1733 2419
Autre de forme et d'emplois différens .
Montagne où résidoit jadis un S. Prophéte ,
Pour l'eau , sorte de réservoir ,
Imposteur , chargé du pouvoir
De restaurer la Loy que Mahom avoit faite.
Saint , qu'on invoque pour les yeux ,
Sujet , hélas ! trop illusoire
De vanité , de ridicule gloire ;
Herbe de forte odeur , Ordre Religieux ;
Meuble de Voyageur , Province de l'Asie , . .
Par un plus long détail accroître ton tourment
,
Seroit assez , Lecteur , ma fantaisie •
Je me tais ... mais ...j'insiste encor pour un
moment.
Puis-je , en effet , mieux finir qu'en nom
mant ,
Celle qui du Démon brava la Tyrannie ,
Que la France et ses Rois , pour Patrone on
choisie.
L. H. D.
***************
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
ISTOIRE Litteraire de la France.
Hoù l'on traite de l'origine et du
progrès , de la décadence et du rétabiissea
2420 MERCURE DE FRANCE
sement des Sciences , parmi les Gaulo's et
parmi les François , &c. Par des Reli
gieux Benedictins , de la Congrégation
de S. Maur. A Paris , chez Chaubert
Gissey , Osmont , Huart Paîné , Clousier
Hourdel et David le jeune , Libraires . I.
vol . in 4. divisé en deux parties , & c.
Le seul titre de cette Histoire que nous
avons donné dans toute son étendue.
dans le dernier Mercure , pourroit suffire
pour en donner une grande idée . If
contient le précis de l'Entreprise la plus
vaste et la plus utile qu'on ait encore formée
pour la gloire de notre Nation . Diverses
Histoires particulieres des Sçavans
d'une Province , d'une Ville , d'une Université
, d'un Corps Académique de ce
Royaume , publiées en différens temps ,
et par differens Autheurs , n'ont fait que
mieux comprendre la nécessité d'une
Histoire Générale de la France sçavante
composée tout de suite , et par des Ecri
vains , chargez de ce seul travail . Ce no
ble dessein a enfin été conçu , et en partié
déja heureusement exécuté par de sçavans
Hommes, nez , pour ainsi dire , pour
l'avancement des Lettres , et pour les
plus grandes et les plus laborieuses Entreprises.
Le premier volume dont il s'agit icy ;
pourra
NOVEMBRE. 1733. 242
pourra faire juger du mérite et de l'importance
de tout l'ouvrage , et de l'ordre
de son exécution ; il comprend tous les
temps antérieurs à la naissance de J.C.et
encore l'Histoire des Lettres en France
durant les IV. premiers siècles de l'Eglise
. Entreprendre de donner un juste Extrait
de ce volume , qui contient en tout
près de neuf cent pages , ce seroit à nous
une espece de témerité. Extrait qui nous
jetteroit infailliblement au delà des bornes
de notre Journal , nous nous contenterons
donc de quelques traits qui paroissent
exiger de nous une attention
particuliere.
Nos sçavans Auteurs , après avoir décrit
l'Etat de laRépublique des Lettres dans les
Gaules, avant et durant le tems des Druïdes
, sous le nom desquels on comprenoit
tous les Gens de Lettres des Gaules , exposent
comment les Sciences des Grecs s'y
introduisirent par le canal des Marseillois,
Grecs , Photéens d'origine . Ils n'oublient
rien de tout ce qui se trouve épars dans
divers Auteurs anciens sur cette celebre
Colonie , dont il est aussi parlé amplement
dans deux de nos ( 1 ) Journaux ,
par rapport aux Sciences , aux exercices
( 1 ) Mercure de Decembre 1728. et de Janvier
Aca
1730p
2422 MERCURE DE FRANCE
Académiques , à la Politesse , et aux
Grands Hommes qui ont brillé dans
Marseille Sçavante , ce qui nous engage
d'abreger icy sur ce sujet.
, Son Gouvernement Politique non
moins admirable que son Académie, n'est
pas omis dans cette Histoire . On suivoit
à Marseille , disent nos Auteurs , les Loix
Ioniques exposées dans un lieu public ,
où chacun pouvoit les voir pour s'y conformer.
Le droit d'hospitalité y étoit
en une singuliere veneration ; on y maintenoit
la seureté publique , en ne permettant
à personne d'y entrer armé ; les
représentations licentieuses du Théatre
en étoient sévérement bannies , ainsi que
la molesse , la volupté, la fraude et le mensonge
, et on voyoit regner en la place
dans cette Ville , la bonne foy , la frugalité
et la modestie . Ciceron estimoit si
fort un tel Gouvernement , qu'il doutoit
si Marseille n'étoit pas préférable non
seulement à toute la Grece , mais encore
à toutes les Nations de l'Univers . Aussi
les Marseillois mériterent bientôt le
Titre et les Privileges d'Amis et d'Alliez
du Peuple Romain . Marseille fut appellée
la soeur de Rome.
Diverses Colonies de Marseillois bâtirent
dans les Gaules , selon nos Auteurs ,
les
NOVEMBRE . 1733. 2423
les Villes d'Agde , de Nice , d'Antibes ,
d'Olbic , de Taurence, et peut être celles
d'Arles et de Fréjus . Cette énumeration
pourroit être plus étendue , sans y comprendre
même plusieurs Villes fondéesou
policées par des Colonies Marscilloises,
hors des Gaules , en Espagne , en Italie ,
en-Affrique , et c'est ainsi que se répandit
dans les principales Villes Gauloises
et ailleurs le goût des Lettres ; ces Villes
firent succeder aux Ecoles des Druïdes
des Académies, où elles entretenoient
des Professeurs pour y enseigner , à l'exemple
de Marseille , toutes sortes de sciences.
Telles étoient les Villes de Narbonne
, d'Arles , de Vienne , de Toulouse ,
d'Autun , de Lyon , de Nismes , de Bourdeaux
, et en particulier les Villes qui
devoient leur origine , ou leur ampliation
et leurs moeurs à celle de Marseille.
Le détail de la Litterature et des divers
Sçavans qui ont illustré ces Villes , doit
être lû dans le Livre même , et il le mérite
par l'abondance et par la richesse de
la matiere.
En examinant les Révolutions qu'ont
eues dans les Gaules les diverses Langues
qu'on y a parlé successivement , nos Hisforiens
reviennent à Marseille , ne doutant
point que la Langue Grecque n'ait
été
2424 MERCURE DE FRANCE
été durant long- temps la Langue vulgaire
des Marseillois , tres connue . disentils
, dans toute la Narbonnoise , et à
Lyon même. C'est ce que quelques Sçavans
modernes paroissent avoir ignoré
et ce qui les a jettez dans de grandes méprises
; telle est , par exemple , celle de
M. de Valbonnais , qui n'avoit pas accoutumé
d'errer , et qui a été observée dans
le Mercure d'Août 1721. au sujet d'un
Marbre Antique , chargé d'une Inscription
Grecque, du Cabinet de M.Rigord .
Ce qu'ils disent ensuite de la Langue
Gauloise ou Celtique, est d'une érudition
peu commune , et demande une attention
particuliere . Ils finissent ce sujet-la par
ces mots. De cette Langue Gauloise, jointe
à la Grecque , à la Latine et à celle des
Francs , s'est formé notre Langue Françoise
, qui à l'aide de quelques accroissement
qu'elle a reçus des Langues de nos
voisins , a pris la consistance , où elle est
présentement.
Enfin nos Auteurs remarquent que les
Gaulois Lettrez , sçachant que le Barreau
étoit la Porte la plus ordinaire qui conduisoit
aux charges distinguées, et que l'Eloquence
étoit le moïen le plus certain d'y
briller, ils s'attacherent à cultiver en même-
tems l'Eloquence et la Jurisprudence,
NOVEMBRE . 1733. 2425
ce qui les fit exceller dans la connoissance
du Droit et dans l'art de bien parler.
Ainsi les Sçavans aimerent mieux servir
leur Patrie et le Public de vive voix , que
par écrit. Que si quelques- uns d'entr'eux
ont laissé des Ouvrages de leur façon , la
longueur et le malheur des temps en ont
privé la posterité. Ils nous ont même envié
non seulement la connoissance de
presque tous ces grands Hommes , mais
aussi jusqu'à leurs noms et au moindre.
trait de leur Histoire.
Cette Remarque étoit nécessaire à l'égard
de quelques Lecteurs qui pourroient
s'étonner du petit nombre de Gaulois sçavans
, dont il est fait mention dans cet
Ouvrage , pour les temps qui ont précédé
la naissance de J. C. On y trouve cependant
les Eloges de Pitheas , Philosophe
Astronome et Géographe; d'Euthymenes
Historien et Géographe ; d'Eratoshénes
Philosophe et Historien ; de Lucius Plotius
, Rhéteur ; de Marcus- Antonius Gnipho
, Professeur d'Eloquence et des Belles
Lettres ; de Valerius Cato , Poëte et
Grammairien ; de Roscius excellent
Comédien ; de Divitiac , Philosophe :
de C. Valerius - Procillus , Ambassadeur.
et Favori de Jules César ; de Telon et
Gyardes , Astronomes ; de Cornelius Gal-
E lus,
2446 MERCURE DE FRANCE
lus , Poëte ; de Publ. Terentius- Varo , Historien
et Poëte , de Trogue Pompée , Historien.
N'oublions pas de dire que nos Histo
riens sur la fin d'une Préface , qu'on ne
peut se dispenser
de lire , supplient
les
Sçavans de leur faire connoître
les fautes
qui ont pû leur échaper dans le cours
d'un si long Ouvrage , et de les aider en
leur communiquant
de nouvelles
lumieres
, et en leur faisant part des richesses
litteraires
qui leur manquent. Ils addressent
sur tout cette priere aux divers
Ordres Religieux
du Royaume
, fournis
déja presque tous des Bibliotheques
de
leurs Auteurs , et par là plus à portée
d'indiquer
les autres Ecrivains
qu'ils ont
eu depuis la publication
de ces mêmes
Bibliotheques
. Pour garans de leur re
connoissance
ils donnent les témoignages
publics qu'ils rendent icy des obligations
qu'ils ont à ceux dont le commerce
litteraire
leur a été de quelque secours
,
Nous rendrons compte sommairement
dans l'un de nos premiers Journaux de
la seconde Partie de cette Histoire , qui
comprend les quatre premiers siecles du
Christianisme.
Moi
NOVEMBRE. 1733 2427
MONUMENS DE LA MONARCHIE FRANÇOISE
, &c. Par le R. P. Dom Bernard de
Montfaucon , tom . 5. fol. chez Giffart et
J. Michel Gandoüin , 1733 .
Ce cinquième et dernier tome comprend
les Regnes d'Henry II. de François
II . de Charles IX . d'Henry III . et
d'Henry IV .
On ne vit jamais'de si grands spectacles
aux Entrées des Rois que sous Henry II.
Lyon se signala à la venue du Roy et de
la Reine , par un Palais superbe , construit
sur la Riviere dans de grands Bâteaux
; Rouen par des Chars où étoient
attellées des Licornes ; par des Elephans
qui portoient sur leurs dos des Tours
pleines de Seigneurs et de Dames. L'in
dustrie avoit ainsi métamorphosé des
Chevaux en ces Animaux presque inconnus
dans nos Climats. Mais ces grands
Spectacles furent comme effacez par ce
qu'on appella le Triomphe de la Riviere:
Dans ce tems où le beau Pont de Pierre
subsistoit encore à Rouen , on vit la Seine
converte de Divinités Marines . Neptune
alloit avec pompe dans son Char
sur les Eaux de la Riviere . Les Naïades
et les Néréïdes flottoient sur des Tritons
´et des Monstres Marins .
Paris se distingua aussi par des Repré-
E ij
sen1448
MERCURE DE FRANCE
sentations magnifiques ; mais on n'a pû
trouver que ccs Arcades superbes , faites
à l'endroit le plus large de la rue S. Antoine
, sur lesquelles on avoit élevé de
grands Appartements richement meublez ,
dignes de la Majesté Royale. Tout cela
se voit représenté dans ce volume , tiré
d'Estampes gravées dans le tems même.
La Guerre qui survint causa d'autres
spectacles , qui attirerent l'attention de
toute l'Europe, Henri II. d'intelligence
avec plusieurs Princes Allemans se saisit
de Mets , Toul et Verdun , l'Empereur
Charles - Quint vint avec une Armée
formidable assieger Mets , qui fut si bien
deffendu par le Duc de Guise, secondé des
plus braves de la Nation , qu'après un
long Siége Charles- Quint fut obligé de
se retirer avec une grande perte de ses
gens. Henri II, remporta encore un avantage
considerable à Renti sur l'Armée de
l'Empereur ; la victoire auroit été complette
si le Connêtable fut venu assez à
tems.
Une tréve de cinq ans mal-à- propos
rompuë , fut cause de bien des malheurs :
et la perte de la Bataille de S. Quentin
mit la France en grand péril . Mais le Duc
de Guise revenu d'Italie , rétablit les
choses et la Paix se fit ensuite. Elle fut
très
NOVEMBRE. 1733. 2.4.29
12
,
très-désavantageuse à la France selon
la plupart des Historiens , fondez sur
ce qu'on rendit une centaine de places
aux Ennemis. Mais le P. de Montfaucon
prouve que ce grand nombre de places ,
presque toutes , ou dans le Piémont , ou
dans l'Isle de Corse , furent renduës au
grand bonheur de la France : cela mit fin
aux Guerres d'Italie , cause des malheurs
arrivez au Royaume pendant quatre Regnes.
Par cette Paix Henri fut maintenu
dans la possession de Mets , Toul , Verdun
et de Calais , Places qu'il avoit conquises
et qui étoient fort à sa bienséance,
On passe legerement sur ce qui suit , et
sur le Tournois où Henri II. fut blessé
à mort. On le voit ici dans son lit mourant
, d'après une Estampe gravée dans
ce même tems.
Le Regne de François II. qui fut fort
court , ne fut remarquable que par ia
conjuration d'Amboise , premier acte
d'hostilité que les Calvinistes firent : elle
est ici gravée d'après un original , où
l'on apprend plusieurs choses que les
Historiens ne disent pas.
Ce fut sous le Regne de Charles IX.
que la Guerre civile commença , et donna
des spectacles qu'on peut comparer à ce
qu'il y a de plus tragique dans les Histoi-
E iij
res
430 MERCURE DE FRANCE
res. On voulut d'abord accorder les deux
parties au Colloque de Poissi , qu'on voit
ici représenté en graveure : mais comme
il arrive souvent , ils se séparerent plus
animez qu'auparavant les uns contre les
autres. Le premier signal de la Guerre
civile fut le massacre de Vassi , où quel,
ques Huguenots furent tuez par
les gens
du Duc de Guise. Cela mit toute la Fran
ce en feu ; les Huguenots se saisirent de
plusieurs Villes , ruinerent les Eglises
massacrerent les Prêtres , les Moines ,
tous ceux qui s'opposoient à leurs violen
ces , les Catholiques leur rendirent la pan
reille . Ils reprirent la plupart des places
que les Huguenots avoient occupées , et
taillerent en pieces tous ceux d'entre eux
qu'ils purent attraper.
Tout le Royaume se vit alors plein de
sang et de carnage. On se mit en campagne
de part et d'autre ; l'Armée Royale
reprit Bourges et Rouen , Villes que les
Huguenots avoient occupées Après, vint
la Bataille de Dreux , qui fut la plus disputée
; mais enfin l'Armée des Huguenots
fut mise en déroute : et le Duc de
Guise assiegea Orleans , où il fut tué traitreusement
par Jean Poltrot , et après sa
mort on fit la Paix de l'Isle aux Boeufs.
On passe legerement sur des faits si con
nus
NOVEMBRE . 1733 2431
nus. Ce qu'il y a de plus instructif dans
cet Ouvrage , c'est que toutes ces principales
actions y sont représentées en fi-/
gure d'après des Estampes originales , et
de ce tems-là.
Selon l'opinion commune Catherine
de Medicis cherchoit à perdre les Chefs
des Huguenots : ils prirent de nouveau
les armes , tâcherent en vain de se saisir
du Jeune Roy Charles IX. et perdirent
la Bataille de S. Denis : après quoi , assis
tez des Allemans, ils assiégerent Chartres.
Pendant ce Siége , se fit la seconde Paix ,
qui fut de peu de durée. La Reine persistant
toujours dans le dessein de faire
périr les Chefs des Huguenots, ils prirent
les armes , le Duc d'Anjou gagna sur eux
la Bataille de Jarnac , où le Prince de
Condé fut tué. Une puissante armée
d'Allemans étant venue au ' secours de
l'Amiral de Coligni , il assiégea Poitiers,
fut obligé de lever le Siége , et perdit la
Bataille de Moncontour après laquelle
il se retira ; et augmentant toujours ses
Troupes dans sa longue route , il se rendit
enfin à Arnay -le -Duc. Il y eut là un
combat , où l'avantage fut presque égal
de part et d'autre. On vint enfin à un
Traité de Paix, et cette Paix feinte donna
lieu à Catherine d'éxécuter son projet par
E iiij
le
2432 MERCURE DE FRANCE
le massacre de la S. Barthelemy. Un dé
tail même abregé de tout ce que nous
venons de dire feroit un volume entier.
On fit ensuite le Siége de la Rochelle :
pendant lequel Henri Duc d'Anjou fut
élû Roy de Pologne. Il alla prendre possession
de son Royaume , et peu de tems
après Charles IX. mourut , non sans
soupçon de poison . On le voit ici représenté
avec les Grands du Royaume , on
peut remarquer l'habit des Gentilshommes
de ce tems là , qui est fort singulier.
Henri s'échappa de la Pologne pour
venir prendre possession du Royaume de
France. On avoit conçu de ce Prince de
grandes espérances . Les belles actions
qu'il avoit faites n'érant que Duc d'Anjou,
lui avoient attiré l'amour et l'estime des
François, qui s'attendoient qu'il brilleroit
encore plus , lorsqu'il auroit l'autorité
Souveraine. Mais sa vie molle et effeminée
, et ses mignons , le rendirent méprisable.
Il s'attira aussi la haine du public
par les Edits Bursaux qu'il faisoit tous les
jours à la charge du peuple. Les Processions
, les Confreries de pénitens , des
Actes de Dévotions mêlez avec des choses
d'un genre si different, augmenterent
le
NOVEMBRE. 1733. 2433
le mépris qu'on avoit pour lui, On l'ac
Cusoit, quoiqu'à tort, de favoriser les Huguenots.
Ce fut sur ce faux soupçon ,que se forma
la Ligue qui causa tant de maux à la
France ; quoique le Roy s'en fut déclaré
Chef, cette Ligue se tourna contre luì .
Le Duc de Guise fomentoit ce parti à
dessein de suplanter le Roy et de se mettre
en sa place , à ce qu'on disoit . Sa valeur
le rendoit recommandable. Le peu
ple , et sur tout les Parisiens , l'aimoient
et l'estimoient autant qu'ils méprisoient
le Roy. On cabala enfin contre Henti
et à la journée des Barricades , il fut obligé
pour sa sûreté de s'enfuir de Paris. I
assembla depuis les Etats à Blois ; et le
Duc de Guise continuant ses menées , il
lé fit tuer .
Peu de jours après sa mort , la Reine »
Mere Catherine de Medicis déceda . Le
Portrait de cette Princesse , et l'emploi
qu'elle faisoit de l'Art Magique pour découvrir
l'avenir , se trouvent ici dépeints
dans des Piéces originales , qui n'avoient
point encore vû le jour.
Henri III. après le meurtre du Duc de
Guise , abandonné de presque toutes les
Villes du Royaume , fut obligé de se
joindre à Henri Roy de Navarre. Il assié- ·
Ev
2434 MERCURE DE FRANCE
gea Paris , et fut tué au commencement
du Siége par Jacques Clement. Entre les
Estampes de ce Regne on voit celle de
l'Institution de l'Ordre du S. Esprit , et
plusieurs autres fort remarquables ; celles
des Courtisans qui se rendoient au Louvre
à cheval portant en croupe ou quelque
ami , ou quelque Demoiselle. Celles
des Mousquetaires, des Gardes du Corps,
des Suisses , celle des Pages et des Laquais.
L'Histoire d'Henri IV. est trop con
nue pour s'y arrêter long- tems ; ses grandes
actions et ses Victoires remportées
sur le Duc de Mayenne et sur les Ligueurs
lui auroient difficilement procuré l'entrée
dans Paris s'il ne s'étoit converti à la
Religion Catholique . Ces Ligueurs animez
par des Prédicateurs furieux et Fanatiques
donnerent une scene des plus
extraordinaires . Ce fut la Procession de
la Ligue de l'An 1591. où les Capucins ,
Cordeliers , Carmes , Dominicains , Feüillans
et d'autres Religieux , marchoient
après la Croix , armez de Mousquets
d'Epées , de Piques et de Hallebardes
faisant quelquefois des décharges , comme
pour deffendre la Religion Catholique.
On voit dans ce tome cette Prócession
exactement représentée d'après un
original
NOVEMBRE. 1733 2435
original du tems . La conversion d'Henri
IV. ramena bien des gens , il entra dans
Paris en 1594. On voit ici l'Estampe de
cette Entrée. Après la Réduction de Paris
, les autres Villes suivirent son exemples
, et le Roy se trouva enfin paisible
possesseur de tout le Royaume. La surprise
d'Amiens par les Espagnols jetta
d'abord la terreur dans la France ; mais
la Ville fut bien- tôt reprise , et peu de
tems après on fit la Paix de Vervins qui
fut très-avantageuse. Nous passons legerement
sur ce qui suit ; sur la Guerre de
Savoye qui se termina au souhait d'Henri
IV. sur la conspiration du Maréchal de
Biron , qui eut la tête tranchée ; et enfin
sur la grande Entreprise d'Henri IV. ligué
avec plusieurs Princes de l'Europe ;
entreprise dont on n'a jamais sû le véritable
objet que par conjectures dans le
tems que ce Prince faisoit marcher ses
'Armées il fut assassiné par François
Ravaillac , comme tout le monde sçait.
Et là finit le cinquième et dernier Tome
d'un Ouvrage dont on ne sçauroit assez
louer l'entreprise et l'exécution .
SYSTEME tiré dell'Ecriture Sainte
sur la Durée du Monde , depuis le preşiler
Avénement de J. C. -jusqu'à là fin
Brj dés
2436 MERCURE DE FRANCE
des siècles. A Paris chez Huart , rue
S. Jacques in 12. 1733 .
Le dessein de l'Auteur est de nous
apprendre combien d'années le Monde
doit encore durer d'ici au Jugement
dernier. Avant que d'entrer en matiere
il examine une difficulté qu'il prévoit
que le titre de son Livre pourra faire
naître dans l'esprit des Lecteurs. Comment
entreprendre de fixer le nombre des années
de la Durée du Monde , après que J. C.
a prononcé que personne , si ce n'est le Pere
Céleste , ne sçait ni le jour ni l'heure de son
dernier Avénement ? Il fait voir que cette
parole exclut seulement une connoissance
absolument certaine du dernier jour ,
et qu'elle n'ôte à personne la liberté des
conjectures , fondées sur le Texte Sacré ;
et il prouve par l'exemple de plusieurs
Peres , qu'il a toujours été permis dans
l'Eglise d'user de cette liberté.
Il propose ensuite son Systême qui
'donne au Monde 2401. ans de durée
depuis le premier Avénement de J. C.
jusqu'au second. Voici comme il raisonne
pour appuyer cette conjecture. » La
» fin du Monde est le commencement
>> du grand repos dans lequel Dieu doït
>> entrer et faire entrer ses Elûs par le
ia second Avénement de J. C. et ce repos
NOVEMBRE. 1733 2437
celui
que
que
le pre-
» pos , aussi bien
» mier Avénement
a procuré aux ames
» fidelles dans la Loy de grace , étoit
» figuré par les différents Sabbats , ou
» repos des Juifs. Or ces repos , dont
» l'observance
étoit plus rigoureusement
» commandée
aux Juifs , terminoient
» pour la plupart le nombre septénai-
» re , soit de jours , soit de semaines ,
>> soit de mois , soit d'années , soit de » semaines d'années . Il faut donc
que
ce nombre mystérieux
de sept se retrouve
dans la chose figurée , comme
dans la figure ; c'est -à- dire , que le repos
et du premier et du second Avéhement
de J. C. vienne à la suite d'une
révolution
d'années , formé par le nombre
septénaire , depuis une certaine époque
et cette révolution
doit être égale
pour le , premier et pour le second Avés
nement. L'Auteur
prend pour premiere
époque le Déluge , ou plutôt la seconde
année après le Déluge , et comptant
delà jusqu'à la 37. année de J. C. inclusivement
, cet espace lui donne selón
le calcul de quelques Chronologistes
,
2401 ans, qui fone 343 semaines d'années.
Il réduit ces 343 semaines en d'au»
tres semaines , dont chacune est de sepa
semaines d'années. Sept semaines d'années.
2438 MERCURE DE FRANCE
nées font 49. ans. Ainsi une Semaine
composée de sept de ces semaines , fera
343. ans. Il fait ensuite sept semaines
de 343. ans chacune , ce qui lui donne
2401. ans. De toutes ces suppositions il
conclut qu'à compter depuis la 37. an
née de J. C. exclusivement jusqu'au
grand et éternel repos , qui doit commencer
à son second Avenement
doit y avoir 2401. ans. A ce compte,
la fin du Monde n'arrivera que d'ici à
700. ans .
ik
NOUVELLES ETRENNES , utiles et agréa
bles , contenant un Recueil de Fables
choisies , dans le goût de M. de la Fontaine
, sur de petits Airs et Vaudevilles
connus , notez à la fin , avec un Calen
drier de l'année 1734. A Paris , chez
Ph. Nic. Lottin , rue S. Jacques.
Voici quelques - unes de ces Fables qui
feront juger des autres.
LASNE portant une Idole , sot en dignité.
Sur l'Air : Nos plaisirs sont trop
peu durables.
Un Baudet portoit en voyage ,
Un faux Dieu que l'on adoroit ;
Et pour lui prenoit tout l'hommage ,
Qu'à son Idole on déférois,
C'est
NOVEMBRE. 1733 2439
C'est ainsi qu'un sot s'imagine ,
Que l'on rend à sa vanité ,
Les honneurs que l'on ne destine ,
Qu'à l'éclat de sa dignité.
LE CONSEIL DES RATS. Le
Grelot. Sur l'Air : Pour passer doucement
la vie.
Un Conseil dans une Guérlte ,
Fut tenu par le Peuple Rat ;
Tous dirent , pendons au plus vite ,
Une sonnette au cou du Chat.
Nous
sçaurons la marche et la route
Quand il viendra pour nous guetter :
C'étoit bien avisé sans doute ;
Mais il falloit executer.
Qui de nous ira , dit leur Doge,
'Au Matou mettre le Grelot ?
Mais en vain il les interroge ,
Bas un ne lui répond un mot.
Tout est plein , quand on délibere ,,
De courage et d'activité;
Mais pour agir , ce n'est plus guére ,
Que répugnance et lâcheté.
LA
2440 MERCURE DE FRANCE
LA MONTAGNE EN TRAVAIL,
Grand bruit , peu d'effet. Sur l'Air : Nos
plaisirs sont trop peu durables.
Autrefois la vaste Campagne ,
Frémissoit du mugissement ,
Que poussoit certaine Montagne ,
Dans un travail d'enfantement.
On croyoit qu'une Ville immense ,
Alloit naître après ces grands cris ;
Mais le fruit de cette esperance ,
Fut , n'en déplaise , une Souris.
Tous les jours le Monde se vante ,
Et promet avec grand éclat ;
Mais souvent tout ce qu'il enfante ,
Ne vaut pas mieux que, notre Rat.
TRAITE' de la Simplicité de la Foy.
A Paris , rue de la vieille Bouclerie , et
rue Gist- le - Coeur , chez la Mesle et Heuqueville
, 1733. in 12. de 245. pages .
HISTOIRE CRITIQUE de la Gaule Narbonnoise
, qui comprenoit la Savoye ,
le Dauphiné , la Provence , le Languedọc
, le Roussillon et le Comté de Foix,
avec,
NOVEMBRE. 1733. 2447
avec des Dissertations . A Paris , chez
Grégoire Dupuis , ruë S. Jacques , 1733. in
12. de 574 pages.
TRAITE' DE LA COMMUNAUTE' entre
mari et femme , avec un Traité des Communautez
ou Societez tacites , Par M. Deais
le Brun , Avocat en Parlement , Ouvrage
postume , donné d'abord au Public
par les soins de M. Louis Hideux , Avocat
en Parlement. Nouvelle Edition , augmentée
considerablement de nouvelles
Décisions et de Notes Critiques , par
M ... M ... Avocats en Parlement. A
Paris , rue S. Jacques , chez Cl. Robustel ,
1733. in folio.
CONJURATION de Nicolas Gabrini , dit
de Rienzi , Tyran de Rome en 1347-
Ouvrage Postume du R. P. Du Cerceau ,
de la Compagnie de Jesus . Achevé , retouché
et augmenté par le R. P. Brumoy.
A Paris , chez la Veuve Etienne , ruë
S. Jacques , 1733. in 12 .
RECUEIL de Poësies Diverses du Pere Du
Cerceau , 173 3. quatriéme Edition. Chez
la même , 2. vol. in 12.
LETTRES PHILOSOPHIQUES , sérieuses ;
critiques et amusantes , traitant de la
Pierre Philosophale , de l'incertitude de
la
2442 MERCURE DE FRANCE
la Médecine , de la félicité temporelle
de l'homme , de la nature de l'ame ,
des prétendus Esprits forts qui révoquent
en doute l'immortalité de l'ame , du
retour des Esprits en ce monde , des Génies
, de la Magie , du Célibat , du Mariage
, de la comparaison des deux sexes
des Ris , des Pleurs , de la Mort , des
richesses , des plaisirs du monde , de la
véritable Noblesse , de l'erreur des sens ,
de l'excellence de la Raison , et autres
sujets interessants. A Paris , au Palais
chez Sangrain à la Prudence , 1733 .
in 12. 2. volumes. Tome I. 240. pages.
Tome II. 233. pages.
AURORE ET PHEBUS , Histoire Espagnole.
Au Palais , chez P. Jacques Ribon,
1733. in 12 .
› OEUVRES de M. De Clermont , conte
nant l'Arithmetique Militaire et la Géométrie
- pratique de l'Ingénieur et de
l'Officier. Ouvrage également nécessaire
aux Officiers , aux Ingénieurs et aux
Commençans . A Paris , rue S. Jacques
et Quay des Augustins , chez Witte et
Didot. Nouvelle Edition , in 4. ornée
d'un grand nombre de Planches .
LA
NOVEMBRE. 1733. 2443
LA CONSTANCE DES PROMPTES AMOURS
avec le jouet de l'Amour. A Paris , ruë
S. Jacques , chez André Morin , et ruë
S. Severin , chez Alex. Mesnier , 1733 .
2. vol . in 12. de 500. pages les 2. vol.
NEUVIEME PARTIE des Cent Nonvelles
Nouvelles , de Mad. de Gomez. A
Paris , Quay des Augustins , à S. François,
chez Manduyt , 1733 .
On donnera le inois prochain la dixiéme
partie , et l'on continuera exactement
tous les mois à en donner une
nouvelle.
,
CONTINUATION de l'Histoire du Par
lement de Bourgogne , depuis l'année
1649. jusqu'en 1733. contenant les noms,
surnoms , qualitez , Armes et Blasons des
Présidents Chevaliers , Conseillers
Avocats et Procureurs Géneraux et Greffiers
qui y ont été reçus dans cet intervalle
, avec un précis des Edits et Déclarations
du Roy , portant Création de
Charges en ce Parlement , et des Regle
mens de la Cour.Par M. François Petitor.
infolio. A Dijon, chez Ant. de Fay, 1733 .
ESSAY SUR LES ERREURS POPULAIRES,
ou Examen de plusieurs opinions reçûes
comme vrayes , qui sont fausses ou dou
teuses
1444 MERCURE DE FRANCE
rue
teuses ; traduit de l'Anglois de Thomas
Brown , Chevalier et Docteur en Médecine.
A Paris chez Pierre Witte
S. Facques , et Didot, Quay des Auguftins ,
1733 , 3. vol. in douze , contenant près
de 900 pages , sans les Tables , les Préfaces
et l'Epitre au Duc de Richelieu.
On lit dans la Préface du Traducteur,
que l'erreur en general est un faux jugement
, ou une aprobation du faux ; Or
il est certain , dit il , que le peuple n'est
pas capable de juger si l'objet qui le détermine
est faux ou vray ; et comme il
y a differentes routes qui conduisent à
l'erreur , c'est un pur hazard s'il rencontre
la verité.
Les causes immédiates de ces mêmes
erreurs sont les fausses idées que l'on se
forme à soi - même des objets , ou dans le
moment qu'ils se présentent , ou sur des
rapports infidéles. C'est par- là que s'établit
autrefois l'opinion fabuleuse des
Centaures, et une infinité de semblables;
mais on va plus loin;on ajoute à ces fausses
idées des conséquences étrangeres : et
de -là naissent ordinairement les Sophismes
qui roulent sur les termes ou les choses
même.
Les autres causes sont la crédulité qui
fait adopter tout ce qui est presenté comme
NOVEMBRE. 1733. 2445
→
me vrai ; ou l'incrédulité qui fait rejetter
des verirés constantes , la paresse qui fait
croire ou douter sans fondement , plutôt
que d'examiner la prévention pour
l'Antiquité , ou cette persuasion , que
plus les Anciens nous ont précedés dans
l'ordre des tems, plus aussi ils ont approché
du vrai.
Cet Ouvrage, au reste , est également
méthodique , curieux et varié. L'Auteur
commence toujours par alléguer les témoignages
qui favorisent l'opinion reçue
, et il n'embrasse point de sentiment
nouveau qu'il ne l'appuye par des témoignages
superieurs, qu'il n'y joigne même
l'experience dans les faits où elle peut
avoir lieu , et il finit toujours par indiquer
ce qui a pû occasionner ou accrédi
ter les erreurs qu'il combat.
Nous allons donner quelques morceaux
propres à interesser le Lecteur, caracteriser
l'Ouvrage et faire connoître le stile du
Traducteur.
Dans le 3me chapitre de la cause des erreurs
populaires, l'Auteur expose qu'outre
que par sa disposition naturelle , le Peuple
s'éloigne du vray , il suffit de lui presenter
le faux avec quelque adresse , pour
qu'il le saisisse et qu'il l'adopte. On l'a
vu , dit-il , dans tous les siècles la dupe
de
2446 MERCURE DE FRANCE
de tous les imposteurs et de toutes les
professions .... Or le Peuple étant de
fui-même porté à l'erreur et, y étant sans
cesse entraîné par les autres , faut- il s'étonner
que ses opinions et ses jugemens
en soient un tissu perpetuel.
Cinquième chapitre du second Livre :
On raconte bien des Fables , dit l'Auteur,
touchant la Poudre blanche qui fait sans
bruit le même effet que la Poudre à canon
; mais il y en a peu qui en ayent
allegué de bonnes raisons. La Poudre à
canon est composée de Salpêtre , de
Charbon et de Souffre . Et quoique l'on
trouve en plusieurs endroits du salpêtre
naturel , celui dont on se sert communé
ment ne l'est pas. On le tire d'une infusion
de terres salées , des urines des écu
ries , des colombiers , des caves , et autres
lieux inaccessibles au Soleil qui le dissoudroit.
Le souffre est un corps mineral
dont les parties sont graisseuses et inflammables.
On se sert du souffre vif qui
est d'une couleur foncée , ou du souffre
épuré , tel que nous l'avons en bâtons
d'un jaune plus clair que le premier.
Le charbon de bois est connu de tout le
monde , et pour cet usage on le fait
de Saules , d'Aulnes ou de Coudrier & c.
Etc'est de ces trois corps mêlez dans une
proportion
NOVEMBRE . 1733. 2447
proportion connue , et formez en grains
qu'est composée la Poudre à canon . Or
quoiqu'ils contribuent à un même effet
commun , ils ont pourtant chacun leur
effet particulier dans la composition . Le
souffre produit ce feu perçant et violent ;
car le salpêtre et le charbon mélez ne
produiroient qu'une espece de sifflement,
et le feu ne dure pas. Du charbon vient
la couleur noire , et l'Inflammabilité ; car
le salpêtre et le souffre , bien que pulvérisez
, ne s'enflamment pas si promptement
que ce charbon : l'étincelle qui
sort d'une pierre ne les allumeroit pas ,
non plus que le camphre tout inflam
mable qu'il est. Le charbon tient lieu de
méche , il sert à allumer le souffre , et
à répandre le feu ; et comme ses parties
sont plus grossieres , il pourroit aussi servir
à temperer l'activité du salpêtre , et à
empêcher une raréfaction trop subite.
Du salpêtre procedent la force et le
bruit. Car le souffre et le charbon mêlez
ensemble n'en font point en s'allumant }
et la Poudre qui auroit été faite avec du
salpêtre impur et gras auroit peu de force,
et feroit peu de bruit. Aussi des trois
espéces de Poudre , la plus forte contient
plus de salpêtre ; car elle ne renferme
qu'une part de charbon et de soufre,
SUE
2448 MERCURE DE FRANCE
sur dix de salpêtre ou environ.
ayant
Mais la cause immédiate du bruit
c'est le mouvement violent de l'air à
l'occasion de l'explosion subite et véhémente
de la Poudre > car le feu
gagné dans un instant toute sa substance,
la grande raréfaction qui lui arrive , demande
un plus grand espace que celuiqu'elle
occupoit auparavant ; et trouvant
de la résistance dans l'air , elle le pousse
avec violence pour se faire un passage.
Et si nous admettons ce que dit Cardan ,
que la Poudre allumée occupe cent fois
plus d'espace qu'auparavant , nous concevrons
aisément la violence qu'elle fait
à l'air ; mais nous le concevrons encore
mieux si nous adoptons le calcul plus
raisonnable de Snellius qui prétend
qu'elle en occupe 12600 fois davantage.
Telle est la raison du bruit terrible
que
fait le canon , et cette même raison sert
à expliquer la cause du bruit du Tonnere.
Le Tonnere n'est autre chose qu'un
amas de parties sulphureuses et nitreuses
qui se sont allumées dans l'air , et qui
en demandant un plus grand espace , se
font un passage en brisant les nuës et
en écartant avec violence l'air qui les
environne. Lorsque la matiere estinflam
mable et que les nuages sont pressez , le
>
,
bruit
NOVEMBRE . 1733. 2449
bruit est véhément. Si le nuage est mince,'
et qu'il y ait peu de matiere , l'éruption
aboutit à de simples éclairs , quoique les
nuages n'ayent que 2000 pas de hauteur,
ce qui est leur plus grande élévation .
Delà vient que ces sortes d'éclairs sont
rarement nuisibles › et que le Tonnere
dans un tems serain est une espece de prodige
, quoique l'Histoire en fournisse
quelques exemples.
›
Les tremblemens de terre ont selon
toutes les apparences la même cause
quand des veines de souffre et de nitre
se sont allumées elles se raréfient et
passent avec effort au travers des corps
qui leur résistent. Si la matiere étoit abondante
, et renfermée étroitement , elle a
renversé des Montagnes et des Villes
entieres. Si elle étoit en petite quantité ,
et environnée de terre poreuse , elle n'a
causé que de legeres secousses qui n'ont
rien détruit. Les Anciens qui ignoroient
la composition et les effets de la Poudre
à canon , par laquelle on explique parfaitement
la génération des matieres , ne
pouvoient gueres que se tromper sur cet
article.
Maintenant si quelqu'un veut arrêter
le bruit de la Poudre , il faut qu'il travaille
sur le salpêtre , et qui voudra en
F alterer
2450 MERCURE DE FRANCE
alterer la couleur , doit travailler sur le
charbon, Il y a plusieurs manieres de faire
de la Poudre blanche , la meilleure que
je sçache , dit l'Auteur , c'est de substituer
au charbon de la Poudre de Saules
pourris car tout autre bois qui prend
feu aisément la feroit peut-être brune.
Il y en a qui , au rapport de Berringuccio
dans sa Pirothecnie , ont essayé
d'en faire de rouge . Mais tout ceci n'a
aucun rapport avec le bruit de la Poudre
qui a une autre cause , et qu'on peut également
, ou mieux , selon quelques- uns ,
rendre noire avec des charbons de lin
et de roseaux,ou même avec de la mêche,
et du linge brulé.
On peut en deux manieres arrêter le
bruit de la Poudre , ou en n'y mettant
point de salpêtre , ou bien en le dépouil
lant de sa qualité. Porta promet de dimis
nuer ou d'empêcber cet effet non -seulement
avec des corps graisseux en géné
ral , mais encore avec du Borax et du
beurre mélez ensemble dans une certaing
proportion ; d'où il arrivera , selon cer
Auteur , que le bruit sera à peine entendu
de celui qui le tirea ; et à la verité sĮ
l'on en met beaucoup , non seulement
la Poudre fera peu de bruit mais elle
sera encore très foible. Je n'ai trouvé
qu'un
-
,
NOVEMBRE. 1733 2451
qu'un seul exemple de Poudre faite sans
salpêtre : c'est Alphonse Duc de Ferrare
qui me le fournit. Ce Prince, au rapport
de Brassavole et de Cardan , inventa la
Poudre qui faisoit partir une Balle sans
bruit.
Il n'est donc point absurde de dire
qu'il y ait de la Poudre blanche , et nous
avoüerons même , continuë nôtre Auteur
, qu'elle peut ne causer aucun bruit.
Mais il est bien certain que , soit avec du
salpêtre , ou sans salpêtre , elle sera trèsfoible.
A mesure qu'elle est moins bruyanre
elle perd sa force aussi selon Bassavole
, la Poudre d'Alphonse ne pouvoit
tuer un poulet. Jamque pulvis inventus
est qui glandem sine bombo projicit
tamen vehementer , ut vel pullum interficere
possit.
› nec
LETTRE de M. S. B. Gruys , Capitaine
de Dragons et Major de Brigade de
Cavalerie , au Service de L. H. P. où il
fait voir que les Dragons ne sont connus
aujourd'hui que de nom , et que leur véritable
service est d'être Fantassins à che
val , mêlez parmi la Cavalerie ; comme
aussi pour former la colomne hérissée de
Pertuisances , seconde Edition , corrigée
et augmentée par l'Auteur , en grand in
Fij 4°.
2452 MERCURE DE FRANCE
4°, enrichie de Planches et de Figures en
Taille Douce. Dédiée à S. A. S. Mgr . le
Prince de Nassau Stadt- Houder de Gueldres.
A la Haye , chez Isaac Beauregard.
Livres nouveaux à Paris , chez BRIASSON.
Histoire des Rois de Pologne , et du Gouvernement
de ce Royaume ; où l'on trouve un détail
très- circonstancié de tout ce qui s'est passé
de plus remarquable sous le Regne de FREDERIC
AUGUSTE, et pendant les deux derniers interregnes,
par M *** 4 vol. in 12. Amsterdam, 1734.
Le cinquiéme volume sous presse , contiendra
'Histoire de ce qui s'est passé depuis la Diette
de Convocation , jusques à l'Election du Roy
STANISLAS , et jusques à présent.
Mémoires très- fideles et très- éxacts des ExpéditionsMilitaires
qui se sont faites en Allemagne,
en Hollande et ailleurs depuis le Traité d'Aixla
- Chapelle jusques à celui de Nimegue , ausquels
on a joint la Relation de la Bataille de Senef, par
M. le Prince , et quelques autres Mémoires sur
les principales actions qui se sont passées pendant
cette guerre , in 12. 2. vol. 1734.
Le Droit de a Nature et des Gens , ou Systême
general des Principes les plus importans
de la Morale , de la Jurisprudence et de la Politique
, traduit du Latin de Puffendorf , avec les
Notes de M. de Barbeyrac , nouvelle Edition
très-augmentée , in 4. 2. vol. Amsterdem, 1734.
Refléxions sur la Poësie en general , sur l'Eglogue
, la Fable , l'Idylle , la Šatyre , l'Ode , et
sur les autres petits Poëmes , &c. suivies de trois
Lettres sur la décadence du Goût en France ,
M. R. D. S. M. in 8. La Haye , 1733 .
par
Memoire
NOVEMBR E. 1733. 2453
Mémoire de ce qui s'est passé sur Mer pendant
de 1688. jusqu'à 1697. entre la France
et Angleterre , par M. Burchett , in 12. Londres
, 1732.
la guerre
Continuation de l'Histoire du Parlement de
Bourgogne , depuis 1649. jusqu'en 1733. avec
les Armes et Blasons des Présidens et autres Of
ficiers de ce Parlement , in fol. Dijon , 1733 .
Nouvelle Histoire de la Ville de Tournus , et
de l'Abbaye de S. Filibert , avec une Table Chro
nologique , les preuves de l'Histoire , et le Pouil
lé des Bénefices et l'Histoire des Comtes de Châlons
, de Mâcon et des Sires de Baugé , avec figures
, 4. 2. vol . Dijon , 1735 .
in
Recherches interessantes sur l'Origine , la Formation
, &c. des Vers tuyau , qui infectent
les Vaisseaux et les Digues de Hollande , par
M. Massuet, avec figures , in 12. Amsterd. 1733 .
Traitez Géographiques et Historiques pour
faciliter l'intelligence de l'Ecriture Sainte ,
cueillis par M. de la Martiniere , in 12. 2 , vol .
La Haye.
rc-
Nouvelle Dissertation sur les paroles de la
Consécration de l'Eucharistie , avec une Lertre
de M. l'Abbé Dugué , in 8. 1733.
Les Quatre- Semblables , Comédie, par M. Dominique
, in 12. 1733.
Le Bouquet , Comédie , par Mrs Romagnesi
et Riccoboni , 1733-
On trouve chez le même Libraire toutes sortes
de Livres , tant de France , que des Pays étrangers .
Jean Alb . Tu- On apprend de Verone ; que
mernani , Imprimeur , y va donner par Souscription
, une belle Edition du Traité du Sublime
de Longin, en rec , en Latin , en Italien et en
Fiij Fran454
MERCURE DE FRANCE
François. Cette Edition sera in 4. grand papier
et à 4. colomnes. Le prix sera de 7. livres de
Venise , qui seront payées en souscrivant , et de
7. autres livres qui seront remises en recevant
P'Exemplaire.
L'Académie Royale des Inscriptions et Belles.
Lettres , recommença ses Séances le Vendredy
13. Novembre , par une Assemblée publique à
P'ordinaire ; M. le Cardinal de Polignac prési
doit à cette Assemblée , M. de Bose , Secretaire
de cette Académie , ouvrit la Séance par l'Eloge
de feu M. de Caumartin , Evêque de Blois , Académicien
Honoraire , mort le 30. Août dernier.
M. l'Abbé de Rosnel , lût ensuite une Dissertation
sur le renouvellement de l'ancien usage
de couronner les Poëtes et de leur décerner la
Couronne de Laurier avec le titre de Poeta Laureati.
M. Freret termina la Séance par une Dissertation
sur la certitude et sur l'antiquité de la Chronologie
Chinoise , et montra que l'Epoque du
commencement des temps historiques de cette
Nation ne remonte tout au plus qu'au temps de
la Vocation d'Abraham , à ne consulter même
que les Traditions assurées et les Monumens authentiques
de l'Histoire Chinoise , d'où il résulte
que la Chronologie de cette Nation s'accorde
parfaitement avec celle de l'Ecriture , quoique
tous ceux qui en avoient parlé jusques à present
ayent supposé le contraire,
Le Samedy 14. l'Académie Royale des Sciences
, tint son Assemblée publique , à laquelle le
Cardinal de Polignac présida . M. Cassini ouvrit
la Séance par la lecture d'un Mémoire qui contient
:
NOVEMBRE . 1733. 2453
tient une partie des Opérations qu'il a faites pour
décrire sur la Superficie convexe de la Terre ,
une ligne perpendiculaire au Méridien qui passe
par l'Observatoire Royal de Paris. Ce grand tra
vail , qui a été fait par l'ordre du Roy , a été
poussé cet Eté jusqu'à S. Malo.
M. Jussieu , lût ensuite un Mémoire , dans lequel
il recherche la cause des Maladies populaires
, qui accompagnent ordinairement les basses
eaux des Rivieres , et telles qu'on les éprouva
dans l'Eté de 1731. où les Rivieres de Seine et
de Marne furent extrêmement basses .
M. de la Condamine , donna ensuite la Description
d'un Instrument propre à observer en
Mer avec plus de justesse , la variation de l'Aiguille
aimantée.
M. Pitot , lût aussi un Memoire tendant à
perfectionner l'Instrument qu'il publia l'année
derniere et qui est propre à mesurer la vitesse des
Courants des Rivieres , et du Sillage des Vaisseaux.
M. Pitot déclara qu'il devoit cette Addition,
faite à son Instrument, à M. d'Onsembray.
M. Dufay , finit la Séance par la lecture d'un
troisiéme Memoire sur l'Electricité des corps.
Nous donnerons des Extraits de ces Memoires
dans le premier et le second Volume du Mercure
de Décembre.
OUVERTURE du College Royal.
Les Professeurs du College Royal de France .
Fondé à Paris par le Roy François I. le Pere et
le Restaurateur des Lettres , reprirent leurs Exer
cices , et commencerent leur Année Académique
Je Lundi 23. Novembre. Voici les noms des Sçavans
qui remplissent actuellement les Chaires de
se fameux College, sous l'inspection de M. An-
Eij teing
246 MERCURE DE FRANCE
toine Lancelot , de l'Académie Royale des Inscriptions
et Belles - Lettres , Censeur Royal des
Livres.
Pour la Langue Hébraïque.
Mrs Sallier et Henry.
Pour la Langue Grecque.
Mrs Capperonnier et ...
Pour les Mathématiques :
Mrs Chevallier et Privat de Molieres.
Pour la Philosophie.
Mrs Terrasson et Privat de Molieres
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs Rollin et Souchay.
Pour la Medicine , la Chirurgie , la
Pharmacie et la Botanique.
Mrs Andry , Burette , Astruc et du Bois.
Pour la Langue Arabe.
Mrs de Fiennes , Secretaire- Interprete ordinaire
du Roy , et Fourmont
Pour le Droit- Canon.
Mrs Cappon et le Merre.
Pour la Langue Syriaque .
M. l'Abbé Fourmont .
LETTRE écrite de Perigueux à l'Auteu
du Bureau Tipographique.
Il n'y apas long- tems que j'ai reçû, Monsieur,
la troisième Classe du Bureau Tipographique,
que je vous avois prié de m'envoyer . Ce Bureau
m'a
NOVEMBRE. 1733. 2457
m'a paru du premier abord remplir assez bien
l'idée que je m'en étois faite , sur le rapport de
ceux qui en ont vû l'exercice à Paris ; et quoique
j'y aye trouvé plusieurs choses dont j'ignore encore
l'usage , j'espere qu'en voyant les instructions
que vous avez déja données et celles que
vous pourrez donner dans la suite , je comprendrai
facilement tout ce qui me paroît obscur à
present.
Voici les principales difficultez qui m'embarassent
et ausquelles vous me ferez plaisir de répondre
, soit par les éclaircissemens generaux
que vous donnerez au Public dans l'Ouvrage
que vous faites imprimer , soit par les instructions
particulieres que vous m'avez promises .
Premierement , de deux Enfans que j'ai , l'un a
près de quatre ans , et l'autre n'en a pas encore
deux , je conçois , comme vous l'avez dit quelque
part , qu'un Enfant de trois à quatre ans
peut être amusé utilement aux jeux Tipographes
, mais celui de deux ans n'est- il pas encore
trop jeune pour cet exercice !
Secondement , vous conseillez , par rapport à
la lecture , de commencer par celle du Latin plu
tôt que par celle du François , cependant je trouve
bien des gens d'un avis contraire , de même
que sur la nouvelle dénomination des lettres ,
contre laquelle j'ai vû faire d'assez bonnes objec
tions. Autres questions à résoudre ; est- il croya
ble que par le seul moyen du Jeu Tipographique
et sans le secours des Livres , on puisse apprendre
à lire ensuite couramment par tour ? D'un :
autre côté , faut -il qu'un enfant âgé au moins
de sept à huit ans , scache lire avant que d'être
mis à l'écriture ?
Mais ce qui me fait le plus de peine à com- -
By prendre
2458 MERCURE DE FRANCE
prendre , c'est ce que vous nommez le Rudiment
Pratique de la Langue Latine. Il est vrai que je
n'ai point vû cette derniere partie de votre Sistême
, mais je vous avoue franchement que je
ne conçois presque rien à tout ce que l'on m'en
a dit , je ne conçois , dis-je , point , qu'on puisse
faire entrer dans des logettes ou sur des cartes
isolées , les premières notions de la Grammaire
Latine ni d'aucune autre Langue , et vous m'obligerez
fort si vous voulez bien vous donner
la peine de m'expliquer sur cela votre Méthode.
Je suis , Monsieur , & c.
La Societé des Arts differera jusqu'au retouf
de S. A. S Monseigneur le Comte de Clermont,
son Protecteur , l'Assemblée publique , qu'elle
devoit tenir immédiatement après la S. Martin
de cette année 1733. Elle avertit qu'à l'égard des
deux Prix qu'elle devoit distribuer dans la même
Assemblée , quoique dans les Memoires qui
ont concouru pour ces Prix , il y ait beaucoup
de choses aussi utiles que curieuses , et qui prouvent
le zele et la capacité de leurs Auteurs ,
elle n'y a trouvé neanmoins rien d'assez
nouveau ou d'assez bien developpé pour mériter
de remporrer les Prix proposez , et qu'ainsi
elle recevra encore jusques au premier
Mars 1734. non seulement les mêmes Memoires
augmentez ou éclaircis par des figures
exactes ( qui manquent à la plupart ) mais même
les Memoires nouveaux qui lui seront envoyez
, soit sur les Sujets compris dans le Programme
, soit sur d'autres Sujets , pourvû qu'ils
puissent contribuer à la perfection des Arts , et
qu'elle ne distribuera les Prix que dans l'Assemblée
d'après Pâques de l'année. 1734.
La
NOVEMBRE. 1733. 2459
La Faculté de Médecine de Paris , toujours at
gentive au bien public , et dans la vûë de perfectionner
la Chirurgie en exerçant ses Eleves à la
pratique de cet Art , a jugé à propos de substi
tuer à l'examen de Chirurgie qu'elle faisoit subir
à ses Bacheliers , des Exercices sur l'Anatomie et
sur les Opérations Chirurgicales ; cet établissement
est porté par un Decret de la même Faculté
du 29. Septembre 1733. qui dit que nuls Bacheliers
ne pourront à l'avenir recevoir le degré de
Licence , s'il n'ont pendant le cours de deux années
qu'ils demeureront sur les bancs , executé
de leurs propres mains sur des cadavres , les dissections
anatomiques et les Operations de la
Chirurgie , en subissant devant toute la Faculté ,
un examen de sept jours consécutifs sur chacune
de ces matieres.
રે
On a vu dans les Gazettes d'Hollande le Programme
suivant , de l'Académie de Bourdeaux
qu'on nous prie de donner ici avec quelques éclair
Cissemens fournis par le P.S. J. Auteur de la Dissertation
dont il est fait mention .
L'Académie assemblée le 8. Septembre 1733 %
présents Messieurs , & c. Après qu'il a été vérifié
( a) que le véritable Auteur de la Dissertation
Sur la Circulation de la séve dans les Planes,
couronnée et imprimée sous le nom de M. de la
Baisse , a déja remporté trois Prix en differentes
années . Vû la déliberation ( 6 ) du 29. Avril 1717--
par laquelle il est statué , qu'un même Auteur ne
(a) L'Auteur s'est découvert lui-même en décla→
vant qu'il ne prétendoit point au Prix.
(b) Cette Déliberation n'a point été notifiée à
l'Auteur , comme elle lefut à M. de Mairan. 1
F vj pourra
2460 MERCURE DE FRANCE
pourra obtenir que trois Prix , et que M. le Secretaire
sera chargé de prier ceux qui se trouveront
dans le cas , de ne plus travailler pour le concours .
M.le Secretaire ayant dit qu'il avoit averti l'Auteur
cy-dessus , lorsqu'il eut remporté le troisiéme
Prix dans la même forme que le fut M. de
Mairan (a) en 1717. l'Académie a déliberé que
la Médaille d'or décernée à l'Auteur de la Dissertation
sur la circulation de la Séve dans les
Plantes , demeurera réservée pour un deuxième
Prix à distribuer le 25. Août 1734
Ce nouveau Prix réservé est destiné à celui
qui expliquera avec le plus de probabilité la dureté
, la molesse et la fluidité des corps.
Les Dissertations pourront être en François
ou en Latin ; elles ne seront reçûës pour le concours
que jusqu'au premier May Prochain inclusivement.
Au bas des Dissertations il y aura une Sentence
, et l'Auteur mettra dans un Billet séparé -
et cacheté , la même Sentence , avec son nom ,
ses qualitez et sa demeure d'une façon qui ne
puisse pas former d'équivoque.
Les Paquets seront a franchis de port et adressez .
à M. Sarrau , Secretaire de l'Académie , ruë de
Gourgues, ou au sieur Brun, Imprimeur de l'Académie
, rue Saint James. Signé , SARRAU , Secretaire
de l'Académie.
Le sieur Moyreau a gravé et mis en vente.
depuis peu une Estampe en hauteur , d'aprè ple
(a) M: de Mairanfut priê de ne plus concourir
et reçû Académicien , et l'on n'a pas même répandu
à l'Auteur sur ce qu'il demandoit s'il pouvoit
seulementprétendre à ce titre.
Tableau
NOVEMBRE. 1733. 246
•
"
Tableau original de Ph. Wovermans , de 20
pouces de haut sur 17. de large , du Cabinet de
M. Hallée , Chevalier de l'Ordre de S. Michel.
Elle est intitulée , les Marchands de Chevaux , et
se vend chez l'Auteur , ruë Galande , vis - à- vis .
S. Blaise.
i M. Aubert, Intendant de la Musique de S. A.S.
M. le Duc , vient de donner au Public sa sixiéme
suite du Concert de Symphonie ; cet Ouvrage
est fait exprès pour les Musettes et pour les
Vielles , et peut cependant s'executer , ainsi que.
les cinq précédentes Suites , par les Violons ,
Flutes et Hautbois. L'Auteur donnera à la fin
du present mois un Livre nouveau intitulé , les
Amusettes , contenant six Amusettes ou Sonatilles,
pour les Vielles, Musettes, Violons , Flutes , et
Hautbois , avec la Basse- Continuë. Cette OEuvre
pourra s'executer sur le Clavecin, Dessus et Basse,
en forme de Pieces . On trouve tous cesOuvrages à
la Regle d'or , ruë S. Honoré , à la Croix d'or , ruë
du Roule et chez l'Auteur , rue S. Honoré , visà-
vis la ruë de Grenelle , aux Dames de France,
M. Michel , Chanoine et Maître de Musique
de la Sainte Chapelle de Dijon , a fait chanter
devant le Roy , tous les jours depuis le 23 Octobre
jusqu'au 31. differens Motets , qui ont été
goutez géneralement de toute la Cour et des
Connoisseurs.
Il doit donner au Public incessamment quelques
uns de ses Ouvrages , qui sont actuellement sous
presse ; sçavoir, un Motet à grand Choeur , executé
devant le Roy , et des Leçons de Jeremie à
une , à deux et à trois voix , avec Symphonie et
Sans Symphonie , tant pour les Communautez
Religieuses
2462 MERCURE DE FRANCE
Religieuses , que pour les Chapitres , avec quelques
Observations curieuses ; et se débiteront
à l'Ordinaire chez les sieurs Boivin et le Cler ,
Paris.
Premier Livre de Sonnates , pour le Violoncelle
composé par M. Barriere , Ordinaire de l'Académie
Royale de Musique. Il se vend chez
Boivin , rue S. Honoré , et chez l'Auteur ,
rue des Poulies.
Le sieur Chedeville , cadet , a donné à la Musette
, des augmentations de tours , par le moyen
desquels ceux qui jouent de cet kastrument , peuvent
executer toute sorte de Musique en la transposant
dans le mode convenable. Ces Musettes
descendent en C , sol , ut , en bas , et montent en
G , Ré , Sol de la seconde octave ; elles permettent
de jouer un air entier par accords , et leg
tours d'augmentation s'articulent d'autant
Imieux qu'ils sont tous indépendans les uns des
autres : le grand Chalumeau est tout à l'ordinai
re ; il n'y a de changement que dans la forme du
petit Chalumeau , dont les clefs sont posées et
arrangées avec tant d'art , qu'il faudra peu d'étude
pour en faire usage.
Il vient de donner aussi au Public les Danses
amusantes , son quatrième Livre ; OEuvres pour
la Musette , Vielle , Flute , Hautbois et Violons.
Il demeure dans le petit Cloitre S. Opportune
vis-à-vis la rue des Lombards au Lion d'or..
"
L'Opera
NOVEMBRE. 1733. 2463
L
'Opera d'Hippolyte & Aricie continue
avec beaucoup de succès & paroît
toujours plus goûté ; nous avons crû
qu'on en verroit ici un Air avec plaisir
on l'a transposé afin qu'il pûr être chanté
sans interruption de symphonie. L'Auteur
du Poëme y a ajouté quelques vers
qui servent à remplir les notes de symphonie
, qui n'étoient , qui n'étoient pas à la portée de
la voix ; en voici les paroles : C'est la gran
de Prétresse de Diane qui les chante .
Dieu d'Amour , pour nos aziles
Tes tourments ne font pas faits ;
Tous les coeurs Y font tranquilles ,
Tes efforts font inutiles ,
Tu n'en peux troubler la paix ;
De tes chaînes ,
De tes peines ,
Nous ne nous plaindrons jamais .
Tes allarmes ,
Ont des charmes ,
Pour qui manque de raifon ;
Mais nos ames ,
De tes flammes ,
Reconnoissent le poison
Vaj
2464 MERCURE DE FRANCE
Va ; fui ; perds l'espérance ;
Wa ; fui loin de nos coeurs ;
Contre notre indifference ,
Tu n'as point de traits vainqueurs.
LES ROIS.
Ronde de Table de M. Duvigneau.-
EN nous N nous donnant un Roi nouveau.
Le fort nous fut propice
Amis , au deftin le plus beau ,,
Préférons fon fervice .
Moi je ne veux point d'autre emploi ,
Que d'être l'Echanfon du Roi.
Qu'un Médecin sombre et bourru
Grand Prêcheur de Tisanne ,
Par un Argument biscornu
Sur le vin nous chicanne ,
Moi je ne veux point d'autre emploi ,
Que d'en verser toujours au Roi ,
Qu'un Chiffreur au fond d'un Bureau
Cloué fur l'Escabelle ..
A multiplier le Zero .
Se creuse la cervelle ;
Moi j'exerce un plus doux emploi
Moi
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
THE
NEW
YORKĮ
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
NOVEMBRE. 1733. 2465
Et sans compter je verse au Roi,
Qu'au Palais un Braillard garni
De sacs jusqu'à l'échine ,
A s'égosiller pour autrui ,
Se séche la poitrine.
Moi je ne veux point d'autre emploi
Que d'humecter celle du Roi
Que des Receveurs peu loyaux ,
En fraudant la Gabelle ,
Aux dépens des Deniers Royaux ,
Enflent leur escarcelle ;
Moi je fais mon plus riche emploi ,
De remplir ( la Bedaine . ) Le Coffre du Roi
Qu'un Banquier dans le Change Expert
Chaque matin s'épuise ,
Pour voir ce que notre Ecu perd
En Hollande , à Venise ;
Sans changer de vin , ni d'emploi ,
J'offre toujours du même au Roi,
'Aille qui voudra fur la Mer ,
En prodiguant fa vie ,
Einir dans un breuvage amer
Finis
466 MERCURE DE FRANCE
Sa course et sa folie ;
Moi je fais mon plus sage emploi
De noyer la raison du Roi.
Ler paroles sont de plusieurs bons Freres.
SPECTACLES.
E Novembre , Fête de S. Martin ,
L'Academie Royale de Musique, don
na le premier Bal public qu'on donne
tous les ans à pareil jour , et qu'on con
tinuë pendant differens jours jusqu'à l'Avent.
On les réprend ordinairement à la
Fête des Rois jusqu'à la fin du Carnaval.
Le 17.la même Académie donna la 21 .
Représentation de l'Opera d'Hippolyte et
Aricie , dont il a été parlé , et le 19. Elle
remit au Théatre Issé , Pastorale Heroique
, qui n'avoit pas été reprise depuis
le mois de Septembre
1719. Cette Piece, dont le Poëme est de feu M. de la Mothe,
et la Musique de M. d'Estouches
Sur-
Intendant
de la Musique
du Roi , est
reçue du Public avec de grands applaudissemens
; la Dlle le Maure y jouë le
principal
rolle ; les autres sont aussi parfaitement
bien remplis
: Nous en parle
tons
NOVEMBRE. 1733. 2467
tons plus au long. On n'a pas cessé les
Représentations d'Hippolyte et Aricie , on
joue actuellement cette Piece tous les
Jeudis.
On apprend de Vienne , qu'on y a représenté
devant la Cour Imperiale l'Opera
de Demophon , avec un grand succès
le 4. de ce mois .
On apprend aussi de Londres , qu'on
y a représenté devant le Roi et la Famille
Royale, avec un fort grand succès, lenou
vel Opera de Semiramis.
Le 1. Octobre , on représenta à Naples
sur le Théatre de S. Barthelemy , le nouvel
Opera intitulé , Il Pastor Sfortunato.
Le Théatre François n'a rien donné de
nouveau depuis assez long - tems ; on a
seulement remis au Théatre depuis peu ,
une ancienne Comedie en vers et en cinq
Actes , de feu M. Dancour , intitulée La
Trahison punie , dans laquelle il y a un
rôle de Suivante , rempli autrefois par
Mlle Desmarres , dont la Dlle d'Angeville,
sa Niéce , rappelle aujourd'hui parfaitement
le souvenir , à la grande satisfaction
des Spectateurs.
Le 23. de ce mois on donna enfin sur
CO
1458 MERCURE DE FRANCE
ce Théatre la premiere Représentation
d'une Piece en un Acte , en Vers de M.
de Boissy , intitulée le Badinage, que nous
avons déja annoncée, et depuis long- tems
promise , elle est dans le goût des autres
Parodies de cet Auteur. La critique de
celle - ci , bien plus severe que badine
tombe sur le nouvel Opera d'Hyppolite
et Avicie.
Le 3. Novembre les Comediens François
représenterent à Fontainebleau Esope
à la Cour , et Crispin Médecin.
Le s . Heraclius , et le Rendez- vous .
Le 9. L'Avare , et la Comtesse d'Escarbagnas.
Le 11. L'Andrienne , & Crispin bel
esprit.
Le 16. La Tragedie de Guftave et le
Dédit.
Le 18. L'Ecole des Maris et les Bourgeoises
de Qualité.
Les Comediens Italiens , représenterent
fur le même Théatre , la Comedie du
Prince malade , ou les Jeux Oylmpiques ,
ornée de quatre Intermedes , qui fut suivie
des Effets du Dépit.
Le 14. Les Quatre Semblables , Comedie
du sieur Dominique qui fut fort goutée ,
et l'Ecole des Meres.
Le
NOVEMBRE. 1733. 2469
Le 21. Arlequin apprentif Philosophe , et
la petite Piece d'Arlequin Voleur.
Le 29. Novembre , les Comediens Italiens
firent l'ouverture de leur Théatre à
Paris, après leur retour de Fontainebleau,
par la Comedie de Timon le Misantrope,
par la petite Piéce du Retour de tendresse.
Le 30. ils donnerent une petite Piece
nouvelle d'un Acte , en Vaudevilles, avec
des divertissemens de chants et de danses
intitulée Hyppolite et Aricie , Parodie de
Opera qui porte le même nom ; on ca
parlera plus au long.
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
Surat
Elon quelques avis de Constantinople , le
bruit y courroit vers la fin d'Août que Schaph-
Thamas , Roy de Perse détrôné , s'étoit rendu à
Ispahan depuis la défaite de Thamas-Koulikan,
son Usurpateur, qu'il étoit remonté sur le Thrône
, et qu'il avoit écrit à Topal Osman , pour
l'assurer qu'il désiroit d'observer le dernier Traité
de Paix que ses Ministres avoient conclu avec
ceux de la Porte.
On a appris depuis de Constantinople que le
Grand Seigneur a fait part à tous les Ministres
Etrangers qui résident près S. H. de la Victoire
remportée par l'Armée Otthomane , sur celle de
Thamas
2470 MERCURE DE FRANCE
Thamas Kouli - Kan,et 300 des principaux d'entre
les Persans, qui ont été faits prisonniers dans
le combat , et que Topal Osman a fait conduire
dans cette Capitale , ont été exposez pendant
plusieurs jours dans la Grande Place , vis-à- vis
le Sérail.
Le 3 Septembre , il arriva un Courrier , par
lequel ce General mande à Sa Hautesse qu'on
n'étoit pas encore instruit du lieu où Thamas-
Kouli -Kan s'étoit retire depuis sa défaite , et
qu'Achmet , Pacha de Bagdad , avoit reçu avis
de divers endroits , que Schahp- Thamas étoit retourné
à Ispahan, et que la plus grande partie de
la principale Noblesse Persanne s'y étoit renduë
pour reconnoître son légitime Souverain.
Achmet- Pacha a écrit depuis au G. S. pour
l'informer qu'on assuroit que le Roy de Perse
faisoit tous ses efforts pour détruire l'opinion où
l'on est à Constantinople , que toutes les démar
ches de Thamas - Kouli -Kan ont été concertées
avec lui ; qu'il avoit pour cet effet éloigné
du Ministere tous les Parens et Amis de Thamas◄
Kouli-Kan qu'il avoit rappellé ceux que ce Ministre
avoit dépossédez , et qu'il devoit envoyer
des Ambassadeurs à S. H. pour la prier de ne
point faire porter ni à lui , ni à son Royaume
la peine de la perfidie d'un Sujet Rebelle , dont
al désaprouvoit la conduite , et de lui accorder
une suspension d'Armes , pendant laquelle les
Ministres de la Porte et les siens pûssent convenir
des moyens d'établir une Paix durable entre
les Turcs et les Persans. On ne croît pas que le
G. S. écoute aucune proposition d'accommodement,
à moins que Schaph Thamas ne consente de
lui livrer Thamas - Kouli - Kan .
L'Escadre que le G. S. avoit envoyée pour
escorter
NOVEM 5 K E. 1733. 2471
escorter celle d'Alger est de retour aux Darda
nelles , mais Dgianum Codgia n'est pas encore
arrivé .
Le bruit court qu'on doit faire des levées considérables
d'hommes dans tous les Païs de la ,
domination de S. H. et l'on ne dit point les rai
sons qui l'engagent à faire cette augmentation
dans ses Troupes.
Par les Lettres du 20 Septembre , on apprend
que Topal Osman s'étoit emparé de la Ville de
Tauris , après un Siége de quelques jours, et qu'il
en faisoit rafer les fortifications. On confirme que
l'Armée Persanne a été entierement dissipée , que
Thamas - Kouli -Kan s'est sauvé dans les Déserts
, et que le Roy de Perse devoit envoyer des
Ambassadeurs à la Porte, pour prier S. H.d'ou
blier des Actes d'Hostilité , ausquels il n'a e
aucune part , et pour signer une nouvelle Ratification
du dernier Traité conclu entre les Turcs
et les Persans.
De Constantinople , le 6 Septembre 1733 .
J
E vous ai mandé , Monsieur , par ma Lettre
du 22 Avril , que la Porte avoit ordonné au
Khan de Crimée , d'envoyer un Corps de Tartares
en Perse, & c. Par ceile que je vous ai écri
te le 14 Mai , que ces Tartares , pour éviter de
passer sur les Terres des Moscovites , s'étoient
frayés une nouvelle route , à travers le Mont-
Caucase , qui aboutissoit en Géorgie , proche de
Tiflis , &c. Et par ma derniere du 8 Juillet ,
qu'ayant continué leur chemin , ils étoient ar
rivez dans le Daghestan ; qu'ils y avoient été
joints par les Lesghis , qui habitent les Montagnes
de cette Province , et que ces deux Peuples
réunis , devoient aller ravager les contrées de la
Perse
2471 MERCURE DE FRANCE
Perse , les plus voisines de ce côté - là , &c. ( 1 )
Les nouvelles qui ont couru icy depuis six semaines
, confirment tous ces faits quant au fond ,
et ne différent entr'elles que par les circonstances
; on avoit eu lieu de croire que le passage des .
Tartares en Perse, regardé depuis quatre ou cinq
mois comme une espece de Problême , étoit devenu
d'une réalité à ne plus admettre aucun
doute.
1
Cependant les dernieres nouvelles qu'on a re- ,
çues le 25 du mois d'Août , portent si positivement,
que les Tartares n'ont pû passer Derbent ,
où les Moscovites les avoient arrêtez , que dans
l'incertitude où me jette cette diversité d'avis , je
ne donne la préférence à ceux dont je vais vous
faire part , que parce qu'il faut que je me détermine
à quelque chose , et que la vérité ne se
manifeste pas plus sensiblement dans les uns que
dant les autres.
Aslan Ghuirai , Sultan general de Circassie , et
l'un des Chefs des Tartares , commandez pour
l'expédition de Perse , dépêcha au Khan de Crimée
: ( on ne marque point le jour ) un Courrier
arrivé le 18 Juillet à Bacché- Serraï , Capitale du
Païs , par lequel il lui envoïoit la Relation de
deux actions qui s'étoient passées le 22 et le 23
Juin , aux environs de Solak , ( 2 ) entre les Tartares
et les Moscovites. Voici le précis de cette
Relation , où Aslan Ghuirai parlera lui - même :
Après avoir traversé le Païs de Kabarra ( 3 )
(1 ) Les nouvelles contenuës dans toutes ces Lettres
·sont inserées dans les derniers Mercures.
(2 ) Solak , ou Sancta - Croce, Ville bâtie par les
Moscovites , au pied du Mont Caucase.
(3 ) Grand Pais de Circassie , dont les Turcs et
+
NOVEMBRE. 1733. 2473
et le Fleuve Terki , sans rencontrer aucun obstacle
sur notre route , nous arrivâmes à une Riviere
appellée Cic , que nous passâmes aussi
sans difficulté , mais à peine toutes nos Troupes
furent- elles de l'autre côté , que nous vf ,
mes paroître un gros Corps de Moscovites.
Nous fîmes alte sur le champ , et nous nous
mîmes en bataille ; mais le Capidgi - Bachi du
G. S. qui par ordre de Sa Hautesse nous accompagnoit
dans notre marche , étant d'avis
que nous ne fissions aucun mouvement , pour
que que les Moscovites ne pussent pas dire
que
nous cussions violé la paix les premiers ; il
"s'avança vers leur General et lui demanda si
nous devions les regarder comme amis ou
" comme ennemis Ce General lui répondit
qu'ils étoient amis des Tartares : Pourquoi
donc , repartit le Capidgi , paroissez vous disposez
à nous empêcher de suivre notre route ?
Parce que vous êtes sur nos Terres , repliquerent
les Moscovites : Mais, dit alors le Capidgi
: Nous ne voulons aller que par des Montagnes
incultes, où nous ne pouvons vous causer
aucun dommage ; N'importe, reprit ce General,
ces Montagnes nous appartiennent aussi ,
, et nous ne vous permettrons d'y passer qu'à
condition que vous nous payerez un droit de
Péage. Le Capidgi - Bachi lui représenta qu'il
n'étoit pas fondé à vouloir exiger aucun tribut
des Tartares , et que s'il s'obstinoit à re-
» fuser le passage à des peuples amis, qui ne pen-
"
ע
"
Its Moscovites se contestent la Souveraineté, et dont
les Tartares Circasses qui l'habitent , font partie
sous la domination du G. S. et partie sous celle de
la Czarine.
G soient
2474 MENCURE DE FRANCE
33
nous
soient à faire aucun désordre sur les Terres de
la Czarine , il pourroit en resulter des brouilleries
entre leurs Cours respectives , dont il seroit
à craindre que les suites ne devinssent tresfâcheuses.
Alors les Moscovites lui offrirent de
nous laisser passer au nombre de dix mille seulement
; mais le Capidgi ayant répondu qu'il
ne nous étoit pas possible de consentir à
partager , et les Moscovites s'opiniâtrant dans
leur premier refus , il vint nous rejoindre, et sur
" le rapport qu'il nous fit du peu de succès de sa
négociation , nous tinmes conseil , dont le résultat
fut de continuer notre chemin en bon ordre,
sans attaquer personne , et de nous bien défendre
si l'on nous attaquoit.Dès quenous nous
fûmes remis en marche , les Moscovites firent
avancer leur Infanterie, précédée de treize
Piéces de Canons , et commencerent par en
faire une décharge bientôt suivie de celle
de toute leur Mousqueterie sur un Corps de
Tartares Nogays, qui se trouva le plus exposé,
et qui ne pouvant soutenir un si grand feu ,
prit la fuite avec une perte considérable. Mais
en même temps nos Troupes de Crimée , secondées
des Lesghis , ( 1 ) qui s'étoient joints
A nous , fondirent , le Sabre à la main, sur les
Moscovites; ce Combat fut rude ; et ayant du-
» ré six heures , avec un avantage égal de part
» et d'autre , il nous survint à propos un secours
de 4000 Comouks, ( 2 ) qui déterminerent la
>> victoire de notre côté.
30
→
A
30
(1 ) Les Lesghis sont des Tartares de Montagnes ,
qui habitent celles du Daghestan.
( 2) Les Comouks sont aussi des Montagnards du
Daghestan,et Mahometans,comme les Lesghis:quoi-
Alor
NOVEMBRE. 1733. 2475
Alors les Moscovites se débanderent , et d'en-
❤viron 8 à 10 mille qu'ils étoient , il n'en écha-
»pa qu'un fort petit nombre; nos Troupes étant
si animées , qu'elles poursuivirent les Fuyards
jusqu'à ce qu'elles n'en apperçussent plus aucun.
Le lendemain un Tartare Nogay étant venu
hous avertir de l'approche d'un Convoi de
340 Chariots, chargez de Munitions de guerre.
et de bouche , escortez par 1 500 Moscovites ;
le Sultan Fétih- Ghuirai , notre General , ordonna
à son neveu , le Sultan Sélim Ghuirai
' d'aller à la rencontre de cè Convoi avec 2000
hommes.Il le trouva effectivement au bout de
deux heures de marche , et l'enleva après une
médiocre résistance de la part des Moscovites
leur Commandant fut fait prisonnier , et ils
furent tous tuez ou faits Esclaves , sans qu'un
seul pût se sauver.
29
"
Nous avons gagné dans ces deux actions 13
Pieces de Canons de fønte , les 340 Chariots
chargez de munitions et une grande quantité
d'Esclaves ; et nous avons perdu un Officier
General , deux Mirzas et un assez grand nom-
» bre de Soldats ; du reste , il y a eu peu de biessez
des deux côtez , &c.
29
Quelques jours après l'arrivée de ces nouvelles
à Constantinople , c'est-à - dire le 28 Juillet
la Porte reçut des Lettres du Gouverneur d'Asof
qui confirmerent ces évenemens dans leurs prinqu'ils
soient pour la plus grande partie sous la domination
des Moscovites , ils ont pris les armes
contre eux en cette occasion . Au reste il nefautpas
confondre ces Comouks avec les Calmouks , autre
Peuple Tartare aux environs de Vvolga et d'As-
(TAGAD.
Gij cipales
2476 MERCURE DE FRANCE
cipales circonstances ; ces Lettres contenoient
même d'autres particularitez , qui ne justifiene
pas moins la conduite des Tartares , et qui éta
blissent la nécessité où ils se sont trouvez, malé
gré eux , d'en venir aux mains avec les Moscovites
s'il n'en est point fait mention dans la
Relation d'Aslan Ghuirai, qui a paru icy, et qui
est pleine d'irrégularitez , c'est peut- être parce
que ce Prince en avoit déja informé le Khan ,
avant que de la faire , ou que le traducteur de
sette Piece , pressé de l'envoyer , a supprimé une
partie du détail pour abbréger.
:
Quoiqu'il en soit , le Gouverneur d'Asof
mande qu'ayant le premier combat, il s'étoit fair
réciproquement des propositions entre les Tartares
et les Moscovitesi que ceux- cy persistang
à refuser le passage demandé , qu'ils n'en eussent
reçu l'ordre du Gouverneur d'Astracan , qui
commande dans tout ce Païs- là , avoient souhaité
qu'on leur accordât neuf jours pour pouvoir
faire sçavoir à cet Officier , ce qui se passoit, er
en recevoir une réponse positive , que les Tartares
y avoient aquiescé ; mais que prés de trois
semaines s'étant écoulées sans que cette Répon
se vint ; ils en avoient conçu quelque défiance s'
qu'un de leurs Partis étant allé à la découverte,
at ayant amené au Camp six Moscovites , qu'ils
avoient rencontrez , on les avoit menacez de la
mort, s'ils ne disoient la véritable cause de tous
ces délais ; que ces prisonniers , pressez par la
crainte , avoient enfin avoué , que l'unique vue
des Moscovites avoit été d'amuser les Tartares et de gagner
du temps
, jusqu'à
ce qu'ils
eussene reçu un renfort
de Troupes
qui étoit
en marche
pour les joindre
; que sur cet aveu les Tartares
se résolurent
au combat
; que pour tromper
NOVEMBRE . 1733 2479
ཝཱ
per les Moscovites , ils avoient la nuit suivante
allumé beaucoup de feux dans leur camp , qu'ils
en étoient sortis ensuite pour s'aller poster dans
un endroit avantageux , d'où ils pourroient
prendre leurs ennemis en flanc , et que ce Stra
zagême, qui leur réussit , avoit beaucoup contribué
à leur faire remporter la victoire.
D'autres avis venus depuis le 28 Juillet , one
aussi confirmé ce que le Gouverneur d'Asof
ajoutoit encore dans sa Lettre , sçavoir , que le
Convoi de 340 Chariots dont on a parlé , étoit
destiné pour l'Armée Persanne , et qu'il y avoit
beaucoup de Moscovites dans cette armée.
Voilà,Monsieur, depuis que je ne vous ai écrit,
jusqu'au 25 Juillet , la partie la plus vrai - semblable
et la plus claire des nouvelles mal digérées,
et souvent contradictoires , qui se sont débitées
icy sur la marche des Tartares , d'où l'on avoit
inféré qu'ils étoient surement passez en Perse .
-Voicy maintenant le Sommaire des dernieres
nouvelles , qu'on a répandues depuis ce même
jour.Je m'attens qu'elles vous paroîtront comme
à moi , assez obscures , mais il n'a pas dépends
de mes soins d'en dissiper les ténébres , ni d'en
faire un narré plus exact.
Les Tartares étant arrivez dans un Canton
appellé Tchetchené ( 1 ) , le Commandant de So
lak vint se poster , sur le bord du Coyou - Sovi
avec 7 à 8000 hommes , et de l'Artillerie , pour
les empêcher de traverser cette Riviere. Ce Géaéral
des Tartares qui vouloit éviter tout acts
(r ) Tchetchené , est un Païs situé le long du
Mont Caucase , habité par des Komouks , qui n'ont
pas voulu se soumettre à la domination des Mos
Favites
Giij d'hosti2478
MERCURE DE FRANCE
9
d'hostilité , prit une autre route , que des guides
du Païs lui indiquerent , et qui conduit en droiture
à Solak. Les Moscovites ne pouvant les suivre
, parce qu'ils étoient presque tous Infanterie;
leur Commandant détacha un Corps de 1000
Chevaux seulement , pour couper le chemin aux
Tartares , et les arrêter dans un certain endroit
jusqu'à ce qu'il put y arriver avec le reste de ses
Troupes. Les Tartares rencontrerent près de Solak
ee Corps de Cavalerie , qui les. attaqua , et qu'ils
défirent entierement .Peu de temps après le Commandant
Moscovite arrivant avec sa petite aranée
, le combat recommença , mais si désavantageusement
pour lui , qu'il y fut dangereusement
blessé , et qu'il y perdit tout son monde
avec son Artillerie , dont il ne put presque point
faire usage , à cause d'une grosse pluye qui survint
tout d'un coup.
Ces obstacles levez , les Tartares passerent à la
vue de Solak le Coyou- Sovi, quoique les bords.
en soient fort escarpez , et continuant leur marche
vers Derbent , ils firent la rencontre d'un
gros Convoi de Chariots, chargez de munitions
qu'ils enleverent après avoir totalement défait
environ 1500 Moscovites qui l'escortoient;mais
sur la nouvelle de leur approche , beaucoup de
Troupes Moscovites, s'étant rassemblées à Derbent
, ils y furent arrêtez et ne purent passer
outre.
3
On présume cependant que les Comouks , qui
sont dispersez en un grand nombre d'Hordes ou
Tribus , tant en deçà qu'en delà de cette Place ;
s'étant unis aux Tartares , les Moscovites n'au
ront pû leur disputer long- temps ce passage ,
les empêcher d'entrer. dans le Daghestan , qui
n'en est qu'à deux journées , et delà en Géorgie.
ni
Ce
NOVEMBRE. 1733. 2479
Ce fut même sur cette présomption bien fon
dée , que M. de Neplieuf , Résident de Moscovie
, ayant prié dernierement le Grand Visir àu
nom de la Czarine , d'envoyer des ordres aux
Tartares pour qu'ils se désistassent de leur entreprise
de passer en Perse , et qu'ils s'en retournassent
chez eux , que ce premier Ministre de
P'Empire Otoman lui répondit avec raison , que
vû la situation où étoient les choses au départ du
Courrier qui avoit apporté les dernieres nouvelles
; il seroit à present d'une nullité absoluë d'envoyer
aux Tartares les ordres qu'il demandoit ,
parce qu'avant que celui qui en seroit le porteur
put arriver à Derbent , il étoit moralement
certain que les Tartares auroient été obligez de
prendre un parti, soit en forçant le passage qu'on
Jeur disputoit , soit en se jettant d'un autre côté ,
suivant que la necessité où ils se seroient trou
vez , les auroit déterminez .
On ajoute que dans la partie du Kabarta qui
reconnoît la Czarine pour sa Souveraine , il y
avoit depuis un an 300 Moscovites , que cette
Princesse y avoit envoyez pour soutenir les habitans
de cette Contrée ; que ces Moscovites
ayant appris que leurs gens avoient été battus
en plusieurs rencontres par les Tartares qui
étoient passez , et appréhendant que ceux qui
gont dans l'autre partie du Kabarta soumise av
G.S.ne vinssent les massacer, ils avoient deman
dé au Chef qui commande dans le Kabarta Czarien
, la permissión de se retirer , et une escorte
pour le faire en sureré : que ce Commandant
leur avoit répondu qu'ils pouvoient toujours
partir , et qu'il alloit incessamment les faire suivre
par un nombre suffisant d'hommes pour les
garantir de toute insake ; mais qu'au lieu de leur
G iiij
tenir
240
MERCURE DE
FRANCE
tenir parole , bien loin de leur envoyer du se
cours ; il avoit fait donner avis de leur retraite
au fils du Khan de Crimée, qui
commande dans
le Kabarta , soumis à la Porte ; et que ce Prince
à la tête d'un grand nombre de Tartares , étant
venu fondre sur les 300
Moscovites , les avois
tout passez au fil de l'Epée . 12
On ne sçait point encore quelles suites pourront
avoir toutes ces affaires ; ce qu'il y a de
certain , c'est que sur les premieres nouvelles
qu'on en a reçu à
Constantinople , les Ministres
de la Porte ont fait embarquer en diligence pen
dant plusieurs jours sur des Bâtimens du Païs
beaucoup d'Artillerie et d'autres munitions de
guerre et de bouche qui sont partis de la Mer
noire pour Asof, afin de mettre cette Place en
état de deffense , en cas d'une rupture avec les
Moscovites. Je suis , &c.
RUSSIE.
2
P. V. D. 7
J
A Czarine a ordonné que tous ceux qui pos
LAsedent des biens fonds dans les Pays de
son obéissance , payeront la huitième partie de
leurs revenus à l'Etat , et qu'on retiendra 15.
pour 10c. à tous ceux qui reçoivent des apoin
temens ou des Pensions de la Cour , afin de
fournir aux dépenses de la guerre.
POLOCN E.
Lblement augmentée par l'arrivée d'un grand
A Cour du Roy à Danzick , est considera
nombre de Seigneurs et de Gentilshommes qui
vont offrir leurs services à S. M. Elle tint sur la
fin du mois dernier, avec le Primat et les principaus
NOVEMBRE. 1733. 248T
paux Sénateurs , plusieurs Conseils , et il a été
résolu de publier les Universaux pour faire monter
la Noblesse à cheval .
Le 20 Octobre , il arriva à Danzick un Cou
rier de Rome , dépêché par le Duc de S. Aignan,
Ambassadeur du Roy Très-Chrétien auprès du
Pape , par lequel le Roy a été informé des
instructions que S. S. a envoyées à son Nonce
en Pologne , et des ordres donnez à ce Ministre
de reconnoître le Roy, et de lui remettre la Reponse
de S. S. à la Lettre que S. M. lui avoit
écrite aussi - tôt après son Election.
Depuis la premiere nouvelle de l'Election faite
avec beaucoup de désordre en faveur de l'Elec
teur de Saxe le 5. Octobre , on a appris que le
General Lucci , qui commande les Troupes
Moscovites , avoit été très - allarmé de la division
qui s'étoit mise entre les Opposans , dont les
principaux songeoient chacun en leur particulier
à se faire élire ; que le Palatin de Cracovie
ayant même voulu se retirer de la Confédération,
le Géneral Lucci avoit pensé qu'il n'y avoit pas
un moment à perdre pour faire proclamer l'Electeur
de Saxe ; qu'il avoit , sans demander les
suffrages , crié seul , Vive Auguste , troisiéme
Roy de Pologne et du grand Duché de Lithuanie
; que l'Evêque de Posnanie avoit ensuite proclamé
ce Prince , et qu'il étoit entré avec ceux
qui s'étoient trouvez à cette prétenduë Election
dans l'Eglise des Bernardins , pour y chanter le
Te Deum. Les principaux Seigneurs Polonois
qui ont assisté à l'Election de l'Electeur de Saxe
et qui sont venus à notre connoissance , sont ,
les Evêques de Cracovie et de Posnanie , le Prince
Régimentaire de Lithuanie , les Palatins de
Cracovie , de Novogrod , de Podlachie , de Cul
G F
2482 MERCURE DE FRANCE
*
et de Czernikow , le Prince Sangusko , le Grand
Ecuyer Radzivil , le Comte de Cetner , l'Ecuyer
Tranchant de la Couronne , Rizewki , le Maré.
chal de la Confédération et de l'Election Ponenski
, les, Starostes de Vielun et de Bezzin', le
Comte Zawisza , les. Castellans de Radom , de
Podkommorszy , de Wiltzomer et Plater , et les
ComtesBraniski et Siednieki : ceux qui y ont adhés
ré depuis, sont, le Castelan de Cracovie, le Palatin
d'Inowladislaw , le Castellan de Lenziecinni , le
Staroste de Lenziecinni , et StarosteOppazinski.
"
Le Comte Potoki , Régimentaire de la Cou
ronne qui écrit ces nouvelles , ajoûte que les
Troupes de la Couronne étant sorties de Warsovie,
dans la crainte d'y manquer de fourages , le
parti des Opposans et les Moscovites avoient
passé la Vistule , et que sur cette nouvelle il
avoit mandé au Palatin de Lublin , qui continuë
à rassembler les Troupes , de s'approcher le plus
qu'il pourroit de Dantzik , pour empêcher les.
Moscovites et les Saxons , d'avancer dans la
Trusse Polonoise..
ce ,
Sur l'avis qu'on reçût à Massoire le 4. Octobre,
que quelques Partisans des Opposans avoient
fait conduire sécretement la nuit , une grande
quantité de Poudre et de Balles aux Cazernes du
Palais de Casimir , et que M. Jauch, Lieutenant Colonel,
qui y commande , en avoit eu connoissanil
fut résolu de s'assurer de cet Officier, mais
il prévint par sa fuite le dessein qu'on avoit contre
sa personne. Le peuple irrité de sa trahison ,
pilla la maison où il demeuroit , et l'on transporta
au Camp toutes les munitions qu'on trou
va dans les Cazernes. On eut beaucoup de peine
à arrêter les effets de l'indignation du Peuple et
de Regimentaire fut obligé d'emploïer , la force :
Pous
NOVEMBRE. 1733. 2453
pour empêcher qu'on ne mît le feu à la maison
du Palatin de Podlachie , et à celles de quelques
autres Seigneurs Opposans. Par les soins qu'on
apporta , leurs meubles et leurs effets ont été
conservez , et ils n'ont perdu dans cette émeute
que le Foin et l'Avoine , dont ils avoient fait un
amas considérable pour la nourriture des Chevaux
de l'Armée Moscovite , et qu'on a fait
mettre dans les magasins de celle de la Couronne.
Le 9. le Regimentaire envoya un Officier au
Ministre du Roi de Prusse , pour l'informer
qu'il avoit reçû ordre du Roi de quitter le Camp
de Mariemont et de ne point disputer le passage
de la Vistule aux Moscovites , et le même jour
il alla camper à Piaceczno .
:
Quelques Regimens Moscovites passérent là
Riviere le 11. et ils furent suivis le 13 , le 14 et
le 15.par plusieurs autres qui composent en tout
10 à 12000 hommes.
Plusieurs Opposans , qui mécontens du joug
des Moscovites ont abandonné leur parti , et se
sont rendus ptès du Roi à Dantzick , ont con→
firmé ce que le Comte Potocki , Regimentaire
de la Couronne , avoit mandé à S. M. la ma
niere violente avec laquelle la proclamation de
l'Electeur de Saxe s'étoit faite , et ils ont ajouté
qu'il ne s'étoit pas trouvé à cette Proclamation
plus de soo. Polonois ayant droit de suffrage.
Ils assurent que la plupart de ceux qui y ont assisté
, se plaignent hautement du peu d'égard que
le Général Lucci leur . a marqué en ne daignant
pas seulement permettre que le Maréchal de la
Conféderation recueillit les voix , et qu'il y a des
semences d'une division prochaine entre ce Géné
ral etles principaux Opposans..
Lies
484 MERCURE DE FRANCE
Le Palatin de Lublin s'est avancé vers les Fron
éres de cette Province , avec un corps de Trou
Pes pour la mettre à couvert des courses des Ennemis,
et il doit être joint par 2000. hommes que
cette Ville fait lever, et qu'elle entretiendra à ses
dépens pour le service du Roi .
L'Armée de la Couronne est encore campés
à Tarca ; on a enlevé divers convois aux Mos
Covites , qui bien loin de paroître dans le dessein
de former quelque entreprise , travaillent avec diligence
à se rétrancher dans leur Camp.
Lebruit qui a couru que le Comte Bienlinski ,
étoit du parti du Regimentaire de Lithuanie ,
étoit sans fondement : il est allé à Dantzick as
surer le Roi de sa fidélité , et il exerce auprès de
S. M. sa Charge de Maréchal de la Cour.
Selon d'autres Lettres de Dantzick , le Régimentaire
de la Couronne est toujours dans le
même Camp avec les Troupes qu'il commande ;
les Moscovites continuent à se retrancher avec
diligence prés de Varsovie , et il se passe peu de
jours qu'il n'y ait quelques combats entre les
deux Armées , ces Lettres ajoûtent que jusqu'à
présent les Troupes de la Couronne ont eu l'as
vantage dans toutes les occasions .
Le Comte Poccy que le Roi a nommé Regimentaire
de Lithuanie , à la place du Prince
Wienowieski , s'est mis par ordre de S. M. à la
tête des Troupes , qui ont été rassemblées dans
les Palatinats de Russie , de Mariembourg et de
Vilna , et l'on a appris qu'après avoir enlevé un
Convoi aux Ennemis , il s'étoit posté avec ses
Troupes le long de la Vistule au dessus de leur
Camp , afin d'être à portée d'arrêter tous les
Batteaux qui descendroient pour y porter des:
vivics.
Le
NOVEMBRE. 1733. 2485
Le Prince Czarterinski , Vice Chancelier de
la Couronne , le Castellan de Plocko , M. Tabiawski
, Chambellan de la Couronne , et le
Comte de Denhoff , Chambellan de Lithuanie ,
sont allés à Dantzick pour rendre leurs hom
mages à S. M. On y attend incessamment M.
