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1733, 07-08
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John
Bigelow
tothe
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Association
* DM
Mere



Thecocars
*
DM

MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
JUILLET . 1733 .
SPARGIT
RECOLLIGITIS
Fallio
A PARIS,
GUILLAUME CAVELIER
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descenté du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais.
M. DCC. XXXIII.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
1
THE NEWALVO
PUBLIC LIBRARY
$35480
ASTOR,
A VIS.
TILDEN' FUNDAADRESSE generale eft à
105 Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventſe ſervir de cette voye
pour les faire tenir
On prie très-inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Rofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours
2, afin a
sposa
nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
pre-
Les Libraires des Provinces des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoirele Mercure de France de la
miere main, & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps de les faire porter fur
Cheure à la Pofte , ou aux Meſſageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT.
JUILLET.
1733.
PIECES
FUGITIVES
,
en Vers et en
Prose.
CODRU S.
Poëme qui a
remporté le Prix de
l'Académic
des Feux
Floraux.
J
chante ce
ce Héros , qui cher à sa
Patrie , dev1 ...
Conserva ses
es Sujets een
immolant sa
vie; ová 19.9 3 :
Si la seule vertu
mérites votre
encens ,
Muses, vous me devez vos plus
nobles accens.
La
discorde
féconde en
implacables haines ,
A ij Guide
1468 MERCURE DE FRANCE
Guide les Doriens jusques aux murs d'Athénes ;
Incertains du succès qu'ils brûlent d'obtenir ,
Leur inquiete ardeur cherche à le prévenir .
Ils veulent que le Ciel à leurs désirs révele ,
Ce secret important que l'avenir recele.
L'Oracle leur répond , pour flater leurs souhaits,
Vous vaincrez , si Codrus échappe à tous vos
traits ;
Mais si vous immolez ce Roi rempli de gloire ,
Aussitôt loin de vous s'enfuirà la victoire ;
Perdez vos ennemis , el respectez leur Roy.
Les Doriens charmez , acceptent cette Loy',
Satisfaits à ce prix de contenter leur rage ,
Ils s'avancent , l'espoir augmente leur courage ;
A leurs cris menaçants , tout s'allarme et to
fuit.
et tout
Cet Oracle est semé , Codrus en est instruit ;
Roi des Athéniens et plus encor leur Pere ,
Il veut hâter sa mort pour finir leur misere ;
Chers Sujets , que le sort à mes loix a soumis ,
>> Leur dit- il , vous voyez vos nombreux ennemis;
Suivis de la terreur , conduits par l'esperance ,
Il viennent contre vous assouvir leur vengeance,
Mais n'appréhendez rien , je sçaurai dissiper ,
»Cet orage tout prêt à vous envelopper ,
» Si l'Arrêt du Destin les flatte et les rassure •
» Vous avezdu triomphe un plus heureux augure;
» C'est mon amour pour vous , qui prompt à
yous servir
D
JUILLET. . 1733.
1469
» A leur joug odieux va bien-tôt vous ravir ;
» Esperez tout , dans moi votre bonheur réside ,
» En vain vers la victoire un Oracle les guide ,
» Je ne veux que moi seul pour les détruire tous,
J'irai pour vous sauver m'exposer à leurs coups,
par un noble effort , irritant leur farie ,
33
» Ét
Les forcer en tremblant de m'arracher la vie.
» Vous frémissez , ô Ciel ! vous répandez des
pleurs ;
»Ah ! plus vous me montrez l'excès de vos dou-
· leurs ,
» Plus vous plaignez mon sort , et plus je dois
encore ,
» Justifiek ces pleurs dont votre amour m'honore.
Suspendez vos regrets et calmez votre effroy ,
» Si vous m'attendrissez , c'est pour vous , non
pour moi;
B
Mais c'est trop m'arrêter à ce tendre spectacle ,
» Vous méritez ma mort , je vois remplir l'O
racle ,
» Je goûte tous les biens que vous en cueillerez ,
"
Je perirai pour vous , mais vous me vengerez,
Codrus cede à ces mots , au transport qui Pa- i
nime , N
Il vole , impatient de servir de victime
Ses Peuples effrayez d'un si hardi déssein ,
Le suivent dans sa course et l'arrêtent soudain
Et
pour mieux s'assurer de sa tête sacrée ,
De Soldats vigilans sa Tente est entourée ;
A iij Ses
1470 MERCURE DE FRANCE
Ses Sujets genereux , tranquilles sur son sort ,
Accourent au combat pour y trouver la mort.
Sous les yeux de Codrus , déja les deux Armées ,
Par des motifs divers au carnage animées ,
Se mêlent en tumulte , et répandant l'horreur ,
Ne paroissent avoir qu'une même fureur ;
Quel spectacle pour lui ! que son ame est émuë !
Sur mille objets affreux il promene sa vûë
Il voit perir de loin ses Sujets malheureux ,
Il reçoit tous les coups qu'on porte à chacun
2
d'eux ;
Allarmé de leurs maux , il use d'artifice
Pour aller consommer son triste sacrifice ;
Sous de vils vétemens éclipsant sa splendeur ,
Au - dedans de lui - même il cache sa grandeur .
Bien tôt par le secours de cette noble ruse ,
Il se dérobe aux yeux des Gardes qu'il abuse,
Il s'éloigne , il arrive au milieu des hazards ,
Sous ces dehors obscurs qui trompent les regards
,
·
Il court de tous côtez où le danger l'appelle ;
Le sort en l'épargnant , aime à trahir son zele
Il cherche , furieux , le trépas qui l'a fui ;
Chaque instant qu'il respire est un crime pour
lui ,
Trop heureux , si sans nuire au projet qui l'enflamme
,
Lui-même de ses jours pouvoit couper la trame.
Ses voeux sont satisfaits , un trait mortel Patteint
,
JUILLET. 1733 . 1471
De ses yeux affoiblis la lumiere s'éteint
Il expire , aussi -tôt la victoire fidelle ,
Pour payer tout le sang qu'il a versé pour elle ,
Rappelle ses Sujets qui fuyoient éperdus ;
A leur premiere ardeur ils sont soudain rendus ;
Leur crainte se dissipe et leurs efforts redoublent ;
Les Doriens surpris, se dispersent , se troublent
L'épouvanté et l'effroi s'emparent de leur coeur;
Ils tombent sous les traits dé l'ennemi vainqueur,
Mais ce vainqueur , hélas ! dans la gloire qu'il
goûte ,
Ignore encor quel prix son triomphe lui coûte ,
Et tandis qu'abusez par ce prompt changement ,
Tous les Athéniens suivent aveuglement
Les mouvemens divers que l'allegresse enfante ,
Qu'ils courent empressez vers la fatale Tente ,
Dans la foule des morts ils decouvrent leur Roi;
A cet horrible aspect tremblants , saisis d'effroi ,
Ils détestent leur gloire , et le sort de leurs armes,
Ils embrassent son corps , qu'il baignent de leurs
- larmes ,
Et
pour éterniser son regne et ses vertus ,
Choisissent Jupiter pour remplacer Codrus.
Codrus pro Patria non timidus mori. Hor. Ode.
M. l'Abbé P *** d'Avignon.
A iiij
CON1472
MERCURE DE FRANCE
CONJECTURES sur le Lieu où
étoit situé le Palais Royal, appellé Vetera
Domus. Par M. Clerot , Avocat an
Parlement de Normandie.
L

'Auteur de la Lettre inserée dans le
Mercure de Mars , page 442. semble
assurer que quelques Observations sur le
Lieu où étoit autrefois situé le Palais
Royal , appellé Vetera Domus , ne seroient
pas désagréables au Public . Sous cette
garantie , voicy quelques conjectures que
je crois pouvoir proposer , sans oser me
flatter d'avoir rencontré juste. Je sçai qu'il
en est de notre ancienne Histoire de Normandie
comme de certains Arts ; ce ne
sont pas toujours les premiers qui réussissent,
mais ils frayent souvent le chemin
à des découvertes plus heureuses ou
plus utiles. 172
Nous avons en Normandie , à une lieüc
d'Aumale , un Village que nous appel--
lons le vieux Rouen , que quelques uns
de nos anciens Historiens ont nommé ,
tantôt Verus Rotomagus , tantôt Vetus˜Rodomus
, et quelquefois Vetus Radomus. Ce
Village est sur le bord de la Riviere de
Bresle ;
JUILLET. 1733 1473
Bresle ; il est peu éloigné des bois ; il a
d'agréables Côteaux ; en un mot , sans
parler de son Château , il est dans une situation
très - propre à faire présumer qu'il
a pû être une de ces Retraites de nos
premiers Rois , que nos vieilles Histoires
distinguent sous la dénomination de Villa
Regia , aut vicus fisci , aut Palatium
vel Palatiolum.
Ceci posé , ne pourroit- on point conjecturer
que c'est là le Vetera Domus de
Charles le Chauve ? Car on sçait que ce
n'est pasla difference de l'énonciation qui
doit pous arrêter. Nos premiers Ecrivains
ont pû de Vetus Rodomus ou de Vetus Radomus
, aisément faire Vete Radomus ; cela
n'est pas sans exemple , et puisque visà-
vis du vieux Rouen , sur l'autre bord
de la Riviere de Bresle , il y a un Village
appellé S. Germain ; il ne manqueroit
rien à la conjecture ; mais voyons s'il n'y
auroit pas d'ailleurs quelques preuves qui
pussent déterminer
.
Oderic Vital , dans son Hist. Eccles.
Liv. 12 nous fait penser que de son tems le
vieux Roüen méritoit une attention. particuliere
;car après avoir parlé du Fort que
Henry I. Roy d'Angleterre y voulut
construire pour l'opposer au Comte d'Aumale
, il expose une partie de ce qu'il as-
A v sure
.
1474 MERCURE DE FRANCE
sure en avoir été dit dans les anciennes
Histoires , de Veteri Rotomago unde hîc
mentio jam facta est , dit cet Auteur , tangam
quod in priscis quæsitum Historii relatum
est. Ce n'est pas assez , il se fait
honneur , en suivant ces Historiens , de
laisser aux siecles à venir les faits posterieurs
, ad notitiam posteritatis mentionem
feci , de priscorum relationibus adjeci. Nunc
autemad res nuper gestas redibo et pro posse
meo Antiquos Scriptores sequens laborem
meum Ætati futura offero.
Je suis très- persuadé qu'Oderic Vital
n'a pas toûjours exactement suivi les Auteurs
qui l'ont précedé , que selon le pieux
usage de son tems il met souvent sur
leur compte des faits ausquels ils n'ont
jamais pensé , et qu'il ne s'attache qu'à
les faire parler conformément à ses propres
conjectures . Mais enfin il les suit
de loin ou de près , et cela étant , j'ai droit .
d'assurer que plusieurs de nos anciens
Historiens ont parlé du vieux Roüen
comme d'une Place qui a existé dans les
premiers tems.
Je ne crois point cependant que Jules-
Cesar soit passé dans notre Pays de Caux,
qu'il y ait assicgé , pris ou détruit une
Ville appellée Caletum , qu'il en ait bâtỉ
une autre au même lieu , sous le nom de
Julia bona
JUILLET. 17337 1475
Fuliabona , et que cette Ville soft le Bourg
de l'Isle- bonne. Non , je ne crois pas que
ce grand Capitaine , après cette Expedition
, ait traversé les neuf Rivieres du
même Pays , qu'il ait vû les bords de
l'Ocean de ce côté - là , et qu'il soit revenu
sur la Bresle ordonner la fondation
d'une autre Ville appellée Rodomum , quasiRomanorum
domus. Je ne crois point enfin
que Rutubus , faisant le redoutable dans
une Forteresse , située sur un Mont auprès
de la Seine , Jules - Cesar le soit venu
attaquer , qu'il ait pris la Place , et qu'il'
ait tout de suite bâti au même lieu la
Ville Capitale de notre Province
abandonnant son autre entreprise , de laquelle
a été formé le vieux Rouen , et
priori vico super Aucum usque in hunc diem
solum nomen reliquit.
,
Toutes ces circonstances que le bon
Moine de S. Evroult nous rapporte dans
le même Livre 12. sont détruites par des
preuves que j'espere donner un jour dans
quelque Dissertation , que je prépare ,
sur les premiers Habitans du Pays de
Caux , et sur l'origine de notre Ville de
Roüen; mais elles ne servent pas moins
à mes conjectures ; car dans les faits changez
, alterez ou déguisez , il y a toujours.
certains rayons de verité sur lesquels on
A vj peut
1476 MERCURE DE FRANCE
peut raisonnablement se fixer ; et dans
l'espece présente , il est aisé de sentir qu'en
general vetus Rotomagus , ou vetus Rodo
mus , est un lieu pour le moins aussi ancien
que
Roüen ,
Mais , me dira -t'on , quels sont les Auteurs
? Où est l'Eistorien Romain qui
aye jamais parlé de vetus Rotomagus ?` A
cela je réponds , 1 ° . que notre Oderic Vital
a pû prendre pour des Historiens Romains
quelques- uns de ceux qui sont nez
dans les Gaules , et même dans le Pays
Normand , sous la domination Romaine,
même sous celle des premiers Rois de
France . 2 ° . Qu'il se peut parfaitement
bien faire que les Manuscrits dont s'est servi
ce Moine de S. Evroult , soient perdus;
tout le Monde sçait que les tems d'ignoles
guerres particulieres des Seigneurs
de France , et les irruptions generales
des Anglois , ont extrêmement désolé
la République des Lettres . Mais puisque
nous sommes dans les conjectures , n'en sortons
point que nous n'ayons du moins
vû quelques Auteurs , qui vrai- semblablement
n'étoient pas familiers à Oderic-
Vital.
rance ,
La Carte Itineraire de l'Empire Romain
, dont on doit la découverte à un
sçavant Avocat d'Ausbourg , et que nous
appellons
JUILLET . 1733. 1477
appellons communément de son nom les
Tables de Peutinger ; cette Carte , disje
, met vers notre Province deux Villes
, l'une sous le nom de Rathomagus ,
l'autre , sous celui de Rithomagus ; ne seroit-
ce point que le Géographe qui a fait
cette Carte , et qui certainement vivoit
avant l'arrivée des François dans les Gaules
, auroit eu sous les yeux des Auteurs
qui lui auroient appris , que non loin de
FOcean et de l'Embouchure de la Seine,
il y avoit deux Villes du même nom à
peu de chose près ? Ce qu'il y a de constant
, c'est que cette Carte pose Rathomagus
vers le lieu où est notre Vetus
Rodomus. En voila beaucoup , ce me semble
, pour un homme qui n'écrit que sur
des conjectures ; il faut cependant donner
ici quelque chose de plus fort.
Ptolomée , dans le Chapitre huitiéme
de son second Livre nous parle de Ratomagus
, comme Ville Capitale des Vellocassiens
, qu'il place après les Peuples
de la Bretagne , du Maine , de la Basse
Normandie et du Rommois ; Post quos
usque ad Sequanam flumen Velii Casii quorum
Civitas Ratomagus : Et dans le Chapitre
9. du même Livre , il nous met
un autre Ratomagus , comme Capitale des
Ubanecti ou Subanecti , qu'il place après
les
1478 MERCURE DE FRANCE
les Peuples de la Flandre , de l'Artois et
de la Picardie ; Sub his Ubanecti quorum
civitas Ratomagus ab Oriente Sequane
fluvii ; ce qui ne peut bien convenir qu'à
notre Vetus Ratomagus.
Je ne m'attacherai point à prouver que
le Pays appellé de Wimen , et qui s'est
étendu , comme nous le voyons dans plusieurs
Chartres , jusques dans le milieu
du Vexin , a pû être autrefois celui des
Ubaneci , ce sera l'objet d'un autre Ouvrage.
Je passe à l'Analogie des Langues
Gauloise Teutonique et Françoise
pour appuyer ma conjecture.
و
*
Je vois dans Camden , dans Bochard
et dans les Glossaires de l'ancien Allemand
, que Mag Magem , ou Magus , signifie
véritablement en Gaulois , Famille,
Habitation ou demeure commune ; que
Rath , Roth ou Rith , a été dans la même
Langue , tantôt un Amas d'eaux , que
formoient les irruptions d'une Riviere
sans Digues ; tantôt un Gué , qui se faisoit
naturellement dans le lieu où la largeur
de la Riviere devenoit plus éten-
; ainsi Rathomagus ou Rithomagus , ne
désigneroit autre chose dans son origine
que l'habitation ou la demeure des Habitans
du Passage.
Quand les premiers Normands , je
veux
JUILLET. 1733. 1479
veux dire les Saxons , les Francs , les
Bourguignons et autres Peuples du Nord,
entrerent dans les Gaules , ils accomodoient
les noms des Lieux à leur maniere
de parler. De - là ce changement de la
Lettre T en D, qui entr'autres leur étoit
fort familier , de là cette abréviation de
Rithomagus ou Rathomagus , ou Rodomus
ou Radomus, noms que nos prémiers Ecri
vains donnent à notre Vetus Rotomagus.
Voyons ce qui a donné lieu à l'epithete
de Vetus.
Les Auteurs que je viens de citer as->
surent que Wede ou Veije , signifie en
ancien Allemand , ce que nous appellons
un Gué , un Passage ; cela posé ,
nous pouvons croire que nos Peres , après
leur entrée dans les Gaules , continuant
à passer par le Gué de Ratomagus ou Radomus
,
désignerent ce Lieu par Wedera
domus , nom que nos anciens Historiens
ont pû changer en Vetera domus , par la
ressemblance et l'indifference de position
du T. en D. et du D. en T. de sorte que
Wedera domus ou Vetera domus , ne voudroit
dire autre chose que le Gué ou le
Passage de Radomus:
Cette conjecture n'est pas forcée , car
on sçait que de Wede a été formé le mot
latin Vadum , que Vieux , dont il est parlé
dans
1480 MERCURE DE FRANCE ERCUR
dans les derniers Mercures , tient son
nom de la même origine , et que c'est
pour cela , comme le remarque M. Huet,
que Vieux est appellé dans les titres de
l'Abbaye de Fontenay , tantôt Vedioca ,
tantôt Veoca.
Je n'ai pas besoin de chercher de plus fortes
preuves , si on fait attention que les Palais
de nos premiers Rois avoient des Chapelles
desservies par des Religieux , ce qui
a donné commencement à differentes Abbayes
, dont les unes se sont conservées
entieres , les autres ont dégeneré en Prieurés
, les autres se sont éteintes ou incorporées
avec leurs voisines ; on pré¹ugera
qu'il ne seroit pas impossible que le Palais
appellé Vetera domus , eût eu une de
ces sortes de Chapelles , qui dans la suite
auroit formé l'Abbaye de S. Fuscien d'Amiens
; sur quoi , si mes Conjectures sont
rendues publiques dans le Mercure , je
prends la liberté d'inviter Mrs les
Religieux de cette Abbaye , de vouloir
bien donner là - dessus , par la même
voye , quelques Extraits de leurs Chartres
, qui concernent le Vieux Rožen , ne
doutant pas qu'ils n'en ayent , puisqu'ils
sont Seigneurs - Patrons de ce Lieu.
Je reviens à l'autorité de Ptolomée ;
je sçai les objections qu'on peut me faire
sur
JUILLET. 1733. 1481
sur l'endroit que j'ai cité du Géographe
Grec , mais il est aisé d'y répondre par
une observation bien simple ; sçavoir ,
que les Manuscrits de Ptolomée , exposez
depuis plus de quinze cens ans à l'erreur
des Copistes , à la barbarie des siecles ignorans
, au caprice des Auteurs du moyen
âge , ont souffert plusieurs changemens ,
èt nous avons vû de nos jours des Géographes
tout prêts à retrancher de Prolomée
les Ubanecti et leut Ville Capitale.
Je ne parlerai point ici des Chartres
de nos premiers Rois , de quelques Conciles
même qui finissent tantôt par ces
mots , Actum Rodomo , tantôt par Actum
Rothomago , de ces anciennes Histoires où
nous trouvons Rotumagus , Rodomus , Ritumagus
, Rotumus ; de ces Monnoyes où
l'on voit pour Légende , Ratuhagus , Ratumagus
, Rodomus , Rothemagus ; et fout
cela sans autre distinction particuliere s
sçavoir , si c'est la même Ville , ou si ce
sont deux, trois ou quatre lieux differens
, confondus dans un seul en differentes
expressions , cela nous meneroit
trop loin
On s'est donné la liberté dans les premiers
tems de changer , retrancher et
augmenter , selon l'idée ou les préjugez
de chaque siecle ; et comme on ne connoît
1482 MERCURE DE FRANCE
>
noissoit point alors de saine critique , une
ignorance crasse et un témeraire orgueil ,
avoient souvent le dessus , ensorte que
nous pouvons dire aujourd'hui que nous
sommes égarez dans notre propre Patrie.
Il faut des peines inconcevables pour
nous remettre dans le veritable chemin .
>
Je ne sçai si avec mes Observations
je mene bien le Lecteur vers le Vetera
domus de Charles le Chauve ; car l'Auteur
dont il est parlé dans la Lettre du
Mercure , met ce Lieu dans le Roumois
in Pago Rotomagensi , et le Vetus Rodomus,
dont je viens de parler , est dans le Pays
de Bray , faisant partie de celui que nos
vieilles Chartres et nos anciennes Histoires
nomment Pagus Vitnemau ou Vinemau.
Je puis cependant assurer que ces
Auteurs , la plupart Légendaires , sont
trop peu exacts pour nous arrêter ,
que j'ai vu plusieurs Titres , plusieurs anciennes
Histoires de Miracles qui mettent
, in Page Rotomagensi , des Lieux situez
à l'extremité du Pays de Caux. Il
suffit à ces Auteurs que ce qui interesse
le Saint ou la Sainte dont ils parlent , se
soit passé dans le Diocèse , pour désigner
le Lieu par le nom du Pays ou l'Eglise
Cathédrale se trouve située.
et
Enfin je ne dissimulerai point que quelques
JUILLET. 1733. 1483
ques Auteurs en nous donnant le Bourg
de Cailly , pour le Caletum , dont parle
Oderic Vital , ont prétendu que sur un
Côteau de ce Bourg même , étoit autrefois
situé un vieux Château , où l'on a
trouvé des Antiquitez de toute espece.
Si avec cela quelques Titres nous désignoient
ce Château sous le nom de Vetera
domus , ma premiere Conjecture se
roit d'autant plus vaine que Cailly a appartenu
autrefois aux Rois de France ;
je me souviens d'avoir vû un Titre de
P'Abbaye de S. Oüen , dans lequel le droit
des Religieux de cette Abbaye, d'envoyer
au Four de Cailly , est exprimé en ces
termes , ad Furnum Domini Regis . de
Cailly. On voit d'ailleurs dans les Preuves
de l'Histoire de la même, Abbaye ,
un ancien Recueil des droits des Moines
sur Cailly , dans lequel on lit : Item
Furnum Domini Regis de Cailly. Item omnem
costumam Foresta ratione Castri et Fur
ni,quam Dominus Rexvel Dominus de Cail
ly , capere poterant , &c. Il y a encore à
observer que Cailly est près d'une Parois .
se appellée S. Germain ; le même Titre
que j'ai vû , porte , in pago Rotomagensi
et non loin de là est un autre Village appellé
le Vieux Manoir , qui est assez proche
d'une autre Paroisse nommée aussi
S. Germain .
1484 MERCURE
DE FRANCE
.
Initié
O D E.
AUX MUSES.
Nitié dans vos mysteres ,
Chastes Muses , qu'avec plaisir ,
Je cherche les lieux solitaires ,
Pour vous consacrer mon loisir !
Quelquefois , rompant le silence ,
Ma Lyre de votre assistance ,
Saisit le précieux moment .
Quelquefois les sublimes rêves
De vos plus celebres Eleves ,
Me tiennent lieu d'amusement.
Là , je lis par quelles adresses ,
Un Héros (a ) long- temps exercé ,
Brave les trompeuses caresses
Des Sirenes et de Circé :
Là , je lis avec quel courage ,
Un autre (6 ) de plus d'un nauffrage ,
Sauve les restes d'Ilion ;
Et dans un lieu rempli de charmes ,
( a ) Ulysse.
(b ) Enée.
N'est
JUILLET.
1733. 1485
N'est point retenu par les larmes ,
De la soeur de Pigmalion.

Que j'aime le noble Génie , (4)
Qui par ses divines Chansons ,
A de la Lyre d'Ausonic ,
Eternisé les premiers sons !
La route au vulgaire cachée ,
Qu'avec succès il a cherchée ,
M'a déconcerté mille fois ,
Et n'a point étouffé l'audace
Qui me fait briguer une place
Entre les Lyriques François.
M
Ainsi , malgré la servitude
Où la Fortune m'a réduit ,
L'Instinct orné d'un peu d'étude ,
Vers le Mont sacré m'a conduit.
Ainsi vos douceurs plus qu'humaines ,
Muses , quelquefois de mes peines ,
Viennent interrompre le cours,
Peu desireux de l'opulence ,
Je vous aimai dès mon enfance
Et je vous aimerai toujours.
<
Mcelov ba
« 1b olasia 9. uutos 510
sidnqnon squalo nub culq siv 1.0
(2) Horate.
Non
1436 MERCURE DE FRANCE
Non , que d'une attente superbe ,
Trop prévenu , j'ose penser ,
Que quelque jour près de Malherbe ,
Vos bontez doivent me placer .
Ma seule attente est éxaucée ,
Si par une ardeur insensée ,
Ne m'étant point laissé régir ,
Exempts d'une doctrine immonde,
Mes Vers répandus, dans le Monde ,
N'ont rien qui vous fasse rougit
M
Au bel âge , où la Terre pure
Des déreglemens que je vois ,
Etoit fertile sans culture ,
Pour des hommes justes sans Loix ,
Vos Nourissons prudens et sages ,
Domptoient les animaux sauvages ,
Par leurs accès mélodieux ;
Et plus naïfs que nous ne sommes ,
Pour instruire et charmer les Hommes
Parloient le langage des Dieux.
Mais lorsque de ses flancs horribles ,
L'Enfer , le redoutable Enfer ,
Eût vomi les Monstres terribles ,
Que connut le siecle de fer ,
On vit plus d'un Chantre coupable ,
25 (Faire
Faire un abus abominable ,
De vos singulieres faveurs ,
Et par ses Ouvrages infâmes ,
Communiquer aux jeunes Ames ,
La corruption de ses moeurs .
M
L'Impieté , tête levée ,
Alors brava les Immortels ;
L'Injustice fut approuvée , oshigal, and
La Tirannie eut des Autels : 602
Alors la basse Flaterie ,
D'un Conquérant plein de furie ,
Vanta les barbares succès ;
Le mensonge affreux se fit croire ,
Et l'Amour reçut de la gloire ,
De ses impudiques excès.
Aux coeurs ingrats , chastes Déesses ;
Mon coeur ne veut point ressembler .
J'userai bien de vos largesses ,
Quand vous daignérez m'en combler.
O qu'animé d'un saint délire
3
Ne puis- je en consacrant ma Lyre,
Par les exemples les plus beaux ,
2
.[
Faire aimer les attraits, suprêmes ,
Des Vertus qui jusqu'aux Dieux mêmes,
Sçavent élever les Héross com.my
Mais
1488 MERCURE DE FRANCE
Mais puissent devenir mes rimes ,
L'objet d'un mépris éternel ,
Si déclarant la guerre aux crimes ,
J'attaque aussi le Criminel ;
Si prodiguant , vil hypocrite ,
L'encens qui n'est dû qu'au mérite
Muses , j'ose vous profaner ,
Et si l'Amour , dans mes saillies ,
Voyant dépeindre ses folies ,
Ne les y voit pas condamner.
7 NIA
jaI'I
LI
F. M. F.
***** **:* :*******
LETTRE aux Auteurs du Mercure
de France , pour servir de Réponse à la
Réplique de M. P ** d'Orleans , imprimée
dans le Mercure de Février dernier -
et pour appuyer l'autorité de l'Historien
Lampride , au sujet d'Alexandre Severe.
J
20383*
21
E ne cherche point , MM. à renouveller
la dispute litteraire qui paroît
avoir été autrefois entre M. de Tillemont
et le P. Pagi , au sujet de l'Epoque des
guerres de l'Empereur Alexandre- Severe.
Qui auroit- il d'interessant pour le Public
de voir repeter par M. P. d'Orleans - les
raisonnemens du P. Pagi ĝeett par moi ceux
de
JUILLET. 1733. 1489
de M. de Tillemont ? Ce seroit abuser
de sa patience , que de toujours écrire et
ne, rien donner de nouveau . Au moins si
l'on n'est pas en état de produire dans une
cause obscure des argumens métaphysiques,
il n'y a point de mal d'avancer modestement
ses conjectures. Je me suis servi
de cette voye permise en fait d'Histoire
profane , pour essayer de fixer , autant
qu'il est possible , ce que je crois
devoir manquer de quelques degrez de
certitude physique , jusqu'à ce que les
Médailles soient venues au secours des
Historiens. Mais mon Adversaire trouve
des impossibilitez dans tout ce que je
propose. Les Saumaises, les Tillemonts et
les anciens Historiens sont bons pour lui,
et ils ne valent rien pour moi.
Selon M. P. Lampride est plein de fautes
, et Hérodien n'en a aucune , c'est
un Ecrivain presque infaillible . Quelqu'un
cependant pourroit dire le contraire
après M. de Tillemont , avec
grand fondement , et prouver que
c'est plutôt Hérodien qui avance plusieurs
faits insoutenables. Mais il suffit
de renvoyer là-dessus aux excellentes Notes
qu'il a faites sur la Vie d'Alexandre.
Les meilleurs Historiens sont sujets à
commettre quelques fautes ; ce n'est pas
"
B unc
1490 MERCURE DE FRANCE
une raison suffisante pour rejetter ce qu'ils
ont écrit. Quoique Dion Cassius soit un
des plus éxacts , Dodwel fait voir quan
tité d'erreurs dans lesquelles il est tombé
à l'égard du seul Trajan. Perizonius a
fait un Livre exprès intitulé : Animadversiones
Historica , où il montre la même
chose à l'égard des Historiens les plus
estimez , comme Polybe , Tite - Live, &c.
Doit- on dire qu'à cause de cela le témoignage
de ces Auteurs doit être rejetté ,
s'il n'est soutenu par d'autres ? Le même
Critique a prouvé dans ce même Ouvrage
une infinité d'anachronismes et d'autres
erreurs monstrueuses dans Valere-
Maxime. N'osera - t'on donc plus citer cet
Historien ? j'en laisse le jugement au Public.
M. P. a mauvaise grace de m'accuser
d'avoir tronqué sa proposition . J'ai bien
remarqué quelle est la conclusion du
raisonnement qu'il a employé dans le
Mercure du mois d'Avril dernier , page
679. immédiatement après s'y être servi
de l'autorité de Casaubon , de Saumaise
et de M. de Tillemont ; je n'ai point confondu
cette conclusion avec la proposition
qui finit l'article précédent de sa
Lettre ; et c'est parce qu'elle m'a paru
extraordinaire que je l'ai mise telle qu'elle
est
JUILLET . 1733. 1491
est; la voici encore une fois : A moins
que les faits qu'on trouve dans cette compilation
( de l'Histoire Auguste ) ne se rencontrent
ailleurs , on est toujours bien reçû
à ne les point recevoir comme véritables . (a)
Sans sarrêter davantage à montrer le
faux de cette proposition , le moindre de
ses deffauts seroit en ce qu'elle peche contre
une Regle de Logique qui dit : Conclusio
non debet esse latior præmissis. Il
faut voir l'Ecrit même.
Mais pour revenir à Lampride , qui est
l'Auteur pour lequel
pour lequel il témoigne le plus
d'aversion , et pour le laver des reproches
qu'il lui fait , il me paroît que si
M. P. ne peut presque rien souffrir
dans cet Historien , c'est qu'il ne veut
pas se donner la peine de l'entendre .
Si une proposition de cet Ecrivain peut
avoir deux sens , M. P. prend toujours
celui qui lui paroît condamné par les
Ecrits des autres Historiens , ou par d'au
tres Monumens , afin de le décrier de
plus en plus.
A commencer par le premier endroit
qu'il articule , c'est une injustice que de
reprocher à Lampride d'avoir ignoré jusqu'au
nom de la mere d'Alexandre. C'est
(a) Merc. d'Avril 1732. p. 679. lignes 24 .
25. 26, et p. 680. lignes 1. ct 2 .
Bij plutôt
1492 MERCURE DE FRANCE
plutôt le Censeur de cet Historien qui
est répréhensible , en ce qu'il n'a pas entendu
son Texte . Mon Edition le porte
ainsi : Alexander igitur cui Mammea mater
fuit , nam et ita dicitur à plerisque ,
à prima pueritia artibus bonis indutus tam
civilibus quàm militaribus , & c. Ces mots
nam et ita dicitur à plerisque , ne se rapportent
point à Mammée , mais à son
fils , que les Grecs appelloient ordinairement
Alexandrum Mammea , et sur l'usage
du sur - nom , suivant la judicieuse
remarque de Casaubon en cet endroits
c'est comme si Lampride eût dit , Alexander
igitur Mammea filius , nam et ita
cognominatur à plerisque. Il ne faut donc
point traduire cet endroit de Lampride
de cette sorte. Alexandre donc qui avoit
pour mere Mammée , car plusieurs croyent
qu'elle a été sa mere ; mais il faut rendre
ainsi son Texte dans notre Langue : Alexandre
donc fils de Mammée , car c'est ainsi
qu'il est surnommé par plusieurs. Mais
quand le Texte de Lampride ne seroit pas
aussi clair qu'il l'est , M. P. devoit faire
attention à tant d'autres Endroits , où cet
Auteur suppose comme une chose certaine
et connue de tout le Peuple , que
la mere d'Alexandre s'appelloit Mammée.
Puellas et pueros , quemadmodum Antonius
1
Faus
JUILLET. 17337 1493
Faustinianas instituerat , Mammeanas et
Mammeanos instituit . Et plus loin ; In
matrem Mammeam unicè pius fuit : ita ut
Roma in Palatio faceret dietas nominis
Mammea quas imperitum vulgus hodie ad
Mammam vocat ; et in Baiano Palatium
cum stagno quod Mammea nomine hodieque
censetur.
Quelque grand que soit le nombre
d'exemples d'Empereurs Romains qui
ont cassé des Legions , on ne peut pas
dire qu'aucun de ceux- là en eût cassé
plus d'une sous son regne , ou au moins
si souvent qu'Alexandre ; il falloit cependant
en produire d'anterieurs à cet Êmpereur
, qui en eussent cassé souvent ,
pour pouvoir mettre Lampride dans son
tort. C'est ce que ne fait pas M. P. Si
Lampride dit qu'Alexandre fut le seul
jusqu'alors qu'on eût vû casser plusieurs
Légions pour les punir de leurs séditions,
il soutient ailleurs le même langage et
en donne l'explication : Severitatis autem
tanta fuit in milites ut SÆPE Legiones integras
exauctoraverit . Et c'est par cet endroit
que Casaubon explique l'autre. Il
est vrai que Lampride n'entre point dans
le détail de chacune des Légions qui su
bit cette punition , se contentant de parler
de celle qu'il cassa à Antioche ; mais
B iij un
1494 MERCURE DE FRANCE
un Historien n'est pas tenu de tout dire,
et il n'est pas obligé de prévoir qu'après
quatorze siecles il se trouvera quelqu'un
qui essayera de le faire passer pour ce
qu'il n'est pas.
Il n'y a rien d'incompatible dans ce
que Tibere a eu envie de faire au sujet
de Jesus Christ , selon Tertullien , et ce
que Lampride dit qu'Hadrien pensa faire
selon quelques - uns . Ce sont deux desseins
aussi differents que les deux Princes .
L'un n'exclud pas l'autre ; et loin de révoquer
en doute ce que dit Lampride ,
on doit lui avoir obligation de ce qu'il
nous apprend l'origine qu'on attribuoit
de son temps à ces Temples vuides d'idoles
et de Statues , qu'on appelloit les
Temples d'Hadrien , dans les lieux où il
y en avoit , et tel qu'est peut - être celui
qui reste à Nîmes , qu'on dit bâti par
cet Empereurs si Tertullien n'a parlé que
de Tibere , c'est qu'il a pû ignorer le fait
rapporté par notre Historien , qui d'ailleurs
n'en parle que comme d'un bruit
qui couroit et qu'il ne garantit pas : Quod
et Hadrianus cogitasse fertur.
A l'égard du discours où M. P. trouve
mauvais qu'Alexandre dise que le nom
d'Antonin avoit été affecté par Bassien
c'est une piece que Lampride déclare qu'il
JUILLET. 1733. 1495

8
a tirée des Registres de la Ville de Rome
au VI. de Mars , telle qu'elle avoit été
prononcée par Alexandre avec les acclamations
du Sénat . Comment peut- il s'inscrire
en faux contre une piece si authentique?
J'aime mieux croire qu'Alexandre
jugea à propos de parler ainsi en présence
du Sénat , que de penser que ces
Actes publics eussent été falsifièz , et
qu'au bout de cent ans Lampride ait été
trompé par de faux Registres. C'est mon
sentiment , qui ne doit gêner en rien celui
de M. P. Au reste , quand il seroit
vrai qu'Alexandre auroit voulu prendre
la qualité de fils de Caracalle dans la suite
de son regne , à cause de l'affection des
Soldats pour le nom des Antonins , il ne
suit pas de- là qu'il ait dû avoir la même
pensée dans les premiers temps de
son élevation à l'Empire , et lorsqu'il fit
ses remerciemens au Sénat . Autrement ,
il n'auroit pas refusé alors le nom d'Antonin
, d'autant plus qu'il étoit en effet reconnu
pour parent de Caracalle. N'ayant
donc eu dans les commencemens aucun
dessein de prendre le nom d'Antonin
il n'est pas surprenant qu'il ait en quelque
maniere blâmé ce dernier d'avoir pris
ce nom , quoiqu'on ne puisse disconvenir
qu'il ne l'ait fait avec grand ména-
B iiij gement
>
1496 MERCURE DE FRANCE
gement , s'étant contenté de dire que Caracalle
avoit affecté ce nom ; affectatum
in Bassiano ; expression des plus moderées
, quoiqu'en veuille dire M. P. D'ailleurs
il n'y a pas d'apparence qu'en cette
occasion , avec sa modestie ordinaire , et
dans un âge aussi tendre , il eût eu l'effronterie
de vouloir faire croire au Sénat
qu'il
étoit vraiment fils de Caracalle .
Que M. P. trouve donc tant qu'il voudra
dans Alexandre une opposition de
conduite ; elle ne paroîtra qu'à lui seul ,
qui n'est pas disposé à recevoir la justification
de Lampride avec bienveillance ,
aimant mieux croire que les Fastes publics
d'une Ville telle que Rome , l'ont induit
en erreur , que de convenir qu'Alexandre
ait pû parler comme il a fait.
Il reste à lui répondre sur ce qu'il trouve
de si plaisant dans notre Historien .
Rien en effet ne seroit plus plaisant que
d'avoir mis les Jurisconsultes Pomponius
, Alphenus , &c. parmi les Conseillers
d'Alexandre ; puisqu'on convient
que ces hommes n'existoient point alors .
Mais le plaisant est que M. P. cite l'Historien
selon les Editions publiées sans
aucun examen critique des manuscrits
et sans faire semblant qu'il connoisse les
Notes queCasaubon et Saumaise ont données
JUILLET. 1733. 1497
nées sur cet endroit. Car s'il avoit voulu
y
faire attention , il auroit reconnu que
les noms de ces Jurisconsultes ne se trouvent
point dans les anciens manuscrits de
cette Histoire , de laquelle ils doivent être
entierement rejettez . C'est une circonstance
qui a été ignorée par Cujas , lequel
étoit anterieur aux Commentaires de
Casaubon et de Saumaise : et ce Jurisconsulte
est plus excusable avec sa mauvaise
Critique, que ne l'est le Censeur de Lampride.
Je vous ai déja averti, MM . que je regar
dois comme inutile d'étaler les raisons qu'à
eues M..de Tillemont , de ne se pas trouver
d'accord avec le P. Pagi , sur l'année
de la guerre de Perse . Je persiste à la placer
avec lui quatre ou cinq ans plus tard
que le P. Pagi. De deux Sçavans qui ont
discuté un point historique , chacun est
libre de suivre la Chronologie qui lui
plait. Ce qu'il est bon de remarquer ici
c'estque ce fut sous l'Empire d'Alexandre
que l'on commença à se servir du nom.
de Perse , pour signifier le Pays que les
Parthes occupoient auparavant. Ainsi lorsque
cet Empereur étant à Antioche quelques
années après dit dans sa Harangue
aux Soldats , qu'on leur a appris à
élever leur voix contre les Perses , il n'a
By pû
1500 MERCURE DE FRANCE
nius à aller à cette expedition , mais encore
à l'accompagner dans ce voyage.
M. P. finit les Remarques critiques
qu'il avoit à faire contre moy en particulier
, par une énumération que je
ne lui demandois pas du nom d'Ovinius
, tirée des Inscriptions. J'aurois
souhaité qu'il l'eut puisée dans les Historiens
ou dans d'autres Ecrivains dont
les Ouvrages sont parvenus jusqu'à nous
par la voye des Manuscrits . C'est ce qu'il
n'a pas fait. Au lieu de cela, il entreprend
de prouver au Public que c'est une er
reur de dire Alexandre Severe , et il prétend
qu'on doit dire Severe Alexandre.
Quoique la chose ne soit pas d'une assez
grande importance pour être discutée ,
je ne puis pas me dispenser de dire que
c'est- là une mauvaise chicane qu'il fait
sur les surnoms de cet Empereur, et toujours
pour revenir contre Lampride, qu'il
ne veut pas se donner la peine d'entendre.
Lampride dit bien que les Soldats
l'appellerent Severe , à cause de la séverité
dont il étoit à leur égard , et il infere
que cette manierè d'entendre ce nom
leur étoit propre et speciale ; mais il a
été bien éloigné de croire en son particulier
que ç'ait été une épithete ; , il n'en
dit rien qui ne s'accorde avec lidée de
sa véritable origine.
P
JUILLET. 1733. 1501
Ce nom de Severe , fut celui qu'il prit
quand il fut parvenu à l'Empire , pour
marquer apparemment qu'il étoit lié de
parenté avec Septime- Severe. Alors par
respect pour ce Prince , il mit ce surnom
nouveau avant l'ancien , et cela fut
suivi dans tous les Monumens publics ..
Les Soldats qui ressentoient la séverité
de cet Empereur plus que personne , furent
frappez de ce nom , et s'en servoient
plus communément entre eux dans le
sens adjectif qu'il peut avoir. Mais tout
le monde , et les Historiens mêmes , continuerent
de l'appeller Alexandre simplement
, ou d'y ajouter le nom de Severe ,
pour le distinguer d'Alexandre Emilien
et d'un autre Alexandre , Tyran d'Afrique.
C'est cet usage qui a passé jusqu'à
nous. Il est fondé sur ce que le nom
d'Alexandre a été sûrement le premier
surnom de cet Empereur , selon l'ordre
des. temps : Salutabatur autem nomine hoč
sive Alexander , dit Lampride ; et dans
les premieres Médailles de ce Prince
frappées sous Héliogabale , il est appellé
seulement M. Aurelius Alexander Casar.
Aussi ce nom d'Alexandre se trouve t'il
au moins douze fois dans les Acclamations
que fit le Sénat le jour que le jeune
Empereur y fit sa premiere Entrée , et
celui
1502 MERCURE DE FRANCE
celui de Severe ne s'y trouve pas une
seule fois , quoique le nom d'Aurelius
n'y manque point. Le nom de Severe
étant ainsi reconnu comme le plus rarement
usité du vivant d'Alexandre , il
n'est devenu que distinctif dans les
temps suivants. Or il est constant que
les noms qui sont les plus distinctifs ,
ne se mettent point les premiers dans
l'usage , mais à la suite du plus commun.
En avoüant donc que le nom de
Severus est dans ce cas , il doit ne se
trouver dans le langage ordinaire que
comme accessoire au nom plus commun.
Je suis , & c.
A Auxerre le 31 .
Mars
1733.
EPITRE ,
A M. le Come de TAVANES , Brigadier
des Armées du Roy , et son premier Lieutenant
General en Bourgogne.
Si jusques à ce jour , dans ma verve lyrique ;
Je ne t'ai point offert un encens poëtique ,
Tavanes , ce n'est pas que pour chanter ton nom ,
Ma Muse n'ait souvent rêvé sur l'Hélicon.
Cent fois , quand j'ai formé le plan d'un long
Poëme ;
Pour
JUILLET. 1733. 1503
Pour mon premier Héros je t'ai choisi toi - même ;
Mais à ce noble emploi j'avois beau destiner ,
La Lyre qu'on entend sous mes doigts raisonner,
Aussi-tôt Apollon et sa Troupe immortelle ,
Condamnoient mon audace en approuvant mon
zele.
Laisse , me disoient - ils , à de's Auteurs fameux
Le soin de celebrer un Mortel digne d'eux.
Pour Chantre , un Mécenas doit avoir un Horace,
Voltaire peut chanter ton Héros avec grace ,
Cet Aigle , du Soleil soutiendroit les rayons ;
Mais toi que parmi nous rarement nous voyons,
Quand tu veux t'élever aussi haut que Pindare ,
Dans la profonde Mer tu tombes comme Icare.
Ainsi dans mes projets interrompu toujours ,T
Demon travail pour toi j'ai suspendu le cours ,
Et sur d'autres sujets moins grands et plus faciles,
Employant quelquefois des momens ' inutiles ,
Tavanes , j'attendois que pour te bien louer ,
Phébus et les neuf Soeurs daignassent m'avouer.
Toutefois , puisqu'enfin ma Muse a pú te plaire' ,
Je me crois maintenant séparé du vulgaire.
D'un suffrage si beau , content et glorfeux ,
Je sens que je puis prendre un essor jusqu'aux
Cieux . KurzbĮ alum.5295 30591
13
Non, je n'ai plus besoin des Filles de Mémoire ,
Mon zele me suffit pour celebrer ta gloire.
I! K
Dieux avec quel plaisir je dirai dans mes Vers ,
E
504 MERCURE DE FRANCE
Et des rares vertus et tes exploits divers !
En vain ta modestie au silence m'invite ..
Plus on fuit la louange et plus on la mérite ;
Et les Fils d'Apollon aux génereux Mortels ,
Doivent dans leurs Ecrits ériger des Autels.
Eh ! qui fut plus que toi digne de notre hommage!
N'est-on pas informé qu'aussi vaillant que sage ,
Tu sçais dans les horreurs du plus sanglant
combat ,
Etre tout à la fois Capitaine et Soldat ?
Que depuis qu'au Laurier a succedé l'Olive ,
Ton ardeur pour ton Roi n'en est pas moins
active ?
Que ton coeur vertueux , toujours grand , toû
jours droit ,
Pouvant tout ce qu'il veut , ne veut que ce qu'il
doir. ?
Que par les dons divers que ta main liberale,
Répand de toutes parts dans cette Capitale ;
Tu cherches, non l'honneur d'être crû génereux,
Mais l'unique plaisir de faire des heureux ?
Qu'aux beaux Arts qu'Apollon tient sous sa dé
pendance ,
Tu prêtes un appui digne de ta.naissance ?
Que quand je n'osois pas m'élever jusqu'à toi ,
Ta facile bonté descendit jusqu'à moi ?
Que contraire à ces Grands de qui l'ame com
mune ,
I
N'offre rien à nos yeux de grand que leur fortune,
Affable sans bassesse , et fier sans vanité ;
JUILLET. 1733. 1505
On te voit en tous lieux aimé, craint, respecté ,
Que charmé que Louis t'ait placé sur nos têtes,
Le Peuple en prenant part à tes superbes Fêtes ,
Dit que toûjours la gloire excitant tes désirs ,
Tu te montres Héros jusques dans tes plaisirs.
Mais quoi ! je m'apperçois que frappant la barriere
,
Mon Pégase est tout prêt d'entrer dans la carriere;
Eh bien ! sans differer , il la lui faut ouvrir ;
Sur le Pinde avec lui je brûle de courir ,
Et dans l'heureux transport où mon coeur s'a→
bandonne ,
Je vais chercher des fleurs pour former ta Couronne.
Par M.COCQUARD, Avoc. au Parlement de Dijon.
*************************
SECONDE LETTRE écrite de
Châlons en Champagne , à M. *** au 、
sujet des Peintres Flamands , &c .
V
Os reproches sont justes , Monsieur,
et il est de mon interêt de vous
répondre au sujet des Peintres de PEcole
Flamande dont j'ai parlé dans ma
Lettre inserée dans le Mercure du mois
de Mars dernier . Toutes mes inclinations,
dites - vous , semblent se renfermer dans
l'Ecole Flamande , et vous m'appliquez
ce Vers de Virgile :
Non omnes Arbusta juvant humilesque myrica
1506 MERCURE DE FRANCE
Je conviens avec vous , Monsieur , que
tous les Curieux ne sont pas du même
goût ; tous ne se contentent pas du naturel
, du simple , du naïf et du champêtre
; il leur faut du grand , du pathétique
, du sublime , de l'extraordinaire , et
la Nature toute seule ne fait presque jamais
uniquement l'objet de leur admiration
, que lorsqu'elle se présente dans ce
point de vue dans lequel les Grecs autrefois
et de nos jours les Italiens et les
François , ont eu l'art de la répresenter.
Le détail suivant suffira , je crois , pour
vous guérir de toute prévention pour
les Flamands ; et pour vous convaincre que
les Italiens et les François ont sçû trouver
dans mon estime la place qu'ils méritent.
Peut être même dois-je cette explication
au Public , aussi- bien quà vous,
pour être plus exact au sujet du Cabinet
de M. Dargenville , et justifier son goût ,
qu'on pourroit supposer , comme vous
avez fait du mien , de pancher trop pour
l'Ecole Flamande. C'est le Curieux de
tous les Pays, l'Amateur de tous les Arts ;
ses momens les plus chéris sont ceux que
des occupations plus sérieuses lui permettent
de donner au Dessein ,età la Peinture
; il sçait partager cet amour avec
tant de justesse entre les Ecoles qui ont
conJUILLET.
1733. 1507
contribué à faire fleurir les Arts , qu'on
ne peut point l'accuser de cette partialité
qui caractérise plutôt un homme préyenu
, qu'un vrai connoisseur. On ne
< voit en effet chez plusieurs Amateurs
que des Desseins et des Tableaux d'une
espece ; ils épousent , pour ainsi dire , une
Ecole et ils consacrent leur passion à ce
qu'elle a mis au jour , quelquefois au préjudice
de ce que toutes les autres ont produit.
Vous me dites si agréablement dans
votre Lettre , Monsieur , et ce sont vos
propres termes :» Vous vous êtes assez
promené dans les Paysages du Breughel,
» vous avez suffisamment pris part aux
»Scenes divertissantes de Teniers , de
» Brauver et de Van- Ostade , enfin vous
» avez assez rêvé dans les Antres sauvages
>> et au bord des Fontaines avec les Ber-
" gers de Bloemart et de Berghem ; il
faut que vous passiez des Grottes que
» la main de la Nature a creusées dans les
» Montagnes , dans les Temples dont la
» belle Architecture a décoré les céle-
»bres Villes de Rome , de Florence , de
»Venise , de Naples , de Genes et de Pa
> ris. Vous devez у considerer ce que la
>> Peinture et la Sculpture y ont fait de
plus beau , soit pour l'ornement des
>> voutes , soit pour la décoration des Au-
» tels
>>
1508 MERCURE DE FRANCE
» tels. Sortez des Cabanes et des Chau-
>> imines enfumées ; transportez - vous dans
» les Palais des Rois , dans les Hôtels des
» Grands , dans les Edifices publics , dans
» les Cabinets des Particuliers , et racontez-
>> nous ce que le Pinceau , le ciseau , la plume;
» le crayon et le burin ont produit , soit
» pour conserver la memoire des princi-
» paux évenemens de l'Antiquité sacrée
» et profane , pour donner un nouveau
» jour à l'Histoire , pour ajouter un nou-
» veau lustre à la vertu héroïque ; soit
» enfin pour faire les délices des yeux et
» pour relever les charmes de la Poësie.
»par les agrémens de la Peinture , & c.
Vous serez fatisfait , Monsieur , et
nous allons faire ensemble le voyage
d'Italie , en présentant à vos yeux ce que
la Collection de M Dargenville a de plus
favorable , pour faire voir que les grands
Maîtres d'Italie et de France dans leur
génie , leur goût , le tour d'imagination,
l'expression , la correction , et les grandes
ordonnances surpassent infiniment les
Flamands , qui n'ont de leur côté que la
couleur et le vrai en partage.
Trois cent desseins de l'Ecole Romaine
, depuis Raphaël jusqu'à Carlomarati
& ses Disciples , donnent l'idée la plus
juste de la correction et de la précifion
des
JUILLET. 1733. 1509
des contours dans ceux qui font arrêtez;
Cl ceux qui ne sont que l'effet du, premier
feu de l'imagination , secondée par une
main libre sure et legere , offrent ces
de traits hardis , ces touches fieres et spirituelles,
qui caracterisent l'impétuosité du
ezegenie ; et les uns et les autres contribuent
à faire sentir qu'elle a été la naissance
, le progrès et la perfection des plus
grands morceaux de Peinture .
On peut remarquer dans ces précieux
a restes des études des Peintres celebres , la
fécondité , la rapidité , l'exactitude , et là
netteté avec laquelle ils ont mis leurs idées
dau jour. La verité qu'ils ont donnée aux
airs de têtes , les contrastes qu'ils ont
cherchés dans les atitudes, les belles formes
equ'ils ont choisies , les graces qu'ils ont
étudiées , et les caprices ingénieux et les
bizareries élégantes dont ils se sont servis
pour reveiller l'attention du Spectateur ,
et pour jetter du vif et du piquant dans
leurs Tableaux .
Ici l'on aime la sagesse de la composition
de Raphaël ; là Jule Romain éton .
ae par les saillies de son imagination ,
l'un charme par la douce majesté de ses
figures , l'autre surprend par l'air impoant
qu'il donne aux siennes. Le premier
ffre dans ses Tableaux le sublime de
la
1510 MERCURE DE FRANCE
1
la Poësie ; le second en exprime le merveilleux,
la fureur et l'entousiasme . Leurs
Disciples se sont efforcez à l'envi de
les imiter , et dans les caracteres de douceur
ou de fierté qu'ils font sentir dans leurs
Desseins , on reconnoît lequel des deux en
particulier ils ont choisi pour modele.
Quel plaisir n'a - t'on pas d'éprouver en
quelque sorte l'impression du génie terrible
de Michel Ange , dans les Desseins de
sa main, que l'on voit à la tête de l'Ecole
Florentine ; la collection en monte à 200
pieces , dont les dernieres sont reconnues
pour être de Benedette Lutti , le plus habile
homme que cette Ecole ait produit
de nos jours vous sçavez , Monsieur ,
combien les Poëtes Toscans se sont rendus
recommandables par le beau feu de
leur imagination , l'agrément et la pureté
de leur stile. Les Peintres de cetre Nation
se sont distinguez par des qualitez
semblables ; j'en appelle à témoin les Ouvrages
du Rosso , d'André del Sarté , du
Pontorme , de Salviati , Procacini , Prietro,
de Cortone , Cyroferri , Tempeste , Stephano
della Bella , également celebres du côté des
riches inventions et des traits hardis et gracieux
sur lesquels ils ont sçû les produire.
L'Ecole Lombarde , depuis le Correge
jusqu'à Daniel Crespi , dit l'Espagnol ,
qui
JUILLET.. 1733. 1511.
*
qui est encore vivant , compose deux
gros volumes in folio , d'environ 390.
Desseins. Le nom du Correge ne vous présente-
t'il pas l'idée d'un homme qui doit
plus qu'un autre à la faveur particuliere
du genie ? et dont les Desseins portent le
caractere des graces dont personne n'a été
autant doué que lui ? excepté neanmoins le
Parmesan et le Baroche . Les Carache, le Guide
, le Dominiquain , le Lanfranc , le Guerchin
, ornent infiniment cette Ecole.
L'Ecole Venitienne , qui s'étend depuis
les Bellins jusqu'à Sebastien Ricci
encore vivant, offre environ 200. Desseins
dans un volume , où ceux de Paul Veronese
et duTintoret,brillent et par leur nombre et -
par leur choix . Vous sentez , M. combien
cet article est interessant , puisque
rien n'a été plus abondant que le génie ,
plus magnifique que l'ordonnance , et
plus fier que l'execution de ces Maîtres ,
dont les Tableaux surprenants font le
principal ornement des Eglises et des Palais
de Venise.
La cinquiéme Ecole est subdivisée en
trois autres , qui sont , l'Ecole Napolitaine
, la Genoise et celle de Luques . Cette
collection comprend environ 200. pieces,
entre lesquelles plusieurs grandes ordonnances
du Cangiage , se font remarquer
par
1512 MERCURE DE FRANCE
par la singularité de sa maniere. On y
voit aussi de beaux Morceaux de Salvator
Rosa , de Lucas fordans et de Solimene ;
Ensorte que l'Ecole d'Italie en general , en
y ajoûtant les Desseins de l'Ecole des Caraches
, est composée de 1500. Desseins.
L'Ecole Françoise , suivie depuis deux
cens ans sans interruption , est composée
de six volumes in folio , et comprend
près de 1000. Desseins choisis ; elle commence
à Freminet et à Jean Cousin , et
offrant des Ouvrages de Vouet , de Blanchan,
du Poussin , du Bourdon , de le Sueur,
de le Brun et autres , elle passe jusqu'aux
habiles Modernes actuellement vivans.
Les trois volumes de l'Ecole Flamande
dont je vous ai tant parlé précédemment ,
contiennent près de six cent Desseins , et
l'Ecole Allemande et Hollandoise , environ
400 ; de maniere qu'avec un vòlume
de Desseins d'après Nature , un autre
de Desseins à la plume , et un troisiéme
de Desseins d'Architecture ; la collection
de M. Dargenville , monte à 4000. Desseins
originaux et choisis , qu'il a apportés
de ses voyages et qu'il fait venir tous
les jours des Pays Etrangers.
4
Je ne vous dis rien de ses Tableaux
de ses Livres , de 100. volumes d'Estam-
>
pes choisies des meilleurs Maîtres , d'une
TopoJUILLET.
1733. 1513
Topographie très - ample,d'une collection
de Pierres , de Coquilles rares , de Mineraux
et d'autres Morceaux concernant
l'Histoire Naturelle .

Si je n'avois pas tant de preuves de
votre attachement à cette partie de l'Histoire
de l'Esprit humain , qui sert en particulier
à prouver l'ascendant du génie
la force de l'imagination , et les differens
caracteres que lui imprime la varieté des
climats , des préjugez des moeurs , et de
tout ce que M. l'Abbé du Bos entend
par Causes Phisiques et Causes Morales
je vous prierois de me pardonner un si
long détail. Mais je suis persuadé que
tout dépourvû qu'il est des graces du
stile , il vous fera quelque plaisir. Je
suis , & c.

AJAX , FILS D'OILEE.
CANTATE.
PRêts à renverser pour jamais ,
Ces remparts élevez par des mains immortelles ,
Les vainqueurs d'Ilion n'étoient pas satisfaits ,
Le carnage , la mort , les plus cruels forfaits ,
Pouvoient seals assouvir leurs fureurs criminelles.
C Pour
1514 MERCURE, DE FRANCE
Pour éviter un trépas inhumain ,
Au Temple de Pallas , Cassandre fuit en vain ,
Ajax va l'arracher du sein de la Déesse ,
Et l'Impie enflammé d'un sacrilege amour ,
Deshonore à la fois l'Autel et la Prêtresse .
C'étoit trop peu de lui ravir le jour.
Sans crainte, sans remords , il part ; rien ne l'ar
rêtė ;
Témeraire , oses -tu braver encor les flots?
Voi quels feux devorans s'allunent sur ta tête,
Voi les vents déchaînez menacer tes Vaisseaux.
Les Cieux s'obscurcissent ,
Les flots qui mugissent ,
Agitent les Airs ;
Et l'Onde écumante
Par tout lui présente ,
Cent gouffres ouverts.
Le puissant Nérée ,
Du fougueux Borée ,
Reçoit - il la Loy ?
Quelle horreur extrême ,
Jusqu'aux Tritons même ;
Tout frémit d'effroy.
Les Cieux s'obscurcissent , &c..
Chaque instant redouble l'orage ;
Ajax a déja fait nauffrage;
Tout
10% JUILLET. 1733. 1515
Tout l'art des Matelots n'a pû l'en garantir ;
Les abîmes des, Mers vont bien-tôt l'engloutie.
Tu péris , Monstre affreux , ta force est inutile.
Mais que vois-je ? il surmonte et les vents et les
eaux ,
Un Rocher brise ses Vaisseaux.M
De ce même Rocher il se fait un azile
Et là , bravant la foudre , il éclate en ces mots.
» Ma mort , Dieux impuissants , n'est pas encor
certaine ;
" Aux flots impétueux s'échappe malgré vous;
»Contre le fier Ajax , votre colere est vaine ;
D3
20
Trop heureux que le Ciel, vous dérobe à ses
coups !
Maîtres de l'Univers , un Mortel vous offense ;
» Unissez vos efforts , tâchez de l'accabler ;
Mais n'esperez jamais remplir votre vengeance ,
pour la satisfaire il faut me voir trembler ;
Ma mort , Dieux impuissants , n'est pas encor
certaine
» Si
་་་
Aux flots impetueux j'échappe malgré vous.
$
Jupiter , hate toi de le réduire en poudre ,
La Nature frémit de tant d'impieté.
Mais c'en est fait , Pallas vient d'emprunter la
foudre ,'
Ces dernieres fureurs ont lassé sa bonté.
Ajax , le Ciel enfin écoute sa justice ,
3:1
Tu vas par ton exemple étonner l'Univers;
Ci Meurs
1516 MERCURE DE FRANCE
Meurs ; pour achever ton supplice ,
Alecton t'attend aux Enfers.
Les Dieux épargnent les coupables ;
Pour les forcer au repentir ;
Mais leurs traits sont plus redoutables ;
Quand ils sont plus lents à partir. T
Ils ne nous prennent pour victimes ,
Qu'en gémissant de leurs rigueurs ,
Malheureux ! faut-il que nos crimes ,
Aillent plus loin que leurs fureurs .
Les Dieux , &c.
Par M. P. de Cette en Languedos .
REMARQUES sur une Médaille
"Grecque de Diadumenien.
MR
R Galland ; dans une Lettre écrite
en 1705. dont le Mercure de France
du mois d'Avril dernier , nous a don
né un Extrait , rapporte une Médaille
Grecque de Diadumenien , où d'un côté
se voit la tête de ce jeune Prince , avec
la Legende . Μ . ΟΠΕΛ. ΔΙΑΛΟΥΜΙΝΙΑ-
NOC. On lit sur le revers , EDECION
HPAKAEITOC. Le Type en est ainsi ex-
1-
primé
JUILLET. 1733. 1517
> primé. Le Philosophe Heraclite debout
avec le petit Manteau de Philosophe et une
Massue qu'il tient de la main gauche . Le
P. Hardouin , qui dans ses Nummi Antiqui
Illustrati , a cité cette Médaille , en
a adopté l'explication
*
Quelque déférence que j'aye pour deux
aussi grands Maîtres que M. Galland et le
P. Hardouin , j'ai peine à me persuader
qu'ils ne se soient pas trompez sur cette
Médaille ; ne me paroissant en aucune ma
niere que ce soit le Philosophe Heraclite
qu'on ait voulu réprésenter sur son revers.
Je sçais bien le soin particulier qu'ont
eu les Villes Grecques de graver sur leurs
Monnoyes les grands hommes ausquels .
elles avoient donné la naissance ; que
par cette raison nous voyons sur celles
de Smyrne et de Chio l'image d'Homere ,
celle de Pithagore sur les Monnoyes de
Samos; et qu'ainsi Héraclite étant d'Ephe-
• il est assez naturel que ce Philosophe
ait reçû un pareil honneur des Ephesiens
ses Compatriotes .
Mais si ces Peuples avoient voulu
nous le représenter , l'auroient- ils gravé
dans un équipage si peu convenable
à un Sage ! qu'a de commun la Massuë
* Page 19. Col. 20
Ciij avec
1518 MERCURE DE FRANCE
avec la Philosophie ; cette arme , le symbole
de la force du corps , 'convient- elle
à une profession toute spirituelle ! pour
moy je n'y vois aucun rapport que celui
qu'on pourroit tirer de la conformité du
nom HPAKAEITOC , avec celui d'HPA
KAHC Hercule , mais je ne crois pas qu'on
veuille se servir d'une pareille raison ; et
quoique les Anciens ayent connu un
Hercule ami des Muses , HERCULES MUSARUM
, comme on lit sur une Médaille
de la Famille Pomponia , ils ne se sont
jamais servi des symboles de ce Heros
pour en orner les Sçavans dont ils nous
ont voulu laisser les Portraits .
les
Homere et Pithagore , sur les Médail
que j'ai citées , pour ne point cherther
plus loin des preuves de ce que j'a
vance , sont représentez assis dans l'attitude
de Maîtres qui enseignent , Homere >
tient un Livre à la main , et Pithagore
une baguette , du bout de laquelle il
touche un Globe celeste , l'un et l'autre
sont enveloppez d'un long Manteau. Tout
cet équipage qui convient parfaitement
à ceux qu'on a voulu représenterest
bien different de celui du prétendu Héraclite.
Aussi ce n'est point ce Philosophe ,
mais Hercule qu'on voit gravé sur la Médaille
de Diaduménien.
Car
JUILLET. 1733. 1519
Car quoique les Ephesiens adorassent
principalement Diane , et que cette Déesse
fût la Divinité titulaire d'Ephese , son
culte n'excluoit point celui des autres
Dieux , les Médailles de cette Ville nous
en font foi ; nous y trouvons Saturne, Jupiter
, Apollon , Mercure , Isis , Cerès ,
Minerve , et ce qui confirme ma conjecture
pour Hercule sur la Médaille de
Diaduménien , c'est que , ce Dieu . y est
souvent réprésenté.
Ainsi donc HPAKAEITOC est le nom
du Magistrat sous l'autorité duquel la
Médaille a été frappées et pour donner
quelque chose à la conjecture , il se
peut faire que cet Héraclité est le même
que celui dont il est parlé dans Spartien .
C'étoit un des Lieutenans de Septime Sc
vere, que ce Prince envoya au commencement
de son regne , pour faire déclarer
l'Angleterre en sa faveur . Cet Officier, qui
peut-être étoit d'Ephese,comme son nom
peut le faire soupçonner , se sera retiré
dans le lieu de sa naissance après la mort
de Severe , pour éviter la cruauté de Caracalle
, et là , il aura exercé les premieres
Charges ; le temps qui s'est passé depuis
les premieres années de Severe jusqu'à
Diadumenien n'étant que d'environ 23 .
années,n'est pas un espace assez considèra-
Cili ble
1520 MERCURE DE FRANCE
ble pour détruire la possibilité de ce que
j'avance.
Ce n'est ici , comme je l'ai marqué d'abord
, qu'une conjecture , et l'on en peut
diré autant de tout ce que j'ai écrit sur le
revers de la Médaille de Diaduménien ,
n'ayant pas vû cette Médaille , dont la
seule inspection peut détruire tous mes
raisonnemens ; mais comme elle n'a point
encore été gravée , que je sçache ; jusques
là il est permis d'en porter son jugement.
D'Orleans le s. Juin 1732. D. P.
AVIS au Prestol d'Iac , cité dans un
Rondeau du Mercure d'Avril , p . 650.
Aux Vers qu'écrit la Sapho du Croisic ,
Que vous sert-il de vouloir faire injure ?
Prestol d'Inc , le suffrage public ,
Sera bien fort contre votre censure.
Tous Connoisseurs en naïve peinture ,
Vont appeller de votre Jugement ;
Ne doutez point qu'Apollon ne le casse :
N'en doutez point , Malcrais certainement ,
A des amis à la Cour du Parnasse.
D'ailleurs sa cause est bonne , et franchement ,
Ce qu'avez dit est de mauvaise grace.
Vous
JUILLET. 1733 . 1521
Vous serez là tondu vilainement.
Partant oyez l'avis d'un Bas- Normand
Si ne voulez nous aprêter à rire.
Dédites -vous , croyez - moi , promptement.
Pour son honneur on peut bien se dédire.
F. M. F.
99
SUITE du Voyage de Basse
Normandie.
LETTRE XH.
L est temps , Monsieur , de quitter
le
dirai plus rien de l'Inscription Romaine
de Torigny , si ce n'est peut- être quand
elle aura été exactement gravée avec ses
abbréviations bizares , &c. à quoi je songe
actuellement. Il ne sera queſtion dans
cette Lettre que de vous donner une
idée du Château de Torigny & de fes dépendances.
Ce Lieu charmant où nous
avons passé des momens si agréables ,
mérite bien cette attention de moi ; je
la dois aussi à votre curiosité et à la suite
de mes narrations sur le voyage de
Basse Normandie.
Le Château de Torigny , quoiqu'un
Cv
pew
1522 MERCURE DE FRANCE
peu irrégulier dans sa structure, a un certain
air de grandeur qui frape au premier
aspect. La premiere Entrée n'en est
point heureuse , étant occupée du côté
du Bourg , par la principale Eglise Paroissiale
. On trouve d'abord une grande
Porte , de laquelle on monte sur une
Terrasse spacieuse qui sert d'Avant-Cour;
elle est fort élevée , revêtuë de Masson->
nerie et ornée d'une Balustrade qui re- "
gne tout autour. On passe de là sur un
Pont- le-vis pour entrer dans la Cour
laquelle , aussi - bien que le Château , est
>
entourée de Fossez revêtus . Le Plan du
Château représente une Equierre , auxdeux
extrémitez de laquelle il y a deux
gros Pavillons et un troifiéme dans l'Angle.
Joachim , Sire de Matignon , Chevalier
de l'Ordre du Roy , et Lieutenant Géné
ral de Normandie , fit bâtir le premier et
le plus gros de ces Pavillons , il est tout
de Pierre de taille , d'un goût antique , et
fort élevé. La Maréchal de Matignon ,
Gouverneur de Guienne , &c. fit bâtir,
enfuite ce qui se trouve depuis ce Pavil
lon , jusqu'à celui qui termine l'Equierre
, lequel a été construit en 1692. par;
M. le Comte de Matignon ,
Les Faces de tout ce Château , depuis
le
JUILLET. 1733. 1523
le premier Pavillon , sont décorées d'un
ordre Dorique en bas et d'un ordre lonique
au dessus ; le tout avec un Bossage,
dont la dispofition des Assises , construites
alternativement de Pierres rouges
blanches et bleuâtres , fait un effet aussi
singulier qu'admirable .
Dans la face qui regarde la Cour , regnent
plusieurs Galleries, ornées de tresbelles
Peintures, qui représentent les principales
Alliances des Seigneurs de Matignon,
les Batailles où ils se sont distinguez ,
& c. De l'une de ces Gale ies on passe sur
une grande Terrasse , qui regne le long de
la face opposée, depuis le Pavillon de l'Angle,
jusqu'au Pavillon neuf.On a là en perspective
une magnifique Cascade et deux
grandes Piéces d'Eau des deux côtez ,
dont l'une fait face à l'Avant- Cour . Tout
cela , avec les Allées , les Bosquets et le
Terrain orné , qui s'étend plus d'une demi-
lieuë de ce même côté , fait un fort
bel effet à la vuë.
On voit aussi du même Endroit , environ
à une lieuë de distance , un petit
Château , bâti pour le plaisir de la Chasse ;
entre le premier Pavillon et celui de l'Angle
; dans un juste milieu , est un grand
Vestibule , qui conduit par un Pont - le
vis , dans un beau Parterre, et le Parterre
C vj
mê1524
MERCURE DE FRANCE
méne à l'Orangerie . Henry de Matignon ',
Lieutenant Général de Normandie , &c,
qui vivoit en 1680. la fit bâtir ; mais
comme depuis elle s'est trouvée trop
étroite pour le grand nombre d'Orangers
qu'il y a aujourd'hui , on se prépare
à en bâtir une autre beaucoup plus
belle et plus spacieuse. On passe de ce
Parterre sur une grande Terrasse , revêtuë
de Massonnerie , où l'on a encore une
tres belle vûë. On a aussi le plaisir l'Eté
de s'y promener à l'ombre d'une petite
Forêt d'Orangers , chose des plus rares
dans le fond de la Normandie. On voit
bien , au reste, que la situation du Terrain
étant d'elle - même assez ingrate , il
en a prodigieusement coûté en remuemens
de terres pour mettre les choses
dans la belle situation où elles sont.
Je ne vous dirai rien de l'interieur de
ce Château , tout y répond à sa magnificence
extérieure,àu bon goût , à la qualité
et à la distinction des Seigneurs qui
l'habitent .
Je passai un temps considérable dans
l'Eglise Paroissiale de S. Laurent , à examiner
les differens Mausolées et à lire les
Epitaphes de plusieurs Seigneurs qui y
sont inhumez. D'abord on me fit entrer
dans une Chapelle , qui est au côté droit
du
JUILLET. 1735. 1525
du Grand Autel , où est le Mausolée de
Joachim , Sire de Matignon , et de Fran
çoise de Daillon son Epouse , dont les figures,
de grandeur naturelle, s'y voyent
couchées , ayant à leurs pieds , l'une un
Lyon et l'autre un Chien . Une Epitaphe
en lettres d'or , sur un Marbre noir , apprend
que ce Seigneur étoit Chevalier
de l'Ordre du Roy , Conseiller d'Etat ,
Capitaine de so hommes d'Armes , Lieutenant
General en toute la Normandie.
Que n'ayant point eu d'Enfants de son
Epouse , veuve de Jacques de Rohan , ik
eût pour successeur en ligne collatérale
Jacques de Matignon , Maréchal de Fran
ce , représentant Jacques de Matignon ,
Seigneur de la Roche , son Pere , Frere
unique et puîné de Joachim . Icelui Jacque
, dir l'Epitaphe, fûr Colonel des Suisses
, et décéda aux Guerres de Piémont
en 1537. Joachim , son aîné , mourut en
1542 , et son Epouse en 1540.
Dans la même Chapelle est aussi inhumé
François , Sire de Matignon , fils de
Charles et de Madame Léonor d'Orleans .
Son Epitaphe ,gravée sur un Marbre noir,
au dessus de la Porte , doit avoir icy sa
place.
» Peu de personnes ont eu une nais-
» sance aussi illustre. Le sang de tout ce
qu'il
1526 MERCURE DE FRANCE
» qu'il y a de Souverain dans l'Europe ſe
» voit uni à l'ancienne Tige , dont il ti-
" roit son origine; ayant eu l'honneur de
» se voir au quatrième dégré , avec les
» Rois de France , d'Espagne et d'Angle-
» terre; son courage et ses actions répon-
» dirent à sa grande noblesse. Il se dis
» tingua dès l'âge de 16 ans , aux Guer-
» res d'Italie , sous son frere aîné , Jac-
" ques de Matignon , Comte de Thori
» gny , Colonel Général de la Cavalerie
» légere et se signala ensuite au Siége de
» la Rochelle et à l'Isle de Rhé , avec son
» Régiment d'Infanterie; et après fût Co-
» lonel de la Cavalerie , Maréchal de
Camp , et Lieutenant Général dans les
» Armées du Roy. Ses services lui firent
» mériter les Charges et Gouvernemens
» de ses Peres. Il fut le fixiéme Lieutenant
,
Général de cette Province , et le cin-
» quiéme Chevalier des Ordres du Roy ,
» avec le Seigneur Evêque de Lisieux son
» frere. Sa justice et sa bonté ont attiré les
» regrets de tous ceux qui étoient sous
» son Gouvernement. Il mourut à Tho-
> rigny , le 16 de Janvier 1675.
De cette Chapelle nous passâmes dans
une autre, qui est située derriere le Grand
Autel . On y voit plusieurs Mausolées ,
dont le plus distingué est celui du fameux
JUILLET. 1733 : 1527
meux Jacques , Sire de Matignon , Maréchal
de France , Gouverneur de Guyenne,
& c. Ce Monument est au milieu de la
Chapelle , prefque tout de, Marbre noir ,
veiné de blanc, et parfaitement bien travaillé
. Il est élevé sur une Base de trois
pieds de hauteur et de quatre de largeur ,
sur une longueur de huit pieds et demi.-
Cette Basé est ornée de Bas - reliefs historiques
et symboliques de Marbre blanc,
qui ont rapport à la vie toute guerriere
de ce Seigneur. Au dessus du Tombeau
on le voit representé à genoux , de grandeur
naturelle , avec Françoise * de Dail- ,
lon , son Epouse , en deux belles Figures .
de marbre grisatre , à l'exception des têtes
et des mains qui sont de marbre blanc.
Le Maréchal est revêtu du grand Manteau
et du Collier des Ordres du Roy , et
la Dame est vêtue et coeffée selon l'usage
-du temps . Le tout est parfaitement bien
exécuté , les Draperies en particulier ont
toute la légèreté et la hardiesse possible.
Aux quatre coins du Mausolée on a élevé
sut des Piédestaux , quatre Statuës de
Femmes , d'une belle Pierre blanche , qui
représentent la Religion, la Paix , la Pru-
* Cette Dame étoit fille du Comte du Lude et de
la mme Maison que Françoise de Dallon, Epouse
de Joachim de Matignon , oncle du Maréchal .
1
dence
1528 MERCURE DE FRANCE
dence et la Force, ayant à la main ou aux
pieds les symboles qui leur conviennent.
Les Piedestaux sont chargez de quelques
Vers François ,.en l'honneur de ces deux
Illustres Personnes , par rapport aux Figures
dont je viens de parler.
Ces Vers se sentent un peu du gout du
temps , mais on est dédommagé par la
lecture d'une Epitaphe latine du Maréchal
de Matignon , qui est gravée au dessous
de sa Figure , et qui contient un abbregé
de sa vie , qui finit , selon l'Epitaphe
, le 27 de Juillet 1597. à l'âge de 72
ans. Les expressions en sont nobles et
heureuses , les pensées justes . Elle est de
la composition de Philippe Desportes ,
Abbé de Tiron. On voit aussi sur le mê--
me Monument , une Epitaphe en François
, de la Dame de Daillon son Epouse ,
gravée de même au dessous de sa Représentation
, laquelle est aussi d'une noble
et édifiante simplicité. Les Armoiries de
cette Dame se voyent en Bronze aux deux
bouts du Tombeau . Elle portoit , écartelé
au premier et au quatriéme de Dail--
lon ; au second , de Craon ; au troisième,
de Laval , et sur le tout d'Illiers.
En Face de la Porte de la même Chapelle
, on voit sous une grande Arcade,
pratiquée dans le mur , et toute incrustée
de
JUILLET. 1733 . 1529
de Marbre , le Mausolée de Henri de Matignon
; il consiste en une espece d'Urne
de fix pieds de hauteur , de Marbre noir
jaspé , supportée par quatre pattes de
Lion , de Bronze. La figure de ce Seigneur
en Marbre blanc, de grandeur naturelle,
paroît au dessus , Il est representé assis sur
Urne , armé de toutes pieces , excepté
du Casque , sur lequel il est appuyé , tenant
en main un Bâton de Commandement.
Cette figure est d'une excellente.
beauté. On lit au dessus , contre le mur ,
une Epitaphe latine , dans laquelle entre
autres chofes , on louë sa piété , sa grande
charité , son inclination pour les Lettrès
, et sa protection envers les Sçavans.
Il mourut à Caen le 28 Decembre 1682.
dans la so année de son âge ; et Marie-
Françoise de la Lutumiere , son Epouse,
lui fit eriger ce Monument.
On voit à côté et dans le même Mur
un autre moindre Mausolée de trois
Enfans de la même Maison ; sçavoir
Jean-Louis- Charles , François et Leonor
de Matignon ; tous trois fils de Henri et
de la Dame de la Lutumiere , dont le plus
âgé n'avoit que dix ans lors de son décès
arrivé à Paris , le 17 Avril 1672. Ils sont
representez sur ce Monument , qui est
presque tout de Marbre blanc , soutenu
par
1530 MERCURE DE FRANCE
ya
par quatre figures de Lion . Il y a au dessous
une Epitaphe de l'ainé,accompagnée
de Vers François , & c .
Près de ce petit Mausolée sont deux
autres Epitaphes gravées sur une grande
Table de marbre , ornée de moulures , &c .
La premiere de Charles de Matignon
Comte de Torigny et de Gacé , Marquis
de Lonré , Baron de S. Lô , Chevalier
des Ordres du Roi , et Lieutenant General
en Normandie , honoré depuis par
le Roi Louis XIII . d'un Brevet de Maréchal
de France , et de la Lieutenance
Generale de ses Armées en Bourgogne.
Il étoit fils du Maréchal de Matignon , et
de Françoise de Daillon du Lude, il mourut
le 9 Juin 1648. âgé de 84 ans.
L'autre Epitaphe est de Léonor d'Orléans
, son Epouse , fille de Léonor d'Orléans
, Duc de Longueville , et d'Etouteville
, Comte Souverain de Neufchâtel
, et de Marie de Bourbon , Princesse
du Sang , fille de François de Bourbon ,
et nièce d'Antoine , Roi de Navarre.
Elle mourut à Torigny , le 6 Juin 1639 .
âgée de 66 ans . Sa Vie est ici représentée
comme un continuel Exercice de ' pieté
envers Dieu , et de charité envers les
pauvres.
Nous rentrâmes dans la Chapelle pour
lire
JUILLET. 1733- 1531
lire à côté d'un petit Autel , l'Epitaphe
du fils aîné du Maréchal de Matignon et
de Françoise de Daillon : sçavoir , Odet
de Matignon , qui fut Chevalier des
Ordres du Roi , Maréchal de Camp , &c.
et rendit de grands services militaires
sur tout à la Bataille d'Yvri , où il dégagea
le Roi , le retirant presque des mains
de ses Ennemis.Il mourut âgé de 40 ans ,
à Lons le Saunier , le 7 Août de l'année
1597. ne laissant point de posterité de la
Comtesse de Maure , son Epouse.
Enfin , nous lûmes dans le même licu
Epitaphe de Charles de Matignon
Comte de Gacé , &c . Colonel du Régiment
de Vermandois , Brigadier des Armées
du Roi , lequel après s'être signalé
en Hongrie , en Hollande , en Flandres ,
en Allemagne , et en Affrique , fut blessé
mortellement à la Bataille de Senef , et
finit ses jours à Charleroy le 26 Août
1674. àgé seulement de trente- trois ans.
Son corps fut transporté à Torigny.
-Si toutes les dates marquées dans ces
Monumens sont justes , comme il y a lieu
de le présumer , on pourra s'en servir
pour en rectifier quelques-unes dans
l'Ouvrage du Pere Anselme , et ailleurs,
où il est parlé de tous ces Seigneurs.
Quoique le Maréchal de Matignon
Gou1532
MERCURE DE FRANCE
Gouverneur de Guyenne , &c. ait été
l'un des plus grands Hommes de son
tems , je n'ai pas crû devoir rapporter
l'Epitaphe qui est sur son Mausolée , ni
devoir m'étendre autrement sur son sujet
, parce que sa vie a été écrite par
M. de Cailliere , et publiée à Paris chez.
Courbé en un volume in-fol. 1661. Livre
que tout le monde peut voir dans les
bonnes Bibliotheques.
Le Bourg de Torigny peut passer pour
une petite Ville à cause de son étenduë ,
et de son exemption. D'ailleurs , outre
ses deux Paroisses , S. Laurent , qui est la
principale , et Notre- Dame , il y a deux
Abbayes de l'Ordre de Citeaux . La premiere
d'Hommes , fondée au commencement
du XIV . siécle par un Archidiacre
d'Avranches , a pour Abbé Commanda
taire M. de la Chasteigneraye Ste Foy ;
la seconde de Filles est sous la conduite
de Madame de la Tour d'Auvergne. It
y a aussi dans ce Bourg un Hôpital de la
fondation de la Maison faite dans le dernier
siécle , où l'on reçoit les pauvres
malades , les Orphelins , et tous ceux qui
ne sont pas en état de gagner leur vie.
La Comté de Torigny est d'une fort
grande étenduë , et dans d'aussi beaux
droits qu'aucune autre Terre de cette qua
JUILLET. 1733. 1533
lité. M. de Matignon est aussi Seigneur
de S. Lô , Ville à deux lieues de distance
de Torigny , où l'on frappoit autrefois
de la Monnoye. De nouvelles et importantes
acquisitions , faites dans les Diocèses
de Bayeux et de Coûtances , font
qu'il n'y a pas dans toute la Province de
Normandie de Domaine plus beau et
plus étendu que le sien.
par
Je ne dois pas , en finissant ma Lettre ,
oublier de vous dire que de tous temps
le Château de Torigny a été l'abord et
le rendez-vous des Gens de Condition , et
des plus beaux esprits du pays ; attirez ,
moins la beauté du lieu , que par la
politesse et par l'affabilité des Maîtres.
Il seroit difficile de rencontrer ensemble.
trois personnes plus vénérables dans la
République des Lettres , chacune dans
son genre d'érudition , que le sçavant
M. Huet , Evêque d'Avranches , le fameux
St Evremont , et l'illustre M. de
Segrais , qui dans leur tems ont fait leurs
délices de ce séjour. En remontant plus
haut , on y a vû le sçavant Pere Mam -7
brun Jesuite , les Bochart et les Morins
de Caen , Malherbe , Sarrazin , Boisrobert
, G. André de la Roque l'Historien
les deux Corneilles , Brebeuf et autres
l'Elite des meilleursEsprits de cette gran-
.
>
de
1534 MERCURE DE FRANCE
de Province. Je suis , Monsieur , & c.
Dans la dixiéme Lettre imprimée dans
le Mercure d'Avril 1733. la mort du
Maréchal de Matignon est marquée page
696. en l'année 1594 il faut lire 1597.:
Il s'y est glissé quelques autres fautes
d'impression , on les corrigera de cette
maniere.
Page 707. ligne 8. consensitis , lisez consentitis.
P. 708. 1. 19. Provinciæ , lisez
Provincia . Le Lecteur intelligent suppléera
au reste.
L'E POUX MALHEUREUX ,
ET TOUJOURS AMOUREUX ,
M
ELEGI E.
Ortels , soumis aux loix de l'amoureux
Empire ,
Qui contez aux Rochers votre tendret martyre
,
Suspendez vos regrets , plaignez dans un
Epoux
Un amant mille fois plus malheureux que
vous. Y
Prêtez- vous , s'il se peut , aux disgraces des autres
;
Au
JUILLET. 1733 .
1733. 1535
Au
récit de mes maux vous oublirez les vô-
+ tres.
Des charmes de l'Amour connoissant le danger
,
Je formois te dessein de ne point m'engager
,.
Quand un hazard fatal au repos de ma vie
Offrit à mes regards l'inconstante Sylvie.
Venus sembloit en elle épuiser ses attraits ,
Et l'Amour par ses yeux blessoit de mille
traits.
Eu vain de leur pouvoir je voulus me deffendre
,
Mon trop sensible coeur s'empressa de se rendre.
<
Judicieux projet , sage raisonnement
Tout fuit , tout m'abandonne au dangereux
moment.
Moment qui me fut cher , & qui m'est si funeste
!
Mes pleurs et mes soupirs sont tout ce qui m'en
reste ,
Non , que d'abord Sylvie , en dédaignant mes
feux ,
Par de honteux refus eût rebuté mes voeux.
Ma famme par l'Hymen fut bientôt con
ronnée ;
Mais ce triomphe au plus ne dura qu'une an
née.
Pour l'ingrate attentif à redoubler mes soins
Sa
153 MERCURE DE FRANCE
Sa fierté , ses mépris .ne m'accabloient pa
moins ;
Je sens à chaque instant appesantir ma chaine ,
Sans espoir de toucher un e Epouse inhumaine.
Perfide , que devient le serment solemnel ,
Que de m'aimer toujours tu me fis à l'Autel
?

