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1731, 07-08
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John
Bigelow
to the
Century
Association
DM
Mercures



писми
ЖІМ
1

MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
JUILLET. 1731 .
QUE
COLLIGIT
STAT
ARGIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER,
rue S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la descente du Pont - Neuf,,
( JEA JEAN DE NULLY , au Palais ,
M. DCC. XXXI
Avec Approbation & Privilege du Roy
HE NEW YORKI
PUBLIC LIBRARY
335408
ASTOR , LEX AND
AVIS.
TILDEN ' FOUNDATIO DRESSE generale eft à
195 Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comedie Francoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofté , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter, & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.

Les Libraires des Provinces des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps, & de les faire porterfur
T'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'ox
loi indiquera.
PRIX XXX. SOLS,
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUILLET. 1731 .
XXXXXXXXXXXXX
PIECES
******
FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
ODE
A Made *** Mere.d'une jeune Religieuse,
morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Uelle douleur obstinée ,
Change en nuits vos plus beaux
jours ?
Près d'un Tombeau prosternée ,
Voulez-vous pleurer toûjours ?
Le chagrin qui vous dévore ,
Chaque jour , avant l'Aurore ,
A ij Remet
SHIP
1628
MERCURE DE
FRANCE
Remet votre esprit aux fers :
La nuit vient , et trouve encore
Vos yeux aux larmes ouverts.
Les Graces accoûtumées ,
'A servir votre enjoûment ,
Sont surprises , allarmées ,
De cet affreux changement ;
Elles ne sçauroient se plaire ,
Dans ce réduit solitaire ,
Peint de funebres couleurs , *
Où votre ennui volontaire ,
Vient se nourrir dans les pleurs.
Trop justement attendrie ,
Vous avez dû pour un temps ,
Plaindre une fille chérie ,
Moissonnée en son printemps :
Dans ces premieres allarmes ,
La plainte même a des charmes ,
Dont un coeur triste est jaloux ;
Loin de condamner vos larmes ,
J'en répandois avec vous.
Mais c'est être trop constante ,
Dans de mortels déplaisirs :
La Nature se contente ,
T
D'u
JUILLET.
16.29
1731.
D'un mois entier de soupirs.
Hélas ! un chagrin si tendre,
Ranimera- t'il ta cendre
Ombre , encor chere à nos coeurs ?
Non , tu ne peux nous entendre ,
Ni répondre à nos clameurs.
C'en est fait : son jour suprême ,
Est expiré sans retour.;
Er votre douleur extrême ,
Ne peut lui rendre un seul jour.
Si les larmes maternelles ,
Du sein des nuits éternelles ,
Pouvoient enfin l'arracher ,
Vos yeux à l'amour fidelles ,
Ne devroient point se sécher..
La plainte la plus amére ,
N'attendrit pas le Destin :
Malgré les cris d'une mere "
La Mort retient sọn butin ;
Avide de funerailles ,
Ce Monstre né sans entrailles ,
g Sans cesse armé de flambeaux
Erre autour de nos Murailles
Pour nous creuser des Tombeaux,
y
A iij La
1630 MERCURE DE FRANCE
La Mort dans sa vaste course ,
Voit des Parens éplorez ,
Gémir ( trop foible ressource ! )
Sur des Enfans expirez ;
Sourde à leur plainte importune ,
Elle unit leur infortune-
Aux objets de leurs regrets ,
Dans une tombe commune
Et sous les mêmes Cyprès.
Des Enfers pâle Ministre ,
L'Ennui , comme un fier Vautour
Suit leurs pas d'un vol sinistre ,
Et les devore à leur tour.
De leur tragique tristesse ,
N'imitez point la foiblesse ;
Victime de vos langueurs 2
Bientôt à notre tendresse ,
Vous couteriez d'autres pleurs.
Soupirez-vous par coutume ,
Comme ces sombres Esprits ,
`Qui traînent dans l'amertume ,
La chaîne de leurs ennuis ?
C'est à tort que le Portique ,
Avec le Parnasse antiquè ,
Tient qu'il est doux de gémir ;
Un
JUILLET. 1731 , 1631
Un deüil lent et léthargique
Ne fut jamais un plaisir.
Quelle constance insensée ,
Veut nous dévouer aux Morts ?
Croit- on leur cendre glacée ,
Jalouse de ces transports ?
Pourquoi ces sanglots pénibles ,
Qui chez les Mânes paisibles ,
Ne seront point entendus ?
Leurs Ombres sont insensibles
Er nos soupirs sont perdus.
Dans l'horreur d'un bois sauvage ,
La Tourterelle gémie ,
Mais des peines du veuvage ,
Le Temps enfin l'affranchit ;
Semblable à la Tourterelle ,
En vain la douleur fidelle
T
Veut conserver son dégout ,
Le Temps triomphe enfin d'elle ,
Comme il triomphe de tout.
' D'Iphigénie immolée ,
Je vois le Bucher fumant:
Clytemnestre désolée ,
A iiij
Veut
1622
MERCURE DE FRANCE
Veut la suivre au Monument ;.
Une si triste manie ,
Par Egisthe fut bannie ,
L'Amour essuya ses pleurs.
Tels , de notre Iphigénie ,
Nous oublirons les malheurs.
Sur son aîle fugitive ,
Si le Temps doit emporter ,
Cette tristesse plaintive ,
Que vous semblez, respecter 3.
Sans attendre en servitude
Que de votre inquiétude ,
Il chasse le noir poison ,
Combattez-en l'habitude ,
Et vainquez-vous par raison.
D'une Grecque
magnanime ,
L'Héroïque fermeté ,
D'un chagrin pusillanime ,
Vous apprend l'indignité ;
Céphise , d'un oeil austere ,
Voit sa fille la plus chere ,
Entre ses bras expirer ,
Plus Heroïne que mere ,.
Elle craint de soupirer.,
D&
JUILLET. 1731. 1633
De son courage infléxible ,
Nature , ne te plains pas ;
Un coeur peut être sensible,
Sans cris pompeux sans éclats.
A la Parque en vain rebelle ,
Pourquoi m'affliger , dit-elle ,
J'y songeai , dès soǹ Berceau
J'élevois une Mortelle
Soumise au fatal Cizeau.
Mais non , Stoïques exemples ,,
Vous êtes d'un vain secours ;
Ce n'est que dans tes saints Temples ,
Grand Dieu , qu'est notre recours :
Pour guérir ce coup
funeste
Il faut une main Celeste ,
N'esperons rien des Mortels;
Un Consolateur nous reste
Il nous attend aux Autels.
"
Portez donc au Sanctuaire ,,
Soumise aux Divins Arrêts ,
Portez le coeur d'une mere
97
Chrétienne dans ses regrets..
Adorez- y , dans vos peines ,
L'Auteur des Loix souveraines ,
Qui décident de nos jours :
Av
1634 MERCURE DE FRANCE
Il rompt nos plus tendres chaînes,
Pour fixer seul nos amours.
Son choix nous l'avoit ravie ,
Celle dont j'écris le sórt ,
Long -temps avant que sa vie ,
Fût éteinte par la Mort.
D'un Monde que P'erreur vante
Une retraite fervente ,
Lui fermoit tous les chemins ;
Pour Dieu seul encor vivante ,
Elle étoit morte aux Humains...
La Victime , Dieu propice ,
A l'Autel alloit marcher ;
Déja pour le Sacrifice ,
L'Amour Saint dresse un Bucher ;
L'Encens , les Fleurs , tout s'aprête ,
Bien- tôt ta jeune Conquête ,
Va s'offrir ... Que dis-je ? helas !
J'allois chanter une Fête ,
Il faut pleurer un Trépas.
Qu'entens -je ? quels cris funebres !"
* Quelque temps avant sa derniere maladie
alle étoit sur le point de faire ses voeux ; elle
les prononça au lit de la mort,
Je
JUILLET. 1731. 1635
Je vois la Jeunesse en deuil :
Dans ces profondes tenebres.
Pour qui s'ouvre le cercueil ?
O Mort ! s'il est temps encore
De ses jours , dans leur Aurore
Ne tranche point le tissu ;
Cruelle ! envain je t'implore ,
Elle expire ! elle a vécu.
Ainsi périt une Rose ,
Que frappe un souffle mortel
On la cueille à peine éclose ,
Pour en parer un Autel
Depuis l'Aube matinale ,
La douce odeur qu'elle exhale
Parfume un Temple enchanté ;
Le jour fuit , la nuit fatale
Ensevelit sa beauté.
}
Ciel , nous plaignons sa jeunesse ,
Dont tes Loix ferment le cours ,
de ta Sagesse
Mais aux yeux
Elle avoit rempli ses jours ;
Ce n'est point par la durée,
Que doit être mesurée ,
La course de tes Elus ::
La mort n'est prématurée ,
Que pour qui meurt sans vertusä
A vj Pour
1636 MERCURE DE FRANCE
Pour départir ses Couronnes
Dieu ne compte point les ans ,
De ceux qu'aux Celestes Trônes ,
Sa main place avant le temps ;
Oui , d'un âge exempe de vices,
Les innocentes Prémices ,
Egalent , devant ses yeux ,
Vos plus nombreux sacrifices ,
Heros , vicillis pour les Cieux..
Vous donc Objet de mes rimes
De votre coeur abbatu ,
Par ces solides maximes ,
Fortifiez la vertu ; .·
A mille maux asservie ,,
Celle qui vous est ravie
Sembloit née à la douleur ::
Pour elle une courte vie ,
Fut un bienfait du Seigneur..
Si le Ciel est son partage ),
Gardez d'elle à l'avenir ,
Sans la pleurer davantage ,
112 .
uile souvenir ;.
Arbitre des années ,
(
Dieu, qui voit nos destinées:
Eclore et s'évanouir ,
Joigne
JUILLET. 1637 1737.
Joigne à vos ans les journées ,
Dont elle auroit dû joüit.
A Tours....
GRESSET , Jesuite.
SECONDE LETTRE de M. Lar
lonat de Soalaines , sur les Akousmates.
J'A
*
'Ay établi , Monsieur , dans ma premiere
Lettre , que les principes des
sons peuvent se rencontrer aussi - bien dans
le sein de la Terre que dans les Airs , et
je l'ai prouvé principalement par l'experience.
Il est vrai que les bruits dont j'ai
parlé , qui sortent des entrailles de la
Terre , sont très rares , et qu'ils sont ,
quand ils arrivent, plus confus et entendus
de moins loin , que ceux qui partent des >
Airs , et ces évenemens sont une suite
de mon principe. La Terre étant très-facile
à se dilater , sur tout dans les endroits .
où peuvent résider les matieres qui les
occasionnent ,, il s'ensuit que ne tro vant
que très- peu ou point du tou
tar
cles dans leur sortie , elles ne doivent aire
aucun bruit , ou du moins un bruit trèspen.
1638 MERCURE DE FRANCE
peu sensible ; de- là ces matieres sulfureuses
qui composent les brouillards et
qui font les tremblemens de Terre , ne
produisent aucun son en sortant. D'ailleurs
notre matiere fluide agitée , trouvant
à sa rencontre des Edifices et des Montagnes
ou d'autres obstacles dans son extension,
se refléchit dans l'espace d'où elle
part , et peu à peu ne recevant plus que
des secousses ou des vibrations sembla
bles à celles d'une Corde de Clavecin
sur laquelle on met legerement le doigt
dans le tems que la touche la frappe , elle
ne peut plus s'entendre bien loin et ne
doit plus exciter qu'un son très -confus
et très-interrompu , qui a pû néanmoins
être très-perçant dans le point central de
son tourbillon. Ainsi , Monsieur , quelque
terrible que fût le bruit causé à Pale
Magazin à Poudre dont je vous
ai parlé , il ne fut entendu qu'aux environs
, les Habitans des autres Quartiers.
ne le scutent que par oui dire.
ris par
Faisons l'application de mes principes
à la diablerie d'Ansacq , ou si vous voulez
à celle de Sezanne . Ce bruit sortoit
du sein de la Terre ou de l'Air ; quant à
celui que j'entendis à Sezanne , il avoir
assurément son principe dans une Nuée ,
qui selon toutes les apparences , avoit été
formée
JUILLET. 1731
1639
formée par des vapeurs exhalées de ces.
Marais et de ces Etangs dont je vous ai
parlé.
de
Il faut dire que dans cette Nuée se trou
voit renfermée une grande quantité ou de
Sels ou d'autres esprits très- actifs qui y
avoient été enveloppez ou par une chute
plusieursNuées les unes sur les autres ,ou
parce que se dégageant de la partie aqueuse
et la plus grossiere de la Nuée , ils s'étoient
creusé une espece de voute, ou pour
mieux dire , un nombre infini de petites
celules ou concavitez , que ces esprits actifs
se multipliant et se raréfiant , ne pouvant
plus se contenir dans ces celules ou
concavitez , les percerent en differens en .
droits , et sortant par ces troux avec impétuosité
, ébranloient par leur choc les
differentes colomnes de notre matiere
Auide celle- cy communiquant son trẻ-
moussement et ses secousses à tous les
objets voisins capables d'être ébranlés , et
frapant les oreilles de ceux qui pouvoient
se rencontrer dans ses tourbillons , leur
faisoit distinguer des sons .
Ces esprits se faisant jour de toutes parts,
et sortant par une infinité d'échancrures
ou de troux de forme differente , donnoient
par leur éruption des secousses infinies
et d'une varieté infinie à la matiere flui-
>
de ,
1640 MERCURE DE FRANCE
de , qui en les reportant à l'oreille , faisoit
par consequent éprouver une infinité
de sons differens. Les efforts. que
faisoient ces Esprits pour sortir , élargissoient
necessairement leurs passages , out
même réduisoient un grand nombre de
troux très- petits en un seul , et grossissoient
parconsequent et confondoient les
sons.
Enfin la plus grande partie de ces Esprits
s'étant échappez , ce qui restoit se
trouvant par là plus au large dans ces
Celules , ou peut être la matiere grossierequi
s'opposoit à leur sortie , se trouvant
assez dilatée pour qu'ils pussent sortir
sans tant de précipitation , ils ne frapperent
plus que foiblement , et leur activité
ébranlant le corps entier de la Nuée
ne produisoit plus qu'une secousse generale
de tout ce Corps , et ne rendoit plus.
qu'un son qui devoit être , à la verité , un
peu violent , et étourdir les oreilles , mais
unique et très-confus , tel à peu près
( toute proportion gardée ) que celui que
fait une bande d'Oyes ou de Canards.
sauvages par le battement des aîles , en
fendant l'Air.
Qu'il y ait plusieurs Nuées ou feüilles
de Nuées, ( si l'on peut parler ainsi ) qui
puissent retomber les unes sur les autres
JUILLET 1731. 1642
il suffit pour s'en convaincre de lever
les yeux en l'air dans un temps de Nuée
on en voit d'infiniment plus élevées les
unes que les autres ; quelques Philosophes
ont même prétendu que cette chûte
de Nuées les unes sur les autres faisoit
tout le bruit du Tonerre. Qu'il se forme
des concavités dans les Nuées , et qu'il
puisse y en avoir plusieurs dans une même
Nuée , le Tonerre nous le démontre ;
nous voyons la matiere ignée sortir , et
le bruit éclatter d'un grand nombre d'endroits
tout à la fois.
Ce Metéore prouve encore ce que je
dis de l'eruption de la Nuée causée par
les efforts des esprits qui en veulent sortir
, puisque dans le Tonerre si- tôt que
la matiere ignée est parvenue à se faire
passage et à sortir de la Nuée , nous
voyons cette Nuée fendue en plusieurs.
pieces , et chaque piece se pousser de differens
côtés. Donc si cette matiere ignée
qui étoit renfermée dans la Nuée, en est
sortie , ce n'a été qu'en brisant par son
choc cette même Nuée..
Voilà M. ce que je pense du bruit que
j'entendis à Sezanne ; et comme je pense
de même de celui qui fut entendu à
Ansacq , je dois y étendre cette explication
, contre laquelle je prévois deux
objections ,
1542 MERCURE DE FRANCE
objections , l'une de la part du Curé
d'Ansacq , et l'autre de vous.
M. le Curé pour déffendre sa Rélation
et toutes ses dépendances , pourra me
dire qu'en suivant mes propres principes
, il n'y a rien d'impossible dans toutes
les circonstances de son Akousmate
et que j'ai tort par consequent d'en retrancher
le plus admirable , parcequ'il
suffit que dans le sein de la Terre , il se
soit trouvé plusieurs concavités remplies
d'une matière active qui ait cherché à
forcer sa Prison , et que ces concavités
se soient trouvées à quelque distance les
unes des autres , pour que dans quelques
unes la matiete ait été plus préparée à sortir
et à s'éloigner , et ait par consequent
rompu la premiere la Prison avec fracas
et qu'enfin dans le milieu toutes les autres
, peut être même ébranlées par les
secousses des premieres crévées , soient
parties presque en même temps ; qu'il
n'y a pas plus de difficulté à supposer un
grand nombre de concavités en la varieté
des sons dans le sein de la Terre que dans
une Nuée , puisque j'admets le principe
des sons dans la Terre comme dans les
·Airs.
+
A cela je réponds qu'il y a une grande
difference entre une Nuée et la Terre.
Unc
JUILLET. 1731. 1643
gner
UneNuée est composée de parties les unes
aqueuses trés -liées , et d'autres trés- actives
, qui par leur propre mouvement ,
et par l'effort, qu'elles font pour s'éloi
de leurs centres , peuvent se détacher
des plus grossieres , et s'élever ; si en
s'élevant elles trouvent des obstacles, elles
seront renfermées de tous côtés , et demeureront
dans le sein de la Nuée , jusqu'à
ce qu'elles ayent pû par leur activiré
et leur quantité forcer les barrieres ; ou
bien , si dans le tems qu'elles s'élevent, un
Nuage superieur vient à tomber sur celui
d'où elles sortent , elles se trouveront
comme englouties entre ces deux Nuages ,
et ne pourront jamais s'en dégager sans
éffort.
Et ce qui peut multiplier le bruit ,
c'est que ces parties spiritueuses que j'appelle
Esprits , peuvent même sortir à plusieurs
fois , parce que , se trouvant trop
comprimées , et s'étant fait jour par la
partie de la Nuée la plus foible , il peutarriver
qu'il n'en sorte qu'une certaine
quantité , que le reste étant au large n'ait
plas la même activité pour s'échapper
et que l'ouverture se referme aussitôt que
les esprits les plus actifs sont sortis
par Pélasticité ou par la grande facilité
à se reunir avec les parties aqueuses.
Donné
1644 MERCURE DE FRANCE
Donné un coup dans un ruisseau ,
vous pourrés voir le fond , mais ces parties
d'eau que vous aurés mises dans un
grand mouvement se réuniront aussi
promptement que vous les aurés separées
, si vous voulez voir une deuxième
fois le fond , il faut donner un deuxième
coup. Telle est la nature de tous les liquides
et fluides, et en particulier des Nuées,
comme nous le prouvent les éclairs qui
fendent la Nuée avec impetuosité,à peine
sont ils sortis qu'elle se referme , et il
faut absolument qu'elle soit brisée en plusieurs
morceaux pour que tous les esprits
ayent le tems de se dissiper entierement.
Il s'en faut beaucoup qu'on en puisse
dire autant de la Terre.C'est un corps solide
et grossier qui n'a ni élasticité ni
mouvement. Etant une fois ouvert , ou le
trou demeure toujours, ou la surface s'abîme
, et remplit la concavité aussitôt que
cette matiere active en est sortie , ensorte
qu'elle n'a besoin que d'un effort
pour fuir, et par consequent elle ne doit
produire qu'un seul son.
>
D'ailleurs il est bien difficile de suposer
dans la Terre tant de petites concavités
differentes dans un si petit espace , du
moins est- il impossible que toutes ces pe
tites concavités eussent crevé sans que la
surface
JUILLET. 1731. 1545
surface en eût été ébranlée . Mais surtout
il faut convenir que ce bruit sortant de
la Terre ne se seroit élevé que de la hauteur
de son tourbillon , et auroit toujours paru
fixé.
Que dix mille hommes rangés dans
une plaine fassent chacun une décharge ,
tout les coups seront entendus fixement
comme
pourra dint de la Plaine , et l'on
dire j'ai entendu tirer dans la
Plaine dix milles coups de fusil
Dira- ton , en effet , que le tintamarre
d'Ansacq soit sorti de la Terre , et qu'il
soit allé se faire entendre le long du
Village pour effrayer les endormis. Il est
donc plus probable que c'est une Nuée
qui a produit ces Sons. 1 ° . Presque tous
les témoins et M. le Curé lui- même conviennent
que ce bruit s'est fait entendre
en l'air. 2. La disposition du Terrain
les Montagnes fecondes en Sources , les
Bois , les Ruisseaux , les Marécages qui
en sont les suites , ont pû facilement
former cette Nuée.
Enfin M. le Curé pourra ajouter qu'en
supposant , si je veux , que ce bruit soit
parti d'une Nuée , il se peut faire qu'à
chaque extrémité de la Nuée , il y ait eu
du bruit avant que le milieu se soit fait
entendre.
A
1646 MERCURE DE FRANCE
A cela on peut répondre que les temoins
qui disent avoir entendu ces deux
premieres voix les font sortir de la Terre.
En deuxieme lieu les extrêmités d'une
Nuée sont infiniment plus rarefiées que
le milieu , dès- là les esprits qui pourroient
s'y rencontrer ont trop de liberté
pour pouvoir faire du ffacas par leur
évasion. C'est toujours à quelque distanée
de ses extrémités qu'une Nuée se contracte
davantage , et qu'elle se condense
de façon qu'elle y forme une espece de
corps opaque. C'est ce qui me fait croire,
que quoyque ces deux voix ne soient pas
phisiquement impossibles , puisqu'on
peut supposer que la Nuée avoit assés
d'étendue pour que ce ne fut pas absolument
à ses extrémités : cependant le fait
est trop suspect pour l'admettre. Il en
faut dire autant des éclats de rire et de la
symphonie.
Quant à vous , M. vous me direz que
mon explication peut bien faire concevoir
quelque bruit à peu prés semblable à ceux
du Tonnerre , mais nullement des voix
humaines , des cris d'Oiseaux et d'Animaux.
Il est aisé de répondre à vôtre objection.
Si l'Art peut bien imiter la nature ,
pourquoy ne voudriés-vous pas que la
nature
JUILLET. 1731. 1647
nature s'imitât elle- même dans ses differenres
operations ? si un Facteur d'Orgues
peut bien dans son jeu faire imiter
la voix humaine et les differens instrumens
; si un Paisan peut bien avec un
petit instrument de terre cuite , qu'on
debite dans vos Foires , imiter un Rossignol
; si l'on peut inventer differentes
machines qui imitent parfaitement la
Perdrix et la Caille , pourquoy ne voudriez
-vous pas qu'il se trouvât dans les
differens conduits , qui poussent les esprits
renfermés dans cetteNuée au dehors,
quelque chose qui ressemble à la voix
humaine , à un cri d'Oiseau ou d'Animal?
La voix humaine , celle d'un Oiseau
ou d'un autre Animal , n'est formée
par un air reçu dans les poumons ( qui
font à peu-prés la même fonction dans
le corps , que les soufflers dans les Orgues)
lequel en étant chassé par la trachée-artere
, se dégorge par le Larinx dans la
bouche , d'où il se répand ensuite au dehors
; la qualité du son ou de la voix dépend
de la construction de ce tuyau et
de la forme de son embouchure ou du
Larinx ; si le Larinx est étroit comme
dans les Enfans et dans les Femmes , le son
sera aigu , perçant et délié , si la trachéeartere
et même le Larinx sont humectés
que
dune
1648 MERCURE DE FRANCE
d'une liqueur douce et onctueuse , le son
sera sonore et agréable. Si au contraire
ils sont secs , arides , échauffés , où remplis
d'une liqueur épaisse et gluante comme
dans le rhume , la voix sera grêle ,
rauque , ou tout à fait étouffée.
Ily
a des hommes dont la voix ressemble
si
peu que
nous
appellons
voix
humaine
, que si nous
ne les voyons
pas ,
nous
ne nous
persuaderions
jamais
que
ce son
que
nous
entendons
fût
la voix
d'un
homme
; il y a au contraire
des Oiseaux
et des
Animaux
qui
imitent
parfaitement
la voix
humaine
.
En un mot , le son et les differentes
modifications que nôtre ame en reçoit
ne venant que des differentes façons dont
nôtre oreille est frappée , et dont ce choc
est raporté à l'ame , rien de plus facile de
concevoir que l'air , ou nôtre matiere
fluide , ne puissent être chassés d'un endroit
qui aura la même forme que dans le
Larinx,par consequent fraper notre oreille
de la même façon que si cela sortoit de
la trachée- artere , et exciter en nôtre ame
la même sensation ,
Je ne ferois pas même tant de difficul
té d'admettre la symphonie chorien e de
M. le Curé d'Ansacq , s'il ne la compo
soit que de flutes , de trompettes et d'au
tre
JUILLET. 1731. 1649
tres instrumens àvent, parce qu'il est trèsfacile
entre cette multitude de passages
et de trous que je suppose qu'ont faits ces
esprits pour s'échaper , d'y en concevoir
plusieurs de la forme d'un trou de flute
ou d'aurres instrumens à vent , par où
les esprits soient sortis de la mê ne façon
que l'air sort par les trous des instrumens,
quand on soufl dedans , et par où
ils auront fait ressentir aux colomne: voisines
de nôtre matiere fluide les mêmes
secouss es , et qui auront produit parconsequent
le même son . Les deux bourdons
que j'entendis , et ( dont je parle )
prouvent cette possibilité. Mais j'avoue
que les Tambours , les Violons & c . sont
des Concerts d'une trop difficile exécules
Musiciens de: Airs.
tion
pour
Voilà , Monsieur , ce que je pense et ce
que j'avois à vous dire , pour vous obéir
sur l'Akousmate d'Ansacq , et sûr une
Avanture presque toute semblable qui
est arrivée , moi present, à Sezanne ; heureux
si mes réflexions vous ont paru avoir
quelque fondement dans une Physique
raisonnable , et surtout si je ne vous ai
point ennuyé. Je suis & c .
A Paris ce 25. Juin. 1731.
B LES
1650 MERCURE DE FRANCE
LES CHARMES DU SOMMEIL ,
CANTAT E.
Essez, aimables jeux , cessez ,charmants plaisirs
,
De vouloir dissiper l'ennui qui me dévore :
Vos soins flatteurs irritent mes soupirs,
Le sort m'a separé de l'objet que j'adore ,
Vos appas ne sçauroient exciter mes desirs :
C'est bien assés que je respire encore.
1
Toi qui sçais , par un songe aimable ,
Du sort adoucir la rigueur >
Et par une erreur agréable ,
Donner l'image du bonheur ,
Sommeil , fais à mon triste coeur
Goûter ce repos désirable.
1
Pour réparer les maux affreux
Dont toujours m'accable l'absence ;
Fais-moi jouir de la présence
De l'Objet de mes tendres voeux :
Viens m'assurer que sa constance
Egale celle de mes feux !
Toi
JUILLET.
1731. 1651
Toi qui sçais , par un songe aimable &c.
Tu m'entens ? tes Pavots se glissent dans mes
veines !
Eh quoy ? j'oublie en cet instant mes
peines !
Quel bonheur imprevu vient calmer mes tourmens
?
Où suis- je ? à mes regards Delphire se présente
Qu'elle a d'attraits , de graces , d'agré
ments ? 靠
Venus sortant des Eaux n'étoit pas si brillante
A tant de charmes ravissants
Si jusqu'ici mon coeur avoit été rebelle
Ah ! qu'il lui seroit doux , en cet heureux moment
,
De voler au devant d'une chaîne si belle
Sur ses pas , les fleurs et les fruits
S'empressent , à l'envi , d'éclore
De même qu'à l'aspect de Flore ,
Ou de Pomone , ils sont produits .
Les graces , les ris , la jeunesse ,
Qui la prennent pour leur Déesse ;
Par leurs danses , et par leurs jeux ,
Célebrent son retour heureux ,
Sur ces pas , les fleurs et les fruits &c .
Bij Elle
1652 MERCURE DE FRANCE
Elle approche , Bergers, du son de vos Musettes,
Ne faites plus retentir ces retraittes ;
Rossignols , cessez vôtre chant ;
Ruisseaux , murmurés doucement ;
Zephirs , n'agitez plus les fleurs de ces prairies !
Que tout respecte mon sommeil :
Qu'on ne m'enleve point , par un triste reveil ,'
Les douceurs infinies ,
Que me procure un précieux moment.
Helas ! mon aimable Sylvandre
Me dit-elle , sur moi , jettant un regard tendre ;
souffres pas seul un rigoureux tourment :
Depuis que le Destin barbare
Tu ne
Si cruellement nous sépare
Mes yeux n'ont pas cessé de répandre des pleurs
Loin d'apprendre tes maux avec indifference ,
Ton prompt retour et ta présence
Pourront seuls finir mes douleurs.
Triomphe, ta gloire est extrême:
Sommeil , que tes plaisirs sont doux?
L'amour doit en être jaloux ,
Il n'est pas plus charmant lui-même ;
Si tes biens durent peu d'instants,
S'ils ne sont qu'un flatteur mensonge;
Ceux d'amour passent comme un songe,
Et ne durent pas plus longtems.
TriomJUILLET.
1853
1731 .
Triomphe , ta gloire est extrême,
Lors même que ses injustices
Nous accablent de maux affreux ;
Malgré lui , malgré ses caprices ,
Tu peux encore nous rendre heureux,
Triomphe, ta gloire est extrême &c,
Par M. de Morand : mise en Musique
par M. la Combe Desroziers , Maître de
Musique de l'Académie d'Arles .
SECONDE LETTRE de M. Capperon
sur la Méthode d'observer les Sels qui
se trouvent dans les Terres , dans les
Plantes , dans les Humeurs , &c.
MONSIEUR ,
Vous sçavez mieux que moi , qu'il y a
long- tems qu'on cherche un moyen de
connoître la qualité des Mixtes , pour ju
ger des effets qu'ils doivent naturellement
operer. Comme on étoit d'abord persuadé
que les Mixtes
n'opéroient
que parce
qu'on
appelloit
leurs qualitez
; sçavoir
, le
chaud
, le sec , le froid
, et l'humide
; on
B iij
1574 MERCURE DE FRANCE
crut avoir fait beaucoup , que d'assigner à
chaque Mixte , jusqu'à quel degré il étoit
chaud , sec , froid , ou humide ; ce dont
on jugeoit par les effets qu'on lui voyoit
produire , et par- là on se flatoit d'avoir
un moyen suffisant pour connoître le
bien ou le mal que ces Mixtes pouvoient
faire.
Quoique cette Méthode fut en usage
avant le tems d'Hypocrate , et qu'elle l'ait
été presque jusqu'à nos jours : * cet habile
Homme reconnut néanmoins , qu'on ne
pouvoit pas aller loin avec cette Découverte.
Il crut qu'il pouvoit y mieux réüssir
, en enseignant que les Mixtes n'opéroient
qu'entant qu'ils contenoient quelque
chose de plus ou moins amer , ou salé,
ou doux , ou âpre , ou acerbe , ou adoucissant
, ** &c.En quoi , sans doute , il
pensoit plus juste que ceux qui l'avoient
précedé , mais après tout , ce n'étoit connoître
la nature des Mixtes que par leurs
seuls effets , même par leurs effets senfibles
; par consequent il falloit les avoir
souvent éprouvez , avant que d'en fixer
les qualitez.
Enfin la Chymie étant devenue com-
* On la peut voir bien marquée dans Matthi
Comment. sur Dioscoride.
** Lib. de prisca Medicina.
mune
JUILLET.
1731. 1575
mune , on a crû avoir trouvé le moyen
infaillible pour découvrir primitivement
ce que chaque Mixte devoit naturellement
opérer , parce que ceux qui cultivoient
cet art , prétendant avoir une Méthode
assurée pour décomposer les Mixtes par
le moyen du feu , séparer les Principes
dont ils étoient composez , pour les voir
ensuite à leur aise séparément , et connoître
leurs opérations, ils n'ont nullement
douté , qu'à proportion que quelques- uns
de ces principes se trouveroient dominer
plus ou moins dans les Mixtes , leurs Effets
devoient se diversifier differemment :
c'est ce qui a même donné lieu à l'Académie
Royale des Sciences de Paris , de
faire travailler à l'Analyse Chymique des
Plantes , dans l'esperance qu'on auroit
par là une connoissance assurée des effets
qu'elles doivent naturellement produire.
Mais les personnes éclairées , même les
plus habiles dans cette Profession , sont
tombées d'accord , qu'on ne pouvoit pas
encore sé flatter d'être arrivé par cette
voye au but qu'on se proposoit depuis si
long - tems. M. Lemery , cet habile Chymiste
, avoue lui- même dans le Discours
qu'il a fait sur la Chymie en général , et
qui est à la tête de son cours de Chymie ,
B iiij que
1656 MERCURE DE FRANCE
que, si l'on veut considerer sans préoccupation
, comment le feu agit lorsqu'on
s'en sert pour anatomiser les plantes , ( on
;
doit dire la même chose des autres Mixtes
) : on avouera , dit- il , qu'il détruit et
confond la plupart des choses qu'il disseque
qu'il n'y a pas lieu de croire qu'il
rende les substances en leur état naturel :
aussi n'hésite - t- il pas à dire , parlant des
Sels des Plantes , qu'il n'y a que leur Sel
essentiel qui se tire de leur Suc exprimé ,
et filtré , et christalisé , qui soit le veritable
Sel qui étoit dans la Plante , ce qu'on
ne peut pas dire ( ajoûte t- il ) des deux autres
; sçavoir , le Sel volatile , et le Sel
fixescar eû égard à la violence du feu dont
on s'est servi pour les faire , il y agrande
apparence qu'ils ont été déguisez .
Tous ceux qui ont parlé sans prévention
de cette Analise des Mixtes,faite par
la voye du feu , en ont pensé de même.
Le Medecin de Montpellier qui a fait des
Notes sur l'Anatomie d'Heister , dit . que
ce n'est pas par l'Analyse Chymique qu'on
peut connoître les veritables principes
des
corps ; puisque le feu change les matieres
, et qu'il les décompose ; que ceuxqui
veulent en juger par cette Analyse ,
n'ont pas plus de raison , que ceux qui
voudroient connoître la nature des Caillous
JUILLET. 1731. 1657.
lous par la chaux . En effet , c'est une
chose certaine , dit M. Lemery dans son
Mémoire sur les Analyses des Plantes , inseré
dans l'Histoire de l'Académie
, que
quoique l'Oseille ait un Suç naturellement
aigre dans la Distilation , neanmoins
elle donne beaucoup moins d'acide , que
plusieurs autres Plantes qui n'en manifestent
pas tant.
Il me paroît donc , que voulant connoître
ce que la plupart des Mixtes peuvent
opérer, on peut aller plus surement
au but par la Méthode que j'ai découverte,
que par cette Analyse Chymique à laquelle
on s'est attaché depuis ces derniers
tems ; car dans la plupart des Mixtes ,
quelle est la chose qui opére les plus
grands & les plus sensibles effets ? ne sontce
pas les Sels qui sont contenus dans ces
Mixtes , lorsque venant à se déveloper , et
s'insinuant dans les pores des autres Corps
ils les dilatent , les ouvrent , en remplissent
les vuides , ou rompent & dérangent
la contexture de leurs parties ? Ainsi , on
ne peut disconvenir , que de toutes les
parties , ou , si l'on veut, de tous les principes
qui forment les Mixtes , les particules
salines étant les plus roides
Ait, Des Mamelles,
, et les
plus
1658 MERCURE DE FRANCE
plus figurées , leur opération doit être
la plus sensible et la plus considerable.
Ainsi le moyen incontestablement le
plus sûr pour juger quels effets la plûpart
des Mixtes doivent naturellement produire
, consiste à connoître parfaitement
quels Sels dominent en eux , et quelles
sont les Figures specifiques de chacun de
ces Sels : puisque , comme j'ai déja dit , ils
opérent toûjours conformément à leur Figure
et à leur mouvement : or on ne peut
pas douter , que par ma Méthode , on ne
connoisse parfaitement quels sont les Sels
qui sont contenus dans la plupart des
Mixtes, et quelles en sont les Figures spécifiques
par consequent ma Méthode est
celle qui est la meilleure et la plus
sûre pour juger des effets que ces Mixtes
doivent naturellement produire .
Tout ceci préalablement établi , entrons
maintenant en matiere ; et voyons en particulier
comment il faut s'y prendre pour
connoître quels sont les Sels qui peuvent
être contenus, soit dans les Terres, soit dans
les Eaux , soit dans les Plantes , soit dans les
Humeurs ; car il me paroit que quand on
aura poussé jusques- là ses connoissances ,
on aura trouvé suffisamment de quoi se satisfaire
.
Voulant donc découvrir quel est le Sel
qui
JUILLET. 1731. 1659
qui peut être contenu dans telle Terre que
ce puisse être , voici comme je m'y prends
pour y réüssir. Je mêle avec de l'eau la
Terre en question , observant qu'il n'y ait
pas trop d'eau ; et aprés l'avoir laissée
quelque tems en infusion , je lui donne un
leger bouillon sur le feu ; ensuite ayant
filtré cette eau par le papier gris , pour la
rendre claire , je la fais christaliser sur
mes petits vers ronds , conformément à
ma Méthode. C'est ainsi que je m'y suis
pris pour voir et connoître les Sels difrens
du Terreau de fumier , de la bonne
Terre des champs , et de la Terre glaise ,
desquels je vous envoye les desseins. Mais
avant que je finisse ce qui regarde les Terres,
il est à propos que j'avertisse, que par rap-
•port à celles qui sont exposées à la Pluye,
Jes Sels qu'on y peut trouver , peuvent
souvent varier à raison des pluyes
des rosées , des brouillards , des neiges ,
ou des grêles , qui peuvent y tomber ,
et y déposer les differens Sels qui s'y rencontrent.
, ›
Pour les Eaux des puits , des rivieres et
des fontalnes, je ies christalise telles qu'elles
sont , lorsqu'elles sont pures et claires :
mais je dois aussi faire observer , que celles
des puits et des fontaines ne donnent
pas toûjours les mêmes Sels , ce que j'ai
B vj même
1660 MERCURE DE FRANCE
même remarqué dans les Eaux de Forges.
Certe variation mérite bien d'être plus
exactement observée que je n'ai fait, pour
en tirer toutes les conséquences convenables
à un pareil sujet.
,
et
Il est vrai que la même chose arrive à
l'égard de l'Eau des rivieres : mais la cause
en est évidente , sçavoir les pluyes , les
neiges, les grêles , & c. qui y tombent ,
les differentes Terres qui y sont souvent
entraînées , et qui y portent leurs Sels
avec elles . C'est par cette raison que j'ai
rrouvé des deux sortes de Sels dans l'eau
de la mer l'un est le Sel marin ordinaire
; et l'autre un Sel plus délié , dont
les pointes font plus fines. Ce qui rend
cette eau plus corrosive que celle où le
Sel marin seul est dissout . J'ai de même
trouvé de deux sortes de Sel dans l'eau
de riviere du mois de Mars , prise à dif
rens 'tems , le premier a quelque rapport
au Nitre , et le second au Borax ; mais
parce que je n'ai pas trouvé ce dernier Sel
avant ou après le tems marqué , cela
me fait soupçonner que c'est cette
espece de Sel qui rend les Eaux du mois
de Mars plus fortes et plus âpres que
les autres , qu'elles rendent le Linge plus
blanc , et qu'elles rongent davantage les
mains des Blanchisseuses , & c.
>
A
JUILLET
. 1731. 1661
'A l'égard des Plantes , voulant connoître
leurs veritables Sels , et voir quelles
sont leurs figures specifiques
,tout consiste
à piler la plante dans un mortier , y verser
ensuite ce qu'il convient d'eau , pour
donner plus de fluidité au suc , et donner
au Sel plus de facilité pour se dégager de
la viscosité dans laquelle il est souvent
renfermé : puis ayant laissé le tout poser
pendant quelque peu de tems , le filtrer
par le papier gris , et le faire ensuite christaliser
sur le verre. On peut bien juger
que plus le Suc de la Plante est visqueux , plus on doit y mêler d'eau . Je dirai aussi
que j'ai observé, que prenant les Plantes , dans le tems qu'elles sont dans leur for- ce , leurs Sels se font mieux connoître
.
>
Voilà de quelle maniere on peut voir
et connoitre les Sels des Plantes , quelles
sont leurs figures specifiques : par où l'on
peut juger des effets qu'elles doivent naturellement
produire : puisque comme
j'ai dit , c'est principalement
par les Sels
que tous les Mixtes font leurs plus puissantes
opérations ; et qu'en connoissant
les figures sensibles que prennent
les Sels en se christalisant
sur le verre
on connoît les figures invisibles de leurs
plus petites parties par lesquelles elles
opérent.
C'est
1662 MERCURE DE FRANCE
C'est ce qu'il m'est aisé de justifier par
un grand nombre de Plantes , dont j'ai
découvert et connu les Sels par cette
Méthode on peut en être persuadé , en
voyant seulement les trois desseins que
j'ai tiré de Sels , de l'Oseille , du Marübe
blanc , et de la Christe - Marine ; par - lesquels
il est très-facile de connoître les effets
que ces trois Plantes doivent naturellement
opérer : car trouvant dans l'Oseille
les principaux Sels formez en figures d'épines
, d'autres en petites éguilles , et d'autres
enfin en figure de lozanges pointuës
par les deux bouts , n'a-t- on pas une
marque assurée , que cette Plante doit
piquer par son acidité , et être tant soit
peu corrosive , comme on le reconnoît
par ces effets ; puisque chacun sçait
qu'elle dissipe les taches d'encre , lorsqu'il
en est tombé sur le Linge ? elle
doit aussi être rafraîchissante et pénétrante
, ce qu'on ne peut jamais reconnoître
( ainsi que je l'ai dit par son Analyse
Chymique.
Il en est de même du Marube blanc : les
Sels de cette Plante vûs et découverts par
ma Méthode sont visiblement un Sel ammoniac
très-abondant mêlé d'un peu deNître;
puisqu'ils ont l'un et l'autre des figures
sem
JUILLET. 1731. 1 1663
semblables à celles de ces deux Sels ; par où
il est aisé de juger que cette Plante doit
être volatile et désopilante , conformément
à ces deux Sels. Enfin j'ai trouvé les Sels
provenant de la Christe - Marine , où le Sel
marin se fait voir , accompagné de l'armoniac.
Je pourrois entrer dans un plus
grand détail , si je voulois rapporter comment
sont figurés les differens Sels des
Plantes , que je me suis donné le plaisir
d'examiner : je dis le plaisir , car c'en
est un veritable , que de voir cette differente
Palingénésie des Sels , et cet agréable
arrangement qu'ils prennent d'eux- mêmes
sur le Verre.
Passons maintenant aux humeurs , ou
liquides les plus considerables du Corps
humain,pour connoître les Sels contenus
dans la salive ; il est necessaire d'observer
qu'étant ordinairement trés visqueuses , il
faut pour en dissoudre la viscosité , pour en
détacher les Sels qui sont enfevelis , y mêler
au moins une fois autant d'eau ; et afin
que la dissolution se puisse mieux faire , il
est à propos de laisser poser le tout pendant
quelques heures ; et la laisser christaliser
aprés l'avoir filtrée : c'est alors, que , quoiqu'il
s'y trouve quelquefois des Sels differens
, on a presque toûjours le plaisir de
voir de ses yeux la verité de ce qu'on a dit,
sçavoir ,
1664 MERCURE DE FRANCE
sçavoir, que la Salive est ordinairement
remplie de Sel armoniac , ainsi qu'il est facile
de le voir par le dessein que j'ai tiré
d'après celle que j'ai christalisée.
Pour ce qui est du sang ; comme c'est
dans sa sérosité que les Sels sont dissous ,
ce n'est aussi que dans cette seule sérosité
qu'il les faut chercher. Il faut donc pour
cet effet , prendre celle qui se sépare d'ellemême
après la saignée . Mais comme elle
est extrêmement visqueuse et gluante
elle a besoin pour en débarasser les Sels ,
qu'on y mêle beaucoup plus d'eau que
dans la Salive , ensorte qu'il en faut mettre
environ sept à huit fois plus qu'il n'y a
de sérosite ayant ensuite laissé poser le
tout trois ou quatre heures , filtrer et
christaliser.C'a été en agissant de la sorte,
que
voulant connoître les Sels du sang
d'une personne legerement indisposée ,
j'y ai trouvai , comme on peut voir dans
le dessein , beaucoup de Sel armoniac
très-pen de Nitre , et quelques Globules ,
que je croyois être échapez dans la filtration.
Quant à l'urine , il faut s'y prendre
d'une maniere fort differente de celle
dont on use pour la Salive et pour le Sang
* Ettmuller, sur la Pharm. de Schoder. de la
Salive de l'Homme. liv z.
puisJUILLET.
1731. 1665
puisqu'à celles - là , il fant , si l'on veut en
voirles Sels , y adjoûter de l'eau ; au lieu
quepour voir ceux des urines , it convient
d'en faire évaporer une partře. On peut
voir dans la Planche la figure du Sel , que
j'ai observée dans l'urine d'une personne
saine.
Il me reste maintenant à faire quelques
Observations neceffaires ; et qu'il convient
de sçavoir , pour mieux réussir
en usant de cette Methode , pour ne s'y
pas tromper.
La premiere regarde l'eau dont on
doit se servir , soit pour dissoudre les
Sels , ou pour rendre les sucs des Plantes
, ou la salive et les serosités du sang
plus liquides : car soit qu'elle soit de
Fontaine , de Riviere , ou de Puits ; comme
ces differentes eaux peuvent avoir
leurs Sels propres et particuliers , il est
à propos , toutes les fois qu'on fait christaliser
ces choses mélangées d'eau , de
mettre en même temps de cette même
eau sur un autre verre , afin que si étant
elle - même christalisée , et y remarquant
quelque Sel particulier , on puisse le distinguer
d'avec ceux de la Plante , ou de
telle autre chose dont on veut connoître
le Sel propre.
La seconde Observation consiste à sçavoir
,
1666 MERCURE DE FRANCE
"
voir , que souvent et plus particulierement
à l'égard des sucs des Plantes , de la
salive , et de la serosité du sang , les Selssevoyent
et se distinguent d'autant mieux
qu'on met sur le verre une moindre quan ,
tité de ces liqueurs , la trop grande abondance
des Sels qui s'y rencontrent apportant
souvent de la confusion dans leur
christalisation , et les empêchant de prendre
exactement leut figure specifique..
C'est pourquoy
il est à propos d'en mettre
une plus ou moins grande quantité
sur deux ou trois des petits verres dont
on use à cet effet ; et pour le faire facilement
, on peut se setvir, comme je fais ,
pour prendre et pour poser ces liqueurs ,
d'une espece de petite cueilliere de cuivre
, dont le creux n'a pas plus de largeur
que la moitié de l'écaille d'une noisette
, ayant trés peu de profondeur.
La troisiéme Observation , est par
rapport à la serosité du sang , où l'on
peut aisement se tromper : car quoyqu'on
y mêle beaucoup d'eau , cela n'empêche
pas qu'à cause de sa grande viscosité
venant à se secher sur le verre , il ne s'y
fasse au moins à quelque endroit , une
pellicule , laquelle se sechant fortement , il
s'y fait diverses crevasses , lesquelles se
reünissent le plus souvent en forme de
lozanges :
JUILLET. 1731. 1667
lozanges : on en peut voir quelques-unes
tracées dans le dessein qui représente les
Sels du sang : et lorsqu'on vient â regarder
au jour avec le Microscope , les, Sels
de cette serosité , ces fentes ou crevasses
étant moins opaques , on peut aisement
les prendre pour des Sels plus transparens.
Enfin la quatrième et la derniere Observation
que j'ai à faire , est pour indiquer
le moyen de mieux connoître quels
sont les Sels qui paroissent sur le verre
aprés que la cristalisation est faite : Car
la premiere chose qu'on doit observer
c'est de voir si les cristaux qui paroissent ,
sont semblables à quelqu'un des Sels qui
sont connus , et dont les figures sont dessinées
dans la Planche qui est jointe à
ma Lettre parce qu'au moment qu'on
les verra semblables , on peut s'assurer
que ce sont les mêmes Sels , ce qui peut
arriver souvent ; puisque,comme j'ai dit ,
ces Sels connus de tout le monde , sont
aussi les plus communs dans la nature.
Néanmoins , parcequ'on ne peut pas dire
qu'ils soient les seuls , au cas qu'on en remarque
, soit dans certaines ter es , certaines
eaux , certaines plantes &c. qui
prennent constamment des figures particulieres
, il convient alors de les observer
1668 MERCURE DE FRANCE
ver exactement , pourjuger par leur figu
re des effets particuliers qu'ils doivent
pareillement produire.
Je me crois d'ailleurs obligé d'avertir ,
que je n'ai pas tellement perfectionné
cette découverte , qu'il ne reste plus rien
à faire pour découvrir géneralement tous
les Sels , et plus particulierement ceux
de toutes les Plantes et de toutes les humeurs
. Je ne donne tout ce qui est contenu
dans ces deux Lettres , que comme
un essai , dans lequel je me flatte d'avoir
réûssi ; s'il est poussé aussi loin qu'il le
peut être par des mains plus habiles , il
pourra devenir trés avantageux au public.
Je suis Monsieur & c.
On trouvera les Figures gravées de
ces Sels , dans la premiere Lettre de M.
Capperon , inserée dans le precedent
Mercure.
EPITA PHE ,
D'UN AVARE.
Par M. de Malerais de la Vigne.
CY gât un homme peu chrétien
Dont l'avarice étoit extrême
Le
JUILLET . 1731 . 1663
Le bien des autres fût le sien ,
Et jamais il ne prêta rien ,
Qu'au denier
même.
quatre ou cinq , fût-ce à son Pere
Mets l'oreille à sa Tombe, ô Passant , et fremis ;
Ses os s'entrefroissant font un affreux murmure,
Et semblent s'irriter que tu fasses lecture ,
De son Epitaphe gratis.
AUTRE EPITAPHE
D'UN PRETENDU BEL ESPRIT.
Par la Même.
CYgit qui s'estimoit l'Arbitre des Arbitres ;
De la Langue au hazard il décidoit les cas ;
Qui le contredisoit ne s'y connoissoit pas ;
Des Livres il sçût tous les titres ,
Et ne lût que les Almanachs .
***:****XXX :XXXXX
ECLAIRCISSEMENS demandés
>
par
une Lettre écrite de Soissons , inserée dans
le Mercure d'Avril 1731. sur la Vie de
Saint Front on Frontor
L paroît un peu singulier qu'on démande
desEclaircissemens sur un Saint Im
aussi
1670 MERCURE DE FRANCEaussi
connu que S. Fronton, Saint, qu'une
Eglise de ce Royaume reconnoît pour
son Fondateur , et pour son Apôtre ,
sans que la Critique ait encore ose le lui
disputer. Il est parlé de ce Saint dans tous
les Martyrologes au 25. d'Octobre , dans
le Martyrologe Romain , dans ceux de
France et d'Espagne , dans Baronius ,
dans Surius , dans Ribadeneira &c. Cependant
nous exposerons ici avec la briéveté
requise , ce que nous en apprenons
dans les Actes de sa vie, rapportés par M.
Bosquet dans son Histoire de l'Eglise
Gallicane.
Saint Front , ou Fronton , que quelques
uns font naître à Perigueux , d'autres
en Orient , ayant été connu de Saint
Pierre dans un Voyage qu'il fit à Rome ,
et en ayant été jugé digne de porter la
foy parmi les Idolatres , ce Prince des
Apôtres l'envoya dans les Gaules avec un
compagnon , nommé Georges , pour y
publier l'Evangile . Ces deux hommes
Apostoliques aprés beaucoup de Stations
faites dans les lieux de leur passage pour
y semer la parole de Dieu , arriverent à
Perigueux. Ce fut là qu'ils s'arrêterent
davantage , et que le Champ répondant
aux soins du Laboureur , la Moisson devint
bientôt trés-abondante. L'Evangile
JUILLET. 1731. 1871
y fit en peu de tems un progrés considerable.
Il y avoit alors un Gouverneur
en Perigord , nommé Squirius , homme
fort attaché à l'Idolâtrie. Cet homme
politique ou superstitieux s'efforça d'arrêter
le progrès d'une Religion incompatible
avec celle de ses Peres ; il fit arrêter
pour cela un grand nombre de fideles
; il emprisonnà les uns , il exila les
autres , il en fit mourir plusieurs la
persecution augmentant tous les jours
força bientôt le reste des Fideles à chercher
dans la fuite une ressource contre
les vives poursuites du Gouverneur .
Les Fideles allerent donc se cacher dans
un Desert voisin de la Riviere de Dordogne
, avec leur Pasteur qu'ils entraînerent
avec eux : Saint Fronton chassa de
cet endroit un Dragon qui infectoit tout
le Pays.
par
fin
des menaces ,
par
par
Mais Dieu qui vouloit établir son culte
dans cette Province , força le Gouverneur
des fleaux , et endes
avis qu'il lui donna en songe,
de plier sous le joug de la Foy.La paix fût
rendue à cette Eglise naissante . Le Gouverneur
alla lui -même chercher S. Fronton
dans le Desert , il ramena avec lui
le Pasteur et le Troupeau. S. Fronton
bâtit ensuite à Perigueux , du consentement
1672 MERCURE DE FRANCE
ment du Gouverneur une Eglise en l'honncur
de S. Etienne , premier Martyr.
Quand S. Fronton vit cette Eglise suffisamment
affermie , il y laissa un Disciple
nommé Anien pour la gouverner
pendant son absence , et envoya son compagnon
au Puy - en -Velay , où S. George
fonda une nouvelle Eglise dont il fût le
premier Evêque . Pour S. Fronton il alla
prêcher l'Evangile dans la Saintonge et
dans le Poitou ; il passa même par Paris
et pénetra jusques dans le Beauvaisis et
dans le Soissonnois. On voit encore dans
le Diocèse de Soissons unChâteau appellé
Neulli Saint Front , ce qui porteroit à
croire que ce qu'on dit des Voyages de
ce Saint n'est pas sans fondement. Quoyqu'il
en soit , S. Fronton aprés être retourné
dans son Diocèse , passa dans un
autre Voyage par les Villes de Bourdeaux
et de Bayonne , et s'avança jusqu'à Valance
en Espagne. Enfin fatigué , épuisé par
son grand âge et par ses travaux , il rétourna
dans son Siege,où il y mourut en
paix. On rapporte de lui plusieurs Miracles.
En voilà assés sur les Actes de S. Fronton,
premiet Evêque de Perigueux. Il ne
faut pas le confondre avec un aurre Saint
Fronton , Abbé , marqué au 14. Avril
dans
JUILLET. 1731. 1673
'dans le petit ouvrage intitulé * Fasti Mariani
, que l'Auteur Jesuite , dit avoir tiré
de la vie des Peres.
Cependant comme les Actes de Saint
Fronton , Fondateur de l'Eglise de Perigueux
, ont été rejettés par plusieurs critiques
, et en particulier par M. M. de
Tillemont et Baillet , nous rapporterons
ici en peu de mots ce qu'en dit ce dernier,
soit dans les Notes qu'il a mises au commencement
du mois d'Octobre , soit dans
ce qu'il dit de la vie de ce Saint au 25 .
du même mois.
Il commence la vie de S. Front par le
reconnoître pour l'Apôtre de Perigueux :
mais il a soin de mettre à la
marge , 3 .
ou 4. Siecle , ce qui ruine absolument
tout ce qu'on dit de son Voyage à Rome ,
et de sa mission dans les Gaules par Saint
Pierre , & c .
On ne peut , dit- il , entrer dans aucun
détail des actions de ce Saint , ni so
flatter même d'en pouvoir produire dont
on soit assuré , si l'on en excepte la conversion
du Peuple de Perigueux , qu'on
a tout sujet de regarder comme le fruit
de ses travaux et de ses souffrances . Tout
a paru , continue- t-il, tellement insoûtena-
1. Vol 1 Antuerpia 1633-
C
1674 MERCURE DE FRANCE
ble dans les premiers Actes qu'on avoit
publiés de sa vie , qu'on s'est crû obligé
d'en composer d'autres , qui sont cependant
tombés comme les premiers.
M. Baillet regarde aussi comme douteuse
la Tradition qui lui donne pour
compagnon dans ses travaux Apostoliques
un Prêtre , nommé George , aussi - bien
que la fondation de l'Eglise du Puy- en-
Velay,que la même Tradition fait remonter
comme celle de Perigueux au premier
Siecle.
Tous les Actes s'accordent à le faire
mourir en paix. Mais il n'en faut pas conclure
, ajoûte M. Baillet , qu'il ne soit
venu en Perigord qu'aprés la paix donnée
à l'Eglise par Constantin , à moins qu'on
ne voulût raisonner de même de S. Marrial
de Limoges , de S. Julien du Mans ,
de S. Gatien de Tours , et de beaucoup
d'autres Confesseurs , à qui les Payens
n'ont point ôté la vie.
La Fête de S, Fronton est marquée au
25. d'Octobre dans les Martyrologes
d'Adon et d'Usuard , en quoy on les a
suivis dans le Romain moderne. On dit
que le corps de S. Front fût trouvé quelques
années aprés la mort de Clovis I. et
transporté dans une Eglise que fit bâtir
en son honneur Chronope , Evêque de
Perigueux
JUILLET. 1731. 1875
Perigueux , du tems duquel la Ville passa
de la domination des Wisigoths sous
celle des François. On fait Mémoire de
cette Translation le 14. d'Octobre.
M. Baillet dit que les Actes de la vie
de ce Saint furent publiés par M. Bosquet
,dans la deuxième partie de son Histoire
de l'Eglise Gallicane , liv . 5. pag. ș.
ils ont été vûs , ajoûte t-il , par Adon de
Vienne ; ainsi ils ne peuvent être
rieurs au IX. Siecle.
poste
M. de Tillemont, Tom. 4. pag. 502. les
tient tout-à- fait insoutenables, tant pour
le fond que pour la composition. Un
Abbé de Solignac dans le Concile de Lis
moges , tenu l'an 1031. les rejetta devant
toute l'Assemblée , comme une fausse Piece
, et soutint que s'étoit une Fable composée
par un Gausbert Chorévêque de
Limoges , qui l'avoit faite même pour en
tirer de l'argent. Depuis l'onzième Siecle ,
comme on ne voyoit plus d'apparence à
soutenir cette Histoire de S. Front , on
en inventa une autre sous le nom des
Evêques ses Successeurs . Mais cette Piece,
dont M. Bosquet a donné l'Extrait , est
encore plus ridicule que la premiere , au
jugement du même M. de Tillemont.
Voilà ce qu'on peut recueillir de divers
Auteurs sur la vie de S. Front ; mais
Cij
comme
1676 MERCURE DE FRANCE
comme il nous est venu un Mémoire
d'un autre Endroit sur le même sujet ,
posterieur à la Lettre de Soissons , dans
lequel on demande plusieurs autres Eclaircissemens
, nous ajoûterons ici le précis
de ce Mémoire.
On demande d'abord si l'Auteur de
la Lettre inserée dans le Mercure d'Avril
travaille au Breviaire de ce Diocèse. On
prie ensuite de s'informer par la voye du
Mercure , de Messieurs de Perigueux ,
19. Si la Tradition de leur Eglise n'est pas
que le corps entier de S. Front y étoit
conservé lorsque les Calvinistes la pille-`
rent. 29. Si l'on a des preuves que la
Translation de ce corps ait été faite un
peu aprés l'an 1441. comme il paroît
qu'elle a dû être faite par une Bulle du
Pape Eugene IV. qui est dans le Gallia
Christiana.
Nous remarquerons sur ce second article
, qu'il faudroit donc supposer qu'il
eût été fait deux Translations du corps de
ce Saint , puisque M. Baillet parle d'une
Translation qu'on croit avoir été faite
vers la fin du cinquiéme Siecle , ou au
Commencement du sixième.
3º . s'il n'est rien échappé des Reliques
de ce Saint Evêque depuis le pillage des
Calvinistes , et supposé que l'on ait sauvé
quelques
JUILLET. 1731. 1677.
quelques parties de son corps , quelles
sont ces parties ? et en quelles Eglises elles
sont ? 4°. Si l'on a eu le Chef de ce Saint
enchassé en entier avec le refte du corps ,
ou séparement. 5º . En quels jours se celebrent
les Fêtes de la Translation du
corps ou des Reliques de ce même Saint.
Nous avons satisfait en partie à ce dernier
Article, en rapportant aprés M. Baillet
, qu'on fait la Fête de sa Translation
le 14. Octobre . L'Auteur de ce nouveau
Mémoire paroît avoir quelques
Eclaircissemens plus particuliers à donner
au Public sur la vie de S. Fronton.
Il y a lieu d'esperer que M M. de Perigueux
n'oublieront pas de contribuer, de
tout leur pouvoir à ce qui peut faire honneur
à la mémoire de leur Saint Apôtre ,
et qu'ils voudront bien exposer la Tradition
de leur Eglise sur les Articles de
ce dernier Mémoire.
Ciliijj . SENTI
1778 MERCURE DE FRANCE
SENTIMENS
D'UN IROQUOIS ,
A la vûë des diverses Marchandises étalées
à une Foire de France.
Sur l'Air : Iris , je ne sçais comment , &
Par le P P. B. 7.
'A La Foire me voici
Dieu ! quel monde est celui- cy !
Je ne vois que gens ,
Allans et vénans ;
Chacun fait son emplette ::2
Je vois qu'on offre tout ceans ,
Mais il faut qu'on l'achette ,
Morbleu ,
Mais il faut qu'on l'achette.
L'on vous dit , Monsieur , prenez ;
Et l'on sous-entend , donnez.
Ici rien pour rien,
Le tien et le mien ,
*
Sont les deux seuls mobiles ..
A ce prix est-ce un si grand bien ,
D'avoir bâti des Villes ?
Morbleu , &c.
Lâches
JOH JUILLET
1731. 1679
Lâches Prévaricateurs &
L'interêt gâte vos moeurs.
Chez vous sur ce pié
Droiture, amitié ,
Ne sont plus en usage ;
It vous nous laissez par pitié ,
L'innocence en partage.
Morbleu , &
Gardez bien, Peuples polis ,
Les vices vos favoris.
Noirceurs , trahisons ,
Maux de cent façons :
Ils sont tous à vos gages.
Ne nous donnez plus de faux noms }}
Yousêtes les Sauvages.
Morbleaux , &e
A consulter votre orgueil ,
On vous verroit d'un autre oeil ;
Ce Peintre flatteur
Vous peint dans le coeur ,
Meilleurs que nous ne sommes.
Moy je ne vous fais pas l'honneur ,
De vous croire des hommes,
Morbleu , &c.
Chez mes Confreres les Ours
C iiij
On
160 MERCURE DE FRANCE
On voit moins de méchans tours,
Moins cruels que vous ,
Moins fiers , moins jaloux ,
Chez les Ours on s'entraime :
Les François plus humains , plus doux
Ont un autre sistême.
Morbleu , &c.
Mais laissons-là ce propos :
Marchands, ouvrez vos Ballots .:
Que de pompeux riens ;
O Ciel , que de biens !
Dont je n'ai point affaire !
De grace , laissez- moi les miens ;
Gardez votre misere.
Morbleu , & c
Votre luxe dangereux ,
Vous a rendus malheureux .
Quoi ! foibles humains ,
De vos propres mains ,
Vous forgez vos entraves.
Nous sommes les vrais Souverains ;
Vous êtes des Esclaves.
Morbleu , &c.
D'où sont nez tant de besoins ?
De yos Arts et de vos soins ,
Votre
JUILLET. 1731 1681
Votre esprit maudit ,
Fomente et nourrit ,
Votre délicatesse.
L'Iroquois libre qui s'en rit ,
Foule aux pieds la richesse.
Morbleu , &c,
Toute votre vanité ,
Naut- elle ma liberté ?
Au fond des Deserts ;
Sans peur des revers
Je vois brûler ma hutte ;
Mon coeur même de l'Univers ,
Ne craindroit pas la chute.
Morbleu , &c.
Dans la Foire , beaux Esprits ,
Vos Livres sont à tout prix,
L'avide Imprimeur
Et le pâle Auteur ,
>
N'ont chez nous gain ni gloire ,
Et l'instrument de ma valeur ,
Ecrit seul mon Histoire.
Morbleu , & c.
Philosophes orgueilleux ,
Vos Ecrits sont merveilleux ;
Mais en verité
CY
Je
1682 MERCURE DE FRANCE
Je suis enchanté ,
De ne les pouvoir lire.
Le bon sens par vous maltraité ,
Dans nos Bois se retire .
Morbleu , &c
Que faites-vous , beaux parleurs
Vous semez partout des fleurs ;
En tours bien tissus ,
En mots ambigus ,
Votre esprit se distile ;
Mon silence seul en dit plus ,
Que votre pompeux stile.
Morbleu , &c.
Mon habit choque vos yeux ;
Mais le vôtre siet-il mieux }
Tout cet attirail ,
Fruit d'un long travail ,
Vous rend la tête folle ,
Quoi ! vous filez jusqu'au Métail ,
Pour parer une Idole !
Morbleu , & c.
Il faut pour flatter vos goûts ,
Mets exquis , sausses , ragouts
Mais votre santé ,
Malgré Caffé , Thế ,
Suse dès la jeunesse ;
I
JUILLET. 1731. 1683
Au prix de la sobrieté ,
J'achette la viellesse.
Morblen , &c.
Jamais on ne vous voit sains ,
Vous avez des Medecins ;
Mourez dans leurs bras,
C'est votre trépas ,
Qui leur sert de parure .
Allez , je ne vous plaindrai pas ,
Ils vengent la Nature.
Morbleu , & c.
Aussi , François délicats ,
Nous vous voyons aux Combats
Prisonniers charmans ,
Vos vrais sentimens ,
Nous dévoilent votre ame.
Et moi je brave les tourmens ,
Je chante dans la flamme.
Morbleu , & c. >
Marchands , fermez vos paquets
Je sçais vivre à peu de frais ;
J'ai tout et n'ai rien :
Laissez- moi pour bien
Mon heureuse indigence.
Vos désirs sont votre lien ,
Et j'ai l'indépendance.
Morbleu ,&C
7684 MERCURE DE FRANCE
******:*:* :* XXXXXX
REMARQUES au sujet d'une Inscription
antique , rapportée dans une
Lettre adressée à M. de la Roque , dans
le Mercure de France du mois de May
dernier , page 10+ 5 .
PRO SALUTE DOMINORUM V. S. L. M.
DEDICAVIT MODESTO ET PROBO COSS.
Ette Inscription , qui n'est qu'un
Cfragment, seroit plus instructive si
>
elle étoit entiere. L'on ne peut , à la verité
, douter qu'elle ne soit de l'année
228. qui est celle du Consulat de Modestus
et de Probus , et par consequent sous
l'Empire d'Alexandre Severe , qui regnoit
pour lors ; mais par le mot Dominornm
on ne peut inferer qu'il ait rapport à cet
Empereur et à Camillus , son prétendu
Associé à l'Empire , suivant l'exposition
et le Systême de l'Auteur de la Lettre ,
parce qu'il est certain que les titres Dominus
, Domini , Dominorum , ou en entier,
ou en Lettres initiales , n'ont été employez
que pour les Empereurs du bas
Empire , et dans le siecle de Constantin ,
rant sur leurs Médailles que dans les Inscriptions
JUILLET. 1731. ∙1685
criptions et autres Monumens. A l'égard
des Lettres V. S. L. M. rien n'est plus
commun que la Formule ordinaire usitée
dans tous les Monumens et Tombeaux
antiques pour signifier , Votum Solvit Libenter
Merito. Ainsi sans recourir à des
recherches étrangeres au sujet , cette Inscription
désigne un Autel votif, érigé ,
ou un vou fait par un Particulier pour
la conservation des Magistrats du lieu ou
de ceux qui en étoient les possesseurs et
les maîtres ; car c'est dans ce sens le plus
simple et le plus naturel que l'on doit
entendre Dominorum. La tête de Belier ne
donne aucun lieu de croire que cet Autel
ait rapport au Sacrifice nommé Criabolium
, ce qui demanderoit d'autres circonstances.
L'on trouve communément
aux Ornemens des Autels , ainsi que des
Tombeaux antiques de semblables têtes
de Beliers , comme aussi des Têtes de Satyres
, des Aigles , des Griphons , des
Sphinx et d'au choses qui ne sont souvent
que des caprices et des inventions
de Sculpteurs avec d'autres accompagnemens
; voilà ce qu'on a crû pouvoir dire
de cette Inscription , toute imparfaite et
toute mutilée qu'elle est.
M. D. M.
A Paris le 13. Juin 173¹s
1686 MERCURE DE FRANCE
į į į į š š š š š į į fååååååtåååå ののの
EGLOGUE.
QU'APEZ- VOL
Tyrcis.
U'avez-vous fait , belle Silvie,
Depuis que j'ai cessé d'adorer vos appas ?
Sylvie.
Hélas ! cruel Tyrcis , hélas !
J'ai pleuré votre perfidie.
J'ai souvent aux Echos annoncé mon malheur ;
Ma constance et votre inconstance ;
Mais de ma trop juste douleur ,
Rien ne calmoit la violence.
Tyrcis.
Poursuivez ; achevez de confondre mon coeur,
Sylvie.
Souvent au bord d'une Onde pure ,
doux murmure
Qui couroit sur le sable avec
Je disois consumée en regava superflus ;
Voilà de nos plaisirs une image naïve ,
Ils imitent le cours de cette eau fugitive ,
Qui passe et qui ne revient plus .
Quelquefois j'écrivois nos deux noms sur l'écorce
Des Arbres dont l'ombrage frais ,
Avoit souvent aidé nos entretiens secrets ;
Pour y graver le mien il falloit peu de force,
Mais
JUILLET.
1637 1731.
Mais pour le vôtre il s'effaçoit ,
Si-tôt que ma main le traçoit.
Tyrcis.
Je ne puis retenir mes larmes.
Quoi ! vous étiez fidelle à qui sçur vous trahir !
Autant que vous m'aimiez vous deviez me haïr.
Mais si je rendois à vos charmes ,
Ce coeur que vous croyez perdu ,
Le reprendriez -vous, trop fidelle Sylvie
Sylvie.
Ce coeur qui me seroit rendu ,
Feroit le bonheur de ma vie ;
Tyrcis.
Eh bien ! je vous le rends , mais si rempli d'
mour ,
Si charmé de votre constance
Que pour vous sa tendresse et sa reconnoissance
Iront jusqu'à mon dernier jour.
*******:* :*******
LETTRE écrite d'Orleans , par
M. D. P. le 27. Juin 1731. au sujet
d'une Inscription trouvée à Auxerre.
D Ous me demandez mon sentiment
Monsieur , sur l'explication que vient
de donner dans le Mercure de May , un
Cha
1688 MERCURE DE FRANCE
Chanoine d'Auxerre , d'une Inscription
trouvée depuis peu dans sa Ville. Je vais
vous satisfaire. Voici l'Inscription.
PRO SALUTE DOMINORUM V. S. L. M.
DEDICAVIT MODESTO ET PROBO COS.
Le Consulat de Modeste, de Probus, qui
tombe à l'an de Rome 981. et de J. C.
228. fait assez connoître , comme le remarque
l'Auteur de l'Explication , que
c'est à l'Empereur Severe Alexandre que
doit se rapporter cette Inscription. Ce
Prince étoit alors dans la septième année
de son regne. Ce qui embarrasse , c'est
que l'Inscription fait mention de deux
personnes , DOMINORUM , et qu'il ne paroît
pas d'abord aisé de déterminer qui a pû
partager avec Alexandre les honneurs du
Sacrifice et de l'Inscription , qui en
un Monument.
L'Auteur de l'Explication prétend que
c'est un certain Ovinius Camillus ( a ) que
Lampride dit avoir été associé à l'Empire
par Alexandre . Cette Découverte est heureuse
; mais par malheur elle n'a que l'apparence
, le récit que fait Lampride
de cet Ovinius paroît si fabuleux , qu'il
(a ) Lampride in Alexand, cum quidam Ovis
mius , &e.
n'%
JUILLET. 1731. 1689
les
uns
n'y a pas moyen de tabler dessus , il n'est
appuyé quesur des discours populaires , ( a)
encore qul different entre eux ,
rapportant cette prétendue Histoire d'O
vinius au temps de l'Empereur Trajan ,
les autres à celui d'Alexandre. Le silence.
unanime de tous les autres Historiens
sur un évenement aussi considerable ,
n'est que trop capable de nous faire re
jetter cette Histoire.
Mais quand elle seroit vraie , l'Auteur
de l'Explication se seroit toûjours trompé
, en disant que ce fût dans la guerre
d'Allemagne qu'Ovinius fut associé à
l'Empire , ce qui ne peut être . Lampride
dit que ce Sénateur , après quelques journées
de chemin qu'il fit avec l'Empereur
qui marchoit en personne contre quel
ques Barbares qui avoient fait une irruption
, fut contraint à cause de son peu
de santé , de quitter co Prince , qu'il se
retira ensuite dans ses Terres où il vécut
long-temps , (b) et où enfin il fut tué par
le commandement d'Alexandre . Or il est
certain que ce dernier fut tué dans l'ex-
(a) Le même , Ibid. Scio vulgum hanc rem
quam contexui Trajan. putare , &c.
(b) Lamprid. Ibid.Ad villas suas ire pracepit
in quibus diù vixit. Sed post jussu Imperatoris
occisus est.
pedition
160 MERCURE DE FRANCE
pedition contre les Allemans , ( a ) ainsi la
mort d'Ovinius, arrivée long- temps après
cette Expedition , et commandée par Alexandre
, est une chose qui détruit absolument
le sentiment de l'Auteur de l'Ex
plication.
Pour revenir à celle du mot de Do
MINORUM , il s'en présente une naturelle
ment à l'esprit , à laquelle je ne sçais pas
comment l'Auteur de l'Explication n'a
pas fait attention ; la voici :
On ne peut disconvenir que DOMINO
RUM ne soit mis ici pour AUGUSTORUM , et
ne signifie la même chose . Or selon tous
les Antiquaires , ( b ) quand ce dernier
mot se trouve dans les Médailles , il ne
suppose pas toûjours qu'il soit fait men
tion de deux Princes , et il s'entend bien
souvent de l'Empereur
et de l'Imperatrice.
Comme on le peut voir par la Mé.
daille de Gallien , qui porte pour Legende
CONCORDIA
AUGG . où la tête de ce
Prince se voit en regard avec celle de
Salonine , son Epouse. Cela supposé , le
Sacrifice dont l'Inscription fait mention ,
offert , Pro salute Dominorum , l'a été pour
(a) Id Ibid.
(b) v. le P. Banduri , dans son Ouvrage des
Médailles Imperiales depuis Trajan Dece jus
qu'aux Paleologues , en differens endroire.
la
JUILLET. 1731. 1691
la prosperité de l'Empereur et de l'Im
peratrice , ou plutôt de l'Empereur et de
Mammée sa Mere , qui , comme chacun
sçait , le gouvernoit entierement , et dont
le nom se trouve quelquefois joint à celui
de son fils dans les Inscriptions. DOMNORUM
en cet endroit ne voulant dire
que ce que les Marbres ont exprimé d'une
autre maniere par DOMUS DIVINA , la
Famille " Imperiale. Au reste le titre de
DOMINUS , donné à Alexandre , n'a rien
d'extraordinaire , quoique Lampride re
marque que ce Prince deffendit qu'on le
lui donnât. Dominum se appellari vetuit ,
cette même qualité lui est attribuée dans
une Inscription qu'on voit dans Gruter ,
page 121. GENIO D. N. SEVERI ALEXANDÀI.
ANG .
Il reste les quatre Lettres V. S. L. M:
dont M. le Chanoine d'Auxerre demande
l'explication , il paroît que c'est en riant
qu'il fait cette demande , aussi instruit
qu'il le paroît sur ce qui regarde les Sacrifices
, lui qui cire ceux qu'on appelloit
Tauroboles et Crioboles , n'est pas à sçavoir
que conformément aux autres Inscriptions
où elles se trouvent, elles doivent
ici s'expliquer par VOTUM SOLVIT LUBENS
MERITO. relativement à celui qui avoit fait
la dépense du Sacrifice pour la prosperité
de la Maison Imperiale . Je suis , &c.
1692 MERCURE DE FRANCE
į į į į į į į ž
MADRIGAL ,
A Made M ... D ...
Les Etoiles alloient se cacher dans les Cieux ;
Et le Jour , de la Nuit , plioit le voile sombre
Lorsque je m'approchai des lieux ,
Od tu t'assis hier à l'ombre :
2
Puissant Dieu , dis- jealors à l'Enfant de Paphos Į
Daigne ici renvoyer au lever de l'Aurore ,
Celle qui de mon coeur fait les biens et les maux.
D .... par qui je t'adore ,
Que veux- tu , me dit-il ? si tu l'y vois encore
On t'y verra mourir d'amour.
Ah ! dusse-je expirer avant la fin du jour ,
Si tu peux égaler sa tendresse à la mienne ,
Divin Enfant , qu'elle y revienne.
Le Chevalier de Montador.
CE
JUILLET. 1731 1695
X:XXXXXXX:XXXXXXX
CEREMONIE faite à Metz , an
sujet des nouvelles Cazernes , et de la
Place de Coiflin . Extrait d'une Lettre
écrite de cette Ville , le 25. Juin 1731 .
L
E 6. Juin les Magistrats à cette Ville
invitez par M. l'Evêque , à se rendre
aux nouvelles Cazernes , que ce Prélat
a fait construire,et dont il vouloit faire
don à la Ville , s'y transporterent pour
en reconnoître l'état , et accepter cette
donation au nom de la Ville. Ce somptueux
Edifice élevé dans la Place du
Champ-à- Seille , consiste en deux grands
Corps de Cazernes et en un pareil nombre
de Pavillons couverts d'Ardoises , ornez
d'Architecture simétrisée , et propres à y
loger commodément trois Bataillons complets
avec tous leurs Officiers.
Là,en presence de M.de Creil, Intendant
de la Province et d'un grand nombre
d'Officiers et de personnes de consideration
, ce Prélat fit entre les mains des Magistrats
la donation de cet Edifice , et
augmenta le mérite de Présent par les
termes gracieux dont il les accompagna.
On dressa du tout un Procès verbal autentique
,
24 MERCURE DE FRANCE
16
tentique , signé des Parties interressées et
déposé dans les Archives de la Ville pour
éterniser la memoire de la liberalité de ce
Prélat. Les Officiers de Ville . persuadez
qu'il étoit de leur devoir et de leur reconnoissance
d'en informer la Cour , envoyerent
aux Ministres des copies du Procès
verbal , et eurent la satisfaction de
trouver dans la Réponse dont Son Eminence
les à honorez , des Eloges conformes
à leurs idées , et qui donnent un`nouveau
lustre et à la dignité du bienfait ,
et à la magnificence du Bienfaicteur ,
Le Projet de la Dédicace de la Place que
forment les quatre Corps de l'Edifice
ayant été proposé à M. l'Evêque , et les
Magistrats ayant obtenu de lui la permission
de le suivre et de l'executer , ils en
désignerent la Ceremonie au 20. du même
mois de Juin ; ce jour- là elle fut annoncée
au Peuple dès six heures du ma
tin par le son de la grosse Cloche , qui
fut réïteré à midy. A trois heures et demie
du soir M. le Comte de Bellille .
Commandant pour le Roi dans la Province
, ayant ordonné à la Compagnie
des Archers des Bandes et à celles des Gardes
et des Suisses du Gouvernement , de
se rendre à l'Hôtel de Ville , pour grossir
et honorer le Cortege ; l'on se mit en
marche dans l'ordre suivant :
JUILLE T. 1731 . 1695
Tous les Tambours de la Ville , au nombre
de 24. précedez du Tambour Major,
commencerent la marche; ils étoient suivis
de la Compagnie des Archers des Bandes
avec leurs Armes et leurs Hoquetons ,
ayant leurs Officiers à leur tête. Les Suisses
du Gouvernement , la Hallebarde sur
l'épaule , marchoient ensuite : les Trompettes
et les Timbales de la Garnison ,
précedoient la Compagnie des Gardes du
Gouvernement.
Les Messagers , deux à deux , avec leurs'
Casaques aux Livrées de la Ville , les suivoient
immédiatement. Après eux les 16.
Bannerots en Habits et Manteaux noirs et
l'épée au côté. Ensuite les Sergens de Ville
avec leurs Casaques de Livrée et l'épéc
au côté.
La Symphonie marchoit après , composée
de plusieurs Violons , Hautbois et
autres Instrumens,
A quelque distance marchoit le Héraut
d'Armes , superbement vétu à la Romaine
, tenant en main la Verge Magistrale,
monté sur un cheval richement harnaché,
et précedé par deux Estafiers. Le Secretaire
de la Ville seul en Toque de Velours
et en Robbe de ceremonie , précedoit
Mrsles Maîtres Echevins, aussi en Toques
de Velours avec les Cordons d'or
couverts
1696 MERCURE DE FRANCE
couverts de leurs Manteaux de Parade
accompagnez du Major et Ayde -Major
de la Milice Bourgeoise , ayant de part et
d'autre les six Hallebardiers de la Ville ,
en Casaque , la Pertuisanne sur l'épaule .
Après eux marchoient les Echevins, deux
à deux , aussi en habit de ceremonie ; ils
étoient suivis immédiatement
par M. le
Procureur -Syndic de la Ville , seul en
Robbe my-partie , le Chaperon bordé
d'Hermine sur l'épaule et leBonnet quarré.
Tous les Capitaines marchoient ensuite
et derriere eux deux Sergens et deux
Messagers de Ville fermoient la Marche.
Les Sergens Bourgeois avec leurs Hallebarde
formoient des hayes pour empêcher
le desordre et la confusion .
On se rendit dans cet ordre au Palais
Episcopal , et M " d'Augny et d'Aubustin
de Bionville , Maîtres Echevins à la tête
des Magistrats , ayant trouvé M. de Metz
dans sa grand'Salle , où il étoit accompagné
d'une Cour très - nombreuse , M. de
Bionville lui adressa la parole en ces
termes :
MONSEIGNEUR ,
Après vous avoir rendu nos très - humbles
actions de graces du Présent magnifique dont
la
JUILLET. 1731. 1.697
la Ville vient encore d'être redevable à
votre zèle et à votre liberalité, nous allons au
pied des Autels joindre nos voeux à ceux
de tous nos Habitans , et les coeurs les plus
penetrez de la plus vive reconnoissance
prier le Seigneur de verser sur les jours de
son premier Ministre , les benedictions les
plus précieuses sfasse le Ciel, MONSEIGNEUR,
et pour notre avantage et pour sa gloire , que
ces mêmes jours soient une suite de prospe
ritez et durent autant que nos desirs. C'est
le bienfait le plus flateur et le plus signalé
que nos prieres puissent obtenir de sa bonté
et de sa misericorde.
M. l'Evêque ayant répondu à ce Discours
dans les termes les plus obligeans ,
les Magistrats , precedez de leur Cortége
se rendirent à la Cathédrale , dont les
Chanoines qui y occupoient leurs Places
ordinaires , avoient agréé que le Service
se fit dans le Choeur et au grand Autel ,
M. de Pagny , Grand - Chantre , entonna
le Te Deum , qui fut chanté par une excellente
Musique , et suivi d'un Motet
dont voici les paroles tirées de l'Ecriture
Sainte . Elles expriment parfaitement le
bien et l'avantage que ce nouvel Etablis
sement procure au Peuple de Metz.
Cantemus Domino, quoniam magnificè fecit.
D Dedit.
1698 MERCURE DE FRANCE
Dedit requiem populo suo .
Pauper et inops laudabunt nomen ejus :
Quoniam magnificè fecit.
Pupillus et vidua exultabunt in domibus
suis Quoniam, &c.
Juvenes et Virgines senes cum junioribus lau»
dabunt nomen Domini. Quoniam , &c.
Cantemus Domino, quoniam magnificè fecit.
• La Musique de ce Motet , composée i
par M. Maillard , Maître de Musique de
la Cathédrale , fut très bien exécutée.
+
Après le Te Deum , les Officiers de Ville
se mirent en marche ; ils traverserent la
Place d'Armes, au son de la grosse Cloche
et de toutes celles des Paroisses de la
Ville et au bruit des Fanfares ; ils passerent
ensuite par la Place S. Louis , où ils
trouverent un Détachement de Cavalerie
de la Garnison à cheval , l'épée haute
d'où ils se rendirent enfin à la principale
Entrée des Cazernes , dont les Pilastres à
la face exterieure , servoient de soutien à
un Portique élevé en Arc de Triomphe ,
orné au Frontispice des Armes du Roi ,
de celles du Maréchal d'Alégre , Gouver
de celles de la Ville , placées de
l'un et de l'autre côté , et de celles de
M l'Evêque de Metz , peintes en grand ,
au dessous d'un Cartouche pratiqué dans
neur ,
le
JUILLET. 1731. 1699
le centre de la Décoration , et dans lequel
on lisoit cette Inscription .
ILLUSTRISSIMO
ECCLESIE PRINCIPI
HEN,CAR . DUCAMBOUT, DUCI DE COISLIN,
PRESULI MUNIFICENTISSIMO ,
IMMORTALES AGIT GRATIAS
SENATUS POPULUSQUE
METENSI S.
Les Pilastres étoient ornez de Guirlan
des de fleurs et de verdure , soutenant
quatre Cartouches , dans lesquels étoient
des Emblêmes avec leurs Devises , qui exprimoient
d'une maniere sensible que
M. l'Evêque n'accumule ses revenus que
pour les distribuer en faveur des Pauvres
et des Aurels , que la vûë du Ciel est le
premier mobile de toutes ses actions , et
que ses charitez sont d'autant plus méritoires
,qu'il tâche de les rendre secretes.
La premiere Emblême répré entoit un
Soleil attirant des vapeurs , avec cette
Devise :
Colligit ut spargat.
La seconde , une Mouche à miel sur des
feurs , avec ces mots:
Quod sugit , serviet aris.
880168
Dij La
1700 MERCURE DE FRANCE
La troisiéme , un Tournesol qui suit
toûjours le mouvement du Soleil , avec
cette Devise :
Colestes sequitur motus.
La quatrième , réprésentoit un Ver à
Soye , avec cette Inscription :
Operitur dum operatur.
La face interieure de cette Entrée et
de cet Arc de Triomphe , étoit pareillement
ornée , quoique dans un ordre
different , des mêmes Armes et des mêmes
Décorations. Dans le Cartouche du Frontispice
étoient écrits ces deux Vers d'Ovide
, qui s'appliquoient naturellement à
la reconnoissance de la Ville , et à la Place
dont elle celebroit la Dédicace.
Semper inoblità repetam tua munera mente ,
Et mea me tellus audiet esse tuum.
Les Pilastres de cette Face interieure
étoient aussi décorez de Guirlandes et de
Festons de feuillages et de fleurs , soutenant
quatre Cartouches , dans lesquels
étoient copiez ces Passages tirez de l'Ecriture
Sainte.
Desiderium Pauperum exaudivit Dominus.
Ps. 9.
Dispersit dedit Pauperibus . Ps. 111 .
Jucundus
JUILLET. 1731 . 1701