Paulucci , Nonce du Pape , lequel a reçû ordre de
S. S. de complimenter le Roi sur son Election.
S. M. a ordonné qu'on publiât les Universaux
pour faire monter la Noblesse à Cheval , et elle
écrit en même tems aux Seigneurs et aux Gentils
- hommes de chaque Palatinat une Lettre circulaire,
qui contient , que les Opposans , en se
joignant aux Troupes Moscovites, ne laissent plus
lieu de douter qu'elles ne sont entrées que de
Jeur consentement et même à leur priere sur les
Terres de la Republique ; qu'on a d'ailleurs des
preuves certaines qu'elles y ont été appellées par
les principaux Chefs des rebelles , quoique plusieurs
d'entr'eux se fussent engagés par serment
dans la Diette d'Election à poursuivre comme
traîtres et comme ennemis de leur Patrie , ceux
qui auroient recours aux forces étrangères pour
faire réussir leurs desseins ; qu'on sçait que les
Evêques de Cracovie et de Posnanie sont allés
joindre le Géneral Lucci , afin de prendre avec
lui des mesures pour établir de leur propre authorité
une nouvelle République , composée
seulement de leurs adherans ; qu'ils sont revenus
avec les Moscovites à Praage , et que c'est par
leurs sollicitations réiterées et par celles du Prince
Wienovieski , ci - devant Regimentaire de Lithuanie
, que le Général Moscovite s'est déterminé
à précipiter la prétendue Election , faite
sans aucune formalité et contre toutes les Loix
du Royaume en faveur de l'Electeur de Saxe ;
que
-)
2486 MERCURE DE FRANCE
que l'Evêque de Posnanie en proclamant ce Prince
joint le parjure à la rébellion , puisqu'il s'étoit
engagé par un serment de n'élire et de ne reconnoître
pour Roi qu'un Polonois né de Pere et de
Mere Catholiques , et qui ne possédât aucunes
Terres hors du Royaume ; que depuis la proclamation
de l'Electeur de Saxe, et la jonction des
Opposans et des Moscovites , les uns et les autres
montrent la même ardeur à détruire la République
, et une égale haine pour ceux qui ne veu
lent pas contribuer à sa ruine , que tous les bons
citoïens sont interessés à ne pas souffrir plus
long-tems les attentats d'une Nation étrangere
qui prétend donner des loix à un Peuple libre ,
et la licence d'une troupe de Sujets rébelles , qui
se regardant eux- mêmes comme étrangers dans
leur propre Patrie, et lui ayant déclaré la Guerre,
ne méritent plus qu'on garde avec eux aucun
ménagement , qu'ainsi S. M. compte que la No-
Blesse Polonoise n'a pas besoin d'être exhortée
à se deffendre et à se vanger , et que tous les Gentils-
hommes zélés pour la liberté et pour l'honneur
de la Nation sont également empressés à
suivre l'ordre qui leur est donné de prendre les
Armes pour chasser les Moscovites et dompter
les rébelles.
S. M. ajoûte qu'elle se mettra à la tête de la
Noblesse aussi-tôt qu'elle sera assemblée , et qu'-
elle combattra moins pour conserver la Cou
ronne que pour délivrer la Pologne de la tyrannie
des Paissances étrangeres qui veulent l'opprimer..
Le Primat pour refuter de fausses allégations que
les Ministres de l'Empereur et de la Czarine ont
employées afin de justifier leurs démarches ,
donné un Manifeste , dans lequel il prouve par
a
NOVEMBRE. 1733. 2487
3
un simple récit de ce qui s'est passé depuis la
mort du feu Roi jusqu'à la derniere Election ,
que son premier soin dés le commencement de
PInterrégne a été de rétablir l'union parmi la
Noblesse , qu'après y être parvenu , il a profité
de la Diette extraordinaire , convoquée par le
feu Roi , pour déliberer avec la Noblesse sur ce
qui pourroit assurer la tranquillité et la liberté de
la Nation , et qu'il n'a fait jusqu'à la Diette générale
de convocation aucune démarche qui n'ait
été reglée par le Senat et par les Nonces , quoiqu'en
qualité de Primat il cût pu s'en dispenser
en bien des occasions ; que peu après l'ouverture
de la Diette générale de Convocation la plus
grande partie des.Nonces , trouvant aussi injuste
qu'injurieuse à la Noblesse, la résolution prise
dans une Diette précédente d'exclure les Polonois
du Trône , proposérent de leur propre mouvement
de donuer au contraire l'exclusion à tout
étranger que non seulement . ce projet fut una-.
nimément approuvé , mais que tous les Evêques ,.
les Sénateurs et les Nonces , s'obligérent par serment
à ne donner leurs suffrages qu'à un de leurs
Compatriotes , et que la Diette générale de Convocation
dans sa derniere séance déclara ce serment
une loi fondamentale du Royaume ; que
pendant la tenue de la Diette d'Election , les loix
établies dans la Diette de Convocation , ont toujours
été la regle de sa conduite ; que les Opposans
, en se retirant à Praage , n'ont observé aucune
des formalités qui pouvoient arrêter ou
suspendre les délibérations de la Diette ; qu'ils
quittérent le Camp destiné à l'Election du Roi ,
sans faire aucune protestation ; que lorsqu'on
leur envoya des Députés pour leur demander la
cause de leur retraite , ils répondirent que cette
retraite
2488 MERCURE DE FRANCE
retraite ne devoit troubler l'Election en aucune
maniere ; que ceux qui n'avoient pas signé la formule
de serment prescrit par la Diette contre
ceux qui avoient fait entrer les Troupes Moscovites
dans le Royaume , ne refusérent pas même
de la signer ; que leur retraite n'ayant point été
motivée ni accompagnée d'aucun Acte juridique
d'opposition aux résolutions de la Diette , on
avoit procédé selon les Loix à l'Election du Roi ;
que plus de cent Enseignes y avoient assisté
qu'après qu'il eut récueilli les suffrages en la maniere
accoutumée , tous se trouvérent réunis en
faveur de S. M. régnante , à l'exception de ceux
de quelques Nonces , qui se retirerent en décla
rant qu'ils ne donnoient point leurs voix , mais
qu'ils ne s'opposoient point à l'Election ; que M.
Kamienski , Capitaine du district de Krziemie ,
fut le seul qui protesta , mais qu'il ne persista pas
dans son opposition , et que ce ne fut qu'après
un désistement en forme de sa part , et après
avoir observé toutes les formalités ordonnées par
les Constitutions du Royaume, que se fit la Proclamation.
Le Comte Pocci Regimentaire de Lithuanie , a
envoyé à Dantzick un Courier , pour apprendre
au Roi , que le Convoy qu'il a enlevé aux Ennemis
étoit composé de 1500 Chariots , dont la
plus grande partie étoit chargée de munitions de
Guerre ; qu'on y avoit trouvé une somme considerable
d'argent , et que de 2000 hommes qui
escortoient ce Convoy , 600. avoient été tueż ,
et les autres faits prisonniers.
Ce Général a fait distribuer à ses Troupes un
tiers de l'argent qu'il a pris aux Ennemis , et il
attend les ordres de S. M. sur l'usage qu'il doit
faire du reste de cette somme.
LC
NOVEMBRE 1733. 2489
Le corps de Troupes qu'il commande sere
bientôt en état d'ôter aux Moscovites toute communication
avec l'Ukraine.
On a appris qu'il y a de la divison entre les
Ministres de l'Electeur de Saxe et les Opposans
parceque ces derniers ne veulent pas accorder aux
Moscovites un libre passage par la Pologne . Ce
differend retarde la signature des prétendus Pacta
Conventa que les Opposans ont dressés pour être
signés de l'Electeur de Saxe.
Le bruit court que le Comte Potocki Regi
mentaire de la Couronne , dont l'Armée augmente
tous les jours , doit quitter Tarca pous
aller camper à Lowitz .
ON
ALLEMAGN E.
Na reçu avis du Camp de Pilsen , que
Duc Ferdinand Albert de Brunswick Lunebourg
Bevern en étoit décampé avec les Trou
pes qu'il commande , et qu'elles marchoient sur
cinq Colomnes vers le Haut Palatinat , où elles
doivent être jointes par quelques Regimens du
Camp de Silesie .
L'Empereur a envoyé à la Diette de Ratis
bonne son Décret de Commission au sujet de la
Guerre. Les Troupes que commande le Duc Ferdinand
Albert de Brunswich-Lunebourg -Bevern,
continuent de marcher vers la Suabe , et elles
doivent arriver dans peu de jours à Nordlinge
hem.
On a donné ordre à quatre Regimens d'Infan
terie et à deux de Cavalerie de hâter leur marche
vers l'Italie , et le Comte de Merci , Felde
Maréchal , qui doit commander les Troupes ,
que S. M. I. envoïe dans ce Païs , partira bientôt
pour s'y rendre.
Les
2490 MERCURE DE FRANCE
"
Les Etats des Païs héréditaires doivent faire à
S. M. I. une avance de sept millions cinq cens
mille livres , outre les subsides ordinaires : Le
Royaume de Bohéme , la Silesie , et la Moravie ,
en fourniront cinq , et le reste sera reparti sur
l'Autriche , la Stirie , le Tirol et la Carinthie.
le
On assure que le Prince de Dietrichstein ,
Comte de Staremberg et quelques autres Seigneurs
, ont promis de prêter des sommes considerables
au Gouvernement.
Le bruit court qu'on songe aussi à faire un emprunt
dans les Pais étrangers sur les Mines de
vif-argent qui sont en Hongrie.
ITALIE.
E Pape a écrit au Roi de Pologne pour le féliciter
sur son Avénement au Trône , et il a
-envoyé ordre à M. Paulucci , son Nonce à Warsovie
, de se rendre à Dantzick auprès de S. M. P.
* Dans l'Assemblée de la Congrégation de Nonmullis
, qui se tint le 16 Octobre , il fut résolu
qu'on donneroit un mois à M. Coscia , Evêque
de Targa , pour répondre aux accusations formées
contre lui , et qu'il seroit constitué prisonnier
au Château de S. Ange jusqu'à la fin de
son Procès. On assure que le Cardinal son frete
est déterminé à se soumettre au jugement prononcé
par cette Congrégation, et qu'il acquitera
incessamment une partie des sommes au payement
desquelles il a été condamné.
La Congrégation établie pour examiner les
moyens de terminer les differens qui sont entre la
Cour de Rome et celle de Lisbonne , s'assembla
le 24. Octobre , et il y fut résolu qu'on accorderoit
au Roi de Portugal 4. pour 100. sur le
produit
NOVEMBRE. 1733. 2491
produit des Expéditions que la Datterie délivreroit
pour les Sujets de S. M. et que cet argent seroit
employé à faire rebâtir l'Eglise de S. Antoine
de la Nation Portugaise.
On a appris d'Ancone que le 19. et le 20 d'Octobre
, on y avoit senti deux nouvelles secousses
de tremblement de terre , qui avoient été très
violentes , et renversé plusieurs maisons tant de
la Ville que des environs.
On a appris à Genes le 10. de ce mois , par
L'Equipage d'un Bâtiment venu de Tunis , que
quelques jours avant son départ de ce Port , il y
étoit entré un Vaisseau Anglois , dont l'Equipa
ge s'érant soulevé contre son Commandant l'avoit
massacré , et avoit pris la résolution de courir
sur les Chrétiens ; que ces Pirates avoient fait
diverses prises assez considérables , et qu'ils s'étoient
empatés d'une Galiotte Venitienne , dont
ils avoient égorgé le Capitaine et tous les Matelots
ét à bord de laquelle ils avoient trouvé une som
me considérable d'argent ; qu'ils s'étoient rendus
ensuite à Tunis pour se mettre sous la protection
du Bey ; que le plus grand nombre avoit embrassé
le Mahométisme , et que celui , qu'ils avoient élu
pour leur Chef, avoit fait mettre aux fers ceux
qui avoient refusé de suivre l'exemple de leurs
camarades.
ESPAGNE.
Lano l'Armée destinée à l'expédition projet-
E Roi a nommé les Généraux pour servir
tée ; sçavoir , le Comte de Montemar Général en
Chef, le Comte de Marsillac , le Marquis de
Grazia Real , le Marquis de Reves , le Duc de
Liria , le Comte de Charni , les Marquis de Villadarias
, de Las- Minas , et de Posoblanco Lieu
tenant
1492 MERCURE DE FRANCE
Benans généraux ; le Comte de Mazeda , le Mar
quis de Bay , Don Lucas Patigno , le Marquis
de Tay , Don Nicolas Sangro , Don Macdonel,
Don Isidore Gurma , Don Michel de Sada , Don
Barthelemi Ladron et le Comte Mariani , Maréchaux
de Camp.
Orach
PAYS - BAS
N mande de Bruxelle que le Comte d'Ha
rach, ayant communiqué à l'Archiduchesse,
Gouvernante des Pays- Bas , la Déclaration dont
on a parlé de M. de Joinville au nom du Roi de
France son Maîtte , S. A. S. avoit fait sçavoir à
ce Ministre Qu'Elle étoit très sensible à l'at
tention que S. M. T. C. avoit pour Elle et pour
le Pays de son Gouvernement à l'occasion de la
Guerre qu'Elle avoit résolu de faire à l'Empereur
son Frere . Qu'elle souhaitteroit ardemment que
cette Guerre ne fut pas de longue durée ; qu'Elle
verroit avec plaisir que M. de Joinville restât à
Bruxelle, qu'Elle en écriroit à la Cour de Vienne,
et que s'il arrivoit que l'Empereur ne jugeât pas
sa présence nécessaire dans ce Pays , Elle le feroit
avertir ; mais qu'en attendant on auroit pour lui
tous les égards dûs à un Ministre d'un grand
Roi , et dont la personne lui étoit d'ailleurs très
agréable.
E PITR E
A Mad. de ***
Je voudrois , gentille Femelle ,
A qui d'étroite parentelle ,
Le Ciel favorable m'unit,
Chantea
NOVEMBRE. 1733. 2498
Chanter la longue kirielle ,
Des trésors que Nature mit
En ton coeur , ton corps , ta cervelle ,
Alors que de Dame Immortelle ,
Tu reçûs la clarté du jour.
C'est , dit- on , la Mere d'Amour ,
Qui seroit-ce, si ce n'est-elle ?
Ainsi que Venus elle est belle ,
Mille Amours volent à l'entour ;
On dit pourtant qu'elle est cruelle ;
Sans doute c'est pour se cacher ;
Mais peut-on long-temps la chercher !
Le feu dont son oeil étincelle ,
Et sa grace sur - naturelle
Son immortalité décele.
De ta naissance l'autre soir ,
Ma Muse , qui le doit sçavoir ;
Me fit le récit très-fidele ,"
Je te le rends en peu de mots.
N'aurai-je jamais de repos ?
Dit Vénus , rongeant sa dentélle ;
Faut il toujours qu'on me harcelle ,
Par mille impertinens propos ?
Une multitude de sots •
A tous momens me fait querelle ;
Des Dieux la nombreuse sequelle
Jupin , Mars , Diane , Cybelle ,
Sont sans honneurs et sans Chapelles ;
B
1494 MERCURE DE FRANCE
Et la Déesse des Amans ,
Eternue à force d'encens !
Je veux , ce n'est point bagatelle ,
Me relever de sentinelle ,
Et produire une fille telle ,
Qu'elle me puisse soulager ,
Des soins dont je veux m'alleger :
Je veux que cette Jouvencelle ,
Que je ferai sur mon modelle ,
Puisse me servir de Miroir ,
Ma grace en elle je veux voir.
Aussi-tôt la Déesse appelle ,
Et fait entrer dans sa ruelle
Charite , des trois Graces , celle
Que Paphos honore le plus ;
Tu vins au monde , et puis Venuš
Te donne à la Grace fidelle ,
Disant , je remets à ton zele
Ces appas tout nouveaux venus :
Soigne ces petits Membres nus ,
Nourris cette gente pucelle ,
Du plus pur lait de ta mamelle ;
D'agrémens puisse- tu l'orner ,
Et sçaches si bien façonner
En tout sa beauté naturelle ,
Qu'on voye en tous lieux all umer
Encensoir , Autel et Chandelle ;
Mais chaste comme Tourterelle ,
Qu'elle
NOVEMBRE. 1733. 2495
Qu'elle ait sur son front respecté,
De la Vertu la majesté ;
Qu'au desir le plus effronté
Son air modeste coupe l'aîle..
Mais enfin je suis arrêté ,
J'ai beau foüiller dans l'escarcelle
Je n'ai plus de Rimes en elle ,
Si mon hommage est accepté ,
Après ce trait de ta bonté ,
Je dois ma foi tirer l'échelle .
SUITE de la Relation du Siege et da
la Prise du Fort de Kell , &c.
A nuit du 22. au 23 Octobre , la Tranchée
Lfut relevée par le Marquis de Dreux , Lieutenant
General , par le Marquis de la Fare ,
Maréchal de Camp , et par M. de Buckele , Brigadier
d'Infanterie ; les 250. Travailleurs ,
commandez pour les Ouvrages , furent soutenue
par les trois Bataillons du Régiment de la Marine,
par six Compagnies de Grenadiers du Régiment
de Navarre , d'Alsace et de Rouergue ,
et par des Détachemens de la Gendarmerie et
de la Cavalerie, et des Dragons, pareil à ceux des
jours précedens. Pendant cette nuit la Tranchée
fut poussée à so. toises du chemin couvert de
l'Ouvrage à corne , et on se logea dans une Lunette
de terre, que les Aseiegez n'avoient pas cu
le temps d'achever.
La nuit du 23. au 24. le Marquis de Nangis ,
Lieutenant General , le Comte de Saxe , Maréobal
de Camp , et le Comte de Bayiere , Briga
dier
2496 MERCURE DE FRANCE
dier , monterent la Tranchée avec les deux Ba-)
taillons du Régiment de Richelieu , et celui de
Gensac , six Compagnies de Grenadiers , un Dé.
tachement de la Gendarmerie , de la Cavalerie
et des Dragons , de 550 hommes et 1200 Travailleurs.
On poussa pendant cette nuit une sappe
entre le Rhin et la branche droite de l'Ouvrage à
corne. M. de la Serre , Capitaine des Grenadiers
dans le Régiment de Richelieu, fut tué avec deux
Grenadiers , et il y en eut deux autres de blessez.?
Le 25. M. de Quadt , Lieutenant General , le
Marquis de Clermont , Maréchal de Camp , et
M. de Chenelette , Brigadier d'Infanterie , étant
de Tranchée avec 400. Travailleurs et le même
nombre de Troupes que les jours précedens , les
Assiegez firent une sortie sur la sappe poussée
entre le Rhin et l'Ouvrage à corne , mais les
Grenadiers les obligerent de se retirer et la sapper
fut continuée.
Le Chevalier de Lamberval , Capitaine de Gre- :
nadiers , dans le Régiment de Bourbonnois , fut ?
blessé dans cette occasion , et M. de.Noyelles
Lieutenant des Grenadiers dans le même Régi
ment , fut tué.
Cette nuit la Tranchée fut relevée par le Duc t
de Duras , Lieutenant Géneral , M. de Sioujcat ,
Maréchal de Camp et M. Hosanussy , Brigadier
d'Infanterie , avec trois Bataillons , six Compagaies
de Grenadiers , le Détachement ordinaire
de la Gendarmerie , de la Cavalerie et des Dragons
, et roo, Travailleurs. On a fait pendang
cette nuit un logement dans la Contresparpe du
demi-Bastion de la droite de l'Ouvrage à corne,
et on se dispose à attacher le Mincur à la branche
droite de cet Ouvrage.
Le Marquis de Renel , Colonel du Régiment
de
NOVEMBRE . 1733. 2497 -
Sancerre , et gendre du Maréchal Duc de
Berwick , arriva à Fontainebleau le 31. Octobre
vers les 6. heures du soir, et il apporta au Roy la
nouvelle de la prise du Fort de Kell. Il étoit
parti le 28. a 9. heures du soir , dans le moment
que le General de Phall avoit fait battre la chamade
, et ce n'est que le 2. de ce mois que le Roy
a reçu les articles de la Capitulation accordée à
la Garnison, par le Maréchal Duc de Berwick,
Il a été convenu par cette Capitulation , que
le Fort de Kell et tous les Ouvrages qui en dépendent
, seroient rendus aux Troupes du Roy
le 29. au matin ; que le lendemain 30 la Garnison
sortireit avec armes et bagages , Tambour
battant , Enseignes déployées , deux Pieces de
Canon de bronze , et 12. coups de munition
pour chaque Soldat.
Qu'on donneroit la permission à tous les Offciers
Ecclesiastiques et Séculiers de toute Religion
et Profession , de la Garnison du Fort de
Kell , de se retirer où bon leur sembleroit.
Que les Vivandiers et les Commerçans de la
Garnison , pourroient sortir librement après
avoir vendu leurs meubles et effets , et que ceux
qui voudroient demeurer au Fort de Kell , seroient
traitez comme les Sujets du Roy .
Qu'il seroit permis à la Garnison de laisser
dans la Place les blessez et les malades , avec des
Officiers e tdes Chirurgiens pour en avoir soin.
Que tous les Baillifs et Sujets du Margrave de
Bade , domiciliez dans l'Ouvrage à corne du
Fort de Kell , seroient , ainsi que leurs effets
sous la protection de S. M. que la Garnison
mettroit le temps qu'elle jugeroit à propos pour
se rendre à Erlingheim , pourvû que ce terme
'excedât pas celui de 5. jours ; qu'elle seroit
*
H escortéct
2498 MERCURE DE FRANCE
escortée par les Troupes du Roy jusqu'à Etlingheim
, et qu'on lui donneroit pour aller jusqu'à
Ulm , un Passeport et un Trompette.
Que personne de la Garnison ne seroit inquié
té pour des dettes contractées au Fort de Kell ,
ou à Strasbourg , le General Phull s'en étant
rendu caution personnellement ; que ce General
donneroit les ordres qu'il jugeroit convenables ,
si pendant la marche de la Garnison pour se
rendre à Ulm , il arrivoit quelques desordres sur
la route , qu'il seroit donné des ôtages jusqu'au'
retour des Troupes du Roy qui auront escorté
la Garnison.
Que les Etats des munitions de guerre et de
bouche , seroient remis avec les clefs des Maga
Zins , aux Officiers préposez par le Maréchal Duc
de Berwick.
Qu'on fourniroit les vivres nécessaires pour
la subsistance de la Garnison pendant 3. ou 4.
jours de marche , et qu'il seroit donné un Passeport
à trois Officiers , Ingenieurs Prussiens ,
envoyez depuis 5. mois par l'Empire pour faire
réparer les Fortifications du Fort de Kell , ep
qui n'avoient pas eu
eu le temps de se retirer,
On a appris du Camp de Stolhoffen , que les
Troupes qui composoient la Garnison du Fort
de Kell , en sortirent le 13. du mois dernier , au
nombre de 1200. hommes; elles défilerent le long
de la ligne , l'Armée du Roy étant en bataille .
et conformément à un des articles de la Capitulation
, elles furent escortées jusqu'à Etlinghen
par un Détachement de Cavalerie.
Le même jour le Maréchal Duc de Berwick
fit entrer dans le Fort de Kell , le Régiment de
Gensac et celui de Rouergue , qui y doivent res
ser en garnison , et il nonma pour commander
dans
•
2499%
NOVEMBRE
. 1733
dans la Place M. de la Fitte , Commandant le
troisiéme Bataillon du Régiment de Navarre.
Le 2. de ce mois , le Chevalier de Givry , Ma
réchal de Camp , fut détaché de l'Armée avec
six Bataillons et un Régiment de Dragons ,
pour se rendre à Huningue , et pour y faire rétablir
le Pont de cette Ville. Le lendemain le
Maréchal Duc de Berwick partit avec une partie
de l'Armée du Roy , du Camp de Sundheem,
et il campa à Bichem ; il alla le 4. à Liectenaw
et il arriva le 5. vis-à- vis du Fort- Louis.
Le reste de l'Armée marcha le 4. sous les or¬
dres du Duc de Noailles ; et après avoir campé
le même jour à Bichem , il se rendit le s. à
Stolhoffen , où toute l'Armée est actuellement.
Le centre est à Selingue , la droite au Village de
Stolhoffen , et la gauche à celui d'Hugelsheim.
On travaille à rétablir le Pont de communication
du Fort - Louis à l'Ile du Marquisat et à
l'Ouvrage à corne qui doit le deffendre.
On apprend de Strasbourg , que le Maréchal
Duc de Berwick , fit le 9. de ce mois la Revûë
generale de l'Armée. Le Comte de Charolois , le
Comte de Clermont , le Prince de Conty , le
Prince de Dombes et le Comte d'Eu , s'y trou
verent. Le 12. une partie de l'Armée repassa
le Rhin , le reste suivit le lendemain , et le 13 .
les Troupes commencerent à défiler pour se
rendre dans leurs quartiers . Les Régimens de la
Marine , d'Alsace , de Pont, de Sancerre , Royal
Baviere , et celui de Mortemart , qui composent
ro, Bataillons , sont campez dans l'Isle du Marquisat
, pour y achever les ouvrages qui y ont
été commencez , et les Régimens de Piémont ,
de Lionnois et celui d'Angoumois , sont à Humingue
, pour en faire rétablir le Pont.
Hij MA
2500 MERCURE DE FRANCE
MADRIGAL
LE tendre Amour , fatigué d'un voyage ,
Rencontre Iris , et s'endort sur son sein
Quel trait hardi ! bien- tôt sur son visage ,
Le petit Dieu sent le poids de sa main,
D'un air surpris regardant cette Belle ,
Il rougissoit ; me connois- tu , dit elle ?
L'Amour répond , hélas ! pardonne moy ,
Mes yeux trompez te prenoient pour ma Mere ,
Elle n'a pas plus de charmes que toi ;
Crois-en son fils et calme ta colere,
Par M. de Rougerville , Avocat an
Parlement de Rouen.
MANIFESTE de S. M. le Roi de
Sardaigne.
E Roi de Sardaigne étroitement uni au Roi
L de France ,par les précieux liens du Sang et
de l'amitié , a vivement partagé sa juste sensibi
lité au sujet des Déclarations injurieuses , des
odieuses Négociations et des violentes voyes de
fait , par lesquelles l'Empereur a affecté de choquer
S. M. T. C. et s'est efforcé de fermer le che
min du Trône à un Prince , au sort duquel Elle
prenoit le plus tendre interêt , et qui étoit si digne
de la Couronne , que les insinuations , les
menaces et les hostilitez employées à lui enlever
les suffrages de la Nation Polonoise , n'ont pú
traverser son unanime Election.
Quoique
NOVEMBRE . 1733. 2501
1
Quoique l'esprit dominant à la Cour de Vien
ne se fut assez manifesté en Europe , pour que
les prétentions les plus étendues de sa part ne
dussent plus surprendre , on n'a pu toutesfois y
voir sans étonnement la naissance et le progrés
d'un si injuste engagement : soit que l'on considerât
la Personne du Roi , Stanislas , contre laquelle
il étoit formé , soit la dignité du Roi de
France , qu'il offençoit , soit la constitution du
Royaume de Pologne qu'il s'appoit par les fondemens,
soit enfin la nature des moyens employés à
le soutenir,tels que ceRoyaume se fut à peine attendu
à les voir mettre en oeuvre par le plus dangereux
de ses voisins .
L'objet que présente un grand Roi insulté de
propos déliberé dans l'endroit le plus sensible , et
le spectacle d'une Nation opprimée pour n'avoir
pas voulu renoncer à sa liberté , ne sçauroient
être regardez d'un ceil tranquille par aucune
Puissance. Mais combien le Roi de Sardaigne
n'a-t'il pas lieu d'en être frappé? Lui qui ne peut
s'approprier le bonheur d'une étroite parenté
avec S. M. T. C. sans participer en même tems
à l'outrage qu'on lui a intenté , ni envisager l'usage
que l'Empereur a aspiré de faire de son autorité
dans un Royaume indépendant , sans re-
Béchir aux conséquences de l'abus qu'il fait journellement
de cette même autorité dans une region
, qui lui est déja plus qu'à moitié soumise.
En vain le Roi de Sardaigne a-t-il voulu pendant
long- tems s'aveugler sur ces tristes conséquences
; la Cour de Vienne lui a fait sentir par
ses démarches qu'elle fondoit sur sa ruine celle
de la liberté de l'Italie , dont sa Maison Royale
avoit toujours été le plus ferme soutien .
Les premieres injustices de la Cour de Vienne
H iij
ont
502 MERCURE DE FRANCE
ont pour époque et pour date les tems mêmes
auxquels la Maison de Savoye faisoit les plus gé
néreux efforts en faveur de celle d'Autriche. Le
Traité d'alliance conclu en 1703. entre le feu.
Roi de Sardaigne et l'Empereur Leopold , aussi
mal executé du côté des assistances promises ,
qu'imparfaitement accompli du côté des cessions
stipulées , les considerables avances faites en ce
tems là pour l'entretien des Troupes Imperiales
en Piémont , non encore remboursées , sont les
monumens autentiques de la reconnoissance de
la Cour de Vienne.
Tel fut le traitement que le feu Roi Victor en
reçut en qualité de fidéle et d'utile Allié ; mais à
peine la dissolution de la ligue l'eut -elle obligé
d'entrer dans les mesures pacifiques qui se prirent
à Utrecht , où la pluralité des suffrages de
l'Europe lui décerna le Royaume de Sicile , par
des considerations qui devoient en perpetuer la
possession à la posterité la plus reculée ; que la
Cour de Vienne éclatant contre lui , s'en prie
d'une maniere outrageante à ses Ministres à Vien
ne et à Ratisbonne , par des Decrets aussi violens
qu'injustes , sans épargner les expressions les
plus piquantes , et sans menager la dignité toujours
respectable d'un Souverain.
Le Congrez d'Utrecht , contre lequel les Ministres
Autrichiens se déchaînoient sans cesse
avoit pourtant abondamment pourvû à la splen
deur et à l'élevation de l'Empereur , en lui assurant
la considerable addition des Pays Bas et des
Etats situez dans le continent d'Italie , à ceux
qu'il possedoit déja en Allemagne ; lui - même par
le succès de ses Armes contre le Turc avoit reculé
bien loin les bornes de sa domination du
ôté de la Hongrie et de la Transilvanie, Tant
do
NOVEMBRE . 1733. 2508
de prosperités devoient combler les voeux de la
Cour de Vienne . Cependant la seule Sicile échuë
au Roi Victor, étoit encore un objet suffisant à la
troubler. Il falut la lui ceder par un Traité qui
laissoit néanmoins jour à une discussion avantageuse
au nouveau Roi de Sardaigne. C'est ainsi
que la Maison de Savoye étoit sans cesse desti
née à contribuer à l'agrandissement de celle d'Autriche
, tantôt par les services les plus signalez »
tantôt par les sacrifices les plus coûteux.
N'auroit-on pas cru que la Cour de Vienne
dont on assouvissoit à l'envi les desirs , se seroit
du moins portée à rendre justice au Roi de Sardaigne
sur des articles moins essentiels , que la
sage disposition des Puissances contractantes
avoit renvoyées au Congrez désigné à Cambray,
Tant de condescendances ne firent qu'augmenter
sa dureté : envain les Plénipotentiaires s'y assemblerent
, la lenteur affectée , et l'infléxibilité des
Ministres Imperiaux firent perdre tout le fruit
de cette convocation , et même tout espoir de
voir renaître une occasion favorable de reparer
les préjudices supportez.
Le Roi de Sardaigne entierement livré parla à
la Cour de Vienne , sur le point de sa légitime
satisfaction , éprouva déslors tout le poids de
son aliénation pour lui. Elle n'a cessé depuis de
lui susciter des oppositions et des contestations
de toute espece.
Elle avoit déja prétendu mettre le Roi de Sar→
daigne au rang des simples Vassaux et Feuda
taires par rapport aux contributions , et cela de
l'autorité privée de l'Empereur , et de celle de son
Conseil , sans aucune délibération de la Diette ,
et même sur des lieux qui ont été declarez indé,
pendans de l'Empire par la Paix de Munster , re,
Hij gardée
2 (04 MER CURE DE FRANCE
gardée comme Loy sacrée et fondamentale pour
tout le Corps Germanique .
Elle a permis au Conseil Aulique d'écouter et
d'encourager les Vassaux et Sujets du Roi de Sardaigne
, au préjudice de la prérogative dont il
joint par sa Dignité de Vicaire de l'Empire , et
par les Diplômes accordez par les Empereurs à
la Maison de Savoye.
" Elle lui a formé des difficultez recherchées en
toute occasion , soit dans les Aquisitions qu'il a
faites de l'Empereur à prix d'argent , soit dans
les Investitures générales de ses Etats, en lui disputant
tantôt les Titres , tantôt les Distinctions
dont sa Maison a joui autrefois , et cela même
en s'éloignant par un exemple presque inoui , de
l'avis du Conseil Aulique.
Elle a éludé par des délais infinis la demande
des Titres et autres Ecritures appartenantes au
Duché de Montferrat , dont la rémission est
expressément stipulée par les mêmes Traitez ,
qui portent la cession de cet Etat , et vingt ans
de sollicitations n'ont pû les obtenir.
Afin d'ôter au Roy de Sardaigne les moyens
de se deffendre , elle a prétendu lui limiter la liberté
absolue de fortifier ses Places , que le droit
naturel , aussi- bien que les Traitez , lui accordent
; elle a tâché de forcer par des interprétations
artificieuses le vrai sens des mêmes Traitez.
Elle a fomenté avec soin et soutenu avec hauteur
, les injustes prétentions des Terres de l'Etat
de Milan , confinantes avec les Etats du Roy
de Sardaigne , rejettant même toutes les ouvertures
d'un raisonnable accord , souvent proposées
par ce Prince , la Cour de Vienne affectant
de tenir cette voye ouverte pour l'inquiéter et
roubler sa Jurisdiction.
Enfin
NOVEMBRE. 1733. 2505
•
Enfin la Cour de Vienne attentive aux occasions
de choquer celle de Turin par les endroits
les plus sensibles, a choisi le moment que les
Plenipotentiaires du Roy de Sardaigne alloient
prêter l'hommage de cette partie de ses Etats qui
reléve de l'Empice , pour introduire par surprise
une étrange nouveauté , et une odieuse distinction
contre l'usage établi , et recemment pratitiqué
envers les Rois d'Angleterre , de Dannemarc
et de Suede : Et sur les vives protestations
qui lui ont été faites à ce sujet par les Ministres
du Roi de Sardaigne, elle a prétendu reparer l'offense
au moyen de quelques excuses privées et
échapées par occasion à un Officier de la Cour
de l'Empereur , dont il a refusé de donner Acte.
Dans ces circonstances , le Roi de France qui
de son côté avoit donné pendant long- tems à la
Cour de Vienne les exemples de la plus singuliere
moderation , et les preuves de la plus sage tolerance
, a jugé qu'une pareille conduite cesseroit
d'être louable , dés qu'elle devenoit incompatible
avec sa gloire personnelle , l'honneur de son
Royaume , et l'appui qu'il devoir à ses Alliez . 11.
s'est déterminé à déclarer la Guerre à l'Empereur,
et a invité le Roi de Sardaigne à prendre à cette
Guerre la même part qu'il prenoit aux Motifs.
qui la rendoient indispensable.
Le Roi de Sardaigne engagé par tant d'endroits:
à épouser le jufte ressentiment de S. M. T. C.
ayant de plus ses propres griefs à reparer , convaincu
par une longue experience , que les maximes
de la Cour de Vienne , invariables sur son
compte , tendoient à miner sa Souveraineté , en.
attendant l'occasion de l'opprimer sans ressour
ce. Confirmé dans cette certitude par des exem
ples capables d'allarmer les plus grandes Puis-
Hr sances,
2506 MFRCURE DE FRANCE
sances , a signé un Traité , joignant avec confiance
ses Armes à celles d'un Prince , qui dépouillé
d'ambition , n'a cherché à se distinguer
en Europe que par son amour pour la Paix et par
l'équité de ses desseins .
Le Roy de Sardaigne , en qualité de Souverain
indépendant , est dispensé d'autoriser par des
exemples , les mesures qu'il est contraint de
prendre contre l'Empereur en qualité de Princes
de l'Empire , il en a d'illustres à suivre . Il sçau
ia s'y conformer en maintenant une indissolu
ble union avec cet Auguste Corps , et une par
faite amitié avec les dignes Membres qui le
composent , du nombre desquels il fait gloire
d'être.
C'est donc pour l'honneur de ses Augustes Alliez
, pour le sien propre , pour sa sureté , pour
la tranquillité et le bonheur de ses Etats , que le
Roy de Sardaigne , après avoir marqué par tou
tes ses déterminations, un sincere désir de maintenir
la bonne intelligence avec ses voisins , et d'é
pargner ses Peuples les calamitez de la guerre ,
prend maintenant les Armes .
à
En agissant par des motifs si dignes de déterminer
un Souverain , il espere non seulement .
de trouver dans ses Sujets les mêmes ressources
de zele , de fidélité et de valeur , que ses Augustes
Prédecesseurs ont trouvées en eux , mais aussi
que le Dieu desArmées protegera sa cause et qu'il
benira par d'heureux succès la justice de ses
desseins ,
BOUQUET.
V Ite un Bouquet pour la jeune Julie ;
Allons , Amour , c'est sa Fête demain ?
Bon
NOVEMBRE. 1733. 2507.
Bon , J'aime assez ces Eillets , ce Jasmin ;
Mais en Bouquets , chacun a sa folie :
La mienne , Amour , .est celle des Rimeurs ;
Toujours des Vers accompagnent mes fleurs
Vingt seulement ? j'ose te les prescrire.
Eh ! quel objet peut les mériter mieux ?
Dans son esprit , que toi- seul peus décrire ,
Regne le feu qui brille dans ses yeux ;
Ce sont des Tours neufs , vifs , ingénieux ;
C'est le talent d'a nuser sans médire ;
?
Bref , c'est .... mais quoi ! tu me laisses tout
dire !
Refuses-tu de remplir mon espoir?
J'entens , Amour , sur le coeur de la belle ,
Ton air , tes traits ont été sans pouvoir ,
Et ton orgueil est irrité contr'elle.
Dieu trop jaloux ! eh ! bien suis ton projet;
Au lieu de Vers ( l'offre sera nouvelle )
Julie aura ton dépit pour Bouquet.
ENVOY.
De la fierté qu'en vous l'on voit paroître ,
Si Cupidon quelque jour est vainqueur ,
Belle D ... ne le faites connoître ,
Qu'en me prenant pour son vangeur.
Sur un Portrait sous la figure de DIANE.
En voyant le Portrait de celle qui m'est chere,
6
H vj Venus
2508 MERCURE DE FRANCE
Venus dit : C'est le mien , le Peintre a réussi ;-
Mais Diane , croyant s'y reconnoître aussi ,
Leur débat , sur ce point , devint querelle amere
Amour les écoutoit , riant d'un . ris malin ;
Déesses , leur dit- il , vous disputés envain ;
Ce Tableau represente une simple mortelle ;
Ainsi donc sur ce point , cessez de quereller ;
Ce qui fait votre erreur , c'est qu'elle est sage et
belle.
Eh ! quelle autre par-là , peut mieux vous res
sembler ?
ARMEE D'ITALIE.
L
Es Troupes du Roy qui s'étoient mises en
marche depuis le 12 Octobre , pour passer
les Alpes par Briançon , par la Vallée de Barce-
Jonnette et par la Savoye , s'étant assemblées .
sous Verceil et sous Mortare , elles joignirent les
Troupes du Roy de Sardaigne. Ce Prince partit
de Turin le 29 du mois dernier pour aller se
mettre à la tête de l'Armée . Il arriva le même:
jour à Vigevano , où les Troupes du Roy et les
siennes s'étoient renduës .
Ce Prince après avoir détaché deux Corps de
Troupes pour aller former le Blocus de Tortonne
et celui de Novarre , se disposoit à marcher
avec l'Armée pour investir Pavie , lorsque les
Députez de cette Ville vinrent lui en apporter les
Clefs et celles du Château. Le Marquis d'Aix que
le Roy de Sardaigne a choisi pour commander
dans cette Place , a trouvé que les trois Bataillons
des Troupes de l'Empereur qui en sont sorzis
, y ont laissé 35 Piéces de Canon et 300 milliers.
NOVEMBRE. 1733 2.509.
liers de Poudre,avec beaucoup d'autres munitions.
de guerre.
Le Roy de Sardaigne s'étant avancé vers Pavie
,y a reçu le 4 de ce mois la députation du
Sénat et de la Ville de Milan, et il a commandé
le Marquis de Coigny , Lieutenant General des .
Armées du Roy , avec 9000 hommes pour s'assurer
de cette Place , et pour former le Blocus du
Château.
L'Armée devoit séjourner à Pavie les de ce
mois , et le Roy de Sardaigne comptoit s'avancer
le lendemain sur l'Adda , pour aller à Pizzi
ghitonne.
Le Maréchal Duc de Villars arriva à Turin ,,
le 6 de ce mois ; le lendemain il eut l'honneur de
rendre ses respects à la Reine de Sardaigne , et au
Duc de Savoye , et il partit le 9 , pour se rendre à
l'Armée , qu'il comptoit joindre le 11 , à Pizzighitone..
Suivant les dernieres nouvelles reçuës, de KArmée
, le Roy de Sardaigne devoit partir de Pa
vie le 7, pour marcher à Pizzighitone . Ce Prince
avoit envoyé ordre au Marquis de Coigny
Lieutenant General , de laisser à Milan une partie
des Troupes qu'il avoit pour former le Blo ..
cus du Château , et d'aller le 6 avec s Bataillons
ets Escadrons occuper Lodi , où le Duc d'Harcourt
, Marêchal de Camp , à la tête de 12 Es
cadrons , avoit eu ordre de se rendre.
REMERCIMENT de M. de Senecé,
pour une Visite reçue de M. l'Evêque
de Mâcon.
Debout , debout , grosse Dormeuse ;
Debout , vous qui devriez briller ,
1510 MERCURE DE FRANCE
Et choisir pour vous habiller , ·
La mode la plus fastueuse ,
Vous ronflez sur votre oreiller ,
Comme une vieille raffoleuse !
Debout , debout ; grosse dormeuse.
C'est à vous queje parle; entendez - vous ma voix
Vous , Muse , en qui j'ai confiance ,
Qui m'avez si souvent prêté votre assistance ,
Pour chanter les Héros et celebrer les Rois ?
C'est sur un grand Prélat que se fixe mon
choix.
Est-il plus beau sujet pour vous mettre en dépense
?
Mais mon instance a peu d'effet ;
L'Ingrare à ses faveurs mettant ici le terme,
Ouvre ses yeux , puis les refeime ,
Et retombe sur son chevet,
C'est un meuble fort inutile ,
Qu'une Muse en caducité ;
Sa foiblesse la rend paresseuse , indocile
Et de son indolence elle fait vanité.
Essayons toutes - fois si nous pourrons sans elle ,
Donner quelque coup de pinceau ,
Qui soit témoin de notre zele ,
Et digne d'un ami du fécond Du Cerceau.
Quand je vous vis entrer , Prélat incomparable ,
Dans le sombre réduit de mon Appartement ,
Je crus voir du Soleil un rayon favorable ,
Dorc
7
43 NOVEMBRE
. 1733. ifit
Dorer tous les recoins de l'obscur Logement.
Qui ne seroit charmé de voir la politesse ,
La douceur , l'éloquence et l'aimable entretien ,
Qui sans se dégrader , s'ajuste à la foiblesse ,
Et pour l'encourager në lui reproche rien ?
Qui ne sentiroit pas la puissante énergie
Si propre à réunir les coeurs evenimez ,
Qui fait
par sa seciette et divine magie
Embrasser l'Appellant avec les Intimez ?
La fierre Garnison * qui marche sans Trom
: pettes ,
Dès que vous paroissez a mis les armes bas ;
Et nos pauvres Etats déchargez de leurs dettes
Ont repris du courage au seul nom de Valras .
De plus rares talens, dont j'ai peine à me taire ,
J'oserois bien peut - être entamer le discours ,
Mais que puis - je tenter , Rimeur nonagenaire ,
Sans avoir ni Phébus , ni Muse à mon secours?
ADDITION AUX NOUVELLES.
Na appris de Pologne , par les Lettres du
12. de ce mois , que les Palatinats de Prusse,
de Martembourg et de Russie , ont executé les
ordres portez par les Universaux . La Noblesse
des autres Palatinats se prépare à suivre cet
exemple , et l'on compte qu'elle sera incessam-
* La Province souffroit depuis long-temps une
Garnison pour restes de Tailles.
ment
3512 MERCURE DE FRANCE
ment assemblée dans la Plaine de Radom , on
elle doit attendre les ordres du Roy.
Le Comte Pocci a reçû un renfort considé
rable de Troupes , qui lui a amené M. Rudzinski
, Castellan de Czersko , et il se dispose à aller
joindre l'Armée de la Couronne , qui marche
vers le Palatinat de Sandomir , pour empêcher
les Ennemis de s'approcher de Cracovie. On assure
qu'aussi - tôt après la jonction des Troupes.
de la Couronne et de celles de Lithuanie , le.
Comte Potocki , cherchera l'occasion d'attaquer.
les Ennemis .
Quelques Troupes de Saxe , commandées par
le Duc de Saxe Weseinfels , sont entrées le 2 de
ce mois en Posnanie ; les Partisans des Opposans
publient qu'elles seront bien-tôt suivies de 15000.
hommes, à la tête desquels est le Comte de Vakerbart,
Ft - Maréchal , mais il ne paroît pas que
cette nouvelle cause beaucoup d'inquiétude à la
Cour de Dantzick.
Deux Couriers que le General Lesci envoyoit
à Petersbourg , ont été arrêtez par des Détachemens
des Troupes du Comte de Pocci , et l'on a
appris par les Dépêches dont ils étoient chargez,,
que ce n'est que par des menaces et ensuite par
des promesses avantageuses, que le General Mos--
covite avoit déterminé les Opposans à la prétenduë
Election de l'Electeur de Saxe , qu'il les
avoit forcez d'inserer dans le Pacta- Conventa ,
qu'ils ont dressé toutes les clauses qu'exigeoien t .
les Ministres de Saxe , et que ces prétendus Pacta-
Conventa , avoient été signez le premier de.
ce mois par le Comte de Vakerbart - Salmour ,.
au nom de l'Electeur son Maître. Les mêmes
Dépêches portent que les Ministres de Saxe désiroient
que tous lesOpposans confirmassent leur
ConNOVEMBRE.
1733. 241.3
Confédération par serment , mais que les derniers
avoient rejetté cette proposition ,
On apprend de Strasbourg , que l'Armée du
Roy s'étant séparée le 13. de ce mois , le Maréchal
Duc de Berwick arriva le même jour en
eette Ville , d'où il alla au Fort-Louis et à Huningue
, pour y voir en quel état étoient les travaux
qu'il y avoit ordonnez ; il alla ensuite à
Landau , er le 23 il se rendit à Béfort et de là il
partit pour la Cour , où il arriva le 29 de ce mois .
Les Officiers Généraux et les autres nommez
par le Roi , pour servir en Alsace et sur les Frontieres,
sont , à Strasbourg , le Marquis de Dreux,
Lieutenant général , le Marquis de Balincourt ,
Maréchal de Camp , le Comte de Baviere et M.
Buckeley , Brigadiers d'Infanterie.
Dans la haute Alsace , M. de la Billarderie ,
Marechal de Camp , et M. d'Herouville Brigadier
d'Infanterie .
Dans la basse Alsace M. de Quadr, Lieutenant
général , et M. de Gensac, Brigadier d'infanterie.
Dans les trois Evêchez , le Comte de Belisle
Lieutenant général , M. de Tarneau , Marechal
de Camp , et M. de Lenck, Brigadier d'Infanterie.
A Nancy , M. de Lutreau , Brigadier d'Infanterie.
Sur la Frontiere de Champagne , le Marquis
de Polastron , Brigadier d'Infanterie.
Dans le Comté de Bourgogne , le Chevalier de
Givry , Marechal de Camp , et le Marquis de
Châtelux , Brigadier de Cavalerie.
Le Traité de Neutralité; entre le Roi et les Etats
généraux , a été signé à la Haye le 24. Novembre,
par le Marquis de Fenelon, Ambassadeur de
S. M. en Hollande , et par les Députés des Etats.
RON2514
MERCURE DE FRANCE
4
RONDEAU
A Monseigneur le Cardinal de Fleury,
Par M. de S. Aulaire , sur ce que S.E.
lui avoit écrit que sa pension cessero
lorsqu'il auroit six- vingt ans .
A Sixvingt
ans , vouloir que je limite,
De mon Hyver la course décrépite ,
C'est ignorer que par enchantement ,
A notre Cour ( 1 ) les jours coulent si vîte
Que les plus longs ne sont que des momens.
Quand vous aurez chassé le Moscovite ,
Et rabaissé l'orgueil des Allemans ,
On voudra voir quelle sera la suite
A six- vingt ans.
►
Les Patoureaux enchantez et dormans ,
Sous les Berceaux que no re Fée habite , (2)
Attendront-là ces grands Evénemens ,
Et le comptant de leurs appointemens ;
Car , Monseigneur , vous n'en serez pas quitte
A six -vingt ans.
( I ) Sceaux.
(a ) La Duchesse du Maine.
NouNOVEMBRE
. 1733. 2515
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
La
E Comte de Charolois , le Comte
de Clermont , le Prince de Conti , le
Prince de Dombes et le Comte d'Eu qui
étoient à l'armée d'Allemagne , sont arrivez
à Fontainebleau.
Le Roy a donné à l'Abbé Dandelot la
place d'Aumônier de S. M. vacante par
la nomination de l'Abbé de Choiseul à
l'Evêché de Châlons sur Marne.
S. M. a nommé Ministres d'Etat le
Maroshal Duc d'Estrées , et le Duc d'Antin.
Le Roy et la Reine partirent de Fontainebleau
le 24 de ce mois , après midi.
leurs Majestez allerent coucher au Chareau
de Petit- Bourg, d'où elles arriverent
le 26 au soir à Versailles.
Le premier de ce mois , Fête de la
Toussaints , il y eut Concert Spirituel au
Château des Tuilleries , On y chanta
l'Exurgat Deus , Motet de M. de la Lan
de
2515 MERCURE DE FRANCE
de , qui fut suivi d'un autre à deux voix ,
chiné avec beaucoup de précision par
les Dlles Errement et Petit-Pas;il est de la
composition du Sr le Maire.
Le Sr Jéliot en chanta un autre à voix
seule , du St Mouret qui fut fort applaudi
par une tres nombreuse assemblée.Le
Concert fut terminé par le Dominus regnavit
, précédé de differens Concerto,tresbien
exécutez.
$
Le 2 , il y eut Concert François , on y
exécuta la Chasse du Cerf. Divertissement
du Sr Morin. La Dlle Petitpas chanta le
Rôle de Diane , avec beaucoup d'applaudissement
, et le Sr Cuvilier , différents
Récits qui firent beaucoup de plaisir . Le
Concert finit par le De profundis , de M.de
la Lande , à cause de la Fête des Morts ,
lequel fut précédé d'un Carrillon func
bre , exécuté
par toute la Symphonic.
Le Mardi 10 Novembre , le R. P. D.
Jean -Hilaire Tripret, Prieur du Monastere
de S. Martin des Champs de cetre
Ville ,se transporta à l'Hôtel de M. le
Premier Président du Parlement , et eut
l'honneur de lui présenter , selon la coûttume
, deux Bonnets de Palais , avec la
cérémonie et la formule usitées dans l'Acte
dont nous allons parler. Le méme ReliNOVEMBRE.
1733. 2517
ligieux alla tout de suite chez le Premier
Huissier du Parlement , et lui presenta
une paire de Gands et une Ecritoire.
Cette ceremonie se pratique annuellement
, pour satisfaire à l'Acte d'une Fondation
solemnelle , faite en faveur du
Monastere de S. Martin des Champs, par
Philippe , Seigneur de Morviller, de Clary
et de Charenton , Premier President
du Parlement , et par Dame Jeanne du
Drac , son Epouse , le 4 Decembre 1426.
confirmée et homologuée par Arrêt de la
Cour , du même jour , qui commence
ainsi : HENRICUS , Dei Gratia , Francorum
et Anglia Rex , & c.
Le premier article de cette Fondation
porte , que lesdits Fondateurs et chacun
d'eux pourront être ( si bon leur semble ) enserrez
et sépulturez en ladite Eglise et Monastere
de S. Martin des Champs , en la
Chapelle de S. Nicolas , & c.
Dans les 14 et 15 articles on lit ce qui
suit. Item : » Que chacun an , la veuille
» de la Fête Monsieur S. Martin d'Hy-
» ver , au matin avant midi , sera fait
présent à Monseigneur le Premier Pré-
» sident de Parlement, qui pour le temps
» sera , par le Maire desdits Religieux ,
» Prieur et Convent dudit S. Martin , et
»par un d'iceux Religieux , de deux
Bonnets
2518 MERCURE DE FRANCE
» Bonnets à oreilles , l'un double, et l'autre
sengle , en disant telles paroles :
Monseigneur , Messire PHILIPPE DE MORVILLER
, en son vivant , Premier Président
en Parlement , fonda en l'Eglise et Monas- :
tere Monsieur S. Martin des Champs , à
Paris , une Messe perpetuelle , et certain
autre Service divin ; et ordonna pour la mé«
moire et conservation de ladicte Fondation :
éue donné et présenté chacun an à ce jour,
à Monseigneur le Premier President de Par
lement, qui pour le temps seroit,par le Maire
desdits Religieux et un d'iceux Religieux , ce
don et present , lequel il vous plaise prendre.
en gré. » Et sera ledit don et présent desdits
Bonnets du prix de vingt sols Parisis
, eu égard à là monnoye de present ,
» ayant cours.
»
Item. » Et avec ce sera fait don et pré- .
sent audit jour , par ledict Maire desdits :
Religieux et un d'iceux Religieux , au
» premier Huissier de Parlement , qui
pour le temps sera , de ungs Gands et
>> une Escriptoire , en disant : Sire , Messire
PHILIPPE DE MORVILLER , en son vivant
, Premier Président en Parlement,fon
da en l'Eglise et Monastere de Monsieur ‹
S. Martin des Champs , uunnee Messe Messe perpetuelle
, et certain autre Service divin , et ore
denna pour la mémoire et conservation de
las
NOVEMBRE. 1733. 2519:
"
ladite Fondation, être donné et presenté chacun
an , à ce jour , au premier Huissier de
Parlement , qui pour le temps seroit ,, par le
Maire Religieux , et un d'iceux Religieux ,
ce don et présent , lequel vous plaise prendre
en gré. Lesquelles paroles seront
» baillées par escrit au dessus nommez
» Maire , et Religieux , et sera le don et
» present desdits Gands et Escriptoire , de
douze sols parisis , en regard à la mon-
» noye ayant cours de présent.
A la suite de l'Arrêt , dans lequel toute
la Fondation est rapportée , sont aussi
les Lettres d'approbation et de consentement
de l'Abbé de Cluny , Superieur
General , et plusieurs autres Actes qui
regardent cette Fondation , laquelle fut
faite pour la somme de seize cent livres
tournois , une fois payée , &c. Les Originaux
sont conservez dans les Archives
du Monastete , et exactement imprimez
dans un Ouvrage curieux , devenu rare ,
qui en contient l'Histoire. Il nous a été
tres obligeamment communiqué par les
Religieux de S. Martin des Champs. En
voici le titre : MARTINIANA, id est, Littera
Tituli , Carta , Privilegia , &c. Monasterii
seu Prioratûs Conventualis S. MARTINI
Campis, Parisiis, Ordin , Clun . & C. 1.vol,
8. Parisiis, 1606,
Lo
2520 MERCURE DE FRANCE
Le 12 de ce mois , l'ouverture du Parlement
se fit avec les cérémonies accoûtumées
, par une Messe solemnelle , célébrée
pontificalement dans la Grande Salle
du Palais , par l'Evêque d'Agde , et à
laquelle M. Portail , Premier Président
et les Chambres assistérent.
>
Le 22 de ce mois , Messire François
d'Andigné , du Diocèse d'Angers , Evêque
d'Acqs ( nommé à cet Evêché le s
Avril dernier ) fut sacré dans la Chapelle
du Seminaire de S. Sulpice à Paris
par Melchior de Polignac , Cardinal Prêtre
du Titre de Sainte Marie aux Anges ,
aux Thermes de Dioclétien , Archevêque
d'Auch , són Métropolitain , assisté de
Michel Celse Roger de Rabutin , Comte
de Bussy , Evêque de Luçon , et de Clau
de- Louis de la Chastre , Evêque d'Agde.
Le nouvel Evêque d'Acqs étoit cy- deyant
Doyen de l'Eglise , et Vicaire General
du Diocèse de Luçon . Il est Abbé
Commandataire de l'Abbaïe de Fontenelles
, O. S. A. D. de Fontenelles depuis
1726. Ce Prélat prêta serment entre les
mains du Roy.
Epi
NOVEMBRE. 1733.
2521
Cygit
Epitaphe d'un Avare.
Ygit l'Avocat Pancrace
Homme expert en paperace ,
De qui la plume vorace ;
Mangea jusqu'à la bèsace ,
Cliens et toute leur race .
Passans pleurez sa disgrace ,
Maintenant froid comme glace ,
Le Bourreau fait la grimace ,
De ce qu'un Curé tenace
A pour loger sa carcasse
Vendu trop cher cette place.
XXXXXXXX********
MORTS , NAISSANCES
et Mariages.
D
Ans le Mercure du mois dernier
en parlant de la mort d'Hercule-
Joseph de Lur , Chevalier , Marquis de
Saluces , de Drujac et de la Groliere , on
doit ajouter qu'il étoit ; Vicomte , Seigneur
de Melangein , de l'Isle de Couderot
, &c.
La Maison de Lur est très ancienne , et
tire son origine d'Allemagne ; elle est
établie depuis plusieurs siècles dans la
Ι province
2522 MERCURE DE FRANCE
Province de Guienne , et a contracté en
France des alliances avec les Maisons les
plus considerables du Royaume.
Le Marquis de Saluces étoit l'aîné de la
Maison ; il ne laisse qu'un fils , Officier
aux Gardes Françoises,
D. Gabrielle de Rochechouart- Morte
mar, Abbesse de l'Abbaye de Beaumontlès-
Tours ,Ordre de S. Benoît , mourut le
24. Octobre , âgée d'environ soixante
seize ans , après avoir gouverné cette Abbaye
avec beaucoup de sagesse et d'édification
pendant près de 44. ans. Elle étoit
fille aînée de Louis Victor de Rochechouart,
Duc deVivonne , Pair et Maréchal
de France , Général des Galeres , Gouverneur
de Champagne et Brie , mort le 18
Septemb. 1688.et de D. Antoinette Louise
de Mesmes, morte le 10 Mars 1709.
M. Pierre de Pardaillan de Gondrin
d'Antin , Evêque et Duc de Langres ,
Pair de France , Abbé des Abbayes de
Montier-Ramey et de Lire , Docteur en
Théologie de la Faculté de Paris , et l'un
des 40 de l'Académie Françoise , mourut
dans son Diocèse le 2. Novembre âgé
d'environ 41 ans. Il étoit quatriéme fils er
Le seul qui restât de Louis- Antoine dePar
daillan de Gondrin , Duc d'Antin , Pair
de France , Chevalier des Ordres du Roi ,
Lieutenant
NOVEMBRE . 1733. 2525
Lieutenant général de ses Armées , et de
la haute et basse Alsace &c. Gouverneur
des Ville et Duché d'Orleans & c. Directeur
général des Bâtimens du Roi , Jardins
et Manufactures de France , et de D.
Julie Françoise de Crussol d'Uzez .
Le R. P. Gabriel de Riberolles , Prêtre '
Chanoine Régulier de l'Ordre de S. Augustin
, de la Congrégation de France ,
mourut le 2. Novembre en l'Abbaye Ste
Geneviève à Paris , âgé d'environ 81 ans ,
après avoir été pendant six années Abbé
de cette Abbaye, et Superieur Général de
sa Congrégation . Il étoit de Paris , et fils
d'Abraham de Riberolles , Conseiller au
Châtelet, et de Clemence du Mas , Soeur
d'Hilaire du Mas , Docteur de la Maison
et Societé de Sorbonne , et Conseiller au
Parlement. Le P. de Riberolles , fut élû
pour la premiere fois Abbé de Ste Genevieve
, et Superieur général de sa Congrégation
, le 11. Septembre 1715. et fut
continué par le Chapitre général pour
trois autres années, le is . Septembre 1718.
étant premier Assistant de sa Congrégation
lors de la mort du R. P. Jean Polinier
, Abbé et Superieur général , arrivée
le 6. Mars 1727. Il fut choisi pour achever
les sept mois qui restoient au deffunt
de ses trois ans , et le 11. Septembre sui-
Iij
vant ,
2524 MERCURE DE FRANCE
vant , il fut élû Abbé et Superieur général
pour la troisième fois , et le 11. Septembre
1730. pour la quatrième fois .
J
D. Magdelaine le Cousturier de Neuville
, Veuve de Claude Potier , Comte
de Novion ,Brigadier des Armées du Roi,
mourut le 4. Novembre sans enfans. Elle
étoit fille de Henri le Cousturier , Seigneur
de Neuville , vivant Capitaine ,
commandant le premier Bataillon du Regiment
du Roi , et de Catherine - Françoise-
Louise de la Broise , soeur de la Veuve
de Charles - Jean - Louis de Faucon
Marquis de Ris.
Henri Joseph de Vassé , Marquis d'Esguilly
&c. Seigneur de Fontenay , Mestre
de Camp de Cavalerie , mourut le
6. Novembre , âgé d'environ 34. ans.
Il étoit fils ds Joseph Artus de Vassé
, Marquis d'Esguilly &c. mort le 2 .
Septembre 1710. Et de Louise de Fesque
morte en 1732 ..Il avoit épousé en 1724 .
D. Magdeleine - Gabrielle des Gentils du
Bessay , de laquelle il laisse deux fils .
D. Jeanne Marie Palatine de Dyo de
Momperous , Marquise de Roquefeuil
Baronne de Castelnau , Epouse de Marie
François Roger de Langhac , Comte de
Dalet et de Toulongon &c. mourut le 7 .
âgée d'environ 5.5.ans , laissant deux filles,
dont
NOVEMBRE . 1733 2525
dont la cadette Françoise Charlotte de
Langhac fut mariée le 7. Juillet 1732.
avec Jean-Baptiste - François de Cugnac
Marquis de Dampierre &c. Mestre de
Camp de Cavalerie , cy- devant Cornette
des Chevaux Legers de Berry.
Le même jour , Guillaume - Jean-
Baptiste- François Becdelievre , Seigneur
de la Busnelays et de Treambert , premier
Président en la Chambre des Comtes
de Nantes , Charge en laquelle il·
avoit été reçu par la résignation de son
Pere , le 17. Novembre 1722. après avoir
étéauparavant successivement Maître ordinaire
, et Président en la même Chambre
, mourut âgé de 46. ans . Il étoit fils
aîné de feu Jean - Baptiste Becdeljevre ,
Seigneur de la Busnelays , le deuxième
de sa famille , premier Président én la
Chambre des Comptes de Nantes , et de
Renée de Sesmaisons de Treambert , et
il avoit été marié le 30. Juillet 1705. avec
Françoise Renée le Nobletz , fille de René
le Noblerz , Seigneur de Lescus , et de
Marie Agnes du Chastel . Il en a eu plusieurs
enfans , qui sont rapportés dans
l'Etat de la France'de 17 27. vol.4.p. sí7 .
"la Généalogie de cette famille se trouve
dans le Dictionnaire Histor. éditions de
1725. et 1732.
3
I iij
Le
2526 MERCURE DE FRANCE
Le 8.Philippe- Auguste Porlier, Ecuyer,
Sieur de Compiègne , et de Maillezais ,
autrefois Capitaine au Regiment Dauphin
Infanterie , mourut à Paris , âgé d'environ
65 ans. Il avoit épousé au mois de
Mai 1700. Susanne Fardoil , sa Cousine
issuë de germain , morte le 12. Février
1710. âgée de 32. ans , fille unique de Nicolas
Fardoil , Conseiller en la Cour des
Aides de Paris , mort le 8. Juin 1699. et
de Magdeleine Poussé , de laquelle il laisse
des enfans.
>
D. Charlotte- Elizabeth de Bassompierre
Epouse de Charles Marie , Marquis
de Choiseul , Mestre de Camp de Cava
krie , Sous-Lieutenant des Gendarmes
Ecossois , et Lieutenant général pour le
Roi au Gouvernement de Champagne et
Brie, accoucha le 6. Octobre dans la Ville
de Nanci , d'un fils qui a été nommé
Claude Antoine par M. l'Abbé de Choiseul
, Aumônier du Roi , nommé à l'Evêché
de Châlons sur Marne , et par D.
Charlotte de Choiseul , Comtesse de
Ludre.
D. Anne- Geneviève de Meuves, Epou
se de Jean- Paul Bochard de Champigny,
Capitaine au Regiment des Gardes Françoises
, Chevalier de S. Louis , accoucha
NOVEMBRE. 1733 2527
-
le 24 Octobre d'un fils qui a été nommé
Conrard Alexandre , par Conrard
Alexandre , Comte de Rottembourg ,
Brigadier des Armées du Roi , Gouver
neur de Bethune , Chevalier des Ordres
du Roi , Ambassadeur de S. M. en Espagne
, et par D. Emilie Mailly du Bruëil ,
Epouse de Jean-François de Creil , Brigadier
des Armées du Roi, Capitaine - Commandant
de la Compagnie des Grenadiers
à cheval, Chevalier de S. Louis.
Le Lundy 26, Octobre , à une heure
du matin , a été celebré dans la Chapelle
du Château du Houssay , près de Bonneval,
Diocèse de Chartres par M. Michel
François de Maillé de la Tour Landri ,
Prêtre , Chanoine et Chefcier de l'Eglise
Cathedrale , et Vicaire général de l'Evêque
de Chartres, Abbé commandataire de
F'Abbaye de S.Pierre de L'Esterp, Diocèse
de Limoges , le Mariage de François- Antoine
- Alexandre d'Albignac , Marquis de
Castelnau, âgé de 21. ans, fils aîné de Fran
çois d'Albignac, Chevalier , Baron de Castelnau
, Seigneur du Triadous au Diocèse
de Mende, & c.avec Dlle Anne- Elizabeth-
Constance de Montboissier , âgée de 19 .
ans , fille aînée de Philippe - Claude de
Montboissier- Canillac , Capitaine - Lieu-
I iiij
tenant
2528 MERCURE DE FRANCE
tenant de la seconde Compagnie des
Mousquetaires de la Garde du Roi , et
Brigadier des Armées de S. M. et de D.
Marie-Anne Genevieve de Maillé- Benchart
, Dame du Houssay.
M. le Marquis de Courbons , premier
Président du Parlement de Navarre , fils
de M. Miche , Marquis de Gaubert ,
premier Président au même Parlement ,
épousa le même jour Dlle Angelique
de Lons , fille de feu M. le Marquis
de Lons , Lieutenant pour le Roi et
'Commandant en Navarre et Bearn."
-
Le 13. Novembre , François - Jean-
Baptiste Joseph de Sade , Chevalier ,
Comte de la Coste et de Saumane dans
le païs Venaissin , Colonel général de la
Cavalerie du Pape , fils de Gaspard-François
de Sade , Chevalier , Marquis de
Mazan , Seigneur de Saumane , &c. et
de D. Louise - Aldonce d'Astoüaud de
Mus , épousa à Paris Dlle Marie - Eleonore
de Maillé de Carman , fille de Do
natien de Maillé , Chevalier , Marquis de
Carman , Comte de Maillé , Baron de
Lesquelen , Seigneur Desterres de Dameny
, et de Villeromain , second Baron de
Bretagne , et de Dame Marie - Louise Binet
de Marcognet son Epouse. Ce mariage
a été celebré dans la Chapelle de l'Hôtel
NOVEMBRE. 1733. 2527
tel de Condé , en présence du Duc et
de la jeune Duchesse de Bourbon . La
Mariée a été nommée Dame d'accompagnement
par M.le Duc, à qui elle a l'honneur
d'être alliée . Le marié est d'une des
plus anciennes familles de Provence , l'Abbé
Robert de Briançon en parle avantageusement
dans son Livre intitulé PEtat
de la Provence dans sa Noblesse,Tom.
3. p. 21 , La belle Laure , si connue par les
loüanges , que le fameux Petrarque , qui
s'étoit laissé toucher par sa beauté et par
son esprit , lui donna dans les Vers qu'il
fit en son honneur , pendant sa vie , et
même après sa mort arrivée en 1348. sans
avoir été mariée , étoit de la famille de
Sade. Il y a un article d'Elle dans le Dictionnaire
Histor. sous le nom de Laurc..
La Maison de Maillé originaire de
Touraine , est trop connue pour en parler
icy. La Généalogie de cette Illustre
Maison se trouve dans le 7. Tome des
grands Officiers de la Couronne à l'art.
des Maréchaux de France p. 497.
Nombre des Baptêmes , Mariages, Enfans Trouvez
et Morts de la Ville et Fauxbourgs de Paris ,
pendant l'année 1732. Sçavoir :
Baptêmes ,..
Mariages ,
Enfans .Trouvez
18607
3993
24744
I T
Matis...
2530 MERCURE DE FRANCE
Morts ,
Maisons Religieuses , hommes
et filles ,
17231
}
17532
3012
est
Partant le nombre des Baptêmes de l'année
1732. excede celui des Morts de
Le nombre des Baptêmes dé 1732.
moindre que celui de 1731. de
Celui des Mariages est moindre de
Celui des Morts est moindre de
Celui des Enfans Trouvez est moindre de
1073
272
186
3300
65
ARRESTS NOTABLES.
sous
RREST du 22. Octobre , rendu au sujet de
deux Imprimez répandus sous le nom de
Mandemens de M. l'Evêque de Laon , &c. dont
voici la teneur. ,
Le Roi s'étant fait représenter deux Imprimez
qui paroissent depuis quelques jours , sans que le
nom de l'Imprimeur , ni le lieu de l'impression
y soient marquez , l'un sous le titre de Mande
ment de M. l'Evêque Duc de Laon , contre des
Ecrits intitulez : Arrêt de la Cour du Parlement
du 25. Avril 173 3. et Arrêt de la Cour du Parlement
du 23. Fevrier 1733. donné le 10. May
1733. et enregistré le 20. May au Greffe de l'Offi
cialité ; Mandement de M. l'Evêque Duc de Laon,
second Pair de France , &c. au sujet de quatre
Imprimez qui sont énoncez dans ledit titre, S. M.
auroit reconnu , l'examen qu'elle en a
fait faire dans son Conseil , que ces deux ouvra
ges , soit par les traits qui y sont répandus sans
menagement, soit par les questions qu'on y agite
une maniere aussi peu mesurée,ne peuvent servit
par
qu'à
•
NOVEMBRE. 1733. 253 2
qu'à ranimer la chaleur des disputes , et à aug
menter un feu que le Roy travaille continuellement
à éteindre dans son Royaume ; Que d'ailleurs,
par l'usage qu'on y veut faire des censures,
on retombe dans les mêmes excès que Sa Majesté
a déja été obligée de réprimer par son Arrêt
du 29. Septembre 173 1. qu'on y entreprend
même de s'élever contre la regle que le Roy a
renouvellée par ses Déclarations du 4. Août 1720
et du 24. Mars 1730. en deffendant d'exiger
directement ou indirectement aucunes nouvelles
formules de souscription , à l'occasion des
Bulles des Papes qui sont reçûës dans ce Royau
me , n'étant permis d'en introduire sans déli-
» bération des Evêques , revétus de l'authorité
» du Roy qu'enfin on s'y explique en plusieurs
endroits d'une maniere capable d'exciter de nouveau
les disputes qui s'étoient élevées sur la distinction
des deux Puissances , et dont le Roy a
jugé à propos de suspendre le cours. Qu'ainsi ces
deux Ecrits étant contraires aux Arrêts que S.M.
a rendus sur ce sujet , et entr'autres à celui du
2. Septembre qui ordonne la suppression d'une
Instruction Pastorale du Sr Evêque de Laon ; le
Roy , qui s'est réservé la connoissance de l'execution
de ces Arrêts , ne sçauroit interposer trop
promptement son authorité contre des Ouvrages
dont les suites peuvent être si dangereuses .
A quoi étant nécessaire de pourvoir , Sa Majesté
étant en son Conseil , a ordonné et ordonne
que lesdits Ecrits , dont l'un a pour titre ,
Mandement de M. l'Evêque Duc de Laon , contre
des Ecrits intitulez , Arrêt de la Cour du Parlement
du 25. Avril 1733. et Arrêt de la Cour du
Parlement du 23. Février 1733. donné le 10. May!
mil sept cent trente-trois et enregistré le vingt May
L.V)
de
2532 MERCURE DE FRANCE
de la même année à l'Officialité , et dont l'autre
est intitulé , Mandement de M. l'Evêque Due
de Laon , second Pair de France. Comte d'Anisy
, &c. au sujet des quatre Imprimez , dont
P'un apour titre , Arrêté du Parlement du 6. May
1733. Le second , Très -humbles et très - respectueuses
Remontrances que présentent au Roy
notre très - honoré et souverain Seigneur , les
Gens de sa Cour de Parlement , en date du 15.
du même mois . Le troisiéme , Arrêté du Parlement
fait après le comte que M. le Premier Président
a rendu aux Chambres assemblées , de la
Réponse du Roy aux Remontrances du 19. May
1733. Le quatriéme , Instruction Pastorale de
M. l'Evêque de Montpellier , adressée au Clergé
et aux fideles de son diocese , au sujet des miracles
que Dieu fait en faveur des Appellans de la
Bulle Unigenitus 1733. donné à Laon le 1. Juillet
1733. seront et demeureront supprimez , comme
contraires et attentatoires à l'authorité des Decla
rations et Arrêts de Sa Majesté , tendans à émouvoir
les esprits , et à troubler la tranquillité publique.
Enjoint Sa Majesté à tous ceux qui en ont
des exemplaires , de les remettre incessamment au
Greffe du Conseil , pour y être supprimez. Fait
deffenses à tous Imprimeurs , Libraires , Colporteurs
, et autres , de quelque état ou condition
qu'ils soient , d'en imprimer , vendre , debiter,
ou autrement distribuer , à peine de punition
exemplaire ;
ORDONNANCE du premier Novembre
portant permission aux Capitaines des Régimens
d'Infanterie , de Cavalerie et de Dragons , qui
servent en Italie , de recevoir dans leurs Compagnies
jusques à cinq hommes de nation étrangère.
AUTRE
NOVEMBRE . 1733. 2533
AUTRE du même jour , portant augmentation
des Troupes , par laquelle il est dit que S. M. jugeant
à propos de faire une augmentation dans
ses Troupes , afin de les mettre en état d'être encore
plus utilement employées pour son service ,
a ordonné et ordonne que les XI . Articles con
tenus dans ladite Ordonnance seroient executez
selon leur forme et teneur , & c.
AUTRE du même jour , pour établir un troisième
Officier dans toutes les Compagnies des
Regimens d'Infanterie Erançoise.
AUTRE du f . Novembre , qui admet à profiter
de l'Amnistie du 17. Janvier 1730 , les Cavaliers
, Dragons , Soldats et Miliciens qui ayant
deserté avant ledit jour , ne seront pas rentrez
dans le Royaume dans le terme qui leur étoit
prescrit , à condition d'aller servir à l'Armée
d'Italie.
AUTRE du 9. Novembre , portant deffenses
de transporter des grains hors du Royaume.
AUTRE du 10. Novembre , pour augmenter
d'un Bataillon chacun des Régimens de son Infanterie
qui y sont nommez ; sçavoir , de Picardie
, Champagne , Navarre , Piemont , Norman-
>
Marine, Richelieu , Bourbonnois , Auvergne
, Tallard , Pons , Royal Poitou
Lyonnois , et celui de Monseigneur le Dauphin.
Ordonne S. M. aux Colonels desdits Régimens
tenir la main à ce que lesdites Compagnies soient
mises sur pied du nombre de 40. hommes habillez
et armez entre cy et le premier Mars
prochain , &c.
AUTRE
2534 MERCURE DE FRANCE
AUTRE du même jour , pour augmenter de
14 hommes , chacune des trente Compagnies
ordinaires du Régiment des Gardes Françoises.
AUTRE du même jour , portant augmenta⇒
tion des Compagnies franches de Dragons .
AUTRE du même jour , pour augmenter les
Compagnies franches d'Infanterie.
AUTRE du même jour , pour augmenter de
quarante hommes les anciennes Compagnies des
huit Régimens Suisses , et en lever huit nouvelles
de deux cens hommes chacune.
"
AUTRE du 12. Novembre concernant la Milice
, par laquelle il est dit que S. M. ayant résolu
d'augmenter les Milices qui ont été levéesen
execution de son Ordonnance du 25. Février
1726. de trente nouveaux Bataillons , composez
de 684. hommes chacun ; même de mettre audit
nombre de 684. les 93. Bataillons qui sont actuellement
sur pied , pour les égaler en force
aux Bataillons de Troupes reglées ; comme aussi
de faire commander les Compagnies de Milice ,
par un grand nombre d'Officiers , avec une paye
annuelle et dans une forme differente de celles :
qui ont été établies par les Ordonnances préce-,
dentes ; Elle a ordonné que les 20 Articles contenus
dans ladite Ordonnance , seroient executez
selon leur forme et teneur , au bas de laquelle il
y a un Etat contenant la répartition de 123. Ba
taillons de Milices , composez de 684. hommes ;
qui doivent être fournis par les Provinces et Ge
neralitez du Royaume qui y sont dénommez , -
tant de l'Ordonnance du 25. Février 1716. que
de la presente , &C.
EDIT
NOVEMBRE. 1733. 2535
i
EDIT DU ROY , portant création de Ren
tes Viageres , en forme de Tontine. Donné
Fontainebleau , au mois de Novembre 1733*-
Registré en Parlement , fe 2 Decembre 1733 .
Louis , par la Grace de Dieu , &c. A. tous presens
et à venir : Salut. Etant informé que les
Rentes Viageres , dites Tontine , créées par no
tre tres-honoré Seigneur et Bisayeul, de glorieuse
mémoire , ont été levées avec empressement,
par l'avantage que nos Sujets y trouvoient, de sé
procurer des revenus considerables , avec une
somme modique ; et que l'exactitude avec la
quelle le payement de ces Rentes s'est toujours
fait , même dans les temps les plus difficiles , depuis
leur création jusqu'à present , sans aucune
diminution ni retranchement , leur faisoit sou
haiter que nous voulussions bien en faire une
nouvelle création : Nous nous y sommes déterminez
avec plaisir : Et Nous avons même jugé à
propos , pour l'avantage de nos Sujets , de subdiviser
chaque Classe en plusieurs parties, afin de
partager la jouissance des Rentiers décedez , entre
un plus grand nombre de Rentiers suivans ; de
maniere que le suivant de chaque subdivision
jouira de la totalité des Rentes , dont elle sera
composée ; au moyen de quoi il y aura plusieurs
survivans par chaque Classe , au lieu qu'il n'y
en avoit ordinairement qu'un dans les premieres
Tontines , qui joüissoit des Rentes de sa Classe ..
A ces causes , et autres à ce Nous mouvans , de
l'avis de notre Conseil , et de notre certaine
science , pleine puissance er authorité Royale
Nous avons par notre présent Edit perpetuel ett
irrévocable , dit , statué et ordonné, disons , statuons
et ordonnons , Voulons et Nous plaît.
ART. L. Que par les Commissaires qui seront
par Nous députez , il soit vendu et aliené à nos
chers
2436 MERCURE DE FRANCE
€
chers et bien amez les Prevôt des Marchands et
Echevins de nôtre bonne ville de Paris , un million
cinquante mille livres actuelles et effectives
de rentes viageres , à prendre sur le produit de
nos droits d'Aydes et Gabelles , et des cinq grosses
fermes , que Nous avons declarez et declarons
specialement , et par privilege , affectez et
hypothequez au payement des arrerages desdites
rentes , même par preference à la partie de nôtre
Tresor Royal.
ART. II . Voulons que les constitutions particulieres
en soient faites par les Prevôt des Mar.
chands et Echevins de nôtre bonne ville de Paris,
à ceux de nos sujets , aux étrangers non naturalisez
, même à ceux qui seront demeurans hors
de nôtre Royaume, pays , Terres et Seigneuries de
nôtre obéissance , qui les voudront acquerir ;
renonçant pour cet effet à tous droits d'aubaine
, et autres qui pourroient Nous appartenir >
même à ceux de confiscation , en cas que les particuliers
, au profit de qui lesdites rentes seront
constituées , fussent sujets des Princes et Etats
contre lesquels Nous serions en guerre ,
Nous les avons relevez et dispensez .
>
dont
ART. III . Voulons que les Contrats de constitution
desdites rentes soient passez pardevant
tels Notaires que les acquereurs vaudront choisir
, pour en jouir par eux leur vie durant , comme
de leur propre chose , vray er loyal acquêr
pleinement et paisiblement , en vertu de leurs
contrats, et en être payez actuellement et effectivement
par demi- année , à Bureau ouvert ,
deux payemens par chacun an , sans que lesdites
rentes puissent être réduites ni retranchées , sous
quelque prétexte que ce puisse être. Et seront les
Contrats de constitution desdites rentes ,delivrez
gratuitement aux acquereurs par les Notaires ,
en
aus
NOVEMBRE. 1733. 2537
ausquels il sera par Nous pourvû d'un salaire raisonnable.
IV. Le million cinquante mille livres de
rentes , sera distribué, en sept classes , de cent
cinquante mille livres chacune , et chaque classe
subdivisée en trente parties de cinq mille livres
, qui seront remplies de suite ; de maniere
qu'aussi- tôt qu'une desdites trente parties de
cinq mille livres de rente se trouvera levée , les
nouveaux acquereurs seront inscrits dans la seconde
subdivision , et ainsi successivement dans.
la troisiéme et suivantes , jusqu'à la concurrence
desdites cent cinquante mille livres de rentes ,
dont la classe sera composée : La premiere , des
enfans depuis un an jusqu'à dix ans accomplis ; la
deuxième, de dix ans jusqu'à vingt ; la troisième
de vingt ans jusqu'à trente ; la quatrième , de
trente ans jusqu'à quarante ; la cinquième de
quarante ans jusqu'à cinquante ; la sixième , de
cinquante ans jusqu'à soixante ; et la septième et
derniere , de soixante ans jusqu'à soixante-dix.et
au-dessus .
V. Chaque Action sera de trois cens livres de
capital , et il sera permis à chaque Rentier , d'en
prendre tel nombre qu'il lui plaira dans chaque
subdivision de sa classe , pour lesquelles il lui sera
expedié un ou plusieurs Contrats, à son choix.
VI. Comme il ne seroit pas juste que les personnes
moins avancées en âge , qui selon le
cours de nature doivent plus long- tems jouir
desdites Rentes , en tirassent un aussi fort revenu
que ceux d'un âge plus avancé , ordonnons
que les Rentiers des deux premieres classes , jusqu'à
l'âge de vingt ans accomplis , seront payez
des interêts de leur capital sur le pied du Denier
Quatorze , ceux de la troisiéme et quatriéme
depuis vingt ans jusqu'à quarante , sur le pied
du
2528 MERCURE DE FRANCE
du Denier Douze ; ceux de la cinquième et
sixiéme , depuis quarante ans jusqu'à soixante ,
sur le pied du Denier Dix ; et ceux de la septième
depuis soixante ans jusqu'à soixante - dix et au
dessus , à raison du Denier Huit .
VII. Lorsque les acquereurs desdites Rentes
viageres viendront à déceder , les arrerages dont
ils jouissoient , appartiendront par accroissement
aux survivans de la même subdivision dans laquelle
ils seront employez , et seront distribuez
entre eux d'année en année au sol la livré jusqu'au
dernier mourant , sans que lesdites Rentes
puissent être censées éteintes à nôtre profit par
le décès des acquereurs ; sinon après le décès du
dernier Rentier de chaque subdivision de classe ;
ensorte que le dernier vivant de chaque subdivision
de chacune desdites classes , recueillera
seul le revenu de tous les capitaux qui compose
ront ladite subdivision ; et toutes les Rentes
comprises en icelle demeureront éteintes et
amorties à notre profit , après la mort du dernier
Rentier de ladite subdivision .
VIII. Ceux qui acquerront lesdites Rentes
seront tenus de justifier leur âge par des Extraits
baptistaires en bonne forme , et dûement légalisez
ou actes de notorieté équipolents ; et à l'é
gard des étrangers demeurans hors de nôtre
Royaume, ils seront tenus, outre lesdits Extraitsbaptistaires,
ou autres actes équipolents , de rapporter
des certificats de nos Ambassadeurs , Envoyez
, Résidens ou Consuls de la Nation Françoise,
dans les Cours , Etats , ou Villes étrangeres
où ils demeureront , portant qu'ils se sont
presentez devant eux , et qu'ils leur ont représenté
lesdits Extraits- baptistaires : ou autres actes
équipolents , annexez aux minutes des Contrats
de constitution desdites Rentes,
IX
NOVEMBRE. 1733 2539
IX. Le Bureau sera ouvert à notre Trésor
Royal , huit jours après l'enregistrement de nô
tre present Edit,pour y recevoir les deniers capitaux
desdites Rentes , et en délivrer des quittan →
ces sur lesquelles les Contrats seront passez , pour
être ensuite procedé à la confection des listes de
chaque classe , et par Nous pourvû à la distribution
du fonds necessaire pour le payement des
Rentes de chacune , à raison du Denier ci- dessus
mentionné.
X. Ceux qui acquerront lesdites Rentes viageres
avant le premier Janvier prochain , en aufont
la jouissance à commencer du premier Octobre
dernier , et ceux qui les acquerront avant
le premier Avril , en jouiront du premier Janvier
: lequel temps passé, le Bureau de la Recet
te desdits capitaux demeurera fermé .
XI. Le payement des arrerages desdites Rentesse
fera par les Payeurs qui seront créez à cet effet
, et ainsi qu'il se pratique pour les autres Rentes
de l'Hôtel de Ville,ausquels Payeurs les fonds
seront remis chaque année , par les Fermiers de
nos Aydes et Gabelles et autres Fermes.
XII. Voulons que la presente Tontine soit di
rigée en la même forme et maniere,que les trois
autres ci-devant créées ; et qu'en consequence
le Prevôt des marchands de nôtredite Ville de
Paris procéde à la nominatiou des Syndics honoraires
desdites classes , aussitôt après la confection
des listes , conformement à ce qui s'est
pratiqué jusqu'à present : Et à l'égard des Syndics
onéraires , notre intention est que ceux qui
sont pourvûs de ces Offices pour lesdites trois
premieres Tontines, fassent les mêmes fonctions
pour la présente , suivant la distribution qui leur
sera faite desdites Classes par le Prevôt desMarchands.
2540 MERCURE DE FRANCE
XIII . Et comme il est important d'empêcher
qu'on ne puisse sous des noms supposez , sur des
fausses Quittances , et sur des Quittances signées
par des Rentiers avant leurs décès , recevoir le
payement des arrérages desdites Rentes à notre
préjudice , et à celui du droit d'accroissement acquis
aux furvivans : Voulons et Ordonnons que
les Quittances soient passés par les Rentiers, domiciliez
à Paris , pardevant les mêmes Notaires
qui auront expedié les Contrats de Constitution,
qui attesteront que le Rentier , au nom duquel
la Quittance sera passée , est actuellement en vie
et s'est présenté devant eux lors de la passatiou
de ladite Quittance , de la verité desquelles chacun
desdits Notaires demeurera civil menr res
ponsable , sans que lesdits Rentiers soient obligez
de rapporter d'autre Certificat de vie , dont
Nous les avons dispensez : A l'égard de ceux qui
demeurent dans les Provinces de notre Royaume,
ils pourront faire reccvoir les arrérages , sur des
Procurations en boune forme , passées pardevant
Notaire , et légalisées par le Juge ordinaire
du lieu de la résidence desdits Notaires ,
qui certifiera au pied desdites Procurations
la vie desdits Rentiers : Et ceux qui seront
demeurants hors de nôtre Royaume , seront tenus
de rapporter des certificats de vie , passez
pardevant Notaires , ou autres personnes publiques
, en présence de deux témoins , qui attesteront
avoir vu dans le jour, et parlé audit Rentier,
le tout légalisé par nos Ambassadeurs , Envoyez,
Résidens , ou Consuls de la Nation Françoise
dans les Cours, Etats et Villes étrangeres où ils
sont demeurants ; et dans tous les cas ci- dessus ,
seront les Quittances passées devant Notaires
comme il se pratique pour toutes les autres Rentes
viageres par Nous dues. Voulons au surplus ,
>
qua
NOVEMBRE. 1733. 2541
que que nôtre Declaration du 27. Decembre 1727.
qui établit des peines contre ceux qui recevroient
indûëment les arrerages des Rentes viageres
constituées sur l'Hôtel de Ville de Paris , soit
executée selon sa forme et teneur , pour les Rentes
créées par le present Edit ; et que dans le cas
où les Notaires ne reconnoîtroient pas assez les
Rentiers pour certifier leur existance , il y soit
suppléé conformément à ladite Declaration , par
l'intervention de deux personnes domiciliées à
Paris, qui attesteront l'existence desdits Rentiers .
XIV. Et pour d'autant plus favoriser les acquereurs
desd . Rentes viageres ,voulons que les arrerages
, à quelque somme qu'ils puissent monter
par l'accroissement de la part des prédecedez , ne
puissent être saisis sous quelque prétexte que ce
soit , pas même pour nos propres affaires ; et en
outre que les Rentes qui seront acquises par les
étrangers , soient exemptes de toutes lettres de
marque , et de représailles , pour quelque cause
que ce soit.
XV. Les arrerages desdites Rentes , qui seront
dûs au jour du decès de chacun des Rentiers , seront
payez à leurs veuves , enfans et héritiers, en
rapportant , outre l'Extrait mortuaire en bonne
forme , bien et dûëment légalisé , la Grosse du
Contrat de constitution.
XVI . Les peres et meres qui auront acquis
desdites Rentes viageres sous le nom d'aucun de
leurs enfans , jouiront des arrérages , sans être
tenus d'en rendre aucun compte ,jusqu'à ce qu'ils
en ayent disposé au profit de leursdits enfans.
XVII . Ceux de nos Sujets caillables, qui acquereront
desdites Rentes , ne pourront être imposez
à la Taille à plus grande somme , pour raison
de ladite acquisition , ni même pour l'accroissement
dont ils pourront joüir dans la suite .
XVIII
2642 MERCURE DE FRANCE
XVIII. Les acquereurs desdites Rentes pourfont
faire passer les Contrats sous le nom de telles
personnes qu'ils voudront choisir , pour en jouir
tant par eux , que par ceux qu'ils nommeront sur
leurs quittances , dont il sera fait mention dans
les quittances du Garde de notre Trésor Royal , er
dans lesdits Contracts ; et l'existence des personnes
nommées par lesdits acquereurs , sera justi—
fiée pour recevoir les arrerages et accroissemens,
dans les formes ci - dessus.
XIX. Voulons que s'il arrive quelques contestations
pour raison du payement desdites Rentes
viageres , forme ou validité des quittances
des rentiers , ou touchant quelque autre chose
concernant lesdites rentes , la connoissance en
appartienne aux Prevôt des Marchands et Echevins
de notre bonne ville de Paris ,ausquels Nous
en avons attribué toute Cour ,Jurisdiction et connoissance
; pour être par eux lesdites contestations
decidées sommairement et sans frais , en
premiere instance , et par appel en notre Cour de
Parlement de Paris ; nonobstant et sans prejudice
duquel appel , les jugemens rendus par lesdits
Prevôt des Marchands et Echevins , seront executez
par provision. Si donuons en mandement à
nos amez et feaux Conseillers les Gens tenans notre
Cour de Parlement, Chambre des Comptes et
Cour des Aydes à Paris , que notre present Edit
ils ayent à faire lire, publier et registrer , et le contenu
en iceluy garder et observer de point en
point , selon sa forme et teneur , nonobstant tous
Edits , Declarations , Arrêts , Reglemens et autres
choses à ce contraires , ausquels Nous avons
dérogé et derogeons par le present Edit ; aux copies
duquel , collationnées par l'un de nos amez
et feaux Conseillers-Secretaires , voulons que foy
soit adjoûtée comme à l'original : Car tel est notre
plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et staNOVEMBRE.
1733. 2543
ble à toûjours , Nous y avons fait mettre notre
scel . Donné à Fontainebleau &c.
P
TABLE
Leces fugitives. Ode sur le Parnasse François
. 2331
Reponse à l'Auteur du projet sur M. de Montagne
Ode sur l'ouvrage des six jours.
12337
2353
Lettre sur l'Opération laterale de la Pierre . 2361
La Tourterelle, Idylle , 2365
Mémoire sur la question du Plain- chant &c.
Le Triomphe de l'Amour , Ode.
Lettre sur le Testament de M. Pithou,
Le Passage de la Mer Rouge , Cantate.
2369
2380
2385
2391
Reponse au Problême proposé sur l'essence de la
matiere.
Enigmes , Logogriphes &c.
2393
2408
2419
Nouvelles Litteraires des beaux Arts & c.Histoire
Litteraire de la France & c.
Monumens de la Monarchie Françoise & c. 2427
Systême tiré de l'Ecriture Sainte sur la durée du
Monde & c. 2434
Nouvelles Etrennes , Calendrier et Fables 2438
Essay sur les Erreurs populaires &c. 2443
Livres nouveaux des Pays Etrangers & c. 2452
Ouvertures des Academies après les vacances2454
Ouverture du College Royal & c.
1
2455
Lettre écrite à l'Auteur du Bureau Typographyque
2456
Prix de la Sosieté des Arts & c.
1
2458
Pix de l'Academie. de Bordeaux & c.
2459
Nouvelles Estampes &c. 2460
Nouveaux ouvrages de Musique. 2461
Air poté d'après le nouvel Opera 2463
Les Rois , Ronde de Table.
Spectacles.
2464
2466
Nouvelles Etrangeres, de Turquie et Perse. 2469
Lettre de Constantinople.
De Russie et de Pologne.
247I
2480
D'Allemagne , d'Italie , Espagne et Païs- Bas.
Epitre familiere à Mad.
2489
2492
Suite de la Relation du Siege et de la prise de
Kell .
Madrigal .
Manifeste du Roi de Sardaigne.
2.495
12500
Ibid.
Bouquet. 2506
Portrait en Diane .
2507
Armée d'Italic.
2508
Remerciment de M. de Senecé &c.
2509
Addition aux Nouvelles, 2512
Rondeau de M. de S. Aulaire. 2514
Nouvelles ds la Cour de Paris &c . 2515
Cérémonie remarquable. 2516
Epitaphe d'un Avarn . 2521
Morts , Naissances et Mariages
Ibid.
l'Année 1732. 2527
2530
Nombre des Baptêmes , Mariages er Morts de
Arrêts Notables .
Errata de Septembre.
Charlotte de Rohan Guemené , est morte Epouse
en secondes Nopces de M. Hugues de Crequy ,
dit le Compte de Crequy , et non pas de Jean-
Antoine de Crequy , Comte de Canaples , frere
aîné dudit Hugues.
Errata d'Octobre.
Pag. 2137. ligne 20 fixus lisez fiscus. P. 2304 .
ligne 2. du bas , du Roi , ôtez ces mots.
trenérder la page 24640
MERCURE
DE FRANCE ,
DĚDIE AV ROY.
1733 .
PREMIER VOLUME:
DECEMBRE.
SPARGIT
CURICOLLIGIT
A PARIS
GUILLAUME CAVELIER .
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais.
M. DCC. XXXIII.
Avec Approbation & Privilege du Roy
A VIS.
L'A
>
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure vis - à- vis la Comedie Françoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventſe ſervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toûjours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perie de temps & de les faire porier fur
Pheure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
,
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT:
DECEMBRE. 1733 .
*************************
PIECES
L
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose .
L'HOM M E.
..O D E.
Oin d'ici brillantes chimères ;
De ces cyniques orgueilleux ,
Qui nous ont masqué nos miseres,
Sous les dehors les plus pomp ux.
Suffit- il d'embellir un songe ,
Pour donner chez nous au mensonge ,
L'air spécieux de verité ?
I. Vol. Non A ij
2544 MERCURE DE FRANCE
Non , quelque couleur qu'on employe ,
Je ne puis entrevoir de joye ,
Dans le sein de l'adversité,
V
Au lieu de nous fournir des armes ,
Pour opposer à nos douleurs ;
Pourquoi vouloir dans nos allarmes ,
Nous faire trouver des douceurs ?
Croyez -vous captieux cyniques ,
Par vos emphases magnifiques ,
De l'Homme adoucir les chagrins .
Est- ce que des biens en peinture ,
Peuvent le soustraire à l'injure ,
De ses veritables destins ?