Dieux garants du serment , mais témoins du
parjure ,
Vous êtes plus que moi blessez par cette injure
:
Ah ! d'un si noir forfait , vangez moi , vȧngez
vous ;
Que dis-je ? malheureux ! non , suspendez vos
coups ;
A vos droits violez s'il faut une victime ,
Faites -moi de Sylvie expier tout le crime ;
Si l'ingrate que j'aime éprouvoit vos rigueurs ,
Il en coûteroit trop au plus tendre des coeurs.
Vous le sçavez assez , vallons , bois & fontaines
,
Cent fois je vous parlai de mes mortelles peines
,
Cent fois je vous ai fait le récit douloureux
Des chagrins que me cause un Hymen malheu
reux .
Vous sçavez mes tourmens , mais vous sçavez
de même
Combien
JUILLET. 1733 .
1537
Combien pour qui me hait ma tendresse est extrême
?
Je l'aime , ch ! quel pinceau par des traits assez
forts
De Sylvie en courroux marqueroit les transports.
D'un souffle impétueux l'Aquilon dans nos
plaines ,
Agitant des Ormeaux les feuilles incertaines
Abbat et fait languir les plantes et les fleurs
Que la brillante Aurore arrosa de ses pleurs.
C
Mais tout renaît bien - tôt , quand le calme succede
,
Tandis qu'à mon tourment il n'est point de
reméde .
Près du Cocyte un jour succombant sous mes
maux ,
Je voyois Atropos s'armer de ses ciseaux.
Auprès de moi déja ma famille assemblée.
Sur mon sort malheureux gémissoit désolée.
Que faisiez - vous alors , Sylvie , ah ! votre
coeur
Accusoit en secret la Parque de lenteur.
Qu'osai-je dire ? Ciel ! ... non dans mon trouble
extrême ,
Je m'égare
j'aime.
et j'outrage une Epouse que
Non , encore une fois , non , tant de cruauté
Ne se trouva jamais avec tant de beauté.
Fuyés , soupçon injuste , et respectez Sylvie ;
D Jamais
1538 MERCURE DE FRANCE
Jamais d'un pareil crime elle ne s'est noircie
,
Elle sçait quand la mort a menacé ses
jours ,
Que j'ai voulu des miens finir le triste cours.
Ce trait de ma douleur , croyons - le pour sa
gloire ,
Sans doute est pour jamais gravé dans sa mémoire.
Crédule que je suis ! si de mon déplaisir
Sylvie eut conservé le moindre souvenir ,
Pourquoi n'en pas donner un leger témoi
gnage ?
Non , je n'eus de son coeur que la haine en parə
tage ,
Quand je revis le jour par un bienfait des
Dieux ,
Je fus pour elle encor un objet odieux ;
Ses rigueurs de ma flamme égalent la constance
;
Que n'eut - elle à m'aimer , même perséve
rance ' !
Penser pour mon amour séduisant et fat❤
teur ,
Que ne m'abuses- tu par une fausse ardeur !
Je suis prêt , chere, Epouse , à seconder ta
feinte ;
Mais non , sa cruauté se nourrit de ma plainte ;
Allons au bout du monde étouffer nos sou
pirs ,
Par.
JUILLET. 1733. 1539
Par ma fuite à l'ingrate offrons mille plai
sirs ;
Cependant si le Ciel appaisoit sa colere ,
S'il pouvoit être un jour sensible à ma misere
....
Helas quoiqu'il lui plaise ordonner de mon
sort .
Mon amour ne pourra s'éteindre qu'à la
mort.
Changez , changez 8 Ciel , cette aimable
cruelle ;
Je la reçûs de vous , je lui serai fidele ,
Déja des Dieux fléchis j'éprouve le pouvoir ,
Ils versent dans mon coeur quelque rayon d'es
poir .
Viens t'offrir à mes yeux , Epouse que j'adore
,
Et bannir d'un regard l'ennui qui me devore
Viens , pour me rendre heureux , il suffit en
jour
D'un instant près de toi ménagé par l'A
mour.
Dij SUITE
1540 MERCURE DE FRANCE
t
**:*** X * XXX :XXXX**
SUITE des Réfléxions sur la bizarerie
des Usages. Par M. Capperon , ancien
Doyen de Saint Maxent.
Q
U'est-il besoin d'aller chercher chez
les Anciens , chez les Grecs et les
Romains ; des Usages bizares , provenus
du désir de faire admirer sa force , n'en
avons- nous pas éu en France qui surpas
soient en bizarerie ceux de tous les Anciens
? tels étoient nos . Tournois , où
tant de Princes et de Personnes du premier
rang ont perdu la vié : c'étoit néanmoins
alors le spectacle qui paroissoit le
plus digne des grands Seigneurs du
Royaume. Il est bon , pour qu'on en
puisse mieux juger , que je rapporte en
peu de mots comme tout s'y passoit.
Premierement ceux qui devoient combattre
dans ces Tournois , devoient être
armés de toutes pièces , c'est- à-dite , revêtus
de fer depuis les pieds jusqu'à la
tête , suivant l'usage du tems. Aux deux
extrémitez de la Lice , où le combat se
devoit faire , étoient deux espéces de petits
théatres , où les deux assaillans montoient
chacun de leur côté. Du haut de
C
leus
JUILLET. 1733 1541
leur Cuirasse sortoit par le devant un
bouton de fer , qui étoit destiné pour
entrer dans un trou percé à dessein , au
bas du Casque. Tout étant ainsi préparé ,
un Serrurier se présentoit , pour river le
clou à coup de marteau , afin que le Casque
étant ainsi arrêté avec la Cuirasse
tel coup qu'on pût donner dans le milieu
du front , la tête ne pût aucunément
plier.
Les choses étant disposées de la sorte ,
et les deux Combattans étant montez sur
leurs chevaux , tenant chacun une lance
en arrêt , dont le fer étoit émoussé , ils
partoient à toute bride , pour voir lequel
des deux pourroit désarçonner et renverser
l'autre , en le frappant de la lance
au milieu du front. De la violence du`
coup , la lance étoit souvent rompuë et
brisée ; le cheval donnoit souvent du
derriere en terre , et qui plus est , souvent
l'un des deux Combattans y étoit
blessé , ou y perdoit la vie.
La France en a eu la triste expérience ,
dans la perte qu'elle y a fait du Roi Henri
II. Long- tems auparavant , on avoit eu ce
triste spectacle dans la Ville d'Eu ; sçavoir
en 1365. lorsque le Comte d'Eu ,
Jean d'Artois , ayant donné en mariage
Diij sa
1542 MERCURE DE FRANCE
sa fille Heleine d'Artois à Simon de
Thouars , Comte de Dreux ; la solemnité ,
des nôces s'en fit dans cette Ville ; comme,
en vue de rendre les plaisirs et les divertissemens
de cette solemnité plus
complets , il fut question d'y faire un
Tournois le jour même du mariage , le
nouvel Epoux ayant voulu être de la partie
, il eut le malheur d'y recevoir un
coup si funeste , qu'il lui ôta la vie , ce
qui rendit sa triste Epouse aussi tôr veuve
que mariée. Son mariage n'ayant pas été
consommé , elle ne porta toute sa vie
que le nom de Mademoiselle de Dreux :
ils sont tous deux inhumés dans l'Eglise
de l'Abbaye d'Eu , sous l'Horloge de
cette Abbaye , où est leur Mausolée. (a)
Telles étoient les funestes suites de ce bi
zare usage , ce qui obligea les Papes et les
Evêques à fulminer des anathémes contre
ceux qui les continueroient , et ce qui
donna lieu à un Ambassadeur Turc qui
vint en France, de dire , s'y étant trouvé,
que si ces combats se faisoient pour se
tuer , c'étoit trop peu , mais que s'ils se
faisoient pour se divertir , se divertir , c'étoir trop."
Il n'y a eu néanmoins que la mort d'Hen
ry II. qui les a fait cesser.
Ce n'étoit pas un usage moins bizare
(a) Mémoires du Comtéd'Eu.
ni
JUILLET. 1733. 1543
ni moins périlleux que celui dont quel
ques grands Seigneurs se faisoient un di
vertissement en France vers le milieu
du XVI. siécle . Vigenere , dans ses Ta❤
bleaux de Philostrate , nous apprend en
quoi il consistoit. C'est dans l'Endroit de
son Livre , où parlant du Tableau que
Philostrate a intitulé des bêtes noires , (b)
il se sert de cette occasion , pour rapportercomment
un de nos Comtes d'Eu,
François de Cléves , Duc de Nevers , Pere
de Catherine de Cléves , qui épousa le
Duc de Guise , tué à Blois , comment
dis-je , ce Seigneur relevant d'une maladie
, voulut se donner ce plaisir pour contribuer
par ce moyen au rétablissement
de sa santé.
3
Il dit donc qu'on commençoit par fermer
de planches le lieu où cet exercice
se devoit faire , qu'on construisoit tour
autour une espéce d'amphithéatre pour les
Specateurs. Tout étant préparé , et chaçun
ayant pris sa place , on faisoit entrer,
dans cette espéce de Cirque , trois ou
quatre grands Sangliers , de l'âge d'environ
trois ans , qui est le tems où ils sont
dans toute leur force. Enfin paroissoient
ceux qui devoient combattre contre ces
animaux ils étoient montez sur des
(6) Page 252.
D iiij
che1544
MERCURE DE FRANCE
chevaux vigoureux , mais à selles dessanglées
, étant tous masqués , et portant
sur leur cuisse une lance mornée , pour
attaquer chacun à leur tour une de ces
bêtes féroces.
Le Cavalier qui commençoit le combat
, n'avoit pas plutôt attaqué la bête ,
et donné quelques coups de lance , que ce
Sanglier , loin de reculer et de fuir , suivant
l'instinct naturel de ces animaux
venant tout au contraire sur lui , les
yeux étincelans de fureur , la gueule touse
en écume , et présentant ses deffenses ,
se jettoit d'abord à corps perdu sur la
lance pour la briser ; puis s'avançant vers
Je Cavalier , il faisoit tous ses efforts pour
l'atteindre et le déchirer. On peut bien
croire que le Cavalier ne négligeoit rien
de sa part pour se deffendre ; mais si
dans l'agitation qu'il étoit obligé de se
donner , la selle venoit malheureusement
à tourner , c'étoit alors que tombant malgré
lui à terre , tout étoit à craindre pour
sa vie , et que tous les spectateurs tremblans
de frayeur , étoient extrêmement
allarmés du péril ; mais c'étoit aussi alors
que les autres courant promptement à
son secours , et attaquant diversement
la bête , ils lui donnoient le tems de se
tirer d'un danger si éminent : ce qui
après
JUILLET. 1733. 1545
après tout réussissoit si bien , dit l'Auteur
, qu'il n'en arriva jamais aucun accident
ficheux. Quoique cet usage ne se
soit pas étendu beaucoup , et n'ait pas
duré , on avoüera que celui qui continue
en Espagne , et qui consiste à mettre des
Taureaux en fureur et à les combattre
n'est ni moins bizare , ni moins dange
reux pour la vie .
Vigenere qui fait le détail de ce Combat
contre des Sangliers , nous apprend
dans le même Livre , * que de son tems
l'usage de combattre à la lute étoit enco
re très - fréquent : c'est dans l'endroit , où
parlant du fils aîné du Duc de Nevers
qui fut envoyé en Espagne en 1560. par
Catherine de Medicis , il dit que ce jeune
Seigneur voulant paroître avec éclat
à la Cour d'Espagne , mena avec lui 20.
des plus braves et des plus accomplis
Gentilhommes du Royaume , desquels
étoit le Baron de S. Remy , que je crois
avoir été Gentilhomme du Comté d'Eu
où est la Terre de S. Remy , dont il
portoit le nom , lequel excelloit par dessus
tout dans les Combats à la lute.
5 C'est aussi de quoi il donna des preuves
éclatantes à la Cour d'Espagne , qui
résidoit alors à Valence : car ayant ap-
Table de la Palestre , p. 544.
Dy
:
pris
1546 MERCURE DE FRANCE
pris qu'il y avoit une espece de Géant dans
la Ville , il s'offrit à luter avec lui , se faisant
fort de le terrasser , nonobstant l'inégalité
de taille. Le défi ayant été accepté , et
s'étant présentez tous deux au milieu de
la principale Place de la Ville , pour don
ner ce spectacle , non- seulement à la
Cour , mais à tout le peuple qui y étoit
accouru en foule , notre Baron de S. Remy
éxécuta avec tant d'adresse ce qu'il
avoit promis , qu'il culbuta le Géant ,
près duquel il ne paroissoit qu'un Pigmée .
Les acclamations et les cris de joye retentirent
de toutes parts. Non - seulement les
Dames l'accablerent de Bouquets et de
Couronnes de fleurs ; mais après avoir reçû
des personnes les plus distinguées , des
présens d'honneur , il fut conduit en
triomphe par toute la Ville .
aud
Enfin , il suffit de dire , que l'usage de
luter , ou de se battre pour le plaisir à
coups de poings , étoit si commun en
France , qu'il s'est perpetué même jusqu'à
nos jours en certains Lieux , au moins
parmi les enfans , comme à Amiens , par
exemple , où ils l'observent encore aujourd'hui
, avec des régles qui paroissent
venues des Anciens , et dont ils sont fideles
observateurs.
Voici en quoi consistent ces régles :
lorsJUILLET.
1733 . 1547
lorsqu'il y en a deux qui veulent ainsi
se battre , ce qu'ils appellent Mahoner
tous les autres deviennent simples spectateurs.
Si après que le Combat a duré
quelque- tems , un des deux sent . qu'il a
besoin de reprendre haleine , il lui suffit
de se mettre à terre pour que l'autre n'ose
plus lui toucher ; car s'il le faisoit ,
tous les autres se jetteroient sur lui ,
pour
le punir de son infraction aux régles du
Combat. Enfin , après ce petit relâche ,
celui des deux qui contraint l'autre de
rendre , a tout l'honneur de la victoire.
C'est ainsi qu'il reste quélquefois de foibles
vestiges des plus anciens usages.
$
se
ODE en l'honneur de l'Immaculée
Conception de la Vierge , qui a rem
porté le Prix au Palinod de l'Université
de Caën , le 8 Décembre 1732.A
?
SUJET Le coeur de la Pucelle d'Orleans
fut trouvé entier au milieu du feu après
sa mort.
7
U vont ces Enfans de la terre ,
Porter le ravage et l'horreur ?
La discorde souffle la guerre ,
Dvj
En
1548 MERCURE DE FRANCE
En vient seconder leur fureur ;
Le cruel démon du carnage ,
Les yeux étincelans de rage ,
Conduit leurs sacrileges pas ,
Leurs mains de sang toutes fumantes
Offrent des victimes sanglantes ,
Au Dieu barbare des combats.
FRANCE , cette affreuse tempête ,
Va dans ton sein porter l'effroi ,
Albion tente la conquête
Du Trône sacré de ton Roi :
Déja cette troupe homicide ,
Dans le fol espoir qui la guide ,
Fait avancer ses . Bataillons :
La Victoire errante et séduite
Marche sans rougir à la suite
De leurs superbes Pavillons.
Nos Citadelles foudroyées ,
Nos champs pleins de sang et d'horreur
}
De nos Cohortes effraïées ,
Ne peuvent réveiller l'ardeur :
François , qu'on va charger de chaînes ,
Songés que le sang de vos veines
Est celui de ces fiers Guerriers
Dom le courage infatigable ,
Au
JUILLET.
1733. 1549
Au Capitole redoutable ,
Alloit moissonner des lauriers.
La Fortune aux Anglois fidéle
Sur ses yeux mettant son bandeau ,
Ose ' armer pour leur querelle ,
Et se ranger sous leur drapeau ;
Leurs Troupes de sang alterées ,
De nos déplorables Contrées ,
Couvrent les campagnes de morts :
Jamais l'Euphrate sur ses rives ,
Ne vît tant de Meres plaintives ,
Que la Seine en voit sur ses bords.
Mais quoi quelle main vengeresse !
Vient frapper ces nouveaux Titans ?
Quelle foudroïante Déesse ;
Renverse leurs Drapeaux flotans !
Du Dieu terrible de la Thrace ,
Elle a le courage et l'audace ;
Bellone marche à ses côtés ;
Et son bras s'arme de la foudre ,
Qui va faire mordre la poudre
Aux ennemis épouventés
De nos Troupes le triste reste ,
Brûle de marcher sur ses pas :
Elle
1550 MERCURE DE FRANCE
Elle frape , et sa main funeste
Abbat des milliers de Soldats ;
Tel l'Ange en sa fureur rapide ,
Frapa le Soldat homicide
De l'infidele Assyrien ,
Lorsque son glaive redoutable
Dans une nuit épouventable ,
Vengea le Peuple Iduméen.
Avec une ardeur redoublée
Bravant les efforts ennemis ,
Nos Guerriers vont dans la mêlée ,
Venger la gloire de nos Lys :
Des blessés les clameurs touchantes
Des morts les entrailles fumantes ,
Redoublent l'horreur et l'effroi ;
Chacun jaloux de la victoire ,
Se trouve heureux d'avoir la gloire ,
De verser son sang pour son Roi.
A ces effrayantes images ,
Semble succeder le repos ;
Tant de meurtres et de ravages ,
Ont lassé la fiere Atropos :
Le bruit des guerrieres Trompettes
Ne fait plus taire nos Musettes :
Mais quoi quel funeste retour !
I
I
I
La
JUILLET.
1733. I551
La Fortune nous abandonne ,
Et notre vaillante Amazonne
Tombe dans les fers à son tour.
L'Anglois que la vengeance anime ,
Fait dresser un bucher cruel ,
Où cette innocente Victime
Va recevoir le coup mortel ;
Son coeur , l'appui de nos murailles ,
Son coeur qui gagnoit des Batailles,
Triomphe encore après sa mort ;
Et par une grace invisible ,`
Du Ciel , à son malheur sensible
Des feux brave le vain effort.
ALLUSIO N.
Ce coeur d'une nouvelle gloire
Brille encore au milieu du feu ,
En nous figurant la victoire
De l'Auguste Mere de Dieu :
Τ .
Le Démon par son imposture
Embrasa toute la Nature"
De son souffle pernicieux ;"
par une grace céleste , Mais
La VIERGE en ce débris funeste
Fût seule exempte de ses feux.
Par M. l'Abbé Turpin.
LET1552
MERCURE DE FRANCE

1
LETTRE de M. de R *** de
Soissons , à Mrs ** et * *. Description
de la Terre de C ***.
' Ai pris les devants , Mrs , et je vous
J'atteprisdend vanti, enchantez où
M. et Me de L ** vous invitent avec de
nouvelles instances à venir.
1: 0 . tə
L'amitié par ma voix hazarde aussi les
siennes. C'est elle , qui pour vous déterminer
, m'a engagé à tracer le plan de
cet aimable séjour . Foi d'homme sincere ,
je n'ai presque rien ajoûté à la Nature
dans la Description que je vous envoye }
arrivez et vous réaliserez mes promesses.
Je vous ferai voir les rives heureuses de
l'Eléte , nous nous promenerons dans ces
Jardins délicieux , où les Zéphirs choisissent
leur azile , où Flore les retient
dans ses chaînes , et où elle semble avoir
fixé le domicile du Printemps . Je vous
montrerai jusqu'à la Bergere dont les
amours un peu trop rapides m'ont donné
l'idée de la mienne. Elle seule perdra
quelque chose à être confrontée , et vous
serez surpris de sa métamorphose . Visà-
vis un fort joli Château vous décou
vrirez
JUILLET. 1733 . 1553
vrirez un Côteau qui produit d'excellent
vin , que Bacchus semble opposer aux
Eaux Minerales , dont la source est presque
sous ses pieds . Vous connoissez M. et
Me de L... et Me leur fille ; démentezmoi
, si vous l'osez et le pouvez
même ,
sur le portrait que j'en fais. Dès que vos
Occupations vous laisseront quelques mo.
mens , satisfaites notre impatience , elle
est commune ici sur votre compte ; Venez
prendre part à nos amusemens . Vous
serez à même de choisir dans les plaisirs
innocents , ce sont les seuls dont vous
connoissez l'usage. Vous y invoquerez
Apollon , il se plaît dans nos Solitudes.
Une Bibliotheque choisie vous offrira
des recréations et des modeles ; là Pêche ,'
la Chasse , la Musique et le Jeu , diver- •
sifieront vos plaisirs , et les nôtres seront
infailliblement augmentez pår votre aimable
présence.
PLAN DE CH **
AUXUx bords enchantez ,
Qn'arrose l'Eléte ,
La Nature prête ,
De vives beautez .
La prodigue Aurore ,
Y répand des pleurs ,
Dont
1554 MERCURE DE FRANCE
Dont l'aimable Flore ,
Forme ses couleurs.
La riche Pomone ,
De ses dons couronne ,
De vastes Vergers ,
Des Zéphirs legers ,
Volent dans la Plaine,
Parfument les Airs ;
Et leur douce haleine ,
Fait fuir les hyvers.
Amant de Nannette ,
Un Berger
pressant ,
Tendrement repete ,
Un Air
languissant ;
Sur l'herbe fleurie ;
La Nymphe attendrie ,
Ne résiste pas ;
Du tendre embarras ,
Qui la rend muette
L'Amour s'applaudit ;
Et de sa défaite ,
Le malin sourit.
Dans ces champs fertiles
La blonde Cerés ,
De moissons utiles ,
Orne ses guerets.
Sur la douce pente ,
D'un
JUILLET. 1733.
1555
D'un charmant Côteau
Bacchus nous présente

Son Pampre nouveau.
Rival de ton Onde ,
En biens si féconde ,
Utile Ruisseau ;
Avec abondance ,
>
Il étale aux yeux ,
Une ample esperance ,
De fruits précieux.
Là , d'Architecture ,
Un morceau vanté
Tient sur sa structure
Notre ceil arrêté.
L'Art dans sa parure;
N'a rien affecté ;
Et par la Nature ,
Tout y fut dicté.
'Un Couple fidelle ,
Et chéri des Dieux ,
Nous y renouvelle ,
Ces siecles heureux ,
Où dans la sagesse
L'homme
vertueux
Puisoit sa richesse.

>
Les Jeux enchanteurs ,
L'ai1556
MERCURE DE FRANCE
L'Aimable sourire ,
Assurent Thémire ,
Du tribut des coeurs .
Ses yeux pleins de charmes ,
Donnent à la fois ,
A l'Amour des armes ,
Aux Mortels des Loix.
Dans ce doux aziłe ,
Heureux d'être admis ,
Illustres amis ,
D'un destin tranquille ,
Je goûte le prix .
Rien ne m'importune ,
Loin de moi , Fortune ,
Tes appas trompeurs.
Caresse , ou menace
Eleve ou terrasse
Tes Adorateurs ;
Froid pour tes faveurs ,
Sourd â ta disgrace ,
Ta prosperité ,
N'a rien qui me tente ;
Ton adversité ,
Rien qui m'épouvante,
Loin ces repentirs,
Que l'excès nous laisse
Toujours la sagesse ,
1
I
Borne
JUILLET. 1733.
Borne mes désirs ;
Et d'intelligence ,
La douce innocence ,
Fournit des plaisirs ,
A mon insconstance.
D'un épais Berceau ,
Sous le verd feüillage ,
Où d'un tendre oiseau
J'entends le ramage ;
Ma main d'un Ouvrage,
Trace un plan nouveau.
A mes voeux docile ,
Ma Muse facile ,
Vient m'y caresser;
Pour me délasser ,
Horace ou Virgile ,
Racine on Boileau ,
Favoris des Graces ,
M'offrent sur leurs traces ,
La route du beau;
Adroite et cruelle ,
Ma main sous ses coups ,
D'une
Tourterelle ,
Fait tomber l'Epoux.
Du séjour humide ,
Le Peuple glouton ,
D'une bouche avide ,
Sous
1558 MERCURE DE FRANCE
Sous l'appas perfide ,
Saisit l'hameçon.
D'un heureux délire ,
Suivant les transports ,
Souvent de ma Lyre ,
J'unis les accords ,
Aux Chants de Thémire.
Tranquile et serein ,
Sans inquietude ,
Dans un Jeu badin
Je vois du Destin ,
La vicissitude.
>
Amis paresseux ,
Votre seule absence ,
Laisse en ma puissance
De faire des voeux.
Calmez les allarmes
De mon coeur jaloux :
Venez avec nous ,
Partager les charmes ,
D'un loisir si doux.
LETJUILLET.
1733. 1559
LETTRE CRITIQUE de M...
sur une nouvelle Histoire Universelle
d'Angleterre , entreprise par une Societé
de Gens de Lettres.
Oici , Monsieur , de quoi entretenir
Voic notre commerce litteraire . Il est
arrivé d Angleterre ces jours passez le
Commencement d'une Histoire Universelle
, entreprise par une Societé de Gens
de Lettres , dont on dit qu'il y aura 24.
Volumes in 4. et je n'en doute pas sur
le plan et la méthode que suivent ces
Messieurs . Le premier volume contient
la Création du Monde , la chute d'Adam
et des Anges , l'Histoire Sacrée et Profane
des temps qui ont précedé le Dé
luge , la dispersion des Peuples , l'Histoire
des Egyptiens et des anciens Asia
tiques. Je l'ai lû avec empressement , par
l'idée avantageuse que j'ai des Sçavans
d'Angleterre ; mais je vous confesse d'avance
que je n'y ai pas trouvé ce que
me promettoit mon ancienne prévention .
On n'a gueres vû jusqu'à présent , disoit
M. de la Bruyere , un chef- d'oeuvre
d'esprit qui fût l'ouvrage de plusieurs.
Homere
1560 MERCURE DE FRANCE
Homere a composé l'Iliade , Virgile l'Enéïde
, Tite- Live ses Décades , et l'Orateur
Romain ses Oraisons ; s'il y avoit
une exception à cette Regle , elle seroit
préferablement en faveur de l'Histoire ,
où l'étenduë du sujet et la dispersion des
matieres , paroissent demander plusieurs
esprits qui y travaillent , et qui recueillent
les Mémoires et les Anecdotes répandus
dans une infinité d'Auteurs anciens
et modernes. Ce secours néanmoins
fait sentir ses inconvéniens dans celui qui
est chargé de rédiger l'Ouvrage lorsqu'il
en faut venir à l'éxecution . Quelqu'attention
qu'ayent eu les Compilateurs de
se réunir dans un même point , il est impossible
qu'ils ne soient frappez et conduits
par des idées particulieres , qui leur
semblent appartenir , ou pouvoir entrer
dans le sujet; ils grossissent ainsi leurs collections
de matieres indirectes et obliques,
propres à faire de gros volumes et rarement
des Ouvrages parfaits.
C'est l'écüeil où vient nécessairement
échouer celui qui doit rédiger leurs
compilations , à moins qu'il ne soit d'un
goût et d'un discernement incapable de
s'écarter ou d'être induit en erreur. Le
piege se présente sans cesse à son esprit.
Frappé par la lecture des matériaux qu'on
P
1
lui
JUILLET. 1733. 1561
lui donne , il entre imperceptiblement
dans les pensées de chacun de ses Compilateurs
; il est séduit par les approches ,
les ressemblances ou les rapports de leurs
idées au sujet principal ; elles l'entraînent
malgré lui ; l'envie de montrer de l'érudition
, les lui fait adopter ; la crainte
de désobliger ceux qui les lui donnent ,
l'engage à ne les pas omettre. Il insere
donc une infinité de matieres et de circonstances
naturellement étrangeres , et
qu'on n'y glisse qu'à force de transitions
ou de liaisons contraintes , toujours propres
à interrompre le fil du discours . C'est
ainsi qu'on multiplie les volumes et que
l'on ôte à l'Ouvrage ce naturel et cette
netteté qui en doivent être un des premiers
caracteres .
Celui qui a rédigé cette nouvelle Histoire
Universelle , a donné en plein dans
ce deffaur. L'Ouvrage est , sans contredit
, le plus sçavant Recueil qu'il y ait
en ce genre ; et la profonde érudition
qui y est répanduë , devient l'occasion
de ses défectuositez. Vous n'y verrez par
tout qu'un amas des sentimens , des faussetez
ou des erreurs de differens Ecrivains
sur le même sujet . Le volume in 12. que
l'on a donné pour servir d'Introduction ,
rapporte tout ce que les anciens Philo
E sophes
1562 MERCURE DE FRANCE
sophes ont jamais pensé sur la nature et
la création du Monde. Imaginez , s'il ett
possible , combien d'écarts et de rêveries ;
vous les trouverez exactement dans ce
Préliminaire. Pour le renfermer dans ses
justes bornes , il faudroit le réduire tout
au plus à la dixième partie. Alors il seroit
intelligible ; l'esprit du Lecteur ne
seroit pas surchargé d'une quantité de
faits qui dégénerent en questions personnelles
sur des Auteurs ausquels on ne
s'interesse plus guére , et on sçauroit
du moins à quoi s'en tenir. Au lieu qu'on
ne s'est appliqué qu'à nous dire ce qu'ont
pensé les autres dans leurs idées folles
et bizares , sans nous apprendre ce que
nous devons penser nous - mêmes .
Le même goût domine dans tout le
corps de l'Histoire. L'Auteur a meux aimé
rapporter les sentimens d'autrui , ou
faire voir qu'il les connoissoit , que
d'établir
les siens . Quelquefois il les donne
tous comme probables , d'autres fois il en
fait sentir la fausseté , sans en adopter
aucun, A chaque page il établit et il détruit.
Méthode d'un Pyrronisme continuel
qui dit beaucoup de choses sans rien
apprendre qu'à douter de tout , même
des faits les plus certains , parce qu'ils
sont mis à côté des plus douteux , sans
que
JUILLET. 1733. 1563
que l'on détermine lequel il faut croire.
Quelque persuadé que je sois qu'il n'a
pas travaillé uniquement pour faire de
gros volumes et en grande quantité , je
ne sçaurois cependant m'empêcher de dire
, que quand il auroit eu ce dessein , il
ne l'auroit pas mieux executé. Où est le
sçavant aujourd'hui qui prenne la moindre
part ou qui ajoûte la plus legere
croyance à ce que les Caldéens , les Egyptiens
, quelques Juifs ou autres Orientaux
, nous débitent sur l'Histoire Profane
qui a précedé le Déluge ? Le commun
des Lecteurs s'en embarasse encore
moins puisque la foi et la raison dé
montrent la fausseté de ces Monumens
apocrifes. Je m'attends bien que dans
le volume suivant on verra tout au long
les Généalogies et la Chronique de Bérose.
L'Auteur recueille soigneusement
toutes ces imaginations ; il y revient plusieurs
fois , et dit sérieusement qu'il faisseroit
quelque chose à desirer pour la
perfection de son Ouvrage , s'il osoit les
omettre.
C'est dans cet esprit qu'il commence
l'Histoire des Rois d'Egypte par ce conte
ennuyeux d'Osiris et d'Isis , qui occupe
cinq ou six pages , et qui est l'Endroit le
plus fabuleux , le plus mal concerté et
E ij le
1564 MERCURE DE FRANCE
le moins intéressant de toute la Mytologie.
A ce long détail succede l'Histoire
de Menès , qui tient un long espace pour
y renfermer très - peu de chose. Je crois
qu'elle est de neuf ou dix pages , dont
huit n'ont chacune que deux lignes , le
reste est rempli de Notes en caractere
fort petit , où se trouve la dispute de Perizonius
, de Mrs Newton et Whiston ,
pour sçavoir si Menès , reconnu pour fils
de Cham , a succedé aux Mestrai. Encore
l'Auteur se flate- t'il de nous faire grace
sur la brieveté. M.Whiston , dit-il , page
453. allegue treize argumens , dont nous
sauterons les neuf premiers pour venir au
dixième. N'est - ce pas avoir conspiré contre
la patience et la bourse du Public en
faveur des Libraires ?
A ces inutilitez fastidieuses joignez les
indécences qui s'y trouvent assez fréquemment,
Pour peu qu'on ait lû les Ancicas,
on sçait que leur Morale est moins qu'e
purée , Ils croyoient égayer leur stile par
ces sortes de libertez qu'ils regardoient
comme des amusemens indifferens . D'ailleurs
il faut convenir que quand la chose
ne va pas jusqu'à l'obscène , elle choque
beaucoup moins dans le Grec et le Latin
que dans notre Langue . L'Auteur n'a pas
été si scrupuleux ; il a regardé comme
des
JUILLET. 1733. 1565:
des embellissemens à son Histoire , ces
actions et ses discours qui offensent la
modestie et la politesse , quoiqu'il n'aille
pas jusqu'aux salletez ; en voici quelques
exemples , où je ne ferai qu'indiquer les
sujets . Ils sont tirez de la seule Histoire
d'Egypte , que j'ai lûe avec un peu plus.
d'attention , et cela dans l'espace de vingt
pages.
L'Histoire de Phéron , page 466. qui ,
pour guérir ses yeux , cherchoit , selon
l'Oracle , l'urine d'une femme fidele à
son mari. La Reine et quelques autres
lui ayant parû suspectes par cette raison ,
il les fit toutes mourir.
La fille de Chops , prostituée par son
Pere , qui bâtit une grande Piramide des
pierres que lui apportoient ses Amans ,
quoique chacun ne lui en donnât qu'une.
Celle de la fille de Micerin .... Quelle
pitoyable observation de faire remarquer
la differente attitude des hommes et des
femmes en Egypte pour satisfaire au
moindre besoin de la Nature .
Les Soldats de Psammetiques , qui disoient
en se découvrant d'une maniere
honteuse ; nous n'avons pas peur de manquer
de femmes , ni d'enfans.
Le nouveau Roy qui étoit assis à cheval
, se leya tant soit peu et répondit à
E iij
cette
1566 MERCURE DE FRANCE
cette sommation par un vent toujours
impoli , qu'il pria l'Ambassadeur de reporter
à son Maître , pag . 484
La Statue faite par Amasis , de la Cuvette
où les Egyptiens avoient souvent
vomi , lavé leurs pieds et fait de l'eau ,
pag. 485.
Enfin l'indécent récit de l'impuissance
d'Amasis et de ses circonstances , p . 488.
J'ai lû plusieurs fois Hérodote et Diodore
, et je ne crois pas que l'Auteur ait
rien omis en ce genre de ce qui regarde
'Histoire des Egyptiens. Il faut cependant
avouer que parmi ces traits il en
est quelques - uns qui pourroient se raconter
en prenant les précautions que
demande la bienséance , comme l'Apo- '
logue d'Amasis pour la Cuvette. Mais
c'est à quoi l'Auteur ne s'est point applique.
Il auroit pû prendre exemple sur
M. Rollin , qu'il avoit devant les yeux ,
puisqu'il le cite quelquefois. Cet Ecrivain
judicieux avoit puisé dans les mêmes
sources , sans y prendre indifferemment
tous ces mauvais contes qui ne font
rien à l'Histoire que de la rendre basse
et rampante . Il les a omis ; dira- t'on
que c'est un deffaut et un vuide qui dépare
son Histoire ?
Mais bien loin que l'Auteur qui a rédigé
JUILLET. 1733. 1567
gé cette Histoire Universelle , ait assez de
Tégéreté dans le stile , pour toucher adroitement
ces Endroits délicats ; il s'en faut
bien qu'il n'en ait assez pour entreprendre
de donner une bonne Histoire .Après
les grands modeles que nous avons et qui
ont rendu le Public si difficile , si l'on
n'est pas obligé d'écrire parfaitement, du
moins l'on n'est plus recevable à le faire
si mal. J'y remarque deux fautes essentielles
; la superfluité des matiéres , et le
deffaut d'arrangement dans les faits .
M. l'Abbé Fleury disoit avec esprit
que l'Histoire ressemble à un Bâtiment
qu'on ne peut élever qu'avec des Echafauds
, des Cordes , des Poulies et une infinité
d'Outils ; mais que rien de tout cela
ne devoit plus paroître quand la Maison
étoit achevée. C'est à quoi l'Auteur dont
je vous parle , n'a pas fait attention . Il
nous a donné à lire son Ouvrage seulement
ébauché , avec toutes les discussions
, les doutes , les matériaux informes,
et, pour ainsi dire , tous les instrumens
dont il s'est servi pour le composer.
On y voit presque à chaque article
quelque Ecrivain nommé ou désigné par
ces mots : Quelques- uns disent... D'autres
soutiennent.... Il y en a qui prétendent....
Après quoi il ajoutera : Mais
E iiij
tout
1568 MERCURE DE FRANCE
tout cela n'est point vrai. Il n'étoit donc
pas nécessaire de le dire ; si ce n'est pour
faire parade d'érudition , ou pour ne pas
désobliger ceux qui avoient fourni les
Mémoires , à qui celui qui rédige est
comtable jusqu'à un certain point. Ce
stile seroit tout au plus supportable dans
la Dissertation ou dans le Recueil.
Enfin les faits y sont mis avec si peu
d'ordre que souvent l'Auteur y empiéte
d'un Regne à l'autre , et revient ensuite
sur ses pas ; où il lui est très- ordinaire de
perdre
son sujet de vue par des incidens
étangers , que l'envie de tout mettre lui
fait insérer dans le corps de l'Histoire ;
après lesquels vous l'entendez si - souvent
dire: Mais revenons. Deux Phrases qui
lui sont encore favorites sont celles ci ,
comme nous l'avons dit plus haut, ou, comme
nous le dirons plus bas. Cela n'est plus
d'usage dans les bons Ecrivains.Ce qu'on
a déja dit , il faut rendre la justice au Lecteur
, de croire qu'il s'en souvient ; et
qu'il sçaura bien rapprocher ce qu'il
trouvera dans la suite.
Ces deffauts de l'Historien Anglois
sont encore malheureusement augmentez
et mis dans tout leur jour par son
Traducteur. J'ai de la peine à croire qu'il
soit François d'origine , du moins il ne
conJUILLET.
1733 1569
connoît pas assez , je ne dis pas l'élégance
, mais la pureté de notre langue, pour
tenter d'écrire ; aujourd'hui , que les personnes
même du commun , exigent de
Pexactitude et de la délicatesse ; sans être
critique , vous ne lirez pas trois Phrases
sans en trouver une de louche . En voici
quelques- unes qu'il ne m'a pas été difficile
de trouver , car tout y est plein d'expressions
basses et vicieuses .
Ensuite notre Auteur allégue treize
Argumens , dont nous sautons les neuf
premiers , pour venir au dixiéme
453.
, page
Finalement , Mycérinus , est dit avoir
bâti une Piramide , page 474.
Mais avant que d'entrer
dans le détail
du regne de Sabacco , faisons
quelques
pas
en arriere , et jettons la vue sur les trois
Regnes
que nous venons
de parcourir
.
Ce coup d'oeil nous convaincra
, ... page
475. Ce retour
consiste
en quatorze
lignes
, après lesquelles
on dit : Mais revenons
à Sabacco
.
Somme-toute , le Roy lui donna sa fille
en mariage. 471 .
La mort de sa fille ne fut pas le seul
malheur qui accueillit Mycerinus.
Psammetique mit fin au Duodecim- virat.
473. 478 .
E v Les
1570 MERCURE DE FRANCE
Les Expéditions des Flottes de Néchus,
și tant est qu'elles en ayent fait , ne se
trouvent écrite nulle part , que nous sçachions.
480 .
On conte qu'en guise de monument de
sa bonne fortune . 481 .
Psammis demanda aux Ambassadeurs
Eléens si leurs propres Citoïens étoient
admis aux Jeux Olympiques : Question
à laquelle ils répondirent qu'oüi. 482 .
Le petit nombre qui échapa , revint
tout en fureur contre Apriès, comme si ce
Roy les avoit envoyés à la boucherie . 484 .
La clémence est mal employée envers les
ennemis . 485.
Mais avant que l'Orage crevat , Amasis
mourut , et son corps mort fut embaumé.491 .
La Muraille blanche de Memphis , qui
servoit d'une seconde enceinte , y est appellée
une Paroi- blanche . 494 .
Mais Nectanebe pourvut si- bien à la
sûreté de la Ville, qu'il n'y eut pas moïen
d'y mordre ; et d'un autre côté , les Commandans
ne firent rien qui vaille. 497.
Plinius tâcha de déloger Nicostrate de ses
retranchemens
. 459.
Les Grecs demanderent un Pour-parler,
avec Lacharès . 500 .
En voilà assez , Monsieur , car je vous
prie d'observer que je vais de page en
page
JUILLET. 1733. 1571
page. Au premier ordinaire je vous parlerai
de là Chronologie de l'Auteur , et
en particulier de son Histoire d'Egypte.
Je suis , Monsieur , &c.
A Paris , ce 20 May 1733 •
EP IT RE
De M. M. D. G.
A Mile sa fille unique , qui entroit dans se
13 année.
JE voi
E vois un arbrisseau dont les Rameaux fleuris
,
Me promettent déja les fruits que je chéris ,
L'art avec la nature à son sort s'interessent ,
Zéphire et le Soleil tour à tour le caressent ,
La sêve doucement monte dans ses rameaux ,
Et les rend chaque jour et plus forts et plus
beaux,
Tel est de ton Printemps la flateuse apparence ,
Mais puis-je sur des fleurs fonder quelque esperance
?
Oui , le ciel les protége et j'attendrai de lui
Les fruits que sa bonté me promet aujourd'hui.
Je ne veux pas , ma fille , attrister ta jeunesse ,
E vj Pas
1572 MERCURE DE FRANCE
Par l'ennui des leçons qu'on répette sans cesse ;
Un long Sermon endort et les meilleurs avis ,
Donnez à contre- temps , sont toujours mal
suivis :
Quand la raison nous luit , nous devons nous
conduire ,
De nos propres devoirs , nous - mêmes nous instruire
Et
>
par l'heureux secours de nos réfléxions ,
Arrêter le progrès des folles passions ;
Je t'ai déja tracé dans une allégorie ,
Le fidele Tableau des malheurs de ma vie .
Pour t'apprendre comment , par le sort trå
versé
Ce que je fis de mieux fut toujours renversé.
Il ne faut point compter sur l'aveugle fortune ,
En vain on la méprise , en vain on l'importune.
Ses biens sont refusez ou donnez par hazard ,
Rarement à propos , presque toujours trop
tard.
J'ai vécu quelque temps dans la triste indigence
,
J'ai gouté les douceurs d'une heureuse abon
dance .
Et j'envie aujourd'hui la médiocrité !
Au dessus , au dessous , nulle sécurité .
La vertu s'amollit au sein de la richesse ,
Dans la misére , hélas ! que devient la sagesse ?
L'abîme
JUILLET. 1733 . 1573
L'abîme s'ouvre ; un pas peut y précipiter ,
Et souvent on y court , quand on croit l'éviter.
Pour laisser loin de nous ces écueils redoutables
,
Bornons tous nos desirs aux besoins véritables,
Il en est peu de tels ; Le reste est vanité ,
Caprice , erreur , chimere et puérilité.
Ces frivoles besoins que l'homme
multiplié
,
Enfans de son orgueil , nourris par sa folie.
N'ont jamais occupé que de foibles esprits ,
Et méritent bien moins , nos soins , que nos
mépris.
Four atteindre à l'honneur d'un mérite solide
Ne cheri que le vrai,prends la vertu pour guide.
N'ouvre jamais ton coeur à d'injustes désirs ,
Et fais de tes devoirs , ta gloire et tes plaisirs.
Ma fille , ces conseils sont d'un Pere qui
t'aime !
Veus-tu le rendre heureux ? sois heureuse toimême
;
Corrige tes deffauts ; cultive tes talens ;
Fui de l'oisiveté les conseils nonchalans
Préfere rarement l'agréable à l'utile ;
Par l'application rend ton travail facile ;
Poursuis avec constance un ouvrage entrepris ;
Du temps et de l'honneur , reconnois tout le
prix ;
Mo
2
1574 MERCURE DE FRANCE
Modeste en ton maintien , modeste en ton langage
,
Sans contrainte et sans art, montre-toi toujours
sage ;
Et par les doux attraits d'une noble candeur ,
Annonce d'un coeur pur le tranquille bonheur.
Les Enigmes du premier volume de
Juin , doivent s'expliquer par Larme ,
et Rime.
Explication du premier Logogryphe.
Hola , Seigneur Mercure ,
Faites cesser ma tablature ;
Du Logogriphe expliquez - moi ,
Le vrai mot , Heu ... Vous refusez ! Pours
quoi ?
J'ai beau me mettre à la torture ,
Je suis animal de nature.
Et ne puis
sot ;
... Vous riez ! Ah ! bon , que je suis
Disant mes qualitez , j'ai deviné le mot.
On doit expliquer le second , le 3 , et
le 4 , par Charles , Orange , Vase , où l'on
trouve Esau , & c.
Pipe et Clou de Gérofle , sont les mots
des deux Enigmes du second volume de
Juin
JUILLET . 1733 . 1575
Juin. On doit expliquer les Logogryphes
par Mail , Zaire , Culotte , Lodéve.
ENIGM E.
Z*XXXX
DEux freres de concert portent un édifice ,
Sans lequel ils ne seroitent pas ;
L'un d'eux ne peut sans l'autre faire un pas ;
La fin du jour interrompt leur office.
AUTRE.
ON me sent sans me voir ;je suis pourtant
un corps ,
Qui fait souvent bien du ravage ;
Quand je suis en couroux , tout cede à mes efforrs
,
Malheureux qui se trouve alors sur mon passage
;
Je deviens cependant quelquefois gracieux ,
Doux , chaud ou froid , utile et favorable ,
Ne vous y fiez pas , je n'ai rien de durable ;
Et suis de ma nature un peu capricieux ;
Tel au matin me loüe et me fait fête ,
Qui le soir contre moi , peste , jure et tempeste.
Comment me définir ? C'est- là tout l'embarras ;
Je ne puis me faire connoître ; .
Le plus sçavant convient qu'il ne me connoît
pas ,
Qu'il
1576 MERCURE DE FRANCE
Qu'il ne sçait d'où je viens , ni qui me donna
l'être.
XXX** X XX : X: XXXXXXX
EN
LOGOGRYPHE.
N cinq lettres , je suis fort petite médaille ;
Connuë , utile , mais dont on fait peu
Otez mes pieds , vaille que vaille ,
de cas ;
Avant ma soeur , d'hymen j'ai sçu franchir le
pas ,
Ce fut , dit- on , par certaine imposture ,
Qui dans ce temps causeroit embaras ;
Otez mon col , je suis fort gras de ma nature ,
Prenez ventre , col , pieds ; sans moi l'on ne vit
pas.
O
AUTRE.
Vous , ma tres -chere Patrie ,
Soit qu'on vous place en France ou bien en
Brie ,
Je fais en votre honneur , Logogryphe nouveau
,
Iris le veut , eh bien , tirons de mon cerveau
Des Vers tels quels ; item , il faut lui plaire,
Cinq lettres font mon tout , et voici le mystere.
Deux , trois , quatre , je suis Elément dange-
Un
JUILLET. 1733 :
1577
Un , trois , et quatre , et cinq , un Plurier contraire
A ce qu'on nomme bien ; un , quatré , avec le
deux ,
J'engraisse la jeune Volaille ,
Trois , quatre , deux , le Grand ainsi que la Ca
naille ,
Par moi le soir et le matin ,
Commence une priere utile ;
Trois , un et deux , je suis chose subtile ,
Sans qui l'homme et la brutte auroient même
destin :
Trois , quatre , cinq , je suis d'une légume vile ,
Le Plurier ; quoi plus ? Iris je suis about ,
Trois , cinq et deux , le ciel sur moi tourne ;
c'est tout.
E. M. J. D. L. Solitaire des bords
de la Marne.
AUTR E.
E suis dans un Païs , peu favorable aux
Dames ; JE
Cependant mon aspect n'en est pas moins charmant.
Si tu veux , cher Lecteur , faire mes Anagra
mes
Combine bien mes pieds , tu verras à l'instant ,
Ce que certaines gens mettent dessus leur tête.
Tourne encor d'un autre côté ,
En moi tu trouveras une celebre fête ;
Un
1578 MERCURE DE FRANCE
Un Patriarche révéré
Ce qui fait rire et qu'on méprise ;
Un homme par tout recherché
Ce qui garantit de la Bize.
Un Empereur Romain , du Ciel favorisé.
Ce qui n'a point d'appuy , mais qui pourtant en
donne ,
Un terme dénigrant , ce qui guimpe une None."
Un sage de l'Antiquité,
Exemple de sévérité .
Ce que l'on met au feu , qui sert en tout ménage
;
Un Oyseau que l'on met en Cage ; }
Ce qui vient d'un Païs lointain
Et fait manchettes à Catin.
Poisson tres- estimé , ce qui sert à la table ,
Supplice destiné pour Roturier coupable.
Courage , ami Lecteur , travaille de nouveau ;
Allons , tourne , Combine , et cherche en tom
cerveau ;
.
Un terme de blazon à tes yeux se présente
Et ce qui répeté sert à grossir ta rente .
Une Ville fameuse un Fleuve tres connu ,
Un meuble aux mortels necessaire ;
Un fils cruel qui déchire sa meré ;
Et remede à la toux , quand on en a bien bu. 1.
"
AUJUILLET.
1733. 1579
EN
AUTRE.
N bref me dénommer est chose difficile ,
Il faut plus d'un discours pour me définir
bien ;
En deux mots cependant ; par tout je suis utile ,
Presque par tout aussi je trouve accès facile ,
Et je ne suis , dit- on , qu'un peu plus que lc
rien ;
Mais voyons si ce rien produira quelque chose ;
Pour me découvrir mieux , usons un peu de
glose.
Mon nom est composé de sept lettres en tout ,
Quatre consonnes , trois voyelles ;
Combines-les de bout en bout ,
Et vous y trouverez maintes choses nouvelles,
Une terre qu'entoure l'eau ;
Des Naïades la plus aimable ;
Un Fleuve qui porte Vaisseau ,
Un Arbre dont on fait Batteau ,
Une Cité riche , agréable ,
Qui prise en autre sens , sert au jeune Ecolier ;
Pour l'instruire d'un art utile au Nautonnier ;
Ce que dans le mois d'Aoust le Laboureur enserre
;
Saint Prophete , autrefois enlevé de la terre ,
Sans qu'on sçache depuis ce qu'il est devenu ;
Personnage grotesque , à la Foire connu ?
Un
150 MERCURE DE FRANCE
.
Un composé de points , réel , imaginaire ,
Droit , courbé , comme on le veut
faire , ·
Que vantent tour à tour le Peintre, le Masson ,
Le Mathématicien , le Pêcheur de Poisson ;
Le Matelot enfin , mais avec différence ;
Chacun , selon son sens , son art , et sa science
Puis un je ne sçais quoi . plus blanc que le
Satin ;
Ce qui dans ce temps - cy , souvent pique. la
main ;
Piéce dont on ne peut se passer en ménage ,
Autre dans la Cuisine , en tout temps en usage :
Pour signifier ; Peau , terme du vieux François,
Que n'aguere au Mercure employa la Malerais.
Plus , différens tourmens et du corps et de
l'ame ,
Ôyséàu que le Flamand nomme Jacquette-
Dame.
Poule qui par le bec , à ce que l'on dit , pond,
De maints Tonneaux vuidez , fange qui reste
au fond ;
Avantage au trictrae qu'avec soin l'on conserve ;
Ce qui fait quelquefois aller avec réserve ;
L'Ennemi de la liberté ;
Hommage de fidelité ;
En fait d'Etoffe , ou Drap , mesure fort connue
Amas , Monceau , Graine menuë ;
Enfin que sçais-je encor que je n'aye point dit ?
Le
JUILLET. 1733. 1581
Le bon air , tout ensemble , et défaut d'un
habit ;
Le mobile , et le Dieu de l'humaine industrie ,
Sur les bords de la Loire une Ville jolie ;
Un article , un et deux Pronoms ;
Mais c'en est assez , terminons ;
Devines-tu , Lecteur , .. Qu'est- ce donc qui
t'arrête ? ..
Ah ! sur un rien , dis tu , c'est par trop s'entêter;
Tu te rends ... Rêve encor. . . Gratte bien fort
ta tête ,
Et quant à tes Cheveux , ne crains de les gâter ;
Car si tu viens about de faire ta conquête ,
Je te donne aussi -tôt de quoi les rajuster.
H ... de Menux , en Brie.
****:***********
NOUVELLES LITTERAIRES
N
DES BEAUX ARTS , &c.
Ous avons donné dans le second
Volume du Mercure du mois de
Juin , page 1376. un Extrait circonstancié
et assez étendu des Anecdotes de la
Cour de Philippe Augustes il nous est revenu
que le Lecteur en a été très- satisfait
, mais qu'il auroit désiré qu'en rendant
1582 MERCURE DE FRANCE
dant compte de cet Ouvrage on fut entré
un peu plus dans le détail des situations
interessantes , qu'on eut donné
quelques Portraits , quelques Fragmens
de conversations , quelques refléxions et
enfin quelques morceaux qui pûssent faire
connoître non- seulement le génie de
l'Auteur , mais encore ses sentimens , ses
lumieres et son stile. Nous allons tâcher
de satisfaire à ce qu'on éxige de
nous.
Dans la Cour et au Camp du Duc de
Bourgogne à Dijon , le Comte de Rethel
et le Sire de Couci s'attiroient l'attention
generale. Cette distinction étoit le fruit
de leurs conversations ; tantôt avec le
Duc , tantôt avec les personnes les plus
graves de sa Cour. On ne sçavoit en faveur
de qui des deux l'on devoit décider :
la solidité de leur esprit , l'étenduë de
leurs lumieres , l'usage moderé qu'ils en
faisoient , les rendoient égaux en mérite.
Ils ne conservoient pas cette même égalité
chez les Dames. Raoul de Couci y
étoit toujours vif , léger et galant ; Roger
de Rechel , étoit plus sérieux et plusretenu.
La joye animoit tous les discours
de l'un ; un air réservé , qui tenoit plus
de la tristesse que de la timidité , rendoit
tout ce que l'autre disoit moins brillant.
Les
JUILLET . 1733- 1583
·
Les Dames jouissoient de tout l'esprit de
Raoul , et se plaignoient de ne pas jouir
de tout l'esprit de Roger : dans le peu
qu'il disoit , elles sentoient combien il
en avoit , et elles étoient curieuses de pénétrer
ce qui pouvoit l'empêcher d'en
faire le même usage que Raoul. Malgré
cette difference, elles disputoient avec
chaleur qui des deux étoit supérieur à
l'autre , mais sans jamais pouvoir terminer
le différent. L'amour propre , peutêtre
, assez bien fondé , persuade au beau
Sexe qu'il lui appartient de juger du mérite
des hommes ; et de prévoir même
les succès que leur promettent les grandes
qualitez qu'elles apperçoivent en
eux. Cependant malgré le privilege que
les Dames s'arrogent en ce genre , elles
n'osoient prononcer entre Roger et
Raoul : elles convenoient de bonne foi
que la simple sympathie pouvoit déterminer
pour l'un ou pour l'autre ; car si
Roger avoit l'avantage d'être mieux fait
que Raoul , si sa phisionomie avoit quelque
chose de plus tendre , Raoul avoit
F'esprit plus brillant , et l'imagination
plus vive , source de son goût pour la
Poësie. L'esprit de galanterie , et l'amour
délicat , le forcerent à faire des Vers , et
il se trouva grand et excellent Poëte , sans
avoir
1584 MERCURE DE FRANCE
avoir jamais songé à le devenir. Il céda
avec d'autant moins de peine à ce penchant
, que dans ces tems reculez , les
personnes de la plus haute qualité se faisoient
un mérite de bien faire des Vers ,
et pouvoient , sans rougir , se donner
pour Auteurs en ce genre. Ce talent le
rendoit agréable au Roi , à la Reine Adélaïde
de Champagne , Mere de Philippe ,
et à la jeune Reine Elisabeth de Henaût.
Roger et Raoul s'aimoient dès leur enfance
; la plus tendre amitié leur avoit
presque fait oublier qu'ils étoient unis
par le sang , & c.
Enguerrand de Couci , surnommé le
Grand , avoit été Favori de Louis le
Jeune : il en étoit digne par l'étenduë de
son génie , par sa prudence , par sa profonde
politique , par une fermeté d'ame
héroïque , enfin par sa probité. Ennemi
de la flaterie , il osoit montrer à son Roi
la verité quelque désagréable qu'elle
fut , il la présentoit toute nue , quand
sa vuë devoit produire un effet , ou utile
ou glorieux , comme il sçavoit la cacher
lorsque son aspect ne pouvoit causer que
des désirs impuissans , ou des regrets superflus
, &c.
A la page 63 de ce premier vol . Roger
parle dans son entretien avec Raoul ,
du
JUILLET. 1733. 1585
du séjour qu'il fit à Rethel , des visites
qu'il rendit à ses voisins ; je vis de vieux
Seigneurs , dit- il , herissés de leur noblesse
, de leur probité , et de leurs Forteresses
, où ils se croyoient de petits
Souverains je vis des Meres fieres de la
beauté de leurs filles , sans être humiliées
de la perte de la leur : je vis des filles belles
sans agrémens , dont les figures et
l'esprit manquoient de graces. Mon Pere,
à qui je disois librement ce que je pensois
m'écoutoit , rioit , et alloit toujours
en avant. Nous arrivâmes enfin
chez le Seigneur de Rosoi , j'y trouvai
l'opposé de tout ce que j'avois vû . Je vis
un vieux Seigneur , qui laissoit aux
autres le soin de se souvenir de ce qu'il
étoit ; qui avoit cette politesse et cette
fine galanterie , dont la Cour est l'unique
Ecole ; qui avoit l'esprit vif et moderé.
Je vis une Mere , qui , sans être hamiliée
de la beauté surprenante de sa fille ,
étoit fiere de la sienne.
>
Le Comte de Rethel , passionément
amoureux d'Alix de Rosoi , lui parle en
ces termes : la permission que vous avez ,
Mademoiselle , de ne me point haïr , ne
vous donne-t'elle pas celle de me laisser
voir si je suis assez heureux pour que
votre coeur ne murmure point contre la
>
F VO1586
MERCURE DE FRANCE
volonté d'un Pere ? Voyant qu'elle rou.
gissoit , que son embarras étoit extrême ,
que même elle cherchoit à m'échapper ,
j'ajoûtai d'un ton plus animé : Hé ! quoi ,
Madlle , vous n'osez répondre ! Vous
pouvez rompre ce cruel silence sans
crime ; et vous le gardez sans pitié ! Ah !
yous craignés , sans doute ,de m'apprendre
que je suis le plus malheureux de tous
les hommes. Vous craignés par cet aveu
de montrer de la désobeïssance à un Pere :
hé bien Mademoiselle , je vais lui dire
que vous me haïssez , et qu'il nous remdroit,
infortunez en nous unissant. Arrêtez
, me dit Alix , n'allez pas abuser mon
Pere , et m'attirer un ressentiment que
je ne mérite pas. Ces paroles prononcées
avec émotion me causerent un transport
si vif , que je me jettai aux pieds d'Alix ,
dont je pris une main que j'osai baiser ,
Dans cet instant , Mad . de Rosoi entra ;
elle parut surprise et offensée de me trouver
aux genoux de sa fille ; elle nous regarda
d'un oeil severe. Alix , dont le désordre
avoit encore augmenté à la vuë
de sa Mere , fût à elle , et en se jettant à
ses pieds , elle lui dit toute tremblante :
Aurois-je fait un crime , de laisser voir
au Comte de Rethel que j'obéïrai sans
répugnance à vos ordres et à ceux de
mon
JUILLET . 1733. 1587
mon Pere ? Mad . de Rooi , avec un air
froid , dit à sa fille : je croi qu'il auroit
suffi d'instruire de vos sentimens ceux qui
vous ont permis de ne pas les combattre :
la modestie ne vous le deffendoit pas ;
mais elle devoit vous faire désaprouver
l'action trop passionnée de Monsieur
qui manque par cette licence au respect
qu'il vous doit.
Le Comte de Rethel s'exprime ainsi
en apprenant que Mad. de Rosoi est la
Rivale d'Alix , sa fille : mon désespoir
se change en une douleur si accablante
qu'il me reste à peine la force de mè
plaindre. Non , je ne vois plus les maux
dont me menace une Mere insensée ; je
ne vois que Mile de Rosoi victime de
notre innocente tendresse. Helas ! pourquoi
est- elle sensible à ma passion ? Qu'il
va lui en coûter cher ! Hé bien ! divine
Alix , reprenez ce coeur , qui seul peut
faire ma felicité. Affreuse situation ! m'écriai-
je en adorant Alix , l'Amour même
me force à désirer son indifférence.
Voici les exclamations de Mad . de
Rosoi : Que je suis injuste ! Que je suis
barbare ! Quoi! J'exige de ma fille plus
que je ne puis obtenir de moi- même ! Je
veux qu'elle renonce à ce qu'elle aime !
Fij Quel
1538 MERCURE DE FRANC
Quel est son malheur ! ou plutôt quel est
le mien ! Ce qu'elle aime est l'objet que
j'adore , et je nel'adore que pour porter ,
à l'un et à l'autre , le poignard dans le
sein. Roger part désesperé , l'excès de sa
passion , que je n'ai que trop vû , ne me
permet aucune espérance. En qul état
affreux mon injustice nous plonge- t'elle
tous les trois ? Quoi ! ne pourrai- je étouf
fer ma tendresse , quand ma gloire , mon
repos , celui de ma fille , l'impossibilité
d'être jamais heureuse , et le bonheur de
ce que j'aime , m'en font voir la dure nécessité.
Que dis - je ! la vertu de ma fille
ne devoit elle pás me suffire
der la mienne , & c.
pour rappel-
C'étoit moins la beauté de Mad. de
Camplit qui l'avoit renduë maîtresse absolue
du coeur et de l'esprit de Hugues de
Bourgogne , que beaucoup d'habileté :
ses manieres caressantes , un badinage léger
, une raillerie fine , des saillies heureuses
, un pinceau vif et brillant , pour
peindre ou les caracteres ou les ridicules ,
des idées singulieres , et singulierement
renduës ; tout cela réuni ensemble , en
faisoit une femme charmante. Elle étoit
trop attentive à conserver sa conquête
pour laisser le Duc de Bourgogne dans
une tranquillité dangereuses aussi ne
s'arJUILLET.
1735 1589
s'armoit- elle jamais d'une sincerité qui
auroit éloigné ceux que ses appas captivoient.
Elle vouloit des victimes toujours
toutes prêtes à immoler à la jalousie
du Duc ; jalousie qu'elle sçavoit faire
naître , nourrir et arrêter , selon qu'elle
le jugeoit à propos. Son grand art étoit
de ne jamais paroître exiger rien de lui ,
que pour sa propre gloire ; son interêt se
tenoit toujours caché sous le voile de celui
du Duc de Bourgogne . Elle se servoit
du prétexte d'aimer les Fêtes et les Spectacles
, pour l'amuser sans cesse. Ce Prince
croyoit s'acquerir des créatures , en
répandant des graces ; mais ces mêmes
graces affermissoient toujours le pouvoir
de Mad. de Camplit , qui seule , malgré
le juste discernement de Hugues
décidoit qui le meritoit le mieux : ainsi
le sujet revêtu d'une nouvelle dignité
ou accablé des liberalitez du Duc,croyoit
tout tenir de Mad. de Camplit.
La Belle Gabrielle de Vergi manquoit
à cette brillante et superbe Assemblée
pour lui donner le dernier éclat. Les femmes
ne la regrettoient point : sa présence
les humilioit , et sa modestie qui rehaussoit
de beaucoup tous ses charmes naissans
, leur sembloit un Censeur muet de
leur dissipation . Enfin , Gabrielle de Ver-
F iij
,
gi
1590 MERCURE DE FRANCE
gi parut , ses graces naturelles et simples,
sa beauté , qu'elle sembloit ignorer , sa
douceur noble et importante , attacherent
d'abord tous les yeux sur elle . Le
Sire de Couci , occupé seulement du
plaisir d'amuser Madame de Camplit ,
ne la remarqua que très - légerement ;
mais le Seigneur de Fajel , malgré les
efforts qu'il faisoit pour dissimuler , et
peut-être pour se vaincre , ne pouvoit
s'empêcher de l'admirer.
Cependant je lui sçais gré d'avoir pû
vous taire sa passion , disoit le Sire de
Couci au Comte de Rethel , en lui
parlant de Mad . de Rosoi. La mienne ,
dont elle voyoit toute la violence , reprit
le Comte , l'horreur que la sienne
m'auroit inspirée , les reproches outrageans
qu'elle craignoit d'essuyer ; la honte
de prononcer un je vous aime , au moment
que j'étois àses pieds pour lui demander
Alix, ou la mort ; sa vanité enfin ,
qui la soutenoit contre sa propre foiblesse
voilà les raisons qui ont donné
à Mad . de Rosoi la force de se taire......
Sans se croire Reine , on peut avoüer
qu'on aime , si nous croyons ce que nous
aimons libre de tout engagements alors
l'espérance triomphe de la vanité : mais
la certitude d'une forte passion dans le
coeur
JUILLET. 1733. 1591
coeur de ce que nous adorons , en irritant
la nôtre , nous donne la force de nous
taire.
Pendant l'absence de Roger , Philippe
Auguste trouva occasion de dire bas à
Alix , Mlle , nous veillons ensemble à la
conservation de deux choses bien précieuses
pour le Comte de Rethel ; je lui
garde votre main , et vous lui gardés votre
coeur. Qu'il sera heureux quand il
possedera l'un et l'autre ! Votre Majesté ,
répondit Mlle de Rosoi , avec une noble
modestie , ne s'occupe que du soin de
faire des heureux .
Le Comte de Rethel au comble de ses
voeux , s'écrioit avec transport , en ap
percevant les murailles de Nantes : je vais
voir Alix ; je vais la voir , maîtresse de
me rendre le plus fortuné des hommes :
il la vit , cette charmante Alix . Qu'elle
lui parut belle ! L'habit simple et lugubre
dont elle étoit revêtuë , sembloit imposer
à tous deux la dure loi de retenir
leurs transports. Comment faire sentir
quels furent ces heureux transports ?
Comment rendre des discours sans ordre
Ces discours n'ont de charmes que
pour ceux qui les tiennent . Questions
réponses , souvent peu justes , et plus
souvent interrompues ; regards , embar
?
Fiii! ras
>
>
1592 MERCURE DE FRANCE
ras , silence , tout dans cette premiere
entrevuë , les assura mutuellement de la
plus vive tendresse , sans que le mot de
je vous aime fut prononcé ni par l'un ni
par l'autre.
Nous ne croyons pas devoir pousser
cet Extrait plus loin , quelque attrayante
que soit la matiere ; le second et le troisiéme
Volume sont encore plus interessans
, et le stile en est aussi brillant et
aussi sage. Ce Livre en trois vol . in 12 .
a un fort grand débit , chez la veuve
Pissot , Quai de Conti , à la Croix d'or.
OEUVRES mêlées de M *** contenant
un Discours sur la fin qu'a eue Virgile
en composant ses Bucoliques , une
Traduction de ses Eglogues en Vers François
; un autre Discours sur les Régles de
l'Eglogue , des Paraphrases en Vers sur
les Pseaumes de David , et sur quelques
Chapitres des Proverbes de Salomon ; des
Lettres , des Epitres en Vers , des Refiéxions
Morales ; qu lques Odes , quelques
autres Pieces de Poësie , et pour fin , un
Traité sur la maniere de juger des Ouvrages
d'esprit. A Paris , chez Barrois
Quai des Augustins , Nully au Palais
Alix , ruë S. Facques 1733. vol. in 12 .
p . 42c.
LE
JUILLET. 17337 1593
LE POUR ET CONTRE , Ouvrage Perio--
dique d'un goût nouveau , dans lequel
on s'explique librement sur tout ce qui
peut interesser la curiosité du Public , enmatiere
de Sciences , d'Arts , de Livres ,
d'Auteurs , & c. sans prendre aucuu parti
et sans offenser personne . Par l'Auteur des
Mémoires d'un homme de qualité. Tome
I. 24 pages in- 12.
Incedo per ignes
Suppositos cineri doloso . Horace.
A Paris , chez Didot , Quai des Augustins
, 1733.7%
tre ,
L'Auteur s'exprime en ces termes dans
la huitiéme page de cette feuille.
Fintitule cet Ouvrage , le Pour et Conc'est-
à- dire , que voulant éviter tout
ce qui peut sentir la faveur , la haine , le
mépris , l'ironie même ; en un mot , toute
ombre de partialité et de passion ; voulant
observer toutes les bienséances , remplir tous
tes devoirs , et ne sortir jamais des bornes
de la liberté françoise , je me propose de re
marquer avec le même soin , ce que je croirai
appercevoir de bien et de mal dans cha
que sujet sur lequelj'entreprendrai de m'expliquer.
Si je parle d'un Ouvrage d'esprit ,
je tâcherai d'en faire l'éloge avec la même
Fv since-
}
1594 MERCURE DE FRANCE
sincerité que la Critique . Si je rapporte un
trait general ou particulier , je le représen
terai du bon côté aussi soigneusement que
du mauvais. Si je m'arrête sur quelque point
de Litterature , j'exposerai ce que j'aurai p
recueillir de plus fort , aussi-bien pour le sontenir
que pour le combattre et cela avec le
même air d'indifférence pour l'un et l'autre
sentiment ; avec les mêmes égards d'honnêteté
pour l'un et l'autre parti ; avec la même
mesure avec le même poids , et en conser
vant toujours ma balance dans le même équilibre.
>
ABREGE' CHRONOLOGIQUE ET HISTORIQUE
de l'Origine , du Progrès et de l'état actuel de
toutes les Troupes de France. Far M. le P. ***
N. ***. Ouvrage enrichi de Vignettes en Tailles
douces , Gravure de Paris qui représentent
tous les Siéges , Attaques et Combats particuliers
où ces Corps se sont trouvés , &c. Proposé
par souscription. C'est le titre d'un Prospectus.
nouvellement publié , dont la matiere nous a
paruë si curieuse et si interessante pour toute la
Nation , que nous croyons faire plaisir au plus
grand nombre de nos Lecteurs , de le rapporter
ici en son entier.
L'Etude , dit l'Auteur , a quelque chose de si
engageant , qu'il est presqu'impossible de ne pas
se laisser entraîner aux recherches les plus curieuses
et les plus utiles , pour peu qu'on ait de
délicatesse et de goût. Très- scrupuleux sur le
point d'honneur , et bien instruir qu'il faut des
talens
JUILLET. 1732. 1595
talens extraordinaires pour devenir Auteur , je
veux dire , Auteur estimé , je n'aurois jamais
pensé à me donner ce titre , si mes amis ne
m'y eussent forcé ; de sorte qu'une étude faite
par amusement devient aujourd'hui une affaire
très- sérieuse , ayant été, entraîné uniquement
par l'honnête complaisance que je dois à des personnes
du premier mérite , et à qui il a fallu
déferer.
Le Lecteur connoîtra aisément qu'un Ouvra
ge de la conséquence de celui-ci , n'a été mis au
jour qu'après de profondes lectures , de grands
travaux , beaucoup de corrections et de recherches
presqu'infinies : trop persuadé qu'il est dif
ficile de plaire à tout le monde , et de se garantir
de la juste censure des Sçavans du premier
ordre , je n'ai épargné ni peines , ni dépenses
pour m'attirer leur bienveillance,et meriter leur
approbation ..
L'entreprise est pénible , il est vrai , cependant
ayant fait de grandes découvertes , et tiré de
f'oubli un nombre de faits importans , j'espere
réussir dans un projet qui a été , je me flate
trop mûrement concerté pour ne pas produire
des effets très- utiles.
Aucun Auteur jusqu'à présent n'a osé entreprendre
de donner un Journal Historique de tous
les Régimens de France : un Sçavant très-estimé
et qui passe , avec justice , pour un homme consommé
dans la Litterature ( c'est le Pere Daniel Y
ne fait aucune difficulté d'avouer qu'il en a eu
le dessein , mais qu'il n'a pu l'entreprendre , va
le peu de clarté qu'il avoit trouvé dans l'Histoire
de tous les Corps , et le parfait oubli qu'on
avoit fait des Officiers qui les avoient commandés;
de sorte qu'on pouvoit à peine s'instruiré
1
SUE
1596 MERCURE DE FRANCE
sur ce qui s'étoit passé de leur tems ; ce qui l'avoit
entierement rebuté aussi se récrie - t- il , avec
justice , contre une négligence si blâmable , qui
ensevelit dans une éternelle obscurité tant de
faits Historiques , dont le souvenir leur devroit
être si cher et si précieux J'avoue que les plaintes
de ce Pere sur cette indolence ne sont pas
sans fondement et sans quelques raisons : mais
c'est justement ce cahos et ces difficultez qui ont
excité mon amour propre à ne rien négliger
pour venir à bout de débrouiller une matiere
qui a tant embarassé les Sçavans.
>
Tout- à- fait enveloppé dans mon étude , mes
recherches continuelles m'ont donné l'esperance
de parvenir à mes fins , malgré le peu d'éxactitude
d'un grand nombre d'Ecrivains , qui me
rendoient chaque jour cette matiere plus difficile
il a fallu pour m'éclaircir entierement
feuilleter de grandes Bibliotheques ; j'ai entrepris
dans ce dessein plusieurs voïages à Paris ,
où j'ai consulté avec un travail sans relâche les
plus célebres Ecrivains de l'Histoire , pour connoître
par moi- même tous les Mémoires du
tems : j'ai employé tout mon crédit pour
avoir de l'appui et un accès libre par tout ou
j'ai crû trouver de quoi m'instruire à fond ; j'ai
Jû tous les Registres des Extraordinaires des
Guerres dans la Chambre des Comptes , afin
de connoître parfaitement l'origine de tous les
Corps , ayant dessein de donner une Chronologie
et une filiation exacte de tous les Mestres
de Camp , Colonels Lieutenans Colo .
nels et Majors de chaque Régiment , prouvées
par un état des Capitaines d'année en année
jusqu'au tems qu'ils porterent le nom de Province.
,
.?
N on
JUILLET. 1733. 1597
Non - seulement plusieurs Manuscrits de la
Bibliotheque du Koi m'ont été communiqués ,
mais encore ceux des Particuliers qui me les ont
confiés genereusement. J'ai eu nombre de confêrences
avec les Officiers les plus sçavans dans
ce genre , qui s'interessent à mon Ouvrage , et
qui m'ont envoyé de bons et amples Mémoires :
enfin je n'ai épargné , je le répete , ni peines ,
ni dépenses pour satisfaire le Public ; et comme
cet Ouvrage comprend une matiere infinie , je
ferai toutes les diligences possibles pour ne pas
tomber en défaut , et tenir parole aux Souscripteurs.
Ce n'est point ici une Histoire remplie de
fastueux Evenemens, qui jettent un Lecteur dans
l'anthousiasme , ni hérissée d'épisodes empou
lées qui captivent l'oreille sans nourrir la Science
, et sans toucher le coeur.
C'est un Journal Historique et instructif de
tous les Corps Militaires ; ce sont des descriptions
sinceres des belles actions qu'ils ont faites
depuis leur origine jusqu'à présent ; c'est une
Liste Chronologique de tous les Officiers qui
les ' ont commandés , c'est un sujet nouveau et
varié des plus beaux faits de l'Histoire, Chaque
Officier s'y verra placé dans son rang avec ses
actions héroïques : toutes les familjes y trouveront
leurs Ancêtres avec des avantages qui leur
feront honneur ; ce qu'elles ont ignoré jusqu'à
présent.
Les plus remarquables Evenemens de l'Histoire
de France , depuis Charles IX . jusqu'à la
mort de Louis XIV . seront placez avec un ordre
et des circonstances qui feront d'autant plus
de plaisir , qu'on sçait qu'un habile Ecrivain ne
donne pour l'ordinaire qu'une idée génerale de
toute
1598 MERCURE DE FRANCE
toutes ces choses ; parce qu'un détail circónstancié
et profond , causeroit de la sécheresse à
son Histoire , et interromproit le fil de sa narration
: en effet , il arrive souvent qu'en lisant
les Historiens on n'acquiert qu'une connoissance
confuse ; c'est pourquoi un Lecteur curieux a
besoin , pour s'instruire à fond , qu'un Auteur
n'omette aucun des faits et des actions éclatantes
qui sont arrivées dans chaque tems ; c'est ce
qu'on trouvera dans cet Abregé Chronologique,
Historique , &c, que je promets ici , et qui va
paroître incessamment , puisqu'il renferme tous.
les faits qui regardent la Guerre depuis Charles
IX. les Batailles , les Sieges et les Combats.
particuliers que les Troupes du Roi ont soutenus
une origine de chaque Corps , qu'aucun Ecrivain
n'a pu débrouiller jusqu'à présent , et bien différente
de l'époque où plusieurs l'ont fixée ; enfin
une Chronologie des Mestres de Camp , Colonels
, Lieutenans-Colonels et Majors , depuis
l'Institution de leurs Regimens , avec des Mémoires
pour servir à leur Histoire , et éterniser
leurs noms.
Pour bien connoître cet Ouvrage , il est bon
d'en donner ' ici une idée distincte , afin que le
Public puisse voir par lui- même son utilité et
les fruits qu'il pourra produire.
Il sera divisé en trois parties , dont chacune
comprendra plusieurs volumes.
La premiere partie qui sera subdivisée en
trois Tomes in- quarto , d'environ 600 pages
chacun , renfermera toute la Maison du Roi.
1
La seconde partie , les six vieux Corps , les
petits vieux Corps , et tous les autres Regimens.
selon leur rang , reglé par Louis XI V. en
1666 .
La
SONJUILLET. 1733. 1599
La troisiéme partie , la Cavalerie et tous les
Corps de Dragons existans.
*
Le premier Tome, de la Maison du Roi, traitera
des quatre Compagnies des Gardes du Corps,
des Grenadiers à Cheval , et des Gendarmes de
la Garde
Le second , des Chevaux Legers de la Garde ,
des deux Compagnies des Mousquetaires du Roi,
ét de toute la Gendarmerie.
Le troisiéme , des Gardes Françoises et des
Gardes Suisses.
On verra dans le premier :
1. L'Origine et l'Institution des quatre Com
pagnies des Gardes du Corps , débrouillées et
Axées à une époque plus fidele que celle d'aucun
Ecrivain, appuyées de preaves certaines et palpa
bles , tirées de la Chambre des Comptes.
2
II. La Chronologie des Capitaines des Gardes
Ecossoises , des Lieutenans et Enseignes
avec la date de leurs Commissions , tirée de la
Chambre des Comptes , et accompagnée de
Mémoires pour servir à leur Histoire , excepté
qu'on ne parle des actions des Lieutenans et
Enseignes que depuis que Louis XIV . les cût mis
sur le pied de Compagnie d'Ordonnance.
III. La Chronologie des Capitaines , Lieutenans
et Enseignes de la premiere Compagnie
des Gardes du Corps Françoises , précedée de
son Institution.
IV. La Chronologie des Capitaines , Lieutenans
et Enseignes de la Compagnie de Bethune ,
nommée Graville à son origine , précedée de son
Institution.
V. La Chronologie des Capitaines , Lieutenans
et Enseignes de la Compagnie d'Harcourt,
appellée d'Etrée à son origine , précedée de son
Insti
1600 MERCURE DE FRANCE
Institution , le tout verifié à la Chambre des
Comptes.
Les Eloges que je donne à tous les Officiers ,
sont sinceres , sans flatterie , tantôt étendus , tantôt
courts , riches ou stériles , selon le mérite et
les actions de chacun , tels qu'ils sont parvenus
à ma connoissance.
VI . Un Journal Historique desdites quatre,
Compagnies des Gardes du Corps depuis qu'elles,
ont été établies en Compagnie d'Ordonnance par
Louis XIV . avec ce qu'elles ont fait , tant aux
Sieges qu'aux Batailles sous les Regnes de Louis
XI . Charles VIII. Louis XII . François I. Henry
IV. et Louis XIII.
VI L'Institution des Grenadiers à Cheval
un Journal Historique de leurs actions , une
Chronologie des Capitaines , avec des Memoires
pour servir à leur Histoire.
VIII. L'Origine et l'Institution de la Compagnie
des Gendarmes de la Garde , leurs changemens
, leurs Privileges , &c . accompagnée d'un
Journal Historique depuis leur création , et d'une
Chronologie des Capitaines , Lieutenans , Enseignes
et Guidons avec des monumens pour
servir à l'Histoire de tous ces Officiers,
Ce premier Volume sera enrichi de dix - huit
Vignettes en Tailles- douces , gravûre de Paris ,
et de près de 800. Armes de la même gravûre .
La premiere qui sera à la tête de l'Institution
quatre Compagnies des Gardes du Corps ,
représentera leurs Attributs et leur devise qui est,
Nec pluribus impar.
des
La seconde , placée à la tête du Journal Histo
rique de ces Compagnies , fera voir leur passage
du Rhin en présence de Louis XIV .
La troisième , posé à la tête de la Chronologie
des
JUILLET. 1733. 1601
des Capitaines des Gardes Ecossoises , représen
tera la sortie des Liegeois de leur Ville par la
breche,pour attaquer la Maison de Louis XI . et
celle du Duc de Bourgogue , qui formoient le
Siege de Liege en 1468 .
La quatrième , posée à la tête de la Chronologie
de la premiere Compagnie des Gardes da
Corps Françoises , sera la Bataille de Fornoire
o Claude de la Châtre , Capitaine de ladite
Compagnie , assistoit Charles VIII . de ses conseils
et de sa valeur .
La cinquième, à la tête des Capitaines de la Compagnie
de Bethune , autrefois Graville , représentera
la Bataille de Ravenne , où cette Compagnie,
appellée pour lors de Crussol , combattit aves
beauconp de valeur en 1512. sous Gaston de Foix,
commandant l'Armée de Louis XII .
La sixième , à la tête de la Compagnie d'Harcour
, à son origine d'Etrées , la Marche du Roy
Charles IX. accompagné de ses Archers de la
Garde , dans le Bataillon quarré des Suisses , escortant
toute la Cour depuis Meaux jusqu'à Paris
, lorsque le Prince de Condé et l'Amiral de
Coligni vinrent attaquer ce Bataillon pour enle
ver le Roy.
Les autres Vignettes des Gardes du Corps , représenteront
toutes les Batailles et Sieges où ils
ont eu quelque part .
Il y aura deux Vignettes pour les Grenadiers
à Cheval.
La premiere, fera voir leurs attributs avec la devise
Undique Terror , undique lethum.
La seconde , l'Assaut donné au Pâté de Valeneiennes,
par où ils entrerent dans la Ville avec les
Mousquetaires du Roy.
Les cinq Vignettes pour les Gendarmes de la
Garde , seront :
1602 MERCURE DE FRANCE
La premiere , les attributs et la devise : Quojabet
iratus Jupiter : elle sera placée à la tête de leur
Institution .
La seconde , mise au commencement du Journal
Historique , sera l'Assaut qu'ils donnerent à
$. Antonin en 1622. pied à terre.
La troisiéme , le Combat de Veillane , et les
deux auttes , la défaite de quatre mille Chevaux
ennemis , dans la marche du Cardinal de la Valette
, de Mayence à Metz en 1635. et celle des
Parisiens au secours de S. Denis en 1652.
Le second Tome contiendra la Compagnie des
Chevaux- Legers de la Garde , les deux Compagnies
des Mousquetaires et la Gendarmerie .
I. Leur Institution , leurs changemens , Privileges
&c.
II. Un Journal Historique depuis leur origine
jusqu'à présent.
III. Une Chronologie de tous les Capitaines-
Lieutenans , Sous- Lieutenans , Enseignes et Cornettes
, avec des instructions pour servir à leur
Histoire , comme aux Gardes du Corps et Gendarmes
, &c. du premier Volume.
IV. L'Institution des Gendarmes Ecossois ,
Anglois , Bourguignons et Flamans.
V. Celle des Gendarmes et Chevaux . Legers
de la Reine , du Dauphin , de Bretagne , d'Anjou
, de Berri et d'Orleans.
Le second Tome sera pareillement enrichi de
17. Vignettes , qui représenteront les attributs ,
les devises de ces Corps et toutes les actions importantes
où ils se sont trouvez , et d'environ
300. Armes de même gravure qu'au premier
Tome .
Enfin le troisiéme renfermera les Gardes Françoises
et Suisses.
I.
JUILLET. 1733 . 1603
1. Le Journal Historique des Gardes Françoires
, précedé de leur Institution.
II. La Chronologie de tous les Mestres de
Camp , Colonels , Lieutenans- Colonels , Majors
et Capitaines parvenus aux dignitez de Maréchaux
de France , Lieutenans Generaux , Maréchaux
de Camp et Brigadiers , avec des remar
ques pour servir à l'Histoire de tous.
III. Une autre Chronologie de tous les Capitaines
qui ont succedé aux XXXIII . Compagnies
depuis leur origine , avec quelques instruc
tions pour servir à leur Histoire .
IV. Une Liste de tous les Officiers qui ont été
taez au service du Roy , accompagnée d'un état
de tous les Officiers du Régiment existans au premier
de Janvier 1732.
V. L'Institution du Régiment des Gardes Suisses,
&e son Journal Historique , avec une Chronologie
des Colonels et Lieutenans - Colonels ,
passant sous silence celle des Majors et des Capi-,
taines qui se sont succedez les uns aux autres depuis
leur création jusqu'aujourd'hui , n'en ayant,
point une connoissance assez exacte.
Ce Volume est encore enrichi de ncuf Vignettes
et de 120. Armes.
Les Armoiries des Officiers seront placées à la.
tête de leur Chronologie.
mes ,
Je ne donne point ici le détail des autres Volume
réservant à le faire sitôt que je sçaurai
que mes trois premiers Tomes auront été favorablement
reçûs du public.
La bonne opinion que j'ai de la Nation Fran-`
çoise , ne me permet pas de douter du succès de
ces trois premiers Tomes , qui renferment la
Maison du Roy ; et je me flate que les Officiers
qui commandent ces illustres Corps , se donneront
1601 MERCURE DE FRANCE
ront les mouvemens nécessaires pour que cer
Ouvrage , qui sera d'une très- grande dépense ,
mais d'une avantageuse utilité , puisse être porté
à sa perfection , en souscrivant pour le premier
Volume.
==
Conditions proposées aux Souscripteurs.
I. Le temps limité pour les Souscriptions , se
ra jusqu'au dernier de Juillet 1733 .
II. On tirera fort peu d'Exemplaires au - delà
du nombre des Souscriptions , ou peut- être point
du tout.
III. Les Souscripteurs payeront en souscrivant
cinq florins argent d'Hollande , A. 5.
Dont restera à payer cinq florins argent
de Hollande , en leur délivrant le
premier Volume , qui sera sans nut retard
, à la fin de cette présente année ,
Cinq florins argent d'Hollande, en leur
délivrant le second Volume ,
Et cinq forins argent d'Hollande , en
délivrant le troisiéme
A. S
A. 5.
A.
Total. A. 20.
Ceux qui n'auront pas souscrit , payeront 30.
forins de Hollande pour les trois Volumes , qui
seront de la même impression , du même caractere
, papier et format que le Programme .
On pourra souscrire : à Paris , chez Bauche , Libraire
du Roy de Portugal , sur le Quay des Augustins
, du côté du Pont- Neuf , à S. Jean le
Desert.
A Lisle, chez Maton, Libraire sur la petite Place.
A Liege, chez Evrand Kints , Libraire et Imprimeur
, en Souverain -Pont , à la nouvelle Imprimerie
A
JUILLET. 1733. 1605
A Amsterdam , chez Changuion, Libraire dans
la Calver - Straet.
A la Haye , chez Scheurleer , Libraire.
Et chez les principaux Libraires des Pays Etran
gers.
mais comme
Le temps limité pour les Souscriptions étoit , com
on voit , jusqu'au dernier de Juillet ;
le public n'a pu être informé de cette circonstance
aussi-tôt qu'on se l'étoit proposé, etpour ôter tout sujet
de plainte , on avertit qu'on a prorogé ce terme
d'un mois , et qu'on pourra souscrire jusqu'au dernier
d'Aoút.
LA RENDEZ - Vous , Comédie en Vers , représentée
pour la premiere fois le 27. May. A Pa,
ris , Quay des Augustins , 1733. in 8. de 46.
pages. Prix 20. sols.
Cette Piece , qui est dédiée à Monseigneur le
Comte de Clermont, soutient à la lecture le plai
sir qu'elle a fait à la Représentation .
DISSERTATION sur le Feu Boreal . Par M. D.
J. A. M. R. D. C. Sapienti nihil novum aut peregrinum
. Aristot . apud Diog. Lib . 6. A Paris ,
rue de la Parcheminerie , chez Bullot , 1733. in 8.
de 111. pages , sans la Table, l'Avertissement , & c .
On lit dans ce court Avertissement , que
l'Auteur , après avoir détruit les préjugez de
ceux qui ont de la peine à se rendre aux sistêmes
des Philosophes mondernes, développe avec
autant de netteté que de précision , quelques
principes de la Philosophie de Descartes ; il entre
ensuite dans l'examen des questions de
Physique qui ont quelque rapport à son Sujet,
ou qui peuvent servir à l'éclaircir ; il propose enfin
son Sistême particulier sur les causes , sur la
nature
1606 MERCURE DE FRANCE
mature et sur les proprietez du Feu Boreal, et
répond en même - temps à quelques objections.
Mais il sçait de plus trouver l'adressr de récompenser
ses Lecteurs d'un sujet naturellement sérieux
et stérile ; ensorte qu'on pourra trouver
également dans ce petit Ouvrage de quoi se saaisfaire
et de quoi se des - ennuyer.
LA NOUVELLE MER DES HISTOIRES. Premiere
Partie A Paris , Quay des Augustins , et ruë
du Hurepoix , chez Charles Guillaume et P. Gandouin
le jeune . 1733. in 12. 2. vol . le premier
de 239. pages , le second le second , de a32 .
TRAITE DE LA MAIN-MORTE et des Retraits.
Par M. F. J. Dunod , ancien Avocat au
Parlement et Professeur Royal en l'Université de
Besançon. A Dijon , chez de Fay , et se vendent
à Besançon , chez Nicolas , Libraire , en la grande
Ruë , 1733. in 4. 234. pages pour le Traité de
Main-morte , 67. pour le Traité des Retraits.
L'UNIVERS SACRE ' ET PROFANE ECLAIRCI .
Ouvrage utile à ceux qui s'appliquent à l'étude
de l'Histoire Ecclesiastique ou Profane , et sur
tout à la Géographie. Par le P. François Orlendi,
de l'Ordre des Freres Prêcheurs , &c . A Florence,
chez Bernard Paperini, proche l'Eglise de S. Apol
linaire , in fol. premier vol. 1728. pp. 798. second
vol . 1731. pp. 1031. troisiéme vol. 1732.
PP. 1467. Tout l'Ouvrage est en Latin.
REFLEXIONS sur la Poësie en general ,
sur l'Eglogue sur la Fable , sur l'Elegie , sur la
Satyre , sur l'Ode et sur les autres petits Poëmes,
comme Sonnet , Rondeau , Madrigal , &c. suivies
da
JUILLET. 1733. 1607
de trois Lettres sur la décadence du goût en
France. Par M. R. D. S. M. in 8. A la Haye ,
chex de Rogissart , Libraire . 1733.
Il paroîtra dans peu un nouveau Traité , intitulé
: l'Art d'apprendre la Musique , exposé d'une
maniere nouvelle et intelligible , par une suite de
Leçons qui se servent successivement de préparation.
Le prix sera de six livres broché. Il se vendra
chez la veuve Ribou , vis à vis la Comédie Françoise
, à l'Image S. Louis. Chez Boivin , ruë saint
Honoré , à la Regle d'Or , et chez le Clair , rưë du
Roulle , à la Croix d'or , 1733. in 4.
Ce n'est point ici une répetition de ce qu'on
pourroit avoir lû dans les autres Méthodes . L'Auteur
s'est tracé des routes nouvelles . Il paroît
qu'il a découvert et saisi le vrai sistême , et que
le moyen qu'il en donne pour parvenir à l'execution
de la Musique , est une voye également
facile , courte et sûre. Il ne propose pour premiere
Leçon que la pratique dépouillée de
toute difficulté embarrassante. Celle qu'il s'agit
de surmonter d'abord , n'est point composée de
plusieurs autres ; elle est vrayement une et indivisible.
Cette premiere pratique est liée à celle
qui la doit immédiatement suivre dans l'ordre
naturel , et qui par consequent n'a que le degré.
de difficulté qu'il faut , pour qu'un Commençant
puisse se servir de la connoissance de cette premiere
pratique pour arriver à une seconde. Îl en
est de-même de celle- cy à l'égard de la troisiéme.
Ainsi depuis le commencement jusqu'à la fin
» tout est enchaîné , tout est nuancé de façon
» qu'on passe d'une difficulté à l'autre , sans pres-
» que s'appecevoir d'aucune résistance . Plus cette
maniere d'enseigner est facile , plus elle est courte
1608 MERCURE DE FRANCE
te et sûre. On marche presque tout seul dans de
telles routes. Rien n'y arrête et tout y conduit
au terme sûrement et sans détour . Je prévois ,
dit l'Auteur , que les ménagemens dont je me
sers pour conduire de proche en proche à l'exccution
de la Musique , paroîtront une voye bien
longue à quelques- uns ; mais enfin ces difficultez
que je présente une à une dans un ordre sistematique
, existent et dans les Méthodes où elle viennent
s'offrir en foule , enveloppées confusément
l'une dans l'autre , et dans les Leçons que j'ay
données , où elles paroissent successivement au
grand jour. Sans de pareilles précautions , on
peut bien , à force de répetition , saisir enfin les
difficultez , mais non pas l'Art par lequel on les
surmonte.
res ,
>
Dans la Préface , l'Auteur explique d'abord ce
qu'il entend par le terme de Méthode. Elle ne
consiste pas, dit - il , à se faire de sistêmes arbitraifaux
et embrouillez , mais à fixer avec attention
et à étudier profondément celui qui est
tout-à- fait dans l'idée qui représente la science
qu'on veut enseigner. Il n'est pas question , continuë
- t'il de ramasser des principes mal conçus
et plus mal digerez , de les jetter sur le papier,
sans choix , sans sistême , sans liaison , sans défi
nition , et d'embrouiller si bien l'arrangement
naturel des principes , qu'on ne sçache où prendre
ceux qu'on ¡ cherche ; mais il s'agit de voir
quelle est la nature de la Science dont on veut traiter
, quels en sont les divers membres , les distinctions
, les liaisons , les notions primitives ,
les
routes faciles. Et quand on a bien penetré toutes
ees choses , il faut les présenter aux Commençans
dans l'ordre qu'elles se trouvent naturellement
rangées ; exposer à leurs yeux à quoi chacunc
JUILLET. 1733. 1609
"
cune d'elles se rapportent comme à son centre.
Il paroît que l'Auteur s'est par tout appliqué à
être intelligible , vrai , solide et houveau. La pres
miere regle qu'il s'est prescrite pour être intelligible
, c'est de se mettre et de se tenir constamment
à la place de ceux qui commencent ; ce
n'est que là qu'on peut sentir quels secours
leur sont nécessaires. Pour peu qu'on s'écarte
»de ce poste , on croit leur parler , tandis qu'on
» ne parle plus qu'à soi- même , et ce qu'on dit
n'est plus qu'un amas informe et ténebreux de
ce qu'on sçait , et non une Méthode de ce qu'on
» s'imagine d'enseigner.
en-
Après avoir promis de ne perdre jamais cette
regle de vûë , il remarque que toute l'execution
de la Musique ne consiste qu'à nommer ,
tonner , mesurer les sons , d'où il conclut que
routes les difficultez de ces faits se rapportent à
l'un de ces trois Chefs. Voilà d'où naît la premiere
division de son Ouvrage en trois Parties.
Chacune de ces trois parties à plusieurs sortes de
difficultez , lesquelles ne peuvent être traitées immédiatement
les unes à la suite des autres , sans
jetter un extrême embarras dans l'esprit des Com
mençans ; la raison en est qu'on ne sçauroit entendre
ni pratiquer ce que la nomination a de
plus difficile , qu'après avoir sçû en partie ce qui
regarde l'intonation , &c. C'est ce qui a obligé
l'Auteur à séparer ce que la nomination , l'intonation
et la mesure ont de plus facile et d'intelligible
, indépendamment l'une de l'autre , et de
le traiter en trois Chapitres dans la premiere Section
; il reprend ensuite dans la seconde ces trois
Parties , chacune à son tour , et il explique ce
qu'elles ont de moins aisé , mais qu'on peut desormais
entendre sans peine , après en avoir pré-
'G paré
1610 MERCURE DE FRANCE
paré les voyes dans la premiere Section . Il réserve
enfin
pour la troisiéme tour ce qui ne seroit
qu'un son vuide de sens , si on ne sçavoit pas tout
ce qu'il a expliqué auparavant . Au surplus chaque
Chapitre est divisé en autant d'articles que
la difficulté qu'on y traite a de degrez subordonnez
les unes aux autres,