Jucundus homo qui miseretur. Ibid .
Non est inventus similis illi. Ecclesiast.
Les Balustres des deux côtez de l'Arc
de Triomphe , étoient encore chargez de
Caisses d'Orangers , garnies de Festons
et de Guirlandes , de même que les autres
Pieces de la Décoration .
La Comtesse de Bellifle voulut bien
être présente à cette Ceremonie. Elle
fut placée avec les Dames qui l'accompagnoient
, dans l'une des Chambres les
plus apparentes des Cazernes , dont les
fenêtres étoient ornées de Tapis.Toutes les
autres Chambres des quatre Faces qui regardent
la Place, et qui sont en très- grand
nombre , furent entierement occupées par
les Dames de la Ville , ce qui faisoit un beau
coup d'oeil , et formoit le Spectacle le plus
brillant et le plus magnifique qui ait encore
paru dans la Province.
Les Troupes étant sous les Armes et
en haye , aux quatre Faces de la Place ,
le Comte de Bellifle , Commandant
dans la Province , et le Comte de Baviere
, Commandant des Camps , s'y étant
rendus , de même que M. de Creil , Intendant
, et tous les Officiers de la Garnison
, et des deux Camps , et une infinité
de personnes de consideration , Ms de
Diij Ville ,
1702 MERCURE DE FRANCE
Ville , précedez de leur Cortege , en fi
rent le tour ; et étant parvenus au centre
de la Place , le bruit des Tambours , des
Timbales et des Trompettes cessant , ils:
ordonnerent au Herault d'Armes de publier
à haute voix l'Ordonnance de la
Ville , dont voici la teneur :
DE PAR LE ROY
Et Messieurs les Maître-Echevin , Conseillers-
Echevins et Magistrats de la
Ville et Cité de Metz.
La construction des Cazernes et des Pavillons
, que le zele , la pieté et la munifi-
Bence de Monseigneur Du CAMBOUT, DUC
DE COISLIN , EVESQUE DE METZ ,
ont fait éleverpar augmentation dans la Place
du Camp- à- Seille , pour le soulagement des
Peuples , la tranquillité desFamilles etla gloire
de la Religion , en devant être un Monument
éternel; et la Ville qui dans ce somptueux
Edifice, outre l'avantage et l'utilité publique,
trouve encore son plus bel ornement , ne pouvantdonner
des marques plus éclatantes de sa
reconnoissance, qu'en faisant passer à la posterité
la plus reculée , le souvenir de cegrand
Evenement ; il a été arrêté que la Place
formée actuellement par la construction des
Cazernes dans celle du Camp - à- Seille
portera
JUILLET. 1731. 1703
1
portera dorénavant le nom de Place DB
COISLIN ; que dans les Actes , tant publics
que particuliers , elle sera désignée sous
cette denomination; que les quatre Faces desdites
Cazernes formant un pareil nombre de
ruës differentes, celle qui conduit du Cartean
aux Celestins , sera pareillement nommée
rue de SAINT HENRY; celle qui conduit
de l'Hôpital S. Nicolas à la Haute- Seille ,
rue DU CAMBOUT ; celle qui conduit
de la Haute- Seille au Cheval Rouge , ruë
de S. CHARLES ; et celle qui conduit du
Cheval Rouge au Carteau , rue DE COISLINS
lesquels noms seront gravez en Lettres d'or
sur des Marbres incrustez dans chacune des
Faces desdites Ruës; et afin que personne n'en
prétende cause d'ignorance , sera la présente
Ordonnance solemnellement publiée dans ladite
Place , et affichée aux Carrefours et autres
lieux ordinaires et accoutumez . Fait à
PHôtel de Ville de Metz le 8. Juin 1731.
Aussi-tôt après la Publication , on entendit
un grand bruit de Tambours
Trompettes , Timbales , de Canons et de
cris de VIVE LE ROY , VIVE MONSEIGNEUR
LE DUC DE COISLIN.
I Les Comtes de Bellifle et de Baviere
assisterent à la Céremonie , accompagnez
de 7 à 800. Officiers , tant de la Garnison
que des deux Camps. Diiij Tous
1704 MERCURE DE FRANCE
Tous les Marchands et Corps de Mé
tiers tinrent leurs Boutiques fermées , de
leur plein gré toute la journée ; et le soir
il y eut de grandes Illuminations et des
Feux sur les Places et dans les ruës , où l'on
entendit de tous côtez les mêmes cris de
VIVE LE ROY , VIVE MONSEIGNEUR
LE DUC DE COISLIN.
EPIGRA M M E.
D'Od vient que le détruire , Démon cherchant à nous
Prit la figure d'un Serpent ?
Et voulut se montrer devant Eve rampant ,
Pour la tenter et la séduire
Certes , ce fut un tour subtil , ingenieux
Cet Esprit rempli de finesse ,
Jugea que pour gagner un Sexe impérieux ,
Il falloit user de souplesse.
Bouchet , Chanoine de Sens .
COURS
JUILLET. 17317, 1705
XXXX:XXXXXXX: XXXX
COURS DE CHYMIE ,
DISCOURS.
E lundi 2. de ce mois M. Lemery ,
LMédecin de la Faculté de Paris ,
Conseiller Médecin ordinaire du Roy ,
de l'Académie Royale des Sciences , nouvellement
reçû Professeur de Chymie au
Jardin Royal , à la place de feu M. Geoffroy
, y fit l'ouverture du Cours de Chymie.
Il avoit annoncé publiquement ,
qu'avant que d'entrer dans ce qu'il appelle
la Pratique de cette Science , c'està
- dire , les differentes préparations Chymiques
, il feroit plusieurs Discours sur
sa Théorie ; ce qu'il a executé en cinq
Discours differents , dont on n'avoit
point coutume avant lui de faire préceder
les démonstrations Chymiques : Mais
avant que d'entrer en matiere , il débuta
par un Discours oratoire , où M. Chirac ,
premier Médecin du Roy , et Intendant
du Jardin Royal , entre naturellement
pour beaucoup. Et ce qu'il y a d'heureux
pour l'Orateur , et de glorieux pour celui
dont on fait l'Eloge , c'est qu'il n'y
Dv entre
1706 MERCURE DE FRANCE
entre point aux dépens de la verité. Le
Public pourra en juger par la lecture du
Discours même, le voici :
Que ne puis-je oublier , Messieurs , que
ne pouvez- vous oublier vous -mêmes , quels
hommes ont rempli avant moi la place que·
j'occupe ! je paroîtrois ici avec moins de confusion
; et peut-être appercevriez- vous moins
ce qui me manque , si d'autres ne vous
avoient fait voir dans cette place toutes les
grandes qualités qu'elle demande. Vous avez
eu le plaisir d'y admirer plus d'une fois
te Collegue illustre à qui j'ai l'honneur de
succeder; il vous a appris , M". , à quoy.
vous deviés vos applaudissemens ; it
n'est plus possible de les surprendre , et
la difficulté de les meriter, ne me fait que
trop sentir le besoin que j'ai de vôtre indulgence..
C'est un usage établi de prouver
d'abord
l'utilité
d'une Science
dont on doit trai
ter. Je pourrois , M" vous faire voir que·
ce qu'on sçait sur la composition naturelle
des liqueurs differentes qui font partie de
nos corps , sur les alterations dont elles sont
susceptibles , sur la maniere dont elles se
dérangent , sur la nature des Remedes vége
Baux , animaux , et mineraux , n'est veriablement
dû qu'à la Chymie ; mais ce détail
, dont la preuve et l'éclaircissement nous
meneroient
JUILLET. 1731. 1707
meneroient un peu loin , se manifestera assés
par les Réflexions que nous aurons occasion
de faire sur les Operations Chymiques , qui
se feront en vôtre présence dans la suite de
ce Cours. D'ailleurs , qu'est-il nécessaire de
prouver l'utilité de la Chymie quel est
Phomme de bon sens qui en doute ? la Médecine
désavoitera- t- elle les secours qu'elle en
tire ? la Physique niera -t- elle qu'elle ne doive
une partie de ses progrés aux experiences
et aux raisonnemens qu'elle lui fournit ? et
n'est-ce pas en consequence de cette utilité
reconnue , que notre Auguste Monarque
qui ne se méprend point dans la protection
qu'il donne aux Sciences , accorde à celleci
une retraite honorable en ces lieux , et luž
prodigue des secours dignes de sa magnificen
ce , et de son discernement.
C'est à bajustesse de ce discernement qu'est
dû le choix du Chef illustre sous les auspices
et la direction duquel se font les Exercices
du Jardin Royal : Sa Majesté ne pouvoit
mieux faire sentir le cas qu'elle fair
de ces exercices , et son attention particuliere
2
lesfaire fleurir , par une administration
sage et éclairée , qu'en chargeant de cette
administration un anffi grand Maître que
Fest M. Chirac dans chacune des parties
de Médecine qui s'y enseignent , etpar là
aussi capable qu'il l'est de s'acquitter di-
D vj gnement
1708 MERCURE DE FRANCE
gnement d'un emploi de cette nature .
Cet employ , Messieurs , qui avant que
M. Chirac en eût été pourvû , avoit toujours
été une espece d'apanage des premiers
Médecins , est devenu entre ses mains le
gage du merite qu'on lui récennoissoit d'avance
, pourremplir unjour la premiere plaee
, et ce gage l'y désignoit dès-lors en quelque
maniere
Cette désignation , M" , se trouve aus
jourd'huy heureusement accomplie , et nous
voyons avec d'autant plus de joye , l'Intendance
du Jardin Royal réunie à la place de
premier Medecin , que cette intendance en
est naturellement une dépendance ou une attribution
, et qu'elle n'en avoit été dans la
personne de M. Chirac qu'une distraction
pour quelques années.
Arrêtons-nous un moment , M" , sur ce
dernier évênement , qui fait à la fois l'Elo
ge de la justice du Roy, la gloire de celui qui
en a receu les effets , et la satisfaction de
Doute la France , qui n'a plus d'allarmes sur
la plus précieuse santé de l'Univers , depuis
qu'elle la voit entre les mains du plus par
fait , et du plus digne de tous les Médecins
Les Places éminentes de la Médecine
s'obtiennent rarement sans beaucoup de sollicitations
et de brigues ; si le merite se joins
aux efforts qu'on fait pour réussir , ce merite
fait
JUILLET. 1731. 1709
fait quelquefois pencher la Balance de son
côté , d'autrefois et le plus souvent il dessert,
L'envie qui le regarde comme son plus grand
ennemi , ne manque guére à lui susciter les
obstacles les plus puissants, et par là vient
ordinairement à bout d'en triompher.
Delà le découragement de ceux qui moins
occupés de se procurer des protections brillantes
et utiles , que de multiplier le nombre de
leurs connoissances , et de se perfetionner de
plus en plus dans la Médecine , se voyent
frustrés injustement des récompenses qui der
voient naturellement les regarder , et qui pas
sent souvent entre les mains de gens aussi peu
versés dans la Théorie et la Pratique de leur
Art , que ceux qui en ont été exclus l'y font
beaucoup.
Delà vient encore que ceux en qui l'envie
de s'élever l'emporte de beaucoup sur
Le goût de leur profession , seul capable de
former degrands sujets , quand on s'y livre
tout entier , donnent tous leurs soins à se mênager
les secours que les veues de leur ambition
leur suggerent , et négligent d'autant
l'Etude d'une Science dont la vaste étendue
plusque suffisante pour occuper uniquement,
et sans partage , permet à peine quelques
moments de relache et de délassement.
Ces exemples pernicieux dont le frequent
succès
$710 MERCURE DE FRANCE
succès tout contraire qu'il est au bon ordre ,
et à la droite raison , produit tant d'imitateurs
, ne perdront- ils point de leur credit ?
et ne changera-t-on point de conduite en
considerant celle que l'illustre M. Chirac
a toujouts tenuë , et qui lui a si beureusement
et si glorieusement réussi.
Ennemi déclaré de ces souplesses , et de ces
sollicitations indignes qui ne deshonorent pas
moins ceux qui s'en laissent séduire , que
ceux qui ont la bassesse de les faire , on l'a
toujours vû le même dans tous les tems de sa
vie , il n'a point été audevant de la fortune
par des routes illegitimes , il l'a laissé agir
en sa faveur, ou s'il a cherché à se la rendrefavorable
, ce n'a été qu'à force d'étude
et de travail. $
+
C'est dans une Célèbre Faculté , où il a
professé avec éclat pendant plusieurs an
nées , qu'il a commencé àfaire ses preuves.
On l'y a vu uniquement occupe de guerir
on d'enseigner à le faire , travailler continuellement
et sans relâche , aux progrès et
à la perfection de la Médecine , et communiquer
liberalement , et sans reserve tout ce
qu'il sçavoit , à une foule d'Auditeurs , qui
venoient de toutes parts puiser dans cette
Sourceféconde , les lumieres dont ils avoient
Besoin.
C'est ainsi que M. Chirac a scû se faire
un
JUILLET. 1731. 1751
un si grand nombre de Partisans dans le Public
;C'est là la maniere dont il a crû pouvoir
briguer leurs suffrages , eh ! comment
ne seroit-il pas venu à bout de les obtenir?
les Eloges que la multitude de ses Disciples:
faisoient de leur Maître dans les differents
endroits de leur résidence , ne pouvoient être
suspects ils étoient unanimes ; la réconnoissance
et la verité les dictoient. D'ailleurs on
en trouvoit en quelque maniere la garantie
dans plusieurs de ces Disciples , le merite
qui les distinguoit , et qu'ils ne tenoient que
de lui , annonçoit la superiorité du sien ..
Il étoit bien difficile qu'une réputation
aussi brillante , aussi solide , et aussi justement
acquise que l'étoit celle de M.Chirac, ne
travaillat pas , même à son insçu,en sa faveur.
Quoique ceux qui dispensent lesgraces , Souvent
peu capables de le faire avec connoissance
de cause ou trop susceptibles de préventions
, n'accordent que trop ordinairement
aux importunitez et à la cabale , ce que la
justice réclame d'un autre côté ; il en est d'au
tres plus rares , à la verité , et plus judicieux ,
que le goût des Sciences,et l'étude qu'ils en ont
faite , a rendus plus clair- voyants, plus diffim
ciles à tromper , plus attachés au vray merite
et qui se trouvent par là plus à portée de
ne pas confondre les faux ou les demi Sçavants
avec ceux du premier ordre..
Tel
1712 MERCURE DE FRANCE
*
Tel étoit le grand Prince ami des Scien
ces , et Protecteur des Sçavants , qui jugeant
M. Chirac digne du dépost précieux de sa
santé , l'appella auprès de S. A. R. l'hon
nora de son estime et de toute sa confiance
et le recompensa par là des services que jus➡
qu'alors il avoit rendus au Public.
Cette nouvelle Dignité ne fut point changer
de conduite à M. Chirac ; il auroit pû
Pombre de ses Lauriers jouird'un repos merité
par ses travaux passés ; il auroit même pŵ
profiterhabilement de ce repos pour cultiver à
Loisir et plus sûrement un certain nombre d'a
mis , utiles dans l'occasion; mais il s'étoit livré
de trop bon coeur au Public, et à sa Profession
pour succomber à des vies de cette nature ;
d'ailleurs il sçavoit mieux qu'un autre , que
•quelque progrès qu'on aitfait dans la Médecine
, ce qu'on sçait est toujours fort au
dessous de ce qui reste à sçavoir, et que
quand on s'arrête au milieu de sa carriere ,
et qu'on n'est plus dans l'exercice actuel
non- seulement on n'avance plus , mais que
trace de ce qu'on sçavoit le mieux s'affoiblit
insensiblement faute d'être renouvellée ou enpar
la répetition des mêmes objets,
On chancelle quand il s'agit de se déterminer,
On s'enrouille petit àpetit , et le plus grand·
Praticien devient souvent par là un Méder
cin assés médiocre.
tretenuë
·la
C'est
JUILLET . 1731. 1713
C'estpour éviter une chute semblable
que
M. Chirac arrivé à Paris , où sa grande
réputation l'avoit déja de beaucoup devancé ,
s'y est prêté aussi-tôt à tous ceux qui ont eu
recours à ses lumieres ; on l'y a vû justifier
pleinement par ses discours , et par le succès
de sa pratique , tout ce que la rénommée
avoit publié en sa faveur. Loin de se rébuter
des fatigues inséparables d'un aufſt grand
employ que celui où il s'y est trouvé , fon ardeurpour
le travail s'est toujours accrue par
la multitude de ses affaires , et il s'y est donné
tout entier et sans partage , pendant une
longue suite d'années ; c'eft en primant aux
yeux du Public , et de l'aveu même de ses
Confreres , dans l'exercice de sa profession ,
qu'il est arrivé à ce baut degré de gloire ,
où Sa Majesté lui a fait l'honneur de l'appeller.
La brigue qu'il a toujours détestée ,
et qui n'avoit en aucune part à sa place
de premier Médecin de feu M. le Duc
d'Orleans , n'en a pas a pas eû davantage à selle
de premier Médecin du Roy. Quel bonheur !
si un si bel exemple pouvoit engager à ne
suivre dorénavant en pareil cas d'autre route
que celle qui a été tenue et tracée par M.
Chirac; le merite rentreroit bien- tôt par
dans tous les droits qui lui appartiennent
et dont il se voit presque toujours déchû
La cabale et par l'injustice.
ей

,
par
MADRIGAL
1714 MERCURE DE FRANCE
******* ***** ***
MADRIGAL.
UN jour Venus sur l'heure du midi
Se promenoit dans les bois de Cythere ;
L'Amour survient , ce petit étourdi
Bande son Arc et tire sur sa Mere.
Elle remplit l'air de ces tristes cris ,
On m'a blessée , helas ! et c'est mon fils !
A cette voix l'Amour s'allarme, il tremble ;
Et par ces mots lui fait voir son erreur ;
Pardon , dit- il , mais Iris vous ressemble ;
J'ay crû la voir et tirer sur son coeur.
疗疗
REPONSE à la Lettre sur la Pierre :
Remede pour la dissoudre &c.
là ,
,
dans le premier volume de vôtre Mercure du mois de
Juin dernier une Lettre , sur la Pierre qui
s'engendre dans le Corps humain , l'Auteur
s'y récrie sur la prévention qu'on a en
faveur des Anciens qui ont prétendu que
le seul rémede de la Pierre , est le Couteau's
de
JUILLET. 1731. 1715
de sorte que jusqu'à present on s'est tellement
laissé persuader de l'impossibil.té
de guerir ce mal sans le secours de l'Art ,
qu'on a négligé de chercher dans la natur
quelquesfondans qui puissent dissoudre
la Pierre sans s'exposer à des Operations
cruelles et très perilleuses ; ce même
Auteur a prevû et suppo é les objections
qui pouvoient se faire contre ces
fondants ; il a refuté et détruit les
objections par des raisons solides , et par
des comparaisons d'autant plus simples ,
qu'elles sont naturelles. Il finit en vous
priant , Monsieur , d'inviter ceux qui
ont été delivrés de la Pierre par ce dernier
moyen , d'en faire part au Public
pour convaincre les incrédules.
Pour appuyer le sentiment de l'Auteur
de cette Lettre , je me suis déterminé à
vous assurer par celle-cy , que je suis convaincu
par moi - même et par les experiences
fréquentes que j'en ai vûës , qu'il
y a des remedes si puissants et si infaillibles
pour amollir et dissoudre la Pierre
dans la vessie , qu'ils la font entierement
couler par l'uretre avec les urines , de
maniere qu'il n'en reste pas le moindre
vestige , et bien loin que ce fondant
agisse sur les autres parties , par où il se
porte sur le corps dur et solide de la pier71
MERCURE DE FRANCE
re, et qu'il y fasse la moindre impression ,
( ce qui se feroit sentir par quelques douleurs
de reins et par des chaleurs internes
) , tout au contraire , le Malade sent
un rafraîchissement intérieur qui le soulage
d'abord et calme les douleurs , tant
il est certain que ce fondant n'a de vertu
ni de force que sur la Pierre de cette especc.
Ce n'est pas là la seule vertu de ce
remede , qui est en trés - petit volume
sans dégoût , et trés facile à prendre ;
il purifie en même tems la masse du sang
dégage l'estomach , le fortifie , empêche
la fièvre , et pendant toute l'Operation
le Malade se porte bien , dort d'un sommeil
tranquille , se trouve de l'appetit ,
et peut le satisfaire , puisqu'il n'est obligé
à aucun régime ni genre de vie particuliere
; ce n'est pas ici le cas de dire que
qui prouve trop ne prouve rien , parce
que l'experience fait cesser tous les raisonnements
; on pourroit citer une infinité
de ces expériences , mais on se contentera
des deux plus récentes , parcequ'elles
sont actuellement sous les yeux
du Public .
La premiere de ces deux dernieres est
celle de Me . Hebert , Arboriste , ruë des
Arcis , chez Madame Picard , Lingere.
Elle souffroit depuis dix ans , elle avoit
été
JUILLET. 1731 1717
été sondée deux fois même par les Chirurgiens
de l'Hôtel - Dieu , et l'on jugea la
Pierre extrêmement grosse ; la situation
de cette femme étoit si cruelle , qu'elle ne
pouvoit rester de bout , assise , ni couchée
, elle étoit obligé de se tenir continuellement
sur les genoux et sur les coudes
, elle ne rendoit que quelques gouttes
d'urine de temps à autre avec des douleurs
insupportables qu'elle étoit enfin
résoluë de risquer l'Operation de laTaille ,
lorsqu'elle fit la découverte du remede
dont il s'agit ; la personne qui en a le se
cret ne pût le refuser aux instances et aux
empressements de ceux qu'elle envoya
pour en demander. Dès le moment que
Îa Malade en eût pris , elle sentit du soulagement
, elle dormit , ce qu'elle n'avoit
pas fait depuis très long-temps , elle mangea
, et enfin pour éviter un long détail
qu'on peut apprendre d'elle et de ses
voisins , elle a rendu toute sa Pierre avec
ses urines , elle est àpresent dans une santé
parfaite.
La derniere expérience est celle de
M. Tardieu , Graveur , rue S. Jacques ,
à S. Bernard , proche S. Yves.
Il étoit dans un état à peu prés aussi
miserable que la Dame Hebert. Il a également
rendu la Pierre dont il étoit incom1718
MERCURE DE FRANCE
commodé , il en a gardé de même les sables
, et les graviers : ce ne sont pas des personnes
supposées , elles sont connues de
tout Paris , et ne pourront se réfuser à la
verité.
Voilà des exemples assés authentiques
pour authoriser l'opinion , et prouver la
justesse du raisonnement de l'Auteur de
la précedente Lettre ; j'ay crû ne pouvoir
me dispenser d'en faire part au Public
de par la voye vôtre Mercure , où j'espere
que vous aurés la bonté d'inserer ce
que j'ay l'honneur de vous écrire. Je
suis & c .
VERS de Feu M. Boudier , sur la mort
de sa Femme.
Qu
DIZAIN.
Uand la Mort nous déparia :
Ma moitié dans le manoir sombre
Rencontrant Porcie , Arria ,
Et leur suite en trés - petit nombre ,
Leur dit: je viens me joindre à vous
Moitiés , dignes de vos Epoux ,
Honneur du Sexe , Femmes fortes ;
Eux
JUILLET. 1731. $719
Eux seuls firent tout vôtre bien ,
C'est pour eux que vous êtes`mortes ,
que pour le mien.
Je n'ai vêcu
XXXXX
LETTRE de M. de Voltaire , écrite à M.
de la R. le 30. Juin 1731. de Fakner ,
prés de Londres.
J
E n'ay jamais jusqu'à present repondu
, Monsieur, à aucune des brochures
que l'on a imprimées contre moy , ou qui
ont été inserées dans les Journaux. J'ay
toujours cru que si les Critiques étoient
mauvaises , le Public en ferait justice
sans moy , et que si elles étoient bonnés,
je ne devois y répondre qu'en corrigean t
mes fautes.
D'ailleurs je n'ay jamais pû prendre
sur moy , de déffendre des ouvrages que
je n'ay jamais donnés qu'avec beaucoup
de défiance , et que je voudrois n'avoir
jamais hazardés dans le Public. Je suis
forcé aujourd'hui contre mon inclination
de vous prier de vouloir bien faire inserer
dans le Mercure cette réponse à Mr
les Auteurs du Nouveliste du Parnasse
et que j'ai l'honneur de vous envoyer.
"
Je
1720 MERCURE DE FRANCE
Je sçai combien peu il importe au Public
de sçavoir si j'ay fait ou non une.
brochure Satirique contre M. Capistron.
Mais j'ay cru devoir détromper ceux qui
lisent les Nouvelles Litteraires , j'ay cru
devoir à mon honneur , et à la verité ,
d'imposer du moins une fois en ma vie ,
un silence forcé à la calomnie. Ce n'est
pas d'aujourd'hui que la seule recompen-.
se de ceux qui cultivent les beaux Arts .
est d'être accusés d'ouvrages indignes
d'eux . On m'a souvent attribué des Pieces
soit mediocres , soit absolument mauvaises
, telles , que je ne sçai quelle Satire
intitulée Jay vu , une miserable Ode ou
l'on attaquoit indignement un Ministre
respectable. Je connois les Auteurs de
ces lâches ouvrages . Je ne leur fais point
la confusion de les nommer , il me suffit
de défier la calomnie d'oser avancer que
j'aye jamais ou fait , ou montré , ou approuvé
un seul ouvrage Satirique. C'est
une déclaration authentique que je fais
dans cette Lettre aux Auteurs du Nouveliste
, et j'espere fermer la bouche pour
jamais à ceux qui m'imputent ces sottises ,
de même que j'invite les sages et vrais
Critiques à continuer d'éclairer les beaux
Arts par leurs reflexions. Je m'éleve contre
le Calomniateur , mais j'encourage
tous
JUILLET. 1731. 1721
tous mes Censeurs , et je me flate d'avoir
donné moy-même dans ce petit Ecrit
l'exemple d'une Critique pleine au moins
de bienséance , si elle ne l'est pas de raison.
Je me flatte , Monsieur , que vous la
ferez paroître dans le Mercure , d'autant
plus volontiers que vous n'y avez jamais
inseré aucune Satire , et que vous
avés trouvé le secret de plaire à tout le
monde , sans offenser personne. Le Mercure
, regardé autrefois comme un ou.
vrage frivole et méprisable , est devenu
entre vos mains un livre choisi , plein de
monuments curieux et necessaires à quiconque
veut sçavoir dans son Siecle l'Histoire
de l'Esprit humain . La Lettre que
je vous envoye ne merite d'y avoir place
qu'autant qu'elle est pleine de cet esprit
de verité que vous aimez . Je suis &c.
***** ******
LETTRE de M. de Voltaire , à Messieurs
les Auteurs du Nouvellifte.
.
MESSIEURS
t
On m'a fait tenir à la Campagne où
E
je
1722 MERCURE
DE FRANCE
je suis près de Canterbury , depuis quatre
mois , les Lettres que vous publiez
avec succès en France depuis environ ce
tems.
J'ai vu dans votre dix - huitiéme Lettre
, des plaintes injurieuses que l'on vous
addresse contre moi , sur lesquelles il
est juste que j'aye l'honneur de vous écrire
, moins pour ma propre justification ,
que pour l'intérêt de la vérité.
Un ami , ou peut-être un parent de feu
M. de Campistron , me fait des reproches
pleins d'amertume et de dureté , de
ce que j'ai , dit il , insulté à la mémoire
de cet illustre Ecrivain dans une brochure
de ma façon , et que je me suis servi
de ces termes indécens de pauvre Campistron.
Il auroit, sans doute, raison de me
faire ce reproche , et vous Messieurs , de
l'imprimer, si j'avois , en effet , été coupa
ble d'une groffiereté si éloignée de mes
mours. C'a été pour moi une surprise
également vive et douloureuse , de voir
que l'on m'impute de pareilles sottises.
Je ne sçai ce que c'est que cette brochure
, je n'en ai jamais entendu parler.
Je n'ai fait aucune brochure en ma vie ;
et si jamais homme devoit être à l'abri
d'une pareille accusation , j'ose dire que
c'étoit moi , Messieurs.
DeJUILLET.
1731. 1723
Depuis l'âge de seize ans , où quel
ques Vers un peu satyriques , et par conséquent
très -condamnables avoient échapé
à l'imprudence de mon âge , et au
ressentiment d'une injuftice , je me suis
imposé la loi de ne jamais tomber dans
ce déteftable genre d'écrire. Je passe mes
jours dans les souffrances continuelles de
corps qui m'accablent , et dans l'étude
des bons Livres qui me console : j'apprens
quelquefois dans mon lit que l'on m'impute
à Paris des Pieces fugitives que je n'ai
jamais vûës , et que je ne verrai jamais ;
je ne puis attribuer ces accusations frivoles
à aucune jalousie d'Auteur ; car
qui pourroit être jaloux de moy ! mais
quelque motif qu'on ait pû avoir pour
me charger de pareils Ecrits , je déclare ici
une bonne fois pour toutes , qu'il n'y a
personne en France qui puisse dire que je
lui aye jamais fait voir , depuis que j'suis
hors de l'enfance , aucun Ecrit satyrique
en vers ou en prose. Et celui- là se
montre qui puisse seulement avancer que
j'aye jamais applaudi un seul de ces Ecrits ,
dont le mérite consiste à flater la malignité
humaine.
que
Non- seulement je ne me suis jamais
servi de termes injurieux , soit de bouche,
soit par écrit , en citant feu M. de Campistron
E ij
1724 MEAU
FRANCE DE
pistron , dont la mémoire ne doit pas être
indifferente aux Gens de Lettres , mais je,
me suis toûjours revolté contre cette coutume
impolie qu'ont prise plusieurs jeunes
Gens , d'appeller par leur simple
pom des Auteurs illuftres qui méritent
des égards.

J'ai trouvé toûjours indigne de la politesse
Françoise , et du respect que les
Hommes se doivent les uns aux autres ,
de dire Fontenelles , Chaulieu , Crebillon,
la Motte , Raimond , &c. et j'ose dire que
j'ai corrigé quelques personnes de ces manieres
indécentes de parler , qui sont toûjours
insultantes pour les vivans , et dont
on ne doit se servir envers les morts que
quand ils commencent à devenir anciens
pour nous. Le peu de Curieux qui pourront
jetter les yeux sur les Préfaces de
quelques Pieces de Théatre que j'ai hazardées
, verront que je dis toûjours le Grand
Corneille , qui a pour nous le mérite de
l'antiquité ; et je dis M. Racine et M. Despreaux
, parce qu'ils sont presque mes
contemporains .
Il est vrai que dans la Préface d'une
Tragédie addressée à Mylord Bullingbrooke
rendant compte à cet illustre
Anglois des défauts et des beautez de
notre Théatre , je me suis plaint avec justice
JUILLET. 1731. 1725
tice que la galanterie dégrade parmi nous
la dignité de la Scene ; j'ai dit , et je le
dis encore , que l'on avoit applaudi ces
Vers de l'Alcibiade indignes de la Tragédie.
Hélas ! qu'eſt - il besoin de m'en entretenir ?
Mon penchant à l'amour, je l'avouerai fans peine,
Fut de tous mes malheurs la cause trop certainé:
Mais bien qu'il m'ait causé des chagrins , des
soupirs ,
Je n'ai pu refuser mon ame à ses plaisirs :
Car enfin , Amintas , quoi qu'on en puisse dire ,'
Il n'eft rien de semblable à ce qu'il nous inspire
Où trouve-t- on ailleurs cette vive douceur
Capable d'enlever et de calmer un coeur ?
Ah! lorsque penetré d'un amour véritable ,
Et gémissant aux pieds d'un objet adorable ,
J'ai connu dans ses yeux timides ou distraits
Que mes soins de son coeur avoient troublé la
·
paix ;
Que par l'aveu secret d'une ardeur mutuelle
La mienne a pris encore une force nouvelle ;
Dans ces tendres instans j'ai toujours éprouvé
Qu'un mortel peut sentir un honheur achevé .
J'aurois pû dire avec la même vérité ,
que les derniers Ouvrages du Grand Cor
'neille sont indignes de lui et fort infé-
E iij rieurs
1726 MERCURE DE FRANCE
rieurs à cet Alcibiade , et que la Berenice
de M. Racine n'eft qu'une Elegie bien
écrite , sans offenser la mémoire de ces
grands Hommes. Ce sont les fautes des
Ecrivains illustres qui nous instruisent ;
j'ai crû même faire honneur à M. de Campistron
en le citant à des Etrangers à qui
je parlois de la Scéne Françoise , de même
que je croirois rendre hommage à la mémoire
de l'inimitable Moliere , si pour
faire sentir les défauts de notre Scéne comique
, je disois que d'ordinaire les intrigues
de nos Comédies ne sont ménagées
que par des Valets , que les plaisanteries
ne sont presque jamais dans la bouche des
Maîtres , et que j'apportasse en preuve la
plupart des Pieces de ce charmant génie ,
qui malgré ce défaut et celui de ses dénouëmens
, est si au- dessus de Plaute et
de Terence .
J'ai ajoûté qu'Alcibiade est une Piece
suivie , mais foiblement écrite ; le défenseur
de M. de Campistron m'en fait un
crime ; mais qu'il me soit permis de me
servir de la réponse d'Horace.
Nempe incomposito dixi pede currere versus
Lucili quis tam lucili fautor inepte eft
Ut non hoc fateatur ?
JUILLET. 1731 1727
·
On me demande ce que j'entends par
un stile foible , je pourrois répondre , le
mien. Mais je vais tâcher de débrouiller
cette idée , afin que cet Ecrit ne soit pas
absolument inutile , et que ne pouvant
- par mon exemple prouver ce que c'est
qu'un stile noble et fort , j'essaye au moins
d'expliquer mes conjectures , et de justifier
ce que je pense en général d'un ftile de
la Tragedie d'Alcibiade.
Le stile fort et vigoureux , tel qu'il
convient à la Tragedie , est celui qui ne
dit ni trop ni trop peu , et qui fait toujours
des Tableaux à l'esprit , sans s'écarter
un moment de la passion.
Ainsi Cléopâtre dans la Rodogune
s'écrie :
> Trône , à t'abandonner je ne puis consentir
Par un coup de tonnere il en vaut mieux fortir
Tombe sur moi le Ciel pourvû que je me vange.
.. Voilà du stile très- fort , et peut être
trop.
Le Vers qui suit
Il vaut mieux meriter le sort le plus étrange ,
est du stile le plus foible.
> Le stile foible , non- seulement en Tra
gédie , mais en toute Poësie , consiste en-
E. iiij
core
1728
MERCURE DE FRANCE
core à laisser tomber ses Vers deux à deux;
sans entremêler de longues périodes et de
courtes , et sans varier la mesure , à rimer
trop en épithetes , à prodiguer des
expressions trop communes , à répéter
souvent les mêmes mots , à ne pas se servir
à propos des
conjonctions qui paroissent
inutiles aux esprits peu instruits , et
qui
contribuent cependant beaucoup à l'élegance
du Discours.
Tantumferiesjuncturaque pollent.
Ce sont toutes ces finesses
imperceptibles
qui font en même tems la difficulté
et la perfection de l'Art. In tenui labor
at tenuis non gloria.
J'ouvre dans ce moment le Volume
des Tragedies de M. de
Campistron , et
je vois à la premiere Scéne de l'Alcibiade .
Quelle que soit pour nous la tendresse des Rois ,
Un moment leur suffit pour faire un autre choix .
Je dis que ces Vers sans être absolument
mauvais , sont foibles et sans beauté.
Pierre Corneille ayant la même chose à
dire ,
s'exprime ainsi :
Et malgré ce pouvoir dont l'éclat nous séduir,
Si-tôt qu'il nous veut perdre, un coup d'oeil nous
détruit ,
Ce
JUILLET. 1731. 1729
Ce quelle que soit de l'Alcibiade fait languir
le Vers ; de plus , Un moment leur
suffit pourfaire un autre choix , ne fait pas à
beaucoup près une peinture si vive que ce
Vers ; Si-tôt qu'il nous veut perdre , un coup
d'oeil nous détruit.
Je vois dans ces premieres Scénes d'Alcibiade
:
Mille exemples connus de ces fameux revers.
Affoiblit notre empire ; et dans mille combats,
Nous cache mille soins dont il est agité.
El a mille vertus dignes du diadême.
Le sort le plus cruel , mille tourmens affreux.
Je dis que ce mot mille si souvent rế-
peté , et sur tout dans des Vers assez läches
, affoiblit le stile au point de le gâter;
que la Piece est pleine de ces termes oisifs
, qui remplissent languissamment l'Emistiche
des Vers : je m'offre de prouver
à qui voudra , que presque tous les Vers
de cet Ouvrage sont énervez par ces pe
tits défauts de détail , qui répandent leur
langueur sur toute la diction. Si j'avois
vécu du tems de M. de Campistron , et
que j'eusse eû l'honneur d'être son ami , je
lui aurois dit à lui-même ce que je dis ici
au Public , et j'aurois fait tous mes efforts.
pour obtenir de lui qu'il retouchât le stile
E v de
1730 MERCURE DE FRANCE
de cette Piece , qui seroit devenue avec
plus de soin un très - bon Ouvrage. En
un mor , je lui aurois parlé , comme je
fais ici , pour la perfection d'un Art qu'il
cultivoit d'ailleurs avec succès.
Le fameux Acteur qui représenta si
long- tems Alcibiade , cachoit toutes les
foiblesses de la diction par les charmes:
de son recit : en effet , l'on peut dire d'une
Tragedie comme d'une Histoire : Historia
quoque modo scripta benè legitur,et Tragedia
quoque modo scripta benè representatur,
mais les yeux duLecteur sont des juges plus.
difficiles que les oreilles du Spectateur.
Celui qui lit ces Vers d'Alcibiade.
Je répondrai , Seigneur , avec la liberté ,
D'un Grec qui ne sçait pas cacher la verité.
se ressouvient à l'instant de ces deux beaux
Vers de Britannicus ..
e répondrai , Madame , avec la liberté ,.
D'un Soldat qui sçait mal farder la vérité..
Il voit d'abord que les Vers de M. Ra-.
cine sont pleins d'une harmonie singu
liere , qui caractérise en quelque façon
par cette cesure coupée , d'un Soldat
, au lieu que les Vers d'Alcibiade sont
rampans et sans force. En second lieu , il
Burrus
cft
JUILLET. 1731. 1731
est choqué d'une imitation si marquée.
En troisiéme lieu , il ne peut
souffrir que
le citoyen d'un pays renommé par l'Eloquence
et par l'artifice , donne à ces
mêmes Grecs un caractére qu'ils n'avoient
pas.
Vous allez attaquer des peubles indomptables , "
Sur leurs propres foyers plus qu'ailleurs redou
tables..
On voit par tout la même langeur de
stile. Ces rimes d'Epithetes indomptables
redoutables , choquent l'oreille délicate du
connoisseur qui veut des choses , et qui
ne trouve que des sons. Sur leurs propres
foyers plus qu'ailleurs , est trop simple même
pour de la Prose..
Je n'ai trouvé aucun homme de Lettres
qui n'ait été de mon avis , et qui ne soit
convenu avec moi que le stile de cette
Piece est en général très-languissant. J'ajoûterai
même que c'eft la diction seule
qui abbaisse M. de Campistron au des
sous de Monsieur Racine . J'ai toûjours
soutenu que les Pieces de M. de
Campistron étoient pour le moins aussi
régulierement conduites , que toutes celles
de l'illustre Racine ; mais il n'y a que
la Poësie de stile qui fasse la perfection :
des Ouvrages en vers. M. de Campistrom
E vj.
l'ai
#732 MERCURE DE FRANCE
l'a toûjours trop negligée , il n'a imité ſe
coloris de M. Racine que d'un pinceau timide
; il manque à cet Auteur , d'ailleurs
judicieux et tendre , ces beautés de détail
, et ces expressions heureuses qui sont
l'ame de la Poësie , et qui font le mérite
des Homere , des Virgile , des Tasse , des
Milton , des Pope , des Corneille , des Racine
, des Boileau..
Je n'ai donc avancé qu'une verité , et
même une verité utile pour les Belles- Lettres
, et c'est parce qu'elle est vérité qu'elle
m'attire des injures.
vante que
L'Anonime ( quel qu'il soit ) me dit à
la suite de plusieurs personnalitez , que je
suis un trés- mauvais modéle . Mais au
moins il ne le dit qu'après moi , je ne me
de connoître mon art et mon
impuissance. Il dit d'ailleurs ( ce qui n'est
point une injure , mais une Critique
permise , que ma Tragedie de Brutus est
très-défectueuse. Qui le sçait mieux que
moi ? C'est parce que j'étois très- convaincu
des défauts de cette Piece , que je la
refusai constamment un an entier aux
Comédiens. Depuis même je l'ai fort retouchée
, j'ai retourné ce terrain ingrat où
j'avois travaillé si long- tems avec tant de
peine et si peu de fruit. Il n'y a aucun de
mes foibles Ouvrages , que je ne corrige
tous
JUILLET. 1731. 1733
-
tous les jours dans les intervalles de mes
maladies. Non seulement je vois mes
fautes , mais j'ai obligation à ceux qui
m'en reprennent , et je n'ai jamais répondu
à une Critique , qu'en tâchant de me
corriger.
Cette verité que j'aime dans les autres,.
j'ai droit d'exiger que les autres la souffrent
en moi . M. de la Motte sçait avec
quelle franchise je lui ai parlé , et que je
l'estime assez pour lui dire , quand j'ai
l'honneur de le voir , quelques défauts
que je crois appercevoir dans ses ingénieux
Ouvrages. Il seroit honteux que la flaterie
infectât le petit nombre d'hommes qui
pensent. Mais plus j'aime la verité
plus je haïs et dédaigne la Satire , qui n'est
jamais que le langage de l'envie. Les Auteurs
qui veulent apprendre à penser aux
autres hommes , doivent leur donner des
exemples de politesse comme d'éloquence
, et joindre les bienséances de la société
à celles du stile. Faut- il que ceux qui cherchent
la gloire , courent à la honte par
leurs querelles litteraires , et que les Gens
d'esprit deviennent souvent la risée des
sots !
On m'a souvent envoyé en Angleterre
des Epigrammes et des petites Satyres contre
M. de Fontenelle ; j'ai eu soin de dire
pous
1734 MERCURE DE FRANCE
pour l'honneur de mes compatriotes , que
ces petits traits qu'on lui décoche , ressemblent
aux injures que l'esclave disoit autrefois
aux triomphateurs. Je crois que c'est
être bon François de détourner autant qu'il
est en moi, le soupçon qu'on a dans les Païs
étrangers , que les François ne rendent jamais
justice à leurs contemporains. Soyons:
justes , Messieurs , ne craignons ni de blâmer
, ni surtout de louer , ce qui le mérite.
Ne lisons point Pertharite , mais
pleurons à Polieucte . Oublions avec M. de
Fontenelle des Lettres composées dans sa
jeunesse , mais apprenons par coeur , s'il
est possible , les Mondes , la Préface de
l'Académie des Sciences , & c. Disons si
vous voulez , à M. de la Motte , qu'il n'a
pas assez bien traduit l'Iliade , mais n'oublions
pas un mot des belles Odes et des
autres Pieces heureuses qu'il a faites. C'est
ne pas payer ses dettes , que de refuser de
justes louanges . Elles sont l'unique récompense
des Gens de Lettres , et qui
Leur payera ce tribut : si- non nous , qui
courant à peu près la même carriere , de
vons connoître mieux que d'autres la difficulté
et le prix d'un bon Ouvrage ?
J'ai entendu dire souvent en France que
tout est dégénéré , et qu'il y a en tout
genre une disette d'hommes étonnante..
Les
JUILLET. 1737 1735
Les Etrangers n'entendent à Paris que
ces discours ; et ils nous croient aisément
sur notre parole cependant quel est le
siécle où l'esprit humain ait fait plus de
progrès que parmi nous ? Voici un jeune
homme de seize ans qui exécute en effet
ce qu'on a dit autrefois de M. Pascal , et
qui donne un Traité sur les Courbes qui
feroit honneuraux plus grands Géometres ..
L'esprit de raison pénetre si bien dans les
Ecoles , qu'elles commencent à rejetter
également , et les absurditez inintelligi
bles d'Aristote , et les chiméres ingénieuses
de Descartes. Combien d'excellentes
Hisroires n'avons nous pas depuis trente
ans ? Il y en a telle qui se lit avec plus de:
plaisir que Philippes de Comines ; il est
vrai qu'on n'ose l'avouer tout haut , parce
que l'Aureur est encore vivant , et le
moyen d'estimer un contemporain autant
qu'un homme mort il y a plus de deux
cens ans !
Ploravêre suis non respondere favorem
Speratum meritis .
Personne n'ose convenir franchement
des richesses de son siècle . Nous sommes.
comme les avares qui disent toûjours que
le tems est dur. J'abuse de votre patience ,,
Messieurs
JJ
1736 MERCURE DE FRANCE
Messieurs , pardonnez cette longue Lettre
et toutes ces réflexions , au devoir d'un
honnête homme qui a dû se justifier, et à
mon amour extrême pour les Lettres
pour ma Patrie et pour la vérité. Je suis ,
Messieurs , &c. VOLTAIRE.
A Fakener , près de Canterbury , ce 20.
Fuin. 1. Juillet.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
?
ENIGM E.
E vais ; ou d'où je viens ; actif ou paresseux,
Dans ma course , rien ne m'arrête ;
Je n'ai jamais ni pied , ni tête ,
J'ay des bras , point de mains ; devine si tu peux
JE
LOGOGRYPHE.
E suis quelquefois de Métal ,
Et quelquefois aussi je suis d'autre matiere ;
Mais l'on peut dire en géneral ,
Qu'ingenument je sers à la lumiere ,
Voulez- vous de mon corps sçavoir l'arangement.
De huit membres on le compose ,
Coupez ma tête seulement ,
Il vous restera peu de chose ,
Renversez
JUILLET 1737 1731.
Renversez à present ma premiere moitié ;
Autant que l'on peut on l'évite ;
L'autre dans son integrité ,
Fait de certains objets la gloire et le mérite ,
Otez la tête encor , je suis un Element ;
Un , six et huit , je fus pris dans le Firmament ;
Un , deux , trois , quatre et six , désigne ma com
pagne;
Cinq , trois , deux , cercle de plaisir ;
Plus souvent à la Ville encor qu'en la Campagne ,
Je suis le charme du loisir.
AUTR E.
Ommunément je suis d'une humeur vaga+
C
bonde ;
Je porte un nom décrédité ,
Et fort méprisé dans le monde.
Lorsque je suis joli ( c'est une rareté. )
Je fais pourtant plaisir dans la societé .
Or pour me deviner il faut que l'on arrange ,
Huit lettres; écoutez, voici comme on les change.
Otez-en la troisiéme et je suis à l'instant ,
Tout-à-fait d'une autre figure ,
Toujours maigre de ma nature ;
Plus , ôtez la cinquième et je puis aisément
Vous enlever la vie ,
Si l'on ne m'arrête soudain ;
Un , quatre , cinq, sept , huit , je vous nomme
un Romain ,
Du
1738 MERCURE DE FRANCE
Du tems de l'Epoux de Livie.
Retranchez de mon tout ma seconde partie ,
Je suis dans tous les lieux aimé ,
Puis dans ce mot vous trouverez nommé ,
Par une nouvelle structure ,
Un vêtement que la Naturë ,
elle - même formé ;
A
par
Six , sept , huit , pour nourrir un animal immonde
,
Je prens ma naissance aux Moulins ;
Trois , quatre et six , je crois aux Champs comme
aux Jardins ,
Et j'orne l'Ecusson du plus grand Roi du monde.
Cinq , deux , trois , sept et huit , je suis le nom
fameux ,
D'un Legislateur de la Grece ,
En Latin, six, deux , trois, je donne idée expresse
De l'Astre le plus lumineux .
Huit et quatre , avec trois , d'une Terre lointaine,
J'entretiens la fécondité.
Alors renversez-moi je deviendrai la graine ,
Dne herbe qu'on ourdit avec dexterité.
Trois , quatre , sept et huit , sans être épouvanté,
Qui pourra soutenir ma rage meurtriere ,
Et le bruit affreux de ma voix ?
Trois , sept , deux , avec huit , près de l'Orleannois
,
Je suis le nom d'une Riviere.
Les
JUILLET. 1731. 1739
Les mots du Logogryphe et des deux
Enigmes du premier volume de Juin ,
sont Tableau , Salade et la Lettre A. On
a dû expliquer le mot de l'Enigme et des
deux Logogryphes du second Volume de
Juin , par Fuseau , Marbre et Maròc.
XXX:XXXXXXXX:XX **
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
CR
RITIQUE de la Bibliotheque des
Auteurs Ecclesiastiques de M. du
Pin, par feu M. Richard Simon. A Paris,
rue S.Jacques , chez Ganeau , 1730. 4. vol.
in 8.
NOUVELLE TRADUCTION du Livre unique
des Lettres de Ciceron à M. J.Brutus,
avec des Remarques Historiques et Critiques,
dédiée à Monseigneur le Dauphin..
Par M. de Laval . A Paris , Quay des Augustins
, chez Guill. Denis David , 1731.
2. vol. in 12.
OSTEOLOGIE , ou Traité des Os , dans
lequel on considere chaque Os par rapport
1740 MERCURE DE FRANCE
port aux Parties qui le composent , aux
cavitez qui s'y trouvent , et à ses joncfions
aux autres Os. Par M. Jean Baget ,
Chirurgien Juré à Paris , Démonstrateur
en Anatomie et Chirurgie. Rue S. Jacques
, chez Louis d'Hotelfort. In 12 .
HISTOIRE NATURELLE , Civile et Ecclesiastique
de l'Empire du Japon , composée
en Allemand , par Engelbert Kampfer,
Docteur en Médecine à Lemgow ;
et traduite en françois sur la version Angloise
de Jean Gaspard Scheuchzer
Membre de la Societé Royale, et du College
des Médecins à Londres. Ouvrage
enrichi de quantité de Figures dessinées
d'aprés le naturel par l'Auteur même.
A la Haye chez P. Gosse et J. Neaulme.
1729. in fol. z. vol . Tom. I. pag. 217 .
Tome 2. pp . 313. sans l'Appendix de
96. pag. et les Preliminaires de 52. pag. ·
Planch. détach. 45 .
REFLEXIONS POLITIQUES de Balthasar
Gracian sur les plus grands Princes , et
particulierement sur Ferdinand le Catholique.
Ouvrage traduit de l'Espagnol
avec des Notes historiques et critiques.
A Paris chez Barthelemy Alix , rue Saint-
Facques 1730. in 12. pag. 350. sans la
Preface et les Tables .
LETTRES
JUILLET . 1731. 174 *
LETTRES CRITIQUES , à M. le Comte
***, sur le Paradis perdu et reconquis
de Milton . Par R. **. A Paris chez
Cailleau, Place du Pont S. Michel. 1731 ,
in 12.
RECUEIL de Pieces d'Histoire et de
Litterature Tome 1. A Paris Quay des
Augustins , chez, Chaubert . 1731 .
DISCOURS SUR LA COMEDIE , ou Traité
Historique et Dogmatique des Jeux de
Théatre & c. 2. Edition , augmentée de
plus de la moitié. par le P. le Brun de l'Oratoire
, rue S. Jacques , chez la veuve
Delaulne. 1731 .
>
Aprés l'Extrait que nous avons donné
de la premiere moitié de cet Ouvrage
sur les anciens Jeux de Théatre &c. Il
nous reste à dire quelque chose des Spectacles
et des Pieces de Théatre en France
, de leur origine , de leur succès &c.
Au treizieme Siecle , il y eut en France
beaucoup de Poëtes , et les Provenceaux
furent ceux qu'on estima dayantage.
On faisoit beaucoup de cas de la
Langue Provençale que l'on appelloit la
Langue Romaine , à cause qu'elle en
approchoit beaucoup , et que la Provence
seule avoit retenu le nom de Province ,
eu Province des Romains , qu'on don
noit
1742 MERCURE DE FRANCE
noit à toute la Gaule Narbonnoise , qui
comprenoit Toulouse et Genéve , c'està-
dire , tout ce que les Romains possedoient
dans les Gaulès , lorsque Cesar y
vint pour la premiere fois.
Depuis le X. Siecle on se piquoit presque
dans toutes les Cours de l'Europe
de parler Provençal , et les Pieces d'esprit
ne paroissoient ordinairement qu'en cette
Langue , ce qui fit qu'on appella ces Pieces
des Romans , ou Romances , à cause
qu'elles étoient écrites en langage Romain
, ou Romance , c'est - à- dire Provençal.
Comme le François se perfectionna depuis
Philippe Auguste , on voit au XIII .
Siecle par la Bible de Guiart des Moulins,
que le langage de Paris s'appelloit indifferemment
le François ou le Romain.
Quoiqu'il en soit , le desir de parler purement
Provençal , porta plusieurs Princes
à appeller des Poëtes Provençaux dans
leur Cour. Il en sortit , en effet , un assez
grand nombre de Provence , et la plupart
étoient des personnes distinguées par
leur naissance et par leur génie. Le Poëte
Foulquet qui écrivoit à Marseille au commencement
du XIII . siecle , à qui on
a attribué la gloire d'avoir le premier
donné et observé les regles de bien rimer ,
s'étant
JUILLET. 1731. 1643

