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1731, 06, vol. 1-2
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Presentedby
John
Bigelow
to the
Century
Association
* DM
Mercure
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
JUIN. 1731 .
PREMIER VOLUME.
Chez
STARGIT
QUE
COLLIGIT
RR
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la descente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais ,
M. DCC. X.X X, L
Avec Approbation & Privilege du Roy.
THE NEW YORKİ
PUBLICLIBRARY
A VIS.
>
DATADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comedie Fran
goife , à Paris . Ceux qui pour leur com
modité voudront remettre leurs Paquets ca
chetez aux Libraires qui vendent le Mer
sure, à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
&
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaite
ront avoir le Mercure de France de la pre
miere main, plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , de les faire porter fur
T'heure à la Pofte , on anx Meffageries qu'on
lui indiquera
335167
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATION
1805
*
PRIX XX X. SOLS.
Mor
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROr
JUIN. 1731.
*XX *******************
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers & en Prose.
ODE SACRE'E ,
Tirée du Pseaume , Dixit Dominus.
Uand mon Roi s'éleva lui- même ,
Jusqu'à la Celeste Cité ,
Mon fils , lui dit l'Etre suprême ,
Viens te placer à mon côté ,
Jouis ici de ma puissance ,
En attendant
que ma vengeance ,
I. Veh
A ij . Mette
1206 MERCURE DE FRANCE
Mette à tes pieds tes ennemis :
De Sion au bout de la Terre ,
Ton bras ira porter
la guerre ;
Et l'Univers sera soumis.
L'Eclat d'une telle victoire ,
Fera voir alors aux Humains ,
Quel est ton Empire et ta gloire ,
'Au milieu des splendeurs des Saints ;
Je t'engendray de ma substance ,
Avant que ma Toute- Puissance ,
Eût fait l'Etoille du matin.
Avec moi tu régis le Monde ,
Et les Cieux et la Terre et l'Onde ,
Sont les Ouvrages de ta main.
Toi seul es le souverain Prêtre ,
Par Melchisedech figuré ;
Tu ne cesseras point de l'être ,
Comme le Très-haut l'a juré.
'A ta droite dans sa colere ,
Il brisa l'orgueil témeraire ,
Des Rois soulevez contre toy :
Et s'armant un jour de la Foudre ,
Il doit juger et mettre en poudre ,
Ceux qui mépriseront ta Loy.
I. Vol. Soumis
JUIN.
1731. 1207
Soumis aux ordres de son Pere .
Il viendra chez les Nations ,
Boire à longs traits de l'Onde amére
Du torrent des afflictions :
C'est en sacrifiant sa vie ,`
Qu'il détruira la tyrannie ,
Du noir Monarque des Enfers ,
Et c'est à ce prix qu'il doit être ,
L'Arbitre et le souverain maître ,
Des Puissances de l'Univers.
gggg 288
EXTRAITF d'une Lettre écrite d'Au
xerre à M. D. L. R. au mois d'Avril
1731. par M.L. B. C. S. sur une Urne
et des Médailles trouvées.
. د ه د ه د د
BadaB& AD
differé à vous d'une
découverte qui fut faite près de cette
Ville la veille de laFête de S. Pierre dernie
"re , c'est- à- dire le 28. Juin 1730. dans le
territoire d'un Village appellé Vaux , à
une lieuë d'ici , sur le bord de la Riviere
d'Yone. Un Laboureur préparant une
terre pour la semaille prochaine , le Soc
de sa Charuë rencontra un ferrement qui
l'arrêta. Il voulut tirer ce ferrement qui
étoit placé perpendiculairement en terre,
mais il ne put en venir à bout qu'en creu
I. Vol.
A iij sant
1208 MERCURE DE FRANCE
sant dans l'endroit ; l'ayant arraché de ce
lieu , il reconnut par le bout qui étoit
plus avant dans la terre , que c'étoit une
fourche de fer à trois fourchons , longue
d'environ deux pieds : elle a depuis été
cassée en trois pieces , et il n'a resté que
le bout des trois fourchons que ce Paysan.
m'a mis entre les mains . On y trouva
aussi un autre Instrument de fer
que je
n'ai pû voir , et qu'il juge avoir servi à
attiser un foyer de charbons . Comme les,
pointes de la fourche aboutissoient à une
grosse pierre , il crut qu'il y avoit cous
cette pierre brute quelque chose de pré
cieux. Mais l'ayant levée , il n'y trouva
d'autre trésor que des cendres , des frag
mens d'une Urne de terre de couleur grise
cendrée , et quelques restes d'Ossemens ,
avec du charbon , er dix Médailles de
Bronze , dont il y en avoit d'épanchées
dans les terres que la pioche remua.
J
Etant allé sur le lieu , je ramassai les
fragmens d'Urne que le Laboureur avoit
méprisez les examinant ensuite , je fus.
assez surpris de trouver parmi ces frag
mens deux morceaux de crâne humain ..
La matiere poreuse qui cause leur legere
té me servit à les distinguer tout aussi
tôt du reste de ce que j'avois ramassé , et
les ayant frottés , je découvris qu'il y en
1. Vol.
JUI N. 1737. 1209
a un qui a encore conservé jusqu'à pre
sent la couleur que le feu lui a donnée
et celui- la sonne comme un morceau de
terre cuite.
A cette occasion j'ai voulu relire ce que
le sçavant Abbé des Thuilleries fit impri
mer contre M. Capperon en 1722. dans
le Mercure de Juin touchant la cessation
de l'usage de bruler les corps humains.
Quoique je ne fusse point porté à suivre
le sentiment de M. Capperon , qui croit
que l'usage de bruler les corps morts n'a
point passé le temps des Antonins , et
que ce furent eux qui l'abrogerent , j'en
suis encore plus éloigné que jamais depuis
cette découverte , et ce qui m'autorise à
préferer le sentiment de M. l'Abbé des
Thuilleries , qui soutient après Kirchman
que la coutume de bruler le corps des
deffunts duroit encore au troisiéme siecle ,
est que le corps qui a été brulé sur le
Rivage oriental de notre Riviere , et dont
j'ai vu les foibles restes , est surement
d'un Payen qui vivoit du temps de Pos
tume. Il est vrai que lorsqu'on eut re
mué la terre de ce lieu , on reconnut
parmi les Médailles qu'on y ramassa qu'il
y en avoit quelques-unes du premier et du
second siecle , mais il s'y en trouva aussi
du troisiéme , et ces dernieres étoient
L. Vol. A iiij
même
1210 MERCURE DE FRANCE
même en plus grand nombre. L'une étoit
de l'Empereur Hadrien , une autre d'An
tonin le Preux , l'une de Marc- Aurele ,
trois des plus effacées qui ont été dissi
pées , je n'ai pû les voir ; mais j'ai recou
vré les quatre principales de cette petite
quantité elles sont toutes de Posthume,
en grand et moyen Bronze , et deux de
celles qui sont en grand Bronze ont pour
Legende LAETITIA AUG. avec le
Vaisseau Prétorien , et de ces deux l'une
est si belle , quoique peu épaisse , qu'on
diroit qu'elle sort des mains de l'Ouvrier,
car le Paysan qui m'a vendu trois de ces
Posthumes , avoit cru bien faire de les
éclaircir et d'en ôter la roüille . Je ne sçai si
ce Vaisseau auroit quelque rapport à la Na
vigation de la Riviere d'Yone. J'en laisse
la décision à d'autres . Permettez que j'ap
puye encore ici en passant un article de la
défense que l'Abbé des Thuilleries a faite
du sentiment de M.Huet , Evêque d'Avran
ches ,sur l'origine du nom d'Eu.Le premier
Village au- dessus d'Auxerre en remontant
le long de la Riviere , à gauche , s'appelle
Augy , et justement c'est un Pays de Plai
ne et de Prairies. C'est donc encore un
exemple qui peut être cité avec les au
tres dont ce sçavant Prélat , aussi-bien que
M. Du Cange , s'autorisent pour assurer
B
I. Vala que
JUIN. 1731 . 1211
on
>
que les mots au , auu , auve , en , o
оии , verifient par la situation des lieux
dans le nom desquels il entre une de ces syl
labes , que ces noms viennent de l'ancien
langage Teutonique , parce qu'encore de
nos jours en langage Alleman ces mots si
gnifient un Pré. L'article du Glossaire est
court ; mais il me paroît formel par le
moyen du Texte qu'il allegue de la vie
de S. Colman , où il est parlé ainsi d'une
Eglise bâtie dans une Prairie : Est autem
prope Danubium quædam speciosa et delec
tabilis Augia , in qua noviter constructa
fuit Basilica d'où M. Du Cange a eu bien
raison d'inferer que par Augia il faut en
tendre une Prairie située sur le bord d'u
ne Riviere , ou entourée d'un Fleuve : Au
gia campus pascuus amni adjacens veľ
amne circumfusus , eu Germanico Au vel
Auw. Au-dessus du Village de notre Au
gy , la Plaine devient labourable , et ce
n'est qu'à un quart de lieuë delà que se
trouve le Vaax en question , si toutefois
il faut l'écrire ainsi : car je suis porté à
croire que c'est l'ancien Uno , nom indé
cliné , dont la vie de S. Aunaire , Evêque
d'Auxerre , écrite au VII , ou VIII . siecle,
dit que c'étoit un Village situé tout pro
che Auxerre , dans lequel il y avoit une
Fontaine dont les eaux faisoient bouil
1. Vol "Av lonnet
212 MERCURE DE FRANCE
'onner le sable , et qui étoit de profondeur
à noyer un homme : en effet tout cela se
trouve veritable à Augy , où l'on voit l'u
ne des plus spacieuses sources qui soit bien
loin d'ici.
Au reste, Monsieur , si j'avois été dans le
pays dans le temps de la découverte faite à
Vaux , je m'y serois transporté dès le jour
ou le lendemain , et j'aurois pû vous.en.
rendre un compte plus détaillé. Mais vous
vous ressouviendrez que j'étois alors en
route dans le Berry , tant pour me dé
lasser des fatigues attachées à ma fonction,
que pour vérifier , en chemin faisant , un
point de l'Histoire Ecclesiastique de ce
Diocèse , et éclaircir un endroit de l'His
toire de S. Grégoire de Tours , sur lequel
je crois qu'on a été jusqu'ici dans l'erreur.
Quelque perite qu'ait été la découverte
faite à Vaux, elle a été très - publique dans
le lieu . Le Curé de la Paroisse en est té
moin , aussi bien qu'un grand nombre de .
Paysans ausquels j'ai parlé , et qui sont
tous d'accord sur le fait. Ce n'est point de
ces découvertes controuvées dont on ne
peut montrer les effets , ni produire au
cun témoin , telle est celle * qu'on
Cette prétendu Découverte se trouve dans
le Journal de Verdun , du mois de Novembre
1727 page 3261
ty
La Vol.
JUIN. 1731. 1213
a supposé il y a quelques années avoit été
faite dans un petit Village du Diocèse de
Sens , à quelques lieues d'ici , dans la
quelle tout a été également invisible
Pierre, Inscription et Médailles.Heureuse
ment , Monsieur , ce n'est point votre
Journal qui en a été la duppe. Je plains.
ceux qui sont si mal servis , et je suis , &c.
** 街
DESCENTE AUX ENFERS,
O DE.
D
Ieux quel est le projet que la douleur
m'inspire !
Je me livre aux transports que j'éprouve en co
jour ::
N'hésitons plus allons au ténébreux empire
Ravir l'aimable objet d'un malheureux amour..
Orphée à ses accords dut le rare avantage ,
De pouvoir pénétrer jusqu'au sombre rivage ;
* Le Eils de Jupiter le dut à sa valeur ::
Pour attendrir Caron , pour appaiser Cerbere ,,
Pour flêchir des enfers le Monarque severe ,,
Je ne veux employer que ma vive douleur..
$2
* Hercule.
ܬܵܐ
I. Vol. Sii A vi
1214 MERCURE DE FRANCE
Si je ne puis te rendre à la clarté celeste ,
Chere ombre ; j'y renonce et je reste avec toi ...
Mais ou suis- je ! Quel bruit ! Quel Spectacle
funefte !
La frayeur me saisit ... c'est le styx que je voi :
Que des Manes errants sur ses fatales rives !
Insensible aux regrets de ces ombres plaintives ;
Caron prête l'oreille à mes tristes accords :
Il approche , et malgré les ordres de la Parque ;
Il se rend à mes voeux , me reçoit dans sa barque,
Il me passe ; déja je touche à d'autres bords.
M
Ici , Dieux immortels , des tourmens innom→
brables ,
Vous vangent de l'abus qu'on fit de vos bienfaits.
Hé , qui ne plaindroit pas le sort de ces coupables?
Quels supplices affreux punissent leurs forfaits ?
Trois monstres , Alecton , Tisiphone & Megere,
Ont le soin de servir votre juste colere.
En leurs barbares mains vous remettez vos droits
Je fremis , et mon oeil à regret les contemple ;
Ha ! je n'ai pas besoin d'un si terrible exemple ,
Dieux justes,pour apprendre à respecter vos Loix
Fuyons : éloignons nous de ces objets funebres :
Ils me glacent d'horreur ... je tombe dans la nuit ;
Par où dois -je passer ? je suis dans les tenebres ....
I, Vol.
Mais
JUIN. 1215 1731.
à
Mais d'où vient la clarté qui tout
La cruelle Atropos à mes yeux se presente ;
Je sens à cet aspect que
ma douleur augmente
Elle tient en ses mains le terrible ciseau ,
Qui de tous les mortels regle les destinées ,
Et qui vient de trancher les plus belles années
D'un objet que j'adore au de- là du tombeau.
coup me luie?
Elevé sur un Trône , au milieu des fantômes ,
Le Gendre de Cerés vient s'offrir à mes yeux.
Terrible Souverain de ces sombres Royaumes ,
Tu connois le dessein qui m'amene en ces lieux ;
Soulage la douleur de mon ame éperduë ,
Ordonne qu'à mes voeux Camille soit rendûë :
Pluton , si -mes sanglots ne peuvent t'émouvoir¿
Și la Loi du destin s'oppose à ma tendresse
Attendri par mes pleurs , sensible à ma tristesse
Daigne permettre au moins que je puisse le voir.
Le severe Pluton n'est pas inéxorable ,
Touché de mes regrets , il ordonne à Minos
De conduire mes pas vers cet azile aimable ,
Où Camille joüit d'un éternel repos :
J'apperçois du Léthé les tranquilles rivages ;
Agréable séjour ; c'est ici que les Sages ,
Goûtent après leur mort le plus parfait bonheur g
I. Vol.
Pour
1216 MERCURE DE FRANCE -
Pour ces lieux fortunez , les Dieux nous ont faig
naître ......
Camille à mes regards tarde trop de paroître ;
Minos , que tu sers mal les transports de mon
coeur !
Hâtons-nous je la vois , elle a repris ces
charmes ,
Que la faulx de la mort avoit sçû moissonner..
Chere ombre , arrête toi sois sensible à mes
larmes ,
>
A mes chastes transports , 'daigne t'abandonner …..
Camille ! tu me fuis ! tu ne veux pas m'entendre ,
A ce nouveau malheur aurois- je dû m'attendre ,
Après avoir franchi tant d'obstacles affreux ?
Quel accueil ! Quels regards ! Quel farouche
silence !
...
9
Helas ! me faudra -t-il pleurer ton inconstance !
Les plus tendres Amans sont-ils les moins heu
reux ?
Les Dieux condamnent-ils une si belle flâme ?
As tu pûte resoudre à me manquer de foy ?
Que dis-je ! quel soupçon vient s'offrir â mon
ame !
Ah ! tel est du destin l'irrévocable Loy :
Oui , ce n'est qu'à regret que Camille m'évite ;
Mais, de tant de malheurs mon desespoir s'irrite
St
I. Vol. Je
JUIN. 173F. 1217
Je la suivrai par tout , je ne la quitte pas ....
Minos , près de Pluton vas reprendre ta place ,,
De rester en ces lieux qu'il m'accorde la grace .
Sans Camille la vie a pour moi peu d'appas .
Ay-je pû , justes Dieux , meriter votre haine ,.
Pourquoi me forcez -vous de quitter ce séjour !:
Je vous implore en vain ; et Minos qui me meine
Va me rendre bientôt à la clarté du jour .
Pour la seconde fois chere ombre on nous sépare;;
Cedons sans murmurer à cet ordre barbare ,
Et respectons les Dieux jusques dans leur rigueur;
Adieu , puisse du moins la douleur qui m'accable,
Abreger de mes jours le reste déplorable ,
Cette seule esperance adoucit mon malheur.
Par M. V. D. L. T. d'Aix..
į į į į ♣ ♣ ▲ į į į į į į į f f f f f
LETTRE sur la Pierre qui s'engendre dans
Le Corps humain.
E gémis , Monsieur , je vous l'avoie ,
I
de Dissertations sur les manieres diffe
rentes de tirer la Pierre de la Vessie par la
taille. N'est-il pas étonnant que dans un
L. Kolo sić
1218 MERCURE DE FRANCE
siécle aussi éclairé que le nôtre
puisse se défaire de la prévention qu'on a
on ne
en faveur des anciens Auteurs ? car c'est
cet axiome, Remedium calculi cultrum est ; le
Couteau est le Remede de la Pierre , qui
est cause qu'on employe l'Art plutôt que
de consulter la Nature pour guérir ce
mal et qu'on préfere une operation
cruelle et très - dangereuse , qui fait tous
Les jours périr tant de personnes , aux
moyens simples et naturels qui le pour
roient dissiper sans aucun danger.
Mais , dira - t - on , un corps aussi dur que;
la Pierre , ou plutôt que le Caillou qui se
forme dans le Corps humain , ne pour
roit être dissous que par un Dissolvant
des plus puissans : or ne voit- on pas que
ce Dissolvant agiroit bien plus fortement
sur les parties tendres et délicates des Vis
ceres et des Vaisseaux par où il passeroit
dans le Corps , et causeroit dans le Sang des
desordres funestes. D'ailleurs , comme ce
Corps étranger qui est dans les reins ou
dans la Vessie , n'a aucuns Vaisseaux par le
moyen desquels il communique avec le
sang comment la vertu salutaire du
Remede y pourroit- elle arriver ? Enfin
qui a t- on vû délivré par un Remede
pris interieurement d'une Pierre bien
formée & d'un gros Volume ?
ر
.
(
(
I. Vol. Pour
JUIN. 1731. 1219
Pour détruire la premiere de ces trois
objections , qui est la plus folide , il faut
encore que j'attaque un Axiome respec
table par son antiquité , sçavoir , que qui
peut le plus , peut le moins. Ne fçait -on
pas que l'eau forte qui dissout le plus dur
de tous les métaux , qui est le fer , ne peut
rien sur l'Or , qui est beaucoup plus mol,
ni même sur la Cire ; que le jus de Ci
tron qui dissout dans la main le Corail et
les perles , ne peut rien sur le Bois , ni sur
une infinité d'autres corps beaucoup plus
tendres : et que l'Eau commune , qui dis
sout fi vîte le sel , et au bout de quelque
tems le fer même , ne peut rien sur la
Cire , ni sur beaucoup d'autres choses
très-molles ?
Comme la Pierre n'est autre chofe qu'un
amas de sels , fixez par la chaleur des reins
qui , étant entrainez avec l'urine dans la
vessie , s'y assemblent , & forment un
corps par le moyen des glaires qui com
me un mastic , les lient ensemble , & de
vient dur par la chaleur de ce viscere ; il
n'est pas si difficile de trouver un Dissol
vant,ou plutôt un fondant, qui décompo
se cette espece de Caillou , puisqu'il ne
faut pour cela qu'amolir ,et réduire en li
queur ce mastic glaireux qui les tient ras
semblez : au moyen dequoi ces sels fixes
I.Vol
di
1220 MERCURE DE FRANCE
divisez et devenus libres , s'écouleront
aisément par l'uretre avec l'urine. Et puis
que l'urine n'est autre chose que la par
tie sereuse , saline et sulfureuse , séparée
du sang par la filtration qui se fait dans
les reins , il est aisé de comprendre qu'a
yant tiré du sang la qualité fondante du
Remede qu'on aura pris , elle décompo
sera aisément la Pierre qui baigne sans
cesse dans l'urine..
.
Enfin , Monsieur , pour répondre à la.
troisiéme objection et convaincre les
plus incrédules , ayez la bonté d'inviter
les personnes qui ont été délivrées de la
Pierre par des Remedes intérieurs , ou par
l'application de la Pierre divine , à en fai
re part au Public par la voye de votre
Mercure: vous verrez qu'il y ades moyens.
plus surs et plus faciles que le Couteau
pour faire sortir la Pierre du Corps hu
main..
le
Si vous voulez inviter en même-tems
ceux qui ont été guéris par des Remedes
trés-simples d'Hidropisies formées , vous
connoitrez aussi , et tout le Public par
même moyen , que la ponction n'eſt pas
nécessaire dans l'Hidropisie for née ; et
que pour perfectionner la Medecine , il
vaudrait mieux s'appliquer à étudier la
Nature , et à éprouver les qualités salu
(
128
N
N
I
L. Vol . taires
JUIN. 1731. 1221
taires de ses differentes productions , que
d'avoir recours aux Operations manuel
les , et de composer tous les jours , com
me on fait , de nouveaux sistêmes ..
Ce que j'ai l'honneur de vous proposer
interresse trop le bien public pour douter
que vous n'inseriez ma Lettre , que j'ai
Sort abregée dans le prochain Mercure..
Je suis Mon ieur , &c .
De La Loge.
******
: *: * XXXX
:XXX
STANCES.
Ephise en dois- je croire au rapport d'us
Enfant
Où dois - je le traiter de fable ?
Fft- ce de votre part qu'il m'a fait compliment ?
Plus ce bonheur me paroît grand ,
Et moins il me paroît croyable !:
Mon coeur , un tel espoir a droit de vous saisir
Ne vous refusez pas à cette joye extrême ;
Il est doux de s'aider à se tromper soi -même
Lorse l'erreur eft un plaisir..
L'Enfant a t'il dit vrai suis - je heureux ? suis -je
à plaindre ?
I. Vol Qui
1222 MERCURE DE FRANCE
Qui pourra m'assurer de sa sincerité ?
Cet âge ne sçait il ni feindre ,
Ni déguiser la verité ?
Non , ce n'est point une imposture ;
Je le crois , j'en ai pour garant
Le petit Dieu qui met mon ame à la torture ;
Il n'eft lui-même qu'un enfant :
Amour , je te ferois injure :
Ji je me défiois de ton âge innocent.
Mais mon doute toûjours revient et m'embarasse,
Dois-je ne point songer aux adieux qu'on m'a
faits ?
Ou remercier d'une grace ,
A laquelle peut-être on ne songea jamais ≥
A chaque inftant mille scrupules ,
De mon esprit flotant redoublent l'embarras ;
S'il faut choisir enfin, ah ! paroissons credules ,
Plûtôt que de paroître ingrats..
Mais je me flatte trop d'une grace incertaine ,
Moy qu'on vit rarement près de vous s'arrêter ,
Moi que vous connoissez à peine ,
Qu'ay-je fait pour la meriter
<
52
TO
D
I. Vala
Sei
JUIN. 1731. 1223
Seroient- ce mes regards , dont l'éloquent silence,
A sans doute trahi les secrets de mon coeur ;
Seroient- ce mon respect , ma timide conſtance
Qui m'ont attiré ce bonheur ?
Seroit- ce qu'entendant quelques flutes plaintives
Troubler pendant la nuit le silence des Airs ,
Vous connussiez la voix de mes ardeurs crain
tives.
Qui s'expliquoient par ces concerts ?
Vous auroit-on appris que mon coeur équitable
Faisoit gloire par tout d'être en bute à vos traits
Auriez- vous sçû combien je vous trouvois ai
mable ?
Et comment en tout lieu je vantois vos attraits ?
D'un éloge sans fard ; est- ce la récompense ?
Cephise , avez-vous crû lui devoir ce retour ?
Je le vois , je dois tout à la reconnoissance ,
Et je ne dois rien à l'amour.
Helas ! peut- être encore la pitié s'y joint- elle ;
Prévoyant la douleur mortelle ,
Dont votre prompt départ accableroit mes sens ,
Vous devintes sensible à ma peine cruelle ,
Et sçûtes l'addoucir par deux mots obligeans.
I. Vol. Oui
224 MERCURE DE FRANCE
Oui , même en apprenant que vous étiez partie
Ces mots sçurent me réjouir :
Mais quel chagrin alors dans mon ame ravie !
Quels transports opposés s'en vinrent me saisir!
Dans le même moment je crus perdre la vie ,
Et de douleur & de plaisir.
Je ne m'expose point , Cephise , à vous déplaire;
En découvrant mes sentimens ;
L'aveu de mon amour n'a rien de téméraire ,
Si l'enfant par votre ordre a fait les complimens
Si la grace eft imaginaire ,
Vous ne sçaurez de qui sont les remerciemens
akakakakakakakakakakakakakik
LETTRE de la Marquise de ....
au Chevalier de ...
L
C
E ne doute point , Monsieur , que vous
été que
j'ai gardé au sujet de la septiéme Lettre
du Nouvelliste du Parnasse , que vous
m'aviez sans doute envoyée pour morti
fier mon amour propre ; vous m'aviez
raillée sur quelques larmes que je n'a
vois pû retenir à la premiere representa
tion de la reprise d'Amasis ; je vous sou
tins avec une espece de dépit , ¡que mes.
¿
V
C
t
2
(
1. Vol .
pleurs
JUIN. 1731. 7225
pleurs ne couloient jamais à faux , et que
j'osois garantir la Piece bonne , sur la foi
de ma sensibilité. Nous nous separâmes
assez mécontents l'un de l'autre ; vous ne
fûtes pas long-tems à trouver une occa→
sion de vous vanger de la hauteur avec
laquelle j'avois décidé en faveur d'une
Piece qui n'avoit pas le bonheur de vous
plaire ; et vous ne crûtes le pouvoir mieux
qu'en m'envoyant la Lettre en question.
J'y aurois répondu sur le champ , si je
me fusses trouvée assez de sang froid ,
pour ne pas ressembler à votre impétueux
Nouvelliste , persuadée que la critique
perd infiniment de son prix , quand elle
est dictée par la passion ; me voilà donc,
Monsieur , dans un état assez tranquille
pour ne rien hazarder sans refléxion.
Le début de cette septiéme Lettre de
vroit rendre son Auteur suspect , puis
qu'il n'est établi que sur une fausse hypo
these : Piece, dit- il, en parlant de la Trage
die d'Amasis , jufqu'ici ignorée ou peu van
tée. Notre Ariftarque mal instruit se fon
de , sans doute , sur le peu de representa
tions que cette Tragedie eut dans sa nais
sance ; mais s'il avoit pris la peine de re
monter jusqu'au temps où elle fut donnée
pour la premiere fois , il auroit appris
qu'elle fut accueillie avec autant d'équité,
I. Vol. qu'elle
1226 MERCURE DE FRANCE
qu'elle l'est aujourd'hui > et que par
consequent elle n'a dû être , ni ignorée
ni peu vantée : les meilleurs Ouvrages du
Theatre ne sont pas à l'épreuve des Sai
sons , et le froid extréme qui alors empêcha
le Public d'aller aux Spectacles , fit partager
à ce même Public , aussi bien qu'à M. de
la Grange , le regret de la prompte dispa
rition d'Amasis , sans compter quelque
aigreur entre l'Auteur et une des princi
pales Actrices de ce tems-là , qui ne par
loit jamais de la Piece que pour la dé
- crier.
Ainsi c'est admettre un mauvais Prin
cipe que de dire
que cette Piece est gou
tée aujourd'hui par la même raison qui
a fait dédaigner Brutus. A Dieu ne plaise
que je traite assez mal le Public pour croi
re qu'il a dédaigné cette derniere Trage
die ; le mépris ne sçauroit être le partage
d'un Auteur tel qu'est M. de Voltaire ,
sans commettre la plus criante de toutes
les injustices ; tout le monde s'accorde à
la mettre au rang des meilleurs versifica
teurs de notre siecle ; rien n'eft plus digne
d'admiration que le beau feu qui anime
toutes ses Poesies , et j'ose avancer qu'il
seroit à souhaiter qu'il en eût quelquefois
un peu moins ; il ne s'y laisseroit pas en
traîner si rapidement dans des Ouvrages
I. Vol.
qui
JUIN. 1731. 1227
qui demandent plus de raison que d'an
tousiasme.Revenons à nôtre Archiloque.
Après avoir dit que la Tragedie d'A
masis est remplie de situations & d'évenemens
bizares qui se succedent à chaque instant ;
il lui fait la grace d'avouer , qu'elle ne lais
se pas de conserver une espece d'unité. Com
bien cette verité a- t'elle de peine à sortir
de sa plume ! On en juge par tous les
termes dont il se sert pour faire cet aveu
forcé ; elle ne laiffe pas : quoi de plus mé
prisant ? de conserver. Quelle continua
tion de mépris une espece d'unité ; quel
malin diminutif; je suis surprise qu'il n'ait
pas dit quellefaçon d'unité . Il craint mê
me d'avoir été trop favorable à l'Auteur,
et de peur qu'on ne prenne le change sur
ses expressions , il ajoûte aussi-tôt aprés ,
que cette espece d'unité a bien l'apparence de
la multiplicité , quel rafinement !
→
Quels blasphêmes ne profere - t- il pas con
tre le respectable Parterrel? En voici un : le
Parterre moderne , si je l'ose dire , fent et ne
pense point; Au reste, on doit lui tenir com
pte du Correctif, c'est unefigure de Retho
rique dont il fait rarement ufage.
Voici le second blasphême : dès qu'une
piece lui plaît , il s'imagine qu'elle a droit de
lui plaire , et qu'elle tient cet avantage , non
de son ignorance & de fon mauvais goût
1. Vol. B mai
1228 MERCURE DE FRANCE
mais du merite qu'elle a , parce qu'il se sup
pose infaillible. Quels traits plus deshono
rans ! ignorance , mauvais goût , présom
ption ; l'Auteur de cette Lettre ne seroit- il
pas dans le cas de ces Plaideurs , qui di
sent que rien n'est plus injuste que la Jus
tice , quand ils viennent de perdre une
cause dont la bonté ne subsistoit que dans
leur imagination ? Je crains , Monsieur ,
de sortir du sang froid , dont je me suis
vantée ; tâchons de le reprendre , je ne
puis mieux punir l'adversaire d'Amasis
qu'en me réduisant à faire simplement
l'apologie d'une Piece qu'il attaque avec
tant d'acharnement ; mes éloges lui tien
dront lieu d'invectives.
>
Il reproche à Sesostris de n'être occupé que
du dessein qu'il a de se défaire d' Amasis par
une trahison, Je réponds tranquillement
à cela , que si c'est être perfide que de
vouloir vanger la mort d'un Pere cruelle
ment assassiné , et d'employer l'artifice
au deffaut de la force ouverte , pour re
monter sur un Trône usurpé , je passe con
damnation sur la trahison si injustement
imputée au Heros de cette Tragedie.
il l'accuse encore d'un desir impa
tient de voir sa Mere , et traite de puéri
lité ce que la nature inspire à tous les hom
mes. Sesostris brûle d'impatience de voir
I. Vol,
sa
E
JUIN. 1731. 1229
sa Mere ; quoi de plus digne d'un Fils
vertueux et d'un digne Successeur du
grand Apriès ? Ce qu'il y a de plus remar
quable dans cette Critique, c'est l'endroit
où l'Auteur s'avise de la placer. Il vient
de convenir de la meilleure foi du monde ,
que l'entretien de Sesostris avec Nitocris a
quelque chose de touchant ; et il ajoûte , mais
pourquoi a- t-il un desirsi violent et fi pen
fondé de la voir & de l'entretenir ? Peut- on
prendre plus mal son champ de Bataille ?
Si cette Scene a fait tant de plaisir aux
Spectateurs , pourquoi y a-t-il du regret ?
il y a des situations si touchantes , qu'il
faudroit les acheter mêmes aux dépens de
quelques fautes , mais qu'il s'en faut que
celle- ci ait besoin de l'indulgence dont
je parle ! Sesostris ne craint rientant ici
que de voir une Mere desolée à qui il doit
porter un coup mortel , en lui montrant
le poignard qu'elle croit tout degoutant
encore du sang de son Fils , il voudroit
l'éviter , et l'éviteroit en effet si un sa
ge confident ne lui faisoit entendre
qu'après l'ordre exprès d'Amasis , il ne
peut lui desobeïr sans se rendre suspect ,
et sans exposer lesjours de sa mere avec les
*siens ¿
"
"
La confidence que Nitocris fait à Arte
nice n'est pas si déraisonnable que notre
1. Vol.
Bij severe
1230 MERCURE DE FRANCE
severe Nouvelliste prétend le persuader.
En effet , pourquoi doit- elle se défier
d'une jeune personne qui vient de lui dé
clarer l'aversion invincible qu'elle a pour
l'Hymen que le Tyran lui propose ? Elle
est fille de Phanès , mais ce Phanès n'a pas
paru jusqu'à ce jour le mortel ennemi de
Nitocris , comme notre Censeur le supo
se cela est si peu marqué dans la Piece ,
que lorsque Phanès vient si à propos in
terrompre la Scene où Sesostris est prêt à se
faire reconnoître à sa Mere éperdue , elle
témoigne sa surprise sur ce que tout la
trahit jusqu'à Phanès i d'où il est naturel
de conclure, qu'elle ne l'a pas consideré
commeson mortel ennemi. Il ne me seroit
pas moins facile de justifier le caractére
d'Amasis , qu'on traite gratuitement de
sot & d'aveugle,
›
Au reste , ce qui fait que les Spectateurs
prennent quelquefois le change sur les
differentes actions qui se passent sous leurs
yeux ; c'est qu'ils supposent que les per
sonnages qu'ils accusent de donner dans
des pieges grossiers est aussi instruit
qu'eux- mêmes . En effet , nous sçavons
que Phanès conspire contre Amasis , par
ce qu'il nous l'a fait entendre ; mais l'a-t- il
fait connoître à Amasis ? Ce Tyran établit
d'abord son caractére de la maniere du
J. Vol,
mon
JUIN. 1731. 1231
monde , qui puisse faire le plus d'hon
neur à l'Auteur de la Tragedie. Il ne dit
rien qui ne marque sa défiance : il pousse
même l'ingenuité jusqu'à dire à Phanès
qu'il y a des momens où il lui devient
suspect lui-même malgré tous les témoi
gnages de fidélité qu'il lui rend ; fidélité
d'autant moins sincere , qu'il ne croit pas
l'avoir méritée; il ajoûte que ce Fils même,
qui lui est si cher , lui a inspiré des mou
vemens d'aversion à son premier aspect ,
et' qu'il fremit de l'aceuil qu'il lui auroit
fait , s'il ne s'étoit pas fait reconnoître à
des signes incontestables , tels que la
Lettre de sa femme.
Voici encore le Public attaqué ; je ne
crois pas pouvoir me dispenser de dé
fendre sa cause . L'Auteur de la Lettre
s'explique en ces termes : C'estpar rapport
à cette Piece ,plus qu'à l'égard d'aucune autre
que le Public distrait & inattentif, fait usa
ge d'une maxime pernicieuse à laquelle tous
les mauvais Auteurs s'efforcent de donner
Cours , qui est , que le langage pur & éle
gant , le stile noble & correct & la beauté
de la versification sont inutiles sur le Théa
tre.
Peut-on rien dire de plus injurieux pour
ce Public respectable , que d'oser avancer
qu'il fait usage d'une maxime si deraison
I. Vol.
B iij
nable
1232 MERCURE DE FRANCE
•
{ .
nable, s'il étoit dans un pareil sentiment
viendroit- il en foule aux Tragedies de
Racine , et balanceroit -il un seul moment
entre Corneille et lui ? il n'y a personne
qui ne convienne que Corneille l'empor
te autant sur Racine par l'action que Ra
cine l'emporte sur Corneille par la dic
tion ; cependant l'un ne fait pas negliger
l'autre ; il n'eft donc pas vrai de dire que
le langage pur et élegant , le stile noble et cor
rect et la beauté de la versification , sont ju
gez par le Public inutiles au Théatre .
Si M. de la Grange se dément quelque
fois dans sa maniere de versifier , ce n'est
point là ce que le Public aplaudit dans ses
Ouvrages de Théatres ; ou plutôt s'il lui
passe quelques negligences de diction , ce
n'est qu'en faveur des beautez frappantes
qui se tecedent dans ses Pieces par rapport
aux situations dont elles sont remplies .
Je ne conviens pas pourtant , Mon
sieur , que l'Amasis soit écrit avec toute la
négligence , la rudesse et la barbarie possibles;
je suis bien éloignée d'adopter des termes
si familiers au Nouvelliste ; il cite çes trois
Vers , pour prouver ce qu'il avance.
C
Il recule , j'avance ; il se débat , il tombe ;
Là , sans être touché de son sort abbatu ,
Mon bras de l'achever , se fait une vertu.
1. Vol. · J'a
JUIN. 1731. 1233
J'avoue que le dernier hemistiche du se
cond vers , n'est pas le plus heureux du
monde ; mais si les grands exemples suffi
soient pour autoriser des fautes , Corneil
le et l'Auteur même de Brutus m'en four
niroient d'ailleurs , sort abbatu , est au
rang de ces figures par lesquelles on attri
bue à la cause ce qui n'appartient qu'à
l'effet , et puisqu'on dit un sort malheu
reux , quoique le malheur ne soit que
l'effet , et point du tout la cause du sort ,
pourquoi l'épithete d'abbatu attachée
au sort , ne jouiroit - elle pas du même pri
vilege ?
Voila à peu près , c'est le Nouvelliste
qui parle , comme sont faits tous les Vers de
la Piece ; non-seulement , ajoute - t-il , on
est aujourd'hui indulgent au Théatre par
rapport aux mauvais Vers , et au mauvais
langage , mais encore on y applaudit ; Voici
comment il le prouve on se récrie , par
exemple , à ce vers de Nitocris.
Menace moi de vivre , et non pas de mourir.
Si c'est-là un de ces Vers que le Nou
velliste appelle negligés , rudes et barbares
j'avoue à ma honte que j'ai terriblement
pris le change ; mais ce qui me console ,
c'est que tout le Public l'a pris comme moi :
Voici encore de la dialectique de l'Adver
›
I. Vol. B iiij saire
1234
MERCURE
DE FRANCE
saire d'Amasis Le Verbe qui suit celui de
menace ne se rapporte- t - il pas toûjours à la
personne qui menace ! Ces paroles , pour
suit-il avec un air de triomphe ; menace
moi de vivre et non pas de mourir , signi
fient donc proprement et grammaticalement
menace-moi que tu vivras & non que tu
.
mourras.
Après cette décision , il semble qu'il n'y
ait plus qu'à admirer ; mais je n'en suis
pas réduite -là , ce Vers m'a trop bien af
fectée pour le placer au rang des mauvais
et des barbares ; ceux qu'Amasis dit aupa
ravant , nous portent naturellement à un
sens tout contraire à celui qu'une mau
vaise Grammaire lui prête contre toutes
les regles , vivre et mourir sont ici au lieu de
vie & de mort ; et le Vers attaqué ne veut
dire autre chose que menace-moi de la vie et
non pas de la mort la vie étant regardée
par Nitocris comme un supplice , & la mort
comme une grace ; un Regent de Rethorique
que j'ai consulté là - dessus , m'a dit que ce
prétendu Barbarisme n'est tout au plus
qu'un Latinisme il a fait sur cela un
Vers Latin qu'il m'a donné par écrit : le
voici ,
;
:
Mortem minaris proximam ! vitamjube.
Mais je ne m'apperçois pas que ma
I. Vol. Let
JUIN
. 1731. 1235
Lettre commence à devenir longue et
peut-être ennuyeuse , je la finis brus
quement pour ne point abuser de votre
patience ; Je suis , &c.
2303
L'INTEREST ,
ODE
Quipar lejugement de l'Académie des Jeux
Floraux , a remporté cette année 1731 .
le Prix de l'Amarante d'or , destiné à
cegenre de Poësies elle est de M. l'Abbé
Poncy de Neuville ; c'est pour la septième
fois qu'il est couronné dans cette Académie.
Quelle
Uelle est cette horrible furie !
Son souffle empoisonne les Airs ;
Sa pernicieuse industrie ,
De crimes remplit l'Univers
D'un glaive sa main est armée
Elle va de rage animée
Creuser en cent lieux des Tombeaux
L'ambition et l'avarice ,
L'affreuse envie et l'injustice ,
L'éclairent de leurs noirs flambeaux,
I. Vol
By C'est
1236 MERCURE DE FRANCE
C'est l'Interêt ; non. le Tartare ,
Fécond en vices éclatans ,
N'a rien vomi de plus barbare
Depuis la naissance des temps ,
Sur un vaste amas de ruines ,
Il s'éleve fier des rapines >
Dont on enrichit ses Autels
Les insatiables harpies ,
Volent autour des dons impies
Que lui prodiguent les Mortels.
Le Nocher , loin de sa Patrie ,
Pour lui seul renonce au repos ;
Il part , il brave la Furie ,
Des Vents déchaînez et des Flots
Si- tôt que l'Interêt décide ,
Rien n'arrête , rien n'intimide ,
Que dis- je ? on renonce aux plaisirs ,
Les esprits opposez s'unissent
Les plus indociles fléchissent
Tout change au gré de ses desirs.
&
Tyran que l'Univers encense
Malgré l'honneur et la raison ,
Sous le regne de l'innocence ,
On ignoroit jusqu'à ton nom
Dans les flancs des profonds abymes
2
1
I. Vol.
Les
JUIN.
1731. 1237
Les trésors , source de nos crimes ,
Etoient encore resserrez •
Nous n'aurions point connu la guerre ,
Sï jamais du sein de la Terre ,
Ton bras ne les avoit tirez.
{
Quelles horribles funerailles !
Je nâge en des Fleuves de sang ;
Le cruel démon des batailles ,
Porte la mort de rang en rang ;
Les Provinces sont ravagées ;
Les Citez tombent saccagées ;
Et sous ces Palais désolez ,
Je vois par d'odieuses trames ,
Parmi les cris , parmi les flâmes ,
Périr cent Princes immolez.
Quand les feux des guerres publiques ,
S'éteignent aux pieds de la Paix ,
Auteu: des troubles domestiques ,
Tu vas causer d'autres forfaits ,
Le fils s'arme contre le pere ,
Le frere attente sur le frere ,
L'ami méconnoît ses amis ,
Grands Dieux , ses maximes sinistres ,
Souillent quelquefois vos Ministres ,
Et corrompent ceux de Tlémis.
9
I. Vol.
Par
B vj
1238 MERCURE DE FRANCE
Par les coupables artifices ,
On trahit , on vend l'équité ,
On profane les Sacrifices ,
Que vous offre la pieté;
Combien ... mais non…….. que mon silence },
Dérobe à l'injuste licence ,
Des Portraits toujours dangereux ;
Craignons de lui fournir des armes ;
Effaçons plutôt par nos larmes ,
Tout ce que leurs, traits ont d'affreux.
Ce ne sont plus ces simpaties ,
Desames qu'un rapport heureux
Auroit l'une à l'autre assorties ,.
Qui de l'Hymen forment les noeuds
Toi seul regle la destinée ,
De la Victime infortunée ,
Qu'on entraîne aux pieds de l'Autel ;
Interêt , quel est ton empire-?
Le tendre Amour en vain soupire,
Il y reçoit le coup mortel.
Delà ces feux illegitimes ,
Par qui le Ciel est irrité.
Ah ! n'imputons qu'à toi les crimes ;
Que commet l'infidelité ;
On s'est uni sans se connoître ,
..
* 15 :
I. Vol. On
JUIN. 1731 8239
On se seroit aimé peut-être ;
Le coeur au moins eût combattu :
Mais par ton funeste caprice ,
Barbare , tu forces au yice ,
Ce coeur formé pour lá vertu.
Qu'elle est cette Idole fragile ,
Livrée au caprice du vent è
La tête est d'or , les pieds d'argile
Ont pour baze un sable mouvant
J'entends les fiers Sujets d'Eole ;
Ils s'unissent contre l'Idole ;
Quel bruit ! quel fracas ! quel débris !
Le decret des Cieux s'execute
Et le lieu même de sa chute ,
Disparoît aux regards surpris
.
>
De votre sort c'est là l'image
De l'Interêt vils Partisans ,
La Fortune abbat son ouvrage ,
Fuyez ses perfides présens
Quand elle seroit plus constante ,
Quand tout rempliroit votre attente ,
Par un long et coupable abus ,
Les plus formidables Monarques ,
Naissent tributaires des Parques ,
Vous leur devez mêmes tributs
D
i ita
I. Vol. Des
1240 MERCURE DE FRANCE
Des Sysiphes , des Promethées ,
Vous méritez les châtimens ,
Les Eumenides irritées ,
Vous préparent mêmes tourmens ;
Vos vains honneurs , coupables Ombres ,
N'ont plus d'éclat dans ces lieux sombres ,
Ou tous les rangs sont confondus ,
Et ces biens pour qui l'on soupire ,
Ne peuvent rien dans un Empire ,
Où l'on juge au poids des vertus.
Va par tes brigues infernales ,
Sordide Interêt , Monstre affreux ,
Regner sur des ames vénales ;
Reçois l'hommage de leurs voeux ;
Je préfère à ton opulence ,
Une vertueuse indigence ;
Tu ne peux séduire mon coeur ;
Et je le percerois moi- même ,
Si par un changement extrême ,
Il t'avouoit pour son Vainqueur.
.I. Vol.
LET
JUIN 1731. 1241
}
****************
LETTRE de M. D. L. R. sur un
Ouvrage du R. P. Feijoo , Benedictin
Espagnol.
.
entre les
傻
l'Ouvrage dont vous avez entendu
parler. C'est M. Boyer , Docteur en Me
decine de la Faculté de Montpellier , et
Docteur- Régent en celle de Paris , qui l'a
apporté d'Eſpagne , depuis peu de tems .
Vous sçavez que ce Medecin partit d'ici
sur la fin du mois de Juillet dernier pour
le rétablissement de la santé de M. le
Marquis de Brancars , Ambassadeur de
France à la Cour de S. M. Catholique ;
vous sçavez aussi qu'il a fait un voyage
heureux, et qu'il a ramené M. l'Ambassa
deur parfaitement guéri.
Mais vous pouvez ignorer que notre
Medecin , toujours attentif sur la Litte
rature , et mettant tout à profit à cet
égard , quand il est obligé de voyager ,
n'a pas manqué d'apporter plusieurs Li
vres Espagnols , des meilleurs et des plus
nouveaux. Celui pour lequel vous vous
interessez , ne pouvoit pas être oublié ;
en voici le Titre.
I. Vol. THEA
1242 MERCURE DE FRANCE
THEATRO CRITICO , UNIVERSAL,
O Discursos varios en toto genero de Ma
terias para desengano de Errores comunes.
Dedicado A RP P. Fr. Joseph de Bar
nuero , General de la Congregacion de San
Benito de Espana , Inglaterra , & c. Escrito
por El M. R. P. M. Fr. Benito Jeronymo
Feijoo , Maestro General de la Religion de
San Benito , y Cathedratico de Visperas de
Theologia de la Universidad de Oviedo.
Tercera Impression En Madrid : En la
Imprenta de Francisco del Hierro , Anno de
M. DCC . XXIX . C'est-à -dire , THEA
TRE CRITIQUE UNIVERSEL , ou Discours
divers sur toute sorte de sujets pour désa
buser les hommes des erreurs communes
et ordinaires . Dédié au Reverendissime
Pere General de la Congrégation de saint
Benoît , établie en Espagne , en Angle
terre, &c. Composé par le R. P. BENOIST
JEROSME FEIJOO , Maître ou Professeur
General dans la même Congrégation ,
Professeur en Thélogie de l'Université
d'Oviedo; quatre Volumes in 4% Troisiéme
Edition. A Madrid , de l'Imprimerie de
François del Hierro , M. DCC. XXIX .
On trouve à la tête du premier Vo
lume une Epitre Dédicatoire fort bien
tournée , adressée au R. P. General Jo
seph de Barnuero , lequel , outre cette
I.Vol.
qualité
JUIN. 1731. 1243
qualité , avoit été le Maître des Etudes
de Théologie de l'Auteur , dans l'Uni
versité de Salamanque. Les Approba
tions de divers Docteurs suivent cette
Dédicace.
Une courte Préface qui déclare les in
tentions du P. Feijoo , et qui fait voir
l'ordre et la disposition de tout son Ou
vrage , est précedée d'une Lettre de Don
Louis de Salazar , Commandeur de l'Or
dre de Calatrava , Conseiller du Conseil
Royal des Ordres , et premier Historio
graphe de Castille et des Indes . Cette
Lettre écrite à notre Auteur le 11. Août
1726. est un Eloge raisonné de son Théa
tre critique ; on peut dire que le suffrage
de ce Seigneur en a entraîné quantité
d'autres , et qu'il n'avoit paru depuis
long- temps de Livre en Espagne plus ge
neralement estimé. D'un autre côté le
R. P. Jean de Champverd , de la Com
pagnie de Jesus , Docteur et Professeur
en Théologie de l'Université d'Alcala ,
Théologien du Roi , et Examinateur Sy
nodal de l'Archevêché de Tolede , pa
roît si content de cet Ouvrage , qu'il nous
assure dans son Approbation , que son
Auteur devoit être appellé le Maître Ge
neral de tous les Arts et des Sciences.
Ce premier Volume de 400. pages
I. Vol. contient
1244 MERCURE DE FRANCE
contient seize Discours divisez chacun en
plusieurs Paragraphes ou Articles . Le
1. Discours est intitulé la Voix du Peuple.
Le II. la Vertu et le Vice. Le III . L'ob
scurité et la haute fortune. IV. La plus
fine Politique. V. La Medecine. VI. Ré
gime pour la conservation de la santé.
VII. La Deffense de la Profession Litte
raire. VIII. L'Astrologie Judiciaire et les
Almanachs. IX. Les Eclipses. X. Les Co
metes. XI. Les Années Climateriques .
XII. La Vieillesse du Monde. XIII . Con
tre les Philosophes modernes . XIV. La
Musique des Eglises . XV. Parallele des
Langues. XVI . Apologie des femmes.
Toutes ces Dissertations fournissent une
lecture agréable et variée , elles sont bien
écrites , et instruisent de beaucoup de
choses. Les Medecins ne sont pas bien
traitez dans la V. s'ils s'avisent de mar
quer à notre Auteur quelque ressenti
ment , les Femmes , et sur tout les Fem
mes sçavantes et vertueuses , seront obli
gées , par reconnoissance , de prendre sa
deffense ; car rien n'est plus recherché
plus obligeant , plus étendu dans le I.Vo
lume , que la XVI. et derniere Disserta
tion , qui est toute employée à la deffense
du beau Sexe. Vous en jugerez si je puis
un jour vous en procurer la lecture .
I. Vol
Passons
JUIN. 1731.
1245
S
1
e.
Passons cependant au second Volume.
T.II. seconde Edition M. DCC . XXX .
Ce volume , comme le précedent, est orné
d'une Dedicace , addressée à un autre
Mecéne , et munie d'Approbations ma
gnifiques. La plus étendue et la plus fla
teuse , est sans doute celle du R. P. Este
van de la Torre , Professeur géneral des
Benedictins d'Espagne , Abbé de S. Vin
cent d'Oviedo , Professeur en Théologie ,
et de l'Ecriture Sainte en l'Université de
la même Ville , lequel paroît si prévenu
du merite de cet ouvrage , et de la haute
capacité de son Autheur , qu'il ne fait
point de difficulté de lui appliquer ce que
le Sçavant P. Mabillon a dit de l'ouvrage
de S. Bernard , de Consideratione , addressé
au Pape Eugene. Hac sane fuit Bernardi
dexteritas , ut , quam primum ejus Libri de
Consideratione in publicum prodiere , eos
certatim exquisierunt , lectitarunt , amave
runt universi. L'Approbateur ne doutant
point qu'il n'arrive la même chose à l'égard
de ce second volume , n'oublie pas dans
cette occasion d'appliquer aussi à nôtre
Autheur ce passage connu de l'Ecriture .
Faciendi plures Libros nullus eft finis.
Ecclesiast. C. 12.v. 12. C'est , dit- il , sui
vre à la lettre le conseil du Sage , on ne
doit , pour ainsi dire , point finir quand
1. Vol. on
1246 MERCURE DE FRANCE
on écrit des livres qui enseignent à dé
tromper les hommes de leurs erreurs , et
à établir des veritez . Enfin le R. P. Joseph
Navajas, Trinitaire, Professeur en Théo
logie , et Examinateur de l'Archevêché
de Toléde , en donnant aussi son attache
et ces éloges à ce livre , ne craint pas de
rien exagerer en le nommant une Biblio
theque entiere.
Hic liber est , Lector , librorum magna sup→
pellex.
Et non exigua Bibliotheca , lege.
Les Dissertations contenues dans ce
second Tome de plus de 400. pages , sont
précedées d'une assés courte Preface , la
quelle a deux principaux Objets : le pre
mier de remercier le public du favorable
accueil qu'il a fait au premier volume ,
le second de parler de quelques envieux ,
qui ont publié des écrits peu mésurés
contre ce livre. Chose inévitable et arri
vée dans tous les temps , à l'égard même
des Autheurs du premier merite. Sur
quoy le P. Feijoo nous parle des disgra
ces qu'eurent à essuyer en France deux cé
lebres Académiciens , sçavoir Pierre Cor
neille et Jean -Louis de Balzac , que les
suffrages du public dédomagerent ample
I. Vol. ment
JUIN. 1731 1247
ment, sur tout , dit- il , le grand Corneille,
qui ne succomba point sous le poids du
credit d'un fameux Ministre , et de la
censure de l'Academie el formidable Cuer
po
de la Academia Francesa , non pas , ajoû
te-t'il, qu'il veuille se comparer à ces deux
grands Genies , mais rappellant seulement
ce fameux exemple,à cause de la parité de
situation où la Fortune le met aujour
d'hui . Il se justifie ensuite sur le titre de
son Ouvrage,où il ne trouve rien de cette
présomption que ses Adversaires luy ont
reprochée. Il a jugé à propos , nous dit-il ,
enfin , par le conseil de personnes sages ,
de publier à la fin de ce second Tome
les deux réponses Apologetiques qu'on y
trouvera. Celle qui regarde le Docteur
Ros est en latin , parceque ce Docteur l'a
attaqué en la même Langue . Il a aussi fait
imprimer la lettre Apologetique du Doc
teur Martinez , crainte, dit il , que ce trait
précieux de sa plume ne soit enseveli dans
l'oubli , tout ce que ce sage et éloquent
Autheur écrit étant digne de l'immorta
lité ; c'est ainsi que nôtre autheur parle
de son Adversaire . A l'égard de la criti
que du Docteur Ros , elle étoit trop lon
gue pour l'imprimer pareillement à la
fin de ce second volume.
>
Les Dissertations qui le composent sont
4. Vol.
au
1248 MERCURE DE FRANCE
au nombre de quinze , dont je me con
tenterai de vous rapporter les titres. I.
Les Guerres Philosophiques . II . L'Histoi
re Naturelle. III. L'Art Divinatoire.
I V. Les Propheties supposées. V. L'Usage
de la Magie . VI. Les modes. VII. La
Vieillesse Morale du Genre Humain .
VIII. La Science Aparente et Superfi
ciele. IX. L'Antipathie entre les Fran
çois et les Espagnols. X. Les Jours Cri
tiques. XI. Le Poids de l'Air. XII . La
Sphere du Feu. XIII. L'Antiperistase .
XIV. Paradoxes Phisiques . XV. Table
contenant la comparaison des Nations..
Ces quinze Discours sont suivis de trois
morceaux de Critique anoncés dans la
Préface, qui ont été composez dépuis l'im
pression du premier volume , lequel en a été
l'occasion.Le premier est intituléCarta De
fensiva & c. ou , Lettre Apologetique de
Don Martin Martinez Docteur en Mede
cine , Medecin de la Maison du Roy, Pro
fesseur d'Anatomie , et actuellement Presi
dent de la Societé Royale des Sciences de
Seville & c.Sur le premier Tome du Thea
tre critique universel du R. P. Feijoo . Il y a
de trés bonnes choses dans cette Lettre ,
elle donne our ainsi dire , un nouveau
lustre au Theatre critique , sur lequel l'Au
theur avoit prié le Medecin de lui mar
I.Vol.
quer
JUIN. 1731. 1249
quer ses sentimens. Il s'en acquitte en
parcourant toutes les dissertations , et en
discourant sommairement sur chacune.
Il paroît que ce Docteur a réservé toute
son érudition , et toute sa critique , à
l'égard de celle qui regarde la Medecine.
Le P. Feijoo a dû s'y attendre aprés tout
ce qu'il a dit de cette science dans sa V.
Dissert. du premier vol. M. Martinez fait
non seulement l'Apologie de la Medeci
ne et des Medecins , mais l'Eloge de cette
Science , et de ceux qui l'ont professée
dans tous les temps ; sur quoy ce Doc
teur nous étale une grande lecture et des
Recherches singulieres. Je vais en éfleurer
quelques -unes. Les Egyptiens , dit il
faisoient des Medecins leurs Prêtres , et
des Prêtres leurs Rois , sur quoy les an
ciens Historiens nous ont conservé cette
formule. Medicus non es ; nolo te constitue
re Regem. Giges et Sapor Rois des Medes
ont été Medecins , sans parler des Prin
ces qui l'ont pareillement été parmi les
Perses , les Arabes , les Syriens & c . La lis
te de ces Rois ou Princes Medecins , est
longue chez nôtre Docteur , et on est tout
étonné d'y trouver des Sujets d'un grand
nom , mais peu connus de côté la ; par
exemple , Hercule , Alexandre le Grand ,
l'Empereur Hadrien &c. Vous jugez bien ,
I. Vol.
Monsieur
1250 MERCURE DE FRANCE
Monsieur que le Pere de la Medecine
Grecque , le Prince , et le Chef de tous'
les Medecins qui sont venus depuis , je
veux dire, Hippocrate , n'est pas oublié;
il finit par lui sa liste et ses éloges , en re
marquant que les Grecs rendirent à ce
grand Homme des honneurs divins , et les
mêmes qu'ils rendoient à Hercule. M.
Martinez pouvoit ajoûter qu'on frappa
aussi pour lui des Medailles ; vous avez
vû . Monsieur , chez
chez moy la
gravure
d'une de ces Medailles où l'on voit d'un
côté la tête d'Hippocrate et autour IП...
TOY et sur le Revers le fameux Baton
d'Esculape entouré d'un Serpent avec ce
mot KION , pour signifier que la
Medaille a été frappée par les habitans de
l'Isle de Cos , Patrie d'Hippocrate , sur
quoy je vous entretiendrai un jour plus
précisement dans un autre Ecrit .
,
Les Medecins chrétiens d'un rang il
lustre , sont joints à ceux du Paganisme.
L'Auteur prend les choses de bien haut ,
il trouve dans des temps posterieurs des
Papes , des Cardinaux , des Prelats Me
decins ; je vous renvoye là dessus au livre
même.
Le second morceau de critique est la Ré
ponse du P. Feijoo à la lettre dont je viens
de vous donner une idée du Docteur
I. Vol. Martinez
JUIN. 1731.
7251
Martinez. Cette Réponse est sage et ac
compagnée de tous les égards , et de tous
les ménagemens qui ne se rencontrent
guéres ordinairement entre des Sçavans
qui écrivent l'un contre l'autre , pour
soutenir des opinions differentes . L'habi
le et poli Benedictin avoue même obli
geamment à son Antagoniste , qu'il ne
fait aucun doute que dans cette contesta
tion litteraire ils ne soient au fond tous
deux de même sentiment ; car , dit- il ,
vous ne disconvenez point que la Mede
cine ne soit accompagnée d'incertitude ,
et moi je n'ay jamais nié positivement
l'utilité de cette Science. Quoique la
Réponse dont il s'agit icy soit addressée
au Docteur Martinez même , elle est pré
cedée d'une Epitre Dedicatoire à l'Illus
triss. Don Fr. Joseph Garcia , Evêque de
Siguenza , pour le remercier de l'accueil
favorable qu'il a fait au premier vol . du
Theatre Critique, et pour le prier de pro
teger également et l'ouvrage et l'Autheur.
Je ne vous dirai rien de la derniere
Piece , parce qu'elle roule a peu prés sur
le même sujet , et que je suis bien aise
que vous en jugiez un jour par vous mê
me ; je me prépare cependant à vous ren
dre compte de la suite de cet Ouvrage
et je suis toujours. & c.
A Paris ce 19. Fevrier 1731 .
I. Vol. с L'AIGLON
1252 MERCURE DE FRANCE
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
L'AIGLON ET LE GEAY.
FABLE.
Presentée à Monseigneur le Comte de Cler
mont , par M. de Castera , au sujet du
Livre intitulé le Théatre des Passions et
de la Fortune , que l'Autheur a dedié à
Son Altesse Serenissime.
D Ans un agréable Bocage .
Brilloit un Aiglon glorieux ,
Affable , doux , de beau plumage.
Et qui portoit dans l'éclat de ses yeux
L'infaillible Présage
D'une ame noble et d'un coeur généreux ;
Dés le moment de sa naissance
Hebé , les Graces , et l'Amour ,
Auprés de lui fixerent leur séjour ,
Pour prendre soin de son enfance ;
Jamais les accents douloureux ,
D'un Oyseau triste et malheureux ,
A son oreille en vain ne se firent entendre :
Exempt du chimerique orgueil ,
Qui des grands aveuglés est l'ordinaire écueil ;
De son rang il sçavoit descendre ;
Il sçavoit asservir son coeur ,
Aux Loix d'une amitié tendre et pleine d'ardeurs
1
1. Vol.
Rossignols ,
JUIN.
1253 1731.
Rossignols , Serins et Fauvettes ,
Eternisoient la gloire de leur nom ;
En consacrant à cet illustre Aiglon,
Leurs Refrains et leur's Chansonnettes
Parmi les aimables accents ,
་ ་
Dont ces Chantres Divins varioient leurMusique,'
Un Geay d'humeur simple et rustique ,
Ösa mêler ces fredons glapissants :
Son jargon étoit rude ,
Mais il parloit avec naïveté.
Dire toujours la verité ,
C'étoit et sa Devise et son unique étude.
On lui cria quelle témérité
Enfle aujourd'hui ta voix sans methode et sans
grace ?
Entre les Hôtes du Parnasse.
Apollon ne t'a point compté :
Je sçais bien,repond- t'il, que ma voix est grossiere,
Mais aussi je connois la générosité ,
Qui de l'Auguste Aiglon forme le caractére ,
Mon hommage est juste et sincere ,
Il ne sera point rebuté ;
L'Offrande d'un berger qui vit dans l'innocence ;
Touche le coeur des Immortels ;
Souvent plus de Magnificence
Attire leur mépris , et ternit leurs Autels ;
D'ailleurs , si pour louer cet Aiglon magnanime ?
Il faut àson merite égaler notre voix ,
I. Vol
Les
Cij
1254 MERCURE DE FRANCE
Les plus sçavants Hôtes des bois
N'ont pû l'entreprendre sans crime,
Seigneur , cette allusion ,
Exempte de tout nuage ,
Sous le Portrait de l'Aiglon ,
Dépeint icy vôtre image.
tel que le Geay sans étude et sans fard,
J'ose vous consacrer
mes veilles
¿
D'autres
pourront
avec plus d'Art
Prendre un style pompeux pour charmer vos
oreilles ;
Pour moy
Ecrire poliment surpasse mon pouvoir ,
Je dis ce que je pense , et c'est tout mon sçavoir,
Itth
EXT AIT d'une Lettre de M. Miget ;
ancien Avocat du Roy à Pontarlier en
Franche- Comté , le 15. May , contenant
un Fait singulier et un Avis aux Gens
1
de Lettres.
A
Ggréez , Monsieur , que je vous en
voye la longueur et la grosseur (a)
d'une pointe de lame d'épée en carrelet ,
(a) Ce tronçon de l
mi de longueur , et
sposé à la pointe. 7
-is pouces et de
**ge du côté
I. Vol.
qui
JUI N. 1731
1255
qui est restée dant la tête d'un de nos
Bourgeois , dépuis la S. Martin derniere
jusqu'au 4. de May, sans en ressentir au
cune incommodité. Dans une querelle
qu'il eût à Besançon , on luy porta un
coup qu'il tâcha de parer avec le bras :
mais ce ne fut que pour le recevoir dans
le côté gauche du nez , entre l'os et le car
tilage , entre lesquels l'épée se rompit ,
sans pouvoir deviner pour lors ce que cet
te pointe étoit devenuë. Si cet évenement
qui a paru trés singulier , merite l'atten
tion des Curieux , je vous enverray un.
détail bien circonstancié de cet accident ;
et si dans la suite vous le trouvés bon
je vous informeray de tout ce qui arri
vera d'extraordinaire dans ces montagnes,
et dans le pays voisin .
Je viens d'apprendre , qu'à une journée
de cette Ville , on parle d'un Evênement
aussi incroyable , et pour le moins aussi
curieux que l'Akousmate dont vous avez
fait mention ; si la relation que j'en de
mande à gens dignes de foy se trouve
conforme à tout ce qu'on m'en a conté
je ne manquerai pas de vous la commu
niquer.
>
J'ajoute , avant que de finir , que j'ay
vingt volumes en petit in folio , ou en
grand in 4° . partie manuscrits , et partie
1. Vol.
Ciij imprimés,
1256 MERCURE DE FRANCE
imprimés , des ouvrages d'un de mes On
cles , Chanoine du Chapitre de la Metro
politaine de Bezançon , qui , en qualité
d'Avocat des Saints , travailloit en son
tems à Rome avec le fameux Pierre de
Rossi , Fiscal de la Rote , connu sous le
nom de Petrus de Rubeis. La plupart de
ces Pieces n'ont jamais vû le jour; et com
me je présume que vôtre travail ne peut
Vous dispenser de quelque liaison avec
les personnes d'érudition , et les princi
paux Libraires , j'ai cru que vous ne
désaprouverez pas que je m'addresse à vous
pour leur faire entendre que je suis dans
le dessein de m'en defaire , pour les rem
placer par d'autres livres de mon goût
et au cas que quelqu'un ait la pensée d'en
connoître le sujet et les matieres . je vous
serai trés obligé de vouloir bien donner
mon adresse ; et lorsqu'on le desirera , je
donnerai les éclaircissemens nécessaires »
par un extrait du contenu en chacun de
ces volumes..
******
997
I. Vol. LA
JUIN. 1731. 1257
***
LA GOUTE VAINCUE.
A M. Le Chevalier D. L. Poëte , qui a
étégueri par le remede que M. Blomer,
Apotiquaire du Roy distribuë sous le nom
de Teinture solaire.
Enfin , cher Licidas , au lieu des tristes plain
tes ,
Que t'arrachoient les cruelles atteintes
Du mal dont tu fus tourmenté ,
Tu dois pousser des cris de joye ,
Puis qu'aux vives douleursdont tu devins la proye,.
Succede l'aimable santé.
A la gloire du Dieu qui finit ton martyre ,
Tu peux présentement faire parler ta Lyre
Avec le même art qu'autrefois ,
Et sur elle montrer l'adresse de tes doigts :
A leurs douloureuses jointures
On ne voit plus d'afreux nodus ,
Et le plâtre brulant qui causoit leurs enflures ,
Cesse de les rendre perclus.
Hâte-toi , Licidas , d'entendre ,
Comment ce prodige s'est fait ;
1. Vol.
C iiij. De
1258 MERCURE DE FRANCE
De moi seul tu le peux apprendre ;
Aucun autre mortel n'en a sçû le secret.
Ennuyé de ton long supplice ,
Que ma tendre amitié me faisoit partager
Et qu'elle n'avoit pû jusqu'alors soulager ,
Je suivis un soudain caprice
Qui m'entraîna vers Apollon.
Il s'amusoit dans le sacré Vallon
A répéter quelque chanson nouvelle .
Pardonnez , lui dis - je , Seigneur
Si , plein d'une juste douleur ,
Un de vos Sujets vous querelle ;
Je vois que de la bagatelle
Vous vous occupez dans ces lieux ,
Tandis qu'un monstre furieux
Dans l'Univers vous deshonore ,
Et même en cet instant dévore
Licidas , qui par vos leçons ,
Est devenu fameux entre vos nourrissons,
A quoy sert que la Medecine
Vous prenne pour son Protecteur ,
Et raporte son origine
A vôtre science divine ,
Si ce monstre en détruit l'honneur ?
Pour tout dire en un mot , la Goute a l'insolence
De braver des Docteurs la plus forte ordonnance,
"
I. Vol. Ez
JUIN. 1731. 1259
Et de leur Arsenal elle eut dans tous les tems ,
Le secret d'éluder les traits les plus puissants.
C'est à vous d'y penser . Vôtre ancienne Victoire
Sur le Serpent Python qui tomba sous vos coups.
Ne vous acquit point tant de gloire
Que la Goute vaincuë en répandroit sur vous.
Le Dieu sur cet avis sincére ,
Rougit de honte et frémit de colere..
C'en est fait , répond-il , nous en viendrons à
bout ;
Et comme les Dieux presque en tout ,
Veulent bien des humains employer l'entremise
Un Artiste prudent , adroit , laborieux ,
Va par mon ordre et sous mes yeux
Finir cette grande entreprise ::
Son zéle pour son Roy , son amour pour léss
Dieux ,
Méritent qu'à ses soins la chose soit commise..
Ouy,
Blomet va faire un remede nouveau >
Par qui l'on se verra delivré d'un fleau
Trop cruel et trop ordinaire ;
Et pour qu'on ne puisse ignorer
Qu'on tient de ma faveur un don si salutaire
J'ai résolu de l'honorer
Du nom de Teinture solaire..
I. Vol.
C v L'e
1260 MERCURE DE FRANCE
Le dessein d'Apollon se trouve éxécuté ;
C'est à luy , Licidas , que tu dois ta santé.
Par M. M.
On croit faire plaifir au Public , de l'avertir
en Prose et sans fiction,que le remede de M. Blo
met Apoticaire , demeurant à Paris , ruë du Tem
ple , est si facile , qu'il ne s'agit que de mouiller
dans sa teinture un morceau de futaine que l'on
appliqué sur les articles attaquez de la Goute. On
assure que cela dissout l'humeur plâtreuse , et la
dissipe , ensorte qu'on en reçoit un prompt sou
lagement , et que jamais le mal ne remonte.
Le même Apoticaire possede une pommade qui
guérit les Hemoroïdes tant internes qu'externes.
On trouve aussi chez lui l'Eau d'Egypte , qui
a la vertu de brunir ou noircir les cheveux les plus
roux.
***************
RACOMMODEMENT ,
O D E.
REbuté des mépris de la jeune Glicere ;
Je crus braver l'Amour en son flambeau fatal ,
Fabjurai son Carquois , je blasphemai sa mere
Mais que je me connoissois mal ! .
Helas ! en revoyant cette Belle inhumaine ,
1. Vola Me
JU iv . 1.6.1
1731.
Mes séns se sont émus , mon coeur a soupiré ,
Je ne sçai quoi m'a dit de rentrer dans sa chaîne,
Et dans l'instant j'y suis rentré.
Elle auroit effacé la Reine de Cithere ,
Son teint sembloit mêlé de Roses & de Lis ,
Je vis ses yeux briller d'une tendre colere
Et les miens en furent surpris.
"
Pour ne point m'attendrir aux traits de l'Infidelle
Je crus qu'il suffisoit d'opposer sa rigueur ,
Je cherchois le moyen de la trouver moins belle ,
Mais je n'y pus forcer mon coeur.
M
Je voulois me cacher l'excès de ma foiblesse
Je me dissimulois mes lâches sentimens ;
Je croïois mépriser mon ingrate Maîtresse ,
Et je trouvois ses traits charmans.
Sh
Tel que sur le penchant d'une Roche glissante
Malgré de vains efforts on se laisse tomber ,
Je ne pus résister , mon ame chancelante ,
Trouva plaisir à succomber.
Quand je ne la vois pas , je ressens mille allarmes
I. Vol. C vj
Har
J'en
1262 MERCURE DE FRANCE
J'en parle à chaque instant ; je la cherche en tous
lieux ,
Hors de la contempler ou penser à ses charmes ,
Tout le reste m'eſt ennuyeux.
'Amour , dont j'ai suivi les Loix sans resistance ,
Au milieu de son coeur daigne allumer tes feux ;
Si par un prompt retour on fléchit la vengeance ,
Dois- je encore être malheureux ?
L. C. D. N. D. M. O. au R, D. L. M. J.
***:************
LETTRE de M. D. L. R. écrite à M.
Boyer , Docteur en Medecine de la Facul
té de Montpellier , & Docteur- Regent en
celle de Paris , au sujet d'une Medaille
Latine de la Ville de Troade , & du
ne Médaille Grecque des Dardaniens .
E n'est pas Monsieur , d'avoir
Creçu avec reconnoissance les onze
Médailles antiques , qu'il vous a plû de
me donner ces jours passés , que vous
avez rapportées de vos Voyages du Le
vant , et qui ont été trouvées aux envi
rons desDardanelles et des ruines de Troye ,
c'est- à-dire , sur les lieux du Monde les
I. Vol. plus
JUIN . 17317 r263
plus fameux dans l'Antiquité Grecque et
Romaine . La même reconnoissance m'en
gage de tenir ma parole , et de vous
marquer ce que ces Médailles peuvent
avoir de singulier , n'ayant pû , comme
vous sçavez , les examiner sur le champ .
Permettez moi d'en mettre d'abord neuf
au nombre de celles qui ne feront jamais
suer les Antiquaires , et qu'on trouve as
sez communément . En revanche , il y en
a deux qui me paroissent meriter une con
sideration particuliere , elles feront aussi
tout le sujet de cette Lettre .
La premiere est de moyen bronze , fort
nette , et bien conservée . On y voit d'un
côté une tête de femme couronnée , ou
coëffée de Tours ; comme vous savez que
•
les Anciens symbolisoient les principales
Villes avec une Enseigne Militaire derrie→
re; cette Legende est autour de la Tête CO .
ALEX TR , et encore ces deux Let
tres dans l'Enseigne Militaire CO. Sur
le revers est représentée la Louve avec les
deux Jumeaux , Fondateurs de Rome : on
lit au dessus COL AVG. et dans l'E
xergue T RO A. C'est -à -dire , d'un côté
Colonia Alexandrina Troadis , & de l'au
tre , Colonia Augusta Troadis ; avec la ré
petition du mot Colonia dans l'Enseigne
Militaire. Ainsi , M. je ne fais nul doute
I. Vol. que
1264 MERCURE
DE
FRANCE
que cette Médaille n'apartienne , et n'aig
été frapée à Troade , Ville de Phrygie ,
devenue dans la suite Colonie Romaine ;
mais cela ne suffit pas , il faut vous faire
connoitre cette Ville plus particuliere
ment , expliquer par-là notre Medaille,
et vous en faire connoître la singularité.
Troade étoit située sur les bords de
l'Hellespont dans cette Partie de la Phry
gie qui portoit aussi le nom de Troade ,
et selon le sentiment de plusieurs , elle de
voit son origine et sa fondation à la fa
meuse Troye , qui n'étoit éloignée du ter
rain occupé par cette nouvelle Ville , que
d'environ cinq ou six lieuës . Alexandre
le Grand , ajoûte- t-on , après avoir visité
les restes de l'ancienne Troye , et déploré
ses malheurs , fit bâtir une ville de ses
ruines , et pour mieux conserver la mé
moire de Troye , il donna le nom de
Troade a cette nouvelle Ville , qui porta
aussi le nom d'Alexandrie , à cause de son
Fondateur et du Restaurateur de Troye..
Dans la suite des tems , les Romains
ayant conquis la Grece , et cette partie de
l'Asie qui en dépendoit , la Ville de
Troade fut chez eux d'une grande consi
deration , et devint Colonie Romaine dès
le tems d'Auguste : d'autres Empereurs la
favoriserent en plusieurs manieres , et la
1.Vol.
dis
JUIN. 1731.
1265
distinguerent beaucoup par des Embelis
semens , des Privileges , &c. c'est pour
conserver la memoire de ces faveurs , et
pour marquer sa reconnoissance
que
Troade , à l'imitation des autres fameu
ses Villes , fit fraper plusieurs Médailles ,
dont quelques- unes se voyent encore dans
les Cabinets des Curieux , et sont rapor
tées dans les Ouvrages des Antiquaires.
M. Vaillant , qui en a composé un ex
près sur les Medailles des Colonies , a fait
graver les plus curieuses de celles de Troa
de qui étoient venuës à sa connoissance
lesquelles ont été frapées dans cette Ville
en l'honneur de plusieurs Empereurs et
Imperatrices depuis Trajan jusqu'à Gallus.
Ces Médailles ont d'un côtê la tête de
PEmpereur couronnée de laurier , ou de
l'Imperatrice , en l'honneur de qui elles
ont été frapées , avec la legende qui con
vient. Les Revers sont presque tous dif
ferens , et contiennent des symboles , qui
ont rapport à l'Histoire ancienne , et aux
motifs que ceux de Troade avoient en
fabriquant ces Monumens , ainsi que nous
le remarquerons dans la suite.Les légendes:
des Revers sont pareillement differentes ::
les unes ne contiennent que ces deux mots,,
Col. Troad , les autres Col. Aug. Troc ..
quelques unes Col. Alex. Aug. et dans l'E
.
د و
1. Vol.
xergue
1266 MERCURE DE FRANCE
xergue Tro. d'autres Col. Alexand. Aug. II
s'en trouve enfin qui portent ces mots Col.
Aur. Antoniana Alex. J'ajoûte que ces Me
dailles sont de moyen ou de petit bronze,
et que le sçavant Antiquaire qui les ra
porte , assure qu'elles sont presque tou
tes rares et quelques-unes d'une trés
grande rareté , et d'une consideration sin
guliere.
>
Si cela est , comme il y a lieu de le croi
re , j'ose vous assurer , Monsieur , que
notre Medaille de Troade surpasse toutes
celles dont nous venons de parler par sa
singularité et je crois que vous allez
en convenir. Elle n'a point été frapée pour
un Empereur, c'est une Medaille de Ville,
comme nous en voyons plusieurs de ces
Villes fameuses , qui ont fait une grande
figure dans l'Antiquité , lesquelles portent
d'un côté le Type de la Ville sous la figure
d'une Femme , ou d'une Déesse , comme
celles d'Athenes de Marseille , d'An
tioche, de Smyrne , & c. et sur le Revers ,
les symboles qui leur sont propres.
2
Comme Troade tiroit sa principale
gloire d'être Colonie Romaine , et qu'elle
vouloit plaire à ses Maîtres en faisant va
loir cette circonstance , on voit sur notre
Medaille une chose qui n'est pas ordinaí
re , sçavoir , non-seulement le nom de la
,
I. Vol.
Ville
,
ALEXTR
JUIN. 1731 . 1257
-
Ville , gravé sur les deux côtez , mais ce
qui est encore plus rare , le Titre de Co
lonie répété jusqu'à trois fois dans cette
même Médaille. Je sçai qu'il y a quel
ques exemples de Médailles Grecques ,
dont le nom de la Ville qui les a faites
fraper , se trouve sur les deux côtés ; mais
àPégard de la répetition du Titre de Colo
nie , je n'ai encore rien vû de semblable.
Au reste , Monsieur , je ne prétends
pas vous insinuer par ce que je viens de
vous dire ,, que les Médailles de la Ville de
Troade , comme Médailles de Villé , soient
plus rares que les Médailles Imperiales
de la même Ville , qui le sont déja as
sez , et par-là faire valoir plus que de rai
son notre découverte , qui sans cela
aura toûjours son mérite et sa singularité.
Il est cependant vrai , que dans Goltzius ,
dans Patin et dans le P. Hardouin , on
ne trouve la Médaille de Troade , que
comme frappée en l'honneur de quelque
Empereur ou Imperatrice ; mais comme il
se fait tous les jours de nouvelles décou
vertes , je trouve une Médaille de la qua
lité de la nôtre , quoiqu'elle n'ait ni les
mêmes symboles au Revers , ni les mêmes
Legendes , rapportée dans le bel Ouvrage
du Tresor de Brandebourg , composé par
Beger , T. I. p . 491. et j'aprens que M.
>
I. Vol. Le
1268 MERCURE DE FRANCE
Lebret , Conseiller d'Etat , Premier Pré
sident du Parlement d'Aix , Intendant de
Justice et du Commerce en Provence
possede dans son riche Cabinet quelques
Medailles de Troade , de la qualité de
celle dont il s'agit ici .
La Médaille du Tresor de Brandebourg
a d'un côté le Type de la Ville de Troade,
tout-à fait semblable à celui qui paroît sur
la nôtre , c'est- à - dire, une Tête de femme,
couronnée de Tours , et une Enseigne Mi
litaire derriere , avec ces Lettres autour.
ALEX TRO. l'Enseigne Militaire
ne porte aucunes Lettres. Le Revers est
tout-à- fait different. On y voit un Che
val qui paît , et cette Legende autour :
COL. AVG O , et dans l'ExergueTROĄ.
Si vous me demandez ce qu'il faut enten
dre par la Lettre O , qui suit après COL
AVG sur cette Medaille et sur quel
ques - unes semblables du Cabinet de
M. Lebret , je vous répondrai que c'est
un mistere qui a été jusqu'à present
impénétrable à tous les Antiquaires , et .
sur lequel on ne peut que hazarder des
conjectures.
→
Mais revenons à notre propre Medaille,
sur laquelle il y a encore deux observa
tions à faire. Commençons par le sym
bole de la Louve , et des deux Jumeaux
I.Vol. qui
JUIN. 1731. 1269
qui paroît sur son Revers . Rien ne con
vient mieux que ce symbole à une Me
daille de la Ville de Troade , qui , cor
sidérée seulement comme Colonie Ro
maine , devoit l'employer. Rien en effet de
plus jufte , & de plus flateur pour ses Maî
tres ,que de désigner ainsi la Ville de Rome
par le Type de sa fondation : mais le sym
bole paroit encore plus convenable , & plus
heureusement appliqué , s'il étoit vrai que
Troade ait été bâtie des débris de l'ancien
neTroye, et qu'elle représentoit en quelque
façon cette fameuse Ville , qui par Enée
Troyen, et par Remus et Romulus ses des
cendans , a , felon l'Histoire ancienne ,
donné naissance à la Ville de Rome , et au
Peuple Romain.
L'autre observation tombe sur la Legen
de de laTête CO ALEX TR.c'est- à- dire,
Colonia AlexandrinaTroadensis, ou Colonia
Alexandria Troadis . Il s'agit de sçavoir la
veritable raison de cette dénomination ..
Tous les Antiquaires qui ont parlé des Mé
dailles de Troade avec le titre ou le nom
d'Alexandriene, car toutes ne le portent pas,
comme nous le remarquerons en son lieu .
Tous les Antiquaires , dis-je , n'hésitent
point d'attribuer la fondation de la Ville:
de Troade à Alexandre le Grand.
M. Vaillant s'en explique dans ce sens .
I. Vol . même
1270 MERCURE DE FRANCE
même sur une Médaille de cette Ville
>
›
qui ne porte point le titre d'Alexan
drienne Troas urbs Phrygia minoris ab
Alexandro Magno , unde Troas Alexandri
seu Alexandria ut pluribus narrat Q
Curtius. Ce sont ces paroles ; cependant ,
le croiriez - vous Monsieur Quinte
Curce , si précisément cité , ne dit rien
là -deffus dans son Histoire. Il est seule
ment vrai que dans les Suplemens de cet
Hiftorien , Edition d'Elzevir 1664. il est
dit qu'Alexandre est venu deux fois à l'an
cienne Troye , que l'Auteur Latin ap
pelle aussi Ilium , qu'il y a visité le tom
beau d'Achille dont il se disoit issu du côté
de sa Mere , qu'il y a fait des Sacrifices , et
d'autres Ceremonies , qui sont décrites
dans le même Livre ; mais on n'y trouve
point , que ce Conquerant ait fait bâtir de
Ville dans ce Païs.
Le même M. Vaillant , prévenu sans
doute sur cette opinion , en expliquanr
dans ses Colonies,T.II. une autreMédaille
de Troade , frapée pour l'Empereur Ale
xandre Severe , avec le Titre d'Alexandri
ne,allegue encore le témoignage deQuinte
Curce , qu'il joint à celui de Strabon.sur
le même fait , Alexandria , dit - il . appet
* Medaille d'Antonin Pie , expliquée dans le
IT det Colonies de Vaillant.
1. Vol.
tationem
JUIN. 1731. 1271
lationem habet, vel ab Alexandro Magno, à
quo ex Troja ruderibus extructa est , Strabo
ne et Q. Curtio testibus , vel ab Alexandro
Severo , &c.
Nous venons de voir que la Citation
de Quinte - Curce est ici tout-à- fait gra
tuite ; celle de Strabon n'est gueres mieux
fondée ; mais elle demandera quelque exa
men , aussi - bien que ces dernieres paroles
de M. Vaillant , vel ab Alexandro Severo,
K
c. Je vous dirai cependant , que dans
Plutarque , dans Arrien , dans Êlien , et
dans les autres Auteurs qui ont parlé d'A
lexandre , je ne trouve rien qui favorise
Popinion et la citation de M. Vaillant.
Strabon a écrit
Voyons d'abord ce que
sur cette Ville : je trouve dans le second
Livre de ce celebre Auteur , la Ville dont
nous parlons , placée , comme on l'a déja
vû , dans la Phrygie , et située sur la Côte
de l'Hellespont. Dans ce même Livre , il
est aussi parlé d'une Ville d'Alexandrie
du Pays de Troade .
Strabon , en revenant dans son XIII.Li
vre à la Côte de l'Hellespont et de la
Propontide , dit expressément que Troade
est la premiere des Villes de cette Côte , il
ajoûte que sa réputation est celebre , et
que toute désolée et toute deserte qu'on la
voyoit alors , elle fourniroit la matiere
1
1
1
1
1
I
1
1
4
1
I
1
1
I
d'un ample discours.
1
1272 MERCURE DE FRANCE
En continuant la Description de l'Hel
lespont , après avoir nommé Ilium et Te
nedos , il nomme tout de suite Alexandrie
Troade , Villes , ajoûte-t'il , au- dessus des
quelles s'éleve le Mont Ida ...
Dans la suite il parle de la Ville qui
subsistoit de son tems sous le nom d'I
lium > et rapporte ce qu'on en disoit ,
sçavoir , qu'Alexandre le Grand l'ayant
visitée , après le combat du Granique ,
lui fit de grandes liberalitez , qu'il lui
donna son nom , et ordonna à ses Lieu
tenans de la réparer , ajoûtant qu'il l'a
mit au nombre des Villes libres, et qui ne
payoient aucun tribut. Enfin que ce Con
querant,après avoir vaincu les Perses, écri
vit à ces mêmes Lieutenans une Lettre
très-obligeante en faveur d'Ilium , pro
mettant d'en faire une grande Ville , d'y
bâtir un Temple superbe , et d'y établir
des Combats et es Jeux sacrez .
Après la mort d'Alexandre , c'est toû
jours Strabon qui parle , Lysimachus prit
un soin particulier de cette Ville , il y
bâtit un Temple , lui fit faire une grande
enceinte de murailles , et ordonna que
les Habitans des Villes voisines ruinées
s'y retireroient. Dans ce même tems
Lysimachus prit aussi soin de rétablir
Alexandrie , Ville qu'Antigonus avoit
1. Vol. bâtie
JUIN.
1731. 1273
bâtie au même Pays , laquelle fut d'abord
appellée Antigone , et qui changea ce
nom en celui d'Alexandrie ; cette Ville a
duré long- tems et a beaucoup prosperé.
C'est même encore aujourd'hui , dit Stra
bon , une Colonie Romaine , une Ville
enfin du nombre de celles qu'on appelle
Villes Nobles.
L'Auteur Grec revient à Ilium , pour
remarquer que quand les Romains y ar
riverent pour la premiere fois , et qu'ils
chasserent Antiochus le Grand , au-delà
du Mont Taurus , cette Ville n'étoit
gueres alors qu'un Village : il fait voir
aussi par plusieurs raisons que l'ancien
Ilium qui subsistoit du temps d'Homere ,
n'étoit point situé dans le même Lieu ,
qu'occupoit cet autre Ilium , dont il
parle .
Strabon observe de plus que le Lieu oc
cupé par cette Alexandrie,dont il est parlé
cy- dessus , étoit auparavant appellé Sigée.
Enfin il fait un peu plus bas mention
dans le même Pays d'une autre Ville nom
mée Alexandrie , bâtie au pied d'une
Montagne , et appellée aussi Antandrus.
C'est-là , ajoûte- t'il, qu'on assure qu'arriva
la celebre contestation des trois Déesses
au sujet de leur beauté , dont Pâris fut
1'Arbitre.
.
1. Vol
Il
1.274 MERCURE
DE FRANCE
Il étoit à propos , Monsieur , de vous
rapporter sommairement ce que dit Stra
bon , non-seulement au sujet de Troade;
mais encore de quelques Villes voisines ,
pour bien éclaircir la matiere dont il est ici
question . Vous voyez déja , Monsieur, que
Strabon n'a jamais dit , non plus que
Quinte- Curce , que notre Troade ait été
bâtie par Alexandre , des ruines de l'an
cienne Troye , ainsi que M. Vaillant l'a
écrit , et après lui ou avec lui , Baudrand ,
dans sa Géographie , lequel se sert à peu
près des mêmes termes , ab Alexandre
Magno excitata ut narrat Q. Curtius .
Il nous reste à voir , s'il est possible ;
ce qui peut avoir donné lieu à une er
reur de fait si considerable , à établir en
suite ce qu'il y a de certain et de plus
curieux à sçavoir sur la Ville de Troade,
principalement depuis son union à l'Em
pire Romain , et depuis que cette Ville fut
devenue une fameuse Colonie Romai ne
sans oublier ce que j'ai à vous dire sur la
Médaille des Dardaniens , que vous voyez
ici gravée avec celle de Troade .
Mais commeje prévois , Monsieur , que
cette matiere peut exceder les bornes d'une
Lettre , sans compter le peché * dont parle
In publica commoda peccem ,
· ·
Si longo sermone morer tua tempora ,
1. Vol. Horace
JUIN. 1731. . 1275
Horace , que je veux éviter , en n'arrêtant
pas trop long temps un Homme aussi dé
voué que vous à l'utilité publique ; je crois
devoir m'arrêter ici , en vous promettant
le plutôt qu'il me sera possible la suite de
ma Dissertation . Je suis , Monsieur , &c.
A Paris , le 1. Janvier 1731 .
**** X* XX:XXXXXX:X
LE PLAISIR EPURE.
O D E.
JE reprends aujourd'hui la Lire
Qu'autrefois je sçûs animer ;
Dieu des Vers , le Plaisir m'inspire :
Lui seul me suffit pour rimer.
Mais quelle vive ardeur me presse ?
Des premiers feux de ma jeunesse ,
Je ressens la vivacité :
Phébus j'abjure ta Méthode ,
Le Plaisir répand sur cette Ode ,
Ses charmes et sa nouveauté.
* L'Auteur à l'âge de 17. ans , avoit balancé
les suffrages de l'Académie des Jeux Floraux
pour le Prix de l'Ode, J
D Loin
1275 MERCURE DE FRANCE
Loin d'ici volupté sauvage ,
Dont Epicure fit un bien :
Les douceurs bien plus que la rage ,
Sont à craindre pour un Chrétien.
Par tes phantômes assallie ,
La raison tombe en létargie ,
Et ne s'éveille qu'en fureur ;
Mais la douceur enchanteresse ,
Du vif plaisir qui m'interesse ,
Eleve une ame et regle un coeur.
>
Aux beaux jours d'une vie heureuse ,
S'enflâment les riants Plaisirs :
La joye aisée et gracieuse ,
Brille , rit , éclate en desirs.
Ce n'est que transport , qu'allegresse ,
Où la plus séduisante yvresse ,
Flatte , amuse , enchante l'esprit :
Avec ce secours l'homme s'aime ;
Et croit , n'aimant plus que lui-même
Que l'Univers entier lui rit.
M
Oui , quand le plaisir nous anime
Et nous prévient de sa douceur ,
On sent une flamme sublime ,
Couler jusques au fond du coeur ;
L'esprit tiré de la matiere ,
I. Vol.
L
Jouit Į
JUIN. 1731. 1277
Joüit d'une pure lumiere ,
Plus brillante qu'un jour serain ;
Et quand dans les nuits les plus sombres,
Le plaisir dissipe les ombres ,
Il jouit du plus beau matin.
2
Tu nous sers , volupté paisible ,
Contre nos ennuis et nos maux :
Tu prépares un coeur sensible ,
A des transports toûjours nouveaux.
Cruels ennemis de nous- mêmes ,
Par tes séduisans stratagêmes ,
A nous - mêmes tu nous ravis ;
Et d'une trop fragile vie ,
Tu retiens le noeud qui la lie ;
Et tu répares ses esprits.
De deux amis qui se chérissent ,
Le Plaisir accroît la bonté :
C'est par ce Philtre que s'unissent ,
Tous les gens de Societé.
On s'assemble , mais c'est pour plaire :
Le Plaisir alors necessaire ,
Du commerce est le doux lien ,
Et dans ces momens favorables ,
On en trouve bien plus aimables ,
Les Convives et l'entretien,
Dij
L'hu
1278 MERCURE DE FRANCE
L'humeur philosophique et sombre
Qui ne m'abandonne jamais
M'invite à reposer à l'ombre ,
Sur le tapis d'un gazon frais :
Là , sur le bord d'une Onde
pure ,
Le Chêne entretient sa verdure ,
Mille fleurs y brillent aux yeux :
C'est là qu'avec plaisir je pense ,.
A conserver mon innocence ,
Par l'innocence de ces lieux .
粥
Là , quand la saison rigoureuse
Seme ses glaçons , ses frimats ,
Une societé nombreuse ,
M'invite à ne la craindre pas .
Tel chez moi lassé du commerce ;
-Près d'un brasier Bacchus m'exerce ,
Lui qui ne m'a jamais vaincu ;
Bien-tôt secouru d'un bon Livre ,
J'ai le bonheur d'apprendre à vivre ,
Et le plaisir d'avoir vécu .
Dans un âge encor susceptible
Des plus vives impressions ,
Je sens qu'il n'est plus si pénible ,
De combattre ses passions.
* 33. ans .
Le
JUIN. 1279 1731.
Le plaisir qui charme la vie ,
Unique et seul bien que j'envie ,
M'inspire de sages desirs ;
Et dans ces desirs j'envisage
Cette vie , et je la ménage ,
Dans l'esperance des plaisirs.
M
Le tems qui malgré nous entraîne
Nos jours trop prompts à s'écouler
Refuse à la vie incertaine ,
Le moyen de les rappeller.
C'est en vain que l'homme soupire
Du Monarque du sombre Empire ,
Il doit habiter le séjour.
Qu'il vive (a ) ou qu'aux Royaumes sombres ,
Il aille apprendre aux pâles Ombres ,
Qu'il a seulement vû le jour . (6)
In rebus jucundis vive beatus :
Vive memor , quam sis avi brevis .
Hor. Satyr. 6. Liv. 2.
(a) Vivre selon les Epicuriens , est de sçavoir
se procurer les plaisirs délicats ; ils en faisoient
même une espece de prudence. Prudentiam in
troducunt scientiam suppeditantem voluptates,
depellentem dolores . Cic. Offic. Liv. 3. c . 33 .
(b) Qui répond au Vixit des Romains , pour
dire qu'on n'est plus.
Parl'Abbé Day** ,Curé de G*** en Marsan.
La Vel. D üj
NOU
1280 MERCURE DE FRANCE
Susbsbisk: Att
NOUVEAU Paradoxe proposé aux
Géométres Infinitaires , par le P. C. J.
Dia I.
Ans la Mathématique universelle
j'ai dit que le quarré de 1. 1. 1. 1 .
1. I. I. I. &c. c'est - à- dire de toutes les
unitez prises en nombre infini , étoit 1 .
3. 5. 7. 9. 11. 13. &c . c'est - à- dire , tous
les nombres impairs pris aussi en nom
bre infini . Je viens de recevoir d'Angle
terre le Livre Anglois , intitulé : Princi
pes philosophiques de la Religion naturelle,
composé par le celebre M. Cheyne , de la
Societé Royale , et j'ai été étonné d'y
trouver que les impairs 1. 3. 5. 7. 9. 11 .
& c. étcient le quarré , non des unitez ,
mais des demies unitez prises en nombre
infini ,,,,,, & c.
II .
A cette vue je n'ai pas balancé un mo
ment à croire que l'erreur étoit toute de
mon côté. J'ai revû mon Calcul et mes
Preuves , je les ai trouvées justes . J'ai de
nouveau examiné ses Principes et ses
Preuves, rien n'est plus juste et plus exact.
C'est donc encore ici une nouvelle preu
ve de la superiorité de la Géométrie de
Pinfini sur la Géometrie ordinaire , et
I. Vol.
des
JUIN .
ཉ 1731. 1:81
des contradictions apparentes qui ne
sont point réelles , et par consequent de
la délicatesse avec laquelle on doit ma
nier toutes ces questions de l'infini .
Oui , M. Cheyne a raison et je n'ai
pas tort , lorsque, selon lui , le quarré des
demies unitez , et que, selon moi, le quarre
des unitez sont égaux aux nombres im
pairs 1. 3. 5. 7. &c. quoique cependant
il soit toûjours vrai que le quarré du tout
est quadruple du quarré de la moitié . Je
laisse aux habiles Géometres Infinitaires
le plaisir de trouver la conciliation de
deux veritez si contradictoires. Mais je
ne conseille à personne de se presser de
condamner aucun des deux Calculs . L'in
fini a toûjours droit d'embarasser ceux qui
ne le possedent pas , quoique ce ne soit
qu'un jeu pour ceux qui connoissent un
peu le Systême,
C
!
Un autre point dans lequel nous ne
sommes pas d'accord , M. Cheyne , et moi,
et où je crois que l'un de nous deux a
tort , est celui où il prétend que le quar
ré de 1. 1. 1. 1. 1. , &c . est égal à la som
me des nombres naturels 1. 2. 3. 4. 5. 6.7 .
& c. au lieu que j'ai prétendu , et que je
prétends encore qu'il est égal à la somme
des impairs. M.Cheyne va contre ses pro
pres principes , lorsqu'après avoir assigné
1. Vol. Dij le
1282 MERCURE DE FRANCE
le quart du quarré de l'infini par le quarré
de la somme des moitiez ,,,, & c.
il assigne les nombres naturels pour le
quarré des unitez , puisque selon Euclide,
ce quarré doit être quadruple de celui des
moitiez , et que cependant , selon lui , la
somme des nombres naturels n'est que la
moitié du quarré de l'infini , par conse
quent le double de la somme des impairs.
Par la démonstration même de M. Chey
ne , on peut prouver que le quarré des
unitez est double de la somme des nom
bres naturels , et par consequent égale à
la somme pleine des pairs ou des impairs.
***************
A MADLLE DE LA GUYTERIE.
BOUQUET.
PEu ne s'en faut , ravissante Chichon ,
Que je ne puisse obtenir de ma Muse
Des Vers pour toi : j'aurois plus d'une excuse
Je ne sçavois qu'on te nommât Fanchon ;
Si j'avois sçû , prenant bien mes mesures
Depuis long- temps Balades ou Sonnets ,
Rondeaux , Chansons , à force de ratures.
Eussent trouvé place entre tes Bouquets.
Non que ce soit une chose facile ,.
De te chanter ... mais quelques Triolets ,
>
እ
I. Vol. Ou
JUI N. 1731. 1253
Où j'aurois fait passer tes Briolets .... *
Ah ! par ma foi je deviens imbécile ,
Parler pour vingt , ce n'est chose facile ,
Et c'est pourtant moins qu'on ne t'en connoît
Il me restoit pour me tirer d'affaire ,
D'avoir au moins des fleurs à présenter ;
Assez n'y font pas de plus grand mystere ?
Mais le moyen ? autant vaudroit brouter.
De la saison la constante froidure
A tout gelé , pas même de verdure ;
Mais pour Chichon , rien n'étant mal- aisé ,
Voicy ce dont je me suis avisé.
Flore , ai- je dit , bon gré malgré la bise ,
Ne peut manquer de telle Marchandise ;
Il ne s'agit donc pour en obtenir ,
Que de sçavoir ce qui peut convenir .
Nommer la. Belle , est justement l'affaire ,,
Son nom vaut seul un éloquent Discours
Et j'ai trouvé le seul point necessaire ,
Puisqu'elle sçait.commander aux Amours ;
Fut dit et fait , je cours avec vîtesse ;
En arrivant je vois les Jeux , les Ris ,
Qui recevoient des mains de la Déesse ;.
Bouquets de goût pour leur mere Cypris ;;
( Car c'est demain qu'on celebre à Cythere ,
Le jour natal.de cette Deïté ;
Terme du Pays pour dire Amans.
29
I.. Vol. Vous DV
1284 MERCURE DE FRANCE
Vous entendez à demi mot l'affaire ;
Vous deux avez même solemnité . )
Zéphir, de Flore excitoit la tendresse
Flore à Zéphir faisoit mainte caresse ,
Et Cupidon étoit à leur côté ,
Qui finissoit d'orner une Guirlande,
Dont à Venus il destinoit l'offrande ;
En te nommant il me donna le choix ,
De mille fleurs nouvellement écloses,
Chichon , lui dis- je , aime sur tout les Roses
Il en tenoit une en ses petits doigts ,
Dont je croyois qu'il dût payer mon zele ,
Lors qu'il me dit n'aspire à tant d'honneur
C'est de ma main qu'elle aura cette fleur ,
Le seul Amour peut l'offrir à la Belle.
*
Le Chevalier de Neufville de Montador ;
Enseigne au Régiment de la Marche.
A Auch , le 8. Mars 1731 ..
****************
REPONSE à la Lettre.inserée dans le
Mercure de Novembre 1739, sur la gloi
re des Orateurs et des Poëtes.
aura t'il
N'qui veuille prendre en main les in
erêts de l'Eloquence , attaquée dans le
Ja Vola
Mer
JUIN De 1731. 1285
Mercure de Novembre dernier ? On y a
donné la préférence aux Poëtes sur les
Orateurs , et c'est là - dessus que je sens
réveiller toute l'ardeur de mon zele ; je
me vois obligé presque malgré moi à
vous déclarer mes sentimens : je dis mal
gré moi , n'aimant pas naturellement à
me produire aux yeux du Public , outre
que la cause qu'il s'agit de soutenir me
paroît fort superieure à la foiblesse de
mes forces ; mais aprés tout , ce seroit ,
à mon avis , une lâcheté que de laisser dé
grader l'Eloquence du haut rang qu'elle a
tenu jusqu'ici , et qu'elle a dû tenir dans
l'Empire des Lettres , soit parmi les An
ciens , soit parmi les Modernes. J'ent e
prens donc de faire valoir les droits de l'E
loquence , et de repondre à tout ce que
l'Auteur de la Lettre , inserée dans le
Mercure, a dit en faveur de la Poësie. Que
si je ne m'acquite pas tout à fait de ce que
j'entreprens , il ne tiendra qu'à vous de
supléer par vôtre pétration et par vos
lumieres , à ce qui manquera à mes Re
flexions et à mes paroles.
On ne me fera point un crime de join
dre ici les Letrres Françoises avec les
Grecques et les Latines : car quelque res
pect que l'on doive aux Anciens , on est ,
ce me semble , convenu dans ce siecle
I. Val.
D vj que
1286 MERCURE DE FRANCE
que les Modernes en approchent d'assés
prés , pour ne leur être point tout à fait
inferieurs. En effet , nous avons d'aussi
habiles Orateurs , et d'aussi grands Poë
tes que l'Antiquité en a eu , non pas tout
à fait , si l'on veut , dans le Poëme Epique,
qui est le seul genre , dans lequel l'Auteur
de la Lettre a fait un préjugé incontesta
ble en faveur des Anciens contre les Mo
dernes , mais dans les autres especes de
Poësie , telles que sont la Tragedie , fa
Comedie , la Satyre , les Fables , dans les
quelles il est certain que nos Auteurs
ont égalé , pour ne pas dire , surpassé les
'Anciens..
Mais , comme il faut se renfermer ici
dans le seul parallele des Orateurs et des
Poëtes , afin de repondre précisement à
la Lettre inserée dans le Mercure , jose
dire hardiment , et sans crainte d'être dé
menti par les connoisseurs habiles et ju
dicieux , que l'Eloquence est en toute
maniere préferable à la Poësie , et voici
sur quelles raisons je fonde la solidité de
mon sentiment.
J'avance premierement , que l'Elo
quence est d'un usage plus utile , plus
étendu , plus important que la Poësie ,
parcequ'elle estproprement et par un titre
particulier , l'arbitre du bon sens , de la
J.Kol verité
JUIN. 1731. 1287
verité , et de la raison ; au lieu que la Poë
sie n'est, à le bien prendre, que l'ouvrage
de l'invention et de l'imagination humai
ne : Car on convient que le but principal
et même unique des Poëtes , est de plaire
par la beauté des images, par les hardiesses
figurées de l'expression et du langage .
C'est ce qu'on peut voir dans le discours
que M. de la Motte a fait sur la Poësie
en general , et qu'il a mis à la tête de ses
Odes : mais l'Eloquence a non seulement
pour objet l'art de plaire , elle triomphe
des Passions , elle se rend maitresse des
volontez ; Ce qui est beaucoup plus no
ble , plus difficile , et demande de plus
grands efforts de la part des Orateurs ,
que de celle des Poëtes qui ne touchent et
ne meuvent que par occasion , et , pour
ainsi dire , par hazard , par la raison qu'ils
ne s'attachent qu'à flatter , qu'à favoriser
les passions , plutôt qu'à les combattre..
En un mot , tout ce qu'il y a de sçavans
hommes demeurent d'accord , que la
Poësie n'est presque qu'un amusement de
PEsprit humain ; que son unique partage
est d'embellir les objets qu'elle represente,
d'où vient que par un abus qui lui est
propre , elle s'employe plus souvent à
farder le vice , qu'à honorer la vertu ;:
mais ils conviennent tous que l'avantage
L. Vol.
de
# 288 MERCURE DE FRANCE
de l'Eloquence est de regner sur l'esprit
des Princes , des Magistrats , et des Peu
ples entiers , de soutenir la raison et la
justice , de faire vouloir aux hommes ce
qu'ils ne vouloient pas , de donner enfin
la Loy aux Coeurs les plus obstinez et les
plus rebelles .
Il s'agit maintenant de ce qu'a dit l'Au
teur de la Lettre , qui rapporte le témoi
gnage de Ciceron , pour faire voir que la
Poësie est un Art divin , qui éleve l'hom
me au dessus de lui-même , et que c'est
dans cette vue qu'il a écrit que les Poëtes
étoient comme animez d'un souffle et
d'un esprit divin , Spiritu quodam divino
affati. Mais à ce témoignage de Ciceron,
j'en oppose un autre qui n'est pas moins
respectable , et qui lui est trés- avantageux
à lui même et à l'Eloquence. C'est celui
du celebre Longin , qui dans le Traité
du Sublime , que M. Despréaux a si bien
traduit en notre langue , a donné la plus
grande idée du merite de Ciceron et de
Demosthéne. Il compare le premier à un
grand embrasement qui dévore et consume
tout ce qu'il rencontre , avec un feu qui ne
s'eteint point , qu'il répand diversement danș
ses ouvrages , et qui à mesure qu'il s'avance,
prend toujours de nouvelles forces. Et pour
Le second , c'est - à-dire , Demosthéne , il le
I. Vol.
compare
JUIN. 1731. 1289
ra
compare à une tempête et à un foudre , à
cause de la violence , de la rapidité , de la
force , et de la vehemence avec laquelle il
vage ,pour ainsi dire,et emporte tout. Demos
théne , dit - il , ayant ramassé en soi toutes les
qualitez d'un Orateur veritablement né aw
sublime , et entierement perfectionné par l'étu
de ; ce ton de majesté , et de grandeur , ces
mouvemens animez , cette fertilité , cette
adresse , cette promptitude , et ce qu'on doit
sur tout estimer en luy , cette force et cette ve
bemence , dont jamais personne n'a pû ap
procher. Par toutes ces divines qualitez ,
que je regarde en effet , dit il , comme autant
derares presens qu'il avoit reçus des Dieux¸et
qu'il ne m'est pas permis d'appeller des qua
linez humaines , il a effacé tout ce qu'il y
a eu d'Orateurs celebres dans tous les siecles,
les laissant comme abbatus ct éblouis , pour
ainsi dire , de ses tonnerres et de ses éclairs ;
car dans les parties où il excelle , il est tel
lement élevé au dessus d'eux , qu'il repare
entierement par là celles qui lui manquent.
Et certainement , ajoute- t'il , il est plus aisé
d'envisager fixement et les yeux ouverts , les
foudres qui tombent du Ciel , que de n'être
point ému des violentes passions qui regnent
en foule dans ses ouvrages .
Tel est le passage de Longin , traduit
dans toute sa force par M. Despreaux
Jo Vola
Quel
1290 MERCURE DE FRANCE
Quelles reflexions ne peut- on pas faire
là dessus ? voilà l'Eloquence traitée de
qualité plus qu'humaine , de qualité divi
ne. la voilà comparée à ce qu'il y a de plus
fort , de plus puissant dans la nature , je
veux dire , aux tempêtes , et aux foudres .
A t'on jamais attribué quelque chose de
semblable à la Poësie ? Et n'est- il pas évi
dent que l'Eloquence a par cet endroit
là un avantage que tous les charmes et
les agrémens de la Poësie ne sçauroient
égaler .
On n'a qu'à se rappeller ici les grands
fuccès qui accompagnoient l'Eloquence de
Ciceron. Ignore- t'on l'avantage qu'il eur,.
en faisant l'Apologie de Ligarius , en pre
sence de Jules - Cesar , son ennemi declaré
, et qui avoit résolu de le proscrire ?
C'étoit dans ce dessein qu'il s'étoit rendu
au Senat ; et malgré tous les mouvemerrs
de sa haine et de son ambition , on vit
eet Empereur , aussi distingué par son
esprit que par ses armes victorieuses ,
rendre hommage, pour ainsi dire , à l'Elo
quence de Ciceron ; laisser tomber le pa
pier qu'il tenoit dans sa main , par la sur
prise où il étoit de voir justifier comme in
nocent celui qu'il avoit regardé comme
coupable.
C'est ainsi que l'Eloquence sçait se ren.
Lo.Vol.
dre ,
JUIN. 1731. 12.9
dre maîtresse des volontez ; et qu'on ne
dise pas que Ciceron ne dût ce succès
qu'à la vehemence de sa prononciation.
Ce n'étoit point le sentiment du grand
Prince de Condé ; Ce Prince aussi céle
bre que Cesar par son génie et par ses
Conquêtes , soutenoit qu'on ne pouvoit
lire les Ouvrages de Ciceron sans en être
ému ; cela fait voir que le talent même
de la prononciation , dont là plûpart des
Poëtes ne font nul usage , n'empêche pas
que les Discours des Orateurs , par la lec
ture qu'on en fait , ne triomphent dans
tous les Pays et dans tous les siecles.
Que dire après cela , du mépris que
l'Auteur de la Lettre fait de la Prose :
qu'il met au - dessous de la versification et
de l'harmonie de la Poësie , comme si
cette harmonie étoit particuliere aux Pdë
tes , et qu'il ne fût pas possible aux Ora
teurs d'enchanter les esprits par les char
mes de la parole ? on sçait , sans doute, ce
qui arriva au fameux Alphonse Roy d'Ar
ragon. Attaqué d'une maladie de lan
gueur qui paroissoit incurable aux Mede
cins , il recouvra sa santé par la lecture
de l'Histoire de Quint Curce : a t'on ja
mais crû que les Histoires appartiennent
à la Poësie ? ne sont-elles pas uniquement
du ressort de l'Eloquence qui sçait ramas
I. Vol
ser
1292 MERCURE DE FRANCE
ser quand elle veut , et les agrémens du
Discours, et les images les plus vives de la
nature.
Quant à ce que l'Auteur a dit de l'en
tousiasme de David et des Prophetes , qui
se sont servis du langage de la Poësie pour
exprimer leurs sentimens , il est aisé de ré
pondre que ce Saint Roy n'écrivit ces
Oracles en vers , que parce qu'il voulut
qu'ils fussent chantez dans les assemblées
du Peuple , et l'on sçait bien que le chant
ne peut se passer de la cadence de la Poë
sie ; mais il ne s'ensuit pas delà , que les
Exhortations des Prophetes n'ayent eu
de la force que parce qu'elles étoient en
vers : au contraire, plusieurs d'entr'eux se
sont servis de la Prose pour parler aux
Peuples , et l'on sent encore, en les lisant
que rien ne manque à la grandeur et à
la majesté qui convenoit à Dieu même
qui les inspiroit.
Il est tems de venir aux Modernes , et
à l'Eloquence de notre siecle. Est- il pos
sible que l'Auteur de la lettre ait si fort.
méconnu le merite de nos Orateurs et de
nos Ecrivains , que de leur préferer les
agrémens de la Poësie ? Croit -il avoir ga
gné sa cause en établissant sur le senti
ment du P. Bouhours , du P. Rapin , de
M. D'Aubignac, que le Poëme Epique est
I. Vola le
JUIN. 1731. 1293
>
le Chef- d'oeuvre de l'esprit humain ? Je
le surpre ndrai bien plus , quand je luy
dirai qu'il y a tel Discours en nôtre lan
gue , tel Panegyrique , telle Harangue
qui est un Chef-d'oeuvre de l'esprit hu
main : et cela est d'autant plus vrai , que
sans avoir recours aux Fables , aux sup
positions , aux chimeres de la Poësie , on
s'en trouve charmé par la seule verité
par la seule force de la parole. Je le re- .
péte: il y a dans ces Discours dont je par
le , autant d'art , de vivacité , de gran
deur , et quelquefois plus , que dans tous.
les Poëmes anciens et modernes.
Que dis - je ? l'Eloquence n'a - t'elle pas
plus de force ordinairement par la liber
té qu'elle a de se tourner de tous côtés ;
de pousser ou de moderer la vigueur et
la rapidité de son style , selon les occa
sions , ou les passions qu'elle fait agir ; on
sçait que dans la Poësie la raison se trouve
enchainée par les loix rigoureuses de la
versification : les plus excellens Poëtes s'en
sont plaints , et ils n'ont pû dissimuler
leur contrainte : mais dans la Prose l'esprit
peut prendre tout son essor , il a le choix
de ces images vives , justes et agréables ,
qui par un doux charme saisissent l'esprit
et le coeur. Dans la Poësie , la nature est
quelquefois si envelopée sous des figures
8
1
3
1
1
1. Vol.
étrangeres ,
1294 MERCURE DE FRANCE
étrangeres , qu'on a de la peine à la récon
noître mais l'Eloquence présente toûjours
une fidele image de la nature , et il n'ap
partient qu'à elle de faire bien valoir la
verité et la raison .
L'Auteur a crû beaucoup avancer en
rapportant quelques endroits d'Homere
et de Racine , qu'il défie nos Ecrivains de
mettre en Prose avec le même succés , mais
il se fait illusion à lui-même. S'il y a des
traits dans les Poëtes que la Prose ne puis
se égaler , on en voit aussi dans les Ora
teurs où la Poësie ne sçauroit atteindre :
cela dépend de la justesse et de la préci
sion avec laquelle les uns et les autres se
sont exprimés . Il est certain que ce qui est
exprimé fortement et noblement dans
une langue ou dans un genre , ne peut
passer avec la même grace dans un autre.
On en voit des preuves dans toutes les
Traductions qu'on a faites des ouvrages
des Anciens et des Modernes : et on a tou
jours été convaincu que les Traductions
mêmes de nos Auteurs François ne valent
pas les Originaux ; il en est de même des
Orateurs et des Poëtes ; mais il ne s'ensuit
point de ce parallele que la Poësie ait au
cun avantage sur l'Eloquence .
Puisque l'Auteur de la Lettre a employé
les citations en faveur de la Poësie , il nous
I. Vol
doit
JUIN. 1731. 1295
par
E doit être permis de les employer aussi
pour l'Eloquence : en voici une d'un Ora
teur celebre qui a été en son temps une
lumiere de l'Eglise ; je parle de M. Bos
suet Evêque de Meaux ; on l'a comparé
à Demosthéne. C'est dans l'Oraison fune
bre de la Reine d'Angleterre
, Epouse
du Roy Charles premier , où ce grand
Prélat , aprés avoir marqué tous les mal
heurs qui arriverent à ce Prince , et sa
détention les Ennemis
de sa person
ne et de son Royaume , s'exprime ainsi .
Le Roy est mené de captivité en captivi
té: et la Reine remue en vain la France ,
la Hollande , la Pologne même , et les Puis
sances du Nord les plus éloignées : elle ranime
les Ecossois , qui arment trente mille hom
mes ; ellefait avec le Duc de Lorraine une
entreprise pour la delivrance du Roy , dont
le succés paroit infaillible , tant le concert en
est justes elle retire ses chers enfans , l'uni
que esperance de sa maison , et confesse cette
fois , que parmi les plus mortelles douleurs ,
on est encore capable de joye : elle console
le Roy , qui lui écrit de saprison même , qu'elle
seule soutient son esprit , et qu'il ne faut
craindre de lui aucune bassesse , parceque
sans cesse il se souvient qu'il est à elle. O
Mere ! O Femme ! O Reine admirable !
et digne d'une meilleure Fortune , si les For
དྲ
3
S
$
i
5
*
I. Vol.
tunes
1296 MERCURE DE FRANCE
tunes de la Terre éroient quelque chose ! en
fin , il faut ceder à vôtre sort ; vous avez as
sés soutenu l'Etat qui est attaqué par uneforce
invincible et divine ; il ne reste plus désor
mais sinon que vous teniez ferme parmi fes
ruines.
Qui cependant , continua t- il , pourroit
exprimer ses juftes douleurs ? Qui pourroit ra
conter ses plaintes t Non , Messieurs , Jere
mie lui-même , qui seul semble être capable
d'égaler les lamentations aux calamitez , ne
suffiroit pas à de tels regrets . Elle s'écrie avec
eeProphéte : Voyez , Seigneur , mon affliction ;
mon ennemi s'est fortifié , et mes enfans sont
perdus ; le cruel amis sa main sacrilege surce
qui m'étoit le plus cher ; la Royauté a été pro
fanée , et les Princes sont foulez aux pieds ;
baiffez-moi , je pleurerai amérement ; n'en
trepenez pas de me consoler : Le glaive afra
pé au dehors , mais je sens en moi - même une
mort semblable.
Voilà l'endroit de M. Boffuet , qu'on
a été obligé de rapporter tout entier , quoi
qu'un peu long. Quelle foule de paffions
& de mouvemens ne voit- on pas dans
cette Description du malheur de ce Prince?
mais quelle addreffe , de s'arrêter tout
d'un coup , pour ne pas raconter la funefte
mort qu'on lui fit souffrir & de relever
par son silence , ce qu'il sentoit bien ne
I. Vel pou
E JUIN. 1731 . 1297
To
T
#
TE
+
"
1
7
pouvoir égaler par fon discours , de passer
enfin à cette apoftrophe imprevûë , par
laquelle il s'écrie , comme s'il eût été hors
de lui- même , O mere ! O femme ! O
Reine admirable , & digne d'une meilleure
fortune , fi les fortunes de la Terre étoient
quelque chose .... On doit admirer encore
l'application merveilleuse qu'il fait à cette
Reine , des expressions de Jeremie , qui
repreſentent fi fortement la grandeur de
son infortune et de ses douleurs . Peut- on
rien voir de plus frappant ? que la Poësie
s'efforce de mettre en Vers cet en
droit , & plufieurs autres qui se trouvent
dans cette Oraison funebre , & dans celle
de la Duchesse d'Orleans qui la suit
immediatement , elle n'en viendra ja
mais à bout.
>
On peut encore se souvenir de celle
du Grand Prince de Condé faite par le
même Prélat , où tout ce que la Guerre
a de plus héroïque , tout ce que l'esprit
& le coeur ont de plus grand se trouve
renfermé de la maniere du monde la plus
vive , sans parler du détail qu'il y fait de
la mort de ce Héros , Ouvrage immor
tel , où l'on a dit avec raison , que cet
admirable Orateur s'étoit surpaffé lui-mê
me. Tout cela est fort au - deffus des agré
mens de la Poësie .
1. Vol.
Que
1298 MERCURE DE FRANCE
Que s'il faut passer aux Orateurs de
notre siécle , qu'y a- t'il de plus beau , de
plus éloquent , de plus sublime , que les
Eloges funebres , composez par M. Fle
chier , Evêque de Nîmes. On sçait qu'il
a porté l'Art de la louange à un point de
perfection , où les Anciens ni les Moder
nes n'ont presque pû atteindre . On n'a
qu'à lire ces Eloges , on y trouvera une
infinité d'endroits que les plus grands
Poëtes auroient bien de la peine à égaler.
Entr'autres , celui - ci qui se voit à la fin de
P'Oraison funebre de la Reine,
Que lui restoit-il à demander à Dieu , dit
il , ou à desirer sur la terre ? Elle voyoit le
Roy au comble des prosperitez humaines ; ai
mé des uns , craint des autres , estimé de tous;
pouvant tout ce qu'il veut , et ne voulant que
ce qu'il doit ; au dessus de tout par sa
gloire , et par sa moderation au dessus de sa
gloire même.
Quelle précision ! Quelle grandeur ! dans
ce peu de mots , qui comprennent tout ce
qu'on a dit de plus beau à la gloire de
Louis le Grand ? mais quelle cadence !
quelle harmonic ! en peut- on trouver da
vantage dans les Poëtes les plus confom
mez ?
Il ne faut qu'ouvrir l'Eloge funebre
qu'il a fait du Grand Turenne. C'est- là
1. Vol.
qu'il
JUIN. 1731. X299
W
qu'il a déployé toute la force de son Art.
Il s'y est élevé aussi haut que la gloire du
Heros qu'il vouloit loüer. En voici des
traits inimitables .
Oùbrillent, dit- il, avecplus d'éclat les effets
glorieux de la vertu Militaire conduites
d'Armées, Sieges de Places , Prises de Villes
Passages de Rivieres : Attaques hardies , Re
traites honorables , Campemens bien ordon
nez , Combats soutenus , Batailles gagnées ,
Ennemis vaincus par la force , dissipez par
Paddresse, lassez et consumez par une sage et
noble patience où peut-on trouver tant et de
si puissans exemples , que dans les actions
d'un Homme sage , liberal , desinterressé
dévoué au Service du Prince & de la Patrie;
grand dans l'adversité par son courage
dans la prosperité par sa modestie , dans.
les difficultez par sa prudence , dans les
perils par sa valeur , dans la Religion par
sa pieté ? ...
Villes , que nos Ennemis s'étoient déja
partagées , vous êtes encore dans l'enceinte de
notre Empire. Provinces qu'ils avoient déja
ravagées dans le desir et dans la pensée , vous
avez encore recueilli vos moissons. Vous du
rez encore , Places que l'Art et la Nature a
fortifiées , et qu'ils avoient dessein de démo
lir et vous n'avez tremblé que sous de
projets frivoles d'un Vainqueur en idée , qui
I.Vol. - E 1 comp
.
333107
1300 MERCURE DE FRANCE .
comptoit le nombre de nos Soldats et qui
ne songeoit pas à la sagesse de leur Capi
taine
د
....