Le second trait qui caracterise cette Méthode,
c'est que les pratiques que l'Auteur y propose
sont dans le vrai. Il se trouvera peut- être des
personnes qui les regarderont comme des moyens
trop faciles et même inutiles pour conduire à l'execution.
L'Auteur le prévoyoit; tout paroît aisé,
dit-il , à ceux.qui oublient ce qui leur en a coûté
pour surmonter ce qu'ils appellent ensuite des
difficultez pueriles . Ces difficultez qui n'ont pas
toujours été pueriles pour eux , se sont peu à
peu évanouies après bien des années d'exercice
et de patience. Ils ont enfin saisi le but ; l'execu
tion ne leur paroît plus qu'un jeu ; mais en estelle
devenue plus aisée pour les Commençans ?
Est-ce qu'on en sera moins capable d'executer
les chants qui auront ailleurs les mêmes difficul-
"rez , parce qu'on ne se sera pas cassé la tête à les
surmonter quand on en apprenoit la Méthode ?
Ainsi l'Auteur n'avance rien sans prenve. S'il
s'agit de quelque pratique nouvelle , de quelque
maniere de s'y prendre inusitée , il apporte sur
le champ la raison de ce qu'il conseille , où il arrange
les moyens qu'il propose , de façon qu'on
voit qu'ils sont naturellement faits, les uns pour
préparer voyes aux autres. La solidité de cette
Méthode paroît en ce que l'Auteur commence
d'abord par jetter de bons fondemens , en s'arrê
tant aux premieres et aux plus faciles difficultez,
qu'il ne quitte que lorsqu'ilprésume qu'un Commençant
les
JUILLET . 1733. 16TI
mençant peut monter plus haut sans peine ; il
n'abandonne jamais ceux qu'il conduit ; il les
encourage ; il leur fait entrevoir de loin en loin
et peu à peu les difficultez qui les décourageroient,
si elles se presentoient tout à coup sans ce ménagement
; il leur montre en tout la maniere aisée
d'en venir à bout. Il les avertit de temps en
temps du terrain qu'ils ont déja gagné , sa liaison
avec celui qui leur reste encore , et les rou
tes faciles pour passer outre , enfin il y a bien
du neuf et du curieux dans cet Ouvrage , soit
sur la nomination , l'intonation et la . mesure
des sons.
On nous écrit d'Angleterre, qu'on y prépare
une tres belle Edition du grand Dictionnaire
Latin , de Robert Etienne , avec des corrections
et des augmentations considérables , qui sont
dues aux soins de plusieurs Membres de l'Université
de Cambridge, C'est Samuel Harding, Libraire
à Londres , rue S. Martin , qui en a entrepris
l'impression par souscription , sous le titre
ordinaire : Roberti Stephani , Thesaurus Lingue
Latina; en 4 vol . in fol.
Cette impression sera faite sur du tres beau
Papier et avec des Caracteres nouvellement fondus
exprès. L'Ouvrage entier contiendra au
moins mille feuilles. Les Souscripteurs payeront
deux Guinées en souscrivant , deux Guinées en
recevant les deux premiers Tomes , dans l'hyver
prochain ; et deux autres Guinées , lorsqu'on
leur délivrera les deux derniers Tomes , quelques
mois après . Ceux qui n'auront pas souscrit
payeront sept Guinées. En faveur des Curieux
, il y aura un petit nombre d'Exemplaires,
imprimez sur du grand Papier , dont le prix sera
de dix Guinées. On pourra souscrire chez les
Gij prin162
MERCURE DE FRANCE
principaux Libraires d'Angleterre , et chez ceux
des autres Païs .
Nous venons de recevoir une feuille volante ,
imprimée en Langue Italienne , par laquelle on
annonce au Public le Projet d'un Ouvrage , de
la composition de M. François Ficoroni , Antiquaire
Romain , Membre de quelques ( a) Académies
d'Italie.
Cet ouvrage a pour objet principal , les Monumens
d'Antiquité qui ont été découverts en
Italie depuis environ trente ans , et sur lesquels
l'Autheur a composé de sçavantes Dissertations.
Il s'est enfin déterminé à donner au Public ses
Dissertations et à les enrichir de quantité de
gravures et d'autres ornemens instructifs , qui
satisferont les connoisseurs. La voie des souscriptions
lui ayant parue propre à l'exécution de
son dessein , il avertit te Public que l'impression
sera commencée à Rome dans le mois de Juin
1733. et qu'elle sera finie dans l'espace d'une
année , ajoutant que l'Ouvrage entier contiendra
quatre volumes. Ceux qui voudront souscrie
feront tenir leur argent aux Libraires suivans
; sçavoir , à Livourne , au sieur George de
Jactson ; à Venise , au sieur Joseph Smith ; et à
Marseille , au sieur Cary l'aîné. L'Auteur aura
soin de son côté d'envoier aux mêmes Libraires
les Feuilles d'impression , et les Figures en
Taille douce , à mesure qu'elles seront tirées
pour les distribuer aux Souscripteurs. On rece
(a ) Della Peloritana de Pereclitanti di Messina.
Promator generale della Colonia Esquilina de
Inculti detto Acemeto,
vra
JUILLET. 1733. 1613
vra les Souscriptions jusqu'au premier d'Octobre
1733.
Voici les Titres des 4 vol , en question , avec le
précis et le prix de chaque volume . Le premier sera
intitulé : Dissertation sur les Dez à jouer , des anciens
Romains , recueillis par l'Auteur,en Cristal
de Roche, en Agathe Orientale &c. Sur quoi il
fait mention d'une Statue , qui représente un
Joueur de Dez dans l'action du jeu , et une Médaille
tres - singuliére; où l'on voit d'un côté , une
Tête , sans Inscription; et sur le Revers, 4 Dez ;
Médaille que notre Autheur prétend être de Julie
, Fille d'Auguste & c . Le prix de ce volume
sera d'un Séquin , pour le commun des Acheteurs
, les Souscripteurs n'en payeront qu'un
Ecu Romain. Le second volume comprendra un
Traité des Masques antiques , tant pour l'usage
du Théatre, que pour les Fêtes Baccanales , &c.
avec les différentes Figures d'Histrions , de Mimes
, &c. au nombre de 300. et toutes différentes
, que l'Autheur a recueillies pendant l'espace
de 30 années , en Camayeux , en Pierres
gravées , en Bronze , en Marbre , en Lampes antiques
, &c. Il rapportera dans le même Livre ,
les Eloges et les Epitaphes des Histrions , des
Mimes , des Pantomimes , des Poëtes , et des
autres Personnages fameux de l'Antiquité en ce
genre- la . On payera ce volume , enrichi au
moins de 300 figures , six Ecus Romains , et on
Je donnera aux Souscripteurs pour la moitié de
ce prix.
Le troisiéme volume traitera des Plombs Antiques
, recueillis par le même Autheur , avec
beaucoup de soin et de dépense , au nombre d'environ
400. Quelques- uns de ces Flombs ont servi,
dit-il , aux Diplomes des anciens Empereurs
Giij Ro16.14
MERCURE DE FRANCE
Romains , depuis Trajan jusqu'à Justinien ;
d'autres , aux Bulles et autres Expéditions des
Papes , depuis le v jusqu'au x11 siécle. Il y en a
aussi un bon nombre qui ont servi de Sceau aux
premiers Prélats , Prêtres et Moines de l'Eglise
Orientale , outre ceux des Exarques , desGouverneurs,
des Notaires Impériaux . &c. On trouvera
dans le même volume et par rapport au
même sujet , la gravure de plusieurs petites Médailles
de Plomb , qui étoient en usage chez les
Romains , dans leurs Fêtes publiques . leurs
Jeux , leurs Triomphes , &c. Ce volume enrichi
de 400 figures, sera vendu six Ecus Romains,
et la moitié moins à ceux qui auront souscrit .
Le quatrième et dernier volume traitera des
Monumens trouvez dans les ruines de l'ancienne,
Rome, qui n'ont pas encore été publiez . Ils sont
au nombre de 40 , sur chacun desquels il y a
une Dissertation de l'Autheur qui en contient
l'explication . Les Dissertations sont addressées
à différens Sçavans d'Italie. Ce Livre contien
dra quantité de Figures en Taille- douce , gravées
avec soin , et on le vendra 4 Ecus Romains
dans le public ; les Souscripteurs ne payeront
que la moitié de ce prix. •
On avertit encore le Public , que d'abord
après l'impression des 4 vol. dont on vient de
parler , l'Autheur fera imprimer un autre Ouvrage
, intitulé : Roma Antica , dont les preuves .
seront les Monumens qui nous restent de l'Antiquité
Romaine , Médailles , Pierres gravées ,
Bas Reliefs , avec une exacte Description de l'état
présent des anciens Temples , Thermes
Cirques , Théatres, Amphithéatres, Naumachies,
Palais , &c. A quoi il ajoutera une Description
des raretez de Rome moderne. Cet Ouvrage sera
enrit
JUILLET. 1733. 1615
enrichi d'un tres- grand nombre de figures, gravées
par le fameux Pietro Santi Bartoli, par Venturini,
et autres excellent Maîtres. Il formera un
in 4. dont on commencera l'impression au mois
de Juillet 1734. et sera vendu six Ecus ; et la
moitié moins à ceux qui auront souscrit .
MANIFESTE , sur les Droits de Joyeux Avenement
, appartenans au Seigneur de Rivery , lez-
Amiens, à chaque mutation et Entrée des Seignears
Evêques d'Amiens , dans cette Ville Capitale.
C'est le titre d'un Imprimé , contenant cinq
pages , en grand Papier , qui nous est venu d'Amiens
, avec priere de l'employer en son entier.
Quelque inclination que nous avions à faire plaisir
, la longueur et le peu d'ordre de cet Ecrit ,
qui nous auroit jetté au de-là de nos bornes , ne
nous a pas permis de l'inserer en l'état qu'il est .
Nous avons pris le parti de le communiquer à
une personne intelligente sur ces matieres , laquelle
nous a fait la Réponse qui suit , et qui
peut tenir lieu d'un bon Extrait.
REPONSE à M. D. L. R. sur un
Mémoire venu d'Amiens , au sujet de
quelques cérémonies de la premiere Entrée
des Evêques de cette Ville.
L'E
' Ecrit dont vous m'avez prié de faire la lecture
, renferme plusieurs choses curieuses ,
mais qui ne m'ont paru devoir agréer au Lecteur
qu'autant qu'il y aura un ordre plus méthodique
dans les matieres qui le composent.
M. Boullanger de Rivery est bien- aise que le
Public soit informé dans le temps de la vacance
du Siége Episcopal d'Amiens , de ce qui doit
Giiij être
1616 MERCURE DE FRANCE
être pratiqué à l'Entrée du futur Evêque , et sur
tout de la part qu'il doit prendre lui- même à
cette cérémonie. Ce qu'il marque dans cet Ecrit,
auquel il donne le nom de Manifeste , se voit
représenté à Amiens, dans une Tapisserie de l'Eglise
de S.Firmin le Confès . L'on y voit l'Entrée
d'un Evêque d'Amiens, dans sa ville Episcopale;
à son Joyeux Avenement. Le Prélat est monté
sur une Mule ; le Seigneur de Rivery portant
l'Ecu de ses Armes ( qui sont de Gueules à trois
pals de vair , au franc quartier d'or ) tient la
bride de la Mule , et conduit ainsi l'Evêque,suivi
de la Noblesse et du Peuple.On nous laisse ignorer
dans cet Ecrit les autres circonstances de
cette cérémonie ; mais on n'oublie point de remarquer
que le Seigneur de Rivery ayant servi
le Prélat à la descente de sa monture , est en
droit de revendiquer la Mule , comme à lui appartenante
, et même la Vaisselle servie aux Festins
de ce jour solemuel.
Cet usage ancien , attesté par M de la Morliere
, Chanoine de la Cathédrale d'Amiens et
Historiographe du Païs a été pratiqué dans
les Entrées de Messire Antoine de Créqui , le
1 Janvier 1564. dans celle de M. Geoffroy de la
Marthonie , le 25 Mars 1577. de M. François
le Febvre de Caumartin , le 1 Juillet 1618 et
trois Evêques depuis ce temps - là , qui sont
M. Favre , M. Feydeau de Brou et M Pierre
Sabatier, le dernier décédé , ont reconnu ce droit
du Seigneur de Rivery
Pour ce qui est de son origine , M Boullanger
de Rivery en fait la date bien ancienne dans
son Imprimé , puisqu'il ne craint point de remonter
jusqu'à S. Firmin , premier Evêque d'Amiens.
Sans le suivre dans les preuves qu'il a
apporté
JUILLET. 1733. 1617
apporté , que ce S. Apôtre du Païs a été le premier
Auteur des Institutions de Fiefs, dans la Ville
et Diocèse d'Amiens ; il me permettra de commencer
par douter de tout ce qu'il dit , qu'on
peut tirer tant des Chartes de l'Hôtel de Ville
de l'Evêché , et du Chapitre , que de celles des Seigneurs
de Picquigny et du Vidame d'Amiens .
En effet , si on y trouve ce qu'il dit y être ;
sçavoir , que de Puissans Seigneurs temporels
qui ne reconnoissoient aacun Souverain ni Seigneur
au dessus d'eux , voulurent bien avoüer tenir
leurs Terres et Seigneuries de S. Firmin ; et que
ce Saint Evêque , en reconnoissance , chargea
ses successeurs , lorsqu'ils recevroient le même
hommage à leur premiere Entrée, de gratifier le
principal de ces Seigneurs , de l'Anneau d'or
qu'ils porteroient au doigt ; et l'un des autres ,
de la monture sur laquelle ils feroient cette Entrée
, ce sont des faits sujets à revision , et sur
lesquels la Critique peut avoir de quoi s'exercer.
Il peut d'abord paroître extraordinaire
qu'un Evêque mort martyr , sous l'Empire de
Dioclétien , eut eu la derniere volonté qu'on lui
prête.
Au reste , je ne doute pas plus du droit qu'ont
le Vidame d'Amiens , et le Seigneur de Rivery
sur l'Anneau et sur la Mule de l'Evêque, qui fait
sa premiere Entrée â Amiens , que de celui qu'a
l'Evêque d'exiger d'eux l'hommage et la soumission
qui sont d'ancienne tradition ; je regarde
ces droits comme imprescriptibles de part
et d'autre , ainsi que le dit M. de Rivery ; mais
je suis persuadé qu'il ne convient aucunement
d'en faire remonter l'Epoque au troisiéme ou
quatrième siècle.
Ce qu'il dit dès le commencement de son Ma-
G v nifeste
16 : 3 MERCURE DE FRANCE
>
nifeste , touchant l'Eglise de Rome , qui étane.
opprimée par les Lombards se choisit des
Avouez ou Deffenseurs , même parmi les Têtes
Couronnées , et ce qu'il ajoute plus bas , touchant
les Evêques et les Monasteres , qui se
choisirent pareillement des Deffenseurs pour les
proteger contre les incursions des Tyrans ou
des Barbares , peut suffire pour fixer à quelques.
siecles près , l'origine de ces devoirs respectifs
et mutuels , entre les Seigneurs Ecclesiastiques,
et les seigneurs Laïques. Vous touchez , M.quel
que choses de ces Avouez, qu'on appelloit Porte-
Oriflammes ou Porte- Etendards , dans votre Jour
nal de Mars dernier , à la page 480 .
" Les exemples que M. Boullanger de Rivery.
apporte pour appuyer l'usage qui s'observe as
Amiens , sont excellens pour insinuer qu'il ne
conviendroit point de l'abolir. Il extrait de la
Gazette de France , du 9 May 1701. que le Pape
Cement XI . monta à Cheval dans le Jardin de
son Palais , le & Avril 1701. et qu'il s'exerça
pour la Cavalcade qu'il devoit faire le lende
main , jour de son 'Entrée publique , que le Prince
de Parme tint la bride du Cheval , et le Connêtable
l'Etrier il ajoute qu'il y est aussi marqué
, que le Duc de Parme est le Grand Gonfalonier
de l'Eglise , pourquoi il écartele par un
Pal de Gueules au Gonfalon Papal , c. M. de
Rivery trouve du rapport , entre les Armoiries
de la Tapisserie de S. Firmin , citée cy- dessus ,
et celles de ce Grand Gonfalonier ; mais on n'a
pas besoin de cela pour prouver les honneurs
que des Seigneurs séculiers se sont toujours plu
a rendre aux Evêques dans le temps de leur
reception.

Ce qu'il rapporte du Baron de Cessac au
Comté
JUILLET. 1733. 1619
Somté de Cahors est plus pressant. Quand un
Evêque de Cahors fait son Entrée solemnelle à
P'Evêché , ce Baron va.au devant de lui , hors
la Ville ; l'ayant rencontré àun certain Endroit.
marqué , il met pied à terre; après l'avoir salué ,
nuë tête et sans manteau , il prend la Mule de
P'Evêque par la bride , le conduit à l'Eglise Cathedrale
, de là au Palais Episcopal , où il s'arrête
pour le servir à table durant son diner, après
lequel il se retire avec la Mnle et le Buffet qui lui
appartiennent et lui sont acquis.
Cette soumission fut faite en 1604. par le
Baron de Cessac , et Messire Antoine Popinian
lors Evêque de Cahors ; mais elle fut suivie d'un
Procès entr'eux aux Requêtes du Palais de Toulouze
, sur ce que le sieur de Cessac prétendoit
que le Buffet dont l'Evêque s'étoit servi , n'étoit
point conforme et sortable à la célébrité de l'Acte
ni à la magnificence du Festin .
Surquoi intervint Sentence , le 15 May 1604.
qui ordonne qu'il sera procédé à l'estimation
des Droits par Experts ; eu égard à la qualité
des Parties , la célébrité de l'Acte , et la magnificence
du Festin. Estimation faite en conséquence
par Experts , à la somme de 3123 liv.sur quoi
autre Sentence , qui condamne l'Evêque à payer
pareille somme. Sentence qui fut confirmée par
Arrêt du même Parlement du Toulouse.
En 1627 23 ans après , M. Pierre de Habert ,
nouvellement pourvû de cet Evêché , ayant fait
son Entrée en la Ville de Cahors , sans avoit appellé
M. Pierre de Casilhac , Baron de Cessaç.
Autre Instance , aux Requêtes dn Palais , de la
part du Baron , qui demande , contre l'Evêque ,
condamnation de la somme de 3123 liv. pour ex
au lieu de la valeur de ses droits.
Gvj L'E1520
MERCURE DE FRANCE
;
L'Evêque soutient que c'est chose purement
du Seigneur , d'appeller son Vassal à pareille
cérémonie ; que d'ailleurs l'Entrée qu'il a faite
dans la Ville de Cahors n'étoit pas solemnelle
que le Clergé ne s'y étoit pas trouvé en Procession
, nonobstant quoi , par Sentence du 20 Fevrier
1530. il est condamné à payer au sieur de
Cessac la somme demandée , à la charge par lui
de se trouver à une Entrée plus solemnelle , si le
sieur Evêque en vouloit faire ; sans pouvoir prétendre
autres droits.
L'Evêque ayant appellé de cette Sentence , et
conclu sur Procês par écrit , aux Enquêtes , suz
la question de sçavoir , si le Baron de Cessac
qui devoit rendre ce service au sieur Evêque à sa
premiere Entrée , étoit en droit de contraindre
le sieur Evêque de l'accepter.
Par Arrêt du Parlement de Toulouze , rendu
le S Juillet 1630 au rapport de M. Olive Dumesnil
, Conseiller ; il fut jugé que l'obligation
du Seigneur et du Vassal est réciproque , qu'un
même lien mutuel les lie tous deux, quoique par
des devoirs différens ; notamment , dit l'Autheur
en cette rencontre , où tout l'honneur se réfere à
l'Evêque.
Il est dit par l'Arrêt qu'il a été bien jugé par
la Sentence dont étoit appel , et ledit sieur Evêque
condamné à payer ladite somme de 3123 liv .
si mieux il n'aime faire une Entrée plus solemnelle.
Ces Arrêts sont rapportez au long par M Olive
Dumesnil , en ses Questions Notables , Liv.
2. Chap. 8.
Les Institutions et formalitez prescrites entre
l'Evêque de Cahors , et le Baron de Cessac , pour
la cérémonie de l'Entrée de l'Evêque , en la Ville .
Capitale de Cahors. se trouvent pareilles, communes
JUILLET . 1733. 16: 1
nes et relatives à ce qui s'observe , et a été observé
en pareil cas , pour la cérémonie de l'Entrée de
l'Evêque d'Amiens, dans sa Ville Capitale, pareilles
feodalitez , pareils motifs , parité de raisons
, et par conséquent pareil jugement, mêmes
droits , même décision : Übi eadem ratio, ibi idem
jus. C'est ainsi que s'exprime M. de Rivery dans
son Manifeste.
Il y touche incidemment l'usage qui est observé
communément par les Evêques , qui est de
donner des repas aux Chanoines à certains jours
de l'année. Il dit que la Jurisprudence des Arrêts
a jugé ces Festins obligatoires à la nouvelle Entrée:
Ad comparandum favorem populi et militum.
De plus , que par Arrêt du Parlement de
Paris , du 16 May 1346. l'Evêque d'Angers a été
condamné à faire cinq ou six Festins par an à
son Chapitre ; et qu'un particulier même , qui
est l'Archiprêtre, fit condamner l'un de ses Successeurs
dans le même Evêchê , l'an 1385 , à lui
payer le jour de S Yves , l'évaluation d'un semblable
Festin .
very
"
Comme il m'a paru que le Seigneur de Ris'attachoit
à faire connoître au Public les
prérogatives attachées à sa Terre , j'ai été surpris
qu'il n'ait rien dit de la Chasse aux Cygnes,
qui est Seigneuriale en ce Pais- là, selon la Morliere
, Historien d'Amiens ; et qui n'appartient
selon lui , qu'à l'Evêque d'Amiens , au Chapitre,
à l'Abbé de Corbie , au Vidame , à cause de
Dours , Village situé sur la Riviere de Seine , au
Seigneur de Rivery , et à celui de Blangy sur
Somme.Vous en lirez , avec plaisir , un récit abregé
, dans l'Ouvrage de ce Chanoine , page 139 .
édition de 1622. in 8. Informez-vous , s'il vous
plaît , si cet usage subsiste encore ; et supposé
que
1622 MERCURE DE FRANCE
que cela soit , je vous invite à assigner à Mercure
une Séance sur la Riviere de Somme , entre
Ambons et Corbie , le premier Mardy d'Aoust ,
qui sera le quatrième jour du mois en la présente
année 1733. pour y voir les Baillifs des six
Seigneurs , cy-dessus nommez , s'acquitter de
leur devoir..

Vous y verrez ( si l'usage n'est pas aboli ) six
graves Magistrats , se faire apporter toutes les
couvées de Cygnes , avec les peres et meres, dans
le Village de la Motte; et là suivant qu'on trou
ve les Peres de famille marquez , on marque de
même les Enfans . La couvée dont le pere se trouve
marqué d'une Crosse , au côté droit du bec
est censée appartenir à M. l'Evêquè , et son Baillif
fait matquer de même toute la filiation . La
marque du Chapitre est une Croix ; celle de
l'Abbé de Corbie , une Clef , celle du Vidame est
un Ecusson appliqué des deux côtez du bec du
Cygne , au lieu que le Seigneur de Blangy ne
l'applique que du côté gauche . Pour ce qui est da
Seigneur de Rivery , la marque qu'il fait apposer
par son Baillif , est une simple barre de travers
, sur le bec de l'Oyseau . C'est toujours un
Privilege singulier pour ce Seigneur de pouvoir
réunir son Baillif avec ceux de l'Evêque , đu Chapitre
de l'Abbé de Corbie, et du Vidame, pour
juger une cause aussi importante que l'est celle
du nombre des couvées des Cygnes qui se baignent
dans la Riviere de Somme , et le public ne
sera pas fàché d'en être informé. Je suis ,
&c.
En parlant du R.P. le Quien dans le Mercure
du mois de Mai dernier , nous avons oublié de
rapporter une circonstance de sa mort qui mérite
de trouver ici sa place .
Ce
JUILLET. 1733. 1613
Ce Pere travailloit depuis quelques années à
une Histoire de la Ville de Boulogne sur mer
sa patrie , dans les intervalles que lui laissoit son
grand Ouvrage de l'Oriens Christianus. La veille
de sa mort il demanda à ses Superieurs la permission
de disposer de cette portion de son héritage
, et l'ayant obtenue , il les pria de donner
son Manuscrit à M, de Foncemagne, comme
le dernier gage de son amitié Les K. P. Dominicains
ont fidelement éxecuté cette disposition
du Mourant. L'Histoire de Boulogne fut portée
dès le lendemain de sa mort chez M. de Foncemagne
, de, qui nous sçavons qu'elle n'est pas
encore ,.et ne pourra être si- tôt en état de voir
jour. le
QUESTION.
La Femme peut-elle aller de pair avec l'Homme
, tant pour la force , que pour la solidité
d'esprit , aussi bien que pour les qualitez d'a
€oeur .
Le 2 Mai l'Académie des Sciences élut Mrs
Fontaine et Sauveur , pour remplir, au choix du
Roi , la place d'Adjoint - Méchanicien , vacante
depuis quelque-tems.
Le 13 du même mois , M. le Comte de Maurepas
écrivit à la Compagnie que le Roi avoit
choisi M. Fontame. Le 20 Juin , cette Académie
élut Mrs Wolfius , Professeur de Mathematique
à Leipsic , et Herman , Professeur aussi de Mathematique
à Petersbourg , pour remplir , au
choix du Roi , la place d'Associé Etranger , vacante
par la mort de Mylord Comte du Pembrac.
Le 27. M. le Comte de Maurepas fit part à la
Com1624
MERCURE DE FRANCE
Compagnie que le Roi avoit choisi M. Wolfius.
LETTRE de M. Duhan de Mezieres ,
Chanoine de la Cathédrale de Chartres ,
contenant la Description de cette Eglise
& c.
?
D passée chaperequ,J. M. fut si frappéede
Ans le Voyage que la Reine a fait l'année
la beauté et de la grandeur de cet ancien Temple
, dédié suivant la Tradition par les Druïdes
La Vierge qui devoit enfanter , qu'elle ne pouvoit
se lasser de s'en faire raconter l'Histoire ansienne
et moderne ; mais comme ceux d'entre
nous qui eurent l'honneur d'entretenir cette
pieuse Princesse , n'étoient pas alors entierement
instruits de certaines choses qui concernent cette.
Eglise , nous avons d'abord jugé à propos d'en
faire prendre les dimensions avec la derniere
exactitude , et c'est au nom de la Compagnie
que je vous prie aujourd'hui de les inserer dans
votre Journal , en attendant l'Histoire generale
de cette Eglise à laquelle on travaille , laquelle
nous nous ferons un plaisir de vous communiquer.
Ce Temple superbe , que nous osons comparer
aux plus celébres Eglises de l'Europe ,
dans oeuvre depuis les Portes Royales de la Nef
jusqu'à la grande Chapelle de * Ś. .Piat exclusi-
* La Chapelle de S. Piat est tout - à -fait hors de
l'Edifice , située au chevet de l'Eglise , sans alterer
la beauté du Rond-point , qui s'éleve beaucoup
au- dessus. On monte par un escalier de 20 degrez
à cette Chapelle , qui est à peu près de la granvement
,
JUILLET. 173. 1525
ainsi que
vement , soixante et dix toises de longueur , et
huit de largeur sans parler des Aîles et des
Chapelles. La longueur de la Nef est de trentesix
toises , et sa hauteur de dix - neuf toises ,
celle du Choeur et de la Croisée .
Le Choeur , loin de 20 toises , et large de
huit , comme la Nef , passe pour un . Chefd'oeuvre
d'Architecture. Le Pourtour de ce
majestueux Edifice , et les sept grandes fenêtres
ceintrées , qui en forment le Rond- point , font
l'étonnement des Architectes et des Sculpteurs
les plus entendus.
>
Les Voûtes des doubles Aîles du Choeur , et
celles des bas côtez de la Croisée , et de la Nef
sont hautes de dix toises , depuis le pavé jusqu'à
l'extrémité de leurs clefs. La Croisée a trentedeux
toises et demie de long sur sept toises de
large sans y comprendre les Aîles ou bas
côtez .
>
Les Clochers de cette Eglise que l'on découvre
du Bourg de Palaiseau à quatre lieuës de
Paris , ont soixante et trois toises d'élevation
jusqu'aux Globes , qui portent des Croix , surmontées
, l'une d'un grand Soleil de Bronze doré
, et l'autre d'une Lune de Bronze argenté.
Les six grosses Tours dont l'Eglise est environnée
, et qu'on regarde avec raison comme
l'un des plus beaux Ouvrages Gothiques qu'il y
ait en France , sont hautes de trente toises : elles
sont bâties dans le goût de celles de Notre-
Dame de Paris , et attendent des Aiguilles ou des
deur de la Sainte-Chapelle de Paris. Enfin , la
Chapelle de S. Piat , élevée sur des voutes , fournit
au-dessous une vaste Sale où le Chapitre
tient ses Assemblées.
Рука-
1626 MERCURE DE FRANCE
Pyramides pareilles à celles des Clochers.
L'Eglise souterraine de Chartres , respectable
par cette haute antiquité , que personne n'igno-
. re a cent quarante - cinq toises de circuit , sous
de très- fortes voûtes. Elle est ornée , comme
les Catacombes de Rome et de Naples , d'un
grand nombre de Chapelles obscures , qui
sont enrichies des dons de nos Rois ; Reines
& c.

L'Eglise de Chartres est desservie par soixante)
et dix- huit Chanoines , y compris l'Abbé de
Cluny , et celui de S. Jean de Chartres , qui en
qualité de Chanoines , sont obligez de commertre
quelqu'un du Chapitre pour officier en leur
place et ce nombre de Chanoines est sans
compter les dix -sept Dignitez , les Chapelains ,
les Marguilliers - Prêtres , les Musiciens et les Enfans
de Choeur , ce qui fait un Clergé des plus
nombreux du Royaume.
:
Aux jours solemnels , les Chanoines portent
une Robbe de couleur de Pourpre , et on peut
dire qu'il n'est guères d'Eglises , où l'Office divin
se fasse avec tant de majesté. Entre les cerémonies
singulieres qui y sont en usage , celle - ci
est la plus marquée. A toutes les grandes Messes
du jour , le Celébrant , dans la plus humble
posture , et le Clergé entier à genoux , interrompent
le saint Sacrifice , pour demander à
Dieu , en chantant l'Exaudiat en Musique , la
conservation de la Personne sacrée du Roi , et
de toute la Famille Royale , ce qui ne se pratique
en aucune autre Eglise du Royaume que
nous sçachions.
A Chartres , le 10 Juin 1733.
Le
JUILLET. 1733. 1627

Le sieur Moyreau , vient de graver une nou
velle Estampe, sous ce titre , le Passage de l'Eau,
d'après un excellent Tableau de Wauremens ,
de 16 pouces de large , sur 13 de haut , du Cabinet
de M. Hallée , Chevalier de l'Ordre de
S. Michel . C'est peut- être l'unique Tableau de
ce Maître où il n'y ait point de Chevaux ; c'est
cependant un de ses plus beaux. L'Estampe qui
est de la même grandeur que l'Original , a trèsbien
réussi. Elle se vend chez l'Auteur , ruë Galande
, vis - à- vis S. Blaise.
On trouve chez lui une autre Estampe qu'il a
gravée depuis peu d'après un beau Tableau de
le Sueur , du Cabinet de M. Fortier , Notaire ,
le Sujet est le Triomphe de l'Amour sur les qua-
´tre Elémens , l'Original a 41 pouces de haut
sur 33 .
1
On écrit de Lisbonne que l'Académie Royale
de l'Histoire s'étant assemblée sur la fin du
mois de Mai dernier , Don François - Xavier de
Menezés , Comte d'Ericeira , lût l'Eloge de
deffunt Marquis d'Abrantes , Directeur de cette
Académie ; son Discours fut trouvé fort éloquent
; il n'y eut rien d'oublié sur les grandes
qualitez et sur la vaste érudition de cet illus
tre Directeur. Don Pierre d'Almeïda , Comté
d'Assumar , General de Bataille , Gouverneur
et Capitaine General de la Province das Minas ,
fut élu dans la même Assemblée pour lui succeder
dans cette qualité.
On mande de Lisbonne qu'on y avoit aussi
appris d'Aurique , que la femme de Blaise Figueira
, habitant du Village de Junqueiros dans
les environs de certe Ville , est accouchée le 10.
du mois dernier d'une fille , le lendemain d'une
seconde ,
1628 MERCURE DE FRANCE
seconde , le 13 d'une troisiéme , et le 14 d'une
quatrième , qui ont toutes reçû le Baptême ,
mais qui sont mortes peu après leur nais
sance.
اذ
N
VAUDEVILLE.
E nous préferons point aux Belles ;
Bien loin de l'emporter sur elles
De tous côtez nous leur cedons ;
Et si nous avons en partage
Quelque agrément , quelque avantage,
C'est d'elles que nous les tenons .

Nous feur devons la politesse ,
Le bon goût , la délicatesse
Les façons et les sentimens ;
De leurs beaux yeux le doux langage
En un jour instruit davantage
Que tous les Livres en dix ans.
Tous les efforts de notre adresse
Ne sont rien contre leur finesse ,
Jamais on ne les prend sans verd ;
Et la femme la moins habile
Se
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
1628
secol
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, LENOX
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FOUNDATIONS
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D

JUILLET. 1733 . 1629
Se tire d'un pas difficile ,
Mieux que l'homme le plus expert.
Les soins déconcertent nos ames ,
Nous nous rebutons , mais les Dames
Suivent jusqu'au bout leur dessein ;
Nul obstacle ne les arrête :
Et ce qu'elles ont dans la tête
Devient un arrêt du destin.

Une longue et pénible étude
Ne peut nous donner l'habitude
De leur agréable jargon :
Ce Sexe en esprit nous surpasse
Et l'on compte sur le Parnasse
Neuf Muses contre un Apollon .
Moins vaines que nos plus discretes
Sur le fait de leurs amourettes
On ne les voit point éclater ;
Celle dont la raison s'oublie ,
N'ajoûte point à sa folie
Le sot plaisir de s'en vanter.
Dans les grands sujets de tristesse
Quoiqu'on disc sur leur foiblesse ,
Elles
1630 MERCURE DE FRANCE
Elles sont plus fortes que nous ;
Et tandis qu'un rien nous désole ,
Souvent un Moineau les console
De la perte de leurs Epoux.
hhhh
SPECTACLES.
E premier de ce mois , les Comédiens
François remirent au Théatre
la Tragédie de Britannicus , dans laquelle
la Dile Guerin , Actrice nouvelle , joua
le Rôle de Junie avec applaudissment.
.
Les Comédiens Italiens représenterent
le 11 Juillet une petite Piéce en un Acte ,
et en Vers libres , intitulée : le Temple
du Goût , ornée d'un Divertissement :
nous n'en donnerons qu'une légere idée
en attendant que l'impression nous donne
lieu d'en détacher quelques fragmens.
ACTEURS.
Le Dieu du Goût ,
La Critique ,
le Sr Romagnesi.
la Dlle Belmont.
Une Habitante du Temple du Goût
la Dile Sylvia.
L'EsJUILLET.
1733. 1631
la même.
L'Esprit ,
Le bon Sens
Arlequin.
Le Faux Goût ,
le Sr Dominique.
le Sr Lelio.
La Scene est dans le Temple du Goût.
Le Théatre représente d'abord le nouyeau
Temple du Goût. Une Habitante du
Temple , surprise du changement qu'on
y a fait en son absence , s'en plaint à la
Critique , à qui elle attribue cette nouvelle
métamorphose : la Critique lui répond
qu'elle n'y a point de part , et que
c'est l'ouvrage de sa soeur la Raillerie
qui à inspiré cette réforme à un Génie du
premier ordre.
: Le Dieu du Goût arrive , tout instruit
de ce qui s'est passé ; il rétablit son premier
Temple , et charge la Critique d'y
introduire ceux qu'elles en trouvera dignes.
Le bon Sens et l'Esprit y sont les premiers
introduits ; comme ils entrent en
se querellant , le Dieu du Goût les prend
pour un mari et sa femme. Ils se font
connoître à lui pour ce qu'ils sont en
effet , et lui font réciproquement leurs
plaintes. Le Dieu du Goût les écoute
avec douceur , et n'oublie rien pour les
réunir , attendu qu'ils ne peuvent rien
faire
1632 MERCURE DE FRANCE
faire de bon l'un sans l'autre ; il leur
dit que l'Esprit est Métaphisicien , et le
bon Sens Geometre. L'Esprit s'obstine à
ne vouloir point de commerce avec le
bon Sens ; il méprise la décision du Dieu
du Goût; il se retire , le bon Sens le suit
pésamment , et comme l'Esprit est fémelle
, il dit au bon Sens qu'il faut être
plus léger pour attraper les Belles.
Arlequin est introduit le second dans
le Temple rétabli ; il est étonné de l'honneur
que la Critique lui a fait de lui en
ouvrir l'entrée ; le Dieu du Goût lui dit
obligeamment qu'il est plus digne qu'il
ne pense d'y occuper une place ; Arlequin
lui avoue qu'il est venu dans son Temple
sans le sçavoir ; il ajoûte qu'il jouit
d'un heureux loisir depuis qu'il a quitté
son métier de Comédien..Le Dieu du
Goût lui demande d'où vient qu'il a
quitté un Théatré dont il faisoir le prin
cipal ornement . Arlequin lui répond ;
qu'il n'y faisoit plus rien , attendu la
désertion presque generale des Spectateurs
; il prie le Dieu du Goût de lui
donner quelques Piéces qui ramenent le
Public chez ses Camarades , s'il veut qu'il
les aille rejoindres le Dieu lui dit qu'il
juge des Ouvrages , mais qu'il n'en fait
point ; il lui annonce qu'il trouvera sur
le
JUILLET. 1733 1635
* {
le Theatre qu'il a quitté une Piéce nouvelle
qui pourra lui attirer de nouvelles
Pratiques , mais qu'il ne répond pas die
succès, flatté de cette espérance, toute incertaine
qu'elle est ; il sort du Temple
pour aller reparoître sur son Théatre.
Le faux Goût en arrivant , ordonne
aux Danseurs et aux Chanteurs de sa
suite , de se tenir prêts pour la Fête nouvelle
qu'il veur célébrer dans son nouveau
Temple ; il est très - étonné de trouver
toutes choses dans leur premier état ;
il s'en plaint au Dieu du Goût , qui lui
reproche la temerité qu'il a euë de vouloir
réformer son Temple : cette Scene
donne licu à des traits décochez de part
et d'autre le Faux Goût se retiré pour
åller rassembler ses Chanteurs et ses Danseurs.
·
La Critique vient rendre compte au
Dieu du Goût du soin qu'elle a pris d'e
xécuter ses ordres , et finit la Piéce par
une Fable , qui pour prouver trop ne
prouve rien. Elle suppose dans cette Fable
que dans les premiers tems Jupiter
donna tous les talens à ceux qui se présenterent
à lui , et ne donna aux derniers
venus que la bonne opinion d'euxmêmes,
2012
Au reste cette Piéce est bien repré-
H seni
1634 MERCURE DE FRANCE
sentée , et le Public la voit avec beau
coup de satisfaction. Il y a plusieurs
traits de critiques répandus dans l'Ouvrage.
Le sieur Lélio , à la tête du Di,
vertissement , danse une Entrée avec la
Dile Rolland , avec autant de justesse que
de vivacité et après plusieurs Danses figurées,
la Fête est terminée par une autre
Entrée , dansée par la Dile Sylvia , et le
sigur Romagnesy , qui est très - applaudie.
La Décoration de l'ancien Temple du
Goût , éxecutée par le sieur le Maire
est très- bien caracterisée et goûtée des
Connoisseurs on en ppaarrlleerraa plus au
long.
Le 30 Juin , l'Opéra Comique fit l'ouverture
de son Théatre de la Foire Saint
Laurent , par deux Piéces nouvelles d'un
Acte chacune , en Vaudevilles , avec des
Divertissemens , intitulée : la Fausse Egypsienne
, et Hali et Zemire , précedées d'un
Prologue qui a été applaudi du Public.
La soeur de la Dlle Rolland , qui est si
fort goûtée au Théatre Italien , y danse
une Entrée avec beaucoup d'applaudissement.
Le sujet de ce Prologue , de la composition
de M. Panard , aussi bien que les
paroles des Vaudevilles , est un Poëte qui
vient
JUILLET. 1733. 1635
vient offrir à l'Opera Comique personifié
, grand nombre de Vaudevilles qu'il
a composez avec soin sur toute sorte de
Sujets ; il en a , dit-il , pour exprimer la
la Fureur , le Desespoir , la Douleur , le
Tendre , l'Enjoüé , &c. il lui en chante
plusieurs que l'Opera Comique goûte
fort , et qu'il placera , dit - il , dans les
Pieces qu'il va donner. Le Poete vantè
entr'autres , ceux qu'il a composez pour
vanter les Talens et chapte les trois
Couplets suivans.
2
UNe Eleve de
Melpomene ,
Rentrée en la Troupe Romaine ,
Par son Art s'y fait remarquer.
Dès qu'elle paroît sur la Scene ,
Tous les suffrages elle entraîne ;
La Rime peut vous l'indiquer.

Une Suivante fort habile ,
Dans un âge à peine nuble ,
Chez les François a du renom ;
Son air naturel et facile ,
Enchante la Cour et la Ville ,
La Rime vous dira son nom.
Une Actrice que l'on adore ,
Hij Telle
1636 MERCURE DE FRANCE
.
Telle qu'il n'en fût point encore ,
Fait le succès de l'Opera.
Des charmes de sa voix sonore
Nous voyons mille Amours éclore ;
Par la Rime on la connoîtra. ·
On trouvera l'Air noté avec la Chanson ;
page 1628.
Ce Prologue est suivi d'un Divertissement
très- bien composé par le sieur
Boudet , dans lequel son fils , âgé de cinq
ou six ans , danse avec un autre garçon
du même âge , une Entrée en Pierrots ,
qui fait beaucoup de plaisir , le tout est
terminé par ce Vaudeville.
Tant qu'un jeune Galant desire ;
A la Beauté qui le ravit ,
Il a mille choses à dire ,
Son discours jamais ne finit ;
Mais dès qu'il a signé certaine clause
De jolis mots la source se tarit
La bouche est close ,
Tout est dit.
M
Tant qu'un Client a des especes ,
Et qu'il fournit à tous les frais ;
On entasse pieces sur pieces ,
Pour
JUILLET. IL
1733. 1637
Pour éterniser le procès ;
Mais quand l'argent ne vient pas à mesure;
Adieu Factums , Requête et contredit;
Plus d'écriture ;
Tout est dit.

Vous vous trompez dans votre attente ;
Vous , qui pour gouter le plaisir , f
D'avoir une femme ignorante ,
Au Village allez la choisir ;
Là , comme icy , maint ,objet est précoce ,
Et Cupidon si jeunes les instruit ,
Qu'avant la noce ,
Tout est dit.
Quand votre fille devient grande ;
Mere , ne la quittés jamais .
C'est un soin que je recommande ;
Contre mès propres interêts :
Craignez qu'Amour , près d'elle ne s'arrête ,
Jamais ce Dieu n'est long dans son récit ,
Tournez la tête ,
Tout est dit.
On dit que dá temps de nos Peres ,
Les jeunes Gens sçavoient parler ?
Ceux d'à-present n'en tiennent guéres ;
H iij
Leur
1638 MERCURE DE FRANCE
Leur langage nous fait bâiller.
Quand ils ont dit deux couplets sur l'allure ,
Qu'ils ont parlé de spectacles , d'habit ,
Et de frisure ,
Tout est dit.