s'étant retiré dans un Monastere , fut fait
Evêque de Marseille , puis de Toulouse ,
et plusieurs autres s'avançoient beaucoup
auprès des Princes .
Alphonse Comte de Poitiers et de Toulouse
, frere de S.Louis , avoit auprès de lui
plusieurs de ces Poëtes , et par tout on les
recherchoit avec empressement, et on leur
isoit des présens magnifiques . Ceux qui
' étoient pas fixes dans quelques Cours
Composoient de petites bandes de trois
ɔu quatre amis , Poëtes , Chantres et
Joueurs d'Instrumens , et alloient de Ville
n Ville , ou plutôt de Château en Château
, réciter leurs Ouvrages , et c'étoit
à ceux qu'on appelloit communément
les Auteurs de la Science guaye , les Troubadours
ou les Trouveres , c'est-à - dire
Inventeurs.
La plupart de ces Bouffons s'appelloient
Ministerales , Minetrales , Ministrelli
d'où est venu le nom de Menetrier. Ils
ne s'appliquoient pas seulement à réjoüir
les Princes par leurs plaisanteries , mais
encore ils chantoient au son des Instrumens
leurs loüanges et celles de leurs Ancêtres
. Quelquefois ils déclamoient agréablement
les Exploits des Héros , ou les
chantoient , jouant en même- tems du
Violon ou de quelqu'autre Instrument ,
excitant
1744 MERCURE DE FRANCE
excitant ainsi à la vertu ceux qui les écoutoient.
On voit au même endroit que dans
un Festin d'Apparat,donné par LouisVIII.
pere de S. Louis , parut un de ces Menetriers
, qui chanta les louanges du Roi au
son de la Lyre.
Ces personnes ne pouvoient pas être
censées infames , par les loix qui déclarent
que ceux qui n'avoient représenté
que dans des Maisons particulieres , ne
seront pas déclarez infames. Pline le
jeune , louant la vie d'un homme fort
distingué , dit qu'il faisoit souvent venir
à sa table un Comédien pour entendre
quelque chose de bon pendant le repas.
On trouve jusqu'au milieu du XIV . Siecle
environ cent Poëtes Provençaux des
plus distinguez , dont les vies ont été
écrites par le sçavant Cibo , Moine de L'erins
, par Huges de S. Cesaire , Moine
de Montmajour, par Rostang de Brignole,
Moine de S Victor de Marseille , et par
Jean et César Nostradamus .
Ce dernier Historien en 1344. compte
90. Poëtes , dont le Roi Robert fit recueillir
les Ouvrages . Le Cardinal de Richelieu
a fait aussi rechercher en Provence
plusieurs Pieces de cette nature , et ce
sont peut- être celles qu'on conserve dans
la Bibliotheque Royale.
Vers
JUILLET . 1731. 1745
Vers le milieu du XV. siecle , les Poëtes
Provençaux se négligerent , et leur
langue ne fut plus cultivée comme elle
l'avoit été durant quelques siecles . Mais
les Italiens , que le séjour des Papes àAvignon
avoit attirez en Provence , y étoient
devenus Poëtes . On en voyoit déja parmi
eux un grand nombre , tant bons que
méchans ; et comme en Italie on a toujours
eu beaucoup de disposition à être
Saltinbanque , il y eut bientôt plusieurs
Poëtes qui prirent le parti de monter sur
des Theatres . Les moins polis se distinguerent
par le choix de quelques Sujets
de pieté , et tels furent ces Pelerins que
M. Despréaux a dépeints ainsi dans le
troisiéme Chant de l'Art Poëtique.
Chez nos dévots Ayeux le Théatre abhorré ,
Fut long- temps dans la France un plaisir ignoré;
De Pelerins , dit-on , une Troupe grossiere ,
En public à Paris y monta la premiere ,
Et sottement zelée en sa simplicité ,
Joua les Saints , la Vierge, et Dieu par pieté.
Ces dévots Comédiens vinrent à Paris
au commencement du XIV. siecle ; et
le Cardinal le Moine , Fondateur du College
qui porte son nom , acheta l'Hôtel
de Bourgogne et le leur donna ,à condition
F qu'ils
1745 MERCURE DE FRANCE
qu'ils ne représenteroient jamais que des
Pieces pieuses. Cependant ces Jeux n'ont
pas toujours continué , comme plusieurs
semblent le croire.
Dans un Arrêt du Parlement de Paris,
donné sous François I. en 1541. il est
parlé de ces prétendues Pieces de dévotion
comme d'un usage qui ne s'étoit introduit
que depuis deux ou trois ans ,
et que le Parlement ne pouvoit tolerer.
Il l'interdit en effet sous de rigoureuses
peines par le même Arrêt , dont quelques-
uns des motifs sont , 19. Que pour
réjouir le peuple on mêle ordinairement à ces
sortes de feux des Farces ou Comédies dérisoires
, qui sont choses deffendues par les
saints Canons. 2 ° . Que les Auteurs de ces
Piecesjouant pour le gain , ils devoient pas
ser pour Histrions , Joculateurs on Bateleurs.
3. Que les Assemblées de ces Jeux donnoient
lieu à des parties ou d'assignations d'adultere
et de fornication . 4. Que cela fait dépenser
de l'argent mal à propos aux Bourgeois
et aux Artisans de la Ville.
Ces motifs montrent assez qu'il n'y
avcit pas alors d'autres Jeux de Théatre
à Paris. Il paroît que ces Comédies pieuses
furent encore jouées pendant quelque
emps. Dans une Requête présentée au
Parlement , les Auteurs de ces Jeux disent
JUILLET. 1731. 2747
sent qu'ils les faisoientjouer de temps immemorial
et par des privileges confirmez par
les Rois de France , à l'édification du commun
populaire sans offense generale ou particuliere.
Ce ne fut qu'en 1545. que leurs Jeux
cesserent , le Parlement ayant converti
en logement pour les pauvres , la Salle
de la Passion. Trois ans après , ils acheterent
une nouvelle Salle , et demanderent
que suivant lesdits Privileges , il leur
fût permis de continuer la représentation
desdits Misteres , du profit desquels , disentils
, étoit entretenu le Service divin en la
Chapelle de ladite Confrairie , avec deffenses
à tous autres de jouer à l'avenir , tant
en la Ville que Fauxbourgs et Banlieuë de
Cette Ville , sinon que ce fut sous le titre de
la dite Confrairie. Voici les termes de l'Arrêt
: La Cour a inhibé et deffendu , inhibe
et deffend ausdits Suppliants de jouer le
Mystere de la Passion de N. Sauveur , ne
autres Mysteres sacrez , sur peine d'amende
arbitraire , leur permettant neantmoins de
pouvoirjouer autres Mysteres profanes , honnêtes
et licites , sans offenser et injurier aucunes
personnes , et deffend ladite Cour de
jouer ou représenter dorénavant aucuns Jeux
ou Mysteres , tant en la Ville et Fauxbourg's ,
que Banlieue de Paris , sinon que sous le
Fij nom
1743 MERCURE DE FRANCE
nom ladite Confrairie et au profit d'icelle.
Le Parlement ne voulant point souffrir
d'autres Jeux que ceux de ces Confreres
de la Passion , la Chambre des Vacations
s'éleva le 15. Septembre 1531. contre une
Troupe de Comédiens qui depuis quelque
temps joüoient des Farces et des Jeux
publics , et avoient à ce sujet exigé de
ceux qui y avoient assisté , quatre , cinq
et six sols , somme excessive et non accoutumée
d'être levée en tel cas , qui est espece
d'exaction sur le pauvre peuple. La Cour
leur deffendit de jouer à l'avenir des Farces
sans permission , sous peine de prison et
de punition corporelle , et à tous les Manans
et Habitans de Paris et des Faux-'
bourgs , de quelque état et qualité qu'ils
fussent , d'assister à ces Jeux , sous peine
de dix livres parisis.
Cette Confrairie eût un demêlé avec
Maître René Benoît , Curé de S. Eustache
, lequel obtint de la Chambre séante
au Châtelet , que les Confreres de la
Passion n'ouvriroient les portes de leurs
Jeux , sinon aprés les Vespres dites . Ces
Confreres représenterent au Parlement
que cette Ordonnance rendoit leurs Privileges
illusoires et sans effet , parcequ'il
leur seroit impossible , étant les jours
Courts , vaquer à leursdits Jeux , pour â
les
JUILLET . 1731. 1749
les préparatifs desquels ils auroient fait
une infinité de frais . Ils disent dans cette
Requête , qu'ils payoient cent écus de
rente à la Recette du Roi pour le Logis ,
et 300. liv . Tournois de rente aux Enfans
de la Trinité , tant pour le Service divin
que pour l'entretien des Pauvres . Ils
demanderent qu'il leur fût permis d'ouvrir
les portes de leurs Jeux pour les
allans et venans en la maniere accoutumée
, à la charge toutefois qu'ils ne commenceront
leurs Jeux qu'à trois heures
sonnées , à laquelle heure les Vespres
avoient accoutumées d'être dites . Le Parlement
leur accorda ce qu'ils demandoient
, mais à condition qu'ils repondroient
des scandales qui pourroient leur
arriver. Cet Arrêt fut confirmé par un
autre rendu le 20. Septembre 1577.
Cependant dès l'an 1551. sous Henry
II. les Poëtes François avoit commencé
à faire des Tragédies et des Comédies
et Jodelle fut le premier qui en fit repré
senter , comme nous l'apprend Ronsard
dans les vers que Pasquier a cités au 7.
Livre de ses Recherches , Chap . 7•
Aprés amour la France abandonna ;
Et lors Jodelle heureusement sonna
D'une voix humble et d'une voix hardie ,
F iij
La
1750 MERCURE DE FRANCE
La Comédie avec la Tragédie ,
Et d'un ton double , ore bas , ore haut ,
Remplit premier le François Echafaut.
Sous le Regne d'Henry III , dit Mezeray
, le luxe qui cherchóit par tout des
divertissemens , appella du fond de l'Italie
, une bande de Comédiens , dont les
Pieces , toutes d'intrigues , d'amourettes
et d'inventions agréables , pour exciter
et chatouiller les plus douces passions
étoient de pernicieuses leçons d'impudicité.
Ils obtinrent des Lettres Patentes
pour leur établissement , comme si c'eut
été quelque celebre Compagnie. Le Parlement
les rebuta comme personnes que
les bonnes moeurs , les SS. Canons , les
PP. de l'Eglise , et nos Rois mêmes ,
avoient toujours reputés infames
leur deffendit de jouer , ni de plus obte
nir de semblables Lettres ; et néanmoins,
dès que la Cour fut de retour de Poitiers
le Roy voulut qu'ils ouvrissent leur
Theatre.
و et
Le Concile de Bâle , dont l'autorité
est si grande en France , dans la Sess.
XX. en l'an 1435. se plaint que dans
quelques Eglises , pendant certaines Fêtes,
on voyoit des gens en habits pontifi-
'caux ,
JUILLET. 1731. 1751
caux , avec une Crosse et une Mitre ,
donner la Benediction comme les Evêques
; que d'autres s'habilloient en Rois
ou en Ducs , ce qu'on appelle dans quelques
endroits , la Fête des Foux , des
Innocens ou des Enfans, et que quelquesans
représentoient des Jeux de Theatre ,
faisoient des mascarades et des danses
d'hommes et de femmes. Ce Concile
aprés avoir exprimé l'horreur qu'il a
pour toutes ces extravagances , ordonne
aux Evêques , aux Doyens et aux Curés ,
sous peine de suspense et de privation
de leurs revenus Ecclesiastiques pendant
trois mois , de ne pas permettre à l'ave
nir de semblables bouffonneries .
. Le Concile de Tolede tenu en 1565 .
fait la même déffense . ( C'étoit principalement
le jour de la Fête des SS. Inãocens
qu'on créoit ces faux Evêques . )
Un Concile de la Province de Bordeaux
tenu à Copriniacum en 1215. et non pas
en 1260. comme le veut le P. Hardouin ,
avoit déffendu sous peine d'excommunication
, les danses qui se faisoient ce
jour- là , aussi bien que cette burlesque
création d'Evêques . Predictas balleationes
ulterius sub intimatione Anathematis fieri
prohibemus : nec non et Episcopos in predicto
Festo creari. Avec quelle force ,
Fij
continue
1752 MERCURE DE FRANCE
continue l'Auteur , ces Conciles se seroient-
ils élevé contre de Comiques
Processions semblables à celle qu'on fait
tous les ans à Aix le jour de la Fête- Dieu
où les Misteres de l'ancien et du nouveau
Testament sont deshonorez par
des Farces et des Répresentations indecentes
?
Il paroît par un Concile de Sens de
l'an 1486. que ces danses et ces répresentations
Comiques se faisoient dans les
Eglises et autres lieux sacrés.
On apprend par les Statuts Synodaux
du Diocèse de Beauvais , publiés en 1554.
que lorsque les Prêtres disoient leur
premiere
Messe , on faisoit venir des Bouffons
, des Histrions , des Joueurs d'Ins
trumens et differens autres Farceurs ; ce
desordre est severement déffendu aussi
bien que les danses et les représentations
des Spectacles dans les Eglises et les Cimetieres
. La même déffense se trouve
dans les Statuts Synodaux du Diocèse de
Soissons , imprimés en 1561. Les danses
se faisoient quelquefois devant l'Eglise .
Un autre abus aussi pernicieux , condamné
dans un Synode de Paris tenu en
1557. par Eustache du Bellay ; c'est que
les jours de Fêtes de certaines Confrairies
, on alloit avec des Images attachées
sur
JUILLET. 1731. 1783
sur des batons, aux Maisons des Laïques ;
ces burlesques Processions étoient composées
de Prêtres , de femmes et de Bouf
fons ; le Synode les déffend sous peine
d'excommunication et d'une amande arbitraire
, ordonnant aux Clercs de ne
prendre aucune part à ces folies.
En 1980. S. Charles Borromée qui
avoit long- tems travaillé à chasser les
Comédiens de son Diocèse , obtint enfin
d'un Gouverneur de Milan qu'on ne souf
friroit aucune Piece qui n'eut été examinée
et trouvée.conforme à la Morale
chrétienne , et qu'on n'en réprésenteroit
jamais ni le vendredy , ni les jours de
Fête .
eut
Le Parlement de Paris garda toujours
la même severité à l'égard des Comédiens
, jusqu'à ce que le Cardinal de Richelieu
, passionné pour la Poësie ,
fait esperer qu'on verroit des Comédies
où il n'y auroit rien qui ne fut dans la
bienséance. Par son ordre , Desmarets ,
Corneille et Colletet composerent quel
ques Pieces assés honnêtes , et en 1641
il fit enregistrer au Parlement une Déclaration
du Roy , par laquelle aprés
avoir renouvellé les peines ordinaires
contre les Comédiens , qui useront d'aucunes
paroles lascives ou à double entente
F v qui
1754 MERCURE DE FRANCE
qui puisse blesser l'honnêteté publique , it
est dit , qu'au cas qu'ils observent ces conditions
, ils ne seront pas à l'avenir notés.
d'infamie.
"
A la page 287. l'Auteur cite cette
maxime, prise , dit-il , d'un petit livre:
qui lui est tombé entre les mains , par où
nous finirons cet Extrait. Tous les grands:
divertiffemens sont dangereux pour la vie
chrétienne ; mais entre tous ceux que le monde
a inventés , il n'y en a point qui soit
plus à craindre que la Comédie. C'est une
peinture fi naturelle et fi délicate des passions
, qu'elle les anime et les fait naître
dans notre coeur , et surtout celle de l'amour
principalement lorsqu'on se represente qu'il
est chaste etfort honnête : car plus il paroît
innocent aux ames innocentes , plus elles:
sont capables d'en étre touchées . On je fait
en même-temps une conscience fondée fur
Phonnêteté de ces sentimens ; et on s'imagine
que ce n'eft pas bleffer la pureté , que d'ai
mer d'un amour fi sage. Ainsi on sort de la
Comédie le coeur si rempli de toutes les dou
ceurs de l'amour , et l'esprit si persuadé de
son innocence , qu'on eft tout préparé à recevoir
ses premieres impreffions , ou plutôt à:
chercher Poccasion de les faire naître dans.
Le coeur de quelqu'un , pour recevoir les mêmes
plaifirs et les mêmes sacrifices qu'on a

uns
JUILLET. 1731 1755
vus fi bien réprefentés fur le Theatre.
MEDITATIONS SUR L'EVANGILE
Ouvrage posthume de M. Jacques Benigne
Bossuet , Evêque de Meaux , Conseiller
du Roy en ses Conseils , et ordinaire
en son Conseil d'Etat, Precepteur de
Monseigneur le Dauphin , premier Aumônier
des deux derniers Dauphins. A
Paris , chez P. J. Mariette ,rue S.Jacques,.
1731. 4. volumes in 12. premier vol.
pp. 519. 2. vol . pp. 464. 3. vol . pp. 454.
4. vol . pp. 506. sans compter un Mandement
de M. l'Evêque de Troyes pour
recommander la lecture de cet Ouvrage
aux Fideles de son Diocèse , de 62. pag .
et sans les Tables .
LES VEILLE' ES DE THESSALIE . Premiere et
seconde Veillées . Rue S. Jacques , chez J.
F. Josse 1731. 2. vol. in 12 ..
La lecture de cet Ouvrage , qui est trés
bien écrit , est fort amusante. Le Librai--
re en promet la suite .
GIORNALE DE LETTERATI D'ITALIA
Tomo III. An . 1710,
Analecta de calamitate Litteratorum :
PETRI ALBYNOII Medices Legatus , sive
de Exilio libri duo : accessere Jo. PIERIUS
VALERIANUS et CORNELIUS TOLLIUS de
infelicitate Litteratorum , ut et JOSEPHUST
E vj BAR1756
MERCURE DE FRANCE
BARBERIUS de miseria Poëtarum Gracorum
cum Præfatione Jo . BURCHARDII
MENKENII , et Indice copioso . Lipsia
1707. in 12. pag. 593 .
Les réflexions du Marquis Orsi sur le
Livre de la maniere de bien penser , du
P. Bouhours , ayant donné occasion à
plusieurs Ecrits de part et d'autre. Les
Journalistes font (a ) un Article particulier
de cette querelle Litteraire. Ils
rendent compte avec la même exactitude
de plusieurs autres disputes qui se sont
élevées , l'une ( b ) au sujet du Livre intitulé
Acta Passionis SS . Crescii et Sociorum
Martyrum ex mmss . Codd. Bibliotheca
Medicco- Laurentiane , Metropolitana
Ecclesia Florentina , et Sapientia Romane
, nunc primum edita , et à Jacobo Laderchio
, Congregationis Oratorii urbis Presbytero
, asserta et illustrata Florentie 1707.
Fautre ( è ) au sujet delle Vindicie del sig.
Abate Giusto Fontanini et la troisiéme (d)
à l'occasion du Livre de M. Muratori della
perfetto Poesia Italiana.
Istoria della Republica di Venezia , in
tempo della Sacra lega contra Maometto IV .
( a ) P. 77.
( b ) P. 1946
( c ) P. 287.
( A) P. 357.
JUILLET. 1757 1731 .
' e tre suoi successori , di PIETRO GARSONI
Senatore in Venezia 1705. in 4. grande
pag. 838 .
Gemme Antiche figurate , date in luce d'a
Dominico de Rossi , colle sposizioni di
PAOLO-ALESSANDRO MAFFEI Patrizco Volterrano
, &c. Parte terza in Roma 1708. in
4. reale. le gemme sono 102. e le pag
224.
GIORNALE DE LITTERALI D'ITALIA
Tomo IV. 1710.
Della Scienza chiamata Cavalleresca li
bri tre. in Roma 1710. in 4° . pag. sos . le
Marquis Scipion Maffei est l'Auteur de
cet Ouvrage.
Relazione della linea Meridiana Oriszontale
, et della Elissi Polare fabricata in Ro
ma l'anno 1702 ..
Pour tracer à Rome cette Meridiene
et prévenir les variations qu'a essuyé celle
de Boulogne , on a choisi l'Eglise des
Chartreux , qui fut anciennement la principale
Salle des Thermes deDiocletien , parce
que les murs en étant très- solides et
ayant depuis tant de siécles fait leur effet ,
on ne doit plus craindre qu'ils surbaissent
et quittent leur aplomb. Cette ligne horizontale
est de bronze , longue de 205.
Palmes Romains , et incrustée dans de
Far1758
MERCURE DE FRANCE
larges carreaux de Marbre , placez au niveau
, avec toutes les divisions necessaires
pour mésurer exactement les mouvemens
du Soleil , de la Lune et des Etoiles fixes .
Ce sont Mrs Bianchini et Maraldi , tous:
deux de l'Académie Royale des Sciences
de Paris , qui l'ont tracée avec toute la
justesse possible.
Opere di Monsig. GIOVANNI DELL A
CASA , con una copiosa Giunta di Scritture
non piu stampate , &c. in Firenze 1707;
in-4°.
Gymnasii Ticinensis Historia , et vindicie
à sæculo V. ad finem XV. et plura de ejusdem
urbis antiqua nobilitate . Authore ANTONIO
GATTO , in eodem Gymnasio Antecessore,.
&c. Mediolani 1704. in-8 ° . grande pag.
166.*
RELAZIONE e notizia dell' Accademia del
Disegno in Roma.
Cette Societé fut établie dès l'année
478. sous le nom de la Compagnie de
aint Luc. Mais en 1595. elle acquit le
titre et la forme d'Academie . Girolamo
Muziani de Bresse en fut le principal
Promoteur , et Federigo Zuccari le premier
President. On avoit coutume alors
de faire quelques fonctions sólemnelles etd'exciter
des jeunes Gens par des prix que
l'on proposoit , cela se fit particulierement
JUILLET 1731. 1759
ment en 1695. année seculaire de l'Académie.
Mais cette Cérémonie n'arrivoit
que rarement , et se faisoit inter privatos
parietes. Clement XI . considerant la
gloire et l'utilité qu'aportent les beaux
Arts , ordonna que ces Assemblées se
tinssent tous les ans dans une des Salles
du Capitole , et fonda et augmenta le
nombre des Prix , sçavoir trois pour la
Peinture , trois pour la Sculpture et trois
pour l'Architecture , ils consistent en des
Médaillons que ceux qui en sont juges dignes
reçoivent de la main des Cardinaux
qui se trouvent d'ordinaire en grand nombre
à ces Assemblées . Les Sujets sont tirez
de l'Histoire Romaine , et proposez
par les Officiers de l'Académie qui en sont
aussi les Juges.
Gemme antiche figurate , date in luce da
Domenico de' Rossi , colle Sposizioni de
PAOLO- ALESSANDRO MAFFEI , & c . parte:
quarta , in Roma 1709. in - 4 ° . reale. le
Gemme sono 100. e le pagg. delle note:
206.
On ne sçauroit trop estimer ce Recuëil
, dont voici la quatrième Partie ,
les explications du Comte Paul Alexandre
Maffei répondent parfaitement à de
si grands Sujets , et se fontlire avec a utant
de plaisir que d'utilité.
On.
160 MERCURE DE FRANCE
On apprend de Rome que la traduction:
des Comédies de Terence in versi Sciolti,
par M. Fortiguerra , est achevée , et que,
le Cardinal Albani s'est chargé de la faire
imprimer magnifiquement à Urbin , avec
le Texte Latin , tel qu'il se trouve dans le
célébre Manuscrit du Vatican. On fera
graver soigneusement les Figures en miniature
qui se trouvent dans ce Manuscrit,
et qui représentent les Habits et les Masques
dont se servoient les anciens Comiques
Latins.
De Verone , que Tummormanni , Libraire
, a sous presse , Theatro del Signor
Marchese Scipione Maffei ; cioe la Tragedia
, la Comedia e il Dramma non pin
Stampato. Agiunta la Spiegazione d'alcune
antichita pertinential Teatro..
On écrit aussi de Rome que l'Abbé
Georgi , Bibliotécaire du Cardinal Impe◄
riali , a donné au Public le premier Volume
du Rituel des Papes;c'est un in-4.dédié
à Sa Sainteté . Les Ministres du Saint
Office ont fait depuis peu une recherche
exacte dans les Synagogues des Juifs , ils
y ont enlevé cinq Ballots d'une nouvelle
édition du Talmud , faite en Allemagne ,
et remplie de plus de visions et d'extravagances
que les précedentes .
Од
JUILLET. 1731. 1761
On a imprimé à Madrid un Volume
in- Folio, sous le titre de Pictor Christianus
eruditus. Ce sont des Instructions pour
le Costume , dont la plupart des Peintres
ont grand besoin.
On a imprimé à Turin une Relation
sur tout ce qui s'est passé pendant ledernier
Pontificat entre la Cour de Rome et le
Roi de Sardaigne . On croit qu'il y aura
une Réponse de la part du S. Siege.
On mande de Naples que M. Simonetti
, Nonce du Pape , va toutes les Semaines
à Pouzol respirer l'air sulphureux
de cet endroit , que les Medecins croyent
salutaire pour ses maux de Poitrine.
On écrit de Londres qu'on y avoit
appris de Reading dans le Comté de
Berks , qu'on y voyoit actuellement un
enfant agé de cinq ans , fils d'un Paysan
, nommé Benjamin Loder , lequel a
cinq pieds de haut. Il est assez fort à cet
âge pour porter 260. livres pesant , pour
lever d'une main un poids de cent livres
et d'un doigt un poids de cinquante. On
doit amener cet enfant à Londres , pour
le faire voir à la Famille Royale.
Nous
1762 MERCURE DE FRANCE
1
Nous sommes priez d'annoncer au Public
qu'il y a une suite des Médailles Imperiales
d'argent à vendre de la Succession
de M. de Chezelles , Lieutenant général
de Police de Montluçon , décedé en 1730.
Cette suite est de plus de mille Médailles ,
d'une Antiquité indubitable, et d'une trèsgrande
conservation. Il y a à la tête des
Médailles Imperiales , environ soixante
Médailles Consulaires , aussi très- bien
conservées. Il y a encore six belles Urnes
antiques de Verre , d'une forme singuliere
et toutes differentes , avec une Statuë
d'Hercule en Bronze , pesant 17 livres.
On s'addressera à l'Abbaye Sainte Geneviéve
de Paris , au R. P. Prévôt, Bibliotécaire
, et au R. P. Dupineau , Antiquaire
de cette Maison.
Gabriel Martin , Libraire , distribue le
Catalogue de la Bibliotéque de feu M. Bonnet
, Curé de Saint Nicolas des Champs ,
dont la vente a été commencée le 23 .
uillet. Le même Libraire imprime le
Catalogue des Livres de feu M. Dodart
Premier Médecin du Roi , dont la vente
se fera incessamment en détail .
EXTRAIT
JUILLET.
1763 1731.
EXTRAIT d'un Lettre addressée à l'Auteur
du Bureau Tipographique par un
Principal de College de Province , le 12.
Juillet 173 .
J
' Ai reçû , au reste , par M. le Chevalier
de Bauffremont les Lettres que vous
lui aviez remises pour moi. J'ai lû particuliérement
la sixième qui regarde le Rudiment
pratique ; et cette Lecture n'a fait
que me confirmer dans l'idée que j'en
avois déja , qui est qu'on ne pouvoit ima
giner une voye plus simple et plus proportionnée
aux Enfans pour leur appren
dre les Elemens de toutes sortes de Langues.
Je dis plus ; je soutiens que le fond
de votre Méthode qui ne consiste qu'à
commencer par les Operations les plus
simples et les plus débarassées de toutes ces
Observations Grammaticales qui ne font
que brouiller les Enfans ; je soutiens , dis- .
je , que cette Méthode toute seule dégagée
de tout l'attirail du Bureau Tipographique,
est la seule qui convienne aux Enfans.
et j'en fais moi- même ici l'expérience pour
un Neveu de six ans que j'ai auprès de
moi. Je suis même persuadé que les Maîtres
n'en emploiroient pas d'autre , s'ils
comprenoient bien eux-mêmes le Métier
qu'ils
1764 MERCURE DE FRANCE
qu'ils font , et les véritables principes sur
lesquels il est fondé. Mais la plupart n'agissent
que par routine , et se mettent peu
en peine des progrès de l'Enfant , pourvu
que leur honoraire coure toûjours . Je m'imagine
que si votre Méthode prend une
fois bien le dessus , on reviendra de tous
ces vieux préjugez qui n'ont servi jusqu'apresent
qu'à retarder les progrès des Enfans,
en tenant captive l'heureuse facilité
de quelques- uns , et en étouffant le peu
de disposision des autres. Je suis , &c .
L'Académie des Jeux Floraux distribuëra la
troisiéme jour du mois de May de l'année 1732 .
les
quatre Prix ou Fleurs qu'elle doit donner chaque
année.
Le premier de ees Prix est une Amaranthe d'or,
de la valeur de 400 liv. qui est destiné à une Ode.
Le second est une Violette d'Argent , de la vafeur
de 250 liv. qui est destiné à un Poëme de 60
Vers au moins , ou de cent Vers au plus. Le sujet
de ce genre de Poësie doit être héroïque .
Le troisième prix est une Eglantine d'argent
de la valeur de 250 liv.qui est destinée à unePiéce
de Prose , d'un quart d'heure ou d'une petite
demie-heure de lecture , dont le sujet sera pour
l'année 173.2 .
LE SAGE PROFITE DE SES FAUTES.
Le quatriéme Prix est un Souci d'argent , de la
valeur de 200 liv. qui est destiné à une Elegie , à
une Eglogue , ou à une Idyle,
La
JUILLET. 1731. 1765
Le sujet de tous les Ouvrages de Poësie est au
choix des Auteurs ; les Poëmes , les Eglogues , les
Idyles et les Elegies doivent être en Vers Alexandrins
ou à rimes plates .
Les Ouvrages qui ne seront que des imitations,
ceux que l'on reconnoîtra avoit déjà paru,ou qui
traiteront des sujets donnez par d'autres Académies
, ceux qui auront quelque chose de burlesde
contraire aux que , de satirique , d'indécent oy
moeurs , n'entreronr point dans le concours pour
les Prix , non plus que les Ouvrages dont les Auteurs
se seront fait connoître , et pour lesquels ils
auront fait solliciter ou sollicité eux-mêmes. Les
Auteurs qui traiteront des matieres Théologiques
doivent accompagner leurs Ouvrages de l'Appro
bation de deux Docteurs en Théologie.
On doit remettre dans tous le mois de Janvier
de l'année 1732. à M. le Chevalier de Catellan
Secretaire perpetuel des Jeux Floraux , logé près
de la Place du Salin , à Toulouse , trois Copies
bien lisibles de chaque Ouvrage. Le mois de Janvier
expiré , il n'en recevra plus .
L'Académie a délibéré d'observer à la lettre
P'Article dixiéme de ses Statuts , à l'égard de la
- maniere en laquelle les Ouvrages que l'on présente
pour les Prix doivent être remis à M. le Se
cretaire perpetuel, Les Auteurs sont donc avertis
de s'adresser à une personne domiciliée àToulousé
, pour faire remettre leurs Ouvrages à M. le
Secretaire, lequel recevant les trois Copies de chaque
Ouvrage,, en écrira dans son Registre la Sen
tence , aussi- bien que le nom de celui qui le lui
aura remis , qui sera tenu d'en signer le Registre ;
après quoi M. le Secretaire lui délivrera le Recepissé
de l'Ouvrage en la forme accoûtumée .
Ceux qui auront remporté des Prix seront obligcz
1766 MERCURE DE FRANCE
gez de venir les recevoir eux-mêmes , s'ils sont à
Toulouse, l'après midi du troisiéme jour du mois
de May , dans l'Assemblée publique de la distribution
des Prix , au grand Consistoire de l'Hôtel
de Ville ; et s'ils sont hors de portée de venir les
recevoir , ils doivent envoyer une Procuration en
bonne forme , à une personne domiciliée à Toulouse
, qui en la remettant à M. le Secretaire,avec
le Recepissé de l'Ouvrage , recevra le Prix. Après
que les Auteurs se seront fait connoître , on leur
donnera des Attestations , portant qu'un tel , une
telle année , pour tel Ouvrage par lui composé ,
a remporté un tel Prix ; et l'Ouvrage en Original
y sera attaché sous le Contre- Scel des Jeux .
Les Auteurs ne peuvent remporter que trois fois
en leur vie les Prix destinez à chaque genre d'Ouvrage
, après quoi ils ne doivent plus entrer en
lice.
Celui qui aura remporté trois Prix , l'un desquels
sera l'Amaranthe , pourra obtenir des Lettres
de Maître des Jeux Floraux , et il sera toute
sa vie du Corps des Jeux , avec droit d'assister et
d'opiner comme Juge , avec le Chancelier , les
Mainteneurs et les autres Maîtres , aux Aseemblées
publiques et particulieres , qui regarderont
le jugement des Ouvrages présentez pour les Prix.
On avertit que les Recueils des Pieces d'Eloquence
et de Poësie , qui ont été présentées à
l'Academie des Jeux Floraux , pour la di tribution
des Prix de chique année , depuis 1710. fe
trouveront à Toulouse , chez le fieur Lecamus ,
Imprimeur du Roy et de l'Académie des Jeux
Floraux , rue de la Porteries chez le fieur
Huart l'aîné , Marchand Libraise à Paris , ruë
S. Jacques , proche la Fontaine S. Severin , et
cbez
JUILLET . 1731. 1767
ez le fieur Nicolas Lacourt l'aîné , Impri-
* ur du Roy , à Bordeaux , ruë S. James.
EPITAPHE de Madame la Du
chesse de Bruntswich, composée à Vienne ,
par
ordre de l'Impératrice Douairiere sa
Fille , qu'on vient de graver sur son Tombean
, dans le Cloître de l'Abbaye Royale
du Val de Grace.
SISTE VIATOR
Et venerare Nomen quod MAJESTATEM
sapit.
Hic Jacet
SERENISSIMA BENEDICTA.
Quam
EDUARDUS , Caroli Ludovici Electoris
Comitis Palatini
ad Rhenum, Ducis Bavaria , Comitisque
Veldentiæ
Et Spanheimii Frater ,
Atque
ANNA GONZAGA Noviodunensis in
Heduis
FILIA M
Joannes Fredericus Brunsvicensium , er
Luneburgensium Dux
UXOREM
Carolina Felicitas nupta Rainaldo Atestino
, Mutinensium Duci
AUS
1768 MERCURE DE FRANCE
AUGUSTA AMALIA WILHELMINA
JOSEPHI I. ROMANORUM
IMPERATORIS
Vidua
superstes ,
MATREM ,
Auspicato habuerunt.
Effloruit Celsissima Ejus Stirps in
Coronas ;
In Sceptra pullulavit ;
SURREXIT IN SOLIA ;
Gentilitiæque Antiquitatis fulgorem ,
Propriæ virtutis radiis superavit;
Et nimia circumquaque , in orbe , luce
: diffusa ,
Vetustatem æque , ac Posteritatem
dubiam reddidit ,
Plusne ab Antecessoribus receperit ,
Vel contulerit Successoribus ;
Proinde reverere , VIATOR , BENEDICTAM
hanc ,
Feminæ fortis specimen , Principis
Christiane Exemplar ,
Quæ indolem nacta liberalem ,
Amorem in suos ,
Gratiam in familiares ,
Benevolentiam in subditos , Beneficentiam
in miseros ,
Una cum morum suavitate ,
In una sede animi sui , præclaro foedere
Junxit , et Collocavit. -
Tali
JUILLET. 1731 1769
Tali, ac tantæ Principi , nomine, et omine
"
BENEDICTE
Quæ
L X X. et IX . Annis Major
Prid. ID. Aug. Ann . A. P. V. M. D. CC.XXX.
Placide dormiturienti similis
Morte sanctorum ,
SUUM OBIIT DIEM
TU VIATOR
A DEO ,
Requiem et coelitum consortium

apprecare ,
Cum in ea speculum habeas Pietatis ,
Exemplum Probitatis ,
AVITE NOBILIORIS IN DOLIS DECUS ,
ET DOCUMENTUM.
Les beaux Arts viennent de faire une
grande perte en la perfone de Jean - François
Leriget de la Faye, Chevalier , Seigneur
de Condé &c. Secretaire du Cabinet du
Roy , l'un des Quarante de l'Académie
Françoiſe, mort à Paris le 11 Juillet , après
fix jours de maladie , dans la 57 ° année
de fon âge , extrêmement regretté par fes
amis,dont le nombre fait honneur à la mémoire
, par les gens de la plus haute distinction
, par les Etrangers et par le Peuple.
Il avoit été Moufquetaire , Lieutenant
dans le Régiment du Roy,Capitaine d'In-
G fanteric
1770 MERCURE DE FRANCE
fanterie dans le Régiment de Laffé , &
Gentilhomme, ordinaire chez le Roy.S.M.
l'avoit nommé fon Envoyé Extraordinaire
auprès de la République de Génes ; il
ayoit été auffi Sécretaire des Commande
mens de S. A. S. M. le Duc de Bourbon ,
qui l'a toujours honoré de ſon eſtime & de
fa confiance , Secretaire de la Maifon du
Roy & Secretaire de la Province de Bourgogne
. Il fe démit de ce dernier Secretariat
dans une circonftance qui lui fit honneur.
En 1713.il étoit au Congrès d'Utrecht,
chargé de diverfes commiffions. Ce fut lui
qui rapporta la ratification des Traitez au
Roy Louis XIV. Il paffa enfuite en Angleterre
, où il fut feul pendant fix mois
chargé des affaires de France, auprès de la
Reine Anne , de laquelle il eut plufieurs
Audiences particulieres. Il fut generalement
aimé & eftimé dans cette Cour. Et
en effet le caractere doux , fouple & infinuant
de M. de la Faye , étoit très- propre
aux Négociations.Jamais homme n'a paru
fi naturel , fi ouvert , ni avoir moins de
réſerve , & n'a mieux fçû en même tems
l'art de s'arrêter où il falloit , fans rien
emettre de tout ce que la dexterité fine &
déliée de la politique peut employer. Le
Roy lui avoit accordé une penfion de trois
mille livres pour les fervices,
En
JUILLET. 1731. 1771
En 1727. il fit le voyage d'Allemagne
par ordre du Duc de Bourbon , à qui il
étoit attaché depuis long- tems . Ce fut à
fon retour que ce Prince conclut fon mariage
avec la Princefle de Heffe- Rhinfelds,
que M. de la Faye avoit vûë à Rhombourg
en Bohéme .
Le 18. Aouft 17 : 9 . il préfenta ces Vers
à Madame la Ducheffe , pour celebrer fa
naiffance.
Allez , mes Vers , allez à la Princesse ,
Rendre mon hommage en ce jour :
Elle a d'Hébé la grace & la jeunesse ,
Minerve l'éclaira des dous de sa sagesse ,
Sa beauté ravit tout , & Paris & la Cour.
L'aimable douceur qu'elle allie
Aux devoirs , à la Dignité ,
Vous peut faire accueillir ; tout essent sa bonté,
Bien que , fans Apollon , la chanter foit folie ,
Dites , pour excuser votre témérité ,
Que si vous savez mal celebrer la beauté ,
Je me connois du moins en Princesse accomplie.
M. de la Faye joüissoit d'une assez bonne
santé , quoique d'une complexion délicate
; sobre , presqu'insensible au plaisir
de la Table. Il étoit d'une taille médiocre,
mais bien prise; le visage ouvert, le regard
Gij spiri1772
MERCURE DE FRANCE
\
spirituel et fin , accompagné d'un souris
agréable , l'air aisé , prévenant , vif et empressé.
On lui avoit fait l'Opération de
I'Empiéme il y a près de 7 ans. Il n'avoit
point été marié , et ne laisse qu'une soeur ,
veuve du Marquis de Vesc , qui n'a point
d'enfans , et un neveu âgé de 19 ans , fils de
son frere aîné , mort Capitaine au Regiment
des Gardes Françoises. Le Roy vient
de lui accorder la Charge de Secretaire
du Cabinet.
M. de la Faye avoit beaucoup d'amour
et de goût pour les Arts , et il en étoit
l'Amateur et le Bienfaicteur. Il n'épargnoit
rien pour leur avancement et pour
en posseder les belles productions. Le prix
ne le rebutoit point quand il trouvoit
dans un Ouvrage le vrai , le beau et sur
tout le gracieux. La distinction de temps,
de païs , de grande ou foible réputation
d'un nom , ne faisoit aucune impression
sur lui ; en sorte qu'avec un choix exquis
et sans prévention pour les grands Maitres
d'Italie , il avoit fait une collection
considérable d'excellens Tableaux, la plupart
de moyenne grandeur , Flamands ,
François , &c. anciens et modernes ; en´
Estampes , Pierres gravées en creux et en
relief , bronze , figures et bas relief de
Marbre , Porcelaine ; ouvrage de la Chine
-
et
JUILLET. 1731 1773

et du Japon , &c . et on peut dire que ja→
mais aucun Cabinet n'a été si ouvert , ni
d'un accès si facile aux Curieux et aux
Gens de l'Art.
1
Nous ne disons rien des ornemens , de
la symetrie et de l'arrangement de ce Cabinet,
où l'art et le goût se faisoient admirer,
non plus que de sonCabinet de Livres ,
presque tous de Poësie et belles Lettres
précieux par le choix et d'une grande pro
preté.
A son goût pour la Peinture, etc. M.de
la Faye joignoit celui de la Poësie et de la
Musique ; il avoit l'oreille délicate , il expliquoit
fort bien les differentes sortes
d'harmonies, et les divers goûts de chants,
tant de France que d'Italie . Son talent favori
et son amour ardent pour les Vers a
assez paru dans les petits Poëmes que nous
avons de lui , qu'il récitoit si agréablement
et sans trop se faire prier, mais toutefois
sans se jetter , pour ainsi dire , à læ
tête car il étoit toujours le dernier à croire
qu'il eût fait quelque chose de bon . Il avoit
si peu d'amour propre qu'il recevoit avec
plaisir les corrections ; il en adoptoit même
trop légèrement.
M. de la Faye n'étoit pas sçavant profond
, aussi ne s'en piquoit- il nullement,
mais avec un esprit juste , beaucoup de
Giij saga
1774 MERCURE DE FRANCE
sagacité et une excellente mémoire ; il
avoit si bien sçû mettre à profit ses lcctures
et ses liaisons intimes avec les plus
beaux esprits de notre temps , qu'il avoit
acquis une connoissance telle, qu'aucunes
matieres, sur tout de Belles - Lettres, ne lui
étoient étrangeres.
Il avoit voyagé en Italie et dans les principales
Cours de l'Europe ; il s'y étoit acquis
l'estime et l'amitié de quantité de personnes
de considération dont il parloit les
Langues fort correctement et avec une extrême
facilité . Sa Maison étoit ouverte et
tres fréquentée par les Etrangers qui voyagent
en France , et qui ne le quittoient ja
mais sans marquer un déplaisir égal, à l'empressement
qu'ils avoient eu de le voir.
Son extrême affabilité , sa modestie et sa
simplicité rendoient son commerce tresaimable;
il sembloit apporter dans les conversations
, dans les disputes - même, quelque
chose de doux , qui concilioit , et qui
en donnant du mouvement à l'esprit , y
mettoit beaucoup d'agrément; ce qui faisoit
trouver dans ceux qui l'écoutoient des
ressources d'esprit qu'ils n'auroient peutêtre
pas euës sans ce secours . D'ailleurs ,
amusant délicat agréable ; plaisant
dans ces récits , et jamais aux dépens
de personne
, même dans les occa
> >
sions
JUILLET. 1731. 1775
sions où il est quelquefois permis de se
donner un peu de liberté . Dans sa jeunes
se, un peu volage ; mais toujours ami solide
, constant et genereux ; sensible aux
malheurs des affligez , et secourable aux
nécessiteux,
Jamais homme ne fut plus ennemi da
faste et des airs guindez et importans. Il
les méprisoit souverainement dans les autres
, mais il les supportoit patiamment,
sans dire ou témoigner rien de désobligeant
; car le fond de son caractere étoit
d'être continuellement appliqué à détourner
ce qui pouvoit faire de la peine à quelqu'un
, ou à prévenir ce qui pouvoit lui
faire plaisir.
Il s'énonçoit naturellement et toujours
en bons termes , et il avoit l'art de glisser
à propos dans la conversation , selon le
caractere des personnes , des matieres con.
venables et toujours variées par quelque
chose d'ingénieux , de piquant et de guai.
Il n'est pas surprenant qu'avec ces qualitez
, une humeur égale , et un esprit enjoüé
, M. de la Faye fût souhaité dans le
commerce du monde ; aussi l'aimoit-il
beaucoup. Il sembloit être né plus préci
sément que les autres hommes pour la
société , et je ne sçai si on ne pourroit pas
le regarder comme un modele à cet égard.
Gilij Au
1776 MERCURE DE FRANCE
Au reste , il ne parloit jamais de lui que
pour faire sentir qu'il se plaçoit toujours
au dessous des autres , et presque toujours
à la derniere place , lors même que personne
n'auroit pû lui disputer la premiere.
Il ne connoissoit presque point d'inferieur
, pas même dans son Domestique.
Nos sensibles regrets , fondez sur quelques
liaisons d'amitié , ont peut être donné
trop d'étendue à cet article ; nous le terminerons
par ce trait remarquable de feu
M. l'Abbé de la Grange-Trianer , Chanoine
de N. D. l'homme peut- être le plus
poli de notre siecle , et l'esprit le plus fin
et le plus délié : il disoit que si pour donner
une idée juste et avantageuse du caractere
gracieux et poli des François , il
falloit choisir parmi nous un homme propre
à voyager dans les Païs Etrangers; le
choix devoit tomber sur M. de la Faye.
Il n'est donc plus cet homme aimable
Qui sçavoit allier un génie agréable ,
Aux plus pures clartez de la droite raison !
Cet ami tendre et sécourable ,
Ce Poëte comblé des faveurs d'Apollon !
Grands Dieux ! la Parque inéxorable
A déployé sur luy, ses funestes rigueurs ;
Et vous l'avez permis ! mais la douleur m'a ccable
.
Non
JUILLET. 173T. 1777
Non , non , le Ciel est équitable
La Faye vit encore ; il vit dans tous les coeurs.
Amoris triste Monumentum.
Par l'Abbé de Neuville.
Voici d'autres Vers d'un excellent
Poëte , qui nous sont tombés entre les:
mains, et qui caracterisent bien celui qui
donne lieu à cet Article .
Je vois le cas dont j'étois desireux ;
Malgré l'envie et sa triste rancune ,
Je vois enfin le vrai merite heureux ,
Et ne manquant de recompense aucune ::
La Faye a joye , amis , santé , pecune.
Or désormais gens à plume ou pinceau ,
Avisez-y , quand peindrez la Fortune :
Elle y voit clair , peignez - là sans bandeau..
Quantité de personnes vont voir aux Gol
lins , chez M. Charles Parossel , Peintre de l'Académie
Royale de Peinture , un Tableau de sa
composition , de 22. pieds de large sur 12: de
hauteur , entierement rempli d'ouvrage et qui
fait un effet admirable . Il représente la Cavalcade
et l'arrivée au Palais des Thuilleries de
Mehemet- Effendi , Ambassadeur du Grand Sei--
gneur , arrivant au Palais des Thuilleries pour
avoir son Audience du Roy. C'est une des pluss
belles Ordonnances et des plus nombreuses qu'on
G puisse
17778 MERCURE
DE FRANCE
puisse mettre daus un Tableau. Les Figures sur
la premiere ligne sont à peu prés grandes comme
demi nature , et paroissent beaucoup plus grandes
par la force du Coloris , la distribution des
groupes , la justesse du dessein , la distribution
du jour et des ombres , tout paroît animé ; les
Chevaux surtout sont d'une force et d'une position
admirable . On voit dans la seconde ligne
du Tableau les Gardes Françoises et Suisses , les
Officiers à la tête , et sur la troisiéme ligne une
foule de Spectateurs dont les differens caracteres
font un extrême plaisir. Ce magnifique Tableau
qu'on va mettre en Tapisserie pour le Roy , fait
beaucoup d'honneur au talent de M. Parossel.
Ces deux Tableaux doivent être suivis de deux
autres du même Auteur, dont on voit les esquis
ses qui réprésenteront la Marche à pied de
l'Ambassadeur et de sa suite , dans leJardin des
Thuilleries , et son départ aprés l'Audience.
Il paroit depuis peu deux trés-belles Estampes
en hauteur , de même grandeur , excellement
gravées par M, Louis Desplaces , d'aprés deux
beaux Tableaux du Cabinet du Duc de Mortemart
, peints Par M. Parossel , réprésentant.
deux Chasses du Lion et du Tigre..
On croit devoir avertir les Curieux , que
dans le nombre de Tableaux choisis , trouvés
dans la succession de M. Perrault , Grand
Maitre des Eaux et Forests, du département de
Bourgogne , que ses heritiers doivent vendre ,
il y en a deux de distinction.

Le premier est original du célebre Annibal
Carache , de cinq pieds neuf pouces de hauteur
sur douze pieds et demi de longueur. Ce Tableau
est terminé en demi ceintre les figures
"
sont
JUILLET. 1731. 1779
sont plus grandes que le naturel . On y voit la
Sainte Vierge au milieu ,
assise dans une espece
de Thrône , élevé sur des marches ; elle tient
l'Enfant Jesus debout qui se tourne vers S. Charles
Borromée , lequel est à genoux à sa droite , revêtu
de sa cappe rouge. Ce Saint Cardinal a les
mains jointes dans une attitude qui exprime parfai
tement son humilité et sa ferveur. Il paroit derriere
un jeune Clerc ou porte-Croix qui n'est
presque qu'en buste , et qui semble regarder les
Spectateurs. On prétend que le Peintre s'est peint
lui-même dans cette figure , dans laquelle la
distraction et la vivacité , si propre à la jeunesse
, est aussi parfaitement exprimée , que la
ferveur et la pieté dans celle de S. Charles.
On voit deux autres Figures à la gauche de
la Sainte Vierge , S. Joseph et S. François d'Assise
. On lit sur la seconde marche du Thrône
ces paroles. Gio Mariâ rial , feçë fare.
Ce fameux Tableau qui est peint à quelque
égard dans le goût du Titien et d'une excellen
te beauté , se conserve chez les heritiers de feu
M. Perrault à Châlons sur Saône.
L'autre Tableau est original d'Albert Dure',
peint sur bois , représentant les sept Sacremens
de six pieds trois pouces de hauteur sur trois pieds.
un pouce de largeur . C'est l'interieur d'une Égli→
se,"d'une noble et superbe Architecture ; au milieu
de laquelle est placé un grand. Crucifix.
On voit au pié de la Croix la Sainte Vierge de
hout accablée de douleur , soutenuë par S. Jean
er les deux Maries. On voit un Autel principal
où un Prêtre célebre la Messe , de même qu'à
d'autres Autels , placés dans des Chapelles , et
plusieurs autres figures .
Deux autres Tableaux , de trois pieds neuf
pouces
1780 MERCURE DE FRANCE
pouces de hauteur sur 23. pouces. de largeur chacun
, pour être placés à côté de celui qu'on
vient de décrire , représentent les six autres Sacremens
administrés par un Evêque et des Prê
tres.
Ce Tableau est en dépôt à l'Arcenal , chez
M. le Commissaire general des Poudres à Paris.
Il y a aussi des Figures de Bronze , des Brutes
et Bas-reliefs , Antiques et Modernes , d'un
excellent goût ,
On donne avis aux Curieux , que l'on a mis
en vente depuis peu deux Estampes nouvellement
gravées d'après les Tableaux originaux de Watteau.
La premiere représente la Contredanse ,.
gravée par Brillon . La seconde est la Surprise ,.
gravée par Audran. Elles se vendent à Paris
avec toutes celles qui ont été gravées précedemment
, chez la Veuve de François Chereau
ruë S. Jacques , aux deux Pilliers d'or , et chez
Surugue , rue des Noyers , vis- à- vis S. Yves.
Il va aussi paroître dans peu une suite d'Es
tampes gravées d'après les Figures Chinoises ,
peintes par le même Watteau , dans le Cabinet
au Roi au Château de la Muette.
On acheve , autant qu'il est possible , de gra
ver tous les Tableaux de ce gracieux Peintre , ce
qui formera'une OEuvre des plus interessantes qui
ayent encore paru.
Nous avons averti le mois passé que lè sicur
L. Surugue , Graveur du Roy , donneroit incessamment
les six et septiéme Estampes du Roman
Comique de Scaron ; mais le desir qu'il a de
remplir l'attente du Public dans cet Ouvrage ,
ne lui permettant pas d'en délivrer aucune Piece
qu'elle
JUILLET. 1731. 1781
quelle ne soit en êtat d'avoir son Approbation ,.
il donne seulement à present la sixième Estampe,
qui est l'Arrivée de l'Operateur à l'Hôtellerie.
Il a fait venir d'Allemagne , sur la demande de
plusieurs personnes distinguées , de très - jolies
Estampes colorées , faites exprès pour Iss Ouvrages
de Découpures , dont on trouvera les assortimens
chez lui , à l'entrée de la rue des Noyers ,
vis-à-vis. le mur de S. Yves.
Le goût pour la Musique devenant tous les
jours plus universel , on a établi au mois d'Avril
dernier une Académie de Musique à Nancy ,
sous la protection et par Lettres Patentes du Duc
de Lorraine , qui en approuve les Assemblées et
les Statuts et Reglemens des Académiciens , selon:
lesquels chaque Académicien ordinaire et honoraire
payera cent livres par an. Les Concerts :
qu'on donnera le Jeudi et le Dimanche de chaque
Semaine , commenceront à cinq heures. Les Aca
démiciens Ordinaires et Honoraires , pourront
conduire deux Dames au Concert ; les Académi–
ciens Asso ciez , une Dame seulement. L'entrée
sera interdite aux enfans au- dessous de l'âge de
dix ans..
Le 19. Article des Reglemens regarde les Sujets
qui pourroient être utiles à l'Académie et hors .
d'état d'avoir des Maîtres et des secours , à quoi
l'Académie pourvoira. Le Sceau de cette Acadé…
mie représente une Lyre avec cette Devise
Allicit etsociat.
Sur les Découvertes dont nous avons parlé
dans le dernier Mercure , page 1560. au sujet des
differentes manoeuvres qu'on peut faire au fond
de la Mer M. Vergile a. donné à l'Académie
Royale:
1782 MERCURE DE FRANCE
Royale des Sciences un Memoire et les instructions
necessaires , surquoi Mrs de Cassini et Pitot,
Membres de cette Académie , et nommez pour
examiner ces Découvertes , ont dit leur sentiment
à M. Vergile , en ces termes.
et
Nous déclarons que M. Vergile nous a fait voir
une Lanterne qu'il alluma à l'air , et l'ayant fermée
elle s'éteignit un moment après. La Lanterne
fut encore rallumée et ensuite fermée
comme elle alloit s'éteindre , elle fut enfoncée
dans l'eau où elle se ralluma tout- à - fait et où elle
éclaira pendant l'espace de trois minutes , quoiqu'elle
fûr entierement couverte d'eau .
Par l'explication du Mécanisme de cette Lanterne
que M. Vergile nous fit , nous avons reconnu
que cette Lanterne peut éclairer à une grande
profondeur d'eau , et qu'on peut aisément en
augmenter la durée.
Cette Lanterne n'a aucune communication
avec l'air superieur .
M. Vergile prétend, encore avoir fait des Découvertes
bien plus considerables , sçavoir
Un moyen sûr et facile de trouver les Vaisseaux
qui ont coulé bas.
Un moyen sûr et facile de remettre à flot ces
mêmes Vaisseaux , pourvû toutefois , qu'ils ne.
soient point adherens au fond de la Mer.
Un moyen sûr et aisé de faire rester dans l'eau
un homme sans incommodité , et en état de manoeuvrer
de toutes les façons pendant 20. et 30 .
heures ; il pourra même y manger et y
boire..
M. Vergile nous expliqua le moyen de trouver
les Vaisseaux au fond de la Mer..
Sur quoi il nous a paru que le moyen a toutes
les qualitez proposées , et qu'il est de peu de dépense
, pourvu toutefois que le moyen de respirer
dans
JUILLET. 1731. 1783
dans l'eau , qu'il suppose , soit sûr , et c'est sur
quoi nous ne pouvons rien dire , M. Vergile
n'ayant pas trouvé à propos de nous le déclarer.
Il en est à peu près de même du moyen de
manger et de boire , qui est sûr , pourvû que d'ailleurs
l'homme qui est dans l'eau puisse respirer.
M. Vergile n'a pas expliqué sa manoeuvre pour
retirer les Vaisseaux du fond de la Mer et les remettre
à flot ..
Le sieur Maillard , Maître Menuisier et Machiniste
, a obtenu le premier Juin 1731. le Privilege
exclusif de fabriquer , vendre et debiter seul deux
Chaises mouvantes, de son invention ; l'une pour
se faire mener par un homme assis derriere, où il
y aura un Volant capable d'augmenter considerablement
la force de l'homme et de soulager ses
bras ; l'autre pour se promener et faire aller soimême
, par le même mouvement , la Chaise roulante
, posée sur trois roues. L'Académie Royale
des Sciences a approuvé et reconnu l'utilité de
cette Invention par un Certificat.
a encore inventé plusieurs autres Machines ,.
comme un Cigne qui paroît vivant , jusqu'à s'y
tromper , qui a du mouvement dans la tête et
dans le col , et qui a la même allure sur l'eau .
Un Cheval Marin en petit , qui tire une Gondole
où paroît Apollon au milieu des Muses , qui
ont du nouvement .
Un petit Cheval , qui part d'une vitesse surattelé
à une Calêche , dans laquelle sont
prenante ,
deux petites Figures à terre..
On voit encore chez lui deux Phaetons o
Calêches sans ressorts ni soupentes , tirées chacune
par un Cheval naturel , fort differentes de
tout ce qu'on a vu jusqu'à present en ce genre ,.
Pune
7784 MERCURE DE FRANCE
Pune est propre pour la Chasse et pour aller
dans les bois touffus où à peine un cheval peut
passer. L'autre montée sur un Train de Chaisede
Poste très solide et très - douce, sans ressorts ni
elle pesera environ 600. livres et coûtera
beaucoup moins que les Chaises de Poste ordinaires
, parce qu'il y aura beaucoup moins de:
ferrare.
soupentes ;
>
Le sieur Maillard , dans ses nouvelles Machines
a joint l'utile à l'agréable. Il demeure Fau
bourg S. Honoré , rue de la bonne Moruë , dont
un bout donne dans la Place du Pont Tournant.
des Thuilleries.
SUR LE RETOUR
A
DU PRINTEMPS ,
COUPLETS ,
A Mademoiselle D.. L..
L'ombre de ce Hêtre ,
Un Berger d'alentour ,
Sur sa Flute champêtre ,
Fredonnoit l'autre jour ;
Doux Printemps , ta naissance ,
fait naître mille ardeurs ,
» Et ta seule présence ,
Ranime tous les coeurs..
La
Juille
Vivement.
* 2
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN
FOUNDATIONS.
ARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
JUILLET. 1731. 1785
La Chanson se répete ,
Belise enfin l'entend :
Elle accourt , et seulette ,
Vient trouver son Amant :
La Candeur , l'Innocence "
Accompagnent ses pas ;
Mais un air d'indolence ,
Relevé ses appas.
D'une subite flâme
Le Berger transporté ,
2.
Rappelle dans son ame ,
En vain la liberté :
Il se trouble , il chancelle
Il pousse des soupirs ;
Et les yeux de la Belle ,
Irritent ses desirs .
Bergere , qui t'amene ,
Lui dit-il , dans ces lieux ?
Viens- tu finir la peine ,
Que causent tes beaux yeux ?
Voi , dessous ton Empire ,
Ce que souffre mon coeur ;
Songe que mon Martire ,
Condamne ta froideur.
Depuis
1786 MERCURE DE FRANCE
Depuis maintes années ,
Je languis près de toi ,
Bornant mes destinées ,
A vivre sous ta loi ;
Mais toujours inhumaine ,
Et rebelle à mes feux.
Tu te ris de ma peine ,
Tu méprises mes voeux .

A ce tendre reproche ,
Bélise se rendit ;
Son coeur toûjours de roche ,
En vain se deffendit ;
Ah ! c'en est trop , dit-elle ,
Amour est mon vainqueur ,
Reçoi , Berger fidele ,
Le prix de ton ardeur
Ε Ν Τ Ο Υ.
Imitons , Eulalie ,
Leur conduite en ce jour ;
Aimons , mais sans folie ;
Suivons le Dieu d'Amour.
L'amitié qui nous presse ,
A des charmes plus doux ;
C'est Vertu , c'est Sagesse ,
De ceder à ses coups .
Par M. N. C.
LES
(
JUILLET . 1731. 1787
LES VESTALES.
Pour garder le feu de Vesta ,
Crédules Romaines ,
Ah ! que de peines ,
Que de gênes ,
Il vous en coûta !
Nourrir le feu d'un tendre amour ,.
Est un emploi bien plus facile ,
Et plus utile :
Son ardeur brille ,
Et sans aucun soin s'accroît de jour en jour.
Sa puissance est divine ;
Elle détermine ,
Tous nos desirs.
Elle est la seule origine ,
De tous nos plaisirs ;
Elle agit et domine ,
Sur l'Univers ,
Et remplit la Terre , les Mers ,
Les vastes Airs.
M. Dornel , Maître de Musique et Organiste
de sainte Geneviève , qui a fait l'Air de ces paroles
, s'est déja fait connoître par divers bons Ouvrages
Il vient de publier encore un Livre qui contient
48 Pieces de Clavecin fort estimées et de très - facile
execution. Ce Livre se vend chez l'Auteur,
Mon1788
MERCURE DE FRANCE
Montagne sainte Genevieve , au Mont Parnas–
se , ruë S. Jean de Beauvais , ruë S. Honoré ,
la Regle d'Or , et rue du Roulle, à la Croix d'Or.
के
SPECTACLE S.
LES
Es Comédiens François , ont remis
au Théatre au commencement de ce
mois une petite Comédie d'un Acte en
Prose , avec un Divertissement du feu
sieur Dancourt , intitulée , les Eaux de
Bourbon , qui eut un très- grand succès
dans sa nouveauté au mois d'Octobre
1696. mais les temps sont bien changez
et le goût des Spectateurs bien autrement
rafiné et blen plus difficile à satisfaire :
certe Piece n'a pas fait grand plaisir. Dans .
leBallet, deux personnages équipez en malades
beuveurs d'eau , paroissent dancer
dans des Fauteuils , ce qui fait une singularité
réjouissante .
Au contraire de la Piece dont on vient
de parler , la Comédie du Distrait , de
feu M.Renard, n'ayant eu que troisReprésentations
dans sa nouveauté , au mois
de Decembre 1697. est aujourd'hui assez
goûtée pour attirer bien du monde . Le .
sieur de Montmesnil y joüe fort bien le
principal
JUILLET. 1731. 1789
principal Rôle , & les autres y sont aussi
très -bien remplis.
Cette singularité nous engage à faire
ici quelques reflexions sur cette Piece.
On ne sçauroit justifier le jugement
qu'on semble porter aujourd'hui du Distrait
, sans condamner en quelque maniere
celui qu'on en porta autrefois ; on
peut cependant prendre un temperament
entre deux décisions si opposées , en disant
que la Piece n'est pas trouvée meilleure
qu'elle l'a parû dans sa naissance ;
mais qu'on s'y divertit davantage , parce
qu'on ne la revoit que comme une farce
pleine de gayeté ; au lieu que l'Auteur
avoit , sans doute , prétendu la donner
comme une Comédie dans les formes ;
ainsi la Critique ayant déja prononcé sur
la maniere dont les Connoisseurs devoient
la recevoir , nous n'y apportons
plus cette séverité qui l'avoit proscrite;
l'indulgence des Spectateurs fait grace
M. Renard , du peu de soin qu'il a pris
d'observer les regles , et le livre tout entiers
au plaisir qui résulte de cette irréu
larité.
à
En effet tout le monde convient que le
plus,honnête personnage de la Piece est cefui
deLéandre, dont l'Auteur a vouluétaler
le prétendu ridicule; nous disons prétendu ,
parce
1790 MERCURE DE FRANCE
parce qu'il ne dépend non - plus de nous de
n-être point distraits , qu'il n'est au pouvoir
d'un aveugle de jouir de la lumierczon
ne doit pas considerer la distraction comme
un vice, et l'Auteur même en convient
par ces Vers qu'il met à la bouche du Distrait
, dans le quatriéme Acte , Scene VII .
Ma maniere est fort bonne , et n'en veux point
changer.
Je ne ressemble point aux hommes de notre âge ,
Qui masquent en tout temps leurs coeurs et leur
visage ,
Mon deffaut prétendu , mon peu d'attention ,
Fait la sincerité de mon intention.
Je ne prépare point avec effronteric ,
Dans le fond de mon coeur d'indigne menterie į
Je dis ce que je pense et sans déguisement ;
Je suis sans refléchir mon premier mouvement.
Un esprit naturel me conduit et m'anime ;
Je suis un peu distrait , mais ce n'est pas un crime,
Leandre est bien modeste de se contenter
de conclure que sa distraction n'est pas
un crime ; il auroit pû avancer hardiment
qu'elle n'est pas un vice , puisqu'il en faiț
une vertu dans tous les Vers precedents.
Madame Grognac , qui prétend devenir
sa belle-mere , en parle à peu près de même
au premier Acte , où elle dir :
Je
JUILLE T.
1799 1731
Je sçais bien qu'à parler de lui sans passion ,
Il est particulier dans sa distraction .
Il répond rarement à ce qu'on lui propose ;
On ne le voit jamais à lui dans mille choses ;
Mais ce n'est pas un crime en lui d'être ainsi fait;
On peut être , à mon sens , homme sage et distrait,
Voilà quel est notre Distrait, selon luimême
et selon sa prétenduë future bellenere
; il est un peu moins bien dans l'esprit
de son Valet Carlin. Voici le Portrait
qu'il en fait ;
C'est un homme étonnant et rare en son espece ;
I rêve fort à rien ; il s'égare sans cesse ;
Il cherche , il trouve , il broüille , il regarde sans
voir ;
Quand on lui parle blanc , souvent il répond
noir ;
Il vous dit non pour cüi , oüi pour non ; il ape
pelle ,
Une femme Monsieur , et moi Mademoiselle ;
Prend souvent l'un pour l'autre ; il va sans sçavoir
où ;
On dit qu'il est distrait ; mais moi , je le tiens fou.'"
Dailleurs fort honnête homme , à ses devoirs
austere ,
Exact et bon ami , genereux , doux , sincṛte ;
Aimant
1792 MERCURE DE FRANCE
Aimant , comme j'ai dit , sa Maîtresse in Heros;,
Il est et sage et fou; voilà l'homme en deux mots
Ce portrait de Carlin paroît le plus
ressemblant ; mais , ni comme sage , ni
comme fou , il ne peut être le sujet d'une
Comédie ; le sage ne doit pas être joué ,
et le fou ne peut pas être corrigé.
D'où il est aisé de conclure que M. Renard
n'a choisi ce caractere que pour ouvrir
un champ plus vaste à son imagination
les incidens naissant en foule dans un sujet
si fécond en quiproquo ; en faut-il davantage
pour faire réussir une Piece où
l'on ne se propose point d'autre fin que
de faire rire ?
Nous passerons plus legerement sur les
autres caracteres , ils sont défectueux jusqu'à
révolter les personnes les moins délicates.
Le Chevalier que l'Auteur a prétendu
opposer au Distrait , est un étourdi , ou
plutôt un fou à mettre aux petites Maisons
, et de plus , de très-mauvaises moeurs ;
on en peut juger par la correction que son
oncle lui fait ; la voici :
Vous vous faites honneurd'être un franc libertin,'
Vous mettez votre gloire à bien tenir du vin ;
Et lorsque tout fumant d'une vineuse haleine ,
Sur
JUILLET. 1731. 1793
Sur vos pieds chancelants vous vous tenez à peine,
Sur un Théatre alors vous venez vous montrer ;
Là , parmi vos pareils on vous voit folâtrer ;
Vous allez vous baiser comme des Demoiselles ,
Et pour vous faire voir jusque sur les chandelles ,
Poussant l'un , heurtant l'autre , et contant vos
exploits ,
Plus haut que les Acteurs , vous élevez la voix ;
Et tout Paris témoin de vos traits de folie ,
Kit plus cent fois de vous que de la Comédie.
L'oncle ne charge point le caractere ?
c'est ce que le neveu va justifier lui-même
en sa presence.
Mais que fais-je donc tant , Monsieur , ne vous
déplaise ,
Pour trouver ma conduite à tel excès mauvaise ?
J'aime , je bois , je joue , et ne vois en cela
Rien qui puisse attirer ces réprimandes-là , &c .
De -là je pars sans bruit ,
Quand le jour diminuë et fait place à la nuit ,
Avec quelques amis , et nombre de bouteilles ,
Que nous faisons porter pour adoucir nos veilles,
Chez des femmes de bien dont l'honneur est entier
,
Et qui de leur vertu parfument le quartier.
Là, nous perçons la nuit d'une ardeur sans égale;
H Nous
1-94 MERCURE DE FRANCE
Nous sortons au grand jour pour ôter tout scandale
,
Et chacun en bon ordre aussi sage que moi ,
Sans bruit au petit pas se retire chez soi.
Cette vie innocente est - elle condamnée ?
Ne faire qu'un repas dans toute une journée !
Un malade , entre nous , se conduiroit- il mieux ?
Ce qu'il y a de plus déreglé dans la
Piece , c'est que l'oncle n'aspire qu'à rendre
heureux un neveu si indigne de l'être,
ce qui ne sçauroit faire qu'un troisiéme
caractere très - vicieux .

