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VERITAS
OF THE
UNIVERSITY
OF
MICHIGAN
PLURIOUS UNUM
TUEBOR
SIQUÆRIS-
PENINSULAM
-AMENAM
CIRCUMSPICE
S
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
MAY. 1733 .
RICOLLIGIT
SPARGIT
Papilus
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER.
ruë 5. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXIII.
Avec Approbation & Privilege du Roy
AVIS.
340.6
M559
1733
L
و
'
ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Françoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyént , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auronɛ
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps, & de les faire porter fur
Pheure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX . SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
MAY. 1733 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
LE HEROS PARFAIT.
O D E.
A. M. le Maréchal Duc de Villars.
Uel est ce Héros plein de gloire ,
Qui vient s'offrir à mes regards !
Ceint des Lauriers de la Victoire ,
Et Vainqueur de tous les hazards?
N'est - ce point le Dieu de la Guerre
Qui , lassé d'effrayer la terre ,
•
A ij Vient
50
834 MERCURE DE FRANCE
Vient respirer dans ( 1 ) ce séjour ?
Mais près de lui les doctes Fées ,
Les Amphions et les Orphées ,
S'empressent à faire leur cour.
Depuis quand le Dieu de la Thrace ,
Des beaux Arts est - il protecteur ?
Lui de qui la guerriere audace ,
Répand l'épouvante et l'horreur ?
Non , non de mon ame surprise :
Je connois enfin la méprise ;
C'est VILLARS qui s'offre à mes yeuxs
Sa valeur étonna Bellonne ;
La Paix à son tour le couronne ,
Et vient le mettre au rang des Dieux.
讚
Né pour le bonheur de la France ,
VILLARS dompte ses ennemis ;
Sa valeur nous rend l'esperance ,
Dès qu'il paroît , tout est soumis ,
Le Batave , la Germanie ,
(2 ) Cédent à son noble génie ,
Rien ne résiste à ses efforts :
A la terreur , à la tristesse ,
I (1 ) A Vaux- le-Villars.
( 2 ) La Bataille de Dénain,
MAY. 835 17330
On voit succéder l'allégresse ,
Qui s'exprime par nos transports.
讚
A l'instant que de la tempête ,
11 a garanti nos Etats ,
Sa prudence active s'apprête ,
A livrer encor des combats ;
Du Rhin , les Ondes étonnées
Ne paroissent plus mutinées“ ,
A l'aspect de ses étendarts ;
Landau , Fribourg ouvrent leurs Portes ;
L'on voit ses vaillantes cohortes ,
Se ranger sur leurs fiers Remparts. 01.01
Mais c'est peu que dans les allarmes ,
Il immortalise son nom ;
La Paix vient , avec tous ses charmes ,'
Illustrer encor son renom.
Prémice des biens qu'elle accorde ,
Déja s'avance la concorde ,
Objet de nos ardens désirs .
De notre sort Villars est Maître ,
Peuples , vous allez voir renaître ,
Et vos beaux jours et vos plaisirs.
De la vertu la plus sublime ,
An▲ iij. ↑ Nous
3
1
"
36 MERCURE DE FRANCE
Nous voyons les heureux effets ;
*
Des deux grands Héros qu'elle anime ,
Seule elle régle les projets ;
Plein d'une sagesse profonde ,
Villars , du plus grand Roy du monde ,
Maintient dignement tous les droits :
Eugène l'écoute et l'admire ,
Et du feu divin qui l'inspire
Il fait son exemple et ses loix.
Fille du Ciel ! Paix désirable !
Qui conduit un heureux repos ,
Enfin ton retour favorable ,
Est l'ouvrage de mon Héros.
Pour lui quelle gloire immortelle !
Non , la victoire la plus belle ,
N'a point un si parfait éclat ;
Mais la sagesse , le courage ,
En lui disputent l'avantage .
De grand Guerrier , d'homme d'Etat.
Aussi- tôt que d'un sort tranquile ,
L'Europe goûte les douceurs ,
Villars rend son loisir utile ,
Il vient protéger les neuf Soeurs.
* La Paix de Rastad.
La
MAY. 837
1733.
La sublimité , la justesse ,
Le bon goût , la délicatesse ,
Eclatent dans ses jugemens ,
Le vrai seul peut le satisfaire ,
Et l'on ne parvient à lui plaire ,
Que par de solides talens.
送
* Un nouveau Parnasse s'éleve ,
Dans des murs chéris d'Apollon ,
Déja le prodige s'achève ,
J'y trouve le sacré Vallon .
Qui peut surmonter tant d'obstacles ?
A qui devons - nous ces miracies ,
Dont notre esprit est enchanté ?
C'est Villars qui sçait les produire ;
Il commande , l'on voit construire ,
Un Temple à l'immortalité.
LOUIS , d'une gloire si pure ,
Héros délices des Mortels ;
La jalousie en vain murmure ,
Nos coeurs t'érigent des Autels :
Toutes les vertus à ta suite ,
Forcent les vices à la fuite ;
Est-il un triomphe plus beau ?
L'établissement de l'Academie de Marseille.
A iiij
Paisse
838 MERCURE DE FRANCE
Puisse l'Auteur des destinées ,
En éternisant tes années ,
• T'affranchir des loix du tombeau.
XX:XXXXXXXX:XXXXX
SUITE des Curiositez naturelles, & c.
du Cabinet de M. Capperon.
I'
OYSEAU X.
Ly a dans mon Cabinet plusieurs Oyseaux
naturels , posez sur leurs pieds
comme s'ils étoient vivans , et qui y sont
depuis dix ou douze ans , sans aucune altération
, par la maniere que j'ai de les
conserver les grands sont empaillez , et
les petits en chair et en os . Il y a un Paon
entier , dont la queue bien étendue couvre
toute la Cheminée de mon Cabinet.
Un mâle de Phaisan , posé sur un piédestail
, une Cigogne , deux Pelicans , un
gros oyseau de Mer , nommé dans Jonston
, Onocrotalus , un Canard d'Afrique ,
un autre Oyseau singulier , venant de Canada
, un tres beau Perroquet ; plusieurs
autres Oyseaux de Mer ; un Lorio jaune
et noir , un Picus Varius , une Huppe
des Chardonnets , Linotes & c. L'Anser ,
Magellanicus, de Jonston, beaucoup plus.
gros
MAY. 1733 $39
que
gros qu'une Oye , dont les aîles n'ont
4 pouces de longueur . On vient de met
l'envoyer de Dieppe.
Ouvrages de l'Art.
Un morceau de Buis , de la grosseur
et de la forme d'une noix , autour duquel
sont sculptez quarante petits Tableaux
de la Vie de Notre - Seigneur. II
s'ouvre en deux para ; dans une moitié
se voïent sur le haut , Adam et Eve
proche l'Arbre du fruit deffendu , où est
le Serpent qui les tente ; auprès d'eux est
un Lion ; dans le dessous est Caïn qui tuë
son frere Abel; au côté sont deux Chevaux
d'une délicatesse surprenante , qui
labourent avec une Charue, au côté gauche
est l'Arche de Noé , et auprès un
homme étendu mort , comme noyé par
le Déluge ; par une coulisse qui s'ouvre
derriere , paroît un Mouton qui paît.
Dans l'autre moitié de cette espece de
noix , on voit sur le haut dans le milieu
le Fils de Dieu , attaché à la Croix, et les
deux Larrons ; au bas de la Croix , la
sainte Vierge, et S. Jean ; puis Longis qui
perce le côté sacré , et un Soldat qui est
un peu plus loin ; au côté droit , qui est
séparé par une colonne , délicatement
travaillée , paroît Jesus- Christ flagellé par
A v
840 MERCURE DE FRANCE
un Soldat ; et au côté gauche, séparé par
une autre colonne , il y a deux Soldats
qui gardent le Tombeau , lequel se voit
en tirant une Coulisse par derriere, et 2
autres Soldats qui le gardent de ce côté- là .
Cer Ouvrage et toutes les figures sont
d'une délicatesse surprenante. Une Urne
Sépulciale antique.Les Portraits des douze
Césars en émail.
,
Autre Ouvrage, oreillement de buis , à
peu près dans le même dessein que le précédent
mais beaucoup plus parfait ,
tant pour le grand nombre des figures ,
que pour leur beauté et leur perfection .
Cet Ouvrage est aussi rond , s'ouvrant en
deux moitiés , jointes par une Charniere
; il est à peu près de la grosseur d'une
Bale de Jeu de Paume. Dans la premiere
moitié sont plusieurs figures du même
Mystere de la Passion du Sauveur, et dans
l'autre , deux Points d'Histoire de l'ancien
Testament , le Sacrifice d'Abraham,
et le Serpent d'Airain ; le tout comprenant
un grand nombre de figures , et faisant
un ouvrage des plus achevez et des
plus finis.
Une Piramide d'Yvoire , haute de 18 pouces
& demi , faite au Tour , dont la tige
n'a guere qu'une bonne ligne de diametre
dans le bas ; elle n'eft vers le haut gros
que
MAY . 1733. 841
gros que de la grosseur d'une épingle ordinaire.
A la hauteur de six pouces est posée
sur la tige une espece de Lanterne à
jour , formée par 4 colonnes ; au milieu
de cette Lanterne sont trois figures de
personnes assises à une Table , sur laquelle
paroissent les Mets et les Bouteilles .
Cet Ouvrage est encore des plus délicats .
Deux figures de bois bronzées , d'un pied
neuf pouces de haut , posées sur deux
Guéridons , dont l'une représente Apollon
jouant de la Lyre ; et au bas , un petit
Cupidon , qui lui présente un Arc ;
l'autre , est le Dieu Pan,tenant un Sifflet,
au bas duquel est un petit Satire . Ces deux
piéces sont excellentes et d'un habile
Sculpteur , qui a travaillé à Paris , à Rome
, à Naples , & c . lequel m'en a fait
présent , par reconnoissance de ce qu'étant
un orphelin de mon ancienne Paroisse
, et lui trouvant de la disposition pour
la Sculpture , je le formai moi-même dans
cet Art.
Ouvrages de mafaçon et de mon invention.
Un Tableau de S. Ambroise , peint à
huile , d'un pied en quarré , dont la bordure
est de carton , faite avec des coins ,
à la Romaine , ornez de fleurs , le tout
doré d'or bruni . Plusieurs autres Ta-
A vj bleaux
842 MERCURE DE, FRANCE
bleaux de mon invention , lesquels ont
autant de force pour les draperies et pour
tout le reste , que s'ils étoient peints à
buile , et qui ne sont néanmoins faits.
ni en détrempe, ni en pastel . D'autres encore
plus singuliers , sçavoir , des Paysages
et des Ports de Mer en relief ; entre
autres il y en a un de deux pieds de
longueur sur un pied et quelques pouces
de hauteur , qui représente la Ville d'Eu
en Perspective , où les Eglises , Maisons ,
&c. paroissent en relief telles qu'elles paroissent
d'un point de vûe que j'ai choisi
hors de la Ville. Cet Ouvrage m'a occupé
plus d'une année. Ces sortes de Tableaux
sont faits avec de petits cartons
coupez et colez à propos , et le tout peint
ensuite à huile. Un petit Squelete où
toute l'Ostologie est parfaitement observée.
La Figure est droite sur ses pieds ,
appuyée sur une bêche et a seulement
un pied de haut ; elle est très - ressemblante
au naturel. Une Figure de bois de
deux pieds de haut, représentant un homme
mort , dont le ventre et la poitrine
sont ouverts , où se voyent le coeur , les
poulmons , le foye , l'estomac et tous les
visceres , intestins , vaisseaux , & c, dans .
leurs figures , situations et couleurs naturelles.
Un Oiseau en forme de Per-
Loquet
MAY. 1733. 84
?
roquet , tout fait avec de petites aîles de
hannetons et autres Scarabées de differentes
couleurs . Un Dragon aîlé d'un pied
et demi de long , enfermé dans une espece
de Châsse de verre aux deux extrémitez
de laquelle , en bas , sont deux
bouquets de fleurs; et au haut, dans toute:
sa longueur , pend une Guirlande aussi
de fleurs ; le tout , tant le Dragon que
les fleurs , est fait de Coquilles dans leurs
seules couleurs naturelles . Un petit Emouleur
, posé sur un piedestal , lequel par
des ressorts de mon invention , cachez.
dans le piedestal , fait tourner sa meule
avec le pied , et tourne sa tête de temps.
en temps. Une Sphere tracée en dedans
sur un Globe de verre mobile , où sont
représentez en or tous les Cercles , et les
principales Etoiles fixes avec leurs noms..
Et sur la Sphere un petit Soleil et une
Lune mobile , qu'on peut mettre chaque
jour en place sur le Zodiaque. Autre Õu--
vrage de neuf pouces de longueur , sur
six pouces de largeur, et seulement deux
pouces de hauteur , au milieu duquel est
une espece de Boussole double et mobile,,
où est la Lune , laquelle se couvre ou se
découvre , suivant l'augmentation ou la
diminution de ses phases , et par deux poin
res placées au bord. exterieur de cette
Boussole
834 MERCURE DE FRANCE
Vient respirer dans ( 1 ) ce séjour ?
Mais près de lui les doctes Fées
Les Amphions et les Orphées,
S'empressent à faire leur cour.
語
>
Depuis quand le Dieu de la Thrace ,
Des beaux Arts est - il protecteur ?
Lui de qui la guerriere audace ,
Répand l'épouvante et l'horreur ?
Non , non de mon ame surprise :
Je connois enfin la méprise ;
C'est VILLARS qui s'offre à mes yeuxs
Sa valeur étonna Bellonne ;
La Paix à son tour le couronne ,
Et vient le mettre au rang des Dieux.
讚
Né pour le bonheur de la France ,
VILLARS dompte ses ennemis ;
Sa valeur nous rend l'esperance ,
Dès qu'il paroît tout est soumis , ;
Le Batave , la Germanie ,
( 2 ) Cédent à son noble génie ,
Rien ne résiste à ses efforts :
A la terreur , à la tristesse ,
( 1 ) A Vaux - le-Villars.
( 2 ) La Bataille de Dénain,
Os
OMA MAY.
1733 835
On voit succéder Pallégresse , a young
Qui s'exprime par nos transports
A l'instant que de la tempête
Il a garanti nos Etats ,
Sa prudence active s'apprête
A livrer encor des combats . ; ,
Du Rhin , les Ondes étonnées
Ne paroissent plus mutinées
A l'aspect de ses étendarts ;
bull
enlisp mivib olub
iginezo noz sirl II
Landau , Fribourg ouvrent leurs Portes ;
L'on voit ses vaillantes cohortes ibo in
Se ranger sur leurs fiers Remparts.
20 com sh sawol se
Mais c'est peu que dans les allarmes, il seq.
Il immortalise son nomotionival , col
La Paix vient , avec tous ses charmes ,
3
Illustrer encor son renom .
Prémice des biens qu'elle accorde ,
Déja s'avance la concorde ,
Objet de nos ardens désirs .
De notre sort Villars est Maître
Peuples , vous allez voir renaître
Et vos beaux jours et vos plaisirs.
De la vertu la plus sublime ,
121
A iij Nous
844 MERCURE DE FRANCE
Boussole , elle marque sur la bordure
qui est autour , les jours de la Lune et
les heures des Marées ; ayant cela de singulier
, qu'en tel sens qu'on tourne la
Machine par un mouvement secret , les
deux pointes reviennent toujours au jour
et à l'heure convenable.
Un Globe Terrestre , représenté sur
une Carte mobile , ayant pour centre le
Pole Septentrional , et se terminant au
Tropique du Capricorne avec les Longitudes
et les Latitudes ; le tout environné
d'un cercle fixe , où sont marquées
les 24. heures et où est attaché par les
deux bouts un fil d'archal qui tient lieu
d'horison ; de sorte que par un Index où
est un petit Soleil mobile , on peut voir
l'heure du lever et du coucher du Soleil
, quelle heure il est dans chaque Pays,
sur quel Pays le Soleil est vertical à chaque
moment du jour , ainsi que les Eclipses
de Soleil et de Lune .
Ouvrage d'Optique de ma façon.
Deux Tableaux magiques , l'un desquels
représente une Demoiselle environnée
de branches et de feüillages , laquelle
regardée par un petit trou placé aufait
voir une Tête de Mort. L'autre
Tableau qui est au derriere du predessus
,
mier,
MAY. 1733 845
mier , représente sept differens Bustes de
Papes , Abbez , &c. sur lesquels posant
la ` même Machine où est le petit trou ,
il ne paroît que mon seul Portrait . Un Tableau
où sont écrits six Vers d'une Enigme
; au haut de ce Tableau est posé à
Angle droit , une Glace de Miroir , laquelle
étant découverte , représente le
même Tableau , où au lieu des Vers on
voit un Moulin à vent , qui est le mot
de l'Enigme. Une Figure difforme , peinte
sur un Cône de carton , large par par le bas
d'un pied sur un pied et demi de hauteur
, lequel vû d'un certain point , représente
une Religieuse tenant une Croix
dans ses mains . Plusieurs figures difformes
, qui paroissent très- agréables , étant
regardées dans un Miroir Cylindrique.
Figure particuliere et difforme , tracée
sur un Plan allongé , laquelle vûe de loin
représente une Vierge.
Voilà les Curiositez qui forment mon
Cabinet , telles que j'ai pû les assembler
dans un petit Lieu comme la Ville d'Eu ,
et que j'ai augmentées de petits Ouvrages
de mon invention , executez en differens
temps , pour me délasser de mes
autres occupations plus sérieuses et plus
nécessaires. Signé , CAPPERON
Doyen de S. Maxent.
ancien
A la Ville d'Eu , le 16. Mars 17339
346 MERCURE DE FRANCE
LE PRE JUGE .
O DE
A Mad. la Comtesse de ***
EN vain la raison nous éclaire
Et nous fait luire son flambeau ,
Le Préjugé toujours contraire ,
Place sur nos yeux son bandeau ,
Nous ne prenons que lui pour guide
La verité simple et timide ,
Ne sçauroit fixer nos esprits
Nous ne suivons que le caprice ,
Nous regions sur son injustice ,
Nos louanges et nos mépris.
鍛
Le Préjugé sous son Empire
Sçait assujettir l'Univers ;
Il nous séduit, il nous attire ,,
Par ses enchantemens divers ,
Dans notre ame trop prévenue ;,
L'orgueil avec art s'insinue ,
I rampe d'abord en naissant ,
Bien-tôt par un pouvoir suprême
MAY. 847
1733
1.oblige la Raison même ,
A plier sous son joug puissant.
來
Dans ses liens il nous engage ;
Tout conspire à le seconder ,
Inconstant , leger et volage ,
Contre lui qui peut nous garder ?
Nos passions le favorisent ,
Nos désirs , à l'envi , s'épuisent ,
A nous retenir sous ses loix ;
A l'amour propre il s'associe ;
C'est par lui qu'il se fortifie ,
Et qu'il sçait étendre ses droits.
Ainsi l'Amant , belle Comtesse ,
Quand l'aveugle Amour le séduit ,
Croit que l'objet de sa tendresse ,
Efface l'Astre qui nous luit ;
Bien- tôt de la Voûte azurée ,
Il fait descendre Citherée ,
Pour y faire asseoir son Iris ,
Les yeux de l'objet de sa flamme ,
Ont plus de force sur son ame ,
Que les tiens ou ceux de Cypris ,
L'homme sçavant dans son Musée ,
Par un faux espoir agité
Sc
$ 48 MERCURE DE FRANCE
Se flatte en son ame abusée ,
Qu'il va saisir la Verité;
Mais dans cette longue poursuite ,
Le Préjugé marche à sa suite ,
Et l'éblouit par ses lueurs ,
Séduit par l'apparence vaine ,
L'orgueil aveugle le promene ,
Dans un Labyrinthe d'erreurs .
Ce Rimeur , qui d'un vol sublime
S'eleve presque jusqu'aux Cieux
Espere en l'ardeur qui l'anime ,
D'être admis presque au rang des Dieux.
Dans son poëtique délire ,
Il croit que les sons de sa Lyre ,
Du noir oubli seront vainqueurs ;
Tout occupé de sa manie ,
Il n'accorde qu'à l'harmonie ,
Le pouvoir d'enchaîner les coeurs .
Mais c'est trop , ma Muse me quitte
Contente de ses foibles traits ;
Toi dans qui brille le mérite ,
Jette les yeux sur ces Portraits ,
Si tu m'accordes ton suffrage ,
Il sera pour moi le présage →
Du succès le plus éclatant ,
Le
•
MAY. 17330 849
Le Goût s'associant aux Graces ,
Se plaît à marcher sur tes traces ,
Applaudis-moi , je suis content.
Par M. Paparoche , de Carpentras.
PROBBLLEÉME.
[N Pilote étant en Mer par certaine Latitude
Nord, etvoulant trouver la hauteur du Pole,
pour cet effet il a observé l'Etoile nommée l'Epaule
gauche du Charreiier Capella , trois fois
plus haut élevée sur l'horison que la hauteur
du Soleil qu'il avoit observée , et il a observé
l'Etoile nommée le grand Chien Sirius au Sud ,
être élevée sur l'horison ; mais comme le Soleil
differoit l'Etoile nommée l'Epaule gauche du
Charretier Capella , l'on demande par quelle Latitude
étoit ledit Pilote , lorsqu'il a fait lesdites
Observations avec la déclinaison du Soleil du
jour , et le tout par démonstration essentielle eg
par regles.
Un Problême bien conçu et bien proposé est
à demi résolu , la maniere dont celui- cy est
énoncé , ne laisse pas volontiers jouir de cet avantage
, néanmoins puisqu'on se propose d'y satisfaire
, il convient d'expliquer auparavant le sens
que l'on donne aux trois circonstances
qu'il renferme
, lesquelles
nous repeterons
ici à dessein de
placer à suite de chacune
l'interpretation
que.
nousy donnons.
Pro
So MERCURE DE FRANCE
Premiere Circonstance.
L'Etoile Capella ayant été observée , on a trouvé
qu'elle avoit trois fois autant de hauteur que
le Soleil qu'on avoit aussi observé.
Sans doute que cette Etoile fut observée lors
de son passage au Méridien , et que le Soleil l'avoit
été en sa derniere hauteur Méridienne , c'està
- dire au Midi , qui précéda immédiatement l☛
temps de l'observation de Capella.
Seconde Circonstance.
Et l'on a observé le grand Chien Sirius au
Sud , être élevé sur l'horison .
Cette circonstance semble être équivoque, elle
laisse à douter si l'instant de cette observation
est le même que celui auquel Capella s'est trouvée
au Méridien , ou si cet instant est celui de la hauteur
méridienne de Sirius ; il y a lieu de présumer
que le but de cette condition du Problême
étant de contribuer à déterminer la hauteur rẻ…
quise du Pole , en prescrivant une borne à la
moindre hauteur de Capella ; l'Auteur a prétendu
simplement avoir remarqué en la part du Sud ,
que le grand Chien Sirius étoit levé.
Troisième Circonstance.
Mais comme le Soleil differoit l'Etoile Capella.
Il y a toute apparence que par cette expression
, qui nous a paru aussi nouvelle que singu
liere , l'Auteur a prétendu dire que l'Etoile Capella
précedoit le Soleil à passer au Méridien , ou
ce qui est la même chose , que le Soleil differoit
son passage au Méridien après celui de l'Etoile ;
quois
MAY
1733
quoiqu'il en soit enfin , voila notre façon d'interpreter
les conditions énigmatiques de ce Problême.
Nous avons donc à déterminer une Latitude
Nord , par laquelle le Soleil étant observé à midi
d'un jour que nous devons indiquer , la hauteur
Méridienne de Capella observée la nuit suivante
, se trouve , 1 ° . égale à trois fois la hauteur
déja observée du Soleil. 2 ° . Qu'en ce même tems
de l'observation de Capella , le grand Chien Si
rius se voit dans la partie du Sud , et se trouve
avoir quelque élevation . 3 ° . Que le Soleil n'employe
que moins de 12 heures à passer au Méridien
après Capella ; car si il y mettoit tout ce
temps ou davantage , il ne differeroit pas cette
Etoile.
Reste à sçavoir si ces trois conditions rendent
le Problême tel , qu'il puisse être résolu par une
seule hauteur du Pole , ou en tout cas , par un
certain nombre déterminé,
Il est évident que de toutes les hauteurs Méridiennes
de l'Etoile Capella , observée en la part
du Sud , la plus grande détermine la moindre
hauteur du Pole Nord , et la plus petite détermine
la plus grande ; cela posé nous considererons
d'abord cet Astre en la plus grande élevation qu'il
puisse être ; ( le Zénith est le seul point qui détermine
cette hauteur,) et nous déduirons de cette
supposition qui prescrit ainsi une borne à la
moindre Latitude , les conséquences qui suivent.
Hauteur de Capella 90. degrez.
Déclinaison Nord de Capella 45. d. 43. min..
Hauteur de l'Equateur
44. d.
17. m. Hauteur du Soleil
30.
d. Déclinaison Sud du Soleil 14. d. 17. m .
Distance duSoleil à l'Equinoxe
'Automne 38. d. 15. m.
52 MERCURE DE FRANCE
Partie correspondante de l'Equaseur
depuis le même Equinoxe
35. d. 52. min .
Ascension droite du Soleil 215. d. 52. m.
Ascension droite de Capella 74. d. 3. m.
Nota. Que nous avons supputé la distance du
Soleil à l'Equinoxe de l'Automne et non à celui
du Printemps ; car en ce dernier cas le Soleil ne
differeroit pas l'Etoile Capella.
·
Il est donc évident que le Soleil doit être dans
les Signes de l'Automne , et qu'il faut consulter
à quel jour de cette saison conviennent les 11 ,
degrez 17. minutes de sa déclinaison .
Ce jour se trouve être le 31. Octobre.
Il s'agit maintenant de déterminer l'heure à
laquelle Capella passera au Méridien après le
midi du 31. dudit , afin d'en conclure le temps
de son observation .
Nous considererons pour cet effet que l'Ascension
droite de Capella étant moindre que
celle du Soleil de 141. degrez 49. min. cette
Etoile a devancé le Soleil de la même quantité
કે passer au Méridien ; c'est - à - dire que le 31 .
Octobre à midi , elle étoit au Oüest du Méridien
de 141. degrez 49. min. et qu'il s'en falloit
en ce moment de 218. degrez 11. min. ou 14.
heures 32. min . 44. secondes, qu'elle ne fût de retour
au Méridien , ainsi elle à dû y arriver 14.
heures 31. min. 44. secondes après le midi du
31. c'est-à - dire à 2. heures 32. min. 44. sec.
après minuit du premier Novembre ,
Tout cela ne suffit pas , attendu ce
que temps
de l'observation de Capella , suppose que le Soleil
ne soit pas encore levé , c'est ce que nous allons
examiner en supputant l'heure de ce lever
pour le premier Novembre , à raison de la hauteur
connue du Pole et de la déclinaison pour
l'instant du même lever.
MAY. 1733. 853
Le lever du Soleil pour la hauteur connuë da
Pole et pour sa déclinaison du 31. à midi , est de
7. heures , peu de chose plus , cette déclinaison
augmente pour lors d'un midi à l'autre , c'est - àdire
, en 24. heures d'environ 19. minutes , et à
proportion en 19. heures qu'il y a du même
midi jusqu'au lendemain matin à 7. heures et 32 .
secondes , il augmentera d'environ 15. minutes ,
ajoûtant ces 15. minutes à la déclinaison du 13.
Octobre , on aura 14. degrez 32. min. pour la
déclinaison du premier Novembre à 7 .
heures 32.
secondes du matin.
Supputant donc l'heure du lever du Soleil pour
45. degrez 43. minutes de Latitude Nord , et
pour 14. degrez 32. minutes de déclinaison Sud ,
on connoîtra que la difference ascensionnelle
Est de
15. deg. 25. m.
que son lever au premier
Novembre est à 7. heu. 1. m. 40. 8.
d'où l'on voit que le Soleil n'étoit pas levé lors
de l'observation de Capella.
Il nous reste à sçavoir si le grand Chien Sirius
l'étoit lors du passage de Capella au Méridien ,
c'est- à- dire à 2. heures 32. min . 44. secondes
du matin du premier Novembre .
Déclinaison Sud de Sirius 16 d. 21. m.
Difference ascensionnelle
de Sirius 17. d. 30. m.
Arc semi- diurne de Sirius 72. d. 30. m.
Ascension droite de Sirius 98. d.
Passage de Sirius au Méridien
le prem. Nov. au matin
31. Octo-
Lever de Sirius le
bre au soir
4. h. 8. m. 32.54
11.h. 18. m . 32. 8.
Ainsi ce dernier Astre avoit quelque élevation
sur l'horison lors du passage de Capella au Méridien.
Voila
854 MERCURE DE FRANCE
Voila donc une solution qui résulte de la plus
grande hauteur à laquelle Capella puisse être observée
, et qui par consequent fournit la moindre
Latitude. Voyons maintenant quelle peut être
la moindre hauteur observée de Capella , nous
renfermant toujours dans les conditions interpretées
du Problême ; pour cet effet nous supposerons
que Capella étant au Méridien , le grand
Chien Sirius soit à la moindre élevation qu'il
puisse être sur l'horîson ; cette moindre élevation
étant infiniment petite , l'Etoile peut être considerée
précisément à l'horison.
Il est donc question de déterminer la hauteur
méridienne de Capella pour l'instant auquel on
verra lever l'Etoile Sirius , afin de décider de la
moindre hauteur de l'Equateur , et par consequent
de la plus grande Latitude possible , l'Anagie
suivante nous donnera la hauteur de l'Equateur.
Comme le Sinus complément de la difference
des Ascensions droites de Capella et Sirius , est
au Sinus total; ainsi la Tengente de la déclinaison
de Sirius , sera à la Tengente de l'élevation de
l'Equateur Laquelle Tengente se trouve repondre
dans la Table à 17. degrez 48. minutes.
Ce qui détermine la plus grande
Latitude à
La hauteur de Capella à
La hauteur du Soleil à
Sa déclinaison à
En un mot l'heure de son lever
pour le lendemain du jour de son
observation à
Le passage de Capella au Méridien
72. d. 12. m.
63. d. 31. m .
21. d. 1o. m.
3. d. 22. m.
s. b. 22. m.
*
5. h. 27. m.
D'où l'on voit que le Soleil se trouvant lev
avang
MAY. 1733- 35 ;
avant l'instant du passage de Capella au Méridien
de la quantité de 5. minutes , la clarté du
jour devoit avoir dérobé l'apparence de cette
Etoile , et par conséquent avoir mis un obstacle
à son observation .
Mais nous considererons que la hauteur de l'Equateur
, d'où ces dernieres déductions ont été
faites , a supposé le grand Chien Sirius exactement
à l'horison lors de la hauteur méridienne
de Capella , que si nous lui avions attribué quelque
élevation en conformité de la deuxième condition
du Problême , il en eût résulté une moindre
élevation de Pole et plus de retardement pour
le lever du Soleil , ensorte que si nous eussions
pris à discretion une plus grande élevation d'Equateur
que celle qui vient d'être supposée ; par
exemple celle de
Alors la hauteur du Pole cût été de
La hauteur observée de Capella de
La hauteur du Soleil de
La déclinaison Nord de
Le temps de son observation
L'Ascension droite du Soleil
pour le même jour à midi de
Le passage de Capella au méridien
le 17. au matin à
19. d . 10. m .
70. d. 5o. m.
64. d. $3.m .
21. d. 37. m.
2. d. 27.m.
le 16. Septem.
174. d. 19. m,
5. h. 19. m.
La déclinaison du Soleil au moment
de son lever pour led. jour 2. d. 10. m,
Le lever du Soleil pour le même
jour
Le lever du grand Chien Sirius le
5. h. 35.m.
même jour au matin 4. h. 45. m.
D'où l'on voit que ces derniers articles concourent
tous à remplir les conditions du Problême
, et que la hauteur du Pole dont ils résultent
peut être considerée comme la plus grande hau-
B teur
856 MERCURE DE FRANCE
teur possible , de sorte que nous avons jusqu'
present deux bornes , l'une de 45. degrez 43. min
pour la moindre Latitude Nord , et l'autre de
70. degrez so. minutes pour la plus grande , entre
lesquelles il est évident que toute Latitude sa
tisfait aux conditions requises en autant de fa
gons differentes.
Voila pour toutes les hauteurs Méridiennes d
Capella observées en la part du Sud depuis 64. |
degrez 53. minutes d'élevation jusqu'à 90. degrez
Si nous considerons maintenant ce même As
tre observé en la part du Nord , il est évident que
de toutes ses hauteurs Méridiennes la plus grande
( qui place l'Etoile au Zénith ) détermine la
plus grande Latitude Nord , et la moindre détermine
la moindre .
Nous avons déja satifait au premier cas , c'est-
-dire que nous avons déterminé les choses requises
du Problême ; en conséquence de l'obser◄
vation de Capella au Zenith , il nous reste de supputer
les mêmes choses pour la moindre hauteur
méridienne de Capella en la part du Nord , laquelle
ne peut être au- dessous de 83. degrez 6 .
minutes , et conséquemment la moindre Latitude
Nord de
La hauteur du Soleil de
La déclinaison du Soleil Sud
L'observation du Soleil
Le passage de Capella au Méridien
led. jour au soir
Le lever du Soleil le 22. dudit
Le lever de Sirius le 21. au soir
38. d. 49. m.
27. d . 42. M.
23. d. 29. m
le 21 Decembre
18. h . 56. m.
7. h. 22. m.
7. h. 36. m.
D'où il suit enfin que l'observation qui fai
l'objet du Problême , se pouvant pratiquer en tou
te Latitude Nord depuis 38. degrez 49 minute
jusqu'à 70. degrez so. minutes , et que les cin
cons
MAY. 1733- 857
constances y énoncées étant insuffisantes pour le
rendre susceptible de méthode , on ne peut se
dispenser de conclure qu'un tel Problême est
proposé d'une façon hazardée, peu correcte et de
mauvaise foi , ou que l'Auteur a peché par défaut
d'intelligence .
Nota, qu'independemment de la mauvaise composition
du même Problême , l'Auteur devoit y
faire mention de l'année en ' laquelle il a supposé
l'observation faite , ou tout au moins la proposer
comme Bissextile ou comme l'une des trois
années communes ; mais quoiqu'il en soit, nous
avons placé cette observation en une année Bis
sextile , et en conséquence nous avons operé avec
la précision que le cas apû le permettre , sans
avoir égard aux effets de la refraction horizontale
des autres , ayant lieu de présumer par le
stile de l'Auteur , que son intention et sa coûtu,
me ne sont pas d'y regarder de si près.
Ce Probleme auroit parû deux mois plutôt,si nous
n'avions pas été pressez par l'abondance des ma◄
tieres.
JUGEMENT DE THEMIS.
A MADAME DE * * *
1
Sur le rétablissement de sa santé.
C'Etoit fait de vos jours , ô divine Uranie;
De son double ciseau la cruelle Atropos ,
Alloit trancher le fil de la plus belle vie.
Bij
.
Mettre
858 MERCURE DE FRANCE
Mettre le comble à tous nos maux ,
Et d'un seul coup , hélas ! ouvrir mille tom
beaux.
On implore à grands cris la Déesse infléxible ;
Mais d'un air indigné , méprisant , insensible
Elle insulte aux soupits des foibles Orphelins ,
Soulagez tant de fois par vos puissantes mains.
Son oeil plein de rage et de joye ,
Contemple avidement ces restes malheureux ,
Qui par vous échappez à ses coups rigoureux
Bien- tôt en vous perdant vont devenir sa proye
Elle avance en couroux ; on fuit de toutes parts ,
Le poison meurtrier de ses affreux regards.
Une illustre famille où regnent la Sagesse ,
L'Honneur , la Probité , l'Union , la Tendresse ,
Prosternée et tremblante , offre inutilement
Ses plus précieuses années ,
Pour prolonger vos destinées ;
Rien ne peut retarder le funeste moment ,
Le Monstre impitoyable approche fierement :
Mais tout à coup sous un heureux auspice ,
Une Divinité propice ,
La celeste Thémis précipitant ses pas ,
Vint arracher vos jours aux horreurs du trépas
Fatale Mort , s'écria - t'elle ,
Arrêté de ton bras l'audace criminelle ,
Respecte les Mortels à tes pieds abattus ;
Apprends à choisir tes victimes ,
TE
MAY. 1733 855
Tu ne dois foudroyer que le vice et les crimes ,
Et c'est ici l'Empire des Vertus .
Set Arrêt prononcé d'une voix formidable ,
De la Déesse inexorable ,
Arrêta les premiers accès ;
Soudain un murmure agréable ,
Annonça par tout le succès ,
D'un jugement si favorable ,
La seule Mort étoit inconsolable ,
D'avoir perdu sa peine et son procès.
. Mais elle eut beau gémir et se deffendre ,
Vanter ses droits et follement prétendre ,
Qu'on trahissoit l'équité , la raison ;
On écouta la froide Demoiselle ,
Puis on siffla sa lugubre Oraison ;
Point d'Orateur ne soutint sa querelle ;
Et pour punir sa noire trahison ,
On opinoit à proceder contre elle ,
A lui donner pour demeure éternelle ,
L'affreux cachot d'une obscure prison ,
Ou renvoyer la hideuse Fémelle ,
Dans le Manoir de la sombre Alecton.
Phébus jugea la peine trop cruelle :
Bannir la Mort ! eh ! que seront les Dieux ,
Si les Humains sont immortels comme eux !
Bien- tôt peut- être une orgueilleuse audace ,
Reproduira de superbes Titans ,
Qui par des coups encor plus éclatants ,
Biij Scauront
860 MERCURE DE FRANCE
Sçauront vanger l'ancienne disgrace ,
Et les malheurs de leur coupable race ,
De Typheus iront briser les fers ,
Et troubleront le Ciel et les Enfers .
Ainsi parla d'un ton fier et sévere ,
Le Dieu brillant qu'à Délos on révere ,
Thémis sourit et loüa gravement ,
Du blond Phébus le discours véhement,
Puis expliquant la raison singuliere ,
Pourquoi le Dieu qui produit la lumiere ,
Parloit si haut pour une Déïté ,
Fille du Stix et de l'obscurité :
Messieurs , dit- elle , avec un air rigide ,
Trahi cent fois par un soûris malin ,
Vous le sçavez , Phébus est Medecin ,
Et doit chérir la Déesse homicide.
Ils sont tous deux l'un pour l'autre formez ;
Ils sont tous deux l'un de l'autre charmez.
Si quelquefois Apollon se déchaîne ,
Traite la Mort d'injuste , d'inhumaine ,
N'en croyez pas ses discours animez ,
C'est pour dupper les Mortels allarmeż ;
Il l'aime au fond et son coeur est sans haine ,
Malgré le feu de ses yeux allumez ,
Bien plus d'amour que de rage enflâmez.
Mêmes projets , même fin , même Empire ,
Et même droit sur tout ce qui respire ,
Unit leurs coeurs et leur funebre Cour ,
It
MAY 1733.
861
Et l'interêt cimente leur amour ;
Car sans la Mort , dont on craint les empreintes,
L'Art d'Apollon seroit moins respecté:
Sans Apollon et son Art si vanté ,
Peu de la Mort sentiroient les atteintes.
Or en faveur du Dieu de la santé ,
Nous épargnons à son illustre amie ,
Un sort cruel , une juste infamie ,
Et maint affront que sa témerité ,
merité.
A plus d'un titre avoit trop
Alors la Deïté des mortelles allarmes ,
Laissant de rage échapper quelques larmes,
Et l'oeil étincelant de colere et de feu :
Fuyons , dit- elle , un triste lieu ,
De la Paix le séjour tranquile ,
Et de Thémis le redoutable azile ,
Sortons pour ne rentrer jamais .
A ces mots elle fuit . Le Dépit et la Honte ,
D'une aîle obéissante et prompte ,
Volerent sur ses pas , suivis des vains regrets ,
Et des soucis cuisans ennemis de la Paix .
Ah ! si le Roy des Dieux , Maître des destinées ,
Ecoutoit les voeux que j'ai faits !
Si par des Loix justes et fortunées ,
Il mésuroit le cours de vos années ,
Sur vos vertus et vos bienfaits !
Deslors vos jours serains, sombres, et sans nuages,
Biiij Cou
862 MERCURE DE FRANCE
Couleroient dans la gloire et verroient tous l
âges ;
Et la solide Verité ,
Sur votre Palais respecté ,
Graveroit d'une main hardie ,
Ces Vers l'effroi da Temps et de la noire Envie
De ce brillant séjour par Themis habité ,
La jalouse Mort est bannie ;
Le Cielpour couronner de la sage
L'inestimable pieté ,
Uranie ,
Veut qu'elle mene en paix une tranquille vie,
Dans le sein glorieux de l'Immortalité.
REMARQUES sur les Lettres inserées
dans les deux derniers Mercures >
au sujet du nom et de l'étimologie de
Bourdeaux ou Bordeaux .
N matiere d'étimologies il faut les
E chercher dans la langue naturelle et
originale de chaque Païs , ou de celledes
Colonies qui sont venues l'habiter.
Dans l'ancienne Langue celtique , qui
étoit celle qu'on parloit dans les Gaules
, la Germanie , la Grande Bretagne
&c. Bourg, ou Burggauts , signifie la ville
des Gaulois , nom qu'on a donné à Bordeaux
, parce que les Gaulois, qui étoient
divi
MAY. 1733. 863
divisez des Aquitains par la Garonne ,
passerent cette Riviere , et s'établirent en
deçà. Une semblable raison a fait appeller
Burgus Santonum , la ville de Bourg ,
qui est une Colonie des Santones , qui
s'établirent plus bas sur cette Riviere.Le
nom de Burg est fort usité dans les noms
des Villes de tout le Païs du Nord , et il
signifie Castrum , Sedes , Urbs, habitatio
& c. Cesar a appellé Bituriges vibises
les environs de Bordeaux , et ce n'est
que Strabon, et Ausone après lui, qui ont
latinisé Burg , gauls , et en on fait Burdigala.
Or ce mot s'est formé comme celui
de Linguadokum , qui vient de Lingua
Gottorum , nom qu'on donne à la Gaule
Narbonnoise , où les Gots s'établirent au
quatrième siècle , sous l'Empereur Honorius.
Les François appellerent ce Païs
Langue des Gots ou Langue des Kots , cat
le Get le K se changent souvent l'un en
l'autre , et quand on a voulu latiniser ce
nom , on a dit Linguadokum ; de sorte
qu'il y a eu d'ajouté l'article du Génitif,
tout ainsi qu'il s'est introduit dans l'Espagnol
, l'Italien et l'Anglois.
De Burg de Gauls , on en a ensuite
formé Bordeaux , comme de Langue des
Gots , s'est formé Languedok , où il y a
une sillabe retranchée.
By Les
864 MERCURE DE FRANCE
Les noms anciens latinisez , où il y a
un D au milieu , qui n'est point article
du Génitif, ont laissé le D en devenant
François , comme Andegavum , Anjou ;
Cadurcum , Cahors ; Clodoveus , Clovis , et
Loüis ; Lugdunum , Lyon ; Rhodanus , le
Rhône , &c mais lorsque le D a été prafixum
du Gnitif , il y est resté , comme
dans Linguadakum , Languedoc ; Burdigala
, Bordeaux , & c .
Dans les Langues Gauloise , Celtique ,
Saxone et même Tudesque , aujourd'hui ,
Bord , signifie extrêmité et rivage. Il se
peut qu'on a donné le nom de Bordgauls
à la ville des Gaulois , établis sur les Kives
de la Garonne , du cô é des Aquitains,
et que pour rendre latin ce nom , on a dit
Burdegala. Cette étimologie paroît fort
naturelle ; il y a même plusieurs Paï's qui
ont pris leur nom des Rivages de la Mer,,
ou de quelque Riviere . On dit qu'Aquitania,
signifie Aquarum regio. Armorica, en
Anglois , signifie Regio Maritima. L'Attique
en Grece , Regio littoralis ( si l'on peutse
servir de ce terme ) , parce qu'elle estpresque
toute environnée de Mer.L'Tonie,,
le Pont , la Phrygie, par la même raison..
Le Portugal est le Port des Gaulois.. On
trouve encore aujourd'hui beaucoup de
Villes Maritimes , où sur les bords des,
Rivieres
MAY. 1733 865
Rivieres , qui ont pris leur nom de leur
situation ; comme en France , le Havre
de Grace , Bayonne , &c . et les Villes où
le mot de Port se trouve joint. En Hollande
, Utrecht et Maestrecht ont pris
leur nom de Trajectus , passage , ou Ville
au de- là . En Angleterre quantité de
Villes. En Italie , Östic , &c.
Voilà deux Etimologies dont on pourra
choisir celle qui fera le plus de plaisir,
et qu'on jugera la plus convenable a
nom de Bordeaux.
MISSIVE de l'Infante de MALCRAIS ,
au Chevalier de LEUCOTE CE , en réponse
à la sienne , inserée dans le premier
volume du Mercure de Decembre , page
2570.
Preux Paladin , fameux en courtoisie „,
Qui publiez à ma gloire un Cartel ,
Et défiez, piqué par jalousie ,.
Trois Chevaliers peu chiches de leur pel :
Bien que d'effroi pantoisante , et transie 2
I Voyez Villon , dans la Ballade de son appels
toute Bête garde sa pel ..
2 On disoit aussi Pantoiser , pour
Galeine. Academie Erançoise.
dire la courte
Bvj
OUL
་
866 MERCURE DE FRANCE
Pour quelqu'un d'eux je craigne un coup mor
tel ;
Endemetiers 3 , à noble fantaisie ,
Honneur dois rendre , et veux , n'en doutez
mie ,
Pour ce , du moins vous donner un Châtel •
Quand j'en aurai , s'entend , s'il prend envie
Au Rɔy des Francs , par contrat solemnel
De m'en vendre un à crédit éternel ,
Ja ne cuidez que pourtant sans faillie ,
Homme et Harnois soient en votre baillie
Et que puissiez , sans moult y périller
Conduire à chef chaude et brave avanture ,
Escus desrompre , et hauberts desmailler ,
Tout comme Argi e enfondre triple armure.
Le cas n'est hoc ; fussiez - vous sur Bayard , 4
>
3 Endemétiers , mot ancien, dont s'est servi Alain
Chartier , dans le débat du Reveille matin. Du
Chesne , après avoir dit que ce terme signfie , cependant
, se figure qu'il est dérivé du latin , intercadum
;pour moi e croirois avec tout le respect
que je lui dois , qu'il tire son origine de l'expression
Italienne , è dimesi re, il faut , il convient, quoique
la cons'ruction de la Phrase , dont cette expression
fait partie en Italien , soit n peu differente de
la construction françoise , où cependant, demeure,
pour ainsi dire , isolé.
4 Arioste dans le Poëme de Roland furieux, chant.
5. Sect.74. fait de cefameux Cheval de Renant de
Montauban l'élog: qui suit :
Ne' calci tal passa harca il Cavallo ,
C'hauria spezzato un Monte di metallo.
Cein
MAY. 17337
867
Ceindriez-vous l'illustre Balisarde , s
Qui d'un Héros , fit souvent un fuyard ,
Votre pourpoint bel et bien s'y hazarde,
Emmi Soudarts qui viendront ferraillant
Voltairio Chevalier parvaillant ,
Fait en champ clos tournoyer une Epée ,
Forte , et luisante , enfin acier trempée ;
Et qui plus est , bien qu'il soit bon Jousteur ;
Le vieux Merlin n'étoit pire enchanteur. 6
Tout l'Ost 7 Turquois ne soûtiendroit sa vûë ;
Coint et faitis , l'invincible Guerrier ,
Tenant en main baguette de Laurier ,
Vous les sçauroit , comme poudre menuë ,
Esparpiller , où s'il n'avoit loisir
De faire exploit de sa vertu connuë ,
A son secours veriez en hâte Issir. 8
Des creux Enfers , où bien fort leur ennuye
5 Balisarda , c'étoit le nom de l'Epée de Roger ,
comme Durindana étoit celui de l'Epée de Roland
Se Durindana , è Balisarda taglia ,
Sapete , è quanto in queste , mani vaglia.
Ariost Rol. fur . c. 30. St 51.
6 Voyez dans le chant de Roland furieux , 3
description de la Groste enchantée de Merlin.
Lax
7 Ost , vieux mot , qui signifie Armée ; il est
dérivé du latin Hostis .
8 Issir , vient de l'Italien Usire , en François ,
Sortir.
Brutus
68 MERCURE DE FRANCE
Brutus , Herode , au front plus noir que suye
Et vous feroient sur l'arêne gésir. ro
Point n'ignorez , ô tres-valeureux Sire
Que le Romain qu'orgueil engrillonna ,
Sa géniture à mort abandonna ,
Qu'à l'autre un Rat fit son Epouse occire.
Partant jugez que ces tueurs de gens ,
Au fier combat volant comme à la danse
N'épargneront de vous bourrer la panse ::
Et ne craindront des Archers diligens ,
Par monts , par vaux , la poursuite empressée
Ains , aussi -tôt qu'étendu vous verront ,
Sur le terrain , de votre chair feront ,
Hachis , Ragout , Grillade et Fricassée
Puis à l'envi guayement vous grugeront.
Las ! quand s'aurois la fatale nouvelle ,
Qu'auriez subi fortune tant cruelle ,
D
Pour mon ainour ; que mon coeur plein d'es
moy ,
Se guémentant iroit en désarroy !
Donc , bien qu'ayez fait guerriere Apertise,.
Forcé Remparts , et Géants abbatus ,
Quand sériez même aussi vaillant qu'Artus ,
9 Allusion aux Tragedies de M, de Voltaire,
Mariamne et Brutus,
10. Gésir on Gir , infinitif de Gît ; en Italien ,
Giacere ; en latin Jacere.
11 Artus , Roy d'Angleterre , quifut tres - vail-
Fant , et qui établit P'Ordre des Chevaliers de Ia
Table Ronde..
Trois
MAY. 2733 .
Trois , quatre fois remirés l'entreprise..
Bon soir , Seigneur , je suis à toujours mais ,
Votre servante , Antoinette Malcrais..
Au Croisic , ce 29 de Janvier 173:30.
2. Cette façon de parler vient de l'Italien , Sem
gre mai , dont nous avons fait à tout jamais.
****:***********
ELOGE du R. P. le Quien , Dominiquain.
Extrait d'une Lettre de M D.L..
R. écrite à M. l'Abbé L.B. Chanoine de
la Cathedrale d'Auxerre.
L
E P. Michel le Quien nîquit à Boulogne
sur Mer le 8. Octobre 1661 ..
d'une honnête famille , originaire de la
même Ville. Il fit ses premieres études à
Paris , dans le College du Plessis. A l'âge:
d'environ vingt ans il prit l'habit de
P'Ordre de S. Dominique , et fit son Noviciat
dans le Convent du Fauxbourg.
S. Germain ; mais dans la suite son amour
pour la plus exacte régularité le détermi
na à se faire affilier dans le Monastere
de la rue S. Honoré , qui est d'une Province
Réformée , où il a toujours demeu
ré , et où il est mort le 12 Mars dernier.
En sortant du Noviciat il apprit l'Hé
bren
870 MERCURE DE FRANCE
breu du P. Massoulié , qui possedoit à
fond cette Langue . Ce Religieux est connu
par plusieurs Ouvrages , sur tout par
celui qui est intitulé : Divus Thomas`sui
interpres. Le P. le Quien se mit ensuite
à la lecture de la Langue Grecque , qu'il
sçavoit parfaitement , et voulut aussi ap.
prendre l'Arabe ; connoissances qui lut
furent depuis d'une grande utilité.
Il n'avoit que trente ans lorsqu'il écrivit
contre l'Antiquité des Temps , du Pere
Pezron , qui fit une réponse , à laquelle
notre Sçavant repliqua , l'un et Fautre
Ouvrage , en 2 vol. in 12.
Dans la suite il fit encore une Dissertation
sur un autre Livre du P. Pezron,
intitulé: Essai du Commentaire sur les Prophetes.
Cette Dissertation fut insérée dans
les Mémoires de Trevoux , 1711 .
En 1712.il publia les Oeuvres de S. Jean
Damascene , tirées de diverses Editions
et des Monuscrits de France , d'Italie et
d'Angleterre, revues, traduites en Latin,
éclaircies par des Notes et des Dissertations
préliminaires, &c. 2. vol. infal.chez
de l'Epine
.
Il composa depuis quelques Ouvrages
particuliers , dont le plus important est
la Panoplie , contre les Grecs Schismatiques,
il s'est caché dans cet Ouvrage sous
le nom d'Etienne de Altimura.
Il
MAY. 871
#733 .
Il y a plusieurs Dissertations de sa façon
dans le Journal , intitulé : Mémoires
de Litterature et d'Histoire ; entr'autres sur
Sanchoniat , Auteur Phénicien ; sur S.Nicolas
, sur le Portus Iccius , &c.
Il a eu de plus une tres bonne part à
la nouvelle Edition de l'Historien Josephe
qui s'est faite en Angleterre , et que
tous les Sçavans estiment beaucoup .
Mais l'objet principal de l'application
infatigable du P. le Quien , a été depuis
plusieurs années , la composition d'une
Histoire generale de toutes les Eglises
d'Orient , et de celles de l'Affrique , dont
il publia le Projet dès l'année 1713. sous
le titre ORIENS CHRISTIANUS ET AFFRICA.
Plusieurs empêchemens , des Maladies
sur tout, ont retardé l'exécution de ce
Projet , qui se trouve cependant bien
avancée comme vous le verrez à la fin
de ma Lettre.
,
On peut mettre parmi les Distractions
qui ont empêché l'Auteur de publier luimême
son Ouvrage , la contestation , ou
plutôt la vive dispute qu'il a eue avec le
P. le Courrayer, au sujet des Ordinations
Anglicanes. Notre Sçavant Religieux s'y
donna tout entier ; ce qui a produit de
sa part une Réfutation en 2 vol. in 12.et
ensuite une Replique , sans compter la
Lettre
872 MERCURE DE FRANCE
Lettre qu'il me fit l'honneur de m'addresser
, sur la même matiere , du 14 Février
1731. insérée dans le Mercure d'Avril
suivant.
Le P. le Quien fut lié de bonne heure
avec beaucoup de Sçavans , sur tout
avec le R. P. Montfaucon , dont l'intime
amitié étoit de 46 ans , avec les Abbez
Renaudot , de Fleury , de Longuerie et
des Thuilleries , le P. Hardouin , M. Simon
, M. Ernest Grabbe , sçavant Anglois
, qui a parlé si avantageusement de
lui dans ses Notes sur S. Irenée , et avec
d'autres Sçavans et vertueux Etrangers.
Du nombre de ces derniers sont Mauto
Cordato , Prince de Valachie , qui lui
a envoyé son Livre des Offices , composé
en grec , à l'imitation de celui de Ciceron
, et Chrysante , dernier Patriarche
de Jerusalem , qui lui a aussi envoyé un
Ouvrage grec fort estimé , de sa composition.
La Piété du P. le Quien fut au moins
égale à son érudition , et on peut dire que
la science , bien loin d'affoiblir sa foy ,
servit au contraire toujours à nourrir en
lui l'esprit de Religion . La veritable
science , disoit- il souvent , enseigne à
être humble ; aussi n'a - t - on jamais vû de
mort plus chrétienne que celle qui a ter
phiné
MAY. 1733 . 873
miné sa course ; entr'autres dispositions
qu'il a fait paroître en mourant , il a déclaré
qu'il renonçoit à toute l'estime que
les hommes pourroient faire de sa personne
et de ses Ecrits , ne souhaitant autre
chose , si ce n'est que Dieu fut glorifié
par ses Ouvrages , &c. enfin ses
dernieres paroles , et qu'il repeta souvent,
furent celles de S. Ignace Martyr : Amor
meus Crucifixus est .
La veille de sa mort il parla avec une
parfaite tranquilité de son principal Ouvrage
, donnant à ceux qui doivent en
continuer l'Edition , tous les conseils et
tous les enseignemens necessaires ; il parla
aussi , et de la même maniere , de ses
autres Ouvrages Manuscrits , entre lesquels
sont plusieurs Dissert ons et l'His
toire de Boulogne sa Patrie , sans oublier
plusieurs petits détails Litteraires , les Livres
empruntez à ses amis , & c. le tout
avec la présence d'esprit d'un homme
bien sain , qui se dispose à faire un voyage.
Vous serez bien- alse d'apprendre que
le premier volume du grand Ouvrage
Oriens Christianus , est presque entierement
imprimé, et que le Manuscrit est
dans un tel état que l'impression pour
être continuée , comme elle le sera en
effet
874 MERCURE DE FRANCE
effer , sans que la mort de l'Auteur caus
aucune interruption .
Ce que je dois à sa mémoire et le mérite
de l'Ouvrage m'engageront à continuer
mes attentions , pour procurer du
côté du Levant , tous les Mémoires et les
aurres secours qui peuvent contribuer à
sa perfection.
XXXXXXX ::********
REPONSE du Chevalier de Lencotece
aux Vers de M. Carelet inserez
dans le Mercure de Fanvier 1733 .
QuiUcioconnqque aura délicatesse ,
›
Et dans le coeur et dans l'esprit ,
Qui de Vers au bon coin , et de galant écrit
Connoîtra l'art , prisera la finesse ,
Cil , je le sçais , de ma Princesse *
Sera l'amant , et partant mon rival .
A donc, beau Sire, est - ce compter si mal
Comptant ainsi , sans vitupere et honte ,
Aurois -je pû vous oublier ?
Or tenez-vous ferme sur l'étrier ,
Trop bien vous ai mis en mon compte
Et , s'il vous plaît , le beau premier ,
Mlle de Malerass
Non
MA Y. 1733 .
875
Non pas de ceux que dois estropier. ,
Tout simplement , mais de ceux que ma
Lance ,
Doit mettre à Malemort , et pousser
outrance,
LETTRE de M. D.... à Mad. la
Marquise de Saint A ... en lui envoyant
Le Portrait en Vers de Mlle Malcrais
de la Vigne.
L
I y a long - temps , Madame , que
vous m'avez demandé le Portrait de
Mile Malcrais de la Vigne , qui vous est
connue si avantageusement par ses Ouvrages
, par les jolies choses qu'elle a
données au Public ; et il y a long- temps
que moi - même j'ai eû l'honneur de vous
le promettre. Mais des obstacles invincibles
m'ont empêché jusqu'ici de satis
faire une curiosité aussi aimable que la
vôtre. Les Peintres d'un certain goût sont
très- rares en basse Bretagne ; que viendroient-
ils y chercher ? Quelle sorte de
hazard les y attireroit ? Et cependant ,
Madame , vous sçavez que pour peindre
une Deshoulieres , il ne faut rien moins
qu'une
36 MERCURE DE FRANCE
qu'une Cheron. Pour bien représenter
un objet distingué , il faut un Pinceau
qui donne de la vie et une sorte d'ame
à tout ce qu'il touche. Tel seroit le Portrait
de Mlle Malcrais de la Vigne , si
j'avois trouvé une main assez legere et
assez sçavante pour le tracer. Mais cette
main , j'aurois dû m'y attendre , m'a manqué
tout-à- fait. A son défaut , contentez
vous d'un Portait en Vers , et pour tout
dire , d'un Portrait de ma façon. J'avoûë ,
Madame , que c'est perdre au change et
y perdre infiniment. Les Vers ne disent
point tout ce qu'on sent à la vûë d'une
personne aimable , tout ce qu'elle inspire.
A peine méritent- ils d'être comparez à
une gravûre , à qui manque cette expression
de la verité que donne le coloris.
PORTRAIT
DE MLLE MALCRAIS DE LA VIGNE
A La plus touchante Beauté ,
Joindre un air de délicatesse ;
Pour s'entendre louer sans cesse ,
Ne point avoir plus de fierté ;
Voyez le Poëme qui commence par ces mots ,
La sçavante Cheron , &c. parmi les Oeuvres de
Mad. Deshoulieres.
Des
MAY. $739 1733.
Des Vers qu'enfante le Génie ,
Se faire un doux amusement ;
Dans une lecture choisie
Trouver toujours de l'Agrément ;
A ces fleurs qu'offre le Parnasse
Donner encore un nouveau prix ,
Pour en couronner avec grace ,
Ceux qui brillent par leurs Ecrits ;
Sçavoir penser dans le bel âge
Où l'on pense si rarement ,
Et de l'amoureux badinage .
Se défendre avec jugement ;
Etre toujours ce qu'on doit être ,
Dérober encor plus d'esprit ,
Qu'en parlant on n'en fait paroître ;
Laisser douter quand on soûrit ,
Si l'on approuve ou si l'on blâme ,
Rallier enfin dans son ame ,
Tout ce qu'offrent de plus flateur ,
Et le bon sens et le bon coeur.
Voila , me direz-vous , une belle chimere ,
Un objet recherché , peint des plus nobles traits į
Non , de l'adorable Malcrais ,
C'est l'image naïve et le vrai caractere,
LET
€78 MERCURE DE FRANCE
LETTRE écrite à M. Baron , Doyen
de la Faculté de Medecine de Paris
par M. de Lepine , Docteur , Régent de
la même Faculté , au sujet d'une These
qui a pour titre , An à functionum
integritate mentis Sanitas ? Soutenuë le
buitiéme Fanvier 1733. aux Ecoles de
Médecine.
MONSIEUR ,
J'apprens avec une surprise extrême
les bruits que l'on répand contre moi au
sujet d'une These que j'ai faite et à laquel'e
j'ai présidé le huitiéme Janvier de
la présente année , qui a pour titre : An
à functionum integritate mentis Sanitas ?
Rien n'est plus douloureux pour un
homme élevé dans des sentimens d'honneur
et de Religion , qui selon moi doivent
être inséparables , que de se voir attaqué
sur une matiere , où le simple soupçon
donne toujours là plus sensible atteinte
à notre réputation ; ainsi je m'estimerois
le plus malheureux des hommes ,
si je n'avois une ressource dans l'équité
de ceux qui sont en état de juger avec
con,
MAY. 1733. 879
connoissance de cause , et ce sont eux
que je me flatte de convaincre de la
pureté
et de l'orthodoxie des més sentimens.
Les objections qui me cont revenues
se réduisent à deux principales .
La premiere , d'avoir choisi une matiere
qui m'ait engagé à parler de l'Ame ,
de son essence et de ses opérations.
La seconde , d'avoir paru mettre en
problême sa spiritualité et son immortalité.
Je réponds à la premiere objection ,
que jusqu'ici dans nos Ecoles , sans que
personne l'ait trouvé mauvais , on a traité
la même matiere comme un point de
Physiologie très - important sous differens
titres . An mens sana in Corpore sano ? An
principium facultatum Anima ? & c.
Mais outre l'importance du sujet en
general , un motif particulier m'a déterminé
à le choisir. Beaucoup de gens sont
prévenus que tous les accidens qui dérangent
la tête de tant de differentes manieres
, en nous ôtant la liberté sont
des maladies qui attaquent réellement
l'esprit , et que si en même temps les
autres fonctions du Corps sont en bon
état , la Médecine ne peut être d'aucun
secours. ,
C
,
I
Par
$80 MERCURE DE FRANCE
Par une suite de préjugé on a vû dans
tous les temps enfermer des personnes
alienées , sans que leur famille ait daigné
faire les moindres tentatives pour
leur guérison.
De si tristes avantures m'ont excité à
combattre une erreur si préjudiciable au
Public , en faisant voir que les maladies
dont il s'agit , et que l'on croit avoir leur
siege dans l'ame même , ne sont que dans
les organes du corps , quelque bien disposez
qu'ils soient à tous autres égards ;
c'est dans ce sens qu'il faut entendre le
titre de ma These : An à functionum integritate
mentis Sanitas ?
Ayant à prouver que les prétendus dérangemens
de l'Esprit sont seulement de
vrais dérangemens
des parties internes du
Corps , telles que les Nerfs dans leurs
origines et dans leurs communications
,
j'établis pour principe certain que l'ame
ne peut être susceptible des altérations
que la corruption fait subir à la matiere,
c'est ce que je dis en termes formels , lig.
34. du quatrième Cor. p. 3. Num aëris constitutio
potest aliquid in Substantiam cogitantem
? Num terra venenati halitus vale
bunt eam corrumpere ? Absit
Cette proposition est une conséquence
nécessaire de l'Assertion qui est dans mon
premier
MAY. 1733 . 881
premier Corollaire touchant la Nature
de l'Ame. C'est là que je tâche d'exprimer
son Essence , et de la distinguer de
celle du Corps dans la définition que je
donne de la Vie. Communio est rei extensæ,
mobilis , que occupat spatium , que mutat
subinde locum , cum substantia que nullius
loci est capax , que proin sedem mutare nequit
, et tamen quocumque volueris illicò
transvolat.
Cette Assertion suffiroit pour me justifier
contre la seconde objection , elle
est décisive , elle ne renferme aucune
équivoque, et exclut toute espece de doute
: cependant on prétend en faire naître
l'idée sur ses paroles du premier Corol.
Num extensa et solida gaudeat trinâ dimentione
, roganti , non esse corpoream difficulter
probaveris ; At corpoream esse longè
difficilius demonstraveris. Je vous prie ,
Monsieur , de remarquer ici deux choses;
la premiere, qu'il ne s'y agit que de. preuves
philosophiques ; la seconde, que cette
proposition est d'un genre tout different
de celui des Assertions.
in-
Je compare seulement deux sentimens
contraires ; et avant que de donner ma
véritable réponse , je commence par
diquer le plus probable, en faisant remarquer,
que , si d'un côté il n'est pas aisé
C de
882 MERCURE DE FRANCE
"
de prouver l'immatérialité de l'ame , de
l'autre il est , sans comparaison , plus dif
ficile d'en démontrer la matérialité.
Je ne fais donc ici qu'exposer le dou
te ; mais je le résous ensuite , ou du
moins j'explique clairement ce que j'en
pense , lorsque je dis ailleurs ( ce qui est
vraiment Assertion ) que l'ame est une
substance pensante , qui ne peut être contenue
en aucun licu , et sur laquelle la
constitution de l'air n'a aucun pouvoir :
d'où il suit clairement qu'elle est spirituelle
; et par conséquent je suis bien éloigné
d'affirmer qu'on ne puisse prouver
ce que je regarde moi-même , et ce que
je donne comme absolument certain .
Pour ce qui regarde l'immortalité de
l'ame , il est vrai que je dis de Platon
Concupivit potiùs , quàm demonstravit z
mais la Religion pourroit- elle admettre
la démonstration qu'il s'imagine en donner
dans le Phedon , lorsqu'il dit que
l'ame étant à elle-même la cause de son
mouvement , elle ne peut jamais finir ?
Cer illustre Philosophe a pensé plus
conformément aux principes de la vraye
Religion dans le Timée, où il assure que
la seule volonté du Dieu suprême donne
l'immortalité à tous les êtres intelligens.
Après une justification aussi précise que
celle- cy ,
MAY. 1733. 883
celle-cy , si quelqu'un pouvoit encore
prétendre que dans la proposition Num
extensa , &c. je mets en problême la spiritualité
de l'ame , je desavoue non seu
lement , mais je déteste le sentiment qu'il
m'attribue , en suppliant les Juges équitables
de remarquer qu'il est formellementdétruit
par les deux Assertions, Substantia
cogitans , p. 3. Cor. 4. 1. 35. et
nullius loci capax , p . 1. Cor. 1. ligne derniere
, que j'ai rapportées.
Quoique je doute que mes expressions
ayent une interprétation si odieuse , je
suis sensiblement affligé si elles ont pû
y donner lieu ; et quelque témoignage
que je me rende à moi - même de l'intégrité
de ma foi et de la pureté de mes
intentions , je me reconnoîtrai coupable,
si l'on peut me convaincre , d'avoir parlé
d'une maniere à me faire soupçonner de
l'être mais le sentiment de ma conscience
me rassure , n'ayant jamais riem
pensé ni écrit que de conforme aux sentimens
de l'Eglise Catholique, Apostolique
et Romaine , dans le sein de laquelle
je veux vivre et mourir,
J'ai l'honneur d'être avec tous les sentimens
d'estime , de considération et de
respect possible , &c.
A Paris , le 4. Avril 1733 .
Cii POR
884 MERCURE DE FRANCE
XXXXX XXXXXXXXXX
PORTRAIT DE MLLE C ***
Par M. Carolet.
E n'est point à Phébus que j'adresse mes
CE voeux
Pour faire le Portrait de l'aimable Uranie ;
L'Amour , le seul Amour , qui regne dans ses
yeux ,
Doit fertiliser mon génie.
Ce Dieu qui sçait si bien la graver dans les
coeurs ,
Mais
De mon foible Pinceau peut seconder l'audace ,
Que vais- je faire, hélas ! quelle frayeur me glace
Je redoute l'éclat de ses attrats vainqueurs.
que dis je tentons cette noble entreprise ,
Aux avides regards exposons ce Tableau ;
Qu'on manque ce Portrait , il sera toujours beaus
D'un seul trait entrevû l'ame doit être éprise,
Commençons et d'abord peignons cette douceur,
Qui saisissant les yeux , sçait maîtriser le coeur ,
Cette naïveté toute spirituelle ,
Et ce je ne sçai quoi , qui , joint à lafierté ,
Fait de la beauté naturelle ,
L'Ecueil fatal de notre liberté;
De l'objet que je peins ce sont les moindres
@harmes
Charmes
MAY. 1733. 889
Charmes pourtant à qui tout rend les armes ,
Qui surs de la victoire enchaînent les Mortels ,
Et disputent aux Dieux l'Encens et les Autels.
Mais sur des appas plus solides ,
Jettons nos regards étonnez ,
Les Ris modostement timides ,
Relevent des talens par cent vertus ornez ;
La sagesse , trésor aussi rare qu'utile ,
Est un don qu'Uranie eut pour lot en naissant ,
Son esprit , ses discours , ont un charme puis
sant ,
Qui dans les coeurs trouve un accès facile .
Mais ou m'emporte mon ardeur ,
Je suis sûr de déplaire à là belle Uranie ,
Je n'ai consulté que mon coeur
Sans consulter sa modestie,
>
鼎鼎鼎
VOYAGE de Basse Normandie. Suite
des Remarques de M... sur l'Inscription
du Marbre de Torigny.
11 1.
L
XI. LETTRE.
OGUM ORDO CIVITATIS
Viducassium libenter dedit
dum XIII.
род
Civitas ducassium , ou Biducassium
appellée ensuite Bajocassium , est la Villa
Cij
et
I
886 MERCURE DE FRANCE
et le Diocèse de B.yeux en Normandie,*
et non pas le Village de Vieux. Prolomée
, L. VIII. assure que dans la Gaule
Lyonnoise il y a quatre Peuples situez
au Septentrion et sur l'Ocean Brittanique
ΒΙΔΟΥΚΕΞΙΩΝ Biducessii , ΟΥΝΕΛΙΩΝ
Veleni ΛΕΞΟΥΒΙΩΝ Lexovii ΚΑΛΕΤΑΙ
Caleta : Les trois derniers sont ceux de
Coutance , de . Lizieux et du Pays de
Caux. On ne peut douter que les Biducesii
ou Biducasses , comme Pline les appelle
, L. 1 V. 6. 18. ne soient ceux de
Bayeux , ce qui est confirmé par l'Inscription
de ce Marbre trouvé dans le
Diocèse de Bayeux . Cent ans ou environ
après que notre Inscription eut été gravée
, les noms de plusieurs Villes commençant
à s'alterer , on changea ce mot
de Biducasses en Bajocasses , comme on
le voit par ces Vers d'Ausonne.
Tu Bajocassis Stirpe Druïdarum satus ;
Beleni sacratum ducis è Templo genus,
De Bajocasses on fit Bajoca , comme on
le voit dans la Notice de l'Empire , Sect .
** L'Auteur des Remarques décide ici une chose
qui étoit du moins incertaine avant les Découvertes
qui ont été faites à Vieux. Voyez là- dessus la
Description des Monumens qui y ont été trouvez, et
les Remarques faites sur ces Monumens , dans le
Mercure d'avril 17329
LXV.
MA Y. 1733- 887
LXV. Præfectus Latorum , Batavorum ,
et Gentilium Suevorum ; Bajocas à Bayeux
et Constantias Lugdunensis II. à Coutances
. Ainsi on disoit en ce temps- là Trecas
pour Trecasses , Drocas pour Durocasses
, & c .
Dans toutes les anciennes Notices on
voit au nombre des sept Citez de la seconde
Lyonnoise , Civitas Bajocassium.
Gregoire de Tours nomme ces Peuples.
Viducasses Bejocassins , au 27. Chap. du
5 L. de son Histoire , et Fredegaire , en
corrompant ce mot , appelle les mêmes
Peuples Bagassins , au Chap. 80. de sa
Chronique. Charlemagne nomme le Pays.
Bessin Bajocassinus Pagus , dans ses Capitulaires
, et Charles le Chauve dans les
siens , appelle le même Pays Bagisinus
Pagus. Oderic Vital , L. V. dit qu'il y
a six Villes Episcopales sujettes à Rouen,
Rothomago sex urbes subjacent, Bellocassium
( emend. Bedocassium vel Biducassium ) id
est Bajocas. A quoi il faut ajoûter en faveur
de la Ville de Bayeux , que son Siege
Episcopal est le premier et le plus
ancien de tous ceux de la Province de
Rouen , et que l'Evêque a la préséance
au dessus de tous les Evêques Comprovir
ciaux , ce qui démontre la grande
antiquité de cette Ville.
Cv M.
888 MERCURE DE FRANCE
M. Vallois , dans la Notice des Gaules ,
veut que Bayeux ait été appellé Argenus
par Prolomée , L II. C. 8. en ces termes,
ΒΙΛΟΥΚΕΣΙΟΙ ΩΝ ΠΟΛΙΣ ΑΡΓΕΝΘΥΣ
Mais ces mots wraλis , ne se voyent pas
dans les Editions Grecques de Ptolomée
l'ancien Traducteur Latin veut au contraire
qu'Argenus soit une Riviere , Ar
genis fluvii estia. M. Valois prétend
outre cela , qu'un lieu appellé dans la
Carte de Peutinger , Aragenus , soir cette
Vill d'Agenus , ce qui est fort incertain.
Quoiqu'il en soit , on ne doit point
douter que Bidugasses , Biducasses , Butucasses
, Bajocasses , Bajoca , Bayeux , no
soient une même Ville , Ch . f. d'un Dio
cèse et des Pouples du Bessin.