來
Ecartons ces lumieres sombres ,
Qui ne nous offrent qu'un faux jour ,
Craignons en marchant dans les ombres ,
De nous égarer sans retour.
Par une peinture fidelle ,
De la condition mortelle ,
Tâchons d'appaiser les rigueurs ;
Et quand la celeste vengeance
Se voit pour nous sans indulgence ,
Connoissons du moins nos malheurs.
1. Vol.
L'Homme
DECEMBRE . 1733. 2545
L'Homme est le plus parfait ouvrage ,
Que Dieu jamais ait enfanté;
En lui je vois briller l'Image
De la suprême Majesté .
De l'Univers souverain Maître ,
De l'Auteur même de son Etre
Il eût partagé le bonheur ,
Si , toûjours soumis à ses ordres ,
Il n'eût osé par ses désordres "
Allumer son couroux vengeur.
M
Depuis sa desobéissance ,
Ses biens se sont changez en maux ;
La pauvreté , la dépendance
Ne lui laissent point de repos
Il ouvre à peine à la lumiere ,
Une languissante paupiere ,
Qu'il se voit né pour le malheur ,
En chagrins sa vie est féconde ;
Il ne fait voir qu'il est au monde ,
Qu'en poussant des cris de douleur.
Ses malheureuses destinées ,
Dans son coeur insensiblement ,
Reçoivent avec les années ,
Quelque nouvel accroissement.
Il est à la seconde Aurore
I. Vol. Cent
A iij
2546 MERCURE DE FRANCE
Cent fois plus miserable encore
Qu'il n'étoit au premier Soleil ;
Et la nuit ne suspend ses peines ,
Que pour ajoûter à ses chaînes ,
Un nouveau poids à son réveil.
S'il entre au - dedans de lui- même ,
Quel déluge de maux affreux !
Ce qu'il déteste , ce qu'il aime ,
Le rend tour à tour malheureux.
Entend- il gronder le Tonnerre ,
Il croit voir le Ciel et la Terre
Réunis pour son châtiment ,
Et jamais un bien ne le touche ,
Qu'aussi- tôt une peur farouche
N'en dissipe tout l'agrément,
M
A cette regle generale ,
'Aucun Mortel ne s'est soustrait ;
Tous dans cette coupe fatale ,
Boivent le poison à long trait.
Illustre Héros , Hommes sages ,
Vous avez part à ces outrages ,
Comme les derniers des Humains ;
Le vain effort . que vous vous faites
Pour paroître autres que vous n'êtes ,
Ne rend pas vos jours plus séreins.
I. Vol. Ici
DECEMBRE. 1733. 2547
Ici je vois un fou de Grece ,
Du nom de Sage revêtu ,
Qui cherche à cacher sa foiblesse ,
Sous le manteau de la vertu ;
Mais en vain ; ses belles paroles
Ne sont que des contes frivoles ,
Dont je sçai la juste valeur ;
Et malgré la riante image ,
Qu'il affecte sur son visage ,
Je sens qu'il souffre au fond du coeur .
Eh ! pourquoi de ces mêmes peines ,
Ne subiroit- il point la loy ?
Le sang qui coule dans ses veines ,
N'est- il pas tel qu'il coule en moi ?
Enfans de la même Nature ,
Je n'éprouverois que torture !
Il ne connoîtroit nul chagrin !
Non , sortis d'une même source ,'
Nous devons tous dans notre course
Passer par le même chemin.
潞
Le Sage au- dessus du vulgaire ,
A force de refléxion ,
Peut bien quelquefois se soustraire ,
A quelques maux d'opinion ;
Il peut regarder la tempête ,
91
I. Vol. Prête A iiij
1548 MERCURE DE FRANCE
Prête de fondre sur sa tête
Et jouir d'un profond repos ;
Mais quand la douleur le consume
L'Homme en proye à son amertume ,
Oublie aisément le Héros..
Avec une ardeur non commune
Dans les temps les plus orageux
Il peut , vainqueur de la fortune
Braver ses traits impetueux..
Epictete , par son courage
Goute jusques dans l'esclavage
Les douceurs de la liberté ,
L'attaque- t'on dans sa personne a
Toute sa force l'abandonne ,
Il rentre en sa captivité.
Ah ! si la Nature infléxible
Impose de si tristes Loix ,
Du moins , autant qu'il est possible ,
Tâchons d'en affoiblir le poids.
Puisque l'on trouve quelques charmes
A se soulager par des larmes ,
Mortels , versez- en librement ;
Esclaves d'injustes maximes ,
1. Vol.
PourDECEMBRE
1733. 2549,
Pourquoi vous feriez - vous des crimes
D'un si juste adoucissement
C'est une lâcheté de feindre
Pour exagerer son tourment ;
Mais il est permis de se plaindre ,
Quand on souffre réellement :
Trop sensibles à la misere-
Craignons d'outrager notre Mere
Par quelque reproche indiscret ;
Mais ne nommons jamais constance
Une orgueilleuse indifference ,
Que le coeur dément en secret.
の
A. De la Boisseliere , F.
ᎣᎣᎣᎣᎣᎣᎣ
DISCOURS de M. de Ponsan , Trésorier,
de France à Toulouse , prononcé, dans »
l'Académie des Jeux Floraux peu de
temps après sa reception...
MESSIE ESSIEURS,
EURS
,
Vos nouveaux Confreres seroient fondez
à demander que vous eussiez pour
eux la condescendance de les dispensers
de remplir leur tour dans vos conferen
I. Vel A.Y COS S
2550 MERCURE DE FRANCE
ces ; avant qu'ils fussent obligez de parler
devant vous , il seroit juste qu'ils eus
sent joui quelque temps de l'avantage de
vous entendre ; le respect que j'ai pour
vos usages , m'engage à m'y conformer ,
ils me seront toujours plus chers. que mes.
interêts ; je connois tout le danger de ce
que j'ose entreprendre ; mais je m'y expose
d'autant plus volontiers , que je croi
qu'il n'y a pas moins de modestie à subir
votre fine et judicieuse critique , qu'à
n'oser la soutenir ; une attention cons
tante à ne rien mettre sous vos yeux ,
pourroit bien être soupçonnée de quelque
présomption ; rien ne seroit en
moi plus déplacé qu'une pareille pru--
dence; je n'ai pas àà craindre de craindre de compromettre
une réputation acquise ; ce sentiment
trop précautionné a quelquefois
séduit de grands hommes ; ils n'ont pas
sans doute fait attention qu'il est trespréjudiciable
aux interêts du public ; il
lui enleve les avantages que pourroient
lui procurer des Esprits, d'ailleurs excellens
; on a lieu d'être surpris qu'oubliant
ce qu'ils doivent à la société , ils veuil--
lent se condamner au silence , et priver
leurs bons Ouvrages de la lumiere , à
cause que malheureusement pour nous ,
ils se sont fait une idée de perfection à
Vol.
laeDECEMBRE
. 1733. 4551
laquelle ils ne croient jamais pouvoir atteindre
; il seroit à souhaiter que quelque
Génie du premier Ordre , écrivit sur
cette matiere , il tâcheroit de guérir l'esprit
de cette orgueilleuse modestie , et
désabuseroit d'une ambition qui devient
infructueuse , parce qu'elle est démesurée.
Pous vous , Messieurs , vous ne vous
laissez pas surprendre à ces piéges de l'amour
propre ; votre goût pour les Belles
Lettres maintient avec ardeur les travaux
Litteraires de cette ancienne Académie ;
vous remplissez tour à tour nos séances
par des Ouvrages pleins d'agrément , et
en même temps tres utiles , ce qui me
met en droit de dire avec Horace , que
tout ce qui vient de vous est marqué au.
coin de la perfection :
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.
Depuis que j'ai l'honneur d'être témoin
de vos occupations Académiques ( 1 ).
un de vos plus zélez confreres a fait voir
dans un ingénieux Dialogue que l'imagi
nation et la raison se nuisent réciproquement.
Nous devons moderer les fougues
de l'une , fuir les contraintes de l'autre , eten
exciter les lenteurs ; celle - ci nous gê--
(11) M. le Chevalier Daliés,.
I: Vol . A vj
2552 MERCURE DE FRANCE
ne ; celle-là nous égare ; elles peuvent
pourtant se prêter de mutuels secours :-
pour tourner leurs défauts à notre avantage
, il ne faut que mettre en pratique .
les excellens préceptes qui sont semez
dans le Dialogue dont je parle.
Nous avons ensuite écouté avec beau-..
coup de plaisir , la lecture ( 1 ) d'un ou
vrage mêlé de recherches utiles et curieuses
, qui explique le chimérique projet
de cet avanturier , qui prétendoic
avoir un secret pour changer le Fer en
Cuivre , et qui abusa dans cette Ville , il
y a quelques années , de la crédulité de
ceux qui mirent en lui une confiance intéressée
; rien n'égale les illusions de la
Chimie , lorsque sa folle ambition la
porte à s'occuper de la transmutation
des Métaux ; on peut bien dire que l'imagination
égare alors la raison;le grand
oeuvre ne peut faire perdre le temps
qu'aux petits Esprits ; les vaines recherches
qu'on en fait se réduisent à acque
rir à grands frais l'indigence ..
L'Auteur ( 2 ) des Réfléxions sur le
goût nous a donné par cet Ouvrage une
( ) Cet Ouvrage est de M. le Marquis d'Aus-
Bone.
( 2 ) Les Réfléxions sont de M. Rabaudy Vis
ruier de Toulouse
Jakdla..
nou
DECEMBRE. 1733 25535
;
nouvelle preuve de sa délicatesse; il nous .
a fourni en même - temps des Préceptes.
et des Exemples ; ce sujet étoit digne de.
son choix le public ne sçauroit trop ,
marquer sa reconnoissance aux personnes
qui veulent bien tâcher d'établir quelque
chose de certain sur une matiere aussi
importante, et qui ne devient que trop
arbitraire.
Des obstacles , sans doute considéra-,
bles , nous ont privez de la satisfaction.
d'entendre deux autres de nos Confreres; ..
leurs excuses ne sçauroient être aussi lé-..
gitimes que mes regrets ; ils ne peuventqu'être
grands , dès qu'ils sont proportionnez
à ce que je crois avoir perdu ; ils .
seroient extrêmes, si je ne me flattois que ,
cette perte n'est pas irréparable.
L'impossibilité où je me trouve , Messieurs
, de vous procurer dans cette Séan-.
ce autant de plaisir que j'en ai goûté dans
les précédentes , mortifie ma reconnois-,
sance , qui certainement ne seroit pas en
reste , s'il ne falloit beaucoup d'esprit ene
cette occasion pour m'acquitter envers
vous ; je ne négligerai rien pour tâcher
du moins de vous faire connoître ma.
bonne volonté , le hazard m'a fourni le.
sujet sur lequel je vais vous parler.
Je reçûs il y a quelques jours une. Let-
•
JVola
2554 MERCURE DE FRANCE
tre d'une Dame , et comme elle me demandoit
une réponse fort longue , je lui
addressai , après avoir répondu à sa ettre
, un petit Ouvrage pour l'amuser
dans sa Campagne. Je prens la liberté de
vous le présenter pour remplir mon tour
dans cette Séance.
La Dame à laquelle s'addresse ma Lettre
est de ces Personnes dont la beauté
fait le moindre mérite ; elle a le précieux
secret de plaire à tout le monde , et d'obtenir
toutes les préférences ,avec ces avantages
vous n'aurez pas de peine à croire
qu'elle ait inspiré beaucoup de passions ;
mais , ce qui est plus glorieux , elle a sçû
s'attacher plusieurs amis; faites- moi l'honneur
, Messieurs , de croire sur ma parole
, quelque incroïable que cela soit , que
cette Dame , malgré le nombre et le mérite
de ses Amans , a toujours méprisé
l'Amour , et a fait grand cas de l'amitié 3 .
vous voïez par là que son discernement
exquis , l'a mise au dessus des préjugez.
les plus établis , et des usages les mieux
observez ; elle a de l'esprit infiniment, ses
pensées sont ingénicuses , solides et enjouées,
ses expressions sont fortes et pleines
de sens , elle aime , mais sans mali--
gnité , tout ce qui attaque les moeurs corrompues
du siécle ; elle peint vivement
I. Vol. less
DECEMBR E. 1733 . 2555
es travers et les ridicules ; son heureux
génie est fertile en traits que l'amour propre
qualifie d'outrez , et qu'on pourroit
souvent regarder comme adoucis , si l'on
connoissoit toute la malice des hommes.
Les Personnes qui n'aiment pas les
propos
galans ne trouveront rien dans ma
Lettre , sur ce sujet, qui puisse n'être pas
de leur goût , quoiqu'elle soit addressée
à une Dame ; toute ma galanterie se réduit
à lui dire galament , si cela se peut ,
que je n'ai jamais eu d'amour pour elle ;
mon dessein est de lui parler en general
de l'amitié , de faire les éloges de cette
vertu , de démasquer l'amour , et d'établir
la superiorité que l'amitié a sur lui ;
ce sujet fait naître des réfléxions dont je
tâche de tirer parti , pour mêler , s'il .
m'est possible , quelque utilité avec des
badinages.
Quis vetat.
Ridendo dicere verum 2
De pareils sujets ne sont pas déplacez
dans nos Conferences. Messieurs de l'Académie
Françoise s'occupoient dans les
premiers temps à faire de petits Discours
sur telle matiére qu'il leur plaisoit ; ces
Ouvrages n'ont pas été imprimez , mais
Pillustre Historien de cette celebre Com-
La Vol.. pagnie
2556 MERCURE DE FRANCE
pagnie nous apprend que M. Porcheres
Laugier parla sur les différences et les
conformitez qui sont entre l'amour et
l'amitié. M.Chapelain fit un Discours contre
l'amour. M. Desmarais fit une Dissertation
sur l'amour des Esprits , et M. de
Boissat en fit une autre sur l'amour des
corps . J'ai cru que je pouvois après ces
modelles , traiter icy un sujet qui a beaucoup
de rapport avec ceux là .
Comme ma Lettre n'est pas une fiction
, et que je l'ai véritablement écrite
pour répondre à celle que j'avois reçûë ,
il n'est pas possible qu'il n'y ait des choses
personnelles ; je n'ai pû les supprimer
sans déranger le tissu de ce petit Ouvrage
; je ne sçai , Messieus , si je n'abuserai ·
pas , en vous les lisant , de l'entiere liberté
que vous donnez sur le choix des
sujets ; j'use de cette liberté en commençant
par vous lire , avant que d'entrer en
matière sur le sujet annoncé, ma réponse
à la Lettre de cette Dame.
I.Val
LETDECEMBRE.
1733,
2557
htt
LETTRE de M. de P... à Mad. de
L... écrite de Toulouse , le 10 Septembre
1733
MADAME,
J'ai reçû depuis trois jours seulement
la Lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire , il y en a plus de quinze ; je
serois en droit de me plaindre de ceux
qui l'ont retenue et qui ont différé par là
le plaisir qu'elle devoit me faire; je poutrois
déclamer contre eux et contre le
sort ; peut- être réussirois - je à parer ces
lieux communs et ces tours usez de quelque
air de nouveauté ; mais en prenantle
ton ordinaire des Amans , j'aurois à
craindre d'être confondu avec ceux dont
j'aurois emprunté le langage Il me paroît
que votre séjour à la Campagne ne vous.
a pas mise dans des dispositions favorables
pour prêter l'oreille à des propos qui'
pourroient avoir un air galant ; les réflé
xions que vous y faites redoublent votre
dégoût pour les frivoles occupations du
genre humain ; elles excitent votre indignation
contre lui , et vous font sentir-
I. Vol.
cam
2558 MERCURE DE FRANCE
combien est méprisable tout ce qui fait
ses délices ; vous aimez votre solitude
comme un azile qui vous dérobe la vûë
de toutes ces miseres , et par un excès de
précaution vous y prolongez votre séjour
avec plaisir , comme dans un lieu de sureté
contre la contagion de l'exemple . Vos
chagrins philosophiques sont tres légiti
mes; peu de gens pourroient voir sans
confusion , tout ce que la raison et la vertu
comprennent dans la liste des niaise
ries et dans celle des vices ; je n'ai garde
d'entreprendre cette énumération ; les
premiers articles révolteroient la plus
brillante moitié du genre humain, et peu
s'en faudroit qu'avant que de finir je ne
m'attirasse la haine publique ; je croi
d'ailleurs que tout considéré , il vaut
mieux laisser l'Univers en paix , que
d'aller grossir le nombre de ceux qui ont
travaillé vainement à le réformer ; j'espere
que employerai plus utilement mes
Discours en vous priant de faire attention
que vous ne pouvez , sans injustice ,
me river en même- temps de votre conversation
et de vos Lettres ; j'attendois
avec impatience celle dont vous venez
de m'honorer , elle m'a fait un plaisir
infini , j'ai presque oublié votre absence
en la lisant , ou plutôt j'ai formé des re-
I. Vol.
grets
}
DECEMBRE: 1733. 2559
grets sur ce qu'on ne peut jouir de la satisfaction
d'en recevoir qu'au prix de votre
éloignement . Pour me venger de la
rareté de vos Lettres , je suis tenté d'en
faire l'éloge , je pourrois publier hardiment
qu'elles feroient honneur aux meil
leurs Esprits ; on admire en les lisant , la
nouveauté et la finesse des pensées , l'élé,
gance du stile , la politesse du langage ;
vos invectives sont semées de traits qui
ont échapé aux beaux Génies des deux
siécles rivaux ; rien n'est plus ingénieux
ni plus vif que vos dépits , mais ce qui
charme le plus , ce sont les sentimens
nobles et gencreux qui animent tout ce
qui part de vous ; je poursuivrois avec
plaisir , mais connoissant votre éloignement
pour les louanges , je crains de pousser
trop loin ma vangeance , et d'abuser.
de la hardiesse que me donne votre absence
.
Je bornerois là ma réponse , si vous ne
me disicz , Madame , que vous souhaitez
de moi un volume ; vous m'assurez qu'à
la dixiéme lecture , ma Lettie pourra
encore vous délasser des Entretiens triviaux
de votre voisinage champêtre ; animé
de cet espoir séduisant , je vais tâcher
de vous satisfaire ; j'aime mieux m'exposer
au danger de vous ennuyer.comme
1.Vol. VOS
2560 MERCURE DE FRANCE
vos voisins , que de laisser échapper une.
occasion de vous donner des marques de
mon parfait dévouement .
Pour mériter votre attention , du moins
par le choix du sujet , je veux vous parler
de l'Amitié et de sa prééminence sur
l'Amour ; mes réfléxions justifieront la
préférence que vous avez toujours donnée
à vos Amis , sur tous vos Adorateurs.
Le reste paroîtra dans le prochain Mercure...
REFLEXIO NS Morales. Sur la
Reconnoissance.
ΕΙ dans un Parterre , où l'on voit mille
fleurs
TEL que
Disputer à l'envi de l'éclat des couleurs ,
Avec une pompe orgueilleuse ,
S'éleve un Lys impérieux ,
Dont la beauté majestueuse ,
Arrête sur lui tous les
yeux
Telle dans sa magnificence,
Au dessus des autres vertus ,
Seleve la Reconnoissance ,
Et tient par son éclat nos regards suspendus.
Charmé des nobles traits qui nous frappent em
elle ,
1.
Vol
.
ChaDECEMBRE
. 1733. 2.565
Chacun a soin d'en faire une image fidele.
Chacun est son admirateur ,
Mais ce qui m'étonne et me touche ,
C'est de la voir , hélas ! sans cesse dans la boma
che ,
Et presque jamais dans le coeur.
Sur les jugemens du Monde.
Pourquoi s'embarrasser du jugement des hom
mes ?
Ce n'est plus l'esprit qui conduit :
Le coeur dans le temps où nous sommes ,
Nous regle en tout et nous séduit.
Alcidor autrefois me donnoit son estime
Et de cent qualitez me croyoit revêtu
Il me fait maintenant un crime
De ce qu'il appelloit vertu ,
J'étois un Maître en l'Art d'écrire ,
Je change tout à coup avec le même esprit
Sans dégoût on ne sçauroit lire
Rien de ce que ma plume écrit ,
Il n'est pas toutefois difficile de dire
D'où vient un si grand changement
Alcidor m'aimoit tendrement ,
J'étois par cet endroit un Auteur admirable ;
Dans un objet aimé l'on trouve tout aimable
Mais je ne sçai par quel hazard ,
A l'amitié succede une haine effroyable :
1.Vol. Sce
2562 MERCURE DE FRANCE
Ses jugemens dèslors changent à mon égard ;
D'excellent , je deviens Ecrivain pitoyable ;
Dans un objet qu'on hait , tout paroît détestable.
Sur les Auteurs.
Que je plains le sort d'un Auteur
Qui travaille sans cesse à polir
un Ouvrage ,
Pour l'exposer ensuire à la bizarre humeur
D'un public malin et volage ;
Je ne vois pas , quel avantage ,
Il espere tirer d'un si grand embarras ,
Mais j'entends. . en secret de ses travaux in.
grats
...
L'Amour propre le dédommage ,
En faisant à ses yeux , briller la fausse image
D'une vaine immortalité.
Séduits par la même esperance
,
Dont cet Auteur est enchanté .
Plusieurs ont crû , malgré leur obscure naissance
,
Que leurs nonis ; vainqueurs du Lethé ,
Eterniseroient leur mémoire ;
Mais ils se sont envain flatté ,
Au lieu d'éterniser leur gloire ,
Chez toute la posterité ,
Ils ont fait sur le bord le plus triste naufrage ;
Et se sont attirez le mépris de leur âge.
I. Vol. Je
DECEMBRE . 1733. 2563
6
Je passe
là-dessus encore ;
Je veux bien que son nom fameux ,
Du Couchant jusques à l'Aurore ,
Soit révéré de nos Neveux ;
De quoi sert une Renommée ,
Dont jamais la vaine fumée ;
Ne pourra
le soustraire aux injures du sort
De quelque façon qu'on la nomme ,
Peut-elle meriter qu'un homme
Veuille mourir vivant , pour vivre après sa
mort.
DI LA BOISSELIER
XXX*:**** *******
SECONDE LETTRE CRITIQUE ;
sur la Chronologie de la nouvelle Histoire
Universelle traduite de l'Anglais-
V
Ous êtes donc content de ma premiere
Lettre , Monsieur ; la maniere
obligeante dont vous m'en parlez
est pour moi un nouvel engagement de
tenir ma parole . C'est de la Chronologie
en général , et de celle de l'Histoire des
Egyptiens que je vous rendrai compte
aujourd'hui . Et quand même ces Messieurs
auroient connoissance de mes Réfléxions
, ils n'en seroient ni surpris ni
fâchez , puisqu'ils avoüent d'avance qu'il
1. Vol.
2564 MERCURE DE FRANCE
y aura sans doute des fautes dans leur
ouvrage , car il n'en paroîtra , selon cux,
de parfait que l'année où l'on trouvera
le mouvement perpetuel et la Pierre
Philosophale. Mais ils se flattent aussi
de n'avoir commis que des fautes excusables,
Avis au Lecteur. Vous en serez
le Juge..
Tous ceux qui ont entrepris d'écrire
sur l'Histoire ancienne , se sont toujours
tourmentez pour trouver une regle sure
de Chronologie , les Septante ne sont
plus gueres de mise , et la préference
roule aujourd'hui entre l'Hebreu et le
Samaritain . Ces Messieurs prennent une
nouvelle route , ils suivent tantôt l'un >
tantôt l'autre de ces derniers textes , ne
les reconnoissant pour autentiques que
quand et comme ils le Jugent à propos.
C'est encore un autre principe autorisé
par la foi et par la raison que nous n'avons
aucune autre connoissance de l'Histoire
anterieure au Déluge que le peu qui s'en
trouve dans les Livres de Moyse. Ils le
reconnoissent comme nous . Aucune nation
, disent- ils , n'a porté son Histoire
au- delà du Déluge , au moins avec quelque
fondement avis au Lecteur p. 8.
et ailleurs , les Ecrits de Moyse sont les
seuls Monuments autentiques que nous
1. Vol. ayons
DECEMBRE. 1733 2565,
1
ayons
prouver que
›
,
de ces tems éloignez page. 142 .
Après tous ces aveus , qui s'attendroit
que le Compilateur va entreprendre de
le Sanchoniathon Auteur
Phénicien , qui vivoit même avant la
Guerre de Troye , nous a donné une Généalogie
complette de tous les descendans
de Caïn jusqu'au tems d'Abraham
Cela est néanmoins vrai , et il le fait sur
l'autorité de Cumberland. Le Protogone et
P'Eon sont le même couple qu'Adam et
Eve , leurs Enfans Genus et Genua sont
Caïn et sa femme comme on dit dans
la Loy civile , Caïus et Caïa, p. 143. et
pour en convaincre ,il faut voir comment
il déchire et décompose ces mots. De
ces descendans de Carn , combien tiret'il
d'origines curieuses ? p. 144. ct
suiv. La coûtume d'offrir du sang aux
déitez inférieures , et une partie de la
chair des bêtes tuées à la Chasse ; le culte
rendu aux hommes après leur mort ;
la premiere statuë qui leur est élevée , le
premier Temple bâti en leur honneur
Elion ou le Très-Haut est Lamech pere
de Noë celui- ci est Vrane , et son premier
fils Cronus ou Saturne est Cham comme
on aura soin de le prouver dans la suite
Voila ce qui s'appelle du neuf. Mais si
1. Vol. VOUS B
2566 MERCURE DE FRANCE
vous demandez pourquoi Sanchoniaton
n'a point parlé du Déluge dans le cours
de son récit, lui qui rapporte tant d'autres
événemens de peu de conséquence, on vous
répondra que ce fléau étant en partie le
fléau de l'idolatrie , les Payens ont tâché
d'abolir la mémoire d'un monument si
extraordinaire de la vangeance divine et
de leur propre honte.
Cela est bientôt dit. Mais comment
Sanchoniaton et les autres Payens poste
rieurs de plusieurs siècles au Déluge , en
avoient- ils connoissance ? Quelle Histoi
re anterieure subsistoit après ce ravage
universel ? Dans quelle urne , dans quelle
capse , dans quel coffre de fer l'avoit - on
mise pout la sauver du naufrage ? Qui en
avoit eu la pensée et la précaution ? Je
comprens comment Moyse inspiré par
le S. Esprit , et conduit par une tradition
miraculeusement conservée , nous a
tracé succintement l'Histoire de ces tems
obscurs. Mais je n'imagine point par quel
canal , Sanchoniathon , mille ans après
a pénetré dans ce mystere. Néanmoins
suivant ces Messieurs il le savoit et
mieux que Moyse , puisque ce S. Patriarche
Legislateur a ômis deux Genérations
qu'il faut remplir et réformer par la Iu ,
miere de l'Auteur Phenicien p. 148,
I, Vol
Dites
DECEMBRE.
1733 2567
Dites moi en votre conscience , l'auriezvous
jamais crû ?
Vous seriez encore bien plus étonné si
je vous disois ce qu'on raconte d'après
Berose : Qu'un Poisson à deux têtes fut
le premier maître qui instruisit les Caldéens
; que cet animal aquatique et de fi .
gure monstrueuse étoit Adam, et que dix
autres animaux de même sorte sont les
dix Patriarches qui suivirent jusqu'au
Déluge , p. 149. et suiv. Le tout conforme
à la Chronologie Samaritaine , suivant
la réformation de l'ancien Calen
drier Babilonien.
Autre découverte. Voici encore 113 ]
Générations pendant l'espace de 36525
ans de compte fait , qui ont occupé le
Trône de l'Egypte depuis le commencement
du Monde . Toute cette succession
est divisée en trois Races , les Aurites ,
les Mestréens , et les Egyptiens jusqu'à
Alexandre , p . 15;. L'on ajoûte , p • 154 .
et cette Hypothese, comme nous le
verons bien- tôt , s'accorde passablement
bien avec la Chronologie. Cependant ,
comme ce nombre paroît un peu exorbitant
, on aime mieux s'en rapporter à
Manethon , comme à celui de qui l'on
doit principalement puiser l'Histoire
d'Egypte . Et ce Prêtre d'Heliopolis qui
prou-
1. Vol. Bij l'écrivi
2568 MERCURE DE FRANCE
磕
l'écrivit par l'ordre de Philadelphe , est
beaucoup plus modeste , ne donnant que
9000 ans à Vulcain le premier Roy , qui
en font 750. des nôtres .
י
Tout cela vous paroît des réveries , et
vous avez d'autant plus raison , qu'elles
ne sont fondées que sur l'imagination et
sur les Fables du Paganisme.Ces Messieurs
trouvent cependant qu'elles s'accordent
passablement bien avec la Chronologie
et ils veulent s'en servir pour rectifier les
Généalogies de Moyse . Ils ont oublié, par
malheur pour nous , de dire comment
cela se peut faire ; et j'en suis aussi embarrassé
que de pouvoir concilier les differens
articles du jugement qu'ils en.
portent. » Nous venons , disenr- ils, de
» rassembler les differentes parties les
plus essentielles de l'Histoire du Mon-
» de avant le Déluge , que nous ayons
» pù trouver dans les Auteurs profanes,
Quelques- unes de ces parties ne sont pas
» destituées d'un certain air de verité.Ĉependant
à les prendre en général, elles
» nous paroissent peu dignes de croyance.
Nous osons néanmoins nous flatter que
» comme tout ce qui est marqué au coin
» d'une antiquité fort reculée mérite no-
» tre curiosité on ne regardera pas la
peine que nous avons prise comme en-
I. Vol. « ticrement
»
>
D'ECEMBR E. 1733. 2589°
tierement inutile. » Pesez bien cette
Sentence , elle vaudroit elle seule une
Lettre toute entiere.
,
Il n'y a , comme vous voyez , rien de
sûr dans tout cela,et leLecteur après avoir
medité deux cent pages d'un grand in 4°.
sçait moins à quoi s'en tenir que s'il n'avoit
lû que les six premiers chap. de la
Genése. Et comment celui qui a redigé
Ouvrage auroit- il pûr nous donner quelque
chose de net et un sistême suivi ,
lui qui n'en avoit pas pour soi-même ?
Inclinant à vouloir faire passer le Sanchoniathon
Berose , et la Chronique
Egyptienne pour des monumens qui ne
manquent pas d'un certain air de verité , il
adopte le calcul Hebreu , comme le plus .
long , pour les siècles qui ont précédé le
Déluge. Mais ce Texte a perdu , selon lui ,
toute son autenticité dans ce naufrage . Il
a été corrompu par les Juifs , qui vou .
loient décliner la force des Oracles , et il
est trop resserré pour contenir les fairs
qui se sont passez depuis le Déluge jusqu'à
la naissance de Phaleg. C'est le Smaritain
que l'on veut ici parce qu'il
contient 300 ans. de plus dans cet espace.
,
Quelqu'un qui voudroit voir clair dans
ses lectures,et se fonder en raison , deman ,
I. Vol.
deroit
Biij
2570 MERCURE DE FRANCE
deroit naturellement la preuve de ees
interpolations de l'un et de l'autre Texte
dans ces différens âges . Mais ce seroit un
curieux importun auquel on ne daigne
pas répondre. Toute la raison qu'on a
de changer de régle , c'est que l'un convient
mieux que l'autre dans les différentes
circonstances . Ainsi c'est l'Ecriture
qu'on ajuste sur l'Histoire profane ; au
lieu qu'il faudroit regler l'Histoire profane
sur l'autorité de l'Ecriture.
Le grand motif qui fait ici abandonner
le Texte Hebreu est l'impossibilité
de faire commencer la dispersion des
peuples 100 ans après le Déluge , époque
de la naissance de Phaleg ; et de trouver
53 Conducteurs , accompagnez chacun
d'une multitude capable de former le
même nombre des Colonies . Voilà ce
que le Traducteur appelle ingenieusement
la Croix de ceux qui suivent le Texte
Hebreu p. 285. Mais cette Croix n'est
gueres difficile à porter ; et qui pourroit
croire que personne n'a mieux réussi
que ces Messieurs à en diminuer le
poids ?
Tout ce qu'ils disent pour faire voir
que le Genre humain n'étoit pas assez
multiplié un siécle après le Déluge pour
former des Colonies , démontre évidem-
1. Vol. ment
DECEMBRE. 1733. 57%
ment que la chose étoit possible , naturelle
, et peut-être même nécessaire. Je
vous prens volontiers pour nôtre Juge.
Personne n'avoit encore traité si au long
ce point qui est vraiment curieux . Ces
Messieurs , recueillent avec soin les différens
calculs qu'ont fait d'habiles Auteurs
pour montrer jusqu'où alloit la
propagation des hommes chaque siécle
après ' e Déluge.
Suivant le P. Petau la terre contenoit
32768 Enfans mâles cent ans après la
réparation du Genre humain ; et 185 ans
après , il
avoit 155
y fois plus d'habitans
qu'on ne lui en suppose aujourd'hui .
Cumberland n'en trouve que trente mille,
101 ans après le Déluge. 40 ans après il en
augmente le nombre au delà de 300000.et
encore 40 ans après il le fait monter à
3000000, Quelques - uns sont plus moderez
, et ne comptent qu'environ 23000
hommes , d'autres 14000 à la naissance de
Phaleg.
Tout le monde qui double et au delà ,
si l'on y comprend les femmes , ne paroît
pas suffisant à ces Messieurs pour occasionner
la dispersion . Ils veulent attendre
encore 300 ans , c'est- à - dire jusqu'à
ce qu'il y ait , suivant le P. Petau , 247 ,
224,717 , 456 , hommes , ou un peu
I. Vol. Biiij moins
2572 MERCURE DE FRANCE
moins selon d'autres. Alors il auroit été
certainement bien forcé de se séparer ; et
je défie qu'on eût pâ attendre si longtems.
En supposant avec le Texte Hebreu que
la confusion des Langues est arrivée 100
ans après le Déluge , n'obligeoit t'ellepas
les hommes à se diviser suivant la
différence des familles et de leurs idiomes ?
Ils n'avoient pas besoin pour cet effet
d'être en plus grande quantité , ils s'augmentoient
assez de jour en jour , et l'Ecriture
ne dit pas que leur séparation se
fit dans la même semaine ou la même année
, il est très probable qu'il y eut des
intervales plus ou moins grands. Cette
réponse est d'autant plus solide qu'elle
est fondée sur la nature du sujet , qu'elle
tombe sous les sens , et qu'elle démontre
la suffisance du Texte Hebreu .
Mais ce qui va vous surprendre , c'est
qu'elle n'est pas de moi ; et que je la trouve
toute entiere dans ces Mrs, sujets à édifier
et à détruire de la même main. Voici
leurs paroles , p . 292. a Il faut considerer
que chacune de ces Colonies crois-
» soit à proportion qu'elles s'éloignoient
» davantage du centre de leur dispersion
avant que d'arriver au Pays où elles
» fixèrent ensuite leur séjour ; car la terre
1. Vol
DECEMBRE . 1733. 2573
8
» ne fut pas peuplée en une seule fois
» mais par dégrez , par où il paroît qu'il
» n'est nullement besoin de faire des ef-
» forts pour augmenter le Genre humain.
» au tems de la dispersion . » Et moi j'ajoûte
par la même raison qu'il n'étoit pas
nécessaire d'abandonner le Texte par le--
quel on avoit commencé sa Chronologie,
puisqu'il suffisoit pour donner le tems.
aux hommes de se multiplier , et que la
présomption est principalement en
faveur , comme l'ont remarqué les Peres.
On ne peut faire autrement , dit- on
p. 205. puisqu'au tems d'Abraham , qui
seroit suivant le calcul 427 ans , depuis
le Déluge,il y avoit sur la Terre plusieurs
Villes bâties , des Royaumes fondez , er
des Monarques dont l'Empire s'étendoit
depuis la Perse jusqu'au Pays de Canaan .
Tout cela est vrai ; mais si ces Mrs. le
donnent pour une objection solide ; qu'ils
nous dispensent d'en juger de même..
1. En suivant la supputation des Auteurs
qui ont compté les hommes qu'il !
y auroit dû avoir en ce tems là , on verra
que le nombre en est plus que suisant
pour faire des Royaumes très peu-.
plez quand même on s'attacheroit à
ceux qui l'ont plus, diminué. 2 °. Quels
étoient ces Rois ? Il en faut juger pas
1. Vol .
By
2574 MERCURE DE FRANCE
quatre
ce qui arriva à Abraham , qui en fit fuir
devant lui avec 318 hommes.
3 °. On appelloit alors Roy le Maître d'une
petite Contrée , peuplée ou non , le
chef d'une famille ou d'un village , quia
regebat. 4 ° . Mille ou neuf cent ans après
le Déluge , on voyoit encore dans le
Peloponese un Roy de Cerinthe , un
d'Argos , un de Sicyone , un de Mycènes
, un ou plusieurs dans l'Elide , un à
Orchomène , un à Messéne et un autre
à Lacédémone ; cependant toute cette
presqu'Isle n'a pas plus d'étendue que la
Lorraine. Que dirions- nous de neuf ou
dix Rois qui n'auroient que ce Duché
pour appanages Ce ne sont donc point
là des difficultez assez graves pour déroger
à l'autorité du Texte hebreu .
Tels sont les Préliminaires de ces Mrs.
de qui l'on peut diré avec une égale verité
, que personne ne sait plus de choses
sur l'introduction à l'Histoire , et que
personne n'en a des idées moins nettes.
Ils entrent ensuite dans le détail des Peuples
et des Monarchies , et c'est par les
Egyptiens qu'ils commencent. Je me suis
engagé à vous en dire quelque chose ; il
est juste de tenir ma parole.
Ce point y est traité dans le même
goût ; c'est -à - dire , avec une abondance
I. Vol. de
DECEMBRE. 1733. 2575
de recherches et d'érudition qu'on avoit
droit d'attendre d'une habile Societé de
Gens de Lettres. Mais ils se sont contentez
de mettre sous les yeux du Lecteur un
amas de faits qui ne laissent rien à désirer
sur la matiere, que l'ordre et le discernement.
Ils vont même plus loin. Ils raportent
avec diffusion les disputes et les
sentimens de tous les Auteurs sur chaque
point en particulier , et n'omettent rien
de part et d'autre . Mais en Ecrivains
humbles et timides , on ne les voit presque
jamais prendre de parti. Comme les regles
de la Critique ne leur ont point appris à
décider dans la diversité des opinions, ils
doutent et hésitent sur tout , et laissent
les autres dans la même incertitude. L'Analyse
que je vais faire de cette Partie
vous en convaincra,
W
» L'on remarque , disent -ils , de si
grands vuides et des erreurs si manifestes
» dans les successions des Rois d'Egypte ,
que ce seroit une peine très inutile que
de vouloir les ranger dans un ordre
> Chronologique
, qui les accordât entr'elles
, aussi bien qu'avec l'Ecriture
p. 426. « La Chronique
de Marsham
est pleine d'une érudition
admirable
» mais par malheur il s'est attaché trop
scrupuleusement
à la Chronologie
du
2
"
1. Vole B vj » Texte
2576 MERCURE DE FRANCE
Texte hebreu. Attachement qui l'obli-
» ge à supposer que Mènes a été Cham et
point Mizraim , et de faire commancer
son regne, en dépit du bon sens , im-
» médiatement , ( c'est- à- dire plus d'un
ן כ
siécle ) après le Déluge , p. 430. Tous
» les plus grands Hommes ne sçavent ce
» qu'ils disent là - dessus ; et l'on avouë
>> ingenûment que l'on ne comprend pas
.commentle projet d'accorder la Chro-
» nologie Egyptienne des premiers siecles
»avec la nôtre, à la légere différence de
quelques années près, a pû entrer dans
»l'esprit des gens sensez et ce qui a aug-
» menté l'étonnement est le ton décisif
» que quelques uns d'eux ont pris dans
» une matiere aussi incertaine , p . 434.
» Enfin la chose la moins vraisemblable
» est que Menès ait pû commencer son
» regne deux siècles après le Déluge , p.
» 435...
Il n'y a que l'incomparable , Newton qui
7. entende quelque chose . Cet illustre
Auteur ( oui en fait de Mathématique )
croit que Sesostris étoit Osiris . C'est pourquoi
il place après lui , Menès ( que to s
les Anciens ont regardé comme le premier
Roy d'Egypte. ) Et par une conséquence
nécessaire aussi bien - que pour
d'autres raisons , il change la succession
Le Vol. des
DECEMBRE. 1733
2577
des Rois d'Egypte de sa propre autorité
et voici l'ordre qu'il y met: Sasostris , Phee
ron, Proteus, Menès , Rhampsinitus Maris,
Cheops , Cephren , Mycerinus , Nitocris
&c. C'est comme si l'on arrangeoit ainsi
les Rois de France , Charles- Magne, Henri
IV. S.Louis,Mérovée, Pharamond , Il suppose
que Ménès a été le même qu'Aménophis
( le quel ? ) et Memnon , et que
par corruption on l'a appellé : Menès, Minès
, Mineus, Minies , Minevis, Enephes,
Venephes, Phamenophis , Osymanthias , Osimandes
, Ismandes , Imandes , Memnon
Arminon. Papa? Qui est ce qui le croira ?
Suivant cette hypothése , Menès ( reconnu
presqu'universellement pour fils de
Cham ) est plus ancien d'environ trois
cent ans que Psammétique , qui vivoit du
temps de Manassès. Ces découvertes ne
sont -elles pas incomparables , ou plutôt
ne sont- elles pas avancées en dépit du bon
sens, pour me servir de l'élégante expres
sion du Traducteur ?
$
-
Cependant il est vrai que ces Messieurs
se contentent d'admirer ces productions ,
sans les adopter,mais M.Newton ne pour
roit pas s'en fâcher , puisqu'ils rejettent
tout systême , et ne veulent commencer
leur Chronologie qu'à Psammétique.Mais
quoi ! falloit- il donc tant d'esprit pour
I. Vol. voie
2578 MERCURE DE FRANCE
voir
que
Sésac est nommé dans l'Ecriture
à côté de Salomon ? Hérodote ne dit- il
pas que Protée regnoit pendant le Siége
de Troye? Voilà donc la Chronologie remontée
déjà de seo ans. Quel pouvoit
être le Roy qui entréprit ces grands travaux
, qui accablerent les Israëlites ? Hérodote
et Diodore le peignent assez par
l'histoire de Sesostris. Il ne falloit donc
pas avoir une grande sagacité pour donner
de l'ordre à l'histoire des Egyptiens
avant la décadence de leur Empire , eton
peut l'assurer sans prendre le ton décisif.
Il est des yeux qu'un trop grand jour
éblouit. Frappez par les preuves et les objections
de tous les Systêmes Chronologiques
, ces Messieurs y ont vu par tout
du fort et du foible ; ils ont crû qu'on ne
pouvoit rien proposer de mieux que ce
qu'ils trouvoient dans des Ecrivains du
premier Ordre , quoiqu'ils n'ayent pas
consulté ce qu'on nous a donné en France
depuis quelques - temps , qui répand sur
ce sujet plus de lumiere qu'il n'y en avoit
jamais eu ; ils ont mieux aimé raconter
les sentimens d'autrui que d'en hazarder
un d'eux - mêmes , et c'est la méthode
qu'ils observent dans tout le reste de cette
Histoire particuliere ; ensorte qu'on
pourroit l'appeller une Histoire , in utram-
1. Vol.
que
DECEMBRE. 1733. 2579
que
que partem; pour et contre. Je ne choisis
trois exemples entre mille, parce qu'il est
temps de finir. On rapporte tout de suite
98 Systêmes de Chronologie , sans dire seulement
si dans tout ce nombre il y en a
un de bon. Pour sçavoir qui étoit Menès ,
il y a une belle et grande Note de 2 pages
in 4° , en petit texte , fort serré , où l'on
transcrit les raisons de Périzonius , de
Marsham , de Pezron et de M. Newton .
C'est bien pis sur Sésostris; il y a près de
neuf pages entieres de même caractere ,
fort serré , qui en feroient au moins 20
d'un in 12 ordinaire , pour rapporter la
dispute des mêmes Ecrivains, auxquels or
ajoute M.Wisthon quien occupe la meilleure
partie ,pour discuter si ce Prince est
le même que Sézac . Cela n'est- il pas bien
amusant ? On promet neanmoins de rapporter
ces sentimens en moins de paroles
qu'il sera possible . Que seroit- ce donc si
l'on avoit osé se livrer à soi- même ? Il met
vient en pensée un meilleur Titre , que
ces Messieurs auroient pû donner à leur
Ouvrage ; ils auroient dû mettre , ce me
semble , Histoire de ce qu'ont pensé tous les
Auteurs sur l'ancien Empire des Egyptiens,
jusqu'à Alexandre. En voilà assez pour une
Lettre. Si vous exigiez absolument que je
vous donnasse d'autres Extraits sur le rés-
1. Vol.
te
2580 MERCURE DE FRANCE
te de ce volume , j'aurois de la peine à
vous refuser ; mais je vais prévenir toute
difficulté en vous priant de ne me plus
rien demander. Je suis , & c..
LE SOLEIL ET LES NUAGES.
FABLE
AM. DE LA TOUR , Intendant de Bretagne
; par Mlle DE MALCRA IS... de
la Vigne du Croisic...
JA
Aloux de la Lueur féconde ,
Que répand en tous lieux , sur la Terre et dans
l'Onde ,
Le brillant Astre des Saisons ,
Les Nuages un jour , contre lui se liguérent ,
Résolus d'obscurcir à jamais ses rayons.
Au jour prescrit en foule ils arriverents
Des différentes Régions.
Alors dans les Hautes campagnes™
Ces Escadrons épais s'élevant en Montagnes
Formant des Bastions,des Ramparts et des Forts,
S'entasserent, se condenserent ,
Au devant des Rayons de leur mieux se placerent.
Mais qu'en arri va til 2 après tous leurs efforts
1. Vol.
Pour
DECEMBRE. 1733. 2581
Pour trop s'enfler les uns créverent , -
D'autres furent fondus , les autres promptement ,
A bâtons rompus s'échapperent ,.
Portez sur les aîles du vent..
En vain le vice et sa sequele ,
Tâchent d'opprimer la vertu ♬
La vérité combat pour elle ,
Et le vice s'enfuit , ou demeure abbatu .
Intendant des Bretons , dont le rare mérite
D'un Employ souverain , soutient la dignité ,
Qui sçais conformer ta conduite ,
Aux Regles de la Probité ,
Ton esprit obligeant , humain , docte , équitable
Doit trouver en tous Lieux des coeurs reconnoissan
LA TOUR , je t'addresse ma Fable ;
Mieux qu'un autre tu peux en pénétrer lé sens .
LETTRE d'un Habitant du Parnasse,
à M. Titon du Tillet
ONSIEUR,.
La Renommée nous a apporté la description
de votre Parnasse. Ce Livre a
fait à nos illustres Compatriotes , autant
de plaisir que le Parnasse même. Les Anciens
, pour lesquels leurs. Mecènes et
1. Vol.
leurs
2582 MERCURE DE FRANCE
leurs Pollions n'ont jamais rien imaginé
d'aussi honorable , ont parû souffrir forc
impatiemment cet avantage des Modernes
. On a même été sur le point de renouveller
à cette occasion les anciennes
disputes ; mais Apollon a sur le champ
appaisé le bruit par ces paroles :
O vous , qui les premiers en Grece , en Ausonie,
Favoris des doctes Soeurs ,
Sçûtes gouter les douceurs
De la divine harmonie ,
Si dé nobles Rivaux du même zele épris ,
Osent vous disputer le Prix ,
S'ils sçavent dans leurs Vers faire couler vos
Graces ,
Vos accords , vos sons les plus doux ,
Grecs et Romains n'en soyez point jaloux ,
Ce n'est qu'en marchant sur vos traces
Qu'ils s'élevent jusques à vous.
Un compliment si flateur dans la bouche
d'Apollon , contenta ceux des Anciens
dont les Ecrits sont parvenus jusqu'à
nos tems , et nous ont servi de modele;
mais il en restoit un assez grand nombre
dont les noms et les Ouvrages sont absolument
inconnus , et qui sans être comparables
aux grands Maîtres , avoient cependant
un mérite réel. Ceux-là parois-
J. Vol. soient
DECEMBR E. 1733. 2583
soient les plus échauffez et se plaignoient
amérement de l'injustice du Destin , qui
avoit réservé aux Modernes un honneur
qu'ils croyoient eux - mêmes avoir bien
mérité. Ils avoient quelque raison .
Leur siecle en beaux Esprits fertile ,
Ne vit point pour leur gloire un Amateur des
Arts ,
Un homme tel que vous , qui d'une main habile
Sçut avec choix dans un Ouvrage utile
Rassembler tous leurs noms épars.
Si les Muses alors moins avares de gloire ,
Pour éterniser leur memoire ,
Dans les Fastes sçavans les avoient consacrez ,
On y verroit encor paroître ,
dévorez ,
Des noms par le temps
Noms dans leur siecle reverez ,
Et dignes sans doute de l'être.
Vous voyez , Monsieur , que je suis
'de votre avis sur les places qu'occupent
au Parnasse bien des Poëtes , qui sans
être du premier mérite , ne sont pourtant
point méprisables.
Apollon est un Dieu sévere ;
Cependant sur le Mont sacré ,
Il est encor plus d'un degré
Au-dessous de Sapho , de Virgile et d'Homere.
I. Vol. Je
2584 MERCURE DE FRANCE
*
Je reviens aux François , qui pendant
ce temps - là , déliberoient entre eux sur
la maniere de vous témoigner leur reconnoissance.
Quelqu'un se leva et dit :
De GARNIER * la sçavante main
Asçû l'Art d'animer et le Marbre et l'Airain ;
Mais dans sa course journaliere ,
Par sa seule mobilité ,
Le temps peut réduire en poussiere ,
Le Monument le plus vanté.
Bien mieux que sur le Bronze , en ses charmans
Ouvrages ,
TITON à notre gloire éleve un Monument ,
Qui jusques au dernier moment
Du Temps bravera les outrages.
pa- Dès qu'il eut fini un autre prit la
role,et s'exprima à peu près en ces termes ::
Garnier , des Héros de notre âge ,.
Sur le Bronze docile à gravé le visage ;.
Et Du Tillet en ses Ecrits
A fait revivre leurs esprits.
Cependant on ne concluoit rien , quelqu'un
le fit remarquer à la Compagnie ,
* Le Sculpteur qui a executé le Parnasse Fran- -
feis en Bronze sur le Dessein et les ordres de
M. Titon du Tillet.
I. Vol.
qui
DECEMBRE. 1733. 2585
qui voyant que l'immortalité étoit le seul
bien dont pussent disposer les Poëtes ,
s'écria aussi - tôt :
Titon sans doute a merité
Que notre Lyre l'éternise ;
Mais déja son Ouvrage et sa noble Entreprise
L'opt assuré sans nous de l'immortalité.
Tout le monde en convint , et cette
illustre Compagnie se sépara sur le champ.
Pour moi , Monsieur , j'ai crû vous faire
plaisir de vous mander ce qui s'étoit
passé sur le Parnasse à l'occasion de votre
Livre. Je suis avec toute l'estime la plus
parfaite , &c.
Le P. R ** J.
Sur le Parnasse ce 6. Septembre 1733 .
33
LE TRIOMPHE DE L'AMOUR ;
A CLORIS.
UN jour l'Enfant allé qu'on adore à Cythere
Pour qui les Dieux et les Mortels
Elevent dans leurs coeurs des Temples, des Autels,
Fut disgracié par sa Mere ;
Plein de dépit et de colere ,
1. Vol.
D'un
2586 MERCURE DE FRANCE
D'un vol leger l'Amour vint à Paris ,
Suivi des Jeux , des
graces et
des Ris :
Il inspira par tout l'Art d'aimer et de plaire.
Faisons naître , dit-il , dans ce charmant séjour,
Pour le Triomphe de l'Amour ,
Une Beauté frappante , une Venus nouvelle ,
Dont les attraits me vengent des mépris
De la trop altiere Cypris ;
Par un petit batement d'aîle ,
Il vous donna le jour , belle Cloris.
Les Immortels du haut de l'Empirée ,
Admirerent en vous une autre Cytheréc.
Plein de ravissement en cet aimable jour
Chaque Dieu fut d'intelligence
A faire éclater sa puissance ,
Pour rendre plus parfait l'ouvrage de l'Amour?
Jupiter vous fit don d'une ame genereuse ;
Junon vous décora d'une noble fierté ;
Le Dieu des Vers vous fit la faveur précieuse ;
De parler et d'écrire avec solidité ;
Le Destin vous rendit heureuse,
Enfin , Cloris , en vous , talens , félicité ,
Tout égale votre beauté .
Par M. L'Affichards
1. Vol.
DES
DECEMBRE . 1733. 2587
tatatt
DES HIEROGLYPHES , et de
leurs usages dans l'Antiquité. Discours
où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de
tous les Monstres et de tous les Animaux
chimeriques dont les Anciens nous ont
parlé. Par M. Beneton de Perrin .
Es premiers hommes , avec la seule
Lfaculté du langage par les organes
de la voix , auroient manqué de moyens
pour s'entretenir absents les uns des
-autres , et n'auroient pû avoir commerce
entre eux que difficilement, Pour remedier
à ces inconveniens , ils inventerent
des figures et convinrent qu'elles serviroient
à représenter leurs pensées , pour
ne les découvrir qu'à ceux qui en auroient
l'intelligence. Les actions et les
passions étant des accidens qui agitent
également la Nature et les hommes ;
ces figures emblêmatiques servirent d'a
bord à exprimer les unes et les autres
de ces choses , et formerent par-là un
langage muet , qui montroit le coeur
de l'homme aux yeux sans le secours
de la parole.
Les Grecs nommerent ces figures Hie-
1. Vol.
roglyphes
2588 MERCURE DE FRANCE
rogliphes , des mots Ιερος et γλύφος , com .
me qui diroit Sacra Sculptura , parce que
ce furent les Prêtres qui les premiers s'en
servirent pour écrire sur la Religion , et
envelopper par là les Mysteres. Le Pere
Kirker dérive le terme d'Hierogliphe des
mots da T. espos na gaúços , ce qui revient
assez à ce que j'ai dit qu'ils servoient
à une Ecriture sacrée , faite pour
être gravée ou taillée sur le bois ou sur
la pierre , Quasi sacra scalpendo ; les Hierogliphes
se multiplierent à mesure que
Part de parler se perfectionna et que les
Sciences se formerent.
Je les distingue en deux classes ; sçavoir
, les Hierogliphes animez , qui se
représentoient sous des formes de bêtes
soit Quadrupedes , Reptiles , Oiseaux ,
"Poissons et Plantes vegétatives , et les
Hierogliphes inanimez , qu'il faut plutôt
nommer Hierogrammes , parce qu'ils n'étoient
que des figures que les hommes
se firent à leur fantaisie , la plupart desquelles
formerent les Lettres qu'on nomma
Alphabetiques , en s'en servant pour
une autre Ecriture que le Hierogliphique
, comme j'aurai occasion de le faire
voir dans la suite. Les Chaldéens ayant
les premiers observé les Cieux et considere
l'ordre que semblent garder entre
I. Vol. elles
DECEMBRE. 1733. 2589
elles les Etoilles rassemblées , comme par
pelotons , dans ce vaste espace , ils tracerent
des figures dans le même arrangement
, et comme dans les choses mises
en confusion , on croit voir tout ce
qu'on a dessein d'y voir ; ils crurent
avoir remarqué dans ces assemblages d'Etoilles
, des formes distinctes d'hommes ,
d'oiseaux et d'animaux , ce qui leur fit
donner à ces amas ou conjonctions d'Astres
, les noms de Sagittaire , de Vierge ,
de Cigne , d'Ours , de Chien , &c. les
marquant des mêmes figures sur leurs
Tables Astronomiques.
>
Les Grecs nommerent aussi beaucoup
'de Constellations , les appellant du nom
de leurs Héros , et sur tout de ceux qui
se distinguerent dans l'Expedition de la
Colchide , sous le nom d'Argonautes
parce que ces Braves ayant été les
miers hommes qui eussent osé s'exposer
en pleine Mer , et ne se guidant que
par les Etoilles , les Poëtes jugerent qu'u
ne pareille hardie se méritoit que ces
Etoilles portassent leurs noms .
pre-
Les Astres une fois personnifiez , firent
naître l'Idolatrie ; on adora non - seulement
l'Astre en original , que l'on croyoit
influer sur un Pays ; mais encore sa figure
taillée et son Symbole ou Hiero-
I. Vol
C gliphes
2890 MERCURE DE FRANCE
gliphes, devinrent une chose respectable.
On alla même encore plus loin dans la
Deification des Corps de l'Univers ; car
la Terre étant deifiée comme les autres
Corps , on partagea sa divinité pour mul
tiplier les Dieux. Chacune de ces productions
eut séparément cet avantage , et
furent symbolisées par de nouveaux Hicrogliphes
, ce qui augmenta considerablement
et le nombre des cultes et celui
des figures.
Enfin le comble de l'Idolatrie fut qu'on
déïfia les hommes , regardant comme
des Dieux les Héros et les Inventeurs des
Sciences et des Arts. Alors on acheva de
faire porter aux Astres les noms des
personnes illustres , et confondant l'homme
et l'Astre , on honora le tout ensemble
sous la Statue ou le Hierogliphe
qui désignoit également ces deux choses
confonduës.
Par exemple , la Lyre , le Serpent ,
le Centaure , étoient des Signes Celestes ,
ces mêmes Signes ou Hierogliphes , désignoient
un Apollon , Pere prétendu
des Poëtes et des Musiciens ; un Esculape ,
Pere de la Médecine , et un Neptune ,
qui le premier dompta des Chevaux pour
s'en servir à la guerre et à la Chasse.
Mais ce qui embroüilla beaucoup la
I, Vol, signifi
DECEMBRE. 1733. 259%
signification des Hierogliphes , et quit
commença à en rendre l'explication malaisée
, c'est que tous les Personnages qui
réüssissoient dans les Sciences , et qui par
conséquent marchoient sur les traces de
ces hommes déïfiez pour en avoir été
les Inventeurs , se disoient leurs Enfans ;
de bons Poëtes et Musiciens étoient dits
Enfans d'Apollon ; un bon Médecin se
disoit fils d'Esculape , et d'habiles Cavaliers
se mettoient au nombre des descendans
de Neptune , le dompteur de
Chevaux. On qualifioit d'Enfans de Vulcain
tous ceux qui travailloient à forger
les Armes et les Outils pour l'Agriculture.
La Fable ne donne qu'un oeil aux
Cyclopes , pour signifier que les Ouvriers
qui travailloient aux Mines dans les en
trailles de la Terre , séjour continuellement
ténebreux , ne joüissoient que
d'un des deux avantages communs aux
autres hommes qui voyent alternativement
la luraiere du Soleil après l'obscu
rité de la nuit ; d'habiles Pilotes et Mariniers
étoient considerez comme fils
d'Eole et de l'Ocean.
Toutes ces personnes désignoient leur
Art sous un Hierogliphe , lequel souvent
les désignoit aussi eux - mêmes. La marque
étoit relative à la Profession et à
1. Vol. Cij l'Ou2592
MERCURE DE FRANCE
l'Ouvrier , et ces deux qualitez à la Divinité
Protectrice de l'Ouvrage , celafait
qu'un même Hierogliphe pouvoit signifier
trois choses bien differentes , une Sacrée ,
comme marque du Dieu d'un Art ; unc
Méchanique , comme marque de l'Art
même ; enfin une simple marque d'Ouvrier
Ainsi le même Hierogliphe qui
désignoit un Dieu , se mettoit souvent
sur le Tombeau d'un homme , pour montrer
la Profession dont il avoit été . Je
me servirai pour donner de cela un exem
ple sensible , d'un usage observé égale
ment par les Payens et par les premiers
Chrétiens en enterrant leurs Morts , les
uns mettoient souvent une hache sur
leurs Tombeaux , ce qui ne désignoit
pas toujours que celui qui étoit renfermé ||
dedans eût été un Ouvrier , ce pouvoit
être une personne de consideration qui
avoit eu pour Patron quelque Dieu Protecteur
d'un Art ou d'une Science , et
la hache étoit alors le Hierogliphe du
Dieu et non pas celui du Mort . Voilà
selon moi , ce qu'on doit entendre par
les Tombeaux érigez Sub ascia. Pan étoit
le Dieu des Campagnes , on n'enterroit
que là ; il a pû se faire que la hache ou
le hoyau , Instrumens propres à couper
les bois ou à remuer les terres
1. Vel
?
>
ont été
Les
DECEMBRE. 1733 2393
les Symboles des Dieux Champêtres , et
én mettant les Morts sous la protection
de ces Dieux , on mettoit leur Symbole
sur les Tombeaux .
A l'égard des Chrétiens , ils gravoient
une Pale sur les Sépulchres de feurs Martyrs
; ce Hierogliphe avoit une double
signification , l'une de passion , qui étoft
la gloire que s'étoient procuré ces Saints
par la souffrance , et l'autre de Religion , *
qui faisoit connoître celle dont ces illustres
avoient été les soutiens .
La représentation de differentes choses
par le même Hierogliphe , est ce qui
rend aujourd'hui presque impossible l'explication
des Monumens écrits avec ces ·
figures.
Comme je m'étendrai plus sur les Hierogliphes
que sur les Hierogrammes
quoique le mêlange des uns avec les
autres servit à fournir plus de moyens
d'exprimer ce qu'on avoit à faire sentir ;
je ne puis m'empêcher de faire une reflexion
qui tombe également sur tou
tes ces marques , c'est qu'il seroit à
souhaiter que les personnes qui s'appliquent
à les étudier , s'attachassent
bien à distinguer les deux especes dont
je parle , et les differents sujets ausquels
elles convenoient. Chacune de
1. Vol. Cij nos
2594 MERCURE DE FRANCE
nos Sciences a ses termes propres , il
en devoit être de même des Sciences
anciennes qui devoient par la même
Taison avoir aussi leurs marques propres.
Je ne dis pas que l'attention que
j'exige des Etudians en Hierogliphes fût
suffisante pour les conduire à une entiere
connoissance de ces figures énig .
matiques , on sçait assez que les Prêtres
et les Philosophes qui se servirent d'elles
depuis que l'on eut les Caracteres alphabetiques
, ne le faisoient que pour ca
cher une partie des choses dont ils ne
vouloient pas que le commun du peuple
fût instruit , mais du moins pár la
distinction des Hierogliphes on pourroit
en apprendre assez pour distinguer dans
les Monumens qui en sont chargez , ce qui
est de sacré d'avec ce qui est de prophane,
on tiendroit par là en bride les Charlatans
de la Litterature , qui trouvant
dans ces Monumens tout ce que leur
imagination y veut mettre , ne font
qu'embrouiller l'Histoire , loin de l'éclaircir
, et ils se trouveroient par ce
moyen hors d'état d'en imposer et d'ébloüir
les ignorans .
Revenons presentement à l'objet prin
cipal de cet Ouvrage , qui est de montrer
qu'entre toutes ces figures dont les
1. Vol. hommes
DECEMBRE. 1733. 2595
hommes se servirent pour expliquer leurs
connoissances , celles qui représentoient
des Animaux de differente nature , devinrent
dans les siecles où l'intelligence
de ces figures se trouva perduë, des Monstres
que l'ignorance fit croire avoir été
ou être existans. Je pense neanmoins que
dès - lors les Sçavans qui voulurent se mêler
de l'explication de ces Emblêmes , le
firent à l'avanture , et n'ont pas eu sur
cela plus d'avantage que ceux qui ont
voulu marcher sur leurs traces dans des
temps posterieurs , tels qu'Horus Apollo,
Pierrius Valerianus , les sieurs Langlois ,
et Dinet , et les Peres Kirker et Caussini
qui ont donné de ces Explications autant
justes qu'il est possible de le faire
dans une matiere aussi obscure ;il ne faut
pas douter que ce nombre infini de marques
de choses , tant animées qu'inanimées
qui se trouvent rangées dans un si bel ordre
sur les vieux Monumens Egyptiens , ne
contiennent des narrations bien suivies
sur differentes choses dont il falloit être
Instruit , tout s'écrivoit ainsi , et la connoissance
de la Religion , des Sciences ,
et de l'Histoire , ne se conservoit que
par le moyen de cette écriture figurée ,
la preuve de cela s'en peut tirer ( selon
moi ) de ce que dans ces longues nar-
L. Vol Ciiij rations
2596 MERCURE DE FRANCE
rations , certains Caracteres y sont répétez
souvent , et d'autres moins ; il y en
a même qui sont uniques , ou qui ne se.
trouvent répétez que deux ou trois fois
dans une longue Inscription ; ce qui devoit
faire la même chose que ce qu'on
peut remarquer dans notre écriture , où
nous avons des Lettres , comme les cinq
Voyelles qui reviennent souvent, pendant
que les K , les X , les Y , et les Z , y pa
roissent bien moins.
Il y avoit des Hyerogliphes qui contenoient
seuls un sens complet , ou une
pensée entiere; d'autres qui étoient d'abréviation
, et d'autres qui pouvoient ne former
que des demi mots et des mots dont
il étoit nécessaire de joindre plusieurs
ensemble,pour en former une expression
ou un sens déterminés de même que nous
employons en écrivant plusieurs mots ,
composés de différentes syllabes , pour
former une Phrase parfaite. J'ai fait cette
remarque en étudiant avec un peu d'attention
l'Obélisque Pamphile , que nous
a donné le Pere Kirker.
On y voit de fréquentes répétitions de
bras posez en fasce , les uns à mains ouvertes
, et les autres à poing fermé ; beaucoup
de signes en ziguezagues ; des Enfans
assis sur leur cul , le Panier de Séra-
1. Vol.
pis
DECEMBRE . 1733 . 2597
pis sur la tête , de Serpents , d'Anubis, de
Cynocéphales , &c. pendant qu'entre toutes
ces marques , souvent répétées , on ne
trouve qu'un seul sautoir , un seul tourteau
, qui est chargé d'une Croix pattée ,
quelques Etoiles , mais en petit nombre ;
tout cela donne lieu de conjecturer que
cet Obélisque contient des Enseignemens
de plusieurs natures , tant de Religion ,
de Science , que de Politique ; et que
chacune de ces choses avoit ses figures
propres à sonexpression ; ce qui fait que
les unes de ces figures paroissent souvent
dans un endroit , et bien moins dans un
autre , où il s'en trouve d'autres qui n'avoient
point encore paru.
Souvent pour donner à un Hyerogli
phe la force d'exprimer une action complete
, ou une pensée entiere , on étoit
obligé de le faire d'un composé de différens
membres d'animaux , et alors cette
figure devenoit monstrueuse ; tels étoient
les Hyérogliphes d'hommes à tête de
Chien , d'Oyseaux à face humaine , de
Corps à plusieurs têtes , et de têtes à plusieurs
visages ; ce dernier qui servit aux
Romains à symboliser leur Dieu Janus
étoit donc un Hyerogliphe plus ancien
qu'eux , il représentoit chez les Perses
Orimase et Arimane , et chez les Egyp-
1. Vola Cv tiens
2598 MERCURE DE FRANCE
tiens Osiris et Tiphon , c'est -à- dire , les
deux principes que les premiers Philosophes
admettoient pour Auteurs de toutes
choses , bonnes et mauvaises.
A l'égard des Hyerogrammes ou marques
fantasques , les plus simples comme
Le Cercle , le Triangle , le Quarré , le
Chevron, la Croix droite et la Croix panchée
composerent dans la suite les Caracteres
Litteraires , comme l'Omicron
le Delta , le Mi , l'Alpha, le Tau , le Chi
et autres , dont on se servit en quittant
P'Ecriture Hyerogliphique. Celle qui étoit
composée de Lettres , paroissant plus aisée
et plus propre à lier les pensées , et
à les produire dans un Discours suivi .
Je me sers de l'exemple des Caracteres
Grecs , parce que c'est par les Grecs que
nous avons la premiere connoissance de
T'usage que les Egyptiens faisoient de
leurs Hyerogliphes.
Les Hiérogrammes joints aux Hyerogliphes
, ne laissoient pas dans les temps où
l'on n'eut que cette sorte d'Ecriture
d'expliquer assez parfaitement les choses
dont les hommes 'devoient être instruits,
le faisant seulement plus en abrégé que
ne le fait l'Ecriture courante , ainsi il faut
croire que l'Ecriture figurée a toujours
été plus difficile à expliquer , sur tout l'étude
des Hyerogliphes Monstres deman-
1. Vol.
doit
DECEMBRE. 1733 2559
doit une grande attention et une grande
connoissance, puisqu'un seul pouvoit renfermer
un mystere de Religion , ou la
maniere de réussir dans un Ouvrage scientifique
, au lieu qu'il auroit fallu plusieurs
Hyérogrammes pour enseigner ces
choses ; cependant ces marques- cy firent
évanouir les autres ; kes Arabes , Mahométans
, à qui la Religion ne permettoit
pas d'écrire avec des figures d'hommes
et d'animaux , ne conserverent que les
Hyérogrammes, et quoiqu'ils eussent des
Caracteres Litteraires , ils se servirent des
premiers pour l'expression plus abrégée
et plus simple de leurs opérations Philosophiques
et Chimiques , continuant
par- là de faire de ces marques le même
usage qu'en faisoient les Egyptiens , qui
étoit de montrer par elles , la maniere de
décomposer et de recomposer les Corps
élémentaires. Ces mêmes marques ont
passé jusqu'à nos Phisiciens , qui les emploient
aux mêmes usages.
Le monde et toutes les sciences qu'on
peut acquerir se symbolisoient sous un
Hyerogliphe de figure tres bizare. C'étoit
un Globe avec des aîles , et des Serpens
autour de son Disque ; ce qui fait appeller
ce Hyérogliphe par le Pere Kirker :
Ali-Sphero Serpenti formem. On le voit
I. Vola
C vj paz
2600 MERCURE DE FRANCE
ན
paroître au haut de presque tous les
Obélisques , et on le mettoit là , comme
un titre , qui annonçoit que tout le Discours
qui alloit suivre , n'étoit que pour
instruire des choses connues dans l'Univers
, dont ce Globe volant étoit le type,
du mouvement , er des actions qui agitent
eet Univers .
Les Phéniciens , les Egyptiens et les
Chinois sont les premiers peuples qui firent
usage des Hyerogliphes , et qui leur
donnerent l'arrangement méthodique
dont je viens de parler , les divisant par
Classes , pour s'en servir aux différentes
applications qu'ils avoient à en faire s
leur figure fut d'abord fort simple dans
les premiers temps ; le trafic ne se faisoit
que par l'échange des Denrées; pour
le faire ( quand on n'étoit pas present )
on n'avoit d'autres moyens que d'envoyer
la figure gravée sur quelque chose
de ce qu'on vouloit vendre , et de ce
qu'on vouloit en retour. Un homme ,
par exemple , qui vouloit vendre un
Boeuf pour des Moutons , envoyoit à un
autre homme la figure d'autant de Moutons
qu'il prétendoit en avoir pour l'échange
du Boeuf, l'échange des Oyseaux
et des fruits de la terre se faisoit de même;
un Arbre se désignoit par un Arbre,
J.Val
DECEMBR E. 1733 . 260
et une personne qui auroit voulu faire
couper des Bois , en envoyoit l'ordre par
un Arbre renversé . On verra facilement
par ces seuls exemples, comment un hom
me pouvoit faire sçavoir ses volontez à
un autre , par le moyen des Hyérogli
phes, qui furent les premieres Monnoyes,
quoiqu'il n'eussent point de valeur en
eux-mêmes ; les accidens avoient leur
marque , la maladie avoit la sienne , une
personne qui vouloit faire consulter le
mal dont elle étoit affligée , envoyoit au
Médecin le symbole general de la maladie
, auquel étoit joint le symbole particulier
de la partie du corps qui étoit affectée
; si c'étoit le coeur , on mettoit un
coeur , et un oeil , ou un pied , si c'érbit
l'oeil ou le pied qui fut malade. Cela se
fait encore à peu près de même chez les
Chinois , qui ont beaucoup de Caracteres
figurez pour les mêmes choses , qu'ils
ont besoin d'exprimer.
Suivant l'explication qu'un de nos Académiciens
a donnée de la Fable des Gorgones
, il paroît que ce n'est qu'une action
de commerce que P'on avoit mis par
écrit en Hyérogliphes , et qu'après qu'on
eut perdu l'intelligence de ces marques,
en voyant des Yeux , des Dents , des Serpens
, qui n'étoient que la Relation du
LVel
voya
2602 MERCURE DE FRANCE
yoyage et l'énumération
des Marchandises
qu'une Flotte , partant de la Mer Méditerranée
, avoit rapporté des Terres situées
sur la Mer Océane , où le commerce
l'avoit attiré. On a cru que c'étoit
toute autre chose : et sur cela les Poëtes
composerent une Fiction Historique , où
de ces Gorgones , qui n'étoient que des
Vaisseaux revenus , chargez de Diamans ',
de Poudre d'or , et de Dents d'Eléphans ;
ils en firent des Filles horribles , qui
avoient la tête pleine de Serpens .
Parmi les Hyérogliphes il y en avoit
de plus simples les uns que les autres ;
les simples étoient les figures naturelles ,
véritables , et sans exagération ; au lieu
que les autres étoient des figures de pure
imagination; c'est ceux - cy qui ont donné
naissance à certains monstres qui ne
peuvent point avoir existé ; plusieurs
choses ont pû occasionner l'invention de
ces figures si extraordinaires ; par exemple
, un Chef de Nation qui vainquoit
différens ennemis , marquoit son triomphe
par une Bête allégorique , à qui on
donnoit autant de têtes que ce Chef avoit
terrassé de Peuples, ennemis. Voilà d'où
viennent les ( 1 ) Amphisbenes , les Cerbe-
( 1 ) Serpent qui pique par les deux extrémitez de
son corps.
1. Vol. ECS,
DECEMBRE. 1733 280g.
res et les Hydres , représentez avec 2 , 3 ,
et jusqu'à 7 têtes.
Apollon fut surnommé Pythiep , pour
avoir tué , disent les Mythologues , le Ser
pent Python , Monstre affreux qui s'étoie
formé du Limon échauffé , que les eaux
du Déluge avoient laissé sur la terre d'Egypte
; mais il est plus croyable que cette
Fable est une allégorie d'un effet naturel
que le Soleil opére tous les ans par sa
chaleur , qui desseche le Limon du Nil
et que les Rayons de l'astre sont les Flé
ches qui détruisent une pourriture , qui
infecteroit la terre sans ce secours annuel,
auquel on donna un mérite particulier
la premiere fois qu'on remarqua ce salutaire
effet , wu , en grec , signifie putrefaction
.
J'ai déja dit qu'entre les Hyérogliphes il
y en avoit de plus propres les uns que
les autres à caractériser certaines choses,
ainsi en suivant ce principe , la Religion
devoit avoir les siens , et les actions et
passions humaines les leurs ; ce que je
viens de remarquer des Gorgones , et de
ces guerriers symbolisés par des Monstres
suffira pour faire voir quels pouvoient
être les Hyérogliphes d'actions. Passons
présentement à la connoissance de quelques-
uns de ceux de passion , pour venir
I. Vol.
enfin
2604 MERCURE DE FRANCE
enfin à connoître quels étoient ceux de
Religion .
Il faut distinguer les passions humaines
en actives et en passives ; c'est nous
qui agissons dans les unes et nous recevons
l'action dans les autres les premiers
se symbolisoient par des marques fort
simples et les secondes par de plus composées,
un seul exemple suffira pour preu
ve de ce qu'étoient les dernieres , qui fera
l'explication du Hyérogliphe de la fortune
; cette Divinité fantasque , qui malgré
ses caprices , a toujours été l'objet
des désirs de tous les hommes , elle se
symbolisoit diversement selon le gout, le
sexe , l'âge et la condition de ses adorateurs
; on la faisoit tantôt homme , tantôt
femme , tantôt vieille et tantôt jeune,
en l'invoquant sous des noms qui avoient
rapport à ces changemens de figures.
>
Comme fortune aimée , fortuna primis
genia , elle étoit proprement le hazard
que quelques Philosophes soutenoient
avoir seul servi au débrouillement duz
Cahos . Les autres surnoms de la fortune
étoient , fortuna obsequens , l'obéissante
patrone des gens heureux ; privata , la
médiocre , qui est celle qui contente les
Sçavans ; fortuna mulier et virgo ; celle des
femmes et des filles,fortuna virilis;celle des
I, Vol
hom
DECEMBRE . 1733. 2605
hommes qui se représentoit de sexe mas
culin , il y avoit même la fortune des
vieillards , représentée avec une longue
barbe , et celle-cy étoit sans doute de
toutes les fortunes celle qu'on honoroit
le plus tard .
Cette Divinité se représentoit en general
avec tout l'appareil significatif des
effets que ses caprices produisoient dans
le monde , montée sur une roue, avec des
aîles sur le dos , un bandeau sur les yeux,
ses cheveux assemblez sur le devant de
la tête , et chauve par derriere , tout cela
pour montrer son instabilité , son inconstance
, son aveuglement dans la dispensation
de ses dons , et la difficulté de
la ratraper quand elle nous a tourné le
dos ; on lui mettoit aussi un Globe en
une main , et un Gouvernail ou une Corne
d'abondance en l'autre , pour mon
trer qu'elle gouverne le Monde , et y répand
les biens à sa volonté , ce qui étoit
encore signifié par un Soleil et une Lune
qui accompagnoient sa tête ; enfin cette
Deïté , qui est , pour ainsi dire, l'ame du
monde , pouvoit- elle manquer d'être fi
gurée par un Hierogliphe des plus composez
? C'est peut- être celui qui donna
l'idée de faire les figures panthées dont
je parlerai bien-tôt.
1. Vet. Quan
2606 MERCURE DE FRANCE
:
Quant aux Hierogliphes des passions
actives qui sont au - dedans de nous - mê
mes , ils étoient tous simples quand on
n'avoit à lés représenter que chacun séparément
; la Genisse , l'Agneau , la Colombe
, la Tourterelle , & c. marquoient
la pureté , l'innocence , l'amitié et la
constance. La virginité paroissoit sous la
marque d'une fille échevelée , vétuë de
blanc , les Vertus étoient symbolisées par
des Animaux de figures aimables , et les
vices , au contraire , étoient figurez par
des Animaux affreux , dont la seule vûe
causoit de l'horreur ; la Religion Chrétienne
a conservé ces usages , on a dé
signé les pechez capitaux par les plus
hideuses bêtes que nous connoissions , à
l'imitation des Anciens qui inventerent
des Monstres qui n'existoient point, pour
dépeindre les vices avec des couleurs plus
effrayantes.
Ils imaginerent un Basilic qui tuë de
son regard ; un Serpent qui empoisonne
de son écume toutes les herbes où il se
traîne; une infinité d'autres bêtes affreuses
étoient les Symboles des deffauts les plus
nuisibles à la Societé , comme la calomnie
, le mensonge et d'autres ; l'Hiene
étoit la marque de la cruauté ; et comme
les femmes ne sont pas exemptes de ce
I. Vol. vice
DECEMBRE . 1733. 2607
vice , on fit cet Animal hermaphrodite.
Toutes ces Images que je viens de représenter
, étoient simples ; mais quand
il falloit caracteriser en un même Symbole
plusieurs vices ou plusieurs vertus ,
il falloit bien composer un Hierogliphe
dans lequel les Symboles particuliers de
toutes ces choses entrassent , et cela formoit
des Panthées de passions , semblables
aux Panthées sacrez.
L'Antiquité eut des Héros et des braves
, qui ainsi que nos Chevaliers Errans
du temps de Charlemagne , se dévoüoient
à passer leur vie en courant le Monde
pour secourir les foibles et purger la Terre
des brigands , qui en étoient les veritables
Monstres ; tels furent parmi les
Gercs Hercule , Thesée , Jason , Persée ,
et autres. Je métonne que les Auteurs
zelez pour la gloire de notre ancienne
Chevalerie , ayent borné son origine
aux Chevaliers Romains , et qu'ils ne
l'ayent pas remontée jusqu'aux demi-
Dieux de la Grece , nos vieux Romanciers
leur en avoient donné l'ouverture ,
par le merveilleux qu'ils ont répandu sur
les avantures de nos valeureux Paladins ,
Renaud , Roland et Amadis , en leur
fournissant à point nommé des montures
diaboliques pour les conduire plus
par
B.I. Vel
prem
2303 MERCURE DE FRANCE
promptement vers les Géants qu'ils devoient
exterminer , à l'exemple des Poëtes
Grecs qui trouvoient des Pégases pour
en fournir fort à propos aux Deffenseurs
des Dames , télles qu'Andromede et Hésione.
Michel de Cervantes et Rabelais , pour
se mocquer des idées folles des Auteurs
de Romans , ont imaginé les Oriflants ,
les Hippogriphes et les Chevillards , don't
ils ont parlé , l'un dans son Don Quichote
, et l'autre dans son Gargantua .
›
Ce sont ces Chevaux ailez de la Fable
qui ont pû persuader qu'il y avoit des
Licornes ( autres animaux aussi fabuleux )
il est aisé de voir de quelle source partoit
cette fausse persuasion . L'Yvoire venoir
, à ce qu'on disoit d'une Corne de
bête qui se trouvoit en Afrique et
Pline dans son Histoire Naturelle ( L. 8.
C. 21. ) admet des Chevaux volants et
des Chevaux à Cornes , à qui il donne
également le nom de Pégase , et les fait
trouver en Ethiopie , Pays voisin des
Monts Athlas , où Persée eut occasion
de se servir d'un de ces Chevaux . Æthiopia
generat , multaque alia Monstro similia
Pennatos equos et Cornibus armatos
quos Pegasos vocant ; ce Passage ne m'empêchera
pas de conclure que , puisque
I. Vol. los
DECEMBRE . 1733. 2609
tes Pégases sont chimeriques , les Licornes
ne le sont pas moins , et la description
que continue d'en faire le méme
Auteur , achevera de prouver que ces
Animaux ne doivent être regardez que
comme des chimeres , ou plutôt ce sont
des Hierogliphes qui ont eu cette forme
, la Licorne a pû êrre une image
Panthée propre à désigner la fécondité
cu les perfections dans le genre animal ,,
elle avoit le corps d'un Cheval , la tête
d'un Cerf , les pieds d'Elephant , sa
queue d'un Sanglier , avec une corne de
deux coudées de long , placée au milieu
du front.
Q
"
L'Auteur promet la suite.
****** ******
L'AMITIE ,
ODE
A M. de la M.
Ue Pinjuste avec art sçache employer la
brigue ,
L'heureux succès de son intrigue ,
Ne fait qu'exciter ma pitié ;
Plein du feu nouveau qui m'inspire ,
Je ne veux consacrer ma Lyre ,
Qu'à la chaste et pure Amitié.
1. Volg
Fuis
2610 MERCURE DE FRANCE
Fuis loin, perfide Amour, dont les indignes flames,
Ne parviennent qu'à rendre infâmes ,
Ceux qu'elles flattent d'être heureux,
Loin de te ceder la victoire ,
Je veux mettre toute ma gloire ,
A fuir de si funestes feux.
M
Si comme eux l'Amitié me captive et m'entraîne
Le crime ne suit point ma chaîne.
Toi (a) qui dans tes doctes Ecrits ,
Sçûs si bien nous vanter ses charmes ,
Puisse-tu me préter des armes ,
Pour en relever tout le prix ?
來
Aux foiblesses d'autrui , loin d'être inexorable ,
L'Amitié toujours charitable
Soutient notre fragilité ;
Le Chêne immense est moins utile
A l'Arbrisseau tendre et débile ,
Qu'il voit sous ses Rameaux planté..
來
A plaire à son ami , l'ami toujours s'empresse ,
Il sçait même sur sa tristesse
Verser d'utiles agrémens ;
( a ) Ciceron .
I. Vol. N'est
DECEMBRE . 1733. 2615
Si la fortune m'est cruelle ,
N'est- ce pas un Ami fidele ,
Qui calme més gémissemens
En vain suis-je accablé , son zele infatigable ,
M'offre un secours inépuisable
Dans sa tendresse et dans sa foi ,
A- t'il à trembler pour ma tête ?
Le péril n'a rien qui l'arrête ;
Il n'a point d'autre objet que moi .
諾
Ainsi , sage Damon , (a) te prenant pour modele,
Nous aimerons toujours ce zele ,
Qui te fit défier la mort.
Le fier Tyran (6 ) de Syracuse ,
Que sa propre grandeur abuse ,
Est forcé dénvier ton sort.
Ainsi loin des Palais que le luxe environne ,
Tendre amitié , de la Couronne
Tu suis l'appareil emprunté ,
D'un coeur sincere heureux partage ,
Tu vas sous l'humble toît du Sage ,
Assurer sa félicité.
(a) Damon se rendit caution pour son ami Phiz
Aias qu'on conduisoit à la mort ,
(b) Denys le Tiran , s.
c...
I. Vol, Fiers
2612 MERCURE DE FRANCE
Fiers Mortels qui nagez dans le sein des délices ,
Esclaves de mille caprices ,
Vous ignorez un nom si doux ,
Le Laboureur sous sa chaumiere ,
Goute en sa pénible carriere ,
Des plaisirs plus charmans que vous.
柒Les nobles sentimens d'Agrippa , de Mecéne ,
Qu'admira Rome Souveraine ,
Avec lui sont ensevelis ;
De la Vertu les droits augustes ,
Chéris de vos peres plus justes ,
Sont pour nous des droits avilis ,
La sincere amitié près des grands ignorée ;
Et par les hommes alterée ,
Aime à flatter , cherche à mentir ,
L'honneur n'est plus ce qui la touche ,
L'Ami trompeur n'ouvre la bouche ,
Que pour surprendre et pour trahir,
M
Tibere, ton Séjan prend l'interêt pour guide!
C'est un traitre , c'est un perfide ,
Qui se pare du nom d'ami .
Prince aveuglé , ton coeur facile ,
S'ouvre , et le Courtisan habile
Devient un secret ennemi,
Le Vol.
Quel
DECEMBRE . 1733. 2613
Qaels coups sont réservez au vainqueur de l'Euphrate
?
Il périt , comme Policrate ,
Par ceux qu'il se croit affidez ,
Quoi les Princes les plus aimables ,
De flateurs vils et méprisables ,
Seront- ils toujours obsedez ?
Les craignez- vous,Mortels ? Que vos ames hau
taines ,
Formidables autant que vaines ,
Dépoülllent leur férocité.
Fermez les yeux sur votre faste ,
Bien-tôt , par un heureux contraste
Reparoîtra la verité.
D.G
Que j'aime à voir un Roi que la candeur anime,
Il ne donne jamais au crime ,
Le nom de l'aimable vertu.
Bien loin qu'un vil fateur l'abuse.
Toujours modeste il se refuse ,
A l'encens même le mieux dû.
C'est , mon cher M... sur un si beau modelle,
Que d'une union mutuelle
Je veux suivre les douces loix ;
Jamais pour approuver le vice ,
I. Vol. D N'y
2614 MERCURE DE FRANCE
Ni pour balancer la Justice ,
Je ne réserverai ma voix ,
M
Contre un égarement je tournerai mes armes ¿
Si ta vertu succombe aux charmes
D'un vil et lâche séducteur ;
Compte qu'à ta chute sensible ,
Je sçaurai , Censeur infléxible ,
M'élever contre ton erreur.
來
Qui couvre les défauts n'aime point le mérité
Le mal flatté bien - tôt s'irrite
A ne pouvoir plus se guérir.
Au crime le crime succede ,
Et quand on parle du remede ,
Il n'est plus temps d'y recourir .
J. J ...
De Thorigné au Maine , le 4. Octobre
1722
1, Vol.
مو
MLDECEMDKE.
1733. 2615
MEMOIRE sur l'Electricité , lû à la
derniere Assemblée publique de l'Académie
Royale des Sciences.
MR
par
R Dufay termina la Séance
un Mémoire sur l'Electricité ; il
rappelle d'abord que dans le premier il a
donné l'Histoire des Découvertes , qui
avoient été faites jusqu'à présent sur PElectricité
; et que dans le second il a fait
voir par un grand nombre d'Expériences
que cette propriété merveilleuse , qu'on
avoit crue jusqu'à ce jour particuliere à
un petit nombre de corps , étoit commune
à toutes les matieres que leur solidité
met en état d'être frottez assez vivement,
à l'exception néanmoins des Métaux qu'il
n'a jamais pû rendre électriques par euxmêmes
, mais.qui le deviennent par communication
, de même que les fluides , et
tous les autres corps , de quelque nature
qu'ils soient.
Dans ce troisiéme Mémoire M. Dufay
examine quels sont les corps qui sont le
plus vivement attirez par les matieres
électriques , et quels sont ceux qui transmettent
le plus facilement et le plus abondamment
les Ecoulemens électriques.
1. Vol, Dij M.
2616 MERCURE DE FRANC
M. Gray avoit dit dans les Transactions
Philosophiques, que les corps devenoient
plus ou moins électriques relativement
à leur couleur ; cette idée a engagé M. D.
à teindre des Rubans de diverses couleurs
et à les présenter au Tube rendu
électriques il a attiré d'abord le noir,
ensuite le blanc , et le rouge a été le dernier
de tous. M. D. teignit ensuite des
Gazes de mêmes couleurs que les Rubans
, et les ayant montées sur de petits
chassis , il s'en servit pour intercepter les
écoulemens électriques , et il s'apperçut
que la Gaze noire et la Gaze blanche, soutenues
au dessus des feuilles d'or , empêchoient
qu'elles ne fussent attirées par le
Tube , et que la Gaze rouge au contraire
et les autres Gazes de couleurs laissoient
passer les Ecoulemens électriques, ensorte
que les feuilles d'or étoient enlevées , et se
venoient appliquer aux Gazes ; ces expériences
le persuaderent d'abord que les
couleurs avoient quelque rapport avee
l'Electricité et que le noir , par exemple ,
s'abbrevoit plus facilement que le rouge,
de la matiére électrique ; ensorte que le
Ruban noir par cette raison étoit attiré
de plus loin que les autres, et que la Gaze
noire arrêtoit cette matiere , et l'empêchoit
de passer jusques aux feuilles d'or ,
I.Vol.
qui
DECEMBRE. 1733 2614°
qui étoient au- delà. M D. avoue que ces
raisons lui avoient paru vrai- semblables
assez long-temps ; mais ayant remarqué
des variétez dans ces Expériences , suivant
la température de l'air , et d'autres
circonstances , il commença à douter de
cet effet des couleurs , comme couleurs ;
enfin il reconnut , à n'en pouvoir douter,
qu'elles n'entroient pour rien dans ces
Phénoménes ; il fit pour cet effet plusieurs
Expériences sur les couleurs des
Corps naturels , sur celles de la lumiere
par le moyen du Prisme ; il fit chauffer
les Gazes et les Rubans de differentes
couleurs , il les mouilla , et il résulta de
cet examen que ces variétez ne venoient
point de la couleur , mais des ingrédiens
qui avoient servi à colorer. Nous ne le
suivrons point dans ce détail , et nous allons
dire un mot de la transmission de la
vertu électrique le long d'une corde , ce
qui est le second objet de ce Mémoire.
M. Gray avoit porté la distance à la--
quelle se peut transmettre l'Electricité par
le moyen
d'une corde jusques à la distance
de 886 pieds Anglois. M. Dufay après
avoir essayé sur une distance de 25 pieds ,
quelles étoient les circonstances nécessaires
pour réussir dans cette Expérience,
le mieux qu'il étoit possible , à trouvé
a
I. Vol.
que Di
2818 MERCURE DE FRANCE
que
l'Electricité étoit encore tres- sensible
à la distance de 1256 pieds , et il ne dou
te point qu'elle ne puisse aller encore
beaucoup plus loin. Voicy la maniere
dont il s'y est pris . Il a tendu des soyes
de 20 pieds en 20 pieds , en les attachano
transversalement d'un Arbre à l'autre ,
dans une allée ; il a posé sur ces soyes
une corde de la grosseur d'un tuyau de
plume ; ayant attaché un bout de corde
à la premiere soye , il a fait revenir la
corde du bout de l'allée sur les mêmes
soyes , l'ayant fait passer dans des boucles
aussi de soye , attachées au bout de
l'allée. Il a fait faire ensuite à la corde le
même chemin dans une autre allée , parallele
à la premietejet ayant ramené dans
une chambre le second bout de cette mê
me corde , à laquelle étoit soutenuë une
Boule de bois , l'Electricité parut tressensible
dans cette Boule , lorsqu'après
avoir frotté le Tube on l'approchoit du
premier bout de la corde qui étoit distant
du second de 1256 pieds il a remarqué
que pour réussir encore plus parfaitement
il falloit moüiller la corde avec
des Eponges , et bien prendre garde de
moüiller les soyes qui la soutiennent ; il
y a encore plusieurs autres circonstances
à observer , mais il ne nous est pas pos
sible d'entter dans ce détail.
DECEMBRE . 1733. 2619
M.Dufay rapporte ensuite ce qui lui est
árrivé , en faisant une Expérience qui se
trouve dans le Mémoire de M. Gray, qui
consiste à rendre électrique le visage d'un
enfant suspendu sur des cordes en approchant
le Tube des pieds de cet enfants
Voici de quelle maniere s'y est pris
M. Dufay ; il a attaché au Plancher deux
cordons de soye par les deux bouts , et
ayant posé une planche sur ces deux especes
de Boucles , il a placé un enfant de
8 à 9 ans sur cette planche, et l'a fait coucher
de son long , en approchant des
pieds de l'enfant le Tube , après l'avoir
bien frotté le visage et les mains de l'enfant
deviennent fort éléctriques , et attirent
de tres- loin les feuilles d'or. La même
chose arrive aux pieds de l'enfant lorsqu'on
approche le Tube de sa tête .
M. Dufay s'est mis ensuite lui - même
sur la planche à la place de l'enfant , et
cela lui a donné lieu de faire plusieurs
découvertes tres- singulieres , entr'autres
il prit à sa main un carton sur lequel
étoient des feuilles d'or , son autre main,
ni son visage ne les attiroient point alors ,
mais si quelque autre personne qui s'étoit
tenuë éloignée , venoit à présenter la main ,
ou un bâton au dessus de ces feuilles , elles
y voloient sur le champ.Un autre fait
1. Vol. D iiij enco2620
MERCURE DE FRANCE
•
encore plus singulier est que tandis qu'il`
étoit assis , ou couché sur la planche , et
que l'on avoit approché le Tube de ses
jambes , ou de l'une de ses mains ; si quelqu'un
venoit à passer la main auprès de
ses bras , de ses jambes , de son visage, ou
de tout son corps , on entendoit sur le
champ un petit bruit , semblable à un pétillement,
qui sortoit de son bras , ou de
sa jambe , et qui venoit frapper la main
de celui qui l'avoit approchée, ce qui causoit
même , tant à lui qu'à la personne
qui avoit approché la main , une petite
douleur semblable à la piqueure d'une
épingle faite brusquement , ou à la brulure
d'une étincelle.Ces pétillemens étoient
en effet de véritables étincelles , lorsque
l'Expérience se faisoit dans l'obscurité , et
elles arrivoient toujours lorsque c'étoit
un homme ou un animal vivant qui étoit
sur la planche ; mais il ne s'en formoit
point lorsque c'étoit un animal mort, ou
quelque autre corps inanimé, comme une
planche , un fagot , une botte de paille ,
&c. quoique ces corps contractassent
l'Electricité à peu près aussi facilement
que les corps animez.
M. Dufay ajoute encore plusieurs autres
faits curicux , indépendemment de
ceux qu'il dit avoir réservez pour les as-
1. Kol.
бел
1
DECEMBRE . 1733. 4621
semblées particulieres , et il finit par annoncer
la découverte de deux principes
nouveaux et tres- simples , qui servent à
expliquer une grande partie de tous ces
faits. Le premier est que les corps Electriques
attirent tous ceux qui ne le sont
point , et les repoussent lorsqu'ils le sont
devenus par communication; et le second
qu'il y a deuxElectricitez distinctes et tresdifférentes
l'une de l'autre , qui font des
effets entierement opposez , et qui sont la
cause des varietez , et des contrariétez apparentes
qui se trouvent dans la plupart
des Expériences de l'Electricité ; mais la
preuve et le détail de ces principes font le
sujet d'un quatriéme Mémoire , qu'il doit
lire incessamment à l'Académic.
OD E.
Tirée du Pseaume 129. De profundis, & c .
DEE ce sacré séjour, demeure respectable ,
Ou réside à jamais , ton . Thrône redoutable ,
Monarque tout puissant , jette sur moi les yeux ,
D'un coupable mortel entens la voix plaintive ,
Et prêtant à mes cris une oreille attentive ,
Dol
Déco DY .
2622 MERCURE DE FRANCE
Délivre moi des maux que je souffre en ces
lieux .
-
諾
Ministres du Seigneur, Troupe pure et fidelle .