Pour celui de Madame Grognac , il n'a
rien de beau que d'être conforme à son
nom ; elle est d'une gronderie et d'une misantropie
tout- à- fait insupportable ; elle a
des duretez pour Isabelle sa fille , qui ne
sont rachetées par aucune complaisance ,
mais ce n'est point là ce qu'il y a de plus
déplorable pour cette pauvre innocente ;
l'amour que le Chevalier lui a inspiré ,
excite pour elle la pitié des Spectateurs ;
on la plaint de la voir aussi malheureuse
en Amant qu'en Mere , et c'est- là peutêtre
le seul interêt qui regne dans la Piece .
Clarice aussi heureuse qu'Isabelle , est
menacée d'être malheureuse ; elle aime
Léandre , dont tout le deffaut est d'être
distrait , deffaut qui devroit la faire tenir
en
JUILLET. 1731. -1795
en garde contre les effets qu'il produit sur
elle , puisqu'elle lui dit elle- même , après 、
une justification sur une prétenduë infidelité.
Quels que soient vos discours pour me persuader,
J'aime trop pour ne pas toûjours appréhender.
Mais ces distractions qui vous sont naturelles ,
Me rassurant un peu de mes frayeurs mortelles ;
Je vous juge innocent, et crois que votre erreur,
Provient de votre esprit plus que de votre coeur.
On voit bien par les deux premiers
Vers de ce sizain , que l'Auteur est allé
au- devant de l'objection , en attribuant les
craintes de Clarice à l'excès de son amour.
Pour ce qui regarde l'intrigue de la Piece
, on peut dire qu'il n'en a guere coûté
à l'imagination de l'Auteur pour la produire
, le caractere qu'il traite suffit, comme
nous l'avons déja dit , pour en faire
le noeud par les incidens qu'il fait naître,
et le dénoüment est une mauvaise copie
de celui des Femmes Sçavantes ; voici en .
peu de mots toute l'intrigue.
Madame Grognac , mere d'Isabelle
fondée sur un dédit signé entre elle et un
oncle de Léandre , veut que ce Léandre
épouse sa fille ; elle ne veut point
absolument du Chevalier pour son gen-
Hij
dre ;
1796 MERCURE DE FRANCE
dre ; ce dernier , outre les deffauts révoltans
dont nous avons ppaarrlléé ,, lui manque
de respect jusqu'à lui faire danser une
Courante malgré elle ; Valere , oncle du
Chevalier et de Clarice , veut faire un
double mariage entre ces Amans , et ce
mariage est au gré de leurs desirs , puisque
Clarice aime Léandre et en est aimée,
et que le Chevalier et Isabelle s'aiment
aussi réciproquement 5 Valere réserve une
dot de cinquante mille écus à Clarice sa
niece , et donne le reste de son bien au
Chevalier , son indigne neveu voilà le
noeud de la Piece , en voici le dénouement,
Carlin , Valet de Léandre, feint d'arriver
rout fraîchement et tout botté , d'un voyage
qu'il avoit fait avec son Maître , dont
T'oncle étoit à l'extremité; il anonce hardiment
que cet oncle vient de mourir, et qu'il
a desherité son neveu, parce qu'il a appris
qu'il ne vouloit pas épouser Isabelle, malgré
le dédit fait entre Madame Grognac sa
mere , et lui , oncle de Léandre. Madame
Grognac devient le Trissotin de la Piece;
elle n'a pas plutôt appris que Léandre n'a
rien , qu'elle lui dit qu'il peut chercher
fortune ailleurs. L'oncle du Chevalier
profite
de cette conjoncture pour lui faire
accepter son neveu pour gendre ; elle se
contents
JUILLET 1731. 1797
contente de dire qu'il est bien étourdi ,
et qu'elle a encore sur le coeur la Courante
qu'il lui a fait danser ; elle signe
le Contrat à condition qu'il se corrige-
Fa , et que son oncle lui en répondra . Le
Contrat signé , Valere donne Clarice , sa
niece,à Léandre ; Madame Grognac trouve
fort étrange qu'il marie sa niéce à un
homme qui vient d'être desherité , il lui
avouë la petite fourberie qu'on lui a faite
pour la faire consentir au mariage qu'elle
vient de signer ; et comme elle fait éclater
sa mauvaise humeur contre sa fille
son nouveau gendre lui dit :
J'ai , si vous la grondez , un Menuet tout prêt ,
La Piece finit par un dernier trait de
distraction. Le voicy .
Léandre à Carlin.
Toi , Carlin , à l'instant prépare ce qu'il faut ,
Pour aller voir mon oncle et partir au plutôt.
Carlin.
Laissez votre oncle en paix ; quel diantre de lan
gage ?
Vous devez cette nuit faire un autre voyage ;
Vous n'y songez donc plus ; vous êtes marié.
Léandre.
Tu m'en fais souvenir ; je l'avois oublié .
Hij Voilà
1799 MERCURE DE FRANCE
Voilà une partie des Refléxions qu'on
a faites sur la Comédie du Distrait ; cette
Piece n'a peut- être mérité ni de tomber
aussi brusquement qu'elle fit autrefois , ni
de réussir aussi heureusement qu'elle fait
aujourd'hui , cela n'empêche pas qu'on
ne doive rendre à M. Regnard la justice
qui lui est due c'est que personne n'a
mieux possedé que lui le talent de faire
rireset c'est par là que ses Pieces de Théatre
sont plus aimées qu'elles ne sont estimées.
Le 7 , l'Opera Comique donna une
Piece d'un Acte en Vaudeville , intitulée
Monde Renversé. Elle avoit été représentée
dans sa nouveauté à la Foire S. Laurent en
1718. Cette Piece est suivie de deux Aczes
de la France Galante et terminée parla
Guinguette Angloise , exécutée par les mêmes
Danseurs dont on a déja parlé dans le
premier Volume de Juin.
Le 1 2. on supprima un des deux Actes
de la France Galante , et on donna à la płace
l'Isle des Amazones , autre ancienne
Piece d'un Acte faite en 1718. On en peut
voir le sujet dans le Recueil du Théatre
de la Foire.
Jamais le goût pour les Spectacles n'a
été si général , et jamais tant de jeunes.
Gens
JUILLET. 1731. 1799
Gens ,depuis le Bourgeois jusqu'aux Personnes
de la plus grande qualité , ne se sont
appliquez avec tant d'ardeur à l'Art de la
Déclamation , auquel quelques- uns réüssisent
avec un naturel , des graces et une
finesse admirable. Dans plusieurs Maisons
de Paris , des personnes de mérite et de
bon goût , d'un même quartier , s'assemblent
, et se font un plaisir de représenter
des Tragédies et des Comédies des meilleurs
Auteurs ,avec beaucoup de justesse et
de précision , ce qui donne une grande satisfaction
au petit nombre de Spectateurs
choisis qu'on veut bien admettre dans ces
agréables amusemens.
Parmi ces Sociétez , il en est une qui
merite assurément d'être distinguée : les
Acteurs , dont le nombre n'est pas grand ,
s'attachent à ne représenter que des Pieces
que quelques uns d'entr'eux ont
composées eux -mêmes , et comme le mérite
et les talents se trouvent réunis dans
-
cette Societé , on ne craint point de
dire à l'égard de ces petites Comédies
que pour l'imagination
, la sagesse des
moeurs , et la finesse de l'exécution , elles
pourroient donner de la jalousie aux plus
babiles de l'Art.
3.
Dans quelques - unes des plus belles maisons
aux environs de Paris , on a dressé
Hij des
1800 MERCURE DE FRANCE
de petits Théatres fort bien ajustez et
ornez avec gout , où les meilleures Pieces
qu'on voit au Théatre François , sont
souvent représentées par de très - bons Sujets
, en présence de très- nombreuses et
très brillantes Assemblées.
*
Cette inclination pour le Théatre doit
être plus étenduë qu'on ne croit , car on.
apprend de Bruxelles que le 27. May
le Duc de Lorraine , à qui on avoit déja
donné quantité de Fêtes , assista à la Comedie
, intitulée , la Critique de l'Europe
Galante , ou le Mariage d' Arlequin , représentée
par des Bourgeois Flamands.
NOUVELLES ETRANGERES.
D
TURQUIE ET PERSE.
Es Lettres de Constantinople confirment
la Bataille donnée dans la Grande Armenie ,
entre les Persans et les Turcs , les premiers
avoient une armée plus nombreuse que les derniers
, mais ceux - cy ayant appris que leurs ennemis
venoient de recevoir plusieurs pieces d'Artillerie
, et qu'ils se preparoient à les venir atta
quer jugerent à propos de les prévenir : ce qu'ils
rent , si à l'improviste et avec tant de succès
qu'ils n'eurent pas beaucoup de peine à les renverser
JUILLET. 173г. 18ot
Werser , et à les obliger de passer la Riviere
d'Erach , où un nombre de Persans ont été noyés, -
cependant on ajoûte que ces derniers se rassembloient
de l'autre côté de cette Riviere pour tenter
une seconde Bataille : ce qui fait juger que
leur perte n'est pas aussi grande que les Turcs
l'ont publiée.
Ces Lettres ajoûtent qu'il y avoit souvent des
querelles entre les Janissaires et les Soldats de la
Marine que la charge de Capitan Pacha done
Cianum - Coggia avoit été revêtu par le nouveau
Sultan , avoit aussi été donnée depuis peur
au Pacha de Rettimo , et que le Mufti avoit été
deposé ; que le Pacha qui a gagné la derniere
Bataille en Perse , avoit renvoyé plusieurs Persans
prisonniers de guerre aprés leur avoir fait
couper le nez et les oreilles en représailles d'un
pareil traitement que le Roy de Perse fit l'année
derniere à quelques Tures qui étoient tombés.
entre ses mains Ces Lettres ne confirment point
que le Roy de Perse ait été noyé ; on assure
au contraire que ce Prince avoit rassemblé leg
restes de son Armée , et qu'il attendoit un renfort
considerable de troupes que le Grand Mogol
devoit lui envoyer.
On a appris par d'autres Lettres , que le Patriarche
des Grecs avoit été déposé pour avoir
voulu introduire des nouveautés dans les Eglises
de sa Communion.
Des Lettres d'Italie portent qu'on avoit veu ,
au commencement du mois dernier , la Flotte
du Grand Seigneur , à l'entrée du Golfe Adriatique.
Les dernieres Nouvelles venues par l'Italie ,
portent que depuis la révolution qui a mis le
nouveau Sultan sur le Tròne , on avoit fait perir
Hv tant
1802 MERCURE DE FRANCE
tant dans Constantinople qu'à Andrinople er
dans d'autres Villes , plus de 20000. personnes
coupçonnées de pouvoir exciter une nouvelle revolte
; qu'on avoit publié dans la Ville une Relation
de la victoire remportée contre les Persans
, mais qu'on commençoit à douter qu'elle
fut aussi complette qu'on la croyoit d'abord ,
parcequ'on continuoit de prendre des mesures
pour faire la paix avec le Roy de Perse.
t
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Smirne
le 30. May 1731..
aprenons par
des Lettres de Constan
Ntinople que nous avons reçues depuis deux
jours , comme le G. S. s'est porté à déposer CianumGoggia
de la Commission de Capitan Pacha,.
et à l'exiler à Retrin dans l'Isle de Candie ,.
malgré tous les services qu'il avoit rendus à Sa.
Hautesse depuis qu'il étoit en place ; on dit que
la disgrace de cet Amiral procede d'une part de:
la jalousie du Grand Visir, et de l'autre du Corps :
des Jannissaires , qui ne voyoient qu'avec peine
les services importans que les Leventis avoit rendus
au nouveau G.Ş. sous les ordres de Cianum .
Coggia.
;
Les Turcs ont publié en dernier lieu qu'ils .
avoient remporté une grande victoire en Perse
cependant bien des Lettres qui sont entre les
mains des Arméniens assurent le contraire , et.
marquent que les Persans continuent à repren
dre toutes les Places que les Turcs leur avoient
enlevées. Quoy-qu'll en soit , le G. S. fait lever
des Troupes par tout , pour les faire passer , à.
ce qu'on dit , en Perse ; mais les politiques pen
2 :
sent
JUILLET.
1731 1803
sent que la Cour Ottomane est d'accord avec
les Persans , et que l'Armée du G. S. pourroit
bien marcher ou contre les Moscovites , ou
contre les Imperiaux.
NOUVELLES DE PERSE , venuër
à Constantinople le 7. May 1731. Lettre
écrite de cette Ville le 15. du même
mois.
E Grand Vizir a reçu des Lettres de Perse
Lpar lesquelles onlui marque que Schah Tha
93
mas , qui avoit entrepris le Siege de Tauris
avoit été défait devant cette Place par les Trou
pes du G. S. Les particularitez que l'on rappor
te de cet événement sont , qu'Ali Pacha , Gou
verneur de Tauris , se voyant pressé par les
Assiegeants , avoit si bien ranimé le courage
des Assiegez par ses exhortations , à se retirer .
de l'espece de Prison où les ennemis les retenoient
dans l'enceinte de cette Ville , qu'étant
sorti à la tête de toute sa garnison , il étoit tombé
avec tant de furie sur les Persans , tandis que
d'un autre côté Rustan-Pacha , qui tenoit la
Campagne avec 4. ou sooo . hommes , étoit
aussi venu fondre sur eux , que l'armée Persa --~
ne avoit été mise en déroute ; que les Turcs
avoient fait un grand carnage ; et beaucoup de Prisonniers,
parmi lesquels il s'étoit trouvé quinze
Kans , ou Seigneurs , qu'on amenoit enchaînez al
Constantinople , et que cet echec avoit si fort dé !
rangé les affaires du Roy de Perse , qu'il s'étoit
déterminé à envoyer un Ambassadeur au Sul--
tan pour traiter d'une paix solide avec sa Hay--
H vj On
tesse.
1804
MERCURE
DE FRANCE
On ajoûte une circonstance au sujet de Rustan-
Pacha qui merite d'autant plus d'être ra
portée , qu'elle paroît n'avoir pas peu contribué
à la victoire que les Turcs viennent de
remporter.
Lorsque Patrona Mousloub , et les autres
Chefs de la grande Révolution , étoient tout
Puissans à Constantinople , ils y firent venir de
Bosnie ce même Rustan-Pacha, ils obtinrent qu'il
fut fait Visir à trois queues , et envoyé Seraskier
de l'Armée en Perse ; mais quelque tems
´aprés le massacre de ces Rebelles , la Porte envoya
un Capigi - Bachi à Rustan , pour lui demander
sa tête : ce Pacha au lieu d'obeir fit
arrêter le Capigi Bachi , et lui dit qu'à la vérité
le G. S. étoit le Maître de disposer de sa tête
mais que jugeant qu'il seroit plus utile et plus
honorable sa Hautesse , qu'il la perdit à son
service , il alloit chercher les occasions de la lui
sacrifier glorieusement , en combattant contre
les ennemis de l'Empire , ce qui a heureusement
reussi.
L
Es
RUSSIE.
>
de Czar Pierre I. et de la Czarine
corps
son Epouse , qui étoient restés en dépôt dans
PEglise de S. Pierre et de S. Paul , furent inhumés
dans le Tombeau qu'on a construit pour
eux dans la même Eglise. Cette Ceremonie se
fit avec beaucoup de Pompe , et au bruit d'une
Salve de 51. pieces de Canon.
On mande de Moscou qu'il avoit été resolu
dans le dernier Conseil de Guerre d'entretenir
toujours 180000. hommes de Trouppes reglées ,
sans compter les Tartares et les Cosaques ,, et
que
JUILLET. 1731. 180
que le Comte Potozki ' y étoit arrivé de la part
du Roy de Pologne , avec le Cordon de l'Ordre
de l'Aigle blanc pour la Czarine.
La
A-L LE MAGNE.
'Ambassadeur Turc eut le 11. Juin Audience
du Prince Eugene à Vienne; il fut complimen
ré et reçu par quatre Officiers de la Chancellerie
de Guerre , et introduit ensuite dans la Salle
d'Audience par M. Penckler , Secretaire des
Langues Orientales ; le P. Eugene de Savoye
étoit assis dans un Fauteuil , la tête couverte , et
ayant à sa droite le Maréchal Comte de Konigseg,
Vice-President du Conseil de Guerre , tous
les Membres du même Conseil , plusieurs Ministres
, tant Etrangers que de la Cour , et toute
la Géneralité. Dès que l'Ambassadeur eut apperçû
le Prince , il lui fit trois reverences - consecutives
à la maniere Turque , tenant la main au
Turban , et baissant la tête S. A. S. se leva ,
et mettant la main au Chapeau , elle lui fit figne
de se mettre dans un Fauteuil qu'on lui avoit
préparé , ce qu'il fit ; et aprés avoir exposé au
Prince le sujet de son Ambassade , il lui remit
debout une Lettre du G. V. que S. A. S. reçut
et la tête découverte. Le Prince s'entretint ensuite
Ïe quelque temps avec l'Ambassadeur par moyen
de M. Penkler , qui servit d'interprete : aprés
quoy ce Ministre fut congedié avec les Ceremo
nies accoutumées . Dez qu'il fut hors de la Salle
d'audience , quelques Officiers de sa suite le prirent
sous les bras , et le porterent jusqu'au Ca→
rossc.
Le 28. du mois dernier , le fils aîné de l'Envoyé
du Duc de Lorraine reçut au nom de ce
Prince
856 MERCURE DE FRANCE
Prince l'investiture de la Principauté de Teschen
en Silesie , dont l'Empereur lui a fait don il y a
quelques années.
Sur la fin du mois dernier , Mustapha Effendi ,
Ambassadeur de la Porte Othomane , eut à Vienne
Audience de l'Empereur , et lui présenta la
Lettre du Grand Seigneur , S M. I. le reçut de-
Bout , et lui présenta sa main à baiser ; mais il se
contenta de baiser le bord de la manche de S.
M. I. ainsi que cela se pratique en Turquie auprés
du G. S.
On écrit de Wolfembutel que le Duc regnant
avoit approuvé dans toutes ses parties le Traité
conclu entre le feu Duc son frere et la Couronne
d'Angleterre , et que S. A. S. avoit aussi renouvellé
le Traité de Confédération héréditaire entre
les Maisons de Brunswick- Hanover et de Brunswick-
Wolfembutel .

Le Roy de Pologne , Electeur de Saxe, a ordonque
les nouvelles- Maisons qu'on a bâties à
Dresde, soit dans la Ville ou dans les Fauxbourgs,
seront pour le moins de trois Etages , et qu'elles
ne pourront être construites que sur un Plan ,
dressé par un Ingenieur , et approuvé par le Roy..
On ne peut trop louer l'attention que les Souverains
, les Ministres et les Magistrats , ont pour la
décoration des grandes Villes . Leurs contemporains
et leur posterité chantent également leurs
louanges sur tout quand quelque utilité se joint.
à l'agrément.
ITALIE.
E fils du Pacha du Grand Caire , qui se sauva:
en Italie , lorsque son pere y excita la derniee
révolte , parut le 16 Juin dans l'Anti - chambre
Qu
JUILLET. 1731. 1807
du Pape, sans Turban et avec la Croix sur la pol
trine. S. S. lui donna audience , et le reçut avec
beaucoup d'accueil. Quelques jours après il de
manda le Baptême. S. S. Pa envoïé au College
des Maronites , pour y être instruit , et elle le défrayera
pendant son séjour à Rome.
On apprend de Venise, que le 25 du mois dernier
, Fête de l'Apparition de S. Marc , le Doge
accompagné de la Seigneurie , du Nonce du Pape
et des Ambassadeurs, alla tenir Chapelle dans l'Eglise
Ducale , où l'Evangile écrit de la main de
cet Evangeliste , fut exposé à la vénération du
peuple.
On écrit de Naples, du commencement de Juin,
que le Viceroi avoit fait notifier au Cardinal Coscia
par ordre de l'Empereur , que S M. Imp.verroit
avec plaisir que S. E allat se jetter aux pieds
du Pape pour implorer sa clémence , puisque c'étoit
l'unique moyen de se tirer d'affaire ; et qu'en
attendant, l'Empereur laissoit au Nonce de S.S. la
liberté d'agir contre elle. Depuis cette notification
, le Cardinal qui est toujours incommodé , ne
voit presque personne , et on dit que S.E. est violemment
agitée, dans l'incertitude du parti qu'elle
doit prendre.
Il a fait publier un Mémoire pour justifier sa.
conduite et pour insinuer qu'on lui a ôté injustement
l'Archevêché de Benevent.
Un Ecclesiastique chargé de la procuration de
M. Doria, nouvel Archevêque de Benevent, ayant:
voulu prendre possession de cet Archevêché au:
nom de ce Prélat . M. Trabucco , Chanoine de
l'Eglise Métropolitaine et quelques autres de ses .
confreres s'y sont opposez par une protestation ,
et cette démarche ayant été suivie d'une émotion
populaire , les plus séditieux ont été arrêtez, mais
le
1808 MERCURE DE FRANCE
le Chanoine qui l'avoit excitée s'est sauvé.
On continuë de vendre à Rome les effets du
Cardinal Coscia, dont on a déja reçû 46000 écus,
sans compter saVaisselle d'argent et ses diamans,
qu'on fait monter à une somme beaucoup plus
considerable.
On assure qu'il est arrivé à Naples des Ordres
de l'Empereur de faire remettre entre les mains du
Nonce du Pape tous les revenus des Benefices de
ce Cardinal , qui n'a pu obtenir la protection de
S. M. Imp .
Il y a dans tout le territoire de Pise une si grande
quantité de Sauterelles , que pour engager les
Païsans à les détruire , on leur fait donner deux
sols pour livre de ces Insectes qu'ils ramassent et
qu'on enterre ensuite avec de la chaux.
Il est arrivé à Milan deux Députez de la République
de Génes , pour tegler avec le Comte de
Daun,de quelle maniere on fera passer dans l'Isle
de Corse les 4 à fooo hommes de Troupes que
l'Empereur a accordez à la République pour l'aider
à réduire les Rebelles de cette Isle, contre lesquels
on prépare à Génes un armement considerable.
On mande de Génes qu'on y avoit publié une
Ordonnance du Grand Conseil, qui défend à tous
les Vaisseaux , de quelque Nation qu'ils soient ,
de commercer avec l'Isle de Corse , et d'y jetter
l'Ancre , excepté devant la Bastie , Calvi , Ajaccio
et S. Boniface , à peine de mort contre les Capitaines;
et de confiscation des Vaisseaux.
Par les dernieres Lettres de Génes on apprend
que les Rebelles de l'Isle de Corse bloquoient actuellement
la Ville de la Bastia avec 3000 hommes;
qu'ils paroissoient vouloir en former le siége
et ouvrir la tranchée du côté de San-Francisco
CE
JUILLET. 1731. 1809
et des Capucins , aussi-tôt qu'ils auroient reçu un
renfort de 6000 hommes qu'ils attendoient des
Montagnes de l'Isle; que les habitans de Lotta , de
Brando , de Leville , de Nonza et de Cagnano s'étoient
déclarez en leur faveur.
S
ESPAGNE.
Ept Vaisseaux de Guerre , construits dans la
Biscaye, dont l'un est percé pour 112 Canons,
deux autres de 78 pieces , deux de 64. et deux de
60. sont attendus à Cadix .
Les Vaisseaux de la Compagnie des Caraques
ont pris plusieurs Vaisseaux étrangers qui faisoient
la contre- bande le long de la côte de la
nouvelle Espagne , et qui avoient pour plus de 14
cens milles Piastres de Marchandises .
La Mine d'or découverte il y a quelque temps ,
près de Talavera , dans la nouvelle Castille, est si
abondante , qu'on y trouve des pieces d'or pur
sans mélange d'aucune autre matiere. Comme on
se flate de titer de grands profits de cette Mine, on
a ordonné d'y faire construire divers bâtimens
pour la commodité des ouvriers.
On a apris par la voye de Génes qu'on avoit
achevé la Ligne qui ôte toute communication de
Gibraltar avec l'Andalousie , que des trois Forts
qu'on a construits pour la défense de cette ligne
l'un dominoit la Baye des Alghesirs du côté
du Ponant , où est la Ville de Gibraltar; que l'au
tre étoit au centre et pouvoit battre la Ville et le
Port , et que le troisiéme qui est du côté du Levant
, n'étoit pas encore achevé , mais qu'il y
avoit déja de parfait un épaulement de plus de
3c0c toises ; qu'on devoit mettre 238 pieces de
Canon sur ces trois Forts, sans compter ceux qui
sont.près des Redoutes le long de la ligne ..
DECLA
}
1810 MERCURE DE FRANCE
DECLARATION que les Ministres
L
de leurs Majestés Catholique & Britannique
on faite et signé en vertu des Ordres
des Rois leurs Maitres.
E Rey de la Grande Bretagne , ayant fait
communiquer à Sa Majesté Catholique , le
Traité qu'il a conclu en dernier lieu avec l'Empereur
, et ayant déclaré qu'il a donné par- là
des preuves les plus évidentes de la sincerité de
ses intentions pour l'éxécution du Traité de Seville
, tant par rapport à l'introduction effecti
ve des six milles hommes de Troupes Espagnoles,
suivant les dispositions dudit Traité , dans les
Places fortes de Parme et de Toscane , que par
rapport à la prompte possession de l'Infant Don
Carlos , conformément au contenu de l'Article
V. de la quadruple alliance , sans que
de la part
du Serenissime Infant , ni de S. M. C il soit necessaire
de disputér , de battre ou applanir quelquesdifficultez
que ce soient , qui pourroient se
lever sous aucun prétexte que se puisse être
S. M. C. déclare , que pourvû que tout ce qui
vient d'être énoncé soit promptement exécuté
elle sera pleinement satisfaite , et que nonobstant
la Déclaration faite à Paris le 28. Janvier
dernier par son Ambassadeur extraordinaire le
Marquis de Castelar , les Articles du susdit
Traité de Seville , qui concernent directement
et reciproquement les deux Couronnes , subsis →
teront dans toute leur force et toute leur extenfion
, et les deux Rois susnommés promettent
également de faire éxécuter ponctuellement lesconditions
exprimées dans lesdits Articles , ausquels
JUILLET. 1737. 181F
quels ils s'engagent et s'obligent par le present
instrument ; bien entendu dans le terme de
que
cinq mois , à compter du jour de la datte de cet
Instrument , ou plutôt , si faire se pourra ,
S. M. Britannique fera effectivement introduire
les six mille hommes de Troupes Espagnoles
dans les Etats de Parme et de Toscane , et mettre
l'Infant Don- Carlos en possession actuelle
des Etats de Parme et de Plaisance, en conformité
à l'Article V. de la quadruple Alliance et aux
investitures éventuelles.
Et S. M. C. entend et déclare , que dès que
Jadite introduction et possession des Etats de
Parme et de Plaisance sera effectuée , sa resolution
est sans qu'il soit besoin d'aucune autre
Déclaration ou Instrument, que les Articles susmentionnez
du Traité de Seville , subsistent
aussibien que la jouissance de tous les Privileges ,
Concessions et Exemptions en faveur de laGran →
de-Bretagne , qui ont été stipulés et sont litteralement
contenus dans lesdits Articles et dans
les Traitez interieurs entre les deux Couronnes ,
confirmé par le Traité de Seville pour être réciproquement
observé et exécuté ponctuellement .
En foy de quoi , nous les susdits Ministres sous
signez de leur Majesté Britannique et Catholique
, avons signé la présente Déclaration , et
y avons fait apposer le cachet de nos Armes .
faite à Seville le sixième jour de Juin 173 1 .
On a appris d'Affrique par les Lettres de Mazagam
, que Don Jean Jacques de Magalhaens' ,
Gouverneur de cette Place ; ayant été avertis
que les Maures avoient dressé une embuscade
pour surprendre les habitans qui iroient travailler
dans la Campagne , il étoit sorti avec ni
détachement d'Infanterie soutenu de toute la
Cavalerie
1812 MERCURE DE FRANCË
Cavalerie de la garnison , et qu'ayant attaqué
les Maures , il les avoit obligés de prendre la
fuite aprés leur avoir tué ou blessé prés de 200.
hommes.
Les mêmes Lettres portent que la Guerre Civile
des Etats du Roy de Maroc n'étoit pas encore
finie , et qu'il y avoit encore quatre Princes
armés qui disputoient la Couronne au Prince
qui est sur le Trône.
GRANDE - BRETAGNE.
Ur la fin du mois dernier , le feu prit à un
SAA
rbre du Parc de S. Jame, qui brûla en presence
d'un grand nombre de personnes , sans qu'on
put sçavoir d'où cet accident provenoit.
On publia le 26. du même mois à Londres
une proclamation qui deffend auxSujets du Roy,
de donner ou fournir aucune assistance aux Ha
bitans de l'Isle de Corse révoltés contre la Republique
de Genes , sous peine d'encourir la haute
disgrace de S. M. et d'être punis comme
des personnes qui violent volontairement les
Traités , et la Paix qui subsiste entre le Roy et
les Etats ou Princes Etrangers.
Les Directeurs de la Compagnie des Indes
Orientales , ont appris qu'il y avoit dans le détroit
de la Sonde 4. Fregates Hollandoises de
40. Canons chacune , qui croisoient pour intercepter
le Vaisseau de la Compagnie d'Ostende
qui est encore aux Indes Orientales , où il a
pris Pavillon du Roy de Prusse.
Les Lettres qu'on a reçues de divers endroits
des Indes Occidentales , confirment qu'il y a
dans ce Pays- là une secheresse extraordinaire ,
particulierement à Antegoa , où un sceau d'eau
s'est
JUILLET. 1731 1813
s'est vendu quatre Chelins et huit sols Stelins,
Le Vice -Amiral Charles Wager arriva le 13 .
de ce mois aux Dunes pour prendre le commandement
de l'Escadre qui est actuellement
composée de 18. Vaisseaux de Guerre , dont
il y en a un de 90. Pieces de Canon , trois de
80 , six de 70 , quatre de 60. trois de so . et un
dé 40. Le bruit court qu'outre , cette Escadre ,
on en équipera encore une de 13. à 14. Vaisseaux
de Guerre , et qu'elle sera commandée
par le Chevalier George Walton .
T
Le Comte de Dagenfeldt , Ministre Plenipo
tentiaire du Roy de Prusse , eut le 2. de ce
mois Audience particuliere du Roy et de la Reine
, ausquels il donna. part de la mort du Margrave
Albert de Brandebourg. Le 13. il eut Audience
du Prince de Galles et du Duc de Cumberland.
Le Duc de Wharton , qui est mort dans un
Convent prés de Barcelone , où il s'étoit retiré
depuis quelques mois , avoit laissé à Londres
un Testament dont on a fait l'ouverture. Il y
nomme pour ses exécuteurs le Comte d'Orrery ,
le Chevalier Charles Musgrave , et M. Charles
Coesar , ausquels il laisse aussi ses biens à partager,
à la charge de payer à la Duchesse sa veuve
1200. liv. Sterl . de pension , sa vie durant, ou
10000. liv . St, une fois payée à son choix
mais comme les biens de ce Duc avoient été
confisqués , et qu'il étoit proscrit par Acte du
Parlement , S. M. a disposé des biens qu'il laisse
par sa mort , en faveur de My Lady Lucie et
de My Lady Jeanne Wharton , ses deux soeurs.
;
HOLLANDE
1814 MERCURE DE FRANCE
Ο
HOLLANDE ET PAYS Bas.
N mande de la Haye qu'on y voit depuis
le commencement de ce mo is , une copie
des Reflexions de l'Assemblée des Etats Generaux
sur le dernier Traité de Vienne , qui ont
été données par écrit aux Comtes de Sinzendorff
et de Chesterfield , Ministres de l'Empereur
et du Roy d'Angleterre . Par cet Ecrit leurs
Hautes Puissances demandent qu'à l'égard de
la garantie mutuelle mentionnée dans le premier
Article de ce Traité , il soit stipulé par une
Déclaration particuliere que cette garantie ne
regardera que les Pays dont les parties contractantes
sont actuellement en possession . et que
le contingent de ce que chacune d'elles doit
fournir , soit stipulé , sans qu'elles soient obligées
d'agir de toutes leurs forces en cas de Guerre
; qu'à l'égard de la Pragmatique- Sanction ,
l'Empereur sera tenu de déclarer qu'il ne mariera
pas l'Archiduchesse , sa fille ainée , à un Prince
qui puisse préjudicier à la Balance de l'Europe
; que cette garantie s'étendra seulement
aux Successcurs de l'Empereur qui regne à - present
; qu'il sera deffendu à tous les habitans des
Pays et Territoires qui appartenoient ci- devant
au Roy d'Espagne Charles I. et qui sont presentement
sous la domination de l'Empereur
de trafiquer non seulement aux Indes Orientales
, comme il est stipulé par le dernier Traité
de Vienne , mais même en Afrique ; qu'on specifiera
le nombre de Tonneaux dont sera le
port des deux Vaisseaux qui doivent aller une
seule fois aux Indes Orientales retirer les Effets
de la Compagnie d'Ostende , et qu'on fixera un
temps
·
JUILLET . 1731. 1815
temps pour le retour de ces deux Vaisseaux qui
seront obligés de revenir droit à Ostende sans
toucher à aucun autre Port ; qu'aucun Vaisseau
de quelque Nation qu'il puisse être , venant des
Indes , ne pourra entrer dans le Port d'Ostende
, et qu'à l'égard du Tarif des Droits que
' Empereur fera lever sur toutes les Marchandises
que les Hollandois porteront dans les
Pays -Bas , il sera reglé par un . Article separé ,
cet Article n'ayant rien de commun avec la
suppression de l'Octroy de la Compagnie d'Ostende.
On mande de Bruxelles , que le 24- Juin , if y
eut un magnifique Concert au Palais à l'occa
sion de la Fête de S. Jean , dont le Roy de Portugal
porte le Nom . L'Archiduchesse Gouvernante
, le Duc de Lorraine et le Comte Palfi y
jouerent de Divers Instrumens , et le Comte
d'Althan y chanta plu sieurs Morceaux.
-MORTS DES PAYS ETRANGERS .
LE
E Margrave Albert de Brandebourg- Schwed,
Grand Maître de l'Ordre de S. Jean dans la
Marche , la Saxe , la Pomeranie et la Vandalie
Stadthouder du Duché de Pomeranie , Colonel
d'un Regiment de Cavalerie et d'un autre d'In-
* fanterie au service du Roy de Prusse , mourut
le 21. du mois de Juin à Frederikfeld , d'une attaque
d'appoplexie , âgé de 59. ans et quelques
mois , étant né le 14. Janvier 1672 .
Il étoit fils de Frederic Guillaume , Electeur
de Brandebourg , et il avoit épousé le 3. Octobre
1703
1816 MERCURE DE FRANCE
1703. Marie Dorothée , fille de Frederic Casimir
, Duc de Curlande , dont il a eu le Prince
Charles , le Prince Frederic et le Prince Frederic
Guillaume ; et les Princesses Anne Sophie-
Charlotte et Sophie Albertine , dont la premiere
a été mariée au Duc de Saxe-Eisenach .
Dame Emilie Louise , née Princesse de Portugal
, mourut à Bergue le 10. de ce mois , âgée
de 82. ans. Elle étoit fille d'Emanuel Felix ,
Prince de Portugal , et de Jeanne , Comtesse
de Hanau ; et petite - fille d'Emanuel I , fils de
Don- Antoine , Roy de Portugal . Le Prince Emanuel
I. avoit épousé Emilie , Princesse de Nassau
Orange , fille de Guillaume I. Prince de Nassau
Orange , et d'Anne , Princesse de Saxe , er
de maurice , Electeur de Saxe. La Princesse Emilie
Louise , étoit la derniere de cette Branche
qui fut en droit de porter le nom et les Armes
de Portugal ; il y a néanmoins en Hollande des
descendans de sa soeur ainée Elisabeth Marie
Princesse de Portugal , mariée le 11. Avril
1678. avec Adrien , Baron de Gendt.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
FRANCE,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E 3 Juillet , les Comédiens François
Lrepresenterent à la Cour la Tragédie
de Phédre et Hipolite , qui fut suivie de la
petite Comédie de l'Eté des Coquetes.
Les , la Mere Coquette.
Le 10, Radamiste et Zénobie : Tragédie
de
JUILLET. 1731. 1817
de M. Crébillon , qui fut suivie de l'Eté
des Coquetes , que la Cour fut bien - aise de
voir.
Le 12 , la Comédie du Joueur.
Le 17 , Astrate , Tragédie de M. Quinaut
, et le François à Londres.
Le 19 , le Muet.
Le 24 , le Cid et l'Amour Medecin.
La Dile Gossin joüa pour la premiere
fois à la Cour le rôle de Chimene.Elle fut
fort applaudie
.
Le 28. l'Italie Galante. Ce sont trois
petites Piéces de M.de la Motte , qui ont
été fort goûtées , et tres- bien joüées , par
les Comédiens François de la Cour et de
Paris.
Le Mardi 31. le Faux Sincere,Comédie
nouvelle , ens actes , par feu M. Dufreni,
qui a été fort goûtée , et les trois Cousines
par les Comédiens qui étoient restez à
Paris , et qui joueront pendant le reste du
voyage de Fontainebleau , à la place de
ceux qui avoient suivi la Cour.
Le 7 Juillet , les Comédiens Italiens représenterent
le Jeu de l'Amour et du Hazard
, qui fut suivi de la petite Comédie
du Retour de Tendresse.
Le 14 , Arlequin Muet par crainte ; Pié-
I ce
1818 MERCURE DE FRANCE :
ce Italienne , qui fit beaucoup de plaisir ,
et pour petite Piéce , le Portrait.
Le 21 , Arlequin Sauvage et Arlequin
Hulla.
Le 26 , l'Embarras des Richesses et Arlequin
Phaeton , Parodie. Il y a eu une nouvelleDécoration
,et un nouveauSoleil faits
à Fontainebleau , par le sieur Lemaire ,
Auteur de la premiere Décoration qu'on
a vû à l'Hôtel de Bourgogne. On en poutra
parler plus au long.
Le 4 Juillet , il y eut Concert chez la
Reine. M. de Blamont , Sur -Intendant
de la Musique du Roy , de Sémestre , fit
chanter le second et le troisiéme Acte de
l'Opera de Roland , qui fut continué le
9,par le 4 et le dernier Acte.
Le 11 , on chanta le Prologue et le premier
Acte du Balet des Fêtes Venitiennes,
de M. Campra.
Le 15 , il y eut Promenade et une gran
de Simphonie sur le Canal. La Reine
étoit en Gondole , avec les Princesses et
les Dames du Palais , & c.
,
Le 18 , on exécuta les deux derniers
Actes du même Balet des Fêtes Vénitiennes ,
qui sont l'Amour Saltinbanque et le Bal.
Le 23 , il y eut Promenade , Symphonie
et Collation sur l'Etang du Jardin neuf ,
et
JUILLET. 1731. 1819
et le 30 , on chanta le Prologue et le
mier Acte de Bellerophon.
pre-
Le Roy a donné le Gouvernement du
Prat-de-Mouliou en Roussillon , à M.de
Beaupuy,Commandant duRegiment d'Infanterie
de Toulouse. M. le Marquis de la
Vieuville qui l'avoit , s'est retiré avec une
pension de 2000 liv.
On a appris des côtes de Barbarie que
M. Duguai-Trouin , Lieutenant General
des Armées Navales du Roy , étoit sur son
départ , dans la Rade d'Alger , avec les
quatre Vaisseaux de Guerre qu'il commande
, et que la Régence lui avoit fait
rendre 29 Esclaves, tant François que Gênois,
qu'il avoit redemandez, et qui avoient
été priscontre la teneur des Traitez .
Le 18 de ce mois , l'Académie François
se fit faire dans 1 Eglise des Cordeliers du
Grand Couvent, un Service pour le repos
de l'ame de feu M. de la Faye .
Le
24 la
Lotterie
de la
Compagnie
des
Indes
, établie
pour
le remboursement
des
Actions
, fut
tirée
en
la maniere
accoûtumée
, à l'Hôtel
de
la
Compagnie
. La
Liste
des
Numero
gagnans
des
Actions
et Dixiémes
I ij
1820 MERCURE DE FRANCE
xièmes d'Actions , qui doivent être remboursées
, a été renduë publique , faisant
en tout le nombre de 309 Actions.
Le Roy a accordé à la Ville de Valencienne
un Marché franc , qui se tiendra le
16 de chaque mois . Toutes sortes de personnes
, tant Etrangers qu'autres , pourront
y aller librement , pour vendre, acheter
et troquer des Chevaux, Boeufs, Moutons
et autres Bestiaux , et retourner sans
payer aucun droit , et sans que leurs personnes
ou marchandises puissent être arrêtées
ou saisies , Ce Marché franc commencera
le 16 du mois d'Août , auquel
jour on distribuera trois Prix : Un pour
le
plus beau Cheval de Selle ; le second , pour
Ja plus belle couple de Chevaux de Carosse
; et le troisiéme , pour le plus beau
Cheval de trait,
Après la mort du Marquis de Goussainville
, Conseiller au Parlement , reçû
en survivance dans la Charge de son pere ,
premier Président de la Chambre des
Comptes , le Roy a accordé le Regiment
de Dragons du Marquis de Nicolai , à
present son fils aîné , à son frere , Chevalier
de Malthe , qui étoit Capitaine dans
le même Regiment,lequel a un autre frere
aussi
JUILLET. 1731. 1821
aussi Chevalier de Malthe . C'est à ce sujet
que les Vers suivans ont été envoïez au
Marquis de Nicolai , qui a repris le parti
de la Robe , ayant été reçû Avocat avant
d'être Colonel.
Thémis reprend ses droits
avec elle ,
Mars d'accord
Consent qu'en imitant vos illustres Ayeux ,
Vous remplissiez un jour le destin glorieux ;
Où la Déesse vous appelle.
Il est jaloux de la faveur nouvelle ,
Qui lui ravit en vous un sujet belliqueux
Mais il ne perdra rien de sa Cour militaire.
Pour deux freres , jeunes guerriers ,
Dont la vertu paroît hereditaire ,
Il réservera les Lauriers ,
Qu'ils cueilleront dans leur noble carriere ,
Ainsi par votre nom , il est dédommagé ,
Et l'on dira de vous , Cedant Arma Toga.
M. D. M.
Le ri de ce mois Aly Mehemet , Mahométan
, natif d'Alger , âgé de 31 ans ,
a été baptisé à Moulins , ville capitale du
Bourbonnois , dans l'Eglise Parroissiale de
S. Jean ; il a été instruit pendant près
d'un an des veritez de la Religion chré-
I iij
tienne ,
1822 MERCURE DE FRANCE
tienne , par M. le Maître , Curé de la même
Paroisse , et Official de M. l'Evêque
d'Autun.
Ce Baptême se fit sur les 4 heures après
midi , les Administrateurs de l'Hôpital .
General , où ce Cathécumene avoit trouvé
un azile secourable , le conduisirent à l'Eglise.
Le Parrain fut M.de Vanolles, Maître
des Requêtes , Intendant de la Province
; et la Marraine , Madame d'Alençon
, épouse de M. d'Alençon , cy- devant
Colonel d'Infanterie , au service du Roy
Stanislas. Les cérémonies furent faites
avec beaucoup d'ordre et de dignité ; la
Maréchaussée étoit rangée aux Portes et
avenues de l'Eglise ; les Tambours de la
Ville et des Instrumens de toute espece
augmenterent encore la pompe de cette
Fête ; Madame l'Intendante , les principaux
Magistrats , plusieurs personnes de
l'un et l'autre sexe , tant du Corps de la
Noblesse , que des autres Etats les plus
distinguez de la Ville , y assisterent. Il y cut
le soir à l'Intendance un grand souper, on
y servit deux Tables avec autant de délicatesse
que de propreté.
MANDEJUILLET.
1731. 1823
MANDEMENT de M. l'Archevêque
de Paris, au sujet d'un Ecrit qui a pour
titre : Dissertation sur les Miracles, et en
particulier sur ceux qui ont été opérez au
Tombeau de M. de Paris , en l'Eglise de
S. Medard de Paris , avec la Relation et
les Preuves de celui qui s'estfait le 3 Novembre
1730. en la Personne d'Anne le
Franc , de la Paroisse de S. Barthelemi.
Brochure in 4º . de 34 pages. A Paris ,
chez Pierre Simon , ruë de la Harpe, 1731 .
Nous nous contenterons de rapporter
ici l'essentiel de ce Mandement ; sçavoir,
ce que M. l'Archevêque y déclare, y condamne
, et ordonne sur la fin , à cause des
bornes ausquelles on est assujetti dans un
Journal comme celui- ci.
2
A CES CAUSES , veu P'Ecrit qui a pour titre
: Dissertation sur les Miracles , etc. Le
Requisitoire de notre Promoteur d'Offce
, avec notre Ordonnance ; au bas d'icelui
, du 15 Juin dernier , le cahier d'information
, contenant la déposition de 40
témoins , le rapport de deux Médecins ,
du 7 de ce present mois ; autre Rapport
de trois Chirurgiens , du 11 du même
mois ; après en avoir conféré avec plusieurs
Théologiens , sçavans et pieux le
I iiij
saint
1824 MERCURE DE FRANCE
S. Nom de Dieu invoqué : TouT CONSIDE'RE'
. Nous déclarons faux et supposé le
Miracle qu'on a prétendu avoir été opéré
le 3 du mois de Novembre dernier , en la
personne d'Anne le Franc ; et en renouvellant
l'art. 30. des Statuts Synodaux de
ce Diocèse , défendons de publier aucens
Miracles nouveaux , que de notre autorité
, et après que par un examen canonique
, nous en aurons reconnu et déclaré
juridiquement la vérité. Défendons en
outre de rendre aucun culte religieux au
fieur Paris , d'honorer son Tombeau , de
celebrer , ou de faire celebrer des Messes
en son honneur. Condamnons led.Ecrit ,
intitulé : Dissertation , etc. comme rempli
de suppositions et d'impostures , tendant à
séduire les Fidéles , injurieux au Pape et
au Corps des premiers Pasteurs , et favorisant
des erreurs condamnées par l'Eglise
défendons de le lire , ou de le refenir
: Ordonnons d'en rapporter incessamment
les Exemplaires à notre Secretariat
; le tout sous les peines de droit. Et
sera notre present Mandement lû , publié
et affiché par tout où besoin sera . DONNE
à Paris , en notre Palais Archiepiscopal ,
le 15 Juillet 1731. Signé CHARLES , Archevêque
de Paris. Par Monseigneur
;
Martin.
I
JUILLET. 1731. 1825
A la fin du Mandement on trouve le
Rapport de Messieurs Andry et Winslow,
Docteurs en Médecine , de la Faculté de
Paris , et celui des Sieurs Petit , Guérin et
Morand, Chirurgiens Jurez,au sujet de la
maladie et guérison d'Anne le Franc.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Meaux ,
le 10. Juillet 1731. au sujet d'un Loup
enragé.
I
$
L est arrivé aux environs de Meaux
une Scene si Tragique , et une action
si heroïque de la part d'un pauvre Pêcheur
, que je crois , Monsieur , que vous
ne serés pas fâché de l'inserer dans vôtre
Journal. Le 25. Juin dernier , un Loup
enragé sortant des Bois de Changi , se
jetta sur Marie Posé , femme d'Etienne
Lucas , et lui mangea une partie du bras ,
ensuite il attaqua Marie Couvrechef , de
la Paroisse d'Isle , femme d'un nommé
Colinet , lui emporta les Joües et lui
perça le gosier , Marie Gaillet de la Pároisse
d'Armentiere , femme de Charles
Turisieu , fut morduë à la main droite ,
eut le pouce emporté , et Fautre main
percée. Ce Loup passa ensuite la Riviere
de Marne , et aborda prés le Moulin de
S. Jean les deux Jumeaux. Jacques La-
1 v voisier
1626 MERCURE DE FRANCE
voisier , Pêcheur , de la Paroisse de Villers,
en voulant attacher son Batteau , en fur
saisi par
le poignet , cet homme vigoureux
qui avoit déja appris les ravages de
ce cruel Animal , et se croyant perdu
sans ressource , prit la résolution de faire
perir le Loup , et de sauver ses compatriotes
: Tayant pris par le train de derriere ,
il le terrassa , et lui mit le genqüil sur le
col ; le Loup à force de se débattre s'étant
dégagé , le blessa ; mais le Pêcheur le prit
par une orcille , le terrassa pour la secon
de fois , et le tint si serré sous lui , qu'on
cut le temps de venir à son secours. II
dit alors à un homme qui étoit armé.
d'une hache de lui casser hardiment la
tête , et qu'il ne quitteroit le Loup qu'a¬
prés qu'il seroit bien assuré de sa mort,,
ce qui fut bientôt exécuté. Ce pauvre
malheureux, a le corps entierement percé
des dents de ce furieux Animal . Trois
Curés de ces Cantons ont attesté les . Faits
que je viens de vous narrer veritables ,
et l'indigence de ces pauvres gens blessés
, qui sont par là hors d'état de gagner
leurs vies et tout- à - fait dignes de la compassion
du Public.
EXTRAIT
JUILLET. 1731. 1827
EXTRAIT d'une Lettre écrite d'Evreux,
par M. A. C. D. V. le 14. Juillet an
sujet du Tonnerre &c.
J
E ne vous parlerois pas , Monsieur ,
du Tonnerre tombé dans cette Ville
avec des circonstances singulieres , si
je n'en trouvois un exemple dans vôtre
1. vol . du Mercure de Juin , voici le fait
en peu de mots.
Pendant Vêpres du jour de S. Pierre
S. Paul 29. du passé , il y eut dans cette
Ville , et 3. lieues à la ronde , un orage
et un Tonnerre effroyable , lequel ayant
commencé sur le midi , tomba enfin dans
F'Eglise Paroissiale de S. Thomas , en
passant par une des ouvertures du haut
de la Tour du Clocher , et descendant
par le bel Escalier de pierre , qui y est
enfermé , où il déplaça quelques pierres ;
il entra dans l'Eglise par la porte de cet
Escaliers et avant qu'on se fût apperçu
de sa chûte , quatre hommes de suite s'en
trouverent marqués : l'un tout le long du
bras depuis l'epaule jusqu'au poignet ,
l'autre sur le haut du col , l'autre au derriere
, quoyqu'il fût assis , le quatrième
à la main. Celui qui est marqué sur le
haut du col , ressemble tout à fait à un
I vj homme ,
1828 MERCURE DE FRANCE
homme, qui auroit été marqué pour
quelque mal-fait ; cela est si vray que
cet homme demande actuellement une
attestation Juridique de cet accident à
M". du Présidial pour se préserver de
tout soupçon , en cas qu'il fut obligé de
se deshabiller ailleurs qu'à Evreux , pour
quelque raison que ce soit ; ils montrent
tous quatre leurs marques à tous ceux qui
veulent les voir.
Quand le Tonnerre eût fait ce coup
il parut comme un Tourbillon de
feu dans l'Eglise , qui monta jusqu'aw
Choeur , pendant les encencemens du
Magnificat , ce qui fit coucher tous les
Assistants par terre dans le Choeur et dans
la Nef; le seul Curé , qui a la vûë trẻs
basse, ne s'apperçût de rien, et n'eut peur
que du coup qui accompagna la chûte.
Le Tonnerre remonta par le Rond point
du Choeur , où il brisa uneCroix de pierre,
et démolit 3. ou 4. pierres des environs
le tout en un instant , in ictu oculi : le
Service interrompu fût repris aprés un
délay suffisant , pour s'assurer si les
hommes frappés n'étoient pas en danger
de mort ; on les remena chez eux où ils
furent saignés sur le champ ; et enfin ils
en ont été quittes pour la peur. Le lendemain
on celebra dans la même Eglise,
>
4.
une
t
JUILLE T. 1731. 1829
une Messe d'Action de graces.
Puisque dans le même Mercure que
j'ai cité vous avés marqué la mort de
MIC. de Braque , comme vous avés mar◄
qué en son temps celle de M. sa mere ,
je vous prie de vouloir bien faire mention
de la naissance d'un de ses neveux , nôtre
futur Seigneur, Car une soeur de la Dile
dont vous venez d'annoncer la mort
fût mariée en 1723. à Cæsar Charles le
Franc du Val David , cette Dame vient
d'accoucher d'un fils chez M. le Comte
de Braque son Pere : huit belles Terres
dont il est l'heritier présomprif le mettront
un jour en état de soutenir son illustre
naissance ; la Maison est très ancienne
, et n'a point changé depuis 4. Siecles
et plus.
On donne avis que le Marquis de Flamenville,
autorisé par Arrêt du Conseil , a fait construire
un Port dans sa Terre de Flamenville , qui sera
d'un grand secours aux Bâtimens qui passent le
Raz Blachard , autrement dit Cap de la Hague,
et au Sud-Est la grande Ance de Vauville , dit
Blanc Sablon.
Il y a une Kade admirable et de bonne tenuë
où l'on mouille à 10. 12. et 15. brasses d'eau , fond
de sable. Le Port qui est fermé par une Chaussée
de plus de 100. toises de longueur , est à l'abri de
tous vents ; il y monte 18. 20. et 22. pieds d'eau
de grande Mer , 8. 1c. et 12. de mort'eau. On y
trouvera
1830 MERCURE DE FRANCE
trouvera les rafraîchissemens necessaires. Ce Port
est marqué sur les Cartes de France , entre l'Ance
de Vauville et le Cap de Flamenville , dit Gros
Nez. Ce Port se nomme Dielette.
Le sieur de Fleury , est seul possesseur d'un
Elixir efficace , d'une odeur agréable , avec lequel,
il blanchit parfaitement les dents sans aucune
douleur , arrête la carie , fond dans l'instant le
Tartre qui y est attaché , purifie les gencives sans
les couper ni altérer , il en chasse les mauvaises
matieres , et sans se servir d'aucun ferrement.
Les effets de ce Remede se font sur le champ ;
il arrête la douleur des dents cariées sans aucune
suite fâcheuse ni autre inconvenient. Le sieur de
Fleury , après un très - grand nombre d'experiences
, ayant été à la Cour par ordre de la Reine ,
a fait usage de son Elixir pour plusieurs personnes
de grande consideration. Le Public doit
tirer une grande utilité de ce Remede , l'application
en est très-facile , elle ne se fait qu'avec des
petits morceaux de bois en forme de Curedent.
Après qu'on a fait usage une seule fois de cet
Elixir , on peut aisément se conserver les dents .
blanches et les gencives saines , en prenant les
Brécautions suivantes .
1. Se ratisser la langue tous les matins avec un
couteau d'yvoire ou autre. 2. Se laver la bouche
et les dents avec une petite Eponge. 3. Se frotter
les dents avec du papier brûlé, et se rinser la bous
che ensuite.
Le sieur de Fleury , demeure vis - à- vis M. le
Président de Luber , chez Madame Moulé , ruë
de Clery.
MORTS
JUILLET. 1731 , 1831
*****************
MORTS , NAISSANCES ,
Ame Louise -Therese de Barbançon,
mourut à Blois , le 26. May dernier,
âgée de 28. ans. Elle étoit seule heritiere
de la Branche des Barbançon du Moulin
Maison qui tire son origine des anciens
Comtes de Flandres. Elle étoit Epouse de
Jacques Savare , Ecuyer , Seigneur de
Charloy , cy- devant Mousquetaire du
Roi , et Ecuyer de feüe Madame la Duchesse
de Berry ..
Le 4. de ce mois , Dame Marie- Geneviéve
Routtier , Epouse de M. Jean- Jacques
Dubergier, Chevalier , Seigneur des
Salles et de Montaumere , mourut à Paris
, âgée de 74. ans.
François - Cesar de Roucy , Chevalier ,
Comte de Sissonne, mourut les Juillet,
âgé de 74. ans.
Dame Catherine Cheveret , veuve da
M. Florant de Cossart , Chevalier , Marquis
Despieds , et Epouse de M. Nicolas-
Louis Grosteste , Chevalier , Seigneur de
Jouy , &c. Commandeur de l'Ordre de
S. Louis , Maréchal des Camps et Armées
du Roi , mourut le 11. Juillet , âgée d'environ
78. ans.
1832 MERCURE DE FRANCE
Charles-François d'Albert Dailly, Duc
de Picquigny , Pair de France , Capitaine
Lieutenant de la Compagnie des Chevaux
Legers de la Garde ordinaire du Roi ,
et Colonel d'un Régiment d'Infanterie
mourut à Paris le 14. Juillet , âgé de
près de 24. ans.
Il laisse une fille de son Mariage avec
N.de Courcillon , Le Roi a donné au Duc
de Chaulnes , son pere, la Charge de Capitaine-
Lieutenant des Chevaux- Legers de
la Garde , à qui au mois d'Avril 1729.
S. M. en avoit conservé le commandement
pour six ans , Il reste encore un fils
au Duc de Chaulnes , qui avoit embrassé
l'Etat Ecclesiastique.
Au Duc de Chaulnes , sur la Mort du Duc
de Pequigny.
STANCES.
Pequigny n'est donc plus qu'un amas de poussiere
,
Et ce Heros naissant disparoît à nos yeux ;
Les larmes de l'Epouse et les vertus du Pere ,
N'ont pu fléchir les Cieux.
La Nature et l'amour observent le silence ,
Leurs regards mutuels expriment la douleur,
La raison rougiroit d'avoir de l'Eloquence ,
Dans un si grand malheur.
De
JUILLET. 1833 1731 .
De Chaulnes , pour ton coeur le moment est critique
,
Contre de pareils coups la valeur n'offre rien ,
Mais ce qui troubleroit l'ame la plus stoïque ,
Releve le Chrétien .
Souviens- toi d'Abraham et de son Sacrifice ,
Prêt d'immoler son fils , il étendit le bras.
La Nature en frémit , et sans l'Ange propice ,
Il ne balançoit pas.
Le Dieu qui t'a frappé , veut de l'obéïssance ;
La Foi doit soutenir ton courage abbatu :
Raison, Nature, amour, que peut votre puissance,
Contre tant de vertu.
Dame Therese de Lambert , veuve de
Louis de Beaupoil , Comte de S. Aulaire,
Seigneur de la Porcherie et de la Grenellerie
, Maréchal des Camps et Armées du
Roi , Colonel du Régiment d'Anguien ,
mourut le 14. Juillet, âgée de 52. ans environ
.
Louis de Montesquiou d'Artagnan, Abbé
Commandataire des Abbayes de Sortes
et de Marzan , mourut le 17. Juillet , âgé
de 82. ans.
Le 24. D. Aimée - Therese - Catherine de
Dreux de Nancré , Epouse de Joachim-
Ignace
1834 MERCURE DE FRANCE
L
Ignace de Berrenechea , Ambassadeur
Plénipotentiaire du Roi d'Espagne auprès
du Roi , pour le Congrès de Soissons
mourut , âgée d'environ 28. ans.
Le même jour , Louis l'Heritier , Ecuyer,
Secretaire du Roi , mourut , âgé de 69 .
ans ou environ .
D.Charlotte-Sophie de Sonning, Epouse
de M.Guy Etienne- Alexandre de Faoucq,
Chevalier , Marquis de Grenetot , Mestre
de Camp de Cavalerie , Sous Lieutenant
des Chevaux - Legers de Bretagne , accoucha
le 14 Juin d'une fille qui fut tenuë
sur les Fonts , et nommée Marie- Louise-
Sophie , par Louis - Auguste de Sonning ,
Chevalier , Conseiller du Roi , et Receveur
General des Finances de la Generalité
de Paris , et par D. Marie-Louise du
Moulley , Epouse de M. Guy de Faoucq,
Chevalier , Marquis de Grenetot.
ARREST S.
Atroduction dans le Royaume des Etoff- s de
RREST du 10. Juin , qui deffend l'In-
Soye ou autres Marchandises de la Fabrique et
Commerce de la Ville et du Comtat d'Avignon,
ARREST du Grand Conseil du Roy , portant
Reglement entre le sieur Curé , et les Marguil
liers et Paroissiens de la Paroisse de saint Me
dard à Paris.
JUILLET. 1731. 1838
*
LOUIS , par la grace de Dieu, Roy de France
et de Navarre : A tous ceux qui ces presentes
Lettres verront , Salut. Sçavoir faisons. Comme
par Arrêt cejourd'hui
donné en notre Grand-
Conseil , sur la Requête presentée en icelui par
notre cher et bien amé Jacques Coefferel , Prê
tre , Chanoine
Regulier
de S. Augustin
, Con
gregation
de France , Prieur Curé de l'Eglise
Paroissiale
de saint Medard de cette Ville de
Paris , tendante
&c. Icelui notredit
Grand
Conseil ayant égard à ladite Requête , ordonne
que les Statuts des Chanoines
Reguliers
de la
Congregation
de France ; nos Lettres patentes
effegistrées
en notredit Conseil ; les Arrêts de
notre Conseil d'Etat Privé , et Arrêts de notredit
Conseil concernant
la révocabilité
des Chanoines
Reguliers
de la Congrégation
de France
de leurs Benefices, seront executez selon leur forme
et teneur ce faisant , en consequence
de la
revocation
faite par l'Abbé de sainte Genevieve
,
du consentement
de l'Archevêque
de Paris , de
Nicolas
Pommart
, cy - devant Curé de ladite
Eglise de saint Medard en cette Ville de Paris
or des provisions
accordées au Suppliant le 29 .
Novembre
1730. par l'Archevêque
de Paris , sur
la nomination
et presentation
de l'Abbé de sainte
Genevieve
, ordonne que les Marguilliers
et
Paroissiens
de ladite Eglise seront tenus de reconnoître
le Suppliant
pour leur Curé , et de
lui déferer tous les honneurs
qui lui sont dûs
en sadite qualité , fait défenses ausdits Marguilliers
et Paroissiens
de tenir aucunes assemblées
où les Curez de saint Medard sont dans l'usage
d'assister par leur qualité de Pasteur , sans y
appeller le suppliant
, sous telles peines qu'il appartiendra
; et en cas de contravention
au present
1836 MERCURE DE FRANCE
sent Arrêt permet au Suppliant de faire assigner
Parties en notredit Conseil sur les fins et conclusions
qui seront par lui prises ; et cependant
fait défenses aux parties de se pourvoir ni. faire
poursuite et procedures pour raison de ce que
dessus , circonstances et dépendances , ailleurs
qu'en notredit Conseil , à peine de nullité , cassation
de procedure , 1500. liv. d'amende , dépens
, dommages et interêts. Si donnons en mandement
&c . Donné en notredit Conseil à Paris ,
le 11. jour de Juin mil sept cent trente- un , et
de notre Regne le seizième. Par le Roy à la relation
des Gens de son grand Conseil . Signé ,
RIBALLIER. Avee grille et parafe.
ARREST du Conseil d'Etat , qui ordonne
la suppression d'un Ecrit , etc.
Le Roy ayant été informé qu'on répand dans
le Public un Ecrit , imprimé à deux colomnes ,
sans nom d'Auteur ni d'Imprimeur , sans privile
ge ni permission , qui a pour titre sur l'une des
colomnes : Lettre du Parlement de Bordeaux an
Roy ; et sur l'autre : Réféxions sur cette Lettre.
Sa Majesté a reconnu par le compte qui lui en a
été rendu en son Conseil , que d'un côté on y a
eu la témérité de faire imprimer , contre le res
pect qui lui est dû, une Lettre adressée à Sa Personne
même , par un de ses Parlemens ; et que de
l'autre , l'Auteur de l'ouvrage y tombe dans l'inconvenient
qu'il reproche à cette Compagnie , en
voulant définir ce qu'il reconnoît être reservé au
pouvoir de l'Eglise : Qu'il y a répande d'ailleurs
des traits injurieux aux Magistrats , qui ne tendent
qu'à émouvoir les esprits , et à allumer un
feu que Sa Majesté veut éteindre entierement dans
ses Etats. A quoi étant necessaire de pourvoir : Sa
Majesté étant en son Conseil , á ordonné et ordonne
JUILLET. 1731 1837
?
donne , que ledit Ecrit , ayant pour titre d'un côté
: Lettre du Parlement de Bordeaux au Roy
et de l'autre , Réfléxions sur cette Lettre, sera et
demeurera supprimé ; et en consequence, que tous
les exemplaires dudit Ecrit qui ont été répandus
dans le public , seront incessamment rapportez au
Greffe du sieur Herault , Conseiller d'Etat,Lieutenant
General de Police , pour y être lacerez.
Fait Sa Majesté très expresses inhibitions et défenses
à tous ses Sujets , de quelque état ou condition
qu'ils soient , d'en vendre , débiter ou autrement
distribuer , même d'en retenir aucuns ,
peine de punition exemplaire contre ceux qui s'en
trouveront saisis : Ordonne pareillement, que par
ledit sieur Hérault, à la requête du sieur Moreau,
Procureur de Sa Majesté au Châtelet , il sera informé
contre les Auteurs, Imprimeurs ou Distributeurs
dudit Libelle,pour leur être le procès fait
et parfait en dernier ressort, et jugé par ledit sieur
Herault , avec les Officiers dudit Châtelet , dans
la forme et suivant la rigueur des Ordonnances,
Enjoint au sieur Herault de tenir la main à l'exécution
du présent Arrêt, lequel sera lû , publié et
affiché par tout où besoin sera. Fait au Conseil
d'Etat du Roy , Sa Majesté y étant , tenu à Fonrainebleau
, le 8 Juillet 1731.Signé PHELYPEAUX,
ARREST du Parlement, au sujet d'un Ecrit,
etc. Ce jour sont entrez en la Cour le Procureur
general du Roy, et Maîtres Louis Denis Talon et
Louis Chauvelin , Avocats dudit Seigneur Roy ;
et le Procureur general du Roy, portant la paro
le , ont dit : Qu'après la Lecture qu'ils avoient
pris de l'Ecrit que la Cour venoit de leur remettre
entre les mains , ils avoient crû ne pouvoir rien
faire de mieux en cette occasion pour remplir les
inten1838
MERCURE DE FRANCE
intentions de la Cour , que de prendre les conclusions
par écrit qu'ils laissent à la Cour. Les Gens
du Roy retirez : Vu l'Ecrit intitulé : Seconde
Lettre à M. Gilbert de Voisins ·· Avocat General
an Parlement , &c , ensemble, les Conclusions
par écrit du Procureur General du Roy ; la matiere
mise en déliberation. La Cour a ordonné et
ordonne que ledit Ecrit sera laceré et brûlé par
PExécuteur de la Haute-Justice, au pied du grand
Escalier du Palais ; fait très-expresses inhibitions
et défenses à tous Imprimeurs , Libraires , Colporteurs
et autres , de l'imprimer , vendre , débifer
, ou autrement , distribuer ; sous peine d'être
poursuivis extraordinairement ; enjoint à tous
ceux qui en auroient des Exemplaires de les apporter
incessamment au Greffe de la Cour , pour
y être supprimez : Ordonne qu'à la requêté du
Procureur general du Roy , il sera informé contre
les Auteurs, Imprimeurs et Distributeurs dudit
Ecrit, pardevant Maître Henry- Robert de Toutmont,
Conseiller , pour les témoins qui pourront
être entendus dans cette Ville , et pour les autres
témoins pardevant les Lieutenans Criminels des
Bailliages et Sénéchaussées du Ressort , pour les
informations faités , rapportées et communiquées
au Procureur General du Roy , être par la Cour
ordonné ce qu'il appartiendra : Ordonne en outre
que Copies collationnées du present Arrêt seront
envoyées aux Bailliages et Sénéchaussées du réssort
pour y être lues, publiées et enregistréés.Enjoint
aux Substituts du Procureur General du
Roy d'y tenir la main , et d'en certifier la Cour
dans un mois. Fait en Parlement le 14 Juillet 173 r.
Signé , Y s a be a U.
Et le 14 Juillet 1731.à lá lévée de la Cour, en
exécution du susdit Arrêt , lé Libelle y mens
tionJUILLET
. 1731. 1839
tionné , a été laceré et jetté au feu par l'Exé
cuteur de la Haute- Justice , au bas du grand
Escalier du Palais , en presence de Nous Marie-
Dagobert Tsabeau , l'un des trois premiers et
principaux Commis pour la Grand Chambre ,
assisté de deux Huissiers de ladite Cour.
Signé Y SA BE A U.
TABLE.
Plec
Ieces Fugitives , Ode ,
Seconde Lettre sur les Akousmates ,
Les Charmes du Sommeil , Cantate ,
1627
1637
1650
Seconde Lettre sur la Méthode d'observer les Sels
dans la Terre , les Plantes , &c. 1653
Epitaphe d'un Avare , &c . 1668
Eclaircissemens sur la Vie de S. Front , 1669
Sentiment d'un Iroquois à la Foire , &c. 1678
Remarques sur une Inscription antique , 1684
Eglogue ,
1686
Lettre sur une Inscription trouvée à Auxerre, 1687
* Madrigal
1892
Ceremonie à Metz , nouvelles Cazernes , &c. 1693
Cours de Chymie , Discours , &c.
Epigramme ,
Madrigal ,
1704
1705
1714
Réponse à la Lettre pour dissoudre la Pierre, Ibid.
Vers de M. Boudier , sur la Mort , &c.
Lettre de M. de Voltaire , & c.
1718
1719
Enigme , Logogryphes , & c. 1736
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , & c. 1738.
Discours sur la Comedie , ou Traité , &c . 1741
Journal Litteraire d'Italie , &c . 1755
Lettre sur le Bureau Typographique , 1763
Académie des Jeux Floraux , 1784
Epitaphe
Epitaphe de la Duchesse de Brunswick, 1767
Mort de M. de la Faye ,
Tableaux et Estampes ,
Lanterne Marine , & c.
1769
1777
1782
Couplets sur le retour du Printemps. Air noté ,
Les Vestales ,
Spectacles ,
Le Distrait , Comédie ,
1784
1787
1788
1789
Nouvelles Etrangeres. De Turquie et Perse , &c.
De Russie , Allemagne , Italie ,
D'Espagne , Déclaration , &c.
Angleterre et Hollande ,
1800
1804
1809
1812
1815
Morts des Pays Etrangers ,
France , Nouvelles de la Cous, de Paris , & c. 1816
Mandement au sujet du Tombeau deM Pâris, 1823
Lettre au sujet d'un Loup ,
1825
Autre au sujet du Tonnerre ,
1827
Morts , Naissances , &c .
1831
Mort du Duc de Pequigny , et Vers ,
1832
Arrêts Notables , 1834
Errata du second volume de Juin.
Page 1484. ligne 2 s . le papier , lisez , le des-
PA
sein sur le papier.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1659. ligne 10. Vers , lisez Verres. P.
4893. l. 3. du bas , de , l. du. P. 1727- 1. 9.
d'un , l. du. P. 1746. l. 15. feux , l . Jeux. P. 1748 .
1. 1. ladite , l. de ladite. P. 1749. 1. 21. avoit , 1.
avoient . P. 1776. 1. 12. Trianer , l. Trianon. P.
P. 1780. l. 8. Brutes , 1. Bustes. P. 1789. 1. 24.
le , l. se.
L'Air noté doit regarder la page
1784,
e
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU
ROT
A O UST. 11731 .
241010
QUE
COLLIGIT
STARCIT
RR
Chez
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
rue S. Jacques.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palaise
M. DC C. X X X I.
7
Avec Approbation & Privilege du Ray
1
A VIS.
L
НОМАЯЯ НО
'ADRESSE generale est à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Fran
çoife , à Paris. Ceux qui pour leur com
modité voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie tres - inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gard
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays.
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , de les faire pomer fur
theure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
I X
PRIX XXX, SOLS.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT.
A O
UST.
1731 .
XXXXXXXX **************
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
ODE SA CREE,
H
Tirée du Pseaume.
Beatus vir , & c. - fi}
Eureux le Mortel qui redoute
D'exciter l'ire du Seigneur !
En suivant ses Loix dans sa route
Toujours il marche avec ardeur ,
Quelle est sa gloire et så richesse!
Le souvenir de sa sagesse ,
Ne s'évanouira jamais ,
A ij Sa
7
A
1840 MERCURE DE FRANCE
Sa Posterité dans ce monde ,
Puissante , honorée et féconde ,
Verra combler tous ses souhaits,
Ainsi qu'un Astre favorable ,
Au Vaisseau du Port écarté ,
Dieu se montre à l'homme équitable ;
Dans la nuit de l'adversité ;
Il ne parle qu'avec prudence ,
En lui la timide indigence
Trouve toujours un Bienfaicteur ;
Quel sort au sien est comparable ?
De son coeur ferme , inébranlable ,
Rien ne peut troubler le bonheur,
Malgré les efforts de l'envie ,
Son nom subsistera. toûjours ;
De la perfide calomnie ,
Il ne craindra point les discours ,
Il met en Dieu son esperance ;
Contre les méchans sa puissance ,
Sçaura le mettre en seureté ;
Elle affermira son courage ,
Jusqu'à ce qu'il brave leur rage ,
Dans le Port de l'Eternité,

Ses mains ont semé l'abondance ,
Dans
AOUST.
1841 1731.
Dans les maisons des indigents ;
Sa justice pour récompense ,
Subsistera dans tous les temps :
Il sera placé dans la gloire 5
Le Pécheur verra sa victoire ,
Et de désespoir sechera ,
Dans sa rage il osera même ,
Maudire le Juge suprême :
Mais son vain desir périra.
***:*******:*****
EXPLICATION Physique des bruits
entendus en l'air dans la Paroisse d'Ansacq,
Diocèse de Beauvais , dont il est
parlé dans le second Volume du Mercure
de France du mois de Décembre 1730.
par M. Capperon , Ancien Doyen de
Saint Maxent.
LF savit quiseterdans le Mercure
E Sçavant qui a écrit la Lettre dont
du mois de , Février dernier m'invite
d'une maniere trop gracieuse à donner
une explication Physique des bruits entendus
à Ansacq , pour queje ne fasse pas
quelque effort pour le satisfaire . Je le fais
d'autant plus volontiers ,que je suis persua
dé que ce qu'il y a d'obligeant dans sa
A iij
Let1842
MERCURE DE FRANCE