IV. AMICUs Benemerentis Claudii Paus
lini Legui Casaris Augusti Proprætore Prom
vincie Lugdunensis fuit..
La Province Lyonnoise étoit Imperiale
et gouvernée par un Lieutenant de l'Em
pereur ; cet Officier étoit Civil er Mili❤
taire, on l'appelloit Popreteur , parce qu'il
avoit les mê nes droits , les mêmes hon-
✦ Sion peut donner quelque chose à la conjecture,
fandéo sur la ressemblance des Noms , le Village
Argence ä lieues de Caën , sur le chemin de
Lizieux , pourroit bien être un reste de cette ancien
neVilles
4.
neurs
1 889 MAY. 1733.
meurs et le même nombre de Faisceaux ,
que les Preteurs de la Ville de Rome.
Amicus Paulini , Sennius Sollemnis avoiɛ
fendu un grand service à Paulin , en s'op
posant à ceux qui vouloient dans l'Æsemblée
generale des Provinces , accuser
ce Gouverneur d'injustice , comme AEdinus
Julianus , successeur de Paulin au
Gouvernement de la Lyonnoise , le témoigne
dans sa Lettre au Tribun Comnianus
, Vice- Président de la même Province.
Cette Epitre est gravée sur l'un des
côtez du Marbre de Torigny.
L'Inscription du devant du même Piédestal
parle de cette Lettre en ces termes
Cui Semp R Arectus FVIT SICVT EPIST A ... ...
AE AD NOS SCRIPTA EST DECLARATVR.
CVI (Paulino ) POSTEA ( Britan ) LEG.
AVG. PENESEVM AD LEGIONEM SEXTAM
ADSEDIT. Il faut necessairement ajoûter
les Lettres BRIT. sans quoi cette Phrase
n'auroit point de sens et cette Addi
tion est confirmée par ces paroles gravées
sur l'autre côté du Marbre du Piedestal.
Exemplum Epistula Claudii Paulini Legati
Augusti Propretore Provincia Britannië
ad Sennium Sollemnem. Paulin, après avoir
gouverné la Lyonnoise en qualité de
Lieutenant de l'Empereur et de Prope
teur ,fut envoyé dans la grande Breta
Cvj gne
890 MERCURE DE FRANCE
gne ; et Sennius Sollemnis fut un des As
sesseurs de Paulin , qui commandoit la
VI. Legion , comme Lieutenant General
dans la Province ; car cette Legion
avoit son Quartier dans la Grande Bretagne
et dans la Ville d'Yo ck , comme
Prolomée le marque , L. II. C. 3 .
Ces Légions étoient tellement attachées
aux Provinces où on les avoit placées ,
que les Gouvernemens ont pris quelquefois
les noms des Legions qui y étoient
en garnison . Tertulien dans le IV. Chap
du Livre à Soupulus , appellé le Président
de Numidic Prases Legionis ; car Caligula ,
pour affoiblir l'autorité du Proconsub
d'Affrique , donna à un autre Officier le
Gouvernement des Numides avec les
Troupes ou la Légion . Provincia divisa
exercitus alteri et Numidas mandavit , atque
bolie etiam fit , dit Dion , p. 656.
c'est pourquoi Ptolomée attribue la troisiéme
Légion Auguste à la Numidie.
V. ] CVIO OB SALARIVM MILITIAE IN
AVRO. Le Graveur a omis ici quelques
mots qu'il faut suppléer par l'Epitre à
Paulin , où on lit. Milit.a salarium , Deserteriis
viginti quinque nummos ,. in auro..
* L'omission du Graveur saute aux yeux. On ne
peut mieux la réparer quepar l'autre partie de l'Ins
ription , comme fait l'Auteur des Remarques.
VI
MAY. 17337
VI. ] ALTAQ MVNERA LONGE PLVRIS
MISSA. Paulin , dans sa Lettre à Sollemnis
, specifie les Présens Munera , Chlamydem
Carbasinam , Dalmaticam Laodicenam
, Fibulam auream cum gemmis.
Virgile , L. XI. de l'Eneïde , parle ainsi
de ces Chlamydes Carbassina , attachées
avec des crochets d'or.
... Croceam Chlamydemque sinusque crepantes
Carbascos fuluo in nodum collegerat auro
Et Lucain parle aussi de ces vétemens
dans sa Pharsale , L. 3 .
Fluxa coloratis astringuntur Carbasa gemmis.
Le mot Dalmatica signifie une manie
re de vêtement venue de Dalmatie . Capitolin
, dans la Vie de Pertinax , Ch. 8.
dit qu'on tenoit parmi les Meubles de
Commode , Tunicas , Penulasque , Lacernas
et Chiri lotas , Dalmatarum. Lampide
dans la Vie de Commode , Chap . 8 dit
de ce Prince que Dalmaticatus in Publico
processit , ce qui passoit alors pour une
chose infam . Les gens graves et medestes
ne paroissant jamais avec des Dalmatiques.
Et le même Historien assure ,
Chap 24. de la Vie d Heliogabale , que
cet Enrpereur avoit souvent paru Bal
maticatus in foro post Coenam. S. Isidore ,
Chap .
892 MERCURE DE FRANCE
Chap. 22. du 19. L. de ses Origines , témoigne
que Dalmatica Vestis primum in
Dalmatia texta est. Mais quoique l'invention
de ces sortes de vêtemens soit venue
de Dalmatie , et qu'ils ayent pris le
nom de cette Province , neanmoins la
mode s'étant introduite dans tout l'Empire
Romain de porter des Dalmatiques,
on en établit des Manufactures en divers
Lieux ; on estimoit le plus celles qu'on
faisoit à Arras et à Laodicée , suivant les
paroles de S. Jérôme , L. 2. contre Jovinien
, T. 2. Cod . 106 , Edit . de Nivelle.
Atrebatum ac Laodicea indumentis ornatus
incedis. Et peut être que les Dalmatiques
de Laodicée
étoient de plus grand prix
que toutes les autres , parce que les Laines
de cette Ville étoient meilleures
, com
me Pline nous l'apprend
, L. VII . Ch. 48 .
VII. Il est fort difficile de trouver ce
que signifie ToSSIAM Brittanicam . Si cę
mot est venu de la Grand - Bretagne , aussi
bien que ce qu'il signific . Lorsque les Ro
mains empruntoient quelque chose des
Etrangers , ils conservoient les noms Barbares
qu'ils introduisoient dans la Langue
Latine , où nous trouvons beaucoup de
mots Gaulois et Bretons. Nous avons pour
ce qui concerne les Habits Bracha, espece
d'Habit , décrite par Diodore de Sicile ,
Laina
MAY. #733. 89.3
Laina , maniere de Saïe dont parle Strabon
,Bardo- cucullum, Manteau des Bardes,
Poëtes Gaulois , dont Martial fait mention.
Le mot Cucullum est venu du Gaulois
ou du Breton Cucull. C'est pourquoi
Juvenal , dans sa huitiéme Satire appelle
ces Cuenlles Saintongeois.
Tempora Santonios velas adòperta Cuculla.
Caracalla , Habit Gaulois , qu'Antonim
fils de Sévere , donna au Peuple Romain .
Glascum , Herbe dont on se servoit pour
teindre en bleu. Cependant j'ose douter
que ce mot ToSSIAM , soit de l'ancienne:
Langue Bretonne , et je conjecture qu'il
est Latin.
Il faut remarquer que les Lettres de
cette Inscription , effacées en plusieurs
endroits , sont quelquefois entrelassées *
les unes dans les autres , et qu'il y en a
par consequent de fort petites qui ont pû
disparotire aisément. Ce mot TOSSIAM ,
doit être ainsi rétabli TROSSVLAM . Cette
maniere de vêtement que les Latins ap-
"
*On pourra voir cet entrelassement des Lettres ,
c. dans la Gravure qu'on se propose de donner
de toute l'Inscription . Mais toujours on peut comp
ter que nous avons lû TOSSIAM sur le Marbre at
que ce mot a été lû de même avant nous dans les
deux ou trois copies quej'ai rapportées de Torigny...
pelloient
194 MERCURE DE FRANCE
pelloient Trossulam ou Trabeam Trossu
lam , et les Grecs Epeseda étoit tissuë de
Laine de couleur de Pourpre , mêlée
d'autre Laine teinte en écarlate. Cette
Trossula n'étoit pas differente de la Saïe
Punique , et on y mêloit de l'Ecarlatte
parce que les Anciens combattoient vétus
de rouge , afin que le sang qui couloit- des
playes ne parût pas.
VIII PELLEM VETULI MARINI SEMESTRIS
La Peau de Veau Marin est couverte
de poil cendré. C'étoit alors un rare
présent qu'une Peau de Veau Marin ,
animal tès- difficile à tuer , comme dit
Pline , L. IX. Chap. 13 Cet Auteur dans
le même lieu attribuë aux Peaux de Veaux
Marins une proprieté bien singuliere en
ces termes Pelles eorum etiam detractas corpori
sensum æquorum retinere tradunt , semperque
astu maris recedente inhorescere
et au L II. Chap. 55. il nous fait connoître
pourquoi les Anciens estimoient
tant les Peaux de Veau Marin ; c'est , qu'ils
croyoient qu'elles garantissoient de la
Foudre N inquan Fulmen , & c . Suetone,
* Notre Auteur a sans doute , cité ce Passage
de Pline de memoire ; voici comment il faut le rétablir.
Ideo Pavi di altiores specus tutissimos putant
: aut tabernacula è pellibus belluarum quas
vitulos appellant , quoniam hoc solum aniinal
Marinis , Fulmen , non percutiate
,
MA Y.. 1733. 895
L. 2. Chap. 90. rapporte qu'Auguste craignoit
fort le Tonnerre , et qu'il portoie
par tout une Peau de Veau Marin pour
se garantir de la Foudre , Ut semper, et
ubique , &c. Spatien dit que Septime-
Severe avoit la même foiblesse , et qu'il
fit couvrir sa Littiere de Praux de Veaux
Marins. Plutarque dans ses Symposiaques ,
L. 4. Q. 2. nous apprend que les Pilotes
pour préserver du Tonnerre leurs Vaisseaux,
couvroient de Peaux de Veaux Marins
et d'Hyenes, l'extrémité des Voiles ;
il parle encore de cette vertu des Peaux
de Veaux Marins au L.5.du même Ouvra
ge , Chap. 3 .
SEMESTRIS Le Veau Marin croît en fort
peu de temps , il y en a une certaine espece
dans les Mers du Nord , que les
Russes et les Anglois appellent Morfh ,
et les Flamans Walrusses qui deviennent
plus gros que les plus grands Boeufs , et
à deux ou trois mois ils sont aussi grands
que des Dogues d'Angleterre .
IX. [ … .. VI ... R ... O ... Genvs
V ...
SPECTACVLORVM . PINICIA DIA.
Ceux qui ont vû les premiers cette
Inscription , ont lû ainsi cet Endroit . Cu
jus cura omnegenus spectaculorum atqueTaurinicia
Diana. Mais il y a lieu de douter
de ce mot Taurinicia , qu'on ne trouve
nulle
896 MERCURE DE FRANCE
nulle
part ; outre que la copie de M. Pe
titte nous prouve que ces trois Lettres
TAV, ne se lisent point dans l'Inscription
où on ne voit que RINICIA , Taurinicia
ne se peut lire suivant l'Analogie Grammaticale
, il faudroit Tauronicia
, comme
Tauropolia , Fête des Lacédémoniens Tau
rocathapsia , qui étoient des Jeux des
Thessaliens ; enfin , comme Taurobotus ,
Taurobolia , Taurophagus , Taurophagia
s
et d'ailleurs on n'honoroit
pas
Diane par
des Combats de Taureaux , mais par des
Chasses de Cerfs ou d autres Bêtes sau
vages ; car Diane étoit surnommée EAA-
ΦΗΒΟΛΟΣ , et la grande Fere qui lui
étoit dédiée dans la Grece , TA EAAOHBO
AIA , d'où vient le mot Elaphebolion
, on
écrivoit ce mot par HAADHBOAION
, aų
lieu d'EAADOBOAION
, comme EAAQOBỌAIA
et EAAQBOAOX
, selon l'usage
des Poëtes qui changeoient l'O en H ,
pour avoir une sillabe longue et faire un
Dactile ΕΤΡΕΨΑΝΤΟΙΑ
, ασμακρείον
,
Siasurlénian , Baxλçań , dit. Eustathe
* M. Petitte , Chanoine et Official de Bayeux,
avoit pas manqué , sans doute, de copier cette
Inscription , et de la mieux copier qu'un autre. Il
a travaillé toute sa vie à l'Histoire Civile et Ecclesiastique
de Bayeux. Voyez là-dessus le Mercure
Octobre 1732. p. 21380
Sur
MAY. 1733. 897
sur le V. L. de l'Iliade , T. I. p. 521 .
Edit. de Rome. Ainsi je doute qu'il y ait
dans l'Inscription la lettre R bien formée
, et je crois qu'il faut lire EPINICIA
DIA. Epinicia , qui sont les prix de ceux
qui ont vaincu aux Jeux ; et Sollemnis
qui avoit donné les Spectacles, avoit aus
si donné les Prix , Epinicia.
X. ERAT SENNIUS ME ... CUR . MART...
ATQ... DIAN... P. Sacerd.
Edinius Julianus , dans sa Lettre à
Commianus parle de Sollemnis en ces
termes : Sollemnem istum oriundum ex civitate
viduc. Sacerdos. Mercure , Mars ,
et Diane étoient dans les Gaules les princlpaux
Dieux dont notre Sollemnis étoit
premier Prêtre ; aussi la Ville de Bayeux
étoit celebre à cause de ses Druides,dont
les Races étoient très- nobles et tres- anciennes
; c'est ce que prouvent les Vers
d'Ausonne , que j'ai déja citez . Cette Illustre
famille des Druides de Bayeux des
cendoit des Prêtres d'Apollon , appellé
Bellenus par les Gaulois , et par ceux d'Aquilée
; comme le démontrent diverses
Inscriptions , rapportées par Gruter. Ausonne
, dans ses Poësies sur les Professeurs
de Bordeaux , louc un Rheteur ;
nommé Attius , Patera , Pater , auquel ses
rapportent les deux Vers qu'on a vûs
plus
858 MERCURE DE FRANCE
plus haut ; et il est à propos de rappor
ter icy ce témoignage d'Ausonne tout
entier.
Tu Bajocassis ( vel Bagocessi ) stirpe Druidarumza
satus ,
Si fama non fallit fidem ,
Beleni sacratum ducis è templo genus &
Et inde vobis nomina ,
Tibi Patera sic Ministros nuncupant »
Apollinaris Mystici ,
Fratri Patrique nomen à Phoebodatum
Natoque de Delphis tue.
Ausonne lote encore un autre Professeur
de Bordeaux , qui descendoit des
Druides , et avoit été Sacristain du Teme
ple de Belenus .
Nec reticebo senem
Nomine Phabitium , qui Beleni adituus ,
Nil opis inde tulit , sed tamen ut placitum ,
Stirpe satus Druidum gentis Aremorica ,
Burdigala Cathedram nati opera obtinuit .
XI. ... FUIT CLIENS PROBATISSIMUS
AEDINI IVLIANI ... LEG. AUG. PROV . LVGDVNEN...
CVI . SEMPER . AF. TVS FVIT. Sicut
Epistula que ad nos scripta fuit decla
ratur.
Julianus , dans sa Lettre dit , qu'ik
com
MAY. 1733 . 899
commença à aimer Sollemnis propter sectam
, à cause de sa Profession de Prêtre et
de Druide, et propter gravitatem et honestos
mores.
Lorsque Julianus écrivoit cette Lettre
au Tribun Commianus , il étoit alors
Préfet du Prétoire , comme ces mots de
l'Inscription le démontrent : Exemplum
Epistula Alinii Jul... Præfecti Prato.
Nous ne pouvons placer le temps de la
Préfecture de ce Julianus après l'an 238 ,
à cause du Consulat de Pius et de Proculus
, marqué dans l'Inscription, Il ne
seroit pas raisonnable aussi de reculer le
temps de la Préfecture d'Edinius plus .
loin que le temps de Caracalla ; on sçait
que les deux Préfets de cet Empereur
étoient Adventus et Macrin, Le dernier
après avoir fait assassiner son Maître , lui
succeda à l'Empire , et créa deux Préfets
du Prétoire , Appius Julianus et Julianus
Nestor, comme Dion , qui fleurissoir pour
lors , nous l'apprend dans lesFragmens du
liv . 78, pag.895.Notre Adinius ne peut
être ni l'un ni l'autre de ces deux Juliens ;
car VlpiusJulianus fut massacré par les
Soldats révoltez contre Macrin , en faveur
d'Héliogabale . Macrin désigna aussi-
tôt Basilianus , alors Préfet d'Egypte,
pour successeur d'Appius , comme Dion
nous
900 MERCURE DE FRANCE
nous l'apprend encore au même liv . 73.
pag. 903 .
Ce Basilianus , après la mort de Ma
crin , ayant erré quelque temps , fut
égorgé à Nicomédie , selon Dion, p.904.
Héliogabale , après sa Victoire , fit mou
tir le Préfet Nestor , avec Fabius Agrippin
, Gouverneur de Syrie , comme Dion
le rapporte , liv . 79. pag. 907. Le même
Empereur créa Préfet du Prétoire , Euty.
chianus Comazon ; Dion , liv . 79. p.908.
Après Comazon , il y eut deux Préfets
qui furent tuez , avec Heliogabale , page
916. et ils s'appelloient Flavianus et
Chrestus. Ce fut Ulpien , favori d'Alexandre
, qui les fit mourir , et leur succeda
, le nouvel Empereur lui ayant donné
la Charge de Préfet , selon Dion , livre
So. pag. 917. Ulpien fut massacré
les Soldats , vers l'an 227. pendant que
Dion gouvernoit la Pannonie , ainsi qu'il
le raconte , liv. 80. pag. 917. Les Historiens
ne nomment point le successeur
d'Ulpien ; d'ailleurs nous sçavons que
sous Maximin , Vitalien étoit le Préfet
du Prétoire , qui résidoit à Rome , où il
fut tué par l'ordre du Sénat , l'an 237.
comme nous l'apprenons d'Hérodien
ou de Capitolin.
Edinius Julianus résidoit à Rome
par
comme
MAY. 1733. 901
comme il le témoigne dans sa Lettre. Is
( sollemnis ) certus honoris mei erga eum ad
videndum me in Urbem venit : proficiscens
petiit, ut eum ad te commendarem. Je ne vois
donc point de place pour la Préfecture
d'Elinius Julianus , que depuis la mort
d'Ulpien , jusqu'à celle d'Alexandre Se
vere , il n'y avoit qu'un Empereur au
temps que Paulin écrivit la Lettre , gravée
sur le Marbre de Torigny . Ces mots : Er
MAIESTATE SANCTA IMP. le font voir.
C'est donc sous l'Empereur Alexandre-
Severe que Julien - Paulin et Sollemnis
ont exercé les Charges , dont il est fait
mention dans l'Inscription : Fuit cliens
probatissimus Edinius - Juliani legati Augusti
Provincia Lugdunensis.
Edinius Julianus avoit été Lieutenant
de l'Empereur dans la Province Lyonnoise
, comme on le voit par ces mots ,
gravez sur le devant du Piédestal ; ce
qui estconfirmé par la Lettre de Julianus,
gravée sur l'un des côtez de ce Marbre :
Claudio Paulino Decessori meo . Nous
avons déja vû que Paulin avoit eu le Gou
vernement de laLyonnoise : que veut donc
dite Edinius -Julianus , par ces mots : In
PROVINCIA LVGDVNENS. QUINQUE . FISCALI...
IGEREM? Ce dernier mot , n'est pas
Agerem, car M. Petitte dans sa copie ,tresexacte
902 MERCURE DE FRANCE
exacte , fait voir qu'il n'y a que IGEREM,
et cette figure I un peu courbe , ne marque
pas la jambe de celle d'un A , mais la
lettre I , que les Sculpteurs ne gravent
pas toujours droit.
Je ne puis croire qu'il y ait * Fascalia,
comme quelques- uns le prétendent ; car
ce mot barbare , et qui ne fut jamais Latin
, peut il avoir été en usage pour si
gnifier une fonction principale d'un
grand Magistrat Romain ? Concluons donc
qu'il faut lire ainsi cet endroit : In Provincia
Lugdunensi Quinquennalia fiscalia
dum exigerem. Ce mot Fiscalia , se prend
pour les Tributs qu'on paye au Souve
rain. Ambrosiaster , sur l'Epître aux Romains
: Ideo dicit tributa prastari vel qua
dicuntur fiscalia ut subjectionem præstent.Le
Scoliaste de Julianus , Antecessor , c. 72.
Quando is qui nihil possidet fiscalia dare
cogitur.Fiscalia,se prend donc pour tributa
qua fisco inferuntur et indictiones . Les Indictions
, parmi les anciens Romains , avant
Constantin , étoient imposées de 5 en 5
ans , et leur levée ou exaction s'en faisoit
* Les deux anciennes Coppies que j'ai rapportées
de Torigny , portent cependant FASCALIA . Et
aujourd'hui ce mot se lit encore bien sur le Marbre .
A l'égard de l'autre mot , on n'en voit plus aujourd'hui
que la fin sur ce Marbre , GEREM .
>
Far
MAY. 1733 . 903
par Lustre , comme le P. Noris l'a prouvé
solidement et doctement dans son
Traité des Epoques des Syro Macedoniens
, pag. 170.
·
XII. ADSEDIT ET ... IN PROVINCIAM
LVGDVNENSEM VA... ERIO FLO .. TRIB....
MIL. · • ... c. ... III. AVG . IVDICI . ARCAE
FERRAR...
Valerius Florus , dont Sollemnis est
appellé Antecesseur dans notre Inscription
, avoit été Juge de la Caisse des Armuriers
de la Province Lyonnoisse ; le
mot FERRAR. Ferrariorum se prend , nonseulement
pour un adjectif , qui se joint
à Faber , mais encore pour un substantif,
comme dans ce Passage de Julius Firmicus
Maternus , ch. vII . du 4° Liv . de son
Astrologie : Coquos ferrarios atque ex igne
velferro partes suas officiaque complentes .
e
Il y avoit deux Fabriques ou Manufactures
d'Armes dans la Province Lyonnoise
; l'une de Fléches , à Mâcon , Matisconensis
Sagittaria ; et l'autre , de Cuirasses
, à Autun , Augusto - dunensis Lori.
caria ; comme on le voit dans la Notice
de l'Empire , Section XLI. Il y avoit dans
plusieurs Villes de l'Empire Romain de
pareilles Fabriques , dont il est fait mention
dans la Notice de l'Empire , et dans
trois differens endroits de l'Histoire d'ADmien
901 MERCURE DE FRANCE
mien , Marcellin , Liv . 14. 15. 29. Il y a
au Code Théodosien , un Titre entier
qui est le 22 du x Liv. lequel ne traitte
que de ces Manufactures et des Ouvriers
qui y travailloient , de Fabricantibus . On
voit dans la seconde Loy , que les Sujets
de l'Empire Romain étoient obligez de
fournir le Fer que souvent ils s'acquittoient
de cette charge en Argent monnoyć
, et que les Ouvriers trompoient le
Public en employant de méchant Fer ; de
sorte que le Prince obligeoit les Taillables
de fournir le Fer en espece.
Il y avoit un grand nombre deReglemens
touchant ces Fabriques d'Armes; pour les
Ouvriers qui y travailloient , et les Tributs
qu'on levoit pour l'entretien de ces
Manufactures,dont les Juges étoient Militaires
; ainsi le Tribun de la troisiéme
Cohorte Auguste , avoit été Juge de la
Caisse des Fabriques et des Armuriers de
la Province Lyonnoise , et avoit eu notre
Sollemnis pour Assesseur.
Cette Caisse des Fabriques d'Armes
étoit différente de la Caisse Militaire des
Gaules , destinée à l'entretien et à la solde
des Troupes Romaines dans les trois Provinces
; de cette Caisse appellée Arca
Galliarum , qui étoit bien plus considérable
que celle des Fabriques, et avoit pour
Juge
ΜΑΥ 1733 905
Juge le Tribun d'une Légion , comme
on le voit par cette Inscription , rappor
tée par Gruter , pag.455.n.10 . TIB. POM
PEIO.POMPE . IVSTI . FIL. PRISCO , CADVRCO.
OMNIBVS HONORIBVS APVD SVOS FVNCTO.
TRIB. LEG. V. MACEDONICAE IVDICI.
ARCAE GALLIARVM III . PROVINC. GAL
Ces Tribuns étoient dans une grande
considération , puisqu'ils exerçoient la
Charge de Vice - Président , et en cette
qualité , commandoient quelquefois en
Chef dans les Provinces , comme Badius
Comnianus , marqué dans notre Inscription
, et que le Préfet Edinius - Julianus,
appelle dans sa Lettre , Tribunum Vice-
Prasidis agentena.
Telles sont, Monsieur, les Remarques
d'un Sçavant , que je n'ai jamais connu ,
sur l'Inscription du fameux Marbre de
Torigny , et qui me sont tombées entre
les mains depuis l'inspection de ce Marbre.
Je ne crois pas qu'elles ayent jamais
été publiées ; vous jugerez , sans doute ,
qu'elles méritent de l'être , et que l'Ins
cription méritoit aussi d'avoir un parcil
Interprete. Je suis , Monsieur , & c.
Dij
A
906 MERCURE DE FRANCE
A Me de Malcrais , en attendant ma réponse
à l'Epitre qu'elle m'a fait l'honneur
de m'écrire dans le second volume
du Mercure de Decembre 1732,
EN attendant que ma Muse ,
Réponde àtes Vers charmans ,
Malcrais , reçoi mon excuse ,
D'avoir pu quelques instans ,
Douter de ton existance ,
Et penser que ta science ,
Cet esprit brillant et fin ,
Qui dans tes Ecrits domine ,
N'ait pû d'un chef feminin ,
Recevoir son origine ;
Mais mon doute est résolu ,
Et de ma misantropie ,
Le nuage a disparu :
C'en est fait toute ma vie ,
Je publirai hautement ,
Qu'on peut remarquer souvent
Dans une fille jolier,
Sçavoir profond , grand génie ,
Et quelquetois du bon sens ,
Et si quelque vain Critique
Condamne mon sentiment ,
1
Male
' MAY. 90 1733.
Malcrais sera mon garant ,
Ou plutôt ma preuve unique.
V. D. G.
REFLEXIONS sur les termes
d'Invention et de sentiment , par rapport
aux Ouvrages d'esprit ; pour servir de
réponse à la Question proposée sur ce
sujet , dans le Mercure de Janvier
1733.
LE
Es termes d'Invention et de Sentiment
expriment avec exactitude ce
qu'il y a de plus beau , de plus fin , de
plus délicat dans les Ouvrages d'esprit.
Le Nouveau qui plaît , et le Sensible qui
touche ; deux parties essentielles qui en
font tout le mérite et toute la perfection
.
En effet , un Ouvrage d'efprit n'est
estimable qu'autant qu'il flatte agréablement
l'imagination , qu'il a quelque choses
qui frappe , qui réveille , qui saisit
par sa nouveauté ; soit dans le choix du
sujet , soit dans l'ordonnance des parties,
ou dans la vivacité des pensées , la finesse
du tour , le feu et la surprenante
variété des expressions , c'est alors qu'il
D iij plaît
908 MERCURE DE FRANCE
plaît ; et voilà ce qu'on entend par l'Invention.
Il charme encore plus ; si outre l'Agréable
et le Nouveau , il touche par des
Images sensibles ; s'il peint naïvement
les passions , s'il s'insinuë adroitement
dans le coeur , et donne le mouvement
à ses ressorts secrets , avec tant de délicatesse
, de légéreté et de force en mêmetemps
, que personne ne puisse s'en deffendre
, et que chacun à la simple lecture
, se sente interieurement ému , ébranlé
, emporté par une douce violence C'est
ce qui s'appelle Sentiment , dans un Ouvrage
d'esprit.
L'Invention est distinguée du Sentiment
, en ce que l'une s'arrête à l'esprit
et à l'imagination , et que l'autre va droit
au coeur. L'Invention pourra convaincre,
mais il n'appartient qu'au Sentiment de
persuader , parce que pour persuader , il
faut emporter.le coeur , au lieu que pour
convaincre , il suffit d'éclaires P'efprit et
de lui plaire. Une personne sera forcée de
se rendre à l'évidence , mais il faut que le
sentiment la détermine à suivre volontiers
ses lumieres. L'Invention éblouit
par son brillant, le Sentiment échauffe et
anime par un feu d'autant plus vif qu'il
est plus couvert , et qu'on s'en donne
moins
MAY. 1733. 909
moins de garde . L'Invention ne montre
que des fleurs qui ont leur agrément , le
Sentiment produit des fruits que l'on
goûte avec délices.
>
Delà il est aisé de juger combien le
Sentiment l'emporte sur l'Invention .Celleci
quand elle est toute seule , a toujours ,
malgré ses charmes , quelque chose de
froid , de sec , d'insiple ; au lieu que
celui - la répand dans le fond de l'homme
une onction dont la douceur le ravit ,
l'anime , et se fait mieux sentir , qu'on ne
la peut exprimer.
Quand donc on dit qu'il y a de l'Invention
dans un Traité , dans un Discours
, dans un Poëme, c'est-à- dire, qu'il y
a du nouveau et du beau , soit dans le
choix de la matiere , soit dans l'arrangement
et la fécondité des preuves , soit
dans le tour et la vivacité des figures e
des expressions ; qu'on y admire des traits
brillans , d'heureuses saillies , en un mot,
tout ce qui peut flitter l'esprit et charmer
l'imagination.
Au contraire , un Ouvrage sans Invention
, n'a rien qui picque la curiosité et
qui attire l'attention ; rien que de commun
et de trivial. Un Discours , ou un
Poëme peut être régulier dans toutes ses
parties , châtié , exact , avoir même quel
Dij ques
910 MERCURE DE FRANCE
ques ornemens , sans qu'on y trouve de
Invention , lorsqu'il n'est pas assaisonné
d'un certain sel qui le releveroit , lorsqu'il
n'a pas cet air de nouveauté qui
plaît , lors qu'il n'enchérit pas sur ce
qu'on a pû voir ailleurs dans le même
genre.
Il ne faut pas cependant confondre
l'Invention avec l'affectation , toujours
déplaisante , sur tout dans un Ouvrage
d'esprit. L'Art y doit être tellement couvert
et si -bien ajusté , qu'il imite le plus
beau naturel, qu'il se fasse chercher avant
que d'être apperçu , et qu'il ne se montre
qu'autant qu'il faut pour se faire estimer.
Ainsi l'Invention telle que l'on doit l'entendre
icy , ne consiste pas dans les pointes
, dans les jeux de mots, dans certaines
petites fleurs qui n'ont qu'un faux éclat ,
ni dans une élevation à perte de vûë . Il
faut de vraies beautés , capables de satisfaire
l'Esprit , encore plus que de l'amuser
et le divertir.
Ces beautés de l'Invention qui contentent
l'Esprit , veulent être soutenuës
et animées par le Sentiment qui pénétre
le coeur. Il y a du Sentiment dans un
Ouvrage d'Efprit , lorsqu'il fait en nous
certaines impressions ausquelles on ne
peut se refuser , qu'il emporte la persuasion
,
MA Y. 1733 . 911
sion , et qu'il produit des mouvemens intérieurs
conformes à ceux qu'il represente
, ou qui en sont les effets naturels , de
sorte qu'on se sent touché , émû , attendri
, sans sçavoir comment , ni pouvoir
rendre raison de ce qui se passe dans le
coeur.
>
Ce terme de Sentiment parmi le beau
Monde , se prend encore dans une signi
fication plus étroite , pour la tendresse
que des personnes qui s'aiment expriment
mutuellement dans leurs Ecrits, ou
qui regne dans les Pieces composées exprès
pour l'exciter , mais je m'en tiens à
la signification generale qui renferme
celle cy.
Abondance de Sentiment ne gâte ja
mais un Ouvrage ; au contraire , le trop
d'Invention ou d'Esprit est un deffaut
sur tout dans les sujets passionnez , parce
qu'il n'y a rien qui garde moins d'ordre ,
de mesures , qui s'étudie moins que les
passions un peu violentes. Quide, dit- on ,
est trop ingénieux dans la douleur , il fait
voir de l'Esprit , quand vous n'attendez que
du Sentiment. On remarque dans de trèshabiles
Orateurs , comme dans l'Illustre
M. Fléchier , cet excès d'Invention ou
d'Esprit , des tours un peu trop recherchez
, des figures qui reviennent trop
Dv SOU
9t2 MERCURE DE FRANCE
Souvent, ou qui sont poussées au delà des
bornes . Mais on ne se plaindra jamais de
trouver dans un Auteur trop de Sentimens
, chacun en est insatiable . Plus une
Piéce est animée , touchante, pathétique ,
et plus on la dévore avec avidité.
·Dans une Lettre , dit une personne bien
capable d'en juger , il faut plus de Sentiment
que d'Esprit . En effet , le Sentiment
consiste dans une expression simple et
naturelle , mais en même- temps , noble ,
vive , pénétrante , qui ne donne à l'Espit
qu'autant qu'il faut pour gagner le
coeur , et c'est justement ce qui forme le
style de Lettre ..
Les compositions qui demandent da
sublime , veulent aussi plus d'Invention ;
mais elle doit être tellement ménagée ,
qu'elle n'étouff : pas le sentiment. Il faut
moins , il est vrai de celui cy dans
certains sujets où l'on se propose plus de
plaire et de divertir, que de toucher mais
len fur toujours , et on ne sçauroit jamais.
risquer d'en mettre autant que le
sujet en peut porter. Je ne pense pas
que dans une Piéce , de quelque étendue,
on doive ja nais s'arrêter à l'Esprit , sans
aller au coeur , il est même fort difficile
de plaire qu'on ne s'y insinue par quelque
endroit
L'InvenMAY.
1733. 913
L'Invention et le Sentiment se trouvent
admirablement unis et maniez avec
une adresse incomparable dans l'Enéïde ,
sur tout dans le second Livre , qui represente
les furieux transports de Didon ..
L'Esprit y brille sans affectation , et les
Sentimens y sont copiez d'après nature ;
il semble qu'on voit sous ses yeux le
Spectacle de cette Reine désesperée , au
départ du Héros qu'une genereuse résolution
éloigne à jamais de sa personne .
Il semble qu'on entend ses tendres reproches
, qu'on la voit monter sur le Bucher
, er s'enfoncer le Poignard dans le
sein ; on admire Enée , on plaint Didon ;
PEsprit est charmé , le coeur s'interesse ;:
différentes affections se succedent ; c'est
une espece de ravissement qu'on éprou
ve , à moins que d'être stupide et insensible..
L'Ectiture Sainte dans sa noble simplicité
, montre quelquefois de l'Invention
; on y trouve des figures , des couleurs
, des traits aussi frappans , qu'on en
puisse désirer. Peut- on rien de plus vif
et de plus brillant , par exemple , que la
Description du Cheval , dans le 39 ch ..
de Jobs Il y a certainement de quoi satis
faire l'esprit et l'imagination ..
Mais ces. Livres divins sont sur tout
D.vj
admi
914 MERCURE DE FRANCE
admirabl s par les Sentimens ; c'est en
quoi ils excellent ; les sujets y sont touchez
d'une maniere si naturelle , si insinuante
; les caracteres y sont si justes
les Portraits si parlans , qu'on ne peut se
deffendre d'en ressentir les secretes impressions.
3
Quoi de plus sensible et de plus touchant
que l'histoire de Joseph , r connu
par ses Freres , telle que nous la voyons
décrite dans la Genese ? Toutes les cir
constances y sont amenées avec tant de
justesse et placées dans un jour si favorable
, qu'elles saisissent le coeur et tirent
presque les larmes des yeux . On sent l'embarras
, l'inquietude , les agitations des
freres ; on p´netre le trouble et les remords
d une conscience qui se reveille
dans l'adversité , et qui les force de se reprocher
un crime dont ils reconnoissent
la juste punition . On entre naturellement
dans le coeur de Joseph ; on y découvre
la droiture , la piété , la tendre affection
des freres si dénaturez . On s'imagipour
ne entendre ces paroles qui sont pour
eux , comme un coup de foudre : Je suis
Joseph que vous avez vendu en Egypte.
on diroit que les voilà abbattus , prosternez
, n'osant lever les yeux, se jugeant
des victimes destinées à la mort , pouvant
MAY. 17337
915
vant à peine se rassurer par la douceur
et la bonté de celui dont ils redoutent
la vengeance. Voilà ce que c'est que les
Sentimens dans une narration , qui paroît
toute simple et sans art.
Tel est encore le jugement de Salomon .
La nature même y parle , et c'est la nature
qui produit le sentiment , ou plutôt
qui en est la source feconde ; c'est delà
qu'il se puise , et on ne le trouve point
ailleurs ; de sorte qu'une Piéce , qu'un
Livre où il n'y auroit point de naturek,
n'auroit aussi ni goût ni sentiment.
Voilà , ce me semble , l'idée qu'on attache
communément aux termes d'Invention
et de Sentiment , lorsqu'on parle
des Ouvrages d'Esprit ; c'est l'usage et
Fapplication qu'on voit les personnes
de mérite et éclairées en faire dans les
conversations ou dans leurs Ecrits.
S. L. SIMONNET , Prieur ,
Curé d'Heurgevilly.
Ce 21 Mars 1733 .
BOU
916 MERCURE DE FRANCE.
BOUQUET.
A M* de *** , l'un des 20 de l'Academie
Royale de Soissons.
Far L. P. R. D. L. O
L'Aurore avare de ses pleurs ,
Et Zéphire de son haleine ,.
Fourroient suspendre encor la naissance des
Acurs ,
Que je n'en serois pas en peine..
Pour un favori d'Apollon ,
A qui mon coeur doit rendre un tribut légis
time ,
ne faut que des fleurs, que sur la double
Cime ,
Il a cueilli cent fois , lorsqu'ami de la Rime ,
Ses Vers ont enchanté tout le sacré Vallon.
De * e * daigne donc en agréer l'homage ,
A peine aux chastes Soeurs ai-je annoncé ton
nom ,
Que toutes s'empressoient d'en faire l'assem
blage
Mais Calliope enfin disputant l'avantage ,
>>>La
MAY. 173:3. 917
La Fête , a- t- elle dit , qu'on celebre aujour
d'hui ,
→ Est d'un mortel , l'objet de ma….
trême ,
tendresse ex
Un Bouquet pourroit - il être digne de lui ,
Si je ne le faisois moi-même y
Dès sa plus jeune saison ,
Ma main versa sur lui les faveurs du Permesse
A tant d'esprit et de noblesse ,
Tout reconnut en lui mon plus cherNourrisson,
Minerve même en fut jalouse ;
Les Graces murmuroient de trouver un Rival ,,
Il seroit encor sans égal ,
S'il étoit encor sans * Epouse..
LETTRE de M. Titon du Tillet
M. de la R..
M
...
ONSIEUR ,
'ai lû dans votre Mercure du mois de
Mars , P.481.une Lettre qui m'est addressée
au sujet de l'Edition du Liv , intitule
le Parnasse François , que j'ai donnée :
Dame d'un esprit peu ordinaire.
L'année
18 MERCURE DE FRANCE
l'année derniere. Si je connoissois l'Auteur
de cette Lettre , je lui addresserois
ma réponse , et je le remercirois plus am
plement que je ne le fais icy , de la maniere
avantageuse dont il parle de cet
Ouvrage qu'il veut bien traiter d'Excellent
, et qu'il marque ne pouvoir être que
d'une extrême utilité et d'un agrément infini
à ceux qui voudront connoître le genie des
Poëtes et des Musiciens François , que mon
zele et mes travaux n'immortalisent pas
moins , que les Ouvrages qu'ils ont laissez.
Les louanges qu'on me fait l'honneur
de me donner sur mon zele, me font des
plus agréables , et je les reçois volontiers;
Personne ne pouvant en avoir davantage
pour la gloire de notre Nation et pour
celle des grands Hommes qu'elle a produits.
A l'égard des louanges qu'on me
donne sur mes travaux pour célébrer le
génie et les talens de nos. Poëtes et de nos
Musiciens , je sens que je suis encore bien
éloigné de la perfection où j'aurois souhaite
porter un pareil Ouvrage ; c'est
pourquoi je suis tres-obligé à celui qui
m' crit des Remarques ,dont il veut bien
me faire part sur quelques fautes qui ont
pû s'y glisser. Je reçois donc , avec plaisir
, ses Remarques , mais il me permettra
de lui dire que la plupart des fautes
qu'il
MA Y. 1733 .
1
919
qu'il a trouvées dans cette Edition ne me
paroissent pas réellement des fautes , où
que si elles en sont , elles ne sont pas .
bien essentielles.
Il prétend que le nom de des Iveteaux
doit commencer par un Y et non pas un
I ; cependant de Vigneul Marville 1 qui
fait un article assez étendu de des Iveteaux
, écrit ce nom par un I simple, de
même qu'il l'est dans le Dictionnaire de
Moreri . Il est vrai que Baillet , au cin .
quiéme volume des Jugemens des Sçavans ,
le met par un Y. L'Imprimeur auroit du
mettre dans mon Livre , à l'article des
Iveteaux , le premier v consonne , comme
il l'a mis à la Liste Alphabetique des
Poëtes et des Musiciens.
On doit écrire , dit l' Anonyme , Lulli ,
et non pas Lully , car c'est faire un nom
François d'un nom Italien. Je sçai bien
que les Italiens ne se servent point dans
leur Alphabet des Lettres K, X , Y ; c'est
pourquoi je ne dirai pas si Lully avoit
voulu mettre un Y à son nom , étant
dans son Païs , ou s'il l'a pris depuis qu'il
se fit naturaliser François ; mais il est certain
qu'il signoit Lully , avec un Y; c'est
ainsi qu'on peut le voir sur differens
1 Mélanges d'Histoire et de Litterature ;
tame 3.
Exem920
MERCURE DE FRANCE
Exemplaires imprimez , qui sont encore
aujourd'hui chez Ballard , paraphez de sa
propre main , de cette maniere , J. B.
Lully , &c.
Dans tous les Opéra que Lully a fait
imprimer et dans toutes les Epîtres Dédicatoires
au Roy, son nom est toujours
terminé par un Y , &c. Le nom de ce
fameux Musicien , mis au bas de son Portrait
gravé , est avec un Y. Charles Perrault
, dans ses Hommes Illustres , l'écrit
de même ; enfin la famille de Lully , qui
lui a fait élever un superbe Mausolée dans
P'Eglise des Petits Peres à Paris, a fait mettre
dans l'Inscription , son nom gravé
par un Y. Son fils et son petit - fils dans
leur fignature , mettent de même un Yà
leur nom . Il est vrai que dans le Dictionnaire
de Moreri on a écrit Lulli .
Il marque que le nom d'une illustre Chanteuse
est tout - à-fait défiguré , qu'on doit
écrire Mlle de Leufroy , et non pas Mlle le
Froid. Je répondrai que je connois cette
Demoiselle depuis plus de trente ans ,
qu'elle m'a fait l'honneur de m'écrire , et
qu'elle signe , le Froid , comme je l'ai
écrit. Il y a huit jours que je lui rendis
visite chez elle , ruë S.Loiiis dans l'Isle ;
elle me confirma qu'elle , ni son pere , ni
sa mere n'avoient jamais signé leur nom
autrement que le Froid.. A
MAY. 1733 . 527
A l'égard du nom du Président Nicole
qu'il croit devoir être écrit avec deux L,
comme Bayle le met dans son Dictionnaire
; je lui dirai qu'il n'est pas surprenant
que Bayle dans plus d'un million de
noms propres qu'il rapporte dans cet Ouvrage
, n'ait mis un L de plus qu'il ne
faut à ce nom ; mais que le celebre Nicole
, Auteur de plusieurs excellens Ouvrages
de Morale et de Piété, ne mettoit
qu'un Là son nom (comme on le voit dans
Moreri)et que dans les Oeuvres Poëtiques
du President Nicole, son parent, avec son
Epître Dédicatoire au Roy , imprimée
chez Charles de Sercy , Paris , 1670 &
1693. le nom de Nicole n'est écrit qu'avec
un L , de la maniere dont M. Nicole
, Lieutenant General et Président du
Présidial de Chartes , petit- fils du Poëte,
dont j'ai fait mention , signe encore son
nom aujourd'hui ,
J'ai écrit Montreul ( de même qu'il est
dans le Moreri ) en marquant qu'il faut
prononcer Montreuil celui qui me fait
part de ses Remarques dit qu'il faut écri
de Montereul , comme le marquent Pellisson
et l'Abbé d'Olivet , dans leur Histoire
de l'Académie Françoise ; pour moi
j'ai crû pouvoir faire le nom de Montreul
de deux sillabes , parce que Baillet , Mo-
•
reri
922 MERCURE DE FRANCE
.
reri, et Despréaux le font de même.com.
me on le voit dans ces Vers :
On ne voit point mes Vers , à l'envi de Mons
treuil ,
Grossir impunément les Feuillets d'un Recueil.
Montreuil , lui-même écrivoit , selon
toutes les apparences , son nom de cette
maniere ; ses Oeuvres avec son Epître
dédicatoire à M. Molé , et son Portrait
gravé au commencement , en sont des
prenves , car son nom y est par tout écrit,
Montreuil.
Voici des fautes qu'il m'objecte avec
raison . Les noms de Beüil , de Pillet , de
Pilles , sont mal écrits ; on doit mettre du
Bueil , de Pilet , de Piles ; aussi dans l'Edition
de mon Livre a t on mis quatre
ou cinq fois de Piles, et une seule fois de
Pilles. Il faut joindre aussi , comme il le
marque , les sillabes de chacun de ces
Noms, Lalande, Desmarets ; au lieu qu'on
les a séparé , la Lande , des Marets.
Je crois qu'il a raison de dire , qu'on
doit écrire Amfrye de Chaulieu, ou peutêtre
Affie , comme e l'ai mis dans le
premier Essai que j'ai donné de la Des
cription du Parnasse François , parce qu'il
est écrit de même sur les Registres mor
tuaires de l'Eglise du Temple,à Paris ; et
je
MAY. 1733 . $23
je pourrois bien avoir mal fait d'avoir
mis Auffre dans cette seconde Edition ,
sur ce que m'a assuré un célébre Académi
cien, qu'il falloit l'écrire de cette maniere ,
et comme il est imprime dans le Mercure
de Juillet 1720 .
Pour ce qui regarde quelques dattes de
la naissance , de la mort et de l'age des
Poëtes et des Musiciens dont je fait mention
, il n'est pas aisé parmi plus de trois
mille dattes , comprises celles de l'impression
de leurs Ouvrages , qu'on mette
quelquefois un chiffre pour un autre ;
mais dans huit ou dix endroits où il me
reprend sur ces dattès , qui ne sont pas
exactes , l'erreur ne va pas à quinze jours
de plus ou de moins, ou s'il va plus loin ,
comme peut être au seul article de Daniel
Huet , où l'on a marqué sa mort en
1711 , au lieu de 1741. pour lors le Leeteur
peut y suppléer facilement, et recon-
Loître l'erreur, parce qu'ayant mis à l'intitulé
de son article ; Daniel Huet , né en
1630. mort en 1711. âgé de 91 ans ; on
voit clairement qu'il faut mettre 1721 .
afin qu'il eut 91 à sa mort ; d'autant plus
que j'ai placé les Poëtes et les Musiciens
par ordie chronologique , ayant mis devant
Daniel Huet , l'Abbé de Chaulieu
M. Dacier , et Jacques Vergier , tous les
trois
24 MERCURE DE FRANCE
trois morts en 1720. cependant on a corrigé
cette faute à la main , dans la plus
grande partie des Exemplaires ; de même
que quatre ou cinq autres principales.
Santeuil est mort dans sa 68.année , au
lieu que je l'ai mis dans sa 67. et Thomas
Corneille dans sa 85. année , au lieu
qu'on l'a mis dans sa 84.
Il marque aussi d'après l'Abbé d'Oli
vet , dans son Histoire de l'Académie
Françoise , que du Ryer est mort en 1658.
et non pas en 1656. j'ai suivi cette detniere
datte d'après Ballet , Bayle et Moreri
, qui mettent la date de sa mort en
1656. on peut la vérifier sur les Regis
tres Mortuaires de la Paroisse de S. Gervais
, où il a été inhumé ; j'ai cependant
beaucoup de confiance en l'Abbé d'Olivet,
pour ce qui regarde les Académiciens
dont il a écrir la Vie , et je m'en
suis servi utilement dans cette seconde
Edition pour quelques-uns de nos Poëtes,
qui étoient de l'Académie .
J'ai omis , dit- il , les dates du temps
de la naissance de Ségrais , de Fléchier ,
de la Monnoye , de Valincour, du Pere
du Cerceau. J'ai négligé de mettre quelquefois
ces dates , parce qu'ayant mis
l'année de la mort d'une personne et celle
de son âge , on trouve aisément celle de
sa naissance.
,
MAY. • 1733.
925
Je n'ai pas oublié , comme il le marque ,
le Poëte de Lingendes , qu'il nomme Jean
au lieu de Pierre , cat Jean de Lingendes ,
parent de celui - cy , étoit un celebre Prédicateur
, qui fut nommé à l'Evêché de
Sarlat , puis à celui de Mâcon , et le
Pere de Lingendes , Jésuite , son cousin ,
aussi Prédicateur de réputation , s'appelloit
Claude. J'ai fait un article de Pierre
de Lingendes avec Montfuron , qui est
l'article LIII. pages 210. et 211. où
j'ai rapporté la maniere dont l'illustre
Mlle de Scudery , a celebré ces deux Poëtes
, au Tome 8. de son Roman de Clélie
, et que Barbin , dans son Recueil de
Poësies choisies , Tome 3. a donné des Vers
de Lingendes.
Boësset le pere , et Boësset le fils , Musiciens
, ne sont pas non plus oubliez ,
comme il le dit , j'ai marqué l'article de
Lambert ,, ppaaggee 339922.. »» qquuee de son temps.
il parut plusieurs Musiciens qui sui-
» virent ses traces , c'est- à- dire qui tra-
» vaillerent dans un goût tendre et gra-
>> cieux ; on doit mettre de ce nombre
»Boësset et le Camus , tous deux Maîtres
>> et Compositeurs de la Musique de la
» Chambre du Roy , qui s'acquirent de
» la réputation , par leurs Chansons ; on
"peut mettre aussi de ce nombre Boësset
;
}
926 MERCURE DE FRANCE
» set le fils , Mollie , Sicard , Moulinić ,
» du Buisson , &c. les Recueils de leurs
» Airs sont impriméz chez J. B. Chris-
»tophe Ballard.
A l'Article de Campistron , j'ai dit qu'il
composa par ordre du Duc de Vendôme ,
une Piece Lyrique , pour être chantée
en son Château d'Anet , où Monseigneur
le Dauphin passa quelques jours , j'aurois
bien fait de dire que cette Piece est
intitulée , Acis et Galatée , Pastorale Héroïque
, représentée en 1687. à Anet , et
la même année sur le Théatre de l'Opéra.
L'Auteur de ces Remarques auroit souhaité
que j'eusse fait mention dans l'ordre
chronologique des Poëtes et des Musiciens
de Jean Dasjac , de l'Académie
Françoise , homme connu par divers Ouvrages
en Prose Latine et Françoise , et
qui a composé aussi quelques Vers François
et Latins ; mais j'ai fait connoître
que mon dessein n'étoit pas de faire paroître
sur le Parnasse tous les François
qui se sont exercez dans la Poësie , dans
la Musique. J'ai crû même avoir trop
entrepris d'en présenter à Apollon plus
de 260. outre quatre ou cinq cens autres
dont j'ai rapporté seulement les noms,
et que j'ai dit qu'on pouvoit supposer s'y
promener
MAY. 1733 928
promener dans les Avenues riantes et
dans les Campagnes agréables qui environnent
le Parnasse , en attendant qu'Apollon
décide de leur sort. Je sçai bien
qu'il ne seroit pas difficile de mettre encore
les noms de plus de 200. autres François
qui ont donné au Public quelques petites
Poësies , et quelques Pieces de Théatre
; on trouve leurs noms entre ceux
de plusieurs autres Poëtes dont j'ai fait
mention sur le Parnasse . 1º . Au cinquiéme
volume des Jugemens des Sçavans
sur les Poëtes modernes , par Baillet . 2 ° .
Dans un Livre intitulé , Bibliotheque des
Théatres , qui vient de paroître en cette
année 1733. 3 ° . Dans les Recueils de Poësies
de Sercy , de la Fontaine , de Barbin ,
et du P. Bouhours , & c.
J'ai averti aussi au bas de la premiere
page de mon Livre , que j'avois laissé des
places en blanc,au bas de chaque Rouleau
où j'ai écrit les noms des Poëtes et des
Musiciens de notre Parnasse , et même
dans quelques autres endroits où j'ai mis
une suite d'autres noms de Personnes illustres
dans les Sciences et dans les Beaux
Arts , afin que les Partisans de quelquesunes
dont ils ne voyent point les noms ,
ayent la satisfaction de remplir eux - mêmes
ces vuides ou blancs , en y mettant
E les
928 MERCURE DE FRANCE
les noms de ces personnes ; on verra dans
mon Livre ces places que j'ai laissées en
blanc , depuis la page 35. jusqu'à la
page 45.
Si l'Auteur anonime avoit bien voulu
me communiquer ses Remarques avant
que de les faire imprimer , je crois qu'au
lieu de six pages qu'elles contiennent ,
nous aurions pû les renfermer dans une
demi page , à quoi j'aurois ajoûté une
autre demi page de quelques autres fau
tes sur lesquelles il a bien voulu me ménager;
mais il est bien difficile que dans
un volume in folio de près de 800. pages
, où l'on rapporte plus de 15oc . noms
propres , et plus de 3000. dates en chiffre,
il ne se glisse quelques fautes de l'Auteur
et encore plus de l'Imprimeur. J'a-
Joûterai cependant que je n'en ai point
trouvé de bien essentielles et auxquelles
le Lecteur éclairé ne puisse aisément suppléer.
Je vous prie , Monsieur , si vous connoissez
l'Auteur de cette Lettre , de vou
loir bien le remercier de ma part de la
maniere obligeante dont il a parlé de mon
Livre , et de lui dire que je serai charmé
de faire connoissance avec lui, et de lui
présenter un Exemplaire de cet Ouvrage
dont il témoigne que la lecture lui a fait
plaisir;
MAY. 1733.
929
plaisir ; je ne lui sçai que très - bon gré
des Remarques dont il m'a fait part ,
et je lui en serai toujours obligé , comme
je le serai à toutes les personnes d'éru
dition et de goût , qui voudront bien
m'aider de leurs avis pour perfectionner
un Ouvrage tel que celui que j'ai entrepris.
Je suis , & c .
Qu
LES MUSES,
O'D E.
Uel agréable délire ,
Vient s'emparer de mes sens !
J'entens resonnersma Lyre ;
Ma voix forme des accens.
Et déja , nouveau Pindare .
Je n'ai pour guide et pour Pharé ,
Que l'imagination .
Dans le transport qui m'anime
Rien ne semble illégitime
A ma folle ambition .
M
TA
Chastes Nymphes du Përmesse
Je vais chanter vos talens ;
Secondez ma noble yvresse
A:
2.
E ij
Et
930 MERCURE DE FRANCE
Et rendez mes Vers coulans.
Vous , Mortels , faites silence ,
Vous,qu'on voit dans l'indolence
Ennemis de leurs travaux >
Pour apprendre qu'à leur suite
Je trouve le seul mérite ,
Qui peut nous rendre inégaux.
Quelle naïve peinture ! (a)
Reconnoissez -vous, Humains ;
L'Art bien moins que la Nature ,
A fait ces Portraits malins.
Par ce charmant artifice ,
On peut détruire le vice ,
Sans qu'il en tremble d'effroi.
Quiconque veut se connoître ,
Est bien - tôt ce qu'il doit être ,
En suivant sa douce Loi.
*
Qui vient embellir la Scene ;
Par les attraits de l'Amour ?
C'est la fiere Melpomene , (b)
Avec sa brillante Cour.
Je cains , j'espere sans cesse.
Tout me plaît , tout m'interesse
(a) La Comédie.
(b) La Tragédie,
C
PA
MAY. 1733. 938
Par divers objets émů.
Mais mon coeur toujours frissonas ,
Jusqu'à ce qu'elle couronne ,
La justice ou la vertu.
Une Peinture mouvante,
M'offre les vents en fureur ;
Et l'Amant avec l'Amante ,
Se marquant leur tendre ardeur.
Ici , cet Art (a) à ma vûë ,
Peint Alecton éperdue ,
Du sang qu'elle a répandu.
Là , mille Beautez Champêtres ,
Expriment dessous des Hêtres ,
Ce qu'Amour a d'ingenu.
Jusqu'à la Voûte étoilée ,
Mille Concerts (b) amoureux
Portent à la Troupe aîlée ,
Le triomphe de ses feux ..
Tout retentit à Cythere
Des louanges de la Mere ,
De ces aimables Vainqueurs.
Tandis qu'un Essain de Belles ,
(a) La Danse.
(b) Les Poësies amoureuses .
E- iij Par
932 MERCURE DE FRANCE +1
Par ces doux Chants moins rebelles ,
Accordent leurs tendres coeurs.
Sur un Trône d'harmonie ,
Euterpe (a) s'offre à mes yeux ;
Les Mortels par son génie ,
Sont vaincus comme les Dieux.
Rien ne lui fait résistance;
Elle établit sa puissance ,
Par l'appas de ses accords ;
Et va porter ses conquêtes ,
Jusques aux sombres retraites ,
Du cruel Tyran des Morts.
M
Aux charmes de l'Eloquence , (6)
Tout cede dans l'Univers.
Thémis avec sa balance
Gémit souvent dans ses fers.
De la cime des Montagnes ,
Un Torrent dans les Campagnes ,
Vient regner moins aisément
Qu'elle ne prend un Empire ,
Sur tout Etre qui respiré ,
Doué de raisonnement.
a
(a) Là Musique.
(b) L'Eloquence,
MAY.
1733 933
En vain le Temps sur ses aîles ,
Emporte tout ce qu'il fait.
Une des neuf Immortelles , (a)
Nous révele son secret .
Des Favoris de Bellone ,
Sa main sans cesse crayonne ,
Tous les belliqueux exploits :
Sans elle , en vain Alexandre ,
Eût prétendu que sa cendre ,
Fût le modele des Rois.
Quelle est la main ( 6) qui nous ouvre ,
Le séjour des Immortels ?
Tout l'Olimpe se découvre
A nos regards criminels .
Cette vaine connoissance ,
Enflamme notre esperance ,
Qui fait des efforts , des voeux ;
Pour jouir de l'avantage ,
De bien connoître un Ouvrage
Qu'ils ne firent que pour eux.
M
Héros , dont la récompense ,
N'est que l'immortalité ;
(a) L'Histoire.
(b) L'Astronomie.
E iiij De
934
MERCURE DE FRANCE
De la voix (a) qui la dispense`,
Connoissez l'autorité.
Comment sçauroit- on que Troye,
Devint la celebre proye ,
D'Achille et d'Agamennon ,
Sans cet Art que tout admire ,
Qui peut seul par son Empire ,
De l'oubli sauver un nom ?
Filles du Dieu du Tonnerre ;
Ce n'est qu'en vous imitant ,
Qu'on peut briller sur la Terre ,
Par un mérite éclatant.
Pour quiconque vous ignore
L'Astre qu'annonce l'Aurore ,
Triomphe en vain de la nuit ;
Aussi puni que Tantale ,
Ce qu'à ses yeux il étale ,
En le séduisant le fuit.
(a) Le Poëme Epique.
LET
MAY. 1733 935
LETTRE à M. de la R. contenant
quelques particularitez sur la personne
et la Vie de M. Aubert , Doyen des
Avocats de Lyon.
MONS ONSIEUR ,
L'éxactitude scrupuleuse que vous fai
tes paroître dans l'Ouvrage périodique
qui attire l'attention du Public et des
Gens de Lettres , depuis que vous y
donnez vos soins , m'engage à vous addresser
quelques Memoires sur la Vie de
M. Aubert , dont vous nous annoncez la
mort dans le Mercure du mois de Mars
dernier. J'ose me flatter que vous vou
drez bien leur donner une place dans
celui que vous avez actuellement sous la
presse. Persuadé , comme je le suis , Monsieur
, que l'article inseré dans votre dernier
Mercure à son sujet , ne peut venir
que de quelque personne qui n'est
pas bien au fait de ce qui regarde cet
homme célebre , sur la vie duquel j'ai
l'honneur de vous adresser le Mémoire
cy-joint ; j'oserai relever quelques endroits
de ce même article de votre Jour-
E v nal
936 MERCURE DE FRANCE
Il
nal du mois dernier , qui m'ont parû
répréhensibles , par rapport à l'exactitude
qui n'y est pas tout à fait observée.
1°. M. Aubert est mort à 91. ans et
non pas à 94. en voici la
preuve.
est né , comme je le dis dans mon Mémoire
, le 9. Février 1642. et il est mort
le 18. Février 1733. Voyez son article
dans la Bibliotheque des Aureurs , mise
à la tête du Richelet.
2. On ne doit pas dire qu'il ait commencé
à travailler aux augmentations du
Dictionnaire de Richeler à l'âge de 90.
ans. Comment , en effer , cela pourroit
il être , puisque ce Livre étoit déja sous la
presse dès la fin de l'année 1723. quoi,
qu'il n'ait été achevé d'imprimer qu'en
1728 ? Il est clair par la date de sa naissance
, que je viens de citer , qu'en 1723,
il n'avoit que 8r. ans , et il n'est pas
moins certain , puisque c'est de lui- même
que je le tiens , qu'il a commencé à tra
vailler aux augmentations de ce Diction
naire plus de 15 ans auparavant qu'il le
donnât à l'Imprimeur. Par conséquent il
n'avoit guéres que 65. lorsqu'il entreprit
ce travail. Une pareille erreur seroit capable
, si elle n'étoit pas relevée , de décréditer
un Livre aussi important qu'est
le Dictionnaire de Richelet ; en un mor,
une
MAY. 1733 937
une Encyclopédie de la Langue Françoise
, qui sera toûjours estimée des personnes
doctes et de tous les gens de bon
goût. Je suis avec toute la considération
possible , &c.
A Paris de 12. Avril 1733 .
L. B. D.
PIERRE AUBERT , Avocat , nâquic
à Lyon le 9. Février 1642. Ses premieres
études de Grammaire et de Rhétorique
commencerent à développer son
génie , et ses heureuses dispositions pa
furent bien-tôt dans tout leur jour. Quoique
fort jeune, l'amour des Belles-Lettres
qu'il possedoit au souverain degré
, lui faisoit dévorer tous les Livres
nouveaux qui paroissoient alors , et par
un jugement déja formé , il y prenoit
tout ce qui pouvoit contribuer à la po
litesse de son style et à lui inspirer des
pensées également vives et délicates . La
Poësie même l'amusa pendant quelque
temps . A l'âge de 16. à 17. ans , il vit
par hazard un Roman intitulé , le Voyage
de l'Isle d'Amour , qui lui fit bien -tôc
concevoir l'idée d'en écrire le Retour. I
ne s'étoit proposé de communiquer ce
petit travail qu'à ses plus chers amis ,
E vj mais
938 MERCURE DE FRANCE
mais l'évenement ne répondit point à ses
intentions ; car après le cours de ses études
, ayant quitté pour quelque temps
la Province , afin de puiser le bon goût
dans la Capitale du Royaume , qui est la
source de la belle Litterature , son pere
profita de son départ , et de concert avec
ses amis , fit imprimer cette legere ébauche
de l'esprit d'un jeune homme , qui
dans la suite a fait l'ornement et la gloire
d'un Corps dont il étoit un si digne
Membre.
De retour à Lyon , il donna toute son
application à l'étude du Droit , et prit
ensuite le parti du Barreau . Le succès des
premieres Causes qu'il plaida sembloit
l'inviter à continuer , mais une santé foible
et délicate interrompit sa course et
l'obligea de prendre une autre roure pour
parvenir à une gloire qui n'est pas solide.
Ce seroit sans doute ici le lieu de
rapporter quelques traits singuliers de la
vivacité de génie et de la présence d'esprit
de ce célebre Avocat Consultant ;
mais comme je me suis seulement proposé
de donner des Mémoires sur les
principales actions de la vie d'un homme
qui m'a honoré de son amitié , je me
restreindrai donc à en rapporter ici les
circonstances les plus essentielles , persuade
MAY. 17337 939
suadé qu'elles ne pourront qu'être bien
reçûës de ceux qui ne se sont point laissé
prévenir par de faux préjugez , ou par
une jalousie indigne des veritables gens
de Lettres .
Il fit pendant plusieurs années la fonction
de Procureur du Roy dans la Jurisdiction
de la Conservation des Privileges
des Foires de Lyon , si fameuses
même parmi les Etrangers . Son esprit
et sa capacité lui mériterent la protection
de la Maison de Villeroy , et une
amitié mêlée de beaucoup de déférence
de la part du dernier Maréchal de ce
nom . Ce fut aussi ce même mérite qui
engagea la Ville de Lyon à le choisir
en 1700. pour un de ses Echevins . Il
fut nommé quelque temps après Procureur
du Roy de la Police de la même
Ville , Charge qu'il a exercée jusqu'à sa
mort , de même que celle de Juge de
l'Archevêché et du Comté de Lyon.
Malgré les grandes et pénibles occupations
que lui procuroient ces differens
Emplois , l'amour de l'étude étoit trop
profondément enraciné dans son esprit ,
pour ne lui pas donner les intervales de
temps que pouvoient lui laisser les fréquentes
Audiances qu'il étoit obligé d'accorder
à ceux qui venoient le consulter,
C'étoit
940 MERCURE DE FRANCE
C'étoit donc cette violente , mais louable
passion pour les Lettres , qui lui fit
acquerir à grands frais cette Bibliothe
que aussi nombreuse que bien choisie
qui a toujours été ouverre à ses amis
et qui est aujourd'hui , pour ainsi dire
l'héritage de tous les Amateurs des Sciences
, par le soin qu'il a pris de la rendre
publique.
Revenons à ses Ouvrages. H publia
en 1710. son Recueil de Factums , imprimé
à Lyon , chez Anisson , en deux vomes
in 4. Il a été du nombre de ceux
qui commencerent à faire des Assemblées
Académiques , qui furent en 1725. établies
en forme d'Académie reglée par
Lettres Patentes du Roy , sous le titre
d'Académie des Sciences et des Belles-
Lettres.
En 1728. parut son Dictionnaire de
Richelet , avec des Additions d'Histoire
de Grammaire , de Critique et de Jurisprudence
, en 3. volumes in folie , imprimé
chez Duplain . On trouve à la tête
de cet Ouvrage le sentiment de M. Lancelot
sur cette nouvelle Edition du Dictionnaire
de Richelet , où ce célebre Académicien
rend à notre Auteur un témoi
gnage qui fera toujours honneur à sa
mémoire. On y voit aussi un Abregé de
la
MAY. 17337 940
la Vie des Auteurs citez dans ce Dictionnaire
, recueilli par M. Laurent le
Clerc de S. Sulpice de Lyon , connû
dans la République des Lettres par un
grand nombre d'augmentations qu'il a
données pour le Dictionnaire de Moréry,
et par plusieurs autres Ouvrages :
En 1731. se voyant dans un âge trèsavancé
, et son esprit n'ayant encore reçû
aucune atteinte par le grand nombre
d'années , il prit une résolution qui rendra
sa mémoire chere à ceux qui aiment
véritablement le bien et la gloire de leur
Patrie.
Dans l'appréhension où il étoit que
parmi les embarras d'une succession , ses
Climenes , ( c'est ainsi qu'il appelloit ses
Livres ) ne se vissent dans la dure né
cessité de la division , il prit le parti de
proposer à Mrs du Consulat , sa Biblio
theque pour la rendre publique.
Il manquoit depuis trop long- temps.
la gloire de cette seconde Ville du Royau
me , un Monument qui la rendît en quel
que sorte supérieure à une infinité d'autres
Villes , en alliant dans son sein les
Muses et le Commerce , pour qu'une proposition
si importante et si digne des
sentimens d'un parfait Cytoyen , pût être
rejettée par des personnes qui doivent
Se
942 MERCURE DE FRANCE
pu .
se montrer sur tous les autres , jaloux
d'un si beau titre. Elle fut donc reçûë
avec la joye et la reconnoissance que
méritoit un si grand attachement à la
Patrie. Mrs les Echevins , et à leur tête
M. Perrichon , que son mérite personnel
a élevé à la Place de Prévôt des Mar>
chands , et que son zele pour P'utilité
blique , rend cher aux differens Corps de
Négocians qui travaillent avec succès sous
ses auspices , assignerent à notre Auteur
2000. livres de pension pendant sa vie
et 5oo. écus de rente après sa mort à
M. Duchol son Neveu. Ils laissereng
néanmoins au premier le reste de ses
jours , la joissance de ces mêmes Livres,
qui avoient fait les délices de sa jeune se ,
et sa consolation dans un âge plus avancé.
Enfin ayant mis sa chere Bibliotheque
hors d'état d'être jamais divisée , il ne
songea plus qu'à finir en paix sa carriere
dans la retraite de son Cabinet , donnant
toutefois quelques heures de son temps à
ses amis et aux Gens de lettres qui ont
continué de lui rendre visite jusqu'à sa
mort , qui arriva le 18. Février 1733-
Si la Ville de Lyon a l'avantage de recueillir
les fruits du travail de notre célebre
Avocat , par l'utilité qu'elle retire
de ce bel établissement , elle ne pouvoit
mieux
MAY. 94% 1733.
qu'en
mieux marquer sa reconnoissance ,
choisissant , comme elle a fait , pour son
Bibliothequaire un homme versé dans l'a
connoissance des Livres , aussi distingué
dans le Barreau par la profession d'Avocat
, qu'il éxerce avec honneur , que
connu dans la République des Lettres
par les Notes curieuses qu'il a données
sur les Oeuvres de Despreaux , et en
dernier lieu sur celles de Regnier. C'est
par les sages avis et l'étroite amitié dont
il étoit lié avec M. Aubert , que la Ville
de Lyon possede un si riche et si utile
Présent , ensorte que l'on peut dire à
bon droit que cet habile Commentateur
partage la gloire d'un don si précieux
avec le Bienfaicteur même.
*
L. B. D.
Le Miroir , la Chemise et la Poudre à
mettre sur l'écriture , sont les mots des
trois Enigmes d'Avril. Les trois Logogryphes
doivent s'expliquer par Angle
terre , Metz , et Nostradamus.
* M. Claude Brosset , Avocat au Présidial de
Lyon.
ENIGME
944 MERCURE DE FRANCE
J
ENIGM E.
'Elevai jusques aux Cieux
Celle qui me donna l'Etre ;
Je sers à présent un Maître ,
Que je rendrois glorieux ,
Immortel , incomparable ,
S'il sçavoit faire valoir ,
Mon incroyable pouvoir.
Quand je vins à son service ,
Je n'avois tache ni vice.
Dès l'abord il m'arracha ,
La grand' barbe que je porte.
Il faut voir de quelle sorte
De me noircir il tâcha
Mais admirez son caprice ,
M'ayant maltraitée ainsi ,
Il veut tout de même aussi
Que les autres je noircisse .
AUTRE.
DE vingt membres au moins , se compose
mon corps ,
De qui tous, le bon sens n'en produit au dehors,
Que par differens traits de l'humeur la plus noire ,
QuoiMAY.
949 1733
Quoiqu'il en soit , chacun sur ma foi peut me
croire ;
Si mon Art dont l'emploi n'est dû qu'à l'équité ,
Pour établir l'erreur , combat la verité ,
Ce n'est pas qu'il ne soit de soi -même équitable a
L'usage est le défaut qui le rend condannable .
Le Chinois, l'Iroquois , l'Hébreu, le Chaldéen ,
Le Latin , l'Allemand , François , Italien ,
Mille Langues , par moi sur la Terre et sær
POnde ,
Sans voix se font entendre aux quatre coins du
Monde.
ENIGME - LOGOG RYPHE.
J
E suis de ces vivans que la Mer emprisonne,
Sans être des meilleurs
Mon espece foisonne ,
A Paris plus qu'ailleurs.
Tout petit que je suis ,
J'ai pourtant queue et tête.
Ma queue est près Paris ,
Mon chef touche la crête ;
Malgré ces attributs divers
Je ne suis pas en grande estime ;
Lecteur , si tes yeux sont ouverts ,
Tu trouveras bien-tôt la clef de mon Enigme.
LO
946 MERCURE DE FRANCE
H
LOGOGRTPHE.
Uit lettres font mon tout , dont trois fone
même chose.
Pour me faire connoître , évitons , et
Un calcul trop cominun qui va trop
pour cause
tôt au fait
(
Ce calcul , dira- t'on , est plus sûr et plus net ,
J'en conviens , mais ici je t'offre une autre voye.
En six lettres , je suis fort petite monnoye
En cinq , je suis , sans trop de vanité ,
L'ornement et la sureté.
;
Je suis nombre connu , de plus je sçais instruire ,
En quatre lettres , bon , que ne vais - je point dire
Quelle foule d'objets je présenté à vos yeux ?
C'est un Fruit doux et gracieux ;
Une Ville de Normandie ;
Morceau de bois honteux, quoiqu'utile sur l'easy
Ce qui conduit et l'Aigle et le Moineau ;
Petite , mais souvent funeste maladie ;
Une Tribu , Poisson de Mer ;
Instrument plus dur que le fer ;
Autre instrument connu seulement dans la Fables
Femelle qui ne peut produire son semblable ;
Ce que tu lis présentement :
Autre dangereux instrument ,
Que ne devroit porter qu'un sage ,
Jeu d'éxercice violent
Boutique
MAY. 1733 947
Boutique que certain Marchand ,
Porte sur son dos en voyage.
n trois Lettres , ce sont des Etres tout nouveau !