Ilparle , chacun écoute ses Oracles : il com
mande , chacun avec joye suit ses ordres ; il
marche , chacun croit courir à la gloire. On
diroit qu'il va combattre des Rois , confe
derez avec sa seule Maison comme un au
tre Abraham ; que ceux qui le suivent sont
ses Soldats et ses Domestiques , et qu'il est
General et Pere de Famille tout ensem
ble ....
Il se cache ; mais sa réputation le décou
vresilmarche sans suite et sans équipage,mais
chacun dans son esprit le met sur un Char
de Triomphe : On compte en le voyant les
ennemis qu'il a vaincus, nonpas les Serviteurs
qui le suivent tout seul qu'il est , on se figure
autour de lui ses vertus et ses victoires qui
Paccompagnent ; il y a je ne sçai quoi de no
ble dans cette honnête simplicité , et moins
il est superbe , plus il devient venerable ...
L'enviefut étouffée , ou par le mépris qu'il
en fit , ou par des accroissemens perpetuels
d'honneur et de gloire : le merite l'avoit fait
naître , le merite la fit mourir. Ceux qui
lui étoient moins favorables
combien il étoit necessaire à l'Etat ceux
qui ne pouvoient souffrir son élevation se
srurent enfin oblige d'y consentir , et n'o
ont reconnu
د
I. Vol. sens
JUIN. 1731. 1301
sans s'affliger de la prosperité d'un Hom
me qui ne leur avoit jamais donné la mise
rable consolation de se réjouir de quelqu'une
de ses fautes , ils joignirent leur voix à la voix
publique et crurent qu'être fon Ennemi
>
c'étoit l'Etre de toute la France ...
En voilà bien assez , et un peu trop ,
pour faire repentir l'Auteur de la Lettre
du mépris qu'il a fait de l'Eloquence , fion
a cité un peu au long cet éloge de M. de
Turenne c'est que tout le monde con
vient que c'est un chef - d'oeuvre de
l'Esprit humain , et que M. Fléchier s'eſt
immortalisé lui-même , en immortalisant
le Heros .
›
>
On ne dira rien ici du Panegyrique
du Roy par M. Pelisson , qui a été traduit
en toutes sortes de Langues de l'Europe
à l'honneur de la nôtre ni de tant
de Harangues prononcées , soit à l'Aca
demie , soit ailleurs ; cela nous meneroit
trop loin ; mais qu'eft-il besoin de s'é
tendre davantage ? Quel a été jusqu'ici
le but de l'Académie Françoise ? Eft - ce
de cultiver principalement la Poësie , &
de la préferer à l'Eloquence ? qu'on le
demande aux sçavans Hommes qui l'a
composent , Ils diront que c'est l'Elo
quence qui a toujours fait le principal
objet de leurs soins ; qu'ils n'ont rien ou
1. Vol
E ij blié
יכ
LVLM JP 1 дауUD
blié
par leurs
Ecrits
, pour
la rendre
su
blime
, touchante
, et digne
enfin
de toute
la gloire
de
notre
Siècle
. Ils
diront
qu'ils
connoissent
tous
le
mérite
de
la Poësie
.
qu'ils
couronnent
tous
les ans
par
des
prix
;
mais
qu'ils
sont
persuadez
que
l'Eloquence
qui
est
aussi
couronnée
par
leurs
mains
,
est
d'un
usage
plus
étendu
, plus
utile
,
plus
noble
et plus
importants
que
l'on
di
se après
cela
que
la Poësie
eft le langage
des
Dieux
, on répond
que
l'Eloquence
,étant
le
langage
des
Hommes
, & des
Hommes
les
plus
distinguez
, elle
a plus
de droit
sur
leur
estime
, & qu'on
doit
s'attacher
avec
plus
de soin
à la cultiver
et à la maintenir
dans
sa
perfection
.
On doit conclure de tout ce qu'il vient
d'être dit , que la Poësie ne regardant que
le plaisir de l'esprit , et l'Eloquence ayant
pour objet la vérité , la juftice , la vertu et
la sagesse , elle mérite par conséquent
d'être préférée à la Poësie.
On n'a pas eu le tems de s'étendre sur
ce qu'a dit l'Auteur de la Lettre au sujet
des Prédicateurs , qu'il prétend être fades
et ennuyeux , un Amateur des Théatres
et des Operas doit avoir quelque peine à
les gouter ; mais il ne laisse pas d'être vrai
que
que l'Eloquence de la Chaire a été portée
de nos jours à une très grande perfection ;
I. Vol. et
JUIN. 1731. 1303
et qu'on ne sçauroit mépriser les Prédica
teurs , sans se moquer des Saints Peres qui
'en sont les modéles , un Ambroise , un
Cyprien , un Auguſtin , un Chrysostome
que nos Orateurs Chrétiens suivent de
fort près : Ces Grands Hommes ont été
infiniment au dessus de tous les Poëtes.
Le 3. Janvier 1731.
LOGOGRYPHE.
PRenez
à vos yeux
Renez- moi tout entier , je presente
Un objet des plus gracieux ;
Je rappelle un fait mémorable ,
Ou de l'Histoire ou de la Fable ;
Je vous offre des Prez , des Arbres et des Fleurs
Que l'Aurore jamais ne baigna de ses pleurs.
Grand , petit , rond , quarré, comme le veut mon
pere ,
Je ne compterai point ici tous les sujets
Dont on me fait dépositaire :
Mon nom aussi vous offre une foule d'objets ;
En effet , l'on y trouve un meuble necessaire ,
Qui sert à bien plus d'une affaire ;
Vous y verrez un Elément ;
Un des enfans du premier homme ;
Une grande Cité plus ancienne que Rome ;
1. Vol.
E iij
1304 MERCURE DE FRANCE
Ce qui nous plaît infiniment ;
Ce que chacun voudroit atteindre ;
Certain Globe qui se fait craindre,
Et qui porte des coups mortels ;
Un vétement dont font usage ,
Les Ministres des saints Autels ;
Faut - il en dire davantage ?
Vous y verrez une couleur ;
Un mot Latin , qui signifie
Un Instrument dont l'harmonie ,
Annonce les Combats , excite la valeur ;
Je n'aurois jamais fait si je voulois tout dire
Vous y verrez enfin les lieux où tout respire ,
Les Plaisirs , la Joye et l'Amour ,
Lieux d'où l'on sort quand il est jour..
:
Par M. V. D. L. T. d'Aix.
****
ENIGME du même Auteur.
N voit à me former plusieurs Dieux con
ΟΝ courir ;
Cybelle me reçoit , et daigne me nourrir ;
Quand je sors de son sein, au Soleil je m'expose
L'Aurore de ses pleurs m'arrose;
Je suis aussi l'objet des soins ,
Et de Vertumne et de Pomone ;
d. Vola Ce
JUIN. 1731. 1305
-
Ce n'est pas tout encor, avant que je sois bonne ,
Il faut que d'autres Dieux ne me servent pas
moins ;
Le Dieu de la Plaine liquide ,
M'offre l'Elixir de ses eaux ,
Sans lui je serois insipide :
Déesse dont le bras est armé d'une Egide ,
Tu me donnes le jus du fruit de ces Rameaux ,
Qui , tandis que l'hyver attriste la Nature ,
Conservent toûjours la verdure :
Charmant Bacchus , sur moi tu répans ta Li
queur ,
Non pas telle , il est vrai , qu'elle plaît au buveur.
Mortels , en cet état je puis vous être offerte ;
Mais quel traitement je reçoi !
Plusieurs mains s'arment pour ma perte ,
Elles viennent fondre sur moi :
Est-il un destin plus funeste ?
Pour vous dire en deux mots le reste
On me porte dans un Palais ,
Où je suis bien- tôt déchirée :
Quelle injustice? helas ! par ceux à qui je plais ;
Faut- il que je sois dévorée ?
ENIGME. SECONDE
du même Auteur.
Lecteur ,
Ecteur, voici de quoi rêver ,
De plusieurs soeurs je suis l'aînée ,
I. Vol.
Je
E.iiij
1306 MERCURE DE FRANCE
Je ne parois jamais à la fin de l'année ; ·
commencement que l'on peut me C'est au
trouver.
En Espagne j'occupe une place honorable ;
Je suis necessaire à la table ;
Pour le Jeu , je ne m'y plaits pas
Inséparable de Pallas ,
Je concours à former la valeur et l'audace ;
Je suis au milieu d'une Place :
Sans moi vous n'auriez point d'argent.
Je marche avec le pauvre , et je fuis l'opulent ;
Mais cependant je sers au faste , à la parure ;
On m'employe à l'Architecture.
Le François m'a chassé de Rome sans raison ,
Mais je suis dans Paris ; est- il une maison ,
Où je ne trouve un sûr azile ?
Laissons ce détail inutile ,
Voici pour me connoître un signal très- certain ;
Lecteur , tu me tiens dans la main.
EXPLICATION de l'Enigme
et des deux Logogryphes de May.
qui
JE
E les tiens les vrais mots ; Barbe ,
naitre ,
Est signe de prudence , ou du moins devroit
P'être ;
vient de
Tout le reste y convient. Poutre certainement ,
Į. Vol.
Estce
JUI N.
1307
1731.
Estce Prothée obscur , dont le prompt change
ment ,
Fait une Tour , un Port , une Porte , une Route
Un Ver ; mais c'est assez : le troisiéme , sans
doute ,
S'est lui-même dépeint ; Logogrypbe est aisé
A reconnoître aux traits qui l'avoient déguisé.
*******
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c. 3
M *
ETHODE pour commencer les
Humanitez Grecques et Latines
contenant des avis très judicieux et fort
utiles aux Regens , Précepteurs et au
tres personnes employées à former les
Enfans aux Belles - Lettres . Par M. le Fe
vre de Saumur. Avec des Notes et des
Lettres sur la maniere de les enseigner
dans les Colleges , par M. Gaullyer , Pro
fesseur en l'Université de Paris , au Col
lege du Plessis - Sorbonne. A Paris , che
la Veuve J. Bapt. Brocas , rue S. Jacques ,
et Claude Simon , rue Haute-feüille, 1731
in 12. de 136. pages , prix 15. sols.
Dans un Avertissement de deux pages,
on apprend que c'est ici une nouvelle
I. Vol E v Edition
1308 MERCURE DE FRANCE
Edition du Livre de M. le Févre . M, Gaul
lyer y a ajoûté quelques Notes , tant pour
l'éclaircissement de quelques endroits
que pour justifier la pratique des Colle
ges , dont M. le Févre parle assez libre
ment et assez peu favorablement. M. G..
espere de faire voir clairement que dans
les meilleurs la méthode d'enseigner les
Humanitez est aussi bonne que celle de
M. le F. et même , ajoûte-t'il , elle y a été
rendue plus parfaite en plusieurs points..
1
7
LES AMUSEMENS DE L'AMITIE' , rendus
utiles et interessans. Recueil de Lettres
écrites de la Cour vers la fin du egne
de Louis XIV . A Paris , chez Langlois
ruë S. Etienne d'Egrès , Julien- Michel
Gandouin , Quay de Conty , et Henry
ruë S. Jacques , 1729. in 12. de 416. pages..
Ces Lettres sont écrites sans façon , d'un
stile aisé ; elles renferment des Maximes ;
de morale , des leçons de sçavoir vivre
et une grande varieté d'instructions pour
se conduire dans tous les états et dans
toutes les circonstances de la vie . M. l'Ab
bé Couture , qui en est l'Approbateur ,
dit- que l'Auteur y. tient plus qu'il n'a
promis. Il n'a annoncé que des amuse
mens , et je trouve dans ces Lettres , dit- il,
plusieurs belles leçons et plusieurs grands
2.
I. Vol. exem
JUIN. 1731 1309
exemples de vertu et de Religion , le tout
assaisonné d'une politesse fine , d'un lan
gage pur et d'une liberté honnête.
TRAITE ' DE LA CHARITE ' ENVERS DIEU'S
ou de l'Amour de Dieu , et de ses vrai
Caracteres , tiré des Livres saints. Dédié
aux Evêques de France , par un Prieur Be
nedictin . A Paris , chez Joseph Bullot , et
Henry , rue S. Facques , 1729. in 12. de
535. pages , sans l'Epitre et l'Avertis
şememt.
TRAITE' DES HORLOGES pour les Mon
tres et les Pendules , contenant le Calcul
des Nombres propres à toutes sortes de
mouvemens ; la maniere de faire et de :
noter les carillons , de changer et de corri
ger le mouvement du Pendule ; l'Histoire :
ancienne et moderne de l'Horlogerie ;.
plusieurs Tables toutes calculées , et au
tres matieres curieuses et utiles . Tradui
tes de l'Anglois de M. Derham F. R. S. L
Chez Gregoire Dupuis , rue S. Jacques
in 12. avec figures ..
ச7
PARAPHRASE DES PSEAUMES DE DAVID ,
et des Cantiques de l'Eglise , avec appli
cation suivie de chaque Pseaume et de :
chaque Cantique , à un sujet particulier
I..Vol. Evi propre
1310 MERCURE DE FRANCE
propre à servir d'entretien avec Dieu . Par
le P. Th. Bern. Fellon , Jesuite. A Lyon
et se trouve à Paris , chez H. L. Guerin ,
ruë S. Jacques , 4. vol . in 12 .
On trouve cette Paraphrase écrite avec
une grande noblesse de stile et beaucoup
d'onction .
>
"
HISTOIRE DE S. DOMINGUE , &c. par
le R. P. Charlevoix , Jesuite. 2. vol . in 4.
avec 16. Cartes. A Paris , chez Guerin
aîné , rue S. Jacques , et Guerin le Jeune ,
Quay des Augustins..
On délivre actuellement aux Souscrip
teurs les Tomes suivans des anciens Mé
moires de l'Académie des Sciences ; sça
voir , le Tome IV . qui contient l'Histoire
des Plantes , avec 38. Planches , très- pro
prement gravées ; et le Tome III . des
Tables des Matieres , qui contiennent
celles des années 1711. jusqu'en 1720. On
donnera incessamment l'Histoire des Ani
maux , et tout le reste de cette Collection.
A Paris , chez Martin , Montalant , Coi
gnard fils et Guerin aîné.
LE PORTE-FEUILLE du Chr. de R...
Premier Cayer , de ce qu'il y a de re
marquable à Arles . A Arles , chez Gas
I,Vol
pard
JUIN. 1731. 13 kr
pard Mesnier , Imprimeur du Roy , de
M. l'Archevêque et de la Ville , 1726.
Brochure in 4. d'environ 8o. pages .
C'est M. le Chevalier de Romieu qui
est l'Auteur des Mémoires contenus dans
ce Livre. Voici l'occasion qui l'a engagé à
lès écrire . M. le Bret , Premier President
et Intendant de Provence , envoya il y a
quelque temps à ses Subdéleguez un Pro
jet d'Instruction , contenant plusieurs de
mandes sur le nom , l'antiquité de cha
que Ville , son état present , &c. pour
servir à la perfection du Dictionnaire
Universel de la France , publié depuis ,
et qui se vend ici chez les freres Saugrain
et Prault , Libraires ,
M. de Romieu fut chargé de satisfaire
à ce Projet d'instruction dans ce qui con
cernoit la Ville d'Arles , et il s'en ac
quitta avec toute l'exactitude possible.
Tout le monde connoît sa capacité , son
amour pour les Lettres et son zele
pour
le Bien public . Ayant trouvé que le Dic
tionnaire Universel n'avoit point suivi .
ses Memoires dans l'article de la Ville
d'Arles , et que de plus les Auteurs du
Dictionnaire se plaignoient de n'avoir re
çû des Provinces que des réponses très
legeres aux demandes qu'ils avoient fai
tes , M.. de Romieu entreprit dans cet
I.Volg
Ecrit
13T2 MERCURE DE FRANCE
Ecrit qu'il fit imprimer à Arles dans la
même année , de justifier les Memoires
qu'il avoit envoyez aux Auteurs du Dic
tionnaire Universel : il n'a fait que les .
étendre un peu davantage qu'il n'avoit
fait , lorsqu'il les avoit destinez pour un
Dictionnaire. Nous ne ferons qu'indiquer
ce qu'il y a de plus remarquable dans cet
Ouvrage.
L'Auteur commence par Etimologie
du nom d'Arles , en Latin Arelas ou Are
late. Il en rapporte plusieurs qui y peu
vent convenir , sans se déterminer pour
aucune. Il explique ensuite les épithetes
qu'on lui a données. Elle étoit appellée.
Arelas Mammillaria , parce qu'elle nour
rissoit plusieurs autres Villes , et qu'elle:
leur fournissoit des grains , et Arelas Mil
liaria , parce que les Colonnes milliaires
qui conduisoient à Rome et dans les gran
des Villes , commençoient à Arles . L'Au
teur rapporte là- dessus une Inscription
trouvée à Arles sur une Colonne où il
est marqué que là commence le premier
Milliaire. Nous ne suivrons pas M. de
Romieu , dans ce qu'il dit du Port d'Ar
les et du nouveau Canal auquel on tra
vaille par ordre du Roi , à six lieues de
aette Ville , et qui aboutit à la Mer.
Arles est une Métropole des plus ancien
I. Vol.. nes
JUIN. 173.18 1313
nes. Elle a aujourd'hui pour suffragans les
Evêques de Marseille , de Toulon , de
Saint-Paul-trois- Châteaux et d'Orange..
C'est tout ce qui lui reste de son ancienne
et vaste Jurisdiction . L'Auteur expose:
ensuite la Tradition de certe Eglise sur
l'Epoque de sa Fondation contre Grégoire:
de Tours et contre M. de Launoy . l'E
glise d'Arles la rapporte à S. Trophime ,
Disciple de S. Paul , et envoyé par S. Pierre
dans les Gaules. Grégoire de Tours ,,
au contraire , ne la fait remonter qu'à un
autre Trophime très - posterieur au Dis
ciple de S. Paul. M. de Romieu s'étend
ensuite sur les Conciles qui ont été te
nus à Arles , sur les saints Prélats qui ont
rempli ce Siege , sur la Primatie que d'au
tres Sieges ont partagée depuis , sur les
Paroisses de cette Ville , et sur l'ancienne
Abbaye de Montmajor , de l'Ordre de
S. Benoît , qui fait un Article particulier..
L'an 1667. Louis XIV . établit dans cette
Ville une Académie de Belles - Lettres ;
mais elle ne s'est point soutenuë , et ne
subsiste plus aujourd'hui.
L'Auteur passe aux Antiquitez d'Arles .
Il croit vrai- semblable que cette Ville fut
construite par les Gaulois dans le 4º sie
cle après le Déluge . Elle a appartenu à
beaucoup de Maîtres ; aux Gaulois , aux
L..Vol .
Grecs ,ܕ
1314 MERCURE DE FRANCE
Grecs , aux Romains , aux Goths , aux
François ; les Comtes d'Ardennes en fu
rent Rois. Elle devint ensuite Républi
que , puis elle tomba sous la domination
des Comtes de Provence , enfin elle fut
réünie à la Couronne sous Louis XI. On
Y découvre encore plusieurs restes de son
ancienne magnificence , comme des Tom
beaux antiques de Marbre , avec leurs Ins
criptions , de superbes Colonnes , des dé
bris de Temples et de Théatre , des Ther
mes qui étoient les Bains chauds des An
ciens , des Aqueducs , &c. Nous souhai
terions que les bornes d'un Extrait nous
permissent de dire quelque chose du ma
gnifique Amphithéatre qu'on voit encore
Arles , au moins en partie , du fameux
Obelisque qui y est élevé , des Champs
Elisées , de la celebre Venus qui y fut
trouvée , et que Louis XIV. a fait placer
à Versailles , de l'ancien Aqueduc , fait
par les Romains , de l'Hôtel de Ville , qui
est un Ouvrage moderne ; du Territoire
de cette Ville , que l'Auteur appelle Ter
roir ; du génie et des moeurs de ses Ha
bitans , &c. Nous renvoyons sur tous ces
articles au Livre de M. de Romieu . Nous
avertirons seulement que l'Auteur a eu
soin de redresser en plusieurs endroits
les Auteurs du Dictionnaire Universel ,
I. Vol
qui
JUIN. 1731. 1315
qui se sont , dit-il , égarez sur l'article
d'Arles , faute d'avoir suivi les Memoires
qui viennent d'être rendus publics .
LA MORT DES JUSTES , ou la maniere
de bien mourir ; par Jean de la Placette.
Troisiéme Edition considerablement
augmentée. A la Haye , Ger. Vander
Poël. 1729. 2. vol. in 8. de près de 600 .
pages , avec la Préface et la Table.
›
LETTRES SERIEUSES ET BADINES , sur un
Livre intitulé : Etat present de la Républi
que des Provinces- Unies. Par M. F. M.
Janiçon ; et sur d'autres Ouvrages . Pre
miere Partie ; Nec unus in te ego hos animos
gessis longus post me ordo idem petentium
decus. Tit. Liv. Decad. 1. Lib. 1. A la
Haye , che Jean Wanduren , 1729. in 12.
de 273. pages , sans compter l'Epitre , la
Préface , l'Avis du Libraire et quantité de
Tables , de Listes et de Catalogues qui
en contiennent environ 90.
Ces Lettres sont un Journal d'une nou
velle espece , comme le dit l'Auteur dans
la Préface ; on verra bien , dit- il , que je
les ai écrites avec assez d'enjoument et de
liberté. Les suivantes seront de même, & c.
On apprend dans la dixiéme Lettre
1
I. Vol. qu'on
1316 MERCURE DE FRANCE
qu'on a imprimé à Venise un Livre sous
ce titre : Trattato dell' Arte Cavalleresca ,
dove si essaminano molte questioni curiosis
sime in tornoalle Bastonate . Vinegia , apresse
li Tremati. Le Marquis Gio Pirro de Mar
di Luogo , qui en est Auteur , s'efforce
d'y prouver que les coups de bâton ne
deshonorent point , et qu'on peut sans
honte aller boire avec celui de qui on les
a reçus.
Après ce titre de Livre , dont l'Auteur
n'affirme pas tout- à - fait l'existence , il
en rapporte un autre Espagnol , duquel
il dit avoir bien ri à Séville. En voici
le titre Exclamacion à la héroica y
Christiana paciencia , &c. Eloge de la
patience héroïque de ce grand Serviteur de
Dieu, Don Jean Rufo Medroso , où l'on
voit les choses merveilleuses qu'il dit en re
cevant des coups de bâton à la porte
la generosité
incomparable avec laquelle il jetta son épée
à terre , pour ne pas faire mal à son ennemi,
et sa prudente fuite. A Seville , par le Pere
Juan de Picas , Religieux de l'Ordre des
Humiliez , 1569.
Comédie , sa contenance modeste e de la
En voici un Passage qui a été traduit :
Le Bienheureux Serviteur de Dieu inter
rogé par son ami Don Pedro del Campo ,
pourquoi il ne s'étoit pas deffendu , lui
I. Vol. ré
JUIN. 1731. 1317
répondit avec son humilité ordinaire. Fe
vous ai déja raconté comment Don Miguel
me surprit ; j'ajoûte qu'il me pressa avec tant
d'ardeur, que je n'eus pas le loisir de résou
dre divers doutes qui me vinrent d'abord
dans l'esprit. Je ne sçavois si je pouvois en
conscience me servir d'une épée que j'avois
vouée à Nuestra Señora de la Paz. Je ne
sçavois si , étant Gentilhomme , il m'étoit per
mis de me battre avec une canne . Je ne sça
vois si mon Adversaire , étant Gentilhomme
comme moi , j'avois droit de le frapper avec
une canne. D'un autre côté , je songeai qu'on
pourroit faire passer cette rencontre pour un
Duel , et que notre sainte Mere Eglise excom
munie les Duellistes. Ce n'est pas tout encore.
Je veux, en vous découvrant jusqu'au fond de
mon coeur , vous faire voir à quel point mes
pechez ont attiré sur moi le couroux du Ciel.
Scache donc que comme par ces énormes
pechez je suis devenu l'enfant du diable ;
en un mot , je tremble comme lui , dès que je
vois seulement une épée nuë.
OEUVRES MESLE'ES en Prose et en
Vers.Par M.le Comte Antoine Hamilton.
A Paris , rue S. Jacques , chez J. Fr. Fosse,
1731. in 12. de to5 . pages pour les Poë
sies , 156. pour les Lettres et Epitres.
94. pour les Chansons , et 131. pour
'Histoire de Zeneyde ;. &c..
1318 MERCURE DE FRANCE
Nous prendrons presque au hazard quel
ques morceaux dans ce Livre pour met
tre le Lecteur en état de juger , ou avoir
au moins quelque idée de ce Recueil.
LETTRE de Madame Thibergeau ;
à M. Hamilton.
Les Muses et l'Amour veulent de la jeunesse.
Je rimois autrefois , et rimois assez bien ,
Aujourd'hui le Parnasse , et la douce tendresse ,
Sont étrangers pour moi ; je n'y connois plus rien .
Ces quatre Vers , en Prose rimée , ne
font que trop foi de cette verité ; cepen
dant une Muse que j'avois flattée de voir
arriver ici le celebre Ant. Hamilton , s'é
toit engagée à ne me point abandonner
tant qu'il seroit avec moi , et à me four
nir encore assez de feu et de nobles pen
sées , pour chanter le preux Chevalier qui
doit metrre à chef l'entreprise de l'Ifla
d'Albion ; mais comme cet Antoine , Fa
vori du Parnasse , n'a point paru , la Muse
sur laquelle je comptois , m'a impitoya
blement refusé son secours et a pris son
vol vers la Lorraine , où , dit- elle , on
trouve en la personne de plusieurs belles
Chanoinesses , de veritables Muses . Le
brave Richard plaint ma peine, je l'aime,
je le goûte , je l'estime ; mais il ne m'ins
›
I. Vol. pire
JUI N. 1731 1319
pire rien de la part d'Apollon . Ainsi ré
duite à la Prose et à la simple amitié ,
mes Ecrits ne peuvent plus être que fa
des ou sérieux , et je prise trop notre il
lustre Hamilton , et les charmantes Da
mes de Poussay , pour ajoûter ici rien
de plus.
Réponse de M. Hamilton , à Madame
Thibergeau.
Il né falloit pas , Madame , nous en
voyer leş Vers du monde les mieux tour
nez , pour nous prouver que vous n'en
sçavez plus faire . O ! que ces quatre Vers
renfermeroient de belles leçons pour moi,
si par malheur je n'étois incorrigible.
S'il faut par un Arrêt fatal ,
Que les charmes de la jeunesse ,
Et les doux soins de la tendresse ,
Marchent chez nous d'un pas égal ,
Pour nous guinder sur le cheval ,
Qui voltige autour du Permesse ;
Malheur à qui dans la vieillesse ,
Des Fâcheux , triste Original ,
A l'insolence , ou à la foiblesse ,
De piquer le Docte Animal !
Et qui va sans que
rien l'en presse ,
Toujours rimant quelque Maîtresse,
I. Vol. Pour
1320 MERCURE DE FRANCE
Pour divertir quelque Rival.
Dans le cas suis , je le confesse
Plus important que B´....
Je chante quelque Iris sans cesse
Mais aussi je la chante mal.
>
Et afin que vous n'en puissiez douter ,
je vous envoye quatre Couplets assez
nouveaux que j'ai faits pour mon Iris
d'à - present , qui par son nom de guerre ,
ou de confirmation , s'appelle Pincette.
Au reste , Madame , les aimables Mu
ses de Poussay ne sçauroient consentir au
dégoût qui semble venu pour leur Or
dre ; j'entens en qualité de Muses ; et voi
cy ce qu'elles me dictent pour vous sur
ce sujet ;
>
O vous , ornement d'une Race ,
Où le bon goût regna toûjours ,
Pourquoi renoncer au Parnasse ?
Dans le plus charmant des séjours ,
Quel autre soin vous embarasse ?
Qu'avez-vous besoin du secours
De la tendresse ou des beaux jours ?
On en trouve par tout la trace ,
Dans vos Vers , dans les heureux tours ;
Sur eux la Mere des Amours ,
Semble avoir répandu sa grace ,
I. Vol. Et
H
1321
JUIN. 1731.
1
J
1
Et la rime , sans vains détours ,
Sous votre main court et se place.
A M. l'Abbé Abeille.
Il y a quelques jours , Monsieur , qu'on
me fit voir une Epigramme habillée en
Madrigal , où l'on prétend critiquer cer
tains endroits de votre Ode ; il y avoit un
de mes amis avec moi , qui trouvant
votre Ode fort belle , & la Critique fort
mauvaise , y fit la Réponse que je vous
envoye .
Jadis le Grec Archilochus ,
Mit par un Vaudeville Iambe
Pour certains griefs prétendus , )
Néobulé , la belle , et son Pere Lycambe
Au Catalogue des pendus ;
Mais aujourd'hui pour se deffendre ,
Contre les attentats divers ,
D'Epigrammes sans sel , de Madrigaux pervers ,
On se contente de les rendre ;
Car c'est au Censeur à se pendre ,
Lorsque son esprit à l'envers ,
Veut enseigner au lieu d'apprendre ,
Fait des fautes pour les reprendre ,
Et qu'il médit en méchans Vers.
1. Vol. CA
1322 MERCURE DE FRANCE
į į į į į į į į į į į į į į į į į ƒ ❀
CATALOGUE des Ouvrages du Mar
quis SCIPION MAFFEI , Illustre
Sçavant de Veronne.
Della Scienza chiamata Cavalleresca. En
trois Livres in 4 ° . à Rome 1710. on
en a fait depuis six Editions . La der
niere avec des notes en commentaires
du P. Paoli , de l'Académie des Arcadi.
L'Auteur attaque dans cet ouvrage
les fausses maximes et les faux préjugez
du point d'honneur.
Rime et Prose & c. Recueil des Discours
Lettres , Dissertations , et autres Pie
ces composées en divers temps par le
Marquis Maffei , et qui avoient déja
paru séparément . On en est redevable
à M. le Docteur Colleti , qui le fit im
primer à Venise en 1719. in 4º .
Merope , Tragedie. Cerimanie , Comedie.
La fida Ninfa: Drame mis en Musique.
Ces trois Pieces ont été nouvellement
réimprimées à Verone en un même vo
lume , avec l'explication de quelques
Antiquités qui appartiennent au Thea
tre.LaTragedie deMerope fut imprimée
pour la premiere fois en 1710. et dans
1
"
}
I.Vol.
l'espace
JUIN. 1731. 1323
l'espace de moins de dix années il s'en
est fait en Italie , ou dans les Pays
étrangers , plus de douze Editions. Ja
mais Tragedie n'a eu un applaudisse
ment si universel, et ne le merita mieux.
Il en a paru des Traductions en Alle
mand , en Anglois , en Castillan , et
trois differentes en François.
· Tradutori Italiani , &c. Ouvrage où l'on
donne une connoissance de toutes les
Traductions qui ont été faites en Lan
gne Toscane , des anciens Auteurs
Grecs et Latins .
Dell amica Condizion di Verona. Le Mar
quis Maffei publia certe Dissertation
pour la déffense de Verone sa Patrie ,
contre un Auteur qui avoit entrepris
de prouver que Brescia avoit été la
Capitale des Cenomans , et que Verone
lui avoit été soumise. Il y prouve d'une
maniere claire et solide , que ce vers
Brixia Verona mater amata mea.
n'est point de Catulle. On a décou
vert depuis la publication de cet Ou
vrage deux anciens Manuscrits des
Oeuvres de ce Poëte , où en effet ce vers
ne se trouve pas.
Cassiodiori Complexiones, &c. Ces opuscu
les de Cassiodore qui n'avoient point
encore été publiés , furent imprimés à
I.Vol. F Florence
1324 MERCURE DE FRANCE
Florence en 1721. accompagnés de
Sçavantes Notes.
Supplementum Acacionum. Ce sont trois
Lettres de Felix I I I. jusqu'alors non
publiées. On les a inserées dans le 5.To
me de l'Edition des Conciles , qu'on
fait à Venise.
Historia Diplomatica &c. Histoire Diplo
matique pour servir d'introduction à .
l'art critique sur cette matiere , avec
un Recueil de documens qui n'avoient
pas encore été publiés. On a de plus
dans ce même volume , un Discours
sur l'origine des Vers Rithmiques.
Une Dissertation sur les premiers ha
bitans d'Italie ; la Lettre de S. Chri
sostome à Cesarius expliquée , et quel
ques autres Monumens.
*
·C
Il Theatro Italiano. C'est un Recueil des
plus belles Tragedies qui ayent été re
presentées sur les Theatres d'Italie.
Opere di Giorgio Trissino raccolte. Ce Re
cüeil est précedé d'une sçavante Preface.
De gli Amphiteatri &c. Traité des Amphi
theatres , et en particulier de celui de
Veronne. Il paroitra de nouveau dans
un ouvrage plus considerable , qui est
déja sous Presse , et qui aura pour titre
Verona illustrata.
GIORNALE DE LETTERA TI D'ITALIA
Tomo primo. Anno MDCCX. All' Al
JUIN. 1731 . 1325
tezza serenissima di Ferdinando . IIL
Principe di Toscana . InVenezia MDCCX.
Appresso Gio. Gabriello Ertz , Con Licen
za de Superiori , E Privilegio. Vol. in 12.
de 467. pages. L'Epitre , la Preface et la
Table comprises .
L'Italie vit en 1658. le premier Jour
nal écrit en sa langue. M. l'Abbé Nazari
soutint cette entreprise jusqu'en 16 81. avec
beaucoup de gloire . Il s'imprimoit à Rome
sous les auspices du Cardinal Massimi,
Le Journal de Venise commença en
1671. et finit en même temps que le Jour
nal de Rome. Les Auteurs étoient Pier
re Moretti , et François Miketti. L'An
1686. le P. Gaudence Roberti Car
me , et le P. Benoit Bacchini, Benedictin
du Mont- Cassin , entreprirent à Parme
un Journal qu'ils ne continuerent que
pendant quatre ans. On commença en
1692. d'en donner une continuation
imprimée à Modéne , mais elle n'eut pas
beaucoup de suite.
Le Journal de Ferrare entrepris par
l'Abbé della Corce , fameux Antiquaire ,
et commencé en l'année 1691. fût aussi
d'une courte durée .
Le Journal de Florence , intitulé: Saggi
di naturale esperienze fatte nel Academia
del cimento , se borna aux matieres de
I. Vol.
Fij Physique
1326 MERCURE DE FRANCE
Physique. Nous ne sommes pas assés ins
truits de ses progrez.
Albrizi commença d'imprimer à Ve
nise en 1696. La Galerie de Minerve , ce
Journal étoit l'ouvrage d'une Societé de
Gens de Lettres , dont M. Apostolozeno
étoit le Sécretaire. Mais le Journal dont
nous avons à parler ici , que ce Sçavant
Italien commença avec l'année 1710 .
sous les Auspices du Grand Prince de
Toscane, a presque fait disparoître la Gal
lerie de Minerve le dessein de ce Jour
nal est plus regulier. Il s'imprime à Veni
se , et il en paroît tous les trois mois un
volume. On sçait que plusieurs Ecrivains
d'un grand merite ont part à cette En
treprise. Entre- autres , le Seigneur Ber
nardo Trevizani , noble Venitien et grand
Philosophe , le Cavalier Maffei , une des
meilleures plumes d'Italie , qui joint l'é
rudition à la politesse ; M. Vallisnieri
et Morgagni , célebres par des ouvrages
estimés sur la Physique , la Medecine , et
l'Anatomie , et M. Patarol , qui a une
grande connoissance des Belles-Lettres et
de l'Antiquité , outre cela les Auteurs
de ce Journal , qui n'a eu encore aucune
interruption , ont eu , dès le commence
ment, une liaison particuliere avec l'Illus
treMarquisOrsi et avec le fameuxM.Ma
ag
I. Vel. gliabecchi
JU IN .
1731. 1327
I
1
ES
of
gliabecchi , ce qui doit achever d'en donner
une idée avantageuse .
AGNELLI qui et ANDREAS Abbatis
S. Mariae ad Blachernas et S. Bartolomei
Ravennatis , Liber Pontificalis , sive vita
Pontificum Ravennatum &c.Mutinæ 1708 .
2. vol . 4º. Les Journalistes remarquent
que ceux de Paris , en anonçant l'impres
sion de cet Ouvrage, (a) on dit expressé
ment qu'Agnellus a donné les Vies des
Archevêques de Modéne , ce qui n'est pas
exact , la Ville de Modène n'a jamais eu
d'Archevêques , mais seulement des Evê
ques , et dans le livre d'Agnellus il s'agit
des Evêques , et des Archevêques de Ra
venne , c'est ce qui paroît par le titre
même de l'Ouvrage.
CONSIDERAZIONI ad Asperienze in torno
al creduto cervello di bue impietrito , viven.
te encor l'animale , presentato dal Sig. Ver
ney ilgiovane , all' Accademia Real di Pa
rigi , fatte da ANTONIO VALLISNIERI & C.
in Padoua 1720. in 4° . di pag. ƒI . 10.
Tavole in rame.
•
Ces considerations roulent sur l'obser
servation qu'avoit faite M. Duvernay le
jeune, d'un Boeuf qui avoit vêcu ayant le
Cerveau pétrifié ( a ) M. Vallisnieri sou
(a) Suplem. du Journ. des Sçav.Sept.1708 et
Mars 1709 .
1. Vol. tient
Fiij
1328 MERCURE DE FRANCE
tient que ce n'est point une chose aussi
rare que l'Auteur François l'a crû , et ik
en donne plusieurs exemples remarqua
bles. En second lieu , que tous ces pré
tendus cervaux pétrifiés ne sont que de
simples concrétions de matiere osseuse
pierreuse , qui descend quelquefois du
crâne dans sa cavité , et s'y étant affermi
ressemble grossiérement au cerveau , soit
par la blancheur et par l'inégalité de la
superficie.
Rime di BuONACCORSO MONTEMAGNO
in Bologna 1756. in 12. p . 47 .
Rime di AGOSTINO STACCOLI da Urbino
in Bologna 1709. in 12. p . 45 .
Rime di Monsig". GIOVANNI GUIDIC
CIONE . in Balogna 1709 , in 12. p . 99 .
Rime d'ANGELO DI COSTANSO, in Bo
logna 1709. in 12. p. 93. &c. Au sujet
de ces nouvelles Editions , les Journa
listes font cette réflexion , ( b) lorsque les
François et les autres Etrangers , exami
nent le gout des Italiens dans cette sorte
de Poësie , que communément nous ap
pellons Lirique , ils croyent que nous.
n'aimons que l'enflure , l'affectation , les
jeux de mots , et pareilles choses , qui , à
$
(a) Histoire de l'Academie des Sciences . An.
1703 .
( b ) Pag. 179
1. Vol. la
JUIN. 1731. 1329
AR
la verité , n'ont pas cu moins de cours en
Italie qu'en d'autres Pays ; mais ce fut
seulement pendant quelque temps dans
le dernier siecle . Pour cette raison ils con
siderent le Marini , l'Achillini et sem
blables Auteurs , comme les seuls qui ayent
tenu le premier rang parmi nos Poëtes ,
et croyent en découvrant la foiblesse de
ceux-ci , convaincre tous les autres de
mauvais gout ; la chose n'est pas pour
tant telle qu'ils se l'imaginent.Quoiqu'on
ait vû dans les dernieres années plu
sieurs Livres de régles et de pratique ,
qui démontrent clairement que nos Vers
Liriques sont d'aussi bon aloi que nos au
tres Poësies , et qu'ils sont à l'épreuve de
la critique la plus rigoureuse ; cependant
quelques personnes judicieuses et intel
ligentes ont voulu faire revivre et re
cueillir les ouvrages de quelques Poëtes
Liriques tant des siecles passés que de celui
où nous vivons , afin que leurs exemples
donnent de l'émulation aux uns, et servent
à détromper les autres . Ils ajoutent , page
212. qu'à Naples on commença à s'appli
quer à la Poësie en langue vulgaire dés sa
premiere Enfance , c'est - à- dire, du tems de
P'EmpereurFederic II . et de Pier dalle vigne
son Secretaire ; mais ayant décliné dans le
15. siécle , elle ne se releva point autre
I. Kal. Fiii
part
1330 MERCURE DE FRANCE
part avec autant d'éclat qu'en cette belle
Contrée de l'Italie , par les ouvrages de
Seraphino, de Sannazar, de Coriteo et au
tres. Le siecle suivant fut si abondant en
Poëtes Italiens ,que de leurs seules Poësies
détachées on forma des volumes entiers , et´
d'amples recueils. Il est bien vrai qu'elle
perdit beaucoup de son ancien lustre au
commencement du XVI . siecle par la nou
veauté qu'y introduisit le Cavalier Giam
batista Marini , Napolitain ; de sorte que
presque tous nos Poëtes imiterent cette
maniere licentieuse , seduits par les ap
plaudissemens qu'on donnoit alors géné -
Talement à certaines puerilités , à certai
nes enflures , qui , pour dire trop , ne
disent rien ; de cette Ecole , sortit , prin
ripalement à Naples une Populace de
mauvais Poëtes , qui eurent beaucoup de
vogue et qui firent dans notre langue va
loir,à l'envi , des Grecismes et des Latinis
mes affectés , et hors de propos , aban
donnant ces mots et ces locutions qui
rendent le stile , châtié , clair et élegant .
On commença vers le milieu du même
siecle à ouvrir les yeux , on reconnut en
fin l'erreur, et on peut dire que la Ville de
Naples pour reparer le mal que quelques
uns des siens avoient causé à la Foësie ,
fut la premiere qui eût la gloire de don
I. Vol. ner
JUIN. 1731 .
"
1331
ner de nouveaux et de meilleurs modeles.
à imiter ; tels furent Pirro Schettini , Carlo
Buragna , et autres excellens Poëtes.
VITA e Profezie del Brandano Sanese
volgarmenta detto, il pazzodi Cristo , nova
mente publicate e racolte da i Codici piu
autore voli et dedicate a Madonna Reveren
dissima la SibillaTiburtina.InTivoli. Nella
Stamperia dell' Indovino. 1710. in 4º .
GEMME ANTICHE figurate , date in lu
ce da Dominico de ' Rossi, colle Sposizio
ni di PAOLO- ALESSANDRO MAFFEI &c.
Parte prima & c. in Roma 1707 , in 4º..
reale , le gemme sono 1c6 , le pag. delle.
note 130.
NUOVE e maravigliose e Scoperte dell
origine di motti animalucci su le foglio de.
Cavoli , come di molti insetti dentro gl in
setti etc. c'est une Lettre de 14. pages de
Diecinto Cestoni Livornese , qu'on a im
primé à la suite du Tratatto de' Rimedii per
le malattie del corpo umano. Tradotto da
Francese, &c. in Padona 1709. in 4. di
pag. 376. oltre le tavole in rame.
M. Cestoni rend compte dans cette Let
tre , de plusieurs insectes qu'il a observés
sur les feuilles de chou , entre-autres d'une
espece de petits Papillons blancs , qui .
n'ont point encore été remarqués par
aucun Jardinier , ni même par aucun Ecri
I. Vol.
Fy vain
7332 MERCURE DE FRANCE
vain de l'Histoire naturelle , étant pres
que invisibles , et qui vûs dans le Mi
croscope ressemblent parfaitement en
toutes leurs parties aux grands Papillons..
Un jour il en mit ensemble plusieurs
douzaines , qui ne pûrent faire le poids:
d'un grain , il en faudroit pour cela plus.
de deux cent. Il vir que la génération:
s'en faisoit comme des grands Papillons ,
c'est-à dire par le concours du Masle et de
la Femelle , laquelle devenue pleine trouve
dans la partie de dessous des feuilles.
de chou les plus tendres une petite fosse ,
où elle forme une place blanche , qui pa
roit enfarinée , et y dépose ses oeufs , or
dinairement en demi cercle , au nombre
de dix jusqu'à seize . Il décrit avec exacti
tude ces oeufs , vûs dans le Microscope ,
leurs changemens , ensuite le ver qui en
sort , lequel a sur le dos une espece de
laine blanche comme les Brebis , et c'est
pour cela qu'iNui donne le nom de peti
te Brebis. Ces vers rampent séparément
de côté et d'autre , mais avec tant de len
teur qu'ils employent une journée entiere
à parcourir un espace grand comme l'on
gle ; arrivés où ils doivent ou veulent s'ar
rêter , ils se reposent et se rangent de ma
niere qu'en croissant ils ne puissent se tou
cher , et vûs alors dans le Microscope, ils
I. Vol. paroissent
JUIN. 1731. 1333
paroissent autant de Brebis immobiles ré
pandues dans une Prairie. Ainsi formés et
attachés ils croissent pendant quatorze
jours.Ensuite on ne les voit plus croître, ni
changer de couleur,restant toujoursblancs.
Il ne s'est point apperçu non plus qu'ils
changeassent de forme , ni qu'ils eussent
le moindre mouvement , demeurant tou
jours comme ces coquillages de Mer quis
sont étroitement attachés aux Rochers.
Aprés dix ou douze jours ces petites:
Brebis se dépouillent de leur toison et
sortent Papillons tout formés , qui trois
jours aprés s'accouplent et de cette ma
niere continuent leur generation , jusques
là que, comme les Pigeons domestiques
ils mutiplient tous les mois leur espece ..
Il finit sa Lettre par la Description de
leur cruel ennemi qu'il nomme Loup ,
ne vivant d'autre chose que de ces pau
vres petites Brebis , avant leur Metamor
phose . C'est une espece de moucheron
noir , sauvage , et carnacier ; il les
a remarqués avec une patience merveil
leuse , tournant continuellement autour
de ces Brebis. Les uns s'attachant aux plus
tendres , en succent peu à peu toute la
substance , etne leur laissent que la Peau ;;
les autres se posent sur les plus grosses et
y demeurent assés longtemps.Ce qui ayant
23
3+
L..Vol . F vi excité
2334 MERCURE DE FRANCE
excité son attention , il observa que ces
Moucherons aprés avoir percé le dos des
petits vers sur lesquels ils s'étoient mis ,
déposoient dans le trou un oeuf , dont il
s'apperçût quelque tems aprés qu'il se
formoit un ver , qui commençoit à son
tour à devorer sa Brebis , et qu'il en arri
va ainsi de toutes les autres dans lesquelles
les Moucherons avoient fait leurs oeufs.
Il décrit exactement à quoi l'on peut
connoître qu'elles ont l'ennemi chez elles .
Ces cruels Hôtes ayant pris leur crois
sance dans le corps de ces Brebis , s'y ren
ferment ( a ) comme font tous les autres
vers lorsqu'ils doivent se changer en
Papillons ; en effet par le moyen du Mi
croscope on les voit distinctement enve
lopés de la peau de ces petits corps dont
ils ont dévoré le dedans. Ils restent ainsi.
environ vingt jours plus que les petits.
Papillons, aprés quoi déchirant cette peau,
ils sortent Moucherons tout formés.
La suite pour le Mercure prochain.
' •
Le Reverend Pere Porée , Jesuite , pro
nonça le neufde Février , devant une 11
lustre Assemblée un Discours Latin
fort éloquent sur les Critiques , dans le
College de Louis le Grand . L'Orateur
(a) L'Incrisalidano.
1. Vol. COR
JUIN. 1731. 133
convenant , qu'il y a aujourd'hui plus de
Critiques que d'Ouvrages à critiquer , et
que la licence de ceux qui se mêlent de
critiquer , a rendu la Critique aussi odieu
se que ses Auteurs , prétend néanmoins
qu'on ne doit pas proscrire de la Répu
blique des Lettres toute sorte de Critique,
mais qu'on doit seulement en corriger
les abus. Il partage donc son Discours , et
entreprend dans la premiere. Partie de
prouver la necessité de la Critique : dans
la seconde , il parle des qualitez d'un bon
Critique.
Par tout où il y a des procès , dit le
P. Porée , par tout où il se commet des
crimes , par tout où on entreprend d'in
troduire la licence , il faut des Juges
pour terminer ces procès , punir ces cri
mes et s'opposer à cette licence . Or tout
cela a lieu dans la Litterature . L'Orateur
laiffe peu de chose à dire sur les sujets
de querelle & de procès , qui divisent
les Gens de Lettres de toutes les sortes
Rhéteurs , Grammairiens , Philosophes ,
Géometres mêmes.. Desorte que tout ce
qu'il y a, ce semble, de plus propre à éclai
rer les Hommes & à les polir , devient
par l'abus qu'ils en font , une source de.
guerre et de discorde , & d'une guerre.
le plus souvent pleine de bassesse et de
I.Vol. mali
#336 MERCURE DE FRANCE
malignité. C'est pour terminer cette guerre
et décider ces procès , que le R. P. Po
rée croit les Gritiques nécessaires , sans
doute , comme le sont les Avocats pour
plaider et pour instruire l'Affaire dont le
Public seul est Juge sans appel . Que
fçait-on même s'il y auroit beaucoup de
procès dans la Litterature , supposé qu'il
n'y eut point de Critiques.
Le second chef des crimes Litteraires
eft bien traité. Que de fautes introduites
dans les Livres des Anciens par l'igno
rance ou la négligence des Libraires ou
des Copistes ! Quelle obligation n'a-t'on
donc pas aux Turnebes , aux Budées , aux
Murets , qui ont pris la peine de purger
ces Livres ? Quelle Chronologie aurions
nous , sans les Scaligers , les Ussers , les
Petaus ? La Céographie ne seroit qu'un
cahos , sans les Cluviers , les Briets , les
Samsons ? Et c'est le même de toutes les
autres parties de la Litterature . Le P.
Porée s'étend beaucoup sur les vols Litte
raires , que c'est aux Critiques de demas
Il s'en fait tous les jours plus qu'on:
quer.
ne pense. La diversité des langues en oc
casionne plusieurs. Souvent un Ami in
fidéle , dépositaire des Ecrits de son Ami
mort , se les attribuë , & c.
La troisiéme raison de la néceffité des
1. Vol .
Cri
JUIN. 1731. 1337
Critiques , est prise de la licence que se
donnent des demi-Sçavans d'altérer les
Sciences , sous pretexte de les enrichir ,
de les réduire , de les embellir , de les per
fectionner. Rien n'eft plus éloquent ni
plus judicieux que le Morceau , où l'O
rateur , rappellant la Coutume des Ro
mains , qui dans le tems orageux , aver
tissoient les Consuls de veiller que la Ré
publique ne souffrit aucun dommage
avertit dans les mêmes termes , les Cri
tiques de veiller que la Théologie , la
Philosophie , l'Histoire , les Mathéma
tiques , les Belles-Lettres , ne souffrent
aucun dommage de la part des demi-Sça
vans. Il est fâcheux que la République
Litteraire , n'ait pas ses Critiques auto
risez comme la République Romaine avoit
ses Consuls , & qu'une foule de Censeurs
sans aveu , plus ennemis des Auteurs que
des Ouvrages , plus malíns à reprendre ,
que judicieux à corriger , puissent pren
dre pour eux un Avertissement que le
P. Porée n'addresse qu'à des Critiques .
sçavans , prudens , & pleins de probité ,,
tels qu'il les caractérise dans la seconde
partie de son Discours.
25
Aujourd'hui tout homme qui se sent in
capable d'écrire sur aucun sujet, et qui vent
pourtant écrire , prend le parti de la Criti
L. Vol. que
T338 MERCURE DE FRANCE
que. Carpour affirmer,il faut avouer quet
que chose ; pour nier il suffit de ne rien sça
voir. On ne sçauroit traiter un sujet , mais
on scait suivre un Auteur qui l'a traité; on
sçait aboyer après lui , le mordre et le dé
chirer. Le sage Orateur croit-il persuader
quelqu'un , lorsqu'il exige d'un Critique,
une science immense , une vaste érudi
tion , une connoissance éxacte de toutes.
choses un Critique a renoncé à être
sçavant , & un véritable
communément si critique .
sçavant
n'est pas
.
La science ne suffit pas ; un Critique a
besoin de beaucoup de prudence , de dis
cernement de sagacité pour porter un
jugement sain, juste etdéfinitif. Mais sur
tout la probité est absolument necessaire
à un Critique. Celui que l'amitié séduit
ou que la haine emporte , ne sçauroit être
un Juge sain & éclairé. C'est pourtant- là
ce qui décide de la plupart des Critiques ,
et l'envie en est ordinairement le premier
mobile ; mais le Public qui est le Juge
Souverain en dernier ressort , et des Criti
ques , et des Ouvrages critiqués , fait et
rend justice aux uns & aux autres , et une
passion tropvive n'impose qu'à celui qui
en est atteint, et tout au plus à ceux qui en
sont complices. Toute critique que la
cabale a dictée , rentre bien- tôt dans le
L. Vol.
néant
,
JUIN. 1731. 1339
néant , d'où elle est à peine sortie , et laisse
en possession de l'immortalité , l'Ouvrage
& l'Auteur qu'elle avoit attaqué avec plus
de véhemence qué de force et de sagesse.
3
Le R. P. Porée dévoilé tous les arti
fices que l'envie , la haine , la partialité
les préjugez inspirent à des Critiques qui
n'ont pas toute la bonne foi que la Pro
bité inspire, et que la Religion exige avec
rigueur. Ilse déclare avec force contre un
Livre assez moderne , qui est effective
ment très- dangereux ; & d'autant plus
dangereux , que l'Auteur ne semble s'y
piquer de probité , que pour porter des
coups plus assurés à la Religion , d'im
partialité , que pour décrier tous les par
tis sans en excepter le bon , de discer
nement que pour rejetter tout , de non
crédulité que pour établir l'incrédulité.
L'Orateur en bon Critique loie ce que
cet Ouvrage a de bon , en blâmant`ce
qu'il a de mauvais.
.
:
On imprime chez Laisnel au. Chef
S. Jean rue S. Jacques , un Livre inti
tulé : Analyse de la Dissertation de M. Mo
rand sur la Taille au haut Appareil , ou Re
ponse aux Reflexions Anatomistes de M.
Rameau sur cet Ouvrage , in 8 °. par M. le
Cat.
1. Vol. On
1340 MERCURE DE FRANCE
"
On va imprimer du même Auteur , un
autre Livre intitulé : Essai de la Medico
physique sur les effets de la Saignée . Cet Essai
a 3. parties .
Dans la premiere , on établit sur les
Loix de la Mechanique & de l'Hydrauli
que , les principes généraux des Effets de
la Saignée. L'acceleration , la dérivation
et la révulsion . Dans la seconde , on dé
termine les Effets de chaque Saignée en
particulier , et on donne le calcul de la
quantité de ces Effets . Le dernier article de
cette deuxième partie , contient la Des
cription d'une machine inventée par l'Au
teur , laquelle copie non-seulement les
organes de la circulation naturelle , mais
même en imite les Phénomenes , comme
le battement du coeur , la pulsation des
Arteres , et la circulation réelle d'une Li
queur contenue dans cette Machine . L'Au
teur prétend par cette même machine dé
terminer méchaniquement les Effets de
chaque Saignée ; il en donne les moyens.
Il promet d'ajoûter dans l'exécution , les
fonctions & les filtrations dans les prin
cipaux Visceres ; d'où il résultera une es
pece d'homme artificiel . Enfin dans la
troisième partie , il réfute quelques Ou
vrages récemment publiés sur cette Ma
tiere.
end
iL. Vol.
Re
JUIN. 1731.
1341
1
RECUEIL de Danses de Ville
, pour
l'Année 1731. de la composition de M.
Blondy , Compositeur de Ballets de l'A
cadémie Royale de Musique , et Pension
naire du Roy ; mis au jour par le fieur
Rameau , seul Privilegié du Roy pour la
correction et augmentation de la Choré
graphie. La Musique est gravée parJ. L.
Renou. Prix 1. 1. 10. f. A Paris , Chez
l'Auteur , Faubourg Saint Germain , ruë de
Bussi , à la Cour Imperiale : le sieur Boivin ,
ruë Saint Honoré , à la Régle d'Or : le fieur
Le Clerc , rue du Roule , à la Croix d'Or.
L'Abbé de la Grive , Auteur du Nou
veau Plan de Paris en six feuilles , vient
de mettre au jour , la seconde Feuille de
sa Carte des Environs de Paris , qui com
prend le Cours de la Marne , jusqu'à cinq
lieuës de cette Ville , et 57. tant Villages
que Hameaux , grosses Fermes et Cha
teaux détachés , depuis le Château de
Vincennes jusqu'à Torcy , d'Occident en
Orient , et depuis la Forêt de Livri ; jus
qu'au Bois de S. Martin en Brie , du Nord
au Midy ; avec les chemins qui commu
niquent des uns aux autres. Le tout levé
sur les lieux , et détaillé de sorte qu'on
y reconnoît distinctement les Plans des
belles Maisons comprises dans cette
1.Vel étenduë.
1342 MERCURE DE FRANCE
étendue. Elle se vend chez l'Auteur , Cloî
tre S. Benoît. Il donnera à la fin de cette
année , la troisiéme feüille qui compren
dra le côté de la Brie.
>
M. Servandoni , Peintre d'Architec
ture et de Perspective , Florentin , Eleve
du Signor Jean Paul Panini , fut reçû à
l'Académie Royale de Peinture et de Scul
ture le 26. du mois dernier avec toute
la distinction que merite son habileté. II
s'eft fait une grande réputation , par
plusieurs Ouvrages généralement esti
mezzentr'autres par ses belles Décorations
d'Opera , et en dernier lieu , par celle
du Palais du Soleil , qui a été admirée
de tout le monde.
M. Servandoni , qui a été reçu sur ua
très - beau Tableau en hauteur , représen
tantjun Temple et des ruines , que l'Aca
démie garde , travaille actuellement à un
Plan , Profil et Elevation d'une Eglise ,
avec tout le dévelopement , en dessein et
en relief , pour être reçu à l'Académie
Royale d'Architecture.
.
Il fut posé le 17. Mars dernier , sur le
Maîtte Hôtel de l'Eglise de S. Jean en
Gréve , un groupe de Marbre , repré
sentant le Baptême , que Jesus- Chrift obli
1. Vol gc
JUI N. 1731 1343
e SaintJean de lui donner ; chaque fi
gure ayant cinq pieds neuf pouces de
proportion. Notre Seigneur est du côté
de l'Evangile , un genouil sur le coin d'u
ne Roche , les mains croisées sur l'estomac,
s'inclinant vers Saint Jean pour recevoir
le Baptême. Saint Jean est debout de
l'autre côté , versant de l'Eau avec une
coquille sur la Tête du Sauveur. Il paroît
dans un respectueux étonnement de ce
que son Maître lui demande ce qu'il de
vroit recevoir de lui . Ces deux Figures
se groupent avec le Rocher d'où sort la
Source du Jourdain : ce qui fait un excel
lent morceau dans le grand et dans le
simple , dont les connoisseurs les plus
délicats sont satisfaits . On saisit surtout
avec plaisir l'expression que l'habile Scul
pteur a sçû mettre dans la Teste du Christ
et de S. Jean , pour marquer sensible
`ment , et sans outrer , la difference de la
natute divine & de la nature humaine.
Ce monument dont M. Esnault , Curé
de la Paroisse de Saint Jean , a voulu dé
corer son Eglise , a été fait par Jean- Bap
ptiste le Moyne Fils , Sculpteur de l'Aca
démie Royale , agé de vingt six ans , le
quel n'a été que deux ans et demi à faire
cet Ouvrage.
Le Sieur le Moyne vient d'être choisi
I. Vol.
pour
7344 MERCURE DE FRANCE
pour fondre une Statue Equestre du Roy
que la Ville de Bordeaux doit faire éle
ver dans une place que l'on construit ex
près , et dont M. Gabriel , Premier Ar
chitecte du Roy , a donné les desseins.
Lorsque que cet Ouvrage sera plus avan
cé nous en donnerons une Description .
Nous sommes priez de demander
aux personnes versées dans les étymo
logies ou origines de certaines expres
sions , qui sont d'un usage familier dans
notre langue , la raison ou le fonde
ment des termes suivans. De longue main.
Qui refuse muse. Couper l'herbe sous les pieds.
Lafoire n'est pas sur le Pont. J'ai une dent
contre lui. Il ont eu castille ensemble . Faire
des Châteaux en Espagne . Tourner la Truye
aufoin. La vache a bon pied. Nul n'est
Prophete en son Païs , &c. et autres comme
venu la gueule enfarinée . Connu comme le
Loupgris , et autres semblables manieres
de parler , dont la taison , ou l'allegoric
ne se presente pas à l'esprit.
On apprend d'Amsterdam , qu'on y vendra
publiquement le 15. Aoust prochain , le fameux
Cabinet de feu M. Jacob Walravin , consistant
en une collection d'Agathes Orientales , aussi ra
res que belles , peintes interieurement par arti
fice , et non peintes , plaques et autres Pieces ex
=
I. Vol. traor
JUIN. 1731 . 1345
traordinaire. Pierres gravées en creux et en relief,
& c.
JEAN SWART , Libraire à la Haye , y ven
dra publiquement au mois de Septembre prochain,
un fameux Cabinet de Coquilles , Ecailles Co
rails , Plantes et insectes Maritimes , des Coquil
les ou Ecailles très-bien et très - ingênieusement
gravées par le célebre Belleguin, de très belles Fi
gures en Yvoire et en Bois , de Pierres antiques en
agathe, onix,sardoine , cornalines,sur tout des Tê
tes ; Bassins et Soucoupes d'Agathe et de Jaspe ;
quantité de Mineraux , &c Les Curieux qui
voudront acheter quelques morceaux à la main ,
pourront s'addresser au sieur Swart , qui leur en
fera bonne composition.
On donne Avis au Pablic , que le sieur Pierre
Martin , Négociant à Cette , vient de composer
une Liqueur,qu'on appelle Eau délicieuse , qui est
supérieure en bonté à toutes celles qu'on a faites
jusqu'à present ; elle imite parfaitement bien la
véritable Eau de Barbarde , et elle est admirable
pour les meaux d'Estomac et pour la Colique , elle
ne se vend que IS. fla Bouteille, qui contient en
viron le demi - Septier de Paris , et la demi- Bou
teille 8. f. Ceux qui en souhaiteront , pourront
s'addresser à quelqu'un à Cette , ou à Montpel
lier , ou à droiture au Sieur Martin , qui leur en
fera tenir à l'endroit où ils voudront.
1346 MERCURE DE FRANCE
*** $$3
MUSETTE EN RONDEAU.
CHarmantes Harmantes Prairies ,
Fleuries ,
Azile des Amours ,
De nos Bergeries
Cheries ,
Vous faites les beaux jours .
J
Le matin , dès l'Aurore ,
Sur vos Gazons naissans ,
On voit éclore ,
Les presens de Flore ,
Doux objets de nos sens :
Et sous ce frais Bocage ,
On entend le ramage
Des Oiseaux innocens.
Charmantes Prairies ,
Fleuries , &c.
Dans ces beaux lieux paisibles ,
Nous vivons heureux ;
Les Bergeres sensibles ,
Ecoutent nos voeux ,
I. Vol.
Et
Juin
Du
Buisson.
Artist
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
,
17
CORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
,
DLS
Si
1
C
A
C
V
R
C
Jo
a
ti
1
JUIN.
*347 1731.
Et sans allarmes ,
Nous goutons les charmes ,
De nos tendres feux.
Charmantes Prairies , &c.
Dans ces libres Retraites ,
Les Bergers d'alentour ,
Sur leurs douces Musettes ,
Répetent tour
Charmantes Prairies ,
à tour >
Fleuries ,
Aziles des Amours ,
De nos Bergeries ,
Cheries ,
Vous faites les beaux jours.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
SPECTACLE S.
L >
Es Comédiens François donnerent
le Mardi 12. de ce mois , la seizième
Représentation de l'Italie Galante ou les
Contes , que le Public goûte tous les
jours de plus en plus. Ils la reprendront
au retour de Fontainebleau , où une par
tie de la Troupe a été mandée , ainsi que
la Troupe des Comédiens Italiens.
Le Samedi 16 , on donna sur le Thea
I. Vol.
G tre
1548 MERCURE
DE FRANCE
tre François , la premiere Représentation
Comedie
nouvelle
du Faux Sincere >
en Vers , en cinq Actes
en cinq Actes , de feu M.
Dufresni , qui fut fort bien représentée
et très-applaudie. Le Sieur de Montmenil
y joue le principal Rôle, dont le caractére
est admirable
, avec beaucoup
d'intelli
gence. Nous en parlerons plus au long.
L'Académie
Royale de Musique don
na le 29. May , la septième et derniere
Représentation
de la Pastorale Héroïque
d'Endymion , dont on a parlé dans le
même mois. Elle reprit le premier Juin
Idomenée , et en a donné fix Représen
tations .
Le 14. on remit au Theatre le Balet des
Fêtes Venitiennes
, dont les paroles sont de
M. Danchet , & la Musique
de M. Cam
pra. Ce Balet , composé de plusieurs
Er
trées , avoit été donné la premiere
fois en
Juin 1710. et la derniere Reprise en Juil
let 1721. On joüe aujourd'hui
le Prologue
et trois Entrées ; sçavoir , les Devins de la
Place S. Marc , l'Amour Saltinbanque
, et
le Bal.
Les deux principaux Rôles du Prologue,
qui sont le Carnaval et la Folie , qui
avoient été joués en 1721. par le fieur le
Mire , et la Dile Souris , sont remplacez
I. Vole
par
'JU IN. 1731. 7349
par le sieur Dun , et la Dlc Erremens.
Les trois Rôles de la premiere Entrée
de Leandre , Cavalier
François , Zelie ,
jeune Vénitienne
et une Bohémienne
, qui
avoient été jouées par le fieur Thevenard
,
par la De Antier , et par la Dlle Lambert ,
sont remplis par le fieur Chassé , par
Dile Pellissier
, et la Dlle Julie.
la
Dans la deuxième Entrée de l'Amour
Saltinbanque , le fieur Dun chante le Rôle
du Chef des Saltinbanques , à la place du
fieur du Bourg ; celui d'Eraste,jeune, Fran
çois , Amant de Leonore, est chanté par le
S Tribou , à la place du S Muraire , celui
de Leonore , par la Dile le Maure , au lieu
de la Dile Tulon , et celui de la Surveil
lante de Leonore , par le fieur Cuvillier ,
qui a remplacé le sieur Mantienne . Le
Rôle de l'Amour Saltinbanque , qui avoit
été joüé par la Dlle Minier ," est exécuté
par la Dile Petitpas.
•
Le Rôle d'Alamir , Prince Polonois , dans
la 3º Entrée , est chanté par le St Chassé ,
à la place du S Thevenard ; le St Dumas
joue celui du Gentilhomme du Prince ,
qui avoit été chanté par le fieur Ariand ;
celui d'Iphise , par la Dule Pelissier , à la
place de la Dile Antier , et les deux Rô.
les , aussi originaux que singuliers , du
Maître de Musique , et du Maître de
1. Vol. Gij Dan
1350 MERCURE
DE FRANCE
Danse , sont joüez par les fieurs Tribou et
Dupré , qui ont remplacé les sieurs Man
desorte tienne et Marcel.; que tous les
Acteurs & Actrices qui joüoient dans cet
Operaily a dix ans , sont totalement
rem
placez. Au reste , ce Balet qui eft remis
d'une maniere très-brillante , est très -bien
executé , et tous les principaux
Rôles sont
remplis par differens Sujets , qui en ren
dent parfaitement
les caracteres . On n'a
rien épargné pour le bon goût , le brillant
des Habits , et la beauté du Spectacle. Les
Danses composées
par le fieur Blondi ,
sont bien caracterisćes
, variées et inge
nieuses. Le Public témoigne par des ap
plaudissemens
et de nombreuses
Assem
blées , le plaisir que lui fait cet Opera .
LETTRE écrite de Londres , sur quel
Poëtes Dramatiques Anglois , &c. ques
J
E continue , Monsieur , de vous don
ner ce que je vous ai promis sur le
Theatre Anglois et sur les Auteurs qui y
ont le plus brillé.
Benjamin Johnson, concurrent
de Shakes
pear , fleurissoit
sous les Régnes de Jac
I. et de Charles I. .
Cet Auteur fameux , qu'on appelloit
ici le Corneille d'Angleterre , entreptit
de
I, Vol.
JUIN. 1731. ·
135 %
•
de réformer le Theatre Anglois , & le fic
avec beaucoup de succès. Ses Comédies
sont admirables , et surpassent de beau
coup ses Tragédies. On a eû de lui.
Catilina , Traged.
Sejan , id.
Bartholomew-Fair , Comedie , où l'on voit
representé comiquement ce qui se passe de
ridicule dans les Lieux publics.
Le Fox , c'est- à-dire le Renard , Comedie .
L'Alchimiste , Comed .
La Femme excellente. Comed.
Tout par Amour , où le Monde bien perdu
Comedie . &c.*
Ce Catalogue deviendroit trop long.
On pourra voir le Recueil de ses Pieces
de Théatre , imprimé l'an 1718. à Lɔn
dres , en 6. Vol. in 8 ° .
Cet Auteur passe avec raison pour un
de nos meilleurs Poëtes , dit M. Collier
dans sa Critique du Théatre Anglois ; il
est beaucoup plus retenu dans ses Pieces
que ne le sont nos Poëtes modernes . Il se
déclare hautement pour la modestie . Un
Auteur sage , dit- il , doit éviter avec soin
d'écrire d'une maniere sale. Lorsque les
moeurs sont corrompues , le langage l'est com
munément aussi ; et comme le plus grand ex
sès des Fêtes et des Spectacles , sont les mar
ques d'un Etat qui tombe en décadence , aussi
I. Vol.
Gij un
1352 MERCURE DE FRANCE
un langage trop libre et impur , marque un
esprit qui commence à se gâter.
Les trois unitez de tems , de lieu et
d'action , ne sont pas fort observées par
les Poëtes Anglois en général , car l'ac
tion est souvent double ; mais les plus
habiles Critiques ne trouvent pas que ce
soit un défaut dans Ben- Johnson. Il fait
entrer deux Sujets , fi naturellement l'un
dans l'autre , que l'attention des Spec
tateurs est soûtenue par cette agréable
variété.
pas Selon M. Collier , cet Auteur n'est
tout-à-fait exempt du Galimathias conti
nuel qui regne dans les Comédies An
gloises , quoiqu'au sentiment de Saint
Evremont , il soit comparable à notre
Moliere.
"
Au contraire de Shakespear , Johnson
a fait paroître beaucoup de sçavoir.
On trouve dans ses Piéces de Théatre
Aristophane , Plaute et Terence , sans
compter beaucoup de beautez , tirées des
autres Auteurs classiques . Tous ses ca
racteres sont fort justes et bien maintenus.
On regarde le Fox ou le Renard , PAI
chimiste & la Femme Silente , comme
ses trois meilleurs Pieces.
Il avoit un génie admirable , et un ta
lent particulier pour peindre les passions
J. Kel. de
JUIN. 1731. 1353
et les foiblesses des hommes . On le met
de Niveau avec Moliere , à qui les Anciens
avoient inspiré le bon esprit de la Co
médie. Ils ont sçû l'un et l'autre repré
senter parfaitement les diverses humeurs
et les differentes manieres des Hommes ,
en conservant dans leurs Peintures , unt
juste rapport avec le genie de leur Na
tion . M. de Saint- Evremont croit qu'ils
ont été plus loin que les Anciens à cet
égard ; mais on ne sçauroit nier qu'ils
n'ayent eû plus d'égard aux Caracteres ,
qu'au gros des Sujets , dont la suite pour
roit être aussi mieux liée , et le dénoue
ment plus naturel.
La Tragédie de Samson Agoniste , est du
célebre Milton , Auteur du fameux Poëme
Le Paradis perdu.
Le Poëte Jean Dryden , Ecuyer , mort
en 1700. est un des plus estimez de sa
Nation. Il n'est pas plus modeste que la
plupart de ses Confreres , ni moins pla
giaire ; il ose traiter de crême fouettée les
Ouvrages de Corneille même ; et cepen
dant on n'a qu'à confronter son Oedipe
avec celui de ce Poëte François, pour voir
que tout ce qu'il y a de plus beau en est
pillé , et même que des Scénes entieres y
sont copiées , par une Traduction presque
Litterale
I.Vot Giiij M..
1354 MERCURE DE FRANCE
M. Dryden a tâché de se purger de
Paccusation qu'on lui a faite de recom
penser le vice dans ses Comédies . La ré
gle contraire , disoit- il , ne regarde que
la Tragedie. Dans le Comique qu'est- ce
que le vice ? foiblesse humaine , saillie de
jeunesse , bagatelle . Quelle morale ! quoy !
l'Atheisme , l'Impieté , l'Adultere : les
Souhaits du parricide , ne sont que
des
minuties ; est- il donc permis d'affoiblir
par des plaisanteries , l'horreur que la
nature nous en donne ? Mais , dit M.
Dryden , le principal but du Poëme Comi
que est de divertir. Je doute si l'instruction
doit y entrer. Si elle y entre , elle n'en est
que la seconde fin. Quand on conviendroit
du Principe , s'ensuit-il qu'on ne puisse
réjouir le Spectateur , qu'en rendant le
vice heureux ? La friponnerie et la mé
chanceté tournées en ridicule , donne
roient- elles de la fadeur à des Pieces Co.
miques , si d'ailleurs elles étoient inge
nieuses pour être divertissant ne doit
on plaire qu'à la cupidité ? ne peut- on
pas réjouir la raison et le bon sens aux
dépens des vicieux ? Mais où a - t'on pris
que l'Instruction n'est pas la principale
fin de la Comedie , comme de la Trage
die ? ce sont deux soeurs qui n'ont que le
même terme ; mais qui l'atteignent par
1. Val.
des
JUIN. 1731. 7359
des routes differentes. Leur but est de
persuader la vertu et de rendre le vice
odieux .
On doit cependant cette justice à M.
Dryden , de faire remarquer aux Lec
teurs , que par une conversion sincere à
la Religion Catholique , et par une vie
exemplaire et penitente , il a réparé au
tant qu'il a pû des desordres qu'on luy a
si justement réprochez.
Ses Tragédies valent mieux que ses
Comédies , comme je l'ai déja rémarqué.
Les Anglois éclairés disent , que cet Au
teur a beaucoup écrit , fort bien et fort
mal. C'est un des Poëtes de Theatre de cet
te nation qui a le plus travaillé . On joüe
presque toutes ses Pieces , quoique parmi
le grand nombre il y en ait quelques- unes
qui sont beaucoup plus estimées , et
qu'on joue plus souvent que les autres
Ses Pieces de Theatre , contenant ces
Comédies , Tragédies et Opera & c. sont
imprimées en 2. Vol . in fol. à Londres.
1721. Cet ouvrage posthume de Dry
den , écrit en Anglois , est divisé par les
Editeurs en deux Parties. La premiere
comprend les Poëmes Dramatiques sui
vans l'Amant farouche , les Femmes
jalouses , l'Empereur Indien , ou la Con
quête du Mexique , l'Amour secret DA
I. Vol.
G V Martine
1356 MERCURE DE FRANCE
Martin Marr-all , ou la feinte Innocence ;
la Tempête , l'Amour Tyran , Almanzor
et Almahide , le Mariage à la mode
l'Amour dans le Cloître , Amboyne ..
.
La seconde Partie contient , Aureng
zebe , ou le Grand Mogol , Tout pour
l'Amour , Limberhain , ou le Garde
Commode , Oedipe , Tvoile et Cresside ,
ou la Verité tard découverte , le Double
Dénoument , le Duc de Guise , Albion
et Albanius, Sebastien, Roy de Portugal
Amphytrion , Cleomene , ou le Heros
de Sparte , le Roy Arthus , l'Amour
Triomphant.
A la tête de tout l'Ouvrage est une
Dissertation de Dryden sur la Poësie Dra
matiques cette Dissertation est une dis
pute en forme de Dialogue , dont les
Interlocuteurs sont Crites , Eugene , Lip
side et Neandre. L'Auteur Dryden paroît
caché sous ce derniet nom.. La dis
pute roule sur le merite des Anciens et
des Modernes Poëtes Dramatiques , et
en particulier Anglois. On y parle aussi .
en passant du Poëme Epique , et du Ly
rique. Les Principaux Poëtes Anglois y
passent en révuë ; Crites donne la pré
férence aux Anciens ; Eugene la donne
aux Modernes & c . Cette Dissertation est
si longue , et descend dans un si grand
>.
3.
و د
1. Vol.
détail
JUIN. 173T. 1357
détail , qu'il faut la voir dans l'Original
ou du moins traduire à loisir tout ce qui
en est rapporté fort au long dans le Jour
nal de Leipsic. Janvier 1702. pag. 34.
Chaque Piece de Dryden est accom
pagnée d'une Dedicace , et d'une Preface
sçavante et curieuse .
Dryden aécrit d'autres Ouvrages , et sur
tout des Fables anciennes et modernes , & c.
Voici quelques autres Pieces du même
Auteur qui sont venues à ma connois
Sance.
Phedre et Hypolite , Trag.
L'Etat de l'Innocence , ou la chûte de
l'Homme , Trag .
L'Amour du Soir , ou le faux Astrolo
gue.Comed, 1691. Ce n'est presque qu'une
Traduction du feint Astrologue de Th..
Corneille cependant dans la Preface de
- cette Piece , l'Auteur y parle en ces ter
mes , remarquables par leur impudence..
Il faut avouer , dit- il , que la plupart
» des Comédies que l'on écrit depuis peu ,
» tiennent trop de la Farce ; mais ceci
» doit arriver necessairement jusqu'à ce
» qu'on s'abstienne de traduire les Picces
>> des François ; car leurs Poëtes , n'ayant
» pas assés de jugement pour peindre:
d'aprés nature , sont obligés de supléer
» à ce défaut- par des postures extravagan
>>
I..Vol.. G vj
>> tes
1358 MERCURE DE FRANCE
{
» tes et par des grimaces ridicules. A- t'on
jamais vû de Plagiaire si insolent et si
bas ?
Le Moine Espagnol , ou la double De
couverte. Tragi - Comedie.
Le Theatre Espagnol ne représente
guére de Farces , qu'on n'y voye un Rô
le de Prêtre , de Chapelain ou de Reli
gieux. Icy Dryden à été le Maître de
former le caractére de son principal Per
sonnage tel qu'il a voulu ; il en a fait un
Scelerat , et par le secours des fictions ,
il a peint un Moine trés déréglé , et ré
pandu sur le corps des Religieux tout
le ridicule et les excés , que le préjugé et
l'esprit de parti peuvent inspirer à un
Auteur fougueux .
Le Chevalier Gâte - tout , ou la fausse
Innocence , Comedie de Dryden .
Quand par des vols pitoyables , les
Anglois reussissent à faire d'une ou de
deux bonnes Pieces Françoises , une Co
medie à leur maniere , qui ne vaut rien ,
ils ont encore trop d'orgueil pour recon
noître leur larcin. Jamais ces Pieces ne
sont traduites ; elles sont toujours faites
par tel ou tel. A la verité on insinue quel
quefois dans la Preface que le Sujet vient
de France , mais on ne daigne pas nom
mer l'Auteur à qui on en est rédevable.
*
I. Vela
Ils
JUIN. 1731 .
1-3 59'
·
Ils voudroient faire croire qu'ils en agis
sent à peu prés avec ces petits Poëtes Fran
çois , comme un Maitre qui s'exerce sur
un Sujet qu'un Ecolier a traité , et qui
n'a d'autre dessein que de lui faire voir
comme il falloit s'y prendre pour réus
sir.
Quelques-uns de ces M. se contentent
de piller l'intrigue d'un ouvrage Fran
çois , et d'y en ajoûter une seconde de
leur invention , pour paroître du moins
feconds à multiplier les Sujets de leurs
Pieces. C'est comme en a agi l'Auteur
de la Comêdie dont je parle. Ce sont
deux Comédies en une , dont la moitié
est à fort peu de chose prés , l'Etourdy
de Moliere.
Philips , autre Poëte , passe pour avoir
un trés beau genie , une grande connois
sance des régles du Theatre , et une idée
fort juste du merite que peuvent avoir
les Pieces Dramatiques des differentes
Nations.
.
La Tragédie d'Andromaque , qui est
une imitation de celle de Racine , est le
plus bel ouvrage de cet Auteur et le
plus propre à faire goûter aux Angleis
la régularité Françoise . Cette Copie est
digne de son excellent Original , sur
lequel , ce qui paroit très difficile ,
*
I. Vel. elle
T360 MERCURE DE FRANCE
elle encherit quelquefois. Il est vrai que
des personnes judicieuses , ne jugent pas
ainsi de quelques Scénes ajoutées à la fin
de la Piece ; on y voit revenir Andro
maque sur le Theatre aprés la mort de
Pyrrhus et les fureurs d'Oreste.CettePrin
cesse , venuë de nouveau , ne sçauroit
exciter dans cet endroit des passions
qui repondent à la force de celles qui
viennent d'émouvoir le Spectateur ; la
bienséance , et le sentiment des services .
que lui a rendus Pyrrhus , doivent natu
rellement l'empêcher de témoigner sa
joye sur l'heureux changement de son
état , et sur la conservation de son fils..
Il faut laisser le Spectateur dans tout le
trouble qu'excitent en lui les malheurs
des gens vertueux ; à moins qu'on ne
fasse succeder à cette pitié une satisfac
tion parfaite , de voir triompher entiere
ment de toutes les attaques du sort , less
personnes pour qui on s'interesse : dimi
nuer seulement la passion qui est le but
de toute une Tragédie , sans la changer
dans une passion également forte ; c'est
faire languir le Spectateur dans l'endroit ,
où il se plaît à être le plus émû.
Ron ou Row . Ce Poëte a fait piusieurs
Pieces , qui , bien qu'elles pêchent con
tre les Règles d'Aristore , s'accordent gé
L.. Vols. neralement
*
JUIN. 1731. 1361
neralement aux régles du bon sens. Elles.
ont d'ailleurs un feu qui ne paroît infe
rieur , selon quelques- uns , à celui de ses
Prédeceffeurs , que parce qu'il est mieux
réglé. Ses idées sont grandes et son stile :
sublime..
Il a traduit Lucain , qu'il a , dit- on ,
surpassé en plusieurs endroits . Ses . Pieces
de Theatre sont imprimées en 3. vol .
Il mourut en Angleterre depuis environ
dix ans.
Les Pieces qu'on connoît le plus de cet
Auteur , sont Tamerlan , Tragedie fort es
timée , Ulisse , Trag. la Belle Pénitente ,.
Jeanne Shore , Jeanne Grey ; cette inno
cente victime de sa Religion er de l'ambi
tion des autres , fournit le sujet de cette
Tragédie.
Quoi qu'elle peche contre plusieurs des
regles , et que la mort du jeune Edouard:
paroisse y jetter un double sujet ; ce Poë
me est pourtant essentiellement beau , le
bon sens y regne dans tout le détail qui
est si pathétique , que le Spectateur le plus
insensible , ne peut s'empêcher de payer:
tribut à l'humanité. "
Joseph Addison , Poëte Anglois , fils.de
Lancelot Addison , né en 1671. mort en
1729.
Il n'a écrit qu'en Latin et en Anglois .
I.. Vol.. Ses
1362 MERCURE DE FRANCE
Ses Ouvrages sont le Recueil connu
sous le titre de Muse Anglicane.
Son Poëme à l'honneur de Guillaume III.
en 1695 .
La Paix de Riswick.
La Resurrection , Description d'un Ta
bleau.
Ode à M. Burnet , sur la Théorie Sacrés
de la Terre.
Odes à M. Hannes.
La Description du Baromettre.
Les Marionnettes.
Le Combat des Grues et des Pigmées.
Dissertation sur les illustres Poëtes La
tins .
Poëme sur la Campagne de 1704.
Caractére des Poëtes Anglois.
Poëme à M. Dryden sur ses Traductions .
Ode pour la Fête de Sainte Cecile.
Traductions de quelques Livres de l'E
neide et des Métamorphoses.
Poëme sur Myladi Manchester.
Lettres en Vers à la Princesse de Galles , en
lui envoyant sa Tragédie de Caton , re
presentée en 1712 .
Lettre en Vers , sur le Portrair du Roy
George I.
L'Opera de Rosemonde.
Le Livre connu sous le nom du Sujet libre
ou de celui qui prend un Franc-Fief,
I.Vol. et
JUIN. 1731 . 1363
et quantité de feuilles volentes du Ba
billard , du Spectateur , du Tuteur ou
Curateur , &c.
Congreve , Poëte Comique , celebre en
Angleterre , Gentilhomme Anglois. Il
est devenu aveugle , et vivoit en 1721.
Ses Pieces de Théatre et autres Ouvra
ges , sont imprimés en 3. Vol. in 8 ° . à
Londres en 1710. On les joue très-sou
vent , et toujours avec grand concours de
Spectateurs , sur tout des Dames . Ces
Pieces petillent d'esprit que l'Auteur
,
diftribue indifferemment à tous ses Per
sonnages ; de sorte qu'il ne fait autre
chose que se peindre lui- même sous dif
ferens noms. La plupart de ses Comédies
sont en Prose .
Les meilleurs Ouvrages de cet Auteur
sont :
Le vieux Garçon ,
L'Homme de mauvaise foi.
Amourpour Amour.
La maniere de bien agir du monde..
Le Deuil de la nouvelle Mariée , Tragé
die .
Je suis Monsieur , &c.
Comédie.
e3D
??
3
I. Vola
Nou
1364 MERCURE DE FRANCE
•
jkjkjkjkjkjkjkjkjkjkjkjk J *
NOUVELLES ETRANGERES.
EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople '
du 7. Avril 1731.
LA
A nuit du 24. au 25. Mars 200. Janissaires
allerent enfoncer la maison du Janissaire
Aga , et voulurent en enlever les Marmites pour
lés porter dans la Place d'Atmeiaan , où les Ja
nissaires s'assemblent ordinairement lorsqu'ils
veulent exciter quelque révolte. Le Janissaire
Aga s'y étant opposé reçut un coup de Fusil au
bras , et sa maison fut entierement pillée , il eut
cependant le bonheur de se sauver par la porte
de son Jardin et de se rendre au Serrail : il rendit.
compte au G. S. de ce qui venoit de lui arriver.
On fit appeller sur le champ le Grand Vizir ,
le Mufti , le Capitan Pacha , et quelques uns des
principaux Effendis , pour déliberer sur le parti
qu'on avoit à prendre. Il fut resolu de rassembler
le plus de Monde qu'on pourroit , et d'aller atta
quer les Rébelles à l'Atmeydan dès qu'il seroit
jour , pour n'en pas laisser grossir le nombre ,.
et d'y faire porter l'Etendart de Mahomet ; la
chose fut éxécutée, on forma deux Corps , dont
l'un étoit commandé par le G. Vizir , suivi du
Janissaire Aga , quoique blessé , et l'autre étoit
sous les ordres du Capitan Pacha ; ils rencontre
rent dans les rues quantité de Gens armés qui
alloient se joindre aux Rebelles , dont la plûpart:
furent tués , ils trouverent dans la Place de l'At
meydan , où ils se rendirent par deux differens.
I. Vol. endroits,
JUIN. 1731. 1365
endroirs , soo. hommes armés , avec quelques.
Etendarts déployés , qui firent d'abord assés de
résistance , mais qui furent contraints de ceder.
La plupart furent massacrés ; on en saisit une
soixantaine que l'on conduisit au Serrail pour dé
couvrir les motifs , et les Chefs de la Rebellion ,
et quelques- uns furent assés heureux pour se sau
ver. Depuis les Caffés , les Bains , et les autres
Lieux publics ont été fermés .
Le G.V. n'a point tenu de Divan hier ni aujour
d'hui ; il n'estoccupé qu'à faire des rondes dans la
Ville,et à en faire faire par le Janissaire Aga, et par
les autres principaux Officiers des differens Corps de
Milice qui arrêtent et font étrangler sur le champ
tous ceux qu'on soupçonne avoir eu part à la ré
volte. On assure que quoyqu'il ne se soit trouvé
que quatre ou cinq cens révoltés dans la Place
d'Atmeydan , il y en avoit plus de 3000 autres.
dispersés dans plusieurs endroits de Constanti
nople , avec des Drapeaux pour assembler du
monde et grossir leur Troupe.
Ils avoient aussi mis le feu en trois diff. rens quar
tiers de la Vilie,dans la vue que le G.V.er les autres
Ministres étant occupés à le faire éteindre , ils trou
veroient moins d'obstacles à l'execution de leur
projet. Il est certain que si l'on eût tardé trois heu
res de plus à dissiper les Rébelles , ils auroient été
les Maîtres de Constantinople , et qu'ils auroient
fait les mêmes changemens , et beaucoup plus de
désordre que lors de la premiere révolte ; il étoit
même à craindre qu'on n'eût pas eu les mêmes.
égards pour nous , par la raison que quoique la
sédition n'ait duré que dépuis la pointe du jour
jusqu'à neufheures du matin , il y a eu beancoup
de Grecs , d'Arméniens et de Juifs qui ont été
insultés et volés , et que depuis l'autre révolution,,
I. Vol.
il
2366 MERCURE DE FRANCE
il s'est rassemblé dans cette Capitale une infini
té d'Asiatiques , tous voleurs et assassins ; et
qu'ils ne s'y sont établis que dans l'Esperance
d'y trouver quelque conjoncture à pouvoir met
tre leurs talens à profit ; s'il en faut croire les
bruits publics , ce sont les Partisans d'Achmet
III. qui avoient tramé cette révolte.
Les particularitez suivantes sont tirées de plu
sieurs Lettres.
Le 24. Mars , quelques Dgebedgis , ou Soldats
d'Artillerie , s'étant trouvez dans un Caffé , s'en
tretenoient en fumant, de l'état présent du Gou
vernement. Plusieurs d'entr'eux se plaignoient de
ce qu'on n'avoit pas encore distribué les 25. Pias
tres qu'on a coûtume de donner à chaque Sol
dat à l'avenement au Trône d'un nouveau Sul
tan ; d'autres témoignoient leur mécontentement
de ce que nonobstant le changement de Minis
tere, on n'avoit pas encore remedié à la disette et à
la cherté des vivres , ce qui avoit été le but de la
précedente Révolte . Après plusieurs discours de
cette nature , ils sortirent sur les 9. heures du
soir du Caffé , fort animez ; et ayant été joints
par un grand nombre de leurs Compagnons , ils
s'amuserent ensemble et allerent vers les dix heu
res piller la maison de l'Aga des Janissaires , où
ils firent un butin considerable , tant en argent
comptant , qu'en bijoux.
; L'Aga eut le bonheur de se sauver le Grand
Visir ayant appris par le Lieutenant de l'Aga ,
la nouvelle de cette révolte , se rendit d'abord au
Serrail, et envoya ordre auCapitan PachaDgianum
Codgia , de se rendre en toute diligence auprès
de lui , et d'amener autant de monde qu'il pour
roit ; ce que celui cy executa : pendant ce tems
Lâ les soulevez , dont le nombre s'étoit accrû jus
Is Vola
qu'à
JUIN. 1731 1367
qu'à 3000. hommes , se rendirent dans la Place ,
nommée Atmeïdan , où ils arborerent le Pavillon
et y passerent la nuit . Le lendemain de grand
matin le G. V. et l'Aga des Janissaires sortirent
du Serrail, à la tête des Ichoglans , et autres Do
mestiques du Serrail , suivis du Capitan Pacha ,
à la tête de ses Gens de Mer , précedez par le
Sangiac-Scherif, portant l'Etendart de Mahomet,
et ils allerent attaquer les Rebelles , qui , quoique
surpris , firent d'abord feu sur eux sans respecter
l'Etendart du Prophete , et obligerent d'abord les
Ichoglans à reculer , mais ceux- cy ranimezpar
ceux qui les suivoient , attaquerent de nouveau
les Rebelles avec tant d'ardeur , qu'après une le
gere résistance , ils furent mis en fuite ; plusieurs
furent tuez sur la place et les autres dispersez , en
sorte qu'à dix heures du matin tout étoit aussi
tranquille qu'avant la Révolte ..
Le Grand Seigneur avoit d'abord voulu mar
cher en personne contre les Rebelles , mais il en
fut détourné par Dgianum Codgia. S. H. a fair
present à ce dernier et au G. V. d'une Fourure de
Martre Zibeline très- riche , en consideration du
service qu'ils venoient de lui rendre , d'autant
plus important , que les Rebelles avoient déja
proclamé le vieux Sultan .
L'Aga des Janissaires , voyant qu'il n'étoit pas
aimé de ce Corps , a demandé la permission au
G.S. de se retirer , qui la lui a accordée . Dgianum
Codgia a aussi jugé à propos par le même motif
de se retirer sur les Vaisseaux de guerre.
Sur le bruit qui s'étoit répandu que la veuve
du dernier G. V. fille du Sultan déposé , avoir
fomenté cette Révolte , elle fut d'abord enfermée
dans le Serrail , mais son innocence
été re
ayant
connuë , elle a été remise en liberté ; mais on as--,
1
1. Vol
Surc
1358 MERCURE DE FRANCE
sure qu'elle a été arrêtée une seconde fois , sur
ce qu'on a découvert qu'elle avoit promis 20000.
Bourses de cent Reaux chacune aux Janissaires
mécontens qui remettroient le Sultan son pere
sur le Trône.
Le G. S. a , dit-on , obligé depuis le Mufti à
prononcer une Sentence de mort contre son Pré
decesseur , qui a été arrêté dans un Village â
quelques lieues de Constantinople , où il se tenoit
Caché.
Le Capitan Pacha Dgianum- Codgia , n'étant
pas en sureté depuis qu'il a opiné dans le Divan
en faveur de la Paix avec les Princes Chrétiens
a obtenu de S. H. une Garde de Janissaires qui
doivent l'accompagner , même dans le voyage
qu'il fera dans les principales Iles de l'Archipel.
Le G. V. a été d'avis contraire ; et ayant propo
sé de faire la Paix avec les Persans , et d'occuper
les Janissaires et les autres Milices à une guerre
avec les Princes Chrétiens , il demande à S. H. de
l'exiler en Egypte , si son avis ne lui étoit pas
agréable. Depuis ce Divan on a dépêché trois
Couriers en Perse , pour porter , à ce qu'on croit,
des pleins pouvoirs aux Generaux Turcs , afin de
terminer un accommodement avec le Roi de
Perse.
Une autre Lettre de Constantinople porte que
la même nuit du 2 5. Mars , une troupe de Revol
tez qu'on fait monter environ à 4000. hommes ,
après avoir couru tumultuairement les ruës , en
foncerent les portes de la maison du Janissaire
Aga , et la pillerent ; après quoi ils allerent dans
les chambres des Janissaires , enleverent leurs
Marmites , ustanciles et leurs Etendarts , qu'ils
porterent à l'Atmeïdan , principale Place de Cons
tantinople.
1. Vol. Ce
JUIN. 1731 .
1369
Ce desordre saisit de crainte tous les habitans,
et la terreur atigmentoit par les cris des Révoltez
qui couroient dans tous les Quartiers , disant qu'on
eut à se rendre à l'Atmeïdan , où ils devoient ,
disoient - ils , prendre des mesures pour réformer
de nouveau le Gouvernement , et détrôner le Sul
tan Mahmoud, qui étoit déchû de la Souveraine
té du moment qu'il avoit fait massacrer et jetter
à la voirie l'Aga Patrona -Kalil et ses Camarades ;
qu'un pareil exemple étoit inoui et entierement
contraire au Kanoun ou Ordonnance de Sultan
Soliman II. Beaucoup de monde se joignit à ces
sédicieux , ce qui grossit considerablement la
troupe qui se formoit à l'Atmeidan , où lon com
mençoit à dresser des Tentes.
Cependant le G. V. le Mufti , Dgianum Cod
gia , Capitan - Pacha , et tous les Grands Officiers
de l'Empire , de même que les Gens de Loi- , se
rendirent au Serrail , auprès du G. S. où il fut
résolu qu'on exposeroit l'Etendart du Prophete ,
et que tout le Peuple seroit invité de courir à sa
defense . Le Mufti donna aussi -tôt une Sentence
par laquelle les Rebelles étoient déclarez infideles
et traîtres , et que tout bon Musulman ou vrai
Croyant devoit sacrifier sa vie pour la conserva
tion du Sultan Mahmoud , leur legitime Souve
rain. On promit aussi à chacun de ceux qui
apporteroient quelque tête des Rebelles , des ré
compenses proportionnées au service qu'il auroit
rendu dans cette occasion . En même -tems le
Defterdar our Grand - Trésorier , fit porter du
Trésor Imperial , quantité de sacs d'or et d'ar
gent à la Porte du Serrail et se mit en devoir de
disrribuer cent Piastres à chacun de ceux qui ap
porteroient quelque tête .
Cette disposition ainsi faite , le G. S. remit la
1. Vol.
fameuse
1370 MERCURE, DE FRANCE
fameuse Banniere entre les mains du G. V. et ce
Fui- ci la remit à un Kapigi- Bachi . Ensuite ce pre
mier Ministre s'étant mis à la tête de la Maison
de S. H. et de la sienne , et le Capitan- Pacha , à
la tête de 400. Leventis , on fit ouvrir les Portes
du Serrail , et en marcha en bon ordre à la Place
d'Atmeïdan.
•
Le Peuple n'eut pas plutôt appris qu'on devoit
faire sortir l'Etendart de Mahometh , qu'on s'em
pressa , à l'envi, pour le venir deffendre, et l'affluence
fut si grande en très - peu de tems , qu'on ne pou
voit qu'à peine se remuer dans les rues . Les To
pigis , Dgebedgis et même les Janissaires , qui
un moment auparavant étoient eux- mêmes du
nombre des Rebelles , vinrent aussi se rendre sous
PEtendart du Prophete.
Le G. V. marchant fierement , s'avança avec
tout son Cortege jusques à l'Atmeïdan ; près d'y
arriver il fit une petite alte et continua sa marche
par la même rue qui aboutit à une des Portes de
cette Place,mais Dgianum Codgia avec ses Léven
tis , se détacha et prit par une autre ruë qui abou
tit à une autre Porte de la même Place.
Non-seulement les Rebelles firent bonne con
tenance , mais ils attaquerent courageusement
les Troupes du Visir et du Capitan - Pacha , et ils
firent tous leurs efforts pour se saisir de l'Eten
dart ; mais obligez de plier , ils furent mis en dé
route en même tems le G. V. étant entré
dans la Place par un côté et le Capitan - Pacha
un autre , ils firent main basse sur tous ceux qui
s'y trouverent ; qui n'étoient pas , à la verité ,
si grand nombre , parce que la plupart des Ré
voltez eurent le tems de se sauver dans les Cazer
nes des Janissaires , qui sont joignant cette Place.
Les autres ayant pris la fuite par diverses ruës
par
en
;
I. Vol. · le
JUI N. 1731. 1371
le G. V. les fit poursuivre sans perte de tems , & c,
Peu de tems après on vit un spectacle bien ter
rible dans la Place qui est devant la porte du Ser
rail , où le Tefterdar s'étoit placé , prêt à don
ner cent écus pour chaque tête de Ribelle qu'on
lui apporteroit ; en moins de deux heures de tems
on lui en apporta de tous côtez une quantité si
prodigieuse , que cela fit croire avec raison , que
quantité d'innocens étoient péris dans cette mal
heureuse journée ; car les Bostangis et les Leven
tis , plus empressez à gagner cent Piastres , qu'on
donnoit pour chaque tête , qu'à punir les Re
belles , assommoient les premiers venus et ceux
qui étoient les plus sans deffense . On assure qu'un
Eunuque , favori du Sultan , apporta lui seul neuf
têtes , et qu'il fut largement récompensé.
On prétend que cette derniere Révolte a été
suscitée par les Créatures du Sultan Achmet , et
ce bruit se fortifie d'autant plus , qu'on a appris
que les Sultanes , filles de ce Prince , mariées
a Ibrahim Pacha , dernier G V. et à son fils , qui
étoient libres dans leurs Palais depuis le malheur
arrivé à leurs Maris , viennent d'être étroitement
enfermées dans le Serrail .
Pour les principaux Chefs de cette Rebellion ,
ce sont des gens de la lie du peuple , dons les noms
auroient pû devenir aussi fameux que ceux de Pa
trona et de Mousloub , si leur audacieuse témeri
té avoit éte suivie d'un plus heureux succès. Par
mi ceux qui ont le plus contribué à l'arrêter et à
faire punir les coupables , on parle du fameux
Dgianum Codgia qui a agi de la tête et de la main
avec toute la prudence et la valeur imaginable ,
ainsi qu'il avoit fait dans la premiere Révolte.
Depuis le Dimanche 25. Mars , chaque jour
est marqué par quelque exécution publique , ou
Le Vol.
H particu
1372 MERCURE DE FRANCE
particuliere. La quantité de gens qu'on fait périr
est incroyable. Il suffit de n'avoir pas une phi
fionomie heureuse , pour être proscrit et perdre
la vie ; séverité , sans doute , bien nécessaire dans
une conjoncture aussi délicate ; mais aussi il y a
de l'excès.
On a chassé et banni de Constantinople tous
les Arnaouds et Albanois , qui étoient devenus
trés - insolens , dépuis que leur Compatriotte Pa
zrona , les favorisant en toutes choses pendant
la premiere révolte , les avoit mis sur un pied
d'aisance pour lequel ils n'étoient pas nés..
On assure qu'on va aussi chasser les Las ,
Peuples originaires des Côtes de la Mer Noire
prés de Trébisonde , établis à Constantinople.
On prétend que ce sont eux qui ont pillé tout le
Besestin des Ispahis, et qui ont fait la plupart des
autres vols , qui sont très considerables.
Pour nous , nous en avons été quitte pour quel
ques allarmes ; mais je doute que c'eût été à si
bon marché , si la sédition n'avoit pas été assou
pie dans son commencement. Il seroit difficile
de pouvoir dire le nombre des morts , du jour
de la grande expédition . Le G. Vizir perdit quel
ques Agas , et plusieurs des siens furent blessez .
Il courut grand risque lui - même ; car un des
Rebelles qui avoit trouvé le moyen de s'appro
cher de sa Personne , alloit luy tirer un coup
de Pistolet presque à bout portant , lorsque son
favori Mustapha Aga , le prévint et lui abatit le
bras d'un coup de Sabre,ce qui garantit le G. V.
Mais le Rebelle , doublement outré de désespoir
d'avoir manqué son coup , et de voir son bras
droit par terre , tira de sa main gauche un Poi
gnard qu'il avoit à sa ceinture , et s'élançant sur
Mustapha , le lui plongea dans le coeur , et le fit
IVsi
somber
JUI N. 1731.
1373
tomber mort à ses pieds : ce malheureux fut
massacré et mis en pieces sur le moment.
ALLEMAGNE.
N aprend de Vienne , que le 20. du mois
dernier, on fit à Laxembourg la Procession
solemnelle qui s'y fait tous les ans pour remer
cier Dieu de ce que le Tonnerre étant tombé sur
le Château dans le temps que l'Empereur Leo
pold y étoit , il n'y eût personne de blessé. Le
même jour on n'ouvrit les Portes de Vienne qu'à
prés d'onze heures du matin , et on fit une ré
cherche exacte de tous les vagabonds , man
dians et gens sans àveu , qui y étoient en grand
nombre depuis deux mois, et dont la plupart fu
rent arrêtés.
Le 26. May Mustapha-Effendi , Envoyé ex
traordinaire du G. Seigneur , arriva à l'Hôtel
qui luy avoit été préparé dans le Fauxbourg de
Leopoldstadt. Il étoit monté sur un très -beau
Cheval , ayant à sa suire 62. Personnes , tant à
pied qu'à Cheval , qui étoient précedés d'un dé
tachement du Regiment de Dragons de Philippi."
On a fourni pour le Voyage de ce Ministre
et de sa suite , composée de 62. Personnes , trois
Carrosses , 54. Chevaux de selle , 12. Chevaux
de bas , et 14. Chariots on leur a donné en
vivres pour chaque jour 18. livres de Miel. 30 .
files de Pain , 5. Moutons et 5. Agneaux , ou au
déffaut d'Agneaux 130. livres de viande de Mou
tons , 16. Poules , 2. Chapons , so. livres de
Beurre fondu , 8. livres de Sucre , 4. livres et
demi de Chandelle , 4. livres et demi de Caffé
une livre et demi de Sorbec , une demi livre de
Sucre Rosat , 4. onces de Canelle , 4. onces de
1. Vol. Hij Cloud
1374 MERCURE DE FRANCE
Cloud de Giroffle , une demi livre de Poivre , er
de Gimgembre , 4. Bougies d'une demi livre.cha
cune , 3. livres de Raisins secs , 2. livres et de
mi de Raisins de Corinthe , 30. livres de fleur
de Farine , 6. livres d'Amidon , 2. livres et demi
d'Amandes , s . douzaines d'Oeufs , 8. mesures
de Lait , 3. mesures de Vinaigre , 4. onces de
Noix et fleurs de Muscat , une demi once de
Safran , 6. livres de Sel , 10. d'Oignons , 3. de
Savons , 2. d'Huile , et 3 quarts de livres d'Eau
Rose ; quelques Citrons , des Confitures , 3 .
onces d'Aloës , une demi once de Musc , et une
d'Ambre , pour tout le Voyage,outre les Herbes,
Fruits , Bois, & c.
ITALI E.
M
R. Guillelmi qu'on avoit envoyé à Turin ,
et qui n'a pû entrer sur les Terres du Roi
de Sardaigne , est revenu à Rome , et on a sçu
par lui , que ce Prince avoit déffendu à tous les
Evêques de ses Etats de sacrer aucun Prêtre sans
sa permission.
Le Cardinal Cienfuego a eu une Audience par
ticuliere du Pape , dans laquelle il lui donna part
que l'Empereur avoit obtenu de la Czarine la
permission de faire construire à Moscou un Con
vent de Capucins, avec une Eglise , et que les Sei
gneurs et Dames de la Cour de Vienne contri
buoient à cet établissement.
On mande de Naples , qu'on y a tenu depuis
peu un Conseil Collateral pour dresser un Mé
moire au sujet des procedures faites par le Non
ce du Pape contre le Cardinal Coscia , et l'on fit
partir le même jour un Courrier pour porter ce
Memoire à Vienne, Ce Cardinal est présente
1. Vol ment
JUI N. 1731 1375
par
ment logé chez le Duc de Monte- Calvo Pigna
telli : il a reçu un ordre décerné la Congre
gation de Non Nullis , et approuvé par le Pape ,
qui lui deffend d'entrer dans aucune Eglise.
On écrit de Génes , que le Patron d'une Bar
que qui y est arrivée de Naples , a rapporté que
le Cardinal Coscia étoit parti Incognito pour
Manfredonia , d'où il devoit passer par Mera
Venise, pour se rendre ensuite à Vienne , et y sol
Ficiter la protection de l'Empereur.
La Princesse Altiery que le Pape avoit nom
mée pour aller à Parme assister aux Couches de
la Duchesse Douairiere de Parme , ayant prié
S. S. de l'en dispenser , le Pape a nommé en sa
place la Comtesse Caprara.
La Congrégation du Bon Gouvernement est
occupée à examiner un Projet qui a été presenté
au Pape par le Cardinal Lambertini,pour rendre
franc le Port d'Ancone ; mais la Republique de
Venise et celle de Génes ont chargé leurs Minis
tres de faire tous leurs efforts pour empêcher que
ce Projet ne soit approuvé.
Le 12. May , le Pape nomma à l'archevêché
de Benevent M. Doria , dont la place de Maître
de Chambre du Pape a été donnée à M. Pallavi
cini , Nonce à Florence.
d'aller
Les Religieuses du Monastere de S. Ambroise
ont enfin obtenu,aprés beaucoup de sollicitations,
la confirmation du Bref du feu Pape , qui leur
fois l'année visiter les qua
permet quatre
tre principales Eglises de Rome.
L'Abbé Guella , qui , quoyque Piémontois ,
a écrit en faveur du S. Siege contre son Souve
rain , a obtenu de S. S. une Pension de 20 Ecus
par mois , assignés sur les revenus propres à la
Maison Corsini.
I Is Vol.
Les
H iij
1376 MERCURE DE FRANCE
Les Lettres de Turin portent que le Roy de
Sardaigne avoit fait sequestrer les revenus des:
Benefices situés dans ses Etats , dont est revêtu
Je Neveu du Cardinal Imperiali : parceque ce
Cardinal a paru se conduire avec trop de partia
lité contre ce Prince. Day
On mande aussi de Turin que le Roy Victor
'Amedée étoit parfaitement rétabli de sa derniere
'maladie , qu'il étoit dans le dessein d'aller faire
sa résidence à Rivoli , parceque l'Air de Cham
bery est contraire à sa Santé .
Les mêmes Lettres portent qu'on avoit arrê
té depuis peu cinq Personnes de consideration
par rapport aux differends du Roi de Sardaigne
avec le S. Siege.
Les Lettres de Génes portent , que la Répu
blique avoit obtenu de l'Empereur, un secours.
de Troupes , pour réduire les Rebelles de l'Isle
de Corse , où il y étoit arrivé depuis peu une
Tartane inconnue , qui y avoit débarqué 56.
quintaux de Poudre et 3000. Fusils . Ces Lettres,
ajoutent , que depuis la Prise de la Tour de Saint
Florent , les Rebelles avoient formé le Blocus de
la Ville de Culvi. I >
On écrit de Naples, que le 5. May , le Clergé
Séculier et Régulier de cette Ville , assista l'après
midi à la Procession Solemnelle qu'on fait
tous les ans à pareil jour , à l'occasion de la Fête
de la Translation de Saint Janvier , principal
Patron de cette Ville , dont le Sang fut posé sur
un Autel magnifique qu'on avoit élevé sous un
Dais , dans le Quartier de Capouë. Le Viceroy
la Comtesse d'Arrach son Epouse , et la princi
pale Noblesse y assisterent pour voir la liquefac
tion du Sang de ce Saint , lorsqu'on l'approche.
de son chef ; mais ce Miracle n'arriva pas non .
2
plus
JUIN. 1731 . 251377
plus que le lendemain. Le 7. il se fit à l'ordinaire
dans la Chapelle du Trésor , où l'Ambassadeur
de la République de Venise se rendit avec un
grand nombre d'Etrangers.
}
La Ville de Foggia , située dans la Capita
Aate , Province de la Pouille ; au Royaume de
Naples , est une des plus considerables de cette
Contrée. Elle a essuye dans les Siécles passez di
vers malheurs : elle a été sujette aux invasions
des Barbares , prise par les Sarrazins , saccagée
par les Soldats de Manfrede , brûlée et démante
lée par ce Roy : Elle a souffert à diverses reprises,
la Famine et la Peste : Elle a été déchirée par des
divisions intestines ; mais tous ces malheurs ne
sçauroient être mis en parallele avec celui dont
elle vient d'être accablée par un Tremblement de
Terre , qui est arrivé le 20. Mars dernier ,
dont nous avons déja parlé assez au long , qui
en a renversé ou ébranlé tous les Edifices , fait
perir sous les ruines un grand nombre de Per
sonnes , et réduit le reste des Habitans à une ex
trême misere.
et
La premiere secousse se fit sentir vers les qua
tres heures du matin ; elle fut si violente et si
promte , que la plupart des Edifices furent ren
-versez , et plusieurs personnes ensévelies sous les
ruines , avant que les Habitans se fussent presque
apperçus qu'il y eût un Tremblement de Terre.
Cette premiere secousse dura cinq minutes : une
Minute après , on en sentit une seconde aussi vio
lente ; l'eau des puits , quoique profonds de 30
à 40 pieds , sortit par le haut , et inonda les en
virons.
On ne sçauroit exprimer l'épouvante dont les
Habitans furent saisis pendant ces deux secous
ses ; ceux qui eurent le bonheur de n'être pas
1. Vol.
H in écra -
1378 MERCURE DE FRANCE
f
écrasés sous les chutes des Maisons , se sauverent
précipitemment , sans pouvoir rien emporter . Les
nuages épais causés par la poussiere , ` la confu
sion de la nuit , l'embarras des décombres , les
cris et les gémissemens de ceux qui à demi ense
velis demandoient du secours,augmentoient l'hor
reur dont ils étoient saisis . A la pointe du jour
ils se virent dans la Plaine , hommes , femmes
et enfans , tous presque nuds la clarté du So
leil éclaira leur misere , & la fit sentir plus vive
ment . Peu de tems après , une trosiéme secousse,
aussi violente que les deux premieres acheva de
renverser cette malheureuse Ville.A mesure que le
jour augmentoit , les cris et les gémissemens des
Habitans redoubloient ; ce qui rendoit leur mi
sere encore plus sensible , fut un froid.
perçants,
dont ils étoient transis , n'ayant aucun vêtement
pour se couvrir.
"
On ne sçauroit donner un détail des Maisons
renversées ; il suffira de dire que le Convent des
Capucins , celui du Conservatoire des Repenties ,
et le Palais de l'Evêque ,avec quelque peu de Mai
sons sur la Place Majeure ,sont les seuls Edificesqui
soient restés sur pied ; tous les autres ayant été
renversez , ou tellement ruinez, qu'ils sont inhabi
tables. On fait monter à près de 2000. le nom
bre des personnes ensevelis sous les ruines ;
et on compte qu'il y a cû ce jour - là et les jours
suivans , cinquante secousses de Tremblement.
de Terre.
GRANDE - BRETAGNE.
Ur la fin du mois dernier , le Capitaine Bul
fing Facteur la -
•
gnie Royale d'Afrique à Jacquim , sur la Côte
1. Val, de
JUIN. 1731. 1:73
t
•
>
de Guinée , alla à Richmond avec un Prince
Affricain envoyé à Londres par le Roy de
Pawpaw. Il remit à S. M. une Lettre de ce
Roy , et le complimenta de sa parte Le Capitaine
Lambe avoit été fait Esclave àla Conquête d'Ar
dah , et envoyé à plus de cent milles , dans l'in
terieur du País , où ce Roi Negre qui n'avoit ja
mais vû de Blancs , le traita avec beaucoup de
douceur , et il l'a tellement affectionné depuis ,
qu'il ne lui a permis de retourner dans son Pais ,
que sur la parole que ce Capitaine lui a donnée
de venir le retrouver. E
Les Lettres d'Antigoa du 28. Avril dernier ,
portent que cette Iſle étoit dans un fort triste état
faute de pluye ; qu'il y avoit très - peu de sucre ""
quoique plusieurs Vaisseaux y fussent arrivés
pour en charger ; que si la secheresse conti
nuoit , il n'y auroit point de Récolte l'Année
prochaine , à cause que les nouvelles Cannes.
étoient déja beaucoup brûlées ; que les Etangs
étoient presque secs , et l'eau si rare qu'un seau
de celle de citerne se vendoit trois Chelins, On
ajoûte que les Cannes de Sucre à Nevis & à Mont
ferrat étoient aussi en fort mauvais état .
La Riviere de la Tamise est plus basse qu'elle
n'ait été de mémoire d'homme , ensorte qu'un
grand nombre de Bâtimens ne peuvent aller jus
qu'à Londres faute d'eau.
M. Thomas Robinson , Résident du Roi à la
Cour de l'Empereur , qui a négocié le dernier
Traité conclu à Vienne , a été nommé Envoyé
Extraordinaire et Plénipotentiaire dans la même
Cour ; et il vient d'être nommé par S. M. Cheva
lier Baronet de la Grande - Bretagne.
Le 18. May , après midi , le Roi s'étant rendu
à la Chambre des Pairs , avec les ceremonies ac
I. Vol, Hy coûtu
1380 MERCURE DE FRANCE
coutumées , et y ayant mandé les Communes ,
S. M. parla ainsi :
C'est avec ungrand plaisir que je me trouve
en état , à la clôture de cette séance du Parle
ment , de vous informer que les esperances que
j'avois conçues, et que je vous avois données ,
de voir bien-tôt une heureuse fin des troubles
et desordres qu'on avoit appréhendez depuis si
long tems , sont à present remplies et effectuées
par le Traité signé à Vienne.
Un Projet d'accommodement entre l'Empe
reur et les Puissances Maritimes , pour termi
ner les differends qui subsistoient ayant étéfor
mé , le Traité en a été conclu et signé par moi
et par S. M. Imp. et ce même Traité est presen
tement sous la consideration des Etats Gene
raux, la forme de leur Gouvernement n'admet
tant pas un concert préalable dans une Négo
ciation de cette nature : or , ce Traité regar
dant principalement l'execution du Traité de
Serville , il a été pareillement communiqué aux.
Cours de France et d'Espagne , comme Par
ties du Traité de Seville ; et je viens de re
cevoir avis que les Ratifications entre moi etɛ
Empereur , sont échangées.
16
Les conditions et les engagemens dans les
quels je suis entré à cette occasion , sont con
formes à l'interêt necessaire que cette Nation
doit toûjours avoir pour maintenir la sûretéet
la conservation de la Balance du pouvoir en
Europe ; et comme l'état incertain et violent des
affaires auquel l'Europe étoit réduite , cesse à
-present , et les malheurt d'une guerre im
mediate et generale , qu'on commençoit à jurer.
inévitable , ne sont plus à craindre , cet heu
reux changement duëment ménagé , avec un
A. Kola
·
que
jusse
wp
1
I
JUIN. 1737. 1387
juste égardpour nos précedentes Alliances , que
Je conserverai soigneusement , nous donne liew
d'esperer de voir la tranquillité publique réta¬
blie , &c.
J'espere qu'à votre retour dans les Provinces ,
vous trouverez que tous les efforts pour susciter
par des clameurs injustes et de fausses représen
tations un esprit de mécontentement parmi
mon Peuple, auront été vains et inéficaces . Tou
tes les insinuations malicieuses , au préjudice
de mes mesures s'évanouiront , sans doute
quand il paroîtra que mon premier et principal
soin a toujours été pour l'interêt et l'honneur
de ce Royaume que ce soit donc l'objet de vos
efforts , d'éloigner toutes jalousies et appréhen
sions mal fondées , afin que la satisfaction de
la Nation puisse être aussi generale que mon
desir pour son bonheur est sincere ; que tout
mon Peuple, que tout Ordre de personnes , jouis
sent tranquillement et sans être envils , des
Droits , Privileges et Concessions ausquels
ils ont droit de prétendre par la loi . Qu'au
cune innovation ne trouble quelque partie
de mes Sujets dans la possession de leurs lé→
gitimes propriétez ; que tous ceux qui sont zelez
pour le soutien de ma Personne et de mon Gou
vernement participent aux avantages du pre
sent heureux établissement ; enfin , que votre
affection soit mutuelle entre vous et aussi éren
due que ma protection , à laquelle tous més bons
et fideles Sujets ont un droit égal , et sur laquel
le ils peuvent se reposer également.
,
* Le 9. Juin , on celebra à Londres , avec les
Ceremonies accoutumées , l'Anniversaire du
rétablissement du Roy Charles II. sur le Trône
1. Vol
Hvj de
1382 MERCURE DE FRANCE
de la Grande Bretagne , et le Docteur Hawkins
prêcha à cette occasion dans l'Eglise , de S. Paul
devant le Lord Maire et les Aldermans.
Le Roy a donné mille Guinées à M. Robinson
son Ministre Plenipotentiaire à la Cour de l'Em
pereur , pour le récompenser d'avoir negocié c
Conclu le dernier Traité de Vienne.
HOLLANDE ET PAYS- BAS.
O
N mande de la Haye que l'Assemblée des
Etats Generaux avoit nommé le Baron de
Torck et deux autres Députés pour conferer avec
les Ministres de l'Empereur et du Roy d'Angle
terre au sujet des difficultés qui retardent l'ac
cession de L H. P. au Traité de Vienne.
MORTS ET MARIAGES.
des Pays Etrangers.
V
Iolente- Beatrix de Baviere , Veuve de Fer
dinand de Medicis , Prince hereditaire de
Toscane , mourut à Florence le 30. de May ,
âgée de 58. ans , quatre mois et sept jours ;
étant née le 23. Janvier 1673. Cette Princesse
qui étoit fille de Ferdinand Marie , Electeur de
Baviere , mort le 16. May. 1679. et d'Adelaïde
Henriette de Savoye , morte le 18. Mars 1678..
étoit soeur de feuë Madame la Dauphine , ayeu
le du Roy Tr. Chr. et du feu Electeur de Bavie
re Maximilien Marie Emanuel.
La Duchesse de la Ferie , Mere du Duc de la
Ferie , Pair de France , mourut à Londres le 5 .
Juin dans un âge fort avancé.
Don Alphonse Escobar , Lieutenant Géneral
J. Vali
des.
JUIN
7383 1731
des Armées du Roy d'Espagne , est mort depuis
peu à Badajoz , âgé de 96. ans , dont il en avoit
servi 76. dans les Troupes.
Le 3 Juin , le Prince François Hugues de
Nassau Siegen, de la Branche Catholique, épousa:
à Barteinstein , le Comtesse Leopoldine Hohen
hoe Barteinstein , fille du Comte de ce nom , qui
a été cy-devant Juge de la Chambre Imperiale
deWetzlar.
JJJJJJ
DABB teses des of の
JJJJ
အ က Badas
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris. &c.
LE
E 20. May , le Marquis de Nesle 2+
Chevalier des Ordres du Roy , pré
senta à S. M. une Requête imprimée ,
pour demander des Juges au sujet de ses
prétentions sur la Principauté d'Orange ,
contre le Prince de Conti , en s'oppo
sant à l'Arrêt du Conseil qui en a fait
PEchange avec le Roy au nom de ce.
Prince .
Le 26. May , le Comte Maffei , Am
bassadeur Extraordinaire du Roy de
Sardaigne , eût une Audiance particulie
re du Roy , dans laquelle il présenta à
S. M. une Lettre du Roy son Maître sur
I.Val. la
1384 MERCURE DE FRANCE
la naissance du Duc d'Aoste. Il fut con
duit à cette Audience par M. Hebert ,
Introducteur des Ambassadeurs , qui le
conduisit ensuite à celle de la Reine.
Le 30. aprés midy , le Roy fit au
Champ de Mars , prés du Château de
Marly , la Revue des Gens-d'Armes
Chevaux-Legers et Mousquetaires de la
garde de S. M. le Roy passa dans les
Rangs et les vit défiler. Ils vinrent en
suite passer dans la Cour du Château de
Versailles , où ils défilerent devant la
Reine qui étoit sur le Balcon de l'Appar
tement des Princesses d'Orleans , avec
Monseigneur le Dauphin et Mesdames
de France..
M. Parquet , Grand - Vicaire de l'Ar
chevêque de Paris , a été nommé à la
Cure de S. Nicolas des Champs , par
l'Archevêque de Cambray, commePrieur
de S. Martin .
Le 28. May , le Duc d'Aiguillon prê
ta Serment et prit séance au Parlement
en qualité de Pair de France.
Le 4. Juin , le Roy parrit de Versailles
vers les cinq heures du matin pour aller
au Chateau de Fontainebleau , où S. M.
se rendit le même jour aprés avoir dîné
à Petit -Bourg.
I. Vol.
Le
JUIN. 1731. 1385
Le Roy a donné le Gouvernement de
Bethune au Comte de Rottembourg ,
Chevalier de ses Ordres et Ambassadeur
Extraordinaire de S. M. auprés du Roy
d'Espagne.
M. Gaudin Trésorier géneral de la
Marine , a achepté , avec Fagrément du
Roy , la Charge de Garde du Trésor
Royal , vacante par la démission de M..
de Montigny.
M. l'Abbé Allary , de l'Académie
Françoise , a été nommé Instituteur des
Enfans de France.
La Reine partit de Versailles le 16. de
ce mois , et arriva à Fontainebleau le mê
mejour , après avoir soupé au Château de
Petit-Bourg.
Le Procès du Comte Barberin , de l'Il
lustre Maison des Barberins d'Italie , con
tre le Sieur Milieu , fut jugé samedi 2
Juin au Parlement , les Chambres assem
blées , ledit sieur Comte a été renvoyé de
l'accusation de faux principal , les Billets,
ont été déclarés bons , et le sieur Milieu
condamné en tous les dépens dommages
et interests , et que les termes injurieux
qu'il a employés dans ses écrits , seroient
rayés et bâtonnés.