Lettre vient de la seule bienveillance
qu'il a pour moi , et non de ce que j'ai
pû faire qui ait mérité son attention .
Il s'agit donc de donner une explication
physique de ces bruits qui ont été entendus
en l'air, dans la Paroisse d'Ansacq , proche
de Clermont en Beauvoisis , dont la Relation
a été écrite par le Curé du Lieu avec
beaucoup d'exactitude et d'esprit .
Pour entrer tout d'un coup ´en matiere
, je dis, que, quoique ces bruits qu'on
entend dans l'air ne soient pas bien frequens
, ils ne laissent pas d'arriver quelque
fois. L'Auteur de la Lettre écrite de Bourgogne
cite deux Particuliers qui lui ont
assuré avoir entendus des bruits à peu
près semblables ; sçavoir , l'un en Suisse
et l'autre dans la Bourgogne.
Voici même qu'on nous apprend par
une Lettre insérée dans le Mercure du
mois de May , que de pareils bruits se
sont fait entendre pendant le mois d'Octobre
de l'année derniere , dans un Lieu
que l'on ne nomme pas .
Si nous voulons aller plus loin , l'Auteur
de la Lettre écrite de Bourgogne dit ,
qu'il croit avoir lû dans laChronique d'Helinand
, Moine de Froidmont , qui vivoit
sur la fin du XII . siécle, un fait semblable.
La même chose arriva du tems de saint
Mamert
OKAATO US T. 1731 1843 .
"
Mamert , Evêque de Vienne , c'est-à- dire ,
vers l'an 469. car au rapport de saint
Avit de Vienne et de saint Cesaire d'Arles,
citez par M. Baillet ( a ) on 'entendit plusieurs
fois dans l'air de ces sortes de bruits
pendant la nuit , dont non - seulement
les hommes furent extrémement effrayez ,
mais les animaux mêmes , puisqu'il est
dit , que les Loups et les Cerfs , sortoient
des Forêts , et fuyoient jusques dans les
Villes , ce qui avoit été précédé de frequens
Tremblemens de Terre dans le
Dauphiné où cela se passoit ; et c'est à la
frayeur que causerent ces évenemens rares
et toujours formidables , que les Prieres
des Rogations doivent leur origine.g
Long- tems avant tout cela, (b) Pline avoit
rapporté que lorsque les Romains firent
la Guerre aux Danois , on entendit plusieurs
fois dans l'air unbruit tel que celui
qui se fait dans le tems d'un combat par
le cliquetis des armes , et un autre qui
ressembloit au son des trompettes :
ce qui revient assez au bruit entendu à
Ansacq , puisqu'outre le bruit tumul-
(a) Histoire des Rogations.
(b) Armorum crepitus , et tuba sonitus auditos
è cælo cimbricis bellis accepimus et postea. &c.
Plin. Natur. Hist. lib. 2. cap . 57.
A iiij tueux,
1844 MERCURE DE FRANCE
tueux , on y entendoit aussi comme un
son de Trompette.
Quoiqu'il ne soit donc pas nouveau
d'ertendre dans l'air ces sortes de bruits
et de sons , on peut dire cependant
qu'ils sont toûjours assez rares et ce
n'est que parce qu'ils arrivent si peu souvent
, qu'on en est plus surpris lorsqu'on
les entend , et qu'on ne sçait à quoi en
attribuer la véritable cause ; ce fait n'étant
pas jusqu'à present venu à la connoissance
de Gens délivrez des préjugez
populaires , et qui fussent disposez
à en chercher la cause dans une bonne
Physique. Voyons maintenant si nous
pourrons découvrir comment ces sortes
de sons et de bruits peuvent naturellement
se former dans l'air.
J'avoue qu'il est difficile de comprendre
que cela puisse arriver dans un air
très-pur : car cet air peut bien , à la vérité,
par son mouvement et son agitation , rencontrant
des corps solides diversement figurez
, former diverses sortes de sons ;
mais que des bruits tels des bruits tels que ceux d'Ansacq
, puissent être causés par un agitation
intérieure qui se formeroit dans un
air aussi pur qu'on le suppose , c'est ce
qu'on ne peut raisonnablement penser. <
Il n'en est pas de même de l'air grossier
rempil
AOUST. 1731. 1845
rempli d'exhalaisons et de vapeurs , dans
lequel il est constant qu'il se peut former
des sons et des bruits . Nous en
avons une preuve sensible dans le bruit
formidable du Tonnerre , qui se fait si
souvent entendre dans l'air , lequel est
causé par une sorte de fermentation chaude
, produite dans un nuage , par le mélange
des parties sulphureuses , salines et
terrestres , qui y sont contenuës . Comme
dans cette fermentation le soufre
par consequent le feu , sont de la partie
, il ne faut pas être surpris si la détonation
étant violente , les vibrations
et les ondulations de l'air en sont plus
fortes et plus grandes , d'où il en résulte
des sons plus éclatans et plus terribles.
,
Une fermentation chaude et enflammée
qui se fait dans l'air , étant donc capable
de former des sons et des bruits trèsviolens
, il y a tout lieu de présumer, que
s'il s'y fait des fermentations froides plus
moderées , par un simple mélange des
parties salines avec des parties terrestres
Il s'y formera aussi des sons et des bruits ,
moins grands,à la vérité,que ceux du tonnerre
, mais toujours très -sensibles et frapans.
D'ailleurs ces fermentations doivent
être rares ; parce que la chaleur faisant
élever facilement dans l'air , les parties
AY
sulphu
>
1846 MERCURE DE FRANCE
que
sulphureuses de la terre , il s'ensuit
rarement les parties salines et terrestres
doivent s'y trouver absolument destituées
de quelque mélange de soufre : et
c'est justement parce que ces fermentations
froides se font rarement dans l'air ,
qu'on entend peu souvent les bruits et les
sons qu'elles y forment ; et que quand ,
cela est arrivé , ça été dans des temps et
des lieux , où personne ne s'est avisé d'en
rechercher la cause naturelle : c'est ce
qui a fait que jusqu'à present cette matiere
n'a pas été approfondie.
>
par-
Il me paroît néanmoins , qu'il n'est pas
si difficile de le faire : puisqu'il n'y a qu'à
transporter à l'air grossier, rempli de
ties salines et terrestres ce qu'on voit
tous les jours arriver dans d'autres liquides
, où se font ces sortes de fermentations
froides , tels , par exemple , que le
Vin, le Cidre, et la Bierre , qui fermentent
dans un muid , ou ce qui se fait souvent
dans la mer , lorsqu'elle fait un bruit assez
grand, pour qu'il soit quelquefois entendu
à cinq ou six lieuës loin de son rivage.
Je crois qu'on ne peut pas douter que
ce ne soit une fermentation froide qui se
fait dans le Vin ou dans le Cidre nouveaux
qui soit la cause du bruit er du
murmure assez sensible qui s'entend dan
>
e lc
AOUST. 1731. 1847
.
les muids , où ces liquides et ces sucs sont
contenus ; ce qui n'arrive , que parce que
la matiere subtile , répandue dans tout
'Univers , et qui fait seule la liquidité des
fluides,'agitant continuellement leurs parties
grossieres , poreuses et tartareuses et
d'autres plus fines et plus déliées , par
ses tourbillonnemens , elle les pousse si
vivement les unes contre les autres , que
Les petites s'introduisent par ce moyen
dans les pores des plus grossieres ; et
voilà ce qui fait la fermentation , qui
cause le gouflement , le bouillonnement
de ces liquides , et le bruit qui en résulte .
Car ces parties fines et déliées , entrant
dans les pores parties grossieres , elles
en chassent nécessairement l'air qui y étoit
renfermé ; ce qui lui donne lieu de s'élancer
assez violemment hors de ces liquides
, en les faisant , non seulement gonfler
et bouillonner , mais causant encore
le bruit et le murmure qu'on entend pendant
tout le tems que la fermentation
dure 3 parce que cet air ne peut pas s'échaper
avec quelque impetuosité hors de
la superficie de ces liquides par differens
endroits , qu'il ne frappe avec force l'air
extérieur , et qu'il n'y cause des secousses
et des vibrations assez fortes , pour
ébran ler le sens de l'oüie ; et former par
A vi con
des
1848 MERCURE DE FRANCE
consequent , en même- tems , ce bruit et
ce murmure qu'on entend.
Ce terrible mugissement, pour ainsi dire,
que fait quelquefois la mer , vient d'une
fermentation à peu près pareille ; car
comme nous en sommes ici fort proches,
j'ai été curieux de voir de quelle maniere
la chose se passoit , dans le tems que ce
bruit se faisoit fortement entendre ; et je
vis étant sur le rivage , que c'étoit dans
l'interieur des eaux , que se faisoit tout le
mouvement qui causoit ce bruit , la mer
' en étant pas pour cela plus agitée audehors
d'où j'ai conclu , qu'il est à croire,
que les Rivieres et les pluyes font continuellement
entrer dans la mer une infinité
de parties terrestres , dans lesquelles
beaucoup de particules d'air se trouvent
aussi renfermées et emprisonnées.
Mais parce que l'eau de la mer à cause
de sa grossiereté , ne peut pas seule faire
une dissolution assez parfaite de ces molécules
terrestres , pour chasser l'air qui
y est envelope ; s'il arrive que dans certain
espace de mer , il s'éleve de son fond
une vapeur remplie d'un Sel acide , fin
et délicat , c'est alors , que la matiere subtile
qui cause la fluidité de ses eaux , s'emparant
des éguilles fines et pointues de ce
Sel , elle les pousse violemment contre
ces
AOUST. 1731. 1849
ces molécules ; et les faisant entrer violemment
comme autant de petits coins
dans leurs pores , elle en brise et en
écarte les parties avec plus de facilité.
Les particules de Pair ont au même
instant la liberté de s'échaper de leur pri
son ; et leurs petits ressorts se débondant
, elles font alors dans l'eau de mer,
les mêmes effets qu'elles operent lorsqu'el
les échapent dans le Vin ou dans le Ĉidre
qui fermentent, c'est-à - dire , qui si elles ne
le font pas gonfler , à cause de la trop
grande étendue de ses eaux , ni trop
visiblement bouillonner , à cause du moument
extérieur de ses vagues , au moins
en s'échapant par une infinité d'endroits
de sa superficie , elles frappent l'air extérieur
avec d'autant plus de force , qu'el
les se trouvent réunies en plus grand nombre
, d'où il en résulte un bruit d'autang
plus éclatant.
Il ne reste maintenant qu'à appliquer
tout ce que je viens de dire,aux Akousmates
en général , et en particulier aux bruits.
entendus à Ansacq. Car si des fermentations
froides , qui se font dans les liquides
tels que le Vin , le Cidre , l'eau de mer ,
forment et causent naturellement des
sons; de pareilles fermentations pouvant
se faire également dans l'air , il est clair
qu'elles
1850 MERCURE DE FRANCE
qu'elles y peuvent aussi former des bruits
et des sons. Or il est hors de doute , que
dans les vapeurs qui s'élevent en l'air , il
y en a qui emportent avec elles quan
tité de parties simplement terrestres
qui contiennent aussi de l'air , et quantité
d'aurres parties purement salines. Mes
Observations sur les Sels , contenus dans
l'air , me l'ont fait assez connoître.
Personne ne peut donc disconvenir ,
que ces parties terrestres et salines , se
trouvant ramassées ensemble dans un
nuage , elles ne puissent y fermenter
comme elles font dans la Mer , et par
conséquent y former des sons plus ou
moins grands , selon que le nuage au
ra plus ou moins d'étendue et d'épais
seur , et qui paroîtront plus ou moins éloignés
, suivant que le nuage se trouvera
plus ou moins loin.
D'ailleurs cela peut arriver dans certains
Cantons , plutôt que dans d'autres,
soit parce qu'il s'y trouve beaucoup plus
de cette espece de Sel , ou qu'il s'y en
fait dans de certains temps une éva
poration plus grande ; ou enfin parce
qu'il y arrive quelque remüement ou
Tremblement de Terre , qui contribue
à cette évaporation , propre à former
dans l'air la fermentation convenable
pour
A O UST . 1731. 1851
,
pour y causer ces sortes de bruits .
Pendant cette fermentation , si l'air
renfermé dans le Nuage en échape tout
à la fois , comme dans la mer , par quantité
d'endroits , il se formera alors un
bruit confus de sons differens , soit tel
que le cliquetis des armes ,
armes , ainsi que le
rapporte Pline , soit tel qu'un bruit confus
de differentes sortes de voix , comme
on l'a entendu à Ansacq , si l'air s'en
échappe assez violemment par une longue
traînée alors il formera des sons
semblables à ceux des trompettes , ou
tels que ceux de divers Instrumens
lon le plus ou le moins de force
de continuité , avec laquelle il s'échaperą.
>
>
seon
Car si l'air s'échape du nuage avec une
impétuosité considerable , qui approche
de plus près de ce qui se fait pendant
le Tonnerre , les bruits seront plus éclatans
et causeront beaucoup plus de
frayeur , non seulement aux hommes ,
mais même aux animaux , par la singularité
de ces sortes de bruits , auxquels
les Bêtes ne sont pas accoutumées , ce qui
a pû donner lieu aux Loups et aux Cerfs
de fuir hors des Bois et des Forêts , ainsi
qu'il est arrivé au temps de saint Mamert
; et aux Moutons , ou autres Animaux
,
1852 MERCURE DE FRANCE
maux , de forcer leurs parcs , et fuir de
tous côtez comme cela est arrivé en
Suisse et à Ansacq .
>
Enfin si cet échapement de l'air hors
du nuage se fait plus lentement , mais
néanmoins avec quelque durée ; alors on
entendra comme des gémissemens : et c'est
ce qu'on observe tous les jours , lorsqu'on
met sur le feu une Marmite remplie
d'eau ; car chacun sçait , qu'au mo
ment que l'eau vient a s'échauffer , on
est souvent surpris d'entendre tout à coup
comme une voix plaintive , qui sort de
la Marmite ; ce qui ne vient pareillement
, que par une traînée d'air , poussée
hors de l'eau par le feu , qui s'en
échape et en sort avec quelque lenteur
par un seul endroit.
Je dirai en passant , que des Particuliers
de cette Ville , ayant mis dans une
marmite pleine d'eau un coeur de Mouton
et d'autres visceres , pour connoître
par des observations superstisieuses , l'Auteur
d'un prétendu maléfice , jetté à ce
qu'ils croyoient sur leurs chevaux un
bruit plaintif qui sortit de l'eau , leur
fit imaginer que c'étoit le Diable qui étoit
descendu par la cheminée , et qui hurloit
dans la marmite , ils s'enfuirent tous à
l'instant , et abandonnercnt leur opération
superstitieuse.
,
Сон
A O UST. 1731. 1853
Concluons donc de tout ce que je
viens de dire , que les Akousmates , et
les bruits entendus à Ansacq et ailleurs
, se sont naturellement formés dans
un nuage , qui étoit posé sur les lieux où
on les entendoit,ou au moins qui en étoit
peu éloigné ; ajoutons que cela est plus
vrai - semblable , que de croire , comme
le dit l'Auteur du Mémoire , inseré dans
le Mercure du mois de Mars dernier , que
la chose s'est faite par l'addresse de quelque
Particulier , qui a sçû causer ces sortes
de bruits , pour avoir le plaisir de
donner l'épouvante à ceux qui les ont
entendus : parce qu'on ne peut pas raisonnablement
présumer qu'un particulier
qui auroit voulu se donner ce
plaisir , eût pû tenir la chose si secrete,
que personne n'en eût eû la moindre connoissance
, et qu'on lui en eût gardé un
parfait secret, qu'il en cût été de même dans
tous les temps et tous les lieux , ou de
semblables bruits se sont fait entendre.
Peut-on croire que tous ceux qui au- “
roient eu une telle addresse , auroient toujours
voulu la tenir cachée? c'est ce que leur
amour propre ne leur auroit jamais permis.
Les nommez Philibert et Loillet,
dont parle l'Auteur du Mémoire n'ont
eû garde de tenir leur talent caché et se-
>
cret.
1854 MERCURE DE FRANCE
cret. On vient même de faire connoître
par la Lettre insérée dans le Mercure du
mois de May dernier , et dont j'ai parlé
cy-dessus , que la chose n'a jamais pû se
faire par un semblable moyen.
A la Ville d'Eu , le 20. de Juin 1731 .
PARAPHRASE.
Du Pseaume XXXIV.
Fulica , Domine , nocentes me , &c.
P. L. D. D. R. P. G. J. P. L. A. J.
Dieu d Ieu d'Israël , sois mon réfuge ;
Combats
pour moi , deviens le Juge
De mes lâches Pérsécuteurs ;
Fais gronder, fais partir ta foudre, ton Tonnerre,
Er que ton bras vengeur montre à toute la Terre
Que tu ne délaissas jamais tes serviteurs.
Je vois ton glaive redoutable ,
Levé sur la tête coupable ;
Cachez - vous , foibles ennemis :
Le Seigneur en ce jour va prendre ma défense ,
Vous , dont les coeurs pervers oppriment l'innocence
,
Traîtres , où fuirez - vous ? l'Enfer même est soumis.
SP
AOUST
1855 1731 .
Que la fuite et l'ignominic ,
Soient le prix de la calomnie ,
Et de ses suppôts renommez !
Que, tels qu'un vain amas de sable et de poussiere ,
Que dissipe des vents une haleine legere ,
Leurs complots soient détruits aussi - tôt que
formez !
Vous , les
M
organes de Dieu-même ,
Vous , de sa Justice suprême ,
Ministres sages , éclairez ,
Par vos décisions , par vos Arrêts celebres ,
Punissez ces esprits d'erreur et de tenebres ;
Ils sont contre le Ciel hautement déclarez.
En vain ils me tendent des pieges ,
En vain leurs fureurs sacrileges ,
Soufflent un dangereux poison :
De leur rage impuissante exemplaires victimes ;
Ils sont ensevelis dans ces mêmes abymes ,
Que m'avoit préparés leur noire trahison .

Cependant mon ame contente ,
De la verité triomphante ,
Connoît les salutaires droits :
Ma langue toujours prête à chanter la puissance ,
D'un
1856 MERCURE DE FRANCE
D'un Juge qui punit , d'un Dieu qui récompense,
Dans ses Temples sacrez fait connoître ses Loix.

Interprete de ses oracles ,
De sa main féconde en Miracles ,
Elle vantera le pouvoir :
Le Seigneur se souvient du pauvre en sa soka
france ;
Ses coups sont étonnans , et l'humaine prudence ,
Ne sçauroit les comprendre et ne peut les prévoir.
Des témoins trompeurs et perfides ,
Par leurs mensonges homicides ,
M'imputent un crime odieux :
Touché de leurs erreurs , mon coeur est moins
sensible ,
'Aux aprêts éclatans d'un Jugement terrible ,
Qu'aux genereux desirs de désiller leurs yeux.

Pour les conduire à la lumiere ,
La patience et la priere ,
Ont fait des efforts superflus :
Toujours plus endurcis , ils ont forcé leurs ames ,
Par un nouveau tissu d'intrigues et de trames ,
A braver des remords qu'ils n'éprouveront plus.
Mais
A O UST. , 1731 1857
Mais tous leurs desseins que j'ignore ,
Et que leur haine forme encore ,
Voat être bien- tôt dissipez :
Leurs bouches au silence enfin vont se réduire ,
Sans que jamais leurs coeurs toûjours ardens à
nuire
Soient réduits à l'aveu d'avoir été trompez.
Seigneur , d'un regard favorable ,
Du mortel ennui qui m'accable ,
Daigne dissiper les horreurs ;
Aompt de mes Meurtriers les troupes conjurées ,
Ma voix en s'élevant dans tes Voutes sacrées,
Aux Peuples attentifs apprendra tes grandeurs.

Ne verray-je point de l'envie ,
Qui poursuit ma gloire et ma vie ,
Avorter le honteux dessein ?
Sous un dehors trompeur , dans une humble posture
,
Mes superbes Rivaux méditent l'imposture ,
Pour lancer surement tous leurs traits dans mon
sein.
Hypocrites , le masque tombe ;
Qu'ilmeure , ont-ils dit , qu'il succombe ,
Sous l'effort de nos bras unis !
Soutiens
1858 MERCURE DE FRANCE
Soutiens- moi , Dieu puissant , fais parler ta Justice
,
Confond mes ennemis , toi qui vois leur malice ,
Et qui sondes des coeurs les plus secrets replis.
Fais cesser ma douleur profonde ;
Il est temps d'annoncer au Monde ,
Qu'on m'a jugé selon tes Loix :
Arbitre des Humains, l'esprit de Dieu vous guide,
A vos justes decrets cet Esprit Saint préside ;
Vous êtes seulement les Echos de sa voix.
Tremblez , vous , dont les fourberies ,
Et les cruelles railleries ,
Se nourissoient d'un faux espoir :
Les barbares Auteurs d'un projet fanatique ,
Pour salaire n'auront qu'un regret tyranique ;
Sous le poids de leur crime ils seront sans pouvoir.
Mais vous que mon sort înteresse
Remerciez le Ciel sans cesse 1.3
Par des Cantiques immortels :
Puissent-ils, ces grands Choeurs , chanter ma délivrance
,
Et celebrer , grand Dieu , de ta magnificence ,
L'éclatante splendeur aux pieds des Autels.
AOUST. 1859
1
1731.
Ma voix d'une force nouvelle ,
Valde ta Justice éternelle ,
Seigneur , publier les bienfaits :
1.1
Tandis que nuit et jour méditant ta Loi sainte ,
Mon esprit rassuré pourra gouter sans crainte
faveurs et les dons de la Paix.
Le prix de tes fa
Ad majorem Dei gloriam.
LETTRE de M... sur la Médisance.
QProjet ?
Ue pensez- vous , Monsieur, de mon
Projet ? j'entreprens de critiquer le
pernicieux usage de la Médisance qui s'est
introduit dans les Conversations , et qui
se fortifie chaque jour par le plaisir que
certaines personnes semblent y trouver.
Je n'examinerai point lequel des deux !
Sexes a le plus contribué au mal , mais i
je n'oserois me persuader que le nôtre y
ait beaucoup de part : quoiqu'il en soit ,
j'avois souvent formé le dessein de vous
en porter mes plaintes comme à un Spectateur
chargé en quelque maniere , du
soin de corriger les deffauts- des hommes,
en faisant sentir leur ridicule ; mais , je
Craignois que le beau Sexe ne prît ma
démarche
5
1860 MERCURE DE FRANCE
démarche pour une entreprise sur ses droits :
vous n'ignorez pas que ce Corps est aussi
dangereux que respectable , ainsi je n'osois
m'opposer ouvertement à ses maximes
et à ses usages ; mais la Conversation
dont j'ai été témoin dans une de ces Societez
médisantes , me fait aujourd'hui
braver tous les dangers .
Je me trouvai dernierement chez Celimene
, auprès de laquelle se rassemblent
certaines Dames douées de cet esprit satirique
, qu'elles nomment Esprit fait
pour la belle Conversation , je ne fus point
scandalisé de les entendre débuter par des
traits de raillerie , sur leurs voisines et sur
leurs amies , par une critique des Ajustemens
, et par l'éloge des profusions en
habits , dentelles , &c. servant à la parure;
ce qui excita mon étonnement , c'est le
déchaînement de cette aimable Societé sur
l'origine , les moeurs et la fortune de trois
honnêtes Familles , qu'à peine elles connoissoient
et que je connois parfaitement.
Je m'élevai contre la calomnie , je fus repoussé
par les cris tumultueux et emportez
de cette Cabales j'étois sur le point
de me deffendre par la retraite , lorsqu'une
de ces belles Babillardes se chargea
de me prouver qu'il étoit permis à
son Sexe de déchirer impunément tous
les
A O UST . 1731 1861
les Objets que son imagination lui présentoit
, elle se servit pour cela de deux
propositions qui vous paroîtront aussi -
nouvelles qu'à moi ; la premiere , que le
beau Sexe peut se livrer indifferemment
à la câlomnie & à la médisance , parce
que les traits qu'il lance ne font aucune
impression ; sans doute , suivant le proverbe
vulgaire ( c'est une femme qui
parle. )
La seconde proposition étoit fondée sur
un faux zele pour la verité. La Dame
soutint que la calomnie et la médisance
n'étoient autre chose que le langage du
yrai et du , naturel , et que ceux qui n'en
faisoient point usage étoient ennemis jurez
de la verité , et des hypocrites qui ne
devoient trouver accès ni place dans les
societez ; je vous avoüerai que ce raisonnement
m'avoit échauffé au point de vouloir
répondre avec plus de vivacité que
je n'avois été attaqué , lorsqu'une de ces
Dames se jetta sur sa propre famille et
sur le principe , qu'il ne falloit pas
épargner son sang ; une troisième enfin
ne cherchant qu'à maintenir les prétendus
privileges de son Sexe , me dit
la médisance et la calomnie étoient un
de ses plus beaux appanages , et que par
consequent ma surprise étoit une espece
d'at B
même
que
7862 MERCURE DE FRANCE
d'attentat qu'on ne devoit point me pardonner
,je fus forcé par cette déclaration
de battre en retraite , et de laisser cette .
charmante Assemblée déliberer sur le
choix de mon supplice.
Je vous fais part de cette avanture ;
Monsieur , parce que le mal augmente
tous les jours , et que ce poison paroît si
subtil , qu'à peine les personnes raisonnables
des deux Sexes , peuvent- ils s'en
garantir j'espere que sur ma dénonciation
quelque plume charitable et éloquente
fera sentir toute l'horreur de ce genre
d'amusement et de plaisir , et travaillera
à détourner le beau Sexe d'un penchant
si funeste.
*****************
ADIEUX AUX MUSES .
Ouble Mont où ma Lyre enfanta quelque
Double sons >
Je te quitte , Phébus , et vous filles sçavantes ,
Je ne puis suivre vos leçons ;
Il me faut un métier qui me fasse des rentes,
Un Cadet de famille , être au rang des Rimeurs
C'est d'un esprit leger la preuve non legere ;
SurA
O
UST. 1863 1731.
Sur tout quant au pauvret il ne manque qu'un
frere ,
Pour en avoir autant que vous êtes de soeurs,
Je vous ai consacrẻ ma premiere jeunesse ;
Le beau fruit que j'en tire est d'avoir fait des Versy
Que m'importe qu'ils soient au bout de l'Univers
Cette frivole gloire , est une sotte yvresse.
Rimer est un métier qui ne convient qu'à ceux
Dont l'esprit est né pour la rime.
Autrement on nous mésestime .
l'on parle de nous comme d'un cerveau creux)
On dit qu'il est une Fontaine ,
Dont l'eau miraculeuse a le vrai
gout
du vin i
S'il en étoit ainsi de l'eau de l'Hypocrêne ;
Si la gloire appaisoit la faim ;
M
Si sur ce Mont que j'abandonne ,
Une herbe salutaire et des arbres fruitiers ;
Croissoient comme les fleurs à l'ombre des Lat
riers ;
Enfin s'il y regnoit et Cerés et Pomone
Je
Bij
1864 MERCURE DE FRANCE
Je n'aurois , doctes Soeurs , aucune passion ,
Que celle de vous plaire , afin d'y toujours être.
Je cours à la fortune , et mon ambition ,
N'a pourtant d'autre objet qu'un azile champêtre.
D'Hautefeuille.
ECLAIRCISSEMENT sur le nouveau
Paradoxe proposé aux Géometres Infinitaires
, par le P. C. J. dans le Mercure
de Juin 1731. page 1280.
L est vrai, que comme le dit le P. C. le
quarré des unitez 1. 1. 1. &c. en nombre
infini , est 1. 3. 5. &c. en nombre
infini , c'est- à - dire, tous les nombres impairs.
Il est vrai aussi , ce que dit M. Cheyne,
que les mêmes nombres impairs , 1. 3. 5 .
&c. sont les quarrez , non des unitez
mais des demi unitez ,,,, &c. en
nombre infini .
D'où il suit que le quarré des unitez
qui selon le P. C. et M. Cheyne , est la
même suite des impairs , est égal en mê~
me temps au quarré des démi unitez,
Et je puis encore augmenter la merveille,
çar la suite infinie des impairs , 1. 3. S .,.
A OU S T. 1731. 1865
étant très - certainement , et par
consequent égale au quarré des unitez ,
ce quarré ne laisse pas d'être aussi co .
Le P. C. dit qu'il differe en un point
d'avec M. Cheyne , et que sur ce point
il faut que l'un des deux ait tort. C'est
que selon le P. C. le quarré des unitez
est toûjours 1. 3. 5. &c . et qu'il est , selon
M. Cheyne , égal à la somme des nombres
naturels , 1. 2. 3. 4. & c . ce qui est
effectivement très- different , puisque la
somme des impairs 1. 3. 5. &c . n'est que
la moitié de celle des nombres naturels.
Pour moi je trouve qu'ils n'auront tort
ni l'un ni l'autre , mais à une étrange condition
, c'est qu'ils differeront encore davantage,
et qu'on supposera que M.Cheyne
, au lieu de dire que le quarré des unitez
est égal à la somme des nombres naturels
, aura dit ou oublié de dire qu'il est
égal au double de cette somme. Comme
je n'ai point lû , et queje ne puis lire le
Livre de M. Cheyne , qui est en Anglois,
je ne puis sçavoir ce que porte son Texte,
ou s'il ne manque point un mot dans la
Traduction.
Voici le dénouement de toutes ces contradictions
apparentes , et il est presque
honteux qu'il ne consiste qu'à démêler
des équivoques de mots.
Bij Une
1866 MERCURE DE FRANCE
Une suite quelconque , finie ou infinic,
a , b , c , d , &c. étant proposée , prendre
le quarré de ces termes , c'est dans le sens
naturel et ordinaire , poser a², b², c², &c.
si cette suite est la suite des unitez , 1 .
I. 1. &c. en nombre , auquel cas
a=1 , b1 , &c. les quarrez sont 12
= 1 , 1²=1 , &c. d'où il suit que
leur somme est co la même pour les
,
quarrez
quarrez que pour les racines.
On peut dire que prendre les
de a et de b , ce n'est pas seulement poser
a² et b² , mais poser aba²+ 2 a b
➜b² , ce qui outre a² et b² pose 2 a b . il
est visible qu'en ce sens- là ce n'est pas
quarrer a et b comme détachez l'un de
l'autre , mais comme liez , et faisant une
somme , et c'est proprement quarrer leur
somme. J'appelle incomplexes la premiere
maniere de quarrer a et b , et complexes
la seconde. Ši a et b étant 1 , je les.
quarre de la maniere incomplexe
, j'aurai
I et I ou 1 + 12 , Mais si je les quarre
de la maniere complexe , j'aurai 1+1
1 +2 +14. Si je quarre de la premiere
maniere 1. 1. et 1. leur somme sera 3 .
mais de la seconde maniere 14+1+ 1² , on
aura une somme 9 , et comme cela se
soûtiendra toûjours , si l'on compare I. I.
>
2
A O UST. 1731. * 1867
2
I. et 1. quarrez de la premiere maniere
a I +I+ I+ I , &c. c'est- à- dire que l'on
trouvera toûjours d'un côté une somme
égale au nombre des unitez, et de l'autre
une somme égale au quarré de ce même
nombre , il s'ensuit que la proposition
est generale , et que la somme des quarrez
des unitez prises en nombre 6
est de la premiere maniere ∞ et de
la seconde . Puisque dans l'infini
la somme des quarrez faits de la maniere
complexe , est infiniment plus grande que
la somme des quarrez faits de la maniere
incomplexe , ce rapport des deux sommes
dans le fini a toûjours dû être croissant à
mesure qu'on a pris un plus grand nom
bre d'unitez.
&
c.∞o s
La somme des nombres naturels 1. 2. 3 .
étant , celle de la somme
des quarrez complexes des unitez en est
double , puisqu'elle est∞ , c'est
ce que je croi que M. Cheyne a dit , ou
Yvoouulu dire.
Si l'on quarre de la maniere incomplexe
la suite infinie ,
le nombre des termes est
la que somme sera
00
1
,
&c . dont
00 il est

Mais si on la quarre de la maniere complexe
, il faut observer que
B. iiij
2

est
868 MERCURE DE FRANCE
4 4
2
c'est
anb #—1 + 1 + 1 +
, c'est-à- dire que si l'on quarre
de la maniere complexe deux de ces
on aura un nombre de qui sera 4 .
quarré du nombre des , que si on quarre
trois , on aura neuf , et toujours
ainsi de suite d'où il suit que si on
quarre des en nombre
4
,
7
on aura
un nombre de , qui sera² , ou une
somme de , qui sera 2,ce qui est
parfaitement analogue , comme il doit
l'être , à ce qu'on vient de trouver pour
les unitcz . Or on sçait que la somme des
pairs ou des impairs , pris jusqu'au dernier
terme de la suite naturelle , qui est
donc , & c .

4
2
C 2
CO 2
Delà il suit que si l'on quarre de la
maniere incomplexe des , pris en nombre
, leur somme est . et
que si on les quarre de la maniere complexe
, leur somme est 1. L'analogie
se soutient toûjours , et ce seroit encore
un Paradoxe , si l'explication n'avoit
précedé que des quarrez , quoiqu'en
nombre infini , pussent faire une
somme finie , et — I.
On peut encore quarrer une suite d'une
A OUS T. 1731. 1869
prene
maniere qui ne sera ni absolument incomplexe
, ni absolument complexe ; mais
mixte. On prendra , 1 ° . le quarré du
mier terme , 2. le quarré des deux premiers
, et on en retranchera le quarré du
premier, 30. le quarré des trois premiers et
on en retranchera le quarré des deux premiers
, et toûjours ainsi de suite. Ce seront
des quarrez complexes , mais mis en
une somme d'une maniere incomplexe ,
puisqu'on les sépare les uns des autres à
mesure qu'on les forme.
1.
Si l'on quarre de cette maniere mixte
la suite infinie , F. 1. 1. &c . on aura pour
premier quarré 1. pour second 4-1
3 , pour troisiéme 9
,
5 , pour
quatrième , 16- I 3 S=7 , &c.
c'est-à -dire , la suite des impairs , dont la
somme est , et c'est ce que le P. C. a dit.
Si l'on quarre de la maniere complexe
la moitié de ia suite infinie des unitcz ,
dont le nombre sera par consequent
2 9 on trouvera , selon ce qui a été dit ,
la somme , la même que celle des
unitez en nombre quarrez de la
maniere mixte , d'où il suit que par
rapport à la grandeur de la somme ,
maniere, complexe a un grand avantage
sur la mixte , puisque la moitié de la suite
B v infinie
la
1870 MERCURE DE FRANCE
infinie des unitez quarrées par la maniere
complexe a la même somme que la suite:
entiere quarrée par la maniere mixte.
On pourra comparer les trois manietes
ensemble , en considerant que les som→
mes de la suite infinie des unitez quar
rées sont par la maniere incomplexe ∞ ,
la mixte , par la complexe∞ 2. par
*****:*******:***
L'AMANT FUGITIF
CANTAT E.
L'Amour joignoitMedor à l'aimableAmarille j
Jaloux de leur état tranquille ,
Le rigoureux Destin les voulut séparer ,
L'Amant surpris à sa sombre tristesse ,
Redoutant d'affliger l'objet de sa tendresse ,
Lui cache sa douleur et tâche à l'éviter ,
In differens desseins il se laisse égarer ,
Dans le trouble affreux qui l'agite
Un Navire s'offre à sa fuite.
Aprenez, sensible coeur,
Que si l'Amour vous anime ,
Toute l'Onde Maritime ,
· N'éteindra point votre ardeur¿
Em
A O UST. 1731 . 1871
d'Alcide ,
En vain sur les pas
Jusques au Rivage humide ,
Vous traversez les deux Mers §
C'est traîner par tout les fers ,
Du Dieu malin qui vous guide ,
Et l'apprendre à l'Univers.
r
Quel bruit inopiné nous annonce l'orage
Dieux ! que vois- je ? l'humide plage
Flance en bouillonnant ses flots tumultueux ;
Le bruyant Aquilon , frissonne dans nos voiles
L'air d'une fausse nuit ne cache les Etoilles ,
Que pour nous éblouir par de sinistres feux ;
Le Tonnerre en grondant fend le cercle des Cieus
La Foudre va bien- tôt éclater sur nos têtes , os
Medor que ses malheurs ont rendu furieux ,
Invoque par ces mots de nouvelles tempêtes -
Superbe Eleinent ,
Ouvre tes abîmes ,
Monstres Maritimes ;
Sortez promtement ,
Vagues mutinées ,
Cachez-nous les Airs ,
Et dans les Nuées ,
Joignez les Eclairs
La seule Amarille »
Bvj Pout
1872 MERCURE DE FRANCE
Peut troubler mon coeur ,
Votre Onde en fureur
Me laisse tranquille..
>
Le Dieu dont l'Ocean fait respecter la Loy
Sort à ces mots du sein des Ondes ,
D'un souffle il fait rentrer dans leurs prisons
profondes ,
Les vents qui causoient notre effroy ;
La nuit n'ose laisser tomber d'épaisses voiles ,
Sur la Voute Atherée où brillent les Etoilles ,
Favorables aux Matelots ;
Le terrible Trident calme l'humide Plaine
Je vois sillonner l'Onde au gré de la Baleine ,
Le nid de l'Alcion est porté sur les flots.
De l'un à l'autre Hemisphere ,
L'on peut braver le danger,
Mais vers l'lfle de Cythere ,
Redoutons de voyager.
Une Planette chérie
Du Nocher épouvanté
Souvent calme la furie
De l'Ocean irrité.
Mais dans l'amoureux voyage ;
A O UST. 17310 1873
Si le coeur est agité ,
Il est rare que l'orage .
Cede à la tranquillité.
L. C. D. N. D. M
XXX :XXXXXXXX :XXXX
LETTRE écrite de Marseille , le 1.
Juillet 1731. A M. de la R. au sujet
des Discours du P. le Brun sur la Comédie.
E n'ay pû lire sans étonnement ,
Monsieur , les Eloges avec lesquels
vous annoncés dans votre Mercure du
mois de May dernier les Discours du P.
le Brun sur la Comédie. Si le P.. le Brun
a refuté si solidement la Lettre du P.
Caffaro, qui a justifié les Comédies telles
qu'on les représente depuis Moliere , si
le P. le Brun a raison de dépeindre nôtre
>> Théatre comme l'Ecole de l'impureté
» la nourriture des passions , l'assem
» blage des ruses du Demon pour les re-
» veiller , ou les yeux sont environnés
» d'objets seducteurs , les oreilles ouvertes
à des Discours souvent obscénes .
et toujours prophanes , qui infectent »
9
» le
1874 MERCURE DE FRANCE
» le coeur , et l'esprit , pourquoy , homme
pieux et rigoriste , comme vous le
paroissés dans cet Extrait , nous donnezvous
dans tous vos Mercures des Analises
de toutes les pieces de Théatre , si vives
, et si expressives , que vous engagez
la plupart de vos Lecteurs à aller partieiper
à ces Spectacles que le P. le Brun
soutient si pernicieux et si criminels ?
une personne d'esprit doit toujours parler
, et agir par principes. La Comédie
telle qu'on la représente depuis plus de
30. ans sur nôtre Théatre est un mal en
elle-même , ou elle n'en est pas un . Si elleest
encore un mal en elle-même , comme
elle étoit lorsque les Peres de l'Eglise et
les Conciles Pont condamnée avec tant
sagesse , non seulement les Comédiens
meritent toujours les Anathémes que
PEglise a autrefois prononcés contre eux ,
mais la conduite de quelques Rigoristes
qui refusent d'absoudre tous ceux qui assistent
à la Comédie est reguliere , et doit
absolument être suivie par tous les Directeurs.
La tolerance du P. le Brun qui n'ose:
condamner ceux qui y assistent , est donc
contraire aux principes , puisqu'il n'a
pu ignorer qu'une chose qui est crimi
nelle en elle - même , ne doit jamais être
tolerée et l'on seroit mieux fondé à lu
de
demander
A O UST. 1731. 1.877
demander une retractation , s'il vivoit
encore , qu'on ne l'a été à en exiger
une du P. Caffaro , qui après avoir éta
bli et démontré , par des principes , et
par des faits incontestables , que nôtre
Comédie n'est pas un mal en elle - même
a conclu qu'on y pouvoit assister très - innocemment.
Si la Comédie épurée et châtiée , comme
elle est sur nôtre Théatre , n'est plus
un mal en elle -même , ceux qui la représentent
ne meritent plus les foudres de
PEglise , et ils sont en droit depuis longtems
de faire à ce sujet de très-humbles
remontrances à ceux de nos Evêques qui
continuent à faire prononcer contre eux
des Anathémes dans les Eglises Paroissia
les de leurs Diocèses.
Le P. Caffaro n'a entrepris de justifier
nos Comédies qu'en faisant un juste pa
rallele entre les anciennes et celles de notre
tems. Il a mis en fait que les Peres et
les Conciles n'ont prononcé des Anathémes
contre les Comédies , que parce
que ce n'étoient de leur tems que des
assemblées d'impudicité , où l'on n'approuvoit
que ce qui étoit vicieux , où
Les Acteurs jouoient avec les gestes les
plus honteux , où les hommes et les femes
méprisoient toutes les regles de la
pudeus,
1876 MERCURE DE FRANCE
pudeur, et où l'on prononçoit souvent des
blasphemes contre le saint Nom de Dieu :
ce qu'il a prouvé par les témoignages
de Tertulien , de Salvien , de Lactance
de S. Cyprien , et de S. Chrisostome. It a
remarqué qu'à mesure que le Théatre
s'est purgé de ses ordures , et de ses impietés
, les Peres de l'Eglise l'ont traité
avec plus d'indulgence que S. Thomas
dans la 2. partie de sa Somme , art. 2 .
quest. 168. soutient que dans les jeux
et les divertissemens , lorsqu'ils sont modérez
, non seulement il n'y croît point
de mal , mais même qu'il y trouve quelque
bien , parcequ'il est necessaire
l'homme relâche quelquefois son esprit
trop attaché aux affaires : que ce Pere
ajoute que ce délassement de l'esprit ne
se fait que par des paroles ou des actions
divertissantes ou ingenieuses. Ce que j'ai
trouvé en effet dans sa conclusion , où il
dit précisement : Sed ista remissio anime à
rebus agendis fit per ludicra verba et facta ;
'd'où ce Docteur de l'Eglise , qui dans un
autre endroit justifie l'emploi des Comédiens
, conclut que la Comédie , qui ne
consiste qu'en de pareils divertissemens
ne sçauroit passer pour criminelle , pourvû
qu ' lle soit renferniée dans les bornes
de la pudeur , et de la moderation : que
que
A O UST . 1731. 1877
S.Bonaventure , Dist. 16. Dub . 13. dit
formellement que les Spectacles sons
bons , et permis , s'ils s'ont accompagnés
des précautions nécessaires : Doctrine
qu'il avoit apprise de son Maître Albert
le Grand , qui l'a publié hautement
dans ses ouvrages : que S. Antonin decide
la même chose que S. François de
Sales , ce grand Directeur des ames devotes
ne deffendoit point les Comédies , quofqu'elles
fussent très - communes de son
tems : et que l'illustre S. Charles Borromée
les permit dans son Diocèse par une
Ordonnance de 1583. à condition qu'elles
seroient examinées et approuvées par
son grand Vicaire , afin qu'il ne s'y glissat
rien de deshonnête. A quoy il auroit
pû ajouter que la plupart des Casuistes
modernes les plus éclairés ont soutenu
que la Comédie étoit permise , entre
autres les Cardinaux de Turrecremata ,
et Cajetan , Jean Viguier , Medina , Silvester
, Comitolius , Henriques , Bonacina
, Tabiena : et que les Censeurs Rcmains
ont condamné dans l'Histoire Ecelesiastique
du P. Alexandre cette proposition
Comedia sunt illicita.
Le P. Caffaro a mis aussi en fait que
la Comédie étoit à present si châtiée et
si épurée sur le Théatre François , qu'il
n'y
1878 MERCURE DE FRANCE
n'y avoit rien que les oreilles les plus
chastes ne pussent entendre , et qu'elle
étoit même capable de corriger beaucoup
de vices et d'abus dans la conduite des
hommes.
*
Le P. le Brun ne pouvoit refuter solidement
la Lettre du P. Caffaro qu'en démontrant
la fausseté de tous ces faits .
et en prouvant que nos Comédies sont
encore aussi dissolues , et aussi impies ,
que celles qu'on représentoit dans les
tems que les Peres de l'Eglise les ont anathematisées.
L'a- t- il fait ? l'a- t-il pû faire?
je vous en laisse juge vous - même , et
toutes les personnes éclairées qui se trou
vent dans le Public.
Le P. le Brun , que j'ai connu particu
fierement , avoit beaucoup de zele , et de
pieté. Il a professé avec succès la Théologie
positive à S. Magloire , où il parloit
facilement et avec beaucoup de netteté ;
mais il ne s'étoit pas accoutumé à raisonner
par principes : et il n'avoit jamais étudié
la bonne Phisique , comme il n'a que
trop paru dans le Traité qu'il composa
sur la baguette divinatoire , au sujet de
l'Avanture du fameux Jacques Aimard ,
arrivée à Lyon en 1692. qu'il ne put
expliquer qu'en l'attribuant au pouvoir
duDemon . C'est cet ouvrage dont on nous
promer
A O UST. 1731. 1879
promet une seconde Edition sous le titre
de Traité du Discernement des effets naturels
d'avec ceux qui ne le sont pas.
Pour en juger sçavamment il faut lire la
Phisique occulte de l'Abbé de Vallemont,
qui raisonne sur des Principes bien diffe
rens , et qui connoissant les ressorts se
crets de la nature , et ses agens invisibles
, n'a pas eu besoin du secours du
Prince des ténebres pour expliquer cet
évenement , non plus qu'une infinité
d'autres des plus extraordinaires.
Mais pour vous convaincre entierement
du peu de justesse des invectives
du P. le Brun contre notre Théatre
qu'il me soit permis , Monsieur , d'ajoûter
encore quelques Reflexions sur ce su→
jet , qui est d'autant plus important , que
ce Traité sur la Comédie , qui vous a
paru si solide , pourroit causer du scrupule
, et de l'embarras à plusieurs de nos
Directeurs , qui croyant comme l'auteur ,
que notre Comédie est une des plus pernicieuses
inventions du Demon , pourroient
ne pas croire comme lui qu'on la
puisse tolerer , et permettre aux Chré
tiens d'y assister .
Quoy de plus grand ! quoy de plus noble
que tous les sentimens qui regnent
dans les Tragedies de Corneille , et ide
Racine
1880 MERCURE DE FRANCE

Racine , où l'on voit toujours la vertu
applaudie , et triomphante ? toutes les
Pieces de Moliere , et des autres Auteurs
modernes , ont- elles d'autre but que de
combattre les vices , en les représentant
aux yeux des Spectateurs avec tous les
traits capables de les rendre ridicules , et
odieux ; mais , disent le P.le Brun et quelques
autres Rigoristes , il n'y a point de
Tragedie , ni de Comédie où il n'y ait
quelque intrigue d'Amour , et où l'ambition
, la jalousie , la vangeance , ou la harne
ne paroissent dans tout leur jour. Cette
objection se détruit en remarquant
que toutes ces passions ne sont étalées sur
notre Théatre que pour les rendre odieuses
: et que quand elles seroient capables
de faire impression dans quelque coeur
foible , il faut bien distinguer les choses
qui peuvent par hazard exciter les passions
, d'avec celles qui naturellement
les excitent en effet. Les dernieres sont
criminelles , et déffendues : mais pour
les premieres , il faudroit fuir dans les
deserts pour les éviter. On ne sçauroit
faire un pas , entrer dans les lieux les
plus saints , lire un Livre d'Histoire ,
enfin vivre dans le monde , sans rencontrer
mille objets capables d'exciter les
passions. Faut- il qu'une belle femme
'aille
A O UST. 1731. 1881
n'aille jamais aux promenades , ni même
à l'Eglise que les personnes de la Cour
les Prelats , et les personnes constituées
en dignité quittent un éclat qui leur est
à présent de bienséance , et même de necessité
? et que personne ne porte d'épée,
à cause des mauvais effets que tout cela
peut produire ? cette pensée seroit ridicnle.
Faut-il , disoit le sage Licurgus ,
arracher les vignes , parcequ'il se trouve
des personnes qui boivent trop de leur
jus ? faut- il aussi deffendre la Comédie
qui sert aux hommes d'un honnête divertissement
, parce qu'il y a quelques
personnes qui ne la peuvent voir sans
ressentir interieurement les passions qu'on
y représente ?
On doit donc conclure que la Comédie
, avec les conditions marquées par
S. Charles , et par les autres Docteurs
que nous avons citez , est de sa nature
indifferente , et même a son utilité : que
les personnes trop susceptibles , à qui
elle est dangereuse , la doivent éviter :
et que les autres ne se la doivent permettre
que comme un plaisir innocent pour
se délasser de leurs occupations.
Enfin une derniere raison sans replique
contre les invectives du P. le Brun
c'est que dans un Royaume aussi Chrétien
que
882 MERCURE DE FRANCE
que la France , dans une Ville aussi bien
policée que Paris , sous les yeux de differens
Evêques recommandables
par leurs
lumieres et par leur zele , de tant de Magistrats
si graves et si vertueux , et
en particulier
de celui qui préside à la
Police , dont la pieté est aussi connue
que
l'étendue
de ses lumieres , la Comédie
établie par Lettres Patentes dès l'an 1402 .
et autorisée par Arrêts du Parlement
, ne seroit pas entretenue
aux dépens du Roy ,
et soutenue comme un établissement
necessaire
au bien public , et que leurs Majestés
si récommandables
par leur religion
, et
par leur vertu exemplaire
, ne la feroient
pas représenter
devant elles fi elle
étoit regardée
comme une pernicieuse
invention
du demon . Je suis toujours
Monsieur
, avec toute l'estime possible ,
Votre très humble & c. P. D. L. Ì.

EPIGRAMMES
A O UST. 1731. 1884
EPIGRAMMES
Imitées de Buchanam.
Crito sue cupidus.
CRiton vouloit à la mémoire
Laisser des marques de sa gloire ;
Il fit peindre son Ecusson
Et plus bas son illustre nom
Sur les vîtres de sa Chapelle.
Certes , l'invention est belle ;
Mais sur un si beau Monument ;
Si le vent remporte victoire ,
Adieu son nom , adieu sa gloire ,
Autant en emporte le vent.
AUTRE.
Philli omnes.
Mille Galans vous font la Cour ¿
A tous vous marqués de l'amour ;
Cependant pas un ne vous aime.
Vôtre surprise en est extréme,
Pourquoi cela demandés -vous ;
Ccs
1884 MERCURE DE FRANCE
C'est qu'Iris , vous les aimés tous ;
11 faut donc que je les haïsse?
Non vraiment, ce seroit un vice.
Iris n'en haïssés aucun ,
Mais entre tous n'en aimés qu'un.
AUTR E.
Carmina quod Senon.
Vos vers n'ont point de sens zozeme,
Pourquoy tant vous en étonner ?
Vous ne pouvés pas leur donner ;
Ce que vous n'avés pas vous- même.
*******:* :* X * XXXX
EXTRAIT d'une Lettre contenant une
Relation de la défaite des Renards , Nation
Sauvage , située au baut du Fleuve
Mississipy , parles François de la Loüisiane
et du Canada , au mois de Septembre
1730 .
L
Es Renards , unis avec les Maskoutins
et les Quikapons, faisoient depuis
environ dix ans une Guerre ouverte aux
François et aux Sauvages Illinois . Ils
surprenoient et attaquoient nos détachements
A O UST. 1731.
1885
ments , ils enlevoient nos Voyageurs qui
se trouvoient en petit nombre , et ils
venoient même nous inquiéter jusques
dans nos habitations où nous ne pouvions
cultiver nos Terres que les Armes à la
main. On avoit tenté plusieurs fois de
les détruire ; mais le défaut de concert
entre les Officiers François qui commandoient
dans les postes avancés , se trouvant
joint à l'interest , et à la mauvaise
volonté de quelques-uns , avoient toujours
fait échouer les entreprises qui
avoient été formées en éxecution des Ordres
de la Cour. Un Evenement a enfin
causé la désunion de ces Sauvages et la
perte des Renards.
Au mois d'Octobre de l'année 1728.
un parti de Quikapons et de Maskoutins
arrêta sur le Mississipy dix - sept François
qui descendoient des Sioux aux Illinois.
Ces Sauvages délibererent. d'abord s'ils
brûleroient leurs Prisonniers ou s'ils
les remettroient entre les mains des Renards
; mais le Pere Guignas , Missionnaire
Jesuite , qui étoit du nombre de
çes François , leur fit comprendre qu'ils
avoient interêt de bien conserver leurs
Prisonniers , et il gagna tellement leur
confiance qu'il parvint ensuite à les déta
C cher
18 MERCURE DE FRANCE
cher des Renards, et à les porter à nous
demander la Paix.
Au bout de cinq mois de captivité ;
il vint lui même avec leurs députés auFort
de Chartres , Poste François , au Pays
des Illinois , où cette Paix fut concluë à
la satisfaction de ces Nations.
Les Renards déconcertés et fort affoi
blis par cette division , resolurent de se
refugier chez les Iroquois , alliez des Anglois
; en passant par le Pays des Onya
tanous , les Quikapons et Maskoutins qui
penétrerent leur dessein , en donnerent
avis dans tous les Postes François de la
Louisianne et du Canada ; mais on douta
de leur bonne foy , et M. de S. Ange
Officier commandant au Fort de Chartres
, ne put jamais déterminer les habitans
François à se mettre en Campagne!
Cependant les Illinois du Village des
Cahokias , vinrent au mois de Juillet
130. nous apprendre que les Renards
avoient fait des Prisonniers sur eux , ea
brûlé le fils de leur grand Chef auprès
du Rocher , sur la Riviere des Illinois
Ces nouvelles jointes à des avis que nous
avions reçus d'ailleurs , engagerent à
aller chercher l'ennemi, Nos Sauvages
animez à vanger leur sang, furent bientôt
en Campagne; M. de S. Ange se mit en
marche à la tête de tout ce qu'il put
rassembler de François , er le 10. d'Aoust
ceux-ci ayant joint 3 : à 400. Sauvages qui
les avoient devancés de quelques jours ,
notre petite Armée se trouva forte de 500.
hommes. Les Quikapons , Maskoutins et
Illinois du Rocher , s'étoient rendus maitres
des passages du côté du Nord Est
ce qui détermina ces Renards à construire
un Fort à une lieüe au dessous d'eux ,
pour se mettre à couvert de leurs insultes.
>
Le 12. nous eûmes des nouvelles des
Ennemis par un de nos Coureurs . Il
nous apprit où étoit leur Fort , et nous
dit qu'il y avoit compté cent onze Cabanes.
Nous n'en étions éloignés que
de deux ou trois journées ; nous conti
nuâmes notre marche par des Pays
couverts , et le 17. à la pointe du jour
nous vîmes la Retraite de l'Ennemi :
nous tombâmes sur un party de 40. hommes
qui sortoit pour la chasse et nous le
contraignîmes de regagner le Fort , qui
étoit un petit bouquet de bois , renfermé
de pieux , situé sur une ponte douce
qui s'elevoit du côté de l'Ouest et du
Nord- Ouest , le long d'une petite Riviere:
ensorte que du côté du Sud et du
Cij Sud
Sud- Est , on les voyoit à découvert .
Leurs Cabannes étoient fort petites et
pratiquées dans la Terre comme les Tanieres
des Renards dont ils portent le
nom .
Au bruit des premiers coups de Fusil
les Quikapons Maskoutins et Illinois
qui étoient souvent aux mains avec les
partis ennemis , et qui depuis un mois
attendoient du secours , vinrent nous
joindre au nombre de 200. hommes. On
se partagea suivant les ordres de M. de
S. Ange pour bloquer les Renards qui
ce jour- là firent deux sorties inutiles. Ôn
ouvrit la tranchée la nuit suivante , et
chacun travailla à se fortifier dans le
poste qui lui avoit été assigné.
Le 19. les Ennemis demanderent à
parler ils offrirent de rendre les Esclaves
qu'ils avoient fait autrefois sur les
Illinois , et en effet ils en renvoyerent
quelques uns '; mais comme on s'apperçut
qu'ils ne cherchoient qu'à nous amuser
dès le lendemain on recommença à tirer
sur eux .
Nous fumes joints les jours suivants
par so . à 60. François et soo . Sauvages
Poutouatamis et Sakis qui étoient sous la
conduite de M. Devilliers , Commandant
de la Riviere S, Joseph , du Gouver
nement
A O UST. 1731. 1889
nement de Canada . Il fut suivi de quel
ques Sauvages Ouyatanous et Peanguichias.
A son arrivée il y eut de nouvelles Confe
rences avec les Renards qui demanderent
la vie , les presens à la main . M. de Villiers
paroissoit tenté de la leur accorder ;
mais ses gens n'étoient pas les plus forts ,
et il ne pouvoit rien conclure sans le
consentement des François , et des Sauvages
Illinois , qui ne vouloient se prêter
à aucun accommodement.
Cependant on decouvrit que les Sakis ,
parents et alliez des Renards , traitoient
sous mains avec eux , leur fournissant
des munitions , et prenant des mesures
pour favoriser leur évasion : nos Sauva
ges qui s'en apperçurent s'ameuterent
le premier Septembre , et ils étoient sur
le point de donner sur les Sakis , lorsque
M. de S. Ange , à la tête de 100. François
, s'avança pour fermer toutes les
avenues du Fort du côté des Sakis , ce
qui y retablit le bon ordre.
Notre dessein étoit de dissimuler cette
perfidie jusqu'à l'arrivée de M. de Noyelle
, Commandant des Miamis , que nous
attendions ; mais il arriva le même jour
au Camp avec 1. François et 200. Sauvages.
Il apportoit des défenses de M. le
Ciij Gouverneur
1890 MERCURE DE FRANCE
Gouverneur du Canada de faire aucun
Traité avec les Renards.
Sur cela on tint un Conseil general ,
où les Sakis furent humiliés ; car toutes
les voix se réunirent pour la perte de
l'ennemi .
Cependant il y avoit déja plusieurs
jours que nous souffrions de la faim aussi
bien que les Renards ; nos Sauvages se
rebutoient et marquoient leur impatience.
Le 7. Septembre 200. Illinois deserterent
, et il y avoit tout à craindre de
ce mauvais exemple , qui n'eut pourtant
pas de suites ; car les Troupes de M. de
S. Ange construisoient à deux portées de
Pistolet des Renards un petit Fort qui
alloit leur couper la communication de
la Riviere , et qui paroissoit nous annoncer
une victoire complette et prochainc.
Le &. Septembre , des Tonneres terribles
et une pluye effroyable interrompirent
ros travaux , la nuit suivante fut
également pluvieuse , et outre cela trèsnoire
et très-froide ; les Renards profitant
de l'occasion sortirent de leur Fort ,
on s'en apperçut aussitôt par les cris des
enfants ; mais que faire par le tems qu'il
faisoit , il étoit impossible de se reconnoître
dans une si grande obscurité où l'on
SC
A O UST. 1731. 1898
se seroit exposé à tirer sur nos gens comme
sur l'ennemi : on ne sçavoit donc
quel party prendre ; cependant tout le
monde étoit sous les armes et les Sauvages
s'avançoient sur les deux aîles des
fuyards pour donner dessus dès que le
jour paroîtroit. Il parut enfin et chacun
se mit à les suivre ; nos Sauvages plus
frais et plus vigoureux qu'eux , les joi
gnirent bientôt.
Les Femmes , les Enfans et les Vicillards
marchoient à la tête , et les Guerriers
fermoient la marche pour les couvrir
; ils furent d'abord rempus et défaits ;
le nombre des morts et des prisonniers ,
s'est trouvé d'environ 300. Guerriers ;
Il n'est point question du nombre des.
Vieillards , des Femmes et des Enfans
qui tous ont été pris. Il ne s'est échapé
au plus que so. ou 6o, hommes qui se
sont sauvés sans Fusils er sans aucuns ustanciles
pour se procurer de quoy vivre.
Les Illinois du Rocher , les Maskoutins
et Quikapons , sont actuellement après
ce petit reste de Fuyards , et les premieres
nouvelles nous apprendront la destruction
totale de cette malheureuse Nation .
M. Perrier , Commandant General de
la Louisianne a beaucoup contribué à
sette Expédition par les bons ordres qu'il
C iiij avoit
1892 MERCURE DE FRANCE
avoit donnés à M. de S. Ange , et par le
soin qu'il avoit eu de lui envoyer environ
100. hommes , quoyqu'il eut alors un extrême
besoin de Troupes dans le bas de
la Colonie pour l'entreprise qu'il projettoit
contre les Matchez.
On donnera la Relation de la défaite de
cette derniere Nation dans le prochain Mer
cure.
ODE ANACREONTIQUE,
Imitée de celle qui commence par ces
mots : οταν ὁ Βάχος εἰσέλθκ .
Par M. D. F……….
B Acchus est ma gloire ,
Sans lui je suis mort":
Content de mon sort
A force de boire
>
Avec ma mémoire ,
Mon chagrin s'endort.
Amour sous ta chaîne
Que tu fais souffrir !
Ja
A
OUST. 1731
1893
2
Je voulois perir
Pour une inhumaine ,
Quand le vieux Silene
Vint me secourir.
Que rien n'interrompe
Un jour si fameux ! -
Qu'un Nectar fumeux
En marque la pompe !
C'est ainsi qu'on trompe
L'Amour et ses feux
Au sommet du Pinde.
Bourdonne un frelon :