Légume , grain à nourrir maints Oiseaux ,
Un mois chéri de la Déesse Flore ;
Le contraire du bien , peché mortel encore ;
Element qui fait vivre , autre qui fait périr ;
Etre créé , mais qui ne peut mourir ;
Ce qu'on perd à la mort ; herbe de Médecine
Et chemia bien battu ; de plus une Machine ,
Propre à rendre meilleurs et poulet et chapon
Aliment qui convient à la maigre Lisette ;
Le Sectateur d'un faux Prophete ;
Femme de Pancien temps , qu'on ne prie pas;
dit- on ,
Pour être bien belle et bien faite ;
Une Plaine souvent qui bien fort vous maltraiteg
Mais c'en est trop , tu te lasses , Lecteur ,
Finissez , me dis- ty ; je le veux de bon coeur,
AUTRE.
Qut entier je suis bon dans le temps de Ca
rême ; Tout
Otez ma queue , ainsi je suis utile en gras ;
Alors tranchez mon chef , je suis dur à l'extrême,
En cet état , ôtez mes pieds , n'approchez pas ,
De l'endroit où je suis , ou craignez le nauffrage,
Si vous voulez un autre changement ,
Prene
948 MERCURE
DE FRANCE
Prenez mon tout , sans chef, je suis habillement ;
Chez maints Religieux d'un ordinaire usage.
Que voulez-vous encor ? tranchez , tournez ,
virez ,
En moi bien-tôt vous trouverez ,
D'un Convoi l'ornement ; une Notte en Ma
sique ,
Un instrument, un métail magnifique ;
De quoi contenter le buveur ,
Ce qu'il fait lorsque sa bedaine ,
Commence d'être pleine.
L'habillement d'un Sénateur ;
Un Tribunal fameux à Rome ,
Et l'action que fait un homme ,
Alors qu'il change habit , montre, ou manteau,
Contre autre meuble on plus laid ou plus beau .
J
AUTRE.
E suis adverbe , allons , tranchez , tournez ,
virez ,
En moi bien-tôt vous trouverez ,
Le nom d'une très- grande Ville ;
Un mois bien gracieux , certain point qui sou
vent ,
ous fait rire s'il vient en lugubre ornement ,
Certaine chose fart utile 2
A partager un logement ;
Un nom chéri , mais dont l'effet est rare
Et ce qui fair changer le B mol en B carre.
AUTRE
MAY. 1733 949
AUTR E.
" El me nomme souvent , dont je suis peu
connuë ; TEL
Et tel souvent aussi qui ne m'a jamais vuë ,
Sçait à qui j'appartiens , mon sexe , mon Pays ,
Ce que l'on dit de moi , mes moeurs et qui je
suis.
Pour assembler mon corps neuf lettres font
l'affaire ,
Et sans embarasser , ce que je ne puis taire ,
C'est qu'en France souvent , je ne sçai pas pour
quoi ,
Quand quelqu'un va trop loin , on dit qu'il viens
à moi.
Je suis un vrai Prothée , un Monstre de nature ;
Je change à volonté de sexe et de figure :
D'abord si vous voulez me partager en deux ,
Ma seconde moitié se trouve dans les Cieux ;
Otez ce qui me nuit , alors l'autre partie ,
En Maître Souverain préside en Italie.
Or sus , rassemblez - moi , sçachez m'apareiller',
Coupez , taillez , rognez, sçachez bien m'habiller
Je divise les temps , deviens une mesure ;
Je suis un corps leger,dont on craint la piquure,
Comme d'un vieux Serpent , d'où coulent
douceur
L'amertume , l'encens , les caresses , l'aigreur ;
Il n'est en la Nature homme qui ne me fuye ;
De
so MERCURE DE FRANCE
De plus je suis un Dieu ; sans moi rien n'a la vie;
J'éclaire , aux chicaneurs je suis d'un grand
secours ,
A tous les criminels je prolonge les jours ,
Adverbe j'affoiblis , je suis dans la Musique.
Mes changemens se font suivant que l'on m'apè
plique.
Après cela , Lecteur , qui ne devinera ;
Ce que je n'ai point dit , en trois lettres sera.
康康
NOUVELLES LITTERAIRES
N
DES BEAUX ARTS , &c..
pour
Ous avons promis dans le dernier
Mercure de donner des Notions
plus étendues du Traité de l'opinion.
C'est satisfaire à cet engagement
,
que nous allons insérer icy une partie de
l'Extrait de cet Ouvrage déja devenu célébre.
Le Titre est heureux et bien rempli
; la variété des matiéres et l'abondance
des recherches fournissent d'excellens
Mémoires pour servir à l'Histoire de
'Esprit humain ; et ces Mémoires tendent
naturellement à nous convaincre
que l'opinion domine dans le plus grand
nombre des travaux que l'efprit entreprend
MAY. 1733
951
prend. Ce Traité contient le précis des
opinions les plus remarquables sur chaque
science , joint à des réfléxions d'un
grand discernement , et à plusieurs choses
nouvelles. D'un côté , les découvertes et
les progrès de l'esprit humain embellissent
son histoire ; de l'autre , les sentimens
les plus outrez , les faits les moins
honorables à l'esprit sont tournez à son
instruction et à son avantage par le but
général que cette lecture lui propose; les
sciences occultes sont tirées de l'obscurité
où elles affectent de se cacher. » Un
» Poëte moderne , dit l'Auteur , a appel-
» lé les Bibliothéques :
Des sottises de l'homme orgueilleuses archives:
» L'Esprit verra icy au contraire les tres-
» humbles archives d'un grand nombre
» de ses égaremens ; le moyen de répri-
» mer une curiosité illicite , c'est de la dé-
» sabuser pleinement , et pour ainsi dire,
» de l'assouvir.
L'Auteur avertit à la fin du premier
Chapitre , qu'il citera simplement par
leurs noms tous les Auteurs décédez ; et
c'est un exemple qui peut affranchir les
Gens de lettres de la bizarrerie d'un usage
, qui sans aucun fondement , traite
certains noms avec plus de distinction et
F de
952 MERCURE
DE FRANCE
de politesse les uns que les autres.
Après plusieurs réfléxions très-sensées
sur l'usage de la Science , on trouve une
Dissertation curieuse sur les Auteurs.Les
exemples des Souverains et des Grands
Seigneurs qui ont composé desOuvrages,
font connoître que les Lettres n'ont pas
toujours été regardées comme un obstacle
aux vertus militaires.
Le quatrième Chapitre prouve que
l'Eloquence consiste dans l'opinion . Le
sentiment de Longin et de Montagne ,
que l'Eloquence ne se forme que dans les
Képubliques , y est réfuté. Le Chapitre
qui suit , expose les reproches faits à la
Poësie et sa deffense ; il est principalement
rempli des jugemens contraires des
Critiques , des caprices , des productions
de l'esprit , et des variations du goût. Le.
sixième Chapitre contient plusieurs exemples
du Pyrrhonisme de l'Histoire, sur les
faits les plus importans. On trouve dans
le dernier Chapitre un précis des Opinions
Chronologiques , et de la supputation
du temps chez différents peuples.
L'explication des Périodes Julienne et
Louise , dont la premiere est de l'invention
de Joseph Scaliger , et la seconde
du Pere Jean-Louis d'Amiens Capucin
finit par cette réfléxion . » Il ne manque à
» la
MAY. 1733 1959
5 la seconde Période, qu'un nouveau Sca-
» liger , pour lui donner cours ; car ce
» qui est présenté avec humilité et mo-
» destie , et qui n'est point revêtu de l'é-
» clat de l'autorité ou de la réputation
» n'a guéres plus de succès dans l'Empire
» des Lettres , que dans celui de la fortu
» ne , et l'opinion , à cet égard , domine
» presqu'autant sur les Sçavans , que sur
» le Peuple.
Le premier Chapitre du second Livre
remonte à la source de l'Histoire de la
Philosophie , et fait voir qu'elle a commencé
avec le monde . L'Auteur pénétre
dans l'Antiquité la plus reculée , pour
sauver du naufrage des temps ce qu'on
peut apprendre de la Philosophie des
Patriarches , des Egyptiens , des Chaldéens
, des Gymnosophistes , des Phéni
ciens , des Perses , des Libyens , des Chinois
, des Thraces , des Druides ; les différentes
opinions sur Mercure Trismégis
te et sur Zoroastre y sont exposées , et le
Chapitre est terminé par une Histoire
succinte des Sages de la Grèce.
Dans le second Chapitre , l'Auteur décrit
le commencement de la Philosophie
chez les Grecs ; sa division dans les
deux Ecoles , Jonienne et Italique , et
' Histoite de la Philosophie , depuis que
Fij Thales
954 MERCURE DE FRANCE
Thalés établit l'Ecole Jonienne à Miler
jusqu'à ce qu'Anaxagore la transféra à
Athénes .
Dans le troisiéme Chapitre , les temps
lumineux de la Philosophie commencent
par Socrate. Il y est trairé des cinq Sectes
, sorties de l'Ecole de Socrate , de Platon
et de ses disciples , des cinq Académies
, des plus célébres Platoniciens , et
des diverses opinions qui en différens
temps ont eu cours sur la Philosophic
Platonicienne.
L'Histoire d'Aristote , les louanges excessives
données à ce Philosophe , une
Dissertation sur la Logique, et les Révolutions
de la Secte Péripatéticienne remplissent
le quatrième Chapitre ..
Les Chapitres suivans contiennent
l'Histoire des Cyrénaïques , des Sectes
Erétrique et de Mégare , des Cyniques ,
des Stoïciens , des Pyrrhoniens , des Pythagoriciens
, de la Secte Eléate, des Epicuriens
, de la Secte Eclectique , de la
Phylosophie moderne ; et les deux derniers
Chapitres sur l'Histoire de l'Astronomie
et de la Médecine rendent cette
Histoire de la Philosophie complette et
tres-curieuse.
Dans le Chapitre quatorziéme, qui trai
te de la Philosophie moderne , il est ob
*
servé
MAY. 1733 955
>
servé que les Sciences ons passé trois fois
de la Gréce dans l'Occident ; la premiere
, lorsque les Romains les puisérent en
Gréce ; la seconde , lorsque les François ,
après avoir pris Constantinople , rapportérent
du Levant les Ecrits d'Aristote , avec
les Commentaires des Arabes ; la troisiéme
, lorsqu'après la destruction de l'Empire
d'Orient par Turcs les , les Sçavans
e de la Grèce chercherent une retraite en
Italie.
>>>
Nous nous servirons ( ajoute le judi-
» cieux Auteur ) de cette Epoque du ré-
» tablissement des Lettres , après la prise
» de Constantinople par les Turcs , dans
» le milieu du quinziéme siécle , comme
» d'une Epoque fixe , propre à séparer les
e » Anciens des Modernes, donnant la qualité
d'Anciens à tous ceux qui ont précédé
ce terme , et celle de Modernes à
>> ceux qui ont paru depuis.
-
Pour donner une idée du style de l'Oui
vrage , insérons icy ce Passage , tiré du
seizième Chapitre qui contient l'Histoire
de la Médecine. » Dans le même temps
» florissoit Asclepiade , originaire de Bithynie.
Nous avons observé que les des-
» cendans d'Esculape s'appelloient Asclépiades.
Ils portoient ce nom , comme
» issus d'Asclepius , qui est le nom Grec
>>
F iij
d'Es956
MERCURE DE FRANCE
d'Esculape. Asclepiade , originaire de
" Bithynie , n'eut rien de commun avec
cette famille , que sa profession et son
nom. Il vint s'établir à Rome ; il pro-
» mettoit de guérir sûrement , prompte.
» ment et agréablement ; c'est ce qui se-
» roit à souhaiter , dit Celse ; mais il y
» a ordinairement du danger à vouloir
» guérir trop vite , et à ne se servir que
» de remédes agréables. Asclepiade rejet-
» toit toute la doctrine d'Hippocrate ,
» qu'il appelloit une Méditation de mort.
» Il se faisoit un principe d'accommoder
» ses ordonnances aux désirs de ses mala-
» des ; il profita de l'exemple d'Archagantus
, qui s'étoit rendu odieux , environ
cent ans auparavant , par une Méthode
rigoureuse. Il suivit une route entiere-
» ment opposée ; il n'ordonnoit que des
choses faciles et communes , comme la
» diéte, l'abstinence du vin, le frottement
» du corps , l'exercice ; il mit en usage la
boisson rafraîchie , et se faisoit honneur
d'un titre , qui signifie le Médecin de
»la fraîcheur. Il - inventa des lits suspen-
» dus , où il faisoit bercer les malades
›
pour les exciter au sommeil ; il faisoit
aussi suspendre les bains , pour les rendre
plus salutaires et plus agréables par
le mouvement.Il évitoit soigneusement
les
MAY. 1733. 957
» les remedes pour lesquels la nature à
quelque aversion ; et au lieu que le com
» mun des Médecins traitoit la nature ,
» avec la sévérité d'un Ecuyer qui châtie
>> un Cheval qui bronche , Asclepiade en
» la flattant continuellement , l'invitoit à
>> reprendre son cours , & c.
Le troisiéme Livre , qui roule sur la
Métaphysique , retrace à l'esprit sa propre
Histoire concernant les opinions sur
substances spirituelles . Ce Livre commence
par les opinions monstrueuses de
l'idolatrie. L'Auteur établit ensuite qu'il
ne peut y avoir d'Athée de conviction ,
Il réfute les objections opposées à la preu
ve de la Divinité qui résulte du consentement
general des hommes à la recon
noître. Il examine le raisonnement que
Descartes a donné pour une démonstration
de l'Existence de Dieu , et la pensée
de Pascal sur le danger de ne point croi
re. On trouve à la fin du Chapitre une
exposition sommaire des preuves inving
cibles de la Religion Chrétienne .
Dans le Chapitre des Démons le récit
des Prodiges débitez par le Paganisme
tend au but general de l'Auteur, de montrer
à quel point on s'est joué dans tous
les temps de la crédulité des hommes..
L'Auteur indique seulement les sources
F iiij gene958
MERCURE DE FRANCE
generales de ces opinions . » Dans le grand
» nombre de faits merveilleux , dit- il
» racontez par l'Histoire prophane, et qui
» y sont traitez de Miracles , il est aisé de
»connoître que le plus grand nombre
» doit son origine à la politique des hom-
» mes d'Etat , à la flatterie des Courtisans
, aux artifices des Prêtres des faux
»Dieux , à la crédulité des Historiens , à
» la superstition des Peuples ; mais il est
»aussi tres- vrai- semblable que les Esprits
» de tenebres , occupez sans cesse à trom
per les hommes et à leur tendre des
piéges , ont suscité de temps en temps
» quelques illusions . Tout ce que les an-
» ciens Auteurs ont débité en ce genre ,
» peut être rapporté à ces différentes cau-
» ses . Je me contenterai d'assembler icy
>> les plus celebres de ces faits , laissant au
» Lecteur le choix des conjectures.
Le troisiéme Chapitre considere le
monde par rapport à sa création , à sa durée
, à la Providence qui le gouverne , et
autres objets immatériels. La Doctrine
des idées de Platon y est expliquée , et on
y voit eh abrégé les Mondes imaginaires
des Philosophes. La question si le monde
a été créé pour l'homme , y est tresdiserrement
trai ée , et les objections contre
la Providence réfutées. Le quatrième
ChaMAY.
1733. 959
Chapitre contient les trois Hypothéses
des modernes sur la communication qui
est entre l'esprit et le corps , les différens
sistêmes sur les propriétez de l'ame , sur
le lieu de sa résidence , les preuves de son
immortalité , les sentimens des Philosophes
sur l'état des ames après leur séparation
de leurs corps . L'Auteur examine
l'opinion de La Chambre sur la maniere
dont les substances spirituelles occupent
l'espace . Il met icy la plus subtile
Métaphysique à portée de tous les Lecteurs.
Le cinquiéme Chapitre eft une exposition
des opinions Philosophiques sur les
Bêtes , et des exemples de leur fidélité ,
de leur industrie et de leurs autres bonnes
qualitez . L'Auteur passe ensuite aux
Sciences occultes
Métaphysiques , ou
fondées sur le commerce des Esprits. Il
traite de la Magie , de la Cabale et des
Nombres ; des Oracles et des Sibylles ,
des Augures , des Présages , des Songes.
Il dévoile tous ces ridicules Mysteres
dont il rapporte les Préceptes et les Exemples.
Voicy entr'autres quelques Réflé
xions qu'il fait sur la Cabale. » Les noms
» des soixante et douze Anges et les Prié
res mystérieuses de la Cabale, sont dans'
» le troisiéme Livre de l'Art Cabaliste de
Fv » Reuchlin
960 MERCURE DE FRANCE
2
» Reuchlin , dédié au Pape Leon X. et
» dans les neuf cens propositions de Jean
» Pic, Comte de la Mirandole, dont les 72
dernieres roulent sur la Cabale , et il
finit par celle-cy : Que comme la veri-
» table Astrologie est la science de lire
» dans le Livre du ciel ; la véritable ca-
» bale est la science de lire dans le livre
de la Loy. Quel sujet d'étonnement
» que les hommes les plus sçavans de
»leur siécle , le Comte de la Mirandole ,
» Agrippa , Reuchlin ayent employé les
plus laborieuses recherches à des chi-
» meres si peu dignes de leur attention ?
» Le premier a été l'admiration de l'Uni-
» vers , par la vaste étendue des connoissances
qu'il avoit acquises à un âge aussi
» peu
avancé
que le sien. C'étoit
un Prin-
» ce Souverain
d'Italie
, qui
ne peut
être
soupçonné
d'avoir
voulu
dupper
des
esprits
foibles
, curieux
et crédules
; au
>> contraire
, il défrayoit
magnifique-
» ment
les Sçavans
qui venoient
de toutes
les Parties
du monde
disputer
contre
» lui sur les neuf
cens
propositions
qu'il
»soûtenoit
à Rome
; et il a été un pro-
» dige
sans
deffaut
. On ne peut
pas ce
pendant
l'exempter
à cet égard
de la
» vanité
de l'esprit
humain
qui
s'attache
avolontiers
à tout
ce qu'il
y a de plus
fri-
» vole
MAY. 1733. 961
» vole , pourvû qu'il soit misterieux et
inconnu aux autres hommes. C'est lui
de le ga-
» rendre un grand service que
rentir de cet écueil ; et c'est en quoi
consiste l'utilité de mettre au jour des
» choses qui ne mériteroient pas par elles
» mêmes d'être publiées.
Le dernier Chapitre du troisiéme Livre
est une Dissertation très-curieuse
concernant la Fortune et le Destin . Deux
principales qualitez d'un Ouvrage sont
d'épuiser les matiéres du côté du sçavoir,
er de donner à penser encore plus qu'il
n'exprime. L'Auteur du Traité de l'O
pinion si dans Fun et dans l'autre
genre.
Cet Ouvrage se débite aujourd'hui chez
Briasson , rue S. Jacques , 6 vol. in 12.
1733.
La suite dans le Mercure prochain.
REFLEXIONS CRITIQUES , sur la Poësie
et sur la Peinture . Par. M. l'Abbé Dubos,
Secretaire de l'Académie Françoise , nouvelle
Edition , revue , corrigée et consi
dérablement augmentée. Chez P.J. Mar
riette , rue S. Facques , 1733. 3 vol. in 12.
CONVERSATIONS sur plusieurs sujets de
Morale , propres à former les jeunes De
F vj
moj
962 MERCURE DE FRANCE
moiselles à la piété. Ouvrage utile à toutes
personnes qui sont chargées de leur
éducation. Par M. P. C. Docteur de Sorbonne
. Chez J. Bapt. Lamesle , ruë de la
Vieille Bouclerie ; J. Franç. Herissan ruë
neuve Notre Dame , et Henry , ruë S.Jacques.
1733. in 12 .
ESSAY DE POESIES , de M. Desterlin de
Sainte - Palaye. A Paris , ruë G : st le Coeur,
chez Ant. de Houqueville, 1733. Brochure
in 12. de 61 pages.
Cet E say , que le Lecteur intelligent
ne prendra nullement pour un Essay ,
contient des Pseaumes , des Odes , des
Sonnets ; Epîtres , Epigrames , &c. Pour
donner une idée de cet Ouvrage, voici un
morceau que nous prenons au hazard :
ODE
Sur l'Ambition.
Source féconde d'injustice ,
Redoutable Divinité ,
Qui veux de nous en Sacrifice ,
Nos jours et notre liberté ;
Du faux honneur dont tu te pares ,
Et de tes maximes barbares ,
Serons nous long - temps les jouets ?
Que tu rends d'ames malheureuses !
nos
MAY.
1733. 968
Nos miseres les plus affreuses .
Sont l'ouvrage de tes forfaits.
Pour te fuir , l'équitable Astrée ,
Se bannit de ces tristes lieux ;
La terre de sang alterée ,
La fit retirer dans les Cieux .
L'aimable Paix et la Justice ,
Fuyant le tumulte et le vice ,
Abandonnerent les Mortels.
Quelles fureurs étoient les nôtres !
Armez les uns contre les autres ;
Nous ensanglantions tes Autels.
Quelle erreur ! follement avides ,
De la suprême autorité ,
Nous armons nes bras parricides ,
Pour nous ravir la liberté.
La force , jointe à l'injustice ,
L'aveuglement et le caprice ,
Sont les seuls qui reglent les rangs ;
Et l'on voit d'heureux témeraires ,
Charger de fers leurs propres freres ,
Pour n'étre plus que leurs tyrans,
潞
Laisse les Indiens tranquilles
Fou984
MERCURE DE FRANCE :
Fougueux Vainqueur de Darius ;
Pourquoi par des tributs serviles .
Veux -tu deshonorer Porus ?
Tiran , que dévore l'envie ,
Quoi ! toute la Perse asservie ,
"A ton orgueil ne suffit pas !
Veux-tu des horreurs de la guerre
Remplir le reste de la terre ,
•
Et dompter tous les Potentats &
Acheve , cruelle Déesse •
De porter par tout ta fureur ;
Que tous les Peuples soient sans cesse
Remplis de trouble et de terreur.
Etends par tout ta tyrannie.
Des fiers peuples de l'Ausonie ,
Fais des Maîtres de l'Univers :
Toi , Rome , tremble pour toi - mêmes
Du haut de ta grandeur suprême .
Je te vois tomber dans les fers.
逛
Divinité des plus sinistres ,
Les chutes des plus grands Etats ,
De tes sanguinaires Ministres
Ne sont pas les seuls attentats.
De la plus injuste victoire ,
Als se font un sujet de gloire
Рома
MAY. 1733.
968
Four insulter à nos malheurs ;
Et nous les voyons dans leur rage
Appeller du nom de courage ,
Les plus exécrables fureurs.
装
Que n'ose pas un coeur perfide ,
Dans ses transports ambitieux ?
Ciel quel horrible parricide !
Quel Spectacle frappe mes yeux !
Je vois tout un peuple infidele ,
Sur les pas sanglans d'un Rebelle ,
Se livrer aux plus noirs projets ,
O succès plus noir que le crime !
La tête d'un Roy légitime ,
Tombe aux pieds des lâches Sujets
Des horreurs qu'enfante la Guerre ,
Périsse jusqu'au souvenir ;
Pour laisser respirer la Terre ;
Thémis et la Paix vont s'unir
Louis , guidé par la Prudence ,
Fera respecter sa Puissance ,
Jusqu'aux plus reculez Climats ;
ne prétend point d'autre titre ,
Que celui d'équitable Arbitre ,
Des différends des Potentats
Las
966 MERCURE DE FRANCE.
"
LES GE'NEALOGIES HISTORIQUES des
'Anciens Patriarches , Empereurs , Rois
et de toutes les Maisons Souveraines , depuis
le commencement du monde jusqu'à
présent , exposées en Cartes Généalogiques
, tirées des meilleurs Auteurs , avec
des Explications Historiques et Chronologiques
, dans lesquelles l'on trouvera
l'Etablissement , les Révolutions et la
durée des différens Etats du monde , l'Origine
des Maisons Souveraines , leurs
Progrès , Alliances , Droits , Titres, Prétentions
et Armoiries. Quatre volumes
in 4. A Paris , chez Giffart , rue S. Facques
, à Sainte Therese.
C'est le titre d'un Prospectus , imprimé
chez le même Libraire. L'Auteur y propose
l'Etude des Généalogies en général ,
à tous ceux qui lisent l'Histoire , et en
particulier aux Politiques , et aux Avocats.
Si pour bien entendre l'Histoire
dit-il , en citant Rapin de Thoiras , il
est nécessaire de sçavoir par le moyen
de la Géographie , les Lieux où se sont
passés les Evenemens qui servent d'objets
à l'Histoire , et par la Chronologic
les tems où ils sont arrivez , il ne l'est
pas moins de connoître les personnes
qui les ont faits ou qui y ont eu ,
part
MAY. 1733 : 969
part , par le moyen des Généalogies qui
font même connoître les causes des actions
dont l'Histoire parle . C'est , dit il ,
ce queMoyse, le premier et le plus excellent
des Historiens , a parfaitement reconnu
. C'est de ces Livres que nous tirons
les Généalogies des premiers Chefs
des Nations . Il seroit , ajoûte-t- il , à souhaiter
., que ceux qui se sont mêlez d'écrire
l'Histoire eussent imité l'éxactitude
de cet Historien . Pour faire sentir l'excellence
de l'Etude des Généalogies , il
tire ses preuves du soin que les Hebreux
prenoient de conserver les Généalogies
de leurs Familles , et celui que
prit Esdras , de rétablir celles qui
avoient été perdues dans la ruine de
Jerusalem sous Nabuchodonosor. Les
Grecs et les Romains mettoient cette
connoissance au nombre des Sciences.
Sur quoi il cite Horace , qui dit à son
Ami Telephus :
Quantum distet ab Inacho
Codrus pro patriâ non timidus mori :
Narras et genus Æaci.
A l'égard des Politiques , cette étude
est indispensable ; car comment ,
dit notre Auteur , connoîtra- t- on les
droits ou les prétentions des Princes , si
l'on
68 MERCURE DE FRANCE
l'on ne connoît leurs Alliances qui en
sont le principal fondement ; il est
difficile de manier les affaires publiques
d'un Etat , si l'on n'a pas la connoissance
des grandes Maisons , disoit un Sçavant
du Régne d'Henri II. L'Auteur
ajoûte que M. Loisel , dans le Dialogue
qu'il a composé des Avocats du Parlement
de Paris , requiert qu'un Avocat
sçache les Généalogies et les Alliances
de nos Rois , et des principales Maisons
du Royaume.
,
Nous rapporterons , au sujet des défauts
qui se rencontrent dans les Généalogistes
, contre lesquels l'Auteur nous
avertit d'être en garde , ce qu'il cite de
M. l'Abbé Sevin. L'amour du merveil
leux , dit cet habile Académicien , l'interêt
, la vanité , sont comme des sources
toujours ouvertes d'où la Fable
se répand , pour ainsi dire , à grands
flots dans les Annales des Peuples et
des Familles. Dans cette longue Eclipse
que souffrit la lumiere des Lettres ,
l'ignorance enfanta mille folles réveries
sur leur origine. Mais , poursuit - il
avec le même M. Sevin , en craignant
d'accorder à des Fables la créance qu'el
les ne méritent pas ; on la refuse quel
* Dissertation sur l'Histoire,
ques
MAY. 1733. 969
quefois aux Faits les plus certains ; d'autres
au contraire traignant de refuser
aux véritez historiques le tribut qui leur
est dû , le payent à toutes les Fables
qui en empruntent le nom. Il faut être
également en garde et contre la flatterie
des uns , et contre la malignité des
autres , et tenir un juste milieu entre
la crédulité et le Pirrhonisme .
Ainsi pour démêler le faux d'avec
Je vrai , dans les Généalogies comme
dans l'Histoire ; les Sçavans
› sur tout
du dernier siécle , qui se sont appliqués
à l'Etude de l'Histoire et des Généalogies
, les ont dégagées de ce qui nous
les pourroit rendre suspectes , sont ceux
à qui il faut s'en rapporter. C'est Hubners
, parmi ces Sçavans Modernes ,
qui notre Auteur donne la préférence à
cause de l'approbation presqu'universelle
qu'il s'est acquise.
L'Auteur à joint des Explications ou
des Remarques Historiques et Chronos
logiques pour donner une connoissance
éxacte de l'Etablissement des Empires
et des différens Etats du monde , de
P'origine et des progrès des Maisons
Souveraines , de leurs Alliances , préro
gatives , droits et prétentions . Ce Recueil
pourra passer pour un bon Abregé de
l'His
970 MERCURE DE FRANCE
P'Histoire Universelle , qui contiendra
un corps de Généalogies des Maisons,
Souveraines , propre à tous les Lecteurs ,
à ceux qui sçavent déja qui n'ont besoin
que de rappeller ce qu'ils ont déja
Jû dans les sources , et à ceux qui ne
sçavent pas encore , et qui pour se mettre
au fait de l'Histoire ont besoin qu'on
la leur propose d'une maniere simple et
agréable.
Voici quel sera l'ordre et l'arrangement
de tout cet Ouvrage .
I. VOLUME pour l'Histoire sainte. Les
anciens Patriarches , l'origine des Na- '
tions , les Juges , les Rois , les Pontifes des
Juifs. La Famille d'Herode , la Généalogie
de N. S. J. C.
Pour l'Histoire Profane. Table Chronologique
de l'établissement et de la durée
des anciens Royaumes. Les Rois d'Egypte
, d'Assirie , & c.
GRECE. Les Rois de Sicione , d'Ar
gos , &c.
Les anciens Rois Latins , les Rois de
Rome. Table Chronologique de l'Etablissement
et de la durée des nouvelles
Monarchies. Les Familles des Empereurs
Romains et Grecs en Orient et en Oc
cident. Les Empereurs de Trebisonde ;
les Rois de Jerusalem , de Cypre , d'Armenie
,
MAY: 17337 971
menie , les Princes de Galilée , d'Antio
she , de Tripoli.
Les Rois wandales , les Rois Ostrogoths
en Italie , les Rois Lombards , les Rois
d'Italie depuis Charlemagne , les Rois
de Naples et de Sicile.
Les Maisons de Savoye , de Montfer
rat , de Saluces , & c .
II. VOLUME , ALLEMAGNE . Les anciens
Rois de Germanie , les Empereurs Germaniques
jusqu'à présent, Les anciens Marggraves
et Ducs d'Autriche , les Comtes
Ducs , Electeurs , Landgraves , & c.
III. VOLUME , FRANCE, Les Rois de
France avec toutes les Maisons qui en
sont issues. Les Rois de Bourgogne et
d'Arles. Les Ducs de Bourgogne , les
Comtes et Ducs de Nevers , &c.
Les Ducs de Normandie , les Comtes
d'Eu , & c.
ne ,
Les anciens Rois et Ducs d'Aquitai-
& c.
Les Comtes de Toulouse , &c.
Les Comtes de Champagne , & c . Les
Ducs de Lorraine. On verra dans ce
volume comment les différentes Provinces
de France ont été détachées de la
Couronne , les Maisons qui les ont gouvernées
, et comment elles ont été réunies.
IV,
972 MERCURE DE FRANCE
L
IV. VOLUME , PAYS -BAS. Les Ducs de
Brabant , &c.
ESPAGNE. Les Rois Sueves , Wisigots ,
de Léon , & c.
GRANDE-BRETAGNE , Les Rois d'Ecosse,
Maison de Stwart , les Rois d'Angleter
& c. re ,
Les Rois de Dannemarc , et de Nortvege
. La Maison d'Holstein. Les Rois
de Suede , les Czars.
Les Rois de Pologne , de Bohéme , & c.
Les Ducs de Silesie , les Princes de Trans
silvanie , &c.
NATIONS BARBARES . Les Califes , les
Sultans
,
ou Empereurs Ottomans , les
Rois de Perse , les Mogols , les Rois de
Maroc, &c.
On trouvera dans ce dernier Volume
plusieurs Tables Alphabétiques , tant
des matiéres que des Maisons , et une
Table entr'autres,qui est comme un Dictionnaire
Heraldique où pour éviter
les répétitions dans le corps de l'Ouvrage
l'on renvoye pour expliquer les Armoiries
des Maisons qui y sont traitées.
Quoique la dépense des Cartes Gé
néalogiques aille au triple de celles
des Ouvrages d'une autre nature
pour faciliter l'acquisition de celui- ci
on
MAY. 1733. 973
S
on ne le vendra que 45 liv. en blanc les
quatre vol, in-4. de 700 pag. chacun .
L'Editeur ajoute qu'il se prêtera avec facilité
à l'empressement de ceux qui
voudront avoir les Volumes à mesure
qu'ils seront imprimez. Ils s'adresseront
pour cela au Libraire indiqué cidessus.
HISTOIRE des Révolutions d'Espagne ,
depuis la destruction de l'Empire des
Goths , jusqu'à l'entiere et parfaite réunion
des Royaumes de Castille et d'Arragon
en une seule Monarchie , 3 vol .
in- 4 . Par le R. P. Joseph d'Orleans , de
la Compagnie de Jesus.
Pour présenter au Public une idée
précise de cet Ouvrage , il suffit d'emprunter
les termes que l'Auteur a employez
au commencement du premier
Livre.
» J'écris l'Histoire des Révolutions
d'une Monarchie élevée sur ses propres
» ruines , à un point de gloire et de
grandeur redoutable au reste du Mon-
» de et dont le Monde auroit plus
>> long-tems redouté la puissance , si elle
» se fût donné des bornes , et si elle
» eut moins dissipé ses forces , en voulant
trop étendre ses limites. C'est
,
» l'Hise
74 MERCURE DE FRANCE
l'Histoire des Révolutions arrivées dans
» la Monarchie d'Espagne , depuis que ,
» née , pour parler ainsi , des cendres
» de celles des Goths , elle a quitté le
» nom de ses Conquérans , pour prendre
13 celui de son Pays.
Le Pere d'Orléans donnoit la derniere
forme à cet Ouvrage , et se disposoit à
le mettre au jour , lorsque la mort l'enleva
, vers la cinquante-quatrième année
de son âge. Le Manuscrit fut alors confié
à un Jésuite distingué par ses talens
, l'ami et le confident de l'Auteur 5
ce Pere se proposa d'abord d'y perfectionner
ce qui n'étoit encore qu'en
ébauche , dans le dessein de le publier
sans retardement , selon les intentions
de l'Historien . Du projet à l'éxécution
le trajet est difficile et hazardeux . Les
diverses occupations dont le dépositaire
du Manuscrit a été successivement surchargé
depuis plus de trente- quatre ans ,
ont absorbé presque tous les momens
de son loisir. Ainsi il ne lui a pas été
possible de veiller à l'Edition d'une Histoire
qui demandoit un travail assidu ,
pour être mise dans un état de perfection
qui répondit à la haute opinion
dont le Public est prévenu en faveur du
Pere d'Orléans.
Enfin
MAY. 1733
975
Enfin , après un délai de plusieurs années
, l'Ouvrage remis en d'autres mains
est présentement sous la presse. On ose
assurer qu'une Histoire si intéressante ne
trompera point l'attente des Gens de
Lettres , et donnera un nouveau lustre
à la réputation que ce célébre Ecrivain
s'est acquise , à juste titre , en France et
dans les Pays Etrangers.
On reconnoîtra dans l'Histoire des
Révolutions d'Espagne , l'Historien des
Révolutions d'Angleterre, les mêmes graces
, et la même naïveté dans le fil de
ses narrations , le même pinceau et la
même vivacité dans les portraits , sans
les outrer , même éxactitude dans l'ordre
des faits , même justesse dans les réfléxions
, même discernement dans la
critique , même élégance , et même énergie
dans la diction . Cependant l'Histoire
des Révolutions d'Espagne a cet
avantage sur l'autre , qu'elle est en mê
me-tems une Histoire suivie du Gouver
nement de la Nation . En effet , depuis
l'invasion des Maures , jusqu'à l'entiere
et parfaite réunion des Royaumes de Castille
et d'Arragon on une seule Monarchie
, les Annales Espagnoles ne présentent
qu'une suite de changemens , de
progrès , et de décadences dans ce grand
G nom976
MERCURE DE FRANCE
nombre de Souverainetez qui partage =
rent si long-tems l'Espagne . Chaque année
y fait éclore de nouvelles Dynasties
, qui s'établissent sur les ruines de la
domination Sarasine . Rien n'a échapé en
ce genre au Pere d'Orléans. On jugera
sur tout du mérite de cet Ouvrage , par
les soins heureux que s'est donné l'Auteur
, de rapprocher sous un même point
de vue l'Histoire des différens petits
Etats qui se formerent des débris de
l'Empire Mahométan , et de rappeller
sans cesse son Lecteur par l'importance
et par la varieté des Evenemens , par la
nouveauté et par la rapidité des objets
qu'il fait succeder les uns aux autres
enfin par l'ingénieuse fécondité
des denouemens qu'il prépare. On y retrouvera
avec plaisir l'héroïsme des vertus
guerrieres , soûtenu des plus grands
exemples de la magnanimité Chrétienne,
et les ressorts de la plus artificieuse politique
, quelquefois palliée sous les apparences
de la Religion , et déguisée sous
le masque de l'équité . En un mot , l'Histoire
des Révolutions d'Espagne paroîtra
encore plus digne de l'empressement du
Public , si l'on considere le rapport qu'el
le a avec les principales Monarchies de
l'Europe et de l'Afrique.
,
Cet
MAY. 1733. 977
Cet Ouvrage qui composera 3 vol. in -4
sera mis en vente au plus tard dans le
courant du mois de. Janvier de l'année
1734.
OEUVRES DIVERSES de M. de Fontenelle
, de l'Académie Françoise , nouvelle
Edition , augmentée et enrichie de Figures
gravées par Bernard Picart le Romain,
3 vol. in fol. A la Haye 1728 .
Les mêmes en trois vol . in - 4. se vendent
à Paris chez Michel- Etienne David,
Quai des Augustins , à la Providence ; et
Antoine Claude Briasson , ruë S. Jacques
à la Science.
,
Cette Edition surpasse pour la magnificence
celle qui fut faite il y a quelques
années en Hollande des Oeuvres de
M. Despreaux , en deux vol . in -fol. Le
goût en est à peu près le même , mais il
y a plus de propreté et de soins dans celle
des Oeuvres de M. de Fontenelle . Les Libraires
de Hollande qui entreprennent
avec plaisir ces sortes d'Ouvrages , parce
que leur commerce est plus étendu , tant
en Allemagne qu'en Angleterre , dans les
Pays-Bas , dans le Nort et en Flandres
ne font parconséquent aucune difficulté
d'imprimer avec beaucoup de dépense de
semblables Editions qui feront l'admira-
Gij tion
978 MERCURE DE FRANCE
le tion de la Posterité , aussi- bien par
fond que par les agrémens qu'ils ont sçû
y répandre sous la direction du célebre
M. Picart , l'un des plus gracieux Dessinateurs
et des plus habiles Graveurs qu'il
y ait eu depuis long- tems en Europe.
Ainsi cetteEdition sera toujours recherchée
des Curieux , comme un modele de
bon goût en ce genre. Rien ne devroit
tant animer les Libraires François qu'une
aussi belle dépense , appliquée si à propos
, et qui a eu un si grand succès. Par
là M. de Fontenelle ne vivra pas seulement
chez les habiles Gens par son
propre mérite ; il fera encore les délices
des Amateurs de Desseins et d'Estampes
, par l'agrément que M. Picart a
répandu dans tous ceux dont il a décoré
cette belle et magnifique Edition,
ELEMENTA CHEMIA , quæ anniversario labore
docuit , in publicis privatisque Scholiis
Hermannus Boeraave , continentis Historiam
Theoriam et Operationes Chemicas Editio altera
, Leydensi multo correctior et Accuratior,
cui etiam accessere ejusdem, Auctoris Opuscula
omnia quæ hactenus in lucem prodierunt in
unum Corpus collecta , 2 vol. in- 4 . cum figuris
Aeneis. Parisiis apud Cavelier , via Jacobea ,
1753.
Il y a au commencement de cette Edition un
Avertissement du Libraire qui marque n'avoir
rien
MAY. 1733. 979
•
rien épargné pour rendre cette Edition correcte ;
il cite un grand nombre de fautes qui se trouvent
dans l'Edition de Leyde 1732. qu'il a exactement
corrigées dans son Edition. De plus , il a
ajoûté à la fin du Tome second tous les Opuscules
de l'Auteur , qui avoient été ci - devant
imprimés séparément en differentes grandeurs ,
et qu'il a ramassez ensemble , ce qui n'a point
été fait jusqu'à présent.
LA MEDECINE THEOLOGIQUE , ou la Médecine
créée, telle qu'elle se fait voir , sortie des
mains de Dieu , Créateur de la Nature , et régie
par ses Loix , Ouvrage où s'explique l'Hygienne
par le Méchanisme , l'on y découvre les causes des
Maladies et leurs vrais Remedes, on a joint à la fin
les Theses de Médecine de l'Auteur de ce Traité ,
deux gros volumes in- 12. A Paris , chez Cavelier
, rue S. Jacques. 1733 .
27
LETTRES Sur divers Sujets de Morale et de
Pieté , Tome IV . in - 12 . en grand et petit pas
pier. Paris , chez Cavelier , rue S. Jacques ,
1733.
ORDONNANCE de Louis XIV . sur le fait des
Eaux et Forêts. Nouvelle Edition , augmentée
des Edits , Déclarations et Arrêts rendus en
conséquence jusqu'à présent. deux vol . in - 24 .
Paris ,chez Cavelier , ruë S. Jacques , 17.33 .
LIVRES que Cavelier , Libraire ruë
Saint Jacques , a reçûs des Pays
Etrangers.
Morhoffii ( Dan. Georg. ) Poly Histor Lit
terarius , Philosophicus et Poëticus , cum Additionibus
Virorum clarissimorum. Editio tertia',
Giij cuj
I
980 MERCURE DE FRANCE
cui Præfationem , Notitiamque Diariorum Lit
terariorum Europæ præmisit Jo . Alb . Fabricius
in-4. 3 vol. Lubeca , 1732.
Petronii Satyricon cum Fragmentis , accessit
Priapeja sive diversorum Poetarum in Priapum
lusus , 2 vol. in- 8. Lipsiæ et Patavii , 1731.
Thura ( Alb. ) Gynæceum Daniæ Litteratum
Feminis Danorum , eruditione vel scriptis claris
conspicuum , in - 8 . Alfona , 1732.
Deffense du Siege Apostolique , contre les Concordats
sur les matiéres de Savoye et de Piedmont
, in-8. 1733 .
Schurigii ( Mart. ) Syllepsilogia Historico-
Medica hoc est conceptionis muliebris consideratio
Physico-Medico- Forensis , in -4. Dresda ,
1731.
Ejusd. Embryologia Historico - Medica hoc
est Infantis Humani consideratio Phisico - Medico-
Forensis , qua ejusdem in utero nutritio , &c.
in-4. Dresda , 1732 .
Hoffmanni ( Frid. ) Medicinæ rationalis Systematica
, Tom. IV . Pars secunda , Doctrinam
Hæmorrhagiarum et dolorum Methodo de
monstrativa tradens , in - 4. Venetiis , 1733 .
BIBLIOTHEQUE ITALIQUE , ou Histoire Litteraire
de l'Italie , depuis Janvier jusqu'en Août
1732. faisant les Tomes 13 et 14. 2 vol . in-8,
Geneve , 1732.
Nota. Cavelier a les 14 Volumes in- 8. com
plets pour les personnes qui en souhaitteront .
Le 13 du mois de Mars , le R. P. Charles Porée
, Jesuite , prononça devant une illustre et
nombreuse Assemblée un Discours Latin sur ce
sujet : Theatrum sit ne , vel esse possit Schola informandis
moribus idonea. C'est- à-dire , sille
formanMAY
. 1733. 981
Théatre est ou peut devenir une Ecole propre pour
former les moeurs.
Après avoir touché dans son Exorde les rai
sons qu'il y a de mettre la chose en Problême ,
raisons tirées des disputes qui se sont souvent
élevées à cette occasion , l'Orateur prenant sa❤
gement son parti , entreprend de faire voir dans
les deux parties qui divisent son Discours , que
le Théatre peut de sa nature être une Ecole propre
pour former les moeurs ; mais que par la
faute des hommes il ne l'est pas. Cet Exorde est
terminé par l'Eloge des deux Cardinaux qui
étoient présens , le Cardinal de Polignac et le
Cardinal de Bissy. Ce double Eloge est bien caracterisé
, et plein de finesse et d'art .
La Philosophie donne des préceptes pour
former les moeurs , l'Histoire donne des exeinples.
Le Théatre emprunte de ces deux Ecoles
ce qu'elles ont de meilleur , et par la réunion
qu'elle en fait , elle s'éleve fort au- dessus de cha
cune d'elles, prises en particulier.
Il n'est point d'état pour lequel la Philosophie
ne donne des préceptes. On ne voit pas
non plus que le Théatre soit borné à cet égard .
Les Serviteurs , les Ouvriers , les Marchands , les
Juges , les grands Seigneurs , les Rois y reçoivent
des leçons , soit dans la Comédie , soit
dans la Tragédie.
Tous les Etats , toutes les conditions , tous
les âges , tous les devoirs sont de son ressort .
On y apprend à aimer la vertu , et toutes sortes
de vertus
et à haïr et à fuir le vice , et toutes
sortes de vices .
Le Théatre va même plus loin que la Philoso
phie , qui se borne communément aux vertus er
G iiij
aux
982 MERCURE DE FRANCE
aux vices , au lieu que le Théatre va jusqu'aux
bienséances et aux indécenses les plus légeres.
La Tragédie punit séverement les moindres foiblesses
, et la Comédie poursuit impitoyablement
le ridicule le moins grossier.
pour cor-
Mais d'où en particulier , demande l'Orateur
d'où le Poëte Dramatique tirera- t- il le fond
des préceptes dont il prétend se servir
riger les hommes ? Trois sources , répond- il
lui sont ouvertes. Et d'abord l'humaine folie ,
l'humaine sottise est une source des plus abondantes.
La morale ordinaire est une seconde
source , et la morale divine même , prise avec
sagesse et discretion ; ne lui est pas interdite.
Le P. Porée passe à la maniere dont le Poëte
Dramatique débite ses préceptes de morale. La
maniere du Philosophe est toute dogmatique ,
contentieuse et pleine d'emphase . Le Poëte
Dramatique dissimule son but , et
dissimule son but , et y arrive peutêtre
par là plus efficacement. Il ne s'érige ni en
Docteur , ni en Maître , ' ni en Censeur. Il invite
à la vertu , il attire les coeurs , plutôt qu'il
n'entraîne les esprits : il parle en homme à des
hommes. Ce Parallele du Poëte Dramatique et
du Philosophe Dogmatique , est un des beaux
morceaux de cette Harangue.
Mais c'est par les exemples joints aux préceptes
que le Poëte s'étend tout à fait au-dessus du
Philosophe , et entre en paralele avec l'Historien.
Le mot de Seneque est connu , que le chemin
est long par les préceptes , mais court et
efficace par les exemples. Ce qu'un homme a
fait , chaque homme se croit capable de le faire.
C'est par là que Ciceron appelle l'Histoire , la
Maitresse de la vie.
Qr
:
MAY. 1733. 981
Théatre est ou peut devenir une Ecole propre pour
former les moeurs.
Après avoir touché dans son Exorde les rais
sons qu'il y a de mettre la chose en Problême ,
raisons tirées des disputes qui se sont souvent
élevées à cette occasion , l'Orateur prenant sagement
son parti , entreprend de faire voir dans
les deux parties qui divisent son Discours , que
le Théatre peut de sa nature être une Ecole propre
pour former les moeurs ; mais que par la
faute des hommes il ne l'est pas . Cet Exorde est
terminé par l'Eloge des deux Cardinaux qui
étoient présens , le Cardinal de Polignac et le
Cardinal de Bissy. Ce double Eloge est bien caracterisé
, et plein de finesse et d'art.
La Philosophie donne des préceptes pour
former les moeurs , l'Histoire donne des exem
ples. Le Théatre emprunte de ces deux Ecoles
ce qu'elles ont de meilleur , et par la réunion
qu'elle en fait , elle s'éleve fort au - dessus de cha
Cune d'elles, prises en particulier.
Il n'est point d'état pour lequel la Philosophie
ne donne des préceptes . On ne voit pas
non plus que le Théatre soit borné à cet égard.
Les Serviteurs , les Ouvriers , les Marchands , les
Juges , les grands Seigneurs , les Rois y reçoivent
des leçons , soit dans la Comédie , soit
dans la Tragédie.
Tous les Etats , toutes les conditions , tous
les âges , tous les devoirs sont de son ressort.
On y apprend à aimer la vertu , et toutes sortes
de vertus , et à hair et à fuir le vice , et toutes
sortes de vices.
Le Théatre va même plus loin que la Philoso
phie , qui se borne communément aux vertus er
Giiij aux
982 MERCURE DE FRANCE
aux vices , au lieu que le Théatre va jusqu'aux
bienséances et aux indécenses les plus légeres.
La Tragédie punit séverement les moindres foiblesses
, et la Comédie poursuit impitoyablement
le ridicule le moins grossier.
Mais d'où en particulier , demande l'Orateur
d'où le Poëte Dramatique tirera-t - il le fond
des préceptes dont il prétend se servir pour corriger
les hommes ? Trois sources , répond- il
lui sont ouvertes . Et d'abord l'humaine folie ,
l'humaine sottise est une source des plus abon →
dantes . La morale ordinaire est une seconde
source , et la morale divine même , prise avec
sagesse et discretion , ne lui est pas interdite.
>
Le P. Porée passe à la maniere dont le Poëte
Dramatique débite ses préceptes de morale. La
maniere du Philosophe est toute dogmatique
contentieuse , et pleine d'emphase . Le Poëte
Dramatique dissimule son but , et y arrive peutêtre
par là plus efficacement . Il ne s'erige ni en
Docteur , ni en Maître , ' ni en Censeur. Il invite
à la vertu , il attire les coeurs , plutôt qu'il
n'entraîne les esprits : il parle en homme à des
hommes. Ce Parallele du Poëte Dramatique et
du Thilosophe Dogmatique , est un des beaux
morceaux de cette Harangue
Mais c'est par les exemples joints aux préceptes
que le Poëte s'étend tout à fait au-dessus du
Philosophe , et entre en parallele avec l'Histo
rien. Le mot de Seneque est connu , que le chemin
est long par les préceptes , mais court et
efficace par les exemples. Ce qu'un homme a
fait , chaque homme se croit capable de le faire.
C'est par là que Ciceron appelle l'Histoire , la
Maitresse de la vie.
Or
MA Y. 1733- 983
Or l'Histoire donne indifféremment toutes
sortes d'exemples tels qu'ils se présentent , sans
donner souvent ceux dont chacun auroit besoin
Le Théatre les choisit , et les approprie à ses
Spectateurs. L'Histore fait souvent voir la vertu
si-non punie, du moins malheureuse , et le vice
heureux et comme récompensé. Sur le Théatre
c'est une loi de punir le vice et de couronner la
vertu.
Les exemples que donne l'Histoire sont inanimés
, et presqu'aussi inefficaces que les préceptes
philosophiques Car la Philosophie parle
pour l'avenir . On doit faire ceci on doit éviter
cela. L'Histoire raconte le passé . Le Théatre
seul rend les exemples pressans , animés
vivans.
L'Histoire parle tantôt des vices tantôt des
vertus , selon les sujets qu'elle peint . Le Dramatique
peint réellement , et a tous les avantages
de la Peinture le contraste sur tout et l'opposition
, le mêlange des ombres avec la lumiere ;
il oppose les vertus aux vices , les vices aux vertus.
Et par là ses caracteres sont toujours marqués
, brillans et à portée d'être imités ou rejettés.
Socrate étoit fort , assidu au Théatre d'Euripide.
Aristote a traité fort au long et en grave
Philosophe de la Poësie Dramatique . Le Car
dinal de Richelieu a travaillé pour le Théatre.
L'Orateur dit aussi son sentiment sur le
Théatre moderne , et ne trouve ni dans les Vers ,
ni dans le Chant , ni dans la Danse , rien qui
ne puisse être fort innocent , et fort propre
même à nourrir l'esprit et à former le coeur en
les amusant. Il a donc raison de conclure que
de soi le Théatre peut fort bien être une Ecole
GY de
984 MERCURE DE FRANCE
de vertu , propre pour former les moeurs. Mais
pourquoi donc tant de grands hommes , tant
de vertueux personages ont- ils proscrit le Théatre
, et invectivé contre lui comme contre une
Ecole de vice et de libertinage ? La réponse est
facile. Ils n'éxaminoient pas ce qui pouvoit
être. Ils ne parloient que de ce qui étoit.
Or le Théatre n'est pas , et n'a guéres jamais
été ce qu'il pouvoit , et ce qu'il devroit être :
et peut - être est - il bien difficile qu'il le soit jamais
ce qui est une autre question qu'on pourroit
discuter. L'Orateur parle désormais du
Théatre tel qu'il est , et c'est le sujet de la seconde
partic.
Il remonte à la source du mal 1, et la trouve
également dans les Auteurs , dans les Acteurs
et dans les Spectateurs , et en premier heu c'est
la faute des Poëtes Dramatiques si le Théatre
n'est pas ce qu'il doit être. Ils perdent à tous
momens de vue la fin et le but du sujet qu'ils
se mêlent de traitter .
Leur grand but paroît être uniquement de
briller , et de se faire promptement connoître et
admirer du Public ; de se donner en quelque
sorte en spectacle à toute une ville , sans- se piquer
beaucoup du titre de bons citoyens , dont
le devoir est de se rendre utile , et de contribuer
au bien commun de la Nation. Horace
dit que les Poëtes veulent ou plaire ou être utiles
. Nos Poëtes ne s'embarassent guéres que de
plaire.
Deux folles passions , capables seules de corrompre
toute une Nation , paroissent être le
grand objet de nos Poëtes , la vengeance et l'amour
, et en être l'objet bien plus pour les réveiller
que pour les éteindre.
Le
MAY . 1733 .
Le P. Porée adresse la parole au grand Corneille
, et lui reproche avec vehemence , quoiqu'avec
beaucoup d'estime et une sorte de respect
, d'avoir donné des exemples et des préceptes
de vengeance et de duel dans son Cid , et
de les avoir donnés d'une maniere d'autant plus
dangereuse , qu'elle est plus pleine d'élévation , si
non de coeur et de sentimens , du moins d'esprit
et de pensées .
Mais en même-tems l'Orateur reconnoît la
sagesse de Corneille sur l'article de l'Amour, sur
lequel Racine a été encore plus indiscret que
Corneille ne l'avoit été sur celui de la Vengeance.
Là commence un parallele de ces deux
grands Maîtres de la Scene Françoise ; et ce parallele
est nouveau après tous les autres qui ont
paru jusqu'ici : il finit par établir une sorte d'égalité
entre les deux Poëtes . Mais le commencement
et le milieu n'alloient point là , et on
ne s'attendoit guéres à voir cette gémissante Colombe
de Venus partager l'Empire , même du
Théatre , avec cette Aigle foudroyante de Jupiter.
L'Orateur a donné sans doute cette fin au
préjugé du vulgaire.
Ceux qui se sont emparés de la Scene après
ces deux grands Poëtes , ont bien pû imiter ou
surpasser même leurs défauts , principalement
celui des Sottises amoureuses , mais il ne leur a
pas été si aisé d'atteindre à leur Art , beaucoup
moins à leur Génie .
L'Orateur répond au prétexte , qu'on réveille
P'Amour pour le corriger et le bannir . Il appelle
cela exciter un grand incendie pour l'ét indre
après qu'il a fait bien des ravages donner du
poison pour le faire revomir après qu'il a dé
shiré les entrailles, L'amour n'est pas de ces
Gvj pas+
986 MERCURE DE FRANCE
sûr passions peu naturelles qu'on est commes
d'éteindre après les avoir allumées.
Les anciens Tragiques ne connoissoient point
cette passion , et leur Théatre ne se soutenoit
que mieux sans elle. Eschyle ne l'a jamais mise
sur le sien , Sophocle ne l'y a admise qu'une
fois , et Euripide deux fois : et encore avec
quels égards , quelle discrétion , quelle bienséance
,
Ia Tragédie a donc beaucoup perdu de son
ancienne majesté en perdant sa gravité , sa
séverité sa modestie , sa décence. Mais la Comédie
moerne se flate de surpasser en ce point
là même , l'ancienne Comédie. Notre Orateur
cependant n'est point du tout de cet avis. Le
caractere qu'il fait de Moliere est achevé , et
par là même il en fait un Maître dans l'Art des
moeurs d'autant plus mauvais , qu'il le fait meilleur
dans l'Art du Poeme Dramatique.
Le P. Porée n'épargne aucune sorte de Théatre.
La Comédie Italienne ne mérite pas de
grands égards après qu'il a reprouvé le Théatre
François. Et là - dessus on comprend bien qu'il
ne fait nul quartier à POpera. I applaudit au
génie de Lulli et de Quinault : mais il ne leur
fait d'autre grace , sur l'abus qu'ils en ont fait ,
qu'en reconnoissant qu'ils on: reconnu eux mêmes
avant leur mort , et qu'ils ont détesté cer
abus.
Des Auteurs , le P. Porée passe aux Acteurs ,
et fait voir que plus ils sont parfaits dans leur
action , plus ils sont criminels , et qu'ils contribuent
beaucoup au mal que les Auteurs Dramatiques
font par leur organe. Les Spectateurs ne
sont pas épargnés. Comment seroient- ils innocens
s'il faut être criminel pour leur
plaire ?
›
MAY. 17 ? 3 . 987
Cet Extrait auroit paru dès le mois passé si
nous n'avions été trop pressés par l'abondance
des matieres. Le Discours Latin , imprimé chez
Coignard fils , rue S. jacques , paroît et se fait
lire avec un extrême plaisir. On pariera dans le
prochain Mercure de la Traduction Françoise.
que le R. P. Brumoy en a faite , imprimée chez
le même Libraire.
L'Abbé Pithon- Curt travaille à un Nobiliaire ;
ou Histoire Généalogique des Maisons et Familles
nobles du Comté-Vena'ssin , de la Ville
d'Avignon , et de la Principauté d'Orange. Cet
Ouvrage qui est très - avancé , sera imprimé en
deux volumes , grands in 4. On trouvera par
lettre alphabétique une Planche ou Carte pour
chaque Famille , dans laquelle on verra tous les
degrez de filiation , les Branches , les Alliances ,
et tous les Ecussons en Taille- douce , que les
Curieux pourront faire enluminer.
On trouvera ensuite les preuves de la Famille
dont on aura vû la Table Généalogique réduites
en un Corps d'histoire , où il sera parlé des
Dignitez , Charges et Emplois qu'on aura possedés
, soit dans l'Epée , soit dans la Robe ou
dans l'Eglise
Il faut fournir au même Abbé Pithon - Curt
10, un Mémoire bien détaillé et bien circonstancié
de chaque Famille. 20. Les Contrats de Mariage
, Testamens , Brevets , Bulles , Brefs , et generalement
tout ce qui peut servir de preuve aux
Mémoires qu'on lui fournira . Le tout en Extraits
collationnez sur les Originaux par un ou
plusieurs Notaires , et légalises par un Magis-`
trat authentique , ou par le Juge superieur du
Ressort. 30. Les Armoiries des Alliances qu'on
988 MERCURE DE FRANCE
a contractées , exactement blazonnées . On n'oubliera
pas non plus de parler des Filles qui ont
été mariées , et de celles qui sont entrées en Religion.
Les Maisons qui ont donné des preuves pour
Malte , peuvent en envoyer les Duplicata avec
un Mémoire instructif , et qui suplée à ce que
le Duplicata ne contiendra pas.
Il n'en coutera rien à personne que la peine
d'envoyer les Titres , et de les affranchir à la
Poste . La Noblesse est priée de se hâter , parce
que l'Ouvrage est avancé , et que PAuteur souhaite
avec empressement de le publier . Son
adresse est à Paris , chez le sieur Bonvalet , Marchand
Epicier , ruë du Bacq.
Le 22 Avril , le R. P. du Vivien , Carme 8
prononça dans l'Eglise du Convent , dit Billetes ,
un Discours Latin en présence de M. le Nonce
et d'un grand nombre de personnes de distinction
. Le Discours fut fort goûté , le Sujet en
avoit été annoncé dans un Programme en ces
termes : Erroribus , Hominum in Philosophando ,
qua Principia , qua Remedia , dicet Orator Philosophus
in Regio Billetarum Carmelo , pro auspi→
candis Philosophia studiis.
nier
On nous a envoyé la Réponse qui suit à la
Question proposée dans le Mercure de Mars derpage
$ 49. Pourquoi a-t - on plus de peine à
pardonner à ceux qui prennent plaisir à voir les
personnes calomnices , qu'à ceux qui sont les auteurs
des calomnies
C'est qu'ordinairement les calomniateurs sont
excitez par une pastion d'envie , ou de jalousie
et que tôt ou tard ils sont punis par la honte
qui
MA Y. 1733. 989
qui leur reste , de sçavoir que les personnes ca+
fomniées , aussi bien que les autres , connoissent
la source d'où viennent de tels discours et
la difficulté que l'on a de pardonner à ceux
qui les approuvent ou qui s'en réjouissent , vient .
de ce qu'on croit que ceux ci sont des ennemis
cachez que la timidité seule retient , et qu'on
s'imagine qu'ils feroient encore plus de mal
s'ils l'osoient : C'est la pensée de Mlle Archam
bault , de la Ville de Laval.
EXTRAIT D'UNE LETTRE
écrite de S. Denis en France sur la
Mort d'un fameux Artiste .
Pierre Denis,nâquit à Mons en Hainault , en
Pannée 168. il eut dès sa jeunesse une grande
inclination pour les Arts et un goût particulier
pour le travail du fer. Cette inclination luk
fit entreprendre le voyage d'Italie ; il s'arrêta à
Rome deux ans entiers , travaillant sous les meilleurs
Maitres . Il vint ensuite à Paris , où il acheva
de se perfectionner par un travail assidu de
six années auprès des plus habiles Artistes en ce
genre.
En l'année 1690. il quitta le Monde pour s'at
tacher à l'Ordre de S. Benoît , en qualité de
Commis , c'est ainsi qu'on nomme les Laïques.
qui se donnent à la Religion , et s'engagent par
un Contrat civil à garder certaines Regles et à
s'occuper , selon l'ordre des Superieurs , dans
les Arts et Métiers dont ils sont capables . Il entra
pour cela dans l'Abbaye Royale de S. Denis ,
et après ses deux années de probation , il y fit son
Contrat de stabilité en 1692.
Pendant quarante- trois ans qu'il a vécu à
S
990 MERCURE DE FRANCE
S. Denis d'une maniere toujours édifiante , il
s'est continuellement occupé à de grands Ouvrages
de son Art , qu'il a executez dans la derniere
pertection. Il a enfin laissé dans cette celebre
Abbaye dequoi immortaliser sa memoire.
Son premier Ouvrage est la Balustrade de l'Orgue.
Il fit ensuite une Porte pour le Choeur , laquelle
a servi dans le temps que le Jubé de pierre
subsistoit. On la depuis transportée à l'entrée
du Chevet de l'Eglise , proche le Tombeau de
M. de Turenne . Il a fait aussi la Rampe du Degré
qui descend du Chevet * au Choeur.
En l'année 1751. il posa les Grilles collaterales
du Choeur du côté du Midy et du Septentrion.
Environ sept ans après la grande Grille qui fait
face à la Net , fut achevée et posée . Elle comprend
la grande Porte du Choeur , les deux Portes
des Collateraux , les Degrez et les Tours du
Jubé. Les Desseins sont du fameux M. Anguierre,
Sculpteur de notre Académie.
Depuis ces grands Ouvrages il a encore fait la
Balustrade du Balcon qui est au bout du Dortoir
du côté de Paris , la Balustrade et les Rampes du
grand Escalier , lesquelles ont été finies en 1723 .
Il avoit fait auparavant la Grille qui est au bas
du même grand Escalier , et dont le travail est
incomparable.
En 1724. la Balustrade de l'Escalier qui descend
du Dortoir à l'Eglise .
En 1725. la Suspension des Lampes du Choeur.
Ensuite la Chaire du Lecteur au Réfectoire ,
Ouvrage fait en Découpures et des plus accom -
* Le Chevet est le Rond point ou le grand espace
qui est derriere le grand Autel, et qui comprend le
Tour des Chapelles.
plis
MAY. 1733. 991
plis ; la Chaire a été posée au mois de Mars 1726.
et le Couronnement fini en 1727 .
Enfin notre excellent Artiste a fait à S. Denis
la Rampe de l'Escalier de la nouvelle Infirmerie ,
et c'est son dernier Ouvrage à l'égard de cette
Abbaye.
Il a fait aussi , par ordre de Madame d'Orleans
, Abbesse de Chelles , la belle Grille du
Choeur des Religieuses . Ce Morceau est des plus
riches , des plus magnifiques et des mieux entendus.
Il a encore travaillé aux Grilles de l'Eglise Cathédrale
de Meaux , et a donné les Desseins de la
Porte du Choeur de l'Eglise de Notre - Dame de
Paris, et de plusieurs Ouvrages pour differens endroits
. La Balustrade de l'Autel de la Chapelle de
l'Hôtel- Dieu de S. Denis , est aussi de lui .
Pierre Denis mourut d'une fluxion de poitrine
le 20. Mars 1733. dans la 75. année de son âge.
Il a été inhumé dans le vieux Cloître , du côté
de l'ancien Réfectoire , vis - à - vis le Puits . On a
marqué l'endroit d'une Pierre quarrée , sur laquelle
on a gravé le jour , le mois et l'année de
sa mort. On y a ajouté les deux premieres lettres
de son nom , P. D.
On peut dire qu'il a été le plus rare et le plus
habile Ouvrier en fer qu'il y ait eû en Europe.
Les Experts avoüent que personne n'a encore approché
de la délicatesse , de la beauté et de la
perfection de ses Ouvrages , que tous les Etran
gers s'empressent d'aller voir et d'admirer.
Le Portrait de CHARLOTTE DESMARES,
fameuse Comédienne du Théatre François , que
le Public ne cesse de regretter , vient de paroître
en Estampe , très- bien gravée par M. Lepicier ,
d'après
992 MERCURE DE FRANCE
d'après le Tableau original de M. Charles Coypel,
C'est une demi figure dans un Ovale en hauteur,
tenant d'une main les Attributs de Melpomene
et de Thalic. On lit ces Vers au bas.
Touchante dans les pleurs , picquante dans les
ris ;
De l'une et l'autre Scene également Maitresse ,
Au Théatre tu réunis ,
Les dons partagez au Permesse ,
Cette Estampe se vend chez Surrugue , Graveur
du Roy , rue des Noyers,
PHILIPPE WAUVERMANS , Peintre Hollandois ,
en petites Figures , grand Paysagiste , qui a excellé
pour les Batailles , les Chasses , les Animaux
et sur tout pour les Chevaux , sembloit avoir été
negligé par les Graveurs de notre siecle , de quoi il
y a lieu de s'étonner ; car peu de Tableaux de
Chevalet des meilleurs Maîtres sont si bien
composez , si agréables , si estimez et si chéris
parr les Curieux .
>
Il paroît depuis peu six belles Estampes d'après
Wauvermans , gravées par le sieur Moyreau, et
qui ont un fort grand débit chez lui où elles se
vendent , rue Galande , vis - à - vis la Chapelle de
saint Blaise.
Le principal Morceau et une GRANDI
CHASSE A L'OISEAU , riche et abondante Composition
d'après le Tableau original du fameux
Cabinet de la Comtesse de Verrue , de 42. pouces
de large sur 28. pouces de haut.
D'EPART POUR LA CHASSE , d'après l'Original
du Cabinet de M. Crosat , 30 pouces de
large sur 14. et demi de haut.
R
" M A Y.
993 1733.
RETOUR DE CHASSE ET CURE'E , du Cabinet
de Monseigneur le Duc d'Orleans , 24.
pouces de large , sur 18 .
ABREVOIR , du Cabinet de la Comtesse de
Verrue , mêmes dimentions.
CHASSE AUX CANARDS , du Cabinet de
M. Crosat , 15. pouces de haut , sur 12 .
LA MARCHANDE DE MARE'E ; du même
Cabinet et mêmes dimentions.
Se sieur De Nielles , Chirurgien à Paris , a fait
la découverte depuis quelques années d'un Remede
qu'il croit infaillible pour la guérison des
Ecrouelles qui attaquent la gorge , sans qu'il soit
besoin de faire d'ouverture ni de mettre des Emplâtres
; son Remede , qu'on prend interieurement
, est aisé à prendre. Il purifie la masse
du sang , fond les glandes gonflées et ulcérées ,
aussi bien que les glandes du Mésantere , où réside
la source de cette malheureuse maladie , et
cela quand même les glandes auroient été ouvertes
par des instrumens ou autrement ; la premiere
cause de cette maladie est dans le sang qui
a été chargé d'un mauvais levain en passant par
les glandes du Mésantere , et comme la sérosité
de ce sang est âcre et corrosive , qui passe et repasse
continuellement dans toutes les parties du
corps, toutes les parties glanduleuses , comme les
glandes Maxillaires et Salivaires reçoivent la sé
rosité du sang , qu'elles dégorgent continuellement
par la bouche , ce qui fait faire un mauvais
chile, et par celles qui ne peuvent se dégorger
, il s'y fait une obstruction qui enflamme les
glandes, qui faute de remede, viennent à supuration
sans les ouvrir ; aussi-bien que dans toutes
les autres parties du corps qui sont disposés à
recevoir
994 MERCURE DE FRANCE
recevoir la même impression de cette Limphe
impure dont elle attaque le plus souvent les par
ties spongieuses des os , ce que les Allemans appellent
Epine venteuse , et en France , Humeur
froide , ... Si dans le moment qu'on s'apperçoit
de cette maladie , on avoir recours au Remede du
sieur De Nielles, le Malade guériroit et ne deviendroit
pas à un degré desesperé, comme l'on voit
arriver tous les jours par le peu d'attention et de
soin qu'on se donne , generalement parlant , en
traitant la maladie dans son commencement de
bagarelles , d'engelures , de croissances , &c . . . .
Ce Remede se peut envoyer par tout sans risque
d'être alteré ; il est un peu purgatif et n'affoiblit
point le tempéramment , on le peut donner aux
enfans dans le berceau , on en prend tous les jours
à jeun jusqu'à parfaite guérison .
Le sieur De Nielles a guéri plusieurs personnes,
même de distinction , avec tout le succès possible
la bienséance ne lui permet pas de les nommer
, M. Maréchal , Premier Chirurgien du Roy,
en rendra témoignage , et outre cela le sieur De
Nielles est en état d'en faire voir à Paris des Particuliers
qui en ont été guéris.
Le sieur De Nielles demeure ruë de la Tixeranderie
, près la Gréve.
Le sieur Neilson , Ecossois , reçû depuis peu à
S. Côme , Expert pour la guérison des Hernies
ou Descentes , dans l'un et dans l'autre sexe , à
tout âge , demeurant à Paris , ruë Dauphine au
Cocq d'or , donne avis qu'il traite ces sortes de
maladies d'une façon particuliere , par la simple
application des Remedes specifiques , et sans que
le Malade cesse de vacquer ses affaires .
Il donne aussi ses Avis et ses Remedes à ceux
à
qui
94
ies
P
E,
AT
96 MERCURE DE FRANCE
Murmure ce doux langage :
Aimez , Philis , un Amant ,
Des Bergers le plus constant.
M
Je croi que j'entends Silvandre ;
Qui soupire au fond du Bois :
L'Echo répete sa voix ,
Et de loin nous fait entendre ,
Que rien n'égale les maux
Qu'on sent d'avoir des Rivaux;
Dessus ces écorces vertes ,
Gravons ton nom et le mien
Que d'un si tendre lien ,
Philis , elles soient couvertes !
It voyons les chaque jour ,
Croître moins que notre amour.
S
Les fleurs s'empressent d'éclore ;
Dans cet aimable Printemps ;
On voit paroître en nos Champs ;
Les Amours , Zéphire et Flore ;
C'est le pouvoir de tes yeux ,
Qui les fixe dans ces lieux.
Les Lis qu'on voit dans nos Plaines ,
Les
Ch
997
MAY
.
1733
es Roses de nos Jardins ;
es Eillets et les Jasmins ;
e cristal de nos Fontaines ,
J'égalent pas la beauté ,
'ont mon coeur est enchanté,
i
a
Le Dieu qu'ici l'on révere ,
pprouvant de feux si beaux ;
çait conserver les Troupeaux ,
De mon aimable Bergere :
Jon , de la rage des Loups ,
ls n'éprouvent point les coups.
Le Ciel doit avec justice ;
Accorder tout son secours
A de si chastes amours ;
Et toujours être propice ,
A de fideles amis ,
Par la vertu seule umis.
讚
>
Que cette flamme si pure ,
Jure donc aussi long -temps ,
Que l'on verra dans nos Champs ,
laître et mourir la verdure ;
t que nos tendres Agneaux ,
ondiront sur ces Côteaux,
V. D.
SPEC
998 MERCURE DE FRANCE
***
SPECTACLE
S.
L
'Académie Royale de Musique donna
le 31 de ce mois la seconde Représentation
de l'Empire de l'Amour , Balet
Héroïque , dont nous avons rendu
compte dans le dernier Mercure ; mais
nous avons promis de parler de l'éclatante
et superbe Décoration du Génie du
Fen : C'est à quoi nous allons satis
faire.
Ce grand morceau d'Architecture re
présente un magnifique Palais , qui pa
roît aux yeux prodigieusement
vaste
formant une grande Galerie , au bout de
des laquelle on voit un Dôme , porté par
Colomnes et des Arcades , au travers desquels
se voyent obliquement , à droite
et à gauche , une continuation d'autres
Galeries en Arcades , portées par des colomnes
isolées , qui produisent à la vuë
un si grand éloignement, que l'oeil en est
étonné.
Toute la Décoration est très- richement
ornée , et d'un goût noble et grand, quoiqu'extrêmement
particulier et bizarre ;
Et cependant possible dans l'éxécution ,
par
MAY. 1733 .
par l'accouplement des colomnes et la
distribution du plan ; elle est , selon le
vrai caractere du génie du feu , si éclairée
par le ménagement du brillant des couleurs
et des lumieres , que l'imagination
ne peut rien concevoir qui caracterise si
bien ce Sujet.