1. Vol La
1386 MERCURE DE FRANCE
Le Dimanche de la Trinité 20. May
le Curé de Soissi sous Etiole , faisant ses
fonctions Curiales , dans son Eglise ,
revêtu de ses Habits Sacerdotaux , Claude
Aubert , Garçon Jardinier , lui tira un
coup de Fusil dont il fut blessé à l'épaule ..
L'Assassin fut arrêté sur le champ et con
duit en Prison. Il a été jugé par Sentence
du Lieutenant Criminel , confirmée par
Arrêt du Parlement , et condamné à faire
Amande honorable dévant la principale
Porte de l'Eglise de Paris , et y avoir le
Point coupé, ayant Ecriteau devant et der
riere , portant ces mots : Assassin de dessein
prémedité dans l'Eglise de Soissi sur Seine
en la Personne de son Curé. Et ensuite brulé
vif en Place de Gréve ; ce qui a été exe
cuté le 7. de ce mois .
>
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Beaune en Bourgogne , du 4. Juin 1731 .
Ds.
Ans le dernier jour de l'Octave du
Sacrement , il y eut dans cette
Ville un grand orage et un Tonnerre éf
froyable. Il tomba dans l'Eglise des Peres
de l'Oratoire , remplie de Monde, à l'heure
du Salut. Le Tonnerre entra dans l'Eglise
par la Porte , comme un Tourbillon de
feu , environna les têtes de plusieurs per
4
La.Vol.
sonnes
JUIN. 1731. 1387
sonnes sans leur faire aucun mal , brisa
le pied d'un Crucifix et mit en pieces
deux bordures de Tableaux , tout le Peu
ple prosterné cria misericorde , et l'on a
reconnu une protection visible de Dieu
en cet évenement ; le lendemain dans.
la même Eglise l'on y chanta une Messe
du S. Esprit et un Te Deum en action de
graces.
On a pris la semaine passé un Fameux
Voleur nommé Belhomme qui a fait au
tant de bruit dans tout le Pays , qu'autre
fois Cartouche dans Paris. Ce Volcur ,
Charbonnier de son métier , aprés avoir
tué et assassiné plusieurs Hommes , les
brûloit dans des Fourneaux . Le dernier
Assassinat qu'il a fait est d'un Trésorier
Etranger dont on ne sçait pas encore le
nom , aprés l'avoir presque tué , il le brû
la dans un Fourneau. La capture de ce
Chef des Voleurs est de consequence :
nos Magistrats avoient promis une som
meconsiderable à qui le pourroit arrêter.
Ce miserable rit , chante et se réjoüit..
Il-sera jugé et exécuté cette semaine.
€ 8
I Vol. REFLEXIONS
1388 MERCURE DE FRANCE
REFLEXIONS SUR PARIS.
A M. LE CHEVALIER C...
PAris n'est pas ce que l'on pense ,
C'est ici comme là ; s'il differe d'ailleurs ,
C'est que l'Esprit , l'Honneur , la Vertu , la
Science ,
N'y trouvent plus de Protecteurs.
One erreur trop certaine , et pourtant si com
mune >
Fait qu'un nombre prodigieux ,
Dans l'espoir séduisant d'y faire sa Fortune
Quitte son Foyer et ses Dieux.
De cent à peine un seul prospere.
A faire un bien gratis les Hommes sont si lents ,
Que mille gens dans la misere
Languissent à Paris avec de beaux talents.
On se fait maintenant aux yeux du miserable ,
De même que la Pierre avec le temps durcit.
Le coeur n'est plus touché du plus affreux recit ,.
On en voit trop pour en être capable.
"' Ce Pays , il est vrai , séjour de la grandeur
De tous maux , de tous biens , est le centre et la
source >
Avec quelque merite , et beaucoup de bonheur ,
I.. Vol. Il
JUIN. 1731. 1389
Il est avec le tems un Pays de ressource.
Victime à moi de mon bisarre
quant
sort 2
Dont le charme imposteur m'a seduit et me joue,
Je veux l'y surmonter , mais vainement j'échoue ,
Où d'autres à mes yeux parviennent sans effort.
Qu'on ne me dise plus qu'une extréme disgrace
Fait rentrer l'homme dans son Coeur.
Il attend , il attend , mais enfin il se lasse
De la constance du malheur.
Some
tutuba botatetette
MORTS , NAISSANCES,
et Mariages..
Rere Alexis Dalogny de la Groys ,
Chevalier Profez de l'Ordre de Saint
Jean de Jerusalem , Commandeur de la
Commanderie d'Ozon , dans le Prieuré
d'Aquitaine , et de celle de S. Etienne de
Benneville, dans le Prieuré de France ,
mourut en Perigord le 13. May , agé de
55. Ans.
2
Louis Armand Baudon , Chevalier
Seigneur de Neufville Ferier , Conseil
ler au Parlement , mourut le 23 May ,
agé de 36. ans.
Le 23. May , Philippe Michel Bon
met , Prêtre Docteur en Theologie , de la
·
1. Fol.
Maison
1390 MERCURE DE FRANCE
=
Maison et Societé de Sorbonne , Curé de
S. Nicolas des Champs mourut dans la
8. année de son âge .
N. le Camus Destouches , Chevalier ,
Brigadier des Armées de Sa Majesté, Che
valier del'OrdreMilitaire de S.Louis , Con
seiller du Roi en ses Conseils, Controleur
General de l'Artillerie de France , mourut
le 25. May , agé de 60 ans.
M. François Alexis Joubert de la Bas
tide de Château- Morant , Abbé Com
mandataire des Abbayes de S. Friol en
Champagne , et de pôtre Dame de Cor
neuil en Normandie , Diocèse de Rouen,
décedé le 25. May âgé de 62. ans .
Thibaut Etienne de la Brousse ,Marquis
d'Atis , premier Cornette des Chevaux
Legers Dauphins , et Mestre de Camp de
Cavalerie , mourut à Cambray le 25. dans
la 37. année de son age.
M. André de Harouys , Chevalier ,
Seigneur de la Seilleraye , Maître des
Requêtes honoraire , décedé le 27. May,
âgé de 70. ans.
M. Louis- Guillaume de Chavaudou
Prêtre , Docteur en Theologie de la Mai
son et Societé de Sorbonne,ancien Aumô
nier de la feue Reine , Abbé de Mores ,
Diocèse de Langres , Conseiller du Roy en
sa Cour de Parlement et de Grande Cham
I. Vol.
bre
JUIN. 1731 . 1394
bre
ans.
décedé le 27. May , âgé de 77
L'Abbé de Berwick , fils du Maréchal
Duc de Berwik , mourut à Paris le 3 .
de ce mois dans la 19. année de son âge.
Le 5. Juin , mourut d'Apoplexie , au
Palaisdu Luxembourg D. Marie Char
lotte de Gouffier , veuve de Louis de
Gouffier Marquis de Bonnivet , agée de
73. ans . Elle n'a laissé qu'un fils ; Louis
de Gouffier , Marquis de Bonnivet , Mes
tre de Camp de Dragons , à la suite du
Regiment du Colonel General , cy-de
vant Maître de la Garderobe de Madame,
Duchesse de Berry et premier Cornette
de la seconde Compagnie des Mousque
taires de la Garde du Roy.
Demoiselle Elisabeth - Geneviève de
Braque , fille de Paul - Benoît , Comte de
Braque , Chevalier , Seigneur de Boisre
naud , & c. et de Dame Elisabeth - Fran
çoise de l'Huillier , decedée le 5. Juin
âgée de 34 ans et 4. mois .
Charles le Tonnelier Breteiiil , Baron
de Preuilly , premier Baron de Touraine ,
Seigneur d'Azay - le Feron , Fonbaudry ,
Tournon. & c. mourut en sa Terre de
Preüilly le 6. de ce mois , agé de 28. à 29 .
ans , laissant un fils d'un an et une fille
de trois semaines , de Marie- Anne - Fran
>
I. Vol.
çoise
392 MERCURE DE FRANCE
çoise de Gasville , fille de Jean Prosper
Goujon , Chevalier Seigneur de Gasville
Conseiller du Roy en ses Conseils , Maî
tre des Requêtes ordinaire de son Hôtel ,
et Intendant de la Generalité de Roüen ;
et de Dame Anne Defaucon de Ris .
Il étoit fils de Louis Nicolas , Baron
de Breteuil , et de Preülly &c. Introduc
teur des Ambassadeurs et Princes Etran
gers prés de Sa Majesté , et de Gabrielle
Anne de Froullay-Tessé , fille de Philip
pes -Charles Comte de Froullay - Tessé ,
Grand-Marêchal des Logis de la Maison
du Roy et Commandeur de ses Ordres :
et Niéce du Marêchal de ce nom. Il
étoit aussi Cousin Germain de François
Victor de Breteuil , Marquis de Fontenay
Trésigny , Sire de Villebert &c. Com
mandeur des Ordres du Roy , Chance
lier de la Reine , et cy-devant Secretaire
d'Etat ; et de Charles-Claude de Breteüil
de Chanteclerc , Comte de Bevilliers , et
de Vaux , Mestre de Camp de Cavalerie ,
et Capitaine-Lieutenant de la Compagnie
d'Ordonnance des Chevaux - Legers de
Bretagne.
Le nom de Le Tonnellier Breteüil , est
si connu , et il en a été question en tant
d'occasion , qu'il est inutile d'en rappor
ter icy la Genealogie ; si le Lecteur en
1. Vola est
JUIN. 1731. 1393
est curieux , il la trouvera dans le Nobi
liaire de Picardie , et dans le Moreri.
Dame Jeanne- Françoise de Bourgogne ,
épouse de M. Moreau de Mautour , est
décedée le 6. Juin , agée de 77. -ans. Elle
étoit fille de François de Bourgogne ,
Seigneur de Mautour en Brie , Capitaine ,
du Regiment de la Reine-Mere Anne
d'Autriche en 1644. Frere ainé de Loüis
de Bourgogne qui fut Capitaine d'une
Compagnie de Chevaux - Legers sous les
Ordres du Duc d'Angoulesme , Colonel
Géneral , Sergent de Bataille dans les
Armées du Roy , depuis Marêchal de
Camp en 1651. et ensuite Mestre de
Camp , Lieutenant du Regiment d'Infan
terie d'Armand de Bourbon , Prince de
Conty en 1654. et est décedé en 1656. à
l'age de 36. ans. Ils étoient fils de Dieu
donné de Bourgogne , Seigneur de Mau
tour,Exempt desGardes du Corps de Louis
XIII. en 1616. et de Damoiselle Marie
de Bierne. Il étoit originaire de Lorraine,
issu de Jean de Bourgogne , Seigneur de
Saint Owain qui fut annobli , lui et sa
Posterité , pour récompense de ses Ser
vices Militaires en 1464. par René d'An
jou , Roy de Jerusalem et de Sicile ,
Duc de Lorraine et de Bar. Dame Fran
çoise de Villers, Mere de la Deffunte, étoit
>
I. Vol. fille
394 MERCURE DE FRANCE
\
fiile de Gabriël de Villers , Seigneur de
Louan et Housson en Berry , Capitaine
dans le Regiment de Rambures , Com
mandant des Villes et Château de Meun
sur-Yeurre , et de Damoiselle Edmée le
Roy. Il étoit originaire de Flandres , issu
des Anciens Seigneurs du Château de
Villers , dont la Génealogie est imprimée
dans l'Histoire du Gastinois . Il reste du
Mariage desdits Sieur et Dame Moreau.
de Mautour , Philibert François , Prieur
Commandataire de Marbos et de Mon
tiers-en l'Isle , et Charles , Chevalier de
S. Lazare , Capitaine d'Infanterie au Re
giment de Toulouze , auparavant Page
de M. le Comte de Toulouze. Ils ont eu
pour aîné Jean -Baptiste Louis de Mau
tour, Commissaire ordinaire de l'Artille
rie de France , mort à Strasbourg en 17,06 .
à l'age de 24. ans, de sa blessure reçuë au
Siege de Haguenau en Alsace.
François Guyot de Chenisot , Ecuyer ;
Seigneur de Villers , la Haye , Courton ,
&c. Conseiller , Secretaire du Roy , Re
ceveur General des Finances , de la Géne
ralité de Rouen , et Secretaire du Conseil ,
mourut le 11. Juin , âgé d'environ 58. ans .
François Charles , Marquis de Menou ,
Brigadier des Armées du Roy , ci devant
Capitaine-Lieutenant de la Compagnic
•
1
a
4
匪
I. Vol.
des
JUIN. 1731 . 1395
des Chevaux- Legers d'Anjou , mourut le
3. de ce mois dans son Château de Pru
nay en Beauce , âgé de 61. ans.
Antoine-Nicolas Nicolaï de Goussain
ville , Conseiller au Parlement , mourut
à Auteuil le 15. de ce mois , dans la 39.
année de son âge . Au mois d'Avril 1717.
le Roi lui avoit accordé la Charge de.
Premier President de la Chambre des
Comtes , en survivance de M. Nicolaï ,
son pere ; il fut reçû le 12. du mois de
May suivant, et il étoit le huitiéme de son
nom qui avoit été pourvû de cette Charge.
Dame Marie- Elisabet Guigou , veuve de
M. Jacques du Metz , Brigadier des Ar
mées du Roi , déceda à Crône , le 15.
Juin , âgée de 38. ans 6 mois
"
M.Jean Martial de Raucen , Ecuyer ,Sei
gneur de Crône , Noisy - sur - Seine , & c.
mourut en son Château de Crône , le
17. Juin . âgé de 86. ans environ .
-Le Marquis de S. Chamans , Maréchal
des Camps et Armées du Roi , et Lieute
nant des Gardes du Corps , mourut à Pa
ris le 18. âgé d'environ 66. ans.
Le 5. Juin , D. Marie Barthelemy
Thoynard, Epouse de M.Michel Philippes
l'Evêque , Conseiller au Parlement , ac
Coucha d'un fils qui fût baptisé le len-.
I, Vol.
I. demain ,
1396 MERCURE DE FRANCE
demain , et nommé Philippes Barthele
my , par M. Pierre Philippes L'Evêque ,
Chevalier Seigneur de Gravelles , Maî
tre des Comptes , Ayeul paternel , et D.
Marie de S. Pierre , Epouse de M. Barthe
lemy Thoynard , Ecuyer , Seigneur de
Sandré , Ligny , Montsuzain , &c . Baron
du Vouldy et de Monçay,Ayeul maternel.
Le Marquis de S. Chamans épousa le
II. Avril Mlle . de Malezieu . La Cere
monie s'est faite à Chatenay par M.
l'Evêque de Lavaur , Oncle de la D¹е
et S. A.S. Me , la Duchesse Du Maine leur
a fait l'honneur d'y assister .
M. de S. Chamans est d'une des plus
anciennes Noblesses du Royaume ; il est
Capitaine de Dragons , et a eu l'honneur
d'être élû Page du Roy. La Dlle. est fille
de M. de Malezieu , Brigadier des Armées .
du Roy, et LieutenantGeneral de l'Artille
rie . Son nom est aussi connu par la dis
tinction qu'il s'est acquise dans le Servi
ce , que par l'attachement qu'il a voüé
à S. A. S. M le Duc Du Maine , qui l'a
toujours honoré d'une protection et
d'une confiance particuliere : on sçair
que ce Prince se connoit en vray merite.
:
Le 27. du mois dernier , le Roy signe
L, Vol la
JUIN. 1731. 1397
le Contrat de Mariage d'Yves Marie de
Boulogne , de Lens , de Licques &c.
Comte de Rupelmonde , avec N………….
de Grammont , fille du Comte de Gram
mont , Brigadier des Armées du Roy
Gouverneur de Ham , Chevalier des
Ordres de Sa Majesté.
>
Voici la Généalogie de la Maison du
Comte de Rupelmonde.
Ligne directe de la Maison de Boulogne ,
de Lens , de Licques , de Recourt ;
et de Rupelmonde.
Eustache , Comte de Boulogne , en 1040 .
avoit épousé Mahand de Brabant , et
eurent :
Eustache Cuens de Boulogne , surnom
mé Auguienen , en 1076. il épousa rde
d' Ardenne , fille de Godefroy le Bon , Duc
de Bouillon et de Lorraine. Godefroy de
Bouillon , Baudouin , Roi de Jerusalem ,
et Eustache III . Comte de Boulogne ,
sont issus de ce Mariage .
Eustache , Comte de Boulogne , épousa
Marie , fille de Maleone , Roi d'Ecosse ,
dont est issu ,
· Eustache de Boulogne , qui fut tué de
vant Rama , en 1107. deux de ses freres y
perdirent la vie. Ce dernier avoit épousé
1. Vol I ij
Gabine
398 MERCURE DE FRANCE
Gabine , fille de Jacques de Bodebacque ,
Seigneur de Wauvin ; ils eurent :
Godefroy de Boulogne , qui n'avoit que
trois ans lorsqu'Eustache son pere fut tué,
Eustache , son ayeul , l'envoya à la Cour
de Baudouin , son grand oncle , Roi de
Jerusalem . Après avoir servi dans ses Ar
mées , il commanda sa Gendarmerie ; il
défit les Sarrasins en plusieurs rencontres ;
enfin il fut fait prisonnier ; on le condui
sit à Antioche , où il demeura en capti
vité. Nogora , fille du Roi d'Antioche ,
touchée du mérite et du malheur de Go
defroy , embrassa sa Religion , se fit Chré
tienne et l'épousa. Dans le tems qu'ils se
sauvoient ensemble , ils furent atteints
par ceux qui avoient ordre de les pour
suivre. Godefroy fut tué en combattant ,
et Nogora fut ramenée chez le Roi son
pere , où elle accoucha d'un fils qui fur
nommé :
Noradin de Boulogne. Il passoit pour un
des plus braves Chevaliers de son tems , et
pour ennemi déclaré des Chrétiens . Phi
lippe d'Alsace , Comte de Flandres , le re
tira d'entre les mains des Chrétiens , qui
l'avoient fait prisonnier , et l'emmena en
Flandres , où il le remit entre les mains de
ses parens et amis. Deux ans après No
radin se convertit. Il fut baptisé à Bruges
I. Vol. dans
JUIN. 1731 1399
dans l'Eglise de S. Donat , et fut nommé
Eustache , ainsi que son ayeul. On lui
donna la Chastellenie de Lens, en Artois ,
avec heredité. Enfin il retint les Armes
qu'il avoit avant sa prison ; il portoit
Ecartelé d'or et de sable. Il épousa Marie
de fausse , dont il eut :
Jean de Boulogne , Chastelain hereditaire
de Lens , qui eut de Marie d'Enghien
sa femme ;
Baudouin de Boulogne , Chastelain he
reditaire de Lens , qui épousa Sara de
Mello , et en eut :
Jean de Boulogne , Chastelain heredi
taire de Lens .
Le Pere Simplicien , dans l'Histoire des
Grands - Officiers de la Couronne , dont
le septième volume doit paroître incessa
ment , prétend que Jean de Boulogne ,
second du nom , n'étoit point de la Mai
son de Boulogne , mais de celle de Re
court , et avoit épousé Yde , Chastelaine
de Lens , Dame de Gomblain , fille et he
ritiere du Chastelain hereditaire de la
Ville de Lens en Artois , issus , comme
on vient de le voir , des anciens Comtes
de Boulogne , et que Jean de Recourt a
pris le nom et les Armes de Lens . Recourt
portoit pour Armes bandé de Vair et de
gueulle , qui est de Longueval , au chef
I. Vol. I üj d'or.
1400 MERCURE DE FRANCE
d'or. Cette Maison est surement très-no -❤
ble , très-illustre et très - ancienne.
Malgré l'opinion du Pere Simplicien ,
le Comte de Rupelmonde prétend descen
dre en ligne directe de la Maison de Bou
logne , et que Fean , second du nom ',
étoit fils de Baudouin de Boulogne et de
Sara de Mello , et avoit épousé Isabeau
de Brimeu , dont il eut pour fils :
"
Jean de Boulogne , Chastelain heredi
taire de Lens , Seigneur de Recourt et de
Comblain. Il épousa en premieres nôces
Catherine de Bethune , et en secondes ,
Marie Desnes,Dame du Conroy, dont il eut :
François de Boulogne , Chastelain he
reditaire de Lens , Seigneur de Recourt
et de Comblain , qui épousa Dame Bea
trix de Licques , heritiere de Licques en
Artois , laquelle portoit pour Armes ban
dé d'argent et d'azur à la bordure de
gueulle, qu'ils ont écartelé dans leurs Ar
mes, et dont ils ont encore la Terre ; il eut
pour fils :
Sei
Gerard de Boulogne , Chastelain here
ditaire de Lens , Baron de Licques ,
gneur de Recourt et de Comblain . It
mourut l'an 1375. il avoit épousé en pre
mieres nôces Jeanne de Mailly , dont il eut :
Jean de Boulogne , Chastelain heredi
taire de Lens , Baron de Licques , Sei
I. Vol.
gneur
JUIN. 1 1731. 1401
de Recourt et de Comblain , qui
gneur
épousa Alix de Vermeilles ; il mourut l'an
1390. et fut enterré dans l'Eglise de Com
blain ; il eut pour fils :
Jean de Boulogne , Chastelain heredi
taire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt et de Comblain , tué à
la Bataille d'Azincourt , l'an 1415. sans
posterité. Il avoit une soeur mariée avec
Valeran , Seigneur Desabords , qui mourut
aussi sans enfans , et ses biens revinrent
à son cousin germain ; elle est enterrée à
S. Pierre de Lille .
Du second Mariage de Gerard de Bou
logne avec Jeanne de Vianne , nâquit :
Charles de Boulogne , Chastelain he
reditaire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt et de Comblain . Il fut
fait Amiral de France en 1418. fut fort
estimé du Duc Jean de Bourgogne , qui
l'établit son Lieutenant dans la Ville de
Paris. Il accompagnoit ce Prince quand il
fut tué sur le Pont de Montreau , par Ta
neguy du Chastel , en 1419. il mourut
sans être marié.
•
Fean de Boulogne , Chastelain heredi
taire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt et de Comblain , vi
voit le 17. Juin 1429. et conjointement
avec Marguerite Dalesnes , sa femme , Da
1. Vol. I iiij
me
1402 MERCURE DE FRANCE
me d'Escoüannes , le 9. Janvier 1435. ils
firent le partage de leurs biens à plusieurs
enfans qu'ils eurent , dont l'aîné fut :
Jean de Boulogne , Chastelain heredi
taire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt et de Comblain , Vi
comte de Beaurains . Il épousa le 27. Août
1453. Jeanne de Stanelle , fille de Jean de
Stauelle, Seigneur Dysenghien , et de Mar
guerite d' Antoing ; il eut pour fils :
Jacques de Boulogne , Chastelain here
ditaire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt et de Comblain. Il fut
Chambellan de l'Empereur Charles V. Il
épousa Jeanne du Fay , fille de Laurent du
Fay Chateaurouge , Seigneur de Hulles
- Maître d'Hôtel du Roi , et de Bonne de
la Vieuville. Il vivoit encore en 1540.
alors âgé de 8. ans . Il eut plusieurs en
fans , dont l'aîné fut :
3.
7
Jacques de Boulogne , Chastelain here
ditaire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt et de Comblain , Con
seiller et Chambellan de l'Empereur Char
les V. Lieutenant General en Flandres
Gouverneur et Capitaine de Landrecy. Il
épousa en premieres nôces le 23. Août
1512. Philippe le Fevre de Hemstéde , fille
deRoland le Fevre , Chevalier, Seigneur de
Tamise de Lieweletde Havoise de Hemside,
C. I. Vol.
I iiij
et
+
JUIN. 1731. 1405
T
·
et en secondes nôces , Isabeau de Fouque
soles , fille de Jacques , Seigneur de Fou
quesoles et d'Andrehem , et d'Isabeau de
Monchy-Senarpont. Il ne vivoit plus l'an
1562. du second lit , il eut ;
Philippe de Boulogne , Chastelain here
ditaire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt , successivement Capi
taine d'une Compagnie de Cent Lances
l'an 1568. Gouverneur , Capitaine et Bail
ly des Villes de Tournchem et Dandruick,
et du Pays de Bredenarde , l'an 1573
Gouverneur des Villes et Citadelle de
Cambray et du Cambresis , l'an 1574. Ca
pitaine et Gouverneur d'Harlem , Gou
verneur et Sur- Intendant de la Ville de
Louvain , et Colonel d'un Regiment de
dix Compagnies de Gens de pied Walons,
l'an 1579. Capitaine et Souverain Bailly
du Château de la Motthe aux Bois de
Nieppe , Gruyer et Veneur des Châtelle
nies de Cassel et de la Motte , l'an 1582 .
puis Gouverneur de Lille , de Tournay ,
de Douay et d'Orchie. Il fut commis par
le Roi Catholique le 12. May de l'an
1586. pour régler , avec les Commissai
res du Roi Henry III. tous les differends
qui pouvoient naître sur l'interprétation
et sur l'execution des articles de la Tréve
de Cambray , concluë le 23. Decembre
..
L. Vol. Iv 1585.
1404 MERCURE DE FRANCE
1585. Il mourut à Bruxelles le Vendredi
Saint de l'an 1588. et fut enterré aux
Cordeliers de Tournay ; il avoit été ma
rié , du consentement de l'Empereur et
de son Conseil , avec Jeanne de Witthem,
fille de Georges de Witthem , Chevalier ,
Seigneur Dirque , et de Jeanne de Jansse
de Mastain ; il eut plusieurs enfans.
Gabriel de Boulogne , Chastelain here
ditaire de Lens, Baron de Licques de Com
blains et d'Audenthun , Seigneur de Re
court , épousa Helene de Merode , fille de
Jean de Merode , Seigneur de Moriamez,
et de Philippe de Montfort , dont est sorti
la posterité de M. le Marquis de Licques,
rapportée dans l'Histoire des Grands Of
ficiers de la Couronne , qui subsiste en
core .
La Branche de M. de Rupelmonde, vient
de Philippe de Boulogne , Lens , Licques
et Recourt , troisiéme fils de Philippe de
Boulogne , et de Jeanne de Witthem . II
fut Seigneur Daudenthun , et de la Terre
de Wissekerke , laquelle fut érigée en Ba
ronie par Philippes IV. Roi d'Espagne ,
à la charge de la tenir de plein Fief du
Comté de Flandres , en consideration des
services que ses Ancêtres et lui avoient
rendus. Il avoit servi plus de 40. ans ,
tant Capitaine d'Infanterie, que Capitaine
1. Vol.
de
JUIN. 1731. 1495
de Chevaux-Lanciers, Colonel d'Infanterie
Walone, d'une Compagnie de 300.Têtes ;
il étoit Grand - Bailly du Pays d'Waës , et
Commandant les Troupes ; il avoit été
Capitaine des Gardes du Duc de Parme ;
qui commandoit dans les Pays Bas. Il
avoit épousé Marguerite Stéelandt , le 11 .
Juin 1590. fille de Servais de Stéelandt ,
Seigneur de la Terre de Wissekerke , ri
che heritiere ; il eut plusieurs enfans,
Servais de Boulogne , de Lens , de Lic
ques et de Recourt , Seigneur de Beaufort
et Baron de Wissekerke , Capitaine d'une
Compagnie de trois cens Têtes libres pour
le service de S. M. Catholique , Comman
dant des Forts de Calloo , de Burcht et de
Werrebrouck , Grand- Bailly du Pays de
Waes , et Sur- Intendant des Gens de Guer
re dans les Pays et Comtez de Flandres ;
il épousa le 20. Septembre de l'an 16 24 .
Marguerite de Robles , fille de Jean de Ro
bles , Comte d'Hanap , Baron de Billy ,
Gouverneur et Capitaine general des Vil
les , Châtellenie et Châteaux de Lille , de
Douay et d'Orchies ; de son Mariage
nâquit :
-
Philippe de Boulogne , de Lens , Lic
ques et Recourt , Baron de Wissekerke ,
Seigneur de Beaufort , de Bays , Docle , et
d'Audenthun , qui épousa le 5. Juillet
1. Vel. Ivj .. 1655.
1406 MERCURE DE FRANCE
1655. Marguerite de Bäerlandt , riche he
ritiere , fille de Jacques , Seigneur de
Baërlandt , Dondlandt , Dirikland , & c.
Le Roi d'Espagne Philippe IV. lui vendit
le 9. Avril 1658. la Ville , Château , Ter
re et Seigneurie de Rupelmonde , mouvant
du Comté de Flandres. Il mourut fort
jeune , et laissa pour fils unique :
Philippe de Boulogne , Lens , Licques et
Recourt , Comte de Rupelmonde , Baron
de Wissekerke , Seigneur de Bays , Daudenthun
, de Majourque , de Hongersdycg
de Baerlandt , de Bakendorf, Doud-Landt,
de Diriklandt, de Philiplandt, de Score¸d’V
lack. Il fut marié le 21. Avril 1677. avec
Marie- Anne Eusebe Truchses , née Contes
se de Wollfegg, fille de Maximilien Guillau
me Truchses , Comte de Wolfegg , Gouver
neur d'Amberg en Baviere , et d'Isabelle
Claire de Lignes d' Aremberg et d'Arschot.
Il mourut fort jeune , et de ce Mariage il
eut pour fils unique :
Maximilien- Philippe- Joseph de Boulo◄
gne , de Lens , de Licques , de Recourt
Comte de Rupelmonde , Baron de Wis
sekerke , Seigneur de Bays , Daudenthun ,
de Majourque , de Hongersdicg , de Baër
landt , de Bakendorf , Doudlandt , de
Diriklandt , de Philipplande , de Score et
d'Ulack , Colonel d'un Regiment de
I
I. Vol.
Trou *
JU.IN. 1731.. 1407
Troupes Walonnes en 1702. et Brigadier
des Armées du Roi d'Espagne l'an 1706.
Il fut émancipé le 26. Juin 1701. et il
épousa le 24. Janvier 1705. Marie Mar
guerite- Elisabeth. d'Alegre , presentement
Dame du Palais de la Reine , et fille d'Y
ves , Marquis d'Alegre , Maréchal de
France , Chevalier des Ordres du Roi , et
de Jeanne- Françoise Garrault de Caminade.
Il fut tué au Siege de Brihuega en Espagne,
ayant été fait Maréchal de Camp quatre
jours avant sa mort , qui arriva le 11.
Decembre 1710. il laissa un fils unique ,
qui donne lieu à cet Article..
Yves- Marie de Boulogne , de Lens , de
Licques , de Recourt , Comte de Rupel
monde , Baron de Wissekerke , Seigneur
de Bays , Daudenthun , de Majourque , de
Hongersdycg , de Baerlandt , de Baken
dorf , Doudlandt , de Dirikland , de Phi
Tipplandt , de Score , d'Ulack et de ta
Creste , Capitaine au Régiment d'Alsace ,
et Colonel à la suite de ce Regiment.
Nous ne donnerons point ici la Généa
logie de la Maison de Grammont , parce
qu'elle est détaillée fort au long dans la
nouvelle Edition de l'Histoire des Grands
Officiers de la Couronne, Tome 4. p . 6.12.
1.Vol. SONNET
1408 MERCURE DE FRANCE
*****
SONNE T.
Onstre toûjours fécond en douces impos
tures , Mon
Implacable ennemi du répos des Humains ,
Dois -je craindre tes traits , ou cherit tes bles
sures ,
Amour, tu tiens la vie et la mort en tes mains
'Agréable vainqueur , doux tyran de mon ame ,
C'est au prix des douleurs que tu vends tes plai→
sirs ;
On a gémi cent fois quand d'une tendre flâme
Ta cruelle bonté contente les desirs.
" Tu joins à tes douceurs une affreuse amertume
Souvent le même feu nous charme et nous con
sume ,
Quand on aime tes coups, il faut les éviter.
Que faire ? engironné de plaisirs er de larmes
Amour , on sent bien mieux la force de tes char→→
mes ,
On voudroit te hair , mais non pas te quitter.
Par René- Vincent Desf ***
"
1
1. Vol
ARREST
J'U IN. 1731. 140
XXX:XXXXXXXX :XX **
ARRESTS , DECLARATIONS ,
ORDONNANCES , &c.
RREST du Qui or .
Adonne que les Proprietaires des Offi
ces qui se prétendent exempts du droit de
marc d'or , rapporteront leurs Titres
pour être examinez par les Sieurs Com
missaires nommez par les Arrêts des 30.
May , et 31. Aoust 1730..Nomme le
Sieur Passelaigue pour Greffier de la Com
mission ; Et subroge le Sieur Pallu , Maî
tre des Requêtes , au Sieur de la Galai
siere l'un desdits Sieurs Commissaires
nommé à l'Intendance de Soissons .
ARREST du même jour , Qui exem
pte des Droits dûs au Roy ou à ses Fer
miers , et des Droits de Péages , les Grains.
qui seront transportez des Provinces du
Royaume dans celle de Provence , pen
dant un an , à compter du 15. Septembre
1731.
EDIT DU ROY , Portant réit
nion des deux Villes de Clermont et de
I. Vol. Monferrand,
1410 MERCURE DE FRANCE
Monferrand , sous le nom de Clermont
Ferrand. Donné à Versailles au mois de
ay 1731. MRegistré en Parlement le 29 .
May , par lequel il est dit que ces deux
Villes , demeureront réünies et incorpo
rées l'une à l'autre doresnavant et pour
toujours sous le nom de Clermont-Ferrand ,
avec communication reciproque des hon
libertez et franchises attribuez
ausdites deux Villes. Cet Edit contient
XVI . Articles , qui ordonnent tout ce
qui doit- être observé au sujet de ladite
réünion , &c.
neurs
>
ARREST. du 30. May , Qui nom
me des Commissaires pour voir et exa
miner les anciens et nouveaux Rôles , Ta
fs et Reglemens concernant le payement
du Droit de marc d'Or ; et ordonne la re
présentation des titres des Officiers qui
prétendent se dispenser du payement du
dit droit.
ARREST du 5 Juin , Qui ordonne
qu'à commencer du jour de la publica
tion , il ne sera fait aucune nouvelle plan
tation de vignes dans les Provinces et Gé
néralitez du Royaume ; et que celles qui
auront été deux ans sans être cultivées
ne pourront être rétablies sans une per
1. Vol. mission
JUIN. 1731 . 1471
mission expresse de Sa Majesté , à peine
de trois mille livres d'amende.
ORDONNANCE DU ROY
du 10. Juin , par laquelle Sa Majesté a per
mis et permet à tous Fermiers , Labou
reurs et autres , dans la Généralité de Pa
ris , même dans l'étendue des Capitaine
ries , de faire faucher pendant la presente
année seulement et sans tirer à conse
quence , tous les prez de quelque nature
et qualité qu'ils soient , dans le tems qu'il
le jugeront à propos , sans en demander
permission aux Seigneurs , aux Capitaines
des Chasses , à leurs Officiers et autres .
ARREST du Parlement , Qui supprime up
Ecrit imprimé , &c.
A
Ce jour les Gens du Roy sont entrez , et
Maître Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudir
Seigneur Roy portant la parole , ont dit :
Que l'Imprimé qu'ils apportent à la Cour
est tombé depuis hier entre leurs mains ; que
c'est une Lettre qu'on suppose écrite le 29. Avril
dernier à M. le Cardinal de Fleury par M. le
Coadjuteur d'Orleans , au sujet d'un Arrêt que la
Cour venoit de rendre. Que le caractére d'un
Ecrit si emporté , si peu convenable , et dans le
quel on voit la Cour attaquée d'une maniere si
injurieuse , ne leur permet pas de le regarder
comme l'Ouvrage de ce Prélat et qu'ils ne
doute pas qu'il ne se sente aussi offensé qu'il doit
l'être de la publication qu'on en fait sous son
vika 1. Vol. nom
1412 MERCURE DE FRANCE
nom. Mais qu'ils ne s'en croyent que plus obli
gez d'étouffer ce Libelle sans aveu dans sa nais
sance. Que la Cour verra assez d'elle - même quel
scandale il est capable de causer , et combien il
seroit propre à réveiller l'inquiétude et la chaleur
des Esprits , si par son autorité elle n'y apportoit
un prompt remede. Que c'est ce qui les engage à
avoir l'honneur de lui en rendre compte sur le
champ ; et que pour satisfaire à ce sujet à ce
qu'ils croyent être du devoir de leur Ministere
ils requierent qu'il plaise à la Cour ordonner que
cet Ecrit imprimé, intitulé : Lettre de M. le
Coadjuteur d'Orleans à M. le Cardinal de Fleu
☛y , du 29. Avril 1731. demeurera supprimé ,
que défenses seront faites à tous Imprimeurs et
Libraires , Colporteurs et autres , de l'imprimer ,
vendre , debiter , ou autrement distribuer . En
joindre à tous ceux qui auroient des Exemplai
res , de les apporter incessamment au Greffe de la
la Cour , pour y être supprimez : ordonner que
Copies collationnées de l'Arrêt qui interviendra
seront envoyées aux Bailliages et Sénéchaussées
du Ressort , pour y être lues , publiées et regis
trées ; enjoindre à leurs Substituts d'y tenir la
main , et d'en certifier la Cour dans un mois.
Eux retirez vú ledit Ecrit imprimé , intitulé :
Lettre de Monsieur le Coadjuteur d'Orleans à
Monseigneur le Cardinal de Fleury , le 29. Avril
3731. La matiere sur ce mise en déliberation.
LA COUR ordonne que ledit Ecrit imprimé,
intitulé : Lettre de Monsieur le Coadjuteur d'Or
leans à Monseigneur le Cardinal de Fleury , le
29. Avril 1731. sera et demeurera supprimé ;
fait deffenses à tous Imprimeurs et Libraires
Colporteurs et autres , de l'imprimer , vendre ,
débiter , ou autrement distribuer : Enjoint à tous
J Vol.
ceux
JUIN. 1731.
1413
Y
zeux qui en auroient des Exemplaires , de les ap
porter incessamment au Greffe de la Cour , pour
y être suprimez ; ordonne que Copies collation
nées du present Arrêt seront envoyées aux Bail
liages et Sénéchaussées du Ressort , pour y être
lûës , publiées et registrées ; Enjoint aux Substi
tuts du Procureur General du Roy d'y tenir la
main , et d'en certifier la Cour dans un mois.
FAIT en Parlement le dix -neuf Juin mil sept.
cens trente-un. Signé , YS A BEAU.
Le second Volume de ce mois est actuel
lement sous la presse , et paroîtra inces
samment.
APPROBATION.
Ay lû par ordre de Monseigneur le Garde
des Sceaux , le Mercure de France du premier
volume du mois de fuin , où je n'ai rien trouvé
qui puisse en empêcher l'impression, Fait à Paris
ce 29 Juin mil sept cent trente-un.
HARDIO N.
TABLE.
1205 Preces Fugitives. Ode sacrée , Lettre sur une Urne et des Médailles trou-
1267
2. vées ,
Descente aux Enfers , Ode ,
1213
1
4. Vel.
Lettre
Lettre sur lapierre qui s'engendre dans le corps *
1217
1221
Stances ,
Lettre sui la Tragédie d'Amasis , 1224
L'Interêt , Ode , 1235
Lettre sur un Ouvrage Espagnol , Théatre Cri
tique , &c. 1241
1252 L'Aiglon et le Geay , Fable ,
Fait de Chirurgie singulier , &c. 1254
La Goute vaincuë , Vers , et Avis sur cette ma
ladie ,
1217
1260
1262
1275
Racommodement , Ode ,
Lettre sur deux Médailles Grecques ,
Le plaisir épuré , Ode ,
Paradoxe proposé aux Géometres Infinitaires ,
1280
Bouquet ,
1282
1284
* Réponse sur la gloire des Orateurs ,
Logogryphe et Enigmes , &c. 1303
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c. Mé
thode pour commencer les Humanitez Grec
ques et Latines ,
Amusemens de l'Amitié ,
Porte-Feuille du Chr . de R....
1315
Lettres serieuses et badines , &c.
OEuvres mêlées du C. Hamilton ,
Catalogue des OEuvres du Marquis Sc. Maffey ,
7317
nise ,
Discours Latin du P. Porée ,
Essay Médicophysique sur la Saignée ,
Chanson notée ,
1322
Giornale de Litterati d'Italia : Journal de Ve
1324
1334
1340
1348
1
T
Spectacles ,
Balet des Fêtes Venitiennes
Lettre sur le Théatre Anglois ,
1307
1308
1310
1347
1348
1350
1. Vol Nouvelle
Nouvelles Etrangeres . Diverses Lettres de Cons
Mantinople sur la seconde Révolution, &c. 1364
Nouvellles d'Allemagne et d'Italie ,
Angleterre et Hollande
1373
1378
1 Morts et Mariages ,
France , Nouvelles de la Cour de Paris , &c.
1382
00
kfléxions en Vers sur Paris ,
Morts , Naissances et Mariages ,
Mariage et Généalogie de la Maison du Comte
1389
de Rupelmonde ,
Sonnet ,
* rêts Notables ,
1383
1388
Errata de May.
Age 1024. ligne 3. Come , lisez , Comte.
P. 1039. 1. 2. du bas , tout , ôtez ce mot.
1040. 1. 9. inalienable ; point , l. inalienable et
oint.
1397
408
1409
1104. 1. 3. dont nous avons parlé , dont
ous n'avons pû parler le .
1156. 1. 10. sauve , l. Chauve .
1185. 15. merite , distingue les , ↳ merite
distingué des.
Ibid. ligne derniere , 24. 4. 21 .
PP1196 . l. 15. Galiot , I. Galiot Mandat,
P1197. 1. 25. Launoy , I. Lannoy.
P. 1191. l. 9. sortez 1. sorties.
›
2.195. 1. 3. du bas, d'Armesson , l. d'Ormesson
Ibid. 1. 2. du bas , Mars , l. May.
I. Vol.
Errata
Fautes à corriger dans ce Livre.
PA
Page
Age 1210. ligne 3. Preux , lis ex, Pieux.
P. 1282. 1. 21. si j'avois , l. si l'avois.
P. 1287. l. 18. ne meuvent , l. n'émeuvent,
P. 1306. l. 6. le , l. au.
P. 1316. 1. 4. apresse , l . appresso .
P. 1317. 1. du diable , ajoûtez , je lui suis devenu
semblable ; en.
P. 1321. 1. 15. Néobulé , 4. Néobule.
P. 1325. L 25. Corce , l. Croce.
P. 1330. 1. 16. c , ôtez cette lettre.
Ibid. 1. 17. motti , 4. molti. Ibid. foglie
foglie.
P. 1338. 1. 1. avoüer , 1. sçavoir.
P. 1.350. L 9. differens , L. d'excellens.
P. 1366. 1, 27. s'amuserent , 1. s'ameuterent,
La Médaille doit regarder la page
La Chanson notée , la page
1265
1348
LISTE DES LIBRAIRES
qui débitent le Mercure dans les
Provinces du Royaume , &c.
#
A Toulouſe , chez Enaut & Foreſt.
Bordeaux , chez Raymond Labottiere , chez
Etienne Labottiere, & chez Chapui , fils ,
au Palais , & à la Pofte.
Nantes , chez Julien Maillard , & chex du
Verger.
Rennes , chez Jofeph Vattar , Julien Vatar ,
Guillaume Jouanet Vatar & la veuve Garnier,
Blois , chez Maffſon.
Tours , chez Maffon.
Rouen , chez Herault.
Châlons-fur- Marne , chez Seneuze
3 Amiens chez la veuve François , Godard &
Redé le fils .
Arras , chez C. Duchamp.
Orleans , chez Rouzeaux.
Angers , chez Fourreau & à la Pofte.
Chartres , chez Fetil , & chez J. Roux.
Dijon , chez la veuve Armil , & à la Pofte
Verſailles , chez Pigeon.
Befançon , chez Briffaut , à la Pofte
Saint Germain , chez Doré.
Lyon , à la Pofte.
Reims , chez Godard..
A Vitry le -François , chez Vitalis.
Beauvais , chez De Saint.
Douay, chez Willerval .
Charleville , chez P. Thefin.
Moulins , chez Faure.
CATALOGUE des Mercures de Frances
depuis l'année 1721. jusqu'à present.
2. vol.
J
Uin et Juillet 1721.
Août , Septembre , Octobre, Novembre
et Decembre ,
Janvier et Fevrier 1722.
Mars 1722.
Avril ,
May ,
Juin , Juillet & Août ,
Septembre ,
Octobre ,
Novembre ,
Decembre ,
de Sep
Année 1725. les mois de Juin ,
tembre & Decembre doubles ,
Année 1726. les mois de Juin & de De
cembre doubles ,
Année 1727. les mois de Juin et de De
cembre doubles ,
Année 1728. les mois de Juin et de De
cembre doubles ,
Année 1729. les mois de Juin , de Sep
tembre et Decembre doubles ,
Année 1730. les mois de Juin et de De
cembre doubles ,
2. vol.
I. vol.
Année 1723 le mois de Decembre double , 13. vol.
Année 1724. les mois de Juin & de De
cembre doubles ,
14. vol
15. vol
14. vol.
Janvier 1731.
Janvier , Février , et Mars 1731,
Avril ,
5. vol.
2. vol.
2. vol.
May ,
Juin ,
1. vol.
2. vol..
3. vol,
2. vol.
1. vol.
14. vol.
14. vol.
Is. vol.
14. vol.
I. vol.
3. vol.
2. vol.
I. vol.
2. vol.
145. vole
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN. 1731 .
SECOND VOLUME.
Chez
STARCIT
COLLIGIT
QUE
COLLE
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
rue S. Jacques.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la descente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais ,
M. DC C. X X X I.
Avec Approbation & Privilege du Roy,
A VIS.
L
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comedie Fran
goife , à Paris. Ceux qui pour leur com
modité voudront remettre leurs Paquets ca
chetez aux Libraires qui vendent le Mer
cure, à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prietrès- inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
Le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaite
ront avoir le Mercure de France de la pre
miere main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porierfur
theure à la Pofte , on anx Meffageries qu'on
lui indiquera,
PRIX XXX, SOLS,
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN.
1731 .
**********************
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
LA
SCIENCE ,
O D E.
Uyez , Esclaves volontaires ,
D'un aveuglement séducteur.
Craignez que mes traits salutaires ,
Ne percent un masque imposteur,
Loin ces hommes dont l'arrogance ,
Pour prix d'une vaine Science ,
Semble demander des Autels :
Je hais ces lumieres steriles ,
II, Vol A ij Qui
1416 MERCURE
DE FRANCE
Qui sans les rendre plus habiles ,
Les ont rendus plus criminels.
諾T
Celui qui des Mysteres sombres ,
Connoît toute la profondeur
Se cache sous d'épaisses ombres ,
Et nous dérobe sa grandeur.
Ainsi , privez de sa lumiere ,
Toûjours une vapeur grossiere ,
Obscurcit nos foibles esprits :
Heureux ! si limitant leur vûë ,
Le Ciel eût borné l'étenduë ,
De l'orgueil dont ils sont épris !
Mais , helas ! suivant avec joye ,
D'agréables impressions ,
Les hommes se livrent en proye ,
A de douces illusions.
Un foible rayon vient -il luire ? }
Si leur esprit cherche à s'instruire,
Leur vanité le croit instruit ;
Et ces insensez qu'on adore ,
Abusant d'une belle Aurore ,
Restent dans une affreuse nuit,
Ainsi par des routes chéries ,
11. Vol. L'orgueil
JUIN. 173. 1417
L'orgueil nous promene à son gré.
De ses subtiles flatteries ,
L'esprit est bien- tôt enyvré.
Dans le piege d'un vain systême ,
Que le coeur se tend à lui -même ,
L'homme aveuglé cherche à perir ;
Et jusqu'au sein de l'ignorance ,
S'enorgueillit d'une science ,
Qu'il ne peut pas même acquerir.
que
Telle est la misere orgueilleuse ,
D'un Philosophe * ambitieux ,
Dont la lumiere tenebreuse ,
Croit avoir penetré les Cieux .
Plus hardi les Zoroastres ,
Il veut de la Terre et des Astres
Regler les sublimes ressorts ;
Mais le Ciel qui l'avoit fait naître ,
Le créa bien moins pour connoître ,.
Que pour jouir de ses trésors.
A des Estres imaginaires ,
Livrant sa coupable raison ,
Des plus ridicules chimeres ,
Un autre ** avale le poison..
Le Phisicien.
** Le Métaphisicizen.
II. Vol. A iij Dans
1418 MERCURE DE FRANCE
14
Dans sa sublime extravagance ,
Il seche pour sonder l'essence ,
D'un objet qu'il ne connoît pas ;
La verité fuit sa poursuite ;
Mais l'orgueil qui marche à sa suite
A pour lui, les mêmes appas..
23
Et vous (a ) qui des siecles antiques ;
Confondez les Evenemens ;
Vous , dont les pompeuses Chroniques
Obscurcissent l'ordre des tems ;、
Parlez , quel est votre avantage ?
N'est- ce pas d'errer d'âge en âge ,
Pour en débrouiller le cahos ?
'Aussi le fruit de votre étude
N'est qu'une triste incertitude ,
Qui vient traverser vos travaux.
Mais que sert l'audace sévere ,
De mes transports injurieux ,
Tandis que notre esprit révere ,
Ceux qui nous ont fermé les yeux ?
Si des traits douteux de l'Histoire , (b)
Ils ont alteré la memoire ,
(a) Les Chronologistes .
(b) Les Sçavans qui travaillent à l'Histoires
t
11. Vol Nous
JUIN. 1419 1731 .
Nous sommes leurs adorateurs
Et leur redoutable imposture ,
D'une incertaine conjecture ,
Nous fait adopter les erreurs.
NE
Ainsi trompé par l'apparence ,
L'homme est éclairé sans rien voir;
> Et sa fastueuse ignorance
Se produit sous un faux sçavoir.
Paré d'une science vaine ,
Jadis un Sçavant de Priène , (a )
N'en conserva que les dehors ;
Et , des débris de sa Patrie ,
Il n'emporta que sa folie ,
Le plus cher de tous ses trésors.
Illustres Morts , superbes Mânes ,
Sortez d'un Tombeau plein d'horreur ;
Dépouillez ces titres prophanes ,
Que vous consacra notre erreur .
Où sont ces Couronnes sacrées ,2
Que sur vos têtes reverées ,.
(a) Bias , qui voyant sa Ville au pillage , ne
voulut rien sauver de ses richesses , disant
qu'il portoit tout son bien , c'est-à-dire , toute
SA Science avec lui.
II. Vol..
A. iiij.
La
1420 MERCURE DE FRANCE
Mit jadis un Peuple insensé ? ...
La fausse gloire est disparuë ,
Et la vanité confonduë ,
Lui dit qu'il s'étoit abusé.
Non , que d'un frivole Sophisme
Empruntant le subtil secours ,
Sur un dangereux Pyrrhonisms ,
Je veuille appuyer mes discours.
Je sçais que les forces humaines ,
De quelques veritez certaines ,
Ont sçû nous frayer les chemins ;
Mais des routes si favorables ,
Nous ont rendus plus miserables ,
En ne nous rendant que plus vains.
M
Laisson la superbe arrogance ,
D'un Pédant rempli de fierté ;
Tâchons d'acquerir sa Science ,
Mais non pas sa fatuité.
Alors , d'un sçavoir légitime ,
Une humilité magnanime ,
Sera le plus ferme soutien ;
Et nous suivrons l'humble sagesse ,
11. Vel.
De
JUIN. 1731 .
14: 1
De ce vrai Sçavant de la Grece , *
Qui sçavoit qu'il ne sçavoit rien.
* Socrate disoit que tout ce qu'il "sçavoir"
'étoit qu'il ne sçavoit rien .
Par René-Vincent des F ****
PROBLEME
DE MEDECINE.
Déterminer la vitesse absolue du sang
au sortir du coeur.
Ο
N ne sçauroit croire de quelle utilité
seroit la résolution de ce Problême :
les Medecins sont des mécaniciens , qui ne
sçauroient rétablir la Machine du corps.
humain , s'ils ignorent la position , l'en
chaînement des parties qui la composent,
le jeu , le mouvement , la vitesse , les
efforts des unes contre les autres ; je sçai
qu'on a déja tâché de déterminer la vi
tesse absolue du sang au sortir du coeurs
mais ce sont des démonstrations tirées de
Machines parfaites , en supposant les fluï
des très-coulans , tandis que le sang est
II. Vol Av gluanc
1422 MERCURE DE FRANCE
gluant , que les tuyaux sont élastiques , et
ont des contractions fréquentes , qui en
diminuent les capacitez proportionnelle
ment à leurs diamétres ; cette ténacité.
de liqueurs , ces diamétres n'étant pas
connus parfaitement , il est très mal-aisé
de satisfaire à toutes ces conditions dans
la résolution cherchée.
Si on veut la chercher par lá parabole
que décrit le sang jaillissant par une Ar
tere ouverte , dont on connoît le rapport
du diamétre à celui de l'Aorte , il en fau
dra rabattre la vitesse que les douleurs
de la playe lui donneront ; ce qui est
très -mal aisé,
Si on la veut connoître , à priori , par
la
force du coeur et la quantité du sang qui
en sort , il faut rabattre la diminution.
de cette vîtesse , causée par le contre- ba-.
lancement du sang , des Arteres , de l'Air,
&c. C'est à cause de ces inconvéniens que
la vîtesse du déterminée par Keill ,
à environ 78. piez par minute au sortir
du coeur m'a parû suspecte et exhorbi
tante , et que celle de Borelli ne me paroît
pas juste.
sang ,
Il me semble qu'il est un moyen
facile
d'en approcher de bien près ; le voici .
Calcul fait , dans les Adultes , le coeur
bat à environ 75. fois par minute , l'ou
II. Vol. verture
JUIN. 1731
1423
verture de l'Aorte est de 63. lignes , la
quantité moyenne du sang qui en sort à
chaque contraction , est d'environ une
once et demie , et non de 2. ou 3. comme
Harvée et Borelli l'ont crû ; puisqu'un
pié cube d'eau , égale 72. livres , une once
et demie de sang , dont le poids est à
celui de l'eau , comme 25. à 24. égalera
un peu plus de 3888. lignes cubes.
Ce volume de liqueur étant dans le
ventricule gauche du coeur et étant gluant,
en est chassé à chaque contraction , de
façon que la file ne rompt pas et ne fait
que glisser à force dans les Arteres , qu'on
s'imagine un estomach plein de chyle
si on presse fortement et à coups redou .
blez ce réservoir , la vitesse avec laquelle
le chyle coulera dans les boyaux , sera à
chaque contraction comme la longueur
de l'espace que le chyle parcourra dans
ce boyau ; or si on fait atention à la té
nacité du chyle , et à ce que ce boyau est
déjà plein , il sera aisé de voir que cet es
pace ne sera autre que celui qui doit oc
cuper la quantité de chyle qui y est pous
sée. Revenons au coeur , cette quantité
de sang est connue , elle est de 3888 ..
lignes cubes , si on divise cette masse par
63. lignes , qui sont la base du Cilindre
dont on cherche la longueur , on aura 61 .
LI. Vol. A vi lignes a
1424 MERCURE DE FRANCE
{
lignes , je néglige les décimales , c'est
à-dire 5. pouces et quelques lignes de
vîtesse qu'aura le sang au sortir du coeur
à chaque contraction ; et comme il y en
70. par minute , ce sera 29. ou 30. pieds
de vitesse par minute qu'a le sang au sor
tir du coeur. Cette résolution naturelle ,
et à la portée de tout le monde , tirée im
médiatement de l'Anatomie , sert à ré
soudre une infinité d'autres questions ; je
ne parlerai que de celle qui a excité quel
ques disputes. C'est de déterminer la force
du coeur ; je ne prétens pas la résoudre ici ;
mais je remarquerai que la force du sang
qui en sort , est très- peu de chose ; car si
l'eau ayant un pied de vîresse par secon
de , ne fait contre une surface d'un pied ,
qu'une livre et demie d'effort , le sang qui
n'a qu'environ 5. pouces par segonde , ne
fera contre la surface 63. lignes , qu'il
bat directement au sortir du coeur , que
quelques dragmes d'effort , ou tout au
plus quelques onces , comme l'a démontré
Keill ; mais de-là il ne s'ensuit pas que la
force du coeur absoluë ne puisse être de
plusieurs milliers de livres , selon la dé
monstration de Borelli , sur quoi Keil s'est
trompé en concluant que la force du coeur
n'étoit que de quelques onces , confon
dant la relative avec l'absolue , et après
II. Kol. lui
JUIN. 1731. 1125
lui M. Astruc a mal conclu que les Cal
culs de Borelli et de Keill , étant si diffe
rens , cette quantité de force qu'on don
noit au coeur , étoit très équivoque.
La difference vient de ce que le coeur
n'employe qu'une très -petite force à chas
ser le sang , le reste de son effort est em
ployé à vaincre la résistance du sang déja
passé , celle des Arteres et des Membra
nes que l'air presse avec plus de 30000.
livres de force , et enfin à broyer ce mê
me sang. Pour mieux faire voir l'étendus
et l'usage de notre Problême , il n'y a
qu'à faire attention qu'il sert à détermi
ner la vitesse et la force absoluë du sang
dans tous les tuyaux sensibles du corps
humain , quoiqu'ils soient presque tous
de diametre different ; car par l'Anatomie
On apprend le rapport de leurs diamètres
à celui de l'Aorte , et par cette fameuse
regle , que les vitesses respectives des li
queurs homogenes , poussées par une même
force dans des tuyaux de differens diamétres,
sont réciproquement comme les carres de ces
diamétres , on connoît le rapport de la
vitesse de leurs liqueurs à celle du sang
au sortir du coeur , la vitesse absoluë de
celui -ci étant déterminée , les autres le
sont bien-tôt , et ainsi de suite pour tous
les tuyaux arteriels et veineux.
1
IL. Vola Si
1426 MERCURE DE FRANCE
I
Si le diamètre des Arteres limphatiques
des os de la peau , n'est que la 20000
partie de celui de l'Aorte , il y en a bien
de plus petits , puis qu'un grain de sable
en peut couvrir 25000. suivant Leuwe
noesk , tandis que le sang parcourra 30 .
pieds dans l'Aorte , ce qu'il fera en 20..
segondes , le sang des Arteres lymphatiques
ne parcourra que , de cet espace ,,
c'est-à dire, qu'il tardera 13.jours au moins
à y parcourir la longueur de 1o. pieds
et c'est par-là qu'on voit aujourd'hui la
raison du retour périodique des fièvres
tierces , quartes , mensales , anniversaires,,
de la verole hereditaire , de la rage, de la
Phtisie , & c. car le virus de ces maladies :
peut rester plusieurs années caché dans .
les tuyaux sereux , nerveux , osseux , et ne
faire son effet qu'étant mêlé après ce tems
avec le torrent du sang.
clas
4
1
I
H. Vol. ODE
JUIN. 17310 1427
********: ****** :*
ODE SA CREE,
Tirée du Pseaume cx.
& c.. Confitebor tibi , Domine
Seigneur, Eigneur , pour publier ta gloire ,
J'éleverai par tout ma voix ;
J'en rappellerai la memoire ,
Aux hommes qui suivent tes Loix.
Je mésurerai mes hommages ,
Sur la grandeur de tes Ouvrages ,
Conformes à ta volonté :
Ils sont pleins de magnificence ,,
Et tous annoncent ta Puissance
Et ton immuable équité.
.
De mon Dieu , quelle est la clémence
Pour la Nation qui le sert ?
Son indulgente Providence ,
L'a nourir dans le Desert.
sçu
Il éternise ses Miracles ;
Israël , selon ses Oracles ,
Tu verras fuir tes ennemis ; .
Et suivant sa sainte Alliance
dla Vola
11
428 MERCURE DE FRANCE
Il va mettre sous ta Puissance ,
L'heritage qu'il t'a promis.
Tout ce qu'il fait n'est que sagesse
Que justice et que verité ;
Ses Loix subsisteront sans cesse
Pour confondre l'impieté.
Il délivra Sion naissante .""
De la puissance ravissante ,
De ses infléxibles Tyrans ;
Et l'Alliance salutaire ,
Qu'avec son Peuple il daigna faire ,
Sera stable dans tous les tems.
"
讚
Son nom est saint et redoutable ;
C
Ceux qui craignent son Jugement ,
De la Sagesse veritable ,
Possedent le commencement.
S'ils prennent leur crainte pour guide ,
Bien- tôt de ce Monde perfide ,
Ils connoîtront la vanité ;
Et du Seigneur dans les délices ,
Ils celebreront les Justices ,
Pendant toute l'Eternité.
II. Vol L'Ecrit
JUIN. 1731. 1429
XXXX:XX* XXXXX : XXXX
>
L'Ecrit qui suit est un aveu qu'on fait
faire à M. Thiers , autrefois Curé de Cham
prond , Diocèse de Chartres et fort connu
dans la Republique des Lettres , de quel
quesfautes qu'il a reconnues dans ses propres
Ouvrages. L'Auteur a crû pour la satisfac
>
tion des Lecteurs devoir réduire cet Ecrit en
forme d'Apparition , par allusion à l'Ecrit qui
parut en 1712. fous le Titre d'Ombre de M.
Thiers , pour refuter une Dissertation de M.
de l'Estocq , Chanoine d'Amiens , touchant
le Corps de S. Firmin le Confeffeur.
APPARITION
DE L'OMBRE DE M. THIERS ;
A un Chanoine Régulier de la Réforme
de Saint-Quentin de Beauvais.
N
E soyez point effrayé , mon cher
Chanoine , de me revoir au bout de
tant d'années d'absence : Vous m'avez ai
mé et estimé , lorsqué vous étiez encore
jeune '; accordez-moi la même faveur
maintenant que vous commencez à grison
ner , et que vous approchez du temps au
9
II. Vol.
A vi quel
430 MERCURE DE FRANCE
quel nous esperons vous voir rejoint
à nous. Je viens m'entretenir avec vous
durant l'espace d'une petite demie
heure , qui m'a été accordé par celui dans
la lumiere duquel nous voyons toute lu
miere.
Il n'est jamais deshonorable de se retrac
ter , lorsqu'il est évident que l'on s'est
Trompe. Voyant à present beaucoup plus
clair dans le Païs où je suis , que je ne
voyois autrefois dans les bas lieux que vous
habitez , je découvre bien des choses que
j'ignorois dans les tems que le Reverend
Pere Abbé de Saint- Acheul d'Amiens
m'obligea de parler pour refuter un Cha
noine Séculier qui prenoit la défense
de la Tradition de la Mere Eglise d'A
miens.
2i
>
Pour détruire la Fête de la Tranflation
du Corps de Saint Firmin le Confesseur
que cette Eglise célebre , j'essayois de prou
ver que le culte de l'Evêque S. Salve , Au
teur de cette Translation est nouveau
dans ce Diocèse , parce qu'il n'est pas dans
des Bréviaires d'Amiens , qu'on croit pos
terieurs au XII. Siécle , et j'avançois har
diment que la vie de ce S. Salve , sur la
quelle l'Eglise d'Amiens s'appuye , n'a
été composée au plutôt qu'au XIII . Siécle ;
qu'ainsi ce n'est que depuis ce temps- là
II. Vol. qu'on
JUIN. 1731 1431
qu'on a crû à Amiens que S. Salve avoit
transferé de l'Eglise fituée hors la Ville ,
le Corps de S. Firm in le Confesseur , &
par confequent que cette Translation étoit
supposée et inventée à plaisir. Je dis encore
avec confiance , que l'on ne peut produire
des Translations de simples Confesseurs
faites dès le feptiéme Siècle , et qu'alors
Pusage étoit de n'en faire que des Corps
des Martirs.Je me figurois que si la Châs
se qu'on appelle de saint Firmin le Confes
seur , dans la Cathedrale de Notre Dame
d'Amiens , contenoit quelques ossemens
ce ne pouvoitêtre que d'un S. Firmin , Ab
bé , que le Martyrologe de Baronius attri
bue à la Ville d'Amiens .
9.
Mais , hélas ! combien d'erreurs ne recon
nois - je pas à present avoir coulé de ma
plume Dieu ayant permis que je me sois
trouvé depuis peu dans la Compagnie de
quelques habiles Religieux , qui ont visité
plus exactement que moi les Biblioteques
de France , l'un d'entr'eux vient de m'ap
prendre que je me suis trompé très - gros
siérement sur l'époque que j'ai donnée à la
vie de S. Salve. Il se souvient qu'étant
dans l'Archimonaftere de Fleury ou de
S. Benoît sur Loire , il y vit un Manuscrit
du dixième Siècle ou du onzième au plû
tard , coté No. 200. où il lût cette Vie
>
II. Vola en
$ 432 MERCURE DE FRANCE
entierement dans les mêmes termes , que les
Chanoines d'Amiens ont produits. Ce Ma
nuscrit , aprés avoir dit que S. Salve bâtit
dans la Ville d'Amiens une Eglise du ti
tre de S. Pierre et S. Paul , avec une Cry
pte à l'Orient de cette Eglise , et une à
l'Occident ; ajoûte qu'il découvrit le Corps
de S. Firmin Martyr , & qu'il le plaça
dans la Crypte Occidentale ; et celui de S.
Firmin le Confesseur dans la Crypte
Orientale de la même Eglise : Sed et Sanc
tos Dei Firminum Episcopum , et Confesso
rem , Aceum quoque et Aceolum Martyres
Christi in Crypta Orientali verenter condidit
& decenter exornavit : ce qui est different
de ce que rapporte le Pere le Cointe , qui
fait placer tous ces Saints dans une seule
et même Crypte. Et comme je suis con
vaincu que ce Religieux se connoît par
faitement à l'âge des Manuscrits , je passe
d'abord condamnation sur ce Chef.
Dom Luc Dachery qui s'interresse aux
Saints Amiénois , m'a fait remarquer que
j'ai tort à la page 59. de croire qu'il ne se
soit fait aucune Translation des SS. Con
fesseurs dans le septième Siècle . Il m'a
renvoyé à la vie de Saint Marcoul ; qui est
dans le premier Volume de ses Siécles Be
nédictins , pag. 133. où il m'a assuré que
je trouverois que S. Oüen , Archevêque.
II. Vol.
de
JUIN. 1731. 1435
de Rouen , visitant sa Province de Neus
trie , fit dans le Diocèse de Coutances , la
Translation du Corps de ce Saint Con
fesseur. M. le Brasseur que j'ai trouvé dans
le quartier des Historiens , m'a confirmé
le fait , ajoûtant que s'il eut resté davan
tage sur la Terre , il eut fait imprimer
une Histoire générale de Normandie , où
cette Translation auroit été rapportée.
Ensuite il m'a cité un autre exemple , tiré
de son Histoire d'Evreux . C'eft la Trans
lation du Corps de S. Taurin , faite par
Viateur , Evêque d'Evreux , vers l'an 610
ou 612 .
Le Pere Labbe , Jesuite , Historien
sacré du Berry , ayant prêté l'oreille à cet
Entretien , m'est venu joindre fort gra
cieusement , pour me dire qu'il connoît
une Translation de cette nature qui est
encore plus ancienne : c'est celle du Corps
de S. Ursin , Apôtre et premier Evêque de
Bourges, sa Patrie, qui fut faite par l'Evê
que Probien au VI. Siécle , et de laquelle,
m'a-t'il dit , il est fait mention dans Saint
Gregoire de Tours . Je me suis trouvé
terrassé par ces exemples , et je n'ai sçu
que répondre.
Le Pere le Brun , de l'Oratoire , nou
vellement arrivé dans le Païs d'où je viens ,
ne m'a point refusé ses lumieres . Parfai
II. Vol. tement
434 MERCURE DE FRANCE
tement bon connoisseur en fait de Ma
nuscrits Liturgiques , il m'a appris à ne pas
conclure de ce qu'un Breviaire qui pa
roît être d'Amiens , ne contient pas le
nom de S. Salve , que ce Saint Evêque ne
fut pas honoré dans le Diocèse d'Amiens
dans le temps de l'Ecriture de ce Breviai
re ; il a soutenu que ma conclusion étoit
trop générale , parce que les Communau
tez des Chanoines Réguliers, quoique se
servant des Breviaires qui pourroient être
réputez Diocésains ,à cause du culte distin
gué qu'on y rendoit à certains Saints , ne
faisoient pas pour cela la profession d'ho
norer généralement tous les Saints du Dio
cèse. Comme donc ces Communautez
se restraignoient aux plus célébres , il ne
faut pas être surpris que le nom de Saint
Salve , ne fut pas dans quelques-uns des
Breviaires de ces Chanoines Reguliers vos
anciens Confreres .
Ce sçavant Oratorien m'a encore ap
pris que je me suis trompé assez lourde
ment , dans la raison que j'ai apportée
pour indiquer l'âge de ce Breviaire , où
je n'ai point vû S. Salve. C'est lorsque
pour preuve qu'il est posterieur au dou
ziéme Siècle , je me suis contenté de re
marquer que les Répons de l'Office des
Morts s'y trouvent , comme si , m'a- t'il
II. Vol dit
JUIN.
1731. 1431
dit , ces Répons n'étoient que de ce Siécle - là.
Illusion, sclon lui , que de croire Maurice
de Sully , Evêque de Paris , Auteur de ces
Répons. Ila tiré de sa poche un petit Sa
cerdotal Manuscrit du dixiéme Siècle , ou
du commencement du onzième , à qui
vos Modernes donnent mal à propos le
: i nom de Rituel , et il m'a fait voir dans
ce Sacerdotal qu'il dit avoir été à l'u
sage d'une Eglise du Milanez , ou des
environs , tous ces Répons notez comme
on notoit avant Gui-Aretin . Il m'a ren
voyé au pieux et sçavant Cardinal Tho
masi , et parmi les Anciens à Jean d'A
vranches , qui préceda Maurice de Sully
d'environ cent ans. Enfin il ne m'a point
permis de le quitter, que je n'eusse vû un
beau Missel d'Amiens de la fin du dou
ziéme Siécle , où il m'a fait lire cette Ru
brique entre la Fête de Sainte Geneviève
et celle de Saint Remi du 13. Janvier :
In Inventione S. Firmini Confessoris : Oratio.
» Adesto,Domine, precibus nostris et in
» tercedente beato Firmino , Confessore
» tuo atque Pontifice dexteram super nos
»tuæ propitiationis extende » La Secrete
et la Postcommunion ne qualifient non
plus ce Saint Firmin , que de Confes
seur Pontife. Ne me croyant pas en
core assez battu par cette Rubrique , il a
AS
1
•
1
·
II. Vol ouvert
1436 MERCURE DE FRANCE
ouvert ce Missel à l'endroit d'après la
Saint Simon , et j'y ai lû ces mots : Eodem
die Salvii , Episcopi et Confessoris . Oratio ,
>> Deus , qui hodiernam diem sacratissi
>> mam nobis beati Salvii , Confessoris tui,
» atque Pontificis solemnitate tribuisti .
» & c. » Eft ce donc là du commun ? m'a
t'il dit : diem sacritissimam , jour très - re
commandable ? La Mémoire de S. Salve
n'étoit donc pas si fort ensevelie dans
P'oubli , que vous l'avez prétendu par
votre Livre de 1712. et il m'a quitté à
ces paroles.
›
M. L'Abbé Châtelain dont j'ai été autre
fois ami , m'ayant trouvé , m'a déclaré
fort naturellement , qu'il ne falloit pas
que je crusse avoir épuisé tous les Saints
Salves dans la page 39. de mon dernier
écrit qui parût l'année de sa mort , qu'ou
tre les quatre que je nomme comme s'é
tant sanctifiez dans les Gaules, il en con
noît un cinquième qu'il auroit bien pû
me faire voir , si tous ces Salves étoient
distribués dans la même classe ; mais que
justement celui que je n'ai pas connu est
dans le quartier des Saints Solitaires , qui
est éloigné du sien : qu'au reste il y a dans
le Nivernois une petite Ville de son
nom , appellée Saint Saulge . Ce n'a point
été la seule remarque que ce Chanoine de
Paris , grand Agiologiste , m'a fait faire .
II. Vol
Il
JUIN. 1731 .
1437
M
Il en a ajoûté une autre encore plus im
portante sur S. Firmin , Abbé, que j'avois
conjecturé être celui qu'on appelle Saint
Firmin le Confesseur,à la Cathedrale d'A
miens, et dont on y conserve les Reliques
dans un Châsse derriere le grand Autel.
Il m'a prouvé que ma conjecture est trés
fausse ; que jamais il n'y eut à Amiens
de S. Firmin Abbé ; il m'a repris forte
ment de ce que je m'en suis rapporté en
ce point au Martyrologe de Baronius ,
disant les Réviseurs de cette com
, que
pilation sous Gregoire XIII. ont été
trompez par le Martyrologe de Galezi
nus : que ce Protonotaire ayant trouvé
au onzième Mars dans quelques anciens
Calendriers manuscrits un S ; Firmien ,
Abbé , sans désignation de lieu , il lui a
bonnement attribué le Diocèse d'Amiens,
à cause du nom de Firmin qu'il lisoit
dans trois manuscrits de Florence ; au
lieu que dans ceux de Rome et de Naples
il y a Firmiani : que le même Galezinus
a ignoré que ce Saint Firmien , Abbé , étoit
mort en la Marche d'Ancone , comme on
le voit dans Ferrarius , et qu'il n'est autre
que S.Firmien de Fermo , sous l'invocation
duquel il y avoit un Autel dont a parlé
le Cardinal Pierre Damien. (a) Ensorte
(a) Opusculo VI. ad Henric. Ravennat,
"
II, Vol que
B
1438 MERCURE DE FRANCE
que si je voulois m'en convaincre je
n'avois qu'à me transporter jusques dans
le Canton habité par les SS. Confesseurs
non Pontifes, et que j'y trouverois infailli
blement ce S. Firmien ou Firmain , Italien .
Voila , mon cher Chanoine , les Rémar
ques critiques que mon dernier ouvrage
m'a attirées de la part de tous ces venera
bles Personnages. Je suis venu aussitôt vous
témoigner que j'ai acquiescé à tout ce
qu'ils m'ont dit , afin que vous suiviez
mon exemple. Je n'attends que le mo
ment de rencontrer à mon retour Maître
Hadrien Baillet , pour lui faire part de
tout cecy , afin que de son côté il gagne
sur soy de retoucher quelque chose au
premier jour de Septembre , lorsqu'on
donnera une nouvelle Edition de sa
Vie des Saints.
Ce n'est pas encore tout ce que j'ai à
vous dire. Un nouveau venu dans nôtre
Region superieure m'a appris qu'on.
refondoit en France tous les Breviai
res. Vous sçavez que je me suis un
peu mêlé de cette Science , à telles en
seignes qu'en 1702. on imprima à Bruxel
les des Remarques que j'ai faites sur le
Prototype des Breviaires , je veux dire
celui de Cluny. Il me resteroit un scru
pule touchant l'une de mes Dissertations
II. Vola imprimée
JUIN. 1731. 1439
Imprimée dès l'an 1664. avant que vous
fussiez au monde , si je sçavois qu'elle
eut eu beaucoup de cours , et qu'elle eut
fait beaucoup d'impression sur les Esprits .
C'est celle que j'ai intitulée de retinenda
voce Paraclitus , saillie de jeunesse , effet
de l'envie de paroître Auteur de bonne
heure. Mais le nouveau venu m'a assuré
que dans tous les derniers Breviaires qui
ont quelque reputation , on lisoit à pre
sent Paraclêtus , et qu'on aime micux ne
jamais employer ce mot dans la Doxolo
gie des Hymnes , que de dire Paráclitus
comme je le voulois. J'avoue qu'en cela
on donne gain de cause à Sabellat , Cha
noine de Chartres , mon Condiocésain , à
qui l'Evêque fit un Procès sur sa pronon
ciation de Paraclêtus, ainsi que vous pou
vés le voir dans les Recherches de Pas
quier. Je m'en rejoüis , puisque ce sont
tous les plus habiles qui reviennent à la
prononciation primitive et conforme au
Grec , et je retire mon Ecrit , demeurant
d'accord qu'il ne peut y avoir que des
gens opiniâtres à l'excès , qui ayant sous
les yeux Paraclêtus bien marqué , conti
nueront à prononcer Paráclitus , par˚ es
prit de contradiction , et en dépit da
Livre imprimé , qu'ils tiendront entre
leurs mains.
II. Vol Bij Comme
1440 MERCURE DE FRANCE
"
>
Comme vous avez des Amis parmi
le Clergé des grandes Eglises de vos
Quartiers , vous me ferez plaisir d'a
vertir , lorsque l'occasion s'en présente
ra ceux à qui on peut parler avec
confiance , que jusqu'à present je n'ai
trouvé là- haut qui que ce soit qui
m'ait reproché d'avoir outré la matière
dans l'Ouvrage que je fis imprimer l'an
1690. Mais en même- tems aussi ajoûtez
leur que je n'y ai vû personne qui soit
orné de dépouilles étrangeres et emprun
tées. Les têtes que j'y ai vû à l'infini , et
tant que la vûë peut s'étendre , sont tel
les à peu près que vos imagiers les repre
sentent dans vos Bréviaires , au fron
tispice de l'Office de la Toussaints , ой
certainement je ne me souviens pas que
de mon temps on en vit aucune de l'es
pece dont je veux parler.
Le B. Yves de Chartres , votre ancien
Inſtituteur , que je rencontrai derniere
ment , en parlant au dévot Pere Gour
dan , s'entretint avec moi sur ses Disci
pies. Après avoir avoué qu'il y en a qui
appréhendent de couper leur sommeil
en deux , ou de chanter de grand matin
les louanges de Dieu , il parut se consoler
sur ce qu'il y en a aussi, qui sont très- vigi
gilans , et qui imitent ce qui est de l'an
>
II. Vol.
cienne
JUIN. 17731. 1441
cienne Discipline dans les Eglises Secu
lieres . Il sçait , en effet , qu'il y a de gran
des Eglises Séculieres , où l'on a conservé
une Discipline plus exacte que chez les
premiers , et que dans ces Eglises de Cha
noines Séculiers , quoique l'Office ne soit
pas d'une grande prolixité , on n'a garde
de quitter l'usage d'être levé de grand
matin pour louer Dieu '; usage si louable et
si exemplaire dans les Eglises de Lyon et
de Vienne des premieres de nos Gaules . Il
est informé qu'on y repousse vivement les
attaques que des Esprits legers' veulent
porter à la ferveur des derniers temps ,
toute médiocre qu'elle est ; lesquels
ne sçachant pas distinguer les change
mens qui ne sont point opposez aux
Canons d'avec ceux qui les combattent ,
proposent de quitter ce qui est mieux ,
pour faire même bien , et introduire un
relâchement peu édifiant : comme si une
connoissance moins générale de la Disci
pline Ecclesiastiqne , ne suffisoit pas pour
sçavoir qu'il y a des changemens qui se
font de bien en mal , de même qu'il y
en a qui peuvent se faire de mal en bien ;
et que l'attention aux Canons , ne dicte
pas que les derniers doivent être accep
tez , et les premiers rejettez .
J'avois autrefois rassemblé ici-bas des
11. Vol. ma
B iij
1442 MERCURE DE FRANCE
, pour
.
matériaux réfuter ceux
ceux qui , crai
gnant de se fatiguer par des Lectures qui
les instruisoient , ne cessoient de dire de
moi : Quand une pratique lui déplaît , il a
toujours des raisons pour la combattre , et il
est d'avis qu'on la change : Quand il s'agit
d'une autre qui lui plaît, il ne veut pas qu'on
parle d'y toucher. L'absurdité de ce raison
nement est trés- palpable , et c'est un pur
sophisme qu'ils débitoient pour me dé
crier car ce n'est pas parce qu'une chose
me plaisoit que je l'ai soutenuë bonne et
vice versa c'est plutôt parce qu'elle est
bonne , qu'elle m'a plû . Or comment
prouvois -je que telle pratique est bonne
et telle non bonne ou moins bonne ? Par
la confrontation de cette pratique avec
les Canons . Telle chose est Canonique
conforme aux Canons et à la Discipline .
Ecclesiastique , ou bien se rapproche de
cette conformité ; donc elle est bonne et
à préferer : c'étoit -là mon raisonnement..
Telle , au lieu de se rapprocher de ce que
les Canons prescrivent , s'en éloigne : donc
elle est moins bonne , et doit êsre rejet
tée. J'avois ensuite pour chaque pratique
en particulier un Ecrit tout préparé, dans
lequel je prouvois sa Canonicité ou son
Anticanonicité. Au reste, j'ai toujours ad
miré la prudence des Canons , qui pour..
Ja
II. Vola. voyant
JU. IN. 7443 1731.
Voyant à tout , ont dispensé d'une certaine
sévérité les Personnes infirmes , usées , ou
avancées en age , afin qu'elles ne proposas
sent pas de changer des reglemens que le
commun des hommes peut observer ; et
qui pareillement ont deffendu certaines
multiplicitez de devoirs , de crainte que .
Paccessoire ne pottât préjudice au Princi
pal. L'application continuelle que j'ai
donnée à cette science des Canons et de la
Discipline de l'Eglise , me répond qu'il
n'en est pas de même que dans quelques
questions de fait ou de Grammaire , où j'ai
quelquefois mis à côté : j'avoue que je me
suis trompé dans ces sortes d'occasions , et
si j'étois à recommencer , je serois plus
circonspect.
Vous voyez quelquefois vos Confreres
de Saint Jean - en - Vallée et de Saint
Cheron , faites leur part de ma docilité
et de la déference que j'ai pour le senti
ment des Doctes qul brillent comme les
Etoiles du firmament dans ce Pays d'où
je viens. Mais j'ai encore quelque chose
d'important à vous communiquer . C'est
qu'ayant fréquenté le quartier des plus
dévots envers la Sainte Vierge , ces Saints
Personnages , loin de blâmer la répu
gnance que j'ai toûjours eu à ajoûter foy
aux Fables du pays Chartrain , sur les
Il Vol B.iiij . Drui
1444 MERCURE DE FRANCE
Druides , m'en ont au contraire fait com
pliment. L'un d'entre eux m'a développé
la pensée qu'il avoit eûë dans le tems qu'il
étoit sur terre , touchant l'origine de cette
célebre inscription VIRGINI PARITURÆ
et dans laquelle il est confirmé depuis
qu'il est dans la Région de la clarté. Il
est fermement persuadé que ce n'a été
autre chose qu'une Inscription gravée
depuis l'usage des Images au dessous d'u
ne Annonciation dans le style de celles
que l'on met en Philosophie et en Théo
logie , sous les Estampes qui sont au haut
des Theses , où quelquesfois il y a en mau
vais Latin , Virgini Annuntiate ; et que
c'est la découverte qui aura été faite d'une
pierre chargée de cette Inscription dans
quelques décombres d'Eglise , au coin
d'un bois , qui aura donné occasion de
fabriquer l'Histoire. Il a ajouté que sa
dévotion , lorsqu'il étoit parmi vous
l'ayant porté à visiter la solitude de Pre
montré , consacrée à la Sainte Vierge.
l'Eglise Cathedrale de Nôtre-Dame de
Laon et celle de Nôtre- Dame de Liesse' ;
il avoit passé à l'Abbaye de Nogent- sous
Coucy , aussi dédiée sous la même invo
cation , et qu'il y avoit trouvé une tradi
tion pareille à celle de Chartres , mais non
pas mieux autorisée : qu'on lui fit voir
•
›
.
11. Vol. l'Ins
JUIN. 1731. 1443
I'Inscription VIRGINI PARITURE;
incrustée dans le mur d'une Chapelle de
l'Eglise, et qu'il reconnut tout d'abord que
ce n'étoit qu'un soubassement de Niche
ou de Statue , où pouroit avoir été repre
sentée la Sainte Vierge environnée des
Prophetes qui ont prédit son enfantement
ou saluée par l'Ange Gabriel. Car , m'a
t'il dit , vous n'ignorez pas que l'Histoire
de l'Annonciation est la premiere dans
l'Evangile , par laquelle la Sainte Vierge
est connuë ; le Mystere de l'Incarnation
du Fils de Dieu dans son Sein , est le pre
mier des Mysteres , la Mission de l'Ange,
est la premiere Histoire où l'on ait pû re
presenser la Sainte Vierge , soit en peintu
re , soit en relief , et c'est sous le titre de
la Sainte Vierge , en tant qu'elle reçoit
l'Annonce de l'Ange , qu'il y a un plus
grand nombre d'Eglises consacrées dans
la Chrétienté. Vous n'avez peut-être ja
mais fait attention que dans Paris seule
ment il y en a vingt-huit. Sans doute,
que dans ce grand nombre , il y en a
d'anciennes. Mais quand cela ne seroit
pas, faites, je vous prie , réflexion , que les
plus anciennes prieres ou louanges par
lesquelles l'Eglise invoque ou préconise
sette Mere de Dieu ne s'addressent :
point à elle en tant que conçûë par ,
›
11. Vol. Sainte BY
1448 MERCURE DE FRANCE
"
Ste Anne , ni en tant que naissante , ou présentée
au Temple , pas même en tant que
présentant son Fils à ce même Temple , ou
le suivant à la Croix , non plus qu'en tant
que mourante , & enlevée de ce monde
mais en tant que concevant le Verbe
d'une maniere miraculeuse. Ce fut ainsi
que ce dévot à la Sainte Vierge , finit le
Discours qu'il me tint, et dont je ne m'en
nuyois pas. Je me flate que part que
je vous en fais , ne vous déplaira point
non plus..
la
Je rencontrai au sortir de cet Entretien
le fameux Abbé Guibert de Nogent, et je le
connus d'autant plus aisément , que j'en
tendis les expressions dont il se servoit en
parlant à Dom Jean Mabillon pour le re
mercier de la bonne volonté qu'il avoit cûe ·
de trouver sa sepulture et mettre ses osse
mens en évidence . L'ayant mis sur la ma
tiere des Reliques qui étoit déja entamée .
entre eux , nous passâmes insensiblement
à celles des legendes locales. Ce fut là
dessus qu'il me témoigna son regret d'a
voir été si crédule en certains Chefs qui :
favorisoient l'Antiquité de son Abbaye ;
tandis qu'il avoit combattu si vivement la
crédulité des autres. Je ne me resouvenois .
pas en quoi ; mais un de ses voisins que je
revis depuis , m'avertit que ce grand Ad- .
II. Vol. versaire,
JUIN. 17318 1447
.
versaire des fausses Reliques et des Tradi
tions nouvelles n'avoit pas laissé ( toutju
dicieux qu'il parût ) de transmettre à la
postérité : qu'un Roy d'Angleterre, hommé
Quilius,abdiquant la Couronne , étoit
venu à Nogent * du vivant de Notre-Sei
gneur J. C. et avoit vu un Autel érigé
Virgini paritura : que ce Roy étant ensuite
allé à Jerusalem , il y avoit trouvé la Sainte
Vierge et les onze Apôtres , et qu'après
avoir été baptisé par S. Pierre , il avoit
obtenu des Reliques de la Passion , de la
chemise de la Sainte Vierge , des morceaux
d'Habits des Apôtres , avoit rapporté
le tout à Nogent , et qu'enfin y étant
mort , il y avoit été inhumé, ce qui , com
me l'on voit , donnoit une haute antiquité
à ce Nogent. Voilà précisément ,
ajoûta- t'il , en me tirant à l'écart , de ces
Histoires des Saints , dont Guibert faisoit :
dans un de ses meilleurs Livres , le
par
tage de ses bonnes Vieilles . ** Anus
dit-il , et muliercularum viliumgreges talium
Patronorum commentatas Historias post ing
subulos et litiatoria cantitant , et si quis ea
rum dicta refellat , pro deffensione ipsorum
non modò convitiis , sed telarum radiis ins
#
* Guib. Nov. lib . de vita sua¿·
** De Pignor. Sanctorum cap. 3. parag. [d
U. Vol.
tant
B' vj,
1448 MERCURE DE FRANCE
3
tant. C'est le cas , ajoûta ce Voisin de
P'Abbé Guibert , où se trouvent plu
sieurs Traditions dont nous voyons à
present le faux dans ce païs lumineux
où nous avons été appellez . Quant
aux Habitans de la Jerusalem Terres
tre , ils ne peuvent appercevoir la ve
rité qu'à travers des nuages très-épais .
Pour nous , à qui elle est dévoilée , nous
connoissons que la Tradition de Char
tres n'est pas mieux appuyée que celle
de Nogent. Le Priscus , Roi de Char
tres , et le Quilius , Roy d'Angleterre
ont été fabriquez dans le même moule . It
en est de l'une et de l'autre Histoire , com
me de celle qu'on débitoit autrefois à Sens
sur Saint Pierre le Vif et sur le Bethléem
de Ferrieres , dont on est sagement défait
dans ces derniers tems , ainsi qu'en est
convenu un des Historiens de Sens >
drrivé là-haut depuis quelques années
bien different de Rouillard le Senonois ,
pauvre Auteur de la Parthenie Chartraine,
Les noms des lieux bien ou mal pris ,
faisoient fabriquer des Histoires. Le nom
d'un quartier de Sens , appellé originai
rement Saint-Pierre-le-Vic, ayant été défi
juré en Saint-Pierre -le-Vif , par la même
egle qui fait dire dans le Diocèse d'Or
leans , Tremble-vif pour Tremble-Vic , qui
>
II. Vol.
vient
JUIN. 1731 1449
vient de Tremuli Vicus ; on s'étoit imagi
né que l'Eglise de ce lieu avoit été dédiée
en l'honneur de Saint Pierre , encore vi
vant sur la terre. N'est - ce pas- là au moins
en partie l'Histoire du Roy Quilius , qui
apportaà Nogent sous Coucy des Habits
des Apôtres encore vivans à Jerusalem ?Le
nom de Bethleem donné par quelques
Auteurs , au lieu où se trouve l'Abbaye
de Ferrieres a fait inventer des Histoires
rapportantes à cette éthymologie , de
même que Christophoros , qui étoit le nom
personnel d'un Martyr , a fourni l'occa
sion de forger l'Histoire d'un Géant de
Taille proportionnée à porter celui qui
soutient toute la machine du monde ; ec
pour marque qu'il n'a jamais existé un
Martyr de cette Stature collossale , c'est
qu'après avoir souvent jetté la vûë du cô
té où est placée cette foule innombrable
de Martyrs , je suis assuré que vous n'en
avez apperçû aucun qui excede la taille
des autres d'une maniere fi excessive ,
Croyez-moi , me dit en finissant ce Sça
vant voisin de l'Abbé Guibert , vous ai
mez la verité , annoncez- là à ceux de là
bas pour qui vous vous interressez . Vous
aviez si souvent en bouche ce passage de
Tertullien: Non amat falsum autor verita
zis 5 adulterum est omne quod fingitur ; fai¬
Ila Vola tes-en
450 MERCURE DE FRANCE
tes -en l'application aux fausses Histoires,
aux Légendes fabuleuses , aux Traditions
inventées après coup. Et en disant cela
il me quitta .
C'est aussi , mon cher Chanoine les
Sentimens avec lesquels je veux vous lais
ser. Ce que j'ai de meilleur à vous dire ;
en prenant congé de vous , pour retourner
au lieu de lumiere d'où j'ai été envoyé
vers vous , est : qu'on s'en tienne à ce qui
est bien prouvé , et qu'on examine ce qui
paroît mal fondé.Que chacun,à mon exem
ple , avoue ingenuement ses erreurs , tant
anciennes puissent - elles être , afin que la
verité qu'on doit aimer par dessus tou
tes choses , triomphe de la fausseté et du
mensonge. Plus omnibus amanda et præfe
renda ett veritas.. Laudare oportet et abs
que invidia amplecti , si quid rectè dictum
est ; discuti verò et discerni , si quid minus
sanê dictum est. Dionys. Alexandr. apud :
Euseb. Cæsar..
{
akakakakakakakakakakakakakak
LE RENARD TROMPE
FABLE..
Certain Renard ,lassé d'une longue abſtinence,
Vouloit rompre son jeûne ,et se remplir la panse,
II. Vol. Lors
JUIN. 1731. 1450
Lorsque de quelques Coqs il entendit , le chant
Il court où de sa faim l'entraîne le penchant :
Il s'avance à dessein d'enlever quelque Poule ;
Maître. Renard approche , il se glisse , il se coule
Tant qu'il parvient , jusqu'à la basse Cour.
Il reconnoit la place , il tourne tout autour ;
Dans son chemin , il cherche une ouverture
Qui facilite la capture.
Il appercoit un trou par où commodément
Il croit entrer sans nul empêchement ;
Sans perdre de tems il s'y lance
Dans une entiere confiance..
Mais par malheur un funeste lacet ,,
'Arrête le Voleur et le prend au collet ::
En vain pour se tirer du danger qui le presse ) ,
Il a recours à sa souplesse ,
Le Maître l'apperçoit et d'un air goguenard ,,
Lui dit depuis long-tems avec impatience
Je desirois votre presence ::
:
Soyez le bien venu , Monseigneur le Renard ;;
Vous vouliez de mes Coqs faire bonne compôte
Mais pour le coup , vous contés sans votre Hôte ,
Ignorez -vous donc , mon ami ,
Qu'à Renard , Renard et demi ?
De mes Poules , vingt fois vous avez fait ripaille.
Mon bon Monsieur , répond notre Vaurien ,
Contrefaisant l'homme de bien.
II.Vol. J'ignore
1452 MERCURE DE FRANCE
€
F'ignoré jusqu'au goût de la moindre Volaille :
Jamais je ne vous ai fait tort ;
Jamais chez vous je n'ai fait de ravage ,
Et si je suis ici c'est par mon mauvais sort ;
Je venois de vos Coqs entendre le ramage ,
Qui de loin me sembloit assez mélodieux :
Puisque vous n'aimez pas les gens si curieux ,
Coupez ce filet , je vous prie ,
Je vous le promets par les Dieux ;;
Je vous jure que de ma vie ,
Vous ne me verrez dans ces lieux ;
En aide ainsi me soit le puissant Dieu Mercure
C'est ma foi bien dit , je vous jure
Reprit le Païsan déguainant son couteau ,
Je vais vous dégager des noeuds de cette corde ;
Tout en parlant le Païsan l'aborde ,
Et lui coupe le col sans toucher au cordeau.
Au sort de ce Renard tour trompeur doit s'at
tendre ;
Tel est pris souvent qui croit prendre,
500
10 200
2.
$$
II. Vol. EXTRAIT
JUIN.
17318 1453
そん
EXTRAIT de la Dissertation sur la
Taille
par l'appareil Lateral, luë par M.
Morand à la rentrée publique de l'Aca
démie Royale des Sciences d'aprés Pâques .
hhhhhhhh
N
Ous avons donné dans le Mercure
du mois de Decembre 1729. une
Lettre de M. Morand , dans laquelle il
expose les motifs de son Voyage à Lon
dres , et se déclare Partisan de la Taille
Laterale qu'il a vû pratiquer par M. Che
selden , cèlebre Chirurgien Anglois. M.
Morand ayant fait sur les Cadavres tou
tes les expériences nécessaires , pour exa
miner à fond cette Operation sur les
notions que les Conferences qu'il avoit
eûes avec M. Cheselden , et que ses
lettres lui avoient données ; il la pro
que
posa à M. Maréchal premier Chirurgien
du Roy. Sous ses yeux et en présence
de plusieurs Académiciens , Medecins ,
et Chirurgiens , cette Operation se fit
l'année derniere à Paris avec grand suc
cès , et nous en avons rendus compte
dans le Mercure du mois d'Aoust 1730.
de quinze Malades taillées à l'appareil La
teral par M. Morand et Perchet , douze
II. Vol. étoient
1454 MER CURE DE FRANCE
étoient gueris , M. le Muet étoit en voye
de guérison , et a été parfaitement guéri .
Depuis ce temps là M. Perchet en a taillé
un à Louviers , et l'a bien guéri ; de sorte
que voilà seize Operations bien avérées
dont quatorze ont réussies tout au mieux ,
il n'est mort que deux personnes , et des
quatorze guéris , il y avoit quatre sujets
en trés mauvais état , lorsqu'ils furent
taillés. M. Maréchal fut si content de
ces Operations qu'il écrivit à M. Morand
de venir à Marly , afin de le présenter à
son Eminence M. le Cardinal de Fleury ,
2
qui les pierres furent montrées , et qui
exorta M. Morand à continuer.
En 1729. M. Morand avoit lû à l'Aca
démie les lettres de M. Cheselden
dans lesquelles il détailloit sa Methode
et répondoit à toutes les difficultés qu'ont
lui avoit faites . En 1730. M. Cheselden
a publié lui même sa Methode dans une
petite Dissertation en Anglois , dans la
quelle il nous apprend qu'aprés avoir
essayé toutes les Methodes de la Taille,
et les avoir comparées , il s'est dévoué
toujours à celle- cy, qu'il a reconnu la meil
feure. La voici rapportée par lui - même .
pour
Je lie le Malade comme au grand appa
reil , aprés l'avoir couché sur une Table ho
risontale de la hauteur de trois pieds , ayant
ر ا
IL. Vol. seulement:
JUIN. 1731. 455
seulement laTête un peu élevée,jefais d'abord
une incision aux tegumens , aussi longue qu'il
est possible , en commençant prés l'endroit
où elle finit au grand appareil , je continue
de couper de haut en bas , inter musculos.
acceleratorem urinæ et erectorem penis ,
et à côté de l'intestin Rectum , je tâte ensuite
pour trouver la sonde sur laquelle je coupe.
le long de laglande Prostate , en continuant
jusqu'à la véssie et assuje tissant le Rectum en
bas pendant tout le temps de l'Operation, avec
un ou deux doigts de la main gauche le
reste comme dans l'ancienne Méthode &c.
Dans la Dissertation lüe par M. Mo
rand à l'Académie , il ajoute à cette Des
cription donnée par M. Cheselden quel
ques particularités qui sont dans ses let
tres écrites pour l'Académie , il cite la
sçavante These de M. Falconet , au sujet
des raisons de préferer l'appareil Lateral.
au grand , il ajoute à ces motifs de pré
ference
, que le manuel de cette. Opera
tion lui a paru plus facile et plus sur ,
que dans l'appareil Lateral on coupe
certaines parties qu'on déchire dans le
grand ; qu'enfin ceux qui en ont été
guéris , n'ont eu de reste , ni fistule , ni
incontinence d'urine , et s'engage de faire.
voir les avantages de cette Operation dans
un Traité qu'il donnera exprés sur cette
matiere, Ensuite
1456 MERCURE DE FRANCE
Ensuite il donne à l'Académie quel
ques observations qui regardent la partie
Historique de cette Opération . Dans la
premiere est contenue presque toute la
vie de Frere Jacques , que M. Morand
a suivi par tout par ses Récherches ; ce
sont ces mêmes Récherches qui lui ont
fait voir , pour ainsi dire , deux Freres
Jacques ; à ne le connoître que sur le rap
port de M. Mery , son Operation est in
certaine , et il faut la répudier , ce sont
les mots de M. Morand même dans sa
lettre du Mercure de Decembre 1629 .
mais M. Morand a eu le bonheur de dé
couvrir deux Pieces fugitives sur l'Ope
ration de Frere Jacques que deux de
ses Confreres se sont fait un plaisir de
lui communiquer. L'une est un Ma
nuscrit de M. Hunaud , celebre Me
decin d'Angers , qui avoit vû tailler le
Frere Jacques à Angers , et qui avoit
pris la plume pour le déffendre contre
M. Mery ; l'autre est un Ouvrage de Fre
re Jacques même imprimé en 7. à 8. pag.
et dont les exemplaires sont devenus fort
rares. Dans ces deux ouvrages , l'incision
de Frere Jacques est nettement détermi
née il y est bien positivement énoncé
que Frere Jacques avoit rectifié son Opé
ration , substitué une sonde crénelée à
II. Vol. La
JUIN.
1457 1731 .
la sonde informe qu'il employoit d'abord ,
et trouvé le moyen de couper toujours le
col de laVessie. Voilà dans l'Histoire de F.
Jacques 2. Epoques bien differentes pour
son Operation , de laquelle nous serions de
meurés en possession sans nôtre vivacité.
La seconde Observation de M. Mo
rand' roule sur l'Operation de M. Rau ;
M. Morand pense que celle-cy est celle
de Frere Jacques rectifiée. 1 °. On ne
peut pas prouver le contraire , parceque
M. Rau ne donnoit point d'éclaircisse
ment de sa Méthode , que M. Rau est
mort en 1719. sans la publier luy-même ,
et qu'elle a été donnée par un autre Pro
fesseur , enfin qu'on ne voit nulle part ;
suivant la rémarque du Docteur Douglas ,
des Observations tirées de l'ouverture
des Cadavres. 2 °. On peut prouver que
cela est ainsi , parceque selon M. Albi
nus même , M. Rau et le Frere Jacques
faisoient tous deux l'incision dans le mê
me endroit, et que M.Rau ,pressé par ceux
qui l'interrogeoient sur son Operation ,
leur disoit , lisés Celse. Or il est facile
de prouver que Frere Jacques tailloit
par la Méthode de Celse.
La troisiéme Observation de M. Mo
rand est employée à expliquer cette es
pece
de Paradoxe sur la Méthode de Cel
II. Vol
se
4458 MERCURE DE FRANCE
se. M. Morand ne demande autre chose
pour cela , sinon qu'on lise avec atten
tion , et sans préjugé , le septiéme Livre
de cet Atiteur , Chap. 26. Sect. 2. on ver
ra que l'incision exterieure de Celse est
oblique et prés de l'Anus , et que l'inte
rieure interesse le col de la Vessie. Voilà
ce que fait l'appareil Lateral , et ce que ne
fait point le grand appareil. M. Morand
convient que cette Analogie a été apper
çue par M. Mery , M. Freind , M. Dou
glas , M. Falconet. Il résulteroit de-là
que l'appareil Lateral qui paroît une nou
velle Méthode seroit la plus ancienne.
M. Morand finit sa Dissertation en ré
capitulant les Opérations pratiquées par
cette Méthode depuis le mois de Mars
1727. jusqu'à la fin de 1730. Dans l'Ap
pendix de M. Cheselden , on lit les noms
de 46. Malades qu'il avoit taillés dans
l'Hôpital de S. Thomas , et dont il n'avoit
perdu que deux , M. Morand venoit de
récevoir la Liste posterieure à celle- cy ,
dans laquelle il y en a vingt de taillés ,
dont il n'est mort que deux : en la joignant
à la premiere Liste de M. Cheselden , et
à celle de M. Morand , il se trouve de
compte fait en Mars 173 1. quatre- vingt
deux personnes taillées par l'appareil La
teral , depuis Mars 1727. dont il n'est
II. Vol
mort
JUIN. 1731
1459
mort que fix , et soixante et seize ont été
parfaitement gueries , dont dix de diffe
rens âges , depuis 40. jusqu'à 67. ans.
Tels étoient les progrès de l'appareil
Lateral à Paris , lorsque M. Morand lût
sa Dissertation à l'Académie Royale des
Sciences. Depuis ce temps là , il a fair
cette Operation à M. de Janson et Du
blaisel qui sont morts six jours aprés
l'Operation. L'Ouverture de leur corps
a été faite , l'Académie Royale des Scien
ces a examiné les choses , Mrs. Chirac et
Maréchal ont vû ce qui concernoit M,
de Janson . Voici le rapport de ces deux
Ouvertures .
DETAIL de ce qui s'est trouvé à l'ou
verture de Mrs de Janson et du Blaisel.
Le 24. Avril 1731. Nous Docteurs en
Medecine , et Chirurgiens de Paris , nous
sommes transportés à neuf heures du soir
à l'Archevêché pour l'ouverture du corps
de Feu M. le Commandeur de Janson ,
mort ledit jour à neuf heures du matin
aprés avoir été taillé le Jeudi précedent
dix- neuf dudit mois et nous déclarons
avoir réconnu ce qui est détaillé à nôtre
present rapport par l'ouverture faite en
nôtre presence par M. Verdier , Chirur
ر
.
11. Vol.
gien
1460 MERCURE DE FRANCE
juré et DémonstrateurRoyal enAnatomie.
Le corps exposé sur une Table nous
n'avons vû aux parties voisines de la
playe , ni lividité , ni tension , en aucune
region du bas -ventre ni élevation ni gon
Alement , la région de la vessie étant au
contraire plate , enfoncée , et molete.
A l'ouverture du ventre il nous'a paru
à la premiere inspection qu'il n'y avoit ,
ni aux entrailles , ni à la vessie vers le
peritoine , ni au tissu cellulaire qui l'en
vironne , aucune Phlogose , inflammation,
ou marque de gangréne .
Les intestins étant ôtés du ventre , les
Reins ont été examinés , et on a trouvé
le droit diminué de la moitié de son vo
lume naturel , et sa substance glan
duleuse fondue , de sorte que l'on ne
distinguoit plus interieurement que les
sacs des entonnoirs qui étoient fort dila
tés aussi bien que les bassinets , et rem
plis d'une liqueur noire , puante , et mê
lée de quelques matieres glaireuses et
purulentes. L'uretere du même côté
dilaté depuis sa sortie du Rein jusqu'à
son insertion à la vessie , et étranglé en
quelques endroits par plusieurs infléxions
contre nature ; enfin sa trace le long du
muscle Psoas , marquée par une tache
livide et assés profonde dans la substance
II. Vol
de
JUIN. 1731. 1461
de ce muscle , dont le reste étoit de la
couleur et rougeur naturelle.
Le Rein gauche avoit les mêmes sin
gularités que le droit , mais il étoit plus
maigre et plus fondu , plein d'un pus trés
fætide , et d'un blanc sale. L'uretere de
ce côté étoit un peu moins malade que
l'autre.
La vessie nous parut s'élever assés haut
au dessus du Pubis , et sa consistence
étoit bien plus dure que dans l'état natu
rel , mais pour l'ouvrir dans toute son
étendue , et examiner plus scrupuleuse
ment toutes les parties du voisinage , et
de la dépendance de l'Operation , on a
ôté la vessie entiere avec le canal de l'ure
tre , le rectum , et la partie incisée par
la Taille.
Ensuite la vessie a été ouverte dans.
toute son étendue , depuis son fond jus
ques et au de-là de l'incision faite par la
Taille ; alors tout le corps de la vessie
nous ' a paru considerablement épaissi
on n'a trouvé dans sa cavité , ni pierre
ni fragment de celle qui avoit été tirée ,
il y avoit à la surface de sa tunique inter
ne plusieurs points blanchâtres et durs ,
quelques rugosités , mais aucun vestige
de contusion . Vers sa partie inferieure et
un peu plus du côté droit que
du gauche
,
II. Vol C IL
462 MERCURE DE FRANCE
3 il y avoit une tumeur carcinomateuse
fort dure , grosse comme un gros oeuf,
faisant corps avec la vessie même ,
aussi large par sa baze que par sa partie
saillante , et d'une étenduë assés grande
faire la vessie eut comme deux pour que
capacités , dont la plus grande étoit au
dessus du carcinôme. Prés de cette tu
meur , étoit une excroissance fongueuse
applatic , grosse et longue comme le petit
doigt , de la consistence du fongus qui
avoit été tiré avec la pierre , attaché par
un pedicule membraneux à la tunique
interne de la vessie , et flottante dans la
vessie , de façon qu'elle pouvoit tomber
dans l'incision .'
L'incision faite par la Taille étoit à la
fin de l'uretre et au cou de la vessie.
Mettant un doigt dans l'anus et un autre
dans l'incision ; on a vû que le rectum
n'avoit point été interessé, y ayant entre
deux une cloison fort épaisse : enfin en
examinant le trajet de l'incision-, nous
avons vû qu'il n'y avoit d'autre route
que celle qui conduisoit directement de
l'incision à la vessie , et qu'il n'y en avoit
point de fausse autour du rectum , ni
dans le tissu cellulaire des parties voisi
nes.
Comme nous reconnoissons dans le
II. Vel désordre
JUIN. 1731 . 146
désordre des parties dénommées au pre
sent rapport des causes de mort évidentes
et indépendentes de l'opération de la
Taille faite à M. le Commandeur de Jan
son , on n'a point fait l'ouverture de la
Poitrine ni de la Tête , et aucun de nous
ne l'a demandée. A Paris çe .27 . Avril
1731. et ont signés. Mrs. Winslow et Silva
Medecins , Guerin , Le Dran , Boudou ',
Pibrac , Morand , Verdier , Guerin fils
et Perchet , Chirurgiens .
L'Original a été remis à M. le Mar
quis de Janson , avec le dessein des parties
malades , qui ont été examinées dans une
sceance par l'Académie Royale des Scien
aussi bien celles dont est ques
tion dans le rapport suivant .
ces , que
Le Samedi 28. Avril 1731. nous Doc
teur en Medecine , et Chirurgiens de
Paris soussignés , nous sommes transpor
tés à l'Hôteld'Espagne, rue duColombier,
l'ouverture du corps de M.du Blai
sel , mort la nuit précedente, aprés avoir
été taillé le Lundi 23. dudit mois.
pour
A l'ouverture du bas- ventre , l'estomach
et les intestins ont paru dans leur état na
turel, les ayant écartés pour éxaminer la ré
gion de la vessie nous avons trouvé un
abscès considerable dans le tissu cellulaire
du peritoine entre l'endroit où l'uretere
>
I La Kol Cij gauche
3454 MERCURE DE FRANCE
gauche se jette dans la vessie et le lieu de
f'incision. La vessie ouverte depuis son
fond jusqu'au de - là de l'incision , elle
nous a paru saine ; mais à sa partie pos
terieure , et entre ses tuniques étoit un
sac plein d'un grand nombre de petites
pierres , et de ce sac il suintoit quelques
goutes de pus dans la vessie.
La supression totale des urines arrivée
la veille de sa mort ayant fait tourner
nos vûës vers les reins , nous avons trou
vé le rein droit en inflammation , et par
là augmenté considerablement du volu
me naturel ; de ce rein partoient deux
ureteres , dont les vaisseaux sanguins
étoient gonflés et en inflammation , ces
ureteres s'unissant ensemble à quelques
pouces de la vessie , n'avoient qu'une et
même insertion .
Au lieu du rein gauche qui étoit obli
teré, il y avoit une capsule membraneuse
avec deux ureteres, qui sans se confondre
alloient séparément à la vessie , l'un s'ou
vroit dans la vessie à l'ordinaire , l'autre
étoit bouché en haut par deux petites
pierres , et prés de la vessie par plusieurs
autres ; enfin au lieu de s'ouvrir dans la
vessie , il se terminoit dans le sac pierreux
qui étoit en suppuration .
Cette organisation particuliere nous
11. Val.
fair
JUIN.
1731. 1469
que
fait croire le rein droit étant attaqué
d'une inflammation qui a produit la ne
phretique , le gauche n'avoit pû supléer
à ses fonctions , puis qu'il n'y en avoit
point , de là la supression des urines , et
que
la même cause qui a formé dù pus
dans le sac pierreux , a pû donner lieu à
l'abscès du tissu cellulaire . A Paris ce 6 .
May 1731. et ont signés Sylva , Boudon ,
Verdier , Morand , Perchet.
LETTRE de M. Morand à M. de la R
' Ay l'honneur de vous envoyer,Mon
sieur, le rapport de l'ouverture de M.
de Janson, et j'execute les ordres positifs
que j'en ay reçû : ces Ordres sont si pré
cieux pour moi que je n'en puis retran
cher un mot , et je vous envoye en mê
me temps la Lettre de M. Mareschal qui
me les a signifiés .
· Je viens de rendre un compte exact de
votre Operation à son Eminence M. le Car
dinal , et des obstacles invincibles de
рои
voir guerir M. de Janson ; je lui ai ajouté
que vous aviés en raison de ne point tirer
la pierre , et que cet examen avoit étéfait en
presence de M. Chirac, cela lui a faitplaisir.
Son Eminence m'a dit qu'il falloit le dire
au Roy, ce que je feray ; la seconde chose
II. Vol.. Ciij que
1466 MERCURE DE FRANCE
que vous deviés en faire une Relation pré
cise et de tous les temoins , et en faire un
article dans les Nouvelles pour détromper
le Public. Voila ce que son Eminence m'a
dit, et je crois qu'elle pense juste . Je vous sa
lue & c. Mareschal. A Rambouillet le 25.
Avril 1731 .
Je vous envoye en même temps ,
Monsieur , la Rélation de l'ouverture de
M. du Blaisel , et je crois qu'avec ces deux.
Pieces il m'est permis de demander à
l'Auteur anonyme de la Lettre inserée
dans le Mercure de May , pag. 1135 .
raison des Réflexions qu'il a ajoutées au
détail des Operations de la Taille faites
à l'Hôpital de la Charité le 14. du mois.
passé.
Je n'avois pas plus promis cette année
cy que l'autre de faire la Taille par l'Ope
ration Laterale . L'Année derniere M ..
Mareschal trouva bon qu'on la fit , je l'ai
faite devant lui , et elle a reussi . Cette
année M. Mareschal a trouvé bon qu'on
ne fit
que le grand Appareil , j'en ai fait
deux , et j'ai gueri mes deux malades.
Ainsi cette année cy comme la précedente,,
j'ay obéi.
➤
Mais l'Anonyme avance que M. Ma
reschal qui connoit les inconveniens de l'ap
pareil Lateral , en disposa autrement , en
II. Vol. execu
JUIN. 1731. 1467
1
executant lui même,et faisant executer l'Opé
ration à la maniere ordinaire. Je demande
si l'Anonyme a ordre d'expliquer les mo
tifs de M. Mareschal , et pourquoy it
abuse gratuitement d'un nom si respec
table ; car personne ne peut connoître
les inconveniens de cette Opération .
que sur des éclaircissemens fournis par
la Theorie ou sur les faits de Pratique .
Sera-ce sur les éclaircissemens de Théorie?
M. Mareschal n'est pas encore determi
né , et M. le Comte de Broglio m'a fait
l'honneur de me dire que M. Mareschal
venoit de proposer plusieurs questions à
M. Cheselden , et qu'il a demandé qu'on
envoyât icy , s'il étoit possible , les Parties
de quelqu'un , mort aprés cette Opération .
Sera-ce sur les Faits de Pratique jusqu'à
l'Epoque deM . deJanson et du Blaisel De
Londres , M. Cheselden fournira le Mé
moire de soixante six Opérations dont
soixante -deux ont réussi à Paris il y en
a eu seize l'année passée , faites par M.
Perchet et moi , et quatorze malades ont
été gueris. Sera - ce sur l'Opération de
M. de Janson ? M. Mareschal m'or
donne lui-même de faire une Rélation
exacte de l'ouverture pour détromper
le Public. Sera-ce sur la Taille de M. du
Blaisel les singularitez qu'on voit dans
II. Vol.
C iiij l'ou
1468 MERCURE DE FRANCE
P'ouverture , pourroient seules justifier
l'Operation , qui d'ailleurs fut faite très
heureusement ; mais quand on suppo
seroit le contraire , il resteroit toujours
pour vrai , que nous en avons gueri
l'année passée quatorze de seize ; qui
sçait si quatorze taillés cette année à l'ap
pareil Lateral , immediatement aprés Mrs.
deJanson et du Blaisel , n'auroient pas été
gueris ? cela étoit aussi possible cette an
née-ci que l'autre. Sera-ce enfin sur les
réprésentations de quelques Chirurgiens
qui verroient avec peine les progrès de
cette Operation ? ceux qui sont à la tête
de la Chirurgie ne préfereront jamais l'in
terêt de quelques particuliers au bien
blic. Je conclus donc que l'Anonyme
a trés imprudemment compromis le nom
de M. Mareschal .
pu
C'est avec la même licence que l'Anony
me arrange la Chirurgie de l'Hôpital . Si
M. Mareschal avoit confié le soin de l'Hô
pital à M.Guerin le Pere , comme il le dit, je
ne jouirois point de la place de Chirurgien
en Chef, dont j'ai été pourvu sur la présen
tation de M.Mareschal , mais j'enjoüis com
me auparavant, et si je ne puis assurer que
j'aye merité les faveurs de M. Mares
chal , au moins puis- je assurer qu'il ne me
les a pas retiré.
II. Vol. L'Anonyme
JUIN. 1731 1469
L'Anonyme finit ses Reflexions en
'disant , que les Pauvres serviront d'instruc
tion aux éleves sans être leurs victimes. Si
cela roule sur la Taille Laterale , comme
il n'y a pas lieu d'en douter, c'est à vous ,
M. à me vanger de cette noirceur , en rap
pellant les Faits que vous avés imprimés
l'année derniere..
L'Anonyme auroit pû terminer sa nar
ration, en disant que M. Mareschal veut de
plus amples éclaircissemens sur l'Opera
tion Laterale. C'est faire l'Eloge de sa pru
dence ; mais nous ajoutons que quand l'ex
cellence de cette Opération sera bien prou
vée ,M. Mareschal toujours plein de zéle et
daffection pour les Pauvres , voudra non ṣeu
lementy être présent, mais la fera peut être lui
même. Je suis , Monsieur , Vôtre &c.
A Paris ce 10. Fuin . 1731.
SONNE T.
Par Me de Malcrais de la Vigne du
Croisic , en Bretagne.
POur charmer son ennui , pour bannir la tris
tesse >
Tircis aime à chanter en gardant son troupeau
11..Vol. -Um Ċ ▾
1470 MERCURE DE FRANCE
Un Nocher témeraire aime à voguer sur l'eau ;
Un Avare aime à voir augmenter sa richesse.
Un Chasseur fatigué , que la chaleur oppresse;
Aime à se rafraîchir au courant d'un ruisseau ;
Un Ivrogne aime à boire et vin vieux et nouveau;;
Une None à la grille aime à jaser sans cesse.
Un joueur obstiné que le malheur poursuit ;
Dans un Brélan fatal aime à passer la nuit ;
Un Poëte indigent aime à toucher la lyre.
Un Evêque opulent aime à vivre à la Cour
Les plaisirs sont divers , et moi j'aime Thamire ;
Je l'aime , et l'aimerai jusqu'à mon dernier jour..
ttttttttttttt
REFLEXIONS sur la Politesse.
A Politesse consiste à ne rien faire et
L ne rien dire qui puisse déplaire aux
à
autres ; à faire et à dire tout ce qui peut
leur faire plaisir , et cela avec un air , une
façon de s'exprimer , et des manieres qui
ayent quelque chose de noble , d'aisé , de
an , et de délicat ..
U. Vol . 1
11
JUIN 1731. 1471
Il faut donc considerer dans la Poli
tesse , et le fond des choses , et la maniere
de les dire et de les faire.
Cette maniere est le point le plus im
portant , un homme auroit beau être obli
geant , serviable , complaisant , civil
même ; sans une certaine maniere d'être
tout cela , il ne passeroit que pour un
honnête homme, un bon homme, et point .
du tout pour un homme poli.
Comme on a appellé l'esprit , raison assai
sonnée , on pourroit appeller la politesse ,
bonté assaisonnée. L'esprit , la politesse ,
sont je ne sçai quoi de fin , de délicat et
de brillant, ajoûtez à la raison , à la bonté.
Il y a beaucoup d'arbitraire dans cette:
maniere de dire et de faire les choses ,
de témoigner aux autres les dispositions .
avantageuses où nous sommes à leur égard
de leur marquer du respect , de l'estime ,.
de l'amitié , &c . .. . Ainsi elle varie selon
les differentes Nations. L'usage du mon
de peut seul la faire bien connoître et y
former. L'instruction la plus étenduë
n'apprend pas tout , parce qu'elle ne sçau
roit tout exprimer , à plus forte raison.
ne met-elle pas en état d'agir. Il y a bien
loin de la politesse speculative , à la poli
tesse pratique. La politesse est une chose:
d'experience et d'usage.
و ا
IL..Vol. E vj. Ca
1472 MERCURE DE FRANCE
Ce qui met le plus en état de profiter
de cette expérience et de cet usage du
monde , c'est beaucoup de bonté et de
douceur dans le caractere , beaucoup de
finesse , de sentiment pour discerner
promptement ce qui convient , eu égard
à toutes les circonstances où l'on se trou
ve , ce qui s'appelle les bienséances ; enfin
beaucoup de souplesse dans l'humeur , et
une grande facilité d'entrer dans toutes
les dispositions , de prendre tous les sen
timens qu'exige l'occasion présente , ou
du moins de les feindre..
Mais il est très difficile de feindre et de
dissimuler. L'homme est naturellement
sincere , il aime à dire ce qu'il pense , à
témoigner ce qu'il sent . Ainsi il est im,
possible qu'on soit poli , du moins qu'on
le soit constamment , avec certains dé
tours qu'il faudroit cacher pour le paroî
tre ,.
comme l'orgueil , la colere , là du
reté de coeur , la malice & c . Disons tout ,
le seul penchant à la sincerité , le grand
éloignement de tout déguisement. et de
toute dissimulation suffit pour rendre
impoli : une des régles les plus commu
nes de la politesse , est qu'il ne faut pas
dire tout ce qu'on pense , ni faire toug
ce qu'on voudroit.
On ne se bornera
pas
même à accuser
Il Vol la
FUIN. 1731. 7473
La sincerité d'impolitesse , comme il y a
d'ordinaire plus de mal que de bien à di
re des hommes , comme il Y a une infi
nité d'occasions de les contredire avec
justice , soit dans leurs opinions , soit dans
leurs passions , celui qui leur parleroit
toujours avec une entiere, sincerité , pas
seroit pour malin ..
Pour être poli positivement , c'est- à
dire , pour faire et surtout pour dire des.
choses polies , il faut avoir de l'esprit ; .
mais. il suffit presque d'avoir une bonne
éducation et un peu de bon sens pour:
être poli négativement , c'est-à - dire , ne
rien faire et ne rien dire d'impoli . Telle
est la politesse de beaucoup de personnes,
d'un esprit médiocre , qui ne laissent pas.
de se faite aimer et d'être de bonne com-.
pagnie jusqu'à un certain point, par leur
complaisance , leurs attentions & c .
Il y a une impolitesse de malice , et
une impolitesse de grossiereté , celle ci
attire le mépris , celle -là attire la haine ..
Mais être appellé impoli , est , à mon
avis , une plus grande injure que d'être
appellé malin et satyrique,
L'accusation d'impolitesse est une des
plus grandes injures , selon moi , parce
qu'elle emporte une idée de bassesse dans
la naissance , et de petitesse dans l'esprit.
II. Vol. Of
F474 MERCURE DE FRANCE
Or les réproches les plus piquants sont
ceux qui régardent l'esprit et la naissan
ce. Un homme de guerre feroit peut- être
aussi offensé d'être appellé sot ou faquin ,
que d'être traité de lâche .
Les personnes extrêmement vives , ne
sont pas pour l'ordinaire fort polies ; leur
vivacité les entraîne presque toujours
tantôt vers un objet , tantôt vers un au
tre ; elle les fait agir et parler précipitam
ment , souvent même sans réfléxion .
Les vives sont presque toujours coleres ,
impatientes , opiniâtres , du moins pour
le moment.
La réputation d'homme poli , est une
des plus avantageuses qu'on puisse avoir
dans le monde la politesse est au moins
l'apparence des plus excellentes vertus ,
des plus belles qualités tant de l'esprit
que du coeur , elle attire tout ensemble
l'estime et l'amour .
Mais souvent pour éviter l'impolitesse
on tombe dans l'affectation et les façons ,
ce qui est plus ridicule et plus desagréa
ble que la simple grossiereté.
Ainsi on peut pecher contre la vraye
politesse par excès et par deffaut.
Les témoignages excessifs et trop fré
quens d'estime , de respect &c. ne flat
tent plus , ne font que géner ceux aus
II. Vol..
quels,
JUIN. 1731. 147
•
quels ils s'addressent , et par là sont con
traires à la vraye politesse , dont le but
est de plaire. C'est un grand Art de sca
voir les mésurer selon les personnes et les
circonstances. Ce qui s'appelle faire des
façons avec son inferieur , ou son égal¸,
s'appelle faire son devoir avec son Supe
rieur.