Mais dans ce Valon
Faut- il qu'on se guinde !
Le vainqueur de l'Inde
Tient lieu d'Apollon.
Assis sur la Tonne "
J'ay le front couvert ,
D'un pampre plus vert ,
Que n'est la Couronne
Qu'obtient de Bellone
Celui qui la sert.
CY
1894 MERCURE DE FRANCE
Qu'un autre aille aux Armes ,
Las d'être vivant ,
Pour un peu de vent
Chercher des allarmes :
J'aime les vacarmes
Mais c'est en bûvant.
Que chacun se livre
A ce jus divin :
Buvons donc , BHUVAIN ;
Il vaut mieux être yvre
Que cesser de vivré
Et manquer de vin,
j jj j j j j
MEMOIRE de M. Vergile de la Bastide,
Gentil- homme de Languedoc , sur la
découverte d'un Grand Chemin des Romains
, nouvellement faite dans cette Province.
E
DRtous lesgrands Chemins que les Romains ont consruits dans la vaste
étendue de leur Empire , celui dn t il
s'agit dans ce Mémoire , est sans contredit
le moins dégradé. On y voit encore
dans
AOUST. 1731. 1895
dans l'espace de quatre lieues de Languedoc
douze Pierres , ou Colomnes Milliaires
, six desquelles , ou peut- être sept ,
n'ont point été déplacées. Il y a même
apparence qu'aucune ne l'auroit été , si
Constantius , General , et ensuite beau frere
de l'Empereur Honorius , n'en avoit
pris quelques - unes pour marquer les
Tombeaux des personnes de distinction
qui furent tuées dans une sanglante Bataille
, que gagna ce Géneral en ce même
Lieu l'an 411. comme on le lit dans la
nouvelle Histoire de Languedoc,T. 1. L.
4. N. 10.
On lit sur ces Colonnes des Inscriptions
gravées sous trois Empereurs , une
d'Auguste , qui est la seule qui se trouve
dans la Province , et les autres de Tibere
et de Claude, On peut remarquer dans
tout cet Ouvrage l'attention des Romains.
à construire , autant qu'il étoit possible ,
feurs grands Chemins sur un même alignement
, la solidité qu'ils leur donmoient
par leurs Empierremens , leur forme
et leur largeur qui est précisement
La même que N. Bergier a marquée dans
son Histoire des grands Chemins . On y
trouve aussi la mesure précise du Mille
Romain nettement déterminée par deux
pierres non déplacées , qui marquent un
C vj espace
1896 MERCURE DE FRANCE
ospace
de 752. Toi es ; ce qui prouve que
M. Cassini s'est trompé en donnant 763, Toises au Mille Romain .
La construction d'un beau Quay que
le Roy , conjointement avec la Province
de Languedoc , fait fire actuellement
à Beaucaire , et qui forme déja un Port
très commode sur le Rhône , a donné
lieu à la découverte que j'ai faite l'année
derniere 1730. de ce chemin dont
la Mémoire étoit entierement perduë ,
découverte d'autant plus heureuse , que
le nouveau Post deviendroit pre que inutile
dès qu'il n'y auroit pas un grand
Chemin propre pour le transport des
Marchandises dans le coeur de la Province
.
Il y auroit un moyen sûr et facile de
réparer ce chemin Romain , sans qu'il en
coutât rien au Roy ni à la Province
mais ce n'est pas ici le lieu de proposer- ce
moyen , il suffira de dire que , quand il
s'agira d'executer le Projet , il conviendra
de remettre en leur place les Pierres
Milliaires qui en ont été tirées et d'en
ajoûter deux qui manquent aux deux extrémitez
pour avoir le nombre compler
de ces Pierres qui se trouvoient du tems
des Romains . Les deux Pierres suppléées
serviroient à marquer dans le goût de
l'antiquité,
+
A O UST. 1731. 1897
l'antiquité le Regne d'aujourd'huy : ce
qui seroit à sa place , et laisseroit à la poste-.
rité un Monument à la gloire du Roy,
Monument dont les plus grands Empereurs
se sont fait honneur.;
Il est même certain qu'on peut faire
dans ce chemin quelque chose de mieux
que ce que les Romains y avoient fait ;
ce qui seroit une nouvelle preuve que les
Modernes peuvent , au moins en quelque
occasion , égaler , même surpasser les
Anciens ; et outre la commodité publique
, le nom Auguste de LOUIS XV.
placé parmi ceux de ces Maîtres du Monde
, feroit connoître aux Siecles les plus
récutez que la gloire de son Regne est
au dessus de celle qu'ils s'étoient acquise
en ce point dans les leurs , comme elle
doit la surpasser en tout le reste .
DESCRIPTION du Chemin Romain
depuis Beaucaire jusqu'à Nismes .
Du temps des Romains ce chemin
étoit une partie de la
grandede voye Aurelienne
, qui s'étendoit dep is la Ville
de Rome jusqu'aux extrémitez de l'Espagne.
Il commençoir au bord du Rhô
ne , à la tête d'un Pont de Pierre- appellé
Pons ararius , ou le Pont du Trésor , dont
il
1898 MERCURE DE FRANCE
il reste encore des vestiges sur le bord du
Rhône. Aujourd'hui on ne peut appercevoir
ce chemin qu'à 3. ou 400. pas de
Beaucaire,à l'endroit appellé les cing coins,
derriere le Chateau de Gaujac. On découvre
très-distinctement à cet endroit
son alignement et sa largeur qui étoit de
20. pieds. Ce chemin passoit sur la Montagne
à quelques pas sur la gauche du
lieu nommé Roquepartide.
On trouve à 200. pas au delà , sur le
même chemin , dans la Plaine de S. Roman,
deux Pierres Milliaires : la premiere
de figure quarrée , et. de 25 pouces et
demi de largeur sur 18. d'épaisseur , porte
cette Inscription de l'Empereur Tibere
; elle est environ à six pieds hors de
Berre.
TI. CAESAR
DIVI AUG. F. AUG
PONTIF. MAX.
TRIB. POT. XXI .
REFECIT ET
RESTITVIT
XIIL
La seconde est de l'Empereur Augus
te , de figure ronde , dont le diamétre
est d'environ 24. pouces. Elle est placée
à trois pieds de distance de la précedente
sur
A O UST. 1731. 1899
sur le bord du chemin à droite en allant
à Nismes , et un peu moins élevée , avec
l'Inscription suivante en partie détruite.
IMP.. • •
DIVI. F. AUG.
IM IMP. XIII.
On trouve dans la Montagne , tou
jours sur le même alignement , des vestiges
bien marqués du même chemin
Romain ; on en voit la forme qui étoit
cintrée , ou en dos d'Asne , la largeur et
les Fossez. En descendant dans la Plaine
on découvre l'Empierrement , l'assembla .
ge des Materiaux que les Romains employoient
dans la construction de leurs
chemins , à peu près comme on le
tique aujourd'hui.
pra-
La Montagne dont on vient de parler ,
a quinze Toises d'élevation du côté de
Beaucaire , et dix seulement du côté de
Nismes. C'étoit au moyen de deux grandes
Levées de terre que les Romains
avoient rendu le chemin pratiquable sur
cette Montagne , suivant leur usage or
dinaire décrit par Bergier dans son Histoire
1900 MERCURE DE FRANCE
toire , Liv. 2. Chap 17. Depuis la Montagne
jusqu'à une lieüe de Nismes , l'alignement
s'est conservé en entier , et le
chemin subsiste encore à present.
En avançant dans ce chemin , on trouve
vis - à- vis le Village de S. Vincent
deux Pierres milliaires . La premiere qui
est quarrée , a été coupée un peu au dessus
de la terre. La seconde est ronde
élevée de 3. ou 4. piés hors de terre , un
peu panchée et sans Inscription .
En suivant le même chemin , on trouve
une autre pierre quarrée , qui est
du temps de Tibere , comme l'indiquent
sa forme et le commencement d'une Inscription
dont le reste est entierement
ruiné.
TI. CAE.. ·
La valeur du Mille romain , qu'on ne
sçavoit pas au juste , est determinée par
ces pierres , qui n'ont point été dépla~
cées. Ce Mille est de 752. Toises , 4-
pieds , et dans cet espace le chemin a conservé
toute sa premiere forme dans la longueur
de plus de 400. Toises ; c'est dans
le lieu nommé la Garrigue . Tout ce chemin
que je viens de décrire , et dont j'ai
levé le plan , jusqu'aux Barraques de
Curboussot , qui partage le chemin de
Beaucaire
A O UST. 1731. 1901
Beaucaire à Nismes , est encore appellé
le chemin vieux , et se joint au grand chemin
d'aujourd'hui, à la premiereBarraque.
A une lieue de- là , en allant à Nismes ,
on trouve encore sur la droite et toujours
au bord du chemin , une autre Pierre
Milliaire avec cette Inscription .
TI CAESAR
DIVI AVG. F. A VG .
PONTIF. MAX.
TRIB . POT . XXI.
REFECIT ET
RESTITVIT.
XIIII.
Environ à trente pas de distance de cette
pierre , on voit dans un Champ quatre
Colomnes élevées , et une cinquiéme abbatue
et renversée sur la terre au milieu
des quatre les Sçavans Auteurs de la
nouvelle Histoire de Languedoc , Tom . I.
Liv. 4. Num. 10. croyent qu'elles avoient
été placées là pour marquer le Tombeau
d'un Prince tué dans une sanglanteBataille
, qui se donna dans cette Plaine , l'an
411. entre les Romains , qui assiegeoient
la Ville d'Arles , et les François joints
aux Allemans , pour faire lever le Siege.
On ne sçauroit assurer que ces cinq ·
Colomnes fussent toutes des Pierres Mil
liaires
"
1902 MERCURE DE FRANCE
liaires ; mais il y en a trois qui l'étoient
certainement. Voici l'Inscription de celle
qui est couchée , laquelle a 9. pieds de
fongueur et 24. pouces de diametre , de
même que tous les Milliaires qui sont de
figure ronde.
TI. CLAVDIVS
DRVSI F. CAESAR.
AVG. GERMANICVS
PONTIF. MAX. TRIB.
POT. COS. DESIG . IT
IMP. II. REFECIT.
Environ à deux cens pas de ce chemin
de Beaucaire, derriere le Village de Manduel
, il y a deux Pierres Milliaires , l'une
ronde et l'autre quarrée , qui sont encore
✓debout . Il seroit assés difficile de détermi
ner à quel usage elles ont été élevées en
cet endroit. Il y a quelque apparence que
c'est pour un même sujet que les 4.
précedentes. Les Inscriptions en sont
parfaitement bien conservées : celle de la
pierre ronde est la même que celle de
l'Empereur Claude qui vient d'être rapportée
et celle de la pierre quarrée
est encore la même que celles de Tibere
ci- devant rapportées. Il n'y a que la difference
A
OUST 1731. 1903
ference du nombre des pierres qui est V.
pour celle- cy.
Il y avoit un autre chemin Romain ;
qui se joignoit à celui- ci dans l'espace qui
est entre les Barraques et le Pont de Car.
Outre des vestiges qui en restent dans la
Garigue , ce chemin est encore marqué
par une Colomne non déplacée , qui est
à l'Orient de l'Eté du Village de S. Vincent.
Il est évident que depuis Beaucaire
jusqu'aux Pierres , qui sont prés le Pont
de Car , le chemin des Romains a conservé
le même alignement , et il n'est pas
moins certain que dans la lieue qui reste
depuis ces pierres jusqu'à Nisrnes , le che
min étoit construit sur la même ligne .
Pour en être persuadé , il faut considerer
1 ° . que le chemin d'aujourd'hui ne
s'en écarte jamais de beaucoup . 2 ° . que
lorsqu'il s'en écarte , ce n'est qu'à l'occasion
des eaux qui l'ayant rompu , et les
Ponts n'étant pas entretenus , ont obligé
les passans de se frayer eux mêmes un
chemin qui étant au côté d'en bas , rendoit
le passage plus aisé . 3 ° . que hors ces
endroits , le chemin rentre dans son droit
alignement , sur tout à un quart de lieüe
de Nismes où il n'y a point de sources
mi d'autres eaux. 4. qu'à la droite des
lieux
1904 MERCURE DE FRANCE
lieux où le chemin se tire de cet alignement
, on voit encore , en creusant un
pied et demi dans la terre , des restes de
l'Empierrement de l'ancien chemin des
Romains ; cet Empierrement paroît même
en plusieurs endroits au bord du chemin ,
sans qu'il soit necessaire de creuser pour
le découvrirr
Addition au Mémoire.
Les deux premieres Pierres énoncées
dans ce Mémoire , dont la premiere qui
est de Tibere , est quarrée , et la deuxiéme
d'Auguste , est ronde , sont à un
grand quart de lieüe de la Ville de Beaucaire
au dessus de la Montagne. En descendant
de cette Montagne , sur le même
alignement, il y a une très grande pierre
quarrée dont il n'est point parlé dans
le Mémoire , parcequ'elle n'est pas de la
même nature de pierre que les Milliaires ,
et que d'ailleurs elle n'a jamais eu d'Inscription.
Il y a pourtant lieu de croire
qu'elle a été mise là , et substituée en la
place d'une pierre Milliaire.
A cinq quarts de lieue de Beaucaire ,
on trouve encore deux pierres Milliaires.
La premiere est quarrée , coupée un
peu au dessus de la terre . La deuxième
est ronde , un peu panchée , et sans Inscription:
וכ
སུ པ 》)
cription : à un mille de là il y a une pierre
quarrée qui est placée comme toutes
les autres , à la droite et au bord du chemin.
L'espace qui est entre cette pierre et
les deux précedentes , est celui du Mille ,
dont il est dit dans le Mémoire que ce
chemin a conservé sa premiere forme
dans la plus grande partie de cet espace.'
On trouve ensuite les trois Barraques de
Cureboussot , qui , comme on l'a dit dans
le Mémoire , partagent également le chemin
de Beaucaire à Nismes .
Enfin à une lieue des Barraques , on
trouve la derniere pierre Milliaire qui est
debout et à sa place ; elle est quarrée avec
l'Inscription de Tibere . A côté de celle - ci
sont les 4. et même 5. pierres dont il est
parlé dans le Mémoire. Les trois autres
pierres du Mémoire sont encore hors du
chemin il y en a deux entre le Village
de Manduel et le chemin Romain ; elles
sont debout. La troisième est aussi debout
à l'Orient d'Eté du Village de S. Vincent.
cette derniere pierre étoit sur un autre
chemin Romain , dont il reste encore
plusieurs vestiges.
Depuis que ce Mémoire nous a été communiqué
, M. Vergile de la Bastide qui '
en est l'Auteur , et qui a fait la découverte
1906 MERCURE DE FRANCE
verte du chemin en question , ne voulant
rien oublier pour éclaircir ce sujet ,
et pour le rendre plus utile à la Litterature
qui concerne l'antiquariat et le bien
public , nous a encore fait part dans une
Lettre de quelques remarques que nous
ajouterons ici.
Pay fait, dit-il , uné Réflexion à l'oc
casion des differentes pierres Milliaires
qui se trouvent depuis Beaucaire jusqu'à
Montpellier ( je n'en ay point vû ailleurs)
c'est qu'on a eu soin de marquer la difference
des Empereurs qui ont réparé ces
chemins , nnoonn sseeuulleemmeenntt par les Inscriptions
gravées sur les Pierres Milliaires ,
mais on a marqué encore cette difference
par la forme des Pierres. Celle d'Auguste
est ronde et de 24. pouces de diamètre
avec une Inscription gravée simplement
et sans aucune sorte d'ornement. Celles
de Tibere sont toutes quarrées , comme
des Piedestaux , et peu polies. Celles de
Claude sont rondes , leurs Inscriptions
sont contenues dans un Cadre , creusé
dans la pierre environ 7. ou 8. lignes
avec une espece de moulure autour.
Celles d'Antonin ressemblent à celles
de Claude avec cette seule difference que
les Colomnes d'Antonin sont moins hautes
, et que la partie qui est dans la terre
est
AOUST. 1738. 1907
est quarrée comme un pied d'estal , beaucoup
plus large que le corps de la Colomne.
A l'occasion de cette Remarque ,
sur la difference qui se trouve dans la for
me des pierres Milliaires des differents
Empereurs qui ont reparé ce chemîn ,
je rapporterai ici l'Inscription d'une Colomne
Milliaire de l'Empereur Antonin
qui est à Nismes , dans la Muraille de la
Porte de la Couronne , du côté de l'Es
planade .
IMP. CAESAR
DIVI HADRIANI F.
T. AELIVS HADRIAN,
ANTONINVS AVG. PIVS.
PONT. MAX . TRIB. POT.
VIII IMP. IT. COS II.
P. P.
temps
Dans tout le chemin Romain de Beau
saire à Nismes , qui subsistoit du
de la République , et qui a été réparé
par differents Empereurs , il n'y a aucu
ne Colomne d'Antonin ; mais il
plusieurs de Nismes à Montpellier.
y en a
ORPHE'I
1908 MERCURE DE FRANCE
************•****
ORPHE' E ,
OU L'AMOUR TROMPEUR
Muse, raco
..
POE ME.
1
Use, raconte moi ,par quels heureux ressorts,
Orphée eût triomphé du fier Tyran des Morts ,
Si l'Amour qui l'aida n'eût trahi sa constance .
Ce Dieu fait - il toujours redouter sa puissance a
Par un himen flateur , ce Chantre si fameux
Orphée étoit enfin au comble de ses voeux ,
L'Amour reconnoissant , sensible à ses allarmes ,
Le couronnoit de Myrthe en essuyant ses larmes
,
Et prodiguant sur lui ses dons et ses bienfaits¸
L'invitoit à gouter les biens les plus parfaits.
Son bonheur ne fut pas d'une longue durée ;
Euridice bientôt fut de lui séparée ,
Son malheureux déstin , rompant un noeud si
beau ,
Précipita ses jours dans la nuit du tombeau.
Que ce coup fut cruel pour un Epoux si tendre !
Du désespoir affreux son sort alloit dépendre ,
Quand le fils de Venus touché de son malheur ,
Réveilla ses esprits , appaisa sa douleur ,
E
A O UST . 1909 1731 .
It sous le feint maintient d'un ami doux et sage,
Au Chantre de la Thrace addressa ce langage :
les grands revers qu'un Heros ab-
C'est par
batu ,
» Montre quel est son coeur et quelle est sa vertu.
» Chassez , fils d'Appollon , cette sombre tristesse
; -
» Son cours poussé trop loin dégenere en foiblesse
;
Craignez donc de ternir ces exploits glorieux ;
» Et d'attirer sur vous la colere des Dieux.
Rappelés ces hauts faits que tout le monde
admire
» Ces prodiges divers qu'enfante votre Lyre ;
La nature attentive écoute votre voix ;
» Elle subit le joug de vos aimables Loix ;
»Les Monstres à vos pieds déposent leur furie ,
» Et viennent s'abreuver d'une douce harmonie ;
» Courés et vangés - vous des injures du sort ;
Allés dans les Enfers triompher de la Mort ; -
De ses sanglantes mains tirés votre conquête
,
» Redonnés à la Thrace une nouvelle fête :
» Rien ne peut resister , vous l'avés éprouvé ,
>> Ce triomphe inoui vous étoit reservé.
Il dit , et du succès lui peignant l'apparence ,
Il souffle dans son coeur la flateuse esperance ,
Sur le Mort Rhodopé l'amour conduit ses pas ,
L'abord de l'antre affreux ne le tebute pas ,
pas,
D Il
1910 MERCURE DE FRANCE
Il descend , et poussé par l'amour et la gloire ,
Il contemple d'abord le prix de sa victoire.
Il prend en main sa Lyre et forme ses accords ;
Il chante , il se surpasse , et ses derniers efforts
Assoupissent Cerbere , enchantent le Tenare ;
Pluton sent attendrir son cur dur et barbare
Il écoute , il resiste , il se rend , et soudain
Son sceptre rédouté lui tombe de la main.
Quel est donc ce mortel qui par de si doux
charmes ,
Vient , dit alors Pluton , de m'arracher les
armes ;
» Quel nouveau stratagéme enchante ainsi mes
sens ?
Rend ma fureur docile et mes bras impuissants
?
Vous , de mon Trône ardent soutiens iné
branlables ,
* Victimes des Enfers , infortunés coupables ;
» Qui goutés comme moy , tous ces charmes
nouveaux
Dont les effets vainqueurs suspendent mes
Aeaux ,
» Connoissés-vous encor mon infernal em
pire ?
» Ressentés - vous l'effroy que son seul nom inspire
?
>>
·
Non ; ce séjour n'est plus un séjour de tourments;
¡» Un
1
A OUST 1911 17317
Un Dieu plus fort que moy fait ces enchan
tements.
A ces mots il s'avance et les ombres craintives',
Accourent avec lui sur les obscures rives ,
Il apperçoit Orphée , et s'addressant à lui ,
Dissipe ainsi sa crainte et charme son ennui :
30 Je sçai , dit-il , je sçai le sujet qui t'ameine
Dans ces lieux ou les Morts n'abordent qu'avec
peine
» Epoux trop genereux , pour couronner ta foy,
» Je veux te satisfaire et revoquer ma loy.
Pour prix de tant d'amour je te rends Eu
ridice ;
Je Consens que l'hymen tous deux vous reünisse
;
Joüis, charmant mortel,du fruit de tes soupirs;
Pluton charmé , vaincu , l'accorde à tes dé
sirs.
Abstien- toy de la voir dans mon Royaume
sombre ,
Autrement tes regards ne verroient que son
ombre.
Que ne peut point l'amour reduit au déses
Epour ?
Mais qu'il est dangereux avec tant de pouvoir !
Orphée impatient ne contient point sa vuë ;
La voit en un moment recouvrée et perduë.
Ainsi punit Pluton l'infracteur de ses loix.
A
Dij
Le
1912 MERCURE DE FRANCE
Le coupable a recours à sa Lyre , à sa voix ;
Icrie , il se tourmente , il rappelle Euridice ;
Il attend que Pluton derechef s'attendrisse.
C'est en vain , Dieu d'Amour , sont-ce là de tes
jeux ?
Un moment voit Orphée heureux et malheu
reux .
Dieu trompeur ! les mortels sont toujours tes
victimes.
Soit qu'ils brûlent de feux impurs , ou legitimes
;
Ta faveur est un leurre et ton zele un abus ;
Tes faux biens sont suivis de regrets superflus.
M. de S. Bonet , Juge des Appellations
dans le Comtat Venaissin.
EXTRAIT d'une Lettre écrite aux Auteurs
du Mercure le 28. du mois de Juillet
1731. sur le Couvreurdu Village de Baron.
Ous ne désaprouverez point , Mes-
Vsieurs,quan point,de se sieurs , qu'on vous avertisse de ce
qui paroît de défectueux dans les Narrations
qui sont imprimées dans vôtre
Journal . Comme je fais profession
de dire la verité , je vais vous faire
une observation , qui quoyque bagatelle
A OUST. 1731. 1913
telle ou minutie , peut avoir cependant
son utilité. C'est que souvent lorsque
vous rapportés quelque Evenement extraordinaire
arrivé en certains Lieux ,
d'aprés les Lettres qu'on vous écrit , on
ne met point les Lecteurs au fait de ces
Hieux-là . On ne sçait quelquefois où ils
sont situés , ni où les prendre. Ce seront
des Bourgs ou des Villages d'un nom
fort commun , et en ce cas où les chercher
si la Province ou le Diocèse n'est pas
nommé ?
Ce qui m'a déterminé à vous écrire
là- dessus , est l'équivoque qui se trouve
au commencement de la Relation du fait
singulier arrivé à Senlis dans le 2º. Volume
du Mercure de Juin. Un Couvreur
de Baron est un langage qu'on ne peut
pas entendre dans tout le Royaume ,
comme on feroit aux environs de Senlis :
aussi ne l'avez - vous pas peut-être bien
compris vous mêmes , et c'est pour cela
que vous l'avés imprimé en Italique.
Quand le Senlisien qui vous écrit se seroit
exprimé ainsi un Couvreur du Village
de Baron , proche Senlis ; il n'en auroit
été que plus exact et plus intelligible Pour
moy qui suis éloigné de Senlis de plus de
quarante lieües , jjee nn''yy aaii point été trompé
, parce que je connois un peu le voisi-
D iij nage
1914 MERCURE DE FRANCE
nage de cette Ville , et je sçai que Ba❤
ron est un Village situé vis- à- vis et tout
proche la celebre Abbaye de Chaalis ou
j'ai été quelquefois ; le tout à deux lieües
de Senlis.
pas
ry
Le Couvreur en question est un homme
tel qu'il l'auroit fallu à Bourges il y
a quarante ans , lorsque le feu prit au
Coq du Clocher de la Sainte Chapelle.
De l'humeur dont il se montre , il ne se
seroit pas fait tirer l'oreille , et n'auroit
marchandé pour aller l'éteindre , et
par là il auroit empêché la charpante de
PEglise , et le Chateau des Ducs de Berd'être
brûlés. Si ce Couvreur Senlisien
eût été informé de ce que les anciens
faisoient placer sous les Cocqs des Clothers
, un homme intrépide comme lui
auroit peut- être en la curiosité d'y regarder
, et sans beaucoup de ceremonies ,
il auroit peut être fait une Ttanslation
de Reliques de haut en bas. Je sçai des
gens de sa profession qui ont des Reliques
dans leur famille , lesquelles procedent
de pareilles trouvailles faites au milieu
des airs , et même avec les Procèsverbaux.
Qu'une autre fois donc le Sonneur
de Senlis se garde bien de confier
à un tel grimpeur la clef de ses Clochers.
On lit dans la vie de S. Dunstan
Archevêque
A O UST. 1731. 1915
'Archevêque de Cantorbery, qu'étant jeune
écolier il fut atteint d'une fiévre dont
la chaleur, excessive le porta à grimper
રે peu prés de même sur les couvertures
de l'Eglise , et qu'il en descendit sans se
blesser aucunement,de même qu'il y étoit
monté. Mais le cas semble ici fort different.
Si vous voulez qu'à l'occasion du Cou
vreur de Baron , proche Senlis , je vous
renvoye à un texte qui doit rendre ce
Village fameux , je vous citerai le second
volume de la grande Collection des Peres
Martene et Durand , Benedictins , page
1389. Vous y lirez qu'il y avoit au XV.
Siecle , sous les Regnes de Charles VI . et
Charles VII. tout proche de ce Village ,
un clos de vigne, dont Jean de Montreuil ,
Prevôt de l'Isle , parle dans la Description
qu'il fit alors de l'Abbaye de Chaalis
et de son Voisinage. Il dit qu'à un
trait de ce Monastere étoit une vigne
qui produisoit un vin auquel il n'auroit
pas préferé celui de Beaune : Ad tractum
balista vinea situatur vinum ferens cui non
præferrem merum Sancti - Gengulfi ant Belnense.
Preuve mémorable que ce n'est
pas la roideur d'une côte qui fait d'ellemême
le bon vin , comme le croyent
ceux qui aiment à se tromper , et à trom-
D iiij per
1916 MERCURE DE FRANCE
per les autres. Cette Vigne étoit en Pays
out plat , et si bien Pays plat , qu'on en
a fait un Pré au Siécle dernier , parce que
la Vigne étoit trop souvent afligée du
froid dans les mois d'Avril et de May.
Je suis & c .
*** :** X * XXX :XXXXX
LA JEUNESSE.
CANT AT E.
Dans un songe flateur une jeune Déesse ,
Vint séduire mes sens par les plus doux attraits ;
A son air vif , brillant et frais ,
Je reconnois bien- tôt l'agreable Jeunesse.
Autourd'Hebé voloient mille petits Amours
Qui pour dompter les coeurs rebelles ,
Empruntoient de ses yeux l'infaillible secours ;
Le Tems sur ses rapides aîles ,
Portoit cette Divinité ,
Et l'aimable Printems , soigneux de sa beauté ,
Répandoit sur son teint des fleurs toujours nouvelles.
Choisis , medit Hebé , d'un air doux , gracieux ,
Tandis que des beaux jours pour toi j'ourdis la
trame ,
De
A O UST . 1917 1731
De mes dons précieux ;
Celui qui maintenant flate le plus ton ame
Aimable fille de Junon ,
Sans qui jamais l'on ne peut plaire ,
Commande aux Enfans de Cithere ,
De triompher de ma raison.
Que les plaisirs suivis des charmes
Que tu dispenses aux Amours ,
Fassent sans trouble , sans allarmes ,,
Couler les plus beaux de mes jours,-
Aimable fille de Junon , &c.
Mais des Nymphes d'Hebé qu'elle troupe brill
lante ,
Se présente à mes yeux , me ravit et m'enchanse
Dans mon coeur agité , grands Dieux , quels
mouvemens !
Dans quel transport , dans quel delire ,
Tombai-je en ces heureux momens
Mon ame à peine peut suffire ,
Au doux plaisir que je ressens.
Mais , Hebé, quelle indifference
Succede à mes brulans desirs à
Le moment de la jouissance
Est-il le terme des plaisirse
Je
1918 MERCURE DE FRANCE
Je t'entens , dit Hebé ; dans la Forêt prochaine ,
Regarde ces Chasseurs que
Diane
ramene
Va , cours apprendre sous ses loix ,
A relancer un Cerf, à le mettre aux abois,
Du Cor qui m'appelle ,
Le son éclatant ,
Du Chasseur trop lent..
Ranime le zele ,
Tandis que le Cerfà ce bruit,
Tremble , s'épouvante , s'enfuit ;
Le Sanglier craint la lumiere ,
Dans les bois il cherche un réduit
Et dans sa Taniere
Le Lion frémir.
.
Mais déja le Soleil éteint ses feux dans l'Onde
Et la nuit ramenant le repos dans le monde
Vient terminer trop-tôt d'agreables travaux .
Vien , Bacchus , vien par ta présence ,
Ecarter loin de moi les ennuyeux Pavots ,
Serait- ce profiter du temps qu'Hebé dispense
Que le passer dans le repos, 2
C'est par tou , Dieu de l'alegresse ,
Que l'Amour même est désarmé
Et
AOUST.
17318 1919
Er que mon coeur n'est enflammé ,
Que des feux d'une douce yvresse
Beuvons , amis , et que la joye ,
Soit l'arbitre de ce Festin ,
Et que le noir chagrin se noye
Dans les torrens de ce bon vine
Je sens mille vapeurs legeres ...
Je vois les Faunes assemblées . . .-
A mes regards déja troublez ,,
Bacchus dévoile ses Mysteres.
Ce fut ainsi qu'Hebé dans une illusion ,
De mes jeunes ardeurs me retraça l'image ;
Je crus en m'éveillant être encor au bel âge
Helas ! avec ma vision ,
Disparut à l'instant la Déesse volage.
Mortel , qui commencez à peine votre cours
D'un utile conseil je vous dois le secours ;
Ma jeunesse trop vive a passé comme un songs ;
Hebé qui vous promet un siecle de beauxjours s
Ne vous berge que d'un mensonge..
Cavalies , Avocat à Montpellier.
3
1
Dvj EX
1920 MERCURE DE FRANCE
Fett:
EXTRAIT d'une Lettre de M. Ci
piere , au sujet du Saint dont il est parlé
dans le Mercure d'Avril dernier.
JAX
'Ay lû dans votre Journal du mois
d'Avril , l'embarras où l'on est dans le
Diocèse de Soissons , au sujet de S. Front,
y ayant une Paroisse dont l'Eglise est dédiée
à ce Saint , et plusieurs personnes
baptisées sous son nom. Je suis surpris
de cet embarras ; il faut que les Vies des
Saints soient bien rares dans ce canton - là ,
ce Saint étant connu de plusieurs Auteurs,
sur tout de celui de la Gaule Chrétienne .
M. Baillet et le P. Martin en parlent fort
au long , ainsi que l'Histoire de Perigord
par le P. du Puy , enfin on a la Vie de ce
Saint imprimée à Bordeaux l'an 1612 .
S. Front , premier Evêque de Perigueux
et Patron de l'Eglise Cathedrale, &c.M.Cipiere
ajoûte ici un Narré que nous obmettons
de la Vie de ce Saint , tel à peu près qu'on l'a
déja vu dans le Mercure de Juillet dernier , et
rejetté par les meilleurs Critiques . Il vint
dit-il ensuite , à Paris , et il est vrai - semblable
qu'il alla dans le Soissonnois , puisqu'on
y a retenu son nom , &c. Il avoit
bâti
A O UST. 1731. 1921
bâti l'Eglise de S. Etienne , Collegiale dans
la Cité , laquelle a été unie depuis quelques
années à la Cathédrale de Perigueux . Le
nouveau Martyrologe de France met la Fê
te des . Front au 25. Octobre. Enfin on trouve
encore àPérigueux chez un Citoyen curieux
, les Actes de S. Front , en deux volumes
in 12.imprimez il y a deuxcent ans.
IL
***
SUR M. DE LA FAYE
La réuni le mérite ,
Et d'Horace et de Pollion ,
Tantôt protegeant Apollon ,
Et tantôt chantant à sa suite.
Il reçut deux présens des Dieux ,
Les plus charmans qu'ils puissent faire.
L'un étoit le talent de plaire ;
L'autre, le secret d'être heureux..
M. de Voltaire .
APO1922
MERCURE DE FRANCE
APOLOGIE des Enfans de Sapience,
pour répondre à la Lettre inserée dans
le Mercure de France du mois de Mars
1729. page 465. au sujet du Mercure
des Philosophes Hermetiques , et de la
Transmutation des Métaux.
L
Es Philosophes , tant anciens que modernes
, qui ont voulu travailler au
grand Oeuvre , ne créent rien de nouveau
; mais ils prennent ce que Dame Nature
a produit ; et l'ayant entre leurs
mains , ils commencent à le dépouiller ,
afin de le purifier et purger de son peché
originel c'est pourquoi les Disciples
d'Hermes , doivent suivre la Méthode de
leur Maître , qui ordonne de commencer
par séparer Fimpur du pur de leur Ma
gnezie.Or cette Magnezie est une substarr
ce ou matiere indéterminée et susceptible
àprendre toutes sortes de formes , et que la
même Nature a pour cet effet laissée im
parfaite , n'ayant travaillé sur elle que
fort peus c'est ce qui fait qu'elle est demeurée
Eau , mais Eau Minerale et Mé
tallique , de laquelle tous les Mineraux et
Métaux prennent leur origine et sont

faits.
AOUST. 1731 1928
faits. Par la Magnezie , il faut entendre
l'argent vif commun et venal , que l'Artiste
doit élire pour son premier principe,
et le prendre , autant qu'il se pourra , voisin
des matieres d'or et d'argent : or cet
argent vif venant des Minieres ou extrait
du vermillon naturel ou artificiel ,
est toujours lepreux ou hydropique ,
quoique son origine ou sa racine soit de
celeste vertu ætherée et active , créée dès
le commencement du monde , qui vole
encore continuellement sur nos têtes , laquelle
vient s'humilier et se terrifier en
ce bas monde Elementaire , pour y pro
duire ou restaurer les trois Regnes , sçavoir
, le Vegetal , l'Animal et le Mineral.
Ce dernier regne produit l'argent vif,
pour commencer l'oeuvre des Philosophes
et par cette humiliation la Magnezie minerale
s'en trouve farcie ; mais enveloppée
dans un souffre combustible et dans
une aquosité élementaire très -mauvaise ,
et même de beaucoup d'autres superfluitez
qui s'y sont incorporées par accident
et qui y prédominent voilà pourquoi
l'argent vif est lepreux ; néanmoins cela
n'empêche pas que le contenu pur ne soit
dans le contenant plein de vie et d'esprit,
c'est-à-dire , que cet argent vif mineral
contient son essence spermatique , vege-
*
sative
1924 MERCURE DE FRANCE
tative et multiplicative , et se fait or , par
le moyen du feu central qui le dépure
de degré en degré jusques à ce qu'il soit
venu à son dernier periode qui est d'être
or parfait , et il demeure là sans pouvoir
passer plus outre. Or comme l'argent vif
dans les entrailles de la terre devient or,
( ce qui est incontestable ) parce que la
Nature minerale ne tend qu'à sa perfection
. De la Herme et ses Disciples , ont
conjecturé qu'ils en pourroient faire demême
en peu de tems de leur Magnezie
ou argent vif purifié et purgé centrallement
; mais tandis qu'il seroit lepreux il
demeure sterile c'est pourquoi un bon
Artiste se doit premierement appliquer
à anéantir le continent et à conserver
le contenu pur et net , et ayant réussi , il
se peut vanter d'avoir le premier Mer
cure actif des Philosophes , lequel est l'aɛtif
du grand oeuvre , parce qu'il est la veritable
semence spermatique feminine tant
recherchée . C'est ce Mercure qui a porsé
et ému les Philosophes à tant écrire , et
qui ne le connoît pas ou ne l'a pas en son
pouvoir , se rompt inutilement la tête à
en chercher d'autre ; car ce Mercure n'est
plus vulgaire et prend le nom de celui des
Philosophes , ou Esprit du Mercure , je
veux dire Esprit universel , qui a le pou-
-
voir
A OUST. 1731 1915
voir de se mouvoir , germer et produire
de lui - même l'or philosophique sur terre
par l'Art , lorsque l'Artiste l'a mis dans son
Vaisseau de verre scelé hermetiquement et
qu'il lui donne un bon régime de feu administré
par dehors et de degré en degré , jus
ques à tant qu'il est or vif Philosophique,
que les Philosophes appellent leur Soleil ou
leur or. Mais comme cet Ouvrage est de
longue pratique , les mêmes Philosophes ,
pour abreger , ajoûtent à leur Mercure
pur un ferment solaire pour le fixer et
P'arrêter , et même pour le déterminer
en Médecine du corps humain et des Métaux
imparfaits , afin de les transmuer ,
ou changer leur Mercure en or parfait ;
voilà donc la transmutation des Métaux.
Sur ce qui vient d'être dit , il faut remarquer
que lorsque le ferment Solaire est
adjoûté et dissout dans le Mercure Philosophique,
les Philosophes appellent cel
union (ou mariage ) union spermatique
de mâle et de femelle , autrement reincrudation
de cuit en crud , et leur resbis,
ou deux fois rhose , parce que le ferment
redevient argent vif, crud ou en sa premiere
matiere cruë , telle qu'est le premier
Mercure ; alors l'argent vifPhilosophique
est animé du sperme ou de l'ame de l'or ,
que Trevisan appelle Mercure double et
Zachaire Mercure animé.
1926 MERCURE DE FRANCE
Je reprends mon fil que je ne sçaurois
quitter , et dis que lorsque le Mercure
Philosophique est dégagé de son contenant
, il est un or crud et astral très- pur,
chaud et humide , resplendissant comme
unMiroir et hommogene à l'or et à l'argent
et autres Métaux , puisqu'ils sont faits de
lui , et que même il les blanchit , ramolit
et les reincrude en leur premiere matiere ,
vû qu'ils ne sont , quant à leur illiade
qu'argent vif congelé par nature dans le
Globe de la Terre , et parconsequent ils
sont argent vif, cuits et parfaits en leur
espece et l'esprit du est crud et impar
fait , par rapport qu'il n'est pas meur et
qu'il a été extrait du vulgaire son contenant.
De- là vient Geber dit en sa
Somme de perfection T. 3. p. 319. que
l'argent vif pris tel qu'il est au sortir de
la miniere, n'a pas la vertu de perfectionher
les corps imparfaits , mais que ce qui
peut donner cette perfection , c'est une
chose qui est faite et tirée de lui par artifice
lorsqu'on l'a purifié de ses impuretez
et amené par notre Art au point de
ténuité et de subtilité. De- là je conclus
qu'il faut le purger , sans que pour cela
qu'il
que
perde la forme de Mercure coulant ,
voilà pourquoi il est nommé Esprit du
Mercure, Vaisseau de nature , Diane toute
neuve , § des corps , eau seche , cau
seche
AτοOυUςS T. 1731 1927
seche , à cause qu'elle ne moüille pas les
maux , et enfin eau catholique des Philosophes
, eau catholique , parce que le
vulgaire a été lavé et purgé du peché originel
; tout comme un Infidele devient
Catholique par l'Eau du Baptême , sans
perdre la forme d'homme , de même le
Mercure vulgaire devient l'eau catholique
des Philosophes , quand il est purgé centralement.
Je finis et dis que l'esprit de
la Magnezie bien conditionné , doit dissoudre
radicalement l'or et l'argent ( comme
l'eau tiede dissout la glace sans effervessance
ou fermentation ) tellement que
les ayant dissouts , ils ne se puissent plus
désunir d'avec lui , comme une eau mêlée
avec une autre eau ; trouver cela , c'est
tout le mystere dont les Philosophes parlent
tant et si énigmatiquement. En voilà
assez et plus qu'il n'en faut pour répondre
aux demandes de la Lettre de Montpellier.
A Toulouse , ce 8 Juillet 1731.
LE
1928 MERCURE DE FRANCE
LE BAUDET ET LA JUMENT.
FABLE .
Certain Baudet ambitieux ,
Voulant établir sa noblesse ,
Vint offrir ses soins et ses voeux ;
'A Matrona , Jument que l'on nommoit Duchesse
( Duchesse par dérision

De sa vaine présomption. )
Il prit la résolution ,
De s'unir avec elle
Femme , disoit- il , d'un tel nom ,
Va changer ma condition
Et distinguer ma parentelle ;
Je puis faisant souche nouvelle ,
Avoir Mulets , non des Asnons ,
Casque en visiere et plume en tête .
Ils leveront la crête ,
Et porteront Caparagons ,)
Des Ecussons ,
Feront grand bruit , grands carillons ;
Auront des Charges dans l'Armée ,
Cela dit , à sa bien - aimée ,
Propose la conjonction ;
Martin est bien reçû , lors la conclusion
Se
A OUST. 3929 1731.
Se fait dans le même intervale ;
Baudet épouse la Cavalle ,
Ont ensemble petits Mulets ,
Mulet aîné , Mulets cadets ,
Aussi sots que leur pere ,
Et plus vains que leur mere
D'esprit quinteux ,
Tétus , hargneux ,
En trahison donnant ruades .
Faisant mille incartades ;
Mere et Mulets n'avoient que du mépris ,
Pour le papa Baudet , le meilleur des maris ,
S'il veut décider d'une affaire ,
Duchesse le fait taire ,
Lui disant , taisez - vous , Baudet ,
Laissez parler mon fils Mulet ,
Vous raisonnez comme une bête ;
Pauvre Baudet baisse la tête ,
Et maudit cent fois le moment ,
Qu'au lieu d'Anesse il prit Jument ;
Repos vaut mieux qu'honneur et que fortune ;
Qu'un chacun prenne sa chacune.
Van Rigyben,
LET
#930 MERCURE DE FRANCE
XXXXXXXXXXXXXXX
LETTRE écrite des confins du Diocèse
de Sens et de celui d'Auxerre , aux Anteurs
du Mercure.
Quoique nous soyons , Messieurs ,
dans un Pays qui fait profession
d'une parfaite neutralité en ce qui regarde
les interêts des Villes d'Auxerre
et de Joigny nous serions cependant bien
aises de sçavoir si Ms de la Ville d'Auxerre
, laisseront sans replique l'Ecrit qui
a parû au mois de Mars dernier , imprimé
dans votre Journal du mois précedent
et comme Mercure les a si bien servis en
1723. et 1724. nous croyons que selon
les apparences il ne se démentira point
en 1731. Si ce Messager des Dieux étoit
d'humeur de faire connoître au Public
tout ce qui se présente sous les yeux des
Curieux , nous pourrions lui confier l'observation
qui se lit au bas de la page 454.
de l'ancienne Histoire Latine des Evêques
d'Auxerre , chez le Pere Labbe , où les
Habitans de la Ville de Joigny ( qui à
peine existoit alors ) et des environs , sont
appellez par un Auteur de la fin du onziéme
siecle , Dolosi Senonenses , Autissiodorensis
AOUST. 1731. 1931
dorensis hostes Ecclesia et Urbis perpetui
qui solebant ad muros usque civitatis irruentes
, furtivis conatibus frequenter et impunè
pradari. Ceci est presque une preuve convaincante
que le Pays de ces Senonois ne
valoit pas celui d'Auxerre , puisque ce
ne pouvoit être que la necessité qui les
forçoit à courir contre cette Ville. Car
s'ils disent que c'étoit l'amour de la proye
et de la rapine , comme autrefois chez
les Normans , cela ne tourneroit qu'à la
confusion de leurs Ancêtres , et rejaillisoit
en partie sur eux.
Pour nous, Messieurs , que notre Commerce
engage à frequenter également ces
deux Villes , nous n'épousons pas plus le
parti de l'une que celui de l'autre ; mais
nous ne pouvons passer sous silence que
nous nous sommes apperçus d'une aussi
grande difference entre le regime de Communauté
de ces deux mêmes Villes , qu'il
y en a entre le langage de la Populace de
l'une et de l'autre. ( a ) On diroit qu'à
(a ) Le Peuple de Joigny, change tous les on en
an, et tous les an en on , ce que celui d'Auxerre
ne fait pas , quoiqu'au reste , à cela près , il ne
parle gueres mieux. Un Etranger passant par Joigny
il y a quelques années , ne put tenir ses éclats
de rire entendant une femme s'excuser de ce qu'elle
ne pouvoit quitter la maison et aller aider à sa
voisine à fondre sen beure , parce que son mari
Joigny
1932 MERCURE DE FRANCE
Joigny l'on apprehende la guerre comme
prochaine , tant on est attentif à se fermer
et à ne pas laisser la moindre breche
aux murs : au lieu qu'à Auxerre , loin
de se fermer et de se baricader , comme
à Joigny , on fait ouverture par tout , on
rabbaisse la hauteur des murailles , on y
abbat les Tours , les Bastilles et les Corps
de garde. On a raison dans le fond en
cette derniere Ville , si la premiere Bataille
qu'on livrera ne doit être qu'avec
les verres et les bouteilles . Ce sera l'éve
ment qui en décidera , et nous ne voulons
point en être garants. Au reste nous
vous assurons , Messieurs
crimons point ici autrement , en saluant
vos santez , et que nous sommes , &c.
Ce 8. Juillet 1731 .
3 que
nous n'esétoit
allé en campagne pour fendre du bois . Eh
Dieu , ma Commere , lui dit- elle , je suis marrie
de ce que je ne sçaurois aller t'aider à fendre
ton beure : ne sçais - tu pas que notre homme est
allé en compagne pour fondre du bois ? Il n'y a
d'Auxerre à Joigny que six petites lieuës , mais
la distance morale est considerable entre les deux
Villes , surtout par rapport à la politesse , &c.
REAOUST
1731. 1933
THXXXXXXXXXXXXXXXXXX
REFLEXIONS.
DE
Esant inopia multa , avaritia omnia.
Les Avares ne sont que les Fermiers
de leurs heritiers .
Congesto pauper in auro.
L'interesse , comincia nel sublime concave
lunaro , e penetra anchenelle basse campanne
de gl'humili pastori.
La vie humaine est un commerce perpetuel
; ceux qui n'ont que la naissance
en partage , et les autres qui tiennent la
fortune de leur côté , s'accommodent ensemble
, et on peut dire que les gens de
qualité changent avec des Roturiers de
la noblesse pour du bien.
Où il n'y a point d'interêt il n'y a
point d'amitié ; c'est lui qui la fait naître;
c'est lui qui la nourrit, et c'est lui qui l'anéantit
.
L'interêt commence toutes les Sociétez,
l'interêt les détruit.
L'interêt joue toutes sortes de personnages
, même celui de désinteresse.
E Les
1934 MERCURE DE FRANCE
Les hommes ne parviennent pas plutôt
à quelques emplois , qu'ils ne pensent
qu'aux richesses , soit que cette cupidité
leur naisse alors , ou qu'auparavant elle
n'eut pas eu occasion d'éclater .
Qu'on s'étonne tant qu'on voudra ; les
hommes manqueront de bonne foi tant
que vivra l'interêt , et l'interêt vivra tanţ
que les hommes subsisteront .
Le Public seul sçait donner , mais non
pas vendre les louanges.
Qui loüe les mauvaises actions est sud
jet à les commettre .
Les louanges reçoivent leur prix du
mérite et de la sincerité de ceux qui les
donnent.
On se loüe presque toûjours tacitement,
quand on blâme un vice qu'on n'a point.
Dans les Eloges il n'y a point de fuite
honteuse qui ne passe pour une retraite
honorable ; on nomme Lion , ce qu'on
n'oseroit nommer Loup , et en détournant
ainsi tous les mots de leur vraye si◄
gnification, on déguise toutes choses.
Aux Oraisons Funebres , on dissimule
les
les deffauts , on y étale les vertus , on ne
dit rien de ce qui ne se peut louer , et par
un faux jour , où l'adresse de l'Orateur
sçait placer habilement son Heros , il soutient
les endroits foibles et défectueux.
Les Apôtres expriment les plus grandes
choses avec une noble simplicité : ils
étoient certainement interessez en la cau
se de leur Maître ; cependant ils ne s'ar
rêtent pas à en faire des éloges , ils ne relevent
point par des lieux communs la
Doctrine qu'il enseignoit et les Mircles
qu'il operoit ; ils ne s'emportent point.
contre ses ennemis et ses envieux ; ils se
contentent de raconter simplement ses
paroles , ses actions et ses souffrances.
Il est plus difficile et plus glorieux de
loüer un concurrent , que de le surpasser.
Il y des déplaisirs qui peuvent causer
la mort , mais il n'y en a point qui puisse
la faire souhaiter..
Nous courons avec empressement aux
choses qui flattent nos passions , comme
si nous ne devions pas voir la fin de
la journée , et nous faisons des projets.
comme si nous devions toûjours vivre.
E ij O
O combien la vie seroit courte si
l'esperance ne lui donnoit de l'étenduë.
On
peut dire
que
la vie est une
espece
de sommeil
dont
on ne se réveille
qu'à
la mort.
L'homme ne vit mal que parce qu'il
croit toûjours vivre. Malè vivunt , qui
semper victuros se putant.
Les jeunes gens peuvent mourir ; mais
ils peuvent vivre long- temps. Les vieux
encore plus sujets à la mort , ne sçauroient
vivre long- temps.
Malgré toutes les mines et les dégui
semens des hommes pendant leur vie ,
ils ne sçauroient parer le dernier coup ,
la mort leve le masque , Eripitur persona
manet res.
Il n'y a rien qui exhorte et qui contribue
tant à faire bien mourir , que de
n'avoir pas
de plaisir à vivre.
Ne peut -on pas dire que la vie des
hommes est comme une Lampe exposée
à tous vents et toujours prête à s'éteindre.
ENIGME
A O UST . 1731 1937
**
ENIGM E.
DE mes
*******
E mes Soeurs la nombreuse escorte ,
Chacune dans son rang , s'assemble par milliers
Tels on voit des Soldats courir auxChamps guer
riers ;
Cependant notre armée est plus foible que forte.
Nos Exploits les plus triomphants
Se bornent tout au plus à quelques jeux d'enfans.
En vain pour nous rendre plus fieres , ✰
On nous met sur la tête une Couronne d'or ;
Nous n'en brillons pas mieux , dirai-je plus encor?
Nous sommes si peu meurtrieres ,
Que lorsque dans le sang nous allons nous bai
gner ,
Nous ne faisons qu'égratigner.
1.
Mais quoique nous passions pour des choses trèsviles
,
Nous n'en sommes pas moins utiles.
'A de jeunes tendrons , sans égard à leur fang , A
Nous tirons quelquefois des larmes et du sang ;
C'est-là de toutes nos conquêtes ,
Le lustre le plus éclatant ;
Quelqu'une de mes soeurs naît-elle avec deur
têtes ?
Ce n'est pas un Monstre pourtant ;
Etant fille de l'Art et non de la Nature ,
E iij
Elle
1938 MERCURE DE FRANCE
Elle n'excite point de curiosité ,
Et cela lui sauve l'injure
De la défectuosité .
Quand quelque marché d'importance ;
Avec un plein sucsès est conduit à sa fin ,
Notre nom, quoique bas, marque la récompense,
Qu'on donne au Sexe feminin ;
Toi, Lecteur , qui me vois de ma petite espece
Te faire de sincère aveu ,
Veux- tu me deviner ? mets toute ton adresse
A sçavoir me tirer du jeu.
XXXXXXXXXXXXXXXXX:
Ji
LOGOGRYPHE.
' Habite également la Campagne et la Ville ;
Au Peuple comme au Grand je suis toujours utile,
En tout tems , en toute saison ,
L'on a besoin de moi dedans une maison.
Ma figure au dehors n'a rien que d'agréable ,
Aux Palais les plus beaux j'ajoute un ornement ;
Mais hélas ! au- dedans je suis méconnoissable ,
Je n'ai rien que d'affreux sous ce déguisement.
En vain certaines gens assez connus en France ,
Travaillent tous les ans à me purifier ,
Je les charge d'ordure au lieu de récompense ,
Et je reviens toujours à mon état premier.
Etes - vous curieux de sçavoir ma figure ?
J'ay
A O UST.
1731. 1939
J'ai deux pieds , sans pouvoir marcher ,
Un Manteau qui fait ma parure ,
Un coeur assez facile à se laisser toucher ,
Quoique de sa nature il soit dur , insensible ;
On trouve auprès de lui quelque soulagement ;
Mais n'en usez jamais qu'avec ménagement ,
Car vous pourriez bruler d'une flâme nuisible.
Si mon nom vous est inconnu ,
Sous ce détour énigmatique ,
Servons-nous de l'Arithmétique , ?
Pour voir ce qui dans moi peut être contenu.
Huit lettres forment ma substance ;
Un, deux, trois , quatre, cinq , étant pris à la fois;
Je ne recule ni n'avance ,
Chacun pourtant me suit , Peuples , Princes et
Rois ;
Quatre, cinq, trois , je suis un terme de tendresse,
Dont se sert un Amant qui parle à sa Maitresse .
Un , deux , cinq , trois et six , quelle félicité ,
Si chacun m'imitoit dans ma fidelité!
Quatre avant cinq laissé , je suis d'un grand ser
vice ,
Dans les Airs anciens et nouveaux.
Six avec sept , ma place est entre deux flambeaux
Sur le penchant d'un précipice.
A six , cinq , un , ajoûtez trois ,
Ville et Comté près de Provence ,
Dont on vit riompher un Maréchal de Frances
E iiij
Sous
1940 MERCURE DE FRANCE
Sous le plus grand de tous les Rois.
Quatre , cinq , six et trois , tantôt je suis severe ,
Tantôt de la douceur je tiens le caractere ;
Dans un sens different , l'on voit au Champ de
Mars ,
Quels effets je produits sous les plus hauts Remparts.
Six, cinq , un, sept et huit , Ville ancienne d'Asie.
Qui condamna jadis une horrible heresie..
Un, trois , six, joints à huit , on connoîtra d'abord
Un celeste repas dont parle l'Ecriture
Auquel participa l'Auteur de la Nature ,
Le jour qui préceda sa mort.
Un , cinq, quatre avec trois , sur toutes les Mon
tagnes ,
Sur les lieux élevez je tiens le plus haut rang ,
Moyse étoit sur moi quand il vit les Campagnes
De la Terre de Canaam.
Un, deux, trois, six et huit , je suis très- necessaire
Pour construction de Vaisseaux ,
Et quoique dans les bois j'habite d'ordinaire,
Je me conservé au fond des eaux.
Si l'on me laisse en paix vivre dans ma Patrie ,
Je porte un excellent régal ,
Pour le plus immonde animal.
En bien d'autres façons ma substance varie ;
Mais, ces traits suffisant pour montrer qui je suis ,
Lecteur , je ne veux point augmenter vos ennuis.
Ch. Degoëlles , Chantre et Chanoine de
D. de la Faïere.
A O UST.
1731. 1941
SECOND
LOGOGRYPHE.
JeE me fais porter par des filles :
La femme ne me convient pas.
Range ou retranche ainsi que tu voudras ,
Mes Anagrames sont faciles ,
Et sans peine en moi tu verras ,
Ce qui fit perdre maints Codilles ,
Quand l'Ombre faisoit nos ébats.
Item , une vile pécore ,
Un endroit où l'on met les foux ,
Le principe de vie en nous ,
Un esprit bienheureux encore ,
L'action d'un homme endormi ,
Un lieu pour donner Audiance ,
Ce qui tient un bats affermi ,
Le premier Surtout de l'enfance ,
Ce qu'on ôte en faisant le pain ,
Deux Poissons Marins d'ordinaire ,
Dont l'un est parfois de Riviere ;
Le joint de deux lignes enfin ,
Et dequoi faire une Coëffe à Catin .
QUATRAIN ENIGMATIQUE.
UNg Monstre élapsera de la Rive de Nil ,
Vers l'an trente après mil sept cent qu'on nombrera
;
Ev Neuf
1942 MERCURE DE FRANCE
Neuf pieds , une aîle et grife , et double os il aurr
Ung Dieu l'ostendera sur l'horison de Cil .
Par un Eleve de Nostradamus.
Fleuve est mot de l'Enigme du mois
dernier ; on a dû expliquer les deux Logogriphes
par Flambeau et Polisson .
tatatatat
NOUVELLES LITTERAIRES
L
DES BEAUX ARTS , &c.
ETTRES CRITIQUES à M. le Comte
**** sur le Paradis perdu et reconquis
de Milton. par R ***• 1. vol. 8°.
A Paris chez Cailleau , Brunet fils , Bordelet
et Henry. M. DCC. XXXI.
Ces Lettres sont au nombre de six ,
et contiennent ensemble 270. pages d'impression.
On nous dit au commencement
du Livre qu'il y a plus de 18. mois que
divers accidens ont fait remettre de
jour en jour l'impression des cinq pre
mieres . On espere cependant que malgré
ce délay , le sujet dont elles traitent , et
la maniere neuve dont il est traité
› pourront
A O UST. 1731. 1943.
ront encore attirer à ces Pieces l'attention
du Public. L'Auteur de la VI. Lettre
la commence ainsi. » J'ai lû le Paradis
» Reconquis , et je ne crains point de
vous dire que je l'ai lû avec plaisir ? s'il
» n'a point ces beautez éblouissantes ,
qui donnent tant d'éclat au Paradis
» perdu , en recompense il a moins de
» deffauts , et ses deffauts sont moins cho-
» quants. C'est au Public éclairé à juger
si cela est bien prouvé dans la suite de
cette Lettre , c'est aussi à lui à juger du
merite des précedentes qui nous ont
paru contenir un amusement agréable
et instructif.
>>
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des
Hommes Illustres dans la République des
Lettres ; avec un Catalogue raisonné de
leurs ouvrages , Tom. 14. de 401 pages sans
les Tables. A Paris , chez Briasson , ruë
S.Jacques, à la Science . 1731 .
On trouve dans la premiere Table les
noms des Sçavans qui sont contenus dans
ce volume. Ils sont au nombre deXXIX .
en voici les noms : Ermolao Barbaro :
Isaac de Benserade ; Adrien de Beverland ;
Edme Boursault ; Jean Bugen -hagen ; Fa •
cio Cardan ; Jerôme Cardan ; Jean- Baptiste
Cardan ; Louis Carré Elizabeth Se-
E vj
phie
1944 MERCURE DE FRANCE
phie Cheron ; Martin Crusius ; facques
Eveillon ; Auguste Herman Francke ;
Charles Alphonse du Fresnoy Jean Gervais
; Bernard de Girard du Haillan ;
Guillaume Homberg ; Jean le Laboureur ;
Louis le Laboureur ; Claude le Laboureur;
Claude Mignault ; Jean Nicolai ; Gabriël
du Pinau , Martin Polonus ; Marc Antoine
Gerard de S. Amand ; Jean Jerôme
Sparaglia; Daniel Sennert ; Georges de
TrebiZonde ; et Louis Videl.
Entre tous ces Sçavans , nous avons
choisi Guillaume Hombert , dont l'article
nous a paru curieux et bien rempli ,
nous le présenterons ici à nos Lecteurs
tel l'Editeur des Mémoires l'a puque
blié.
Guillaume Homberg, naquit le 8. Janvier
1652. à Batavia dans l'Isle de Java.
Jean Homberg son Pere étoit un Gentilhomme
Saxon , originaire de Quedlimbourg
, qui dans sa jeunesse avoit perdu
tout son bien dans la Guerre des Suedois.
en Allemagne. Quelques-uns de ses parens
avoient eu soin de son éducation . Cè
qu'il apprit de Mathématique le mit ex
état d'aller chercher fortune au service
de la Compagnie Hollandoise des Indes
Orientales. Il parvint à avoir le commandement
de l'Arsenal de Batavia , et se
maria
A O UST. 1731. 1945
maria avec la veuve d'un Officier , nommée
Barbe Van hedemar : de quatre enfans
qui vinrent de ce mariage , M. Homberg
fut le second.
Son Pere pour l'avancer dans le service
le fit Caporal d'une Compagnie dès
l'âge de 4. ans. Il eut bien voulu le faire
étudier , mais les chaleurs excessives et
perpetuelles du climat ne permettant pas
beaucoup d'application ni aux enfans ,
ni même aux hommes faits , il ne pût se
satisfaire en ce point. Au reste il est bon
de remarquer que le corps profite ordinairement
de ce que perd l'esprit. M.
Homberg avoit une soeur qui fût mariée
à huit ans et mere à neuf.
Son Pere ayant quitté les Indes et le
service de la Compagnie Hollandoise
alla à Amsterdam où il demeura pendant
plusieurs années avec toute sa famille.
M. Homberg parût être dans son veritable
air natal , lorsqu'il fût dans un Pays
où il pouvoit étudier. La vivacité naturelle
de son esprit lui fit regagner
vîte le tems qu'il avoit perdu jusques - là .
bien
Il étudia en Droit à Jêne et à Leipsic ,
et en 1694. il fut reçu Avocat à Magdebourg.
Quoyqu'il se donnât sincerementà
sa profession , les choses naturelles
commencerent bientôt à attirer sc
regards
1946 MERCURE DE FRANCE
regards et à interesser sa curiosité. Il alloit
chercher des Plantes sur les montagnes ,
s'instruisoit de leurs noms et de leurs
proprietés , et la nuit il observoit le
cours des astres et apprenoit les noms et
la disposition des differentes Constellations.
Il devenoit ainsi Botaniste et Astronome
sans y penser , et en quelque maniere
malgré luy , parcequ'il s'engageoir
toûjours dans ces Sciences plus qu'il ne
vouloit.
Il poussa assés loin son étude des Plantes,
et dans le même tems il se fit un Globe
celeste , creux en façon de Lanterne , où
à la faveur d'une petite lumiere placée
au dedans on voyoit les principales
Etoiles fixes emportées du même mouvement
dont elles paroissent l'être dans
- le Ciel.
Otto Guericke , Bourgue - Maître de
Magdebourg étoit alors fameux par ses
experiences du vuide et par l'invention de
la Machine Pneumatique. M. Homberg
s'attacha à lui pour s'instruire dans sa
Phisine experimentale , et cet habile
home , quoyque fort mysterieux , ou
ui revela ses secrets en faveur de son géie
, ou ne pût les dérober à sa pénétration
. Les amis de M. Homberg qui le
voyoient s'éloigner du Barreau toujours
de
A O UST. 1731. 1947
!
de plus en plus , songerent à le marier
pour le fixer dans sa profession ; mais resolu
à être maître de lui même, il se mit à
voyager , et alla d'abord en Italie.
Il s'arrêta un peu à Padoüe où il s'appliqua
à la Médecine , et particulierement
à l'Anatomie et à la Botanique . A Boulogne
il travailla sur la pierre qui porte
le nom de cette Ville , et lui rendit sa
lumiere dont le secret étoit presque perdu
. A Rome il se lia particulièrement
avec Marc Antoine Celio , Gentil- homme
Romain , Mathématicien , Astronome
et Machiniste , qui reüssissoit fort
bien à faire de grands verres de Lunettes.
Il s'y appliqua avec lui , et y trouva
pas
de
quoy exercer les lumieres de son esprit
et son addresse à opérer. Il ne negligea
la Peinture , la Sculture , et la Musi
que , dans lesquelles il se rendit assés connoisseur
pour pouvoir s'en faire un
merite .
D'Italie il vint en France pour la premiere
fois , et il ne manqua pas d'y chercher
la connoissance , et de s'y er
l'estime des Sçavans : il passa ensuite en
Angleterre où il travailla quelque tems
avec M. Boyle , dont le Laboratoire étoit
une des plus sçavantes Ecoles de Physique
.
De
1948 MERCURE DE FRANCE
De-là il retourna en Hollande où il se
perfectionna encore dans l'Anatomie sous
M. Graaf , aprés quoy il alla rejoindre
sa famille qui demeuroit alors à Quedlimbourg.
Quelque tems après il alla prendre
à Vittemberg le dégré de Docteur
en Medecine ..
Ses parens vouloient qu'il songeat à
P'utile , et que puisqu'il étoit Medecin
il se mit en état de tirer du profit de cette
qualité ; mais son goût particulier le
portoit à acquerir de nouvelles connoissances.
Il voulut voir encore les Sçavans
de l'Allemagne et du Nord ; et comme
il avoit déja un fonds considerable de curiosités
Physiques , il songea à en faire
commerce , et à s'en procurer de nouvelles
par des échanges. Les Phosphores
faisoient alors du bruit : Christian- Adolphe
Balduinus , et Kunkel Chimiste de
P'Electeur de Saxe en avoit trouvé un
different et un nouveau , chacun de leur
côté , et M. Homberg les alla chercher.
Il vit Balduinus le premier , et trouva
son Phosphore fort beau et de la nature
de la pierre de Boulogne , quoyqu'un
peu plus foible en lumiere. il l'acheta
par quelque autre expérience , mais il
falloit avoir celui de Kunkel qui avoit
beaucoup de réputation . Il trouva Kunkel
A O UST. 1949 1731 .
kel à Berlin , et par bonheur celui - ci
avoit fort envie d'avoir le petit homme
d'Otto Guericke qui se cache dans un
tuyau quand le tems doit être pluvieux ,
et qui en sort quand il doit faire beau.
Le marché fût bientôt conclu entre les
deux Curieux , et M. Homberg donna
le petit homme pour le Phosphore. C'étoit
le Phosphore d'Urine présentement assès
connu.
Les Métaux avoient touché particulierement
la curiosité de M. Homberg ,
qui alla voir ensuite les Mines de Saxe ,
de Bohême , de Hongrie et de Suede.
Le Roy de Suede alors regnant venoit
d'établir à Stokolm un Laboratoire de
Chimie. M. Homberg y travailla` avec
M. Hierna , premier Médecin du Roy, et
il eut le plaisir de contribuer beaucoup
aux premiers succès de ce nouvel établis
sement. On s'addressoit souvent à lui ,
ou pour lui demander des décisions sur
des difficultés qui
partageoient les
plus
habiles , ou pour l'engager à des recherches
qu'ils n'osoient entreprendre , et
les Journaux de Hambourg , de ces tems
là , sont pleins de Mémoires qui venoient
de lui.
Son Pere souhaitoit avec passion qu'il
terminât enfin ses courses sçavantes , et
qu'il
1950 MERCURE DE FRANCE
qu'il revînt se fixer dans son Pays , où il
avoit dessein de le marier pour l'y attirer
davantage. Mais l'amour des Sciences et
de la liberté l'emporta encore du fond
du Nord en Hollande , et de Hollande
en France , où il vit les Provinces {qu'il
n'avoit pas vûes dans son premier voyage .
Ces retardemens impatientoient son
Pere qui lui faisoit tous les jours de nouvelles
instances hâter son retour.و
pour
Enfin il étoit prêt à lui obéir , et le jour
de son départ étoit arrivé, lorsque M.Col.
bert l'envoya chercher de la part du Roy.
Ce Ministre lui fit , pour l'arrêter , des
offres si avantageuses , que M. Homberg
demeura quelque tems pour prendre son
parti , et pritenfin celui de demeurer.
La plus forte raison étoit que la pratique
familiere aux Protestans de lire tous
les jours un Chapitre de l'Ecriture Sainte
lui avoit rendu fort suspecte l'Eglise
protestante dans laquelle il étoit né , et
qu'il se sentoit fort ébranlé pour rentrer
dans l'Eglise Catholique , ce qu'il fit en
1682. L'année suivante il perdit M. Colbert
, et de plus il fût déshérité
Pere, pour avoir changé de Religion.
par son
Il entraen grande liaison avec M.l'Abbé
de Chalucet , depuis Evêque de Toulon
, fort curieux de Chymie. M. l'Abbé
Homberg
A O UST. 1731. 1951
Homberg y étoit trop habile pour aspirer
à la Pierre Philosophale , et trop sincere
pour entêter personne de cette vaine idée.
Mais un autre Chymiste avec qui il travailloit
chez ce Prélat , voulant convaincre
l'incrédulité de son associé, lui donna
en pur don un Lingot d'or prétendu
Philosophique , mais toujours de bon or ,
qui valoit bien quatre cens francs , tromperie
qui , comme il l'avoüoit lui même
lui vint alors assés à
propos.
Des raisons particulieres l'engagerent
quelque tems aprés , c'est-à-dire en 1585.
à aller pour la seconde fois à Rome. Il y
porta toute sa recolte du Nord , et l'y
mit à profit par une pratique de Médecine
peu connue en ce Païs- là et heureuse.
Le reste de cet Article pour le mois prochain
.
,
BIBLIOTHEQUE RAISONNE'E des Ouvrages
des Sçavans de l'Europe , pour les
mois de Juillet , Aoust et Septembre
1728. Tome premier , premiere Partie.
A Amsterdam , chez les Wetsteins et Smith
1728. deuxième Partie pour les mois
d'Octobre , Novembre et Decembre.
vol. in 12. de 465. pages , sans les Tables
et l'Avertissement, dans lequel on apprend
que ce nouveau Journal , qui est bien
et
1952 MERCURE DE FRANCE
et vivement écrit , paroîtra tous les trois
mois. Voici quelques - uns des Livres dont
il est parlé dans ce premier volume.
L'ANCIENNE RELIGION DE LAGERMANIE,
des Gaules , de la Bretagne et des Vandales
, par Elie Scedius , avec les Notes de
M. Jark , une Preface de M. Fabricius ,
Docteur en Théologie et Professeur pur
blic à Hambourg , et une Dissertation de
M. Keysler , de la Societé Royale d'Angleterre
, sur le culte du Soleil , us les
noms de Frey et d'Othin , pour servir de
Supplement à l'Ouvrage . A Hall. 1728
in 12. pages 771. Cet Ouvrage est en
Latin.
LA RELIGION CHRETIE INE démontrée
par la Résurrection de N. S. Jes. Chs.
en trois parties , dont la premiere expose
aux yeux des Deistes les consequences
d'un examen négligé. La deuxième explique
la nature et l'obligation de l'Evidence
morale , et la troisiéme fournit les
preuves de la Resurrection de nôtre Sauveur
avec un Supplement , où l'on dévelope
les principaux points de la Religion
naturelle , par M. Homfroi Ditton , en son
vivant Maître des Mathématiques dans
l'Ecole de l'Hopital de Christ , à Lon
dres ;
AOUST.
1731. 1953
Ares , et traduit de l'Anglois par A. D.
L. C. A Amsterdam , chez les Westeins et
´Smith, 1728. 2. vol . 8 ° . Tom.1 . 260.pag.
Le II. 305. outre la Preface et les
Tables .
Il s'est fait plusieurs Editions de cet
Ouvrage en Angleterre ,
Angleterre , où il a été extrêmement
goûté.
LES ANTIQUITEZ DE L'ASIE , anterieures
à l'Ere chrétienne , copiées sur les plus
considerables Monumens de la Grece ,
traduites en latin , éclaircies par des Notes
ets Commentaires , et auxquelles
on a joint le Monument d'Ancyre. Par
Edmon Chishul , Bachelier en Theologic
A Londres. fol. pp. 207. et un Appendix
de six pages, 1728. en Latin.
C'est un Ouvrage des plus curieux
qu'on puisse trouyer en ce genre, et plein
d'Erudition,
LA VIE D'ERASME , considerée surtout
par rapport au tems qu'il passa en Angleterre
, et contenant ainsi P'Histoire des
Sçavans qu'il y eut pour amis , de même
que l'Etat , où le sçavoir et la Religion
étoient alors dans les Universités d'Oxfott
, et de Cambridge ; avec un Supplement
où l'on trouve plusieurs Pieces ori- .
ginales,
1954 MERCURE DE FRANCE
ginales. Par Samuel Knight , Docteur en
Theologie et Prebendaire d'Ely. A Cambridge.
1726.8 °. pp. 386. pour laVie . 31 .
pour l'Introduction , et 144. pour le
Supplement , en Anglois.
MAXIMES propres à regler le Silence et
les discours de toutes sortes de personnes
en matiere de Religion. Par M. l'Abbé
Monet A Grenoble , chez Ribou 1728. in
80. pag. 240.
De quelque condition et de quelque
sexe que soient ceux qui liront ces Instructions
, chacun y pourra choisir la
part concernant son état dans les Articles,
où il y a des Maximes generales et
particulieres qui peuvent convenir à di
verses classes de personnes, dont les carac
teres differens sont tracés au naturel dans
18. Paragraffes. On y trouve aussi les
moyens propres à corriger les défauts des.
entretiens des jeunes gens et des personnes
avancées en âge , des Grands , et du
Peuple ; des Sçavans et des Ignorans.
L'Auteur n'en a point fait l'application
d'une maniere ouverte , ni specifique ,
attendu qu'il ne pouvoit se servir de cette
liberté sans contrevenir en quelque sorte
aux Régles de silence qu'il propose aux
autres dans cet Ecrit.
11
A O UST. 1731. 1955
Il y fait remarquer qu'il est fondé sur
cette maxime de l'Ecclesiaste , reconnoissant
qu'il y a le temps de parler, comme
il a celui de se taire sur les matieres
de Religion , de même que sur tout
autre sujet : mais il paroît étonné de ce
qu'on n'enseigne point l'art de se taire
pendant qu'on s'applique si fortement à
Etude des Langues , et qu'on remplit
les Bibliotheques d'Art de penser , de
Preceptes de bien dire , d'Instructions
pour la Chaire , pour le Barreau , pour
Ï'Art Militaire &c.
S'il s'agit de garder un secret , on ne
peut trop se taire ; le silence est alors
une chose dans laquelle il n'y a point
d'excès à craindre.
La reserve qui est necessaire pour bien
garder le silence dans la conduite de la
vie , n'est pas une moindre vertu que
l'habileté et l'application à bien parler,
et il n'y a pas plus de merite à expliquer
ce que l'on sçait , qu'à bien taire ce que
l'on ignore.
Le silence tient quelquefois lieu de sa
gesse à un sot, et de capacité à un ignorant .
L'Auteur expose ensuite , sans detour
les differentes especes de silence qu'on
remarque : silence prudent , artificieux
complaisant , spirituel , stupide , d'aprobation
1956 MERCURE DE FRANCE
bation , de mépris , moqueur , ironique
&c.
TRAITE' de la Morale des PP. de l'Egli
se , où , en défendant un Article de la
Preface sur Puffendorf, contre l'Apologie
de la Morale des PP. du P. Ceillier ,
Religieux Benedictin , de la Congregation
de S. Vanne et de S. Hydulphe :
on fait diverses Reflexions sur plusieurs
matieres importantes. Par Jean Barbeyrac ;
Professeur en Droit dans l'Université de
Groningue , et Membre de la Societé
Royale des Sciences à Berlin . A Amsterdam,
chez P. de Coup , et Herman Vitwerf.
in 4° . pp. 334. pour le corps de l'Ouvrage
, 42. pour la Preface , et 20. pour
Table des Matieres , 1728.
la
LES DEUX LIVRES DE SAMUEL PUFFEN
DORF , touchant les devoirs de l'homme
et du Citoyen , revus et éclaircis par des
Remarques dans lesquelles on voit l'uti
lité du Droit naturel , pour l'étude du
Droit Civil , et l'abus du Droit Civil
pour l'étude du Droit Naturel ; par
Everard Otton , Jurisconsulte et Professeur
, pour l'usage de ses Auditeurs. Avec
les Observations de Gottl. Gerh. Titius ,
sur les deux Livres en question.A Utrecht,
chez
A O UST. 1731. 1957
.
he Jean Broedelet. 1728. in 80. pp. 480.
sans compter l'Epitre Dedicatoire , la
Preface de M. Otton , celle de M. de Pufendorff
, la Table des Matieres , ny les
Observations de M. Titics . Tout l'Onvrage
est en Latin.
LES AMOURS D'HORACE. A Cologne ;
chez P. Marteau 1728. in r2 de 328. p.
sans la Preface qui en a 36. Ce livre est
un de ceux où l'on n'apprend rien .On
en parle ici avec une loüable liberté.
On trouve dans les Nouvelles Litteraires
de ce premier Tome , pag. 209. Art.
de Florence , l'Edition d'un Ouvrage important
; plusieurs de nos Lecteurs nous
sçauront bon. gré de voir ici ce qui en
est dit dans cet Article.
Joseph Man vient d'imprimer un
Recueil d'Inscriptions qui se trouvent
dans les Villes de l'Etat de Florence , sous
le Titre : Inscriptionum Antiquarum ,
Græcarum et Romanarum , qua extant in
Etraria Urbibus , Pars prima eas complectens
, qua sunt Florentia. cum Notis Antonii
Marie Salvinii ; curâ et studio Antonii
Francisci Gorri Presb.Flor. Baptisterii
et Ecclesia Sancti Joannis ." Acceduni LXII
Antique Gemma Litterate , aliaque prisca
monumenta in XX. Tabulis , quæ ex-
F plicantur
1558 MERCURE DE FRANCE
plicanturet illustrantur. In folio , avec des
Figures en Taille deuce.
,
Le premier Tome de cet excellent Ouvrage
contient 1330. Inscriptions , sans
compter les autres anciens Monumens ;
la plupart de ces Inscriptions n'avoient '
pas encore paru , celles de Gruterus , de
Reinesius et autres Auteurs qui se
trouvent repetées ici , y ont été mises selon
le temoignage de M. Gorri , parce
qu'elles étoient dans ces Auteurs si tronquées
, et si pleines de fautes , qu'il a été
obligé de les inserer de nouveau dans son
Ouvrage. A chaque Inscription ou Monument
, M. Salvini et Gorri ont ajoûté
des explications , et corrigé les fautes
que
Gruter , Reinesius et autres avoient
faites. Les Journalistes rapportent ici pour
exemple une Inscription remarquable
trouvée dans le Royaume de Naples en
l'année 1688. sur un Tombeau de Marbre.
Elle est du tems de l'Empereur Galba,
L'explication , ajoutent-ils , que l'E
diteur donne de cette Inscription , est
pleine d'érudition , et entre autres choses ,
il remarque que le mot Connubium s'écrit
ici avec une N seulement , et qu'on se
sert très souvent de la lettre C. pour le G,
Dans le même Article de Florence ,
on apprend qu'on y travaille à un Ouvrage
A O UST. 1731. 1959
ge considerable , qui aura pour Titre
Orbis sacer et prophanus , lequel contiendra
5. volumes in folio. L'Auteur se donne
beaucoup de peine dans cet Ouvrage
pour rechercher particulierement de quelle
maniere les Pays et les Provinces ont
été divisés.
Dans d'autres Nouvelles Litteraires
qu'on trouve à la page 438. il est rapporté
dans l'Article de Cambridge , que M.
Battie ayant remarqué que les bonnes
Editions des Oeuvres d'Isocrate sont
très rares , ce qui en avoit fait discontinuer
la lecture dans plusieurs Colleges ,
a resolu de nous donner une nouvelle
Edition de quelques unes de ses Oraisons ,
particulierement de celles qui ont rapport
à l'Histoire ou à l'Etat de la Grece ,
et d'y joindre ses Epitres ; il rendra le
texte aussi correct qu'il lui sera possible ,
et comme la version de Wolfius s'éloigne
trop de la lettre , il en fera une nouvelle
qui conviendra mieux à ceux pour qui
cet ouvrage est destiné : il y mettra aussi
des Remarques tirés de Wolfius , d'Harpocration
, d'Henry Etienne et de Suidas.
Les Oraisons qu'il a dessein de publier ,
sont celles- ci . 1. Ad Demonicum. 2. Ad
Nicoclem. 3. Nicoclis . 4. Panegyrica. 5.
Ad Philippum. 6. Areopagitica. 7. De Pace
Fij sive
1
1960 MERCURE DE FRANCE
sive socialis. Ce sera un volume 8 °. qui
coutera six Shillings aux Souscripteurs.
De Brunswic. M. Brukman Docteur
en Medecine et Membre de la Societé
Imperiale Leopoldine , a publié ici en
Latin son Histoire naturelle de la Pierre
incombustible : en voici le Titre . Historia
naturalis curiosa Lapidis Asbesti ejusque
preparatorum , Charta nempè lini , Lintei
et Ellikniorum in combustibilium in 4º,
Nous avons divers autres petits Traités
de cet Auteur ; De Olitho Arahgneo litho,
Lapide violaceo et Nummali , Magnalia
Dei in Locis subterraneis. &c.
GIORNALE de Letterati d'Italia Tomo V.
Anno M.DCC . XI. &c. in Venetia, 1 ,
vol . in 8 ° . pp . 418 .
ISTORIA NATURALE del Monte Vesuvio
, divisata in due Libri DI GASPARE
PARAGLIO , Auvocato Napolitano. In Napoli
Nella stamperia di Giacomo Raillard ,
1705. in 40. pagg . 429. c'est - à- dire His
toir naturelle du Mont Vesuve, & c.
Cet Ouvrage a été entrepris dès l'année
1694. à l'occasion des flammes extraordinaires
que vomit le Mont Vesuve
cette même année , et qui furent accompagnées
de plusieurs tremblemens de Terre;
mais l'Auteur distrait par les fonctions
A O UST. 1731. 1981
tions de divers emplois publics , ne pûť
le retoucher , et le mettre enfin en état
de voir le jour qu'en l'année 1705. Il est
divisé en deux Parties , dont la premiere
est proprement l'Histoire naturelle de
cette fameuse Montagne , dans laquelle
on rapporte tout ce qui en a été écrit en
divers temps de vrai , et de fabuleux :
la seconde Partie en expose l'Histoire
Philosophique , soit pour ce qui regarde
les Embrasemens et leurs causes , soit
pour ce qui concerne leurs effets. Cet
Ouvrage, ainsi que le Traité du même
Auteur , sur les Tremblements de Terre
est écrit d'un stile châtié et naturel , à
quelques expressions près qui sont peu
usitées , et qui viennent moins de l'Auteur
que du fond de son sujet.
On croit communement que les Embrasements
du Mont Vesuve dont on ne
peut guere que conjecturer les causes
Phisiques, sont aussi anciens que le Mont
même. Les Payens étonnés de cette espece
de prodige y reconnurent quelque chose
de divin , comme on le voit par cette
Inscription qui se lit sur un Marbre ,
trouvé dans la Ville de Capoue.
IO VI
VESVVIO
SAC.
F iij Unc
1
962 MERCURE DE FRANCE
3
Une chose a de quoy surprendre dans
cette Histoire , c'est la fecondité de tout
temps reconnue du Mont Vesuve ; fameux
surtout pour l'excellence de ses
vins , dont le plus celebre est celui de
Falerne que Petronne n'a pas oublié
Falernum opimianum centum annorum . &c,
Virgile et après lui Columella , et d'autres
Ecrivains en ont vanté les Huiles ,
les Bleds , les Patûrages , les Fruits , les
Plantes , et plusieurs autres productions ,
qui ne sont pas moins necessaires à la
vie , qu'agreables à la vûë : mais quelle
est la cause de cette fertilité ? C'est ce
qui n'est pas aisé à découvrir Strabon ,
Suivi par Cassiodore , l'attribuë aux Cendres
mêmes de cette Montagne , ce que
notre Auteur examine en Physicien , et
explique d'une maniere qui a dequoy
satisfaire des Lecteurs intelligens..
11 parle dans un Chapitre particulier
des Villes anciennes et modernes , et des
autres lieux situez aux environs du Vesuve
, en commençant par l'ancienne Villede
Veseri , autrefois située sur la pente de
cette Montagne du côté qui regarde Capoue
, selon Cluvier. C'est du nom de роле
cette Ville què Pellegrin croit que la
*
* C'est apparamment quelque Historien om
Genealogiste Italien
Famille
A O UST. 1731.
1963
, et que
Famille Vesaria a tiré son nom
c'est de cette famille qu'il est fait mention
dans l'inscription suivante , gravés
sur un marbre Antique.
D. M. S.
M. VESERIO
M. FIL. PA L.
JUCUNDIANO
PRAEF. FABRUM
ADCENSO . VELATO
PROC. ALIM. VIA E. FLAM
IT VIR DESIG.
SACRIA. JUCUNDA.
>
MATER.
Fon-
Aprés Veseri suivoit Heraclée qui reconnoissoit
Hercule pour son
dateur , située sur un Promontoire avec
un Port considerable , sans parler de
Pompei sur la Riviere de Sarne , de Tora
dont il est parlé dans Florus , et de plusieurs
autres Villes moins considerables ,
l'Auteur de cette Histoire en recherche
l'origine , et fait voir autant d'erudition
que d'exactitude. Il n'oublie pas les Rivieres
qui sortent du Mont Vesuve , dont
la principale est la Sarne que les Grecs
ont nommé spárov Dragon , peut être ,
dit-il , à cause de la mauvaise qualité et
Fiiij
dcs
1964 MERCURE DE FRANCE
des exhalaisons dangereuses de ses eaux.
C'est ainsi qu'elle est appellée par Siconius
, en parlant de la fameuse Bataille
donnée sur ses bords entre l'Armée de
Narxés et celle des Goths.
Notre Historien parle ensuite des plus
fameux Embrasemens du Vesuve , à commencer
par celui qui arriva sous l'Empereur
Tite décrit par Aurelius Victor
en suivant exactement l'ordre Chronolique
, ce qui l'engage souvent dans des
Discussions critiques pour concilier ses
Auteurs avec les Fastes Consulaires & c.
Le dernier de ces mémorables Embrasemens
arriva le 6. Avril de Pannée 1594.
et ce fût ce qui donna lieu à M. Paragli
d'écrire son Histoire. Comme l'effet le
plus étrange de cet Incendie fût un
grand Torrent de pierres fondues et liquefiées
, l'Auteur employe un Chapitre
entier à examiner le mouvement , la
qualité , la grosseur , et la figure de cette
matiere fluide , laquelle ayant un principe
de feu et une maniere d'ebullition ;
s'élevoit qquueellqquueeffooiiss en en s'évaporant , et
reprenoit ensuite sa premiere consistance
, ou la dureté d'une veritable pierre
teinte d'une couleur noirâtre. La grosseur
de ces nouvelles pierres étoit depuis
un jusqu'à quatre pieds.
Un
A O UST. 17317
1965
7
Un autre Chapitre est destiné à examiner
la profondeur de laConcavité du Mont:
Vesuve , et ce n'est pas le moins curieux.
Notre Auteur n'est pas du sentiment de
ceux qui croyent que cette profondeur s'étend
jusqu'au dessous de la Mer , appuyé
sur des raisons Phisiques , et fondé sur l'experience
faite en l'année 1682.qu'on s'avisa'
de jetter par la principale embouchûre une
pierre , laquelle rendit un son tout- àfait
semblable à celui des pierres jettées
dans un Puits , signe évident , selon cet:
Auteur , d'une mediocre profondeur. Il
combat ensuite , en finissant la premiere
Partie de son Histoire , l'opinion de
plusieurs Sçavants qui ont cru que dans
l'embrasement de 1631. le Vesuve avoit
fair parses souterrains une attraction sensible
de l'eau de la Mer , opinion qu'il
refute, estimant la chose absolument impossible
, quand même la concavité de
ee Mont auroit toute la profondeur qu'on
lui donne communement .
Nous nous dispensons d'entrer avec:
nos Journalistes dans le détail de la secon
de pârtie de cet Ouvrage , nous contentant
d'observer que l'Auteur y parla
moins en Historien , qu'en Physicien ,
il combat fortement les opinions vulgai
sur la cause et les effets des embra
E v.
res
sements
1666 MERCURE DE FRANCE
sements du Vesuve &c. et il appuye sessentimens
sur des raisons qui paroissent
plausibles. Des deux derniers Chapitres.
de cette seconde Partie , l'un est employé
à examiner les signes pronostiques
des Incendies prochains , que M. Paragli
tient tous faux et de même nature que
les Augures des Anciens sur le même sujet
des Montagnes embrasées , et l'autre
traite de la Peste , que le vulgaire croit
être l'effet de ces embrasemens , et des
remedes que l'on peut apporter contre un
mal si dangereux sur quoyl'Auteur exhorte
les fideles d'avoir principalement recours
à Dieu et à la protection des Saints
Tutelaires des lieux qui sont menacés de
ce fleau.
VERSI E PROSE di Pierjacopo Martello
in Roma , per Francesco Gonzaga 1710 .
in 8º . p . 324. con figure.
TEATRO di Pierjacopo Martello in Ro
ma 1709. in 8 ° . p . 404. con figure.
Ces deux differents Ouvrages sont de
M. Martel, Secretaire du Senat de Boulogne
sa Patrie , et Professeur des Huma ~
nitez dans l'Université de la même Ville ,
qui s'est acquis beaucoup de réputation
par la politesse et par la fécondité de sa
plume. Le premier dédié au Cardinal
Gozzadini
AOUST. 173x.
1967
Gozzadini , contient un Poëme intitulé
les yeux de Jesus , divisé en six Chants ,
quatre Dialogues dont le titre est il volo ,
ou l'Art de voler en l'air,et neuf Discours
sur la Poetique. Le second volume sous le
titre de Theatre, contient six Tragedies ,
sçavoir Perselide , Proculus , Iphigenie
en Tauride , Rachel , Alceste , et Jesus
perdu Gesu perduto . Nos Journalistes entrent
dans le détail de toutes ces differentes
Pieces ; mais il nous est impossible de
les suivre , assujetis comme nous le sommes
à de certains bornes. On trouve dans
le IV.Chant du Poëme des yeux de JESUS .
une circonstance édifiante : c'est la conversion
du fameux Peintre Augustin Carache
, que Dieu toucha lorsqu'àprés
avoir fini un Tableau de devotion , il se
mit à contempler attentivement la Figure
de Jesus , et celle de sa Sainte Mere ,
ouvrages de son pinceau , ensorte que dès.
ce moment Carache ne voulut plus peindre
des sujets profanes , et mena une vie
toute chretienne.
CONSIDERATIONI intorno al Barometro
del Cartesio , ed al peso dell' aria del Si
gnor Marchese Gio Poleni Veneziano , Fre
blico Professore di Meteore , e di Astronomia
nello studio di Padova, c'est -à dire
OBSERWA
F vj
1958 MERCURE DE FRANCE
OBSERVATIONS sur les Barometres de Des
cartes et sur la pesanteur de l'air. Par M.
le Marquis POLENI , Professeur d'Astronomie
à Padoue : on ne dit point l'année
ni le lieu de l'impression .
Cet Ouvrage n'a pour bút que la per
fection du Barometre : l'Auteur donne à
Descartes les louanges qui lui sont dues
à cet égard , mais il ne dissimule pas les
deffauts de l'Instrument de son invention
qui porte ce nom ; Il ajoute que M.
de la Hyre à parfaitement bien traité cette
matiere dans l'Histoire de l'Académie
Royale des Sciences , année 1708. Enfin
il propose un Barometre de sa propre invention
, dont on trouve la figure gravée
dans le Journal avec un discours
pour en prouver la bonté et l'utilité ,
qui fait voir la capacité de ce Professeur
sur le sujet qu'il a entrepris de traiter..
Dans les Nouvelles Litteraires de ce
volume on trouve un petit Eloge du fa→
meux. Prosper Alpin , né sujet de la République
de Venise , et Professeur de
Medecine et de Botanique à Padoue dans
le XVI. et le XVII . Siecle , à l'occasion
de la réimpression du plus rare et du plus
estimé de ses Ouvrages , intitulé De prasagienda
vita et morte agrotantium. Cette
Edition a été faite à Leyde en l'année
1710
A O UST. 1731. 195
1710. par les soins de M. Hermant Boerhave
, aussi Professeur de Medecine ez
de Botanique de l'Université de Leyde ,
avec une Preface de sa façon , dans la
quelle il aura sans doute parlé des autres
Ouvrages de P. Alpin , qui sont tous
curieux et devenus rares. Nos Journalislistes
n'en parlent point ; c'est le premier
de tous les Européens qui a écrit sur l'Ar
bre et le fruit du Café , et qui la fait connoitre
en deçà des Mers , après l'avoir
vû en Egypte . Il a aussi fait un excellent
Traité sur l'Arbre du Baume , un autre
des Plantes étrangeres , et un Ouvrage
sur la Medecine des Egyptiens . On devroit
bien songer à les réimprimer.
On apprend , dans l'Article de Luques,
que Pellegrin Frediani y venoit de réimprimer
in 8. la 1. et la 2. Partie des
Poësies sacrés et morales de Louis Adimari
Senateur de Florence et Académicien
;
de la Crusca , avec la Paraphrase des VII .
Pseaumes de la Penitence en vers lyriques
du même Auteur , estimé l'un des plus
fameux Poëtes Italiens de notre temps;
il est mort à Florence le 23. Juin 1708 .
Tous ses Ouvrages furent dabord publiés
dans cette derniere Ville de l'Imprimerie
du Grand Duc en 1696. 1. vol . fol. et
ils meritoient bien , au sentiment de nos
Journalistes
1970 MERCURE DE FRANCE
Journalistes , par la pieté des sentimens ,
et par leur politesse , l'honneur d'une
nouvelle Edition .
Un Antiquaire écrit de Naples , qu'en
travaillant dans le Village de Résine ,
auprès de cette Ville , à la réparation
d'une Citerne , on a trouvé quelques
Marbres antiques , ce qui a excité la curiosité
du Prince d'Elbeuf , qui a fait
foüir la terre aux environs : au moyen
de ce travail , on a découvert plusieurs
fragmens de Colomnes de Marbre affricain
, de Cipolin , d'Albâtre &c. quelques
Statues d'un goût grec , mais fort
mal traitées , et diverses Corniches de
Marbre de Paros , d'un travail exquis et
d'Ordre Corinthien. L'opinion commune
veut qu'il y a eu là un Temple de
l'ancienne Ville d'Herculane , dont Pline ,
Ciceron , Mela , et Strabon ont parlé
cette découverte le confirme , et on croit
que les Colomnes dont on vient de
fer , formoient le dernier Ordre d'Architecture
, ensorte que si on creusoit plus
ayant jusques à la profondeur de 80.
palmes , on trouveroit d'autres Colomnes
plus considerables &c . On a oute que
la chûte de cet Edifice fût un des effets
du fameux tremblement de Terre qui arriva
sous l'Empereur Tite.
par-
L'InscripA
O UST. 1737 1971
L'Inscription suivante se lit sur une
Architrave , ou plutôt sur une Frize
APPIVS. PVCHER . C. F. COS. IMP.
VII VIR. EPVLONVM. Cer Appius
Pucher , selon notre Antiquaire , fût Consul
avec C. Norbanus Flaccus , sur quoy
il fait quelques Remarques Historiques
qui lui donnent lieu de croire que l'Appius
Pulcher de l'Inscription est le même
à qui Ciceron a écrit plusieurs Lettres ,
et qui succeda à Ciceron dans la charge:
de Proconsul de Cilicie.
On ajoute que dans le même lieu on
déterra la Statue d'une Femme , que ce
même Antiquaire conjecture être celle
de la Vestale Claudia , dont Valere Maxime
a fait mention dans son Histoire. Nos.
Journalistes promettent , en cas que cette
découverte ait d'autres suites , d'ent
faire part au Public .
On apprend dans l'Article de Rome ,
que M. André Adam , de la Ville de Boulogne
, Maître de la Chapelle du Pape ,
et Beneficier de l'Eglise Sainte Marie Majeure
, a publié un Ouvrage qui lui fait
honneur , et qui marque son application
aux devoirs de sa charge , en voici le
titre : Osservazioni ben regolare il coro
de i cantori della Capella Pontificia tanto
Belle funzioni ordinarie , che straordinarie.
per
Roma
1972 MERCURE DE FRANCE
Roma per Antonio de Rossi 1711. in 4° .
pagg. 216. Senza la Prefazione e l'indice.
Les Saintes Fonctions de la Chapelle
Pontificale sont remplies de tanr de Majesté,
qu'il étoit à propos de les décrire et
de les expliquer dans unLivre particulier,
comme l'a fait M. Adam pour l'instruction
et pour l'édification des Fideles. Il a
ajouté un Catalogue des Chantres de
cette Chapelle depuis Paul III . jusqu'à
ɛe tems- ci , avec les Portraits en Failledouce
de quelques-uns. L'Ouvrage est
utile , digne de son Auteur , et magnifiquement
imprimé , nobilmente Stampata.
M. Adam est de l'Académie des Arcadiens
, gli Arcadi , dont tous les Mem
bres , comme l'on sçait, portent des noms
particuliers. Celui de cet Auteur est Ca
ricle Pisée. Cela fait, souvenir de l'Académie
des Humides de Florence , dont les
premiers Membres furent appellés l'Humecte
le Gelé , le Froid , le Trempé , ls
Transi , le Trouble , le Brochet , le Bourbeux
, le RRoocchheerr ,,l'EEccuummeeuuxx ,, le Cygne.