•
Sur le rez - de -chaussée , à l'aplomb du
Dôme , on a placé une Urne avec son
piédestal , très- ornée
lumineuse et
transparente , d'où paroît partir la lumiere
qui éclaire toute la Décoration , laquelle
en devient si éclatante , qu'à pei
ne peut- on en soûtenir la vuë.
Cette Décoration , dans laquelle toutes
les finesses de l'Art sont employées, et que
le Public ne cesse d'honorer de ses applaudissemens
, est fort au - dessus de celle
du Palais du Soleil , et fort différente de
toutes celles qu'on a fait jusqu'ici , tang
par la Composition et l'Architecture, que
la matiere dont elle est composée
comme cuirs dorez faits exprès , fer blanc
poli et verni par dessus , couleurs les
plus éclatantes , toiles transparentes , et
dorures ; tout cela si bien disposé , qu'il
produit un effet qui paroît tenir de l'enpar
chantement .
>
Le sieur André , Peintre de l'Opera , a
peint cette Décoration sur les Desseins
H du
co MERCURE DE FRANCE
du Cavalier Servandoni , qui nous donne,
tous les jours de nouvelles preuves de
son génie , aisé varié et fécond.
On prépare le Ballet des Fêtes Grecques
et Romaines, pour le donner après celui
qu'on jouë à présent.
Le 28 Avril , les Comédiens François
donnerent la premiere Représentation
du Paresseux , Comédie en trois Actes
et en Vers , précedée d'un Prologue , par
M. de Launay. Cette Piéce n'a été représentée
que quatre fois , mais on l'a vûë
avec plaisir. On y auroit souhaité un peu
plus d'action. En voici l'Extrait ,
Dans le Prologue , un Poëte veut obliger
l'Auteur du Paresseux de lire sa Picce
a ' des prétendus Connoisseurs
, qui prennent
soin de l'annoncer dans le monde
avant qu'elle paroisse au Théatre ; l'Auteur
n'y consent pas , et donne de bonnes
raisons de son refus. Il se contente
de rendre compte de son Sujet au Poëte
un peu trop pressant. Voici comme il
définit le Heros de sa Piéce :
Je peins un Paresseux qu'on aime ,
Qui par nature et par systême ,
Veut éviter la peine , et qui toujours s'en
fait;
En
ΜΑΥ. 1733 1001
En affaire
"
en amour , négligent à l'ex-
I
trême ,
Du plus petit travail , craignant jusqu'au projet
;
Aveugle confiance , abandon de soi - même
Voilà son Caractere , et voilà le Sujet.
Le Poëte en demandant, davantage ;
l'Auteur persiste dans son refus ; et parmi
les inconveniens qui suivent des lectures
réïterées , il met au premier rang,
celui d'effleurer la nouveauté, ce qu'il appuye
de ce trait de conte ou d'his
toire.
Il me souvient fort à propos
›
D'un certain Florentin et de son avanture :
Un homme voulut voir de ses tours les plus
beaux ,
Le dessous et la Tablature ;
Pour un méchant souper , l'autre fut assez
sot ,
Que de tout expliquer en bonne compagnie ;
De là , de bouche en bouche , on transmit mor
pour mot
Tous les secrets de sa Magie ;
Si-tôt que chacun fut au fait ,
Vous jugez que les tours ne firent plus d'ef
fet ;
On les exécutoit même dans mainte Orgie !
Hij L'Au
7002 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur finit son Prologue par ces
deux Vers :
Laissons du moins à l'Auditoire
L'agrément de la nouveauté.
Acteurs de la Piéce.
Damon , le Paresseux , Le sieur Dufresne.
Cidalise , Veuve accordée à Damon , La
Dlle Gossin.
Lisette , Suivante de Cidalise , La Dlle
Quinault.
Le Chevalier , Ami de Damon , Le sicur
Poisson.
Frosimon Intendant de Damon , Le
sieur de Berey.
,
Argante , Ami de Damon et de Cidalise,
Le sieur de Mommeni.
Lepine ' , Valet de Damon , Le sieur Armand.
La Scene est à Paris dans le Vestibule de
la Maison de Damon.
Lepine , et Lisette , ouvrent la Scene ,
et font l'exposition du Sujet . Ils apprennent
aux Spectateurs que Cidalise est accordée
depuis quinze mois à Damon ;
qu'ils logent dans deux corps de Logis
séparez ; que Damon par paresse la voit
trèsMA
Y. 1733 . 1003
très - rarement ; que Cidalise n'éclate point
par fierté ou par modération ; que Damon
s'est livré à un Chevalier et à un
Intendant qui s'accordent parfaitement à
l'entretenir dans sa paresse et à le ruiner ;
que par malheur pour Damon , Chrysante,
le seul ami digne de sa confiance , et ardent
pour ses interêts , est absent. On
ajoûte qu'un Courrier d'Argante est arrivé
le soir d'auparavant. Après cette exposition
, nécessaire pour l'intelligence
de la Piéce , Lepine et Lisette s'animent
l'un l'autre à tirer Damon d'un assoupise
sement qui va le ruiner ; Lepine surtout
se promet de prouver si bien le pillage
de Frosimon son Intendant , qu'il l'obligera
à abandonner sa proye.
Le Chevalier et l'Intendant , pendant
qu'on leve Damon conviennent entr'eux
du piége qu'ils vont lui tendre.
و
Damon vient en Robe de chambre ; il
plaint son Ami et son Intendant de ce
qu'ils se sont apparemment levez trop
matin , pour le voir plutôt ; il fait un
court éloge du sommeil en ces mots :
Que celui du matin sur tout est agréable !
Il est leger , charmant , ce n'est que s'assoupir
;
yous révez doucement , vous vous sentez dor
mir;
Hij N'est1004
MERCURE DE FRANCE
N'est - il pas vrai ? pour moi , je ne sçaurois
m'en taire ;
Je ne voudrois jamais me lever ; car que
faire ?
Voici encore une peinture qu'il fait de
la Paresse ;
Il est beaucoup de gens , qui dans le même
cas ,
Du nom de Paresseux se feroient une honte ;
Moi , je passe le titre , et j'y trouve mon
compte ;
Mais je ne donne pas dans cette extrêmité
Qui vise et va tout droit à la stupidité .
La paresse est chez moi paresse raisonnée ,
Qui procure une vie , et libre , et fortu
née ;
En un mot,la sagesse avec la volupté .
Ce Systême est applaudi par les deux
fateurs qui l'entendent. Le Chevalier
plaint l'Intendant , attendu les affaires
dont il est sans cesse occupé ; Damon lui
répond qu'il y va pourvoir , et qu'il a
imaginé le moyen de mettre son cher
Intendant plus à l'aise : le voici , continuë-
t-il :
J'étois donc ce matin à réver dans mon lit ,
Et c'est dans ce tems-là qu'on a la tête saine ,
Que
MAY . 1733. 1005
Que sans se fatiguer notre esprit se promene
;
Là , j'ai trouvé tout net , et tout du premier
coup ,
Un moyen qui pourra nous soulager beaucoup
,
Qui ne sçauroit jamais , dans aucune occur
J
rence ,
Contre lui , ni les siens tirer à conséquence ;
C'est le seul , en un mot ; pourriez-vous deviner
? & c.
Ce sont mes blancs seings que je veux lui donner
, &c.
N'est- il pas vrai pour moi , je le crois sans réplique
,
Et voici leur usage : il reçoit mes deniers ;
Il remplira le blanc , voilà pour mes Fermiers
;
Et pour son compte à lui , comme il fait ma
dépense ,
Autres blancs à remplir et voilà sa quittance.
V
>
L'Intendant , d'un air hypocrite , s'op
pose à ce projet mais Damon le force à
l'approuver , et lui en promet l'éxécution.
Ce premier Acte finit par aller dî
ner , ce qui est tout- à - fait du goût du
Chevalier , dont le personnage ressemble
fort aux Parasites de Plaute et de Terence.
Hilij Da1006
MERCURE DE FRANCE
Damon , le Chevalier et Lisette commencent
le second Acte . Lisette annonce
que
à Damon Cidalise l'attend à souper
chez elle , avec un troisième, dont la vuë
ne lui déplaira pas ; il y a apparence que
c'est d'Argante qu'elle veut parler. Damon
reçoit de mauvaise grace l'invitation
que Lisette lui fait de la part de sa Maîtresse
; elle en est tres-irritée ; le Chevalier
veut la calmer, mais en vain ; elle dit
à Damon que ses froideurs pourroient
bien être suivies d'une rupture dont il
aura à se repentir. Elle le quitte pour aller
rendre compte à sa Maîtresse du mauvais
succês de sa commission ,
Le Chevalier fait prévoir à Damon les
troubles qu'il s'apprête , s'il se résout à
conclure son Hymen avec Cidalise. Damon
se reproche le consentement qu'il y
a donné ; il convient pourtant que Cidalise
mérite d'être aimée . Le Chevalier lui
promet de rompre ce fatal matiage. Damon
lui en témoigne sa reconnoissance ,
et le presse d'y aller travailler ; le Chevalier
fait connoître par un à parte qu'il
fera plus qu'il n'a promis.
Damon dans un court Monologue se
félicite d'avoir un si fidele ami. Lepine
vient , tenant dans ses mains une grosse
liasse de Lettres ausqu'elles il prie son
Maî
MAY. 1733. 1007
Maître de vouloir bien enfin faire réponse.
Damon lui dit hardiment qu'elles n'en
demandent point , quoiqu'il ne les ait pas
ni luës ni entendu lire. Lepine lui dit
qu'il y en a une du moins qui demande
réponse ; il lui en fait la lecture ; il s'y
agit de son Château bien aimé de Xaintonge
qui tombe en ruïne faute de réparations
nécessaires et toujours remises.
Damon après bien de la résistance , se
détermine à écrire à un Baron de ses amis,
qui veut bien se charger du soin de faire
réparer ce vieux Château ; il fait approcher
une Table, il prend du Papier et une
Plume; il demande le quantiéme du mois
à Lepine , qui lui répond qu'il aura soin
de le mettre lui -même ; il lui demande
encore quel jour la Poste part ; Lepine
lui répond au hazard , que c'est après demain
: Eh bien , lui dit le Chevalier ,
J'écrirai donc après demain matin.
Il se souvient qu'il a promis des blancs
seings à son Intendant; il en fait un assez
bon nombre et charge Lepine de les lui
remettre. Lepine les prend et se propose
de les porter sur le champ à Cidalise. :
Damon se plaint du retardement du
Chevalier, et voudroit sçavoir ce qu'il a
fait auprès de Cidalise ; il est embarrassé
Hv quand
Too8 MERCURE DE FRANCE
•
quand il la voit venir elle - même, sans qu'il
soit instruit de ce qu'elle aura répondu,
au Chevalier , sur la rupture de son mariage.
La Scene entre Damon et Cidalise est
tres- touchante ; cette derniere instruite
par le Chevalier qui est allé plus loin que
Damon ne vouloit , lui reproche l'injure
qu'il lui fait de vouloir rompre un mariage
qu'il avoit si ardamment souhaité.
Damon lui répond :
Vous m'offensez ; pour vous ma tendresse est
extrême ;
J'ai pû croire , il est vrai , que , quoique je vous
aime ,
Si nous restions? ainsi , sans former certains
noeuds ,
Nous serions vous et moi , peut - être plus heureux.
Cidalise lui fait entendre le tortqu'une
pareille liaison feroit à sa gloire : Elle lui
dit , que l'indifférence qu'il lui témoigne
ne l'empêchera pas de s'interesser dans
tout ce qui le regarde , et sur tout de lui
ouvrir les yeux sur le complot que le
Chevalier,de concert avec son Intendant,
a formé pour le ruiner ; elle le quitte en
lui disant :
Je ne demande point que vous me secondiez ,
Mais
MAY . 1733
1009
Mais je veux empêcher que vous ne vous per-
- diez ;
Si je n'agissois point, j'en deviendrois complice;
Après , si vous voulez , vous me rendrez justice .
Damon est surpris de la maniere dont
Cidalise vient de lui apprendre son devoir
; et c'est là ce qui le détermine à par
tir enfin pour la Xaintonge.
Au troisiéme Acte , Lepine et Lisette
se réjouissent de l'arrivée d'Argante , et
s'en promettant un heureux succès pour
le complot qu'ils ont formé contre le Chevalier
et l'Intendant ; Lepine dit que Damon
lui a paru agité pour la premiere
fois ; mais qu'à cette agitation , non encore
éprouvée , a succedé un sommeil des
plus profonds. Ils se couronnent à l'envi
de Lauriers , mais chacun d'eux prétend
avoir le plus de part à leur prochaine victoire.
Lisette se retire la premiere , et
Lepine en fait bien tôt autant à l'approche
de Damon et du Chevalier. J
Le Chevalier instruit par Damon de
tout ce qui se passe , lui reproche la foiblesse
qu'il a de souffrir qu'on fasse assiéger
sa maison par un Magistrat , et par sa
suite , comme s'il étoit encore en tutelle.
Damon lui apprend que ce Magistrat ,
qui s'appelle Pirante , veut obliger son
H vj
Inten
*
1010 MERCURE DE FRANCE
Intendant à rendre ses comptes. Damon
ne sçait à quoi se resoudre ; leur conversation
est interrompue par l'arrivée d'Ar-
'gante ; le Chevalier qui pour son malheur
n'en est que trop connu , pâlit à
son aspect.
Argante après avoir embrassé Damon ,
jette un regard de surprise et d'indignation
sur le Chevalier ; il le prie de se re
tirer , et l'en prie d'un ton de maître ; le
Chevalier ne se le fait pas dire deux fois.
*
Argante après avoir reproché à Damon
son indifférence pour Cida ise , et le délay
d'un Hymen arrêté depuis quinze
mois , tandis qu'il s'abandonne à deux
hommes , dont l'un a servi chez son
Frere , et l'autre le vole impunément, lui
demande en quel état sont ses affaires :
Damon lui répond en homme qui ne s'en
est jamais occupé. Argante lui dit qu'il
n'est que trop informé de sa létargie, ct
qu'il est venu exprès pour l'en tirer.
Lepine vient apprendre à Argante ,
que Pyrante, en habile Magistrat , a fait
rafle sur tout , et que le Chevalier s'est
éclipsé prudemment.
Cida ise arrive , tenant dans ses mains
des papiers , qu'elle remet dans celles de
Damon ; ls blancs seings sur tout sont
du nombre. Damon ouvre enfin les yeux,
sur
MAY. 1733. TO
sur toutes les fautes que sa paresse lui a
fait commettre ; il est charmé que Cidalise
veuille bien se charger à sa place du
soin de les réparer ; ce qui fait dire plaisamment
à Lepine qu'il va l'épouser par
paresse : Voicy comment Damon s'exprime
, sans se détacher de sa passion dominante
; c'est à Cidalise qu'il s'adresse.
De mon aveuglement je reconnois l'yvresse ,
Et je ne conçoi pas quelle étoit ma foiblesse ,
Car je n'envisageois le lien conjugal ,
Que comme un noeud fâcheux , comme le plus
grand mal ,
Et point du tout , il est justement le contraire ;
Vous en faites un port tranquille et salutaire .
En sorte que vos soins débrouillant ce cahos ,
Je voi que pour jamais , je me mets en repos.
Le Lecteur pourra juger . par les Vers
que nous venons de citer , que la Piéce
fera beaucoup de plaisir à la lecture ; on
en a trouvé l'action un peu trop simple
pour une Comédie en trois Actes ; cependant
on convient qu'elle est parfaite.
ment conduite , et qu'il n'y manque que
certains coups de Théatre , qui font ordinairement
le succès des Pieces , même le
plus négligemment écrites.
Cette Piece d'un caractere tout neufau
Théatre , paroît tres- bien imprimée, chez
C12 MERCURE DE FRANCI
le Breton fils , Quai des Augustins ; elle se
débite tres-bien , et nous pouvons ajouter
que la lecture fait beaucoup de plaisir.
L'Auteur a joint à cet Ouvrage une
petite Préface qu'il finit en ces termes :
Je n'ai pas moins apprehendé la chute de
la Piéce à l'impression que sur le Théatre ;
le public a déja eu la bonté de me rassurer à
cet égard , en prononçant d'avance en faveur
de la lecture ; heureux s'il confirme cette
esperance que j'ai conçue, et s'il me laisse
ainsi la plus solide satisfaction.
Le 4. de ce mois , les Comédiens François
remirent au Théatre la Tragédie d'Andromaque,
dans laquelle la Dile Dumay , qui n'a encore
monté sur aucun Théatre public , joia le Rôle
d'Hermione. Elle remplit quelques jours après le
Rôle de Zénobie , dans la Tragedie de ce nom ,
et elle y fut applaudie.
Le Mercredi 13 , on representa la Tragédie
d'Electre , de M. de Crebillon, avec un tres -grand
concours ; la Dlle Dufresne qui avoit été plus d'un
an sans paroître , y joua le principal Rôle , er
le public l'honora de beaucoup d'applaudisse
mens , tres-bien méritez .
Le 20 du même mois , le Sr Fierville , Acteur
du Théatre de Strasbourg , joüa dans la même
Piéce le Rôle de Palamede , et il y fut tres- ap
plaudi.
Le 27 , il fut aussi fort applaudi dans le Rôlè
du Vieil Horace , dans la Tragédie des Horaces,
dans laquelle la Dlle Dufresne joua le Rôle de
Camille
MAY. 1733 . 1013
Camille , avec des graces , des expressions et une
finesse ausquelles le Public parut tres - sensible .
Le même jour on joua pour la premiere fois ,
Le Rendez- vous ; petite Piéce en Vers et en un
Acte , de M. Fagan ; on dit que c'est son premier
Ouvrage ; si cela est , il y a tout lieu de
bien augurer de ceux qu'il donnera dans la suite.
Celui- cy a été reçu tres - favorablement , et il
un fort grand succès. Outre que la Piece est
tres jolie , elle est parfaitement bien representée.
Nous en parlerons plus au long.
XXXX:XXXXXXXXXXX
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
O
Na appris de Smirne , que le Commandant
de l'Escadre d'Alger , qui avoit mouillé aux
Fogeri , avoit , selon la permission que le Divan
lui avoit donnée , levé près de 4000. hommes
dans la Natolie et dans la Province de
Sarchan.
On a appris depuis que cette Escadre avoit mis
à la voile le 28. Mars , pour repasser le Canal de
Malte , et qu'elle est accompagnée de quelques
Sultanes et d'un autre Vaisseau chargé de Poudre
et d'autres munitions de guerre, que le Grand
Seigneur a donnez à la Régence d'Alger.
ག ཞ་
A Constantinople , le 30. Mars 1733 .
LE
Es nouvelles de Perse sont toujours fort in
certaines , et souvent celles qui se débitent le
matią sont contredites par d'autres qu'on répand'
le
TO14 MERCURE DE FRANCE
le soir. On assure depuis quelques jours , que
Mossoul n'a point été été saccagé par Thamas-
Kouli Kan , comme on l'avoit cy- devant publié.
On dit que sur les premiers bruits qu'il s'en approchoit
, les habitans les plus accommodez de
cette grande Ville avoient d'abord voulu s'enfuir
avec leurs meilleurs effets ; mais que d'un côté ,
Pincertitude de sçavoir où se mettre en sureté
dans un Pays ouvert et inondé de Soldats , et
de l'autre , les représentations , les cris et même
les menaces du peuple , au desespoir de se voir
abandonné, leur avoit fait changer d'avis ; qu'étant
dailleurs informez que le General Persan
n'avoit point de gros Canon à sa suite , ils avoient
tous pris le genereux parti , tant les riches , que
les pauvres , de se renfermer dans leur Ville et
d'en rétablir à la hâte la Forteresse et l'enceinte
presqu'entierement ruinées , à quoi tout le monde
, de tout âge , de tout sexe et de toute condition
avoit travaillé avec tant de zele et de diligence
, que Thamas- Kouli - Kan venant à paroître,
il avoit jugé cette Ville hors d'insulte et avoit
passé outre.
*
>
On ajoute que continuant ses courses rapides ,
dans lesquelles il ravage tout le pays par où il
passe, il étoit tombé tout à coup sur Kouch-Kalessi
, Fauxbourg de Bagdad , séparé de la Ville
par le Tigre , qu'il y avoit fait beaucoup de butin
et y avoit même trouvé un Canon d'une
grosseur prodigieuse , qu'Achmet - Pacha , Gouverneur
de Bagdad , n'avoit pas eu le temps de
retirer ; que comme cependant Thamas - Kouli-
Kouch- Kalessi , signifie en Arabe la Tour des
Oiseaux. C'étoit une Tour qu'il y avoit autrefois ,
dans ce Faubourg, d'où il a pris son nom.
Kan
MAY. 1733. 1015
Kan n'avoit d'autre Artillerie avec lui que quel-..
ques petites Pieces de campagne , portées sur des
chameaux, on présamoit que quant à présent il se
borneroit à tourner en blocus le siege qu'il avoit
paru vouloir former de cette Place , et qu'au surplus
quelque parti qu'il prît , Achmet- Pacha l'avoit
si bien pourvûë de tout , qu'elle étoit en état
de se soutenir long- temps.
Les Turcs ont eu quelques avantages depuis peu
du côté de Tauris , où ils se sont emparez de
deux petites Villes , à la deffense desquelles il a
péri quelques Persans ; et le G. S. résolu de faire
tous ses efforts cette année pour terminer par
quelque Evenement décisif , une guerre si longue
et si ruineuse , a ordonné à tous les Pachas qui
sont sur les Frontieres de Perse , d'y marcher en
diligence avec le plus de Troupes qu'ils pourront
rassembler. De pareils ordres ont été donnez
le 26. de ce mois à 12000 hommes qui partent
d'ici journellement par mer et par terre ; sçavoir,
8000. Jannissaires , commandez par le
Koul-Kiayasei , ou Lieutenans General de cette
Milice , et le reste Topgis et Dgebedgis , aussi
commandez par les Kiayas ou Lieutenant Generaux
de leurs Corps . Mais ce qui releve plus que
toute autre chose le courage des Turcs , c'est que
Topal Osman , Pacha , a été fait Seraskier et
avec une grande autorité , et que les gens de guerre
qui ont une entiere confiance en sa capacité et
en sa bravoure , marchent en Perse avec autant
de bonne volonté qu'ils montroient cy- devant de
* Il est remarquer
que le Jannissaire
Aga , le
Topgi
- Bachi
et le Dgebedgi
-Bachi
, qui sont les
Chefs
de ces trois Corps
, ne marchent
point à l'Armée,
que lorsque
le G.V. la commande
en personne
,
1016 MERCURE DE FRANCE
*
Y
tépugnance à y aller. Ainsi l'Armée Otomane devant
être de plus de 200 mille hommes bien
payez , au moyen des grandes sommes que Sa
Hautesse a fait tenir à Topal - Osman , on se flatte
que la Campagne qui va s'ouvrir sera féconde
en heureux succès . On compte même que cet
actif Séraskier doit avoir déja penetré dans le
Diarbekir.
Le Grand-Seigneur avoit pareillement ordonné
au Kan des Tartares de Crimée , d'envoyer
20 mille hommes de ses Troupes en Perse ; mais
comme, pour abreger considerablement leur rou
te , on étoit convenu de les faire passer sur les
Terres de la Czarine , M. Nepluef, Résident de
cette Princesse à Constantinople , en ayant eu
avis , s'y est formellement opposé , et a signifié
au Reis - Effendi , au nom de sa Souveraine , qu'el
le ne pourroit consentir à ce passage , et que si
l'on persistoit à le vouloir tenter , elle regarderoit
cette entreprise comme une déclaration de
guerre. On ne sçait pas encore la détermination
de la Porte sur ce refus , ni quel chemin prendront
les Tartares.
Outre le Commandement de l'Armée que le
G. S. a donné à Topal - Osman , avec un pouvoir
si absolu , qu'il est le Maitre de tous les Emplois
Militaires , et de distribuer des récompenses er
des pensions à qui il jugera à propos , S. H. l'a
fait Beylerbey d'Anatolie , et en même temps Pa
cha de Cutaya, ces deux dernieres Dignitez étant
toujours unies ; et pour lui marquer encore mieux
sa bienveillance , elle a fait aussi de nouveau le
gendre de ce General , Beylerbey de Romelie et
Pacha de Nisse , Dignitez qui vont pareillement
ensemble , et dont ce dernier avoit déja été revêtu
ey-devant sous le Visiriat de son beaupere.
M.
MAY. 1733. 1017
M. le Comte Sierakousky , envoyé Extraordi
naire de Pologne à la Cour Ottomane ,pour complimenter
le G. S. sur son avenement au Trône ,
et qui arriva à Constantinople le 6.de Novembre
dernier , en est parti le 14. du present mois de
Mars , sur la nouvelle qu'il y reçut le 28. Février .
de la mort du Roy Auguste. M. le Comte Staninsky
, neveu de ce Ministre , est resté ici en
qualité d'Agent , avec l'agrément de la Porte ,
qui lui a donné une Maison à Pera , et un Train
pour sa subsistance journaliere.
"
Djanum- Codja , auquel peu après sa derniere
déposition de la Charge de Capitan-Pacha , il y
a deux ans , on avoit donné le Pachalik de Le
pante , qui ne rapporte qu'environ 20. Bourses ,
a été nommé aujourd'hui à celui de Negrepont
qui produit 60. Bourses , et qui est toujours rempli
par un Visir à trois Queues. Il releve Abdoulla
Cuperly , cy - devant Pacha du Caire , que le
G. V. envoye servir en Perse sous les ordres de
Topal- Osman.
Let
POLOGNE.
P. V. D.
Es Remontrances du Prince de Vienovieski ;
vont déterminé la plus grande partie des Gen
tilshommes du Palatinat de Cracovie , qui étoient
entrez dans la Confédération signée le 23. Février
, à y renoncer ; la Diette particuliere de ce
Palatinat , malgré les oppositions du reste des
Confédérez , a élu les Nonces à la prochaine
Diette de convocation , et les instructions qu'on
leur a données , sont conformes à celles des Nonces
de la Diette particuliere du Palatinat de Ma-
** sovie.
Il est arrivé à Varsovie des Députez des Dietto18
MERCURE DE FRANCE
tes particulieres de divers Palatinats , pour faire.
part au Primat de la résolution où est la Noblesse
de leurs Palatinats , d'exclure de la Couronne
tous les Etrangers , et particulierement ceux dont
les biens ne sont pas situez en Pologne.
On apprend par les dernieres Nouvelles de
Warsovie , que la Diette Generale de Convocation
, avoit élû pour Mareschal, M. Maschalski,
Staroste et l'un des Nonces du Palatinat de
Grodno .
DANNEMARCK .
On parle d'un Cartel projetté entre le Dannemarck
et la Suede , par lequel les deux
Puissances s'engageront à se rendre , non seulement
les Deserteurs , mais encore toutes les personnes
accusées de quelque crime capital , et particulierement
du duel , sans avoir égard à la naissance
, ni au rang des coupables.
L
ALLEMAGNE.
"
E Decret Imperial , par lequel il est ordonné
à tous les Habitans du Duché de Meckelbourg
de reconnoître le Duc Chrétien Louis , pour
Administrateur de ce Duché , est arrivé depuis
peu à Schwerin , et il y a été publié. L'Empereur
a écrit au Duc Charles Léopold , pour l'exhorter
à se soumettre à ce Decret , et à ne point rroubler
par une résistance inutile et dangereuse ,
la tranquillité
de ses Peuples. Il a écrit en même- temps
au Duc Chrétien Louis , pour lui recommander
de
convoquer au plutôt une Assemblée generale
des Etats du Duché , afin de prendre avec eux les
mesures convenables pour assurer son autorité.
Le Duc de Meckelbourg Strelitz , a reçû aussi
une Lettre de S. M. I. qui l'invite à se trouver à
L'Assemblée des Etats.
MAY. 1019 1733
ITALI E.
Ofery ,et le Prêtre Aitelli , deux des quatre
N apprend de Genes , que Don Louis Gia-
Chefs des Mécontens de Corse , détenus dans la
Forteresse de Savonne , ont été depuis peu remis
en liberté , sur les assurances qu'ils ont données
d'une meilleure conduite et d'une parfaite soumis
sion aux ordres de la République.
PA
ESPAGNE,
Ar le Courrier arrivé d'Oran le 27. Avril , on
a appris que la nuit du 19. au 20. du même
mois , l'armée des Ennemis s'étoit approchée par
le Barranco ou Vallon creux , des postes qui couvrent
les Travailleurs des nouvelles Fortifications
des Forts S. Ferdinand et S. Philippe . Deux Compagnies
de Grenadiers qui étoient au pied de la
Montagne de la Mazetta , ayant découvert l'avant-
garde des Maures , la chargerent , mais
nayant reconnu le grand nombre des Ennemis
elles se retirerent de leur poste , qui fut occupé
par un Détachement des Ennemis , jusqu'à ce
que le Marquis de Villadarias , Commandant
General des Troupes Espagnoles , eut envoyé
dix autres Compagnies qui les en chasserent. Če
Détachement s'étant retiré sur l'une des éminences
qui commandent le Barranco , obligea par
le feu continuel de sa Mousqueterie , les Espagnols
de quitter ce même poste ; mais ceux - cy
ayant reçû un renfort de sept Compagnies de
Grenadiers , de quatre de Gardes Espagnoles et
Walonnes , d'une du Régiment d'Espagne , et de
deux du Régiment de Victoria , retournerent à la
charge , attaquerent vivement les Troupes postées
SU
1020 MERCURE DE FRANCE
sur la hauteur , et les mirent en fuite. Alors l'armée
des Maures , composée de 9000. hommes
d'Infanterie et de 2000. chevaux , marcha en
Bataille contre les Espagnols , et ceux- cy s'étant
postez sous le Canon des Forts S. Ferdinand
et S. Philippe , les Ennemis avancerent jusqu'à
la demie portée du fusil de ces Forts , d'où
ils furent très-mal traitez par de fréquentes décharges
d'Artillerie et de Mousqueterie. Après
avoir demeuré pendant quelques heures exposez
à ce feu , et voyant qu'ils perdoient beaucoup de
monde , ils se retirerent sans vouloir engager
le combat avec la Cavalerie Espagnole , qui étoit
postée près du Fort S. André , et qui les attaqua
pour les attirer sous le feu de ce Fort. Quelques
Déserteurs des Ennemis ont rapporté que leur
perte montoit à 1500. hommes. Du côté des Espagnols
il n'y a eu que trois Officiers et sept
Soldats de tuez , et environ 80. blessez .
E 23
par
GRANDE BRETAGNE .
du mois dernier , on délibera dans la
Chambre des Communes , si on feroit une
seconde lecture du Bill, présenté le 17 à la Chambre
le Chevalier Charles Turner , pour établir
un nouveau Droit sur le Tabac , et d'un
autre Bill pour augmenter les impositions sur
le Vin et sur les Liqueurs fortes , et pour
changer la maniere de les percevoir : plusieurs
Membres insisterent pour que ces deux
Bills fussent rejettés. , et il fut résolu qu'on en
renverroit la lecture au 12 de Juin. Le soir , le
peuple ayant appris cette résolution , donna des
démonstrations de sa joye : on sonna les Cloches
, et la plupart des maisons de la Ville de
LonMAY.
1021 1733.
2
2
>
Condres furent illuminées : divers Membres du '
Parlement soupçonnez d'approuver les deux
ills proposez farent insultez par la populace en
etournant chez eux , et l'on brûla dans diffe-
S entes Places publiques , des figures de paille
usquelles ils avoient mis un cordon bleu en
charpe , tel que le portoient les Chevaliers de
Ordre de la Jarretiere. Le lendemain , sur les
plaintes qui furent portées à la Chambre par
eux de ses Membres qui avoient été insultés
t sur les remontrances qui lui furent faites
qu'il étoit de dangereuse conséquence de souffrir
que le peuple s'assemblat tumultueusement
autour de Westminster pendant les séances de
fa Chambre , elle déclara qu'attaquer ou menacer
un de ses Membres au sujet de sa conduite
dans le Parlement , et former des assemblées tumultueuses
pour faire passer un Bill , ou pour
empêcher qu'il ne passat , c'étoit violer les
droits du Parlement , donner atteinte à sa liberté
, et par conséquent désobéir à une des
plus anciennes et des plus importantes Loix de
l'Etat il fut ordonné que les Membres qui représentent
dans la Chambre la Ville de Londres
, le Comté de Middlesex et la Ville de
Westminster , signifieroient cette déclaration au
Lord Maire de Londres , au Sheriff de Middlesex
, et au Grand Bailly de Westminster , et
leur enjoindroient de la part de la Chambre , de
faire punir les Refractaires selon toute la ri
gueur
des Loix ,
ཌ་ ་
La nouvelle de la résolution prise par la
Chambre des Communes le 23 du mois dernier
au sujet de ce Bill concernant le Tabac , &c . a
été reçue par les habitans des Provinces ,
es inêmes démonstrations de joye que par ceux
avec
de
1022 MERCURE DE FRANCE
de la Ville de Londres. Dans les Villes principales
on a sonné les Cloches , et il y a eu des
feux et des illuminations. Le Conseil Commun
de Londres a fait remercier le Lord Maire , les
Aldermans et les Sheriffs , des soins qu'ils se
sont donnez pour que la Chambre reçût à tems
la Requête qu'ils avoient été chargez de lui présenter.
Il a fait aussi remercier Mrs François
Child , Jean Williams , et Geo . Caswell , Membres
du Parlement pour cette Ville , de la fermeté
avec laquelle ils se sont opposez aux deux
Bills présentez . Tous les Membres du Parlement
qui ont opiné pour qu'on les rejettat
ou pour qu'on en renvoyat la lecture , ont reçû
des complimens de la part des Villes qu'ils représentent
dans la Chambre.
Le 30 du mois dernier , la Chambre des
Communes délibera en grand Comité sur un
Bill pour empêcher les Mariages clandestins ,
et il fut resolu qu'à l'avenir il ne poarra se faire
aucun Mariage , si les Parties ne donnent une
déclaration affirmée par serment , et signée
de l'une des deux , portant leur âge , leur condition
, et leur demeure : qu'elles s'engageront
par un Acte public à payer une amende pour
laquelle elles seront poursuivies en justice , s'il
paroît dans la suite qu'elles ayent donné une
fausse déclaration ; qu'on ne délivrera point de
permissions de Mariage aux personnes qui ne
sont pas en âge de contracter , si elles n apportent
un consentement de leurs Parens et de
leurs Curateurs , et que le droit de marier sera
interdit à tout Ministre qui sera en prison. Mais
l'Article portant deffenses de délivrer aucune
permission de mariage aux personnes qui ne
sont pas en âge de contracter , si elles n'apporzent
MAY.
1023 1733
ent un consentement de leurs Parens et de
leurs Curateurs , a été rejetté à la pluralité des
voix.
Le Roi enverra dans peu un Messager au Parlement,
pour demander qu'il soit pourvû à la dot
de la Princesse Royale , et on compte que cette
dot sera de cent mille liv. sterl . d'argent comptant
, et de 10000. sterl. par an .
2222
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
LE
E3 de ce mois , le Marquis de Rosignan
Ambassadeur ordinaire du
Roi de Sardaigne , fic son Entrée publique
dans Paris. Le Maréchal d'Etrées et
M. Hebert , Introducteur des Ambassadeurs
, allerent le prendre dans les Carosses
de L. M. au Convent de Picpus ,
d'où la Marche se fit en cet ordre : le
Čarosse de l'Introducteur , ceux du Ma
réchal d'Etrées , précedez de son Suisse
de son Ecuyer et de quatre Pages à che
val ; un Suisse de l'Ambassadeur à che
val ; sa Livrée à pied , quatre de ses Of
` ficiers , un Ecuyer et quatre Pages à che
val ; le Carosse du Roi , aux côtez du
quel marchoient la Livrée du Maréchal
I d'E
1024 MERCURE DE FRANCE
d'Etrées , et celle de M. Hebert ; le Carosse
de la Reine ; celui de Madame là
Duchesse d'Orleans ; ceux du Duc d'Orleans
, de la Duchesse de Bourbon Douairiere
, du Duc et de la Duchesse de
Bourbon , du Comte de Charolois , du
Comte de Clermont , de la Princesse de
Conty , premiere Douairiere ; de la Princesse
de Conty seconde Douairiere
du Prince et de la Princesse de Conty , du
Duc et de la Duchesse du Maine , du
Prince de Dombes , du Comte d'Eu , du
Comté et de la Comtesse de Toulouse
et celui de M. Chauvelin , Garde des
Sceaux , Ministre et Secretaire d'Etat
ayant le département des Affaires Etrangeres.
Les trois Carosses de l'Ambassadeur
marchoient ensuite à une distance
de 30 à 40 pas . Lorsque l'Ambassadeur
fut arrivé à son Hôtel , il fut complimenté
de la part du Roi par le Duc de
Rochechouart , Premier Gentilhomme
de la Chambre de S. M. de la part de la
Reine , par le Comte de Tessé , son premier
Ecuyer , et de la part de Madame
la Duchesse d'Orleans , par le Marquis
de Crevecoeur , premier Ecuyer de cette
Princesse.
Le 5. le Prince de Guise , et M. Hebert
, Introducteur des Ambassadeurs ,
alle
?
MAY.
1025 17330
allerent prendre l'Ambassadeur en son
Hôtel dans les Carosses du Roi et de la
Reine , et le conduisirent à Versailles ,
où il eut sa premiere Audience publique
du Roi. Il trouva à son passage , dans
l'avant- cour du Château , les Compagnies
des Gardes Françoises et Suisses
sous les armes, les Tambours appellants;
dans la Cour , les Gardes de la Porte , et
ceux de la Prévôté de l'Hôtel sous les
armes, àà lleeuurrss postes ordinaires , et sur
l'Escalier , les Cent Suisses en habits de
cérémonie , la Halebarde à la main. Il
fut reçû en dedans de la Salle des Gardes
par le Duc de Bethune , Capitaine des
Gardes du Corps , qui étoient en haye et
sous les armes.
Après l'Audience du Roi , l'Ambassadeur
fut conduit à l'Audience de la Reine
et à celle de Monseigneur le Dauphin,
par le Prince de Guise , et par M. Hebere
: à bert : il fut admis ensuite à celles de
Mesdames de France ; et après avoir été
traité par les Officiers du Roi , il fut reconduit
à Paris dans les Carosses de L.
M. avec les cérémonies accoûtumées.
Le 17. et les deux jours suivans , les
Dominicains du Convent du Noviciat de
Paris , celébrerent dans leur Eglise la Fê-
I ij
te
1025 MERCURE DE FRANCE
•
te de la Béatification de la Bienheureuse
Catherine de Ricci de Florence , Religieuse
Professe de leur Ordre.
Le 21 de ce mois , Monseigneur Id
Dauphin partit de Versailles apès midi
pour aller au Château de Meudon , qui
n'en est qu'à une lieuë , et y passer quel;
ques- tems,
Les deux aînées de Mesdames de Fran
ce y allerent le même jour , et les deux
Cadettes le lendemain ,
Le 23 Mai la Lotterie de la Compa
gnie des Indes , établie pour le rembour
sement des Actions , fut tirée en la màniere
accoûtumée à l'Hôtel de la Com
pagnie. La Liste des Numeros gagnans
des Actions et Dixiémes d'Actions qui
doivent être remboursées , a été renduë
publique , faisant en tout le nombre de
314 Actions.
Le jour de la Pentecôte , les Chevaliers
Commandeurs et Officiers de l'Ordre du
S. Esprit , s'étant rendus vers les onze
heures dans le Cabinet du Roi , S. M.
tint un Chapitre , dans lequel les Preu
ves de l'Archevêque d'Alby et de l'Archevêque
de Vienne , premier Aumônier
MAY. 17337 1027
nier de S. M. nommé Prélat Comman
deur de l'Ordre du S. Esprit , dans le
Chapitre du 2 Février dernier , furent
admises. Le Roi alla ensuite à la Chapelle
, étane précedé du Duc d'Orleans , du
Duc de Bourbon , du Comte de Charolois
, du Comte de Clermont , du Prince
de Conty , du Duc du Maine , du Prince
de Dombes , du Comte d'Eu , du Comte
de Toulouse et des Chevaliers- Commandeurs
et Officiers de l'Ordre. Le
Roi devant lequel les deux Huissiers de
la Chambre portoient leurs Masses , étoit
en Manteau , le Collier de l'Ordre par
dessus , ainsi que les Chevaliers . Le Čardinal
de Polignac , le Cardinal de Bissy
l'Archevêque d'Alby , et l'Archevêque
de Vienne , marchoient derriere S. M.
Lorsque le Roi fut anivé dans la Chapelle
, on commença le Veni Creator
après lequel S. M. étant montée à son
Trône , l'Archevêque d'Alby , et l'Archevêque
de Vienne y furent conduits
par le Marquis de Breteuil , Prévôt et
Maître des Cérémonies des Ordres du
Roi. Ils prêterent le Serment ordinaire ;
et après que le Roi leur eut passé au col
le Cordon bleu , au bas duquel pendoit
la Croix de l'Ordre , ils furent revêtus
du Mantelet violet que les Prélats - Com-
I iij
>
mang
1028 MERCURE DE FRANCE
mandeurs de l'Ordre du S. Esprit por
tent ordinairement dans les cérémonies
de cet Ordre. Le Roi retourna ensuite
à son P.ie- Dieu , où il entendit la Grande
Messe qui fut célébrée par l'Abbé Brosseau
, Chapelain ordinaire de la Chapelle
de Musique , et chantée par la Musique.
L'après midi , le Roi entendit le Sermon
du P. Guillaume , Augustin Déchaussé
, et ensuite les Vêpres , qui fu
rent chantées par la Musique.
LETTRE écrite par M. l'Evêque de
Grenoble le 27 Avril 1733. sur la mort
de M. l'Archevêque de Rouen .
A
Près avoir rendu , Monsieur , dans mon Eglise
Cathédrale une partie de ce que je dois à la
mémoire de feu M. l'Archevêque de Rouen ,
je m'empresse de le recommander à vos prieres dans
ce moment , où le Christianisme doit sanctifier tous
nos regrets : vous trouverez sans doute bien légitimes
ceux que me cause la perte d'un Prélat , ave
quel,quoiqu'uni par les liens du sang , je l'étois encore
bien plus intimement par tous ceux que peus
former la reconnoissance pour une longue suite de
bienfaits que j'en avois reçû , et l'heureuse expérience
que j'avois des talens dont le Ciel l'avois
favorisé. J'ai eu part aux uns , et j'ai été témoin
des autres , dès le moment qu'il voulut bien me
sonfier une partie du gouvernement du premier des
Diocèses
ΜΑΥ. 1 ཧ ༣༣ ; 1029
Diocèses où la Providence l'avoit conduit. Je lus
fus redevable des mêmes sentimens , lorsque placé
sur un des Siégesles plus distinguez du Royaume ,
il désira que je l'y suivisse. En tout lieu et en toute
rencontre , soit qu'il présidât aux Etats d'une Province
, dont les interêts se sont trouvés plus d'une
fois difficiles à être menagez , soit qu'il fut un des
Membres des diverses Assemblées du Clergé où il a
toujours parû avec éclat , soit qu'il eut quelque
sorte de part aux affaires publiques , soit qu'il s'appliquât
aux Fonctions ordinaires du Ministere Ecclesiastiqne
, par tout également il se montroit aux :
personnes équitables , digne du Poste qu'il occupoit
, et remplissant tout ce que la situation des
choses pouvoit demander de lui . Plus instruit qu'un
autre , il rendoit volontiers ses lumieres utiles à
tous ceux qui étoient à portée d'en profiter Touché
autant que je devois l'être de cet avantage , je
fus très-sensible à mon éloignement de sa Personne
, lorsqu'il me fut devenu indispensable : Une
mort plus prompte que je n'avois lieu de l'appréhen
der , rend à jamais durable cette séparation que je
ne puis envisager qu'avec l'amertume la plus cúisante.
L'heureuse habitude où je suis de vous voir
entrer dans les dispositions que je crois devoir vous
inspirer , me donne lieu d'esperer que vous m'aiderez
à m'acquitter de ce que la Religion éxige de
moi dans cette conjoncture ; c'est par ce motifque
je vous prie de vous souvenir dans vos Prieres et
dans vos Sacrifices , d'un Prélat auquel je me ferai
toujours l'honneur d'avoir été très - singulierement
attaché. Je suis , &c.
Le 2. et le 9. Mai , il y eut Concert François
au Château des Thuilleries ; on y chanta le Pro-
I üij logue
030 MERCURE DE FRANCE
logue de Phaeton , et une Cantate Allégorique ,
qui a pour titre : Le Soleil , Vainqueur des Nuages.
Le sieur Jeliote , nouveau Chanteur , qu'on
avoit déja entendu à l'Opéra , y chanta pour la
premiere fois une Cantatille avec applaudissement
, ayant une très-belle voix de Hautecontre
.
Le 14 il y eut Concert
Spirituel
à cause
de
la Fête de l'Ascension , on y éxecuta le Te Deum
de M. de Blamont , Sur- Intendant de la Musique
du Roi , qui fut très-applaudi. Le sieur Somis
, dont on a déja parlé , joża un Concerto et
une Sonnate avec de nouveaux applaudissemens.
Le 16. on chanta le Prologue de Rolland , er
la Cantatille de l'Eté , mise en Musique par le
sieur le Maire , qui fut très-goûtée , chantée par
la Dlie Courvasier. La Dlle le Maure chanta la
Cantate de Zephire et Flore , et le beau Récit dans
la Cantate de M. de la Lande.
-Le 24. Fête de la Pentecôte , on éxécuta deux
Motets , l'un du feu sieur Gilles , et un autre
de M. de la Lande , qui termina le Concert ; ils
furent précedez de differentes Piéces de simphonies
, dont l'éxécution fait toujours beaucoup
de plaisir.
MORTS,
MAY. 1733 . 1031
***************
MORTS , NAISSANCES
D
et Mariages.
Ame Marie-Françoise d'Apremont, Abbesse
de l'Abbaye Royale du Lis , près de Melun
mourut dans son Abbaye presque subitement ,
Lundy 13. Avril , âgée de plus de 40. ans.
le
M. de Montmyral , Brigadier des Armées du
Roy , Lieutenant pour le Roy au Gouvernement
de Strasbourg, y mourut le 27. du mois dernier.
M. de Beaulieu , Brigadier des Armées du Roy,
et Lieutenant de Roy de Schelestad , mourut le
même jour.
Louis Adolphe Rouault de Gamaches , Auditeur
de Rote pour la France , depuis près de 18. ans ,
Abbé de l'Abbaye de Mont- Majour , et Prieur
d'Arbois, mourut à Rome le 18. du mois dernier,
dans la 47. année de son âge.
L'Abbé de Courtenay , Abbé des Abbayes de
S. Pierre d'Auxerre , et d'Eschalis , mourut à
Paris les de ce mois , dans la 87. année de
son âge.
L'Abbé François Spilimberti , chargé des Affaires
de S. A. S. M. le Duc de Modêne , mourut
à Paris le 7. âgé de 45. ans.
M.jean le Normand, Evêque d'Evreux et Abbé
de S. Taurin de la même Ville , mourut le 7. du
même mois dans son Diocèse , âgé de 78. ans.
Joseph-Robert de Lignerac , Brigadier des Armées
du Roy , Grand - Baillif et Lieutenant General
de la Haute Auvergne, mourut le 11. May,
âgé de 63. ans .
Godefroy- Charles - Alexandre de la Tour d'Au
vergne I v
9032 MERCURE DE FRANCE
vergne , Duc de Château- Thierry , fils unique
de Frédéric- Jules de la Tour d'Auvergne , Prince
d'Auvergne , et de Madame Catherine Olive
de Trente , Princesse d'Auvergne , mourut le 16.
May , âgê de 7. ans 9. mois.
Françoise Charlotte de Bethisy , fille de Eugene
Marie de Bethisy , Chevalier , Seigneur , Marquis
de Méziere Campvermont , & c. Lieutenant
General des Armées du Roy , Gouverneur des
Ville et Citadelle d'Amiens et de Corbie , Grand-
Bailly d'Epée d'Amiens , Commandant pour le
Roy dans les Provinces de Picardie , Champagne,
Artois , Soissonnois , Cambresis et Haynaut , ef
de Dame Eleonore d'Oglethorge , mourut le 17.
May , âgée d'environ 15. ans.
M. Jeau Guyner , Conseiller du Roy, Maître
ordinaire en la Chambre des Comptes , mourut
le même jour, âgé d'environ 64 , ans .
Dame Henriette- Magdeleine- Julie de Martel-
Fontaine , veuve de Charles - François Marie
Marquis d'Estaing , Lieutenant General du Verdunois
, Gouverneur de la Ville de Châlons
Mestre de Camp du Régiment de Forêt , Infanterie
, et Gouverneur de la Ville de Douay , en
-survivance du Comte d'Estaing son pere , mourut
à Paris le 19 âgée de 37. ans.
Jacques Bazin de Besons, Maréchal de France,
Chevalier des Ordres du Roy , Gouverneur des
Ville et Citadelle de Cambray et du Pays Cambresis
, ancien Conseiller au Conseil de Régence,
et Grand- Croix de l'Ordre Militaire de S. Louis,
mourut le 22. May âgé d'environ 87 ans .
Dame Marie-Edmée Terrier , veuve de Re
né Charles d'Hozier , Conseiller du Roy , Juge
General d'Armes et Garde de l'Armorial general
de France , Généalogiste de la Maison et des
Ecuries
MAY. 1733. 1033
Ecuries de S. M. Chevalier des Ordres de S. Maude
S. Lazare de Savoye , mourut le premier
Mars de la présente année 1733. âgée de
78. ans f. mois.
rice et
Feu M. d'Hozier , son mari , qui mourut le 13
de Février de l'année derniere , âgé de 2 ans
n'a point laissé d'enfans de ce Mariage ; mais il
a institué son seul héritier M. d'Hozier , son
neveu , Maître des Comptes et reçû en survivance
dès l'année 1710. dans les Charges de Juge
General d'Armes de France et de Généalogiste
de la Maison et des Ecuries du Roy. L'article qui
a été employé sur ce sujet dans le Mercure d'A
vril , a été dressé sur de faux Mémoires.
Dame Marie-Anne Robillard, femme de Louis
Pierre d'Hozier , Juge General d'Armes de France
, Chevalier de l'Ordre du Roy , son Conseiller
, Maître Ordinaire en sa Chambre des Comptes
de Paris , et Génealogiste de la Maison et
des Ecuries de S. M. et de celle de la Reine ,
accoucha le 6. d'Avril dernier , d'un fils , qui fut
baptisé le même jour dans l'Eglise de S. Nicolas
des Champs , et nommé Jean - François - Louis ,
par François Boula , Ecuyer , Seigneur de Quinci
et par Dame Marie- Jeanne Elisabeth Cappe ,
femine de Charles - François de Common , Conseiller
du Roy, Correcteur en la même Chambre
des Comptes.
Le 11 de ce mois , à 7. heures et un quart dự
soir , la Reine accoucha à Versailles , d'une Prinsesse
, qui fut gndoyée par l'Abbé de Bellefont ,
Aumônier du Roy en quartier , en présence du
Curé de la Paroisse. Après la Cérémonie cette
Princesse fut portée dans son Appartement par
Ja Duchesse de Tallard , Gouvernance des Enfans
I vj da
1034 MERCURE DE FRANCE
de France. La Reine se porte aussi bien qu'on
peut le desirer.
D. Gabrielle- Emilie de Breteuil , Epouse de Florent-
Claude , Marquis du Châtelet , &c. Gouverneur
de Semur , Grand- Bailly d'Aunoy et de
Sarlouis , Colonel du Régiment de Hainaut , accoucha
le 11. Avril , d'un fils qui fut nommé
Victor- Esprit , par François- Victor le Tonnelier
de Breteuil , Marquis de Fontenay- Trésigny,
&c. Commandeur des Ordres du Roy , Chancelier
de la Reine et ancien Secretaire d'Etat au Dé
partement de la Guerre ; et par D. Marie Florence
du Châtelet , Epouse de Melchior Esprit de
la Baume , Comte de Montrevel , & c. Brigadier
des Armées du Roy , `Mestre de Camp de Cavalerie
..
-
D. Marguerite Catherine Magdeleine le
Yoyer d'Argenson , Epouse de Thomas le Gendre
de Collande , Maréchal des Camps et Armées:
du Roy , Commandeur de l'Ordre de S. Louis
accoucha le 15. Avril d'un fils qui fut nommé
Antoine- François , par M. Jean-François - Paul
le Févre de Caumarun , Evêque de Blois , représonté
par Antoine- Louis- François le Févre de
Caumartin de S. Ange , fils d'Antoine- Louis
François , Marquis de S. Ange , Comte de Mauret
&c. Maître des Requêtes , et par D. Gatherine-
Françoise-Charlotte de Cossé de Brissac
fille de Charles Timoleon- Louis de Cossé , Duc
de Brissac , Pair et grand Pannetier de France !
Dame Yvonne- Sylvie du Bresil de Rais , Epou
se de Guy Auguste de Rohan Chabot , Mestre
de Camp , accoucha le zo. Avril d'un fils qui
fut nommé Louis - Antoine Auguste , par Louis
Bretagne Alain de Rohan - Chabor , Prince de
Leon , Duc de Rohan , Pair de Fance , et par
DI
MAY. 1733. 1035
DMarianne-Antoinette de Mesmes , Epouse de
Guy de Durfort , Duc de Lorge .
D. Marie-Susanne Prévôt de Sansac , Epouse
de Henry , Marquis de Bourdeilles , accoucha le
27. du même mois , d'une fille , qui fut nommée
Marie-Susanne , par Henry- Joseph , et par Marie-
Susanne de Bourdeilles , ses frere et soeur.
Simon- Joseph de Raousset , fils de Guillaume
de Raousset , Marquis de Seilhon et de Meslan ,
Conseiller au Parlement de Provence , et de D.
Anne de Vintimille , d'Oullioules , des Comtes
de Marseille , épousa le 16. Avril Marguerite-
Charlotte de la Roche de Fontenilles , fille de
François de la Roche , Marquis de Fontenilles, et
de D. Marie -Therese de Mesmes.
Yves- Marie de Bologne de Lens de Liques ,
Comie de Rupelmonde , Colonnel d'Infanterie et
Capitaine dans le Régiment d'Alsace , fils de feu
Maximilien- Philippe- Joseph de Bologne de Lens,
& c. Maréchal des Camps et Armées du Roy d'Espagne
et de D. Marie - Marguerite - Elisabeth d'Alegre
, Dame du Palais de la Reine , épousa le
21 Avril D. Marie- Chrétienne Christine de
Grammont d'Astel , file ' de' Louis , Comte de
Grammont, Brigadier des Armées du Roy, Chevalier
de ses Ordres , Gouverneur des Villes et
Château de Ham , et de Genevieve Gontaut de
Biton.
Alexandre de Mauleon de Beaupré, & c. Colonel
d'Infanterie et Major du Régiment du Roy ,
fils de Claude de Mauleon de Beaupré , & c . et de
D. Anne-Marie Carteron , épousa le 13. May D.
Marie Marthe de S Simon de Courtaumer , fille
de Jacques- Antoine de S. Simon Comte de
Courtaumer, & c, et de D. Marthe Charden .
AR
1036 MERCURE DE FRANCE
ARRESTS NOTABLES.
ETTRES PATENTES , du 3 Mars 17330
Lonnées àVersailles , qui reglent les Coupes
des Forêts de S. M. en la Maîtrise de Vierson
, et Gruerie d'Allogny. Registrées au Parle,
ment le 9 May suivant.
AUTRES Lettres Patentes , du 10 du mêm☛
mois, qui ordonnent l'ouverture de cinquantetrois
Routes , ou faux - fuyans , dans les Bois
des environs de S Germain , y énoncez. Regis
trées au Parlement , le 9 May.
SENTENCE rendue en la Chambre de Police
, au Châtelet de Paris , le 13 Mars 1733.
pour les Doyen et Docteurs - Regens de la Faculté
de Médecine , en l'Université de Paris
contre le nominé Fabre soi - disant Médecin i
portant deffenses audit Fabre de plus entrepren
dre de faire la Médecine , et pour l'avoir fait , le
condamne en 200 liv. de dommages et interêts,
AUTRES Lettres Patentes , du 17, du même
mois , qui ordonnent une ouverture de trente
nouvelles Routes dans la Forêt de Thelles er
Buissons en dépendans . Registrées au Parlemen
le même jour , 9 May.
AUTRE Sentence , rendue en la même Cham
bre de Police , le 27 Mars 1733.pour les Doyen
et Docteurs Regens de la Faculté de Médecine.
contre Jean- Baptiste Livernette , Maître Chirurgien
MAY. 17337 1037
rurgien à Paris , portant deffenses audit Liver
nette et à tous autres d'entreprendre sur la profession
des Médecins , et pour l'avoir fait , le
condamne en 200 liv . d'amende.
ARREST DU PARLEMENT , du 16 Mars
qui deffere aux Ayculs dans la succession de leurs
petits-enfans les Propres fictifs des Pere et Mere.
Entre Jacques Wailly et Catherine Durand, sa
femme à cause d'elle , Marguerite Dumoulin ,
fille majeure , Antoinette de la Collonge , veuve
de François Dumoulin, et Damoiselle Jeanne de
la Collonge , fille majeure , se prétendans heritiers
chacun pour un quart de Pierre - Gaspard
de Fieubet, décédé mineur,fils de Messire Louis-
Gaspard de Fieubet , Conseiller en la Cour , et
de défunte Dame Marie-Anne Dumoulin . ct
petit fils de la Dame Dumoulin, cy-après nom
mée ; appellans d'une Sentence rendue au Châ
telet de Paris , le 13 Aoust 1732. par laquelle
sur la demande desdits Wailly et Consorts, portéc
par leur Exploit du 1 Avril 1732. contre la
Dame de Santilly , heritiere quant aux Propres
par elle donnez , et quant aux meubles et effets
mobiliers ausquels ledit sieur de Fieubet ne peut
succeder à cause de la stipulation de Propre en
faveur de ladite défunte Dame Marie - Anne Dumoulin
, fille de ladite Dame veuve Dumoulin, et
des siens de son côté et ligne dudit feu sieur de
Fieubet , petir fils de ladite Dame Dumoulin ,
lequel étoit fils dudit sieur Gaspard de Fieubet ,
Conseiller en la Cour , et de ladite Marie Anne
Dumoulin , de laquelle ledit feu sieur de Fieubet
étoit seul et unique héritier. Ladite Dame veuve
Dumoulin ayant liquidé les biens et droits à elle
échus par la succession dudit sieur de Fieuber
·
son
1038 MERCURE DE FRANCE
son petit- fils , par Acte passé entr'elle et ledit
sieur de Fieubet, devant Lecourt et son Confrere
Notaires à Paris , le 17 Février 1732 , ladite demande
tendante à ce que ledit Acte ne puisse
nuire ni préjudicier ausdits Wailly et Consorts ,
et que la moitié des effets donnez en dot par le
feu sieur Dumoulin , et ladite Dame sa veuve , à
ladite Marie- Anne Dumoulin icur fille , ftipulez
Propres à elle et aux siens , de son côté et ligne,
leur soit rendue et restituée ; et sur les deffenses
fournies contre ladire demande du 10 Avril par
ladite Dame Dumoulin , et sa demande incidente ,
du 7 Mars 1732 , à ce que lesdits Wailly et Consorts
soient déclarez non- recevables à demander
compte des deniers stipulez Propres à ladite de
Fieuber , et aux sieus de son côré et ligne ; ausquels
deniers et effets stipulez Propres iis ne succedent
point ; et encore sur la demande incidente
desdits Wailly et Consorts , du 16 Juin dernier ,
à ce qu'attendu que ladite Dame Dumoulin ne
peut prétendre des Propres fictifs que la moitié
par elle donnée, et que l'autre moitié appartient
ausdits Wailly et Consorts, comme étant donnée
par ledit feu sieur Dumoulin ; ladite Dame Dumoulin
sa veuve , comme ayant pris le fait et
cause dudit sieur de Fieubet , fût condamnée
conjointement avec lui à rendre et restituer
ausdits Wailly et Consorts la somme de 172 500
liv. de principal pour la moitié de ladite dot ;
il a été ordonné , sans s'arrêter ausdites demandes
desdits Wailly et Consorts , dont ils
sont déboutez , que l'Acte passé entre ladite
Dame veuve Dumoulin et ledit sieur de Fieubet
seroit exécuté , d'une part ; et Dame Marie-
Anne de Santilly veuve de Pierre Dumoulin ,
Ecuyer , Secretaire du Roy , Maison , Couronne
M A Y. 1733 .
1c39
e de France et deses Finances ; et Messire Gaspard
de Fieubet , Conseiller en la Cour ,
Intimez
, d'autre part ; et entre ladite Dame veuve
Dumoulin ès noms , demanderesse aux fins de
ses Commission et Exploit , des Is Octobre et
14 Novembre 1732. à ce que le present Arrest
fût déclaré commun avec ladite Marguerite
Dumoulin , pour être exécuté avec elle , selon
sa forme et teneur , d'une part ; et Damoiselle
Marguerite Duinoulin , fille majeure , deffenderesse
, d'autre part , et entre lesdits Wailly et
Consorts , demandeurs en Requête , du 23 Février
dernier , d'une part , et lesdits Dame veuve
Dumoulin et sieur de Fieubet , deffendeurs
d'autre ; et encore entre ladite Dame Marguerite
Dumoulin , demanderesse en Requête, du 24 Février
aussi dernier , à fin d'intervention et autres
conclusions y portées , d'une part , et lesdites
Dame veuve Dumoulin et sieur de Fieubet , deffendeurs
, d'autre part. Après que du Vaudier ,
Avocat de Jacques Wailly et Consorts , Normant
, Avocat de Marguerite Dumoulin , er
Cochin , Avocat de Marie -Anne de Santilly et
de Fieubet ont été ojiis pendant cinq Audiances;
ensemble , Chauvelin pour le Procureur General
du Roy. LA COUR a mis et met l'appellation
au néant , ordonne que ce dont est appel
sortira effet ; condamne les Appellans en l'amende
de 12 liv. et aux dépens. Ordonne que le
present Arrêt sera lû et publié par tout ou be
soin sera. Fait en Parlement , & c.
ARREST du Conseil du 31 Mars , portant Réglement
pour la Charge de Chevalier du Guet ,
et les Officiers et Archers , tant à pied qu'à che
val , de sa Compagnie , qui étoient ci- deyant à
sa nomination.
106 MERCURE DE FRANCE
AUTRE du 14 Avril , qui évoque ceux des
14 Octobre 1732. et 4 Janvier dernier , portant
exemption de tous droits sur les grains
farines et légumes qui seroient transportez en
Dauphiné et dans le Lyonnois.
AUTRE du 21 Avril , qui permet de Contrôler
jusqu'au premier Novembre prochain
les Actes de foi et hommage , adjudications de
bois ; ensemble les déclarations on reconnoissances
aux Papiers Terriers , &c.
AUTRE du 1. Mai 1733. au sujet de l'Arrêt
du Parlement du 25 Avril.
Le Roi s'étant fait représenter ce que Sa
Majesté avoit jugé à propos d'ordonner pour
la révocation du Privilege en vertu duquel on
avoit imprimé à Rouen en l'année 1729. un
Livre qui a pour titre , Nouvelle deffense de la
Constitution , &c. Comme aussi l'Arrêt du 31.
Août dernier , par lequel le Roi auroit ordonné
qu'un autre Ouvrage intitulé : Traité de l'Amour
de Dien , tirê des Livres saints , &c. imprimé à
Paris en l'année 1732 demeureroit supprimé
comme contenant des déclamations également
injurieuses et témeraires , Sa Majesté auroir
jugé à propos de faire éxaminer en son Conseil
. l'Arrêt rendu par son Parlement de Paris
le z Avril dernier , et Elle auroit reconnu que
non- seulement on y avoit prononcé sur des
Livres déja proscrits par l'autorité de Sa Majesté
qui avoit donné les ordres nécessaires
pour en arrêter entierement le cours et la distribution
, mais que par le même Arrêt ladite
Cour avoit entrepris de décider des questions
qui
MAY. 1733. 1041
qui ne sont nullement de sa compétence , et de
retenir la connoissance d'une affaire particuliere
qui n'étoit pas de nature à être portée , comme
on l'a fait audit Parlement. A quoi étant nécessaire
de pourvoir pour empêcher les suites
d'un exemple si contraire à toute sorte de Régles
et d'Usages. Vû ledit Arrêt du 25 Avril
dernier , er tout consideré. Sa Majesté étant en
son Conseil , sans s'arrêter audit Arrêt qu'Elle
déclare nul et de nul effet ; ensemble tout ce qui
pourroit avoir été ou être fait au sujet des points
qui y sont contenus , a retenu et retient à sa
Personne la connoissance de tout ce qui concerne
les deux Livres ci-dessus marquez , et de
l'éxecution de ce qui a été ordonné à cet égard
par Sa Majesté ; comme aussi des contraventions
, si aucunes y ont été faites ; évoque Sa
Majesté , et réserve pareillement à sa Personne
la connoissance de ce qui regarde l'affaire du
Curé de S. Medard mentionnée audit Arrêt du
Parlement de Paris , pour y être pourvû par
Sa Majesté , ainsi qu'il appartiendra , faisant
très--cexpresses inhibitions et deffenses à toutes
ses Cours de Parlement et autres Juges de
prendre connoissance de tout ce qui est contenu
au présent Arrêt , lequel sera lû , publié
et affiché par tout où besoin sera . Fait , &c .
AUTRE du 9. Mai 1733. qui ordonne la
suppression d'une These dans la Faculté du
Droit d'Orleans .
Le Roi s'étant fait représenter l'Arrêt du 10.
Mars 1731. par lequel , en imposant par provision
un silence géneral et absolu au sujet des
disputes qui s'étoient élevées sur la nature , l'étendue
et les bornes de l'autorité Ecclesiastique
042 MERCURE DE FRANCE
et de la puissance séculiere , Sa Majesté a fair
très- expresses inhibitions et deffenses à toutes
les Universitez du Royaume , notamment aux
Facultez de Théologie , et de Droit Civil et
Canonique , de permettre aucunes disputes dans
les Ecoles sur cette matiere , comme aussi d'enseigner
, ou de souffrir qu'on enseigne rien de
contraire aux principes marquez par ledit Arrêt
sur les deux puissances : Sa Majesté auroit
été informée que contre la disposition de cet
Arrêt , dont l'éxecution a été encore ordonnée
par celui du 30 Juillet suivant , le nommé
François de Sales Daniel Poullin , voulant être
reçû Docteur dans la Faculté de Droit d'Orleans,
y auroit soûtenu une These le 13 Avril dernier ,
dont les Positions qui concernent le Droit Cafonique
, méritent d'autant plus l'animadversion
de Sa Majesté , qu'on a entrepris nonseulement
d'y traiter presque tous les points
qu'Elle a deffendus par l'Arrêt du 10. Mars
1731. de laisser mettre en dispute dans les
Ecoles , mais de le faire dans des termes qui
marquent autant d'ignorance que de témerite
à quoi voulant pourvoir , Sa Majesté étant en
son Conseil , a ordonné et ordonne que ladite
These , ayant pour titre : Positiones utriusque
juris , quas Deo optimo maximo auxiliante , ex
decreto amplissimi juris consultorum ordinis in perantiqua
et celeberrimâ Aurelianensium Academiâ
, D. D. Florentio Goullu du Plessis , Rectore
,magnifico Praside , pro summis in utroque jure
honoribus et privilegiis Doctoralibus ritè consequendis
, publicè discutiendas exhibet Franciscus
Salesus Daniel Poullin , die 23. Aprilis hor
post meridiem secundâ in publico juris auditorio.
Aurelia ex Typographiâ vidua Francisci Borde
UniMAY.
1733- 7043.
Universitatis Typographi 1733. sera et demeurera
supprimée : Enjoint à cet effet à tous ceux qui
en ont des exemplaires , de les remettre au
Greffe du Lieutenant General de Police de la
Ville d'Orleans ; deffend à tous Imprimeurs
Libraires , Colporteurs et autres , de quelque
état , qualité ou condition qu'ils soient , d'en
imprimer , vendre , débiter ou autrement distribuer
, à peine de punition exemplaire. Fait
pareillement Sa Majesté très - expresses inhibitions
et deffenses aux Recteur , Professeurs
Syndic et autres Membres de ladite Université
d'Orleans , de souffrir qu'il y soit soûtenu de
pareilles Theses , leur enjoignant d'observer et
de faire observer exactement le contenu audit
Arrêt du 1o Mars 1731. à peine de privation
de leurs Chaires , ou autres places , même de
ieurs degrez , s'il y écheoit. Et sera le présent
Arrêt transcrit dans les Registres de ladite Université
, lû , publié et affiché par tout où besoin
sera , pour être éxecuté selon sa forme et teneur.
Enjoint au sieur de Baussan Intendant
et Commissaire départi dans la Generalité d'Or
leans , d'y tenir la main , &c.
AUTRE du 9 Mai , qui fait deffenses à tous
Armateurs et Négocians , faisant le commerce
des Isles et Colonies Françoises de l'Amérique ,
d'y envoyer des étoffes et toiles peintes des Indes
, de Perse , de la Chine ou du Levant.
ARREST du Parlement , rendu le r
May , en la cinquième Chambre des Enquêtes ,
au rapport de M. le Clerc de Lesseville , en faveur
de l'Hôpital , dit l'Aumône Generale de la
Ville d'Avignon , contre le sieur de Royre , Seigneur
1044 MERCURE DE FRANCE
gaeur de Negrin , &c . Maître des Eaux et Forêts
de S. Pons en Languedoc , et contre la
veuve Charles , de ladite Ville d'Avignon , Partie
intervenante. Cet Arrêt est d'autant plus
notable , que l'Aumône d'Avignon avoit été
déboutée en premiere Instance par les Officiers
de la Sénéchaussée de Lyon , contre les
Conclusions du Procureur du Roi. Au Parlement
, M. le Procureur General a conclu en
faveur des Pauvres , et l'Arrêt a été conforme
aux Conclusions . Cette Affaire a produit plu
sieurs Ecrits qui ont été imprimez , c'est M. le
Clerc de Vodonne , Avocat au Parlement qui
a fait le grand Mémoire et les deux Réponses
pour les Pauvres .
ORDONNANCE DE POLICE du 16 Mai ,
qui fait deffenses de faire aucuns dégats dans les
Bleds , sous prétexte d'y cueillir des Fleurs appellées
Barbeaux , ou autrement , et d'apporter ,
vendre ni débiter aucunes de ces Fleurs dans la
Ville de Paris , même aux Bouquetieres et autres
personnes d'en exposer en vente , à peine de
so liv. d'amende.¸
AUTRE du même jour pour le renouvellement
de l'arrosement des rues de la Ville et
Fauxbourgs de Paris , qui sera fait pendant le
tems des chaleurs , tous les jours à dix heures
du matin et à trois heures après midi , à
compter du jour de la publication de ladite Ordonnance.
On donnera deux Volumes du Mercure de Juin,
pour avoir lieu d'employer les Piéces qui sont restées
en arriere pendant les six premiers mois de ceste
apnée.
TABLE
Ieces fugitives . Ode au Maréchal de Vil-
Plecars ,
Curiositez du Cabinet de M. Caperon ,
Le Préjugé , Ode ,
Problême Maritime , &c.
Jugement de Thémis , Poëme ,
833
838
846
849
857
Remarques sur le nom et l'étimologie de Bourdeaux
, &c.
862
Missive de l'Infante Malerais au Chevalier de
Leucotece ,
Eloge du R. P. le Quien ,
865
869
Réponse du Chevalier de Leucotece aux Vers de
Lettre et Portrait sur Mlle de la Vigne ,
M. Carelet ,
874
875
Lettre sur une These de Médecine , &c. 878
Portrait de Mlle ** 884
Voyage de Basse-Normandie ,
885
Réponse à l'Epitre de Mlle de la Vigne , 906
Refléxions sur les termes d'Invention et de sentiment
, &c.
Bouquet à M. de ***
907
916
Lettre de M. Titon du Tillet , sur le Parnasse
François , &c.
Les Muses , Ode,
917
929
Lettre sur la personne et la Vie de M. Aubert, 935
Enigmes , Logogryphes , &c . 944
NOUVELLES LITTERAIRES des Beaux Arts , &c.
Traité de l'Opinion , & c.
Essay de Poësie , Ode , &c.
950
965
Les Génealogies historiques des anciens Patriarches
, Empereurs , & c.
Histoire des Révolutions d'Espagne , & c.
966
973
OEuvres diverses de M. de Fontenelle , & c. 977
Elemens de Chimie ,
La Médecine Théologique ,
978
979
Livres des Pays Etrangers , chez Cavelier ,
Discours sur les Spectacles , &c.
Nobiliaire du Comté Venaissin , &c.
Question expliquée , & c.
Mort de P. Denis , fameux Artiste ,
Estampes nouvelles ,
Autres d'après Wauvermans ,
Chanson notée ,
980
987
983
989
995
992
995
Spectacles , l'Opera , Décoration du Génie du
feu ,
Le Paresseux , Comédie , Extrait ,
998
J000
Nouvelles Etrangeres , Lettres de Contantino
ple , 1013
De Pologne , Dannemarck , Allemagne et Italie ,
Espagne et Angleterre ,
France , nouvelles de la Cour , &c.
1017
1019
1023
Entrée publique de l'Ambassad. de Sardaigne,ibid.
Ceremonie des Chevaliers de l'Ordre , &c. 1026
Lettre sur la Mort de l'Archev. de Rouen, 1028
Morts , Naissances , Mariages , &c.
Arrêts Notables , & c,
PA
Errata d'Avril.
1031
1036
Age 608. ligne 2. Veuville , lisez Neuvile
P. 650. 1. 13. Lac, l.Sac. P. 821. 1. 21.et sui
vantes , Talegrand , 1. Taleyran,
Fantes à corriger dans ce Livre.
Age 839. ligne 25. Longis , lisez Longin
P842.1. 19. l'Ostologie , l. l'Osteologie P
2.
5 .
844 1. derniere , au derriere du , l. derriere le. P.
849. 1. du bas , à , l. en . P. 889. L. l'Asem
blée , I. P'Assemblée. P. 915. 1. 22. d'Hurgevilly,
1. d'Heurgeville. P. 926. l. 18. Dajac , I. Doujat.