Les défauts qui nous choquent le plus.
dans les autres , sont ceux qu'ils pren
nent pour des agrémens. Ils sont fort
contents d'eux-mêmes , pendant qu'ils:
nous paroissent ridicules , et dès lors ils
nous le paroissent encore davantage , ils .
nous deviennent même à charge par l'or
güeil qui est d'ordinaire le principe et la
suite de cette méprise. De plus les défauts
ausquels on s'est étudié , comme à des
qualités , sont beaucoup plus choquants
que les vices naturels. Voilà pourquoy
Fair affecté et précieux choque également
tout le monde. La vraye politesse en rit ,.
Pimpolitesse en murmure.
Mais il ne suffit pas de ne rien dire , ni
de ne rien faire qui puisse blesser les au
tres , ce n'est pas avoir satisfait à tout ce
que renferme ce devoir , si l'on ne souf
fre ce que les autres peuvent dire , ou
faire d'offensant ou de moins poli. Ainsi
une grande partie de la politesse consiste
II..Vol
1476 MERCURE DE FRANCE
à souffrir l'impolitesse des autres.
Témoigner aux autres qu'ils nous of
fensent , c'est presque toujours les offen
ser.
, Il est d'autant plus difficile d'être poli
qu'il y a moins de gens qui le soient ve
ritablement..
Comme la plus forte passion des hom
mes est celle d'être estimés et considerés ,
la politesse consiste sur tout à témoigner
aux autres de la consideration et de l'es
time , à flatter leur orgieil. La vanité est
la source , l'assaisonnement de nos plus
grands plaisirs .
Pour apprendre à connoître la poli
tesse , il faut voir des personnes polies ;;
mais pour se perfectionner , et se fortifier
dans la pratique de la politesse , il seroit
peut- être utile quelquefois de se trou->
ver avec des gens impolis. Des occasions,
frequentes d'agir et de surmonter une
difficulté considerable , avancent bien
mieux que de simples exemples. Leur im
politesse déplaît , l'on voit en quoy ils
manquent, et par - là même l'on n'y tombe
pas.
Lecommerce des femmes est , dit- on ,
communément , la meilleure école de
po
litesse . Cela est vray. Non pas tant néan
moins parceque les femmes sont polies 3
II. Vol
que
JUIN. 1731.
1477
2
que parce qu'il faut l'être beaucoup avec
elles. Il n'y a pas tant à profiter des exem
ples de politesse qu'elles nous donnent
que de la necessité où nous sommes d'en
avoir beaucoup à leur égard , non seule
ment pour leur plaire, mais pour en être
soufferts. Le merite le plus essentiel d'un
homme auprés des femmes sages , c'est
une grande politesse . Quelques femmes
ont des Amants à qui manquent toutes
les qualités qui se peuvent nommer. Trés
peu sont capables de choisir pour ami un
homme à qui rien ne manqueroit du côté
de l'esprit et du coeur,mais qui n'auroit pas
ces dehors agréables , ces manieres no
bles, aisées, qu'on appelle l'air du monde,
Il me semble qu'on peut distinguer
trois sortes de mérites , le mérite estima
ble , le mérite aimable et le mérite agréa
ble. Le mérite estimable est celui de la
superiorité , des lumieres , des talens , du
sçavoir , de la parfaite probité , &c. ...
Le mérite aimable est celui des sentimens ,
de la douceur dans le caractere , de l'éga
lité de l'humeur , &c... Le mérite agréa
ble est proprement celui de la politesse .
La timidité ne se corrige guères par de
simples avis , encore moins par des rail
leries et par des reproches. Il est bon de
paroître ne faire pas trop d'attention à
II. Vol uns
1478 MERCURE DE FRANCE
*
ane personne timide , cela la met plus à
son aise . La femme du monde qui mar
che le mieux , marche de mauvaise grace
dès qu'on la regarde ; il faut quelquefois
exciter la confiance de certaines gens par
des louanges courtes et mésurées ; les élo
ges trop forts les déconcertent ; ils plai
roient s'ils pouvoient se flatter de plaire.
Il y en a d'autres qu'il faut tâcher de gue
rir de leur trop de sensibilité aux juge
mens qu'on peut faire d'eux ; car c'est la
source de leur timidité , et cette espece de
timidité est peut être elle- même vanité .
Il y a de la politesse à se livrer de bon
ne grace dans la conversation , à n'avoir
pas plus d'esprit que ceux avec qui on
se trouve , à n'affecter point trop de jus
tesse , à donner quelquefois lieu à la con
tradiction et à la critique ; en un mot
à n'avoir pas toûjours raison . Mª un tel
parle bien , dit - on , mais il ne dit rien
dont il n'ait fait auparavant le broüillon
dans sa tête ; aussi parle- t'il peu ; les
broüillons emportent trop de temps ; le
moment de l'à- propos s'enfuit ; par-là un
homme est toujours gêné et toujours gê
nant. C'est orgueil , c'est vanité pure , et
par consequent impolitesse ; car la po
litesse consiste à sçavoir cacher sa vanité,
et à flatter celle des personnes avec qui
l'on se trouve.
JUIN. 1479 1731.
A M. L'ARCHEVÊQUE
DE SENS ,
STAN- CE S.
"
Rélat , dont les vertus et le sçavoir sublime ,
Méritent nos respects , notre plus pur encens ,
Je ne viens point ici dans l'ardeur qui m'anime ,
Celebrer tes vertus par mes foibles accents ;
Je ne veux dans ces Vers que te montrer ma joye;
Souffre donc qu'elle éclatte, et qu'elle se déploye
Devant toi toute entiere en ce jour fortuné ,
Où , portant avec toi le zele et la lumiere ,
Tu viens d'un bon Pasteur commencer la car
riere ,
Pour le nouveau Troupeau que le Ciel t'a donné.
>
Si le choix inspiré , qui dans ces lieux t'amenè ,
Excita les regrets et les pleurs de Soissons
Riches de ce qu'il perd et qui cause sa peine ,
Nous bénissons LOUIS , et nous réjouissons.
D'un Prélat gracieux , affable et pacifique ,
La mort ici causoit une douleur publique ,
Tout le Troupeau saisi , gémissoit , s'allarmoit ,
Quel successeur plus digne eût banni la tristesse ?
11. Vol.
Dissipé
1480 MERCURE DE FRANCE
Dissipé la terreur et rendu l'allegresse ?
Qu'un Pontife zelé pour la paix qu'il aimoit ›
C'est l'amour de la paix , qui dans ces lieux t'ap
1
pelle ,
Tu la trouves ici , tu viens l'y maintenir.
Si de la verité tu soutiens la querelle ,
Sans alterer la paix , tu sçais la soûtenir.
De cette verité qui t'inspiré et t'éclaire ,
Défenseur génereux , tu la suis sans mystere ,
Et la fais triompher de la superbe erreur.
Mais tes armes , tes traits pour sa juste défense,
Sont les brillans éclairs d'une haute éloquence;
C'est une charité prudente et sans aigreur
De cette verité que ta plume sçavante
Orne des plus beaux traits et met dans tout son
jour,
En vain les ennemis d'une ardeur pétulente ,
Se déclarent les tiens , t'attaquent tour à tour.
Tu ne sçais opposer à toute l'amertume ,
Que répand contre toi leur outrageante plume ,
Qu'une douceur extrême et que la verité.
C'est ainsi qu'autrefois le Docteur de la grace ,
De ceux qui l'outrageoient , sçut confondre l'au
dace ,
Toujours doux, toujours humble et plein de
charité.
IL. Vol Que
JUIN.
1481
1731 .
Que Dieu jette sur nous un regard favorable ,
De te donner à nous , de nous donner à toi !
Et qu'il fait éclatter sa sagesse adorable ,
Qui veut par tés travaux affermir notre foi !
Cette Eglise commise à tes soins , à ton zele ,'
En toi trouve un Epoux attentif et fidele ,
Les Brebis un Pasteur , courageux , vigilant ,
Qui ne les conduira qu'en de sûrs Pâturages ,
Et sçaura les sauver des terribles ravages ,
Que fait le Loup qui voit le Pasteur indolent,
Si quelqu'une , pourtant , du troupeau se sépare
Prompt à courir après , tu la retrouveras ;
Sçavant à la tirer du chemin qui l'égare ,
Dans le sacré Bercail , tu la rameneras.
En toi l'ignorant trouve un Docteur charitable ,
Celui qui dans la foi chancelle et n'est pas stable ,
Pourra -t'il , s'il t'écoute , encore chanceler ?
On verra , j'en suis sûr , les Rochers et les Chê
nes ,
Accourir à ta voix , te suivre dans les Plaines ,
Suspendus et ravis de t'entendre parler.
Sans en être étonné je verrai ces miracles ,
Comment se pourroit-il que j'en fusse surpris ?
Par moi-même je sçai que les plus grands ob
stacles ,
II. Vo!. cedent
1482 MERCURE DE FRANCE
Cedent tous à ta voix , à tes doctes écrits.
Enfoncé dans l'erreur couverte de tenebres ,
Je marchois au hazard dans ses ombres funebres,
Insensé , je croyois suivre la verité.
Tes Ecrits éclattans d'une clarté celeste ,
1
D'abord m'ont découvert l'illusion funeste ,
Le fantôme imposteur dont j'étois entêté.
Bouchet , Chanoine de Sens.
***:******* :*****
LETTRE de M. Capperon , ancien
Doyen de S. Maxent , sur une Méthode
facile qu'il a découverte , pour connoître
les Sels , pour juger des effets qu'ils doi
vent produire , et pour examiner ceux qui
se trouvent dans les terres , dans les eaux,
dans les plantes , dans les humeurs et
dans l'air , ce qui servira à connoître
les qualitez de ces differentes choses.
MONSIEUR ,
Puisque vous souhaitez que je vous
donne une parfaite connoissance des Ob
servations que j'ai faites sur les Sels , dans
la vûe de faciliter le moyen de découvrir
par une voye plus simple que celles dont
II Vol on
JUIN.
1483 1731.
S
on s'est servi jusqu'à present , quelles peu
vent être les qualitez des differens mixtes
qu'on veut examiner ; je le ferai volon
tiers , n'ayant rien plus à coeur que de
vous satisfaire. Ce que j'ai dit cy- devant
sur les Sels de l'air dans les Lettres que
je vous ai adressées , ( a) ayant produit
d'aussi heureux effets , et pouvant en pro
curer beaucoup d'autres , je ne crois pas
devoir négliger de vous faire connoître
l'étenduë que j'ai donnée à ma découver
te , pour faire remarquer l'utilité qu'on
en peut tirer.
Je crois d'abord pouvoir avancer qu'il
n'y a pas de moyen plus sûr que ma Mé
thode pour bien connoître tous les Sels ,
et pour les distinguer
parfaitement les
uns des autres. C'est par cette même Mé
thode qu'il est le plus facile de connoî
tre comment sont formées les plus peti
tes parties
integrantes qui
composent ces
Sels ; d'où je conclus qu'il est très - aisé
ensuite de juger des effets qu'ils doivent
naturellement produire.
Pour vous persuader , Monsieur , de
ces trois propositions , permettez - moi de
vous marquer d'abord ce que j'entends
précisement par ce qu'on appelle Sel.
(a) Voyez les Mercures de Février, Mars et
Décembre 1729. et Mars 1730,
I I. Vol.
J'en
7484 MERCURE DE FRANCE
J'entends par Sel , une concrétion parti
culiere , faite d'une terre fine , roide et
cassante , qui se dissout dans l'eau et qui
après sa dissolution reprend toûjours la
même figure lorsqu'on n'y met point
d'obstacles. Telle est, ce me semble,la ve
ritable idée qu'on peut avoir de la nature
des Sels , reconnue par de solides Obser
vations , et non simplement suposée par
la seule imagination , telles que celles
qu'on a eües jusqu'à present.
C'est ce qu'il est facile de justifier par
ma Méthode ; car qu'on prenne tel Sel
qu'on voudra , qu'on en fasse dissoudre
dans l'eau une quantité convenable , et
qu'on le fasse ensuite cristaliser sur le ver
re, ainsi que je l'enseigne , l'on verra que
chaque Sel y réprendra toûjours la figure
qui lui est specifique ; par où il sera très
aisé de le distinguer des autres. Pour pro
fiter donc de cette découverte , et pour
éviter qu'on y soit trompé , il est à pro
pos de faire cristaliser de cette maniere
chaque Sel en particulier , et d'en tirer
ensuite le papier ; car cela étant fait une
fois , c'est le moyen de les reconnoître
toûjours et de les distinguer parfaitement
les uns des autres . On aura même là
une espece de clef pour les trouver et
les connoître par tout où ils sont.
par
II. Vol. C'est
JUIN. 1731. 1485
募
C'est ce dont je donne un échantillon
dans la Planche qui accompagne mes Let
tres , où j'ai représenté les Figures des
Sels les plus connus , ainsi que je les ai
vûs et dessinez moi- même ; tels que le
Sel marin , le Nitre , le Vitriol blanc et
le vert , l'Alun , le Sel Armoniac , le Bo
rax, le Sel d'Epsom ou d'Angleterre, l'Ar¬
senic , le Sublimé et le Sucre.
Il est aisé de voir par les figures de ces
Sels , représentez dans cette Planche , que
le Sel Marin se cristalise toûjours en cubes,
qui ont moins de hauteur que de largeur,
avec cette particularité , que la plupart
de ces cubes forment sur leur hauteur un
creux à quatre facetes , lesquelles se reü
nissant , donnent souvent lieu de croire
que bien loin de former un creux , elles
s'élevent tout au contraire en pointe de
diamant , ce qui arrive ordinairement
lorsqu'on n'apporte pas assez d'attention
à les regarder avec un Microscope , l'illu
sion venant de la transparence de ces
Cristaux .
Le Nitre prend la figure de petites li
gnes droites , lesquelles se réunissant sou
* On ajugé à propos de ne faire graver qu'u
ne partie des Sels dont parle l'Auteur ; cette
partie nous paroissant suffisante pour exprimer
ses idées.
II. Vol. D vent
1486 MERCURE DE FRANCE
vent les unes aux autres , forment des li
gnes cannelées plus longues et plus gros
ses , ayant quelques inégalitez dans leur
longueur , causées par la jonction de ces
lignes. Souvent dans les intervales qui res
tent entre ces longues lignes , il en paroît
qui sont en forme de branchages, traversées
par d'autres ; et parmi ces lignes on voit
plusieurs petits Cristaux ovales, mais poin
tus par les deux bouts , même d'autres qui
sont ronds et dispersez differemment.
Le Vitriol a aussi des lignes , mais beau
coup plus irregulieres et moins unies que
celles du Nitre , puisqu'elles sont souvent
comme dentelées ; et dans les intervales
de ces lignes , il se trouve comme de
pe
tites éguilles , dont les unes sont disper
sées et d'auttes sont réunies en forme
d'étoiles ; lors qu'elles se réunissent en
plus grand nombre , elles ont la figure
de têtes de Chardons.
L'Alun se cristalise en espece de trian
gles , dont les trois angles sont pres
que toûjours coupez vers leurs extrémi
tez , ce qui forme un exagone plus ou
moins regulier. Si par hazard les Cris
taux se réunissent , ce qui arrive particu
Hierement vers les bords du verre , ils font
alors des Cristaux continus , qui ont pres
que toûjours la figure d'angles saillans
II. Vol.
JUIN. 1731. 1487
a peu près semblables à ceux des Bastions
ou des demi - Lunes.
Le Sel Armoniac se forme en lignes
plus ou moins longues ; mais dont les côtez
sont toûjours garnis d'autres moindres li
gnes qui s'y joignent à angles droits, ce qui
forme souvent des croix assez régulieres.
Le Borax donne des Cristaux fort pe
tits , de figure differente , les uns étant
plus ou moins quarrez ou triangulaires
ou paralellogrames ou pentagones ou
exagones ; mais tous avec certaine épais
seur et coupez à vives arêtes .
Le Sel d'Angleterre prend la figure de
quarrez longs , avec nombre d'espece de
rosettes , dont plusieurs sont herissez ,
approchant des têtes de Chardons.
Le Sel Polycreste a des paralellogrames
plus menus que le Sel d'Epsom , dont
plusieurs se joignant ensemble , forment
des lignes qui se tiennent les unes aux au
tres. Il y a outre cela d'autres petits Cris
taux plus quarrez , et quantité de petites
lignes ou éguilles , et des globules heris
sez en têtes de Chardons .
L'Arsenic a de petits Cristaux , dont
on ne peut voir parfaitement la figure
qu'avec un bon Microscope ; pour lors on
les voit faits en globules comme herissez de
pointes de diamans; et parmi ceux- là on en
11. Vol Dij voit
488 MERCURE DE FRANCE
voit d'autres formez en rond.Les Cristaux
du Sublimé sont en figure d'épines , dont
les éguillons sont très- pointus. Enfin le
Sucre se cristalise en agréables rosettes.
Telles sont les figures de ces differens
Sels que j'ai fait cristaliser par ma Métho
de, et que j'ai vû paroître toûjours de mê
me , à quelque petite difference près , qui
ne fait pas changer les figures dominan
tes et specifiques de ces Sels , telles que
je viens de les décrire : ce que j'ai fait à
P'égard de ceux-là , se peut également
faire à l'égard de tout autre ; car il ne
faut pas croire que tous les Sels qui sont
dans la Nature , se réduisent tous à ceux
qui sont les plus connus ; il est vrai qu'ils
se trouvent souvent dans l'air , dans la
terre et dans les differens mixtes qu'on
peut connoître ; mais il paroît assez vrai
semblable qu'il y a dans la terre une ma
tiere saline dont tous les Sels sont com
posez , laquelle se réunissant et se con
gelant differemment , suivant les petits
vuides où elle entre , soit dans la terre
même ou dans les mixtes , forme par ce
moyen autant de differens Sels que les mou
les ( pour ainsi dire ) où elle s'est conge
lée , se sont trouvez differens . L'Art même
fait souvent changer de figure aux Sels
naturels , mais il est toûjours vrai que
II. Vol.
lorsque
JUIN.
1731. 1489
lorsque cette matiere saline a été fixée , soit
par la Nature soit par l'Art , à une figure
particuliere , elle la reprend toûjours
quand on la cristalise par ma Méthode .
Il y a une autre chose qui mérite d'ê
tre connue dans ce qui regarde les Sels ,
et qu'on peut dire être le fondement de
tout ce qu'on peut juger des cffets qu'ils
peuvent produire ; sçavoir , que les plus
petites parties intégrantes dont ils sont
composez , gardent dans leur plus petit
volume , tout imperceptible qu'il est , la
même figure qui paroît sur le verre par
l'assemblage d'une infinité de ces petites
parties dont la figure du Sel criştalisé est
composée ; c'est ce qu'un Ecrivain mo
derne (a) avance comme un principe as
suré ; car après avoir dit , conformément
à ce que j'ai pensé , que ce qu'il y a de
singulier dans les Sels , c'est que de telle
maniere qu'on les divise ou qu'on les dis
solve , ils prennent toujours la même
forme dans la cristalisation , étant aussi
difficile de leur enlever leur figure que
leur nature saline , la loi qui leur donne
cet arrangement , étant invariable . Puis
passant plus loin , il ajoûte que les parties
(a) M. Senac , nouveau Cours de Chymie
suivant les principes de Nevveton et de Sthalle,
Art. dernier de la Cristalisation.
9
II. Vol.
Dij les
1490 MERCURE DE FRANCE.
les plus simples des Sels ont toûjours leur
figure semblable à celle que prennent les
Sels en se cristalisant , ce qui donne lieu
à cet Auteur de souhaiter qu'on pût
trouver un moyen de connoître quelle
est précisement la figure spécifique de
chaque Sel , afin que par ce même moyen
on pût connoître de quelles figures
sont les moindres parties qui les compo
sent ; c'est ainsi qu'il s'exprime : On pourra
peut-être , en connoissant la figure des
Cristaux ( des Sels , ) connoître laforme des
parties qui les composent.
Ce que cet Auteur espere pouvoir
quelque jour arriver , c'est , ce me semble ,
par la Méthode que j'ai proposée ; puis
que rien n'est plus aisé que de connoître
par ce moyen si simple , quelle est la
figure specifique de chaque Sel ; ainsi qu'on
en peut juger par ce que je viens de dire
des Sels dont j'ai parlé cy- dessus.
Etant donc une chose assurée que les
parties interieures et invisibles des Sels
sont de la même figure que les Cristaux
qui se voyent avec les yeux ; il s'ensuit
qu'il est après cela très- facile de connoître
quels effets ces Sels doivent produire, puis
que lescorps n'agissent les uns sur les autres
que par leur figure et leur mouvement.
Ainsi voyant que les Cristaux du Ni
II. Vol. tre
JUIN. 1731. 1491
tre sont quelques-uns formez en lignes ,
d'autres en petites ovales fort pointuës
par
les deux extrémitez , et enfin d'autres
plus petits presque ronds ; n'a-t'on pas
raison de juger que par ses parties poin
tuës , il doit être d'un gout acide et pic
quant ; par ses parties longues , il doit di
minuer le mouvement interieur des li
quides , et être un peu volatile par ses pe
tites parties rondes ? que le Sel marin , où
l'on ne voit que des Cristaux cubiques
doit avoir quelque chose de plus âcre,
raison de ses differens angles , et plus fixe
à cause de sa figure moins susceptible de
à
mouvement ?
Le Vitriol ayant quelques- uns de ses
Cristaux formez en lignes assez grosses ,
mais comme dentelées en forme de Scies,
d'autres en petites éguilles , et enfin d'au
tres en étoiles pointues et en Chardons
herissez ; ne doit- on pas juger que par
ses parties longues , il doit , aussi - bien
que le Nitre , diminuer le mouvement
des liquides ? mais être plus âcre et plus
caustique par la dentelure de ses parties ,
comme par ses étoiles pointues et ses es
peces de têtes de Chardons ? ce qui doit ,
aussi le rendre astringent , lorsque ces
parties dentelées ou herissées , venant à
se glisser entre les fibres , leur donnent
eccasion de se resserrer. Diiij l'A
1492 MERCURE DE FRANCE
L'Alun n'a presque qu'une sorte de
Cristaux composez aussi de plusieurs an
gles plus roides et plus fermes , puisqu'il
se dissout moins aisément ; c'est pourquoi
jugeant par leur figure des qualitez de ce
Sel , il est aisé de voir que piquant par
ses angles roides et fermes les fibres ou
'mammelons de la langue , il doit causer
un gout austere , et que ses particules ainsi
figureés se glissant entre ces fibres
leur donnent lieu de se bander et de se
resserrer , ce qui produit son astriction .
Le Sel Armoniac ayant ses parties lon
gues , doit aussi être rafraichissant ; mais
parce qu'elles sont traversées par d'autres
petites lignes qui les croisent , elles don
nent par - là plus de prise pour être enle
vées dans l'évaporation , ce qui par con
sequent doit le rendre volatile.
Le Borax a ses Cristaux pareillement
composez de plusieurs angles , même cou
pez à vives arêtes , ce qui le doit rendre
pénetrant et irritant ; mais parce qu'il est
plus compacte et moins facile à se dis
soudre , cela empêche qu'il ne pro
duise sur la langue des effets aussi sensi
bles que les Sels précedens ; au lieu qu'é
tant plus développé dans les visceres , il
Y fait ses principales Opérations.
Le Sel d'Epsom et le Sel Policreste ,
II. Vol. pa:
JUIN. 1731. 1493
par leurs paralellogrammes assez longs ,
font connoître qu'ils peuvent diminuer
l'agitation interieure des liquides ; mais
leur âcreté se fait voir aussi aisément par
leurs Cristaux en forme de têtes de Char
dons , ce qui les rend purgatifs , irritant
facilement les intestins par ces parties ain
si figurées , et le Sel Policreste de plus par
ses petites éguilles. Il est facile de con
noître les cruels effets de l'Arsenic et du
Sublimé , par la seule inspection de la fi
gure de leurs Cristaux. Ceux du Sucre
tout au contraire , formez en petites ro
settes , marquent assez qu'en roulant sur
les fibres de la langue , ils ne sont propres
qu'à les chatouiller agréablement.
Je ne suis entré dans ce détail touchant
les Sels les plus connus , que pour justi
fier par ces Sels la verité de ce que j'ai
avancé et de ce qu'en pense M. Sénac ; sça
voir , que connoissant quelle est la figure
specifique que prend chaque Sel dans la
cristalisation , on parvient à connoître
quels effets il doit naturellement operer.
Ilconvient maintenant de marquer com
ment on doit s'y prendre pour trouver
ces differentes figures des Sels , il n'y a qu'à
faire dissoudre dans l'eau le Sel dont on
veut connoître la figure des Cristaux, faire
la dissolution un peu forte , la filtrer en
II. Vol.
suite
Dv
1494 MERCURE DE FRANCE
suite par le papier gris , et en prendre
une très - petite portion pour la faire cris
taliser sur un petit morceau de verre for
mé en rond , comme je l'enseigne dans ma
troisiéme Lettre sur les Sels de l'air , (a)
pour faire cristaliser les Sels qui se ren
contrent dans les eaux de pluye , de rosée ,
de brouillards , & c . La cristalisation étant
faite, si l'on veut voir distinctement quelle
est la figure des Cristaux , il faut les re
garder avec un Microscope qui doit être
fait comme ceux dont je vous ai donné
autrefois la description . Il y a quelques
observations à faire pour n'être pas trom
pé dans la Cristalisation de ces Sels ; mais
je me réserve à en parler dans la Lettre qui
doit suivre celle-cy de près . Je suis , Mon
sieur , & c.
FIGURES des principaux Sels
dont il est parlé dans cette Lettre.
La 1. figure représente le Sel Marin .
La 2. le Sel du Terreau de fumier.
La 3. le Sel de l'Ozeille.
le Sel de la Salive.
La 4.
La
5.
le
Sel
du
Sang
.
La
6.
le
Sel
de
l'Urine
.
(a) Mercure de Dicembre 1729
JUIN. 1495 1731
I.
2
3.
白回
***
1496
MERCURE DE
FRANCE
5.
Co
JU IN . 173.1. 1497
XXXX :XXX ** X *: ****
CANT AT ILLE.
Par M. Desforges Maillard. A.A.P.D.B :
V Ous voulez me cueillir , disoit la Rose em
pleurs :
Au jeune Corilas qui l'avoit cultivée ;
Helas ! m'avez-vous reservée
Au plus funeste des malheurs ?
•
Voilà donc , où tendoient vos perfides douceurs
Par ces mots la Rose vermeille
Croyoit convaincre Corilas
Mais Corilas tournant l'oreille
Feignoit de ne l'entendre pas .
Cent fois , poursuivoit - elle encore,
Vous avés prévenu l'Aurore ,
Pour me voir et pour m'arroser
Vous n'osiés pourtant me baiser ,
De crainte d'altérer l'éclat qui me colore.
'Arrêtez , cher Berger , cruel , que faites vous ? 1
Arrêtés , un moment quand vous m'aures
cüeillie
Quelques instants aprés vous me verrés flétrie
Je perdrai les attraits dont vous étiés jaloux .
Ainsi parloit la Rose en larmes ;
...
II. Vol. Mais
1498 MERCURE DE FRANCE
Mais ces cris furent superflus ;
Dès qu'elle fut cueillie elle n'eut plus de charmes,
Et Corylas ne l'aima plus.
Amans , sous les plus douces chaînes ,
Contraignés vos brulans desirs ;
Le comble des tendres plaisirs ,
Est souvent le comble des peines.
bububat
REFLEXIONS sur la Methode de
M. le Fevre de Saumur , et sur les Notes
de M. Gaullyer, Professeur de Quatriéme
au College du Plessis - Sorbonne.
M
R. Gaullyer se plaint de ce que ceux
qu'il appelle les Charlatans de la
menue Litterature ne font aucune ré
ponse aux déclamations qu'il vient de
faire contre eux sans aucune distinction .
Il attribuë ce silence à la même cause qui
a fait taire le sage M. Rollin : mais les
prétendus Charlatans ne présument pas
assés d'eux- mêmes pour se mettre de ni
veau avec M. Rollin : ainsi pour faire
connoître à M. Gaullyer le profond res
pect qu'ils ont pour lui , ils feront ici
quelques réflexions sur ses Notes .
7
Iº. Ils sont surpris que pour justifier
II. Vol. la
JUIN. 1731 1499
la pratique vulgaire , M. Gaullyer ait
fait imprimer la Methode de M. le Févre
qui condamne cette pratique ; mais après
tout quand nous sommes appelés à faire
imprimer , et que le public ne se prête
pas à notre vocation , que pouvons-nous
faire de mieux pour la remplir , que de
faire imprimer les Livres des autres ?
II° La Methode de M. le Fevre con
siste ,
1. A ne parlerde Grec ni de Latin aux
Enfans qu'ils n'ayent atteint au moins la
dixième année. ( pag. 4. )
2. Avant ce temps là , faire apprendre
à lire et à écrire sans se mettre fort en peine
de la beauté du caractère , ( pag. 4. ) il suf
fit qu'il lise bien son écriture. ( pag. 6. )
3. Quand l'Enfant a atteint l'âge de
dix ans , il est tems de commencer ,
pour moý , dit M. le Fevre , ( page 6. ).
je n'eusse appris Musa qu'à douze ans ,
mais je m'imaginai qu'avec le secours d'un
Précepteur, comme moi, il pourroit bien com
mencer deux ans devant.
quoyque
IC
4. Faire apprendre les déclinaisons &c.
et cela en grand papier , plié in 4 ° . et relié
proprement. ( pag. 9. )
5. Quand la Grammaire latine est ache
vée , qu'il est question de venir à la pratique
de cette Grammaire ; je me gardai bien , die
I I. Vol.
M.
1500 MERCURE DE FRANCE
que
M. le Fevre , ( pag. 20. ) de suivre la ma
niere l'on suit ordinairement , qui est de
commencer par la composition , c'est-à-dire ,
par les Thèmes, il n'y a rien , selon mon sens ,
qui nuise si fort à un enfant. M. le Fevre
s'étend beaucoup pour faire voir le peu
de raison qu'il y a dans cette pratique
des Thèmes , et soutient qu'il faut com
mencer par l'explication , c'est-à dire , par
une version de vive voix, qui soit nette , sim
ple , et sans aucune circonlocution . M. le
Fevre fait donc expliquer , et expliquer
jusqu'à extinction de chaleur naturelle.
Ce sont là les points principaux , telle
est , pour ainsi - dire , la charpente de la
Méthode de M. le Fevre : les réflexions
détaillées , dont chacun de ces points est
accompagné , ne changent rien au fond
de la Méthode.
Il ne seroit pas difficile de faire voir
que les Méthodes des prétendus Charla
tans de la menuë Litterature sont plus
conformes à celle de M. le Fevre , que
ne l'est celle de M. Gaullyer .
M. le Fevre dit avec raison , ( pag. 2 )
que sa Méthode ne s'accommode nullememt
avec la pratique des Colleges. Ceux qui di
ront cela , ajoute t'il , diront vray.
M. Gaullyer fait une Note pour
répondre à cet article ; mais sa réponse
II. Vol. RC
JUIN. 1731. I sor
ne satisfait pas ceux qui sçavent réduire les
difficultés à leur veritable point.
M. Gaullyer prétend 1 ° . que du tems
de M. le Fevre , c'est-à - dire , depuis l'an
1651 jusqu'en l'an 1672. les Colleges
étoient mal montés , c'est-à-dire , comme
il l'explique , remplis de Régens peu ha
biles. 2 ° . que les Auteurs Grecs et Latins
sont bien mieux distribués aujourd'huy
dans les six Classes d'humanité des Colle
ges , qu'ils ne l'étoient du tems de M. le
Fevre . Voilà en quoy consiste la répon
se de M. Gaullycr à cet article de M. le
Fevre. Un des Agresseurs des nouvelles
Méthodes , prétend que les Ecoliers du
siécle passé étoient au moins aussi habiles
que ceux d'aujourd'hui , et qu'à mesure
qu'on a vû des Méthodes nouvelles , on
a vû le nombre des Sçavans décroître ,
réflexions, ajoute - t'il ,du célébre M. Huet :
mais accordons à M. Gaullyer , puisque
tel est son bon plaisir, que les Regens d'au
jourd'huy sont plus habiles qu'ils ne
l'étoient du tems de M. le Fevre ; en effet
M. Gaullyer n'étoit pas de ce tems- là ,
il n'en sera pas plus avancé ; car la ques
tion se réduit à sçavoir si la Méthode que
l'on suit aujourd'hui , n'est pas au fond
* Mémoires de Trevoux ,May 1723.
}
II Vol.
la
1502 MERCURE DE FRANCÉ
la même que celle que l'on suivoit du
tems de M. le Fevre : faire expliquer Ho
race avant Virgile , ou Virgile avant Ho
race ; Ciceron avant Homére , ou Homé
re avant Ciceron , ce n'est pas en cela que
consiste la difference qu'il y avoit entre
la Méthode de M. le Fevre et celle des
Colleges de son tems : la principale diffe
rence étoit la Méthode commune
que
menoit au Latin par la composition des
Thèmes , et que M. le Fevre y menoit par
l'explication. Or cette différence éssen
tiéle subsiste encore aujourd'hui , donc
quand M. Gaullyer sera monté en Philo
sophie , on pourra luy faire ce raison
nement:
On ne peut pas dire, selon M. Gaullyer,
que la Méthode de M. le Fevre ne sait pas
bonne , elle est fondée sur la raison et l'expe
rience. Or ce qui distingue principalement
cette Méthode de celle des Colleges du
siécle passé et de ceux d'aujourd'hui , c'est
de mener à l'intelligence du Latin par la
voye de l'explication, plutôt que par celle
de la composition : donc la Méthode des
Colleges d'aujourd'hui , aussi bien que
celle des Colleges du siécle passé, n'est pas
la bonne en ce point essentiel , et est con
traire à celle de M. le Fevre , quoique
les Colleges soient mieux montés que ceux
de son tems .
En
JUIN. 1731. 1503
En un mot, on soutient que la Méthode
des Colleges d'aujourd'hui est la mème,
quant au fond , que celle des Colleges de
1672. Or M. le Fevre qui connoissoit sans
doute l'étendue et l'esprit de saMéthode ,
déclare d'abord que sa Méthode ne s'ac
commode nullement avec la pratique des
Colleges : donc il faut convenir que M.
Gaullyer n'a compris ni l'esprit ni l'éten- :
duë de la Methode de M. le Fevre. Car
enfin s'il l'a comprise , dans quelle vuë
osera- t'on le soupçonner de l'avoir fait
imprimer à ses dépens ?
A l'égard du tems qu'on doit commen
cer à étudier le Latin , M. le Fevre , com
me nous l'avons déja remarqué , ne veut
l'on commence avant
pas que
que l'enfant
ait atteint l'âge de dix ans. M. Gaullyer
remarque sçavament ( pag. 76. ) que comme
on dressé de bonne heure les jeunes Veaux
et les petits poulains pour l'exercice de la
Campagne , de même dès que les Enfans
peuvent parler , on doit leur enseigner à
lire ensuite à écrire , et même plusieurs
choses qui sont à leur portée , par exemple
ce qu'il y a de plusfacile dans la Géographie
la Chronologie , et l'Histoire . Ce sentiment ,
dit-il , ( pag. 77. ) n'est pas contraire pour
le fonds à celui de M. le Fevre ; car tout
se que prétend M. le Fevre , c'est qu'on ne
.
II.Vol.
commerce
1504 MERCURE DE FRANCE
›
commence qu'à dix ou douze ans , c'est-à
dire , qu'on ne leur fasse pas apprendre plû
tôt les principes du Latin et du Grec ; ainsy
en commençant la sixième à dix ans , les
Enfans seront en Rétorique , dit- il , à quin
Ze à seize et à dix-sept ans. Ils y seront
encore assés-tôt , ajoute - t'il , peut- être mê
me trop- tôt à l'âge de dix-sept à dix- huit
ans. ainsi à dix- neuf ou vingt ans un jeu
ne homme aura fait sa Philosophie. Les
Parens impatiens de donner à leurs enfans
des emplois militaires , ou des charges
de robe , ne doivent - ils pas sçavoir gré à
M. Gaullyer d'adopter en ce point la
pensée de M. le Fevre ? car si l'on y veut
faire attention , c'est encore trop- tôt que
dix ou douze ans pour commencer une
étude que la Methode vulgaire a renduë
si penible et si embarassée. Quel effort de
mémoire et quelle justesse ne faut-il point
dans l'application de tant de régles si peu
claires , si peu fondées dans la nature , et
sujettes à tant d'exceptions ! les préten
dus charlatans , quoyqu'en dise M. Gaul
lyer , ont ici un grand avantage , du moins
ceux à qui le seul M. Gaullyer donne
le nom de Charlatans , la Methode du
Bureau Typographique, par exemple, met
les enfans en état de profiter des années
dont la Methode vulgaire fait un si mau
C
II. Vol.
vais
JUIN. 1731 1505
vais usage , parceque la Methode de ce
Bureau est fondée sur des principes pro
portionés à l'enfance . M. Gaullyer peut
s'en convaincre dans son propre College
s'il est capable d'être convaincu. Le petit
Rémilly,Pensionnaire au College du Ples
sis , et qui n'est âgé que de six ans , y étu
die selon cette Methode , M. Gaullyer
exigera- t'il qu'il y travaille encore au
moins quatre ans avant que d'aller en si
xiéme ?
Cet empressement des Charlatans , dit
M. Gaullyer ,est nuisible à la santé des en
fans , sur quoy je me contenteray d'ob
server que toute Methode qui instruit
les enfans agréablement , sans les forcer ,
sans les passionner , allant toujours du
connu à l'inconnu , c'est- à-dire , liant les
impressions nouvelles à celles qui sont
déja gravées dans le Cerveau , n'est nul
lement contraire à la santé des enfans :
mais il faut du rélâche , du sommeil , et
éviter sur tout de les forcer, et de les pas
sionner. Je suis persuadé que le grand
travail M. le Fevre a fait faire à son
fils ., peut avoir contribué à la perte de
cet enfant précieux , quoiqu'il soit diffi
cile en ces occasions qu'on ne prenne
pour cause ce qui n'est pas cause .
que
Ce n'est pas le sçavoir qui tue un en
\
II. Vol. fant
506 MERCURE DE FRANCE
fant , c'est l'éffort , c'est de ne point gar
der de proportion entre sa capacité et
ce qu'on veut lui faire apprendre ; les
enfans élevés dans les grandes Villes ap
prennent par l'usage de la vie une infiz
nité de choses sans qu'ils s'en portent
plus mal que les enfans de la Campagne
qui ignorent toutes ces choses : combien
de mots n'apprennent-ils point de leur
langue naturelle ? combien d'objets , com
bien de personnes ne connoissent- ils pas ?
c'est donc de la maniere d'apprendre que
vient tout le bien ou tout le mal. Sur ces
príncipes, il seroit aisé de faire voir que la
Methode vulgaire est bien plus contraire
à la santé des enfans , que celles contre
lesquelles M. Gaullyer fait des déclama
tions si pathétiques . On pourroit aussi
faire voir que quelque Methode que l'on
suive il y a des differences à observer ,
qu'ainst n'en déplaise à M. Gaullyer ,
M. le Feyre a grande raison de dire que
sa maniere d'enseigner n'est pas ce qu'il faut
pour des personnes qui ont peu de bien , mais
tous ces points demanderoient un détail
dans lequel je n'ai pas le temps d'entrer
maintenant.
On ne veut point approfondir d'où
vient le zele de M. Gaullyer contre cer
taines personnes à qui assurément le pu
II. Vol.
blic
JUIN. 1731.
1507
ܐܫܟܗ
Llic ne donne point les noms dont il plaît
à M. Gaullyer de les qualifier. Il traite
leurs idées de folles et d'extravagantes ,
quoiqu'elles soient assurément bien plus
conformes au sistême de M. le Fevre :
il les appelle des Charlatans et des Avan
turiers de la menuë Litterature ; on pourroit
fort bien , dit-il , ( pag. 78. ) lesforcer à
se taire et les chasser des grandes Villes :
et pourquoy ne pas les chasser aussi des
petites les livres de M. Gaullyer ne se
débitent- ils point dans celles - ci ? leurs
ridicules imaginations , poursuit-il , de
vraient au moins les faire bannir des Colleges,
ou plutôt on ne devroit on ne devroit pas leury laisser
mettre le pied. Ce n'est-là ni la pensée ,
pour ainsi dire , ni le langage de la raison .
Qui ne riroit , dit M. Gaullyer , ( p. 83. )
de voir ces bonnes gens nous proposer sérieu
sement , celui - là son Imprimerie en colom
bier avecses logetes ou boulins. M. Gaullyer
peut en rire tout à son aise , et c'est mê
me ce qu'il fera de mieux ; mais il en ri
ra tout seul. La Cour , la Ville , et mê
me les Colleges en pensent plus serieu
sement. Mais rions un moment avec M.
Gaullyer. L'autre , poursuit- il , nous pro
pose serieusement ses gloses interlinéaires ;
comme si c'étoit quelque chose de bien rare ,
et qui fut utile à d'autres qu'à des enfans.
4
II. Vol. Le
1508 MERCURE DE FRANCE.
Le dessein de celui - ci n'a pas été de tra 3
vailler des Vicillards. M. Gaullyer
pour
a d'autant plus de tort de confondre ce
dernier avec les autres dont il parle ,
que celui -ci n'a jamais rien dit contre les
Colleges , qu'il a même l'honneur d'avoir
fait les dernieres années de ses études dans
l'Université de Paris , et d'y avoir pris
des degrés ; il vient de donner au Public
un ouvrage qui a été réçû avec une Apro
bation singuliere dans les Colleges mê
me , il n'y a rien dans cet ouvrage ni dans
tout le reste de sa Methode , qui ne puis
se parfaitement s'accorder avec la prati
que des Colleges , et cet ouvrage n'a pas
été regardé comme une production d'une
menuë Litterature .
Cet autre , continuë M. Gaullyer , nous
propose ses propres Livres. Quel est celui
ci ? seroit- ce M. Gaullyer lui- même ? En
effet au versò du titre de la Methode de
M. le Fevre , M. Gaullyer a pris soin de
faire imprimer le Catalogue de ses pro
pres Livres. LIVRES DE M. GAULLYER.
Régles pour la Langue Latine , Rudiment
Methode , Régles d'élégance , Régles de
Traduction , Régles de Versification , Gram
maire Françoise , Feuille de François . &c
Ceux qui voudront avoir un nombre de ces
Livres sont priés de s'addresser à la V. Bro
د
II. Vol.
GAS
JUIN. 1731. 1509
sas. On leurfera les remises convenables & c.
Dans toutes cès Notes , M. Gaullyer ne
propose que ses propres Livres. Quel
nom donnerons - nous à ce langage ? Il ne
manque plus que de crier , tout le monde
l'a vũ , tout le monde l'a voulu voir. Quoy
qu'il en soit j'avouerai ingenûment , conti
nue M. Gaullyer , qu'il m'est venu souvent
à leur sujet une pensée que je crois vraye ,
pourvû qu'on ne la prenne pas à la rigueurs
c'est qu'ils sont , dit-il , ( pag. 84. ) ou
HERETIQUES on Fous : héretiques , s'ils ne
croyent pas le peché originel ; fous , si en le
croyant ils s'imaginent qu'on puisse guerir fá
cilement une des playes , les plus grandes qu'il
aitfaites à la nature humaine ; et cette playe
c'est l'ignorance.
J'ai lu dans les vies des Peres du dé
sert , qu'un pieux Solitaire fut un jour
extrémement maltraité de paroles par
quelques personnes : vous êtes un fou
lui disoit- on , un médisant , un calom
niateur , un emporté , un fanatique
un charlatan , peut- être lui dit-on aussi
vous n'êtes qu'un homme de la menuë Litte
rature : à tout cela le pieux Solitaire ne ré
pondit rien ; il imita le silence sage de
M. Rollin : mais ces personnes ayant dit
au Solitaire qu'il étoit hérétique , il prit
la parole , et se justifia , parce que
II. Vol. are E
1510 MERCURE DE FRANCE
ore confessio fit ad salutem. Nous déclarons
donc que nous reconnoissons le peché
originel et ses effets dans tous les hom
mes , en notre personne , et même en
celle de M. Gaullyer ; nous croyons aussi
que M. Gaullyer est très bon catholique ,
et qu'il est soumis comme nous à toutes
les décisions de l'Eglise ; mais si au lieu .
de lui retorquer cette premiere partie de
son dilemme , on lui reprochoit et on
lui prouvoit la seconde par ses discours
et par ses livres , imiteroit- il la conduite
du Saint Solitaire ?
M. Gaullyer se plaint , ( pag. 84. ) que
nous trouvons quelques dupes , par LA
REGLÉ qu'un sot trouve toujours un plus
sot qui l'admire. Que M. Gaullyer est ad
mirable !
Voici , entre tant d'autres , une Note où
brille une très- grosse Litterature , M. le
Fevre parlant de Longin , l'appelle Cassius
Longinus. M. Gaullyer à la page 100. fait
cette remarque modeste : je ne connoispoint,
dit- il , le Rhéteur Cassius Longinus, mais le
célebre Denis Longin. Il est vray que M.
Boileau et les Notes du Traité du subli
me , ont supprimé le nom de Cassius ,
mais Suidas , M. Baillet , Jugem. des Sça
vans , Tom. 2. 1. part . in 12. 1685. et
les autres Bibliothequaires nomment Lon
11. Vol.
gin
JUIN 1731. ISII
gin Dionysius Cassius Longinus. Si M. le
Fevre avoit dit Tullius Ciceron , M. Gaul
lyer nous auroit peut-être fait une sça
vante note, pour nous dire : je ne connois
point Tullius Ciceron , mais je connois
bien Marcus Ciceron.
M. Gaullyer remarque ( pag. 83. ) que
le seul moyen d'apprendre les belles Lettres ,
c'est la lecture qu'on fait assidûment pen
dant plusieurs années des Auteurs, et qu'ain
si les Charlatans qui suivent , dit - il ,
d'autres routes n'ont pas grand commerce
avec la raison et l'experience : mais où
sont les Charlatans qui ont prétendu
qu'il ne faloit point lire les Auteurs ? les
Charlatans dont parle M. Gaullyer , ne
different que dans les préliminaires et
dans la Methode , ils sont d'accord avec
M. le Fevre , ils disent avec ce grand hom
me , qu'il ne faut point perdrele tems à
faire des Thèmes , surtout dans les pre
miers commencemens , qu'il faut voir les
Originaux avant que de faire des copies :
un homme qui délibere là-dessus , dit M. le
Fevre , ( pag. 21. ) n'a pas grand com
merce avec la saine raison. Ainsi expli
quons les Auteurs , facilitons d'abord
cette explication , disent nos Charla
tans ; s'ils ne parlent pas comme M. Gaul
lyer encore un coup , ils parlent comme
II. Vol. E ij MA
1512 MERCURE DE FRANCE
M. le Fevre ; mais il suffit à M. Gaullyer
de dire beaucoup de mal des autres , et
beaucoup de bien de lui-même : justice ,
équité , discernement , raison , justesse ;
il n'a pas été en ces Classes-là.
M. le Fevre dit ( pag . 8. et 9. ) qu'il
donna à son fils le gros Alphabet de Robert
Estienne , et veut qu'on se serve de grand
papier plié in 4º . l'Auteur du Bureau
Typographique conseille aussi les grands
livres pour l'usage des enfans , parceque
ses livres se tiennent ouverts , ils laissent
les enfans plus libres, et facilitent la lectu
re : mais M. Gaullyer nous renvoye à
ses petits livres chez la V. Brocas , c'est
dit-il ,
que
l'on trouvera les ouvrages
que nous avons fait imprimer pour l'usage des
Classes. Ces ouvrages sont imprimés en
lettres fort menuës , pour ne pas dire en
menuë Litterature ; il seroit inutile d'en par
ler ici plus au long , le Public sçait assés
l'usage qu'on en fait.
Entre un grand nombre d'observation:
que je pourrois faire sur les Notes d
M. Gaullyer, je me réduis à ces deux der
nieres.
là
,
1. M. Gaullyer n'imite pas les Pane
gyristes qui élevent au dessus des autres
Saints ceux dont il font l'éloge , pour lui
il blâme M. le Fevre ; mais en quelles
11. Vol.
occasions ?
JUIN. 1731 . 1513
Occasions ? c'est uniquement quand M. le
Fevre est contraire aux usages et aux
livres de notre critique ; on voit par tout
que M. Gaullyer ne cherche qu'à faire
valoir ses propres ouvrages . Si j'avois à
instruire un enfant , dit- il , ( pag . 109. )
je lui mettrois entre les mains six on sept pe
tites feuilles que j'ai fait imprimer , lafeuille
de Grammairefrançoise , celle du Rudiment ,
celle des Préterits et Supins &c. de la feuille
du françois je passerois à la feuille du La
tin , je distilerois mes paroles goutte à goutte
dans ses oreilles et dans son esprit , qui
est d'une étroite embouchure , ( c'est de l'es
prit de l'enfant et non du sien dont il par
le ) j'imiterois les bonnes nourrices qui four
rent dans la bouche des petits enfans des
morceaux très-menus. Ce stile ne reveillé
t'il
pas l'idée d'une grande Litterature ?
2. M. Gaullyer employe presque une
page en citations , pour nous apprendre
où nous pourrons aller chercher ce que
c'est que Pedant et Pedanterie . Il fait fort
bien de ne pas le définir , il n'y a rien
de si difficile que la connoissance
de
soy- même.
Voilà quelques-unes des réfléxions que
nous n'avons faites que pour donner à
M. Gaullyer la satisfaction qu'il a de
mandée , nous sçavons d'ailleurs qu'il
II. Vol.
E iij persistera
114 MERCURE DE FRANCE
.
persistera dans le même sentiment . Nous
le soutenons, dit- il dans sa belle Preface de
ses Régles innombrables , page XVIII
nous le soutenons , nous l'avons déja soutenu
et nous le soutiendrons encore. Que M.
Gaullyer sçait bien conjuguer ! voilà le
présent , le passé , le futur. Pour nous
gens à menue Litterature , entierement vui
des de science et de bon sens , & c. nous
tâcherons de profiter des lumieres des
autres quand on voudra bien nous
en faire part ; mais si M. Gaullyer n'a
que des déclamations à faire contre
nous , nous lui déclarons que nous ne
voulions , nous ne voulons , ni ne vou
drons pas perdre le tems à lui répondre.
Si quis est qui delictum in se inclementiùs
Existimavit esse , sic existimet ,
Responsum, non dictum esse , quia lasit prior .
Ter. Eun. Prol .
›
a į į į į į į į į į į į Į Į Į Į Į Į Į ṛ Į Į j &
BOUQUET A MADAME D...
PodeFlore
Our vous faire un Bouquet, dans les Jardins.
Je rassemblois des fleurs que, tout nouvellement,.
Pour orner votre sein dans ce jour si charmant
La Déesse avoit fait éclore.
II. Vol
Apollon
JUIN. 1731.
1515
Apollon tout à coup à mes yeux s'est montré.
Quoy , m'a- t'il dit , d'un ton qui marquoit sa
colere ,
Toi , que j'ai si souvent de mes feux inspiré ,
Quoi ? sans crainte de me déplaire ,
Ingrat , oses -tu donc ailleurs
Que sur le sommet du Parnasse
Dans ce jour ramasser des fleurs ?
Est- ce mépris pour moi ? manquerois- tu d'audace ?
Quand tu n'as jamais eu de plus digne sujet ?
Lorsqu'en chantant le plus aimable objet ,
Tu pourrois relever ma gloire ,
Et t'assurer une heureuse mémoire ,
Loin de faire éclatter des sons pleins de douceurs,
Tu cueilles pour tout soin , quelques fleurs pas
sageres ,
Qui , bien moins que des vers flateurs
Aux belles doivent être cheres !
Pardonne-moy , grand Dieu , lui reponds- je en
tremblant ,
Si mon courage chancelant
S'oppose à mes désirs de chanter cette Belle ;
Je crains de ne pouvoir faire un portrait fidelle
De ses graces , de ses attraits :
Envain j'ai réussi sur bien d'autres sujets
Je défigurerois un si charmant modele ,
Et je ferois de vains efforts.
.
Le Dieu m'a repliqué ; charmé de tes transports.
A ton aide aussi-tôt je volerois moi -même ;
II. Vol. Mais
E iiij
1916 MERCURE DE FRANCE
Mais quand par mon secours suprême
Je ne soutiendrois pas une si vive ardeur ,
Pour faire de la Belle une image achevée ,
Tu n'aurois qu'à tracer celle qui dans ton coeu
Est si profondement gravée.
****** :* :*:*******
LETTRE de M. Laloüat de Soulaines ,
écrite à M. L. B. C. D. au sujet de
l'Akousmate d'Ansacq , et d'un autre
pareil dont il a été le témoin.
1
E ne suis pas surpris , Monsieur , que
la Rélation de M. le Curé d'Ansacq
ne passe chez vous que pour un Conte
de Fées , puisqu'il vous faut des temoi
gnages ex visu et auditu , et que cette
Rélation ne se soutient que sur l'un de
ces sens : je la trouverois fort avanturée ,
si elle ne devoit passer qu'entre les mains
de personnes de votre secte . Pour moy ,
puisque vous êtes curieux de sçavoir ce
que j'en pense , je vous avoüerai que je
la traite plus favorablement. A cet aveu
je crois vous entendre rire et feliciter
l'Auteur de ce qu'il est assés heureux pour
trouver des
personnes comme moy , qui
veulent bien croire fermement que c'est
un jeu d'esprit , et vous me demandés
II. Vola déja
JUIN. 1731. 1517
'déja d'un ton railleur , si je n'ai pas quel
que expérience personnelle pour forti
fier la diablerie d'Ansacq ; oui , M. et
en dépit de vôtre pyrrhonisme , je vais
vous donner la Rélation d'un autre
Akousmate ; et dûssiés - vous bâiller cent
fois , j'i joindrai quelques observations
en faveur de celui d'Ansacq. J'y gagne
ray du moins d'y vanger cet agréable
Historien de vôtre incrédulité.
Sezanne , petite Ville de la Brie , est si
tuée au pied d'une Colline qui la cot
toye ( par intervalles néanmoins ) du
Sud- Ouest au Nord , je dis
par inter
valles , c'est-à-dire , que cette Colline est
interrompue et coupée en differens en
droits par des Vallons ou ruelles trés pro
fondes , ( pour parler le langage du Pays )
qui conduisent de ces Côtés- là à la Ville.
Le plus doux de la pente de cette Colli
ne est planté de vignes , le sommet trop
escarpé est inculte , et au dessus on trou
ve des Bruyeres qui se terminent à dif
ferentes pieces de bois , les unes taillis .
les autres de haute futaye , qui font une
Forêt de quelques lieues de long , dans
laquelle il y a trois ou quatre grands:
Etangs.
Au Sud , à quelques lieües de la Ville ,
on trouve de dangereux Marais , qu'on
11. Vol. E v
appelle
1518 MERCURE DE FRANCE
appelle les Marais de S. Gond , lesquels
s'étendent jusqu'au Sud- Ouest.
De l'autre côté de la Ville regne une
Plaine à perte de vie , et qui n'est bor
née d'aucune Montagne , presque jusqu'à
Troye en Champagne . La Ville est ceinte
de murailles , et entourrée de fossés de
tous côtés. En sortant de la Ville à son
midy , il se forme une espece de fer à
Cheval , dont chaque branche fait un
Fauxbourg , l'un au Sud - Est , l'autre
au Sud- Ouest ; le milieu du fer à Che
val , est une Place trés spacieuse , et plan
té d'Arbres , qui sert de promenade aux
Habitans.
Comme ces deux branches sont hors
de la Ville , les maisons ont un terrain
assés étendu , et même il n'y en a point
qui n'ait sur son derriere un Jardin assés
spacieux. Les Jardins surtout de la bran
che qui s'allonge au Sud- Ouest sont si
longs , qu'on auroit peine à distinguer
un homme d'un bout à l'autre ; les pi
gnons de derriere de chique maison leur
serv nt de clôture d'un bout , à l'autre
bout ils sont fermés par un mur com
mun à tous , qui est par consequent
fort
long , et qui n'est separé du pied de la
Colline et des vignes dont je viens de
parler , que par un chemin on ruelle de
11. Vola dix
JUIN. Ì731 . 1519
dix ou douze pieds de large.
Je me promenois dans un de ces Jar
dins au commencement d'Octobre 1724.
environ sur les quatre heures du soir , je
fus interrompu dans une lecture que je fai
sois , par un bruit affreux formé par
une multitude de voix humaines de tou
tes especes , de cris d'Oiseaux et d'Ani
maux. Je vous confesserai , sans en faire
le fin , qu'il m'effraya , et que je pris la
fuite ; mais m'appercevant que ce bruit
' sembloit me suivre , et voyant d'ailleurs
du monde à l'autre bout du Jardin , je
me rassurai ; et picqué d'un peu de hon
te d'avoir eu peur en si grand jour , je
levai la tête , et je vis un nuage fort noir
qui sembloit naître de la pointe de la Col
line , qui s'élevoit au dessus de ma tête
et qui se poussoit sans aucun vent , et
néanmoins avec la derniere impetuosité
de l'Occident à l'Orient ; à mesure que
le nuage s'éloignoit , cette multitude de
voix et de cris se confondoient davan
tage , bientôt je n'entendis plus qu'um
bruit semblable à celui d'un torrent qui
tombe d'une Montagne dans des Ravi
nes , ou d'un Fleuve qui se décharge
dans un autre; et pour vous donner en
core quelque chose de plus sensible ,
persuadez-vous que vous êtes au Pertuis
II. Vol. E vj
de
1520 MERCURE DE FRANCE
de Regeanes ( a ) si terrible à nos Mari
niers ; ce que je veux vous faire conce
voir , étoit encore plus rapide et plus
épouvantable. Enfin le nuage se dissipa
avec tout le tintamarre , je ne vis ni en
tendis plus rien , et nous en fûmes quitte
pour un brouillard trés-épais et trés- puant
qui s'eleva fort peu de tems aprés , et
qui nous incommoda plusieurs jours.
Voilà , M. l'Akousmate dont j'avois
à vous faire le recit , il approche fort ,
comme vous voyez , de celui d'Ansacq ,
à l'exception cependant que les voix
que j'entendis se firent entendre tout
à la fois , au lieu qu'à Ansacq , une seule,
à laquelle une autre ayant répondu d'as
sés loin , commença le charivary , et que
je n'y distinguai aucun son d'instrument.
vous ne manquerês pas de conclure de
là qu'en supposant la verité de cette Réla
tion , elle ne peut pas confirmer celle
d'Ansacq. Il est vray , M. et j'accorderai
sans peine à vôtre prévention , qu'il y a
trop de merveilleux dans celle d'Ansacq ,
et qu'il faudroit trop d'hypothèses pour
y donner une explication un peu proba
ble ; explication par consequent trop
composée , et dès-là trop éloignée de
(a) Lien dangereux de la Riviere d'Yonne ,
à deux lieües d'Auxerre,
1
II. Fola
la
JUIN. 7521 1731.
¿
la nature , qui agit toujours par
les plus simples.
les
voyes
Aussi sans m'arrêter à chaque fait , en
particulier , je me contenterai de croire
en faveur de M. le Curé d'Ansacq , que le
fond de la piece est vray , et que les en
jolivemens peuvent êtte de lui ; mais je
ne suis pas moins persuadé que ce qui a
été entendu à Ansacq est à peu près la
même chose que ce que j'entendis moi
même en 1724.
Voilà cependant une Enquête en bon
ne forme, me direz-vous , faite à Ansacq ;
il faut la recevoir ou la rejetter toute
entiere ; à cela je vous reponds , M. que
quand le Curé d'Ansacq a donné sa Ré
lation au Public , il l'a soumise à toute
la severité de son jugement , et n'a pas as
surément prétendu faire passer son En
quête pour une Piece Juridique ; d'ail
leurs il n'est pas toujours vray qu'on
doive rejetter ou recevoir une Enquête
toute entiere , du grand nombre de té
moignages dont une Enquête est com
posée , il s'en trouve à modifier , ou à
rejetter absolument et d'autres qui font
foy.
Mais en considerant celle- ci comme
juridique , combattons-la juridiquement.
Je fais , je le repete , profession de croi
II. Vala IG
1522 MERCURE DE FRANCE
>
re qu'un bruit extraordinaire entendu à
Ansacq , tel à peu-près que celui que j'ai
entendu à Sezanne est la matiere de
la Rélation de M. le Curé d'Ansacq :
je ne conteste que sur les accessoires
tels que sont ces deux voix qui se répon
doient l'une à l'autre en un lieu fixe,
ces éclats de rire , ces mélanges d'instru
ments , je trouve que ces differens pro
diges se ressentent trop des Sabbats et
des Esprits que je n'admets point.
y
>
Les deux premiers témoins qui seuls
attestent les deux premiers faits , nous
font envisager ce bruit comme renfermé
et immobile entre l'endroit où ils ont
entendu la premiere voix , et celui d'où
a répondu la deuxième , et tous les autres
témoins qui déclarent avoir entendu ce
bruit trés distinctement , le font passer
par dessus les maisons et s'éloigner
comme mon nuage s'éloigna . Aucun de
ceux -là ne dépose des éclats de rire , les
deux personnes qui alloient à Beauvais
ne disent rien ni de ces ris ni de ces deux
voix préliminaires , un seul dépose du
partage du sabat en deux bandes ; on
conviendra qu'une foule de personnes
dont les unes sortant dès le matin pour
aller en Campagne , les autres tranquil.
les , ou dans leur lit ou dans leur cham
II. Vol. "
bre
JUIN. 1731. 1523
bre , doivent faire infiniment plus de
foy , que le témoignage de deux person
nes qui varient même dans des faits essen
tiels , et qui probablement ne se seront
pas mis en chemin si tard à jeun ; on
sçait trop que des gens de Campagne sor
tent toujours d'une Ville , d'un marché ou
d'une Foire , plus gays qu'ils n'y entrent.
-
.
En justice bien réglée , on infereroit
donc de ce grand nombre de dépositions
rassemblées par le Curé d'Ansacq , que cet
te nuit-là il se fit entendre en l'air un grand
bruit formé pat une multitude de voix
humaines et de cris , qui passoit le long
du Village du Sud-Ouest au Nord - Est ,
et qui s'évanouit en s'éloignant ; et st
nous lisons quelque chose de plus dans
la Rélation , il faut nous persuader que
M. le Curé la présenta d'abord à M. la
Princesse de Conti , à dessein de divertir
cette Princesse et le Prince son fils , et
d'attirer en même tems leur admiration :
or le fait narré dans sa simplicité a bien
quelque chose de surprenant , mais il ne
divertit pas comme fait la Musique et
les éclats de rire ; il s'en faut de beaucoup
qu'il soit aussi merveilleux qu'unConcert
aërien ; il faloit donc necessairement que
M. le Curé pour parvenir à son but re
touchât la Piece, et qu'il enrichit ce tinta
II. Vol. marre
524 MERCURE DE FRANCE
·
*
*
marre d'éclats de rire , et d'une sympho
nie , à laquelle il a fallu , sélon les règles
de la Musique , donner un prélude.
Ou bien , si vous voulez , disons à la
décharge du Curé , qu'il avoit affaire à
des gens de campagne
, trés- susceptibles
de prévention , qui dans le cahos et la
confusion qu'a pû faire naître ce grand
nombre de diffetens cris , ou sons aigus ,
auront crû entendre tous les Ménétriers
.
ou tous les Bergers du Pays rassemblés
avec leurs instruments . Vous n'ignorés
pas que les Bergers passent pour bien te
nir leur partie au sabbat.
Ajoutons que les Paysans dans ces sor
tes de récits manquent ordinairement de
bonne foy. Combien de fois des Domes
tiques et d'autres semblables gens ne
m'ont-ils pas fait des récits épouvanta
bles de sabbats , d'esprit , de Loups-ga
rous et de mille autres visions noctur
nes , dans lesquelles ils prétendoient mê
me avoir été maltraités , que j'ai forcé
en les suivant de prés et en les interro
geant avec exactitude , de m'avouer ou
que c'étoit leur Pere ou leur Grand
mere qui leur avoient transmis ces His
toires , ou que tous ces sabbats terribles
se terminoient à un bruit entendu dans
la nuit qui avoient pû être causé
par des
chats assemblés & c.
>
Nous
.
JUIN. 1737. 1925
Nous avons donc dans la Rélation
d'Ansacq , deux écueils dangereux à évi
ter : le . est le dessein formé de M. le
Guré de divertir un Prince et une Prin
cesse , et de les faire admirer ; le 2. l'ima
gination frappée et trés foible , unie à
la mauvaise foy , qui se rencontre ordi
nairement dans ces personnes , sur le té
moignage desquelles on nous donne
certe Rélation. Ces inconveniens nous
doivent faire tenir sur nos gardes , et me
font réduire ce prodige à peu prés au
bruit que j'ai entendu moi-même à Se
zanne. Cela posé , je soutiens , M. que
tout le merveilleux qu'on y trouve peut
n'être qu'un effet très naturel , qui n'a
de surprenant que sa rareté. Et j'ajoute
ce raisonnement :
1º. On ne peut nier qu'un air , ou , si
vous voulez , pour éviter toute ambi
guité , une matiere aërienne trop coin
primée dans un espace fermé , ou pous
sée avec trop de violence contre un corps
qui peut lui résister par le penchant na
turel qu'a cette matiere à s'éloigner de
son centre , ou pour continuer le mou
vement qui lui a été imprimé par un corps
étranger , ne fasse tous ses efforts ou
pour s'échapper ou pour pénetrer son
obstacle ; ensorte que si elle trouve une
.
II. Vol. issue
1426 MERCURE DE FRANCE
issue , ou si elle peut parvenir à s'en faire
une , l'impetuosité avec laquelle elle le
fait , et le choc qu'elle reçoit de l'autre
matiere qui veut entrer , ou qui est op
posée à son mouvement , ébranle violem
ment les colonnes voisines qui transmet
tent cette secousse aux autres colonnes
des environs jusqu'à une certaine étenduë,
plus ou moins grande , selon que les se
Cousses qu'elles reçoivent sont plus ou
moins violentes.
Vous avez , sans doute , fait quelque
fois des ricochets , et vous avez re
marqué que l'agitation des parties frap
pées par une pierre , se communique en
un instant aux environs , et que ce mou
vement forme differens tourbillons sur
l'eau , plus ou moins grands , selon que
votre pierre a été plus ou moins grosse ,
et qu'elle a frappé plus ou moins violem
ment sur l'eau.
Considerons l'Univers comme un
grand Etang extrémement rempli et sans
aucun vuide d'une matiere infiniment
plus fluide et plus facile à émouvoir que
l'eau ; que chaque choc que reçoit cette
matiere dans son mouvement reglé , fait
un ricochet dont les tourbillons sont in
finiment plus étendus que ceux qu'une
pierre pourroit produire dans l'eau , et que
II. Vol. tous
E
JUIN
. 1731.
1427
tous les corps qui sont enveloppez dans
le cercle que décrit ce tourbillon , se res
sentent de ce choc, pour peu qu'ils soient
susceptibles d'impression .
12.
Si ce sont quelques parties émanées
d'un corps qui se soient mêlées avec les par
ties de cette matiere fluide,et qui puissent
frapper nos organes , sur le champ elles
excitent en nous quelques sensations ; de
01 là les odeurs que nous sentons ; de- là
même les couleurs que nous voyons , si
les parties de ce corps lui ont résisté.
Enfin si c'est un corps étranger qui a frap
pé cette matiere fluide et que les secous
ses qu'elle a reçûës , ayent pû assez l'é
branler pour qu'elle les communique jus
qu'à mon oreille ; voilà un son qui sera
reglé par la qualité des secousses et des vi
brations qu'aura causées ce corps étfanger.
Ces principes sont prouvez par un
nombre infini d'expériences qui se pre
sentent tous les jours. Qu'on souffle dans
une flute dont on ait bouché tous les
troux , il ne s'y formera aucun son ; n'est
il
V
pas évident que ce n'est que parce que
l'air ne peut en sortir et ébranler les co
lomnes d'air qui sont au - dehors , et qui
puissent refléchir cette secousse jusqu'aux
oreilles Celui qui souffle fatiguera mê
me , parce que l'air trop comprimé trou
II. Vol vant
1428 MERCURE DE FRANCE
vant de tous côtez un obstacle invinci
ble se refléchira à la bouche de celui qui
souffle ; mais qu'on débouche tout à coup
un trou et que l'on mette la main au- dessus
on sentira l'effort de l'air qui sort et l'on
entendra un son très- aigu . Enfin le son
que rendra cette flute sera doux et aigu ,
selon que l'on souflera plus ou moins fort,
grave ou délicat , selon que les trous se
ront plus ou moins larges.
Le vent dans ces Plaines de Champa
gne où il n'y a arbre ni buissonne
fait point du tout , ou très - peu de bruit,
souffle- t'il dans une cheminée , dans des
Croisées qui ayent quelque petite ouver
tures , il siffle d'une maniere très -sensible.
Dernierement j'entrai dans une Chambre,
je fus frappé de deux sons qui imitoient
parfaitement le bourdon d'une Vielle ou
d'une Cornemuse , qui augmentoient et
s'abbaissoient par reprise quelquefois ces
sons étoient aigus , quelquefois doux . Cette
Musique champêtre venoit de deux car
reaux de vître , dont l'un étoit un peu
échancré , et l'autre n'étoit pas joint exac
tement avec le Chassis ; c'étoit le vent qui
faisoit varier les sons que j'entendois ;
c'est qu'il étoit plus ou moins violent.
Le son n'est donc produit que par les
secousses d'une matiere aërienne et très
II. Vol. fluide
JUIN. 1731 1429
fluide ; secousses occasionnées ou par le
choc d'un corps étranger avec cette ma
tiere fluide , ou parce que cette matiere
chassée avec trop de violence contre un
corps qui lui résiste , ou concentrée dans
un espace trop étroit , trouve ou se fait
des passages par où elle s'échappe avec
impétuosité et ébranle en fuyant les co
lomnes d'air voisines . La varieté des sons
est causée par la varieté du choc ou des
passages , qui , pouvant être modifiez à
l'infini , peuvent produire une varieté
infinie de sons.
2º. On ne peut raisonnablement dou
ter que , dans les airs comme dans le sein
de la terre , ces principes des sons ne
puissent s'y rencontrer. Dans le sein de
la terre les Experiences en sont, il est vrai,
plus rares , mais il n'est pas moins vrai
qu'il y en ait. On s'en convaincra par la
facilité qu'il y a de concevoir dans le sein
de la terre des matieres trop resserrées ,
er qui tendent à s'échapper ; si elles ne
le peuvent qu'en dilatant tous les obsta
cles , et que le corps terrestre qui les en
vironne ne puisse se dilater que par un
grand effort , il est constant que si ces
matieres se font une fois jour , ce ne
pourra jamais être sans un grand fracas.
En raisonnant par les experiences , on
II. Vol.
n'en
530 MERCURE DE FRANCE
T
n'en peut plus douter ; les brouillards.
qu'on voit sortir à vûë d'oeil des Marais ,
les tremblemens de terre , tout ce qu'on
nous raconte du Mont Etna et du Mont
Vesuve , nous persuade que dans le sein
de la terre il s'y trouve une matiere très
legere , qui peut ébranler pour sortir de
l'espace qui la contient , tous les obsta
cles qui se présentent à sa sortie , et qui
fait plus ou moins de désordre et de bruit ,
selon qu'elle a plus ou moins de peine
à s'évader , ou que l'espace qui la con
tient en est plus ou moins rempli , ou
qu'elle-même est plus ou moins active.
Les Mines que l'Art de la guerre a in
ventées , sont autant d'experiences qui
rendent mon raisonnement sensible . Et
un Quartier de Paris en fit une triste épreu
ve il y a quelques mois. Le feu ayant pris
à un Magazin de Poudre , la matiere ignée
remplit toute la voute, et ne pouvant plus
s'y contenir , la fit sauter en l'air , ainsi
que les Maisons et tout ce qui se trouva
au- dessus , avec un bruit si épouventable
que les Maisons des environs ,je veux dire,
à quelques rues même d'éloignement , en
furent ébranlés et les habitans effrayez.
Mais je m'apperçois , Monsieur , que
je commence d'exceder les bornes d'une
Lettre, et que je pourrois bien abuser de
II. Vol. Votre
JUIN. 1731. 1531
votre patience. Je prens donc le parti de
m'arrêter ici et de renvoyer à une autre
fois ce qui me reste à vous dire sur ce
sujet. Je suis , &c.
A Paris , ce 15. Juin 1731 .
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
ENIGM E.
JEE suis long , je suis rond , je suis droit et bossu;
Comme je viens tout nud au monde ,
Et que je ne suis fait que pour
être vétu ,
Pour avoir un habit je tourne et fais la ronde ;
D'une agilité sans seconde ;
Mais que me sert l'empressement ,
Avec lequel j'obtiens cette parure ?
Quand il plaît à celui qui m'en a fait present ,
Je ne le garde pas une heure.
LOGOGRYPHE.
Ui,je suis brüt et dur, mais on peut me
polir ; 悲
Un habile Ouvrier sçait si bien m'embellir ,
Que sans avoir recours à l'Art de la Peinture ,
Je représente la Nature.
Lecteur , ôte ma tête et tu verras après ,
I I. Vol.
Qu'on
1532 MERCURE
DE FRANCE
Qu'on
me trouve
dans les Forêts
,
Dans les Jardins
, dans les Campagnes
Dans les Plaines
, sur les Montagnes
,
En un mot dans tous les Pays ;
Devine
à present
qui je suis.
D'Orvilliers
, de Vernon.
SECOND
LOGOGRYPHE
.
Tou
Ourné de diverse façon ,
Me prenant au pied de la lettre ,
J'offre dès l'abord un Pronom
,
A quiconque
s'explique
en maître
; Mon tout , tantôt
Cité , quelquefois
Région
, Pour deux de moins
n'est guere
bon , Qu'à faire un saut par la fenêtre
. Voulez-vous un Oracle , un Saint de grand re
nom ?
Faites un cercle disparoitre
.
Je pourrois
sur le même ton ,
Nombrer
l'or et l'argent
que le Perou voit naître.
Par trois soeurs prises dans mon nom , Qu'il est aisé de reconnoître
,
Des Peuples
se sont faits raison ,
Et le Sauvage
encor , peut être ,
saison .
S'en sert presqu'en
toute saiso
Un des bouts sans combinaison
,
Souvent
connu , mais souvent
traître,
Sur
II. Vol
JUIN.
1731. 1533
Sur l'Element où le Mouton ,
Ne peut sauter , bondir et paître ,
A Jean Bart causa maint frisson.
Ici je finis ma leçon ;
Devinez ce que ce peut être.
C. In. au Montlouis.
XXX:XXXXXXXX - XXXX
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
LF
E THEATRE DES PASSIONS ET DE LA
FORTUNE , ou les Avantures surpre
nantes de Rosamidor et de Théoglaphyre ,
Histoire Australe. Par M. de Castera. A
Paris , rue S. Jacques , chez Henry , 1731 .
in 12.de 352. pages , sans l'Epitre au Com
te de Clermont , et sans la Préface.
Ce Livre est un tissu d'Avantures assez
nouvelles ; l'Auteur s'est proposé d'y faire
une peinture des Passions les plus vives ,
qui puissent agiter le coeur humain , et
de montrer dans quels précipices elles
nous entraînent , lorsqu'aucun frein ne
les arrête ; mais comme dans un Tableau
les ombres et le clair se prêtent mutuel
lement de la force , il a pris soin d'op
II. Vol, F poser
1534 MERCURE DE FRANCE
poser au vice differens caracteres de vertu ,
afin qu'en voyant ce qu'on doit imiter ,
on envisage avec plus d'horreur les éga
remens qu'on doit fuir ; au reste , ceci
n'est point un Roman , c'est un Recueil
de plusieurs évenemens veritables , dont
les principaux ont été puisez dans l'His
toire Anecdote du quinziéme siecle , mais
ils sont rapportez sous des noms qui les
déguisent , et qui pour la plûpart dérivent
du Grec et du Latin ; ainsi ces noms ont
une valeur secrette , qui est proportion
née aux lieux ou aux personnages dont il
s'agit ; par exemple , on a nommé Charles
Quint Laocrator , comme qui diroit Mo
narque , qui tient beaucoup de peuples
sous sa domination . Le Corsaire Barbe
rousse , est appellé Rufopogon , mot qui
signifie effectivement Barberousse , ainsi
des autres. En cela on a suivi la Méthode
de Thomas Morus , dans son Utopie , et
Barclay dans le fameux Roman d'Agénis .
Les Sçavans auront le plaisir de dévelop
per le sens de ces noms , qui ne sont point
jettez au hazard , et d'en faire une juste
application ; ceux qui n'entendent ni
Grec ni Latin , n'auront qu'à les prendre
pour des noms imaginaires , tels que ceux
qu'on trouve souvent dans Cléopatre
dans Pharamond et dans la Cassandre ;
1
*
II. Vol.
cela
JUIN. 1731. 1535
cela ne les arrêtera point dans leur lecture;
le style est poëtique , parce que tout l'Ou
vrage n'est qu'une narration faite par un
Philosophe Indien à un jeune Roi qu'il
veut instruire en l'amusant ; chacun sçait
que les Orientaux aiment l'emphase et les
expressions figurées.
ELOGE DE L'AMOUR , dédié à Cupidon .
Par M. A. C ** A Paris , chez Charles
Guillaume, rue du Hurepoix , au Pont sains
Michel , 1731.
MEMOIRE Sur le Laminage de Plomb ,
Par M. Remond , de la Societé des Arts.
A Paris , chez Pierre Prault , Quay de
Gêvres , au Paradis , Brochure in 4. de
48. pages.
M.Remond a rendu service au Public ,
en laissant imprimer cette Dissertation
en forme de Memoire sur la nouvelle Ma
nufacture de Plomb , établie ruë de Bercy ,
au Fauxbourg S. Antoine. On ne dira
plus qu'il en est du Laminage comme
de tant d'autres établissemens , que la
nouveauté seule fait valoir , qui ne sont
estimez qu'autant qu'ils restent inconnus ,
et qui ne se font connoître enfin que par
la ruine de ceux qui ont eu la foiblesse
de s'y livrer.
II. Vel
Fij M :
1536 MERCURE DE FRANCE
M. Remond explique si bien la cons
truction de la Machine dont on se sert
pour laminer le Plomb , les operations
de cette Machine et les effets qui en ré
sultent pour l'usage , qu'il n'y a que
la
prévention qui puisse faire douter encore
de l'utilité de cet établissement.
Tout le monde sçait que laminer un
Métal , c'est le réduire " d'une certaine
épaisseur à une moindre , par le secours
d'une forte compression .
L'Inventeur du Laminoir avoit trois
conditions essentielles à remplir. Le Plomb
par sa pesanteur est difficile à manier. Il
falloit vaincre cet obstacle. Ce Métal est
d'un usage commun ; on devroit songer
à le rendre le moins cruteux qu'il seroit
possible ; il est de peu de consistance 5
on avoit interêt que le Laminage ne lui
causât aucune altération . C'est à ces trois
points que M.Remond borne son examen .
Dans la premiere partie de son Me
moire , il donne le détail de toutes les
précautions que l'on a prises pour que la
pesanteur du Plomb ne fût pas un obsta
cle au Laminage ; moyennant ces précau
tions , c'est assez de six hommes pour
servir la Machine , et de six chevaux pour
la faire marcher toute l'année onze heu
res par jour.
II. Vol.
La
JUIN. 1731. 1537
La deuxième partie est destinée à prou
ver, que quoique le Plomb des Plombiers
soit un peu moins cher que celui de la
Manufacture , il y a cependant de l'épar
gne à se servir de ce dernier , 1. parce
que le Plomb des Plombiers n'étant ja
mais d'une épaisseur égale , on est tou
jours obligé d'acheter chez eux beaucoup
plus de matiere qu'on n'a besoin d'en em
ployer , inconvenient qu'on n'éprouve
point à la Manufacture , puisque les Ta
bles qu'elle fournit sont parfaitement éga
les dans toute leur épaisseur. 2 ° . Parce
que ces Tables étant une fois plus lon
gues et plus larges que les Tables ordinai
ses , on employera la moitié moins de
Soudure. 3 ° . Parce que l'on diminuë par
l'usage du Plomb laminé les frais de la
Charpente et des réparations .
L'Auteur démontre dans la troisième
Partie , que le Laminoir , bien loin de
détériorer le Plomb , le rend meilleur et
d'un service plus durable. Il réfute et
par le raisonnement et par l'experience,
toutes les objections qu'un Auteur ano
nyme avoit faites contre le Plomb de la.
Manufacture , dans un Ouvrage intitulé,
Observations sur le Plomb laminé.
Pour ne laisser rien à desirer sur cette
matiere , M. Remond a joint à sa Dis
II. Vol.
Fiij
serta
1538 MERCURE DE FRANCE
sertation les suffrages de tous ceux qui
sont en état de juger de la bonté et de l'u
tilité de ce nouvel établissement . Le Cer
tificat de l'Académie des Sciences , celui.
de la Societé des Arts , celui de l'Acadé
mie d'Architecture , et le Procès verbal
des Fontainiers du Roi . Toutes ces diffe
rentes Pieces confirment tout ce qui est dit
dans le Memoire . On trouve à la fin une
Lettre de M. le Comte de Broglio à M. le
Duc d'Antin , qui justifie l'avantage qu'on
a tiré de cet établissement en Angleterre ,
où cette Machine a pris naissance , et où
l'on ne se sert depuis le commencement
de ce siecle que de Plomb laminé ; au
reste ce Memoire est fort bien écrit , le
stile en est simple , coulant et précis.
DISCOURS pour servir de Plan à
Histoire naturelle du Gévaudan , lû à
Assemblée des Etats de ce Diocèse , par
M. Samuel Blanquet , Docteur en Mede
cine de la Faculté de Montpellier , et Me
decin du Roi, le 13. Février 1730. A Men
de , de l'Imprimerie de la Veuve de Jacques
Roy.
Ce n'est que depuis peu que ce Discours
nous est tombé entre les mains. L'Auteur,
après un court Exorde qui fait connoître
son amour pour la Partie et son zele
pour
II. Vol. P'uulité
JUIN. 1731. 1539
P'utilité publique , nous apprend qu'il
donna en 1718. un petit Traité sur les
Eaux Minerales ; il fut en cela approuvé
par M. de la Salle , alors Evêque de Men
de , et les Analyses qu'il fit des differen
tes Sources qui sont dans ce Diocèse ,
furent trouvées justes et exactes par plu
sieurs sçavans Medecins , et sur tout par
M. Andry.
Ces premiers Essais encouragerent
M. Blanquet à travailler à l'Histoire na
turelle du Gévaudan , par rapport à la
Medecine , persuadé que ce n'est pas asez,
à un Medecin d'avoir une connoissance
generale de cette Science , s'il n'en sçait
faire une application particuliere au cli
mat qu'il habite , & c . Notre Medecin s'é
tend beaucoup là - dessus , et dit de fort
bonnes choses.
Tels furent , ajoûte- t'il , les motifs qui
me porterent à travailler à l'Histoire na
turelle du Gévaudan. La grandeur de
l'entreprise , et la difficulté de l'execu
tion m'ont tenu long-tems en suspens ,
et j'avois même abandonné mon Projets
mais enfin les ordres de notre illutre Pré
lat , qui m'a fait l'honneur de croire que
j'étois capable de les exécuter , ont été
un motif bien plus puissant pour m'en
M.de Choiseul- Beaupré , Evêque de Mende.
II. Vol. Fiiij gager
1540 MERCURE DE FRANCE
gager de nouveau à ce travail , que tous
ceux qui me l'avoient fait entreprendre .
L'Auteur rend ensuite compte du Plan
qu'il a formé pour l'éxecution de son Ou
vrage , Plan qui paroît bien imaginé , et
qui fait souhaiter son exécution ; car
M. Blanquet n'omet rien de tout ce qui
doit entrer naturellement dans un tel
dessein on en jugera par une partie de
ses Promesses que nous allons rapporter
dans ses propres termes .
>> Je n'oublierai pas , dit-il , en finissant
"son Discours , les excellens Poissons
» qu'on pêche dans nos Rivieres ; les
>> Perles qu'on trouve dans quelques Ruis
» seaux , les differentes Mines et les con
>> cretions que l'on découvre en plusieurs
» endroits. Enfin , Messieurs , je ne négli
»gerai rien de ce qui peut rendre cette
>>Histoire utile et agréable. Sa varieté fera
» la plus grande partie de son mérite et
» de sa beauté.... Je ferai mon possible
» pour la donner au Public incessamment;
»je prie enfin tous les Mrs qui composent
>> cette illustre Assemblée , de me com
» muniquer ce qu'ils connoîtront de par
» ticulier dans leurs contrées , qui puisse
avoir quelque rapport à mon sujet ; de
» mon côté je n'épargnerai ni voyages ni
soins pour ne rien oublier de tout ce
Ila Vola
qui
P
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lu
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M.
Ro
gle
the
Led
leg
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qu
tes
aut
met
JUIN. 1731. 154 &
C
qui peut perfectionner cet Ouvrage.
Il seroit à souhaiter que dans chaque
Province il y. eût des personnes qui avec
les talens de M. Blanquet , voulussent
aussi , comme lui , mettre la main à l'oeu
vre , et écrire une semblable Histoire de
leur Pays ce seroit le moyen d'avoir en
peu de tems un Corps complet d'His
toire naturelle de ce grand Royaume ,
Histoire que M" de l'Académie des Scien
ces pourroient rendre parfaite par leurs,
lumieres , en leur communiquant les Ou
vrages particuliers avant l'impression .
,
M. Cochet , de la Maison et Societé
de Sorbonne , Professeur de Philosophie:
au College des Quatre -Nations , vient
de donner au Public , en François , les
Elemens de Mathématique du celebre
M. de Varignon , &c. des Académies,
Royales des Sciences de France , d'Angleterre
et de Prusse , Professeur de Ma
thématique au College de Mazarin , et
Lecteur du Roi en Philosophie au Col
lege Royal ..
C'est un volume in 4. qui contient un
Traité abregé d'Algebre et d'Arithméti
que , qui peut servir d'introduction à tou
tes les parties des Mathématiques , et un
autre Traité des plus complers de la Géo
metrie Elementaire. E v
1542 MERCURE DE FRANCE
Le Traité d'Algebre d'Arithmétique est
divisé en quatre Livres , dont le premier
est de l'Addition , Soustraction , Multi
plication et Division ; le second , des Pro
portions et des Fractions ; on trouve dans
ce second Livre la Regle de Proportion
ou la Regle de Trois , qu'on appelle aussi
Regle d'Or , à cause de sa grande utili
té ; elle est expliquée de la façon la plus
simple et la plus intelligible , de même
que la Regle de Compagnie , et par les
principes qu'on établit dans ce second
Livre on peut aisément résoudre plusieurs
autres questions qu'on trouve dans ces
Traitez particuliers d'Arithmétique ; le
troisiénie Livre est de l'extraction des Ra
cines , et le quatrième des Equations . 7
Les Regles d'Arithmétique sont par
tout jointes à celle d'Algebre , pour faire
mieux sentir l'analogie qui est entr'elles.
Le Traité de Géométrie est divisé en
deux Parties dont la premiere est la Géo
metrie spéculative , ei la seconde , la Géo
métrie pratique.
La Geométrie speculative contient cinq
Livres dans le premier , on traite des
Lignes ; dans le second , des surfaces ;
dansle troisiéme , des Proportions ou des
Regles de compa : er , des grandeurs entre
elles ; dans le quatrième , des Proportions
II. Vol. des
JUIN. 1735.
1543
des lignes droites et des figures qu'elles
renferment ; dans le cinquième , des So
lides ou des Corps.
Tout ce qu'Euclide a dit des Propor
tions , se trouve renfermé dans sept Re
gles qui suffisent pour l'intelligence de
tout ce qui appartient aux Proportions
en general , et les démonstrations de ces
Regles sont si courtes , qu'elles sont con
tenues dans deux pages .
Toute la Trigonométrie est réduite à
trois Théorêmes , par le moyen desquels
on mesure toutes sortes de Triangles et
de figures rectilignes , et par consequent
toutes sortes d'étendues.
La Géométrie pratique, qui est la seconde
Partie, apprend à mesurer toute sorte d'é
tenduës, et comme toute Etenduë est ou li
gne, ou surface , ou solide, elle est divisée
en trois Chapitres ; le premier traite des
Lignes ; le second des Surfaces; le troisié
me des Solides our des Corps.
Les principes de Géométrie sont dé
veloppez dans cet Ouvrage avec tant de
justesse et d'exactitude , les propositions
y sont enchaînées d'une maniere si simple
et si naturelle , les démonstrations y sont
si courtes et si faciles , qu'on y recon noît
aisément la superiorité du génie de celui
qui en est Auteur. La Méthode qu'il a
F vj
II. Vol. su vic
1544 MERCURE DE FRANCE
suivie dans ces Elemens , le met parfai
tement à couvert des reproches qu'on fait
avec assez de fondement à quelques Géo
métres , en les accusant de manquer d'or
dre dans l'arrangement de leur matiere ;
il s'est étudié à mettre tout dans le plus
grand jour , et il ne s'est point épargné
le travail de l'arrangement , beaucoup
moins flatteur et souvent plus pénible
que celui de la production mêmes de- là
vient que nous avons si peu de bons Ele
mens de Mathématiques ,et que l'on peut
tirer un très- grand avantage de l'impres
sion de ceux de M. Varignon . Il les a tra
vaillez pendant plusieurs années avec tous
les soins et toute l'attention possible, pour
faciliter aux Commençans l'entrée dans
la Science des Mathématiques , qu'il pos
sedoit si parfaitement, et à laquelle il s'est
appliqué toute sa vie avec tant de succès
qu'il est parvenu à mériter le rang le
plus di tingué parmi les plus celebres Ma
thématiciens de l'Europe.
Cet Ouvrage de 155. pages , sans la
Table , la Préface et l'Epitre Dédicatoire à
S.A. S. M. le Comte de Clermont , est orné
de 22. grandes Planches et de grand nom
bre de figures . Il se vend à Paris , Quay
des Augustins , chez P. M. Brunet , 1731 .
I
H. Vol GIONS
JUIN. 1737. 1545 1
GIORNALE DE' LETTERATI D'ITALIA. ,
Tomo I I. Anno 1710 .
Copia di LETTERA del Sig. LORENSQ
BELLINI , scritta al sig . Antonio Vallisnieri
nella quale mette in chiaro le vie dell' aria
che si trovano in ogni vuovo , notate ne?
heoi opuscoli nella digressione che fa , de
ovo , ovi aere , et respiratione in genere. ,
dopo la proposizione ottava.
JUSTI FONTANINI Forojuliensis , in Ro
mano Archigymnasio publici Eloquentia
Professoris , vindicia antiquorum diploma
tum adversus Bartholomai Germonii discep
tationem de veteribus Regum Francorum Di
plomatibus & c. Romæ 1705. in 49 .. Pag.
287.
pen
CONSIDERAZIONI sopra un famoso libro
franzese intitolato , la maniere de bien
ser dans les Ouvrages d'esprit &c. divise
in sette Dialoghi ne' quali s'agitano alcune
quistioni Rettoriche e Poetiche , e si difen
dono molti passi di Poeti , e di prosatori Ita
liani condannati dall' Autore Franzese, in
Bologna 1739. in 8º . Pag. 832 .
Le Marquis Gio : Giuseppe orsi , Au
teur de cet Ouvrage , s'attache principa
lement à déffendre les Auteurs de sa na
tion , de la critique qu'en a fait le P. Boù
hours dans sa maniere de bien penser sur
les ouvrages d'esprit. Il prétend prouver
II. Vol
qo
1546 MERCURE DE FRANCE
que ce Critique avoit peu de connoissan
ce des Auteurs Italiens , en faisant d'abord
remarquer , premierement que de tous
leurs Poëtes il n'a nommé qu'une fois en
passant Petrarque , et qu'au contraite il
allegue trés -souvent le Cavalier Marin
et plusieurs autres de plus mauvaise trem
pe , et que parmi les Prosateurs , il n'a
attaqué que ceux qui n'ont aucune ré
putation , secondement › par la bevûë
énorme qu'il a faite d'atribuer à l'Arioste
ces deux vers.
Cosi colui , del colpo nom accorto ,
Andava combattendo , ed era mortos
2
Qui sont du Bornia , ce qui fait tomber
toute sa Critique , puisque ce qui seroit
ridicule dans un Poëme heroïque , peut
fort bien trouver place dans un Poëme
Burlesque.
Della perfetta Poësia Italiana , spiegata:
e dimostrata con varie osservasioni da
LODOVICO ANTONIO MURATORI , tom pri
mo, in Modena 1705. in 4. pag. 599.
tom. secondo ivi , pag. 483 ..
Sur ce que M. Muratori avance ici que
c'est de France que le Cavalier Marini a
aporté en Italie le mauvais goût des.
pointes et des Concerti car ce fut là , dit
il , qu'il composa les ouvrages qui sont le
II. Vol. plus
JUIN . 1731 1547
plus en vogue ; les Journalistes de Tre
voux , dans l'Extrait qu'ils donnerent
pour lors (a ) de ce livre , firent cette ré
fléxion. » On ne peut s'empêcher de se
>> récrier contre l'injustice de cette con
» jecture : que l'on compare les Larmes
» de S. Pierre , traduites par Malherbe de
» l'Italien de Tensile avec les autres Ou
» vrages du Poëte François , on distingue
» ra bientôt le goût de la France des ma
» nieres Italienes . Le Cavalier Marini
» n'a gardé aucune mesure dans l'usage
» des faux brillans : mais il en avoit dans
» le Tasse même des modeles , qu'aucun
»Poëte François ne pouvoit lui fournir.
Là dessus le Journaliste Italien fait cette
digréssion . On avance ici , dit il , ( b )
autant d'erreurs que de paroles . Il est
hors de dout que le Cavalier Marin a
que
écrit en France la plus grande partie de
ses ouvrages , comme l'Alone , la Sam
pogna , la Galleria &c. de plus il est cer
tain qu'ils sont plus remplis d'aff· cta
tions , que ceux qu'il avoit composés:
auparavant , principalement les deux
premieres parties de la Lira dans lesquel
les il s'est moins écarté que dans les au
tres du bon goût Italien. Il est très cer
(a) Octob. 1707. Pag. 1817»
(b) Pag. 166.
11. Vol.
7548 MERCURE DE FRANCE
›
tain encore que quand il passa en France ,
il y trouva genéralement en usage une
maniere de Poësie enflée , pleine de poin
tes d'antitèses , de Latinismes et de
Grecismes , qu'on ne connoissoit point
encore en Italie. On en demeurera con
vaincu si on lit l'Auteur moderne ( a ).
de l'Histoire de la Poësie Françoise . Des
Portes , bon Poëte pour le tems où il a
écrit , fut le moins affecté de tous les
François qui l'avoient précedé , et ses
vers furent plus estimés que ceux de Ron
sard et des autres , parceque dans son
Voyage d'Italie il puisa le bon goût , et
P'apporta en France , où loin d'être con
nu , on n'en avoit pas seulement l'idée
ainsi pour un mauvais troc , nous donnâ
mes au François le bon de nôtre Poësie ,
et eux en échange , nous donnerent le
mauvais de la leur. A l'égard de ce que
les Journalistes disent des Larmes de S.
Pierre traduites par Malherbe , je réponds.
1 °. Que ce Poëme n'est pas veritable
men un ouvrage du Tansille sous le nom
duquel nous l'avons. Il commença à l'é
crire d'un stile trés- pur , comme on voit
par plusieurs Stances qu'il fit imprimer
de son vivant , mais il ne le finit point.
(a) L'Abbé Mervesin. Hist. de la Poësic
Fr. Paris . 1706 .
XI. Vol. Aprés
JUIN. 1731 . 1549
Aprés sa mort , un autre y mit la main ,
et l'acheva du mieux qu'il pût , juste
ment dans le tems que la réputation du
Marin commençoit à corrompre le genie
des Italiens . J'ajoûte que la version qu'en
fit Malherbe , ami intime du Cavalier
Marin , est un des amusemens de sa jeu
nesse , et qu'il a désavoüé dans la suite ,
(a ) et deplus qu'il y abien de la difference
à faire entre les ouvrages qu'un bon Au
teur a travaillés de source , et ceux qu'il
n'a fait que traduire. Enfin , qu'on fasse
attention que ce qu'il y a de meilleur
dans les Poësies de Malherbe , est une
imitation de nos bons Poëtes , Menage
en a allegué plusieurs exemples dans ses
Observations sur cet Auteur , comme
il a connu mieux qu'aucun François , la
beauté et la force de la Langue Italienne ,
aussi lui a t'il rendu plus de justice qu'au
cun autre. pour le Tasse , on a si bien
répondu aux critiques qu'on a faites de lui
sans raison , qu'il seroit inutile d'y rien
ajoûter.
-
Panegyrica Orationes veterum Oratorum .
Notis , ac Numismatibus illustravit , et Ita
licam Interpretationem adjecit LAURENTIUS
PATAROL Venetus. Venetiis , 1708. in 8º .
pag. 156.
(a) Menag. Observat. sur le x, liv. de Ma!
1
Gemme herbe.
1550 MERCURE DE FRANCE
Gemme antiche figurate , date ni lua
da Domenico de' Rossi colle sposizioni di
PAOLO ALESSANDRO MAFFEI , parte 2.
in Roma 1707. in 4. reale. le gemme so
no 103.le pag. 234.
On avertit à la fin de ce second volume
duJournal de Venise , que la vie de Bran
dano laquelle dans le premier on avoit
dit être imprimée , ne l'est point encore
par quelque empêchement qui est sur
venu .
-
La vie de Mahomet , traduite et com
pilée de l'Alcoran , des Traditions au
thentiques de la Sonna , et des meilleurs
Auteurs Arabes , par M. Jean Gagner,
Professeur des Langues Orientales à Ox
ford . A Amsterdam , chez les Wetsteins et
Smisth. 1731. 2. vol . in 12.
François Changuien , Libraire à Ams
terdam , a imprimé et débite une nou
velle édition des Caracteres deTheophraste ,
avec les Caracteres ou les moeurs de ce
Siecle. Par M. de la Bruyere , augmentée
de la déffense de M. de la Bruyere et de
ses caracteres , par M. Coste , 2. volume
in 12.
OEUVRES DE NIC - BOILEAU DESPREAUX ,
I
(
II. Vol. avec
JUIN. 17314 1551
avec des éclaircissemens Historiques don
nés par lui -même , nouvelle Edition
revue , corrigée et augmentée de diver
ses Remarques , enrichie de figures nou
vellement gravées par Bernard Picart le
Romain , 2. vol . in fol . et 4. vol . in 12 .
Amsterd, chez le même.
On nous écrit de Venise , qu'on vient
d'imprimer en cette Ville toutes les Oeu
vres du Cardinal Bembe , 3. vol . in folio ,
et que cette Edition est magnifique.
D'Aix en Provence. Il a passé ici un Ita
lien chargé de 240. Medaillons en Or , en
Argent et en Bronze , d'une beauté et d'u
ne conservation ( admirables. Ils viennent
des Cabinets Carpegna, de Maximis , Saba
tini &c. Il n'y a gueres que des Princes
ou des grands Seigneurs qui puissent ac
querir ce Trésor d'Antiquité car on
ne veut point les partager , et on de
mande trois mille Louis d'or du total.
LETTRES SERIEUSES ET BADINES sur
les Ouvrages des Sçavans , et sur d'autres
Matieres. Tome 2. premiere partie .
Ecce iterum Crispinus , et est mihi sape vo
candus
Ad partes &c. .
A la Haye , chez Jean , Vanduren 1729.
Juven. Sat. IV .
II Vol
in
• ·
यं
1552 MERCURE DE FRANCE
in 12. de 267. pages , sans la Préface ,
l'avis du Libraire et la Table , &c.
Ce volume est composé de 12. Lettres ;
la 6. contient l'Extrait d'un Livre An
glois in 8. 2. volumes de prés de 600 .
pages , sous le titre d'Ouvrages mélan
gés de l'ingénieux Docteur Jean Swift.
Aprés une Epitre Dédicatoire et une Pre
face dans le goût de celles qui sont à la
tête du Comte du Tonneau , vient une
Lettre serieuse à un Lord , sur les moyens
de perfectionner la Langue Angloise .
Aprés quoy on lit cinq ou six Pieces Sa
tyriques et Ironiques , comme
Traité Histori- Theo - Phisico- Logique , sus
les grands desavantages de la connoissan
ce de soi -même : Déffense modeste du
Concubinage et de l'adultere. Panegyrique
des Nouvelistes : Le moyen de parvenir sans
Science et sans vertus : Eloge historique et
moral des Auteurs de Satyres.
sont ,
Dans ses pensées diverses , le même
Docteur dit , que si une Loi Parlemen
taire établissoit l'Athéisme , ceux qui se
donnent aujourd'hui pour Athées , fe
roient demain profession ouverte de croi
re en Dieu .
Sur le nombre ternaire , le Docteur dit
ironiquement ; »> que l'amour que les
» hommes ont pour le nombre trois , les
II.Vol. »faït
JUIN
. 1731 .
1553
39
fait agir sans qu'ils le sentent. Cet
» amour continuë t'il , a fait croire à
» Louis B.... y qu'on étoit bien quali
» fié à écrire quand on avoit ces trois
» choses , de la pauvreté , de l'impu
» dence et de la malice. Cet amour est cau
» se que l'Auteur du troisiéme Tome de
Gulliver n'a voulu pour faire ce livre
» que trois choses , du papier, de l'encre ,
» et une plume , et a réfusé d'y joindre
l'esprit et le jugement , & c.
99
Sur le point d'honneur , il rapporte
cette contestation arrivée dans la Pro
vince de Sussex. Un homme qui avoit
beaucoup d'esprit , mais qui n'entendoit
pas autrement la Logique de nos Moder
nes , se plaignoit à un d'eux d'une injus
tice qu'il en avoit reçûë . C'est assez , in
terrompit l'autre , vous êtes offensé , vous
avez de la noblesse , vous portez une épée :
je vous donnerai satisfaction demain au ma
tin en tel endroit. Ce terrible Logicien se
retira en même- tems ; après qu'il fut sorti ,
l'autre qui étoit resté avec un de ses amis,
et qui étoit demeuré tout interdit , dès
qu'il fut un peu revenu de sa premiere
surprise : Quelle brutalité , s'écria - t'il en
s'adressant à cet ami ! Ce Monsieur con
vient qu'il m'a offensé , et il me promet de
faire de son mieux pour ne offenser demain
.
II. Vol.
encore
1554 MERCURE DE FRANCE
!
encore davantage. C'est- là , selon lui , une
satisfaction qui doit me paroîttre suffisante.Fe
suis Gentilhomme, ajoûte - t'il, doncje dois re
noncer à la raison et a la Religion , et me
sacrifier à un ridicule point d'honneur. Je
porte l'épée , donc je dois m'en servir pour
faire un meurtre . J'aimerais autant qu'il me
dit : Je vous ai blessé dans votre hon
>> neur , c'est-à- dire , dans une chose que
>> vous devez estimer plus que la vie ; mais
» je suis trop honnête homme pour ne pas
»réparer le mal , autant qu'il m'est pos
» sible . Trouvez - vous donc demain en tel
» endroit avec une épée. Comme je sçai
> mieux la manier que vous , il y a grande
apparence que je vous la passerai au tra
>> vers du corps. Cependant cela ne doit
»pas faire de peine à un homme qui a de
» la naissance ; il sera toûjours vrai que
» vous m'aurez demandé satisfaction ,
» et que je vous l'aurai donnée , et c'est
» tout ce que vous pouvez exiger de vo
» tre serviteur .
و د
A l'occasion des Oeuvres diverses de
M. de la Fontaine , imprimées à la Haye,
on fait ce Portrait de cet illustre Poëte ;
il étoit spirituel , assez sçavant , naif , le
coeur bon et droit , des manieres ouver
tes , aimant les plaisirs de la table et les
rendant plus aimables par son enjouement,
II. Vol. constant
JUIN. 1731 1555
constant et genereux ami , tendre et dé
licat Amant. D'ailleurs , paresseux , dis
trait , négligeant un peu trop ses affaires
domestiques , et pensant assez mal de la
Religion , soit parce qu'à son entrée dans
le monde , il avoit été entraîné par l'e
xemple et par les plaisanteries des esprits
forts , ou parce qu'il n'avoit jamais trou
vé de ces hommes sages qui sçavent trai
ter les choses saintes avec un air de di
gnité qui les fait respecter , ou peut- être
parce qu'il craignoit le travail de l'exa
men , et la connoissance de ses devoirs.
En un mot , une certaine indolence molle
et voluptueuse étoit le fond de son carac
tere , et il n'eut que les vertus et les défauts
qui pouvoient s'accorder avec ce penchant
Favori .
Avec un tel caractere il ne pouvoit qu'é
crire naturellement et gracieusement . Il
ne couroit point après les brillans , il ne se
mettoit point en peine de chercher des pen
sées, ni de leur donner un tour nouveau ;
enfin il ne paroissoit ni affecté, ni précieux.
Ses Ouvrages étoient remplis d'images
riantes , de tendres sentimens , et d'éle
gantes naïvetez.
Quelques-unes des Pieces qui compo
sent ses Ouvrages , avoient déja paru et
les autres paroissent aujourd'hui pour la
11. Vol.
premiere
1555 MERCURE DE FRANCE
premiere fois. On trouve dans le premier
Tome cinq Poëmes , Adonis , la Capti
vité de S. Malc , le Quinquina , Philemon
et Baucis , et les filles de Minée et 85.
autres Pieces. Dans les trois autres Vo
lumes , ses Lettres en Prose et en Vers ,
son Discours à l'Académie Françoise ,
deux Comedies , Climene et l'Eunuque
l'Opera de Daphné , Astrée , Tragedie , le
Florentin , Comedie , des fragmens de Ga
lathée , Opera , Je vous prends sans vert ,
Comedie , les Amours de Psiché et de Cu
pidon et de Venus et Adonis.
>
Pour dire quelque chose de plus par
ticulier de ce naïf et ingénieux Poëte ,
donnons ici la fin d'une Epitre de sa fa
çon au Duc de Vendôme.
Sur ce je finirai ,
Vous assurant que je suis et serai ,
De votre Altesse , humble servant et Poëte ,
Qui tous honneurs et tous biens vous souhaite.
Ce mot de biens , ce n'est pas un trésor ,`
Car chacun sçait que vous méprisez l'or ;
J'en fais grand cas , aussi fait Sire Pierre ;
Et Sire Paul , enfin toute la Terre :
Toute la Terre a peut -être raison.
Si je sçavois quelque bonne Oraison ,
Pour en avoir , tant que la Paix se fasse ;
11. Vol.
Jc
JUIN.
1557 1731.
Je la dirois de la meilleure grace ,
Que j'en dis onc : grande sterilité,
Sur le Parnasse en a toûjours été.
Qu'y feroit-on ? Seigneur , Je me console
Si vers Noel l'Abbé me tient parole
Je serai Roi: le Sage l'est-il pas ?
Souhaiter l'or , est - ce l'être è ce cas
Mérite bien qu'à vous je m'en rapporte.
Je tiens la chose à résoudre un peu
forte.
NOUVEAU REGLEMENT
pour le Palinod de l'Université de Caën ,
et Avis aux Poëtes.
›
LES
Es Poëtes les plus distingués se sont fait dans
tous les tems un honneur d'envoyer des pieces
remporter des Prix au Palinod , entr'au
tres les Marot les Corneille , les Huet , les
Duc de Saint Aignan , les Segrais , &c...
et de
>
Pour rendre cette Cérémonie plus interessante,
et pour exciter l'émulation des Poëtes qui parois
soit un peu se ralentir , l'Université vient de sta◄
tuer , le 19. Mai 1731. ) qu'à l'avenir les Prix
seront distribuez le jour même que se tient le Pa
finod , c'est- à - dire , le jour de la Conception de
la Sainte Vierge : on ne lira sur le Pui , que les
Pieces qui auront remporté les Prix , et celles qui
en auront approché ; Aussi - tôt après on fera
imprimer les Pieces couronnées , et quelques -unes
des meilleures à la suite , si elles sont jugées di
gnes de l'impression.
En consequence du même Reglement, les Poë
tes envoyeront leurs Pieces depuis le commence
II. Vol.
ment G
1558 MERCURE DE FRANCÈ
ment d'Octobre , jusqu'à la . Saint Martin , lequel
tems expiré , on n'en recevra plus pour le pro
chain Palinod. Ils les adresseront au Secretaire
de l'Université , quien donnera son récépissé , el
les seront affranchies de port , faute de quoi el
les seront mises au rebut , sans être iûes : ils ne
mettront point leur nom à leurs Pieces , mais seu
lement une Sentence et quelques chiffres , sans se
faire connoître avant le jugement , à peine de
perdre le prix ; et pour se faire connoître avant
le jugement , ils présenteront ou feront présenter
les mêmes Sentences et chiffres écrits de la même
main.
Le jour du Palinod , les Prix seront donnés
immédiatement après la lecture des Pieces , si les
Auteurs sont présens et qu'ils se fassent connoître ;
sinon ils resteront entre les mains du Secretaire
de l'Université , pour être distribués , à l'ordre de
M. le Recteur, lorsque les Auteurs seront connus.
Il y a lieu d'efperer que les Poëtes furs d'ê
tre récompenfez promptement & publique
ment , vont travailler avec une nouvelle ar
deur ; on a cru devoir ajoûter ce qui fuit en fa
veur de ceux qui ne feroient pas au fait des
ufages de cet établissement..
2
Il y a des Prix fondés pour huit sortes de Pie
ces , Epigramme Latine Chant Royal , Bal
lade , Sonner , Dizain , Ode Françoise , Ode en
Vers Alcaïques , et Ode en Vers Iambes.
Les Poëtes doivent prendre pour argument de
leurs Pieces , quelque sujet qui puisse faire al
lusion à l'Immaculée Conception de la Sainte
Vierge ; par exemple , si l'on prend pour sujet de
l'Epigramme Latine , Jonas in utero Ceri inco
lumis , l'allusion pourra être , Bellua nil vati
nocuit , nil culpa Maria
11. Vol. L'Epigramme
JUIN. 1731
T
1559
L'Epigramme Latine doit être de trente
Vers , ni plus ni moins , y compris l'allusion .
Le Chint Royal doit être de cinq Strophes ,non
comprise l'allusion , chaque Strophe est compo
sée d'onze Vers de dix syllabes ; le dernier Vers,
qui est le refrein doit être feminin ; il doit y avoir
un repos à la fin des cinquième et huitiéme Vers.
L'usage est que le cinquième Vers soit masculin ;
les sixième et septiéme feminins et de même ri
me , et tous les autres entremêléz à la volonté du
Poëte. L'allusion peut contenir une sixieme stro
phe entiere , ou du moins une derniere moitié de
Strophe , qui est de six Vers. Il n'est pas be
soin d'avertir que toutes les strophes doivent se
ressembler pour les rimes , et leur arrangement.
La Ballade est de trois strophes , non com
prise l'allusion qui doit être une quatriéme stro
phe entiere, ou du moins une moitié de strophe ;
chaque strophe est composée de 2 quatrains , dont
les Vers sont de huit syllabes ; l'usage est que les
quatre premiers soient de rimes entremêlées ,
de sorte que le premier et le quatriéme soient de
même rime, masculins ou feminins , à la volonté
du Poëte ; et les quatre derniers entremêlés , de→
sorte que le dernier , qui est le refrein , soit femi
nin, et rime avec le sixième. Toutes les strophes ,
comme l'on sçait , doivent se ressembler pour les
rimés , tant des premiers que
des seconds qua
trains.
Le Sonnet est toujours composé de grands
Vers.
Le Dizain est composé , le plus ordinaire
ment , de grands et petits Vers entremêlés.
L'Ode Françoife est de dix strophes , y com
prise l'allusion ; chaque strophe de dix Vers
de huit syllabes. On sçair assez que ce seroit un
II. Vol. G .. grand
1,60 MERCURE DE FRANCE
grand défaut , s'll ne se trouvoit pas un repos
la fin des quatrième et septiéme Vers.
L'Ode Alcaïque est de douze strophes , y com
prise l'allusion .
$
L'Ode Iambique'est de quarante- huit Vers , y
comprise l'allusion ; à l'imitation de la quatriéme
Fable du quatriéme Livre de Phedre qui com
mence par ces mots : Plus esse in uno fæpe ,
quam in turbâ boni.
Les Prix de ces Pieces, sont pour l'Epigramme ;
premier Prix,les Armes de l'Université; deuxiéme
Prix l'Anneau d'or. Chant Royal , premier Prix ,
les Armes du Fondateur ; second Prix , la Palme ;
Balade , premier Prix , les Armes du Fondateur
second Prix , l'Etoile. Sonnet , premier Prix ,
les
Armes du Fondateur ; second Prix , la branche de
Laurier. Dixain , la Plume d'argent.
Tous ces Prix font redimez par d'autres Prix
d'honnête valeur.
+
Le Prix de l'Ode Françoise est une bourse de
Jettons d'argent , celui de l'Ode Alcaïque est de
vingt livres fet celui de l'Ode lambique de même.
L'Univerfité fouhaiteroit fort que tous ces Pri
fuffent bien plus confiderables 3 poury Supplées
Autant qu'il lui fera poffible , elle n'omettra riem
de tout ce qui pourra faire honneur aux Poëte
victorieux ; & à ceux qui les auront fuivis e 2
plus prés. Ils sont très -inftamment priez d'en .
voyer leurs Pieces pour la fin d'Octobre ou a
commencement de Novembre , tant de la pr
sente année 1731. que des fuivantes
Un Particulier , bon Physicien , bon Mécani❤
cien , et fort versé dans l'Histoire naturelle et
dans l'Antiquité, a fait plusieurs découvertes con
siderables , sur les differentes manoeuvres et ope,
JJ, Vol rations
JUIN. Iscr 1731.
rations qu'on peut faire sous les eaux , et dans le
plus profond de la mer.
Il assure avoir un moyen infaillible et aisé
pratiquer , pour tirer les plus grands Vaiffeaux
submergez , à quelque profondeur qu'ils soient ,
pourvû toutefois qu'ils ne soient point entie
rement ensevelis dans la vase , ou engagez sous
quelques rochers .
Il assure aussi avoir trouvé un moyen sûr pour
faire agir et maneuvrer des hommes au fond de
la mer pendant plusieurs heures , et opérer sans
presque aucune contrainte ni incommodité.
>
Ce n'est pas tout ; ces-Plongeurs , qui pourront
à tout instant remonter sur la surface des eaux
auront la liberté de boire , de manger sous les
eaux : pendant la nuit ils seront éclairez par une
lanterne allumée , qu'ils porteront ou guideront
eux -mêmes.
Nous sommes bien éloignez de croire toutes
les choses jusqu'à aujourd'hui incroyables que
nous annonçons ici ; mais nous devons rendre té
moignage à la verité , que pour ce dernier fait ,
nous en avons vû l'experience en cette maniere.
M. de V *** voulant nous convaincre qu'
étoit en état de prouver ce qu'il avançoit , nous
mena chez lui , et dans un coin de la Cour de la
maison où il loge , où il y a un tonneau plein
d'eau , défoncé par en haut , il se fit apporter
exac une lanterne de fer blanc , de figure ronde ,
tement fermée , ayant
côté un morceau de
verre pour donner passage à la lumiere. Le corps
à un
de la Lanterne s'emboëte à une base de trois ou
quatre pouces de diamettre ; au milieu est une
bobeche dans laquelle on mit une petite bou
gie allumée , et on rejoignit les deux parties ,
C'est-à-dire , le sol et les parois de la Lanterne
-11. Vol.
G iij . avec
1552 MERCURE DE FRANCE
avec une espece de mastic assez gluant à l'endroit
de la jointure , pourempêcher l'eau d'entrer dans
Ja Lanterne. •
La bougie ainsiallumée et fermée hors de l'eau ,
me dura que l'espace d'un Pater sans s'éteindre :
On aperçoit un peu de fumée qui sort par un très
petit orifice,au haut du Pavillon de la Lanterne.La
bougie entierement éteinte,on ouvrit la Lanterne,
on ralluma la bougie ; et après avoir refermé la
Lanterne, on l'adapta sur le cul d'un seau renver
sé,et on attacha autour du seau des poids de fer et
de plomb pour attirer le tout au fond du tonneau.
Avant que la lanterne fut plongée dans l'eau , la
Lumiere paroissoit vouloir s'éteindre , mais elle
reprit vigueur d'abord que laLanterne fut submer
gée , et elle éclaira très- bien le tonneau pendant
un tems considérable que nous restâmes- là à rai
sonner sur ce phénomene. On aperçoit et on en
tend sur la surface de l'eau , un petit bouillon
nement causé sans doute par ce petit filet
de fumée dont on a parlé. On tira ensuite
la Lanterne hors de l'eau , et la bougie s'é
teignit dans le même espace de tems que la pre
miere fois.
›
M. V*** offre de prouver par des expériences
aussi sensibles , toutes les propositions qu'il fait
dans ce Memoire Il fait plus , il assure avec
grande confiance , que quand il voudra établir
ses principes , et expliquer clairement la méthode
qu'il a imaginée pour les découvertes et les
moyens qu'il propose , à des personnes éclairées
et capables de tirer des consequences , il portera
la possibilité , par ses seuls raisonnemens ,
tel degré d'évidence , qu'on ne lui demandera
ni preuves ni expériences.
à un
Au reste , le Lecteur intelligent , sent assez
127. Vol. sans
JUIN. 1731. 1563
sans que nous nous arrêtions à le lui faire remar
quer , combien ces découvertes seroient utiles , si
elles étoient solidement faites , comme dans les
naufrages , dans la pêche des Perles , & c.
A l'égard de la Lanterne marine , il se peut
faire qu'elle sera plus curieuse qu'elle ne sera
d'un grand usage , attendu qu'il n'y a guere d'oc
casion assez urgente pour faire travailier sous les
caux pendant la nuit, à moins que ce ne fût sur les
rivieres , à reparer quelque pile de Pont qui seroit
en danger , et qu'on voudroit profiter des basses
caux , pour prévenir les suites funestes que peu
vent causer les trop grandes crues d'eau et les dé
bordemens.
Cette Lanterne peut être encore d'un grand se
cours , pour prendre une grande quantité de pois
son pendant un calme qui arrive pendant la nuit ,
à une Flotte , et même à un Navire qui fait un
voyage de long cours , et dont les équipages souf
frent beaucoup , faute de Poissons frais , et d'au
tres bonnes nourritures.
L'Auteur de ces découvertes , à qui nous avons
communiqué ce Mémoire , nous prie d'ajoûter
que les Plongeurs pourront se garantir du froid
et de la morsure de certains poissons , et qu'ils
pourront facilement parcourir et trouver dans le
fond de la mer les choses qu'on y cherche , et
y
faire autant et plus de chemin , et en aussi peu
de tems , qu'un homme en pourroit faire sur la
terre en marchant d'un pas reglé , sans courir, et
même beaucoup plus aisément et sans se fatiguer."
Les Plongeurs dont on parle , auront la liberté de
parcourir avec la même facilité , les montagnes ,
les valées et les plaines maritimes.
Le Sieur Gersaint , Marchand , Pont Notre
11. Vol Giiij Dame,
1564 MERCURE DE FRANCE
Notre Dame , au Grand Monarque , ayant connu
que non- seulement les Curieux ayant goûté les
ornemens qu'il a fait graver d'après Vatteau, mais
même qu'ils étoient d'un grand usage pour les
Peintres , Eventaillistes , Sculpteurs , Orfevres ,
Tapissiers , Brodeurs , &c. a été encouragé à en
faire graver de nouveaux , dont il n'espere pas un
moindre succés. En effet , Vatteau par la ferti
lité de son genie, a si bien réussi en ce genre, et a
sçû si bien ajuster ses sujets à ses ornemens , et
aes ornemens à ses sujets , en variant le tout d'une
maniere infiniment ingénieuse , riante et nou
welle › que l'on peut dire avec justice que jus
ques à present nous n'avons point eû d'ornemens
si galants et si bien imaginés. Voici le détail de
ceux qu'il a mis au jour depuis environ un an.
L'Alliance de la Comedie et de la Musique ,
avec leurs armes et attributs , gravée par M.
Moyreau . Vexus blessée par l'Amour , Plafond ,
par M. Aveline..
Un Clavecin .
Un Livre de quatre feüilles , dont la premiere
PEnjoleur , la seconde le Frileux , la troisiéme
Baccus , la quatriéme le Vendangeur. Deux sont
gravées par Mayreau ; et les deux autres par .
Aveline.
Un autre Livre plus grand aussi de quatre feuil
les : les Sujets de celui - ci sont des plus galants ,
et ornés de berceaux , enrichis de Guirlandes ,
Oiseaux , Trophées et attributs convenables aux
snjers , et soutenus pas des ornemens qui renfer→
ment un paysage en camayeux .
La premiere.gravée par Moyreau est une Fête
Bacchique.
La seconde gravée par M. le Bass, est une
Balanceuse
IL Vol . Lia
JUIN.
1565 1731.
La troisiéme gravée par M. Scotin , est un
Retour de Chaffe.
La quatriéme gravée par Aveline , est un
May.
Tous ces ornemens réussissent parfaitement en
découpure.
Le sieur Gersaint a aussi mis en vente , sur la
demie feuille du grand Aigle , un Cartouche gra
vé d'après un Dessein de Vatteau , d'un goût fort
comique , et d'une forme agréable , qui non- seu
Tement servira pour ceux qui font l'Euvre de
Vatteau , mais aussi pour mettre à la tête de ou
tes sortes de Receuils d'Estampes .
Il a aussi mis au jour d'autres sujets nouveaux
sans ornemens, d'après le même Vatteau , que les
Curieux recherchent avec empressement. En voici
la Liste.
Les agrémens de l'Eté , gravée par M.`de
Favanes,
La Partie quarrée , par Moyreau.
La Collation , par le même.
Le Nauffrage , id.
Les Délaffemens de la Guerre , par M. Crepy.
Les Fatigues de la Guerre , par M. Scotin.
Les deux dernieres morceaux entr'autres , sont
composez avec la vérité si naturelle à Vatteau ,
et les soins que les Graveurs ont pris à les rendre ,
font deux Estampes très piquantes , et d'un goût
exquis. Nous ajoûterons cette réflexion , en
voyant ces Estampes , que l'Art de la gravûre n'a
jamais été en France , ni peut-être ailleurs , à
si haut degré de perfection.
-
m
Les Mines de Plomb qu'on a découvertes à
deux lieues de Rennes en Bretagne , sont si
abondantes , qu'on dit que cent livres de cette
Mine 11. Vol.
1566 MERCURE DE FRANCE
Mine produisent cinquante livres de Métal. On
assure que M. Danicamp , de Saint - Malo , a ob
tenu des Lettres Patentes , qui lui accordent le
Privilege exclusif d'y faire travailler.
On aprend de Londres , que le sieur Jean Das
sier , Genevois , Graveur , qui a été chargé dé
graver les Portraits des Rois d'Angleterre , depuis
Guillaume le Conquérant , jusqu'à present ,
présenta le 15. de ce mois à la Reine
dix
huit Médailles qu'il a faites , dans le nombre des
quelles sont celles de Leurs Majestez.