Qui sans cesse adorez sa Puissance immortelle ,
Joignez vos saints Concerts à mes tristes accens
;
Humblement prosternez devant ce Dieu terrible
,
Qui releve le foible et confond l'invincible ,
Offrez- lui ma priere , offrez - lui mon encens.
Que ne puis - je , ô mon Dieu ,
Carriere ,
terminer ma
Que ne puis-je forcer la puissante Barriere
Qui tient' mes pas
fixez dans ce lieu de douleur t
Que ne puis-je, élancé vers la Cité celeste ›
De mes liens de chair, quittant le poids funeste
Aller jouir en paix de l'éternel bonheur !
諾
Si dans ce jour fatal , horrible , épouventable
Où tu nous jugeras en Juge inéxorable ,
Tu péses l'homme au poids de son iniquités
Si, saisi de respect à ta présence auguste ,
Le serviteur fidele et l'homine le plus juste
Doivent trembler d'effroi devant ta Majesté..
洽
1. Val.
Quel
DECEMBR E. 1733 . 2623
Quel Mortel répassant le nombre de ses criines
,
Et voyant sous ses pieds les ténébreux abîmes
Pourra souffrir l'éclat de ton juste courroux
Qui sera mon appuy , si ta bonté propice ,
Ne fait taire en ce jour ta sévére justice ,
Et de tes traits vangeurs , ne détourne les coups?
M.
Séduit par le Tyran de la nuit éternelle ,
Qui nous déclare à tous une guerre mortelle.
De tes commandemens j'ai violé les loix ; .-
Par des discours menteurs , j'ai noirci l'inno
cence ,
Et du vice orgueilleux , approuvant la licence ,
A le vanter par tout , j'ai consacré ma voix.
Je pleure mes péchez ; je gémis de mes crimes ;
Tu déployois déja des tourmens légitimes ,
Si je n'eusse , grand Dieu , reclamé ton secours
Pénétré de douleur,d'avoir pû te déplaire ,
Et d'avoir mérité ta puissante colere .
De mes iniquitez je déteste le cours .
Dès que la nuit obscure , étend ses voiles somebres
,
Et couvre l'Univers de ses épaisses ombres , »
Io Vol Dvi
Par
2624 MERCURE DE FRANCE
Par mes gemissemens j'exprime mes douleuss ,
Le Soleil aux Humains , ramenant la lumiere ,
Recommence le cours de sa vaste Carriere ,
Et me retrouve encore inondé de mes pleurs ...
Mon espoir est en vous , Seigneur , votre teme
I dresse ,
Rassure mes esprits , et soutient ma foiblesse
Contre tous les efforts de mes sens révoltez ,
Pour vaincre mes désirs , pour dompter mes car
prices ,
J'irai vous présenter mes humbles Sacrifices ,
Et de votre clémence implorer les bontez.
AUBRY DE TRUNG Y.
ELOGE du R. P SANADON , de la
Compagnie de JESUS..
LEB
ER . P. Noël- Etienne SANADON est
mort au College de Louis LE GRAND,
le 22 Octobre 1733. dans la 58 année de
son âge. Il étoit entré chez les Jésuites
avec un goût rare pour les Belles - Lettres
, et particulierement pour la Poësie
Latine. Il eut licu de cultiver ce goût naturel
, et il le cultiva en effet toujours
dans les différens emplois dont on le char
1. Vol.
gea
DECEMBRE. 1733. 26235
gea. Son Recueil de Poësies sent le beau
siécle des Maîtres du langage Romain ,
qu'il s'étoit fait une étude d'imiter. Il les
imitoit si heureusement dans chaque
genre de Poësie que ses Modeles ne l'auroient
point désavoué . Dans ses Odes on
reconnoit le feu et le génie d'Horace ';
dans ses Elégies la facilité et les graces
d'Ovide ; dans ses Vers héroïques la cadence
et la correction de Virgile. Il ne se
permettoit pas une expression , pas un
tour , pas même une pensée , qui ne fussent
propres du sujet et du caractere par
ticulier de Vers qu'il employoit ; exact
jusqu'au scrupule sur la Latinité ; il faisoit
passer dans sa Prose cette pureté de
style et de langage , qui fait en grande
partie le mérite des bons Auteurs Latins.
C'est sur tout durant les six années qu'il
a professé la Rhétorique à Paris , que
son application à ce genre d'étude lui a
donné la réputation d'excellent connoisseur
en fait de Latinité. Il a composé de
puis d'autres Ouvrages de Critique qui
lui ont fait honneur. La mort en a inters
rompu d'autres qu'il avoit commencez :
par exemple , un Traité de la Versifica→
tion latine qui devoit être sulyi d'un autre
sur la Poësie , un tres grand nombre
e Recherches Géographiques , quantité
1. Vol. de
2626 MERCURE DE FRANCE
de Remarques sur des expressions latines
, un Rudiment sçavant , des Notes
sur Phédre et sur plusieurs autres Poëtes,
sans compter de petites Poësies fugitives
qui échapoient quelquefois à sa vei
ne, desObservations manuscrites sur quelques
Livres à son usage , et sur le bel
Atlas de Géographie qu'il avoit formé
avec beaucoup de soin , aussi bien que sa
Bibliotheque , qui étoit tres choisie .
Monseigneur le Prince de Conti, dont
il a eu l'honneur de conduire les premieres
années au Collége des Jésuites , l'a honoré
de son estime et de ses bontez.
Voici l'Extrait d'une Lettre écrite depuis
peu à un autre Prince , et bien honorable
à la mémoire du P. Sanadon .
» C'est avec un sensible regret , Mon-
» seigneur , que je rappelle à V.A.le souvenir
du feu P. Sanadon , qui a été le
premier à vous recevoir au Tribunal de
» la Pénitence , et le seul à diriger votre
>>
» conscience à Paris. Il vous aimoit ten-
» drement , et il méritoit toute la tendresse
que vous vouliez bien avoir
» pour lui. La France perd en lui un de
ses plus beaux Esprits. L'Europe un de
ses plus habiles Critiques,et un des derniers
disciples du grand Huet. Pour le
» goût et la délicatesse , il sembloit être
1. Vol du
DECEMBRE . 1733. 2627
du siécle et de la Cour d'Auguste.
» Vous vous rappellez , Monseigneur
» cette douceur , ces graces , et cette mo-
» destie qui l'accompagnoient toujours ;
au milieu des occupations les plus sé-
» duisantes pour l'esprit , entouré d'amis
» qui le chérissoient , il quittoit tout au
» moment qu'il apprenoit qu'un mala-
» de de la lie du peuple souhaitoit de le
» voir , etil alloit loin pour lui porter les
»secours du corps et de l'ame. Pour adou-
» cir la douleur dont je suis pénétré , on
»a permis que je fisse faire son Portrait.
La mort avoit déja effacé quelques
» traits , mais la vive impression qui me
» restera toujours de ce cher ami , m'a-
» voit mis en état d'y suppléer , et de
rendre au Peintre ce qui avoit disparu .
Le caracrere du P. Sanadon étoit tel
qu'on le représente icy ; il étoit doux ,.
obligeant , poli , aussi s'étoit- il fait beaucoup
d'illustres et de vrais amis.Il joignoit
à un grand fonds de probité , une piété
solide , et la pratique constante des vertus
de son état. Son amour pour le bon
ordre se remarquoit dans toute sa conduite
.Occupé uniquement de ses devoirs ,
il ne songeoit qu'à les remplir. Sa charitésur
tout et son talent à gagner la confiance
des coeurs , se faisoient distinguer. En
1. Vola un
2628 MERCURE DE FRANCE
un mot , il étoit encore plus recommendable
par son Christianisme , que par sa
qualité d'Homme de Lettres .
***************
CANTATILLE ,
LE TRIOMPHE DE LA NUIT.
Soulage mes tendres soupirs ,
Amour , vole au devant de mon impatience ;
Pour flater mes brûlans désirs ,
N'as -tu rien à m'offrir qu'une folle esperance : ?
Songe, Amour,qu'il n'est point de solides plaisirs
Pour les Amans , pendant l'absence.
C'est ainsi que Diane aux Echos , des Forêts
Exhale la douleur qui dévore son ame ;
L'heureux Endimion l'enflame ,
Mais elle n'ose au jour confier ses secrets
D'une nuit sombre et bienfaisante ,
*
Elle attend l'utile secours ;
Soleil , en faveur d'une Amante ,..
Hâte , précipite ton cours .
La sombre lueur des Etoiles
Suffit aux amoureux sermens
La nuit recelle sous ses voiles .
Les entreprises des Amants ;
1. Kole
Lor
DECEMBRE . 1733. 2629
Le timide . Enfant de Cithere ,
Marche loin du jour et du bruit ;
Si-tôt que le Soleil l'éclaire ,
L'Amour s'éfarouche et s'enfuit .
*****************
LETTRE écrite le 35. Novembre 1733.
au fujet de l'Ouvrage de M. Michel™,
intitulé , Systême Chronologique &c.
JE porte ,Monsieur , à votre Tribunal
un Procès Litteraire dans lequel lè
principal interessé ne veut point entrer ;
mais tout Homme de Lettres , tout Lecteur
est partie à son défaut. La discussion
dé ce Procès n'est pas difficile , l'exposi
tion du fait le décide.
J'ay lû avec plaisir dans l'ouvrage de
M. Michel , intitulé Systême Chronologique
sur les trois Textes de la Bible qui a paru
cette année , les principes Chronologiques
de l'Auteur : il fait sentir que le
calcul trop abregé des Juifs ne s'accorde ,
ni avec la vraisemblance , ni avec les
Monumens Historiques les moins contestés
, qu'il faut avoir recours aux Textes
Grecs et Samaritains pour les années écoulées
depuis le Déluge jusqu'à l'Epoque
d'Abraham , que cette methode autori-
I. Vol.
sec
2630 MERCURE DE FRANCE
sée par les Saints Peres , et suivie par de
fameux Interprétes et d'habiles Chronologistes
, est la seule qui réunisse l'Histoire
Profane à l'Histoire Sacrée. Mon
plaisir a fort augmenté quand j'ay trouvé
à la page onzième une voie de conciliation
de la Vulgate avec le Grec et le Samaritain
, indiquée, qui conserve à la Vulgate
toute son authorité .
Dans ce commencement de l'ouvrage
de M. Michel , la justesse des conjectures
est appuyée par une érudition choisie . La
marge est chargée d'un grand nombre de
citations. J'y ai cherché la citation des
Memoires de Trevoux , ou des Dissertations
chronologiques du R. P. Tournemine
, et je l'ay cherchée en vain , elle y
manque.
Cependant , Monsieur , la voie de conciliation
entre les trois Textes a été proposée
par le P. Tournemine , il y a trente
ans dans les Mémoires de Trevoux de mil
sept cent trois , au mois de Mars et au mois
d'Août ; il ne se contente pas de la proposer
, cette conjecture ingenieuse , il
l'établit par des preuves ausquelles il est
difficile de resister.
En mil sept cent six M. du Hamel , ce
sçavant Universel , Philosophe , Mathématicien
, Théologien , Interpréte de l'E-
1. Vol. criture
DECEMBRE. 1733. 2651
criture , versé dans toutes les Sciences
adopta avec éloge le sentiment du Pere
Tournemine dans sa belle Edition de la
Bible.
En mil sept cent dix- neuf, le P. Tournemine
expliqua encore plus cette voie de
conciliation dans ses Dissertations chronologiques
latines , jointes à la nouvelle
Edition de Menochius. Ses découvertes
sur l'Histoire d'Egypte , des Assiriens ,
des Médes , de Cyrus , de Judith et d'Ester
sur l'origine des Lacédémoniens ,
sur plusieurs Propheties , entr'autres sur
les semaines de Daniel , sur l'année de la
Naissance de Jesus Christ , contenues
dans ces Dissertations , ont été goutées et
adoptées par d'habiles Critiques.
-
En mil sept cent vingt deux la seconde
Edition des Dissertations du P. Tournemine
parut à Venise. Un docte Italien , attaqua
la voie de conciliation proposée par
ce Pere en mil sept cent vingt-huit. M.
l'Abbé Biacca , fameux Académicien de
Rome , la justifia dans son Trattenimento
istorico Cronologico . Sa Critique judicieuse,
nette , précise , a obtenu les suffrages de
toute l'Italie sçavante.
En mil sept cent vingt-neuf , M. Len
glet du Fresnoy, dans la nouvelle Edition
de sa Méthode pour étudier l'Histoire
I. Vol. Livre
2632 MERCURE DE FRANCE
+
Livre nécessaire à tous ceux qui veulent
la sçavoir , déja traduit en Allemand , en
Espagnol , en Italien , en Anglois , suit
et dévelope le sensiment du P. Tournemine
avec cette clarté et cet ordre qui
fait le caractere et le succès de ses Ou
vrages.
Enfin en mil sept cent trente-deux , la
sçavante Academie d'Angleterre qui s'applique
à éclaircir l'Histoire Universelle ,
et qui en fournit d'excellens materiaux ,
a cité le P. Tournemine et préferé son
sentiment aux autres. On a traduit en
François cet Ouvrage curieux .
Si l'idée , les preuves, les raisonnemens;
les citations que le P. Tournemine a pu
bliés, il y a trente ans , étoient venus dans
l'esprit de M. Michel , la rencontre seroit
merveilleuse , unique ; elle est in
croïable , et pour justifier M. Michel il
faut rejetter la faute de la citation omise
sur le Copiste ou sur l'Imprimeur..
Du
EPIGRAMME.
L'Irrésolution.
U Rondeau que vous avez fait
Vous voulez donc , amy, sçavoir ce que je pense :
I. Vol. Sur
DECEMBRE. 1733. 2638
Sur ce point toujours je balance ,
Et ne puis décider , tant il est imparfait ,
Lequel des deux l'est davantage ,
Ou de l'Autheur ou de l'Ouvrage.
AUTRE.
Le Scrupule.
Oui, c'est mal à propos que Clidaman s'étonne
De ce que dans mes Vers il se voit supprimé ;
J'aimerois cent fois mieux n'avoir jamais rimė
Que d'avoir en rimant dit du mal de personne.
***************
LETTRE fur la HENRIADE , écrite
par M. Antonio Coichy , Lecteur de
Pise , à Monsignor Rinveimi , Secretaire
d'Etat de Florence , traduite parM.
le Baron de C. Chambellan du Roi de
Suede.
S
Elon moi , Monseigneur , il n'y a
rien de plus beau que le Poëme de
la Henriade que vous avez eu la bonté de
me préter.
J'ose vous dire mon jugement avec
d'autant plus d'assurance , que j'ai remarqué
qu'ayant lû quelques pages de
ce Poëme à gens de differente condition ,
1. Vol.
de
2634 MERCURE DE FRANCE
f
de différent génie , adonnez à divers genres
d'érudition , tout cela n'a pas empêché
la Henriade de plaire également à
tous , ce qui est la preuve la plus certaine
que l'on puisse aporter de sa perfection
réelle.
Les Actions chantées dans la Henriade
regardent , à la verité , les François plus
particulierement que nous ; mais comme
elle sont véritables , grandes , simples
fondées sur la justice et entre- mêlées
d'incidens qui frappent , elles excitent
l'attention de tout le monde ?
Qui est celui qui ne se plairoit point
à voir une rébellion étouffée , et l'héri
tier du trône, s'y maintenir en assiégeant
sa Capitale rebelle , en donnant une
sanglante Bataille , et en prenant toutes
les mesures dans fesquelles la force , la
valeur , la prudence et la générosité brillent
à l'envi?
Il eft vrai que certaines circonstances
Historiques sont changées dans le Poëme;
mais outre que les veritables sont notoi
yes et recentes , ces changemens étant
ajustez à la vraisemblance , ne doivent
point embarrasser l'esprit d'un Lecteur
, tant soit peu accoutumé à considerer
un Poëme comme l'imitation du possible
et de l'ordinaire liez ensemble par
des fictions ingenieuses. Tous
DECEM DA E. 1733. 2635
a
Tout l'Eloge que puisse jamais meriter
un Poëme pour le bon choix de son sujet
est certainement dû à la Henriade , d'autant
plus que par une suite naturelle il
été nécessaire d'y raconter le massacre de
la S. Barthelemy ,le meurtre de Henri III .
la Bataille d'Yvri et la famine de Paris
Evenemens tous vrais , tous extraordinaires
, tous terribles , et tous représentez ,
avec cette admirable vivacité qui excite
dans le spectateur et de l'horreur et de
la compassion : effets que doivent produire
pareilles peintures ,quand elles sont
de main de Maître.
Le nombre d'Acteurs dans la Henriade
n'est pas grand , mais ils sont tous remarquables
dans leur Rôle , et extrémement
bien dépeints dans leurs moeurs.
Le Caractere du Héros , Henri IV. est
d'autant plus incomparable que l'on y
voit la valeur , la prudence militaire
l'humanité et l'amour s'entre -disputer le
pas , et se le céder tour à tour et toujours
à propos pour sa gloire .
Celui de Mornais , son ami intime , est
certainement rare il est representé
comme un Philosophe sçavant , courageux
, prudent et bon.
Les Etres invisibles , sans l'entre- mise
desquels les Poëtes n'oseroient entrepren-
I. Vol, dre
2636 MERCURE DE FRANCE
dre un Poëme , sont bien ménagez dans
eclui- ci et aisez à suposer ; tels sont l'ame
de S. Louis et quelques passions humaimes
personifiées , encore l'Auteur les à- t'il
employées avec tant de jugement et d'oeconomie
, que l'on peut facilement les
prendre pour des allegories.
En voyant que ce Poëme soutient
toujours sa beauté sans être farci , comme
tous les autres d'une infinité d'Agens surnaturels
, cela m'a confirmé dans l'idée
quej'ai toujours eûe, que si on retranchoit
de la Poësie épique ces personnages imaginaires
, invisibles , et tout puissants , et
qu'on les remplaçat comme dans les Tragédies
par des personnages réels , le
Poëme n'en deviendroit que plus beau .
Ce qui m'a d'abord fait venir cette
pensée, c'est d'avoir observé que dans Homere,
Virgile, Dante , Arioste, le Tasse,
Milton,et en un mot dans tous ceux que
j'ai lûs , les plus beaux Endroits de leurs
Poëmes n'y sont pas ceux où ils font agir
ou parler les Dieux , le Diable , le Destin
et les Esprits ; au contraire tout cela
souvent fait rire sans jamais produire
dans le coeur ces sentimens touchants qui
naissent de la représentation de quelque
action insigne, proportionnée à la capaci
té de l'homme notre égal, et qui ne passe
1. Vol.
point
DECEMBRE. 1733. 2639
2637
point la Sphere ordinaire des passions de
-notre ame .
C'est pourquoi j'ai admiré le jugement
de ce Poëte , qui pour renfermer sa fiction
dans les bornes de la vraisemblance,
et des facultez humaines , a placé le
transport
de son Hétos au Ciel et aux
Enfers dans un songe dans lequel ces sortes
de visions peuvent paroître naturelles
et croiables .
>
D'ailleurs il faut avouer que sur la
constitution de l'Univers , sur les Loix
de la nature sur la Morale et sur l'idée
qu'il faut se former du mal et du bien,
des vertus et du vice , le Poëte sur tout
cela a parlé avec tant de force et de
justesse que l'on ne peut s'empêcher de
reconnoître en lui un genie superieur et
une connoissance parfaite de tout ce
que les Philosophes Modernes ont de
plus raisonnable dans leur systême.
Il semble raporter toute la science à
inspirer au Monde entier une espece d'amitié
universelle et une horreur générapour
la cruauté et pour le Fanatisme.
le
Également ennemi de l'irréligion , le
Poëte dans les disputes que notre raison
ne sçauroit décider , qui dépendent de la
révélation , adjuge avec modestie et solidité
la préference à notre Doctrine Romai-
I. Vol.
1 E ne
2638 MERCURE DE FRANCE
ne, dont il éclaircit même plusieurs obscuritez.
Pour juger de son stile il seroit néces
saire de connoître toute l'étendue et la
force de sa langue ; habilité à laquelle il
est presque impossible qu'un étranger
puisse atteindre , et sans laquelle il n'est
pas facile d'approfondir la pureté de la
diction.
Tout ce que je puis dire là - dessus
c'est qu'à l'oreille ses vers paroissent aisez
et harmonieux , et que dans tout le
Poëme je n'ai trouvé rien de puerile ,
rien de languissant , ni aucune fausse
pensée , défauts dont les plus excellents
Poëtes ne sont pas tout-à- fait exempts.
Dans Homere et dans Virgile, on en voit
quelques-uns , mais rares ; on en trouve
beaucoup dans les principaux , ou pour
mieux dire, dans tous les Poëtes de Langues
modernes, et sur tout dans ceux de
la seconde Classe de l'Antiquité..
A l'égard du stile , je puis encore ajouter
une expérience qui j'ai faite qui donne
beaucoup à présumer en faveur du sien .
Ayant traduit ce Poëme couramment
en le lisant à différentes personnes , je m
suis apperçû qu'elles en ont senti toute l
grace et la majesté ; indice infaillible qu
le stile en est très excellent , aussi l'Au
1.Vol. teu
DECEMBRE. 1733. 2639
teur se sert- il d'une noble simplicité et
briéveté pour exprimer des choses difficiles
et vastes , sans néanmoins rien laisser
à désirer pour leur entiere intelligentalent
bien rare , et qui fait l'essence
du vrai sublime .
ce ,
>
Après avoir fait connoître en general
le prix et le mérite de ce Poëme
il est
inutile d'entrer dans un détail particulier
de ses beautez les plus éclatantes. Il y en
a, je l'avouë, plusieurs dont je crois reconnoître
les Originaux dans Homere, et sut
tout dans l'Iliade , copiée depuis avec différens
succès par tous les Poëtes posterieurs
; mais on trouve aussi dans ce
Poëme une infinité de beautez qui semblent
neuves, et appartenir en propre à la
Henriade.
Telle est , par exemple , la noblesse et
l'allegorie de tout le 4me. Livre ; l'endroit
où le Poëte représente l'infame
meurtre d'Henri III. et sa juste réfléxion
pag.. sur ce misérable assassin . Edition
de Londres 1733. chez Innis.
C'est encore quelque chose de nouveau
dans la Poësie que le discours ingenieux
que l'on lit au milieu de la page 145 .
sur les châtimens à subir après la mort.
Il ne me souvient pas non plus d'avoir
vû ailleurs ce beau trait qu'il met page
✓ 1. Vol. Eij: I 12,
2640 MERCURE DE FRANCE
112. dans ce caractere de Mornais , qu'il
combattoit sans vouloir tuer personne.
La mort du jeune d'Ailly massacré par
son pere sans en être connu , m'a fait
verser des larmes quoique j'eusse là une
avanture un peu semblable dans le Tasses
mais celle de M. de Voltaire , étant décrite
avec plus de précision , m'a paru
nouvelle et plus sublime.
Les vers page 175. sur l'Amitié sont
d'une beauté inimitable , et rien ne les
égale , si ce n'est la Description de la
modestie de la belle d'Estrée page , 197 .
Enfin dans ce Poëme sont répanduës
mille graces qui démontrent que l'Auteur
né avec un goût infini pour le beau,
s'est perfectionné encore davantage par
une application infatigable à toute sorte
de Science , afin de devoir sa réputation
moins à la nature qu'à lui-même.
Plus il y a réussi , plus il est obligeant
envers notre Italie , d'avoir dans un
discours à la suite de son Poëme préferé
Virgile et notre Tasse à toute autre Poëte
quoique nous n'osions nous mêmes les
égaler à Homere , qui a été le premier
Fondateur de la belle Poësie.
Une légere indisposition et de petites
affaires m'ont empêché , Monseigneur
d'obéïr plûtôt à l'ordre que vous m'a
I. Vol.
いvez
DECEMBRE 1733. 2643
vez donné de vous rendre compte de
eet Ouvrage , j'espere que vous en pardonnerez
le délai , en vous suppliant de
me croire avec respect , Monseigneur
votre , & c.
***********
POESIE
ANACREONTIQUE
Par Me de Malcrais de la Vigne..
དོན་
UN Papillon badin caressoit une Rose
Nouvellement éclose ,
Qu'aussi- tôt il quitta pour succer un Raisin.
Ah ! dit la charmante Catin ,
Qui rêvoit tristement à son Berger volage ;
Bacchus , tu m'as ravi son coeur ;
Ferrions-nous tant d'Amans , sans ton jus čaē
chanteur ,
Dégoutez du tendre esclavage
Bacchus , cruel Bacchus , ta fatale Liqueur ,,
De tous les Inconstans est- elle le breuvage?
LETTRE écrite de Paris cé 23. Novembre
1733. au sujet de la Memoire.
Ay lû , Monsieur , dans votre Jour
nal du mois de Septembre dernier ,
article où il est parlé de la Mémoire ,
I. Vol.
E iij par
2642 MERCURE DE FRANCE
par lequel on demande ce qu'elle contient
, et les differens moyens qu'on peut
mettre en usage pour la cultiver , la conserver
et prévenir ce qui pourroit l'affoiblir
; mais avant que de faire part au
Public de ces moyens , il est nécessaire
de sçavoir quelle est sa nature, où elle réside
, et quel est le temperament qui lui
est plus propre , delà les conséquences
seront faciles à suivre, et à faire parvenir
l'Auteur de cette demande au but qu'il
se propose.
Nature de la Mémoire
La Nature a donné à l'ame la vertu
de conserver les images qu'elle s'est faites
afin de les représenter aux facultez con◄
noissantes quand il seroit nécessaire ,
cette vertu s'appelle Mémoire.
Mais avant que de parler de l'organe
et des dispositions qui sont nécessaires
à la Mémoire , il faut observer qu'il
en a de plusieurs sortes dans l'homme
car comme c'est la gardienne et la depositaire
des images qui sont dans l'ame
il est certain qu'il y a des images qui sont
spirituelles , comme sont toutes celles de
l'entendement , et que les accidens spirituels
doivent avoir un sujet spirituel ,
ne pouvant être reçûs dans la matiere ,
I. Vat.
d:
DECEMBRE . 1733. 2643-
de sorte que c'est une nécessité qu'ou
tre la Mémoire sensitive que nous avons
commune avec les animaux , il y en ait
une intellectuelle qui garde les images
que l'entendement produit.-
Etant donc constant qu'il y a unè
Mémoire sensitive qui doit être organique
comme toutes les autres facultez
animales , il faut voir où elle réside et
quel doit être son organe .
2
Résidence de la Mémoire.
Je ne veux pas perdre le temps à
examiner si le cerveau est le siege de
cette puissance de l'ame , on s'apperçoit
bien que c'est là où se forme le souvenir
, que les maladies de cette partic
blessent la Mémoire , et que l'on y applique
les remedes qui la soulagent et
qui la fortifient ; et certainement comme
les pensées se forment là , il falloit
qu'elles y fussent conservées et devant
servir d'exemplaires pour de nouvelles
connoissances , elles devoient être proches
de la puissance qui les doit produire.
Or , quoique le cerveau puisse retenir
les images et être par conséquent le
siege de la Mémoire , il a neanmoins quelques
parties qui sont plus propres à les
conserver , et sans doute celle qui est
I. Vol.
E
誓au2644
MERCURE DE FRANCE
au-dessus et qui est comme l'écorce qui
environne les autres , est principalement
destinée pour céla , parce que n'étant
point occupée aux fonctions des autres..
facultez , il semble qu'elle n'a point d'autre
usage que de garder les images qu'elles
produisent , et que les détours et les
circonvolutions dont elle est pleine , sont
les galleries et les réduits où elles sont
renfermées et placées chacune en , son
ordre. Si cela est ainsi on se persuadera
facilement que le petit cerveau a le même
emploi , et que sa consistence étant
même plus ferme, est capable d'en conser→ ›
ver quelques - unes plus long- temps que
l'autre ; car c'est pour cela qu'on se gratte
le derriere de la tête quand on a de la peine
à se ressouvenir de quelque chose , la
Nature nous montrant par instinct que
c'est là le fond du magazin , où ces ima
ges se perdent les dernieres .
La principale fonction de la Mémoireest
de conserver , les images , et neanmoins
elle ne peut les conserver, qu'elle ,
ne les ait reçûës auparavant , de maniere
qu'il est nécessaire que l'organe dont elle
se sert ait les qualitez qui sont propres
pour recevoir et pour conserver ; on sçait
que l'humidité reçoit facilement , parce
qu'elle est mobile et qu'elle cede , et que
J. Ve!. la
DECEMBRE . 1733. 2645
la secheresse au contraire conserve les
choses qui ont fait impression sur elle
dautant qu'elle est constante et qu'elle
résiste mais comme ces qualitez sont
ennemies et ne peuvent être ensemble
en un souverain degré , il faut qu'elles
soient temperées pour satisfaire à ces
deux fonctions de la Mémoire ; car si
le cerveau est trop humide , il a beau
recevoir facilement les images , il ne les
garde pas long-temps , et l'impression
qu'elles y font ressemble à celle qui se
fait sur l'eau , où les figures qu'on lul
donne se corrompent et s'effacent incontinent
d'où vient que les Enfants et
tous ceux qui ont cette partie trop hu
mide , ne se souviennent de rien , qu'au
contraire ceux qui l'ont seche , comme
les vieillards et les mélancoliques , manquent
de Mémoire, dautant que les imagues
n'y entrent qu'avec peine , la dureté
résistant à l'impression qu'elles y devroient
faire.
,
Le tempéramment qui est donc propre
à la Mémoire est celui qui participe également
de ces deux qualitez et peutêtre
que cest une des raisons pour lesquel
les l'Homme est le plus excellent de tous
les animaux,parce qu'outre qu'il a plus de
cervelle qu'aucun autre , il n'y en a poinc
Ja Kolam Ev
2645 MERCURE DE FRANCE
à qui la médiocrité du temperament
soit plus naturelle.
Pour venir aux moyens de la conserver
dans cette modération de temperament
, on me dira peut- être, si j'ai le cerveau
naturellement sec , les images ne
s'imprimeront pas facilement dans ma
Mémoire ; au contraire, si je l'ai trop hu-.
mide , la fluidité des especes lâchera fa-.
cilement ce que mon imagination me
présentera : j'avoue qu'il est difficile de
décider sans faire naître des doutes .
Cependant si chacun étudioiť son temperament
, et qu'il y remediât suivant
les circonstances , il ne se verroit pas privé
des fonctions qui lui sont nécessaires ;
le Tabac peut contribuer à faire trouver
cette température que je viens d'expliquer
, car érant par lui-même attractif,
en même tems qu'il résout les humeurs
acres et mordicantes du cerveau , et qu'il
en procure les écoulemens perpetuels ,
ses opérations ne peuvent porter aucun
dommage à celui qui en a les parties naturellement
humides , avec d'autant plus
de raison , qu'il le décharge d'autant
de ces mêmes humeurs qui remplissent
toute la capacité des vaisseaux propres à
retenir ; mais il n'en sera pas de même.
de cui qui a trop de sécheresse ; en ce
1. Vol. Cas
DECEMBRE . 1733. 264
·
cas le Tabac lui feroit un effet tout contraire
, en même tems qu'il pourroit
donner atteinte à sa santé , par le détachement
qu'il feroit peu à peu de l'humide
radical dont la fonction est nécessaire
au cerveau.
•
Au reste, la conservation de la Mémoire
demande beaucoup d'usage : l'étude
continuelle contribue beaucoup à la former
, surtout quand les objets dont on
la charge sont en petit nombre , afin ,
qu'elle ne soit point surchargée, et qu'elle
se dissipe moins l'expérience a fait voir
que ceux qui étudioient le jour ne s'en
souvenoient plus le lendemain , tandis
que ceux qui l'ont pratiqué quelques
moments auparavant leur repos , ont confirmé
l'avantage qu'on y trouvoit. Voilà,
Monsieur , je l'avoue , de foibles moyens ,
pour satisfaire à ce que vous demandez ,
ce ne sont que des conjectures capables
de déterminer les Sçavans à écrire -
dessus , et c'est aussi dans ce dessein là
que je vous les adresse.
La Rime et l'Esprit , sont les Mots des
deux Enigmes du mois dernier. On a dû
expliquer les Logogryphes par Margnerite
et Miracle.
Ja Kola
E VIENAS , -
28 MERCURE DE FRANCE
Q
ENIGM E. .
Uoiqu'un nombre infini d'années
M'ait rendu mille et mille fois ,,
Maître et témoin des destinées
Et des Royaumes et des Rois ,
Quoiqu'une caduque vieillesse ,
Qui conduit doucement les autres au trépas ,
Semble devoir rallentir la vitesse
Dont je précipite mes pas ,
Sur
Je n'ai point changé de méthode ,
Je vais toujours, je cours incessamment ,
It quoique bien plus vieux qu'Hérode ,
Je suis encor plus leger que
le vent
LOGOGRYPHE.
tout vivant j'exerce un Empire sévere ;
Aucun sans moi n'arrive à son terme fatal ,
Mais parmi les Humains, nul n'est assez sincere,
Pour oser en public s'avouer mon Vassal.
Ami Lecteur , c'est ton Ouvrage
De troubler tour à tour l'ordre de mes sept pas ,
Pour trouver tour à tour dans quelqu'autre assemblage
,
I. Vol.
L'effet
DECEMBRE. 1733. 26498
L'effet de la douleur , l'ornement des Bayards ;
L'objet sur qui Philis arrête ses regards ,
Dès qu'une vive ardeur menace son visage ;
Je t'apprendrai quel fut un jeune audacieux
Qui , s'il m'eût écoutée , auroit été plus sage ;
Que j'exprime un Métal commun chez nosAyeux,,
Mais dont la mode a presque éteint l'usage.
Grace au Chimiste curieux ,
Souvent cinq de mes pieds entrent dans son
langage :
Quatre ont un sart plus glorieux ,
Le Roi de son plaisir les déclare le gage ;
Cinq couvrent tous les Chefs existans sous les
Cieux ;
Poussant plus loin , Lecteur , je sçai qu'en ton :
jeune âge.
On t'a dit qu'une Reine eut mille soins pieux »
Pour éterniser son veuvage ;
Je te rends son Etat ; te dirai-je encor mieux
De ma totalité fais un nouveau partage ,
Il t'offrira l'Auteur ingenieux ,
Qui fixa des François l'esprit judicieux ,
Arendre à Melpomene un légitime hommage
Reçois enfin pour mes adieux ,
Une étrange métamorphose ;
Je suis et moins que peu de chose ,,
Et l'ame des Banquets des Dieux,
Par le Poëte de S. Cloud.
La.Vol
AUTRE
265 MERCURE DE FRANCE
AUTRE..
EN deux sens differens mon tout peut être pris;
Dans l'un je n'offre rien qui puisse être agréable ,
Et je suis rarement permis ;
Mais dans l'autre , à bon droit , je puis paroître
aimable.
En deux parts qu'on ne peut jamais égaliser ,
Sans rien changer , on peut me diviser :
La premiere moitié vous donne un corps solide,
Qui , commun à la Ville , aux champs encor
réside :
La seconde offrira deux fruits de même nom ,
Semblables, mais divers ; l'un à manger est bon ,
Etl'autre aux animaux toujours reste en partage :
Celui- cy sur son frere obtient cet avantage ,
Que son pere est chéri pour son utilité ,
Et qu'il est en mourant aussi- tôr replanté
Si ma queue est placée après ma part premiere ,
( Admirez l'effet du hazard , )
Tout ce qui convenoit à ma premiere part ,
Convient présentement à ma moitié derniere ;
Et ce qui sembloit propre à mon membre dernier ;
Distingue à present le premier.
Retranchez cette queue , alors mes deux parties
Seront parfairement l'une à l'autre assorties, I
Laissez- moi tout entier , de changemens divers, s
Je suis aisément susceptible
Lo Kola Bien
DECEMBRE. 1733. 2651 °
Bien-tôtvous trouverez quelque chose d'horrible,
Qui presque sur tout l'Univers ,
Toujours sur tout ce qui respire ,
Etend tôt ou tard son Empire :
Mais dans ce même mot autrement disposé ,
Vous pourrez rencontrer un objet plus aimable ¸ ,
Et sur tout dans Paris plus qu'ailleurs agréable ,
Où sous cent noms divers on le voit baptisé.
Rognez, tournez;l'hyver je me fais fort entendre:;:
Vous me verrez ensuite au rang des Elemens ;
Mais sans plus m'amuser à vouloir vous apprendre
Tous mes differens changemens ,
Je ne dis plus qu'un mot , tâchez de le com
prendre ,
:). ( Ceci pourtant n'est pas aisé : ) .
Quelque nombre de pieds dont je sois composé ,,
Deux consonnes et deux voyelles ,
Mais c'est à vous de les ranger entre elles )
Forment tous mes secrets ressorts ,
Et vous rendront enfin mon corps.
JAi
Par le Poëte de S. Trophime..
AUTRE.
Ai cinq membres pour mon partage ,
On me trouve souvent dans les meilleurs festins,
་ ་
On m'y fait grand accueil quand j'y parcis
sauvage ,
I. Vola
CLT
2652 MERCURE DE FRANCE
Et.ma rusticité plaît au goût les plus.fins.
Trois , deux , puis quatre et cinq , je deviens ne
céssaire ,
De s'assurer de moi chacun fait son affaire ,
Trois , quatre , cinq , portant ma tête jusqu'aux
Cieux ,
Je suis arbre chéri de la Mere des Dieux.
Un , deux , vous me nommez en apprenant la
Gamme ,
Un , quatre , cinq , je couvre et le Prince et la
Dame ,
Cinq , quatre , un , des Anciens nommé Pere -
des Eaux ,
Je donne deux moissons sans beaucoup de travaux
,
Un , quatre , deux , je deviens cette louche,
Qui de six Tribus fut la souche;
Combinez- moi , vous trouverez , Lecteur
Qu'en tout ceci je ne suis point menteur.
L'Abbé facquemin de Donchery.*
DE
AUTR E.,
E tout temps des Héros l'objet le plus cheri,
Je his des plus grands coeurs le penchant favori.
De six Lettres , Lecteur , si vous en ôtez une ,
Je suis Fleuve. A quatre réduit
Vous me pourrez combiner avec fruit
Vous trou verez en moi semence fort commune -
Un des celestes Habitans ;
La Vaka
Al
1
DECEMBRE. 1733 265 3 .
Au son de mes divins accens
Les pierres furent entassées.
Je suis Monstre connu dans le Pays des Fées ;
Un animal qui dort long- temps ;
Un meuble utile à la cuisine ,
Muni d'une vertu divine ;"
Un Saint souffrit par moi les plus affreux toute
méns.
En trois je suis reglement sage ,
Pour la justice et le droit conserver.
Item. Un sacré Personnage
Chargé du soin de les faire observer.
Un vice qui rend l'homme à la bête semblable .
Mon chant dur et peu gracieux ,
Rome , fut autrefois à tes murs favorable..
En deux., objet de bien des voeux ,
Je naissois sous les mains d'un Prince malheureux.
Par Madame Marguillier.
NOUVELLES LITTERAIRES .
A
DES BEAUX ARTS , &C...
LMANACH DU MARIAGE , pour ,
l'année 1734. Ouvrage instructif et
Epigrammatique , nouvelle Edition , aug-
I. Vol. mentée
2654 MERCURE DE FRANCE
mentée de la Carte de l'Isle du Mariage ,-
avec la Description litterale du Pays.
Dédié à la Jeunesse amoureuse , par un
Philosophe Garçon. A Paris , chez Charles
Guillaume , Quay des Augustins , à
S. Charles , in 24.
L'ARITHMETIQUE DE MONTREE,
Ouvrage nouveau , par un Prêtre de l'O
ratoire , ancien Professeur de Mathématique
de l'Université d'Angers ; à Rouen,
et se vend à Paris , rue S. Jacques , chez
Pierre Witte , 1733. in 12. de 216. pages,
Le Pere Jean- Baptiste- Adrien de Mercastel
, Auteur de ce Livre , dit dans sa
Préface que les Maîtres à écrire ensei
gnent des Pratiques très- certaines , qu'il
n'en a point d'autres à mettre en usage
dans tous ses Calculs , et que ce sont les
Regles qu'ils ont coûtume de donner
qu'il entreprend d'expliquer.
Cet Ouvrage est divisé en deux Parties.
Dans la premiere , on explique les
Regles du Calcul ; dans la seconde , on
en montre l'usage dans les questions qui
demandent plusieurs Operations. Ceux
qui ne veulent que la Pratique , la trouveront
ici très bien expliquée ; ils en auront
un Traité bien complet , si en abandonnant
tout ce qui est sous les Titres
La Vel de
DECEM BR E. 1733. 26.58
de Théorêmes et de Démonstrations , ils .
getiennent tout le reste.
L'ARITHMETIQUE MILITAIRE , ou l'Arithmétique-
Pratique de l'Ingénieur et
de l'Officier , divisée en trois Parties ;
Ouvrage également nécessaire aux Offi
ciers , aux Ingénieurs et aux Commerçans.
Troisiéme Edition , corrigée et de.
beaucoup augmentée par M. de Clermont,
Commissaire d'Artillerie. A Paris , chez
P. Witte , rue S. Jacques , et chez Didot ,
Quay des Augustins , 1733. in 4.
L'Auteur s'attache dans la premiere.
Partie de cet Ouvrage , à établir les fondemens
de l'Arithmétique , qui consis
fent en quatre Regles generales. 11 passe
ensuite à l'explication de la Regle de Trois
ou de Proportion , puis à celle de la Raeine
quarrée , &c.
Il explique dans la seconde Partie les
Fractions , d'une maniere claire et convaincante
, et j'ose même dire , ajoûte .
Auteur , qu'on ne trouvera point de
Traité d'Arithmétique en norre Langue,
où elles soient expliquées plus à fond :
et plus nettement.
La troisiéme Partie renferme les Regles
Vulgaires , qui , selon notre Auteur,
sont d'un grand secours dans les diffi
I. Vol. cultez
2056 MERCURE DE FRANCE
cultez qui arrivent dans l'emploi d'um
Ingénieur et dans le détail des affaires
qui regardent les Troupes , aussi - bien
que dans le Commerce , qu'on auroit
peine à développer sans le secours de
ces mêmes Regles . Outre que , dit-il ,
le bien prendre , elles contiennent ce
qu'il y a de plus curieux dans l'Arithmétique
, et qui paroit surprenant à ceux
qui ne sont pas versez dans le Calcul.
AVANTURES de Clamades et de Clar
monde , tirées de l'Espagnol . Par Madame
E. G. D. R. A Paris , rue S. Jacques ,
shez Morin , 17; 3 . in 12. de 348. pages.
POESIES DIVERSES de M. de Segrais
de l'Académie Françoise , les Eglogues ,
l'Athis , Poëme. Pastoral , les Odes , Epitres
, Elegies , Chansons , Stances . Nou .
velle Edition . Rue du Foin , chez la veuve
Delormel , et au Petit Pont , chez René
Josse 1733. in s.
·
LA FOLETTE ou le RHUME , Histoire
Bourgeoise , où regne une varieté agréa
ble et interressante , dédié à Mgr le Duc
de Gesvres , Pair de France , par M. l'Affichard.
A Paris , rue S. Severin , chiz
Mesnier, 1733. Broch. in 12.de 137. pag.
La Vola
-Ce
à
DECEM BRE. 1733 2657
Ce perit Ouvrage est mêlé de Prose
et de Vers. Dès la premiere page on
trouve ce Rondeau .
«C'est l'intérêt qui fait que tout remuë ,
C'est lui qui fait que chacun s'évertuë ;
Tout à son gré se gouverne ici bas ;
Emplois sans lui ne se brigueroient pas :
La Cour des Rois seroit deserte et nuë ;
Si l'homme va d'une ame résoluë
Chercher la gloire aux risques qu'on le tue
Qui lui ravit la crainte du trépas ?.
C'est l'interêt.
L'intention du monde m'est connuë ;
Sur ses projets je n'ai point la berluë ;
Si le profit ne marchoit sur nos pas ,
Four notre coeur tout seroit sans appas.
Notre Boussole et notre point de vue,
C'est Pinterêt.
...f
La troisiéme et la quatrieme Partie de
la Mer des Histoires , paroît chez Char
les Guillaume et P. Gandouin le jeune , Quay
Augustins. 2. vol. in 12.
des
MEMOIRES HISTORIQUES de la Guerre
survenue entre la Maison Imperiale
d'Autriche , et la Royale Maison de Bourbon
, au sujet des Etats de la Mo-
1. Vol. narchic
2658 MERCURE DE FRANCE
narchie d'Espagne , depuis la mort de
Charles d'Autriche second du nom
l'an 1701. jusqu'à l'an 1713. Par L. A. V.
A Venise , 1732. in 4. PP . 747. y compris
la Table. Tout l'Ouvrage est ca
Italien.
La Feuille du Pour et Contre , se- sousient
toujours et se fait lire avec plaisir ,
non-seulement par le choix des matieres,
presqu'aussi interessantes que variées ,
mais par lasmaniere fine , simple et ai
sée dont cet Ouvrage est écrit.
faire
On trouve à la page 82. de la 19. Letda
tre du II . Tome , un article trop avantageux
à la Nation , pour n'en pas
part à nos Lecteurs , d'autant plus que
l'Auteur a toujours paru avoir bien de la
prédilection pour l'Angleterre et pour
les Anglois ; en effet , après avoir vanté
leur disposition d'esprit avantageuse , qui
ne se fait pas un deshonneur de recevoir
des autres Nations ce qu'elles ont d'agréable
ou d'utile , il s'exprime en ces
termes :
.1
เล
เพ
» Il est vrai neanmoins que par rapport
aux Ouvrages d'esprit , les voisins
de l'Angleterre pourroient desirer
» que ce qu'elle emprunte d'eux fût pris
avec un peu plus de ménagement et
1. Vol. employé
→
DECEMBRE. 1733. 2659
employé , si je l'ose dire , avec des marques
un peu plus claires de reconnois-
» sance. Je touche un article délicat ;
» mais la verité m'oblige de déclarer que
» j'ai bien vû des Auteurs Anglois se pas.
» rer des dépouilles de la France , et ou-
» blier d'avertir leurs Compatriotes , que
»les richesses qu'ils leur offroient ne
» venoient pas de leur Isle. Il me seroit
» aisé d'entrer là -dessus dans un détail
» curieux ; mais la matiere mérite d'être
» traitée dans un Ouvrage plus important
que cette Feuille. C'est un pré-
» sent que je promets au Public. On
» sera surpris d'apprendre que non- seu-
» lement les meilleurs Ecrivains d'Angleterre
se sont fait quelquefois honneur
» du travail des François , sans faire semnblant
de leur avoir obligation ; mais
» qu'un grand nombre de bons Livres ,
traduits de notre Langue en Anglois
»passent dans le Pays pour l'Ouvrage
des Traducteurs , parce que les Titres
» sont déguisez , ou qu'il n'y paroit rien
qui fasse connoître que c'est une Tra-
» duction .
On apprend d'Allemagne qu'on a imprimé
à Altena un Traité sur les Femmes
Sçavantes de Danemarck , intitulé : Gyna-
I. Vol. Cruar
2650 MERCURE DE FRANCE
ceum Dania Litteratum.Par M.AlbertThi
ra , Ministre ; qui a déja donnée l'idée d
l'Histoire Littéraire de Dannemark , et qui
ajoutera pour Supplément divers Ou
vrages.
"On mande de Londres , que le sieur le
Camus doit faire à Wolwich , en présen
ce des Commissaires de l'Amirauté , l'Es
sai de deux Rames , par le moyen des
quelles il prétend qu'un Vaisseau de figne
, même du premier rang , pourra re
virer de bord, et faire trois quarts de lieuë
par heure , dans un calme.
de
M. le Gendre de S. Aubin , Auteur du
Traité de l'Opinion ,en lisant ce qui a été
relevé dans le Mercure du mois dernier ',
au sujet de la Maison de Goyon - Mati
gnon , a remarqué deux Equivoques dans
la Critique qui a été faite du passage
ce Traité , où il est dit , tom. 4. part. 2.
page 16. que Mrs de Goyon , Aînez de la
Maison de Matignon , sont encore aujourd'hui
dans le Parlement de Bretagne.
Il ne s'agit pas en cet endroit d'une Afnesse
entre cousins germains ou issus de
germains, et personne n'ignore que l'Aîné
et le Chef de la Maison de Goyon - Masignon
, est aujourd'hui M. le Prince
1. Vo!. M
DECEMBRE . 1733. 2665
Monaco. Ce passage ne signifie pas non
plus qu'il y ait aucun homme de robbe en
Bretagne du nom de Goyon - Matignon . La
question se réduit à sçavoir , si la Maison
de Goyon , d'une ancienne noblesse, qui
est dans le Parlement de Bretagne , a la
même tige que la Maison de Goyon- Matignon
, originaire de la même Province;
et en ce cas , si la branche de Goyon , qui
est restée en Bretagne , est l'Aînée de la
Maison de Goyon - Matignon , établie
depuis long- temps en Normandie. L'Auteur
du Traité de l'Opinion s'en rappor
te, sur ces questions de fait , aux Parties
intéressées.
L'Académie Royale des Inscriptions
ét Belles Lettres , s'assembla le Vendredy
II de ce mois , pour remplir les deux
places d'Honoraires, vacantes par la mort
de M. l'Evêque de Blois , et de M. l'Evêque
de Langres : Elle nomma pour ces
deux Places M. l'Abbé de Rottelin , et
M. le Comte d'Argenson. Le choix de
l'Académie ayant été agréé par le Roy ,
ces Messieurs prirent sceance le Vendre
dy , 18 Decembre .
·
Le Sieur Clausier , demeurant ruë Ga
lande , chez la veuve Frouart , Chande-
I. Vola F liere,
2662 MERCURE DE FRANCE
licre , donne des leçons pour la Géométrie
ancienne et moderne , pour les principales
Langues de l'Europe , et pour enseigner
l'Allemand avec plus de facilité et plus
de perfection. Outre les Méthodes ordinaires,
il se sert des Racines de cette Lan,
gue et d'un Recueil de Germanismes , par
ordre Alphabétique , qu'il a composé.
L'Académie Royale de l'Histoire , à
Lisbonne, élut , sur la fin du mois dernier
pour remplir les deux Places qui y vas
quoient , D Joseph de Cavalho et Mello,
et D. Manuel Moreira de Souza ; et elle
a nommé Académiciens surnumeraires
Don François de Pina de Mello , et le
Docteur Don Joachin Pereira da Silva
Leal,
Il paroît depuis peu une suite d'Estampes
, dont les sujets sont tirez de
Rolland l'Amoureux , du Boyard , de
Rolland le Furieux , et de l'Arioste , traités
d'une maniere interessante et agréable
; ils sont peints par J. Dumont le Romain
, Peintre de l'Académie Royale , et
gravés par les meilleurs Graveurs . L'Au
teur donnera les autres Sujers de suite,
La vente de ces Estampes se fait à Paris,
ruë S. Jacques , chez la veuve Cherean, am
J. Fal deux
DECEMBRE. 1733 : 2663
deux Pilliers d'or. Le premier de ces
Morceaux , représente Angelique , qui
vient trouver Maugis d'Aigrement , sur
Ic Rocher où il étoit enchanté , lui promettant
de le délivrer , s'il la fait aimer
de son cousin Renaud , gravé par C. N.
Cochin , et le second Renaud de Montau
ban , monté sur Rabican , qui combat
et tuë le Centaure , qui enlevoit la belle
Fleur de Lys , Maitresse de Brandimart ;
laquelle se sauva à la nage. Par S.F.Ravene.
M. Vivien , Peintre du Roy , et Conseiller
de son Académie de Peinture et
de Sculpture , vient d'achever un grand
Tableau , de la famille du feu Electeur
de Baviere , Maximilien Emanuel.
Ce Tableau est traité allégoriquement,
d'une maniere simple , avec beaucoup de
sagesse et de noblesse .Un grand concours
de monde va le voir , et les personnes de
la premiere qualité l'ont vû avec beau
coup d'applaudissement. Les plus habiles
de l'Art loüent fort cet Ouvrage et le regardent
comme une chose unique en son
genre ; ce qui fait beaucoup d'honneur à
ce Peintre.
Le 21 Novembre 1733. Louis de Boullongne
, Ecuyer , Chevalier de l'Ordre
1. Val.
Fij de
2664 MERCURE DE FRANCE
de S. Michel , premier Peintre du Roy ,
Directeur et Recteur de l'Académic
Royale de Peinture et Sculpture , Pensionnaire
et Dessinateur de celle des Inscriptions
et Belles Lettres , mourut à Paris
, âgé de 79 ans.
Il avoit acquis la réputation d'un des
plus grands Peintres de son temps, par un
grand nombre d'excellens Ouvrages , dont
nous allons indiquer les Principaux .
Il a peint dans l'Eglise de l'Hôtel Royal
des Invalides la Chapelle de S. Augustin,
à Fresque , et un Choeur d'Anges dans la
croisée à droite; dans la Chapelle du Château
de Versailles , six Apôtres dans les
Voûtes de la Tribune, à droite, et la Chapelle
de la Vierge; dans le Cheur de Notre
- Dame de Paris , deux des huit grands
Tableaux , dont l'un represente la Purification
de la Vierge au Temple ; et l'autre
, la Fuite en Egypte. Il y a aussi deux
grands Tableaux de lui dans la Nef , représentant
le Miracle du Centènier et la
Samaritaine.
Il a peint dans le Salon de Marly , l'un
des quatre grands Tableaux , et beaucoup
d'autres dans les Châteaux de Fontainebleau
, Meudon , Trianon et la Ménagerie,
Il a excellé principalement dans l'élé
gance de la composition et dans la correction
I. Voh
DECEMBRE . 1735. 266
fection du dessein.Il a fait un tres- grand
nombre de Tableaux de Cabinet , qui sont
fort estimez , et dans lesquels on remarque
sur tout un caractere gracieux , qui
faisoit en général l'ame de sa composition .
Le Roy , pour récompenser ses talens,
l'avoit annobli , lui et sa posterité. Il a
laissé pour enfans Jean de Boullongne
Conseiller au Parlement de Mets et premier
Commis des Finances , et Marie-
Anne de Boullongne , femme de Jean-
Pierre Richard , Receveur General des
Finances de la Généralité de Tours. Il
avoit encore un fils qui mourut revêtu
de la même Charge de Receveur General
des Finances de Tours , au mois de
Decembre de l'année derniere , âgé de
30 ans , sans avoir laissé de posterité.
Les Vers qu'on va lire , sont de My
TANEVOT.
Ecoute-moi , Coustou , prends ton Ciseau
Et du fameux Boullongne éleve le Tombeau.
Place au milieu sa Muse désolée ,
Regardant les Graces en pleurs ,
Assises près du Mausolée ,
Qu'au pied , plus d'un Géme exprime ses dou
kurs
Par son air et son attitude ;
Fais-y voir la conftante Etude ,
I. Fol Fiij Lo
2866 MER CURE DE FRANCE
Le Coloris et la Correction ,
L'Ordonnance , l'Invention ,
Et qu'un Amour à tire -d'aîle ,
Forte jusqu'aux Cicux son image immortelle.
REPONSE à la Lettre de Brest
sur le Sistême du Bureau Tipographique,
inserée dans le Mercure du mois d'Octobre
dernier 1733 .
L est vrai , Monsieur, que le Mercure de France
tient lieu du plus commode Bureau d'adresse
qu'on puisse établir dans la Répblique des Lettres
, puisque par cette voye , des personnes qui
ne se sont jamais vûës, peuvent aisément se transmettre
leurs Reflexions , dans quelque éloignement
et dans quelque situation qu'elles se trouvent.
Je profite volontiers d'un moyen si facile
pour répondre à laLettre que vous avez fait inserer
dans le Mercure du mois d'Oct . dernier , et pour
vous apprendre que l'impression du Livre inti-
\ tulé , La Bibliotheque des Enfans , & c. vient en◄
fin d'être achevée . Ce Livre sera mis en vente a
commencement de l'année 1734. chez Pierre Simon
, Imprimeur du Parlement , rue de la Harpe
, à l'Hercule , et chez Pierre Vvitte , ruë saing
Jacques , proche S. Yve , à l'Ange Gardien .
Cet Ouvrage in quarto comprend quatre Parties.
La premiere de 28. feuilles , contient le Sistême
du Bureau Tipographique , ou l'Art de met
tre å profit les premieres années de l'enfance . La
seconde , en 15. feuilles , contient les Leçons du
nouvel Abécé Latin pour les Maîtres et pour les
Enfans , La troisiéme en 31. feiulles , contient les
306. Leçons du nouvel Abécé François , et du
I. Vol.
Su
DECEMBRE. 17337 2667
Supplément de lecture sur l'Arithmétique , sur
le Calendrier et sur l'Ecriture . Ces trois volumes
se vendront ensemble , comme faisant us
seul Ouvrage de Litterature . On vendra séparément
le quatriéme volume qui est en 20. feuilles
in quarto , et contient le Rudiment pratique de la
Langue Latine pour les garçons , et une Introduction
à la Langue Françoise pour les filles. On
vendra aussi séparément et en petit , pour l'Exemplaire
de chaque Enfant , le nouvel Abécé
Latin, le nouvel Abécé François et le Rudiment
pratique.
Vous trouverez , Monsieur , dans cet Ouvra-'
ge le développement du Sistême Tipographique
et les Eclaircissemens que vous demandez sur le
détail des operations et des lectures qui convien
nent le plus à la meilleure institution de l'Enfance.
L'Auteur a répondu aux objections de l'ignorance
, du préjugé , de l'envie , de la mauvaise
foi et de l'avarice , il a cité quelques Enfans Tipographes
en faveur des personnes qui se détérminent
et se conduisent par l'autorité et par l'exemple
de la pratique plutôt que par les raisonnemens
abstraits de la théorie. Vous serez peut-
Etre bien aise d'apprendre en même temps qu'il ,
y a déja à Paris une vingtaine de filles et une.
quarantaine de garçons exercez utilement selon
le Sistême du Bureau. Ne croyez pas au reste .
que cette nouvelle maniere d'instruire les enfans
ne puisse être pratiquée que dans les maisons des
gens de qualité ; un Marchand de Soye ,un Mer- ,
cier , un Orfévre , font actuellement usage du
Bureau . Un Tailleur ingénieux dans la rue du
Four , vient d'en faire un lui- même pour sa fille
et pour son garçon. Les petites Ecoles de M.
Chompré l'aîné , dans la ruë des Carines , et de
1. Vol.
FM.
1768 MERCURE DE FRANCE
M. Chompré le cadet , dans la rue S. Louis du
Palais , ont déja fait l'heureuse experience de
cette Machine. Mais ce qui vous surprendra le
plus , c'est que de simples Bourgeois, sans étude,
comprennent assez facilement l'utilité et l'avantage
de ce nouveau Sistême , pendant qu'il paroît
un scandale scolastique aux yeux de quelques
Docteurs du Païs Latin. Vir bonus quod honestè
se facturum putaverit , faciet , etiamsi laboriosum
erit faciet etiamsi damnosum erit ; faciet etiamsi
periculosum erit. Senec. Epist. 76. J'ai l'honneur
d'être , &c.
A Paris ce 18. Novembre 1733 .
LETTRE de M. Thiout , Horloger
à M. le Chevalier de .... au sujet de
la Pendule que M. Pierre le Roy annonce
dans le Mercure de Sept.mbre dernier.
MONSIEUR ,
Les marques d'estime dont vous m'honorez ',
et l'envie que vous m'avez témoignée de sçavoir
par moi les proprietez de la Pendule que M.Pierre
le Roy annonce, confirment l'interêt que vous
prenez au progrès des Arts . Je vais donc Monsieur
, m'en acquitter le plus succinctement qu'il
me sera possible , selon la description que vous
en avez vûë de l'Auteur.
Cette Pendule marque le temps vrai , par le
moyen d'un cercle appliqué à la circonférence
du Cadran , où sont gravez les mois et quantiémes
inégalement , selon que l'Equation le demande
; les 60. minutes y sont aussi gravées ,
I. Kd • de
DECEMBRE. 1733. 2659
He sorte qu'en le tournant à la main jusqu'an
quantiéme marqué avec deux index , l'Aiguille
des minutes marque sur ledit Cercle le temps
vrai.
Cette méthode , quoique très - bonne , a des
difficultez qui empêchent que le Public n'en tire
Pavantage qu'il desireroit , parce qu'il est diffi
cile d'en faire prendre connoissance aux personnes
même intelligentes , et en ce qu'il faut s'ap
procher du Cadran toutes les fois que l'on veut
avoir l'heure , et avoir toujours égard aux nouvelles
positions du Cercle après l'avoir mis au
quantième , ce qui n'est guère utile pour un usage
ordinaire , mais très-bon pour un Sçavant
comme étoit l'Inventeur , feu M. de la Hire , or
comme est M.du Fay ; qui l'a si bien perfec-
*tionnée.
M. le Roy a ajoûté une détente fort ingénieuse
, après ce Cercle , pour faire sonner le temps
vrai , mais M. Enderlin en a imaginé une , où
il évite les talus qui sont à celle de M. le Roy , ce
qui la rend plus parfaite et plus facile à executer.
Cette Pendule marque le quantiéme du mois
avec une roue de plus, tandis qu'il faut trois roues
et deux pignons aux autres Pendules qui le masquent
, selon M. le Roy. Je ne crois pas que son
dessein soit d'en imposer, cependant il sçait bien
que nos quantiémes ordinaires ne sont composez
que d'un pignon de 16. posé sur la roue de Cadran.
Une roue de 32. engrainée dedans ; portant
une cheville qui passe toutes les 24. heures,prend
une dent du Cercle qui fait changer le chiffre; ainsi
cela ne fait absolument que trois roues, y com
gris le pignon ce qui estbien simple )mais il paroît
que M. le Roy encherit sur cette simplicité , ne
donnant qu'une seule roue à son quantiéme. Il a,
La Volo Fy sans
1670 MERCURE DE FRANCE
sans doute , oublié de compter les deux autres of
il se sert de differentes machines qui font plus
que l'équivalent des deux roues qu'il y a de plus
au quantiéme connû,
La justesse des Pendules ne paroissant pas assez
suffisante avec l'échappement ordinaire , M.
Roy dit avoir imaginé , pour augmenter cette
justesse, un nouvel Echappement qui consiste en
une seule Palette et deux Rochets enarbrez sur le
même Axe. L'un de ces Rochets est plus grand
que l'autre, Lorsque le petit frappe la Palette et
qu'il échappe, le grand se repose sur le Cylindre
de la Verge jusqu'à- ce que la vibration lui ameng
une entaille faite dans ledit Cylindre et en passant,
le petit Rochet frappe la Palette , et ainsi succes
.sivement.. AS 2
que
Remarquez , s'il vous plait , Monsicur ,
cet échappement perd moitié de l'avantage qu'a
celui de la roue de rencontre , n'y ayant que la
moitié des vibrations de Chassées , comme s'il Y
avoit du danger de donner trop de maintien au
Pendule , il est vrai que pour recuperer cette peste
, M. le Roi est obligé de tenir la Palete grande,
mais il n'en résulte que l'inégalité de la force
motrice et du Kouage qui influe plus abondam
›ment sur une grande Palette que sur deux petites,
ce qui est évident , on pourroit s'imaginer , n'y
ayant qu'une Palette de frappée, que la vibration
ne reçoit qu'un choc plus ou moins fort , sans
autre consequence , et que la vibration reve,
nant, elle est independante de toutes causes accip
dentelles. Il faut faire attention que le choc ing-
-gal donne de grandes et de petites vibrations
ainsi celle que l'on prétendroit naturelle ne l'est
pas , étant plus ou moins grande. Il y auroit beau
coup de choses à dire là- dessus , ce que j'ai re
I. Va connú
DECEMBRE. 1753. 2677
cennu par une petite experience que j'en ai faite
en 1725. après M. du Tertre. A l'égard de sa
plus grande durée il seroit difficile de le prouver
, étant égal en avantages.
M. le Roy auroit bien du ne pas faire plus de
mistere à donner la description de rendre égale
l'action du grand ressort des l'endules , qu'il dit
avoir imaginé , qu'à donner la description de sa
détente, le Public lui en auroit sçu bon gré; mais
avec un peu d'attention , on reconnoîtra que la
maniere dont il se sert , est la même que celle que
l'on a pratiquée aux Montres à barillet tournant,
qui est, à la verité , excellente pour une Pendule ,
puisque l'on voit des Montres à minutes sur ce
principe , aller aussi régulierement 24. heures
que celles à fusée.
Voici , Monsieur , comme on dispose un mouvement
de Pendule , quand on veut se servir de
ce principe de justesse ; on donne les mêmes
nombres aux rouages comme pour aller 18 .
jours , où il ne faut que six tours de barillet ›
on noye une petite roue sur celle du barillet excentriquement
; on y ajuste quarément à l'arbres
une dent , et la petite roue en ayant 4. on fait
fait faire un bon ressort de neuf tours , dans les
quels on en chosit 4. des plus égaux , que l'on
fixe au moyen de cette petite roue excentrique ,
ainsi il y a environ trois tours de bande et deux
de reste , font cinq , et quatre d'employez , font
neuf , les quatre tours de réserves tirent douze
jours très- régulierement ; mais comme on remonte
la Pendule tous les huit jours , il n'y a
qu'environ trois tours des neuf qui travaillent ,
ce qui auginente encore la régularité
Ce qui confirme que c'est là la Méthode dont
M. le Roy se sert , c'est qu'après la fusée il ne
5. Ja Vol.
F vi peac
2872 MERCURE DE FRANCE
peut y en avoir d'autre avec laquelle on puisse
mieux regler l'action du grand ressort et qui garantisse
mieux les fractures qui peuvent arriver
en la remontant , comme M. le Roy le remar➡
que Il y a des Horlogers , qui observent encore
pour corriger l'action du ressort , de tenir le
premier pignon plus petit que d'ordinaire et
grossissent les autres en proportion .
A l'égard du bouton dont M. le Roy
se sert pour tourner le Cercle sans ouvrir
la boëte , il faut qu'il y ait long temps qu'il l'ait
imaginé , y ayant 6. ou 7. ans que moi et d'autres
le mettent en usage. Je suis très- respectueusement
, Monsieur , &c .
AVIS touchant un Supplement aux Mèmoires
de l'Académie Royale des Sciences.
Les Libraires qui avoient enrrepris l'Edition du
Recueil des Memoires de l'Académie des Sciences
depuis son établissement en 1666. jusqu'à son
renouvellement en 1699. compris en 13. vol.
in 4. se flattent d'avoir rempli leurs engagemens
a la satisfaction du Public. Le même zele les
porte à proposer une Suite qui rendra cet ancien
Recueil plus complet , et qui se liera naturellement
avec les Mémoires donnez depuis 1699.
dont elle facilitera Pusage.
Cette Suite sera composée des Ouvrages suivans
.
1º. La troisiéme Partie des Memoires pour sexvir
à l'Histoire des Animaux , rédigée par feu M.
Perrault ; et qui n'a jamais parû . Les Figures ont
été gravées sur les Desseins originaux de cet
Académicien. On trouvera dans ce volume la
Description de seize Animaux ; sçavoir :
I
I. Le
DECEMBRE. 1733. 267)
1. Le Tigre.
2. La Panthere.
3. La Palette.
4. La Marmotte .
J. Le Loir.
6. Le Becharu.
7. La Poule Sultane.
8. L'Ibis
9. La Cigogne.
10. La Salamandre.
11. Le Lézard- écaillé.
12. L'Elephant.
13. Le Crocodile.
14. Le Pelican .
15. LOiseau Royal
16. Le Griffon.
ce qui fera 32. Planches de la grandeur de celles
des deux premieres Parties.
2. Un volume de Tables des Matieres contetenues
dans tous les tomes de l'ancien Recueil
depuis 1666. jusqu'en 1699 , dans laquelle Table
Les matieres de la troisiéme Partie de l'Histoire
des Animaux seront comprises ,
3º. Un autre volume de Tables des Matieres.
des Memoires de l'Académie , depuis et compris
1721. jusques et compris 1730,
Les Libraires n'entreprendront point de faire
connoître l'importance de ces Ouvrages dont
Putilité se fait assez sentir. Il leur suffit de
pros
mettre de leur part les mêmes soins et la même
exactitude pour ces nouveaux volumes qu'ils ont
employez dans l'execution des 13. tomes qu'ils
ont distribuez au Public.
Quoiqu'il semble qu'il n'y auroit rien à desirer
de plus pour la perfection des Recueils de
l'Académie , on s'est neanmoins apperçû qu'il y
manquoit une Partie très - essentielle . C'est la Représentation
de toutes les Machines ou Inventions
présentées à l'Académie , et qui ont été
honorées de son approbation depuis son établis-
-sement jusqu'à present ; et qu'on trouve seule
ment indiquées à la fin de l'Histoire de chaqueannée.
Cette refléxion communiquée aux mêmes
Libraires par des personnes éclairées , les a en-
La Vol gagé
2674 MERCURE DE FRANCE
gagez à demander le consentement de l'Academie
pour cette nouvelle entreprise. L'ayant obteau , ils
ont travaillé sous les ordres de cet illustre Com «
pagne , qui a nommé Messieurs de Reaumur et
de Mairan pour Commissaires ; ils ont formé un
Recueil complet de ces Machines , dont ils ont
fait graver depuis quatre ans , environ quatre
cent Planches.
M. Golin , de la même Académie , a revû les
Machines gravées et leurs Descriptions , qui avec
les Desseins , ont été fournies par M. Gallon que
l'Académi : avoit agréé pour ce travail . Elles
sont en état d'ètre exposées à la curiosité de ceux
qui voudront prendre la peine de les venir voir
chez lesdits Libraires. Ce nouvel Ouvrage sera
divisé en six volumes in 4. de la même grandeur
que ceux des Recueils de l'Académie .
Après cet Exposé , les Libraires ont crû devoir
proposer une suite de Souscription en faveur de
ceux qui ont souscrit précedemment .
Les neuf volumes , sçavoir , les trois de supplé
ment aux Mémoires de l'Académie , et les six des
Machines , seront fournis dans le courant de
Pannée 1734 .
Le payement s'en fera de la maniere qui suit
En souscrivant ,
En recevant les 3. vol. des Memoires ,
En recevant les 6. volumes dés Machines
Ceux qui souhaiteront souscrire pour
les Machines , séparement payeront
en souscrivant
30. liv.
30 liv.
30. liv.
90. liv.
36. liv.
En recevant les 6. vol. pareille somme de 36. liv.
72. live
Ceux qui n'auront pas souscrit payeront les
I. Vol.
neuf
DECEMB -R-E ; ~ 1733. · 2674
neuf volumes en feuilles tro. liv. er pour le
Recueil des Machines séparément , aussi c
feuilles 120. liv.
Le prix des treize tomes distribuez au Public
lesquels par leur étendue ne peuvent se partager
en quinze volumes , est pour ceux qui n'ont pas
souscrit , de 180. liv, en feuilles .
On pourra souscrire jusqu'au premier Février
1734. chez G. Martin , Coignard fils , et Guerin
Taine , raë S. Jacques.
Le Sieur Julien Apotiquaire ordinaire du Roi,
'en son Artillerie de France , continue avec succès
de débiter son Sirop connu sous le nom de
Stomachal , souverain pour guerir les maladies
de poitrine , la toux séche et quand on est tourmenté
de fluxions chaudes et subtiles qui tom
bent sur la trachée - artere et les poulmons ; il
en adoucit l'acrimonie , soulage les phtisiqnes
et asmatiques . Sa doze est d'une cuillerée
bouche , trois fois par jour , il est très agréable
à prendre , on le peut prendre en une seule fois
dans du Thé , Prisanne , eau chaude &c .
ου
I
Ou trouvera aussi chez lui la véritable Pâte
de Guimauve , Jus de regliffe blanc , de même
que les Tablettes de soulphre d'une nouvelle
Composition pont le soulagement des asmatiques.
Sa demeure est toujours à Paris > rue de la
Verrerie , proche la rue des Billettes.
On donne avis au Public que Madame d'Algret
a composé un Elixir fortifient & anodin
excellent pour toutes les maladies du cerveau
et de l'estomach , et pour les personnes avancées
en âge ,exténuées par de longues maladies ;
il est encore bon pour toutes les coliques , pour
I. Vol
toutes
2676 MERCURE DE FRANCE
toutes les tranchées des femmes nouvellement
accouchées,il guerit des vomissements et procure
l'évacuation des vidanges lorsqu'elles sont suprimées.
C'est en conséquence des preuves que
Madame d'Algret a fait sous les yeux de M. le
premier Médecin , de la bonté de ce remede &
de l'examen qui en a été fait au Bureau de la
Commission par Mrs les Commissaires, qu'il lui
a été permis le le vendre et distribuct par Brevet
de la Commission.
Le prix de cet Elixir est de 60 livres la pinte,
qui se distribue en bouteilles de différens prix
dont les moindres sont de six et de trois livres.'
Madame d'Algret demeure rue des Poulies , an
petit Hôtel de Conti , vis- à- vis la rue Bailleul
dans la premiere cour , et premier escalier à main
droite , elle avertit le Public pour qu'il ne soit pas
trompé , qu'elle distribue elle même cet Elixir
et n'en fait distribuer par personne ni ailleurs
que chez elle ; on donne avec les bouteilles qui
sont cachetées de fon cachet , la maniere de se
servir de cet Elixir qui se transporte par tout et
ne se corrompt jamais , et qui est fort agréable à
prendre.
康宁
CHANSON.
Tel ! quel orage affreux ! quel horrible Ton
Celnerre !
L'Onde s'unit aux vents pour ravager la Terre,
Quel péril menaçant les Cieux fondent en eau.
Prête à nous écraser dans l'air la foudre gronde
I. Vabe Tremble
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
:
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
DECEMBRE. 1733 : 2677
Tremblez , Mortels , tremblez , un Déluge nouveau
,
Dans l'éternelle nuit ensevelit le Monde ;
Mais je crains peu sa rage , Amis , dans mon
Caveau ,
Pour le braver, je veux que Bacchus me seconde;'
Je veux , quand j'aurai fait de mon ventre un
tonneau ,
Que l'Aquilon le berce, et qu'il flote sur l'Onde.
MUSETTE EN RONDEAU.
ANimez-vous , Musette tendre ,
Iris se plaît à vous entendre ;
Remplissez l'air de mes soupirs
Engagez son coeur à se rendre ,
Au gré de mes plus chers desirs
Animez -vous , Musette tendre ,
Iris se plaît à vous entendre ,
Hélas ! que mon sort seroit doux
Si j'avois un jour comme vous ,
Le secret de me faire entendre.
Musette tendre, animez vous
Iris se plaît à vous entendre,
Par M. de Villeneuve:
I. Vol. SPEC
1678 MERCURE DE FRANCE
L
SPECTACLES.
'Académie Royale de Musique a res
mis pour la quatrième fois au Théatre
Issé , Pastorale Héroïque . Depuis l'année
1697. qu'elle parut pour la premiere
fois , on l'a reprise en 1708. et en 17194
et toujours avec plus de succès , cette
derniere reprise est des plus brillantes.
C'est le premier Ouvrage de deux jeunes
Auteurs , qui semblent se disputer
à qui entrera avec plus de vivacité dans
une carriere qu'ils ont depuis remplie
avec beaucoup d'éclat. M. de la Mothe
qui a fait le Poëme , qu'on croit antérieur
à celui de l'Europe Galante , n'y
dément pas le nom dejeune Homere , qu'il
se donne dans son Epitre Dédicatoire ,
où il choisit Monseigneur le Duc de
Bourgogne pour son Achille ; la gloire
qu'il s'est acquise depuis , a justifié son
ambition naissante ; on remarque que
son stile dans Issé n'est pas tout- à- fait
aussi correct qu'il l'a été dans beaucoup
d'autres Ouvrages qui lui ont assuré l'im
mortalité qu'il se proposoit pour prix
de ses travaux ; mais on en esr dédom
1. Vol
magt
DECEMBRE. 1733. 2679
magé par le plus beau feu qu'Apollon
puisse inspirer à un jeune Eleve.
M. Destouches , Auteur de la Musique ,
non moins avide de gloire , fait voir
dans cette Pastorale , qu'on peut dès
le premier pas faire douter si l'on pourra
se surpasser dans la suite ; son génie et
son goût s'y déployent tout entiers
rien de plus naturel que son chant , rien
de plus vif que ses peintures , sur tout
rien de plus flatteur que son récitatif.
Voilà le témoignage que la voix publique
nous excite à rendre , sur le mérite
des deux Auteurs de cette Pastorales
en voici l'Extrait .
La Fable du Jardin des Hesperides a
fourni à l'ingénieux Auteur de cette Pastorale
, le sujet d'un Prologue Allegorique.
La Paix que LOUIS LE GRAND
accorda à l'Europe , en est l'objet ; nous
ne pouvons donner une plus juste intelligence
de l'allégorie en question ,
qu'en nous servant des propres termes
de M. de, la Mothe . Les voicy.
Ce Prologue est une allégorie dont il est
aisé de découvrir les rapports. Le Jardin
des Hesperides représente l'Abondance ; le
Dragon qui en deffend l'entrée , y signifie
la Guerre , qui , suspendant le Commerce,
ferme aux Peuples qu'elle divise la voye
1. Vol.
do
2680 MERCURE DE FRANCE
de l'Abondance ; enfin Hercule , qui par
la
défaite du Dragon , rend ce Fardin accessible
à tout le monde , est l'image exacte du
Roy , qui n'a vaincu tant de fois que pour
pouvoir terminer la Guerre et rendre à ses
Peuples et à ses Voisrns , l'abondance qu'ils
souhaitoient.
Passons à l'action Théatrale.
Le Théatre représente le Jardin des Hesperides
; les Arbres sont chargez de fruits
d'or; et l'on découvre dans le fonds l'en
trée de ce Jardin deffendue par un Dragon
qui vomit incessamment des flammes.
La premiere Hesperide expose le sujet
par ces Vers :
Nous jouissons ici d'une douceur profonde ;
L'abondance en ces lieux regne de toutes parts;
Nos Bois et nos Vergers offrent à nos regards
Les seuls biens qu'adore le monde ;
Leurs fruits sont enviez du reste des Humains ;
Mais nous ne craignons rien du désir qui les
presse ;
Et ce Dragon veille sans cesse ,
Pour sauver nos trésors de leurs profanes mains.
Elle invite ses soeurs et tous les Habitans
de ce Jardin précieux à chanter le
bonheur dont ils jouissent. On entend
un bruit de guerre ; la premiere Hespeide
excite le Dragon à mettre en pieces
I. Vol. la
DECEMBRE . 1733. 268 i
téméraire Mortel qui vient chercher
La mort; Hercule combat le Dragon , et
en triomphe ; il rassure les Hesperides
par ces Vers :
Craignez-vous que mon bras vienne vous asservir,
Et faire de vos fruits un injuste pillage ?
Non ; je ne viens pas les ravir ;
Mais je veux que le monde avec vous les partage,
Jupiter vient confirmer la promesse
d'Hercule et lui parle ainsi :
Que ton bras se repose, ainsi que mon Tonnerre
Mon fils , termine tes travaux ;
Jouis toi- même du repos
Que ta valeur donne à la Terre.
Il rassemble les Peuples effrayez , qui
témoignent leur joye par ane Féte éclatante.
Jupiter termine ce charmant Pro
logue par ces Vers adressez à Hercule ,
c'est-à- dire au Héros de la France .
Alcide , ce grand jour marqué par la Victoire ,
Assure à l'Univers le sort le plus charmant ;
Plus d'un heureux évenement ,
En doit à l'avenir consacrer la memoire ,
Quand par un effort genereux ,
Ton bras vient aux Mortels rendre une Paix
profonde
5. Vol.
L'Hymenés
2682 MERCURE DE FRANCE
L'Hymenée et l'Amour joignant des plus beaux
noeuds ,
Deux coeurs formez pour le bonheur du monde.
De cette auguste Fête Apollon prend le soin ;
Viens avec tous les Dieux en être le témoin.
Tout le monde sent bien que Jupiter
annonce ici l'Hymen glorieux auquel
nous devons notre auguste Maître.
AU PREMIER ACTE , Apollon sous le
nom de Philemon , se plaint de l'Amour
qui ne l'a jamais blessé de ses Traits que
pour le rendre malheureux ; il se rappelle
la rigueur de Daphné et se reproche
de gémir encore sous de mêmes loix .
Pan , déguisé en Berger , lui conseille
de ne plus cacher sa Divinité aux yeux
d'Issé dont il est épris ; Apollon lui
répond qu'il ne veut devoir le coeur de
cette Nymphe qu'à son amour ; voyant
venir Issé , il se retire pour surprendre
son secret sans être apperçû . Issé , dans
un tendre Monologue , regrette la perte
de son heureuse indifference.
>
Doris soupçonne Issé d'aimer Hylas;
la Nymphe la laisse dans son erreur et
lui fait entendre la nouvelle situation
de son coeur par ces Vers :
Mes jours couloient dans les plaisirs ;
Je goûtois à la fois la paix et l'innocence ,
1. Vol et
DECEMBRE. 1733 2683
Et mon coeur satisfait de son indifference ,
Vivoit sans crainte et sans desirs ;
Mais depuis que l'Amour l'a rendu trop sensible,
Les plaisirs l'ont abandonné ;
Quel changement ! ô Ciel ! est- il possible ?
Non, ce n'est plus ce coeur si content , si paisible;
C'est un coeur tout nouveau que l'Amour m'a
donné.
On entend un bruit d'Instrumens s
Doris apprend à Issé que c'est une Fête
qu'Hilas a fair préparer pour elle.
La Suite d'Hilas représente les Néreïdes
et les Nymphes de Diane , conduites
par l'Amour et les Plaisirs, Hilas déclare
son amour à Issé par ces Vers :
L'Amour a tout soumis à ses loix souveraines ;
Il fait sentir ses feux dans l'humide séjour ;
Il blesse de ses traits , il charge de ses chaînes ,
La fiere Diane à son tour ;
Mais il n'est pas content de sa victoire ;
Le coeur d'Issé manque à sa gloire,
L'objet de cette Fête c'est d'inviter
Issé à aimer. Après la Fête la Nymphe
répond à Hilas :
Autant que je le puis , je résiste aux Amours ;
De leurs traits dangereux je redoute l'atteinte ;
Heureuse si ma crainte
2. Vol. M'an
2684 MERCURE DE FRANCE
M'en deffendoit toujours.
Cette réponse équivoque laisse un peu
d'esperance à Hilas .
Le Théatre représente au second Acte,
le Palais d'Issé et ses Jardins ; Issé se plaint
de l'Amour , et le prie de s'adresser à
d'autres coeurs qui se feroient un plaisir
de se rendre. Doris l'avertit que Philemon
s'avance.
Issé voudroit fuir la présence de Philemon
; mais ce Dieu , transformé en Berger,
Parrête. Cette Scene est très interessante
et très - bien dialoguée ; voici les
Vers qui la terminent.
Issé.
Cessez une ardeur si pressante ;
Je ne veux plus vous écouter .
Apollon.
'Arrêtez, Nymphe trop charmante,
Issé.
Non ; laissez - moi vous éviter.
Apollon.
Vous me fuyez et je vous aime !
Issé.
Je fuis l'Amour quand je vous fuis.
Apollon.
Dissipez le trouble où je suis,
I. Vol.
Issér
1
DECEMBRE. 1733. 2685
Issé.
N'augmentez pas celui qui m'agite moi- même.
Apollon.
Rendez-vous à mes feux.
Issé.
Ne tentez plus mon coeux,
Apollon.
Pourquoi craindre d'aimer.
Issé.
On doit craindre un
Vainqueur.
Apollon suit Issé , qui se retire. L'Acte
Eniroir ici , s'il n'y falloit une Fête ; l'Au
teur y supplée par un Episode ; Pan arrête
Doris , et lui parle d'amour , mais
sur un ton bien different de celui dont
Apellon vient d'en parler à Issé ; il sagit
d'un amour volage ; des Bergers , des
Bergeres et des Pâtres , viennent par
son ordre celebrer le plaisir d'être in ,
constans.
Au troisiéme Acte , Apollon dit à
Pan , que, tout aimé qu'il se croit de la
tendre Issé , il n'est pas encore parfaitement
heureux; il exprime ainsi ce qu'il
souhaite :
Je ne borne point mes desirs ,
A l'imparfait bonheur d'une flamme vulgaire ;
1. Vol.
G. Acheve
2686 MERCURE DE FRANCE
Acheve, acheve, Amour , de combler mes plaisirs;
Tu sçais ce qui te reste à faire,
Il dit à Pan, qui paroît surpris de voir
la celebre Forêt de Dodone , dont les
Arbres rendent des Oracles , qu'Issé doit
les consulter , et que par l'Oracle qu'ils
vont rendre , il sçaura si cette Nymphe
est digne de son amour. Il se retire avec
Pan à l'approche d'Hilas.
Hilas se plaint de l'Amour dont Issé
lui ; voici com- brûle pour un autre que
ment il s'exprime :
Sombres Déserts, témoins de mes tristes regrets;
Rien ne manque plus à ma peine.
Mes cris ont fait cent fois retentir ces Forêts ,
De la froideur d'une inhumaine ;
Hélas ! que n'est- ce encor le sujet qui m'amenę?
L'ingrate , de l'Amour ressent enfin les traits ;
Un perfide penchant l'entraîne.
Sombres Déserts , &c.
Issé qui vient consulter Dodone , veut
éviter la présence d'Hilas ; ce Berger l'arrête
pour se plaindre de l'amour qu'elle
sent pour un autre ; le Monologue et
le Dialogue font également honneur au
Poëte et au Musicien ; les plaintes d'Hilas
obligent Issé de se retirer , il la suit ,
Et le Théare resteroit vuide sans le se-
I. Vol. Cours
DECEMBRE. 1733. 2687
cours de l'Episode ; Pan et Doris se parlent
toujours sur le même ton ; ils conviennent
enfin de s'engager l'un à l'autre
le moins qu'ils pourront , ce qu'ils
font connoître par ce Duo :
Cédons à nos tendres désirs ;
Qu'un heureux penchant nous entraîne ;
Et que l'Amour laisse aux plaisirs
Le soin de serrer notre chaîne.
Leur convention étant faite, on reprend'
le fil de l'action principale ; les Prêtres
et les Prêtresses de Dodone viennent celebrer
leurs sacrez mysteres , et satisfaire le
desir curieux d'Issé , qui vient avec eux ,
et qui leur a déja fait entendre ce qu'el.e
souhaite. Rien n'est si beau que l'invccation
de Dodone ; le Poëte et le Musicien
s'y sont également surpassez ; " lcs
Rameaux mysterieux rendent enfin cet
Oracle :
3
Issé doit s'enflammer de l'ardeur la plus belle ;
Apollon veut être aimé d'elle.
Cet Oracle porte un coup fatal à l'a
mour que la Nymphe sent pour le faux
Philemon ; elle ne laisse pas d'assister à
la Fête qu'on celebre en l'honneur da
choix d'Apollon .
1. Vol. Gi
Le
1688 MERCURE DE FRANCE
Le Théatre représente au quatriéme
Acte une Grotte . Issé vient se plaindre
de la Loi fatale que l'Oracle de Dodone
vient de lui imposer ; ce Monologue.est
des plus touchants , tant par les paroles
que par la Musique ; il finit par cette
résolution d'Issé :
Vainement , Apollon , votre grandeur suprême
Fera luire à mes yeux ce qu'elle a de plus doux;
Je ne changerai pas pour vous ,
Le fidelle Berger que j'aime,
Le sommeil , accompagné des Songes ;
de Zephirs et de Nymphes , vient inviter
Issé au repos ; elle s'endort ; après
les danses , le Sommeil parle ainsi aux
Songes ;
Songes , pour Apollon , signalez votre zele ;
Il veut de cette Nymphe , éprouver tout l'amour,
Tracez à ses esprits une image fidelle
De la gloire du Dieu du jour,
Hilas vient déplorer son sort par un
Monologue , qui exprime tout l'amour
qu'il a pour Issé , qu'il trouve endormie ;
après ce récit , dont tous les Spectateurs
sont justement enchantez , Issé se reveil
le en sursaut , et dit ;
I.Vola
Qu'ai-je
DECEMBRE.
17332689
Qu'ai- je pensé quel songe est venu me séduire
?
J'ai cru voir Apollon quitter les cieux pour
moi ;
Je me trouvois sensible à l'ardeur qui l'inspire #
Un mutuel amour engageoit notre foy ,
Hélas ! cher Philemon , pour qui seul je sou
pire ,
Ne me reprochez point ces songes impuissans
Mon coeur n'a point de part à l'erreur de mes
sens.
Hilas frappé de la victoire que Philemon
remporte sur Apollon même dans
le coeur d'Issé , quitte cette Nymphe
pour jamais. Pan vient apprendre à İssé
que Philemon , instruit de l'Oracle de
Dodonne , se livre au désespoir ; Issé lui
demande où elle pourra le trouver pour
le rassurer ; Pan lui répond qu'il l'alaissé
dans le prochain Bocage . Issé part
sur le champ , pour aller secourir son
Amant, et finit ce bel Acte par ce Vers :
Vole , Amour , sui mes pas, et vien le rassurer.
Le Théatre représente au cinquième
'Acte , une Solitude. Doris commence
l'Acte , et Pan en remplit la seconde Scece
avec elle ; mais comme cela coupe l'action
dans l'endroit le plus interressant ,
nos Lecteurs ne trouveront pas mauvais
I.Vol. Giij que
2690 MERCURE DE FRANCE
que nous ne suivions pas exactement ce
Poëme ; nous passons donc à Appollon
et à Issé , pour qui tous les coeurs s'inté
ressent. Apollon jouit pleinement de la
victoire qu'il remporte sur lui - même ;
Issé n'oublie rien pour détruire les feintes
allarmes de son cher Philemon ; il
lui fait entendre ses frayeurs secrettes ,
par ces Vers :
Les noeuds
que l'Amour a formez ,
Vont être brisez par la gloire ;
Pardonnez mes transporss jaloux , &c.
La tendre Issé lui répond :
Je ne la connois point cette gloire fatale ;
Mon coeur ne reconnoit que vous ,
Ils se disent ensemble :
C'est moi qui vous aime ,
Le plus tendrement ;
Si vous m'aimiez de même ;
Mon sort seroit charmant.
&c.
On trouve que ce Duo étoit mieux
amené dans la premiere Edition ; il venoit
après ces Vers qu'Issé adressoit à son
cher Philemon :
Un vain espoir vous séduit et vous charme §
Et moi , je crains incessamment ,
I. Vol. Votre
DECEMBRE . 1733 2694
"
Votre amour espere aisément ,
Et le mien aisément s'allarme ,
Que nous aimons différemment !
C'est moi qui vous aime ,
Le plus tendrement.
Apollon fait enfin la derniere épreuve
du coeur d'Issé ; le Théatre change et représente
un Palais magnifique. On voit
les Heures qui descendent des Cieux sur
des nuages; Issé ne peut soûtenir ce spectacle
; elle tremble pour son Amant, elle
le presse de fuir avec elle , pour se dérober
à la fureur d'un Dieu jaloux ; Apollon
ne peut plus tenir contre des preuves
si éclatantes d'une fidelité inébranlable
; il se jette aux pieds d'Issé et lui
fait connoître que le Dieu qu'elle craint ',
et le Berger qu'elle aime , ne sont qu'une
même personne ; les Heures forment la
fête de ce dernier Acte , et cette aimable
Pastorale finit par un Choeur des plus
brillans.
On auroit souhaité qu'une action si interessante
ne fut pas coupée par un
Episode dont elle pourroit se passer absolument.
On doit même présumer que
M. de la Mothe s'est défié de lui- même,
quand il a appellé ce galant hors d'auvre
à son secours ; on croit même que s'il
1. Vol. Giiij avoit
2692 MERCURE DE FRANCE
avoit d'abord mis sa Pastorale en cinq
Actes , il l'auroit traitée plus séricusement
, et n'auroit pas rappellé hors de
saison ,une forme de Poëme Lyrique , dont
les Italiens sont les créateurs , que leur
premier imitateur avoit d'abord adoptée
; mais à laquelle il renonça après son
troisiéme Opera , parce qu'il s'apperçut
bien que les François ne s'en accommodoient
pas. Au reste cette Pastotale est
generalement approuvée ; et l'exécution
répond parfaitement à la bonté de l'Ouvrage.
La Dlle le Maure ne brille pas
moins dans le Rôle d'Issé , qu'elle avoit
fait dans celui d'Oriane , dans Amadis .
Les Comédiens François ont remis au
Théatre depuis peu une petite Comédie
de feu M. Dancour , intitulée : Le Retour
des Officiers , qui n'avoit pas été représentée
depuis tres- long- temps.
>
Ils ont aussi repris la Tragédie nouvelle
de Gustave , de M. Piron , que le
Public revoit avec un nouveau plaisir ,
ainsi que
la Comédie des Fils - Îngrats ,
du même Auteur , qu'on vient de remettre
au Théatre.
Les mêmes Comédiens ont donné la
premiere Représentation d'une petite Comédie
nouvelle , en Vers , de M. Poisson,
1. Vole l'aîné,
DECEMBRE . 1733. 2693
l'aîné , sous le Titre de l'Impromptu de
Campagne , qui a été fort applaudie. On
en parlera plus au long.
NOUVELLES ETRANGERES
TUR QUI E.
Na appris de Constantinople que le Grand
Visit voit déclaré par ordre du Grand
Seigneur , au Résident de Moscovie à la Porte
que S H. regardoit comme une infraction aux
Traitez faits entre les Turcs et les Moscovites
l'entrée de ces derniers sur les Terres de la République
de Pologne.
>
On ajoute que le Mufti- Damas- Zadé- Effendi
avoit été déposé, et qu'Isaac Effendi, fils du Prédécesseur
de Damas - Zadé , avoit été nommé
pour lui succeder.
Selon des Lettres de cette même Ville , le Ministre
de l'Empereur à la Cour Othomane, a demandé
audience au G. S. pour lui faire part de
la prétendue Election faite par les Opposans de
Fologne en faveur de l'Electeur de Saxe.
POLOGNE.
ONa sur la fin dernier, un Courrier , arrivé de l'Ukraine à Dantzik
, que le Kan de Budziack , qui étoit campé
près de Choczim , avec un Corps considérable
de Tartares , s'étoit avancé dans cette Province ;
qu'il avoit attaqué les Troupes , commandées
par le Général Wiesbach ; que la Victoire avoit
1. Vol Gy été
2694 MERCURE
DE FRANCE
été dispurée pendant long- temps ; mais qu'enfin
Jes Moscovites avoient été contraints de prendre
la fure , qu'ils avoient perdu beaucoup de monde
, et s étoient retirez sous le Canon de la Ville
de Kiow , avec le reste des Troupes Moscovites.
་
Le Comte Pocci a envoyé au Roy une Lettre
, dont un Officier Moscovite , qui a été arrêté
par quelques Soldats des Troupes de Lithuanie
etoit chargé pour le Général Lesci , et
par laquelle le Baron d'Osterman mande à ce
Général , que la Czarine ne lui envoyera pas
nouveau secours de Troupes qu'il avoit demandé.
le
Il arrive à Dantzick de temps en temps quelques
uns des Gentils- Hommes qui ont assisté à
la prétendue Election faite en faveur de l'Electeur
de Saxe , et qui ne pouvant se résoudre à
paroître avoir part aux violences que le Général
Moscovite exerce dans la Pologne , se dérobent
de son Camp pour se rendre auprès du Roy; ils
ont rapporté que l'Armée ennemie souffroit une
extrême disette , parce que la plupart des Villa- .
ges des environs de Warsovie avoient été abandonnez
par les Païsans , qui ayant eu la précau.
tion de faire voiturer leurs provisions en lieu de
sûreté , avant l'arrivée des Moscovites ,
retirez dans la Forêt d'Ostrolensko , pour ne pas
payer les contributions excessives que les Ennemis
exigeoient d'eux ; les mêmes Gentils hommes
assurent que si le Général Lesci décampe
des environs de Warsovie , ce sera pour trou
ver moyen de faire subsister ses Troupes plutôr
que pour former quelqu'entreprise ; tous confirment
qu'il n'y avoir pas un seul Gentil - homme
de la grande Pologne , parmi les Opposans , lorsque
les Moscovites les forcerent de prociames
I. Vol.
s'étoient
PEDECEMBR
E. 1733. 2695
L'Electeur de Saxe , et que le Prince Wienovieski
après la proclamation de ce Prince , avoit fait
signer l'Acte d'Election à deux jeunes gens de la
Maison de Dialenski , qui étudient les Humanitez
à Warsovie , et au fils du feu Comte Potocki
, âgé seulement de 7 ans , afin qu'on ne pût
dire que la Noblesse de la premiere et de la plus
grande partie du Royaume , n'avoit cu aucune
part à cette Election ; ils ajoûtent qu'elle a été
faite au milieu de l'Armée Moscovire , et que
c'est une Hôtellerie qui a servi de lieu d'Assemblée
pour recueillir les suffrages.