P. 943. 1. derniere , Brosset , l. Brossette.
La Chanson notée doit regarder la page 995
VERITAS
OF THE
UNIVERSITY
OF
MICHIGAN
PLURIOUS UNUM
TUEBOR
SIQUÆRIS-
PENINSULAM
-AMENAM
CIRCUMSPICE
S
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
MAY. 1733 .
RICOLLIGIT
SPARGIT
Papilus
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER.
ruë 5. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXIII.
Avec Approbation & Privilege du Roy
AVIS.
340.6
M559
1733
L
و
'
ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Françoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyént , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auronɛ
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps, & de les faire porter fur
Pheure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX . SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
MAY. 1733 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
LE HEROS PARFAIT.
O D E.
A. M. le Maréchal Duc de Villars.
Uel est ce Héros plein de gloire ,
Qui vient s'offrir à mes regards !
Ceint des Lauriers de la Victoire ,
Et Vainqueur de tous les hazards?
N'est - ce point le Dieu de la Guerre
Qui , lassé d'effrayer la terre ,
•
A ij Vient
50
834 MERCURE DE FRANCE
Vient respirer dans ( 1 ) ce séjour ?
Mais près de lui les doctes Fées ,
Les Amphions et les Orphées ,
S'empressent à faire leur cour.
Depuis quand le Dieu de la Thrace ,
Des beaux Arts est - il protecteur ?
Lui de qui la guerriere audace ,
Répand l'épouvante et l'horreur ?
Non , non de mon ame surprise :
Je connois enfin la méprise ;
C'est VILLARS qui s'offre à mes yeuxs
Sa valeur étonna Bellonne ;
La Paix à son tour le couronne ,
Et vient le mettre au rang des Dieux.
讚
Né pour le bonheur de la France ,
VILLARS dompte ses ennemis ;
Sa valeur nous rend l'esperance ,
Dès qu'il paroît , tout est soumis ,
Le Batave , la Germanie ,
(2 ) Cédent à son noble génie ,
Rien ne résiste à ses efforts :
A la terreur , à la tristesse ,
I (1 ) A Vaux- le-Villars.
( 2 ) La Bataille de Dénain,
MAY. 835 17330
On voit succéder l'allégresse ,
Qui s'exprime par nos transports.
讚
A l'instant que de la tempête ,
11 a garanti nos Etats ,
Sa prudence active s'apprête ,
A livrer encor des combats ;
Du Rhin , les Ondes étonnées
Ne paroissent plus mutinées“ ,
A l'aspect de ses étendarts ;
Landau , Fribourg ouvrent leurs Portes ;
L'on voit ses vaillantes cohortes ,
Se ranger sur leurs fiers Remparts. 01.01
Mais c'est peu que dans les allarmes ,
Il immortalise son nom ;
La Paix vient , avec tous ses charmes ,'
Illustrer encor son renom.
Prémice des biens qu'elle accorde ,
Déja s'avance la concorde ,
Objet de nos ardens désirs .
De notre sort Villars est Maître ,
Peuples , vous allez voir renaître ,
Et vos beaux jours et vos plaisirs.
De la vertu la plus sublime ,
An▲ iij. ↑ Nous
3
1
"
36 MERCURE DE FRANCE
Nous voyons les heureux effets ;
*
Des deux grands Héros qu'elle anime ,
Seule elle régle les projets ;
Plein d'une sagesse profonde ,
Villars , du plus grand Roy du monde ,
Maintient dignement tous les droits :
Eugène l'écoute et l'admire ,
Et du feu divin qui l'inspire
Il fait son exemple et ses loix.
Fille du Ciel ! Paix désirable !
Qui conduit un heureux repos ,
Enfin ton retour favorable ,
Est l'ouvrage de mon Héros.
Pour lui quelle gloire immortelle !
Non , la victoire la plus belle ,
N'a point un si parfait éclat ;
Mais la sagesse , le courage ,
En lui disputent l'avantage .
De grand Guerrier , d'homme d'Etat.
Aussi- tôt que d'un sort tranquile ,
L'Europe goûte les douceurs ,
Villars rend son loisir utile ,
Il vient protéger les neuf Soeurs.
* La Paix de Rastad.
La
MAY. 837
1733.
La sublimité , la justesse ,
Le bon goût , la délicatesse ,
Eclatent dans ses jugemens ,
Le vrai seul peut le satisfaire ,
Et l'on ne parvient à lui plaire ,
Que par de solides talens.
送
* Un nouveau Parnasse s'éleve ,
Dans des murs chéris d'Apollon ,
Déja le prodige s'achève ,
J'y trouve le sacré Vallon .
Qui peut surmonter tant d'obstacles ?
A qui devons - nous ces miracies ,
Dont notre esprit est enchanté ?
C'est Villars qui sçait les produire ;
Il commande , l'on voit construire ,
Un Temple à l'immortalité.
LOUIS , d'une gloire si pure ,
Héros délices des Mortels ;
La jalousie en vain murmure ,
Nos coeurs t'érigent des Autels :
Toutes les vertus à ta suite ,
Forcent les vices à la fuite ;
Est-il un triomphe plus beau ?
L'établissement de l'Academie de Marseille.
A iiij
Paisse
838 MERCURE DE FRANCE
Puisse l'Auteur des destinées ,
En éternisant tes années ,
• T'affranchir des loix du tombeau.
XX:XXXXXXXX:XXXXX
SUITE des Curiositez naturelles, & c.
du Cabinet de M. Capperon.
I'
OYSEAU X.
Ly a dans mon Cabinet plusieurs Oyseaux
naturels , posez sur leurs pieds
comme s'ils étoient vivans , et qui y sont
depuis dix ou douze ans , sans aucune altération
, par la maniere que j'ai de les
conserver les grands sont empaillez , et
les petits en chair et en os . Il y a un Paon
entier , dont la queue bien étendue couvre
toute la Cheminée de mon Cabinet.
Un mâle de Phaisan , posé sur un piédestail
, une Cigogne , deux Pelicans , un
gros oyseau de Mer , nommé dans Jonston
, Onocrotalus , un Canard d'Afrique ,
un autre Oyseau singulier , venant de Canada
, un tres beau Perroquet ; plusieurs
autres Oyseaux de Mer ; un Lorio jaune
et noir , un Picus Varius , une Huppe
des Chardonnets , Linotes & c. L'Anser ,
Magellanicus, de Jonston, beaucoup plus.
gros
MAY. 1733 $39
que
gros qu'une Oye , dont les aîles n'ont
4 pouces de longueur . On vient de met
l'envoyer de Dieppe.
Ouvrages de l'Art.
Un morceau de Buis , de la grosseur
et de la forme d'une noix , autour duquel
sont sculptez quarante petits Tableaux
de la Vie de Notre - Seigneur. II
s'ouvre en deux para ; dans une moitié
se voïent sur le haut , Adam et Eve
proche l'Arbre du fruit deffendu , où est
le Serpent qui les tente ; auprès d'eux est
un Lion ; dans le dessous est Caïn qui tuë
son frere Abel; au côté sont deux Chevaux
d'une délicatesse surprenante , qui
labourent avec une Charue, au côté gauche
est l'Arche de Noé , et auprès un
homme étendu mort , comme noyé par
le Déluge ; par une coulisse qui s'ouvre
derriere , paroît un Mouton qui paît.
Dans l'autre moitié de cette espece de
noix , on voit sur le haut dans le milieu
le Fils de Dieu , attaché à la Croix, et les
deux Larrons ; au bas de la Croix , la
sainte Vierge, et S. Jean ; puis Longis qui
perce le côté sacré , et un Soldat qui est
un peu plus loin ; au côté droit , qui est
séparé par une colonne , délicatement
travaillée , paroît Jesus- Christ flagellé par
A v
840 MERCURE DE FRANCE
un Soldat ; et au côté gauche, séparé par
une autre colonne , il y a deux Soldats
qui gardent le Tombeau , lequel se voit
en tirant une Coulisse par derriere, et 2
autres Soldats qui le gardent de ce côté- là .
Cer Ouvrage et toutes les figures sont
d'une délicatesse surprenante. Une Urne
Sépulciale antique.Les Portraits des douze
Césars en émail.
,
Autre Ouvrage, oreillement de buis , à
peu près dans le même dessein que le précédent
mais beaucoup plus parfait ,
tant pour le grand nombre des figures ,
que pour leur beauté et leur perfection .
Cet Ouvrage est aussi rond , s'ouvrant en
deux moitiés , jointes par une Charniere
; il est à peu près de la grosseur d'une
Bale de Jeu de Paume. Dans la premiere
moitié sont plusieurs figures du même
Mystere de la Passion du Sauveur, et dans
l'autre , deux Points d'Histoire de l'ancien
Testament , le Sacrifice d'Abraham,
et le Serpent d'Airain ; le tout comprenant
un grand nombre de figures , et faisant
un ouvrage des plus achevez et des
plus finis.
Une Piramide d'Yvoire , haute de 18 pouces
& demi , faite au Tour , dont la tige
n'a guere qu'une bonne ligne de diametre
dans le bas ; elle n'eft vers le haut gros
que
MAY . 1733. 841
gros que de la grosseur d'une épingle ordinaire.
A la hauteur de six pouces est posée
sur la tige une espece de Lanterne à
jour , formée par 4 colonnes ; au milieu
de cette Lanterne sont trois figures de
personnes assises à une Table , sur laquelle
paroissent les Mets et les Bouteilles .
Cet Ouvrage est encore des plus délicats .
Deux figures de bois bronzées , d'un pied
neuf pouces de haut , posées sur deux
Guéridons , dont l'une représente Apollon
jouant de la Lyre ; et au bas , un petit
Cupidon , qui lui présente un Arc ;
l'autre , est le Dieu Pan,tenant un Sifflet,
au bas duquel est un petit Satire . Ces deux
piéces sont excellentes et d'un habile
Sculpteur , qui a travaillé à Paris , à Rome
, à Naples , & c . lequel m'en a fait
présent , par reconnoissance de ce qu'étant
un orphelin de mon ancienne Paroisse
, et lui trouvant de la disposition pour
la Sculpture , je le formai moi-même dans
cet Art.
Ouvrages de mafaçon et de mon invention.
Un Tableau de S. Ambroise , peint à
huile , d'un pied en quarré , dont la bordure
est de carton , faite avec des coins ,
à la Romaine , ornez de fleurs , le tout
doré d'or bruni . Plusieurs autres Ta-
A vj bleaux
842 MERCURE DE, FRANCE
bleaux de mon invention , lesquels ont
autant de force pour les draperies et pour
tout le reste , que s'ils étoient peints à
buile , et qui ne sont néanmoins faits.
ni en détrempe, ni en pastel . D'autres encore
plus singuliers , sçavoir , des Paysages
et des Ports de Mer en relief ; entre
autres il y en a un de deux pieds de
longueur sur un pied et quelques pouces
de hauteur , qui représente la Ville d'Eu
en Perspective , où les Eglises , Maisons ,
&c. paroissent en relief telles qu'elles paroissent
d'un point de vûe que j'ai choisi
hors de la Ville. Cet Ouvrage m'a occupé
plus d'une année. Ces sortes de Tableaux
sont faits avec de petits cartons
coupez et colez à propos , et le tout peint
ensuite à huile. Un petit Squelete où
toute l'Ostologie est parfaitement observée.
La Figure est droite sur ses pieds ,
appuyée sur une bêche et a seulement
un pied de haut ; elle est très - ressemblante
au naturel. Une Figure de bois de
deux pieds de haut, représentant un homme
mort , dont le ventre et la poitrine
sont ouverts , où se voyent le coeur , les
poulmons , le foye , l'estomac et tous les
visceres , intestins , vaisseaux , & c, dans .
leurs figures , situations et couleurs naturelles.
Un Oiseau en forme de Per-
Loquet
MAY. 1733. 84
?
roquet , tout fait avec de petites aîles de
hannetons et autres Scarabées de differentes
couleurs . Un Dragon aîlé d'un pied
et demi de long , enfermé dans une espece
de Châsse de verre aux deux extrémitez
de laquelle , en bas , sont deux
bouquets de fleurs; et au haut, dans toute:
sa longueur , pend une Guirlande aussi
de fleurs ; le tout , tant le Dragon que
les fleurs , est fait de Coquilles dans leurs
seules couleurs naturelles . Un petit Emouleur
, posé sur un piedestal , lequel par
des ressorts de mon invention , cachez.
dans le piedestal , fait tourner sa meule
avec le pied , et tourne sa tête de temps.
en temps. Une Sphere tracée en dedans
sur un Globe de verre mobile , où sont
représentez en or tous les Cercles , et les
principales Etoiles fixes avec leurs noms..
Et sur la Sphere un petit Soleil et une
Lune mobile , qu'on peut mettre chaque
jour en place sur le Zodiaque. Autre Õu--
vrage de neuf pouces de longueur , sur
six pouces de largeur, et seulement deux
pouces de hauteur , au milieu duquel est
une espece de Boussole double et mobile,,
où est la Lune , laquelle se couvre ou se
découvre , suivant l'augmentation ou la
diminution de ses phases , et par deux poin
res placées au bord. exterieur de cette
Boussole
834 MERCURE DE FRANCE
Vient respirer dans ( 1 ) ce séjour ?
Mais près de lui les doctes Fées
Les Amphions et les Orphées,
S'empressent à faire leur cour.
語
>
Depuis quand le Dieu de la Thrace ,
Des beaux Arts est - il protecteur ?
Lui de qui la guerriere audace ,
Répand l'épouvante et l'horreur ?
Non , non de mon ame surprise :
Je connois enfin la méprise ;
C'est VILLARS qui s'offre à mes yeuxs
Sa valeur étonna Bellonne ;
La Paix à son tour le couronne ,
Et vient le mettre au rang des Dieux.
讚
Né pour le bonheur de la France ,
VILLARS dompte ses ennemis ;
Sa valeur nous rend l'esperance ,
Dès qu'il paroît tout est soumis , ;
Le Batave , la Germanie ,
( 2 ) Cédent à son noble génie ,
Rien ne résiste à ses efforts :
A la terreur , à la tristesse ,
( 1 ) A Vaux - le-Villars.
( 2 ) La Bataille de Dénain,
Os
OMA MAY.
1733 835
On voit succéder Pallégresse , a young
Qui s'exprime par nos transports
A l'instant que de la tempête
Il a garanti nos Etats ,
Sa prudence active s'apprête
A livrer encor des combats . ; ,
Du Rhin , les Ondes étonnées
Ne paroissent plus mutinées
A l'aspect de ses étendarts ;
bull
enlisp mivib olub
iginezo noz sirl II
Landau , Fribourg ouvrent leurs Portes ;
L'on voit ses vaillantes cohortes ibo in
Se ranger sur leurs fiers Remparts.
20 com sh sawol se
Mais c'est peu que dans les allarmes, il seq.
Il immortalise son nomotionival , col
La Paix vient , avec tous ses charmes ,
3
Illustrer encor son renom .
Prémice des biens qu'elle accorde ,
Déja s'avance la concorde ,
Objet de nos ardens désirs .
De notre sort Villars est Maître
Peuples , vous allez voir renaître
Et vos beaux jours et vos plaisirs.
De la vertu la plus sublime ,
121
A iij Nous
844 MERCURE DE FRANCE
Boussole , elle marque sur la bordure
qui est autour , les jours de la Lune et
les heures des Marées ; ayant cela de singulier
, qu'en tel sens qu'on tourne la
Machine par un mouvement secret , les
deux pointes reviennent toujours au jour
et à l'heure convenable.
Un Globe Terrestre , représenté sur
une Carte mobile , ayant pour centre le
Pole Septentrional , et se terminant au
Tropique du Capricorne avec les Longitudes
et les Latitudes ; le tout environné
d'un cercle fixe , où sont marquées
les 24. heures et où est attaché par les
deux bouts un fil d'archal qui tient lieu
d'horison ; de sorte que par un Index où
est un petit Soleil mobile , on peut voir
l'heure du lever et du coucher du Soleil
, quelle heure il est dans chaque Pays,
sur quel Pays le Soleil est vertical à chaque
moment du jour , ainsi que les Eclipses
de Soleil et de Lune .
Ouvrage d'Optique de ma façon.
Deux Tableaux magiques , l'un desquels
représente une Demoiselle environnée
de branches et de feüillages , laquelle
regardée par un petit trou placé aufait
voir une Tête de Mort. L'autre
Tableau qui est au derriere du predessus
,
mier,
MAY. 1733 845
mier , représente sept differens Bustes de
Papes , Abbez , &c. sur lesquels posant
la ` même Machine où est le petit trou ,
il ne paroît que mon seul Portrait . Un Tableau
où sont écrits six Vers d'une Enigme
; au haut de ce Tableau est posé à
Angle droit , une Glace de Miroir , laquelle
étant découverte , représente le
même Tableau , où au lieu des Vers on
voit un Moulin à vent , qui est le mot
de l'Enigme. Une Figure difforme , peinte
sur un Cône de carton , large par par le bas
d'un pied sur un pied et demi de hauteur
, lequel vû d'un certain point , représente
une Religieuse tenant une Croix
dans ses mains . Plusieurs figures difformes
, qui paroissent très- agréables , étant
regardées dans un Miroir Cylindrique.
Figure particuliere et difforme , tracée
sur un Plan allongé , laquelle vûe de loin
représente une Vierge.
Voilà les Curiositez qui forment mon
Cabinet , telles que j'ai pû les assembler
dans un petit Lieu comme la Ville d'Eu ,
et que j'ai augmentées de petits Ouvrages
de mon invention , executez en differens
temps , pour me délasser de mes
autres occupations plus sérieuses et plus
nécessaires. Signé , CAPPERON
Doyen de S. Maxent.
ancien
A la Ville d'Eu , le 16. Mars 17339
346 MERCURE DE FRANCE
LE PRE JUGE .
O DE
A Mad. la Comtesse de ***
EN vain la raison nous éclaire
Et nous fait luire son flambeau ,
Le Préjugé toujours contraire ,
Place sur nos yeux son bandeau ,
Nous ne prenons que lui pour guide
La verité simple et timide ,
Ne sçauroit fixer nos esprits
Nous ne suivons que le caprice ,
Nous regions sur son injustice ,
Nos louanges et nos mépris.
鍛
Le Préjugé sous son Empire
Sçait assujettir l'Univers ;
Il nous séduit, il nous attire ,,
Par ses enchantemens divers ,
Dans notre ame trop prévenue ;,
L'orgueil avec art s'insinue ,
I rampe d'abord en naissant ,
Bien-tôt par un pouvoir suprême
MAY. 847
1733
1.oblige la Raison même ,
A plier sous son joug puissant.
來
Dans ses liens il nous engage ;
Tout conspire à le seconder ,
Inconstant , leger et volage ,
Contre lui qui peut nous garder ?
Nos passions le favorisent ,
Nos désirs , à l'envi , s'épuisent ,
A nous retenir sous ses loix ;
A l'amour propre il s'associe ;
C'est par lui qu'il se fortifie ,
Et qu'il sçait étendre ses droits.
Ainsi l'Amant , belle Comtesse ,
Quand l'aveugle Amour le séduit ,
Croit que l'objet de sa tendresse ,
Efface l'Astre qui nous luit ;
Bien- tôt de la Voûte azurée ,
Il fait descendre Citherée ,
Pour y faire asseoir son Iris ,
Les yeux de l'objet de sa flamme ,
Ont plus de force sur son ame ,
Que les tiens ou ceux de Cypris ,
L'homme sçavant dans son Musée ,
Par un faux espoir agité
Sc
$ 48 MERCURE DE FRANCE
Se flatte en son ame abusée ,
Qu'il va saisir la Verité;
Mais dans cette longue poursuite ,
Le Préjugé marche à sa suite ,
Et l'éblouit par ses lueurs ,
Séduit par l'apparence vaine ,
L'orgueil aveugle le promene ,
Dans un Labyrinthe d'erreurs .
Ce Rimeur , qui d'un vol sublime
S'eleve presque jusqu'aux Cieux
Espere en l'ardeur qui l'anime ,
D'être admis presque au rang des Dieux.
Dans son poëtique délire ,
Il croit que les sons de sa Lyre ,
Du noir oubli seront vainqueurs ;
Tout occupé de sa manie ,
Il n'accorde qu'à l'harmonie ,
Le pouvoir d'enchaîner les coeurs .
Mais c'est trop , ma Muse me quitte
Contente de ses foibles traits ;
Toi dans qui brille le mérite ,
Jette les yeux sur ces Portraits ,
Si tu m'accordes ton suffrage ,
Il sera pour moi le présage →
Du succès le plus éclatant ,
Le
•
MAY. 17330 849
Le Goût s'associant aux Graces ,
Se plaît à marcher sur tes traces ,
Applaudis-moi , je suis content.
Par M. Paparoche , de Carpentras.
PROBBLLEÉME.
[N Pilote étant en Mer par certaine Latitude
Nord, etvoulant trouver la hauteur du Pole,
pour cet effet il a observé l'Etoile nommée l'Epaule
gauche du Charreiier Capella , trois fois
plus haut élevée sur l'horison que la hauteur
du Soleil qu'il avoit observée , et il a observé
l'Etoile nommée le grand Chien Sirius au Sud ,
être élevée sur l'horison ; mais comme le Soleil
differoit l'Etoile nommée l'Epaule gauche du
Charretier Capella , l'on demande par quelle Latitude
étoit ledit Pilote , lorsqu'il a fait lesdites
Observations avec la déclinaison du Soleil du
jour , et le tout par démonstration essentielle eg
par regles.
Un Problême bien conçu et bien proposé est
à demi résolu , la maniere dont celui- cy est
énoncé , ne laisse pas volontiers jouir de cet avantage
, néanmoins puisqu'on se propose d'y satisfaire
, il convient d'expliquer auparavant le sens
que l'on donne aux trois circonstances
qu'il renferme
, lesquelles
nous repeterons
ici à dessein de
placer à suite de chacune
l'interpretation
que.
nousy donnons.
Pro
So MERCURE DE FRANCE
Premiere Circonstance.
L'Etoile Capella ayant été observée , on a trouvé
qu'elle avoit trois fois autant de hauteur que
le Soleil qu'on avoit aussi observé.
Sans doute que cette Etoile fut observée lors
de son passage au Méridien , et que le Soleil l'avoit
été en sa derniere hauteur Méridienne , c'està
- dire au Midi , qui précéda immédiatement l☛
temps de l'observation de Capella.
Seconde Circonstance.
Et l'on a observé le grand Chien Sirius au
Sud , être élevé sur l'horison .
Cette circonstance semble être équivoque, elle
laisse à douter si l'instant de cette observation
est le même que celui auquel Capella s'est trouvée
au Méridien , ou si cet instant est celui de la hauteur
méridienne de Sirius ; il y a lieu de présumer
que le but de cette condition du Problême
étant de contribuer à déterminer la hauteur rẻ…
quise du Pole , en prescrivant une borne à la
moindre hauteur de Capella ; l'Auteur a prétendu
simplement avoir remarqué en la part du Sud ,
que le grand Chien Sirius étoit levé.
Troisième Circonstance.
Mais comme le Soleil differoit l'Etoile Capella.
Il y a toute apparence que par cette expression
, qui nous a paru aussi nouvelle que singu
liere , l'Auteur a prétendu dire que l'Etoile Capella
précedoit le Soleil à passer au Méridien , ou
ce qui est la même chose , que le Soleil differoit
son passage au Méridien après celui de l'Etoile ;
quois
MAY
1733
quoiqu'il en soit enfin , voila notre façon d'interpreter
les conditions énigmatiques de ce Problême.
Nous avons donc à déterminer une Latitude
Nord , par laquelle le Soleil étant observé à midi
d'un jour que nous devons indiquer , la hauteur
Méridienne de Capella observée la nuit suivante
, se trouve , 1 ° . égale à trois fois la hauteur
déja observée du Soleil. 2 ° . Qu'en ce même tems
de l'observation de Capella , le grand Chien Si
rius se voit dans la partie du Sud , et se trouve
avoir quelque élevation . 3 ° . Que le Soleil n'employe
que moins de 12 heures à passer au Méridien
après Capella ; car si il y mettoit tout ce
temps ou davantage , il ne differeroit pas cette
Etoile.
Reste à sçavoir si ces trois conditions rendent
le Problême tel , qu'il puisse être résolu par une
seule hauteur du Pole , ou en tout cas , par un
certain nombre déterminé,
Il est évident que de toutes les hauteurs Méridiennes
de l'Etoile Capella , observée en la part
du Sud , la plus grande détermine la moindre
hauteur du Pole Nord , et la plus petite détermine
la plus grande ; cela posé nous considererons
d'abord cet Astre en la plus grande élevation qu'il
puisse être ; ( le Zénith est le seul point qui détermine
cette hauteur,) et nous déduirons de cette
supposition qui prescrit ainsi une borne à la
moindre Latitude , les conséquences qui suivent.
Hauteur de Capella 90. degrez.
Déclinaison Nord de Capella 45. d. 43. min..
Hauteur de l'Equateur
44. d.
17. m. Hauteur du Soleil
30.
d. Déclinaison Sud du Soleil 14. d. 17. m .
Distance duSoleil à l'Equinoxe
'Automne 38. d. 15. m.
52 MERCURE DE FRANCE
Partie correspondante de l'Equaseur
depuis le même Equinoxe
35. d. 52. min .
Ascension droite du Soleil 215. d. 52. m.
Ascension droite de Capella 74. d. 3. m.
Nota. Que nous avons supputé la distance du
Soleil à l'Equinoxe de l'Automne et non à celui
du Printemps ; car en ce dernier cas le Soleil ne
differeroit pas l'Etoile Capella.
·
Il est donc évident que le Soleil doit être dans
les Signes de l'Automne , et qu'il faut consulter
à quel jour de cette saison conviennent les 11 ,
degrez 17. minutes de sa déclinaison .
Ce jour se trouve être le 31. Octobre.
Il s'agit maintenant de déterminer l'heure à
laquelle Capella passera au Méridien après le
midi du 31. dudit , afin d'en conclure le temps
de son observation .
Nous considererons pour cet effet que l'Ascension
droite de Capella étant moindre que
celle du Soleil de 141. degrez 49. min. cette
Etoile a devancé le Soleil de la même quantité
કે passer au Méridien ; c'est - à - dire que le 31 .
Octobre à midi , elle étoit au Oüest du Méridien
de 141. degrez 49. min. et qu'il s'en falloit
en ce moment de 218. degrez 11. min. ou 14.
heures 32. min . 44. secondes, qu'elle ne fût de retour
au Méridien , ainsi elle à dû y arriver 14.
heures 31. min. 44. secondes après le midi du
31. c'est-à - dire à 2. heures 32. min. 44. sec.
après minuit du premier Novembre ,
Tout cela ne suffit pas , attendu ce
que temps
de l'observation de Capella , suppose que le Soleil
ne soit pas encore levé , c'est ce que nous allons
examiner en supputant l'heure de ce lever
pour le premier Novembre , à raison de la hauteur
connue du Pole et de la déclinaison pour
l'instant du même lever.
MAY. 1733. 853
Le lever du Soleil pour la hauteur connuë da
Pole et pour sa déclinaison du 31. à midi , est de
7. heures , peu de chose plus , cette déclinaison
augmente pour lors d'un midi à l'autre , c'est - àdire
, en 24. heures d'environ 19. minutes , et à
proportion en 19. heures qu'il y a du même
midi jusqu'au lendemain matin à 7. heures et 32 .
secondes , il augmentera d'environ 15. minutes ,
ajoûtant ces 15. minutes à la déclinaison du 13.
Octobre , on aura 14. degrez 32. min. pour la
déclinaison du premier Novembre à 7 .
heures 32.
secondes du matin.
Supputant donc l'heure du lever du Soleil pour
45. degrez 43. minutes de Latitude Nord , et
pour 14. degrez 32. minutes de déclinaison Sud ,
on connoîtra que la difference ascensionnelle
Est de
15. deg. 25. m.
que son lever au premier
Novembre est à 7. heu. 1. m. 40. 8.
d'où l'on voit que le Soleil n'étoit pas levé lors
de l'observation de Capella.
Il nous reste à sçavoir si le grand Chien Sirius
l'étoit lors du passage de Capella au Méridien ,
c'est- à- dire à 2. heures 32. min . 44. secondes
du matin du premier Novembre .
Déclinaison Sud de Sirius 16 d. 21. m.
Difference ascensionnelle
de Sirius 17. d. 30. m.
Arc semi- diurne de Sirius 72. d. 30. m.
Ascension droite de Sirius 98. d.
Passage de Sirius au Méridien
le prem. Nov. au matin
31. Octo-
Lever de Sirius le
bre au soir
4. h. 8. m. 32.54
11.h. 18. m . 32. 8.
Ainsi ce dernier Astre avoit quelque élevation
sur l'horison lors du passage de Capella au Méridien.
Voila
854 MERCURE DE FRANCE
Voila donc une solution qui résulte de la plus
grande hauteur à laquelle Capella puisse être observée
, et qui par consequent fournit la moindre
Latitude. Voyons maintenant quelle peut être
la moindre hauteur observée de Capella , nous
renfermant toujours dans les conditions interpretées
du Problême ; pour cet effet nous supposerons
que Capella étant au Méridien , le grand
Chien Sirius soit à la moindre élevation qu'il
puisse être sur l'horîson ; cette moindre élevation
étant infiniment petite , l'Etoile peut être considerée
précisément à l'horison.
Il est donc question de déterminer la hauteur
méridienne de Capella pour l'instant auquel on
verra lever l'Etoile Sirius , afin de décider de la
moindre hauteur de l'Equateur , et par consequent
de la plus grande Latitude possible , l'Anagie
suivante nous donnera la hauteur de l'Equateur.
Comme le Sinus complément de la difference
des Ascensions droites de Capella et Sirius , est
au Sinus total; ainsi la Tengente de la déclinaison
de Sirius , sera à la Tengente de l'élevation de
l'Equateur Laquelle Tengente se trouve repondre
dans la Table à 17. degrez 48. minutes.
Ce qui détermine la plus grande
Latitude à
La hauteur de Capella à
La hauteur du Soleil à
Sa déclinaison à
En un mot l'heure de son lever
pour le lendemain du jour de son
observation à
Le passage de Capella au Méridien
72. d. 12. m.
63. d. 31. m .
21. d. 1o. m.
3. d. 22. m.
s. b. 22. m.
*
5. h. 27. m.
D'où l'on voit que le Soleil se trouvant lev
avang
MAY. 1733- 35 ;
avant l'instant du passage de Capella au Méridien
de la quantité de 5. minutes , la clarté du
jour devoit avoir dérobé l'apparence de cette
Etoile , et par conséquent avoir mis un obstacle
à son observation .
Mais nous considererons que la hauteur de l'Equateur
, d'où ces dernieres déductions ont été
faites , a supposé le grand Chien Sirius exactement
à l'horison lors de la hauteur méridienne
de Capella , que si nous lui avions attribué quelque
élevation en conformité de la deuxième condition
du Problême , il en eût résulté une moindre
élevation de Pole et plus de retardement pour
le lever du Soleil , ensorte que si nous eussions
pris à discretion une plus grande élevation d'Equateur
que celle qui vient d'être supposée ; par
exemple celle de
Alors la hauteur du Pole cût été de
La hauteur observée de Capella de
La hauteur du Soleil de
La déclinaison Nord de
Le temps de son observation
L'Ascension droite du Soleil
pour le même jour à midi de
Le passage de Capella au méridien
le 17. au matin à
19. d . 10. m .
70. d. 5o. m.
64. d. $3.m .
21. d. 37. m.
2. d. 27.m.
le 16. Septem.
174. d. 19. m,
5. h. 19. m.
La déclinaison du Soleil au moment
de son lever pour led. jour 2. d. 10. m,
Le lever du Soleil pour le même
jour
Le lever du grand Chien Sirius le
5. h. 35.m.
même jour au matin 4. h. 45. m.
D'où l'on voit que ces derniers articles concourent
tous à remplir les conditions du Problême
, et que la hauteur du Pole dont ils résultent
peut être considerée comme la plus grande hau-
B teur
856 MERCURE DE FRANCE
teur possible , de sorte que nous avons jusqu'
present deux bornes , l'une de 45. degrez 43. min
pour la moindre Latitude Nord , et l'autre de
70. degrez so. minutes pour la plus grande , entre
lesquelles il est évident que toute Latitude sa
tisfait aux conditions requises en autant de fa
gons differentes.
Voila pour toutes les hauteurs Méridiennes d
Capella observées en la part du Sud depuis 64. |
degrez 53. minutes d'élevation jusqu'à 90. degrez
Si nous considerons maintenant ce même As
tre observé en la part du Nord , il est évident que
de toutes ses hauteurs Méridiennes la plus grande
( qui place l'Etoile au Zénith ) détermine la
plus grande Latitude Nord , et la moindre détermine
la moindre .
Nous avons déja satifait au premier cas , c'est-
-dire que nous avons déterminé les choses requises
du Problême ; en conséquence de l'obser◄
vation de Capella au Zenith , il nous reste de supputer
les mêmes choses pour la moindre hauteur
méridienne de Capella en la part du Nord , laquelle
ne peut être au- dessous de 83. degrez 6 .
minutes , et conséquemment la moindre Latitude
Nord de
La hauteur du Soleil de
La déclinaison du Soleil Sud
L'observation du Soleil
Le passage de Capella au Méridien
led. jour au soir
Le lever du Soleil le 22. dudit
Le lever de Sirius le 21. au soir
38. d. 49. m.
27. d . 42. M.
23. d. 29. m
le 21 Decembre
18. h . 56. m.
7. h. 22. m.
7. h. 36. m.
D'où il suit enfin que l'observation qui fai
l'objet du Problême , se pouvant pratiquer en tou
te Latitude Nord depuis 38. degrez 49 minute
jusqu'à 70. degrez so. minutes , et que les cin
cons
MAY. 1733- 857
constances y énoncées étant insuffisantes pour le
rendre susceptible de méthode , on ne peut se
dispenser de conclure qu'un tel Problême est
proposé d'une façon hazardée, peu correcte et de
mauvaise foi , ou que l'Auteur a peché par défaut
d'intelligence .
Nota, qu'independemment de la mauvaise composition
du même Problême , l'Auteur devoit y
faire mention de l'année en ' laquelle il a supposé
l'observation faite , ou tout au moins la proposer
comme Bissextile ou comme l'une des trois
années communes ; mais quoiqu'il en soit, nous
avons placé cette observation en une année Bis
sextile , et en conséquence nous avons operé avec
la précision que le cas apû le permettre , sans
avoir égard aux effets de la refraction horizontale
des autres , ayant lieu de présumer par le
stile de l'Auteur , que son intention et sa coûtu,
me ne sont pas d'y regarder de si près.
Ce Probleme auroit parû deux mois plutôt,si nous
n'avions pas été pressez par l'abondance des ma◄
tieres.
JUGEMENT DE THEMIS.
A MADAME DE * * *
1
Sur le rétablissement de sa santé.
C'Etoit fait de vos jours , ô divine Uranie;
De son double ciseau la cruelle Atropos ,
Alloit trancher le fil de la plus belle vie.
Bij
.
Mettre
858 MERCURE DE FRANCE
Mettre le comble à tous nos maux ,
Et d'un seul coup , hélas ! ouvrir mille tom
beaux.
On implore à grands cris la Déesse infléxible ;
Mais d'un air indigné , méprisant , insensible
Elle insulte aux soupits des foibles Orphelins ,
Soulagez tant de fois par vos puissantes mains.
Son oeil plein de rage et de joye ,
Contemple avidement ces restes malheureux ,
Qui par vous échappez à ses coups rigoureux
Bien- tôt en vous perdant vont devenir sa proye
Elle avance en couroux ; on fuit de toutes parts ,
Le poison meurtrier de ses affreux regards.
Une illustre famille où regnent la Sagesse ,
L'Honneur , la Probité , l'Union , la Tendresse ,
Prosternée et tremblante , offre inutilement
Ses plus précieuses années ,
Pour prolonger vos destinées ;
Rien ne peut retarder le funeste moment ,
Le Monstre impitoyable approche fierement :
Mais tout à coup sous un heureux auspice ,
Une Divinité propice ,
La celeste Thémis précipitant ses pas ,
Vint arracher vos jours aux horreurs du trépas
Fatale Mort , s'écria - t'elle ,
Arrêté de ton bras l'audace criminelle ,
Respecte les Mortels à tes pieds abattus ;
Apprends à choisir tes victimes ,
TE
MAY. 1733 855
Tu ne dois foudroyer que le vice et les crimes ,
Et c'est ici l'Empire des Vertus .
Set Arrêt prononcé d'une voix formidable ,
De la Déesse inexorable ,
Arrêta les premiers accès ;
Soudain un murmure agréable ,
Annonça par tout le succès ,
D'un jugement si favorable ,
La seule Mort étoit inconsolable ,
D'avoir perdu sa peine et son procès.
. Mais elle eut beau gémir et se deffendre ,
Vanter ses droits et follement prétendre ,
Qu'on trahissoit l'équité , la raison ;
On écouta la froide Demoiselle ,
Puis on siffla sa lugubre Oraison ;
Point d'Orateur ne soutint sa querelle ;
Et pour punir sa noire trahison ,
On opinoit à proceder contre elle ,
A lui donner pour demeure éternelle ,
L'affreux cachot d'une obscure prison ,
Ou renvoyer la hideuse Fémelle ,
Dans le Manoir de la sombre Alecton.
Phébus jugea la peine trop cruelle :
Bannir la Mort ! eh ! que seront les Dieux ,
Si les Humains sont immortels comme eux !
Bien- tôt peut- être une orgueilleuse audace ,
Reproduira de superbes Titans ,
Qui par des coups encor plus éclatants ,
Biij Scauront
860 MERCURE DE FRANCE
Sçauront vanger l'ancienne disgrace ,
Et les malheurs de leur coupable race ,
De Typheus iront briser les fers ,
Et troubleront le Ciel et les Enfers .
Ainsi parla d'un ton fier et sévere ,
Le Dieu brillant qu'à Délos on révere ,
Thémis sourit et loüa gravement ,
Du blond Phébus le discours véhement,
Puis expliquant la raison singuliere ,
Pourquoi le Dieu qui produit la lumiere ,
Parloit si haut pour une Déïté ,
Fille du Stix et de l'obscurité :
Messieurs , dit- elle , avec un air rigide ,
Trahi cent fois par un soûris malin ,
Vous le sçavez , Phébus est Medecin ,
Et doit chérir la Déesse homicide.
Ils sont tous deux l'un pour l'autre formez ;
Ils sont tous deux l'un de l'autre charmez.
Si quelquefois Apollon se déchaîne ,
Traite la Mort d'injuste , d'inhumaine ,
N'en croyez pas ses discours animez ,
C'est pour dupper les Mortels allarmeż ;
Il l'aime au fond et son coeur est sans haine ,
Malgré le feu de ses yeux allumez ,
Bien plus d'amour que de rage enflâmez.
Mêmes projets , même fin , même Empire ,
Et même droit sur tout ce qui respire ,
Unit leurs coeurs et leur funebre Cour ,
It
MAY 1733.
861
Et l'interêt cimente leur amour ;
Car sans la Mort , dont on craint les empreintes,
L'Art d'Apollon seroit moins respecté:
Sans Apollon et son Art si vanté ,
Peu de la Mort sentiroient les atteintes.
Or en faveur du Dieu de la santé ,
Nous épargnons à son illustre amie ,
Un sort cruel , une juste infamie ,
Et maint affront que sa témerité ,
merité.
A plus d'un titre avoit trop
Alors la Deïté des mortelles allarmes ,
Laissant de rage échapper quelques larmes,
Et l'oeil étincelant de colere et de feu :
Fuyons , dit- elle , un triste lieu ,
De la Paix le séjour tranquile ,
Et de Thémis le redoutable azile ,
Sortons pour ne rentrer jamais .
A ces mots elle fuit . Le Dépit et la Honte ,
D'une aîle obéissante et prompte ,
Volerent sur ses pas , suivis des vains regrets ,
Et des soucis cuisans ennemis de la Paix .
Ah ! si le Roy des Dieux , Maître des destinées ,
Ecoutoit les voeux que j'ai faits !
Si par des Loix justes et fortunées ,
Il mésuroit le cours de vos années ,
Sur vos vertus et vos bienfaits !
Deslors vos jours serains, sombres, et sans nuages,
Biiij Cou
862 MERCURE DE FRANCE
Couleroient dans la gloire et verroient tous l
âges ;
Et la solide Verité ,
Sur votre Palais respecté ,
Graveroit d'une main hardie ,
Ces Vers l'effroi da Temps et de la noire Envie
De ce brillant séjour par Themis habité ,
La jalouse Mort est bannie ;
Le Cielpour couronner de la sage
L'inestimable pieté ,
Uranie ,
Veut qu'elle mene en paix une tranquille vie,
Dans le sein glorieux de l'Immortalité.
REMARQUES sur les Lettres inserées
dans les deux derniers Mercures >
au sujet du nom et de l'étimologie de
Bourdeaux ou Bordeaux .
N matiere d'étimologies il faut les
E chercher dans la langue naturelle et
originale de chaque Païs , ou de celledes
Colonies qui sont venues l'habiter.
Dans l'ancienne Langue celtique , qui
étoit celle qu'on parloit dans les Gaules
, la Germanie , la Grande Bretagne
&c. Bourg, ou Burggauts , signifie la ville
des Gaulois , nom qu'on a donné à Bordeaux
, parce que les Gaulois, qui étoient
divi
MAY. 1733. 863
divisez des Aquitains par la Garonne ,
passerent cette Riviere , et s'établirent en
deçà. Une semblable raison a fait appeller
Burgus Santonum , la ville de Bourg ,
qui est une Colonie des Santones , qui
s'établirent plus bas sur cette Riviere.Le
nom de Burg est fort usité dans les noms
des Villes de tout le Païs du Nord , et il
signifie Castrum , Sedes , Urbs, habitatio
& c. Cesar a appellé Bituriges vibises
les environs de Bordeaux , et ce n'est
que Strabon, et Ausone après lui, qui ont
latinisé Burg , gauls , et en on fait Burdigala.
Or ce mot s'est formé comme celui
de Linguadokum , qui vient de Lingua
Gottorum , nom qu'on donne à la Gaule
Narbonnoise , où les Gots s'établirent au
quatrième siècle , sous l'Empereur Honorius.
Les François appellerent ce Païs
Langue des Gots ou Langue des Kots , cat
le Get le K se changent souvent l'un en
l'autre , et quand on a voulu latiniser ce
nom , on a dit Linguadokum ; de sorte
qu'il y a eu d'ajouté l'article du Génitif,
tout ainsi qu'il s'est introduit dans l'Espagnol
, l'Italien et l'Anglois.
De Burg de Gauls , on en a ensuite
formé Bordeaux , comme de Langue des
Gots , s'est formé Languedok , où il y a
une sillabe retranchée.
By Les
864 MERCURE DE FRANCE
Les noms anciens latinisez , où il y a
un D au milieu , qui n'est point article
du Génitif, ont laissé le D en devenant
François , comme Andegavum , Anjou ;
Cadurcum , Cahors ; Clodoveus , Clovis , et
Loüis ; Lugdunum , Lyon ; Rhodanus , le
Rhône , &c mais lorsque le D a été prafixum
du Gnitif , il y est resté , comme
dans Linguadakum , Languedoc ; Burdigala
, Bordeaux , & c .
Dans les Langues Gauloise , Celtique ,
Saxone et même Tudesque , aujourd'hui ,
Bord , signifie extrêmité et rivage. Il se
peut qu'on a donné le nom de Bordgauls
à la ville des Gaulois , établis sur les Kives
de la Garonne , du cô é des Aquitains,
et que pour rendre latin ce nom , on a dit
Burdegala. Cette étimologie paroît fort
naturelle ; il y a même plusieurs Paï's qui
ont pris leur nom des Rivages de la Mer,,
ou de quelque Riviere . On dit qu'Aquitania,
signifie Aquarum regio. Armorica, en
Anglois , signifie Regio Maritima. L'Attique
en Grece , Regio littoralis ( si l'on peutse
servir de ce terme ) , parce qu'elle estpresque
toute environnée de Mer.L'Tonie,,
le Pont , la Phrygie, par la même raison..
Le Portugal est le Port des Gaulois.. On
trouve encore aujourd'hui beaucoup de
Villes Maritimes , où sur les bords des,
Rivieres
MAY. 1733 865
Rivieres , qui ont pris leur nom de leur
situation ; comme en France , le Havre
de Grace , Bayonne , &c . et les Villes où
le mot de Port se trouve joint. En Hollande
, Utrecht et Maestrecht ont pris
leur nom de Trajectus , passage , ou Ville
au de- là . En Angleterre quantité de
Villes. En Italie , Östic , &c.
Voilà deux Etimologies dont on pourra
choisir celle qui fera le plus de plaisir,
et qu'on jugera la plus convenable a
nom de Bordeaux.
MISSIVE de l'Infante de MALCRAIS ,
au Chevalier de LEUCOTE CE , en réponse
à la sienne , inserée dans le premier
volume du Mercure de Decembre , page
2570.
Preux Paladin , fameux en courtoisie „,
Qui publiez à ma gloire un Cartel ,
Et défiez, piqué par jalousie ,.
Trois Chevaliers peu chiches de leur pel :
Bien que d'effroi pantoisante , et transie 2
I Voyez Villon , dans la Ballade de son appels
toute Bête garde sa pel ..
2 On disoit aussi Pantoiser , pour
Galeine. Academie Erançoise.
dire la courte
Bvj
OUL
་
866 MERCURE DE FRANCE
Pour quelqu'un d'eux je craigne un coup mor
tel ;
Endemetiers 3 , à noble fantaisie ,
Honneur dois rendre , et veux , n'en doutez
mie ,
Pour ce , du moins vous donner un Châtel •
Quand j'en aurai , s'entend , s'il prend envie
Au Rɔy des Francs , par contrat solemnel
De m'en vendre un à crédit éternel ,
Ja ne cuidez que pourtant sans faillie ,
Homme et Harnois soient en votre baillie
Et que puissiez , sans moult y périller
Conduire à chef chaude et brave avanture ,
Escus desrompre , et hauberts desmailler ,
Tout comme Argi e enfondre triple armure.
Le cas n'est hoc ; fussiez - vous sur Bayard , 4
>
3 Endemétiers , mot ancien, dont s'est servi Alain
Chartier , dans le débat du Reveille matin. Du
Chesne , après avoir dit que ce terme signfie , cependant
, se figure qu'il est dérivé du latin , intercadum
;pour moi e croirois avec tout le respect
que je lui dois , qu'il tire son origine de l'expression
Italienne , è dimesi re, il faut , il convient, quoique
la cons'ruction de la Phrase , dont cette expression
fait partie en Italien , soit n peu differente de
la construction françoise , où cependant, demeure,
pour ainsi dire , isolé.
4 Arioste dans le Poëme de Roland furieux, chant.
5. Sect.74. fait de cefameux Cheval de Renant de
Montauban l'élog: qui suit :
Ne' calci tal passa harca il Cavallo ,
C'hauria spezzato un Monte di metallo.
Cein
MAY. 17337
867
Ceindriez-vous l'illustre Balisarde , s
Qui d'un Héros , fit souvent un fuyard ,
Votre pourpoint bel et bien s'y hazarde,
Emmi Soudarts qui viendront ferraillant
Voltairio Chevalier parvaillant ,
Fait en champ clos tournoyer une Epée ,
Forte , et luisante , enfin acier trempée ;
Et qui plus est , bien qu'il soit bon Jousteur ;
Le vieux Merlin n'étoit pire enchanteur. 6
Tout l'Ost 7 Turquois ne soûtiendroit sa vûë ;
Coint et faitis , l'invincible Guerrier ,
Tenant en main baguette de Laurier ,
Vous les sçauroit , comme poudre menuë ,
Esparpiller , où s'il n'avoit loisir
De faire exploit de sa vertu connuë ,
A son secours veriez en hâte Issir. 8
Des creux Enfers , où bien fort leur ennuye
5 Balisarda , c'étoit le nom de l'Epée de Roger ,
comme Durindana étoit celui de l'Epée de Roland
Se Durindana , è Balisarda taglia ,
Sapete , è quanto in queste , mani vaglia.
Ariost Rol. fur . c. 30. St 51.
6 Voyez dans le chant de Roland furieux , 3
description de la Groste enchantée de Merlin.
Lax
7 Ost , vieux mot , qui signifie Armée ; il est
dérivé du latin Hostis .
8 Issir , vient de l'Italien Usire , en François ,
Sortir.
Brutus
68 MERCURE DE FRANCE
Brutus , Herode , au front plus noir que suye
Et vous feroient sur l'arêne gésir. ro
Point n'ignorez , ô tres-valeureux Sire
Que le Romain qu'orgueil engrillonna ,
Sa géniture à mort abandonna ,
Qu'à l'autre un Rat fit son Epouse occire.
Partant jugez que ces tueurs de gens ,
Au fier combat volant comme à la danse
N'épargneront de vous bourrer la panse ::
Et ne craindront des Archers diligens ,
Par monts , par vaux , la poursuite empressée
Ains , aussi -tôt qu'étendu vous verront ,
Sur le terrain , de votre chair feront ,
Hachis , Ragout , Grillade et Fricassée
Puis à l'envi guayement vous grugeront.
Las ! quand s'aurois la fatale nouvelle ,
Qu'auriez subi fortune tant cruelle ,
D
Pour mon ainour ; que mon coeur plein d'es
moy ,
Se guémentant iroit en désarroy !
Donc , bien qu'ayez fait guerriere Apertise,.
Forcé Remparts , et Géants abbatus ,
Quand sériez même aussi vaillant qu'Artus ,
9 Allusion aux Tragedies de M, de Voltaire,
Mariamne et Brutus,
10. Gésir on Gir , infinitif de Gît ; en Italien ,
Giacere ; en latin Jacere.
11 Artus , Roy d'Angleterre , quifut tres - vail-
Fant , et qui établit P'Ordre des Chevaliers de Ia
Table Ronde..
Trois
MAY. 2733 .
Trois , quatre fois remirés l'entreprise..
Bon soir , Seigneur , je suis à toujours mais ,
Votre servante , Antoinette Malcrais..
Au Croisic , ce 29 de Janvier 173:30.
2. Cette façon de parler vient de l'Italien , Sem
gre mai , dont nous avons fait à tout jamais.
****:***********
ELOGE du R. P. le Quien , Dominiquain.
Extrait d'une Lettre de M D.L..
R. écrite à M. l'Abbé L.B. Chanoine de
la Cathedrale d'Auxerre.
L
E P. Michel le Quien nîquit à Boulogne
sur Mer le 8. Octobre 1661 ..
d'une honnête famille , originaire de la
même Ville. Il fit ses premieres études à
Paris , dans le College du Plessis. A l'âge:
d'environ vingt ans il prit l'habit de
P'Ordre de S. Dominique , et fit son Noviciat
dans le Convent du Fauxbourg.
S. Germain ; mais dans la suite son amour
pour la plus exacte régularité le détermi
na à se faire affilier dans le Monastere
de la rue S. Honoré , qui est d'une Province
Réformée , où il a toujours demeu
ré , et où il est mort le 12 Mars dernier.
En sortant du Noviciat il apprit l'Hé
bren
870 MERCURE DE FRANCE
breu du P. Massoulié , qui possedoit à
fond cette Langue . Ce Religieux est connu
par plusieurs Ouvrages , sur tout par
celui qui est intitulé : Divus Thomas`sui
interpres. Le P. le Quien se mit ensuite
à la lecture de la Langue Grecque , qu'il
sçavoit parfaitement , et voulut aussi ap.
prendre l'Arabe ; connoissances qui lut
furent depuis d'une grande utilité.
Il n'avoit que trente ans lorsqu'il écrivit
contre l'Antiquité des Temps , du Pere
Pezron , qui fit une réponse , à laquelle
notre Sçavant repliqua , l'un et Fautre
Ouvrage , en 2 vol. in 12.
Dans la suite il fit encore une Dissertation
sur un autre Livre du P. Pezron,
intitulé: Essai du Commentaire sur les Prophetes.
Cette Dissertation fut insérée dans
les Mémoires de Trevoux , 1711 .
En 1712.il publia les Oeuvres de S. Jean
Damascene , tirées de diverses Editions
et des Monuscrits de France , d'Italie et
d'Angleterre, revues, traduites en Latin,
éclaircies par des Notes et des Dissertations
préliminaires, &c. 2. vol. infal.chez
de l'Epine
.
Il composa depuis quelques Ouvrages
particuliers , dont le plus important est
la Panoplie , contre les Grecs Schismatiques,
il s'est caché dans cet Ouvrage sous
le nom d'Etienne de Altimura.
Il
MAY. 871
#733 .
Il y a plusieurs Dissertations de sa façon
dans le Journal , intitulé : Mémoires
de Litterature et d'Histoire ; entr'autres sur
Sanchoniat , Auteur Phénicien ; sur S.Nicolas
, sur le Portus Iccius , &c.
Il a eu de plus une tres bonne part à
la nouvelle Edition de l'Historien Josephe
qui s'est faite en Angleterre , et que
tous les Sçavans estiment beaucoup .
Mais l'objet principal de l'application
infatigable du P. le Quien , a été depuis
plusieurs années , la composition d'une
Histoire generale de toutes les Eglises
d'Orient , et de celles de l'Affrique , dont
il publia le Projet dès l'année 1713. sous
le titre ORIENS CHRISTIANUS ET AFFRICA.
Plusieurs empêchemens , des Maladies
sur tout, ont retardé l'exécution de ce
Projet , qui se trouve cependant bien
avancée comme vous le verrez à la fin
de ma Lettre.
,
On peut mettre parmi les Distractions
qui ont empêché l'Auteur de publier luimême
son Ouvrage , la contestation , ou
plutôt la vive dispute qu'il a eue avec le
P. le Courrayer, au sujet des Ordinations
Anglicanes. Notre Sçavant Religieux s'y
donna tout entier ; ce qui a produit de
sa part une Réfutation en 2 vol. in 12.et
ensuite une Replique , sans compter la
Lettre
872 MERCURE DE FRANCE
Lettre qu'il me fit l'honneur de m'addresser
, sur la même matiere , du 14 Février
1731. insérée dans le Mercure d'Avril
suivant.
Le P. le Quien fut lié de bonne heure
avec beaucoup de Sçavans , sur tout
avec le R. P. Montfaucon , dont l'intime
amitié étoit de 46 ans , avec les Abbez
Renaudot , de Fleury , de Longuerie et
des Thuilleries , le P. Hardouin , M. Simon
, M. Ernest Grabbe , sçavant Anglois
, qui a parlé si avantageusement de
lui dans ses Notes sur S. Irenée , et avec
d'autres Sçavans et vertueux Etrangers.
Du nombre de ces derniers sont Mauto
Cordato , Prince de Valachie , qui lui
a envoyé son Livre des Offices , composé
en grec , à l'imitation de celui de Ciceron
, et Chrysante , dernier Patriarche
de Jerusalem , qui lui a aussi envoyé un
Ouvrage grec fort estimé , de sa composition.
La Piété du P. le Quien fut au moins
égale à son érudition , et on peut dire que
la science , bien loin d'affoiblir sa foy ,
servit au contraire toujours à nourrir en
lui l'esprit de Religion . La veritable
science , disoit- il souvent , enseigne à
être humble ; aussi n'a - t - on jamais vû de
mort plus chrétienne que celle qui a ter
phiné
MAY. 1733 . 873
miné sa course ; entr'autres dispositions
qu'il a fait paroître en mourant , il a déclaré
qu'il renonçoit à toute l'estime que
les hommes pourroient faire de sa personne
et de ses Ecrits , ne souhaitant autre
chose , si ce n'est que Dieu fut glorifié
par ses Ouvrages , &c. enfin ses
dernieres paroles , et qu'il repeta souvent,
furent celles de S. Ignace Martyr : Amor
meus Crucifixus est .
La veille de sa mort il parla avec une
parfaite tranquilité de son principal Ouvrage
, donnant à ceux qui doivent en
continuer l'Edition , tous les conseils et
tous les enseignemens necessaires ; il parla
aussi , et de la même maniere , de ses
autres Ouvrages Manuscrits , entre lesquels
sont plusieurs Dissert ons et l'His
toire de Boulogne sa Patrie , sans oublier
plusieurs petits détails Litteraires , les Livres
empruntez à ses amis , & c. le tout
avec la présence d'esprit d'un homme
bien sain , qui se dispose à faire un voyage.
Vous serez bien- alse d'apprendre que
le premier volume du grand Ouvrage
Oriens Christianus , est presque entierement
imprimé, et que le Manuscrit est
dans un tel état que l'impression pour
être continuée , comme elle le sera en
effet
874 MERCURE DE FRANCE
effer , sans que la mort de l'Auteur caus
aucune interruption .
Ce que je dois à sa mémoire et le mérite
de l'Ouvrage m'engageront à continuer
mes attentions , pour procurer du
côté du Levant , tous les Mémoires et les
aurres secours qui peuvent contribuer à
sa perfection.
XXXXXXX ::********
REPONSE du Chevalier de Lencotece
aux Vers de M. Carelet inserez
dans le Mercure de Fanvier 1733 .
QuiUcioconnqque aura délicatesse ,
›
Et dans le coeur et dans l'esprit ,
Qui de Vers au bon coin , et de galant écrit
Connoîtra l'art , prisera la finesse ,
Cil , je le sçais , de ma Princesse *
Sera l'amant , et partant mon rival .
A donc, beau Sire, est - ce compter si mal
Comptant ainsi , sans vitupere et honte ,
Aurois -je pû vous oublier ?
Or tenez-vous ferme sur l'étrier ,
Trop bien vous ai mis en mon compte
Et , s'il vous plaît , le beau premier ,
Mlle de Malerass
Non
MA Y. 1733 .
875
Non pas de ceux que dois estropier. ,
Tout simplement , mais de ceux que ma
Lance ,
Doit mettre à Malemort , et pousser
outrance,
LETTRE de M. D.... à Mad. la
Marquise de Saint A ... en lui envoyant
Le Portrait en Vers de Mlle Malcrais
de la Vigne.
L
I y a long - temps , Madame , que
vous m'avez demandé le Portrait de
Mile Malcrais de la Vigne , qui vous est
connue si avantageusement par ses Ouvrages
, par les jolies choses qu'elle a
données au Public ; et il y a long- temps
que moi - même j'ai eû l'honneur de vous
le promettre. Mais des obstacles invincibles
m'ont empêché jusqu'ici de satis
faire une curiosité aussi aimable que la
vôtre. Les Peintres d'un certain goût sont
très- rares en basse Bretagne ; que viendroient-
ils y chercher ? Quelle sorte de
hazard les y attireroit ? Et cependant ,
Madame , vous sçavez que pour peindre
une Deshoulieres , il ne faut rien moins
qu'une
36 MERCURE DE FRANCE
qu'une Cheron. Pour bien représenter
un objet distingué , il faut un Pinceau
qui donne de la vie et une sorte d'ame
à tout ce qu'il touche. Tel seroit le Portrait
de Mlle Malcrais de la Vigne , si
j'avois trouvé une main assez legere et
assez sçavante pour le tracer. Mais cette
main , j'aurois dû m'y attendre , m'a manqué
tout-à- fait. A son défaut , contentez
vous d'un Portait en Vers , et pour tout
dire , d'un Portrait de ma façon. J'avoûë ,
Madame , que c'est perdre au change et
y perdre infiniment. Les Vers ne disent
point tout ce qu'on sent à la vûë d'une
personne aimable , tout ce qu'elle inspire.
A peine méritent- ils d'être comparez à
une gravûre , à qui manque cette expression
de la verité que donne le coloris.
PORTRAIT
DE MLLE MALCRAIS DE LA VIGNE
A La plus touchante Beauté ,
Joindre un air de délicatesse ;
Pour s'entendre louer sans cesse ,
Ne point avoir plus de fierté ;
Voyez le Poëme qui commence par ces mots ,
La sçavante Cheron , &c. parmi les Oeuvres de
Mad. Deshoulieres.
Des
MAY. $739 1733.
Des Vers qu'enfante le Génie ,
Se faire un doux amusement ;
Dans une lecture choisie
Trouver toujours de l'Agrément ;
A ces fleurs qu'offre le Parnasse
Donner encore un nouveau prix ,
Pour en couronner avec grace ,
Ceux qui brillent par leurs Ecrits ;
Sçavoir penser dans le bel âge
Où l'on pense si rarement ,
Et de l'amoureux badinage .
Se défendre avec jugement ;
Etre toujours ce qu'on doit être ,
Dérober encor plus d'esprit ,
Qu'en parlant on n'en fait paroître ;
Laisser douter quand on soûrit ,
Si l'on approuve ou si l'on blâme ,
Rallier enfin dans son ame ,
Tout ce qu'offrent de plus flateur ,
Et le bon sens et le bon coeur.
Voila , me direz-vous , une belle chimere ,
Un objet recherché , peint des plus nobles traits į
Non , de l'adorable Malcrais ,
C'est l'image naïve et le vrai caractere,
LET
€78 MERCURE DE FRANCE
LETTRE écrite à M. Baron , Doyen
de la Faculté de Medecine de Paris
par M. de Lepine , Docteur , Régent de
la même Faculté , au sujet d'une These
qui a pour titre , An à functionum
integritate mentis Sanitas ? Soutenuë le
buitiéme Fanvier 1733. aux Ecoles de
Médecine.
MONSIEUR ,
J'apprens avec une surprise extrême
les bruits que l'on répand contre moi au
sujet d'une These que j'ai faite et à laquel'e
j'ai présidé le huitiéme Janvier de
la présente année , qui a pour titre : An
à functionum integritate mentis Sanitas ?
Rien n'est plus douloureux pour un
homme élevé dans des sentimens d'honneur
et de Religion , qui selon moi doivent
être inséparables , que de se voir attaqué
sur une matiere , où le simple soupçon
donne toujours là plus sensible atteinte
à notre réputation ; ainsi je m'estimerois
le plus malheureux des hommes ,
si je n'avois une ressource dans l'équité
de ceux qui sont en état de juger avec
con,
MAY. 1733. 879
connoissance de cause , et ce sont eux
que je me flatte de convaincre de la
pureté
et de l'orthodoxie des més sentimens.
Les objections qui me cont revenues
se réduisent à deux principales .
La premiere , d'avoir choisi une matiere
qui m'ait engagé à parler de l'Ame ,
de son essence et de ses opérations.
La seconde , d'avoir paru mettre en
problême sa spiritualité et son immortalité.
Je réponds à la premiere objection ,
que jusqu'ici dans nos Ecoles , sans que
personne l'ait trouvé mauvais , on a traité
la même matiere comme un point de
Physiologie très - important sous differens
titres . An mens sana in Corpore sano ? An
principium facultatum Anima ? & c.
Mais outre l'importance du sujet en
general , un motif particulier m'a déterminé
à le choisir. Beaucoup de gens sont
prévenus que tous les accidens qui dérangent
la tête de tant de differentes manieres
, en nous ôtant la liberté sont
des maladies qui attaquent réellement
l'esprit , et que si en même temps les
autres fonctions du Corps sont en bon
état , la Médecine ne peut être d'aucun
secours. ,
C
,
I
Par
$80 MERCURE DE FRANCE
Par une suite de préjugé on a vû dans
tous les temps enfermer des personnes
alienées , sans que leur famille ait daigné
faire les moindres tentatives pour
leur guérison.
De si tristes avantures m'ont excité à
combattre une erreur si préjudiciable au
Public , en faisant voir que les maladies
dont il s'agit , et que l'on croit avoir leur
siege dans l'ame même , ne sont que dans
les organes du corps , quelque bien disposez
qu'ils soient à tous autres égards ;
c'est dans ce sens qu'il faut entendre le
titre de ma These : An à functionum integritate
mentis Sanitas ?
Ayant à prouver que les prétendus dérangemens
de l'Esprit sont seulement de
vrais dérangemens
des parties internes du
Corps , telles que les Nerfs dans leurs
origines et dans leurs communications
,
j'établis pour principe certain que l'ame
ne peut être susceptible des altérations
que la corruption fait subir à la matiere,
c'est ce que je dis en termes formels , lig.
34. du quatrième Cor. p. 3. Num aëris constitutio
potest aliquid in Substantiam cogitantem
? Num terra venenati halitus vale
bunt eam corrumpere ? Absit
Cette proposition est une conséquence
nécessaire de l'Assertion qui est dans mon
premier
MAY. 1733 . 881
premier Corollaire touchant la Nature
de l'Ame. C'est là que je tâche d'exprimer
son Essence , et de la distinguer de
celle du Corps dans la définition que je
donne de la Vie. Communio est rei extensæ,
mobilis , que occupat spatium , que mutat
subinde locum , cum substantia que nullius
loci est capax , que proin sedem mutare nequit
, et tamen quocumque volueris illicò
transvolat.
Cette Assertion suffiroit pour me justifier
contre la seconde objection , elle
est décisive , elle ne renferme aucune
équivoque, et exclut toute espece de doute
: cependant on prétend en faire naître
l'idée sur ses paroles du premier Corol.
Num extensa et solida gaudeat trinâ dimentione
, roganti , non esse corpoream difficulter
probaveris ; At corpoream esse longè
difficilius demonstraveris. Je vous prie ,
Monsieur , de remarquer ici deux choses;
la premiere, qu'il ne s'y agit que de. preuves
philosophiques ; la seconde, que cette
proposition est d'un genre tout different
de celui des Assertions.
in-
Je compare seulement deux sentimens
contraires ; et avant que de donner ma
véritable réponse , je commence par
diquer le plus probable, en faisant remarquer,
que , si d'un côté il n'est pas aisé
C de
882 MERCURE DE FRANCE
"
de prouver l'immatérialité de l'ame , de
l'autre il est , sans comparaison , plus dif
ficile d'en démontrer la matérialité.
Je ne fais donc ici qu'exposer le dou
te ; mais je le résous ensuite , ou du
moins j'explique clairement ce que j'en
pense , lorsque je dis ailleurs ( ce qui est
vraiment Assertion ) que l'ame est une
substance pensante , qui ne peut être contenue
en aucun licu , et sur laquelle la
constitution de l'air n'a aucun pouvoir :
d'où il suit clairement qu'elle est spirituelle
; et par conséquent je suis bien éloigné
d'affirmer qu'on ne puisse prouver
ce que je regarde moi-même , et ce que
je donne comme absolument certain .
Pour ce qui regarde l'immortalité de
l'ame , il est vrai que je dis de Platon
Concupivit potiùs , quàm demonstravit z
mais la Religion pourroit- elle admettre
la démonstration qu'il s'imagine en donner
dans le Phedon , lorsqu'il dit que
l'ame étant à elle-même la cause de son
mouvement , elle ne peut jamais finir ?
Cer illustre Philosophe a pensé plus
conformément aux principes de la vraye
Religion dans le Timée, où il assure que
la seule volonté du Dieu suprême donne
l'immortalité à tous les êtres intelligens.
Après une justification aussi précise que
celle- cy ,
MAY. 1733. 883
celle-cy , si quelqu'un pouvoit encore
prétendre que dans la proposition Num
extensa , &c. je mets en problême la spiritualité
de l'ame , je desavoue non seu
lement , mais je déteste le sentiment qu'il
m'attribue , en suppliant les Juges équitables
de remarquer qu'il est formellementdétruit
par les deux Assertions, Substantia
cogitans , p. 3. Cor. 4. 1. 35. et
nullius loci capax , p . 1. Cor. 1. ligne derniere
, que j'ai rapportées.
Quoique je doute que mes expressions
ayent une interprétation si odieuse , je
suis sensiblement affligé si elles ont pû
y donner lieu ; et quelque témoignage
que je me rende à moi - même de l'intégrité
de ma foi et de la pureté de mes
intentions , je me reconnoîtrai coupable,
si l'on peut me convaincre , d'avoir parlé
d'une maniere à me faire soupçonner de
l'être mais le sentiment de ma conscience
me rassure , n'ayant jamais riem
pensé ni écrit que de conforme aux sentimens
de l'Eglise Catholique, Apostolique
et Romaine , dans le sein de laquelle
je veux vivre et mourir,
J'ai l'honneur d'être avec tous les sentimens
d'estime , de considération et de
respect possible , &c.
A Paris , le 4. Avril 1733 .
Cii POR
884 MERCURE DE FRANCE
XXXXX XXXXXXXXXX
PORTRAIT DE MLLE C ***
Par M. Carolet.
E n'est point à Phébus que j'adresse mes
CE voeux
Pour faire le Portrait de l'aimable Uranie ;
L'Amour , le seul Amour , qui regne dans ses
yeux ,
Doit fertiliser mon génie.
Ce Dieu qui sçait si bien la graver dans les
coeurs ,
Mais
De mon foible Pinceau peut seconder l'audace ,
Que vais- je faire, hélas ! quelle frayeur me glace
Je redoute l'éclat de ses attrats vainqueurs.
que dis je tentons cette noble entreprise ,
Aux avides regards exposons ce Tableau ;
Qu'on manque ce Portrait , il sera toujours beaus
D'un seul trait entrevû l'ame doit être éprise,
Commençons et d'abord peignons cette douceur,
Qui saisissant les yeux , sçait maîtriser le coeur ,
Cette naïveté toute spirituelle ,
Et ce je ne sçai quoi , qui , joint à lafierté ,
Fait de la beauté naturelle ,
L'Ecueil fatal de notre liberté;
De l'objet que je peins ce sont les moindres
@harmes
Charmes
MAY. 1733. 889
Charmes pourtant à qui tout rend les armes ,
Qui surs de la victoire enchaînent les Mortels ,
Et disputent aux Dieux l'Encens et les Autels.
Mais sur des appas plus solides ,
Jettons nos regards étonnez ,
Les Ris modostement timides ,
Relevent des talens par cent vertus ornez ;
La sagesse , trésor aussi rare qu'utile ,
Est un don qu'Uranie eut pour lot en naissant ,
Son esprit , ses discours , ont un charme puis
sant ,
Qui dans les coeurs trouve un accès facile .
Mais ou m'emporte mon ardeur ,
Je suis sûr de déplaire à là belle Uranie ,
Je n'ai consulté que mon coeur
Sans consulter sa modestie,
>
鼎鼎鼎
VOYAGE de Basse Normandie. Suite
des Remarques de M... sur l'Inscription
du Marbre de Torigny.
11 1.
L
XI. LETTRE.
OGUM ORDO CIVITATIS
Viducassium libenter dedit
dum XIII.
род
Civitas ducassium , ou Biducassium
appellée ensuite Bajocassium , est la Villa
Cij
et
I
886 MERCURE DE FRANCE
et le Diocèse de B.yeux en Normandie,*
et non pas le Village de Vieux. Prolomée
, L. VIII. assure que dans la Gaule
Lyonnoise il y a quatre Peuples situez
au Septentrion et sur l'Ocean Brittanique
ΒΙΔΟΥΚΕΞΙΩΝ Biducessii , ΟΥΝΕΛΙΩΝ
Veleni ΛΕΞΟΥΒΙΩΝ Lexovii ΚΑΛΕΤΑΙ
Caleta : Les trois derniers sont ceux de
Coutance , de . Lizieux et du Pays de
Caux. On ne peut douter que les Biducesii
ou Biducasses , comme Pline les appelle
, L. 1 V. 6. 18. ne soient ceux de
Bayeux , ce qui est confirmé par l'Inscription
de ce Marbre trouvé dans le
Diocèse de Bayeux . Cent ans ou environ
après que notre Inscription eut été gravée
, les noms de plusieurs Villes commençant
à s'alterer , on changea ce mot
de Biducasses en Bajocasses , comme on
le voit par ces Vers d'Ausonne.
Tu Bajocassis Stirpe Druïdarum satus ;
Beleni sacratum ducis è Templo genus,
De Bajocasses on fit Bajoca , comme on
le voit dans la Notice de l'Empire , Sect .
** L'Auteur des Remarques décide ici une chose
qui étoit du moins incertaine avant les Découvertes
qui ont été faites à Vieux. Voyez là- dessus la
Description des Monumens qui y ont été trouvez, et
les Remarques faites sur ces Monumens , dans le
Mercure d'avril 17329
LXV.
MA Y. 1733- 887
LXV. Præfectus Latorum , Batavorum ,
et Gentilium Suevorum ; Bajocas à Bayeux
et Constantias Lugdunensis II. à Coutances
. Ainsi on disoit en ce temps- là Trecas
pour Trecasses , Drocas pour Durocasses
, & c .
Dans toutes les anciennes Notices on
voit au nombre des sept Citez de la seconde
Lyonnoise , Civitas Bajocassium.
Gregoire de Tours nomme ces Peuples.
Viducasses Bejocassins , au 27. Chap. du
5 L. de son Histoire , et Fredegaire , en
corrompant ce mot , appelle les mêmes
Peuples Bagassins , au Chap. 80. de sa
Chronique. Charlemagne nomme le Pays.
Bessin Bajocassinus Pagus , dans ses Capitulaires
, et Charles le Chauve dans les
siens , appelle le même Pays Bagisinus
Pagus. Oderic Vital , L. V. dit qu'il y
a six Villes Episcopales sujettes à Rouen,
Rothomago sex urbes subjacent, Bellocassium
( emend. Bedocassium vel Biducassium ) id
est Bajocas. A quoi il faut ajoûter en faveur
de la Ville de Bayeux , que son Siege
Episcopal est le premier et le plus
ancien de tous ceux de la Province de
Rouen , et que l'Evêque a la préséance
au dessus de tous les Evêques Comprovir
ciaux , ce qui démontre la grande
antiquité de cette Ville.
Cv M.
888 MERCURE DE FRANCE
M. Vallois , dans la Notice des Gaules ,
veut que Bayeux ait été appellé Argenus
par Prolomée , L II. C. 8. en ces termes,
ΒΙΛΟΥΚΕΣΙΟΙ ΩΝ ΠΟΛΙΣ ΑΡΓΕΝΘΥΣ
Mais ces mots wraλis , ne se voyent pas
dans les Editions Grecques de Ptolomée
l'ancien Traducteur Latin veut au contraire
qu'Argenus soit une Riviere , Ar
genis fluvii estia. M. Valois prétend
outre cela , qu'un lieu appellé dans la
Carte de Peutinger , Aragenus , soir cette
Vill d'Agenus , ce qui est fort incertain.
Quoiqu'il en soit , on ne doit point
douter que Bidugasses , Biducasses , Butucasses
, Bajocasses , Bajoca , Bayeux , no
soient une même Ville , Ch . f. d'un Dio
cèse et des Pouples du Bessin.