>
On a appris de Dresden , que le Roy de Po
logne avoit nommé le Docteur Hebenstrit , Me
decin à Leipsic , et grand Naturaliste , pour aller
aux Indes Orientales et Occidentales , et y exa
miner les Plantes extraordinaires qui croissent
dans ce Pays -là , et pour les faire dessiner sur les
lieux , de même que les Animaux : il sera pour
cet effet accompagné d'un Peintre , d'un Graveur
et d'un Chasseur,
LETTRE écrite de Seville le 25. May
1731. par un Seigneur Espagnol , à un
François de ses Amis , sur les découvertes
d'Antiquité , faites depuis peu auprés de
Cadix
' Ai reçû avec beaucoup de plaisir, Monsieur , des
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire , je serois
charmé, en y repondant, de pouvoir pleinement sa
is faire la Curiosité que le bruit public vous a don
née desDécouvertes nouvellement faites auprès de
11. Vol
Cadiz ,
JUIN. 1731. 3557
Cadix:mais la Renommée les a si faussement gros
sies , qu'en vous en faisant un détall vrai et exact,
vous les trouverez peu dignes de votre attention .
Presqu'au bout Oriental de Saint Patri , qui se
pare L'Isle de Leon du Continent , on a trouvé
des masures de quelque vieux bâtiment ; il n'y a
aucun morceau d'Architecture assez entier , pour
qu'on puisse décider si c'étoit un Temple où des
maisons.
Dans ces masures, on a trouvé un buste de mé
tail ordinaire,sans tête,bras, ni jambes et assez, mal
formé, on a découvert aussi un pied nud d'une pe
tite statuë , d'un assez beau métail , et qui paroît
être l'ouvrage d'un bon maître, ces deux pieces ne
déterminent à rien . Ce qui nous a donné lieu à rai
sonner,ce sont certaines bandes d'un fort beau mé
tail émaillées d'argent , et parfaitement bien tra
vaillées, dont le rapport figure des pampres et des
raisins , et dont les côtez sont garnis de franges
très-artistement faites ; leur largeur est de trois
quarts de pied de Roy ; elles sont assez longues ;
Cela ressemble aux ornemens dont on décoroit les
victimes destinées aux sacrifices de Bacchus ; à
moins qu'elles n'imitent des ornemens du Sacri
ficateur. Les gens du Païs prétendent qu'à l'endroit
marqué cy dessus , il y avoit un Temple d'Hercule;
mais c'est une Tradition qui n'a aucun fondement,
et qui n'est même appuyée d'aucune apparence.Les
Médailles qu'on a trouvées sont Puniques , et Ro
maines ; aux premieres on ne distingue rien ; aux
secondes, celles qui regardent le haut Empire, sont
fort communes', il y en a du bas Empire aussi , les
unes et les autres fort defigurées : mais entre les
Médailles , le Buste , les Bandes , et les mazures
on ne trouve aucun rapport
*
De façon ,Monsieur , que de pareilles décou
II. Vol G vi
"
vertes
1568 MERCURE DE FRANCE
vertes ne fournissent rien pour la Chronologie , nr
pour l'Histoire. Quoique cela ne m'ait pas rendu
plus instruit , je suis en mon particulier trés aise
de ceue découverte , puisqu'elle m'a renouvellé
dans votre souvenir , &c.
SPECTACLE S.
LE
E Balet des Fêtes Venitiennes , dont
nous avons déja parlé dans le premier
volume du Mercure de ce mois , est tou
jours extrémement goûté du Public. Au
Prologue , le Théatre représente le Port
de Venise. Le Carnaval y paroît au mi
lieu d'une troupe de Masques . Il annon
ce le sujet par ces Vers :
L'éclat de ce séjour , tranquile au sein des Mers ,,
Attire cent Peuples divers ,
Charmez de sa magnificence :
Mais il n'est jamais plus pompeux
Que lorsque les Ris et les Jeux ,
Sy rassemblent par ma presence , &c.
La Folie vient se joindre au Carnaval
pour rendre la Fête plus vive , elle s'ex
prime ainsi :.
O
Accourez , hâtez-vous ;
Goutez les charmes de la vie ;
II..Vol. Je
. ا
r539
JUIN 1732:
Je les dispense tous :
Il n'en est point sans la Folie.
La Suite de la Folie se joint à celle du
Carnaval ; elles composent le. Balet- du
Prologue..
Dans la premiere Entrée qui a pour
titre les Devins de la Place de S. Marc
le Théatre représente cette Place . Zelie,
jeune Vénitienne , masquée en Bohemien
ne , veut apprendre à la faveur de ce
déguisement , si Leandre , Cavalier Fran
çois , ne lui fait point d'infidelité ; elle
se retire voyant approcher Léandre , et
fait connoître son dessein par ces Vers :
>
C'est lui qui vient , pour le surprendre,,
Je veux l'observer et l'entendre.
Léandre expose son caractere par ces
Vers :
Amour , favorise mes voeux;
Ne sois point offensé si mon coeur est vol age ;
Prendre souvent de nouveaux noeuds ,
C'est te rendre souvent hommage.
Zelie vient parler à Léandre sous le
masque , et lui dit en dansant avec un
Tambour de Basque :
Jeune Etranger, veux-tu sçavoir,
II. Vol..
Ta
1570 MERCURE DE FRANCE
Ta bonne ou mauvaise fortune ?
Ma science n'est point commune ,
Dans le grand Art de tout prévoir.
Leandre n'ajoute d'abord point de fot
à la prétendue science de la fausse Bohé
mienne ; mais il commence à la croire
après avoir entendu ces Vers :
Que voy-je dans ces lieux ?
A combien de Beautez tu promets tą tendresse !
Tu sçais parler d'amour , tu l'exprime des mieux,
Sans que d'un trait constant jamais ce Dieu te
blesse.
" Il lui repond :
Il est vrai je suis infidele ;
Par tout ce qui me plaît je me sens arrêté ;
Le coeur ne fut jamais le tribut d'une Belle
C'est le tribut de la Beauté.
Zelie le quitte après lui avoir dit
Ecoute , par mon Art ce que je vais prédire :
Aujourd'hui dans nos Jeux ,
Tu verras l'objet de tes voeux ;
Lui-même aura soin de t'instruire ,"
Du succès de tes feux.
Les Devins et les Bohémiennes de la
II. Vol.
Place
A
JUIN. 1731. 7575
Place de S. Marc , font le divertissement
de cette premiere Entrée ; Zelie vient se
faire connoître à Leandre , et fait le dé
noüement par ces deux Vers :
Tu m'offrois de dangereux liens ,
Je sçais tes sentimens , tu peux juger des miens.
Dans la deuxième Entrée , intitulée l'A
mourSaltinbanque , Filindo , Chef des Sal
tinbanques , promet son secours à Eraste ,
jeune François habillé à la Venitienne et
amoureux de Leonore ; il lui dit que cette
Belle vient souvent voir leurs Jeux , et
qu'à la faveur de la foule des Spectateurs
qu'ils attirent , il pourra lui parler de
son amour.
Eraste se retire voyant paroître Leono
re suivie de Nerine , sa Surveillante ; Ne
rine ne cesse point d'exhorter l'aimable
Venitienne dont la garde lui est commise,
à se défendre des pieges de tous les Amans;
elle lui témoigne sur tout sa défiance sur
un jeune François ; Leonore lui répond
ingenûment , que sans ces remontran
ces , hors de saison , elle ne se seroit peut
être jamais apperçuë ni du merite ni de
l'amour de ce François.
Une troupe de Saltinbanques arrive ; on
apperçoit un Char qui s'entr'ouvre et qui
II. Vol. se
572 MERCURE DE FRANCE
se présente en forme de Théatre. L'Amout
y paroît avec tous les ornemens d'un Sal
tinbanque , il n'est caracterisé que par unt
Arc qu'il tient dans sa main ; les Plaisirs et
l'ès Jeux sont autour de lui sous des figu
res comiques , et composent le Balet .
Filindo et les Choeurs annoncent la
Fête par ces Vers :
Hâtez-vous , accourez , volez de toutes parts ☀
Nous vous amenons de Cythere ,
"
Ce qui peut charmer vos regards ;
Notre soin vous est necessaire :
Hâtez-vous , accourez , volez de toutes parts.
L'Amour expose less sujets de sa venuë
par ces Vers :
Venez tous , venez faire emplette ;
Je vends le secret d'être heureux :
Je fais dispenser ma recette ,
Par les Plaisirs et par les Jeux , &c. ·
A la faveur de la Fête , Eraste s'appro
che de Leonore , et lui parle malgré tous
les soins de sa Surveillante ; elle les sur
prend enfin ; Eraste la met dins leurs in
terêts par ces paroles :
Ne contraint plus nos feux ;"
Gesse de nous être contraire ; .
LI Vol. Obres
JUIN.
3573 1731.
Obtenons l'aveu de son Pere ;
Espere tout de moi si je deviens heureux .
&
La troisiéme Entrée de cet Opera Balet
est appellée le Bal. La Scene est dans un
Palais de Venise ; le Théatre représente
un lieu préparé pour un Bal.
Alamir , Prince Polonois , amoureux
d'une jeune Venitienne , ne veut passer,
auprès d'elle que pour un simple Gentil
homme pour gouter le doux plaisir de
s'en faire aimer sans emprunter le se
cours d'un rang illustre ; Themir , son
Confident , qu'il fait passer pour son
Maître , lui dit qu'il est temps de se
donner pour ce qu'il est en effet , puisque
sa chere Iphise l'aime , tout simple Gen
tilhomme qu'elle le croit , tandis que lui
Thémir , prétendu Prince , ne s'attire pas
le moindre regard favorable ; il finit cette
premiere Scene par ces Vers qui annon
cent la Fête:
Par vos ordres exprès je donne un Bal pompeux;
Deux Maîtres renommez , qu'à vû naître là:
France ,
Doivent en préparer et les chants et la danse :
Vous y verrez l'objet de vos plus tendres voeux..?
Alamir lui répond :
Tu sçais par quel moyen tu me feras connoître
11. Vol.
-Les
1574 MERCURE DE FRANCE
Les Ordonnateurs du Bal étalent aux
yeux du Prince , à l'envi l'un de l'autre ,
tout ce que leur Art a de plus brillant.
Tout ce que chante le Maître de Musique
est une fine Critique dont on reconnoît
les objets. Cette Scene est suivie d'une au
tre , dans laquelle Alamir conseille à sa
chere Iphise d'aimer son prétendu Rival,
qui la veut placer dans un rang glorieux,
au lieu qu'il n'a à lui offrir que son amour
et sa constance ; cette charmante Scene
finit par ce bout de Dialogue.:
Ah ! j'ai perdu votre tendresse ;
Ce vain discours est une adresse ,
Qui cache un changement fatal :
Non , il n'est pas possible ,
Qu'un Amant bien sensible ,
Parle pour son Rival.
Alamir.
Aimez un Prince , aimez ....
Iphise.
Tu le veux donc , perfide ?
Alamir.
Si vous ne l'aimez pas , je ne puis être heureux.
Iphise.
C'en est fait , je suivrai le transport qui me guide;
5
1.1. Vol. Pour
JUIN. 1731. 1575
"
Pour me vanger de toi , j'approuverai ses feux ;
Mon juste désespoir ... je le voi qui s'avance ;
Ingrat , je t'aime encor malgré ton inconstance.
L'arrivée du Prince prétendu , qui fait
connoître Alamir pour le veritable , dé
noiie agréablement l'action ; le Bal qui
survient , finit cette derniere Entrée ,
dont les applaudissemens redoublez mar
quent le plaisir qu'elle fait.
On a appris de Naples , que le 27. du
mois dernier , on y représenta pour la
premiere fois le nouvel Opera d'Argene ,
qui fut generalement applaudi et honoré
de la présence du Chevalier de S. George
et de la principale Noblesse de la Ville.
Le 16. de ce mois , les Comédiens Fran
çois donnerent la premiere représentation
du Faux Sincere , Comedie , en Vers et
en cinq Actes , de feu M. Dufresni , Au
teur très-connu par quantité de bons et
de singuliers Ouvrages . Celui -cy est tous
les jours plus gouté et plus applaudi par
la maniere originale , naïve et précise avec
laquelle les caracteres sont exprimez , er
par les traits saillants et inattendus dont
la Piece est semée. Nous allons tâcher de
mettre le Lecteur en état d'en juger.
II. Vol. L'Au
1576 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur ne s'est attaché dans le prez.
mier Acte , qu'à exposer la situation pré
sente des Acteurs qu'il veut faire agir ,
il y donne aussi une idée des Caracteres ,
&c. Madame Argante a deux filles , An
gelique est l'ainée , et Marianne , la cadet
te ; Angelique ne faisant que de sortir du
Convent , a vû un jeune homme , soir
disant le Chevalier Valere , et c'est le
Heros de la Piece , à sçavoir le Faux Sin
cere. Marianne , qui a été long- tems chez
une de ses parentes , aime Dorante ; Mada
me Argante , prévenuë en faveur du Che
valier , vient dire à ses deux filles , qu'elle
a fait un projet de mariage ; elle veut don
ner Angelique à M. Franchard , à qui Ma
rianne avoit été promise autrefois et Ange
lique au Chevalier Valere . Ce M. Fran
chard est un riche Négociant , dont l'hu
meur franche contraste parfaitement avec
celle du Chevalier ; Madame Argante a
résolu de donner Angelique au Cheva
Tier Valere ; par-là Angelique est aussi sa
tisfaite que Marianne est mécontente.
Pour ce qui concerne les caracteres ,
Voici ce que Dorante ,Amant deMarianne,
dit du Chevalier Valere dès la premiere
Scene :
Cet homme me chagrine" ;
II. Vol. Je
JUIN.
17318 577
Je connois votre mere ; il prendra son esprit,
Il est très-dangereux. Hier il me surprit ;
Voulant lier , dit - il , avec moi connoissance ,
Il exige d'abord entiere confidence ;
Il me dit ses deffauts , et ceux qu'il trouve en moi.
Mais il les adoucit , et dans l'instant je voi ,
Que par le même tour il me blâme et me loue ,'
Qu'en blâmant avec art , habilement il joüe ,
Sous le jeu d'un Censeur , celui d'un complaisant;
Il n'est point flatteur , non , c'est un ton diffe
rent ;
Il paroît s'échapper par des traits véridiques ;
Mais chaque mot le mene à ses fins politiques :
Quand il vous trouve en garde il se découvre
un peu ,
Pour vous faire avancer et se donner beau jeu :
Profitant de l'amour qu'on a pour la franchise ,
Fait parade du vrai qu'il farde et qu'il déguise ;
Faux , même en disant vrai ; faux sincere ...
Il semble que M. du Fresni , ait craint
qu'on ne confondit le caractere qu'il
alloit traiter , avec celui du Flatteur , ou
du Tartuffe il en a justifié jusqu'au nom
voici ce que Dorante ajoute :
;
Caractere de coeur : j'entends par faux sincere ,
Celui qui sçait piper par la sincerité ,
Comme un fin courtisan fait par la probité ;
Il. Vol
Qui
1578 MERCURE DE FRANCE
Qui dit vrais trente fois , pour pouvoir mentir
une
Dans une occasion qui fasse sa fortune ;
Hipocrite en franchise est a peu prés le mot ;
Pourquoy pas faux sincere ? on dit bien faux
devot.
t Pour ce qui regarde le caractére con
trastant qui est celui de M. Franchard ,
l'Auteur le fait exposer en peu de mots
par le Chevalier Valere , parlant à une
Marquise qu'il feint d'aimer :
Vous me voyez charmé de ce bon commerçant ;
Il semble en arrivant ici de Picardie ,
Ramener à Paris la probité bannie.
De son accueil gaulois la liberté vous rit >
Sa cordialité qui lui tient lieu d'esprit
९
Ravit , enchante , au moins moy , qui toûjours
préfere ,
A tout l'esprit du monde un trait naif , sincere.
Sa candeur rend pour moi ses discours élog
• quents ?
Sur son visage ouvert on lit ses sentimens ;
Au premier entretien tout son coeur se déploye,&c.
La Marquise est une veuve qui se croit
aimée de ce faux Sincere. Elle n'est pas
encore riche , mais elle attend une suc
cession de cent mille écus , qui est dépo
II. Vol. sée
NCE
1579
JUI
N.
1731
.
H
sée entre les mains de M. Franchard.
Le Chevalier n'en sçait rien , et c'est par
le conseil de Laurette , sa Suivante , que
la Marquise lui en a fait mistere ; voici le
motif de Laurette :
Il faut de son amour une preuve certaine.
Des Indes il vous vient cent mille écus d'aubaine;
Cette succession arrivant en secret ,
Vous m'aidez , j'en conviens , à suivre le projet
Que j'ai conçu d'avoir aujourd'hui quelque
preuve ,
S'il aime en vous , Madame , ou l'argent , ou la
veuve.
Il ne reste plus dans ce premier Acte
qu'à faire connoître aux Spectateurs la
qualité et le coeur du Chevalier : voici
par où il finit l'Acte lui- même , en par
lant du Contrat que la Marquise lui a
proposé.
Je ne veux pas encor presser la signature ;
Ce n'est qu'un pis aller depuis mon avanture]
La Marquise m'a dit qu'elle a trés- peu de bien
Chez ce riche Marchand venant chercher le
mien ,
Quel bonheur d'y trouver une riche alliance !
Pourquoy cachois- je ici mon nom et ma nais
sance ?
* II. Vol.
Rapin
580 MERCURE
DE FRANCE
1
Rapin, fils d'un Marchand,pour eux eût été bong
Mais avec la Marquise ayant pris un beau nom
Sur celui de Rapin il a fallu me taire &C.
On voit par ces differentes expositions
que la Piece sera trés implexe ; nous
n'oublierons rien pour y mettre de la
clarté .
፡
Un Caissier du Banquier Franchard ,
ouvre la Scene du II. Acte , avec un
nouveau Rapin , Cousin du faux Valere,
On auroit souhaitté que ce dernier en
eut parlé à la fin du premier Acte. Ce
second Rapin apprend du Caissier ,
qu'un certain Chevalier Valere , se dit
Agent de Rapin ce qui oblige le nou
veau Rapin à faire arrêt sur la somme ;
le Caissier n'en est point fâché et se re
tire.
Laurette reconnoit Rapin , qu'elle a
vû autrefois à Rouen ; Rapin aprés avoir
quelque temps nié à Laurette qu'il soit
l'ancien ami dont elle lui parle , lui
avoue enfin qu'il est Rapin , et qu'il
vient d'apprendre qu'un certain Cheva
lier Valere , se donne pour son Agent
aux yeux de M. Franchard , pour lui en
lever sa succession ; il prend le parti de
cacher son nom et de prendre celui de
Valere on convient que l'Auteur a assés
11. Vel biea
JUIN. 1731. 1581
1
bien motivé l'incognito par ces deux
vers :
Ouy , courons nous parer : dans le siécle où nous
sommes ›
La parure du moins aide à parler aux hommes,
Mais on ne comprend point , pour
quoi le nouveau Rapin veut passer pour
un second Valere ; et l'on en conclut que
ce Valere doublé est plutot parti du cer
veau de l'Auteur que du fond du Sujet.
Laurette et Rapin s'étant retirés , le
Chevalier Valere , ou pour mieux dire ,
le Faux Sincere vient. A peine a-t'il dit
quelques mots qui ne font rien à la Piece,
qu'on voit paroître Madame Argante .
Valere , pour faire parade de sincerité ,
feint d'être fâché contre Madame Argan
te , de ce qu'elle l'a loüé sans cesse ; il lui
dit d'un ton d'homme mécontent :
Je m'en plains , et voici là -dessus mes scrupules ,
Que gens moins délicats trouveront ridicules ;
Je blâme tout ami qui me flatte d'abord ,
Et dit que j'ai raison sans sçavoir si j'ai tort ;
Qui prend trop mon parti contre la médisance ;
En me justifiant sans m'entendre, il m'offense ;
Car je ne veux point être innocent par faveur ;
Je veux que la raison me juge , et non le coeur :
II. Vol. Je H
1582 MERCURE DE FRANCE
Je veux qu'on se défie , et qu'on approfondisse ;
Ensuite , quel plaisir quand on me rend justice !
3
Aprés quelques autres traits de fausse
sincerité , Valere dit à Madame Argante
de parler d'affaire : elle lui confirme la
promesse qu'elle lui a déja faite de lui
donner Marianne; le Chevalier lui témoi
gne quelque crainte sur le choix que
M. Franchard en a fait pour lui - même ;
elle le rassure , par l'humeur de M.
Franchard qui n'y regarde pas de si prés ,
et qui se tourne facilement à tout ce
qu'on veut. M. Franchard confirme bien
tôt au Chevalier ce que Madame Argan
te lui a dit de son humeur ; car sur la
demande que Valere lui fait des vûës
qu'il peut avoir pour Marianne ; il lui ré
pond franchement ;
Pour elle je n'ai point eu de vûë autrement ;
Si ce n'est que je veux l'épouser seulement,
Mais , lui dit le Chevalier; vous aimez
aussi son aînée ; M. Franchard lui répond
avec la même franchise :
Ouy , je l'aime ,
Et d'abord je voulois l'épouser tout de même ;
Pas tant pourtant; je vais expliquer tout cela &e,
I
IL Vel
En
JUIN.:
1583 1731 .
En un mot comme en cent de ces deux Filles- ci ,
L'une est ce qui me faut ; mais l'autre l'est aussi,
Il conclut enfin par vouloir épouser
Marianne, ce qui oblige Valere à rabbat
tre sur Angelique en sage politique.
Madame Argante lui amene Marianne ,
qu'Angelique suit , non par simple curio
sité , comme dit sa mère , mais par le
tendre interêt qui l'attache au Cheva
lier.
Valere est fort embarrassé sur ce que
Madame Argante attend de lui, en faveur
de Marianne , pour qui M. Franchard
vient de se déclarer ; le compliment qu'il
fait à Marianne est si froid qu'elle en est
vivement picquée ; elle lui declare qu'elle
lui sera contraire , le Chevalier s'en con
sole par l'esperance d'obtenir Angelique ,
à qui il donne la préference. Madame
Argante n'est point fachée de ce change
ment , parceque cette derniere lui ressem
ble aussi bien que Marianne . Elle sort avec
le Chevalier et Angelique , pour aller
faire dresser le Contrat , et dit à Marianne
de prendre patience avec M. Franchard
qui la doit épouser . Marianne se détermi
ne à se venger du compliment injurieux
que le Chevalier vient de lui faire , et
II. Vol. Hij quol
584 MERCURE DE FRANCE
quoiqu'elle aime Dorante , elle ne laisse
pas de supporter impatiemment qu'on
ait préferé sa soeur à elle. Laurette veut
la consoler de ce chagrin par la promesse
de se venger du Chevalier , fondée sur les
découvertes qu'elle a faites .
Le III. Acte a paru le plus beau de la
Piece. Dorante et Marianne le commen
cent. Ils se flattent de faire tomber le
masque aux Faux- Sincere , en le mettant
aux prises avec la Marquise et avec An
gelique , toutes deux mécontentes de lui ;
mais avant que d'entrer dans cette Scene
d'où il se tire avec toute l'adresse pos
sible , il n'est pas hors de propos d'exami
ner un point que quelques connoisseurs
ont remarqué , et dont l'Auteur semble
avoir voulu prévenir la critique. Quel
interêt, a- t'on dit , peuvent avoir Doran
te et Marianne à confondre le Faux - Sin
cere ? il n'en veut plus à Marianne ; ainsi
il ne tiendra pas à lui qu'elle ne soit ma
riée avec Dorante ; les voilà donc tous
deux hors d'interest du côté du Chevalier;
Dorante n'a plus d'autre Rival
que M.
Franchart; et en démasquant le Faux - Sin
cere , il n'empêchera pas que ce bon com
merçant ne lui enléve sa Maitresse . Il
ya apparence que M. du Fresni a prévû
L'objection , puisqu'il la met dans la bou
1 1. Vol . che
JUIN. 1731. 1584
che du Chevalier ; voici comment il le
fait parler à Dorante et à Marianne :
#
Pourquoi sur nos desseins ne nous pas concerter
Quand nous n'avons ici rien à nous disputer !
A Dorante.
Sommes- nous Rivaux ? non , nous n'aimons pas
la même ;
J'aime , je suis aimé , vous aimez , on vous aime ;
Monsieur Franchard pourroit par accomode
ment
Aux Pupilles laisser , chacune son- Amant ;
Mais de gayeté de coeur vous voulez me détruire.
Voilà donc , par l'aveu même de l'Au
teur , deux Amants qui ne vont pas à
leur fin ; ils agissent donc par tout autre
motif que celui de leur amour. L'Ob
jection est assés forte ; mais peut-être
ne l'auroit-on pas faite si l'Auteur n'eut
pris soin lui-même d'en faire la premiere
ouverture ; d'ailleurs on peut y répondre
pour lui , en disant que la haine que Do
rante et Marianne ont conçue contre le
Faux-Sincere est la plus forte en eux ;
que leur but principal est de le confon
dre , et que l'aveu sincere qu'il semble
leur faire , couvre quelque piege darts
LI. Vol.
Hij lequel
1586 MERCURE DE FRANCE
lequel il veut les faire donner ; en effet ,
quand il leur dit :
Voyons ; concertons- nous sur cent moyens fa
ciles ;
Entrons dans les détails :.+3
--Dorante lui répond :
Détails trés-inutiles.
Marianne dit quelque chose de plus :
Vous le sçavez trop bien ; mais vôtre intention
C'est d'échauffer d'abord la conversation ,
Afin
que , parlant trop à l'envi l'un de l'autre ,
Nous cachant vos secrets vous démêliez le
nôtre.
Un interêt plus fort justifie Marianne
dans cette occasion ; le Chevalier lui a
préferé sa soeur , et ces sortes d'outrages
ne se pardonnent jamais. Passons à la
Scene qui fait tant de plaisir , elle est en
tre le Chevalier , la Marquise et Ange
Jique. Ces deux Rivales l'accusent égale
ment d'avoir démenti sa prétendue sin
cerité à leur égard ; il leur répond qu'il
n'a besoin que d'elles- mêmes pour le
justifier ; voici ses propres mots :
II. Vol. Que
JUIN. 1731 ..
1587
Que chacune redise
Les faits simples , les faits ; par ce que vous dirés
L'une à l'autre , sans moi , vous me justifierés.
En effet , il convient avec la Marquise
qu'il lui a promis de s'arranger avec elle
par un mariage , et quand Angelique
lui reproche d'avoir proposé un mariage
à sa Rivale , aprés lui avoir montré
l'amour le plus ardent , il lui dit que
tien n'est plus vray, et qu'il brûle encore
du même amour ; il ajoûte que c'est ce
violent amour qui l'a forcé et qui le force
encore à retirer la parole qu'il avoit don
née à la Marquise : oui , poursuit- il en
parlant à la Marquise :
Tantôt j'ai dit ; j'épouse ;
t
A present je dis j'aime : en fussiez-vous jalouse
Madame , vous prouvez , vous , de vôtre côté ,
Qu'un arrangement seul entre nous concerté
Ne peut me rendre ici coupable d'inconstance.
Si cet amour subit et dont la violence
Vient troubler en un jour tous mes arrange
mens ,
Entre vous deux m'agite et me tient en suspens ,
Sans que j'aye encor pû parler , me réconnoî
tre ,
-
11. Vol. En
Hiiij
r588 MERCURE DE FRANCE
En quoy suis-je coupable ? où puis -je le pa
roître 2
Et comme Marianne qui est présente à
la conversation , vient à la charge en lui
disant , que cet amour subit fait tout au
moins un ingrat , et qu'il lui fait manquer
de parole , . il répond :
Et non pas de franchise ;
Fai promis de l'estime , et rien plus ; qu'on le
dise :
Le voilà donc parfaittement justifié
dans l'esprit d'Angelique ; mais un nou
vel incident va le réplonger dans l'em
barras . M. Franchard lui vient annoncer
un second Chevalier Valere ; c'est le
Rapin dont nous avons parlé dans l'Acte
précedent on n'a pas bien compris ,
comme nous l'avons déja remarqué , la
raison qui l'a porté à doubler Valere ,
ayant tout autre nom à prendre ,. on
convient que cela produit de l'improglio ;
mais on voudroit que ce Comique fut
appuyé sur quelque motif. Ce n'est pas
là
la le seul coup dont notre Faux-Sincere
est frappé ce nouveau chevalier Valere
se donne encore pour un Agent de Ra
pin ; M. Franchard ne voit en tout cela
C
1
II: Võt que
• JUIN. 1731. 1589
و د
"
ULV
que des brouillards , que ce second Agent
de Rapin lui promet de dissiper , papier
sur table . Ce dernier se retire.
M. Franchard commence à se défier
du Faux- Sincere , à quoy ce dernier ne
répond que par des brusqueries , coup
sur coup , par lesquelles il prétend lui
faire voir qu'il lui ressemble autant en
vivacité qu'en franchise ; en effet , aprés
s'être long- tems emporté contre lui , il se
radoucit et lui faisant rémarquer la con
formité d'humeur qui est entr'eux , il
dit finement :.
"
Nous nous ressemblerons encore sur ce points
Je pardonne d'abord :
M. Franchard lui répond , que pour
lui , il pardonne sur l'heure; il ajoute avec
une agréable surprise :
Mais , c'est tout comme moy ; j'en avois bie'n
cherché.
Des gens qui fussent faits tout justes à ma ma
niere :
Vous voilà tout trouvé ; car ressemblance ere
tiere ;
Dire tout ce qui vient , brusquer , parler bien
fort ,
Se facher tout d'an coup , puis pardonner
d'abord ;
11. Vol Hv N'est
}
1590 MERCURE DE FRANCE
N'est-il pas vrai Monsieur ? mon portrait est
le vôtre &c.
Plus de Dorante donc ; finissons au plutôt :
Deux contrats pour nous deux , c'est autant
qu'il en faut.
M. Franchard , Dorante , Marianne
et Angelique commencent le quatriéme
Acte. Le but de la premiere Scene est
de faire entendre à M. Franchard , que
ceChevalier qu'il croit vraiement sincere,
n'est rien moins que ce qu'il paroît à
ses yeux qu'il se dit Gentil - homme ,
quoiqu'il soit roturier ; et qu'il se vante
d'avoir beaucoup de biens , quoiqu'il
n'ait rien du tout. M. Franchard leur
dit qu'il lui demandera tout cela..
Le Chevalier dit en arrivant qu'il ne
doute point qu'on ne complotte contre
lui , mais que sa sincerité l'exempte de
toute crainte. M. Franchard lui demande
avec sa franchise ordinaire s'il est riche
ou non ; le Chevalier lui répond aussi
franchement qu'il n'a rien ; c'est toujouts
quelque chose , dit Franchard ; Valere
ajouteadroitement.
Par cet aveu sans doute au refus je m'èxpose ;
Mais quoy ? vous citerois- je ici comme un bien
clair
11. Vol
que
JUIN 1731 4597
OPL
MO
21
15
Quelques successions qui sont peut- être en Fair ?
Des terres en decret dont je ne suis plus maitre ?
Que quelque argent comptant dégageroit peut
être ?
Mais un bien en litige au fond est - il le mien ?
Non ; repetons - le donc encore , je n'ai rien .
Cette adroite franchise acheve de ga
gner le coeur à Franchard . Dorante re
vient pourtant à la charge , et dit qu'il
y a un second Valere , qui s'interesse
aussi la succession de Rapin , et
qu'il faut démêler qui des deux est le ve
ritable M.Franchard y consent , mais
il leur dit qu'aprés cette derniere épreu
ve , il n'écoutera plus rien .
pour
:
Laurette vient de porter le plus sen
sible coup au Chevalier , en disant à M.
Franchard que Madame la Marquise vient
chercher les cent mille écus qu'il doit
lui livrer ; M. Franchard lui répond qu'ils
sont prêts , et rentre pour aller compter
la somme à la Marquise. Le Chevalier
resté seul , fait ce court Monologue :
Ce revers est picquant.
L'ai- je pû deviner ? cent mille écus comptants
Je les perds ; dans quel temps quand tout me
déconcerte ;
3
II. Vol
Quand H vj
1592 MERCURE DE FRANCE
Quand cet autre Valere ici cause ma perte.
L'approche de la Marquise lui rend
quelques esperances , il se flatte qu'elle
l'aime encore , et qu'elle cherche à ré
noüer avec lui ; voici comme il s'y prend
pour lui faire entendre qu'il flatte encore :
entre Angelique et elle ::
Je suis comme j'étois , incertain , indécis ;
Tantôt passionné , tantôt de sens rassis.
Vois-je l'objet je suis la pante qu'Amour don
ne ;
Vous revois-je ? aussi-tôt je suspens, je raisonne
A me déterminer il faut que vous m'aidiez ;
En bonne amie , il faut que vous me conseilliez ,
Qu'en cette occasion vous me serviez de guide ;
Je crains de me flatter , ou d'être ttop rigide ,
De croire mon amour plus ou moins fort qu'il
n'est.
Se connoît-on ? peut-être en secret l'interêt
Sur vos biens augmentez à mon insçu m'a
buse ,
Me fait voir mon amour moins fort ; je m'en.
accuse ; :
De peur
de vous tromper , je me donne le tort. ,
Prés d'Angelique aussi peut- être ai-je d'abord ·
Exageré l'amour d'une façon trop forte ;
Car d'un objet brillant la présence transporte.
II, Vol. Il
JUIN 773
1593
Il n'a pas tenu à l'Autheur que la
Marquise n'ait donné dans un piége si
finement tendu , tant il a pris soin de
couvrir la fourberie d'un voile specieux:
de sincerité ; mais là Marquise avoit trop
bien pris son parti avant que d'avoir ce
dernier entretien avec lui ; elle le quitte ,
aprés lui avoir parlé ainsi.
Je ne vois plus en vous que feinte et politique ;
L'interest vous a fait adorer Angelique ;
L'interest à present vous fait changer de ton..
Si vous faites ceder l'amour à la raison ·
De mon côté , je dois devenir raisonnable ;
Car vôtre amour pour elle est faux , ou veri
table ;
Veritable , il me fait trembler pour vôtre coeur ,
Et s'il est faux , je dois rompre avec un trom
peur.
Ce dilemme acheve de désesperer nôtre
Faux - Sincere voyant venir le second
Valere , il le soupçonne d'être son Cou
sin Rapin , et sur ce soupçon il va chan
ger de Batterie.
Les deux Valeres se reconnoissent pour
deux Rapins , mais le Faux - Sincere voyant
que celui qui le double , ne se rend point
aux sentimens de la nature , lui promet
de lui abandonner la succession toute en
:
11, Vol. tiere. ;.
1594 MERCURE DE FRANCE
tiere ; à cette parole sympatique son Co
heritier l'embrasse cordialement , et lui
promet de le servir auprés de M. Fran
chard et de Madame Argante contre tous
ceux qui s'opposent à son mariage avec
Angelique .
Madame Argante arrive , le second Ra
pin lui dit qu'il est vrayement son Cousin
Valere ; Madame Argante les invite à aller
dire hautement ce qui s'est passé dans
leur reconnoissance ; le Chevalier dit
modestement qu'il n'y veut pas être , de
peur que sa présence n'empêche son Cou
sin de dire les choses avec toute la sin
cerité qu'il exige .
Nous abrégerons l'Extrait du 5. Acte ,
parceque les autres nous ont menés plus
loin que nous n'avions crû. Valere , tout
traversé qu'il a été jusqu'ici , voit relever
ses espérances abbatuës ; Madame Argan
te lui annonce que le Contrat se dresse
actuellement. C'est là ce qui occasione
l'aveu que ce Faux - Sincere lui fait de ce
qui pourroir venir à sa connoissance ;
sçavoir de s'être dit Gentil - homme, quoi
qu'il ne fut que le fils d'un Marchand
et d'avoir pris un faux nom ; Madame
Argante est charmée de cette derniere
sincerité ; mais il n'en est pas de même
de M. Franchard qui n'est déja que trop
[
J
II. Vol
informé
JUIN. 1731. 1595
鼻
12
Informé de la qualité supposée et du faux
nom. Deux Valeres et deux Agents de
Rapin lui paroissent un complot , et il dt
à Valere , d'un ton fâché , qu'il ne veut
point de comploteurs chez lui . Madame
Argante a beau le déffendre , en disant
qu'il lui avoit déja avoué la supposition
de nom et de qualité Laurerte , qui
dès le commencement du second Acte ,
a reconnu l'un des Rapins , ne doute
point qu'il n'y en ait deux sous le nom
de Valere ; elle fait entendre que le Che
valier ne l'a informée que d'une chose
déja connuë de tout le monde , et qu'elle
aété la dupe d'un autre prétendu' Valere.
Madame Argante ne peut souffrir pa
tiemment que le Chvalier l'ait jouée
Angelique désabusée par la Marquise à
laquelle son fourbe d'Amant avoit voulu
révenir , grace aux cent mille écus dont
nous avons parlé dans l'Acte précedent ,
lui déclare hautement qu'elle ne voit plus
en lui qu'un fourbe et qu'un imposteur
interessés tout cela tombant sur lui , coup
sur coup , il en est si accablé , qu'il se re
tire , en disant fierement , qu'il ne veut
d'autre Apologiste que son coeur ; tous
les Spectateurs ont été surpris de lui voir
quitter la partie , avec autant de ressour
ces qu'il en a fait esperer dans le cours
II. Vol.
de
1596 MERCURE DE FRANCE
de la Piece. On peut répondre à la déchar
ge de M. du Fresni qu'il n'avoit pas en
Gore mis la derniere main à sa Comédie ,
et qu'il y travailloit encore peu
de tems
avant sa Mort. Un double hymen entre
M. Franchard et Angelique , de même
qu'entre Dorante et Marianne , finissent
la Piece , et renvoyent les Spectateurs
infiniment plus satisfaits que mécontens.
Tout le monde connoit que l'intrigue est
un peu confuse et surchargée ; mais que
l'ouvrage fait briller par tout ces traits
saillants , qui ont toujours caracterisé et
distingué cet agréable Auteur , la versi
fication est un peu forcée ; mais on peut
juger par les morceaux que nous venons
d'en citer , que M. du Fresni y auroit
pû exceller , s'il en eut fait une plus lon
gue habitude ; en effet , ce n'a été que
dans ces dernieres Pieces , qu'il a voulu
assujettir à la contrainte de la rime , le
beau feu de Poësie dont la nature l'avoit
animé.
Cette Piece , qui a été représentée
pour la dixième fois le 30. de ce mois ,
et qui fait grand plaisir au Public , est
actuellement sous Presse , chez Briasson ,
ruë S. Jacques.
Les Comédiens François ont reçu dé
6
II. Vol.
puis
JUIN. 1731. 1597
puis peu une Comédie en vers , avec un
Prologue , de la composition de M. le
Fort , intitulée le Temple de la Paresse ,
qu'on jouera incessamment.
Le 28. l'ouverture de la Foire S. Lau
rent fut faite par le Lieutenant Géneral
de Police en la maniere accoutumée.
Le même jour l'Opéra Comique fit
aussi l'ouverture de son Théatre par une
Piece nouvelle en Vaudeville , et en trois
Actes avec des Divertissemens , qui a
pour titre la France Galante ; cette Piece
est suivie d'un Divertissement composé
de Scenes muettes , figurées en Balet , in
titulées la Guinguette Angloise ; il est
executé par les Sieurs Roger , Renton ,
et Haugthon , trois excellens danseurs
Pantomimes , nouvellement arrivés d'An
gleterre , qui sont géneralement applau
dis la figure du sieur Roger qui avoit
déja été vuë ici il y a deux ans , paroît
toujours- trés-originale ; on ne se lasse
point de le voir.
M.. Kol NOUVELLES
1598 MERCURE DE FRANCE
****:*******X:XXXX
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE .
à Malthe le Capitaine d'ur
Vaisseau François , qui y avoit touché
venant du Levant , et qui avoit rencontré douze
Vaisseaux de Guerre Turcs , partis de Constan
tinople vers le zo. d'Avril , que six de ces Vais
seaux alloient à Chio , trois à Rhodes , et les
autres à Napoli de Romanie , pour y rester et
y attendre les Ordres du Grand Seigneur. Ce
Capitaine ajoûte que S. H. avoit chargé Dgia
num Codgia , Capitan Pacha , de faire venir à
Constantinople toutes les Galeres des Provin
ces Maritimes de l'Empire Otthoman , pour les
joindre à la Flotte qu'on y équipe actuellement
avec un grand nombre de Bâtimens de trans
port.
Des Lettres de Constantinople portent , que
les Persans ont été battus par les Turcs devant
Tauris. Le bruit court que cet echec a porté
Schah Thomas à faire au Seraskier de l'Armée
Ottomane, des propositions d'accomodement ; ce
qui pourra operer la Paix entre les deux Empires ,
les Turcs et les Persans la désirant également ; er
on apprend par des Lettres reçues en Allemagne au
commencement de ce mois , que le Grand Sei
gneur avoit envoyé ordre au Pacha de Babylone
qui commande ses Troupes en Perse , de con
clure la Paix avec le Roy de Perse , et de lui
II. Vol. remettre
JUIN. 1731. 1599
.د
remettre même les Places conquises pendant la
derniere Révolution , s'il ne pouvoit convenir
d'un Traité plus avantageux.
On a appris par les dernieres Lettres de Mos
cou que le bruit commun étoit que les Trou
pes du Grand Seigneur avoient attaqué l'armée
du Roy de Perse deux jours aprés l'expiration
du terme de la suspension d'Armes ; que le
Combat s'étoit donné prés d'une Riviere ou
les Persans avoient été entiérement défaits •
que la plupart de leurs Generaux ayant voulu
passer cette Riviere dans leur retraite , s'y étoient
noyez , et qu'on croyoit que le Roy de Perse
avoit eu un pareil sort.
Quelques Lettres du Levant portent , que
l'Armée de S. H qui étoit en Egypte , et qui
devoit se rendre à A.exandrie , commençoit à
s'embarquer pour Constantinople , et qu'on
croyoit qu'elle seroit employée contre les Chré
tiens.
DANNEMARCK.
RELATION du Sacre du Roi et de
la Reine de Dannemarck.
>
E Sacre de Leurs Majestez Danoises ayant été
au 6. se rendit fixé
jours auparavant à Fridericsbourg , Maison
Royale, distante de Copenhague de 4. milles , où
la Ceremonie devoit se faire .
Le 5. L. M. firent leurs dévotions et commu
nierent dans la Chapelle , ensuite le Roi de Dan
nemarck fit plusieurs Promotions ; sçavoir :
Dans l'Ordre de l'Elephant.
Le dernier des Marckgraves de Culmbach ,
frere de la Reine.
1600 MERCURE DE FRANCE
Le Prince de Hesse - Philipstadt , Lieutenant Ge
neral au service de France.
Meckelbourg - Strelitz . Le Duc de
Le Duc de Saxe-Mersbourg.
Le Comte de Rantzow de Fuhmen , Chef du
Commissariat de Terre et de Mer.
M. Lerche , Grand - Maître des Ceremonies .
M. Blome , Ministre d'Etat.
M. Wolf- Blome , Conseiller Privé Titulaire.
Nouveaux Chevaliers dans l'Ordre
Danebrog
L'Amiral Rosempalm.
M: Gram , Maréchal de la Cour.
M. Numersen , Major-General.
M. Ratlow , Maître des Chasses en Jutland.
Le Comte de Zinzindorff.
M. Ahlfeldt , de Jersbeck..
Nouveaux Conseillers Privez.
M. le Comte de Guldenstein .
M. le Comte Knut , Chambellan de S. M. Da
noise.
M. de Gersdorff , aussi Chambellan du Roi.
M. de Vieteck.
Nouveaux Chambellansi
Le Comte Shack.
M. de Holsten , Grand- Bally de Zetlande et de
Copenhague .
M. Plessen , Maître des Chasses.
Nouveau Conseiller Privé des Conferences.
Le Comte de Sponeck , Lieutenant General et
Gouverneur de Copenhague,
Lla Vol Nou
JUIN. 1731. 1601
Nouveau Lieutenant General.
M. Roinling.
Nouveaux Majors Generaux.
Mrs Galkouski , Colonel de Cavalerie.
Walter , Colonel des Gardes à pied.
Prétorius , Colonel d'Infanterie.
Arnskiold , Colonel d'Artillerie..
Le 6. Juin à 11. heures du matin , le Roi , pré
cedé de toute sa Livrée , des Pages , des Officiers
de sa Maison , des Conseillers , d'Etat , des Con
seillers de Conference , des Comtes , des Cheva
liers des deux Ordres , Elephant et Danebrock,
des Ministres d'Etat , des deux Margraves de Cu
lemback , ainsi que des Ducs de Sunderbourg et
de Glucksbourg , de la Maison de Holstein , se
rendit processionellement de son Appartement à
la Chapelle , marchant sous un Dais porté par
quatre Chevaliers de l'Elephant , ayant à leur cô
té chacun un Chambellan. Il traversa ainsi la
cour du Château entre une double haye d'un dé
tachement de 140. Gardes du Corps , lesquels
étoient à pied et en bottes , avec le Mousqueton ,
les Officiers à la tête , l'épée à la main . Le che
min étoit couvert de drap rouge et orné de très
belles Tapisseries.
Ce Prince étoit vétu de Satin blanc à l'ancien
ne mode, avec des Trousses de même, ayant par
dessus le Manteau Royal de Velours pourpre ,
chargé de Couronnes en broderie d'or et doublé
d'hermine , dont le Grand- Chambellan Plessen et
le Comte d'Altembourg , Vice- Chambellan
portoient la queue, S. M. avoit la Couronne en
tête , tenant le Sceptre d'une main et de l'autre la
Boule d'or, surmontée d'une Croix ; aux deux cô
>
II. Vol.
tez
1601 MERCURE DE FRANCE
tez du Dais marchoit un Détachement de la nou
velle Compagnie de Trabans de la Garde , cou
verts de leur Casaque , ayant la Hallebarde sur
l'épaule.
Le Roifut reçu à Pentrée de la Chapelle par les
Evêques de Copenhague , d'Ahlborg en Jutland ,
et de Christiania en Norvege ; ces deux derniers
comme Assistans. Elle se plaça sur le Trône qui
lui avoit été préparé au bas de la Chapelle , en face
de l'Autel ; ce Trône consistant en une espece de
Dôme fort élevé , soutenu par quatre Colonnes ,
étoit revétu de velours cramoisi , enrichi de Cou
ronnes en broderie , de galons et de franges d'or,
et couvroit deux Chaises à bras à l'antique. Celle
de la droite , garnie d'étoffe d'or , et l'autre d'é
toffe d'argent , toutes les deux posées sur une Es
trade couverte d'un velours cramoisi , ayant à côté
deux Lions d'argent et un troisiéme devant , la
tête tournée devant l'Autel .
A peine le Roi fut placé sur la Chaise à droite ,
que la Reine entra et fut reçûe de la même ma
niere, précedée de la Livrée et des principaux Offi
ciers de sa Maison , de six Dames , toutes fem
mes de Chevaliers de l'Elephant , de la Comtesse
d'Altembourg, née Princesse de Hesse, de la Mar
grave de Culemback , mere de la Reine, et de leur
A. R. la Princesse Sophie , et Madame la Princesse
Charlotte. Elle marchoit sous un Dais porté par
quatre Chevaliers de l'Elephant et quatre Cham
bellans. Un Détachement de Trabans marchant
aux deux côtez du Dais.
Cette Princesse , coëffée en cheveux , à boucles
pendantes, la Couronne en tête , vétuë d'une Rob
be de Cour d'étoffe d'argent , et par -dessus le
Manteau Royal , dont la Comtesse de Hardeck ,
Grande- Maîtresse de sa Maison , et la Comtesse
11. Voln de
JUINA
1603 1731.
de Holsten, cy-devant Grande - Chanceliere, por
toient la queue , s'alla placer sur le Trône , et les
autres Dames , dans les places qui leur étoient
destinées .
A la droite et à côté de l'Autel , il y avoit une
Loge pour les deux Princesses de Culmback er
pour ceux de la Maison de Holstein , dont il n'y
avoit de présens que les Ducs de Sunderbourg et
de Glucksbourg . De cette Loge jusqu'au Trône,
regnoit une file de places occupées par les Che
waliers de l'Ordre de l'Elephant , avec des Rubans
bleus , à la tête de laquelle étoient le Grand - Ma
réchal et le Maréchal particulier de la Cour , te
nant en main le Bâton de leur Charge ; les Che
valiers Danebrog , avec leurs Cordons blancs
étoient placez derriere cette file , les deux Secre
taires d'Etat , et plusieurs Officiers Generaux de
Terre et de Mer , tous debout ; le Grand- Cham →
bellan Plessen , étoit à côté et un peu derriere le
Roi sur l'Estrade , avec le Comte d'Altembourg,
Ensuite , mais plus bas , le Comte de Holsten ,
cy- devant Grand -Chancelier , auprès duquel et
un peu derriere , étoient les Capitaines des Tra
bans , le Commandant des Gardes à cheval , et
ceux des Régimens des Grenadiers du Corps et
Gardes à pied , tous les quatre en habit d'ordon
nance. Un Détachement de Trabans , la Halle
barde à la main, occupoient le derriere du Trône,'
→
A la gauche et à côté de l'Autel étoit une Loge
pour L. A R. la Princesse Charlotte et la Prin
cesse Sophie , ainsi que pour le Margrave. Une
autre Loge à côté pour laComtesse d'Altembourg
et les deux Grandes- Maîtresses de la Maison de
L. A R. et enfin une troisiéme Loge pour les Fil
les d'Honneur des trois Princesses . De cette trois
siéme Loge jusqu'au Trône , le terrain étoit oc
IT, Vol. cupé
1604 MERCURE DE FRANCE
cupé par les autres Dames et par les Chevaliers
de l'Elephant , qui avoient porté le Dais de la
Reine. Toutes les places étoient de plein pied
dans le bas de la Chapelle,
La Ceremonie commença par une Musique qui
fut suivie d'un très long Sermon , lequel étoit
interrompu , par intervalles , de Prieres que com
mençoit l'Evêque de Copenhague , ayant à ses
côtez les Evêques d'Ahlbourg et de Christiania.
Ensuite,de quoi le Roi descendit de son Trône,
s'avança vers l'Autel , se mit à genoux , et après
avoir déposé son Sceptre et la Boule d'or , reçut
l'Onction au front , à la poitrine et à la main
droite.
Après cette Onction qui fut faite par l'Evêque
de Copenhague , et quelques Prieres chantées enª
Musique , ce Prélat recommença un nouveau Ser
mon , en s'adressant à la Reine. Après quoi cette
Princesse reçu l'Onction en la même maniere
que le Roi , mais seulement au front et à la poi
trine. Un Te Deum, chanté en Musique, termina
la Ceremonie : Le Roi et la Reine se retirerent à
leurs Appartemens dans le même ordre qu'ils
étoient venus.
L'ordre de cette Fête et la magnificence des ha
bits en faisoient le plus beau spectacle. L. M. D.
après s'être reposées un peu de tems , se mirent
à table à quatre heures ; L. A. R. Madame la
Princesse Charlotte et Madame la Princesse So
phie , avec Madame là Margrave , furent les seu
les qui y furent admises. Il y avoit dans d'autres
Chambres plusieurs differentes Tables pour les
Princes , les Dames , les Ministres d'Etat , les
Cordons bleus , les Cordons blancs , les Envoyez,
Résidens et Secretaires Etrangers , &c.
II. Vol.
ALLE
JUIN 1731. 1605
ALLEMAGNE.
de la
Lblique de Génes , cut dans les premiers jours
de ce mois une Audiance particuliere de l'Empe
reur , dans laquelle il lui demanda 6000. hom
mes d'Infanterie et 4000 de Cavalerie des Trou
pes Imperiales qui sont en Italie , pour aider la
République à réduire les Rebelles de l'Ile de
Corse.
On mande de Berlin , que le 3. de ce mois , le
Roi de Prusse et la Famille Royale , accompagnés
des Princes et Seigneurs Etrangers , allerent pren
dre le divertissement d'une magnifique Chasse
qu'on avoit préparée près de Spandaw , dans la
quelle on tua plus de 700. Pieces , tant Cerfs ,
Dains , Sangliers , qu'autre Gibier. La Reine et
la Duchesse de Beveren en tuerent plusieurs avec
des Arquebuses rayées. Le soir on tira au Blanc
à la lueur de plusieurs milliers de Lampions : on
distribua cinq Prix à ceux qui les avoient gagnez
et le Duc de Wirtemberg en remporta le plus haut.
On apprend de Suisse que l'Assemblée géné
rale des treize Cantons , se tiendra cette année à
Bade. Le Marquis de Bonac , Ambassadeur.de
France ayant résolu de s'y rendre , leur a écrit à,
ce sujet la Lettre suivante,
MAGNIFIQUES SEIGNEURS
Comme il vous a plû depuis que je suis honoré
de cette Ambassade , de vous assembler deux
fois à Soleure à ma réquisition , j'ai dessein de
profiter de votre prochaine Diete générale de la
11. Vol.
Saint
I
1606 MERCURE DE FRANCE
Saint Jean , pour vous en faire personnelle
ment mes remercimens , esperant que vous vou
drez bien la tenir dans la Ville de Baden où je
me rendrai.
Vous n'aurez pas oublié et vous verrez dans
vos Abcheids que je vous ai parlé de diverses
choses concernant l'affermissement de l'ancienne
amitié , et des Traitez de Paix perpetuelle et
d'Alliance entre le Roi et votre Nation ; et
comme vous jugerez , sans doute , que votre pro
chaine Assemblée sera une occasion fort natu
relle'de vous entretenir plus amplement sur le
même sujet , je vous prie, Magnifiques Seigneurs ,
de prendre en consideration lesdits Traitez, afin
que vous puissiez instruire Messieurs vos Dépu
tez sur une Matiere si interressante, et que nous
soyons en état de nous communiquer amiable
ment là-dessus. Je prie Dieu , qu'il vous main.
tienne , Magnifiques Seigneurs , dans la prosper
rité de tout ce qui peut vous être le plus avan
tageux.
MAGNIFIQUES SEIGNEURS ,
étoit figné , Votre affectionné à
vous servir.
D'USSON
DE BONA Ci
ITALI E.
R Lazare Palavicini , Genois , qui étoie
à Florence , a été fait de
Chambre du Pape , à la place de M. Sinibal de
Doria , qui a été nommé à l'Archevêché de Be
nevent.
Dans le Consistoire secret du 21. May , ·le
"
Jp Vola
Pape¿
JUIN. 1731.
1607
Tape proposa l'Evêché d'Ancone pour le Cardinal
Barthelemi Massei , ci -devant Nonce en France ,
&c. Le Cardinal Otthoboni , proposa l'Abbaye
de Saint Jacques de Provins , Diocèse de Sens ,
pour l'Evêque de Nîmes ; celle de N. D. de Bol
bone , Diocése de Mirepoix , pour l'Abbé de
Choiseuil- Beaupré. Il préconisa l'Abbé de Vi
gnaux , pour celle de Notre- Dame de Dalon ,
Diocèse de Limoges , et l'Abbé Caudrone de
Quentin , pour celle de Poultiers , Diocèse de
Langres , &c.
Dans le même Consistoire on dressa une pro
testation solemnelle par rapport au Duché de
Parme , pour s'en servir au cas que la Duchesse ,
seconde Douairiere de ce nom , vint à mettre au
monde une Princesse , et qu'on voulut entre
prendre quelque chose au préjudice du S. Siege
dont , a ce qu'on prétend , ce Duché releve .
Le Cardinal Grimaldi , que le Pape avoit nom
mé à l'Archevêché de Luques , a refusé d'accep
ter cet Archevêché.
Le Cardinal Secretaire d'Etat , ayant appris par
les Lettres M. de Paulucci , Nonce en Pologne
que le Roi et la Republique persistoient à vouloir
disposer des Benefices consistoriaux de ce Royau
me, le Pape a nommé une Congregation parti
culiere , pour chercher les moyens de s'opposer
efficacement à cette resolution , qu'on regarde à
Rome comme un attentat contre l'autorité du
S. Siege.
Le premier Juin , on publia une Ordonnance
du Cardinal Marefoschi , Vicaire de Rome , par
laquelle il est deffendu aux jeunes filles qui reçoi
vent des Dots des principales Archiconfrairies de
la Ville de Rome, de porter des dorures sur leurs
habits , ni aucunes étoffes de Soye.
II. Vel NE I ij
108 MERCURE DE FRANCE
On écrit de Turin que le Roi de Sardaigne a
fait arrêter les Receveurs des Fiefs , dépendans
du Saint Siege , qui sont situez dans le Piémont.
Le Cardinal Secretaire d'Etat a fait à ce sujet un
Manifeste. On a appris depuis , que le Roy de
Sardaigne avoit pris possession de la Principauté
de Masserano ; qu'on y avoit mis une forte gar
nison , et que S. M. avoit défendu à tous les Ha
bitans de cette Principauté , de reconnoître en au
cune maniere la Jurisdiction du S. Siege , et d'o
béir aux Ordres du Pape.
Le Chevalier de Saint George est de retour
à Rome de son Voyage de Naples , où il a vû unè
partie des curiositez de ce Royaume , entr'autres,
dans l'Eglise des Religieuses Hermites , le Sang
que l'on conserve de S. Jean - Baptiste , dont il vit
la liquefaction pendant la Messe.
On écrit de Naples qu'à la fin du mois dernier,
on avoit encore ressenti à Foggia et dans d'autres
endroits de la Pouille , une violente secousse de
Tremblement deTerre qui a abbatu plusieurs Mai
sons qui avoient résisté au dernier Tremblement
de Terre.
Les opinions condamnées de Molinos,faisant de
puis deux ans beaucoup de progrès dans le Royau
me de Naples , on a tenu à ce sujet plusieurs Con
grégations du S. Office à Rome , dans lesquelles
il a été résolu d'écrire à l'Empereur , et de le prier
de concourir avec le Saint Siege à la destruction
de cette Secte , qui est soutenue par plusieurs
Grands du Royaume.
Le Cardinal Coscia a fait présenter une Requête
au Conseil collateral pour demander qu'on lui
rendit justice au sujet de l'injure que lui ont faite
les Habitans de son Abbaye de Fragnitello , qui
le jour de la Fête du lieu ont arraché et brisé
II. Vol.
ses
JUIN. 1609 1731.
ses Armes qu'il avoit fait mettre au- dessus de la
Porte de son Palais Abbatial. Le même Cardinal
qui a été très mal d'une goûte remontée , est
présentement hors de danger , mais il garde en
core la Chambre dans le Palais du General de
l'Artillerie , chez lequel il a pris son logement . Le
Procureur de ce Cardinal a fait executer, en vertu
d'un ordre du Regent Ventura, tous ces Fermiers
de ses Abbayes et de ses autres Benefices , parce
que la Cour de Rome ne s'est pás addressée au
Conseil collateral , avant que de faire saisir les
revenus de ces Benefices .La Biblioteque de ce Car
dinal a été transportée du Château S. Ange à
son Palais à Rome , pour y être vendue , comme
ses meubles , au profit de la Chambre Apos
tolique.
Le s. de ce mois on finit à Rome la vente
publique des Meubles , des Tableaux et des Livres
du CardinalCoscia, contre lequel on a envoyé dans
tout l'Etat Ecclesiastique des Lettres exécutoires
des Cardinaux, Commissaires de la Congrégation
de non nullis , qui déclarent que ce Cardinal
• étant sorti de Rome , malgré les défenses expres
ses du Pape , a encouru les Censures Ecclesiasti
ques , contenues dans la Constitution d'Innocent
X. du 19. Fevrier 1646. Par ces Lettres il est or
donné à tous les Commissaires députez du Saint
Siege , de faire défenses à tous les Chapitres , Cu
rez et autres Superieurs des Eglises , de l'y rece
voir à peine de suspension à divinis : Sa Sainteté
revoquant à ce sujet tous Privileges , Concessions
et immunitez qui pourroient avoir été accordées
cy- devant , soit par des Bulles Pontificales , ou
par des Conciles Generaux.
On mande de Venise que la Republique a dé
pêché un Courier à son Ambassadeur à Vienne ;
·
II. Vol. I iij
avec
16 to MERCURE DE FRANCE
avec de nouvelles Instructions , pour prier l'Em
pereur de faire une diversion en Transylvanie , en
cas que les Turcs attaquent les places de la Répu
blique dans le Levant .
Le 3. Juin , le Doge , accompagné de la Sei
gneurie , du Nonce du Pape et des Ambassadeurs,
assista dans l'Eglise Ducale de S.Marc,auTeDeum
qui y fut chanté à l'occasion de la Fête de Saint
Pierre Orscolo, qui fut élû par le Peuple , pre
mier Doge de la Republique , en 697. et qui
après avoir gouverné l'Etat pendant deux ans
avec la plus exacte integrité , se retira secrete
ment en Gascogne avec Jean Gradeningo et Jean
Morosini , ses Gendres , et y fit profession dans
un Convent de Camaldules.
On a appris de l'Ifle de Corse que 127 Grecs
bien armés et bien munis de provisions de Guerre
et de bouche, avoient envoyé leurs Familles et leurs
meubles dans une place de sureté , et qu'ils s'é
toient retirés eux mêmes dans la Tour d'Uncivia,
où ils avoient été attaquez quelques jours après .
par 2500. Rebelles de cette Isle , dont ils avoient
soûtenu les assauts pendant cinq jours avec beau
coup de valcur ; que les Assiegeans , voyant .
qu'ils auroient peine à s'emparer de cette Forte
resse avoient fait faire diverses propositions
d'accommodement ; mais que le Chef de cette
petite garnison avoit repondu , qu'ayant entrepris
de combattre pour ses légitimes Souverains , il
ne quittetoit les armes que lorsque la Republique
de Ĝénes lui en auroit envoyé l'Ordre que cet
te réponse ayant irriré les Rebelles , ils s'étoient
portés aux dernieres extrémitez , pour obliger la
Garnison à capituler , qu'ils lui avoient coupé:
les eaux de toutes parts , et lui avoient donné:
un assaut général , dans lequel ils avoient été re
r
?
11. Vol.
poussés
JUIN.
\
1731.
161T
poussés avec perte ; que deux jours aprés , la
garnison avoit fait une sortie , dans laquelle elle
avoit tué un grand nombre des Assiégeans , eg
entr'autres un de leurs Chefs , auquel ils avoient
donné le titre de Maréchal de Camp ; que le de
sordre avoit été si grand parmi ces Mutins , que
la plupart avoient pris la fuite , abandonnant les
armes , leurs munitions de Guerre et leurs Che
vaux , que la Garnison avoit fait plusieurs pri
sonniers ; et que bien loin de les maltraiter ,
me font les Rebelles de l'Isle en pareil cas, le Com
mandant de la Garnison les avoit reçûs avec beau
de douceur et les avoit fait
coup
de leurs
panser
blessures , en les exhortant d'écrire à leurs Ca
marades pour les engager à rentrer dans leur de
com .
>
voir.
❤
D'autres Lettres arrivées depuis , portent que
les Rebelles avoient consenti à une Suspension
d'Armes,et que le premier de ce mois on avoit fait
partir de Génes trois Pinques , avec des armes et
des munitions de Guerre , pour les Villes dont
les Rebelles de cette Isle ne s'étoient pas encore
emparez.
1
On a appris de Génes par les Lettres de Barce
lone qui sont arrivées au commencement de ce
mois , que le Pinque du Patron Bozzo , qui por
toit Pavillon Anglois , avoit été attaqué près des
Côtes de la Catalogne par un Corsaire , qui voyant
lui
que le Patron refusait de venir à son bord ,
avoit tiré un coup de canon ; que ce coup ayant
donné dans le Magazin de la poudre , le Navire
avoit sauté avec cinq personnes en l'air, sçavoir, le
Consul François qui alloit à Malaga,son Laquais,
le Sur- Intendant Anglois du Commerce de Mala
ga ,un autre Passager et un Matelot; que le reste de
Equipage qui se sauvoit à la nage , avoit été
I iiij 11. Vol
fait
1612 MERCURE DE FRANCE
P
fait Esclave par le Corsaire , qui avoit été averti
par un Valet Renegat , que ce Bâtiment étoit
Génois.
ESPAGNE.
O
Na reçû avis que Don Placido de Sangro
étoit arrivé avec trois Escadrons au Camp
de Saint Roch , près de Gibraltar , où on con
tinue à travailler avec beaucoup de diligence aux
Forts qu'on y construit.
Vers le milieu de ce mois il y a eu un Orage
terrible à Seville , où le Tonnerre tomba en di
vers endroits ; il tua dans l'Eglise de Saint Jaques
un Religieux , et en blessa un autre.
On apprend de cette même Ville , que ce qui
a été signé le 6. de ce mois , par les Ministres
du Roi et par M. Kéene , Ministre du Roi d'An
gleterre , est une Déclaration , portant que S. M.
Britanique fera effectivement introduire six milles
hommes de Troupes Espagnoles dans les Etats de
Parme et de Toscane , et mettra l'Infant Don
Carlos en possession des mêmes Etats en con
formité de l'Article V. du Traité de la Qua
druple Alliance , et cela dans le terme de cinq
mois >
à compter du jour de la datte de
cette Déclaration. Le Roi de sa part promet que
pourvu que ces introduction et possession soient
ainsi effectuées , la jouissance de ce qui a été sti
pulé en faveur des Anglois par les Traitez , sub
>
sistera.
GRANDE BRETAGNE .
L
E Chevalier Charles Wager a été nommé
par le Roi , Commandant en Chef de la *
IL. Vol. Flotte
JUIN. 1731. 1613
3
3
4
1
Flotte qui doit mettre en mer au commencement
du mois prochain.
On apprend de Blandfort , dans le Comté de
Dorset, que le feu y ayant pris toute la Ville avoit
été reduite en cendres , à la reserve de 26. Mai
sons et de l'Eglise.
Il y a eu aussi un Incendie à Thwerton, dans le
Comté de Devonshire , où prés d'un tiers des
Maisons a été réduit en cendres .
Le 20, le feu prit dans la maison d'un Distilateur
de la Ville de Londres , dans le quartier de Hol
born , et s'étant communiqué aux maisons voi
sines , il y en eût trente consommées par les flam
mes , et plusieurs autres endommagées.
L'Ecuyer du Comte Kinnoul , Ambassadeur du
Roi à Constantinople , est arrivé à Londres , avec
des Lettres du Grand Seigneur , pour donner part
de son avenement au Trone.
HOLLANDE.
N mande de la Haye , que le Conseil d'Etat
eu une avec les Députez
l'Assemblée des Etats Generaux , au sujet des
affaires d'Oest - Frise , et qu'il y avoit été resolu
de faire à l'Empereur les propositions suivantes :
que S. M. Imperiale declarera que la Republique
de Hollande doit demeurer en possession , com
me elle l'est à present , de tenir garnison dans
Einben et Lierret , qu'elle reconnoîtra de plus que
tous les Pactes ou Conventions , faits entre le
Prince d'Oest - Frise et ses Sujets sous la garantie
de la Couronne d'Angleterre et de la Hollande
seront exécutez , que ses Renitens , ou sujets qui
sont demeurez attachez à ce Prince , jouiront de
Amnistie qui leur a été précedemment accordée,
I L. Vol.
IV. et
1614 MERCURE DE FRANCE
et qu'on leur restituera leurs Biens et leurs Effets
que l'Indemnité demandée par le Prince d'Oest
Frise, sera repartie non-seulement sur les Renitens ..
mais aussi sur tous les Sujets du Païs , et qu'enfin .
la forme du Gouvernement restera sur le même
pied qu'elle étoit avant ces derniers Traitez.
Les mêmes Lettres portent que L. H. P, refɑ
sent de s'obliger à entrer dans une Guerre ouverte
, en cas que les Puissances alliées par le der
nier Traité de Vienne , où les Etats soient atta
qués , et qu'elles ne consentent d'acceder à
ce Traité , qu'à condition de fournir seulement :
un contingent en cas de guerre.
On a apris de la Louisiane , que M. du Perier ,,
Commandant dans ce païs - là , ayant reçû de
France un renfort de Troupes , de munitions de
guerre et quelques pieces de Campagne et petits
Mortiers , se mit à la poursuite de ces Sauvages,
qui après avoir massacré il y a quelque tems , les
François dans la Nouvelle Orleans , s'étoient reti
rez dans un Fort qu'ils avoient construit , bien
terrassé , et où ils se croyoient en toute sureté ::
M. du Perier attaqua ce Fort à coups de Canon ,
sans pouvoir y faire brêche ; mais les Mortiers
dont il se servit , firent tant de ravage dans le
Fort , que les Sauvages qui y étoient fort à l'é
troit , furent enfin obligez de.se rendre à discre
tion , ne demandant la vie que pour leurs femmes
et leurs enfans , disant que pour eux ils avoient :
par leur cruauté, merité la mort : cependant :
M. du Perier leur a accordé la vie , et ils ont été:
depuis transportez à Saint Domingue , pour y
travailler avec les Negres………
IL F FRAN
JUIN 17310 4655
1.
t
******** X:XXXXXX:X
FRANCE,
Nouvelle de la Cour , de Paris , &c...
L
A Cour est toûjours trés -nombreuse
à Fontainebleau , où les plaisirs et
les amusemens se succedent & regnent
tour à tour divers jours de la Semaine sont
marqués pour le Jeu , le Concert , la
Comédie Françoise et Italienne , & d'au
tres pour la Promenade à pied , à cheval ,
en carosse & carioles découvertes , et pour
la Chasse du Vol , du Cerf , du Sanglier ,
du Loup , du Chevreuil , &c .
Le 26. de ce mois , le Roy prit le Deüil
pour la mort de la Princesse Douairiere de
Toscane , Veuve du Prince Ferdinand de
Medicis .
Le Roi a accordé au Chevalier de Ni
colaï le Regiment de Dragons , vacant par
la démission volontaire de son Frere aîné,
Le 18. Juin , il y eût concert à Fontaine-
Beau , on chanta dans l'Antichambre de la
Reine , le Prologue et le premier Acte
Amadis de Gaule.
Le 20. M. Destouches , Sur-Intendant ™
BL Volt
I vi de
1616 MERCURE DE FRANCE
de la Musique du Roy , fit executer par
ordre de la Reine , le Prologue , le premier
et le second Acte du Ballet des Elemens ,
qu'on continua le 25. L'éxecution de ce
Divertissement fut très- brillante . Les De
moiselles Courvasier , Lenners , et Bar
bier , chanterent avec succès les Rôles de
Funon et de Leucosie dans le Prologue . Le
fieur d'Angerville chanta ceux du Destin
et d'Ixion , et le St Guesdon celui d'Arion
La Demoiselle Lenner rendit parfaite
ment le Rôle d'Emilie , dans le troisiéme
Acte , ainsi que celui de Valere , chanté
par le fieur d'Angerville. Le sieur le
Prince fit avec applaudissement le Rôle
de Vertumne au quatriéme Acte , de même
que la Demoiselle Barbier dans celui de
Pomone. Les Choeurs et toutes les sim
phonies furent si bien exécutez , que la
Reine eût la bonté d'en marquer sa sa
tisfaction à M. Destouches.
Le 27. on chanta devant la Reine ;
le Prologue et le premier Acte de l'Opera
de Roland.
Le 19. Juin , les Comédiens François
représenterent à Fontainebleau , la Tra
gedie d'Amasis qui fut suivie de la petite
Piece du Concert Ridicule ; le 21 la Co
médie de l'Etourdi ; le 26. le Trage
die d'Andromaque , et la Comédie des
II. Vol. Fâcheux
JUIN. 1731. 1617
Fâcheux ; et le 28. le Dépit Amoureux..
Ces Pieces furent très bien exécutées et .
firent beaucoup de plaisir.
>
>
›
Le vingt-trois Juin , les Comédiens
Italiens représenterent Démocrite , pré
tendu Fou ,Comedie en Vers , de M. Au.
treau les De et pour petite Piéce
buts suivie de l'Intermede ou Paro
die de Lesbina et Dom Micco jouée
sur le Théatre de l'Opera , au mois
d'Aoust 1729. laquelle n'avoit pas en
core été représentée à la Cour. La De
moiselle Silvia et le fieur Theveneau qui
jouent ces deux Rôles , les exécuterent
en perfection .
Le 30 ?
ils représenterent la Tragi
Comedie de Samson , qui fut fort goû
tée. La Chûte du Temple fut parfaite
ment bien executée par le fieur le Maire
qui en est l'Auteur.
د
Le 25. la Lotterie de la Compagnie
des Indes pour le remboursement des
Actions , fut tirée en la maniere accou
tumée à l'Hôtel de la Compagnie. La
Liste des Numero gagnans des Actions.
et dixiéme d'Actions qui doivent être
remboursées , a été rendue publique ,
faisant en tout le nombre de 294. Ac
tions qui ont été remboursées..
II. Vol. M.
1618 MERCURE DE FRANCE
M. Bonnier de Lamosson , ancien
Colonel du Régiment de Dragons Dau
phin , ayant
, ayant obtenu du Roy l'agrément
pour la Charge de Capitaine des Chasses
de la Plaine de S. Denis , autrement dite
là Varenne des Thuilleries , dont il a traité
avec le Comte de Sainte Maure , qui
étoit pourvû de cette Charge , eut l'hon
neur d'en remercier S. Mi le 2. de ce
mois , et le 8 il tint sa premiere audiènce
en qualité de Capitaine des Chasses
aprés avoir été reçu par les Officiers de
la Capitainerie , dans la Galerie du Châs
teau des Thailleries , où les Audiences
se tiendront dorénavant.
On écrit de Bayeux qu'il y a fait surs
fa fin du mois de Juin des Tonnerres
et des Eclairs si épouvantables , que de
mémoire d'homme on n'en a vû de
pareils,
et sans qu'il soit tombé une goute de
pluye. Le Tonnerre , tombé plusieurs fois >
sur divers Bâtimens de la Ville , a causé
beaucoup de dommage , et a tué même
et blessé plusieurs personnes.
a
On apprend de Liege , que le Couvent
des Franciscains de cette Ville avoits
été réduit en cendre par le Tonnerre .
La Maison de Sorbonne a député plus
11. Folo
sieurss
JUIN.. 1731 1619
י
?
sieurs de ses Docteurs à M. le Duc d'Ai
guillon , pour lui faire compliment sur
sa nouvelle Dignité de Duc et Pair de
France , laquelle lui a été adjugée par
Arrêt contradictoire du Parlement , et
de laquelle il a pris possession au Parle
ment le 28. May. La députation étoit
composée de six Docteurs de cette Mai
son. Ces Messieurs se transporterent chez
M. le Duc d'Aiguillon le 27. de ce mois ,
où ils ne le trouverent point. Madame
la Duchesse d'Aiguillon les reçût , et
M. Lullier , ci- devant Curé de Saint
Louis en l'Isle , et maintenant Senieur
de la Maison de Sorbonne , et Doyens
de la Faculté de Théologie , lui adressaa
la parole, et fit le Discours suivant..
MADAME
La Maison de Sorbonne a trop de re
connoissance des bienfaits qu'elle a recês :
du Grand Cardinal de Richelieu , pour ne
pas s'interesser à tout ce qui peut honorer
sa mémoire, et illustrer sa Maison : nous
n'avons pas de termes pour exprimer les sentimens
dont nous fumes penetrez , lorsque
nous apprimes le jugement équitable qui
Assure à M. le Duc d'Aiguillon irrevoca
LL. Vol. blement:
1620 MERCURE DE FRANCE
blement une haute Dignité. Cette Dignité
Lui étoit dûë, Madame , les services im
portans que le grand Armand a rendus à
Eglise et à ce Royaume , retentissent encore
dans tout l'Univers ; ils meritoient une ré
compense singuliere le Souverain , le plus
juste de nos Rois , l'a accordée , en ordon
vant que les Titres les plus éclattans fus
sent transmis à ceux qui seroient les heritiers
du nom de Richelieu.
Ce qui fait sa gloire , Madame , c'est
qu'on voit en lui des qualités éminentes
qui ont fait suivre d'un applaudissement
general la Justice qui lui été renduë.
Vous participez à cet honneur, Madame
au plutôt il vous est commun avec vôtre Illus
tre Epoux ; et permettez nous de vous dire
que vous devez être au comble de vos voeux ;
vous vous trouvés placée sur un Siége hono
rable prés du Trône.
Votre joie et la nôtre ont été troublées , il
est vray, par une maladie soudaine et dan
gereuse , qui a retardé nos hommages , et qui
nous a causé bien des allarmes ; mais il a
plû au Seigneur de vous en délivrer , d'é
xaucer nos prieres , et de vous rendre une
santé qui nous est bien précieuse.
Puissiez- vous , M. le Duc d'Aiguillon
et vous, Madame, pendant une longue suite
d'années , voir vos illustres Enfans soutenir
"
II Vol t'éclat
JUIN. 1731. 1621
Péclat de leur naissance , par la vertu et la
pieté,sans quoy toute grandeur humaine n'est
que vanité ; puissent leurs descendans
perpetuer jusqu'à la posterité la plus reculée ,
tes beaux noms de Richelieu et d'Aiguillon
et au de-là des Siécles que durera le Monu
ment magnifique que le grand Cardinal a
fait élever pour la déffense de l'Eglise et de
la Réligion : ce sont , Madame , lesvoeux de
la Maison de Sorbonne , que nous avons
P'honneur de vous présenter.
7
•
Madame la Duchesse d'Aiguillon ré
pondit à ce compliment avec beaucoup
de politesse , témoigna à ces Messieurs
bien de l'estime pour la Maison de Sor
bonne , leur fit voir ses appartements ,
et les fit réconduire par M. son fils jus
qu'à leurs Carosses
BENEFICES DONNE'S.
L
E Roy a accordé l'Abbaye de S. Mar
tin , Ordre de S. Benoit , Diocèse
d'Agen , à l'Abbé de Bocaud , Chanoine
de l'Eglise Cathedrale de Montpellier .
Celle de Ham , Ordre de S. Augustin ;
Diocèse de Noyon , à l'Abbé de Ses
maisons , Aumônier du Roy , qui a remis
l'Evêché de Soissons , auquel S , M. l'avoit
nommé.
II. Vol L'Ab
1622 MERCURE DE FRANCE
L'Abbaye Reguliere de S. André aux
Bois , Ordre de Prémontré , Diocèse
d'Amiens , au P. Boubert ;
Celle de Slines , Ordre de Citeaux,
Diocèse d'Arras , à la Dame de Gomi
court.
L'Abbaye de Corneville , Ordre de S.
Augustin , Diocèse de Rouen , à l'Evê
que de Sisteron ;
Celle de Molome , Ordre de S. Benoît ,
Diocèse de Langres , à l'Abbé d'Heri
court , Conseiller au Parlement ;
Celle de Mores , même Ordre , et même
Diocèse , à l'Abbé Langlois , Chanoine de
P'Eglise Metropolitaine de Cambray ; et
L'Abbaye Reguliere de S. Jean de la
Castelle , Ordre de Prémontré Dio
cèse d'Aire , au P. de la Velle .
..
LETTRE écrite de Senlis , le premier
Juillet 173: 1 . sur un Fait singulier.
E vous ai promis , Monsieur , de vous
faire sçavoir ce qu'il y auroit de nou
veau dans cette Ville. Voici de quoi vous
divertir. Hier sur les onze heures du ma
tin , un nommé Moruë, fils d'un Couvreur
de Baron , jeune homme de vingt ans
et des pieds de hauteur environ , vint
prier le Sonneur de l'Eglise Cathédrale ,
de lui ouvrir la porte du grand Clocher
荆
II. Vol
celui
JUIN. 1731. 1623
eclui- cy , qui lui ouvrit , ne le put suivre
que de loin , à cause de la grande vitesse:
avec laquelle il monta . Parvenu à l'extré
mité de l'escalier , qui ne va tout au plus
qu'aux deux tiers du Clocher , il fut bien
surpris de ne plus voir celui qui l'avoit
précedé ; il l'appelle , il pâlit ; revenu un
peu de sa frayeur , il regarde par une
fenêtre , il voit dans la Place une grande
quantité de personnes qui lui paroissent
interdites et étonnées ; croyant à cette vûë
que cet inconnu s'étoit précipité , il des
cend avec d'autant plus d'affliction qu'il
craignoit qu'on ne l'accusât d'en avoir été
la cause. Mais qui peut se l'imaginer ! il
avoit sauté par la fenêtre sur une saillie:
voisine,etil grimpoit en dehors jusqu'à ce
qu'il parvint au Coq , et cela avec une
grande facilité , sans échelle et sans corde..
Ce témeraire remuoit la jambe , par bra
voure et chantoit en montant sur chaque
Corniche ou avance de pierre . Enfin quand
il fut à l'extrémité où il y a une pomme
de cuivre qui doit avoir 3. ou 4 pieds de
diamétre et qui est élevée environ 6. pieds.
au- dessus de la derniere Corniche sur la
quelle il étoit posé , il fut obligé de se
renverser en arriere pour attraper la bor
dure de la pomme et par un grand effort
qu'on lui vit faire , il y plaça un genou
et sauta dessus ..
1624 MERCURE DE FRANCE
1
C'est là que cet homme qui ne paroissoit
qu'un Pygmée, tant ce Clocher est élevé, fit
voir son adroite témerité ; il prit la Croix
de fer d'une main , et s'efforçant de l'au
tre d'en tirer le Coq , il n'y peut réüssir
qu'en faisant un saut pour y atteindre
au moyen duquel il le prit. Après avoir
fait sur ce Theatre plusieurs folies , il en
descendit son Coq à la main . Quand il
fut à la moitié de ce chemin étroit , fatigué
sans doute du fardeau qu'on dit peser 25.
livres , il mit un pied sur une Corniche
et un pied sur une autre , les jambes très
écartées , sa proye dans une main et de
l'autre tirant ses jaretieres , il lia ce Coq , le
mit sur son dos en forme de Carquois , et
descendit en cet état. Les Chanoines le fi-.
rent aussi-tôt enfermer dans la chambre du
Sonneur , de crainte qu'il ne s'enfuit , et
qu'on ne fût obligé de faire des dépenses
considerables pour les échafauds , les échel
les , &c. dont on seroit obligé de se ser
vir , dans le doute aussi qu'on pût trouver
un homme dans le Pays qui voulût mon
ter , puisque nos Couvreurs , nos Maçons.
et nos Charpentiers , ne sont point d'hu
meur à risquer ce voyage , même avec des
précautions. Tout le monde courut en fou
Je voir le Coq , moi- même je l'ai tenu et
mesuré , il a trois pieds un pouce depuis
1
II. Vol. l'ex
JUIN. 1731. 1625
l'extrémité de la tête jusqu'au bout de la
queue. Sur les 4. heures tout Senlis regar
dant son Clocher , vit remonter cet im
prudent avec une celerité admirable , il ne
fut pas une heure à faire son second
Voyage. Vous connoissez la grande éleva
tion de notre Clocher , on a toûjours crû
jusqu'à present qu'il étoit impossible au
plus agile des chats d'y grimper . Je ne
reviens point de ce que j'ai vû ; et ce qu'on
admire encore, c'est qu'il n'y eut ni gageu
re , ni espoir de gain dans cette entreprise;
et cette action à part , ce jeune homme ne
passe pas pour fou. Si quelqu'un doute
de ce que je vous écris , il sera aisé de le
convaincre , s'il veut venir jusqu'à Senlis
il verra par le moyen d'une Lunette d'ap
proche , un ruban que ce Grimpeur atta
cha au Coq , mais qu'on ne sçauroit voir
sans ce secours.
Le sicur Dugeron , ancien Chirurgien d'Ar
mée , continuë de donner avis qu'il a fait la dé
couverte du Remede sans gout qui préserve les
dents de se gâter et de tomber ; ceux qui en font
P'usage s'en trouvent bien . Il donne la maniere
facile de s'en servir , et mer son nom et le
prix sur les Boëtes ; il y en a de deux , de trois
et quatre livres . Sa demeure , avec Tableau , est
à Paris , ruë Comtesse d'Artois , au Dauphin ,
proche la Comedie Italienne.
II. Vol. MORTS
1626 MERCURE DE FRANCE
**XXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
MORTS ET MARIAGES
E 14. de ce mois , Jean Ovide Anne
de Mydorge , Chevalier de l'Ordre
de S. Jean de Jerusalem , du Prieuré de
France , mourut à Paris de la petite Ve
role ; il y a eu plusieurs Commandeurs
de ce nom dans ledit Ordre.
Le Président Duret , cy - devant Secre
taire de la Chambre et du Cabinet du
Roi , mourut à Paris le 21. de ce mois ,
âgé d'environ 58. ans.
N. Daunaut du Bois de la Roche , Mar
quis de Voluire , Maréchal de Camp ,
Lieutenant General de la Province de
Bretagne , cy - devant Capitaine Sous- Lieu
tenant de la Compagnie des Gendarmes
de la Garde du Roi , est mort subitement
à la fin de ce mois , en Bretagne , âgé d'en
viron 58. ans.
Michel Michaut de Montaran , Briga
dier des Armées du Roi , et Capitaine au
Régiment des Gardes Françoises , mourut
à Fontainebleau le 30. Juin , dans la 56.
année de son âge . Sa Compagnie a été
donnée à M. Tallonet , premier Lieute
nant à monter.
La Ceremonie du Mariage du Duc de
Mazarin avec la Marquise de la Vrilliere,
fut faire le 14. de ce mois , dans l'Eglise
de l'Institution des P P. de l'Oratoire.
Z
TABLE .
****
* **L[
اوخنرال
Leces Fugitives . La Sciende , Ode ,
sur le Sang ,
1427 Ode Sacrée tirée du Pseaume Confitebor ,
L'Aparition de l'Ombre de M. Thiers , &c. 1429
Le Renard trompé , Fable ,
Dissertation sur la Taille par l'appareil Lateral ,
1450
& c.
>
Sonnet de Mlle de la Vigne
Refléxion sur la Politesse →
1416
1421
1453
1469
1470
Stances ,
1479
Lettre de M Capperon pour découvrir et con
noître les Sels , & c . 1482
Cantatille ,
1497
1514
Refléxions sur la Méthode de M. le Fevre de Sau
mur , et sur les Notes de M. Gaullyer , 1498
Bouquet à Mad. B.
Lettre sur l'Akousmate d'Ansacq , et sur un au
tre , & c.
1516
Enigmes , Logogryphes , & c. 1531
Nouvelles Litteraires , des beaux Arts , &c. Le
Théatre des Passions et de la Fortune , 1533
Memoire sur le Laminage du Plomb , 1535
Discours pour servir de Plan à l'Histoire du
1538
Les Elemens de Mathématique de M. Varignon,
Gévaudan ,
& c. 1541
Giornale de Litterati d'Italia , Tomo II . 1545
Lettres sérieuses et badines , &c. 1551
Nouveau Reglement pour le Palinod de Caen ,
1557
Découvertes curieuses dans l'Art de plonger, 1558
Nouvelles Estampes de Watteau , 1561
Lettre sur les prétendues Antiquitez trouvées à
Cadix , 1564
Spectacles, Les Fêtes Venitiennes, Balet , 1568
LeFaux Sincere ,Comédie Nouvelle,Extrait, 1574
Nouvelles Etrangeres , de Turquie et Perse , 1598
Relation du Sacre du Roi et de la Reine de
1399
Dannemarck ,
1605
1615
Lettre du Marquis de Bonac , &c .
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
Députation et Discours de la Maison de Sorbonne
au Duc d'Aiguillon ,
Benefices donnez ,
Lettre sur un Fait singulier ,
Morts et Mariages ,
Errata de May.
Age 1046. ligne 4. encore que , lisez, encore
qu'en partie.
P. 1050. 1. 3. Ovindus , 1. Ovinius.
P. 1051. l. 24. et, l. cst.
1918
1621
1622
1626
Errata du premier volume de Juin.
PAge
Age 1259. ligne 3. Blomet , lisez Bolomet par tout.
P. 1380. 1. 3. du bas , jurer , 1. juger.
P. 1382. l. 4. du bás , Ferie , l. Force.
P. 1385. 1. 6. Gaudin , I. Gaudion.
P. 1396. l. 18. élû , l . élevé.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1536. ligne 3. du bas , que vous aviez
eu raison de ne point tirer la pierre, ajoû
tez , dans le moment de l'Operation.
P. 1536. l. 17. cruteux , 1. coûteux.
P. 1550. 1. 1. lux , l . luce .
P. 1558 1. 10 avant , l. après.
P. 1561. 1. 20. les , l. ces.
P. 1270. 1. 4. ces paroles , l . ses paroles
John
Bigelow
to the
Century
Association
* DM
Mercure
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
JUIN. 1731 .
PREMIER VOLUME.
Chez
STARGIT
QUE
COLLIGIT
RR
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la descente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais ,
M. DCC. X.X X, L
Avec Approbation & Privilege du Roy.
THE NEW YORKİ
PUBLICLIBRARY
A VIS.
>
DATADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comedie Fran
goife , à Paris . Ceux qui pour leur com
modité voudront remettre leurs Paquets ca
chetez aux Libraires qui vendent le Mer
sure, à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
&
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaite
ront avoir le Mercure de France de la pre
miere main, plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , de les faire porter fur
T'heure à la Pofte , on anx Meffageries qu'on
lui indiquera
335167
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATION
1805
*
PRIX XX X. SOLS.
Mor
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROr
JUIN. 1731.
*XX *******************
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers & en Prose.
ODE SACRE'E ,
Tirée du Pseaume , Dixit Dominus.
Uand mon Roi s'éleva lui- même ,
Jusqu'à la Celeste Cité ,
Mon fils , lui dit l'Etre suprême ,
Viens te placer à mon côté ,
Jouis ici de ma puissance ,
En attendant
que ma vengeance ,
I. Veh
A ij . Mette
1206 MERCURE DE FRANCE
Mette à tes pieds tes ennemis :
De Sion au bout de la Terre ,
Ton bras ira porter
la guerre ;
Et l'Univers sera soumis.
L'Eclat d'une telle victoire ,
Fera voir alors aux Humains ,
Quel est ton Empire et ta gloire ,
'Au milieu des splendeurs des Saints ;
Je t'engendray de ma substance ,
Avant que ma Toute- Puissance ,
Eût fait l'Etoille du matin.
Avec moi tu régis le Monde ,
Et les Cieux et la Terre et l'Onde ,
Sont les Ouvrages de ta main.
Toi seul es le souverain Prêtre ,
Par Melchisedech figuré ;
Tu ne cesseras point de l'être ,
Comme le Très-haut l'a juré.
'A ta droite dans sa colere ,
Il brisa l'orgueil témeraire ,
Des Rois soulevez contre toy :
Et s'armant un jour de la Foudre ,
Il doit juger et mettre en poudre ,
Ceux qui mépriseront ta Loy.
I. Vol. Soumis
JUIN.
1731. 1207
Soumis aux ordres de son Pere .
Il viendra chez les Nations ,
Boire à longs traits de l'Onde amére
Du torrent des afflictions :
C'est en sacrifiant sa vie ,`
Qu'il détruira la tyrannie ,
Du noir Monarque des Enfers ,
Et c'est à ce prix qu'il doit être ,
L'Arbitre et le souverain maître ,
Des Puissances de l'Univers.
gggg 288
EXTRAITF d'une Lettre écrite d'Au
xerre à M. D. L. R. au mois d'Avril
1731. par M.L. B. C. S. sur une Urne
et des Médailles trouvées.
. د ه د ه د د
BadaB& AD
differé à vous d'une
découverte qui fut faite près de cette
Ville la veille de laFête de S. Pierre dernie
"re , c'est- à- dire le 28. Juin 1730. dans le
territoire d'un Village appellé Vaux , à
une lieuë d'ici , sur le bord de la Riviere
d'Yone. Un Laboureur préparant une
terre pour la semaille prochaine , le Soc
de sa Charuë rencontra un ferrement qui
l'arrêta. Il voulut tirer ce ferrement qui
étoit placé perpendiculairement en terre,
mais il ne put en venir à bout qu'en creu
I. Vol.
A iij sant
1208 MERCURE DE FRANCE
sant dans l'endroit ; l'ayant arraché de ce
lieu , il reconnut par le bout qui étoit
plus avant dans la terre , que c'étoit une
fourche de fer à trois fourchons , longue
d'environ deux pieds : elle a depuis été
cassée en trois pieces , et il n'a resté que
le bout des trois fourchons que ce Paysan.
m'a mis entre les mains . On y trouva
aussi un autre Instrument de fer
que je
n'ai pû voir , et qu'il juge avoir servi à
attiser un foyer de charbons . Comme les,
pointes de la fourche aboutissoient à une
grosse pierre , il crut qu'il y avoit cous
cette pierre brute quelque chose de pré
cieux. Mais l'ayant levée , il n'y trouva
d'autre trésor que des cendres , des frag
mens d'une Urne de terre de couleur grise
cendrée , et quelques restes d'Ossemens ,
avec du charbon , er dix Médailles de
Bronze , dont il y en avoit d'épanchées
dans les terres que la pioche remua.
J
Etant allé sur le lieu , je ramassai les
fragmens d'Urne que le Laboureur avoit
méprisez les examinant ensuite , je fus.
assez surpris de trouver parmi ces frag
mens deux morceaux de crâne humain ..
La matiere poreuse qui cause leur legere
té me servit à les distinguer tout aussi
tôt du reste de ce que j'avois ramassé , et
les ayant frottés , je découvris qu'il y en
1. Vol.
JUI N. 1737. 1209
a un qui a encore conservé jusqu'à pre
sent la couleur que le feu lui a donnée
et celui- la sonne comme un morceau de
terre cuite.
A cette occasion j'ai voulu relire ce que
le sçavant Abbé des Thuilleries fit impri
mer contre M. Capperon en 1722. dans
le Mercure de Juin touchant la cessation
de l'usage de bruler les corps humains.
Quoique je ne fusse point porté à suivre
le sentiment de M. Capperon , qui croit
que l'usage de bruler les corps morts n'a
point passé le temps des Antonins , et
que ce furent eux qui l'abrogerent , j'en
suis encore plus éloigné que jamais depuis
cette découverte , et ce qui m'autorise à
préferer le sentiment de M. l'Abbé des
Thuilleries , qui soutient après Kirchman
que la coutume de bruler le corps des
deffunts duroit encore au troisiéme siecle ,
est que le corps qui a été brulé sur le
Rivage oriental de notre Riviere , et dont
j'ai vu les foibles restes , est surement
d'un Payen qui vivoit du temps de Pos
tume. Il est vrai que lorsqu'on eut re
mué la terre de ce lieu , on reconnut
parmi les Médailles qu'on y ramassa qu'il
y en avoit quelques-unes du premier et du
second siecle , mais il s'y en trouva aussi
du troisiéme , et ces dernieres étoient
L. Vol. A iiij
même
1210 MERCURE DE FRANCE
même en plus grand nombre. L'une étoit
de l'Empereur Hadrien , une autre d'An
tonin le Preux , l'une de Marc- Aurele ,
trois des plus effacées qui ont été dissi
pées , je n'ai pû les voir ; mais j'ai recou
vré les quatre principales de cette petite
quantité elles sont toutes de Posthume,
en grand et moyen Bronze , et deux de
celles qui sont en grand Bronze ont pour
Legende LAETITIA AUG. avec le
Vaisseau Prétorien , et de ces deux l'une
est si belle , quoique peu épaisse , qu'on
diroit qu'elle sort des mains de l'Ouvrier,
car le Paysan qui m'a vendu trois de ces
Posthumes , avoit cru bien faire de les
éclaircir et d'en ôter la roüille . Je ne sçai si
ce Vaisseau auroit quelque rapport à la Na
vigation de la Riviere d'Yone. J'en laisse
la décision à d'autres . Permettez que j'ap
puye encore ici en passant un article de la
défense que l'Abbé des Thuilleries a faite
du sentiment de M.Huet , Evêque d'Avran
ches ,sur l'origine du nom d'Eu.Le premier
Village au- dessus d'Auxerre en remontant
le long de la Riviere , à gauche , s'appelle
Augy , et justement c'est un Pays de Plai
ne et de Prairies. C'est donc encore un
exemple qui peut être cité avec les au
tres dont ce sçavant Prélat , aussi-bien que
M. Du Cange , s'autorisent pour assurer
B
I. Vala que
JUIN. 1731 . 1211
on
>
que les mots au , auu , auve , en , o
оии , verifient par la situation des lieux
dans le nom desquels il entre une de ces syl
labes , que ces noms viennent de l'ancien
langage Teutonique , parce qu'encore de
nos jours en langage Alleman ces mots si
gnifient un Pré. L'article du Glossaire est
court ; mais il me paroît formel par le
moyen du Texte qu'il allegue de la vie
de S. Colman , où il est parlé ainsi d'une
Eglise bâtie dans une Prairie : Est autem
prope Danubium quædam speciosa et delec
tabilis Augia , in qua noviter constructa
fuit Basilica d'où M. Du Cange a eu bien
raison d'inferer que par Augia il faut en
tendre une Prairie située sur le bord d'u
ne Riviere , ou entourée d'un Fleuve : Au
gia campus pascuus amni adjacens veľ
amne circumfusus , eu Germanico Au vel
Auw. Au-dessus du Village de notre Au
gy , la Plaine devient labourable , et ce
n'est qu'à un quart de lieuë delà que se
trouve le Vaax en question , si toutefois
il faut l'écrire ainsi : car je suis porté à
croire que c'est l'ancien Uno , nom indé
cliné , dont la vie de S. Aunaire , Evêque
d'Auxerre , écrite au VII , ou VIII . siecle,
dit que c'étoit un Village situé tout pro
che Auxerre , dans lequel il y avoit une
Fontaine dont les eaux faisoient bouil
1. Vol "Av lonnet
212 MERCURE DE FRANCE
'onner le sable , et qui étoit de profondeur
à noyer un homme : en effet tout cela se
trouve veritable à Augy , où l'on voit l'u
ne des plus spacieuses sources qui soit bien
loin d'ici.
Au reste, Monsieur , si j'avois été dans le
pays dans le temps de la découverte faite à
Vaux , je m'y serois transporté dès le jour
ou le lendemain , et j'aurois pû vous.en.
rendre un compte plus détaillé. Mais vous
vous ressouviendrez que j'étois alors en
route dans le Berry , tant pour me dé
lasser des fatigues attachées à ma fonction,
que pour vérifier , en chemin faisant , un
point de l'Histoire Ecclesiastique de ce
Diocèse , et éclaircir un endroit de l'His
toire de S. Grégoire de Tours , sur lequel
je crois qu'on a été jusqu'ici dans l'erreur.
Quelque perite qu'ait été la découverte
faite à Vaux, elle a été très - publique dans
le lieu . Le Curé de la Paroisse en est té
moin , aussi bien qu'un grand nombre de .
Paysans ausquels j'ai parlé , et qui sont
tous d'accord sur le fait. Ce n'est point de
ces découvertes controuvées dont on ne
peut montrer les effets , ni produire au
cun témoin , telle est celle * qu'on
Cette prétendu Découverte se trouve dans
le Journal de Verdun , du mois de Novembre
1727 page 3261
ty
La Vol.
JUIN. 1731. 1213
a supposé il y a quelques années avoit été
faite dans un petit Village du Diocèse de
Sens , à quelques lieues d'ici , dans la
quelle tout a été également invisible
Pierre, Inscription et Médailles.Heureuse
ment , Monsieur , ce n'est point votre
Journal qui en a été la duppe. Je plains.
ceux qui sont si mal servis , et je suis , &c.
** 街
DESCENTE AUX ENFERS,
O DE.
D
Ieux quel est le projet que la douleur
m'inspire !
Je me livre aux transports que j'éprouve en co
jour ::
N'hésitons plus allons au ténébreux empire
Ravir l'aimable objet d'un malheureux amour..
Orphée à ses accords dut le rare avantage ,
De pouvoir pénétrer jusqu'au sombre rivage ;
* Le Eils de Jupiter le dut à sa valeur ::
Pour attendrir Caron , pour appaiser Cerbere ,,
Pour flêchir des enfers le Monarque severe ,,
Je ne veux employer que ma vive douleur..
$2
* Hercule.
ܬܵܐ
I. Vol. Sii A vi
1214 MERCURE DE FRANCE
Si je ne puis te rendre à la clarté celeste ,
Chere ombre ; j'y renonce et je reste avec toi ...
Mais ou suis- je ! Quel bruit ! Quel Spectacle
funefte !
La frayeur me saisit ... c'est le styx que je voi :
Que des Manes errants sur ses fatales rives !
Insensible aux regrets de ces ombres plaintives ;
Caron prête l'oreille à mes tristes accords :
Il approche , et malgré les ordres de la Parque ;
Il se rend à mes voeux , me reçoit dans sa barque,
Il me passe ; déja je touche à d'autres bords.
M
Ici , Dieux immortels , des tourmens innom→
brables ,
Vous vangent de l'abus qu'on fit de vos bienfaits.
Hé , qui ne plaindroit pas le sort de ces coupables?
Quels supplices affreux punissent leurs forfaits ?
Trois monstres , Alecton , Tisiphone & Megere,
Ont le soin de servir votre juste colere.
En leurs barbares mains vous remettez vos droits
Je fremis , et mon oeil à regret les contemple ;
Ha ! je n'ai pas besoin d'un si terrible exemple ,
Dieux justes,pour apprendre à respecter vos Loix
Fuyons : éloignons nous de ces objets funebres :
Ils me glacent d'horreur ... je tombe dans la nuit ;
Par où dois -je passer ? je suis dans les tenebres ....
I, Vol.
Mais
JUIN. 1215 1731.
à
Mais d'où vient la clarté qui tout
La cruelle Atropos à mes yeux se presente ;
Je sens à cet aspect que
ma douleur augmente
Elle tient en ses mains le terrible ciseau ,
Qui de tous les mortels regle les destinées ,
Et qui vient de trancher les plus belles années
D'un objet que j'adore au de- là du tombeau.
coup me luie?
Elevé sur un Trône , au milieu des fantômes ,
Le Gendre de Cerés vient s'offrir à mes yeux.
Terrible Souverain de ces sombres Royaumes ,
Tu connois le dessein qui m'amene en ces lieux ;
Soulage la douleur de mon ame éperduë ,
Ordonne qu'à mes voeux Camille soit rendûë :
Pluton , si -mes sanglots ne peuvent t'émouvoir¿
Și la Loi du destin s'oppose à ma tendresse
Attendri par mes pleurs , sensible à ma tristesse
Daigne permettre au moins que je puisse le voir.
Le severe Pluton n'est pas inéxorable ,
Touché de mes regrets , il ordonne à Minos
De conduire mes pas vers cet azile aimable ,
Où Camille joüit d'un éternel repos :
J'apperçois du Léthé les tranquilles rivages ;
Agréable séjour ; c'est ici que les Sages ,
Goûtent après leur mort le plus parfait bonheur g
I. Vol.
Pour
1216 MERCURE DE FRANCE -
Pour ces lieux fortunez , les Dieux nous ont faig
naître ......
Camille à mes regards tarde trop de paroître ;
Minos , que tu sers mal les transports de mon
coeur !
Hâtons-nous je la vois , elle a repris ces
charmes ,
Que la faulx de la mort avoit sçû moissonner..
Chere ombre , arrête toi sois sensible à mes
larmes ,
>
A mes chastes transports , 'daigne t'abandonner …..
Camille ! tu me fuis ! tu ne veux pas m'entendre ,
A ce nouveau malheur aurois- je dû m'attendre ,
Après avoir franchi tant d'obstacles affreux ?
Quel accueil ! Quels regards ! Quel farouche
silence !
...
9
Helas ! me faudra -t-il pleurer ton inconstance !
Les plus tendres Amans sont-ils les moins heu
reux ?
Les Dieux condamnent-ils une si belle flâme ?
As tu pûte resoudre à me manquer de foy ?
Que dis-je ! quel soupçon vient s'offrir â mon
ame !
Ah ! tel est du destin l'irrévocable Loy :
Oui , ce n'est qu'à regret que Camille m'évite ;
Mais, de tant de malheurs mon desespoir s'irrite
St
I. Vol. Je
JUIN. 173F. 1217
Je la suivrai par tout , je ne la quitte pas ....
Minos , près de Pluton vas reprendre ta place ,,
De rester en ces lieux qu'il m'accorde la grace .
Sans Camille la vie a pour moi peu d'appas .
Ay-je pû , justes Dieux , meriter votre haine ,.
Pourquoi me forcez -vous de quitter ce séjour !:
Je vous implore en vain ; et Minos qui me meine
Va me rendre bientôt à la clarté du jour .
Pour la seconde fois chere ombre on nous sépare;;
Cedons sans murmurer à cet ordre barbare ,
Et respectons les Dieux jusques dans leur rigueur;
Adieu , puisse du moins la douleur qui m'accable,
Abreger de mes jours le reste déplorable ,
Cette seule esperance adoucit mon malheur.
Par M. V. D. L. T. d'Aix..
į į į į ♣ ♣ ▲ į į į į į į į f f f f f
LETTRE sur la Pierre qui s'engendre dans
Le Corps humain.
E gémis , Monsieur , je vous l'avoie ,
I
de Dissertations sur les manieres diffe
rentes de tirer la Pierre de la Vessie par la
taille. N'est-il pas étonnant que dans un
L. Kolo sić
1218 MERCURE DE FRANCE
siécle aussi éclairé que le nôtre
puisse se défaire de la prévention qu'on a
on ne
en faveur des anciens Auteurs ? car c'est
cet axiome, Remedium calculi cultrum est ; le
Couteau est le Remede de la Pierre , qui
est cause qu'on employe l'Art plutôt que
de consulter la Nature pour guérir ce
mal et qu'on préfere une operation
cruelle et très - dangereuse , qui fait tous
Les jours périr tant de personnes , aux
moyens simples et naturels qui le pour
roient dissiper sans aucun danger.
Mais , dira - t - on , un corps aussi dur que;
la Pierre , ou plutôt que le Caillou qui se
forme dans le Corps humain , ne pour
roit être dissous que par un Dissolvant
des plus puissans : or ne voit- on pas que
ce Dissolvant agiroit bien plus fortement
sur les parties tendres et délicates des Vis
ceres et des Vaisseaux par où il passeroit
dans le Corps , et causeroit dans le Sang des
desordres funestes. D'ailleurs , comme ce
Corps étranger qui est dans les reins ou
dans la Vessie , n'a aucuns Vaisseaux par le
moyen desquels il communique avec le
sang comment la vertu salutaire du
Remede y pourroit- elle arriver ? Enfin
qui a t- on vû délivré par un Remede
pris interieurement d'une Pierre bien
formée & d'un gros Volume ?
ر
.
(
(
I. Vol. Pour
JUIN. 1731. 1219
Pour détruire la premiere de ces trois
objections , qui est la plus folide , il faut
encore que j'attaque un Axiome respec
table par son antiquité , sçavoir , que qui
peut le plus , peut le moins. Ne fçait -on
pas que l'eau forte qui dissout le plus dur
de tous les métaux , qui est le fer , ne peut
rien sur l'Or , qui est beaucoup plus mol,
ni même sur la Cire ; que le jus de Ci
tron qui dissout dans la main le Corail et
les perles , ne peut rien sur le Bois , ni sur
une infinité d'autres corps beaucoup plus
tendres : et que l'Eau commune , qui dis
sout fi vîte le sel , et au bout de quelque
tems le fer même , ne peut rien sur la
Cire , ni sur beaucoup d'autres choses
très-molles ?
Comme la Pierre n'est autre chofe qu'un
amas de sels , fixez par la chaleur des reins
qui , étant entrainez avec l'urine dans la
vessie , s'y assemblent , & forment un
corps par le moyen des glaires qui com
me un mastic , les lient ensemble , & de
vient dur par la chaleur de ce viscere ; il
n'est pas si difficile de trouver un Dissol
vant,ou plutôt un fondant, qui décompo
se cette espece de Caillou , puisqu'il ne
faut pour cela qu'amolir ,et réduire en li
queur ce mastic glaireux qui les tient ras
semblez : au moyen dequoi ces sels fixes
I.Vol
di
1220 MERCURE DE FRANCE
divisez et devenus libres , s'écouleront
aisément par l'uretre avec l'urine. Et puis
que l'urine n'est autre chose que la par
tie sereuse , saline et sulfureuse , séparée
du sang par la filtration qui se fait dans
les reins , il est aisé de comprendre qu'a
yant tiré du sang la qualité fondante du
Remede qu'on aura pris , elle décompo
sera aisément la Pierre qui baigne sans
cesse dans l'urine..
.
Enfin , Monsieur , pour répondre à la.
troisiéme objection et convaincre les
plus incrédules , ayez la bonté d'inviter
les personnes qui ont été délivrées de la
Pierre par des Remedes intérieurs , ou par
l'application de la Pierre divine , à en fai
re part au Public par la voye de votre
Mercure: vous verrez qu'il y ades moyens.
plus surs et plus faciles que le Couteau
pour faire sortir la Pierre du Corps hu
main..
le
Si vous voulez inviter en même-tems
ceux qui ont été guéris par des Remedes
trés-simples d'Hidropisies formées , vous
connoitrez aussi , et tout le Public par
même moyen , que la ponction n'eſt pas
nécessaire dans l'Hidropisie for née ; et
que pour perfectionner la Medecine , il
vaudrait mieux s'appliquer à étudier la
Nature , et à éprouver les qualités salu
(
128
N
N
I
L. Vol . taires
JUIN. 1731. 1221
taires de ses differentes productions , que
d'avoir recours aux Operations manuel
les , et de composer tous les jours , com
me on fait , de nouveaux sistêmes ..
Ce que j'ai l'honneur de vous proposer
interresse trop le bien public pour douter
que vous n'inseriez ma Lettre , que j'ai
Sort abregée dans le prochain Mercure..
Je suis Mon ieur , &c .
De La Loge.
******
: *: * XXXX
:XXX
STANCES.
Ephise en dois- je croire au rapport d'us
Enfant
Où dois - je le traiter de fable ?
Fft- ce de votre part qu'il m'a fait compliment ?
Plus ce bonheur me paroît grand ,
Et moins il me paroît croyable !:
Mon coeur , un tel espoir a droit de vous saisir
Ne vous refusez pas à cette joye extrême ;
Il est doux de s'aider à se tromper soi -même
Lorse l'erreur eft un plaisir..
L'Enfant a t'il dit vrai suis - je heureux ? suis -je
à plaindre ?
I. Vol Qui
1222 MERCURE DE FRANCE
Qui pourra m'assurer de sa sincerité ?
Cet âge ne sçait il ni feindre ,
Ni déguiser la verité ?
Non , ce n'est point une imposture ;
Je le crois , j'en ai pour garant
Le petit Dieu qui met mon ame à la torture ;
Il n'eft lui-même qu'un enfant :
Amour , je te ferois injure :
Ji je me défiois de ton âge innocent.
Mais mon doute toûjours revient et m'embarasse,
Dois-je ne point songer aux adieux qu'on m'a
faits ?
Ou remercier d'une grace ,
A laquelle peut-être on ne songea jamais ≥
A chaque inftant mille scrupules ,
De mon esprit flotant redoublent l'embarras ;
S'il faut choisir enfin, ah ! paroissons credules ,
Plûtôt que de paroître ingrats..
Mais je me flatte trop d'une grace incertaine ,
Moy qu'on vit rarement près de vous s'arrêter ,
Moi que vous connoissez à peine ,
Qu'ay-je fait pour la meriter
<
52
TO
D
I. Vala
Sei
JUIN. 1731. 1223
Seroient- ce mes regards , dont l'éloquent silence,
A sans doute trahi les secrets de mon coeur ;
Seroient- ce mon respect , ma timide conſtance
Qui m'ont attiré ce bonheur ?
Seroit- ce qu'entendant quelques flutes plaintives
Troubler pendant la nuit le silence des Airs ,
Vous connussiez la voix de mes ardeurs crain
tives.
Qui s'expliquoient par ces concerts ?
Vous auroit-on appris que mon coeur équitable
Faisoit gloire par tout d'être en bute à vos traits
Auriez- vous sçû combien je vous trouvois ai
mable ?
Et comment en tout lieu je vantois vos attraits ?
D'un éloge sans fard ; est- ce la récompense ?
Cephise , avez-vous crû lui devoir ce retour ?
Je le vois , je dois tout à la reconnoissance ,
Et je ne dois rien à l'amour.
Helas ! peut- être encore la pitié s'y joint- elle ;
Prévoyant la douleur mortelle ,
Dont votre prompt départ accableroit mes sens ,
Vous devintes sensible à ma peine cruelle ,
Et sçûtes l'addoucir par deux mots obligeans.
I. Vol. Oui
224 MERCURE DE FRANCE
Oui , même en apprenant que vous étiez partie
Ces mots sçurent me réjouir :
Mais quel chagrin alors dans mon ame ravie !
Quels transports opposés s'en vinrent me saisir!
Dans le même moment je crus perdre la vie ,
Et de douleur & de plaisir.
Je ne m'expose point , Cephise , à vous déplaire;
En découvrant mes sentimens ;
L'aveu de mon amour n'a rien de téméraire ,
Si l'enfant par votre ordre a fait les complimens
Si la grace eft imaginaire ,
Vous ne sçaurez de qui sont les remerciemens
akakakakakakakakakakakakakik
LETTRE de la Marquise de ....
au Chevalier de ...
L
C
E ne doute point , Monsieur , que vous
été que
j'ai gardé au sujet de la septiéme Lettre
du Nouvelliste du Parnasse , que vous
m'aviez sans doute envoyée pour morti
fier mon amour propre ; vous m'aviez
raillée sur quelques larmes que je n'a
vois pû retenir à la premiere representa
tion de la reprise d'Amasis ; je vous sou
tins avec une espece de dépit , ¡que mes.
¿
V
C
t
2
(
1. Vol .
pleurs
JUIN. 1731. 7225
pleurs ne couloient jamais à faux , et que
j'osois garantir la Piece bonne , sur la foi
de ma sensibilité. Nous nous separâmes
assez mécontents l'un de l'autre ; vous ne
fûtes pas long-tems à trouver une occa→
sion de vous vanger de la hauteur avec
laquelle j'avois décidé en faveur d'une
Piece qui n'avoit pas le bonheur de vous
plaire ; et vous ne crûtes le pouvoir mieux
qu'en m'envoyant la Lettre en question.
J'y aurois répondu sur le champ , si je
me fusses trouvée assez de sang froid ,
pour ne pas ressembler à votre impétueux
Nouvelliste , persuadée que la critique
perd infiniment de son prix , quand elle
est dictée par la passion ; me voilà donc,
Monsieur , dans un état assez tranquille
pour ne rien hazarder sans refléxion.
Le début de cette septiéme Lettre de
vroit rendre son Auteur suspect , puis
qu'il n'est établi que sur une fausse hypo
these : Piece, dit- il, en parlant de la Trage
die d'Amasis , jufqu'ici ignorée ou peu van
tée. Notre Ariftarque mal instruit se fon
de , sans doute , sur le peu de representa
tions que cette Tragedie eut dans sa nais
sance ; mais s'il avoit pris la peine de re
monter jusqu'au temps où elle fut donnée
pour la premiere fois , il auroit appris
qu'elle fut accueillie avec autant d'équité,
I. Vol. qu'elle
1226 MERCURE DE FRANCE
qu'elle l'est aujourd'hui > et que par
consequent elle n'a dû être , ni ignorée
ni peu vantée : les meilleurs Ouvrages du
Theatre ne sont pas à l'épreuve des Sai
sons , et le froid extréme qui alors empêcha
le Public d'aller aux Spectacles , fit partager
à ce même Public , aussi bien qu'à M. de
la Grange , le regret de la prompte dispa
rition d'Amasis , sans compter quelque
aigreur entre l'Auteur et une des princi
pales Actrices de ce tems-là , qui ne par
loit jamais de la Piece que pour la dé
- crier.
Ainsi c'est admettre un mauvais Prin
cipe que de dire
que cette Piece est gou
tée aujourd'hui par la même raison qui
a fait dédaigner Brutus. A Dieu ne plaise
que je traite assez mal le Public pour croi
re qu'il a dédaigné cette derniere Trage
die ; le mépris ne sçauroit être le partage
d'un Auteur tel qu'est M. de Voltaire ,
sans commettre la plus criante de toutes
les injustices ; tout le monde s'accorde à
la mettre au rang des meilleurs versifica
teurs de notre siecle ; rien n'eft plus digne
d'admiration que le beau feu qui anime
toutes ses Poesies , et j'ose avancer qu'il
seroit à souhaiter qu'il en eût quelquefois
un peu moins ; il ne s'y laisseroit pas en
traîner si rapidement dans des Ouvrages
I. Vol.
qui
JUIN. 1731. 1227
qui demandent plus de raison que d'an
tousiasme.Revenons à nôtre Archiloque.
Après avoir dit que la Tragedie d'A
masis est remplie de situations & d'évenemens
bizares qui se succedent à chaque instant ;
il lui fait la grace d'avouer , qu'elle ne lais
se pas de conserver une espece d'unité. Com
bien cette verité a- t'elle de peine à sortir
de sa plume ! On en juge par tous les
termes dont il se sert pour faire cet aveu
forcé ; elle ne laiffe pas : quoi de plus mé
prisant ? de conserver. Quelle continua
tion de mépris une espece d'unité ; quel
malin diminutif; je suis surprise qu'il n'ait
pas dit quellefaçon d'unité . Il craint mê
me d'avoir été trop favorable à l'Auteur,
et de peur qu'on ne prenne le change sur
ses expressions , il ajoûte aussi-tôt aprés ,
que cette espece d'unité a bien l'apparence de
la multiplicité , quel rafinement !
→
Quels blasphêmes ne profere - t- il pas con
tre le respectable Parterrel? En voici un : le
Parterre moderne , si je l'ose dire , fent et ne
pense point; Au reste, on doit lui tenir com
pte du Correctif, c'est unefigure de Retho
rique dont il fait rarement ufage.
Voici le second blasphême : dès qu'une
piece lui plaît , il s'imagine qu'elle a droit de
lui plaire , et qu'elle tient cet avantage , non
de son ignorance & de fon mauvais goût
1. Vol. B mai
1228 MERCURE DE FRANCE
mais du merite qu'elle a , parce qu'il se sup
pose infaillible. Quels traits plus deshono
rans ! ignorance , mauvais goût , présom
ption ; l'Auteur de cette Lettre ne seroit- il
pas dans le cas de ces Plaideurs , qui di
sent que rien n'est plus injuste que la Jus
tice , quand ils viennent de perdre une
cause dont la bonté ne subsistoit que dans
leur imagination ? Je crains , Monsieur ,
de sortir du sang froid , dont je me suis
vantée ; tâchons de le reprendre , je ne
puis mieux punir l'adversaire d'Amasis
qu'en me réduisant à faire simplement
l'apologie d'une Piece qu'il attaque avec
tant d'acharnement ; mes éloges lui tien
dront lieu d'invectives.
>
Il reproche à Sesostris de n'être occupé que
du dessein qu'il a de se défaire d' Amasis par
une trahison, Je réponds tranquillement
à cela , que si c'est être perfide que de
vouloir vanger la mort d'un Pere cruelle
ment assassiné , et d'employer l'artifice
au deffaut de la force ouverte , pour re
monter sur un Trône usurpé , je passe con
damnation sur la trahison si injustement
imputée au Heros de cette Tragedie.
il l'accuse encore d'un desir impa
tient de voir sa Mere , et traite de puéri
lité ce que la nature inspire à tous les hom
mes. Sesostris brûle d'impatience de voir
I. Vol,
sa
E
JUIN. 1731. 1229
sa Mere ; quoi de plus digne d'un Fils
vertueux et d'un digne Successeur du
grand Apriès ? Ce qu'il y a de plus remar
quable dans cette Critique, c'est l'endroit
où l'Auteur s'avise de la placer. Il vient
de convenir de la meilleure foi du monde ,
que l'entretien de Sesostris avec Nitocris a
quelque chose de touchant ; et il ajoûte , mais
pourquoi a- t-il un desirsi violent et fi pen
fondé de la voir & de l'entretenir ? Peut- on
prendre plus mal son champ de Bataille ?
Si cette Scene a fait tant de plaisir aux
Spectateurs , pourquoi y a-t-il du regret ?
il y a des situations si touchantes , qu'il
faudroit les acheter mêmes aux dépens de
quelques fautes , mais qu'il s'en faut que
celle- ci ait besoin de l'indulgence dont
je parle ! Sesostris ne craint rientant ici
que de voir une Mere desolée à qui il doit
porter un coup mortel , en lui montrant
le poignard qu'elle croit tout degoutant
encore du sang de son Fils , il voudroit
l'éviter , et l'éviteroit en effet si un sa
ge confident ne lui faisoit entendre
qu'après l'ordre exprès d'Amasis , il ne
peut lui desobeïr sans se rendre suspect ,
et sans exposer lesjours de sa mere avec les
*siens ¿
"
"
La confidence que Nitocris fait à Arte
nice n'est pas si déraisonnable que notre
1. Vol.
Bij severe
1230 MERCURE DE FRANCE
severe Nouvelliste prétend le persuader.
En effet , pourquoi doit- elle se défier
d'une jeune personne qui vient de lui dé
clarer l'aversion invincible qu'elle a pour
l'Hymen que le Tyran lui propose ? Elle
est fille de Phanès , mais ce Phanès n'a pas
paru jusqu'à ce jour le mortel ennemi de
Nitocris , comme notre Censeur le supo
se cela est si peu marqué dans la Piece ,
que lorsque Phanès vient si à propos in
terrompre la Scene où Sesostris est prêt à se
faire reconnoître à sa Mere éperdue , elle
témoigne sa surprise sur ce que tout la
trahit jusqu'à Phanès i d'où il est naturel
de conclure, qu'elle ne l'a pas consideré
commeson mortel ennemi. Il ne me seroit
pas moins facile de justifier le caractére
d'Amasis , qu'on traite gratuitement de
sot & d'aveugle,
›
Au reste , ce qui fait que les Spectateurs
prennent quelquefois le change sur les
differentes actions qui se passent sous leurs
yeux ; c'est qu'ils supposent que les per
sonnages qu'ils accusent de donner dans
des pieges grossiers est aussi instruit
qu'eux- mêmes . En effet , nous sçavons
que Phanès conspire contre Amasis , par
ce qu'il nous l'a fait entendre ; mais l'a-t- il
fait connoître à Amasis ? Ce Tyran établit
d'abord son caractére de la maniere du
J. Vol,
mon
JUIN. 1731. 1231
monde , qui puisse faire le plus d'hon
neur à l'Auteur de la Tragedie. Il ne dit
rien qui ne marque sa défiance : il pousse
même l'ingenuité jusqu'à dire à Phanès
qu'il y a des momens où il lui devient
suspect lui-même malgré tous les témoi
gnages de fidélité qu'il lui rend ; fidélité
d'autant moins sincere , qu'il ne croit pas
l'avoir méritée; il ajoûte que ce Fils même,
qui lui est si cher , lui a inspiré des mou
vemens d'aversion à son premier aspect ,
et' qu'il fremit de l'aceuil qu'il lui auroit
fait , s'il ne s'étoit pas fait reconnoître à
des signes incontestables , tels que la
Lettre de sa femme.
Voici encore le Public attaqué ; je ne
crois pas pouvoir me dispenser de dé
fendre sa cause . L'Auteur de la Lettre
s'explique en ces termes : C'estpar rapport
à cette Piece ,plus qu'à l'égard d'aucune autre
que le Public distrait & inattentif, fait usa
ge d'une maxime pernicieuse à laquelle tous
les mauvais Auteurs s'efforcent de donner
Cours , qui est , que le langage pur & éle
gant , le stile noble & correct & la beauté
de la versification sont inutiles sur le Théa
tre.