La Noblesse des Palatinats , de Prusse, de Mariemboug
et de Russie , qui est assemblée depuis
quelque- temps à Graudentz , selon les Or
dres portez par les Universaux ; a fait une Confédération
, par laquelle elle s'engage à ne point
quitter les Armes que les Troupes Moscovites et
Saxones ne soient sorties des Terres de la Ré
publique et l'on assure que la plus grande par
tie de la Noblesse des autres Palatinats entrera
dans cette Confédération .
;
Plusieurs Villes et diverses Abbayes de la
Prusse Polonoise , et des autres Provinces Sep
tentrionales de la Pologne , font lever des Troupes
à leurs dépens pour le service du Roy.
On a reçu avis que le Comte Potoski , Régi
mentaire de la Couronne, étoit campé entre Sandomir
et Ospatow avec l'Armée , qui est aug
mentée considérablement , et que le Palatin de
Lublin s'étoit avancé vers Cracovie , avec um
Corps considérable de Troupes , pour empêcher
les Ennemis de s'en rendre maîtres.
Le Comte Poniatowski , Palatin de Masovie ,
qui est allé à Berlin , a écrit au Roy , que le 23
1. Vol. Gv No
2696 MERCURE DE FRANCE
Novembre il avoit eu audience de S. M. Pruss
sienne.
On apprend par Lettre de Dantzică du commencement
du mois , que les Troupes Moscovires
ne pouvant plus demeurer près de Warsovie ,
à cause de la disette des Vivres et des Fourages,
sont a lées campet à Lowitz , où elles exercent
beaucoup de violences,mais qu'elles éprouveront
bien-tôt dans leur nouveau Camp les mêmes incommoditez
qu'elles souffroient dans celui qu'el
Jes ont quitté , parce que la plupart des Pay sans
ont suivi l'exemple de ceux des Villages voisins de
Warsovie, et se sont retirez avec leurs Provisions
dans des Bois et sur des Montagnes d'un accès
fort difficile.
Le Regimentaire de la Couronne est toujours
campé entre Ospatow et Sandomir , er son Armée
est actuellement d'environ 25000 hommes.
Les deux Corps de Troupes qui sont sous les or
dres du Palatin de Lublin et du Comte Pocci,sont
fort augmentez: Le premier est à présent dans le
voisinage de Cracovie , et le second s'est avancé
dans le Palat nat de Russie , pour être plus à por
rée d'arrêter les Convois des Moscovites .
On croit que ces trois Généraux ne réuniront
pas si - tôt leurs Troupes , et que leur dessein est
de détruire l'Armée Ennemie , en lui ôtant tout
de subsister et en l'affoiblissant par des moyen
Combats continuels.
Les Levées que la Ville de Danzick et quelquesautres
de la Prusse Polonoise ont ordonnées,
se font avec beaucoup de succès , et l'on compte
Passembler incessamment dans cette Province
10 ou 12000 hommes de Troupes réglées. Plusieurs
Seigneurs ont fait prendre les Armes à
leurs Vassaux , et ils incommodent extrêmement
1. Vol Les
DECEMBRE. 1733. 2697
les Moscovites , à qui ils enlevent presque tous
les jours quelque Parti ou quelque Convoi. Celui
d'Artillerie et d'Argent qui est arrivé depuis pea
de Moscovie , a été suivi pendant quelques jours
par le Comte Pocci , et l'Escorte a eu à soutenir
contre lui plusieurs Combats , dans lesquels les
Ennemis ont beaucoup perdu des leurs.
Le Général Lesci fait tous les jours de nou
velles instances auprès de la Czarine pour obte
nir un nouveau renfort de Troupes , mais on ne
croit pas que S. M. Czarienne soit en état de lui
en envoyer.
Le Roy a reçu une copie de l'Acte de confé
dération , par lequel la Noblesse de quelques
Palatinats s'est engagée à ne point quitter les
Armes , jusqu'à ce que la Pologne soit délivrée
des Troupes Etrangeres qui l'oppriment.
PARALLELE , de l'Election à la
Couronne de Pologne , faite en faveur du
Serenissime STANISLAS LESZCZYNSKI ,
du Serénissime FREDERIC AUGUSTE.
de
1°. Le Serénissime Stanislas Leszczynski a en
pour lui les suffrages unanimes et prompts
la Republique entiere , assemblée légitimement ,
c'est- à-dire de tous les Palatinats , Territoires
et Districts , au nombre de plus de 60000 hommes,
après que S. A.le Primat leur a eu demandễ
qui on devoit nommer Roi de Pologne ; et le
Grand Maréchal de la Couronne a proclamé ce
Prince en cette qualité .
I. De tant de milliers d'Hommes qui étoient ,
dans le Camp Electoral , pas un n'a nommé le
Serenissime Frédéric Auguste , et par conséquent
s'il n'a été proposé ni à la République ni par la
L. Voli
Ré
2698 MERCURE DE FRANCE
République , il n'a på en aucune maniere êtrè
nommé.
En quel tems .
2°. Le S. Stanislas a été élû dans le terme fixé
par unc constitution de la Diette de convocation
tenue cette année. Ainsi , on s'est conformé en
l'élisant à cette constitution qui prescrit pour des
raisons très importantes de terminer sans délai
P'Election du Roy , outre que dans le tempsmême
de l'Election , les Palatinats demandoient
qu'on pressa la nomination , comme il s'étoit
pratiqué dans un cas semblable ; sçavoir à l'Election
d'Uladislas IV. à laquelle les Russiens vou
loient mettre obstacle .
II. Lorsque le S. Frédéric Auguste a été élû ,
le temps de l'Election étoit passé , parce que cel
le du S Stanislas étant légitimement terminée
par la même , la Dietre d'Election l'étoit aussi ,
et que tous les Palatinats, Territoires et Districts
s'étoient retirez du Champ d'Election , après
avoir reçu les adieux de leur Maréchal , sans
avoir limité l'Acte d'Election , de sorte que si la
premiere Election avoit été deffectueuse , il en
faudroit faire une nouvelle , indiquer une nouvelle
Diette de Convocation , assembler de nouveau
les Diettines, expédier pour ce sujet de noupeaux
Universaux , & c,
En quel lieu.
3 °. Le S. Stanislas a été élû dans le lieu désigné
par une foule de Constitutions du Royaume,
et dernierement encore par celle de la Distte de
Convocation , tenue cette année ; c'est - à-dire
dans le Champ Electoral , ainsi qu'on l'appelle
proprement , entre Warsovie et le Village de
I. Vol. Vuola
DECEMBRE. 1733. 2899.
Vvola , où de temps immémorial des Elections
ont coûtume de se faire selon les anciennes Cons◄
titutions.
III. Le S. Frédéric- Auguste a été élû de l'autre
côté de la Vistule , dans la Plaine de Praage
joignant un Bois , près d'un Village , nommé
Kamien ; et là un grand Chemin a servi de
Champ Electoral , et une Hôtellerie de Szopa .
pour les Sénateurs au mépris des Constitutions,
Usages et Coutumes , et quoique les Dieures de
Convocation fixent toujours le temps et le lieu
où de tels Actes se doivent passer; tellement qu'un
Acte célébré hors du lieu , marqué par la Loy
est déslois absolument nul.
Par qui él .
4°. Le S. Stanislas a eu dans son E'ection , ce
qui en fait le point le plus essentiel ; sçavoir , la,
présence de tous les Palatinats , Terres , et Disericts
, sans en excepter un seul , qui après les
solemnitez ordinaires , Pont élû librement et de
plein gré, tellement que pour lui se sont réunies
les voix de plus de 60000 hommes , et d'un Peu-,
ple Electeur , dont la conduite et le droit song
irreprochables.
IV. Il ne s'est trouvé à l'Election du S. Frédéric-
Auguste, aucun Palatinar , Territoire , ni
District. li n'a été élû que par un petit nombre
de Gens et par de simples Particuliers , à qui la,
République n'avoit point donné pouvoir de le.
faire. Il a été élû par des Gens qu'on arrêta
lorsqu'ils retournoient chez eux après l'Election
et dont les uns donnérent leurs voix , ‹ffrayez,
par les Universaux du Général Lesci , qui menaçoit
de mettre tout à feu et à sang , tandis que
les autres vendirent bien leurs suffrages.
J. Vol.
ป
2700 MERCURE DE FRANCE
Il a été élû par des Parjures , dont quelques
uns avoient juré deux ou trois fois , que , se con
formant à l'intention unanime de la République
et aux Instructions expresses de la plupart des
Palatinats , Terres et Districts , ils n'éliroient
point de Candidat qui ne fut né de pere et de
mere Catholiques Romains , et qui cût des Domaines
ou des Armées hots du Royaume.
Il a eu pour Electeurs des Proscrits et des Ennemis
de la Patrie , déclarez tels , en partie par la
Constitution de la Diette de Convocation , contre
ceux qui éliroient un Roy étranger et ayant
des Domaines hors du Royaume, et en partie par
le Decret de la République entiere , assemblée
dans le Champ Electoral, Décret qu'elle a inséré
dans son Manifeste , contre l'invasion des Russiens
, et que signérent ceux - là même qui ont
adhéré à ces Russiens dans l'Election du S. Fré
deric- Auguste.
Au reste , je dis par le Décret , parce qu'effec
tivement il comprend , non seulement ceux qui
ont attiré l'Armée Russienne , mais encore tous
ceux qui pourroient dans la suite adhérer aux
Russiens , et que la République les y a déclareztous
également Ennemis de la Patrie , abandonnez
à la vengeance d'un chacun , &c.
Il faut aussi remarquer que n'y ayant à l'E
Tection aucun Député de la Grande Pologne , on
ya appellé deux jeunes Seigneurs du nom de
Dzialynski , qui faisoient leurs Etudes à Varsovie.
Ce qu'il y a de plus étrange , c'est qu'ur
Enfant de sept ans , Fils de l'Illustrissime Seigneur
Potocki, Maréchal de la Cour du Royaume
, a été invité à l'Election , et qu'on lui en a
fait signer l'Acte, afin , sans doute , qu'en voyant
ce nom parmi les autres , on puisse croire que
I. Fol. quel
DECEMBRE. 1733. 2701
quelqu'un de la Maison Potocki adhére au parti
de l'Electeur de Saxe.
Par qui nommé.
s . Le S. Stanislas a été nommé par Monsei
gneur Théodore Potocki , Archevêque de Gnêsne,
Primat du Royaume , c'est - à dire , un Prélat à
qui les Loix du Royaume , les Bulles des Papes ,
et particulierement la Constitution de la Diette
de Convocation , Constitution confirmée par le
serment des Evêques , conférent expres ément
et privativement à tous autres Evêques , le droit
de nommer le Roy. Tous sont donc exclus par
leurs sermens et sous certaines peines du droit
de nommer les Rois. Il y a même une Bulle du
Pape Sixte V. qui porté que , si un Roy a été
nommé par un autre que par le Primat du
Royaume , non - seulement l'Evêque qui a fait la
nomination , encourt des peines exprimées dans
cette Bulle , mais encore que cette nomination
est nulle et sans force.
V. Le S. Frederic Auguste a été nommé , non
par le Primat , mais par M. Hostus , Evêque de
Posnanie , en quoi ce Prélat a violé p.emierement
le serment géneral qu'il a prêté comme
Sénateur , de détourner tout ce qui peut être préjudiciable
à la République , puisque par sa nomination
il a attiré sur elle les plus grands maux,
porté atteinte à la liberté des Elections , occasionné
le renversement de l'Etat et des Loix ,
procuré l'effusion du sang humain , la désolation
du Royaume , l'oppression des Pauvres , la vio
lation des immunitez Ecclesiastiques , et enfin
le pillage des biens appartenans au Clergé .
Il a violé en second lieu le serment general
par lequel il s'est obligé dans la Diette de Con-
L. Vol. Vocation
2702 MERCURE DE FRANCE
vocation , de ne point élire de Roy étranger , on
ayant ses Domaines hors du Royaume.
Il a violé enfin le serment particulier que les au
tres Evêques et lui - même ont fait dans la susdite
Diette, de ne point attenter au droit de nommer
le Roy , droit que les Loix ont attaché à la dignité
du Primat. En un mot , le S. Auguste s'est
trouvé n'avoir que la nomination d'un Prélat ,
qui par cette nomination - là même , violoit tout
la fois trois sermens , et qui en même temps
encouroit les peines exprimées par le Decret que
la République entiere a inseré dans son Manifeste
et auquel lui - même a souscrit,
De quelle maniere ?
6. Le S. Stanillas a été élû par la République
avec une entiere liberté , et sans qu'il y cûr ni
Armée ni Troupes qui arrachassent les suffrages
de qui que ce soit en faveur d'un Candidat. Il a
été élú avec le consentement unanime de tous
ceux qui étoient dans le Champ Electoral , et sans
la moindre contradiction : Car il ne faut pas regarder
comme telles ni les oppositions que
M. Kaminski commençoit à faire dans le lieu
de la nomination , ni la retraite du Staroste d'O
poczyn , qui la veille de l'Election sortit du
Champ Electoral; le premier ramené par des re
montrances amiables et par de bons conseils , ré.
voqua son opposition de bon coeur et sans qu'on
lui fit la moindre violence ; il la révoqua à l'instant
et sur le lieu même , et il cria Vive Stanislase
Le second marqua par une Lettre la joye qu'il
avoit de l'heureux succès de l'Election et félicita
le Prince , sur qui elle étoit tombée , et quant
aux autres Electeurs , le lendemain de l'Election
ils allerent saluer l'Elû et l'assurer d'une parfaite
soumission.
DECEMBRE. 1733. 2703.
VI. Le S. Frederic Auguste a été élû avec
tout ce qui marque la derniere violence, puisque
les Electeurs étoient environnez d'une Armée
nombreuse , et qu'on n'obtint leurs suffrages
que par des persuasions armées . L'Election n'a
donc pas été libre. Mais comment eût - ele pů
l'être , lorsqu'un petit nombre de Citoyens pri-"
vez partagez en quatre Candidats , et devant
élire un Roy par confédération , voyoient dans
le parti du S. Frederic Auguste , le General Lesci,
agissant avec une autorité souveraine , nommer
et proclamer le premier ce Prince ? entraînez par.
la force superieure , ils ont accedé à cette Election
avec moins de joye que d'apparence de respect
, et on en trouve les preuves dans une Let-'
tre originale du même General Lesci au Comte
d'Osterman , où il s'exprime en ces termes :
Les Seigneurs Polonois étant divisez entre eux
sur le choix d'un Candidat , je les ai obligez par
des promesses et plus encore par des menaces , à dé
ferer la Couronne à l'Electeur de Saxe. Il sera assez
puissant pour se maintenir sur le Trône et pour
deffendre ceux qui l'y ont élevé.
L'Election du Sérenissime Auguste II. de
glorieuse mémoire , quoique faite par une Session
, a de grands avantages sur la prétendue
Election du S. Frederic Auguste. La premiere
fut l'ouvrage d'une partie considerable de la République
, légitimement assemblée dans le lieu
accoûtumé et désigné par la Constitution et le
temps de l'Election n'étoit pas encore écoulé ,
de sorte qu'en même- temps et au même endroit,
on nomma les deux Candidats en présence de
tous les Palatinats , Terres et Districts . La se
conde n'a été faite ni dans le lieu ni au temps
que les Loix marquaient , ni à la face de la Ré
山
1. Vol. publique
2704 MERCURE DE FRANCE
publique assemblée , et le S. Frederic Augusté a
été proclamé par une poignée d'hommes desti ."
tuez de tout pouvoir et autorité , par des hommes
que les Loix ont notez , par des hommes"
Sujets aux peines décernées contre les Traîtres ,'
et enfin sans qu'il ait assisté à cet Acte aucun
Palatinat , Territoire ni District.
Sans y être mieux
autorisé
, on a transferé
de
Praage
à Warsovie
, les Séances
touchant
les
Pacta
Conventa
, et on les y a continuées
15.
jours de suite aprés cette fausse
Election
. Par les´
mêmes
Pacta-Conventa
, on a ouvert
aux Trou."
pes Russiennes
le passage
en Pologne
, et on leur
a permis
d'y aller en tels lieux qu'il leur plairoit.
On a bien voulu
fournir
par là une occasion
continuelle
à des troubles
domestiques
, et
de justes
raisons
aux Etrangers
de nous déclarer
la guerre
, et on s'est peu soucié
d'einbarasser
la République.
Nous soumettons ce fidelle et exact Parallele
au jugement de l'Univers . Qu'on juge qui il
faut reconnoître pour légitime Roy de Pologne,
ou d'un Prince élû contre toutes sortes de Loix
et Constitutions et par la seule force des Armes
ou d'un autre qui a été élû selon ces Loix er
Constitutions , et que les suffrages libres et unanimes
de tout ce qu'il y avoit d'Electeurs , ont
élevé sur le Trône.
MANIFESTE du Primat de Pologne:
Es faux rapports répandus dans le Public , à
l'occasion de ce qui s'est passé en Pologne
pendant l'interregne , les insinuations injustes ,
et malicieuses dont les ennemis du repos de la
République ont tâché de noircir ma conduite ,
J. Vel.
DECEMBRE. 1733 2705
en m'accusant d'avoir gouverné le Royaume d'une
maniere affectée et interessé , ont arrêté la liberté
des suffrages et violé les droits sur lesquels cette
liberté est fondée , et la necessité enfin de faire
voir au Monde entier que nos ennemis par de
pareils procedez , n'ont eu et n'ont encore pour
but que de ruiner et renverser totalement les
droits , les prérogatives et la liberté de notre
chere Patrie , sont des motifs trop pressans , pour
que je differe plus long- temps à justifier ma
conduite , afin de convaincre tout l'Univers par
une narration succincte et sincere de ce qui s'est
passé avant et après l'Election , la fausseté de ce
qu'on a publié de contraire,
Mon premier soin , depuis la mort du Roy
Auguste, de glorieuse memoire , a été de concilier
et de réunir nos Freres , et j'eus le bonheur
d'y réussir . Je n'entrepris rien que
du consentement
et de l'aveu du Sénat et de la Noblesse encore
assemblée à l'occasion de la Diette extraor
dinaire, convoquée par le feu Roy; j'envoyai des
Ministres aux Cours voisines , je tins de fréquens
Conseils avec les Sénateurs et les Minis
tres des deux Nations ; je ne signai que ce qui
avoit été unanimement résolu ; je pris les mesu
res convenables avec les Régimentaires des deux
Nations pour assurer la sureté interieure et exte
rieure du Royaume et prévenir les inconvéniens
qui pourroient résulter des Assemblées particu
lieres et illicites ; en un mot , afin de n'avoir
rien à me reprocher , je communiquai tout à la
République et ne fis rien sans son approbation ,
quoiqu'en qualité de Primat j'usse pû m'en dis
penser en bien des choses.
Le jour de l'assemblée de la Diette de Convo
Cation étant yenu , je me contentai d'y represen
J. Vol.
2756 MERCURE DE FRANCE
ter le danger auquel le Royaume se trouvoit ex
posé , et je laissai à la prudence d'une Nation libre
le soin de le prévenir. Il y eut au commence
ment de cette Diette de grands débats pour l'E
Jection d'un Maréchal ; les esprits parurent fort
animez , ce qui dura quelques jours et retarda
l'expedition des affaires ; mais par mes soins et
ceux du Sénat , le calmne fut enfin rétabli ; on
élût le Maréchal , et la Noblesse se joignit ensui
te au Sénat ; en qualité de Primat j'écoutai les
avis des Nonces, et me conformai à ce qu'ils désiroient
et à ce qu'ils rejettoient. Le principal
objet de leur délibération regardoit la résolution
prise cy- devant, d'exclure du Trône tout Piaste;
ils ressenroient vivement l'injustice d'une telle
résolution ; ils voyoient , avec indignation , la
honte qui en résultoit à la Nation ; et afin de le
rendre plus efficace , on résolut de le confirmer
par un serment. Cette résolution passa aussi unanimement.
Il est vrai qu'il y a eu à ce sujet des
débats tres vifs , mais ils n'ont eu pour objet que
le formulaire du Serment , et non le Serment
même. Après qu'en qualité de Primat , j'eus
prêté ce Serment , par lequel non seulement
tout Erranger , mais aussi tous ceux qui posse
dent des Provinces Etrangeres , ou qui ont des
Troupes sur pied , qui ne sont pas nez de peres et
de meres Catholiques , sont exclus du Trône.
Les Evêques, Sénateurs et autres le prêterent après
moi , et le firent tous avec joie et sans la moindre
contrainte Les Evêques jurerent aussi qu'ils
m'empiéteroient point sur les Droits du Primat.
La République déclara ensuite ce Serment com
me une Loy fondamentale du Royaume. Oa
dressa quelques Constitutions , et on fixa le jour
pour la Diette d'Election, au lieu ordinaire, con
CI. Vol.
forDECEMBRE.
1733 2707
formément aux Droits ; c'est par là que finit la
Diette de Convocation.
En attendant ce jour important je m'abstins de
toute intrigue , préjudiciab.e à la République ,
et bien loin que je fusse porté par un amour
aveugle pour aucun particulier, l'évitai avec soin
d'entrer dans aucune faction , j'avoue cepen ant
que je souhaitois fort que le Serenissime Roy
Stanislas fut élevé au Trône; je l'en croyois tres
digne, et même plus qu'aucun autre , à cause de
ses éminentes qualitez ; mais je declare en même.
temps que quelque fussent mes souhaits , mon
obstination n'alloit pas jusqu'à le vouloir au
préjudice de la République. J'avois mis toute
ma confiance en Dieu ; c'est par son secours et
celui de la libre Nation Polonoise que j'esperois
voir finir les maux de la République par l'E
lection d'un Roy désiré.
On me fit des offres avantageuses , on me fir
même des menaces , mais je rejettai les premieres
et méprisai les autres ; je n'ai jamais voulų
donner les mains directement ni indirectement
à l'entrée de quelqu'Armée Etrangere. J'ai rejetté
constamment les Instances faites par les
Ministres des Puissances voisines, pour une exclusion
, parce que je voyois qu'elle n'avoit pour
but que leur interêt et leur utilité particuliere ,
et qu'une pareille exclusion ne pouvoit être que
deshonorable à la République et tendre à sa totale
ruine . Comme lesdites Puissances ne laissoient
pas de continuer leurs Instances à ce sujet
, je m'apperçûs bien- tôt qu'on avoit dessein
d'enfoncer le Poignard dans le sein de notre -
berté . J'écrivis pour cet effet au nom de la République
, representée par ceux que les deux Na-
Lions avoient nommés à la Diette de Convoca-
I. Vol. tion
2708 MERCURE DE FRANCE
tion , pour me servir de conseil , à toutes le
Cours de l'Europe , pour les prier de ne pas per
mettre qu'on opprimâ: la Répub ique , d'envoir
des Ministres à S. M 1. et à l'Illustrissime Czarine
pour leur representer que nout ctions une
Nution libre que nous ne dépen tions de personne
, que nous ne permettrions jamais qu'on
donna: Pexclusion , les pliant de se désister de
leurs Instances à ce sujet , et de ne pas se mêlet
de notre Election qui ne dépend que de nous
seuls .
Le jour de l'ouverture de la Diette d'Election
étant venu , je n'eus en vue que l'exacte exécution
des Loix établies dans la Diette de Convocation
, en ce qui regarde l'Election et le maintien
inviolable de la liberté de la Patrie , les commencemens
de cette Diette furent fort paisibles,
et le Maréchal fut élû en peu de jours ; mais cette
tranquilité ne , dura guere ; les esprits s'échaufferent
à la nouvelle de l'entrée des Russiens
dans le Royaume , certifiée et affirmée par le
Chancelier et Régimentaire de Lithuanie toute
l'Assemblée en fut troublée , on fut surpris de
la conduite du Régimentaire en cette occasion ,
et après plusieurs Discours qui ne pouvoient lui
être agréables , on résolut de ne rien négliger
pour découvrir ceux qui avoient appellé les Russiens
dans le Royaume .
·
La peur ayant saisi le Régimentaire , apparemment
par un remords de conscience , il quitta
le Champ Electoral, sans faire aucune protes-
Lation et se retira à Praage,
-On lui envoya des Députez pour demander la
cause de sa Retraite ; sa réponse fut que sa Retraite
ne troubleroit en aucune maniere l'Elec
tion .
I. Vol. Peu
DECEMBRE . 1733. 2709
Peu de jours après, les Etats dresserent un Manifeste
contre ceux qui avoient appellé les Kussiens
dans le Royaume. Nous résolumes là - dessus
de proceder incessament à l'Election ,
selon
la teneur de la Constitution de la Diette de Convocation
, qui porte que l'Election se feroit dans
le terme le plus court qu'il seroit possible , mais
qu'au cas qu'elle ne se pût faire si- tôt qu'on le
souhaiteroit , la Diette ne dureroit neanmoins
que six semaines.
·
Avant que de proceder à l'Acte d'Election je
parcourus , à Cheval , selon le Cérémonial , les
Palatinats , les Starosties et les Districts assemblez
, pour
leur demander quel Roy ils souhaitoient
, et pour leur notifier en même temps
que la Proclamation se feroit le lendemain . Pendant
que j'en faisois le tour , on n'entendit
crier par tout que Vive le Roy Stanislas. Je conviens
cependant qu'il paroissoit qu'il y en avoit
quelques- uns qui y étoient contraires , ceux - cy
se retirreent dans leurs Quartiers, apparemment
pour y dresser le Niepozvalam.
Le lendemain j'achevai le tour des Palatinats , *
Starosties et Districts , je fus obligé dele faire à
pied , mon Cheval étant devenu ombrageux
par les cris réiterez de Vive le Roy Stanislas . Ces
cris se redoublerent avec tant de zéle que je ne
pus m'empêcher de me conformer aux pressantes
Instances de l'Assemblée , et de proceder incessamment
à la nomination du Roy ; mais
avant que de le faire, je déclarai absens ceux qui
s'étoient rendus à Praage ; et comme il ne paroissoit
personne pour contre- dire , car les uns se
tûrent , les autres partirent pour leurs Terres .
parmi ces derniers , le Staroste Opoczynski
1. Vol. ᏗᏤ gu
H
2710 MERCURE DE FRANCE
qui m'assura par une Lettre , qu'il s'étoit retiré
sans contradiction .
Je procedai , en vertu de ma Charge , à la no
mination du Roy , mais je fus interrompu park:
S.Kamienski, Capitaine du District de Krziemit,
dans le Palatinat de Vobhinie , qui me présenta
son Niepozwalam , ce qui m'obligea à garder k
silence pendant quelque temps , jusqu'à ce que
s'étant enfin désisté de sa contradiction , je pro
clamé le Serenissime Roy Stanislas , à present
regnant , sans aucune opposition , dont Dieu ,
qui connoît ce qu'il y a de plus caché dans nos
coeurs , est le témoin , ainsi que le Peuple , con
sistant en plus de 100 Enseignes , et criant una
nimement et sans cesse ; Vive le Roy Stanislas,
Je regarde comme un bonheur particulier d'
voir proclamé pour Roy , celui que des Nation
envieuses ont voulu exclure du Trône ; car
elles avoient réussi dans leur dessein , c'éto
fait à jamais de notre liberté , on nous auro
toujours forcé à élire un Roy à leur gré.
Voilà le récit sincere et veritable de tout
qui s'est passé à l'égard de l'Election de not
Roy , cependant , quelqu'unanime et légitin
qu'ait été cette Election , il se trouve de fau
Freres qui la révoquent en doute ; ils osent avar
cer qu'elle n'a été faite qu'en violant la liberté
et par là , ainsi que par toute la conduite qu'i
ont tenue depuis leur retraite à Praage , ils for
voir évidemment qu'ils ont appellé les Russier
dans le Royaume , ce qui les rend coupables e
tant de sang innocent qui sera peut- être vers
Mais supposé qu'il se soit trouvé quelques Pa
sonnes d'un sentiment opposé , le nombre e
étoit tres- petit , et elles n'ont paru que le jo
I.Vel
.qu'o
DECEMBRE. 1732. 2711
qu'on annonçoit au Peuple la prochaine Election
fixée au lendemain , et non le jour de la nomination
du Roy , qui , selon les Loix ou l'usage
ne se fait jamais à Cheval , mais dans les Tran
chées ou Quartiers préparez pour cet effet , et
où il étoit libre encore à ceux qui vouloient contredire
, d'exhiber leur Niepozvalam.
Les Ennemis du Roy voulant exécuter les pernicieux
desseins qu'ils avoient tramez à Praage ,
allérent joindre les Russiens , et formérent entr'eux
une prétendue République, ou, pour mieux
dire ,un Complot tumultueux de gens qui s'é
tant déclarez eux - mêmes Ennemis de la Patrie ,
en conséquence du Manifeste qu'ils avoient signé
, ne cherchent qu'à renverser la liberté , en
opprimant la veritable et innocente République.
Ce qu'il y a de plus déplorable , c'est qu'il se
trouve parmi eux des Apôtres du Seigneur , des
Evêques , qui comme Judas , trahissent leur propre
Mere , c'est- à- dire , leur Patrie. Ce sont ces.
Evêques qui coupables d'un triple parjure endure
cissent encore davantage les coeurs des Seigneurs
séculiers , en autorisant leur témérité ,
en leur faisant accroire qu'elle est juste et per
mise.
Les Opposans retournerent enfin à Praage ; Ils,
s'imaginoient que pourvu qu'ils pûssent proceder
à une nouvelle Election avant l'échéance des
six semaines que la Diette pouvoit durer , cette
Election seroit légitime ; mais ce terme n'ayant
point été établi comme une Loy , mais comme
une prolongation , au cas qu'on ne pût parvenir
plutôt à une Election , ne peut être regardé que
comme une chimere , puisque l'Election avoit
Jéja été faite légitimement et selon les Loix. Ils
crurent aussi que s'ils pouvoient se rendre sur
1
No I. Vol.
le Hij
2712 MERCURE DE FRANCE
le Champ Electoral , entre Varsovie et Vvola ,
leur Election seroit plus valide ; ils firent tous les
efforts imaginables , mais inutiles , afin d'y parvenir,
employant pour cet effet le fer et le feu.
Pendant ce temps-là on découvrit que les Ministres
de Russie et de Saxe entretenoient une
correspondance avec les Opposans; le Régimentaire
résolut là - dessus de les faire sortir de Varsovie,
et de les attaquer, en cas de refus , ce qu'il
fit , les Ministres Etrangers ne doivent jouir des
prérogatives du Droit des Gens , qu'aussi long.
temps qu'ils observent eux- mêmes les Loix qui
y sont attachéts.
Enfin les Opposans voyant qu'ils ne pouvoient
passer la Vistule , se retirerent dans un Bois , y
dressérent une espece de Kolo , et élurent un
Roy , mais quel Roy ? Un Etranger , un Prince
qui possede des Provinces hors du Royaume , et
qui a des Troupes sur pied , un Prince né d'une
Mere Luthérienne , un Prince enfin qui veut employer
ses Troupes pour réduire une Nation libre
, à une obéissance aveugle. Grand Dieu , à
quoi servent les Constitutions établies dans la
Diette de Convocation ? A quoi sert le serment
qu'on y a prêté ? A quoi sert cette Confédéra¬
tion si solemnelle, pour n'élire qu'un Piaste? &c.
Fait à Dantzick , le 10 Octobre 1733 .
A
ALLEMAGNE.
La parû à Vienne sur la fin du mois dernier ,
un Decret , par lequel l'Empereur impose une
axe sur tous les biens fonds dans ses Etats héeditaires.
Les Protestans qui sont établis dans la hautë ,
sutriche et qui demandoient depuis long- temps
J.Vol.
DECEMBRE . 1733. 2713
la liberté d'en sortir , ont obtenu la permission
de se retirer en Hongrie ou en Transylvanie.
On leve actuellement deux Régimens de Dragons
, deux de Hussarts et huit d'Infanterie ,
dont quatre seront composez d'Allemans , deux
de Napolitains , et deux de Hongrois.
Le Clergé de la Basse Autriche doit fournir à
l'Empereur un don gratuit de deux millions ; on
compte que celui du Clergé de la Haute Autri
che sera de 600000. florins , et que quelques
Ordres Religieux en donneront 400000.
ITALIE.
E 24. Novembre , il parut à Rome an Bref
Lpar lequel le Pape accorde un Jubilé pour
tous les Fideles de l'un et l'autre sexe de cette
Ville , qui pendant l'une des deux premieres se
maines de l'Avent , jeûneront le Mercredy , le
Vendredy et le Samedy , et qui - après s'étre
Confessez et avoir communié , visiteront au
moins une fois les Eglises de Saint Pierre
du Vatican , de S. Jean de Latran et de sainte
Marie Majeure , et feront quelques aumônes aux
vres , pour obtenir du Ciel l'extirpation de
ésie , la conversion des Infidelles er la Paix
Surope.
apprend de Venise , que l'Agent de la Czaen
cette Ville , avoit fait partir plusieurs
Ouvriers en Etoffes de Laine et de Soye pour
Petersbourg , et qu'il avoit eu ordre d'engager
des Families dont les Chefs soient en état d'éta →
blir diverses Manufactures dans les principales
Villes de Moscovie.
Le Comte de Froulay , Ambassadeur de France
auprès de la République ; arriva à Venise
I.
au
Да. Vol. Hiij com
2714 MERCURE DE FRANCE
commencement de ce mois , sur une Galere
de l'Etat de Genes,
On mande de Naples , que le Corps de Ville
s'étant assemblé le 11. de Novembre pour déliberer
sur les subsides demandez par l'Empereur ,
a résolu de lui accorder un million de florins , et
on a chargé un certain nombre des principaux
Bourgeois de chaque quartier de regler la répartition
de cette somme sur les habitans .
Le Prince de Sant-Angelo Impériali, Régent de
la Cour de la Vicairerie , a proposé à l'Empereur
de permettre à tous ceux qui ont été bannis du
Royaume de Naples, pour quelque cause que ce
soit , d'y revenir , à condition que chacun d'eux
payera une somme proportionnée à la faute pour
laquelle il a été condamné au bannissement , et
on prétend que ce projet , s'il est executé , produira
deux millions de ducats .
On a publié un Decret de S. M. I. par lequel
il est ordonné à tous les Seigneurs et Gentils
hommes qui ont des Charges ou des biens fonds
dans le Royaume , et qui sont absents , d'y ve
nir résider , sous peine de saisie de leurs revenus.
La Noblesse de cet Etat a offert à l'Empereur
de lui fournir 800. chevaux.pour la remonte de
sa Cavalerie.
Les dernieres Lettres de Naples , portent que
le Conseil Collateral attend la réponse de l'Empereur
aux Remontrances faites à S. M. I. sur
Timpuissance où ce Royaume se trouve de payer
les subsides demandez .
Il a été proposé aux plus fameux Négocians
de cette Ville , de fournir à l'Empereur des secours
d'argent , mais les offres qu'ils ont faites
jusqu'à present , ne produisent pas une somme
considerable,
1. Vol. Estienn
DECEMBRE . 1733. 2715
LE
ESPAGNE.
E 7. de ce mois, à 7. heures du soir , le Roi,
la Réine , le Prince et la Princesse des Asturies
, arriverent en parfaite santé de l'Escurial au
Palais du Buen- Retiro , où les Infants s'étoient
rendus 2. heures auparavant.
On a reçû avis que les 25. Escadrons qui ont
eu ordre de passer en Italie , et qui ont pris leur
route par la France , marchoient avec beaucoup
de diligence , et que la premiere colomne étoit
déja arrivée aux environs d'Avignon.
GRANDE BRETAGNE.
U commencement de ce mois , plusieurs
bitans de Westminster , les prier de nommer
le Chevalier Charles Wager et M. Claiton ,
Membres du Parlement , mais la plupart de ceux
dont on briguoit les suffrages , répondirent qu'ils
ne pouvoient donner leurs voix à des personnes
qui avoient opiné dans la derniere cession du
Parlement pour l'établissement de l'Excise .
Le 18. Novembre à trois heures après midi, le
Prince d'Orange arriva à Londres de Greenwich,
dans un Berge du Roy et il débarqua au Quay
de la Tour, où il fut reçû par le Comte de Leices
ter , qui en est Gouverneur , et par plusieurs autres
Seigneurs ; il monta ensuite dans les Carrosses
de S. M. accompagné de M. Horace Walpool
, du Comte d'Albermarle , et de M. Dun
can , il se rendit au Palais de Sommerset . Peu de
temps après son arrivée , le Roy , la Reine , le
Prince de Galles , le Duc de Cumberland , et les
cinq Princesses P'envoyerent complimenter , er
la plupart des Conseillers du Conseil Privé , allerent
le saluer.
Hiiij Le
2716 MERCURE DE FRANCE
Le 19. au matin , ce Prince reçut la visite du
Prince de Galles et le Chevalier Clement Cotterel
, Maître des Céremonies , lui présenta les Ministres
Etrangers , les Grand- Officiers de la Couronne,
et les principaux Seigneurs, le même jour,
à une heure après midi , le Maître des Céremonies
le fut peendre dans les Garosses de S. M. et
le conduisit au Palais de S. James. Il fut reçû
à la descente du Carosse par un Ecuyer du Roy ,
au haut de l'Escalier par le Duc de Grafton ,
Grand- Chambellan de S. M. et par le Lord Harvey,
Vice-Chambellan , et dans la Chambre du
Lit , par le Lord Hinton , Gentilhomme de la
Chambre , qui l'introduisit dans le Cabinet de
S. M. les mêmes Officiers le conduisirent à l'Appartement
de la Reine , à l'entrée duquel il fut
reçû par le Comte de Grantham , Grand-Chambellan
de S. M. et par M. Cooke , Vice- Chambellan
, précedez de l'Ecuyer de la Reine. Il alla
ensuite à l'Appartement du Prince de Galles , ou
Ie Marquis de Carnarvon l'introduisit , et delà
à celui du Duc de Cumberland , où M. Points
Pintroduisit ; il retourna à l'Appartement de la
Reine , où L. M. et toute la Famille Royale , se
trouverent , et sur les trois heures il alla dîner au
Palais de Sommerzet.
Le lendemain il rendit une seconde visite à la
Reine , et de -là il fut reconduit au Palais de
Sommerset. Plusieurs Conseillers du Conseil Privé
et quelques Seigneurs , eurent l'honneur de
dîner avec lui. Ce Prince reçut les complimens
du Comte de Mentijo , Ambassadeur Extraor
dinaire du Roy d'Espagne ; et après avoir été
conduit pour la premiere fois à l'Appartement
de la Princesse Royale , il se rendit chez la Reine.
La fievre dont ce Prince a éte attaqué quel-
I. Vol.
ques
DECEMBRE. 1733. 2717
ques jours après son arrivée , et dont il est entierement
rétabli , a fait differer son Mariage
avec la Princesse Royale , qui ne sera celebré que
vers le 20. du mois prochain,
Le 11. de ce mois , vieux stile , Fête de S. André
, L. M. et les Princes et Princesses de la Famille
Royale , porterent , selon la coûtume , la
Croix de l'Ordre de S. André sur leurs habits
le Prince d'Orange en porta aussi une garnie do
diamans d'un prix considerable , dont le Roy lui.
fait présent à cette occasion.
M. Hop , Ministre de la République d'Hollande
en cette Cour , eut le lendemain une Audience
de S. M. à qui il donna part de la résolu
tion prise par les Etats Géneraux , de garder.
une exacte neutralité dans la conjoncture présen
te des affaires.
Le 9. de ce mois , le Baron de Starck , Envoyé
Extraordinaire du Duc de Holstein - Gottorp
, eut une Audience particuliere de L. M. er
l'on assure qu'il a demandé la Princesse Amelie
en mariage pour le Prince son Maître , qui a ré
solu de venir demeurer en Angleterre , s'il épouse
cette Princesse .
ARMEE D'ITALIE.
f
Siege et Prise de Pizzigitbone.
La Rue de son aimée ,pou paavancersur la
E Roy de Sardaigne étant parti de Pavie à
Riviere d'Adda , arriva au Camp de Malleo ,
sous Pizzighitone , le to. Novembre après midi,
et le lendemain il fit investir Gerra d'Adda * par
* C'est un Fort couronné de trois Bastions et de
deux demi Lunes , séparé du corps de la Place de
Pizzighitone , par la Riviere d'Adda.
I. Vola
Hv 24.
2718 MERCURE DE FRANCE
24. Compagnies de Grenadiers et neuf Escadrons
de Cavalerie et de Dragons , commandez par le
Marquis de Maillebois , Lieutenant General.
Le 11. le Maréchal Duc de Villars arriva
les cinq heures du soir au Camp , et il alla rendre
ses respects au Roy de Sardaigne , avec le
quel il eut une longue Conférence Les jours
suivans on s'occupa à préparer tout ce qui étoit
néccessaire pour former le Siege de Gerra- d'Adda
, et à établir par des Ponts sur l'Adda, la communication
avec les Troupes qui étoient de l'autre
côté de cette Riviere, vis- à- vis de Pizzighitone ;
on travailla en même- temps à creuser un Canal
pour l'écoulement des eaux que les Ennemis
avoient retenues dans le dessein de s'en servir
pendant le Siege pour inonder la Tranchée.
La nuit du 17. au 18. le Marquis d'Alsfeld ,
Lieutenant General , le Marquis de Sandricourt ,
Maréchal de Camp , et le Marquis de Louvigny,
Brigadier , firent ouvrir la Tranchée avec 1000.
Travailleurs , soutenus par deux Bataillons du
Régiment des Gardes de Rebinder , par les Régimens
Dauphin , d'Anjou , du Maine , et par celui
de Savoye. Les travaux dont les Ennemis
n'eurent connoissance que deux heures après
qu'ils eurent été commencez , furent fort avancez
cette nuit.
Le 8. à dix heures du matin , le Marquis de
Coigny , Lieutenant General , M. d'Affry , Ma
réchal de Camp , et le Marquis de Boissieux ,
releverent la Tranchée avec le Régiment de Picardie
, celui de la Sarre , et quatre Compagnies
de Grenadiers des Régimens de la Reine , d'Orleans
, de Bourbon , et du Régiment des Fusiliers
de Savoye , et un Détachement de 100. Dragons
des Régimens de la Reine et Dauphin. Les
I. Vol . 800.
77 DECEMBR
E. 1733. 2719
8oo. Travailleurs commandez ce jour-là per
fectionnerent la Tranchée , dont la seconde pa
raltele avoit été avancée la veille jusqu'à jo
toises du chemin couvert. His firent une communication
entre la Tranchée de la droite et celle
de la gauche , et on commença ce jour-là l'établissement
de deux batteries , chacune de 15.
pieces de Canon.
Le soir vers les neuf heures , les Ennemis ten
terent de faire une sortie sur la gauche , mais
ils furent repoussez par les Grenadiers , qui les
obligerent de se retirer avec précipitation dans
le Chemin couvert , et malgré le grand feu de
deur Canon et de leur Mousqueterie , il n'y eut
que deux hommes de tuez et cinq blessez.
Le 19. le Comte de Broglio , Lieutenant General
, le Comte de Chatillon , Maréchal de
Camp et le Comte de Valence , Brigadier , rele
verent la Tranchée avec les Régimens de Cham .
pagne et Royal- Roussillon , deux Compagnies
de Grenadiers du Régiment du Roy , une de ce
lui de Souvré , et une de Riedeman Piedmontois,
Le Prince Charles de Lorraine , Lieutenant
General, le Duc d'Harcourt , Maréchal de Camp
et le Marquis de Lautrec , Brigadier , ont monté
la Tranchée le 20. avec les Régimens d'Auver
gne et de Condé , une Compagnie de Grenadiers
du Régiment des Gardes du Roy de Sardaigne
et trois des Régimens de Louvigny , de S. Simon
et de Medoc .
Le 21 la Tranchée fut relevée par le Marquis
de Ravignan , Lieutenant General , par le
Marquis d'Aix , Officier General dans les Trou
pes du Roy de Sardaigne, et par M. de Cadeville,
Brigadier des Armées du Roy, avec les 4. Batail
lons du Régiment du Roy , deur Compagnies
AI. Vol.
de Hvj
2720 MERCURE DE FRANCE
de Grenadiers du Régiment de Picardie , une
de celui de la Sarre , et une du Régiment de Re
bender.
Le 22 , le Marquis de Savines , Lieutenant General
, le Marquis de Sandricourt , Maréchal de
Camp , et le Marquis de Clermont , Brigadier
des Armées du Roy de Sardaigne , monterent la
Tranchée avec les Régimens Dauphin et de
Bourbon , et 4 Compagnies de Grenadiers des
Régimens de Champagne , du Maine et de
Luxembourg
Les travaux furent vigoureusement poussez
pendant les deux nuits suivantes. On avança la
troisiéme et la quatrième Paralleles à 35 toises
du Chemin couvert, et il n'y cut que s.pt hommes
de tuez ou blessez . Le 23 , le Marquis de
Cadrieux , Lieutenant Général , et le Marquis de
Louvigny monterent la Tranchée avec les Régimens
d'Anjou et de Médoc , et quatre Compagnies
de Grenadiers des Régimens d'Auvergne
, de Souvré , de Condé , et du Régiment de
Savoie.
La nuit du 23 au 2+ , le Roy de Sardaigne fit
attaquer le Chemin couvert de Getra - d'Adda ;
les Ennemis en furent chassez ; nos Troupes y
établirent leur logement malgré le feu des Assiégez
qui fut tres - vif pendant toute l'action ,
dans laquelle il y eut trois Capitaines de Grenadiers
tuez ou blessez , zo hommes de tuez es
11 de blessez .
Le 24 , la Tranchée fut relevée par le Comte
de Beuil , Lieutenant General , et par le Marquis
de Boissieux , Brigadier , avec les Régimens
de Souvré et de Tessé. On travailla ce jour-là à
periectionner les Ouvrages et on acheva la
Communication avec les deux Angies.
'I. Val. M.
DECEMBRE. 1733. 2722
M. de Contade , Lieutenant Général , et le
Marquis de Lautrec , Brigadier , releverent la
Tranchée le 25 avec les Régimens de la Reine e
de Nivernois , on contmua à préparer une Bat
terie sur le Glacis , pour battre en bréche , et à
y conduiré le Canon , et ce fut - ià , en donnant
les ordres pour le faire avancer , que le Chevalier
Dempser , Général de l'Artillerie du Roy de
Sardaigne fut tué près du Pont fait sur l'avant
fossé , lorsqu'on avoit attaqué le Chemin cou
vert.
Le 26, le Marquis d'Entréves , Lieutenant Gé•
néral des Armées da Roy de Sardaigne , et M.de
Cadeville , Brigadier des Armées du Roy , monterent
la Tranchée , qui fut relevée le 27 , par le
Marquis de Maillebois , Lieutenant Géneral , et
par le Marquis de Clermont , Brigadier des Armées
du Roy de Sardaigne. La Batterie de 11
Piéces de Canon , à laquelle on travailloit depuis
quelques jours , fut entierement établie
cette nuit et elle battit en bréche .
On fit pendant la même nuit , l'ouverture de
la Contrescarpe sur la droite , et la desconte du
Fossé se trouva si avancée le lendemain ào
heures du matin , que les Assiégez battirent la
Chamade dans le moment que le Marquis d'Asfeld
et le Marquis de Louvigny relevoient la
Tranchée avec trois Bataillons du Régiment de
Picardie , et deux Compagnies de Grenadiers
des Régimens de Tessé er de Nivernois .
Les Otages ayant été envoyez de part et d'autre
, le Roy de Sardaigne , et le Maréchal de
Villars se rendirent à la Tranchée pour écon
ter les propositions des Assiégez qui demande
rent qu'il leur fut permis de sortir de Gerra
d'Adda avec les honneurs de la Guerre , sans
I.Vd.
qu'il
2722 MERCURE DE FRANCE
qu'il fut libre aux Assiégeans d'attaquer Pizzi.
ghitone par ce côté , mais seulement par l'atta
que commencée de l'autre côté de l'Adda , où
la Tranchée avoit été ouverte le 23.
Leur proposition fut rejettée , et on leur répondit
qu'on ne recevoit aucune proposition sur
Gerra d'Adda , qu'à condition que Pizzighitone
se rendroit en même- temps.
Cette réponse ayant été portée au Gouver
neur , il consentit à rendre Gerra - d'Adda ; et à
l'égard de Pizzighitone , il fut convenu qu'il y
auroit une Tréve de deux jours , pour donner
le temps au Gouverneur d'envoyer à Mantouë
consulter le Prince de Wirtemberg sur ce qu'il
devoit faire.
L'Officier chargé de cette commission et qui
a été accompagné par le Marquis de Boissieux ,
rapporté qu'à son arrivée à Mantoue, le Prin
ce de Wirtemberg et les Officiers Generaux des
Troupes de l'Empereur , avoient tenu un Con
seil de Guerre , dont le résultat avoit été de
mander au Gouverneur de Pizzighitone de se
rendre le 16 Decembre.
Le Roy de Sardaigne et le Maréchal de Vil
Jars , informez de cette réponse , ont offert de
donner huit jours , et c'est à cette condition quela
Capitulation fut signée le 30 Novembre.
Le 2 de ce mois , M. de Contade , Lieutenant
General des Armées du Roy , fut détaché de
l'Armée avec six Bataillons des : Troupes Fran➜
çoises et un des Troupes du Roy de Sardaigne ,
pour aller se rendre maître du Château de Črés
mone , où les Impériaux avoient laissé un Dé--
tachement lorsqu'ils abandonnerent la Ville. La
Garnison de ce Château parut vouloir se deffendre
la nuit, du 3 ou 4 , mais le lendemain elle
capitula et se retira le même jour...
J. Vol. Le
DECEMBRE . 172. 2723
Le Roy de Sardaigne alla à Crémone , où H
coucha le 3 ; il en partit le lendemain pour se
rendre à Cazal- Major , d'où il doit aller à Sabionette
et à Bozolo , pour retourner le 8 aú
Camp devant Pizzighitone , et envoir sortit
la Garnison.
Les Troupes qui sont restées devant cette Pla
ce depuis la signature de la Capitulation , ontcontinué
, suivant ce qui avoit été convenu , à
faire des logemens sur la Contrescarpe ,et à placer
les Batteries , dont l'établissement fut fini le
quatre.
La Tranchée fut montée tous les jours , et relevée
jusqu'à la sortie de la Garnison de la Place.
Le Maréchal Duc de Villars est allé avec le
Roy de Sardaigne à Crémone , d'où il ira visiter
les bords de l'Oglio,
Le Comte de Boissieux , Brigadier , partit le 3 .
de ce mois avec 4 Bataillons et 2 Escadrons
pour s'emparer du Château de Trezzo , de celui
de Lecco , et du Fort de Fuentez.
La Garnison de Pizzighitone en sortit le 9 de
ce mois vers les 9 heures du matin , elle étoit
composée de 2000 hommes , lesquels conformé
ment à la Capitulation , signée le 30 du mois
dernier , se sont retirez à Mantoue avec 4 Canons
2 Mortiers et 4 Chariots couverts . On a
trouvé dans la Place 52 Pieces de Canon, 4 Mortiers
, et une grande quantité de Munitions de
Guerre , et de toute sorte de Provisions. Une
heure avant que la Garnison sortit , k Roy de´
Sardaigne entra dans la Ville . S. Men partit le
lendemain , et elle arriva le 11 à Milan.
و
les Troupes qui étoient devant Pizzighitone
commencerent le 9 à marcher pour s'y rendre.
On y avoit conduit dès le 4 , is Pieces de Ca
I. Volnon
2724 MERCURE DE FRANCE
1
non , et le reste de l'Artillerie y arriva peu après.
Le Marécbal Duc de Villars , après avoir séjourné
que ques jours à Crémone , s'est avancé
vers l'Oglio , et il a visité tous les Postes qui ont
été établis sur cette Riviere , il s'est rendu le 8 à
Sabionette , où il a eu une conférence avec le
Comte de Montemar , Capitaine General des Armées
du Roy d'Espagne , et il a couché le même
jour à Bezzole , d'où il est attendu à Milan .
Le Comte de Boissieux s'est emparé du Château
et de la Ville de Trezzo .
Les avis reçus du Trentin portent que l'Evêque
de Trente avoit fait prendre les Armes à la
Milice du Païs de son obéissance ; que cette Mi
lice étoit commandée par le Comte de wolchenstein
, et qu'elle étoit en marche pour aller joindre
le Corps de Troupes Impériales , que comman
de le General Rost.
LETTRE écrite du Camp de Milan , le
18 Decembre 1733. sur les détails des Siéges
de Pizzighitone et du Château de
Milan.
Voici tout ce que je puis faire , Monsieur, sur
les détails que vous me demandez.
Le 12 Novembre , l'Armée de France et celle
de Piémont , commandée par le Roy de Sardaigne,
arriva à Malet , à 1800 toises de Pizzighitone,
et cette Place fut investie les jours suivans
par 40 Bataillons et jo Escadrons ; on fit
deux Ponts de Batteaux sur l'Adda, pour la communication
de l'Armée.
Pizzighitone est divisé en deux par l'Adda ; la
partie qui est à la droite de cette Riviere , s'ap-
Pelle Gerra-d'Adda , et celle qui est à la gauche
I. Vol
ه ع
DECEMBRE. 1733. 2725
de Pizzighitone , où l'on se communique par un
Pont de Batteaux . La Riviere a 60 toises de lar--
ge de ce côté- là , et 7 à 8 pieds d'eau ; elle est
navigable comine la Seine. Pizzighitone est un
ancien Château où François I. tut d'abord mis
prisonnier , entouré d'un côté de Fossez pleins
d'eau et de l'autre par l'Adda. Cette Place a été
anciennement fortifiée ; et depuis dix ans , l'Empereur
y a fait faire des Bastions , Demi - Lunes ,
Contre - gardes , Chemins couverts , Glacis et
Avant- Fossez le tout entouré d'eau , qui forment
des inondations.
;
La Tranchée fut ouverte devant Pizzighitone,
la nuit du 17 au 18 Novembre , par 2000 Tra-,
vailleurs , soûtenus pars Batail.ons et 12 Compagnies
de Grenadiers qu'on avoit placez venire
terre , audevant des Travailleurs , commandez
par le Marquis d'Asfeld. On fit cette mit 2 Paralleles
, avec les Communications , contenant en
tout 1600 toises de long , qui furent achevez le
18. Les jours suivans on continua les travaux , de
sorte que le 20 au matin on s'approcha entiere
ment de la Place . Il y eut 24 piéces de Canon en
Batterie sur le Plateau des Francisquains , à 250
toises de la place ; et le 22 du même mois , il y
eut par augmentaton 8 Mortiers en batterie et
8 pieces de Canon de 12 livres de balle pour ti❤ .
rer à Ricochet.
Le 24 on s'ouvrit um passage à l'avant - Fossé
et on se logea sur les deux Angles saillans du
Chemin couvert du Bastion de l'attaque. On y
resta le 25 et le 26- ; Je 27 on plaça sur le Chemin
couvert une Batterie de 16 pieces de Canon ,
pour faire bréche aux endroits convenables.
La nuit du 27 au 28 , on passa le Fossé , où il
y avoit 8 pieds d'eau. Comme le Canon faisoit
I, Vol. Son
2725 MERCURE DE FRANCE
son effet et que les Bréches se formoient en plusieurs
endroits , la Garnison qui consistoit en s
Bataillons , faisant 1500 homines d'Infanterie ,
demanda à capituler. On a passé deux jours en
négociation , parce qu'il fallut aller à Mantouë ,
pour sçavoir les intentions du Gouverneur General
du Milanez, qui fut d'avis qu'on capitulât.
On leur accorda 8 jours , et la Garnison në sor .
tit que le 9 Decembre , avec tous les honneurs de
la Guerre ; sçavoir , 6 Chariots couverts , 4 Pieces
de Canon de 12 liv . de balle et 2 Mortiers .
On a trouvé dans la Place beaucoup de Munitions
de bouche , 45 Pieces de Canon , 4 Mor
tiers et 4000 Barils de Poudre.
Le Roy de Sardaigne et le Maréchal Duc de
Villars , se louent beaucoup de Mrs les Ingé
nieurs , de Mrs les Officiers d'Artillerie , et generalement
de toutes les Troupes , Officiers Generaux
, Subalternes et Soldats , qui marquene
tous une ardeur infinie.
M. de la Blottiere a commandé en chef pendant,
ce Siege , les Ingénieurs de France , et ceux
de Savoye , les premiers au nombre de 32 et les
autres de 16. Le Roy de Sardaigne et le Maréchal
Duc de Villars lui firent l'honneur de lui
témoigner beaucoup de satisfaction sur la prompte
reddition de Pizzighitone , dont on a été si
content à la Cour de France, que le Roy la nommé
le 8. de ce mois Brigadier de ses Armées ,
avec des Lettres de service de même darte ; il est
le seul de sa Promotion.
Nous sommes occupez à present à faire le Siege
du Château de Milan , dans lequel il y a environ
2000 hommes d'Infanterie et 150. pieces de
Canon , de l'eau dans les fossez et les Glacis
minez .
I. Vel. La
DECEMBRE . 1733. 2727
La Tranchée fut ouverte la nuit du 15. au 16 .
de ce mois par 2000. Travailleurs. Nous faisons
comme à Pizzighitone , beaucoup de diligence ,
et nous sommes aujourd'hui à huit heures du
matin au pied du Glacis , et à 35. toises de la
Palissade du Chemin couvert.
Nous aurons après demain 36. Pieces de Canon
en batterie et 8. Mortiers. Nous croyons
que ce même jour nous serons en état de faire
travailler les Mineurs pour découvrir les Mines
des Ennemis . Ils pourront travailler six jours et
six nuits , après quoi nous nous logerons sur le
Chemin couvert . Nous y placerons le Canon
nous ferons la descente et le passage du fossé ;
on se logera ensuite sur la Demi - Lune, & c . Toutes
ces Operations pourront nous mener jusqu'aux
premiers jours du mois prochain .
L
ESCADRE D'ESPAGNE.
'Escadre composée de 12. Vaisseaux de guer
re , partit de Barcelone le 29. de Novembre
dernier avec 28. Bâtimens de transport , ayant
été obligée par le vient contraire , de relâcher à
Toulon ; elle mouilla à la Rade le 3. de ce mois
après midi , et elle en partit le 6. pour se rendre
au Golphe de la Specia , où elle joindra 5. Vais
seaux de guerre Espagnols et plusieurs Bâtimens
de transport qui y sont arrivez avec 9. Bataillons .
L'Escadre qui a mouillé à la Rade de Toulon
est commandée par le Comte de Clavijo Les
Troupes qu'on y a embarquées à Barcelone ,
sont , quatre Bataillons des Gardes Espagnoles ,
quatre des Gardes Wallonnes , un du Régiment
Royal Artillerie , et trois autres Bataillons , er
elles sont commandées par le Marquis de Grazia
I. Vol. Real ,
2728 MERCURE DE FRANCE
Real, Lieutenant General des Armées de S. M. C.
et Major des Gardes Wallonnes , par le Marquis
de Lamina , Lieutenant General, et par huit Maréchaux
de Camp.Les 28 Bâtimens de transport
sont chargez de l'Artillerie et d'une grande
quantité de Munitions de guerre.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. .
LF
E 20. de ce mois , 4. Dimanche de
l'Avent , le Roy entendit dans la
Chapelle du Château , la Messe chantée
par la Musique . L'après midy , S. M.
assista à la Prédication du P. Couvrigny,
de la Compagnie de Jesus .
Le 7. du mois dernier , le Prince de
Monico , envoya ses ordres au Chevalier
de Grimaldy , Gouverneur de cette Prin
cipauté , pour y faire déclarer Souverain
M. son Fils Aîné , Honoré de Grimaldy ;
il a eu ensuite l'honneur de le P ésenser
à Versailles le 14. de ce mois à Leurs
Majestez ; et lui ayant donné le nom de
Prince de Monaco , il a repris , avec la
permission du Roy , celui de Duc de
Valentinois , Pair de France , se conservant
en même temps la qualité de Prin
ce Administrateur de Monaco , pendant
la minorité de M. son Fils.
1. Vol. Le
DECEMBRE. 1733. 2729
Le 5. Décembre , les Comédiens Italiens
représenterent à la Cour les Deux
Arlequins , et la Parodie nouvelle d'Hypolite
et Aricie.
Le 1. ils représenterent pour la premiere
fois devant Monseigneur le Dauphin
, une petite Comédie intitulée , le
Tuteur trompé , composée de Scenes détachées
très - comiques , qui divertirent
beaucoup ce Prince .
Le 12. ils joüerent devant la Reine
la Double Inconstance , ct les Paysans de
Qualité. Cette derniere Piece fut suivie
d'un Divertissement dans lequel la
Dlle Roland dansa avec applaudissement.
,
Le 8. Décembre , Fête de la Vierge ,
il y eut Concert Spirituel au Château
des Tuilleries , on y chanta le Motet
Exultate just , de la composition du
sieur Bordier , Maître de Musique de
F'Eglise des Saints Innocents , qui fut
très-bien executé et fort applaudi. La
Dlle Petitpas et le sieur Jeliot , chanterent
un nouveau Motet à deux voix , du
sieur du Bousset , avec beaucoup de précision
; après plusieurs Concerto , executez
par les meilleurs Symphonistes , le Concert
fut terminé par un Motet de M. de
la Lande.
I. Vol.
2730 MERCURE DE FRANCE
Le 24. et le 25. veille et Fête de Noel,
on chanta differens Motets de M. de la
Lande , et un autre nouveau de la com
position de l'Abbé Blanchard , Maître de
Musique de l'Eglise de Besançon , qui
fut très- goûté et fort applaudi par une
très -nombreuse Assemblée. La Dlle Er
remens chanta le Motet Usquequo , de
M. Mouret , avec autant de goût que de
précision , ainsi que la Dlle Petitpas dans
celui de Jubilate du sieur le Maire . On
joua une suite d'Airs des plus beaux Noels
et de Symphonie Pastorales , executée
par les sieurs Charpentier et Danguy ,
sur la Musette et la Vielle ,accompagnez
de toute la Symphonie . Et après deux
Sonates , jouées par les sieurs Blavet et
le Clair , le Concert finit par le Motet
Exultate justi de M. de la Lande .
K
Le 14. Décembre , les Maîtres de Musique
et Musiciens de Paris , firent celebrer
dans l'Eglise des Peres de l'Oratoire
de la ruë S. Honoré , le Service annuel et
solemnel accoûtumé pour leurs Confreres
deffunts dans le courant de cette année ;
il s'y trouva environ 250. Musiciens ,
tous excellens Sujets pour la voix et les
Instrumens , qui executerent dans la
plus grande perfection , plusieurs Mor-
I. Vol.
ceaux
DECEMBR E. 1733. 2731
ceaux de Musique de la composition du
sieur Bordier , Maître de Musique de
l'Eglise des Saints Innocents , qu'il fit
executer lui- même. Il y eut une Assemblée
des plus nombreuses et quantité de
personnes de consideration .
Les Deffunts pour la mémoire desquels
le Service a été fait , sont , les sieurs
BOSSEL , Curé de S. Jean le Rond ; d'ANDRIEU
, Prêtre , Organiste de S. Barthé
lemy ; COUPERIN , Organiste du Roy et
de l'Eglise de S. Gervais ; LISORE' , Organiste
de l'Abbaye de S. Denis , Mo-
REAU DE S. CYR , BOIVIN , LE JEUNE ,
DE LA LANDE , JOSEPH , DE La Motte ,
et EMANUEL OUDART.
RECEPTION de M. le Comte du
Dognon , en la Charge de Lieutenant
de Roy de la Province du Haut- Limousin.
Extrait d'une Lettre écrite de
Limoges le 25. Novembre 1733.
Mah
R. le Comte du Dognon , Colonel
.d'Infanterie , Brigadier des Armées
du Roy , Commandant des Villes et
Châteaux de Brest et dépendances, ayant
été pourvû en l'année 1731. de la Char
ge de Lieutenant General pour S. M.
de la Province du Haut- Limousin , il
L. Vol ... surving
1732 MERCURE DE FRANCE
survint quelques difficultez de la part
des Officiers du Présidial et de la Séne
chaussée de Limoges sur les honneurs
qui lui étoient dûs le jour de son installa
tion ; ces difficultez ont été levées par
une Ordonnance du Roy que j'insere ici
d'autant plus volontiers qu'elle est fort
sommaire et qu'elle pourra servir de Reglement
, s'il arrive jamais de contestations
en pareille maticre..
DE PAR LE Roy, Sa Majesté ayant
ié informée de la contestation qui s'est élevée
entre le Sieur Comte du Dognon et les Officiers
du Préfidial de Limoges , au sujet
&c. Sa Majesté a ordonné et ordonne ee
qui suit.
39
I. Que lorsque ledit Sieur Comte du
» Dognon sera arrivé dans la Ville de
Limoges , il fera sçavoir au Présidial le
» jour qu'il souhaitera être installé , que
» ce jour-là les Maire et Echevins le vien-
» dront prendre en sa maison pour l'ac-
» compagner au Présidial , et le recon-
» duire chez lui après son installation .
» II. Qu'à son passage , en allant et en
>> revenant chez lui , la Milice Bourgeoise
» sera sous les Armes en haye , et fera
» chaque fois une décharge de Mousqueterie
. III. Que le même jour le Prési-
1. Vol.
מ
>> dial
DECEMBRE. 1733- 2733
dialet autresCorps et Compagnies delad.
Ville et des autres de son département,
seront tenus et obligez d'envoyer des
» députez saluer et complimenter ledit
» Sr Comte du Dognon, er qu'ils se serviront
en lui parlant de termes respec-
> tueux. IV . Que dans la Ville de Limoges
>> et autres de son département , en l'ab-,
» sence du Gouverneur et du Lieutenant
» General de la Province , ledit Sieur
» Comte du Dognon aura le rang et la
» préseance au dessus de ceux desdits
» Corps et Compagnies , dans tous les
» endroits où ils se trouveront ensemble,
» même dans les Choeurs des Eglises indistinctement
de la Ville de Limoges ,
» et autres dudit département. V. Que
» les Maire et Echevins desdites Villes en
>> l'absence du Gouverneur et du Lieute-
» nant General , ne pourront faire, pren-
» dre les Armes aux Bourgeois ,sous quel
» que prérexte que ce soit, sans l'ordre du
>> Sieur Comte du Dognon . MANDE et
» ordonne Sa Majesté aux Officiers du
» Présidial &c . de faire enregistrer la
» presente Ordonnance &c. Fait à Versailles
le 30 May 1733. Signé Louis ,
» et plus bas Phelippeaux.
Les choses ainsi reglées , et le Jeudi
12 Novembre dernier ayant été pris
I. Vol.
I pour
2734 MERCURE DE FRANCE
pour cette Cérémonie , les Consuls de
Limoges vinrent la veille sçavoir les
Ordres de M. le Comte du Dognon , et
elle fut annoncée par une d charge des
Canons de la Ville , apportez dans la
grande Place audevant de sa Maison . A
L'entrée de la nuit on alluma uu grand
Bucher au milieu de cette Place , et on
vit des illuminations aux fenêtres, des
maisons qui durerent toute la nuit.
Le lendemain les Consuls, en habits de »
Cérémonie , accompagnez des Officiers
de Ville , vinrent avec leurs Gardes prendre
le Comte du Dognon dans sa maison ,
pour l'accompagner au Palais. Il étoit
précédé dans sa marche de tous les Officiers
militaires , des Gentilshommes et
autres personnes distinguées qui se trouverent
dans la Ville , après lesquelles
suivoit une Symphonie de violons et
d'autres instruments. Le Comte du
Dognon étoit précédé immédiatement
de ses Gardes , et avoit à ses côtez
les Consuls de la Ville. Cependant
toute la Bourgeoisie étoit sous les Armes
formant une double haye sur son passage,
les Tambours battants.
Il trouva dans la Salle d'Audiance ',
extraordinairement ornée un grand
nombre de Dames de la Ville et des en-
-L.Fol-
>
virons
DECEMBRE . 1733. 2735:
virons placées pour voir la Cérémonie
qu'il salua , la séance se tint en cet otdre.
Le Lieutenant General de la Séné
chaussée Président , ayant à sa droite.
tous les Officiers de cette Jurisdiction
et à sa gauche les députez du Chapitre
de la Cathedrale , de la Collegiale et de
l'Election. Au milieu du Parquet étoit
placé M. le Comte du Dognon assis dans
un grand Fauteuil , ayant à sa droite et:
à sa gauche les Consuls de Limoges , et
ies principaux Officiers de Ville , sur des
siéges ordinaires .
Le premier Huissier ayant fait son apel,
le Sieur de Voyon , Avocat, prononça un ,
fort beau Discours sur le sujet de la Séance
, s'étendant sur les Services militaires
du nouveau Lieutenant de Roy ; il re-.
marqua surtout l'intrépidité avec laquel
le il deffendit en 1708. le fameux Tenaillou
de l'Ille pendant l'espace de 37 jours,
ce qui lui attira des Eloges de nos Generaux
et des Generaux ennemis , et lui me-.
rita l'honneur d'être presenté au feu Roy,
dont il reçû des marques d'estime et de
bonté.
Ce Discours fût suivi de celui de M.
Muret, Avocat du Roy , qui parla avec
beaucoup d'éloquence et de dignité sur
le même sujet. Après quoi le Président
1. Vol.
$ I ij ayant
2736 MERCURE DE FRANCE
ayant pris les voix , prononça l'enregistre
ment des Lettres et de l'Acte d'installation
.
Le Comte du Dognon s'étant levé et
ayant salué la compagnie , il reprit sa
marche dans le même ordre au bruit de
la Mousqueterie & des Tambours , jettant
, comme il avoit fait en allant , des
piéces d'argent au peuple , qui fût encore
régalé de plusieurs Barriques de vin ,
coulant audevant de sa Maison . Il retint
à diner un grand nombre des personnes
qui l'avoient accompagné au Palais.
L'après diner se passa à recevoir les
députations et les compliments de tous
les Corps de la Ville , ausquels il répon
dit avec beaucoup d'esprit et de politesse.
Le soir il donna un grand et magnifique
soupé aux Consuls , à tous les députez des
Compagnies , au Colonel, aux Capitaines
, et à tous les Officiers dé la Bourgeoisie.
Il y avoit quatre Tables de 18
couverts chacune. Tout s'y passa dans un
grand ordre avec le plaisir d'entendre une
agréable Symphonie, et au bruit des Canons
qui tiroient sur la Place par intervalles.
Enfin chacun se retira charmé des
honneurs qu'il avoit rendus ou reçûs, à la
clarté des feux de joye , et des illumi
pations qui durerent toute la nuit,
J.Fal BE
DECEMBRE. 1733. 2737
BENEFICES ACCORDEZ
par le Roy le 13. Décembre 1733 .
L'Abbaye Commandataire de S. Sever , vacante
par le décès de M. la Grange , en fa
veur de M. de Chamillart.
Celle de Bonneval , vacante par le décès de
M. de Tressan , Archevêque de Rouen , en faveur
de M. de Jumillac , Prêtre et Grand-Vicaire
de Chartres.
Celle de l'Espau , vacante par le décès de M. de
Tressan , Archevêque de Rouen , en faveur de
M. du Hardaż d'Hauteville , Bachelier en Théologie.
Celle de Fontmorigny , vacante par le décès
de M. de Viantais , en faveur de M. Bernard
Couet , Prêtre et Vicaire General de Paris .
Celle de la Chapelle aux Planchers , vacante par
le décès de M. de Viantais , en faveur de M. Fusée
de Voisenon , Prêtre et Doyen de la Cathédrale
de Boulogne.
Celle d'Echalis , vacante par le décès de M. de
Courtenay , en faveur de M. de S. Julien de
S. Pierre.
Celle de S. Pierre d'Auxerre , vacante par le
décès de M. de Courtenay , en faveur de M. de
Ja Chabrerie , Prêtre et Chanoine de Perigueux.
Celle de Dalon , vacante par le décès de M. de
Vignau , en faveur de M. Certain , Prêtre ,
teur de Sorbonne.
Celle de Turpenay , vacante par le décès de
M. de Vignau , en faveur de-M. de Vienay.
en
Celle de la Clarté-Dieu , Ordre de Citeaux .
vacante par le décès de M. de la Hartelloire ,
faveur de M. de Giry de S. Cyr , Prêtre, Vicaire
General de Tours
I. Vol. I iij Celle
2738 MERCURE DE FRANCE
Celle du Jard , vacante par le décès du M. de
Longueruë , en faveur de M. Chaumont de la
Galezieres :
? Celle de Sept- Fontaines vacante par le décès
de M. de Longuerue , en faveur de M. du Resnel.
Celle de Simorre , vacante par le décès de
M. du Puget , en faveur de M. Xavier-Joseph du
Puget.
Celle de Sauve- Majeur , vacante par le décès
de M. Charpin de S. Romans , en faveur de
M. Charpin de Fougerolles , à la charge des
pensions créées sur ladite Abbaye.
Celle d'Essommes , vacanté par le décès de
M. Néel , en faveur de M. Néel , prêtre , Conseiller
au Parlement de Rouen.
Celle de Silly , vacante par la démission pure
et simple de M. Néel , en faveur de M. du Barail .
Celle de la Honce , vacante par la démission
pure et simple de M. de la Vieuville , Evêque de
Bayonne , en faveur de M. Dartaguierte , Prêtre
Vicaire General de Bayonne.
Celle de la Frenade , vacante par la démission
pure et simple de M. Savalerie , en faveur de
M. de Grossoles.
Celle de S. André de Vienne , vacante par le
décès dé M Sicault , Evêque de Sinope , en faveur
de M. Vayre.
Celle de Donlieu , vacante par le décès de
M. Sicault , Evêque de Sinope , en faveur de
M. de la Rocheaymon .
Celle de Landais , vacante par le décès de
M. Herault , en faveur de M. Jacquemet Gautier
, Prêtre et Grand- Vicaire de Bourges ; à la
charge d'ane pension annuelle et viagere de deux
mille livres , en faveur de M. Jean Paignon ,
Chanoine de S. Marcel à Paris.
I. Vol Le
DECEMBRE. 1733 2739
Le Prieuré Commandataire , Conventuel et
Electif de S. Just vacant par le décès de M, de
Gamaches , en faveur de M. Louis Français de
Mornay , ancien Evêque de Quebec.
L'Abbaye de Vernaison à Valence , vacante par
le décès de la Dame de Bayanne , en faveur de
Madame de Langon.
Le Prieuré Conventuel et Electif de Vausse ,
vacant par la démission de M. Petitbenoist , en
faveur de M. Hyacinte Petitbenoist .
Le Prieuré Conventuel et Electif de Prevessin ,
vacant par le décès de M. le Grand , en faveur
de M. de Carrion.
$
LETTRE DU ROY , écrite à
M. l'Archevêque de Paris , pour faire
chanter le Te Deum , en actions de
graces des benedictions que Dieu a répandues
sur les Entreprises du Roy.
"
་
Mo
ON COUSIN , l'Europe est informée
des justes motifs qui m'ont forcé à prendre les
Armes; je retrouve dans mes Sujets. cette même are
deur que leur ont inspiré dans tous les temps la gloire
de cette Couronne et l'interét de l'Etat ; mais com
me c'est au Dieu des Armées que je dois le succès
heureux qu'il a bien voulu accorder à la droiture et
au desinteressement de mes intentions ; comblé de
ses bienfaits , et mettant toute ma confiance en son
bras tout puissant , je desire que tous mes Sujets
s'unissent avec moi pour lui rendre les Actions de
graces qui lui sont duës , et implorer la continuation
de sa divine protection ; e'est dans cette vûë que je
vous écris cette Lettre pour vous dire que mon intention
est que vous fassiez chanter le Te Deum.
I. Vol. I 1 ) dans
2740 MERCURE DE FRANCE
dans votre Eglise Métropolitaine et autres de votre
Diocèse avec les solemnitez requises , et que vous
invitiez tous ceux qu'il conviendra d'y assister . Sur
ceje prie Dieu qu'il vous ait , mon Cousin , en sa
sainte et digne garde. Ecrite à Versailles le 21. Décembre
1733. Signé , LOUIS , et plus bas ,
PHELY PEAUX.
Et au dos est écrit : A mon Cousin l'Archevêque
de Paris, Pair de France , Commandeur de
mes Ordres .
Le lendemain M. l'Archevêque donna sur ce
sujet un Mandement dont voici la teneur .
CH
HARLES- Gaspard- Guillaume de Vintimille
des Comtes de Marseille du Luc ,
par la misericorde Divine et par la grace du Saint
Siege Apostolique, Archevêque de Paris , Duc de
S. Cloud , Pair de France , Commandeur de l'Ordre
du S. Esprit , &c. Aux Archiprêtrrs de Sainte
Marie- Magdelaine et de S.Severin , et aux Doyens
Ruraux de notre Diocèse , Salut et benediction.
Le Roy convaincu , mes très - chers Freres , que
c'est à Dieu seul qu'il doit rapporter les avantages
et les prosperitez de son Regne , veut que nous rendions
de solemnelles actions de graces des évenemens
glorieux arrivez dans le cours de cette année et de
la benediction que le Seigneur a répanduë sur les
Armes de S. M. et sur celles de ses Alliez ,
Ces prémices heureuses nous font esperer que celui
par qui les Rois regnent , continuera de faire
éclater se protection sur ce grand Royaume , et de
manifester de plus en plus par des succès la justice
d'uneguerre que notre anguste Monarque n'a point
entreprise par le dessein ambitieux de faire des conquêtes
, mais par le seul motif de soutenir la dignité
de sa Couronne et la liberté d'une République
qui luifut toujours chere.
DECEMBRE. 1733. 2740
En marquant au Seigneur votre reconnoissance
pour les bienfaits signalez dont sa divine bonté.
nous a favorisez , demandez -lui avec ardeur qu'il
conserve long-temps un Prince né pour le bonheur
de ses Sujets , dont les intentions sont si pures ; et
qu'après l'avoir comblé de gloire pendant le cours de
la Guerre , il lui fasse goûter et à ses Peuples , les
fruits d'une Paix solide et durable , qui fait tout
P'objet des veux de S. M.
A ces causes , après en avoir conferé avec nos venerables
Freres les Doyen , Chanoines et Chapitre
de notre Eglise Métropolitaine nous ordonnons
que demain Mercredi 23. du présent mois , le Te
Deum sera chanté dans notredite Eglise Métropo
litaine . en actions de graces des Benedictions que,
Dieu a répandues sur les Entreprises du Roy ; Dimanche
27. du courant , dans toutes les Abbayes ,
Chapitres , Paroisses et Convens , exempts et non
exempts dela Ville et Fauxbourgs , et dans toutes les
autres Eglises de notre Diocèse le Dimanche après ,
la reception du présent Mandement. Si mandors ...
aux Archipretres de sainte Marie-Magdelaine et
S. Severin de notifier notre present Mandement à¸
tous Abbez , Prieurs , Curez , Superieurs et Sip?-
rieures de la Ville et desdits Fauxbourgs , et eux2
Doyens Ruraux de l'envoyer aux Curez de la
Campagne , Supérieurs et Superieures des Commu-..
nautez exemptes et non exemptes , à ce qu'ils n'er
ignorent , et qu'ils l'observent et fassent observer,
les personnes qui leur sont scumises . Donné à
Paris en notre Paluis Archiepiscopal le 22. de
Décembre 1733. Signé CHARLES , Arche
vêque de Paris , &c.
par
graces solem
En conséquence de la Lettre du Roy , pou
faire rendre à Dieu des actions de
pelles de Benedictions qu'il a répandues le
I. Vol. Lore
2742 MERCURE
DE FRANCE
1
Entreprises de S. M. et des heureux succès de seg
Armes , on chanta à Paris , le 23 , après midy
dans l'Eglise Métropolitaine , le Te Deum , auquel
M. P'Archevêque officia Pontificalement.
Le Chancelier de France et le Garde des Sceaux ,
accompagnez de plusieurs Conseillers d'Etat et
Maîtres des Requêtes , y assisterent , ainsi que le
Parlement , la Chambre des Comptes , la Cour
des Aydes et le Corps de Ville , qui y avoient été
invitez de la part du Roy , par le Marquis de
Brézé , Grand- Maître des Ceremonies.
Le 23 Décembre , le Cardinal de Bissy , Abbé
de S. Germain des Prez , donna aussi un Mandement
, qui contenoit ce qui suit :
HENRY DE THIARD DE BISSY ,
par la grace de Dieu , et du Saint Siége Apostolique,
Cardinal dela sainte Eglise Romaine, du Titre
de S. Bernard , Evêque de Meaux , Comman-
Yeur de l'Ordre du S. Esprit , Abbé Commandataire
de l'Abbaye Royale de S. Germain des Prez :
A tous ceux qui sont soumis à notre Jurisdiction :
SALUT ET BENEDICTION : Toute l'Europe est téshoin
des mesures pacifiques que Sa Majesté Tres-
Chrêtienne a prises pour maintenir la tranquillité
•publique , pour ôtor tout prétexte de jalousie aux
Princes ses Voisins , et pour procurer un juste équili
bre dans les Etats. Dieu qui connoît la droiture du
soeur de notre pieux Monarque , a beni ses entreprises.
Dès que ses Drapeaux ont paru dans les Pais
Ennemis , la Victoire a suivi leur arrivée. Les
Canquêtes déja faites nous sont un présage beuneux
de celles qui par la protection de Dieu , suirent
de près. Ne differons donc pas d'en rendre nos
tres-humbles actions de graces à la Majesté Divi-
I. Vol.
DECEMBRE . 1733 743
-
se. Réunissons nos coeurs et nos esprits pour implorer
son secours tout puissant . A ces causes , Nous
ordonnons que Samedi , 26 du présent mois , à l'is- "
sue des Vepres , le Te Deum sera chanté dans notre
Eglise Abba iale , en actions de graces des Bénédictions
que Dieu a répandues sur les entreprises
du Roy. Donné à Paris , en notre Palais Abbatial
, le 23 Decembro 1733. Signé , HENRY ,
Cardinal de Bissy.
Le Samedi 26 , seconde fête de Noël , en conséquence
de ce Mandement , on chanta dans l’Eglise
de l'Abbaye S. Germain le Te Deum , avec
beaucoup de solemnité, suivi du Pseaume Exaudiat
, et des autres Prieres accoutumées. Les Of
ficiers de la Justice de l'Abbaye , et plusieurs Personnes
distinguées assisterent à cette Cérémonie,
pendant laquelle on fit plusieurs décharges de
Coulevrines, et de Boëtes ; placées dans les Cours
et dans les Jardins. Le soir il y eut des Feux et
des Illuminations , tant dans la Cour et les Bâ-'
timens du Palais Abbatial , que dans la Cour et
dans l'Enclos extérieur du Monastere.
Le 23. pendant la Messe du Roy , on chanta
dans la Chapelle du Château de Versailles , le Te
Deum , pour remercier Dieu des heureux succès
des Armes de S. M.
DM
MORTS ET MARIAGES.
ME Marie - Magdelaine Prevôt , épouse de
M. Silva , Docteur Régent de la Faculté
de Médecine de Paris , Medecin Consultant du
-
I. Vol.
I vj Roy
2744 MERCURE DE FRANCE
Roy , et Medecin Consultant du Duc de Bout
bon , mourut à Paris le 2 du mois dernier , âgée
d'environ 45 ans.
Jean-Jacques Damas , Comte du Breuil , Lientenant
General des Armées du Roy, Gouverneur
de, Maubeuge , mourut à Mâcon le 7 Novembre
dernier , dans un âge tres avancé. Il étoit troi
siéme fils de Jean Damas, Comte du Breuil,Marquis
d'Antigny , Gouverneur de la Principauté
de Dombes, et de Claudine. Alexandrine de Vienne,
Il avoit quitté depuis quelques années la
Croix de Malte. Il fut fait Brigadier au mois de
Février 1704. Maréchal de Camp en Février 1711.
et Lieutenant General le 30 Mars 1710. Enfin
Gouverneur de Maubeuge , à la mort et en la
place de Louis Anne- Marie Damas , Comte de
Ruffey , son frere , Lieutenant General des Armées
du Roy , Premier Sous - Lieutenant de la
premiere Compagnie des Mousquetaires et Sous-
Gouverneur de la Personne du Roy. La Maison
de Damas est une des plus anciennes et des plus
illustres du Royaume. La Genealogie en est rap-1
portée dans l'Histoire des Grands Officiers de la
Couronne . Nouv. Edit. tom. 8. page 317. Damas
, Porte d'or , à la Croix ancrée de Gueule.
Pierre-Joseph Faure , Maître ordinaire en la
Chambre des Comptes de Paris , mourut le 16
Novembre , dans son Château de Boissette , près -
de Melun , âgé d'environ 74 ans laissant d'Anne
Fautrier , son Epouse , une Fille unique.
D. Anne- Eléonore de Béthune d'Orval , Reli➡-
giuse Professe de l'Abbaye de Réaulieu , Ordre
de S. Benoît , Diocèse de Soissons , er Abbesse
de celle de N. D. du Val de Gif , du même Or~
dre , Diocèse de Paris , depuis le 15 Août 1686 .
mourut en ce Monastere le 28 Novembre , âgée.
de
DECEMBR E. 1733. 2745
de 78 ans ; elle étoit Fille de François de Bethune
, Duc d'Orval , Pair de France, Chevalier des
Ordres du Roy , Lieutenant General de ses Armées
, et du Pais Chatttain , Premier Ecuyer de
la Reine Anne d'Autriche
, et de D. Aune de
Harville de Palaiseau . Par cette mort , la Dame
de Ségur devient titulaire de l'Abbaye de Gif,
dont elle fût nommée Coadjutrice
par le Roy ,
le 2 Mars 1719 .
I
Nicolas Emanuel de Villers , ancien Conseiller
au Parlement , mourut le r Decembre, fort âgé.
Alexandre Baillot , President , Tresorier de
France au Bureau des Finances, et Gran - Voyer
en la Generalité de Paris , mourut le 4 Decembre
, dans la 48 année de son âge.
D. Marie- Elizabeth- Claude - Petronille Bouchu
, épouse de René Mans de Froulay , Comte
de Tessé , &c. Grand d'Espagne , Chevalier des
Ordres du Roy , Lieutenant General de ses Armées
, et au Gouvernement des Pays du Maine,
Perche et Laval , Premier Ecuyer de la Reine ,
mourut le 9 Decembre,âgée de 48 ans. Elle étoit :
Fille de Jean- Etienne de Bouchu , Conseiller d'Etat
ordinaire , et de D. Elizabeth Rouillé des
Meslay.
Nicolas de Fresnoy , Marquis de Fresnoy ,
mourut à Paris , le Decembre , âgé de 74
ans , il avoit été dans sa jeunesse Chevalier de
l'Ordre de S. Jean de Jerusalem , et Abbé de
S. Taurin d'Evreux , Ordre de S. Benoît . Són
frere aîné étant mort sans alliance , il quitra la
Croix de Malte , et remit son Abbaye en 1685% ]
Ilentra depuis dans le Service , et fut successivement
Guidon en 1691. et Enseigne en 1693 de
la Compagnie des Gendarmes d'Anjou . Il se retira
du Service en 1699. et épousa Louise- Ale➡ › ,
I. Vola
1746 MERCURE DE FRANCE
xandrine de Coligny, fille de Jean Comte de Coligny
, &c. Gouverneur d'Autun , et Grand Bailly
de Charolois, Lieutenant General des Armées
du Roy , et d'Anne- Nicole Cauchon de Maupas.
Il a laissé de ce mariage Marie, Marquis de Fresnoy
, né en 1701. leque, a épousé en 1730 Charlotte
Rivié , dont il a un fils .
·
Jean du Chastelet , Seigneur de Fresnieres ,
Conseiller au Grand Conseil, mourut le 15 Decembre
, âgé d'environ 72 ans. Sa famille noble
d'extraction est originaire de Picardie. Il avoit
épousé en 1689, Susanne - Geneviève Talon , fille
unique de Jean Jacques Talon , Seigneur de
S. Val , Contrôleur General des Décimes en
Champagne , et de Genevieve Brussel ; il en a
laissé Alexandre Gaston , appellé le Comte du
Chastelet , cy-devant Ecuyer du Roy , et Alexis-
Jean du Chastelet , appellé le Marquis de Fres
njeres , Ecuyer du Roy , depuis la démission de
son frere.
Le 22 Decembre , Paul Emile , Marquis de
Braque , Chevalier Seigneur du Luat , a épousé
Dlle Elizabeth Lorimier , fille d'Antoine- Charles
Lorimier , Ecuyer , Conseiller Secretaire du
Roy , Maison , Couronne de France et de ses
Finances , et de Dame Marie - Louise Boucher.
昌高
ARRESTS NOTABLE S.
O R
RDONNANCE DU ROY , du premier
Août , concernant le Commandement
et le Service des Places , par laquelle il est die
que S. M. étant informée des differens usages
I. Vol. 1-
DECEMBRE. 1733. 2747
introduits dans les Places de guerre , tant sur le
Commandement , que sur le service ; et jugeant
nécessaire d'établir sur cette matiere une regle
fixe et uniforme , afin que les Officiers de ses
Troupes en étant instruits , sçachent en quelque
Place qu'ils se trouvent , quels sont les devoirs
qu'ils doivent y remplir ; S. M. après avoir fait
rassembler toutes les dispositions répandues dans
Les anciennes Ordonnances , sur les differens détails
relatifs au Commandement et au Service des
Places , et après avoir pris l'avis de plusieurs Of
ficiers Generaux de ses Troupes, et des Commandans
de Places , les plus experimentez , a ordonné
et ordonne que les 120. Articles contenus dans
ladite Ordonnance , soient executez nonobstant
toutes dispositions portées au contraire dans les
Ordonnances précedentes , ausquelles 5. M.
dérogé et déroge à cet égard seulement .
ARREST du 4. Août , qui maintient le
sieur Phelypeaux , en qualité d'Engagiste de Sa
Majesté , du Comte de Montlhery , dans le droit
de péage par terre dépendant dudit Comté , pour
en jour et percevoir les droits de Montihery et
non ailleurs ; et fixe la quotité desdits droits .
ORDONNANCE DU ROY du 25. Août ,
Concernant les Engagemens limitez des Soldats
Cavaliers et Dragons , par laquelle S M. orionne
que les 8. Articles contenus en ladite Ordonnan
de , seront executez selon leur forme et teneur
ARREST du 25. Août qui maintient les
Religieux et Convent de l'Abbaye de S Denis
en France , dans la possession du droit de Bac
sur la Riviere de Seine au Port d'Asnieres , eg
en fixe la quotité.
AUTRE du 15. Septembre , qui ordonne
I. Val qu'il
2748 MERCURE DE FRANCE
qu'il sera procedé par Messieurs les Intendang
des Provinces et Generalitez du Royaume ,
l'adjudication de la fourniture de l'Estape aux
Troupes de S M. pour l'année 1734.
DECLARATION DU ROY , du 22. Septembre
, registrées au Parlement le 14. Octobre
, concernant les Billets ou Promesses.causez
pour valeur en argent,par laquelle S. M. ordonne
que tous Billets sous signature privée , au Porteur,
à ordre ou autrement, causez pour valeur ea
argent, autres neanmoins que ceux qui seront faits
par des Banquiers , Négocians, Marchands, Manufacturiers,
Artisans, Fermiers, Laboureurs , Vignerons
, Manouvriers et autres de pareille qualité ,
seront de nul effet et valeur , si le corps du Biller
- n'est écrit de la main de celui qui l'aura signé ,
ou du moins si la somme portée audit Eillet n'est
reconnue par une approbation écrite en toutes
lettres aussi de sa main ; faute de quoi le payement
n'en pourra être ordonné en Justice; voulant
néanmoins que celui qui refusera de payer le contenu
ausdits Billets ou Promesses, soit tenu d'affirmer
qu'il n'en a point reçû la valeur ; et à l'égard
de ses heritiers ou représentans , ils seront seule
ment tenus d'affirmer qu'ils n'ont aucune connoissance
que lesdits Billets ou Promesses soient
dûs. Ordonnons pareillement que tous les Billets
ou Promesses sous simple signature privée fairs
enterieurement à la date des Présentés , par autres
que ceux de la profession ou qualité cy - dessus
marquées , et qui ne seront pas conformes à
la présente disposition , soient renouvellez dans
l'espace de deux ans , ou que pour les faire valider
, la demande à fin de renouvellement ou de
payement en soit faite dans le même délai , à
défaut dequoi er ledit tems passé, lesdits Billets ou
omesses seront et demeureront nuls et de mul
I. Vol.
effet,
DECEMBRE. 1733 2749
effet : deffendons à tous Juges d'en ordonner le
payement , à la charge pareillement de l'affirmation
, suivant et ainsi qu'elle est cy - devant prescrite
et ordonuée, soit par celui qui aura signé
lesdits Billets , soit par ses heritiers ou représen
tans après sa mort.
DECLARATION DU ROY , pour la levée
du Dixiéme lu revenu des biens du Royaume .
Donnée à Fontainebleau le 17 Novembre 1733.
Registrée au Parlement le 22 Décembre , par
laquelle S. M. ordonne ce qui fuit.
ARTICLE PREMIER , Ordonnons que tous
proprietaires , nobles ou roturiers , privilegiez
ou non privilegiez , même les apanagistes ou
engagistes , payeront le Dixiéme du revenu de
tous les fonds , terres , prez , bois , vignes , marais
, pacages , usages , estangs , rivieres , moulins
, forges , fourneaux , et autres usines , cens,
gentes , dixmes , champarts , droits seigneuriaux,
peages , passages , droits de ponts , bacs & rivieres
, et generalement pour tous autres droits
et biens , de quelque nature qu'ils soient , tenus
à rentes , affermez ou non affermez.
" II. Comme aussi le Dixiéme du revenu des
maisons de toutes les villes et fauxbourgs du
Royaume , louées ou non loüées ; ensemble
celles de la campagne , qui étant louées , procurent
un revenu aux proprietaires , mêmepour les
parcs et enclos desdites maisons étant en valeur.
III. Le Dixiéme du revenu de toutes les charges
, emplois et commissions , soit d'épée , soit
de robe , des maisons Royales , villes , police .
ou de finance , compris leurs appointemens , ga
ges , remises , taxations et droits y attribuez , de
quelque nature qu'ils soient , continuëra d'être
perçu sur tous ceux sur qui on le perçoit actuellement
; et sera pareillement levé sur ceux sur
J. Vel.
qui
2750 MERCURE DE FRANCE
qui on auroit oublié de le percevoir, ou qui en au.
roient été exemptez ; dérogeant à cet effet à tous
Edits Declarations et Arrêts , en vertu desquels
l'exemption du Dixiéme pourroit être prétendue.
IV. Et pareillement le Dixiéme de toutes les
Rentes sur le Clergé , sur les villes , provinces
pays d'Etat , et autres à l'exception des Rentes
perpetuelles et viageres sur l'Hôtel de ville de
Paris , et sur les Tailles , des Quittances de fimance
portant intêret à deux pour cent , employées
dans nos Etits , ensemble des gages réduits
au denier cinquante .
V. Seront sujets à la levée du Dixiéme , toutes
les Rentes à constitution, sur particuliers ,
rentes viageres , douaires et pensions , créées et
établies par contrats , jugemens , obligations on
autres actes portant int rets : comme aussi tous
les droits , revenus et émolumens , de quelque
nature qu'ils soient attribuez tant à nos Officiers,
qu'autres particuliers , Corps ou Communautez,
soit qu'ils leur ayent été aliénez , ou réunis ; er
pareillement les octrois et revenus patrimoniaux,
communaux et autres biens et héritages des
villes , bourgs , villages , hameaux et communautez
, même les droits de messageries , carrosses
& coches , tant par terre que par eau , et ge
neralement tous les autres biens de quelque nature
qu'ilssoient , qui produisent un revenu .
le
VI. Mais attendu que les proprietaires des
fonds et heritages , maisons et offices qui doivent
des rentes à constitution , rentes viageres ,
douaires , pensions ou interêts , payeront
Dixieme de la totalité du revenu des fonds sur
lesquels les rentiers pensionnaires et autres
créanciers , ont à exercer , ou pourroient exercer
leurs hypotheques ; voulons que le Dixieme
du par lesdits sentiers , pensionnaires ou autres
I. Vol. créan
DECEMBR E. 1733. 2751
eréanciers , soit à la décharge desdits proprietaires
des fonds ; et qu'à cet effet ledit Dixiéme
soit par eux retenu lorsqu'ils feront le payement
des arrerages desdites rentes , pensions et interêts,
en justifiant par eux de la quittance du pay ement
du Dixiéme des revenus de leurs fonds .