IV. AMICUs Benemerentis Claudii Paus
lini Legui Casaris Augusti Proprætore Prom
vincie Lugdunensis fuit..
La Province Lyonnoise étoit Imperiale
et gouvernée par un Lieutenant de l'Em
pereur ; cet Officier étoit Civil er Mili❤
taire, on l'appelloit Popreteur , parce qu'il
avoit les mê nes droits , les mêmes hon-
✦ Sion peut donner quelque chose à la conjecture,
fandéo sur la ressemblance des Noms , le Village
Argence ä lieues de Caën , sur le chemin de
Lizieux , pourroit bien être un reste de cette ancien
neVilles
4.
neurs
1 889 MAY. 1733.
meurs et le même nombre de Faisceaux ,
que les Preteurs de la Ville de Rome.
Amicus Paulini , Sennius Sollemnis avoiɛ
fendu un grand service à Paulin , en s'op
posant à ceux qui vouloient dans l'Æsemblée
generale des Provinces , accuser
ce Gouverneur d'injustice , comme AEdinus
Julianus , successeur de Paulin au
Gouvernement de la Lyonnoise , le témoigne
dans sa Lettre au Tribun Comnianus
, Vice- Président de la même Province.
Cette Epitre est gravée sur l'un des
côtez du Marbre de Torigny.
L'Inscription du devant du même Piédestal
parle de cette Lettre en ces termes
Cui Semp R Arectus FVIT SICVT EPIST A ... ...
AE AD NOS SCRIPTA EST DECLARATVR.
CVI (Paulino ) POSTEA ( Britan ) LEG.
AVG. PENESEVM AD LEGIONEM SEXTAM
ADSEDIT. Il faut necessairement ajoûter
les Lettres BRIT. sans quoi cette Phrase
n'auroit point de sens et cette Addi
tion est confirmée par ces paroles gravées
sur l'autre côté du Marbre du Piedestal.
Exemplum Epistula Claudii Paulini Legati
Augusti Propretore Provincia Britannië
ad Sennium Sollemnem. Paulin, après avoir
gouverné la Lyonnoise en qualité de
Lieutenant de l'Empereur et de Prope
teur ,fut envoyé dans la grande Breta
Cvj gne
890 MERCURE DE FRANCE
gne ; et Sennius Sollemnis fut un des As
sesseurs de Paulin , qui commandoit la
VI. Legion , comme Lieutenant General
dans la Province ; car cette Legion
avoit son Quartier dans la Grande Bretagne
et dans la Ville d'Yo ck , comme
Prolomée le marque , L. II. C. 3 .
Ces Légions étoient tellement attachées
aux Provinces où on les avoit placées ,
que les Gouvernemens ont pris quelquefois
les noms des Legions qui y étoient
en garnison . Tertulien dans le IV. Chap
du Livre à Soupulus , appellé le Président
de Numidic Prases Legionis ; car Caligula ,
pour affoiblir l'autorité du Proconsub
d'Affrique , donna à un autre Officier le
Gouvernement des Numides avec les
Troupes ou la Légion . Provincia divisa
exercitus alteri et Numidas mandavit , atque
bolie etiam fit , dit Dion , p. 656.
c'est pourquoi Ptolomée attribue la troisiéme
Légion Auguste à la Numidie.
V. ] CVIO OB SALARIVM MILITIAE IN
AVRO. Le Graveur a omis ici quelques
mots qu'il faut suppléer par l'Epitre à
Paulin , où on lit. Milit.a salarium , Deserteriis
viginti quinque nummos ,. in auro..
* L'omission du Graveur saute aux yeux. On ne
peut mieux la réparer quepar l'autre partie de l'Ins
ription , comme fait l'Auteur des Remarques.
VI
MAY. 17337
VI. ] ALTAQ MVNERA LONGE PLVRIS
MISSA. Paulin , dans sa Lettre à Sollemnis
, specifie les Présens Munera , Chlamydem
Carbasinam , Dalmaticam Laodicenam
, Fibulam auream cum gemmis.
Virgile , L. XI. de l'Eneïde , parle ainsi
de ces Chlamydes Carbassina , attachées
avec des crochets d'or.
... Croceam Chlamydemque sinusque crepantes
Carbascos fuluo in nodum collegerat auro
Et Lucain parle aussi de ces vétemens
dans sa Pharsale , L. 3 .
Fluxa coloratis astringuntur Carbasa gemmis.
Le mot Dalmatica signifie une manie
re de vêtement venue de Dalmatie . Capitolin
, dans la Vie de Pertinax , Ch. 8.
dit qu'on tenoit parmi les Meubles de
Commode , Tunicas , Penulasque , Lacernas
et Chiri lotas , Dalmatarum. Lampide
dans la Vie de Commode , Chap . 8 dit
de ce Prince que Dalmaticatus in Publico
processit , ce qui passoit alors pour une
chose infam . Les gens graves et medestes
ne paroissant jamais avec des Dalmatiques.
Et le même Historien assure ,
Chap 24. de la Vie d Heliogabale , que
cet Enrpereur avoit souvent paru Bal
maticatus in foro post Coenam. S. Isidore ,
Chap .
892 MERCURE DE FRANCE
Chap. 22. du 19. L. de ses Origines , témoigne
que Dalmatica Vestis primum in
Dalmatia texta est. Mais quoique l'invention
de ces sortes de vêtemens soit venue
de Dalmatie , et qu'ils ayent pris le
nom de cette Province , neanmoins la
mode s'étant introduite dans tout l'Empire
Romain de porter des Dalmatiques,
on en établit des Manufactures en divers
Lieux ; on estimoit le plus celles qu'on
faisoit à Arras et à Laodicée , suivant les
paroles de S. Jérôme , L. 2. contre Jovinien
, T. 2. Cod . 106 , Edit . de Nivelle.
Atrebatum ac Laodicea indumentis ornatus
incedis. Et peut être que les Dalmatiques
de Laodicée
étoient de plus grand prix
que toutes les autres , parce que les Laines
de cette Ville étoient meilleures
, com
me Pline nous l'apprend
, L. VII . Ch. 48 .
VII. Il est fort difficile de trouver ce
que signifie ToSSIAM Brittanicam . Si cę
mot est venu de la Grand - Bretagne , aussi
bien que ce qu'il signific . Lorsque les Ro
mains empruntoient quelque chose des
Etrangers , ils conservoient les noms Barbares
qu'ils introduisoient dans la Langue
Latine , où nous trouvons beaucoup de
mots Gaulois et Bretons. Nous avons pour
ce qui concerne les Habits Bracha, espece
d'Habit , décrite par Diodore de Sicile ,
Laina
MAY. #733. 89.3
Laina , maniere de Saïe dont parle Strabon
,Bardo- cucullum, Manteau des Bardes,
Poëtes Gaulois , dont Martial fait mention.
Le mot Cucullum est venu du Gaulois
ou du Breton Cucull. C'est pourquoi
Juvenal , dans sa huitiéme Satire appelle
ces Cuenlles Saintongeois.
Tempora Santonios velas adòperta Cuculla.
Caracalla , Habit Gaulois , qu'Antonim
fils de Sévere , donna au Peuple Romain .
Glascum , Herbe dont on se servoit pour
teindre en bleu. Cependant j'ose douter
que ce mot ToSSIAM , soit de l'ancienne:
Langue Bretonne , et je conjecture qu'il
est Latin.
Il faut remarquer que les Lettres de
cette Inscription , effacées en plusieurs
endroits , sont quelquefois entrelassées *
les unes dans les autres , et qu'il y en a
par consequent de fort petites qui ont pû
disparotire aisément. Ce mot TOSSIAM ,
doit être ainsi rétabli TROSSVLAM . Cette
maniere de vêtement que les Latins ap-
"
*On pourra voir cet entrelassement des Lettres ,
c. dans la Gravure qu'on se propose de donner
de toute l'Inscription . Mais toujours on peut comp
ter que nous avons lû TOSSIAM sur le Marbre at
que ce mot a été lû de même avant nous dans les
deux ou trois copies quej'ai rapportées de Torigny...
pelloient
194 MERCURE DE FRANCE
pelloient Trossulam ou Trabeam Trossu
lam , et les Grecs Epeseda étoit tissuë de
Laine de couleur de Pourpre , mêlée
d'autre Laine teinte en écarlate. Cette
Trossula n'étoit pas differente de la Saïe
Punique , et on y mêloit de l'Ecarlatte
parce que les Anciens combattoient vétus
de rouge , afin que le sang qui couloit- des
playes ne parût pas.
VIII PELLEM VETULI MARINI SEMESTRIS
La Peau de Veau Marin est couverte
de poil cendré. C'étoit alors un rare
présent qu'une Peau de Veau Marin ,
animal tès- difficile à tuer , comme dit
Pline , L. IX. Chap. 13 Cet Auteur dans
le même lieu attribuë aux Peaux de Veaux
Marins une proprieté bien singuliere en
ces termes Pelles eorum etiam detractas corpori
sensum æquorum retinere tradunt , semperque
astu maris recedente inhorescere
et au L II. Chap. 55. il nous fait connoître
pourquoi les Anciens estimoient
tant les Peaux de Veau Marin ; c'est , qu'ils
croyoient qu'elles garantissoient de la
Foudre N inquan Fulmen , & c . Suetone,
* Notre Auteur a sans doute , cité ce Passage
de Pline de memoire ; voici comment il faut le rétablir.
Ideo Pavi di altiores specus tutissimos putant
: aut tabernacula è pellibus belluarum quas
vitulos appellant , quoniam hoc solum aniinal
Marinis , Fulmen , non percutiate
,
MA Y.. 1733. 895
L. 2. Chap. 90. rapporte qu'Auguste craignoit
fort le Tonnerre , et qu'il portoie
par tout une Peau de Veau Marin pour
se garantir de la Foudre , Ut semper, et
ubique , &c. Spatien dit que Septime-
Severe avoit la même foiblesse , et qu'il
fit couvrir sa Littiere de Praux de Veaux
Marins. Plutarque dans ses Symposiaques ,
L. 4. Q. 2. nous apprend que les Pilotes
pour préserver du Tonnerre leurs Vaisseaux,
couvroient de Peaux de Veaux Marins
et d'Hyenes, l'extrémité des Voiles ;
il parle encore de cette vertu des Peaux
de Veaux Marins au L.5.du même Ouvra
ge , Chap. 3 .
SEMESTRIS Le Veau Marin croît en fort
peu de temps , il y en a une certaine espece
dans les Mers du Nord , que les
Russes et les Anglois appellent Morfh ,
et les Flamans Walrusses qui deviennent
plus gros que les plus grands Boeufs , et
à deux ou trois mois ils sont aussi grands
que des Dogues d'Angleterre .
IX. [ … .. VI ... R ... O ... Genvs
V ...
SPECTACVLORVM . PINICIA DIA.
Ceux qui ont vû les premiers cette
Inscription , ont lû ainsi cet Endroit . Cu
jus cura omnegenus spectaculorum atqueTaurinicia
Diana. Mais il y a lieu de douter
de ce mot Taurinicia , qu'on ne trouve
nulle
896 MERCURE DE FRANCE
nulle
part ; outre que la copie de M. Pe
titte nous prouve que ces trois Lettres
TAV, ne se lisent point dans l'Inscription
où on ne voit que RINICIA , Taurinicia
ne se peut lire suivant l'Analogie Grammaticale
, il faudroit Tauronicia
, comme
Tauropolia , Fête des Lacédémoniens Tau
rocathapsia , qui étoient des Jeux des
Thessaliens ; enfin , comme Taurobotus ,
Taurobolia , Taurophagus , Taurophagia
s
et d'ailleurs on n'honoroit
pas
Diane par
des Combats de Taureaux , mais par des
Chasses de Cerfs ou d autres Bêtes sau
vages ; car Diane étoit surnommée EAA-
ΦΗΒΟΛΟΣ , et la grande Fere qui lui
étoit dédiée dans la Grece , TA EAAOHBO
AIA , d'où vient le mot Elaphebolion
, on
écrivoit ce mot par HAADHBOAION
, aų
lieu d'EAADOBOAION
, comme EAAQOBỌAIA
et EAAQBOAOX
, selon l'usage
des Poëtes qui changeoient l'O en H ,
pour avoir une sillabe longue et faire un
Dactile ΕΤΡΕΨΑΝΤΟΙΑ
, ασμακρείον
,
Siasurlénian , Baxλçań , dit. Eustathe
* M. Petitte , Chanoine et Official de Bayeux,
avoit pas manqué , sans doute, de copier cette
Inscription , et de la mieux copier qu'un autre. Il
a travaillé toute sa vie à l'Histoire Civile et Ecclesiastique
de Bayeux. Voyez là-dessus le Mercure
Octobre 1732. p. 21380
Sur
MAY. 1733. 897
sur le V. L. de l'Iliade , T. I. p. 521 .
Edit. de Rome. Ainsi je doute qu'il y ait
dans l'Inscription la lettre R bien formée
, et je crois qu'il faut lire EPINICIA
DIA. Epinicia , qui sont les prix de ceux
qui ont vaincu aux Jeux ; et Sollemnis
qui avoit donné les Spectacles, avoit aus
si donné les Prix , Epinicia.
X. ERAT SENNIUS ME ... CUR . MART...
ATQ... DIAN... P. Sacerd.
Edinius Julianus , dans sa Lettre à
Commianus parle de Sollemnis en ces
termes : Sollemnem istum oriundum ex civitate
viduc. Sacerdos. Mercure , Mars ,
et Diane étoient dans les Gaules les princlpaux
Dieux dont notre Sollemnis étoit
premier Prêtre ; aussi la Ville de Bayeux
étoit celebre à cause de ses Druides,dont
les Races étoient très- nobles et tres- anciennes
; c'est ce que prouvent les Vers
d'Ausonne , que j'ai déja citez . Cette Illustre
famille des Druides de Bayeux des
cendoit des Prêtres d'Apollon , appellé
Bellenus par les Gaulois , et par ceux d'Aquilée
; comme le démontrent diverses
Inscriptions , rapportées par Gruter. Ausonne
, dans ses Poësies sur les Professeurs
de Bordeaux , louc un Rheteur ;
nommé Attius , Patera , Pater , auquel ses
rapportent les deux Vers qu'on a vûs
plus
858 MERCURE DE FRANCE
plus haut ; et il est à propos de rappor
ter icy ce témoignage d'Ausonne tout
entier.
Tu Bajocassis ( vel Bagocessi ) stirpe Druidarumza
satus ,
Si fama non fallit fidem ,
Beleni sacratum ducis è templo genus &
Et inde vobis nomina ,
Tibi Patera sic Ministros nuncupant »
Apollinaris Mystici ,
Fratri Patrique nomen à Phoebodatum
Natoque de Delphis tue.
Ausonne lote encore un autre Professeur
de Bordeaux , qui descendoit des
Druides , et avoit été Sacristain du Teme
ple de Belenus .
Nec reticebo senem
Nomine Phabitium , qui Beleni adituus ,
Nil opis inde tulit , sed tamen ut placitum ,
Stirpe satus Druidum gentis Aremorica ,
Burdigala Cathedram nati opera obtinuit .
XI. ... FUIT CLIENS PROBATISSIMUS
AEDINI IVLIANI ... LEG. AUG. PROV . LVGDVNEN...
CVI . SEMPER . AF. TVS FVIT. Sicut
Epistula que ad nos scripta fuit decla
ratur.
Julianus , dans sa Lettre dit , qu'ik
com
MAY. 1733 . 899
commença à aimer Sollemnis propter sectam
, à cause de sa Profession de Prêtre et
de Druide, et propter gravitatem et honestos
mores.
Lorsque Julianus écrivoit cette Lettre
au Tribun Commianus , il étoit alors
Préfet du Prétoire , comme ces mots de
l'Inscription le démontrent : Exemplum
Epistula Alinii Jul... Præfecti Prato.
Nous ne pouvons placer le temps de la
Préfecture de ce Julianus après l'an 238 ,
à cause du Consulat de Pius et de Proculus
, marqué dans l'Inscription, Il ne
seroit pas raisonnable aussi de reculer le
temps de la Préfecture d'Edinius plus .
loin que le temps de Caracalla ; on sçait
que les deux Préfets de cet Empereur
étoient Adventus et Macrin, Le dernier
après avoir fait assassiner son Maître , lui
succeda à l'Empire , et créa deux Préfets
du Prétoire , Appius Julianus et Julianus
Nestor, comme Dion , qui fleurissoir pour
lors , nous l'apprend dans lesFragmens du
liv . 78, pag.895.Notre Adinius ne peut
être ni l'un ni l'autre de ces deux Juliens ;
car VlpiusJulianus fut massacré par les
Soldats révoltez contre Macrin , en faveur
d'Héliogabale . Macrin désigna aussi-
tôt Basilianus , alors Préfet d'Egypte,
pour successeur d'Appius , comme Dion
nous
900 MERCURE DE FRANCE
nous l'apprend encore au même liv . 73.
pag. 903 .
Ce Basilianus , après la mort de Ma
crin , ayant erré quelque temps , fut
égorgé à Nicomédie , selon Dion, p.904.
Héliogabale , après sa Victoire , fit mou
tir le Préfet Nestor , avec Fabius Agrippin
, Gouverneur de Syrie , comme Dion
le rapporte , liv . 79. pag. 907. Le même
Empereur créa Préfet du Prétoire , Euty.
chianus Comazon ; Dion , liv . 79. p.908.
Après Comazon , il y eut deux Préfets
qui furent tuez , avec Heliogabale , page
916. et ils s'appelloient Flavianus et
Chrestus. Ce fut Ulpien , favori d'Alexandre
, qui les fit mourir , et leur succeda
, le nouvel Empereur lui ayant donné
la Charge de Préfet , selon Dion , livre
So. pag. 917. Ulpien fut massacré
les Soldats , vers l'an 227. pendant que
Dion gouvernoit la Pannonie , ainsi qu'il
le raconte , liv. 80. pag. 917. Les Historiens
ne nomment point le successeur
d'Ulpien ; d'ailleurs nous sçavons que
sous Maximin , Vitalien étoit le Préfet
du Prétoire , qui résidoit à Rome , où il
fut tué par l'ordre du Sénat , l'an 237.
comme nous l'apprenons d'Hérodien
ou de Capitolin.
Edinius Julianus résidoit à Rome
par
comme
MAY. 1733. 901
comme il le témoigne dans sa Lettre. Is
( sollemnis ) certus honoris mei erga eum ad
videndum me in Urbem venit : proficiscens
petiit, ut eum ad te commendarem. Je ne vois
donc point de place pour la Préfecture
d'Elinius Julianus , que depuis la mort
d'Ulpien , jusqu'à celle d'Alexandre Se
vere , il n'y avoit qu'un Empereur au
temps que Paulin écrivit la Lettre , gravée
sur le Marbre de Torigny . Ces mots : Er
MAIESTATE SANCTA IMP. le font voir.
C'est donc sous l'Empereur Alexandre-
Severe que Julien - Paulin et Sollemnis
ont exercé les Charges , dont il est fait
mention dans l'Inscription : Fuit cliens
probatissimus Edinius - Juliani legati Augusti
Provincia Lugdunensis.
Edinius Julianus avoit été Lieutenant
de l'Empereur dans la Province Lyonnoise
, comme on le voit par ces mots ,
gravez sur le devant du Piédestal ; ce
qui estconfirmé par la Lettre de Julianus,
gravée sur l'un des côtez de ce Marbre :
Claudio Paulino Decessori meo . Nous
avons déja vû que Paulin avoit eu le Gou
vernement de laLyonnoise : que veut donc
dite Edinius -Julianus , par ces mots : In
PROVINCIA LVGDVNENS. QUINQUE . FISCALI...
IGEREM? Ce dernier mot , n'est pas
Agerem, car M. Petitte dans sa copie ,tresexacte
902 MERCURE DE FRANCE
exacte , fait voir qu'il n'y a que IGEREM,
et cette figure I un peu courbe , ne marque
pas la jambe de celle d'un A , mais la
lettre I , que les Sculpteurs ne gravent
pas toujours droit.
Je ne puis croire qu'il y ait * Fascalia,
comme quelques- uns le prétendent ; car
ce mot barbare , et qui ne fut jamais Latin
, peut il avoir été en usage pour si
gnifier une fonction principale d'un
grand Magistrat Romain ? Concluons donc
qu'il faut lire ainsi cet endroit : In Provincia
Lugdunensi Quinquennalia fiscalia
dum exigerem. Ce mot Fiscalia , se prend
pour les Tributs qu'on paye au Souve
rain. Ambrosiaster , sur l'Epître aux Romains
: Ideo dicit tributa prastari vel qua
dicuntur fiscalia ut subjectionem præstent.Le
Scoliaste de Julianus , Antecessor , c. 72.
Quando is qui nihil possidet fiscalia dare
cogitur.Fiscalia,se prend donc pour tributa
qua fisco inferuntur et indictiones . Les Indictions
, parmi les anciens Romains , avant
Constantin , étoient imposées de 5 en 5
ans , et leur levée ou exaction s'en faisoit
* Les deux anciennes Coppies que j'ai rapportées
de Torigny , portent cependant FASCALIA . Et
aujourd'hui ce mot se lit encore bien sur le Marbre .
A l'égard de l'autre mot , on n'en voit plus aujourd'hui
que la fin sur ce Marbre , GEREM .
>
Far
MAY. 1733 . 903
par Lustre , comme le P. Noris l'a prouvé
solidement et doctement dans son
Traité des Epoques des Syro Macedoniens
, pag. 170.
·
XII. ADSEDIT ET ... IN PROVINCIAM
LVGDVNENSEM VA... ERIO FLO .. TRIB....
MIL. · • ... c. ... III. AVG . IVDICI . ARCAE
FERRAR...
Valerius Florus , dont Sollemnis est
appellé Antecesseur dans notre Inscription
, avoit été Juge de la Caisse des Armuriers
de la Province Lyonnoisse ; le
mot FERRAR. Ferrariorum se prend , nonseulement
pour un adjectif , qui se joint
à Faber , mais encore pour un substantif,
comme dans ce Passage de Julius Firmicus
Maternus , ch. vII . du 4° Liv . de son
Astrologie : Coquos ferrarios atque ex igne
velferro partes suas officiaque complentes .
e
Il y avoit deux Fabriques ou Manufactures
d'Armes dans la Province Lyonnoise
; l'une de Fléches , à Mâcon , Matisconensis
Sagittaria ; et l'autre , de Cuirasses
, à Autun , Augusto - dunensis Lori.
caria ; comme on le voit dans la Notice
de l'Empire , Section XLI. Il y avoit dans
plusieurs Villes de l'Empire Romain de
pareilles Fabriques , dont il est fait mention
dans la Notice de l'Empire , et dans
trois differens endroits de l'Histoire d'ADmien
901 MERCURE DE FRANCE
mien , Marcellin , Liv . 14. 15. 29. Il y a
au Code Théodosien , un Titre entier
qui est le 22 du x Liv. lequel ne traitte
que de ces Manufactures et des Ouvriers
qui y travailloient , de Fabricantibus . On
voit dans la seconde Loy , que les Sujets
de l'Empire Romain étoient obligez de
fournir le Fer que souvent ils s'acquittoient
de cette charge en Argent monnoyć
, et que les Ouvriers trompoient le
Public en employant de méchant Fer ; de
sorte que le Prince obligeoit les Taillables
de fournir le Fer en espece.
Il y avoit un grand nombre deReglemens
touchant ces Fabriques d'Armes; pour les
Ouvriers qui y travailloient , et les Tributs
qu'on levoit pour l'entretien de ces
Manufactures,dont les Juges étoient Militaires
; ainsi le Tribun de la troisiéme
Cohorte Auguste , avoit été Juge de la
Caisse des Fabriques et des Armuriers de
la Province Lyonnoise , et avoit eu notre
Sollemnis pour Assesseur.
Cette Caisse des Fabriques d'Armes
étoit différente de la Caisse Militaire des
Gaules , destinée à l'entretien et à la solde
des Troupes Romaines dans les trois Provinces
; de cette Caisse appellée Arca
Galliarum , qui étoit bien plus considérable
que celle des Fabriques, et avoit pour
Juge
ΜΑΥ 1733 905
Juge le Tribun d'une Légion , comme
on le voit par cette Inscription , rappor
tée par Gruter , pag.455.n.10 . TIB. POM
PEIO.POMPE . IVSTI . FIL. PRISCO , CADVRCO.
OMNIBVS HONORIBVS APVD SVOS FVNCTO.
TRIB. LEG. V. MACEDONICAE IVDICI.
ARCAE GALLIARVM III . PROVINC. GAL
Ces Tribuns étoient dans une grande
considération , puisqu'ils exerçoient la
Charge de Vice - Président , et en cette
qualité , commandoient quelquefois en
Chef dans les Provinces , comme Badius
Comnianus , marqué dans notre Inscription
, et que le Préfet Edinius - Julianus,
appelle dans sa Lettre , Tribunum Vice-
Prasidis agentena.
Telles sont, Monsieur, les Remarques
d'un Sçavant , que je n'ai jamais connu ,
sur l'Inscription du fameux Marbre de
Torigny , et qui me sont tombées entre
les mains depuis l'inspection de ce Marbre.
Je ne crois pas qu'elles ayent jamais
été publiées ; vous jugerez , sans doute ,
qu'elles méritent de l'être , et que l'Ins
cription méritoit aussi d'avoir un parcil
Interprete. Je suis , Monsieur , & c.
Dij
A
906 MERCURE DE FRANCE
A Me de Malcrais , en attendant ma réponse
à l'Epitre qu'elle m'a fait l'honneur
de m'écrire dans le second volume
du Mercure de Decembre 1732,
EN attendant que ma Muse ,
Réponde àtes Vers charmans ,
Malcrais , reçoi mon excuse ,
D'avoir pu quelques instans ,
Douter de ton existance ,
Et penser que ta science ,
Cet esprit brillant et fin ,
Qui dans tes Ecrits domine ,
N'ait pû d'un chef feminin ,
Recevoir son origine ;
Mais mon doute est résolu ,
Et de ma misantropie ,
Le nuage a disparu :
C'en est fait toute ma vie ,
Je publirai hautement ,
Qu'on peut remarquer souvent
Dans une fille jolier,
Sçavoir profond , grand génie ,
Et quelquetois du bon sens ,
Et si quelque vain Critique
Condamne mon sentiment ,
1
Male
' MAY. 90 1733.
Malcrais sera mon garant ,
Ou plutôt ma preuve unique.
V. D. G.
REFLEXIONS sur les termes
d'Invention et de sentiment , par rapport
aux Ouvrages d'esprit ; pour servir de
réponse à la Question proposée sur ce
sujet , dans le Mercure de Janvier
1733.
LE
Es termes d'Invention et de Sentiment
expriment avec exactitude ce
qu'il y a de plus beau , de plus fin , de
plus délicat dans les Ouvrages d'esprit.
Le Nouveau qui plaît , et le Sensible qui
touche ; deux parties essentielles qui en
font tout le mérite et toute la perfection
.
En effet , un Ouvrage d'efprit n'est
estimable qu'autant qu'il flatte agréablement
l'imagination , qu'il a quelque choses
qui frappe , qui réveille , qui saisit
par sa nouveauté ; soit dans le choix du
sujet , soit dans l'ordonnance des parties,
ou dans la vivacité des pensées , la finesse
du tour , le feu et la surprenante
variété des expressions , c'est alors qu'il
D iij plaît
908 MERCURE DE FRANCE
plaît ; et voilà ce qu'on entend par l'Invention.
Il charme encore plus ; si outre l'Agréable
et le Nouveau , il touche par des
Images sensibles ; s'il peint naïvement
les passions , s'il s'insinuë adroitement
dans le coeur , et donne le mouvement
à ses ressorts secrets , avec tant de délicatesse
, de légéreté et de force en mêmetemps
, que personne ne puisse s'en deffendre
, et que chacun à la simple lecture
, se sente interieurement ému , ébranlé
, emporté par une douce violence C'est
ce qui s'appelle Sentiment , dans un Ouvrage
d'esprit.
L'Invention est distinguée du Sentiment
, en ce que l'une s'arrête à l'esprit
et à l'imagination , et que l'autre va droit
au coeur. L'Invention pourra convaincre,
mais il n'appartient qu'au Sentiment de
persuader , parce que pour persuader , il
faut emporter.le coeur , au lieu que pour
convaincre , il suffit d'éclaires P'efprit et
de lui plaire. Une personne sera forcée de
se rendre à l'évidence , mais il faut que le
sentiment la détermine à suivre volontiers
ses lumieres. L'Invention éblouit
par son brillant, le Sentiment échauffe et
anime par un feu d'autant plus vif qu'il
est plus couvert , et qu'on s'en donne
moins
MAY. 1733. 909
moins de garde . L'Invention ne montre
que des fleurs qui ont leur agrément , le
Sentiment produit des fruits que l'on
goûte avec délices.
>
Delà il est aisé de juger combien le
Sentiment l'emporte sur l'Invention .Celleci
quand elle est toute seule , a toujours ,
malgré ses charmes , quelque chose de
froid , de sec , d'insiple ; au lieu que
celui - la répand dans le fond de l'homme
une onction dont la douceur le ravit ,
l'anime , et se fait mieux sentir , qu'on ne
la peut exprimer.
Quand donc on dit qu'il y a de l'Invention
dans un Traité , dans un Discours
, dans un Poëme, c'est-à- dire, qu'il y
a du nouveau et du beau , soit dans le
choix de la matiere , soit dans l'arrangement
et la fécondité des preuves , soit
dans le tour et la vivacité des figures e
des expressions ; qu'on y admire des traits
brillans , d'heureuses saillies , en un mot,
tout ce qui peut flitter l'esprit et charmer
l'imagination.
Au contraire , un Ouvrage sans Invention
, n'a rien qui picque la curiosité et
qui attire l'attention ; rien que de commun
et de trivial. Un Discours , ou un
Poëme peut être régulier dans toutes ses
parties , châtié , exact , avoir même quel
Dij ques
910 MERCURE DE FRANCE
ques ornemens , sans qu'on y trouve de
Invention , lorsqu'il n'est pas assaisonné
d'un certain sel qui le releveroit , lorsqu'il
n'a pas cet air de nouveauté qui
plaît , lors qu'il n'enchérit pas sur ce
qu'on a pû voir ailleurs dans le même
genre.
Il ne faut pas cependant confondre
l'Invention avec l'affectation , toujours
déplaisante , sur tout dans un Ouvrage
d'esprit. L'Art y doit être tellement couvert
et si -bien ajusté , qu'il imite le plus
beau naturel, qu'il se fasse chercher avant
que d'être apperçu , et qu'il ne se montre
qu'autant qu'il faut pour se faire estimer.
Ainsi l'Invention telle que l'on doit l'entendre
icy , ne consiste pas dans les pointes
, dans les jeux de mots, dans certaines
petites fleurs qui n'ont qu'un faux éclat ,
ni dans une élevation à perte de vûë . Il
faut de vraies beautés , capables de satisfaire
l'Esprit , encore plus que de l'amuser
et le divertir.
Ces beautés de l'Invention qui contentent
l'Esprit , veulent être soutenuës
et animées par le Sentiment qui pénétre
le coeur. Il y a du Sentiment dans un
Ouvrage d'Efprit , lorsqu'il fait en nous
certaines impressions ausquelles on ne
peut se refuser , qu'il emporte la persuasion
,
MA Y. 1733 . 911
sion , et qu'il produit des mouvemens intérieurs
conformes à ceux qu'il represente
, ou qui en sont les effets naturels , de
sorte qu'on se sent touché , émû , attendri
, sans sçavoir comment , ni pouvoir
rendre raison de ce qui se passe dans le
coeur.
>
Ce terme de Sentiment parmi le beau
Monde , se prend encore dans une signi
fication plus étroite , pour la tendresse
que des personnes qui s'aiment expriment
mutuellement dans leurs Ecrits, ou
qui regne dans les Pieces composées exprès
pour l'exciter , mais je m'en tiens à
la signification generale qui renferme
celle cy.
Abondance de Sentiment ne gâte ja
mais un Ouvrage ; au contraire , le trop
d'Invention ou d'Esprit est un deffaut
sur tout dans les sujets passionnez , parce
qu'il n'y a rien qui garde moins d'ordre ,
de mesures , qui s'étudie moins que les
passions un peu violentes. Quide, dit- on ,
est trop ingénieux dans la douleur , il fait
voir de l'Esprit , quand vous n'attendez que
du Sentiment. On remarque dans de trèshabiles
Orateurs , comme dans l'Illustre
M. Fléchier , cet excès d'Invention ou
d'Esprit , des tours un peu trop recherchez
, des figures qui reviennent trop
Dv SOU
9t2 MERCURE DE FRANCE
Souvent, ou qui sont poussées au delà des
bornes . Mais on ne se plaindra jamais de
trouver dans un Auteur trop de Sentimens
, chacun en est insatiable . Plus une
Piéce est animée , touchante, pathétique ,
et plus on la dévore avec avidité.
·Dans une Lettre , dit une personne bien
capable d'en juger , il faut plus de Sentiment
que d'Esprit . En effet , le Sentiment
consiste dans une expression simple et
naturelle , mais en même- temps , noble ,
vive , pénétrante , qui ne donne à l'Espit
qu'autant qu'il faut pour gagner le
coeur , et c'est justement ce qui forme le
style de Lettre ..
Les compositions qui demandent da
sublime , veulent aussi plus d'Invention ;
mais elle doit être tellement ménagée ,
qu'elle n'étouff : pas le sentiment. Il faut
moins , il est vrai de celui cy dans
certains sujets où l'on se propose plus de
plaire et de divertir, que de toucher mais
len fur toujours , et on ne sçauroit jamais.
risquer d'en mettre autant que le
sujet en peut porter. Je ne pense pas
que dans une Piéce , de quelque étendue,
on doive ja nais s'arrêter à l'Esprit , sans
aller au coeur , il est même fort difficile
de plaire qu'on ne s'y insinue par quelque
endroit
L'InvenMAY.
1733. 913
L'Invention et le Sentiment se trouvent
admirablement unis et maniez avec
une adresse incomparable dans l'Enéïde ,
sur tout dans le second Livre , qui represente
les furieux transports de Didon ..
L'Esprit y brille sans affectation , et les
Sentimens y sont copiez d'après nature ;
il semble qu'on voit sous ses yeux le
Spectacle de cette Reine désesperée , au
départ du Héros qu'une genereuse résolution
éloigne à jamais de sa personne .
Il semble qu'on entend ses tendres reproches
, qu'on la voit monter sur le Bucher
, er s'enfoncer le Poignard dans le
sein ; on admire Enée , on plaint Didon ;
PEsprit est charmé , le coeur s'interesse ;:
différentes affections se succedent ; c'est
une espece de ravissement qu'on éprou
ve , à moins que d'être stupide et insensible..
L'Ectiture Sainte dans sa noble simplicité
, montre quelquefois de l'Invention
; on y trouve des figures , des couleurs
, des traits aussi frappans , qu'on en
puisse désirer. Peut- on rien de plus vif
et de plus brillant , par exemple , que la
Description du Cheval , dans le 39 ch ..
de Jobs Il y a certainement de quoi satis
faire l'esprit et l'imagination ..
Mais ces. Livres divins sont sur tout
D.vj
admi
914 MERCURE DE FRANCE
admirabl s par les Sentimens ; c'est en
quoi ils excellent ; les sujets y sont touchez
d'une maniere si naturelle , si insinuante
; les caracteres y sont si justes
les Portraits si parlans , qu'on ne peut se
deffendre d'en ressentir les secretes impressions.
3
Quoi de plus sensible et de plus touchant
que l'histoire de Joseph , r connu
par ses Freres , telle que nous la voyons
décrite dans la Genese ? Toutes les cir
constances y sont amenées avec tant de
justesse et placées dans un jour si favorable
, qu'elles saisissent le coeur et tirent
presque les larmes des yeux . On sent l'embarras
, l'inquietude , les agitations des
freres ; on p´netre le trouble et les remords
d une conscience qui se reveille
dans l'adversité , et qui les force de se reprocher
un crime dont ils reconnoissent
la juste punition . On entre naturellement
dans le coeur de Joseph ; on y découvre
la droiture , la piété , la tendre affection
des freres si dénaturez . On s'imagipour
ne entendre ces paroles qui sont pour
eux , comme un coup de foudre : Je suis
Joseph que vous avez vendu en Egypte.
on diroit que les voilà abbattus , prosternez
, n'osant lever les yeux, se jugeant
des victimes destinées à la mort , pouvant
MAY. 17337
915
vant à peine se rassurer par la douceur
et la bonté de celui dont ils redoutent
la vengeance. Voilà ce que c'est que les
Sentimens dans une narration , qui paroît
toute simple et sans art.
Tel est encore le jugement de Salomon .
La nature même y parle , et c'est la nature
qui produit le sentiment , ou plutôt
qui en est la source feconde ; c'est delà
qu'il se puise , et on ne le trouve point
ailleurs ; de sorte qu'une Piéce , qu'un
Livre où il n'y auroit point de naturek,
n'auroit aussi ni goût ni sentiment.
Voilà , ce me semble , l'idée qu'on attache
communément aux termes d'Invention
et de Sentiment , lorsqu'on parle
des Ouvrages d'Esprit ; c'est l'usage et
Fapplication qu'on voit les personnes
de mérite et éclairées en faire dans les
conversations ou dans leurs Ecrits.
S. L. SIMONNET , Prieur ,
Curé d'Heurgevilly.
Ce 21 Mars 1733 .
BOU
916 MERCURE DE FRANCE.
BOUQUET.
A M* de *** , l'un des 20 de l'Academie
Royale de Soissons.
Far L. P. R. D. L. O
L'Aurore avare de ses pleurs ,
Et Zéphire de son haleine ,.
Fourroient suspendre encor la naissance des
Acurs ,
Que je n'en serois pas en peine..
Pour un favori d'Apollon ,
A qui mon coeur doit rendre un tribut légis
time ,
ne faut que des fleurs, que sur la double
Cime ,
Il a cueilli cent fois , lorsqu'ami de la Rime ,
Ses Vers ont enchanté tout le sacré Vallon.
De * e * daigne donc en agréer l'homage ,
A peine aux chastes Soeurs ai-je annoncé ton
nom ,
Que toutes s'empressoient d'en faire l'assem
blage
Mais Calliope enfin disputant l'avantage ,
>>>La
MAY. 173:3. 917
La Fête , a- t- elle dit , qu'on celebre aujour
d'hui ,
→ Est d'un mortel , l'objet de ma….
trême ,
tendresse ex
Un Bouquet pourroit - il être digne de lui ,
Si je ne le faisois moi-même y
Dès sa plus jeune saison ,
Ma main versa sur lui les faveurs du Permesse
A tant d'esprit et de noblesse ,
Tout reconnut en lui mon plus cherNourrisson,
Minerve même en fut jalouse ;
Les Graces murmuroient de trouver un Rival ,,
Il seroit encor sans égal ,
S'il étoit encor sans * Epouse..
LETTRE de M. Titon du Tillet
M. de la R..
M
...
ONSIEUR ,
'ai lû dans votre Mercure du mois de
Mars , P.481.une Lettre qui m'est addressée
au sujet de l'Edition du Liv , intitule
le Parnasse François , que j'ai donnée :
Dame d'un esprit peu ordinaire.
L'année
18 MERCURE DE FRANCE
l'année derniere. Si je connoissois l'Auteur
de cette Lettre , je lui addresserois
ma réponse , et je le remercirois plus am
plement que je ne le fais icy , de la maniere
avantageuse dont il parle de cet
Ouvrage qu'il veut bien traiter d'Excellent
, et qu'il marque ne pouvoir être que
d'une extrême utilité et d'un agrément infini
à ceux qui voudront connoître le genie des
Poëtes et des Musiciens François , que mon
zele et mes travaux n'immortalisent pas
moins , que les Ouvrages qu'ils ont laissez.
Les louanges qu'on me fait l'honneur
de me donner sur mon zele, me font des
plus agréables , et je les reçois volontiers;
Personne ne pouvant en avoir davantage
pour la gloire de notre Nation et pour
celle des grands Hommes qu'elle a produits.
A l'égard des louanges qu'on me
donne sur mes travaux pour célébrer le
génie et les talens de nos. Poëtes et de nos
Musiciens , je sens que je suis encore bien
éloigné de la perfection où j'aurois souhaite
porter un pareil Ouvrage ; c'est
pourquoi je suis tres-obligé à celui qui
m' crit des Remarques ,dont il veut bien
me faire part sur quelques fautes qui ont
pû s'y glisser. Je reçois donc , avec plaisir
, ses Remarques , mais il me permettra
de lui dire que la plupart des fautes
qu'il
MA Y. 1733 .
1
919
qu'il a trouvées dans cette Edition ne me
paroissent pas réellement des fautes , où
que si elles en sont , elles ne sont pas .
bien essentielles.
Il prétend que le nom de des Iveteaux
doit commencer par un Y et non pas un
I ; cependant de Vigneul Marville 1 qui
fait un article assez étendu de des Iveteaux
, écrit ce nom par un I simple, de
même qu'il l'est dans le Dictionnaire de
Moreri . Il est vrai que Baillet , au cin .
quiéme volume des Jugemens des Sçavans ,
le met par un Y. L'Imprimeur auroit du
mettre dans mon Livre , à l'article des
Iveteaux , le premier v consonne , comme
il l'a mis à la Liste Alphabetique des
Poëtes et des Musiciens.
On doit écrire , dit l' Anonyme , Lulli ,
et non pas Lully , car c'est faire un nom
François d'un nom Italien. Je sçai bien
que les Italiens ne se servent point dans
leur Alphabet des Lettres K, X , Y ; c'est
pourquoi je ne dirai pas si Lully avoit
voulu mettre un Y à son nom , étant
dans son Païs , ou s'il l'a pris depuis qu'il
se fit naturaliser François ; mais il est certain
qu'il signoit Lully , avec un Y; c'est
ainsi qu'on peut le voir sur differens
1 Mélanges d'Histoire et de Litterature ;
tame 3.
Exem920
MERCURE DE FRANCE
Exemplaires imprimez , qui sont encore
aujourd'hui chez Ballard , paraphez de sa
propre main , de cette maniere , J. B.
Lully , &c.
Dans tous les Opéra que Lully a fait
imprimer et dans toutes les Epîtres Dédicatoires
au Roy, son nom est toujours
terminé par un Y , &c. Le nom de ce
fameux Musicien , mis au bas de son Portrait
gravé , est avec un Y. Charles Perrault
, dans ses Hommes Illustres , l'écrit
de même ; enfin la famille de Lully , qui
lui a fait élever un superbe Mausolée dans
P'Eglise des Petits Peres à Paris, a fait mettre
dans l'Inscription , son nom gravé
par un Y. Son fils et son petit - fils dans
leur fignature , mettent de même un Yà
leur nom . Il est vrai que dans le Dictionnaire
de Moreri on a écrit Lulli .
Il marque que le nom d'une illustre Chanteuse
est tout - à-fait défiguré , qu'on doit
écrire Mlle de Leufroy , et non pas Mlle le
Froid. Je répondrai que je connois cette
Demoiselle depuis plus de trente ans ,
qu'elle m'a fait l'honneur de m'écrire , et
qu'elle signe , le Froid , comme je l'ai
écrit. Il y a huit jours que je lui rendis
visite chez elle , ruë S.Loiiis dans l'Isle ;
elle me confirma qu'elle , ni son pere , ni
sa mere n'avoient jamais signé leur nom
autrement que le Froid.. A
MAY. 1733 . 527
A l'égard du nom du Président Nicole
qu'il croit devoir être écrit avec deux L,
comme Bayle le met dans son Dictionnaire
; je lui dirai qu'il n'est pas surprenant
que Bayle dans plus d'un million de
noms propres qu'il rapporte dans cet Ouvrage
, n'ait mis un L de plus qu'il ne
faut à ce nom ; mais que le celebre Nicole
, Auteur de plusieurs excellens Ouvrages
de Morale et de Piété, ne mettoit
qu'un Là son nom (comme on le voit dans
Moreri)et que dans les Oeuvres Poëtiques
du President Nicole, son parent, avec son
Epître Dédicatoire au Roy , imprimée
chez Charles de Sercy , Paris , 1670 &
1693. le nom de Nicole n'est écrit qu'avec
un L , de la maniere dont M. Nicole
, Lieutenant General et Président du
Présidial de Chartes , petit- fils du Poëte,
dont j'ai fait mention , signe encore son
nom aujourd'hui ,
J'ai écrit Montreul ( de même qu'il est
dans le Moreri ) en marquant qu'il faut
prononcer Montreuil celui qui me fait
part de ses Remarques dit qu'il faut écri
de Montereul , comme le marquent Pellisson
et l'Abbé d'Olivet , dans leur Histoire
de l'Académie Françoise ; pour moi
j'ai crû pouvoir faire le nom de Montreul
de deux sillabes , parce que Baillet , Mo-
•
reri
922 MERCURE DE FRANCE
.
reri, et Despréaux le font de même.com.
me on le voit dans ces Vers :
On ne voit point mes Vers , à l'envi de Mons
treuil ,
Grossir impunément les Feuillets d'un Recueil.
Montreuil , lui-même écrivoit , selon
toutes les apparences , son nom de cette
maniere ; ses Oeuvres avec son Epître
dédicatoire à M. Molé , et son Portrait
gravé au commencement , en sont des
prenves , car son nom y est par tout écrit,
Montreuil.
Voici des fautes qu'il m'objecte avec
raison . Les noms de Beüil , de Pillet , de
Pilles , sont mal écrits ; on doit mettre du
Bueil , de Pilet , de Piles ; aussi dans l'Edition
de mon Livre a t on mis quatre
ou cinq fois de Piles, et une seule fois de
Pilles. Il faut joindre aussi , comme il le
marque , les sillabes de chacun de ces
Noms, Lalande, Desmarets ; au lieu qu'on
les a séparé , la Lande , des Marets.
Je crois qu'il a raison de dire , qu'on
doit écrire Amfrye de Chaulieu, ou peutêtre
Affie , comme e l'ai mis dans le
premier Essai que j'ai donné de la Des
cription du Parnasse François , parce qu'il
est écrit de même sur les Registres mor
tuaires de l'Eglise du Temple,à Paris ; et
je
MAY. 1733 . $23
je pourrois bien avoir mal fait d'avoir
mis Auffre dans cette seconde Edition ,
sur ce que m'a assuré un célébre Académi
cien, qu'il falloit l'écrire de cette maniere ,
et comme il est imprime dans le Mercure
de Juillet 1720 .
Pour ce qui regarde quelques dattes de
la naissance , de la mort et de l'age des
Poëtes et des Musiciens dont je fait mention
, il n'est pas aisé parmi plus de trois
mille dattes , comprises celles de l'impression
de leurs Ouvrages , qu'on mette
quelquefois un chiffre pour un autre ;
mais dans huit ou dix endroits où il me
reprend sur ces dattès , qui ne sont pas
exactes , l'erreur ne va pas à quinze jours
de plus ou de moins, ou s'il va plus loin ,
comme peut être au seul article de Daniel
Huet , où l'on a marqué sa mort en
1711 , au lieu de 1741. pour lors le Leeteur
peut y suppléer facilement, et recon-
Loître l'erreur, parce qu'ayant mis à l'intitulé
de son article ; Daniel Huet , né en
1630. mort en 1711. âgé de 91 ans ; on
voit clairement qu'il faut mettre 1721 .
afin qu'il eut 91 à sa mort ; d'autant plus
que j'ai placé les Poëtes et les Musiciens
par ordie chronologique , ayant mis devant
Daniel Huet , l'Abbé de Chaulieu
M. Dacier , et Jacques Vergier , tous les
trois
24 MERCURE DE FRANCE
trois morts en 1720. cependant on a corrigé
cette faute à la main , dans la plus
grande partie des Exemplaires ; de même
que quatre ou cinq autres principales.
Santeuil est mort dans sa 68.année , au
lieu que je l'ai mis dans sa 67. et Thomas
Corneille dans sa 85. année , au lieu
qu'on l'a mis dans sa 84.
Il marque aussi d'après l'Abbé d'Oli
vet , dans son Histoire de l'Académie
Françoise , que du Ryer est mort en 1658.
et non pas en 1656. j'ai suivi cette detniere
datte d'après Ballet , Bayle et Moreri
, qui mettent la date de sa mort en
1656. on peut la vérifier sur les Regis
tres Mortuaires de la Paroisse de S. Gervais
, où il a été inhumé ; j'ai cependant
beaucoup de confiance en l'Abbé d'Olivet,
pour ce qui regarde les Académiciens
dont il a écrir la Vie , et je m'en
suis servi utilement dans cette seconde
Edition pour quelques-uns de nos Poëtes,
qui étoient de l'Académie .
J'ai omis , dit- il , les dates du temps
de la naissance de Ségrais , de Fléchier ,
de la Monnoye , de Valincour, du Pere
du Cerceau. J'ai négligé de mettre quelquefois
ces dates , parce qu'ayant mis
l'année de la mort d'une personne et celle
de son âge , on trouve aisément celle de
sa naissance.
,
MAY. • 1733.
925
Je n'ai pas oublié , comme il le marque ,
le Poëte de Lingendes , qu'il nomme Jean
au lieu de Pierre , cat Jean de Lingendes ,
parent de celui - cy , étoit un celebre Prédicateur
, qui fut nommé à l'Evêché de
Sarlat , puis à celui de Mâcon , et le
Pere de Lingendes , Jésuite , son cousin ,
aussi Prédicateur de réputation , s'appelloit
Claude. J'ai fait un article de Pierre
de Lingendes avec Montfuron , qui est
l'article LIII. pages 210. et 211. où
j'ai rapporté la maniere dont l'illustre
Mlle de Scudery , a celebré ces deux Poëtes
, au Tome 8. de son Roman de Clélie
, et que Barbin , dans son Recueil de
Poësies choisies , Tome 3. a donné des Vers
de Lingendes.
Boësset le pere , et Boësset le fils , Musiciens
, ne sont pas non plus oubliez ,
comme il le dit , j'ai marqué l'article de
Lambert ,, ppaaggee 339922.. »» qquuee de son temps.
il parut plusieurs Musiciens qui sui-
» virent ses traces , c'est- à- dire qui tra-
» vaillerent dans un goût tendre et gra-
>> cieux ; on doit mettre de ce nombre
»Boësset et le Camus , tous deux Maîtres
>> et Compositeurs de la Musique de la
» Chambre du Roy , qui s'acquirent de
» la réputation , par leurs Chansons ; on
"peut mettre aussi de ce nombre Boësset
;
}
926 MERCURE DE FRANCE
» set le fils , Mollie , Sicard , Moulinić ,
» du Buisson , &c. les Recueils de leurs
» Airs sont impriméz chez J. B. Chris-
»tophe Ballard.
A l'Article de Campistron , j'ai dit qu'il
composa par ordre du Duc de Vendôme ,
une Piece Lyrique , pour être chantée
en son Château d'Anet , où Monseigneur
le Dauphin passa quelques jours , j'aurois
bien fait de dire que cette Piece est
intitulée , Acis et Galatée , Pastorale Héroïque
, représentée en 1687. à Anet , et
la même année sur le Théatre de l'Opéra.
L'Auteur de ces Remarques auroit souhaité
que j'eusse fait mention dans l'ordre
chronologique des Poëtes et des Musiciens
de Jean Dasjac , de l'Académie
Françoise , homme connu par divers Ouvrages
en Prose Latine et Françoise , et
qui a composé aussi quelques Vers François
et Latins ; mais j'ai fait connoître
que mon dessein n'étoit pas de faire paroître
sur le Parnasse tous les François
qui se sont exercez dans la Poësie , dans
la Musique. J'ai crû même avoir trop
entrepris d'en présenter à Apollon plus
de 260. outre quatre ou cinq cens autres
dont j'ai rapporté seulement les noms,
et que j'ai dit qu'on pouvoit supposer s'y
promener
MAY. 1733 928
promener dans les Avenues riantes et
dans les Campagnes agréables qui environnent
le Parnasse , en attendant qu'Apollon
décide de leur sort. Je sçai bien
qu'il ne seroit pas difficile de mettre encore
les noms de plus de 200. autres François
qui ont donné au Public quelques petites
Poësies , et quelques Pieces de Théatre
; on trouve leurs noms entre ceux
de plusieurs autres Poëtes dont j'ai fait
mention sur le Parnasse . 1º . Au cinquiéme
volume des Jugemens des Sçavans
sur les Poëtes modernes , par Baillet . 2 ° .
Dans un Livre intitulé , Bibliotheque des
Théatres , qui vient de paroître en cette
année 1733. 3 ° . Dans les Recueils de Poësies
de Sercy , de la Fontaine , de Barbin ,
et du P. Bouhours , & c.
J'ai averti aussi au bas de la premiere
page de mon Livre , que j'avois laissé des
places en blanc,au bas de chaque Rouleau
où j'ai écrit les noms des Poëtes et des
Musiciens de notre Parnasse , et même
dans quelques autres endroits où j'ai mis
une suite d'autres noms de Personnes illustres
dans les Sciences et dans les Beaux
Arts , afin que les Partisans de quelquesunes
dont ils ne voyent point les noms ,
ayent la satisfaction de remplir eux - mêmes
ces vuides ou blancs , en y mettant
E les
928 MERCURE DE FRANCE
les noms de ces personnes ; on verra dans
mon Livre ces places que j'ai laissées en
blanc , depuis la page 35. jusqu'à la
page 45.
Si l'Auteur anonime avoit bien voulu
me communiquer ses Remarques avant
que de les faire imprimer , je crois qu'au
lieu de six pages qu'elles contiennent ,
nous aurions pû les renfermer dans une
demi page , à quoi j'aurois ajoûté une
autre demi page de quelques autres fau
tes sur lesquelles il a bien voulu me ménager;
mais il est bien difficile que dans
un volume in folio de près de 800. pages
, où l'on rapporte plus de 15oc . noms
propres , et plus de 3000. dates en chiffre,
il ne se glisse quelques fautes de l'Auteur
et encore plus de l'Imprimeur. J'a-
Joûterai cependant que je n'en ai point
trouvé de bien essentielles et auxquelles
le Lecteur éclairé ne puisse aisément suppléer.
Je vous prie , Monsieur , si vous connoissez
l'Auteur de cette Lettre , de vou
loir bien le remercier de ma part de la
maniere obligeante dont il a parlé de mon
Livre , et de lui dire que je serai charmé
de faire connoissance avec lui, et de lui
présenter un Exemplaire de cet Ouvrage
dont il témoigne que la lecture lui a fait
plaisir;
MAY. 1733.
929
plaisir ; je ne lui sçai que très - bon gré
des Remarques dont il m'a fait part ,
et je lui en serai toujours obligé , comme
je le serai à toutes les personnes d'éru
dition et de goût , qui voudront bien
m'aider de leurs avis pour perfectionner
un Ouvrage tel que celui que j'ai entrepris.
Je suis , & c .
Qu
LES MUSES,
O'D E.
Uel agréable délire ,
Vient s'emparer de mes sens !
J'entens resonnersma Lyre ;
Ma voix forme des accens.
Et déja , nouveau Pindare .
Je n'ai pour guide et pour Pharé ,
Que l'imagination .
Dans le transport qui m'anime
Rien ne semble illégitime
A ma folle ambition .
M
TA
Chastes Nymphes du Përmesse
Je vais chanter vos talens ;
Secondez ma noble yvresse
A:
2.
E ij
Et
930 MERCURE DE FRANCE
Et rendez mes Vers coulans.
Vous , Mortels , faites silence ,
Vous,qu'on voit dans l'indolence
Ennemis de leurs travaux >
Pour apprendre qu'à leur suite
Je trouve le seul mérite ,
Qui peut nous rendre inégaux.
Quelle naïve peinture ! (a)
Reconnoissez -vous, Humains ;
L'Art bien moins que la Nature ,
A fait ces Portraits malins.
Par ce charmant artifice ,
On peut détruire le vice ,
Sans qu'il en tremble d'effroi.
Quiconque veut se connoître ,
Est bien - tôt ce qu'il doit être ,
En suivant sa douce Loi.
*
Qui vient embellir la Scene ;
Par les attraits de l'Amour ?
C'est la fiere Melpomene , (b)
Avec sa brillante Cour.
Je cains , j'espere sans cesse.
Tout me plaît , tout m'interesse
(a) La Comédie.
(b) La Tragédie,
C
PA
MAY. 1733. 938
Par divers objets émů.
Mais mon coeur toujours frissonas ,
Jusqu'à ce qu'elle couronne ,
La justice ou la vertu.
Une Peinture mouvante,
M'offre les vents en fureur ;
Et l'Amant avec l'Amante ,
Se marquant leur tendre ardeur.
Ici , cet Art (a) à ma vûë ,
Peint Alecton éperdue ,
Du sang qu'elle a répandu.
Là , mille Beautez Champêtres ,
Expriment dessous des Hêtres ,
Ce qu'Amour a d'ingenu.
Jusqu'à la Voûte étoilée ,
Mille Concerts (b) amoureux
Portent à la Troupe aîlée ,
Le triomphe de ses feux ..
Tout retentit à Cythere
Des louanges de la Mere ,
De ces aimables Vainqueurs.
Tandis qu'un Essain de Belles ,
(a) La Danse.
(b) Les Poësies amoureuses .
E- iij Par
932 MERCURE DE FRANCE +1
Par ces doux Chants moins rebelles ,
Accordent leurs tendres coeurs.
Sur un Trône d'harmonie ,
Euterpe (a) s'offre à mes yeux ;
Les Mortels par son génie ,
Sont vaincus comme les Dieux.
Rien ne lui fait résistance;
Elle établit sa puissance ,
Par l'appas de ses accords ;
Et va porter ses conquêtes ,
Jusques aux sombres retraites ,
Du cruel Tyran des Morts.
M
Aux charmes de l'Eloquence , (6)
Tout cede dans l'Univers.
Thémis avec sa balance
Gémit souvent dans ses fers.
De la cime des Montagnes ,
Un Torrent dans les Campagnes ,
Vient regner moins aisément
Qu'elle ne prend un Empire ,
Sur tout Etre qui respiré ,
Doué de raisonnement.
a
(a) Là Musique.
(b) L'Eloquence,
MAY.
1733 933
En vain le Temps sur ses aîles ,
Emporte tout ce qu'il fait.
Une des neuf Immortelles , (a)
Nous révele son secret .
Des Favoris de Bellone ,
Sa main sans cesse crayonne ,
Tous les belliqueux exploits :
Sans elle , en vain Alexandre ,
Eût prétendu que sa cendre ,
Fût le modele des Rois.
Quelle est la main ( 6) qui nous ouvre ,
Le séjour des Immortels ?
Tout l'Olimpe se découvre
A nos regards criminels .
Cette vaine connoissance ,
Enflamme notre esperance ,
Qui fait des efforts , des voeux ;
Pour jouir de l'avantage ,
De bien connoître un Ouvrage
Qu'ils ne firent que pour eux.
M
Héros , dont la récompense ,
N'est que l'immortalité ;
(a) L'Histoire.
(b) L'Astronomie.
E iiij De
934
MERCURE DE FRANCE
De la voix (a) qui la dispense`,
Connoissez l'autorité.
Comment sçauroit- on que Troye,
Devint la celebre proye ,
D'Achille et d'Agamennon ,
Sans cet Art que tout admire ,
Qui peut seul par son Empire ,
De l'oubli sauver un nom ?
Filles du Dieu du Tonnerre ;
Ce n'est qu'en vous imitant ,
Qu'on peut briller sur la Terre ,
Par un mérite éclatant.
Pour quiconque vous ignore
L'Astre qu'annonce l'Aurore ,
Triomphe en vain de la nuit ;
Aussi puni que Tantale ,
Ce qu'à ses yeux il étale ,
En le séduisant le fuit.
(a) Le Poëme Epique.
LET
MAY. 1733 935
LETTRE à M. de la R. contenant
quelques particularitez sur la personne
et la Vie de M. Aubert , Doyen des
Avocats de Lyon.
MONS ONSIEUR ,
L'éxactitude scrupuleuse que vous fai
tes paroître dans l'Ouvrage périodique
qui attire l'attention du Public et des
Gens de Lettres , depuis que vous y
donnez vos soins , m'engage à vous addresser
quelques Memoires sur la Vie de
M. Aubert , dont vous nous annoncez la
mort dans le Mercure du mois de Mars
dernier. J'ose me flatter que vous vou
drez bien leur donner une place dans
celui que vous avez actuellement sous la
presse. Persuadé , comme je le suis , Monsieur
, que l'article inseré dans votre dernier
Mercure à son sujet , ne peut venir
que de quelque personne qui n'est
pas bien au fait de ce qui regarde cet
homme célebre , sur la vie duquel j'ai
l'honneur de vous adresser le Mémoire
cy-joint ; j'oserai relever quelques endroits
de ce même article de votre Jour-
E v nal
936 MERCURE DE FRANCE
Il
nal du mois dernier , qui m'ont parû
répréhensibles , par rapport à l'exactitude
qui n'y est pas tout à fait observée.
1°. M. Aubert est mort à 91. ans et
non pas à 94. en voici la
preuve.
est né , comme je le dis dans mon Mémoire
, le 9. Février 1642. et il est mort
le 18. Février 1733. Voyez son article
dans la Bibliotheque des Aureurs , mise
à la tête du Richelet.
2. On ne doit pas dire qu'il ait commencé
à travailler aux augmentations du
Dictionnaire de Richeler à l'âge de 90.
ans. Comment , en effer , cela pourroit
il être , puisque ce Livre étoit déja sous la
presse dès la fin de l'année 1723. quoi,
qu'il n'ait été achevé d'imprimer qu'en
1728 ? Il est clair par la date de sa naissance
, que je viens de citer , qu'en 1723,
il n'avoit que 8r. ans , et il n'est pas
moins certain , puisque c'est de lui- même
que je le tiens , qu'il a commencé à tra
vailler aux augmentations de ce Diction
naire plus de 15 ans auparavant qu'il le
donnât à l'Imprimeur. Par conséquent il
n'avoit guéres que 65. lorsqu'il entreprit
ce travail. Une pareille erreur seroit capable
, si elle n'étoit pas relevée , de décréditer
un Livre aussi important qu'est
le Dictionnaire de Richelet ; en un mor,
une
MAY. 1733 937
une Encyclopédie de la Langue Françoise
, qui sera toûjours estimée des personnes
doctes et de tous les gens de bon
goût. Je suis avec toute la considération
possible , &c.
A Paris de 12. Avril 1733 .
L. B. D.
PIERRE AUBERT , Avocat , nâquic
à Lyon le 9. Février 1642. Ses premieres
études de Grammaire et de Rhétorique
commencerent à développer son
génie , et ses heureuses dispositions pa
furent bien-tôt dans tout leur jour. Quoique
fort jeune, l'amour des Belles-Lettres
qu'il possedoit au souverain degré
, lui faisoit dévorer tous les Livres
nouveaux qui paroissoient alors , et par
un jugement déja formé , il y prenoit
tout ce qui pouvoit contribuer à la po
litesse de son style et à lui inspirer des
pensées également vives et délicates . La
Poësie même l'amusa pendant quelque
temps . A l'âge de 16. à 17. ans , il vit
par hazard un Roman intitulé , le Voyage
de l'Isle d'Amour , qui lui fit bien -tôc
concevoir l'idée d'en écrire le Retour. I
ne s'étoit proposé de communiquer ce
petit travail qu'à ses plus chers amis ,
E vj mais
938 MERCURE DE FRANCE
mais l'évenement ne répondit point à ses
intentions ; car après le cours de ses études
, ayant quitté pour quelque temps
la Province , afin de puiser le bon goût
dans la Capitale du Royaume , qui est la
source de la belle Litterature , son pere
profita de son départ , et de concert avec
ses amis , fit imprimer cette legere ébauche
de l'esprit d'un jeune homme , qui
dans la suite a fait l'ornement et la gloire
d'un Corps dont il étoit un si digne
Membre.
De retour à Lyon , il donna toute son
application à l'étude du Droit , et prit
ensuite le parti du Barreau . Le succès des
premieres Causes qu'il plaida sembloit
l'inviter à continuer , mais une santé foible
et délicate interrompit sa course et
l'obligea de prendre une autre roure pour
parvenir à une gloire qui n'est pas solide.
Ce seroit sans doute ici le lieu de
rapporter quelques traits singuliers de la
vivacité de génie et de la présence d'esprit
de ce célebre Avocat Consultant ;
mais comme je me suis seulement proposé
de donner des Mémoires sur les
principales actions de la vie d'un homme
qui m'a honoré de son amitié , je me
restreindrai donc à en rapporter ici les
circonstances les plus essentielles , persuade
MAY. 17337 939
suadé qu'elles ne pourront qu'être bien
reçûës de ceux qui ne se sont point laissé
prévenir par de faux préjugez , ou par
une jalousie indigne des veritables gens
de Lettres .
Il fit pendant plusieurs années la fonction
de Procureur du Roy dans la Jurisdiction
de la Conservation des Privileges
des Foires de Lyon , si fameuses
même parmi les Etrangers . Son esprit
et sa capacité lui mériterent la protection
de la Maison de Villeroy , et une
amitié mêlée de beaucoup de déférence
de la part du dernier Maréchal de ce
nom . Ce fut aussi ce même mérite qui
engagea la Ville de Lyon à le choisir
en 1700. pour un de ses Echevins . Il
fut nommé quelque temps après Procureur
du Roy de la Police de la même
Ville , Charge qu'il a exercée jusqu'à sa
mort , de même que celle de Juge de
l'Archevêché et du Comté de Lyon.
Malgré les grandes et pénibles occupations
que lui procuroient ces differens
Emplois , l'amour de l'étude étoit trop
profondément enraciné dans son esprit ,
pour ne lui pas donner les intervales de
temps que pouvoient lui laisser les fréquentes
Audiances qu'il étoit obligé d'accorder
à ceux qui venoient le consulter,
C'étoit
940 MERCURE DE FRANCE
C'étoit donc cette violente , mais louable
passion pour les Lettres , qui lui fit
acquerir à grands frais cette Bibliothe
que aussi nombreuse que bien choisie
qui a toujours été ouverre à ses amis
et qui est aujourd'hui , pour ainsi dire
l'héritage de tous les Amateurs des Sciences
, par le soin qu'il a pris de la rendre
publique.
Revenons à ses Ouvrages. H publia
en 1710. son Recueil de Factums , imprimé
à Lyon , chez Anisson , en deux vomes
in 4. Il a été du nombre de ceux
qui commencerent à faire des Assemblées
Académiques , qui furent en 1725. établies
en forme d'Académie reglée par
Lettres Patentes du Roy , sous le titre
d'Académie des Sciences et des Belles-
Lettres.
En 1728. parut son Dictionnaire de
Richelet , avec des Additions d'Histoire
de Grammaire , de Critique et de Jurisprudence
, en 3. volumes in folie , imprimé
chez Duplain . On trouve à la tête
de cet Ouvrage le sentiment de M. Lancelot
sur cette nouvelle Edition du Dictionnaire
de Richelet , où ce célebre Académicien
rend à notre Auteur un témoi
gnage qui fera toujours honneur à sa
mémoire. On y voit aussi un Abregé de
la
MAY. 17337 940
la Vie des Auteurs citez dans ce Dictionnaire
, recueilli par M. Laurent le
Clerc de S. Sulpice de Lyon , connû
dans la République des Lettres par un
grand nombre d'augmentations qu'il a
données pour le Dictionnaire de Moréry,
et par plusieurs autres Ouvrages :
En 1731. se voyant dans un âge trèsavancé
, et son esprit n'ayant encore reçû
aucune atteinte par le grand nombre
d'années , il prit une résolution qui rendra
sa mémoire chere à ceux qui aiment
véritablement le bien et la gloire de leur
Patrie.
Dans l'appréhension où il étoit que
parmi les embarras d'une succession , ses
Climenes , ( c'est ainsi qu'il appelloit ses
Livres ) ne se vissent dans la dure né
cessité de la division , il prit le parti de
proposer à Mrs du Consulat , sa Biblio
theque pour la rendre publique.
Il manquoit depuis trop long- temps.
la gloire de cette seconde Ville du Royau
me , un Monument qui la rendît en quel
que sorte supérieure à une infinité d'autres
Villes , en alliant dans son sein les
Muses et le Commerce , pour qu'une proposition
si importante et si digne des
sentimens d'un parfait Cytoyen , pût être
rejettée par des personnes qui doivent
Se
942 MERCURE DE FRANCE
pu .
se montrer sur tous les autres , jaloux
d'un si beau titre. Elle fut donc reçûë
avec la joye et la reconnoissance que
méritoit un si grand attachement à la
Patrie. Mrs les Echevins , et à leur tête
M. Perrichon , que son mérite personnel
a élevé à la Place de Prévôt des Mar>
chands , et que son zele pour P'utilité
blique , rend cher aux differens Corps de
Négocians qui travaillent avec succès sous
ses auspices , assignerent à notre Auteur
2000. livres de pension pendant sa vie
et 5oo. écus de rente après sa mort à
M. Duchol son Neveu. Ils laissereng
néanmoins au premier le reste de ses
jours , la joissance de ces mêmes Livres,
qui avoient fait les délices de sa jeune se ,
et sa consolation dans un âge plus avancé.
Enfin ayant mis sa chere Bibliotheque
hors d'état d'être jamais divisée , il ne
songea plus qu'à finir en paix sa carriere
dans la retraite de son Cabinet , donnant
toutefois quelques heures de son temps à
ses amis et aux Gens de lettres qui ont
continué de lui rendre visite jusqu'à sa
mort , qui arriva le 18. Février 1733-
Si la Ville de Lyon a l'avantage de recueillir
les fruits du travail de notre célebre
Avocat , par l'utilité qu'elle retire
de ce bel établissement , elle ne pouvoit
mieux
MAY. 94% 1733.
qu'en
mieux marquer sa reconnoissance ,
choisissant , comme elle a fait , pour son
Bibliothequaire un homme versé dans l'a
connoissance des Livres , aussi distingué
dans le Barreau par la profession d'Avocat
, qu'il éxerce avec honneur , que
connu dans la République des Lettres
par les Notes curieuses qu'il a données
sur les Oeuvres de Despreaux , et en
dernier lieu sur celles de Regnier. C'est
par les sages avis et l'étroite amitié dont
il étoit lié avec M. Aubert , que la Ville
de Lyon possede un si riche et si utile
Présent , ensorte que l'on peut dire à
bon droit que cet habile Commentateur
partage la gloire d'un don si précieux
avec le Bienfaicteur même.
*
L. B. D.
Le Miroir , la Chemise et la Poudre à
mettre sur l'écriture , sont les mots des
trois Enigmes d'Avril. Les trois Logogryphes
doivent s'expliquer par Angle
terre , Metz , et Nostradamus.
* M. Claude Brosset , Avocat au Présidial de
Lyon.
ENIGME
944 MERCURE DE FRANCE
J
ENIGM E.
'Elevai jusques aux Cieux
Celle qui me donna l'Etre ;
Je sers à présent un Maître ,
Que je rendrois glorieux ,
Immortel , incomparable ,
S'il sçavoit faire valoir ,
Mon incroyable pouvoir.
Quand je vins à son service ,
Je n'avois tache ni vice.
Dès l'abord il m'arracha ,
La grand' barbe que je porte.
Il faut voir de quelle sorte
De me noircir il tâcha
Mais admirez son caprice ,
M'ayant maltraitée ainsi ,
Il veut tout de même aussi
Que les autres je noircisse .
AUTRE.
DE vingt membres au moins , se compose
mon corps ,
De qui tous, le bon sens n'en produit au dehors,
Que par differens traits de l'humeur la plus noire ,
QuoiMAY.
949 1733
Quoiqu'il en soit , chacun sur ma foi peut me
croire ;
Si mon Art dont l'emploi n'est dû qu'à l'équité ,
Pour établir l'erreur , combat la verité ,
Ce n'est pas qu'il ne soit de soi -même équitable a
L'usage est le défaut qui le rend condannable .
Le Chinois, l'Iroquois , l'Hébreu, le Chaldéen ,
Le Latin , l'Allemand , François , Italien ,
Mille Langues , par moi sur la Terre et sær
POnde ,
Sans voix se font entendre aux quatre coins du
Monde.
ENIGME - LOGOG RYPHE.
J
E suis de ces vivans que la Mer emprisonne,
Sans être des meilleurs
Mon espece foisonne ,
A Paris plus qu'ailleurs.
Tout petit que je suis ,
J'ai pourtant queue et tête.
Ma queue est près Paris ,
Mon chef touche la crête ;
Malgré ces attributs divers
Je ne suis pas en grande estime ;
Lecteur , si tes yeux sont ouverts ,
Tu trouveras bien-tôt la clef de mon Enigme.
LO
946 MERCURE DE FRANCE
H
LOGOGRTPHE.
Uit lettres font mon tout , dont trois fone
même chose.
Pour me faire connoître , évitons , et
Un calcul trop cominun qui va trop
pour cause
tôt au fait
(
Ce calcul , dira- t'on , est plus sûr et plus net ,
J'en conviens , mais ici je t'offre une autre voye.
En six lettres , je suis fort petite monnoye
En cinq , je suis , sans trop de vanité ,
L'ornement et la sureté.
;
Je suis nombre connu , de plus je sçais instruire ,
En quatre lettres , bon , que ne vais - je point dire
Quelle foule d'objets je présenté à vos yeux ?
C'est un Fruit doux et gracieux ;
Une Ville de Normandie ;
Morceau de bois honteux, quoiqu'utile sur l'easy
Ce qui conduit et l'Aigle et le Moineau ;
Petite , mais souvent funeste maladie ;
Une Tribu , Poisson de Mer ;
Instrument plus dur que le fer ;
Autre instrument connu seulement dans la Fables
Femelle qui ne peut produire son semblable ;
Ce que tu lis présentement :
Autre dangereux instrument ,
Que ne devroit porter qu'un sage ,
Jeu d'éxercice violent
Boutique
MAY. 1733 947
Boutique que certain Marchand ,
Porte sur son dos en voyage.
n trois Lettres , ce sont des Etres tout nouveau !