Quand les Spectateurs font silence
Et qu'ils écoutent jusqu'au bout
Auteurs ayez de l'esperance ,
Votre ouvrage flate leur gout ;
Mais quand on voit arriver la secousse ,
Qu'avant la fin , le Parterre à grand bruit ,
Se mouche , tousse
Tout est dit.
On trouvera l'Air noté avec la Chanson.
Le 6 et le 15 , on remit au Théatre deux peti
tes Pieces , d'un Acte chacune , intitulée ; Le
Tombeau de Nostradamus et l'Esperance; avec des
Divertissemens fort brillants . Dans le premier
le Sr et la Dlle Boudet dansent une Entrée de Païsan
, tres-bien exécutée , et dans le second , une
Entrée de Pierrot- Perrette , qui est extrêmement
goutée,
Le 18 Juillet , les Comédiens François représenterent
pour la premiere fois , la Tragedie de
Pélopée. Cette Piece , dont M. le Chevalier Pellegrin
est l'Autheur , fut reçue avec un applaudissement
général , et fit esperer un grand succès
malAJUILLET.
1733.
1733. 1539
malgré Pincommodité de la saison ; nous
Croions que nós Lecteurs en verront l'Extrait
avec plaisir.
Le sujet de ce Poëme se trouve dans Servius
dans Lactance , et dans Hygin . Ce dernier en raconte
les Evenemens de deux manieres. Il dit au
chap. 87. avec la plus part des Autheurs , que
Pinceste de Thyeste fut volontaire , attendu qu'uff
Oracle lui avoit prédit qu'un fils qui naîtroit dé
så fille et de lui , le vangeroit d'Atrée , son frete.
Mais dans le Chapitre suivant le même Hygia
met un correctif à une action si horrible , et dit
que Thyeste viola sa fille Pélopée sans la connoître.
L'Auteur a pris ce dernier parti , et y a
ajouté un nouveau correctif pour la décence da
Theatre.
Au premier Acte, Sostrate, Gouverneur d'Agyste
cherchant par tout ce Prince , qui trompant sa
vigilance , s'est échappé de la. Forêt où il a été
nourri par une Chévre , comme le porte L'étimologie
de son nom , arrive dans le Camp d'Atrée,
et s'entretient à la faveur de la nuit avec Arcas
son ancien ami ; il s'informe d'abord de la situation
de Thyeste , frere d'Atrée , son premier et
véritable Maître. Arcas lui apprend que Thyeste
secouru par Tyndare , Roy de Sparthe , avoit
remporté de grands et de nombreux avantages
snr . Atrée, mais qu'un jeune inconnu étant venu
offrir le secours de son bras à ce dernier , avoit
ramené la victoire sous ses étendarts ; il ajoute
que Thyeste réduit au désespoir et craignant
d'être trop long- temps à charge à son Protecteur
, venoit de défier ce jeune conquerant à un
combat singulier. Sostrate lui demande le nom
de cet inconnu ; il lui répond , qu'il s'appelle
Ægysth:. A et nom , Sostrate frémit d'horreur
a
Hiiij
il
1640 MERCURE DE FRANCE
il reconnoit que le fils va combatre le pere ; il no
s'explique point avec Arcas sur un secret qu'il a
juré de garder ; mais il lui dit , que s'il est aussi
fidele à Thyeste qu'il le lui a pare autrefois , il
faut qu'il lui porte un Billet, et lui parle ainsi
Tu ne peux pour Thyeste , être assez empressé,
Mais il faut qu'un billet par moi-même tracé ,
Me rende dans son coeur ma premiere innocence ,
Ab si ces lieux encor n'exigeoient ma présence ¿
Combienje t'envierois le soin de le porter!
Qu'avec joie à ses yeux j'irois me présenter !

Il fait connoître par- là aux Spectateurs qu'il
veut parler à Ægysthe,s'il en peut trouver l'occasion.
L'arrivée d'Atrée fait retirer Sostrate et Arcas,
et la Scene finit par ce Vers que Sostrate dit:
Vien ;pressons ton départ ; Dieux, daignez le conduire.
1
Atrée fait la seconde exposition du Sujet , pour ,
préparer le Spectateur à un caractere aussi nois
que celui qu'il va voir sur la Scene ,
l'Auteur.
met ces Vers dans la bouche même de son Acteur
, dont l'origine remonte jusqu'à Jupiter.
De mon coeur irrité les transports furieux ,
Plus que mon Throne encor me rapprochent des
Dieux.
ILST
Qu'il est beau qu'un mortel puisse tout mettre en
poudre
Chaque fois qu'il se vange, il croit lancer lafoudre."
C'est peu d'être au dessus des Rois les plus puissans
Montrons à l'Univers de quel Dieu je descends ;
Son
JUILLET. 1733. 1641
Son Empire comprend et le Ciel et la Terre ;
Au gré de sa vangeance , il lance le tonnerre ,
Et moi j'aime àporter de si terribles coups ,
Que Jupiter lui-même en puisse être jaloux !
Atrée fait entendre à Eurimedon, son confident
que cette Pélopée qui passe pour sa fille , est fille
de Thyeste , par ces deux Vers :
Mais mafille au tombeaus m'ayant étéravie ,
La sienne en même temps prit sa place et son nom.
Eurimedon est frappé de ce qu'Atrée lui apprend,
attendu qu'il avoit consenti autrefois que Thyeste
l'épousa. Quoi ? lui dit - il , vous pouviez lui
faire un si funeste don ?
Atrée après avoir fair connoître comment la
fille de Thyeste qui passe pour sa propre fille
avoit été misee
entre ses mains , et par ce même
Eurimedon , à qui il parle actuellement , lui dit :
Apprends quel fruit heureux j'attendois de mon
crime.:
Il lui fait connoître que par cet Hymen il esperoit
détacher Tyndare du parti de Thyeste,attendu
que ce dernier ne lui avoit prêté som secours
pour le faire remonter au Thrône d'Argos
que son frere avoit usurpé sur lui , qu'à condition
qu'il y placeroit Clytemnestre sa fille , il fi
nit Pétalage de sa politique par ces Vers :
La vangeance toujours a de quoi satisfaire ;
Mais c'étoit peu pour moi , j'en voulois un salaire
Et dans l'artde regner c'est être vertueux,
Que n'entreprendre rien qui soit infructurux.
Hv
On
1642 MERCURE DE FRANCE
On expose encore dans cette Scene le défi dont '
on a parlé, dans lapremiere,et l'amour d'Ægysthe
pour Pelopée; amour dont Atrée veut se prévaloir
pour le mieux engager à donner la mort
à Thyeste.
Eurylas , Capitaine des gardes d'Atrée , vient
lui apporter un billet qu'on a intercepté , c'est le
même dont on a parlé dans la premiere Scen
en voici le contenu •
Choisissez mieux vos ennemis.
Vouspréservent les Dieux d'un combat si funeste
Fremissez, malheureux Thyeste ,
Egyssthe est votre Fils.
Sostrate.
M
67
Afrée triomphe par avance du parricide qu'
gysthe va commettre, il ordonne à Eurylas d'aller
faire venir ce Prince qui ne se connoit pas
core lui même. Il dit à Eurimedon de ne rien oublier
pour découvrir Sostrate et pour s'en as--
surer.
en
Ægysthe vient; il se refuse au combat où Atrée
l'invite,et fonde ce refus sur le respect qu'il garde
pour les Rois , et sur tout pour un sang aussi
précieux que celui qu'il veut lui faire répandre ;
Atrée le pressant toujours plus vivement, Egys
the dit :
Ciel ! contre ma vertu que d'ennemis ensemble !
Et les Dieux et les Rois contre moi tout s'assemble.
Les Dieux , si l'on m'afait unfile rapport,
Aux crimes les plus noirs ont enchaîné mon sort ,
J'ose pourtant lutter contre leur Loy suprême , &c.
Ægysthe
JUILLET. 1733 1643

gysthe dans cet endroit fait connoître quelle
a été son éducation ; mais il ne peut rien dire
de sa naissance qu'on lui a laissé ignorery Atrée
ne pouvant le porter à remplir sa vengeance
employe enfin le plus puissant motif qui est celui
de l'amour donr Egysthe brule pour Pélopée
voici par où il finit cette Scene :[/
"
Ilaudroit pour placer son coeur en si haut rang,
qui monter à la source où l'on puisa son sang, gibot
Dais faites de ma fille une juste conquête t
the our le prix de sa main , je ne veux qu'unt tête,
" Vous m'entendez , adieu , je vous laisse y penser
Et je n'attends qu'un mot pour vous récompenser.
.<
2
gysthe frémit du projet d'Atrée, il voudroit
sy refuser,, mais son amour pour Pelopée l'emporte
sur sa répugnance ; on expose dans cette
Scene comment ce Prince a vu Pelòpée pour la
premiere fois , on y parle des leçons qu'il a re
çues de Sostrate.dans les Forêts où il a été élevés
l'Amour lui fait tout oublier ; il finit l'Acte par
ces Vers :
25.00
Et je renoncerois au prix de ma victoire
Quand l'amour
gloire
mais que dis-je ? il y va de ma
On m'appelle au combat, sij'avois reculé,
Thyeste hautement diroit que j'ai tremble , I
Car enfin , au Combat c'est lui qui me défie ;
Qui peut me condamner quand il me justifie ?
N'en déliberons plus ; allons , cherchons le Roi ,
Et qu'au gré de sa haine il dispose de moi.
H vj Nous
164 MERCURE DE FRANCE

Nous avons été obligez de nous étendre dans
Set Acte , dont les deux tiers se passent en expo
Sitions nécessaires.
2
11 ct af 3 20
Pelopée ouvre la Scene du second Acte avec
Phoenice , sa Confidente ; elle
qu'elle a fait avertir ; elle fait
attend Ægystho
connotre l'inte
rêt qu'elle prend dans le péril qui menace Thyes
te ; elle déclare son hymen secret avec lui ; elle
parle d'un fils qu'elle cut de cet hymen , elle ra
conte un songe terrible qu'elle fit au sujet de ce
fils. Le voicist
A peine la lumiere
rauke hang of tw.I
03
De cefils malheureux vint frapper la paupiere
Que l'éclat de la foudre , au milieu des éclairs
D'un vaste embrasement menaça l'Univers.
Jour affreux jour suivi d'une nuit plus terri blet
De Spectres entassés un assemblage horrible ,
Dans un songe funeste effrayant mes regards:
Pret a fondre sur moi , vole de coutes parts.
Je vois une Furie et mon Ayeul Tantale
Qu'elle force à sortir de la nuit infernale ;
La barbare sur lui versant son noir poison
Lui fait un autre enfer de sa propre maison .
Cette ombre infortunée après soi traîne encore,
Et la faim et la soifdont l'ardeur la dévore :
Elle approche . Le fruit de mon malheureux flanc
La nourrit de carnage et l'abbreuve de sang ;
Phénice à cet aspect le sommeil m'abandonne,
5
Mais
JUILLET. 1733. 1645
Mais non la juste horreur , dont encor je fuissonne:
!
-Relopée apprend à Phoenice que ce songe terrible
l'obligea à consulter l'Oracle d'Apollon ;
que ce Dicu lui annonça que son Fils étoit
menacé d'inceste et de parricide ; elle ajoûte
qu'elle confia ce malheureux enfant à Sostrate ,
qui l'enleva à l'insçu de Thyeste son pere , avec
Ordre de ne le jamais instruire de son sort.
Dans la Scene suivante , Pelopée détourne Egysthe
du Combat qu'il va entreprendre contre
Thyeste. Elle lui parle d'une maniere si pathetique
, qu'il lui jure que sa main ne se trempera
jamais dans le sang de Thyeste ; elle finit la
Scene par ces Vers :
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ;
Malgré le tendre am amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos Vertus un assez digne prix .
Egysthe explique cès Vers en faveur de son
amour , &c. Il prie Atrée de le dispenser d'un
Combat qui fétriroit sa gloire Atrée impute
se changement de résolution à Pelopée ; il veut
lui même aller combattre Thyeste . Pélopée éperdue
prie Egysthe de détourner un Combat si
funeste Egysthe la jette dans de nouvelles al
larmes , en lui disant qu'il va chercher Thyeste
il fait pourtant connoître aux Spectateurs quel
est son dessein par ces Vers équivoques.
Je sçaurai dans cejour
Prendre soin de magloire et ser vir mon amour.
3 Pelopée
1646 MERCURE DE FRANCE
.
Pelopée au désespoir veut suivre Agysthe
Atrée la retient et lui reproche'sa désobéissance ;
Pelopée lui dit que Thyeste lui est plus cher qu'il
ne sçauroit croire. Elle se retire , Attée ordohne
à sa Garde de la suivre.
Ce que Pelopée vient de lui dire lui fait soupe
çonner qu'elle pourroit bien avoir épousé Thyes
te ; il ordonne à Eurimedon de ne rien oublier
pour trouver Sostrate , qui peut seul éclaircir ces
soupçons. 11 finit ce second Acte par ces Vers
37 C
D
Ne descends pas encor dans l'éternelle nuit
Thyeste , de ta mort je perdrois tout le fruit ;
Nefût-ce qu'un moment , jouis de la lumiere
Pour sçavoir quels forfaits terminent ta carriere ;
Pour la premiere fois je fais pour toi des voeux
Tremble , c'est pour te rendre encor plus malheu
* reux .
Thyeste prisonnier , commence le troisiéme
Acte par ces Vers :: ~
1
I
Fortune , contre moi des long-tems conjurée ,
Triomphe , me voici dans les prisons d'Atrée
Dieux cruels , dont le bras appesanti sur moi
Afait à votre honte un Esclave d'un Roieng
Dieux injustes , en vain ma chûre est votre ou
vrage ,
Vous n'avezpas encore abbaissé mon courage, &L.
Il instruit les Spectateurs de ce qui s'est passé
dans son Combat contre gysthe, qu'il croit ne
l'avoir épargné que pour réserver au barbare
Atrés le plaisir de lui donner la mort. Il expose
Ge
JUILLET. 1733 . 1647.
ce que les Dieux lui ont annoncé autrefois quand
il les a consultez sur le moyen de se vanger d'A-l
trée , voici l'Oracle :
Argos rentrera sous ta loy
Far un Fils qui naîtra de ta fille et de toi.
Il dit à Arbate que ce fût pour éviter cet abominable
inceste qu'il le chargea lui- même du
soin d'égorger sa Fille dans l'âge le plus tendre,
&c. Pelopée vient apprendre à Thyeste qu'Atrée
, qu'elle croit son Pere , est prês à faire la
paix avec lui , pourvû qu'il l'épouse ; elle lui dit ,
qu'il n'a qu'à lul déclarer son Hymen. Thyeste
lai deffend de reveler un secret , qui faisant voir
à Tyndare qu'il l'a trompé , le deshonoreroit à
ses yeux , et obligeroit ce Prince de l'abandon-,
ner à toute la fureur d'Atrée, qui n'a point d'autre
dessein que de le priver de tout secours ; il
parle de la mort de ce fils malheureux , que Sostrate
lui a enlevé , et il ne doute pas qu'Atrée në
l'ait fait égorger.
Ægysthe vient annoncer à Thyeste que tout
menace sa vie , et qu'Atrée plus furieux que ja
mais , viendra le chercher même dans sa Tente ;
il ajoute qu'il deffendra ses jours , ou qu'il
mourra avec lui. La Nature qui parle dans le
coeur du Pere et du Fils , excite entr'eux de tendres
transports , qui tiennent lieu de reconnoissance
anticipée. Atrée arrive , Egysthe prie
Thyeste de rentrer dans sa Tente , de peur que
sa vuë ne redouble encore la fureur d'un frere si
dénaturé.
Atrée demande à Egysthe d'où vient qu'il lui
cache si long - tems sa victime la première moisié
de ce Dialogue est fiere de part et d'autre ;
Egysthe
1648 MERCURE DE FRANCE
Egysthe a enfin recours à la priere, Atrée prend
le parti de la dissimulation ; ll feint de se rendre,
mais il dit auparavant à Ægysthe qu'il lui en
coûtera plus qu'il ne pense ; Egysthe lui répond
qu'il ne sçauroit trop payer le sacrifice qu'il
veut bien lut faire de son inimitié. Atrée lui dir
qu'il consent à la paix , à condition que Thyeste
réparera l'affront dont il l'a fait rougir trop
long-tems : qu'il vous épouse , dit- il à Pelopée ;::
Egysthe et Petopée sont également frappés de
cette proposition , quoique par differens motifs..
Atrée jouissant de leur trouble , dit à Ægyste ,
d'un ton presque insultant :
> J'entends vous gémissez du coup que je vous
porte ;
Mais l'union des coeurs plus que tout vous importe;
Vous demandez la Paix , je la donne à ce prix,
Prenez à votre tour un conseil que j'ai pris ;
Faites-vous violence ; on a bien moins de peine :
A vaincre son amour , qu'à surmonter sa haine.
Atrée porte enfin le dernier coup à Ægisthe
par cet hemistiche , en parlant de Thyeste :
Il aime , autant qu'il est aimé.
Egysthe devient furieux ; Arrée lui dit que ce
n'est que de ce jour qu'il a penetré un secret si
fatal et le quitte,en lu disant :
Si vous êtes trahi ; je n'en suis point complice ;
Et je laisse en vos mains la grace , ou le supplice.
Egysthe reproche à Pelopée son manque de
foy
JUILLET. 1732... 1649
foy ; elle lui dit qu'elle ne lui a rien promis ; elle
s'explique ainsi :
Quel serment ! quel reproche ! est - ce trahir ma foi ;
Que mettre vos veriùs à plus haut prix que moi ?
Ce dernier Vers se rapporte à
Acte ou Pelopée lui a dit :
ceux du second
Ah ! Seigneur , croyez que Pelopée ,
Malgré le tendre amour dont vous êtes épris ,
N'est pas de vos vertus un assez digne prix.
Elle ajoûte encore :
Votre amour est allé plus loin que ma pensée ,
Et j'étois dans l'erreur assez interessée ;
Pour ne la pas détruire , et pour m'en prévaloir.
La tromperie qu'elle lui a faite , et sur tout la
préférence qu'elle donne à son Rival , l'empêchent
d'écouter sa justification ; tout ce qu'elle
lui dit jette le désespoir dans son coeur ; son
aveugle fureur s'exhale en murmures contre les
Dieux , et lui met ces Vers dans la bouche ,
Vous serez satisfaits, Dieux , qui dès ma naissance
Avez tous conspiré contre mon innocence ;‹ "
J'adopte vos decrets et mes transportsjaloux ,
Pour les justifier iront plus loin que vous.
Il la quitte transporté de rage ; elle le suit , e
finit l'Acte par ces Vers :
Allons ; suivons ses pas ,
1650 MERCURE DE FRANCE
Et ne pouvant sauver un Epoux que j'adore ,
Offrons à ses Bourreaux une victime encore.
Atrée commence par ces Vers le quatriémo
Acte.
Enfin voici le jour où le crime et l'horreur ,
Vont regner en ces lieux au gré de ma fureur.
Ce n'est pas ton secours qu'ici ma haine implore ,
Soleil , si tu le veux , pális , recule encore ;
Cefunesie chemin par moi-même tracé, “
De répandre tes feux , t'a déja dispensé ;
Va , fui , pour exercer mes noires barbaries
J'ai besoin seulement du flambeau de Furies.
Ce qu'il dit dans la suite expose le plan de la
vengeance qu'il médite , il ne s'agit pas moins
que de faire périr tous ses Ennemis les uns par les
autres , il finit cette terrible Scene par ce regres
digne de sa foreur.
D
ev l'avouerai qué ma joye eût été plus entiere ,
Si Thieste , touchant à son heure derniere,
Par moi-même eût appris que pour trancher se
jours ,
De la main de sonfils j'empruntai le secours ;
Mais je crains qu'à leurs yeux ce grand secret n'éclatte
;
Un moment`auprès d'eux peut conduire Sostrate ;
Ce moment me perdroit ; il faut le prévenir ;
Craignons , pour trop vouloir , de ne rien obtenir :
Tyndare n'est pas loin et déja l'on murmure ;
JUILLET. 1733 1651
1733..
#
Laplus prompte vengeance enfin est la plus sûre ;
Oui de mes ennemis prêcipitons la mort .
Qu'importe, en expirant qu'ils ignorent leur sort
Bien- tôt dans le séjour des Ombres criminelles .
On va leur dévoiler des horreurs éternelles ;
Aussi-tôt quefermez , leurs yeux seront ouverts ;
Ils se reconnoîtront tous trois dans les Enfers.
Il a déja fait entendre à Eurimédon, qu'il retient
Pélopée dans sa Tente , de peur qu'elle n'attendrisse
gisthe ; et voyant approcher cet
Amant jaloux , il se détermine à continuer une
dissimulation qui vient de lui être si utile dans
P'Acte précedent ; il feint d'être désarmé par les
pleurs de Pélopée , et prie Agysthe de consentir..
à l'hymen de cette Princesse avec Thyeste, cette
priere rend Egysthe encore plus furieux . Atrée
Payant mis dans la disposition où il le souhaite,
lui dit enfin en le quittant ;
Plus que vous à vous servir fidelle ,
Je veux bien hazarder cette épreuve nouvelle ;
J'abandonne Thyeste à tout votre courroux ;
Mais prêt à lefrapper , répondez bien de vous ;
C'est à vous désormais que je le sacrifie ,
Et si votre tendresse encor le justifie ‚
J'explique cet Arrêt en faveur de ses feux ;
Je renonce à ma haine , et je lè rends heureux.
Ægysthe s'abandonne tout entier à sa jalouse
rage ; Antenor vient et lui demande s'il est vrai
qu'on va immoler Thyeste ; Agysthe le rassure
on
1652 MERCURE DE FRANCE
en apparence en lui ordonnant de lui faire rendre
ses armes . Antenor transporté de joye , lui
témoigne combien Sostrate , son sage Gouverneur
, sera charmé de voir cet heureux fruit
de ses leçons. Au nom de Sostrate , Ægysthe est
frappé. Quel nom , lui dit -il , prononces - tu ?
Antenor lui répond , qu'il croit l'avoir vû s'avançant
vers sa Tente ; mais qu'ayant apperçu des
Soldats , il s'est retiré de peur d'être reconnu.
On doit sçavoir gré à l'Auteur d'avoir rappellé
aux Spectateurs le souvenir de ce même Sostrate
qu'il n'a vu que dans la premiere Scene. Je vous
entends , grands Dieux , dit Egysthe dans un à
parte. Il ordonne à Antenor de ne point perdre
de temps pour remettre Thyeste en liberté, avant
que Sostrate se presente à ses yeux , & c. Egyste
se détermine à presser sa vengeance.
Thyeste vient , pénetré de reconnoissance pour
Egysthe; mais sajoye est de peu de durée . Egys
the lui apprend qu'il est devenu son mortel ennemi
, depuis qu'il a appris qu'il est son Rival ; il
lui dit que des que la nuit pourra cacher sa fuite,
il le fera conduire dans le Camp de Tyndare , et
qu'il s'y rendra lui - même pour lui redemanderce
sang qu'il a pú répandre : cette Scene est une
des plus touchantes de la Piece ; chaque mot ne
sert qu'à irriter Egysthe de plus en plus . Ils par
tent enfin , l'un pour donner la mort , l'autre pour
la recevoir , sans se deffendre , lorsque ce Sostrate
qui vient d'être annoncé avec tant d'art , les
arrête et leur apprend leur sort . Cette recon- ¿
noissance a tiré des larmes aux plus insensibles ;
Egysthe apprenant que Pelopée est sa mere
change son amour en tendresse filiale. Sostrate
lui apprend qu'Atrée lui donnera la mort s'il
met le pied dans sa Tente , et que ce cruel a sur-
?
pris
JUILLET. 1733. 1653
pris un Billet de sa main , qui l'a instruit de sa
naissance. Egyste furieux veut aller donner la
mort â ce barbare ; mais Thyeste retient cette
impétuosité. On finit ce bel Acte par la résolution
qu'on prend de répandre le bruit de la mort
de Thyeste , er de tromper Pelopée même par
ce bruit , afin que l'excès de sa douleur fasse
mieux passer la feinte pour une verite , cependant
Egysthe ordonne à Sostrate de partir pour
le Camp de Tyndare , avec les instructions né
cessaires.
Cet Extrait n'étant déja que trop long, nous ne
dirons qu'un mot du cinquiéme Acte ; Atrée le
commence , il doute de la mort de Thyeste ,
malgré le soin qu'on a pris d'en répandre le
bruit ; d'ailleurs le Pere vivant encore dans un
fils plus terrible , il n'a pas lieu d'être tranquille ,
il apprend à Eurimedon ce que Sostrate a dit
dans l'Acte précedent ; sçavoir , qu'il a donné ordre
de faire périr Ægysthe , s'il entre dans sa
Tente. Pelopée vient. Atrée pour commencer à
goûter les fruits de sa vengeance , lui annonce la
mort de Thyeste ; elle ne croit plus avoir de ménagement
à garder , elle apprend à Atrée que 3
Thyeste étoit son Epoux , ce qui le met au com,
ble de la joye ; il lui dit en la quittant :
Egysthe.... à ce seul nom, tremble ; dès aujourd'hui,
Par des noeuds éternels je veux t'unir à lui.
Pelopée au désespoir , se resout à souffrir plu
tôt mille morts , qu'à consentir à l'hymen qu'Atrée
vient de lui annoncer sous des termes dont'
les Spectateurs ont bien senti l'équivoque , &c.
Egysthe arrive ; il veut se retirer à la vue de sa
Mere ; elle l'arrête et lui donne les noms les plus
execrables ,
1651 MERCURE DE FRANCE

execrables ; il ne peut plus les soutenir ; il lui
apprend que Thyeste est sauvé, et que dans le
temps qu'il alloit le combattre , il a appris que
son Rival étoit son Pere. Cette derniere reconnoissance
n'a pas moins attendri que la premiere.
Sostrate annonce à Egysthe que le secours de
Tyndare est arrivé ; Ægysthe va se mettre à la
tête des Soldats et ordonne à Sostrate de garder
sa Mere ; on vient annoncer à Pelopée la mort
d'Atrée ; cet irréconciliable ennemi de Thyeste
vient expirer sur le Théatre, mais c'est pour por
ter le dernier coup ¿ son frere ; il lui apprend que
Pelopée est sa fille et en apporte pour preuve le
témoignage d'Eurimedon et d'Arbaste , qui se
trouvent présens sur la Scene ; pour confirma
tion de preuve , Thyeste lui dit :
Va , j'en croisplus encor les Oracles des Dieux.
NOUVELLES ETRANGERES.
POLOGNE .
Ans la crainte que les Puissances Etrangeres
D pourroient troubler la liberté des suffrages
dans la prochaine Diette d'Election , le Primat et
le.Senat ont résolu d'augmenter les Troupes de
la République , pour s'opposer à leurs entrepri
ses , et on assûre que si la Noblesse est contrainte
de monter à cheval , comme on dit qu'elle en
recevra l'ordre incessamment , le Primat la
commandera en personne.
Il a écrit sur la fin de Juin une Lettre Circulaire
JUILLET. 1732 . IESS
1
laire aux Seigneurs et aux Gentilshommes , qui
n'ont point assisté à la Diette de Convocation
pour leur donner part de l'Acte de Confédération
générale , par lequel il a été résolu d'ex-.
clure de la Couronne tous les Etrangers ; il les
exhorte par cette Lettre à ne point faire difficulté
de prêter le même Serment qu'ont prêté .
les Senateurs et les Nonces qui se sont trouvés
à cette Diette. Il les rassûre au sujet des
mouvemens des Troupes de quelques Puissances
voisines. Il remarque qu'elles ont trop d'équité
pour vouloir troubler le repos d'une Républi
que , qui ne les a point offensées , et qui souvent
même a sacrifié ses interêts au désir de
conserver avec elles une bonne intelligence , et
que si elles étoient assez injustes pour traiter
la Nation comme ennemie , parce qu'elle veut
être libre , les autres Puissances ne lui refuseroient
pas les secours dont elle auroit besoin
pour se délivrer de l'oppression.
Ce Prélat insinue ensuite que le Senat pourra
déroger au Réglement fait dans la Diette - de-
Convocation , pour fixer le nombre des personpes
, que chaque Gentilhomme pourroit mener
avec lui à celle d'Election , et qu'il sera peut-
Are convenable , que la Noblesse s'y fasse suivre
du plus grand nombre de gens armés qu'il serapossible.
ALLEMAGNE.
Es Troupes campées entre Oppellen et
• de
le
gaw et d'y former un nouveau Camp
Prince Louis de Wittemberg
a été nommé
pour y commander
, et il doit partir incessamment
1655 MERCURE DE FRANCE
1
ment pour s'y rendre. Il aura sous ses ordres
les Barons de Wittigenau et de Schmertau,Ma
jors généraux de Bataille , et le Baron de Scherr,
Major général de la Cavalerie.
Le 9 de ce mois l'Electeur de Mayence reçut les
hommages de ses Etats dans sa ville Capitale. On
avoit élevé dans la Place du Marché , en face de
l'Eglise Cathedrale, une Estrade de la hauteur de
12 à 14 pieds , longue de 8 à ro toises , sur la
largeur d'environ 30 pieds . Le Plancher et les
Dégrez pour y monter étoient couverts d'un drap
écarlatte , bordé et chamarré de galons d'or. On
avoit dressé au milieu une espece de Trône , dont le
Siége et le Baldaquin étoient couverts de velours
de la même couleur, relevé d'une riche broderie
d'or à festons . A droite et à gauche étoient des
Siéges de même étoffe , pour les 24 Chanoines
Capitulaires de l'Eglise Métropolitaine .
Les deux Bataillons des Troupes de 5. A. E.et
plusieurs Compagnies du Régiment de Nassau ,
en garnison à Mayence , furent commandés . et
borderent toute la Place et les environs. La Bourgeoisie
de la Ville sous les armes , et celle des
Villes du Rheingaw occupoient toutes les rues,
depuis la Place jusqu'au Palais Electoral .
Sur les neuf heures du matin toute PArtillerie
des Ramparts , celle de la Citadelle ; du Port et
des deux Forts, firent trois Salves qui furent sui→
vies de celles des Troupes et des Bourgeois.
Vers les dix heures S. A. E. sortit de son Pa
lais et vint en Carrosse au lieu destiné pour recevoir
les hommages de ses Etats , accompagnée
de toute sa Cour. Elle prit séance sous un Dais ,
au milieu de ses Chanoines Capitulaires , qui
ayant à leur tête le Doyen de la Cathédrale
étoient venus au devant de S, A. On fit ensuite
lecture
JUILLET. 1733. 1557
lecture des articles du serment que devoient prêtér
les Bourgeois ; apres quoi S. A. donna sa
main à baiser aux plus qualifiez d'entr'eux et aux
Chefs de la Ville ; ensuite le Chancelier leur fit
lever la main et prêter serment de fidelité à S. A.
E et au Chapitre.Cette Cérémonie achevée S.A.
E. se retira en son Palais avec toute la Noblesse ,
au bruit du Canon et de la Mousqueterie des
Troupes et des Bourgeois.
ཧཱུྃ་ Depuis midi jusqu'à huit heures du soir , les
Bourgeois firent avec autant de goût que d'activité
les préparatifs de la Fête qu'ils vouloient
donner à S. A. La Place représentoit un magnifique
Jardin , dont les Parterres formoienr les
Chiffres , les Armes et les Attributs de S. A. II
étoit environné de 38 Arcades, séparées par des
Piramides qui portoient des Emblêmes et des
Devises convenables au sujet. Sur la principale
de ces Arcades étoit placée la Statuë de S.A.
de grandeur naturelle , au dessus de laquelle s'élevoit
la Renommée , qui lui présentoit une
Couronne , et au bas le Génie de Mayence, qui
lui offroit ses homages. Sur l'Arca de qui étoit
vis à- vis étoit placée la Statuë de S. Martin , Patron
de l'Eglise Métropolitaine , et sous le ceintre
de l'Arcade , les Arines de S. A. étoient représentées
sur un Médaillon , orné de Guirlandes
et de Festons ; les 36 autres Arcades
droite et à gauche portoient sur des Médaillons
les armes des 12 Suffragans, et celles des 24 Chanoises
Capitulaires du Dôme.Les 4 coins du Jardins
representez , étoient occupez par les 4 Saisons
, d'où sortoient des Fontaiues. S. A. E. se
rendit sur les 9 heures du soir , au Lieu qui lui
avoit été préparé , pour voir l'exécution d'un
tres- beau Feu d'artifice , qui fut suivi d'une Col-
I lation
16:8 MERCURE DE FRANCE
lation , où l'on avoit représenté en Karamel et
Confitures , le dessein de cette Fête . Il y eût un .
Concert magnifique de toutes sortes d'Instiumens
, qui dura jusqu'à onze heures que S. A. se
retira . La Noblesse ouvrit alors le Bal, qui dura
jusqu'à 4 heures du matin.
D
ITALI E.
Ans le Consistoire secret que le Pape tint le
12 Juin , le Cardinal Otthoboni proposa
PAbbare de S. Serge d'Angers, pour l'Abbe de la
Rochechouart , et preconisa l'Abbé Dandigné
pour l'Evêché d'Acqs , et l'Abbé de Toyal de
Donnery , pour l'Abbaie de N. D. de Mirval ,
Diocèse de Tou !.
Le Pape a nommé M. Ariozzi , Auditeur de la
Nonciature d'Avignon , à la place de M. Cervia
fait depuis peu Recteur de l'Eglise
ni ,
S. S que
de Carpentras.
On mande de Venise que le 25 du mois dernier
, Fête de l'Apparition de S.Marc , le Doge,
accompagné de toute la Seigneurie , assista au
Service Divin , dans l'Eglise Ducale de S. Marc ,
où l'on avoit exposé à la vénération du public ,
le Doigt de ce Saint , et l'Evangile écrit de sa
propre main , transporté d'Aquilée en 1420.
à Venise.
?
On a appris de Venise , de Milan et de plusieurs
autres Endroits que les Pluyes continuelles
qui regnent en Italie depuis près de deux mois ,
font craindre que la récolte du bled sur tout, ne
soit tres - mauvaise . On écrit en dernier lieu de
Turin , que l'aboudance des Pluies a tellemeng
grossi la Doire , que cette Riviere a inondé une
partie des Campagnes qu'elle arrose et qu'elle a
renversé le Pont qui conduisoit à la Venerie.
[ ... QA
JUILLET . 1733 . 1659
On écrit de Naples que le 11 Juin , le Comte
d'Arrach , cy-devant Viceroi de ce Royaume ,
revint de la Barra, et prit congé du Conseil Col
latéral et des autres Tribunaux , avec les cérémonis
accoutumées; l'après midi , accompagné
d'un grand nombre de Seigneurs et d'Officiers
de distinction , et suivi de plusieurs Carosses à
six Chevaux , il alla à B. itto, sur le chemin d'A–
verse , à la rencontre du Comte Jules Visconti ;
qui y arriva vers les six heures du soir , escorté
de Compagnies de Cuirassiers , qu'on avoit envoyées
audevant de lui sur la Frontiere.
Après avoir complimenté le nouveau Viceroi
sur son heureuse arrivée , il le fit monter dans
son Carosse avec le Comte Figuerola , Duc de
Mayera , General des Postes du Royaume, Don
Thomas Scarano , Maître des Couriers, et Don
François Martellone , Commissaire de la Campagne
à leur Entrée dans Naples ils furent salucz
de plusieurs décharges generales de l'Artillerie
des Remparts et de ja Citadelle , et des Canons
des Vaisseaux du Port ; et s'étant rendus
au Palais au bruit des acclamations du Peuple
qui bordoit les rues de leur passage , ils furent
feçûs au bas de l'Escalier par le Conseil Collateral
et par les autres Tribunaux , le Comte d'Artach
ayant conduit le nouveau Viceroi en son
appartement , alla à la Salle du Conseil , où il
déposa le dement
entre les mains du
Président; il partit ensuite avec la Comitesse son
épouse , pour retourner à la Cour de Vienne.
Le lendemain au matin le Conseil Collateral
sassembla de nouveau , et il distribua , selon l'usage,
quelques graces , comme étant dépositairede
l'authorité souveraine , jusqu'à l'installation
du Viceioi. Vers les dix heures , le Comte Vis-
I ij comti
2221
1660 MERCURE DE FRANCE
comti , se rendit au Conseil , et après les formalitez
ordinaires , il y grit possession de la Vice-
Royauté et du commandement des Troupes.
Un Armateur Gênois ayant pris dans les Croi
sieres , un Vaisseau Turc , et l'ayant conduit à
Malte , n'a pu obtenir que le Grand- Maître déclarât
la prise bonne , parce qu'il se trouvoit à
bord de ce Bâtiment quelques Passagers Grecs ,
munis d'un Passeport de l'Empereur . Cet Armateur
s'est rendu à Gênes avec sa Prise , qui est
fort considerable.
Voicy l'Amnistic accordée par la République
de Gênes à ses Sujets de l'Ile de Corse , &c.
LE DOGE , les Gouverneurs et les
Procurateurs , &c. de la République de
Genes.
I. APRE's avoir manifesté aux Peuples de
notre Royaume de Corse , notre trèsgrande modération
et clémence , par le moyen d'une Amnistie
et d'un pardon general accordé à ceux qui
avoient encouru notre disgrace à l'occasion des
troubles passez , dans la vue de déclarer plus distinctement
notre volonté ferme et inviolable
non-seulement nous renouvellons et nous confirmons
l'Amnistie et le pardon general par nous
accordé , mais nous voulons de plus l'étendre er
P'appliquer à ceux qui , pour des fautes commises
auroient été citez et ensuite condamnez , tant
par contumace qu'autrement , jusqu'au mois
de juin de l'année 1732. inclusivement › sans
néanmoins y comprendre ceux qui auroient , depuis
ce temps-là,, commis de nouvelles fautes.
II.De plus dans la vue de consoler les Corses ,
et de nous préter à leurs supplications , nous
voulons bien leur remettre libéralement les dépenses
JUILLET. 1733. 1661
enses énormes que nous avons été obligez de
Faire pour rétablir la tranquillité et pour assurer
la prosperité de ce Royaume. Ensorte que les
Corses ne pourront jamais , à l'avenir , être molestez
, ni en géneral , ni en particulier , sur ce
sujet. Et pour effacer jusqu'au souvenir des troubles
passez , nous deffendons , sous peines trèsgriéves
, à toutes sortes de personnes de les inju
rier par des paroles ou d'une autre maniere , en
les traitant de Rebelles ou d'autres semblables expressions.
III. De tout temps nous avons donné aux
Corses des preuves de notre tendre affection jusqu'à
épuiser nos Finances pour la prosperité , la,
deffense et la conservation de ce Royaume. Cependant
, comme nous desirons de leur donner
une preuve nouvelle et genereuse de nos dispositions
favorables , nous leur remettons liberalement
à tous en general , à toutes les Villes , Communautez
et Lieux de cette Ifle , toutes dettes
dont ils pourroient nous rester redevables , tanti
pour les Tailles , que pour toutes les autres impo
sitions ordonnées pendant l'an 1732. et pour les
autres subsides en argent et en victuailles , qu'on
leur a fournies pendant les temps de disette ;
tellement que nous voulons que tous les comptes
passez pour les Tailles et subsides étant étéints,
on en commence de nouveaux depuis le frois de
Janvier de cette année courante , où seront ‘marquées
les dettes à venit desdits Corses.
IV . Pour entrer dans les desirs et les instances )
de ces Peuples , nous leur accordons la création
d'un Ordre de Noblesse natureile au Royaume
que nous donnerons pour cette premiere fois et
pour toutes les autres dans la suite , à des personnes
tirées des Familles du Royaume , que
I iij hous
162 MERCURE DE FRANCE
}
nous trouverons digne de ce degré , et qui après
les informations faites et vûes par nous , paroîtront
pourvûes des qualitez nécessaires pour soutenir
ce rang avec honneur.
V On aura pour ces Nobles les mêmes égards
qu'on a pour ceux qui sont tirez des Villes de
Terre-Ferme ; ils jouiront du titre de Magnifique
et du Privilege de se couvrir dans les Sérénissimes
Colleges de l'Etat et dans le Sénat Sérénissime
; ils seront aussi reçus à se couvrir en
présence des Magistrats et des Juges de la Répubique
, y compris les Gouverneurs Generaux et
les illustres Syndics,
V I. Le Livre où seront écrits les Nobles avec
leurs légitimes Descendans , sera conservé à Gé- ,
nes , entre les mains du Sérénissime Magistrat de
P'Ile de Corse , et un autre semblable à Bastie.
Les noms des Nobles seront écrits dans ce Livre
par le Chancelier dudit Magistrat et en sa présence
, et le même Chancelier fournira un Extrait
authentique du Livre de Génes , pour être ,
déposé à Bastie ; le susdit Magistrat établira encore
un Tarif modique pour les Inscriptions et
Extraits desdits Livres.
VII. Ce Noble jouira dans les lieux de la
résidence du Gouverneur de l'Ile , de la distinction
d'une Antichambre , où il ne sera pas permis
d'entrer à ceux qui ne seront pas dans le
rang des Nobles , ou du nombre des Juges et des
Magistrats du Royaume ou des Officiers de
guerre , jusqu'à l'Enseigne , inclusivement.
VIII. Comme notre principale attention
toajours été de conserver les loibles Coûtumes
et de favoriser tous les moyens propres à faire
fleurir la Religion et la pieté Chrétienne dans
l'Ile de Corse , à quoi la bonne vie des Ecclet
siastiques
JUILLET. 1922. 1563
siastiques contribue le plus , nous déclarons que
pour entretenir l'émulation nécessaire au Clergé,
pour s'avancer dans les 9ciences et dans la prati .
que des Canons , nous ne m ttrons aucun obsta
cle au concours des Esclesiastiques pour être élûs
à quelque Evêché de l'Ifle , à moins qu'ils ne nous
ayent donné des sujets de mécontentement ; et
afin que notre présent Decret ait toute la vigueur
qu'on peut desirer , nous révoquons tout autre
Decret qui seroit contraire .
IX. Dans cette vûe , afin que Sa Sainteté daigne
exaucer les instantes prieres des Peuples qui
demandent un Visiteur Apostolique , pour corriger
les abus et les désordres , et pour rétablir
la discipline Ecclesiastique dans les Diocèses
nous coopérerons volontiers à leurs desseins , sauf
certains égards que nous jugerons à propos de ne
pas perdre de vie , afin d'éviter que le Royaume
ne soit surchargé par le grand nombre de ces
visites , qui pourroient à la fin devenir onéreuses .
X. De- même toutes les fois qu'il arrivera que
Jes Peuples demanderont la permission de fonder
et de renter à leurs dépens un College dans les
Villes de l'Ifle , pour l'éducation et instruction
de la Jeunesse du Pays , dans les Sciences divines
et humaines , nous y donnerons volontiers les
mains , en appuyant leur déssein de notre autorité
et de notre protection , en le permettant et
même le favorisant , pourvû que la forme , les
reglemens et le régime de cè College soit par
nous approuvé , nous réservant la liberté de
changer lesdits Reglemens , suivant le besoin et
l'exigence des conjectures.

XI. Le Royaume pourra tenir à Gênes un Sujet
avec le titre d'Orateur , qui sera de la Nation
même , tiré du nombre de ceux qui seront les
I iiij plus
1664 MERCURE DE FRANCE
plus propres à cet emploi , suivant les ordres que
nous donnerons dans son temps. Il sera du devoir
de l'Orateur de nous représenter , et au Magistrat
de Corse , les suppliques du Royaume ,
des Provinces et autres lieux , quand même elles
seroient en forme de plainte contre les Juges qui
seroient accusez de grever les Peuples dans l'administration
de la Justice Civile et Criminelle ,
ou de quelqu'autre maniere que ce soit. Et ledit
Orateur sera pendant le temps de sa Charge , reçu
par les Magistrats comme s'il avoit le
Noble , quoique peut - être ne le fût pas.
rang de
XII. Nous avons de tout temps employé tous
les moyens pour augmenter la culture des terres
incultes et abandonnéesde l'Ifle. Nous avons à
ce sujet , dépensé des sommes d'argent considerables
, offert des Privileges et d'autres avantages.
Nous n'avons pas eu moins d'application à faire
valoir le Commerce, et à mettre en honneur les
Arts Méchaniques ; c'est pourquoi pour satisfaire
notre empressement pour la prosperité da
Royaume et le profit des Peuples , nous ordonnons
que le Magistrat dudit Royaume élira tous
les trois ans trois Députez de la Nation , deux
par-çà et un par- delà les Monts , avec le titre de
Promoteurs des Arts et du Commerce , avec les
Privileges et les Exemptions que nous jugerons à
propos de leur accorder , avec obligation à eux
de veiller , et d'agir pour arriver à cette fin , et
avec liberté à eux de representer aux suprêmes
Commandans de l'Ile et au Magistrat , par le ca.
nal de l'Orateur , ou d'une autre maniere , les
moyens pratiquables pour parvenir au but qu'on
se propose , et pour executer ensuite les mesures
que nous , ou le Magistrat , aurons jugé â propos
de prendre.
XIII
JUILLET. 1733. 1665
XIII. Un des plus grands profits qui pourroient
enrichir les Peuples , seroit la Récolte d'une
plus grande quantité de Soye . C'est pourquoi
pour les y engager davantage et pour exciter
leur industrie à cet égard , nous les exemptons
pour 25 ans du payement de tous droits sur lesdites
Soyes qui se pourroient tirer du Royaume .
XIV. Nous pensions , depuis quelque temps ,
d'établir deux Charges de Capitaines pour les
Ports de Bastie et d'Ayaccio , sur la consideration
des avantages que nous en pourrions tirer
pour notre service public. Aujourd'hui nous
sommes déterminez à établir ces deux Charges
qui seront conferées par nous , avec les appointemens
que nous donnons à notre Capitaine de
Cavalerie, de Bastie.Nous voulons de plus que ces
deux postes de Capitaines pour ces deux Ports ,
soient donnez à des Sujets de Nation Corse , qui
pendant le cours de leur Charge , seront traitez'
comme les Nobles , quand d'ailleurs ils ne seroient
pas tirez du Corps de la Noblesse , et feront les '
fonctions dont nous jugerons à propos de les
charger , suivant l'exigence de notre service public.
XV. Dans tous les Lieux où résideront les
Gouverneurs , les Magistrats et les Juges , il doit
y avoir un Avocat des pauvres Prisonniers , qui
sera chargé de veiller et presser le Jugement de
leur Cause , avec la liberté à eux accordée d'avoir
, en cas de besoin , recours à nous ou au Magistrat
de Corse , par le moyen de l'Orateur , ou
autrement. Il sera ainsi du devoir du Noble , tiré.
des douze , d'assister et de proteger les Prisonniers
, et même de faire expedier les autres qui
ont recours à la Justice , quand ils sont pauvres.
X V I. Les douze Nobles de de- çà les Monts et
I v les
1666 MERCURE DE FRANCE
1
les six de de- là , pourront élire un Avocat dans
leur district , pour assister tous ceux qui sont
poursuivis par la Justice , et pour appuyer les ,
suppliques de ceux qui sont pauvres , contre les
injustices les Juges , des Officiers et des Ministres.
Ils pourront encore , pour tous les Lieux où il y,
a des Juges , députer un Avocat pour cette Jurisdiction
, qui sera chargé , comme cy - dessus , de
nous informer, ou le Magistrat de Corse, par le
canal de l'Orateur , des suppliques de ceux qui
auroient sujet de se plaindre de leurs Juges.
"
XVII . Enfin , comme le retour sincere que.
nous nous promettons de la part des Corses ,
nous a engagé à leur faire ressentir les effets de
notre modération , les Communautez , les Villes,
les Lieux ou les Particuliers qui ne se rendroient
pas au devoir de la soumission envers la Répu-,
blique , comme le doivent des Sujets obéissants,
et fidels , sont déchus tout-à -fair du pardon et,
de 1 Amnistie qui est accordée par ces Présentes,
et toutes les poursuites déja intentées contre eux,
revivront au profit de notre Fisc. , puisqu'ils se
rendront indignes par leur perséverance à désobéir
, de recevoir les preuves de la génereuse clémence
qui n'est que pour favoriser la démarche
légitime de ceux qui rentrent dans le devoir.
Le
ESPAGNE.
A nuit du 7. au 8. de ce mois , le Roy , la
Reine , le Prince et la Princesse des Asturies ,
les Infants et les Infantes , vinrent du Château
d'Aranjuez au Palais du Buen- Retiro . Le lende
main , Leurs Majestez partirent avec les Princes
et les Princesses de la Maison Royale , pour se
rendre au Château de S. Ildefonse , où clies arri
verent le 9. au soir . Ов
JUILLET. 1734 1667
On apprend par les Lettres d'Oran , que selon
le rapport de quelques Maures , qui se sont rendus
dans la Place , les Infidelles ont perdu dans .
P'action du 1o. Juin , deux de leurs principaux
Chefs et environ 1300. hommes , la plupart .
Turcs , perte d'autant plus considerable pour Bigotille
, qui commande l'Armée ennemie , que
les Turcs sont ses meilleures Troupes.
のみの
MORTS ET MARIAGES.
des Pays Etrangers.
Four Yeave de Louis ,Guillaume Prince de
Rançoise Sibile Auguste de Saxe- Lawem
Bade , Maréchal de , Camp , Generalissime des
Armées de l'Empereur , et de l'Empire , l'un des
plus grands Generaux de son temps , mort le 4 ,
Janvier 1707. mourut à Etlinghen le 19 Juin
âgée de 58. ans 5. mois et 28. jours . Elle étoit
mere de Guillaume George - Bernard- Sibert- Philippe
de Neri, Margrawe de Baden qui épousa
au mois de Novembre 1721. Auguste- Marie-
Jeanne de Schwartzemberg , d'Auguse Guillaume
Simpert , né le 14. Janvier 1706. Doyen de la
Cathédrale d'Ausbourg , au mois de Décembre
1721. d'Auguste Marie- Jeanne de Baden , née
le 10. Novembre 1704 mariée le 18. Juin 17249
áu Duc d'Orleans , morte le 8. Août 1726 .
La Duchesse de Meckelbourg , Epouse du Duc
Charles- Léopold de Meckelbourg , mourut le 25
Juin à Petersbourg , dans la 42 année de son âge.
Le 10. Juin , le Mariage du Prince Royal de
Prusse avec la Princesse Elizabeth- Christine de
Lyju Beveren
8 MERCURE DE FRANCE
Beveren , fut celebré avec beaucoup de magnificence
à Saltzdal, et le 2. Juillet, le Prince Charles
de Beveren , épousa à Berlin , la Princesse Charlotte
de Prusse ; La Cérémonie du Mariage fut
faite par M. Gedik , Ministre Lutérien : Le Roy
de Prusse a donné plusieurs Fêtes à l'occasion de
ce Mariage et de celui du Prince Royal .

FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
LonLiettenant
E Roy a accordé au Marquis de Rubampré ,
sonLieutenant de la Compagnie desGendarmes
Ecossois , l'agrément de la Charge de Capitaine-
Lieutenant de cette Compagnie , vacante par la
démission volontaire du Comte de Mailly , son
frere .
S. M. a nommé l'Abbé de Canillac , Auditeur
de Rotte pour la France.
Le 23. Juillet , M. l'Archevêque de Paris , fit
dans son Eglise Métropoliitaine , la Benediction
des Drapeaux , Guidons et Etendarts des trois
cent Gardes de la Ville , tous habillez de neuf,
M. Taitbout , leur Colonel , étant à la tête . La
nouveauté de cette Cérémonie , qui ne s'étoit pas
encore faite à N.D. pour ce Corps, y avoit attiré
quantité de monde. Les Prévôt des Marchands
et Echevins y assisterent , et dînerent ensuite à
l'Archevêché.
Le 27 la Loterie de la Compagnie des Indes,éta
bli
JUILLET. 1733. 1669
ble pour le Remboursement des Actions , fut tirée
en la maniere accoûtumée à l'Hôtel de la Compaghie.
La Liste des Numeros gagnans des Actions
et Dixièmes d'Actions qui doivent être remboursées
, a été rendue publique , faisant en tout le
nombre de 328. Actions.
La Fête de Sainte Anne , Patrone de M. de
Vandeil , Ecuyer du Roi , très -connu par Tes
excellens Hommes de cheval qu'il a formez
a été célebrée avec éclat le 27 de ce mois , par
les Gentilshommes - Pensionnaires de l'Académie
, dont il est le Chef. La Fête commença par
un très - beau Concert , après lequel une Sérénade
des meilleurs Instrumens , et quantité de Boëtes
ont précedé un Feu d'Artifice de très - grand
goût , avec de belles illuminations. Plusieurs
Seigneurs et Dames de distinction qui avoient
été invités , ont été charmés de la galanterie de
la Fête , et de la politesse avec laquelle cette
jeune Noblesse en ont fait les honneurs et
marqué leur reconnoissance à M. de Van
deüil.
>
Le bruit que l'on a fait courir que M. de Vandeuil
quittoit son Académie , n'a aucun fondement
, étant toujours dans le dessein de conti
nuer ses soins à la Noblesse .
Le Commandement du Réduit de la Porte-
Blanche de Strasbourg , vacant par la mort de
M. du Cheron , a été donné à M. de Tavignon
, Capitaine au Régiment de Bourbonnois.
-M. de Malesfre , Lieutenant de Rai de Longwy
, s'étant retiré , sa pension de 800. liv. a été
augmentée de 1100. et cette Lieutenance de Roy
1670 MERCURE DE FRANCE
a été donnée à M. de Villure , commandant un
Bataillon du Régiment Royal , Artillerie , auquel
il a été conservé 1200. liv . sur la Pension
de 2500. liv. qu'il avoit avant d'être placé .
REMPLACEMENT fait dans la
Marine le 10 Juin 1733 .
Capitaines de Vaisseaux , Mrs le Chevalier de
Cresnay , Capitaine d'Artillerie , Descoun , Ca- '
pitaine de Frégate , du Deffend , Capitaine de
Frégate.
Lieutenans de Vaisseaux. Mrs Giffort , Lieutenant
d'Artillerie, S. Surin de Montagne, Lieutenant
d'Artillerie.
Enseignes de Vaisseaux. Mrs Keralio , Brigadier
des Gardes du Pavillon , de Ruither , id.
Du Chaffaut de Besné id. Le Vassor de la
Touche , id. de Fontenay- Montreuil , Garde
Marine.
REMPLACEMENT dans l'Artillerie. ACEMENT
Capitaine Artillerie. M. Dupin de Bellegard
, Lieutenant d'Artilleric.
Lieutenans d'Artillerie. Mrs Boispineau , Sous-
Lieutenant , Beaussier d'Ayrand , id. Serquigny
d'Aché , id.
Sous Lieutenans d'Artillerie. Mrs Clavel de
Gobrant , Ayde d'Artillerie . Mathezon de Ker !
pesch , id. La Bosse , id.
Aydes Artillerie. Mrs de Caillé - Farcy , Sous-
Brigadier des Gardes Marines , de Fayet , Garde-
Marine de Fontenay
villon.
Garde du Pa-
EX
JUILLET. 1733 1671
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Cler
mont , en Auvergne , au sujet de l'Acci-
.dent arrivé au mois de Juin dernier.
L
A Paroisse de Pardines , Election d'Yssoire ;
est située à une lieuë de la Ville d'Yssoire
sur le chemin de Clermont , presque au haut
dun Côteau rapide . Elle est séparée en deux
Villages ou Hameaux , éloignez l'un de l'autre
d'environ 200. pas , l'un qu'on appelle le Fort
dans lequel se trouve l'Eglise Paroissiale et une
partie des maisons des Habitans , situé sur le
Roc. On y voit les vestiges d'une ancienne Fortification
qui entouroit quelques maisons dans
le tems des Guerres. L'autre Village , que l'on
nomme proprement Pardines , cont noit la plus
grande partie des maisons aŭ nombre de 46. Le
Terrain , sur lequel le Village étoit bâti , qui
est le même que celui de tout le Côteau , est
d'une terre franche et légere , mêlée d'un peu
d'Argile ; il s'y trouve aussi des Pierres et quel
ques Rochers de médiocre gross ur le Tri
toire est fort bien cultivé et très abondant . I y
avoit des terres semées en grains , des Vergers,
et la plus grande partie étoit en Vignes Tout le
sol étoit couvert d'Arbres fruiti rs et sur tout
de Noyers. Cette terre se séchoit et se gersoit
facilement par la chaleur ; on s'appercevoit mê
me depuis long- tems qu'il s'y faisoit des fentes
d'une profondeur extraordinaire , et quelquefois
ces féniés s'élargissoient , et enfin formoient des
fondrieres.
>
Le 23 Juin dernier , sur les 9. heures du soir,
les habitans du Village de Pardines s'apperçûrent
que
1672 MERCURE DE FRANCE
que les murailles de leurs maisons s'ébranfoient
sensiblement , ils sortirent , et virent que
le Côteau s'enfonçoit à vue d'oeil , les terres des
endroits élevez tomboient dans le Vallon •
d'autres s'affaissoient tout- à - fait , la terre s'entrouvrant,
formoit de nouvelles fondrieres, celles
qui étoient déja faites devenoient plus grandes ,
le Terrain , qui s'écrouloit en trop grandes
piéces , s'arrêtoit et se bouleversoit l'un sur
l'autre , les Rochers qui se détachoient de ces
se précipitoient dans le Vallon , de sorte
que le chemin d'Yssoire à Clermont , voisin de
ce Côteau , est devenu impraticable.
terres ,
Tout cela ne s'est point fait par un mouvement
impétueux , mais assez lentement , et quelquefois
presqu'imperceptiblement. On s'apperçût
en premier lieu d'un mouvement assez sensible
, pendant l'espace de trois ou quatre jours ,
à differentes reprises ; le seul bruit qu'il y a eu
est celui qu'ont fait les Rochers en tombant dans
Vallon , et quelques grosses mottes de terre
qui se détachant des endroits escarpés , se précipitoient
rapidement..
Cet écroulement a emporté 26 Bâtimens, dont
les uns se sont affaissés avec le Terrain , et se
sont enfin écroulés par l'ébranlement des fondations.
Les vestiges des autres paroissent encore
sur la surface de la terre , ayant coulé
avec moins de rapidité dans le Vallon. Il y a eu
une maison qui n'est tombée que le 10. de
Juillet.
On compte que les terres qui se sont éboulées
, ou qui ont été enveloppées sous les décom
bres des autres , forment la quantité de 466 .
euvres de Vigne , 40 septerées de terres labourables
, et je oeuvres de Prés , ce qui peut en tout
compoJUILLET.
1733. 1673
Composer 150 arpens , mesure de Paris. Il est à
remarquer que dans cet espace il y avoit plusieurs
Vergers , et que tout ce terrain étoit couvert
d'Arbres , soit Noyers sur le Côteau , soit
Saules et Peupliers dans le Vallon : on en fait
monter le nombre à 4000. qui ont été culbutés.
>
Si l'on peut former quelques conjectures sur
un évenement si extraordinaire , on pense qu'il
peut venir de la situation du Sol , et de la nature
du Terrain ; la premiere superficie du Côreau
, de la hauteur de quatre à cinq pieds
étoit un terrain assez leger , et facile à se dessecher
par les ardeurs du Soleil. Sous ce premier
lit il y avoit un banc de terre glaise , que l'on
découvre aujourd'hui en plusieurs endroits , lequel
est extrêmement humide , et où l'on voit
même l'eau sourciller.
Les grandes pluyes qui sont tombées au
commencement du Printemps ont pu délaïer ce
banc de glaise , qui a reçû et retenu les eaux du
Côteau qui couloient entre deux terres ; les
chaleurs de l'Eté qui sont venues ensuite ont pâ
dessécher la premiere superficie , et en auront
fait une croûte solide ; or cette croûte s'étant
trouvée sur un terrain gras et humide , d'ailleurs
fort glissant , par sa pente vers le Vallon ,
cette superficie s'est détachée par masses , et a
coulé vers l'endroit de sa pente . Plusieurs parties
se sont affaissées presque insensiblement
soit parce que l'écroulement du terrain voisin a
fait détacher ce qui étoit le plus proche des
terres glaises , soit parce que les eaux ayant
séjourné entre cette croûte superficielle et le
banc de glaise , avoient miné le terrain , &c.
Il y a eu des Champs entiers qui ont coulé
dans
16 MERCURE DE FRANCE
dans le Vallon , et l'on y voit encore des Vi
gnes , avec leurs échalas , dans la même assiete
qu'elles étoient sur le Côteau. Enfin il y en a
qui se sont entierement bouleversées , parce
que la partie inférieure de cette croûte , ayant
touché au terrain solide s'est arrêtée , et le
mouvement l'a fait briser en morceaux qui se
sont séparez , et se sont culbutés les uns sur les
autres de différentes manieres.
Je dois ajoûter ici que cet Accident n'est pas
sans exemple dans la Province d'Auvergne ; à la.
verité , on n'en avoit jamais vû de si considérables
; il est souvent arrivé que des piéces de
terre d'un quartier , et d'un demi arpent , se
sont détachées des Côteaux , et ont coulé sensiblement
sur les héritages inferieurs.
Quelque considerable que soit cet Accident
pour les malheureux qui l'ont ressenti , il seroit
à souhaiter que ce fut le seul qui fut arrivé dans
notre Province , les inondations de l'Allier , des
Rivieres er des Ruisseaux , er depuis les grêles
qui sont tombées continuellement ont ruiné plus
de too. Paroisses , et les ont mis hors d'état de
recueillir ni Bled , ni Vin , ni Chanyre cette
année.
Autre Extrait de Lettre.
E Village de Pardines , appartenant à Made
Ldu Bonseage , presque Midn
de S. Cyrques , est situé sur la gauche du chemin
de Clermont à Yssoire. Quelques jours
avant l'accident , les habitans de Pradines s'apperçurent
en labourant leurs terres , qu'elles
étoient mouvantes. Ils enfoncerent leurs Aiguillades
, qui sont une espece de Gaule , d'environ
dix
JUILLET . 1733. 1675
dix pieds de long , avec lesquelles ils piquent
leurs Boeufs . Cet instrument entroit sans peine
en terre jusqu'au bout sans trouver ni fonds ni
résistance ; néanmoins ces Laboureurs ne firent
pás grande attention à cela . Enfin , la veille de
3. Jean , pendant la nuit , tout le monde étant
couché , un des habitans s'apperçût que sa maison
s'enfonçoit en terre , il sortit avec ses domestiques
, et fut bien plus surpris de voir le
terrain voisin entr'ouvert de tous côtez ; il
envoya éveiller ses voisins ; chacun sauva
ce qu'il pût , et se retira sur la hauteur ; à
peine y étoient- ils que quarante- deux maisons
du Village furent abîmées et ensevelies dans la
terre , et un Terrain d'environ cinq cens arpens
, se détacha de la Colline et roula jusques
dans la Plaine , qui se trouve maintenant comblée
de monceaux de terres , qui ont entraîné
pêle-mêle les Vignes et les Arbres qui étoient
sur le Côteau .
1
Il y a une chose bien particuliere , c'est que
quelques uns de ces Arbres , après avoir fair
sans doute , plusieurs culebutes , se sont trouvez
debout , et ont formé un bouquet de bois à
l'endroit où ils se sont arrêtez. L'Eglise et trois
maisons qui en sont voisines subsistent encore ,
mais il y a apparence qu'elles auront bien- tôt le
sort des autres .
L'éboulement de ces terres laisse voir des
Rochers ' monstrueux qu'il a dépouillés , ce qui
fait présumer que ces Rochers servant de Digue
aux caux qui s'y sont amassées , les y on Fair
séjourner , et ont causé le désordre qui vient
d'arriver.
la
Une Lettre d'Yssoire , du 24 Juin porte ;
nuit du 23 au 24 Juin le Village de Pardines
s'est
1676 MERCURE DE FRANCE
s'est englouti , je veux dire que la plupart des
bâtimens ont changé de place presque tous entiers
, et après avoir fait un peu de chemin se
sont bouleversez et se sont ensuite enfoncez en
terre. Les Champs et les Vignes ne sont plus à
Pardines , ils se sont dispersez confusement et
n'ont laissé à leurs places que des Rochers et
des Précipices. On y voit plus ni Chêne ni
Noyers , et la métamorphose est si singuliere
et si épouventable , qu'on n'en sçauroit donner
une juste idée par le recit.
{
MORTS , NAISSANCES.
Na appris d'Oran que Jean - Sebastien
Hue de Miromenil , cy- devant Colonel du
Regiment de Querci en France , y étoit mort
des blessures reçues à la journée du 10 Juin ,
contre les Maures , le 15 du même mois , generalement
regretté des Officiers et des Soldats.
Il commandoit les Troupes Espagnoles , comme
Colonel de jour.
D. Louise-Césarine de Conflans , veuve de
Mre Emmanuel de Proisy , Marquis de Morfontaines
, mourut le 19 Juin , en son Château de
Bouleuze en Champagne , dans la 86 année de
son âge. Elle étoit fille de Christophe de Confans
, Comte de Vezilly , Seigneur de Bouleuze,
de Poilly , &c. Gentilhomme ordinaire de la
Chambre du Roy Louis XIII . et Capitaine
d'une Compagnie de Chevaux Legers de cent
Maîtres , en 1635 et de D.Magdeleine de Chastillon
sur Marne , de la branche des Seigneurs
de Marigny , qui mourut veuve le 1 Septembre
1683 .
JUILLET. 1733. 1677
1683. La Marquise de Morfontaines , dont on
rapporte la mort , a eu pour fille unique, Louise
de Proisy de Morfontaines , mariée avec Emmanuel
de Hallencourt , Marquis de Dromesnil ,
cy- devant Capitaine- Lieutenant de la Compagnie
des Chevaux Legers Dauphins , et frere de
Charles François de Hallencourt de Dromesnil
Evêque de Verdun ; duquel mariage est venue
une fille , qui a épousé en 1726. à l'âge de 19
ans , Charles Brulart , Marquis de Genlis . La
Généalogie de la Maison de Conflans , qui est
une branche de l'ancienne Maison de Briénne, est
rapportée dans le 6 tom . des Grands Officiers de
la Couronne , à l'article des Connétables , page
142.
?
D. Marguerite de Mareau de Villeregis , veuve
en premieres nôces de Maximilien - Claude- Franfois
, Comte de Gomiecourt , mort le 13 Mars
1665. et en secondes , depuis le 21 Septembre
1689 de Louis de Mailly , Seigneur du Fresnoy
Fécamp , la Neuville , &c. Mestre de Camp
d'un Régiment de Cavalerie , et Capitaine- Lieu
tenant des Gensdarmes du Princ de Condé
mourut à Paris , le Juin , dans la 93 année
de son âge , et fut inhumée à S. Nicolas des
Champs , dans la Sépulture de sa famille. Elle a
laissé de son second mariage un fils , appellé le
Comte de Mailly , qui n'est point marié , et Elizabeth
de Mailly, mariée en 1708.avec Joachim
de la Viefville, Seigneur de Plainville , Levremont,
Rouville , Chevalier de l'Ordre Militaire de saint
Louis , et Capitaine de Vaisseaux du Roy .
Pierre-Antoine Rouillé , Seigneur de S. Seine,
Ville-Sery , Arnay , &c . Président honoraire au
Grand Conseil , mourut le Juin , âgé d'environ
to ans , il avoit été marié le 29 Mars
f
1708
1678 MERCURE DE FRANCE
4708. avec Anne le Gouz , seconde fille de Benoît
- Etienne le Gouz - Maillard , Seigneur de Seine
Ville-Serye Arnay , Président au Parle
ment de Dijon , et d'Anne Berthier.
Charles-Emmanuel de Baufremont , Barón de
Secy , Abbe commandataire des Abbaïes de saint
Pierre de Luxeuil, et de S. Paul de Besançon ,
mourut le 27 Juin , âgé de 69 ans , il étoit oncle
de Louis - Benigne de Baufremont , Marquis de
Clairvaulx , et de Listenois , Comte de Poligny
Rand , Durue , Baron de Traves , Ressin , Montsogeon
, & c. Chevalier de l'Ordre de la Toison
d'or , Biigadier des Armées du Roy , du 1 Fevrier
1719 , et cy-devant Mestre de Camp d'un
Régiment de Dragons , lequel a été marié le s
Mars 1712 avec D Helene de Courtenay , la
derniere de sa Maison , dont il a plusieurs fils ;
Paîné appelié le Marquis de Baufremont , qui a
été fat à l'âge de 18 ans , au mois de Decembre,
Mestre de Camp du Regiment de Dragon ,
qu'avoit son pere , et dans lequel il étoit Capitaine
.
<
Fréderic-Jules de la Tour , appellé le Prince
d'Auvergne, mourut à Paris le 28 Juin , après
une longue maladie , dans la 62 année de son
age , étant né le 2 May 1672. Il étoit fils puîné
de Godefroi- Maurice de la Tour , Duc de Bouilton,
d'Albret, et de Château- Thierry , Pair et Grand
Chambelian de France , mort le 25 Juillet 1721.
et de Marie-Anne Mancini , morte le 21 Juin
1914. il avoit été autrefois connu sous le nom
de Chevalier de Bouillon étant Chevalier
Grand Croix de l'Ordre de S. Jean de Jérusalem
, qu'il quitta et prit ensuite le titre de Prince
d'Auvergne. Il avoit été marié le 17 Janvier
1720, avec Catherine Olive de Trantes , fille de
-
Pa
JUILLET. 1733. 1679
Patrice de Trantes,Chevalier, Baron , et d'Irlande,
Grand Trésorier d'Angleterre , sous le 1tgne de
Jacques II. qu'il suivit en France en 1689. et de
D. Eleonore de Nagle de Monamini , il en avoit
eu deux fils et une fille , mais ils sont morts en
bas âge.
9
D. Marie-Anne Foucault , veuve depuis le 14
Mars 1705. de François Petit de Villeneuve ,
Conseiller honoraire en la Cour des Ayces
mourut à Paris le 30 Juin , âgée de 85 ans ; elle
étoit soeur de Jos ph- Nicolas Foucault , Marquis
de Magny , Conseiller d'Etat ordinaire
mort le 8 Février 1721 et elle avoit tu deux
fils tous deux Présidens en la Cour des
Aydes ; l'aîné , mort l 2.4 Decembre 1751
laissant des enfans en bas áge ; le cadet étoit
mort dès le 7 Mars 1710. à l'âge de 23 ans
n'ayant laissé qu'une filie unique , Lonmée Marie-
Anne Petit de Villeneuve , née au mois de
Juillet 1709. qui a été mariée le 19 Juillet 1728,
avec Jean Baptiste Maximilien le Feron, Seigneur
du Plessis Maître des Requêtes.
Frere Nicolas de Geraldin , Chevalier , Grand
Croix , de l'Ordre de Saint Jean de Jerusalem ,
Grand Prieur titulaire d'Angleterre , Commandeur
de la Commanderie Magistrale de Metz ,
mourut au Château de S. Symphorien, en basse-
Normandie , le 29 Juin , âgé de 40 ans.
Claude de la Villeneuve de Languedouë , Seigneur
d'Ossonville et Ansonville , dans le Pais Chartrain
, Enseigne au Régiment des Gardes- Françoises
, et auparavant Doyen des Pages des Ecuries
du Roy , mourut à Draveil sur Seine, à l'âge
d'environ 26 ans , le 7 Juillet , sans avoir été
marié.
Jean-Baptiste d'Audiffret , Gentilhomme Provençal
160 MER CURE DE FRANCE
vençal , de la Ville de Marseille , cy.devant En
voyé Extraordinaire du Roy , auprès de S.A.R.
le Duc de Lorraine, mourut à Nancy le 9 Juillet,
âgé d'environ 76 ans , et fut inhumé avec beau
coup de pompe ; son Convoi ayant été accompagné
d'un détachement des Gardes du Duc de
Lorraine , et un grand nombre de personnes de
considération y ayant assisté.
Il fut nommé le 20 Février 1698. par le Roy,
son Envoïé extraordinaire auprès des Ducs de
Mantouë , de Parme et de Modene, et ayant été
rappellé d'Italie , il fut choisi au mois de Juillet
1703. pour aller résider avec le même caractere
d'Envoyé extraordinaire à la Cour de Lorraine.
Il remplit ce poste jusqu'au 29 Jain de
l'année derniere 1732. qu'il prit à Luneville son
audience de congé de la Duchesse doüairiere de
Lorraine. Ses longs services avoient été recompensez
au mois de Septembre dernier d'une pension
de 3000 liv. Il étoit cousin germain de
M. d'Audiffret , Maréchal des Camps et Aimées
du Roy , Gouverneur du Château d'If et Isles de
Marseille .
Charles de la Grange -Trianon , Diacre , Chahoine
Jubilaire de l'Eglise Métropolitaine de Paris
, Abbé Comandataire de l'Abbaye de saint
Sever , Ordre de S. Benoît , Diocèse de Coutances
, Prieur des Prieurez de S. Martin du Vieil ,
Bellesme , de S.. Maxire , Diocèse de la Rochelle ,
et d'Yvette , près Chevreuse , Conseiller en la
Grand- Chambre du Parlement , et Doyen des
Conseillers Clercs , mourut le 10. Juillet en sa
Maison Claustrale, dans la 80, année de son âge,
étant né à Paris le 23. Aqût 1653. d'un Faruille
très-ancienne et illustre dans la Robbe , qui finit
en sa personne. L'Abbé de la Grange avoit été
reçû
JUILLET.
1733. 1631
reçû Chanoine de Paris, le 3. Avril 1679. et Conseiller
au Parlement le 13. May 1682. et il avoit
obtenu l'Abbaye de S. Sever en 1694. Il a nommé
pour son Executeur Testamentaire M. d'Argouges,
Lieutenant Civil, auquel il fait un présent
de 4. Tableaux de prix . Il avoit fait l'année deɛniere
une donation de soooo. livres au Chapitre
de Notre Dame pour l'entretien des Orgues de
l'Eglise , à la charge d'un annuel après sa mort.
Par la mort de l'Abbé de la Grange , Jean-
Baptiste Pajot de Dampierre , Soudiacre , Chanoine
de l'Eglise de Paris , depuis le 14. Octobre
1709. et Abbé de S. Loup , Diocèse de Troyes ,
du mois de Janvier 1731. Conseiller en la cinquiéme
Chambre des Enquêtes , reçû le 17. Juillet
1715. fut appellé et monta à la Grand- Chainbre
le même jour 10. Juillet 1733.
D. Marie Regnault , Veuve en premieres Nôces
d'Edme Roger du Perron , Seigneur de Corcelles ,
Intendant pour le Roy à Cazal et à Pignerol , et
en secondes , depuis le premier Avril 1720. de
Jean- Pierre Chuberé , Conseiller , Secretaire du
Roy , Maison , Couronne de France et de ses Finances
, Avocat au Parlement , et ancien Bâton→
nier , Banquier Expeditionnaire en Cour de Rome
et Legations , mourut à Paris le 13. Juillet ,
ayant eu de son premier Mary une fille mariée
avec Pierre d'Hariague , Seigneur d'Auneau en
Beauce , Secretaire du Roy , et cy-devant Trésorier
de la Maison d'Orleans , et de son second ,
Marie- Louise Chuberé , mariée le 3. Septembre
1714. avec Jean-Baptiste- Auguste le Rebours ,
Seigneur de S. Mard sur le Mont , Conseiller au
Parlement de Paris , et morte le 29. Juin 1729.
â l'âge de 36. ans.
D. Jeanne Duranti , veuve depuis le 12. Dé
K cembre
1632 MERCURE DE FRANCE
cembre 1708, de Denis Marsollier , Conseiller au
Grand Conseil , mourut à Paris en la Capitainerie
du Louvre le 14. Juillet , dans la 92. année
de son âge , étant née au mois de May 1645 .
Elle laisse une fille unique , Epouse de Louis de
Nyert , Marquis de Gambais , Seigneur de Neuville
, Gentilhomme ordinaire du Roy , et son
premier Valet de Chambre , Gouverneur de Limoges
, Bailly de Gray , en Franche - Comté , et
Capitaine- Concierge du Château du Louvre.
D. Anno de Casteras de la Riviere , Baronne
de Conflans , Epouse de Michel - Jean- Baptiste
Charon , Marquis de Ménars , Brigadier des Armées
du Roy , Capitaine des Chasses de la Capitainerie
de Blois , Gouverneur du Château de
Blois , Chevalier de S. Louis , accoucha le 26
Juin , d'une fille , qui fut nommée Anne.
D. Marie-Elisabeth de S. Simon , Epouse de
Claude Roland, Comte de Laval - Montmorency,
Maréchal des Camps et Armées du Roy , Gouverneur
de Philippeville , accoucha le 27 Juin ,
d'une fille, qui fut nommée Henriette - Charlotte,
par Henry de S. Simon , Colonnel du Régiment
de S. Simon , et par D. Marie Jeanne- Louise
Bouin d'Angervilliers , Epouse du Marquis de
Ruffec , Grand d'Espagne,
D. Genevieve- Adelaide- Félicité Do , Epouse
de Louis de Brancas , Duc de Lauragais , Pair de
France , accoucha le 3 Juillet , d'un fils , qui for
nommé Louis- Léon-Félicité , par Léon de Ma
daillan de Lesparre , Comte de Lassay ; et par
D, Marie-Angelique Fremin de Moras , Epouse
de Louis- Antoine de Brancas , Duc de Villars ,
Pair de France , Chevalier des Ordres du Roy.
ARI
JUILLET. 1733 1
1683
************************
ARRESTS NOTABLE S.
RDONNANCE DE POLICE , du
5. Juin , portant défenses aux Proptietaires
et Locataires des Maisons voisines de la Foire
S. Laurent , d'en louer aucunes parties pendant
ladite Foire , sans la participation de Maître Aubert
, Commissaire préposé à cet effet.
ORDONNANCE DE de
AUTRE du 19. Juin , portant Reglement
de ce qui doit être observé pendant la tenue de
de la Foite S. Laurent , par les Marchands de Paris
et Forains , qui y sont établis pour la vente de
leurs Marchandises , Denrées , & c.