On trouve chez André Cailleau , Quay
des Augustins , près le Pont S. Michel
à l'Image S. André , les Livres nouveaux
suivans.
OEUVRES de Clement Marot , revûës
Su
AOUST. 17318 1975
1
sur plusieurs Manuscrits et sur plus de
40. Editions , et augmentées , avec les Ouvrages
de Jean Marot , son pere , ceux de
Michel Marot , son fils , 4. vol . in 4. 1731 .
Les mêmes Oeuvres in 12. 6. volumes.
HISTOIRE de la Ville de Genève et des
Environs.Nouvelle Edition très- augmen- .
tée , 2. vol. in 4. 1731. avec Cartes es
Figures.
La même 4. volumes in 12.
COURS d'Arithmétique , &c. par l'Abbé
le Port , in 12.
LES EPITRES et Evangiles , avec des
Refléxions , volume in 12 .
L'HISTOIRE des Rois de Chypre , de
la Maison de Lusignan , traduite de l'Italien
du Cavalier Henry Giblet Cypriot.
2. volumes in 12. sous Presse.
Le même Libraire vient d'imprimer la
suite du Théatre Italien , par le sicur
Ricoboni , dit Lelio , avec une Lettre de
M. Rousseau à l'Auteur , et l'Explication
des Figures , grand in 8. 1731. Il vend
aussi le premier vol. in 8. avec figures.
On trouve aussi chez lui une Carte
Géographique des Pays de Bierre , dit de
Fontainebleau , de Hurepoix , Gatinois ,
et
1974 MERCURE DE FRANCE
et de partie de la Brie , dédiée au Roi ,
par M. l'Abbe Guilbert , Auteur de la Description
de Fontainebleau , qui se vend
chez le même Libraire. Cette Carte est
d'autant plus commode , qu'elle se peut
mettre dans la poche , n'ayant que 14.
pouces en quarré , et qu'on y trouve les
noms des Seigneurs de toutes les Villes ,
Villages , Fiefs et Hameaux qui se trouvent
dans ces Pays.
Le troisiéme volume des Veillées de
Thessalie , paroît chez J. Fr. Josse , ruë
S. Jacques , et se fait lire aussi agréablement
que les précedens.
et
Les illustres personnes qui nous ont
communiqué l'Epitaphe de Madame de
Brunswic , composée à Vienne par l'ordre
de l'Imperatrice Doüairiere , sa fille ,
publiée dans le Mercure de Juillet dernier,
ont souhaité que nous en donnassions
une Traduction Françoise , pour la satisfaction
des Dames et de ceux à qui l'au
tre Langue n'est pas si familiere.
EPITAPHE de Madame de Brunswic.
PASSANT , arrêtez- vous ici , et respectez
un nom qui ressent la Majesté. Cy git
la Serenissime Princesse BENEDICTINE
fille
A OUS T. 1731
1975
Alle d'Edouard , frere de Charles - Louis,
Electeur , Comte Palatin du Rhin , Duc
de Baviere , Comte de Zell et d : Spanheim
, et d'Anne de Gonzague de Nevers,
Epouse de Jean- Frederic , Duc de Brunswic
et de Lunebourg , et mere de Caroline
- Felicité , mariée à Renaud d'Este ,
Duc de Modene, et de l'Auguste Princesse
AMELIE WILHELMINE veuve de
JOSEPH I. Empereur des Romains .
·
SON ancienne Race a pris naissance
parmi les Couronnes , elle s'est multipliée
avec les Sceptres , elle s'est agrandie sur
les Trônes. Illustrée par l'éclat de sa vertu,
encore plus que par celui qu'elle a reçû
de ses Peres , et répanduë de tous côtez
avec une gloire peu commune , elle fait
douter également à l'Antiquité et à la
Posterité , si elle a plus reçû de ses Ancêtres
, ou plus transmis à ses Descendans.
Passant , respectez donc cette Princesse,
le modele de la Femme Forte , l'exemple
d'une Princesse vrayèment Chrétienne
laquelle ayant reçû du Ciel un naturel
heureux , a fait admirer en sa Personne
un merveilleux assemblage de vertus
d'affection pour les siens , de bonté pour
ses Domestiques , de bienveillance pour
tous ceux qui dépendoient d'elle , et d'affabilité
dans le commerce de la vie.
DI
1976 MERCURE DE FRANCE
DEMANDEZ à Dieu pour cette grande
Princesse , BENITE de nom et d'effet , le
repos éternel et la Compagnie des Saints ,
puisque vous trouvez en elle un Miroir de
Pieté, un Exemple de Probité, l'ornement
et le modele de ce caractere noble et grand
qu'elle avoit reçû de ses Ayeux .
SEMBLABLE à une personne qui dort
paisiblement , elle est morte de la mort
des Justes , le x11. du mois d'Août ,
l'An de la Nativité de J. C. M. DCC. XXX.
âgée de plus de LXXIX. ans.
Nous avons parlé en son tems de la
Mort du celebre M. Newton ; voici l'Epitaphe
qu'on vient de graver sur son
Tombeau dans l'Eglise de Westminster.
H. S. E ..
ISAACUS NEWTON , Eques Auratus ,
Qui animi vi propè divinâ
Planetarum motus , figuras ,
>
Cometarum Semitas , Oceanique æstus
Sua Mathesi facem præferente ,
Primus démonstravit ;
Radiorum lucis dissimilitudines ,
Colorumque inde nascentium proprietates.
Quas nemo ante suspicatus erat ; pervestigavit.
Naturæ , Antiquitatis , S. Scripturæ
Sedulus
A O UST. 1731. 1977
Sedulus , sagax , fidus Interpres.
Dei O.M.Majestatem Philosophiâ aperuit,
Evangelii simplicitatem moribus expressit
Sibi gratulentur Mortales ,
Tale , tantumque extitissé ,
HUMANI GENERIS DECUS.
Nat. XXV. Dec. A. D. M. DC. LII
Obiit MAR. XX . M. DCC . XXV I.
STANCES ,
Sur les Poëtes Epiques.
PLein de beautez et de deffauts ,
Le vieil Homere a mon estime ;
Il est , comme tous ses Héros ,
Babillard outré , mais sublime,
Virgile , orne mieux la raison ,
A plus d'art , autant d'harmonic ,
Mais il s'épuise avec Didon ,
Et ratte à la fin Lavinic.
De faux brillants , trop de Magie ,
Mettent le Tasse un cran plus bas
Mais que ne tolere- t'on pas ,
Pour Armide et pour Herminie ?
Milton
1978 MERCURE DE FRANCE
Milton , plus élevé qu'eux tous ,
A des Beautez moins agreables .
Il n'a chanté que pour les fous ,
Pour les Anges et pour les Diables,
Après Milton , après le Tasse ,
Parler de moi seroit trop fort ,
Et j'attendrai que je sois mort,
Four apprendre quelle est ma place .
Voilà la veritable leçon de ces Vers de
M. de Voltaire , qui ont été imprimez
d'une maniere peu exacte dans le Nouvelliste
du Parnasse , Lettre vingt- neuf.
L'Auteur de ce Nouvelliste , qui fait un
Commentaire solide sur l'étimologie de
ce mot rater , prétend que ces Stances sont
plus badines que solides . Il semble cependant
qu'on n'en a pas jugé ainsi dans le
public ; il est vrai que ces Vers on l'air
badin , mais le jugement que M. de Voltaire
porte sur les autres Poëtes Epiques,
a parû judicieux. Jamais peut-être n'a-t'on
rendu plus de justice à Homere que dans
le petit Quatrain qui renferme son Portrait.
A l'égard de Virgile , il est certain que
les six derniers Livres où l'on fait la guerre
pour Lavinic , ne valent pas , à beaucoup
près ,
AOUS T. 1731. 1979
près , les six premiers. Il est bien vrai
qu'Enée n'est pas amoureux de Lavinic ,
Comme il l'est de Didon ; Aussi ce n'est
point Ænée , c'est Virgile qui rate Lavinie
, en rendant tout ce qui la regarde si
peu
interessant.
Pour le Tasse , c'est le sentiment de
M. Despreaux , que les faux brillants et
la sorcellerie ont dégradé cet Auteur celebre.
Est-il rien de plus raisonnable que de
dire que Milton a chanté pour les fous
les Anges et les Diables on voit dans ce
Poëme , fameux d'ailleurs , un Paradis
appellé expressement le Paradis des Fouss
toute la Scene se passe dans un autre Monde
que le nôtre.
A l'égard de la derniere Stance , c'est
au Public seul d'en décider.
Le Cours des Sciences , in folio , par le Pere
Buffier , dont le Projet fut publié il y a un an ,
est achevé d'imprimer , l'Edition est des plus
belles. Elle est de plus de deux cens feuilles , Caractère
de S. Augustin , parmi lesquelles il sa
trouve la valeur de trente à quarante feuilles,Caracteres,
partie de Cicero , partie de petit Romain,
aussi beaux et aussi neufs que le S. Augustin,
L'Auteur a fait employer ces Caracteres differens
pour certains endroits moins necessaires à la suite
des choses ou qui demandent plus d'attention que
le commun des Lecteurs en France , n'est dispos
૩૬
1980 MERCURE DE FRANCE
en donner. On a employé en particulier le petit
Romain , afin de ne point doubler les lignes aux
endroits où il y a des Vers ; ce qui d'ordinaire
produit à la vue de l'embarras et un mauvais effet.
L'Ouvrage par - là contient plus de matiere que
l'Auteur n'avoit promis. Au reste ce qui fait la
derniere quatriéme Partie de l'in folio n'avoit
point encore paru , sçavoir , 1 ° . l'Exposition des
preuves les plus sensibles de la veritable Religion.
2 ° . Eclaircissemens de plusieurs difficul
tez proposez à l'Auteur , sur la plupart des
Traitez qu'il avoit d'abord imprimez in 12.
3°. Un Discours sur l'étude et sur la Méode des
Sciences . 4. Sept ou huit Dissertations , qui font
chacune autant de petits Traitez sur des choses
dont on parle ou dont on a fort parlé dans le
monde , comme , 1º, de la nature du goût. 2 ° Si
nous sommes bien en état de décider sur les
beautez ou sur les deffauts d'Homere et des ani
ciens Poëtes . 3 °. L'Apologie du fameux Vers de
Lucain. Victrix causa diis placuit , sed vicia
Catoni. 4° . Si les regles et les beautez de la
Musique tont arbitraires ou réelles ; cette quatriéine
Dissertation renferme une Métode ensiere
d'apprendre soi-même la musique et de
l'enseigner à ceux qui n'en auroient Jamais
eu nulle idée. Quand nous serons plus instruits ,
nous en marquerons plus de particularitez ; cependant
l'infolio se distribuera le mois de Septembre
à ceux qui en avoient retenu des Exemplaires
, chez le sieur de la Mesle , Imprimeur de
Ï'Ouvrage , rue de la vieille Bouclerie ; et se vendra
chez les sieurs Cavelier et Giffart , Libraires
, rue S. Jacques.
Les Libraires de Paris travaillent actuelles
ment
AOUS T. 1731. 1981
ment à donner au Public une nouvelle Edition
des OEUVRES DE MOLIERE ? en six volumes inquarto
, avec des Memoires sur la Vie de l'Auteur
, et des Réflexions Historiques et Critiques
sur chaque Piece.
;
On n'épargnera aucune dépense pour embellir
cette Edition , qui sera toute entiere sur du
grand papier avec le Portrait de l'Auteur , des
Estampes pour chaque Sujet , des Vignettes
Lettres grises et Culs - de-lampes ; le tout dessiné
et gravé par les meilleurs Maîtres.
Le Texte a été exactement conferé avec les
anciennes Editions et quelques Manuscrits. La
correction de cette Edition sera faite avec un
très-grand soin .
Les Exemplaires seront délivrés à la fin de
l'année 1732. Il n'en sera tiré qu'un très- petit
nombre, conformément au papier et aux Caracteres
employés au present Avis.
Ceux qui en voudront retenir , pourront s'adresser
, à Paris chez Pierre Gandoüin , Quay
des Augustins , Theodore le Gras , Grand'Salle
du Palais. Michel - Estienne David , sur ledit
Quay. Guillaume Cavelier , rue Saint Jacques.
Les Libraires ci - dessus ne délivreront des
Reconnoissances que jusqu'au dernier Novembre
1731.
La suite et conclusion des Mémoires d'un
homme de qualité qui s'est retiré du Monde
se trouve à Paris chez Gabriël Martin , Libraire
, ruë S. Jacques , chez la Veuve Delaulne
, même ruë , et chez Theodore le Gras au
Palais.
Le samedi 28. Juillet , l'Académie Royale
G des
1902 MER DE FRANCE
des Sciences élût Mrs. de Maupertuis , Pitot ,
et Bouguier , pour remplir la place de Pensionnaire
Géométre , vacante pat la veterance accordée
à M. Saurin , le premier a été choisi par
le Roy pour remplir cette place .
Le Mercredi 1. Aoust M. Clairau a été choisi
pour remplir la place d'Adjoint Méchanicien ,
vacante depuis long- temps,
Le Mercredi 8. M. de Valiere , Lieutenant
General d'Artillerie , Grand- Croix de l'Ordre
de S. Louis , et M. de la Peyronie , premier
Chirurgien du Roy, ont été élûs pour remplir la
premiere de deux places d'Associés libres , dont
le Roy vient d'augmenter cette Classe : ces deux
Sujets ont été choisis pour remplir ces deux
places.
Le grand Ouvrage que M. Massé commença
en Juillet 1723. est entierement fini depuis le
commencement de ce mois , et tout ce qu'il y a
de Curieux et de gens de goût , trouvent qu'il a
parfaitement reussi , aprés huit années de traail
, d'application et de dépense. Cet Ouvrage
laborieux et qui demande de grands talens ,
consiste dans les desseins de toutes les Peintures
de M. le Brun , qui font l'ornement et la magnificence
de la grande Galerie et des deux Sallons
du Château de Versailles Tous ces desseins ,
qu'on va voir chez luy avec grand plaisir , Plaee
Dauphine, au Roy de Prusse , sont faits avec
beaucoup de soin , d'intelligence et de propreté.
ils paroîtront en Estampes dans 4. ans , en
16. morceaux . Les meilleurs Graveurs de Paris
travaillent actuellement.
y
Par la bonté du Roy , cet ouvrage paroîtra
plutôt qu'on n'auroit osé l'esperer , S. M. ayant
permis
AOUS T. 1731. 1983
permis au Sieur Massé , pendant les trois dernie
res années, de laisser les Echaffauts en leur entier,
lors de son séjour à Versailles , et même de travailler
en sa présence , dont elle l'a souvent honoré.
On a reçu en Espagne , par les derniers Vaisseaux
arrivés des Isles Canaries , la confirmation
des premiers avis qu'on avoit eus de l'éruption
d'un nouveau Volcan,au haut des Montagnes de
l'Isle de Lancelotte , la septiéme de ces Isles , qui
appartient aux Rois de Portugal , depuis la cession
qui en fut faite autrefois à l'Infant Don
Henrique , Grand - Maître de POrdre de Christ ,
par Maciot de Betencourt , Gentilhomme François
qui en étoit propriétaire. Ces Lettres portent
que le premier Septembre de l'année dernie
re , la montagne avoit vomi par trois differentes
ouvertures une fi grande quantité de matieres
minerales & bitumineuses , qu'il s'en étoit
formé des torrens qui en moins de sept heures
avoient reduit en cendres la Ville de Tingafa
& les Bourgs de Sainte Catherine , de Masso ,
Chareta , Chimanfaya , Penha - Palomas , Rodeos
, Jaretas , & plusieurs autres ; que le vent,
impétueux qui accompagnoit cet incendie , ayant
élevé les cendres de ces habitations détruites , elles
étoient retombées sur les Villages de Cupadero ,
Teo , Murdacha , Gerias Mozaga ; de S. Barthelemy
& de Lomo d'Andrez , dont tous les
habitans avoient été étouffés et enfevelis . Ces
cendres se porterent plus loin sur d'autres habitations
, et quoyqu'en moindre quantité , elles *
ne laisserent pas de perdre tous les fruits qui y
sont excellents , et de gâter les eaux des Puits et
Fontaines , ensorte que la faim et la soif oblige-
Gij
rent
1984 MERCURE DE FRANCE
*
rent le reste des habitans d'abandonner cette Isle,
paravant si peuplée , si fertile et si opulente.
Nous avons receu par les Vaisseaux de la
Compagnie des Indes revenus depuis peu , la
nouvelle d'un tremblement de Terre arrivé à
Pekin , Capitale de la Chine , le 30. de Septembre
dernier , qui a duré pendant prés de quatre
minutes , avec tant de violence , que les principaux
Edifices de la Ville en ont été ébranlés.
Le magnifique Palais de Haytien , maison de
plaisance des Empereurs de la Chine , situé à
quelque distance de la Ville , et celui du 17. frere
de l'Empereur , ont été renversés . La belle
Eglise des Jesuites Portugais et celle des Jesuites
-François sont presque totalement détruites , ainsi
que le Convent des Franciscains . Il y eut le même
jour une seconde sécousse qui fut suivie de
plusieurs autres moins fortes ; et qui durerent
jusqu'au 2. Octobre au matin . Le Theaulo , ou
Fleuve jaune , et plusieurs autres Rivieres ont
rompu leurs Digues ; et s'étant répandus dans
la Campagne , ils ont inondé quatre Provinces
, et les habitans de plusieurs Villes considerables
ont été noyés ; de sorte qu'il a peri plus de
100. mille personnes , tant sous les ruines des
maisons renversées , que par le débordement des
Rivieres .
Les Lettres d'Allemagne portent , qu'on avoit
essuyé à Olmutz un orage si violent , que 16,
maisons en avoient été renversées , et que la
grêlé dont il s'étoit trouvé des grains pesant
prés de deux livres , avoit tué 52. personnes ex
tous les Bestiaux qui étoient dans la Campagne.
Celles d'Italie assurent , que les chaleurs son :
£
A O UST. 1731. 1985
şi grandes cette année dans la Sicile , qu'on ne
se souvient pas d'en avoir ressenti de pareilles :
l'ardeur des rayons du Soleil y casse les vîtres
des fenêtres exposées au midy ; les Bestiaux meurent
dans la Campagne , et les enfans de Paler -
me , de Trapani , et de plusieurs autres Villes
sont attaqués d'une maladie épidémique dont la
plûpart perissent.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Besançon
le 1. Aoust 1731. sur une personne
âgée de cent six ans.
Com
>
Omme je me suis apperçu , Monsieur, en lisant
le Mercure de France , que vous y
faisiez mention de la mort de plusieurs personnes
qui avoient vêcu fort long-temps , je crois
que celle dont . je vais vous parler merite d'y
trouver place par rapport au long temps qu'elle
a vêcu; vous pouvés compter entierement, Monsieur
sur ce que je vous marque , parceque
jay vu may- même cette femme l'année derniere,
et que je luy parlay pendant plus d'une demie
heure , répondant avec autant de bon sens et de
précision à ce que je lui demandois , que si elle
n'eut eu que cinquante ans . Elle a marché jusqu'au
moment qu'elle a été attaquée de la maladie
dont elle est morte , qui n'a duré que peu de
tems , et n'a jamais cessé d'aller à sa Paroisse
qui étoit éloignée de la maison où elle demeuroit
d'environ un demi quart de lieue.
Jeannette Guignard , Originaire du Village
des Fourgs,dans les Montagnes de Franche - Com
té, sur les Frontieres de la Suisse , vint au monde
le 26. Mars 1625. elle fut baptisée en l'Eglise de
6. Benigne de Pontarlier , petite Ville de cette
Giij Province,
1986 MERCURE DE FRANCE
Province , elle épousa en 1642. Claude Garnier,
du Village de Monmahoux , Laboureur fort aisé
, avec qui elle demeura jusqu'en 1666 , tems
auquel les François étant venus en cette Provin
ce pour en faire la Conquête , ce particulier périt
dans un party. Elle est restée veuve depuis ce
temps là jusqu'à sa mort, arrivée au mois de Juin
1731. laissant près de cinquante , tant fils que
petits-fils. Elle a parconsequent vêcu cent six années
deux mois et quelques jours.
La Médaille dont nous donnons ici la gravûre
, et qui a été frappée depuis peu , mérite une
particuliere attention à toute sorte d'égards . On
y voit d'un côté le Buste de S E. M. le Cardi
nal de Fleury , avec cette Legende ANDREA
HERCULI S. R. E. CARDINALI PRIM . REGI
NÆ ELEMOSINARIO . et sur le Revers une
Colomne élevée sur son pied destal , au dessus.
de laquelle est un Globe chargé de trois fleurs de
Lys , Simbole de la France. Autour de la Colomne
sont representées debout les quatre prin
cipales Vertus , avec les Attributs qui les caracterisent
; pour Legendes VIRTUTES REGNI ADMINISTRA
; et dans l'Exergue M.DCC.XXXI.
Les coins de cette Médaille , dont on ne peut
trop louer le dessein , le goût , et l'exécution ,
ont été gravez par M. Roettiers.
CHANSON.
Riez , chantez , jeunesse aimable ,
Suivez vos innocens desirs ;
De
THE
NEW
YORK
LIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
Air de M.
SR.E.
C
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATION8.
A OUST. 1987 1731
.
De la censure inévitable ,
Vangez-vous d'un air agréable ,
Punissez- la par vos plaisirs.
BOUQUET.
A Llez sur le sein de Lisette ,
Vivre et mourir , brillantes fleurs ;
Vous aurez dans cette retraite ,
Pour Zephirs , les soupirs des coeurs.
Que mon ame seroit ravie !
Que mon sort feroit de jaloux ,
S'il m'etoit permis comme à vous ,
D'y vivre et d'y perdre la vie !

SPECTACLE S.
L
E 16. Juillet , les Comédiens François
donnerent la premiere Représentation
du Mari curieux , Comédie en Prose et
en un Acte , par M. d'Alinval. Cette Piece
a été favorablement reçûë du Public
ce qui nous donne lieu de croire qu'on
en verra avec plaisir un petit Extrait dans
ce Journal.
M. Lisidor, venant d'un long voyage ,
Giiij trouve
9
1988 MERCURE DE FRANCE
trouve le bruit de sa mort répandu dans
son pays , fondé sur un nauffrage dont il
s'est heureusement sauvé. La bonne opinion
qu'il a de sa femme et de lui - même ,
lui fait naître la curiosité d'apprendre
combien il est regretté. Il fait cette épreuve
à la faveur d'un travestissement ; il se
met à la tête d'une troupe de Bohemiennes
, et en qualité de diseuse de bonne
avanture , il s'addresse d'abord à Maturin,
son Jardinier. Ce Maturin vient d'être
maltraité par un Amant de sa femme et
congedié par sa femme même , pour lut
avoir sagement représenté qu'elle ne devoit
pas se remarier sans être bien sûre
de la mort de son mari , et pour avoir
condamné sa joye dans un temps où elle
devroit s'abandonner à la douleur. La tendresse
d'un Serviteur si fidele , engage
M. Lisidor à lui annoncer qu'il reverra
bien-tôt son cher Maître . Maturin est si
agréablement flatté d'une promesse si satisfaisante
, qu'il donne tout ce qu'il a sur
lui à la fausse Bohemienne ; son Maître
ne peut s'empêcher de se découvrir à lui,
il le charge d'engager Madame Lisidor à
la voir danser chez elle avec toute sa troupe.
C'est par une proposition si agréable
et par une fausse apparence de repentir ,
que Maturin regagne les bonnes graces de
Madame
A O UST. 1731. 1989
Madame Lisidor ' et du Gascon , qui la
doit épouser. La seconde consolation que
le Mari curieux reçoit dans sa maison ,
c'est la tendre douleur que sa fille Henriette
témoigne sur la fausse nouvelle de
sa mort ; il est tenté de se découvrir à elle :
sur tout pour soulager le nouveau tourment
que lui cause l'ordre qu'elle a reçû
de sa mere , d'entrer dans un Convent et
de s'arracher pour toûjours au jeune Damon
, qui lui avoit été destiné pour époux
dès sa plus tendre enfance ; quelques sentimens
inconnus qui lui échappent à la
voix de la fausse Bohemienne , font une
espece de demi reconnoissance qui commence
à remuer les Spectateurs . Le Chevalier
Gascon qui ne connoît ni pere
mere , et qui pourtant a promis à Madame
Lisidor que son pere arrivera au premier
jour pour assister à la nôce , engage la
prétendue Bohemienne à lui donner quel
qu'un de sa troupe qui fasse le personnage
de pere , sous le nom de Baron de
Fronsignac. M. Lisidor lui promet de le
faire lui- même ; il se travestit pour jouer
ce nouveau Rôle , et c'est sous ce dernier
travestissement qu'il se fait connoître à sa
femme , qui lui a déja fait entendre dans
une autre Scene qu'elle n'est rien moins
que cette femme tendre et fidelle qu'il se
Gv proposoit
ni
1990 MERCURE DE FRANCE
proposoit de retrouver en elle . Sa fille nelaisse
pas de demander grace à son pere
pour une mere si dénaturée et pour une
femme si infidele. Henriette est mariée à
son cher Damon..La Piece finit par un Divertissement
de Bohemiens et de Bohë.
miennes , dont les Chansons roulent sur
le titre et le fond de la Comédie ; cet Ouvrage
a paru bien écrit , et l'on en a trouvé
la Morale fort bonne ..
Le Théatre François a été fermé pendant
huit jours, les Comédiens qui étoient
restez à Paris ayant été mandez à Fontai
nebleau. Ceux qui avoient été du voyage
à la suite de la Cour , revinrent à Paris
le 30. du mois dernier , et ils r'ouvrirent.
le Théatre le 2. de ce mois par là Tragedie
d'Astrate , de Quinault , représentée
dans sa nouveauté en 1663. qui a toûjours
eû du succès , toutes les fois qu'on:
l'a remise au Théatre. Le Public la revoit
aujourd'hui avec beaucoup de plaisir; mais .
en applaudissant les grandes beautez de
ce Poëme , il n'en blâme pas moins les.
deffauts.
Le 12. ils donnerent le Philosophe Ma
rié, Comédie de M. Destouches , que le
Public revoit toûjours avec plaisir , elle
fut très -bien représentée ; la Dile Gossin
qui
AOUST 1731. 1991
qui a été reçûë à Fontainebleau , sur le
pied d'une demi- part , y joüa le Rôle de
Melite , et y fut fort applaudie..
L'Académie Royale de Musique continuë
toûjours avec succès le Balet des Fêtes
Venitiennes , qu'on ne se lasse pas de
voir ; on prépare l'Opera d'Amadis de
Gaule , qu'on doit remettre au Téatre incessamment.
La Dile Salé , qui est revenue de Londres
, où elle étoit allée l'année passée
reparut le 21. sur le Théatre de l'Opera ,.
et dansa au second Acte des Fêtes Veni--
tiennes , une Musette , un Passe - pied et
un Pas de Deux avec le sieur Dupré, tout
le monde connoît les talens , la finesse et:
les graces de cette excellente Danseuse ..
Le Public a marqué par de grands applaudissemens
le plaisir que lui fait son
retour.
Le 16. les Comédiens Italiens firent
l'ouverture de leur Théatre après leur
retour de Fontainebleau , et représente
rent Démocrite prétendu Fon , qui fut suivi
de la petite Piece des Paysans de qualités.
Le 18. ils donnerent Samson , comme ill
a été représenté à la Cour..
Le 23. ils joüerent une Piece nouvelle
Gvj Fran
1992 MERCURE DE FRANCE
Françoise de M. de la Motte , en cinq
Actes , intitulée l'Amante difficile ; cette
Piece avoit été représentée en Italien au
mois d'Octobre 1716. par les mêmes Comédiens
et sous le même titre : on en parlera
plus au long.
Le 28. Juillet , l'Opera Comique donna.
une Piece nouvelle en trois Actes, en Vaudeviles
, avec des Divertissemens de la
composition de M. Gilliers ; elle a pour
titre, Roger, Roi de Sicile , surnommé le Roi
sans chagrin. Cette Piece qui a été reçûë
favorablement du Public a été suivie du
premier
Ballet que les Danseurs
Anglois
exécuterent à la même Foire S. Laurent
en 1729. ct qui fut si goûté du Public.
Le Mercredi premier de ce mois , on représenta
pour la distribution des Prix , dans la Cour du
College de Louis le Grand , la Tragedie de Regulus
, du Pere de la Sante , en Latin. Elle fut
ter minée par un Eloge du Roy. Nous n'entrerons.
po'nt dans le détail de cette Piece , dont le sujet
est connu de tout le monde , pour pouvoir nous
arrêter plus long- temps sur le Balet qui a servi
d'in ermede à la Tragedie , sous le titre de l'Empire
de la Mode. Ce Balet est divisé en quatre-
Da rties ; sçavoir , l'établissement de l'Empire de
a Mode , son étenduë , sa tyrannie , sa décadence.
Avant que d'entrer dans les subdivisions de
ces quatre Parties , il est à propos de parler de
l'ouverture du Balet , en voici le Sujet.
L'Au
A O UST. 1731. 1993

L'Auteur suppose très- ingenieusement que l'Uage
est fils du Temps et de la Coûtume , que la
Mode , Princesse naturellement ambitieuse , fille
du Caprice et de la Phantaisie , entreprit de détrôner
l'Usage , et de faite tomber son Royaume
en quenouille. Elle a des Soldats lestes et vétus
à la moderne , qui surprennent les vieilles bandes
du Roy legitime ; ils les enchaînent et les forcent
même à venir rendre hommage à l'usurpatrice
assise sur le Trône , d'où elle donne des Loix at
Monde qu'elle tient sous ses pieds.
La premiere Partie du Balet comprend l'établissement
de l'Empire de la Mode , et la subdivision.
1 °.L'exemple des Grands . 2 °. L'envie de
eacher ce que
l'on est. 3 ° . L'ambition de paroître
plus qu'on n'est.
1. Le fameux Barbier de Midas , invente l'usage
de la Perruque en faveur de son Prince, pour
couvrir la disgrace de ses oreilles . Plusieurs Maîtres
Perruquiers font sur ce modele de pareilles
coëffures , dont les Courtisans se parent à l'exemple
du Souverain , et transmettent cette mode aux
siecles suivans , qui s'en sont plus d'une fois servis
pour des besoins à peu près semblables.
2. Plusieurs Sauvages se peignent le visage ,
pour ne point laisser paroître les mouvemens de
leur ame. I's sortent des Bois de Samos et viennent
livrer aux Marchands Romais le Fard , la
Pommade , la Céruse et le Vern , que ceuxcy
mettent à la mode parmi les Dames Romaines,
qui s'en servent pour cacher les rides de leurs
visages et le desagrément de leur teint.
.
3. Niobé, fiere du nombre et de la beauté de ses
enfans , leur fait prendre des simboles des Dieux
et se produisant elle- même en public sous un habit
conforme à celui de Latone , elle voudroit à
La
1994 MERCURE DE FRANCE
la faveur de cet appareil passer pour Déesse aux
yeux de son peuple , et faire adorer ses enfanscomme
autant de demi-Dieux , dans un temps où
la Mode commençoit à diviniser les Passions mêmes
. Apollon et Diane font tomber sur cette
mere ambitieuse une grêle de fleches avec une
pluye de feu. Transformée en Rocher, elle éprouve
à ses dépens que c'est une vanité punissable
que d'aspirer à paroître plus que l'on n'est..
SECONDE PARTIE.
29
L'Empire de la Mode s'étend , 1 ° . Sur la
plupart des conditions . 2 ° . Sur presque.
toutes les Nations. 3 ° . Sur tous les âges.
I. ENTRE'E . Lycurgue , gouvernant le Royaume
au nom de son Neveu encore jeune , ne peut
voir sans indignation , que l'entêtement pour la
mode confonde toutes les conditions dans Sparte;
que le Villageois s'érige en Artisan , l'Artisan
en Bourgeois , le Bourgeois en Gentilhomme , le
Gentilhomme en Seigneur , le Seigneur en petit :
Souverain , le Marchand en Magistrat , &c. 11 .
entreprend de réformer de tels abus, et publie avec
appareil, au son des tambours et des trompettes,
une loi sévere par laquelle il regle l'ordre des
conditions.
II. ENTREE. Auguste , après avoir pacifié
l'Univers , fait dresser des Arcs de Triomphe à
l'entrée d'un . Bocage voisin de son Palais. Là il
donne une Fête aux Ambassadeurs des Nations
nouvellement subjugués, qu'il prétend engager à
prendre les manieres Romaines , tant pour le langage
que pour l'habillement ; mais la plupart de
ces Etrangers,, sur tout les Gaulois , jaloux de leure
liberté.
A OUST 1731 . 1995
liberté , se maintiennent dans le droit de changer
de mode à leur gré par le refus qu'ils font de subir
la loi qu'on veut leur imposer , ils se montrent
plus soumis au joug de la Mode qu'à celui
de leur vainqueur.
III. ENTRE'E. La Déesse Manie , soeur de
la Nouveauté , panoît sur un Char traîné par des
Singes. Ce Char n'est d'abord suivi que par des
enfans et de jeunes avanturiers. Bien - tôt après ,
des hommes d'un âge mûr se joignent à ce Cortege.
Enfin de graves Vieillards se mettent euxmêmes
de la partie . Tous ensemble affectent les
airs , la démarche , la contenance , les . grimaces
de cette Cour bizare , et deviennent plus Singes.
que les Singes mêmes.
TROISIE'ME PARTIE.
L'Empire de la Mode est une vraye tyrannie,
qui force àfaire , 1º . plus qu'on ne doit.
2º. Plus qu'on ne veut. 3 ° . Plus qu'on
ne peut.
I. ENTRE'E. En Asie , la mode du grand
deüil regna pour un tems, et fit même un devoir.
aux riches veuves d'élever des Tombeaux à leurs
maris. Artemise et la Matrone d'Ephése , voulant
signaler leur douleur , érigent à leurs Epoux desuperbes
Mausolées. Mercure les voyant l'une et
l'autre inconsolables en apparence , ranime ceux:
qu'elles pleurent , en touchant leurs corps de sa
baguette fatale ; la douleur des deuxaffligées paroit
s'accroître par le prodige même qu'il opera
pour la soulager.
II . ENTRE' E. Deux partis de Gentilshommes
Bourguignons entrent en champ clos et se
battent
1997 MERCURE DE FRANCE
battent en duel malgré leurs répugnances ,sous les
yeux même de leur Roi , arbitre du combat , pour
obéir à la mode barbare établie parmi eux de
prouver, l'épée à la main, son innocence et la justice
de sa cause.
III. ENTRE'B Les quatre Divinitez , du
Jeu, des Festins , du Luxe et de la Volupté, confedérées
avec la Mode , engagent de jeunes Seigneurs
dans de folles dépenses qu'ils ne peuvent
Soutenir. Pendant qu'ils sont occupez à leurs plaisirs
, des Huissiers envoyez par les Créanciers
saisissent ce qu'ils trouvent sous leurs mains
poursuivent les débiteurs , et vont mettre leurs
terres en decret.
>
QUATRIE ME PARTIE.
L'Empire de la Mode tombe en décadence ;
1º . Par une nouvelle Mode qui bannie
la précedente. 2° . Par la rigueur des Loix
qui proscrivent les Modes dangereuses.
3º. Par le temps qui les détruit l'une après
l'autre.
I. ENTRE' E. Pendant que les plus grands
Maîtres raisonnent suivant Pancienne Méthode
dans le Lycée d'Athénes , et traitent gravement
des points de doctrine les plus sublimes , on voit
paroitre une troupe de petits Grecs nouveaux venus
, qui font grand bruit pour interrompre ceux
qu'ils devroient écouter avec respect , contrefont
leurs gestes , copient leur gravité , introduisent.
une mode nouvelle qui fait fortune pour un instant;
mais la saine antiquité prévaut et dissipe les
yaines chimeres.
LL ENTRE' . Henry IV. voulant multiplies
A O UST. 1731. 1997
plier les especes de monnoye qui devenoient rares
en France , avoit porté un Edit par lequel il permettoit
aux seuls Filoux de porter des étoffes
d'or et d'argent. Une troupe de Filoux ayant saisi
les premiers exemplaires imprimez de l'Edit
viennent déguisez en Colporteurs , et distribuent
des copies de cette loi à de jeunes Seigneurs rassemblez
dans un Bal. Ceux - cy aiment mieux
changer d'habits avec les prétendus Colpolteurs
que de passer pour Filoux. Après ce changement
les fourbes font une danse grotesque , où ils se
divertissent aux dépens de leurs dupés.
*
III ENTRE E. Saturne , Dieu du Tems ,
invoqué par de jeune Eleves de Mars , qui lui demandent
les meilleures armes qu'il ait vû mettre
en oeuvre pour la guerre , leur fait apporter
par les Siecles differentes sortes d'armes à la
vieille mode ; on les essaye en sa presence pour
Pattaque d'une Place ; mais ce Dicu les proscrit
d'un coup
de faulx, et ne laisse aux jeunes Guerriers
que l'armure nouvelle qui leur est fournie
par le dernier Siecle ; il menace même d'en abolir
bientôt l'usage.
BALET GENERAL.
Pendant que la Mode fait une Marche triomphale,
et s'applaudit de la victoire qu'elle a rem
portée sur l'Usage , elle est surprise de voir un
grand nombre de Nations l'abandonner aussi aisément
qu'elles l'avoient suivie , et s'attacher à
Constance , Princesse alliée du Roi détrôné et
ennemie de l'Usurpatrice. L'Usage est rétabli sur
le Trône , que la Constance rend fixe et immuable.
Minerve , Déesse de la Sagesse , de concert
avec les Dieux intéressez au bon ordre de l'Uni-
YCA
1998 MERCURE DE FRANCE
vers publie des Loix invariables qui assurent la
gloire , le bonheur et la stabilité de l'Empire.
Les Danses sont de la composition de Mrs Blon
di et Ma taire l'ainé.
Le Lundi 13. de ce mois , on représenta sur le
Théatre du College d'Harcourt , pour la distri
bution des Prix, la Tragedie d' Absa on , de M. Duché.
Les changemens qu'on a été obligé d'y faire
pour l'accommoder à l'usage de ce College , ne
lui ont rien ôté de son vrai mérite Elle fut trèsbien
représentée par les Ecoliers de Réthorique ,
et l'Assemblée fut très - belle et très- nombreuse .
re-
BRUTUS , Tragedie de M. de Voltaire ,
présentée au College du Bois de la très - celebre
Université de Caën , pour la distribution solemnelle
des Prix , donnez par Noble Homme Jacques
Maheult de Sainte - Croix , Proviseur du
même College , le Jeudi 31. Juillet.
C'est le titre d'un Programme que nous avons
reçû de Caën , lequel contient le Sujet et le Plan
de cette belle Tragedie , tel à peu près qu'il se
trouve exposé dans l'Extrait que nous en avons
donné lorsqu'elle fut mise pour la premiere fois
sur la Scêne Françoise. Nous avons cependant
remarqué une licence que Mrs de Caën se sont
donnée en faisant paroître au second Acte , Julie
chargée de chaines , déclarant à Argine , sa Confidente
, son amour pour Titus. Ces chaînes ont
apparemment parû plus touchantes , et devoir produire
un plus grand effet sur le Théatre Normand ,
qui s'impathise peut - être un peu avec le Théatre
Anglois. Quoiqu'il en soit , nous avons appris
que cette Piece a été três - bien executée et fort
applaudie par une Assemblée des plus nombreuses..
Selon
A O UST. 1731. 1999
Selon le même Programme , la Tragedie de
Brutus fut suivie de la Parodie qui en a été faite
par les Comédiens Italiens du Roi , intitulée Balus
, et après ce Divertissement onjoua l'Etourdi
eu les Contretemps , Comédie de Moliere , avec
des Intermedes.
Le Spectacle triomphant du Vice , ou le Théa
ore digne de l'Honnête Homme , est le sujet d'un
grandna Balet qui fut dansé sur le même Théatre
, à l'occasion de la Tragédie ; on en trouve
le dessein et la division dans le même Programme.
La Tragedie , l'Opera , ie Balet , et la Comédie
, fournirent le sujet des quatre principales,
Entrées qui parurent avec les caracteres et les suites
qui leur sont propres . Ce Balet et la plûpart
des Airs , sont de la composition de M. Hardouin,
qui s'attira de nouvelles louanges.
Le Programme dont nous rendons compte ,
contient sur tout cela un détail curieux , dans lequel
il nous est impossible d'entrer , qui prouve
que l'esprit et le bon goût continuent de regner
dans la Ville de Caën. Nous nous contenterons
d'ajoûter ici le peu de Vers qui ont précedé la
Tragedie et le Balet . Ils sont de M. Heurtauld
de qui nous avons déja inseré plusieurs bonnes
Pieces dans notre Journal .
Li
Prologue de la Tragédie.
L est une Vertu severe ,
Qui n'a dans ses Arrêts aucun respect humain.
Tel se montra jadis ce courageux Romain ,
Dont nous traçons le caractere.
Brutus en vrai Consul deffend Rome et les Dieux,
It son fils a tramé des desseins factieux.
Dan's
2000 MERCURE DE FRANCE
Dans cette extremité , Ciel , à quoi se résoudre !
Le Consul doit punir : le Pere doit absoudre.
· Raison , pitié , devoir , amour
Quels combats à son coeur vous livrez tour à
tour,!
S'il condamne son fils , il trahit la tendresse :
S'il épargne un coupable , il trahit l'équité :
C'en est fait ; il condamne : un zele ardent le
presse ,
Et la justice enfin , surmonte la bonté !
Cet exemple est pour vous , Peres pleins d'indulgence
,
Qui souffrez d'un enfant la coupable licence ,
Et dont le bras trop lâche est si - tôt désarmé ,
Quand le coup doit tomber sur un objet aimé.
Mais vous que séduit l'âge tendre ,
Enfans , si vous donnez dans quelque égarement ,
Titus mourant doit vous apprendre ,
A vous soumettre aux Loix d'un juste châtiment .
Fidele à sa Patrie , il la vengeoit en brave.
Il triomphoit dans les combâts ;
Mais vaincu par l'amour , il devient traître , es
clave ,
Et la victime du trépas
Jeunes coeurs , de l'amour telle est l'affreuse sufte ;
Craignez son poison dangereux.
Il soüille notre gloire , et corrompt le mérite
Des naturels les plus heureux.
C'est l'utile leçon que vous donne l'ouvrage ,
D'us
A UUS 1. 1731. 2002
D'un Auteur autrefois , habitant de ces lieux.
Quel plaisir , s'il voyoit la troupe illustre et sage¿
Qui s'apprête à gouter ses sons harmonieux !
Și, comme eux , nous étions sûrs de votre suffrage,
Qu'aujourd'hui notre sort deviendroit glorieux.
JE
Prologue du Balet.
Eunes Mortels , accourez pleins de zele.
Ce doux spectacle a des charmes puissans.
Que craignez-vous ? la vertu vous appelle
Livrez vos coeurs à ces jeux innocens ,
M
Loin de ces lieux le vice et l'ignorance,
On n'y reçoit que de pures leçons.
C'est la vertu qui regle notre Danse ,
Nos pas , nos voix et nos doctes Chansons.
M
Par le Tragique on abhorre le crime :
Par le Comique on réforme les moeurs :
L'Opera chante un Héros magúanime :
La Danse peint les sentimens des coeurs,

De ces talens un heureux assemblage ,
Ici concourt à flater vos desirs.
Quel passe -tems convient mieux à votre âge ?
Est-il ailleurs de plus charmans plaisirs ? &c.
NOU
2002 MERCURE DE FRANCE
************•****
NOUVELLES ETRANGERES,
TURQUIE ET PERSE.
L

>
E 10. du mois de Fevrier dernier , le Roi de
Perse qui avoit formé la resolution de reprendre
la Ville de Tauris , se mit en marche
pour aller l'assieger à la tête d'une armée de 100.
mille hommes. Son dessein étoit de la reprendre
d'assaut ; mais ayant été repoussé plusieurs fois
avec perte de ses meilleurs Officiers il s'étoit
determiné à en former le Siege et à ouvrir la
tranchée , lors qu'il fut informé qu'il y avoit une
division à Erivan entre la Garnison et le Seraskier
Ali Pacha , auquel les Jannissaires refusoient
d'obeïr , parce qu'il leur étoit dû plusieurs
mois de leur Solde et qu'on ne leur avoit
pas encore distribué le present que les Sultans
sont dans l'usage de leur faire à leur avenement
au Trône. Sur cet avis le Roy de Perse
partagea son Armée , dont il laissa la moitié devant
Tauris et marcha avec le reste du côté
d'Erivan. La saison qui étoit rigoureuse , rendit
sa marche plus longue qu'il ne croyoit ; il eut
d'ailleurs beaucoup de peine à traverser les Montagnes
de la Province d'Iran . Aly - Pacha qui
avoit été informé du projet , calma les Janissaires
mécontens , en leur payant de ses propres
deniers une partie de ce qui leur étoit dû , et
s'enferma dans Erivan avec un renfort de 12000.
hommes.
>

Le Roi de Perse étant arrivé prés de cette Ville
, fit tout ce qu'il pût pour attirer le Seraskier
38
A OUS T. 1731. , 2003
>
au combat . Plusieurs jours se passerent à escarmoucher
avec un pareil avantage ,parce que le commandant
Turc ne vouloit pas risquer un combar
general avant que d'avoir reçu un secours considerable
de Troupes qu'il attendoit ; mais ce
secours étant trop long - temps à arriver , il fit
faire une sortie de 6coo . hommes qui eurent
ordre de fuir à la premiere décharge , et d'attirer
le Roi de Perse sous une batterie de 40. pieces
de canon Cet ordre fut exécuté si à propos .
que les Persans poursuivant les Fuyards , donnerent
dans le piege ; ils essuyerent tout le feu
de la batterie , qui leur tua beaucoup de monde
et le Gouverneur de la place sortit contre eux
la tête de 9000. hommes , ausquels se joignirent
encore 14000. hommes , qui étoient campés derriere
une colline , et qui parurent à un certain
signal. Le combat devint general ; les Persans y
firent paroître beaucoup de valeur ; mais étant
trés - mal armés , ils furent obligés de se retirer
vers la riviere d'Aras où ils se retrancherent :9
Si le Seraskier les eût poursuivis dans leur retraite
, on croit qu'il les auroit taillés en pieces ,
mais il se contenta de ce premier avantage.
Vers le 15 de Mars suivant , les Janissaires
demandant avec instance d'aller une seconde fois
au combat , il se détermina à aller attaquer les
Persans dans leurs retranchemens . Il fut d'abord
repoussé avec perte , ce qui l'obligea à se retirer
dans son camp ; mais le nouveau secours qu'il
attendoit , étant arrivé , il commença le 16. à la
pointe du jour à canonner lcs Persans d'une hauteur
, dont il s'étoit emparé. Ces derniers qui
n'avoient que trés - peu d'artillerie sortirent en
désordre de leurs retranchemens , les Turcs les
poursuivirent ; et comme Ils ne s'étoient point

2/2004 MERCURE DE FRANCE
menagé de retraite , le Seraskier les poussa du
côté de l'Aras , ou la plupart se précipiterent. La
perte du côté des Persans peut monter à 18. ou
20000. hommes , tant tués que noyés. Le Roi
de Perse s'est retiré vers Tauris pour y rejoindre
le reste de son armée , et on croit que malgré la
perte de cette bataille il continuera le Siege de
Cette place.
>
Les mêmes lettres ajoûtent qu'on avoit fait des
rejouissances publiques pendant trois jours à
Constantinople , à l'occasion de cette victoire ,
que le G. S. avoit fait distribuer de l'argent aux
Janissaires et au Peuple , et qu'il avoit été resolu
dans le dernier Divan , d'envoyer un secours de
20000. Janissaires au Seraskier Aly- Pacha.
Parmi les prisonniers de consideration qui ont
été faits à la bataille d'Erivan , il y avoit un
Prince , qui commandoit en chef l'armée du Roi
de Perse ; cet officier general ayant été amené à
Constantinople , fut presenté au G. S. qui lui fit
beaucoup d'accueil. S. H. lui ayant demandé
' il ne pouvoit pas esperer de conclure la paix
avec le Roi de Perse, en lui abandonnant les conquêtes
qu'il avoit faites jusqu'à present ; le General
Persan lui répondit qu'il ne le croyoit pas ,
et ajoûta qu'il esperoit voir dans peu le Roi
son Maître à la tête d'une armée devant Constantinople.
Cette réponse fiere et imprudente
irrita si fort le G. S. qu'il lui fit sur le champ
couper la tête devant les fenêtres de son appartement.
S. H. a envoyé depuis des Ordres pour faire
arrêter sur la frontiere l'Ambassadeur du Roi de
Perse , qui vient pour la complimenter sur son
avenement au Trône sous prétexte qu'il n'a
pas les Passeports necessaires pour entrer sur les
>
terres
A O UST. 1731. 2005
Terres de l'Empire Ottoman
et on doit le >
conduire dans l'Île de Tenedos , aprés lui avoir
pris ses Lettres de Créance
les presens qu'il apporte.
ses instructions et
D'autres avis de Constantinople , portent que.
le 14. du mois de May dernier , le Mufti avoit
été deposé et relegué à Busta ; que Pasmuada
avoit été nommé en sa place ; que le 18. Gianum
Coggia étant revenu du Port , avoit trouvé
chés lui un Officier du G. S. qui l'avoit conduit
au Serrail , où Sa Hautesse lui avoit declaré
qu'il n'étoit plus Capitan Pacha ; qu'une heure
aprés on l'avoit obligé de s'embarquer sur une
>
Galere accompagné d'un Chiaoux , de quelques
autres Officiers , et de quatre ou cinq de ses
Domestiques ; que cette Galere ayant pris la
route de Candie on avoit cru d'abord qu'il
avoit été relegué à Retimo ; mais que l'opinion
la plus commune , étoit qu'il avoit été étranglé
parce que dans la route la Galere avoit debarqué
les domestiques du Capitan Pacha disgracié , et
qu'il étoit resté seul avec le Chiaoux et les autres
Officiers chargés des ordres secrets de S H.
Ces lettres ajoûtent qu'il a été la victime des
premiers Ministres et des Jannissaires , qui ne
pouvoient souffrir qu'il fut en si grand credit
auprès du G. S. qu'il avoit détourné de faire la
Guerre aux Princes Chrétiens .
Il est remplacé dans la charge de Capitan Pacha
par Abdi , qui fut disgracié il y a quelques
'années , et qu'on attendincessamment de son exil.
Marabata , Amiral ordinaire , ou Commandant
du Port , qui exerce la charge de Capitan Pacha
par Interim , fait actuellement équiper 16. Sultanes
, et achever les 23. autres qui étoient sur
les chantiers depuis plusieurs mois.
H
2003 MERCURE DE FRANCE
On continuë de faire des recherches contre les
mécontens , qui ont eu part à la premiere et à
la seconde revolte ; et aussi - tôt qu'on en décou
vre quelques-uns , le G. S. les fait étrangler-en
RUSSIE.
secret.
LACzarne a donné ordre à son Ministre au-
,
ces pour obtenir un accommodement pour le
Duc Charles - Leopold de Meckelbourg , beaufrere
de cette Princesse. Ce Prince a fait encore
publier un nouvel écrit , dans lequel il porte ses
plaintes à la Diette des Princes de l'Empire , contre
les troupes d'exécution qui sont dans son
Duché , contre la Noblesse , et contre les procedures
du Conseil Aulique.
,
>
Le Canal de Ladoga , malgré la secheresse
generale dans le Pays a été navigable pendant
P'Eté ; et l'on compte qu'il y a passé cette année
plus de mille Bâtimens chargés de diverses sortes
de Denrées et Marchandises.
POLOGNE .
N écrit de Warsovie que le 16. du mois
O dernier le Primat envoya des Lettres circulaires
à tous les Evêques , pour leur donner
avis que le Roi avoit accordé aux Protestans de
ce Royaume un Rescript favorable , suivant les
quel ils pourtoient exercer librement leur Reli
gion dans toutes les Villes où il leur a été per
mis d'avoir des Eglises et des Ecoles publiques.
!
SUED
AOUST.
1731. 2007
SUEDE.
>
>
N écrit de Stokolm que le 16. Juillet , vers
les dix heuresdu soir
le Roy après avoir
soupé avec la Reine , partit pour Cassel , prenant
sa route par Warbi , Nickoping et Norkoping
pour aller s'embarquer à Isted. La suite de S. M.
est de 190. personnes , du nombre desquelles
sont le Lieutenant General Verson , l'Amiral
Taube , les Majors Generaux Ocrensted , Diering
, et Bubembourg , Mr. de Dubem , Grand-
Maréchal de la Cour Mr. Wechel Grand
Ecuyer , &c.
> >
On a publié les Lettres Patentes accordées par
de Roy auCommissaire Konig et à sa Compagnie,
pour faire pendant quinze ans le commerce des
Indes Orientales dans tous les Ports situés audelà
du Cap de Bonne-Esperance , excepté dans
ceux où les Puissances d'Europe ont des Comptoirs
ou des Etablissemens. Ceux qui voudront
prendre part à ce commerce doivent être nés
dans le Royaume , ou naturalisés Suedois.
O