Peut-on rien dire de plus injurieux pour
ce Public respectable , que d'oser avancer
qu'il fait usage d'une maxime si deraison
I. Vol.
B iij
nable
1232 MERCURE DE FRANCE
•
{ .
nable, s'il étoit dans un pareil sentiment
viendroit- il en foule aux Tragedies de
Racine , et balanceroit -il un seul moment
entre Corneille et lui ? il n'y a personne
qui ne convienne que Corneille l'empor
te autant sur Racine par l'action que Ra
cine l'emporte sur Corneille par la dic
tion ; cependant l'un ne fait pas negliger
l'autre ; il n'eft donc pas vrai de dire que
le langage pur et élegant , le stile noble et cor
rect et la beauté de la versification , sont ju
gez par le Public inutiles au Théatre .
Si M. de la Grange se dément quelque
fois dans sa maniere de versifier , ce n'est
point là ce que le Public aplaudit dans ses
Ouvrages de Théatres ; ou plutôt s'il lui
passe quelques negligences de diction , ce
n'est qu'en faveur des beautez frappantes
qui se tecedent dans ses Pieces par rapport
aux situations dont elles sont remplies .
Je ne conviens pas pourtant , Mon
sieur , que l'Amasis soit écrit avec toute la
négligence , la rudesse et la barbarie possibles;
je suis bien éloignée d'adopter des termes
si familiers au Nouvelliste ; il cite çes trois
Vers , pour prouver ce qu'il avance.
C
Il recule , j'avance ; il se débat , il tombe ;
Là , sans être touché de son sort abbatu ,
Mon bras de l'achever , se fait une vertu.
1. Vol. · J'a
JUIN. 1731. 1233
J'avoue que le dernier hemistiche du se
cond vers , n'est pas le plus heureux du
monde ; mais si les grands exemples suffi
soient pour autoriser des fautes , Corneil
le et l'Auteur même de Brutus m'en four
niroient d'ailleurs , sort abbatu , est au
rang de ces figures par lesquelles on attri
bue à la cause ce qui n'appartient qu'à
l'effet , et puisqu'on dit un sort malheu
reux , quoique le malheur ne soit que
l'effet , et point du tout la cause du sort ,
pourquoi l'épithete d'abbatu attachée
au sort , ne jouiroit - elle pas du même pri
vilege ?
Voila à peu près , c'est le Nouvelliste
qui parle , comme sont faits tous les Vers de
la Piece ; non-seulement , ajoute - t-il , on
est aujourd'hui indulgent au Théatre par
rapport aux mauvais Vers , et au mauvais
langage , mais encore on y applaudit ; Voici
comment il le prouve on se récrie , par
exemple , à ce vers de Nitocris.
Menace moi de vivre , et non pas de mourir.
Si c'est-là un de ces Vers que le Nou
velliste appelle negligés , rudes et barbares
j'avoue à ma honte que j'ai terriblement
pris le change ; mais ce qui me console ,
c'est que tout le Public l'a pris comme moi :
Voici encore de la dialectique de l'Adver
›
I. Vol. B iiij saire
1234
MERCURE
DE FRANCE
saire d'Amasis Le Verbe qui suit celui de
menace ne se rapporte- t - il pas toûjours à la
personne qui menace ! Ces paroles , pour
suit-il avec un air de triomphe ; menace
moi de vivre et non pas de mourir , signi
fient donc proprement et grammaticalement
menace-moi que tu vivras & non que tu
.
mourras.
Après cette décision , il semble qu'il n'y
ait plus qu'à admirer ; mais je n'en suis
pas réduite -là , ce Vers m'a trop bien af
fectée pour le placer au rang des mauvais
et des barbares ; ceux qu'Amasis dit aupa
ravant , nous portent naturellement à un
sens tout contraire à celui qu'une mau
vaise Grammaire lui prête contre toutes
les regles , vivre et mourir sont ici au lieu de
vie & de mort ; et le Vers attaqué ne veut
dire autre chose que menace-moi de la vie et
non pas de la mort la vie étant regardée
par Nitocris comme un supplice , & la mort
comme une grace ; un Regent de Rethorique
que j'ai consulté là - dessus , m'a dit que ce
prétendu Barbarisme n'est tout au plus
qu'un Latinisme il a fait sur cela un
Vers Latin qu'il m'a donné par écrit : le
voici ,
;
:
Mortem minaris proximam ! vitamjube.
Mais je ne m'apperçois pas que ma
I. Vol. Let
JUIN
. 1731. 1235
Lettre commence à devenir longue et
peut-être ennuyeuse , je la finis brus
quement pour ne point abuser de votre
patience ; Je suis , &c.
2303
L'INTEREST ,
ODE
Quipar lejugement de l'Académie des Jeux
Floraux , a remporté cette année 1731 .
le Prix de l'Amarante d'or , destiné à
cegenre de Poësies elle est de M. l'Abbé
Poncy de Neuville ; c'est pour la septième
fois qu'il est couronné dans cette Académie.
Quelle
Uelle est cette horrible furie !
Son souffle empoisonne les Airs ;
Sa pernicieuse industrie ,
De crimes remplit l'Univers
D'un glaive sa main est armée
Elle va de rage animée
Creuser en cent lieux des Tombeaux
L'ambition et l'avarice ,
L'affreuse envie et l'injustice ,
L'éclairent de leurs noirs flambeaux,
I. Vol
By C'est
1236 MERCURE DE FRANCE
C'est l'Interêt ; non. le Tartare ,
Fécond en vices éclatans ,
N'a rien vomi de plus barbare
Depuis la naissance des temps ,
Sur un vaste amas de ruines ,
Il s'éleve fier des rapines >
Dont on enrichit ses Autels
Les insatiables harpies ,
Volent autour des dons impies
Que lui prodiguent les Mortels.
Le Nocher , loin de sa Patrie ,
Pour lui seul renonce au repos ;
Il part , il brave la Furie ,
Des Vents déchaînez et des Flots
Si- tôt que l'Interêt décide ,
Rien n'arrête , rien n'intimide ,
Que dis- je ? on renonce aux plaisirs ,
Les esprits opposez s'unissent
Les plus indociles fléchissent
Tout change au gré de ses desirs.
&
Tyran que l'Univers encense
Malgré l'honneur et la raison ,
Sous le regne de l'innocence ,
On ignoroit jusqu'à ton nom
Dans les flancs des profonds abymes
2
1
I. Vol.
Les
JUIN.
1731. 1237
Les trésors , source de nos crimes ,
Etoient encore resserrez •
Nous n'aurions point connu la guerre ,
Sï jamais du sein de la Terre ,
Ton bras ne les avoit tirez.
{
Quelles horribles funerailles !
Je nâge en des Fleuves de sang ;
Le cruel démon des batailles ,
Porte la mort de rang en rang ;
Les Provinces sont ravagées ;
Les Citez tombent saccagées ;
Et sous ces Palais désolez ,
Je vois par d'odieuses trames ,
Parmi les cris , parmi les flâmes ,
Périr cent Princes immolez.
Quand les feux des guerres publiques ,
S'éteignent aux pieds de la Paix ,
Auteu: des troubles domestiques ,
Tu vas causer d'autres forfaits ,
Le fils s'arme contre le pere ,
Le frere attente sur le frere ,
L'ami méconnoît ses amis ,
Grands Dieux , ses maximes sinistres ,
Souillent quelquefois vos Ministres ,
Et corrompent ceux de Tlémis.
9
I. Vol.
Par
B vj
1238 MERCURE DE FRANCE
Par les coupables artifices ,
On trahit , on vend l'équité ,
On profane les Sacrifices ,
Que vous offre la pieté;
Combien ... mais non…….. que mon silence },
Dérobe à l'injuste licence ,
Des Portraits toujours dangereux ;
Craignons de lui fournir des armes ;
Effaçons plutôt par nos larmes ,
Tout ce que leurs, traits ont d'affreux.
Ce ne sont plus ces simpaties ,
Desames qu'un rapport heureux
Auroit l'une à l'autre assorties ,.
Qui de l'Hymen forment les noeuds
Toi seul regle la destinée ,
De la Victime infortunée ,
Qu'on entraîne aux pieds de l'Autel ;
Interêt , quel est ton empire-?
Le tendre Amour en vain soupire,
Il y reçoit le coup mortel.
Delà ces feux illegitimes ,
Par qui le Ciel est irrité.
Ah ! n'imputons qu'à toi les crimes ;
Que commet l'infidelité ;
On s'est uni sans se connoître ,
..
* 15 :
I. Vol. On
JUIN. 1731 8239
On se seroit aimé peut-être ;
Le coeur au moins eût combattu :
Mais par ton funeste caprice ,
Barbare , tu forces au yice ,
Ce coeur formé pour lá vertu.
Qu'elle est cette Idole fragile ,
Livrée au caprice du vent è
La tête est d'or , les pieds d'argile
Ont pour baze un sable mouvant
J'entends les fiers Sujets d'Eole ;
Ils s'unissent contre l'Idole ;
Quel bruit ! quel fracas ! quel débris !
Le decret des Cieux s'execute
Et le lieu même de sa chute ,
Disparoît aux regards surpris
.
>
De votre sort c'est là l'image
De l'Interêt vils Partisans ,
La Fortune abbat son ouvrage ,
Fuyez ses perfides présens
Quand elle seroit plus constante ,
Quand tout rempliroit votre attente ,
Par un long et coupable abus ,
Les plus formidables Monarques ,
Naissent tributaires des Parques ,
Vous leur devez mêmes tributs
D
i ita
I. Vol. Des
1240 MERCURE DE FRANCE
Des Sysiphes , des Promethées ,
Vous méritez les châtimens ,
Les Eumenides irritées ,
Vous préparent mêmes tourmens ;
Vos vains honneurs , coupables Ombres ,
N'ont plus d'éclat dans ces lieux sombres ,
Ou tous les rangs sont confondus ,
Et ces biens pour qui l'on soupire ,
Ne peuvent rien dans un Empire ,
Où l'on juge au poids des vertus.
Va par tes brigues infernales ,
Sordide Interêt , Monstre affreux ,
Regner sur des ames vénales ;
Reçois l'hommage de leurs voeux ;
Je préfère à ton opulence ,
Une vertueuse indigence ;
Tu ne peux séduire mon coeur ;
Et je le percerois moi- même ,
Si par un changement extrême ,
Il t'avouoit pour son Vainqueur.
.I. Vol.
LET
JUIN 1731. 1241
}
****************
LETTRE de M. D. L. R. sur un
Ouvrage du R. P. Feijoo , Benedictin
Espagnol.
.
entre les
傻
l'Ouvrage dont vous avez entendu
parler. C'est M. Boyer , Docteur en Me
decine de la Faculté de Montpellier , et
Docteur- Régent en celle de Paris , qui l'a
apporté d'Eſpagne , depuis peu de tems .
Vous sçavez que ce Medecin partit d'ici
sur la fin du mois de Juillet dernier pour
le rétablissement de la santé de M. le
Marquis de Brancars , Ambassadeur de
France à la Cour de S. M. Catholique ;
vous sçavez aussi qu'il a fait un voyage
heureux, et qu'il a ramené M. l'Ambassa
deur parfaitement guéri.
Mais vous pouvez ignorer que notre
Medecin , toujours attentif sur la Litte
rature , et mettant tout à profit à cet
égard , quand il est obligé de voyager ,
n'a pas manqué d'apporter plusieurs Li
vres Espagnols , des meilleurs et des plus
nouveaux. Celui pour lequel vous vous
interessez , ne pouvoit pas être oublié ;
en voici le Titre.
I. Vol. THEA
1242 MERCURE DE FRANCE
THEATRO CRITICO , UNIVERSAL,
O Discursos varios en toto genero de Ma
terias para desengano de Errores comunes.
Dedicado A RP P. Fr. Joseph de Bar
nuero , General de la Congregacion de San
Benito de Espana , Inglaterra , & c. Escrito
por El M. R. P. M. Fr. Benito Jeronymo
Feijoo , Maestro General de la Religion de
San Benito , y Cathedratico de Visperas de
Theologia de la Universidad de Oviedo.
Tercera Impression En Madrid : En la
Imprenta de Francisco del Hierro , Anno de
M. DCC . XXIX . C'est-à -dire , THEA
TRE CRITIQUE UNIVERSEL , ou Discours
divers sur toute sorte de sujets pour désa
buser les hommes des erreurs communes
et ordinaires . Dédié au Reverendissime
Pere General de la Congrégation de saint
Benoît , établie en Espagne , en Angle
terre, &c. Composé par le R. P. BENOIST
JEROSME FEIJOO , Maître ou Professeur
General dans la même Congrégation ,
Professeur en Thélogie de l'Université
d'Oviedo; quatre Volumes in 4% Troisiéme
Edition. A Madrid , de l'Imprimerie de
François del Hierro , M. DCC. XXIX .
On trouve à la tête du premier Vo
lume une Epitre Dédicatoire fort bien
tournée , adressée au R. P. General Jo
seph de Barnuero , lequel , outre cette
I.Vol.
qualité
JUIN. 1731. 1243
qualité , avoit été le Maître des Etudes
de Théologie de l'Auteur , dans l'Uni
versité de Salamanque. Les Approba
tions de divers Docteurs suivent cette
Dédicace.
Une courte Préface qui déclare les in
tentions du P. Feijoo , et qui fait voir
l'ordre et la disposition de tout son Ou
vrage , est précedée d'une Lettre de Don
Louis de Salazar , Commandeur de l'Or
dre de Calatrava , Conseiller du Conseil
Royal des Ordres , et premier Historio
graphe de Castille et des Indes . Cette
Lettre écrite à notre Auteur le 11. Août
1726. est un Eloge raisonné de son Théa
tre critique ; on peut dire que le suffrage
de ce Seigneur en a entraîné quantité
d'autres , et qu'il n'avoit paru depuis
long- temps de Livre en Espagne plus ge
neralement estimé. D'un autre côté le
R. P. Jean de Champverd , de la Com
pagnie de Jesus , Docteur et Professeur
en Théologie de l'Université d'Alcala ,
Théologien du Roi , et Examinateur Sy
nodal de l'Archevêché de Tolede , pa
roît si content de cet Ouvrage , qu'il nous
assure dans son Approbation , que son
Auteur devoit être appellé le Maître Ge
neral de tous les Arts et des Sciences.
Ce premier Volume de 400. pages
I. Vol. contient
1244 MERCURE DE FRANCE
contient seize Discours divisez chacun en
plusieurs Paragraphes ou Articles . Le
1. Discours est intitulé la Voix du Peuple.
Le II. la Vertu et le Vice. Le III . L'ob
scurité et la haute fortune. IV. La plus
fine Politique. V. La Medecine. VI. Ré
gime pour la conservation de la santé.
VII. La Deffense de la Profession Litte
raire. VIII. L'Astrologie Judiciaire et les
Almanachs. IX. Les Eclipses. X. Les Co
metes. XI. Les Années Climateriques .
XII. La Vieillesse du Monde. XIII . Con
tre les Philosophes modernes . XIV. La
Musique des Eglises . XV. Parallele des
Langues. XVI . Apologie des femmes.
Toutes ces Dissertations fournissent une
lecture agréable et variée , elles sont bien
écrites , et instruisent de beaucoup de
choses. Les Medecins ne sont pas bien
traitez dans la V. s'ils s'avisent de mar
quer à notre Auteur quelque ressenti
ment , les Femmes , et sur tout les Fem
mes sçavantes et vertueuses , seront obli
gées , par reconnoissance , de prendre sa
deffense ; car rien n'est plus recherché
plus obligeant , plus étendu dans le I.Vo
lume , que la XVI. et derniere Disserta
tion , qui est toute employée à la deffense
du beau Sexe. Vous en jugerez si je puis
un jour vous en procurer la lecture .
I. Vol
Passons
JUIN. 1731.
1245
S
1
e.
Passons cependant au second Volume.
T.II. seconde Edition M. DCC . XXX .
Ce volume , comme le précedent, est orné
d'une Dedicace , addressée à un autre
Mecéne , et munie d'Approbations ma
gnifiques. La plus étendue et la plus fla
teuse , est sans doute celle du R. P. Este
van de la Torre , Professeur géneral des
Benedictins d'Espagne , Abbé de S. Vin
cent d'Oviedo , Professeur en Théologie ,
et de l'Ecriture Sainte en l'Université de
la même Ville , lequel paroît si prévenu
du merite de cet ouvrage , et de la haute
capacité de son Autheur , qu'il ne fait
point de difficulté de lui appliquer ce que
le Sçavant P. Mabillon a dit de l'ouvrage
de S. Bernard , de Consideratione , addressé
au Pape Eugene. Hac sane fuit Bernardi
dexteritas , ut , quam primum ejus Libri de
Consideratione in publicum prodiere , eos
certatim exquisierunt , lectitarunt , amave
runt universi. L'Approbateur ne doutant
point qu'il n'arrive la même chose à l'égard
de ce second volume , n'oublie pas dans
cette occasion d'appliquer aussi à nôtre
Autheur ce passage connu de l'Ecriture .
Faciendi plures Libros nullus eft finis.
Ecclesiast. C. 12.v. 12. C'est , dit- il , sui
vre à la lettre le conseil du Sage , on ne
doit , pour ainsi dire , point finir quand
1. Vol. on
1246 MERCURE DE FRANCE
on écrit des livres qui enseignent à dé
tromper les hommes de leurs erreurs , et
à établir des veritez . Enfin le R. P. Joseph
Navajas, Trinitaire, Professeur en Théo
logie , et Examinateur de l'Archevêché
de Toléde , en donnant aussi son attache
et ces éloges à ce livre , ne craint pas de
rien exagerer en le nommant une Biblio
theque entiere.
Hic liber est , Lector , librorum magna sup→
pellex.
Et non exigua Bibliotheca , lege.
Les Dissertations contenues dans ce
second Tome de plus de 400. pages , sont
précedées d'une assés courte Preface , la
quelle a deux principaux Objets : le pre
mier de remercier le public du favorable
accueil qu'il a fait au premier volume ,
le second de parler de quelques envieux ,
qui ont publié des écrits peu mésurés
contre ce livre. Chose inévitable et arri
vée dans tous les temps , à l'égard même
des Autheurs du premier merite. Sur
quoy le P. Feijoo nous parle des disgra
ces qu'eurent à essuyer en France deux cé
lebres Académiciens , sçavoir Pierre Cor
neille et Jean -Louis de Balzac , que les
suffrages du public dédomagerent ample
I. Vol. ment
JUIN. 1731 1247
ment, sur tout , dit- il , le grand Corneille,
qui ne succomba point sous le poids du
credit d'un fameux Ministre , et de la
censure de l'Academie el formidable Cuer
po
de la Academia Francesa , non pas , ajoû
te-t'il, qu'il veuille se comparer à ces deux
grands Genies , mais rappellant seulement
ce fameux exemple,à cause de la parité de
situation où la Fortune le met aujour
d'hui . Il se justifie ensuite sur le titre de
son Ouvrage,où il ne trouve rien de cette
présomption que ses Adversaires luy ont
reprochée. Il a jugé à propos , nous dit-il ,
enfin , par le conseil de personnes sages ,
de publier à la fin de ce second Tome
les deux réponses Apologetiques qu'on y
trouvera. Celle qui regarde le Docteur
Ros est en latin , parceque ce Docteur l'a
attaqué en la même Langue . Il a aussi fait
imprimer la lettre Apologetique du Doc
teur Martinez , crainte, dit il , que ce trait
précieux de sa plume ne soit enseveli dans
l'oubli , tout ce que ce sage et éloquent
Autheur écrit étant digne de l'immorta
lité ; c'est ainsi que nôtre autheur parle
de son Adversaire . A l'égard de la criti
que du Docteur Ros , elle étoit trop lon
gue pour l'imprimer pareillement à la
fin de ce second volume.
>
Les Dissertations qui le composent sont
4. Vol.
au
1248 MERCURE DE FRANCE
au nombre de quinze , dont je me con
tenterai de vous rapporter les titres. I.
Les Guerres Philosophiques . II . L'Histoi
re Naturelle. III. L'Art Divinatoire.
I V. Les Propheties supposées. V. L'Usage
de la Magie . VI. Les modes. VII. La
Vieillesse Morale du Genre Humain .
VIII. La Science Aparente et Superfi
ciele. IX. L'Antipathie entre les Fran
çois et les Espagnols. X. Les Jours Cri
tiques. XI. Le Poids de l'Air. XII . La
Sphere du Feu. XIII. L'Antiperistase .
XIV. Paradoxes Phisiques . XV. Table
contenant la comparaison des Nations..
Ces quinze Discours sont suivis de trois
morceaux de Critique anoncés dans la
Préface, qui ont été composez dépuis l'im
pression du premier volume , lequel en a été
l'occasion.Le premier est intituléCarta De
fensiva & c. ou , Lettre Apologetique de
Don Martin Martinez Docteur en Mede
cine , Medecin de la Maison du Roy, Pro
fesseur d'Anatomie , et actuellement Presi
dent de la Societé Royale des Sciences de
Seville & c.Sur le premier Tome du Thea
tre critique universel du R. P. Feijoo . Il y a
de trés bonnes choses dans cette Lettre ,
elle donne our ainsi dire , un nouveau
lustre au Theatre critique , sur lequel l'Au
theur avoit prié le Medecin de lui mar
I.Vol.
quer
JUIN. 1731. 1249
quer ses sentimens. Il s'en acquitte en
parcourant toutes les dissertations , et en
discourant sommairement sur chacune.
Il paroît que ce Docteur a réservé toute
son érudition , et toute sa critique , à
l'égard de celle qui regarde la Medecine.
Le P. Feijoo a dû s'y attendre aprés tout
ce qu'il a dit de cette science dans sa V.
Dissert. du premier vol. M. Martinez fait
non seulement l'Apologie de la Medeci
ne et des Medecins , mais l'Eloge de cette
Science , et de ceux qui l'ont professée
dans tous les temps ; sur quoy ce Doc
teur nous étale une grande lecture et des
Recherches singulieres. Je vais en éfleurer
quelques -unes. Les Egyptiens , dit il
faisoient des Medecins leurs Prêtres , et
des Prêtres leurs Rois , sur quoy les an
ciens Historiens nous ont conservé cette
formule. Medicus non es ; nolo te constitue
re Regem. Giges et Sapor Rois des Medes
ont été Medecins , sans parler des Prin
ces qui l'ont pareillement été parmi les
Perses , les Arabes , les Syriens & c . La lis
te de ces Rois ou Princes Medecins , est
longue chez nôtre Docteur , et on est tout
étonné d'y trouver des Sujets d'un grand
nom , mais peu connus de côté la ; par
exemple , Hercule , Alexandre le Grand ,
l'Empereur Hadrien &c. Vous jugez bien ,
I. Vol.
Monsieur
1250 MERCURE DE FRANCE
Monsieur que le Pere de la Medecine
Grecque , le Prince , et le Chef de tous'
les Medecins qui sont venus depuis , je
veux dire, Hippocrate , n'est pas oublié;
il finit par lui sa liste et ses éloges , en re
marquant que les Grecs rendirent à ce
grand Homme des honneurs divins , et les
mêmes qu'ils rendoient à Hercule. M.
Martinez pouvoit ajoûter qu'on frappa
aussi pour lui des Medailles ; vous avez
vû . Monsieur , chez
chez moy la
gravure
d'une de ces Medailles où l'on voit d'un
côté la tête d'Hippocrate et autour IП...
TOY et sur le Revers le fameux Baton
d'Esculape entouré d'un Serpent avec ce
mot KION , pour signifier que la
Medaille a été frappée par les habitans de
l'Isle de Cos , Patrie d'Hippocrate , sur
quoy je vous entretiendrai un jour plus
précisement dans un autre Ecrit .
,
Les Medecins chrétiens d'un rang il
lustre , sont joints à ceux du Paganisme.
L'Auteur prend les choses de bien haut ,
il trouve dans des temps posterieurs des
Papes , des Cardinaux , des Prelats Me
decins ; je vous renvoye là dessus au livre
même.
Le second morceau de critique est la Ré
ponse du P. Feijoo à la lettre dont je viens
de vous donner une idée du Docteur
I. Vol. Martinez
JUIN. 1731.
7251
Martinez. Cette Réponse est sage et ac
compagnée de tous les égards , et de tous
les ménagemens qui ne se rencontrent
guéres ordinairement entre des Sçavans
qui écrivent l'un contre l'autre , pour
soutenir des opinions differentes . L'habi
le et poli Benedictin avoue même obli
geamment à son Antagoniste , qu'il ne
fait aucun doute que dans cette contesta
tion litteraire ils ne soient au fond tous
deux de même sentiment ; car , dit- il ,
vous ne disconvenez point que la Mede
cine ne soit accompagnée d'incertitude ,
et moi je n'ay jamais nié positivement
l'utilité de cette Science. Quoique la
Réponse dont il s'agit icy soit addressée
au Docteur Martinez même , elle est pré
cedée d'une Epitre Dedicatoire à l'Illus
triss. Don Fr. Joseph Garcia , Evêque de
Siguenza , pour le remercier de l'accueil
favorable qu'il a fait au premier vol . du
Theatre Critique, et pour le prier de pro
teger également et l'ouvrage et l'Autheur.
Je ne vous dirai rien de la derniere
Piece , parce qu'elle roule a peu prés sur
le même sujet , et que je suis bien aise
que vous en jugiez un jour par vous mê
me ; je me prépare cependant à vous ren
dre compte de la suite de cet Ouvrage
et je suis toujours. & c.
A Paris ce 19. Fevrier 1731 .
I. Vol. с L'AIGLON
1252 MERCURE DE FRANCE
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
L'AIGLON ET LE GEAY.
FABLE.
Presentée à Monseigneur le Comte de Cler
mont , par M. de Castera , au sujet du
Livre intitulé le Théatre des Passions et
de la Fortune , que l'Autheur a dedié à
Son Altesse Serenissime.
D Ans un agréable Bocage .
Brilloit un Aiglon glorieux ,
Affable , doux , de beau plumage.
Et qui portoit dans l'éclat de ses yeux
L'infaillible Présage
D'une ame noble et d'un coeur généreux ;
Dés le moment de sa naissance
Hebé , les Graces , et l'Amour ,
Auprés de lui fixerent leur séjour ,
Pour prendre soin de son enfance ;
Jamais les accents douloureux ,
D'un Oyseau triste et malheureux ,
A son oreille en vain ne se firent entendre :
Exempt du chimerique orgueil ,
Qui des grands aveuglés est l'ordinaire écueil ;
De son rang il sçavoit descendre ;
Il sçavoit asservir son coeur ,
Aux Loix d'une amitié tendre et pleine d'ardeurs
1
1. Vol.
Rossignols ,
JUIN.
1253 1731.
Rossignols , Serins et Fauvettes ,
Eternisoient la gloire de leur nom ;
En consacrant à cet illustre Aiglon,
Leurs Refrains et leur's Chansonnettes
Parmi les aimables accents ,
་ ་
Dont ces Chantres Divins varioient leurMusique,'
Un Geay d'humeur simple et rustique ,
Ösa mêler ces fredons glapissants :
Son jargon étoit rude ,
Mais il parloit avec naïveté.
Dire toujours la verité ,
C'étoit et sa Devise et son unique étude.
On lui cria quelle témérité
Enfle aujourd'hui ta voix sans methode et sans
grace ?
Entre les Hôtes du Parnasse.
Apollon ne t'a point compté :
Je sçais bien,repond- t'il, que ma voix est grossiere,
Mais aussi je connois la générosité ,
Qui de l'Auguste Aiglon forme le caractére ,
Mon hommage est juste et sincere ,
Il ne sera point rebuté ;
L'Offrande d'un berger qui vit dans l'innocence ;
Touche le coeur des Immortels ;
Souvent plus de Magnificence
Attire leur mépris , et ternit leurs Autels ;
D'ailleurs , si pour louer cet Aiglon magnanime ?
Il faut àson merite égaler notre voix ,
I. Vol
Les
Cij
1254 MERCURE DE FRANCE
Les plus sçavants Hôtes des bois
N'ont pû l'entreprendre sans crime,
Seigneur , cette allusion ,
Exempte de tout nuage ,
Sous le Portrait de l'Aiglon ,
Dépeint icy vôtre image.
tel que le Geay sans étude et sans fard,
J'ose vous consacrer
mes veilles
¿
D'autres
pourront
avec plus d'Art
Prendre un style pompeux pour charmer vos
oreilles ;
Pour moy
Ecrire poliment surpasse mon pouvoir ,
Je dis ce que je pense , et c'est tout mon sçavoir,
Itth
EXT AIT d'une Lettre de M. Miget ;
ancien Avocat du Roy à Pontarlier en
Franche- Comté , le 15. May , contenant
un Fait singulier et un Avis aux Gens
1
de Lettres.
A
Ggréez , Monsieur , que je vous en
voye la longueur et la grosseur (a)
d'une pointe de lame d'épée en carrelet ,
(a) Ce tronçon de l
mi de longueur , et
sposé à la pointe. 7
-is pouces et de
**ge du côté
I. Vol.
qui
JUI N. 1731
1255
qui est restée dant la tête d'un de nos
Bourgeois , dépuis la S. Martin derniere
jusqu'au 4. de May, sans en ressentir au
cune incommodité. Dans une querelle
qu'il eût à Besançon , on luy porta un
coup qu'il tâcha de parer avec le bras :
mais ce ne fut que pour le recevoir dans
le côté gauche du nez , entre l'os et le car
tilage , entre lesquels l'épée se rompit ,
sans pouvoir deviner pour lors ce que cet
te pointe étoit devenuë. Si cet évenement
qui a paru trés singulier , merite l'atten
tion des Curieux , je vous enverray un.
détail bien circonstancié de cet accident ;
et si dans la suite vous le trouvés bon
je vous informeray de tout ce qui arri
vera d'extraordinaire dans ces montagnes,
et dans le pays voisin .
Je viens d'apprendre , qu'à une journée
de cette Ville , on parle d'un Evênement
aussi incroyable , et pour le moins aussi
curieux que l'Akousmate dont vous avez
fait mention ; si la relation que j'en de
mande à gens dignes de foy se trouve
conforme à tout ce qu'on m'en a conté
je ne manquerai pas de vous la commu
niquer.
>
J'ajoute , avant que de finir , que j'ay
vingt volumes en petit in folio , ou en
grand in 4° . partie manuscrits , et partie
1. Vol.
Ciij imprimés,
1256 MERCURE DE FRANCE
imprimés , des ouvrages d'un de mes On
cles , Chanoine du Chapitre de la Metro
politaine de Bezançon , qui , en qualité
d'Avocat des Saints , travailloit en son
tems à Rome avec le fameux Pierre de
Rossi , Fiscal de la Rote , connu sous le
nom de Petrus de Rubeis. La plupart de
ces Pieces n'ont jamais vû le jour; et com
me je présume que vôtre travail ne peut
Vous dispenser de quelque liaison avec
les personnes d'érudition , et les princi
paux Libraires , j'ai cru que vous ne
désaprouverez pas que je m'addresse à vous
pour leur faire entendre que je suis dans
le dessein de m'en defaire , pour les rem
placer par d'autres livres de mon goût
et au cas que quelqu'un ait la pensée d'en
connoître le sujet et les matieres . je vous
serai trés obligé de vouloir bien donner
mon adresse ; et lorsqu'on le desirera , je
donnerai les éclaircissemens nécessaires »
par un extrait du contenu en chacun de
ces volumes..
******
997
I. Vol. LA
JUIN. 1731. 1257
***
LA GOUTE VAINCUE.
A M. Le Chevalier D. L. Poëte , qui a
étégueri par le remede que M. Blomer,
Apotiquaire du Roy distribuë sous le nom
de Teinture solaire.
Enfin , cher Licidas , au lieu des tristes plain
tes ,
Que t'arrachoient les cruelles atteintes
Du mal dont tu fus tourmenté ,
Tu dois pousser des cris de joye ,
Puis qu'aux vives douleursdont tu devins la proye,.
Succede l'aimable santé.
A la gloire du Dieu qui finit ton martyre ,
Tu peux présentement faire parler ta Lyre
Avec le même art qu'autrefois ,
Et sur elle montrer l'adresse de tes doigts :
A leurs douloureuses jointures
On ne voit plus d'afreux nodus ,
Et le plâtre brulant qui causoit leurs enflures ,
Cesse de les rendre perclus.
Hâte-toi , Licidas , d'entendre ,
Comment ce prodige s'est fait ;
1. Vol.
C iiij. De
1258 MERCURE DE FRANCE
De moi seul tu le peux apprendre ;
Aucun autre mortel n'en a sçû le secret.
Ennuyé de ton long supplice ,
Que ma tendre amitié me faisoit partager
Et qu'elle n'avoit pû jusqu'alors soulager ,
Je suivis un soudain caprice
Qui m'entraîna vers Apollon.
Il s'amusoit dans le sacré Vallon
A répéter quelque chanson nouvelle .
Pardonnez , lui dis - je , Seigneur
Si , plein d'une juste douleur ,
Un de vos Sujets vous querelle ;
Je vois que de la bagatelle
Vous vous occupez dans ces lieux ,
Tandis qu'un monstre furieux
Dans l'Univers vous deshonore ,
Et même en cet instant dévore
Licidas , qui par vos leçons ,
Est devenu fameux entre vos nourrissons,
A quoy sert que la Medecine
Vous prenne pour son Protecteur ,
Et raporte son origine
A vôtre science divine ,
Si ce monstre en détruit l'honneur ?
Pour tout dire en un mot , la Goute a l'insolence
De braver des Docteurs la plus forte ordonnance,
"
I. Vol. Ez
JUIN. 1731. 1259
Et de leur Arsenal elle eut dans tous les tems ,
Le secret d'éluder les traits les plus puissants.
C'est à vous d'y penser . Vôtre ancienne Victoire
Sur le Serpent Python qui tomba sous vos coups.
Ne vous acquit point tant de gloire
Que la Goute vaincuë en répandroit sur vous.
Le Dieu sur cet avis sincére ,
Rougit de honte et frémit de colere..
C'en est fait , répond-il , nous en viendrons à
bout ;
Et comme les Dieux presque en tout ,
Veulent bien des humains employer l'entremise
Un Artiste prudent , adroit , laborieux ,
Va par mon ordre et sous mes yeux
Finir cette grande entreprise ::
Son zéle pour son Roy , son amour pour léss
Dieux ,
Méritent qu'à ses soins la chose soit commise..
Ouy,
Blomet va faire un remede nouveau >
Par qui l'on se verra delivré d'un fleau
Trop cruel et trop ordinaire ;
Et pour qu'on ne puisse ignorer
Qu'on tient de ma faveur un don si salutaire
J'ai résolu de l'honorer
Du nom de Teinture solaire..
I. Vol.
C v L'e
1260 MERCURE DE FRANCE
Le dessein d'Apollon se trouve éxécuté ;
C'est à luy , Licidas , que tu dois ta santé.
Par M. M.
On croit faire plaifir au Public , de l'avertir
en Prose et sans fiction,que le remede de M. Blo
met Apoticaire , demeurant à Paris , ruë du Tem
ple , est si facile , qu'il ne s'agit que de mouiller
dans sa teinture un morceau de futaine que l'on
appliqué sur les articles attaquez de la Goute. On
assure que cela dissout l'humeur plâtreuse , et la
dissipe , ensorte qu'on en reçoit un prompt sou
lagement , et que jamais le mal ne remonte.
Le même Apoticaire possede une pommade qui
guérit les Hemoroïdes tant internes qu'externes.
On trouve aussi chez lui l'Eau d'Egypte , qui
a la vertu de brunir ou noircir les cheveux les plus
roux.
***************
RACOMMODEMENT ,
O D E.
REbuté des mépris de la jeune Glicere ;
Je crus braver l'Amour en son flambeau fatal ,
Fabjurai son Carquois , je blasphemai sa mere
Mais que je me connoissois mal ! .
Helas ! en revoyant cette Belle inhumaine ,
1. Vola Me
JU iv . 1.6.1
1731.
Mes séns se sont émus , mon coeur a soupiré ,
Je ne sçai quoi m'a dit de rentrer dans sa chaîne,
Et dans l'instant j'y suis rentré.
Elle auroit effacé la Reine de Cithere ,
Son teint sembloit mêlé de Roses & de Lis ,
Je vis ses yeux briller d'une tendre colere
Et les miens en furent surpris.
"
Pour ne point m'attendrir aux traits de l'Infidelle
Je crus qu'il suffisoit d'opposer sa rigueur ,
Je cherchois le moyen de la trouver moins belle ,
Mais je n'y pus forcer mon coeur.
M
Je voulois me cacher l'excès de ma foiblesse
Je me dissimulois mes lâches sentimens ;
Je croïois mépriser mon ingrate Maîtresse ,
Et je trouvois ses traits charmans.
Sh
Tel que sur le penchant d'une Roche glissante
Malgré de vains efforts on se laisse tomber ,
Je ne pus résister , mon ame chancelante ,
Trouva plaisir à succomber.
Quand je ne la vois pas , je ressens mille allarmes
I. Vol. C vj
Har
J'en
1262 MERCURE DE FRANCE
J'en parle à chaque instant ; je la cherche en tous
lieux ,
Hors de la contempler ou penser à ses charmes ,
Tout le reste m'eſt ennuyeux.
'Amour , dont j'ai suivi les Loix sans resistance ,
Au milieu de son coeur daigne allumer tes feux ;
Si par un prompt retour on fléchit la vengeance ,
Dois- je encore être malheureux ?
L. C. D. N. D. M. O. au R, D. L. M. J.
***:************
LETTRE de M. D. L. R. écrite à M.
Boyer , Docteur en Medecine de la Facul
té de Montpellier , & Docteur- Regent en
celle de Paris , au sujet d'une Medaille
Latine de la Ville de Troade , & du
ne Médaille Grecque des Dardaniens .
E n'est pas Monsieur , d'avoir
Creçu avec reconnoissance les onze
Médailles antiques , qu'il vous a plû de
me donner ces jours passés , que vous
avez rapportées de vos Voyages du Le
vant , et qui ont été trouvées aux envi
rons desDardanelles et des ruines de Troye ,
c'est- à-dire , sur les lieux du Monde les
I. Vol. plus
JUIN . 17317 r263
plus fameux dans l'Antiquité Grecque et
Romaine . La même reconnoissance m'en
gage de tenir ma parole , et de vous
marquer ce que ces Médailles peuvent
avoir de singulier , n'ayant pû , comme
vous sçavez , les examiner sur le champ .
Permettez moi d'en mettre d'abord neuf
au nombre de celles qui ne feront jamais
suer les Antiquaires , et qu'on trouve as
sez communément . En revanche , il y en
a deux qui me paroissent meriter une con
sideration particuliere , elles feront aussi
tout le sujet de cette Lettre .
La premiere est de moyen bronze , fort
nette , et bien conservée . On y voit d'un
côté une tête de femme couronnée , ou
coëffée de Tours ; comme vous savez que
•
les Anciens symbolisoient les principales
Villes avec une Enseigne Militaire derrie→
re; cette Legende est autour de la Tête CO .
ALEX TR , et encore ces deux Let
tres dans l'Enseigne Militaire CO. Sur
le revers est représentée la Louve avec les
deux Jumeaux , Fondateurs de Rome : on
lit au dessus COL AVG. et dans l'E
xergue T RO A. C'est -à -dire , d'un côté
Colonia Alexandrina Troadis , & de l'au
tre , Colonia Augusta Troadis ; avec la ré
petition du mot Colonia dans l'Enseigne
Militaire. Ainsi , M. je ne fais nul doute
I. Vol. que
1264 MERCURE
DE
FRANCE
que cette Médaille n'apartienne , et n'aig
été frapée à Troade , Ville de Phrygie ,
devenue dans la suite Colonie Romaine ;
mais cela ne suffit pas , il faut vous faire
connoitre cette Ville plus particuliere
ment , expliquer par-là notre Medaille,
et vous en faire connoître la singularité.
Troade étoit située sur les bords de
l'Hellespont dans cette Partie de la Phry
gie qui portoit aussi le nom de Troade ,
et selon le sentiment de plusieurs , elle de
voit son origine et sa fondation à la fa
meuse Troye , qui n'étoit éloignée du ter
rain occupé par cette nouvelle Ville , que
d'environ cinq ou six lieuës . Alexandre
le Grand , ajoûte- t-on , après avoir visité
les restes de l'ancienne Troye , et déploré
ses malheurs , fit bâtir une ville de ses
ruines , et pour mieux conserver la mé
moire de Troye , il donna le nom de
Troade a cette nouvelle Ville , qui porta
aussi le nom d'Alexandrie , à cause de son
Fondateur et du Restaurateur de Troye..
Dans la suite des tems , les Romains
ayant conquis la Grece , et cette partie de
l'Asie qui en dépendoit , la Ville de
Troade fut chez eux d'une grande consi
deration , et devint Colonie Romaine dès
le tems d'Auguste : d'autres Empereurs la
favoriserent en plusieurs manieres , et la
1.Vol.
dis
JUIN. 1731.
1265
distinguerent beaucoup par des Embelis
semens , des Privileges , &c. c'est pour
conserver la memoire de ces faveurs , et
pour marquer sa reconnoissance
que
Troade , à l'imitation des autres fameu
ses Villes , fit fraper plusieurs Médailles ,
dont quelques- unes se voyent encore dans
les Cabinets des Curieux , et sont rapor
tées dans les Ouvrages des Antiquaires.
M. Vaillant , qui en a composé un ex
près sur les Medailles des Colonies , a fait
graver les plus curieuses de celles de Troa
de qui étoient venuës à sa connoissance
lesquelles ont été frapées dans cette Ville
en l'honneur de plusieurs Empereurs et
Imperatrices depuis Trajan jusqu'à Gallus.
Ces Médailles ont d'un côtê la tête de
PEmpereur couronnée de laurier , ou de
l'Imperatrice , en l'honneur de qui elles
ont été frapées , avec la legende qui con
vient. Les Revers sont presque tous dif
ferens , et contiennent des symboles , qui
ont rapport à l'Histoire ancienne , et aux
motifs que ceux de Troade avoient en
fabriquant ces Monumens , ainsi que nous
le remarquerons dans la suite.Les légendes:
des Revers sont pareillement differentes ::
les unes ne contiennent que ces deux mots,,
Col. Troad , les autres Col. Aug. Troc ..
quelques unes Col. Alex. Aug. et dans l'E
.
د و
1. Vol.
xergue
1266 MERCURE DE FRANCE
xergue Tro. d'autres Col. Alexand. Aug. II
s'en trouve enfin qui portent ces mots Col.
Aur. Antoniana Alex. J'ajoûte que ces Me
dailles sont de moyen ou de petit bronze,
et que le sçavant Antiquaire qui les ra
porte , assure qu'elles sont presque tou
tes rares et quelques-unes d'une trés
grande rareté , et d'une consideration sin
guliere.
>
Si cela est , comme il y a lieu de le croi
re , j'ose vous assurer , Monsieur , que
notre Medaille de Troade surpasse toutes
celles dont nous venons de parler par sa
singularité et je crois que vous allez
en convenir. Elle n'a point été frapée pour
un Empereur, c'est une Medaille de Ville,
comme nous en voyons plusieurs de ces
Villes fameuses , qui ont fait une grande
figure dans l'Antiquité , lesquelles portent
d'un côté le Type de la Ville sous la figure
d'une Femme , ou d'une Déesse , comme
celles d'Athenes de Marseille , d'An
tioche, de Smyrne , & c. et sur le Revers ,
les symboles qui leur sont propres.
2
Comme Troade tiroit sa principale
gloire d'être Colonie Romaine , et qu'elle
vouloit plaire à ses Maîtres en faisant va
loir cette circonstance , on voit sur notre
Medaille une chose qui n'est pas ordinaí
re , sçavoir , non-seulement le nom de la
,
I. Vol.
Ville
,
ALEXTR
JUIN. 1731 . 1257
-
Ville , gravé sur les deux côtez , mais ce
qui est encore plus rare , le Titre de Co
lonie répété jusqu'à trois fois dans cette
même Médaille. Je sçai qu'il y a quel
ques exemples de Médailles Grecques ,
dont le nom de la Ville qui les a faites
fraper , se trouve sur les deux côtés ; mais
àPégard de la répetition du Titre de Colo
nie , je n'ai encore rien vû de semblable.
Au reste , Monsieur , je ne prétends
pas vous insinuer par ce que je viens de
vous dire ,, que les Médailles de la Ville de
Troade , comme Médailles de Villé , soient
plus rares que les Médailles Imperiales
de la même Ville , qui le sont déja as
sez , et par-là faire valoir plus que de rai
son notre découverte , qui sans cela
aura toûjours son mérite et sa singularité.
Il est cependant vrai , que dans Goltzius ,
dans Patin et dans le P. Hardouin , on
ne trouve la Médaille de Troade , que
comme frappée en l'honneur de quelque
Empereur ou Imperatrice ; mais comme il
se fait tous les jours de nouvelles décou
vertes , je trouve une Médaille de la qua
lité de la nôtre , quoiqu'elle n'ait ni les
mêmes symboles au Revers , ni les mêmes
Legendes , rapportée dans le bel Ouvrage
du Tresor de Brandebourg , composé par
Beger , T. I. p . 491. et j'aprens que M.
>
I. Vol. Le
1268 MERCURE DE FRANCE
Lebret , Conseiller d'Etat , Premier Pré
sident du Parlement d'Aix , Intendant de
Justice et du Commerce en Provence
possede dans son riche Cabinet quelques
Medailles de Troade , de la qualité de
celle dont il s'agit ici .
La Médaille du Tresor de Brandebourg
a d'un côté le Type de la Ville de Troade,
tout-à fait semblable à celui qui paroît sur
la nôtre , c'est- à - dire, une Tête de femme,
couronnée de Tours , et une Enseigne Mi
litaire derriere , avec ces Lettres autour.
ALEX TRO. l'Enseigne Militaire
ne porte aucunes Lettres. Le Revers est
tout-à- fait different. On y voit un Che
val qui paît , et cette Legende autour :
COL. AVG O , et dans l'ExergueTROĄ.
Si vous me demandez ce qu'il faut enten
dre par la Lettre O , qui suit après COL
AVG sur cette Medaille et sur quel
ques - unes semblables du Cabinet de
M. Lebret , je vous répondrai que c'est
un mistere qui a été jusqu'à present
impénétrable à tous les Antiquaires , et .
sur lequel on ne peut que hazarder des
conjectures.
→
Mais revenons à notre propre Medaille,
sur laquelle il y a encore deux observa
tions à faire. Commençons par le sym
bole de la Louve , et des deux Jumeaux
I.Vol. qui
JUIN. 1731. 1269
qui paroît sur son Revers . Rien ne con
vient mieux que ce symbole à une Me
daille de la Ville de Troade , qui , cor
sidérée seulement comme Colonie Ro
maine , devoit l'employer. Rien en effet de
plus jufte , & de plus flateur pour ses Maî
tres ,que de désigner ainsi la Ville de Rome
par le Type de sa fondation : mais le sym
bole paroit encore plus convenable , & plus
heureusement appliqué , s'il étoit vrai que
Troade ait été bâtie des débris de l'ancien
neTroye, et qu'elle représentoit en quelque
façon cette fameuse Ville , qui par Enée
Troyen, et par Remus et Romulus ses des
cendans , a , felon l'Histoire ancienne ,
donné naissance à la Ville de Rome , et au
Peuple Romain.
L'autre observation tombe sur la Legen
de de laTête CO ALEX TR.c'est- à- dire,
Colonia AlexandrinaTroadensis, ou Colonia
Alexandria Troadis . Il s'agit de sçavoir la
veritable raison de cette dénomination ..
Tous les Antiquaires qui ont parlé des Mé
dailles de Troade avec le titre ou le nom
d'Alexandriene, car toutes ne le portent pas,
comme nous le remarquerons en son lieu .
Tous les Antiquaires , dis-je , n'hésitent
point d'attribuer la fondation de la Ville:
de Troade à Alexandre le Grand.
M. Vaillant s'en explique dans ce sens .
I. Vol . même
1270 MERCURE DE FRANCE
même sur une Médaille de cette Ville
>
›
qui ne porte point le titre d'Alexan
drienne Troas urbs Phrygia minoris ab
Alexandro Magno , unde Troas Alexandri
seu Alexandria ut pluribus narrat Q
Curtius. Ce sont ces paroles ; cependant ,
le croiriez - vous Monsieur Quinte
Curce , si précisément cité , ne dit rien
là -deffus dans son Histoire. Il est seule
ment vrai que dans les Suplemens de cet
Hiftorien , Edition d'Elzevir 1664. il est
dit qu'Alexandre est venu deux fois à l'an
cienne Troye , que l'Auteur Latin ap
pelle aussi Ilium , qu'il y a visité le tom
beau d'Achille dont il se disoit issu du côté
de sa Mere , qu'il y a fait des Sacrifices , et
d'autres Ceremonies , qui sont décrites
dans le même Livre ; mais on n'y trouve
point , que ce Conquerant ait fait bâtir de
Ville dans ce Païs.
Le même M. Vaillant , prévenu sans
doute sur cette opinion , en expliquanr
dans ses Colonies,T.II. une autreMédaille
de Troade , frapée pour l'Empereur Ale
xandre Severe , avec le Titre d'Alexandri
ne,allegue encore le témoignage deQuinte
Curce , qu'il joint à celui de Strabon.sur
le même fait , Alexandria , dit - il . appet
* Medaille d'Antonin Pie , expliquée dans le
IT det Colonies de Vaillant.
1. Vol.
tationem
JUIN. 1731. 1271
lationem habet, vel ab Alexandro Magno, à
quo ex Troja ruderibus extructa est , Strabo
ne et Q. Curtio testibus , vel ab Alexandro
Severo , &c.
Nous venons de voir que la Citation
de Quinte - Curce est ici tout-à- fait gra
tuite ; celle de Strabon n'est gueres mieux
fondée ; mais elle demandera quelque exa
men , aussi - bien que ces dernieres paroles
de M. Vaillant , vel ab Alexandro Severo,
K
c. Je vous dirai cependant , que dans
Plutarque , dans Arrien , dans Êlien , et
dans les autres Auteurs qui ont parlé d'A
lexandre , je ne trouve rien qui favorise
Popinion et la citation de M. Vaillant.
Strabon a écrit
Voyons d'abord ce que
sur cette Ville : je trouve dans le second
Livre de ce celebre Auteur , la Ville dont
nous parlons , placée , comme on l'a déja
vû , dans la Phrygie , et située sur la Côte
de l'Hellespont. Dans ce même Livre , il
est aussi parlé d'une Ville d'Alexandrie
du Pays de Troade .
Strabon , en revenant dans son XIII.Li
vre à la Côte de l'Hellespont et de la
Propontide , dit expressément que Troade
est la premiere des Villes de cette Côte , il
ajoûte que sa réputation est celebre , et
que toute désolée et toute deserte qu'on la
voyoit alors , elle fourniroit la matiere
1
1
1
1
1
I
1
1
4
1
I
1
1
I
d'un ample discours.
1
1272 MERCURE DE FRANCE
En continuant la Description de l'Hel
lespont , après avoir nommé Ilium et Te
nedos , il nomme tout de suite Alexandrie
Troade , Villes , ajoûte-t'il , au- dessus des
quelles s'éleve le Mont Ida ...
Dans la suite il parle de la Ville qui
subsistoit de son tems sous le nom d'I
lium > et rapporte ce qu'on en disoit ,
sçavoir , qu'Alexandre le Grand l'ayant
visitée , après le combat du Granique ,
lui fit de grandes liberalitez , qu'il lui
donna son nom , et ordonna à ses Lieu
tenans de la réparer , ajoûtant qu'il l'a
mit au nombre des Villes libres, et qui ne
payoient aucun tribut. Enfin que ce Con
querant,après avoir vaincu les Perses, écri
vit à ces mêmes Lieutenans une Lettre
très-obligeante en faveur d'Ilium , pro
mettant d'en faire une grande Ville , d'y
bâtir un Temple superbe , et d'y établir
des Combats et es Jeux sacrez .
Après la mort d'Alexandre , c'est toû
jours Strabon qui parle , Lysimachus prit
un soin particulier de cette Ville , il y
bâtit un Temple , lui fit faire une grande
enceinte de murailles , et ordonna que
les Habitans des Villes voisines ruinées
s'y retireroient. Dans ce même tems
Lysimachus prit aussi soin de rétablir
Alexandrie , Ville qu'Antigonus avoit
1. Vol. bâtie
JUIN.
1731. 1273
bâtie au même Pays , laquelle fut d'abord
appellée Antigone , et qui changea ce
nom en celui d'Alexandrie ; cette Ville a
duré long- tems et a beaucoup prosperé.
C'est même encore aujourd'hui , dit Stra
bon , une Colonie Romaine , une Ville
enfin du nombre de celles qu'on appelle
Villes Nobles.
L'Auteur Grec revient à Ilium , pour
remarquer que quand les Romains y ar
riverent pour la premiere fois , et qu'ils
chasserent Antiochus le Grand , au-delà
du Mont Taurus , cette Ville n'étoit
gueres alors qu'un Village : il fait voir
aussi par plusieurs raisons que l'ancien
Ilium qui subsistoit du temps d'Homere ,
n'étoit point situé dans le même Lieu ,
qu'occupoit cet autre Ilium , dont il
parle .
Strabon observe de plus que le Lieu oc
cupé par cette Alexandrie,dont il est parlé
cy- dessus , étoit auparavant appellé Sigée.
Enfin il fait un peu plus bas mention
dans le même Pays d'une autre Ville nom
mée Alexandrie , bâtie au pied d'une
Montagne , et appellée aussi Antandrus.
C'est-là , ajoûte- t'il, qu'on assure qu'arriva
la celebre contestation des trois Déesses
au sujet de leur beauté , dont Pâris fut
1'Arbitre.
.
1. Vol
Il
1.274 MERCURE
DE FRANCE
Il étoit à propos , Monsieur , de vous
rapporter sommairement ce que dit Stra
bon , non-seulement au sujet de Troade;
mais encore de quelques Villes voisines ,
pour bien éclaircir la matiere dont il est ici
question . Vous voyez déja , Monsieur, que
Strabon n'a jamais dit , non plus que
Quinte- Curce , que notre Troade ait été
bâtie par Alexandre , des ruines de l'an
cienne Troye , ainsi que M. Vaillant l'a
écrit , et après lui ou avec lui , Baudrand ,
dans sa Géographie , lequel se sert à peu
près des mêmes termes , ab Alexandre
Magno excitata ut narrat Q. Curtius .
Il nous reste à voir , s'il est possible ;
ce qui peut avoir donné lieu à une er
reur de fait si considerable , à établir en
suite ce qu'il y a de certain et de plus
curieux à sçavoir sur la Ville de Troade,
principalement depuis son union à l'Em
pire Romain , et depuis que cette Ville fut
devenue une fameuse Colonie Romai ne
sans oublier ce que j'ai à vous dire sur la
Médaille des Dardaniens , que vous voyez
ici gravée avec celle de Troade .
Mais commeje prévois , Monsieur , que
cette matiere peut exceder les bornes d'une
Lettre , sans compter le peché * dont parle
In publica commoda peccem ,
· ·
Si longo sermone morer tua tempora ,
1. Vol. Horace
JUIN. 1731. . 1275
Horace , que je veux éviter , en n'arrêtant
pas trop long temps un Homme aussi dé
voué que vous à l'utilité publique ; je crois
devoir m'arrêter ici , en vous promettant
le plutôt qu'il me sera possible la suite de
ma Dissertation . Je suis , Monsieur , &c.
A Paris , le 1. Janvier 1731 .
**** X* XX:XXXXXX:X
LE PLAISIR EPURE.
O D E.
JE reprends aujourd'hui la Lire
Qu'autrefois je sçûs animer ;
Dieu des Vers , le Plaisir m'inspire :
Lui seul me suffit pour rimer.
Mais quelle vive ardeur me presse ?
Des premiers feux de ma jeunesse ,
Je ressens la vivacité :
Phébus j'abjure ta Méthode ,
Le Plaisir répand sur cette Ode ,
Ses charmes et sa nouveauté.
* L'Auteur à l'âge de 17. ans , avoit balancé
les suffrages de l'Académie des Jeux Floraux
pour le Prix de l'Ode, J
D Loin
1275 MERCURE DE FRANCE
Loin d'ici volupté sauvage ,
Dont Epicure fit un bien :
Les douceurs bien plus que la rage ,
Sont à craindre pour un Chrétien.
Par tes phantômes assallie ,
La raison tombe en létargie ,
Et ne s'éveille qu'en fureur ;
Mais la douceur enchanteresse ,
Du vif plaisir qui m'interesse ,
Eleve une ame et regle un coeur.
>
Aux beaux jours d'une vie heureuse ,
S'enflâment les riants Plaisirs :
La joye aisée et gracieuse ,
Brille , rit , éclate en desirs.
Ce n'est que transport , qu'allegresse ,
Où la plus séduisante yvresse ,
Flatte , amuse , enchante l'esprit :
Avec ce secours l'homme s'aime ;
Et croit , n'aimant plus que lui-même
Que l'Univers entier lui rit.
M
Oui , quand le plaisir nous anime
Et nous prévient de sa douceur ,
On sent une flamme sublime ,
Couler jusques au fond du coeur ;
L'esprit tiré de la matiere ,
I. Vol.
L
Jouit Į
JUIN. 1731. 1277
Joüit d'une pure lumiere ,
Plus brillante qu'un jour serain ;
Et quand dans les nuits les plus sombres,
Le plaisir dissipe les ombres ,
Il jouit du plus beau matin.
2
Tu nous sers , volupté paisible ,
Contre nos ennuis et nos maux :
Tu prépares un coeur sensible ,
A des transports toûjours nouveaux.
Cruels ennemis de nous- mêmes ,
Par tes séduisans stratagêmes ,
A nous - mêmes tu nous ravis ;
Et d'une trop fragile vie ,
Tu retiens le noeud qui la lie ;
Et tu répares ses esprits.
De deux amis qui se chérissent ,
Le Plaisir accroît la bonté :
C'est par ce Philtre que s'unissent ,
Tous les gens de Societé.
On s'assemble , mais c'est pour plaire :
Le Plaisir alors necessaire ,
Du commerce est le doux lien ,
Et dans ces momens favorables ,
On en trouve bien plus aimables ,
Les Convives et l'entretien,
Dij
L'hu
1278 MERCURE DE FRANCE
L'humeur philosophique et sombre
Qui ne m'abandonne jamais
M'invite à reposer à l'ombre ,
Sur le tapis d'un gazon frais :
Là , sur le bord d'une Onde
pure ,
Le Chêne entretient sa verdure ,
Mille fleurs y brillent aux yeux :
C'est là qu'avec plaisir je pense ,.
A conserver mon innocence ,
Par l'innocence de ces lieux .
粥
Là , quand la saison rigoureuse
Seme ses glaçons , ses frimats ,
Une societé nombreuse ,
M'invite à ne la craindre pas .
Tel chez moi lassé du commerce ;
-Près d'un brasier Bacchus m'exerce ,
Lui qui ne m'a jamais vaincu ;
Bien-tôt secouru d'un bon Livre ,
J'ai le bonheur d'apprendre à vivre ,
Et le plaisir d'avoir vécu .
Dans un âge encor susceptible
Des plus vives impressions ,
Je sens qu'il n'est plus si pénible ,
De combattre ses passions.
* 33. ans .
Le
JUIN. 1279 1731.
Le plaisir qui charme la vie ,
Unique et seul bien que j'envie ,
M'inspire de sages desirs ;
Et dans ces desirs j'envisage
Cette vie , et je la ménage ,
Dans l'esperance des plaisirs.
M
Le tems qui malgré nous entraîne
Nos jours trop prompts à s'écouler
Refuse à la vie incertaine ,
Le moyen de les rappeller.
C'est en vain que l'homme soupire
Du Monarque du sombre Empire ,
Il doit habiter le séjour.
Qu'il vive (a ) ou qu'aux Royaumes sombres ,
Il aille apprendre aux pâles Ombres ,
Qu'il a seulement vû le jour . (6)
In rebus jucundis vive beatus :
Vive memor , quam sis avi brevis .
Hor. Satyr. 6. Liv. 2.
(a) Vivre selon les Epicuriens , est de sçavoir
se procurer les plaisirs délicats ; ils en faisoient
même une espece de prudence. Prudentiam in
troducunt scientiam suppeditantem voluptates,
depellentem dolores . Cic. Offic. Liv. 3. c . 33 .
(b) Qui répond au Vixit des Romains , pour
dire qu'on n'est plus.
Parl'Abbé Day** ,Curé de G*** en Marsan.
La Vel. D üj
NOU
1280 MERCURE DE FRANCE
Susbsbisk: Att
NOUVEAU Paradoxe proposé aux
Géométres Infinitaires , par le P. C. J.
Dia I.
Ans la Mathématique universelle
j'ai dit que le quarré de 1. 1. 1. 1 .
1. I. I. I. &c. c'est - à- dire de toutes les
unitez prises en nombre infini , étoit 1 .
3. 5. 7. 9. 11. 13. &c . c'est - à- dire , tous
les nombres impairs pris aussi en nom
bre infini . Je viens de recevoir d'Angle
terre le Livre Anglois , intitulé : Princi
pes philosophiques de la Religion naturelle,
composé par le celebre M. Cheyne , de la
Societé Royale , et j'ai été étonné d'y
trouver que les impairs 1. 3. 5. 7. 9. 11 .
& c. étcient le quarré , non des unitez ,
mais des demies unitez prises en nombre
infini ,,,,,, & c.
II .
A cette vue je n'ai pas balancé un mo
ment à croire que l'erreur étoit toute de
mon côté. J'ai revû mon Calcul et mes
Preuves , je les ai trouvées justes . J'ai de
nouveau examiné ses Principes et ses
Preuves, rien n'est plus juste et plus exact.
C'est donc encore ici une nouvelle preu
ve de la superiorité de la Géométrie de
Pinfini sur la Géometrie ordinaire , et
I. Vol.
des
JUIN .
ཉ 1731. 1:81
des contradictions apparentes qui ne
sont point réelles , et par consequent de
la délicatesse avec laquelle on doit ma
nier toutes ces questions de l'infini .
Oui , M. Cheyne a raison et je n'ai
pas tort , lorsque, selon lui , le quarré des
demies unitez , et que, selon moi, le quarre
des unitez sont égaux aux nombres im
pairs 1. 3. 5. 7. &c. quoique cependant
il soit toûjours vrai que le quarré du tout
est quadruple du quarré de la moitié . Je
laisse aux habiles Géometres Infinitaires
le plaisir de trouver la conciliation de
deux veritez si contradictoires. Mais je
ne conseille à personne de se presser de
condamner aucun des deux Calculs . L'in
fini a toûjours droit d'embarasser ceux qui
ne le possedent pas , quoique ce ne soit
qu'un jeu pour ceux qui connoissent un
peu le Systême,
C
!
Un autre point dans lequel nous ne
sommes pas d'accord , M. Cheyne , et moi,
et où je crois que l'un de nous deux a
tort , est celui où il prétend que le quar
ré de 1. 1. 1. 1. 1. , &c . est égal à la som
me des nombres naturels 1. 2. 3. 4. 5. 6.7 .
& c. au lieu que j'ai prétendu , et que je
prétends encore qu'il est égal à la somme
des impairs. M.Cheyne va contre ses pro
pres principes , lorsqu'après avoir assigné
1. Vol. Dij le
1282 MERCURE DE FRANCE
le quart du quarré de l'infini par le quarré
de la somme des moitiez ,,,, & c.
il assigne les nombres naturels pour le
quarré des unitez , puisque selon Euclide,
ce quarré doit être quadruple de celui des
moitiez , et que cependant , selon lui , la
somme des nombres naturels n'est que la
moitié du quarré de l'infini , par conse
quent le double de la somme des impairs.
Par la démonstration même de M. Chey
ne , on peut prouver que le quarré des
unitez est double de la somme des nom
bres naturels , et par consequent égale à
la somme pleine des pairs ou des impairs.
***************
A MADLLE DE LA GUYTERIE.
BOUQUET.
PEu ne s'en faut , ravissante Chichon ,
Que je ne puisse obtenir de ma Muse
Des Vers pour toi : j'aurois plus d'une excuse
Je ne sçavois qu'on te nommât Fanchon ;
Si j'avois sçû , prenant bien mes mesures
Depuis long- temps Balades ou Sonnets ,
Rondeaux , Chansons , à force de ratures.
Eussent trouvé place entre tes Bouquets.
Non que ce soit une chose facile ,.
De te chanter ... mais quelques Triolets ,
>
እ
I. Vol. Ou
JUI N. 1731. 1253
Où j'aurois fait passer tes Briolets .... *
Ah ! par ma foi je deviens imbécile ,
Parler pour vingt , ce n'est chose facile ,
Et c'est pourtant moins qu'on ne t'en connoît
Il me restoit pour me tirer d'affaire ,
D'avoir au moins des fleurs à présenter ;
Assez n'y font pas de plus grand mystere ?
Mais le moyen ? autant vaudroit brouter.
De la saison la constante froidure
A tout gelé , pas même de verdure ;
Mais pour Chichon , rien n'étant mal- aisé ,
Voicy ce dont je me suis avisé.
Flore , ai- je dit , bon gré malgré la bise ,
Ne peut manquer de telle Marchandise ;
Il ne s'agit donc pour en obtenir ,
Que de sçavoir ce qui peut convenir .
Nommer la. Belle , est justement l'affaire ,,
Son nom vaut seul un éloquent Discours
Et j'ai trouvé le seul point necessaire ,
Puisqu'elle sçait.commander aux Amours ;
Fut dit et fait , je cours avec vîtesse ;
En arrivant je vois les Jeux , les Ris ,
Qui recevoient des mains de la Déesse ;.
Bouquets de goût pour leur mere Cypris ;;
( Car c'est demain qu'on celebre à Cythere ,
Le jour natal.de cette Deïté ;
Terme du Pays pour dire Amans.
29
I.. Vol. Vous DV
1284 MERCURE DE FRANCE
Vous entendez à demi mot l'affaire ;
Vous deux avez même solemnité . )
Zéphir, de Flore excitoit la tendresse
Flore à Zéphir faisoit mainte caresse ,
Et Cupidon étoit à leur côté ,
Qui finissoit d'orner une Guirlande,
Dont à Venus il destinoit l'offrande ;
En te nommant il me donna le choix ,
De mille fleurs nouvellement écloses,
Chichon , lui dis- je , aime sur tout les Roses
Il en tenoit une en ses petits doigts ,
Dont je croyois qu'il dût payer mon zele ,
Lors qu'il me dit n'aspire à tant d'honneur
C'est de ma main qu'elle aura cette fleur ,
Le seul Amour peut l'offrir à la Belle.
*
Le Chevalier de Neufville de Montador ;
Enseigne au Régiment de la Marche.
A Auch , le 8. Mars 1731 ..
****************
REPONSE à la Lettre.inserée dans le
Mercure de Novembre 1739, sur la gloi
re des Orateurs et des Poëtes.
aura t'il
N'qui veuille prendre en main les in
erêts de l'Eloquence , attaquée dans le
Ja Vola
Mer
JUIN De 1731. 1285
Mercure de Novembre dernier ? On y a
donné la préférence aux Poëtes sur les
Orateurs , et c'est là - dessus que je sens
réveiller toute l'ardeur de mon zele ; je
me vois obligé presque malgré moi à
vous déclarer mes sentimens : je dis mal
gré moi , n'aimant pas naturellement à
me produire aux yeux du Public , outre
que la cause qu'il s'agit de soutenir me
paroît fort superieure à la foiblesse de
mes forces ; mais aprés tout , ce seroit ,
à mon avis , une lâcheté que de laisser dé
grader l'Eloquence du haut rang qu'elle a
tenu jusqu'ici , et qu'elle a dû tenir dans
l'Empire des Lettres , soit parmi les An
ciens , soit parmi les Modernes. J'ent e
prens donc de faire valoir les droits de l'E
loquence , et de repondre à tout ce que
l'Auteur de la Lettre , inserée dans le
Mercure, a dit en faveur de la Poësie. Que
si je ne m'acquite pas tout à fait de ce que
j'entreprens , il ne tiendra qu'à vous de
supléer par vôtre pétration et par vos
lumieres , à ce qui manquera à mes Re
flexions et à mes paroles.
On ne me fera point un crime de join
dre ici les Letrres Françoises avec les
Grecques et les Latines : car quelque res
pect que l'on doive aux Anciens , on est ,
ce me semble , convenu dans ce siecle
I. Val.
D vj que
1286 MERCURE DE FRANCE
que les Modernes en approchent d'assés
prés , pour ne leur être point tout à fait
inferieurs. En effet , nous avons d'aussi
habiles Orateurs , et d'aussi grands Poë
tes que l'Antiquité en a eu , non pas tout
à fait , si l'on veut , dans le Poëme Epique,
qui est le seul genre , dans lequel l'Auteur
de la Lettre a fait un préjugé incontesta
ble en faveur des Anciens contre les Mo
dernes , mais dans les autres especes de
Poësie , telles que sont la Tragedie , fa
Comedie , la Satyre , les Fables , dans les
quelles il est certain que nos Auteurs
ont égalé , pour ne pas dire , surpassé les
'Anciens..
Mais , comme il faut se renfermer ici
dans le seul parallele des Orateurs et des
Poëtes , afin de repondre précisement à
la Lettre inserée dans le Mercure , jose
dire hardiment , et sans crainte d'être dé
menti par les connoisseurs habiles et ju
dicieux , que l'Eloquence est en toute
maniere préferable à la Poësie , et voici
sur quelles raisons je fonde la solidité de
mon sentiment.
J'avance premierement , que l'Elo
quence est d'un usage plus utile , plus
étendu , plus important que la Poësie ,
parcequ'elle estproprement et par un titre
particulier , l'arbitre du bon sens , de la
J.Kol verité
JUIN. 1731. 1287
verité , et de la raison ; au lieu que la Poë
sie n'est, à le bien prendre, que l'ouvrage
de l'invention et de l'imagination humai
ne : Car on convient que le but principal
et même unique des Poëtes , est de plaire
par la beauté des images, par les hardiesses
figurées de l'expression et du langage .
C'est ce qu'on peut voir dans le discours
que M. de la Motte a fait sur la Poësie
en general , et qu'il a mis à la tête de ses
Odes : mais l'Eloquence a non seulement
pour objet l'art de plaire , elle triomphe
des Passions , elle se rend maitresse des
volontez ; Ce qui est beaucoup plus no
ble , plus difficile , et demande de plus
grands efforts de la part des Orateurs ,
que de celle des Poëtes qui ne touchent et
ne meuvent que par occasion , et , pour
ainsi dire , par hazard , par la raison qu'ils
ne s'attachent qu'à flatter , qu'à favoriser
les passions , plutôt qu'à les combattre..
En un mot , tout ce qu'il y a de sçavans
hommes demeurent d'accord , que la
Poësie n'est presque qu'un amusement de
PEsprit humain ; que son unique partage
est d'embellir les objets qu'elle represente,
d'où vient que par un abus qui lui est
propre , elle s'employe plus souvent à
farder le vice , qu'à honorer la vertu ;:
mais ils conviennent tous que l'avantage
L. Vol.
de
# 288 MERCURE DE FRANCE
de l'Eloquence est de regner sur l'esprit
des Princes , des Magistrats , et des Peu
ples entiers , de soutenir la raison et la
justice , de faire vouloir aux hommes ce
qu'ils ne vouloient pas , de donner enfin
la Loy aux Coeurs les plus obstinez et les
plus rebelles .
Il s'agit maintenant de ce qu'a dit l'Au
teur de la Lettre , qui rapporte le témoi
gnage de Ciceron , pour faire voir que la
Poësie est un Art divin , qui éleve l'hom
me au dessus de lui-même , et que c'est
dans cette vue qu'il a écrit que les Poëtes
étoient comme animez d'un souffle et
d'un esprit divin , Spiritu quodam divino
affati. Mais à ce témoignage de Ciceron,
j'en oppose un autre qui n'est pas moins
respectable , et qui lui est trés- avantageux
à lui même et à l'Eloquence. C'est celui
du celebre Longin , qui dans le Traité
du Sublime , que M. Despréaux a si bien
traduit en notre langue , a donné la plus
grande idée du merite de Ciceron et de
Demosthéne. Il compare le premier à un
grand embrasement qui dévore et consume
tout ce qu'il rencontre , avec un feu qui ne
s'eteint point , qu'il répand diversement danș
ses ouvrages , et qui à mesure qu'il s'avance,
prend toujours de nouvelles forces. Et pour
Le second , c'est - à-dire , Demosthéne , il le
I. Vol.
compare
JUIN. 1731. 1289
ra
compare à une tempête et à un foudre , à
cause de la violence , de la rapidité , de la
force , et de la vehemence avec laquelle il
vage ,pour ainsi dire,et emporte tout. Demos
théne , dit - il , ayant ramassé en soi toutes les
qualitez d'un Orateur veritablement né aw
sublime , et entierement perfectionné par l'étu
de ; ce ton de majesté , et de grandeur , ces
mouvemens animez , cette fertilité , cette
adresse , cette promptitude , et ce qu'on doit
sur tout estimer en luy , cette force et cette ve
bemence , dont jamais personne n'a pû ap
procher. Par toutes ces divines qualitez ,
que je regarde en effet , dit il , comme autant
derares presens qu'il avoit reçus des Dieux¸et
qu'il ne m'est pas permis d'appeller des qua
linez humaines , il a effacé tout ce qu'il y
a eu d'Orateurs celebres dans tous les siecles,
les laissant comme abbatus ct éblouis , pour
ainsi dire , de ses tonnerres et de ses éclairs ;
car dans les parties où il excelle , il est tel
lement élevé au dessus d'eux , qu'il repare
entierement par là celles qui lui manquent.
Et certainement , ajoute- t'il , il est plus aisé
d'envisager fixement et les yeux ouverts , les
foudres qui tombent du Ciel , que de n'être
point ému des violentes passions qui regnent
en foule dans ses ouvrages .
Tel est le passage de Longin , traduit
dans toute sa force par M. Despreaux
Jo Vola
Quel
1290 MERCURE DE FRANCE
Quelles reflexions ne peut- on pas faire
là dessus ? voilà l'Eloquence traitée de
qualité plus qu'humaine , de qualité divi
ne. la voilà comparée à ce qu'il y a de plus
fort , de plus puissant dans la nature , je
veux dire , aux tempêtes , et aux foudres .
A t'on jamais attribué quelque chose de
semblable à la Poësie ? Et n'est- il pas évi
dent que l'Eloquence a par cet endroit
là un avantage que tous les charmes et
les agrémens de la Poësie ne sçauroient
égaler .
On n'a qu'à se rappeller ici les grands
fuccès qui accompagnoient l'Eloquence de
Ciceron. Ignore- t'on l'avantage qu'il eur,.
en faisant l'Apologie de Ligarius , en pre
sence de Jules - Cesar , son ennemi declaré
, et qui avoit résolu de le proscrire ?
C'étoit dans ce dessein qu'il s'étoit rendu
au Senat ; et malgré tous les mouvemerrs
de sa haine et de son ambition , on vit
eet Empereur , aussi distingué par son
esprit que par ses armes victorieuses ,
rendre hommage, pour ainsi dire , à l'Elo
quence de Ciceron ; laisser tomber le pa
pier qu'il tenoit dans sa main , par la sur
prise où il étoit de voir justifier comme in
nocent celui qu'il avoit regardé comme
coupable.
C'est ainsi que l'Eloquence sçait se ren.
Lo.Vol.
dre ,
JUIN. 1731. 12.9
dre maîtresse des volontez ; et qu'on ne
dise pas que Ciceron ne dût ce succès
qu'à la vehemence de sa prononciation.
Ce n'étoit point le sentiment du grand
Prince de Condé ; Ce Prince aussi céle
bre que Cesar par son génie et par ses
Conquêtes , soutenoit qu'on ne pouvoit
lire les Ouvrages de Ciceron sans en être
ému ; cela fait voir que le talent même
de la prononciation , dont là plûpart des
Poëtes ne font nul usage , n'empêche pas
que les Discours des Orateurs , par la lec
ture qu'on en fait , ne triomphent dans
tous les Pays et dans tous les siecles.
Que dire après cela , du mépris que
l'Auteur de la Lettre fait de la Prose :
qu'il met au - dessous de la versification et
de l'harmonie de la Poësie , comme si
cette harmonie étoit particuliere aux Pdë
tes , et qu'il ne fût pas possible aux Ora
teurs d'enchanter les esprits par les char
mes de la parole ? on sçait , sans doute, ce
qui arriva au fameux Alphonse Roy d'Ar
ragon. Attaqué d'une maladie de lan
gueur qui paroissoit incurable aux Mede
cins , il recouvra sa santé par la lecture
de l'Histoire de Quint Curce : a t'on ja
mais crû que les Histoires appartiennent
à la Poësie ? ne sont-elles pas uniquement
du ressort de l'Eloquence qui sçait ramas
I. Vol
ser
1292 MERCURE DE FRANCE
ser quand elle veut , et les agrémens du
Discours, et les images les plus vives de la
nature.
Quant à ce que l'Auteur a dit de l'en
tousiasme de David et des Prophetes , qui
se sont servis du langage de la Poësie pour
exprimer leurs sentimens , il est aisé de ré
pondre que ce Saint Roy n'écrivit ces
Oracles en vers , que parce qu'il voulut
qu'ils fussent chantez dans les assemblées
du Peuple , et l'on sçait bien que le chant
ne peut se passer de la cadence de la Poë
sie ; mais il ne s'ensuit pas delà , que les
Exhortations des Prophetes n'ayent eu
de la force que parce qu'elles étoient en
vers : au contraire, plusieurs d'entr'eux se
sont servis de la Prose pour parler aux
Peuples , et l'on sent encore, en les lisant
que rien ne manque à la grandeur et à
la majesté qui convenoit à Dieu même
qui les inspiroit.
Il est tems de venir aux Modernes , et
à l'Eloquence de notre siecle. Est- il pos
sible que l'Auteur de la lettre ait si fort.
méconnu le merite de nos Orateurs et de
nos Ecrivains , que de leur préferer les
agrémens de la Poësie ? Croit -il avoir ga
gné sa cause en établissant sur le senti
ment du P. Bouhours , du P. Rapin , de
M. D'Aubignac, que le Poëme Epique est
I. Vola le
JUIN. 1731. 1293
>
le Chef- d'oeuvre de l'esprit humain ? Je
le surpre ndrai bien plus , quand je luy
dirai qu'il y a tel Discours en nôtre lan
gue , tel Panegyrique , telle Harangue
qui est un Chef-d'oeuvre de l'esprit hu
main : et cela est d'autant plus vrai , que
sans avoir recours aux Fables , aux sup
positions , aux chimeres de la Poësie , on
s'en trouve charmé par la seule verité
par la seule force de la parole. Je le re- .
péte: il y a dans ces Discours dont je par
le , autant d'art , de vivacité , de gran
deur , et quelquefois plus , que dans tous.
les Poëmes anciens et modernes.
Que dis - je ? l'Eloquence n'a - t'elle pas
plus de force ordinairement par la liber
té qu'elle a de se tourner de tous côtés ;
de pousser ou de moderer la vigueur et
la rapidité de son style , selon les occa
sions , ou les passions qu'elle fait agir ; on
sçait que dans la Poësie la raison se trouve
enchainée par les loix rigoureuses de la
versification : les plus excellens Poëtes s'en
sont plaints , et ils n'ont pû dissimuler
leur contrainte : mais dans la Prose l'esprit
peut prendre tout son essor , il a le choix
de ces images vives , justes et agréables ,
qui par un doux charme saisissent l'esprit
et le coeur. Dans la Poësie , la nature est
quelquefois si envelopée sous des figures
8
1
3
1
1
1. Vol.
étrangeres ,
1294 MERCURE DE FRANCE
étrangeres , qu'on a de la peine à la récon
noître mais l'Eloquence présente toûjours
une fidele image de la nature , et il n'ap
partient qu'à elle de faire bien valoir la
verité et la raison .
L'Auteur a crû beaucoup avancer en
rapportant quelques endroits d'Homere
et de Racine , qu'il défie nos Ecrivains de
mettre en Prose avec le même succés , mais
il se fait illusion à lui-même. S'il y a des
traits dans les Poëtes que la Prose ne puis
se égaler , on en voit aussi dans les Ora
teurs où la Poësie ne sçauroit atteindre :
cela dépend de la justesse et de la préci
sion avec laquelle les uns et les autres se
sont exprimés . Il est certain que ce qui est
exprimé fortement et noblement dans
une langue ou dans un genre , ne peut
passer avec la même grace dans un autre.
On en voit des preuves dans toutes les
Traductions qu'on a faites des ouvrages
des Anciens et des Modernes : et on a tou
jours été convaincu que les Traductions
mêmes de nos Auteurs François ne valent
pas les Originaux ; il en est de même des
Orateurs et des Poëtes ; mais il ne s'ensuit
point de ce parallele que la Poësie ait au
cun avantage sur l'Eloquence .
Puisque l'Auteur de la Lettre a employé
les citations en faveur de la Poësie , il nous
I. Vol
doit
JUIN. 1731. 1295
par
E doit être permis de les employer aussi
pour l'Eloquence : en voici une d'un Ora
teur celebre qui a été en son temps une
lumiere de l'Eglise ; je parle de M. Bos
suet Evêque de Meaux ; on l'a comparé
à Demosthéne. C'est dans l'Oraison fune
bre de la Reine d'Angleterre
, Epouse
du Roy Charles premier , où ce grand
Prélat , aprés avoir marqué tous les mal
heurs qui arriverent à ce Prince , et sa
détention les Ennemis
de sa person
ne et de son Royaume , s'exprime ainsi .
Le Roy est mené de captivité en captivi
té: et la Reine remue en vain la France ,
la Hollande , la Pologne même , et les Puis
sances du Nord les plus éloignées : elle ranime
les Ecossois , qui arment trente mille hom
mes ; ellefait avec le Duc de Lorraine une
entreprise pour la delivrance du Roy , dont
le succés paroit infaillible , tant le concert en
est justes elle retire ses chers enfans , l'uni
que esperance de sa maison , et confesse cette
fois , que parmi les plus mortelles douleurs ,
on est encore capable de joye : elle console
le Roy , qui lui écrit de saprison même , qu'elle
seule soutient son esprit , et qu'il ne faut
craindre de lui aucune bassesse , parceque
sans cesse il se souvient qu'il est à elle. O
Mere ! O Femme ! O Reine admirable !
et digne d'une meilleure Fortune , si les For
དྲ
3
S
$
i
5
*
I. Vol.
tunes
1296 MERCURE DE FRANCE
tunes de la Terre éroient quelque chose ! en
fin , il faut ceder à vôtre sort ; vous avez as
sés soutenu l'Etat qui est attaqué par uneforce
invincible et divine ; il ne reste plus désor
mais sinon que vous teniez ferme parmi fes
ruines.
Qui cependant , continua t- il , pourroit
exprimer ses juftes douleurs ? Qui pourroit ra
conter ses plaintes t Non , Messieurs , Jere
mie lui-même , qui seul semble être capable
d'égaler les lamentations aux calamitez , ne
suffiroit pas à de tels regrets . Elle s'écrie avec
eeProphéte : Voyez , Seigneur , mon affliction ;
mon ennemi s'est fortifié , et mes enfans sont
perdus ; le cruel amis sa main sacrilege surce
qui m'étoit le plus cher ; la Royauté a été pro
fanée , et les Princes sont foulez aux pieds ;
baiffez-moi , je pleurerai amérement ; n'en
trepenez pas de me consoler : Le glaive afra
pé au dehors , mais je sens en moi - même une
mort semblable.
Voilà l'endroit de M. Boffuet , qu'on
a été obligé de rapporter tout entier , quoi
qu'un peu long. Quelle foule de paffions
& de mouvemens ne voit- on pas dans
cette Description du malheur de ce Prince?
mais quelle addreffe , de s'arrêter tout
d'un coup , pour ne pas raconter la funefte
mort qu'on lui fit souffrir & de relever
par son silence , ce qu'il sentoit bien ne
I. Vel pou
E JUIN. 1731 . 1297
To
T
#
TE
+
"
1
7
pouvoir égaler par fon discours , de passer
enfin à cette apoftrophe imprevûë , par
laquelle il s'écrie , comme s'il eût été hors
de lui- même , O mere ! O femme ! O
Reine admirable , & digne d'une meilleure
fortune , fi les fortunes de la Terre étoient
quelque chose .... On doit admirer encore
l'application merveilleuse qu'il fait à cette
Reine , des expressions de Jeremie , qui
repreſentent fi fortement la grandeur de
son infortune et de ses douleurs . Peut- on
rien voir de plus frappant ? que la Poësie
s'efforce de mettre en Vers cet en
droit , & plufieurs autres qui se trouvent
dans cette Oraison funebre , & dans celle
de la Duchesse d'Orleans qui la suit
immediatement , elle n'en viendra ja
mais à bout.
>
On peut encore se souvenir de celle
du Grand Prince de Condé faite par le
même Prélat , où tout ce que la Guerre
a de plus héroïque , tout ce que l'esprit
& le coeur ont de plus grand se trouve
renfermé de la maniere du monde la plus
vive , sans parler du détail qu'il y fait de
la mort de ce Héros , Ouvrage immor
tel , où l'on a dit avec raison , que cet
admirable Orateur s'étoit surpaffé lui-mê
me. Tout cela est fort au - deffus des agré
mens de la Poësie .
1. Vol.
Que
1298 MERCURE DE FRANCE
Que s'il faut passer aux Orateurs de
notre siécle , qu'y a- t'il de plus beau , de
plus éloquent , de plus sublime , que les
Eloges funebres , composez par M. Fle
chier , Evêque de Nîmes. On sçait qu'il
a porté l'Art de la louange à un point de
perfection , où les Anciens ni les Moder
nes n'ont presque pû atteindre . On n'a
qu'à lire ces Eloges , on y trouvera une
infinité d'endroits que les plus grands
Poëtes auroient bien de la peine à égaler.
Entr'autres , celui - ci qui se voit à la fin de
P'Oraison funebre de la Reine,
Que lui restoit-il à demander à Dieu , dit
il , ou à desirer sur la terre ? Elle voyoit le
Roy au comble des prosperitez humaines ; ai
mé des uns , craint des autres , estimé de tous;
pouvant tout ce qu'il veut , et ne voulant que
ce qu'il doit ; au dessus de tout par sa
gloire , et par sa moderation au dessus de sa
gloire même.
Quelle précision ! Quelle grandeur ! dans
ce peu de mots , qui comprennent tout ce
qu'on a dit de plus beau à la gloire de
Louis le Grand ? mais quelle cadence !
quelle harmonic ! en peut- on trouver da
vantage dans les Poëtes les plus confom
mez ?
Il ne faut qu'ouvrir l'Eloge funebre
qu'il a fait du Grand Turenne. C'est- là
1. Vol.
qu'il
JUIN. 1731. X299
W
qu'il a déployé toute la force de son Art.
Il s'y est élevé aussi haut que la gloire du
Heros qu'il vouloit loüer. En voici des
traits inimitables .
Oùbrillent, dit- il, avecplus d'éclat les effets
glorieux de la vertu Militaire conduites
d'Armées, Sieges de Places , Prises de Villes
Passages de Rivieres : Attaques hardies , Re
traites honorables , Campemens bien ordon
nez , Combats soutenus , Batailles gagnées ,
Ennemis vaincus par la force , dissipez par
Paddresse, lassez et consumez par une sage et
noble patience où peut-on trouver tant et de
si puissans exemples , que dans les actions
d'un Homme sage , liberal , desinterressé
dévoué au Service du Prince & de la Patrie;
grand dans l'adversité par son courage
dans la prosperité par sa modestie , dans.
les difficultez par sa prudence , dans les
perils par sa valeur , dans la Religion par
sa pieté ? ...
Villes , que nos Ennemis s'étoient déja
partagées , vous êtes encore dans l'enceinte de
notre Empire. Provinces qu'ils avoient déja
ravagées dans le desir et dans la pensée , vous
avez encore recueilli vos moissons. Vous du
rez encore , Places que l'Art et la Nature a
fortifiées , et qu'ils avoient dessein de démo
lir et vous n'avez tremblé que sous de
projets frivoles d'un Vainqueur en idée , qui
I.Vol. - E 1 comp
.
333107
1300 MERCURE DE FRANCE .
comptoit le nombre de nos Soldats et qui
ne songeoit pas à la sagesse de leur Capi
taine
د
....
Ilparle , chacun écoute ses Oracles : il com
mande , chacun avec joye suit ses ordres ; il
marche , chacun croit courir à la gloire. On
diroit qu'il va combattre des Rois , confe
derez avec sa seule Maison comme un au
tre Abraham ; que ceux qui le suivent sont
ses Soldats et ses Domestiques , et qu'il est
General et Pere de Famille tout ensem
ble ....
Il se cache ; mais sa réputation le décou
vresilmarche sans suite et sans équipage,mais
chacun dans son esprit le met sur un Char
de Triomphe : On compte en le voyant les
ennemis qu'il a vaincus, nonpas les Serviteurs
qui le suivent tout seul qu'il est , on se figure
autour de lui ses vertus et ses victoires qui
Paccompagnent ; il y a je ne sçai quoi de no
ble dans cette honnête simplicité , et moins
il est superbe , plus il devient venerable ...
L'enviefut étouffée , ou par le mépris qu'il
en fit , ou par des accroissemens perpetuels
d'honneur et de gloire : le merite l'avoit fait
naître , le merite la fit mourir. Ceux qui
lui étoient moins favorables
combien il étoit necessaire à l'Etat ceux
qui ne pouvoient souffrir son élevation se
srurent enfin oblige d'y consentir , et n'o
ont reconnu
د
I. Vol. sens
JUIN. 1731. 1301
sans s'affliger de la prosperité d'un Hom
me qui ne leur avoit jamais donné la mise
rable consolation de se réjouir de quelqu'une
de ses fautes , ils joignirent leur voix à la voix
publique et crurent qu'être fon Ennemi
>
c'étoit l'Etre de toute la France ...
En voilà bien assez , et un peu trop ,
pour faire repentir l'Auteur de la Lettre
du mépris qu'il a fait de l'Eloquence , fion
a cité un peu au long cet éloge de M. de
Turenne c'est que tout le monde con
vient que c'est un chef - d'oeuvre de
l'Esprit humain , et que M. Fléchier s'eſt
immortalisé lui-même , en immortalisant
le Heros .
›
>
On ne dira rien ici du Panegyrique
du Roy par M. Pelisson , qui a été traduit
en toutes sortes de Langues de l'Europe
à l'honneur de la nôtre ni de tant
de Harangues prononcées , soit à l'Aca
demie , soit ailleurs ; cela nous meneroit
trop loin ; mais qu'eft-il besoin de s'é
tendre davantage ? Quel a été jusqu'ici
le but de l'Académie Françoise ? Eft - ce
de cultiver principalement la Poësie , &
de la préferer à l'Eloquence ? qu'on le
demande aux sçavans Hommes qui l'a
composent , Ils diront que c'est l'Elo
quence qui a toujours fait le principal
objet de leurs soins ; qu'ils n'ont rien ou
1. Vol
E ij blié
יכ
LVLM JP 1 дауUD
blié
par leurs
Ecrits
, pour
la rendre
su
blime
, touchante
, et digne
enfin
de toute
la gloire
de
notre
Siècle
. Ils
diront
qu'ils
connoissent
tous
le
mérite
de
la Poësie
.
qu'ils
couronnent
tous
les ans
par
des
prix
;
mais
qu'ils
sont
persuadez
que
l'Eloquence
qui
est
aussi
couronnée
par
leurs
mains
,
est
d'un
usage
plus
étendu
, plus
utile
,
plus
noble
et plus
importants
que
l'on
di
se après
cela
que
la Poësie
eft le langage
des
Dieux
, on répond
que
l'Eloquence
,étant
le
langage
des
Hommes
, & des
Hommes
les
plus
distinguez
, elle
a plus
de droit
sur
leur
estime
, & qu'on
doit
s'attacher
avec
plus
de soin
à la cultiver
et à la maintenir
dans
sa
perfection
.
On doit conclure de tout ce qu'il vient
d'être dit , que la Poësie ne regardant que
le plaisir de l'esprit , et l'Eloquence ayant
pour objet la vérité , la juftice , la vertu et
la sagesse , elle mérite par conséquent
d'être préférée à la Poësie.
On n'a pas eu le tems de s'étendre sur
ce qu'a dit l'Auteur de la Lettre au sujet
des Prédicateurs , qu'il prétend être fades
et ennuyeux , un Amateur des Théatres
et des Operas doit avoir quelque peine à
les gouter ; mais il ne laisse pas d'être vrai
que
que l'Eloquence de la Chaire a été portée
de nos jours à une très grande perfection ;
I. Vol. et
JUIN. 1731. 1303
et qu'on ne sçauroit mépriser les Prédica
teurs , sans se moquer des Saints Peres qui
'en sont les modéles , un Ambroise , un
Cyprien , un Auguſtin , un Chrysostome
que nos Orateurs Chrétiens suivent de
fort près : Ces Grands Hommes ont été
infiniment au dessus de tous les Poëtes.
Le 3. Janvier 1731.
LOGOGRYPHE.
PRenez
à vos yeux
Renez- moi tout entier , je presente
Un objet des plus gracieux ;
Je rappelle un fait mémorable ,
Ou de l'Histoire ou de la Fable ;
Je vous offre des Prez , des Arbres et des Fleurs
Que l'Aurore jamais ne baigna de ses pleurs.
Grand , petit , rond , quarré, comme le veut mon
pere ,
Je ne compterai point ici tous les sujets
Dont on me fait dépositaire :
Mon nom aussi vous offre une foule d'objets ;
En effet , l'on y trouve un meuble necessaire ,
Qui sert à bien plus d'une affaire ;
Vous y verrez un Elément ;
Un des enfans du premier homme ;
Une grande Cité plus ancienne que Rome ;
1. Vol.
E iij
1304 MERCURE DE FRANCE
Ce qui nous plaît infiniment ;
Ce que chacun voudroit atteindre ;
Certain Globe qui se fait craindre,
Et qui porte des coups mortels ;
Un vétement dont font usage ,
Les Ministres des saints Autels ;
Faut - il en dire davantage ?
Vous y verrez une couleur ;
Un mot Latin , qui signifie
Un Instrument dont l'harmonie ,
Annonce les Combats , excite la valeur ;
Je n'aurois jamais fait si je voulois tout dire
Vous y verrez enfin les lieux où tout respire ,
Les Plaisirs , la Joye et l'Amour ,
Lieux d'où l'on sort quand il est jour..
:
Par M. V. D. L. T. d'Aix.
****
ENIGME du même Auteur.
N voit à me former plusieurs Dieux con
ΟΝ courir ;
Cybelle me reçoit , et daigne me nourrir ;
Quand je sors de son sein, au Soleil je m'expose
L'Aurore de ses pleurs m'arrose;
Je suis aussi l'objet des soins ,
Et de Vertumne et de Pomone ;
d. Vola Ce
JUIN. 1731. 1305
-
Ce n'est pas tout encor, avant que je sois bonne ,
Il faut que d'autres Dieux ne me servent pas
moins ;
Le Dieu de la Plaine liquide ,
M'offre l'Elixir de ses eaux ,
Sans lui je serois insipide :
Déesse dont le bras est armé d'une Egide ,
Tu me donnes le jus du fruit de ces Rameaux ,
Qui , tandis que l'hyver attriste la Nature ,
Conservent toûjours la verdure :
Charmant Bacchus , sur moi tu répans ta Li
queur ,
Non pas telle , il est vrai , qu'elle plaît au buveur.
Mortels , en cet état je puis vous être offerte ;
Mais quel traitement je reçoi !
Plusieurs mains s'arment pour ma perte ,
Elles viennent fondre sur moi :
Est-il un destin plus funeste ?
Pour vous dire en deux mots le reste
On me porte dans un Palais ,
Où je suis bien- tôt déchirée :
Quelle injustice? helas ! par ceux à qui je plais ;
Faut- il que je sois dévorée ?
ENIGME. SECONDE
du même Auteur.
Lecteur ,
Ecteur, voici de quoi rêver ,
De plusieurs soeurs je suis l'aînée ,
I. Vol.
Je
E.iiij
1306 MERCURE DE FRANCE
Je ne parois jamais à la fin de l'année ; ·
commencement que l'on peut me C'est au
trouver.
En Espagne j'occupe une place honorable ;
Je suis necessaire à la table ;
Pour le Jeu , je ne m'y plaits pas
Inséparable de Pallas ,
Je concours à former la valeur et l'audace ;
Je suis au milieu d'une Place :
Sans moi vous n'auriez point d'argent.
Je marche avec le pauvre , et je fuis l'opulent ;
Mais cependant je sers au faste , à la parure ;
On m'employe à l'Architecture.
Le François m'a chassé de Rome sans raison ,
Mais je suis dans Paris ; est- il une maison ,
Où je ne trouve un sûr azile ?
Laissons ce détail inutile ,
Voici pour me connoître un signal très- certain ;
Lecteur , tu me tiens dans la main.
EXPLICATION de l'Enigme
et des deux Logogryphes de May.
qui
JE
E les tiens les vrais mots ; Barbe ,
naitre ,
Est signe de prudence , ou du moins devroit
P'être ;
vient de
Tout le reste y convient. Poutre certainement ,
Į. Vol.
Estce
JUI N.
1307
1731.
Estce Prothée obscur , dont le prompt change
ment ,
Fait une Tour , un Port , une Porte , une Route
Un Ver ; mais c'est assez : le troisiéme , sans
doute ,
S'est lui-même dépeint ; Logogrypbe est aisé
A reconnoître aux traits qui l'avoient déguisé.
*******
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c. 3
M *
ETHODE pour commencer les
Humanitez Grecques et Latines
contenant des avis très judicieux et fort
utiles aux Regens , Précepteurs et au
tres personnes employées à former les
Enfans aux Belles - Lettres . Par M. le Fe
vre de Saumur. Avec des Notes et des
Lettres sur la maniere de les enseigner
dans les Colleges , par M. Gaullyer , Pro
fesseur en l'Université de Paris , au Col
lege du Plessis - Sorbonne. A Paris , che
la Veuve J. Bapt. Brocas , rue S. Jacques ,
et Claude Simon , rue Haute-feüille, 1731
in 12. de 136. pages , prix 15. sols.
Dans un Avertissement de deux pages,
on apprend que c'est ici une nouvelle
I. Vol E v Edition
1308 MERCURE DE FRANCE
Edition du Livre de M. le Févre . M, Gaul
lyer y a ajoûté quelques Notes , tant pour
l'éclaircissement de quelques endroits
que pour justifier la pratique des Colle
ges , dont M. le Févre parle assez libre
ment et assez peu favorablement. M. G..
espere de faire voir clairement que dans
les meilleurs la méthode d'enseigner les
Humanitez est aussi bonne que celle de
M. le F. et même , ajoûte-t'il , elle y a été
rendue plus parfaite en plusieurs points..
1
7
LES AMUSEMENS DE L'AMITIE' , rendus
utiles et interessans. Recueil de Lettres
écrites de la Cour vers la fin du egne
de Louis XIV . A Paris , chez Langlois
ruë S. Etienne d'Egrès , Julien- Michel
Gandouin , Quay de Conty , et Henry
ruë S. Jacques , 1729. in 12. de 416. pages..
Ces Lettres sont écrites sans façon , d'un
stile aisé ; elles renferment des Maximes ;
de morale , des leçons de sçavoir vivre
et une grande varieté d'instructions pour
se conduire dans tous les états et dans
toutes les circonstances de la vie . M. l'Ab
bé Couture , qui en est l'Approbateur ,
dit- que l'Auteur y. tient plus qu'il n'a
promis. Il n'a annoncé que des amuse
mens , et je trouve dans ces Lettres , dit- il,
plusieurs belles leçons et plusieurs grands
2.
I. Vol. exem
JUIN. 1731 1309
exemples de vertu et de Religion , le tout
assaisonné d'une politesse fine , d'un lan
gage pur et d'une liberté honnête.
TRAITE ' DE LA CHARITE ' ENVERS DIEU'S
ou de l'Amour de Dieu , et de ses vrai
Caracteres , tiré des Livres saints. Dédié
aux Evêques de France , par un Prieur Be
nedictin . A Paris , chez Joseph Bullot , et
Henry , rue S. Facques , 1729. in 12. de
535. pages , sans l'Epitre et l'Avertis
şememt.
TRAITE' DES HORLOGES pour les Mon
tres et les Pendules , contenant le Calcul
des Nombres propres à toutes sortes de
mouvemens ; la maniere de faire et de :
noter les carillons , de changer et de corri
ger le mouvement du Pendule ; l'Histoire :
ancienne et moderne de l'Horlogerie ;.
plusieurs Tables toutes calculées , et au
tres matieres curieuses et utiles . Tradui
tes de l'Anglois de M. Derham F. R. S. L
Chez Gregoire Dupuis , rue S. Jacques
in 12. avec figures ..
ச7
PARAPHRASE DES PSEAUMES DE DAVID ,
et des Cantiques de l'Eglise , avec appli
cation suivie de chaque Pseaume et de :
chaque Cantique , à un sujet particulier
I..Vol. Evi propre
1310 MERCURE DE FRANCE
propre à servir d'entretien avec Dieu . Par
le P. Th. Bern. Fellon , Jesuite. A Lyon
et se trouve à Paris , chez H. L. Guerin ,
ruë S. Jacques , 4. vol . in 12 .
On trouve cette Paraphrase écrite avec
une grande noblesse de stile et beaucoup
d'onction .
>
"
HISTOIRE DE S. DOMINGUE , &c. par
le R. P. Charlevoix , Jesuite. 2. vol . in 4.
avec 16. Cartes. A Paris , chez Guerin
aîné , rue S. Jacques , et Guerin le Jeune ,
Quay des Augustins..
On délivre actuellement aux Souscrip
teurs les Tomes suivans des anciens Mé
moires de l'Académie des Sciences ; sça
voir , le Tome IV . qui contient l'Histoire
des Plantes , avec 38. Planches , très- pro
prement gravées ; et le Tome III . des
Tables des Matieres , qui contiennent
celles des années 1711. jusqu'en 1720. On
donnera incessamment l'Histoire des Ani
maux , et tout le reste de cette Collection.
A Paris , chez Martin , Montalant , Coi
gnard fils et Guerin aîné.
LE PORTE-FEUILLE du Chr. de R...
Premier Cayer , de ce qu'il y a de re
marquable à Arles . A Arles , chez Gas
I,Vol
pard
JUIN. 1731. 13 kr
pard Mesnier , Imprimeur du Roy , de
M. l'Archevêque et de la Ville , 1726.
Brochure in 4. d'environ 8o. pages .
C'est M. le Chevalier de Romieu qui
est l'Auteur des Mémoires contenus dans
ce Livre. Voici l'occasion qui l'a engagé à
lès écrire . M. le Bret , Premier President
et Intendant de Provence , envoya il y a
quelque temps à ses Subdéleguez un Pro
jet d'Instruction , contenant plusieurs de
mandes sur le nom , l'antiquité de cha
que Ville , son état present , &c. pour
servir à la perfection du Dictionnaire
Universel de la France , publié depuis ,
et qui se vend ici chez les freres Saugrain
et Prault , Libraires ,
M. de Romieu fut chargé de satisfaire
à ce Projet d'instruction dans ce qui con
cernoit la Ville d'Arles , et il s'en ac
quitta avec toute l'exactitude possible.
Tout le monde connoît sa capacité , son
amour pour les Lettres et son zele
pour
le Bien public . Ayant trouvé que le Dic
tionnaire Universel n'avoit point suivi .
ses Memoires dans l'article de la Ville
d'Arles , et que de plus les Auteurs du
Dictionnaire se plaignoient de n'avoir re
çû des Provinces que des réponses très
legeres aux demandes qu'ils avoient fai
tes , M.. de Romieu entreprit dans cet
I.Volg
Ecrit
13T2 MERCURE DE FRANCE
Ecrit qu'il fit imprimer à Arles dans la
même année , de justifier les Memoires
qu'il avoit envoyez aux Auteurs du Dic
tionnaire Universel : il n'a fait que les .
étendre un peu davantage qu'il n'avoit
fait , lorsqu'il les avoit destinez pour un
Dictionnaire. Nous ne ferons qu'indiquer
ce qu'il y a de plus remarquable dans cet
Ouvrage.
L'Auteur commence par Etimologie
du nom d'Arles , en Latin Arelas ou Are
late. Il en rapporte plusieurs qui y peu
vent convenir , sans se déterminer pour
aucune. Il explique ensuite les épithetes
qu'on lui a données. Elle étoit appellée.
Arelas Mammillaria , parce qu'elle nour
rissoit plusieurs autres Villes , et qu'elle:
leur fournissoit des grains , et Arelas Mil
liaria , parce que les Colonnes milliaires
qui conduisoient à Rome et dans les gran
des Villes , commençoient à Arles . L'Au
teur rapporte là- dessus une Inscription
trouvée à Arles sur une Colonne où il
est marqué que là commence le premier
Milliaire. Nous ne suivrons pas M. de
Romieu , dans ce qu'il dit du Port d'Ar
les et du nouveau Canal auquel on tra
vaille par ordre du Roi , à six lieues de
aette Ville , et qui aboutit à la Mer.
Arles est une Métropole des plus ancien
I. Vol.. nes
JUIN. 173.18 1313
nes. Elle a aujourd'hui pour suffragans les
Evêques de Marseille , de Toulon , de
Saint-Paul-trois- Châteaux et d'Orange..
C'est tout ce qui lui reste de son ancienne
et vaste Jurisdiction . L'Auteur expose:
ensuite la Tradition de certe Eglise sur
l'Epoque de sa Fondation contre Grégoire:
de Tours et contre M. de Launoy . l'E
glise d'Arles la rapporte à S. Trophime ,
Disciple de S. Paul , et envoyé par S. Pierre
dans les Gaules. Grégoire de Tours ,,
au contraire , ne la fait remonter qu'à un
autre Trophime très - posterieur au Dis
ciple de S. Paul. M. de Romieu s'étend
ensuite sur les Conciles qui ont été te
nus à Arles , sur les saints Prélats qui ont
rempli ce Siege , sur la Primatie que d'au
tres Sieges ont partagée depuis , sur les
Paroisses de cette Ville , et sur l'ancienne
Abbaye de Montmajor , de l'Ordre de
S. Benoît , qui fait un Article particulier..
L'an 1667. Louis XIV . établit dans cette
Ville une Académie de Belles - Lettres ;
mais elle ne s'est point soutenuë , et ne
subsiste plus aujourd'hui.
L'Auteur passe aux Antiquitez d'Arles .
Il croit vrai- semblable que cette Ville fut
construite par les Gaulois dans le 4º sie
cle après le Déluge . Elle a appartenu à
beaucoup de Maîtres ; aux Gaulois , aux
L..Vol .
Grecs ,ܕ
1314 MERCURE DE FRANCE
Grecs , aux Romains , aux Goths , aux
François ; les Comtes d'Ardennes en fu
rent Rois. Elle devint ensuite Républi
que , puis elle tomba sous la domination
des Comtes de Provence , enfin elle fut
réünie à la Couronne sous Louis XI. On
Y découvre encore plusieurs restes de son
ancienne magnificence , comme des Tom
beaux antiques de Marbre , avec leurs Ins
criptions , de superbes Colonnes , des dé
bris de Temples et de Théatre , des Ther
mes qui étoient les Bains chauds des An
ciens , des Aqueducs , &c. Nous souhai
terions que les bornes d'un Extrait nous
permissent de dire quelque chose du ma
gnifique Amphithéatre qu'on voit encore
Arles , au moins en partie , du fameux
Obelisque qui y est élevé , des Champs
Elisées , de la celebre Venus qui y fut
trouvée , et que Louis XIV. a fait placer
à Versailles , de l'ancien Aqueduc , fait
par les Romains , de l'Hôtel de Ville , qui
est un Ouvrage moderne ; du Territoire
de cette Ville , que l'Auteur appelle Ter
roir ; du génie et des moeurs de ses Ha
bitans , &c. Nous renvoyons sur tous ces
articles au Livre de M. de Romieu . Nous
avertirons seulement que l'Auteur a eu
soin de redresser en plusieurs endroits
les Auteurs du Dictionnaire Universel ,
I. Vol
qui
JUIN. 1731. 1315
qui se sont , dit-il , égarez sur l'article
d'Arles , faute d'avoir suivi les Memoires
qui viennent d'être rendus publics .
LA MORT DES JUSTES , ou la maniere
de bien mourir ; par Jean de la Placette.
Troisiéme Edition considerablement
augmentée. A la Haye , Ger. Vander
Poël. 1729. 2. vol. in 8. de près de 600 .
pages , avec la Préface et la Table.
›
LETTRES SERIEUSES ET BADINES , sur un
Livre intitulé : Etat present de la Républi
que des Provinces- Unies. Par M. F. M.
Janiçon ; et sur d'autres Ouvrages . Pre
miere Partie ; Nec unus in te ego hos animos
gessis longus post me ordo idem petentium
decus. Tit. Liv. Decad. 1. Lib. 1. A la
Haye , che Jean Wanduren , 1729. in 12.
de 273. pages , sans compter l'Epitre , la
Préface , l'Avis du Libraire et quantité de
Tables , de Listes et de Catalogues qui
en contiennent environ 90.
Ces Lettres sont un Journal d'une nou
velle espece , comme le dit l'Auteur dans
la Préface ; on verra bien , dit- il , que je
les ai écrites avec assez d'enjoument et de
liberté. Les suivantes seront de même, & c.
On apprend dans la dixiéme Lettre
1
I. Vol. qu'on
1316 MERCURE DE FRANCE
qu'on a imprimé à Venise un Livre sous
ce titre : Trattato dell' Arte Cavalleresca ,
dove si essaminano molte questioni curiosis
sime in tornoalle Bastonate . Vinegia , apresse
li Tremati. Le Marquis Gio Pirro de Mar
di Luogo , qui en est Auteur , s'efforce
d'y prouver que les coups de bâton ne
deshonorent point , et qu'on peut sans
honte aller boire avec celui de qui on les
a reçus.
Après ce titre de Livre , dont l'Auteur
n'affirme pas tout- à - fait l'existence , il
en rapporte un autre Espagnol , duquel
il dit avoir bien ri à Séville. En voici
le titre Exclamacion à la héroica y
Christiana paciencia , &c. Eloge de la
patience héroïque de ce grand Serviteur de
Dieu, Don Jean Rufo Medroso , où l'on
voit les choses merveilleuses qu'il dit en re
cevant des coups de bâton à la porte
la generosité
incomparable avec laquelle il jetta son épée
à terre , pour ne pas faire mal à son ennemi,
et sa prudente fuite. A Seville , par le Pere
Juan de Picas , Religieux de l'Ordre des
Humiliez , 1569.
Comédie , sa contenance modeste e de la
En voici un Passage qui a été traduit :
Le Bienheureux Serviteur de Dieu inter
rogé par son ami Don Pedro del Campo ,
pourquoi il ne s'étoit pas deffendu , lui
I. Vol. ré
JUIN. 1731. 1317
répondit avec son humilité ordinaire. Fe
vous ai déja raconté comment Don Miguel
me surprit ; j'ajoûte qu'il me pressa avec tant
d'ardeur, que je n'eus pas le loisir de résou
dre divers doutes qui me vinrent d'abord
dans l'esprit. Je ne sçavois si je pouvois en
conscience me servir d'une épée que j'avois
vouée à Nuestra Señora de la Paz. Je ne
sçavois si , étant Gentilhomme , il m'étoit per
mis de me battre avec une canne . Je ne sça
vois si mon Adversaire , étant Gentilhomme
comme moi , j'avois droit de le frapper avec
une canne. D'un autre côté , je songeai qu'on
pourroit faire passer cette rencontre pour un
Duel , et que notre sainte Mere Eglise excom
munie les Duellistes. Ce n'est pas tout encore.
Je veux, en vous découvrant jusqu'au fond de
mon coeur , vous faire voir à quel point mes
pechez ont attiré sur moi le couroux du Ciel.
Scache donc que comme par ces énormes
pechez je suis devenu l'enfant du diable ;
en un mot , je tremble comme lui , dès que je
vois seulement une épée nuë.
OEUVRES MESLE'ES en Prose et en
Vers.Par M.le Comte Antoine Hamilton.
A Paris , rue S. Jacques , chez J. Fr. Fosse,
1731. in 12. de to5 . pages pour les Poë
sies , 156. pour les Lettres et Epitres.
94. pour les Chansons , et 131. pour
'Histoire de Zeneyde ;. &c..
1318 MERCURE DE FRANCE
Nous prendrons presque au hazard quel
ques morceaux dans ce Livre pour met
tre le Lecteur en état de juger , ou avoir
au moins quelque idée de ce Recueil.
LETTRE de Madame Thibergeau ;
à M. Hamilton.
Les Muses et l'Amour veulent de la jeunesse.
Je rimois autrefois , et rimois assez bien ,
Aujourd'hui le Parnasse , et la douce tendresse ,
Sont étrangers pour moi ; je n'y connois plus rien .
Ces quatre Vers , en Prose rimée , ne
font que trop foi de cette verité ; cepen
dant une Muse que j'avois flattée de voir
arriver ici le celebre Ant. Hamilton , s'é
toit engagée à ne me point abandonner
tant qu'il seroit avec moi , et à me four
nir encore assez de feu et de nobles pen
sées , pour chanter le preux Chevalier qui
doit metrre à chef l'entreprise de l'Ifla
d'Albion ; mais comme cet Antoine , Fa
vori du Parnasse , n'a point paru , la Muse
sur laquelle je comptois , m'a impitoya
blement refusé son secours et a pris son
vol vers la Lorraine , où , dit- elle , on
trouve en la personne de plusieurs belles
Chanoinesses , de veritables Muses . Le
brave Richard plaint ma peine, je l'aime,
je le goûte , je l'estime ; mais il ne m'ins
›
I. Vol. pire
JUI N. 1731 1319
pire rien de la part d'Apollon . Ainsi ré
duite à la Prose et à la simple amitié ,
mes Ecrits ne peuvent plus être que fa
des ou sérieux , et je prise trop notre il
lustre Hamilton , et les charmantes Da
mes de Poussay , pour ajoûter ici rien
de plus.
Réponse de M. Hamilton , à Madame
Thibergeau.
Il né falloit pas , Madame , nous en
voyer leş Vers du monde les mieux tour
nez , pour nous prouver que vous n'en
sçavez plus faire . O ! que ces quatre Vers
renfermeroient de belles leçons pour moi,
si par malheur je n'étois incorrigible.
S'il faut par un Arrêt fatal ,
Que les charmes de la jeunesse ,
Et les doux soins de la tendresse ,
Marchent chez nous d'un pas égal ,
Pour nous guinder sur le cheval ,
Qui voltige autour du Permesse ;
Malheur à qui dans la vieillesse ,
Des Fâcheux , triste Original ,
A l'insolence , ou à la foiblesse ,
De piquer le Docte Animal !
Et qui va sans que
rien l'en presse ,
Toujours rimant quelque Maîtresse,
I. Vol. Pour
1320 MERCURE DE FRANCE
Pour divertir quelque Rival.
Dans le cas suis , je le confesse
Plus important que B´....
Je chante quelque Iris sans cesse
Mais aussi je la chante mal.
>
Et afin que vous n'en puissiez douter ,
je vous envoye quatre Couplets assez
nouveaux que j'ai faits pour mon Iris
d'à - present , qui par son nom de guerre ,
ou de confirmation , s'appelle Pincette.
Au reste , Madame , les aimables Mu
ses de Poussay ne sçauroient consentir au
dégoût qui semble venu pour leur Or
dre ; j'entens en qualité de Muses ; et voi
cy ce qu'elles me dictent pour vous sur
ce sujet ;
>
O vous , ornement d'une Race ,
Où le bon goût regna toûjours ,
Pourquoi renoncer au Parnasse ?
Dans le plus charmant des séjours ,
Quel autre soin vous embarasse ?
Qu'avez-vous besoin du secours
De la tendresse ou des beaux jours ?
On en trouve par tout la trace ,
Dans vos Vers , dans les heureux tours ;
Sur eux la Mere des Amours ,
Semble avoir répandu sa grace ,
I. Vol. Et
H
1321
JUIN. 1731.
1
J
1
Et la rime , sans vains détours ,
Sous votre main court et se place.
A M. l'Abbé Abeille.
Il y a quelques jours , Monsieur , qu'on
me fit voir une Epigramme habillée en
Madrigal , où l'on prétend critiquer cer
tains endroits de votre Ode ; il y avoit un
de mes amis avec moi , qui trouvant
votre Ode fort belle , & la Critique fort
mauvaise , y fit la Réponse que je vous
envoye .
Jadis le Grec Archilochus ,
Mit par un Vaudeville Iambe
Pour certains griefs prétendus , )
Néobulé , la belle , et son Pere Lycambe
Au Catalogue des pendus ;
Mais aujourd'hui pour se deffendre ,
Contre les attentats divers ,
D'Epigrammes sans sel , de Madrigaux pervers ,
On se contente de les rendre ;
Car c'est au Censeur à se pendre ,
Lorsque son esprit à l'envers ,
Veut enseigner au lieu d'apprendre ,
Fait des fautes pour les reprendre ,
Et qu'il médit en méchans Vers.
1. Vol. CA
1322 MERCURE DE FRANCE
į į į į į į į į į į į į į į į į į ƒ ❀
CATALOGUE des Ouvrages du Mar
quis SCIPION MAFFEI , Illustre
Sçavant de Veronne.
Della Scienza chiamata Cavalleresca. En
trois Livres in 4 ° . à Rome 1710. on
en a fait depuis six Editions . La der
niere avec des notes en commentaires
du P. Paoli , de l'Académie des Arcadi.
L'Auteur attaque dans cet ouvrage
les fausses maximes et les faux préjugez
du point d'honneur.
Rime et Prose & c. Recueil des Discours
Lettres , Dissertations , et autres Pie
ces composées en divers temps par le
Marquis Maffei , et qui avoient déja
paru séparément . On en est redevable
à M. le Docteur Colleti , qui le fit im
primer à Venise en 1719. in 4º .
Merope , Tragedie. Cerimanie , Comedie.
La fida Ninfa: Drame mis en Musique.
Ces trois Pieces ont été nouvellement
réimprimées à Verone en un même vo
lume , avec l'explication de quelques
Antiquités qui appartiennent au Thea
tre.LaTragedie deMerope fut imprimée
pour la premiere fois en 1710. et dans
1
"
}
I.Vol.
l'espace
JUIN. 1731. 1323
l'espace de moins de dix années il s'en
est fait en Italie , ou dans les Pays
étrangers , plus de douze Editions. Ja
mais Tragedie n'a eu un applaudisse
ment si universel, et ne le merita mieux.
Il en a paru des Traductions en Alle
mand , en Anglois , en Castillan , et
trois differentes en François.
· Tradutori Italiani , &c. Ouvrage où l'on
donne une connoissance de toutes les
Traductions qui ont été faites en Lan
gne Toscane , des anciens Auteurs
Grecs et Latins .
Dell amica Condizion di Verona. Le Mar
quis Maffei publia certe Dissertation
pour la déffense de Verone sa Patrie ,
contre un Auteur qui avoit entrepris
de prouver que Brescia avoit été la
Capitale des Cenomans , et que Verone
lui avoit été soumise. Il y prouve d'une
maniere claire et solide , que ce vers
Brixia Verona mater amata mea.
n'est point de Catulle. On a décou
vert depuis la publication de cet Ou
vrage deux anciens Manuscrits des
Oeuvres de ce Poëte , où en effet ce vers
ne se trouve pas.
Cassiodiori Complexiones, &c. Ces opuscu
les de Cassiodore qui n'avoient point
encore été publiés , furent imprimés à
I.Vol. F Florence
1324 MERCURE DE FRANCE
Florence en 1721. accompagnés de
Sçavantes Notes.
Supplementum Acacionum. Ce sont trois
Lettres de Felix I I I. jusqu'alors non
publiées. On les a inserées dans le 5.To
me de l'Edition des Conciles , qu'on
fait à Venise.
Historia Diplomatica &c. Histoire Diplo
matique pour servir d'introduction à .
l'art critique sur cette matiere , avec
un Recueil de documens qui n'avoient
pas encore été publiés. On a de plus
dans ce même volume , un Discours
sur l'origine des Vers Rithmiques.
Une Dissertation sur les premiers ha
bitans d'Italie ; la Lettre de S. Chri
sostome à Cesarius expliquée , et quel
ques autres Monumens.
*
·C
Il Theatro Italiano. C'est un Recueil des
plus belles Tragedies qui ayent été re
presentées sur les Theatres d'Italie.
Opere di Giorgio Trissino raccolte. Ce Re
cüeil est précedé d'une sçavante Preface.
De gli Amphiteatri &c. Traité des Amphi
theatres , et en particulier de celui de
Veronne. Il paroitra de nouveau dans
un ouvrage plus considerable , qui est
déja sous Presse , et qui aura pour titre
Verona illustrata.
GIORNALE DE LETTERA TI D'ITALIA
Tomo primo. Anno MDCCX. All' Al
JUIN. 1731 . 1325
tezza serenissima di Ferdinando . IIL
Principe di Toscana . InVenezia MDCCX.
Appresso Gio. Gabriello Ertz , Con Licen
za de Superiori , E Privilegio. Vol. in 12.
de 467. pages. L'Epitre , la Preface et la
Table comprises .
L'Italie vit en 1658. le premier Jour
nal écrit en sa langue. M. l'Abbé Nazari
soutint cette entreprise jusqu'en 16 81. avec
beaucoup de gloire . Il s'imprimoit à Rome
sous les auspices du Cardinal Massimi,
Le Journal de Venise commença en
1671. et finit en même temps que le Jour
nal de Rome. Les Auteurs étoient Pier
re Moretti , et François Miketti. L'An
1686. le P. Gaudence Roberti Car
me , et le P. Benoit Bacchini, Benedictin
du Mont- Cassin , entreprirent à Parme
un Journal qu'ils ne continuerent que
pendant quatre ans. On commença en
1692. d'en donner une continuation
imprimée à Modéne , mais elle n'eut pas
beaucoup de suite.
Le Journal de Ferrare entrepris par
l'Abbé della Corce , fameux Antiquaire ,
et commencé en l'année 1691. fût aussi
d'une courte durée .
Le Journal de Florence , intitulé: Saggi
di naturale esperienze fatte nel Academia
del cimento , se borna aux matieres de
I. Vol.
Fij Physique
1326 MERCURE DE FRANCE
Physique. Nous ne sommes pas assés ins
truits de ses progrez.
Albrizi commença d'imprimer à Ve
nise en 1696. La Galerie de Minerve , ce
Journal étoit l'ouvrage d'une Societé de
Gens de Lettres , dont M. Apostolozeno
étoit le Sécretaire. Mais le Journal dont
nous avons à parler ici , que ce Sçavant
Italien commença avec l'année 1710 .
sous les Auspices du Grand Prince de
Toscane, a presque fait disparoître la Gal
lerie de Minerve le dessein de ce Jour
nal est plus regulier. Il s'imprime à Veni
se , et il en paroît tous les trois mois un
volume. On sçait que plusieurs Ecrivains
d'un grand merite ont part à cette En
treprise. Entre- autres , le Seigneur Ber
nardo Trevizani , noble Venitien et grand
Philosophe , le Cavalier Maffei , une des
meilleures plumes d'Italie , qui joint l'é
rudition à la politesse ; M. Vallisnieri
et Morgagni , célebres par des ouvrages
estimés sur la Physique , la Medecine , et
l'Anatomie , et M. Patarol , qui a une
grande connoissance des Belles-Lettres et
de l'Antiquité , outre cela les Auteurs
de ce Journal , qui n'a eu encore aucune
interruption , ont eu , dès le commence
ment, une liaison particuliere avec l'Illus
treMarquisOrsi et avec le fameuxM.Ma
ag
I. Vel. gliabecchi
JU IN .