ARREST du Parlement, du 2 . Juillet 1733
sur les Procedures criminelles du Châtelet de Paris
, &c.
Ce jour , le Procureur General du Roy entre
en la Chambre de la Tournelle , à l'occasion de
la plainte rendue au Commissaire Charles , le 20 .
Juin dernier par Anne-Catherine Miotte , femme
de René Hatte , Fermier General , et Marie Viart,
femme Boiron , sa Domestique ; le Substitut du
Procureur General du Roy au Châtelet , le Gref,
fiet dépositaire des Registres ctiminels dudit Châ.
telet , et Charles Charles , Commissaire audit Châ.
relet , mandez rendre
pour
de leur conduite
, ouis en présence du Procureur General du
Roy. Eux retirez , et oùy le Procureur General
du Roy :
compte
La matiere mise en déliberation.
La Cour a ordonné et ordonne que l'Art . 18.
du Tit. VI. de POrdonnance de 1670. Arrêts et
Reglemens de la Cour seront executez selon leur
Kij for1684
MERCURE DE FRANCE
forme et teneur , et en conséquence , qu'à comp
ter de ce jour , il sera fait au Châtelet un nouveau
Registre relié et chiffré , lequel contiendra au premier
feuillet le nombre de ceux dont il sera composé
, cotté et pataphé en tous ses feuillets par
le Lieutenant Criminel , pour être au Greffe Criminel
du Châtelet , enregistré toutes les Procedures
qui seront faites ou apportées audit Greffe
et leur datte ; ensemble le nom et la qualité du
Juge et de la Partie de suite et sans aucun blanc ,
sur lequel le Substitut du Procureur General du
Roy et autres Officiers du Châtelet qui doivent
prendre communication desdites pieces , seront
tenus de se charger en marge de l'enregistrement
d'icelles , et lesquels seront déchargez sur ledit
Registre lors du rapport desdites Pieces ; donné
Acte au Procureur General du Roy , de la plainte
qu'il rend de la soustraction de la premiere expedition
de la plainte du 20. Juin dernier , lui permet
de faire informer dudit fait , circonstances et
dépendances pardevant Me Louis -François Symonet
, Conseiller en la Cour , pour l'information
faite , communiquée au Procureur General du
Roy , et vu par la Cour , être ordonné ce que de
raison , à l'effet de quoi ordonne que le Registre,
des dépôts du Châtelet , apporté par le Greffier
Criminel du Châtelet , et laissé sur le Bureau , sera
déposé au Greffe criminel de la Cour ; et faisant
droit sur les Conclusions du Procureur General
du Roy , ordonne
que le Procès
encommencé
au
Châtelet
sur les faits résultans
de la plainte
rendue
par Anne-Catherine
Miotte
, femme
René
Hatte
, Fermier
General
, et Marie
Viard
, femme
Boiron
, sa Domestique
, au Commissaire
Charles
, le 20. Juin dernier
, sera continué
, fait et
parfait
en la Cour , aux Auteurs
, Complices
et.
Adherans
, des faits mentionnez
en ladite
plainte
,
er à cet effet que ladite
plainte
et autres
procedu
res
JUILLET. 1733. 1685
res qui peuvent avoir été faites , seront apportées ›
au Greffe Criminel de la Cour : Et que le présent
Arrêt sera lû et publié , l'Audiance du Parc Civil
du Châtelet tenante , registré ès Registres dudit
Châtelet , imprimé , publié et affiché par tout où
besoin sera. Fait en Parlement le 2. Juillet 1733- >
Collationné , DRQUET. Signé , PINTEREL.
ARREST du Conseil , du 26. Juillet 1733-
dont voici la teneur.
Le Roy s'étant fait représnter une feülle imprimée
sans nom d'Auteur ou d'Imprimeur , sans
Privilege ni Permission , sous le titre de Formulaire
proposé par M. l'Archevêque de Tours , au
Chapitre general des Benedictins de la Congrégation
de S. Maur , le 3. Juillet 1733. au bas de laquelle
est un autre Ecrit intitulé , Déclaration
proposée pour être mise au bas des signatures du
Formulaire précedent : Sa Majesté auroit été en
même temps , informée , que des esprits inquiets
et mal intentionnez font tous leurs efforts pour
obtenir ou surprendre des signatures de plusieurs
Religioux de la Congregation de Saint Maur , et
former entre eux une espece d'associacion , dant
la vûë de s'opposer à ce qui s'est fait auditChapitre
general ; à quoy étant necessaire de pourvoir , non
seulement pour empécher tout ce qui pourroit
troubler la paix dans l'interieur de cette Congregation
, mais pour affermir de plus en plus la tran
quillité publique , Sa Majesté étant en son Conseil
, a ordonné et ordonne que ladite feuille im→
primée sous le titre de Formulaire proposé par M.
l'Archevêque de Tours , au Chapitre general des
Benedictins de la Congregation de Saint Maur , le
3. Juillet 1733. au bas de laquelle est un autre
écrit intitulé , Declaration propofée pour être miſe au
bas des fignatures du Formulaire precedent , sera et
demeurera supprimée : Enjoint Sa Majesté à tous
ceux
166 MERCURE DE FRANCE
ceux qui en ont des exemplaires , de les remettret
incessamment au Greffe du Sieur Herault,Conseillier
d'Estat , Lieutenant general de Police de la
Ville de Paris , pour y être supprimez : Fait def
fenses à tous Imprimeurs , Libraires , Colporteurs.
et autres , de quelque état et condition qu'ils
soient , den vendre , débiter , ou autrement dis
tribuer , à peine de punition exemplaire. Ordonne
en outre Sa Majesté, que par le Sieur de Lesseville
Interdans et Commissaire départi dans la Genera
Fré de Tours , il sera informé contre ceux qui sollicitent
des signatures , ou associations , pour s'opposer
aux decrets dudit Chapitre general de la
Congregation de Saint Maur ; lui permettant de
subdeleguer tel Officier , ou Gradué , avec tel
Greffer qu'il jugera à propos , pour proceder à
ladite information, à la requête de celui qu'il comfaire
la fonction de Procureur du Roy.
Veut et ordonne Sa Majesté , qu'il soit pareillement
informé des faits cy-dessus marquez , par Iddit
Sieur Herault, Conseiller d'Etat , Lieutenant general
de Poice , à la requête du Sieur Moreau Procureur
du Roy au Châtelet , à l'égard de ce qui
peut s'être passé dans l'étendue de la Ville ,Prevôté
et Vicomté de Paris , pour les informations faites
et rapportées , y être pourvû ainsi qu'il appar-.
tiendra par Sa Majesté ; laquelle se reserve la connoissance
de toutes les difficultez ou contestations
qui pourroit avoir été formées , ou l'être dans la
suite , au sujet dudit Chapitre , et de ce qui s'y
seroit passé , Sa Majesté interdisant ladite Con
noissance à toutes ses Cours et autres Juges &c.
mettra pour
P
TABLE
1467
Ieces Fugitives . Codrus , Poëme.
Conjectures sur le Palais , appellé vetera Domus
, &c. 1472
Ode aux Muses ,´ 1484
Lettre sur l'Historien Lampride , au sujet d'Alexandre
Severe , ·
Epitre au Comte de Tavanes ,
Seconde Lettre au sujet des Peintres Flamands ,
Ajax , Cantate ,
1488
1502
Isos
1513
Remarques sur une Médaille Grecque de Dindumenien
,
1516
Avis au Prestol d'Iac , et Vers en Réponse , &c.
Suite du Voyage en Basse- Normandie ,
L'Epoux malheureux , Elegie.
1820
1421
71834
Suite des Refléxions sur la bizarerie des Usages ,
1540
Ode qui a remporté le Prix au Palinod , &c.
1:47
Lettre et Description de la Terre de G. 1552
Lettre Critique sur une nouvelle Histoire Universelle
d'Angleterre , & c.
Epitre de M. *** à Mlle sa fille ,
Enigmes , Logogryphes , &c.
1559
1571
1574
NOUVELLES LITTERAIRES des beaux Arts , &c.
Anecdotes de la Cour de Phil. Augusic , 158 €
1593 Le Pour et Contre ,
Abregé Chronologique et Historique de l'Oligine
et du Progrès des Troupes de France ,
& c. 1594
1605 Dissertation sur le Feu Boréal , &c.
L'Art d'apprendre la Musique , exposé d'une
maniere nouvelle , 1607
Nouvelle Edition de Robert Etienne , 1611
Projet et Souscription sur un grand Ouvrage qui
regarde les Monumens antiques , 1612
Manifeste sur les Droits de Joyeux Avenement ,
&c. 1615
Orien Christianus du P. le Quien , &c. 1622
Question, 1623
1656 MERCURE DE FRANCE
ceux qui en ont des exemplaires , de les remettre:
incessamment au Greffe du Sieur Herault, Conseillier
d'Estat , Lieutenant general de Police de la
Ville de Paris , pour y être supprimez : Fait deffenses
à tous Imprimeurs , Libraires , Colporteurs
et autres , de quelque état et condition qu'ils
soient , d'en vendre , débiter , ou autrement dis
tribuer , à peine de punition exemplaire. Ordonne
en outre Sa Majesté, que par le Sieur de Lesseville
Interdans et Commissaire départi dans la Genera-
Fté de Tours , il sera informé contre ceux qui sollicitent
des signatures , ou associations , pour s'opposer
aux decrets dudit Chapitre general de la
Congregation de Saint Maur ; lui permettant de
subdeleguer tel Officier , ou Gradué , avec tel
Greffer qu'il jugera à propos , pour proceder à
ladite information,à la requête de celui qu'il commettra
pour faire la fonction de Procureur du Roy.
Veut et ordonne Sa Majesté , qu'il soit pareillementinformé
des faits cy-dessus marquez,par Iddit
Sieur Herault, Conseiller d'Etat , Lieutenant general
de Police , à la requête du Sieur Moreau Procureur
du Roy au Châtelet , à l'égard de ce qui
peut s'être passé dans l'étendue de la Ville,Prevôté
et Vicomté de Paris , pour les informations faites
et rapportées , y être pourvû ainsi qu'il appartiendra
par Sa Majesté ; laquelle se reserve la connoissance
de toutes les difficultez ou contestations
qui pourroit avoir été formées , ou l'être dans la
suite , au sujet dudit Chapitre , et de ce qui s'y
seroit passé , Sa Majesté interdisant ladite Con
noissance à toutes ses Cours et autres Juges & c.
TABLE
Ieces Fugitives. Codrus , Poëme. 1467
P sur appellé vatera Do
>
mus, &c.
147 20
URE
GET
NGE
sinoM
ROT
J733
NO STINT 251 0
GIT
itsch 2sh
NO
Proje
Mani
Orier Chitin
Ducision
CAVELIER
SOT , Quay de
du Pont- Neuf.
LY au Palais.
XXIII
rivilege du Roy.
7
Lettre et Description de la Cathedrale de Chartres
,
Estampes nouvelles ,
Air noté ,
1514
1627
1628
Spectacles. Le Temple du Goût , Comédie , 1630
L'Opéra Comique , la Fausse Egyptienne , et
Hali et Zemire , & c. en Vaudevilles , 1634
Pelopée , Tragédie nouvelle Extrait. 1638
Nouvelles Étrangeres , de Pologne et d'Allemagne
, 1654
D'Italie , 1658
Amnistie accordée aux Corses , 1660
D'Espagne , & c. 1666
1667 Morts et Mariages ,
France , Nouvelles de la Cour,de Paris , & c. 1668
Plusieurs Lettres de Clermont en Auvergne , sur
l'accident qui y est arrivé.
Morts , Naissances , & c .
Arrêts Notables ,
Errata du second Volume de Juin.
1671
1676
1683
Age 1457. 1. 13. Sraguier , lisez Fraguier.
P1bid. 1. 24 Muret ,he de Cadricu.
P. 1459. l. 16. Azonville , I. Allonville , et dans
la ligne suivante.
Fanies à corriger dans ce Livre.
Age 1519 1. 3. Titulaire , lisez Tutelaire.
P. 1522. 1. 15. Eguierre , Esquerre.
P. 1145. 1. derniere , Table , I. Tableau .
P. 1548. 1. tre , en , 1. et. P. 1565. 1. 2. ses ,
I. ces. P. 1573. l. 14. cheri , l. cheris. P. 1619 .
31. Seine , l. somme. P. 1625. l. 6. loin , l.
long. P. 1629.1 . 15. que nos , l . et bien. P.1632 .
1. 23. qu'il n'y faisoit , l. qu'ils n'y faisoient.
L'Air noté doit regarder lapage 1628
MERCURE
DE
FRANCE ,
(
DEDIE AU ROT.
Α --
APO
UST.
1733 .
spain atteo ab vices) starsons , in o
Norbsso bramp
rious fo
2800 J
S sh
2150
C
ing swing 251 aro
SPARGI
21ONDA
S
COLLIGITI
NO
1194 zah
89295 285 297
-atindao iwp asilimiast wo
alishAP SARMSANI
ANOVA , 19stor zulc
GUILLAUME CAVELIER .
2219 rue S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à
JEAN DE
NULL
Ent- Neuf.
au Pala
Palais.
M. DCC. XXXIII
Avec Approbation & Privilege du Roy.
A VIS.
L'ADRESSE
30
ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure , vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris, Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventſe ſervir de cette voye
pour les faire tenir.
&
On prie très- inflamment , quand on adreſſe
des Lettres on Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter à ceux qui
les envoyent , colui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie,
Les Libraires des Provinces des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perie de temps de les faire porier fur
T'heure à la Pofte on aux Meſſageries qu'on
tui indiquera.
A
PAIZ XXX. SOLS.
MERCURE
aldatozil zalg sl vianoM a
DE FRANCE ,
9953
DÉDIÉ AU ROT.
AOUST.
PIECES
002 VEL
T
1733 .
FUGITIVES,
en Vers et en Prose.
LA FLATERIE.
CORDE
Lein de cette noble furie ,
Qu'Horace sentit autrefois ,
Contre la basse flaterie ,
Aujourd'hui j'éleve ma voix;
Tremblez , sujets de la perfide ,
Le Dieu qui m'anime , et me guide ,
Dans mes mains a mis son pinceau ;
Je vais par des traits pleins de flammes ,
A ij De
1690 MERCURE DE FRANCE
De l'imposture de vos ames ,
Immortaliser le tableau.
+
Loin de moi , Troupe abominable
Dont l'Univers est infecté ;
Du Monstre le plus effroïable ,
Je crains moins la férocité :
Contre sa meurtriere rage
On peut opposer un courage ,
Un bras qui triomphe en Vainqueur ; "
Mais contre vous on est sans armes ,
Vos mensonges ont tant de charmes
Que l'on n'en peut sauver son coeur !
T
C'est nous qui sommes vos Ministres ;
Verra-t-on toujours les mortels ,
Charmezl que vos bouches sinistres , I
Les trouvent dignes des Autels ?
Le fol amour qui les domine
Sera - t- il toujours l'origine
De leur vaine crédulité ?
N'auront-ils jamais le courage ,
xicy am svoldi imenom
De ne point accepter l'hommage ,
Base al so se uz sadmit
Qu'ils connoîtront peu mérité ?
९ Sin 19 sminn'in up wɔɑ ɔI
assoliq nos & anism 29m 272Ɑ
vous , redoutables Monarquesa la mag day :1
ImaAOUST.
1733.
1691
Images vivantes des Dieux ,
Montrez-vous par d'illustres marques ;
Dignes d'un nom si glorieux,
Vos Palais seroient- ils l'azyle ,
D'une Troupe infâme et servile ,
D'Admirateurs de vos défauts?
Trop heureux celui qui gouverne ,
Quand du haut du Thrône il discerne ,
Les vrais honneurs d'avec les faux !
M
Tels que les trompeuses Sirénes ,
Dont les chants font faits pour toucher,
Donnent sur les liquides plaintes ,
Le trépas au foible Nocher.
t
Tels des flateurs , les traits fanestes ,
Dans des ames toutes célestes ,
Font couler leur fatal poison ;
Rois , imitez le sage Ulisse ;
Il triompha de leur malice ,
Par le flambeau de la raison.
W
Ainsi , jaloux de votre gloire ,
N'écoutez que la vérité ;
Elle rendra votre memoire ,
Plus chere à la postérité ;
Méprisez ces langues maudites
Qui sçavent peindre les Thersites

A iij Avec
1692 MERCURE DE FRANCE
Avec les couleurs des Héros ;
Et malgré la Parque , elle- même ,
Vous porterez le Diadême ,
Jusques dans le sein des Tombeaux.
M
Flateurs , que votre art disparoisse ;
Non , ne croyez pas désormais ,
Triompher de notre foiblesse ;
Nos coeurs vont repousser vos traits ;
De vos conseils illégitimes ,
Les vertus étoient les victimes ;
Nous en ignorions les beautez ;
Quelle étoit notre erreur extrême !
Nous préférions au bien suprême ,
Les vices les plus détestez.
Delâ la parricide rage ,
Qui massacra tant de Romains
Barbares , ce fut là l'ouvrage ,
De vos conseils trop inhumains .
Sans vous , ni Néron , ni Tibere ,
Jusqu'au sein d'un fils , d'une mere ;
N'eussent point porté leur fureur ;
Malheureux qui vous prend pour guides !
Il ose jusqu'aux parricides ,
De ses forfaits porter l'horreur.
Fille
A OUST.
1693 1733.
Fille du ciel , vérné sainte
Viens nous éclairer à jamais ,
Afin que leur maligne feinte ,,
Dans nos coeurs n'ait aucun accès ,
Ennemis de ce doux délire ,
Qui nous arrache à ton empire ,
Tout notre encen's sera pour toi ;
Et loin d'applaudir au mensonge ;
Nous le traiterons comme un songe ,
Trop indigne de notre foy.
Craignez la colère céleste ,
Vous qui sous des dehors charmans ;
Cachez un venin plus funeste ,
Que ne l'est celui des Serpens.
Déja sur vos coupables têtes ,
J'entends gronder mille tempêtes ,
L'air s'embraze , le jour s'enfuit ;
Et la foudre qui vous menace ,
A cette clarté qui s'efface ,
Va joindreune éternelle nuit.
Par M. de S. R.
A iiij
LET1694
MERCURE DE FRANCE
********
LETTRE de M. Clerot, Avocat au Par
lement de Rollen , sur le Droit de Viduité
le Donaire , le Don mobile , et les autres
avantages des gens mariez en Nor
mandie.
V
-
7 :6 7
Ous voulez absolument Monsieur
, que je vous explique ce que
c'est que notre Droit de Viduité , et vous
souhaitez qu'en même temps je vous
donne quelque idée des autres Droits des
Gens mariez en notre Province ; vous allez
être satisfait : Voici sur cela mes Observations.
Selon l'article 382. de notre
Coutume : Homme ayant eu un enfant , né
vif de sa femme , jouit par usufruit , tant
qu'il se tient en viduité , de tout le revenu
appartenant à saditte femme , lors de son
décès , encore que l'enfant soit mort avant la
dissolution du mariage.
Les Auteurs sont partagez sur l'origine
, l'essence , et les effets de ce Droit.
1. Les Anglois prétendent qu'il a pris
naissance chez eux : Litleton assurant
même qu'il étoit appellé Curtesie d'Angleterre
, parce que l'on n'en use en aucun
autre réalme , fors que tant seulement en Engleterre.
Nos Normands au contraire,sur le
texte
AOUST. 1733- 1695
que Texte de l'ancien Coutumier , disent
nous l'avons porté chez les Anglois . Consuetudo
est enim in Normannia ex antiquitate
approbata ; et plusieurs Auteurs François
croient le voir dans les Capitulaires de
nos premiers Rois ; ce qui fait dire à l'un
d'eux contre Cowel, Smith , et Litleton ,
Illa est verè nationis nostra -humanitas.
que
2°. Quelques-uns ont avancé que pour
acquerir par le mari cet avantage , il
suffisoit l'enfant eut été conçû , et que
la mere eût témoigné l'avoir senti remuer
dans ses flancs. Quelques autres ,
au contraire , ont dit que l'enfant devoit
être absolument sorti des entrailles de sa
mere, et que des gens dignes de foy l'eussent
vû vif; plusieurs se sont persuadé
qu'il ne suffisoit pas que l'enfant eut été
vû remuer,mais qu'il falloit encore qu'on
l'eut entendu pleurer ou crier.
3. Il y en a qui pensent que cet usufruit
est acquis par la volonté seule de la
Loy : Beneficio Legis ; d'autres , au contraire
, soutiennent que c'est une possession
à droit successif : Fure hæreditario ;
mais d'une espece particuliere; et plusieurs
représentent ce droit comme une espece
de legs , que la Loy fait faire par la fem- ·
me ,jure nuptiali , à celui qui l'a renduë
féconde. Voici , Monsieur , de quoi vous
Ay Can
1696 MERCURE DE FRANCE
convaincre là dessus. 1 ° .Ce droit, comme
ce qui forme toute notre ancienne Coûtume
, ( je n'en excepte pas même la clameur
de Haro ) vient des Loix des premiers
Rois de France , que nos premiers
Ducs ont adoptées , en y faisant quelques
changemens , et Guillaume le Conquerant
l'a porté en Angleterre , d'où il est
même passé en Ecosse. 2° . A prendre ce
droit dans le sens où il a été introduit , il
ne peut être acquis au mari que quand
l'enfant a été vû remuer , et qu'il a été
entendu crier. 3 ° . Ce même droit dans
son origine étoit une espéce de succession
, il a été ensuite une véritable donation
, et à présent ce n'est ni succession ,
ni donation , mais un avantage de la loy
qui tient de l'une et de l'autre.
Pour faire cette démonstration
par or
dre , et pour vous donner les éclaircissemens
que vous demandés , je vais vous
exposer ici quelles ont été les differentes
espéces de possessions dans les principales
Epoques de la Monarchie.
PREMIER TEMPS.
Les Bourguignons , les Francs , les Saxons
et autres Peuples venus du fond de
l'Allemagne , s'étant emparés de différentes
A OU SI. 1733. 1697
rentes Provinces de la Gaule , leurs Capi- .
caines , et leurs Soldats partagerent nonseulement
les Terres qu'ils venoient de
conquerir , mais encore les dépouilles des
Peuples qu'ils venoient de subjuguer , ce
qu'ils appelloient pour chaque particulier,
sertem , ou ce qui est la même chose,
Allodium , du mot Allemand All , qui
signifie tout , et de Lods , los ou lot , qui
signifie part , portion , ou Partage ; d'où
vient que dans la suite ils ont indistinctement
appelić Allodium tout ce qu'ils
ont possedé comme proprietaires. Je ne
vous citerai sur cela qu'une Lettre du
Pape Jean VIII . où l'on trouve : Proprietates
Bosonis et Engeltrudis quas vos
Alladium dicitis , filiabus eorum hæredibus
restituatis.
Il y avoit une autre sorte de possession
, mais que l'on ne tenoit que de la
grace du Roi, ou de l'élection du peuple ,
ou de la faveur des premiers Officiers de
la Couronne ; c'étoient les D chés pour
léver , conduire et commander les Troupes
de toute une Province . Les Comtés
pour éxécuter les ordres des Ducs , de
ménager les revenus roïaux , et de rendre
la justice dans certains Parlemens , les
Marquisats pour veiller sur les Frontieres
, les Chastellenies pour recevoir nos
A vj
Pria1698
MERCURE DE FRANCE
Princes dans leurs fréquens Voyages , et
cent autres places pareilles qui produisoient
un certain revenu , mais qui ne
passoient point aux héritiers , si ce n'est
dans le cas de ce que nous appellons aujourd'hui
survivance .
La facilité qu'il y eut dans la suite à
avoir de ces Benefices pour les Descendans
, les fit regarder comme des especes
d'héritages ; on en obtint même plusieurs
in Allodium , selon l'interêt ou la bonté
de nos premiers Reis ; et enfin dans de
certaines Révolutions de l'Etat , il en fur
abandonné des plus considérables. Ainsi ,
Monsieur , cette partie de la Neustrie
que nous occupons aujourd'hui , fut- elle
laissée à notre premier Duc Raoul , pour
en jouir comme de son propre bien. Ab
Epia fluviole usque ad mare ut teneat ipse
et successores ejus infundum sempiternum.
>
Jusqu'ici , la maniere de posseder ne
changea point ; on compta toujours les
meubles , les immeubles , les droits et
les actions , dans un seul corps de -possession
, sous le nom d'Aleu. Vous verrez
cela dans plusieurs Titres , et partis
culierement dans celui que je vous al
quelquefois fait voir sur cette matiere
où on lit cette formule : Asserens perjuramentum
suum , res , jura , dominia , et

usagia
AOUST. 1733. 1699
usagia inferius annotata ab aliquo non tenere
, sed eadem in Francum purum et libe».
rum Allodium se habere. Examinons maintenant
comment nos premiers François.
divisoient cette possession.
D'abord les Esclaves , les Pierreries , les
Meubles , les Hardes ; ensemble les
Droits , les Actions , et quelquefois même
les Maisons des Villes , faisoient la
premiere partie , sous cette dénomination
Mancipia. Je ne vous citerai point
d'éxemples sur cette portion des Aleuds,
Yous sçavez que dans nos anciennes loix
La maison dans la Ville est souvent mar
quée sous cette dénomination Mancipiata
Casa.
Ensuite les Chevaux , les Boeufs et Va
ches , les Moutons , et generalement tou
tes les bêtes domestiques ; ensemble les
Harnois , les Fourages , les Grains , et
tout ce qui convenoit à ces choses , faisoient
la seconde partie que l'on désignoit
sous ce nom Pecunia. Vous sçavez,
Monsieur , qu'en quelque maniere cela
étoit encore d'usage sous le Regne de notre
Guillaume le Conquerant , puisque
ce Prince deffendant dans le Chap. 9. de
ses Loix , la vente ou l'achapt des bêtes
vives ailleurs que dans les Villes , se sert
de cette expression : Interdicimus ut nulla
peci
1700 MERCURE DE FRANCE
pecunia viva vendatur aut ematur , nisi intra
civitates.
Enfin , les Maisons de Campagne , les
Terres , les Forêts , les Eaux , les Droits
de Chasse et de Parc , formoient la troisiéme
partie que l'on appelloit chez les
Francs Terra Salica sive Francica , parce
qu'en general c'étoit le propre de la valeur
Françoise , et chez les Ripuariens ,
Terra Aviatica , parce qu'ils la tenoient,
non à droit de Conquête , mais au droit
de leurs Ayeux , ausquels les Romains
l'avoient donnée. Voyons présentement
l'ordre de succeder , et à cet égard une
nouvelle division des Aleuds . "
Nos premieres Loix sous le nom hareditas
, font pas er tout en general aux
plus proches parens , mâles , ou femelles
; mais ces mêmes loix portent une
exception pour la Terre : Aviatica , aut
Salica sive Francica , car elles ne veulent
pas que les femmes y ayent aucune
part , et c'est la distinction qu'il ne faut
pas omettre.
>
Ainsi , l'héritage d'une personne , ses
Aleuds , son Patrimoine , forment deux
successions différentes : la premiere , où
l'on comprend tout ce qui est meuble
tout ce qui est héritage de Ville , tout
ce qui est acquêts : la seconde , où sont
renAOUST.
1733. 1708
y renfermées les Terres de Campagnes
ayant fait souche et passé des peres ou
meres aux enfans . Examinez bien , Monsieur
, nos premieres Loix , vous verrez
que cette derniere succession , ou seule
ou jointe à son tout , est appellée hareditatem
paternam aut maternam , et que la
premiere est appellée simplement heredi
tatem. Je passe aux preuves .
La Loy des Ripuariens , au titre de
Alodibus,fait passer en general les Aleuds
aux pere , mere , freres et soeurs , oncles
et tantes , et deinceps usque ad quintumgeniculum
qui proximus fuerit in hæreditatem
succedat. Mais pour cette portion qui est
appeliée Terra Aviatica , tant qu'il y a
des mâles , les filles n'y peuvent rien prétendre.
Sed dum virilis sexus extiterit ,femina
in hæreditatem Aviaticam non suecedat.
Dans les Loix Saliques , au même titre
, nous voyons en general les . Aleuds
passer de même aux pere et mere , freres
et soeurs , oncles et tantes. Si autem nulli
borumfuerint quicumque proximiores fuerint
de paterna generatione ipsi in hæreditatem
succedant. Mais pour cette portion , qui
est appellée Terra Salica , les filles en
sont absolument excluës : De terra verè
Salica nulla portio hæreditatis mulieri veniat,
sed
1702 MERCURE DE FRANCE

sed ad virilem sexum tota terra hereditas
perveniat.

Enfin , Monsieur , dans les Loix de la
Thuringe , ce Païs qui , selon Gregoire
de Tours , avoit été long- tems le séjour
des François , nous trouvons au même
titre de Alodibus , notre distinction d'héritage
, et notre exception en faveur des
mâles clairement établie ; que l'héritage
d'un deffunt , dit cette Loi , soit appréhendé
par le fils , et non par
et non par la fille : si
le deffunt n'a point de fils , que la fille
aye les esclaves , les maisons de Ville , les
troupeaux , l'argent , en un mot ,
cipia et pecunia ; mais que les terres , les
maisons de campagne , les droits de
chasse , en un mot , ce que l'on désigne
sous ce mot terra passe aux plus proches
parens paternels. Hareditatem defuncti filius
, non filia , suscipiat : Si filium non
habuit qui defunctus est , ad filiam pecunia,
et mancipia , terra verò ad proximum paterne
generationis consanguineum pertineat.
man-
C'est dans cette Loy qu'on observe que
quiconque a la Terre , a aussi les équipages
, les droits de la Guerre , et la contribution
dûë par les Vassaux : Ad quemcumque
hæreditas terra pervenerit , ad illum
vestis Bellica , id est Lorica , ultio proximi
et salutio debet pertinere.
C'est
A O UST. 1733. 1703
C'est dans cette Loy qu'on trouve enfin
quel étoit le sort des filles , lorsqu'elles
avoient des freres ; elles n'avoient que
quelques ornemens que leur laissoient
leurs meres , et qui consistoient en Chainettes
, Tresses ou Noeuds , Coliers , Pendans
d'Oreilles , &c. Mater moriens filio
terram , mancipia et pecuniam dimittat , filia
verò spolia colli , id est Murenas , Muscas
, Monilia , Inaures , vestes, Armillas ",
vel quidquid ornamenti proprii videbatur
babuisse.
> Les femmes , comme vous le voyés ;
Monsieur , étoient alors peu avantagées,
car dans ces premiers tems les enfans des
Concubines étant indistinctement appellés
aux successions , avec les enfans des
femmes légitimes , il arrivoit peu que les
successions manquassent de mâles ; cependant
il y avoit des cas où , comme dit
cette Loy , l'héritage passoit de l'Epée à
la Quenouille. Post quintam generationem
filia ex toto, sive de patris , sive matris parte
in hæreditatem succedat ; et tunc demum
hareditas adfusum à lancea transeat.
La liberté que les François , fixés dans
les Gaules par la valeur de Clovis , eurent
de régler le partage de leurs biens
selon les Loix de la Nation , ou les Loix
Romaines , rendit enfin la condition des
fem
1704 MERCURE DE FRANCE
femmes plus avantageuse. On s'accoutu
ma peu à peu aux impressions que les Ecclesiastiques
, qui suivoient le Code de
Théodose , donnoient contre les Loix Saliques
; on poussa même les choses jusqu'à
l'excès , soit en regardant ces Loix comme
détestables , soit en ne mettant aucunes
bornes à la liberté de tester , pour
se soustraire à leurs dispositions.
En effet, nous voïons dans la douzième
Formule de Marculphe , qu'un Pere appelle
l'exclusion des filles en la Terre,
Salique , une Coutume impie : Diuturna
sed impia inter nos consuetudo tenetur , ut de
terrâ paterna sorores cum fratribus portionem
non habeant. Que ce Pere pour cela ordonne
le partage de sa succession entre
ses fils et filles également , sed ego bane
impietatem , &c.
Une femme sous la puissance de son
mari , au point que dans la dix- septiéme
des mêmes Formules , elle l'appelle son
Seigneur et son Maître. Ege ancilla tua
Domine et Jugalis meus , a cependant le
pouvoir de disposer des biens et d'appeller
ses filles à sa succession ; ce qui diminue
encore les avantages que les Loix de
la Nation accordent aux mâles.
-
Enfin dans ce même temps , les Loix
Ecclesiastiques
favorisent encore les femmes
;
AOUST. 1739 : 1705
mes , car elles ordonnent la nécessité de
·les doter ; deffendant même dans le Concile
d'Arles , tenu l'an 524. qu'il ne se
celebre aucun mariage sans dot : Nullum
sine dote fiat conjugium ; décidant ailleurs,
qu'il n'y aura point de dot , où il n'y
aura point de mariage : Ubi nullum omninò
matrimonium ibi nulla dos ; quia opportet
quod constitutio dotis sit facta publicè
et cum solemnitate ad ostium Ecclesia .Voions
présentement les avantages respectifs entre
les mariez.
Lorsqu'il étoit question de contracter ,
on s'assembloit de part et d'autre , en famille
, amis et voisins. D'abord les parens
de l'époux promettoient à la future épouse
une dot qui consistoit alors en quelques
Esclaves , quelques Bestiaux , quelques
meubles et certaine somme d'argent
; ensuite cette convention des parens
se faisoit , comme parlent les Loix
Ripuaires : Per tabularum seu chartarum
instrumenta ; et elle consistoit non-seule
ment en Esclaves , Bestiaux , argent, & c.
mais encore en terres et en richesses considérables
, même des Autels , des Eglises
et des Dixmes.
Le jour des nôces venu , jour qui dans
les premiers- temps arrivoit quelquefois
des années entieres après les fiançailles, er
qui
1706 MERCURE DE FRANCE
;
qui se passoit souvent sans autre cérémo
nie que la conduite de la fiancée chez le
fiancé les parens de l'épouse faisoient
leur présent à l'époux, qui consistoit d'abord
en quelques Flêches , quelque Bou
clier , quelque Cheval , quelque Equipa- ,
ge de Chasse , & c. mais qui dans la suite
a été la possession , ut custos , de tout le
bien de l'Epouse , appellé en ce cas Maritagium
, et la donation d'une partie de
ce même bien , en ce qui consistoit en
meubles ; d'où est venu ce que nous appellons
présentement Don Mobile. Chez
les premiers Saxons , ce qu'on a appellé
depuis Maritagium , étoit nommé Faderfium
, et la portion dont les parens de l'épousée
faisoient présent au mari , et qui
a été appellée Don Mobile, étoit nommée.
dans les premiers temps , Methium, Melphium
ou Mephium.
Lors de la solemnité du mariage ; ad
estium Ecclesia , l'époux donnoit à l'é
pouse la Charte de la dot , arrêtée entre
les deux familles , et ainsi il lui assuroit
en cas de prédécès , ce que l'on a appellé
d'abord Dos , ensuite Dotalitium , enfin
Dotarium , et Doarium , d'où nous avons
fait le mot Donaire , mais qui est bien
different de ce qu'il étoit dans les premiers
temps , puisqu'alors c'étoit réellement
AOUST. 1733
1707
lement la Dot de l'Epouse , donnée par
l'Epoux, selon l'usage , rapporté par Tacite
: Dotem non uxor marito , sed maritus
uxori offert.
Le lendemain, dès le matin , les parens
venans présenter leurs voeux aux nouveaux
mariez , l'Epoux faisoir à l'Epouse,
un présent , appellé d'abord Morgangeba
ou Morgengab en Allemand , et en,
Latin Matutinale donum , enfin osculagium.
aut osculum ; il consistoit en quelques
pierreries , ornemens et hardes. Il est ce
que chez plusieurs on appelle Augment ;
ce que chez d'autres on nomme Onelages;
et ce qu'en Normandie on désigne
Sous le titre de Chambrée , Bagues , et
Joyaux.
"
Les Loix Ripuaires dans le tit. 59.poussent
icy l'attention en faveur de l'Epouse,
jusqu'à fixerà sosols d'or ce qui doit fai
re sa dot , s'il ne lui en a pas été promis ;
elles lui permettent outre cela de retenir
le Morgangeba , et elles luioaccordent
la
tierce partie de ce qui aura été aquis
dans son mariage ; ce qui peut être en
quelque maniere le commencement du
Droit de conquêts, qui , à l'exception de
quelques susages locaux est fixé chez
nous au tiers et tertiam partem de omni res
0
quam
1708 MERCURE DE FRANCE
quam simul conglobaverint sibi studeat vindicare
, vel quicquid ei in Morgangeba tra
ditum fuerat similiterfaciat.
Vous ne voyez encore icy , Monsieur .
que peu de chose en faveur de l'Epoux.
Le Capitulaire de Dagobert , de l'an 630.
ou la Loy des Allemands , tit . 92. va lui
fournir un avantage considérable, en décidant
que si la femme décéde en couche,
et que l'enfant lui survive quelque tems,
la succession maternelle appartiendra au
pere : Siqua Mulier que hæreditatem paternam
habet , post nuptum pragnans peperit
puerum , et in ipsa hori mortua fuerit ,
et infans vivus remanserit aliquanto spatio ,
vel unius hora , ut possit aperire oculos et
videre culmen Domus et quatuor parietes
et posteà defunctus fuerit , hæreditas materna
ad patrem ejus pertineat. Examinez deprès
cette Loy , Monsieur , et vous serez
convaincu qu'elle est la véritable source
de notre Droit de Viduité.
*
Elle ne se contente pas de vouloir que
PEnfant demeure vif une espace ou une
heure de temps ; et infans vivus remanserit
aliquanto spatio vel unius hora ; mais
elle veut que cela soit de telle sorte qu'il
puisse ouvrir les yeux , voir le toît de la
maison , et se tourner vers les quatre
mu
AO
UST.
1733-
1709
murailles ; ut possit aperire oculos et videre
culmen domûs et quatuor parietes. Ce n'est «
pas assez ; la même Loy nous assûre que
ce n'est que quand le pere a des témoins
de toutes ces choses , qu'il peut conserver
son droit. Et tamen si testes habet pater
ejus quod vidissent, illum infantem oculos
aperire et potuisset culmen domus videre et
quatuor parietes , tunc pater ejus habeat li- "
centiam cum lege ipsas res deffendere. Enfin
la Loy ajoute que s'il en est
autrement
celui auquel
appartient la propriété doit
l'emporter Si autem aliter cujus est proprietas
ipse
conquirat. Voilà
expressément ,
Monsieur,les
dispositions que nous trouvons
dans les Loix du Droit de Viduité
en
Angleterre , en Ecosse , en France , en
Normandie , et ailleurs.
La suitepour le Mercure prochain.
el do
6
152
L'AMOUR
1916 MERCURE DE FRANCE
L'AMOUR ET LA BEAUTE' ,
ANTATE A DEUX VOIX ,
3
"A mettre en Musique.
L'Amour, 200
C'Est à toi , charmante Beauté ,
Que je dois mon immense Empire ;
Par toi tout souffre mon martyre,
Ou goûte ma félicité.
J
Mortels, qui redoutés le pouvoir de mes armes
Redoutés plutôt ses attraits.
Ce sont là mes feux et mes traits ,
Mes chaînes , mon carquois , mes plaisirs et mes
larmes.
sirdangLaw Beautés sang rebus mus
Tendre et cruel Enfant , dont tout chérit les
fers ,
Si c'est de mes attraits que tu tiens ta puissance
,
N'est-ce pas par tes soins qu'à l'envi l'on m'encense
Sur la Terre , dans l'Onde , aux Cieux , dans
les Enfers ?
Jeunes
AOUST. 1733- 1711
Jeunes coeurs , venés rendre hommage
Au plus puissant des immortels .
Ignorer son tendre esclavage ,
C'est perdre les seuls biens réels.
L'Amour.
«Et vous , tendres Amans , qui vivés dans mes
chaînes ,
Sans cesse à la Beauté prodigués votre Encens
:
Ne vous piqués jamais de ces constances vaines
,
Qui font de mes plaisirs de trop cruels tourmens.
C'est à ses charmes seuls que je dois l'éxistence
;
Oû je ne les vois plus , j'expire dans l'instant.
Et ce n'est que par l'inconstance ,
Qu'un coeur peut devenir constant.
Beauté , porte par tout mes flammes ,
Prens soin d'un Dieu qui t'est soumis
C'est faire le bonheur des ames ,
Que d'y faire régner ton Fils.
Ensemble.
Unissons à jamais nos charmes ,
Partageons l'empire des coeurs ;
Leur pouvoir triomphe des armes
Des plus redoutables Vainqueurs.
B
i
La
1712 MERCURE
DE FRANCE
La Beauté.
Au succès de tes feux , mon bonheur s'inte
resse ;
Je m'immole moi même à leurs vives ardeurs.
Helas ! je ne serois , sans l'aimable tendresse ,
Qu'un Printems dépouillé de fleurs,
Vole sur mes traces ,
Vole , tendre Amour.
Les Jeux , et les Graces ,
Vont former ta Cour,
C'est moi qui t'appelle ,
Cours ; vienm'emflamer.]
Déja Philoméle
Me parle d'aimer.
Elle te prépare
Un nouveau flambeau ,
Tandis que je pare
Ton heureux bandeau.
L'Amour.
Comment pourrois- je füir le seul objet que
{ _j'aime ?
Sans relâche je suis à te suivre empressé.
Où tu portes tes pas , on y voit l'Amour même,
Je ne suis point ailleurs , ou j'y suis déguisé. ▲
Je
AOUST. 1733.
1713
Je trouverois des coeurs rébelles ,
Qui mépriseroient mon carquois ,
Si mes Conquêtes les plus belles ,
N'étoient celles que je te dois ,
Les beaux Lauriers qui me couronnent
Far toi seul ont été cueillis ;
Et tous les feux qui m'environnent ,
Par ton éclat sont réfléchis .
Ensemble.
L'Univers nous doit sa naissance
Ainsi que ses plus doux plaisirs ;
Et pour toute reconnoissance
Nous n'éxigeons que ses désirs.
Par M. de S. R.
DISSERTATION sur le Genabum
ou Cenabum des Anciens , par le R. P.
Dom Toussaints Duplessis, Benedictin de
la Congrégation de S. Maur.
Cue
Eux qui ne trouvent aucune difficulté
à faire descendre nos Rois en
droite ligne de Priam , Roy de Troye ,
n'en trouveront pas davantage à croire
avec Guyon , (a) que la Ville d'Orleans
Bij fut
(a) Guyon , page 3 .
1714 MERCURE DE FRANCE
fut bâtie quatre cens après le Déluge ;
ils pourront même , s'ils veulent , s'arrê
ter au sentiment de le Maire , qui est
encore plus liberal de cinquante années .
Pour nous qui ne pouvons pas penetrer
si loin dans l'Antiquité , nous nous en
tenons au temps de Jules Cesar , c'està-
dire , à l'an 702, de la fondation de
Rome , sous le Consulat de Pompée sans
Collegue ; non que cette Ville ne soit
plus ancienne que César même , puisqu'elle
subsistoit déja de son temps, mais
parce que nous n'avons point d'Auteur
plus ancien qui en fasse mention . Il en est
de l'origine des Villes, comme de celle des
Familles ; vous remontez extrémement
haut , sans pouvoir percer plus loin ; et
l'obscurité de ce qui est au- delà , ne deshonore
point. Telle est la Maison de
Bourbon , dont nous ne trouvons la tige
que dans Robert Le Fort , sous la seconde
Race de nos Rois et dont on ne peut
douter que la Maison ne fût très-ancienne,
quoiqu'il n'y ait que nuages et obscuritez
au- delà. Telle est aussi la Ville d'Orleans
, qui étoit déja celebre du temps de
Jules-César , et à laquelle le silence des
Auteurs plus anciens ne peut rien ôter
de sa noblesse ni de sa dignité .
Qu'il soit fait mention de la Ville
d'Ors
A O UST. 1733. 1715
d'Orleans dans les Commentaires de César
, ou , ce qui revient au même , que
le Genabum ou Cenabum des Anciens ,
ne soit point different de la Ville d'Orleans
c'est un fait qu'on ne révoque plus
en doute . Marius Niger , Vigenere , Ortelus
, et d'autres Auteurs , se sont néanmoins
imaginé que ce devoit être Gien ,
et quelques uns même ont voulu que
ce fût Gergeau , S'il ne s'agissoit que d'autoritez
, les témoins qui déposent pour
Orleans , sont plus anciens , plus celebres
et en plus grand nombre ; on compte
parmi ceux- cy , Aimoin , Moine de saint
Benoît sur Loire , qui vivoit sous le Roy
Robert au dixième et onzième siecle ;
Hugues , Moine de la même Abbaye, qui
composa son Histoire Ecclesiastique en
1109. Gilles de Paris , qui écrivoit à la
fin du 12. siecle ; Robert Gaguin ; Papire
Masson ; Joseph Scaliger ; Aubert le Mire
; Cellarius ; Baudrand ; Sanson ; Adrien
de Valois , et une infinité d'autres . Mais
si ces grands noms ne suffisent pas pour
décider une question de ce genre , les
raisons sur lesquelles ils se sont fondez ,
sont absolument sans réplique.
En effet , selon César , L. 7. C. 2. et
Strabon , L.L. 4. Genabum étoit dans le
Pays des Chartrains ; et les Peuples Char-
B iij trains
1716 MERCURE DE FRANCE
trains n'ont habité que ce qui est aujourd'hui
renfermé dans les Diocèses de Chartres
, de Blois et d'Orleans . Or Gien
n'est pas dans le Diocèse d'Orleans , encore
moins dans ceux de Chartres ou
de Blois , dont celui - cy n'est qu'un démembrement
moderne de l'autre : il est
dans celui d'Auxerre , qui a fait partie
des Peuples Sénonois , et par cette raison
il ne peut point être le Genabum de César
et de Strabon . D'un autre côté l'Itineraire
d'Antonin , pag. 83. qui met
Genabum sur le grand chemin d'Autun
à Paris , compte 77. milles de Nevers à
Genabum , et 48. milles de Genabum à Paris
. Or Gien est beaucoup plus près de
Nevers que de Paris ; et Orleans au contraire
, est beaucoup plus près de Paris
que de Nevers. Ajoûtez à cela que Gien
n'est jamais connu que sous les noms
de Giemum ou Giemacum , soit dans notre
Histoire , ( a) soit dans les Titres les plus
anciens . Genabum ne peut donc point
se rapporter à Gen ; et si ce n'est pas
à Orleans , ce ne peut plus être que Gaygeau.
Mais pourquoi Gergeau plutôt qu'Orlean
Premierement , la Tradition est
pour Orleans , et non point pour Ger-
(a) Vales, Notit. Galliar. p. 226. col. 2.
geau
A O UST. 1733. 1717 €
..
geau. En second lieu , les Evêchez n'ont
été au commencement établis que dans
les Villes les plus considerables de chaque
contrée . Or dans le Pays des Chartrains
, ( a) Ptolomée ne compte que deux
grandes Villes ; sçavoir Autricum , qui est
Chartres , et Genabum ou Cenabum. Si
donc Genabum n'eût été autre chose que
Gergeau , le Siege Episcopal eût été établi
à Gergeau , et non à Orleans , au lieu
qu'il a été établi dans cette derniere Ville,
sans jamais y avoir été transferé d'ailleurs.
Enfin il est certain , par le récit de
César , que Genabum étoit sur la Rive
droite de la Loire , puisque étant venu
de Sens pour assieger cette Ville , il mit
deux Légions en garde vers le Pont ', pour
empêcher que les Assiegêz ne se retirassent
par là de l'autre côté de la Riviere ;
et que lui- même,après avoir pris la Ville,
passa le Pont pour entrer dans le Berry.
Or cette situation ne peut convenir qu'à
Orleans , qui est du côté de Sens , et nullement
à Gergeau , qui est si bien du côté
de Bourges , que de Gergeau il faut ,
au contraire , passer le Pont pour aller
à Sens. Il est inutile de s'arrêter davantage
sur ce point.
Je remarquerai seulement avec Adrien
(a) Ptolom. Geogr. 1. 2. c. 7. p. § 1 .
B iiij de
1718 MERCURE DE FRANCE
de Valois , Page 225. qu'il est vrai - semblable
que le premier nom d'Orleans
ait été Čenabum , dont on aura fait ensuite
Genabum , comme Gebenna et Andegavi
, sont venus de Cebenna et d'Andecavi.
Car pour ce qui est de Genapus ,
de Cenapum , ou d'autres noms approchants
que l'on trouve en quelques endroits
, ce n'est que par corruption du
vrai mot , ou par licence poëtique . Les
anciens Munuscrits sont pour KevaCov
ou Cenabum ; Jerôme ( a) Sutita , s'échauf
fe extrémement contre ceux qui ont subtitué
à ce mot celui de Genabum .
Au reste , quand Luc de Holstein prétend
( b ) que le Cenabum d'Antonin
n'est autre que Geneve , il n'a pas fait
attention que l'Itineraire fait mention du
Cenabum en deux endroits diff rens , l'un
sur la route de Milan à Strasbourg , qu'on
reconnoît volontiers avec lui et avec Sanson
, convenir à Geneve ; l'autre sur la
ronte d'Autun à Paris , qui ne peut être
qu'Orleans , et qui lui est sans doute
échapé.
De sçavoir
maintenant pourquoi la
( a ) Surita , Comment. in Itiner. Antonin
502. 503.
(b Luc de Holstein . Annot, in Thesau. Geogr.
Ortel. p. 86.
Ville
A O UST. 1733 1719

Ville d'Orleans a quitté son ancien nom
de Genabum , pour prendre celui d'Orleans
, et de fixer la veritable origine de
ce dernier nom , c'est le sujet d'une autre
discussion dans laquelle il est à propos
d'entrer. Jules- Cesar avoit ruiné cette
Ville de fond en comble ; et comme elle
reparoît dans la suite de l'Histoire sous
un autre nom , il est naturel de croire.
que ce nouveau nom lui fut affecté en
memoire de celui qui la releva de ses
ruines. C'est donc ce nouveau Fondateur
qu'il faut chercher , et selon toutes les
apparences , ce fut Aurelien.
Cet Empereur vint dans les Gaules
l'an de J. C. 274 ce sera donc cette année-
là même qu'il aura songé à rebâtir.
Orleans , et qu'on aura vû renaître cette
Ville de ses cendres. Adrien de Valois
Tillemont , Basnage , l'Abbé de Longuerue
, et les meilleurs Critiques , après
Othon de Frisingue , sont tous de ce
sentiment , et le nouveau nom de la
Ville favorise entierement cette opinion.
On voit en effet dans une ancienne ( a)
Notice des Provinces de la Gaule , écrite,
comme l'on croit , sous l'Empire d'Honorius
, qu'on l'appelloit déja alors Ci-
(a) Notit. Provinc, apud Duchesne Hist. Fram.
tom, I. p . s . col. 1 .
B v vitas
1720 MERCURE DE FRANCE
vitas Aurelianorum , et qu'elle étoit comprise
dans le quatriéme Lyonnois , ou
dans la Province de Sens , dont les Villes
soumises à cette Métropole sont rangées
en cet ordre : Chartres , Auxerre ,
Troyes , Orleans , Paris , Meaux .
S. Sidoine Apollinaire , qui vivoit sous
Valentinien III. l'appelle , 1. 8. Aurelianensis
Urbs. Ainsi il n'est pas le premier ,
comme le veut Papire Masson , qui en
parle sous un autre nom que sous celui
de Genabum. Les Evêques d'Orleans , qui
assisterent (a) aux Conciles tenus en cette
Ville au sixiéme Siecle , donnent à leurs
Eglises le nom d'Ecclesia Aurelianensis.
Grégoire de Tours , 1. 5. et 7. l'appelle
Aurelianensis Urbs , et Aurelianensis Civitas.
Les Capitulaires de Charlemagne
l'appellent aussi Aurelianensis Civitas , et
Thegan (b) lui donne le nom d'Aurelianensium
Civitas ; ce qui revient au mot
d'Aurelianenses , que Grégoire de Tours
donne encore souvent à ses Habitans.
Jornandes , ( c ) Evêque de Ravenne ,
qui vivoit sous l'Empereur Justinien I.
(a) Conc. Labb. Tom. 4. p. 1410. 1783. et .
Tom. 5. p. 304. 389.
&
(b) Thegan. apud Duchesne. Ibid. p. 284.
(c) Jornand, apud Duchesne , Sup . Tom. 1. p.
227.
et
AOUST. 1733.
1721
et l'ancien Auteur de la Vie de Louis
le Debonnaire , lui donnant le nom d'Aureliana
Civitas. D'autres anciens Auteurs
P'appellent d'un nom indéclinable Aurelianis
comme Fredegaire , Marius ,
Aimoin , l'Anonime de Ravenne , et quantité
d'autres du nombre desquels est encore
Grégoire de Tours , (4 ) ausquels il
faut joindre les Monnoyes qui furent frappées
à Orleans sous nos Kois de la premiere
Race , et qui toutes portent le nom
d'Aurelianis ou Aurilianis . Enfin plusieurs
, comme Robert Gaguin , lui donnent
le nom d'Aurelianum ; ensorte qu'on
ne peut gueres douter que ce changement
de nom ne lui soit venu de l'Empereur
Aurelien , qui par cette raison en
est regardé , avec justice , comme le Restaurateur.
Ce n'est pas qu'on ne trouve quelquefois
la Ville d'Orleans appellée Aurelia
ou Urbs Aurelia. Le Moine Roricon
et l'Auteur de la Vie de S. Eucher , Evêque
d'Orleans , dans Duchesne , se sont
servis de ce mot. Papire Masson les a
imitez ; et il a aujourd'hui tant d'imitateurs
à son tour , qu'il paroît bien qu'on
ne s'embarrasse gueres de la critique qu'en
a fait Joseph Scaliger en trois mots : In-
(a ) Greg. Turon. l. 2. c. 7. p. 53-
B vj eptè
1722 MERCURE DE FRANCE
eptè vocant Aureliam. Le Prere Briet , et
Baudrand , qui ont employé Aurelia au
pluriel, ne se sont pas mis pour cela à couvert
de la censure ; et on pourroit leur
opposer de plus qu'Aurelia est encore
moins autorisé qu'Aurelia.
Il est vrai que plusieurs Auteurs ont
crû que ce n'étoit point Aurelien , mais
Marc- Aurele , qui avoit rebâti la Ville
d'Orleans ; et nous avons vû renouveller
les difficultez à ce sujet , lorsqu'on
fit ( a) en 1643. la découverte de plusieurs
Médailles de Marc- Aurele , à 13.
ou 14. toises de profondeur sous les fondemens
des murailles de l'ancienne clôture
que l'Evêque d'Orleans faisoit abatre
alors pour achever son Palais Episcopal.
Quelques- uns même , comme Papire
Masson, ont voulu que Jules - Cesar , après
avoir détruit cette Ville , Peût ensuite
relevée de ses ruines , et lui eût donné
le nom de sa mere Aurelia. D'autres enfin
, comme Lasaussaye , L. 1. n. 16. p. 24.
qui souhaiteroient aussi que ce rétablssement
fût plus ancien que l'Empereur Aurelien
, donnent à choisir entre Jules-
Cesar, Lucius Aurelius- Verus , Marc - Aurele-
Antonin , Aurelius Commodus , et
tous les Prédecesseurs d'Aurelien, qui ont
porté le nom d'Aurele.
(a) Le Maire , Ch . 3. p.
A O UST. 1732 1723
Il n'est pas moins vrai , qu'en fuppo
sant Orleans bâti par l'un ou l'autre de
tous ces Empereurs ,le nom d'Aurelia lui
convient mieux que tout autre ; mais
c'est supposer ce qui est en question . It
ne s'agit pas de sçavoir le nom qu'il
faut donner à Orleans ; si cette Ville doit
son rétablissement à l'un des Aureles , il
faut lui conserver celui que les anciens
lui ont donné, et trouver dans cet ancien
nom des vestiges de son fondateur . Or
l'ancien nom d'Orleans , c'est - à - dire , celui
dont le nom même d'Orleans a été
formé, indique l'Empereur Aurelien , et
exclut tous les Aureles.C'est donc à Aurelien
qu'il est juste de s'en tenir .
Pour ce qui est des Médailles de Marc-
Aurele , trouvées à Orleans , vers le milieu
du siecle passé . Cette découverte ne
prouve quoi que ce soit contre Aurelien ;
tous les jours on en trouve de semblables,
soit d'Aurele , soit de Néron , soit de
quelqu'autre Empereur, dans des Endroits
où ces Empereurs n'ont jamais fait travailler.
Que ces Médailles ayent été jet--
tées sous les fondemens de quelques tra→
vaux entrepris à Orleans , du temps même
de Marc- Aurele ; cela se peur , et il
s'ensuit qu'Orleans subsistoit alors , ce
qu'on ne nie point. Mais on n'en sçausoit
1724 MERCURE DE FRANCE
roit conclure que Marc- Aurele lui- même
ait fait entreprendre ces travaux. Si l'on
veut quelque chose de plus , rien n'empêche
que cet Empereur ou ceux qui
gouvernoient pour lui dans les Gaules
n'ayent fait construire à Orleans quelque
Forteresse , ou quelque Château pour
garder le passage de la Loire. Mais pour
ce qui est du renouvellement entier de la
Ville , il faut toujours en revenir à Aurelien
.
Au reste , le nouveau nom d'Orleans
n'a pas tellement pris d'abord le dessus,
qu'il air effacé l'ancien . On trouve indifféremment
l'un ou l'autre pendant quelque
temps , et Genabum ou Cenabum , s'est
maintenu jusqu'aprês le grand Constantin
, puisque ce mot se trouve dans l'Itineraire
d'Antonin , et qu'on ne peut guerre
douter que cet Itinéraire n'ait reçu que
vers ce temps là au plutôt la forme où,
nous le voyons aujourd'hui , soit qu'il ait
passé par les mains d'Ethicus , comme le
pensent d'habiles Critiques ; soit même
qu'il faille l'attribuer à Ammien Marcellin
, comme le prétend Cluvier. Je ne
parle point de la vie de S. Liphard , qui
n'a pu être écrite qu'au sixième siècle,au
plutôt après la mort de ce S. Abbé , et où
Lasaussaye , liv. 1. num . 16. prétend que
l'EvêAO
UST. 1733 . 1729
l'Evêque d'Orleans est encore appellé
Episcopus Genabensis. Ce seroit une authorité
de plus pour montrer la persua
sion où l'on étoit anciennement qu'Orleans
n'étoit point différent de Genabum :
mais je ne sçais dans quel Exemplaire Lasaussaye
a lû ce mot. Celui que Dom
(a) Mabillon avoit devant les yeux porte
Aurelianensis , au lieu de Genabensis.
J'ai lieu de douter si aprés cette discussion
sur le rétablissement et le changement
de nom de la Ville d'Orleans , le
Lecteur verra avec plaisir l'étimologie
qu'en a donné Glaber Rodulphe , dans
Duchesne, tom.4.à qui l'opinion la mieux
appuyée, n'a pas eu le don de plaire ; cependant
il ne faut rien omettre : Ex Ligeri
, dit cet Auteur , sibi congruo flumine
agnomen habet inditum ; diciturque Aureliana
, quasi ore ligeriana ; eo videlicet
quod in ore ejusdem fluminis ripa sit constituta
; non ut quidem minus cauti existimant
, ab Aureliano Augusto , quasi eam
ipse alificaverit , sic vocatam ; quin potius
ab amne , ut diximus , quod rectius , veriusque
illi congruit. Voilà ce que c'est quelquefois
que d'être plus clair - voïant et
d'avoir plus d'esprit que les autres ; mais
(a) Mabill, act. SS.Bened. tom.x. p. iss. m³.
le
1726 MERCURE DE FRANCE
que
que
l'adire
de celui (b) qui a découvert que
le mot celtique , Genabum , n'est
brégé de cette phrase latine : Gignens omne
bonum ? Ceux qui dans le Maire ont
crû qu'Aureliani tiroit son nom d'Aulerci,
sont un peu plus excusables. Ils avoient
lû dans Ptolomée , liv . 2. ch . 7. qu'une
partie des peuples , appellez Aulerciens
s'étendoient depuis la Loire jusqu'à la
Seine , et que Mediolanium , Ville Capi-.
tale de ces Peuples , étoit assise sur la
Loire. Ils ont aussi - tôt conjecturé que ce
Mediolanium ne pouvoit être qu'Orleans;
et selon cette Hypotese , Aurelia ou
Aureliani , sembloit naître assez naturellement
d'Aulerci ; le mal est que Prolo
mée s'étoit trompé le premier , et qu'il
les a entraînez dans l'erreur. Le Mediolanium
et les Aulertiens dont il s'agit
dans cet endroit , ne sont autres que la
Ville et les Peuples d'Evreux.
Il ne me reste plus pour finir cette Dissertation
,
que
ordinairement ceux de
de répondre à une objection
, que font
Gien , pour se maintenir dans la possession
où ils croient être de l'ancien Genabum.
Un Fauxbourg de Gien , disent - ils ,
porte encore aujourd'hui le nom de Genabie
, et ce nom , aussi-bien que celui
(b ) Le Maire , cap. 3.
de
AOUST. 1733. 1727

de Gien , approche assez de Genabum
pour croire qu'il ne faille point chercher
ailleurs cette ancienne Ville des Gaules ;
mais où en serions-nous s'il falloit prendre
ces ressemblances de noms pour des
Démonstrations ? Il ne faudroit point
chercher ailleurs qu'en France , la Breta-`
gne des anciens , et nous confondrions
une infinité de Villes considérables , avec
autant de Bourgs ou de Villages, dont les
noms modernes approchent plus de l'ancien
nom de ces mêmes Villes , que ceux
sous lesquels elles sont aujourd'hui connuës.
Laissons donc ces raisons , tirées
de la conformité des noms , lorsqu'elles
sont combattuës par d'autres raisons ausquelles
on n'a rien à repliquer tout ce
qu'on peut appeller du nom de preuves ,
tend à persuader que le Genabum des anciens
n'est point different de la Ville
d'Orleans ; et un Critique judicieux doit
s'en tenir là. Si le nom de Génabie est af
fecté à un Faubourg dc Gien , c'est à ceux
de Gien même à découvrir l'origine de ce
nom , qui peut- être n'a rien de commun
avec Orleans , à moins qu'on ne`veuille
supposer , ce qui ne se trouve neanmoins
marqué nulle part dans l'Histoire , qu'après
la prise et l'incendie de cette dernie
re Ville par Jules César ; la plus grande
partie
1728 MERCURE DE FRANCE
parties de ses habitans qui échaperent au
Vainqueur , remonta la Loire , et alla fi
xer sa demeure auprès de Gien , dans le
lieu même qui porte encore aujourd'hui ,
en mémoire de cette transmigration , le
nom de la Ville dont ils avoient été
chassez.
XXXXXXXX *******
ODE SACRE' E ,
Tirée du Pseaume X X VI I I.
Afferte Domina filii Dei..
I Mages du Tres- Haut , Princes , Dieux de "Iz
Terre ,
Qu'il instruit dans la Paix et qu'il forme â la
Guerre ,
Apprenez aux mortels à respecter ses Loix ;
Et que le Peuple Saint, conduit par votre Exem
ple ,
Adore dans son Temple,
Le Dieu , Maître des Rois.
La gloire de son Nom , fit toute votre gloire ,
Que pouvoient , sans l'aveu du Dieu de la victoire
>
Le zéle de vos coeurs ? l'effort de votre bras
Venez ,reconnoissez pleins d'amour et de crainte,
Dans
AOUST. 1733- 1729
Dans sa Majesté sainte ,
Un pouvoir que vous n'avez pas.

Quellé éclatante voix , dans les airs répanduë
,
Fait frémir de respect cette mer suspanduë ,
Qu'une invisible main soutient du haut des
Cieux ?
C'est la voix du Seigneur ; les abîmes l'enten
dent ;
Et les Ondes suspendent ,
Leurs Flots tumultueux.
Lâche intrépidité , constance de l'Impie ,
Pourras-tu soutenir cette voix ennemie
Que fait tonner sur toi le Dieu de Majesté ,
Tandis que l'innocent rempli de confiance ,
Même dans sa Puissance ,
Adore sa bonté ?
Quels Tourbillons affreux suivent sa voix
terrible ?
Quels cris ? Quels sifflemens ? Quelle tempête
horrible ?
Les Cedres du Liban volent en mille éclats :
Quels efforts redoublez , ébranlent leurs racines ,
Jus1730
MERCURE DE FRANCE
Jusqu'aux voutes voisines ,
Des Portes du trépasa
Liban , et vous Sion , fameux par cent mirzcles
,
Monts chéris , où le ciel nous rendoit des Ora
cles ,
Vos Sommets chancelants , s'éloignent de mes
yeux ,
:
Vous fuyez Telle on voit la Licorne tremblante
,
Fuir l'approche sanglante ,
Du Lion furieux .
Quels nuages , percez d'éclairs épouvantables ,
'Annoncent cette voix , aux Déserts effroyables ,
Où Jacob opprimé , fuyoit son ennemi ?
Queile pâle clarté , plus triste que les ombres ,
Luit dans ces antres sombres ?
Cades en a frémi.
Les Echos allarmez dans leur retraite obscure .
Répondent à la voix par un affreux murmure
Les Monstres des Forêts en avortent d'effroi :
Et l'Impie allarmé de sa perte infaillible ,
Voudroit du Dieu terrible ,
Avoir suivi la Loy.
Vain
AOUST . 1733 1731
Vains remors ! Dieu paroît , la gloire l'environne
,
Quels tourbillons de feux s'élancent de son
Trône ?
La Terre est embrasée , et le Ciel s'est enfui ;
Et la nature entiere , étonnée , éperduë ,
A ses pieds confonduë ,
Ne voit d'Etre que lui.
Mais le Juste , brillant d'une splendeur nou
velle ,
Retrouve avec transport cet objet de son zele ,
Terrible en sa fureur , prodigue en ses bienfaits
De son bonheur immense , il partage les charmes
,
Et goute sans allarmes ,
Une éternelle paix.
DEFENSE du Cartesianisme, par M. le
Gendre de S. Aubin ; contre les accusations
des Docteurs Cudwort et Ray.
UN
N zéle indiscret est souvent l'occasion
d'un scandale;c'est l'idée qu'on
doit se former des accufations intentées
par les Docteurs Cudwort et Ray , contre
le Cartesianisme. Elles sont contenuës
dans un Livre Anglois , intitulé : L'Existenca
" 1732 MERCURE DE FRANCE
sence et la Sagesse de Dieu, manifestées dans
les Oeuvres de la Création ; par le sieur
Ray,Membre de la Société Royale. La Traduction
Françoise , imprimée à Utrecht,
en 1723. se débite depuis peu à Paris.
On est étonné qu'un Philosophe , qui
écrit uniquement en vûë de manifester la
Sagesse de Dieu dans la Création, débute,
page 5. par approuver un sentiment qu'il
atribue à des Philosophes judicieux ; sçavoir
, que plus les genres , ou les ordres
des Etres sont imparfaits , plus les especes
en sont nombreuses . Est- ce là un
préambule convenable à un Panégyriste
de la Sagesse de Dieu dans la Création ?
Ne devoit il pas plutôt dire que ce qui
paroît imparfait aux vues bornées de notre
entendement , a son utilité et sa destination
dans les Décrets éternels de la Providence
? Ce seroit là un beau champ
pour les Cartésiens qu'il attaque d'une
maniere outrageante ; ne pourroient- ils
pas le traiter de prévaricateur dans une
cause si évidente , et qu'il soutient si
mal ?
Pour faire éclater , dit il , page 12. la
grandeur et l'étendue infinie de l'esprit
de Dieu , il observe que rien ne marque
davantage la supériorité du génie , que
d'inventer des Machines differentes , qui
pros
AOU'ST. 1733. 1733
E
4