Légume , grain à nourrir maints Oiseaux ,
Un mois chéri de la Déesse Flore ;
Le contraire du bien , peché mortel encore ;
Element qui fait vivre , autre qui fait périr ;
Etre créé , mais qui ne peut mourir ;
Ce qu'on perd à la mort ; herbe de Médecine
Et chemia bien battu ; de plus une Machine ,
Propre à rendre meilleurs et poulet et chapon
Aliment qui convient à la maigre Lisette ;
Le Sectateur d'un faux Prophete ;
Femme de Pancien temps , qu'on ne prie pas;
dit- on ,
Pour être bien belle et bien faite ;
Une Plaine souvent qui bien fort vous maltraiteg
Mais c'en est trop , tu te lasses , Lecteur ,
Finissez , me dis- ty ; je le veux de bon coeur,
AUTRE.
Qut entier je suis bon dans le temps de Ca
rême ; Tout
Otez ma queue , ainsi je suis utile en gras ;
Alors tranchez mon chef , je suis dur à l'extrême,
En cet état , ôtez mes pieds , n'approchez pas ,
De l'endroit où je suis , ou craignez le nauffrage,
Si vous voulez un autre changement ,
Prene
948 MERCURE
DE FRANCE
Prenez mon tout , sans chef, je suis habillement ;
Chez maints Religieux d'un ordinaire usage.
Que voulez-vous encor ? tranchez , tournez ,
virez ,
En moi bien-tôt vous trouverez ,
D'un Convoi l'ornement ; une Notte en Ma
sique ,
Un instrument, un métail magnifique ;
De quoi contenter le buveur ,
Ce qu'il fait lorsque sa bedaine ,
Commence d'être pleine.
L'habillement d'un Sénateur ;
Un Tribunal fameux à Rome ,
Et l'action que fait un homme ,
Alors qu'il change habit , montre, ou manteau,
Contre autre meuble on plus laid ou plus beau .
J
AUTRE.
E suis adverbe , allons , tranchez , tournez ,
virez ,
En moi bien-tôt vous trouverez ,
Le nom d'une très- grande Ville ;
Un mois bien gracieux , certain point qui sou
vent ,
ous fait rire s'il vient en lugubre ornement ,
Certaine chose fart utile 2
A partager un logement ;
Un nom chéri , mais dont l'effet est rare
Et ce qui fair changer le B mol en B carre.
AUTRE
MAY. 1733 949
AUTR E.
" El me nomme souvent , dont je suis peu
connuë ; TEL
Et tel souvent aussi qui ne m'a jamais vuë ,
Sçait à qui j'appartiens , mon sexe , mon Pays ,
Ce que l'on dit de moi , mes moeurs et qui je
suis.
Pour assembler mon corps neuf lettres font
l'affaire ,
Et sans embarasser , ce que je ne puis taire ,
C'est qu'en France souvent , je ne sçai pas pour
quoi ,
Quand quelqu'un va trop loin , on dit qu'il viens
à moi.
Je suis un vrai Prothée , un Monstre de nature ;
Je change à volonté de sexe et de figure :
D'abord si vous voulez me partager en deux ,
Ma seconde moitié se trouve dans les Cieux ;
Otez ce qui me nuit , alors l'autre partie ,
En Maître Souverain préside en Italie.
Or sus , rassemblez - moi , sçachez m'apareiller',
Coupez , taillez , rognez, sçachez bien m'habiller
Je divise les temps , deviens une mesure ;
Je suis un corps leger,dont on craint la piquure,
Comme d'un vieux Serpent , d'où coulent
douceur
L'amertume , l'encens , les caresses , l'aigreur ;
Il n'est en la Nature homme qui ne me fuye ;
De
so MERCURE DE FRANCE
De plus je suis un Dieu ; sans moi rien n'a la vie;
J'éclaire , aux chicaneurs je suis d'un grand
secours ,
A tous les criminels je prolonge les jours ,
Adverbe j'affoiblis , je suis dans la Musique.
Mes changemens se font suivant que l'on m'apè
plique.
Après cela , Lecteur , qui ne devinera ;
Ce que je n'ai point dit , en trois lettres sera.
康康
NOUVELLES LITTERAIRES
N
DES BEAUX ARTS , &c..
pour
Ous avons promis dans le dernier
Mercure de donner des Notions
plus étendues du Traité de l'opinion.
C'est satisfaire à cet engagement
,
que nous allons insérer icy une partie de
l'Extrait de cet Ouvrage déja devenu célébre.
Le Titre est heureux et bien rempli
; la variété des matiéres et l'abondance
des recherches fournissent d'excellens
Mémoires pour servir à l'Histoire de
'Esprit humain ; et ces Mémoires tendent
naturellement à nous convaincre
que l'opinion domine dans le plus grand
nombre des travaux que l'efprit entreprend
MAY. 1733
951
prend. Ce Traité contient le précis des
opinions les plus remarquables sur chaque
science , joint à des réfléxions d'un
grand discernement , et à plusieurs choses
nouvelles. D'un côté , les découvertes et
les progrès de l'esprit humain embellissent
son histoire ; de l'autre , les sentimens
les plus outrez , les faits les moins
honorables à l'esprit sont tournez à son
instruction et à son avantage par le but
général que cette lecture lui propose; les
sciences occultes sont tirées de l'obscurité
où elles affectent de se cacher. » Un
» Poëte moderne , dit l'Auteur , a appel-
» lé les Bibliothéques :
Des sottises de l'homme orgueilleuses archives:
» L'Esprit verra icy au contraire les tres-
» humbles archives d'un grand nombre
» de ses égaremens ; le moyen de répri-
» mer une curiosité illicite , c'est de la dé-
» sabuser pleinement , et pour ainsi dire,
» de l'assouvir.
L'Auteur avertit à la fin du premier
Chapitre , qu'il citera simplement par
leurs noms tous les Auteurs décédez ; et
c'est un exemple qui peut affranchir les
Gens de lettres de la bizarrerie d'un usage
, qui sans aucun fondement , traite
certains noms avec plus de distinction et
F de
952 MERCURE
DE FRANCE
de politesse les uns que les autres.
Après plusieurs réfléxions très-sensées
sur l'usage de la Science , on trouve une
Dissertation curieuse sur les Auteurs.Les
exemples des Souverains et des Grands
Seigneurs qui ont composé desOuvrages,
font connoître que les Lettres n'ont pas
toujours été regardées comme un obstacle
aux vertus militaires.
Le quatrième Chapitre prouve que
l'Eloquence consiste dans l'opinion . Le
sentiment de Longin et de Montagne ,
que l'Eloquence ne se forme que dans les
Képubliques , y est réfuté. Le Chapitre
qui suit , expose les reproches faits à la
Poësie et sa deffense ; il est principalement
rempli des jugemens contraires des
Critiques , des caprices , des productions
de l'esprit , et des variations du goût. Le.
sixième Chapitre contient plusieurs exemples
du Pyrrhonisme de l'Histoire, sur les
faits les plus importans. On trouve dans
le dernier Chapitre un précis des Opinions
Chronologiques , et de la supputation
du temps chez différents peuples.
L'explication des Périodes Julienne et
Louise , dont la premiere est de l'invention
de Joseph Scaliger , et la seconde
du Pere Jean-Louis d'Amiens Capucin
finit par cette réfléxion . » Il ne manque à
» la
MAY. 1733 1959
5 la seconde Période, qu'un nouveau Sca-
» liger , pour lui donner cours ; car ce
» qui est présenté avec humilité et mo-
» destie , et qui n'est point revêtu de l'é-
» clat de l'autorité ou de la réputation
» n'a guéres plus de succès dans l'Empire
» des Lettres , que dans celui de la fortu
» ne , et l'opinion , à cet égard , domine
» presqu'autant sur les Sçavans , que sur
» le Peuple.
Le premier Chapitre du second Livre
remonte à la source de l'Histoire de la
Philosophie , et fait voir qu'elle a commencé
avec le monde . L'Auteur pénétre
dans l'Antiquité la plus reculée , pour
sauver du naufrage des temps ce qu'on
peut apprendre de la Philosophie des
Patriarches , des Egyptiens , des Chaldéens
, des Gymnosophistes , des Phéni
ciens , des Perses , des Libyens , des Chinois
, des Thraces , des Druides ; les différentes
opinions sur Mercure Trismégis
te et sur Zoroastre y sont exposées , et le
Chapitre est terminé par une Histoire
succinte des Sages de la Grèce.
Dans le second Chapitre , l'Auteur décrit
le commencement de la Philosophie
chez les Grecs ; sa division dans les
deux Ecoles , Jonienne et Italique , et
' Histoite de la Philosophie , depuis que
Fij Thales
954 MERCURE DE FRANCE
Thalés établit l'Ecole Jonienne à Miler
jusqu'à ce qu'Anaxagore la transféra à
Athénes .
Dans le troisiéme Chapitre , les temps
lumineux de la Philosophie commencent
par Socrate. Il y est trairé des cinq Sectes
, sorties de l'Ecole de Socrate , de Platon
et de ses disciples , des cinq Académies
, des plus célébres Platoniciens , et
des diverses opinions qui en différens
temps ont eu cours sur la Philosophic
Platonicienne.
L'Histoire d'Aristote , les louanges excessives
données à ce Philosophe , une
Dissertation sur la Logique, et les Révolutions
de la Secte Péripatéticienne remplissent
le quatrième Chapitre ..
Les Chapitres suivans contiennent
l'Histoire des Cyrénaïques , des Sectes
Erétrique et de Mégare , des Cyniques ,
des Stoïciens , des Pyrrhoniens , des Pythagoriciens
, de la Secte Eléate, des Epicuriens
, de la Secte Eclectique , de la
Phylosophie moderne ; et les deux derniers
Chapitres sur l'Histoire de l'Astronomie
et de la Médecine rendent cette
Histoire de la Philosophie complette et
tres-curieuse.
Dans le Chapitre quatorziéme, qui trai
te de la Philosophie moderne , il est ob
*
servé
MAY. 1733 955
>
servé que les Sciences ons passé trois fois
de la Gréce dans l'Occident ; la premiere
, lorsque les Romains les puisérent en
Gréce ; la seconde , lorsque les François ,
après avoir pris Constantinople , rapportérent
du Levant les Ecrits d'Aristote , avec
les Commentaires des Arabes ; la troisiéme
, lorsqu'après la destruction de l'Empire
d'Orient par Turcs les , les Sçavans
e de la Grèce chercherent une retraite en
Italie.
>>>
Nous nous servirons ( ajoute le judi-
» cieux Auteur ) de cette Epoque du ré-
» tablissement des Lettres , après la prise
» de Constantinople par les Turcs , dans
» le milieu du quinziéme siécle , comme
» d'une Epoque fixe , propre à séparer les
e » Anciens des Modernes, donnant la qualité
d'Anciens à tous ceux qui ont précédé
ce terme , et celle de Modernes à
>> ceux qui ont paru depuis.
-
Pour donner une idée du style de l'Oui
vrage , insérons icy ce Passage , tiré du
seizième Chapitre qui contient l'Histoire
de la Médecine. » Dans le même temps
» florissoit Asclepiade , originaire de Bithynie.
Nous avons observé que les des-
» cendans d'Esculape s'appelloient Asclépiades.
Ils portoient ce nom , comme
» issus d'Asclepius , qui est le nom Grec
>>
F iij
d'Es956
MERCURE DE FRANCE
d'Esculape. Asclepiade , originaire de
" Bithynie , n'eut rien de commun avec
cette famille , que sa profession et son
nom. Il vint s'établir à Rome ; il pro-
» mettoit de guérir sûrement , prompte.
» ment et agréablement ; c'est ce qui se-
» roit à souhaiter , dit Celse ; mais il y
» a ordinairement du danger à vouloir
» guérir trop vite , et à ne se servir que
» de remédes agréables. Asclepiade rejet-
» toit toute la doctrine d'Hippocrate ,
» qu'il appelloit une Méditation de mort.
» Il se faisoit un principe d'accommoder
» ses ordonnances aux désirs de ses mala-
» des ; il profita de l'exemple d'Archagantus
, qui s'étoit rendu odieux , environ
cent ans auparavant , par une Méthode
rigoureuse. Il suivit une route entiere-
» ment opposée ; il n'ordonnoit que des
choses faciles et communes , comme la
» diéte, l'abstinence du vin, le frottement
» du corps , l'exercice ; il mit en usage la
boisson rafraîchie , et se faisoit honneur
d'un titre , qui signifie le Médecin de
»la fraîcheur. Il - inventa des lits suspen-
» dus , où il faisoit bercer les malades
›
pour les exciter au sommeil ; il faisoit
aussi suspendre les bains , pour les rendre
plus salutaires et plus agréables par
le mouvement.Il évitoit soigneusement
les
MAY. 1733. 957
» les remedes pour lesquels la nature à
quelque aversion ; et au lieu que le com
» mun des Médecins traitoit la nature ,
» avec la sévérité d'un Ecuyer qui châtie
>> un Cheval qui bronche , Asclepiade en
» la flattant continuellement , l'invitoit à
>> reprendre son cours , & c.
Le troisiéme Livre , qui roule sur la
Métaphysique , retrace à l'esprit sa propre
Histoire concernant les opinions sur
substances spirituelles . Ce Livre commence
par les opinions monstrueuses de
l'idolatrie. L'Auteur établit ensuite qu'il
ne peut y avoir d'Athée de conviction ,
Il réfute les objections opposées à la preu
ve de la Divinité qui résulte du consentement
general des hommes à la recon
noître. Il examine le raisonnement que
Descartes a donné pour une démonstration
de l'Existence de Dieu , et la pensée
de Pascal sur le danger de ne point croi
re. On trouve à la fin du Chapitre une
exposition sommaire des preuves inving
cibles de la Religion Chrétienne .
Dans le Chapitre des Démons le récit
des Prodiges débitez par le Paganisme
tend au but general de l'Auteur, de montrer
à quel point on s'est joué dans tous
les temps de la crédulité des hommes..
L'Auteur indique seulement les sources
F iiij gene958
MERCURE DE FRANCE
generales de ces opinions . » Dans le grand
» nombre de faits merveilleux , dit- il
» racontez par l'Histoire prophane, et qui
» y sont traitez de Miracles , il est aisé de
»connoître que le plus grand nombre
» doit son origine à la politique des hom-
» mes d'Etat , à la flatterie des Courtisans
, aux artifices des Prêtres des faux
»Dieux , à la crédulité des Historiens , à
» la superstition des Peuples ; mais il est
»aussi tres- vrai- semblable que les Esprits
» de tenebres , occupez sans cesse à trom
per les hommes et à leur tendre des
piéges , ont suscité de temps en temps
» quelques illusions . Tout ce que les an-
» ciens Auteurs ont débité en ce genre ,
» peut être rapporté à ces différentes cau-
» ses . Je me contenterai d'assembler icy
>> les plus celebres de ces faits , laissant au
» Lecteur le choix des conjectures.
Le troisiéme Chapitre considere le
monde par rapport à sa création , à sa durée
, à la Providence qui le gouverne , et
autres objets immatériels. La Doctrine
des idées de Platon y est expliquée , et on
y voit eh abrégé les Mondes imaginaires
des Philosophes. La question si le monde
a été créé pour l'homme , y est tresdiserrement
trai ée , et les objections contre
la Providence réfutées. Le quatrième
ChaMAY.
1733. 959
Chapitre contient les trois Hypothéses
des modernes sur la communication qui
est entre l'esprit et le corps , les différens
sistêmes sur les propriétez de l'ame , sur
le lieu de sa résidence , les preuves de son
immortalité , les sentimens des Philosophes
sur l'état des ames après leur séparation
de leurs corps . L'Auteur examine
l'opinion de La Chambre sur la maniere
dont les substances spirituelles occupent
l'espace . Il met icy la plus subtile
Métaphysique à portée de tous les Lecteurs.
Le cinquiéme Chapitre eft une exposition
des opinions Philosophiques sur les
Bêtes , et des exemples de leur fidélité ,
de leur industrie et de leurs autres bonnes
qualitez . L'Auteur passe ensuite aux
Sciences occultes
Métaphysiques , ou
fondées sur le commerce des Esprits. Il
traite de la Magie , de la Cabale et des
Nombres ; des Oracles et des Sibylles ,
des Augures , des Présages , des Songes.
Il dévoile tous ces ridicules Mysteres
dont il rapporte les Préceptes et les Exemples.
Voicy entr'autres quelques Réflé
xions qu'il fait sur la Cabale. » Les noms
» des soixante et douze Anges et les Prié
res mystérieuses de la Cabale, sont dans'
» le troisiéme Livre de l'Art Cabaliste de
Fv » Reuchlin
960 MERCURE DE FRANCE
2
» Reuchlin , dédié au Pape Leon X. et
» dans les neuf cens propositions de Jean
» Pic, Comte de la Mirandole, dont les 72
dernieres roulent sur la Cabale , et il
finit par celle-cy : Que comme la veri-
» table Astrologie est la science de lire
» dans le Livre du ciel ; la véritable ca-
» bale est la science de lire dans le livre
de la Loy. Quel sujet d'étonnement
» que les hommes les plus sçavans de
»leur siécle , le Comte de la Mirandole ,
» Agrippa , Reuchlin ayent employé les
plus laborieuses recherches à des chi-
» meres si peu dignes de leur attention ?
» Le premier a été l'admiration de l'Uni-
» vers , par la vaste étendue des connoissances
qu'il avoit acquises à un âge aussi
» peu
avancé
que le sien. C'étoit
un Prin-
» ce Souverain
d'Italie
, qui
ne peut
être
soupçonné
d'avoir
voulu
dupper
des
esprits
foibles
, curieux
et crédules
; au
>> contraire
, il défrayoit
magnifique-
» ment
les Sçavans
qui venoient
de toutes
les Parties
du monde
disputer
contre
» lui sur les neuf
cens
propositions
qu'il
»soûtenoit
à Rome
; et il a été un pro-
» dige
sans
deffaut
. On ne peut
pas ce
pendant
l'exempter
à cet égard
de la
» vanité
de l'esprit
humain
qui
s'attache
avolontiers
à tout
ce qu'il
y a de plus
fri-
» vole
MAY. 1733. 961
» vole , pourvû qu'il soit misterieux et
inconnu aux autres hommes. C'est lui
de le ga-
» rendre un grand service que
rentir de cet écueil ; et c'est en quoi
consiste l'utilité de mettre au jour des
» choses qui ne mériteroient pas par elles
» mêmes d'être publiées.
Le dernier Chapitre du troisiéme Livre
est une Dissertation très-curieuse
concernant la Fortune et le Destin . Deux
principales qualitez d'un Ouvrage sont
d'épuiser les matiéres du côté du sçavoir,
er de donner à penser encore plus qu'il
n'exprime. L'Auteur du Traité de l'O
pinion si dans Fun et dans l'autre
genre.
Cet Ouvrage se débite aujourd'hui chez
Briasson , rue S. Jacques , 6 vol. in 12.
1733.
La suite dans le Mercure prochain.
REFLEXIONS CRITIQUES , sur la Poësie
et sur la Peinture . Par. M. l'Abbé Dubos,
Secretaire de l'Académie Françoise , nouvelle
Edition , revue , corrigée et consi
dérablement augmentée. Chez P.J. Mar
riette , rue S. Facques , 1733. 3 vol. in 12.
CONVERSATIONS sur plusieurs sujets de
Morale , propres à former les jeunes De
F vj
moj
962 MERCURE DE FRANCE
moiselles à la piété. Ouvrage utile à toutes
personnes qui sont chargées de leur
éducation. Par M. P. C. Docteur de Sorbonne
. Chez J. Bapt. Lamesle , ruë de la
Vieille Bouclerie ; J. Franç. Herissan ruë
neuve Notre Dame , et Henry , ruë S.Jacques.
1733. in 12 .
ESSAY DE POESIES , de M. Desterlin de
Sainte - Palaye. A Paris , ruë G : st le Coeur,
chez Ant. de Houqueville, 1733. Brochure
in 12. de 61 pages.
Cet E say , que le Lecteur intelligent
ne prendra nullement pour un Essay ,
contient des Pseaumes , des Odes , des
Sonnets ; Epîtres , Epigrames , &c. Pour
donner une idée de cet Ouvrage, voici un
morceau que nous prenons au hazard :
ODE
Sur l'Ambition.
Source féconde d'injustice ,
Redoutable Divinité ,
Qui veux de nous en Sacrifice ,
Nos jours et notre liberté ;
Du faux honneur dont tu te pares ,
Et de tes maximes barbares ,
Serons nous long - temps les jouets ?
Que tu rends d'ames malheureuses !
nos
MAY.
1733. 968
Nos miseres les plus affreuses .
Sont l'ouvrage de tes forfaits.
Pour te fuir , l'équitable Astrée ,
Se bannit de ces tristes lieux ;
La terre de sang alterée ,
La fit retirer dans les Cieux .
L'aimable Paix et la Justice ,
Fuyant le tumulte et le vice ,
Abandonnerent les Mortels.
Quelles fureurs étoient les nôtres !
Armez les uns contre les autres ;
Nous ensanglantions tes Autels.
Quelle erreur ! follement avides ,
De la suprême autorité ,
Nous armons nes bras parricides ,
Pour nous ravir la liberté.
La force , jointe à l'injustice ,
L'aveuglement et le caprice ,
Sont les seuls qui reglent les rangs ;
Et l'on voit d'heureux témeraires ,
Charger de fers leurs propres freres ,
Pour n'étre plus que leurs tyrans,
潞
Laisse les Indiens tranquilles
Fou984
MERCURE DE FRANCE :
Fougueux Vainqueur de Darius ;
Pourquoi par des tributs serviles .
Veux -tu deshonorer Porus ?
Tiran , que dévore l'envie ,
Quoi ! toute la Perse asservie ,
"A ton orgueil ne suffit pas !
Veux-tu des horreurs de la guerre
Remplir le reste de la terre ,
•
Et dompter tous les Potentats &
Acheve , cruelle Déesse •
De porter par tout ta fureur ;
Que tous les Peuples soient sans cesse
Remplis de trouble et de terreur.
Etends par tout ta tyrannie.
Des fiers peuples de l'Ausonie ,
Fais des Maîtres de l'Univers :
Toi , Rome , tremble pour toi - mêmes
Du haut de ta grandeur suprême .
Je te vois tomber dans les fers.
逛
Divinité des plus sinistres ,
Les chutes des plus grands Etats ,
De tes sanguinaires Ministres
Ne sont pas les seuls attentats.
De la plus injuste victoire ,
Als se font un sujet de gloire
Рома
MAY. 1733.
968
Four insulter à nos malheurs ;
Et nous les voyons dans leur rage
Appeller du nom de courage ,
Les plus exécrables fureurs.
装
Que n'ose pas un coeur perfide ,
Dans ses transports ambitieux ?
Ciel quel horrible parricide !
Quel Spectacle frappe mes yeux !
Je vois tout un peuple infidele ,
Sur les pas sanglans d'un Rebelle ,
Se livrer aux plus noirs projets ,
O succès plus noir que le crime !
La tête d'un Roy légitime ,
Tombe aux pieds des lâches Sujets
Des horreurs qu'enfante la Guerre ,
Périsse jusqu'au souvenir ;
Pour laisser respirer la Terre ;
Thémis et la Paix vont s'unir
Louis , guidé par la Prudence ,
Fera respecter sa Puissance ,
Jusqu'aux plus reculez Climats ;
ne prétend point d'autre titre ,
Que celui d'équitable Arbitre ,
Des différends des Potentats
Las
966 MERCURE DE FRANCE.
"
LES GE'NEALOGIES HISTORIQUES des
'Anciens Patriarches , Empereurs , Rois
et de toutes les Maisons Souveraines , depuis
le commencement du monde jusqu'à
présent , exposées en Cartes Généalogiques
, tirées des meilleurs Auteurs , avec
des Explications Historiques et Chronologiques
, dans lesquelles l'on trouvera
l'Etablissement , les Révolutions et la
durée des différens Etats du monde , l'Origine
des Maisons Souveraines , leurs
Progrès , Alliances , Droits , Titres, Prétentions
et Armoiries. Quatre volumes
in 4. A Paris , chez Giffart , rue S. Facques
, à Sainte Therese.
C'est le titre d'un Prospectus , imprimé
chez le même Libraire. L'Auteur y propose
l'Etude des Généalogies en général ,
à tous ceux qui lisent l'Histoire , et en
particulier aux Politiques , et aux Avocats.
Si pour bien entendre l'Histoire
dit-il , en citant Rapin de Thoiras , il
est nécessaire de sçavoir par le moyen
de la Géographie , les Lieux où se sont
passés les Evenemens qui servent d'objets
à l'Histoire , et par la Chronologic
les tems où ils sont arrivez , il ne l'est
pas moins de connoître les personnes
qui les ont faits ou qui y ont eu ,
part
MAY. 1733 : 969
part , par le moyen des Généalogies qui
font même connoître les causes des actions
dont l'Histoire parle . C'est , dit il ,
ce queMoyse, le premier et le plus excellent
des Historiens , a parfaitement reconnu
. C'est de ces Livres que nous tirons
les Généalogies des premiers Chefs
des Nations . Il seroit , ajoûte-t- il , à souhaiter
., que ceux qui se sont mêlez d'écrire
l'Histoire eussent imité l'éxactitude
de cet Historien . Pour faire sentir l'excellence
de l'Etude des Généalogies , il
tire ses preuves du soin que les Hebreux
prenoient de conserver les Généalogies
de leurs Familles , et celui que
prit Esdras , de rétablir celles qui
avoient été perdues dans la ruine de
Jerusalem sous Nabuchodonosor. Les
Grecs et les Romains mettoient cette
connoissance au nombre des Sciences.
Sur quoi il cite Horace , qui dit à son
Ami Telephus :
Quantum distet ab Inacho
Codrus pro patriâ non timidus mori :
Narras et genus Æaci.
A l'égard des Politiques , cette étude
est indispensable ; car comment ,
dit notre Auteur , connoîtra- t- on les
droits ou les prétentions des Princes , si
l'on
68 MERCURE DE FRANCE
l'on ne connoît leurs Alliances qui en
sont le principal fondement ; il est
difficile de manier les affaires publiques
d'un Etat , si l'on n'a pas la connoissance
des grandes Maisons , disoit un Sçavant
du Régne d'Henri II. L'Auteur
ajoûte que M. Loisel , dans le Dialogue
qu'il a composé des Avocats du Parlement
de Paris , requiert qu'un Avocat
sçache les Généalogies et les Alliances
de nos Rois , et des principales Maisons
du Royaume.
,
Nous rapporterons , au sujet des défauts
qui se rencontrent dans les Généalogistes
, contre lesquels l'Auteur nous
avertit d'être en garde , ce qu'il cite de
M. l'Abbé Sevin. L'amour du merveil
leux , dit cet habile Académicien , l'interêt
, la vanité , sont comme des sources
toujours ouvertes d'où la Fable
se répand , pour ainsi dire , à grands
flots dans les Annales des Peuples et
des Familles. Dans cette longue Eclipse
que souffrit la lumiere des Lettres ,
l'ignorance enfanta mille folles réveries
sur leur origine. Mais , poursuit - il
avec le même M. Sevin , en craignant
d'accorder à des Fables la créance qu'el
les ne méritent pas ; on la refuse quel
* Dissertation sur l'Histoire,
ques
MAY. 1733. 969
quefois aux Faits les plus certains ; d'autres
au contraire traignant de refuser
aux véritez historiques le tribut qui leur
est dû , le payent à toutes les Fables
qui en empruntent le nom. Il faut être
également en garde et contre la flatterie
des uns , et contre la malignité des
autres , et tenir un juste milieu entre
la crédulité et le Pirrhonisme .
Ainsi pour démêler le faux d'avec
Je vrai , dans les Généalogies comme
dans l'Histoire ; les Sçavans
› sur tout
du dernier siécle , qui se sont appliqués
à l'Etude de l'Histoire et des Généalogies
, les ont dégagées de ce qui nous
les pourroit rendre suspectes , sont ceux
à qui il faut s'en rapporter. C'est Hubners
, parmi ces Sçavans Modernes ,
qui notre Auteur donne la préférence à
cause de l'approbation presqu'universelle
qu'il s'est acquise.
L'Auteur à joint des Explications ou
des Remarques Historiques et Chronos
logiques pour donner une connoissance
éxacte de l'Etablissement des Empires
et des différens Etats du monde , de
P'origine et des progrès des Maisons
Souveraines , de leurs Alliances , préro
gatives , droits et prétentions . Ce Recueil
pourra passer pour un bon Abregé de
l'His
970 MERCURE DE FRANCE
P'Histoire Universelle , qui contiendra
un corps de Généalogies des Maisons,
Souveraines , propre à tous les Lecteurs ,
à ceux qui sçavent déja qui n'ont besoin
que de rappeller ce qu'ils ont déja
Jû dans les sources , et à ceux qui ne
sçavent pas encore , et qui pour se mettre
au fait de l'Histoire ont besoin qu'on
la leur propose d'une maniere simple et
agréable.
Voici quel sera l'ordre et l'arrangement
de tout cet Ouvrage .
I. VOLUME pour l'Histoire sainte. Les
anciens Patriarches , l'origine des Na- '
tions , les Juges , les Rois , les Pontifes des
Juifs. La Famille d'Herode , la Généalogie
de N. S. J. C.
Pour l'Histoire Profane. Table Chronologique
de l'établissement et de la durée
des anciens Royaumes. Les Rois d'Egypte
, d'Assirie , & c.
GRECE. Les Rois de Sicione , d'Ar
gos , &c.
Les anciens Rois Latins , les Rois de
Rome. Table Chronologique de l'Etablissement
et de la durée des nouvelles
Monarchies. Les Familles des Empereurs
Romains et Grecs en Orient et en Oc
cident. Les Empereurs de Trebisonde ;
les Rois de Jerusalem , de Cypre , d'Armenie
,
MAY: 17337 971
menie , les Princes de Galilée , d'Antio
she , de Tripoli.
Les Rois wandales , les Rois Ostrogoths
en Italie , les Rois Lombards , les Rois
d'Italie depuis Charlemagne , les Rois
de Naples et de Sicile.
Les Maisons de Savoye , de Montfer
rat , de Saluces , & c .
II. VOLUME , ALLEMAGNE . Les anciens
Rois de Germanie , les Empereurs Germaniques
jusqu'à présent, Les anciens Marggraves
et Ducs d'Autriche , les Comtes
Ducs , Electeurs , Landgraves , & c.
III. VOLUME , FRANCE, Les Rois de
France avec toutes les Maisons qui en
sont issues. Les Rois de Bourgogne et
d'Arles. Les Ducs de Bourgogne , les
Comtes et Ducs de Nevers , &c.
Les Ducs de Normandie , les Comtes
d'Eu , & c.
ne ,
Les anciens Rois et Ducs d'Aquitai-
& c.
Les Comtes de Toulouse , &c.
Les Comtes de Champagne , & c . Les
Ducs de Lorraine. On verra dans ce
volume comment les différentes Provinces
de France ont été détachées de la
Couronne , les Maisons qui les ont gouvernées
, et comment elles ont été réunies.
IV,
972 MERCURE DE FRANCE
L
IV. VOLUME , PAYS -BAS. Les Ducs de
Brabant , &c.
ESPAGNE. Les Rois Sueves , Wisigots ,
de Léon , & c.
GRANDE-BRETAGNE , Les Rois d'Ecosse,
Maison de Stwart , les Rois d'Angleter
& c. re ,
Les Rois de Dannemarc , et de Nortvege
. La Maison d'Holstein. Les Rois
de Suede , les Czars.
Les Rois de Pologne , de Bohéme , & c.
Les Ducs de Silesie , les Princes de Trans
silvanie , &c.
NATIONS BARBARES . Les Califes , les
Sultans
,
ou Empereurs Ottomans , les
Rois de Perse , les Mogols , les Rois de
Maroc, &c.
On trouvera dans ce dernier Volume
plusieurs Tables Alphabétiques , tant
des matiéres que des Maisons , et une
Table entr'autres,qui est comme un Dictionnaire
Heraldique où pour éviter
les répétitions dans le corps de l'Ouvrage
l'on renvoye pour expliquer les Armoiries
des Maisons qui y sont traitées.
Quoique la dépense des Cartes Gé
néalogiques aille au triple de celles
des Ouvrages d'une autre nature
pour faciliter l'acquisition de celui- ci
on
MAY. 1733. 973
S
on ne le vendra que 45 liv. en blanc les
quatre vol, in-4. de 700 pag. chacun .
L'Editeur ajoute qu'il se prêtera avec facilité
à l'empressement de ceux qui
voudront avoir les Volumes à mesure
qu'ils seront imprimez. Ils s'adresseront
pour cela au Libraire indiqué cidessus.
HISTOIRE des Révolutions d'Espagne ,
depuis la destruction de l'Empire des
Goths , jusqu'à l'entiere et parfaite réunion
des Royaumes de Castille et d'Arragon
en une seule Monarchie , 3 vol .
in- 4 . Par le R. P. Joseph d'Orleans , de
la Compagnie de Jesus.
Pour présenter au Public une idée
précise de cet Ouvrage , il suffit d'emprunter
les termes que l'Auteur a employez
au commencement du premier
Livre.
» J'écris l'Histoire des Révolutions
d'une Monarchie élevée sur ses propres
» ruines , à un point de gloire et de
grandeur redoutable au reste du Mon-
» de et dont le Monde auroit plus
>> long-tems redouté la puissance , si elle
» se fût donné des bornes , et si elle
» eut moins dissipé ses forces , en voulant
trop étendre ses limites. C'est
,
» l'Hise
74 MERCURE DE FRANCE
l'Histoire des Révolutions arrivées dans
» la Monarchie d'Espagne , depuis que ,
» née , pour parler ainsi , des cendres
» de celles des Goths , elle a quitté le
» nom de ses Conquérans , pour prendre
13 celui de son Pays.
Le Pere d'Orléans donnoit la derniere
forme à cet Ouvrage , et se disposoit à
le mettre au jour , lorsque la mort l'enleva
, vers la cinquante-quatrième année
de son âge. Le Manuscrit fut alors confié
à un Jésuite distingué par ses talens
, l'ami et le confident de l'Auteur 5
ce Pere se proposa d'abord d'y perfectionner
ce qui n'étoit encore qu'en
ébauche , dans le dessein de le publier
sans retardement , selon les intentions
de l'Historien . Du projet à l'éxécution
le trajet est difficile et hazardeux . Les
diverses occupations dont le dépositaire
du Manuscrit a été successivement surchargé
depuis plus de trente- quatre ans ,
ont absorbé presque tous les momens
de son loisir. Ainsi il ne lui a pas été
possible de veiller à l'Edition d'une Histoire
qui demandoit un travail assidu ,
pour être mise dans un état de perfection
qui répondit à la haute opinion
dont le Public est prévenu en faveur du
Pere d'Orléans.
Enfin
MAY. 1733
975
Enfin , après un délai de plusieurs années
, l'Ouvrage remis en d'autres mains
est présentement sous la presse. On ose
assurer qu'une Histoire si intéressante ne
trompera point l'attente des Gens de
Lettres , et donnera un nouveau lustre
à la réputation que ce célébre Ecrivain
s'est acquise , à juste titre , en France et
dans les Pays Etrangers.
On reconnoîtra dans l'Histoire des
Révolutions d'Espagne , l'Historien des
Révolutions d'Angleterre, les mêmes graces
, et la même naïveté dans le fil de
ses narrations , le même pinceau et la
même vivacité dans les portraits , sans
les outrer , même éxactitude dans l'ordre
des faits , même justesse dans les réfléxions
, même discernement dans la
critique , même élégance , et même énergie
dans la diction . Cependant l'Histoire
des Révolutions d'Espagne a cet
avantage sur l'autre , qu'elle est en mê
me-tems une Histoire suivie du Gouver
nement de la Nation . En effet , depuis
l'invasion des Maures , jusqu'à l'entiere
et parfaite réunion des Royaumes de Castille
et d'Arragon on une seule Monarchie
, les Annales Espagnoles ne présentent
qu'une suite de changemens , de
progrès , et de décadences dans ce grand
G nom976
MERCURE DE FRANCE
nombre de Souverainetez qui partage =
rent si long-tems l'Espagne . Chaque année
y fait éclore de nouvelles Dynasties
, qui s'établissent sur les ruines de la
domination Sarasine . Rien n'a échapé en
ce genre au Pere d'Orléans. On jugera
sur tout du mérite de cet Ouvrage , par
les soins heureux que s'est donné l'Auteur
, de rapprocher sous un même point
de vue l'Histoire des différens petits
Etats qui se formerent des débris de
l'Empire Mahométan , et de rappeller
sans cesse son Lecteur par l'importance
et par la varieté des Evenemens , par la
nouveauté et par la rapidité des objets
qu'il fait succeder les uns aux autres
enfin par l'ingénieuse fécondité
des denouemens qu'il prépare. On y retrouvera
avec plaisir l'héroïsme des vertus
guerrieres , soûtenu des plus grands
exemples de la magnanimité Chrétienne,
et les ressorts de la plus artificieuse politique
, quelquefois palliée sous les apparences
de la Religion , et déguisée sous
le masque de l'équité . En un mot , l'Histoire
des Révolutions d'Espagne paroîtra
encore plus digne de l'empressement du
Public , si l'on considere le rapport qu'el
le a avec les principales Monarchies de
l'Europe et de l'Afrique.
,
Cet
MAY. 1733. 977
Cet Ouvrage qui composera 3 vol. in -4
sera mis en vente au plus tard dans le
courant du mois de. Janvier de l'année
1734.
OEUVRES DIVERSES de M. de Fontenelle
, de l'Académie Françoise , nouvelle
Edition , augmentée et enrichie de Figures
gravées par Bernard Picart le Romain,
3 vol. in fol. A la Haye 1728 .
Les mêmes en trois vol . in - 4. se vendent
à Paris chez Michel- Etienne David,
Quai des Augustins , à la Providence ; et
Antoine Claude Briasson , ruë S. Jacques
à la Science.
,
Cette Edition surpasse pour la magnificence
celle qui fut faite il y a quelques
années en Hollande des Oeuvres de
M. Despreaux , en deux vol . in -fol. Le
goût en est à peu près le même , mais il
y a plus de propreté et de soins dans celle
des Oeuvres de M. de Fontenelle . Les Libraires
de Hollande qui entreprennent
avec plaisir ces sortes d'Ouvrages , parce
que leur commerce est plus étendu , tant
en Allemagne qu'en Angleterre , dans les
Pays-Bas , dans le Nort et en Flandres
ne font parconséquent aucune difficulté
d'imprimer avec beaucoup de dépense de
semblables Editions qui feront l'admira-
Gij tion
978 MERCURE DE FRANCE
le tion de la Posterité , aussi- bien par
fond que par les agrémens qu'ils ont sçû
y répandre sous la direction du célebre
M. Picart , l'un des plus gracieux Dessinateurs
et des plus habiles Graveurs qu'il
y ait eu depuis long- tems en Europe.
Ainsi cetteEdition sera toujours recherchée
des Curieux , comme un modele de
bon goût en ce genre. Rien ne devroit
tant animer les Libraires François qu'une
aussi belle dépense , appliquée si à propos
, et qui a eu un si grand succès. Par
là M. de Fontenelle ne vivra pas seulement
chez les habiles Gens par son
propre mérite ; il fera encore les délices
des Amateurs de Desseins et d'Estampes
, par l'agrément que M. Picart a
répandu dans tous ceux dont il a décoré
cette belle et magnifique Edition,
ELEMENTA CHEMIA , quæ anniversario labore
docuit , in publicis privatisque Scholiis
Hermannus Boeraave , continentis Historiam
Theoriam et Operationes Chemicas Editio altera
, Leydensi multo correctior et Accuratior,
cui etiam accessere ejusdem, Auctoris Opuscula
omnia quæ hactenus in lucem prodierunt in
unum Corpus collecta , 2 vol. in- 4 . cum figuris
Aeneis. Parisiis apud Cavelier , via Jacobea ,
1753.
Il y a au commencement de cette Edition un
Avertissement du Libraire qui marque n'avoir
rien
MAY. 1733. 979
•
rien épargné pour rendre cette Edition correcte ;
il cite un grand nombre de fautes qui se trouvent
dans l'Edition de Leyde 1732. qu'il a exactement
corrigées dans son Edition. De plus , il a
ajoûté à la fin du Tome second tous les Opuscules
de l'Auteur , qui avoient été ci - devant
imprimés séparément en differentes grandeurs ,
et qu'il a ramassez ensemble , ce qui n'a point
été fait jusqu'à présent.
LA MEDECINE THEOLOGIQUE , ou la Médecine
créée, telle qu'elle se fait voir , sortie des
mains de Dieu , Créateur de la Nature , et régie
par ses Loix , Ouvrage où s'explique l'Hygienne
par le Méchanisme , l'on y découvre les causes des
Maladies et leurs vrais Remedes, on a joint à la fin
les Theses de Médecine de l'Auteur de ce Traité ,
deux gros volumes in- 12. A Paris , chez Cavelier
, rue S. Jacques. 1733 .
27
LETTRES Sur divers Sujets de Morale et de
Pieté , Tome IV . in - 12 . en grand et petit pas
pier. Paris , chez Cavelier , rue S. Jacques ,
1733.
ORDONNANCE de Louis XIV . sur le fait des
Eaux et Forêts. Nouvelle Edition , augmentée
des Edits , Déclarations et Arrêts rendus en
conséquence jusqu'à présent. deux vol . in - 24 .
Paris ,chez Cavelier , ruë S. Jacques , 17.33 .
LIVRES que Cavelier , Libraire ruë
Saint Jacques , a reçûs des Pays
Etrangers.
Morhoffii ( Dan. Georg. ) Poly Histor Lit
terarius , Philosophicus et Poëticus , cum Additionibus
Virorum clarissimorum. Editio tertia',
Giij cuj
I
980 MERCURE DE FRANCE
cui Præfationem , Notitiamque Diariorum Lit
terariorum Europæ præmisit Jo . Alb . Fabricius
in-4. 3 vol. Lubeca , 1732.
Petronii Satyricon cum Fragmentis , accessit
Priapeja sive diversorum Poetarum in Priapum
lusus , 2 vol. in- 8. Lipsiæ et Patavii , 1731.
Thura ( Alb. ) Gynæceum Daniæ Litteratum
Feminis Danorum , eruditione vel scriptis claris
conspicuum , in - 8 . Alfona , 1732.
Deffense du Siege Apostolique , contre les Concordats
sur les matiéres de Savoye et de Piedmont
, in-8. 1733 .
Schurigii ( Mart. ) Syllepsilogia Historico-
Medica hoc est conceptionis muliebris consideratio
Physico-Medico- Forensis , in -4. Dresda ,
1731.
Ejusd. Embryologia Historico - Medica hoc
est Infantis Humani consideratio Phisico - Medico-
Forensis , qua ejusdem in utero nutritio , &c.
in-4. Dresda , 1732 .
Hoffmanni ( Frid. ) Medicinæ rationalis Systematica
, Tom. IV . Pars secunda , Doctrinam
Hæmorrhagiarum et dolorum Methodo de
monstrativa tradens , in - 4. Venetiis , 1733 .
BIBLIOTHEQUE ITALIQUE , ou Histoire Litteraire
de l'Italie , depuis Janvier jusqu'en Août
1732. faisant les Tomes 13 et 14. 2 vol . in-8,
Geneve , 1732.
Nota. Cavelier a les 14 Volumes in- 8. com
plets pour les personnes qui en souhaitteront .
Le 13 du mois de Mars , le R. P. Charles Porée
, Jesuite , prononça devant une illustre et
nombreuse Assemblée un Discours Latin sur ce
sujet : Theatrum sit ne , vel esse possit Schola informandis
moribus idonea. C'est- à-dire , sille
formanMAY
. 1733. 981
Théatre est ou peut devenir une Ecole propre pour
former les moeurs.
Après avoir touché dans son Exorde les rai
sons qu'il y a de mettre la chose en Problême ,
raisons tirées des disputes qui se sont souvent
élevées à cette occasion , l'Orateur prenant sa❤
gement son parti , entreprend de faire voir dans
les deux parties qui divisent son Discours , que
le Théatre peut de sa nature être une Ecole propre
pour former les moeurs ; mais que par la
faute des hommes il ne l'est pas. Cet Exorde est
terminé par l'Eloge des deux Cardinaux qui
étoient présens , le Cardinal de Polignac et le
Cardinal de Bissy. Ce double Eloge est bien caracterisé
, et plein de finesse et d'art .
La Philosophie donne des préceptes pour
former les moeurs , l'Histoire donne des exeinples.
Le Théatre emprunte de ces deux Ecoles
ce qu'elles ont de meilleur , et par la réunion
qu'elle en fait , elle s'éleve fort au- dessus de cha
cune d'elles, prises en particulier.
Il n'est point d'état pour lequel la Philosophie
ne donne des préceptes. On ne voit pas
non plus que le Théatre soit borné à cet égard .
Les Serviteurs , les Ouvriers , les Marchands , les
Juges , les grands Seigneurs , les Rois y reçoivent
des leçons , soit dans la Comédie , soit
dans la Tragédie.
Tous les Etats , toutes les conditions , tous
les âges , tous les devoirs sont de son ressort .
On y apprend à aimer la vertu , et toutes sortes
de vertus
et à haïr et à fuir le vice , et toutes
sortes de vices .
Le Théatre va même plus loin que la Philoso
phie , qui se borne communément aux vertus er
G iiij
aux
982 MERCURE DE FRANCE
aux vices , au lieu que le Théatre va jusqu'aux
bienséances et aux indécenses les plus légeres.
La Tragédie punit séverement les moindres foiblesses
, et la Comédie poursuit impitoyablement
le ridicule le moins grossier.
pour cor-
Mais d'où en particulier , demande l'Orateur
d'où le Poëte Dramatique tirera- t- il le fond
des préceptes dont il prétend se servir
riger les hommes ? Trois sources , répond- il
lui sont ouvertes. Et d'abord l'humaine folie ,
l'humaine sottise est une source des plus abondantes.
La morale ordinaire est une seconde
source , et la morale divine même , prise avec
sagesse et discretion ; ne lui est pas interdite.
Le P. Porée passe à la maniere dont le Poëte
Dramatique débite ses préceptes de morale. La
maniere du Philosophe est toute dogmatique ,
contentieuse et pleine d'emphase . Le Poëte
Dramatique dissimule son but , et
dissimule son but , et y arrive peutêtre
par là plus efficacement. Il ne s'érige ni en
Docteur , ni en Maître , ' ni en Censeur. Il invite
à la vertu , il attire les coeurs , plutôt qu'il
n'entraîne les esprits : il parle en homme à des
hommes. Ce Parallele du Poëte Dramatique et
du Philosophe Dogmatique , est un des beaux
morceaux de cette Harangue.
Mais c'est par les exemples joints aux préceptes
que le Poëte s'étend tout à fait au-dessus du
Philosophe , et entre en paralele avec l'Historien.
Le mot de Seneque est connu , que le chemin
est long par les préceptes , mais court et
efficace par les exemples. Ce qu'un homme a
fait , chaque homme se croit capable de le faire.
C'est par là que Ciceron appelle l'Histoire , la
Maitresse de la vie.
Qr
:
MAY. 1733. 981
Théatre est ou peut devenir une Ecole propre pour
former les moeurs.
Après avoir touché dans son Exorde les rais
sons qu'il y a de mettre la chose en Problême ,
raisons tirées des disputes qui se sont souvent
élevées à cette occasion , l'Orateur prenant sagement
son parti , entreprend de faire voir dans
les deux parties qui divisent son Discours , que
le Théatre peut de sa nature être une Ecole propre
pour former les moeurs ; mais que par la
faute des hommes il ne l'est pas . Cet Exorde est
terminé par l'Eloge des deux Cardinaux qui
étoient présens , le Cardinal de Polignac et le
Cardinal de Bissy. Ce double Eloge est bien caracterisé
, et plein de finesse et d'art.
La Philosophie donne des préceptes pour
former les moeurs , l'Histoire donne des exem
ples. Le Théatre emprunte de ces deux Ecoles
ce qu'elles ont de meilleur , et par la réunion
qu'elle en fait , elle s'éleve fort au - dessus de cha
Cune d'elles, prises en particulier.
Il n'est point d'état pour lequel la Philosophie
ne donne des préceptes . On ne voit pas
non plus que le Théatre soit borné à cet égard.
Les Serviteurs , les Ouvriers , les Marchands , les
Juges , les grands Seigneurs , les Rois y reçoivent
des leçons , soit dans la Comédie , soit
dans la Tragédie.
Tous les Etats , toutes les conditions , tous
les âges , tous les devoirs sont de son ressort.
On y apprend à aimer la vertu , et toutes sortes
de vertus , et à hair et à fuir le vice , et toutes
sortes de vices.
Le Théatre va même plus loin que la Philoso
phie , qui se borne communément aux vertus er
Giiij aux
982 MERCURE DE FRANCE
aux vices , au lieu que le Théatre va jusqu'aux
bienséances et aux indécenses les plus légeres.
La Tragédie punit séverement les moindres foiblesses
, et la Comédie poursuit impitoyablement
le ridicule le moins grossier.
Mais d'où en particulier , demande l'Orateur
d'où le Poëte Dramatique tirera-t - il le fond
des préceptes dont il prétend se servir pour corriger
les hommes ? Trois sources , répond- il
lui sont ouvertes . Et d'abord l'humaine folie ,
l'humaine sottise est une source des plus abon →
dantes . La morale ordinaire est une seconde
source , et la morale divine même , prise avec
sagesse et discretion , ne lui est pas interdite.
>
Le P. Porée passe à la maniere dont le Poëte
Dramatique débite ses préceptes de morale. La
maniere du Philosophe est toute dogmatique
contentieuse , et pleine d'emphase . Le Poëte
Dramatique dissimule son but , et y arrive peutêtre
par là plus efficacement . Il ne s'erige ni en
Docteur , ni en Maître , ' ni en Censeur. Il invite
à la vertu , il attire les coeurs , plutôt qu'il
n'entraîne les esprits : il parle en homme à des
hommes. Ce Parallele du Poëte Dramatique et
du Thilosophe Dogmatique , est un des beaux
morceaux de cette Harangue
Mais c'est par les exemples joints aux préceptes
que le Poëte s'étend tout à fait au-dessus du
Philosophe , et entre en parallele avec l'Histo
rien. Le mot de Seneque est connu , que le chemin
est long par les préceptes , mais court et
efficace par les exemples. Ce qu'un homme a
fait , chaque homme se croit capable de le faire.
C'est par là que Ciceron appelle l'Histoire , la
Maitresse de la vie.
Or
MA Y. 1733- 983
Or l'Histoire donne indifféremment toutes
sortes d'exemples tels qu'ils se présentent , sans
donner souvent ceux dont chacun auroit besoin
Le Théatre les choisit , et les approprie à ses
Spectateurs. L'Histore fait souvent voir la vertu
si-non punie, du moins malheureuse , et le vice
heureux et comme récompensé. Sur le Théatre
c'est une loi de punir le vice et de couronner la
vertu.
Les exemples que donne l'Histoire sont inanimés
, et presqu'aussi inefficaces que les préceptes
philosophiques Car la Philosophie parle
pour l'avenir . On doit faire ceci on doit éviter
cela. L'Histoire raconte le passé . Le Théatre
seul rend les exemples pressans , animés
vivans.
L'Histoire parle tantôt des vices tantôt des
vertus , selon les sujets qu'elle peint . Le Dramatique
peint réellement , et a tous les avantages
de la Peinture le contraste sur tout et l'opposition
, le mêlange des ombres avec la lumiere ;
il oppose les vertus aux vices , les vices aux vertus.
Et par là ses caracteres sont toujours marqués
, brillans et à portée d'être imités ou rejettés.
Socrate étoit fort , assidu au Théatre d'Euripide.
Aristote a traité fort au long et en grave
Philosophe de la Poësie Dramatique . Le Car
dinal de Richelieu a travaillé pour le Théatre.
L'Orateur dit aussi son sentiment sur le
Théatre moderne , et ne trouve ni dans les Vers ,
ni dans le Chant , ni dans la Danse , rien qui
ne puisse être fort innocent , et fort propre
même à nourrir l'esprit et à former le coeur en
les amusant. Il a donc raison de conclure que
de soi le Théatre peut fort bien être une Ecole
GY de
984 MERCURE DE FRANCE
de vertu , propre pour former les moeurs. Mais
pourquoi donc tant de grands hommes , tant
de vertueux personages ont- ils proscrit le Théatre
, et invectivé contre lui comme contre une
Ecole de vice et de libertinage ? La réponse est
facile. Ils n'éxaminoient pas ce qui pouvoit
être. Ils ne parloient que de ce qui étoit.
Or le Théatre n'est pas , et n'a guéres jamais
été ce qu'il pouvoit , et ce qu'il devroit être :
et peut - être est - il bien difficile qu'il le soit jamais
ce qui est une autre question qu'on pourroit
discuter. L'Orateur parle désormais du
Théatre tel qu'il est , et c'est le sujet de la seconde
partic.
Il remonte à la source du mal 1, et la trouve
également dans les Auteurs , dans les Acteurs
et dans les Spectateurs , et en premier heu c'est
la faute des Poëtes Dramatiques si le Théatre
n'est pas ce qu'il doit être. Ils perdent à tous
momens de vue la fin et le but du sujet qu'ils
se mêlent de traitter .
Leur grand but paroît être uniquement de
briller , et de se faire promptement connoître et
admirer du Public ; de se donner en quelque
sorte en spectacle à toute une ville , sans- se piquer
beaucoup du titre de bons citoyens , dont
le devoir est de se rendre utile , et de contribuer
au bien commun de la Nation. Horace
dit que les Poëtes veulent ou plaire ou être utiles
. Nos Poëtes ne s'embarassent guéres que de
plaire.
Deux folles passions , capables seules de corrompre
toute une Nation , paroissent être le
grand objet de nos Poëtes , la vengeance et l'amour
, et en être l'objet bien plus pour les réveiller
que pour les éteindre.
Le
MAY . 1733 .
Le P. Porée adresse la parole au grand Corneille
, et lui reproche avec vehemence , quoiqu'avec
beaucoup d'estime et une sorte de respect
, d'avoir donné des exemples et des préceptes
de vengeance et de duel dans son Cid , et
de les avoir donnés d'une maniere d'autant plus
dangereuse , qu'elle est plus pleine d'élévation , si
non de coeur et de sentimens , du moins d'esprit
et de pensées .
Mais en même-tems l'Orateur reconnoît la
sagesse de Corneille sur l'article de l'Amour, sur
lequel Racine a été encore plus indiscret que
Corneille ne l'avoit été sur celui de la Vengeance.
Là commence un parallele de ces deux
grands Maîtres de la Scene Françoise ; et ce parallele
est nouveau après tous les autres qui ont
paru jusqu'ici : il finit par établir une sorte d'égalité
entre les deux Poëtes . Mais le commencement
et le milieu n'alloient point là , et on
ne s'attendoit guéres à voir cette gémissante Colombe
de Venus partager l'Empire , même du
Théatre , avec cette Aigle foudroyante de Jupiter.
L'Orateur a donné sans doute cette fin au
préjugé du vulgaire.
Ceux qui se sont emparés de la Scene après
ces deux grands Poëtes , ont bien pû imiter ou
surpasser même leurs défauts , principalement
celui des Sottises amoureuses , mais il ne leur a
pas été si aisé d'atteindre à leur Art , beaucoup
moins à leur Génie .
L'Orateur répond au prétexte , qu'on réveille
P'Amour pour le corriger et le bannir . Il appelle
cela exciter un grand incendie pour l'ét indre
après qu'il a fait bien des ravages donner du
poison pour le faire revomir après qu'il a dé
shiré les entrailles, L'amour n'est pas de ces
Gvj pas+
986 MERCURE DE FRANCE
sûr passions peu naturelles qu'on est commes
d'éteindre après les avoir allumées.
Les anciens Tragiques ne connoissoient point
cette passion , et leur Théatre ne se soutenoit
que mieux sans elle. Eschyle ne l'a jamais mise
sur le sien , Sophocle ne l'y a admise qu'une
fois , et Euripide deux fois : et encore avec
quels égards , quelle discrétion , quelle bienséance
,
Ia Tragédie a donc beaucoup perdu de son
ancienne majesté en perdant sa gravité , sa
séverité sa modestie , sa décence. Mais la Comédie
moerne se flate de surpasser en ce point
là même , l'ancienne Comédie. Notre Orateur
cependant n'est point du tout de cet avis. Le
caractere qu'il fait de Moliere est achevé , et
par là même il en fait un Maître dans l'Art des
moeurs d'autant plus mauvais , qu'il le fait meilleur
dans l'Art du Poeme Dramatique.
Le P. Porée n'épargne aucune sorte de Théatre.
La Comédie Italienne ne mérite pas de
grands égards après qu'il a reprouvé le Théatre
François. Et là - dessus on comprend bien qu'il
ne fait nul quartier à POpera. I applaudit au
génie de Lulli et de Quinault : mais il ne leur
fait d'autre grace , sur l'abus qu'ils en ont fait ,
qu'en reconnoissant qu'ils on: reconnu eux mêmes
avant leur mort , et qu'ils ont détesté cer
abus.
Des Auteurs , le P. Porée passe aux Acteurs ,
et fait voir que plus ils sont parfaits dans leur
action , plus ils sont criminels , et qu'ils contribuent
beaucoup au mal que les Auteurs Dramatiques
font par leur organe. Les Spectateurs ne
sont pas épargnés. Comment seroient- ils innocens
s'il faut être criminel pour leur
plaire ?
›
MAY. 17 ? 3 . 987
Cet Extrait auroit paru dès le mois passé si
nous n'avions été trop pressés par l'abondance
des matieres. Le Discours Latin , imprimé chez
Coignard fils , rue S. jacques , paroît et se fait
lire avec un extrême plaisir. On pariera dans le
prochain Mercure de la Traduction Françoise.
que le R. P. Brumoy en a faite , imprimée chez
le même Libraire.
L'Abbé Pithon- Curt travaille à un Nobiliaire ;
ou Histoire Généalogique des Maisons et Familles
nobles du Comté-Vena'ssin , de la Ville
d'Avignon , et de la Principauté d'Orange. Cet
Ouvrage qui est très - avancé , sera imprimé en
deux volumes , grands in 4. On trouvera par
lettre alphabétique une Planche ou Carte pour
chaque Famille , dans laquelle on verra tous les
degrez de filiation , les Branches , les Alliances ,
et tous les Ecussons en Taille- douce , que les
Curieux pourront faire enluminer.
On trouvera ensuite les preuves de la Famille
dont on aura vû la Table Généalogique réduites
en un Corps d'histoire , où il sera parlé des
Dignitez , Charges et Emplois qu'on aura possedés
, soit dans l'Epée , soit dans la Robe ou
dans l'Eglise
Il faut fournir au même Abbé Pithon - Curt
10, un Mémoire bien détaillé et bien circonstancié
de chaque Famille. 20. Les Contrats de Mariage
, Testamens , Brevets , Bulles , Brefs , et generalement
tout ce qui peut servir de preuve aux
Mémoires qu'on lui fournira . Le tout en Extraits
collationnez sur les Originaux par un ou
plusieurs Notaires , et légalises par un Magis-`
trat authentique , ou par le Juge superieur du
Ressort. 30. Les Armoiries des Alliances qu'on
988 MERCURE DE FRANCE
a contractées , exactement blazonnées . On n'oubliera
pas non plus de parler des Filles qui ont
été mariées , et de celles qui sont entrées en Religion.
Les Maisons qui ont donné des preuves pour
Malte , peuvent en envoyer les Duplicata avec
un Mémoire instructif , et qui suplée à ce que
le Duplicata ne contiendra pas.
Il n'en coutera rien à personne que la peine
d'envoyer les Titres , et de les affranchir à la
Poste . La Noblesse est priée de se hâter , parce
que l'Ouvrage est avancé , et que PAuteur souhaite
avec empressement de le publier . Son
adresse est à Paris , chez le sieur Bonvalet , Marchand
Epicier , ruë du Bacq.
Le 22 Avril , le R. P. du Vivien , Carme 8
prononça dans l'Eglise du Convent , dit Billetes ,
un Discours Latin en présence de M. le Nonce
et d'un grand nombre de personnes de distinction
. Le Discours fut fort goûté , le Sujet en
avoit été annoncé dans un Programme en ces
termes : Erroribus , Hominum in Philosophando ,
qua Principia , qua Remedia , dicet Orator Philosophus
in Regio Billetarum Carmelo , pro auspi→
candis Philosophia studiis.
nier
On nous a envoyé la Réponse qui suit à la
Question proposée dans le Mercure de Mars derpage
$ 49. Pourquoi a-t - on plus de peine à
pardonner à ceux qui prennent plaisir à voir les
personnes calomnices , qu'à ceux qui sont les auteurs
des calomnies
C'est qu'ordinairement les calomniateurs sont
excitez par une pastion d'envie , ou de jalousie
et que tôt ou tard ils sont punis par la honte
qui
MA Y. 1733. 989
qui leur reste , de sçavoir que les personnes ca+
fomniées , aussi bien que les autres , connoissent
la source d'où viennent de tels discours et
la difficulté que l'on a de pardonner à ceux
qui les approuvent ou qui s'en réjouissent , vient .
de ce qu'on croit que ceux ci sont des ennemis
cachez que la timidité seule retient , et qu'on
s'imagine qu'ils feroient encore plus de mal
s'ils l'osoient : C'est la pensée de Mlle Archam
bault , de la Ville de Laval.
EXTRAIT D'UNE LETTRE
écrite de S. Denis en France sur la
Mort d'un fameux Artiste .
Pierre Denis,nâquit à Mons en Hainault , en
Pannée 168. il eut dès sa jeunesse une grande
inclination pour les Arts et un goût particulier
pour le travail du fer. Cette inclination luk
fit entreprendre le voyage d'Italie ; il s'arrêta à
Rome deux ans entiers , travaillant sous les meilleurs
Maitres . Il vint ensuite à Paris , où il acheva
de se perfectionner par un travail assidu de
six années auprès des plus habiles Artistes en ce
genre.
En l'année 1690. il quitta le Monde pour s'at
tacher à l'Ordre de S. Benoît , en qualité de
Commis , c'est ainsi qu'on nomme les Laïques.
qui se donnent à la Religion , et s'engagent par
un Contrat civil à garder certaines Regles et à
s'occuper , selon l'ordre des Superieurs , dans
les Arts et Métiers dont ils sont capables . Il entra
pour cela dans l'Abbaye Royale de S. Denis ,
et après ses deux années de probation , il y fit son
Contrat de stabilité en 1692.
Pendant quarante- trois ans qu'il a vécu à
S
990 MERCURE DE FRANCE
S. Denis d'une maniere toujours édifiante , il
s'est continuellement occupé à de grands Ouvrages
de son Art , qu'il a executez dans la derniere
pertection. Il a enfin laissé dans cette celebre
Abbaye dequoi immortaliser sa memoire.
Son premier Ouvrage est la Balustrade de l'Orgue.
Il fit ensuite une Porte pour le Choeur , laquelle
a servi dans le temps que le Jubé de pierre
subsistoit. On la depuis transportée à l'entrée
du Chevet de l'Eglise , proche le Tombeau de
M. de Turenne . Il a fait aussi la Rampe du Degré
qui descend du Chevet * au Choeur.
En l'année 1751. il posa les Grilles collaterales
du Choeur du côté du Midy et du Septentrion.
Environ sept ans après la grande Grille qui fait
face à la Net , fut achevée et posée . Elle comprend
la grande Porte du Choeur , les deux Portes
des Collateraux , les Degrez et les Tours du
Jubé. Les Desseins sont du fameux M. Anguierre,
Sculpteur de notre Académie.
Depuis ces grands Ouvrages il a encore fait la
Balustrade du Balcon qui est au bout du Dortoir
du côté de Paris , la Balustrade et les Rampes du
grand Escalier , lesquelles ont été finies en 1723 .
Il avoit fait auparavant la Grille qui est au bas
du même grand Escalier , et dont le travail est
incomparable.
En 1724. la Balustrade de l'Escalier qui descend
du Dortoir à l'Eglise .
En 1725. la Suspension des Lampes du Choeur.
Ensuite la Chaire du Lecteur au Réfectoire ,
Ouvrage fait en Découpures et des plus accom -
* Le Chevet est le Rond point ou le grand espace
qui est derriere le grand Autel, et qui comprend le
Tour des Chapelles.
plis
MAY. 1733. 991
plis ; la Chaire a été posée au mois de Mars 1726.
et le Couronnement fini en 1727 .
Enfin notre excellent Artiste a fait à S. Denis
la Rampe de l'Escalier de la nouvelle Infirmerie ,
et c'est son dernier Ouvrage à l'égard de cette
Abbaye.
Il a fait aussi , par ordre de Madame d'Orleans
, Abbesse de Chelles , la belle Grille du
Choeur des Religieuses . Ce Morceau est des plus
riches , des plus magnifiques et des mieux entendus.
Il a encore travaillé aux Grilles de l'Eglise Cathédrale
de Meaux , et a donné les Desseins de la
Porte du Choeur de l'Eglise de Notre - Dame de
Paris, et de plusieurs Ouvrages pour differens endroits
. La Balustrade de l'Autel de la Chapelle de
l'Hôtel- Dieu de S. Denis , est aussi de lui .
Pierre Denis mourut d'une fluxion de poitrine
le 20. Mars 1733. dans la 75. année de son âge.
Il a été inhumé dans le vieux Cloître , du côté
de l'ancien Réfectoire , vis - à - vis le Puits . On a
marqué l'endroit d'une Pierre quarrée , sur laquelle
on a gravé le jour , le mois et l'année de
sa mort. On y a ajouté les deux premieres lettres
de son nom , P. D.
On peut dire qu'il a été le plus rare et le plus
habile Ouvrier en fer qu'il y ait eû en Europe.
Les Experts avoüent que personne n'a encore approché
de la délicatesse , de la beauté et de la
perfection de ses Ouvrages , que tous les Etran
gers s'empressent d'aller voir et d'admirer.
Le Portrait de CHARLOTTE DESMARES,
fameuse Comédienne du Théatre François , que
le Public ne cesse de regretter , vient de paroître
en Estampe , très- bien gravée par M. Lepicier ,
d'après
992 MERCURE DE FRANCE
d'après le Tableau original de M. Charles Coypel,
C'est une demi figure dans un Ovale en hauteur,
tenant d'une main les Attributs de Melpomene
et de Thalic. On lit ces Vers au bas.
Touchante dans les pleurs , picquante dans les
ris ;
De l'une et l'autre Scene également Maitresse ,
Au Théatre tu réunis ,
Les dons partagez au Permesse ,
Cette Estampe se vend chez Surrugue , Graveur
du Roy , rue des Noyers,
PHILIPPE WAUVERMANS , Peintre Hollandois ,
en petites Figures , grand Paysagiste , qui a excellé
pour les Batailles , les Chasses , les Animaux
et sur tout pour les Chevaux , sembloit avoir été
negligé par les Graveurs de notre siecle , de quoi il
y a lieu de s'étonner ; car peu de Tableaux de
Chevalet des meilleurs Maîtres sont si bien
composez , si agréables , si estimez et si chéris
parr les Curieux .
>
Il paroît depuis peu six belles Estampes d'après
Wauvermans , gravées par le sieur Moyreau, et
qui ont un fort grand débit chez lui où elles se
vendent , rue Galande , vis - à - vis la Chapelle de
saint Blaise.
Le principal Morceau et une GRANDI
CHASSE A L'OISEAU , riche et abondante Composition
d'après le Tableau original du fameux
Cabinet de la Comtesse de Verrue , de 42. pouces
de large sur 28. pouces de haut.
D'EPART POUR LA CHASSE , d'après l'Original
du Cabinet de M. Crosat , 30 pouces de
large sur 14. et demi de haut.
R
" M A Y.
993 1733.
RETOUR DE CHASSE ET CURE'E , du Cabinet
de Monseigneur le Duc d'Orleans , 24.
pouces de large , sur 18 .
ABREVOIR , du Cabinet de la Comtesse de
Verrue , mêmes dimentions.
CHASSE AUX CANARDS , du Cabinet de
M. Crosat , 15. pouces de haut , sur 12 .
LA MARCHANDE DE MARE'E ; du même
Cabinet et mêmes dimentions.
Se sieur De Nielles , Chirurgien à Paris , a fait
la découverte depuis quelques années d'un Remede
qu'il croit infaillible pour la guérison des
Ecrouelles qui attaquent la gorge , sans qu'il soit
besoin de faire d'ouverture ni de mettre des Emplâtres
; son Remede , qu'on prend interieurement
, est aisé à prendre. Il purifie la masse
du sang , fond les glandes gonflées et ulcérées ,
aussi bien que les glandes du Mésantere , où réside
la source de cette malheureuse maladie , et
cela quand même les glandes auroient été ouvertes
par des instrumens ou autrement ; la premiere
cause de cette maladie est dans le sang qui
a été chargé d'un mauvais levain en passant par
les glandes du Mésantere , et comme la sérosité
de ce sang est âcre et corrosive , qui passe et repasse
continuellement dans toutes les parties du
corps, toutes les parties glanduleuses , comme les
glandes Maxillaires et Salivaires reçoivent la sé
rosité du sang , qu'elles dégorgent continuellement
par la bouche , ce qui fait faire un mauvais
chile, et par celles qui ne peuvent se dégorger
, il s'y fait une obstruction qui enflamme les
glandes, qui faute de remede, viennent à supuration
sans les ouvrir ; aussi-bien que dans toutes
les autres parties du corps qui sont disposés à
recevoir
994 MERCURE DE FRANCE
recevoir la même impression de cette Limphe
impure dont elle attaque le plus souvent les par
ties spongieuses des os , ce que les Allemans appellent
Epine venteuse , et en France , Humeur
froide , ... Si dans le moment qu'on s'apperçoit
de cette maladie , on avoir recours au Remede du
sieur De Nielles, le Malade guériroit et ne deviendroit
pas à un degré desesperé, comme l'on voit
arriver tous les jours par le peu d'attention et de
soin qu'on se donne , generalement parlant , en
traitant la maladie dans son commencement de
bagarelles , d'engelures , de croissances , &c . . . .
Ce Remede se peut envoyer par tout sans risque
d'être alteré ; il est un peu purgatif et n'affoiblit
point le tempéramment , on le peut donner aux
enfans dans le berceau , on en prend tous les jours
à jeun jusqu'à parfaite guérison .
Le sieur De Nielles a guéri plusieurs personnes,
même de distinction , avec tout le succès possible
la bienséance ne lui permet pas de les nommer
, M. Maréchal , Premier Chirurgien du Roy,
en rendra témoignage , et outre cela le sieur De
Nielles est en état d'en faire voir à Paris des Particuliers
qui en ont été guéris.
Le sieur De Nielles demeure ruë de la Tixeranderie
, près la Gréve.
Le sieur Neilson , Ecossois , reçû depuis peu à
S. Côme , Expert pour la guérison des Hernies
ou Descentes , dans l'un et dans l'autre sexe , à
tout âge , demeurant à Paris , ruë Dauphine au
Cocq d'or , donne avis qu'il traite ces sortes de
maladies d'une façon particuliere , par la simple
application des Remedes specifiques , et sans que
le Malade cesse de vacquer ses affaires .
Il donne aussi ses Avis et ses Remedes à ceux
à
qui
94
ies
P
E,
AT
96 MERCURE DE FRANCE
Murmure ce doux langage :
Aimez , Philis , un Amant ,
Des Bergers le plus constant.
M
Je croi que j'entends Silvandre ;
Qui soupire au fond du Bois :
L'Echo répete sa voix ,
Et de loin nous fait entendre ,
Que rien n'égale les maux
Qu'on sent d'avoir des Rivaux;
Dessus ces écorces vertes ,
Gravons ton nom et le mien
Que d'un si tendre lien ,
Philis , elles soient couvertes !
It voyons les chaque jour ,
Croître moins que notre amour.
S
Les fleurs s'empressent d'éclore ;
Dans cet aimable Printemps ;
On voit paroître en nos Champs ;
Les Amours , Zéphire et Flore ;
C'est le pouvoir de tes yeux ,
Qui les fixe dans ces lieux.
Les Lis qu'on voit dans nos Plaines ,
Les
Ch
997
MAY
.
1733
es Roses de nos Jardins ;
es Eillets et les Jasmins ;
e cristal de nos Fontaines ,
J'égalent pas la beauté ,
'ont mon coeur est enchanté,
i
a
Le Dieu qu'ici l'on révere ,
pprouvant de feux si beaux ;
çait conserver les Troupeaux ,
De mon aimable Bergere :
Jon , de la rage des Loups ,
ls n'éprouvent point les coups.
Le Ciel doit avec justice ;
Accorder tout son secours
A de si chastes amours ;
Et toujours être propice ,
A de fideles amis ,
Par la vertu seule umis.
讚
>
Que cette flamme si pure ,
Jure donc aussi long -temps ,
Que l'on verra dans nos Champs ,
laître et mourir la verdure ;
t que nos tendres Agneaux ,
ondiront sur ces Côteaux,
V. D.
SPEC
998 MERCURE DE FRANCE
***
SPECTACLE
S.
L
'Académie Royale de Musique donna
le 31 de ce mois la seconde Représentation
de l'Empire de l'Amour , Balet
Héroïque , dont nous avons rendu
compte dans le dernier Mercure ; mais
nous avons promis de parler de l'éclatante
et superbe Décoration du Génie du
Fen : C'est à quoi nous allons satis
faire.
Ce grand morceau d'Architecture re
présente un magnifique Palais , qui pa
roît aux yeux prodigieusement
vaste
formant une grande Galerie , au bout de
des laquelle on voit un Dôme , porté par
Colomnes et des Arcades , au travers desquels
se voyent obliquement , à droite
et à gauche , une continuation d'autres
Galeries en Arcades , portées par des colomnes
isolées , qui produisent à la vuë
un si grand éloignement, que l'oeil en est
étonné.
Toute la Décoration est très- richement
ornée , et d'un goût noble et grand, quoiqu'extrêmement
particulier et bizarre ;
Et cependant possible dans l'éxécution ,
par
MAY. 1733 .
par l'accouplement des colomnes et la
distribution du plan ; elle est , selon le
vrai caractere du génie du feu , si éclairée
par le ménagement du brillant des couleurs
et des lumieres , que l'imagination
ne peut rien concevoir qui caracterise si
bien ce Sujet.