VII. Et comme pareillement les particuliers ,
officiers , corps et communautéz , même les
communautez des villes , bourgs , villages et hameaux,
qui jouissent de droits , revenus & émo-
Jumens , de quelque nature qu'ils soient , droits
d'octrois , revenus patrimoniaux , communaux
et autres biens et héritages , droits de messageries
, carrosses , coches et autres , payeront le
Dixieme de la totalité du revenu de tous lesdits
droits , émolumens , octrois et autres biens , lesquels
peuvent être chargez du payement de rentes
, penfions , droits , taxations, émolumens ou
interes à quelque titre que ce soit voulons que
1e Dixième du par ceux qui jouissent desdites
rentes pensions, droits, taxations , émolumens
ou interêts , soit à la décharge desdits particu
liers , officiers , corps & communautez , et des
corps et communautez des villes , bourgs , vil
lages et hameaux , et qu'à cet effet le Dixiéme
soit par eux retenu , lorsqu'ils feront le payement
desdites rentes , pensions , droits , taxations
, émolumens ou interêts , en justifiant par
enx de la quittance du payement du Dixime de
leursdits revenus.
VIII. Comme dans tous les fonds sur lesquels
nous ordonnons la levée du Dixieme , ne sont
point compris les biens des particuliers commerçant
, et autres dont la profession est de faire
valoir leur argent , et qu'il est juste toutsefois
qu'ils contribuent à proportion de leurs revenus
et profits , pendant la presente guerre , ordon-
I. Vol.
none
2752 MERCURE DE FRANCE
"
nons que chacun d'eux y contribuëra , sur le
pied du Dixiéme des revenus et profits que leur
bien peut leur produire.
IX. Voulons le Dixiéme du revenu des
que
biens , ordonné être levé par nôtre presente Declaration
, soit payé suivant les rolles qui en
feront arrêtez en notre Conseil fçavoir , pour
les trois derniers mois de la presente année 1733.
quinze jours après la signification desdits rolles;
et pour chacune des années suivantes , en quatre
termes égaux , dans les mois de Janvier , Avril ,
Juillet et Octobre par preférence à tous créan
ciers , douaires et autres dettes privilegiées ou
hypothequaires ,de quelque nature qu'elles soient,
même à nos autres deniers; et que les redevables,
leurs fermiers , locataires ou autres débiteurs ,
y soient contraints par les voyes ordinaires et
accoûtumées.
X. Deffendons à tous fermiers , locataires receveurs
, oeconomes , procureurs , regisseurs ,
commissaires aux saisies réelles , tresoriers , receveurs
, commis aux recettes , dépofitaires , débiteurs
, et tous autres tenant ou exploitant des
biens de quelque nature que ce soit , dont le revenu
est sujet à la levée du Dixiéme , de vuider
leurs mains de ce qu'ils doivent ou devront cyaprès
qu'en justifiant préalablement par les
proprietaires , avoir payé le quartier courant ,
et les précedens , du Dixiéme du revenu que les.
dits fermiers , locataires et autres , chacun à
leur égard , auront à payer ausdits proprietaires;
si mieux n'aiment lesdits proprietaires consentir
que leurs fermiers , locataires et autres , seront
tenus de faire dans les termes ci- dessus
prescrits , à peine d'y être contraints , nonobstant
toutes saisies , arrêts , cessions , transports
et délegations quoiqu'acceptées , même nonob-
I.Vol. stant
1
DECEMBRE. 1713. 2713
stant les payemens d'avance qui pourroient avoir
été par eux faits , et en rapportant per le saits
Fermiers , Locataires et autres , les quittances de
ce qu'ils auront payé pour le Dixiéme en l'acquit
desdits Proprietaires , ils en demeureront dautant
quittes et déchargez envers lesdits Proprietaires
ou autres ayant leurs droits , qui seront tenus
d'allouer et passer lesdites quittances du D.xiéme
dans les comptes desdits Fermiers , Locataires et
autres qui en auront fait le payement.
XI. Et pour pouvoir fixer avec égalité, ce qui
doit être payé pour le Dixieme du revenu des
biens qui y sont sujets , ordonnons que les proprietaires
desdits biens fourniront dans quinzaine
, du jour de la publication des Presentes ,
les déclarations de leurs biens à ceux qui seront
préposez à cet effet , et en la forme qui leur sera
prescrite en exécution de nos Ordres : Sçavoir .
pour ceux de notre bonne Ville de Paris , par le
Prevôt des Marchands de ladite Ville ; et pour
ceux des Provinces , par les Intendans et Com →
missaires départis dans lesdites Provinces : Et
faute par lesdits Proprietaires de fournir leurs
déclarations dans le temps prescrit cy dessus ,
voulons qu'ils soient tenus de payer le double
du Dixiéme de leurs revenus, et le quadruple, en
cas de fausse déclaration .
XII. Ordonnons que le recouvrement des de
niers provenant dudit Dixiéme des revenus, sera
fait par les Receveurs des Tailles , dans les Païs
d'Elections ; et dans les Païs d'Etats ; par les Re.
ceveurs et Trésoriers ordinaires des Revenus de
la Province , lesquels en remettront le fonds aux
Receveurs et Trésoriers Generaux, pour être par
eux porté en notre Trésor- Royal.Duquel Dixié
me lesdits Receveurs et Trésoriers , tant Parti
culiers que Generaux , compteront en la même
Le Val
forms
2754 MERCURE DE FRANCE
forme et maniere ordonnées par nos Déclarations
pour le recouvrement de la Capitation. Et
à l'égard du D xiée du revenu desCharges, Emplois
et Commissions, Gages , Pensions et autres
revenus , sujets à la levée du Dixieme , qui se
payent par les Gardes de notre Trésor Royal ,
les Tresoriers de notre Maison , ceux des Maisóns
Royales , les Trésoriers de l'Ordinaire et
de l'Extraordinaire des Guerres , de l'Artillerie ,
de la Marine , des Galeres et autres Trésoriers ;
les Payeurs des Gages , nos Fermiers , Receveurs
Generaux et autres particuliers , et ceux des Pais
d'Etats , et tous autres comptables , ils continueront
d'en compter tant en notre Conseil ,
qu'en notre Chambre des Comptes et par tout
ailleurs qu'il appartiendra , conformément à notre
Déclaration du 27 Decembre 1710 .
Le second Volume du Mercure de ce mois , contenant
les Pieces qui n'ont pù trouver place dans le
cours de l'année , et la Table Generale, est actuellement
sous presse , et paroîtra incessamment.
TABLEP
IECES FUCITIVES , L'Homme , Ode , 2543
Discours Académ.que , &c . 2549
2557: Lettre de M. P... & c.
Reflexions sur la Reconnoissance et sur les Auteurs
,
-2560,2562
Seconde Lettre , sur la Chronologie de la nouvelle
Histoire Universelle ,
Le Soleil et les Nuages , Fable ,
Lettre à M. Titon ,
Le Triomphe de l'Amour ,
usages,
2563
2580
2581
2585
Des Hieroglyphes , de leur origine er de leurs
2587
L'Amitié , Ode ,
2609
Memoire sur l'Electricité , 2619
Ode , tire du De`profondis 2621
Eloge du P. Sanadon ,
2624
Le Triomphe de la nuit , Cantatille , 2628
Lettre sur le Systeme chronologique , 2629
Epigrammes , 2632
Lettre sur la Henriade , traduction , 2633
Poesie
Anacreontique ,
2641
Lettre au sujet de la Memoire , ibid.
Enigmes , Logogryphics , 2648
Nouvelles Litteraires des beaux Arts , & c. 2653
Histoire Bourgeoise , Rondeau ,
Pour et contre ,
Nouvelles Estampes , & c ,
Morts d'Hommes Ilustres , &c.
2656
2658
2662
2663
2666
Réponse à la Lettre sur le Bureau Typography-
& c.
que ,
Lettre de M. Thiout , Horloger , au sujet de la
Pendule de M.
2668
Avis , touchant un Supplément aux Mémoires
de l'Académie des Sciences ,
Chanson notée , et Musette en Rondeau , 2676
Spectacles ; P'Opéra d'Issé , Extrait , 2678
Nouvelles Etrangeres , de Turquie , de Pologne ,
& c.
2672
2693
Parallele de l'Election du Roy Stanislas , et de
P'Electeur de Saxe , 2697
Nouvelles, d'Allemage , d'Italie , d'Espagne et
d'Angleterre ,
2712
Siége et prise de Pizzighitone , 2717
Lettre écrite du Camp de Milan ,
2724
Escadre d'Espagne , 2727
Nouvelles de la Cour , de Paris , 2728
Service pour les Musiciens morts ,
Lettre sur la reception du Comte de Dognon ,
2739
Lieutenant Ceneral , 2734
I. Yel
ر
Benefices accordez par le Roy .
Lettte du Roy à l'Archevêque de Paris ,
Mandement du même Archevêque ,
Te Deum , chantez ,
Morts , Mariages , & c .
Arrêts notables , Edits et Déclarations ,
PAS
Errata de Novembre.
2737
2739
2740
2742
2743
2746
Age 2331. ligne 18. à lisez en. P. 2332. L
7.tiroit l.ternit. Ibid.l. 22 , dans, l. en P. 2333 .
1. 18. Anges , l . Cignes. Ibid. 1. 21. au doux son,
1. aux deux sons . P. 2335. l . 8. les doubles Colines
; l . la double Coline . P. 2361. l . 4. Banys ,
1. Bargs. P. 2363. l. 15. a la forme d'un E , l . ess
à l'endroit marqué e e. > P. 2364. 1. 17. une lame
A son côté B. 1. une larme a. son côté b, Ibid. 1.
20. lame A. l . larme a. P. 2365.1 12. l'Auteur
des deux Memoirs , 1. l'Auteur de l'un des deux
Memoires. P. 2386. 1. 17. quinzïeme, l. seiziéme.
P. 2401. 1. 32. azymptotiste , l. azymptotismes.
P.2402 . 1. 19. progession, I. progression . P. 2403 .
1. 4. du bas , parcaurier , l. parcourir , 2413. 1 .
4. six, 7. cinq. P. 2414. l. 6. même, l. mene. P.
2479. 1. 2. Neplieuf , l . Neplief.
PAS
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 2555. ligne 14. les Eloges , lisez l'Eloge .
P. 2614. 1. derniere , 1721. l. 1733. P. 2662.
1. 20. de , l. et de. Ibid. 1. 21. et , ôtez ce mot. P.
2703. 1. 25. session , I. scission.
L'Air noté doit regarderla page 2670
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
DECEMBRE. 1733 .
SECOND VOLUME.
COLLAGETES
PARCO
29 205
sand
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais
M. DCC. XXXIII.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
A VIS.
L
" 'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure vis - à - vis la Comedie Françaife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventse fervir de cette voye .
pour les faire tenir.
On prie très-inflamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
fain d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
Les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
G
mais
Les Libraires des Provinces des Pays
Etrangers , on les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , et de les faire porier fur
T'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'az
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROT:
DECEMBRE. 1733 .
********************
PIECES FUGITIVES
,
en Vers et en Prose.
Ó D E.
Par M. N...... L. C. D. B.
Uelle sainte fureur s'empare
De ma taison et de mes sens !
Sur le Lut du divin Pindare ,
Vais je former quelques accents ,
A mes yeux tout change de face ,
Ce terrible Dieu de la Thrace ,
N'occupera plus mes esprits ;
Ce sera le vainqueur de l'Inde ,
11.Vol. Qui A ij
2756 MERCURE DE FRANCE
Qui forcera le Dieu du Pinde ,
A s'énoncer dans mes Ecrits.
M
Parmi ces Campagnes riantes ,
Chantons le plus charmant des Dieux ,
Bannissez , joyeuses Bacchantes ,
La triste raison de ces lieux ;
A cette farouche ennemic ,
Des plus beaux jours de notre vie
Ne remettons jamais le sort ;
Enchantez -nous par vos prestiges ,
Et que dans nos fougueux vertiges ,
La joye éclate avec transport.
C Vents , échappez de votre chaîne ,
Déracinez les plus hauts Pins ;
Et renversez de votre haleine 2
Tours , Maisons , Forêts et Jardins ,
L'éclair brille , la Foudre gronde ,
Non , jamais la machine ronde ,
Ne sembla mieux être à sa fin ;
Qu'importe
quand je suis à table ,
Je ne vois rien d'épouvantable
,
Si ce n'est de manquer de vin.
Cresus , par d'utiles souplesses ,
Grossis chaque jour tes trésors ;
II. Vole-
Et
DECEMBRE 1733. 2757
Et pour augmenter tes richesses
Ne bois , ne mange , ni ne dors ;
Dans tes désirs insatiable ,
Parcours sur Mer les Bancs de Sable ,
Et les Ecueils les plus fameux ,
Et suivant toujours ta manie ,
Au dernier instant de ta vie ,
Travaille encor pour être heureux.
Foibles Mortels , pour vous conduire
Vers la gloire et les honneurs vains ,
Employez , pour vous mieux détruire ,
Le feu de cent bouches d'airains ;
Que par un préjugé barbare ,
Cette cruelle vous prépare
Un Triomphe toujours nouveau ;
Je le jure icy par mon Verre ;
Si je déclare un jour la guerre ,
Ce ne sera qu'aux Buveurs d'eaux .
Vous pensez que l'on vous révere ,
Petits Philosophies bourrus ,
Parce que du simple vulgaire ,
Vous êtes admirez , courus ;
Pour un Phantôme de
Sacrifiant la politesse ,
sagesse ,
II. Vol.
Et
A i
2758 MERCURE DE FRANCE
19
Et tous les plaisirs au sçavoir ,
Dans vos humeurs insupportables ,
Vous ne futes jamais capables ,
D'en faire , ' ni d'en recevoir.
Vos maximes sont détestables ,
Vils Avares , vains Conquerants ;
Vos Systêmes sont pitoyables ,
Esprits manquez , quarts de Sçavants &
Notre unique Philosophie ,
N'est que de vivre sans envie ,
Sans soucis , sans maux , sans chagrin ¿
Au sein des plaisirs Epicure
Mieux que vous , connut la nature ,
Et se fit un heureux destin .
L'Auteur de l'Ode précédente venoit
de la lire à ses amis avec qui il étoit à
- Table , lorsqu'on vint l'inviter d'aller
voir M *** , qui étoit arrivée ; ses amis
voulurent le retenir , mais il répondit à
leur empressement par ce Rondeau :
Le Dieu du Vin dans ce séjour
Venoit de rétablir sa Cour ;
Tous les Bergers dans leur Ivresse ,
Avoient oublié la tendresse ,
Et le nom même de l'Amour.
II. Vol. déja
DECEMBR E. 1733. 2719
Déja les Echos d'alentour
Ne retentissoient nuit et jour ,
Que des cris qui chantoient sans cesse »
Le Dieu du Vin.
Cupidon triomphe à son tour , ?
L'aimable Iris est de retour :
Entre ces Dieux le combat cesse ,
Lorsqu'à la servir tout s'empresse ,
On quitte pour grossir sa Cour ,
Le Dieu du Vin.
LETTRE de M. de Ponsan , Trésorier
de France , à Toulouse , à Madame
* * * sur l' Amitié préférable à l'Amours
Inë dans l'Académie des Jeux Floraux.
I'
L est tres - vrai , comme vous le dites ,
MADAME , qu'un véritable Ami est
d'une grande ressource pour soulager nos
peines et nos maux , c'est le trésor le plus
précieux et le plus rare , sur tout pour les
personnes de votre Sexe ; celles qui ont
assez de mérite pour dédaigner l'amour.
craignent , avec raison , en se livrant à
l'amitié , les jugemens du public , ce Tribunal
redoutable , qui ne voit rien qu'il
ne croye être de sa compétence , et qui
décide de tout sans examen ; la plupart
II. Vol. A iiij
des
2760 MERCURE DE FRANCE
gens sont toujours disposez à former des
soupçons injurieux , sur les sentimens
qu'on a pour les Dames ; j'ai éprouvé
cette injustice ; peu s'en est fallu qu'elle
ne m'ait été funeste auprès de vous ; tout
le monde en ces occasions , fait le tort à
l'amitié de la prendre pour l'amour ;
les Dames favorisent une erreur qui les
flatte du côté de leurs charmes et de leur
beauté,pourroient - elles éviter cet Ecueil?
Une vanité mal entendue les engage à
sapplaudir , de grossir le nombre des vils
Esclaves de l'Amour , aux dépens des illustres
sujets de l'Amitié ; plusieurs qui
ne peuvent avoir que des Amans, se font
honneur de confondre avec elles ces
personnes distinguées , qui ont sçu s'attacher
un ami fidele ; une infinité d'Experiences
n'ont pû les convaincre que l'amour
qu'elles inspirent ne suppose en
elles aucun mérite , et ne peut pas même
leur répondre qu'elles ayent de la beauté;
les vûës de leurs Adorateurs , et les motifs
qui les animent , devroient faire regarder
leurs empressemens avec mépris ,
et rendre l'amitié plus chere et plus respectable
; ses plaisirs sont purs , tranquiles
et innocens ; elle n'en goute ni n'en
recherche jamais d'autres ; la générosité
en est la source féconde ; Venus a les
11. Vol. GraDECEMBRE.
1733. 2761
Graces pour compagnes , et l'Amitié les
vertus ; mais ce qui marque bien la supériorité
de celle- cy , et qui fait le plus
éclater son triomphe , c'est que l'Amour
emprunte quelquefois son langage et se
cache sous ses dehors ; il a recours à ce
tour rafiné quand il a épuisé toutes ses
ruses et toutes ses supercheries. Ce déguisement
est l'hipocrisie de l'amour , il
aime mieux alors se trahir lui- même plutôt
que d'échoüer ; ' sa défiance décéle sa
foiblesse et sa honte ; il en fait par là un
aveu forcé N'est - ce pas un hommage
qu'il rend à l'Amitié ? Rappellez - vous ,
Madame , la belle ( 1 ) Sentence de M.de
la Rochefoucaut , que vous avez si souvent
admirée ; vous remarquerez , avec
plaisir , que ce qu'il dit du vice et de la
vertu , convient parfaitement à mon sujet
; cette conformité est aussi honteuse
pour l'amour , qu'elle est glorieuse pour
l'amitié ; elle justifie d'une maniere victorieuse
l'équité de mes invectives et de
mes éloges.
Pour s'assurer d'un accueil favorable
auprès des personnes les plus vertueuses
, l'Amitié n'a qu'à se présenter ; ce
qu'elle a de plus à craindre , c'est d'être
(1) L'Hypocrisie est un hommage que le vice:
rend à la vertu,
II.Vol. A v prise
2762 MERCURE DE FRANCE
prise pour l'Amour, et de devenir la victime
de cette erreur ; cette seule méprise
lui attire toutes les brusqueries qu'el
le essuye ; glorieuses humiliations ! Il lui
suffit d'étre reconnuë, et que tous les honneurs
soient pour elle. Tâchez , Madame,
de la distinguer à des traits certains , pour
vous épargner le chagrin où vous seriez
de lui avoir fait quelque affront; vous remarquerez
dans ses heureux favoris un
merveilleux assemblage des principales
qualitez du coeur et de l'esprit. Un Poëte
distingué a dit hardiment qu'un sot
ne sçauroit être un honnête homme ;
qualité inséparable d'un bon Ami .
Les liaisons d'une tendre amitié sont
entretenues par un commerce doux et
tranquille ; ses attentions , ses bons offices.
s'étendent aux choses importantes et sériuses
, sans oublier ni négliger les bagatelles
, ni les absences , ni les changemens
de fortune ne diminuent en rien
son ardeur ; les pertes de la beauté et de
la jeunesse serrent ses noeuds ; les vrais
amis soulagent leur douleur à la vûë
de ces infortunes per les occasions qu'elles
leur fournissent de signaler leur affection
, et de faire éclater leur tendresse.
Bien opposé à cet aimable caractère , le
temeraire Amour est toujours orageux
H.Vd. C'est
DECEMBRE. 1733. 2763
c'est le Dieu des Catastrophes , son origine
est des plus honteuses ; il doit sa
naissance à l'amour propre , source féconde
de la corruption du coeur , et des
travers de l'esprit ; digne fils d'un tel
Pere , il ne dégenere. pas ; il est aussi pervers
que son principe ; la fourberie , la
supercherie , et l'imposture sont les ressorts
cachez de toutes ses entreprises; tous
ses projets sont des crimes ; l'amitié illustre
et immortalise ses sujets , l'amour
déshonore et dégrade ses Esclaves , il est
P'ennemi irréconciliable de la bonne foy ;
leurs démêlez violens et journaliers les
ont forcez de jurer entre eux un divorce
éternel ; l'amour pur est une chimere ,
' où s'il en fut jamais , ce Phénix n'a pû
jouir du privilege de sa cendre ; on l'a
comparé justement à l'apparition des Esprits
dont tout le monde parle , quoique
personne n'en ait vu ; l'amour enfin est
le partage de la jeunesse , c'est la passion
favorite de cet âge , qui s'est arrogé
le droit d'être relevé de ses fautes, et qui
a la hardiesse de qualifier du nom d'amusemens
excusables , ses attentats les
plus criminels ; peu de gens , sans rien
cacher , ni déguiser , seroient en état ,
après leur jeunesse , de fournir une Enquête
honorable de vie et moeurs. Jose
11. Vol
A vi le
2764 MERCURE DE FRANCE
le dire , après vous , Madame , combien
d'hommes , si tous les mysteres d'iniquité
étoient expo ez au grand jour , seroient
obligez d'implorer lá clemence du
Prince pour ne pas subir la tigurur des
Loix ! Et n'oubliez pas , en faveur de votre
sexe , le sens general du nom d'homme
; la multitude des coupables leur
procure l'impunité , plusieurs abusant de
ce privilege honteux , perpétuent leur
minorité , et se rendent par là d'autant
plus criminels qu'il ne leur reste plus ni
frivoles prétextes , ni indignes excuses ;
je ne dois pas craindre de faire tort à l'amour
en le chargeant de tous les crimes
de la jeunesse , il en est presque toujours
l'auteur ou le complice..
?
La divine Amitié , ce présent du ciel ,
est de tous les âges , et de tous les Etats ;
elle en fit la gloire de tout temps ; ses far
yeurs inépuisables ne sont jamais accompagnées
de dégoûts ;, avec elle on n'a pas
à craindre de parvenir à la derniere ; les
présentes en annoncent toujours de nouvelles
, dont elles sont les infaillibles ga
rans, rien n'est capable d'en fixer le nom
bre, ni d'en borner le cours ; les vrais amis
trouvent à tous momens de nouveaux
charmes dans leur douce société ; mille
sujets interressans soutiennent et animent
II. Vola
leurs
DECEMBRE. 1733. 2765
leurs entretiens ; la délicieuse confiance
fournit toujours sans s'épuiser ; cette ressource
est plus sûre et plus grande que
celle de l'esprit. En tout genre ce qui
mérite le mépris est plus commun que ce
qui est digne d'estime ; ce caractere , matque
infaillible de leur véritable valeur
manque bien moins aux Amis qu'aux
Amans ; rien n'est plus ordinaire que l'amour
, même violent ; rien ne l'est moins
que l'amitié , même médiocre ; on peut
dire à l'honneur de celle cy qu'elle est
tout au moins aussi rare que la vertu ; ce
n'est pas- là le seul rapport qui la rend digne
de cette glorieuse comparaison.
·
Tout retentit des Eloges magnifiques
qu'on donne de toutes parts à l'Amitié ;
permettez- moy , de grace , Madame , de
les appeller des Eloges funébres , puisque
peu s'en faut qu'on ne parle d'une chose
qui n'existe plus ; on ne sçauroit , il
est vrai , faire un plus juste et plus noble
usage de la loüange ; mais l'amour propre,
qui trouve par tout des droits à exercer ,
ne s'oublie pas dans cette occasion ; le Panégiriste
, en publiant des sentimens d'estime
et de vénération pour elle , pense
souvent à s'illustrer lui - même ; on croit
se rendre recommandable par le cas
qu'on fait de cette vertu ; stériles éloges !
II. Vol. puis
2766 MERCURE DE FRANCE
puisqu'on ne voit que tres- peu de gens
qui connoissent les devoirs de l'amitié, et
bien moins qui les observent !
3
Tout le monde se glorifie de posseder
les qualitez propres à former un bon
ami , si nous en croyons les hommes sur
leur parole , il ne manque à chacun
d'eux , pour devenir des modeles de l'amitié
la plus parfaite , que de trouver
quelqu'un qui veuille les seconder dans
leurs prétendues dispositions ; ils souffrent
de ne pouvoir pas mettre en oeuvre
leurs sentimiens ; ceux dont le coeur est le
moins compatissant et le plus dur, livrez
à l'idolatrie la plus honteuse , qui est celle
de soi- même , dont l'interêt et l'amour
propre dirigent toutes les démarches 3
sont ordinairement ceux mêmes qui forment
sur cette matiere les regrets les plus
fréquens ; ils ont même le front de se
déchaîner contre les ingrats que leur
aveuglement est étrange ! où sont les
malheureux que leurs bons offices ont
prévenus et soulagez ? Sur qui se sont
répandus leurs bienfaits ? Qu'ils attendent
du moins , pour être en droit de
déclamer contre l'ingratitude et la dureté
, qu'il y ait quelqu'un dans l'Univers
qui puisse être ingrat à leur égard et qui
ait éprouvé leur sensibilité.
11. Vol
Ов
DECEMBRE. 1733. 2767
On trouve des gens qui voudroient
faire entendre que ce qui les arrête , et les
empêche de suivre leur panchant , c'est
la craipte d'être trompez , ou le danger
de faire des avances , auxquelles on ne
réponde pas ; ne soyons pas les dupes de
ces réfléxions trop prévoyantes ; quand
on est si prudent et si circonspect sur
cette matiere à s'assurer des premiers pas,
on n'est guere disposé à fiire les seconds ;
qui ne sçait point être généreux , ne sera
jamais reconnoissant; ces vertus adorables.
marchent toujours ensemble ; c'est les
détruire que de les séparer.
Vous me fournissez Madame , la
preuve de cette verité ; toutes les qualitez
d'une solide Amie se trouvent
réunies en vous ; à peine en eû je fair
l'heureuse découverte que ce merveil
leux assemblage me remplit d'admiration
, et détourna mes yeux de ce qui
attire d'abord sur vous ceux de tout le
monde , il me parut que ce seroit avilir
votre beauté d'en fire usage pour inspirer
des passions ; c'étoit une chose trop
aisée lui faire honneur , je voyois
pour
en vous avec complaisance tout ce qui
pouvoit servir de lustre à l'amitié , et lui
faire remporter sur l'amour la victoire la
plus éclatante ce ne fut pas sans des
II. Vol
efforts.
2768 MERCURE DE FRANCE
efforts puissants et redoublez que je
m'obstinai à approfondir ces idées ; les
réfléxions que je fis là- dessus furent le
plus sublime effort de ma Philosophie ;
sans leur secours j'aurois éprouvé le sort
commun , et vous m'auriez infailliblement
vû langur , comme mille autres, au
nombre de vos Amans , si vous ne m'aviez
paru mériter quelque chose de mieux
que de l'amour ; dès que je connus votre
coeur et toutes les qualitez qui le rendent
propre à faire gouter les douceurs et les
charmes de l'amitié , j'aurois rougi du
seul projet d'en faire un autre usage ; je
me suis mille fois glorifié de mon choix,
je lui do's l'heureuse préférence dont
vous m'avez honoré , et je vois bien que
c'étoit par là seulement que je pouvois
en obtenir de vous.
Mes soins assidus firent prendre le
change à vos Amans ; ils m'ont honoré
de leur jalousie , les plus clair- voyans, reconnoissant
la méprise , crurent être en
droit de faire peu de cas de mes sentimens
et de m'en faire un crime ; ils ignoroient
qu'on pouvoit vous rendre un
hommage plus digne de vous que les
leurs ; je ne me suis point allarmé , et ne
leur ai cédé en rien ; l'attachement que
j'avois pour vous étoit en état de soute-
II. Vol. Dis
DECEMBRE. 1733. 2769
nir toute comparaison ; mon amitié a
souvent fait rougir leur amour ; le vain
titre d'Amans dont ils faisoient tant de
gloire ,, a perdu tout son éclat à l'aspect
d'un véritable
ami ; ce parallele
en a détruit
tout le faux brillant.
Le succès n'ayant pas répondu à leur
attente , ils ont malicieusement affecté
de me traiter en Rival ; leur feinte jalousie
a tenté de vous faire entrer en défiance
sur mes sentimens. Ils ont essayé d'allarmer
votre délicatesse sur les jugemens
du public. C'est sur les choses qui
peuvent avoir quelque rapport à la galanterie
, que la licence des soupçons et
des propos est la plus effrénée ; le mensonge
et la médisance , la calomnie et l'imposture
s'exercent à l'envi sur cette matiere
, c'est là leur sujet favori ; ce champ
est le plus vaste qu'elles ayent pour triom
pher de l'innocence , parce qu'il est souvant
difficile de se justifier avec évidence
; les indices équivoques , les soupçons
injustes tiennent lieu de preuves completes
; le petit nombre de ceux qui tâ,
chent de sauver les apparences , tire peu
de fruit de leur contrainte, on aime mieux
tout croire étourdiment que de souffrir
que quelqu'un jouisse du fruit de ses
attentions.
II. Vol. Mal
2770 MERCURE DE FRANCE
Malgré cette funeste disposition , le
public , chez qui l'avis le plus favorable
n'a jimais prévalu , a été forcé , après
avoir quelque temps varié dans ses ju
gemens , de rendre témoignage à la vérité
; il s'est fait la violence de déclarer
que l'amitié seule formoit les noeuds qui
nous unfssoient ; cette décision fur pour
moi une victoire éclatante ; rarement on
en obtient de pareille devant un Juge
qui met ordinairement les apparences et
les préventions à la place des lumieres.
Vos Amans déconcertez se sont répandus
en murmures , ils ont donné à votre
coeur des qualifications injurieuses ; ils
l'ont traité d'insensible et de dur ; pour
ménager leur orgueil ils ont voulu vous
faire un crime du peu de cas que vous
ávez fait de leur amour ; injuste accusation
! Ils n'ont jamais été fondez à vous
reprocher votre prétendue insensibilité ,
vous vous êtes à cet égard pleinement
justifiée en faisant voir que vous réserviez
vos sentimens pour un plus digne
et plus noble usage que celui qu'ils leur
destinoient ; mal à propos ils ont appellé
dureté ce qui étoit en vous l'effet de la
glorieuse préférence que vous avez toujours
donnée à l'amitié Pour mériter et
pour obtenir toutes ses faveurs , vous lui
II. Vol. avez
DECEMBR E. 1733. 2771
avez offert les prémices de votre coeur ;
pour vous conserver digne d'elle , vous
n'avez jamais voulu la compromettre
avec l'amour ; vous avez la gloire , Madame
, d'avoir commencé par où bien
d'autres personnes de votre sexe ne peu
vent pas même finir ; leurs charmes et
avec eux leurs Amans les abandonnentils!
elles ne peuvent abandonner l'amour :
les dégoûts qu'elles ont alors à essuyer
les informent fréquemment que le temps
de plaire est passé ; s'il leur restoit quelque
mérite après avoir perdu leur beau.
elles pourroient se dédommager de
leurs pertes par le secours de l'amitié ; elles
n'auroient rien à regreter, si du débris de
leurs adorateurs elles avoient pû se ménager
un bon et fidele Arai , leur bonheur
seroit grand de connoître le prix
d'un échange si avantageux.
Ce parti ne sera jamais celui du grand
nombre ; les éclats souvent scandaleux ,
sont les dénouemens ordinaires des.commerces
galans : par le funeste panchant
des choses d'ic bas , tout tend à la corruption
, bien- plutôt qu'à la perfection ;
On voit souvent que l'amitié dégénére en
amour , mais il est bien rare que l'amour
ait la gloire de se convertir en amitié ;
cette route détournée et peu frayée a ton-
II. Vol.
jours
2772 MERCURE DE FRANCE
jours supposé d'excellentes qualitez dans
les personnes qui l'ont suivie avec succès;
revenus de la passion qui les aveugloit ,
les Amans conservent difficilement l'estime
mutuelle , sans laquelle l'amitié ne
sçauroit subsister; ceux qui ont cet avantage
ont sans doute un mérite éminent ;
on peut dire d'eux qu'ils étoient faits
pour l'amitié , quoiqu'ils ayent commencé
par l'amour ; ils méritent qu'on les
excuse d'avoir marché quelque temps
dans un sentier dont le terme a été aussi
heureux ; on doit croire , en leur faveur
qu'il y a eu de la surprise ; l'amour qui
ne connoît pas de meilleur titre que Pu
surpation pour étendre son empire , n'a
pas manqué de s'approprier des sujets de
Pamitié , qui s'étoient égarez , et a sçû
même quelquefois abuser de leur erreur ;
il n'a jamais été délicat sur les moyens de
parvenir à ses fins ; mais dès que ces
Amans privilégiez ont reconnu la méprise
, ils sont rentrez dans leur chemin ;
l'amitié leur a offert une retraite honorable
, elle a été pour eux un port tranquille
et assuré où ils ont goûté mille
délices et prévenu ou réparé de dangereux
naufrages.
Etes vous satisfaite , Madame ? trou
vez - vous que j'aye assez dégradé l'amour
II. Vol. et
DECEMBRE . 1733. 2773
pas
et exalté l'amitié ? Convenez que je n'ai
été inutilement à votre école ; si j'ai
quelques idées saines sur cette matiere
c'est à vous à qui je les dois , vos judisieuses
et profondes reflexions m'ont soutenu
dans mes sentimens ; vous m'avez
appris par vos discours la Theorie de la
Philosophie , et j'en ai appris la pratique
par les efforts que j'ai faits pour me borner
en vous voyant à la simple admiration
on est doublement Philosophe
quand on le devient auprès de vous ; vos
yeux sont de pressantes objections contre
les principes d'une science , qui fait consister
sa plus grande gloire à gourmander
les passions ; votre présence donne beau
coup d'éclat au mépris qu'on a pour l'amour
; vous sçavez qu'il a été mille fois
le funeste écueil des Philosophes les plus
aguerris , et que leur confiance n'a guere
été impunément temeraire ; mais , j'ose
le dire , je suis assuré de vous faire par là
ma cour; les charmes de vos discours ont
vaincu ceux de votre personne ; toutes
ces difficultez ont cedé à la solidité de
yos raisonnemens ; votre éloquence a
triomphe de votre beauté , nouveau genre
de victoire et le seul auquel vous êtes
sensible ! N'esperez pas que cet exemple
soit suivi ; vous êtes la premiere , et vous
11. Vol. screz
2774 MERCURE DE FRANCE
serez peut- être la derniere de votre sexe ,
qui , comblée des libéralitez de la nature,
emploira toute la finesse et la force d'un
génie heureux à faire comprendre aux
hommes que la beauté ne merite pas
leurs hommages ; ceux qui s'obstinent ,
malgré vous , à la regarder avec trop
d'admiration , vous paroissent manquer
de jugement, il a fallu pour mériter votre
estime , prendre la seule route que vous
offriez ; j'ai fuï ce que vous de extiez ,
j'ai haï l'amour , parce que vous haissiez
les Amans ; le souverain mépris que
vous marquez pour eux , m'a rendu ce
titre odieux ; mais vous m'avez appris
que je devois faire par raison , ce que je
ne faisois que pour me conformer à vos
idées .
Pardonnez , Madame , la liberté que je
me donne de parler de vos charmes , ils
font trop d'honneur à vos sentimens pour
pouvoir s'en dispenser ; vous devez même
me passer une espece de galanterie ,
qui se borne à peindre les obstacles que
j'ai eu à surmonter , pour me conserver
à vos yeux , digne de quelque preference
; vous m'avez permis de me parer du
glorieux titre de votre conquête , mais je
n'ai obtenu cette faveur qu'au nom de
l'amitié que vous sçavez être de tous les
11. Vol.
temps,
DECEM DAD. * 755° 4775
temps , au rang des vertus. Ceux qui
ont interessé l'amour auprès de vous se
sont bien- tôt apperçus du peu de crédit
qu'il avoit sur votre esprit; vous ne leur
avez pas laissé ignorer qu'étant compris
dans la liste des passions , vous n'hésitiez
pas de le mettre au rang des vices.
Je m'apperçois un peu tard,Madame
que je vais vous engager à une lecture
bien longue ; mais n'oubliez pas mon
excuse ; souvenez - vous que vous m'avez
demandé un volume , plaignez- vous si
vous voulez d'être trop obéïe ; pour moi
je ferai toujours gloire de me conformer
à vos volontez ; il m'importe d'ailleurs
que vous ne soyez pas obligée , pour vous
amuser plus long temps , de lire ma Lettre
plus d'une fois , comme vous m'en
aviez menacé , vous pourrez du moins
tirer un avantage de son excessive longueur,
elle vous servira à vous vanger de
Pennui que vous causent vos voisins ; il
ne faut pour cela que les obliger de la
lire.
इ VICT S
Sans doute , Madame , qu'à l'avenir
vous serez plus réservée à me demander
de longues Lettres vous voyez qu'il ne
faut pas se jouer à moy , je suis determi
né à executer aveuglément tout ce que
vous souhaiterez à mes périls et fortu-
11. Vol. ne
2776 MERCURE DE FRANCE
ne ; je n'ignore pas qu'en vous écrivant
aussi longuement je sacrifie les interêts
de mon esprit à ceux de mon coeur ; faites
moi la grace de croire que ce sacrifice
ne me coûte pas bien cher ; je me sens
disposé à vous en faire de beaucoup plus
considérables ; soyez persuadée que je
Vous aurai une obligation infinie toutes
les fois que vous voudrez bien me fournir
les occasions de vous donner de nouvelles
preuves du respectueux et sincere
attachement avec lequel j'ai l'honneur
d'être , &c.
22
IMITATIONE del Madrigale CVII del
Signor Cavaliere Battista Guarini, lavorata
da Madamigella MALCRESIA della
Vigna del Crusico in Bretagna.
Si fugga: l'Amore.
CHiUuol haverfelice , a lito il core ,
Non segna il crudo Amore,-
Quel lusinghier ch'ancide
Quando più scherza, e ride ,
Ma tema di Belta di leggiadria ,
L'aura fallace e ria.›
Al pregar non risponda , à la promessa
II. Vol. Nem
DECEMBRE . 1733. 2777
Non creda ; e se s'appressa ,
Függa pur , che baleno è quel ch'alletta,
Ne mai balena Amor , sc non saetta.
IMITATION.
Renoncez à l'Amour , tournez ailleurs la vuë ;
Que sur l'éclat subtil de ses apas trompeurs ;
Il blesse en caressant , en badinant il tuë ,
Des jours les plus serains , il trouble les dous
ceurs.
M
Comme un Nocher prudent . qui prévoit un
Orage ,
Pour le laisser passer , reste tranquille au port ;
Qu'ainsi l'homme au coeur tendre, évite un beau
visage ,
Qu'il fuye , et qu'il le craigne à l'égal de la
mort.
M
Qu'il soit sourd et muet , quand une Iris le
pric ;
Que même à ses sermens , il refuse sa foi ¿
Et s'il veut sans retour voir sou ame guérie ,
Qu'insensible il persiste à l'éloigner de soi.
Sur un Amant surpris quand un regard arrive
L'Enfer s'ouvre , et l'Amour lance un feu qui
fénd l'air,
11. Vol
B Mais
2778 MERCURE DE FRANCE
Mais l'Eclair ne part point , que la foudre ag
suive ,
Et la mort suit bien-tôt et la foudre et l'éclair.
****:***********
EXTRAIT du Mémoire lû à la rentrée
publique de l'Académie Royale des Sciences
, le Samedi 14 Novembre 1733. sur
une nouvelle maniere d'observer en
Mer la Déclinaison de l'Aiguille Aimanteé.
Par M. de la Condamine .
L
'Auteur commence par déclarer qu'il
est tres éloigné de vouloir chercher
à diminuer en rien le mérite des Ouvrages
a où cette matiere est déja traitée , et
en particulier des excellentes Pieces b qui
ont paru sur le même sujet , qui a été proposé
par l'Académie pour le prix de 1731 ,
Il dit ensuite que l'avantage qu'il eus
cette même année de faire le voyage des
Côtes de Barbarie et du Levant , sur les
Vaisseaux du Roy , l'ayant mis à portée
de reconnoître par lui-même les défauts
assez connus de l'instrument, appellé par
par
les marins Compas de Variation. Il a
:
a Remarques sur la Navigation , par M. de Radouay
, Capitaine des Vaisseaux du Roy , &c.
b Memoires imprimez, de Mrs Bougher et Mey
nier . Hydrographes du Roy , ¿e
11, Vol .
cherDECEMBRE.
1733. 2779
= cherché les moyens d'y remédier par un
nouvel Instrument , ou plutôt par un
changement qu'il propose de faire à l'ancien
, propre à le rendre plus exact et
plus commode dans la pratique .
Les deux principaux inconveniens du
Compas de Variation ordinaire , sont ; le
premier , que son usage exige deux Observateurs,
ce qui nuit à la précision par la
difficulté qu'il y a que les deux observations
soient faites précisément dans le mê
me instant; l'autre, qu'on ne peut se servir
de cet Instrument du moins pour observer
avec quelque justesse , que lorsqu'on
voit le Soleil bien net à l'horizon , ce qui
est assez rare , même quelquefois dans
les plus beaux jours. L'auteur propose de
rémedier à ces deux inconveniens par le
moyen d'un style perpendiculaire placé
au centre de la Rose ; l'ombre de ce style
tombera pendant tout le jour sur le plan
de la Rose et au lever ou au coucher du
Soleil , sur un rebord vertical , adhérant
à la circonférence et disposé pour rece
voir cette ombre , quand le Soleil est à
l'horison, De peur qu'un côté de ce rebord
, par son ombre n'empêche de distinguer
sur l'autre l'ombre du stile ; l'Auteur
partage ce rebord en deux demi circonférences
, l'une superieure au plan de
11. Vol. Bij de
2780 MERCURE DE FRANCE
la Roze pour recevoir l'ombre du stile le
matin ; l'autre , inférieure, pour recevoir
le soir l'ombre du Pivot , qui est dans l'alignement
du stile prolongé , et qui en
fait l'effet. Par le dégré de la circonférence
de la Rose , où répond cette ombre, on
verra d'un coup d'oeil , comme à un Ca- '
dran , et à toutes les heures du jour à quel
dégré de l'horison répond actuellement
le Soleil , qui est ce que l'on cherche.
L'Auteur a présenté à l'Assemblée un
Compas de Variation , construit sur ce
principe. Il est couvert pour contenir le
stile vertical , d'un demi Globe de verre,
au lieu du verre plan , des Compas ordinaires.
L'Auteur propose aussi un moyen
pour se passer du rebord vertical , sans
nuire à la justesse de l'Instrument, ce qui
le simplifie encore , et il observe qu'en
ce cas le changement à faire à l'ancien ,
pour lui procurer tous les avantages de
celui qu'il propose , devient si peu considérable
qu'il espere que l'Instrument
proposé n'aura pas le malheur de paroître
nouveau , et que la prévention ordi
naire contre les nouveautez n'empêchera
d'en faire l'épreuve.
pas
11. Fole
DE,
DECEMBRE . 1733 1781
****************
DEFINITION DE L'AMOUR,
´Ous m'ordonnez , Philis , de définir l'AVousmour
;
Pourquoi chercher à le connoître ¿
Il faut vous le dire en cejour ;
Il n'est pas toujours tel que vous le faites naître.
M
L'Amour est un Enfant , sa Mere est la beauté
L'Esperance , sa nourriture ;
Son emploi , de ravir à tous la liberté ,
En demeurant libre de sa nature.
Son Passage est semé de fleurs ;
On ne le voit suivre les traces ,
Que des Jeux , des Ris et des Graces &
Il verse rarement des pleurs.
M
Jeunes coeurs ,craignez tout de sa vive tendresse,
Pour vous séduire,il n'a que trop d'adresse;
En vain il vous promet mille et mille douceurs
;
Si vous accordez trop , ou trop peu de faveurs ;
Adicu,l'Amour s'envole , et reprend sa promesse.
M. J. DE DON CHERY.
II. Vol.
Biij EX
2782 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'un Mémoire sur les causes
qui ont altéré l'Eau de la Seine , pendant
la sécheresse de l'année 1731.Par
M. Jussieu l'aîné , lû à la rentrée publique
de l'Academie Royale des Sciences
le 14 Novembre 1733 .
Our que l'eau soit salubre , il faut
P qu'elle soit pure , l'impide , sans aucune
odeur , ni saveur sensibles , et que
son usage ne cause aucune maladie.
Quoiqu'en 1731 , l'Eau de la Seine fut
devenue pendant l'Eté et l'Automne plus
légere et plus limpide qu'à l'ordinaire ;
cependant ceux qui étoient obligez d'en
boire furent sujets à des sécheresses de
bouche qui leur causoient une altération
fréquente , à des dégoûts et à des nausées
dont on ignoroit la cause , à des maux
de gorge qui degeneroient en Squinancie
, à des fluxions à la tête et à plusieurs
sortes de fièvres irrégulières et opiniâtres
; ces maladies ne se guérissoient que
par le changement de boisson , ou par les
Prisannes , dont la coction servoit dé
correctif à la mauvaise qnalité de l'eau ;
les personnes au contraire, qui ne buvoient
que de l'eau de Fontaine furent
I Vol. excmDECEMBRE.
1733. 2783
exemtes de toutes ces incommoditez.
Cette observation indiquoit bien en
general qu'il devoit y avoir dans l'eau
des particules étrangeres , qui pour être
imperceptibles à la vuë , ne laissoicnt pas
d'être sensibles par les maladies qu'elles
causoient ; mais il restoit encore à dé
terminer quelle étoit la nature de ces
corpuscules . La Riviere de Seine étoit
tres- basse , on la voïoit de jour en jour
se resserrer au milieu de son lit , son sable
étoit tres - pur , et bien lavé ; le fond
n'étoit point limoneux , et l'eau n'en-.
trainoit avec elle aucune terre ni substance
étrangere , qui put lui faire contracter
quelque mauvaise qualité. Quelle pouvoit
donc être la cause de l'altération de
l'eau Devoit on s'imaginer que ce fut
certaines Plantes qui à l'occasion de la
sécheresse , étoient plus abondantes qu'à
l'ordinaire et mieux nourries à la vérité ;
on voïoit le même Phénoméne dans la
Marne , dans tous les Ruisseaux , dans
les Etangs et dans les Réservoirs , mais
ces Plantes naturellement aquatiques n'avoient
elles pas accoutumé de croître
dans la Seine Si elles y ont cru , pourquoi
les Etez précédens les mêmes maladies
n'ont- elles point regné ? C'est icy
que la Physique est obligée d'implorer le
-
II. Vol.
Biiij se2784
MERCURE DE FRANCE
secours de la Botanique , pour examiner
un peu ces Plantes aquatiques et pour
rechercher leurs différentes qualitez .
Les Plantes aquatiques ont en général
des qualitez plus sensibles que celles de la
plupart des Plantes terrestres ; les unes se
font distinguer par une odeur aromatique
tres forte, comme les Menthes d'eau;
les autres ont une odeur foetide et marécageuse
; par exemple , les Mille - feuilles
et le Preles d'eau ; presque toutes ont
une âcreté intérieure , plus ou moins sensible
au goût , comme les Cressons , les
Poivres d'eau , les Renoncules aquatiques ,
&c. quelques unes enfin , telles que les
Conserves ou Mousses d'eau , échauffent
subitement la main qui les presse , et produisent
un sentiment semblable à celui
que l'Ortie cause quand on l'a touchée.
-
Les Plantes aquatiques qui naissent
tous les ans dans la Seine , y parurent à
la vérité dès le Printems de 1731 , mais
bien différemment des années précedentes
; car celles dont la qualité est la plus
mauvaise et qui ordinairement sont
moins communes, y pullulerent en abondance
; celles au contraire dont la qualité
n'est point nuisible et qui devoient ▼
être en plus grand nombre , s'y trouverent
en moindre quantité , en comparai-
II. Vol. son
DECEMBRE. 1733. 2789
son des autres. Il est facile aux Botanistes
de rendre raison de ce Phénoméne.
La pluspart de ces Plantes , que nous
regardons comme pernicieuses , par les
effets les plus apparens qu'elles produisent
, ne végétent que dans les endroits
du lit de la Riviere où l'eau est la plus
basse et la plus dormante car pour que
les Plantes aquatiques fleurissent , il faut
qu'elles s'élevent au dessus de la superficie
de l'eau ; operation après laquelle
leurs sommitez rentrent ordinairement
dans l'eau , afin que leurs gfaines y meurissent
et s'y répandent ; c'est pourquoi
ces Plantes ne pulluloient que tres- peu
les années précedentes , parce que leur
tige dont la longueur est en quelque fa
çon déterminée ne pouvoit atteindre à la
surface de l'eau ..
De la facilité de végéter qu'avoient
ces Plantes pernicieuses, et de leur abondance
, il s'ensuivoit la suffocation des
Plantes ordinaires , dont les effets ne sont
point à craindre .
On apperçoit le même Phénoméne
'dans la végétation des Plantes terrestres au
Printems des années humides et pluvieuses
, car pour lors le bon grain est étouf
fé et maigri par une multitude de mauvaises
Plantes , aussi ce sont ces années-
II. Vol By là
2786 MERCURE DE FRANCE
là où les maladies populaires sont plus
fréquentes , soit par la mauvaise qualité
des grains qui n'ont pas eu assez de nourriture
, soit par le mélange qui se fait des
semences de ces Plantes.
Entre les Plantes aquatiques , dont on
ressent les dangereux effets , il y en a deux
principales; l'une que les Botanistes nomi
ment Hippuris , genre de Plante sembla
ble par son port exterieur à la Prele de
nos campagnes l'autre porte en latin le
nom de Confema , er en françois celui de
Mousse d'eau , à cause de sa verdure et de
son étenduë.
La premiere de ces Plantes est d'une
odeur foetide et marécageuse , qu'elle
communique facilement à la main qui la
touche et à l'eau qui l'environne ; la se
conde produit non - seulement une are
deur cousiderable à la main qui la serre ,
mais encore elle laisse à l'eau dans laquelle
on la met tremper un feu , qui quand on
la boit , cause dans la bouche une sécheresse
incommode ; et dans le gosier une
âcreté insupportable
C'étoit sur tout de ces deux especes de
Plantes que
les petites marres d'eau dormantes
, répandues tout le long de la Riviere
, étoient remplies ; et comme elles
manquoient d'eau pour être couvertes ·
II.Vol. en
DECEMBRE. 1733 2787.
entierement , la chaleur des rayons du
Soleil fanoit l'extrêmité de leurs feuilles,
et les faisoit corrompre ensuite par le
pied. M. de Jussieu ne se contenta pas
de ces observations , qui à tout autre auroient
paru suffisantes , il voulut encore
assurer son sentiment par de nouvelles
expériences.
Il fit arracher de la Riviere une quantité
suffisante d'Hippuris et de Confema ,
il fit infuser ces Plantes , tantôt séparément
, tantôt toutes deux ensemble dans
des vaisseaux pleins d'eau de Fontaine ,
et il les y laissa en expérience pendant
quelque temps; ces Plantes communiquérent
à l'eau dans laquelle elles trempoient ,
la même odeur et la même saveur désa- -
gréable que cet Académicien avoit remarquée
dans l'eau de la Seine,buë au courant
même de la Riviere au dessus de
Bercy .
M.de Jussieu ne négligea point non plus
d'examiner avec le Microscope , cette eau
macérée , dans laquelle , comme dans
celle de la Seine , il découvrit plusieurs
Insectes tres - petits , qui ne se voient ni
dans l'eau de Fontaine , ni dans celle de
Riviere qui n'aura point été altérée par
la corruption de ces sortes de Plantes.
Enfin , quoique la pourriture des petits
11. Vol.
Bvi Pois2788
MERCURE DE FRANCE
Poissons , qui faute d'une quantité suffisante
d'eau, périssent pendant la sécheres
se, puisse communiquet à l'eau une odeur
foetide ; elle ne doit point être regardée
comme la cause principale , mais seulement
la production extraordinaire de ces
Plantes aquatiques si pernicieuses ; car par
la comparaison de l'état de la Seine pen
dant l'Eté et l'Automne de l'année dernie
re et de celle - ci , avec l'état où elle étoit
en 1731 , on n'y a remarqué que les Plantes
ordinaires ; aussi n'a- t- on point observé
dans la pratique de la Médecine , les maladies
qui ont regné pendant l'Eté et
l'Automne de 1731 .
pent
Tout bon Citoyen , et à plus forte rai-
´son un Médecin zélé , doit , par ses conseils
et ses avis salutaires , mettre les Magistrats
en état de prévenir tout ce qui
altérer la santé des habitans ; c'est
pourquoi M. de Jussieu termine son Mêmoire
par trois observations, qui contiennent
les remedes propres à se garantir des
mauvais effets que pourroit produire la
sécheresse de pareilles années.
Il conseille , 1 ° . de faire nettoyer le lit
de la Riviere , sur tout au dessus de Paris
, et d'empêcher qu'il ne se forme sur
ses bords des Mares où l'eau croupisse.
2. De tenir dans une grande propreté
II. Fol les
DECEMBR E. 1733 . 2789
les cuvettes de tous les Reservoirs qui
distribuent l'eau de la Riviere , et de
faire arracher , toutes les Plantes en forme
de mousse , qui naissent à leurs parois.
3. Enfin , de tenir en bon état les
Aqueducs et les Canaux des Fontaines
d'eau vive , afin que l'eau qu'ils conduisent
puisse par son abondance suppléer
au deffaut de celle de la Riviere , dont
l'usage pendant les années de secheresse
pourroit être dangereux à la santé des
Citoyens. :
*
*XX*X*X****** ******
L'ELOGE
DE LA FIEVRE QUARTE
Fievre Jevre Quarte , belle mignone ,
Que vous êtes bonne
personne ,
Vous nous laissez en paix trois jours ,
Et ne nous tenez pas toujours ,
Comme la Fievre continuë ,
Qui par de longs assauts nous consume c
nous tuë ;
Vous valez mieux enfin que vos deux autres
soeurs ,
Qui presque sans relache exercent leurs fureurs ;
Vous êtes deux fois moins cruelle
Ft. Vol. De
2790 MERCURE DE FRANCE
J
Vousquiêtes deux fois moins cruelles
De trois jours un seul vous appelle ;
C'est agir plus honnêtement ,
Que de nous voir plus rarement ;
Aussi , quand quelqu'un vous possede ,
Malgré Medecin et remede ,
Il vous retient long - remps chez soi ;
Vous traitez de même air le Berger et le Roy;
Vous triomphez de tout l'Art d'Esculappe ,
Et le Medecin qui vous frappe .
Tombe lui- même sous vos traits
Pour moi , devotément j'adore vos atraits ;
Vous êtes à mes yeux gracieuse , charmante,
Où trouvera - t'on´une Amante ,
Ceci soit dit en secret entre nous
Aussi fidelle au rendez - vous ?
Voyez combien vous êtes tendre ,
x
Dans mon lit , sans vous faire attendre ,
Vous vous rendez entre mes bras ;
N'est- ce pas
là voler au-devant de mes pas ?
Vous me trouvez d'abord dans des froideurs
mortelles ,
Vous faites ce que les plus belles ,
Ne sçauroient faire sur mon coeur
Vous dissipez cette tiedeur ,
Pour me faire sentir une ardeur sans pareille
Ce n'est pas la seule merveille
Que vous operez sur mes sens ;
11. Vol.
Lorsque
DECEMBRE. 1733 2791
Lorsque répandue au-dedans ,
Votre chaleut me consume et m'altere ,
Un verre d'une eau fraîche et claire ,
Est cent fois plus cher à mes yeux ,
Que ne seroit le vin le plus delicieux :
Vous portez dans ma fantaisie
La plus charmante rêverie ;
Lorsque vous m'agitez , je me crois un grand
Roy ;
Cent Peuples vivent sous ma loy ;
Je suis un vrai foudre de guerre ;
Et devant moi tremble la Terre ;
Quelque autre fois Amant heureux ,
Je suis favorisé de l'objet de mes voeux ,
Souvent le bruit de ma science ,
Et de ma grande experience ,
Franchit et les Monts et les Mers ;
Je me fais adorer au bout de l'Univers ;
Après tant de bontez , Dieu sçait si je vous aimez
Pour vous mon ardeur est extrême`;
Quel amour ! non , n'en doutez pas ,
'Vous douteriez de vos appas ;
Mais , sûre de cet avantage ,
Contentez-vous de mon hommage ;
Trop d'amour cause trop de soin ,
Nous pouvons nous aimer de loin ;
Songez aux conquêtes nouvelles ,
C'est-là l'Ambition des Belles ;
II. Vol. D'autre
2792 MERCURE DE FRANCE
D'aucun soupçon jaloux , je ne puis être épris ;~
Vous pouvez à mes yeux aimer mes ennemis.
Pierre de Frasnay .
LETTRE du Jardinier Solitaire , à
M. *** au sujet d'une Lettre sur la
Greffe , inserée dans le Mercure de
P
France.
Lusieurs personnes de mes amis
m'ont apporté le Mercure du mois
d'Octobre dernier , pour me faire voir
une Lettre au sujet de la Greffe , qui
paroît m'être adressée , et qu'ils croyoient
m'interesser à cause de l'application que
je donne à tout ce qui regarde l'Agricul
ture , sur tout depuis quinze ans que je
suis chargé du soin de notre Jardin ; mais
je les ai assurez que cette Lettre ne me
regardoit en aucune maniere ; je n'en connois
pas l'Auteur qui me paroît supposé;
je vous dirai même que je n'ambitionne
pas de le connoître , tant j'ai été choqué
de la malignité de son stile ; je souhaite
seulement de me conformer , autant qu'il
me sera possible , aux grands principes
qu'il a mis au commencement et à la
II. Vol. fin
DECEMBRE . 1733. 2793
fin de sa Lettre ; c'est uniquement dans
cette vûë que je ne crois obligé de vous
dire ce que je pense de cet Ouvrage , pour,
rendre justice à M. Duhamel , qui m'a
tnujours communiqué son travail sur
l'Agriculture , peut - être par une espece
de reconnoissance des secours que notre
Jardin peut lui fournir de tems en tems
pour faire les experiences dont il croit
tirer quelque avantage.
Je distingue deux pa ties dans la Lettre
en question ; l'une qui renferme des
Observations sur l'union de la greffe avec
son sujet , et l'autre qui est une Critique
d'un Memoire de M. Duhamel , ou qui
en est plutôt une Parodie.
La premiere Partie m'a parû assez bonne
et m'a fait plaisir à lire , quoiqu'elle
n'ait rien de nouveau pour moi , puisqu'il
y a plus d'un an que M. D. m'a
fait voir les préparations qu'il avoit faites
au sujet de la greffe , et qu'il venoit
de démontrer à l'Académie...
bois
1 °. Que jamais le bois des greffes , en
fente ou en couronne , ne s'unit au
du sujet,non - plus que le bois des écussons
quand de mauvais Jardiniers y en laissent.
2°. Que l'union de la greffe avec son
sujet se fait dans la portion de l'écorce
qui doit devenir bois , c'est-à-dire, dans
11. Vol.
cette
2794 MERCURE DE FRANCE
cette partie interieure de l'écorce dont
les fibres ont une direction longitudinale,
ce que M. D. regarde comme du bois en
herbe , de telle sorte que l'union se fait
principalement par la jonction des fibres
herbaces , tant de la greffe, que du sujet,
qui correspondent les unes aux autres ,
d'abord et plus intimement par en bas ,
ensuite par en haut , même par les côtez ,
&c. mais rarement du corps de l'écusson .
avec le bois du sujet je dis rarement ,
car M. Duhamel m'a fait remarquer des
cas où cela arrive .
3º . J'ai vû avec beaucoup de plaisir
dans plusieurs préparations que M. D.
a faites sur les greffes que l'union étoit
toûjours plus intime entre certaines especes
, qui constamment réussissent bien
dans nos Pépinieres , comme le Bon Chritien
d'hyver sur Coignassier, qu'entre d'autres
qui ont toujours de la peine à s'allier
comme la Merveille d'hyver sur le
Coignassier , ce qui nous a donné lieu
de remarquer qu'assez souvent les fibres
s'inclinent et se replient pour s'aboucher,
pendant que dans d'autes cas ces fibres
se joignent sans aucune infléxion .
4. Par des dissections du Guy , il m'a
fait remarquer , tantôt la conformité , et
tantôt le peu de ressemblance qu'il y a
II. Vol. entre
DECEMBRE. 1733. 2795
entre l'union que le Guy contracte avec
les arbres et l'union de la greffe avec leurs
sujets .
5. Nous avons fait ensemble des playes
à plusieurs arbres pour en observer la
réunion ou la formation de la cicatrice ,
ce qui a encore fourni à M. D. des lumieres
sur la greffe.
6°. Enfin M. D. m'a fait voir plusieurs
fois une suite curieuse de greffes de tous
les âges , preparées de maniere à faire voir
très- clairement les progrès de leur union
avec leurs sujets.
Il est fâcheux pour le prétendu Solitaire
, que M; D. soit nanti de toutes ces
choses depuis plus d'un an , et qu'il en aft
fait la démonstration à l'Académie , et
en mon particulier je n'ai point fait de
mystere de m'en entretenir avec tous
les Curieux qui sont venus se promener
dans notre Jardin , il faut cependant
l'avouer , il y a quelque chose de nouveau
dans les Observations qui sont au
commencement de la Lettre , mais dont
je crois que M. D. ne conviendra pass
on y Tit que
dins
, la greffe
en
écusson
,
la greffe fait toujours avec le sujet un an-
-gle plus ou moins considerable , selon que
sa situation avec le sujet est plus ou moins
oblique. Comme si l'on pouvoit placer
II. Vol.
un
2/90 IVIL
un écusson plus ou moins obliquement
à l'égard de son su et . L'obliquité de la
pousse ne dépend donc pas de la situation
plus ou moins oblique de la greffe ,
puisque la situation d'une greffe en écusson
ne peut varier , mais elle dépend de la
situation du bouton ou de ce que nous appellons
l'oeil , par rapport aux autres parties
de l'écusson; et la situation de cet oeil
dépend de la situation què la branche sur
laquelle on a levé cet écusson , avoit sur
l'arbre dont on l'a coupée.
Quelques lignes après il dit : Alors la
couche de l'écorce qui est exierieure à la
couche interieure du Livre , commence à
Pousser dans celle du sujet qui lui correspond.
M. Duhamel croit que les fibres
de la greffe et celles du sujet s'allongent
mutuellement , ce qu'il avance après
* C'est pour cela que M. de la Quintinie et
mon Prédecesseur , ont recommandé de lever
toujours des écussons sur des branches droites ,
sur tout quand il s'agit de greffer des beaux Presents
ou des Inconnues , Cheneau , &c. qui sont
fort sujettes à pousser de travers, quelquefois cependant
par une fausse position des écussons , il
peut arriver que les fibres de l'écusson soient un
peu inclinez par rapport à celles du sujet et alors
la pousse fera d'abord un petit coude qui se redressera
en peu de temps , je ne sçai pas si c'est
de cette obliquité que l'Auteur de la Lettre veut
parler.
II. Vol.
des
DECEMBRE . 1733. 2797
des observations dont il a fait part à l Académie.
Il ajoûte : Mais la portion ligneuse du
sujet périt d'abord , cela est faux , et si
l'on n'a pas soin d'étêter les arbres écussonnez
, ils poussent comme si on ne leur
avoit rien fait.
On lit ensuite Pareillement la portion
ligneuse de la greffe , & c. C'est une mau
vaise méthode que de laisser du bois
dans la greffe en écusson . Quelques lignes
après il dir : Que cette portion ligneuse
ne s'unit avec aucune partie du sujet ; cola
est vrai et a été bien prouvé par M. D.
Elles cessent même de croître , continue-t'il
cela est bien necessaire , puisqu'elle meurt :
cependant il le prouve ainsi , car la por
tion ligneuse de la greffe étant parvenuë
presque vis-à- vis celle du sujet , elles font
un petit détour. Elles cessent de croître ;
pour preuve de cela : C'est qu'elles parviennent
vis - à- vis de celles du sujet , et
qu'elles font un détour. Voila ce que je
n'entends pas. Il parle ensuite assez obscurément
de la formation de la cicatrice
sur l'argot, ou de la maniere dont se ferme
la playe qu'on a faite en retranchant
la tige du sujet ; mais s'apercevant de
son obscurité , et pour se rendre plus clair
es plus intelligible dans ce qui lui reste à
II. Val. dire
2798 MERCURE DE FRANCE
c'est
dire sur la greffe en écusson , voici ce qu'il
dit : Il est bon de regarder l'écorce qui environne
la greffe , comme divisée en deux por
tions , séparées par la partie ligneuse qui en
occupe le centre. Il y a bien de la métho-
оссире
de là - dedans, mais point du tout de clatté.
Qui a jamais entendu parler de portion
ligneuse qui sépare en deux l'écorce,
qui environne un écusson ? Encore un
coup , il ne doit point rester de bois for
mé dans un écusson bien fait . Si je veux
faire entendre à quelqu'un ce que
qu'un écusson , je le distinguerai avec
M. D. en deux parties principales ; l'une
sera le bouton qui en occupe le milieu ,
l'autre l'écorce qui l'environne. Le bouton
est formé exterieurement par des
écailles membraneuses , et interieurement
par ce qu'on appelle l'oeil ou le racourci
d'une jeune branche qui est tendre et
herbassée . L'écorce qui appartient à l'écusson
se peut aussi diviser en deux parties
, l'écorce , proprement dite , est la
plus exterieure , elle est mince , membraneuse
et sert d'enveloppe à l'autre ,
qu'on appelle improprement écorce , et
qui doit devenir dans peu une couche
ligneuse.
Maintenant que nous lui avons donné
une idée claire de la greffe , nous pou
11. Vol.
YOUS
DECEMBRE . 1733. 2799
vons distinguer avec lui l'écorce qui environne
l'oeil de l'écusson en deux portions
, l'une superieure et l'autre inferieure.
La portion superieure de l'écorce ,
suivant lui , forme le plus souvent un bourelet
, qui peu peu recouvre la tige qui a
été coupée, Nous avons trop
bien vû que
le recouvrement dont il est question est
formé partie par l'écorce de la greffe et
en plus grande partie par celle du sujet,
pour que M. Duhamel convienne que
ce recouvrement soit fait le plus souvent
par un bourelet formé par un prolongement
de la greffe , qui peu à peu recouvre la tige
qui a été coupées cependant le prétendu
Solitaire persiste dans son sentiment , en
disant ; lly a des greffes où cette écorce après
avoirfait cette espece de calotte pour reconvrir
entierement le bois coupé , s'unit tellement
avec l'écorce du sujet , qu'on ne voit
aucune marque de jonction. Il n'est pas
surprenant qu'après s'être mis dans la
tête que l'argot étoit entierement recouvert
par l'écorce de la greffe , il n'y reconnoisse
plus d'union , puisqu'il la
cherche où elle n'est pas , cependant il
est sûr que cette union est quelquefois
peu apparente. Il rapporte ensuite un
exemple qui n'est pas fort interessant ,
d'un arbre qui a poussé une branche de
II, Vol.
cet
2800 MERCURE DE FRANCE
; cet endroit quelle raison y auroit il
pour qu'il n'en poussât pas de- là , comme
d'ailleurs ?
Ce que notre Solitaire dit de la greffe
en fente , revient , à peu de cbose près ,
à ce qu'il a dit de l'écusson ; ainsi nous
nous contenterons d'inviter les curieux à
aller voir une greffe de Pommier , âgée
de 14. ans , c'est , selon lui , une piece
fort précieuse , qu'il conserve avec soin
dans son Cabinet : on sera bien dédommagé
du voyage d'Auxerre.
Voilà , M. où se terminent les Observations
du Solitaire , et où commence
la Parodie du Memoire de M Duhamel ,
que je n'aurois jamais reconnu dans ceux
de l'Académie , si l'Auteur de la Lettre
ne l'avoit pas indiqué dans le Tome
de l'Année 1728 .
Premierement , il dit avoir lû dans
le Volume de cette année un Memoire
de M. D. sur la greffe , ce qui est faux ,
puisqu'il n'y a que deux Memoires de
M. D. en 1728. l'un où il découvre la
source d'une maladie du Saffran , et l'autre
où il recherche la cause phisique des
nouvelles especes de fruits ; il est vrai
que cette recherche l'a engagé à dire un
mot de la greffe , mais ce n'est que par
occasion et dans l'espace tout au plus
II. Vol. de
DECEMBRE. 1733. 2801
de deux feuilles , * ce qui dispense M.Duhamel
de l'exactitude que j'espere qu'on
trouvera dans les derniers Memoires qu'il
a faits sur cette pratique d'Agriculture ,
et où il traite en particulier de la maniere
dont la greffe s'unit au sujet ; ainsi
le Memoire cité pa Auteur de la Lettre
n'a pas la greffe pour objet principal.
Secondement , l'Auteur de la Lettre essaye
en raprochant plusieurs morceaux
détachez du Mémoire de M. D. de forcer
le vrai sens du Mémoire , pour avoir
occasion ensuite de le tourner en ridicule.
En effet , suivant la Lettre il semble
que M. D. annonce la découverte
d'une vraie glande à laquelle il attribuë
de grands avantages , pendant qu'il n'a
d'autre but que de prouver que la greffe
ne change pas les especes ; pour cela M.
D. commence par rapporter tout ce qui
* Dans le Tome de 1730. M. D. dit , j'eus occasion
l'année derniere dans un Memoire qui
avoit pour titre , Recherche sur les causes , & c.
d'examiner en passant l'Anatomie de la greffe ..
Cet examen des parties de la greffe ne m'ayant
pas paru suffisant pour détruire un sentiment assez
generalement adopté , à moins que les Observations
Anatomiques ne fussent soutenues
par des Experiences exactes et plusieurs fois réïterées
, j'ai rapporté plusieurs greffes que l'on
pratique tous les jours , &c...
11. Vol. C pa
2892 MERCURE DE FRANCE
paroît favorable à li greffe ou plutôt au
Systême qu'il combat ; il avoue qu'on ne
peut gueres concevoir que deux Arbres
de differente espece se joignent sans qu'il
en arrive une cicatrice qui soit d'un tissu
plus serré que le tissu des Bois qui se
sont joints , il ajoute qu'on voit assez
souvent des infléxions ou changemens de
directions dans les fibres et qu'il peut
bien y avoir quelque chose qui approche
de la Méchanique des gandes ; il
croît même qu'on peut attribuer à cette
nouvelle organisation la petite perfection
qu'acquerrent les fuits par la greffe , et
suppose que cette perfection sera plus
considérabe à proportion que la cicatrice
sera d un tissu plus serré , et qu'ain.
si on ne peut pas esperer que la greffe
affranchisse beaucoup les especes quand
y ayant trop de rapport entre la greffe et
le sujet l'union est si intime qu'il n'y a
presque pas de cicatrice ( 1 ) , après tout
ce sont- là de ces points de Physique où il
n'y a que de la vrai- semblance , et sur
lesquels chacun peut avoir son sentimen
; mais M, Duhamel revient bien tột
au but principal de son Mémoire , et il
dit qu'il ne voit rien dans cette organi
&
( 1 ) Ce qu'on peut voir dans un de ses Mémoires
, imprimé en 17319
LI, Vol Zie
DECEMBRE. 1733 . 2803
sation qui puisse changer les especes :
Voici comme il termine cet article.
Si en effet la glande,le filtre ou le noud
qui est produit par l'application de la
greffe , étoit capable de changer si considérablement
la séve il en naîtroit un fruit
totalement different de celui qu'on auroit
greffé ; ce qui n'arrive pas , il donne seulement
une petite perfection à la séve ,
et quelque petite que soit cette perfec
tion , elle ne laisse pas de se faire remar
quer dans le fruit ; ce que M. D. ach ve
de prouver par plusieurs expériences de
pratique,
A l'égard de l'union des fibres de la
greffe avec le Bois déja formé ; quoique
cela arrive quelquefois , je n'ai point
vû que M. D. l'eut avancé dans son Mémoire
; au contraire , il y a plus d'un an
qu'il m'a fait voir que cette union n'arrivoit
que rarement ; mais quand il seroit
vrai que M. Duhamel se seroit trompé
dans ce Mémoire au sujet de la greffe ,
ne seroit- il pas en droit d'en appeller à
la suite de son rravail sur cette matiere ?
Puisqu'on ne continue à observer que
pour acquerir de nouvelles connoissances
et rectifier les anciennes , et je n'ai rien de
mieux à faire pour l'entiere justification
de M.D. que d'exhorter ceux qui auront
II. Vol. Cij lû
2804 MERCURE DE FRANCE
lû la Lettre du prétendu Frere , à lire le
Mémoire qui a été l'objet de la critique ,
en attendant que la suite de ses Observations
soit imprimée.
Cependant comme l'ami du prétendu
Solitaire , suivant l'usage de tous les Critiques
de mauvaise humeur , ne manque
pas de taxer M. D, de Plagiaire. J'ai été
curieux de m'assurer par moi- même , si
effectivement les Auteurs citez avoient
échapé à M. D. comme cela auroit pû
arriver. Mais cette recherche n'a servi qu'à
me faire voir combien l'envie et la jalousie
déguisent les objets aux yeux
de ceux
qui sont susceptibles de ces passions.
Voici le passage de M.Tournefort: Pour
remplir le dénombrement des causes auxquelles
l'on araporté les maladies des Plantes ;
Il nous reste, à parler des bosses qui naissent
autour des greffes comme les Vaisseaux de
la greffe ne répondent pas bout à bout aux
Vaissaux du sujet sur lequel on l'a appliquée
, il n'est pas possible que le suc nourrissier
les enfile en ligne droite , si-bien
que le
cal bossu est inévitable ; d'ailleurs il se trouve
bien de la matiere inutile dans la filtration
qui se fait du sujet dans la greffe , et cette
matiere qui ne sçauroit être vuidée par aucun
Vaisseau , ni defferens ni extrotoires , ne
laisse pas d'augmenter la Bosse,
II, Vol On
DECEMBRE. 1733. 2805
On voit par le passage
de M. de Tournefort
que l'objet
de cet Illustre
Académicien
, étant
d'expliquer
comment
se
forment
les Louppes
qui se rencontrent
au lieu de l'application
de certaines
greffes
, il a recours
à l'extravasion
du suc
ligueux
; mais examine
- t-il si le noeud
,
la cicatrice
ou le cal qui naît de l'union
des deux Bois , est capable'de
changer
les
especes
c'est cependant
là le but de
M. Duhamel
, dit-il , que cette nouvelle
organisation
peut
produire
les petites
perfections
que les fruits
acquerent
par la
greffe , comme
le soupçonne
M. D. Ce
n'est point du tout l'objet
de M.de Tournefort
; ainsi tout ce que l'on peut dire >
c'est
les deux
Académiciens
ne se
que
trouvent
point
en contrariété
de sentimens
; ce qui ne peut faire que plaisir
à
M. D. H. Le sentiment
d'Agricola
ne
ressemble
pas beaucoup
plus à celui de
M: Duhamel
, mais je ne m'arrêterai
pas
à établir
cette différence
, il me fuffit de
faire remarquer
que l'Agriculture
parfaite
d'Agricola
est un Livre Allemand
,
assez nouveau
, et qui n'a été imprimé
en
François
qu'en
1732. ce qui le rend bien
postérieur
au Mémoire
de M. Duhamel
,
qui a été imprimé
en 1728. Vous voyez ,
Monsieur
, combien
le reproche
que l'on
.II. Vol. C iij
fait
2806 MERCURE DE FRANCE
fait à M.D. est ridicule , et le cas que l'on
peut faire des Critiques d'humeur ; on ne
peut que déplorer la misérable inclination
de ceux qui employent leur esprit et
leurs talens à altérer la réputation des
autres , et à les traverser dans leur travail.
J'ai l'honneur d'être , &c .
NOEL ,
Pour les Dames Religieuses de Notre-
Dame de Perpignan.
P
Aroissez , jours si salutaires ,
Jours , qui devez nous rendre heureux ;
Beaux jours , tant prédits à nos Petes
Secondez l'ardeur de nos voeux ;
Venez , volez , et que sans cesse
Vos douceurs regnent en tous lieux ;
Beaux jours , répandez l'allégresse ,
Et sur la terre et dans les Cieux.
Paroissez , &c.
›
Mais , quel enchantement ! quel éclat ! quelle
Aurore !
Mille et mille rayons dorent tous ces Côteaux;
Ciel ! quels feux apperçois- je encore !
II. Vol. Dans
DECEMBRE. 1733 . 280
Dans la nuit , un Soleil brille dans nos Ha
meaux ,
Quels sons harmonicux ! une Troupe Angeli
que
Des plus aimables chants , fair retentir les Airs
Qu'on est charmé de ses Concers !
Elle annonce par ce Cantique ,
Un Kédempteur à l'Univers.
» Chantez , Mortels , chantez Victoire ;
Un Dieu se fait Homme pour vous ;
» Célébrez sans cesse sa gloire ;
. L'Enfer va ceder à ses coups.
» Non , non , vous n'aurez plus de Guerre,
» Vos maux finissent pour jamais ,
» L'Eternel n'a plus de Tonnerre ,
"3 Quand son cher Fils donne la Paix,
» Chantez , Mortels , & c .
Mais qu'apperçois- je , 6 Ciel le Messie ado
rable
Parmi deux animaux.
Un Roy dans une Etable
A peine couvert de Jambeaux.
Quoi ! la Souveraine Puissance ,
Quoi ? ce Dieu si grand , si parfait ,
Sur le Foin , aujourd'hui , soupire après le Lait .
Dont l'homme a besoin dans l'Enfance !
II.Vol Cij Cieux
2808 MERCURE DE FRANCE
Cieux , Terre , tout s'unit pour loüer ce Sanyeur
,
Et tes Filles a , Sion , par la grace épurées -
Font retentir ces lieux des louanges sacrées ,
Que les coeurs attendris , donnent au Redempteur
,
Hautbois , Clairons , tendre Musette ,
Célébrez un Dieu plein d'amour ,
Trompette, sonnez en ce jour ,
De l'Empire infernal annoncez la défaite.
Du Dieu qui vienr briser nos fers ,
Chantons la gloire , et la tendresse ;
Livrons- nous tous à l'allégresse ,
Enfin les Cieux nous sont ouverts.
a Les Dames Religieuses..
P.. R. F. Controlleur au Bureau Général
du Tabac à Perpignan.
La Musique est celle de la Cantate, les Jardins
e Sceaux , &c.
SE
REFLEXIONS.
Elon ce proverbe plein de sens ; Non
e degne di esser obedito , chi non ha ·
modo di esser amato.
II. Vol. Gli
DECEMBRE. 1733. 2809
Gli amici falsi sono come l'ombra dell
borivolo , che se il tempo è soreno apparisce
, s'è nebulose s'asconde.
Dans quelque liaison qu'on soit avec
son ami , et quelque épreuve qu'on en
ait faite , il est toujours d'un homme
sage de se réserver un secret pour soimême.
Ama ut oditurus , odi ut amaturus ....
En amitié on ne commence guere sans
y penser , mais en amour on commence
toujours sans refléxion. Aussi tous les
commencemens de l'amour sont semblables
, mais les suites sont differentes.
Les retours de l'amitié sont difficiles ;
ceux de l'amour sont fort aisez .
Quand nos amis nous ont trompés , on
ne doit avoir que de l'indifference pour
eux ; mais on doit toujours de la sensibilité
à leurs malheurs.
Quand on sçait se faire des amis par
ses bienfaits plutôt que par son mérite ,
on est bien digne d'en avoir , mais on
n'en a pas pour cela.
Un bon coeur approuve autant la ma-
11. Vol. Cv xime
2810 MERCURE DE FRANCE
xime de ne haïr que comme pouvant
aimer un jour , qu'il déteste celle de
n'aimer que comme si un jour on devoit
haïr.
Amigo de todos y ninguno , tode es uno.
De amigo reconciliado , guarte del come
del Diablo.
Quien de todos es amigo , o es muy pobre,
• muy rico.
Il vaut mieux être juge entre ses ennemis
qu'entre ses amis , parce qu'étant
juge entre ses ennemis. , on est assuré
au moins de se faire un ami ; mais étant
juge entre ses amis , on est assuré de se
faire un ennemi et quelquefois plusieurs.
L'avarice est un mal si incurable , qu'il
semble que le temps et la mort même
ne peuvent rien sur sa tyrannie.
La prodigalité est un grand vice à la
verité , mais qui ne fait du mal qu'à
soi même et dont les autres se trouvent
bien. L'avarice est odieuse à tout le monde
, elle nuit à soi et aux autres . Nullum
etiam vitium tetrius avaritia , dit Ciceron,
I I. Vol.
pròligus
DECEMBRE. 1733. 2817
prodigus avaro esse melior videtur , quia
ipso multis , illiberalis nemini prodest , immo
nec sibi quidam utilis avaritia .
La prodigalité peut se guérir , mais
l'avarice est une maladie désesperée qui
croît avec l'âge.
Chaque passion a ses plaisirs , et quoi
qu'on regarde la vie d'un avaricieux comme
la plus miserable du monde, jusqueslà
qu'on croit que le plus grand mal qui
puisse lui arriver , c'est qu'il vive longtemps
; cependant le plaisir qu'il a de
posseder son argent , de le voir , de le
compter , d'y songer , lui tient lieu des
plus grandes joyes , et il n'y en a point
dans le monde auxquelles il fut si sensible.
L'Avare croit qu'il n'aura jamais assez
de biens ; son avidité pour ceux qu'il
n'a pas , lui ôte le moyen de jouir de
ceux qui sont en sa possession , et on
peut dire que les richesses le possedent
et qu'il ne les possede pas.
Un Avare ne fait du bien à personne ,
pas même à soy ; et il n'use pas plus
de ce qu'il a , comme de ce qu'il n'a pas.
Tam deest avaro quod habet , quam quod
non habet . Horat .
II. Vol
V ] L
2812 MERCURE DE FRANCE
L'avarice loüable est celle du temps ,
qu'on ne sçauroit trop ménager.
On est toujours très- étroitement attaché
à ce qu'on craint de perdre , et
à ce que les autres nous envient , en sorte
qu'on peut assurer qu'un Avare cesseroit
de l'être , s'il pouvoit se persuader
que personne ne lui envie ses richesses
et qu'il les possedera toujours ; l'inquiétude
nourrit l'amour qu'on a pour elles.
Non luget quisquis laudari , Gallia quarit ;
Ille dolet verè , qui sine teste dolet . Mart.
Les pleurs d'un heritier sont des ris
cachez sous un masque . Heredis fletus sub
persona risus est. Publ. Syrus.
Les disgraces et les infortunes nous
surprendroient moins si nous faisions reflexion
sur la condition de notre nature
et sur les miseres qui en sont inséparables.
On ne doit pas plus se desesperer dans
l'adversité , que se confier trop dans la
prosperité.
Quelque inégalité qui paroisse dans La
distribution des adversitez , Socrate as-
II. Vol. sure
DECEMBRE. 1733 2813
sure que si chacun apportoit toutes ses
peines pour être mises avec celles des
autres , et ensuite partagées entre tous
les hommes en parties égales , chacun
reprendroit bien vîte les siennes , sans
vouloir les partager.
Dans toutes les disgraces qui peuvent
arriver pendant la vie , le comble de
l'infortune c'est d'avoir été heureux . In
omni adversitate fortuna in felicissimum
genus est infortunii , fuisse foelicem. Boece ,
1. 2. de Consolat.
Les grandes afflictions sont muettes ,
et les petites parlent . Cura leves loquuntur
, ingentes stupent. Senec .
Le souvenir des plaisirs passez est d'un
foible secours aux afflictions présentes.
Toute affliction est supportable quand
on a du pain ; mais sans pain tout est
affliction.
Nous devons voir nos amis dans la
prosperité , lorsqu'ils nous en prient ;
mais quand la fortune leur est contraire
et qu'ils sont dans l'adversité , il faut
y courir sans attendre qu'on soit appellé.
II. Vol.
c'est
2814 MERCURE DE FRANCE
C'est l'ordinaire à ceux qui profitent
à la mort de quelqu'un de paroître toujours
les plus affligez. Nulli jactantius
mærent , quam qui maxime lætantur.
Il y a des douleurs que l'on sent davantage
quelque temps après qu'on a
commencé de les sentir , que lorsqu'on
les sent pour la premiere fois.
Nous avons beau nous piquer d'avoir
le coeur bon pour nos amis , nous ne
sentons leurs malheurs que legerement ,
du moins nous ne les sentons pas longtemps
; car presque toutes les douleurs
de compassion sont des douleurs passageres,
dont la moindre distraction soulage.
Il est mal- aisé que celui qui a le feu
en sa maison , porte de l'eau pour éteindre
l'embrasement de son voisin .
La colere est de toutes les passions la
plus dangereuse ; elle ne produit que de
méchants effets , et marque la foiblesse
de celui qu'elle possede ; car il se laisse
aller au torrent qui l'entraîne , sans voir
le précipice et sans consulrer sa raison
qui pourroit l'en détourner et l'en rendre
maître .
11. Vol. La
DECEMBRE. 1733. 2815
La raison ne veut pas toujours qu'on
trouve juste ce qui est veritablement
justę; mais la colere veut qu'on trouve
juste tout ce qu'elle estime juste.
Sono poco da temersi , coloro aquali la lingua
serve per ispada : la colera che isfoga
per la bocca , non isfoga par le mani.
Les invectives et les menaces sont presque
, toujours l'effet et la marque d'une
colere impuissante , qui d'ordinaire ne
diminuent pas la bonne opinion qu'on
a de ceux qu'on attaque.
Non teme il colerico , perche rimira l'oggetto
inquanto lo puo offendere ; non , -inquanto
puo essèr egli offeso.
ރ
La colere la plus aigre et la plus dange
reuse est celle qui sort d'un sujet dont
la vie est molle et effeminée , car les plus
foibles sont les plus susceptibles mouvemens
de cette passion. On le voit assez
dans les ignorans , les malades , les vieil
lards , les femmes et les enfans.
La colere fait toujours trouver nos
raisons meilleures qu'elles ne sont.
II. Vol.
On
2816 MERCURE DE FRANCE
On est presque toujours obligé de continuer
de sang froid , ce qu'on a commencé
en colere .
IMITATION de l'Ode d'Horace ,
Justum et tenasem , &c.
L
'Homme juste et constant dans ses moeurs
héroïques
D'un Peuple mutiné dédaigne les pratiques ,
D'un Tiran menaçant le visage enflammé :
Immobile , il soutient l'effort de la tempête ;
Ferme , il entend gronder la foudre sur sa tête ;
L'Univers tomberoit sans qu'il fût allarmé.
Pour arriver au Ciel , ce moyen fut le guide
Qui dirigea les pas de Pollux et d'Aleide ;
( Auguste boit déjà le Nectar avec eux. )
Ce fut par ce moyen , puissant fils de Semele ,
Que t'éleva jadis à la gloire immortelle
Ton Chariot traîné par des Tigres fougueux .
Par ce moyen encore et si noble et si rare ,
Le divin Romulus évita le Tartare ,
Secondé des Coursiers au Dieu Mars consacrez ;
Après qu'aux Immortels , Junon moins couroucée
,
II. Vol. Dans
DECEMBR E. 1733. 2817
Dans le Conseil Celeste , eut marqué sa pensée ,
Par ces mots à la fois chéris et réverez.
"
»Un Juge incestueux , une Etrangere infâme ,
D'Ilion, par leur crime ont allumé la flam me ,
" Et quand Laomedon aux Dieux manqua de foi ,
» Nos coeurs s'interessant à vanger cette injure ,
La perte des Troyens et de leur Chef parjure ,
Dès -lors fut résoluë entre Minerve et moy.
» Enfin , de ses forfaits il a porté la peine ,
» Cet Hôte si fameux de l'adultere Helene ;
Priam de son Hector fatalement privé ,
» Aux ravages des Grecs n'oppose plus de digues ;
» Ce débat obstiné qu'allongeoient nos intrigues,
» Ce débat malheureux est enfin achevé.
50
לכ
53
C'en est fait , je renonce à ma juste colere ;
Mon petit-fils , Troyen du côté de sa Mere ,
M'est , en faveur de Mars , beaucoup moin
odieux :
Qu'il hahite avec nous ces demeures heureuses;
Qu'il goûte du Nectar les douceurs savoureuses
;
Qu'il vienne , j'y consens , s'asseoir au rang
des Dieux .
Pourvu qu'un long trajet partage Rome er
Troye ,
11. Vol. Qu'ins
1816 MERCURE DE FRANCE
Qu'insultez des Troupeaux,qu'aux Reptiles en
proye ,
De Priam , de Paris les Buchers soient deserts ,
Regnent ces Exilez de l'un à l'autre Pole ;
» Subsiste , j'y consens , l'éclatant Capitole ;
Puisse aux Medes vaincus Rome donner des fers.
Qu'elle étende son nom jusqu'aur bornes du
Monde ,
Bornes qu'entre l'Europe et l'Affrique met
l'Onde ,
Jusqu'en l'heureux Pais par le Nil arrosé :
Qu'en ne cherchant point l'or, vrayement pru
dente et sage ,
Elle aspire à l'honneur d'en dédaigner l'usage ,
Et s'épargne l'affront d'en avoir abusé.
Que de ses traits vainqueurs les atteintes more
telles
Se fassent ressentir à tous Peuples rebelles ,
Des climats les plus chauds , aux climats les
plus froids ;
» Mais à condition qu'une pieté vaine ,
N'excitera jamais la vaillance Romaine
A vouloir d'Ilion renouveller les Toits.
» Ilion rebâti , retombera par terre.
» Je veux , moi , femme et soeur du Maître d
Tonnerre ,
Rassembler contre lui tous mes Grecs en
courroux ; » Qu'ADECEMBRE.
1733. 2819
Qu'Apollon par trois fois d'un mur d'airais
l'entoure ,
Trois fois le renversant , leur fatale bravoure
» Fera pleurer la mort des Fils et des Epoux . )
Que faites-vous, ma Muse,où tend votre délire?
Ceci ne convient pas aux accents d'une Lyrë
Destinée à chanter les Amours et les Ris ;
Vous récitez des Dieux les Discours magna
nimes ;
Gardez - vous d'achever , et de ces Chants su
blimes ,
Par vos foibles accords n'abbaissez plus le prix.
F. M. F.
SECONDE Lettre de M. D. L. R.
sur la Litterature des Mahometans , et
sur celle des Turcs en particulier.
J
E réponds , Monsieur , le plutôt qu'il
m'est possible à la derniere Lettre que
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire
de Constantinople le 30 Mars dernier ,
et je commence par l'Article le plus es
sentiel et que vous me recommandez
particulierement. Vous me demandez si
j'ai prétendu parler bien sérieusement ,
II. Vol.
2820 MERCURE DE FRANCE
du moins s'il n'y a rien d'exagéré dans
la Lettre qui concerne la Litterature des
Mahometans et celle des Turcs en particulier
, que vous avez lue dans le Mercure
de Septembre 1732. ajoûtant que
vous attendez ma réponse pour me développer
les Reflexions que vous avez
faites là-dessus et que dès à présent, c'està-
dire , sans attendre ma Réponse , vous
êtes dans le Préjugé general que les Turcs
sont d'une ignorance crasse ,
très- peu
curieux d'en sortir , &c.
Je vous dirai d'abord , Monsieur , que
j'ai écrit très sérieusement sur le sujet en
question , que je ne crois pas avoir rien
exageré et que je n'ai rien avancé sans
autorité , sur quoi je vous renvoye à ma
Lettre même du Mercure , sans préjudice
des autres autoritez que je puis encore
vous alleguer.
J'ajoûterai à cette affirmation que ce
n'est pas mon Voyage du Levant seul
qui m'a détrompé sur la prétendue ignorance
des Turcs ; je suis allé dans l'Orient
presque avec le même Préjugé où
vous êtes aujourd'hui , et que plusieurs
années de séjour n'ont pas encore détruit
chez vous , Préjugé , pour le dire
en passant , qui empêche , qui ôte l'envie
de s'instruire et de parvenir à la découverte
de la verité.
DECEMBRE . 1733. 2827
Mon voyage ne m'a donné là - dessus
qu'une premiere lueur , mais cette lueur
est devenue lumiere et certitude par les
lectures que j'ai faites depuis mon retour
des ouvrages des Mahometans Anciens et
Modernes , qui fe trouvent dans la Bibliotheque
du Roy et ailleurs , et par le
long commerce que j'ai eû avec plusieurs
sçavans d'élite en érudition orientale ,
qui ont passé une partie de leur vie dans
le Levant et qui sont morts à Paris dans
une haute réputation de vertu , et d'amour
pour la verité. Je n'en nommerai
ici que deux , sçavoir.
François Peris de la Croix Parisien
Sécretaire , Interprete du Roy pour les
Langues Orientales , Professeur en Arabe
au Collège Royal , mort sur la fin de
l'année 1713. M. Colbert le fit passer
dans fa jeunesse et séjourner fuccessivement
à Alep , à Hispaham , à Constantinople
, pour apprendre en perfection les
trois principales Langues , l'Histoire , les
Coutumes & c . des Nations du Levant.
Dans son instruction , dont j'ai une copie,
cette habile Ministre lui ordonne de
s'instruire particulierement à l'égard des
Sciences et des Arts cultivez dans ces differens
Pays. M. Petis en rapporta beaucoup
de doctrine Orientale , dequoi il a
?
11, Vol. donné
822 MERCURE DE FRANCE
·
donné des preuves toute sa vie , et plusieurs
Manuscrits utiles , dont il a tra
duit une bonne partie , entre lesquels est
la curieuse Bibliotheque de Hadgi Calfa,
Turc moderne de Constantinople , * qui
feule est capable de détruire le Préjugé
commun de la prétendue ignorance des
Mahometans & c .
Et Antoine Galland de Noyon , de
PAcadémie Royale des Inscriptions et
des Belles Lettres associé à celle des
Ricovrati de Padoue , Antiquaire du Roy,
Professeur en Arabe au Collège Royal ,
mort au mois de Février 1715 Il suivie
le Marquis de Nointel dans fon Ambassade
de Constantinople , dans son voyage
de la Palestine,et dans sa visite des Echelles
du Levant. De retour en France il fit
encore dux voyages à Constantinople
et au Levant par les ordres de M M. Col
* Ce seul Ouvrage peut détromper bien des gens,
et même quelques Sçavans , qui croyent que les
Turcs et autres Mahometans négligent les Sciences ,
trompez par des Voyageurs , qui ne sçackant pas les
Langues , n'ont pas på conferer avec les Sçavans
des l'ays qu'ils ont parcourus . Cette Bibliotheque
est une veritable Encyclopedie de toutes les Sciences
et de tous les Arts chez les Orientaux . Préface de
P'Histoire de Tamerlan , traduite du Persan pat
M. Peus de la Croix, et donnée au Public après
sa mort. 4. vol. 1 12. Paris 1722.
11. Vol. bert
DECEMBRE . 1733. 2823
1
bert er de Louvois , pour la recherche
des Medalles et des Manuscrits . ce qui
acheva de le perf.ctionner dans l'intelligence
des Langues , et dans la connoissance
de l'Histoire et de tout ce qui concerne
les Orientaux . Il étoit d'ailleurs bon
Critique , excellent Antiquaire et naturellement
Philofophe. Il a composé plusieurs
Ouvrages , dont quelques uns ont
été imprimez. De ses Manuscrits ceux
qui regardent l'Orient ont passé dans la
Bibliotheque du Roy. On lui doit l'Edition
de la Bibliotheque Crientale de
M. d'He belot , faite à Paris en 1697 ,
grand in fol.de 106 pag. et la belle Préface
qui est à la tête . a Preface dont la
(a) On fait quelque grace aux Arabes , et ils
passent pour avoir autrefois cult vé les Sciences aves
grande application. On attribue de la politesse aux
Per ans et on leur rend justice .Mais , par leur nom
seul , les Turcs sont tellement décriez , qu'il suffit
ordinairement de les nommer pour signifier une
Nation grossiere , barbare et d'une ignorance achevée
, et sous leur nom on entend parler de ceux qui
sont sous la domination de l'Empire Ottoman . Cependant
on leur fait injustice ; car sans s'arréter à
Les justifier ici de barbarie et de grossiereté , ce qui
demanderoit un détail .... On peut dire à l'égard
de l'ignorance , qu'ils ne cedent ni aux Arabės ni
aux Iersans dans les Sciences et dans les Belles- Lettrer
, communes à ces trois at.ons , et qu'ils les
cultivent presque dès le commencement de lcur Em-
II. Vol.
scule
2824 ME RCURE DE FRANCE
seule lecture est capable de détruire l'erreur
des Européens qui excluent la cul
ture des Sciences et des beaux Arts de
tout le Mahométisme.