>
produisent le même effet , et soient destinées
aux mêmes fins . Mais suivant les notions
les plus saines et les plus communes ,
rien ne marque davantage la sagesse
de
l'ouvrier que le Méchanisme le plus simple
et le moins chargé de ressorts . C'est donc
sur une sorte de Méchanisme qu'il fonde
la sagesse de Dieu dans la Création, mais
sur un Mechanisme de détail , qu'il présente
à la pensée , d'une maniere aussi
basse , que celui des Cartésiens est sublime.
Quoique le sieur Ray tâche de décrier
le Cartesianisme sans ménagement, il établit
, pages 2 et 3. comme le sentiment le
plus universellement
reçu , tout ce que
cette Philosophie dans sa nouveauté parut
avoir de plus difficile à concilier avec la
Religion ; sçavoir, l Hypothèse des Tourbillons
, suivant laquelle chaque Etoile ,
pour me servir des propres termes du
Traducteur , est un Soleil ou un Corps
semblable à cet astre , environné de même
d'un Choeur de Planetes , qui tournent
autour de lui. Il avance de plus , qu'il
n'y a aucune de ces Planétes qui ne soit
remplie, selon toutes les apparences , d'une
grande variété de créatures corporelles ,
animées et inanimées . Personne n'ignore
que cette partie de la Physique nouvelle
fut
1734 MERCURE DE FRANCE
fut exposée à la censure , et allarma quelques
personnes pieuses , qui trouvoient
ce systême peu conforme à ce qui nous
cst enseigné sur la Création dans la Genése
; mais il a été reçu depuis comme
une hypothese , sur laquelle on écrit et
on dispute publiquement , et il y a longtemps
que tous les scrupules sont levez à
cet égard.
A la maniére dont le S Ray fait connoître
quels sont les principes de sa Phylosophie
, qui ne le prendroit pour un
Cartésien ? Sectateur de cette Physique ,
il va néanmoins lui imputer les intentions
les plus criminelles. » Il semble
» dit-il, pag. 28.qu'il soit necessaire d'exa-
>> miner un peu les principes d'une Secte
» de Déïstes de profession; j'entends celle
» de Descartes et de ses Disciples , qui
» ont pour but d'éluder et de détruire un
» argument qui a eu tant de force dans
» tous les siècles , pour prouver l'exis-
» tence d'un Dieu . Le premier grief d'une
accusation si grave , est que Descartes
exclud de la Physique toute la considération
des causes finales . Le Sr Ray cite ,
pages 29 et 30. les Passages des Méditations
Métaphysiques , des principes de
Philosophie , et de la quatrième Réponse
aux Objections de Gassendi , où Descartes
dit
AOUST. 1733 1735
1
dit
que toutes
les causes
qu'on
a accoutumé
de tirer
de la fin , ne sont
d'aucun
usage
dans
la Physique
,puisqu'on
ne sçauroit
se persuader
, sans
témérité
, qu'on
puisse
pénétrer
dans
les fins
que
Dieu
s'est proposées
. Il est facile
de répondre
à
cette
objection
, que
la raison
alléguée
par Descartes
, pour
ne pas expliquer
les effets
naturels
par
les fins que
Dieu s'est
proposées
, est trèspieuse
et trèsédifiante
, et qu'il
auro
t pû se contenter
d'établir
en général
, que la Physique
étant
une
recherche
des causes
naturelles
, ce
n'est
pas
parler
en Physicien
, que
de
donner
pour
cause
de la production
d'un Phénoméne
, que Dieu
a eu en vûë
de le
produire
. Car
c'est
ce que tout
Chrétien
sçait
, sans
étudier
la Physique
; cette
science
de tres
- bornée
qu'elle
est , deviendroit
infiniment
étenduë
, si l'on
recevoit
au nombre
des explications
Physiques
, qu'un
efft
naturel
arrive
, parce
qu'il
est conforme
à la fin que Dieu
s'est proposée
. Je suppose
que pour
expliquer
la construction
d'une
Montre
, on s'avisat
de dire
que
ce qui cause
les mouvemens
réglez
de cette
machine
, c'est
l'intention
de l'ouvrier
qui l'a faite
dans
le
dessein
de marquer
les heures
; cette
cause
finale
en Physique
ne seroit
comptée
G
pour
1736 MERCURE DE FRANCE
pour rien ; et on ne pourroit prouver
mieux que cette Montre est l'ouvrage
d'un Artiste , et non l'effet du hazard
qu'en faisant observer l'action du ressort,
le tirage de la chaîne , les engrainures des
rouës , et sur tout la proportion et le concours
des mouvemens. Quel est donc le
véritable objet de la Physique ,? C'est de
déduire les Phénoménes , des Loix géné
rales de la nature , établies par Dieu , et
rapportées au Créateur . Une pareille Philosophie
peut- elle donner lieu aux inveçtives
de l'Auteur Anglois » Les Carthé
» siens , dit- il , page 34. tâchent de dé-
» truire notre grand argument , en pré-
»tendant résoudre tous les Phénomènes
» de la nature , et rendre compte de la
» production et de la formation de l'Uni-
» vers , et de tous les Etres corporels qu'il
» contient , soit celestes ou terrestres ; ani-
» mez ou inanimcz , même sans en exclunre
les animaux , et cela par une foible
»hypothèse de la matiere divisée, et mise
» en mouvement de telle ct telle maniés
» re. . . . . De maniére que Dieu n'a eu
» autre chose à faire qu'à créer la matiére ,
»la diviser en partics , et la mettre en
»mouvement , suivant un petit nombre
de certaines Loix , et que cela ne pouvoit
manquer de produite de soi-même
...
12
AOUST. 1733 : 1737
le monde et toutes les créatures qui y
sont contenues. Pour la réfutation de
cette hypothése ,, continue cet Auteur ,
n'aurois qu'à renvoyer le Lecteur au
» systême du Docteur Cudwort ; mais
» pour lui épargner cette peine, je vais en
transcrire les paroles..... Dieuse con
tentant de regarder en spectateur in-
» différents ce Lusus Atomorum , ou cette
» danse agréable des Atômes , et les différents
effets qui en résultent. Non con-
» tens de cela , ces Déïstes méchaniques
» ont excédé et surpassé en ceci les Athées
» atomiques , par une extravagance plus
oursée que la leur ; car les Athées de
profession n'ont jamais osé affirmer que
» ce systéme régulier des choses fut le ré-
» sultat d'un mouvement fortuit d'Atomes
au commencement , avant d'avoir
produit pendant bien du temps des
combinaisons ineptes ou des assembla-
» ges de choses particulières , et des sys-
» têmes ridicules du tout. Ils supposoient
» même que la régularité des choses de ce
monde ne subsisteroit pas toujours , et
» que la confusion et le désordre s'y re-
> mettroient avec le temps ; qu'outre le
monde que nous habitons , il y en a encore
en ce moment un nombre inexprimable
d'autres irréguliers , dont il
Cij n'y
1738 MERCURE DE FRANCE
» n'y en a pas d'un entre mille et dix mil-
» le , qui ait une régularité pareille au
» nôtre ...... Mais nos Déïstes micha
» niques prétendent que leurs Atomes
» n'ont jamais bronché dans leurs mou-
» vemens, ni produit aucun systéme inep-
» te , ni aucunes formes impropres , et
» qu'ils se sont placez et rangez dès le
commencement avec tant d'ordre et de
» méthode , que la sagesse même n'auroit
» pû le faire mieux , ni avec plus d'exactitude.
C'est par cette raison que çes
» Déi tes re ettent absolument le grand
» a gument qui prouve l'Existence de
Dicu , tiré du Phénoméne de la nature
n artificielle des choses , sur lequel on a si
» fort insisé dans tous les siècles , et qui
» fait ordinairement le plus d'effet sur l'es-
» prit humain. Les Athées s'applaudissent
» cependant en secret , er triomphent de
>> voir la cause du Déïsme trahie de cette
» maniere par ses partisans et ses défen-
» seurs les plus zélez , et le grand argu-
» ment éludé pour favoriser leur cause.
Rien ne sçauroit marquer une plus gran
» de dépravation d'esprit , ni plus de folic
et de stupidité dans les Déïstes pré.en-
» dus , que de n'avoir aucun égard à la
forme régulière et artificielle des cho
ses , ni aux impressions de l'art et de
AOUST . 1733 . 1739
wla
sagesse divine , et de ne regarder
» le Monde et les productions de la Na-
» ture , qu'avec des yeux de boeuf ou de
» cheval.
Le sieur Ray , dans la fureur qui le
transporte , n'entend pas les termes dont
il se sert car qu'est- ce qu'un Déïste , suivant
la notion génerale ? C'est un impiet
qui ne suit aucune Religion particuliere ,
qui reconnoît , à la verité , l'existence de
Dieu mais qui refuse de croire les Mysteres
que Dieu a révelez. Or ces Deïstes qui refusent
de se rendre à l'évidence de la révé.
lation , ne sont pas ceux qui font le moins
valoir le grand argument de l'existence
de Dieu , tiré de sa sagesse dans la Création.
On ne sçait ce que le sieur Ray
veut dire par ces paroles : » Les Athées
» s'applaudissent cependant en secret , et
» triomphent de voir la cause du Déïsme
>>trahie de cette maniere par ses Parti-
» sans et ses Deffenseurs les plus zelez .
Il prend ici la cause du Déïsme pour une
bonne cause trahie , et il semble appli
quer aux Carthésiens les termes de Partis
sans et de Deffenseurs les plus zelez de
la bonne cause. Mais c'est bien plutôt
cet Auteur qui trahit la cause qu'il entreprend
de soutenir , par la foiblesse
avec laquelle il traite son sujet . S'il eût
Ciij fair
1740 MERCURE DE FRANCE

fait remarquer , comme les Carthésiensces
Loix générales dont l'uniformité produit
un Monde si diversifié ; s'il se fût
élevé jusqu'à un méchanisme sublime
qui donnât une idée de la Création proportionnée
à ce que notre foible esprit
peut concevoir de plus grand et de plus
magnifique ; si en s'attachant à ce qu'il.
ya de plus merveilleux dans la Nature
il eût observé , comme ceux qu'il appelle-
Deistes , que cette multitude immense
de mouvemens des Corps Celestes , que
révolutions si constantes des Astres ,
que cette fécondité si riche et si brillan-.
te de l'Univers , que tous ces Phénomenes
si utiles à l'homme , et qui étalent
à ses yeux un spectacle digne du Créateur
, qu'enfin la beauté ravissante de
toutes les Oeuvres de Dieu , est un
témoignage continuel et invincible de sa
sagesse et de sa toute- puissance dans la
Création , par la simplicité et l'ordre des
ressorts qui y sont employez , il eût rem--
pli son sujet avec la dignité convenable ,
mais il ne s'arrête qu'à un petit détail ,
et ne présente par tout que des images.
basses et imparfaites d'un sujet qui surpasse
ses forces.
C'est favoriser l'athéïsme et le syste
me du hazard , que de rejetter le méchaA
O UST. 173′3 ; 1741
chanisme de la Nature , par lequel les
Carthésiens n'entendent autre chose que
les loix generales du mouvement établics
par le Créateur. Que chaque Philosophe
conçoive et suppose ces Loix
générales à son gré , que
differens Phisiciens
suivent des vues systématiquesfort
éloignées ; tous au moins doivent
convenir que ce n'est pas une pensée raisonnable
sur l'Etre suprême , de croire
que l'uniformité et la simplicité manquent
à ses Productions . Le principal but
de la Physique est donc de rapporter tous
les raisonnemens à ces principes. C'est à
quoi les Carthésiens ont beaucoup mieux
réussi qu'aucune autre Secte de Philosophes
, ayant mieux expliqué le méchanisme
general de la Nature; et ' on peut
dire que ceux qui tâchent d'étendre et
de pousser plus loin ce méchanisme , sont
ceux qui pensent et qui s'expliquent le
mieux au sujet de la sagesse et de la toùte-
puissance de Dieu dans la Création . A
la verité , le Philosophe rempli de pré
somption , se persuade qu'il peut concevoir
et faire entendre aux autres cet ordre
admirable établi dans les Ouvrages
de Dieu ; au lieu que le Physitien modeste
, qui connoît la foiblesse et l'incer
titude de ses lumieres , ne regarde tous
Ciij les
742 MERCURE DE FRANCE
les raisonnemens physiques que comme
des hypothéses.
>>
Continuons de rapporter la censure de
la Philosophie Carthésienne par l'Auteur
Anglois. Il se trouve , dit-il , pag. 35 .
» plusieurs Phénomenes dans la Ñature ,
» lesquels étant en partie au- dessus de la
»force et de la portée , et en partie con-
>> traires aux Loix du Méchanisme , ils
» ne sçauroient se résoudre sans avoir re-
>> cours aux causes finales et à quelques
» principes de vie ; par exemple , ce-
» lui de la gravité ou du penchant que
» les corps ont à descendre , le mouve-
» ment du diaphragme dans la respira-
» tion , la systole et la diastole du coeur ,
» qui n'est autre chose qu'une contraction
et un relâchement des muscles ,
» et par consequent ne sçauroit être un
» mouvement méchanique , mais un prin-
» cipe de vie. Nous pourrions encore
» ajoûter à cela entre plusieurs autres
» choses , l'intersection des plans de l'E-
» quateur et de l'Ecliptique ou du mou-
» vement diurne ou journalier de la Ter-
» re sur un axe qui n'est pas parallele à
celui de l'écliptique , ni perpendiculaire
à son plan ..... On ne sçauroit
» donc attribuer la continuation de ce
» double mouvement annuel et diurne
nde
23
A O UST. 17337 1748
de la Terre sur des axes non paralleles,
» à autre chose qu'à une cause finale ou
» mentale , ou rò fixTisov , parce qu'il
étoit à propos que cela fût ainsi , la
» varieté des saisons de l'année en dé
» pendant. Mais le plus considerable de
» tous les Phénoménes pir içuliers est la
»formation et l'organisation des corps
>> des animaux , remplis de tant de varietez
et de merveilles , que ces Philo-
» sophes méchaniques n'en pouvant faire
»la solution par le mouvement nécessaire
» de la matiere , sans qu'elle fût dirigée
par l'esprit à de certaines fins , ont pru-
» demment interrompu leur systéme en
» cet endroit , où ils devoient traiter des
» animaux , et n'en ont pas touché un
» seul mot.
23
On connoît clairement par cette critique
, que le sieur Ray est aussi peu
versé dans la Philosophie Carthésienne
qu'il est injuste dans l'accusation qu'il
intente contre elle. Nous avons vû plus
haut qu'il attribuë aux Carthésiens un
systéme d'Atomes , quoique les trois Elemens
de Descartes soient divisibles à l'infini
, et que par conséquent Descartes
rejette les Atomes , qui signifient des Elemens
indivisibles. Le sieur Ray ne se
trompe pas moins, en disant que dans les
C v Phé1744
MERCURE DE FRANCE
:
Phénomenes qu'il cite , il y a de la contrarieté
au Mechanisme de la Nature. Il
est vrai que les loix générales du mouvement
n'expliquent pas la construction
du corps des animaux , ni la forme de
ces organes merveilleux qui servent aux
differentes fonctions du principe qui les
anime. Le mouvement circulaire des
trois Elémens de Descartes ne peut faires
concevoir , par exemple, comment ont
été produits les instrumens de la faculté
visuelle ; mais les Carthésiens doivent :
seulement avouer que leur méchanisme ,
quoiqu'il n'y ait aucune contrarieté , est
insuffisant pour expliquer tous les Phé
noménes , et sur tout l'organisation admirable
des animaux ,, les corps animezz
et inanimez étant vrai- semblable--
ment produits suivant des loix differen--
tes, ou plutôt dont nous n'appercevons
pas la liaison. * Il ne s'ensuit pas de ce
que la Créature est incapable de conce
voir entierement le grand Ouvrage de :
la Création , qu'il lui soit defendu de rechercher
les causes physiques et naturel
+
La plupart même des Carthésiens estiment aun
aujet de l'organisation continuelle et toujours
cemblable , des Plantes et des Animaux , que tous :
res corps formez en même-temps par le Souve
fain Etre , dans les graines ou dans les oeufs , nesont
que se développer successivement,
leas
A O UST. 1733. 17455
les , suivant les principes les plus géné
caux et les plus simples , en les rappor
tánt à la sagesse et à la toute- puissance
du Créateur.
Les difficultez qui se trouveut sur la
pesanteur , ne peuvent se résoudre par
des principes de vie qui n'ont aucun rapport
avec elle , ou par des causes finales ,.
qui ne sont en aucune maniere des causes
physiques ; et si les explications que
Descartes a données de la pesanteur , ont
été attaquées par de fortes objections ,
tous les Philosophes se sont au moins
accordez à tirer ces Explications d'un '
méchanisme général de la Nature. Le
'steur Ray est si peu d'accord avec luid
même au sujet de la respiration et de la¹
systole et diastole du coeur, qu'après avoir
affirmé que ces mouvemens ne peuvent
être méchaniques , il regarde ailleurs com
me une question douteuse de sçavoir si
les bêtes sont des vrayes machines , ou
s'il convient de leur attribuer la vie et le
sentiment.
cliptiqueant
à l'intersection
de l'é-
1
de l'équateur , on en peut donner
plusieurs raisons qui n'ont rien de
contraire au systéme Carthésien . L'obli
quité de l'écliptique par rapport à l'équateur
, dont l'axe conserve toujours
son parallelisme est assurément la cause
av de
1746 MERCURE DE FRANCE
de la varieté des Saisons , mais cette cause
finale , encore une fois , ne peut passer
pour une cause phisique. L'Explication
naturelle de ce phénoméne peut se rapporter
, suivant les principes d'un Méchanisme
général , ou aux particules cannelées
, qui traversant les pores du G'obe
Terrestre d'un certain sens , déterminent
sa position , ou à la qualité du fluide qui
emporte la Terre par un mouvement
circulaire , ou à la pression des tourbillons
voisins , ou à la résistance que tout
corps solide apporte à l'impression du
mouvement qu'il reçoit , ou à toutes ces
causes réunis , ou aux differentes hypotheses
que la sagacité du Physicien lui
fera inventer. Dieu permet à l'homme
de faire quelques raisonnemens assez vraisemblables
sur les Corps Celestes , si prodigieusement
éloignez de nous ,
afin que
cette étude éleve notre esprit à la Majesté
de l'Etre suprême , en même - temps
que la présomption de l'homme est domptée
par la profonde ignorance où il est
de ce qui est au- dedans de lui - même et
de ce qui fait partie de sa propre substance.
C'est une calomnie insoutenable de
dire que les Carthésiens rejettent absolument
le grand argument qui prouve
» l'eA
O UST. 1733 1747
» l'éxistence de Dieu , tiré du phénoméne
de la forme artificielle des choses .
Nulle Philosophie au contraire ne donne
des idées aussi sublimes de la sagesse
de Dieu dans la Création ; nulle Physique
ne ramene davantage l'esprit au
Créateur , en rapportant tous les phénoménes
qu'elle peut expliquer à des loix
simples et génerales émanées nécessairement
de la Toute puissance divine . C'est
l'argument le plus invincible contre l'Athéïsme
, c'est l'exclusion la plus forte du
hazard , dont la régularité et l'uniformité
ne peuvent être les productions . Plus l'idée
d'un méchanisme est générale , constante
et uniforme , comme dans le Carthésianisme
, plus elle est inséparable des
idées de dessein et de sagesse. Ces Re-
Aléxions suffisent pour prouver des veritez
si évidentes, d'autant plus que pour
détruire l'Athéïsme par le raisonnement ,
il faudroit que quelque homme qui raisonne
fût capable d'Athéïsme , ce qui est
impossible. Il est donc certain que l'accusation
du Carthésianisme par les Docteurs
Cudwort et Ray , est au fond trèsfrivole
et très mal fondée , injurieuse à
plusieurs saints et sçavans personnages ,
qui ont soutenu cette Philosophie , et aux
Écoles qui l'enseignent publiquement.
L'IN
1748 MERCURE DE FRANCE
3
L'INDISCRETION..
CANT ATE.
Par Me de Malcrais de la Vigne ,
du Croisic en Bretagne.
REine Eine des Airs , pompeuse Aurore ,
Que vous restez long- temps au lit d'un vieu
Epoux !!
Sortez du sein des flots ; la Belle que j'adore ,
Thémire en ces Vallons doit paroître avec vous¿
Je vais entre ses bras , en dépit des jaloux ,
Gouter les dons qu'Amour pour moi seul fi☛
éclore
Mömens délicieux , momens trop attendus ,,
Vous voila donc enfin rendus.
Parfumez ces lieux , fleurs brillantes ¿ ›
Badinez avec les Zéphirs ,
Faites sur vos tiges flotantes ,
Le prélude de mes plaisirs. -
Chantez mon bonheur par avance
Atroupez-vous , petits Oiseaux ;;
Ruisseaux , allez en diligence ,
Le dire à mes tristes Rivaux ;
44
Arbres
A O UST. 1733
1745 Arbres, à travers vos rameaux ,
Laissez voir aux Dieux ma victoire
Que tous les témoins de mes maux ,
Le soient aujourd'hui de ma gloire. -
+
L'aimable Lisidor triomphoit en ces mots §.
D'un avant-goût charmant son ame possedée 5 ,
Caressoit sa flateuse idée ; ·
L'espoir tranquillement le berçoit sur ses flots.
Quand l'Aurore à la fin déployant dans la nuë ,,
Des trésors d'Orient le superbe appareil ,
Le surprit, le troubla n'offrant point à sa vûë,
Celle qu'il aimoit mieux revoir que le Soleil.
Ah ! cria-t'il tout haut , que vous tardez , Thé
mire ? ...
Paresseuse arrivez ™, arrivez™, ou j'expire
Auriez-vous à l'Amour préferé le sommeil à ?
Zéphirs , volez vers ma Maîtresse ,,
Peignez-lui l'état de mon coeur , »
Echos , rappellez- la sans cesse , ›
En lui reprochant sa lenteur.
Thémire ne vient point encore ;' ;
Le sommeil s'en est emparé ; ›
Thémire ... ah ! la soif me dévore,,
Quand je devrois m'être enyyré. -
Zephirs, yolez vers ma Maîtrese ,,
Peignez
1750 MERCURE DE FRANCE
Peignez-lui l'état de mon coeur ;
Echos , rappellez - la sans cesse ,
En lui reprochant sa lenteur.
La Bergere arrivoit à travers la Ramée ;
Son nom qui raisonnoit dans l'air ,
Etonna de fort loin son oreille allarmée.
De haine et de dépit cette Amante animée ,
Aux yeux de l'Indiscret s'offrit comme un éclair
Adieu , dit-elle , adieu , montant sur la Colline ,
Et courant à grands pas vers la maison voisine ,
Puisque des biens fondez sur un frivole espoir ,
Ta voix a sçû parler aux Echos du Boccage ,
Perfide , s'ils étoient jamais en ton pouvoir,
Tu l'aurois bien-tôt dit aux Echos du Village.
Amans , sur tout soyez discrets ,
L'Art d'aimer est l'Art de se taire ;
N'apprenez pas même aux Forêts ,
Le nom des ravissans Objets ,
A qui vous vous flattez de plaire,
Les Ruisseaux rouleront
Des Ondes indiscrettes
Les Oiseaux chanteront
Vos douces amourettes
D
Les fleurs , comme autrefois ,
Cessant d'être muettes ,
RetrouA
O UST. 1751 1733
Retrouveront leur voix ,
Pour conter vos fleurettes.
Amans , sur tout soyez discrets , &c.
**:*** X* XXX :XXXXX
EXTRAIT d'une Lettre de Czaritien,
contenant quelques Particularitez du
Pays des Tartares Kalmuques .
Epuis la Lettre que je vous écrivis
trivia
de Nova- Paulava , j'ai continué ma
route jusqu'aux Lignes de Czaritien , et la
Ville de ce nom , où je me trouve à present
est presque
dans un nouveau Monde.Rien
ne s'y voit que des Kalmuques et des
Dromadaires
; et vers le Levant , il n'y
a pas une seule Ville jusqu'aux Frontieres
de la Chine . Le Pays au - delà du Volga
, Fleuve qui lave cette Ville , est entierement
habité par les Kalmuques ,
dans l'étenduë de 2000. Woërtes , du côté
de l'Orient . Ils sont sujets à l'Empire de
Russie , et gouvernez par un Kan de
leur Nation , qui est nommé par la Czarine
, quoique toujours choisi dans la mê
me Maison. Cette forme de Gouvernement
n'est pas ancienne parmi eux , car
le Kan d'aujourd'hui
n'en est que le septiéme
.
Au1752
MERCURE DE FRANCE

Autrefois chique Famille étoit gouvernée
par son Chef , sans relever que du
Souverain de la Russie ; mais à la fin ,
ce Prince trouva à propos de gouverner
ces Peuples par un Kan ou Viceroy , qui
tient de lui toute son autorité , et dont
la Charge est à vie. Je n'ai pû encore
apprendre s'ils payent de tribut ; mais
je suis plus disposé à croire qu'ils ne sont
obligez que de servir à leurs dépens ,
quand ils sont commandez dans les Expeditions
militaires. Ils sont tous Cavaliers
, et peuvent monter , à ce que j'ai
oui dire , à 200000. Combattans . Ils ne'
Sçavent presque ce que c'est que les Armes
à feu , mais ils sont très - adroits à ti
rer de l'Arc , et 1000. Kalmuques tiennent
bien tête à 3 ou 4. mille Tartares de
Krimée . Ils ont beaucoup de l'air des Negres
d'Affrique , mais leurs nez sont encore
plus camus , et leurs yeux à la Chinoise
, ne sont pas si ouverts de la moitié
Ils sont originairement Mogols , et fu÷
rent , dit-on , laissez dans ce Pays par
Ghengis Khan , lorsqu'il fit la conquête
de l'Asie; et quoiqu'ils disent eux -mê
mes qu'ils sont un reste de l'Armée Macédonienne
, qu'Alexandre le Grand laissa
sur les bords du Volga , leur langage et
leur écriture , qui sont un mauvais Mogol
,
A OUST . 1753 1733.
gol , prouvent clairement leur origine ;
outre qu'ils ont la même Religion , et
que leur Grand- Prêtre , ou Lama , réside
dans le Pays des Mogols , où les principaux
de leur Clergé sont obligez d'ailer
pour recevoir les Ordres Sacrez de leur
Religion. Ils sont fort dévots ; car dès
qu'ils cessent de parler , on les voit occupez
à dire leurs Chapelets , qu'ils portent
toujours pendus à leur col. Un jour
étant surpris de la vitesse avec laquelle
ils parcouroient ces Chapelets , je leur
dis que leur formule de priere devoit être
extrémement courte , ils me répondirent
qu'elle ne consistoit qu'en deux paroles.
mystérieuses , sçavoir , Ommani Badmehunc
, ce qui signifie une belle Fleur , et
une Pierre qui ne tire sa lumiere d'ellemêmes
mais de temps- en- temps ils prennent
un Grain de Chapeler plus grand
qui sert à des Prieres plus longues , dont
je n'ai pas appris le sens.
que
Ces gens - là content mille Miracles deleur
Lama , disant , que celui qui lui doit
succeder , déclare sa Mission aussi - tôt
qu'il est né. Ils s'imaginent qu'il connoît
leurs pensées et sçait leur faire
des réponses , sans qu'ils se donnent la
peine de lui parler. Il y a parmi eux plusieurs
Sectes differentes , quelques - uns
adorent
1754 MERCURE DE FRANCE
adorent des Idoles , les autres la Peau
d'un Lievre , car ils prétendent qu'autrefois
pendant tout le temps d'une famine,
40000. personnes avoient été nourries de
la chair d'un seul animal de cette espece.
Ils traitent leurs Morts de quatre manieres
differentes , suivant les quatre Elemens
, car ils brûlent les uns , ils jertent
les autres dans l'eau , ils en enterrent , et
11 y en a qu'ils exposent à l'air , observant
pour cela le temps de la Lune qu'ils
sont nez , ou qu'ils sont morts . Ils n'ont
presque aucune idée de compassion ; car
si leurs Femmes , leurs Peres ou leurs
Meres sont travaillez d'une longue maladie
, ou vicillissent , il les laissent mourir
de faim .
Leurs Tentes sont infiniment mieux
imaginées que les nôtres , et garantissent
mieux du froid ; aussi aimerois je mieux
y loger que dans certaines maisons que
j'ai vûës ailleurs . On place le feu au beau
milieu de la Tente , et l'on pratique une
ouverture dans le toit , qui est façonné
en dôme , par où la fumée monte , et
quand il ne fume plus , on ferme l'ouverture
; de sorte qu'on s'y chauffe tout
aussi-bien que dans une maison . Ces Tentes
sont construites d'une espece de Feutre
, mais qui est six fois plus épais que
celui
AOUS T. 1733 1755
celui dont on fait nos chapeaux , ce qui
fait qu'on y est chaudement en hyver
et fraîchement en é é . Mais le malheur
est qu'elles sont si pesantes , que la plus
ordinaire fait la charge d'un Dromadaire,
car je n'ai point vŷ de Chameaux à une
bosse , et une bonne Tente , ou dix ou̟
douze personnes pourroient coucher , feroit
bien la charge de deux de ces animaux
. Le Kan est à present à 15. ou, 16,
lieues d'ici , avec 10000. Tentes , habitées
par ses Sujets ; je compte de l'aller
voir avant de quitter ce Pays,
Les Kalmuques ont un usage singulier
en fait d'hospitalité , quand un Etranger
vient chez eux , la marque la plus
ordinaire de leur distinction , c'est de
lui donner le choix de leurs femmes ou
de leurs filles , pour passer la nuit avec
celle qu'il trouve le plus à son gré. Les
femmes sont habillées de même que les
hommes , ce qui cause souvent qu'on
se méprend de Sexe. Ils n'ont d'autres ri
chesses que leur Bétail , dont ils font un
grand trafic avec les Rus es. Leurs Chevaux
ne sont pas beaux , mais ils sont
d'une vigueur surprenante , ils font 20,
ou 25. liües par jour sans se fatiguer,
Le meilleur Cheval du Pays se vend 4,
5. pistoles , et un Cheval ordinaire ne
vaus
1756 MERCURE DE FRANCE
vaut que 4. ou 5. écus ; il est cependant
difficile de dompter leur férocité natarelle
,
ils vont presque tous le pas naturellement.
Je viens d'acheter ici quel
ques- uns de leurs Arcs et de leurs Fleches
, et comme vous me mandez que
vous en avez des Indes Occidentales , j'en
troquerai volontiers deux contre un des
vôtres.
J'espere partir de ce Pays- cy dans 8.
ou 10. jouts , et de continuer mon voyage
par le Don jusqu'à Asoph , là je serai
voisin d'un Peuple poli , et de deux Peuples
barbares. Vous jugerez facilement
que par le premier , j'entends les Turcs ,
et que les deux autres sont les Tartares
de Krimée et ceux de Cuban , les uns
sont au Couchant du Don , les autres au
Levant. Si j'y vois quelque chose digne
de remarque , je ne manquerai pas de
Vous en faire part.
Vous trouverez cy - jointe un Lettre du
Baron de Wedel ; il avoit la fievre lorsqu'il
l'écrivit , c'est une espece de tribut
que tout Etranger doit à ce climat , lorsqu'il
arrive , mais on en est quitte pour
3. ou 4. accès. Il paroît par sa Lettre
qu'il alloit marcher contre quelques Kalmuques
qui refusoient de déferer aux ordres
du Kan .
J'ai
A O UST. 1733. 1757
J'ai acheté un petit Kalmuque qui est
d'une beauté parfaite , selon cux , il n'a
presque rien qui ressemble à un nez , excepté
les narinesses yeux ne sont ouverts
que de la largeur d'une paille. Il est d'un
teint couleut de caivre , couleur trèsestimée
parmi eux.; sçachant lire et écrire
sa Langue. Si vous en avez la moindre
envie , mandez - le- moi , et aussi - tôt
que je serai à Petersbourg , où je compte
d'arriver vers la fin de l'année , je le ferai
partir.
DEMOSTHENE ET LAIS.
CONTE.
Corinthe vit une Jeune Beauté ,
Dont les appas faisoient bruit dans la Grece
Chez elle alloit la brillante Jeunesse ;
Plus d'un Amant en étoit enchanté ;
Pour peu qu'on eût le gousset argenté,
Qu'à pleines mains on jettât la richesse ,
Tenez pour sûr qu'on étoit écouté ;
Mais un Amant avare ou sans finance
Ne Lecevoit gracieuse audiance ,
Point de faveurs ; il étoit rebuté
Il avoit beau vaater son éloquence,
Son
1758 MERCURE DE FRANCE
Son bel esprit , ou bien sa qualité ,
On le traitoit avec sévérité ;
Car rien pour rien, en Grecé comme en France ,
C'est de tout temps un Proverbe usité ;
Un petit Maître en vain contoit fleurette ,
S'il n'ajoûtoit encor quelque bijou ;
De passemens s'il ne faisoit emplette ,
On le laissit morfondre tout son sou ;
Bref, telle étoit l'humeur de la Donzelle ;
Argent et dous faisoient tout son attrait ,
Le demeurant n'étoit que bagatelle ;
Qu'un Financier cût bien été son fait !
Un Financier admis chez une Belle ,
D'une faveur paye au double le prix ;
Il ne connoît ni dédains ni mépris ;
On le prévient , jamais sujet de plainte ,
Il est toujours chéri de son Aminthe ;
Trois fois heureux , mais il n'est pas permis ,
A tout Mortel d'arriver à Corinthe ;
On dit pourant que Démosthène épris ,
Des yeux vainqueurs de la jeune Laïs ,
C'étoit le nom de notre belle Infante )
Lui présenta requête suppliante ,
Pour ce qu'en France on paye en beaux Louis,
Or sçavez-vous ce que pour son offrande ,
Elle exigea de son illustre Amant ?
Vous donnerez , lui dit- elle , un talent ;
Un seul talent ! la somme n'est pas grande ;
Et
AOUST. 1733 : 1759
; Et je devrois vous en demander deux
Mais votre nom mérite quelque grace ;
Vous jugez bien que la somme embarrasse
Notre Rhéteur qui n'est pécunieux ;
Fournir ne peut à si grande largesse ;
Et renonçant au frivole plaisir ,
Non , répond- t-il à l'avare Maîtresse ,
Un Orateur nourri dans la sagesse ,
N'achepte pas si cher un repentir.
PIERRE DEFRASNA
***************** ¡******
REMARQUES sur les Dictionaires.
LA
A foule de Sçavans ou de Gens de
Lettres avec vocation , ou sans talens,
nous inonde de Dictionaires en tous genres
. Outre les Dictionaires publics , chacun
s'en fait de particuliers,et se croit bien
avancé quand il a ramassé sur des Cartes
, ce qu'il a lû , et qu'il a commencé
à ranger par ordre alphabétique.
Toutes les idées , toutes les connoisşances
vont donc bien - tôt rouler sur cet
ordre alphabétique. On benit le siecle où
les Sciences sont devenues si aisées à l'aide
des Dictionaires. Mais quelqu'un a- t - il encore
pris garde qu'on donne trop
dans cet
ordre, et qu'il faudroit distinguer en quot
il est bon,et en quoi il est mauvais. Il est
D bon
1760 MERCURE DE FRANCE
bon à faire retrouver ce qu'on a perdu
il est fort secourable pour les ignorans ,
mais il ne les tire que pour un moment
de leur ignorance,
L'ordre de raison , tel qu'il se trouve ,
dans un Traité bien complet , divisé par
Livres et par Chapitres,selon les matietes
qu'il embrasse ,quand elles sont bien dígé
rées et subordonnées les unes aux autres ,
selon leur suite naturelle et essentielle ,
est bien préférable. Quelle comparaison
peut- on faire de ces deux ordres ? Il en
est de cela comme de ranger une Bibliotheque
par l'ordre des grandeurs , ou de
la relieure des Volumes , ou par l'ordre
des matieres , ajoutez à la fin d'un Trai
té complet, ou d'une Histoire, une Table
alphabétique des matieres , vous avez en
même- temps les deux , vous avez la commodité
du Dictionaire et l'avantage d'un
Traité complet , ou d'une Histoire que
vous pouvez lire de suite , en profiter et
la critiquer avec justesse.
: Le Dictionaire universel de Morery ;
qui a eu tant de succès , pourroit être refondu
suivant ce principe, sans consulter
aucun autre livre pour le recomposer ;
on pourroit des mêmes matériaux en former
une Histoire universelle , une Géographie
, une Histoire généalogique des
princiAOUST.
1733. 1761
principales Maisons , &c . et à la fin de
ces Traitez , une Table alphabétique des
matieres , avec des renvois au tome , à la
page et même à la ligne , vous donneroit
le même avantage que le Dictionaire, tel
qu'il est aujourd'hui.
leTexte pour
Peu de personnes peuvent lire le Dictionaire
de Bayle de suite; l'inversion des
temps,la confusion des personnages , dont
Bayle nous apprend des Anecdotes, l'incommodité
de couper leTexte pour descendre
aux Remarques , rebute souvent
d'une lecture si aimable d'ailleurs . Qui
empêcheroit d'en faire , comme on vient
de dire , du Morery , de refondre ce Dictionaire
, de restituer les Remarques dans
le Texte et d'en faire une histoire univer
selle des hommes les plus connus dans le
monde , par ordre de temps ou de dignité
des personnages , avec une Table generale
alphabétique à la fin ? Le Dictionaire
Oeconomique produiroit dans le même
goût une excellente Maison rustique. Les
Dictionaires des Langues mêmes , ausquels
l'ordre alphabétique paroît le plus
-affecté , seroient mis en Grammaire , ou
en Recueil de Racines des mots , rangez
suivant leurs usages comme de choses naturelles
, de meubles , de mets , de maladies
, &c. Il y a de ces Recueils de Ra-
Dij cines
1762 MERCURE DE FRANCE
-
cines rangez en cet ordre dans plusieurs
Grammaires. Par exemple , dans celle de
Veneroni ; cet ordre de raison contribue
à faire mieux retenir les choses qu'on lit
de suite, qu'on compare et dont on prend
une idée complette , et la Table alphabetique
de la fin présente l'utilité du Dictionaire.
On a depuis peu donné au public une
Bibliotheque des Théatres , où la justice de
mon reproche contre les Dictionaires, est
mise dans tout son jour ; on n'y a suivi
d'autre ordre que l'alphabétique,du commencement
à la fin , au lieu de ranger les
Piéces par oeuvres d'Auteurs , et ces Auteurs
selon leur temps ; par là nous cussions
eu une Histoire du Theatres une
Table à la fin auroit fait trouver commodement
les Piéces qu'on eûteu à chercher.
A la place de cet Ouvrage, on n'a entre
les mains qu'un Livre impossible à
lire de suite , et qui ne sera consulté que
quelquefois par fantaisie.
Il faut encore observer qu'en refondant
des Dictionaires dans l'ordre naturel et de
raison , on épargne beaucoup de répétitions
indispensables aux Dictionaires ; je
suis sûr que le Morery auroit un bon
quart de moins , et contiendroit les mêmes
choses dans l'ordre que je propose.
On
A CUST. 1733-1
1763
On pourra m'accuser de singularité
dans ce que je viens de dire , principalement
sur les Dictionaires des Langues ;
mais qu'on examine ceci sans préjugé, es
on goûtera ma nouveauté ; qui a le plus
a le moins je le répere ; dans l'ordre de
raison , avec la Table alphabétique à la
fin , on a les deux ; qui a un Dictionaire,
n'en a qu'une .
L
EPIGRAM ME.
'Amour , pour se loger chez l'aimable Uranic
·
Ayant fait mille fois d'inutiles efforts ,
Dans du Tabac de Virginie ,
Enveloppa son petit corps.
Bien-tôt à travers une rappe ,
En poudre menuë il s'échappes
Prête à le respirer délicieusement ,
Uranié à son nez le porte avidement ,
L'amour sourit. N'étoit son attente remplie ;
Hélas ! il le croit vainement
Uranie aime à la folie ;
Mais c'est le Tabac seulement.
Diij
LET
1764 MERCURE DE FRANCE
**** :***********
LETTRE écrite d'Auxerre , à M. ...
sur cette expression : Faire le déposuit ,
et sur les Bâtons des Confreries.
Ous me marquez , Monsieur , la
peine où vous êtes de comprendre
le sens d'un ancien Reglement de Saint
Jacques de l'Hôpital de Paris , dont on
vous afait voir une copie ; et quoique ce
Reglement n'ait que 230 ans ou environ ,
il contient , dites - vous , certains usages
que vous n'entendez pas , et dont vous
souhaiteriez avoir l'explication. Selon ce
Reglement le Crieur est tenu , avant la
» Fête Monseigneur S. Jacques , d'aller
>> par la Ville à tout sa Clochette , et ves-
» tu de son Corset , crier la Confrairie.
» Item , doit à chaque Pelerin et Peleri-
»> ne quatre épingles pour attacher les
» quatre Cornets des Mantelets des hom-
» mes et les Chapeaux de fleurs des Fem--
» mes ; les Pelerins au Cueur , les Peleri-
» nes hors le Cueur . Item , doit May et
herbes vertes pour la jonchée. Et après
le dîner on porte le Bâton au Cueur , et l'a
est le Trésorier , qui chante et fait le Dé-
» posuit. » Vous demandez ce que c'est
"'
» que
AOUST. 1733. 1765
que faire le Deposuit. On dit bien en
France : Faire le Pain - beni , faire la Saint
Martin . On disoit autrefois, faire les Anges
, faire les trois Maries ,faire le Defruc
in , et même faire les Rois , pour signifier
que trois Ecclesiastiques étoient habillez
en maniere de Rois le jour de l'Epiphanie.
Mais il n'étoit pas plus rare d'y faire
le Deposuit. Ce n'est que le non- usage
qui a fit perdre de vûë la signification
de ce langage . Je vous prie d'avoir attention
à la pénultiéme ligne du Reglement;
elle sert à donner le dénouement de la
cérémonie du Deposuit. ( On porte le Bâton
au Cueur. )
C'est que dans les Confreries , outre
l'Image du S. Patron , placée ordinairement
au dessus des Autels des Eglises ,
ou dans quelque niche , et qu'il est impossible
de transporter , il y en avoit une
petite , que chacun des Confreres étoit
tenu de conserver chez lui pendant un
an à tour de Rôle , et cette Image au retour
de la Fêre, chaque année , étoit mise
sur la Table des Trésoriers ou Receveurs
de la Confrerie, dans la Nef de l'Eglise ,
ou même au Vestibule ; et afiu qu'elle
ne fut pas portée rustiquement par les
rues , mais avec dignité , on avoit un Bâ
ton , orné et embelli selon le temps , au
D iiij
bout
1766 MERCURE DE FRANCE
bout duquel on la portoit élevée ; et même
depuis cette Image resta ainsi posée
sur le Bâton même , qu'on orna dans la
suite de Fuzeaux , garnis de Fleurs et de
Rubans , et on eut soin de la couvrir
d'un petit Plafond ou d'une Arcade en
forme de Coquille ..
Les Bâtons modernes des Chantres de
plusieurs Eglises sont des diminutifs de
ces Bâtons de Confreries pour la forme ; il
n'y a que dans quelques-unes que l'on a
conservé l'ancien usage de les terminer
en Pommeau , en figure d'Oiseau , ou en
bec de Corbin , sans mettre aucun Saint
dessus . Mais venons au Deposuit. Le Magnificat
des Vêpres étant commencé , રે
T'approche du Verset :Deposuit potentes de
sede celui qui avoit rendu ou rapporté
le Bâton , sortoit de Charge ; et à ces paroles
suivantes : Et exaltavit humiles, on
mettoit en place celui à qui c'étoit le tour
de le prendre. Il y avoit quelques variétez
là- dessus selon les Païs ; mais presque
dans toute la France on avoit imaginé
que ce Verset du Magnificat exprimeroit
fort bien la céremonie ; l'un descendoit
en sortant de charge , et l'autre
montoit en y entrant.
;
Il y avoit des Endroits où c'étoit aux
Prêtres à faire cette espece d'installation;
d'au
AOUST. 1733. 1767
d'autres , où celui qui quittoit le Bâton
le mettoit entre les mains de celui qui lui
succedoit. Il paroît qu'à S. Jacques de
l'Hôpital c'étoit le Trésorier qui installoit
le nouveau Bâtonnier , et qui déposoit
l'ancien , en chantant Deposuit , ou'
bien c'étoit celui qui rendoit le Bâton
qu'on appelloit du nom de Trésorier.
Mais en quelques sens que vous le preniez
, soit qu'il installât et mît en place
ou qu'il cedât seulement sa place à un
autre , cela s'appelloit faire le Deposuit..
Dans le Diocèse dont je suis , je sçai que,
jusques bien avant dans le dernier siécle
le Deposuit étoit un Verset si distingué
dans le Magnifieit des secondes Vêpres
d'une Confrerie , qu'aussi - tôt qu'on le
commençoit , celui qui finissoit son année
de Bâtonnier , mettoit le Bâton entre
les mains de celui qui entroit en Charge ,
et à l'instant on sortoit du Choeur et les
Confreres alloient conduire le Bâ:on et
le Bâtonnier jusques dans sa maison.

De vous dire si le Clergé étoit de cette
Procession , c'est ce que je ne sçai pas :
A Paris c'étoit l'usage au milieu de l'avant-
dernier siécle ; mais j'ai reconnu
par un grand nombre d'Ordonnances
Episcopales, faites vers l'an 16 20 et 1622 .
qne l'on finissoit ces jours- là les Vêpres
D.v ex:
1768 MERCURE DE FRANCE
ex abrupto , à Deposuit inclusivement ;
ce qui fut condamné avec raison par
M. de Donadieu , noire Evêque , qui
prescrit de finir les Vêpres à l'ordinaire ;
ce mauvais usage de cesser l'Office à ce
Verset , et de ne le pas continuer , mais
d'entonner tout d'un coup le Te Deum ,
ne pouvoit venir que de la complaisance
de quelques Ecclesiastiques , qui pour un´
leger interêt s'avillissoient jusqu'à aller
conduire des Laïques chez eux , et rendoient
ainsi ces Larques les maîtres des
cérémonies ; de même qu'on a vu encore
de nos jours , des ignares et non - lettrez
qui ont osé s'immiscer de montrer les
Rubriques à leurs Prêtres , et de regler
P'Office divin à leur fantaisie.
Comme un abus invetéré ne peut être
aboli que peu à peu et par la suite du
temps , qu'arriva-t- il de ces deffenses ?
On acheva les Vêpres ; mais après qu'el
les furent dites , on recommençoit le Magnificat
de nouveau , pour faire la cérémonie
; et afin d'avoir occasion de chanter
ce Cantique en entier, on trouva qu'il
étoit plus à propos de ne délivrer le Bâvon
à celui qui devoit le prendre , qu'au
Verset : Suscepit Israël , mais c'étoit toujours
à Deposuit que se faisoit l'abdication
de la Charge du Bâtonnier précédent.
AOUST. 1733. 1769
dent. Voici les termes d'un des Statuts
Synodaux , du 6 May 1642. Nous avions
alors pour Evêque Pierre de Broc. Pendant
que les Baons de Confrerie seront exposez
pour être encheris , l'on ne chantera
Magnificat , et n'appliquera- t- on point ces
Versets Deposuit et Suscepit àla délivranse
d'iceux ; ains , on chantera quelque Antienne
et Répons avec l'Oraison propre en
bonneur du Saint duquel on celebre la fête.
Que l'usage de faire ainsi le Deposuit fur
ancien , c'est ce qui paroît par le Régle
ment d'une des plus anciennes Confrexies
que je connoisse. C'e t celle de la
Fête du premier Janvier , qu'on appelloit
en quelques li ux La Fête des Foux &
Eudes de Sully , Evêque de Paris , ne
voulant et n'osant peut-ut-être pas Fabolir
sout à fait , se contenta de lui prescrire
certaines bornes , er statua pour ce qui
étoit des secondes Vêpres , que le Verset
Deposuit seroit dit tout au plus cinq fois à
et que si le Bâton étoit p is par quel
qu'un , alors on insererot le Te Deum
dans les Vêpres qui seroient terminées
par celui qui les auroit commencées
Deposuit quinquies ad plus dicetur loco
suo , er , si captus fuerit baculus , finito Te
Deum , consummabuntur Vespera ab eo
quofuerant inchoata.
*...
D vj
Co
1770 MERCURE DE FRANCE
Ce Statut qui est de l'an 1198 nous ap
prend l'antiquité des Bâtons des Confre
ries ; mais il nous insinue en même tems
qu'à Paris l'usage avoit été jusqu'alors
de chanter le Verset Deposuit tout autant
de fois qu'il étoit necessaire , jusqu'à ce
que quelqu'un eut pris le Bâton. Le Re
glement de l'Evêque restraint ce nombre
à cinq fois , en supposant qu'il pouvoir
arriver que le Bâton ne fut pas pris ; mais
il permet , au cas qu'il soit accepté , que
ie Te Deum. soit placé dans les Vêpres en
action de graces. Il semble par cet exposé
, que faire alors le Deposuit , étoit de
présenter le Baton pendant qu'on chante
le Verset Deposuit. Je ne sçai si je vous
mets au fait de ce langage, comme j'y suis;
moi , qui dès ma jeunesse , ait été accou
tumé à entendre faire des encheres sur
ces Batons des Saints après l'Office fini .
Voilà , au reste , une espece de Baton à
inserer dans le Glossaire de M.du Cange,
sous le titre de Baculus Confratriarum ou
Festivitatum. J'ai été surpris de ne le pas
trouver dans la nouvelle Edition qui
vient de paroître , non plus que le Defructus
, dont j'ai donné une ample explication
dans le Mercure de Février
1726. pag. 218.-
Je ne suis pas sorti des limites de l'ang
cienne
AOUST. 1733- 1771
cienne Province de Sens , pour ne pas
trop m'étendre en remarques sur cet usage
de faire le Deposuit ; vous pourrez apprendre
dans la suite , quelle étoit la pra
tique de quelques autres Provinces . Voici
les termes des Staturs du Synode de Paris-
1557. que j'ai cité cy dessus : Baculorum
eum imaginibus conductum ad domos Late
corum cum turba Sacerdotum Laïcorum mimorum
districtè.. .inhibemus . (fol.1 . n.18 . ),
Le P. le Brun a paru croire dans son Livre
contre les Comédiens que l'on faisoit des
boufonneries de Théatre en ces sortes,
d'occasions ; mais , non ; il est seulement
vrai que pour la conduite de ces Batons , il
y avoit des Violons qui joüoient des airs
d'Eglise , et les Farceurs ne sont nommez
dans ce Statut , que parce que souvent on
se servoit d'eux pour enen jouer, mais alors
ils étoient habillez modestement et de la
même maniere que l'on a pû en voir en
certains Pays encore de nos jours , à la
Procession de la Fête-Dieu , avant que le
tems fut venu d'y regarder de plus près.
Je suis , Monsieur , & c.
Ce 10 Avril 1733 .
24.3 IME
3772 MERCURE DE FRANCE
ののの
IMITATION de la XXII Ode
d'Horace , liv. I.
Integer vita , & c.
Loin celui qui dans le vice
A passé ses plus beaux jours ;
Celui qui de l'injustice ,
A pratiqué les détours ;
Les Cyclopes effroyables
Dans leurs antres redoutables ,
Pour lui forgent mille traits ,
Qu'il arme sa main perfide ,
D'un Javelot homicide ,
Pour s'assurer ses forfaits.

Celui qui de l'innocence ,
Suivit toujours le sentier ,
N'a besoin pour sa deffense ,
De Dard ni de Bouclier ;

Sa vertu lui sert d'Ægide ,
La sage Pallas son guide ,
Toujours le conduit au Port ;
Et d'une main salutaire
La sagesse qui l'éclaire ,
L'arrache aux coups
ì....

de la mort
Sans
AOUST. 1733 . 3773
Sans armes , seul et tranquille ,
Je m'égarois dans le Bois ,
Je chantois ; l'Echo docile ,
Rendoit les sons de ma voix ,
Que vois- je ? En ce lieu sauvage ,
Un Loup guidé par sa rage ,
Porte par tout la terreur ;
Pour moi l'Esperance est vaine ,
Ou fuir ! Ma perte est certaine
Dieux, prévenez mon malheur.
2
Prodige! heureuse méprise !
Il retourne sur ses pas ;
Est-ce une vaine surprise ,
Pour m'arracher au trépasz
Pallas vient sur une nuë ,
Je me rassure à sa vuë ,
Mortel , fidele à mes Loix ,
Dit-elle C'est le seul sage ,
Qui triomphe de la rage ,
Des Loups , habitans des Bois.
*
Loin la terreur au tein pâle.
Jaffronte tous les revers
Que la fureur infernale
Prépare pour mai des fers ;
Que
1974 MERCURE DE FRANCE
Que l'air gronde sur ma tête ,
Je méprise la tempête ;
Que la Mer ouvre son sein
Au milieu de cet abîme' ,
Un coeur exempt de tout crime
Est ferme comme l'airain .
Par P. D. C
LETTRE de M. D. L. R. écrite à:
M.l'Abbé Foubert , Docteur de Sorbonne,
au sujet d'une Prophetie attribuée au
Roy David.
1
LA
A difficulté que je vous ai proposée,
y a et
Monsieur , il y a quelque temps ,
que vos occupations ne vous permirent
pas alors de me résoudre , a fait le sujet
de quelques recherches de ma part ; vous.
me demandez ce que j'ai appris là- dessus
; la demande ne sçauroit venir plus
propos ; car d'un côté je suis en état
de vous rendre quelque compte , et de
l'autre nous voila dans le temps où l'Eglise
a commencé de chanter l'Hymne
respectable qui a donné lieu à la diffi
• à
culté .
Il s'agit , comme vous sçavez , d'accorder:
A O UST. 1733. 1775
der l'exacte verité avec les paroles de la
strophe que voici de l'Hymne Vexilla
Regis , &c.
Impleta sunt qua concinit
Davidfideli carmine "
Dicens in Nationibus ,
Regnavit à ligno Deus.
David , selon le pieux Auteur de l'Hym
ne , a donc chanté prophétiquement dans
ses Pseaumes que J. C. regneroit par le
Bois de la Croix , et c'est , Monsieur , ce
que d'abord j'ai été chercher dans ces sacrez
Cantiques dans la Vulgate , ne me
souvenant pas d'y avoir jamais lû rien
de pareil. Il est vrai que dans le Pseaume
XCV. Verset 10. on trouve ces paroles ,
dicite in gentibus quia Dominus regnavit
et rien davantage. Est- ce assez pour attribuer
à David la Prophétie en question?
Cependant c'est Fortunat , Evêque de
Poitiers , selon la plus commune opinion ,
qui a composé cet Hymne au vi . sie
cle , et il y a preuve qu'on l'a chanté en
France , au moins dès le IX.
Comme tout le monde n'a pas chez
soi une Bibliotheque , je n'ai pas été en
état d'abord de voir dans les sources ce
qui peut avoir donné lieu aux paroles de
Fortunat , mais j'ai tiré de Genebrard ,
dont
1776 MERCURE DE FRANCE
dont j'ai le Pseautier dans mon Cabinet ,
autant de lumieres qu'il m'en falloit pour
commencer au moins d'éclaircir ma dif
ficulté.
Vous sçavez que Genebrard , sçavant
Benedictin Docteur de Paris , Professeur
des Langues Saintes au College Royal ,
puis Archevêque d'Aix , a donné une Edition
des Pacaumes , selon la Vulgate, qu'il
a accompagnée de sçavans Commentaires
, Ouvrage dont il étoit plus capable
qu'un autre , et dont il y a eu cinq Editions.
La mienne est d'Anvers 1592. et
toute la derniere ,
Son Commentaire sur ce 10. Verset
du Pseaume 95. est assez long et rempli
d'une pieuse érudition . Voici le précis
de ce qui regarde notre Question . Genebrard
convient que regnavu à ligno n'est
point dans le Texte Hebreu ; mais il prétend
que les Septante l'ont ajoûté par
an esprit prophétique , en traduisant ce
Verset , trois cent ans avant J. C. c'est
ainsi , dit-il , que les Anciens l'ont tou
jours cité , sçavoir , S. Justin Martyr, Lactance
, Tertullien , Arnobe , S. Augustin,
Cassiodore, Théodulphe, (4 ) le Pseautier
Romain , &c. c'étoit , selon lui , la ma
(a) Théodulphe , Evêque d'Orleans , auquel on
attribuë aussi l'Hymne de la Passion.
niere
A O UST. 17335 1777
niere des Anciens , en traduisant l'Ecri
ture , d'insérer quelques mots , en passant
, pour servir à l'intelligence de ce
que la Lettre renferme de mysterieux.
c'est ainsi , continue- t'il , qu'en ont souvent
usé Jonathan et Onkelos , qui pour
cela même ne sont pas tant appellez Traducteurs
que Paraphrastes Chaldéens , en
quoi ils ont été imitcz par les Septante..
Genebrard donne ensuite quelques exemples
de cette maniere de traduire des
Septante , pour éclairer davantage le
Texte , et il paroît si persuadé de ce sentiment
, qu'il traite d'imprudence et de
témerité d'avoir retranché à ligno des
Exemplaires qui ont suivi , ces paroles
ayant , dit- il , été inspirées (a) par le
S. Esprit à ces très saints Prophetes ,
Traducteurs des Livres Sacrez. Il accuse
de ce retranchement les Juifs , comme
S. Justin le leur a effectivement reproché
, ou quelques demi sçavans , pour,
faire montre de leur capacité dans la
Langue Hébraïque , et pour critiquer les
Septante , ce qu'il appelle une vanité et
une méchanceté dont on ne voit , dit- il ,
(a) Male ergo has duas Voculas è nostris Exemplaribus
, qua de industria et per Spiritum Sanctum
a sanctissimis
his Prophetis fuerant interjecta sustlerunt
, sive Judai, &c. Genebr.
que
1778 MERCURE DE FRANCE
que trop d'exemples . Il finit en soute
mant la nécessité de cette Leçon , et en
l'expliquant d'une maniere plausible et
toujours édifiante par rapport à l'appli
cation qu'il en fait.
Je crois , Monsieur qu'en voilà autant
qu'il en faut pour justifier , du moins
pour autoriser l'Auteur de l'Hymne Ve
xilla Regis , d'avoir cité David avec l'addition
à ligno , qui a tant de Deffenseurs
et de si illustres Garants . Mais est- ce
assez , encore une fois , en bonne crititique
pour admettre des paroles qui ne
se trouvent ni dans le Texte Hébreu
qui est l'original , ni dans les Exemplaires
que nous avons aujourd'hui de la
Version des Septante , premiers Auteurs ,
selon Genebrard , de cette Addition ? Ce
qui , à vous dire le vrai , me paroît un
peu embarassant. Vous sçavez qu'on ne
peut jamais prescrire contre la verité
c'est un des plus beaux mots (a) de Tertullien
et une maxime certaine. Vous sçavez
aussi que la Mort du Messie est assez marquée
dans les Prophetes , dans David même
, qui en est lui- même une figure , sans
qu'il soit besoin de la caractériser ici
(a) Veritati nemo prascribere potest , non spatium
temporum , non patrocinia personarum , non privil
Begium regionum . Lib. de Velan. Virginib.
Par
JUILLET. 17337 1779
par des termes qui ne se trouvent pas
dans le Texte original .
it
A
i. Cela supposé , je crois qu'on peut en-
Gore reclamer en faveur de la verité contre
l'addition ou la glose attribuée aux
Septante , que je ne sçaurois encore bien
me persuader venir de la plume de ces
fameux Interpretes ; mais je n'ai pas envie
, Monsieur , pour constater ce fait ,
du moins pour l'éclaircir , d'aller m'enfoncer
dans une Bibliotheque avec une
foule d'Interpretes , de Commentateurs
de Critiques , qui peut- être , après avoir
employé bien du temps , me laisseroient
encore dans le doute où je suis. Je vous
défere cette pénible entreprise , comme
vous convenant mieux qu'à moy , et je
me contente de joindre à ce que j'ai déja
eu l'honneur de vous dire , quelques Remarques
d'un Critique moderne sur le
sujet en question , qui m'ont parâ avoir
de la solidité. Ce Critique est Dom Augustin
Calmet , Auteur d'un Commenraire
Litteral sur tous les Livres de l'Ancien
et du Nouveau Testament , dont
les premiers Volumes ont parû au commencement
de ce siecle. Vous connoissez
Get Ouvrage et vous pouvez en juger
mieux qu'un autre. Pour moi je fais un
sas particulier de son travail sur les Pseaumés,
1780 MERCURE DE FRANCE
mes. Ce Livre publié en 1713. 2. vol. in
4. chez Emery , a mérité l'Approbation
d'un ( 4 ) de vos illustres Confreres , qui
nous assure que les Explications de l'Auteur
, tirées des S S. Peres et des meilleurs
Interpretes , contribuent beaucoup à faire
entendre ce qu'il y a de plus difficile
et de plus obscur dans ce Livre divin .
Dom Calmet , après avoir rapporté le
Verset en question , Commoveatur ....
Dicite in gentibus quia Dominus regnavit
du XCV . Pseaume , et rapporte aussi un
Passage des Paralipomenes , parallele à
ce Verset pour le sens , mais un peu different
pour les expressions , fait voir qu'il
y a là -dessus dans les anciens Peres et
dans quelques anciens Pseautiers , une varieté
encore plus grande et bien plus importante
, qui est de lire regnavit à ligno ,
et il ajoûte aux autoritez citées par Genebrard
, celles de S. Léon Pape , de
l'Auteur de l'Opuscule des Montagnes de
Sina et de Sion. Sous le nom de S. Cyprien
, le Pseautier Gotique, celui de saint.
Germain des Prez , celui de Chartres , tous
Monumens où on lit , Dominus regnavit
àligno. Le P. Calmet auroit pû ajoûter
que cette Leçon se trouve aussi dansa
(a) M. Pastel, Docteur et ancien Professeur
orbonne.
Version
A O UST. 1733. 1781
Version Italique de l'Ecriture , faite sur
le Grec dès le siécle des Apôtres , et dont
toute l'Eglise Latine s'est servie jusqu'à
la Version de S. Jérôme , l'Eglise de Ro
me n'en ayant point eû d'autre dans l'Office
public , jusqu'au Pontificat de Pie V.
qui fit recevoir la Vulgate dans Rome.
C'est D. Calmet * même qui nous donne
cette instruction ; or cette ancienne Version
Italique , publiée de nouveau à
Rome en 1683. par le Cardinal Thomasi,
porte aussi Dominus regnavit à ligno.
Pour ne rien oublier , s'il est possible,
sur ce sujet , notre habile Commentateur
rapporte jusqu'à une conjecture proposée
par Agellius ; sçavoir , que les anciens
Textes Hébreux , au moins dans quelques
Livres , au lieu de Aph , que nous
lisons aujourd'hui après Malac, il a regné,
lisoient He du bois ; ce qui auroit donné
lieu aux Septante de traduire par : Le
Seigneur a regné par le bois . Leçon qui a
subsisté pendant quelques siecles , jusqu'à
ce que les Sçavans en Hébreu s'étant apperçus
que cela ne s'accordoit pas avec
le vrai Original , ils la retrancherent et
conserverent etenim , du . suivant , qui .
répond à Aph de l'Hébreu . Conjecture®
Dissert, sur le Texte et sur les anciennes V´ersions
des Pseaumes. Art. III . p. xxv.
assez
1782 MERCURE DE FRANCE
assez foible et assez mal appuyée , dit
D. Calmet , qui ouvre enfin son sentiment
particulier , et raisonne ainsi sur la
glose en question.
Si cette Leçon étoit autrefois géneralement
dans tous les Exemplaires des Septante
et dans les premieres Traductions.
Latines qui furent faites à l'usage des
Chrétiens , comment ceux - ci ont- ils si
facilement abandonné un Texte qui leur
étoit si favorable ? Si ce sont les Juifs
qui ont fait ce retranchement , pourquoi
les Chrétiens ont- ils eu pour eux la condescendance
d'admettre leur correction
dans leurs Exemplaires. Enfin si quelque
demi sçavant a pû êter de son Livre à
ligno , comment a- t'il pû faire le même
changement dans tous les Exemplaires
du Monde ?
Ces paroles ne sont en effet ni dans
PHébreu, ni dans le Chaldaique , ni dans
le Syriaque , ni dans les anciennes Versions
Grecques , faites sur l'Hébreu , ni
dans la Vulgate , l'Arabe et l'Ethiopienne,
faites sur les Septante ; ni dans la
Version de S. Jerôme , faite sur l'Hebreu.
Personne , que je sçache , continue Dom
Calmet , n'a accusé les Juifs d'avoir ôté
ces termes de leurs Exemplaires Hébreus
on ne les y trouve ni ici , ni dans le
passage
A O UST. 1733. 1783
passage parallele des Paralipomenes. Depuis
S. Justin on ne les a point vûs dans
les Septante.
N'est- il donc pas bien plus probable , com .
me le veut le Févre d'Estaples , et après
lui Justiniani , de Muis et quelques - autres
, que ces paroles à ligno , ayant été
mises par quelqu'un sur la marge de son
Pseautier , à l'endroit de regnavit , furent
ensuite inconsidérément fourrées dans le
Texte ; d'où enfin elles ont été bannies ,
parce qu'on a reconnu qu'elles n'étoient
ni dans les sources hébraïques , ni dans
les anciennes Versions des Grecs .
Il y a beaucoup d'apparence , ajoûtet'il
, que les Hexaples d'Origene servic
rent à arrêter le cours de cette maniere
de lire , en montrant qu'elle n'étoit fondée
ni dans le Texte Hébreu , ni dans
aucune Version ; et en effet , dit D. Calmet
en finissant , je ne sçache que saint
Justin le Martyr parmi les Grecs , qui
l'ait suivie ; tous les autres Peres , qui
ont vécu depuis Origene , et qui sont
en très - grand nombre , ne faisant pas
même mention de cette Leçon . Si elle
subsista plus long- temps parmi les Latins,
c'est que les Hexaples y furent moins
connues et qu'on étoit moins en état de reconnoître
l'erreur de cette Glose ajoutée, et ,
Ε inserée
1984 MERCURE DE FRANCE
inserée dans le Texte , par l'inspection
des Originaux .
Je crois , Monsieur, que ce raisonnement
et la conséquence vous paroîtront
justes. Il peut cependant rester un scrupule
là- dessus , c'est que si d'un côté les
Peres Grecs , à l'exception de S. Justin ,
n'ont point admis , n'ont pas même connû
la glose à ligno ; d'un autre côté l'E
glise Romaine l'a non - seulement admise,
mais elle l'a en quelque façon consacrée ,
en la chantant universellement par tout
dans son Office public , comme elle fait
depuis plus de 700. ans.
On pourroit opposer d'abord à cette
difficulté la grande maxime de Tertullien
, déja rapportée ; mais j'estime qu'il
est plus naturel de la concilier par l'autorité
de S. Jérôme , que vous trouverez ,
je crois , formelle et venir expressément
au sujet que nous traitons . Elle se trou-
·
* Outre S. Justin , on pourroit croire que Les
Heretiques dont il est parlé dans Origane , L. VI,
P. 298. contre Celse , faisoient allusion à ce Passage,
repetant sans cesse dans leurs Ecrits ces paroles
: Ubique autem illic lignum vitæ et Resurrec
tio carnis à ligno. Et en remontant encore plus
haut , l'Auteur de l'Epitre attribuée à S. Barnabé
pouvoit avoir en vûë ce même Passage, lorsqu'il dit.
Regnum Jesu in ligno extitit βασιλεία τοῦ Ἰησοῦ
καὶ τῷ ξύλω,
ve
A OUST. 1733 1785
ve dans l'Epitre à Sunia et à Fréteila
qui est toute remplie de varietez de Leçons
et de Remarques critiques sur le
Texte des Septante et sur la Vulgate. C'est
dans cette Lettre que le S. Docteur propose
une belle Regle dont l'application
se fait ici naturellement. Ilfaut , dit- il ,
réciter et chanter les Pseaumes ainsi que
Eglise les chante , mais aussi il faut sçavoir
, autant que l'on peut , ce que porte
le Texte Hébreu , et qu'autre chose est ce
qu'il faut chanter dans l'Eglise , par respect
pour l'Antiquité ; et autre chose , ce
qu'il faut sçavoir pour la parfaite intelligence
des Ecritures.
Le même S. Docteur qui a proposé cett
Regle , se plaint cependant qu'après avoi
corrigé le Pseautier de l'ancienne Vulgate
qui étoit fort altérée , par l'ordre du
Pape Damase , l'ancienne erreur eût plus
de force qu'à sa nouvelle réformation
plus antiquum errorem , quàm novam emendationem
valere , tant il est difficile d'abolir
certaines choses quand elles ont été
* Sic omninò psallendum ut fit in Ecclesia : es
tamen sciendum quid Hebraica veritas habeat :
atque aliud esse propter vetustatem in Ecclesia
decantandum , aliud sciendum propter eruditionem
scripturarum. S. Hyeron. Epist, ad Sun. es
Fretell.
Eij en
1736 MERCURE DE FRANCE .
en quelque façon consacrées par leur antiquité.
Je finis , .Monsieur , en soumettant à
vos lumieres tout ce que je viens de vous
exposer , et en vous exhortant d'étudier
vous-même cette matiere pour l'éclaircir
encore davantage. Vous trouverez un trèsbeau
Pseautier dans votre Bibliotheque de
Sorbonne, c'est un des plus anciens Manuscrits
de ce genre et des plus curieux. Si ,
quand j'étois au milieu de l'Eglise Marónite
du Mont Liban , la difficulté s'étoit
présentée , j'aurois pû m'assurer de
l'état où sont les anciens Pseautiers des
Maronites par rapport à la glose à
ligno si unis , comme ils se picquent de
l'être de tout temps , à l'Eglise Romaine
, ils l'ont admise , ou si , au contraire,
ils ont suivi la façon de lire le Verset
en question, comme le lit l'Eglise Orientale
, sans addition et conformément au
Texte Hébreu , cela peut avoir sa curiosité.
Je pourrai m'en éclaircir avec le
sçavant M. Assemanni , Maronite, dont
je vous ai parlé plus d'une fois , et à qui
>
Joseph Assemanni , Maronite du Mont Liban ;
Garde de la Bibliotheque du Vatican et Auteur
d'un nouveau Recueil d'anciens Monumens Ecclesiastiques
, sous le titre de Bibiotheque Orientale ,
&c, imprimé à Rome,
AOUST. 1733. 1787
je dois écrire au premier jour sur d'autres
sujets. J'ai l'honneur d'être , &c .
A Paris le 27. Mars 1733 .
VERS pour mettre au bas du Portrait
de M. Pibrac , Comte de Marigny.
Uyant les vains honneurs qu'au mérite on
défere , FU
Je tournai tous mes voeux vers le souverain bien ;
Et né d'un noble sang , je fus bon Fils , bon Pere,
Bon Mari , bon Parent , bon Ami , bon Chrétien.
Par M. CocQUARD.
įį į į į į į į į į i̟ ! ! ! ! ! ! ! !!
ELOGE de la Pauvreté
LA
M
....
par M.
A nouveauté a un droit décidé de
nous plaire , lorsqu'elle est ensemble
ingénieuse et utile ; ces deux qualitez ont
acquis l'immortalité à l'Eloge de la Folie
; mais les Emulateurs d'Erasme , plus
sensibles à l'envie de faire briller leur esprit
, que touchez du plaisir d'instruire¸
n'ont saisi que le titre pointilleux de son
Ouvrage , sa morale leur a échappé . Mon
E iij dessein
1788 MERCURE DE FRANCE
dessein est bien different dans cet Eloge ;
je quitte volontiers de toute admiration ,
pourvû que je persuade utilement que
la Pauvreté est le plus grand de tous les
biens , et le seul qui puisse nous procurer
une félicité constante .
Comme les raisons que j'employerai
ne paroîtront peut-être pas assez sérieuses
, je déclare que je ne prétens point
le prendre ici sur le ton dogmatique ;
je sçai que la verité , qui est triste d'ellemême
, ne s'insinue jamais plus sûrement
que lorsqu'elle se montre sous un visage
agréable.
Je trouve d'abord un air de mode
dans la Pauvreté qui me donne toute
la confiance dont j'ai besoin pour parler
sur une matiere si délicate ; elle
s'est glissée dans tous les Etats et dans
toutes les conditions . Ne seroit- ce point
parce qu'elle plaît , qu'elle est devenue .
si commune et le goût imitateur qui
regne aujourd'hui , n'auroit - il point servi
à son progrès quoiqu'il en soit , c'est
un détail où je ne dois point entrer ; il
me suffit que le plus grand nombre soit
interessé à me croire , et qu'il fasse par
prudence quelque cas d'un état dont il
est si près.
Pour ceux qui, nourris dans une aisance
V.QA
OUST . 17337 1989
voluptueuse , ne peuvent regarder la
Pauvreté sans effroi ; qu'ils apprennent
que celui qui me connoît point l'opulence
, trouve inutile tout ce qui n'est
pas nécessaire , qu'ils sont eux - mêmes
noyez dans des superfluitez que leurs
Peres ignoroient , et que le seul moyen
d'être vraiment heureux , c'est de regler
ses besoins sur la Nature et non pas sur
l'opinion.
En effet le plus grand malheur des
hommes , c'est de se persuader que les
richesses peuvent seules leur procurer le
repos , cette idée les engage à travailler
dans leur jeunesse , pour s'assurer dans
le déclin de leur âge , des jours sereins
et tranquiles. Quelle erreur ! Le principe
de leur félicité est dans leur coeur ,,
et non dans les biens qu'ils ont acquis ;
d'ailleurs l'experience fait connoître que
leur conservation coûte autant que leur
acquisition même.
L'on dira peut- la même expeut-
être que
perience décide contre moi , puisque le
Pauvre , malgré le bonheur que je lui
prête , semble faire tous ses efforts pour
se tirer de l'indigence . Que la Pauvreté
soit la mere de l'industrie , j'y consens
et c'est pour elle un grand éloge d'avoir
enfanté les Arts ; mais je soutiens
E iiij que
1790 MERCURE DE FRANCE
que l'envie de s'enrichir n'a point reveillé
le génie des Pauvres ; trop satisfaits
de leur indépendance , ils ont eû
pitié de l'esclavage des Riches , et leur
ont fourni charitablement les moyens de
recouvrer leur liberté , par un emploi indiscret
de leurs richesses .
Supposons , si l'on veut , que
l'homme
est aussi heureux avec l'abondance , qu'il
l'est en effet dans le sein de la Pauvreté .
Dans cette hypothese il en coûteroit bien
plus à l'indigent d'acquerir laborieusement
l'opulence , que d'être assez sage
pour s'en passer. L'un demande des soins ,
l'autre laisse une entiere liberté. Or s'il
étoit deux voyes pour arriver à un sort
heureux , celle qui va à son but à moins
des frais , doit , sans contredit , être préferée
.
J'avoüe que si les richesses n'étoient
attachées qu'à la vertu , il y auroit de la
honte à n'être pas riche ; mais si le hazard
distribue les biens , si la violence
les ravit , s'il faut souvent des crimes pour
se dérober à la Pauvreté , seroit - il raisonnable
d'attacher une espece d'opprobre
à un état , qui semble être le partage
de la Nature et de la vertu ?
Nos premiers Législateurs , les Philosophes
et les Poëtes , ces génies divins
3
A O UST. 1733. 1791
vins , qui ont eû une idée si juste du
Parfait et du Vrai , ont méprisé les richesses
avec tant de constance et sans
doute avec tant de sincerité, qu'ils furent
toujours mal nourris et mal vétus . Les
uns tendoient à l'état le plus vertueux ,
les autres prétendoient à une réputation
immortelle ; il faudroit être de bien mauvaise
humeur pour ne pas vouloir ressembler
à d'aussi honnêtes gens.
Parlons plus sérieusement. Nous ne
pouvons douter que la Nature ne soit
aussi prévoyante qu'elle est parfaite dans
ses productions ; il n'est point d'Animaux
à qui elle ne donne , avec la vie ,
tout ce qui est utile pour la conserver.
Seroit- elle plus injuste envers les hommes?
non , sans doute , elle a placé dans
le coeur et dans l'esprit de nos parens
toute la sensibilité et toute l'industrie
nécessaire pour fournir à nos besoins . Mais
elle n'est point allée au delà , les richesses
n'entrent pour rien dans le sistême.
de notre conservation ; ensorte qu'elles
sont à notre égard des biens étrangers
et superflus ; car on n'accuseroit pas la
Nature de nous les avoir refusées , si elles
nous eussent été nécessaires.
D'ailleurs son intention a été de mettre
une parfaite égalité entre les hom,
E v mes
1792 MERCURE DE FRANCE
mes . Mere tendre et affectionnée , elle
leur a également départi ses faveurs . Ce
principe bien reconnu , il est évident que
la force ou la fraude ont été les instru→
mens de la fortune du premier Riche ,
et qu'on doit regarder encore aujourd'hui
un nouveau Parvenu , comme l'ent
nemi et le tyran du genre humain . Mais
heureusement son iniquité no passe jamais.
à des successeurs éloignéz , et nous voyons
avec complaisance que le fils même restitue
bien-tôt au Public par de folles dé
penses , ce que le Pere avoit injustement
enlevé.
C'est peut-être dans la médiocrité que
l'on trouve le bonheur , les grands biens.
peuvent causer des peines , mais une fortune
médiocre exempte également et
des besoins de la vie , et de l'embarras
des richesses. Voila ce que le préjugé
offre de plus spécieux en faveur de la
médiocrité ; qu'il m'en coûtera peu pour
combattre ce raisonnement ! que la vic
roire est facile !
Si la médiocrité des biens faisoit celle
des désirs , il seroit juste de la préferer
à tous les autres Etats; mais la cupidité de
l'homme est si inquiéte , qu'elle le porte
à faire sans cesse des efforts pour s'accroître
et saisir avidement tout ce qui
t
peut
AOUST. 1733 : 1793
peut le conduire à un sort qu'il estime
plus heureux. Celui qui se trouve dans la
médiocrité , souhaite à proportion de ses
facultez , et dès qu'il souhaire il est malheureux.
Ce qui fait le bonheur du Pauvre
, c'est qu'il n'a rien pour soutenir ou
exciter son ambition , et que l'envie qu'il
pourroit avoir de s'élever , cesse ou s'évanouit
dès que les moyens lui en sont
ravis.
Il est aisé à présent de conclure qu'on
a eu tort de donner tant de louanges à
cette médiocrité chimérique , qui ne fait
qu'allumer nos desirs , sans pouvoir les
satisfaire . Examinez un Pere de famille
dans une fortune médiocre , si le present
F'agite , l'avenir l'inquiete encore davantage
; il n'y découvre que des changemens
fâcheux ; il y voit ses biens dissipez
avec profusion , ou du moins mal
ménagez. L'avenir est au contraire un
sujet de joye pour le Pauvre , tous les
hazards et toutes les révolutions sont
pour lui , et quand on supposeroit que
son coeur formât quelques desirs , il en
ressent la douceur sans en avoir l'inquiétude
; l'élevation de ses pareils le fait
jouir par avance des biens qu'il n'a pas ,
mais qu'il peut avoir ; le Riche vit dans la
crainte , le Pauvre dans l'esperance; quelle
disparité de bonheur ! Evi Dès
1794 MERCURE DE FRANCE
Dès- là nous voyons que la Pauvreté
ne nous prive d'aucuns des biens solides
de la vie , et qu'il ne manque pour achever
son triomphe que de montrer qu'elle
nous procure des plaisirs plus vifs et plus
que l'opulence même. délicats
La crainte de ne devoir qu'à ses largesses
, les complaisances d'un sexe enchanteur
, empoisonne nos plaisirs , et en ôte
tout le piquant ; notre délicatesse s'en offense
, et veut une tendresse toute gratuite.
Le Pauvre jouit de ce bonheur , et
ne le doit qu'à son mérite personnel ; tandis
que le Riche peut craindre à chaque
instant que les faveurs qu'on lui accorde
, ne prennent leur source dans la va
nité ou dans l'interêt.
Pareil avantage dans l'amitié. La Félicité
la plus parfaite , celle des Dieux, dit .
un ancien , seroit ennuïeuse sans la confiance
d'un ami ; ainsi tâchons d'ajoûter à
notre bonheur celui de nous attacher un
ami sincere , également sensible à nos
biens et à nos maux . Mais où le trouver ,
et comment le connoître ? Si des avantages
apparens surprennent sa complai
sance ; sous le nom d'ami , ne sera ce
point un fateur , dévoué à la fortune ,
plutôt qu'à la personne ? Pour faire cette
épreuve délicate , feignons qu'un malheur
AOUST. 1733. 1798
heur imprévu vient de nous enlever nos
richesses ; dans l'instant nous verrons ces
amis prétendus nous abandonner rapidement
, heureux encore si nos bienfaits
passez ne deviennent pas pour eux des
raisons de nous mépriser et de nous haïr .:
Mais le plus heureux effet de la Pauvreté
, c'est qu'elle nous ôte la cause des
vices , et nous laisse toutes les vertus à
pratiquer. L'humilité s'attire le respect
par elle - même ; c'est le fondement de
toutes les vertus , et nous aimons naturellement
autant les personnes humbles
et modestes , que nous fuïons les arrogans
et les présomptueux . Dans l'usage
du monde nous voïons que l'o gueil , la
jalousie , la haine sont des vices attach z
à l'opulence , et que l'honnêteté , la douceur
, la patience suivent la disette ; mais,
par une bizarrerie , dont on ne peut rendre
raison , on fuit les gens vertueux dans
l'indigence , pour idolatrer des insolens
dans la prosperité , comme si le respect
qu'on a pour les biens , devoit passer
jusqu'à ceux qui les possedent.
La reconnoissance seroit ignorée parmi
les hommes , si les pauvres ne l'avoient
fait connoître. Cette vertu des belles
ames agit chez l'indigent avec autant de
vivacité que l'esperance même ; les besoins
1797 MERCURE DE FRANCE
soins la multiplient et lui prêtent tous
les jours un nouveau feu.
La politique s'accorde enfin avec la
morale , à donner la préférence aux pauvres
sur les riches ; ceux cy sont infiniment
moins utiles à l'Etat que les premiers.
Retire til , en effet , quelque profit
de la bravoure meurtriere des Gens de
Guerre , des décisions innombrables et
ambigues des Juri consultes ; de l'esprit
inventif et ruineux des Partisans ; il ne
reste que des voeux à faire sur ce sujets
cependant tous ces membres de la République
ne peuvent se passer des pauvres
pour fournir à leurs besoinss mais le pauvre
qui travaille , subsiste indépendemment
d'eux le labour de ses mains lui
suffit , et il arrive à la fin de ses jours ;
sans superflu et sans misere.
Que dirai je davantage en faveur de
la Pauvreté ? J'ai fait voir qu'elle nous
rapproche de la nature , qu'elle éloigne
de nous des maux cruels , qui sont comme
l'appanage de la cupidité ; qu'elle
nous apprête des plaisirs purs et tranquiles
Il ne me reste qu'à donner un avis
salutaire aux Riches , que mon Discours
aura persuadeż : Je ne veux point qu'ils
imitent ce Philosophe insensé
*
qui jetta
* Cratés ou Aristippe , on attribuë cette espece
de folie à l'un et à l'autre.
AOUST. 1733. 1797
son argent dans la Mer , comme si la sagesse
eut été incompatible avec l'opulence
; la raison n'exige point un pareil
sacrifice . Elle nous avertit seulement de
ne souhaitter jamais plus de bien qu'il
n'en faut aux simples besoins de la natu
re , et nous montre le cas que nous devons
faire des Richesses , en voyant on
le de mérite de ceux qui les possepeu
dent , ou le mauvais usage qu'ils en font
La Premiere Enigme du mois de Juillet,
a été faite sur les pieds ; et la second , sur
le vent. Les Logogryphes ont é é faits sur
Liard , Meaux , Constantinople , Epingle.
ENIGM E.
E Ntre tout ce qui doit vous être nécessaire
Si je n'ai pas le premier rang ,
J'y tiens un des premiers , et suis dépositaire ,
A la vie , à la mort , du petit et du grand ,
On connoît mon usage aux quatre coins da
monde ,
Et quoique je serve aux mortels ,
Mon service s'étend jusques sur les Autels ,
Ce que je suis , provient d'une Coeffure blonde
Es
1798 MERCURE DE FRANCE
Et l'on voit quelquefois le fatal instrument ,
Du superbe Ixion , par un doux mouvement ,
Aider à qui l'arrache ; et le secours de l'Onde ,
Y contribue également.
JE
AUTRE.
E suis connu de tous ,je ne connois personne,
Un élement subtil , fait voler de mes flancs ,
Au gré de ma fureur , des Messagers brûlans ;
Trop tard j'avertis ceux , sur qui je m'abandonne
,
Je travaille aux plus beaux repas ,
Dans les mains du beau sexe , on ne me trouvé
guerre ,
Par moi , les Grands font bonne chere ;
Mais il en coute bien des pas-
De
紅茶
LOGOGRYPHE.
E l'état le plus vil et du plus respectable
Je suis également la marque et le soutien ,
Le plus adroit Chasseur , le plus infatigable ,
Šans mon secours n'attrape rien.
Dans mon nom et dans ma figure ,
On peut aisément découvrir
L'objet de maint er maint parjure ,
Ce
AOUST. 17331 1799
Ce qui lava plus d'une injure ,
Ce qui sert
à prouver qu'un mortel doit faillir.
Ce qu'un habit paroît quand il vient à vieillir ,
Est dans mon nom tout seul . Avec un peu de
peine ,
On y voit le portrait du coeur d'une inhuma
ne.
Retournez- moi dans cet état ,
Je deviens les plaisirs d'un sage Potentat ,
Mais quoique pour lui plein de charmes
Je fais aux innocens répandre mille larmes ;
Et dans ce même état , grand ennemi du Bal ,
Aux plus fameux Danseurs , j'ai causé bien da
mal.
Si d'une aimable fleur qu'on fuit et qu'on
estime ,
Vous composez un de mes noms
Vous y trouvez avec la rime ,
>
Le conseil qu'on donne aux Poltrons.
Enfin je présente une bête ,
Dont le sort dépend du Lecteur ;
Car si l'on me coupoit la tête ,
J'irois -bien -tôt à l'Ecorcheur.
M. DUVIGNA U.
AV.
1800 MERCURE DE FRANCE
AUTRE.
Enfant d'un dangereux loisir ,
Le moment où je nais , fait voir quelqu'avan
tage ;
Mais d'un heureux retour le tacite langage ,
Condamne en peu de temps un coupable plaisir.
Je sçais pour plaire , en me faisant connoître,
Emprunter à mon gré la riante couleur ,
D'un chimerique bien d'un espoir trop fatteur ;
Au monde , sans ces traits , oserois- je paroitre ?
Tel en me pratiquant , las d'être criminel ,
reformer un actuel usage ,
Veut en soy ,
Qui toujours de l'Etre éternel ,
Blesse la Majesté , par un sanglant outrage.'
De son état la tristesse et l'horreur ,
Font , ou qu'il le déteste , ou bien il l'appre
hende ;
Veut il calmer la celeste fureur?
Qu'il me transpose , alors je suis ce qu'il demande.
L. H. D,
M
AUTR E.
On tout avec cinq pieds fleurit ,
Porte sa graine et puis périt ,
D'sA
OUST. 1733 . 1801
D'abord je présente une Ville ;
Un , quatre et cinq , chose pour
Lors ôtant mon dernier lambeau ,
On ne trouve en moi que de l'eau.
Si quatre et trois suivent ma tête ,
On n'y trouve plus qu'une bête,
Six
boire utile
LA MOTTE - TILLOY.
AUTRE.
Ix pieds font le nom d'une Ville ,
Qui porte à sa tête un reptile ;
Puis ce que le Printems produit ,
pour finir , un nombre suit . Et
LA MOTTE - TILLO T,
LOGOGRYPHUS.
AStra colo soboles aterni virgo tonantis ,
Raro terra tenet , fallacia tartara nunquam ,
Bina , meum , repetita dabit ter littera nomen ;
In partes , cautus , quod si diviseris aquas ;
Sancta, prior , tolerata diu jejunia claudet ,
Altera , Christiadum sacris sinit ire peractis
NOU1802
MERCURE DE FRANCE
***** **: *: *X* XXXXX
NOUVELLES LITTERAIRES
T
DES BEAUX ARTS , &c.
RAITE' de la simplicité de la Foy ;
chez Lamesleruë de la Vieille- Bou
cleries de Heuqueville , ruë Gille- coeur ; et
Henri rue S. Jacqure , 1733. in 12°
EXAMEN DU PYRRONI ME , ancien et
moderne. Par M. de Crouzas , de l'Académie
Royale des Sciences , Gouverneur
de S. A. S. le Prince Frederic de Hesse-
Cassel , dédié à M. le Comte du Luc. A
la Haye , chez Hondt , 1733. in fol. Onke
trouve à Paris chez plusieurs Libraires.
MEMOIRES du Sieur Jean Macky ;
Ecuyer , contenant principalement les
caracteres de la Cour d'Angleterre , sous
les Regnes de Guillaume III.et d'Anne I.
Tracés à la requisition de S.A.R. Sophie,
Electrice d'Hanovre ; et publiez sur le
Manuscrit original de l'Auteur . Traduits
de l'Anglois . A la Haye , chez P. Gosse
et J. Neaulme , 1733. et se vend à Paris ,
ruë S. Jacques , chez J. F. Fosse.
HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE

AOUST. 1733 . 1803
où l'on traite de l'origine et du progrès
de la décadence , et du rétablissement
des Sciences parmi les Gaulois , et parmi
les François ; du goût et du génie des
uns et des autres pour les Lettres en chaque
siecle , de leurs anciennes Ecoles , de
Pétablissement desUniversitez en France ,
des principaux Colleges , des Académies
des Sciences et des Belles Lettres , des
meilleures Bibliotheques , anciennes et
modernes des plus celebres Imprimeries
, et de tout ce qui a un rapport particulier
à la Littérature ; avec les Eloges
Historiques des Gaulois et des François
qui s'y sont fait quelque réputation ; le,
Catalogue et la Chronologie de leurs
Ecrits , des Remarques historiques et
critiques sur les principaux Ouvrages, le
dénombrement des différentes Editions ;
le tout justifié par les citations des Auteurs
originaux . Par des Religieux de la
Congrégation de S. Maur , Tome premier,
Partie premiere, qui comprend les Temps
qui ont précédé la Naissance de J. C. et
les trois premiers siècles de l'Eglise . Partie
seconde , qui comprend le quatriéme
siécle de l'Eglise, 1733. in 4. A Paris ,
Quai des Augustins et rue S. Jacques, chez
Chaubert , Osmont , Huart , Clousier, & c.
Antoine de Fay , Imprimeur à Dijon ,
vient
804 MERCURE DE FRANCE
vient d'imprimer le Plan d'une Histoire
Générale de Bourgogne , dont voici le
précis.
HISTOIRE DE BOURGOGNE , GENERALI
ET PARTICULIERE : Par D *** Religieux
Benedictin,de la Congrégation de S. Maur.
- Elle est divisée en cinq Parties principales
. Dans la premiere , on examine l'antiquité
du nom de Bourguignon ; d'où sont
sortis les premiers Peuples , appellez
Bourguignons ; s'ils sont descendus des
Romains , ou verus des Vandales ; s'ils
étoient Huns , Gots ou Scithes , & c. s'il
faut admettre deux espéces de Bourguignons
, les uns Orientaux , les autres
Occidentaux ; puis on marque leur taille
, leur génie , leur caractére , leur Religion
, leurs moeurs , leur langage , leur
gouvernement, leur conversion à la Foy,
quels Païs ils occuperent d'abord; en quel
temps et par qui ils en furent chassez ;
quel fut le lieu où ils se retirerent après,
&c. On marque aussi par où ils sont entrez
dans les Gaules ; combien de temps
ils y ont été errans sans se fixer ; quelles
Provinces et quelles Villes ils y ont d'abord
occupées ; le temps , le lieu , et l'occasion
où ils s'y sont fixez , et y ont formé
leur Royaume.
Dans
AOUST. 1733. 1805
Dans la seconde , on rapporte les commencemens
de l'ancien Royaume de
Bourgogne , son étendue dans sa splendeur
et dans sa décadence. On résoud la
question , si ce Royaume perdit la moitié
de son étendue dans les Guerres de
Clovis , Roy de France , contre Gondebaud
, Roy de Bourgogne , ou s'il perdit
seulement cette portion de sa premiere
étenduë , qu'on a depuis appellée Bourgogne
inférieure , & c. On éclaircit une
autre question fort obscure , touchant le
nombre et le nom des Rois de Bourgogne
de la premiere Race , qui ont gouverné
cet ancien Royaume ; ensuite on
passe à une autre question qui partage les
Sçavans , sur les noms de Gondicaire et
de Gondioc , &c.
On décrit encore le Regne de chacun
de ces anciens Rois ; on marque leurs
actions , leurs Guerres , &c. et enfin leur
ruine par les Enfans de Clovis, qui après
avoir égorgé les uns et chassé les autres ,
devinrent maîtres et paisibles possesseurs
de tout le Royaume , &c. On montre ce
que le Royaume de Bourgogne a été sous
la domination de tous ces Rois François,
et ce que tous ces Rois ont fait dans le
Royaume de Bourgogne pendant plus de
350 ans , &c.
Dans
1806 MERCURE DE FRANCE
Dans la troisiéme , on traite des trois
Royaumes , formez des débris de l'ancien
Royaume de Bourgogne , c'est- à- dire, du
Royaume de Provence , de celui de la
Bourgogne Transjurane , et du Royaume
d'Arles. On résoud plusieurs questions
, touchant les Rois de ces différens
Royaumes; par exemple, si Lothaire doit
être mis au nombre des Rois de Proven
ce ; s'il y a eu plusieurs Rois de Provence
de sa lignée , &c . On entre ensuite dans
le détail de ce qui s'est fait sous les Rodolfes
, et sous Conrad , dans le Royaume
de la Bourgogne Transjurane ; sous
Conrad et ses successeurs dans le Royaume
d'Arles ; et on finit cette troisiéme
Partie , en montrant la ruïne de tous ces
Royaumes , et la division qui en a été
faite en plusieurs Provinces , Duchez es
Comtez , & c.
Dans la Quatrième, on comprend tout
le Duché de Bourgogne , le Païs, les Villes
principales , leur origine , leurs droits ,
leurs Monumens ; les Eglises matrices
leur fondation , &c . On marque le temps
que la Bourgogne inférieure a commencé
d'être un Duché héréditaire. On distingue
les Ducs qui l'ont possédé en deux
classes , dont l'une contient ceux qu'on
appelle de la premiere Race ; l'autre 3
ceux
AOUST. 17337 1807
ceux dits de la seconde Race. On parle
d'abord des Ducs de la premiere Race ;
on rapporte leurs alliances, leurs Enfans,
leurs partages , &c. on résoud ensuite 4
questions ; la premiere , si du temps de
ces premiers Ducs il y eût au Duché un
Parlement,des Etats généraux , une Chambre
des Comptes , &c. la seconde, si ces
premiers Ducs eurent comme les Ducs de
la seconde Race , des Connétables , des
Chanceliers , des Sénéchaux , &c. la troisiéme
, si après la mort de Philippe de
Rouvre , dernier Duc de la premiere
Race , le Duché de Bourgogne passa à
Jean , Roy de France , par droit de réversion
ou par droit de proximité et de
succession la quatrième , si ce même
Roy Jean remit avant sa mort , le Duché
au Prince Philippe , le quatriéme de
ses fils , connu dans l'Histoire sous le
nom de Philippe le Hardi .
Ensuite commence l'Histoire des quan
tre derniers Ducs par leurs alliances qui
ajoutérent au Royaume de Bourgogne
d'autres Duchez , des Comtez et des Seigneuries
considérables. Entre plusieurs
faits mémorables de ces Princes , on rapporte
leurs voyages et ceux de leurs Enfans
; notamment celui du Comte de Neyers
, fils de Philippe le Hardi , en Hon-
F grie
1858 MERCURE DE FRANCE
> grie , et sa prise par Bajazet , sa prison
&c. On marque l'institution de l'Ordre
des Chevaliers de la Toison d'Or , les
personnes qui ont été honorées du Colier
de cet Ordre , les Chapitres generaux,
&c.Enfin on rapporte la triste fin du dernier
de ces Ducs , les troubles qui la suivirent
, la réunion du Duché à la Couronne
de France , et les suites de cette
réünion , l'établissement d'un nouveau
Parlement , &c. On ajoute les anciens
Monumens du Duché , les Portraits des
derniers Ducs , leurs Sceaux , Devises ,
Epitaphes , & c.
Dans la cinquième et derniere Partie ,
on s'applique à donner une juste idée de
la Comté de Bourgogne , connue sous
le nom de Franche-Comté ; on marque
ses commencemens , son étenduë, ses Villes
principales , ses premieres Eglises ,
avec ce qu'elles ont de plus vénérable ;
les Princes qui l'ont possedée , leurs Alliances
, &c. On marque encore ses révolutions
, ses fréquens changemens de
Maître , étant tantôt soumise à l'Empereur,
tantôt au Roy de France, & c. l'ins
titution , l'autorité et le lieu des Parlemens
ambulatoires de la même Comté ,
sous les Ducs de Bourgogne , & c. l'institution
de ses Parlemens sédentaires
sous
A O UST. 1733. 1809
sous l'Empereur , et sous les Rois de
France et d'Espagne , &c.
Enfin , après avoir parlé de l'ancienne
et noble Confrairie de Saint George de
Rougemont , de son établissement , &c. "
on décrit l'état et le gouvernement de
cette Comté depuis la derniere Conquête
de Louis XIV. On joint à tout cela les.
anciens Monumens du Païs , les Portraits
des Comtes qui s'y sont conservez , &c .
-L'Auteur avertit que pour faire plai
sir aux Maisons et aux Familles , tant de
la Comté, que du Duché de Bourgogne ,
il tire des deux dernieres Parties de cette
Histoire , tous les Chevaliers , les Seigneurs
, les Officiers d'Epée , de Robe
et de Finances qui ont été de la Maison
des Ducs et des Comtes ; ceux qui les ont
accompagnez dans leurs Voyages et à
l'Armée ; ceux qui ont été de leur Conseil
, de leurs Parlemens , &c. ceux qui
ont été de l'Ordre de la Toison d'Or, ou
de la Confrairie de Rougemont ; à ceuxlà
qui étoient du temps des Ducs et des
Comtes , on joint ceux des deux Bourgognes
, qui leur ont succedé dans l'Epée,
dans la Robbe , &c. depuis la mort du
dernier Duc , jusqu'à nos jours , et de
tous ces Chevaliers , Seigneurs , &c. dont.
on peut avoir la connoissance. On en fait
Fij un
810 MERCURE DE FRANCE
an Recucil , qu'on donnera séparé du
Corps de l'Histoire ; ce qui composera au
moins un gros Volume infol. qui est déja
fort avancé.
Mais comme plusieurs de ces Seigneurs
pourroient échaper aux recherches et à
Fattention de l'Auteur , il supplie les Nobles,
les Officiers , les Ecclesiastiques , Laïques
, &c. des deux Bourgognes , de l'aider
à rendre complet ce Recucil auquel il
travailles et pour cela de lui communiquer
en Original , ou par des Extraits en
bonne forme , les Titres d'honneur de
leurs Maisons ou de leurs Familles ; leurs
Sceaux , leurs Tombeaux , leurs Epitaphes.
Il souhaiteroit qu'on voulut joindre
à ces secours qu'il demande , ce qu'on
peut avoir de meilleur et de plus interessant
touchant le Duché et la Comté de
Bourgogne , qui font le sujet des deux
dernieres Parties de l'Histoire dont il donne
le précis. Les trois premieres sont entierement
achevées ; ces deux dernieres
ne sont qu'ébauchées , et l'Auteur a besoin
d'être aidé , pour les remplir avec
exactitude.Il invite les Maires et les Echevins
, tant du Duché , que de la Comté
à lui fournir les Plans et les Monumens
antiques de leurs Villes. Il faudra addresser
au R. P. Dom Urbain Plancher , Religieux
AOUST . 1733. 18T1
ligieux Benedictin , à l'Abbaye de S. Ger
main d'Auxerre. Si on lui fait tenir quelchose
par la Poste
la Poste , on aura la bonré
d'en payer
le port.
que
EXPLICATION de quelques Marbre's
antiques , dont les Originaux sont dans
le Cabinet de M...... Brochure in 41
de 50 pages. A Aix , chez Joseph David
, 1733 .
U
Ne sçavante Dissertation , sous la
nom de Lettre , addressée à M ...
Possesseur des Marbres en question , contient
toute l'Explication de ces Monu
mens d'Antiquité. On ne sçauroit rien lire
en ce genre de plus curieux , de plus ins
tructif, de plus clairement et de plus modestement
exposé . On n'en sera pas sur
pris quand on sçaura que cette Explication
est l'Ouvrage de M. Bouhier , ancien
Président à Mortier au Parlement de Dijon
, de l'Académie Françoise ; Homme
aussi distingué dans la République des
Lettres que dans la Magistrature.
La Personne illustre à qui la Dissertation
est addressée , est aussi un de ces
Hommes dont on ne sçauroit trop louer
les grandes qualitez ; mais dont nous sommes
forcez de respecter icy la modestie ;
F iij c'est
1812 MERCURE DE FRANCE
c'est presque à cette condition que la
Piece nous a été envoyée , et qu'il nous
est permis , pour ainsi dire , d'en orner
notre Journal.
Les Marbres , dont les Bas-Reliefs , et
les Inscriptions sont gravez et expliquez
dans cet Ouvrage , sont au nombre de
sept , et fournissent de quoi exercer la sagacité
des Antiquaires , sur tout le dernier
, sur lequel l'illustre Auteur s'est le
plus étendu , après avoir dit , avec raison
, que c'est un des plus curieux Monumens
qui ayent jamais été dé errez .
Comme il ne nous est pas possible d'entrer
dans le détail de toutes ces différentes
explications , nous nous contenterons
de mettre sous les yeux de nos Lecteurs
une Interprétation entiere et suivie , de
P'un de ces Marbres , t lle qu'on la trouve
dans ce Livre , page 15. et c'est celle
du second Monument que nous avons
choisie, comme la plus propre à ne point
trop nous jetter au - delà de nos bornes
ordinaires.
Ce Marbre apporté de Smyrne , dont
la hauteur est de 3 pieds , 3 pouces , 3 -ligres
; et la largeur d'un pied , 2 pouces , 6
lignes est chargé de 3 figures en bas relief.
Un homme y touche dans la main
d'une femme , laquelle est accompagnée
d'un
AOUST. 1733.
1813
d'un enfant qui tient un Livre fermé
devant lui ; et au dessus des 3 figures est
l'Inscription
sur laquelle l'habile Interprête
a xercé sa capacité de la maniere
qui suit :
t
Ο ΔΗΜΟΣ
Α ΘΗΝΑΙΟΝ
ΙΚΗΣΙΟΥ
Ο ΔΗΜΟΣ
NANNION
Α ΘΗΝΑΙΟΥ
Populus ( coronat ) Populus ( coronat )
Atheneum
Higesii filium.
Nannium
Athenei filiam.
Pour l'intelligence de cette Inscription
il faut remarquer avant toutes choses ,
que ces mots , O AHMOΣ , sont entourez
d'une Couronne.
voir
Cela étoit fort d'usage à Smyrne ; on
le reconnoît par divers Monumens qui
y ont été trouvez , et qu'on peut
dans différens Recueils d'Inscriptions *
Antiques , quoiqu'on n'y ait pas toujours
fait mention des Couronnes , comme on
auroit dû le faire . Cela s'appelloit cepav&v
ονομαςί
Mais quelle est la raison qui a pû faire
accorder des Couronnes , soit en ce Monument
soir en d'autres semblables ,
* Reinasius , Spon , les Marbres d'Oxford.
F iiij
aux
1814 MERCURE DE FRANCE
aux Particuliers qui y sont nommeż ?
C'est ce qu'il faut essayer de découvrir.
Car de croire que te n'étoit qu'un simple
ornement , dépendant de la fantaisie du
Sculpteur , c'est ce qu'il est difficile de
penser' , quand on considére l'uniformité
qui regne sur ce point dans tous ces divers
Marbres.
J'ai cru quelques temps que ces Couronnes
étoient celles dont on honoroit
les Vainqueurs aux Jeux solemnels ; car
il s'en faisoit de celebres à Smyrne, comme
il paroît par une Inscription du Recueil
de Gruter , pag. 314. n. 1. on y entretenoit
même des combats de Poësie ,
suivant Aristide , tom. 1. Oration . et cela
pouvoit regarder les femmes comme les
hommes.
Cependant en examinant la chose de
plus près , j'ai reconnu que cette idée ne
pouvoit compatir avec les bas - reliefs qui
accompagnent la plupart de ces Inscriptions
, et entr'autres celle- cy ; car on
n'y voit rien qui ait rapport à une victoire
remportée dans des Jeux .Au contraire,
un mari qui touche dans la main de sa
femme , avec un enfant qui est à leur
côté a tout à- fait l'air d'un Monument
sépulchral.
Ce n'étoit autre chose, en effet , suivant
qu'en
A O UST . 1733. 1815
qu'en a tres-bien jugé notre illustre ami
le P. de Montfaucon , dans son Supplément
des Antiquitez , tom . 5. pag. 27.en
parlant d'un autre Monument ; et ce qui
me confirme dans ce sentiment , c'est un
Passage de Ciceron , pro Flacco , cap. 31.
qui justifie que l'un des honneurs funebres
, que rendoit quelquefois la Ville
de Smyrne à ceux qu'elle en jugeoit dignes
, étoit la Couronne d'or , que ses
Magistrats faisoient mettre sur le corps
du deffunt : Postremò ut imponeretur aurea
Corona mortuo Honneur dont on conservoit
, sans doute , la mémoire , en faisant
graver sur le Tombeau une Couronne de
la même forme ; car encore qu'il fut d'u- .
sage de couronner * les morts , en les portant
au Tombeau , on n'avoir pas coutu
me de graver des Couronnes sur leurs
monumens , sans quelque raison particuliere.
Or cette Couronne représente divers
feuillages , suivant les personnes dont i
s'agissoit , mais plus souvent les feuilles
d'Olivier , ainsi que d'autres l'ont remar
qué. Ils en donnent pour raison , que POlivier
est le symbole de la Victoire , er
qu'on en couronnoit les Morts , com ne :
* Kirchman , de Funere L. II. Aringbi , Roma
subter. lib. 1. cap. 2.5.
Fy ayant
1816 MERCURE DE FRANCE
ayant
surmonté tous les travaux de cette
vie. Mais il me paroît plus naturel de
dir qu'on leur donnoit des Couronnes
d'Olivier , parce que cet Arbre est le
symbole de la Paix . C'est ce qui a fait
dire au Poëte Prudence :
Verticem flavis oleis revincta,`
Pacis honore.
"
Or on sçait que le Tombeau a été regardé
par tous les Peuples comme un séjour
de repos et de paix éternelle. Delà
ces formules des Inscriptions Sépul- .
chrales. QUIETI AFTERNE PERPETUE
SECURITATI ; EN EIPH NH , et cllecy
du Recueil de Fabretti , pag. 113. n.
180. Inscription. D. Q. ETERNAM , &c .
Ce qu'il explique fort bien : Dom.um
Quietis AEternam . A quoi on peut ajoûter
le sentiment formel de Clement d'Alexandrie
Pa lag. I I. qui , parlant en general
de l'usage de couronner les Morts ,
dit que c'étoit le symbole d'une tranquillité
exemte de tout trouble , A'oxλáre
αμεριμνίας συμβολον .
Mais avant que de finir , je crois que
vous ne serez pas fâché que j'insere ici
une Inscription qui confirme à merveille
ce qui vient d'être avancé , et qu'on dit
être à Arles sur un Marbre , qui sert à
present
AOUST. 1733. 1817
present de Lavoir au Refectoire des
Minimes .
PAX ETERNA
DULCISSIMÆ ET INN
OCENTISSIM. FILIE CH .
RYSOGONE. JUNIOR SIRICI
'QUÆ VIXIT ANN. III . M. II. DIE
B. XXVII. VALERIUS. ET. CHRYSE
GONE PARENTES FILIE RARI
SSIME . ET OMNI TEMPORE VI
TÆ. SUE. DESIDERANTISSI
ME.
Je rapporte au long cette Inscription ,
tant parce que je ne crois pas qu'elle
ait encore été imprimée , que pour y
corriger quelques petites fautes. Car je
suis persuadé , qu'au lieu de SIRICI , il
faut SIRICE , pour SIRICE. C'est un second
surnom de Chrysogone , connu
par d'autres Inscriptions ; entr'autres
une Latine de Gruter , pag. 609. n . 2. et
par
* Il semble que les Minimes de Marseille ont
encore plus dégradé l'Antiquité que ceux d'Arles.
Ici le Monument sert de Lavoir pour le Réfectoire ;
à Marseille un Tombeau antique , orné aussi d'une
Inscription,sert d' Auge auPuits du Monastere.M.de
Ruffy, Hist. de Marseille. T. II. L. XIII p . 320..
F vj par
1818 MERCURE DE FRANCE
par une Grecque de Fabetti , pag. 59r.
7. 108. il est évident qu'il faut aussi
CHRYSOGONE à la sixième ligne. A l'égard
de DESIDERANTISSIME pour DESIDERATISSIMÆ
, c'est une méprise du Graveur
, mais qui n'est pas sans exemple ,
comme il paroît par une Inscription du
Recueil de Reinesius IX . 33. D'ailleurs
les Anciens mêloient souvent des N superflues
dans leur Orthographe , comme
quand ils écrivoient Formonsus Cherronensus
, &c. Mais je reviens à notre Inscription.
*
A OHNAION ) ce nom étoit fort
commun parmi les Grecs. Le sçavant. ét
laborieux Auteur de la nouvelle Bibliotheque
Grecque , inm . 3. p . 630. a dorz
né la Liste de tous les Gens de Lettres
qui l'ont porté. Mais je n'y en ai trouvé
aucun de Smyrne.
Au reste on sent bien que dans cette
Inscription , ainsi que dans les autres pareilles
, il manque un Verbe qu'il est nécessaire
de suppléer . Personne , que je
scache , n'a encore . enseigné celui qui y
étoit sous - entendu . Mais je crois l'avoir
trouvé dans deux Inscriptions qui nous
viennent d'autres Villes , et que Spon
nous a con´ervées , Miscel , p. 335. Elles
* Jean Albert Fabricius.
prou
A OUST. 1733. 1819
prouvent de plus- en - plus que c'est ici un
Monument Sépulchral . Il suffira d'en rape
porter l'une.
Η ΒΟΥΛΗΚΑΙ ΟΔΗΜΟΣ
ΣΤΕΦΑΝΟΙ ΧΡΥΣU CTE
ΦΑΝΟ ΕΥΡΥΘΜΟΝ ΕΠΙ
ΤΥΧΩΣ ΠΡΟΜΟΙΡΟΣ
BIOCANTA
C'est à - dire Senatus et Populus coro→
nant aurea Corona Eurythmum , Epitychis
F. pra naturatâ morte defunctum . Delà
il est aisé de juger que ce qui est énoncé
tout du long dans ce Monument , l'étoit
en abregé dans ceux de Smyrne , où
il faut par conséquent sous - entedre T-
φαιδί χρυσώςεφάνω. Comme des Courone
nes d'or y étoient apparemment d'un
usage plus fréquent , cela s'entendoit à
demi mot.
ΙΚΗΣ
IKHE IOT , il y a ici , ce me semble;
une faute du Marbrier , qui auroit dû graver
I KEZIOr , car ce nom est écrit
par tout de cette maniere , comme il pa
roît par la Géographie de Strabon , L. 13 .
lorsqu'il parle d'un Hicesius , qui tenoit
peu de temps avant lui une Ecole céle
bre de Medecine à Smyrne. Et ce qui
prouve que ce n'est point par une faute
du
1820 MERCURE DE FRANCE
du Copiste , que Son est écrit , Ixámog
dans ce Géographe , c'est qu'il est représenté
ainsi sur deux Médailles Grecques
du même Medecin , que M. Mead nous
a données depuis peu . Dans une autre
Inscription en Vers , qui est parmi les
Marbres d'Oxfort , pag. 78. le nom d'un
autre Hicesius est encore écrit de la même
maniere. C'étoit pareillement celui du
Pere du fameux Cynique Diogêne. Mais
il n'est pas rare de trouver l'E et l'H
employez l'un pour l'autre dans ces sortes
de Monumens . Cela est trop connu
pour m'arrêter à le prouver.
Pour ce qui est de notre Hicesius , si
c'étoit le Médecin dont je viens de pa
ler , et que je ne crois pas different de
l'Icesius , dont il est fait mention dans
Pline et ailleurs , quoique le sçavant Fabricius
, Bibliot. Gr . Tom. 13. p. 189. et
253. semble les avoir distinguez , votre
Inscription seroit du siecle d'Auguste ,
et auroit été posée pour faire honneur au
fils d'un homme qui en a beaucoup fait
à la Ville de Smyrne. Mais c'est ce qu'on
ne peut assurer sur un Argument aussi
foible que celui de la conformité des
noms.
NANNION ) c'est un nom de femme ,
témoin la fameuse Courtisane Narrior ,
dont
A O UST. 17330 1821
dont il est parlé dans Athénée XII. 3 .
et 6. et ailleurs . Ce nom est un diminutif
de Navy , comme Nicium de Nico, Myrtium
de Myrto , Glycerium de Glycera , &c.
il est encore fait mention d'une Nannium ,
fille d'Isagoras , dans un autre Marbre de
Smyrne , qu'a publié Jacques Gronovius
Memor Cosson , p. 149.
On ne peut douter que la nôtre ne
soit l'une des Figures représentées dans
le bas- relief qui est au - dessous de l'Inscription
, où elle donne la main à un
homme qui paroît l'Athénée , fils de Hicesius
, dont il a été parlé cy - dessus. Cet
homme à l'air trop jeune pour être son
Pere. Il est plus probable que c'est son
Mary ; et cela étant il faut qu'elle fût
fille d'un autre Athénée. Pour l'Enfant
qui est à côté d'elle , c'est apparemment
son fils , il tient devant lui un Livre qui
peut faire juger qu'il avoit commencé ses
Etudes , et même qu'il y avoit déja fait
quelque progrès ; mais cela ne vaut pas
la peine que je m'y arrête davantage.
Nous reiterons que nous sommes fâchez
de ne pouvoir pas rapporter d'autres
Parties ou d'autres Morceaux du même
Ouvrage , sur tout de l'Explication
du dernier de ces Monumens , le plus
considerable de tous, apporté de Tripoly
de
1822 MERCURE DE FRANCE
gue
de Barbarie. On en jugera par le mérite de
l'Inscription Grecque , laquelle contient
Decretun fait en l'honneur d'un Gouverneur
d'Egypte par les Chefs de la Synagodes
Juifs de la Ville de Berenice , en
reconnoissance des bienfaits qu'ils en
avoient reçûs.Pour en faire connoître l'importance
et les singularitez , il falloit tout
P'heureux génie et toute l'érudition de
notre sçavant Auteur , et nous ne risquons
rien d'assurer que les Lecteurs les
plus intelligens seront particulierement
satisfaits de cette partie de son
travail.
,
IMITATION DE JESUS - CHRIST , traduite
et revûe par M. L. Dufresnoy D. de S.
sur l'ancien Original François , d'où l'on
a tiré un Chapitre qui manque dans les
autres Editions , in 12. A Anvers , et se
vend , à Paris , chez Michel- Etienne David,
Quay des Augustins , à la Providenee,
et chez Antoine- Claude Briasson , ruë
S. Facques , à la Science.
Cette Edition qui est belle et bien faite
seroit très- capable de renouveller la celebre
dispute qu'il y eut vers le milieu dư
XVII . siecle , sur l'Auteur de l'Imitation de
J.C.Ilest surprenant que tous ceux qui ont
pris parti pour le celebre Gerson , n'ayent
pas
A O UST. 1732. 1823
pas connu l'Original François de cet Ouvrage
, qui auroit été d'un grand secours
pour appuyer leur sentiment. On trouve
dans ces antiques Editions un air original
, qui ne sent point la contrainte
et la gêne d'un Traducteur . Ce qui peut
faire croire que l'on n'aura pas pensé à
ce Livre au temps de cette dispute , est
le changement de titre et le renversement
des Livres. Le Titre general de ces anciennes
Editions est conçû en ces termes :
Le Livre intitulé Internelle consolation ,
nouvellement corrigée : Consolationes tua latificaverunt
animam meam.
L'ordre des Livres n'est pas le mêine
dans ces anciennes Editions et dans les
Editions ordinaires de l'Imitation de J.C.
Ce qui fait le premier Livre dans nos
Editions , fait le troisiéme dans ces anciennes.
Sous ce Titre : cy commence la
tierce partie de l'interiore et parfaite Imitation
de Notre Seigneur Jesus - Christ ; Qui
-sequitur me non ambulat in tenebris.
Le second Livre des l'Imitations ordinaires
fait le premier dans ces anciennes
Editions , et porte pour titre : cy commence
le Livre intitulé , Internelle consolation
, lequel est moult utile pour la
consolation de toute humaine Creature : et
premierement parle de l'interiore conversation,
1824 MERCURE DE FRANCE
doit
tion , c'est à - dire , comment la personne
selon l'ame. Regnum Dei intra vos est, dicin
Dominus.
Le troisiéme Livre de nos Imitations
ordinaires , fait le second dans ces anciennes
Editions , sous ce titre : Cy com- <
mence le Traité de l'interiore collocution do
Notre Sauveur Jesus - Christ à l'Ame_dévote
, et est la seconde Partie de ce présent
Livre : Audiam quid loquetur in me Dominus
Deus.
Enfin le quatriéme Livre conserve dans
toutes les Editions , le même rang , et
a pour titre dans les anciennes Editions :
Cy commence la quarte Partie du présent
Livre , qui est de ensuivir Jesu- Christ et
contemner le Monde ; et traite principalement
du Sacrement de l'Autel.
Voila , sans doute , ce qui a fait qu'on
n'a point pensé à comparer ce Livre avec
nos Imitations ordinaires ; mais il est toujours
temps de le faire.
En revoyant cet Ouvrage sur les Textes
François que l'on croit Originaux ,
on a eu soin dans cette nouvelle Edition
de rétablir l'ordre observé dans les Imitations
ordinaires et de faire un juste
parallele, des unes et des autres , afin de
ne rien omettre.
Mais pour faire mieux connoître le
caractere
A O UST. 1733. 1815
caractere de cette Edition , on rapportera
ce que le nouveau Traducteur dit
dans sa Préface . » Je dirai donc ( ce sont
» ses paroles ) ce que j'ai examiné par
» moi-même. Le hazard m'a fait rencon-
>> trer quatre Editions Françoises de cet ex-
» cellent Ouvrage , imprimées toutes en
» caractere Gothique , sous le titre de l'In-
» ternelle consolation , c'est - à -dire , de la
»Consolation interieure . Toutes ces Edi-
» tions ont été faites à Paris , l'une en 1531.
» la seconde en 1554. la troisième et la
» quatrième sans date , mais beaucoup
plus anciennes. Il ne paroît ni par le
» Titre ni par aucune autre marque , que-
» ce soit une Traduction ; circonstance
» neanmoins que nos Ancêtres étoient
fort jaloux de faire connoître , quand
>> effectivement ils avoient traduit un Ouvrage.
Celui cy même a l'air Original
» dans ces anciennes Editions ; et tout
» ce qui , dans les Imitations ordinaires ,
» est restraint aux Religieux , se trouve
>> dans ces Editions appliqué aux Chrétiens
en general. C'est peut- être ce qui
pourroit faire penser que le celebreGER-
>> SON auroit d'abord fait ce Livre en
» François , et que depuis il aura été tra-
» duit en Latin par THOMAS A Kempis ,
» mais avec quelques changemens , sur
» tout
1726 MERCURE DE FRANCE
" tout aux endroits où il fait des appli
» cations particulieres aux Religieux , où
>>
aux personnes vivant en Communauté .
» C'est de ces anciennes Editions que nous
» avons tiré le Chapitre XXVI. du pre-
" mier Livre qui manque dans les Imi-
» tations ordinainès de l'Imitation de Je
sus- Christ ; elles nous ont même servi
» à déterminer le sens du Latin , quand
» il nous a parû y avoir quelque ambiguité.
La seule Edition de 1554. con-
» tenoit le 4. Livre qui manque dans les
trois autres .
Comme ce XXVI . Chapitre est impor
tant et ne se trouve en aucune Edition
Latine , on l'inserera ici en son ancien
langage , et on en trouvera la Traduction
dans la nouvelle Edition dont il est
ici question .
Contre la vanité du Monde ,ChapitreXXVI.
>> Certainement griefve et trop péril
» leuse est la conversation de ce Monde's
» car en délices est périe chasteté , humilité
» en richesses , pitié en - Marchandises ,
» verité en trop parler , charité en ce
» maling siecle . Et comme il est diffi-
» cile que ung arbre planté auprès d'un
" chemin commun , puisse garder son
" fruit jusques à ce que il soit meur;
ainsi
A O UST. 1733. 1827
ainsi est- il difficile que ung homme qui
» converse selon la vie du Monde , puis-
» se en soi garder parfaite netteté et justice
, c'est à sçavoir qu'il n'offense Dicu
» en plusieurs manieres. O comme sont
» aveuglez ceux qui quierent et demandent
la gloire et loüenge du Monde !
» Quelle chose est la joye et liesse du
» Monde , fors mauvaistié et mauvaise
» vie non punie et non corrigée ! C'est
» à sçavoir vacquer à luxure et yvto-
כ
ور
que
gnise , à gourmandise et à toutes va-
>> nitez mondaines , et de toutes ces cho-
» ses ne souffrir point de repréhension ,
» ne de punition ou correction en ce
Monde ; car les mauvais vivans en leurs.
délices , cuident être assurez quand ils
» ne sont point corrigez ou reprins pour
»leurs iniquitez ; et ne considerent pas
» qu'il n'est rien plus malheureux en ce
monde la félicité des pécheurs ,
» par laquelle ils tumbent en maladie
incurable , et leur maulvaise volunté
» est confermée en mal. Car si tu quiers
» et desire prelation , et proposes en ton
>> cueur vivre et converser justement et
» sainctement ; je loüe et approuve le bon
» propos; mas j'en trouve peu de tel effect,
» c'est-à - dire qu'il en est bien peu qui
yayent ainsi justement et sainctement
>>
» vescu
1828 MERCURE DE FRANCE
39
» vescu . C'est sauvaige chose de hault de-
» gré et petit cueur ; c'est-à - dire , d'une
» personne qui est en grand état en sainc-
» te Eglise , et son cueur n'est pas eslevé
» en hault à Notre Seigneur , ne aux cho-
>> ses divines. C'est sauvaige chose d'avoir
le premier siege et la vie derniere , c'est
à - dire plus basses que les autres. Grande
infélicité est instabilité de cueur. Les
» Prélats sont dignes de tant de morts
» comme ils baillent de maulvais exem-
» ples à leurs povres Subjets , et ceulx
» qui leurs sont commis. Si tu demandes
» et veulx acquerir sagesse mondaine , à
» grand péril tu t'abandonnes ; car la sa
» gesse du monde est terrienne , brutale ,
diabolique , ennemie du saulvement ,
» meurtriere de vie et mere de cupidité.
" Et si d'aventure tu desires et veulx avoir
>> les pompes et orgueils du siecle , et ay-
» mes les délices de la chair , advise - toy
» et considere bien comment toutes ces
» choses sont vaines et de peu de profit ,
» et que toutes ces vanitez sont comme
un songe. Que a profité à tous ceulx
» qui aymoient ce monde leur orgueil et
>> ventance et confiance de richesses ? tou-
» tes ces choses sont passées comme une
umbre , et comme une nef qui passe
par une eau courant et flotant , de la-
»
» quelle
# A O UST. 1733. 1829
ܬܵܐ
quelle nef on ne peut tantût montrer
» le signe du chemin par où elle est pas-
" sée. Certainement ils sont consommez
et faillis en leur mauvaistié ; et la plus
» grant pertie d'eulx ont délaissé le sentier
et enseignement de vérité . Où sont
maintenant les Princes et grands Sei-
» gneurs qui ont été au temps passé , qui
avoient grande domination et Seigneurie
sur la Terre , qui ont assemblez
» grans trésors d'or et d'argent , qui ont
» construit et édifié Citez , Villes et Chas-
» teaulx , qui par force d'armes ont comn
battu , vaincu et surmonté Roys et
» Royaulmes ? Où sont les sages et grans.
» Clercs du temps passé , qui ont mesuré
net descript le Monde ? Où est le bel
Absalon ? Où est Sanson le fort ? Où
est Alexandre le Vaillant ? Où sont les
» puissans Empereurs ? Où sont les nobles
Roys et Princes ? Que leur a profité
» leur sagesse et litterature mondaine?
Que leur a profité leur beauté ,
» leur force , leur proesse , leur vail-
» lance , leur puissance , la noblesse de
» leur lignage , leur grant Train , leurs
»grans Etats , et la superfluité de toutes
» les déceptives richesses ? Où sont les vo-
» luptez et plaisances charnelles et délec-
❤tations de leurs concupissences ? Où
לכ
≫ song
1830 MERCURE DE FRANCE
» sont les esbatemens , passe temps et plai-
>> sirs qu'ils ont prins en ce monde ? Où
» est leur arrogance et oultrecuidance? Où
» est la vaine gloire et vanité dont ils ont
» été pleins Hélas ! tout est failli et passé,
» adnichilé et esvanouy , on n'en peut
» plus rien trouver , ne les Reliques d'i-
» ceuls parmi les autres congnoistre ou
» discerner ; pour ce que leurs
corps sont
en terre pourris et des vers devorez , et
» leurs ames reçoivent la joye ou la poine
qu'elles ont desservy. Laissons donc-
» ques les plaisirs exteriores et mondains ;
» et suivons les interiores et qui sont
» de l'esperit ; en nous convertissant et
» retournant à Dieu de tout notre cueur ;
» et en faisant la volunté d'icelui . Auquel
» seul Roy immortel, invisible, seul Dieu,
» soit toute gloire , tout honneur et ac-
» tion de graces ; qui seul est commen-
" cement , moyen et fin de notre inter-
» nelle consolation . Amen .
Il est étonnant que le Traducteur Latin
aitomis tout te Chapite , qui renferme
des maximes si sages et si Chrétiennes
et qui peuvent ramener l'ame à de
vrais sentimens d'humilité. Ainsi avec
tous ces avantages , cette Version doit
passer pour la plus complette que nous
ayons cue jusqu'ici , et on ne doit pas
s'étonner

AOUST. 1733. 1831
s'étonner si on la recherche , comme l'on
fait depuis qu'on en a connu le mérite .
PENSE'ES CHOISIES de M.l'Abbé Boileau,
Prédicateur ordinaire du Roy , et l'un des
quarante de l'Académie Françoise , sur
différens sujets de Morale , mifes par ordre
Alphabétique. Nouvelle Edition ,
revue , corrigé , et augmentée . 1733 in
12. Chez André Caillean , Pont. S.Michel.
LE TEMPLE DU GOUST , Comédie en un .
'Acte, en vers, représentée pour la premiere
fois par les Comédiens Italiens ordinaires
du Roy , le 11 Juillet 1733 A Paris
, ruë S. Jacques , chez Briasson , in 8.
Nous avons donné un petit Extrait de
cette Piece dans le Mercure du mois dernier
, lors de sa Représentation , pour satisfaire
aux engagemens que nous avons
pris d'en donner quelques fagmens
quand elle seroit imprimée ; pour faire
connoître le génie et le stile de l'Auteur,
voici quelques traits qui suffiront. Dans
la IVe Scene , l'Esprit en parlant au bon
Sens , s'exprime ainsi :
L'Homme n'est point doüé de l'esprit véritable
;
Son orgueil l'en rend incapable ;
Nous le voïons obscur dans ses discours ;
G Ke12
MERCURE DE FRANCE
Recherché dans son stile , affecté dans ses
tours
Nous assommer d'un pompeux verbiage :
A forg. le grands mots , il barne son sçavoir.
Cynique malheureux , et qui se dédommage ,
Du talent qu'il n'a point , et qu'il voudroit
avoir,
En versant du poison sur le plus bel ouvrage.
Le véritable esprit est simple , affable , doux ,
Galant sans flatterie , et railleur sans médire ;
Du fond de l'ame il vous fait rire ;
Son entretien est fait pour tous.
Il parle avec clarté ; l'ignorant peut l'entendre.
Il est léger , il est vif , il est tendre .
Au sein de la nature , il puise sa splendeur
;
Toujours brillant , quoiqu'un peu variable ;
Et sur tout ne se croit aimable ,
Qu'autant qu'il sçait toucher le coeur.
Le bon Sens se plaint au Guût de l'Esprit.
De tout Ouvrage il veut m'exclure ,
dit- il , à quoi l'Esprit répond :
C'est qu'il y veut toujours primer.
Lui seul , sans mon secours , veut d'une Commédie
,
Faire mouvoir les principaux ressorts ;
Son Comique est froid , il ennuie ,
Pour
AOUS T. 1733. 1833
Pour amuser , il fait de vains efforts ;
Qu'il moralise , chacun bâille ,
Moi , je plais , j'instruis et je rlle ;
Mes discours sont legers , tous les siens sont
pesans ;
Mes Portraits quelquefois ne sont pas vrai semblables
,
Mais ils sont vifs et séduisans ;
Les siens sont justes , raisonnables ;
Mais toujours froids et languissans ,
Il m'exceae , il me désespere , &c.
En parlant de la Peinture , le Goût
s'exprime ainsi :
C'est pourtant un Art merveilleux
D'une Amante éloignée il adoucit l'absence ;、
Et les traits d'une aimable et juste ressemblance,
Consolent le coeur par les yeux.
En parlant des gens d'un mérite distingué
, on lit dans la VI Scene , entre
le Goût et le faux goût : c'est le dernier
Personnage qui parle :
Sans que là- dessus je m'explique ;
On ne respecte point ces demi Dieux mortels ,
L'Envie , au regard fanatique ,
Souille et renverse leurs Autels ;
Font- ils un Livre , on le critique.
Ces Parodistes éternels ,
Gij Dont
1834 MERCURE DE FRANCE
Dont je voudrois exterminer la Clique ;
Portent les coups les plus cruels
Aux endroits les plus beaux d'un Sujet dramatique
;
Et ce même Public , facile à s'égarer ,
Après avoir donné des larmes ,
A ces endroits qu'il devroit révérer ,
A rire à leurs dépens , trouve les mêmes
charmes ,
Qu'il trouvoit à les admirer,
La Critique termine la Piece par cette
Fable , sous le titre de la bonne Opinion.
Le Souverain des Dieux , aux premiers ans da
monde ,
Pour rendre les Mortels fortunez et contens ,
Produisit d'une main féconde ,
Et les vertus et les talens .
Pour les chercher , chacun court et s'empresse ;
Le Sçavoir , le bon Goût , l'Esprit et la Finesse ,
Des premiers arrivez , furent bien tôt la part ;
Tous les autres humains vinrent un peu trop
tard ,
Il ne restoit plus rien , mais pour les satisfaire ,
Jupiter leur donna la bonne opinion ,
Tous se crurent parfaits , tous crurent sçavoir
plaire ;
Cette heureuse présomption ,
Les dédommagea du contraire,
FEA
O UST. 1733. 1835
PELOPE'E , Tragédie , par M. le Chevalier
Pelegrin . A Paris , chez François le
Breton , Quai des Augustins , à l'Aigle
d'or, 1733. vol. 8. de 70 pag. sans comptot
l'Epître en Vers à M. le Maréchal de
Villars et la Préface .
Ce Poëme qui est fort bien imprimé et
a un fort grand débit , soutient à la lecture
l'intérêt qu'on y á trouvé à la Représentation
.
L'ETAT MILITAITE de l'Empire Othoman
; ses progrès et sa décadence. Par M.
le Comte de Marsigli , de l'Académie
Royale des Sciences de Paris et de Montpellier
, de la Société Royale de Londres
, et de l'Institut de Bologne . Ouvrage
enrichi de Planches en Taille - douce.
Premiere et seconde Partie. A la Haye ,
chez Pierre Gosse , et Jean Neaulme , Pierre
de Hondt , &c. 1732. in fol. Texte Italien
et François , imprimez en 2 colonnes
pag. 335.
Dans la troisiéme feuille du Pour et
Contre , on promet une feuille tous les
Lundis de chaque semaine .
On apprend dans la quatriéme feüille ,
que les Oeuvres de Moliere viennent d'être
magnifiquement imprimées à Lon-
G iij dres
1836 MERCURE DE FRANCE
dres , avec des Préfaces honorables , avec
des Notes , et la Traduction Angloise à
côté du François ; mais comme si c'étoit
trop peu d'un seul nom , quelqu'Illustre
qu'il puisse être , pour servir de Frontispice
à tout l'Ouvrage , on a multiplié les
Dédicaces au même nombre que les Piéces
; de sorte que le Prince de Galles et
les principaux Seigneurs d'Angleterre
se trouvent interessez à la gloire de
Moliere. Le succès de cette belle Edition
prouve qu'il n'a pas moins de Partisans
dans les rangs inférieurs , & c.
Les Anglois ont traduit les Piéces de
Moliere , non seulement pour les lire ,
mais pour les représenter sur leurs Théatres
. Depuis moins de trois mois , l'Avare
a déja eu cet honneur 35 fois . A la verité
l'on Y a fait quelques changemens , pour
le mettre tout à fait au gout de la Nation
; car le Théatre des Anglois est encore
fort éloigné de ressembler au nôtre..
L'Auteur rend compte de ces changemens
, afin qu'on puisse juger si on embellit
Moliere ou si on le défigure.Il semble
que M. Fielding , dit il , Traducteur
de l'Avare , ait appréhendé principalement
que la simplicité du Sujet ne déplût
à ses compatriotes ; il l'a chargé autant
qu'il a pû , de nouveaux incidens , pour
renAOUST.
1733.
1837
rendre l'intrigue plus composée . Les Anglois
ne s'accommodent point de ce qui
est trop facile à comprendre. Il faut donner
par tout de l'exercice à leur raison .
Ainsi M. Fielding a pris le parti de changer
quelques Personnages , d'en introduire
de nouveaux , & par conséquent
de multiplier les interêts et les caracte
res , ce qui donne lieu à quantité d'événemens,
qui forment une Piéce plus étendue
et plus variée que celle de Moliere.
On sçait que l'intrigue roule dans Moliere
, sur les amours de la Fille et du Fils
de l'Avare, qui ne s'accordent point avec
les dessins de leur Pere. Ils emploient ,
pour les faire réussir , divers stratagêmes
qui mettent l'Avarice du Pere dans tout
son jour ; et le dénouement , qui n'est pas
des plus heureux , consiste dans la reconnoissance
de l'Amant de la Fille , et de la
Maîtresse du Fils , qui se trouvent Frere et
Soeur, mais Enfans d'Anselme , à qui l'Avare
destinoit sa fille,
M.Fielding a conservé ce double amour
pour en faire le fond de son intrigue ,
et il n'a fait qu'allonger la plupart des
Scenes qui y ont rapport ; mais peu satisfait
du dénouement de Moliere , il en
substitue un autre de son invention. Il
a fait de Mariane , Maîtresse de Frederic ,
G iiij
Fils
1838 MERCURE DE FRANCE
2
Fils de l'Avare, une Coquette fieffée , qui
aime néanmoins Frédéric ; mais qui par
une bisarrerie extraordinaire , se fait une
honte de l'avoüer . Non- seulement ce ca-
Factere fait naître plusieurs Scenes agréables
et d'un tour nouveau ; mais il fournit
à l'Auteur un dénouement fort naturel.
Mariane , piquée de ce que Harriette,
con Amie , et Soeur de Frederic , a
trahi le secret de son amour , fait semblant
dans son dépit de vouloir épouser
l'Avare , qui l'avoit demandée en mariage.
Elle se livre de nouveau aux conseils
de sa Mere, nouveau Personnage introduit
par M. Fielding ; et après avoir
tiré de l'Avare un dédit de cent mille
francs elle fixe le jour de ses Nôces avce
lui , ce qui m t Harriette et Fréde . ic dans
une mortelle inquiétude. Cependant comme
son dessein n'est que de les eff.aïer ,
et que voulant être à Frédéric elle se propose
de rompre avec le Pere ; voici de
qu'elle mani re elle s'y prend :
Le jour destiné pour les Fiançailles ,
elle porte son caractere de Coquette au
plus haut dégré , elle fait une dépense
effroiable en habits , bijoux , &c. Elle fait
appeller chez l'Avare tous les Marchands
de la Ville , avec lesquels elle s'engage
pour quelque chose. Tout est prodigué
dans
A O UST. 1733. 1839
dans la maison. L'Avare s'explique assez
brusquement avec elle ; mais elle lui déclare
que ce n'est que l'essai de sa conduite
future , et qu'il doit s'attendre à lui
voir mener le même train toute sa vie.
Des créanciers supposez viennent lui demander
des sommes considérables , que
le nouvel Epoux sera obligé de payer , suivant
les Loix d'Angleterre. Enfin le malheureux(
a ) Lovegold,à qui l'on a volé d'un
autre côté son trésor , se trouve dans un
tel excès de trouble et de désespoir , que
pour se délivrer de Mariane, qu'il regarde
comme une furie , et pour recouvrer
son argent qu'on lui offre à cette condition
, il consent qu'elle épouse son Fils
et qu'Harriette sa Fille , épouse son Amant.
Il abandonne même à Mariane les cent
mille franes de dédit , comme une perte
légere en comparaison de ce qu'il croit
sauver en se délivrant d'elle ,et cette somme
sert à Mariane pour établir sa fortune
avec Frederic ; pour l'Amant d'Harriette
, il ne demande rien au Pere de sa
Maîtresse , parce qu'il est assez riche
pour attendre son héritage jusqu'au tems
de sa mort.
( a ) Nom de l'Avare , dans la Traduction Angloise.
La Piéce est intitulée , Thémis..
G v On
1840 MERCURE DE FRANCE
On apprend à la fin de la cinquième
feuille du Pour et Contre , que le Théatre
Anglois vient de faire une perte difficile
à réparer dans la personn : de M Barton
Booth , un de ses meilleurs Acteurs.
La douleur publique , a ou.e l'Auteur , et
les marques d'estime dont on a honoré
ses cendres , sont une preuve éclatante de
son m'rite. M. Booth excelloit particulierement
dans le Comique. Les Peintres
alloient exprès au Théatre pour copier
ses attitudes . La Régularité de ses moeurs
et la politesse de ses manicres lui avoient
attiré l'amitié et la considération de tous
les honnêtes gens qui n'cstimoient pas
moins le caractere de son coeur et de son
esprit , que l'excellence de ses talens. Surquoi
on s'écrie :
Hé bien, deffendrez - vous au sage ,
De se donner des soins pour le plaisir d'autrui è
A la vérité le Poëte ( a ) qui a fait cette
réfléxion , ne parloit pas de Théatre et de
Comédiens. Quoiqu'il en soit , le Sage
selon Chrysippe ( b ) est de toutes sortes
d'états , et il n'en est point par conséquent
qui soit incompatible avec la sagesse.
fa ) La Fontaine , fol. 212.
(b ) Horat. Sat. 3. lib. 1.
L
A O UST. 1733. 1841
Le malheur est qu'il s'agit icy de cette
agesse , que le Christianisme ne canonie
point , et avec laquelle on peut avoir
té fort honnête- homme pendant sa vie ,
ans être moins à plaindre à l'heure de la
iort.
Dans la huitiéme feuille , l'Auteur reonnoît
qu'il avoit borné le talent de
A. B. Booth au Comique , quoiqu'il
n'xcellat pas moins dans le genre oppo-
St Je trouve même , dit- il , au jugement
duplus grand nombre , que la nature se
délaroit encore plus dans son caractere
pour le genre sérieux , que pour l'au.re.
On ui appliquoit ce mot de Cic.ron :
Nonagen dus in scena gestus spectante Rossio
Jai négligé de m'étendre sur sa doctriné
,et c'est un vol considérabl que je
faiso's sa mémoire ; je le répare en assurait
sur le témoignage des personnes
de nérite , qu'il avoit une connoissance
parfaite des Belles- Lettres , qu'à ce titre
seul , il auroit été digne de toute saréputation
, si l'excellence de ses talens
Four le Théatre n'eût éclipsé en quelque
maniére le reste de ses belles qualitez .
Le sieur le Maire , Maitre de Musique à Paris
, donne, avis que les premiers Saluts annoncez
dans le premier volume de Juin dernier , contenant
12. Motets nouveaux , sont actuellement em
Gvj vente
1842 MERCURE DE FRANCE
vente chez Ballard , au Mont Parnasse , chez
l'Auteur , ruë de la Bouclerie , Boivin , ruë saint
Honoré , et le Clerc , rue du Roulle. Les autres
Motets seront distribuez de mis en mois , jusqu'à
la fin de l'année .
On a fait une nouvelle Edition des Ecran
instructifs , où l'on a changé et ajoûté ce qu'o
a crû pouvoir les rendre plus parfaits ; on en
même imprimé quelques nouveaux.
Ce sont pour la plupart des Fables qui n'ot
point la secheresse des autres Tables Chronol
giques , et qui n'ont point non - plus la trop gra
de étendue d'une Histoire ; ensorte que
coup d'oeil , on peut voir tout un Sujet , et tut
ce que ce Sujet a de plus remarquable et de lus
interessant. A
Les petits Livres ont plus fait de sçavan que
les gros , or s'il y a un Livre d'une forme ommode
, c'est un Ecran ; ce Livre est toujour ouvert;
on est obligé de s'en servir souvent e lorsqu'on
est desocuppé , ce qui fait mettre , profit
un temps que l'on perdroit sans cela . Comme
on a souvent ce Livre à la main , on le lit souvent,
et en le lisant souvent, on retient sans peine
ce qu'il contient , c'est une occasion de s'entretenir
de choses qu'on a devant les yeux ; tous
moyens propres à acquerir de nouvelles connoissances
et à s'affermir dans les anciennes . Ainsi
les jeunes gens et les personnes mêmes instruites
y peuvent trouver leur avantage.
Il y en a un qui contient des Evenemens remarquable.
2. sur l'Ancien Testament .
2. sur le Nouveau.
f . sur l'Histoire Romaine.
AOUST . 1843 1733.
2. sur l'Histoire de France.
1. sur le Calvinisme.
1. sur la Ligue.
2. sur les principaux Offices de France.
2. sur les Diocèses de France.
3. sur l'origine de plusieurs choses..
2. de Vers choisis.
I. de Sentences et bons- Mots .
7. qui contiennent des Evenemens remarqua
bles , arrivez pendant le Regne de Louis XIV.
La Veuve Rondet , qui a le Privilege pour l'impression
de ces Ecrans , en a cedé le débit à Guerard
, Marchand de Papier , demeurant ruë du
petit Pont Notre- Dame , près le petit Châtelet à
Paris. Les Marchands de Paris ou de Province
qui en voudront , n'auront qu'à s'adresser à lui .
On apprend de Lisbonne , que sur la fin du
mois de juin , on découvrit en fouillant la terre
aux environs de la Ville de Ferreira , les fondemens
d'un Edifice bâti du temps des Romains , et détruit
par les Gots ou par les Maures . Sur l'une de
ces Pierres est l'inscription suivante : D. M.
Antonia Maxuma , Antonia Modesta , Laurentius
Gener , Maritus ex testamento,
Mors de Personnes Illustres.
Si nous n'étions pas dans l'usage de rendre
certains devoirs à la Mémoire des Personnes ce- i
lebres que la mort nous enleve , nous commencerions
par la Marquise de Lambert , décedée à
Paris le 12 . Juillet 1733. dans la 86.année de son
âge , géneralment regrettée , à cause des grandes
qualitez de son coeur et de son esprit. Nous
avons d'elle un excellent Ouvrage sous ce titre :
Avi
1814 MERCURE DE FRANCE
Avis d'une Mere à son Fils et à sa Fille , imprimé
à Paris chez Ganeau en 1728. 1. vol . in 12.
et des Refléxions sur les Femmes , dont il y a une
Edition de Hollande.
La Marquise le Lambert, qui se nommoit Anne-
Therese de Marguenat de Courcelles , étoit
Fille unique d'Etienne de Marguenat, Seigneur de
Courcelles , Maître ordinaire en la Chambre des
Comptes, mort le 22. May 1650. et de Monique
Passart , morte le 21. Juillet 1692. alors
femme en secondes Nôces de François le Coigneux
, Seigneur de la Rocheturpin et de Bachau-:
mont , celebre par son bel esprit . Elle avoit été
mariée le 22. Février 1666. avec Henri de Lambert
, Marquis de S. Bris en Auxerrois , Baron de
Chitry et Augy , alors Capitaine au Régiment
Royal , et depuis Mestre de Camp d'un Régiment
de Cavalerie , fait Brigadier en 1674. Maréchal
de Camp le 25. Février 1677. Commandant de
Fribourg en Brisgaw, au mois de Novembre suivant
, Gouverneur de Longwy , et Lieutenant
General des Armées du Roy , au mois de Juillet
1682. et enfin Gouverneur et Lieutenant Gene
ral de la Ville et Duché de Luxembourg , au
mois de Juin 1684. mort au mois de Juillet 686.
Elle en avoit eu , outre deux Filles mortes en
bas âge , un Fils et une autre Fille , le Fils est
Henry- François de Lambert , Mirquis de saint
Eris , né le 13. Décembre 1677. Lieutenant general
des Armées du Roy du 30. Mars 1720. et
Gouverneur de la Ville d'Auxerre , autrefois Colonel
du Régiment de Périgord. Il a été marié le
12. Janvier 1725. avec Angélique de Lariam de
Rochefort , veuve de Louis- François du Parc ,
Marquis de Loëmmaria , Lieutenant General des
Armées du Roy, mort le 4. Octobre 1709. la
Fille
AOUS T. 1733. 1815
Fille de la Marquise de Lambert étoit Marie-Thérese
de Lambert , qui avoit été mariée en 1703 .
avec Louis de Beaupoil , Comte de S. Aulaire
Seigneur de la Porcherie et de la Grenellerie ,
Colonel - Lieutenant du Régiment d'Enguien ,
Infanterie , tué au Combat de Ramersheim , dans
la haute Alsace , le 26. Août 1709. elle est morte
le 13. Juillet 1731. âgée de 52. ans , ayant laissé
une File unique nommée Therese- Eulalie de
Beaupoil de S. Aulaire , mariée le 7. révrier
1725. avec Anne - Pierre d'Harcourt , Marquis de
Beuvron , Seigneur de Tourneville , Lieutenant
General pour le Roy au Gouvernement de Normandie
, Gouverneur du vieux Palais de Roun
et Mestre de Camp de Cavalerie , Frere du Duc
d'Harcourt.
La Mere de la Marquise de Lambert , épousa ,
comme on l'a dit , M. de Bachaumont , qui nonseulement
faisoit fort agréablement des Vers
comme tout le monde sçait par le fameux vorge
dont il partagea la gloire avec la Chapelle , mais
qui de plus étoit homme de beaucoup d'esprit et
de plus encore , homme de très- bonne compagnie
, dans un temps où la bonne et la mauvaise
se mêloient beaucoup moins , et où l'on y étoit
bien plus difficile. Il s'affectionna à sa Belle fille ,
presque encore enfant , cause des dispositions
heureuses qu'il découvrit bien - tôt en elle et
il s'appliqua à les cultiver , tant par lui-mêmeque
par le monde choisi qui venoit dans sa maison
, et dont elle apprenoit sa Langue comme
on fait la Langue maternelle.
a
Elle se déroboit souvent aux plaisirs de son
age pour aller ire en son particulier , et elle s'accoûtuma
dès lors , de son propre mouvement , à
faire de petits Extraits de ce qui la frappoit le
plus
1846 MERCURE DE FRANCE
plus. C'étoient déja, ou des reflexions fines sur le
coeur humain , ou des tours d'expressions ingenieux
, mais le plus souvent des réfléxions .
Ce goût ne la quitta, ni quand elle fut obligée
de représenter à Luxembourg, dont M. le Marquis
de Lambert étoit Gouverneur , ni quand
après sa mort elle eut à essuyer de longs et
cruels Procès où il s'agissoit de toute sa fortune ;
enfin quand elle les eut conduits et gagnez avec
toute la capacité d'une personne qui n'eut point
eu d'autre talent ; libre enfin et Maîtresse d'un
bien assez considerable qu'elle avoit presque conquis
, elle établit dans Paris une Maison où il
étoit honorable d'être reçû. C'étoit la seule , à un
petit nombre d'exceptions près , qui se fût préservée
de la maladie Epidémique du jeu ; la seule
où l'on se trouvât pour se parler raisonnab ement
les uns les autres , et même avec esprit , selon
l'occasion . Aussi ceux qui avoient leurs raisons
pour trouver mauvais qu'il y eût encore de la
Conversation que que part , lançoient - ils , quand
ils le pouvoient , quelques traits malins contre
la Maison de Madame de Lambert , et Mme de
Lambert elle- même , très-délicate sur les discours
et sur l'opinion du Public , craignoit quelquefois
de donner trop à son goût ; elle avoit le
soin de se rassurer, en faisant refléxion , que
cette même Maison , si accusée d'esprit , elle y
faisoit une dépense très - noble et y recevoit beaucoup
plus de gens du Monde et de condition que
de gens illustres dans les Lettres ..
dans
Son extrême sensibilité sur les discours du Public
, fut mise à une bien plus rude épreuve . Elle
s'amusoit volontiers à écrire pour elle seule , et
elle voulut bien lire ses Ecrits à un très - petit
nombre d'amis particuliers ; car quoiqu'on n'écrive
A O UST. 1733. 1847
crive que pour soi , on écrit aussi un peu pour
les autres sans s'en douter . Elle fit plus , elle
laissa sortir ses papiers de ses mains , sous les
sermens les plus forts qu'on lui fit de la fidelité
la plus exacte. On viola les sermens ; des Auteurs
ne crurent point qu'une modestie d'Auteur pûr
être sincere ; is prirent des copies qui ne manquerent
pas d'échapper. Voilà les Avis d'une
Mere à son Fils , les Avis à sa Fille , imprimez ,
et elle se croit deshonorée . Une Femme de condition
faire des Livres , comment soutenir cette
infamie !
Le Public sentit bien cependant le mérite de
ces Ouvrages , la beauté du stile , la finesse et
l'élevation des sentimens , le ton aimable de vertu
qui y regne par tout. Il s'en fit en peu de temps
plusieurs Editions , soit en France , soit ailleurs ,
et ils furent traduits en Anglois. Mais Mme de
Lambert ne se consoloit point ; et on n'auroit
pas la hardiesse d'assurer ici une chose si peu
vrai-semblable , si après ces succès , on ne lui
avoit vû retirer de chez un Libraire , et payer au
prix qu'il voulut , toute l'Edition qu'il venoit de
faire d'un autre Ouvrage qu'on lui avoit dérobé.
Les qualitez de l'ame p us importantes , et
plus rares , surpassoient encore en elle les qualitez
de l'esprit. Elle étoit née courageuse , peu
susceptible d'aucune crainte , si ce n'étoit sur la
gloire; incapable de se rendre aux obstacles dang
une entreprise nécessaire ou vertueuse . Elle n'étoit
pas seulement ardente à servir ses amis sans
attendre leurs prieres , ni l'exposition , souvent
humiliante de leurs besoins , mais une bonne
action à faire , même en faveur des personnes
indifférentes , la tentoit toujours vivement , et il
falloit que les circonstances fussent bien contraires
,
1818 FRCURE DE FRANCE
traires , si elle n'y succomboit pas . Quelque
mauvais succès de ses générositez ne l'en avoient
point corrigée , et elle étoit toujours également
prête à hazarder de faire le bien . Ele fut fort
infirme pendant tout le cours de sa vie . Ses dernieres
années furent accablées de souffrances
pour lesquelles son courage naturel n'eût pas
suffi sans le secours de toute sa Religion.
Jean-François Felibien , Ecuyer , Sieur des Awaux
et de Javercy , Conseiller et Historiographe
du Roy , et de ses Bâtimens, Arts et Manufactures
de France , et Garde du Cabinet Royal
des Antiques , Secretaire de l'Académie Royale
d'Architecture , et cy- devant l'un des Pensionnaires
et Trésorier perpétuel de l'Académie des
Inscriptions et Biles Lettres , mourut à Paris le
23 Juin 1733 âgé d'environ 75 ans . Il étoit d'une
Famille fort connue dans la République des Lettres
. André Félibien , son pere , auquel il avoit
succedé en 1695.dans la place d'Historiographe
des Bâtimens et de Garde du Cabinet des Antiques,
a donné au public un grand nombre d'Ouvrages
, comme on peut le voir dans son éloge ,
rapporté d'aprés le trente- neuviéme Journal des
Sçavans , de l'année 695. dans le Dictionnaire
Historique , éditions de 1715 et 1732. Jacques
Fé ibien , son oncle , Chanoine et Archidiacre
de Vendôme , en l'Eglise de Chartres , mort
le 25 Novembre 1716. dans la 80 année de son
âge ; et Dom Michel Fél bien son frere , Bénédictin
, de la Congrégation de S. Maur, mort
le 25 Septembre 1719. Se sont aussi rendus célébres
par leurs Ouvrages . Il s'est fait connoître
aussi par les sens dont les principaux sont un
Recueil Historique de la Vie et des Ouvrages
des plus célebres Architectes ; les Plans des Mai-
1
1
sons
AOUS T. 1733. 1849
sons de Pline et leur Description ; la Description
de Versailles , et de celle de l'Eglise des Invalides.
Il s'étoit marié le 1 Septembre 1712 , avec
Caterine-Elizabeth Minet , fille de Louis Minet ,
Conseiller , Secretaire du Roy , et Avocat aux
Conseils, et d'Elizabeth Moufle.Il en avoit eu 11
enfans,mais ils sont tous morts jeunes ; de sorte
qu'il ne laisse pour héritiere qu'une Soeur , sçavoir
Marie- Anne Fé.ibien , veuve de Joachim
de Bruet , Chevalier , Seigneur de la Chesnais,
qui avoit commandé la Noblesse de la Provin
ce d'Orleans , Chartres et Pais Blésois , Vendômois
, Montargis , Estampes , Gien et Amboise
pendant les cinq dernieres années de la guerre
qui a été terminée psr la Paix de Risvvich.
Jacques Lullier , Prêtre, Docteur et Doyen de
de Faculté de Théologie de Paris , dont il avoit
reçu le Bonnet le 10 Juin 1675. Sénieur de la
Maison de Sorbonne , et ancien Curé de la Paroisse
de S. Louis en l'Isle Notre Dame mourut
en Sorbonne le 30 Juin , âgé d'environ 86
ans , son corps ayant été porté à S. Louis en
FIsle , il y fut inhumé le 2 Juillet . Il étoit le
quatriéme Curé de cette Paroisse , ayant succedé à
Bernard Crosse,mort le 6 Avril 1693 , à l'exemple
de ses Prédecesseurs qui avoient déja fait construire
le Choeur de l'Eglise de S.Louis , il entreprit
d'en continuer le Bâtiment , et vint à bout
de faire édifier la Nef , avec son Jubé, la Voute
de la Croisée , et une tres - belle Chapelle de la
Communion . Ce fut par ses soins que cette
nouvelle Eglise fut , cor sacrée le 14 Juillet 1726
par l'Evêque de Grenoble. Après avoir gouverné
cette Paroisse pendant plus de 33 ans , il résigna
sa Cure à Jacques- Barthelemi de la Broise
Curé de Notre-Dame de Bonnes Nouvelles, quì
en
1810 MERCURE DE FRANCE
en prit possession le 3 Novembre 1726. Voyez
touchant la cérémonie de la consécration de la
nouvelle Eglise de S. Louis , le Mercure du mois
d'Août 1726. pag. 1787.
Le 9 du mois de Juin dernier le Roy suivi
de S. E. M. le Cardinal de Fleury , alla visiter
le Pont de Compiegne , nouvellement construit
par les Ordres de S. M. sur la Riviere
d'Oise . Ce Pont est composé de trois Arches
fort grandes et plus surbaissées que toutes celles
qui ont été faites en ce genre, de deux Pille
et de deux Culées . L'Arche du milieu est de 12
tois s d'ouverture , et celles d'à côté de onze
toises ; la largeur du Pont est d'environ 27 pieds
entre les murs des Parapets ; îl est orné de
Tours rondes , ou Paus arrondis aux 4 coins >
pour lui donner des évasemens aux Entrées.
,
4
Les Armes du Roy paroissent au haut de la
grande Arche , sculptées par le Sr Coustou le
Cadet et au dessus s'éleve sur un Piedestal
une Pyramide de 30 pieds de hauteur , portant
moitié de son épaisseur en dehors des Parapets,
et moitié en dedans. Les deux Panneaux du
Piedestal sont chargez d'Inscriptions , dont la
premiere peut être lûe de dessus le Pont, et contient
ces mots :
LUDOVICO XV.
Quod via publicâ , hinc Lutetiam, line Noviedunum
, correctâ , stratâ et munitâ , Compendium
novo Ponte lapideo decoravit. Anno M. DCC . XXX.
La seconde Inscription ne peut être lûë que
de dessus la Riviere ; Elle est ainsi gravée sur le
côté opposé :
Iter tutum viatoribus,et Nautis facilè commercium.
La
1
AOUST. 17337 1851
La Piramide est couronnée d'un Globe de cuivre
doré ; au dessus duquel , selon l'usage des
Ponts , est élevée une Croix de fer , dont les extrêmitez
sont aussi ornées d'ouvrages de . Cuivre
doré.
Ce Pont a été conduit par le Sr de la Hire ,
Inspecteur General, et sous les Ordres de M.Dubois
, Directeur General des Ponts et Chaussées
de France. Il étoit entierement achevé au mois
de May dernier ; mais comme il avoit été , pour
ainsi dire , bâti sous les yeux de S. M. qu'elle
en avoit posé la premiere Pierre en 1730. et
qu'il y a eu des Méda lles frappées la même (a )
année sur ce sujet, posées dans l'Edifice en 1732 .
M. Dubois n'a pas voulu que le Pont fut livré
au Public que le Roy ne l'eut honoré de sa visite
, et n'eut passé dessus le premier. Sa Majesté
le considera par dessus et par dessous , avec
beaucoup d'attention , lût les Inscriptions , et
parut enfin satisfaite de cet Edifice public , dont
la construction est en effet hardie , d'une noble
simplicité et d'une solidité à toute épreuve ; aussi
son Eminence et tous les Seigneurs qui accompagnoient
le Roy , dirent là - dessus des choses
fort obligeantes à M. Dubois.
QUESTION.
Quel est l'état le plus propre à acquerir la Sagesse
, de la Richesse ou de la Pauvreté ?
( a ) La Médaille du Roy , dont le Revers represente
le nouveau Pont de Compiegne , est gravée
dans le Mercure de May 1732.
M
CHAN
1852 MERCURE DE FRANCE
J
*****
CHANSON.
E vois sortir du Ciel un déluge de feux ;\
L'Air s'obsurcit , la Foudre gronde ;
L'Astre du jour disparoit à nos yeux ,
Dans son premier cahos , grands Dieux s
Allez- vous replonger le monde ?
Je verrai sans frémir , la Barque de Caron :
Immolez , s'il le faut , ma vie à votre gloire ,
Mais d'un Champagne exquis , il me reste ua
Flacon ,
Laissez-moi le temps de le boire.
***************
J
SPECTACLES.
ONATHAS , MACHABE'E , Tragédie ,
représentée au College de LOUIS LE
GRAND , pour la Distribution des Prix , fondez
par S. M. le Mercredi , s . Août.
SUJET. Triphon , General des Troupes de
Syrie , voulant détrôner Démétrius son Roy , et
mettre en sa place le jeune Antiochus , dont il prétendoit
envahir la Couronne , craignit d'être traversé
dans cette double entreprise par Jonathas
Prince d'Israël , frere et successeur du brave Judas
Machabée. Pour se défaire d'un ennemi siformidable
, il résolut de l'attaquer avec une nombreuse
Armée qu'il fit avancer vers Jérusalem . Mais
comme il vit le General des Israëlites disposé à le
recevoir
1:
MIUNDU
C
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.

HORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
FUU
AOUST. 1732 . 18 <3
recevoir avec des Troupes aguerries , il feignit de
wouloir la paix , engagea Jonathas , par de belles
promesses, à congédier ses Troupes , et l'attira dans
la Ville de Ptolemaide , où il fit égorger presque
toute l'escorte qu'il s'étoit réservée , le fit Prisonnier
lui-même , demanda cent talens pour sa rançon ,
et ses deux enfans pour otages . Simon , frere de
Jonathas , découvrit l'artifice ; il ne laissa pas
d'envoyer au perfide Tryphon la somme d'argent
avec ses neveux , pour ne pas s'attirer la haine
du Peuple d'Israël , qui ne manqueroit pas d'interpréter
malignement son refus , et de dire hautement
qu'il laissoit languir son frere dans les fers ,
afin de commander en sa place . Tryphon retint
L'argent avec les Captifs ; et sachant que Simon.
venoit avec une Armée pour les délivrer, ilfit inhumainement_
massacrer Jonathas et ses enfans , et
défiler ses Troupes vers la Syrie.
Cette Piéce fût précédée d'un Prologue , et terminée
par un Eloge du Roy.
ENVIE , Balet dansé à la Tragédie
de Jonathas , Machabée .
DESSEIN ET DIVISION. On sçait que
e qui détermina en partie le brave Simon Machabée
, à livrer la rançon et les Enfans de son
frere Jonathas , au perfide Triphon , General des
Troupes Syriennes , fut la crainte d'aigrir la haine
et l'envie du Peuple d'Israël , qui commençoit à
murmurer contre la lenteur de ses démarches en
faveur d'un Captif , dont il occupoit la place dans
Le Gouvernement . Ces plaintes ameres d'une Troupe
d'envieux , ont fait naître l'idée du Balet da
Envie , qui paroît avoir une liaison assez naturelle
avec la Piece Tragique , où l'on représente la
mort
1854 MERCURE DE FRANCE
mort de Jonathas et de ses enfans . Pour executer
ce dessein , on envisage l'Envie sous quatre rapports
essentiels qui fournissent les quatre parties de ce
Balet. La découvre les principales sources d'où
naît l'Envie. La 2 ° peint les noirs complots qu'el
le trame. La 3 fait voir le cruel supplice qu'elle
endure. La 4º montre les solides avantages qu'en
sire la Sagesse.
Le Theatre représente le délicieux Valon de
Tempé , où la Félicité et la Jalousie , assises sur
des Trônes , versent leurs dons à pleines mains
sur la Jeunesse de Thessalie , qui fait une Fête
où elle se réjouit de sa prosperité . Dans le lointain
de cet aimable séjour , paroît l'affreuse Caverne
de l'Envie , qui , se nourrissant de fiel
d'Aspic et de chair de Vipere , s'afflige de ne rien
voir d'affligeant et fond en larmes , parce qu'elle
' apperçoit aucun sujet de peurs. Elle détache
une Brigade de ses Sujets , qui viennent troubler
la Fête et le bonheur de ceux qui la celebrent.
Comme elle ne rit jamais que de ce qui fait pleuzer
les autres , elle s'applaudit d'avoir dissipé la
Troupe joyeuse , et prétend fixer son Empire
dans cette Contrée , qu'elle regarde comme un
Pays de conquête.
Ón voit dans la premeere Entrée les principales
sources d'où naît l'Envie . Petitesse de génie ,
basse rivalité , naturel mal -faisant.
Zole , miserable Sophiste , esprit mince et
borné , entreprend , avec le secours de certains
petits Crecs , de culbuter de la cime du double
Mont , le fameux Homere , dont il envie la
gloire. Il engage inême quelques Bouffons de
son parti à représenter cet ingenieux Aveugle
comme un simple Vielleur et comme une Muse
sampagnarde, dont ses Consorts se font unjouer.
Mais
A OUST. 17338 1855
Mais Minerve , Déesse du bon goût , châtie ces
insoleus ; et les Guerriers de laade vangent
Poutrage fait au Chan re de leurs exploits , &c.
Il n'est peut-être point de condition au monde
plus sujette à la jalousie de métier , que celle
des Auteurs Dia.matiques . Cette jalousie dégenere
quelquefois en basse riva ité , dont on ne
trace ici qu'un Portrait énigmatique dans la ridicule
avanture qu'un Ecrivain burlesque raconte
d'une Troupe de Comédiens nouvellement débarquez
dans une Vile de Province. Ils y sifflent
un Rival de Théatre ', et font une Parodie badine
d'une Piece sérieuse , où l'on représente le
festin de Théodoric , qui voit sortir de la tête.
d'un Foisson celle de Symmaque, égorgé par
son ordre.
>
Médee ne pouvant souffrir la douce union qui
regne dans la famille du vieux Roi Pélias , imagine
un stratagême funeste pour faire périr ce
respectable Vieillard . Elle se fait apporter par
ses Enchanteurs des herbes de Thessalie , qu'elle
met dans une chaudi re bouillante où elle
plonge son beau pere Ason , qu'elle rajeunit en
présence des enfans de Pélias. Elle leur persuade
par la vue de ce prodige de faire la même opération
à leur Pere , et même de lui trer tout le
sang des veines , pour le remplacer par de nouveau
sang. Le charm disparoît , il ne reste que
le corps ensanglanté du bon Prince , sacrifié au
naturel mal faisant de l'envieuse Megere.
1
SECONDE PARTIE. Les noirs complots que trame
Enve contre la Fortune contre la réputation
et quel ruefois même contre la vie de ceux dont le
bonheur ou les talens la chagrinent,
BELISAIRE , Vainqueur d'un grand nombre
de Nations , fait son Entrée triomphante dans
H Rome
1846 MERCURE DE FRANCE
Rome sur un Char traîné par des Lions d'Afri
que , où il a dompté les Vandales pour la seconde
fois. Il est placé au faîte de la roue de Fortune
, il y reçoit les hommages des Guerriers et
des Courtisans. Ce comble de grandeur anime
contre lui une foule d'envieux . Ils l'attaquent ,
le précipitent , lui Crévent les yeux , et l'enchaî
nent derriere le Char avec une partie de ses Suivans
, dont la plupart l'abandonnent dans sa dişgrace
, pour s'attacher à la fortune de ses Rivaux.
10:07
+
"
La Renommée publie , la trompette à la main ,
les louanges de la Probité , dont elle couronne
les vertus . La Calomnie , jalouse de ces éloges
suscite contre sa vertueuse Rivale une Troupe de
Furies qui l'enveloppent , lá saisissent et se préparent
à l'entraîner dans l'abîme déja ouvert sous
ses pieds. Mais du sein même de ce gouffre profond
sort la Verité , dont la brillante lumiere
jette la consternation parmi les Eumenides . Elles
sont mises en déroute par les Partisans de la
Déesse , qui fait ériger un Trophée à la gloire
de la Probité.
Des voisins envieux viennent accuser de malé
fice le pieux et laborieux Furius , dont le Vigno
ble étoit de bon rapport dans les années mêmes
ou ceux des autres ne portoient rien. Les Accusateurs
produisent des Baguettes magiques et
des Tambours prétendus enchantez , dont ils
soutiennent que l'Accusé se sert pour arracher
la Lune du Ciel , et pour évoquer des Monstres
odieux , qui répandent la grêle et la gelée sur les
Champs d'autrui . Pendant qu'on fait jouer cette
Machine frauduleuse , Furius , suivi de ses Enfans
, n'apporte pour sa deffense que les Outils
de son travail , qu'il expose aux yeux des Juges,
ср
AOUST. 1733.- 1857
en leur montrant le cal et le durillon de ses
mains , qu'il leve au Ciel. Il leur fait entendre
que c'est là toute sa Magie. Il est absous , et ses
Accusateurs sont confondus par l'équité des sages
Magistrats .
Le cruel supplice que souffre l'Envie , esr le
Sujet de la troisiéme Partie . 1 ° . L'hommage qu'elle
est forcée de rendre au vrai mérite 2 ° . L'aveu secret
qu'elle est contrainte de faire de sa propre inferiorité.
3. Le vif sentiment de son mal qu'elle
devore sans en oser dire le principe , de sorte qu'elle
est elle-même son plus grand supplice.
Les mêmes Seigneurs , qu'un dépit jaloux avoit
portés à bannir de Rome le grand Camille , s'en
voyant chassés par les Gaulois qui assicgent le
Capitole , sont forcez de recourir à la valeur de
çet illustre General , et par là de rendre homma-,
ge à son génie supérieur pour la guerre . Il se
met à la tête de quelques Officiers fuyards , il
charge les Assiegeans , et les oblige à laisser les
sommes d'argent que leur comptoient les Assiegez
pour se garantir du dernier malheur .
Quelques jeunes Béotiens , indignez de l'avantage
qu'avoient remporté sur eux de jeunes Mégariens
, dans un Combat du Ceste , viennent insulter
leurs Vainqueurs dans leur Triomphe , et
piquez d'une jalousie maligne , osent les defier à
la lutte , se flattant d'être aussi supérieurs en
adresse que leurs Rivaux l'avoient été en force.
Les Mégariens acceptent le défi , terrassent leurs
Adversaires , les relevent et les obligent à convenir
de leur inferiorité.
1.
Latone , dans un Sacrifice que lui offrent les
Matelots et les Bergers de son Isle de Delos ,
exige pour la principale victime l'insolent Titys
,qui avoit parû lui envier sa gloire. Pendant
Hij que
1818 MERCURE DE FRANCE
que les Insulaires rendent leurs hommages et
présentent leurs offrandes à cette Décse , ks Sal
crificateurs amenent le Coupable enchaî é au
pied de l'Autel , où un Vautour lui ronge le coeur
et le foye en punition de son attentat. De à il
est abîmé dans le Tartare. Les Déliens en témoignent
leur contentement par une Danse
joyeuse.
On expose dans la quatriéme Partie , les avantages
que la Sagesse tire de l'Envie . 1º . Elle ap- .
prend à ne donner prise à l'Envie par aucun foible.
2 ° . A concevoir un souverain mépris pour une
si lache passion. 3 ° . A confondre l'acharnement
des envieux
pratique constante des plus su par
blimes vertus.
la
Ulisse irrité de l'estime qu'a conçû toute la
Grece pour les éminentes quali ez de Palamede ,
le fait observer de près par des surveillans à gages.
Pendant que ce grand homme forme de jeunes
Heros à de nobles exercices , les Espions
apostez ont beau examiner toutes ses démarches,
ils ne trouvent rien dont on lui puisse faire un
crime . Ulisse a recours à l'Imposture , il saısıt le
moment où Palamede va au fourrage avec ses
Guerriers , il fait mettre dans sa Tente des sacs
d'argent ; il accuse Pa'amede à son retour d'avoir
reçu ces sommes de Priam . Les Chefs de
l'Armée condamnent l'Accusé . qui sur le champ
seroit victime de la fourberie , si ses braves Eleves
n'avoient soin de soustraire l'injus ice.
Alcide , après avoir dompté les Monstres ,
s'endort tranquillement à l'ombre de ses Lauriers;
une multitude de Pigmées bassement ja'ouse du
nom qu'il s'est acquis par ses exploits , vient
is ayer ses armes contre lui , chante victoire
avant le combat , investit ce Héros et tâche de
lai
AQUST. 1733 1859
lui enlever l'instrument de tant de triomphes.
Il ne daigne pas interrompre son repos pour de
si toibles ennemis Il se contente d'écarter d'un
geste et d'un soufle cette race importune , qui
échit le genouil devant lui au premier mouvement
de sa Massue Les compagnons de ses travaux
viennent se divertir de la posture supplian
te de ces petits témeraires , ausquels ils font plus
de peur que de mal. Cette Partie du Balet n'est
pas celle qui a été la moins applau die.
Arist de,, que les Athéniens surnommerent le
Juste , banui par les intrigues de quelques Factieux
, et par la dure loi de l'Ostracisme , se retire
dans une Campagne déserte où il n'est suivi
que par les Vertus . Il continue à leur rendre
un culte fidele. A leur tour elles lui érigent un
beau Monument , où il est placé au milieu d'elles
, et couronné par la Constance. Sa Patrie
éplorée vient à la tête des bons Citoyens , implorer
son secours contre les desordres que produit
son éloignement. Elle lui amene les Auteurs
de sa disgrace , les enchaîne à ses pieds , et le
conduit avec un pompeux appareil dans les murs
d'Athénes , où les Vertus lui font cortege à la
honte des Envieux .
Pour la distribution des Prix , voici le D.ssein
du Balet General.
L'Emulation est une passion aussi noble et
aussi louable que l'Envie est un vice bas et odieux.
La premiere , bien differente de la seconde , ne
s'attriste point du bonheur et du succès d'autrui;
mais elle s'anime à égaler ou même à surpasser
les talens et les vertus qu'elle voit dans les autres
. Elle pique le courage sans exciter la jalou- ;
sie. Elle aspire au bien que possedent d'illustres
Rivaux , sans vouloir les en dépouiller ; elle tend
A iij à
1860 MERCURE DE FRANCE
à la même gloire , sans vouloir la leur ravir. Le
motif en est honnête ; c'est le desir de se perfectionner.
L'effet en est utile ; c'est le progrès des
Beaux- Arts , d'où résulte le bien public.
-- Telle est l'émulation que Minerve et Apollon
couronnent dans leurs jeunes Eleves , en leur dis :
tribuant des Prix et des Lauriers , qui sont les
heureux fruits de leurs veilles et de leurs travaux .
Aprés la distribution solemnelle des Prix , les
deux Divinitez rassemblent leur Jeunesse victorieuse
, et lui montrent un plus digne objet de son
émulation ; c'est l'Olympe où les Vertus appellent
leurs plus zelez Favoris. Elles en descendent'
pour en tracer la route à toute la Troupe des
génereux Aspirans. L'Envie 'sortant de son Antre
avec les Partisans , fait une nouvelle tentative
pour traverser la marche des Braves , que son
aspect rend d'abord immobiles . Mais bien - tôt
après ils reprennent courage, ils mettent en fuite
les Envieux , ils font une Fête en forme de
Triomphe ; et superieurs à tous les évenemens ,
ils parviennent enfin à l'Olympe, où ils vont être
à couvert de tous les traits de l'Envie .
Le 29 de ce mois, on donna au Théatre Fran
çois , la 16 Représentation de la Tragédie de
Péloppée , à laquelle le public prend toujours
beaucoup d'intérêt et de plaisir. Le principal
Rôle est excellemment joué par la Dlle Dufresne.
Ceux d'Atrée , de Thieste et d'Egyste sont
fort bien remplis par les Srs Sarrazin , Dufresne
et Grand-Val. On a suspendu les Représentations
de cette Piéce , pour la reprendre dans un
tems plus favorable.
Le 12. de ce mois , les Comédiens Italiens
donA
O UST . 1733 .
1861
donnerent une Comédie nouvelle sous le titre
de Bouquet , que le Public reçut favorablement.
On en parlera plus au long.
Le 20 Juillet , l'Opéra Comique donna une
Piece nouvelle d'un Acte , en Vaudevilles , qui a
pour titre l'Isle du Mariage , avec des Divertissemens.
Le 28. le même Opera Comique donna, deut
petites Pieces nouvelles d'un Acte chacune , en
Vaudevilles ; intitulée : Les Sinceres malgré eux
et le Départ de l'Opera Comique , avec des Divertissemens
.
que
Dans la seconde Piece , la Foire personnifiée
ouvre la Scene, et se plaint du mauvais état de sa
santé aussi - bien que de celle de l'Opera Comique
son fils , qui n'est pas meilleure la ŝienne
, étant sur son départ pour la Province. La
Foire charge Olivette , sa Suivante , de faire une
Recruë d'Acteurs et d'Actrices , pour former la
Troupe qui doit accompagner son Fils , et d'examiner
les differens talens de ceux qui se présenteront
. Un Maître à chanter vient le premier ,
accompagné de deux de ses Ecolieres ;l'une chante
un Récitatif , qui paroît trop sérieux à Olivette
pour l'Opera Comique ; elle dit au Maître
à chanter que le Vaudeville est le Chant qui
convient le mieux pour ce Spectacle : Le Maître
à chanter répond qu'il en a un tout prêt
ií et qu'il se fate qu'il sera tres- bien reçu ;
chante alternativement avec ses deux Ecolières
le Vaudeville suivant , dont Olivette est si fort
satisfaite , qu'elle les reçoit dans la nouvelle
Troupe.
Hi
VAU1862
MERCURE DE FRANCE
Que
VAUDEVILLE .
Ue les Mortels redoutent le trépas ,
Et que tout homme ait grande envie
De joüir long-temps de la vie ,
Cela ne me surprend pas :
Mais que chacun à l'abréger s'adonne ,
Et que pour en hâter le cours ,
Leur intempérance ait recours
Aux expédiens les plus courts ,
C'est-là ce qui m'étonne.

Que le Mari d'un Objet sans appas ,
Cherche un amusement aimable ,
Quoiqu'au fond il soit très - blâmable ,
Cela ne me surprend pas :
Mais que l'Epoux d'une Beauté mignonne ;
Qui de bien vivre a le renom
La quitte pour une Guenon ,
Qui jamais ne répondit non ,
1
C'est-là ce qui m'étonne.
Qu'à s'ajuster du haut jusques en bas ;
Iris , pour paroître jolie ,
Passe les trois quarts de sa vie "
Cela ne me surprend pas :
Mais qu'un Abbé tous les jours s'amidonne ,
Et
AOUST. 1733 . 1863
Et qu'à pas comptez ce Poupin ;
Sur la pointe de l'escarpin ,
Marche toujours droit comme un Pin ;
C'est-là ce qui m'étonne.
Qu'un Soupirant prodigue les ducats ,
Quand chez la Beauté qui le picque ,
Il est le premier et l'unique ,
Cela ne me surprend pas ;
Mais qu'au Pays où l'on danse et fredonne ;
Une foule d'enchérisseurs ,
Se ruinent pour des douceurs ,
Qu'ont goûté tant de Précurseurs ,
C'est-là ce qui m'étonne.

Que dans Alger on trouve des ingrats ;
Et que chez le Peuple Tartare ,
La reconnoissance soit rare ,
Cela ne me surprend pas :
Mais qu'à Paris mainte et mainte personne ,
Qui vint vous demander Lundi ,
Un plaisir qu'on lui fit Mardi ,
N'y pense plus le Mercredi ,
C'est- là ce qui m'étonne .
Cette Piece est terminée par un Ballet Pantomime
, inti ulé les Ages , représenté par quatre
differentes Entrées qui les caractérisent , et exe-
Hv cuté
1864 MERCURE DE FRANCE
cuté par de très- bons Sujets qui sont fort applaudis.
On trouvera l'Air noté du Vaudeville
au bas de la Chanson.
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
L
2
Es bruits qui ont couru d'une grande vic- !
toire remportée par l'Armée Ottomane sur
celle des Persans , non plus que la prise de Babilone
, ne se confirment point ; ils n'avoient
sans doute , d'autre fondement que la défaite
d'un corps de Troupes qui escortoient un Convoi
destiné à cette Place .
Des Lettres de Constantinople du 22. Juin ,
portent qu'Achmet- Pacha avoit écrit au Grand-
Vizir , que si les Persans entreprenoient de former
un nouveau Siege , il étoit en état de faire
une longue résistance ; que la Ville de Bagdat
étoit abondamment pourvûë de toutes les munitions
nécessaires , et que la Garnison étoit réso
lue à se deffendre jusqu'à la derniere extrémité.
On a appris par un Courier de Topal Osman,
que le Corps de 40000.- Tartares qui s'avancent
en Georgie , sous les ordres des Kans Islan et
Fetih , n'étoit qu'à deux journées de la Fronti
re.
Suivant les ordres qui ont été signifiez il y a
quelque temps aux Agens des Princes Mikal et
Mauro-Cordato , le premier a pris possession
de la Principauté de Valachie , et il a abandonné
au second celle de Moldavie.
A QUST . 1733. 1865
Les Habitans des Isles de l'Archipel , qui sont
sous la domination du G. S. s'étant plaints que
les Officiers de l'Escadre Algerienne , qui est à
Mosconisi , avoient enrôlé de force plusieurs Insulaires
, la Porte a fait déclarer au Commandant
de cette Escadre , que si tous les Vaisseaux
Algeriens ne se retiroient pas incessamment de
la Mer de l'Archipel , on les feroit traiter com,
me ennemis .
De Constantinople le 8. Juillet 1733.
Depuisle Le du mois de May dernier ,
Epuis la Lettre , Monsieur , que je vous
ou
je vous mandois que plus de 30000. Tartares
s'acheminoient vers la Perse par une nouvelle
route qu'ils s'étoient faite à travers les Rochers
du Mont Caucase , on a eu plusieurs avis qui
portent que leur nombre s'étoit acru de moitié
en chemin , et qu'ils étoient arrivez dans le Daguestan
; qu'ils s'y étoient joints aux Lesghis,Sujets
du G.S. qui habitent une partie des Montagnes
dont toute cette Province est composée;que
ces deux Peuples devoient aller incessamment
savager ensemble les Frontieres de Perse de ce
côté-là , et que les Lesghis , de l'autre partie du
Daguestan , qui est sous la domination des Moscovites
s'étoient la plupart révoltez pour se
mettre sous celle de l'Empire Ottoman. On dou
te cependant encore ici de la certitude de ces
nouvelles , parce que l'Aga , qui est allé par
ordre de la Porte, accompagner les Tartares dans
leur marche , et qui est chargé d'en venir rendre
compte , ainsi que de leur arrivée en Perse , n'est
pas encore de retour à Constantinople.
J'ajouterai à l'occasion des Tartares , que de
puis quelques jours il en vient par troupes aux
"
H vj
environs
1866 MERCURE DE FRANCE
environs de cette Ville , où ils campent avec
leurs chevaux , dont chaque Tartare en a amené ,
cinq ou six avec lui , pour charger son butin . Ce
sont des Volontaires du Budgiak dans la Bessarabie
, commandez par des Mirzas , ou petits
Princes du Pays , qui sans ordre du Khan de la
Crimée ni de la Porte , se sont déterminez de
leur propre mouvement à aller chercher fortune
en Perse. On compte qu'ils seront sept ou huit
mille ; on les expedie ici à mesure qu'ils arrivent
après un séjour fort court , en leur donnant des
Lettres de recommandation et des ordres pour
les Pachas et autres Officiers du G. S. qui doivent
les secourir dans leur passage par terre en
Asie , et les employer où ils jugeront à propos.
On attend tous les jours de Perse , des nouvelles
d'une grande importance ; quant à present
il ne se peut rien dire de positif sur l'état où sont
les affaires des Turcs en ce Pays - là . On assure
seulement que Topal - Osman- Pacha , a dû partir
de Mossul avec une grosse Armée , munie de toute
sorte de provisions en abondance , le 19. de la
Lune de Muharem , ce qui revient au 3c . de Juin;
qu'il marchoit dans le dessein d'aller faire lever
le blocus de Bagdad , et de combattre Thamas
Kouli Khan , qui commande une Armée Persanne
, à la verité , fort superieure par le nombre
à celle des Turcs , mais fort inferieure pour
la bonté des Troupes.
Quoique Djanum- Codja ait été fait Capitan-
Pacha pour la troisième fois dès le · ƒ . May , il
n'arriva cependant ici que le 8. Juin , parce que
quelques jours avant qu'on lui rendît cette dignité
et qu'on le retirât de Lepante , dont il étoit
Pacha depuis sa derniere disgrace , il y a deux
ans , on l'avoit nommé Pacha de l'Isle de Negrepont
A O UST . 1733. 1867
grepont , et ensuite de celle de Candie , de sorte
qu'à peine fut-il arrivé à cette premiere Isle
qu'il eut ordre de passer en Candie , où deux
jours après son débarquement , il reçut de nouveaux
ordres pour venir incessamment à Constantinople
reprendre la Charge de Capitan-
Pacha.
Abdi-Capoudan est mort le 12. Juin ; c'étoit
un homme doux et fort raisonnable . De Capitaine
du Port qu'il étoit , quand la Révolution
de Constantinople arriva le 28. Septembre 1730.
le G. S. Achmet III . avant que d'être détrôné ,
le fit Capitan - Pacha , mais il ne resta en place
qu'environ un mois , et il fut envoyé Pacha à
Napoli de Romanie , d'où on l'avoit fait venirpour
exercer , par interim , les fonctions de Capitan-
Pacha , ce qu'il a fait quoiqu'accablé d'infirmitez
, depuis le 16. May jusqu'au jour que
Djanum -Codja est revenu en dernier lieu remplir
cette importante Charge.
Le 28. Juin , ce nouveau Capitan - Pacha fit ce
qu'on appelle ici sa Sortie , c'est - à- dire , qu'il
alla avec toutes les Galeres , saluer le G. S. qui .
étoit dans un Kiose ou Pavillon du Serrail , au
rez - de -chaussée , sur le bord de la Mer. Sa
Hautesse le fit revêtir , suivant la coûtume
d'une Félisse de Samour , et fit donner un Caftan
à chacun des Beys ou Capitaine des douze
Galeres qui avoient accompagné la Bastarde ,
que Djanum- Codja montoit , et qui est pour le
rang comme la Reale ou la Patrone en France.
Après quoi toutes ces Galeres ayant fait chacune
une décharge de son Artillerie en passant devant
le Kiosc du Sultan , elles allerent moüiller
le long du Canal de la Mer Noire , du côté
d'Europe , depuis l'entrée du Port jusqu'à Bechik-
Tach. Le
1868 MERCURE DE FRANCE
Le 2. de ce mois , Djanum - Codja est parti
avec 10. Galeres seulement , les trois autres qui
rentrerent dans le Port
ayant apparemment
une autre destination. On dit qu'il va visiter
les principales Isles de l'Archipel , et de - là pren
dre le commandement des Vaisseaux du G. S.
qui ont pris les devans en differens temps an
nombre de douze , qui doivent être joints par
les cinq Vaisseaux que les Algeriens ont sauvés
de leur nauffrage aux Isles de Mosconisy , et
par deux ou trois autres qu'on acheve d'armer
ici , et dont un a déja fait voile depuis le départ
de Djanum- Codja.
Le Sultan Hassan , fils du feu G. S. Mustapha
, frere du G. S. d'aujourd'hui , mourut le
3. de Juin dernier , jour de la Fête du petit Bairam
, d'une maladie , dont , comme il arrive
d'ordinaire à la mort de ses pareils, le Public n'a
pas été bien informé. On dit que ce Prince , qui
avoit environ 34. ans , étoit beau , grand et bien
fait. C'étoit le cadet de S. H. et l'aîné du Sultan
Soliman,qu'on dit être aussi fort aimable, et qui
est le dernier des Enfans de Mustapha détrôné
en 1703. Je suis , &c .
LO
POLOGNE.
P. V. D.
E Primat et le Sénat prennent des mesures
pour que la République puisse mettre une
Armée considerable sur pied le mois prochain ;
on fait des levées dans tout le Royaume , et le
Régimentaire de la Couronne a reçû ordre de
faire prendre les armes à la trentiéme partie des
habitans du Pays qui ne sont pas Gentilshommes
, et qui sont en état de servir . La Noblesse
est
A O UST. 1733. 1869.
est prête aussi à monter à cheval , et elle parofe
résolue à deffendre jusqu'à la derniere extrémité
ses prérogatives contre les entreprises des Puissances
qui y voudroient donner atteinte.
On a fait avancer des Troupes sur les
Frontieres de Silesie , et elles doivent entrer dans
cette Province , si les Troupes Imperiales marchent
en Pologne.
Le 22. Juillet , le Primat remit au Comte de
Wilsech , la réponse à la déclaration que ce Ministre
lui avoit faite le 20. Juin de la part de
l'Empereur. Cette réponse contient que le Pri
mat et le Sénat n'ayant eu d'autre vûë que de
conserver l'union parmi la Noblesse et d'assurer '
sa liberté , et n'ayant fait depuis la mort du feu
Roy , aucune démarche qui ne tendît à ce but
ils ont lieu d'être surpris qu'on essaye de rendre,
leurs intentions suspectes à la Nation ; que c'est
faire une injure sensible à la Noblesse Polonoise .
que d'avancer qu'il y ait dans un Corps si jaloux
de ses prérogatives , quelqu'un qui ose impunément
entreprendre de contraindre les suffrages ,
employer pour cet effet les menaces et même la
violence , et qui fait dépendre les Déliberations
publiques de sa volonté particuliere ; que la République
verra toujours avec plaisir les Puissan
ces voisines la proteger , lorsque cette protection ,
ne deviendra pas une oppression , et que sous
prétexte de vouloir que la Nation soit libre , on
ne cherchera pas à lui ôter sa liberté , en se rendant
l'Arbitre et l'Interprete des Loix et des
Constitutions du Royaume ; qu'il appartient
aux seuls Polonois de les maintenir , de les abroger
ou de les interpreter ; et que comme ils ne
sont obligez de consulter aucune Puissance
Etrangere lorsqu'ils jugent à propos d'établir
quel
1370 MERCURE DE FRANCE
quelque nouvelle Loi dans leur Pays , ils n'ont
pas besoin du consentement d'aucun de leurs '
voisins pour déroger aux anciennes , quand ils
croyent que les circonstances le demandent ; que
si l'Empereur veut sincerement deffendre la liberté
de la Nation , c'est - à- dire , lui conserver le
droit d'être seule l'Arbitre et l'Interprete de ses
Loix , Sa Majesté Impériale satisfera en mêmetemps
à ce qu'elle se doit à elle-mê ‹ne , à
qu'elle doit à une République qui depuis longtemps
est son alliée , et qu'un dessein si conforme
aux regles de la justice , et si avantageux
au Royaume , excitera une sincere reconnoissance
dans les coeurs de tous les Polonois zelez
pour le bien public .
et ce ,
LETTRE du Roy de France au Primat.
MON ON COUSIN ,
Je vois avec plaisir par votre Lettre du 10.
Juin , que la Sérenissime République de Pologne
attend de moi les mêmes sentimens d'amitié dont les
Rois mes prédecesseurs ont toujours cherché à lui
donner des marques les plus distinguées . Animé du
seul amour de la liberté qui est le droit naturel et
fondamental de votre Patrie , vous n'en desirez
pour elle que l'entiere jouissance, et vous lui préparés
une gloire immortelle en annonçant à toute l'Europe
que quelque choix que la Serenissime République
fasse , elle veut toujours observer exactement et religieusement
les Traitez d'Alliance faits et renouvellez
avec ses Voisins . Quel appui et quelle pro¬
tection ne doit pas esperer un Royaume qui se conduis
avec des sentimens aussi purs , et dont il n'est
pas
AOUST. 1732 . 1871
paspermis de douter lors u'un Prélat aussi bien instruit
des Maximes de sa Nation en porte l'assuran
ce aux yeux detoutes les Puissances de l'Europe. Jela
reçois personnellement avec une veritable satisfaction
, et prét à seconder et soutenir en toutes occasions
des principes si justes et si conformes au bon→
heur de la Couronne de Pologne et à la tranquillité
du Nord, j'en ferai avec joye le fondement de la
protection dont j'ai chargé le Marquis de Monti ,
de donner les plus fortes assurances à la Serenissime
Republique . Veville le Seigneur , par une suite
de benedictions qu'il a si souvent et si visiblement
répandues sur la Pologne , inspirer l'esprit d'union
et de concorde , et réunir les suffrages sur un sujet
dont les sentimens lui sorent assez connus pour
qu'elle puisse compter qu'il ne se souviendra que de
ce qu'il devra au bonheur et au maintien de sa
Patrie , aussi-bien qu'à la gloire et à la propaga
tion de notre sainte Foy . Sur ce , je prie Dieu qu'il
vous ait , Mon Cousin , en sa sainte et digne
garde. Signé, LOUIS.
Ecrit à Compiegne le 6. Juillet 1733 .
Le Prêtre qui a été arrêté pour avoir distri
bué plusieurs Exemplaires de l'Ecrit intitulé ,
Lettre d'un Nonce à son Ami , ayant déposé
qu'ils lui avoient été remis par le Comte de Wackerbart-
Salmour , qui lui avoit donné de l'argent
pour l'engager à les répandre ; le Sénat et
une partie de la Noblesse , ont exigé que le Pri
mat écrivit à l'Electeur de Saxe , pour lui rendre
compte de l'accusation formée contre ce
Ministre , et pour demander justice de l'abus
qu'ils prétendent qu'il a fait de son Caractere,
L'Electeur de Saxe a répondu à la Lettre du
Primat , qu'il est également porté , et par l'honneur
1872 MERCURE DE FRANCE
neur qu'il a d'être fils d'un Roy de Pologne , et
par sa propre inclination , à faire tous ses efforts
pour maintenir la liberté et pour assurer
le repos et le bonheur des Polonois , qu'il ne
sçauroit croire que ses Ministres ayent osé faire
aucune démarche contraire à ses intentions et
à ses ordres , et qu'il est assuré en particulier
de la probité du Comte de Wackerbart- Salmour
, et du zele que ce Ministre a pour entretenir
une union sincere et durable entre la Saxe
et la Pologne ; que les plaintes faites contre ce
Ministre , ne sont fondées que sur la déposition
d'un témoin , que diverses raisons rendent suspect
; qu'il a lieu d'être surpris que sur un fondement
si leger , on air attaqué l'honneur de
ses Ministres , et qu'on se soit fait justice dans
le temps même qu'on paroissoit l'attendre de
lui ; qu'ainsi il demande une satisfaction proportionnée
à l'offense , que ses Ministres ont
reçue par une accusation qui blesse le respect
da à leur Caractere.
3
ALLEMAGNE.
ON apprend de Vienne ,que le 21. Juillet
les Régimens de Konigzeg , d'Althan , de
Dessoff et de Lichtenstein , quitterent le Camp
d'Oppelen , pour se rendre à celui que Sa Majesté
Imperiale a résolu de former près de Glogow
, entre Zerbaw et Graditz. Les Regimens
d'Hamilton , de Caraffe et de Staremberg , se
mirent en marche le 24. et ils furent suivis le
26. par ceux de Welzeck , de Kevenhuller , et
de Bathuany
.
ITALIE
AOUS T.
1733. 1873
ITALIE. .
Lacier
E P. Sciamuci , Gardien du Convent des Cordeliers
de Férentino , fut tué sur la fin du
mois dernier en arrivant à Rome , d'un coup de
fusil que lui tira un inconnu qui n'a pû être
arrêté.
Le Pape a fait publier un Decret , par lequel
il est deffendu , sous peine d'excommunication ,
à tous Religieux , dans l'étendue des Terres de
P'Etat Ecclesiastique , de vendre aucune drogue
médicinale préparée .
MORTS ET MARIAGES.
des Pays Etrangers.
LE25
E 25 Juin 1733. Catherine Juanowna , née
Princesse de Moscovie , épouse de Charles
Léopold , Duc de Meckelbourg- Schwerin , avec
lequel elle avoit été mariée le 19 Avril 1716 ,
mourut à Petersbourg , dans la 42 année de son
âge , étant née le 28 Janvier 1692. Elle étoit
soeur aînée d'Anne Juanowna, née le 7 Juin 1693 .
actuellement Czarine et grande Duchesse de
Moscovie , et fille de Jean Alexiowitz , Czar et
grand Duc de Moscovie , mort le 26 Janvier
1696.et de Proscovie Foederowna - Solticow. Elle
laisse une fille unique , nommée Elizabeth- Catherine
Christine ' de Meckelbourg , née le 18
Décembre 1718. qui est élevée à la Cour de la
Czarine , sa tante.
Le Prince, Regent de Sultzbach, est mort à sa
rési18-
4 MERCURE DE FRANCE
>
résidence de Saltzbach , le 20 Juillet , dans la 4
année de son âge , é ant né le 23 Janvier 17003
il se nommon Jean Christian , Duc de Biviere
Comte Palatin du Rhin. , R gent de Su tzbach.
Il étoi. fils de Théodore, Dic de Baviere, Cointe
Palatin du Rhin à Silzbach , mort e I
Ju llet 17 : 2 , dans la 74 année de son age , et
de Marie Eléonore - Amélie de Hesse Runfis
Rothembourg , morte te 27 Janvier 1720. Il
avoit été marié , le 15 Février 1722
·
avec
Henriette de la Tour , Marquise de B rg - Op-
Zoon , morte de la Petite Verole , le 28 Juillet
1728. à l'âge de 20 ans , file unique de François
Egon de la Tour , Prince d'Auvergne , Marquis
de Berg- Op - Zoom , mort le 26 Juillet 1710 , et
de Marie- Anne de Ligne d'Aremberg , et 2°. le
20 Decembre 1730. avec E éonore de Hesse
Rhinfels Rothembourg, née le 18 Octobre
1712. soeur de la Reine de Sardaigne , et de la
jeune Duchesse de Bourbon , et fille d'Ernest
Léopold Landgrave de Hesse- Rhintels - Rochem
bourg , et de Marie-Anne de Lowenstein . Il n'a
point eu d'enfans de cette seconde femme , mais
de la premiere il laisse Charles Philippe , Duc
de Baviere , Comte Palatin du Rhin , à present
Prince regnant de Sultzbach , fils unique , né
le 11 Decembre 1724. et qui est élevé à Bru- .
xelles auprès de Marie- Henriette Caretto de
Grana , sa bis-ayeule maternelle , veuve de Philippe
Charles François de Ligue Prince et Duc
d'Aremberg et d'Arschot. Ce jeune Prince est
héritier présomptif de l'Electorat du Rhin , et
des autres Etats héréditaires de l'Electeur, Comte
Palatin du Rhin.
La naissance du Prince , dont l'Electrice de
I
Saxe
AQUS T. T733 . 1875
Saxe accoucha le 13 Juillet , fut célébrée à Dresde
pendant trois jours consécutifs par de tresgrandes
réjouissances . Il y a eu tous les soirs
des Feux et dés Illuminations dans toute la Vil
le . Ce Prince fut baptisé le 14 il fut tenu sur les'
Fonts au nom de l'Empereur , du Roy de Dannemark
; et de la Cżarine ; et il fut nommé
Charles-Chrétien-Joseph- Ignace - François - Xavier.
Le 19 l'Electeur fit chanter dans la Chapelle
du Palais le Té Deum , au bruit de plusieurs
décharges de l'Artillerie des Remparts et de la
Mousquererie de la Garnison .
La Reine de Sardaigne accoucha le 23 Juillet
dernier d'un Prince.
FRANCE,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
L
E Roy a nommé le Maréchal Duc
de Berwick , pour commander depuis
la Meuse jusqu'au Rhin ; il a pris
congé de Sa Majesté , et il est pirti
17. de ce mois pour se rendre à Metz .
le
S. M. a accordé au Marquis de Conflans
, l'agrément du Régiment d'Auxerrois
, dont le Marquis d'Oisy étoit Colon.
l.
Le Chapitre General des Benedictins
de
1876 MERCURE DE FRANCE
de la Congrégation de S. Maur , assem
blé à Marmoutier , a élû le 2. Juillet le
R. P. Dom Hervé Ménard , pour Géneral
. Il étoit cy - devant Premier Assistant
, puis Vicaire general depuis la mort
du dernier General. Le R. P. Dom Claude
du Pré , Grand - Prieur de l'Abbaye
Royale de S. Germain des Prez , a été
fait premier Assistant , le R. P. Dom
René Lanau , second Assistant , et le.
R. P. Dom Pierre Maloet , a été nommé
Prieur de S. Germain des Prez.
Le 16. Août après midy , le Roy par-.
tit de Compiegne , et S. M. vint coucher
au Château de Chantilly. Elle prit
le divertissement de la Chasse du Sanglier
et du Cerf, le 17. et le 18 ; et le 19.
le Roy en partit et arriva à Versailles
vers les huit heures du soir.
Le 17. le Corps de Ville fit l'Election
des deux nouveaux Echevins , qui sont-
Mrs de Vildé , Conseiller de Ville , et
M. Josset.
Le 23. le Corps de Ville alla à Versailles
, et le Duc de Gesvres , Gouver
neur de Paris , étant à la tête ; il eut
audience du Roy avec les ceremonies
accoûtumées. Il fut présenté à S. M. par
le
A O UST. 1733 1877
le Comte de Maurepas , Secretaire d'Etat
, et conduit par le Grand-Maître et
Maître des Ceremonies . Les deux nouveaux
Echevins préterent le Serment de
fidelité , dont le Comte de Maurepas fit
la lecture ; le Scrutin avant été présenté
par le sieur du Tillet de la Bussiere ,
Conseiller au Parlement , qui parla avec
beaucoup d'éloquence.
Le 24. les Députez des Etats de Languedoc
, eurent audience du Roy , étant
présentez par le Prince de Dombes
Gouverneur de la Province , en survivance
du Duc du Maine , son Pere , et
par le Comte de S. Florentin , Secretaire
d'Etat , et conduits en la maniere accoûtumée
, par le Grand- Maître et le Maître
des Céremonies. La Députation étoit
composée de l'Evêque d'Agde , pour le
Clergé , qui porta la parole ; du Vicomte
de Polignac pour la Noblesse , des sieurs
de Saint Sébastien et Brigaud , Députez
du Tiers Etat , et du sieur de Montferrier
, Syndic general de la Province.
Ces Députez eurent ensuite audience de
la Reine avec les mêmes Ceremonies.
L'Académie Françoise celebra le 252
de ce mois la Fête de S, Louis , dans la
Cha18-
8 MERCURE DE FRANCE
Chapelle du Louvre. Pendant la Messe
on chanta un très -beau Motet en Musique
, de la composition du sieur Dornel
. Le R. P. Tournemine , de la Compa
gnie de Jesus , prononça le Panégyrique
du Saint , avec autant d'onction que dé-
Loquence. Son Discours fut fort applau
di . L'après midi l'Académie adjugea e
Prix d Eloquence rés rvé de l'année derniere
à une Piece qui fut luë par M.l'Abbé
Sallier ; l'Auteur qu'on dit être Provençal
, ne s'est point encore fait connoître
. Elle donna ensuite le Prix de
Poësie à M. Isnard , de l'Oratoire ,
aussi Provençal , Professeur d'Eloquence
au College de Soissons , présent à l'Assemblée.
Sa Piece est une Ode , dont la
lecture par M. Danchet , fit beaucoup de
plaisir . Les Prix dont on vient de parler
sont une Médaille d'or , la derniere qui
a été frappée pour le Roy et dont nou
avons donné la gravûr dans le Mercure
du mo's de Février dernier , p . 34 La
Séance finit par le Tribut de l'Académie
de Soissons . qui fut une Ode lû : par
M. l'Abbé Gédouin , imitée de celle d'Horace
, sur les innocens plaisirs de la Campagne.
Le même jour l'Académie des Inscriptions
et Belles- Lettres , et celle des Sciences
C
1879
AOUST. 1733.
Jes
Мо
Dot
lat
des
Ab
de
ees , celebrerent la même Fête dans l'Eglise
des P P. de l'Oratoire . Il y eut aussi
un beau Motet pendant la Messe , de la
composition du sieur du Bousset , après
laquelle le R.P.Coulomb , Dominiquain du
Noviciat , prononça , avec beaucoup de
succès , le Panegyrique de S. Louis.
Le 15. Août , Fête de l'Assomption de la
Vierge , il y eur Concert Spirituel au Château
des Tuilleries , où l'on chanta le Lauda Jerusa-
Po lem , Motet de M. de la Lande , après lequel la
Dlle Petitpas chanta seule un Moter du sieur le
Maire , avec beaucoup d'applaudissement. Le
sieur Jeliot , dont la belle voix fait tant de plaisir
, en chanta un autre seul , de la composition
de M. Mouret , qui fut goûté et applaudi d'une
très - nombreuse Assemblée , et après plusieurs
Pieces de Simphonie , executées par les sieurs le
de Clerc et Blavet , le Concert fut terminé par le
Dominus Regnavit , Motet de M. de la Lande.
те
ie
11.
Il y a eu plusieurs Concerts chez la Reine
endant le mois de Juillet dernier , M. de Blamont
, Sur- Intendant de la Musique du Roy ,
a fait chanter les Lundis et Mercredis les Opera
d'Atys , de Roland et d'Iphigenie , dont l'exécu¬
tion a fait beaucoup de plaisir.
Le 3. le I2. et le 18. Août , on concerta le
Balet de l'Europe Galante , dont les principaux
Rôles et ceux des Concerts précedens , ont ét
chantez par les meilleurs Sujets de la Musiqu
du Roy et par ceux de l'Académie Royale´d
Musique.
5
Le I
1380 MERCURE DE FRANCE
·
Le 25. Fête de S. Louis , les Vingt - quatre
Violons de la Chambre du Roy executerent
pendant le dîner de S. M. plusieurs Suites de
Simphonies , de la composition de M. de Bla
mont , Sur- Intendant de la Musique du Roy.
DISCOURS prononcé par M. de
Ponsan, Trésorier de France à Toulouse,
le 28 Juillet dernier , en prenant séance
dans l'Académie des feux Floraux,
MESSIE
ESSIEURS ,
Je ne puis être redevable qu'à vos
bontez de la Place que vous m'avez accordée
dans cette illustre Compagnie ;
vos suffrages unanimes me comblent
d'honncur ; j'attendois avec impatience ,
le moment de vous assurer que je suis
rempli des sentimens de la plus juste et
de la plus vive reconnoissance , rien ne
troubleroit aujourd'hui ma joye, si je pouvois
vous parler dignement de cette faveur
inesperée.
Vous avec rempli tour à tour, MESSIEURS,
le devoir dont je m'acquitte ; il a offert à
chacun de vous une occasion favorable
pour confirmer vos nouveaux Confreres
dans l'opinion avantageuse qu'ils avoient
de Vous ; en les remerciant de la grace
qu'ils vous faisoient , vous les convainquites
AOUST. 1733. 1881
quites qu'ils pouvoient , à juste titre , se
glorifier de leur choix. Votre esprit déconcerta
, malgré vous , votre modestie.
Vous parlâtes de votre prétendue insuf- .
fisance , et tous ceux qui vous écoutoient
admirerent votre heureux génie.
Je ne dois pas , MESSIEURS , esperer le
même avantage ; ce qui m'éleve aux yeux
de tout le monde, và m'humilier devant
vous ; et l'estime du public que vous me
procurez ne sçauroit me dédommager de
la vôtre , que je crains avec fondement
de ne pas mériter aujourd'hui .
Vous avez pû vous plaindre , avec raison,
que le sujet que je traite étoit épuisés
mais vous avez fait voir qu'il ne l'étoit
pas pour vous. Je n'oserois former la même
plainte . elle seroit en moi un sentiment
de vanité : Non , MESSIEURS, quoique
vous m'ayez précédé , vous ne m'avez
pourtant rien enlevés vos ingénieuses
et sublimes pensées n'étoient pas à ma
portée.
- Les obligations que je contracte sont
sans doute au dessus de mes forces , et je
ne sçaurois les remplir ; pour vous dédommager
, vous trouverez en moi un
observateur constant de vos usages et de
vos Loix : J'ose le dire , vous serez satișfaits
de mon zéle pour les interêts de cet-
I ij te
882 MERCURE DE FRANCE
te Compagnie , et de mon assiduité à vos
Exercices Académiques.
Mais je puis , MESSIEURS, vous présenter
en ma faveur un objet plus interes-
Sant ; ma nomination va réveiller l'ardeur
de tous ceux qui ont quelque talent
pour les Belles Lettres ; ils oseront à présent
aspirer à l'honneur de vous être´associez
la distance qu'ils voyoieut entre
vous et cux les intimidoit , chacun de
vous tour à tour les avoit jetté dans le
découragement , je fais renaître en eux
l'espoir flateur qui excite leur émulation ;
il va les remplir d'une nouvelle affection
pour travailler à se rendre dignes de vos
suffrages. C'est ainsi , MESSIEURS, qu'après
avoir assuré la gloire de cette Compagnie
par les précedentes Elections , vous
yous faites un plaisir , digne de vous , de
favoriser par celle cy , le progrès des
Belles -Lettres.
Ce fut par des motifs plus honorables
que le digne Académicien ( a ) dont je
remplis ici la Place , attira votre attention
; je puis mêler mes larmes avec les
vôtres. J'ai perdu , comme vous , un
confrere avec lequel j'étois depuis longtemps
tres- uni : j'ai été témoin des re-
( a ) Feu M. de Nolet , quatrieme Trésorier de
France de safamille.
grets
A O UST. 1733. 1883
NO
grets d'une Compagnie à laquelle il n'étoit
pas moins cher qu'à la vôtre, et qui
rése compte ses Ayeuls depuis plus d'un siéete
-ale
cle au nombre de ses principaux ornemens
,l'honneur qu'il avoit, MESSIEURS ,
d'être parmi vous , fait l'éloge de son
P esprit , et le grand nombre d'amis qui lui
ca étoient attachez , fait celui de son coeur.
ent Nous voïons , avec douleur , périr avec
lui toute l'esperance d'une noble et ancienne
famille qui avoir de tout temps
aimé , cultivé , protégé les Sciences et les
OB Sçavans , et dont la Maison a toujours
-iot été le séjour et ( a ) l'azyle des Muses.
Cu
VOI
rès
Da
ם ש
de
S.
Je n'ose poursuivre , il faut faire violence
à mon inclination ; me conviendroit-
il de m'étendre davantage sur un
süjet qui vient d'être traité depuis peu si
dignement devant vous (b) . Je dois d'ailleurs
, s'il en est encore temps , me ménager
le mérite de la briévete , qui est le
seul dont je pouvois m'assurer.
( a ) La Maison de Mrs Nolet a de tout temp
été ouverte aux Sçavans. M. Regis , fameux Phi
losophe du siecle passé, loge a long- temps chez M.de
Nolet , l'ayeul du dernier mort , et il y fit même
des Leçons de la nouvelle Philosophie à quantité de
jeunes gens que sa réputation attiroit.
de
(b ) M. d'Aldiguier avoit prononcé depuis peu
jours dans une Sceance Académique l'Eloge de feu
M. de Nolet.
I iij Je
1884 MERCURE DE FRANCE
Je me borne donc , MESSIEURS , à vous
prier d'être convaincus que si j'avois pû
rendre ma reconnoissance aussi éloquente
qu'elle est vive et sincere , je l'aurois fait
parler d'une maniere qui eut de bien loin
surpassé votre attente.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Clermont
- Ferrand , le7 Août 1733. sur l’Ecroulement
du Terrain de Pardines ;&c,
V
Oici , MONSIEUR , quelques circonstances
que vous pouvez ajouter
à la Relation que je vous ai envoyée sur
l'Evénement de Pardines.Je les tiens d'un
Magistrat tres - digne de foy , témoin oculaire,
et qui a un Château tout auprès de
Pardines. Vous sçavez que cette Paroisse
' est à une lieuë d'Issoire ; mais vous ferez
peut-être bien aise de sçavoir qu'elle dépend
de la Seigneurie de S. Cirgues , que
le Maréchal d'Alégre avoit acheptée du
Marquis de Canillac. Le Château ja été
bâti par les Boyers d'Issoire ; le Cardinal
Antoine , Archevêque de Bourges , êtoit
de cette Maison-
1
L'Ecroulement commença , comme on
l'a dit , le 23 du mois de Juin dernier.
Les Métayers des S" Bouchet et du Broc
s'en apperçûrent étant à table ; leur plus
proche voisin ne croyant pas que cet accident
A O UST. 1733.
1885
cident deviendroit si général , vint leur
aider à déménager ; mais un bruit qu'il
entendit l'ayant obligé de retourner chez
lui , il trouva sa maison de fond en comble
enfoncée dans la terre.
Pendant la nuit quelques autres Maisons
furent ainsi englouties ourenversées ,
mais d'une maniere moins subite, jusques
au lendemain que l'effort du Terrain fut
plus grand. Depuis 7 heures du matin
jusqu'au soir , la Colline se fendit en
deux perpendiculairement , et l'ouverture
étoit de 60 pieds de profondeur. La
violence de ce Torrent ,pour parler ainsi ,
entraîna tout ce qui se présentoit, Arbres ,
Pierres , Maisons , Rochers , rien ne pût
résister à son impétuosité , et ces divers
débris ne s'arrêtérent qu'à plus de 300
toises d'éloignement dans une Prairie, où
une Chaussée leur servit de Digue. Les
Arbres poussez jusqu'à cette Chaussée ,
par l'effort de l'Ecroulement , se rangerent
en maniere de Palissade .
Le Terrain de ce lieu paroît aujourd'hui
comme une Colline qui s'est formée
de tous ces Décombres , qui ferme
entiérement deux grands Chemins , celui
d'Issoire à Clermont , et celui d'Issoire
à Milland ; de sorte que les Voyageurs
sont obligez de se faire un nouveau
I iiij
che1886
MERCURE DE FRANCE
chemin entre la petite Riviere de Couse
et les terres écroulées ; et c'est un bonheur
que ces terres n'ayent pas été poussées
jusqu'au lit de cette Riviere , qui
n'en est éloignée que de so pas ,puisqu'elles
eussent comblé son lit , et tout le
Païs superieur eut été inondé.
Ce qu'il y a de singulier , et qui forme
un point de vûë , qui surprend ceux
qui abotdent la Plaine , ce sont une douzaine
de Piliers ou especes de Colonnes
isolées de différente hauteur , dont quelques
- unes sont extrémement déliées ,
n'ayant qu'un pied de diamètre ; il y en
a qui sont tout à fait rondes , et d'autres
d'un ovale imparfait ; sur l'une on voit
du blé , sur l'autre du chanvre , et sur
quelques autres un sep de vigne , sans
qu'il soit à craindre que les Chèvres l'aillent
brouter. Ces Colonnes sont apparemment
restées sur le Roc , qui leur a
servi de Baze , laquelle n'a pû être ébranlée
à cause de sa solidité. On voit encore
avec surprise , sur la plus large de ces
Colonnes , un Colombier tout entier ,
mais un peu panché ; et l'on a recueilli
sur une autre , une vingtaine de Gerbes
d'Orge.
Cet Ecroulement a duré jusqu'au 29
Juin , mais à différentes reprises . Il y a
même
AOUST. 1733. 1887
même une Maison qui ne s'est écroulée
que le 18 de Juillet , avec une petite
portion de la Colline. Vers le sommet ,
on voit actuellement des ouvertures de
la largeur d'un pied et demi , dans les
quelles si on jette une pierre , on l'entend
tomber avec grand bruit dans le
fond du précipice , que le Rocher a formé
en se détachant. Nouveau sujet de
crainte pour les Pardinois , et d'exercice
pour les Physiciens .
Au reste , si cet Ecroulement ex singulier
et presque general dans le territoire
de Pardines , il n'y est pas tout à fait
nouveau. Il y a plus de 30 ans qu'une
Grange nouvellement bât e , avoit manqué
par le fondement , et que plusieurs
Bâtimens s'étoient crévassez . Il y a environ
5 ans qu'on fut obligé d'étayer une
Maison , la voûte d'en bas , quoique faite
solidement , s'étant fendue. Sept ou huit '
jours avant le dernier Ecroulement , les
bois dont on avoit étayé cette Maison , se
rompirent par l'effort du terrain ; ce qui
engagea le Curé d'exhorter les proprietaires
de quitter une demeure si dangereuse
.
La Grêle a fait aussi de grands ravages
dans la Province d'Auvergne . Plus de
cent Paroisses en ont ressenti de terri-
I v bles
1888 MERCURE DE FRANCE
bles effers , puisque comme jevous l'ai dé
ja marqué elles sont hors d'esperance de
faire aucune récolte cette année Le hâteau
de Fontenilles ppartenant à M de
Ribeyre , premier Président de la Cour
des Aydes de Clermont , et les environs
de Billon et de Maringus ont été les plus
endommagez. Le Feu du Ciel vient de se
joindre à ce dernier accident ; il a brûlé à
Orcet , Prieuré sur le chemin d'Is oire
16 à 18 Maisons et quelques Grange, picines
de Foin et de Blé. Il est aussi tombé
sur l'Hôpital des Fieres de la Charité à
Effiat. On m'a assuré que le Tonnere
étoit gros comme une Boule à jouer
aux Quilles. Ce Globe après avoit consi
dérablement endommagé les Toits de cet.
Hôpital , depuis peu réparez des dé ordres
que la Grêle y venoit de caus r est
ensuite entré dans l'Eglise , où il a brulé
une partie de la Balustrade er de là est
allé porter le feu dans une Chambre où
fla consommé environ cinquante livres
de Chanvre.
DIS
AOUST. 1733. 1889
DISCOURS prononcé par M. PEvêque
Duc de Laon , dans son Eglise
Cathedrale , pour la Benediction des
Etendarts du Régiment de LA CORNETTE
BLANCHE , au mois d'Août
1733.
Per turmas , signa atque vexilla, Castrametabun
tum Filii Israel . per gyrum Tabernaculı Foederis.
Num 2.
I
de
plus
L n'est rien , MESSIEURS ,
gréable gré ble au Seigneur que les hommages
des Guerriers. Mettre au pied de ses
Autels des Erendirts , c'est le reconnoître
pour le Dieu des Combats , le Dieu
des Triomphes et de la Victoire ; c'est lui
donner le titre sublime de Dieu des Armées
, qu'il prend lui- même si souvent
dans les Saintes Ecritures : Dominus Deus
exercituum.
Avec quelle complaisance ne jette til
donc pas les yeux sur cette auguste Céré
monie , sur cette Pompe brillante , avec
laquelle vous venez révérer dans son
Temple sa Grandeur et sa Puissance.
Oi , MESSIEURS , c'est parce que vous
l'avez toujours reconnu comme l'arbitre
suprême de votre destinée et l'unique
source du véritable héroisme , qu'il a ré--
Ivi panda vj
1890 MERCURE DE FRANCE
pandu tant de Gloire sur votre Illustre
Corps , et qu'il lui a donné de si fréquens
et de si heureux succès .
>
Il est vrai que tout a concouru à
vous les procurer , ces succès éclatans
conduits autrefois par M. de Turenne
c'est-à dire , par un Héros dont les rares
qualitez égaloient la haute Naissance ; et
commandez aujourd'hui par un Seigneur
du même Sang et de la même valeur
, il n'est pas surprenant que la Victoire
vous ait fuivi par tout, et que dans
le temps même de la Paix , la Gloire ne
Vous ait pas abandonné . Que vous ayez
fait tant de prodiges en Allemagne et en
Italie ; que M. de Turenne se soit crû invincible
à la tête de votre Régialent; que
Messieurs deCatinat et deVilleroy l'ayent
comblé d'Eloges; qu'à Luzara et à Calciil
ait ravi d'admiration M. le Duc
de Vendôme ; que vous soyez devenus ,
pour ainsi dire , sa Troupe favorie
qu'au lieu de prendre dans l'Infanterie
selon l'usage ordinaire , une Garde pour
sa Personne , il n'en ait pas voulu d'autre
que des Cavaliers si braves et si vigilans.
nato ,
et
3
Mais l'on peut dire aussi que sans le
secours du Tres- Haut , ces grands Capitaines
n'auroient pû inspirer à leurs Trou
pes de si glorieux sentimens.
A O UST. 1733. 1891
Oui , je le répéte , si vous avez été jusqu'ici
la terreur des Ennemis par votre
bravoure ,et si vous êtes aujourd'hui l'ornement
de l'Etat par votre Naissance et
vorre Probité , c'est qu'autrefois , comme
aujourd'hui , vous avez offert à Dieu vos
Armes avant les Batailles , et vos Trophées
après vos Victoires. Cette succession
de courage qu'on admire dans votre
invincible Légion , et qui a fourni aux
Armées du Roy des Généraux si distinguez
, n'est autre chose que la récompense
d'une si constante vertu .
Venez donc , Illustres Guerriers , consacrer
encore au Seigneur les préparatifs
de vos nouveaux Combats : Venez vous
dévouer vous - mêmes à la défenfe des
Autels de votre Dieu , de l'autorité de
votre Roy et de la sûreté de votre Patrie .
Semblables à cette Colomne de feu qui
brille sur vos Etendarts , continuez de
montrer aux autres le chemin de la Gloire
, et de leur apprendre, par votre exemple
, qu'il n'y a pas de valeur plus parfaite
que celle qui est soutenue par l'esprit.
de Religion .
Tel est . MESSIEURS , la grande , mais la
juste idée que vous laissez de vous dans
une Contrée qui ne vous perd qu'avec un
regret infini , et qui édifiée de la sagesse
de
1892 MERCURE DE FRANCE
de votre conduite , ne ces era de la proposer
pour modele à ceux qui vous y succederont.
Plaise au Ciel d'exaucer les voeux que je
fais pour une si noble Portion de nos Armées
, et après vous avoir accordé mille
Triomphes sur la terre , vous couronner
ensuite d'une gloire qui ne passera jamais.
"MORTS , NAISSANCES
LE
et Mariages .
E 7. Juillet , Henry- Louis Colomne
u Lac , de Parthenay , en Poitou
Docteur en Theologie , Doyen de l'Eglise
Royale et Collegiale de S. Marcel
les Paris , nommé en 1732. à l'Abbaye
de Landais , Ordre de Cîteaux , Diocèse
de Bourges , mourut en sa maison Déconale
, agé de 80. ans 3. mois. Il étoit
fort curieux et amateur de Fleurs , et
it en cultivoit des plus belles et des plus
rares dans son Jardin à Paris.
Le 25. Juillet , D. Marie - Anne Leoward,
Epouse de M. Daniel Chardon ,
Conseiller en la Cour des Aydes de Paris
, mourut après une longue maladie ,
laissant un fils unique , âgé de deux ans
et demi.
AOUST. 1733 . 1893
Le 27. Juillet , D. Marie Genevieve
Anyot , Epouse de M. Paul Emile de
Braque , Chevalier , Seigreur. du Luat ,
er du Fief de Domont , scis à S. Brice ,
Sarcelles et environs , et fille de Benoît-
Jean- François Amyot , Seigneur d'Inville
, Conseiller en la Cour des Aydes.
de Paris , et de D. Marguerite Yvonnet
mourut à Paris , âgée de 33. ans , et fut
inhumée le lendemain à la Me cy , liew
de la sépulture de la famille de Braque ,
qui étoit déja considerable sous le Regne
de Philippe de Valois , dans le 14.
siecle , et c'est d'elle que la rue de Braque
tire son nom. La Marquise de Braque
, qui vient de mourir , avoit éte marite
le 12. Juin 1724 et n'a laissé que
des filles .
Le 28. Juillet, Jacques Gerffy, Ecuyer,
Seigneur de Coiffy , Nozry er S Etienne,
autrefois Lieutenant au Régiment des
Gardes Françoises , mourut à Paris tout
sub tement en sortand dîner , âgé d' nviron
60. ans et sans avoir ét ' marié ,
laisant pour heritier Marc - Antoine
Geoffroy de Coiffy , Abbé Commardataire
de l'Abbaye de Cercanç ux riocèse
de Sens , et D. Anne Geoffroy
de Coiffy , veuve de Henry Pa ot . Seigncur
du Bouchet , Secretaire du Roy ,
mort
1894 MERCURE DE FRANCE
mort le 4. Octobre 1713. ses frere et
soeur.
D. Marie Megret , fille de François
Nicolas Megret , Seigneur de Passy , Conseiller-
Secretaire du Roy , Maison Couronne
de France et de ses Finances , et
Grand- Audiencier de France , et de Marguerite
Beaucousin , Epouse de Claude
Pellot , Comte de Tréviers , Seigneur des
grand et petit Deffand , Port - David ,
Saillencourt , &c. Conseiller au Parlement
de Paris , avec lequel elle avoit été
marié le 29. Avril 1726. mourut d'une
maladie de poitrine à la Campagne au
commencement du mois d'Août 1733-
laissant deux fils en bas âge.
Jacques d'Iliers de Balsac d'Entragues?
appellé le Marquis d'Illiers , Maréchal
des Camps et Armées du Roy , et Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis ,
qui s'étoit retiré depuis 2. ans dans la
Maison des Prêtres de l'Oratoire à Notre-
Dame des Vertus , y mourut vers le
commencement de ce mois , âgé d'environ
65. ans , sans avoir été marié . Il avoit
été autrefois successivement Guidon des
Gendarmes Flamans , en 1689. Enseigne
des Gendarmes de Bourgogne , en 1690.
Sous-Lieutenant des Chevaux - Legers de
Berry , en 1693. et enfin Capitaine Lieutenant
A O UST. 1732. 1895
tenant de cette Compagnie en 1703. II
fut fait Brigadier le 10. Février 1754.
et Maréchal de Camp le 20. Mars 1709 .
Il avoit eu pour freres pui nez , Henry
Comte d'Illers , Capitaine de Vaisseau
du Roy , mort au Pont S. E prit , en
revenant de Toulon , le 26. Novembre
1727. qui avoit épousé la fille de Marcellin
Florent de Selles , Trésorier general
de la Marine , dont il n'a laissé qu'une
fille en bas âge ; et le Chevalier d'Illiers ,
tué à la bataille de Ramilles en 1706.
Ils étoient tous trois fils de Henry d'Illiers
de Balsac, Seigneur de Chantemesle,
Beaumont , la Grange , &c. Sous - Lieutenant
de la Compagnie des Chevaux-
Legers de la Garde du Roy , tué au Combat
de Senefen 1674. et de Louise- Magdeleine
de Grimouville,
Le 20. Août , D. Catherine Henriette
Feydeau , Epouse d'Arnaud - Paul de Fieubet
, Mestre de Camp de Cavalerie , et
Enseigne des Gendarmes de la Garde ordinaire
du Roy , accoucha d'une fille ,
son second enfant , qui fut nommée par
M. Pierre Gilbert , Seigneur de Voisins ,
Premier Avocat General au Parlement
de Paris , son oncle paternel , à cause de
D. Anne-Louise de Fieubet , sa femme i
ct
1896 MERCURE DE FRANCE
,
et par D. Catherine Croiset , veuve de
M. Guillaume Briconnet , Comte d'Auteüil
vivant Président en la troisiéme
Chambre des Enquêtes du Parlement de
Paris sa grande - tante maternelle , et
sceur de D. Marie Louise Croiset , veuve
de M. Henry Feydeau , Seigneur de Calende
, vivant , aussi Président aux Enquêtes
du même Parlement, Ayeule maternelle
de l'Enfant.
و
Le 3. Août , fut celebré à Malesherbes
en Gâtinois , le Mariage de César - An
toine de la Luzerne , Comte de Beusseville
Seigneur de Moulin - Chapelle
Houllebec , & c. Mestre de Camp du Régiment
de Cavalerie des Curassiers du
Roy , et Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , veuf de Germaine Françoise
de la Vieuville , morte le 19. Décembre
17 29. à l'âge de 22. ans ; avec Dlle Ma
rie - Elisabeth de Lamoignon de Blancménil
, née le 10. Mars 1716. fille aînée
de Guillaume de Lamoignon , Seigneur
de Blancménil , du Bourget , de Malesherbes
, &c . Président au Parlement de
Paris , et de D. Anne Elizabeth Roujault,
sa seconde femme. La Maison de la Luzerne
est une des plus anciennes de la
Province de Normandie , étant connuë
par
AOUS T. 1733. 1897
par titres dès la fin du 13. siecle. Elle
porte pour Armes d'azur à la Croix
d'or encrée , chargée de 5. Coquilles de guenles.
Le nouveau Marié est fils aîné de
Gui-Cesar de la Luzerne , marquis de
Beusseville , Baron de Garencieres , et de
Beaudemont , Seigneur de Lorcy et de
Courteville , Capitaine des Côtes de la
Mer en Normandie , cy - devant Cornette
des Chevaux -Legers de la Garde du Roy,
et de deffunte D. Magdeleine- Françoise.
de Pommerciil , Dame de Moulins- Chapelle
, morte le 12. May 1725. Il avoit
eu de sa premiere femme un fils unique ,
nommé Cesar- François de la Luzerne ,
né le 16. Décembre 1729. mais cet enfant
mourut le 15. Août 1732.
Le 10. Août , Alexandre- Maximilien-
Balthasar Dominique de Gand - Villain
de Merode et de Montmorency , Comte
de Middelbourg , Colonel du Régiment
de la Marine depuis 1716. et auparavant
de celui des Landes en 1704. Brigadier
des Armées du Roy , du premier
Février 1719. et Gouverneur de la
Ville de Bouchain , depuis 1724. frere
puîné de Louis de Gand- Villain de Merode
de Montmorency , Prince d'Isenghien
et de Masmimes , Lieutenant General
des Armées du Roy , du 8. Mars
1728.
I'
900 MERCURE DE FRANCE
1718. Chevalier des Ordres de S. M. du
3. Juin 1724. Lieutenant general en la
Province d'Artois , du mois d'Août 1724.
et Gouverneur de la Ville et Cité d'Arras
, depuis 17 : 5 . et fils de Jean - Alphonse
de Gand . Villain de Merode de Montmorency
, Prince d'Isenghien et de Masmimes
, mort le 6. May 1687. à l'âge
de 30. ans , et de Marie- Therese de Crevant
d'Humieres , morte le 19. Août 1732.
âgée de 79. ans , fut marié dans la
Chapelle des hauts- Thermes , au bout
des Champs Elizées , avec la Dile de la
Rochefoucault , âgée de 16. à 17. ans ,
fille unique de feu Barthelemi de Roye
de la Rochefoucault , dit le Marquis de
la Roch foucault , Lieutenant General
des Armées du Roy , ancien Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des Gendarmes
Flamans , Capitaine des Gardes
du Corps de deffunts le Duc et la Duchesse
de Berry , mort le 3. Novembre
1724. à lâge de 51. ans , et de D. Pauline
Marguerite Prondre , sa veuve. La Maison
de Villain , surnommée de Gand , est
une des grandes et premieres Maisons
de Flandres . Elle remonte son origine ,
aux anciens Comtes et Chastelains de
Gand. On en trouve la généalogie dans
le Dictionnaire Historique , Editions de
1725.
A O UST. 1901 1733 .
1725. et 1732. sous le nom de Gand .
Celle de la Maison de la Rochefoucault
est rapportée dans le 4. tome des Grands
Officiers de la Couronne , de la derniere
Edition , page 418 .
Nous remettons au mois prochain à parler
du Mariage de M. le Marquis de
Mirepoix , avec Mdeumoiselle Bernard de
Rieux et de la magnifique Fête
M. Bernard , Comte de Coubert , á donné:
à cette occasion .
, que
XX:XXXXXXX:******
ARRESTS NOTABLE S:
RREST du Conseil , du 23. Juin, qui fait
deffense aux Officiers des Maitrises , de recevoir
les cautions et certificateurs des Adjudicataires
, qu'en cas qu'ils soient solvables , à peine
d'en répondre en leurs propres et privez noms.
ORDONNANCE DU ROY , du 24.
Juin , concernant la Compagnie des Bombar
diers , entretenue à Rochefort , laquell : doit être
composée de 40. Bombardiers , qui seront choisis
parmi les Matelots des quartiers dépendans dudit
Port de Rochefort , et d'un Tambour , &c.
ARREST du Conseil du 30 Juin, en interpréta--
tion des Arrêts des à Août et 23 Septemb. 1732
portant prorogation de l'exemption des droits sur
les bestiaux et sur les grains , par lequel S. M. ordonne
1902 MERCURE DE FRANCE

donne que lesdits Arrêts , par lesquels elle a prorogé
l'exemption des droits sur les bestiaux et sur
des grains , seront executez pendant le temps porpar
lesdits Arrêts ; sans néanmoins qu'en vertu
d'iceux il puisse être piétendue aucune exemption
des droits dûs aux Sous-Fermes de ses Domaines ,
dont elle veut que le payement soit fait , conformément
aux Pancartes , Tarifs et autres titres
et possession , ainsi qu'ils ont été payez d'ancienneté.
ARREST du Parlement du 7. May 1731 .
nouvellement publié en 1733. pour servir de Reglement
sur le temps et la forme de l'Inventaire
qui pourra être fait dans le cas qu'une Veuve ,
Tutrice de ses enfans mineurs , convolera à de
secondes ou subsequentes Nôces,
ARREST du Parlement, du 13. Juillet 1733.
qui condamne le nommé Antoine Monteil
Complice de Louis-Dominique Cartouche , au
fouet , à la maque des trois Lettres G. A. L. et
aux Galeres à perpetuité.
TABLE
PlecesFugitives . La Flaterie , Ode ,
1689
Lettre sur le Droit de Viduité , le Douaire ,
& c. 1694
L'Amour et la Beauté , Cantate , 1710
Dissertation sur le Genabum ou Cenabum des
Anciens , 1713
Ode Sacrée , & c. 1728
Deffense du Cartésianisme , contre , &c. 1731
L'Indiscretion , Cantate , 1748
Extrait d'une Lettre sur les Tartares Kalmuques
, 1751
Démosthene et Laïs , Conte ;
Remarques sur les Dictionnaires ,
Epigramme ,
1757
1759
1763
Lettre sur le Deposuit et sur les Bâtons de Confreries
,
Ode d'Horace , Imitation 2
1764
1772
Lettre sur une Prophetie attribuée au Roy David
,
Vers pour un Portrait ,
Eloge de la Pauvreté ,
Enigmes , Logogriphes , & c.
1774
1787
ibid.
1797
NOUVELLES LITTERAIRES DES BEAUX ARTS ,
& c. 1802
Histoire de Bourgogne generale et particuliere ,
1804
Explication de quelques Marbres antiques , 1817
Imitation de J. C traduite , & c.
Le Temple da Goût , Comédie , &c.
Moliere imprimé à Londres , &c .
Fameux Comédien , mort à Londres ,
Nouveaux Ecrans instructifs ,
1822
1831
1835
1840
1842
Morts de Personpes Illustres , la Marquise de
Lambert. Jean - François Félibien. Jacques
Leullier , & c.
1843
Nouveau Pont de Compiegne, Inscription , 1850
Question.
Chanson notée ,
Spectacles , Jonathas , Tragédie ,
1851
1852
ibid.
L'Envie , Balet , dansé à la Tragédie de Jona-
1852
1861
thas
L'Opera Comique , Pieces nouvelles et Vaudeville
, & c.
Nouvelles Etrangeres, de Turquie et Perse , 1864
Lettre de Constantinople du 8. Juillet , 1865
De Pologne , Lettre du Roi de France , & c . 1869-
Allemagne et Italie , &c.
Morts et Mariages des Pays Etrangers ,
1872
1873
France , Nouvelles de la Cour , &c,
1895
Discours prononcé par M. &c.
1880
Lettre de Clermont , sur l'Ecroulement de Pardines
,
1884
Benediction det Etendarts de la Cornette Blanche
, Discours de l'Evêque de Laon ,
Morts , Naissances , Mariages , &c.
Arrêts Notables ,
Errata de Juillet.
1889
1892
1901
Age 1501. ligne 23. sive Alexander , lisez
ave Alexander.
P. 1628 1. premiere de l'Air gravé , Guillin ,
1. Guillon.
P1657. l. 32. représentez , l . représente.
P. 1658. l . 12. Toyal , i. Foyal . L. suiv: Mirval,
1. Mirevaux et communement Mureaux .
P. 1670 1. 8. Descoun , l . des Cours . Lig. 11.
S. Surin de Montagne , I. S. Jurin de Mortagne.
L. 25. Gobrant , l. Goberain.
P. 1679. 1. 1. après Baron , effacez la particule st.
P. 1681. I' derniere , Duranti , l . Durant.
2 T. 1682. l. 11. Auno , 1. Anne, Lig. 5. Boüin.
1. Baüyn.
Fautes à corriger dans ce Livre. PARe
Age 1758. ligne 8. laissit , lisez laissoit .
P. 1785. 1. 21. qu'à , 1 que.
P. 1786. 1. 2. du bas, Bibiotheque, / Bibliotheque
P. 1787. 1. 18. Emulateurs , 1. Emules,
P. 1790 1. 18. des , l . de,
P. 1841.1 20. des , l. dc.
P. 1822. l . 3. Decret un fait , l. un Decret fair.
P. 1841. l. 16. Rossion , l . Roscio,
P. 1854. l. 31. Crecs , l . Grecs.
La Chanson noté doit regarder la page 1853.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le