•
Sur le rez - de -chaussée , à l'aplomb du
Dôme , on a placé une Urne avec son
piédestal , très- ornée
lumineuse et
transparente , d'où paroît partir la lumiere
qui éclaire toute la Décoration , laquelle
en devient si éclatante , qu'à pei
ne peut- on en soûtenir la vuë.
Cette Décoration , dans laquelle toutes
les finesses de l'Art sont employées, et que
le Public ne cesse d'honorer de ses applaudissemens
, est fort au - dessus de celle
du Palais du Soleil , et fort différente de
toutes celles qu'on a fait jusqu'ici , tang
par la Composition et l'Architecture, que
la matiere dont elle est composée
comme cuirs dorez faits exprès , fer blanc
poli et verni par dessus , couleurs les
plus éclatantes , toiles transparentes , et
dorures ; tout cela si bien disposé , qu'il
produit un effet qui paroît tenir de l'enpar
chantement .
>
Le sieur André , Peintre de l'Opera , a
peint cette Décoration sur les Desseins
H du
co MERCURE DE FRANCE
du Cavalier Servandoni , qui nous donne,
tous les jours de nouvelles preuves de
son génie , aisé varié et fécond.
On prépare le Ballet des Fêtes Grecques
et Romaines, pour le donner après celui
qu'on jouë à présent.
Le 28 Avril , les Comédiens François
donnerent la premiere Représentation
du Paresseux , Comédie en trois Actes
et en Vers , précedée d'un Prologue , par
M. de Launay. Cette Piéce n'a été représentée
que quatre fois , mais on l'a vûë
avec plaisir. On y auroit souhaité un peu
plus d'action. En voici l'Extrait ,
Dans le Prologue , un Poëte veut obliger
l'Auteur du Paresseux de lire sa Picce
a ' des prétendus Connoisseurs
, qui prennent
soin de l'annoncer dans le monde
avant qu'elle paroisse au Théatre ; l'Auteur
n'y consent pas , et donne de bonnes
raisons de son refus. Il se contente
de rendre compte de son Sujet au Poëte
un peu trop pressant. Voici comme il
définit le Heros de sa Piéce :
Je peins un Paresseux qu'on aime ,
Qui par nature et par systême ,
Veut éviter la peine , et qui toujours s'en
fait;
En
ΜΑΥ. 1733 1001
En affaire
"
en amour , négligent à l'ex-
I
trême ,
Du plus petit travail , craignant jusqu'au projet
;
Aveugle confiance , abandon de soi - même
Voilà son Caractere , et voilà le Sujet.
Le Poëte en demandant, davantage ;
l'Auteur persiste dans son refus ; et parmi
les inconveniens qui suivent des lectures
réïterées , il met au premier rang,
celui d'effleurer la nouveauté, ce qu'il appuye
de ce trait de conte ou d'his
toire.
Il me souvient fort à propos
›
D'un certain Florentin et de son avanture :
Un homme voulut voir de ses tours les plus
beaux ,
Le dessous et la Tablature ;
Pour un méchant souper , l'autre fut assez
sot ,
Que de tout expliquer en bonne compagnie ;
De là , de bouche en bouche , on transmit mor
pour mot
Tous les secrets de sa Magie ;
Si-tôt que chacun fut au fait ,
Vous jugez que les tours ne firent plus d'ef
fet ;
On les exécutoit même dans mainte Orgie !
Hij L'Au
7002 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur finit son Prologue par ces
deux Vers :
Laissons du moins à l'Auditoire
L'agrément de la nouveauté.
Acteurs de la Piéce.
Damon , le Paresseux , Le sieur Dufresne.
Cidalise , Veuve accordée à Damon , La
Dlle Gossin.
Lisette , Suivante de Cidalise , La Dlle
Quinault.
Le Chevalier , Ami de Damon , Le sicur
Poisson.
Frosimon Intendant de Damon , Le
sieur de Berey.
,
Argante , Ami de Damon et de Cidalise,
Le sieur de Mommeni.
Lepine ' , Valet de Damon , Le sieur Armand.
La Scene est à Paris dans le Vestibule de
la Maison de Damon.
Lepine , et Lisette , ouvrent la Scene ,
et font l'exposition du Sujet . Ils apprennent
aux Spectateurs que Cidalise est accordée
depuis quinze mois à Damon ;
qu'ils logent dans deux corps de Logis
séparez ; que Damon par paresse la voit
trèsMA
Y. 1733 . 1003
très - rarement ; que Cidalise n'éclate point
par fierté ou par modération ; que Damon
s'est livré à un Chevalier et à un
Intendant qui s'accordent parfaitement à
l'entretenir dans sa paresse et à le ruiner ;
que par malheur pour Damon , Chrysante,
le seul ami digne de sa confiance , et ardent
pour ses interêts , est absent. On
ajoûte qu'un Courrier d'Argante est arrivé
le soir d'auparavant. Après cette exposition
, nécessaire pour l'intelligence
de la Piéce , Lepine et Lisette s'animent
l'un l'autre à tirer Damon d'un assoupise
sement qui va le ruiner ; Lepine surtout
se promet de prouver si bien le pillage
de Frosimon son Intendant , qu'il l'obligera
à abandonner sa proye.
Le Chevalier et l'Intendant , pendant
qu'on leve Damon conviennent entr'eux
du piége qu'ils vont lui tendre.
و
Damon vient en Robe de chambre ; il
plaint son Ami et son Intendant de ce
qu'ils se sont apparemment levez trop
matin , pour le voir plutôt ; il fait un
court éloge du sommeil en ces mots :
Que celui du matin sur tout est agréable !
Il est leger , charmant , ce n'est que s'assoupir
;
yous révez doucement , vous vous sentez dor
mir;
Hij N'est1004
MERCURE DE FRANCE
N'est - il pas vrai ? pour moi , je ne sçaurois
m'en taire ;
Je ne voudrois jamais me lever ; car que
faire ?
Voici encore une peinture qu'il fait de
la Paresse ;
Il est beaucoup de gens , qui dans le même
cas ,
Du nom de Paresseux se feroient une honte ;
Moi , je passe le titre , et j'y trouve mon
compte ;
Mais je ne donne pas dans cette extrêmité
Qui vise et va tout droit à la stupidité .
La paresse est chez moi paresse raisonnée ,
Qui procure une vie , et libre , et fortu
née ;
En un mot,la sagesse avec la volupté .
Ce Systême est applaudi par les deux
fateurs qui l'entendent. Le Chevalier
plaint l'Intendant , attendu les affaires
dont il est sans cesse occupé ; Damon lui
répond qu'il y va pourvoir , et qu'il a
imaginé le moyen de mettre son cher
Intendant plus à l'aise : le voici , continuë-
t-il :
J'étois donc ce matin à réver dans mon lit ,
Et c'est dans ce tems-là qu'on a la tête saine ,
Que
MAY . 1733. 1005
Que sans se fatiguer notre esprit se promene
;
Là , j'ai trouvé tout net , et tout du premier
coup ,
Un moyen qui pourra nous soulager beaucoup
,
Qui ne sçauroit jamais , dans aucune occur
J
rence ,
Contre lui , ni les siens tirer à conséquence ;
C'est le seul , en un mot ; pourriez-vous deviner
? & c.
Ce sont mes blancs seings que je veux lui donner
, &c.
N'est- il pas vrai pour moi , je le crois sans réplique
,
Et voici leur usage : il reçoit mes deniers ;
Il remplira le blanc , voilà pour mes Fermiers
;
Et pour son compte à lui , comme il fait ma
dépense ,
Autres blancs à remplir et voilà sa quittance.
V
>
L'Intendant , d'un air hypocrite , s'op
pose à ce projet mais Damon le force à
l'approuver , et lui en promet l'éxécution.
Ce premier Acte finit par aller dî
ner , ce qui est tout- à - fait du goût du
Chevalier , dont le personnage ressemble
fort aux Parasites de Plaute et de Terence.
Hilij Da1006
MERCURE DE FRANCE
Damon , le Chevalier et Lisette commencent
le second Acte . Lisette annonce
que
à Damon Cidalise l'attend à souper
chez elle , avec un troisième, dont la vuë
ne lui déplaira pas ; il y a apparence que
c'est d'Argante qu'elle veut parler. Damon
reçoit de mauvaise grace l'invitation
que Lisette lui fait de la part de sa Maîtresse
; elle en est tres-irritée ; le Chevalier
veut la calmer, mais en vain ; elle dit
à Damon que ses froideurs pourroient
bien être suivies d'une rupture dont il
aura à se repentir. Elle le quitte pour aller
rendre compte à sa Maîtresse du mauvais
succês de sa commission ,
Le Chevalier fait prévoir à Damon les
troubles qu'il s'apprête , s'il se résout à
conclure son Hymen avec Cidalise. Damon
se reproche le consentement qu'il y
a donné ; il convient pourtant que Cidalise
mérite d'être aimée . Le Chevalier lui
promet de rompre ce fatal matiage. Damon
lui en témoigne sa reconnoissance ,
et le presse d'y aller travailler ; le Chevalier
fait connoître par un à parte qu'il
fera plus qu'il n'a promis.
Damon dans un court Monologue se
félicite d'avoir un si fidele ami. Lepine
vient , tenant dans ses mains une grosse
liasse de Lettres ausqu'elles il prie son
Maî
MAY. 1733. 1007
Maître de vouloir bien enfin faire réponse.
Damon lui dit hardiment qu'elles n'en
demandent point , quoiqu'il ne les ait pas
ni luës ni entendu lire. Lepine lui dit
qu'il y en a une du moins qui demande
réponse ; il lui en fait la lecture ; il s'y
agit de son Château bien aimé de Xaintonge
qui tombe en ruïne faute de réparations
nécessaires et toujours remises.
Damon après bien de la résistance , se
détermine à écrire à un Baron de ses amis,
qui veut bien se charger du soin de faire
réparer ce vieux Château ; il fait approcher
une Table, il prend du Papier et une
Plume; il demande le quantiéme du mois
à Lepine , qui lui répond qu'il aura soin
de le mettre lui -même ; il lui demande
encore quel jour la Poste part ; Lepine
lui répond au hazard , que c'est après demain
: Eh bien , lui dit le Chevalier ,
J'écrirai donc après demain matin.
Il se souvient qu'il a promis des blancs
seings à son Intendant; il en fait un assez
bon nombre et charge Lepine de les lui
remettre. Lepine les prend et se propose
de les porter sur le champ à Cidalise. :
Damon se plaint du retardement du
Chevalier, et voudroit sçavoir ce qu'il a
fait auprès de Cidalise ; il est embarrassé
Hv quand
Too8 MERCURE DE FRANCE
•
quand il la voit venir elle - même, sans qu'il
soit instruit de ce qu'elle aura répondu,
au Chevalier , sur la rupture de son mariage.
La Scene entre Damon et Cidalise est
tres- touchante ; cette derniere instruite
par le Chevalier qui est allé plus loin que
Damon ne vouloit , lui reproche l'injure
qu'il lui fait de vouloir rompre un mariage
qu'il avoit si ardamment souhaité.
Damon lui répond :
Vous m'offensez ; pour vous ma tendresse est
extrême ;
J'ai pû croire , il est vrai , que , quoique je vous
aime ,
Si nous restions? ainsi , sans former certains
noeuds ,
Nous serions vous et moi , peut - être plus heureux.
Cidalise lui fait entendre le tortqu'une
pareille liaison feroit à sa gloire : Elle lui
dit , que l'indifférence qu'il lui témoigne
ne l'empêchera pas de s'interesser dans
tout ce qui le regarde , et sur tout de lui
ouvrir les yeux sur le complot que le
Chevalier,de concert avec son Intendant,
a formé pour le ruiner ; elle le quitte en
lui disant :
Je ne demande point que vous me secondiez ,
Mais
MAY . 1733
1009
Mais je veux empêcher que vous ne vous per-
- diez ;
Si je n'agissois point, j'en deviendrois complice;
Après , si vous voulez , vous me rendrez justice .
Damon est surpris de la maniere dont
Cidalise vient de lui apprendre son devoir
; et c'est là ce qui le détermine à par
tir enfin pour la Xaintonge.
Au troisiéme Acte , Lepine et Lisette
se réjouissent de l'arrivée d'Argante , et
s'en promettant un heureux succès pour
le complot qu'ils ont formé contre le Chevalier
et l'Intendant ; Lepine dit que Damon
lui a paru agité pour la premiere
fois ; mais qu'à cette agitation , non encore
éprouvée , a succedé un sommeil des
plus profonds. Ils se couronnent à l'envi
de Lauriers , mais chacun d'eux prétend
avoir le plus de part à leur prochaine victoire.
Lisette se retire la premiere , et
Lepine en fait bien tôt autant à l'approche
de Damon et du Chevalier. J
Le Chevalier instruit par Damon de
tout ce qui se passe , lui reproche la foiblesse
qu'il a de souffrir qu'on fasse assiéger
sa maison par un Magistrat , et par sa
suite , comme s'il étoit encore en tutelle.
Damon lui apprend que ce Magistrat ,
qui s'appelle Pirante , veut obliger son
H vj
Inten
*
1010 MERCURE DE FRANCE
Intendant à rendre ses comptes. Damon
ne sçait à quoi se resoudre ; leur conversation
est interrompue par l'arrivée d'Ar-
'gante ; le Chevalier qui pour son malheur
n'en est que trop connu , pâlit à
son aspect.
Argante après avoir embrassé Damon ,
jette un regard de surprise et d'indignation
sur le Chevalier ; il le prie de se re
tirer , et l'en prie d'un ton de maître ; le
Chevalier ne se le fait pas dire deux fois.
*
Argante après avoir reproché à Damon
son indifférence pour Cida ise , et le délay
d'un Hymen arrêté depuis quinze
mois , tandis qu'il s'abandonne à deux
hommes , dont l'un a servi chez son
Frere , et l'autre le vole impunément, lui
demande en quel état sont ses affaires :
Damon lui répond en homme qui ne s'en
est jamais occupé. Argante lui dit qu'il
n'est que trop informé de sa létargie, ct
qu'il est venu exprès pour l'en tirer.
Lepine vient apprendre à Argante ,
que Pyrante, en habile Magistrat , a fait
rafle sur tout , et que le Chevalier s'est
éclipsé prudemment.
Cida ise arrive , tenant dans ses mains
des papiers , qu'elle remet dans celles de
Damon ; ls blancs seings sur tout sont
du nombre. Damon ouvre enfin les yeux,
sur
MAY. 1733. TO
sur toutes les fautes que sa paresse lui a
fait commettre ; il est charmé que Cidalise
veuille bien se charger à sa place du
soin de les réparer ; ce qui fait dire plaisamment
à Lepine qu'il va l'épouser par
paresse : Voicy comment Damon s'exprime
, sans se détacher de sa passion dominante
; c'est à Cidalise qu'il s'adresse.
De mon aveuglement je reconnois l'yvresse ,
Et je ne conçoi pas quelle étoit ma foiblesse ,
Car je n'envisageois le lien conjugal ,
Que comme un noeud fâcheux , comme le plus
grand mal ,
Et point du tout , il est justement le contraire ;
Vous en faites un port tranquille et salutaire .
En sorte que vos soins débrouillant ce cahos ,
Je voi que pour jamais , je me mets en repos.
Le Lecteur pourra juger . par les Vers
que nous venons de citer , que la Piéce
fera beaucoup de plaisir à la lecture ; on
en a trouvé l'action un peu trop simple
pour une Comédie en trois Actes ; cependant
on convient qu'elle est parfaite.
ment conduite , et qu'il n'y manque que
certains coups de Théatre , qui font ordinairement
le succès des Pieces , même le
plus négligemment écrites.
Cette Piece d'un caractere tout neufau
Théatre , paroît tres- bien imprimée, chez
C12 MERCURE DE FRANCI
le Breton fils , Quai des Augustins ; elle se
débite tres-bien , et nous pouvons ajouter
que la lecture fait beaucoup de plaisir.
L'Auteur a joint à cet Ouvrage une
petite Préface qu'il finit en ces termes :
Je n'ai pas moins apprehendé la chute de
la Piéce à l'impression que sur le Théatre ;
le public a déja eu la bonté de me rassurer à
cet égard , en prononçant d'avance en faveur
de la lecture ; heureux s'il confirme cette
esperance que j'ai conçue, et s'il me laisse
ainsi la plus solide satisfaction.
Le 4. de ce mois , les Comédiens François
remirent au Théatre la Tragédie d'Andromaque,
dans laquelle la Dile Dumay , qui n'a encore
monté sur aucun Théatre public , joia le Rôle
d'Hermione. Elle remplit quelques jours après le
Rôle de Zénobie , dans la Tragedie de ce nom ,
et elle y fut applaudie.
Le Mercredi 13 , on representa la Tragédie
d'Electre , de M. de Crebillon, avec un tres -grand
concours ; la Dlle Dufresne qui avoit été plus d'un
an sans paroître , y joua le principal Rôle , er
le public l'honora de beaucoup d'applaudisse
mens , tres-bien méritez .
Le 20 du même mois , le Sr Fierville , Acteur
du Théatre de Strasbourg , joüa dans la même
Piéce le Rôle de Palamede , et il y fut tres- ap
plaudi.
Le 27 , il fut aussi fort applaudi dans le Rôlè
du Vieil Horace , dans la Tragédie des Horaces,
dans laquelle la Dlle Dufresne joua le Rôle de
Camille
MAY. 1733 . 1013
Camille , avec des graces , des expressions et une
finesse ausquelles le Public parut tres - sensible .
Le même jour on joua pour la premiere fois ,
Le Rendez- vous ; petite Piéce en Vers et en un
Acte , de M. Fagan ; on dit que c'est son premier
Ouvrage ; si cela est , il y a tout lieu de
bien augurer de ceux qu'il donnera dans la suite.
Celui- cy a été reçu tres - favorablement , et il
un fort grand succès. Outre que la Piece est
tres jolie , elle est parfaitement bien representée.
Nous en parlerons plus au long.
XXXX:XXXXXXXXXXX
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
O
Na appris de Smirne , que le Commandant
de l'Escadre d'Alger , qui avoit mouillé aux
Fogeri , avoit , selon la permission que le Divan
lui avoit donnée , levé près de 4000. hommes
dans la Natolie et dans la Province de
Sarchan.
On a appris depuis que cette Escadre avoit mis
à la voile le 28. Mars , pour repasser le Canal de
Malte , et qu'elle est accompagnée de quelques
Sultanes et d'un autre Vaisseau chargé de Poudre
et d'autres munitions de guerre, que le Grand
Seigneur a donnez à la Régence d'Alger.
ག ཞ་
A Constantinople , le 30. Mars 1733 .
LE
Es nouvelles de Perse sont toujours fort in
certaines , et souvent celles qui se débitent le
matią sont contredites par d'autres qu'on répand'
le
TO14 MERCURE DE FRANCE
le soir. On assure depuis quelques jours , que
Mossoul n'a point été été saccagé par Thamas-
Kouli Kan , comme on l'avoit cy- devant publié.
On dit que sur les premiers bruits qu'il s'en approchoit
, les habitans les plus accommodez de
cette grande Ville avoient d'abord voulu s'enfuir
avec leurs meilleurs effets ; mais que d'un côté ,
Pincertitude de sçavoir où se mettre en sureté
dans un Pays ouvert et inondé de Soldats , et
de l'autre , les représentations , les cris et même
les menaces du peuple , au desespoir de se voir
abandonné, leur avoit fait changer d'avis ; qu'étant
dailleurs informez que le General Persan
n'avoit point de gros Canon à sa suite , ils avoient
tous pris le genereux parti , tant les riches , que
les pauvres , de se renfermer dans leur Ville et
d'en rétablir à la hâte la Forteresse et l'enceinte
presqu'entierement ruinées , à quoi tout le monde
, de tout âge , de tout sexe et de toute condition
avoit travaillé avec tant de zele et de diligence
, que Thamas- Kouli - Kan venant à paroître,
il avoit jugé cette Ville hors d'insulte et avoit
passé outre.
*
>
On ajoute que continuant ses courses rapides ,
dans lesquelles il ravage tout le pays par où il
passe, il étoit tombé tout à coup sur Kouch-Kalessi
, Fauxbourg de Bagdad , séparé de la Ville
par le Tigre , qu'il y avoit fait beaucoup de butin
et y avoit même trouvé un Canon d'une
grosseur prodigieuse , qu'Achmet - Pacha , Gouverneur
de Bagdad , n'avoit pas eu le temps de
retirer ; que comme cependant Thamas - Kouli-
Kouch- Kalessi , signifie en Arabe la Tour des
Oiseaux. C'étoit une Tour qu'il y avoit autrefois ,
dans ce Faubourg, d'où il a pris son nom.
Kan
MAY. 1733. 1015
Kan n'avoit d'autre Artillerie avec lui que quel-..
ques petites Pieces de campagne , portées sur des
chameaux, on présamoit que quant à présent il se
borneroit à tourner en blocus le siege qu'il avoit
paru vouloir former de cette Place , et qu'au surplus
quelque parti qu'il prît , Achmet- Pacha l'avoit
si bien pourvûë de tout , qu'elle étoit en état
de se soutenir long- temps.
Les Turcs ont eu quelques avantages depuis peu
du côté de Tauris , où ils se sont emparez de
deux petites Villes , à la deffense desquelles il a
péri quelques Persans ; et le G. S. résolu de faire
tous ses efforts cette année pour terminer par
quelque Evenement décisif , une guerre si longue
et si ruineuse , a ordonné à tous les Pachas qui
sont sur les Frontieres de Perse , d'y marcher en
diligence avec le plus de Troupes qu'ils pourront
rassembler. De pareils ordres ont été donnez
le 26. de ce mois à 12000 hommes qui partent
d'ici journellement par mer et par terre ; sçavoir,
8000. Jannissaires , commandez par le
Koul-Kiayasei , ou Lieutenans General de cette
Milice , et le reste Topgis et Dgebedgis , aussi
commandez par les Kiayas ou Lieutenant Generaux
de leurs Corps . Mais ce qui releve plus que
toute autre chose le courage des Turcs , c'est que
Topal Osman , Pacha , a été fait Seraskier et
avec une grande autorité , et que les gens de guerre
qui ont une entiere confiance en sa capacité et
en sa bravoure , marchent en Perse avec autant
de bonne volonté qu'ils montroient cy- devant de
* Il est remarquer
que le Jannissaire
Aga , le
Topgi
- Bachi
et le Dgebedgi
-Bachi
, qui sont les
Chefs
de ces trois Corps
, ne marchent
point à l'Armée,
que lorsque
le G.V. la commande
en personne
,
1016 MERCURE DE FRANCE
*
Y
tépugnance à y aller. Ainsi l'Armée Otomane devant
être de plus de 200 mille hommes bien
payez , au moyen des grandes sommes que Sa
Hautesse a fait tenir à Topal - Osman , on se flatte
que la Campagne qui va s'ouvrir sera féconde
en heureux succès . On compte même que cet
actif Séraskier doit avoir déja penetré dans le
Diarbekir.
Le Grand-Seigneur avoit pareillement ordonné
au Kan des Tartares de Crimée , d'envoyer
20 mille hommes de ses Troupes en Perse ; mais
comme, pour abreger considerablement leur rou
te , on étoit convenu de les faire passer sur les
Terres de la Czarine , M. Nepluef, Résident de
cette Princesse à Constantinople , en ayant eu
avis , s'y est formellement opposé , et a signifié
au Reis - Effendi , au nom de sa Souveraine , qu'el
le ne pourroit consentir à ce passage , et que si
l'on persistoit à le vouloir tenter , elle regarderoit
cette entreprise comme une déclaration de
guerre. On ne sçait pas encore la détermination
de la Porte sur ce refus , ni quel chemin prendront
les Tartares.
Outre le Commandement de l'Armée que le
G. S. a donné à Topal - Osman , avec un pouvoir
si absolu , qu'il est le Maitre de tous les Emplois
Militaires , et de distribuer des récompenses er
des pensions à qui il jugera à propos , S. H. l'a
fait Beylerbey d'Anatolie , et en même temps Pa
cha de Cutaya, ces deux dernieres Dignitez étant
toujours unies ; et pour lui marquer encore mieux
sa bienveillance , elle a fait aussi de nouveau le
gendre de ce General , Beylerbey de Romelie et
Pacha de Nisse , Dignitez qui vont pareillement
ensemble , et dont ce dernier avoit déja été revêtu
ey-devant sous le Visiriat de son beaupere.
M.
MAY. 1733. 1017
M. le Comte Sierakousky , envoyé Extraordi
naire de Pologne à la Cour Ottomane ,pour complimenter
le G. S. sur son avenement au Trône ,
et qui arriva à Constantinople le 6.de Novembre
dernier , en est parti le 14. du present mois de
Mars , sur la nouvelle qu'il y reçut le 28. Février .
de la mort du Roy Auguste. M. le Comte Staninsky
, neveu de ce Ministre , est resté ici en
qualité d'Agent , avec l'agrément de la Porte ,
qui lui a donné une Maison à Pera , et un Train
pour sa subsistance journaliere.
"
Djanum- Codja , auquel peu après sa derniere
déposition de la Charge de Capitan-Pacha , il y
a deux ans , on avoit donné le Pachalik de Le
pante , qui ne rapporte qu'environ 20. Bourses ,
a été nommé aujourd'hui à celui de Negrepont
qui produit 60. Bourses , et qui est toujours rempli
par un Visir à trois Queues. Il releve Abdoulla
Cuperly , cy - devant Pacha du Caire , que le
G. V. envoye servir en Perse sous les ordres de
Topal- Osman.
Let
POLOGNE.
P. V. D.
Es Remontrances du Prince de Vienovieski ;
vont déterminé la plus grande partie des Gen
tilshommes du Palatinat de Cracovie , qui étoient
entrez dans la Confédération signée le 23. Février
, à y renoncer ; la Diette particuliere de ce
Palatinat , malgré les oppositions du reste des
Confédérez , a élu les Nonces à la prochaine
Diette de convocation , et les instructions qu'on
leur a données , sont conformes à celles des Nonces
de la Diette particuliere du Palatinat de Ma-
** sovie.
Il est arrivé à Varsovie des Députez des Dietto18
MERCURE DE FRANCE
tes particulieres de divers Palatinats , pour faire.
part au Primat de la résolution où est la Noblesse
de leurs Palatinats , d'exclure de la Couronne
tous les Etrangers , et particulierement ceux dont
les biens ne sont pas situez en Pologne.
On apprend par les dernieres Nouvelles de
Warsovie , que la Diette Generale de Convocation
, avoit élû pour Mareschal, M. Maschalski,
Staroste et l'un des Nonces du Palatinat de
Grodno .
DANNEMARCK .
On parle d'un Cartel projetté entre le Dannemarck
et la Suede , par lequel les deux
Puissances s'engageront à se rendre , non seulement
les Deserteurs , mais encore toutes les personnes
accusées de quelque crime capital , et particulierement
du duel , sans avoir égard à la naissance
, ni au rang des coupables.
L
ALLEMAGNE.
"
E Decret Imperial , par lequel il est ordonné
à tous les Habitans du Duché de Meckelbourg
de reconnoître le Duc Chrétien Louis , pour
Administrateur de ce Duché , est arrivé depuis
peu à Schwerin , et il y a été publié. L'Empereur
a écrit au Duc Charles Léopold , pour l'exhorter
à se soumettre à ce Decret , et à ne point rroubler
par une résistance inutile et dangereuse ,
la tranquillité
de ses Peuples. Il a écrit en même- temps
au Duc Chrétien Louis , pour lui recommander
de
convoquer au plutôt une Assemblée generale
des Etats du Duché , afin de prendre avec eux les
mesures convenables pour assurer son autorité.
Le Duc de Meckelbourg Strelitz , a reçû aussi
une Lettre de S. M. I. qui l'invite à se trouver à
L'Assemblée des Etats.
MAY. 1019 1733
ITALI E.
Ofery ,et le Prêtre Aitelli , deux des quatre
N apprend de Genes , que Don Louis Gia-
Chefs des Mécontens de Corse , détenus dans la
Forteresse de Savonne , ont été depuis peu remis
en liberté , sur les assurances qu'ils ont données
d'une meilleure conduite et d'une parfaite soumis
sion aux ordres de la République.
PA
ESPAGNE,
Ar le Courrier arrivé d'Oran le 27. Avril , on
a appris que la nuit du 19. au 20. du même
mois , l'armée des Ennemis s'étoit approchée par
le Barranco ou Vallon creux , des postes qui couvrent
les Travailleurs des nouvelles Fortifications
des Forts S. Ferdinand et S. Philippe . Deux Compagnies
de Grenadiers qui étoient au pied de la
Montagne de la Mazetta , ayant découvert l'avant-
garde des Maures , la chargerent , mais
nayant reconnu le grand nombre des Ennemis
elles se retirerent de leur poste , qui fut occupé
par un Détachement des Ennemis , jusqu'à ce
que le Marquis de Villadarias , Commandant
General des Troupes Espagnoles , eut envoyé
dix autres Compagnies qui les en chasserent. Če
Détachement s'étant retiré sur l'une des éminences
qui commandent le Barranco , obligea par
le feu continuel de sa Mousqueterie , les Espagnols
de quitter ce même poste ; mais ceux - cy
ayant reçû un renfort de sept Compagnies de
Grenadiers , de quatre de Gardes Espagnoles et
Walonnes , d'une du Régiment d'Espagne , et de
deux du Régiment de Victoria , retournerent à la
charge , attaquerent vivement les Troupes postées
SU
1020 MERCURE DE FRANCE
sur la hauteur , et les mirent en fuite. Alors l'armée
des Maures , composée de 9000. hommes
d'Infanterie et de 2000. chevaux , marcha en
Bataille contre les Espagnols , et ceux- cy s'étant
postez sous le Canon des Forts S. Ferdinand
et S. Philippe , les Ennemis avancerent jusqu'à
la demie portée du fusil de ces Forts , d'où
ils furent très-mal traitez par de fréquentes décharges
d'Artillerie et de Mousqueterie. Après
avoir demeuré pendant quelques heures exposez
à ce feu , et voyant qu'ils perdoient beaucoup de
monde , ils se retirerent sans vouloir engager
le combat avec la Cavalerie Espagnole , qui étoit
postée près du Fort S. André , et qui les attaqua
pour les attirer sous le feu de ce Fort. Quelques
Déserteurs des Ennemis ont rapporté que leur
perte montoit à 1500. hommes. Du côté des Espagnols
il n'y a eu que trois Officiers et sept
Soldats de tuez , et environ 80. blessez .
E 23
par
GRANDE BRETAGNE .
du mois dernier , on délibera dans la
Chambre des Communes , si on feroit une
seconde lecture du Bill, présenté le 17 à la Chambre
le Chevalier Charles Turner , pour établir
un nouveau Droit sur le Tabac , et d'un
autre Bill pour augmenter les impositions sur
le Vin et sur les Liqueurs fortes , et pour
changer la maniere de les percevoir : plusieurs
Membres insisterent pour que ces deux
Bills fussent rejettés. , et il fut résolu qu'on en
renverroit la lecture au 12 de Juin. Le soir , le
peuple ayant appris cette résolution , donna des
démonstrations de sa joye : on sonna les Cloches
, et la plupart des maisons de la Ville de
LonMAY.
1021 1733.
2
2
>
Condres furent illuminées : divers Membres du '
Parlement soupçonnez d'approuver les deux
ills proposez farent insultez par la populace en
etournant chez eux , et l'on brûla dans diffe-
S entes Places publiques , des figures de paille
usquelles ils avoient mis un cordon bleu en
charpe , tel que le portoient les Chevaliers de
Ordre de la Jarretiere. Le lendemain , sur les
plaintes qui furent portées à la Chambre par
eux de ses Membres qui avoient été insultés
t sur les remontrances qui lui furent faites
qu'il étoit de dangereuse conséquence de souffrir
que le peuple s'assemblat tumultueusement
autour de Westminster pendant les séances de
fa Chambre , elle déclara qu'attaquer ou menacer
un de ses Membres au sujet de sa conduite
dans le Parlement , et former des assemblées tumultueuses
pour faire passer un Bill , ou pour
empêcher qu'il ne passat , c'étoit violer les
droits du Parlement , donner atteinte à sa liberté
, et par conséquent désobéir à une des
plus anciennes et des plus importantes Loix de
l'Etat il fut ordonné que les Membres qui représentent
dans la Chambre la Ville de Londres
, le Comté de Middlesex et la Ville de
Westminster , signifieroient cette déclaration au
Lord Maire de Londres , au Sheriff de Middlesex
, et au Grand Bailly de Westminster , et
leur enjoindroient de la part de la Chambre , de
faire punir les Refractaires selon toute la ri
gueur
des Loix ,
ཌ་ ་
La nouvelle de la résolution prise par la
Chambre des Communes le 23 du mois dernier
au sujet de ce Bill concernant le Tabac , &c . a
été reçue par les habitans des Provinces ,
es inêmes démonstrations de joye que par ceux
avec
de
1022 MERCURE DE FRANCE
de la Ville de Londres. Dans les Villes principales
on a sonné les Cloches , et il y a eu des
feux et des illuminations. Le Conseil Commun
de Londres a fait remercier le Lord Maire , les
Aldermans et les Sheriffs , des soins qu'ils se
sont donnez pour que la Chambre reçût à tems
la Requête qu'ils avoient été chargez de lui présenter.
Il a fait aussi remercier Mrs François
Child , Jean Williams , et Geo . Caswell , Membres
du Parlement pour cette Ville , de la fermeté
avec laquelle ils se sont opposez aux deux
Bills présentez . Tous les Membres du Parlement
qui ont opiné pour qu'on les rejettat
ou pour qu'on en renvoyat la lecture , ont reçû
des complimens de la part des Villes qu'ils représentent
dans la Chambre.
Le 30 du mois dernier , la Chambre des
Communes délibera en grand Comité sur un
Bill pour empêcher les Mariages clandestins ,
et il fut resolu qu'à l'avenir il ne poarra se faire
aucun Mariage , si les Parties ne donnent une
déclaration affirmée par serment , et signée
de l'une des deux , portant leur âge , leur condition
, et leur demeure : qu'elles s'engageront
par un Acte public à payer une amende pour
laquelle elles seront poursuivies en justice , s'il
paroît dans la suite qu'elles ayent donné une
fausse déclaration ; qu'on ne délivrera point de
permissions de Mariage aux personnes qui ne
sont pas en âge de contracter , si elles n apportent
un consentement de leurs Parens et de
leurs Curateurs , et que le droit de marier sera
interdit à tout Ministre qui sera en prison. Mais
l'Article portant deffenses de délivrer aucune
permission de mariage aux personnes qui ne
sont pas en âge de contracter , si elles n'apporzent
MAY.
1023 1733
ent un consentement de leurs Parens et de
leurs Curateurs , a été rejetté à la pluralité des
voix.
Le Roi enverra dans peu un Messager au Parlement,
pour demander qu'il soit pourvû à la dot
de la Princesse Royale , et on compte que cette
dot sera de cent mille liv. sterl . d'argent comptant
, et de 10000. sterl. par an .
2222
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
LE
E3 de ce mois , le Marquis de Rosignan
Ambassadeur ordinaire du
Roi de Sardaigne , fic son Entrée publique
dans Paris. Le Maréchal d'Etrées et
M. Hebert , Introducteur des Ambassadeurs
, allerent le prendre dans les Carosses
de L. M. au Convent de Picpus ,
d'où la Marche se fit en cet ordre : le
Čarosse de l'Introducteur , ceux du Ma
réchal d'Etrées , précedez de son Suisse
de son Ecuyer et de quatre Pages à che
val ; un Suisse de l'Ambassadeur à che
val ; sa Livrée à pied , quatre de ses Of
` ficiers , un Ecuyer et quatre Pages à che
val ; le Carosse du Roi , aux côtez du
quel marchoient la Livrée du Maréchal
I d'E
1024 MERCURE DE FRANCE
d'Etrées , et celle de M. Hebert ; le Carosse
de la Reine ; celui de Madame là
Duchesse d'Orleans ; ceux du Duc d'Orleans
, de la Duchesse de Bourbon Douairiere
, du Duc et de la Duchesse de
Bourbon , du Comte de Charolois , du
Comte de Clermont , de la Princesse de
Conty , premiere Douairiere ; de la Princesse
de Conty seconde Douairiere
du Prince et de la Princesse de Conty , du
Duc et de la Duchesse du Maine , du
Prince de Dombes , du Comte d'Eu , du
Comté et de la Comtesse de Toulouse
et celui de M. Chauvelin , Garde des
Sceaux , Ministre et Secretaire d'Etat
ayant le département des Affaires Etrangeres.
Les trois Carosses de l'Ambassadeur
marchoient ensuite à une distance
de 30 à 40 pas . Lorsque l'Ambassadeur
fut arrivé à son Hôtel , il fut complimenté
de la part du Roi par le Duc de
Rochechouart , Premier Gentilhomme
de la Chambre de S. M. de la part de la
Reine , par le Comte de Tessé , son premier
Ecuyer , et de la part de Madame
la Duchesse d'Orleans , par le Marquis
de Crevecoeur , premier Ecuyer de cette
Princesse.
Le 5. le Prince de Guise , et M. Hebert
, Introducteur des Ambassadeurs ,
alle
?
MAY.
1025 17330
allerent prendre l'Ambassadeur en son
Hôtel dans les Carosses du Roi et de la
Reine , et le conduisirent à Versailles ,
où il eut sa premiere Audience publique
du Roi. Il trouva à son passage , dans
l'avant- cour du Château , les Compagnies
des Gardes Françoises et Suisses
sous les armes, les Tambours appellants;
dans la Cour , les Gardes de la Porte , et
ceux de la Prévôté de l'Hôtel sous les
armes, àà lleeuurrss postes ordinaires , et sur
l'Escalier , les Cent Suisses en habits de
cérémonie , la Halebarde à la main. Il
fut reçû en dedans de la Salle des Gardes
par le Duc de Bethune , Capitaine des
Gardes du Corps , qui étoient en haye et
sous les armes.
Après l'Audience du Roi , l'Ambassadeur
fut conduit à l'Audience de la Reine
et à celle de Monseigneur le Dauphin,
par le Prince de Guise , et par M. Hebere
: à bert : il fut admis ensuite à celles de
Mesdames de France ; et après avoir été
traité par les Officiers du Roi , il fut reconduit
à Paris dans les Carosses de L.
M. avec les cérémonies accoûtumées.
Le 17. et les deux jours suivans , les
Dominicains du Convent du Noviciat de
Paris , celébrerent dans leur Eglise la Fê-
I ij
te
1025 MERCURE DE FRANCE
•
te de la Béatification de la Bienheureuse
Catherine de Ricci de Florence , Religieuse
Professe de leur Ordre.
Le 21 de ce mois , Monseigneur Id
Dauphin partit de Versailles apès midi
pour aller au Château de Meudon , qui
n'en est qu'à une lieuë , et y passer quel;
ques- tems,
Les deux aînées de Mesdames de Fran
ce y allerent le même jour , et les deux
Cadettes le lendemain ,
Le 23 Mai la Lotterie de la Compa
gnie des Indes , établie pour le rembour
sement des Actions , fut tirée en la màniere
accoûtumée à l'Hôtel de la Com
pagnie. La Liste des Numeros gagnans
des Actions et Dixiémes d'Actions qui
doivent être remboursées , a été renduë
publique , faisant en tout le nombre de
314 Actions.
Le jour de la Pentecôte , les Chevaliers
Commandeurs et Officiers de l'Ordre du
S. Esprit , s'étant rendus vers les onze
heures dans le Cabinet du Roi , S. M.
tint un Chapitre , dans lequel les Preu
ves de l'Archevêque d'Alby et de l'Archevêque
de Vienne , premier Aumônier
MAY. 17337 1027
nier de S. M. nommé Prélat Comman
deur de l'Ordre du S. Esprit , dans le
Chapitre du 2 Février dernier , furent
admises. Le Roi alla ensuite à la Chapelle
, étane précedé du Duc d'Orleans , du
Duc de Bourbon , du Comte de Charolois
, du Comte de Clermont , du Prince
de Conty , du Duc du Maine , du Prince
de Dombes , du Comte d'Eu , du Comte
de Toulouse et des Chevaliers- Commandeurs
et Officiers de l'Ordre. Le
Roi devant lequel les deux Huissiers de
la Chambre portoient leurs Masses , étoit
en Manteau , le Collier de l'Ordre par
dessus , ainsi que les Chevaliers . Le Čardinal
de Polignac , le Cardinal de Bissy
l'Archevêque d'Alby , et l'Archevêque
de Vienne , marchoient derriere S. M.
Lorsque le Roi fut anivé dans la Chapelle
, on commença le Veni Creator
après lequel S. M. étant montée à son
Trône , l'Archevêque d'Alby , et l'Archevêque
de Vienne y furent conduits
par le Marquis de Breteuil , Prévôt et
Maître des Cérémonies des Ordres du
Roi. Ils prêterent le Serment ordinaire ;
et après que le Roi leur eut passé au col
le Cordon bleu , au bas duquel pendoit
la Croix de l'Ordre , ils furent revêtus
du Mantelet violet que les Prélats - Com-
I iij
>
mang
1028 MERCURE DE FRANCE
mandeurs de l'Ordre du S. Esprit por
tent ordinairement dans les cérémonies
de cet Ordre. Le Roi retourna ensuite
à son P.ie- Dieu , où il entendit la Grande
Messe qui fut célébrée par l'Abbé Brosseau
, Chapelain ordinaire de la Chapelle
de Musique , et chantée par la Musique.
L'après midi , le Roi entendit le Sermon
du P. Guillaume , Augustin Déchaussé
, et ensuite les Vêpres , qui fu
rent chantées par la Musique.
LETTRE écrite par M. l'Evêque de
Grenoble le 27 Avril 1733. sur la mort
de M. l'Archevêque de Rouen .
A
Près avoir rendu , Monsieur , dans mon Eglise
Cathédrale une partie de ce que je dois à la
mémoire de feu M. l'Archevêque de Rouen ,
je m'empresse de le recommander à vos prieres dans
ce moment , où le Christianisme doit sanctifier tous
nos regrets : vous trouverez sans doute bien légitimes
ceux que me cause la perte d'un Prélat , ave
quel,quoiqu'uni par les liens du sang , je l'étois encore
bien plus intimement par tous ceux que peus
former la reconnoissance pour une longue suite de
bienfaits que j'en avois reçû , et l'heureuse expérience
que j'avois des talens dont le Ciel l'avois
favorisé. J'ai eu part aux uns , et j'ai été témoin
des autres , dès le moment qu'il voulut bien me
sonfier une partie du gouvernement du premier des
Diocèses
ΜΑΥ. 1 ཧ ༣༣ ; 1029
Diocèses où la Providence l'avoit conduit. Je lus
fus redevable des mêmes sentimens , lorsque placé
sur un des Siégesles plus distinguez du Royaume ,
il désira que je l'y suivisse. En tout lieu et en toute
rencontre , soit qu'il présidât aux Etats d'une Province
, dont les interêts se sont trouvés plus d'une
fois difficiles à être menagez , soit qu'il fut un des
Membres des diverses Assemblées du Clergé où il a
toujours parû avec éclat , soit qu'il eut quelque
sorte de part aux affaires publiques , soit qu'il s'appliquât
aux Fonctions ordinaires du Ministere Ecclesiastiqne
, par tout également il se montroit aux :
personnes équitables , digne du Poste qu'il occupoit
, et remplissant tout ce que la situation des
choses pouvoit demander de lui . Plus instruit qu'un
autre , il rendoit volontiers ses lumieres utiles à
tous ceux qui étoient à portée d'en profiter Touché
autant que je devois l'être de cet avantage , je
fus très-sensible à mon éloignement de sa Personne
, lorsqu'il me fut devenu indispensable : Une
mort plus prompte que je n'avois lieu de l'appréhen
der , rend à jamais durable cette séparation que je
ne puis envisager qu'avec l'amertume la plus cúisante.
L'heureuse habitude où je suis de vous voir
entrer dans les dispositions que je crois devoir vous
inspirer , me donne lieu d'esperer que vous m'aiderez
à m'acquitter de ce que la Religion éxige de
moi dans cette conjoncture ; c'est par ce motifque
je vous prie de vous souvenir dans vos Prieres et
dans vos Sacrifices , d'un Prélat auquel je me ferai
toujours l'honneur d'avoir été très - singulierement
attaché. Je suis , &c.
Le 2. et le 9. Mai , il y eut Concert François
au Château des Thuilleries ; on y chanta le Pro-
I üij logue
030 MERCURE DE FRANCE
logue de Phaeton , et une Cantate Allégorique ,
qui a pour titre : Le Soleil , Vainqueur des Nuages.
Le sieur Jeliote , nouveau Chanteur , qu'on
avoit déja entendu à l'Opéra , y chanta pour la
premiere fois une Cantatille avec applaudissement
, ayant une très-belle voix de Hautecontre
.
Le 14 il y eut Concert
Spirituel
à cause
de
la Fête de l'Ascension , on y éxecuta le Te Deum
de M. de Blamont , Sur- Intendant de la Musique
du Roi , qui fut très-applaudi. Le sieur Somis
, dont on a déja parlé , joża un Concerto et
une Sonnate avec de nouveaux applaudissemens.
Le 16. on chanta le Prologue de Rolland , er
la Cantatille de l'Eté , mise en Musique par le
sieur le Maire , qui fut très-goûtée , chantée par
la Dlie Courvasier. La Dlle le Maure chanta la
Cantate de Zephire et Flore , et le beau Récit dans
la Cantate de M. de la Lande.
-Le 24. Fête de la Pentecôte , on éxécuta deux
Motets , l'un du feu sieur Gilles , et un autre
de M. de la Lande , qui termina le Concert ; ils
furent précedez de differentes Piéces de simphonies
, dont l'éxécution fait toujours beaucoup
de plaisir.
MORTS,
MAY. 1733 . 1031
***************
MORTS , NAISSANCES
D
et Mariages.
Ame Marie-Françoise d'Apremont, Abbesse
de l'Abbaye Royale du Lis , près de Melun
mourut dans son Abbaye presque subitement ,
Lundy 13. Avril , âgée de plus de 40. ans.
le
M. de Montmyral , Brigadier des Armées du
Roy , Lieutenant pour le Roy au Gouvernement
de Strasbourg, y mourut le 27. du mois dernier.
M. de Beaulieu , Brigadier des Armées du Roy,
et Lieutenant de Roy de Schelestad , mourut le
même jour.
Louis Adolphe Rouault de Gamaches , Auditeur
de Rote pour la France , depuis près de 18. ans ,
Abbé de l'Abbaye de Mont- Majour , et Prieur
d'Arbois, mourut à Rome le 18. du mois dernier,
dans la 47. année de son âge.
L'Abbé de Courtenay , Abbé des Abbayes de
S. Pierre d'Auxerre , et d'Eschalis , mourut à
Paris les de ce mois , dans la 87. année de
son âge.
L'Abbé François Spilimberti , chargé des Affaires
de S. A. S. M. le Duc de Modêne , mourut
à Paris le 7. âgé de 45. ans.
M.jean le Normand, Evêque d'Evreux et Abbé
de S. Taurin de la même Ville , mourut le 7. du
même mois dans son Diocèse , âgé de 78. ans.
Joseph-Robert de Lignerac , Brigadier des Armées
du Roy , Grand - Baillif et Lieutenant General
de la Haute Auvergne, mourut le 11. May,
âgé de 63. ans .
Godefroy- Charles - Alexandre de la Tour d'Au
vergne I v
9032 MERCURE DE FRANCE
vergne , Duc de Château- Thierry , fils unique
de Frédéric- Jules de la Tour d'Auvergne , Prince
d'Auvergne , et de Madame Catherine Olive
de Trente , Princesse d'Auvergne , mourut le 16.
May , âgê de 7. ans 9. mois.
Françoise Charlotte de Bethisy , fille de Eugene
Marie de Bethisy , Chevalier , Seigneur , Marquis
de Méziere Campvermont , & c. Lieutenant
General des Armées du Roy , Gouverneur des
Ville et Citadelle d'Amiens et de Corbie , Grand-
Bailly d'Epée d'Amiens , Commandant pour le
Roy dans les Provinces de Picardie , Champagne,
Artois , Soissonnois , Cambresis et Haynaut , ef
de Dame Eleonore d'Oglethorge , mourut le 17.
May , âgée d'environ 15. ans.
M. Jeau Guyner , Conseiller du Roy, Maître
ordinaire en la Chambre des Comptes , mourut
le même jour, âgé d'environ 64 , ans .
Dame Henriette- Magdeleine- Julie de Martel-
Fontaine , veuve de Charles - François Marie
Marquis d'Estaing , Lieutenant General du Verdunois
, Gouverneur de la Ville de Châlons
Mestre de Camp du Régiment de Forêt , Infanterie
, et Gouverneur de la Ville de Douay , en
-survivance du Comte d'Estaing son pere , mourut
à Paris le 19 âgée de 37. ans.
Jacques Bazin de Besons, Maréchal de France,
Chevalier des Ordres du Roy , Gouverneur des
Ville et Citadelle de Cambray et du Pays Cambresis
, ancien Conseiller au Conseil de Régence,
et Grand- Croix de l'Ordre Militaire de S. Louis,
mourut le 22. May âgé d'environ 87 ans .
Dame Marie-Edmée Terrier , veuve de Re
né Charles d'Hozier , Conseiller du Roy , Juge
General d'Armes et Garde de l'Armorial general
de France , Généalogiste de la Maison et des
Ecuries
MAY. 1733. 1033
Ecuries de S. M. Chevalier des Ordres de S. Maude
S. Lazare de Savoye , mourut le premier
Mars de la présente année 1733. âgée de
78. ans f. mois.
rice et
Feu M. d'Hozier , son mari , qui mourut le 13
de Février de l'année derniere , âgé de 2 ans
n'a point laissé d'enfans de ce Mariage ; mais il
a institué son seul héritier M. d'Hozier , son
neveu , Maître des Comptes et reçû en survivance
dès l'année 1710. dans les Charges de Juge
General d'Armes de France et de Généalogiste
de la Maison et des Ecuries du Roy. L'article qui
a été employé sur ce sujet dans le Mercure d'A
vril , a été dressé sur de faux Mémoires.
Dame Marie-Anne Robillard, femme de Louis
Pierre d'Hozier , Juge General d'Armes de France
, Chevalier de l'Ordre du Roy , son Conseiller
, Maître Ordinaire en sa Chambre des Comptes
de Paris , et Génealogiste de la Maison et
des Ecuries de S. M. et de celle de la Reine ,
accoucha le 6. d'Avril dernier , d'un fils , qui fut
baptisé le même jour dans l'Eglise de S. Nicolas
des Champs , et nommé Jean - François - Louis ,
par François Boula , Ecuyer , Seigneur de Quinci
et par Dame Marie- Jeanne Elisabeth Cappe ,
femine de Charles - François de Common , Conseiller
du Roy, Correcteur en la même Chambre
des Comptes.
Le 11 de ce mois , à 7. heures et un quart dự
soir , la Reine accoucha à Versailles , d'une Prinsesse
, qui fut gndoyée par l'Abbé de Bellefont ,
Aumônier du Roy en quartier , en présence du
Curé de la Paroisse. Après la Cérémonie cette
Princesse fut portée dans son Appartement par
Ja Duchesse de Tallard , Gouvernance des Enfans
I vj da
1034 MERCURE DE FRANCE
de France. La Reine se porte aussi bien qu'on
peut le desirer.
D. Gabrielle- Emilie de Breteuil , Epouse de Florent-
Claude , Marquis du Châtelet , &c. Gouverneur
de Semur , Grand- Bailly d'Aunoy et de
Sarlouis , Colonel du Régiment de Hainaut , accoucha
le 11. Avril , d'un fils qui fut nommé
Victor- Esprit , par François- Victor le Tonnelier
de Breteuil , Marquis de Fontenay- Trésigny,
&c. Commandeur des Ordres du Roy , Chancelier
de la Reine et ancien Secretaire d'Etat au Dé
partement de la Guerre ; et par D. Marie Florence
du Châtelet , Epouse de Melchior Esprit de
la Baume , Comte de Montrevel , & c. Brigadier
des Armées du Roy , `Mestre de Camp de Cavalerie
..
-
D. Marguerite Catherine Magdeleine le
Yoyer d'Argenson , Epouse de Thomas le Gendre
de Collande , Maréchal des Camps et Armées:
du Roy , Commandeur de l'Ordre de S. Louis
accoucha le 15. Avril d'un fils qui fut nommé
Antoine- François , par M. Jean-François - Paul
le Févre de Caumarun , Evêque de Blois , représonté
par Antoine- Louis- François le Févre de
Caumartin de S. Ange , fils d'Antoine- Louis
François , Marquis de S. Ange , Comte de Mauret
&c. Maître des Requêtes , et par D. Gatherine-
Françoise-Charlotte de Cossé de Brissac
fille de Charles Timoleon- Louis de Cossé , Duc
de Brissac , Pair et grand Pannetier de France !
Dame Yvonne- Sylvie du Bresil de Rais , Epou
se de Guy Auguste de Rohan Chabot , Mestre
de Camp , accoucha le zo. Avril d'un fils qui
fut nommé Louis - Antoine Auguste , par Louis
Bretagne Alain de Rohan - Chabor , Prince de
Leon , Duc de Rohan , Pair de Fance , et par
DI
MAY. 1733. 1035
DMarianne-Antoinette de Mesmes , Epouse de
Guy de Durfort , Duc de Lorge .
D. Marie-Susanne Prévôt de Sansac , Epouse
de Henry , Marquis de Bourdeilles , accoucha le
27. du même mois , d'une fille , qui fut nommée
Marie-Susanne , par Henry- Joseph , et par Marie-
Susanne de Bourdeilles , ses frere et soeur.
Simon- Joseph de Raousset , fils de Guillaume
de Raousset , Marquis de Seilhon et de Meslan ,
Conseiller au Parlement de Provence , et de D.
Anne de Vintimille , d'Oullioules , des Comtes
de Marseille , épousa le 16. Avril Marguerite-
Charlotte de la Roche de Fontenilles , fille de
François de la Roche , Marquis de Fontenilles, et
de D. Marie -Therese de Mesmes.
Yves- Marie de Bologne de Lens de Liques ,
Comie de Rupelmonde , Colonnel d'Infanterie et
Capitaine dans le Régiment d'Alsace , fils de feu
Maximilien- Philippe- Joseph de Bologne de Lens,
& c. Maréchal des Camps et Armées du Roy d'Espagne
et de D. Marie - Marguerite - Elisabeth d'Alegre
, Dame du Palais de la Reine , épousa le
21 Avril D. Marie- Chrétienne Christine de
Grammont d'Astel , file ' de' Louis , Comte de
Grammont, Brigadier des Armées du Roy, Chevalier
de ses Ordres , Gouverneur des Villes et
Château de Ham , et de Genevieve Gontaut de
Biton.
Alexandre de Mauleon de Beaupré, & c. Colonel
d'Infanterie et Major du Régiment du Roy ,
fils de Claude de Mauleon de Beaupré , & c . et de
D. Anne-Marie Carteron , épousa le 13. May D.
Marie Marthe de S Simon de Courtaumer , fille
de Jacques- Antoine de S. Simon Comte de
Courtaumer, & c, et de D. Marthe Charden .
AR
1036 MERCURE DE FRANCE
ARRESTS NOTABLES.
ETTRES PATENTES , du 3 Mars 17330
Lonnées àVersailles , qui reglent les Coupes
des Forêts de S. M. en la Maîtrise de Vierson
, et Gruerie d'Allogny. Registrées au Parle,
ment le 9 May suivant.
AUTRES Lettres Patentes , du 10 du mêm☛
mois, qui ordonnent l'ouverture de cinquantetrois
Routes , ou faux - fuyans , dans les Bois
des environs de S Germain , y énoncez. Regis
trées au Parlement , le 9 May.
SENTENCE rendue en la Chambre de Police
, au Châtelet de Paris , le 13 Mars 1733.
pour les Doyen et Docteurs - Regens de la Faculté
de Médecine , en l'Université de Paris
contre le nominé Fabre soi - disant Médecin i
portant deffenses audit Fabre de plus entrepren
dre de faire la Médecine , et pour l'avoir fait , le
condamne en 200 liv. de dommages et interêts,
AUTRES Lettres Patentes , du 17, du même
mois , qui ordonnent une ouverture de trente
nouvelles Routes dans la Forêt de Thelles er
Buissons en dépendans . Registrées au Parlemen
le même jour , 9 May.
AUTRE Sentence , rendue en la même Cham
bre de Police , le 27 Mars 1733.pour les Doyen
et Docteurs Regens de la Faculté de Médecine.
contre Jean- Baptiste Livernette , Maître Chirurgien
MAY. 17337 1037
rurgien à Paris , portant deffenses audit Liver
nette et à tous autres d'entreprendre sur la profession
des Médecins , et pour l'avoir fait , le
condamne en 200 liv . d'amende.
ARREST DU PARLEMENT , du 16 Mars
qui deffere aux Ayculs dans la succession de leurs
petits-enfans les Propres fictifs des Pere et Mere.
Entre Jacques Wailly et Catherine Durand, sa
femme à cause d'elle , Marguerite Dumoulin ,
fille majeure , Antoinette de la Collonge , veuve
de François Dumoulin, et Damoiselle Jeanne de
la Collonge , fille majeure , se prétendans heritiers
chacun pour un quart de Pierre - Gaspard
de Fieubet, décédé mineur,fils de Messire Louis-
Gaspard de Fieubet , Conseiller en la Cour , et
de défunte Dame Marie-Anne Dumoulin . ct
petit fils de la Dame Dumoulin, cy-après nom
mée ; appellans d'une Sentence rendue au Châ
telet de Paris , le 13 Aoust 1732. par laquelle
sur la demande desdits Wailly et Consorts, portéc
par leur Exploit du 1 Avril 1732. contre la
Dame de Santilly , heritiere quant aux Propres
par elle donnez , et quant aux meubles et effets
mobiliers ausquels ledit sieur de Fieubet ne peut
succeder à cause de la stipulation de Propre en
faveur de ladite défunte Dame Marie - Anne Dumoulin
, fille de ladite Dame veuve Dumoulin, et
des siens de son côté et ligne dudit feu sieur de
Fieubet , petir fils de ladite Dame Dumoulin ,
lequel étoit fils dudit sieur Gaspard de Fieubet ,
Conseiller en la Cour , et de ladite Marie Anne
Dumoulin , de laquelle ledit feu sieur de Fieubet
étoit seul et unique héritier. Ladite Dame veuve
Dumoulin ayant liquidé les biens et droits à elle
échus par la succession dudit sieur de Fieuber
·
son
1038 MERCURE DE FRANCE
son petit- fils , par Acte passé entr'elle et ledit
sieur de Fieubet, devant Lecourt et son Confrere
Notaires à Paris , le 17 Février 1732 , ladite demande
tendante à ce que ledit Acte ne puisse
nuire ni préjudicier ausdits Wailly et Consorts ,
et que la moitié des effets donnez en dot par le
feu sieur Dumoulin , et ladite Dame sa veuve , à
ladite Marie- Anne Dumoulin icur fille , ftipulez
Propres à elle et aux siens , de son côté et ligne,
leur soit rendue et restituée ; et sur les deffenses
fournies contre ladire demande du 10 Avril par
ladite Dame Dumoulin , et sa demande incidente ,
du 7 Mars 1732 , à ce que lesdits Wailly et Consorts
soient déclarez non- recevables à demander
compte des deniers stipulez Propres à ladite de
Fieuber , et aux sieus de son côré et ligne ; ausquels
deniers et effets stipulez Propres iis ne succedent
point ; et encore sur la demande incidente
desdits Wailly et Consorts , du 16 Juin dernier ,
à ce qu'attendu que ladite Dame Dumoulin ne
peut prétendre des Propres fictifs que la moitié
par elle donnée, et que l'autre moitié appartient
ausdits Wailly et Consorts, comme étant donnée
par ledit feu sieur Dumoulin ; ladite Dame Dumoulin
sa veuve , comme ayant pris le fait et
cause dudit sieur de Fieubet , fût condamnée
conjointement avec lui à rendre et restituer
ausdits Wailly et Consorts la somme de 172 500
liv. de principal pour la moitié de ladite dot ;
il a été ordonné , sans s'arrêter ausdites demandes
desdits Wailly et Consorts , dont ils
sont déboutez , que l'Acte passé entre ladite
Dame veuve Dumoulin et ledit sieur de Fieubet
seroit exécuté , d'une part ; et Dame Marie-
Anne de Santilly veuve de Pierre Dumoulin ,
Ecuyer , Secretaire du Roy , Maison , Couronne
M A Y. 1733 .
1c39
e de France et deses Finances ; et Messire Gaspard
de Fieubet , Conseiller en la Cour ,
Intimez
, d'autre part ; et entre ladite Dame veuve
Dumoulin ès noms , demanderesse aux fins de
ses Commission et Exploit , des Is Octobre et
14 Novembre 1732. à ce que le present Arrest
fût déclaré commun avec ladite Marguerite
Dumoulin , pour être exécuté avec elle , selon
sa forme et teneur , d'une part ; et Damoiselle
Marguerite Duinoulin , fille majeure , deffenderesse
, d'autre part , et entre lesdits Wailly et
Consorts , demandeurs en Requête , du 23 Février
dernier , d'une part , et lesdits Dame veuve
Dumoulin et sieur de Fieubet , deffendeurs
d'autre ; et encore entre ladite Dame Marguerite
Dumoulin , demanderesse en Requête, du 24 Février
aussi dernier , à fin d'intervention et autres
conclusions y portées , d'une part , et lesdites
Dame veuve Dumoulin et sieur de Fieubet , deffendeurs
, d'autre part. Après que du Vaudier ,
Avocat de Jacques Wailly et Consorts , Normant
, Avocat de Marguerite Dumoulin , er
Cochin , Avocat de Marie -Anne de Santilly et
de Fieubet ont été ojiis pendant cinq Audiances;
ensemble , Chauvelin pour le Procureur General
du Roy. LA COUR a mis et met l'appellation
au néant , ordonne que ce dont est appel
sortira effet ; condamne les Appellans en l'amende
de 12 liv. et aux dépens. Ordonne que le
present Arrêt sera lû et publié par tout ou be
soin sera. Fait en Parlement , & c.
ARREST du Conseil du 31 Mars , portant Réglement
pour la Charge de Chevalier du Guet ,
et les Officiers et Archers , tant à pied qu'à che
val , de sa Compagnie , qui étoient ci- deyant à
sa nomination.
106 MERCURE DE FRANCE
AUTRE du 14 Avril , qui évoque ceux des
14 Octobre 1732. et 4 Janvier dernier , portant
exemption de tous droits sur les grains
farines et légumes qui seroient transportez en
Dauphiné et dans le Lyonnois.
AUTRE du 21 Avril , qui permet de Contrôler
jusqu'au premier Novembre prochain
les Actes de foi et hommage , adjudications de
bois ; ensemble les déclarations on reconnoissances
aux Papiers Terriers , &c.
AUTRE du 1. Mai 1733. au sujet de l'Arrêt
du Parlement du 25 Avril.
Le Roi s'étant fait représenter ce que Sa
Majesté avoit jugé à propos d'ordonner pour
la révocation du Privilege en vertu duquel on
avoit imprimé à Rouen en l'année 1729. un
Livre qui a pour titre , Nouvelle deffense de la
Constitution , &c. Comme aussi l'Arrêt du 31.
Août dernier , par lequel le Roi auroit ordonné
qu'un autre Ouvrage intitulé : Traité de l'Amour
de Dien , tirê des Livres saints , &c. imprimé à
Paris en l'année 1732 demeureroit supprimé
comme contenant des déclamations également
injurieuses et témeraires , Sa Majesté auroir
jugé à propos de faire éxaminer en son Conseil
. l'Arrêt rendu par son Parlement de Paris
le z Avril dernier , et Elle auroit reconnu que
non- seulement on y avoit prononcé sur des
Livres déja proscrits par l'autorité de Sa Majesté
qui avoit donné les ordres nécessaires
pour en arrêter entierement le cours et la distribution
, mais que par le même Arrêt ladite
Cour avoit entrepris de décider des questions
qui
MAY. 1733. 1041
qui ne sont nullement de sa compétence , et de
retenir la connoissance d'une affaire particuliere
qui n'étoit pas de nature à être portée , comme
on l'a fait audit Parlement. A quoi étant nécessaire
de pourvoir pour empêcher les suites
d'un exemple si contraire à toute sorte de Régles
et d'Usages. Vû ledit Arrêt du 25 Avril
dernier , er tout consideré. Sa Majesté étant en
son Conseil , sans s'arrêter audit Arrêt qu'Elle
déclare nul et de nul effet ; ensemble tout ce qui
pourroit avoir été ou être fait au sujet des points
qui y sont contenus , a retenu et retient à sa
Personne la connoissance de tout ce qui concerne
les deux Livres ci-dessus marquez , et de
l'éxecution de ce qui a été ordonné à cet égard
par Sa Majesté ; comme aussi des contraventions
, si aucunes y ont été faites ; évoque Sa
Majesté , et réserve pareillement à sa Personne
la connoissance de ce qui regarde l'affaire du
Curé de S. Medard mentionnée audit Arrêt du
Parlement de Paris , pour y être pourvû par
Sa Majesté , ainsi qu'il appartiendra , faisant
très--cexpresses inhibitions et deffenses à toutes
ses Cours de Parlement et autres Juges de
prendre connoissance de tout ce qui est contenu
au présent Arrêt , lequel sera lû , publié
et affiché par tout où besoin sera . Fait , &c .
AUTRE du 9. Mai 1733. qui ordonne la
suppression d'une These dans la Faculté du
Droit d'Orleans .
Le Roi s'étant fait représenter l'Arrêt du 10.
Mars 1731. par lequel , en imposant par provision
un silence géneral et absolu au sujet des
disputes qui s'étoient élevées sur la nature , l'étendue
et les bornes de l'autorité Ecclesiastique
042 MERCURE DE FRANCE
et de la puissance séculiere , Sa Majesté a fair
très- expresses inhibitions et deffenses à toutes
les Universitez du Royaume , notamment aux
Facultez de Théologie , et de Droit Civil et
Canonique , de permettre aucunes disputes dans
les Ecoles sur cette matiere , comme aussi d'enseigner
, ou de souffrir qu'on enseigne rien de
contraire aux principes marquez par ledit Arrêt
sur les deux puissances : Sa Majesté auroit
été informée que contre la disposition de cet
Arrêt , dont l'éxecution a été encore ordonnée
par celui du 30 Juillet suivant , le nommé
François de Sales Daniel Poullin , voulant être
reçû Docteur dans la Faculté de Droit d'Orleans,
y auroit soûtenu une These le 13 Avril dernier ,
dont les Positions qui concernent le Droit Cafonique
, méritent d'autant plus l'animadversion
de Sa Majesté , qu'on a entrepris nonseulement
d'y traiter presque tous les points
qu'Elle a deffendus par l'Arrêt du 10. Mars
1731. de laisser mettre en dispute dans les
Ecoles , mais de le faire dans des termes qui
marquent autant d'ignorance que de témerite
à quoi voulant pourvoir , Sa Majesté étant en
son Conseil , a ordonné et ordonne que ladite
These , ayant pour titre : Positiones utriusque
juris , quas Deo optimo maximo auxiliante , ex
decreto amplissimi juris consultorum ordinis in perantiqua
et celeberrimâ Aurelianensium Academiâ
, D. D. Florentio Goullu du Plessis , Rectore
,magnifico Praside , pro summis in utroque jure
honoribus et privilegiis Doctoralibus ritè consequendis
, publicè discutiendas exhibet Franciscus
Salesus Daniel Poullin , die 23. Aprilis hor
post meridiem secundâ in publico juris auditorio.
Aurelia ex Typographiâ vidua Francisci Borde
UniMAY.
1733- 7043.
Universitatis Typographi 1733. sera et demeurera
supprimée : Enjoint à cet effet à tous ceux qui
en ont des exemplaires , de les remettre au
Greffe du Lieutenant General de Police de la
Ville d'Orleans ; deffend à tous Imprimeurs
Libraires , Colporteurs et autres , de quelque
état , qualité ou condition qu'ils soient , d'en
imprimer , vendre , débiter ou autrement distribuer
, à peine de punition exemplaire. Fait
pareillement Sa Majesté très - expresses inhibitions
et deffenses aux Recteur , Professeurs
Syndic et autres Membres de ladite Université
d'Orleans , de souffrir qu'il y soit soûtenu de
pareilles Theses , leur enjoignant d'observer et
de faire observer exactement le contenu audit
Arrêt du 1o Mars 1731. à peine de privation
de leurs Chaires , ou autres places , même de
ieurs degrez , s'il y écheoit. Et sera le présent
Arrêt transcrit dans les Registres de ladite Université
, lû , publié et affiché par tout où besoin
sera , pour être éxecuté selon sa forme et teneur.
Enjoint au sieur de Baussan Intendant
et Commissaire départi dans la Generalité d'Or
leans , d'y tenir la main , &c.
AUTRE du 9 Mai , qui fait deffenses à tous
Armateurs et Négocians , faisant le commerce
des Isles et Colonies Françoises de l'Amérique ,
d'y envoyer des étoffes et toiles peintes des Indes
, de Perse , de la Chine ou du Levant.
ARREST du Parlement , rendu le r
May , en la cinquième Chambre des Enquêtes ,
au rapport de M. le Clerc de Lesseville , en faveur
de l'Hôpital , dit l'Aumône Generale de la
Ville d'Avignon , contre le sieur de Royre , Seigneur
1044 MERCURE DE FRANCE
gaeur de Negrin , &c . Maître des Eaux et Forêts
de S. Pons en Languedoc , et contre la
veuve Charles , de ladite Ville d'Avignon , Partie
intervenante. Cet Arrêt est d'autant plus
notable , que l'Aumône d'Avignon avoit été
déboutée en premiere Instance par les Officiers
de la Sénéchaussée de Lyon , contre les
Conclusions du Procureur du Roi. Au Parlement
, M. le Procureur General a conclu en
faveur des Pauvres , et l'Arrêt a été conforme
aux Conclusions . Cette Affaire a produit plu
sieurs Ecrits qui ont été imprimez , c'est M. le
Clerc de Vodonne , Avocat au Parlement qui
a fait le grand Mémoire et les deux Réponses
pour les Pauvres .
ORDONNANCE DE POLICE du 16 Mai ,
qui fait deffenses de faire aucuns dégats dans les
Bleds , sous prétexte d'y cueillir des Fleurs appellées
Barbeaux , ou autrement , et d'apporter ,
vendre ni débiter aucunes de ces Fleurs dans la
Ville de Paris , même aux Bouquetieres et autres
personnes d'en exposer en vente , à peine de
so liv. d'amende.¸
AUTRE du même jour pour le renouvellement
de l'arrosement des rues de la Ville et
Fauxbourgs de Paris , qui sera fait pendant le
tems des chaleurs , tous les jours à dix heures
du matin et à trois heures après midi , à
compter du jour de la publication de ladite Ordonnance.
On donnera deux Volumes du Mercure de Juin,
pour avoir lieu d'employer les Piéces qui sont restées
en arriere pendant les six premiers mois de ceste
apnée.
TABLE
Ieces fugitives . Ode au Maréchal de Vil-
Plecars ,
Curiositez du Cabinet de M. Caperon ,
Le Préjugé , Ode ,
Problême Maritime , &c.
Jugement de Thémis , Poëme ,
833
838
846
849
857
Remarques sur le nom et l'étimologie de Bourdeaux
, &c.
862
Missive de l'Infante Malerais au Chevalier de
Leucotece ,
Eloge du R. P. le Quien ,
865
869
Réponse du Chevalier de Leucotece aux Vers de
Lettre et Portrait sur Mlle de la Vigne ,
M. Carelet ,
874
875
Lettre sur une These de Médecine , &c. 878
Portrait de Mlle ** 884
Voyage de Basse-Normandie ,
885
Réponse à l'Epitre de Mlle de la Vigne , 906
Refléxions sur les termes d'Invention et de sentiment
, &c.
Bouquet à M. de ***
907
916
Lettre de M. Titon du Tillet , sur le Parnasse
François , &c.
Les Muses , Ode,
917
929
Lettre sur la personne et la Vie de M. Aubert, 935
Enigmes , Logogryphes , &c . 944
NOUVELLES LITTERAIRES des Beaux Arts , &c.
Traité de l'Opinion , & c.
Essay de Poësie , Ode , &c.
950
965
Les Génealogies historiques des anciens Patriarches
, Empereurs , & c.
Histoire des Révolutions d'Espagne , & c.
966
973
OEuvres diverses de M. de Fontenelle , & c. 977
Elemens de Chimie ,
La Médecine Théologique ,
978
979
Livres des Pays Etrangers , chez Cavelier ,
Discours sur les Spectacles , &c.
Nobiliaire du Comté Venaissin , &c.
Question expliquée , & c.
Mort de P. Denis , fameux Artiste ,
Estampes nouvelles ,
Autres d'après Wauvermans ,
Chanson notée ,
980
987
983
989
995
992
995
Spectacles , l'Opera , Décoration du Génie du
feu ,
Le Paresseux , Comédie , Extrait ,
998
J000
Nouvelles Etrangeres , Lettres de Contantino
ple , 1013
De Pologne , Dannemarck , Allemagne et Italie ,
Espagne et Angleterre ,
France , nouvelles de la Cour , &c.
1017
1019
1023
Entrée publique de l'Ambassad. de Sardaigne,ibid.
Ceremonie des Chevaliers de l'Ordre , &c. 1026
Lettre sur la Mort de l'Archev. de Rouen, 1028
Morts , Naissances , Mariages , &c.
Arrêts Notables , & c,
PA
Errata d'Avril.
1031
1036
Age 608. ligne 2. Veuville , lisez Neuvile
P. 650. 1. 13. Lac, l.Sac. P. 821. 1. 21.et sui
vantes , Talegrand , 1. Taleyran,
Fantes à corriger dans ce Livre.
Age 839. ligne 25. Longis , lisez Longin
P842.1. 19. l'Ostologie , l. l'Osteologie P
2.
5 .
844 1. derniere , au derriere du , l. derriere le. P.
849. 1. du bas , à , l. en . P. 889. L. l'Asem
blée , I. P'Assemblée. P. 915. 1. 22. d'Hurgevilly,
1. d'Heurgeville. P. 926. l. 18. Dajac , I. Doujat.
P. 943. 1. derniere , Brosset , l. Brossette.
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