ALLEMAGNE.
Na appris de Bareith , que la nuit du 28.
au 29. du mois dernier le feu
> ayant pris
à la maison d'un Tailleur dans la Ville de Wunsiedel
, les flames s'étoient communiquées aux
Maisons voisines avec tant de violence et de ra
pidité , que toute la Ville dans laquelle on
compte plus de 500. maisons , avoit été reduite
en cendres en moins de deux heures , sans que
les habitans eussent eu le temps de sauver leurs
Hij effets !
,
2008 MERCURE DE FRANCE
effets. Douze Personnes ont peri dans les flames
et le nombre des blessés est fort grand.
Le Margrave de Bareith s'y rendit le 30. Juillet
pour consoler les pauvres habitans , qui sont
réduits à la derniere misere ; ce Prince a ordonné
d'y faire voiturer plusieurs chariots chargés de
Pain &c.
"
On mande de Konigsberg , capitale de la Prusse
Ducale , que le Roy y avoit pris sur la fin du
mois dernier le divertissement d'un combar
assez singulier. On vit d'abord combattre deux
Boeufs sauvages contre six Ours três furieux
dont deux furent tués par les premiers. Après
que ce combat eut duré trois heures , S. M. tua
Jes . Boeufs sauvages avec des Arquebuses rayées :
une des bales que le Roi tira sur le plus grand
de ces Boeufs , donna droit au front , mais elle
n'entra point et sauta comme si elle eut été
·
tirée contre une muraille. On lâcha ensuite des
chiens contre les Ours , qu'on fit sortir un à un
Jesquels furent tués par le Comte de Schlieben et
Mr. Bock , Grand - Maître des Forêts. Le dernier
et le plus furieux de ces Ours , pensa coûter
bien cher à M. Bock : cet Animal quoique fort
blessé , ayant deux lances dans le corps , et attaqué
par quinze chiens , vint se jetter sur Mr.
Bock , et après avoir cassé la lance que ce deznier
vouloit luy enfoncer ", il le terrassa , enleva
une partie de son habit , et luy auroit fait un
mauvais parti , si le comte de Schliehen , qui
vint promptement à son secours , ne l'eût percé
d'un coup de lance.
ITALING
A OUS T. 1731. 2009
ITALI E.
Ma
qui étoit allé à Vienne , pour demander la pro
section de l'Empereur en faveur de ce Cardinal
avoit eu ordre de se retirer.
l'Abbé
Na appris de Rome que l'Abbé Testa
Le Pape donna le 3. du mois dernier une audience
particuliere à l'Agent du Roy de Portugal
, qui fit de nouvelles propositions d'accom →
modement dont S. S. a paru satisfaite.
Le Pape a établi une Congrégation particu
Tiere pour répondre au Manifeste que le Cardimal
Coscia a fait imprimer à Naples , et qu'il a
fait distribuer à tous les Cardinaux qui sont
Rome , et aux autres personnes de distinction de
Cette Ville.
On écrit de Rome , que le Ministre de la
Regence de Parme , s'étant rendu dans la grande
Salle de la Chambre Apostolique , il remit le tribut
ordinaire de 16000. écus pour la reconnoissance
du Domaine direct que le Saint Siege
peut avoir sur les Fiefs des Duchés de Parme et
de Plaisance .
Il est arrivé à Rome , un Chanoine de l'isle
de Corse , qui a eu une audience particuliere du
Pape , dans laquelle il a offert à S. S. la Souve-
$saineté de cette Isle il a prié ensuite le Pape
en cas qu'il jugeât à propos de rejetter cette
offre , d'emplo er ses bons offices auprès de la
République de Genes , pour procurer aux habitans
de cette Isle , le rétablissement de leurs anciens
Privileges.
› Lev12. Juillet , le Colonel Vela , qui doit commander
Hiij
2010 MERCURE DE FRANCE
mander les Troupes que l'Empereur a accordées
à la Republique de Genes , s'embarqua pour la
Bastia , où il va reconnoître les principaux postes
de l'Isle de Corse.
Le même jour , le P. Gritti , Recteur de la
Maison Professe des Jesuites , partit de Genes
pour aller à Rome sçavoir quelles sont les Propositions
d'accommodement , que le Pape veut
faire au nom des Rebelles de cette Isle , pour
lesquels on assure que S. S. a promis d'employer
ses bons offices auprès de la Republique..
On a reçu avis de cette Isle que les Rebelles
avoient taillé en pieces un détachement de 300.
hommes de la Garnison d'Ajaccio , que le Gouverneur
avoit envoyé pour les surprendre dans
le temps qu'ils étoient occupés à faire la moisson.
On mande de Genes qu'il y étoit arrivé de
France cinq Religieuses de l'Ordre de la Visitation
, qui devoient s'embarquer pour Palerme ,
où elles vont établir la Regle de leur Ordre dans
un nouveau Convent qu'on y a fondé.
Le 28. Juillet , il y eut à Florence un orage
terrible pendant lequel le Tonnerre tomba sur
le Clocher des Theatins , d'où il passa dans leur
Sacristie et y brûla plusieurs Ornemens d'Eglise.
Il tomba aussi sur le Chateau de S. George
dont il endommagea les fortifications : à Monte
Varchi , un Prêtre disant la Messe , eut son soulier
brûlé , et celui qui la servoit fut tué au bas
de l'Autel.
On écrit de Malthe que M. le Bailly de Froulay
soutient avec éclat l'honneur insigne qu'il a
receu de l'Ordre , dans la confirmation de son
second Generalat des Galeres ; il justifie par sa
valeur distinguée , son habileté , et la sagesse de
sa conduite , la confiance de l'Ordre entier et la
justice
RMMAA OU ST. 1731. 2011
Justice de son choix pour cet importantEmploy.
Ses vertus qui le font briller sont hereditai
→res dans la maison de Froulay également illustre
par l'ancienneté de sa noblesse , par les grandes
Charges et Dignités , et par les grands hommes
qu'elle a produits . Voici la Copie de la Lettre
qu'il a reçue du Grand- Maître de Malthe à l'occasion
du combat qu'il a soutenu contre trois
Vaisseaux Algeriens , avec des forces très- iné
gales , et avec l'experience et la valeur d'un
Géneral consommé .
Venerable, très- cher et bien- Amé Religieuxs
le Patron que vous nous avés dépeché est en-
-tré dans ce Port aujourd'hui . Il nous a presen
té la Lettre que vout nous avés écrite hier .
pour nous informer de la rencontre que vous
avez faite le même jour de trois Corsaires Algeriens
, et de la façon dont vous vous êtes
comporté dans cette occasion . Notre premier
soin a été de convoquer notre vénerable Conseil
, et d'y faire lire votre Lettre ; nous avons
tous unanimement loüé et admiré votre bonne
conduite et l'attention que vous avez eüe d'envoyer
une Felouque pour donner avis au Commandant
de nos Vaisseaux de la rencontre de
ces Algeriens ; nous ne sçaurions assés vous repeter
combien nous sommes contents de vous ;
vous avez fait tout ce que nous pouvions attendre
d'un parfais Général , et même au delà.
nous n'oublierons jamais que la Capitaine er
la S. Antoine, sous vos ordres, ont osé attaquer
trois Corsaires Algeriens , dont deux étoient de
cinquante Canons , se mettre sous leur feu et
s'exposer avec intrépidité au plus grand' danger.
Vous n'avez cedé aux sages réprésentations
de vos Pilotes , qu'aprés avoir tenté l'im-
Hij possible
2012 MERCURE DE FRANCE
possible . Sur ce &c. Signé MANOEL, A Malthe
ce 27 May 1731.
ESPAGNE.
N mande de Seville que fe 14. du mois
dernier, le Roy donna Audience publique
à Muley - Hamet , Prince Maure , fils de Muley-
Bonfar et Neveu de Muley- Ismael : ce Prince
qui est un des prétendans à la Couronne du Feu
Roy de Maroc, a demandé un secours pour remonter
sur le Trône de ses ancêtres , en promettant
de ceder à S. M. Cath. les Villes d'Oran
et de Tanger , et quelques autres Places le long
de la Mer. Après l'Audience du Roy , il eut Audience
de la Reyne , du Prince , de la Princesse
des Assuries et des Infans , qui le reçurent avec
beaucoup d'accueil .
Le 28. de Juin , il arriva à Seville un Ambassadeur
de Muley- Abdallah , actuellement Roy
de Maroc , au nom duquel il est chargé de faire
au Roy des propositions fort avantageuses pour
détourner S. M. d'accorder du secours au Prince
Maure dont on vient de parler.
Le Roy a fait demander à la Chambre du
Commerce de Cadix un emprunt de 1100. mille
pieces de huit , avec promesse de faire délivrer
incessamment le reste des Effets de la Flotille.
On a publié une Ordonnance du Roy dans
les Ports d'Espagne , par laquelle S M. Cath
déclare que tous les effets appartenants à des ALgeriens
qu'on trouvera sur des Vais caux por
tant Pavillon Anglois , seront confisqués , le
Roy d'Espagne ne voulant pas permettre que les
Negocians d'Alger puissent faire aucun commerce
dans ses Etats directement ny indirectement.
2.
Qn
༢ །།
A O UST. 1731. 2013
On écrit de Cadix que le 14, Juillet , les trois
Vaisseaux de Guerre et la Fregate commandés
par le Chef d'Escadre Don Rodrigue de Torres ,
étoient arrivés de la nouvelle Espagne , et en
dernier lieu de la Havane , avec une charge très
considerable, qu'on fait monter à trois milions
sa mille , 888. Pieces de huit , sans comprendre
les autres marchandises qui sont pour
compte du Roy et pour celui des Negocians interessés
dans cette Flotille. Ces Vaisseaux avoient
été joints à quelques heues de la Baye de Cadix
par le Comte de Clavijo qui croisoit avec son
Escadre à la hauteur du Cap de S. Vincent et de
Sainte Marie.
L'Escadre du Roy , à laquelle doit se joindre
PEscadre Angloise qu'on attend à Cadix , sera
de 10. Vaisseaux de Guerre: Les Regimens qui
doivent composer les 6000 : hommes que S. M.-
envoye en Italie sont nommés; le Comte de Charny,
Lieutenant - General des Armées du Roy, doit.
les commander ; le Duc de Castro Pignano let
Marquis d'Hautefort et deux autres Officiers
Generaux serviront sous lui en qualité de Marechaux
de Camp
La nuit du 21. au 2. on essuya une Tempte
terrible du côté de Palencia , où le Tonnerre
tomba sur le Convent de la Sainte Epine,, de
P'Ordre de Citeaux , et mit le feu à plusieurs
endroits de ce Monastere , qui fut consumé par
les flammes en moins de deux heures. Les Religieux
qui furent obligés de se sauver à moitié
habillés , n'eurent que le temps d'emporter avec
eux le S. Sacrement et la Sainte Epine , qu's .
mirent en dépot dans un Hermitage des en
virons ,
Hx GRANDE
2014 MERCURE DE FRANCE
3
GRANDE - BRETAGNE.
E17 Juillet , le Chevalier Charles Wager
Lpartit des Dunes pour aller joindre le reste
de l'Escadre qu'il commande à Spithead , d'où
il partit le 27. à la pointe du jour . L'Escadre est
composée de 13. Vaisseaux de Guerre . On la vit
passer le 30. à la hauteur du Port de Falmouth.
Le 1. de ce mois , un Méssager d'Etat dépê
ché par M. Robinsson , Ministre Plenipotentiaire
du Roy auprés de l'Empereur , arriva de
Vienne à Hamptoncourt , avec la Copie d'un
Traité signé à Vienne le 22. de Juillet entre les
Ministres de l'Empereur et ceux du Roy d'Espagne
et de S. M. Brit. pour l'éxecution des Engagements
pris par le Traité de Seville , et par
le dernier Traité de Vienne , concernant la succession
de l'Infant Don Carlos aux Etats de
Toscane et de Parme.
HOLLANDE ET PAYS-BAS.
E Duc de Lorraine partit de Bruxelles le
L23. Juillet , il arriva le même jour à Namur,
où il fut receu par le Géneral de Colliard qui
lui fit voir toutes les fortifications de la Ville er
du Chateau dont il est Commandant.
Le 25. quelques Bourgeois montés sur des
Echasses fort élevées , donnerent au Duc de
Lorraine le divertissement d'un combat : ce Prince
parut y prendre beaucoup de plaisir , et fit
aux Bourgeois un present considerable.
Le 26. ce Prince en partit pour Charleroy
d'où il ira à Mons , à Ath, à Tournay , à Oudenarde
, à Courtray , à Menin , à Ypres , à Furwit
nes
A OUS T. 1731. 2015
nes , à Nieuport, à Ostende , à Bruges , à Gand,
et à Anvers.
MORTS , NAISSANCES ;
des Pays Etrangers.
R. Emanuel Steiguer , Avoyer du Canton
Mde
de Berne , mourut le 15. Aoust à cinq heures
du matin presque subitement , d'un attaque
de Colique , à l'âge de 84 ans ; il étoit depuis
long-temps regardé comme l'Oracle du Conseil
de Berne ; et pour ainsi dire de toute la Suisse
ayant été continuellement employé aux - affaires
publiques,et s'y étant acquis une réputation d'integrité
, d'impartialité et de prudence où peu de
personnages sont parvenus dans ces Républiques.
Son grand âge n'avoit rien diminué de son
activité dans les affaires qu'il a toujours soutenies
par un travail assidu et par une éloquence
douce et sensée qui faisoient prévaloir presque
toujours l'opinion qu'il soutenoit . Il n'y a pas
encore longtemps qu'il avoit parlé trois à quatre
heures de suite dans le Grand Conseil de son
Canton , et peu de jours avant sa mort , il Y
avoit soutenu fortement l'affaire de l'Alliance à
renouveller avec la France , et donné par là une
derniere preuve de son attachement aux veritables
interêts de sa patrie.
La Marquise de Bonac , Ambassadrice de
France en Suisse , accoucha à Soleure le 21 .
Aoust , entre deux et trois heures aprés midi ,
d'un Garçon.
H vj ADDI.
2016 MERCURE DE FRANCE
.
ADDITION
aux Nouvelles Etrangeres.
Neapps toit presentement de 120000.
Na appris par Moscou que l'armée du Roy
hommes , que ce Prince avoit coupé les vivres
aux Turcs , et que ces derniers étoient tellement
resserrés dans un défilé de Montagnes du côté
d'Erivan , qu'on ne doutoit point qu'ils ne fussent
taillés en pieces s'ils étoient attaqués dans
ce Poste, d'où il leur étoit difficile de sortir pour
secourir la Ville avec laquelle ils n'avoient plus
de communication .
Les Lettres d'Allemagne portent que le r
de ce mois , le Roy de Suede , accompagné du
Prince Maximilien de Hesse- Cassel , son frere
fit son entrée dans Cassel au bruit d'une Salve
generale de l'Artillerie et aux acclamations du
Peuple. Toutes les rues sur son passage étoient
ornées d'Arcs de Triomphe , et bordées par une
double Haye des Soldats de la Garnison. S M.
fut reçue au Palais par la Princesse épouse du
Prince Maximilien , par les Princes ses enfans ,
par les Princesses ses enfans , par les Ministres
du Landgraviat et par les Colleges de Regence et
de Justice , et elle y fut complimentée par le
Chancelier : ensuite le Roy soupa en Public
aprés quoy il alla en chaise se promener dans les
xues de la Ville pour en voir les illuminations.
On écrit de Seville que les Regimens de Cas
tille, de Lombardie , de Naples et de Bourgogne,
qui
AOUST. 1731 2017
qui sont de deux Bataillons chacun , ont été
choisis par le Roy pour passer en Italie , avec
un Regiment Suisse de deux Bataillons le Regi
ment de Batavia , Dragons , deux autres Bataillons
tirés de differens Regimens , et trois Es
cadrons.
Le PrinceMaure qui étoit venu à Seville pour
demander du secours au Roy d'Espagne contre
le Roy de Maroc , eut le 29. de Juillet sa seconde
Audience du Roy , et le premier de ce
mois il partit pour retourner en Afrique..
Le 26. Juillet , jour auquel on celebre à Naples
la fête de sainte Anne , on fit dans l'Eglise
de notre Dame de la Pieté la diftribution ordinaire
des dots de so. ccus chacun à onze filles
portant le nom de cette Sainte..
Le même jour , on exposa dans la Chapelle
du Palais du Prince de Montemileto , le pied de
Sainte Anne qu'on y conserve ; et qu'on dit
avoir été apporté de la Grece par les Ancêtres de
ce Seigneur.
Le 1. Aoust , ily eut à Rome une Congrega
tion extraordinaire de l'Immunité composée de
dix Cardinaux et de neuf Prelats , au sujet des
Déserteurs qui se retirent dans les Eglises Privi
legiées , d'où l'Empereur prétend les faire tirer.
Aprés de grandes contestations sur cette affaire
il fut arrêté que les Déserteurs réfugiés dans les
Aglises , seroient rendus , mais à condition qu'ils
ne seroient point punis de mort.
Le Roy de Sardaigne Victor Amedée , a écrit
au Cardinal Grimaldi pour l'engager à travail
lea
2018 MERCURE DE FRANCE
ler à l'accommodement des differends du S. Siege
avec la Cour de Turin. Ce Cardinal a eu à co
sujet deux Audiences particulieres du Pape , qui
dans un Consistoire tenu le 6. de ce mois , communica
aux Cardinaux tout ce qui s'est fait depuis
six mois par rapport aux differens du S.
Siege avec la Cour de Turin : de 36. Cardinaux
qui assistèrent à ce Consistoire 31. furent d'avis
de confirmer toutes les concessions obtenues par
la Maison de Savoye sous le Pontificat du Pape
Nicolas V. et les cinq autres prierent S. S. de
les dispenser d'opiner.
On a fait au commencement de ce mois d
Genes , des Prieres publiques pour obtenir la
benediction du Ciel sur les Troupes que la République
envoye contre les Rebelles de l'Isle de
Corse. On a déja embarqué la plus grande partie
de ces Troupes , et en attendant que le vent soit
devenu favorable pour les faire partir , le Prince
Doria traite tous les jours magnifiquement les
Officiers Allemands arrivés pour commander les
Troupes auxiliaires de l'Empereur. Trois des Galeres
de la République sont revenuës de l'Isle de
Corse pour escorter les Batimens de transport ,
et faciliter la descente de cesTroupes dans l'Isle,
d'ou on apprend que les Rebelles qui avoient
ouvert la tranchée devant la Ville de la Bastia ,
avoient été repoussés avec perte dans les trois
assauts qu'ils ont donnés pour s'emparer d'un
Forr qui est prés de cette Ville. On assure qu'on
publiera incessamment une Proclamation pour
mettre à prix la tête des Rebelles de l'Isle de
Corse ausquels la République n'accordera point
de Cartel.
FRANCE
AOUST. 1731. 2019
*****************
FRANC E ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
La
E 20. du mois dernier le Roy étant
parti de bonne - heure de Fontainebleau
pour la Chasse du Cerf , du côté
de Melun , S. M. alla voit ensuite le Marêchal
de Villars , à son magnifique Château
de Vau-le-Villars . Elle examina a vec
beaucoup d'attention les Tableaux répresentant
les Campagnes de ce Géneral ,
les Places qu'il a attaquées et les Batailles
qu'il a données.
Après que le Roy se fut amusé quelque
tems dans les Appartemens , il monta en
Caleche avec la Marêchale de Villars , et
alla se promener dans le Parc , le Marêchal
de Villars marchoit à Cheval à côté
de la Calêche. On fit pendant ce tems- là
plusieurs décharges du Canon qui est
dans l'avant-Cour du Château . Ôn servit
quantité de rafraîchissemens aux Of
ficiers des Gardes du Roy , et à toutes
les personnes qui étoient de la suite de
S. M. qui s'en retourna à Fontainebleau ,
fort satisfaite de la visite qu'il avoit faite
2 au Maréchal de Villars. Le
2020 MERCURE DE FRANCE
Le 2. Aoust , les Comédiens François
representerent à Fontainebleau , la Comédie
du Distrait , qui fut suivie d'Arlequin
poli parl ' Amour, joué par les Comédiens
Italiens .
Le 4. ces derniers représenterent les
Amans réunis et la Sylphide , Pieces du
Théatre Italien .
Le 7. les Comédiens François jouerent
Ia Comédie de Turcaret , il y eut des in--
termedes dansés par les Principaux Danseurs
et Danseuses de l'Opera ..
Le 9. les mêmes Comédiens jouerent
pour la derniere fois devant L. M. le Fa
Toux désabusé , et les Italiens Isle des Es
claves , il y eut les Intermedes dansés par
les fieurs Dumoulin , Laval et Maitaire,
la De Camargo y brilla à son ordinaire,
et fit beaucoup de plaisir à toute la
Cour.
Le 11. de ce mois , le Roy et la Reine
partirent de Fontainebleau vers les trois
heures aprés midi pour aller coucher à.
Petit-Bourg , d'où L. M. arriverent ài
Versailles le 14-
La Comtesse de Mailly , Dame d'Atour
de la Reine , ayant demandé la permission
de se retirer , la Duchesse de Mazarin
sa fille , a été nommée par le Roy
pour lui succeder dans cette Charge , et
te
A O UST. 1731.. 2021
le 19. de ce mois elle prêta serment entre
les mains de la Reine,
On a augmenté de cinquante le nombre
des Pauvres qui habitent les Loges de
la grande Cour de l'Hôpital des petites
Maisons .
La Riviere de Seine , qu'on passe à
pied à plusieurs endroits au dessus de Paris
, n'avoit pas été si basse , ni si longrems
, depuis plus de cent ans , selon les
Registres de l'Hôtel de Ville . Mais malgré
la secheresse , on apprend que la ré
colte du Bled a été fort abondante .
Le 15. Fête de l'Assomption de la Vierge
, il y eut Concert spirituel au Château
des Thuilleries. M. Mouret fit chanter
Exaltabo te Deus. Moter de M. de la Lan
de , dans lequel la Dlle . le Maure chanta
avec beaucoup d'applaudissement , de
même que les Dues Errémens et Petit- pas,
les fieurs Lecler et Blavet joüerent plusieurs
Concerto sur le Violon et la Flute ,
dont l'execution fut parfaite et très ap
plaudie par une nombreuse assemblée
le Concert fut terminé par le Confitebor 2
autre Motet de M. de la Lande.
Le 22 , aprés midi , le Roy fit au
Champ de Mars la revue de la Gendarme-*
rie , dont S. M. parut très satisfaite ::*
après que le Roy cut passé le long de
la
2022 MERCURE DE FRANCE
la Ligne , S. M. vit défiler la Gendarmerie
en Escadrons , par Brigades et quatre
à quatre. La Reine et Monseigneur le
Dauphin se trouverent à cette révuë.
Le 5. Août , le Marquis de Choiseul
Beaupré , Mestre de Camp de Cavalerie ,
Enseigne des Gens-d'armes d'Orleans
prêta serment entre les mains du Roy
pour la Charge de Lieutenant General
au Gouvernement de Champagne , dans
laquelle il a succedé au Marquis de Choiseul
son Pere , Lieutenant General des
Armées du Roy.
Le 16. le Corps de Ville assemblé ,
fit l'élection de deux nouveaux Echevins
qui sont M. Pelet , Avocat ès Conseils ,
Bailly de l'Abbaye de S. Germain des
Près , et Conseiller de Ville , et M. Géoffroy
, de l'Académie Royale des Sciences
et de la Societé Royale de Londres.
Le 19. le même Corps de Ville , le
Duc de Tresmes , Gouverneur de Paris ,
étant à la tête , eut Audience du Roy
avec les Céremonies accoûtumées, Il fut
présenté par le Comte de Maurepas , Secretaire
d'Etat , et conduit par le Marquis
de Brezé , Grand-Maître des Ceremonies
, en survivance du Marquis de
Dreux son Pere , et par M. Desgranges ,
Maître des Ceremonies .
BAN
A O UST. . 1731. 2023
Mr. Pelet et Geoffroy , nouveaux Echevins
, prêterent entre les mains de S. M.
le serment de fidelité dont le Comte de
Maurepas fit la lecture. Le Scrutin fut présenté
par M. de Tourmont de Gournay ,
Conseiller au Parlement , qui s'exprima
en ces termes.
SIRE
Votre bonne Ville de Paris vient toujours
avec le même empressement presenter
à Votre Majesté les assurances respectueuses
de sa fidelité ; souffrez , Sire , qu'elle
dise de son amour pour son auguste Maître
comment un Peuple dont vous faites tout le
bonheur ne seroit- il pas pénétré de ces sentimens
? il admire en vous les vertus de tous
les âges ; vous les rendez aimables par les
charmes qu'elles répandent sur vôtre personne
sacrée et nécessaires par votre exemple.
Les graces que la nature vous a prodiguées
ont un éclat qui ne se confund point avec
celui du Trône . Vous regnez sur vous-même
dans cette saison dangereuse où les passions
dominent sur les Maîtres du Monde avec
plus d'empire que sur les autres hommes. Un
discernement juste vousfait choisir ceux que
vous honorez de votre confiance ; et ce choix.
si important est le chef-d'oeuvre d'un Monarque
2024 MERCURE DE FRANCE
7425
que consommé dans l'Art de regner. Vous
nous conservez l'avantage inestimable de ta
Paix. Nous devons à vos soins paternels des
jours heureux dont rien ne pourra désormais
interrompre le cours ; nous en avons pour
garants la tendresse de Votre Majesté pour
un Peuple si fidele , et ces gages precieux de
la fidelité publique , qu'il a plû au Ciel d'ac
corder à vos vertus , et à l'ardeur de nos
voeux.
Le 21. les Députez des Etats de Languedoc
curent Audience du Roy , étant
presentés par le Prince de Dombes , Gouverneur
de la Province , et par le Comte
de S. Florentin , Secretaire d'Etat , et
conduits en la maniere accoutumée par
le Grand- Maitre , et par le Maître des
Ceremonies. La députation étoit com
posée de M. de Segur , Evéque de Saint
Papoul pour le Clergé , lequel porta la
parole du Baron de Lenta pour la Noblesse;
de M. de Lavedan et la Caze , députés
du Tiers Etat , et de M. Joubert ,
Sindic Géneral de la Province . Les Ca
hiers furent presentés par l'Evêque de
S. Papoul , qui parla avec beaucoup d'éloquence
, et dont le discours fût applau
di. Ce Prelat est fils du Marquis de Segure,
Grand- Croix de l'Ordre de S.Louis,
Gouverneur du Pays de Foix , et Lieur
tenant
A O UST. 1731. 2025
tenant Géneral au Gouvernement de
Brie. Il est d'une des meilleures Maisons
de la Province de Guyenne . Ces députés
curent ensuite Audience de la Reine , et
ils rendirent leurs respects à Monseigneur
le Dauphin , à Monseigneur le Duc
d'Anjou et à Mesdames de France .
Le Roy a donné la place de Conseiller
d'Etat vacante par la mort de M. d'Argouges
, à M. de Bouville , Intendant
d'Orléans : S. M. a nommé à l'Intendance
d'Orleans M. de Beaussan qui est
remplacé dans l'Intendance de Poitiers
par M, le Nain , M. des Requetes , et
M. Chauvelin de Beauséjour , Me. des
Requêtes , a été nommé Intendant de
la Géneralité d'Amiens , à la Place de
M. Chauvelin Conseiller d'Etat son
Pere,
Le 23. La Lotterie de la Compagnie
des Indes , établie pour le remboursement
des Actions fut tirée en la maniere
accoutumée à l'Hôtel de la Compagnie,
La Liste des Numeros gagnans des Actions
et dixièmes d'Actions qui doivent
être remboursées , a été rendue publique ,
faisant en tout le nombre de 309. Actions,
Le Concert d'Instrumens que l'Aça¬
démic
2026 MEAL
#1
à
démie Royale de Musique donne tous
les ans au Château des Thuilleries
Poccasion de la Fête du Roy , a été executé
le 24. veille de S. Louis , par un grand
nombre d'excellens Simphonistes de la
même Académie , qui jouërent differens
morceaux de Musique de M. de Lully ,
et d'autres Maîtres Modernes.
L'Académie Françoise celebra le 25.
de ce mois la Fête de S. Louis dans la
Chapelle du Louvre , la Messe fut celebrée
par l'Archevêque de Sens , l'un
des quarante de l'Académie , et l'Abbé
Laizeau prononça le Panegyrique du
Saint.
Le même jour , l'Académie des Inscriptions
et Belles - Lettres , et celle des
Sciences , celebrerent la fête de S. Louis
dans l'Eglise des Prêtres de l'Oratoire
de S. Honoré ; il y eut une Musique
excellente pendant la Messe. Le R. P.
Meney , Chanoine Regulier de S. Augustin
, Congregation de S. Antoine , prononça
le Panegyrique du S. Roy en présence
des deux Académies et d'une nomé
breuse Assemblée. Son Discours parut fort
éloquent. On y remarqua un grand fond
de Religion et de pieté soutenu par
tous les traits les plus marqués et les plus
biil-
1
AOUST. 2027 17318
brillants de la vie de S. Loüis. Les Pseaumes
, Domine Dominus noster et Cantate
Laus ejus , mis en Musique par les Sieurs
Dornel et du Bousset , furent chantés
pendant ces Messes et fort applaudis.
Le 28. de ce mois après midi , la Reine
accompagnée des Dames de Sa Cour , se
rendit à la Maison Royale de S. Cyr , où
S. M. donna le voile de Religion à la
Dlle. Charpin de Gennetine. Le Sermon
y fut prononcé par l'Abbé de la Pause ;
Predicateur ordinaire du Roy.
Le Roi a nommé à la place de Mede
cin des Enfans de France , M. François
Chicoyneau , Conseiller en la Cour des
Aydes , Comptes et Finances de Languedoc
, Membre de l'Académie Royale des
Sciences de Montpellier , Professeur Royal
d'Anatomie et de Botanique , Intendant
du Jardin du Roi , Chancelier et Juge de
l'Université en Médecine de la mêmeVille.
M. Chicoyneau fut un des six Mede
cins à Marseille en l'an- S. M. envoya
que
née 1720. pour secourir les Pestiferez ; il
fut gratifié à cette occasion , avec ses Confreres
, d'une pension de 2000. liv. et du
Colier de l'Ordre de S. Michel . On écrit
de Montpellier , qu'il part de cette Ville
regretté
2023 MERCURE DE FRANCE

regreté generalement de tout le mon
de , et plus particulierement des P.
vres , ausquels il ne refusoit ni ses visite
ni ses conseils , sans compter les secou
solides qu'il leur fournissoir depuis 30,
ans. C'est aussi par cette consideration
que la Cour des Aydes le dispensoit de
se trouver à ses Audiances , en reconnoissance
de la charité qu'il exerçoit envers
les Pauvres.
En l'année 1715. il fut député de sa
Compagnie pour accompagner M. Bon ,
Premier President , lorsqu'il fut question
de complimenter le Roi sur son avenenement
à la Couronne.
M. Chicoyneau laisse à Montpellier un
fils du premier lit , reçû depuis 172 3 .
en survivance de ces mêmes Charges de
l'Université de Medecine de Montpellier,
dans lesquelles il a donné des preuves distinguées
qu'il est heritier de tous les heureux
talens de M. son Pere, lequel a épousé
en secondes nôces Mlle Chirac , fille unique
de M. Chirac , aujourd'hui Premier
Medecin du Roi , qu'il suffit de nommer
pour en faire l'Eloge.
Le mêine jour , le Roi nomma M. Botiilhac,
Docteur enMedecine de la Faculté de
Montpellier, Medecin du grandCommun
de la Maison du Roi et de la Charité de
Versailles
A O UST. 1731. 2019
Versailles, pour servir près des Enfans de
France , et suppléer à M. Chicoyneau, en
cas de maladie ou d'absence , même pour
l'aider dans ses fonctions , lorsqu'il sera
present.
MEMOIRE présenté au Roi par PArchevêque
de Paris , au sujet de l'Arrêt du
Parlement du 5. Mars 1731. qui reçoit le
Procureur General du Roi , Appellant
comme d'Abus de son Ordonnance et
Instruction Pastorale du 1o . Janvier dernier
, avec l'Arrêt du Conseil d'Etat rendu
en consequence. Brochure in 4. de
36 pages. A Paris , chez Pierre Simon , ruë
de la Harpe , 1731 .
>
La longueur de ce Memoire , qui contient
seul 44. pages , ne nous permet pas de lo
rapporter en son entier ; et l'Extrait que
nous pourrions en faire , excéderoit toûjours
les bornes ausquelles nous sommes
assujettis , sans compter qu'il se trouve de
ce Memoire un Abregé qui ne laisse rien
à desirer dans le Vû de l'Arrêt du Conseil
d'Etat imprimé tout de suite . Nous
nous contenterons d'insérer ici ce qu'il y
a de plus essentiel à sçavoir , c'est - à- dire,
le Prononcé de ce même Arrêt.
SA MAJESTE' ETANT EN SON CONSEIL
et évoquant à sa Personne , en consequen-
1
се
2030 MERCURE DE FRANCE
ce de l'Arrêt du 10. Mars dernier , la
connoissance dudit Appel comme d'abus
interjetté par son Procureur General au
Parlement de Paris , et reçû par l'Arrêt
dus . Mars , a fevé et leve les défenses
pottées par ledit Arrêt , et permet audit
sieur Archevêque de faire distribuer ladite
Ordonnance du ro . Janvier dernier.
Ordonne au surplus que l'Arrêt rendu
par S. M. le 10. Mars suivant , soit executé
selon sa forme et teneur ; ce faisant ,
que toutes les disputes ct contestations
qui y sont mentionnées , et pareillement
toutes poursuites et procedures , pour rai-
-son de ce , et de l'execution du
present
Arrêt , demeurent suspenduës , défendant
à toutes ses Cours et autres Juges , d'en
prendre connoissance , et à toutes Parties
d'y avoir recours , à peine de nullité et
de cassation desdites poursuites et procedures
, S. M. se réservant à elle seule
d'y pourvoir , conformément à ce qui est
porté par ledit Arrêt du 10. Mars dernier.
FAIT au Conseil d'Etat du Roi ,
Sa Majesté y étant , tenu à Fontainebleau
le 30. Juillet 1731. Signé , PHELIPEḍux,
LET
7
A O UST. 1731. 203
LETTRE écrite de Honfleur le 20. Aousi
1731. par M. Hardouin , sur un Orage
extraordinaire mêlé de Tonnerre &c,
avec quelques nouvelles du même Pays.
J'AY
" Ay quitté , Monsieur , pour quelque
temps la Ville de Caen , mon séjour or
dinaire,pour me venir délasser ici desExercices
qui m'occupent la plus grande partie
de l'année. Si j'étois d'humeur à croire
les présages , et qu'il y a des fignes qui
annoncent le bien ou le mal qui doit
arriver , je tirerois un fort mauvais
augure sur la tranquillité et sur les plaisirs
innocens que je me suis proposé de goû
ter dans cette Ville Maritime , par l'orage
affreux qui a ébranlé ici toute la nature
peu de tems aprés mon arrivée : je ne
crois pas , Monsieur , qu'on ait jamais
rien vû en ce genre de plus effrayant
´le Ciel , la Terre , la Mer faisoient entendre
des bruits horribles, et tout étoit dans
une confusion qu'il est difficile d'exprimer
; heureusement cette Catastrophe
pour m'exprimer ainsi n'a pas été de
longue durée , on en a été quitte pour la
peur et pour quelques dégats , mais quelques
particuliers ont souffert des maux
irréparables par les effets singuliers du
I ij
Tonner2032
MERCURE DE FRANCE
Tonnerre. Je me contenterai de vous en
marquer deux traits .
Durant cet orage , qui arriva le 18.
'Août , le Tonnerre tomba dans le Bord
du Capitaine le Fevre , qui étoit à la Rade
de Quilleboeuf , il coupa les deux bras
à un Matelot , assis au pied du grand
Mât , entra sous le Pont , où il fit beaucoup
de dommage , blessa un autre Matelot
, et fendit le Mât de bas en haut en
deux parties égales , comme un ozier . Il
retomba ensuite sur le premier Matelot
et l'écrasa entierement. Tout l'équipage
épouvanté s'étendit tout de son long , la
face contre le Pont,et n'eut point d'autre
mal. Le Capitaine qui m'a fait ce recit ,
ajoûte que ce furieux Tonnerre se jetta
ensuite dans la Mer , et fit un bruit à peu
prés pareil à celui que feroit une Gueuse
qu'on arroseroit dans le moment qu'elle
coule : vous sçavez que Gueuse est le nom
qu'on donne dans les Forges , à une
quantité de fer fondu qui coule dans un
Canal préparé pour cet effet , sur lequel
on jette quelquefois de l'eau .
Dans le même temps , un autre Tonnerre
tomba par la Chéminée , dans
la Chambre de M. Potier , Prêtre de cette
Ville , prés le Monastere de Religieu-
Les ; il marqua bizarement tout le pavé
détruisi
AOUST. 17312 2033
détruisit quantité de bonnes choses , brisa
toute la Cheminée , cassa enfin les vîtres
et fondit tout le plomb. Il abbatit ensuite
ce bon Prêtre , lui grilla presque
tout le corps , sans endommager le moins
du monde ses habits. Il en perdit la parole
pendant deux heures , et ne parla
que pour demander un Confesseur. Il est
très-mal , et on ne croit pas qu'il puisse
revenir de cet accident. Son corps est
aussi rouge que de l'Ecarlate et tout semé
de petites vessies.
Au reste , Monsieur , comme je no
suis pas venu ici pour gémir , l'orage passé
, après avoir loué et remercié Dieu de
tout , nous avons repris notre vie tranquille
et joyeuse avec la bonne compagnie
dont je veux vous parler. Je loge chez
un * Ami de distinction , dont la Maison
est le rendez-vous de tout ce qu'il ya à
Honfleur et aux environs de gens de merite
, de consideration , et de bon goût.
Il vient de donner une Fête qui a été
fort applaudie. Trois filles de cet aimable
Hôte , accomplies en tout , en ont fait
l'ornement , et les honneurs : voici deux
* M. de Lannay Vicomte et Lieutenant Ge - t
neral de Police d'Honfleur , Procureur Genéra
de M. le Duc d'Orleans pour ses Domaines de
Normandie.
I jij
cou2034
MERCURE DE FRANCA
Couplets , que je ne pus me dispenser
de faire à cette occasion , et le verre
à la main , on eût la politesse de les applaudir
en faveur du sujet.
C
Sur l'air de Joconde.
' Est par d'énergiques Menteurs
Que la Fable est écrite.
En vain nous peignent - ils trois soeurs
Du plus rare merite ;
Ce n'est qu'en ces aimables lieux
Qu'on trouve les trois Graces ,
Et non pas dans les songes Creux
Des Ovides , des Staces.
M
Elles ont du Dieu d'Helicon
Le sublime langage ,
De la Mere de Cupidon
Les charmes en partage ;
Des Muses le divin sçavoir ,
De Pallas la sagesse ,
Et du tendre Amour le pouvoir;
Mais non pas sa foiblesse .
C'est ainsi que nous prétendons chas
ser l'ennui pendant ces vacances , et contribuer
à la continuation d'une bonne
santé
AAUST
2035 }
1731 .
santé par le baume d'une innocente joye.
On dit d'ailleurs que cet air est merveilleux
, et qu'on vit long temps dans tout
le Canton. On m'avoit parlé d'une fille
de cette Ville agée de plus de cent ans ,
j'allay hier m'en informer , et je la menay
chez M. le Vicomte avec toutes les preuves
de son âge qui est , ne vous en deplaise
, de 116. ans deux mois dix jours .
Elle voit , marche , parle , entend , dort ,
mange et boit fort bien . Il n'y a que deux
mois qu'elle travailloit encore à la dentelle.
,
Jean Remont de la Paroisse du Menil
Germain près Lisieux , mourut ici il
quelques jours , âgé de cent sept
ans , laissant deux fils , l'un âgé de 70.
ans , et l'autre de 68. cet homme n'avoit
jamais été malade , beuvoit du Cidre et
de l'eau de vie du matin au soir ; et ce
qu'il y a de particulier , il n'avoir jamais
eu de Procez , ny même passé en temoi
gnage , comme on parle en Normandie ,
la chose est rare pour un Normand , et
digne de la curiosité publique.
Nous nous préparons à faire bien des
courses sur Mer et sur Terre dans ces
quartiers : je ne manquerai pas de vous
en faire part. Ce serà peut -être de quoy
fournir un Supplement à votre Voyage
I iiij
de
03 MERCURE DE FRANCE
de Normandie , dont nous avons déja
vû plusieurs Lettres dans le Mercure
et dont nous attendons la suite avec impatience.
Je suis & c .
work sup
EXTRAIT
d'une Lettre écrite par Ma
8 Abbé * * * * *. Chanoine de la Ca
thédrale d'Amiens au sujet du Tonnerre
tombé dans cette Ville.
#
Tonnerre tomba ici hier 12. du
Lcourant ,et fit des effets inconceyables
. I tomba d'abord dans la rue de
S. Leu , d'où il entra en roulant dans
l'Hôtellerie S. Antoine , il s'éleva ensuite
par dessus les maisons , et alla donner
dans le petit Clocher des Religieuses de
sainte Claire , d'où il entra dans leur
Choeur , et y frappa la R. M. Therese
de Jesus votre Tante , qui étoit en
Oraison devant le S. Sacrement avec une
autre Religieuse , parceque c'étoit le
jour de Sainte Claire , o que le S. Sacrement
étoit exposé. Le Tonnerre sortit
par la grille , vint blesser dans l'Eglise
une femme qui étoit sous la Chaire ,
entra dans le Sanctuaire , puis dans la
Sacristie , et blessa en sortant par
fenêtre , un jeune homme au bras , et
à la main. Il monta delà et vint tomber
la
dans
A O UST. ” 1731 . 2037
dans la rue de Sainte Claire , où il tua
une pauvre femme infirme .
Toute la Communauté des Religieuses
fut hier dérangée , il n'y eut ni salut ,
ni presque d'autre exercice , 23. de ces
Dames furent saignées. Ce coup de Ton- .
nerre arriva comme elles étoient au Refectoire
pour dîner , et qu'elles disoient le
Benedicité. Personne ne pensa ensuite à ce
Repas , et ce ne fut toute la journée qu'al-
Iarmes et confusion dans cette pauvre Maison
. Permettez -moy enfin de vous le dire ,
votre chere Tante est morte ; elle fut
inhumée hier au soir , elle ne pouvoit
paroître devant Dieu dans un meilleur
état et dans un jour de misericorde plus
marqué. c'étoit le jour de sa fête , elle ve
noit de communier , et elle étoit actuel
lement prosternée devant le Saint Sacrement.
& c .
EXTRAIT d'une Lettre écrite sur le même
sujet par M. l'Abbeffe de ceMonastere.
E viens M. R. P. avec bien de la
douleur vous apprendre une triste
nouvelle ; c'est la mort de vôtre chere
Tante , nôtre R. M. Therese de Jesus,
arrivée hier , jour de la Fête de nôtre
I v M.
2038 MERCURE DE FRANCE
M. Sainte Claire. Elle étoit prés de la
grille devant le Saint Sacrement , un
coup de Tonnerre l'a frappée et fait tomber
morte , la face contre terre , et les
bras étendus , comme prosternée. La
Communauté étoit au Refectoire ; vous
pouvez juger de notre consternation ,
on a saigné une partie de nos Religieuses
qui ne peuvent revenir de leur afflic
tion causée par la perte que nous faisons
; c'étoit un de nos meilleurs sujets ,
d'une solide vertu , et très capable de
toutes choses. Elle a eu le bonheur de
communier une heure avant ce coup ,
foudroyant , qui a fait un grand fracas
dans notre Maison , surtout dans le Clocher
. On regarde comme un Miracle
que les Religieuses n'étoient pas dans .
le hoeur , d'où elles venoient de sortir ,
et où nous croyons que la plus grande
partie auroit peri du même coup, Notre
chere deffunte, étoit Maîtresse des Novices:
ces pauvres Enfants font pitié. &c.
Ces deux Lettres sont écrites au R. P
Dom Martin Bouquer,Religieux de l'Abbaye
S. Germain des Prez , Bibliothe
quaire.
BENES
A O UST. 1731 . 2039
1
BENEFICES DONNEZ .
A
100.
Rchevêché de Lyon , à M. de Ro
chebonne, Evêque de Noyon.
Evêché de Noyon , à M. l'Abbé de
S. Simon.
I Evêché de Soissons , à M. le Fevre de
PAubriere , Conseiller au Parlement.
Abbaye Des Ordres à M. de la Roche-
Aimont , Evêque de Tarbes.
Abbaye d'Essonnes , à M. Neel , Doc
teur de Sorbonne .
Abbaye de sainte Marie Magdelaine
de Longvé à M. de la Boixiere , Coad
juteur du Grand-Maitre de la Maison de
Navarre.
Abbaye d'Arthoux à M. de la Coré
Vicaire Géneral de Saintes , Visiteur des
Carmelites ..
L'Abbaye de notre Dame de Nevers
à Madame le Maitre.
Abbaye de Lantenac , Ordre de S. Benoît,
Diocèse de S. Brieux , à l'Abbé Marin
de Kerbringal.
Abbaye reguliere de Fontaude , Ordre
de Premontré , Diocèse de S. Pons , au
Pere Salvan d'Hauterive ..
Abbaye des Chanoinesses de Lons - le-
Saunier , Diocèse de Besançon , à la Dame
Bellez de Villette ,.
I vj Celle
2040 MERCURE DE FRANCE
L'Abaye de Chateaudun , Ordre de
S. Augustin , Diocèse de Chartres , à
l'Abbé de Rochechouart- Fodoart.
Celle de Selincourt , Ordre de Prémontré
, Diocèse d'Amiens , à l'Abbé de la
Grange , Grand - Vicaire d'Arras .
Celle d'Obasine , Ordre de Citeaux
Diocèse de Limoges , à l'Abbé de la
Briffe.
Celle de Bellevaux , même Ordre ,
Diocèse de Besançon , à l'Abbé de Mar
nezia.
Celle de Buillon , même Ordre et même
Diocèse , à l'Abbé Pelissier .
Celle de la Marquette , en Flandres ,
Ordre de Cîteaux , à la Dame de Rohan ,
Abbesse de Preaux.
Le Prieuré de la Bajasse , Ordre de
S. Augustin , Diocèse de S. Flour , à
l'Abbé de Bonvoust.
L'Evêque d'Orange ayant donné la démission
de son Evêché , le Roi y a nonmé
l'Abbé de Tilly , et Sa Majesté a don
né l'Abbaye de Mazan , Ordre de Cîteaux
, Diocèse de Viviers, à l'ancien Evê
que d'Orange.
MORTS
A O UST. 1731 204)
XXXXX :XXXXXXX :XXX
MORTS ,
L
NAISSANCES,
E 23. du mois dernier , M. François
Grillet de Brissac , Lieutenant des
Gardes du Corps et Brigadier des Armées
du Roi , mourut dans un âge avancé.
Dame Marie - Jeanne - Charlotte de
Maupeou , veuve en premieres Nôces de
M.Leon de Fontlebon,Seigneur deVitrac-
Montembeuf, Lieutenant au Regiment des
Gardes Françoises, et au jour de son décèds
épouse de M. Michel - Gabriel- Raphaël de
Beauvais , Baron de Gentilly , Capitaine
des Gardes de la Porte de feu Monseigneur
le Duc de Berry , mourut le 25. Juillet ,
âgée de 49. ans,
Dame Elizabeth- Therese le Rebours
veuve de M. Michel Chamillard , Ministre
d'Etat , et qui avoit été Controlleur
General des Finances , Secretaire d'Etat
avec le département de la guerre , Grand-
Trésorier et Commandeur des Ordres
du Roi , mourut en son Château de la
Suze au Maine le 26. du mois dernier ,
âgée d'environ 74. ans.
Dame Claude- Geneviève Cheriere
yeuve de Lancelot Turpin Crissé , Com-
IC
2042 MERCURE DE FRANCE
1
te de Sansay , Brigadier des Armées du
Roi , Colonel du Régiment d'Infanterie
de son nom mourut le 28. Juillet en
son Château d'Erouville en Beauce , âgéede
48. ans.
و
Louis Comte du Bourg , petit- fils du
Maréchal de ce nom , Mestre de Camp ,.
mourut à Strasbourg le premier de ce
mois.
Olivier Jegou de Querville , Docteur
en Théologie de la Faculté de Paris , Evê
que et Comte de Tréguier , mourut dans
son Diocèse , le 2. Août . Il avoit été sacré
le 30. Octobre 1697.
Dime Paule de Clermont -Tonnerre de
Chafle , Abbesse de l'Abbaye Royale de
Villiers , Ordre de Cîteaux , Diocèse de
Sens , mourut le z . Août , âgée de 63. ans..
La Dame des Bertons de Crillon , qu'elle
avoit demandé pour sa Coadjutrice , lui
succede:
Alexandre Dezouches , Seigneur de la
Lande , &c. Chevalier de S. Louis Lieutenant
de Roi de la Ville d'Arras ,
rut le 2. Août , âgé de 48. ans.
$
M. de S. Yves , Chirurgien , celebre
Oculiste de S. Côme , est mort à Paris le 3.
Août , âgé de 66. ans , après avoir exercé
sa Profession avec beaucoup de talens , et
s'être acquis la réputation qu'il méritoit . It
laisse
AOUST. 1731. 2048
laisse un Eleve de son nom qui travailloit
sous lui depuis seize ans , et sur lequel
il se reposoit depuis plusieurs années pour
toutes les Operations que ses infirmitez
ne lui permettoient pas de faire. Il occupe
le même Appartement , Place du
Palais Royal , ruë S. Thomas du Louvre .
Guillaume le Noir , Secretaire du Roi ,
Receveur General des Finances d'Alençon
, et l'un des Fermiers Generaux de
S. M. mourut le 4. Août , âgé de 48. ans..
Gaspard-Pierre de Fieubet , Chevalier
Seigneur de Vineüil , fils de Louis - Gaspard
de Fieubet , Conseiller au Parlement,
mourut le s . Août , âgé de 17. ans, 3 .
mois.
Jean- Pierre d'Argouges de Ranes, Chevalier
, Marquis de la Chapelle - la- Reine,
Doy n du Conseil d'Etat , mourut à Paris
le 7. de ce mois , dans la 86. année
de son âge.
Le même jour , Dame Loüise Elizabeth
de Marcillac , Epouse de M. Joseph Hennequin
de Charmont , cy devant Secretaire
de la Chambre et Cabinet du Roi ,,
Secretair des Commandemens de Monseigneur
le Dauphin , et Ambassadeur du
Roi auprès de la République de Venise ;
mourut au Château de Charmont en
Champagne, dans la 62. année de son âge,
Le
T044 MERCURE DE FRANCE
Le 12. Alexandre de Rochechouart ;
Marquis de Jars , Capitaine des Gardes
du Corps de la Reine, seconde Doüairiere
d'Espagne , mourut au Château de Meudon
, de la petite verole , âgé de 53. ans.
Henri , Comte de Saulx de Tavannes
ey-devant Mestre de Camp , Lieutenant
du Régiment d'Orleans, Cavalerie , mourur
à Paris le 13. de ce mois , dans la 74 .
année de son âge.
و
M. François de Montholon , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis , Commandeur
de celui de S. Lazare , Mestre
de Camp de Cavalerie , ancien Cornette
de la seconde Compagnie des Mousquetaires
de la Garde du Roi , mourut à
S.. Germain en Laye le 13, de ce mois
dans un âge avancé. Il étoit petit-fils er
arriere - petit - fils de deux Gardes des
Sceaux de France du même nom.
Le même jour , Dame Anne- Marie-
Barbe Deville , Epouse de Anne Leon de
Montmorency , Chef du nom et Armes
de la Maison , premier Baron Chrétien en
France , Enseigne des Gendarmes de Berry
, Seigneur de Courtalin-Bois - Buffenle
Plessis- d'Arque , le Poilay , le Vernay,
des deux Modave , de Biemrcé , de Banderelle
, de Fermée , Termoiyne. , & c.
mourut âgée de 18 ans 7. mois.
Le
A O UST. 1731. 2045
Le 19. François de la Forest , d'Ar
maillé , Chevalier , Baron de Craon , Seigneur
de la Forest d'Armaillé , &c. Conseiller
de la Grand'Chambre du Parlement,
mourut âgé d'environ 88. ans.
Dame Françoise Robert , Epouse de
M. François Moreau , Chevalier , Conseiller
du Roi en ses Conseils d'Etat et
Privez , Honoraire en sa Cour de Parlement
, et Procureur de Sa Majesté au
Châtelet de Paris , accoucha d'un fils
qui est le 14me enfant qu'elle a eû depuis
17. ans et demi de mariage , dont il lui
reste encore six garçons et deux filles ; il
fut baptisé le même jour sur les six heures
du soir , en l'Eglise de S.Mery sa Paroisse ,
et nommé Charles- François , par Charles-
François de Vintimille des Comtes de
Marseille , Comte du Luc , Marquis des
Arcs , la Marthe , &c . Chevalier et Commandeur
de tous les Ordres de S. M. son
Conseiller d'État ordinaire d'Epée , Gouverneur
des Isles de Porquerolles et Lingoustier
, Lieutenant de Roi en Proven
ce , et par Dame Anne- Victoire de Lamoignon
, Epouse de M. René- Charles
de Maupeou , Conseiller du Roi en tous
ses Conseils , Président de son Parlelement
, Seigneur de Noisy, Vicomte de
Bruyeres , Marquis de Morangue , &c.
036 MERCURE DE FRANCE
de Normandie , dont nous avons déja "
vû plusieurs Lettres dans le Mercure
et dont nous attendons la suite avec impatience.
Je suis & c.
7.
EXTRAIT d'une Lettre écrite par M.
ľ Abbé * * * * *. Chanoine de la Cathédrale
d'Amiens au sujet du Tonnerre
tombé dans cette Ville,
LE
E Tonnerre tomba ici hier 12. du
courant , et fit des effets inconceyables
. Il tomba d'abord dans la rue de
S. Leu , d'où il entra en roulant dans
l'Hôtellerie S. Antoine , il s'éleva ensuite
par dessus les maisons , et alla donner
dans le petit Clocher des Religieuses de
sainte Claire , d'où il entra dans leur
Choeur , et y frappa la R. M. Therese
de Jesus votre Tante , qui étoit en
Oraison devant le S. Sacrement avec une
autre Religieuse , parceque c'étoit le
jour de Sainte Claire , que le S. Sacrement
étoit exposé. Le Tonnerre sortit
par la grille , vint blesser dans l'Eglise
une femme qui étoit sous la Chaire ,
entra dans le Sanctuaire , puis dans la
Sacristie , et blessa en sortant par la
fenêtre , un jeune homme au bras , e
à la main. Il monta delà et vint tomber
dans
AOUST.
1731. 2037
dans la rue de Sainte Claire , où il tua
une pauvre femme infirme .
Toute la Communauté des Religieuses
fut hier dérangée , il n'y eut ni salut ,
ni presque d'autre exercice , 23. de ces
Dames furent saignées. Ce coup de Tonnerrè
arriva comme elles étoient au Refectoire
pour dîner , et qu'elles disoient le
Benedicité. Personne ne pensa ensuite à ce
Repas , et ce ne fut toute la journée qu'allarmes
et confusion dans cette pauvre Maison
. Permettez -moy enfin de vous le dire ,
votre chere Tante est morte ; elle fut
inhumée hier au soir , elle ne pouvoit
paroître devant Dieu dans un meilleur
état et dans un jour de misericorde plus
marqué. c'étoit le jour de sa fête , elle ve
noit de communier , et elle étoit actuel
Iement prosternée devant le Saint Sacrement.
& c.
EXTRAIT d'une Lettre écrite sur le même
sujet par M. l'Abbeffe de ce Morastere
E viens M. R. P. avec bien de la
douleur vous apprendre une triste
nouvelle ; c'est la mort de vôtre chere
Tante , nôtre R. M. Therese de Jesus,
arrivée hier , jour de la Fête de nôtre
I v M.
2038 MERCURE DE FRANCE
M. Sainte Claire. Elle étoit prés de la
grille devant le Saint Sacrement , un
coup de Tonnerre l'a frappée et fait tomber
morte , la face contre terre , et les
bras étendus , comme prosternée. La
Communauté étoit au Refectoire ; vous.
pouvez juger de notre consternation
on a saigné une partie de nos Religieuses
qui ne peuvent revenir de leur afflic
tion causée par la perte que nous faisons
; c'étoit un de nos meilleurs sujets ,
d'une solide vertu , et très capable de
toutes choses. Elle a eu le bonheur de
communier une heure avant ce coup ,
foudroyant , qui a fait un grand fracas
dans notre Maison , surtout dans le Clocher.
On regarde comme un Miracle
que les Religieuses n'étoient pas dans.
le Choeur , d'où elles venoient de sortir
et où nous croyons que la plus grande
partie auroit peri du même coup, Notre
chere deffunte, étoit Maîtresse des Novi
ces: ces pauvres Enfants font pitié. & c.
Ces deux Lettres sont écrites au R. P
Dom Martin Bouquer Religieux de l'Abbaye
S. Germain des Prez , Bibliothe
quaire.
BENEA
O UST. 1731. 2032

BENEFICES DONNEZ.
A
Rchevêché de Lyon , à M. de Ro
chebonne , Evêque de Noyon.
Evêché de Noyon , à M. l'Abbé de
S. Simon.
Evêché de Soissons , à M. le Fevre de
PAubriere , Conseiller au Parlement.
Abbaye Des Ordres à M. de la Roche-
Aimont , Evêque de Tarbes.
Abbaye d'Essonnes , à M. Neel , Doc
teur de Sorbonne.
Abbaye de sainte Marie Magdelaine
de Longvé à M. de la Boixiere , Coadjuteur
du Grand-Maitre de la Maison de
Navarre.
Abbaye d'Arthoux à M. de la Coré
Vicaire Géneral de Saintes , Visiteur des
Carmelites.
L'Abbaye de notre Dame de Nevers
à Madame le Maitre.
Abbaye de Lantenac , Ordre de S. Be
noît, Diocèse de S. Brieux , à l'Abbé Marin
de Kerbringal.
Abbaye reguliere de Fontaude , Ordre
de Premontré , Diocèse de S. Pons , au
Pere Salvan d’Hauterive..
Abbaye des Chanoinesses de Lons -le-
Saunier , Diocèse de Besançon , à la Dame
Bellez de Villette,.
I vj Cella
2040 MERCURE DE FRANCE
L'Abaye de Chateaudun , Ordre de
S. Augustin , Diocèse de Chartres , à
l'Abbé de Rochechouart- Fodoart.
Celle de Selincourt , Ordre de Prémontré
, Diocèse d'Amiens , à l'Abbé de la
Grange , Grand - Vicaire d'Arras .
Celle d'Obasine , Ordre de Citeaux,
Diocèse de Limoges , à l'Abbé de la
Briffe.
Celle de Bellevaux , même Ordre
Diocèse de Besançon , à l'Abbé de Mar
nezia.
Celle de Buillon , même Ordre et même
Diocèse , à l'Abbé Pelissier .
Celle de la Marquette , en Flandres ;
Ordre de Cîteaux , à la Dame de Rohan ,
Abbesse de Preaux .
Le Prieuré de la Bajasse , Ordre de
S. Augustin , Diocèse de S. Flour , à
l'Abbé de Bonvoust.
L'Evêque d'Orange ayant donné la démission
de son Evêché , le Roi y a nonmé
l'Abbé de Tilly , et Sa Majesté a don
né l'Abbaye de Mazan , Ordre de Cîteaux
, Diocèse de Viviers, à l'ancien Evê
que d'Orange.
{
MORTS
A O UST. 1731 204)
XXXXX:XXXXXXX :XXX
MORTS , NAISSANCES
E 23. du mois dernier , M. François
Grillet de Brissac , Lieutenant des
Gardes du Corps et Brigadier des Armées.
du Roi , mourut dans un âge avancé.
Dame Marie - Jeanne - Charlotte de
Maupeou , veuve en premieres Nôces de
M.Leon de Fontlebon ,Seigneur de Vitrac-
Montembeuf,Lieutenant au Regiment des
Gardes Françoises, et au jour de son décèds
épouse de M. Michel - Gabriel- Raphaël de
Beauvais , Baron de Gentilly , Capitaine
des Gardes de la Porte de feu Monseigneur
le Duc de Berry , mourut le 25. Juillet ,
âgée de 49. ans.
Dame Elizabeth- Therese le Rebours
veuve de M. Michel Chamillard , Ministre
d'Etat , et qui avoit été Controlleur
General des Finances , Secretaire d'Etat
avec le département de la guerre , Grand-
Trésorier et Commandeur des Ordres
du Roi , mourut en son Château de la
Suze au Maine le 26. du mois dernier
âgée d'environ 74. ans.
Dame Claude- Geneviève Cheriere
yeuve de Lancelot Turpin Crissé , Com-
IC
2042 MERCURE DE FRANCE
te de Sansay , Brigadier des Armées du
Roi , Colonel du Régiment d'Infanterie
de son nom mourut le 28. Juillet en
son Château d'Erouville en Beauce , âgée
de 48. ans.
و
Louis Comte du Bourg , petit-fils du
Maréchal de ce nom , Mestre de Camp ,
mourut à Strasbourg le premier de ce
mois.
Olivier Jegou de Querville , Docteur
en Théologie de la Faculté de Paris , Evê
que et Comte de Tréguier , mourut dans
son Diocèse , le 2. Août. Il avoit été sacréle
30. Octobre 1697.
Dime Paule de Clermont-Tonnerre de
Chafle , Abbesse de l'Abbaye Royale de
Villiers , Ordre de Cîteaux , Diocèse de
Sens , mourut le 2. Août , âgée de 63. ans..
La Dame des Bertons de Crillon , qu'elle
avoit demandé pour sa Coadjutrice , lui
succede:
Alexandre Dezouches , Seigneur de la
Lande , & c . Chevalier de S. Louis Lieutenant
de Roi de la Ville d'Arras , mou
rut le 2. Août , âgé de 48. ans.
M. de S. Yves , Chirurgien , celebre
Oculiste de S. Côme , est mort à Paris le 3 .
Août , âgé de 66. ans , après avoir exercé
sa Profession avec beaucoup de talens , et
s'être acquis la réputation qu'il méritoit .
laisse
A O UST. 1731. 2043
pour
laisse un Eleve de son nom qui travailloit
sous lui depuis seize ans , et sur lequel
il se reposoit depuis plusieurs années
toutes les Operations que ses infirmitez
ne lui permettoient pas de faire. Il occupe
le même Appartement , Place du
Palais Royal , ruë S. Thomas du Louvre.
Guillaume le Noir , Secretaire du Roi ,
Receveur General des Finances d'Alençon
, et l'un des Fermiers Generaux de
S. M. mourut le 4. Août , âgé de 48. ans ..
Gaspard- Pierre de Fieubet , Chevalier
Seigneur de Vincüil , fils de Louis - Gaspard
de Fieubet , Conseiller au Parlement,
mourut le s . Août , âgé de 17. ans , 3 .
mois.
Jean -Pierre d'Argouges de Ranes , Chevalier
, Marquis de la Chapelle - la- Reine,
Doy n du Conseil d'Etat , mourut à Paris
le 7. de ce mois , dans la 86. année
de son âge.
Le même jour , Dame Loüise Elizabeth
de Marcillac , Epouse de M. Joseph Hennequin
de Charmont , cy devant Secretaire
de la Chambre et Cabinet du Roi ,,
Secretair des Commandemens de Monseigneur
le Dauphin , et Ambassadeur du
Roi auprès de la République de Venise ,
mourut au Château de Charmont en
Champagne, dans la 62. année de son âge
Le
T044 MERCURE DE FRANCE
·
@
Le 12. Alexandre de Rochechouart ;
Marquis de Jars , Capitaine des Gardes
du Corps de la Reine, seconde Doüairiere
d'Espagne , mourut au Château de Meudon
, de la petite verole , âgé de 53. ans.
Henri , Comte de Saulx de Tavannes
ey-devant Mestre de Camp , Lieutenant
du Régiment d'Orleans, Cavalerie , mourut
à Paris le 13. de ce mois , dans la 74 .
année de son âge.
M. François de Montholon , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis , Commandeur
de celui de S. Lazare , Mestre
de Camp de Cavalerie , ancien Cornette
de la seconde Compagnie des Mousquetaires
de la Garde du Roi , mourut à
S. Germain en Laye le 13 , de ce mois ,
dans un âge avancé. Il étoit petit - fils et
arriere - petit - fils de deux Gardes des
Sceaux de France du même nom .
Le même jour , Dame Anne- Marie-
Barbe Deville , Epouse de Anne Leon de
Montmorency , Chef du nom et Armes
de la Maison , premier Baron Chrétien en
France , Enseigne des Gendarmes de Berry
, Seigneur de Courtalin-Bois - Buffenle
Plessis- d'Arque , le Poilay , le Vernay ,;
des deux Modave , de Biemrcé , de Banderelle
, de Fermée , Termoiyne. , &c.
mourut âgée de 18 ans 7. mois .
L
La
A O UST. 1731. 2045
2.
Le 19. François de la Forest , d'Armaillé
, Chevalier , Baron de Craon , Seigneur
de la Forest d'Armaillé , & c. Conseiller
de la Grand'Chambre du Parle--
ment , mourut âgé d'environ 88. ans .
Dame Françoise Robert , Epouse de
M. François Moreau , Chevalier , Conseiller
du Roi en ses Conseils d'Etat et
Privez , Honoraire en sa Cour de Parlement
, et Procureur de Sa Majesté au
Châtelet de Paris , accoucha d'un fils
qui est le 14me enfant qu'elle a eû depuis
17. ans et demi de mariage , dont il lui
reste encore six garçons et deux filles ; il
fut baptisé le même jour sur les six heures
du soir , en l'Eglise de S.Mery sa Paroisse ,
et nommé Charles-François , par Charles-
François de Vintimille des Comtes de
Marseille , Comte du Luc , Marquis des
Arcs , la Marthe , &c. Chevalier et Commandeur
de tous les Ordres de S. M. son-
Conseiller d'État ordinaire d'Epée , Gouverneur
des Isles de Porquerolles et Lingoustier
, Lieutenant de Roi en Proven
ce , et par Dame Anne-Victoire de La-:
moignon , Epouse de M. René- Charles
de Maupeou , Conseiller du Roi en tous.
ses Conseils , Président de son Parlelement
, Seigneur de Noisy, Vicomte de
Bruyeres , Marquis de Morangue , &G
2046 MERCURE DE FRANCE
Dame V ctoire Guillard , Epouse 'de
Jean Baptiste-Martin Dartaguette- Biron ,
Baron Daguerre , &c. accoucha le 16.
*Juillet d'une fille , qui fut tenuë sur les
Fonts par Jean - Baptiste Guillard , Seigneur
de la Vacherie , Chambellan de
feu M. le Duc de Berry , Gouverneur
d'Arras , et par D. Louise , Adelaïde Herault
, fille de M. Herault , Lieutenant
General de Police .
D. Emilie de Mailly du Brüeil , Epouse
de Jean- François de Creil , Marquis de
Nancré , &c. Brigadier des Armées du
Roi , Capitaine Commandant des Grenadiers
à Cheval , accoucha le premier
Août d'une fille , qui fut nommée Louise
Felicité- Emilie ,, par Louis Gabriël des
Acres , Comte de Laigle , Colonel du.
Regiment d'Anguien , et par D. Bonne-
Felicité Bernard , fille de Samuel Bernard,
Comte de Coubeot , Conseiller d'Etat .
Dame. Louise Thevenin de Coursan ,
Epouse de Jean - Zacharie de la Faurie ,
Baron de Villandreult , Président à la
Cour des Aydes , accoucha le 8. Août
d'une fille qui fut nommée Anne Jeanne,
par Jean Thevenin , Baron de Thorci ,
Conseiller au Parlement , et par D. Anne
Thevenin de Coursan , fille de feu Jean
Thevenin , Baron de Coursan , Maître
des Requêtes.
A O UST. 1731. 2047
1
Dame Jeanne- Françoise Gardien , Epou
se de François - Elie de Chastenay , Che
valier , Marquis de Lanty , Lieutenant-
Colonel du Mestre de Camp General
Cavalerie , Chevalier de l'Ordre Royal et
Militaire de S. Louis , accoucha le 9 .
Août d'un fils , qui fut baptisé le 10. ,à
la Paroisse de S. Eustache , et tenu par
Alexis- Magdelaine Rosalie , Comte de
Chatillon , Chevalier des Ordres du Roi ,
Maréchal de Camp des Armées de S. M.
et Mestre de Camp General de la Cavalerie
Legere de France , et par Dame
Françoise de Pressigny , Epouse de M. le
Président de Nassigny.
D. Anne - Marie - Barbe Deville , Epousé
d'Anne Leon de Montmorency , accoucha
le 11. Août d'un fils , qui fut nommé
Anne Léon , par Léon de Montmorency,
et par D. Anne Barbe de Besser , veuve
de Charles- Joseph de Courcelles.
D. Magdelaine- Angelique de Neuville
de Villeroy , Epouse de Joseph Marie ,
Duc de Boufflers , Pair de France , &c.
accoucha le 17. d'un fils , qui fut nommé
Charles- Joseph , par Nicolas de Neuville
, Duc de Villeroy , Pair de France ,
Capitaine des Gardes du Corps du Roi ,
&c. et par Dame Catherine - Charlotte de
Grammont , Maréchale de Boufflers , & c.
AR2048
MERCURE DE FRANCE
*******:X:XXXXXXX
A&
ARREST S.
RREST du 12. Juin , qui proroge jusqu'au
dernier Décembre 1731.le prix des anciennes
especes et matieres d'Or et d'Argent.
SENTENCE DE POLICE , du 18-
Juin , qui condamne à l'amende les nommez Lemaire
et le Duc , Meneurs de Nourrices , pour
avoir contrevenu à la Déclaration du Roi du
premier Mars 1727. concernant les Recomman
daresses .
AUTRE du même jour , qui ordonne que
le nommé Feron , et les nommées Sandras es
Destouches , seront tenus dans vingt - quatre heu
res , de vuider les Lieux qu'ils occupent , pour
cause de scandale , et d'avoir donné retraite à des
gens de mauvaise vie.
AUTRE du même jour , qui condamne à
l'amende les nommez Boullay er Taubin , pour
avoir vendu des Foins dont les bottes étoienz
d'un moindre poids que celui indiqué par les Qc
donnances.
AUTRE du même jour , qui renouvelle les
deffenses à toutes personnes de s'immiscer dans
le Courtage de la Marchandise de Foin , et d'aller
au-devant des Voitures qui en sont chargées ,
pour les arrher ; et qui condamne les nommez
Pigry et veuve Girard à l'amende pour y avoir
contreyen
AR
A
A O UST. 17318 2049

ARREST du 9 Juillet , par lequel Sa Ma
jesté se reserve la connoissance des demandes en
cassation , formées depuis la Déclaration du s
Février dernier , ou qui pourroit l'être dans la
suite , contre des Jugemens de competence rendus
en faveur des Prevôts des Marêchaux ou des Sic
ges Présidiaux , et les évoque à son Conseil.
AUTRE du 17. Juillet, qui révoque la Commission
établie par les Arrêts des 13. Août 1726
et premier Août 1730. et regle la forme qui doit
être observée pour l'execution de l'Edit du mois
de May 1716. concernant les amendes des Eaux
> et Forêts.
AUTRE du 24. Juillet , en interpretation
des Arrêts des 12. Septembre 1729, et 11 , Février
1731. portant Reglement pour les Toiles ,
Batistes, et Linons qui se fabriquent dans les Pro
vinces de Picardie , d'Artois , du Hainaut , de la
Flandre Françoise , du Cambresis , et dans les
Generalitez de Paris et de Soissons. Le Roi ayant
jugé à propos d'ajoûter quelques nouvelles dispo
sitions aux regles prescrites par lesdits Arrêts
pour la fabrique de ces Toiles , lesquelles dispositions
sont contenues dans sept Articles énoncen
dans l'Arrêt , &C.
ORDONNANCE DE POLICE du 24. Juil◄
let , contenant un nouveau Reglement au sujet
de la qualité et bonne construction des Carosses
de Place , l'ordre et la regle que les Loueurs de
Carosses et leurs Cochers doivent observer , et le
prix qu'ils doivent exiger de chaque Particulier
qui voudront s'en servir , & c. ainsi qu'il est plus
au long expliqué dans les 21. Articles contenus
en ladite Ordonnance,
2050 MERCURE DE FRANCE
DECLARATION DU ROY , qui proroge
jusqu'au premier Septembre 1732. l'attribution
donnée aux Jurisdictions Consulaires pour connoître
des Faillites et Banqueroutes. Donnée à
Fontainebleau le 4. Août 1731. Registrée au Parlement
le 27. dudit mois.
DECLARATION DU ROY , pour la continuation
du Droit annuel , accordée aux Officiers
de Judicature , Police et Finances , pendant
neuf années , qui commenceront le premier Janvier
1732. et finiront le dernier Décembre 1740.
Donné à Versailles le 22. Juillet 1731. Registrée
en Parlement le 27. Août suivant.
TABLE.
Pleces
Fugitives
. Ode Sacrée , 1839
Explication physique des bruits entendus à
Ansacq , & c. 1841
Paraphrase du Pseaume , Judica , 1854
Lettre sur la Médisance 1859
2
Adieux aux Muses , 1862
L'Amant Fugitif , Cantate ,
Epigrames tirées de Buchanan ,
Eclaircissemens sur le Paradoxe du P.C. & c.1864
Letrre au sujet des Discours sur la Comedie, 1873
Relation de la défaite des Renards , Nation Sauvage
,
Ode Anacréontique ,
1884
1892
Memoire sur la découverte d'un grand Chemin
des Romains , en Languedoc ,
1870
1883
1894
L'Amour trompeur , Poëme , 1908
Lettre sur le Couvreur de Senlis , &c. 1912
La Jeunesse , Cantate , 1916
Lettre au sujet de S. Front
1920
Vers sur M. de la Faye , 1921
Apologie
des
Enfans
de
la Sapience
, au
sujet
d
Mercure des Philosophes et de la Transmutation
,
Le Baudet et la Jument , Fable ,
1922
1928
Lettre sur les Villes d'Auxerre et de Joigny , 1930
Refléxions ,
Enigme , Logogryphes , & c .
1933
1937
Nouvelles Litteraires , des Beaux- Arts , &c. Lettre
sur le Paradis Perdu ,
1942
Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes
illustres ,
1943
Bibliotheque raisonnée des Ouvrages des Sçavans,
&c. 1951
Maximes propres à regler le Silence et le Discours
, & c .
1954
Les Devoirs de l'Homme et du Citoyen , 1956-
Recueil d'Inscriptions , & c. 1957
Journal Litteraire de Venise &c . Histoire naturelle
du Mont Vesuve , &c.
Poëme et Pieces de Théatre ,
Barometres et pesanteur de l'air ,
Epitaphes , &c .
1960
1967
ibid.
1974
1977
Þ. Buffier ,

1979
1981
Les Poëtes Epiques , Stances , &c.
Le Cours des Sciences par le
OEuvres de Moliere : nouvelle Edition ,
Gallerie de Versailles, Desseins et Estampes, 1982
Nouveaux Volcans , 1983
Tremblement de Terre , & c. 1984
Mort d'une femme de 1c6. ans > 1985
Médaille du Cardinal de Fleury , 1986
. Chanson notée ,
ibid.
1987 5
Spectacles , le Mary curieux , Comedie ,
Tragedie de Regulus et Balet de l'empire de la
Mode , au College des Jesuites , 1992
Brutus , Tragedie , représentée à Caen , et Balet
caracterisé , Prologue , &c . 1997
Nouvelles Etrangeres , de Turquie et Perse ; 2002.
De Russie , Pologne , Suede et Allemagne , 2006
D'Italie , Espagne , Angleterre et Pays- Bas,
Morts des Pays Etrangers ,
Addition aux Nouvelles Etrangeres ,
2015
2016
France , Nouvelles de la Cour, de Paris, & c . 2019
Nouveaux Echevins , Discours au Roi , & c . 2012-
Memoire présenté par l'Archevêque deParis, 2c29
Lettre sur un Orage , &c .
Autre sur le Tonnerre , &C.
Benefices donnez ,
Morts , Naissances , &c.
Arrêts Notables , &c. •
Errata du second volume de Juin.
PAge
2031
2036
2039
2041
2048
Age 1431 ligne 5. je dis , lisez , je disois.
P. 1436. 1. 8. sacritissimam , 1. sacratissimam,
P. 1441. l. 11. des premieres , l. les premieres.
Ibid. 1. 20. même bien , l . moins bien.
Ligne 22. moins generale , l. au moins generale
P. 1447. 1. 22. de ses , l. des.
Page
Errata de Juillet.
Age 1777. ligne 13. joye , lisez , gloire.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1858. ligne dernieré , des , lisez de tes
P. 1909. 1. 2 : du bas , Mort , 4 Mont
P. 1925. 1. 25. rhose , l. chose.
P. 1926. I. derniere , neuve , 1. nuë.
P. 1927. 1. 2. maux , 1. mains.
P. 1948. l. 21. avoit , ↳ avoient.
P. 1980. L. 13. Méode , I. Méthode.
P. 1984, 1 12. du 17. l. du dix-septiéme:
P. 2002. 1. 7. reprendre , l. prendre.
La Médaille et l'Air noté doivent regarder A
page 198
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le