Je pourrois , Monsieur , m'en tenir à
ces autoritez , persuadé qu'elles sont plus
que suffisantes pour confirmer tout ce
que j'ai avancé dans ma premiere Lettres
mais je ne puis omettre un troisiéme Témoin
qui se presente icy bien naturelle.
ment ; Témoin illustre et des plus recevables
sur le sujet qui est en question ;
c'est le fameux Comte de Marsigli, dort
on vient de publier un bel Ouvrage sur
l'Etat (a ) Militaire de l'Empire Ottoman ,
& c.
Ce Seigneur vint à Constantinople avec
pire. La Bibliotheque Orientale en fait foi, et observe
dans leur Histoire une suite continuelle de Docteurs
de leur Religion et de leur Loy , très fameux et
très estimez parmi eux , tant pa . leur Doctrine que
par leurs Ecrits. Ils ont aussi des Historiens trèscelebres
e: très - exacts des Actions de leurs Sultans ,
et on peut compter comme une marque de la délicatesse
de leur esprit le nombre considerable de leurs
Poëtes , qui montoit à 590. vers la fin du siecle
passé , & c. A. Galland , dans son Discours pour
servir de Préface à la Bibliotheque Orientale de
B. d'Herbelot.
(a ) STATO MILITARE dell' Imperio Ottomano
, &c. 1. vol . fol. A la Haye et à Amsterdam
1732.
11. Vol.
DECEM DK E. 1733. 2825
an Ambassadeur de la République de
Venise , n'étant encore âgé que de vingt
ans , dans le dessein de s'instruire à fond,
principalement sur le sujet que je viens
que
de dire , rempli auparavant des préjugez
ordinaires , & c . Il servit ensuite l'Empereur
dans les Guerres de Hongrie . Pris
par les Tartares,qui le vendirent au Pacha
de Témiswar , &c. il sçut mettre à profit
son infortune , pour acquerir toutes les
connoissances qui lui manquoient. Après
avoir recouvré sa liberté , il reprit ses
Emplois dans l'Armée Impériale , et il les
conserva jusqu'à la Paix de Carlowits
à laquelle il servit même utilement ; et ,
après la Paix il fut établi Commissaire
Général pour le Reglement des Limites.
Dans l'Ouvrage qui vient de paroître ,
où il ne s'agit rien moins que de Science
et de Litterature , l'Auteur n'a pû
s'empêcher de rendre là - dessus un témoignage
à la verité. Après avoir dépeint
les Turcs , qu'il dégrade tant qu'il
peut , indolens , mous , oisifs , sur tout
les Asiatiques , n'agissant que par nécessité
, &c. il se récrie contre nos préjugez
sur le point de leurs Etudes. Il par
fe de Constantinople et des autres grandes
Villes , » comme étant remplies de
Personnes instruites dans le Mahome-
II. Vol. Ꭰ tisme
2020 TRANCE
» tisme , qui sçavent au moins les trois
» Langues , le Turc , le Persan et l'A-
» rabe : Esprits cultivez en plus d'un gen-
» re de Litterature , Poëtes délicats , His-
» toriens polis , mais d'une exactitude ,
» scrupuleuse , et par là un peu ennuyeuxs
Dialecticiens subtils , Moralistes pro-
» fonds , Géomêtres , Astronomes , Géographes
, et par dessus tout grands Alchymistes
; ce qu'il a été en état , de :
» prouver par un Catalogue de plus de
» 86000 Ecrivains du dernier siécle , re
>> cueillis dans sa Bibliotheque de Boulogne
, et dont il à fourni une Copie:
» pour celle du Vatican . Si les Turcs
n'impriment pas , ce n'est pas , dit il ,
» qu'il ne leur soit libre de le faire ; leur
» motif est de ne pas empêcher une mul-
>> titude innombrable de Copistes de ga
» gner leur vie. On en comptoit 90009
>> pendant son séjour à Constantinople..
» Une autre sorte d'Etude , selon le mê
» me Auteur , c'est que nul Gouverne,
ment au monde n'est plus appliqué et
plus ponctuel que le Gouvernement
Turc , pour conserver des Registres
A
* Le Comte de Marsigli est de Boulogne , et y a
fondé une Académie . Il est des Académies Royales
des Sciences de Paris et de Montpellier , et de la
Societé Royale de Londres,
II. Vol exacts
DECEM DN E. 1733• 2027
exacts en tout ce qui regarde les Trai-,
a tez avec les Puissances Etrangeres , le..
» Domaine , le Cérémonial , l'Expédi
tion des Ordres , celles des Arrêts ou
Ordonnances et Commandemens ; l'E-
>> tat des Officiers en service , et singulie
☐rement les Finances.
Au reste , Monsieur , je vous connois
un si bon esprit , tant d'amour et de vénération
pour la vérité , pour me servir
de vos termes sur ce sujet , que je ne désespere
pas de vous voir changer un jour
de sentiment , sur tout si vous voulez
vous donner la peine d'apprendre seulement
le Turc , qui n'est pas une Langue
fort difficile, et dans laquelle je vous crois
déja initié;cela vous mettroit en état d'entrer
plus souvent dans cette grande Ville,
de laquelle vous êtes peut - être autant separé
par le préjugé , que par un petit bras
de Mer , et de vous instruire par vousmême
, en conferant avec les Gens de Lettres
, & c. Je ne doute pas que vous
in'ayez trouvé des Turcs d'une ignorance
crasse , et comme vous dites , tres- peu
curieux d'en sortir ; mais ce n'est pas
assez pour affirmet la même chose de
toute la Nation . Où ne trouve- t-on pas
dans l'Europe même , de la rusticité et de
l'ignorance ? On trouve aussi du goûr
II. Vol. Dij de
2808 MENCURE
de la Politesse , et de l'Erudition , quand
rien n'empêche d'en chercher. Mais en
voilà asez sur ce sujet.
Rien n'est plus sensé et plus dans le
vrai que ce que vous me dites , Monsieur,
sur l'impropriété du mot de Sophi , par
lequel les Ecrivains Européens , suivis en
dernier lieu par le a P. du Cerceau , désignent
le Roy de Perse. Vous convenez
qu'à ne consulter que la raison , cette
expression est tout- à fait vicieuse , comme
je l'ai prouvé dans un article de mes
Lettres , auquel votre politesse donne le
nom de Dissertation. La verité est qu'on
n'a point encore décidé dans les formes
que ce terme doive être proscrit parmi
ceux qui se piquent de parler correcte
ment mais en attendant cette décision ,
et malgré la continuation du mauvais
usage par des Ecrivains mal instruits , ou
entêtez , ibn'est pas moins certain qu'on
-he prescrit jamais contre la vérité et contre
la raison , et qu'il est toujours temps
de reclamer en leur faveur. L'usage ,j'en
-conviens ; décide le plus souvent en fait
de langue , au préjudice du bon sens et
des régles, mais c'est quand il ne s'agit
précisément que de la Grammaire. Icy il
( a ) Hissoire de la derniere Révolution de Perse
2 vol . in 12. Paris. 1728,
M. Vel.
s'agie
DECEMBRE . 1733. 2829
s'agit d'un point d'Histoire et de Critique.
J'espere m'étendre davantage sur
ce sujet dans un Ecrit que je prépare , et
qui soutiendra peut- être le titre que vous
voulez bien lui donner par avance .
J'ai enfin reçu depuis peu le beau Jusdam
, ou le Porte Lettres de fabrique
Turque , que vous m'aviez annoncé, orné
d'une broderie parlante ; et si cela se
peut dire , bien obligeante de la part de
ceux qui me font l'honneur de me l'envoyer.
Ils devoient en envoyer aussi l'interprétation
; car je ne sçai si nous aurons
bien réussi à expliquer les deux Vers Persans
qui sont si artistement brodez dessus.
C'est ce que vous pourrez faire examiner
par vos Experts . Voici comment
on a lû et interpreté icy cette galanterie
orientale.
Djah toй hemtchou ni i met ferdaous bi zevăl ,
Felicitas tua sicut gratia Paradisi sine defectu
Umr toй hemtchou middet eflāk bi chumăr,
Atas tua sicut spatium sæculorum sine numero.
On s'est servi de la Langue latine pour
mieux rendre l'original Persan , auquel
les Vers suivans , ajoutez par l'Autheur
ême de la Traduction , pourront servir
de Paraphrase :
II. Vol. Djij N...
2830 MERCURE DE FRANCE
N... qu'un bonheur durable
Soit compagnon de tes travaux ,
Qu'il soit exempt de tous les maux ,
Qu'aux biens du ciel il soit semblable.
Que des jours longs et gracieux
Rendenr ton sort digne d'envie ,
Que le terme du cours des Cieux
Soit aussi celui de ta vie.
J'ai reçu presque en même- tems et da
-même Païs , une très- belle Cornaline ,
qui à, sans doute, servi de Cachet à quelque
dévot Musulman de distinction , car
on y lit ces mots Arabes , tres-bien gravez
en caracteres Persans : Mazhar ila
faiz Aichay , c'est- à-dire , protegé par les
faveurs d'Aichay.
Aichay ou Aischah est une Personne
des plus respectables du Mahométisme
en qualité de troisiéme Femme de Mahomet
, et de Fille d'Abdallah , surnommé
depuis a Abubekre ou Pere de la Pudelle
, parce qu'à son exception , ce faux
Prophete n'a épousé que des Veuves . S'il
y a jamais eu des Héroïnes et des Femmes
sçavantes chez les Musulmans , cel
(a ) Abubckre , successeur immédiat de Mabomet
, et le premier des Califes.
11. Kola
k.
DECEMBRÉ . 1933 . 2831
le-cy doit être considérée comme la plus
celebre et la plus ancienne. Son autorité
dans la Religion fut grande de tout tems
parmi les Sunnites , ou les Orthodoxes
pour avoir retenu et transmis ce grand.
nombre de Paroles prétendues Remarquables
de Mahomet , et de Traditions ,
qui ont fait depuis un corps de Doctrine
appellé la Sunna. Aischah par cette raison
est souvent qualifiée de Nabiah ơs
de Prophétesse , et de Seddika , ou de témoin
fidele et authentique. Ils l'appel
lent aussi la Mere des Fidelles .
Sa renommée n'est gueres moins grande
dans l'Histoire du côté de la Politique
et du Gouvernement , et par la valeur
qu'elle fit enfin paroître à la fatale journée
du (a ) Chameau, dans la Bataille qu'elle
donna contre l'Armée d'Ali , pour vanger
la mort du Kalife - Othman , donnant
par sa présence et par son exemple le
mouvement et le courage à ses Troupes.
Bataille sanglante dans laquelle il y eut
près de zo mille Arabes de tuez sur la
place ; qu'elle perdit cependant avec sa
: ( a ) Ainsi nommée par les Historiens , à cause
du Chameau que montoit Aischah , lequel on ne
put jamais arrêter dans la mêlée , qu'en lui coupant
les Jarrets , ce qui donna lieu à la prise de la
Princesse , et à la déroute de son armée , c. )
II. Vol. D iiij.li2832
MERCURE DE FRANCE
liberté. Ali la lui rendit depuis , en la
renvoyant à Médine, où elle mourut l'an
58 de l'Hégire (a) , c'est à.dire fort âgée,
et fut inhumée auprès de Mahomet son
Epoux.
Je vous envoye avec plaisir, le Plan de
la Principale Face de la Mosquée de sainte
Sophie de Constantinople , gravé icy
par le Sr Surugue , Graveur du Roy , à
l'occasion duquel on a fait en peu de
mots la Description et l'Histoire de ce
fameux Temple, dans le II.Vol.du Mercure
de Juin 1732. Cette Description a
donné lieu à une Critique . M. A .. . de
Marseille , qui a séjourné à Constantinople
, soutient que l'eau de la Mer entre
dans les voutes souterraines , sur les
quelles tout l'Edifice est bâti , et qu'on
peut y aller en Batteau ; circonstance
qu'il ne falloit pas , dit-il , omettre dans
cette Description ; promettant de don
ner là-dessus un Ecrit , qu'il ne donne ce
pendant point.
J'admire , Monsieur , votre complaisance
, laquelle , quoique persuadé du
contraire , par la haute situation où se
trouve cette Mosquée , et par son grand
éloignement du Niveau de la Mer , vous
a porté à vouloir éclaircir ce fait extraor
(a ) 677 de JESUS -CHRIS T.
1x 11. Vol.
diDECEMBRE.
1733. 2833
'dinaire. Cet article de votre Lettre est
réjouissant ; il me semble vor ce vieux
Officier de la Mosquée , chargé du soin
de conduire par tout les Etrangers de
distinction , que vous avez consulté,douter
d'abord , si on lui parloit sérieusement
, puis hausser les épaules , éclater
de rire , et enfin après avoir repris son
sérieux , et bien promené sa main sur sa
barbe , vous assurer gravement qu'il n'y
avoit point d'autre Eau sous Sainte Sophie
, que celle d'une Citerne tres - spacieuse
, d'où on la tire pour l'usage des
Gens attachez au service de la Mosquée ,
par un Puits , dont l'ouverture est dans
le Temple même , et que le reste de ces
Voutes souterraines est divisé en plusieurs
Magazins remplis de Munitions de
Guerre , &c. Cet article mérite d'être
communiqué à M. A... si ses autres Mémoires
sur Constantinople ne sont pas
plus exacts , on ne lui conseille pas de les
mettre au jour.
Au reste j'ai été ravi de voir confirmer
par votre Officier de Sainte Sophie , tout
ce que Guillaume-Joseph Grelor, fameux
Ingénieur François , avoit déja dit de
Eaux souterraines de cette Mosquée
presque dans les mêmes termes , en mar
quant dans ses Plans , la Place précise
II. Vol Dv P
2834 MERCURE DE FRANCE
Puits , de la Citerne , des dégrez pour
descendre aux différens Robiners , & c,
Ce qui marque la grande exactitude de
ce Voyageur , envoyé exprès dans le Levant
par le feu Roy , et dont nous avons
un excellent Ouvrage sur Constantino
ple. Je suis , Monsieur , & c.
A Paris , ce fuillet 1733 .
BALADE, en l'honneur de l'Immaculée
Conception de la Sainte Vierge , qui a
remporté le prix au dernier Palinod , à
Caën. Le sujet est le Laurier , vain
queur du Tonnerre.
Descends de ton sacré Parnasse ,
Vien me seconder , Dieu des Vers ;
Du Laurier les charmes divers
Flatent ma Poëtique audace.
Soutien ton vol ambitieux ,
Muse commence la carriere ,
Et chante en ce jour glorieux ,
L'Arbre que la Foudre révére.
Tandis que les Vents et la Glace ;
Ravagent ce vaste Univers ,
Ciel ! que le vainqueur des Hyvers
II. Vol. Nous
DECEMBRE. 1733. 2835.
Nous montre d'appas et de grace !
C'est toi , Soleil officieux ,
Qui par quelque secret Mystere ;
Fais toujours briller à nos yeux ,
L'Arbre que la Foudre révére.
Jeunes Fleurs , dont l'Eclat surpasse
Celui des plus brillans Eclairs ,
Cedes au Héros de mes Airs ,
Le moindre souffle vous efface ;
En butte aux Orages affreux , j
Par un fortuné caractere ,
Il est en tout temps , en tous lieux ;
L'Arbre que la Foudre révére.
Allusion.
Vous , qui par un destin heureux ,
Des Enfers bravez la colere ,
N'êtes - vous pas Reine des Cieux ,
L'Arbre que la Foudre révére ?
Par M. HARD O Ü I N.
XX-XXXXXXXX XXXXXXXXXXX
LETTRE sur les Bains de Toul et les
Valantines de Metz.
V *
Ous m'avez demandé , M. si dans
les Statuts du Chapitre d'une
Cathedrale où l'Alleluia étoit autrefois
enterré réellement par les Enfans de
Le Chapitre de Toul en Lorraine.
II.Vol.
Dvj Choeur
2836 MERCURE DE FRANCE
Choeur , le Samedy du Dimanche dans la
Septuagesime , il n'y auroit point d'autres
pratiques aussi capables de faire connoître
la grossiereté de certains siécles , que
l'étoit celle là . Il y a long- tems que vous
me pressez là- dessus : mais comme it auroit
fallu suivre ces Statuts presque d'un bout
à l'autre et que vous parler de quantité
de choses qui sont traitées dans le glossaire
de M. Du Cange , sur la foi de quelques
autres monumens de pareille espece,
j'ai crû ne devoir m'attacher aujourd'hui
qu'au zele qu'il paroît qu'on prenoit
dans le quinziéme siécle , à distinguer la
fête de Pâques par un concours general
de tout le Clergé dans la Cathedrale.
Il falloit dans cette Eglise que tout le
Clergé se trouvât à Matines à l'heure de
l'Aurore , ad laudem Refurrectionis Domini
quam in aurora dieifactam credimus extitisses
non - seulement l'Evêque et tous les Chinoines
aussi - bien que les Habituez du
Choeur y étoient tenus étroitement les 3.
fêtes d'après Pâques,mais encore tous les
Curez de la ville ; et ce à quoi vous ne
vous attendez peut être pas , c'est que
les Abbayes éloignées de cinq, dix , quinze
lieües et même davantage , devoient aussi
y envoyer de leur part , de même que cxaines
Egli es Collegiales qui avoient des
II. Vol. maisons
DECEMBRE. 1733 2837
maisons d'Hospice dans la Ville Episcopale.
Ce concours general se faisoit ad ser
viendum Ecclesia in Laudem resurrectionis,
et Cathedralis Ecclesia honorem ac reverentiam,
comme le disent les mêmes Statuts ,
jusques-là on ne voit rien que de loiable
, rien qui ne ressente la grandeur du
Mistere qu'on celebroit , et qui ne fasse
voir la subordination des Eglises du Diocèse
à l'Eglise Cathedrale. Les Evêques
introduisant des Reguliers dans les Eglises
subordonnées aux Cathedrales , les soumettoient
aux mêmes obligations ausquelles
ctoient tenus ceux qui avoient occupé
ces Eglises avant eux.
Ici ( a ) au huitiéme siécle, ce devoir
étoit partagé durant toute l'année ; toutes
les Communautez et Paroisses du Dio .
cèfe devoient rendre service à l'Eglise.
Cathedrale , chacune pendant une femaine:
les Paroisses les plus éloignées durant
l'Eté ; les moins éloignées , dans les sai-
(a)La Charte d'Alain , Evêque d'Auxerre ,
de l'an 1163. touchant l'introduction des Chanoines
Reguliers de Saint Satur en Berry , dans
P'Eglise de S. Amatre , ancienne Abbaye , soumise
à la Cathédrale d'Auxerre , porte cette réserve
: Salvis institutionibus que sunt inter Ecclesiam
S. Amatoris et beati Stephani , qui est l
Cathédrale.
II. Vol
S
2838 MERCURE DE FRANCE
sons où les jours sont plus courts ; et les
maisons de Clercs ou de Moines , durant
les six mois des plus petits jours. Voyez
le Pere Labbe. T. 1. Bibl . nova mss . p .
428. ou plutôt le Pere Martene. De ana
tiqua Disciplina in Div. Off. page 11. où
vous trouverez le mois de Septembre
rempli comme les autres , et non pas
vuide comme l'a representé le Fere Lab.
par l'inadvertance de ses Copistes : ce
qui a trompé d'abord Dom Mabillon
qui a écrit que les Vendanges pouvoient
avoir fait suspendre alors ces devoirs de
POffice divin. ( a )
be
Nous ne sçavons pas combien cet usage
dura . Mais au dixiéme siécle c'étoit
aux Fêtes de la Pentecôte que de tout le
Diocèse , les Curez devoient venir rendre
leurs devoirs à la Cathedrale , accompagnez
de leurs peuples, sans que les
plus éloignez comme sont ceux de dixhuit
et dix- neuf lieues en fussent exceptez.
( b ) Nous ne voyons d'autre puni
*
( a ) Sac. iij Bened.
(b ) C'étoit aussi dans le temps des grands
jours , sçavoir , le Dimanche d'après la Trinité ,
que tous les Curez du Diocèse de Tréguier en
Bretagne devoient venir avec leurs. Peuples à la
Cathédrale pour honorer S. Tugal. Cet usage
s'observoit encore au xiv . Siecle , et il Y avoit
trente sols d'amende contre les négligens . Statuta
ynod. Trecor. t. 4. Thess. Anecdat, pag. 1104.
"
DECEMBRE 1733 , 2839
*
tion presente contre les Abbez et les Pretres
qui seroient négligens à s'acquitter
de ce devoir Cathédratique , qu'une privation
de vin qui leur étoit imposée pendant
quarante jours. C'est ce qu'on appelleroit
aujourd'hui une Pénitence, et qui
seroit une rude mortification . Mais vous
allez voir ce qu'on faisoit à Toul. Il n'est
pas dit que ceux qui refusoient de venir
à l'Office de la Cathédrale , ou qui s'y
rendoient tard et avec répugnance , fussent
privez de vin ; je lis seulement dans
le trente-deuxième Statut de la Collection
, approuvée en 1497 , qu'on leur
faisoit boire de l'eau : Et comment.
Les Soudiacres , et les petits Chanoines
se faisant prêter main- forte par les Domestiques
des Chanoines dignitaires étoient
chargez de les arrêter et de les jetter
dans l'eau, ( apparemment de la Moselle
qui passe au bas de la Ville) prenant
cependant la précaution de ne les pas
noyer. Autre restriction : C'est que si c'é
toit une personne de mérite ou de conséquence
qui eut manqué à ce devoir , elle
pouvoit se liberer de cette inmersion ,
pour la somme de deux sols . C'étoit une
espece de rachat , qui pourroit- être ajou
té à ceux dont M. du Cange a parlé dan
son Glossaire.Le texte latin vous prou
II. Vol.
2840 MERCURE DE FRANCE
ra que je n'ai point employé d'expression
qui n'y fut contenue. Il vous paroîtra
peu sérieux , mais il n'en est pas
moins véritable ; et après l'Extrait du Ĉérémonial
de Viviers , que je viens de lire
dans la nouvelle édition du Glossaire , au
mot Kalenda , la gothicité de cet usage
du quinziéme siécle me paroît devoir
encore le ceder à ceux qui se lisent dans
ce Cérémonial , qui est du quatorziéme.
Si aliqui ex prætactis vel contumaciâ ant
torpentiâ defecerit,projiciundus est in aquam,
non periculosè tamen , in signum baptismatis
Christi , quod Apostoli post ejus resurrectionem
ferventi animo predicaverent.Tamen si
ex prænominatis aliquæfuerint honeste persone
, admittantur ad gratiosam redemptionem
non excedentem duos solidos cursibiles , nisi
suâ liberalitate absque aliquâ coactione amplius
conferre voluerint. Et ista redemptiones
Maranciis Ecclesia ...
Il manque icy quelque mot dans ma
copie.
Suntque hujusmodi poena executores Subdiaconi
feriati et Canonici minores cum familiis
Canonicorum dignitates obtinentium ,
sed non impetuosè cum armis aut violentiis
periculosis , imo sub honestis persuasionibus
et moderaminibus virium ne inde scandala
contingant , &c.
II. Vol. I
DECEMBRE. 1733. 284Y
Il paroît que ce Bain ne se faisoit point
malgré les personnes qui devoient le su
bir , et qu'on tâchoit de persuader ceux
qui étoient dans le cas , de s'y prêter de
bonne grace ; mais l'allusion au Baptême
de N. S. me paroît icy hors de son lieu
En un mot , il falloit là comme icy, quelque
chose à Pâques pour divertir ; et je
vois par ce qui suit , que les Laïques
couroient aux Bains de Toul , comme à
la Pelote d'Auxerre , dont il a été ample
ment parlé dans le Mercure du mois de
May , de l'an 1726.
Je vous avois promis aussi , M. l'interprétation
du mot de Valentina, que vous
dites être de la compétence du Glossai
re. Je ne le trouve que dans des Statuts
Synodaux du Diocèse de Metz , rédigez
dans le siecle dernier . Je lis cette deffense
à la page 109. du Recueil imprimé à
Metz en 1699. Parochi vehementer horten
tur Parochianos suos ut abstineant ... àà pi
blicis saltationibus et nescio quibus pravis
consuetudinibus que vulgò Valentine nuncupantur.
Un Sçavant personnage de la
Ville de Metz (a ) de qui je tenois l'explication
des Fêtes du Tonnerre , marquées
dans les mèmes Statuts , m'en
( a ) M. l'Abbé Brayer , Chanoine de la Ca
thedrale , et Vic. Gen. de M. l'Evêque.
IL. Vol.
don
2832 MERCURE DE FRANCE
liberté. Ali la lui rendit depuis , en la
renvoyant à Médine, où elle mourut l'an
38 de l'Hégire (a) , c'est à.dire fort âgée,
et fut inhumée auprès de Mahomet son
Epoux.
Je vous envoye avec plaisir, le Plan de
la Principale Face de la Mosquée de sainte
Sophie de Constantinople , gravé icy
par le Sr Surugue , Graveur du Roy , à
l'occasion duquel on a fait en peu de
mots la Description et l'Histoire de ce
fameux Temple , dans le II.Vol.du Mercure
de Juin 173 2. Cette Description a
donné lieu à une Critique . M. A ... de
Marseille , qui a séjourné à Constantinople
, soutient que l'eau de la Mer entre
dans les voutes souterraines , sur les
quelles tout l'Edifice est bâti , et qu'on
peut y aller en Batteau ; circonstance
qu'il ne falloit pas , dit-il , omettre dans
cette Description ; promettant de don
ner là -dessus un Ecrit , qu'il ne donne ce
pendant point.
J'admire , Monsieur , votre complaisance
, laquelle , quoique persuadé du
contraire , par la haute situation où se
trouve cette Mosquée , et par son grand
éloignement du Niveau de la Mer , vous
a porté à vouloir éclaircir ce fait extraor
`( a ) 677 de JxsUS CHRIST.
11. Vol
di
DECEMBRE . 1733. 2845
pour laquelle on s'efforce inutilement de les expliquer.
La solution que l'Auteur du Prob ême
donne à cette difficulté , par l'éxaltation d'une
nature inférieure , comme du point à la ligne ,
de la ligne à la surface , de la surface au solide
est opposée au Systême des Infinitaires , que
composent les Plans d'autres Plans infiniment
petits , et les solides d'autres solides pareillement
elementaires. L'Auteur du Prob ême ajoûte : » le
» passage du fini à l'infii n'a ici rien de plus
extraordinaire que ce raisonnement , où il est
incontestable . Je prends un écu , puis un demi
❤écu , puis un quart , un demi quart , &c . Cela
fait un mouvement croissant et qui peut tou-
»jours croître à l'infini ; ou bien par un mouve
32 ment instantanée et fini , je prends d'un seul
» coup deux écus , cela va au même ; et que sçait
» on même si ce n'est pas plutôt le premier que
le second de ces mouvemens qui est infini
»Au moins le premier ne finit pas , et le second
finit aussi - tôt.
Comment l'Auteur du Problême entend-il que
ces deux mouvements vont au même , puisque
de son aveu , le premier ne finit pas et que le
second finit aussi tot ? Le fini ne contient point
P'infini , à moins qu'on n'ajoûte ce correctif, que
c'est un infini essentiellement concentré dans
son enveloppe et inépuisable dans sa mine, qu'au
cun développement ne peut épuiser, La divisibilité
à l'infini est la contradictoire de la division
à l'infini . L'infiniment petit est un indivisible, qui ,
par consequent est exclus de la divisibilité à l'in
fini. Autrement ce seroit rejetter , et admettre les
indivisibles , exclure et supposer les arômes. Bien
loin de conclure de la divisibilité à l'infini , que
Ja matiere contienne une infinité de parties ,
II. Vol.
2848 MERCURE L FRANCE
prolongement qu'on a supposé capable d'auge
mentation à l'infini , étoit achevé et rendu infini,
ou supposé infini , le prolongement infini seroit
toujours égal à la premiere dimension finie de
ce morceau de cire ou de ce lingot d'or. Voilà
en quoi la supposition renferme les deux contradictoires
; sçavoir , que le morceau de cire ou le
lingot d'or puissent être prolongez toujours de
plus en plus , et que leur prolongement soit terminé
, c'est- à - dire qu'ils passent du fini à l'infini
, ou d'un degré inferieur d'infini à un degré
superieur. Car quelque prolongement qu'on ait
donné à ce morceau de cire, ou à ce lingot d'or,
puisque ce prolongement est toujours capable
d'augmentation à l'infini , il ne peut jamais ête
achevé , à quelque progrès d'extension qu'on
l'arrête , il est fini , et étant égal à la dimension
originaire,c'est une quantité finie égale à une autre
quantité finie ; mais il est impossible et contardictoire,
que l'infini et le fini soient égaux entr'eux
, comme on prétend neanmoins le démon
trer dans les Livres des plus sçavans Géometres ,
au sujet des espaces asymptotiques hyperboli
ques , et en plusieurs autres occasions.
Suivant les Principes du Systême de l'Infini ,
les rayons d'un cercle sont des quantitez constantes
qui n'ont point de difference , mais suivant
les mêmes Principes , le cercle étant un polygone
d'une infinité de côtez, le rayon ne peut
être égal à l'apotême. Outre que l'infiniment petit
, comme je l'ai démontré , est un être de raison
, en le supposant neanmoins , le cercle ne
$
* Guinée , l'Hopital , Memoires de l'Académie
Royale des Sciences. Elemens de la Géometrie de
PInfini de M. de Fontenelle , &c.
II. Vol.
peur
DECEMBR E. 1733. 2849
f
peut être un polygone d'une infinité de côtez ,
ar si l'approximation des apotêmes est infinie , il
n'y a plus de polygone . Cette proposition que
le cercle est un polygone d'une infinité de cô ez,
est d'Archimede , ce grand Géometre en a fait
la supposition , pour parvenir à l'approximation
la plus exacte de la quadrature du cercle . S'il
avoit donné cette supposition pour géométrique,
ce seroit le cas d'appliquer ce qui a été dit par
le celebre Viette ; la conclusion d'Archimede ne
peut être juste , que celle d'Euclide ne soit fausse . *
Si verè Archimedes , fallaciter conclusit Euclides.
Car suivant Archimede , les rayons du cercle ne
pourroient être égaux entr'eux , au lieu que , suivant
Euclide , ils sont nécessairement égaux en-
2
ဘ
tr'eux .
Pour prouver le passage du fini à l'infini , on
alleguera peut - être que dans les Démonstrations
appellées de maximis et minimis , il se fait un
passage du fini à l'infini . Voici comment le Marquis
de l'Hôpital ** s'exprime à ce sujet. » On
conçoit aisément qu'une quantité qui diminuë
» continuellement
, ne peut devenir de positive
négative , sans passer par le zéro ; mais on ne
voit pas avec la même évidence , que lorsqu'elle
augmente elle doive passer par l'infini ..
C'est ce qu'il entreprend de démontrer. Je soutiens
au contraire que ni l'infiniment grand ni l'infiniment
petit ne se rencontrent jamais dans les
courbes . Il est vrai que du positif au négatif , on
passe toujours par zero , mais ce passage n'a rien
de commun avec l'infiniment petit , et le changement
d'une quantité qui augmente , ne la fait
* Viette , Supplem . Géometr.
** Anal. des infinim. petits. §. 3. pag. 42 .
II. Vol. E 104-
10.30 ༔ ་ ་ ༧ 、འ ད" c
non-plus jamais passer par l'infiniment grand. Le
changement qui donne liea à cette expression de
l'infini , c'est que la soutangente devient perpen
diculaire ou parallele. Dans les chiffres il est
clair , que soit qu'on descende des nombres entiers
aux fractions , soit qu'on remonte des frac
tions aux nombres entiers, le passage est toujours
le même par zero , sans que l'infiniment grand ni
l'infiniment petit y entrent pour rien .
Si l'on attribue l'infiniment grand à tout ce
qui est parallele , si un côté du triangle differen
ciel devenant nul , l'autre côté est infiniment
grand par rapport à ce côté qui devient nul , en
ce sens- là on pourra dire que tout ce qui existe de
plus petit dans la Nature , est infiniment grand .
Il faut donc avertir que par cette expression de
grandeur infinie , on doit entendre tout ce qu'on
peut concevoir de plus petit ; l'infiniment grand
et l'infiniment petit sont confondus. Qui ne
voit que ces expressions sont entierement contraires
aux idées qu'elles représentent ? Répondra-
t'on au sujet de ces expressions de l'infiniment
grand et du plus qu'infini , que les noms
des choses sont arbitraires ? Mais les noms des
choses ne doivent jamais présenter un sens opposé
aux idées generales , et à plus forte raison ,
aux veritez primitives et incommutables , et aux
notions claires dans lesquelles consiste l'évideace
même. Aristote , Ciceron , et plusieurs
Naturalistes , ont parlé d'un petit animal aîlé ,
qui ne vit qu'un jour , et qui pour cette raison a
été appellé Ephémere.Si l'on découvroit quelque
animal dont la vie fût bornée à la moitié d'un
jour et que les Naturalistes s'exprimassent ainsi ,
le petit animal qui ne vit que la moitié d'un
jour , est éternel ( en sous- entendant par rapport
II. Vol.
ךולכ
ce qui ne vit point du tout ) et la durée de
l'Ephemere est plus qu'éternelle, étant égale à la
duiée éternelle de cet autre petit animal', et de
plus à une demie journée , ces expressions pourtoient-
elles se concilier avec les idées que tous les
hommes se sont formées de la durée du temps ?
Il est démontré que le plus qu'infini est contradictoire
, qu'il ne peut y avoir differens ordres
d'infinis que le fini et l'infini ne peuvent
être égaux , que ce qui est extensible ou divisible
à l'infini , ne peut être supposé entierement
étendu ni entierement divisé ; que l'infiniment
grand et l'infiniment petit en Géométrie comme
en Physique sont des êtres de raison , que le fini
ne contient point l'infini , enfin que les principes
sur lesquels l'Auteur du Probiême s'est tondé
pour dépouiller la matiere de ses proprietez ,
sont insoutenables par le raisonnement.
l'acheverai dans le prochain Mercure cette
Démonstration par le Calcul ; et les observations
qui me restent à faire , sont d'autant plus importantes
, que le Calcul algebrique s'étant emparé
aujourd'hui des avenues de presque toutes les
Sciences , il est d'une conséquence extrême de le
rendre juste et exact dans la derniere précision.
JE
ENIGM E.
E suis fraîche et bien blanche, agréable à la vûë ,
Chacun me peut toucher et me voir toute nuë ,
J'ai du repos le jour , mais un mauvais destin ,
Me menace depuis le soir jusqu'au matin.
II. Vol. E ij Ecant
2852 MERUURE DE FRANCE
Etant Vierge et toute innocente,
Je ne puis concevoir de criminel dessein
Cependant une flamme ardente ,
Que la nuit allume en mon sein ,
Me dévore le corps , m'agite et me tourmente.
LOGOGRYPHE,
J
M
Arithmétique.
On corps n'a que cinq pieds en bonne
Mon premier chef tranché , me lisant à rebours ,
J'offre aux yeux deux tons de Musique ;
Ma premiere moitié se fait voir tous les jours ,
Dans l'eau , dans le bois , dans la terre.
Quatre , cinq , deux et trois , c'est le fruit de la
guerre ;
A
Trois , un et deux , je nais dans un Jardin ;
Pris dans un autre sens , je deviens un chemin.
Remis dans mon entier sans qu'on me décompose
,
Je suis l'apanage d'Iris ;
Heureux enfin qui se dispose
A vouloir sans tarder connoître qui je suis .
D
Blezin , d'Arles.
AUTR E.
Ans un Erat où regne un'ordre merveilleux,
Par une industrie admirable ,
II, Vol.
Sans
DECEMBR E. 1733. 2853
Sans interêt , mes travaux genereux
Te procurent , Lecteur , l'utile et l'agréable ;
A m'arranger exerce toi ;
Réduisant sept à cinq , tu trouveras chez moi
Un petit Globe assez solide ,
Un autre Globe encor tantôt mol , tantôt dur ,
Auquel cas le plus intrépide
Souvent pour le parer auroit besoin d'un mar.
U ne aimable Epitete et par qui la fémelle ,
Acquiert le droit d'être cruelle .
En quatre , on découvre à la fois ,
Trois Villes , une en France , une autre dans la
Suisse ;
A Rome naissante autrefois
La troisiéme fut peu propice.
On voit encore un innocent
Qui souffrit autrefois un trépas violent.
D'un féroce animal la femelle sauvage ,
Un endroit dans la Mer à l'abri de l'orage :
De ton corps je suis une humeur ;
De ta Loi je suis un Prophere ;
Item. Ce que fait un Seigneur
Quand il veut affermer des Terres qu'il achette.
En trois , d'une Liqueur on trouve l'excrement.
Femme de l'Ancien Testament ;
Plus un Légume , un Cercle où regne la Folie
Et dont la tristesse est bannie ..
Curion de Poulainville.
II. Vol. Bij Dans
2854 MERCURE DE FRANCE
Dans le Mercure de Janvier on donnera
l'Explication de ces Logogryphes
et de ceux du premier Volume de Désembre
1733 .
のの
NOUVELLES LITTERAIRES
A
DES BEAUX ARTS , &c.
BREGE ' HISTORIQUE ET CHRONOLOGIQUE
de l'Ordre du S. Esprit ,
contenant les noms , sur- noms , qualitez
de tous les Chevaliers , Commandeurs
et Officiers , depuis son Institution jusqu'à
ce jour. A Paris , chez Pierre Gandonin
, Quay des Augustins , 1734. in 16.
1 TRAITE PHYSIQUE ET HISTORIQUE de
Aurore Boreale. Par M. de Mairan , de
P'Académie Royale des Sciences . A Paris ,
de l'Imprimerie Royale , 1733. in 4. de
281. pages et 15. Planches. Chez Lambert
, ruë S. Jacques , à la Sagesse.
Cet Ouvrage , lû à l'Académie des
Sciences, et annoncé auPublic depuis quelques
années , contient une Explication
Physique de l'Aurore Boréale , fondée
sur quantité d'Observations Astronomiques
, et sur une recherche historique
11. Vol. -des
DECEMBRE . 1733 2855
des Apparitions de ce Phénomene dans
tous les siecles. L'Auteur prétend que
la Lumiere Zodiacale , découverte par
feu M. Cassini , où , ce qui est la même
chose, l'Atmosphere qui environne le Soleil
et qui atteint quelquefois jusqu'à la
Terre , est la véritable cause de l'Aurore
Boreale , dont elle fournit la matiere en
tombant dans l'Atmosphere Terrestre.
11 explique comment , selon quelle Loi
et de quelle distance se fait cette chue ,
d'où viennent les diverses formes , et la
place que prend cette matiere vers le
Nord ou vers les autres parties du Ciel.
Il compare ensuite les temps de la plus
grande frequence et de la plus grande
régularité du Phénomene , avec les differentes
positions de la Terre , et ses diffes
rens mouvemens autour du Soleil , et il
en tire des conclusions favorables à son
Hypothese. Il termine enfin son Ouvrage
par 28. Questions ou doutes sur diverses
matieres qui tiennent directement
ou indirectement à son Sujet et qui peuvent
faire naitre de nouvelles idées ou
procurer de nouvelles Observations, tant
sur la Lumiere Zodiacale et l'Aurore
Boreale , que sur toute la Physique Celeste.
Quoique ce Livre soit à la suite des Me-
II. Vol. Eij moires
2856 MERCURE DE FRANCE
moires de l'Académie des Sciences , on le
vendra séparément à ceux qui ne voudront
pas acheter ces Memoires.
NOUVELLE METHODE pour trouver les
XIV. des nouvelles Lunes Pascales , avec
la Réforme de la Pâques depuis 1700.
jusqu'en dix mille ans , selon le stile
Grégorien , dédiée à M. de Bretons de
Crillon , Archevêque de Toulouse , par
le R. P. Emmanuel de Viviers , Prédicateur
Capucin , Associé à l'Académie des
Sciences de Toulouse , et Correspondant
de celle de Paris. A Toulouse , chez G. Robert
, rue Sainte Ursule , et chez Grangeron,
rue S. Rome.
CALENDRIER PERPETUEL pour connoître
la Pâque , les Fêtes Mobiles et leur
rencontre avec les Fêtes fixes de chaque
année , même avant la réformation de
158 2. ensemble la Pâques des Protestans ,
l'Índicrion , le Nombre d'or , l'Epacte ,
la Lettre Dominicale , l'heure du lever
et du coucher du Soleil , avec les jours du
Mois et de la Semaine. A Aix , chez
Choquel et le Blanc , 1734.
ALMANACH ROYAL , in 8. de 430. pages
, contenant les Cours Superieures et
II. Vol..
JuDECEMBRE
. 1733. 2857
Jurisdictions tant de l'Enclos du Palais
que celle du Châtelet , et generalement
tout ce qui a rapport au Clergé , à l'Epée,
à la Robe et à la Finance ; augmenté
des Abbez Commandataires , Colonels ,
Generaux , Lieutenans Generaux des Armées
du Roy , Maréchaux de Camps , Brigadiers
des Armées Lieutenans Gene-
Laux des Armées Navales et des Galeres ,
Ch fs d'Escadre & c. Et de la date de la
Nomination et Reception de tous les
Officiers ci - dessus , avec une Table generale.
A Paris , au bas de la rue de la Harchez
la veuve d'Hury.
•
Il vient de paroître une feuille imprimée
qui contient en Latin , le Plan d'un
nouvel Ouvrage du R. P, de Montfaucon.
Nous avons crû par l'importance du sujet
, devoir en donner ici une Traduction .
PROJET d'un Ouvrage qui aura pour
titre : Nouvelle Bibliotheque des Bibliotheques.
J'exposerai ici en peu de mots ( c'est
L'Auteur qui parle , le sujet qui m'a fait
entreprendre et publier cet Ouvrage.
Lorsque je visitois les Bibliotheques de
Rome et d'Italie , et que je parcourois
les Manuscrits qui m'étoient confiez
II. Vol. E v j'ai
2858 MERCURE DE FRANCE
j'ai remarqué ce qui m'a paru de plus interessant.
J'ai fait des Catalogues de ces
Bibliotheques , dont j'ai donné la plus
grande partie dans mon Journal d'Italie
en l'année 1702. Non seulement j'ai mis
dans mes Porte- feuilles les Notes que j'avois
faites sur ces Manuscrits , mais j'ai
encore pris avec toute l'exactitude possible,
des Catalogues de ces Bibliotheques
et des Manuscrits , de sorte que je suis re
venu en France amplement chargé de ce
Meuble Litteraire en l'année 1701 .
De retour à Paris , j'ai continué mon
Entreprise, et par le secours de mes Confreres
et de mes Amis , j'ai étendu mes
recherches dans toute la France avec un
tel succès que j'ai recueilli un nombre
presqu'infini de Manuscrits que nos Menasteres
, plusieurs Eglises , et les Cabi
nets des Gens de Lettres m'ont fournis.
Lorsque j'étois occupé à cette Collec
tion , Gosme III . Grand Duc de Toscane,
se rendit par un surcroît de bonheur , à
la priere que j'avois eu l'honneur de lui
faire , de m'envoyer le Catalogue origi
nal de la fameuse Bibliotheque Laurentine
, Ouvrage qui avoit coûté plus de
dix années de travail à deux personnes
d'une profonde Erudition. Enrichi de
ces Tresors , j'ai songé aux moyens de les
II. Vol. rendte
DECEMBRE. 1733. 2858
rendre ut.les , tant pour moi que pour
mes amis. Dom Jean le Maître, mon cher
Confrere , a bien voulu seconder mon
dessein en transcrivant lui - même toute
cette Collection , et en y joignant une
Table aussi ample qu'exacre , travail des
plus penibles qu'il a enfin achevé en
l'année 1720. La Collection contient
2 Vol. in fol.
,
>
C'est par ce moyen un grand avantage
pour moi , pour mes amis et pour tous
les Gens de Lettres , qui s'occupent à
corriger les Ouvrages des Auteurs anciens
et ceux d'un certain âge ; puisque
d'un coup d'oeil il est aisé de distinguer
combien il se trouve de Munuscrits d'un
même Auteur dans près de cent Bibliotheques
ou Cabinets de France et
d'Italie , en tout genre de Litterature ,
principalement en Grec et en Latin , sans
parler des autres Langues ou Idiomes ,
surtout pour ce qui regarde l'Histoire
ou les Moeurs de quelque Nation ou de
quelque siécle dont la plupart sont écrites
en François , d'autres le sont en Italien
et quelques - unes en Espagnol. Plusieurs
personnes tant de nôtre Nation qu'Etrangers
, qui sont venus consulter cette
Collection en ont déja fait l'épreuve. Ce
sont ces mêmes personnes qui m'ont sol-
II. Vol Evi licité
2860 MERCURE DE FRANCE
par
licité de publier l'Ouvrage en le faisant
imprimer. Cependant je ne leur ai pas
obr d'abord, soit parce que me trouvant
distrait d'autres affaires , je ne pou-
Vois pas travailler à cet Ouvrage , soit
parce que je croyois qu'il manquoit encore
quelque chose à sa perfection .
: Mais ils ont redoublé leurs instances
en me representant mon grand âge ,
et que si je venois à mourir, cet Ouvrage
resteroit dans l'obscurité . Enfin après
avoir achevé l'Ouvrage des Monuments
de l'Histoire de France , je me rendis
aux sollicitations de mes Amis , je mis
la main à l'oeuvre , et au commencement
du mois de Juin 1733. j'entrepris de relire,
de corriger et d'augmenter ce Recüeil.
Je disposai pour joindre à cet Ouvrage
plusieurs choses qui m'étoient encore
venues depuis l'année 1720. et ce qui
étoit le plus difficile , je parcourus tous
les Catalogues imprimez des Bibliotheques
, et j'en tirai ce qu'il y avoit de plus
choisi et de plus convenable en quelque
genre de science que ce fut ; omettant et
ce que l'on rencontre communément
dans toutes les Bibliotheques de Manuscrits
, et ce que les sçavans négligent or
dinairement comme les Menées et les
autres Livres qui regardent l'Office Di-
II. Vol.
vin
DECEMBRE. 1733. 2868
vin de l'Eglise Grecque ; les Commenta
teurs d'Aristote tant Grecs que Latins, qui
surpassent en nombre presque tous les
aut res Ouvrages Manuscrits qui se trouvent
dans les Bibliotheques. C'est dans
cet esprit que j'ai choisi dans les Bibliotheques
de l'Empereur , de Coislin, dans
celles d'Angleterre &c. ce qui étoit le
plus important et surtout ce qui m'a paru
le plus avantageux à ceux qui ont entrepris
de corriger les Ouvrages des Auteurs.
Il ne me restoit plus que la Bibliotheque
du Roy , laquelle sembloit demander
encore plus de travail ; Bibliothèque
la plus ample qui ait jamais été , et aussi
fameuse par l'excellence que par le nombre
de ses Manuscrits. François I. appellé
à juste titre le Pere et le Restaura
teur des Lettres , fut le premier de nos
Rois , qui l'enrichit de Manuscrits Grecs
et Latins et de quantité d'autres . Les Rois
qui lui ont succedé ont encore de beaucoup
augmenté ce Trésor Mais Lours
LE GRAND a ajoûté tant de nouvelles richesses
, qu'il n'est point de Bibliotheque
au monde avec qui elle ne puisse disputer
pour le nombre et pour la qualité des
Manuscrits. Au reste cette célébre Bibliotheque
n'a jamais eu d'accroissement
II. Vol.
plus
2862 MERCURE DE FRANCE
plus considerables
que celui que nous
avons vû et qui s'est fait dans l'espace
seulement de 3 années , graces aux soins
et à la vigilance de S. E. M. le Cardinal
de Fleury , qui par ordre du Roy a envoyé
des Sçavans choisis dans l'Orient
gour rechercher
tout ce qu'il y auroit
encore de rare en Manuscrits
Grecs , et
dans les autres Langues Orientales
; ces
Sçavans sont revenus avec une riche moisson
. Par le conseil de ce grand Ministre,
le Roy a encore acquis la Bibliotheque
Colbert , considerée
avec raison comme
une des plus fameuses de l'Europe ; celle
de S. Martial de Limoges
et quelques
au
tres de moindre considération
qui ont
été jointes à la Bibliotheque
Royale ; en
sorte qu'en moins de 3 ans il a été mis
dans cette Bibliotheque
plus de dix mille
Manuscrits
, qui par leur nombre pourroient
composer une Bibliotheque
qui
iroit de pair avec les plus considérables
de
l'Europe , ainsi que par l'excellence
des
Manuscrits
, ce qui fait qu'on compte au.
jourd'hui plus de trente mille Manuscrits
dans la Bibliotheque
du Roy , parmi lesquels
il y en a plus de 4000 en Grec.
Jamais Bibliotheque
ne fut donc plus
abondante
et plus riche en Manuscrits
pas même celle , de Ptolomée
, ce qui se
1 Vol. roit
DECEMBRE , 1733. 2863
roit facile à prouver si l'on y vouloit
employer quelque tems. Je ne dis rien
en cela que de très conforme à la verité.
C'eut été un travail immense s'il avoit
fallu choisir scrupuleusement dans une
relle Bibliotheque ce qui a rapport à mort
dessein particulier . Mais comme depuis
47 ans j'avois fréquenté et la Bibliotheque
du Roy er celle de Colbert qui lui a
été unie , et comme j'avois déja tiré de
ces Bibliotheques beaucoup de choses ,
j'ai vu par là diminuer vû mon travail. J'ai
lû très- xactement le Catalogue de ces
deux Biblio heques , que les Sçavans , qui
en ont la garde , m'ont obligeamment
communiquez , j'en ai pris ce qui m'a
paru le plus important sans oublier les
Variantes des plus fameux Ecrivains que
j'offre aux Sçavans , avec d'autres remarques
singulieres qui regardent quelques
Manuscrits particuliers , afin qu'on s'en
puisse servir en attendant que les sçavans
Hommes qui ont entrepris de donner un
Catalogue plus parfait y ayent mis la der
niere main.
Car le premier Catalogue de la Bibliotheque
du Roy , quoiqu'ancien , n'a
pas été fait avec toute l'exactitude qui
étoit à désirer du moins en cettains articles.
C'est tout le contraire à l'égard
II. Vol.
du
2864 MERCURE DE FRANCE
du Catalogue de la Bibliotheque Colbert
, qui est sorti de la main du célébre
M. Baluze.
Le sçavant Lecteur pourra donc voir
dans quelles Bibliotheques de l'Europe
- sont les Manuscrits de chaque Auteur
en tout genre de Litterature, en Histoire
ancienne et moderne en celle des
Royaumes , des Provinces , des Villes
des Eglises , des Monasteres , des Maisons
Illustres , en un mot, sur toutes les espe
ces d'Arts et de discipline. Tout cela sera
déduit avec plus d'étendue pour la
commodité des Lecteurs dans une Préface
qui sera mise au commencement de
l'Ouvrage.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Pa
ris , le 10 Decembre 1733. au sujet d'un
Livre , intitulé Les Privileges des
Suisses , & c. :
Vsieur ,dans le Mercure de
Ous avez annoncé au public Mondernier
, un Livre qui a pour titre , les
Privileges des Suisses , & c. avec un Traité
Historique et Politique, & c. on vous prie
de vouloir bien aussi lui annoncer les faur
tes qu'on y a remarquées , entres autres
celles qui suivent :
Premierement, Partie premiere, Traité
II. Vol. hisDECEMBRE.
1733. 2865.
historique , pag. 6. lorsque parlant des
Lettres Patentes , dont Louis XI . gratifia
la Nation Suisse en 1481. L'Auteur de ce
Livre parle ainsi : Elles renferment tout le
fondement des Privileges dont les Militaires
Suisses sont en droit de jouir en France.
Ce mot Militaire , semble exclure tout
le reste de la Nation , contre l'esprit et la
teneur de ces Lettres qui accordent les
inêmes Privileges à tous ceux de cette Nation
habituez dans leRoyaume . Il suffisoit de
dire , dont les Suisses sont en droit de jouir
en France ; ou bien , dont les Militaires et
tous autres Suisses sont en droit de joüir
en France , suivant l'esprit des Lettres Patentes.
Deux lignes après , l'Auteur continuë
ainsi : Ceux de cette Nation qui sont an
service du Roy , croiroient n'avoir rien à
desirer , & c. Quoique ces mots' : Qui sont
au service du Roy , ne puissent porter aucun
préjudice aux droits de ceux qui n'y
sont pas ; néanmoins on peut dire que
c'est une erreur, attendu qu'ils suivent de
près la remarqué cy - dessus , outre les suivantes.
Page 6. dans la substance de ces mêmes
Lettres , l'Auteur y a omis ces mots :
Et tous autres de ladite Nation , qui doivent
être à la suite de ceux- cy : Gages
II. Vol. et
2866 MERCURE DE FRANCE
et Solde ; ce qui ne peut être fait que dans
le dessein de soutenir les idées de soR
Traité historique.
Page 40 , lig 10 , et suivantes , on se
persuade que les personnes bien instruites ne
seront point étonnées de voir les Privileges
don jouit cette Nation , et ceux en particu-
Lier qui se sont dévouez au service du Roy
d'une maniere plus spéciale . C'est icy encore
une erreur , car l'Auteur fait toujours
entendre que ce n'est que ceux
qui se sont dévou z au service du Roy ,
qui ont droit de jouir de ces Privil ges ,
et ceux en particulier qui s'y sont dévoüez
d'une maniere plus spéciale .
On passe sous silence ce qu'il dit des
differens Acres qu'il rapporte dans son
Recueil , rendus pour et contre ces Privileges
; mais on peut remarquer en passant
qu'il n'a pas manqué d'omettre ou
de retrancher ces mots : Et tous autres de
la lite Nation , en tous les Actes et en
tous les endroits où ils devoient être.
蒙
L'Esprit équitable , dit encore l'Auteur
, de ceux qui gouvernent cette Netion,
ne les portera jamais à prétendre au delà des
articles stipulez entre les Parties . En cela
il a raison , mais il n'oseroit soutenir que
ces contestations dont il fait mention ,
l'on ne voit que trop souvent naître
que
II. Vol.
DECEMBR E. 1733. 2867.
à l'occasion de ces Privileges , soient arrivées
pour avoir voulu prétendre au delà
des articles stipulez , sur quoi l'on auroit
bien des choses à dire.
Seconde Partie , pag. 2 et 3. dans le
corps des Lettres de Louis XI.on y a aussi
retranché ces mots : Et tous autres de ladi
Nation , et cela en deux endroits.
On a fait la même chose dans les Lettres
Patentes d'Henry IV. de 1602. pag.
62,63,64 et 65. et c'est particulierement
icy où l'omission est grande , puisqu'on
y a retranché cinq fois ces mots :
Et tous autres de ladite Nation . Cependant
voicy un Extrait des propres termes
de ces Lettres Patentes , où ces mots sont
tapporrez cinq fois , collationnées aux
Originaux , par Carpor , Conseiller , Secretaire
du Roy , signez de lui , avec pa
taphe.
» ... auroit été ... octroyé et accordé
à tous de ladite Nation qui étoient alors
» et seroient pour le temps à v nir à son
» service , et à ses gages et solde , et tous
autres de ladite Nation , mariez èt ha-
» bituez , & c,
» .
•
et en outre , afin que les sus-
» dits Gens de Guerre , et tous autres de
» ladite Nation , & c.
•
..
à ceux de la susdite Nation ·
11. Vol.
qui
2868 MERCURE DE FRANCE
" qui sont employez à leurdit service et
» à leurs gages et solde ; à tous autres de
» la susdite Nation , comme dit est , & c.
» . • avons à iceuxdits Suisses , étant
>> en nos gages et solde , et à tous autres de
» ladite Nation , mariez et habituez en
» notre Royaume , et leurs Veuves , du-
>> rant leur viduité , continuez et confir
» mez , &c. . Si donnons en Man-
» dement à nos Amez , &c.
» de nos présentes confirmations , et du
» contenu cy- dessus ils fassent , souffrent
net laissent lesdits Suisses , étant en no-
» tredit service , gage et soide , et tous
•
•
que
autres de ladite Nation , mariez et ha-
» bituez en notre Royaume et leurs Veu-
» ves durant leur viduité , joüir et user
» pleinement et paisiblement , &c.
,
Le Livre sur lequel on a fait ces Remarques
, intitulé : les Privileges des Suis
ses , cst imprimé à Paris , chez la veuve
Saugrain et Pierre Prault. 1731 .
Jean Dessaint , Libraire à Paris , va débiter
un Ouvrage qui paroît mériter l'at
tention des Curieux . C'est un Poëme sur
la Musique , et un autre sur la Chasse.
Une partie du premier Poëme a déja paru
à Lyon et en Hollande , et a reçu des
II.Vol.
éloges
DECEMBRE. 1733. 2869
éloges tres flateurs pour l'Auteur. Nous
ne doutons pas que ce que l'on donne de
nouveau ne soit favorablement
accueilli
par le Public. On n'a rien négligé du côté
de l'exécution
pour flater agréablement
les yeux . On y trouvera plusieurs Estampes
dessinées par Mrs de Troyes et Oudry
et gravées par M. Debats.Le Papier d'ailleurs
, le Caractere et l'Impression
vont
de pair avec ce que nous avons de mieux
en ce genre.
Le même Libraire débite une nouvelle
Edition de ce que nous avons de meilleur
en Oraisons Funebres ; c'est- à - dire
celles de Mrs Bossuet , Fléchier et Mascaron
, en 3 vol. in 12. avec le Portrait de
ces deux derniers , gravé par Edelinck. Le
prix de chaque vol . de ces Oraisons Funebres
est de 2 liv . 1o f. relié.
2
›
NOUVELLES POESIES SPIRITUELLES ct
Morales sur les plus beaux Airs de la
Musique Françoise et Italienne , avec la
Basse . A Paris , chez P. N. Lottin rue
S. Jacques 1733. in 4 en large de 44 pages
et 12 pages pour les Fables sur de
petits Airs et sur des Vaudevilles choisis ,
avec la Basse et une Basse en musette ,
prix 3 livres .
II. Vol. HIS2870
MERCURE DE FRANCE
HISTOIRE DES YNCAS , Rois du Perou ,
depuis Manco Cap c , Fondateur de la
Monarchie du Perou , jusqà la Conquête
de cet Empire par les Espagnols
sous Atahualpa , dernier Y Ca. Avec
P'Histoire de la Floride , et de la Conquêre
des Provinces de l'Amerique Septentrionale
, qui portent ce nom Par
Ferdinand Soto , écrites l'un et l'autre en
Espagnol pir Yaca Garcilasso de la
Vega , et enrichies de figures gravées
d'après les Desseins de Bernard Picard le
Romain , in 4. en trois Volumes. A
Amsterdam , chez Jean Frederic Bernart,
-173'4 .
I. Le prix de cet Ouvrage , divi é ca
trois Tomes in quarto , sera de neuf florins
pour ceux qui s'engageront à le prendre
lorsqu'il sera en état de paroître :
c'est-à dire au 20 Septembre 17 34. Ceux
qui ne s'engageront pas le payeront quatorze
; et comme on n'en imprimera que
très- peu , on ose assurer qu'il ne se vendra
jamais moindre prix,
II. A l'égard du grand papier , on se
propose de n'en imprimer que 75. Exemplaires
à f. 15. la pièce , et seulement par
souscription. Mais pour ce qui est du
grand papier , on demande la moitié de
la souscription d'avance ; c'est- à- dire f.
II. Vol.
7.
DECEMBRE . 1733. 2871
7. 10. s'il s'en souscrit moins de 75.on en
imprimera moins. Mai quoiqu'il en soit
le Libraire n'en vendra jamais aucun
Exemplaire au delà des Exemplaires souscrits
, et cela sans équivoque , ni restricrion.
III. Les Planches sont in quarto , au
nombre de vingt- cinq , y compris une
Planche pour le Titre : sans compter une
Vignette et deux Cartes.
IV. A quatre D sseins près tous les autres
sont de feu M. Picart. Une grande
partie des Planches étant faite , les Curieux
pourront donner ordre de les voir
chez le Libraire , afin qu'il n'y ait aucune
surprise,
V. Comme on se propose d'imprimer
cet Ouvrage en Janvier prochain , on ne
recevra des engagemens que jusqu'à ce
tems- là , et passé le 1. Janvier 1734.
quelque prix qu'on offre du grand papier
, on n'en vendra jamais aucun .
On souscrit à Paris , chez Briasson , Libraire
, rue S. Jacques , à la Science.
ΩΡΙΓΕΝΟΥΣ ΤΑ ΕΥΡΙΣΚΟΜΕΝΑ ΠΑΝ
TA Origenis Opera omnia , &c . Toni ce
qu'on a pu recouvrer d'Ouvrage d'Origéne ,
en Grec , ou seulement en Latin , &c. Par
·D, Charles de la Ruë , Religieux Benedic-
11. Vol. tin
2872 MERCURE DE FRANCE
•
tin de la Congregation de S.Maur. A Paris,
chez Jacques Vincent 1733 , in fol. second
vol. de 334 pag.
C'est la suite de la nouvelle Edition des
Ouvrages d'Origene , dont nous avons
donné le Plan dans le premier volume du
Mercure de Juin dernier. Il y a un fort
bel Extrait de ce second Tome , dans le
Journal des Sçavans , du mois de Decembre
1733.
La dixiéme Partie des Cent Nouvelles
Nouvelles , de Madame de Gomez, paroît
chez de Mauduit, Quai des Augustins , à
S. François.
EPIGRAMME ,
Sur le Traité de l'Opinion de M. le Gendre,
Marquis de Saint Aubin sur Loire , cydevant
Maître des Requêtes.Par Mlle de
Malcrais de la Vigne du Croisic en
Bretagne .
E mois passé je marchandois les Livres ,
Dans lesquels Saint Aubin , ce Sçavant de nos
jours ,
Confond
cours ,
par merveilleux et convainquans dis-
La folle opinion dont nos ames sont yvres ;
Pas un Liard , me dit- on , à . moins de quinze
livres.
II. Vol. Quinze
DECEMDK E , 1733. 2873
Quinze livres , repris - je ; un Traité Vertu
choux ?
Maître Gaspard , y pensez -vous ?
C'est au Mouton plaintif, d'une lame inhumaine.
Couper en verité le cuir avec la laine.
Je le pris cependant ; mais après l'avoir lû ,
En vous remerciant ; vins- je dire au Libraire ;
Certes , ce n'est pas trop vendu ;
Dieu mette en Paradis feu Gaspard votre Pere ;
Mais chez vous la science aujourd'hui n'est point
chére ,
Je croyois pour le prix n'acquetir qu'un Traité
Et je trouve avoir achepté ,
Une Bibliotheque entiere .
REPONSE à la Leure de Périgueux , sur
Le Systême du Bureau Typographique, inséré
dans le Mercure du mois de Novem
bre dernier.
J
E vois Monsieur, par votre Lettre , que vous
serez bien-tôt au fait du Systême Typogratique
, et que par le moyen de la troisiéine Clas- ,
se du Bureau que vous avez reçue il vous sera aisé
d'y faire ajouter les deux rangs de la quatrié-,
me Classe , sur tout lorsque vous aurez lû le
Tipografaire qui est dans Particle 9. du premier"
volume de la Biblioteque des enfans , page 68 .
vous trouverez , Monsieur , dans l'Ouvrage du
Systême Tipografique qu'un enfant de deux ans
nest point trop jeune pour être mis à la premiere
et à la seconde Classe du Bureau. Nous avons
II. Vol. F à
2074 MERCURE DE FRANCE
à Paris des enfans de vingt mois , amuzez utilement
par le jeu instructif des lettres , et des enfans
de deux ans qui les connoissent toutes.
Vous trouverez aussi dans le premier , dans le
second et dans le troisiéme volume les raisons
qui doivent obliger les Maîtres à faire commencer
les enfans par la lecture du latin, plutôt que
par celle du françois , et sur tout quand on ne
fait pas usage du Bureau ; car ce sistême met à
profit en même- remps l'exercice journalier en
P'une et en l'autre Langue ; Méthode heureusement
confirmée par l'expérience . Cette vérité est
démontrée dans plusieurs endroits où l'on réfute
les préjugez et la pratique erronnée de la Méthode
vulgaire , qui en garrotant , pour ainsi dire,
les enfans dans une chaise , et en leur mettant
aux mains un Livre et une Touche, pour ne pas
dire des Menottes , les menacent du fouet s'ils
détournent les yeux de dessus leur livre ; quelle
différence pour un enfant qu'on laisse marcher ,
eourir et sauter librement devant la Table de
son Bureau ?
Je croi avoir aussi démontré la bonne dénom .
mination des lettres , dans le premier volume ,
art. 10. page 77. §. 1. 2. 3. 4. 5. 6. un enfant
de 6 à 8 ans , au reste qui ne sçait pas lire , peut
et doit l'apprendre par le moyen de l'écriture ,
ainsi que je l'ai fait remarquer dans le troisiéme
volume , et il est inutile d'attendre qu'il sçathe
lire pour le mettre à l'écriture. A l'égard des
Elemens du Rudiment pratique de la Langue
latine , pourquoi ne pouira- t -on pas les mettre
sur des cartes et sur du bois , comme sur du papier
et sur du carton ? Si la matiere peut avoir
quelque préférence , le Bureau outre l'équivalent
des Livres a l'avanage de l'outil amusant et ins-
II. Vol.
tructif,
DECEMBK E. 1733. 2575
tructif , par un exercice agréable et varié que
ne peut jamais donner le livre le mieux fait . Je
vous prie , M.de vouloir bien parcourir les articles
5. 6. 7. 14. 15. du premier volume, et vous
y trouverez la réponse à toutes vos autres objec¬
tions . J'ai Phonneur d'être , &c.
AVIS. Les Personnes de Bourg en Bresse et
de Neuchatel en Suisse , qui ont fait demander
des Bureaux , pourront à présent les faire faire
chez eux à beaucoup meilleur matché qu'à Paris,
et épargner en même- temps les frais et les droite
de la voiture.
NOTA . Pour rendre plus utile au public les lettres
sur le sisteme du Bureau Tipografique , nous
nous avons jugé à propos de les communiquer a
l'Auteur, afin de les donner dans le même mois avec
·leurs réponses , plntôt que de les séparer dans deux
mois differens , lorsqu'elles seront courtes de part et
d'autre.
DEMONSTRATION du plus qu'infini
de Wallis.
R. le Gendre qui cite M. Cheyne , auroit
M pû reconnoître que ce sçavant Anglois a
refine l'objection de M. Varignon, contre le plus
qu'infini de Vvallis , sans faire mention de M.
Cheyne sur ce point ; M. le Genare renouvelle
cette objection en citant son Auteur ; quoiqu'il
en soit , le plus qu'infini est adinis sans doute
dans la Géométrie , dès qu'on y adniet des infinis
de tous les ordres en montant à ' infini; car
l'infini du second ordrè est plus qu'infini , étant
infiniment infini d'ailleurs , si la Parabole est infinie
il est bien évident que l'Hyperbole doit être
plus qu'infinie; car il y a même rapport d'ex-
11. Vol. ten- Fij
2876 MERCURE DE FRANCE
tension entre l'Hyperbole et la Parabole , qu'en
tre la Parabole et l'Ovale . Le raisonnement mê
me que M. le Gendre emprunte d'ailleurs sur la
generation respective de ces trois courbes est
tout-à fait contre lui ; mais pour toute réfutatron
l'aggresseur de Wallis dit qu'en passant de
Paris à Pekin pour aller à Chaillot on pourroit
dire de Paris à Chaillot il y a pius qu'infi.
niment loin. Les affaires de Géométrie ne se
traitent pas si cavalierement.
que
DEMONSTRATION du principe de
M. de Fontenelle , que toute grandeur
qui peut augmenter à l'infini , peut être
supposée augmentée à l'infini.
MR
TR de S. Aubin en répondant dans le Mercure
de Novembre , au Problême proposé
en Septembre dans le même Mercute , combat
un principe des Elémens de la Géométrie de l'infini.
Toute son objection se réduit uniquement à
dire que cette grandeur ne peut être supposée augmentée
à l'infini par cette raison même qu'elle est
capable d'augmentation à l'infini.
N'est-ce pas comme si on disoir , qu'une grandeur
qui peut être augmentée à l'infini , ne peut
être augmentée à l'infini , par cette raison même
qu'elle peut être augmentée à l'infini.
Ou même que ce qui peut être augmenté d'un
pied , ne peut être supposé augmenté d'un pied,
par cette raison même , qu'il est capable d'une
augmentation d'un pied .
Il y a une équivoque dans l'objection de M. le
Gendre : il prend le mot de grandeur deux fois
dans le même sens , quoique tout homme qui
II. Vol. enDECEMBRE
. 1733. 2877
ntend le principe , voye d'abord qu'il faut lui
n donner deux ; car la grandeur qui peut augmenter
à l'infini est une grandeur fixée . Au lieu
que la même grandeur supposée augmentée à
l'infini , est infinie et dans ce sens - là elle est désormais
inaugmentable. De sorte que le principe
se réduit à dire , qu'une grandeur finie peut
par les augmentations dont elle est toujours
susceptible dans cet état devenir infinie .
On pourroit donner une démonstration direc
te de ce principe de M. de Fontenelle , en disant
qu'une grandeur qui peut augmenter d'un pied
d'étendue ne le peut que parce qu'il y a dans la
nature des choses un pied d'étenduë qui existe ,
que si elle peut augmenter de deux pieds , il y a
donc dans la nature une étendue de deux pieds
&c. et qu'ainsi une grandeur , pouvant auginenter
à l'infini , suppose necessairement une grandeur
à l'infini , c'est - à - dire infinie , actucllement
suffisante. G. Q. F. D.
Le 29 de ce mois M. de Moncrif , Secretaire
des Commandemens du Comte
de Clermont , et M. Dupré de S. Maur,
Maître des Comptes , furent reçûş dans
l'Académie Françoise aux places vacantes
par la mort de l'Evêque de Blois et
celle de l'Evêque de Langres. Ils firent
leurs Discours de remerciment , ausquels
M. de Boze , Directeur de l'Académie
répondit , et ils parlerent tous trois avec
beaucoup d'éloquence.
On vient de donner au Public le se-
II. Vol. F iij
cond
2878 MERCURE DE FRANCE
cond Oeuvre de Sonates à Violon seul
du sieur Francoeur le cadet , Compositeur
de la Musique de la Chambre du Roy.
La douzième de ces Sonates est pour le
Violoncelle , ou pour la Viole. Il se vend
10 livres , à Paris chez l'Auteur , rue des
petits Champs , vis- à - vis la Compagnie
des Indes , chez Boivin , à la regle d'or ,
rue S. Honoré , le Clair , rue du Roule ,
à la Croix d'or.
Le Jetton dont nous donnons ici la
Graveure a été frappé depuis peu pour
Mrs les Officiers du Guet. On y voit d'un
côté les Atmes du Comte de Maurepas
Ministre et Sécretaire d'Etat ; ces Officiers
ayant l'honneur d'être dans son Département
; et sur le Revers Castor et
Pollux , tels qu'on les voit representez
sur les Medailles Romaines , à cheval
avec une petite étoile chacun au - dessus
du Casque , et cette Legende ALMA
SIGNA QUIETIS , et dans l'Exe gue ,
OFFICIERS DU GUET 1733 .
,
On ne peut gueres voir de Type d'une
invention plus ingenieuse , et dont l'application
soit plus heureuse. Tout le
monde çait que Castor et Pollux étoient
des Divinitez Titulaires des Romains ,
lesquelles annonçoient leurs victoires , et
II. Vol. assuroicnr
DECEMBRE. 1733. 2879
assuroient le repos de la Ville. Leur constellation
étoit aussi le Symbole de la tranquillité
, sur tout dans la Navigation , ce
qui peut faire encore une juste allusion
avec la Nef que porte dans ses Armes la
Ville de Paris.
Ce Type enfin paroît d'autant mieux
convenir aux Officiers du Guet , que
l'ancien ordre de l'Etoile subsiste encore
dans leur Corps , qui est aussi celui qui
contribue le plus au repos et à la tran
quillité des Citoyens. Arrêté par l'Académie
Royale des Inscriptions et Belles
Lettres dans l'Assemblée tenue au
Louvre le 22 May 17 33 .
,
SIGNA
QUIET
OFFICIERS DU GUET
1733.
Papell .
Rien n'est plus ingenieux que le sujet
et la composition d'une Estampe en lar
ge qui vient de paroître ; elle piquera
sans doute la curiosité des gens de goût
et des connoisseurs , elle est gravée par
M. Lepicié , d'après le Tableau qui fait
II. Vol.
Fiiij le
2880 MERCURE DE FRANCE
le pendant , des Enfans à la Toillette , par
M. Charles Coypel. Et se vend chez le
sieur Surugue , Graveur du Roy , ruc
des Noyers; elle porte pour titre THALIE
CHASSE'E PAR LA PEINTURE. Cette allégorie
a été imaginée au sujet d'une personne
qui a sacrifié à l'étude de la Peinture
, le goût qu'elle avoit à composer
des piéces de Theâtre .
D'un côté du Tableau la Peinture dans
une atitude noble et severe , ordonne à
la Poësie de sortir de son Atelier par ces
quatre Vers , gravez sur l'un des mor
ceaux de papier , déchirez sur le devant
du Tableau.
Muse , je plains votre avanture ;
Partez, emportez Prose et Vers :
Pour mettre une tête à l'envers ,
C'est bien assez de la Peinture.
De l'autre côté , la Poësie suivie de
plusieurs Génies , emportent un nombre
de Piéces de Theâtre, dont on lit les titres ,
pendant que d'autres Génies se cachent
sous une table , tenant des Plans à remplir.
Le fond du Tableau est orné de
Statues , de plusieurs Tableaux , et du
Portrait de l'Auteur.
Il paroît aussi deux nouvelles Estampes
II. Vol. dont
DECEMBRE. 1733. 2881
dont nous serions bien caution que les
connoisseurs mêmes les plus difficiles seront
contens. Ce sont les Portraits en
buste sans mains de deux illustres Artistes
de notre Académie. Sebastien Bourdon
, Peintre , et Michel Anguier , Sculp
teur , d'après les Tableaux de Mrs Hiacinthe
Rigaud et Gab. Revel ; tous deux
excellemment gravez , par le Sieur Laurent
Cars , pour sa reception à l'Académie
1733 .
Nous apprenons de Rome que le Pape
a acheté 60000 écus les Statues antiques
qui apartenoient au Cardinal Alexandre
Albani , et qu'on doit les placer dans le
Capitole .
Le Sr Massoteau Sr de saint Vincent
et de Tartifume , Horloger de l'Hôtel
des Monnoyes à Paris, a inventé et composé
depuis peu une Montre à minutes
et secondes qui va huit jours , laquelle a
paru curieuse et utile ; elle est à deux
grands ressorts , chacun dans un barillet
qui tirent également la même fusée ;
quand on monte la fusée les deux ressorts
se montent à la fois .
Il n'y a que deux aiguilles qui sont
placées au centre commun , et dont l'ua
II. Vol. Fv indique .
2882 MERCURE DE FRANCE
indique l'heure avec le quart ,
la demie
les trois quarts et en même tems la minute
, tandis que l'autre aiguille marque
les secondes et les tierces de 20 en 20 par
ses vibrations ; ensorte que l'on voit le
tout d'un coup d'oeil , au lieu que
dans
les Montres à trois aiguilles , il faut pres
que toujours chercher l'une en haut et
l'autre en bas.
La qualité en est meilleure et plus juste
que celles que l'on a fait jusqu'à present.
Il fait aussi des Montres que de tel sens
que l'on tourne la Clef pour les monter,
on ne les dérange point.
Il travaille à une instruction pour regler
les Montres , qu'il donnerà au Public
incessamment .
On écrit de Londres , que le 8 de ce mois on
fit à Wolwich , en presence des Commissaires
de l'Amirauté à bord du Vaisseau de Guerre le
Roebuck , de 40 Canons , l'essai de deux Rames
nouvellement inventées , par le secours desquels
on prétend qu'un Vaisseau de Guerre, même da
premier rang, pourra virer de bord et faire trois
quarts de lieue par heure dans un calme : l'expérience
n'eût pas tout le succès qu'on en attendoit.
M. Jean Kelly a traduit et ajusté au Theâtre
Anglois , la Comédie du Philosophe marié de M.
des Touches , et elle a été joüée avec succès sur
le Theatre Royal , in Coven Farden.
On
DECEMBRE . 1733. 2888
On mande aussi que M. Crusius y a fait imprimer
depuis peu en deux petits Volumes , les
Vies des Poëtes Latins , avec de courtes Dissertations
critiques et historiques au sujet de ces
Poëtes et de leurs Ouvrages , où il fait voir leurs
beautez et leurs défauts . Il y a joint une introduction
, concernant l'origine et le progrès de la
Poësie en general , et un essai sur le Poëme Dramatique
en particulier.
C'est sur un Memoire peu exact qu'on a dit
dans le Mercure de Novembre dernier , page
2459 que la Faculté de Médecine de Paris ,
substitué à l'examen de Chirurgie , qu'elle faisoit
subir à ses Bacheliers , des exercices sur l'Anatomie
et sur les Opérations Chirurgicales .
Par le Decret de la même Faculté du 21 Mars
1732. et en exécution d'icelui ,, elle conserve
l'examen de Chirurgie , le seul changement qui
y a été apporté , c'est d'obliger ses Bacheliers à
faire les Opérations Chirurgicales sur lesquelles
on les interroge dans cet examen qui se dois
faire la seconde année de Licence.
•
Par le même Decret la Faculté a encore établi
un autre examen d'Anatomie , dans lequel les
Bacheliers doivent répondre en dissequant et en
démontrant les differentes parties du Corps Hu
main,et cet examen se doit faire dans la premiere
année de Licence.
Le Sr Neilson , Ecossois , reçu depuis peu à
S. Cosme , Expert pour la guérison parfaite et
radicale des Hernies ou Descentes à l'un et à
l'autre sexe , et de tout âge , avertit qu'il traite
ces sortes de maladies d'une façon particuliere et
par la simple application des Remedes specifiques
II. Vol. et
E vj
2881 MERCURE DE FRANCE
et sans que le malade cesse de vaquer à ses affaires.
Il donne aussi ses avis et ses Remedes à ceux
qui sont dans les Provinces , soulage même les
Hernies les plus inveterées , rend cette incommodité
suportable et empêche les mauvaises
suites. Il demeure dans la rue Dauphine au Coq
d'or , à Paris.
Par Brevet du Roy , du 22 May 1733 ; et Approbation
de son premier Medecin , le Sr Moureau
avertit le Public , qu'il possede un Secret
pour guerir radicalement toutes sortes de retentions
d'urines , causées par des Carnositez ou
Callositez , sans causer aucune inflammation à la
partie . Son remede est connu par les Experiences
qui ont été faites , il s'expliquera plus amplement
à ceux qui le viendront trouver en sa demeure
, rue neuve de Luxembourg , vis à - vis le
Couvent des Dames de l'Assomption de la rue
S. Honoré , chez M. le Cor , Maître Charon , ou
on le trouvera seulement le matin jusqu'à deux
heures après midi .
Adresse de celui qui empêche la fumée , en
mettant des machines sur les cheminées qu'il
appelle églises . C'est le Sr Monreau , Ferblantier,
demeurant rue du Plessis , à côté d'un Tourneur,
dans une allée au rez de chaussée. Sa Boutique est
au coin du Marché au Pain , du côté de la rue
du Plessis.
BOUTSTHE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
Par M. de V. D.
-II. Vol. AUTHE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
,
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
BOUTSDECEMBRE.
1733. 2885
BOUTS - RIMEZ à remplir.
Pauvreté , Bassesse.
Richesse ,
Masculin ,
Prowesse ,
Féminin ,
Lacheté.
Jupe.
Noblesse , Chapeau ,
Humilité, Dupe ,
Vanité , Toutbeau.
********:: *******
CHANSON.
Malgré Algré la toux qui me tourmente ,
Philis , vous voulez que je chante ;
Il faut vous contenter.
La , la , mais quelle peine !
Mon entreprise est vaine.
Pour pouvoir encor y tenter ,
Dans mon verre , Philis, versez pour m'humecter,
Et que par votre main Bacchus en ait la gloire.
Je vais boire pour chanter ,
Je vais chanter
pour boire.
Par M. de V. D.
11. Vol.
AU2886
MERCURE DE FRANCE
IL
AUTRE.
L n'est point volage .
Ce rendre Amant ,
Son coeur est le gage
De son serment :
Je l'ai sans partage ,
Assurément ;
Il n'est point volage ,
Ce tendre Amant.
h* ******
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
LETTRE de Constantinople , écrite le
20. Septembre 1733. sur le Passage des
Tartares en Perse.
E
problêmatique , Monsieur , les nouvelles qui
en sont venues le 14. de ce mois , dans une Lettre
écrite au Grand- Visir , par le Pacha de Ghend.
gé en Géorgie , sont si positives , qu'à moins de
faire une profession outrée du Pyrrhonisme, on ne
peut plus révoquer en doute ce passage , d'autant
plus que le G. V. a fait venir exprès à la Porte
Mrs les Résidens d'Allemagne et de Moscovie ,
pour le leur notifier et leur communiquer la Lettre
qui en contenoit le détail ; mais avant que je
II. Vol. ✰ vous
1
DECEMBRE. 1733. 2887
vous le communique aussi , il faut que je me re-.
leve moi - même sur deux erreurs qui me sont
échappées en suivant une mauvaise Carte et des
Memoires mal conçus , quand je vous écrivis le
6. de ce mois . Je vous marquai alors qu'on présumoit
que les Moscovites n'auroient pû disputer
long- temps le passage de Derbentaux Tartares ,
ni les empêcher d'entrer dans le Daghestan , et
de- là en Georgie , & c.
Premierement les Tartares allant de Crimée en
Perse , il a fallu qu'après avoir passé le grand et
le petit Cabarta , Pays qui fait partie de la Tar
tarie Circassienne , ils soient tombez dans le
Daghestan , et qu'ils Payent traversé avant que
d'arriver à Derbent , qui est dans le Chirvan ,
Province contigue à celle du Daghestan , ainsi il
ne pouvoit plus être question de les empêcher
de penetrer dans cette derniere Province , puisqu'ils
l'avoient déja passé , et en second lieu , il
étoit ridicule de faire entrer les Tartares du Daghestan
dans la Géorgie , puisque par rapport à
la route qu'ils avoient à faire , la Georgie se
trouvant à côté , et de plus sous la domination
du G. S. ils se seroient tout à la fois détournez
de leur chemin et de leur objet , qui étoit d'aller
piller en Perse . Je reviens à la Lettre du Pacha
de Ghendgé , que voici en subttance
Les Tartares , après les divers combats avec les
Moscovites , dont je vous ai parlé dans ma Lettre
du 6. de ce mois , * continuant leur marche
par le Daghestan , au nombre de 30000. hommes
, arriverent près d'une Peuplade de Lesghis ,
Imprimée dans le Mercure de Novembre,
page 2471 .
II. Vol. appellez
2888 MERCURE DE FRANCE
appellez Imas , de nom du Ima , que porte le
principal lieu de leur canton , qui n'est éloigné
de Derbent que de trois journées . Le Chef
de ce Peuple , sur l'avis qu'il eut de l'approche
des Tartares , s'empressa d'envoyer son fils audevant
d'eux pour leur offrir d'unir ses forces
aux leurs et de les mener lui - même en Perse par
un chemin qu'il sçavoit.
Le Sultan Fethi - Ghuirai , General des Tartares
, accepta volontiers de si belles offres , et les
Imas l'ayant joint en grand nombre avec leur
Chef , les deux Armées marcherent ensemble ;
mais au bout de trois jours il fut bien surpris de
se voir dans un Village à une lieuë de Derbent
seulement.
Les Imas qui passent pour les plus scrupuleux
de tous les Mahometans de ces Contrées , et qui
par motif de Religion , trouvent le joug de la
Moscovie d'autant plûs insupportable , ne respirant
que la révolte , avoient exprès conduit les
Tartares dans cet endroit , dans l'esperance que
ne pouvant plus reculer , la necessité les obligeroit
à tout entreprendre et à fondre avec eux sur
les Moscovites pour s'ouvrir un passage en Perse
par Derbent. Ils se tromperent cependant dans
leurs conjectures.
Fethi-Ghuirai ne voulut jamais se rendre
aux sollicitations qu'ils lui firent de profiter de
cette occasion , et se retranchant toujours sur les
* Les Imas , les Komouks et beaucoup d'autres
petits Peuples du Caucase , du Daghestan et du
Chirvan , sont tous Lesghis d'origine , de moeurs et
de Religion , et ne different entre eux que par le
nom que chaquePeuplade a pris de celui du Ċamon
où elle s'est établie.
II. Vol. ordres
DECEMBR E. 1733. 2889
ordres précis qu'il avoit de la Porte , de ne point
attaquer les Moscovites le premier , il résolut
de camper aux environs de ce Village et d'essayer
d'obtenir duCommandant de Derbent , par la voie
de négociation, la permission de passer . Il y eut
effectivement plusieurs pour parler à ce sujet ,
mais le Commandant Moscovite , après avoir
amusé long-temps Fethi - Ghuirai , lui ayant à la
fin refusé nettement ce qu'il demandoit , et le
Chef des Imas voyant qu'il ne pouvoit persuader
à ce Sultan de se faire un passage par la force
des armes , il lui dit qu'il sçavoit un autre route
dans une Montague du Caucase ; qu'il n'avoit
pas voulu s'en servir d'abord , parce qu'il y avoit
douze heures de chemin à monter ; qu'elle étoit
d'ailleurs fort difficile et pleine de défilez , gardez
par des détachemens de Moscovites , mais
que puisqu'il étoit déterminé à ne vouloir pas
s'ouvrir le passage par Derbent, quoiqu'il l'assuroit
encore du succès de cette entreprise , s'il la
vouloit tenter , il n'y avoit plus d'autre parti à
prendre que celui de traverser la Montagne dont
il venoit de lui parler ; que cependant , outre les
difficultez qu'ils y rencontreroient , ils devoient
s'attendre à trouver de l'autre côté dans la Plaine
de gros corps de Moscovites , qui leur opposeroient
un pareil obstacle qu'à Derbent, il lui paroissoit
necessaire d'écrire à Soulkai , Khan de
Chamakié , pour le prier de venir avec le plus de
Troupes qu'il pourroit , pour les aider à sortir
de cet embarras , et d'attendre la réponse de ce
Khan , avant que de se mettre en chemin .
Le General Tartare ayant goûté ces dernieres
propositions , le Chef des Imas expedia cinq ou
six hommes, qui connoissant tous les sentiers détournez
de ces Rochers , porterent heureusement
II. Vol. les
2890 MERCURE DE FRANCE
les dépêches de Fethi-Ghuirai au Khan de Cha
makié.
Il est à propos de remarquer ici à l'occasion
de ce Khan , que suivant le Traité des Limites ,
signé le 8. Juillet 1724. entre les Turs et les
Moscovites , par la médiation de M. le Marquis
de Bonnac , alors Ambassadeur du Roy à la Porte
Ottomane , les Lesghis qui se trouvent dans le
Chirvan , s'étant soumis d'eux - mêmes , comme
Mahometans , au G. S. dont ils reclamerent la
protection ; Si Hautesse leur envoya un Khan
pour les commander , auquel il assigna la Vule
de Chamakié pour Capitale de cette nouvelle
Principauté , avec un Territoire qui s'étendoit
d'un côté jusqu'au Confluant du Cur et de l'Araxe
, et que le commencement des confins ayant
été fixé dans ce point de la jonction des deux Fleu
ves , il fut decidé que le côté qui est vers la Terre,
Ferme appartiendroit aux Turcs , celui qui re
garde la Mer , aux Moscovites , et le troisième ,
où est le Guilan , à la Perse.
Le Khan de Chamakié ayaur reçû les Lettres de
Fethi-Ghurai , il fit réponse à ce General qu'il
aloit rassembler les Lesghis et marcher à son
secours, en prenant les Moscovites par les derrie
res. Sur cette réponse , le Sultan er le Chef des
Imas décamperent de leur Village , où ils avoient
- demeuré 34. jours, et prirent le chemin de la
Montagne ; ils y rencontrerent effectivement ca
plusieurs détroits de petits Détachemens de Moscovites
, avec lesquels ils escarmoucherent er
qu'ils mirent en fuite sans s'arrêter : mais quand
ils eurent presque descendu cette Montagne ils
apperçûrent de loin dans la Plaine beaucoup de
Troupes Moscovites.
Le General Tartare persistaut toujours à ne
II. Vol. vouloir
DECEMBR E. 1732. 2891
Vouloir point en venir aux mains avec eux que
dans le cas d'une nécessité inévitable , leur envoya
demander le passage , ce qui lui ayant été
refusé , il continua de descendre jusqu'au pied
du Mont, où il se retrancha pour y attendre en
sureté des nouvelles du Khan Soulkaï , qui ne
paroissoit point encore ; mais après trois jours
d'attente , il le vit venir en bon ordre à la tête
d'une nombreuse troupe de Lesghis. Il sortit
alors de ses retranchemens et mit ses gens ea
bataille pour marcher aux Moscovites , qui
voyant qu'on les alloit mettre entre deux feux et
qu'ils avoient affaire à trop forte partie , se reti-
1erent promptement et laisserent le Champ libre
aux Tartares et aux Imas. Ces deux Peuples se
joignirent bien- tôt aux Lesghis et poursuivirent
leur route vers Chamakié , d'où l'on juge qu'ils
n'auront pas tardé à se répandre tous ensemble
dans le Guilan et dans les autres Provinces de
Perse qui sont au- delà de l'Araxe ,
Dès que le G. V. cut reçû cette nouvelle , il
s'informa des noms des Mirzas et des principaux
Officiers de l'Armée Tartare , et il dépêcha des
Couriers pour leur porter
des présens , avec des
ordres de prendre le chemin d'Amadan,pour unir
leurs forces à celles de Topal Osman Pacha , que
l'on dit avoir déja pris la route de Sina , qui n'est pas fort éloigné d'Amadan.
P. S. du 15. Novembre 1733 .
P. V. D ,
J'avois differé,Monsieur , à vous envoyer la Les
tre que vous venez de lire , par ce que des personnes
qui se croyoient interessées à soutenir que le
passage des Tartares en Perse éloit impossible
par le chemin qu'ils avoient pris , se sont donné
II. Vol
tant
2892 MERCURE DE FRANCE
tant de mouvement et de soins pour répandre
de fausses nouvelles à cet égard dans le Public ,
que je ne sçavois plus moi- même que croire de
ce passage , malgré sa certitude si bien établie par
la Lettre du Pacha de Ghendgé et la démarche
du G. V. auprès de Mrs les Résidens d'Allemagne
et de Russie ; mais l'Aga que la Porte avoit
chargé d'accompagner ces Troupes dans leur
route , étant depuis peu de retour ici de Tauris ,
où il les avoir laissées , je n'hésite plus à vous
envoyer ma Relation , qui est entierement conforme
pour l'essentiel au compte que cet Aga a
rendu de sa Mission à la Porte,
P. V. D.
AUTRE LETTRE de Constantinople
du 18 Novembre 1733. Défaute de
Thamas Kouli - Kan par Topal Osman.
Plusieurs Tartares arrivez ici dans la nuit du
8. au 9. de ce mois , ont apporté la nouvelle .
d'une seconde victoire que Topal - Osman Pacha
Seraskier a remportée le 22. du mois passé.
Mais avant que d'en faire le récit , il est à propos
de reprendre les choses de plus loin et
de rapporter quelques faits qui ont precedé cer
Evenement, dont on a été d'autant plus surpris
qu'on n'avoit pas lieu de s'y attendre.
Depuis la défaite de Thamas- Kouli Kan , du
19. Juillet , et la levée du Blocus de Bagdad ,
qui deux jours après en fut le premier fruit , ce
General Persan, quoique dangereusement blessé ,
ayant gagné Amadan avec les debris de son Armée,
paroissoit y vouloir demeurer sur la deffensive,
soit par les soins qu'il prenoit de fortifier cette
Place et quelques autres aux environs , soit par
II. Vel - Je
DECEMBRE. 1733. 2893
le peu de monde qui lui restoit en état de servir.
Il est vrai que quelque temps après sa retraite
à Amadan il écrivit à Acmet - Pacha, Gouverneur
de, Bagdad , que malgré les désavantages qu'il
avoit eus cette année , il ne se tenoit pas pour
tout-à- fait vaincu , qu'il reconnoissoit les fautes
qu'il avoit commises , et qu'il n'y retomberoit
plus ; mais que comme il vouloit faire la guerre
noblement , il le prévenoit d'avance qu'au Printemps
prochain il se remettroit en campagne
avec une Armée plus nombreuse que celle qu'il
avoit perdue , et qu'il l'iroit trouver à Bagdad.
Ces menaces pouvant être regardées comme
des rodomontades , sur tout de la part d'un homme
aussi va n que l'est Kouli - Kan , et ne devant
pas d'ailleurs s'executer si - tôt , on n'avoit
pas sujet d'en craindre des effets prochains.
Achmet-Pacha cependant ne laissa pas de redoubler
son attention pour ravitailler sa Place
et la mettre en état de soutenir un second Siege,
autant que le Pais des environs qui est entiererement
ruiné à plus de 20. lieues à la ronde , et
les autres circonstances où il se trouvoit , pouvoient
le lui permettre ; et Topal Osman , qui
de son côté ne pouvoit , faute de munitions ,
tenter de nouvelles conquêtes , se borna à envoyer
Poulac Pacha avec 6000. hommes s'emparer
de Takaya ou Tayon , suivant la Carte de
M. de Lisle , Défilé dans des Montagnes , par où
il faut absolument passer pour venir d'Amadan
sur les Terres de Turquie. Ensuite divisant son
Armée en plusieurs corps pour la faire plus aisément
subsister, il se retira à Kerkout,à cinq journées
de ce passage, avec environ trente mille hommes
seulement , qu'il disposa dans les lieux cir-
Convoisins , n'en gardant avec lui qu'un petit
II. Vol. nombre
2894 MERCURE DE FRANCE
nombre pour servir de garnison à cette Forteresse.
Les choses étoient dans cet état quand le Seraskier
eut avis que le fils de Thamas Kouli-Kan
amenoit au Candahar quarante mille Aghuans à
son pere , il en informa aussi-tôt la Porte par
un Courier qu'il dépêcha , et representa , comme
il l'avoit déja fait plusieurs fois , la necessité
qu'il y avoit d'envoyer en Perse de prompts secours
d'hommes , d'argent et de vivres , et il demanda
en même - temps qu'en consideration de
sa vieillesse et de ses infirmitez , on lui permit
de se démettre de la Charge de Séraskier, en faveur
d'Achinet Pacha , qui étoit plus en état que
lui de la remplir dignement.
Le G. S. deferant à ses prieres , et ne voulant
pourtant pas qu'is se retirat entierement du service
, l'avoit nonmé Pacha de Cutaya'; Ville
d'Asie , à trois journées de Constantinople , et
Beyglerbey de Natolie ; l'expedition des ordres
pour ces nouveaux arrangemens , étoit même
déja prête à partir , lorsque la Porte reçut de
nouvelles Lettres de Topal- Osman , par lesquel
les il mandoit que les Persans avoient forcé le
passage de Takaya , et que leur General s'avançoit
vers lui avec une nombreuse Armee de Cavalerie
, sur quoi il renouvelloit ses instances
pour l'envoi des secours qu'il avoit demandez.
On tint sur ce sujet un Grand- Conseil au Sérail
le premier de ce mois , mais les résolutions
qu'on y prit furent tenues si secrettes , que le
Public ne fut pas même informé alors de la nouvelle
pour laquelle ce Conseil avoit été assemblé.
On scut seulement qu'on y avoit décidé de sus
pendre l'execution des ordres dont j'ai parlé cy
dessus et que Topal -Osman continueroit à com
nander l'Armée Ottomane en Perse.
DECEMBRE . 1733. 2895
>
Venons à Kouli - Kan ; les Aghuans que conduisoit
son fils , l'ayant joint à Amadan , il en
partit peu de jours après avec so. à 60. mille
hommes de Cavalerie , dont il fit prendre les devans
20. mille pour se saisir du défilé de Takaya.
Poulac Pacha , à qui , comme on l'a dit ,
la garde en avoit été confiée soit qu'il cut
négligé de s'y fortifier , ou qu'il eût été surpris
all'improviste , soit qu'il ne lui parût pas possible
de résister à l'Armée Persane , que de faux avis
lui avoient fait monter à 200. milie Combatans ;
Poulac- Pacha , dis je , à la vue des 20. mille
Aghuans qui venoient l'attaquer , prit la fuite et
se sauva , à la verité , avec presque tout son
monde , mais sans pouvoir rien emporter de son
Camp , qu'il abandonna.