1731. 1327
I
1
ES
of
gliabecchi , ce qui doit achever d'en donner
une idée avantageuse .
AGNELLI qui et ANDREAS Abbatis
S. Mariae ad Blachernas et S. Bartolomei
Ravennatis , Liber Pontificalis , sive vita
Pontificum Ravennatum &c.Mutinæ 1708 .
2. vol . 4º. Les Journalistes remarquent
que ceux de Paris , en anonçant l'impres
sion de cet Ouvrage, (a) on dit expressé
ment qu'Agnellus a donné les Vies des
Archevêques de Modéne , ce qui n'est pas
exact , la Ville de Modène n'a jamais eu
d'Archevêques , mais seulement des Evê
ques , et dans le livre d'Agnellus il s'agit
des Evêques , et des Archevêques de Ra
venne , c'est ce qui paroît par le titre
même de l'Ouvrage.
CONSIDERAZIONI ad Asperienze in torno
al creduto cervello di bue impietrito , viven.
te encor l'animale , presentato dal Sig. Ver
ney ilgiovane , all' Accademia Real di Pa
rigi , fatte da ANTONIO VALLISNIERI & C.
in Padoua 1720. in 4° . di pag. ƒI . 10.
Tavole in rame.
•
Ces considerations roulent sur l'obser
servation qu'avoit faite M. Duvernay le
jeune, d'un Boeuf qui avoit vêcu ayant le
Cerveau pétrifié ( a ) M. Vallisnieri sou
(a) Suplem. du Journ. des Sçav.Sept.1708 et
Mars 1709 .
1. Vol. tient
Fiij
1328 MERCURE DE FRANCE
tient que ce n'est point une chose aussi
rare que l'Auteur François l'a crû , et ik
en donne plusieurs exemples remarqua
bles. En second lieu , que tous ces pré
tendus cervaux pétrifiés ne sont que de
simples concrétions de matiere osseuse
pierreuse , qui descend quelquefois du
crâne dans sa cavité , et s'y étant affermi
ressemble grossiérement au cerveau , soit
par la blancheur et par l'inégalité de la
superficie.
Rime di BuONACCORSO MONTEMAGNO
in Bologna 1756. in 12. p . 47 .
Rime di AGOSTINO STACCOLI da Urbino
in Bologna 1709. in 12. p . 45 .
Rime di Monsig". GIOVANNI GUIDIC
CIONE . in Balogna 1709 , in 12. p . 99 .
Rime d'ANGELO DI COSTANSO, in Bo
logna 1709. in 12. p. 93. &c. Au sujet
de ces nouvelles Editions , les Journa
listes font cette réflexion , ( b) lorsque les
François et les autres Etrangers , exami
nent le gout des Italiens dans cette sorte
de Poësie , que communément nous ap
pellons Lirique , ils croyent que nous.
n'aimons que l'enflure , l'affectation , les
jeux de mots , et pareilles choses , qui , à
$
(a) Histoire de l'Academie des Sciences . An.
1703 .
( b ) Pag. 179
1. Vol. la
JUIN. 1731. 1329
AR
la verité , n'ont pas cu moins de cours en
Italie qu'en d'autres Pays ; mais ce fut
seulement pendant quelque temps dans
le dernier siecle . Pour cette raison ils con
siderent le Marini , l'Achillini et sem
blables Auteurs , comme les seuls qui ayent
tenu le premier rang parmi nos Poëtes ,
et croyent en découvrant la foiblesse de
ceux-ci , convaincre tous les autres de
mauvais gout ; la chose n'est pas pour
tant telle qu'ils se l'imaginent.Quoiqu'on
ait vû dans les dernieres années plu
sieurs Livres de régles et de pratique ,
qui démontrent clairement que nos Vers
Liriques sont d'aussi bon aloi que nos au
tres Poësies , et qu'ils sont à l'épreuve de
la critique la plus rigoureuse ; cependant
quelques personnes judicieuses et intel
ligentes ont voulu faire revivre et re
cueillir les ouvrages de quelques Poëtes
Liriques tant des siecles passés que de celui
où nous vivons , afin que leurs exemples
donnent de l'émulation aux uns, et servent
à détromper les autres . Ils ajoutent , page
212. qu'à Naples on commença à s'appli
quer à la Poësie en langue vulgaire dés sa
premiere Enfance , c'est - à- dire, du tems de
P'EmpereurFederic II . et de Pier dalle vigne
son Secretaire ; mais ayant décliné dans le
15. siécle , elle ne se releva point autre
I. Kal. Fiii
part
1330 MERCURE DE FRANCE
part avec autant d'éclat qu'en cette belle
Contrée de l'Italie , par les ouvrages de
Seraphino, de Sannazar, de Coriteo et au
tres. Le siecle suivant fut si abondant en
Poëtes Italiens ,que de leurs seules Poësies
détachées on forma des volumes entiers , et´
d'amples recueils. Il est bien vrai qu'elle
perdit beaucoup de son ancien lustre au
commencement du XVI . siecle par la nou
veauté qu'y introduisit le Cavalier Giam
batista Marini , Napolitain ; de sorte que
presque tous nos Poëtes imiterent cette
maniere licentieuse , seduits par les ap
plaudissemens qu'on donnoit alors géné -
Talement à certaines puerilités , à certai
nes enflures , qui , pour dire trop , ne
disent rien ; de cette Ecole , sortit , prin
ripalement à Naples une Populace de
mauvais Poëtes , qui eurent beaucoup de
vogue et qui firent dans notre langue va
loir,à l'envi , des Grecismes et des Latinis
mes affectés , et hors de propos , aban
donnant ces mots et ces locutions qui
rendent le stile , châtié , clair et élegant .
On commença vers le milieu du même
siecle à ouvrir les yeux , on reconnut en
fin l'erreur, et on peut dire que la Ville de
Naples pour reparer le mal que quelques
uns des siens avoient causé à la Foësie ,
fut la premiere qui eût la gloire de don
I. Vol. ner
JUIN. 1731 .
"
1331
ner de nouveaux et de meilleurs modeles.
à imiter ; tels furent Pirro Schettini , Carlo
Buragna , et autres excellens Poëtes.
VITA e Profezie del Brandano Sanese
volgarmenta detto, il pazzodi Cristo , nova
mente publicate e racolte da i Codici piu
autore voli et dedicate a Madonna Reveren
dissima la SibillaTiburtina.InTivoli. Nella
Stamperia dell' Indovino. 1710. in 4º .
GEMME ANTICHE figurate , date in lu
ce da Dominico de ' Rossi, colle Sposizio
ni di PAOLO- ALESSANDRO MAFFEI &c.
Parte prima & c. in Roma 1707 , in 4º..
reale , le gemme sono 1c6 , le pag. delle.
note 130.
NUOVE e maravigliose e Scoperte dell
origine di motti animalucci su le foglio de.
Cavoli , come di molti insetti dentro gl in
setti etc. c'est une Lettre de 14. pages de
Diecinto Cestoni Livornese , qu'on a im
primé à la suite du Tratatto de' Rimedii per
le malattie del corpo umano. Tradotto da
Francese, &c. in Padona 1709. in 4. di
pag. 376. oltre le tavole in rame.
M. Cestoni rend compte dans cette Let
tre , de plusieurs insectes qu'il a observés
sur les feuilles de chou , entre-autres d'une
espece de petits Papillons blancs , qui .
n'ont point encore été remarqués par
aucun Jardinier , ni même par aucun Ecri
I. Vol.
Fy vain
7332 MERCURE DE FRANCE
vain de l'Histoire naturelle , étant pres
que invisibles , et qui vûs dans le Mi
croscope ressemblent parfaitement en
toutes leurs parties aux grands Papillons..
Un jour il en mit ensemble plusieurs
douzaines , qui ne pûrent faire le poids:
d'un grain , il en faudroit pour cela plus.
de deux cent. Il vir que la génération:
s'en faisoit comme des grands Papillons ,
c'est-à dire par le concours du Masle et de
la Femelle , laquelle devenue pleine trouve
dans la partie de dessous des feuilles.
de chou les plus tendres une petite fosse ,
où elle forme une place blanche , qui pa
roit enfarinée , et y dépose ses oeufs , or
dinairement en demi cercle , au nombre
de dix jusqu'à seize . Il décrit avec exacti
tude ces oeufs , vûs dans le Microscope ,
leurs changemens , ensuite le ver qui en
sort , lequel a sur le dos une espece de
laine blanche comme les Brebis , et c'est
pour cela qu'iNui donne le nom de peti
te Brebis. Ces vers rampent séparément
de côté et d'autre , mais avec tant de len
teur qu'ils employent une journée entiere
à parcourir un espace grand comme l'on
gle ; arrivés où ils doivent ou veulent s'ar
rêter , ils se reposent et se rangent de ma
niere qu'en croissant ils ne puissent se tou
cher , et vûs alors dans le Microscope, ils
I. Vol. paroissent
JUIN. 1731. 1333
paroissent autant de Brebis immobiles ré
pandues dans une Prairie. Ainsi formés et
attachés ils croissent pendant quatorze
jours.Ensuite on ne les voit plus croître, ni
changer de couleur,restant toujoursblancs.
Il ne s'est point apperçu non plus qu'ils
changeassent de forme , ni qu'ils eussent
le moindre mouvement , demeurant tou
jours comme ces coquillages de Mer quis
sont étroitement attachés aux Rochers.
Aprés dix ou douze jours ces petites:
Brebis se dépouillent de leur toison et
sortent Papillons tout formés , qui trois
jours aprés s'accouplent et de cette ma
niere continuent leur generation , jusques
là que, comme les Pigeons domestiques
ils mutiplient tous les mois leur espece ..
Il finit sa Lettre par la Description de
leur cruel ennemi qu'il nomme Loup ,
ne vivant d'autre chose que de ces pau
vres petites Brebis , avant leur Metamor
phose . C'est une espece de moucheron
noir , sauvage , et carnacier ; il les
a remarqués avec une patience merveil
leuse , tournant continuellement autour
de ces Brebis. Les uns s'attachant aux plus
tendres , en succent peu à peu toute la
substance , etne leur laissent que la Peau ;;
les autres se posent sur les plus grosses et
y demeurent assés longtemps.Ce qui ayant
23
3+
L..Vol . F vi excité
2334 MERCURE DE FRANCE
excité son attention , il observa que ces
Moucherons aprés avoir percé le dos des
petits vers sur lesquels ils s'étoient mis ,
déposoient dans le trou un oeuf , dont il
s'apperçût quelque tems aprés qu'il se
formoit un ver , qui commençoit à son
tour à devorer sa Brebis , et qu'il en arri
va ainsi de toutes les autres dans lesquelles
les Moucherons avoient fait leurs oeufs.
Il décrit exactement à quoi l'on peut
connoître qu'elles ont l'ennemi chez elles .
Ces cruels Hôtes ayant pris leur crois
sance dans le corps de ces Brebis , s'y ren
ferment ( a ) comme font tous les autres
vers lorsqu'ils doivent se changer en
Papillons ; en effet par le moyen du Mi
croscope on les voit distinctement enve
lopés de la peau de ces petits corps dont
ils ont dévoré le dedans. Ils restent ainsi.
environ vingt jours plus que les petits.
Papillons, aprés quoi déchirant cette peau,
ils sortent Moucherons tout formés.
La suite pour le Mercure prochain.
' •
Le Reverend Pere Porée , Jesuite , pro
nonça le neufde Février , devant une 11
lustre Assemblée un Discours Latin
fort éloquent sur les Critiques , dans le
College de Louis le Grand . L'Orateur
(a) L'Incrisalidano.
1. Vol. COR
JUIN. 1731. 133
convenant , qu'il y a aujourd'hui plus de
Critiques que d'Ouvrages à critiquer , et
que la licence de ceux qui se mêlent de
critiquer , a rendu la Critique aussi odieu
se que ses Auteurs , prétend néanmoins
qu'on ne doit pas proscrire de la Répu
blique des Lettres toute sorte de Critique,
mais qu'on doit seulement en corriger
les abus. Il partage donc son Discours , et
entreprend dans la premiere. Partie de
prouver la necessité de la Critique : dans
la seconde , il parle des qualitez d'un bon
Critique.
Par tout où il y a des procès , dit le
P. Porée , par tout où il se commet des
crimes , par tout où on entreprend d'in
troduire la licence , il faut des Juges
pour terminer ces procès , punir ces cri
mes et s'opposer à cette licence . Or tout
cela a lieu dans la Litterature . L'Orateur
laiffe peu de chose à dire sur les sujets
de querelle & de procès , qui divisent
les Gens de Lettres de toutes les sortes
Rhéteurs , Grammairiens , Philosophes ,
Géometres mêmes.. Desorte que tout ce
qu'il y a, ce semble, de plus propre à éclai
rer les Hommes & à les polir , devient
par l'abus qu'ils en font , une source de.
guerre et de discorde , & d'une guerre.
le plus souvent pleine de bassesse et de
I.Vol. mali
#336 MERCURE DE FRANCE
malignité. C'est pour terminer cette guerre
et décider ces procès , que le R. P. Po
rée croit les Gritiques nécessaires , sans
doute , comme le sont les Avocats pour
plaider et pour instruire l'Affaire dont le
Public seul est Juge sans appel . Que
fçait-on même s'il y auroit beaucoup de
procès dans la Litterature , supposé qu'il
n'y eut point de Critiques.
Le second chef des crimes Litteraires
eft bien traité. Que de fautes introduites
dans les Livres des Anciens par l'igno
rance ou la négligence des Libraires ou
des Copistes ! Quelle obligation n'a-t'on
donc pas aux Turnebes , aux Budées , aux
Murets , qui ont pris la peine de purger
ces Livres ? Quelle Chronologie aurions
nous , sans les Scaligers , les Ussers , les
Petaus ? La Céographie ne seroit qu'un
cahos , sans les Cluviers , les Briets , les
Samsons ? Et c'est le même de toutes les
autres parties de la Litterature . Le P.
Porée s'étend beaucoup sur les vols Litte
raires , que c'est aux Critiques de demas
Il s'en fait tous les jours plus qu'on:
quer.
ne pense. La diversité des langues en oc
casionne plusieurs. Souvent un Ami in
fidéle , dépositaire des Ecrits de son Ami
mort , se les attribuë , & c.
La troisiéme raison de la néceffité des
1. Vol .
Cri
JUIN. 1731. 1337
Critiques , est prise de la licence que se
donnent des demi-Sçavans d'altérer les
Sciences , sous pretexte de les enrichir ,
de les réduire , de les embellir , de les per
fectionner. Rien n'eft plus éloquent ni
plus judicieux que le Morceau , où l'O
rateur , rappellant la Coutume des Ro
mains , qui dans le tems orageux , aver
tissoient les Consuls de veiller que la Ré
publique ne souffrit aucun dommage
avertit dans les mêmes termes , les Cri
tiques de veiller que la Théologie , la
Philosophie , l'Histoire , les Mathéma
tiques , les Belles-Lettres , ne souffrent
aucun dommage de la part des demi-Sça
vans. Il est fâcheux que la République
Litteraire , n'ait pas ses Critiques auto
risez comme la République Romaine avoit
ses Consuls , & qu'une foule de Censeurs
sans aveu , plus ennemis des Auteurs que
des Ouvrages , plus malíns à reprendre ,
que judicieux à corriger , puissent pren
dre pour eux un Avertissement que le
P. Porée n'addresse qu'à des Critiques .
sçavans , prudens , & pleins de probité ,,
tels qu'il les caractérise dans la seconde
partie de son Discours.
25
Aujourd'hui tout homme qui se sent in
capable d'écrire sur aucun sujet, et qui vent
pourtant écrire , prend le parti de la Criti
L. Vol. que
T338 MERCURE DE FRANCE
que. Carpour affirmer,il faut avouer quet
que chose ; pour nier il suffit de ne rien sça
voir. On ne sçauroit traiter un sujet , mais
on scait suivre un Auteur qui l'a traité; on
sçait aboyer après lui , le mordre et le dé
chirer. Le sage Orateur croit-il persuader
quelqu'un , lorsqu'il exige d'un Critique,
une science immense , une vaste érudi
tion , une connoissance éxacte de toutes.
choses un Critique a renoncé à être
sçavant , & un véritable
communément si critique .
sçavant
n'est pas
.
La science ne suffit pas ; un Critique a
besoin de beaucoup de prudence , de dis
cernement de sagacité pour porter un
jugement sain, juste etdéfinitif. Mais sur
tout la probité est absolument necessaire
à un Critique. Celui que l'amitié séduit
ou que la haine emporte , ne sçauroit être
un Juge sain & éclairé. C'est pourtant- là
ce qui décide de la plupart des Critiques ,
et l'envie en est ordinairement le premier
mobile ; mais le Public qui est le Juge
Souverain en dernier ressort , et des Criti
ques , et des Ouvrages critiqués , fait et
rend justice aux uns & aux autres , et une
passion tropvive n'impose qu'à celui qui
en est atteint, et tout au plus à ceux qui en
sont complices. Toute critique que la
cabale a dictée , rentre bien- tôt dans le
L. Vol.
néant
,
JUIN. 1731. 1339
néant , d'où elle est à peine sortie , et laisse
en possession de l'immortalité , l'Ouvrage
& l'Auteur qu'elle avoit attaqué avec plus
de véhemence qué de force et de sagesse.
3
Le R. P. Porée dévoilé tous les arti
fices que l'envie , la haine , la partialité
les préjugez inspirent à des Critiques qui
n'ont pas toute la bonne foi que la Pro
bité inspire, et que la Religion exige avec
rigueur. Ilse déclare avec force contre un
Livre assez moderne , qui est effective
ment très- dangereux ; & d'autant plus
dangereux , que l'Auteur ne semble s'y
piquer de probité , que pour porter des
coups plus assurés à la Religion , d'im
partialité , que pour décrier tous les par
tis sans en excepter le bon , de discer
nement que pour rejetter tout , de non
crédulité que pour établir l'incrédulité.
L'Orateur en bon Critique loie ce que
cet Ouvrage a de bon , en blâmant`ce
qu'il a de mauvais.
.
:
On imprime chez Laisnel au. Chef
S. Jean rue S. Jacques , un Livre inti
tulé : Analyse de la Dissertation de M. Mo
rand sur la Taille au haut Appareil , ou Re
ponse aux Reflexions Anatomistes de M.
Rameau sur cet Ouvrage , in 8 °. par M. le
Cat.
1. Vol. On
1340 MERCURE DE FRANCE
"
On va imprimer du même Auteur , un
autre Livre intitulé : Essai de la Medico
physique sur les effets de la Saignée . Cet Essai
a 3. parties .
Dans la premiere , on établit sur les
Loix de la Mechanique & de l'Hydrauli
que , les principes généraux des Effets de
la Saignée. L'acceleration , la dérivation
et la révulsion . Dans la seconde , on dé
termine les Effets de chaque Saignée en
particulier , et on donne le calcul de la
quantité de ces Effets . Le dernier article de
cette deuxième partie , contient la Des
cription d'une machine inventée par l'Au
teur , laquelle copie non-seulement les
organes de la circulation naturelle , mais
même en imite les Phénomenes , comme
le battement du coeur , la pulsation des
Arteres , et la circulation réelle d'une Li
queur contenue dans cette Machine . L'Au
teur prétend par cette même machine dé
terminer méchaniquement les Effets de
chaque Saignée ; il en donne les moyens.
Il promet d'ajoûter dans l'exécution , les
fonctions & les filtrations dans les prin
cipaux Visceres ; d'où il résultera une es
pece d'homme artificiel . Enfin dans la
troisième partie , il réfute quelques Ou
vrages récemment publiés sur cette Ma
tiere.
end
iL. Vol.
Re
JUIN. 1731.
1341
1
RECUEIL de Danses de Ville
, pour
l'Année 1731. de la composition de M.
Blondy , Compositeur de Ballets de l'A
cadémie Royale de Musique , et Pension
naire du Roy ; mis au jour par le fieur
Rameau , seul Privilegié du Roy pour la
correction et augmentation de la Choré
graphie. La Musique est gravée parJ. L.
Renou. Prix 1. 1. 10. f. A Paris , Chez
l'Auteur , Faubourg Saint Germain , ruë de
Bussi , à la Cour Imperiale : le sieur Boivin ,
ruë Saint Honoré , à la Régle d'Or : le fieur
Le Clerc , rue du Roule , à la Croix d'Or.
L'Abbé de la Grive , Auteur du Nou
veau Plan de Paris en six feuilles , vient
de mettre au jour , la seconde Feuille de
sa Carte des Environs de Paris , qui com
prend le Cours de la Marne , jusqu'à cinq
lieuës de cette Ville , et 57. tant Villages
que Hameaux , grosses Fermes et Cha
teaux détachés , depuis le Château de
Vincennes jusqu'à Torcy , d'Occident en
Orient , et depuis la Forêt de Livri ; jus
qu'au Bois de S. Martin en Brie , du Nord
au Midy ; avec les chemins qui commu
niquent des uns aux autres. Le tout levé
sur les lieux , et détaillé de sorte qu'on
y reconnoît distinctement les Plans des
belles Maisons comprises dans cette
1.Vel étenduë.
1342 MERCURE DE FRANCE
étendue. Elle se vend chez l'Auteur , Cloî
tre S. Benoît. Il donnera à la fin de cette
année , la troisiéme feüille qui compren
dra le côté de la Brie.
>
M. Servandoni , Peintre d'Architec
ture et de Perspective , Florentin , Eleve
du Signor Jean Paul Panini , fut reçû à
l'Académie Royale de Peinture et de Scul
ture le 26. du mois dernier avec toute
la distinction que merite son habileté. II
s'eft fait une grande réputation , par
plusieurs Ouvrages généralement esti
mezzentr'autres par ses belles Décorations
d'Opera , et en dernier lieu , par celle
du Palais du Soleil , qui a été admirée
de tout le monde.
M. Servandoni , qui a été reçu sur ua
très - beau Tableau en hauteur , représen
tantjun Temple et des ruines , que l'Aca
démie garde , travaille actuellement à un
Plan , Profil et Elevation d'une Eglise ,
avec tout le dévelopement , en dessein et
en relief , pour être reçu à l'Académie
Royale d'Architecture.
.
Il fut posé le 17. Mars dernier , sur le
Maîtte Hôtel de l'Eglise de S. Jean en
Gréve , un groupe de Marbre , repré
sentant le Baptême , que Jesus- Chrift obli
1. Vol gc
JUI N. 1731 1343
e SaintJean de lui donner ; chaque fi
gure ayant cinq pieds neuf pouces de
proportion. Notre Seigneur est du côté
de l'Evangile , un genouil sur le coin d'u
ne Roche , les mains croisées sur l'estomac,
s'inclinant vers Saint Jean pour recevoir
le Baptême. Saint Jean est debout de
l'autre côté , versant de l'Eau avec une
coquille sur la Tête du Sauveur. Il paroît
dans un respectueux étonnement de ce
que son Maître lui demande ce qu'il de
vroit recevoir de lui . Ces deux Figures
se groupent avec le Rocher d'où sort la
Source du Jourdain : ce qui fait un excel
lent morceau dans le grand et dans le
simple , dont les connoisseurs les plus
délicats sont satisfaits . On saisit surtout
avec plaisir l'expression que l'habile Scul
pteur a sçû mettre dans la Teste du Christ
et de S. Jean , pour marquer sensible
`ment , et sans outrer , la difference de la
natute divine & de la nature humaine.
Ce monument dont M. Esnault , Curé
de la Paroisse de Saint Jean , a voulu dé
corer son Eglise , a été fait par Jean- Bap
ptiste le Moyne Fils , Sculpteur de l'Aca
démie Royale , agé de vingt six ans , le
quel n'a été que deux ans et demi à faire
cet Ouvrage.
Le Sieur le Moyne vient d'être choisi
I. Vol.
pour
7344 MERCURE DE FRANCE
pour fondre une Statue Equestre du Roy
que la Ville de Bordeaux doit faire éle
ver dans une place que l'on construit ex
près , et dont M. Gabriel , Premier Ar
chitecte du Roy , a donné les desseins.
Lorsque que cet Ouvrage sera plus avan
cé nous en donnerons une Description .
Nous sommes priez de demander
aux personnes versées dans les étymo
logies ou origines de certaines expres
sions , qui sont d'un usage familier dans
notre langue , la raison ou le fonde
ment des termes suivans. De longue main.
Qui refuse muse. Couper l'herbe sous les pieds.
Lafoire n'est pas sur le Pont. J'ai une dent
contre lui. Il ont eu castille ensemble . Faire
des Châteaux en Espagne . Tourner la Truye
aufoin. La vache a bon pied. Nul n'est
Prophete en son Païs , &c. et autres comme
venu la gueule enfarinée . Connu comme le
Loupgris , et autres semblables manieres
de parler , dont la taison , ou l'allegoric
ne se presente pas à l'esprit.
On apprend d'Amsterdam , qu'on y vendra
publiquement le 15. Aoust prochain , le fameux
Cabinet de feu M. Jacob Walravin , consistant
en une collection d'Agathes Orientales , aussi ra
res que belles , peintes interieurement par arti
fice , et non peintes , plaques et autres Pieces ex
=
I. Vol. traor
JUIN. 1731 . 1345
traordinaire. Pierres gravées en creux et en relief,
& c.
JEAN SWART , Libraire à la Haye , y ven
dra publiquement au mois de Septembre prochain,
un fameux Cabinet de Coquilles , Ecailles Co
rails , Plantes et insectes Maritimes , des Coquil
les ou Ecailles très-bien et très - ingênieusement
gravées par le célebre Belleguin, de très belles Fi
gures en Yvoire et en Bois , de Pierres antiques en
agathe, onix,sardoine , cornalines,sur tout des Tê
tes ; Bassins et Soucoupes d'Agathe et de Jaspe ;
quantité de Mineraux , &c Les Curieux qui
voudront acheter quelques morceaux à la main ,
pourront s'addresser au sieur Swart , qui leur en
fera bonne composition.
On donne Avis au Pablic , que le sieur Pierre
Martin , Négociant à Cette , vient de composer
une Liqueur,qu'on appelle Eau délicieuse , qui est
supérieure en bonté à toutes celles qu'on a faites
jusqu'à present ; elle imite parfaitement bien la
véritable Eau de Barbarde , et elle est admirable
pour les meaux d'Estomac et pour la Colique , elle
ne se vend que IS. fla Bouteille, qui contient en
viron le demi - Septier de Paris , et la demi- Bou
teille 8. f. Ceux qui en souhaiteront , pourront
s'addresser à quelqu'un à Cette , ou à Montpel
lier , ou à droiture au Sieur Martin , qui leur en
fera tenir à l'endroit où ils voudront.
1346 MERCURE DE FRANCE
*** $$3
MUSETTE EN RONDEAU.
CHarmantes Harmantes Prairies ,
Fleuries ,
Azile des Amours ,
De nos Bergeries
Cheries ,
Vous faites les beaux jours .
J
Le matin , dès l'Aurore ,
Sur vos Gazons naissans ,
On voit éclore ,
Les presens de Flore ,
Doux objets de nos sens :
Et sous ce frais Bocage ,
On entend le ramage
Des Oiseaux innocens.
Charmantes Prairies ,
Fleuries , &c.
Dans ces beaux lieux paisibles ,
Nous vivons heureux ;
Les Bergeres sensibles ,
Ecoutent nos voeux ,
I. Vol.
Et
Juin
Du
Buisson.
Artist
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
,
17
CORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
,
DLS
Si
1
C
A
C
V
R
C
Jo
a
ti
1
JUIN.
*347 1731.
Et sans allarmes ,
Nous goutons les charmes ,
De nos tendres feux.
Charmantes Prairies , &c.
Dans ces libres Retraites ,
Les Bergers d'alentour ,
Sur leurs douces Musettes ,
Répetent tour
Charmantes Prairies ,
à tour >
Fleuries ,
Aziles des Amours ,
De nos Bergeries ,
Cheries ,
Vous faites les beaux jours.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
SPECTACLE S.
L >
Es Comédiens François donnerent
le Mardi 12. de ce mois , la seizième
Représentation de l'Italie Galante ou les
Contes , que le Public goûte tous les
jours de plus en plus. Ils la reprendront
au retour de Fontainebleau , où une par
tie de la Troupe a été mandée , ainsi que
la Troupe des Comédiens Italiens.
Le Samedi 16 , on donna sur le Thea
I. Vol.
G tre
1548 MERCURE
DE FRANCE
tre François , la premiere Représentation
Comedie
nouvelle
du Faux Sincere >
en Vers , en cinq Actes
en cinq Actes , de feu M.
Dufresni , qui fut fort bien représentée
et très-applaudie. Le Sieur de Montmenil
y joue le principal Rôle, dont le caractére
est admirable
, avec beaucoup
d'intelli
gence. Nous en parlerons plus au long.
L'Académie
Royale de Musique don
na le 29. May , la septième et derniere
Représentation
de la Pastorale Héroïque
d'Endymion , dont on a parlé dans le
même mois. Elle reprit le premier Juin
Idomenée , et en a donné fix Représen
tations .
Le 14. on remit au Theatre le Balet des
Fêtes Venitiennes
, dont les paroles sont de
M. Danchet , & la Musique
de M. Cam
pra. Ce Balet , composé de plusieurs
Er
trées , avoit été donné la premiere
fois en
Juin 1710. et la derniere Reprise en Juil
let 1721. On joüe aujourd'hui
le Prologue
et trois Entrées ; sçavoir , les Devins de la
Place S. Marc , l'Amour Saltinbanque
, et
le Bal.
Les deux principaux Rôles du Prologue,
qui sont le Carnaval et la Folie , qui
avoient été joués en 1721. par le fieur le
Mire , et la Dile Souris , sont remplacez
I. Vole
par
'JU IN. 1731. 7349
par le sieur Dun , et la Dlc Erremens.
Les trois Rôles de la premiere Entrée
de Leandre , Cavalier
François , Zelie ,
jeune Vénitienne
et une Bohémienne
, qui
avoient été jouées par le fieur Thevenard
,
par la De Antier , et par la Dlle Lambert ,
sont remplis par le fieur Chassé , par
Dile Pellissier
, et la Dlle Julie.
la
Dans la deuxième Entrée de l'Amour
Saltinbanque , le fieur Dun chante le Rôle
du Chef des Saltinbanques , à la place du
fieur du Bourg ; celui d'Eraste,jeune, Fran
çois , Amant de Leonore, est chanté par le
S Tribou , à la place du S Muraire , celui
de Leonore , par la Dile le Maure , au lieu
de la Dile Tulon , et celui de la Surveil
lante de Leonore , par le fieur Cuvillier ,
qui a remplacé le sieur Mantienne . Le
Rôle de l'Amour Saltinbanque , qui avoit
été joüé par la Dlle Minier ," est exécuté
par la Dile Petitpas.
•
Le Rôle d'Alamir , Prince Polonois , dans
la 3º Entrée , est chanté par le St Chassé ,
à la place du S Thevenard ; le St Dumas
joue celui du Gentilhomme du Prince ,
qui avoit été chanté par le fieur Ariand ;
celui d'Iphise , par la Dule Pelissier , à la
place de la Dile Antier , et les deux Rô.
les , aussi originaux que singuliers , du
Maître de Musique , et du Maître de
1. Vol. Gij Dan
1350 MERCURE
DE FRANCE
Danse , sont joüez par les fieurs Tribou et
Dupré , qui ont remplacé les sieurs Man
desorte tienne et Marcel.; que tous les
Acteurs & Actrices qui joüoient dans cet
Operaily a dix ans , sont totalement
rem
placez. Au reste , ce Balet qui eft remis
d'une maniere très-brillante , est très -bien
executé , et tous les principaux
Rôles sont
remplis par differens Sujets , qui en ren
dent parfaitement
les caracteres . On n'a
rien épargné pour le bon goût , le brillant
des Habits , et la beauté du Spectacle. Les
Danses composées
par le fieur Blondi ,
sont bien caracterisćes
, variées et inge
nieuses. Le Public témoigne par des ap
plaudissemens
et de nombreuses
Assem
blées , le plaisir que lui fait cet Opera .
LETTRE écrite de Londres , sur quel
Poëtes Dramatiques Anglois , &c. ques
J
E continue , Monsieur , de vous don
ner ce que je vous ai promis sur le
Theatre Anglois et sur les Auteurs qui y
ont le plus brillé.
Benjamin Johnson, concurrent
de Shakes
pear , fleurissoit
sous les Régnes de Jac
I. et de Charles I. .
Cet Auteur fameux , qu'on appelloit
ici le Corneille d'Angleterre , entreptit
de
I, Vol.
JUIN. 1731. ·
135 %
•
de réformer le Theatre Anglois , & le fic
avec beaucoup de succès. Ses Comédies
sont admirables , et surpassent de beau
coup ses Tragédies. On a eû de lui.
Catilina , Traged.
Sejan , id.
Bartholomew-Fair , Comedie , où l'on voit
representé comiquement ce qui se passe de
ridicule dans les Lieux publics.
Le Fox , c'est- à-dire le Renard , Comedie .
L'Alchimiste , Comed .
La Femme excellente. Comed.
Tout par Amour , où le Monde bien perdu
Comedie . &c.*
Ce Catalogue deviendroit trop long.
On pourra voir le Recueil de ses Pieces
de Théatre , imprimé l'an 1718. à Lɔn
dres , en 6. Vol. in 8 ° .
Cet Auteur passe avec raison pour un
de nos meilleurs Poëtes , dit M. Collier
dans sa Critique du Théatre Anglois ; il
est beaucoup plus retenu dans ses Pieces
que ne le sont nos Poëtes modernes . Il se
déclare hautement pour la modestie . Un
Auteur sage , dit- il , doit éviter avec soin
d'écrire d'une maniere sale. Lorsque les
moeurs sont corrompues , le langage l'est com
munément aussi ; et comme le plus grand ex
sès des Fêtes et des Spectacles , sont les mar
ques d'un Etat qui tombe en décadence , aussi
I. Vol.
Gij un
1352 MERCURE DE FRANCE
un langage trop libre et impur , marque un
esprit qui commence à se gâter.
Les trois unitez de tems , de lieu et
d'action , ne sont pas fort observées par
les Poëtes Anglois en général , car l'ac
tion est souvent double ; mais les plus
habiles Critiques ne trouvent pas que ce
soit un défaut dans Ben- Johnson. Il fait
entrer deux Sujets , fi naturellement l'un
dans l'autre , que l'attention des Spec
tateurs est soûtenue par cette agréable
variété.
pas Selon M. Collier , cet Auteur n'est
tout-à-fait exempt du Galimathias conti
nuel qui regne dans les Comédies An
gloises , quoiqu'au sentiment de Saint
Evremont , il soit comparable à notre
Moliere.
"
Au contraire de Shakespear , Johnson
a fait paroître beaucoup de sçavoir.
On trouve dans ses Piéces de Théatre
Aristophane , Plaute et Terence , sans
compter beaucoup de beautez , tirées des
autres Auteurs classiques . Tous ses ca
racteres sont fort justes et bien maintenus.
On regarde le Fox ou le Renard , PAI
chimiste & la Femme Silente , comme
ses trois meilleurs Pieces.
Il avoit un génie admirable , et un ta
lent particulier pour peindre les passions
J. Kel. de
JUIN. 1731. 1353
et les foiblesses des hommes . On le met
de Niveau avec Moliere , à qui les Anciens
avoient inspiré le bon esprit de la Co
médie. Ils ont sçû l'un et l'autre repré
senter parfaitement les diverses humeurs
et les differentes manieres des Hommes ,
en conservant dans leurs Peintures , unt
juste rapport avec le genie de leur Na
tion . M. de Saint- Evremont croit qu'ils
ont été plus loin que les Anciens à cet
égard ; mais on ne sçauroit nier qu'ils
n'ayent eû plus d'égard aux Caracteres ,
qu'au gros des Sujets , dont la suite pour
roit être aussi mieux liée , et le dénoue
ment plus naturel.
La Tragédie de Samson Agoniste , est du
célebre Milton , Auteur du fameux Poëme
Le Paradis perdu.
Le Poëte Jean Dryden , Ecuyer , mort
en 1700. est un des plus estimez de sa
Nation. Il n'est pas plus modeste que la
plupart de ses Confreres , ni moins pla
giaire ; il ose traiter de crême fouettée les
Ouvrages de Corneille même ; et cepen
dant on n'a qu'à confronter son Oedipe
avec celui de ce Poëte François, pour voir
que tout ce qu'il y a de plus beau en est
pillé , et même que des Scénes entieres y
sont copiées , par une Traduction presque
Litterale
I.Vot Giiij M..
1354 MERCURE DE FRANCE
M. Dryden a tâché de se purger de
Paccusation qu'on lui a faite de recom
penser le vice dans ses Comédies . La ré
gle contraire , disoit- il , ne regarde que
la Tragedie. Dans le Comique qu'est- ce
que le vice ? foiblesse humaine , saillie de
jeunesse , bagatelle . Quelle morale ! quoy !
l'Atheisme , l'Impieté , l'Adultere : les
Souhaits du parricide , ne sont que
des
minuties ; est- il donc permis d'affoiblir
par des plaisanteries , l'horreur que la
nature nous en donne ? Mais , dit M.
Dryden , le principal but du Poëme Comi
que est de divertir. Je doute si l'instruction
doit y entrer. Si elle y entre , elle n'en est
que la seconde fin. Quand on conviendroit
du Principe , s'ensuit-il qu'on ne puisse
réjouir le Spectateur , qu'en rendant le
vice heureux ? La friponnerie et la mé
chanceté tournées en ridicule , donne
roient- elles de la fadeur à des Pieces Co.
miques , si d'ailleurs elles étoient inge
nieuses pour être divertissant ne doit
on plaire qu'à la cupidité ? ne peut- on
pas réjouir la raison et le bon sens aux
dépens des vicieux ? Mais où a - t'on pris
que l'Instruction n'est pas la principale
fin de la Comedie , comme de la Trage
die ? ce sont deux soeurs qui n'ont que le
même terme ; mais qui l'atteignent par
1. Val.
des
JUIN. 1731. 7359
des routes differentes. Leur but est de
persuader la vertu et de rendre le vice
odieux .
On doit cependant cette justice à M.
Dryden , de faire remarquer aux Lec
teurs , que par une conversion sincere à
la Religion Catholique , et par une vie
exemplaire et penitente , il a réparé au
tant qu'il a pû des desordres qu'on luy a
si justement réprochez.
Ses Tragédies valent mieux que ses
Comédies , comme je l'ai déja rémarqué.
Les Anglois éclairés disent , que cet Au
teur a beaucoup écrit , fort bien et fort
mal. C'est un des Poëtes de Theatre de cet
te nation qui a le plus travaillé . On joüe
presque toutes ses Pieces , quoique parmi
le grand nombre il y en ait quelques- unes
qui sont beaucoup plus estimées , et
qu'on joue plus souvent que les autres
Ses Pieces de Theatre , contenant ces
Comédies , Tragédies et Opera & c. sont
imprimées en 2. Vol . in fol. à Londres.
1721. Cet ouvrage posthume de Dry
den , écrit en Anglois , est divisé par les
Editeurs en deux Parties. La premiere
comprend les Poëmes Dramatiques sui
vans l'Amant farouche , les Femmes
jalouses , l'Empereur Indien , ou la Con
quête du Mexique , l'Amour secret DA
I. Vol.
G V Martine
1356 MERCURE DE FRANCE
Martin Marr-all , ou la feinte Innocence ;
la Tempête , l'Amour Tyran , Almanzor
et Almahide , le Mariage à la mode
l'Amour dans le Cloître , Amboyne ..
.
La seconde Partie contient , Aureng
zebe , ou le Grand Mogol , Tout pour
l'Amour , Limberhain , ou le Garde
Commode , Oedipe , Tvoile et Cresside ,
ou la Verité tard découverte , le Double
Dénoument , le Duc de Guise , Albion
et Albanius, Sebastien, Roy de Portugal
Amphytrion , Cleomene , ou le Heros
de Sparte , le Roy Arthus , l'Amour
Triomphant.
A la tête de tout l'Ouvrage est une
Dissertation de Dryden sur la Poësie Dra
matiques cette Dissertation est une dis
pute en forme de Dialogue , dont les
Interlocuteurs sont Crites , Eugene , Lip
side et Neandre. L'Auteur Dryden paroît
caché sous ce derniet nom.. La dis
pute roule sur le merite des Anciens et
des Modernes Poëtes Dramatiques , et
en particulier Anglois. On y parle aussi .
en passant du Poëme Epique , et du Ly
rique. Les Principaux Poëtes Anglois y
passent en révuë ; Crites donne la pré
férence aux Anciens ; Eugene la donne
aux Modernes & c . Cette Dissertation est
si longue , et descend dans un si grand
>.
3.
و د
1. Vol.
détail
JUIN. 173T. 1357
détail , qu'il faut la voir dans l'Original
ou du moins traduire à loisir tout ce qui
en est rapporté fort au long dans le Jour
nal de Leipsic. Janvier 1702. pag. 34.
Chaque Piece de Dryden est accom
pagnée d'une Dedicace , et d'une Preface
sçavante et curieuse .
Dryden aécrit d'autres Ouvrages , et sur
tout des Fables anciennes et modernes , & c.
Voici quelques autres Pieces du même
Auteur qui sont venues à ma connois
Sance.
Phedre et Hypolite , Trag.
L'Etat de l'Innocence , ou la chûte de
l'Homme , Trag .
L'Amour du Soir , ou le faux Astrolo
gue.Comed, 1691. Ce n'est presque qu'une
Traduction du feint Astrologue de Th..
Corneille cependant dans la Preface de
- cette Piece , l'Auteur y parle en ces ter
mes , remarquables par leur impudence..
Il faut avouer , dit- il , que la plupart
» des Comédies que l'on écrit depuis peu ,
» tiennent trop de la Farce ; mais ceci
» doit arriver necessairement jusqu'à ce
» qu'on s'abstienne de traduire les Picces
>> des François ; car leurs Poëtes , n'ayant
» pas assés de jugement pour peindre:
d'aprés nature , sont obligés de supléer
» à ce défaut- par des postures extravagan
>>
I..Vol.. G vj
>> tes
1358 MERCURE DE FRANCE
{
» tes et par des grimaces ridicules. A- t'on
jamais vû de Plagiaire si insolent et si
bas ?
Le Moine Espagnol , ou la double De
couverte. Tragi - Comedie.
Le Theatre Espagnol ne représente
guére de Farces , qu'on n'y voye un Rô
le de Prêtre , de Chapelain ou de Reli
gieux. Icy Dryden à été le Maître de
former le caractére de son principal Per
sonnage tel qu'il a voulu ; il en a fait un
Scelerat , et par le secours des fictions ,
il a peint un Moine trés déréglé , et ré
pandu sur le corps des Religieux tout
le ridicule et les excés , que le préjugé et
l'esprit de parti peuvent inspirer à un
Auteur fougueux .
Le Chevalier Gâte - tout , ou la fausse
Innocence , Comedie de Dryden .
Quand par des vols pitoyables , les
Anglois reussissent à faire d'une ou de
deux bonnes Pieces Françoises , une Co
medie à leur maniere , qui ne vaut rien ,
ils ont encore trop d'orgueil pour recon
noître leur larcin. Jamais ces Pieces ne
sont traduites ; elles sont toujours faites
par tel ou tel. A la verité on insinue quel
quefois dans la Preface que le Sujet vient
de France , mais on ne daigne pas nom
mer l'Auteur à qui on en est rédevable.
*
I. Vela
Ils
JUIN. 1731 .
1-3 59'
·
Ils voudroient faire croire qu'ils en agis
sent à peu prés avec ces petits Poëtes Fran
çois , comme un Maitre qui s'exerce sur
un Sujet qu'un Ecolier a traité , et qui
n'a d'autre dessein que de lui faire voir
comme il falloit s'y prendre pour réus
sir.
Quelques-uns de ces M. se contentent
de piller l'intrigue d'un ouvrage Fran
çois , et d'y en ajoûter une seconde de
leur invention , pour paroître du moins
feconds à multiplier les Sujets de leurs
Pieces. C'est comme en a agi l'Auteur
de la Comêdie dont je parle. Ce sont
deux Comédies en une , dont la moitié
est à fort peu de chose prés , l'Etourdy
de Moliere.
Philips , autre Poëte , passe pour avoir
un trés beau genie , une grande connois
sance des régles du Theatre , et une idée
fort juste du merite que peuvent avoir
les Pieces Dramatiques des differentes
Nations.
.
La Tragédie d'Andromaque , qui est
une imitation de celle de Racine , est le
plus bel ouvrage de cet Auteur et le
plus propre à faire goûter aux Angleis
la régularité Françoise . Cette Copie est
digne de son excellent Original , sur
lequel , ce qui paroit très difficile ,
*
I. Vel. elle
T360 MERCURE DE FRANCE
elle encherit quelquefois. Il est vrai que
des personnes judicieuses , ne jugent pas
ainsi de quelques Scénes ajoutées à la fin
de la Piece ; on y voit revenir Andro
maque sur le Theatre aprés la mort de
Pyrrhus et les fureurs d'Oreste.CettePrin
cesse , venuë de nouveau , ne sçauroit
exciter dans cet endroit des passions
qui repondent à la force de celles qui
viennent d'émouvoir le Spectateur ; la
bienséance , et le sentiment des services .
que lui a rendus Pyrrhus , doivent natu
rellement l'empêcher de témoigner sa
joye sur l'heureux changement de son
état , et sur la conservation de son fils..
Il faut laisser le Spectateur dans tout le
trouble qu'excitent en lui les malheurs
des gens vertueux ; à moins qu'on ne
fasse succeder à cette pitié une satisfac
tion parfaite , de voir triompher entiere
ment de toutes les attaques du sort , less
personnes pour qui on s'interesse : dimi
nuer seulement la passion qui est le but
de toute une Tragédie , sans la changer
dans une passion également forte ; c'est
faire languir le Spectateur dans l'endroit ,
où il se plaît à être le plus émû.
Ron ou Row . Ce Poëte a fait piusieurs
Pieces , qui , bien qu'elles pêchent con
tre les Règles d'Aristore , s'accordent gé
L.. Vols. neralement
*
JUIN. 1731. 1361
neralement aux régles du bon sens. Elles.
ont d'ailleurs un feu qui ne paroît infe
rieur , selon quelques- uns , à celui de ses
Prédeceffeurs , que parce qu'il est mieux
réglé. Ses idées sont grandes et son stile :
sublime..
Il a traduit Lucain , qu'il a , dit- on ,
surpassé en plusieurs endroits . Ses . Pieces
de Theatre sont imprimées en 3. vol .
Il mourut en Angleterre depuis environ
dix ans.
Les Pieces qu'on connoît le plus de cet
Auteur , sont Tamerlan , Tragedie fort es
timée , Ulisse , Trag. la Belle Pénitente ,.
Jeanne Shore , Jeanne Grey ; cette inno
cente victime de sa Religion er de l'ambi
tion des autres , fournit le sujet de cette
Tragédie.
Quoi qu'elle peche contre plusieurs des
regles , et que la mort du jeune Edouard:
paroisse y jetter un double sujet ; ce Poë
me est pourtant essentiellement beau , le
bon sens y regne dans tout le détail qui
est si pathétique , que le Spectateur le plus
insensible , ne peut s'empêcher de payer:
tribut à l'humanité. "
Joseph Addison , Poëte Anglois , fils.de
Lancelot Addison , né en 1671. mort en
1729.
Il n'a écrit qu'en Latin et en Anglois .
I.. Vol.. Ses
1362 MERCURE DE FRANCE
Ses Ouvrages sont le Recueil connu
sous le titre de Muse Anglicane.
Son Poëme à l'honneur de Guillaume III.
en 1695 .
La Paix de Riswick.
La Resurrection , Description d'un Ta
bleau.
Ode à M. Burnet , sur la Théorie Sacrés
de la Terre.
Odes à M. Hannes.
La Description du Baromettre.
Les Marionnettes.
Le Combat des Grues et des Pigmées.
Dissertation sur les illustres Poëtes La
tins .
Poëme sur la Campagne de 1704.
Caractére des Poëtes Anglois.
Poëme à M. Dryden sur ses Traductions .
Ode pour la Fête de Sainte Cecile.
Traductions de quelques Livres de l'E
neide et des Métamorphoses.
Poëme sur Myladi Manchester.
Lettres en Vers à la Princesse de Galles , en
lui envoyant sa Tragédie de Caton , re
presentée en 1712 .
Lettre en Vers , sur le Portrair du Roy
George I.
L'Opera de Rosemonde.
Le Livre connu sous le nom du Sujet libre
ou de celui qui prend un Franc-Fief,
I.Vol. et
JUIN. 1731 . 1363
et quantité de feuilles volentes du Ba
billard , du Spectateur , du Tuteur ou
Curateur , &c.
Congreve , Poëte Comique , celebre en
Angleterre , Gentilhomme Anglois. Il
est devenu aveugle , et vivoit en 1721.
Ses Pieces de Théatre et autres Ouvra
ges , sont imprimés en 3. Vol. in 8 ° . à
Londres en 1710. On les joue très-sou
vent , et toujours avec grand concours de
Spectateurs , sur tout des Dames . Ces
Pieces petillent d'esprit que l'Auteur
,
diftribue indifferemment à tous ses Per
sonnages ; de sorte qu'il ne fait autre
chose que se peindre lui- même sous dif
ferens noms. La plupart de ses Comédies
sont en Prose .
Les meilleurs Ouvrages de cet Auteur
sont :
Le vieux Garçon ,
L'Homme de mauvaise foi.
Amourpour Amour.
La maniere de bien agir du monde..
Le Deuil de la nouvelle Mariée , Tragé
die .
Je suis Monsieur , &c.
Comédie.
e3D
??
3
I. Vola
Nou
1364 MERCURE DE FRANCE
•
jkjkjkjkjkjkjkjkjkjkjkjk J *
NOUVELLES ETRANGERES.
EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople '
du 7. Avril 1731.
LA
A nuit du 24. au 25. Mars 200. Janissaires
allerent enfoncer la maison du Janissaire
Aga , et voulurent en enlever les Marmites pour
lés porter dans la Place d'Atmeiaan , où les Ja
nissaires s'assemblent ordinairement lorsqu'ils
veulent exciter quelque révolte. Le Janissaire
Aga s'y étant opposé reçut un coup de Fusil au
bras , et sa maison fut entierement pillée , il eut
cependant le bonheur de se sauver par la porte
de son Jardin et de se rendre au Serrail : il rendit.
compte au G. S. de ce qui venoit de lui arriver.
On fit appeller sur le champ le Grand Vizir ,
le Mufti , le Capitan Pacha , et quelques uns des
principaux Effendis , pour déliberer sur le parti
qu'on avoit à prendre. Il fut resolu de rassembler
le plus de Monde qu'on pourroit , et d'aller atta
quer les Rébelles à l'Atmeydan dès qu'il seroit
jour , pour n'en pas laisser grossir le nombre ,.
et d'y faire porter l'Etendart de Mahomet ; la
chose fut éxécutée, on forma deux Corps , dont
l'un étoit commandé par le G. Vizir , suivi du
Janissaire Aga , quoique blessé , et l'autre étoit
sous les ordres du Capitan Pacha ; ils rencontre
rent dans les rues quantité de Gens armés qui
alloient se joindre aux Rebelles , dont la plûpart:
furent tués , ils trouverent dans la Place de l'At
meydan , où ils se rendirent par deux differens.
I. Vol. endroits,
JUIN. 1731. 1365
endroirs , soo. hommes armés , avec quelques.
Etendarts déployés , qui firent d'abord assés de
résistance , mais qui furent contraints de ceder.
La plupart furent massacrés ; on en saisit une
soixantaine que l'on conduisit au Serrail pour dé
couvrir les motifs , et les Chefs de la Rebellion ,
et quelques- uns furent assés heureux pour se sau
ver. Depuis les Caffés , les Bains , et les autres
Lieux publics ont été fermés .
Le G.V. n'a point tenu de Divan hier ni aujour
d'hui ; il n'estoccupé qu'à faire des rondes dans la
Ville,et à en faire faire par le Janissaire Aga, et par
les autres principaux Officiers des differens Corps de
Milice qui arrêtent et font étrangler sur le champ
tous ceux qu'on soupçonne avoir eu part à la ré
volte. On assure que quoyqu'il ne se soit trouvé
que quatre ou cinq cens révoltés dans la Place
d'Atmeydan , il y en avoit plus de 3000 autres.
dispersés dans plusieurs endroits de Constanti
nople , avec des Drapeaux pour assembler du
monde et grossir leur Troupe.
Ils avoient aussi mis le feu en trois diff. rens quar
tiers de la Vilie,dans la vue que le G.V.er les autres
Ministres étant occupés à le faire éteindre , ils trou
veroient moins d'obstacles à l'execution de leur
projet. Il est certain que si l'on eût tardé trois heu
res de plus à dissiper les Rébelles , ils auroient été
les Maîtres de Constantinople , et qu'ils auroient
fait les mêmes changemens , et beaucoup plus de
désordre que lors de la premiere révolte ; il étoit
même à craindre qu'on n'eût pas eu les mêmes.
égards pour nous , par la raison que quoique la
sédition n'ait duré que dépuis la pointe du jour
jusqu'à neufheures du matin , il y a eu beancoup
de Grecs , d'Arméniens et de Juifs qui ont été
insultés et volés , et que depuis l'autre révolution,,
I. Vol.
il
2366 MERCURE DE FRANCE
il s'est rassemblé dans cette Capitale une infini
té d'Asiatiques , tous voleurs et assassins ; et
qu'ils ne s'y sont établis que dans l'Esperance
d'y trouver quelque conjoncture à pouvoir met
tre leurs talens à profit ; s'il en faut croire les
bruits publics , ce sont les Partisans d'Achmet
III. qui avoient tramé cette révolte.
Les particularitez suivantes sont tirées de plu
sieurs Lettres.
Le 24. Mars , quelques Dgebedgis , ou Soldats
d'Artillerie , s'étant trouvez dans un Caffé , s'en
tretenoient en fumant, de l'état présent du Gou
vernement. Plusieurs d'entr'eux se plaignoient de
ce qu'on n'avoit pas encore distribué les 25. Pias
tres qu'on a coûtume de donner à chaque Sol
dat à l'avenement au Trône d'un nouveau Sul
tan ; d'autres témoignoient leur mécontentement
de ce que nonobstant le changement de Minis
tere, on n'avoit pas encore remedié à la disette et à
la cherté des vivres , ce qui avoit été le but de la
précedente Révolte . Après plusieurs discours de
cette nature , ils sortirent sur les 9. heures du
soir du Caffé , fort animez ; et ayant été joints
par un grand nombre de leurs Compagnons , ils
s'amuserent ensemble et allerent vers les dix heu
res piller la maison de l'Aga des Janissaires , où
ils firent un butin considerable , tant en argent
comptant , qu'en bijoux.
; L'Aga eut le bonheur de se sauver le Grand
Visir ayant appris par le Lieutenant de l'Aga ,
la nouvelle de cette révolte , se rendit d'abord au
Serrail, et envoya ordre auCapitan PachaDgianum
Codgia , de se rendre en toute diligence auprès
de lui , et d'amener autant de monde qu'il pour
roit ; ce que celui cy executa : pendant ce tems
Lâ les soulevez , dont le nombre s'étoit accrû jus
Is Vola
qu'à
JUIN. 1731 1367
qu'à 3000. hommes , se rendirent dans la Place ,
nommée Atmeïdan , où ils arborerent le Pavillon
et y passerent la nuit . Le lendemain de grand
matin le G. V. et l'Aga des Janissaires sortirent
du Serrail, à la tête des Ichoglans , et autres Do
mestiques du Serrail , suivis du Capitan Pacha ,
à la tête de ses Gens de Mer , précedez par le
Sangiac-Scherif, portant l'Etendart de Mahomet,
et ils allerent attaquer les Rebelles , qui , quoique
surpris , firent d'abord feu sur eux sans respecter
l'Etendart du Prophete , et obligerent d'abord les
Ichoglans à reculer , mais ceux- cy ranimezpar
ceux qui les suivoient , attaquerent de nouveau
les Rebelles avec tant d'ardeur , qu'après une le
gere résistance , ils furent mis en fuite ; plusieurs
furent tuez sur la place et les autres dispersez , en
sorte qu'à dix heures du matin tout étoit aussi
tranquille qu'avant la Révolte ..
Le Grand Seigneur avoit d'abord voulu mar
cher en personne contre les Rebelles , mais il en
fut détourné par Dgianum Codgia. S. H. a fair
present à ce dernier et au G. V. d'une Fourure de
Martre Zibeline très- riche , en consideration du
service qu'ils venoient de lui rendre , d'autant
plus important , que les Rebelles avoient déja
proclamé le vieux Sultan .
L'Aga des Janissaires , voyant qu'il n'étoit pas
aimé de ce Corps , a demandé la permission au
G.S. de se retirer , qui la lui a accordée . Dgianum
Codgia a aussi jugé à propos par le même motif
de se retirer sur les Vaisseaux de guerre.
Sur le bruit qui s'étoit répandu que la veuve
du dernier G. V. fille du Sultan déposé , avoir
fomenté cette Révolte , elle fut d'abord enfermée
dans le Serrail , mais son innocence
été re
ayant
connuë , elle a été remise en liberté ; mais on as--,
1
1. Vol
Surc
1358 MERCURE DE FRANCE
sure qu'elle a été arrêtée une seconde fois , sur
ce qu'on a découvert qu'elle avoit promis 20000.
Bourses de cent Reaux chacune aux Janissaires
mécontens qui remettroient le Sultan son pere
sur le Trône.
Le G. S. a , dit-on , obligé depuis le Mufti à
prononcer une Sentence de mort contre son Pré
decesseur , qui a été arrêté dans un Village â
quelques lieues de Constantinople , où il se tenoit
Caché.
Le Capitan Pacha Dgianum- Codgia , n'étant
pas en sureté depuis qu'il a opiné dans le Divan
en faveur de la Paix avec les Princes Chrétiens
a obtenu de S. H. une Garde de Janissaires qui
doivent l'accompagner , même dans le voyage
qu'il fera dans les principales Iles de l'Archipel.
Le G. V. a été d'avis contraire ; et ayant propo
sé de faire la Paix avec les Persans , et d'occuper
les Janissaires et les autres Milices à une guerre
avec les Princes Chrétiens , il demande à S. H. de
l'exiler en Egypte , si son avis ne lui étoit pas
agréable. Depuis ce Divan on a dépêché trois
Couriers en Perse , pour porter , à ce qu'on croit,
des pleins pouvoirs aux Generaux Turcs , afin de
terminer un accommodement avec le Roi de
Perse.
Une autre Lettre de Constantinople porte que
la même nuit du 2 5. Mars , une troupe de Revol
tez qu'on fait monter environ à 4000. hommes ,
après avoir couru tumultuairement les ruës , en
foncerent les portes de la maison du Janissaire
Aga , et la pillerent ; après quoi ils allerent dans
les chambres des Janissaires , enleverent leurs
Marmites , ustanciles et leurs Etendarts , qu'ils
porterent à l'Atmeïdan , principale Place de Cons
tantinople.
1. Vol. Ce
JUIN. 1731 .
1369
Ce desordre saisit de crainte tous les habitans,
et la terreur atigmentoit par les cris des Révoltez
qui couroient dans tous les Quartiers , disant qu'on
eut à se rendre à l'Atmeïdan , où ils devoient ,
disoient - ils , prendre des mesures pour réformer
de nouveau le Gouvernement , et détrôner le Sul
tan Mahmoud, qui étoit déchû de la Souveraine
té du moment qu'il avoit fait massacrer et jetter
à la voirie l'Aga Patrona -Kalil et ses Camarades ;
qu'un pareil exemple étoit inoui et entierement
contraire au Kanoun ou Ordonnance de Sultan
Soliman II. Beaucoup de monde se joignit à ces
sédicieux , ce qui grossit considerablement la
troupe qui se formoit à l'Atmeidan , où lon com
mençoit à dresser des Tentes.
Cependant le G. V. le Mufti , Dgianum Cod
gia , Capitan - Pacha , et tous les Grands Officiers
de l'Empire , de même que les Gens de Loi- , se
rendirent au Serrail , auprès du G. S. où il fut
résolu qu'on exposeroit l'Etendart du Prophete ,
et que tout le Peuple seroit invité de courir à sa
defense . Le Mufti donna aussi -tôt une Sentence
par laquelle les Rebelles étoient déclarez infideles
et traîtres , et que tout bon Musulman ou vrai
Croyant devoit sacrifier sa vie pour la conserva
tion du Sultan Mahmoud , leur legitime Souve
rain. On promit aussi à chacun de ceux qui
apporteroient quelque tête des Rebelles , des ré
compenses proportionnées au service qu'il auroit
rendu dans cette occasion . En même -tems le
Defterdar our Grand - Trésorier , fit porter du
Trésor Imperial , quantité de sacs d'or et d'ar
gent à la Porte du Serrail et se mit en devoir de
disrribuer cent Piastres à chacun de ceux qui ap
porteroient quelque tête .
Cette disposition ainsi faite , le G. S. remit la
1. Vol.
fameuse
1370 MERCURE, DE FRANCE
fameuse Banniere entre les mains du G. V. et ce
Fui- ci la remit à un Kapigi- Bachi . Ensuite ce pre
mier Ministre s'étant mis à la tête de la Maison
de S. H. et de la sienne , et le Capitan- Pacha , à
la tête de 400. Leventis , on fit ouvrir les Portes
du Serrail , et en marcha en bon ordre à la Place
d'Atmeïdan.
•
Le Peuple n'eut pas plutôt appris qu'on devoit
faire sortir l'Etendart de Mahometh , qu'on s'em
pressa , à l'envi, pour le venir deffendre, et l'affluence
fut si grande en très - peu de tems , qu'on ne pou
voit qu'à peine se remuer dans les rues . Les To
pigis , Dgebedgis et même les Janissaires , qui
un moment auparavant étoient eux- mêmes du
nombre des Rebelles , vinrent aussi se rendre sous
PEtendart du Prophete.
Le G. V. marchant fierement , s'avança avec
tout son Cortege jusques à l'Atmeïdan ; près d'y
arriver il fit une petite alte et continua sa marche
par la même rue qui aboutit à une des Portes de
cette Place,mais Dgianum Codgia avec ses Léven
tis , se détacha et prit par une autre ruë qui abou
tit à une autre Porte de la même Place.
Non-seulement les Rebelles firent bonne con
tenance , mais ils attaquerent courageusement
les Troupes du Visir et du Capitan - Pacha , et ils
firent tous leurs efforts pour se saisir de l'Eten
dart ; mais obligez de plier , ils furent mis en dé
route en même tems le G. V. étant entré
dans la Place par un côté et le Capitan - Pacha
un autre , ils firent main basse sur tous ceux qui
s'y trouverent ; qui n'étoient pas , à la verité ,
si grand nombre , parce que la plupart des Ré
voltez eurent le tems de se sauver dans les Cazer
nes des Janissaires , qui sont joignant cette Place.
Les autres ayant pris la fuite par diverses ruës
par
en
;
I. Vol. · le
JUI N. 1731. 1371
le G. V. les fit poursuivre sans perte de tems , & c,
Peu de tems après on vit un spectacle bien ter
rible dans la Place qui est devant la porte du Ser
rail , où le Tefterdar s'étoit placé , prêt à don
ner cent écus pour chaque tête de Ribelle qu'on
lui apporteroit ; en moins de deux heures de tems
on lui en apporta de tous côtez une quantité si
prodigieuse , que cela fit croire avec raison , que
quantité d'innocens étoient péris dans cette mal
heureuse journée ; car les Bostangis et les Leven
tis , plus empressez à gagner cent Piastres , qu'on
donnoit pour chaque tête , qu'à punir les Re
belles , assommoient les premiers venus et ceux
qui étoient les plus sans deffense . On assure qu'un
Eunuque , favori du Sultan , apporta lui seul neuf
têtes , et qu'il fut largement récompensé.
On prétend que cette derniere Révolte a été
suscitée par les Créatures du Sultan Achmet , et
ce bruit se fortifie d'autant plus , qu'on a appris
que les Sultanes , filles de ce Prince , mariées
a Ibrahim Pacha , dernier G V. et à son fils , qui
étoient libres dans leurs Palais depuis le malheur
arrivé à leurs Maris , viennent d'être étroitement
enfermées dans le Serrail .
Pour les principaux Chefs de cette Rebellion ,
ce sont des gens de la lie du peuple , dons les noms
auroient pû devenir aussi fameux que ceux de Pa
trona et de Mousloub , si leur audacieuse témeri
té avoit éte suivie d'un plus heureux succès. Par
mi ceux qui ont le plus contribué à l'arrêter et à
faire punir les coupables , on parle du fameux
Dgianum Codgia qui a agi de la tête et de la main
avec toute la prudence et la valeur imaginable ,
ainsi qu'il avoit fait dans la premiere Révolte.
Depuis le Dimanche 25. Mars , chaque jour
est marqué par quelque exécution publique , ou
Le Vol.
H particu
1372 MERCURE DE FRANCE
particuliere. La quantité de gens qu'on fait périr
est incroyable. Il suffit de n'avoir pas une phi
fionomie heureuse , pour être proscrit et perdre
la vie ; séverité , sans doute , bien nécessaire dans
une conjoncture aussi délicate ; mais aussi il y a
de l'excès.
On a chassé et banni de Constantinople tous
les Arnaouds et Albanois , qui étoient devenus
trés - insolens , dépuis que leur Compatriotte Pa
zrona , les favorisant en toutes choses pendant
la premiere révolte , les avoit mis sur un pied
d'aisance pour lequel ils n'étoient pas nés..
On assure qu'on va aussi chasser les Las ,
Peuples originaires des Côtes de la Mer Noire
prés de Trébisonde , établis à Constantinople.
On prétend que ce sont eux qui ont pillé tout le
Besestin des Ispahis, et qui ont fait la plupart des
autres vols , qui sont très considerables.
Pour nous , nous en avons été quitte pour quel
ques allarmes ; mais je doute que c'eût été à si
bon marché , si la sédition n'avoit pas été assou
pie dans son commencement. Il seroit difficile
de pouvoir dire le nombre des morts , du jour
de la grande expédition . Le G. Vizir perdit quel
ques Agas , et plusieurs des siens furent blessez .
Il courut grand risque lui - même ; car un des
Rebelles qui avoit trouvé le moyen de s'appro
cher de sa Personne , alloit luy tirer un coup
de Pistolet presque à bout portant , lorsque son
favori Mustapha Aga , le prévint et lui abatit le
bras d'un coup de Sabre,ce qui garantit le G. V.
Mais le Rebelle , doublement outré de désespoir
d'avoir manqué son coup , et de voir son bras
droit par terre , tira de sa main gauche un Poi
gnard qu'il avoit à sa ceinture , et s'élançant sur
Mustapha , le lui plongea dans le coeur , et le fit
IVsi
somber
JUI N. 1731.
1373
tomber mort à ses pieds : ce malheureux fut
massacré et mis en pieces sur le moment.
ALLEMAGNE.
N aprend de Vienne , que le 20. du mois
dernier, on fit à Laxembourg la Procession
solemnelle qui s'y fait tous les ans pour remer
cier Dieu de ce que le Tonnerre étant tombé sur
le Château dans le temps que l'Empereur Leo
pold y étoit , il n'y eût personne de blessé. Le
même jour on n'ouvrit les Portes de Vienne qu'à
prés d'onze heures du matin , et on fit une ré
cherche exacte de tous les vagabonds , man
dians et gens sans àveu , qui y étoient en grand
nombre depuis deux mois, et dont la plupart fu
rent arrêtés.
Le 26. May Mustapha-Effendi , Envoyé ex
traordinaire du G. Seigneur , arriva à l'Hôtel
qui luy avoit été préparé dans le Fauxbourg de
Leopoldstadt. Il étoit monté sur un très -beau
Cheval , ayant à sa suire 62. Personnes , tant à
pied qu'à Cheval , qui étoient précedés d'un dé
tachement du Regiment de Dragons de Philippi."
On a fourni pour le Voyage de ce Ministre
et de sa suite , composée de 62. Personnes , trois
Carrosses , 54. Chevaux de selle , 12. Chevaux
de bas , et 14. Chariots on leur a donné en
vivres pour chaque jour 18. livres de Miel. 30 .
files de Pain , 5. Moutons et 5. Agneaux , ou au
déffaut d'Agneaux 130. livres de viande de Mou
tons , 16. Poules , 2. Chapons , so. livres de
Beurre fondu , 8. livres de Sucre , 4. livres et
demi de Chandelle , 4. livres et demi de Caffé
une livre et demi de Sorbec , une demi livre de
Sucre Rosat , 4. onces de Canelle , 4. onces de
1. Vol. Hij Cloud
1374 MERCURE DE FRANCE
Cloud de Giroffle , une demi livre de Poivre , er
de Gimgembre , 4. Bougies d'une demi livre.cha
cune , 3. livres de Raisins secs , 2. livres et de
mi de Raisins de Corinthe , 30. livres de fleur
de Farine , 6. livres d'Amidon , 2. livres et demi
d'Amandes , s . douzaines d'Oeufs , 8. mesures
de Lait , 3. mesures de Vinaigre , 4. onces de
Noix et fleurs de Muscat , une demi once de
Safran , 6. livres de Sel , 10. d'Oignons , 3. de
Savons , 2. d'Huile , et 3 quarts de livres d'Eau
Rose ; quelques Citrons , des Confitures , 3 .
onces d'Aloës , une demi once de Musc , et une
d'Ambre , pour tout le Voyage,outre les Herbes,
Fruits , Bois, & c.
ITALI E.
M
R. Guillelmi qu'on avoit envoyé à Turin ,
et qui n'a pû entrer sur les Terres du Roi
de Sardaigne , est revenu à Rome , et on a sçu
par lui , que ce Prince avoit déffendu à tous les
Evêques de ses Etats de sacrer aucun Prêtre sans
sa permission.
Le Cardinal Cienfuego a eu une Audience par
ticuliere du Pape , dans laquelle il lui donna part
que l'Empereur avoit obtenu de la Czarine la
permission de faire construire à Moscou un Con
vent de Capucins, avec une Eglise , et que les Sei
gneurs et Dames de la Cour de Vienne contri
buoient à cet établissement.
On mande de Naples , qu'on y a tenu depuis
peu un Conseil Collateral pour dresser un Mé
moire au sujet des procedures faites par le Non
ce du Pape contre le Cardinal Coscia , et l'on fit
partir le même jour un Courrier pour porter ce
Memoire à Vienne, Ce Cardinal est présente
1. Vol ment
JUI N. 1731 1375
par
ment logé chez le Duc de Monte- Calvo Pigna
telli : il a reçu un ordre décerné la Congre
gation de Non Nullis , et approuvé par le Pape ,
qui lui deffend d'entrer dans aucune Eglise.
On écrit de Génes , que le Patron d'une Bar
que qui y est arrivée de Naples , a rapporté que
le Cardinal Coscia étoit parti Incognito pour
Manfredonia , d'où il devoit passer par Mera
Venise, pour se rendre ensuite à Vienne , et y sol
Ficiter la protection de l'Empereur.
La Princesse Altiery que le Pape avoit nom
mée pour aller à Parme assister aux Couches de
la Duchesse Douairiere de Parme , ayant prié
S. S. de l'en dispenser , le Pape a nommé en sa
place la Comtesse Caprara.
La Congrégation du Bon Gouvernement est
occupée à examiner un Projet qui a été presenté
au Pape par le Cardinal Lambertini,pour rendre
franc le Port d'Ancone ; mais la Republique de
Venise et celle de Génes ont chargé leurs Minis
tres de faire tous leurs efforts pour empêcher que
ce Projet ne soit approuvé.
Le 12. May , le Pape nomma à l'archevêché
de Benevent M. Doria , dont la place de Maître
de Chambre du Pape a été donnée à M. Pallavi
cini , Nonce à Florence.
d'aller
Les Religieuses du Monastere de S. Ambroise
ont enfin obtenu,aprés beaucoup de sollicitations,
la confirmation du Bref du feu Pape , qui leur
fois l'année visiter les qua
permet quatre
tre principales Eglises de Rome.
L'Abbé Guella , qui , quoyque Piémontois ,
a écrit en faveur du S. Siege contre son Souve
rain , a obtenu de S. S. une Pension de 20 Ecus
par mois , assignés sur les revenus propres à la
Maison Corsini.
I Is Vol.
Les
H iij
1376 MERCURE DE FRANCE
Les Lettres de Turin portent que le Roy de
Sardaigne avoit fait sequestrer les revenus des:
Benefices situés dans ses Etats , dont est revêtu
Je Neveu du Cardinal Imperiali : parceque ce
Cardinal a paru se conduire avec trop de partia
lité contre ce Prince. Day
On mande aussi de Turin que le Roy Victor
'Amedée étoit parfaitement rétabli de sa derniere
'maladie , qu'il étoit dans le dessein d'aller faire
sa résidence à Rivoli , parceque l'Air de Cham
bery est contraire à sa Santé .
Les mêmes Lettres portent qu'on avoit arrê
té depuis peu cinq Personnes de consideration
par rapport aux differends du Roi de Sardaigne
avec le S. Siege.
Les Lettres de Génes portent , que la Répu
blique avoit obtenu de l'Empereur, un secours.
de Troupes , pour réduire les Rebelles de l'Isle
de Corse , où il y étoit arrivé depuis peu une
Tartane inconnue , qui y avoit débarqué 56.
quintaux de Poudre et 3000. Fusils . Ces Lettres,
ajoutent , que depuis la Prise de la Tour de Saint
Florent , les Rebelles avoient formé le Blocus de
la Ville de Culvi. I >
On écrit de Naples, que le 5. May , le Clergé
Séculier et Régulier de cette Ville , assista l'après
midi à la Procession Solemnelle qu'on fait
tous les ans à pareil jour , à l'occasion de la Fête
de la Translation de Saint Janvier , principal
Patron de cette Ville , dont le Sang fut posé sur
un Autel magnifique qu'on avoit élevé sous un
Dais , dans le Quartier de Capouë. Le Viceroy
la Comtesse d'Arrach son Epouse , et la princi
pale Noblesse y assisterent pour voir la liquefac
tion du Sang de ce Saint , lorsqu'on l'approche.
de son chef ; mais ce Miracle n'arriva pas non .
2
plus
JUIN. 1731 . 251377
plus que le lendemain. Le 7. il se fit à l'ordinaire
dans la Chapelle du Trésor , où l'Ambassadeur
de la République de Venise se rendit avec un
grand nombre d'Etrangers.
}
La Ville de Foggia , située dans la Capita
Aate , Province de la Pouille ; au Royaume de
Naples , est une des plus considerables de cette
Contrée. Elle a essuye dans les Siécles passez di
vers malheurs : elle a été sujette aux invasions
des Barbares , prise par les Sarrazins , saccagée
par les Soldats de Manfrede , brûlée et démante
lée par ce Roy : Elle a souffert à diverses reprises,
la Famine et la Peste : Elle a été déchirée par des
divisions intestines ; mais tous ces malheurs ne
sçauroient être mis en parallele avec celui dont
elle vient d'être accablée par un Tremblement de
Terre , qui est arrivé le 20. Mars dernier ,
dont nous avons déja parlé assez au long , qui
en a renversé ou ébranlé tous les Edifices , fait
perir sous les ruines un grand nombre de Per
sonnes , et réduit le reste des Habitans à une ex
trême misere.
et
La premiere secousse se fit sentir vers les qua
tres heures du matin ; elle fut si violente et si
promte , que la plupart des Edifices furent ren
-versez , et plusieurs personnes ensévelies sous les
ruines , avant que les Habitans se fussent presque
apperçus qu'il y eût un Tremblement de Terre.
Cette premiere secousse dura cinq minutes : une
Minute après , on en sentit une seconde aussi vio
lente ; l'eau des puits , quoique profonds de 30
à 40 pieds , sortit par le haut , et inonda les en
virons.
On ne sçauroit exprimer l'épouvante dont les
Habitans furent saisis pendant ces deux secous
ses ; ceux qui eurent le bonheur de n'être pas
1. Vol.
H in écra -
1378 MERCURE DE FRANCE
f
écrasés sous les chutes des Maisons , se sauverent
précipitemment , sans pouvoir rien emporter . Les
nuages épais causés par la poussiere , ` la confu
sion de la nuit , l'embarras des décombres , les
cris et les gémissemens de ceux qui à demi ense
velis demandoient du secours,augmentoient l'hor
reur dont ils étoient saisis . A la pointe du jour
ils se virent dans la Plaine , hommes , femmes
et enfans , tous presque nuds la clarté du So
leil éclaira leur misere , & la fit sentir plus vive
ment . Peu de tems après , une trosiéme secousse,
aussi violente que les deux premieres acheva de
renverser cette malheureuse Ville.A mesure que le
jour augmentoit , les cris et les gémissemens des
Habitans redoubloient ; ce qui rendoit leur mi
sere encore plus sensible , fut un froid.
perçants,
dont ils étoient transis , n'ayant aucun vêtement
pour se couvrir.
"
On ne sçauroit donner un détail des Maisons
renversées ; il suffira de dire que le Convent des
Capucins , celui du Conservatoire des Repenties ,
et le Palais de l'Evêque ,avec quelque peu de Mai
sons sur la Place Majeure ,sont les seuls Edificesqui
soient restés sur pied ; tous les autres ayant été
renversez , ou tellement ruinez, qu'ils sont inhabi
tables. On fait monter à près de 2000. le nom
bre des personnes ensevelis sous les ruines ;
et on compte qu'il y a cû ce jour - là et les jours
suivans , cinquante secousses de Tremblement.
de Terre.
GRANDE - BRETAGNE.
Ur la fin du mois dernier , le Capitaine Bul
fing Facteur la -
•
gnie Royale d'Afrique à Jacquim , sur la Côte
1. Val, de
JUIN. 1731. 1:73
t
•
>
de Guinée , alla à Richmond avec un Prince
Affricain envoyé à Londres par le Roy de
Pawpaw. Il remit à S. M. une Lettre de ce
Roy , et le complimenta de sa parte Le Capitaine
Lambe avoit été fait Esclave àla Conquête d'Ar
dah , et envoyé à plus de cent milles , dans l'in
terieur du País , où ce Roi Negre qui n'avoit ja
mais vû de Blancs , le traita avec beaucoup de
douceur , et il l'a tellement affectionné depuis ,
qu'il ne lui a permis de retourner dans son Pais ,
que sur la parole que ce Capitaine lui a donnée
de venir le retrouver. E
Les Lettres d'Antigoa du 28. Avril dernier ,
portent que cette Iſle étoit dans un fort triste état
faute de pluye ; qu'il y avoit très - peu de sucre ""
quoique plusieurs Vaisseaux y fussent arrivés
pour en charger ; que si la secheresse conti
nuoit , il n'y auroit point de Récolte l'Année
prochaine , à cause que les nouvelles Cannes.
étoient déja beaucoup brûlées ; que les Etangs
étoient presque secs , et l'eau si rare qu'un seau
de celle de citerne se vendoit trois Chelins, On
ajoûte que les Cannes de Sucre à Nevis & à Mont
ferrat étoient aussi en fort mauvais état .
La Riviere de la Tamise est plus basse qu'elle
n'ait été de mémoire d'homme , ensorte qu'un
grand nombre de Bâtimens ne peuvent aller jus
qu'à Londres faute d'eau.
M. Thomas Robinson , Résident du Roi à la
Cour de l'Empereur , qui a négocié le dernier
Traité conclu à Vienne , a été nommé Envoyé
Extraordinaire et Plénipotentiaire dans la même
Cour ; et il vient d'être nommé par S. M. Cheva
lier Baronet de la Grande - Bretagne.
Le 18. May , après midi , le Roi s'étant rendu
à la Chambre des Pairs , avec les ceremonies ac
I. Vol, Hy coûtu
1380 MERCURE DE FRANCE
coutumées , et y ayant mandé les Communes ,
S. M. parla ainsi :
C'est avec ungrand plaisir que je me trouve
en état , à la clôture de cette séance du Parle
ment , de vous informer que les esperances que
j'avois conçues, et que je vous avois données ,
de voir bien-tôt une heureuse fin des troubles
et desordres qu'on avoit appréhendez depuis si
long tems , sont à present remplies et effectuées
par le Traité signé à Vienne.
Un Projet d'accommodement entre l'Empe
reur et les Puissances Maritimes , pour termi
ner les differends qui subsistoient ayant étéfor
mé , le Traité en a été conclu et signé par moi
et par S. M. Imp. et ce même Traité est presen
tement sous la consideration des Etats Gene
raux, la forme de leur Gouvernement n'admet
tant pas un concert préalable dans une Négo
ciation de cette nature : or , ce Traité regar
dant principalement l'execution du Traité de
Serville , il a été pareillement communiqué aux.
Cours de France et d'Espagne , comme Par
ties du Traité de Seville ; et je viens de re
cevoir avis que les Ratifications entre moi etɛ
Empereur , sont échangées.
16
Les conditions et les engagemens dans les
quels je suis entré à cette occasion , sont con
formes à l'interêt necessaire que cette Nation
doit toûjours avoir pour maintenir la sûretéet
la conservation de la Balance du pouvoir en
Europe ; et comme l'état incertain et violent des
affaires auquel l'Europe étoit réduite , cesse à
-present , et les malheurt d'une guerre im
mediate et generale , qu'on commençoit à jurer.
inévitable , ne sont plus à craindre , cet heu
reux changement duëment ménagé , avec un
A. Kola
·
que
jusse
wp
1
I
JUIN. 1737. 1387
juste égardpour nos précedentes Alliances , que
Je conserverai soigneusement , nous donne liew
d'esperer de voir la tranquillité publique réta¬
blie , &c.
J'espere qu'à votre retour dans les Provinces ,
vous trouverez que tous les efforts pour susciter
par des clameurs injustes et de fausses représen
tations un esprit de mécontentement parmi
mon Peuple, auront été vains et inéficaces . Tou
tes les insinuations malicieuses , au préjudice
de mes mesures s'évanouiront , sans doute
quand il paroîtra que mon premier et principal
soin a toujours été pour l'interêt et l'honneur
de ce Royaume que ce soit donc l'objet de vos
efforts , d'éloigner toutes jalousies et appréhen
sions mal fondées , afin que la satisfaction de
la Nation puisse être aussi generale que mon
desir pour son bonheur est sincere ; que tout
mon Peuple, que tout Ordre de personnes , jouis
sent tranquillement et sans être envils , des
Droits , Privileges et Concessions ausquels
ils ont droit de prétendre par la loi . Qu'au
cune innovation ne trouble quelque partie
de mes Sujets dans la possession de leurs lé→
gitimes propriétez ; que tous ceux qui sont zelez
pour le soutien de ma Personne et de mon Gou
vernement participent aux avantages du pre
sent heureux établissement ; enfin , que votre
affection soit mutuelle entre vous et aussi éren
due que ma protection , à laquelle tous més bons
et fideles Sujets ont un droit égal , et sur laquel
le ils peuvent se reposer également.
,
* Le 9. Juin , on celebra à Londres , avec les
Ceremonies accoutumées , l'Anniversaire du
rétablissement du Roy Charles II. sur le Trône
1. Vol
Hvj de
1382 MERCURE DE FRANCE
de la Grande Bretagne , et le Docteur Hawkins
prêcha à cette occasion dans l'Eglise , de S. Paul
devant le Lord Maire et les Aldermans.
Le Roy a donné mille Guinées à M. Robinson
son Ministre Plenipotentiaire à la Cour de l'Em
pereur , pour le récompenser d'avoir negocié c
Conclu le dernier Traité de Vienne.
HOLLANDE ET PAYS- BAS.
O
N mande de la Haye que l'Assemblée des
Etats Generaux avoit nommé le Baron de
Torck et deux autres Députés pour conferer avec
les Ministres de l'Empereur et du Roy d'Angle
terre au sujet des difficultés qui retardent l'ac
cession de L H. P. au Traité de Vienne.
MORTS ET MARIAGES.
des Pays Etrangers.
V
Iolente- Beatrix de Baviere , Veuve de Fer
dinand de Medicis , Prince hereditaire de
Toscane , mourut à Florence le 30. de May ,
âgée de 58. ans , quatre mois et sept jours ;
étant née le 23. Janvier 1673. Cette Princesse
qui étoit fille de Ferdinand Marie , Electeur de
Baviere , mort le 16. May. 1679. et d'Adelaïde
Henriette de Savoye , morte le 18. Mars 1678..
étoit soeur de feuë Madame la Dauphine , ayeu
le du Roy Tr. Chr. et du feu Electeur de Bavie
re Maximilien Marie Emanuel.
La Duchesse de la Ferie , Mere du Duc de la
Ferie , Pair de France , mourut à Londres le 5 .
Juin dans un âge fort avancé.
Don Alphonse Escobar , Lieutenant Géneral
J. Vali
des.
JUIN
7383 1731
des Armées du Roy d'Espagne , est mort depuis
peu à Badajoz , âgé de 96. ans , dont il en avoit
servi 76. dans les Troupes.
Le 3 Juin , le Prince François Hugues de
Nassau Siegen, de la Branche Catholique, épousa:
à Barteinstein , le Comtesse Leopoldine Hohen
hoe Barteinstein , fille du Comte de ce nom , qui
a été cy-devant Juge de la Chambre Imperiale
deWetzlar.
JJJJJJ
DABB teses des of の
JJJJ
အ က Badas
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris. &c.
LE
E 20. May , le Marquis de Nesle 2+
Chevalier des Ordres du Roy , pré
senta à S. M. une Requête imprimée ,
pour demander des Juges au sujet de ses
prétentions sur la Principauté d'Orange ,
contre le Prince de Conti , en s'oppo
sant à l'Arrêt du Conseil qui en a fait
PEchange avec le Roy au nom de ce.
Prince .
Le 26. May , le Comte Maffei , Am
bassadeur Extraordinaire du Roy de
Sardaigne , eût une Audiance particulie
re du Roy , dans laquelle il présenta à
S. M. une Lettre du Roy son Maître sur
I.Val. la
1384 MERCURE DE FRANCE
la naissance du Duc d'Aoste. Il fut con
duit à cette Audience par M. Hebert ,
Introducteur des Ambassadeurs , qui le
conduisit ensuite à celle de la Reine.
Le 30. aprés midy , le Roy fit au
Champ de Mars , prés du Château de
Marly , la Revue des Gens-d'Armes
Chevaux-Legers et Mousquetaires de la
garde de S. M. le Roy passa dans les
Rangs et les vit défiler. Ils vinrent en
suite passer dans la Cour du Château de
Versailles , où ils défilerent devant la
Reine qui étoit sur le Balcon de l'Appar
tement des Princesses d'Orleans , avec
Monseigneur le Dauphin et Mesdames
de France..
M. Parquet , Grand - Vicaire de l'Ar
chevêque de Paris , a été nommé à la
Cure de S. Nicolas des Champs , par
l'Archevêque de Cambray, commePrieur
de S. Martin .
Le 28. May , le Duc d'Aiguillon prê
ta Serment et prit séance au Parlement
en qualité de Pair de France.
Le 4. Juin , le Roy parrit de Versailles
vers les cinq heures du matin pour aller
au Chateau de Fontainebleau , où S. M.
se rendit le même jour aprés avoir dîné
à Petit -Bourg.
I. Vol.
Le
JUIN. 1731. 1385
Le Roy a donné le Gouvernement de
Bethune au Comte de Rottembourg ,
Chevalier de ses Ordres et Ambassadeur
Extraordinaire de S. M. auprés du Roy
d'Espagne.
M. Gaudin Trésorier géneral de la
Marine , a achepté , avec Fagrément du
Roy , la Charge de Garde du Trésor
Royal , vacante par la démission de M..
de Montigny.
M. l'Abbé Allary , de l'Académie
Françoise , a été nommé Instituteur des
Enfans de France.
La Reine partit de Versailles le 16. de
ce mois , et arriva à Fontainebleau le mê
mejour , après avoir soupé au Château de
Petit-Bourg.
Le Procès du Comte Barberin , de l'Il
lustre Maison des Barberins d'Italie , con
tre le Sieur Milieu , fut jugé samedi 2
Juin au Parlement , les Chambres assem
blées , ledit sieur Comte a été renvoyé de
l'accusation de faux principal , les Billets,
ont été déclarés bons , et le sieur Milieu
condamné en tous les dépens dommages
et interests , et que les termes injurieux
qu'il a employés dans ses écrits , seroient
rayés et bâtonnés.
1. Vol La
1386 MERCURE DE FRANCE
Le Dimanche de la Trinité 20. May
le Curé de Soissi sous Etiole , faisant ses
fonctions Curiales , dans son Eglise ,
revêtu de ses Habits Sacerdotaux , Claude
Aubert , Garçon Jardinier , lui tira un
coup de Fusil dont il fut blessé à l'épaule ..
L'Assassin fut arrêté sur le champ et con
duit en Prison. Il a été jugé par Sentence
du Lieutenant Criminel , confirmée par
Arrêt du Parlement , et condamné à faire
Amande honorable dévant la principale
Porte de l'Eglise de Paris , et y avoir le
Point coupé, ayant Ecriteau devant et der
riere , portant ces mots : Assassin de dessein
prémedité dans l'Eglise de Soissi sur Seine
en la Personne de son Curé. Et ensuite brulé
vif en Place de Gréve ; ce qui a été exe
cuté le 7. de ce mois .
>
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Beaune en Bourgogne , du 4. Juin 1731 .
Ds.
Ans le dernier jour de l'Octave du
Sacrement , il y eut dans cette
Ville un grand orage et un Tonnerre éf
froyable. Il tomba dans l'Eglise des Peres
de l'Oratoire , remplie de Monde, à l'heure
du Salut. Le Tonnerre entra dans l'Eglise
par la Porte , comme un Tourbillon de
feu , environna les têtes de plusieurs per
4
La.Vol.
sonnes
JUIN. 1731. 1387
sonnes sans leur faire aucun mal , brisa
le pied d'un Crucifix et mit en pieces
deux bordures de Tableaux , tout le Peu
ple prosterné cria misericorde , et l'on a
reconnu une protection visible de Dieu
en cet évenement ; le lendemain dans.
la même Eglise l'on y chanta une Messe
du S. Esprit et un Te Deum en action de
graces.
On a pris la semaine passé un Fameux
Voleur nommé Belhomme qui a fait au
tant de bruit dans tout le Pays , qu'autre
fois Cartouche dans Paris. Ce Volcur ,
Charbonnier de son métier , aprés avoir
tué et assassiné plusieurs Hommes , les
brûloit dans des Fourneaux . Le dernier
Assassinat qu'il a fait est d'un Trésorier
Etranger dont on ne sçait pas encore le
nom , aprés l'avoir presque tué , il le brû
la dans un Fourneau. La capture de ce
Chef des Voleurs est de consequence :
nos Magistrats avoient promis une som
meconsiderable à qui le pourroit arrêter.
Ce miserable rit , chante et se réjoüit..
Il-sera jugé et exécuté cette semaine.
€ 8
I Vol. REFLEXIONS
1388 MERCURE DE FRANCE
REFLEXIONS SUR PARIS.
A M. LE CHEVALIER C...
PAris n'est pas ce que l'on pense ,
C'est ici comme là ; s'il differe d'ailleurs ,
C'est que l'Esprit , l'Honneur , la Vertu , la
Science ,
N'y trouvent plus de Protecteurs.
One erreur trop certaine , et pourtant si com
mune >
Fait qu'un nombre prodigieux ,
Dans l'espoir séduisant d'y faire sa Fortune
Quitte son Foyer et ses Dieux.
De cent à peine un seul prospere.
A faire un bien gratis les Hommes sont si lents ,
Que mille gens dans la misere
Languissent à Paris avec de beaux talents.
On se fait maintenant aux yeux du miserable ,
De même que la Pierre avec le temps durcit.
Le coeur n'est plus touché du plus affreux recit ,.
On en voit trop pour en être capable.
"' Ce Pays , il est vrai , séjour de la grandeur
De tous maux , de tous biens , est le centre et la
source >
Avec quelque merite , et beaucoup de bonheur ,
I.. Vol. Il
JUIN. 1731. 1389
Il est avec le tems un Pays de ressource.
Victime à moi de mon bisarre
quant
sort 2
Dont le charme imposteur m'a seduit et me joue,
Je veux l'y surmonter , mais vainement j'échoue ,
Où d'autres à mes yeux parviennent sans effort.
Qu'on ne me dise plus qu'une extréme disgrace
Fait rentrer l'homme dans son Coeur.
Il attend , il attend , mais enfin il se lasse
De la constance du malheur.
Some
tutuba botatetette
MORTS , NAISSANCES,
et Mariages..
Rere Alexis Dalogny de la Groys ,
Chevalier Profez de l'Ordre de Saint
Jean de Jerusalem , Commandeur de la
Commanderie d'Ozon , dans le Prieuré
d'Aquitaine , et de celle de S. Etienne de
Benneville, dans le Prieuré de France ,
mourut en Perigord le 13. May , agé de
55. Ans.
2
Louis Armand Baudon , Chevalier
Seigneur de Neufville Ferier , Conseil
ler au Parlement , mourut le 23 May ,
agé de 36. ans.
Le 23. May , Philippe Michel Bon
met , Prêtre Docteur en Theologie , de la
·
1. Fol.
Maison
1390 MERCURE DE FRANCE
=
Maison et Societé de Sorbonne , Curé de
S. Nicolas des Champs mourut dans la
8. année de son âge .
N. le Camus Destouches , Chevalier ,
Brigadier des Armées de Sa Majesté, Che
valier del'OrdreMilitaire de S.Louis , Con
seiller du Roi en ses Conseils, Controleur
General de l'Artillerie de France , mourut
le 25. May , agé de 60 ans.
M. François Alexis Joubert de la Bas
tide de Château- Morant , Abbé Com
mandataire des Abbayes de S. Friol en
Champagne , et de pôtre Dame de Cor
neuil en Normandie , Diocèse de Rouen,
décedé le 25. May âgé de 62. ans .
Thibaut Etienne de la Brousse ,Marquis
d'Atis , premier Cornette des Chevaux
Legers Dauphins , et Mestre de Camp de
Cavalerie , mourut à Cambray le 25. dans
la 37. année de son age.
M. André de Harouys , Chevalier ,
Seigneur de la Seilleraye , Maître des
Requêtes honoraire , décedé le 27. May,
âgé de 70. ans.
M. Louis- Guillaume de Chavaudou
Prêtre , Docteur en Theologie de la Mai
son et Societé de Sorbonne,ancien Aumô
nier de la feue Reine , Abbé de Mores ,
Diocèse de Langres , Conseiller du Roy en
sa Cour de Parlement et de Grande Cham
I. Vol.
bre
JUIN. 1731 . 1394
bre
ans.
décedé le 27. May , âgé de 77
L'Abbé de Berwick , fils du Maréchal
Duc de Berwik , mourut à Paris le 3 .
de ce mois dans la 19. année de son âge.
Le 5. Juin , mourut d'Apoplexie , au
Palaisdu Luxembourg D. Marie Char
lotte de Gouffier , veuve de Louis de
Gouffier Marquis de Bonnivet , agée de
73. ans . Elle n'a laissé qu'un fils ; Louis
de Gouffier , Marquis de Bonnivet , Mes
tre de Camp de Dragons , à la suite du
Regiment du Colonel General , cy-de
vant Maître de la Garderobe de Madame,
Duchesse de Berry et premier Cornette
de la seconde Compagnie des Mousque
taires de la Garde du Roy.
Demoiselle Elisabeth - Geneviève de
Braque , fille de Paul - Benoît , Comte de
Braque , Chevalier , Seigneur de Boisre
naud , & c. et de Dame Elisabeth - Fran
çoise de l'Huillier , decedée le 5. Juin
âgée de 34 ans et 4. mois .
Charles le Tonnelier Breteiiil , Baron
de Preuilly , premier Baron de Touraine ,
Seigneur d'Azay - le Feron , Fonbaudry ,
Tournon. & c. mourut en sa Terre de
Preüilly le 6. de ce mois , agé de 28. à 29 .
ans , laissant un fils d'un an et une fille
de trois semaines , de Marie- Anne - Fran
>
I. Vol.
çoise
392 MERCURE DE FRANCE
çoise de Gasville , fille de Jean Prosper
Goujon , Chevalier Seigneur de Gasville
Conseiller du Roy en ses Conseils , Maî
tre des Requêtes ordinaire de son Hôtel ,
et Intendant de la Generalité de Roüen ;
et de Dame Anne Defaucon de Ris .
Il étoit fils de Louis Nicolas , Baron
de Breteuil , et de Preülly &c. Introduc
teur des Ambassadeurs et Princes Etran
gers prés de Sa Majesté , et de Gabrielle
Anne de Froullay-Tessé , fille de Philip
pes -Charles Comte de Froullay - Tessé ,
Grand-Marêchal des Logis de la Maison
du Roy et Commandeur de ses Ordres :
et Niéce du Marêchal de ce nom. Il
étoit aussi Cousin Germain de François
Victor de Breteuil , Marquis de Fontenay
Trésigny , Sire de Villebert &c. Com
mandeur des Ordres du Roy , Chance
lier de la Reine , et cy-devant Secretaire
d'Etat ; et de Charles-Claude de Breteüil
de Chanteclerc , Comte de Bevilliers , et
de Vaux , Mestre de Camp de Cavalerie ,
et Capitaine-Lieutenant de la Compagnie
d'Ordonnance des Chevaux - Legers de
Bretagne.
Le nom de Le Tonnellier Breteüil , est
si connu , et il en a été question en tant
d'occasion , qu'il est inutile d'en rappor
ter icy la Genealogie ; si le Lecteur en
1. Vola est
JUIN. 1731. 1393
est curieux , il la trouvera dans le Nobi
liaire de Picardie , et dans le Moreri.
Dame Jeanne- Françoise de Bourgogne ,
épouse de M. Moreau de Mautour , est
décedée le 6. Juin , agée de 77. -ans. Elle
étoit fille de François de Bourgogne ,
Seigneur de Mautour en Brie , Capitaine ,
du Regiment de la Reine-Mere Anne
d'Autriche en 1644. Frere ainé de Loüis
de Bourgogne qui fut Capitaine d'une
Compagnie de Chevaux - Legers sous les
Ordres du Duc d'Angoulesme , Colonel
Géneral , Sergent de Bataille dans les
Armées du Roy , depuis Marêchal de
Camp en 1651. et ensuite Mestre de
Camp , Lieutenant du Regiment d'Infan
terie d'Armand de Bourbon , Prince de
Conty en 1654. et est décedé en 1656. à
l'age de 36. ans. Ils étoient fils de Dieu
donné de Bourgogne , Seigneur de Mau
tour,Exempt desGardes du Corps de Louis
XIII. en 1616. et de Damoiselle Marie
de Bierne. Il étoit originaire de Lorraine,
issu de Jean de Bourgogne , Seigneur de
Saint Owain qui fut annobli , lui et sa
Posterité , pour récompense de ses Ser
vices Militaires en 1464. par René d'An
jou , Roy de Jerusalem et de Sicile ,
Duc de Lorraine et de Bar. Dame Fran
çoise de Villers, Mere de la Deffunte, étoit
>
I. Vol. fille
394 MERCURE DE FRANCE
\
fiile de Gabriël de Villers , Seigneur de
Louan et Housson en Berry , Capitaine
dans le Regiment de Rambures , Com
mandant des Villes et Château de Meun
sur-Yeurre , et de Damoiselle Edmée le
Roy. Il étoit originaire de Flandres , issu
des Anciens Seigneurs du Château de
Villers , dont la Génealogie est imprimée
dans l'Histoire du Gastinois . Il reste du
Mariage desdits Sieur et Dame Moreau.
de Mautour , Philibert François , Prieur
Commandataire de Marbos et de Mon
tiers-en l'Isle , et Charles , Chevalier de
S. Lazare , Capitaine d'Infanterie au Re
giment de Toulouze , auparavant Page
de M. le Comte de Toulouze. Ils ont eu
pour aîné Jean -Baptiste Louis de Mau
tour, Commissaire ordinaire de l'Artille
rie de France , mort à Strasbourg en 17,06 .
à l'age de 24. ans, de sa blessure reçuë au
Siege de Haguenau en Alsace.
François Guyot de Chenisot , Ecuyer ;
Seigneur de Villers , la Haye , Courton ,
&c. Conseiller , Secretaire du Roy , Re
ceveur General des Finances , de la Géne
ralité de Rouen , et Secretaire du Conseil ,
mourut le 11. Juin , âgé d'environ 58. ans .
François Charles , Marquis de Menou ,
Brigadier des Armées du Roy , ci devant
Capitaine-Lieutenant de la Compagnic
•
1
a
4
匪
I. Vol.
des
JUIN. 1731 . 1395
des Chevaux- Legers d'Anjou , mourut le
3. de ce mois dans son Château de Pru
nay en Beauce , âgé de 61. ans.
Antoine-Nicolas Nicolaï de Goussain
ville , Conseiller au Parlement , mourut
à Auteuil le 15. de ce mois , dans la 39.
année de son âge . Au mois d'Avril 1717.
le Roi lui avoit accordé la Charge de.
Premier President de la Chambre des
Comtes , en survivance de M. Nicolaï ,
son pere ; il fut reçû le 12. du mois de
May suivant, et il étoit le huitiéme de son
nom qui avoit été pourvû de cette Charge.
Dame Marie- Elisabet Guigou , veuve de
M. Jacques du Metz , Brigadier des Ar
mées du Roi , déceda à Crône , le 15.
Juin , âgée de 38. ans 6 mois
"
M.Jean Martial de Raucen , Ecuyer ,Sei
gneur de Crône , Noisy - sur - Seine , & c.
mourut en son Château de Crône , le
17. Juin . âgé de 86. ans environ .
-Le Marquis de S. Chamans , Maréchal
des Camps et Armées du Roi , et Lieute
nant des Gardes du Corps , mourut à Pa
ris le 18. âgé d'environ 66. ans.
Le 5. Juin , D. Marie Barthelemy
Thoynard, Epouse de M.Michel Philippes
l'Evêque , Conseiller au Parlement , ac
Coucha d'un fils qui fût baptisé le len-.
I, Vol.
I. demain ,
1396 MERCURE DE FRANCE
demain , et nommé Philippes Barthele
my , par M. Pierre Philippes L'Evêque ,
Chevalier Seigneur de Gravelles , Maî
tre des Comptes , Ayeul paternel , et D.
Marie de S. Pierre , Epouse de M. Barthe
lemy Thoynard , Ecuyer , Seigneur de
Sandré , Ligny , Montsuzain , &c . Baron
du Vouldy et de Monçay,Ayeul maternel.
Le Marquis de S. Chamans épousa le
II. Avril Mlle . de Malezieu . La Cere
monie s'est faite à Chatenay par M.
l'Evêque de Lavaur , Oncle de la D¹е
et S. A.S. Me , la Duchesse Du Maine leur
a fait l'honneur d'y assister .
M. de S. Chamans est d'une des plus
anciennes Noblesses du Royaume ; il est
Capitaine de Dragons , et a eu l'honneur
d'être élû Page du Roy. La Dlle. est fille
de M. de Malezieu , Brigadier des Armées .
du Roy, et LieutenantGeneral de l'Artille
rie . Son nom est aussi connu par la dis
tinction qu'il s'est acquise dans le Servi
ce , que par l'attachement qu'il a voüé
à S. A. S. M le Duc Du Maine , qui l'a
toujours honoré d'une protection et
d'une confiance particuliere : on sçair
que ce Prince se connoit en vray merite.
:
Le 27. du mois dernier , le Roy signe
L, Vol la
JUIN. 1731. 1397
le Contrat de Mariage d'Yves Marie de
Boulogne , de Lens , de Licques &c.
Comte de Rupelmonde , avec N………….
de Grammont , fille du Comte de Gram
mont , Brigadier des Armées du Roy
Gouverneur de Ham , Chevalier des
Ordres de Sa Majesté.
>
Voici la Généalogie de la Maison du
Comte de Rupelmonde.
Ligne directe de la Maison de Boulogne ,
de Lens , de Licques , de Recourt ;
et de Rupelmonde.
Eustache , Comte de Boulogne , en 1040 .
avoit épousé Mahand de Brabant , et
eurent :
Eustache Cuens de Boulogne , surnom
mé Auguienen , en 1076. il épousa rde
d' Ardenne , fille de Godefroy le Bon , Duc
de Bouillon et de Lorraine. Godefroy de
Bouillon , Baudouin , Roi de Jerusalem ,
et Eustache III . Comte de Boulogne ,
sont issus de ce Mariage .
Eustache , Comte de Boulogne , épousa
Marie , fille de Maleone , Roi d'Ecosse ,
dont est issu ,
· Eustache de Boulogne , qui fut tué de
vant Rama , en 1107. deux de ses freres y
perdirent la vie. Ce dernier avoit épousé
1. Vol I ij
Gabine
398 MERCURE DE FRANCE
Gabine , fille de Jacques de Bodebacque ,
Seigneur de Wauvin ; ils eurent :
Godefroy de Boulogne , qui n'avoit que
trois ans lorsqu'Eustache son pere fut tué,
Eustache , son ayeul , l'envoya à la Cour
de Baudouin , son grand oncle , Roi de
Jerusalem . Après avoir servi dans ses Ar
mées , il commanda sa Gendarmerie ; il
défit les Sarrasins en plusieurs rencontres ;
enfin il fut fait prisonnier ; on le condui
sit à Antioche , où il demeura en capti
vité. Nogora , fille du Roi d'Antioche ,
touchée du mérite et du malheur de Go
defroy , embrassa sa Religion , se fit Chré
tienne et l'épousa. Dans le tems qu'ils se
sauvoient ensemble , ils furent atteints
par ceux qui avoient ordre de les pour
suivre. Godefroy fut tué en combattant ,
et Nogora fut ramenée chez le Roi son
pere , où elle accoucha d'un fils qui fur
nommé :
Noradin de Boulogne. Il passoit pour un
des plus braves Chevaliers de son tems , et
pour ennemi déclaré des Chrétiens . Phi
lippe d'Alsace , Comte de Flandres , le re
tira d'entre les mains des Chrétiens , qui
l'avoient fait prisonnier , et l'emmena en
Flandres , où il le remit entre les mains de
ses parens et amis. Deux ans après No
radin se convertit. Il fut baptisé à Bruges
I. Vol. dans
JUIN. 1731 1399
dans l'Eglise de S. Donat , et fut nommé
Eustache , ainsi que son ayeul. On lui
donna la Chastellenie de Lens, en Artois ,
avec heredité. Enfin il retint les Armes
qu'il avoit avant sa prison ; il portoit
Ecartelé d'or et de sable. Il épousa Marie
de fausse , dont il eut :
Jean de Boulogne , Chastelain hereditaire
de Lens , qui eut de Marie d'Enghien
sa femme ;
Baudouin de Boulogne , Chastelain he
reditaire de Lens , qui épousa Sara de
Mello , et en eut :
Jean de Boulogne , Chastelain heredi
taire de Lens .
Le Pere Simplicien , dans l'Histoire des
Grands - Officiers de la Couronne , dont
le septième volume doit paroître incessa
ment , prétend que Jean de Boulogne ,
second du nom , n'étoit point de la Mai
son de Boulogne , mais de celle de Re
court , et avoit épousé Yde , Chastelaine
de Lens , Dame de Gomblain , fille et he
ritiere du Chastelain hereditaire de la
Ville de Lens en Artois , issus , comme
on vient de le voir , des anciens Comtes
de Boulogne , et que Jean de Recourt a
pris le nom et les Armes de Lens . Recourt
portoit pour Armes bandé de Vair et de
gueulle , qui est de Longueval , au chef
I. Vol. I üj d'or.
1400 MERCURE DE FRANCE
d'or. Cette Maison est surement très-no -❤
ble , très-illustre et très - ancienne.
Malgré l'opinion du Pere Simplicien ,
le Comte de Rupelmonde prétend descen
dre en ligne directe de la Maison de Bou
logne , et que Fean , second du nom ',
étoit fils de Baudouin de Boulogne et de
Sara de Mello , et avoit épousé Isabeau
de Brimeu , dont il eut pour fils :
"
Jean de Boulogne , Chastelain heredi
taire de Lens , Seigneur de Recourt et de
Comblain. Il épousa en premieres nôces
Catherine de Bethune , et en secondes ,
Marie Desnes,Dame du Conroy, dont il eut :
François de Boulogne , Chastelain he
reditaire de Lens , Seigneur de Recourt
et de Comblain , qui épousa Dame Bea
trix de Licques , heritiere de Licques en
Artois , laquelle portoit pour Armes ban
dé d'argent et d'azur à la bordure de
gueulle, qu'ils ont écartelé dans leurs Ar
mes, et dont ils ont encore la Terre ; il eut
pour fils :
Sei
Gerard de Boulogne , Chastelain here
ditaire de Lens , Baron de Licques ,
gneur de Recourt et de Comblain . It
mourut l'an 1375. il avoit épousé en pre
mieres nôces Jeanne de Mailly , dont il eut :
Jean de Boulogne , Chastelain heredi
taire de Lens , Baron de Licques , Sei
I. Vol.
gneur
JUIN. 1 1731. 1401
de Recourt et de Comblain , qui
gneur
épousa Alix de Vermeilles ; il mourut l'an
1390. et fut enterré dans l'Eglise de Com
blain ; il eut pour fils :
Jean de Boulogne , Chastelain heredi
taire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt et de Comblain , tué à
la Bataille d'Azincourt , l'an 1415. sans
posterité. Il avoit une soeur mariée avec
Valeran , Seigneur Desabords , qui mourut
aussi sans enfans , et ses biens revinrent
à son cousin germain ; elle est enterrée à
S. Pierre de Lille .
Du second Mariage de Gerard de Bou
logne avec Jeanne de Vianne , nâquit :
Charles de Boulogne , Chastelain he
reditaire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt et de Comblain . Il fut
fait Amiral de France en 1418. fut fort
estimé du Duc Jean de Bourgogne , qui
l'établit son Lieutenant dans la Ville de
Paris. Il accompagnoit ce Prince quand il
fut tué sur le Pont de Montreau , par Ta
neguy du Chastel , en 1419. il mourut
sans être marié.
•
Fean de Boulogne , Chastelain heredi
taire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt et de Comblain , vi
voit le 17. Juin 1429. et conjointement
avec Marguerite Dalesnes , sa femme , Da
1. Vol. I iiij
me
1402 MERCURE DE FRANCE
me d'Escoüannes , le 9. Janvier 1435. ils
firent le partage de leurs biens à plusieurs
enfans qu'ils eurent , dont l'aîné fut :
Jean de Boulogne , Chastelain heredi
taire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt et de Comblain , Vi
comte de Beaurains . Il épousa le 27. Août
1453. Jeanne de Stanelle , fille de Jean de
Stauelle, Seigneur Dysenghien , et de Mar
guerite d' Antoing ; il eut pour fils :
Jacques de Boulogne , Chastelain here
ditaire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt et de Comblain. Il fut
Chambellan de l'Empereur Charles V. Il
épousa Jeanne du Fay , fille de Laurent du
Fay Chateaurouge , Seigneur de Hulles
- Maître d'Hôtel du Roi , et de Bonne de
la Vieuville. Il vivoit encore en 1540.
alors âgé de 8. ans . Il eut plusieurs en
fans , dont l'aîné fut :
3.
7
Jacques de Boulogne , Chastelain here
ditaire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt et de Comblain , Con
seiller et Chambellan de l'Empereur Char
les V. Lieutenant General en Flandres
Gouverneur et Capitaine de Landrecy. Il
épousa en premieres nôces le 23. Août
1512. Philippe le Fevre de Hemstéde , fille
deRoland le Fevre , Chevalier, Seigneur de
Tamise de Lieweletde Havoise de Hemside,
C. I. Vol.
I iiij
et
+
JUIN. 1731. 1405
T
·
et en secondes nôces , Isabeau de Fouque
soles , fille de Jacques , Seigneur de Fou
quesoles et d'Andrehem , et d'Isabeau de
Monchy-Senarpont. Il ne vivoit plus l'an
1562. du second lit , il eut ;
Philippe de Boulogne , Chastelain here
ditaire de Lens , Baron de Licques , Sei
gneur de Recourt , successivement Capi
taine d'une Compagnie de Cent Lances
l'an 1568. Gouverneur , Capitaine et Bail
ly des Villes de Tournchem et Dandruick,
et du Pays de Bredenarde , l'an 1573
Gouverneur des Villes et Citadelle de
Cambray et du Cambresis , l'an 1574. Ca
pitaine et Gouverneur d'Harlem , Gou
verneur et Sur- Intendant de la Ville de
Louvain , et Colonel d'un Regiment de
dix Compagnies de Gens de pied Walons,
l'an 1579. Capitaine et Souverain Bailly
du Château de la Motthe aux Bois de
Nieppe , Gruyer et Veneur des Châtelle
nies de Cassel et de la Motte , l'an 1582 .
puis Gouverneur de Lille , de Tournay ,
de Douay et d'Orchie. Il fut commis par
le Roi Catholique le 12. May de l'an
1586. pour régler , avec les Commissai
res du Roi Henry III. tous les differends
qui pouvoient naître sur l'interprétation
et sur l'execution des articles de la Tréve
de Cambray , concluë le 23. Decembre
..
L. Vol. Iv 1585.
1404 MERCURE DE FRANCE
1585. Il mourut à Bruxelles le Vendredi
Saint de l'an 1588. et fut enterré aux
Cordeliers de Tournay ; il avoit été ma
rié , du consentement de l'Empereur et
de son Conseil , avec Jeanne de Witthem,
fille de Georges de Witthem , Chevalier ,
Seigneur Dirque , et de Jeanne de Jansse
de Mastain ; il eut plusieurs enfans.
Gabriel de Boulogne , Chastelain here
ditaire de Lens, Baron de Licques de Com
blains et d'Audenthun , Seigneur de Re
court , épousa Helene de Merode , fille de
Jean de Merode , Seigneur de Moriamez,
et de Philippe de Montfort , dont est sorti
la posterité de M. le Marquis de Licques,
rapportée dans l'Histoire des Grands Of
ficiers de la Couronne , qui subsiste en
core .
La Branche de M. de Rupelmonde, vient
de Philippe de Boulogne , Lens , Licques
et Recourt , troisiéme fils de Philippe de
Boulogne , et de Jeanne de Witthem . II
fut Seigneur Daudenthun , et de la Terre
de Wissekerke , laquelle fut érigée en Ba
ronie par Philippes IV. Roi d'Espagne ,
à la charge de la tenir de plein Fief du
Comté de Flandres , en consideration des
services que ses Ancêtres et lui avoient
rendus. Il avoit servi plus de 40. ans ,
tant Capitaine d'Infanterie, que Capitaine
1. Vol.
de
JUIN. 1731. 1495
de Chevaux-Lanciers, Colonel d'Infanterie
Walone, d'une Compagnie de 300.Têtes ;
il étoit Grand - Bailly du Pays d'Waës , et
Commandant les Troupes ; il avoit été
Capitaine des Gardes du Duc de Parme ;
qui commandoit dans les Pays Bas. Il
avoit épousé Marguerite Stéelandt , le 11 .
Juin 1590. fille de Servais de Stéelandt ,
Seigneur de la Terre de Wissekerke , ri
che heritiere ; il eut plusieurs enfans,
Servais de Boulogne , de Lens , de Lic
ques et de Recourt , Seigneur de Beaufort
et Baron de Wissekerke , Capitaine d'une
Compagnie de trois cens Têtes libres pour
le service de S. M. Catholique , Comman
dant des Forts de Calloo , de Burcht et de
Werrebrouck , Grand- Bailly du Pays de
Waes , et Sur- Intendant des Gens de Guer
re dans les Pays et Comtez de Flandres ;
il épousa le 20. Septembre de l'an 16 24 .
Marguerite de Robles , fille de Jean de Ro
bles , Comte d'Hanap , Baron de Billy ,
Gouverneur et Capitaine general des Vil
les , Châtellenie et Châteaux de Lille , de
Douay et d'Orchies ; de son Mariage
nâquit :
-
Philippe de Boulogne , de Lens , Lic
ques et Recourt , Baron de Wissekerke ,
Seigneur de Beaufort , de Bays , Docle , et
d'Audenthun , qui épousa le 5. Juillet
1. Vel. Ivj .. 1655.
1406 MERCURE DE FRANCE
1655. Marguerite de Bäerlandt , riche he
ritiere , fille de Jacques , Seigneur de
Baërlandt , Dondlandt , Dirikland , & c.
Le Roi d'Espagne Philippe IV. lui vendit
le 9. Avril 1658. la Ville , Château , Ter
re et Seigneurie de Rupelmonde , mouvant
du Comté de Flandres. Il mourut fort
jeune , et laissa pour fils unique :
Philippe de Boulogne , Lens , Licques et
Recourt , Comte de Rupelmonde , Baron
de Wissekerke , Seigneur de Bays , Daudenthun
, de Majourque , de Hongersdycg
de Baerlandt , de Bakendorf, Doud-Landt,
de Diriklandt, de Philiplandt, de Score¸d’V
lack. Il fut marié le 21. Avril 1677. avec
Marie- Anne Eusebe Truchses , née Contes
se de Wollfegg, fille de Maximilien Guillau
me Truchses , Comte de Wolfegg , Gouver
neur d'Amberg en Baviere , et d'Isabelle
Claire de Lignes d' Aremberg et d'Arschot.
Il mourut fort jeune , et de ce Mariage il
eut pour fils unique :
Maximilien- Philippe- Joseph de Boulo◄
gne , de Lens , de Licques , de Recourt
Comte de Rupelmonde , Baron de Wis
sekerke , Seigneur de Bays , Daudenthun ,
de Majourque , de Hongersdicg , de Baër
landt , de Bakendorf , Doudlandt , de
Diriklandt , de Philipplande , de Score et
d'Ulack , Colonel d'un Regiment de
I
I. Vol.
Trou *
JU.IN. 1731.. 1407
Troupes Walonnes en 1702. et Brigadier
des Armées du Roi d'Espagne l'an 1706.
Il fut émancipé le 26. Juin 1701. et il
épousa le 24. Janvier 1705. Marie Mar
guerite- Elisabeth. d'Alegre , presentement
Dame du Palais de la Reine , et fille d'Y
ves , Marquis d'Alegre , Maréchal de
France , Chevalier des Ordres du Roi , et
de Jeanne- Françoise Garrault de Caminade.
Il fut tué au Siege de Brihuega en Espagne,
ayant été fait Maréchal de Camp quatre
jours avant sa mort , qui arriva le 11.
Decembre 1710. il laissa un fils unique ,
qui donne lieu à cet Article..
Yves- Marie de Boulogne , de Lens , de
Licques , de Recourt , Comte de Rupel
monde , Baron de Wissekerke , Seigneur
de Bays , Daudenthun , de Majourque , de
Hongersdycg , de Baerlandt , de Baken
dorf , Doudlandt , de Dirikland , de Phi
Tipplandt , de Score , d'Ulack et de ta
Creste , Capitaine au Régiment d'Alsace ,
et Colonel à la suite de ce Regiment.
Nous ne donnerons point ici la Généa
logie de la Maison de Grammont , parce
qu'elle est détaillée fort au long dans la
nouvelle Edition de l'Histoire des Grands
Officiers de la Couronne, Tome 4. p . 6.12.
1.Vol. SONNET
1408 MERCURE DE FRANCE
*****
SONNE T.
Onstre toûjours fécond en douces impos
tures , Mon
Implacable ennemi du répos des Humains ,
Dois -je craindre tes traits , ou cherit tes bles
sures ,
Amour, tu tiens la vie et la mort en tes mains
'Agréable vainqueur , doux tyran de mon ame ,
C'est au prix des douleurs que tu vends tes plai→
sirs ;
On a gémi cent fois quand d'une tendre flâme
Ta cruelle bonté contente les desirs.
" Tu joins à tes douceurs une affreuse amertume
Souvent le même feu nous charme et nous con
sume ,
Quand on aime tes coups, il faut les éviter.
Que faire ? engironné de plaisirs er de larmes
Amour , on sent bien mieux la force de tes char→→
mes ,
On voudroit te hair , mais non pas te quitter.
Par René- Vincent Desf ***
"
1
1. Vol
ARREST
J'U IN. 1731. 140
XXX:XXXXXXXX :XX **
ARRESTS , DECLARATIONS ,
ORDONNANCES , &c.
RREST du Qui or .
Adonne que les Proprietaires des Offi
ces qui se prétendent exempts du droit de
marc d'or , rapporteront leurs Titres
pour être examinez par les Sieurs Com
missaires nommez par les Arrêts des 30.
May , et 31. Aoust 1730..Nomme le
Sieur Passelaigue pour Greffier de la Com
mission ; Et subroge le Sieur Pallu , Maî
tre des Requêtes , au Sieur de la Galai
siere l'un desdits Sieurs Commissaires
nommé à l'Intendance de Soissons .
ARREST du même jour , Qui exem
pte des Droits dûs au Roy ou à ses Fer
miers , et des Droits de Péages , les Grains.
qui seront transportez des Provinces du
Royaume dans celle de Provence , pen
dant un an , à compter du 15. Septembre
1731.
EDIT DU ROY , Portant réit
nion des deux Villes de Clermont et de
I. Vol. Monferrand,
1410 MERCURE DE FRANCE
Monferrand , sous le nom de Clermont
Ferrand. Donné à Versailles au mois de
ay 1731. MRegistré en Parlement le 29 .
May , par lequel il est dit que ces deux
Villes , demeureront réünies et incorpo
rées l'une à l'autre doresnavant et pour
toujours sous le nom de Clermont-Ferrand ,
avec communication reciproque des hon
libertez et franchises attribuez
ausdites deux Villes. Cet Edit contient
XVI . Articles , qui ordonnent tout ce
qui doit- être observé au sujet de ladite
réünion , &c.
neurs
>
ARREST. du 30. May , Qui nom
me des Commissaires pour voir et exa
miner les anciens et nouveaux Rôles , Ta
fs et Reglemens concernant le payement
du Droit de marc d'Or ; et ordonne la re
présentation des titres des Officiers qui
prétendent se dispenser du payement du
dit droit.
ARREST du 5 Juin , Qui ordonne
qu'à commencer du jour de la publica
tion , il ne sera fait aucune nouvelle plan
tation de vignes dans les Provinces et Gé
néralitez du Royaume ; et que celles qui
auront été deux ans sans être cultivées
ne pourront être rétablies sans une per
1. Vol. mission
JUIN. 1731 . 1471
mission expresse de Sa Majesté , à peine
de trois mille livres d'amende.
ORDONNANCE DU ROY
du 10. Juin , par laquelle Sa Majesté a per
mis et permet à tous Fermiers , Labou
reurs et autres , dans la Généralité de Pa
ris , même dans l'étendue des Capitaine
ries , de faire faucher pendant la presente
année seulement et sans tirer à conse
quence , tous les prez de quelque nature
et qualité qu'ils soient , dans le tems qu'il
le jugeront à propos , sans en demander
permission aux Seigneurs , aux Capitaines
des Chasses , à leurs Officiers et autres .
ARREST du Parlement , Qui supprime up
Ecrit imprimé , &c.