Dès que Topal - Osman le vit arriver en
fuyard à Kerkout , il fut si indigné contre lui ,
et sur tout de ce qu'il n'avoit pas eu le soin de
prendre de plus exactes informations sur le veritable
nombre des ennemis, qu'il vouloit lui taire
couper la tête. Cependant tant de gens de cousidération
se jetterent à ses pieds , pour lui demander
la grace de cet infortuué Pacha , en lui
rappellant les marques éclatantes , qu'il avoit
données de sa bravoure dans la Bataille du 19 Juil.
let qu'enfin le Seraskier se laissa fléchir; mais prévoyant
bien qu'il alloit se trouver dans de grands
embarras , que le danger étoit pressant , et qu'il
ne devoit pas compter sur les secours qu'il avoit
si souvent sollicitez à la Porte , il se tourna du
côté des Arabes du voisinage dont il demanda
l'assistance et dont plusieurs Cheiks , ou Commandants
lui ammenerent sept à huit mille
hommes. Il rapella en même tems le plus de
Troupes Ottomanes qu'il put rassembler , sor-
I. Vol.
2896 MERCURE DE FRANCE
氧
tit de Kerkout , mit son Armée en Bataille devant
cette place ; et fit faire de bons retranchemens
, boracz de 60 piéces de Canons.
Il étoit encore occupé à fortifier son Camp ,
lorsqu'un exprès du General de Perse lui en apporta
une Lettre , par laquelle cet orgueilleux
ennemi marquoit qu'il marchoit à lui , et que
non -seulemene il enleveroit sa petite Armée ,
mais qu'il l'enleveroit lui même comme un enfant
avec son Bechik. Pour entendre la mauvaise
plaisanterie que ce mot Persan renferme , il faut
sçavoir qu'il signifie tout à la fois , Berceau et
Litiere , et que Topal Osman à cause de ses infirmitez
est obligé depuis long- tems à se servir
de cette voiture.
Le Seraskier ne répondit autre chose à cette
Lettre insultante , sinon qu'il étoit boiteux ,
vieux , et malade qu'il ne pouvoit aller au devant
de Kouli- Kan, mais qu'il l'attendoit et que
/ Dieu décideroit de tout.
Ce dernier continuant sa route passa près de
Bagdad sans s'arrêter , comptant toujours que
cette place ne pouroit manquer de tomber entre
ses mains , dès qu'il auroit battu les Turcs ,
comme il s'en flatoit : mais on dit qu'il surprit
tine fort grosse Caravane qui sortoit de cette
Ville , et qui étant destinée pour Alep , Smirne,
et Constantinople , étoit d'autant plus riche que
ceux qui l'avoient formée , croyant leurs effets
en sureté sur la route , depuis la défaite et la
retraite des Persans , ils avoient fait des envoys
considerables de Marchandises précieuses pour
se dédommager de la longue interruption de leur
commerce.
Enfin Kouli- Kan venant à paroître à la veuë
de Kerkout , le 22 Octobre Topal - Osman le
II. Vol. laissa
DECEMBRE . 1733. 2897
laissa approcher de ses retranchemens jusqu'à la
portée du fusil : il fit faire alors une décharge
de toute son Artillerie chargée à mitraille , et de
toute sa Mousqueterie , ce qui commença à
jetter un grand désordre dans l'Armée Persane , )
il dit à ses Soldats qu'il n'avoit rien à leur commander
; qu'ils étoient bien retranchez et qu'ils
pouvoient se tenir sur la deffensive ; mais qu'il
permettroit volontiers de sortir du Camp à tous
ceux qui auroient assez de valeur pour aller atta
quer l'ennemi . A ce discours , les Jannissaires
du Caire , et quelques Corps de Romelie qui ne
s'étoient point trouvez à l'Action du 19 Juillet
se piquerent d'honneur ; et secondez par quelques
autres Troupes et par les Arabes , ils fondirent
avec furie sur les Persans . Il faisoit beaucoup
de poussiere , un gros brouillard et un
vent qui soufloit la poudre aux yeux de ceux ci,
dont les Turcs tirerent un grand avantage.
›
Après quatre heures d'un combat opiniâtre ,
le Seraskier s'appercevant que ses Troupes prenoient
le dessus , il fit ordonner à tout ce qui
lui en restoit dans le Camp , de venir partager
le péril et la gloire de cette journée. Ce renfort
redoubla le courage des Turcs et acheva d'abbattre
celui des Persans : ils prirent enfin la fuite,
laissant 6000 des leurs sur la Place , dont on apporta
les têtes aux pieds de Topal - Osman , ct
trois mille Prisonniers , parmi lesquels on dit ,
que sont le Beau- pere et le neveu de Kouli - Kan
avec plusieurs Seigneurs de marque.
> Le Seraskier les ayant fait venir devant lui
leur demanda comment leur General après avoir
été si bien battu auprès de Bagdat, étoit revenu
le chercher avec tant de diligence ? Seigneur
lui répondirent- ils , Thamas Kouli - Kan n'a d'a-
II. Vol. G bord .
288 MERCURE DE FRANCE
,
bord fait cette démarches que sur les assurances
qu'on lui avoit données de plusieurs endroits que
vous étiez mort et dans la persuasion où il étoit
qu'un Chef tel que vous manquant à l'Armée Ottomane
, il en triompheroit aisément , et qu'ensuite il
ne trouveroit que de foibles obstacles à s'emparer de
Bagdad. Il a bien reconnu depuis , qu'on lui en
avoit imposé , mais il n'a pú se résoudre à reculer,
et il s'est d'ailleurs fié en son courage et à celui des
Aghuans , avec lesquels il a ci- devant remporté
beaucoup de Victoires ,
Il est à remarquer qu'aussi - tôt qu'Achmet Pacha
eût apris que Polac Pacha avoit abandonné le defilé
de Taxaya , il se pressa de faire entrer dans sa
Place tout ce qu'il put ramasser d'utile , et de faire
fermer les Portes , ne doutant pas que Kouli - Kan
ne vint en renouveler le blocus . Il régaloit même
dans ce moment le Buyuk Imbrohor , ou grand
Ecuyer du G.S.qui étoit sur le point de partir pour
revenir à Constantinople ; et iui ayant represen
té le risque qu'il y auroit pour lui sur le chemin
de Bagdad à Kerkout , qui devoit être alors infesté
de partis Ennemis , il lui fit prendre la route
de Mossul par le desert. Topal - Osman en
ayant été informé , envoya à ce Grand - Ecuyer
une Relation de l'Affaire qu'on vient de raconter ,
avec ordre de la faire passer incessamment à la
Porte , et d'attendre encore de ses nouvelles à
Mossul.
On présume de - là , qu'apparemment le Seraskier
veut lui faire remettre avec sureté le Beaupere
et le neveu de Kouli- Kan , avec les autres
Prisonniers de distinction , pour qu'il les conduise
et les présente lui - même au G. S.
Comme suivant quelques avis Kouli-Kan
après cette derniere déroute . s'étoit arrêté à
II. Vol. Leilan
DFCEMBRE. 1733. 2899
>
Leilan qui n'est qu'à cinq lieues de Kerkout
et qu'on craint avec raison qu'il ne veuille encore
tenter le sort des Armes , la Porte a dépêché un
Courier à Demir Pacha qui commiande 40
mille hommes aux environs de Tauris , avec ordre
de marcher en diligence avec les Tartares
qui sont passez en Perse , lesquels l'auront joint
vers les lieux où l'Armée de Kouli - Kan sera
campée.
Quoique cette nouvelle Victoire de Topal-
Osman soit encore plus glorieuse pour lui que la
premiere , on n'a cependant point tiré le Canon
ici , comme il est d'usage en pareil cas , parce
qu'on attend, dit - on , l'arrivée du Buyuk Imbrohor,
ou celle de quelque personne qui vienne directement
de la part du Seraskier.
Du 18 Novembre 1733.
P. V. D.
Comme j'allois fermer mon paquet , Monsieur,
on m'est venu dire une nouvelle de la derniere
importance pour cet Empire ; sçavoir , que Topal-
Osman Pacha étant allé attaquer Thamas
Kouli- Kan à Leilan , où je vous ai marqué qu'il
s'étoit arrêté , après sa dérouté du 22 Octobre ,
les Aghuans qui composoient la meilleure partie
de l'Armée Persane, avoient ployé leurs Etendarts
et s'étoient venus rendre à Topal - Osman , que
Kouli-Kan trop affoibli par cette désertion
pour pouvoir resister aux Turcs , avoit pris la
fuite vers la Perse avec environ 10000 hommes
qui lui restoient , que Topal - Osman l'avoit fait
suivre par Menis Pacha à la tête d'un gros
Corps de Troupes , et avoit donné ordre en
même tems aux Curdes de s'emparer d'un defilé
par où il falloit necessairement que les Persans
II. Vol.
Gij
passassent
2000 MERCURE DE FRANCE
>
passassent; que leur General se voyant prêt d'être
assailli par devant et par derriere , sans espérance
de pouvoir échapper , avoit écrit une Lettre
à Topal- Osman , par laquelle il se confessoit
vaincu et lui demandoit la Paix à telles conditions
qu'il voudroit lui imposer , mais que le
Seraskier lui avoit répondu que le regardant
comme un Rebelle , il ne vouloit traiter en aucune
façon avec lui ; enfin que suivant l'extre
mité ou Kouli- Kan étoit réduit au depart des
trois Couriers qui ont apporté cette nouvelle
ce matin , ce General Persan doit avoir été pris
depuis avec le reste de son Armée.
On a tenu ici sur le champ un Conseil general
au Serail , dans lequel il a été résolu d'envoyer
sans délai des pleins pouvoirs à Topal - Osman ,
pour traiter de la Paix avec des Ministres du léitime
Souverain de Perse , que l'on dit être un
jeune Fils de Schah - Thamas , ce dernier étant
à ce que l'on ajoute , et avec ordre de
n'écouter aucune proposition de la part de Thamas
Kouli- Kan,
mort ,
P. V. D.
POLOGNE.
E Roy a fait publier un Decret par lequel
5. M. accorde une Amnistie generale aux
Opposants , qui dans un terme prescrit lui rendront
l'hommage qu'ils lui doivent > et se joindront
à ses Troupes pour chasser les Moscovites
et les Saxons de la Pologne ; S. M. ajoute dans
ce Decret , que si après le terme qui est donné
aux Rebelles pour se soumettre,ils persistent dans
leur révolte , ils seront privez de tous les droits
de la Noblesse , et declarez infames , et que leurs
biens seront confisquez et leurs maisons rasées .
II. Vol. Plusieurs
Plusieurs des Opposans qui étoient restez à
Warsovie depuis que le General Lesci est allé
camper à Lowitz , ont profité du pardon qui
leur a été offert.
Les Moscovites souffrent toujours beaucoup
dans ce nouveau Camp qu'ils occupent , parce
que le Castellan de Czersko a ravagé tous les
environs de cette derniere Ville pour ôter aux
Ennemis les moyens de subsister , et qu'il n'a
pas même épargné les terres du Primat et les
siennes . Le Castellan, celui de Lublin et le "Comte
Pocci, Régimentaire de Lithuanie , sont toujours
près de Louwitz , et ils fatiguent par des
combats continuels les Moscovites qui sont
obligez d'être jour et nuit sur leurs gardes pour
se garantir des surprises . Les Castellans de Mariembourg
et de Plocko ne laissent pas plus
tranquilles les Troupes Saxones, qui depuis leur
entrée en Posnanie n'ont fait aucun mouvement
pour pénétrer plus avant dans le Royaume , er
il se passe peu de jour sans qu'on ait quelqu’-
avantage sur leurs détachements.
Le Comte Potocki Régimentaire de la Couronne
s'est retranché sur les bords de la Vistule ,
pour en disputer le passage aux Ennemts s'ils
marchent vers Cracovie. Quelques violences
que le General Lesci commette sur les Terres
des Seigneurs et des Gentilshommes attachez au
parti du Roy , aucun n'a trahi son devoir, et les
menaces de ce General, loin d'ébranler leur fidelité
, semblent augmenter leur empressement à
entrer dans la confédération faite par la Noblesse
des Palatinats de la Prusse Polonoise.
On apprend en dernier lieu de Dantzick que
la plus grande partie de la Noblesse des sept l'a-
II. Vol. G iij latinats
670.
latinats qui composent la grande Pologne , et
quelques autres Palatinats , sont entrez dans la
Confédération faite par ceux de la Prusse Polonoise.
La Cour du Roy augmente tous les jours,et il
y est arrivé depuis peu plusieursSeigneurs , du nomdesquels
sont les quatre Princes Sapieha , le
Comte Sapieha , qui a quitré la Moscovie où il
avoit été élevé par le Czar Pierre I. à la Digniré
de Feldt - Maréchal, les Princes Jean et Michel-
Czartorinski , les Palatins de Pomerelie , de Livonie,
et de Cujavie, les Castellans de Lubowski,
de Wilda , de Liominski , de Roznaczowiscxi ,
de Lubelski , et de Rokoczinzki , les Starostes
de Wisck , de Craczinski , de Sthum , de Schatowski
, de Buck , et de Ruzzeria.
On a publié un Decret par lequel le Roy
deffend à tous Gentilshommes de se trouver aux
prétendues Diettes particulieres convoquées par
M. Poninski au nom de l'Electeur de Saxe. S , M.
dit dans ce Decret qu'Elle n'est point venuë dans
le Royaume pour disputer la Couronne , mais
pour maintenir la liberté de la Nation , après
avoir fait un Parallele de la maniere dont on a
procedé à son Election , et de la violence avec
laquelle s'est faite la proclamation de l'Electeur
de Saxe , et après avoir comparé les Droits que
l'unanimité des suffrages de la Nation lui dondent
à la Couronne , avec ceux de cet Electeur,
qui n'étant appellé dans le Royaume que par un
petit nombre de rebelles , veut le conquerir par
la force des Armes , le Roy ajoute qu'il compte
que le zele de la Noblesse Polonoise pour la li
berté et pour l'honneur de la Nation , ne lui
permettra point d'obéir aux ordres d'un Prince
qui n'a point droit de lui en donner . S. M.
II. Vol. .finit
DECEMBRE. 1733. 2903.
finit en exhortant la Nation à ne point se laisser,
intimider par la grande puissance des Ennemis
et en lui promettant des secours qui surprendront
ceux qui avoient formé le projet d'assujettir
le Royaume.
ON
ALLEMAG N E.
N apprend de Vienne que le 15. de ce mois
e Comte de Preising et le Baron de Morman
, Ministres Plenipotentiaires de l'Electeur
de Baviere , reçuient de l'Empereur , au nom du
Prince leur Maître , l'investiture de l'Electorat
de Baviere et des autres Fiefs de l'Empire qu'il
possede.
Le 24. Decembre , il arriva à Vienne un Courier
dépêché par le Ministre de l'Empereur à
Constantinople , pour informer S. M. I. que
dans la derniere Audience qu'il avoit euë du
Grand Seigneur , S. H. lui avoit déclaré que
ses Troupes venoient de remporter une victoire,
complette sur les Persans , et que Thamas-Kouli-
Kan étoit actuellement renfermé avec les debris
de son Armée entre deux Montagnes , d'où il ne
pouvoit sortir qu'en se soumettant aux conditions
qu'il plairoit au Vainqueur de lui imposer.
L'Empereur a appris par le mêne Courier , que
le G. S. demandoit d'être instruit des Articles
du Traité conclu entre S. M. I. et la Czarine ,
laquelle lui avoit donné divers sujets de mécontentement
, sur tout en faisant entrer les Troupes
Moscovites dans la Pologne , au préjudice
du Traité de Pruth.
L'Electeur de Saxe , accompagné du Comte de
Sulkowski , son Grand Ecuyer , de M. Brulh ,
Minstre d'Etat , du Comte Flemming et de quelques
autres Seigneurs , partit de Dresde le 9 .
de
II. Vol.
Giiij ce
2904 MERCURE DE FRANCE
ee mois pour aller se mettre à la tête des Troupes
Saxonnes qui sont en Posnanie , prenant sa
route par la Bohéme.
Lour
ITALIE.
E 10. Decembre , la Congrégation établie
pour examiner les moyens de remedier aux
inconveniens des Asiles , et celle des Immunitez ,
s'assemblerent , et les Cardinaux qui composent
Pune et l'autre , résolurent , à la pluralité de
enze voix contre cinq , que les Sujets de l'Etat
Ecclesiastique qui ne sont pas de cette Ville et
qui auront commis quelque meurtre , pourroient
être pris par les Officiers de Justice , même dans
les Eglises où ils se seront retirez.
Les Rebelles de Corse recommencent leurs Actes
J'hostilité , et l'on a appris depuis peu à Genes ,
que soo. d'entr'eux avoient attaqué un Détachement
de so. Soldats qui alloient de Corse à
Rostino , et qu'après quelque résistance ils furent
obligez de ceder au nombre et du prendre la
fuite. Ces Lettres ajoûtent que les Rebelles avoient
attaqué un Convent où il y avoit un Détachement
de cent hommes,qu'ils avoient forcez de se
rendre et qu'ils avoient faits prisonniers de guerre
, contre ce qui avoit été convenu par les Artieles
de la Capitulation ; qu'après cette Expedition
ils avoient marché à Corse pour s'en
rendre maîtres , mais que la Garnison de ce
Château avoit fait une sortie sur eux , les avoit .
mis en fuite et leur avoit enlevé leurs bagages et
soutes leurs munitions.
II. Vol ESPAGNE
DECEMBRE. 1733. 2905
ESPAGNE.
N écrit de Parme , que les rooo. hommes
de Troupes Espagnoles , débarquez de Livourne
, sont arrivez dans les Etats de l'Infant
Don Carlos
Voici l'Exposition du Roy , que nous allons
donner dans sa Langue originale.
NOTICIA al Embaxador del REY
CATHOLICO en la Corte Britanica ,
de las razones que han obligado a su
MAGESTAD Catholica à hacer la
guerra al EMPERADOR.
J
:
Amás el Rey Catholico ha podido mirar con
ojos imparciales , ò con tranquila indiferen-
Cia , la extravagante sèrie de ultrages , y violen-'
tos procederes del Emperador , y Corte de Viena,
para ceñir con su oposicion la autorizada libertad
de la Republica de Polonia , dissimulado
el visible intento de quitarla , con el aparente
disfraz de mantenerla todo à fin de que no se
exalte en su Solio Soberano un Principe , en
quien resplandece tan intimo respetable enlace
con la Augusta Casa de Borbòn , de que es el
Rey Catholico parte tan principal ; ò hacer ,
que elegido , ò elevado , se precipite del Trono,
El silencio de su Magestad Catholica en los
emergentes de este caso , y desde la notoria denigrativa
exclusion de el Rey Stanislao , no explicaba
menos su justo sentimiento , que las publicas
declaraciones del Rey Christianissimo su
sobrino ; ni menos agitaban su Real animo los
agravios de la no sufrible ambicion de la Corte
II. Vol. GY d<
2906 MERCURE DE FRANCE
de Viena , que los generosos estimulos de su
pondonor. Creia , no obstante , su Mag. Catholica
, que no dexaria el Emperador de reflexionar
los riesgos de su escandalosa empressa , y
la imaginaria presumpcion de su superioridad ,
para desistir del contingente monstruoso intento
de chocar ciegamente en el escollo de la delicada
tolerancia de semejantes Potencias , siendo
en entrambas comunes los agravios , y unos
mismos los impulos.
Por tanto su Mag. Catholica , todavia impelido
del deseo de la paz , y siempre influido del zelo
de la universal quietud , prosiguió en solicitar
los efectos de la mediacion , y garantia del Rey
Britanico , para la amigable satisfacion de los
insultos , daños , è infracciones executadas inde
bidamente en los Estados , y persona del Señor
Infante de España Don Carlos su hijo . Pero no
conociendo yà limites la ambicion del Emperador,
y Corte de Viena , animada de un insaciable
furor de soberania , en que le constituyò la lisonja
comun de Europa , en la adquisicion de bastos
dominios ; esforzò , en fin , medios extraordinarios
, con el dificil intento de sacrificar à su
antojo , en la persona del Rey Stanislao , la soberania
de los dos altos Monarcas ,y desatender al
mismo tiempo , con desprecio , las cuerdas proposiciones
del Rey Britanico , para eludir en la
Religiosa resignacion del Rey Catholico , las
profiquas resultas de una dilatada negociacion ,
par la un amigable convenio.
Estas no esperadas resoluciones del Emperador
, influidas de una prepotente animosidad , y
dirigidas , sin rebozo , à violár los derechos de
succession de Principes legitimos , se infieren ,
sin violencia , de los notorios despoticos proce
11. Vol. dimientos
DECEMBRE. 1733. 2907
dimientos contra la libre eleccion del Rey Stanislao.
Y aunque no son menos sabidos los que
maliciosamente se han fraguado contra la suceession
del Señor Infante Don Carlos , non parce
que deba presentemente callarios la incon
trastable justificacion del Rey Catholico.
Apenas muerto el Duque Antonio de Parma
ocupó sus Estados con la fuerza de sus Armas,
desatendiendo , u olvidando el titulo honeroso
con que se avia obligado à sobrogar la inmediata
legitima possession del Señor Infante Don
Carlos , por solemnes , repetidos , y ratificados
Tratados ; valiendose , para cohonestar la usurpacion
, del vergonzoso pretexto de un fingido
preñado de la Duquesa Henriqueta viuda , en
cuya contestacion creyò , sacrificando su decoro,
adquirir escandalosamente con el Emperador un
merito ; y éste , conseguir su injusto intento con
autorizar esta fabulosa Scena en el Teatro del
Mundo , todo con publicos Rescriptos , Juntas
de Govierno , y disposiciones à nombre del solo
imaginado venturo concepto.
Sin duda se persuadiò desde luego la Corte de
Viena de poder con este detestable artificio im
possibilitar la succession del Infante ; pero en el
discurso del tiempo previò dificil la duracion del
engaño , y creyò hacerse un gran merito con
confessarlo , facilitando en esta forma la execucion
de las estipuladas condiciones , à favor de
la succession del Señor Infante , con el Rey de
Inglaterra , que quiso interessar su fee , y autoridad
en la justicia del Señor Infante.
los
Fueron verdaderamente en este intermedio ,
poderosas en el animo del Rey Catholico las
atentas insinuaciones , los eficaces oficios , y
generosos ofrecimientos de su Mag. Britanica
II. Vel
G vi para
1958, MERCURE DE FRANCE
para que su Mag. Catholica concurriesse en la
satisfaccion , que amigablemente le procuraba ,
para la debida pacifica possession del señor Infante
Don Carlos en los Estados de Parma,y seguridad
de las futuras de Toscana.
No obstante no se escondian à la elevada
penetration del Rey Catholico , los evidentes
riesgos de su condescendentia , la experimendata
mala fee de muchos años , la violacion de muchos
Tratados , y el conocimiento de los ambiciosos
fines de la Corte de Viena, que han dado
siempre aliento à la prudente desconfianza, y
al fundado rezelo de que la forzada conniven
cia del Emperador , à la autoridad del Rey Britanico
, pudiesse llegar à tal punto , que experimentasse
limites su prepotencia , y tuviessen frepo
los arrojos mal consentidos de una altivéz
desordenada.
Con el designio de su desengaño quiso su Magestad
Catholica acordarle el riesgo ; y en 6 de
Junio de 173 1. convino con su Magestad Britanica
, que para no encender en una sensible perqurbacion
la publica tranquilidad , admitiria la
amigable , ofrecida , y acordada possession del
señor Infante Don Carlos , y la pacifica introducion
de los seis mil Españoles , con la expressa
condicion de que .... » Ni por parte del Serenissimo
Infante , ni por la de su Magestad
Catholica , fuesse necessario disputar , debatir
, ò allanas dificultad alguna , qualquiera
fuesse que pudiesse ofrecerse debaxo de
qualquier pretexto , que ser pudiesse.
Consintió el Emperador à la execucion de
este convenio , con la ratificacion de su observancia
, que estipulò tambien con el Ministro
de su Magestad Catholica, cuyo Real animo de-
11. Vol. biè
92 que
90
DECEMBRE. 1733 2909
biò esperar prompta , por tan afianzadas segu
ridades , la debida entrega de los Estados de Parma
, y Placencia al señor Infante , y pacifica la
entrada , y_permanencia en Toscana de dicho
Cuerpo de Tropas. Sin embargo , contra toda expectacion,
y solemnidad de contratos , viò la Europa
ultrajado el respeto del Señor Infante , y
desatendida del Emperador la Magestad Catholica
, mediante una nueva impensada repulsa al
Acto acordado de la possession ; prétendiendo ,
que precediesse una jamàs discurrida declaracion
del Ministro de su Mag. residente en Parma , sobre
otras distintas indecorosas condiciones , nunca
articuladas , ni propuestas , y solo dirigidas
à su arbitrio , con un Ministro no autorizado ,
apartando fraudulentamente la communicacion ,
è inteligencia de estos subrepticios procederes, de
los Ministros de su Mag. Catholica , y su Mag.
Britanica , que se hallaban residentes en Viena ,
y avian , en nombre de sus Soberanos , solemnizado
la observancia de lo poco antes diversa-
, mente estipulado. Fundado sobre tan erroneos
instrumentos , immediamente pretendiò , y amenazo
expeler con treinta Batallones , y dos mil
cavallos , los apenas introducidos seis mil Espažolės
.
"
Manifestò su Mag. Catholica al Emperador
el sentimiento que le debia causar tan inaudito
trato , y sonò en toda Europa su justa quexa ; y
no pudiendo obtener respuesta alguna las mas
atentas , y activas instancias , solo pudo conseguir
de un emphatico desprecio , una dissimulada
desistencia .
No satisfecha , al parecer , la Corte de Viena
con tanto provocar el sufrimiento , ordenò se
executassen quantos insultos pudiessen cometerse
II. Vol.
con1910
MERCURE DE FRANCE
contra los limites , y jurisdicion del Señor In
fanre Don Carlos , usurpando terrenos , sitios, y
dominio sobre subditos de tan gran Principe
prohibiendo el reconocimiento de Feudatarios
su soberania , la entrega de los Feudos del Reyno
de Napoles , è incorporando con absoluta
potestad otros à su supremo Dominio , contra
las expressas Clausulas de las Investiduras , y
Tratados. Ese arrebatamiento de voluntarias
violencias , llegò al extremo de expedir dos Rescriptos
injuriosos , condenando en el uno , como
delinquente , al Gran Duque de Toscana , por
aver recibido en su nombre el Señor Infante el
omenage de los Pueblos de aquellos Estados , en
un voluntario reconocimiento de Successor legitimo
; y en el otro al Señor Infante , por suponer
averse indebidamente abrogado el Titulo de
Gran Principe , admitido antecedentemente , sin
controversia , por el Ministerio de Viena , en
Actos publicos , en impression de monedas , y en
la aclamacion de los Pueblos , olvidanto , que
esta practica se reconoce autorizada en todos
tiempos , y aun en el actual , por otros Principes
del Imperio , con el unico identico fundamento
de las investiduras eventuales .
Viendo , en fin , la Corte de Viena descubiertos
los engañosos artes con que intentaba disfrazar
sus maximas , è idèas particulares , recurriè
al de acriminar las referidas inocentes acciones ,
abultandolas , y calificandolas de inexplicables
perjuicios à la feudalidad del Imperio , al passo
que no ay acto de sumission , que aya dexado de
observarse , con la mayor exactitud , para la admission
de Tutores , de emancipada patria potestad
, de reconocimiento de menor edad , y
consiguientemente quanto conduce à los mas
II. Vel. for.
DECEMBRE. 1733. 2971
formales , y puros procederes , aunque todo es
to no pidiesse la observancia de los Tratados , è
Investiduras eventuales.
Enmedio de estos sensibles excessos , ha querido
su Mag. Catholica , que à la vista del mun
do todo , compitiesse su prudente tolerancia
con la inconstante violencia del Emperador , y
antes valerse de la justicia , que del valor . Confiò
à la autorizada interposicion del Rey Eritanico
sus justas quexas contra los incessantes disturbios,
y desprecios , que interrumpian la tranquilidad
de las possessiones del Señor Infante, y
lastimaban el decoro de su Magestad. Adopto
su Mag. Britanica la justicia del Rey Catholico,
y empleò sus oficios con la Corte de Viena ,
tratandose en repetidas conferencias de los medios
mas oportunos para una decorosa amigable
composicion. Pero las continuas di aciones llas
respuestas ambiguas , las inadmissibles proposiciones
, los terminos imperiosos , y lesivos con
que se formaban los proyectos en Viena , las
pretestadas distancias , y la methodica lentitud
de aquel ministerio , han arrastrado la mas solicita
aplicacion à que tan solamente se huviesse
podido por los Ministros Britanicos formar un
Proyecto en 21 de Julio de 1733. que aprobado
por el Embaxador de su Magestad Catholi
ca , recusò el admitirlo el de el Emperador sin
nuevas ordenes de su Soberano. Condescendiò el
Ministro de su Magestad con repetidas protestas
de no querer incurrir en nuevas capciosas
dilaciones , que hiciessen maliciosamente perder
Ja oportunidad de la Campaña. En esta inteli
gencia se despachò à ambas Cortes el proyectado
ajuste ; y al passo que por su Magestad
Catholica fuc promptamente buelto con su Real
II. Vol.
apro2912
MERCURE DE FRANCE
aprobacion , se difiriò por largo espacio la respuesta
de Viena , atribuyendose à la contrariedad
de los vientos , ò à la seria especulacion de
los Ministros de Viena , la dilacion , que à todos
visos maliciosamente se procuraba
Finalmente , quando se esperaba una condescendencia
tan deseada , y solicitada por el Rey
Britanico de la Corte de Viena , y declarada yà
la de su Mag. Catholica al Proyecto propuesto
por su Mag. Britanica , llega con Extraordinario
un Contra - Proyecto , ò Declaracion , igualmente
ilusorio , è injurioso à quantos antes avia
expedido la altivèz de aquella Corte ; de forma ,
( que sorprehendido , è irritado de un tan extravagante
injurioso proceder el Ministro del Rey
Catholico , se viò precisado à declarar , quebrantada
enteramente toda negociacion. Conociò el
Rey Britanico quan fundada era la quexa de este
Ministro , y qual debia ser el justo enojo de su
Mag. Catholica . Y no obstante estàr yà fatigada
la eficacia de los oficios del Rey Britanico à
la Corte de Viena , quiso la zelosa solicitud de
sus Ministros esforzar un nuevo consentimiento
del Rey Catholico para una dilacion de treinta
dias mas. Pero la prudente reflexion de todo lo
ocurrido , hizo prevèr à su Mag. Catholica las
perjudiciales consequencias de su condescendencia
, y los indecorosos efectos de su ulterior tolerancia
à la vista de tan acumulados desprecios,
hechos al mismo tiempo à Principes de la Casa
de Borbón , y conocer indispensable la correspondiente
resolucion de inmediatamente juntar
sus Tropas con las del Rey Christianissimo ,
para hacer la guerra al Emperador , y en esta
forma vindicar los comunes agravios , y restablecer
el respeto de dos Monarquias , que la in-
II. Vol. tole .
DECEMBK E. 1733. 2913
tolerable ambicion del Emperador ha lastimado
con tanto excesso .
No cree su Mag. Catholica , que despues de
tan estudiadas entretenidas , de tan vissibles engañosos
insultos de la Corte de Viene y de
tan repetidas Condescendencias de la de España ,
pueda dexar de aprobar el Rey Britanico su determinacion
, al passo que comprehenderà ofendida
su mediacion , y menospreciada la sobera
nia de Principes , que no reconocen superioridad
, antes bien se persuade , que quedarà agradecido
del reconocimiento de su Mag. Catholi
ca à su loable intencion ; y que procuratà fomentar
mas que nunca una inalterable buena correspondencia
, para que prosigan à experimentar
las dos Naciones las mas beneficiosas resultas de
un continuado fiel Comercio, y logren la satisfaccion
, que afianza la apreciable amistad de los
dos Monarcos.
GRANDE BRETAGNE.
N écrit de Londres que l'Empereur y fait
chercher 250000 liv. Sterlings qu'il veut
emprunter à six pour cent d'intérêt , mais on
doute que les sûretez qu'offre S. M. I. soient
jugées suffisantes.
:Mmmmm
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
Lils de l'Electeur de Baviere , et de Marie-Emi-
E Prince Joseph- Antoine de Baviere , second
lie d'Autriche , mourut à Munich le 6 de ce mois
âgé de 6 ans 3 mois 11 jours , étant né le as
Aoust 1728,
篇
11. Vol. Le
2914 MERCURE DE FRANCE
Le Cardinal Doria mourut à Benevent ,
le 6 Decembre , âgé de 68 ans ; il avoit été fait
Cardinal le 12 Septembre de l'année 1731. par
le Pape regnant , qui lui avoit donné le Titre de
S. Jérône des Esciavons.
Le Vaisseau sur lequel le Cardinal Grimaldi
s'étoit embarqué pour aller à Naples , dont il
esperoit que l'air seroit propre au rétablissement
de sa sauté , y arriva le 17 du mois dernier . Ce
Cardinal fut attaqué en pleine Mer d'un vonissement,
accompagné de convulsions si violentes,
qu'il mourut quelques heures avant que le Bâtiment
entrât dans le Port de Naples . Il étoit
dans la 60 année de son âge , étant né le 15 Novembre
1674. il avoit été fait Cardinal le , da
mois d'Octobre de l'année 1730. par le Pape
regnant , qui lui donna le Titre de Ste Balbine ,
et le nomma Légat de Boulogne.
Le Duc de Chablais , troisiéme Fils du Roy
de Sardaigne , est mort à Turin. Il étoit né le
23 Juillet 1733.
ETRENNES A M.....
Non , Ismene,pour vous je ne suis plus l☛
même ;
Pour vous je n'ai plus d'amitié ;
Ce changement qu'envain mon coeur eût pallié .
Vous cause , je le vois , une surprise extrême.
Quoi ! direz- vous , Eraste après tant de bontez
Après tant de bienfaits qu'il a peu méritez ,
Change soudain avec l'année ?
Qui , sans doute ; et de plus , ce sont précisé
ment ,
II. Vol. Vos
DECEMB.R E. 1733. 2915
Vos bontez , vos bienfaits , qui font mon changement
,
Mais quoique avec raison vous soyez étonnée ,
D'un aveu fait si librement ,
Je ne crois pas qu'il doive exciter votre haine ;
Car tout le changement que pour vous en ce
jour ,
Mon coeur éprouve , belle Ismene ,
C'est que mon amitié s'est changée en amour,
L
COCQUARD .
ARME'E D'ITALIE,
Et Siége du Château de Milan.
E Maréchal de Villars arriva le 14
Decembre à Milan , où les Troupes
du Roy et celles du Roy de Sardaigne ,
qui étoient parties du Camp devant Pizzighitone
le 9 et le 10 de ce mois , et
qui étoient destinées à faire le Siége du
Château , s'étoient renduës le 13 .
La Tranchée fut ouverte du côté du
Bourg des Hortolani, la nuit du 15 au 16,
sous les ordres du Marquis d'Asfeld
Lieutenant Général , ét du Marquis de
Louvigni , Brigadier par 20co Travailleurs
, soûtenus du Régiment des Gardes
du Roy de Sardaigne , de celui de Tessé
et de trois Compagnies de Grenadiers des
11. Vel. Ré2918
Régimens de Champagne , du Roy et de
Piémont. On établit pendant cette nuit
deux Paralleles , dont la plus avancée
n'étoit à la gauche qu'à 60 toises du Chemin
couvert ; il n'y eut pas un seul homme
de tué ni de blessé .
Le 16 , à dix heures du matin , le Marquis
de Savines , Lieutenant General , et
le Marquis de Mison , Brigadier , releverent
la Tranchée avec trois Bataillons du
Régiment de Picardie , et trois Compagnies
de Grenadiers des Regimens d'Auvergne
, du Roy , et de la Ferté- Imbaut;
les Travailleurs furent employez à élargir
et à perfectionner la Tranchée, dont
les Ouvrages furent assez avancez pen
dant la nuit.
Le 17 , le Marquis le Cadrieux , Lieutenant
Général , et M. de Cadeville , Brigadier
, monterent la Tranchée avec les
trois Bataillons du Régiment de Champagne
, et une Compagnie de Grenadiers
du Régiment de Savoye .
On commença cette nuit à travailler à
l'établissement de plusieurs Batteries de
Canons et de Mortiers , et les Ennemis
qui n'avoient pas beaucoup tiré les deux
nuits précedentes s'étant apperçus de ces
travaux , firent un feu si considérable ,
qu'il y cut plusieurs Soldats tucz ou
blessez.
DECEM BRE. 1733. 2917
Le 18 la Tranch e fut relevée par le
Marquis de Beuil , Lieutenant Gen ral ,
et par M. de Cumiane , Brigadier des
Troupes du Roy de Sardaigne , avec les
Regimens d'Auvergne et de Flandreset
une Compagnie de Grenadiers de celui
d'Orleans.
La nuit du 19 au 20. on s'établit dans
un avant-fossé dont on fit une parallele
au pied du glacis , et on poussa en avant
trois sapes , à la tête desquelles on commença
le zo à faire des puits pour pouvoir
éventer les mines . Les assiégez continuerent
à faire un très grand feu d'Artillerie
et de Mousqueterie mais qui
diminua beaucoup le 24. que nos trois
Batteries de Canon et deux de Mortiers
commencerent à tirer.
Le 25 Décembre le Marquis de Lanion ,
Maréchal de Camp , et le Marquis de
Louvigny Brigadier, monterent la Tranchée
devant le Château avec le Regiment
de la Saarre , le second Bataillon de celui
de la Ferté- Imbaut , et deux Compagnies
de Grenadiers des Regimens de
Champagne et de Souvré. Les sapes furent
poussées jusqu'au Chemin couvert ,
et on continua les travaux necessaires
pour pouvoir éventer les mines qu'on
croyoit trouver sous les fortifications du
Chemin couvert .
2918 MERCURE DE FRANCE
La Tranchée fut relevée le 26. sous les
ordres du Marquis de Fervaques , Maréchal
de Camp , et du Marquis de Mison,
Brigadier , par le Regiment Royal Roussillon
, par celui de Piémont , des Troupes
du Roy de Sardaigne et par deux
Compagnies deGrenadiers des Regimens
d'Auvergne et de Nivernois.
Les Mineurs employez à découvrir les
mines n'ayant trouvé que des galleries
abandonnées , on entra dans le Chemin
couvert , d'où les Ennemis s'étoient retirez
, et on s'y logea par une paraliele sur
toute l'étendue de l'attaque.
›
Le lendemain on travailla à perfection .
ner les logemens , et on commença à rétablir
plusieurs Batteries pour battre les
deux faces de la demi lune celies des
deux Bastions d'Acunha et de Velasio ,
et les deux flancs des mêmes Bastions.
Le Comte de Chatillon Maréchal de
Camp , et le Comte de Boissieux Briga
dier monterent laTranchée ce jour- là avec
les deux Bataillons du Regiment des
Girdes du Roy de Sardaigne , un de celui
de Schulembourg une Compagnie
de Grenadiers du Regiment du Roy ,
et une de celui d'Orleans . Le soir , deux
Batteries de quatre piéces de Canons
chicune commencerent de battre en
11. Vol.
و
>
bréche
DECEMBRE. 1733. 2919
,
bréche les deux faces de la demie- lune .
Le 28 la Tranchée fut relevée par le
premier et le troisième Bataillon du Regiment
de Picardie , et par deux Compagnies
de Grenadiers des Regimens de
Louvigny et de Montferrat sous les ordres
de M. S. Perrier Maréchal de
Camp , et de M. de Cadeville , Brigadier,
et le 29. par le Duc d'Harcourt , Maréchal
de Camp , et de M. de Cumiane
Brigadier des Troupes du Roy de Sardai
gne , avec le second Bataillon du Regiment
de Picardie , le Regiment de Tessé,
uneCompagnie de Grenadiers de celui de
la Ferté - Imbaut , et une du Regiment
de Piémont.
On travailla ce jour- là à faire dans le
Chemin couvert six débouchez pour descendre
dans le Fossé , et ils étoient assez
avancez , lorsque le Maréchal Viscomti
qui avoit été forcé d'abandonner la demi
June , et qui jugea que les breches qui se
formoient aux faces des deux Bastions
seroient bien tôt praticables , fit battre la
chamade vers les trois heures après midi.
On lui demanda de livrer une des Portes
du Château , il la remit le lendemain 30 .
le Marquis de Villars partit le même jour
après midi pour en aller
velle au Roy.
porter la nou-
II. Vol. La
2920 MERCURE DE FRANCE
La Garnison du Château , réduite environ
à 800 hommes en sortira le 2 Janver
, avec les honneurs de la Guerre ,
et se retirera à Mantoüe suivant la capitulation
convenuë le 30 de ce mois.
Le Siége de Novarre ayant été resolu ,
15 Bataillons des Troupes du Roy et
trois de celles du Roy de Sardaigne, sont
partis de Milan pour aller faire le Siége
de cette Place , avec les Troupes qui en
ont formé le blocus depuis le commencement
de la Campagne.
· Le Marquis de Coigni , Lieutenant
General , commandera à ce Siége , et les
Maréchaux de Camp qui y serviront sous
ses ordres , sont M. d'Affry , le Marquis
de Fervaques , et le Duc d'Harcourt.
Le Comte de Broglio , Lieutenant Ceneral
, qui commande les Troupes qui
sont aux environs de Cazal Major, envoya
le 28. Decembre un Détachement d Infanterie
de 3000 hommes, cent Dragons ,
cent Carabiniers , et vingt Hussarts du
Regiment de Ratsкy pour s'emparer de
Guastalle. Le Marquis de Valence qui
commandoit ce Détachement, après avoir
fait passer le Po à ses Troupes à Dozolo
er à Viadana arriva le même jour à
Guastalle , où il fut reçû par le Comte
- de · II. Vol.
,
DECEMBRE . 1733 2921
de Spilinberg , Ministre du Duc de
Guastalle, Le Marquis de Valence avoit
été precedé d'un Officier chargé de complimenter
ce Ministre et de lui faire entendre
qu'en occupant cette Place on
n'avoit d'autre dessein que d'empêchet
les Troupes de l'Empereur de s'en emparer.
Le Comte de Boissieux s'est rendu
Maître du Château de Lecco , et du Fort
de Fuentes , dont la Garnison a été faite
prisonniere de Guerre .
ETRENNES.
Moins conduite par la coutume,
Que par mon tendre attachement ,
Mon cher Papa , j'ai pris la plume ,
Pour vous faire mon compliment.
A ce dessein j'ai trouvé des obstacles
Capables de m'intimider ,
Mais l'amour a daigué m'aider ,
L'Amour fait bien d'autres miracles.
Puissent les Dieux , de l'innocence amis ,
A mes voeux empressez se rendre ;
Et qu'à l'enfant le plus soumis ,
Ils conservent long tems le Pere le plus tendre.
11. Vol.
H AV
2922 MERCURE DE FRANCE
Dans
AUTRE.
Ans un âge encore si tendre ,
De l'esprit d'un Enfant que pouvez - vous attendre
?
L'esprit est lent à se former ,
Mais le coeur , qu'elle différence !
Hélas ! dès ma plus tendre enfance ,
Le mien sçait déja vous aimer.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
LFOR
E 4 Novembre , il y eut Concert à
Fontainebleau , chez laReine ; S. M.
souhaita d'entendre l'Opéra d'Endimion ,
que M. de Blamont , Sur - Intendant de la
Musique du Roy , qui en est l'Auteur
fit chanter ; il fut continué le 9 , et le 16
les principaux Rôles furent remplis par
les Dlles Lenner , Mathieu et Petit pas , et
ceux d'Endimion et de Pan , par les Srs
d'Angerville et Jéliot, Cet Opéra fut tresbien
exécuté et plut extrémement à tou
te la Cour,
Le 18 , on chanta le Prologue et le premier
Acte d'Armide , qu'on continua le
23 , par le second et le troisiéme ; et le 221
Decembre on termina cet Opéra à Versailles
, par le 4 et 5 Acte ,
II. Vol
AVA ་ ་ L ° /55 ° 2925
Le 9 , M. de Blamont proposa à la Reine
le Ballet des Fêtes de Thalie , mis en
Musique par M. Mouret ; il fit chanter
le Prologue et la premiere Entrée , qu'on
continua le 14 , par la seconde et la troisieme
, on le finit le 23 , .par la Critique ct
le Divertissement de la Provençale. Les
principaux Rôles ont été chantez par les
Diles Antier , Petitpas et Duhamel ; et
par les Srs Massé , Dubourg , d'Angerville
et Petillot . Ce Ballet fit beaucoup
de plaisir à la Reine qui eut la bonté de
le témoigner à l'Auteur.
Le 29 , on chanta le Caprice d'Erato
Divertissement de M. de Blamont ; la
Dlle Petitpas y remplit le principal Rôle,
qui fut précédé d'un autre Récitatif détaché
, chanté par la Muse de la Musique
dans un autre Divertissement , du même
Auteur , la Dlle Antier fit le Rôle de Junon
, et finit par la Cantatille : O vous
qui d'une aile légere , & c.
Le 1 Decembre , les Comédiens François
représenterent à la Cour la Tragédie
du Comte d'Essex , et pour petite
Piéce , Colin Maillard. Le Sr Fleury , qui
jona le principal Rôle dans la Tragédie ,
a été reçu depuis dans la Troupe du Roy.
Le 3 , le Jaloux désabusé , et le Medecin
II. Vol. Hij mal†
malgré lui. Le Rôle de Celie fut rempli
par la Dlle Guérin .
Le ro , les Menechmes et le Grondeur.
Le 15 , Mithridate , et le Concert ridicule.
Le 17, le Joueur, et la Famille extrava¬
gante.
Le 29 , Gustave , et le Double veuvage .
le Distrait , et le François à Lon-
Le 31,
dres.
Le 20 Decembre , M. Joseph Durey
de Sauroy de Martigny , Capitaine
au Régiment de M. le Marquis d'Estaing
, son oncle , prêta serment entre
les mains du Roy , pour la Charge de
Lieutenant Général de Verdun et Païs de
Verdunois ; vacante par le décès de
François Comte d'Estaing , Chevalier des
Ordres du Roy , Lieutenant Général des
Armées de Sa Majesté , Gouverneur de
Douay , & c. dont M. de Martigny avoit
été pourvu le 8 Avril dernier.
Le 22 la Marquise de Mirepoix fut
presentée au Roy , àà llaa Reine Reine , et aux
Princesses , par le Maréchal de Roquelaure.
La nuit du 26 au 27 Decembre , tout
le Quartier de la Cité , et plus encore les
II. Vol.
particuliers
DECEMBRE. 1733. 2921
particuliers qui habitent les Maisons audessus
du Pont Nôtre - Dame et du Pont
au Change;furent allarmez par l'accident
du feu , qui prit à un Bateau chargé de
foin au- dessus du Port de la Grève , et
qui par la violence du vent , se communiqua
à quelques autres Bateaux ; heureusement
ces mêmes Bateaux allerent se
consumer du côté du Quay de la Megisserie
, tous les Magistrats , le Lieutenant
General de Police , le Prevôt des Marchands
et les autres Officiers de Ville y
accoururent promptement , et empêcherent
pat les ordres qu'ils donnerent , que
le feu ne se communiquat à d'autres Bateaux
chargez de foin et de charbon .
ETRENNES ,
▲ S. A. S. Madame la Princesse de
Conty la Jeune.
ΑνU commencement d'une Année ;
Tout le monde fait des présens ;
Le mien , Princesse fortunée ,
Ne peut être qu'un peu d'Encens
L'Encens a l'odeur agréable ;
Mais on craint d'en être entêté :
Le mien est doux , il est aimable ,
C'est l'encens de la verité,
II. Vol. Hij L'En1926
MERCURE DE FRANCE
L'Encens et sa délicatesse
Doivent se fixer aux saints Lieux ;
Mais sur la Terre on est Déesse ,
Quand on est l'Image des Dieux.
De cette merveilleuse image ,
Je vois en toi briller les traits ;
La vertu seule à l'avantage
D'en conserver tous les attraits.
La Vertu donne la victoire ,
Quand on veut écouter sa voix ;
Elle fera toute la gloire
De l'Epoux digne de ton choix.
Epoux , qui déja de Bellone .
Suit le tumulte et les hazards ;;
Il fait honneur à la Couronne
D'un Roy , le Favori de Mars,
Mars arrêtera le Tonnerre
Qui menace les Allemands
Il est trop ami de Cichere ,
Pour alterer des noeuds charmans .
Noeuds desirez ! que la Prudence
A formez pour notre repos ;
Tu sçais ce qu'en attend la France :
L'héritier de tant de Heros.
11. Vol
Cet
DECEMBR E. 1733. 2927
Cet Heritier dans sa carriere ,
Aura d'Orleans la douceur ;
Du Grand Condé l'ame guerriere ,
Et de Conti la noble ardeur,
T. S. V. P:
L'Ordre du S. Esprit vient de faire
exécuter les Ouvrages ordonnez par délibération
de Chapitre et Assemblées de
Commissaires , pour établir dans le Monastere
des Grands Augustins de Paris où
se sont faites les premieres Cérémonies
des Monumens de sa grandeur, aussi honorables
pour les Maisons Illustres du
Royaume,qu'interressans et curieux pour
les Etrangers. Ces Monumens sont :
1. Cinq grands Tableaux représentant
chacun une cérémonie de cet Ordre ,
sous les cinq Grands- Maîtres , qui ont re
gné depuis sa fondation ; sçavoir , Henry
III. fondateur , Henry IV. Louis XIII .
Louis XIV. et Louis XV. Ces Tableaux
ont été placez dans le Choeur de l'Eglise
de ce Monastere , et accompagnez de
Pilastres et autres Ornemens qui réünissent
une noble simplicité , avec beaucoup
de magnificence. Les habiles Maîtres, Auteurs
de ces Tableaux , sont les Srs Cham,
pagne , de Troyes , et Vanloo .
2º . On a décoré les deux Salles de co
II. Vol. Hiiij Me12928
292 MERCURE
DE FRANCE
Monastére , affectées à l'Ordre du S. Esprit
, de Boiserie , Sculpture, et Dorure ,
convenables à la dignité du sujet , autant
que l'étendue de ces Salles l'a permis.
On y verra par rang de receptions les
Portraits en Buste , avec les Armes et principales
qualitez de tous les Cardinaux ,
Prélats , Commandeurs et Chevaliers reçûs
dans cet Ordre , depuis son établissement
, jusqu'à ce jour. On avertit les
Maisons auxquelles on a demandé ceux de
ces Portraits qui manquent , de les fournir
le plutôt qu'elles pourront , et en attendant
ces Places resteront vuides.
On est redevable de l'exécution de ces
Ouvrages à la vigilance de M. l'Abbé de
Pomponne, Commandeur et Chancelier
des Ordres du Roy , et Conseiller d'Etat
ordinaire , et aux soins de M. le Marquis
de Breteuil , Commandeur et Prevôt ,
Maître des Cérémonies des mêmes Ordres
.
Ceux qui voudront voir ces Salles, s'adresseront
au R. P. Bouge, Religieux Augustin
, chargé par l'Ordre du ŠS.. Esprit ,
de les tenir ouvertes, et d'y accompagner
les Curieux tous les Mercredy et Jeudy
de chaque semaine , fête ou non fête , depuis
onze heures et demi du matin , jusqu'à
quatre heures après midi.
11. Fol. A
DECEMBRE . 1733. 2929
A MADAME d'Hurigny , sur le
souhait qu'elle avoit fait à l- Auteur
pour son Etrenne , de vivre cent ans.
EPIT RE..
Vous m'oi donnez , sage Uranie
De vivre cent ans bien comptez ;
Souhait qui plaît à mon génie ;
Pourquoi j'y résiste ; écoutez.
Je suis en chemin pour le faire.
Mon âge touche presque au but z
Mais le dessein est témeraire ,
Si jamais un dessein le fut.
Sçavez-vous ce que dit l'Histoire ,
De ces souhaits exhorbitans ?
C'est , dit- elle , la Mer à boire ,
Que tâcher à vivre cent ans.
Aujourd'hui les forces humaines ,
Ne nous permettent rien d'égal ,
Compter son âge par centaines ,
C'est un souhait Patriarchal.
Nos vieux Peres à longue haleine ,
De la vie eurent les gros lots ,
Et la Genese est toute pleine ,
De Mathusalems et d'Enocs ,
Un siecle n'étoit qu'amusette ;
Puisqu'un enfant jeune vieillard ,
A cent ans portoit la jacquette ,
II. Val Hr Us
2930 MERCURE DE FRANCE
1
Et jouoit à colin maillard .
Le Déluge aux longues années ,
Mit un clou pour les arrêter ,
Et par ses eaux empoisonnées ,
Les obligea de décompter.
Pourquoi voulez -vous que je vive
n'ont vécu tant de gens , Plus que
A qui la Parque fugitive ,
Fit subir ses ordres urgents ?
Un siecle ! David grand Prophete ,
Grand Compilateur de Pseautiers ,
Grand Roy , grand Guerrier , grand Poëte ,
A peine parvtnt aux deux tiers.
A quatre-vingst , Pinfirmerie ,
A soixante et dix ; c'est assez ,
Il mit ces bornes à la vie ,
Et fit lui - même son procès.
Mais retournons dans notre Sphere;
Sans nous faufiler aux Herps ;
Vivre cent ans est une affaire
Où je coucherois un peu gros.
*
Et quand je mordrois à la grappe ,
Par l'espoir d'un doux avenir ,
Quand Millet mon cher Esculape
Pourroit m'y faire parvenir ,
Garantiroit-il ma vieillesse
De langueur , d'assoupissement ,
* Habile Medecin de Mâcon.
J. Vel.
:
N
DECEMBRE. 1733. 2931
Ni de l'importune foiblesse,
Qui me prive du mouvement ?
Mes héritiers au coeur si tendre ,
Bien que je leur paroisse cher ,
Pourroient-ils par fois se deffendre ,
D'enrager entre cuir et chair a
Mes gens à rente viagere ,
En déboursant le premier son ,
Font cette dévote priere
Le diable. emporte le vieux fou.
» Quand sa mort pourroit à merveille ,
» De ce tribut nous liberer ,
» Plus qu'un Cerf , plus qu'une Corneille ,
» Il vit pour nous désesperer .
Venons aux Dames respectables ,
Dont je tiens à vie un taudis ,
Elles sont assez charitables
Pour me souhaiter Paradis.
Je n'entends parler des Discretes ,
Leur esprit n'est pas si badin ,
Mais les jeunes Soeurs , les folettes ,
Qui soupirent pour mon Jardin.
Sage Uranie , ainsi je n'ose ,
A vos voeux joindre mon desir ,
Puisque ma longue vie est cause
De cent chagrins pour un plaisir.
Les ans sont mauvaises Patentes ,
Pour donner de grands artributs ,
1 I. Vol. Pas-
Hvj
2932 MERCURE DE FRANCE
Pascal à peine en vecut trente ,
Et la Bruyere guere plus.
Cependant , armé de constance ,
Je porte ces fardeaux pesants ,
Suppliant d'avoir patience ,
Mes débiteurs et mes Enfans.
Si quelque chose me travaille ,
Je laisse tout à l'abandon;
Je fais des Vers , vaille que vaille,
Et je trouve encor le vin bon.
Si par hazard je suis en doute ,
Pour quelque symptôme fievreux ,
J'appelle un Medecin , l'écoute ;
Puis je fais tout ce que je veux.
Si ma Méthode est salutaire ,
Pour vivre un siecle , plus ou moins.
Vous obéir est une affaire ,
Où je veux mettre tous mes soins.
C'est à vous aimable Uranie ,
Qu'il convient de vivre cent ans ;
Quand leur course en sera finie ,
Nos Neveux pleureront long- temps.
Vous êtes sage , riche et belle ,
Bienfaisante et pleine d'esprit ,
Le Ciel vous fit sur un modele ,
Qu'il ne montre que quand il rit.
Qui tous vos talens voudroit suivre,
Il ne finiroit d'aujourd'hui
L
II. Vol.
DECEMBR E. 1733. 2932
Obon coeur ! 8 coeur , bon à vivre !
Bon pour vous , et bon pour autrui !
DE SENECE'.
MORT S.
Ame Anne Denis , épouse d'Eusta-
Dche- François le Couturier ., Seigneur
de Mauregard et du Mesnil - Madame-
Rance , President au Grand'Conseil
, ci- devant Trésorier General des
Troupes de la Maison du Roy , mourut
le 13 Décembre sans avoir eu d'enfans.
Elle étoit fille de Jacques Denis , Trésorier
General des Bâtimens et Jardins du
Roy , Ancien Echevin de Patis , mort
en 1729.
Le 16 Décembre 1733. la Marquise de
Vaugrenant , Epouse de l'Ambassadeur
ordinaire de France à la Cour de Turin
mourut de la petite vérole à Malles sous
Pizzigichone , dans le Milanès , dans un
âge peu avancé. Cette Dame étoit Hollandoise,
fille de M.de Sallengre,et de Jaque-
Hine de Rotgans sa femme , d'une noble
et ancienne famille de Hollande , morte
en 1725. et avoit épousé en premieres
Nôces Charles Whitworth Baron de
,
11. Vol. Gal2934
MERCURE DE FRANCE
Galloway , et Lord en Irlande , Ambassadeur
extraordinaire et plenipotentiaire
de la Grande Bretagne , au Congrès de
Cambray , duquel elle étoit restée veuve
le 3 Novembre 1725. M. le Marquis de
Vaugrenant est de la maison de Villers la
Faye en Bourgogne.
Toussaints Sebastien le Vicomte
Comte du Rumain & c. Mestre de Camp
de Cavalerie , premier Cornette de la
Compagnie des Chevaux Legers d'Anjou,
auparavant Guidon de ceile des Gendarmes
Anglois , Chevalier de S. Louis , mourut
à Paris le 23 Décembre dans la 42 .
année de son âge. Il étoit fils de feu Yves
Charles- le- Vicomte , Comte de Rumain
&c. et de Dime Julienne de Querrhæn
de Coëtanfao . et avoit épousé en Janvier
1730. Dame Marie Jeanne Suzanne
de Farcy de Malnoé , dont il n'est point
resté d'enfans , laissant pour Héritier le
Chevalier du Rumain son frere , Major
du Regiment de Cavalerie de Villars
lequel a la réputation d'un très bon Officier
.
La maison le Vicomte est des plus anciennes
de la Province de Bretagne . Les Seigneurs
du Rumain en sont une branche,
et il y a plus de 400 ans que de pere en
fils certe Terre leur appartient.
II. Vol. FranDECEMBRE.
1733 2937
François Salmon , Mareschal , dans la
Paroisse de Sonneville sur Montignac en
Saintonge , est mort âgé de 107 ans accomplis.
Il avoit conservé jusqu'à la fin
de sa vie sa memoire et son bon sens.
LETTRE écrite de Joinville , ce 31
Decembre 1733. par M. V ***
à M. D... F...
les assu
Oicy le temps , Monsieur , de vous
Vo
le
rances de mon attachement inviolable. La
bonne santé dont j'ai joui durant toute
l'année , m'a mis en état d'achever un
petit Ouvrage qu'il y avoit long temps
que j'avois commencé , et que j'ai intitulé
: Additions aux nouveaux Dictionnaires
de la Langue. J'en ai expliqué le
dessein et l'éxécution dans une Préface ,
que je vous communiquerai quelque
jour , avec le Livre même , si je le fais
imprimer à Paris. Je me suis encore appliqué
depuis deux ou trois mois à la révision
, à la description , et à l'explica
tion de mes Médailles Impériales , que
j'ai toutes rangées dans leur ordre chronologique
, et qui ont été pour moi une
source de belles découvertes , qui me guideront
dans l'étude de l'Histoire des Em-
II. Vol. ·PS2936
MERCURE DE FRANCE
pereurs. Mon action de graces , que je vais
vous transcrire , vous découvrira plus au
long mes sentimens et ma situation actuelle.
Je rens graces à Dieu d'être garçon , non fille
D'avoir reçu le jour en honnête famille ;
D'être par le Baptême au nombre des Chrétiens,
De vivre assez content , sans avoir de grands
biens.
D'avoir eu dès dix ans du penchant à l'Etude
D'en avoir tellement contracté l'habitude ,
Qu'elle a fait éclipser toute autre passion .
D'avoir pour l'indigent de la compassion.
D'être au monde venu sur les Terres de France;
D'être enfin pour le ciel tout rempli d'espe
rance.
Cependant , sans avoir égard à mon
premier Vers, je changerois bien de con
dition avec la Muse Bretonne , à qui j'at
consacré ce Dizain.
A Mademoiselle DE MALCRAIS de la
Vigne du Croisic en Bretagne.
MEs acclamations , en allant jusqu'à vous ,
Sçavante de Malcrais , vous rendront mon hom
mage ;
Vous sçavez satisfaire autant de divers goûts ;
Qu'il s'en rencontre à qui Mercure se partage.
Les suffrages d'accord pour vous n'en formen
qu'un ;
II. Vol
beau
DECEMBRE. 1753. 2937
Beaucoup d'admirateurs ; de Critiques , aucun ;
Jamais sur votre compte on n'eut l'ame perplexe
:
C'est à qui vous loüera parmi nos Beaux Esprits
Moins poussez par l'honneur qu'ils déférent an
Sexe ,
Qu'enchantez de ce Beau qui regne en vos Ecrits.
Le sincere Champenois.
ADDITION AUX NOUVELLES
Etrangeres.
O
Na appris en dernier lieu de Cons
tantinople , que comme Thamas
Kouli- Kan n'est qu'à une petite distance
de Kerkoud, et qu'on craint qu'il ne fasse
un dernier effort pour venir attaquer les
Turcs , la Porte a dépêché un Courier à
Demir Pacha , qui commande un Corps
de quarante mille hommes aux environs
de Tauris , et elle lui a envoyé ordre de
marcher en diligence avec les Tartares
qui sont passez en Perse , pour s'opposer
de concert avec Topal- Osman aux desseins
des Ennemis.
>
Les derniere Lettres de Pologne matquent
que le Palatinat de Sandomir et la
plupart des Gentilshommes de celui de
II. Vol.
Cracovie
2938 MERCURE DE FRANCE
Cracovie , sont entrez dans la conféderation
faite en faveur du Roy , qu'elle a
été signée non- seulement par toute la
Noblesse des sept Palatinats de la Grande
Pologne , mais encore par la plus grande
partie des autres Habitans de ces Provinees
, et que tous ceux qui sont en état de
porter les Armes les ont prises .
On a apris en même tems que le Comte
Potocky étoit campé entre Sandomir er
Saradie , mais qu'il devoit marcher incessamment
avec son Armée composée ac
tuellement de près de 20000 hommes
pour occuper un poste important entre
les Rivieres de Wuart et de Pilckza pendant
que le Palatin de Lustin et le Genes
ral de Curdziewzki observeroit avec
leurs Troupes les mouvemens de celles de
P'Electeur de Saxe.
Ces Lettres ajoutent que presque toure
la Noblesse de Lithuanie étoit resoluë de
deffendre jusqu'à la derniere extremité
les intêrets du Roy , et la liberté de la
Nation , qu'elle n'attendoit pour s'assem
bler que les derniers ordres de S. M. que
le Comte Pocci après avoir fait diverses
courses en Curlande , où il a fait beaucoup
ravages , s'étoit retiré par la Samogithie
en Lithuanie , et qu'il y avoit
attaqué les Troupes du Palatin de Nowo-
11. Vol groot
de
DECEMBRE. 1733. 2939
root , lesquelles après un assez long coinat
, avoient été contraintes de prendre la
aite , le Comte de Poniatow ki , le Prince
ean Czatorinski les Palatins de Cujavie
t de Livonie et le Sr Ozarowky , ont levé
hacun un Regiment. Celui du Roy est
ctuellement complet.
On aprend de Dantzick , que deux
Vaisseaux Hollandois y ont apporté une
grande quantité de Munition de Guerre.
Les deux Regiments d'Infanterie et les
deux de Cavalerie que le General Lesci
a fait avancer vers la Prusse Polonoise
se sont arrêtez à quelque distance des
Frontieres de cette Province ; ils n'ont
point été suivis d'autres Troupes , et on
croit que l'Armée Moscovite qui est toujours
à Lowitz et dans les environs n'en
décampera que pour tenter de se joindre
aux Troupes Saxones .
•
Quelques avis reçûs de Warsovie, por
tent que la Députation envoyée par le
General Moscovite et par les Opposans à
P'Electeur de Saxe , est composée du
Prince Wienowieski , ci - devant Régis
mentaire de Lithuanie , du Prince Lubomirzky
, Palatin de Cracovie , des Palatins
de Pollachie , de Culm et de Czernichov
, du Comre de Cetner , et de
quelques Cattellans.
II. Vol. On
2940 MERCURE DE FRANCE
On mande de Vienne que le Comte de
Mercy , Feldt Maréchal , à qui l'Empe
reur a donné depuis peu le Gouverne .
men du Milanois , et le Comte de Sallaburg
, Commissaire Général des Guerres,
partiront le 7
le 7 Janvier pour le Tirol.
Le bruit qui a couru que l'Electeur de
Baviere faisoit lever pour le service de
l'Empereur, 8000 hommes , qui devoient
remplacer les Régimens que S.M.I. a tiré
de Hongrie , n'est pas confirmé.
RONDE A U
AM. le Marquis de Saint Au'aire. -
A
Six vingt ans ! ah ! c'est trop tốt . Now ,
non ,.
N'y souscrivez , Marquis , c'est la raison.
Qui vous a fait vous a fait d'encolure
A les passer ; que sçais - je ? de nature
A mettre au jour l'autre tome d'Eson .
En sept cent vingt ( ce n'est une chanson , )
Vous aviez oeil moins vif , Jarret moins bon ,
Ergo , suivra jeune et leste figure ,
A six vingt ans.
Si danserez encor le Rigaudon
* Esonfut rajeuní à l'âge de cent ans.
II. Vol
Chaz
DECEMBR E. 1733. 294 %
la Princesse , au celebre renom ;
nt à ces Dits moult dignes de Voiture ,
es fins Vers , dont avez fourniture ,
dez- vous bien d'en changer la façon
A six vingt ans.
XXXXXXXXXXXXXXXXXX
ORTS ET NAISSANCES
à Londres.
Epuis le 12 du mois de Décembre
1732 , jusqu'au 11 inclus du même
is de l'année 1733 , on a baptisé à Lon-
58811 Garçons, et 8654 Filles ; et il est
rt 29233 personnes , ce qui fait 5875
plus que l'année précédente ; on rerque
que 11738 sont morts au dessous
deux ans ; 2409 , au dessous de cinq ;
7 , au dessous de dix 754 , entre dix et
gt ans ; 1857 entre 20 et 30 ; 2564 ,
re 30 à 40 ; 2685 , entre 40 à 50; 2196 ,
re so à 60 ; 1871 , entre 60 à 70; 1188 ,
re 7 à 80 ; 804 , entre 80 à 90 ; 198 ,
re so et 100 ; et 12 , depuis 100 jus-
'à 112.
,
********************! *
ARRESTS NOTABLE S.
RREST du 26. Septembre , portant nouveau
Reglement pour les Cotons filez qui
inent des Eschelles du Levant à Marseille ,
11. Vol. par
2942 MERCURE DE FRANC
par lequel S. M. ordonne l'execution des se
Articles contenus dans ledit Airêt.
AUTRE du 6. Octobre , qui supprime
droit de peage , coûtume ou passage , prétend
par le sieur Evêque d'Auxerre sur la Rivier
'Yone , au pertuis de Regennes près la Vill
d'Auxerre.
ORDONNANCE de Police du 10. Oc
tobre , qui deffend aux Revendeuses et autres Pa
ticuliers , de s'attrouper , vendre ni étaller au
cunes choses à la porte des Co leges , à peine c
100. livres d'amende et de prison.
Et à toutes personnes de queique Commerce
Profession qu'elles puissent être , de prendre d
Hardes ou des Livres en payement de Fruits
autres Marchandises vendues à des Ecoliers
Fils de Famille, à peine de 200. liv. d'amende , &
AUTRE du même jour , qui défend à tou
Libraires et autres personnes , d'acheter aucur
Livres et Papiers des Enfans , Ecoliers , Servi
teurs ou autres personnes inconnues , sans
consentement par écrit des Peres , Maîtres c
personnes capables d'en répondre ; et de vend.
ni exposer dans leurs Boutiques ou sur leurs Et
lages , ou de louer aux jeunes gens aucuns Livre
Histoires ou Brochures contraires aux moeu
et à la Religion.
ARREST du 20. Octobre , portant Regl
ment pour empêcher les fraudes et abus qui
commettent à l'occasion de la vente de Tabac
diminution de prix , sur les Frontieres des Pre
vinces privilegiées .
II. Vol. AUTR
DEEM BRE. 1733 . 2943
AUTRE du 17. Novembre qui ordonne
que les Habitans du Bearn et du Pays Basque ,
qui font le commerce de bestiaux , seront tenus
de prendre des acquits à caution dans le eu de
T'enl . vment,lesqueis ne pourront être dechargez
que dans le lieu de la destination .
AUTRE du 24. Decembre , concernant les
frais des procès criminels qui s'instruisent
à la requête des Procureurs de Sa Maj sté
par lequel le Roy ordonne l'execution des aix
Articles contenus dans ledit Arret.
EDIT DU ROY, portant création de
deux Offices de Control eurs des Rentes viageres
en forme de Tontine. Donné à Fontainebleau
, au mois de Novembre 1733. Registre en
Parlement le 2. Decembre .
Louis , &c. Par notre Edit du présent mois ,
nous aurions créé un million cinquante mile
livres de rentes viageres avec accroissement , par
forme de Tontine , dont Nous avons ordonné
que les capitaux seroient levez en especes , à raison
de trois cent livres par action : Et comme
par l'article XII . dudit Edit , Nous avons dit
que les arrerages desdites . rentes seroient regulierement
payez de six en six mois , par les
payeurs qui seroient à cet effet par Nous créez.
A ces causes , et autres à ce Nous mouvans , de '
l'avis de nôtre Conseil , et de nôtre certaine
science , pleine puissance et autorité Roya e
Nous avons par notre present Edit , perpetuel et
irrevocable , établi et établissons une nouvelle
partie de rentes sur l'Hôtel de nôtre bonne ville
de Paris , dans laquelle sera distribué le million
cinquante mille livres de rentes viageres , dites
11. Vel Tontine
2944 MERCURE DE FRANCE
Tontine , créées par nôtre Edit du present mois;
pour avoir les cinquante autres parties ci-devant
établies , composer le nombre de cinquante- une
parties : Et pour faire le service de ladite cinquante-
uniéme partie , Nous avons de la même
autorite que dessus , créé et érigé , créons et
érigeons en titre d'Office formé et héreditaire
deux nos Conseillers - Trésoriers - Receveurs generaux
et Payeurs , l'un ancien - triennal , ét l'autre
alternatif quatriennal , les Rentes dudit Hôtel
de ville , Receveurs des consignations , et dépositaires
des débets de Quittance , et principaux
commis y joints ; Et deux nos Conseillers - Controlleurs
generaux , P'un ancien-triennal , et
Pautre alternatif- quatriennal desdits Payeurs ;
ausquels Payeurs et Controlleurs Nous avons attribué,
sçavoir , à chacun des deux Payeurs , six
mille cinq cens livres de gages effectifs par chacun
an , sur le pied du denier vingt ; et dix- sept
eens quatre vingt - quatre livres sept sols six deniers
, à chacun des Controlleurs , ainsi que
deux mille sept cens livres , par forme de taxations,
aux Payeurs en l'année d'exercice , ensemble
pour la façon , vacations & frais de la reddition
de leurs comptes ; et à chacun desdits Controlleurs
, trois cens quarante- six livres cinq
sols ; Et voulons que la dépense desdits gages ,
taxations et droits d'exercice , soient passez et
alloüez , à commencer au premier Jauvier prochain
, dans les comptes desdits Payeurs , sans
aucunes difficultez . Permettons à ceux qui acquerront
les deux Offices de Payeurs et Controlleurs
créez par le present Edit , de les posseder conjointement
sans incompatibilité d'iceux, ni d'aucuns
autres dont ils pourroient être pourvûs : Et
jouiront lesdits Payeurs et Controlleurs du droit
[J. Vol. de
DECEMBRE . 1733 2945 \
de franc- salé , committimus en grande et petite
Chancellerie , et autres droits dont jouissent les
autres Payears et Controlleurs des Rentes de nôtre
Hôtel de Ville . Voulons au surplus, que ceux
qui prêteront leurs deniers pour l'acquisition
desdits Offices de Payeurs et Controlleurs, ayent
privilege special et préferable sur la finance desdits
Offices , ainsi que sur les gages et taxations
desdits Offices ; à l'effet de quoi leur permettons
de les affecter et hypothequer, et d'en faire toutes
les Declarations necessaires dans les Quttances
de finance. Si donnons en Mandement à nos
ámez et feaux Conseillers les Gens tenans nôtre
Cour de Parlement , Chambre des Comptes et
Cour des Aydes à Paris , que nôtre present Edit
ils ayent à faire lire , publier et regisrrer , et le
contenu en icelui garder et observer de point en
point selon sa forme et teneur , nonobstant tous
Edits , Declarations , Arrêts , Reglemens et autres
choses à ce contraires , ausquels Nous avons
dérogé et dérogeons par le present Edit ; aux
copies duquel collationnées par l'un de nos
amez et feaux Conseillers - Secretaires , voulons
que foy soit ajoutée comme à l'original ; Car
tel est nôtre plaisir. Et afin que ce soit chose
ferme et stable à toûjours , Nous y avons fait
mettre nôtre Scel. Donné à Fontainebleau, &c.
>
EDIT DU ROY , portant rétablissement des
Offices de Gouverneurs , Lieutenans de Roy ,
Majors , Maires , Lieutenans de Maire et autres
Officiers des Hôtels de Ville . Donné à Fontainebleau
, au mois de Novembre 1733. Registré
en Parlement , le 22 Decembre.
LETTRES PATENTES , du 5 Decembre
II. Vol. 1733 I
2946 MERCURE DE FRANCE
1733. qui permettent aux Etrangers d'acque
rir des Rentes créées par la Déclaration du 16
Aout dernier.
LOUIS , &c. Par Arrêt rendu en notre Conseil
, Nous y étant , le premier du present mois,
Nous aurions permis aux Etrangers d'acquerir
les Rentes créées par notre Déclaration du 16
Aoust dernier , de la même maniere, et ainsi que
nos propres Sujets pourroient le faire , même en
disposer entre vifs ou par testament , et en quelque
sorte et maniere que ce soit , Voulant qu'en
cas qu'ils n'en ayent pas disposé , leurs Héritiers
leur succedent, encore que leurs Légataires, Donataires
ou Héritiers soient Etrangers et non
Regnicoles , renonçant à cet effet au droit d'Aubeine
et autres droits , même à celui de confis →
cation en cas de Guerre avec les Puissances
Etrangeres , desquels droits Nous avons relevé et
dispensé lesdits Etrangers : Nous aurions ordonné
en outre que lesdites Rentes qui seroient acquises
par lesdits Etrangers , seroient exemptes
de toutes Lettres de marques et de représai les
sous quelque prétexte que ce fût , et qu'elles ne
pussent être saisies par leurs Créanciers Regnicoles
ou Etrangers , et que pour l'exécution dudit
Arrêt toutes Lettres nécessaires seroient expediées
; et voulant faire joüir lesdits Etrangers de
l'effet dudit Arrêt : A ces causes , de l'avis de
notre Conseil , qui a vû ledit Arrêt de notre
Conseil , du premier du present mois , cy-atta
ché sous le contre scel de notre Chancellerie ;
Nous avons permis, et par ces Présentes, signées
de notre main , permettons aux Etrangers d'acquerir
les Rentes créées par notre Déclaration
du 16 Aoust dernier, de la même maniere et ainsi
que nos propres Sujets pourroient le faire , mê-
II. Va. mo
DECEMBRE. 1733. 2947
Voume
en disposer entre vifs et par testament , et
en quelque sorte et maniere que ce soit ;
lous qu'en cas qu'ils n'en ayent pas disposé,leurs
Héritiers leur succedent, encore que leurs Légataires
, Donataires ou Héritiers, soient Etrangers
ou non Regnicoles, renonçant à cet effet au droit
d'Aubeine et autres droits , même à celui de confiscation
en cas de Guerre avec les Puissances
Etrangeres ; desquels droits Nous avons relevé er
dispensé lesdits Etrangers ; Voulons en outre
que lesdites Rentes qui seront acquises par lesd .
Etrangers soient exemptes de toutes Lettres de
marques et de représailles , sous quelque prétexte
que ce soit, et qu'elles ne puissent être saisies par
feurs Créanciers Regnicoles ou Etrangers. Si vous
Mandons que ces Présentes vous ayez à faire lire,
publier et registrer , et le contenu en icelles garder,
observer et executer de point en point selon
leur forme et teneur, nonobstant tous Edits, Déclarations
, Ordonnances , Réglemens et autres.
Lettres à ce contraires ; ausquels Nous avons
dérogé et dérogeons par ces Présentes , aux Copies
desquelles collationnées par l'un de nos amez
et féaux Conseillers - Secretaires , voulons que
foy soit ajoutée comme à l'Original : Car tel est
notre plaisir. Donné à Versailles , &c.
Registrées , oni er ce requerant le Procureur Ge
neral du Roy , pour être executées selon leur forme
et teneur et Copies collationnées envoyées aux
Bailliages et Sénéchaussées du Ressort , pour y être
lüës , publiées et enregistrées ; Enjoint aux Substituts
duProcureur General du Roy d'y tenir la main,
et d'en certifier la Cour dans le mois , suivant l'Arrêt
de ce jour. A Paris en Parlement le 30 Décem
bre 1733. Signé Dufranc.
II. Vol. I ij TAAPPROBATION.
'Ay lú par ordre de Monseigneur le Garde
des Sceaux , le second Volume du Mercure de
France du mois de Décembre , et j'ay crû qu'on
pouvoit en permettre l'impression. A Paris , le
25. Janvier 1734.
HARDION.
TABLE
P
IECES FUGITIVES Ode ,
Lettre sur l'amitié , &c.
Imitation du Guarini ,
2755
2759
2776
Extrait d'un Memoire sur une nouvelle maniere,
* d'observer l'aiguille aimantée
Définition de l'Amour ,
2778
2781
Extrait d'un Memoire sur les causes qui ont al-
Eloge de la fiévre quarte ,
teré l'eau de la Seine en 1731 , 2782
2789
Lettre sur la greffe des arbres , 2792
Noël ,
2806
Reflexions , 2808
Imitation d'une Ode d'Horace 2816
Seconde Lettre sur la litterature des Turcs, 2819
Frix du Palinod , Balade ,
2834
Lettre sur les Bains de Toul et les Valentines de
Metz ,
2835
Vers à M. Pesselier , par Mlle de la Vigne, 2843
Seconde partie de la réponse de M. le Gendre
sur l'essence de la matiere ,
Enigme , Logogryphes , &c.
2844
2851
NOUVELLES LITTERAIRES &c . Historique de
l'Auroré borcale , & c.
2854
Nou-
II. Vale
Nouvelle Bibliotheque des Bibliotheques &e .
2857
Les Priviléges des Suisses , &c. 2864
Histoire des Yncas , & c. 2870
Tous les Ouvrages d'Origène , &c. 2871
Epigramme sur le traité de l'Opinion,
2872
Réponse à la Lettre sur le Burean Typographique
,
2873
Demonstration du plus qu'infini , &c. 2875
Demonstration de M. de Fontenelle , &c. 2876
Jetton frappé pour les Officiers du Guet , 2878
2879
2881
2885
ibid
Nouvelles Estampes ,
Nouvelle Montre qui va 8 jours
Bouts Rimez à remplir ,
Chansons notées ,
Nouvelles Etrangeres , Turquie et Persè , Lettre
de Constantinople ,
Autre Lettre du 18 Novembre
De Pologne et Allemagne ,
Italie et Espagne ,
Exposition du Roy Catholique en Espagnol ,
2886
2892
2900
2904
2,995
2911
Etrennes , 2914
Armée d'Italie , Siége du Château de Milan, 2915
Etrennes , 2921
2922
Grande Bretagne et morts des Pays Etrangers ,
Nouvelles de la Cour de Paris , &c.
Etrennes à Madame la Princesse de Conti , 2925
Nouveaux Tableaux de l'Ordre du S. Esprit
aux Grands Augustins de Paris 2927
Vers de M. de Senecé , 2929
Morts ,
2933
Lettre en Prose et en Vers , à Mlle de la Vigne ,
2935
Addition aux Nouvelles Etrangeres ,
2937
II. Vel Ron- I j
Rondeau 1940
Morts et Naissances à Londres ;
Arrêts notables ,
f
2942
ibid
Errata da premier vol. de Décembre.
PAge 2040. ligne s . là , lisez lú.
1. P. 2735. 1. 2. qu'il , . lesquelles.
P. 2737. l. 17. Planchers , l. Planches.
Fautés à corriger dans ce Livre..
Page 2782. ligne 8. l'impide , lisez limpide. P. 2784. l . 16. Conserves , l . Conferves.
P. 2786. l. 11. Confema , 1. Conferva.
Ibid. 1. 10. Confema , 1. Conferva.
P.
2790. 1. 1. Vous qui , &c. ôtez ce Vers:
P. 2794. l. 6. herbac , l. herbacées.
P. 2804. 1. 2. du bas , defferens , ni extroioires,
1. deferens ni excretoires
P. 2808. 1. z . du bas , degne , 1. degno.
P. 1815. 1. 7. par , l. pe.
1.
P. 2905. 1. 3. de , l. a.
II. Vee TABLE.
TABLE GENERALE
A
De l'Année 1733 .
A.
Cadémie Françoise , 164. 551. 762. 1877.
2027. 2877
·Des Sciences , 764. 1623. 2035.2215 . 245 4.
2672
Des Belles- Lettres , 763.2454.266
£
Des Jeux Floraux 1880. 2549. 2759
De Lyon ,
553
De Bourdeaux , 2035. 2227.2459
De la Rochelle , 463
172.2226 De Marseille ,
-De Chirurgie ,
De Lisbone ,
124. 769. 1356
1627. 2228. 2662
Acides ( nouvelles idées sur les )
Accouchement extraordinaire ,
Aichay , femme de Mahomet ,
114
228. 1627
2830
1983
550
2759
Aignan ( Sépulture de S. )
Albâtre Carriere d' ) (
Amitié préferable à l'Amour ,
Anecdotes de la Cour de Philippes Auguste ,
Angleterre de Toyras ,
Anjou ( Mort du Duc d' )
1376. 1581
2213
814
Antiques , 230. 300. 695. 885. 1191. 1612.
1811. 2120. 2185
Arithmétique démontrée, 2654. Militaire, 2655
Arrets du Parlement de Paris , 192. 404. 616.
827. 1251. 1683. 2112. De Dijon , s . D'Aix,
II. Vol. I iiij 204
TABLE
204. De Toulouse , 332. Du Conseil , 402.
611. 831. 1250. 1685. 2530. Du Grand-
Conseil ,
'Aubert ( Mort de Pierre )
613
935
Auguste ( Mort du Roy Frederic ) 375° 583.
Aurore Boreale , 1
B.
BA
Adinage ( le ) Comédie ,
Bains de Toul ,
Balade ,
Barton Booth , Comédien ,
Bassi ( Laura Maria Catarina )
Beauvoisis ,
2854
2468
2835
2834
1840
120
36
Bibliotheque Italique , 327. Raisonnée , 107.
Des Theatres , 718. Des Bibliotheques , 2857
Boulogne ( Mort de Louis de ) 2663
Bouquet ,
916. 1938. 2506
Bouquet ( le ) Comédie , 2042
Bourdeaux ou Bordeaux , 416.659.862
Boursault ( Mort du P. Claude- Edme. ) 769
Boutures , 760
Bruyere ( la ) 78
Bureau Tipographyque, 2218. 2456. 2666. 2873
C.
Amaldule ( Ambroise ) 533
Cantare, Cantate , les quatre Ages 1.Les Noces de Plutus,
so La Fête d'Iris, 147.Hero , 246. L'Aurore
, 657. Ajax , 1513. l'Amour et la Beauté ,
1710. L'Indiscretion , 1748. Le Passage de la
Mer Rouge , 2391. Le Triomphe de la
nuit ,
Cantique des Cantiques ( le )
Cartesianisme deffendu ,
Catafalque ,
Causes Celebres ,
2628
1901
1731
385
2023
Ceremonie de l'Entrée des Evêques àAmiens, 1615
Cerisy , Abbaye ,
II. Vot
692
Geuta
DES MATIERES.
Ceuta
Chanoine Laïque ,
Chant d'Eglise ,
Chartres ('Eglise de )
Chine ( Description de la )
70.292
472.730
1408. 2369.
1624
750
1326 Chirurgie ( Traité d'Operations de )
Chronologie de la Bible , 1392. 2629. Tables
Chronologiques ,
College Royal ,
Compas de variation rectifié ,
Complaisant ( le ) Comédie ,
Conte >
Cornara ( Lucrece Helene )
Coustou ( Mort de Nicolas )
Curiositez Naturelles ,
D.
1399
551.2455
2778
780
480. 488. 1757
537
1196
671.838
Enis ( Mort de Pierre ) 989. S. Denis , 1050
Départ de l'Opera Comique ( le ) Opera
Comique ,
Deposuit ( faire le )
1861
1764
Dictionnaire de la Fable , 529. Des Cas de Conscience
, 736. Critique Anglois , 1190. De R.
Etienne , 1611. Remarques sur les Dictionnaires
,
Discours de l'Evêque de Laon ,
Divertissement ,
Duel ,
E
E.
1759
1889
1342
515
Au de la Seine alterée par la secheresse , 2782
Ecarlate des Gobelins ,
Electricité ,
Elegie ,
Emilie ( Histoire d')
Empire de l'Amour ( l' ) Ballet ,
398
1348. 2619
431 1322. 1534
426. II3I
793.998
Enigme , 311. 104.732. 944. 1147. 1371. 1575.
1797. 2002. 2192. 2648. 2851.
Enseignes Militaires , 261 , 1050 1262
II. Vol. EpiTABLE
Epigramme , 1458. 1763. 1934. 2632. 2872
Epitaphe 2521
Epitre en Vers , 469.682.711 . 865. 906. 1210.
1307 1502. I 71 2492. 2929
2443
Erreurs populaires ( Essay sur les )
Estampes, 174. 340. §54 772. 991. 1190. 1198.
1420. 1627. 2026. 2229. 2460. 2662. 2879
Etrennes ( les ) Comédie , 146.559
F.
F
Able. L'Amour et la Jalousie , 299. Coena
insperata , 1077. Ulisse et Circé , 1276.
Le Chesne et le Lierre , 1924 Le Soleil et
les Nuages ,
Fausse Antipatie ( la ) Comédie ,
2580
2249
Fausse Egyptienne ( la ) Opera Comique , 16;4
Félibien ( Mort de Jean François ) ,
Fêtes Grecques et Romaines Baller ,
Feu rare et singulier , $ 44. Boreal ,
Follette ( la ) Histoire ,
Fontenelle ( OEuvres de )
Enabum
G.
Généalogies
Historiques ,
Glossarium Enneasticum ,
Goyon Matignon .
Greffe ,
Grimond ( Mort de N. )
Guespin ,
Gustave , Tragédie ,
H.
Enriade ,
Hermaphrodites ,
1848
1424
1605
2656
977
1713
966
91
2660
2360. 2792
1198
182
354
2633
1369
1428
Heureux Stratagême ( l' ) Comédie ,
Hyerogliphes , Origines des Animaux chimeriques
,
2587
Hypolite et Aricie , Opera , 2233. Parodie , 2469
Histoire des vingt - quatre Peres de l'Eglise , des
II. Vol.
EmDES
MATIERES.
Empereurs Romains et caracteres de 8. des
meilleurs Historiens Orateurs , &c. 95. Diplo
matique, 27. Principes de l'Histoire , 743.De
Bourgogne , 1804. depuis le Déluge jusqu'à
J. C. 2217. Universelle , 749. 1559. 2963 .
Litteraire de France , 1802. 2419
Hyver (1) Comédie ,
Horlogerie ,
J
I.
365
495
Ainville (Mort du P George-Thomas de ) 771
Idille. Les Coquillages , 285. La Tourterelle ,
Jephté , Opera ,
2365
564
Jérôme ( Supplément des OEuvres de S. ) 334
Jettons , 125.2878
Images des Heros , &c. 519
Imitation de j. C.
1822
Imprimerie de Constantinople , 521
Impromptu de Campagne ( ' ) 2693
Incedie ,
2924
Infini ,
2875
Inondation de la Loire , 1240
Invention , 127.907
Jonathas Machabée , Tragédie ,
1852
Isle du Mariage ( 1 ) Opera Comique ,
2047
Issé , Opera, 2466. 2678
K.
K
Ermès ,
L.
Ambert (Mort de la Marquise de )
Lampride ,
Litterature des Mahometans ,
Logogryphes , 81. 312. 504. 734. 946-1148.
1372. 1576. 1798. 2003 , 2192. 2648 : 2852.
Expliquez en Vers ,
Longin , Traité du Sublime ,
83. 1574
2453
1064
1843
23T. 233. 1488
2819
DES MATIERES:
M.
Achine pour élever l'eau ,
Maffei. ( Scipione )
Madrigal , 64, 173. 942. 1459.2500
Magic ,
1418. 19; 5
116
317
Manifeste du Roy de Sardaigne 2500. du Roy
d'Espagne ,
Manumission d'Orleans ,
Marbre de Rouerge ,
2905
177
1420
Martin des Champs ( fondation de S. ) 2516
Matiere , ( essence de la ) 1939. 2393. 2844
Matignons , ( Mausolées des ) 1524
Médailles , 179. de Hadrien, 249. du Roy, 340,
de Diadumenien
1516
Médecine , ( Aménitez de ) 507. Histoire de la
Médecine , SII. ( Faculté de )
Mémoire ,
2883
2641
Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes
Illustres dans la République des Lettres , §32 .
Mercure Suisse ,
Moliere ,
Monde , ( durée du )
2017
1413
1835
2435
Montagne ,( essais de ) 1279.1949.2144 2337
Montjoie ,
Monumens de la Monarchie Françoise ,
Musa rethorices ,
J272
2427
100
Musique , ( essai sur le bon gout en) 1163. (l'art
d'apprendre la )
N
Nature, leSpectacle de la )
Navigation , ( problême de )
Nobilaire ,
Noels ,
Nouvelles Etrennes ,
II. Vol.
1607.2222
22
849
987
75.2806
2438
TABLE
Chin , ( Bernardin ) 333
Ode , la Tragédie , 18. l'Espérance , 199.
l'Ame persécutée , 258. le Temps , 411. le
Triomphe d'Hébé, 667. le Héros parfait ,833 .
le Préjugé , 846. les Muses , 929. l'Ambition,
962. la Gloire , 1045. Vie de l'homme, 1967.
l'Amitié , 1089. 2609. le mépris des Richesses
, 112 , l'Astrologie judiciaire , 1257. aux
Muses , 1484. du Palinod , 1547 la Flatterie,
1689. l'utilité des Prix académiques , 2115.
contre le Duel , 2140. la necessité de mourir,
2148. le Triomphe de la raison , 2175. à M.
Titon , 2331. la Création , 2353. Atalante ,
2380. l'Homme , 2543. Bacchique , 2755.
Imitée d'Horace , 34. 228 494. 498. 1772.
2816. d'Anacréon , 131. des Pseaumes, 1143 .
1728 , 2184 2621.
Omphale , Opera ,
Opinion, (traité de l' ) 755-950.1154.1404.2216
344
Oran ,
65.292.643
Ordre du S. Esprit , 2927
Oriflame ,
ď)
Ovinius ,
P
Origêne , ( ouvrages
Orthographe moderne ,
Panegyrique de S. François , 110. de Saint
2206
1265
1168
- 2153
236
Louis ,
Paresseux , (le ) Comédie , 1000
Parnasse de Titon , 481. 917. 2588
Pastourelle , 995
Pauvreté , ( éloge de la ) 1787
Peintres renommez , 489. 15os
Pélopéc. Tragédie , 1638
Pendule marquant et sonant le temps vrai, 1926.
2668
IIVol,
Perse
TABLE
Perse , 185. 366. 579. 1013. 1213. 1469, 2886
Petra fidei ,
454
Paenoméne , vû à Lisbone ,
510
Pique ( François ) 2071
Pahou , ( Testament de Pierre ) 2385
2717 Pizzighitone ,
Pians en relief ,
156
Poeme. La Réligion défenduë , 523. les deux
Temples, 621 Codrus , 1467.1979 . le Pécheur
trouble , 1989
Pologne , 1120. 1654• 2ª 51. 2267.2480 2511.
2693.2900. 2937
Pont de Compiègne , 1850
Pour,et contre ( 'c ) 1593 , 2658
Prophétie attribuée à David , 1774.1919
500
567 Q
Ualifications singulieres ,
quatre semblables , ( les ) Comédie
127. 128. $ 49 . 907 988. 11368 Question
1623. 1851.2036
Quien , ( mort du P. Michel le ) 606. 869.1622
R
Ecueil de Pieces d'Histoire et de Littéra-
RE
ture ,
Réfléxions ,
Rendez- vous , ( le ) Comédie >
Renobert , ( Saint )
Révolutions d'Espagne ,
Rhames ,
δε
1079. 1990. 2808
1013. 1201
443
973
392. 590. 599
Ricci , ( Béatification de Catherine de ) 1237
Rondeau , 80. 212 650.1520.1917.25 14.2940
Rosni ,
Aladin ,
S.
1101
S Sanadon , ( Eloge du P. Noël Etienne ) 2824
Sentiment ,
Serrurerie ,
II. Vol.
137.907
774
SogoDES
MATIERES.
Sigonius , ( Euvres de Charles )
Societé des Arts ,
Sonnet ,
1402
2458
190
Sophi , mot impropre pour désigner le Roy de
Sophie , ( Sainte )
Perse ,
Spectacles ,
Stances ,
Sublime ,
Suisse de la rue aux Ours , 1232. Privileges des
2828
'2832
777.789. 1174
1062
213. 1309
Suisses , 2864
Sulpice , ( Portail de S. ) 1192
Swift ,
106
T.
Ableaux ,
1420, 2228. 2663'
Taille laterale ; 2361
Talismant contre les Rats , 2120
Tartares Calmuques
1751
Temple du gout ( le ) Comédie , 1630. 1831.
2250
Theâtre. S'il est une école pour former les
moeurs ,
Theophraste , voyez la Bruyere ,
767.980
These , an à functionum integritate mentis sanitas,
Torigny ,
Tour , ( mort du P. de la )
878
1521
552.626
Traductions faites par les enfans de Langue ,
1093
Tremblement de terre , 152. 379. 589. 1671,'
Troade sans Evêché ,
Troupes de France , (Abregé Chronologique
Historique des )
Tyard , ( Pontus de )
1884
437
1594
2012
II. Vol.
TABLE DES MATIERES.
V.
Albonnais , ( Jean Pierre de )
Valentines de Metz
Vancleve , ( Corneille )
Vanrobais ,
Verona illustrata ,
134
2841
553
1195
545
Vers,81 . Etrennes, 158. 2914. 2921.2925.Songe,
167.les deuxAmours, 175. contre lesSatiriques
184.Provençaux ,422. à Mlle de Malcrais 442-
462.875 . 1136. 1330. 2134. Imitez de Seneque
, 453. au Cardinal de Fleury , 600. à M.
de Nicolai , 610. l'Hyver , 727. Jugement de
Themis , 857. à M. Carelet , 874. de Mile
C... 884. méprise de l'Amour , 1097. àla
D. du Maine , 1353. sur un Portrait , 1456.
Plan de Ch. 1553. à M. Pibrac , 1787. Priere
1948. de Mlle de Malcrais au sommeil >
1974. 2157. 2776. à Mc . Felicité , 2189. de
Poisson , 2250. à l'Evêque de Macon , 2509.
Réflexions morales , 2560. le Triomphe de
l'Amour , 2585. Anacreontiques , 2641. définition
de l'Amour , 2781. Eloge de la fièvre
quarte , 2789. à M. Pelletier , 2843
Vetera domus ,
Viduité , ( droit de )
1472.2136.
1694. 1904
Vieillesse extraordinaire , 169. 602. 2267. 2935
Vocabulaire des Villes de France ,
Voltaire , ( OEuvres de M. de )
1975
129. 341. Sſo
1416
442. 692. 885
Volcan de Prague ,
Voyage de Normandie
,
Usages , ( Bizarerie
des
Aire Tragédie ,
Z.
133. 651
ZZodiaque de la vie humaine , ( le " 197
Qualité de la reconnaissance optique de caractères