A
Ce jour les Gens du Roy sont entrez , et
Maître Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudir
Seigneur Roy portant la parole , ont dit :
Que l'Imprimé qu'ils apportent à la Cour
est tombé depuis hier entre leurs mains ; que
c'est une Lettre qu'on suppose écrite le 29. Avril
dernier à M. le Cardinal de Fleury par M. le
Coadjuteur d'Orleans , au sujet d'un Arrêt que la
Cour venoit de rendre. Que le caractére d'un
Ecrit si emporté , si peu convenable , et dans le
quel on voit la Cour attaquée d'une maniere si
injurieuse , ne leur permet pas de le regarder
comme l'Ouvrage de ce Prélat et qu'ils ne
doute pas qu'il ne se sente aussi offensé qu'il doit
l'être de la publication qu'on en fait sous son
vika 1. Vol. nom
1412 MERCURE DE FRANCE
nom. Mais qu'ils ne s'en croyent que plus obli
gez d'étouffer ce Libelle sans aveu dans sa nais
sance. Que la Cour verra assez d'elle - même quel
scandale il est capable de causer , et combien il
seroit propre à réveiller l'inquiétude et la chaleur
des Esprits , si par son autorité elle n'y apportoit
un prompt remede. Que c'est ce qui les engage à
avoir l'honneur de lui en rendre compte sur le
champ ; et que pour satisfaire à ce sujet à ce
qu'ils croyent être du devoir de leur Ministere
ils requierent qu'il plaise à la Cour ordonner que
cet Ecrit imprimé, intitulé : Lettre de M. le
Coadjuteur d'Orleans à M. le Cardinal de Fleu
☛y , du 29. Avril 1731. demeurera supprimé ,
que défenses seront faites à tous Imprimeurs et
Libraires , Colporteurs et autres , de l'imprimer ,
vendre , debiter , ou autrement distribuer . En
joindre à tous ceux qui auroient des Exemplai
res , de les apporter incessamment au Greffe de la
la Cour , pour y être supprimez : ordonner que
Copies collationnées de l'Arrêt qui interviendra
seront envoyées aux Bailliages et Sénéchaussées
du Ressort , pour y être lues , publiées et regis
trées ; enjoindre à leurs Substituts d'y tenir la
main , et d'en certifier la Cour dans un mois.
Eux retirez vú ledit Ecrit imprimé , intitulé :
Lettre de Monsieur le Coadjuteur d'Orleans à
Monseigneur le Cardinal de Fleury , le 29. Avril
3731. La matiere sur ce mise en déliberation.
LA COUR ordonne que ledit Ecrit imprimé,
intitulé : Lettre de Monsieur le Coadjuteur d'Or
leans à Monseigneur le Cardinal de Fleury , le
29. Avril 1731. sera et demeurera supprimé ;
fait deffenses à tous Imprimeurs et Libraires
Colporteurs et autres , de l'imprimer , vendre ,
débiter , ou autrement distribuer : Enjoint à tous
J Vol.
ceux
JUIN. 1731.
1413
Y
zeux qui en auroient des Exemplaires , de les ap
porter incessamment au Greffe de la Cour , pour
y être suprimez ; ordonne que Copies collation
nées du present Arrêt seront envoyées aux Bail
liages et Sénéchaussées du Ressort , pour y être
lûës , publiées et registrées ; Enjoint aux Substi
tuts du Procureur General du Roy d'y tenir la
main , et d'en certifier la Cour dans un mois.
FAIT en Parlement le dix -neuf Juin mil sept.
cens trente-un. Signé , YS A BEAU.
Le second Volume de ce mois est actuel
lement sous la presse , et paroîtra inces
samment.
APPROBATION.
Ay lû par ordre de Monseigneur le Garde
des Sceaux , le Mercure de France du premier
volume du mois de fuin , où je n'ai rien trouvé
qui puisse en empêcher l'impression, Fait à Paris
ce 29 Juin mil sept cent trente-un.
HARDIO N.
TABLE.
1205 Preces Fugitives. Ode sacrée , Lettre sur une Urne et des Médailles trou-
1267
2. vées ,
Descente aux Enfers , Ode ,
1213
1
4. Vel.
Lettre
Lettre sur lapierre qui s'engendre dans le corps *
1217
1221
Stances ,
Lettre sui la Tragédie d'Amasis , 1224
L'Interêt , Ode , 1235
Lettre sur un Ouvrage Espagnol , Théatre Cri
tique , &c. 1241
1252 L'Aiglon et le Geay , Fable ,
Fait de Chirurgie singulier , &c. 1254
La Goute vaincuë , Vers , et Avis sur cette ma
ladie ,
1217
1260
1262
1275
Racommodement , Ode ,
Lettre sur deux Médailles Grecques ,
Le plaisir épuré , Ode ,
Paradoxe proposé aux Géometres Infinitaires ,
1280
Bouquet ,
1282
1284
* Réponse sur la gloire des Orateurs ,
Logogryphe et Enigmes , &c. 1303
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts , &c. Mé
thode pour commencer les Humanitez Grec
ques et Latines ,
Amusemens de l'Amitié ,
Porte-Feuille du Chr . de R....
1315
Lettres serieuses et badines , &c.
OEuvres mêlées du C. Hamilton ,
Catalogue des OEuvres du Marquis Sc. Maffey ,
7317
nise ,
Discours Latin du P. Porée ,
Essay Médicophysique sur la Saignée ,
Chanson notée ,
1322
Giornale de Litterati d'Italia : Journal de Ve
1324
1334
1340
1348
1
T
Spectacles ,
Balet des Fêtes Venitiennes
Lettre sur le Théatre Anglois ,
1307
1308
1310
1347
1348
1350
1. Vol Nouvelle
Nouvelles Etrangeres . Diverses Lettres de Cons
Mantinople sur la seconde Révolution, &c. 1364
Nouvellles d'Allemagne et d'Italie ,
Angleterre et Hollande
1373
1378
1 Morts et Mariages ,
France , Nouvelles de la Cour de Paris , &c.
1382
00
kfléxions en Vers sur Paris ,
Morts , Naissances et Mariages ,
Mariage et Généalogie de la Maison du Comte
1389
de Rupelmonde ,
Sonnet ,
* rêts Notables ,
1383
1388
Errata de May.
Age 1024. ligne 3. Come , lisez , Comte.
P. 1039. 1. 2. du bas , tout , ôtez ce mot.
1040. 1. 9. inalienable ; point , l. inalienable et
oint.
1397
408
1409
1104. 1. 3. dont nous avons parlé , dont
ous n'avons pû parler le .
1156. 1. 10. sauve , l. Chauve .
1185. 15. merite , distingue les , ↳ merite
distingué des.
Ibid. ligne derniere , 24. 4. 21 .
PP1196 . l. 15. Galiot , I. Galiot Mandat,
P1197. 1. 25. Launoy , I. Lannoy.
P. 1191. l. 9. sortez 1. sorties.
›
2.195. 1. 3. du bas, d'Armesson , l. d'Ormesson
Ibid. 1. 2. du bas , Mars , l. May.
I. Vol.
Errata
Fautes à corriger dans ce Livre.
PA
Page
Age 1210. ligne 3. Preux , lis ex, Pieux.
P. 1282. 1. 21. si j'avois , l. si l'avois.
P. 1287. l. 18. ne meuvent , l. n'émeuvent,
P. 1306. l. 6. le , l. au.
P. 1316. 1. 4. apresse , l . appresso .
P. 1317. 1. du diable , ajoûtez , je lui suis devenu
semblable ; en.
P. 1321. 1. 15. Néobulé , 4. Néobule.
P. 1325. L 25. Corce , l. Croce.
P. 1330. 1. 16. c , ôtez cette lettre.
Ibid. 1. 17. motti , 4. molti. Ibid. foglie
foglie.
P. 1338. 1. 1. avoüer , 1. sçavoir.
P. 1.350. L 9. differens , L. d'excellens.
P. 1366. 1, 27. s'amuserent , 1. s'ameuterent,
La Médaille doit regarder la page
La Chanson notée , la page
1265
1348
LISTE DES LIBRAIRES
qui débitent le Mercure dans les
Provinces du Royaume , &c.
#
A Toulouſe , chez Enaut & Foreſt.
Bordeaux , chez Raymond Labottiere , chez
Etienne Labottiere, & chez Chapui , fils ,
au Palais , & à la Pofte.
Nantes , chez Julien Maillard , & chex du
Verger.
Rennes , chez Jofeph Vattar , Julien Vatar ,
Guillaume Jouanet Vatar & la veuve Garnier,
Blois , chez Maffſon.
Tours , chez Maffon.
Rouen , chez Herault.
Châlons-fur- Marne , chez Seneuze
3 Amiens chez la veuve François , Godard &
Redé le fils .
Arras , chez C. Duchamp.
Orleans , chez Rouzeaux.
Angers , chez Fourreau & à la Pofte.
Chartres , chez Fetil , & chez J. Roux.
Dijon , chez la veuve Armil , & à la Pofte
Verſailles , chez Pigeon.
Befançon , chez Briffaut , à la Pofte
Saint Germain , chez Doré.
Lyon , à la Pofte.
Reims , chez Godard..
A Vitry le -François , chez Vitalis.
Beauvais , chez De Saint.
Douay, chez Willerval .
Charleville , chez P. Thefin.
Moulins , chez Faure.
CATALOGUE des Mercures de Frances
depuis l'année 1721. jusqu'à present.
2. vol.
J
Uin et Juillet 1721.
Août , Septembre , Octobre, Novembre
et Decembre ,
Janvier et Fevrier 1722.
Mars 1722.
Avril ,
May ,
Juin , Juillet & Août ,
Septembre ,
Octobre ,
Novembre ,
Decembre ,
de Sep
Année 1725. les mois de Juin ,
tembre & Decembre doubles ,
Année 1726. les mois de Juin & de De
cembre doubles ,
Année 1727. les mois de Juin et de De
cembre doubles ,
Année 1728. les mois de Juin et de De
cembre doubles ,
Année 1729. les mois de Juin , de Sep
tembre et Decembre doubles ,
Année 1730. les mois de Juin et de De
cembre doubles ,
2. vol.
I. vol.
Année 1723 le mois de Decembre double , 13. vol.
Année 1724. les mois de Juin & de De
cembre doubles ,
14. vol
15. vol
14. vol.
Janvier 1731.
Janvier , Février , et Mars 1731,
Avril ,
5. vol.
2. vol.
2. vol.
May ,
Juin ,
1. vol.
2. vol..
3. vol,
2. vol.
1. vol.
14. vol.
14. vol.
Is. vol.
14. vol.
I. vol.
3. vol.
2. vol.
I. vol.
2. vol.
145. vole
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN. 1731 .
SECOND VOLUME.
Chez
STARCIT
COLLIGIT
QUE
COLLE
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
rue S. Jacques.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la descente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais ,
M. DC C. X X X I.
Avec Approbation & Privilege du Roy,
A VIS.
L
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comedie Fran
goife , à Paris. Ceux qui pour leur com
modité voudront remettre leurs Paquets ca
chetez aux Libraires qui vendent le Mer
cure, à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prietrès- inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
Le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaite
ront avoir le Mercure de France de la pre
miere main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porierfur
theure à la Pofte , on anx Meffageries qu'on
lui indiquera,
PRIX XXX, SOLS,
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
JUIN.
1731 .
**********************
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
LA
SCIENCE ,
O D E.
Uyez , Esclaves volontaires ,
D'un aveuglement séducteur.
Craignez que mes traits salutaires ,
Ne percent un masque imposteur,
Loin ces hommes dont l'arrogance ,
Pour prix d'une vaine Science ,
Semble demander des Autels :
Je hais ces lumieres steriles ,
II, Vol A ij Qui
1416 MERCURE
DE FRANCE
Qui sans les rendre plus habiles ,
Les ont rendus plus criminels.
諾T
Celui qui des Mysteres sombres ,
Connoît toute la profondeur
Se cache sous d'épaisses ombres ,
Et nous dérobe sa grandeur.
Ainsi , privez de sa lumiere ,
Toûjours une vapeur grossiere ,
Obscurcit nos foibles esprits :
Heureux ! si limitant leur vûë ,
Le Ciel eût borné l'étenduë ,
De l'orgueil dont ils sont épris !
Mais , helas ! suivant avec joye ,
D'agréables impressions ,
Les hommes se livrent en proye ,
A de douces illusions.
Un foible rayon vient -il luire ? }
Si leur esprit cherche à s'instruire,
Leur vanité le croit instruit ;
Et ces insensez qu'on adore ,
Abusant d'une belle Aurore ,
Restent dans une affreuse nuit,
Ainsi par des routes chéries ,
11. Vol. L'orgueil
JUIN. 173. 1417
L'orgueil nous promene à son gré.
De ses subtiles flatteries ,
L'esprit est bien- tôt enyvré.
Dans le piege d'un vain systême ,
Que le coeur se tend à lui -même ,
L'homme aveuglé cherche à perir ;
Et jusqu'au sein de l'ignorance ,
S'enorgueillit d'une science ,
Qu'il ne peut pas même acquerir.
que
Telle est la misere orgueilleuse ,
D'un Philosophe * ambitieux ,
Dont la lumiere tenebreuse ,
Croit avoir penetré les Cieux .
Plus hardi les Zoroastres ,
Il veut de la Terre et des Astres
Regler les sublimes ressorts ;
Mais le Ciel qui l'avoit fait naître ,
Le créa bien moins pour connoître ,.
Que pour jouir de ses trésors.
A des Estres imaginaires ,
Livrant sa coupable raison ,
Des plus ridicules chimeres ,
Un autre ** avale le poison..
Le Phisicien.
** Le Métaphisicizen.
II. Vol. A iij Dans
1418 MERCURE DE FRANCE
14
Dans sa sublime extravagance ,
Il seche pour sonder l'essence ,
D'un objet qu'il ne connoît pas ;
La verité fuit sa poursuite ;
Mais l'orgueil qui marche à sa suite
A pour lui, les mêmes appas..
23
Et vous (a ) qui des siecles antiques ;
Confondez les Evenemens ;
Vous , dont les pompeuses Chroniques
Obscurcissent l'ordre des tems ;、
Parlez , quel est votre avantage ?
N'est- ce pas d'errer d'âge en âge ,
Pour en débrouiller le cahos ?
'Aussi le fruit de votre étude
N'est qu'une triste incertitude ,
Qui vient traverser vos travaux.
Mais que sert l'audace sévere ,
De mes transports injurieux ,
Tandis que notre esprit révere ,
Ceux qui nous ont fermé les yeux ?
Si des traits douteux de l'Histoire , (b)
Ils ont alteré la memoire ,
(a) Les Chronologistes .
(b) Les Sçavans qui travaillent à l'Histoires
t
11. Vol Nous
JUIN. 1419 1731 .
Nous sommes leurs adorateurs
Et leur redoutable imposture ,
D'une incertaine conjecture ,
Nous fait adopter les erreurs.
NE
Ainsi trompé par l'apparence ,
L'homme est éclairé sans rien voir;
> Et sa fastueuse ignorance
Se produit sous un faux sçavoir.
Paré d'une science vaine ,
Jadis un Sçavant de Priène , (a )
N'en conserva que les dehors ;
Et , des débris de sa Patrie ,
Il n'emporta que sa folie ,
Le plus cher de tous ses trésors.
Illustres Morts , superbes Mânes ,
Sortez d'un Tombeau plein d'horreur ;
Dépouillez ces titres prophanes ,
Que vous consacra notre erreur .
Où sont ces Couronnes sacrées ,2
Que sur vos têtes reverées ,.
(a) Bias , qui voyant sa Ville au pillage , ne
voulut rien sauver de ses richesses , disant
qu'il portoit tout son bien , c'est-à-dire , toute
SA Science avec lui.
II. Vol..
A. iiij.
La
1420 MERCURE DE FRANCE
Mit jadis un Peuple insensé ? ...
La fausse gloire est disparuë ,
Et la vanité confonduë ,
Lui dit qu'il s'étoit abusé.
Non , que d'un frivole Sophisme
Empruntant le subtil secours ,
Sur un dangereux Pyrrhonisms ,
Je veuille appuyer mes discours.
Je sçais que les forces humaines ,
De quelques veritez certaines ,
Ont sçû nous frayer les chemins ;
Mais des routes si favorables ,
Nous ont rendus plus miserables ,
En ne nous rendant que plus vains.
M
Laisson la superbe arrogance ,
D'un Pédant rempli de fierté ;
Tâchons d'acquerir sa Science ,
Mais non pas sa fatuité.
Alors , d'un sçavoir légitime ,
Une humilité magnanime ,
Sera le plus ferme soutien ;
Et nous suivrons l'humble sagesse ,
11. Vel.
De
JUIN. 1731 .
14: 1
De ce vrai Sçavant de la Grece , *
Qui sçavoit qu'il ne sçavoit rien.
* Socrate disoit que tout ce qu'il "sçavoir"
'étoit qu'il ne sçavoit rien .
Par René-Vincent des F ****
PROBLEME
DE MEDECINE.
Déterminer la vitesse absolue du sang
au sortir du coeur.
Ο
N ne sçauroit croire de quelle utilité
seroit la résolution de ce Problême :
les Medecins sont des mécaniciens , qui ne
sçauroient rétablir la Machine du corps.
humain , s'ils ignorent la position , l'en
chaînement des parties qui la composent,
le jeu , le mouvement , la vitesse , les
efforts des unes contre les autres ; je sçai
qu'on a déja tâché de déterminer la vi
tesse absolue du sang au sortir du coeurs
mais ce sont des démonstrations tirées de
Machines parfaites , en supposant les fluï
des très-coulans , tandis que le sang est
II. Vol Av gluanc
1422 MERCURE DE FRANCE
gluant , que les tuyaux sont élastiques , et
ont des contractions fréquentes , qui en
diminuent les capacitez proportionnelle
ment à leurs diamétres ; cette ténacité.
de liqueurs , ces diamétres n'étant pas
connus parfaitement , il est très mal-aisé
de satisfaire à toutes ces conditions dans
la résolution cherchée.
Si on veut la chercher par lá parabole
que décrit le sang jaillissant par une Ar
tere ouverte , dont on connoît le rapport
du diamétre à celui de l'Aorte , il en fau
dra rabattre la vitesse que les douleurs
de la playe lui donneront ; ce qui est
très -mal aisé,
Si on la veut connoître , à priori , par
la
force du coeur et la quantité du sang qui
en sort , il faut rabattre la diminution.
de cette vîtesse , causée par le contre- ba-.
lancement du sang , des Arteres , de l'Air,
&c. C'est à cause de ces inconvéniens que
la vîtesse du déterminée par Keill ,
à environ 78. piez par minute au sortir
du coeur m'a parû suspecte et exhorbi
tante , et que celle de Borelli ne me paroît
pas juste.
sang ,
Il me semble qu'il est un moyen
facile
d'en approcher de bien près ; le voici .
Calcul fait , dans les Adultes , le coeur
bat à environ 75. fois par minute , l'ou
II. Vol. verture
JUIN. 1731
1423
verture de l'Aorte est de 63. lignes , la
quantité moyenne du sang qui en sort à
chaque contraction , est d'environ une
once et demie , et non de 2. ou 3. comme
Harvée et Borelli l'ont crû ; puisqu'un
pié cube d'eau , égale 72. livres , une once
et demie de sang , dont le poids est à
celui de l'eau , comme 25. à 24. égalera
un peu plus de 3888. lignes cubes.
Ce volume de liqueur étant dans le
ventricule gauche du coeur et étant gluant,
en est chassé à chaque contraction , de
façon que la file ne rompt pas et ne fait
que glisser à force dans les Arteres , qu'on
s'imagine un estomach plein de chyle
si on presse fortement et à coups redou .
blez ce réservoir , la vitesse avec laquelle
le chyle coulera dans les boyaux , sera à
chaque contraction comme la longueur
de l'espace que le chyle parcourra dans
ce boyau ; or si on fait atention à la té
nacité du chyle , et à ce que ce boyau est
déjà plein , il sera aisé de voir que cet es
pace ne sera autre que celui qui doit oc
cuper la quantité de chyle qui y est pous
sée. Revenons au coeur , cette quantité
de sang est connue , elle est de 3888 ..
lignes cubes , si on divise cette masse par
63. lignes , qui sont la base du Cilindre
dont on cherche la longueur , on aura 61 .
LI. Vol. A vi lignes a
1424 MERCURE DE FRANCE
{
lignes , je néglige les décimales , c'est
à-dire 5. pouces et quelques lignes de
vîtesse qu'aura le sang au sortir du coeur
à chaque contraction ; et comme il y en
70. par minute , ce sera 29. ou 30. pieds
de vitesse par minute qu'a le sang au sor
tir du coeur. Cette résolution naturelle ,
et à la portée de tout le monde , tirée im
médiatement de l'Anatomie , sert à ré
soudre une infinité d'autres questions ; je
ne parlerai que de celle qui a excité quel
ques disputes. C'est de déterminer la force
du coeur ; je ne prétens pas la résoudre ici ;
mais je remarquerai que la force du sang
qui en sort , est très- peu de chose ; car si
l'eau ayant un pied de vîresse par secon
de , ne fait contre une surface d'un pied ,
qu'une livre et demie d'effort , le sang qui
n'a qu'environ 5. pouces par segonde , ne
fera contre la surface 63. lignes , qu'il
bat directement au sortir du coeur , que
quelques dragmes d'effort , ou tout au
plus quelques onces , comme l'a démontré
Keill ; mais de-là il ne s'ensuit pas que la
force du coeur absoluë ne puisse être de
plusieurs milliers de livres , selon la dé
monstration de Borelli , sur quoi Keil s'est
trompé en concluant que la force du coeur
n'étoit que de quelques onces , confon
dant la relative avec l'absolue , et après
II. Kol. lui
JUIN. 1731. 1125
lui M. Astruc a mal conclu que les Cal
culs de Borelli et de Keill , étant si diffe
rens , cette quantité de force qu'on don
noit au coeur , étoit très équivoque.
La difference vient de ce que le coeur
n'employe qu'une très -petite force à chas
ser le sang , le reste de son effort est em
ployé à vaincre la résistance du sang déja
passé , celle des Arteres et des Membra
nes que l'air presse avec plus de 30000.
livres de force , et enfin à broyer ce mê
me sang. Pour mieux faire voir l'étendus
et l'usage de notre Problême , il n'y a
qu'à faire attention qu'il sert à détermi
ner la vitesse et la force absoluë du sang
dans tous les tuyaux sensibles du corps
humain , quoiqu'ils soient presque tous
de diametre different ; car par l'Anatomie
On apprend le rapport de leurs diamètres
à celui de l'Aorte , et par cette fameuse
regle , que les vitesses respectives des li
queurs homogenes , poussées par une même
force dans des tuyaux de differens diamétres,
sont réciproquement comme les carres de ces
diamétres , on connoît le rapport de la
vitesse de leurs liqueurs à celle du sang
au sortir du coeur , la vitesse absoluë de
celui -ci étant déterminée , les autres le
sont bien-tôt , et ainsi de suite pour tous
les tuyaux arteriels et veineux.
1
IL. Vola Si
1426 MERCURE DE FRANCE
I
Si le diamètre des Arteres limphatiques
des os de la peau , n'est que la 20000
partie de celui de l'Aorte , il y en a bien
de plus petits , puis qu'un grain de sable
en peut couvrir 25000. suivant Leuwe
noesk , tandis que le sang parcourra 30 .
pieds dans l'Aorte , ce qu'il fera en 20..
segondes , le sang des Arteres lymphatiques
ne parcourra que , de cet espace ,,
c'est-à dire, qu'il tardera 13.jours au moins
à y parcourir la longueur de 1o. pieds
et c'est par-là qu'on voit aujourd'hui la
raison du retour périodique des fièvres
tierces , quartes , mensales , anniversaires,,
de la verole hereditaire , de la rage, de la
Phtisie , & c. car le virus de ces maladies :
peut rester plusieurs années caché dans .
les tuyaux sereux , nerveux , osseux , et ne
faire son effet qu'étant mêlé après ce tems
avec le torrent du sang.
clas
4
1
I
H. Vol. ODE
JUIN. 17310 1427
********: ****** :*
ODE SA CREE,
Tirée du Pseaume cx.
& c.. Confitebor tibi , Domine
Seigneur, Eigneur , pour publier ta gloire ,
J'éleverai par tout ma voix ;
J'en rappellerai la memoire ,
Aux hommes qui suivent tes Loix.
Je mésurerai mes hommages ,
Sur la grandeur de tes Ouvrages ,
Conformes à ta volonté :
Ils sont pleins de magnificence ,,
Et tous annoncent ta Puissance
Et ton immuable équité.
.
De mon Dieu , quelle est la clémence
Pour la Nation qui le sert ?
Son indulgente Providence ,
L'a nourir dans le Desert.
sçu
Il éternise ses Miracles ;
Israël , selon ses Oracles ,
Tu verras fuir tes ennemis ; .
Et suivant sa sainte Alliance
dla Vola
11
428 MERCURE DE FRANCE
Il va mettre sous ta Puissance ,
L'heritage qu'il t'a promis.
Tout ce qu'il fait n'est que sagesse
Que justice et que verité ;
Ses Loix subsisteront sans cesse
Pour confondre l'impieté.
Il délivra Sion naissante .""
De la puissance ravissante ,
De ses infléxibles Tyrans ;
Et l'Alliance salutaire ,
Qu'avec son Peuple il daigna faire ,
Sera stable dans tous les tems.
"
讚
Son nom est saint et redoutable ;
C
Ceux qui craignent son Jugement ,
De la Sagesse veritable ,
Possedent le commencement.
S'ils prennent leur crainte pour guide ,
Bien- tôt de ce Monde perfide ,
Ils connoîtront la vanité ;
Et du Seigneur dans les délices ,
Ils celebreront les Justices ,
Pendant toute l'Eternité.
II. Vol L'Ecrit
JUIN. 1731. 1429
XXXX:XX* XXXXX : XXXX
>
L'Ecrit qui suit est un aveu qu'on fait
faire à M. Thiers , autrefois Curé de Cham
prond , Diocèse de Chartres et fort connu
dans la Republique des Lettres , de quel
quesfautes qu'il a reconnues dans ses propres
Ouvrages. L'Auteur a crû pour la satisfac
>
tion des Lecteurs devoir réduire cet Ecrit en
forme d'Apparition , par allusion à l'Ecrit qui
parut en 1712. fous le Titre d'Ombre de M.
Thiers , pour refuter une Dissertation de M.
de l'Estocq , Chanoine d'Amiens , touchant
le Corps de S. Firmin le Confeffeur.
APPARITION
DE L'OMBRE DE M. THIERS ;
A un Chanoine Régulier de la Réforme
de Saint-Quentin de Beauvais.
N
E soyez point effrayé , mon cher
Chanoine , de me revoir au bout de
tant d'années d'absence : Vous m'avez ai
mé et estimé , lorsqué vous étiez encore
jeune '; accordez-moi la même faveur
maintenant que vous commencez à grison
ner , et que vous approchez du temps au
9
II. Vol.
A vi quel
430 MERCURE DE FRANCE
quel nous esperons vous voir rejoint
à nous. Je viens m'entretenir avec vous
durant l'espace d'une petite demie
heure , qui m'a été accordé par celui dans
la lumiere duquel nous voyons toute lu
miere.
Il n'est jamais deshonorable de se retrac
ter , lorsqu'il est évident que l'on s'est
Trompe. Voyant à present beaucoup plus
clair dans le Païs où je suis , que je ne
voyois autrefois dans les bas lieux que vous
habitez , je découvre bien des choses que
j'ignorois dans les tems que le Reverend
Pere Abbé de Saint- Acheul d'Amiens
m'obligea de parler pour refuter un Cha
noine Séculier qui prenoit la défense
de la Tradition de la Mere Eglise d'A
miens.
2i
>
Pour détruire la Fête de la Tranflation
du Corps de Saint Firmin le Confesseur
que cette Eglise célebre , j'essayois de prou
ver que le culte de l'Evêque S. Salve , Au
teur de cette Translation est nouveau
dans ce Diocèse , parce qu'il n'est pas dans
des Bréviaires d'Amiens , qu'on croit pos
terieurs au XII. Siécle , et j'avançois har
diment que la vie de ce S. Salve , sur la
quelle l'Eglise d'Amiens s'appuye , n'a
été composée au plutôt qu'au XIII . Siécle ;
qu'ainsi ce n'est que depuis ce temps- là
II. Vol. qu'on
JUIN. 1731 1431
qu'on a crû à Amiens que S. Salve avoit
transferé de l'Eglise fituée hors la Ville ,
le Corps de S. Firm in le Confesseur , &
par confequent que cette Translation étoit
supposée et inventée à plaisir. Je dis encore
avec confiance , que l'on ne peut produire
des Translations de simples Confesseurs
faites dès le feptiéme Siècle , et qu'alors
Pusage étoit de n'en faire que des Corps
des Martirs.Je me figurois que si la Châs
se qu'on appelle de saint Firmin le Confes
seur , dans la Cathedrale de Notre Dame
d'Amiens , contenoit quelques ossemens
ce ne pouvoitêtre que d'un S. Firmin , Ab
bé , que le Martyrologe de Baronius attri
bue à la Ville d'Amiens .
9.
Mais , hélas ! combien d'erreurs ne recon
nois - je pas à present avoir coulé de ma
plume Dieu ayant permis que je me sois
trouvé depuis peu dans la Compagnie de
quelques habiles Religieux , qui ont visité
plus exactement que moi les Biblioteques
de France , l'un d'entr'eux vient de m'ap
prendre que je me suis trompé très - gros
siérement sur l'époque que j'ai donnée à la
vie de S. Salve. Il se souvient qu'étant
dans l'Archimonaftere de Fleury ou de
S. Benoît sur Loire , il y vit un Manuscrit
du dixième Siècle ou du onzième au plû
tard , coté No. 200. où il lût cette Vie
>
II. Vola en
$ 432 MERCURE DE FRANCE
entierement dans les mêmes termes , que les
Chanoines d'Amiens ont produits. Ce Ma
nuscrit , aprés avoir dit que S. Salve bâtit
dans la Ville d'Amiens une Eglise du ti
tre de S. Pierre et S. Paul , avec une Cry
pte à l'Orient de cette Eglise , et une à
l'Occident ; ajoûte qu'il découvrit le Corps
de S. Firmin Martyr , & qu'il le plaça
dans la Crypte Occidentale ; et celui de S.
Firmin le Confesseur dans la Crypte
Orientale de la même Eglise : Sed et Sanc
tos Dei Firminum Episcopum , et Confesso
rem , Aceum quoque et Aceolum Martyres
Christi in Crypta Orientali verenter condidit
& decenter exornavit : ce qui est different
de ce que rapporte le Pere le Cointe , qui
fait placer tous ces Saints dans une seule
et même Crypte. Et comme je suis con
vaincu que ce Religieux se connoît par
faitement à l'âge des Manuscrits , je passe
d'abord condamnation sur ce Chef.
Dom Luc Dachery qui s'interresse aux
Saints Amiénois , m'a fait remarquer que
j'ai tort à la page 59. de croire qu'il ne se
soit fait aucune Translation des SS. Con
fesseurs dans le septième Siècle . Il m'a
renvoyé à la vie de Saint Marcoul ; qui est
dans le premier Volume de ses Siécles Be
nédictins , pag. 133. où il m'a assuré que
je trouverois que S. Oüen , Archevêque.
II. Vol.
de
JUIN. 1731. 1435
de Rouen , visitant sa Province de Neus
trie , fit dans le Diocèse de Coutances , la
Translation du Corps de ce Saint Con
fesseur. M. le Brasseur que j'ai trouvé dans
le quartier des Historiens , m'a confirmé
le fait , ajoûtant que s'il eut resté davan
tage sur la Terre , il eut fait imprimer
une Histoire générale de Normandie , où
cette Translation auroit été rapportée.
Ensuite il m'a cité un autre exemple , tiré
de son Histoire d'Evreux . C'eft la Trans
lation du Corps de S. Taurin , faite par
Viateur , Evêque d'Evreux , vers l'an 610
ou 612 .
Le Pere Labbe , Jesuite , Historien
sacré du Berry , ayant prêté l'oreille à cet
Entretien , m'est venu joindre fort gra
cieusement , pour me dire qu'il connoît
une Translation de cette nature qui est
encore plus ancienne : c'est celle du Corps
de S. Ursin , Apôtre et premier Evêque de
Bourges, sa Patrie, qui fut faite par l'Evê
que Probien au VI. Siécle , et de laquelle,
m'a-t'il dit , il est fait mention dans Saint
Gregoire de Tours . Je me suis trouvé
terrassé par ces exemples , et je n'ai sçu
que répondre.
Le Pere le Brun , de l'Oratoire , nou
vellement arrivé dans le Païs d'où je viens ,
ne m'a point refusé ses lumieres . Parfai
II. Vol. tement
434 MERCURE DE FRANCE
tement bon connoisseur en fait de Ma
nuscrits Liturgiques , il m'a appris à ne pas
conclure de ce qu'un Breviaire qui pa
roît être d'Amiens , ne contient pas le
nom de S. Salve , que ce Saint Evêque ne
fut pas honoré dans le Diocèse d'Amiens
dans le temps de l'Ecriture de ce Breviai
re ; il a soutenu que ma conclusion étoit
trop générale , parce que les Communau
tez des Chanoines Réguliers, quoique se
servant des Breviaires qui pourroient être
réputez Diocésains ,à cause du culte distin
gué qu'on y rendoit à certains Saints , ne
faisoient pas pour cela la profession d'ho
norer généralement tous les Saints du Dio
cèse. Comme donc ces Communautez
se restraignoient aux plus célébres , il ne
faut pas être surpris que le nom de Saint
Salve , ne fut pas dans quelques-uns des
Breviaires de ces Chanoines Reguliers vos
anciens Confreres .
Ce sçavant Oratorien m'a encore ap
pris que je me suis trompé assez lourde
ment , dans la raison que j'ai apportée
pour indiquer l'âge de ce Breviaire , où
je n'ai point vû S. Salve. C'est lorsque
pour preuve qu'il est posterieur au dou
ziéme Siècle , je me suis contenté de re
marquer que les Répons de l'Office des
Morts s'y trouvent , comme si , m'a- t'il
II. Vol dit
JUIN.
1731. 1431
dit , ces Répons n'étoient que de ce Siécle - là.
Illusion, sclon lui , que de croire Maurice
de Sully , Evêque de Paris , Auteur de ces
Répons. Ila tiré de sa poche un petit Sa
cerdotal Manuscrit du dixiéme Siècle , ou
du commencement du onzième , à qui
vos Modernes donnent mal à propos le
: i nom de Rituel , et il m'a fait voir dans
ce Sacerdotal qu'il dit avoir été à l'u
sage d'une Eglise du Milanez , ou des
environs , tous ces Répons notez comme
on notoit avant Gui-Aretin . Il m'a ren
voyé au pieux et sçavant Cardinal Tho
masi , et parmi les Anciens à Jean d'A
vranches , qui préceda Maurice de Sully
d'environ cent ans. Enfin il ne m'a point
permis de le quitter, que je n'eusse vû un
beau Missel d'Amiens de la fin du dou
ziéme Siécle , où il m'a fait lire cette Ru
brique entre la Fête de Sainte Geneviève
et celle de Saint Remi du 13. Janvier :
In Inventione S. Firmini Confessoris : Oratio.
» Adesto,Domine, precibus nostris et in
» tercedente beato Firmino , Confessore
» tuo atque Pontifice dexteram super nos
»tuæ propitiationis extende » La Secrete
et la Postcommunion ne qualifient non
plus ce Saint Firmin , que de Confes
seur Pontife. Ne me croyant pas en
core assez battu par cette Rubrique , il a
AS
1
•
1
·
II. Vol ouvert
1436 MERCURE DE FRANCE
ouvert ce Missel à l'endroit d'après la
Saint Simon , et j'y ai lû ces mots : Eodem
die Salvii , Episcopi et Confessoris . Oratio ,
>> Deus , qui hodiernam diem sacratissi
>> mam nobis beati Salvii , Confessoris tui,
» atque Pontificis solemnitate tribuisti .
» & c. » Eft ce donc là du commun ? m'a
t'il dit : diem sacritissimam , jour très - re
commandable ? La Mémoire de S. Salve
n'étoit donc pas si fort ensevelie dans
P'oubli , que vous l'avez prétendu par
votre Livre de 1712. et il m'a quitté à
ces paroles.
›
M. L'Abbé Châtelain dont j'ai été autre
fois ami , m'ayant trouvé , m'a déclaré
fort naturellement , qu'il ne falloit pas
que je crusse avoir épuisé tous les Saints
Salves dans la page 39. de mon dernier
écrit qui parût l'année de sa mort , qu'ou
tre les quatre que je nomme comme s'é
tant sanctifiez dans les Gaules, il en con
noît un cinquième qu'il auroit bien pû
me faire voir , si tous ces Salves étoient
distribués dans la même classe ; mais que
justement celui que je n'ai pas connu est
dans le quartier des Saints Solitaires , qui
est éloigné du sien : qu'au reste il y a dans
le Nivernois une petite Ville de son
nom , appellée Saint Saulge . Ce n'a point
été la seule remarque que ce Chanoine de
Paris , grand Agiologiste , m'a fait faire .
II. Vol
Il
JUIN. 1731 .
1437
M
Il en a ajoûté une autre encore plus im
portante sur S. Firmin , Abbé, que j'avois
conjecturé être celui qu'on appelle Saint
Firmin le Confesseur,à la Cathedrale d'A
miens, et dont on y conserve les Reliques
dans un Châsse derriere le grand Autel.
Il m'a prouvé que ma conjecture est trés
fausse ; que jamais il n'y eut à Amiens
de S. Firmin Abbé ; il m'a repris forte
ment de ce que je m'en suis rapporté en
ce point au Martyrologe de Baronius ,
disant les Réviseurs de cette com
, que
pilation sous Gregoire XIII. ont été
trompez par le Martyrologe de Galezi
nus : que ce Protonotaire ayant trouvé
au onzième Mars dans quelques anciens
Calendriers manuscrits un S ; Firmien ,
Abbé , sans désignation de lieu , il lui a
bonnement attribué le Diocèse d'Amiens,
à cause du nom de Firmin qu'il lisoit
dans trois manuscrits de Florence ; au
lieu que dans ceux de Rome et de Naples
il y a Firmiani : que le même Galezinus
a ignoré que ce Saint Firmien , Abbé , étoit
mort en la Marche d'Ancone , comme on
le voit dans Ferrarius , et qu'il n'est autre
que S.Firmien de Fermo , sous l'invocation
duquel il y avoit un Autel dont a parlé
le Cardinal Pierre Damien. (a) Ensorte
(a) Opusculo VI. ad Henric. Ravennat,
"
II, Vol que
B
1438 MERCURE DE FRANCE
que si je voulois m'en convaincre je
n'avois qu'à me transporter jusques dans
le Canton habité par les SS. Confesseurs
non Pontifes, et que j'y trouverois infailli
blement ce S. Firmien ou Firmain , Italien .
Voila , mon cher Chanoine , les Rémar
ques critiques que mon dernier ouvrage
m'a attirées de la part de tous ces venera
bles Personnages. Je suis venu aussitôt vous
témoigner que j'ai acquiescé à tout ce
qu'ils m'ont dit , afin que vous suiviez
mon exemple. Je n'attends que le mo
ment de rencontrer à mon retour Maître
Hadrien Baillet , pour lui faire part de
tout cecy , afin que de son côté il gagne
sur soy de retoucher quelque chose au
premier jour de Septembre , lorsqu'on
donnera une nouvelle Edition de sa
Vie des Saints.
Ce n'est pas encore tout ce que j'ai à
vous dire. Un nouveau venu dans nôtre
Region superieure m'a appris qu'on.
refondoit en France tous les Breviai
res. Vous sçavez que je me suis un
peu mêlé de cette Science , à telles en
seignes qu'en 1702. on imprima à Bruxel
les des Remarques que j'ai faites sur le
Prototype des Breviaires , je veux dire
celui de Cluny. Il me resteroit un scru
pule touchant l'une de mes Dissertations
II. Vola imprimée
JUIN. 1731. 1439
Imprimée dès l'an 1664. avant que vous
fussiez au monde , si je sçavois qu'elle
eut eu beaucoup de cours , et qu'elle eut
fait beaucoup d'impression sur les Esprits .
C'est celle que j'ai intitulée de retinenda
voce Paraclitus , saillie de jeunesse , effet
de l'envie de paroître Auteur de bonne
heure. Mais le nouveau venu m'a assuré
que dans tous les derniers Breviaires qui
ont quelque reputation , on lisoit à pre
sent Paraclêtus , et qu'on aime micux ne
jamais employer ce mot dans la Doxolo
gie des Hymnes , que de dire Paráclitus
comme je le voulois. J'avoue qu'en cela
on donne gain de cause à Sabellat , Cha
noine de Chartres , mon Condiocésain , à
qui l'Evêque fit un Procès sur sa pronon
ciation de Paraclêtus, ainsi que vous pou
vés le voir dans les Recherches de Pas
quier. Je m'en rejoüis , puisque ce sont
tous les plus habiles qui reviennent à la
prononciation primitive et conforme au
Grec , et je retire mon Ecrit , demeurant
d'accord qu'il ne peut y avoir que des
gens opiniâtres à l'excès , qui ayant sous
les yeux Paraclêtus bien marqué , conti
nueront à prononcer Paráclitus , par˚ es
prit de contradiction , et en dépit da
Livre imprimé , qu'ils tiendront entre
leurs mains.
II. Vol Bij Comme
1440 MERCURE DE FRANCE
"
>
Comme vous avez des Amis parmi
le Clergé des grandes Eglises de vos
Quartiers , vous me ferez plaisir d'a
vertir , lorsque l'occasion s'en présente
ra ceux à qui on peut parler avec
confiance , que jusqu'à present je n'ai
trouvé là- haut qui que ce soit qui
m'ait reproché d'avoir outré la matière
dans l'Ouvrage que je fis imprimer l'an
1690. Mais en même- tems aussi ajoûtez
leur que je n'y ai vû personne qui soit
orné de dépouilles étrangeres et emprun
tées. Les têtes que j'y ai vû à l'infini , et
tant que la vûë peut s'étendre , sont tel
les à peu près que vos imagiers les repre
sentent dans vos Bréviaires , au fron
tispice de l'Office de la Toussaints , ой
certainement je ne me souviens pas que
de mon temps on en vit aucune de l'es
pece dont je veux parler.
Le B. Yves de Chartres , votre ancien
Inſtituteur , que je rencontrai derniere
ment , en parlant au dévot Pere Gour
dan , s'entretint avec moi sur ses Disci
pies. Après avoir avoué qu'il y en a qui
appréhendent de couper leur sommeil
en deux , ou de chanter de grand matin
les louanges de Dieu , il parut se consoler
sur ce qu'il y en a aussi, qui sont très- vigi
gilans , et qui imitent ce qui est de l'an
>
II. Vol.
cienne
JUIN. 17731. 1441
cienne Discipline dans les Eglises Secu
lieres . Il sçait , en effet , qu'il y a de gran
des Eglises Séculieres , où l'on a conservé
une Discipline plus exacte que chez les
premiers , et que dans ces Eglises de Cha
noines Séculiers , quoique l'Office ne soit
pas d'une grande prolixité , on n'a garde
de quitter l'usage d'être levé de grand
matin pour louer Dieu '; usage si louable et
si exemplaire dans les Eglises de Lyon et
de Vienne des premieres de nos Gaules . Il
est informé qu'on y repousse vivement les
attaques que des Esprits legers' veulent
porter à la ferveur des derniers temps ,
toute médiocre qu'elle est ; lesquels
ne sçachant pas distinguer les change
mens qui ne sont point opposez aux
Canons d'avec ceux qui les combattent ,
proposent de quitter ce qui est mieux ,
pour faire même bien , et introduire un
relâchement peu édifiant : comme si une
connoissance moins générale de la Disci
pline Ecclesiastiqne , ne suffisoit pas pour
sçavoir qu'il y a des changemens qui se
font de bien en mal , de même qu'il y
en a qui peuvent se faire de mal en bien ;
et que l'attention aux Canons , ne dicte
pas que les derniers doivent être accep
tez , et les premiers rejettez .
J'avois autrefois rassemblé ici-bas des
11. Vol. ma
B iij
1442 MERCURE DE FRANCE
, pour
.
matériaux réfuter ceux
ceux qui , crai
gnant de se fatiguer par des Lectures qui
les instruisoient , ne cessoient de dire de
moi : Quand une pratique lui déplaît , il a
toujours des raisons pour la combattre , et il
est d'avis qu'on la change : Quand il s'agit
d'une autre qui lui plaît, il ne veut pas qu'on
parle d'y toucher. L'absurdité de ce raison
nement est trés- palpable , et c'est un pur
sophisme qu'ils débitoient pour me dé
crier car ce n'est pas parce qu'une chose
me plaisoit que je l'ai soutenuë bonne et
vice versa c'est plutôt parce qu'elle est
bonne , qu'elle m'a plû . Or comment
prouvois -je que telle pratique est bonne
et telle non bonne ou moins bonne ? Par
la confrontation de cette pratique avec
les Canons . Telle chose est Canonique
conforme aux Canons et à la Discipline .
Ecclesiastique , ou bien se rapproche de
cette conformité ; donc elle est bonne et
à préferer : c'étoit -là mon raisonnement..
Telle , au lieu de se rapprocher de ce que
les Canons prescrivent , s'en éloigne : donc
elle est moins bonne , et doit êsre rejet
tée. J'avois ensuite pour chaque pratique
en particulier un Ecrit tout préparé, dans
lequel je prouvois sa Canonicité ou son
Anticanonicité. Au reste, j'ai toujours ad
miré la prudence des Canons , qui pour..
Ja
II. Vola. voyant
JU. IN. 7443 1731.
Voyant à tout , ont dispensé d'une certaine
sévérité les Personnes infirmes , usées , ou
avancées en age , afin qu'elles ne proposas
sent pas de changer des reglemens que le
commun des hommes peut observer ; et
qui pareillement ont deffendu certaines
multiplicitez de devoirs , de crainte que .
Paccessoire ne pottât préjudice au Princi
pal. L'application continuelle que j'ai
donnée à cette science des Canons et de la
Discipline de l'Eglise , me répond qu'il
n'en est pas de même que dans quelques
questions de fait ou de Grammaire , où j'ai
quelquefois mis à côté : j'avoue que je me
suis trompé dans ces sortes d'occasions , et
si j'étois à recommencer , je serois plus
circonspect.
Vous voyez quelquefois vos Confreres
de Saint Jean - en - Vallée et de Saint
Cheron , faites leur part de ma docilité
et de la déference que j'ai pour le senti
ment des Doctes qul brillent comme les
Etoiles du firmament dans ce Pays d'où
je viens. Mais j'ai encore quelque chose
d'important à vous communiquer . C'est
qu'ayant fréquenté le quartier des plus
dévots envers la Sainte Vierge , ces Saints
Personnages , loin de blâmer la répu
gnance que j'ai toûjours eu à ajoûter foy
aux Fables du pays Chartrain , sur les
Il Vol B.iiij . Drui
1444 MERCURE DE FRANCE
Druides , m'en ont au contraire fait com
pliment. L'un d'entre eux m'a développé
la pensée qu'il avoit eûë dans le tems qu'il
étoit sur terre , touchant l'origine de cette
célebre inscription VIRGINI PARITURÆ
et dans laquelle il est confirmé depuis
qu'il est dans la Région de la clarté. Il
est fermement persuadé que ce n'a été
autre chose qu'une Inscription gravée
depuis l'usage des Images au dessous d'u
ne Annonciation dans le style de celles
que l'on met en Philosophie et en Théo
logie , sous les Estampes qui sont au haut
des Theses , où quelquesfois il y a en mau
vais Latin , Virgini Annuntiate ; et que
c'est la découverte qui aura été faite d'une
pierre chargée de cette Inscription dans
quelques décombres d'Eglise , au coin
d'un bois , qui aura donné occasion de
fabriquer l'Histoire. Il a ajouté que sa
dévotion , lorsqu'il étoit parmi vous
l'ayant porté à visiter la solitude de Pre
montré , consacrée à la Sainte Vierge.
l'Eglise Cathedrale de Nôtre-Dame de
Laon et celle de Nôtre- Dame de Liesse' ;
il avoit passé à l'Abbaye de Nogent- sous
Coucy , aussi dédiée sous la même invo
cation , et qu'il y avoit trouvé une tradi
tion pareille à celle de Chartres , mais non
pas mieux autorisée : qu'on lui fit voir
•
›
.
11. Vol. l'Ins
JUIN. 1731. 1443
I'Inscription VIRGINI PARITURE;
incrustée dans le mur d'une Chapelle de
l'Eglise, et qu'il reconnut tout d'abord que
ce n'étoit qu'un soubassement de Niche
ou de Statue , où pouroit avoir été repre
sentée la Sainte Vierge environnée des
Prophetes qui ont prédit son enfantement
ou saluée par l'Ange Gabriel. Car , m'a
t'il dit , vous n'ignorez pas que l'Histoire
de l'Annonciation est la premiere dans
l'Evangile , par laquelle la Sainte Vierge
est connuë ; le Mystere de l'Incarnation
du Fils de Dieu dans son Sein , est le pre
mier des Mysteres , la Mission de l'Ange,
est la premiere Histoire où l'on ait pû re
presenser la Sainte Vierge , soit en peintu
re , soit en relief , et c'est sous le titre de
la Sainte Vierge , en tant qu'elle reçoit
l'Annonce de l'Ange , qu'il y a un plus
grand nombre d'Eglises consacrées dans
la Chrétienté. Vous n'avez peut-être ja
mais fait attention que dans Paris seule
ment il y en a vingt-huit. Sans doute,
que dans ce grand nombre , il y en a
d'anciennes. Mais quand cela ne seroit
pas, faites, je vous prie , réflexion , que les
plus anciennes prieres ou louanges par
lesquelles l'Eglise invoque ou préconise
sette Mere de Dieu ne s'addressent :
point à elle en tant que conçûë par ,
›
11. Vol. Sainte BY
1448 MERCURE DE FRANCE
"
Ste Anne , ni en tant que naissante , ou présentée
au Temple , pas même en tant que
présentant son Fils à ce même Temple , ou
le suivant à la Croix , non plus qu'en tant
que mourante , & enlevée de ce monde
mais en tant que concevant le Verbe
d'une maniere miraculeuse. Ce fut ainsi
que ce dévot à la Sainte Vierge , finit le
Discours qu'il me tint, et dont je ne m'en
nuyois pas. Je me flate que part que
je vous en fais , ne vous déplaira point
non plus..
la
Je rencontrai au sortir de cet Entretien
le fameux Abbé Guibert de Nogent, et je le
connus d'autant plus aisément , que j'en
tendis les expressions dont il se servoit en
parlant à Dom Jean Mabillon pour le re
mercier de la bonne volonté qu'il avoit cûe ·
de trouver sa sepulture et mettre ses osse
mens en évidence . L'ayant mis sur la ma
tiere des Reliques qui étoit déja entamée .
entre eux , nous passâmes insensiblement
à celles des legendes locales. Ce fut là
dessus qu'il me témoigna son regret d'a
voir été si crédule en certains Chefs qui :
favorisoient l'Antiquité de son Abbaye ;
tandis qu'il avoit combattu si vivement la
crédulité des autres. Je ne me resouvenois .
pas en quoi ; mais un de ses voisins que je
revis depuis , m'avertit que ce grand Ad- .
II. Vol. versaire,
JUIN. 17318 1447
.
versaire des fausses Reliques et des Tradi
tions nouvelles n'avoit pas laissé ( toutju
dicieux qu'il parût ) de transmettre à la
postérité : qu'un Roy d'Angleterre, hommé
Quilius,abdiquant la Couronne , étoit
venu à Nogent * du vivant de Notre-Sei
gneur J. C. et avoit vu un Autel érigé
Virgini paritura : que ce Roy étant ensuite
allé à Jerusalem , il y avoit trouvé la Sainte
Vierge et les onze Apôtres , et qu'après
avoir été baptisé par S. Pierre , il avoit
obtenu des Reliques de la Passion , de la
chemise de la Sainte Vierge , des morceaux
d'Habits des Apôtres , avoit rapporté
le tout à Nogent , et qu'enfin y étant
mort , il y avoit été inhumé, ce qui , com
me l'on voit , donnoit une haute antiquité
à ce Nogent. Voilà précisément ,
ajoûta- t'il , en me tirant à l'écart , de ces
Histoires des Saints , dont Guibert faisoit :
dans un de ses meilleurs Livres , le
par
tage de ses bonnes Vieilles . ** Anus
dit-il , et muliercularum viliumgreges talium
Patronorum commentatas Historias post ing
subulos et litiatoria cantitant , et si quis ea
rum dicta refellat , pro deffensione ipsorum
non modò convitiis , sed telarum radiis ins
#
* Guib. Nov. lib . de vita sua¿·
** De Pignor. Sanctorum cap. 3. parag. [d
U. Vol.
tant
B' vj,
1448 MERCURE DE FRANCE
3
tant. C'est le cas , ajoûta ce Voisin de
P'Abbé Guibert , où se trouvent plu
sieurs Traditions dont nous voyons à
present le faux dans ce païs lumineux
où nous avons été appellez . Quant
aux Habitans de la Jerusalem Terres
tre , ils ne peuvent appercevoir la ve
rité qu'à travers des nuages très-épais .
Pour nous , à qui elle est dévoilée , nous
connoissons que la Tradition de Char
tres n'est pas mieux appuyée que celle
de Nogent. Le Priscus , Roi de Char
tres , et le Quilius , Roy d'Angleterre
ont été fabriquez dans le même moule . It
en est de l'une et de l'autre Histoire , com
me de celle qu'on débitoit autrefois à Sens
sur Saint Pierre le Vif et sur le Bethléem
de Ferrieres , dont on est sagement défait
dans ces derniers tems , ainsi qu'en est
convenu un des Historiens de Sens >
drrivé là-haut depuis quelques années
bien different de Rouillard le Senonois ,
pauvre Auteur de la Parthenie Chartraine,
Les noms des lieux bien ou mal pris ,
faisoient fabriquer des Histoires. Le nom
d'un quartier de Sens , appellé originai
rement Saint-Pierre-le-Vic, ayant été défi
juré en Saint-Pierre -le-Vif , par la même
egle qui fait dire dans le Diocèse d'Or
leans , Tremble-vif pour Tremble-Vic , qui
>
II. Vol.
vient
JUIN. 1731 1449
vient de Tremuli Vicus ; on s'étoit imagi
né que l'Eglise de ce lieu avoit été dédiée
en l'honneur de Saint Pierre , encore vi
vant sur la terre. N'est - ce pas- là au moins
en partie l'Histoire du Roy Quilius , qui
apportaà Nogent sous Coucy des Habits
des Apôtres encore vivans à Jerusalem ?Le
nom de Bethleem donné par quelques
Auteurs , au lieu où se trouve l'Abbaye
de Ferrieres a fait inventer des Histoires
rapportantes à cette éthymologie , de
même que Christophoros , qui étoit le nom
personnel d'un Martyr , a fourni l'occa
sion de forger l'Histoire d'un Géant de
Taille proportionnée à porter celui qui
soutient toute la machine du monde ; ec
pour marque qu'il n'a jamais existé un
Martyr de cette Stature collossale , c'est
qu'après avoir souvent jetté la vûë du cô
té où est placée cette foule innombrable
de Martyrs , je suis assuré que vous n'en
avez apperçû aucun qui excede la taille
des autres d'une maniere fi excessive ,
Croyez-moi , me dit en finissant ce Sça
vant voisin de l'Abbé Guibert , vous ai
mez la verité , annoncez- là à ceux de là
bas pour qui vous vous interressez . Vous
aviez si souvent en bouche ce passage de
Tertullien: Non amat falsum autor verita
zis 5 adulterum est omne quod fingitur ; fai¬
Ila Vola tes-en
450 MERCURE DE FRANCE
tes -en l'application aux fausses Histoires,
aux Légendes fabuleuses , aux Traditions
inventées après coup. Et en disant cela
il me quitta .
C'est aussi , mon cher Chanoine les
Sentimens avec lesquels je veux vous lais
ser. Ce que j'ai de meilleur à vous dire ;
en prenant congé de vous , pour retourner
au lieu de lumiere d'où j'ai été envoyé
vers vous , est : qu'on s'en tienne à ce qui
est bien prouvé , et qu'on examine ce qui
paroît mal fondé.Que chacun,à mon exem
ple , avoue ingenuement ses erreurs , tant
anciennes puissent - elles être , afin que la
verité qu'on doit aimer par dessus tou
tes choses , triomphe de la fausseté et du
mensonge. Plus omnibus amanda et præfe
renda ett veritas.. Laudare oportet et abs
que invidia amplecti , si quid rectè dictum
est ; discuti verò et discerni , si quid minus
sanê dictum est. Dionys. Alexandr. apud :
Euseb. Cæsar..
{
akakakakakakakakakakakakakak
LE RENARD TROMPE
FABLE..
Certain Renard ,lassé d'une longue abſtinence,
Vouloit rompre son jeûne ,et se remplir la panse,
II. Vol. Lors
JUIN. 1731. 1450
Lorsque de quelques Coqs il entendit , le chant
Il court où de sa faim l'entraîne le penchant :
Il s'avance à dessein d'enlever quelque Poule ;
Maître. Renard approche , il se glisse , il se coule
Tant qu'il parvient , jusqu'à la basse Cour.
Il reconnoit la place , il tourne tout autour ;
Dans son chemin , il cherche une ouverture
Qui facilite la capture.
Il appercoit un trou par où commodément
Il croit entrer sans nul empêchement ;
Sans perdre de tems il s'y lance
Dans une entiere confiance..
Mais par malheur un funeste lacet ,,
'Arrête le Voleur et le prend au collet ::
En vain pour se tirer du danger qui le presse ) ,
Il a recours à sa souplesse ,
Le Maître l'apperçoit et d'un air goguenard ,,
Lui dit depuis long-tems avec impatience
Je desirois votre presence ::
:
Soyez le bien venu , Monseigneur le Renard ;;
Vous vouliez de mes Coqs faire bonne compôte
Mais pour le coup , vous contés sans votre Hôte ,
Ignorez -vous donc , mon ami ,
Qu'à Renard , Renard et demi ?
De mes Poules , vingt fois vous avez fait ripaille.
Mon bon Monsieur , répond notre Vaurien ,
Contrefaisant l'homme de bien.
II.Vol. J'ignore
1452 MERCURE DE FRANCE
€
F'ignoré jusqu'au goût de la moindre Volaille :
Jamais je ne vous ai fait tort ;
Jamais chez vous je n'ai fait de ravage ,
Et si je suis ici c'est par mon mauvais sort ;
Je venois de vos Coqs entendre le ramage ,
Qui de loin me sembloit assez mélodieux :
Puisque vous n'aimez pas les gens si curieux ,
Coupez ce filet , je vous prie ,
Je vous le promets par les Dieux ;;
Je vous jure que de ma vie ,
Vous ne me verrez dans ces lieux ;
En aide ainsi me soit le puissant Dieu Mercure
C'est ma foi bien dit , je vous jure
Reprit le Païsan déguainant son couteau ,
Je vais vous dégager des noeuds de cette corde ;
Tout en parlant le Païsan l'aborde ,
Et lui coupe le col sans toucher au cordeau.
Au sort de ce Renard tour trompeur doit s'at
tendre ;
Tel est pris souvent qui croit prendre,
500
10 200
2.
$$
II. Vol. EXTRAIT
JUIN.
17318 1453
そん
EXTRAIT de la Dissertation sur la
Taille
par l'appareil Lateral, luë par M.
Morand à la rentrée publique de l'Aca
démie Royale des Sciences d'aprés Pâques .
hhhhhhhh
N
Ous avons donné dans le Mercure
du mois de Decembre 1729. une
Lettre de M. Morand , dans laquelle il
expose les motifs de son Voyage à Lon
dres , et se déclare Partisan de la Taille
Laterale qu'il a vû pratiquer par M. Che
selden , cèlebre Chirurgien Anglois. M.
Morand ayant fait sur les Cadavres tou
tes les expériences nécessaires , pour exa
miner à fond cette Operation sur les
notions que les Conferences qu'il avoit
eûes avec M. Cheselden , et que ses
lettres lui avoient données ; il la pro
que
posa à M. Maréchal premier Chirurgien
du Roy. Sous ses yeux et en présence
de plusieurs Académiciens , Medecins ,
et Chirurgiens , cette Operation se fit
l'année derniere à Paris avec grand suc
cès , et nous en avons rendus compte
dans le Mercure du mois d'Aoust 1730.
de quinze Malades taillées à l'appareil La
teral par M. Morand et Perchet , douze
II. Vol. étoient
1454 MER CURE DE FRANCE
étoient gueris , M. le Muet étoit en voye
de guérison , et a été parfaitement guéri .
Depuis ce temps là M. Perchet en a taillé
un à Louviers , et l'a bien guéri ; de sorte
que voilà seize Operations bien avérées
dont quatorze ont réussies tout au mieux ,
il n'est mort que deux personnes , et des
quatorze guéris , il y avoit quatre sujets
en trés mauvais état , lorsqu'ils furent
taillés. M. Maréchal fut si content de
ces Operations qu'il écrivit à M. Morand
de venir à Marly , afin de le présenter à
son Eminence M. le Cardinal de Fleury ,
2
qui les pierres furent montrées , et qui
exorta M. Morand à continuer.
En 1729. M. Morand avoit lû à l'Aca
démie les lettres de M. Cheselden
dans lesquelles il détailloit sa Methode
et répondoit à toutes les difficultés qu'ont
lui avoit faites . En 1730. M. Cheselden
a publié lui même sa Methode dans une
petite Dissertation en Anglois , dans la
quelle il nous apprend qu'aprés avoir
essayé toutes les Methodes de la Taille,
et les avoir comparées , il s'est dévoué
toujours à celle- cy, qu'il a reconnu la meil
feure. La voici rapportée par lui - même .
pour
Je lie le Malade comme au grand appa
reil , aprés l'avoir couché sur une Table ho
risontale de la hauteur de trois pieds , ayant
ر ا
IL. Vol. seulement:
JUIN. 1731. 455
seulement laTête un peu élevée,jefais d'abord
une incision aux tegumens , aussi longue qu'il
est possible , en commençant prés l'endroit
où elle finit au grand appareil , je continue
de couper de haut en bas , inter musculos.
acceleratorem urinæ et erectorem penis ,
et à côté de l'intestin Rectum , je tâte ensuite
pour trouver la sonde sur laquelle je coupe.
le long de laglande Prostate , en continuant
jusqu'à la véssie et assuje tissant le Rectum en
bas pendant tout le temps de l'Operation, avec
un ou deux doigts de la main gauche le
reste comme dans l'ancienne Méthode &c.
Dans la Dissertation lüe par M. Mo
rand à l'Académie , il ajoute à cette Des
cription donnée par M. Cheselden quel
ques particularités qui sont dans ses let
tres écrites pour l'Académie , il cite la
sçavante These de M. Falconet , au sujet
des raisons de préferer l'appareil Lateral.
au grand , il ajoute à ces motifs de pré
ference
, que le manuel de cette. Opera
tion lui a paru plus facile et plus sur ,
que dans l'appareil Lateral on coupe
certaines parties qu'on déchire dans le
grand ; qu'enfin ceux qui en ont été
guéris , n'ont eu de reste , ni fistule , ni
incontinence d'urine , et s'engage de faire.
voir les avantages de cette Operation dans
un Traité qu'il donnera exprés sur cette
matiere, Ensuite
1456 MERCURE DE FRANCE
Ensuite il donne à l'Académie quel
ques observations qui regardent la partie
Historique de cette Opération . Dans la
premiere est contenue presque toute la
vie de Frere Jacques , que M. Morand
a suivi par tout par ses Récherches ; ce
sont ces mêmes Récherches qui lui ont
fait voir , pour ainsi dire , deux Freres
Jacques ; à ne le connoître que sur le rap
port de M. Mery , son Operation est in
certaine , et il faut la répudier , ce sont
les mots de M. Morand même dans sa
lettre du Mercure de Decembre 1629 .
mais M. Morand a eu le bonheur de dé
couvrir deux Pieces fugitives sur l'Ope
ration de Frere Jacques que deux de
ses Confreres se sont fait un plaisir de
lui communiquer. L'une est un Ma
nuscrit de M. Hunaud , celebre Me
decin d'Angers , qui avoit vû tailler le
Frere Jacques à Angers , et qui avoit
pris la plume pour le déffendre contre
M. Mery ; l'autre est un Ouvrage de Fre
re Jacques même imprimé en 7. à 8. pag.
et dont les exemplaires sont devenus fort
rares. Dans ces deux ouvrages , l'incision
de Frere Jacques est nettement détermi
née il y est bien positivement énoncé
que Frere Jacques avoit rectifié son Opé
ration , substitué une sonde crénelée à
II. Vol. La
JUIN.
1457 1731 .
la sonde informe qu'il employoit d'abord ,
et trouvé le moyen de couper toujours le
col de laVessie. Voilà dans l'Histoire de F.
Jacques 2. Epoques bien differentes pour
son Operation , de laquelle nous serions de
meurés en possession sans nôtre vivacité.
La seconde Observation de M. Mo
rand' roule sur l'Operation de M. Rau ;
M. Morand pense que celle-cy est celle
de Frere Jacques rectifiée. 1 °. On ne
peut pas prouver le contraire , parceque
M. Rau ne donnoit point d'éclaircisse
ment de sa Méthode , que M. Rau est
mort en 1719. sans la publier luy-même ,
et qu'elle a été donnée par un autre Pro
fesseur , enfin qu'on ne voit nulle part ;
suivant la rémarque du Docteur Douglas ,
des Observations tirées de l'ouverture
des Cadavres. 2 °. On peut prouver que
cela est ainsi , parceque selon M. Albi
nus même , M. Rau et le Frere Jacques
faisoient tous deux l'incision dans le mê
me endroit, et que M.Rau ,pressé par ceux
qui l'interrogeoient sur son Operation ,
leur disoit , lisés Celse. Or il est facile
de prouver que Frere Jacques tailloit
par la Méthode de Celse.
La troisiéme Observation de M. Mo
rand est employée à expliquer cette es
pece
de Paradoxe sur la Méthode de Cel
II. Vol
se
4458 MERCURE DE FRANCE
se. M. Morand ne demande autre chose
pour cela , sinon qu'on lise avec atten
tion , et sans préjugé , le septiéme Livre
de cet Atiteur , Chap. 26. Sect. 2. on ver
ra que l'incision exterieure de Celse est
oblique et prés de l'Anus , et que l'inte
rieure interesse le col de la Vessie. Voilà
ce que fait l'appareil Lateral , et ce que ne
fait point le grand appareil. M. Morand
convient que cette Analogie a été apper
çue par M. Mery , M. Freind , M. Dou
glas , M. Falconet. Il résulteroit de-là
que l'appareil Lateral qui paroît une nou
velle Méthode seroit la plus ancienne.
M. Morand finit sa Dissertation en ré
capitulant les Opérations pratiquées par
cette Méthode depuis le mois de Mars
1727. jusqu'à la fin de 1730. Dans l'Ap
pendix de M. Cheselden , on lit les noms
de 46. Malades qu'il avoit taillés dans
l'Hôpital de S. Thomas , et dont il n'avoit
perdu que deux , M. Morand venoit de
récevoir la Liste posterieure à celle- cy ,
dans laquelle il y en a vingt de taillés ,
dont il n'est mort que deux : en la joignant
à la premiere Liste de M. Cheselden , et
à celle de M. Morand , il se trouve de
compte fait en Mars 173 1. quatre- vingt
deux personnes taillées par l'appareil La
teral , depuis Mars 1727. dont il n'est
II. Vol
mort
JUIN. 1731
1459
mort que fix , et soixante et seize ont été
parfaitement gueries , dont dix de diffe
rens âges , depuis 40. jusqu'à 67. ans.
Tels étoient les progrès de l'appareil
Lateral à Paris , lorsque M. Morand lût
sa Dissertation à l'Académie Royale des
Sciences. Depuis ce temps là , il a fair
cette Operation à M. de Janson et Du
blaisel qui sont morts six jours aprés
l'Operation. L'Ouverture de leur corps
a été faite , l'Académie Royale des Scien
ces a examiné les choses , Mrs. Chirac et
Maréchal ont vû ce qui concernoit M,
de Janson . Voici le rapport de ces deux
Ouvertures .
DETAIL de ce qui s'est trouvé à l'ou
verture de Mrs de Janson et du Blaisel.
Le 24. Avril 1731. Nous Docteurs en
Medecine , et Chirurgiens de Paris , nous
sommes transportés à neuf heures du soir
à l'Archevêché pour l'ouverture du corps
de Feu M. le Commandeur de Janson ,
mort ledit jour à neuf heures du matin
aprés avoir été taillé le Jeudi précedent
dix- neuf dudit mois et nous déclarons
avoir réconnu ce qui est détaillé à nôtre
present rapport par l'ouverture faite en
nôtre presence par M. Verdier , Chirur
ر
.
11. Vol.
gien
1460 MERCURE DE FRANCE
juré et DémonstrateurRoyal enAnatomie.
Le corps exposé sur une Table nous
n'avons vû aux parties voisines de la
playe , ni lividité , ni tension , en aucune
region du bas -ventre ni élevation ni gon
Alement , la région de la vessie étant au
contraire plate , enfoncée , et molete.
A l'ouverture du ventre il nous'a paru
à la premiere inspection qu'il n'y avoit ,
ni aux entrailles , ni à la vessie vers le
peritoine , ni au tissu cellulaire qui l'en
vironne , aucune Phlogose , inflammation,
ou marque de gangréne .
Les intestins étant ôtés du ventre , les
Reins ont été examinés , et on a trouvé
le droit diminué de la moitié de son vo
lume naturel , et sa substance glan
duleuse fondue , de sorte que l'on ne
distinguoit plus interieurement que les
sacs des entonnoirs qui étoient fort dila
tés aussi bien que les bassinets , et rem
plis d'une liqueur noire , puante , et mê
lée de quelques matieres glaireuses et
purulentes. L'uretere du même côté
dilaté depuis sa sortie du Rein jusqu'à
son insertion à la vessie , et étranglé en
quelques endroits par plusieurs infléxions
contre nature ; enfin sa trace le long du
muscle Psoas , marquée par une tache
livide et assés profonde dans la substance
II. Vol
de
JUIN. 1731. 1461
de ce muscle , dont le reste étoit de la
couleur et rougeur naturelle.
Le Rein gauche avoit les mêmes sin
gularités que le droit , mais il étoit plus
maigre et plus fondu , plein d'un pus trés
fætide , et d'un blanc sale. L'uretere de
ce côté étoit un peu moins malade que
l'autre.
La vessie nous parut s'élever assés haut
au dessus du Pubis , et sa consistence
étoit bien plus dure que dans l'état natu
rel , mais pour l'ouvrir dans toute son
étendue , et examiner plus scrupuleuse
ment toutes les parties du voisinage , et
de la dépendance de l'Operation , on a
ôté la vessie entiere avec le canal de l'ure
tre , le rectum , et la partie incisée par
la Taille.
Ensuite la vessie a été ouverte dans.
toute son étendue , depuis son fond jus
ques et au de-là de l'incision faite par la
Taille ; alors tout le corps de la vessie
nous ' a paru considerablement épaissi
on n'a trouvé dans sa cavité , ni pierre
ni fragment de celle qui avoit été tirée ,
il y avoit à la surface de sa tunique inter
ne plusieurs points blanchâtres et durs ,
quelques rugosités , mais aucun vestige
de contusion . Vers sa partie inferieure et
un peu plus du côté droit que
du gauche
,
II. Vol C IL
462 MERCURE DE FRANCE
3 il y avoit une tumeur carcinomateuse
fort dure , grosse comme un gros oeuf,
faisant corps avec la vessie même ,
aussi large par sa baze que par sa partie
saillante , et d'une étenduë assés grande
faire la vessie eut comme deux pour que
capacités , dont la plus grande étoit au
dessus du carcinôme. Prés de cette tu
meur , étoit une excroissance fongueuse
applatic , grosse et longue comme le petit
doigt , de la consistence du fongus qui
avoit été tiré avec la pierre , attaché par
un pedicule membraneux à la tunique
interne de la vessie , et flottante dans la
vessie , de façon qu'elle pouvoit tomber
dans l'incision .'
L'incision faite par la Taille étoit à la
fin de l'uretre et au cou de la vessie.
Mettant un doigt dans l'anus et un autre
dans l'incision ; on a vû que le rectum
n'avoit point été interessé, y ayant entre
deux une cloison fort épaisse : enfin en
examinant le trajet de l'incision-, nous
avons vû qu'il n'y avoit d'autre route
que celle qui conduisoit directement de
l'incision à la vessie , et qu'il n'y en avoit
point de fausse autour du rectum , ni
dans le tissu cellulaire des parties voisi
nes.
Comme nous reconnoissons dans le
II. Vel désordre
JUIN. 1731 . 146
désordre des parties dénommées au pre
sent rapport des causes de mort évidentes
et indépendentes de l'opération de la
Taille faite à M. le Commandeur de Jan
son , on n'a point fait l'ouverture de la
Poitrine ni de la Tête , et aucun de nous
ne l'a demandée. A Paris çe .27 . Avril
1731. et ont signés. Mrs. Winslow et Silva
Medecins , Guerin , Le Dran , Boudou ',
Pibrac , Morand , Verdier , Guerin fils
et Perchet , Chirurgiens .
L'Original a été remis à M. le Mar
quis de Janson , avec le dessein des parties
malades , qui ont été examinées dans une
sceance par l'Académie Royale des Scien
aussi bien celles dont est ques
tion dans le rapport suivant .
ces , que
Le Samedi 28. Avril 1731. nous Doc
teur en Medecine , et Chirurgiens de
Paris soussignés , nous sommes transpor
tés à l'Hôteld'Espagne, rue duColombier,
l'ouverture du corps de M.du Blai
sel , mort la nuit précedente, aprés avoir
été taillé le Lundi 23. dudit mois.
pour
A l'ouverture du bas- ventre , l'estomach
et les intestins ont paru dans leur état na
turel, les ayant écartés pour éxaminer la ré
gion de la vessie nous avons trouvé un
abscès considerable dans le tissu cellulaire
du peritoine entre l'endroit où l'uretere
>
I La Kol Cij gauche
3454 MERCURE DE FRANCE
gauche se jette dans la vessie et le lieu de
f'incision. La vessie ouverte depuis son
fond jusqu'au de - là de l'incision , elle
nous a paru saine ; mais à sa partie pos
terieure , et entre ses tuniques étoit un
sac plein d'un grand nombre de petites
pierres , et de ce sac il suintoit quelques
goutes de pus dans la vessie.
La supression totale des urines arrivée
la veille de sa mort ayant fait tourner
nos vûës vers les reins , nous avons trou
vé le rein droit en inflammation , et par
là augmenté considerablement du volu
me naturel ; de ce rein partoient deux
ureteres , dont les vaisseaux sanguins
étoient gonflés et en inflammation , ces
ureteres s'unissant ensemble à quelques
pouces de la vessie , n'avoient qu'une et
même insertion .
Au lieu du rein gauche qui étoit obli
teré, il y avoit une capsule membraneuse
avec deux ureteres, qui sans se confondre
alloient séparément à la vessie , l'un s'ou
vroit dans la vessie à l'ordinaire , l'autre
étoit bouché en haut par deux petites
pierres , et prés de la vessie par plusieurs
autres ; enfin au lieu de s'ouvrir dans la
vessie , il se terminoit dans le sac pierreux
qui étoit en suppuration .
Cette organisation particuliere nous
11. Val.
fair
JUIN.
1731. 1469
que
fait croire le rein droit étant attaqué
d'une inflammation qui a produit la ne
phretique , le gauche n'avoit pû supléer
à ses fonctions , puis qu'il n'y en avoit
point , de là la supression des urines , et
que
la même cause qui a formé dù pus
dans le sac pierreux , a pû donner lieu à
l'abscès du tissu cellulaire . A Paris ce 6 .
May 1731. et ont signés Sylva , Boudon ,
Verdier , Morand , Perchet.
LETTRE de M. Morand à M. de la R
' Ay l'honneur de vous envoyer,Mon
sieur, le rapport de l'ouverture de M.
de Janson, et j'execute les ordres positifs
que j'en ay reçû : ces Ordres sont si pré
cieux pour moi que je n'en puis retran
cher un mot , et je vous envoye en mê
me temps la Lettre de M. Mareschal qui
me les a signifiés .
· Je viens de rendre un compte exact de
votre Operation à son Eminence M. le Car
dinal , et des obstacles invincibles de
рои
voir guerir M. de Janson ; je lui ai ajouté
que vous aviés en raison de ne point tirer
la pierre , et que cet examen avoit étéfait en
presence de M. Chirac, cela lui a faitplaisir.
Son Eminence m'a dit qu'il falloit le dire
au Roy, ce que je feray ; la seconde chose
II. Vol.. Ciij que
1466 MERCURE DE FRANCE
que vous deviés en faire une Relation pré
cise et de tous les temoins , et en faire un
article dans les Nouvelles pour détromper
le Public. Voila ce que son Eminence m'a
dit, et je crois qu'elle pense juste . Je vous sa
lue & c. Mareschal. A Rambouillet le 25.
Avril 1731 .
Je vous envoye en même temps ,
Monsieur , la Rélation de l'ouverture de
M. du Blaisel , et je crois qu'avec ces deux.
Pieces il m'est permis de demander à
l'Auteur anonyme de la Lettre inserée
dans le Mercure de May , pag. 1135 .
raison des Réflexions qu'il a ajoutées au
détail des Operations de la Taille faites
à l'Hôpital de la Charité le 14. du mois.
passé.
Je n'avois pas plus promis cette année
cy que l'autre de faire la Taille par l'Ope
ration Laterale . L'Année derniere M ..
Mareschal trouva bon qu'on la fit , je l'ai
faite devant lui , et elle a reussi . Cette
année M. Mareschal a trouvé bon qu'on
ne fit
que le grand Appareil , j'en ai fait
deux , et j'ai gueri mes deux malades.
Ainsi cette année cy comme la précedente,,
j'ay obéi.
➤
Mais l'Anonyme avance que M. Ma
reschal qui connoit les inconveniens de l'ap
pareil Lateral , en disposa autrement , en
II. Vol. execu
JUIN. 1731. 1467
1
executant lui même,et faisant executer l'Opé
ration à la maniere ordinaire. Je demande
si l'Anonyme a ordre d'expliquer les mo
tifs de M. Mareschal , et pourquoy it
abuse gratuitement d'un nom si respec
table ; car personne ne peut connoître
les inconveniens de cette Opération .
que sur des éclaircissemens fournis par
la Theorie ou sur les faits de Pratique .
Sera-ce sur les éclaircissemens de Théorie?
M. Mareschal n'est pas encore determi
né , et M. le Comte de Broglio m'a fait
l'honneur de me dire que M. Mareschal
venoit de proposer plusieurs questions à
M. Cheselden , et qu'il a demandé qu'on
envoyât icy , s'il étoit possible , les Parties
de quelqu'un , mort aprés cette Opération .
Sera-ce sur les Faits de Pratique jusqu'à
l'Epoque deM . deJanson et du Blaisel De
Londres , M. Cheselden fournira le Mé
moire de soixante six Opérations dont
soixante -deux ont réussi à Paris il y en
a eu seize l'année passée , faites par M.
Perchet et moi , et quatorze malades ont
été gueris. Sera - ce sur l'Opération de
M. de Janson ? M. Mareschal m'or
donne lui-même de faire une Rélation
exacte de l'ouverture pour détromper
le Public. Sera-ce sur la Taille de M. du
Blaisel les singularitez qu'on voit dans
II. Vol.
C iiij l'ou
1468 MERCURE DE FRANCE
P'ouverture , pourroient seules justifier
l'Operation , qui d'ailleurs fut faite très
heureusement ; mais quand on suppo
seroit le contraire , il resteroit toujours
pour vrai , que nous en avons gueri
l'année passée quatorze de seize ; qui
sçait si quatorze taillés cette année à l'ap
pareil Lateral , immediatement aprés Mrs.
deJanson et du Blaisel , n'auroient pas été
gueris ? cela étoit aussi possible cette an
née-ci que l'autre. Sera-ce enfin sur les
réprésentations de quelques Chirurgiens
qui verroient avec peine les progrès de
cette Operation ? ceux qui sont à la tête
de la Chirurgie ne préfereront jamais l'in
terêt de quelques particuliers au bien
blic. Je conclus donc que l'Anonyme
a trés imprudemment compromis le nom
de M. Mareschal .
pu
C'est avec la même licence que l'Anony
me arrange la Chirurgie de l'Hôpital . Si
M. Mareschal avoit confié le soin de l'Hô
pital à M.Guerin le Pere , comme il le dit, je
ne jouirois point de la place de Chirurgien
en Chef, dont j'ai été pourvu sur la présen
tation de M.Mareschal , mais j'enjoüis com
me auparavant, et si je ne puis assurer que
j'aye merité les faveurs de M. Mares
chal , au moins puis- je assurer qu'il ne me
les a pas retiré.
II. Vol. L'Anonyme
JUIN. 1731 1469
L'Anonyme finit ses Reflexions en
'disant , que les Pauvres serviront d'instruc
tion aux éleves sans être leurs victimes. Si
cela roule sur la Taille Laterale , comme
il n'y a pas lieu d'en douter, c'est à vous ,
M. à me vanger de cette noirceur , en rap
pellant les Faits que vous avés imprimés
l'année derniere..
L'Anonyme auroit pû terminer sa nar
ration, en disant que M. Mareschal veut de
plus amples éclaircissemens sur l'Opera
tion Laterale. C'est faire l'Eloge de sa pru
dence ; mais nous ajoutons que quand l'ex
cellence de cette Opération sera bien prou
vée ,M. Mareschal toujours plein de zéle et
daffection pour les Pauvres , voudra non ṣeu
lementy être présent, mais la fera peut être lui
même. Je suis , Monsieur , Vôtre &c.
A Paris ce 10. Fuin . 1731.
SONNE T.
Par Me de Malcrais de la Vigne du
Croisic , en Bretagne.
POur charmer son ennui , pour bannir la tris
tesse >
Tircis aime à chanter en gardant son troupeau
11..Vol. -Um Ċ ▾
1470 MERCURE DE FRANCE
Un Nocher témeraire aime à voguer sur l'eau ;
Un Avare aime à voir augmenter sa richesse.
Un Chasseur fatigué , que la chaleur oppresse;
Aime à se rafraîchir au courant d'un ruisseau ;
Un Ivrogne aime à boire et vin vieux et nouveau;;
Une None à la grille aime à jaser sans cesse.
Un joueur obstiné que le malheur poursuit ;
Dans un Brélan fatal aime à passer la nuit ;
Un Poëte indigent aime à toucher la lyre.
Un Evêque opulent aime à vivre à la Cour
Les plaisirs sont divers , et moi j'aime Thamire ;
Je l'aime , et l'aimerai jusqu'à mon dernier jour..
ttttttttttttt
REFLEXIONS sur la Politesse.
A Politesse consiste à ne rien faire et
L ne rien dire qui puisse déplaire aux
à
autres ; à faire et à dire tout ce qui peut
leur faire plaisir , et cela avec un air , une
façon de s'exprimer , et des manieres qui
ayent quelque chose de noble , d'aisé , de
an , et de délicat ..
U. Vol . 1
11
JUIN 1731. 1471
Il faut donc considerer dans la Poli
tesse , et le fond des choses , et la maniere
de les dire et de les faire.
Cette maniere est le point le plus im
portant , un homme auroit beau être obli
geant , serviable , complaisant , civil
même ; sans une certaine maniere d'être
tout cela , il ne passeroit que pour un
honnête homme, un bon homme, et point .
du tout pour un homme poli.
Comme on a appellé l'esprit , raison assai
sonnée , on pourroit appeller la politesse ,
bonté assaisonnée. L'esprit , la politesse ,
sont je ne sçai quoi de fin , de délicat et
de brillant, ajoûtez à la raison , à la bonté.
Il y a beaucoup d'arbitraire dans cette:
maniere de dire et de faire les choses ,
de témoigner aux autres les dispositions .
avantageuses où nous sommes à leur égard
de leur marquer du respect , de l'estime ,.
de l'amitié , &c . .. . Ainsi elle varie selon
les differentes Nations. L'usage du mon
de peut seul la faire bien connoître et y
former. L'instruction la plus étenduë
n'apprend pas tout , parce qu'elle ne sçau
roit tout exprimer , à plus forte raison.
ne met-elle pas en état d'agir. Il y a bien
loin de la politesse speculative , à la poli
tesse pratique. La politesse est une chose:
d'experience et d'usage.
و ا
IL..Vol. E vj. Ca
1472 MERCURE DE FRANCE
Ce qui met le plus en état de profiter
de cette expérience et de cet usage du
monde , c'est beaucoup de bonté et de
douceur dans le caractere , beaucoup de
finesse , de sentiment pour discerner
promptement ce qui convient , eu égard
à toutes les circonstances où l'on se trou
ve , ce qui s'appelle les bienséances ; enfin
beaucoup de souplesse dans l'humeur , et
une grande facilité d'entrer dans toutes
les dispositions , de prendre tous les sen
timens qu'exige l'occasion présente , ou
du moins de les feindre..
Mais il est très difficile de feindre et de
dissimuler. L'homme est naturellement
sincere , il aime à dire ce qu'il pense , à
témoigner ce qu'il sent . Ainsi il est im,
possible qu'on soit poli , du moins qu'on
le soit constamment , avec certains dé
tours qu'il faudroit cacher pour le paroî
tre ,.
comme l'orgueil , la colere , là du
reté de coeur , la malice & c . Disons tout ,
le seul penchant à la sincerité , le grand
éloignement de tout déguisement. et de
toute dissimulation suffit pour rendre
impoli : une des régles les plus commu
nes de la politesse , est qu'il ne faut pas
dire tout ce qu'on pense , ni faire toug
ce qu'on voudroit.
On ne se bornera
pas
même à accuser
Il Vol la
FUIN. 1731. 7473
La sincerité d'impolitesse , comme il y a
d'ordinaire plus de mal que de bien à di
re des hommes , comme il Y a une infi
nité d'occasions de les contredire avec
justice , soit dans leurs opinions , soit dans
leurs passions , celui qui leur parleroit
toujours avec une entiere, sincerité , pas
seroit pour malin ..
Pour être poli positivement , c'est- à
dire , pour faire et surtout pour dire des.
choses polies , il faut avoir de l'esprit ; .
mais. il suffit presque d'avoir une bonne
éducation et un peu de bon sens pour:
être poli négativement , c'est-à - dire , ne
rien faire et ne rien dire d'impoli . Telle
est la politesse de beaucoup de personnes,
d'un esprit médiocre , qui ne laissent pas.
de se faite aimer et d'être de bonne com-.
pagnie jusqu'à un certain point, par leur
complaisance , leurs attentions & c .
Il y a une impolitesse de malice , et
une impolitesse de grossiereté , celle ci
attire le mépris , celle -là attire la haine ..
Mais être appellé impoli , est , à mon
avis , une plus grande injure que d'être
appellé malin et satyrique,
L'accusation d'impolitesse est une des
plus grandes injures , selon moi , parce
qu'elle emporte une idée de bassesse dans
la naissance , et de petitesse dans l'esprit.
II. Vol. Of
F474 MERCURE DE FRANCE
Or les réproches les plus piquants sont
ceux qui régardent l'esprit et la naissan
ce. Un homme de guerre feroit peut- être
aussi offensé d'être appellé sot ou faquin ,
que d'être traité de lâche .
Les personnes extrêmement vives , ne
sont pas pour l'ordinaire fort polies ; leur
vivacité les entraîne presque toujours
tantôt vers un objet , tantôt vers un au
tre ; elle les fait agir et parler précipitam
ment , souvent même sans réfléxion .
Les vives sont presque toujours coleres ,
impatientes , opiniâtres , du moins pour
le moment.
La réputation d'homme poli , est une
des plus avantageuses qu'on puisse avoir
dans le monde la politesse est au moins
l'apparence des plus excellentes vertus ,
des plus belles qualités tant de l'esprit
que du coeur , elle attire tout ensemble
l'estime et l'amour .
Mais souvent pour éviter l'impolitesse
on tombe dans l'affectation et les façons ,
ce qui est plus ridicule et plus desagréa
ble que la simple grossiereté.
Ainsi on peut pecher contre la vraye
politesse par excès et par deffaut.
Les témoignages excessifs et trop fré
quens d'estime , de respect &c. ne flat
tent plus , ne font que géner ceux aus
II. Vol..
quels,
JUIN. 1731. 147
•
quels ils s'addressent , et par là sont con
traires à la vraye politesse , dont le but
est de plaire. C'est un grand Art de sca
voir les mésurer selon les personnes et les
circonstances. Ce qui s'appelle faire des
façons avec son inferieur , ou son égal¸,
s'appelle faire son devoir avec son Supe
rieur.
Les défauts qui nous choquent le plus.
dans les autres , sont ceux qu'ils pren
nent pour des agrémens. Ils sont fort
contents d'eux-mêmes , pendant qu'ils:
nous paroissent ridicules , et dès lors ils
nous le paroissent encore davantage , ils .
nous deviennent même à charge par l'or
güeil qui est d'ordinaire le principe et la
suite de cette méprise. De plus les défauts
ausquels on s'est étudié , comme à des
qualités , sont beaucoup plus choquants
que les vices naturels. Voilà pourquoy
Fair affecté et précieux choque également
tout le monde. La vraye politesse en rit ,.
Pimpolitesse en murmure.
Mais il ne suffit pas de ne rien dire , ni
de ne rien faire qui puisse blesser les au
tres , ce n'est pas avoir satisfait à tout ce
que renferme ce devoir , si l'on ne souf
fre ce que les autres peuvent dire , ou
faire d'offensant ou de moins poli. Ainsi
une grande partie de la politesse consiste
II..Vol
1476 MERCURE DE FRANCE
à souffrir l'impolitesse des autres.
Témoigner aux autres qu'ils nous of
fensent , c'est presque toujours les offen
ser.
, Il est d'autant plus difficile d'être poli
qu'il y a moins de gens qui le soient ve
ritablement..
Comme la plus forte passion des hom
mes est celle d'être estimés et considerés ,
la politesse consiste sur tout à témoigner
aux autres de la consideration et de l'es
time , à flatter leur orgieil. La vanité est
la source , l'assaisonnement de nos plus
grands plaisirs .
Pour apprendre à connoître la poli
tesse , il faut voir des personnes polies ;;
mais pour se perfectionner , et se fortifier
dans la pratique de la politesse , il seroit
peut- être utile quelquefois de se trou->
ver avec des gens impolis. Des occasions,
frequentes d'agir et de surmonter une
difficulté considerable , avancent bien
mieux que de simples exemples. Leur im
politesse déplaît , l'on voit en quoy ils
manquent, et par - là même l'on n'y tombe
pas.
Lecommerce des femmes est , dit- on ,
communément , la meilleure école de
po
litesse . Cela est vray. Non pas tant néan
moins parceque les femmes sont polies 3
II. Vol
que
JUIN. 1731.
1477
2
que parce qu'il faut l'être beaucoup avec
elles. Il n'y a pas tant à profiter des exem
ples de politesse qu'elles nous donnent
que de la necessité où nous sommes d'en
avoir beaucoup à leur égard , non seule
ment pour leur plaire, mais pour en être
soufferts. Le merite le plus essentiel d'un
homme auprés des femmes sages , c'est
une grande politesse . Quelques femmes
ont des Amants à qui manquent toutes
les qualités qui se peuvent nommer. Trés
peu sont capables de choisir pour ami un
homme à qui rien ne manqueroit du côté
de l'esprit et du coeur,mais qui n'auroit pas
ces dehors agréables , ces manieres no
bles, aisées, qu'on appelle l'air du monde,
Il me semble qu'on peut distinguer
trois sortes de mérites , le mérite estima
ble , le mérite aimable et le mérite agréa
ble. Le mérite estimable est celui de la
superiorité , des lumieres , des talens , du
sçavoir , de la parfaite probité , &c. ...
Le mérite aimable est celui des sentimens ,
de la douceur dans le caractere , de l'éga
lité de l'humeur , &c... Le mérite agréa
ble est proprement celui de la politesse .
La timidité ne se corrige guères par de
simples avis , encore moins par des rail
leries et par des reproches. Il est bon de
paroître ne faire pas trop d'attention à
II. Vol uns
1478 MERCURE DE FRANCE
*
ane personne timide , cela la met plus à
son aise . La femme du monde qui mar
che le mieux , marche de mauvaise grace
dès qu'on la regarde ; il faut quelquefois
exciter la confiance de certaines gens par
des louanges courtes et mésurées ; les élo
ges trop forts les déconcertent ; ils plai
roient s'ils pouvoient se flatter de plaire.
Il y en a d'autres qu'il faut tâcher de gue
rir de leur trop de sensibilité aux juge
mens qu'on peut faire d'eux ; car c'est la
source de leur timidité , et cette espece de
timidité est peut être elle- même vanité .
Il y a de la politesse à se livrer de bon
ne grace dans la conversation , à n'avoir
pas plus d'esprit que ceux avec qui on
se trouve , à n'affecter point trop de jus
tesse , à donner quelquefois lieu à la con
tradiction et à la critique ; en un mot
à n'avoir pas toûjours raison . Mª un tel
parle bien , dit - on , mais il ne dit rien
dont il n'ait fait auparavant le broüillon
dans sa tête ; aussi parle- t'il peu ; les
broüillons emportent trop de temps ; le
moment de l'à- propos s'enfuit ; par-là un
homme est toujours gêné et toujours gê
nant. C'est orgueil , c'est vanité pure , et
par consequent impolitesse ; car la po
litesse consiste à sçavoir cacher sa vanité,
et à flatter celle des personnes avec qui
l'on se trouve.
JUIN. 1479 1731.
A M. L'ARCHEVÊQUE
DE SENS ,
STAN- CE S.
"
Rélat , dont les vertus et le sçavoir sublime ,
Méritent nos respects , notre plus pur encens ,
Je ne viens point ici dans l'ardeur qui m'anime ,
Celebrer tes vertus par mes foibles accents ;
Je ne veux dans ces Vers que te montrer ma joye;
Souffre donc qu'elle éclatte, et qu'elle se déploye
Devant toi toute entiere en ce jour fortuné ,
Où , portant avec toi le zele et la lumiere ,
Tu viens d'un bon Pasteur commencer la car
riere ,
Pour le nouveau Troupeau que le Ciel t'a donné.
>
Si le choix inspiré , qui dans ces lieux t'amenè ,
Excita les regrets et les pleurs de Soissons
Riches de ce qu'il perd et qui cause sa peine ,
Nous bénissons LOUIS , et nous réjouissons.
D'un Prélat gracieux , affable et pacifique ,
La mort ici causoit une douleur publique ,
Tout le Troupeau saisi , gémissoit , s'allarmoit ,
Quel successeur plus digne eût banni la tristesse ?
11. Vol.
Dissipé
1480 MERCURE DE FRANCE
Dissipé la terreur et rendu l'allegresse ?
Qu'un Pontife zelé pour la paix qu'il aimoit ›
C'est l'amour de la paix , qui dans ces lieux t'ap
1
pelle ,
Tu la trouves ici , tu viens l'y maintenir.
Si de la verité tu soutiens la querelle ,
Sans alterer la paix , tu sçais la soûtenir.
De cette verité qui t'inspiré et t'éclaire ,
Défenseur génereux , tu la suis sans mystere ,
Et la fais triompher de la superbe erreur.
Mais tes armes , tes traits pour sa juste défense,
Sont les brillans éclairs d'une haute éloquence;
C'est une charité prudente et sans aigreur
De cette verité que ta plume sçavante
Orne des plus beaux traits et met dans tout son
jour,
En vain les ennemis d'une ardeur pétulente ,
Se déclarent les tiens , t'attaquent tour à tour.
Tu ne sçais opposer à toute l'amertume ,
Que répand contre toi leur outrageante plume ,
Qu'une douceur extrême et que la verité.
C'est ainsi qu'autrefois le Docteur de la grace ,
De ceux qui l'outrageoient , sçut confondre l'au
dace ,
Toujours doux, toujours humble et plein de
charité.
IL. Vol Que
JUIN.
1481
1731 .
Que Dieu jette sur nous un regard favorable ,
De te donner à nous , de nous donner à toi !
Et qu'il fait éclatter sa sagesse adorable ,
Qui veut par tés travaux affermir notre foi !
Cette Eglise commise à tes soins , à ton zele ,'
En toi trouve un Epoux attentif et fidele ,
Les Brebis un Pasteur , courageux , vigilant ,
Qui ne les conduira qu'en de sûrs Pâturages ,
Et sçaura les sauver des terribles ravages ,
Que fait le Loup qui voit le Pasteur indolent,
Si quelqu'une , pourtant , du troupeau se sépare
Prompt à courir après , tu la retrouveras ;
Sçavant à la tirer du chemin qui l'égare ,
Dans le sacré Bercail , tu la rameneras.
En toi l'ignorant trouve un Docteur charitable ,
Celui qui dans la foi chancelle et n'est pas stable ,
Pourra -t'il , s'il t'écoute , encore chanceler ?
On verra , j'en suis sûr , les Rochers et les Chê
nes ,
Accourir à ta voix , te suivre dans les Plaines ,
Suspendus et ravis de t'entendre parler.
Sans en être étonné je verrai ces miracles ,
Comment se pourroit-il que j'en fusse surpris ?
Par moi-même je sçai que les plus grands ob
stacles ,
II. Vo!. cedent
1482 MERCURE DE FRANCE
Cedent tous à ta voix , à tes doctes écrits.
Enfoncé dans l'erreur couverte de tenebres ,
Je marchois au hazard dans ses ombres funebres,
Insensé , je croyois suivre la verité.
Tes Ecrits éclattans d'une clarté celeste ,
1
D'abord m'ont découvert l'illusion funeste ,
Le fantôme imposteur dont j'étois entêté.
Bouchet , Chanoine de Sens.
***:******* :*****
LETTRE de M. Capperon , ancien
Doyen de S. Maxent , sur une Méthode
facile qu'il a découverte , pour connoître
les Sels , pour juger des effets qu'ils doi
vent produire , et pour examiner ceux qui
se trouvent dans les terres , dans les eaux,
dans les plantes , dans les humeurs et
dans l'air , ce qui servira à connoître
les qualitez de ces differentes choses.
MONSIEUR ,
Puisque vous souhaitez que je vous
donne une parfaite connoissance des Ob
servations que j'ai faites sur les Sels , dans
la vûe de faciliter le moyen de découvrir
par une voye plus simple que celles dont
II Vol on
JUIN.
1483 1731.
S
on s'est servi jusqu'à present , quelles peu
vent être les qualitez des differens mixtes
qu'on veut examiner ; je le ferai volon
tiers , n'ayant rien plus à coeur que de
vous satisfaire. Ce que j'ai dit cy- devant
sur les Sels de l'air dans les Lettres que
je vous ai adressées , ( a) ayant produit
d'aussi heureux effets , et pouvant en pro
curer beaucoup d'autres , je ne crois pas
devoir négliger de vous faire connoître
l'étenduë que j'ai donnée à ma découver
te , pour faire remarquer l'utilité qu'on
en peut tirer.
Je crois d'abord pouvoir avancer qu'il
n'y a pas de moyen plus sûr que ma Mé
thode pour bien connoître tous les Sels ,
et pour les distinguer
parfaitement les
uns des autres. C'est par cette même Mé
thode qu'il est le plus facile de connoî
tre comment sont formées les plus peti
tes parties
integrantes qui
composent ces
Sels ; d'où je conclus qu'il est très - aisé
ensuite de juger des effets qu'ils doivent
naturellement produire.
Pour vous persuader , Monsieur , de
ces trois propositions , permettez - moi de
vous marquer d'abord ce que j'entends
précisement par ce qu'on appelle Sel.
(a) Voyez les Mercures de Février, Mars et
Décembre 1729. et Mars 1730,
I I. Vol.
J'en
7484 MERCURE DE FRANCE
J'entends par Sel , une concrétion parti
culiere , faite d'une terre fine , roide et
cassante , qui se dissout dans l'eau et qui
après sa dissolution reprend toûjours la
même figure lorsqu'on n'y met point
d'obstacles. Telle est, ce me semble,la ve
ritable idée qu'on peut avoir de la nature
des Sels , reconnue par de solides Obser
vations , et non simplement suposée par
la seule imagination , telles que celles
qu'on a eües jusqu'à present.
C'est ce qu'il est facile de justifier par
ma Méthode ; car qu'on prenne tel Sel
qu'on voudra , qu'on en fasse dissoudre
dans l'eau une quantité convenable , et
qu'on le fasse ensuite cristaliser sur le ver
re, ainsi que je l'enseigne , l'on verra que
chaque Sel y réprendra toûjours la figure
qui lui est specifique ; par où il sera très
aisé de le distinguer des autres. Pour pro
fiter donc de cette découverte , et pour
éviter qu'on y soit trompé , il est à pro
pos de faire cristaliser de cette maniere
chaque Sel en particulier , et d'en tirer
ensuite le papier ; car cela étant fait une
fois , c'est le moyen de les reconnoître
toûjours et de les distinguer parfaitement
les uns des autres . On aura même là
une espece de clef pour les trouver et
les connoître par tout où ils sont.
par
II. Vol. C'est
JUIN. 1731. 1485
募
C'est ce dont je donne un échantillon
dans la Planche qui accompagne mes Let
tres , où j'ai représenté les Figures des
Sels les plus connus , ainsi que je les ai
vûs et dessinez moi- même ; tels que le
Sel marin , le Nitre , le Vitriol blanc et
le vert , l'Alun , le Sel Armoniac , le Bo
rax, le Sel d'Epsom ou d'Angleterre, l'Ar¬
senic , le Sublimé et le Sucre.
Il est aisé de voir par les figures de ces
Sels , représentez dans cette Planche , que
le Sel Marin se cristalise toûjours en cubes,
qui ont moins de hauteur que de largeur,
avec cette particularité , que la plupart
de ces cubes forment sur leur hauteur un
creux à quatre facetes , lesquelles se reü
nissant , donnent souvent lieu de croire
que bien loin de former un creux , elles
s'élevent tout au contraire en pointe de
diamant , ce qui arrive ordinairement
lorsqu'on n'apporte pas assez d'attention
à les regarder avec un Microscope , l'illu
sion venant de la transparence de ces
Cristaux .
Le Nitre prend la figure de petites li
gnes droites , lesquelles se réunissant sou
* On ajugé à propos de ne faire graver qu'u
ne partie des Sels dont parle l'Auteur ; cette
partie nous paroissant suffisante pour exprimer
ses idées.
II. Vol. D vent
1486 MERCURE DE FRANCE
vent les unes aux autres , forment des li
gnes cannelées plus longues et plus gros
ses , ayant quelques inégalitez dans leur
longueur , causées par la jonction de ces
lignes. Souvent dans les intervales qui res
tent entre ces longues lignes , il en paroît
qui sont en forme de branchages, traversées
par d'autres ; et parmi ces lignes on voit
plusieurs petits Cristaux ovales, mais poin
tus par les deux bouts , même d'autres qui
sont ronds et dispersez differemment.
Le Vitriol a aussi des lignes , mais beau
coup plus irregulieres et moins unies que
celles du Nitre , puisqu'elles sont souvent
comme dentelées ; et dans les intervales
de ces lignes , il se trouve comme de
pe
tites éguilles , dont les unes sont disper
sées et d'auttes sont réunies en forme
d'étoiles ; lors qu'elles se réunissent en
plus grand nombre , elles ont la figure
de têtes de Chardons.
L'Alun se cristalise en espece de trian
gles , dont les trois angles sont pres
que toûjours coupez vers leurs extrémi
tez , ce qui forme un exagone plus ou
moins regulier. Si par hazard les Cris
taux se réunissent , ce qui arrive particu
Hierement vers les bords du verre , ils font
alors des Cristaux continus , qui ont pres
que toûjours la figure d'angles saillans
II. Vol.
JUIN. 1731. 1487
a peu près semblables à ceux des Bastions
ou des demi - Lunes.
Le Sel Armoniac se forme en lignes
plus ou moins longues ; mais dont les côtez
sont toûjours garnis d'autres moindres li
gnes qui s'y joignent à angles droits, ce qui
forme souvent des croix assez régulieres.
Le Borax donne des Cristaux fort pe
tits , de figure differente , les uns étant
plus ou moins quarrez ou triangulaires
ou paralellogrames ou pentagones ou
exagones ; mais tous avec certaine épais
seur et coupez à vives arêtes .
Le Sel d'Angleterre prend la figure de
quarrez longs , avec nombre d'espece de
rosettes , dont plusieurs sont herissez ,
approchant des têtes de Chardons.
Le Sel Polycreste a des paralellogrames
plus menus que le Sel d'Epsom , dont
plusieurs se joignant ensemble , forment
des lignes qui se tiennent les unes aux au
tres. Il y a outre cela d'autres petits Cris
taux plus quarrez , et quantité de petites
lignes ou éguilles , et des globules heris
sez en têtes de Chardons .
L'Arsenic a de petits Cristaux , dont
on ne peut voir parfaitement la figure
qu'avec un bon Microscope ; pour lors on
les voit faits en globules comme herissez de
pointes de diamans; et parmi ceux- là on en
11. Vol Dij voit
488 MERCURE DE FRANCE
voit d'autres formez en rond.Les Cristaux
du Sublimé sont en figure d'épines , dont
les éguillons sont très- pointus. Enfin le
Sucre se cristalise en agréables rosettes.
Telles sont les figures de ces differens
Sels que j'ai fait cristaliser par ma Métho
de, et que j'ai vû paroître toûjours de mê
me , à quelque petite difference près , qui
ne fait pas changer les figures dominan
tes et specifiques de ces Sels , telles que
je viens de les décrire : ce que j'ai fait à
P'égard de ceux-là , se peut également
faire à l'égard de tout autre ; car il ne
faut pas croire que tous les Sels qui sont
dans la Nature , se réduisent tous à ceux
qui sont les plus connus ; il est vrai qu'ils
se trouvent souvent dans l'air , dans la
terre et dans les differens mixtes qu'on
peut connoître ; mais il paroît assez vrai
semblable qu'il y a dans la terre une ma
tiere saline dont tous les Sels sont com
posez , laquelle se réunissant et se con
gelant differemment , suivant les petits
vuides où elle entre , soit dans la terre
même ou dans les mixtes , forme par ce
moyen autant de differens Sels que les mou
les ( pour ainsi dire ) où elle s'est conge
lée , se sont trouvez differens . L'Art même
fait souvent changer de figure aux Sels
naturels , mais il est toûjours vrai que
II. Vol.
lorsque
JUIN.
1731. 1489
lorsque cette matiere saline a été fixée , soit
par la Nature soit par l'Art , à une figure
particuliere , elle la reprend toûjours
quand on la cristalise par ma Méthode .
Il y a une autre chose qui mérite d'ê
tre connue dans ce qui regarde les Sels ,
et qu'on peut dire être le fondement de
tout ce qu'on peut juger des cffets qu'ils
peuvent produire ; sçavoir , que les plus
petites parties intégrantes dont ils sont
composez , gardent dans leur plus petit
volume , tout imperceptible qu'il est , la
même figure qui paroît sur le verre par
l'assemblage d'une infinité de ces petites
parties dont la figure du Sel criştalisé est
composée ; c'est ce qu'un Ecrivain mo
derne (a) avance comme un principe as
suré ; car après avoir dit , conformément
à ce que j'ai pensé , que ce qu'il y a de
singulier dans les Sels , c'est que de telle
maniere qu'on les divise ou qu'on les dis
solve , ils prennent toujours la même
forme dans la cristalisation , étant aussi
difficile de leur enlever leur figure que
leur nature saline , la loi qui leur donne
cet arrangement , étant invariable . Puis
passant plus loin , il ajoûte que les parties
(a) M. Senac , nouveau Cours de Chymie
suivant les principes de Nevveton et de Sthalle,
Art. dernier de la Cristalisation.
9
II. Vol.
Dij les
1490 MERCURE DE FRANCE.
les plus simples des Sels ont toûjours leur
figure semblable à celle que prennent les
Sels en se cristalisant , ce qui donne lieu
à cet Auteur de souhaiter qu'on pût
trouver un moyen de connoître quelle
est précisement la figure spécifique de
chaque Sel , afin que par ce même moyen
on pût connoître de quelles figures
sont les moindres parties qui les compo
sent ; c'est ainsi qu'il s'exprime : On pourra
peut-être , en connoissant la figure des
Cristaux ( des Sels , ) connoître laforme des
parties qui les composent.
Ce que cet Auteur espere pouvoir
quelque jour arriver , c'est , ce me semble ,
par la Méthode que j'ai proposée ; puis
que rien n'est plus aisé que de connoître
par ce moyen si simple , quelle est la
figure specifique de chaque Sel ; ainsi qu'on
en peut juger par ce que je viens de dire
des Sels dont j'ai parlé cy- dessus.
Etant donc une chose assurée que les
parties interieures et invisibles des Sels
sont de la même figure que les Cristaux
qui se voyent avec les yeux ; il s'ensuit
qu'il est après cela très- facile de connoître
quels effets ces Sels doivent produire, puis
que lescorps n'agissent les uns sur les autres
que par leur figure et leur mouvement.
Ainsi voyant que les Cristaux du Ni
II. Vol. tre
JUIN. 1731. 1491
tre sont quelques-uns formez en lignes ,
d'autres en petites ovales fort pointuës
par
les deux extrémitez , et enfin d'autres
plus petits presque ronds ; n'a-t'on pas
raison de juger que par ses parties poin
tuës , il doit être d'un gout acide et pic
quant ; par ses parties longues , il doit di
minuer le mouvement interieur des li
quides , et être un peu volatile par ses pe
tites parties rondes ? que le Sel marin , où
l'on ne voit que des Cristaux cubiques
doit avoir quelque chose de plus âcre,
raison de ses differens angles , et plus fixe
à cause de sa figure moins susceptible de
à
mouvement ?
Le Vitriol ayant quelques- uns de ses
Cristaux formez en lignes assez grosses ,
mais comme dentelées en forme de Scies,
d'autres en petites éguilles , et enfin d'au
tres en étoiles pointues et en Chardons
herissez ; ne doit- on pas juger que par
ses parties longues , il doit , aussi - bien
que le Nitre , diminuer le mouvement
des liquides ? mais être plus âcre et plus
caustique par la dentelure de ses parties ,
comme par ses étoiles pointues et ses es
peces de têtes de Chardons ? ce qui doit ,
aussi le rendre astringent , lorsque ces
parties dentelées ou herissées , venant à
se glisser entre les fibres , leur donnent
eccasion de se resserrer. Diiij l'A
1492 MERCURE DE FRANCE
L'Alun n'a presque qu'une sorte de
Cristaux composez aussi de plusieurs an
gles plus roides et plus fermes , puisqu'il
se dissout moins aisément ; c'est pourquoi
jugeant par leur figure des qualitez de ce
Sel , il est aisé de voir que piquant par
ses angles roides et fermes les fibres ou
'mammelons de la langue , il doit causer
un gout austere , et que ses particules ainsi
figureés se glissant entre ces fibres
leur donnent lieu de se bander et de se
resserrer , ce qui produit son astriction .
Le Sel Armoniac ayant ses parties lon
gues , doit aussi être rafraichissant ; mais
parce qu'elles sont traversées par d'autres
petites lignes qui les croisent , elles don
nent par - là plus de prise pour être enle
vées dans l'évaporation , ce qui par con
sequent doit le rendre volatile.
Le Borax a ses Cristaux pareillement
composez de plusieurs angles , même cou
pez à vives arêtes , ce qui le doit rendre
pénetrant et irritant ; mais parce qu'il est
plus compacte et moins facile à se dis
soudre , cela empêche qu'il ne pro
duise sur la langue des effets aussi sensi
bles que les Sels précedens ; au lieu qu'é
tant plus développé dans les visceres , il
Y fait ses principales Opérations.
Le Sel d'Epsom et le Sel Policreste ,
II. Vol. pa:
JUIN. 1731. 1493
par leurs paralellogrammes assez longs ,
font connoître qu'ils peuvent diminuer
l'agitation interieure des liquides ; mais
leur âcreté se fait voir aussi aisément par
leurs Cristaux en forme de têtes de Char
dons , ce qui les rend purgatifs , irritant
facilement les intestins par ces parties ain
si figurées , et le Sel Policreste de plus par
ses petites éguilles. Il est facile de con
noître les cruels effets de l'Arsenic et du
Sublimé , par la seule inspection de la fi
gure de leurs Cristaux. Ceux du Sucre
tout au contraire , formez en petites ro
settes , marquent assez qu'en roulant sur
les fibres de la langue , ils ne sont propres
qu'à les chatouiller agréablement.
Je ne suis entré dans ce détail touchant
les Sels les plus connus , que pour justi
fier par ces Sels la verité de ce que j'ai
avancé et de ce qu'en pense M. Sénac ; sça
voir , que connoissant quelle est la figure
specifique que prend chaque Sel dans la
cristalisation , on parvient à connoître
quels effets il doit naturellement operer.
Ilconvient maintenant de marquer com
ment on doit s'y prendre pour trouver
ces differentes figures des Sels , il n'y a qu'à
faire dissoudre dans l'eau le Sel dont on
veut connoître la figure des Cristaux, faire
la dissolution un peu forte , la filtrer en
II. Vol.
suite
Dv
1494 MERCURE DE FRANCE
suite par le papier gris , et en prendre
une très - petite portion pour la faire cris
taliser sur un petit morceau de verre for
mé en rond , comme je l'enseigne dans ma
troisiéme Lettre sur les Sels de l'air , (a)
pour faire cristaliser les Sels qui se ren
contrent dans les eaux de pluye , de rosée ,
de brouillards , & c . La cristalisation étant
faite, si l'on veut voir distinctement quelle
est la figure des Cristaux , il faut les re
garder avec un Microscope qui doit être
fait comme ceux dont je vous ai donné
autrefois la description . Il y a quelques
observations à faire pour n'être pas trom
pé dans la Cristalisation de ces Sels ; mais
je me réserve à en parler dans la Lettre qui
doit suivre celle-cy de près . Je suis , Mon
sieur , & c.
FIGURES des principaux Sels
dont il est parlé dans cette Lettre.
La 1. figure représente le Sel Marin .
La 2. le Sel du Terreau de fumier.
La 3. le Sel de l'Ozeille.
le Sel de la Salive.
La 4.
La
5.
le
Sel
du
Sang
.
La
6.
le
Sel
de
l'Urine
.
(a) Mercure de Dicembre 1729
JUIN. 1495 1731
I.
2
3.
白回
***
1496
MERCURE DE
FRANCE
5.
Co
JU IN . 173.1. 1497
XXXX :XXX ** X *: ****
CANT AT ILLE.
Par M. Desforges Maillard. A.A.P.D.B :
V Ous voulez me cueillir , disoit la Rose em
pleurs :
Au jeune Corilas qui l'avoit cultivée ;
Helas ! m'avez-vous reservée
Au plus funeste des malheurs ?
•
Voilà donc , où tendoient vos perfides douceurs
Par ces mots la Rose vermeille
Croyoit convaincre Corilas
Mais Corilas tournant l'oreille
Feignoit de ne l'entendre pas .
Cent fois , poursuivoit - elle encore,
Vous avés prévenu l'Aurore ,
Pour me voir et pour m'arroser
Vous n'osiés pourtant me baiser ,
De crainte d'altérer l'éclat qui me colore.
'Arrêtez , cher Berger , cruel , que faites vous ? 1
Arrêtés , un moment quand vous m'aures
cüeillie
Quelques instants aprés vous me verrés flétrie
Je perdrai les attraits dont vous étiés jaloux .
Ainsi parloit la Rose en larmes ;
...
II. Vol. Mais
1498 MERCURE DE FRANCE
Mais ces cris furent superflus ;
Dès qu'elle fut cueillie elle n'eut plus de charmes,
Et Corylas ne l'aima plus.
Amans , sous les plus douces chaînes ,
Contraignés vos brulans desirs ;
Le comble des tendres plaisirs ,
Est souvent le comble des peines.
bububat
REFLEXIONS sur la Methode de
M. le Fevre de Saumur , et sur les Notes
de M. Gaullyer, Professeur de Quatriéme
au College du Plessis - Sorbonne.
M
R. Gaullyer se plaint de ce que ceux
qu'il appelle les Charlatans de la
menue Litterature ne font aucune ré
ponse aux déclamations qu'il vient de
faire contre eux sans aucune distinction .
Il attribuë ce silence à la même cause qui
a fait taire le sage M. Rollin : mais les
prétendus Charlatans ne présument pas
assés d'eux- mêmes pour se mettre de ni
veau avec M. Rollin : ainsi pour faire
connoître à M. Gaullyer le profond res
pect qu'ils ont pour lui , ils feront ici
quelques réflexions sur ses Notes .
7
Iº. Ils sont surpris que pour justifier
II. Vol. la
JUIN. 1731 1499
la pratique vulgaire , M. Gaullyer ait
fait imprimer la Methode de M. le Févre
qui condamne cette pratique ; mais après
tout quand nous sommes appelés à faire
imprimer , et que le public ne se prête
pas à notre vocation , que pouvons-nous
faire de mieux pour la remplir , que de
faire imprimer les Livres des autres ?
II° La Methode de M. le Fevre con
siste ,
1. A ne parlerde Grec ni de Latin aux
Enfans qu'ils n'ayent atteint au moins la
dixième année. ( pag. 4. )
2. Avant ce temps là , faire apprendre
à lire et à écrire sans se mettre fort en peine
de la beauté du caractère , ( pag. 4. ) il suf
fit qu'il lise bien son écriture. ( pag. 6. )
3. Quand l'Enfant a atteint l'âge de
dix ans , il est tems de commencer ,
pour moý , dit M. le Fevre , ( page 6. ).
je n'eusse appris Musa qu'à douze ans ,
mais je m'imaginai qu'avec le secours d'un
Précepteur, comme moi, il pourroit bien com
mencer deux ans devant.
quoyque
IC
4. Faire apprendre les déclinaisons &c.
et cela en grand papier , plié in 4 ° . et relié
proprement. ( pag. 9. )
5. Quand la Grammaire latine est ache
vée , qu'il est question de venir à la pratique
de cette Grammaire ; je me gardai bien , die
I I. Vol.
M.
1500 MERCURE DE FRANCE
que
M. le Fevre , ( pag. 20. ) de suivre la ma
niere l'on suit ordinairement , qui est de
commencer par la composition , c'est-à-dire ,
par les Thèmes, il n'y a rien , selon mon sens ,
qui nuise si fort à un enfant. M. le Fevre
s'étend beaucoup pour faire voir le peu
de raison qu'il y a dans cette pratique
des Thèmes , et soutient qu'il faut com
mencer par l'explication , c'est-à dire , par
une version de vive voix, qui soit nette , sim
ple , et sans aucune circonlocution . M. le
Fevre fait donc expliquer , et expliquer
jusqu'à extinction de chaleur naturelle.
Ce sont là les points principaux , telle
est , pour ainsi - dire , la charpente de la
Méthode de M. le Fevre : les réflexions
détaillées , dont chacun de ces points est
accompagné , ne changent rien au fond
de la Méthode.
Il ne seroit pas difficile de faire voir
que les Méthodes des prétendus Charla
tans de la menuë Litterature sont plus
conformes à celle de M. le Fevre , que
ne l'est celle de M. Gaullyer .
M. le Fevre dit avec raison , ( pag. 2 )
que sa Méthode ne s'accommode nullememt
avec la pratique des Colleges. Ceux qui di
ront cela , ajoute t'il , diront vray.
M. Gaullyer fait une Note pour
répondre à cet article ; mais sa réponse
II. Vol. RC
JUIN. 1731. I sor
ne satisfait pas ceux qui sçavent réduire les
difficultés à leur veritable point.
M. Gaullyer prétend 1 ° . que du tems
de M. le Fevre , c'est-à - dire , depuis l'an
1651 jusqu'en l'an 1672. les Colleges
étoient mal montés , c'est-à-dire , comme
il l'explique , remplis de Régens peu ha
biles. 2 ° . que les Auteurs Grecs et Latins
sont bien mieux distribués aujourd'huy
dans les six Classes d'humanité des Colle
ges , qu'ils ne l'étoient du tems de M. le
Fevre . Voilà en quoy consiste la répon
se de M. Gaullycr à cet article de M. le
Fevre. Un des Agresseurs des nouvelles
Méthodes , prétend que les Ecoliers du
siécle passé étoient au moins aussi habiles
que ceux d'aujourd'hui , et qu'à mesure
qu'on a vû des Méthodes nouvelles , on
a vû le nombre des Sçavans décroître ,
réflexions, ajoute - t'il ,du célébre M. Huet :
mais accordons à M. Gaullyer , puisque
tel est son bon plaisir, que les Regens d'au
jourd'huy sont plus habiles qu'ils ne
l'étoient du tems de M. le Fevre ; en effet
M. Gaullyer n'étoit pas de ce tems- là ,
il n'en sera pas plus avancé ; car la ques
tion se réduit à sçavoir si la Méthode que
l'on suit aujourd'hui , n'est pas au fond
* Mémoires de Trevoux ,May 1723.
}
II Vol.
la
1502 MERCURE DE FRANCÉ
la même que celle que l'on suivoit du
tems de M. le Fevre : faire expliquer Ho
race avant Virgile , ou Virgile avant Ho
race ; Ciceron avant Homére , ou Homé
re avant Ciceron , ce n'est pas en cela que
consiste la difference qu'il y avoit entre
la Méthode de M. le Fevre et celle des
Colleges de son tems : la principale diffe
rence étoit la Méthode commune
que
menoit au Latin par la composition des
Thèmes , et que M. le Fevre y menoit par
l'explication. Or cette différence éssen
tiéle subsiste encore aujourd'hui , donc
quand M. Gaullyer sera monté en Philo
sophie , on pourra luy faire ce raison
nement:
On ne peut pas dire, selon M. Gaullyer,
que la Méthode de M. le Fevre ne sait pas
bonne , elle est fondée sur la raison et l'expe
rience. Or ce qui distingue principalement
cette Méthode de celle des Colleges du
siécle passé et de ceux d'aujourd'hui , c'est
de mener à l'intelligence du Latin par la
voye de l'explication, plutôt que par celle
de la composition : donc la Méthode des
Colleges d'aujourd'hui , aussi bien que
celle des Colleges du siécle passé, n'est pas
la bonne en ce point essentiel , et est con
traire à celle de M. le Fevre , quoique
les Colleges soient mieux montés que ceux
de son tems .
En
JUIN. 1731. 1503
En un mot, on soutient que la Méthode
des Colleges d'aujourd'hui est la mème,
quant au fond , que celle des Colleges de
1672. Or M. le Fevre qui connoissoit sans
doute l'étendue et l'esprit de saMéthode ,
déclare d'abord que sa Méthode ne s'ac
commode nullement avec la pratique des
Colleges : donc il faut convenir que M.
Gaullyer n'a compris ni l'esprit ni l'éten- :
duë de la Methode de M. le Fevre. Car
enfin s'il l'a comprise , dans quelle vuë
osera- t'on le soupçonner de l'avoir fait
imprimer à ses dépens ?
A l'égard du tems qu'on doit commen
cer à étudier le Latin , M. le Fevre , com
me nous l'avons déja remarqué , ne veut
l'on commence avant
pas que
que l'enfant
ait atteint l'âge de dix ans. M. Gaullyer
remarque sçavament ( pag. 76. ) que comme
on dressé de bonne heure les jeunes Veaux
et les petits poulains pour l'exercice de la
Campagne , de même dès que les Enfans
peuvent parler , on doit leur enseigner à
lire ensuite à écrire , et même plusieurs
choses qui sont à leur portée , par exemple
ce qu'il y a de plusfacile dans la Géographie
la Chronologie , et l'Histoire . Ce sentiment ,
dit-il , ( pag. 77. ) n'est pas contraire pour
le fonds à celui de M. le Fevre ; car tout
se que prétend M. le Fevre , c'est qu'on ne
.
II.Vol.
commerce
1504 MERCURE DE FRANCE
›
commence qu'à dix ou douze ans , c'est-à
dire , qu'on ne leur fasse pas apprendre plû
tôt les principes du Latin et du Grec ; ainsy
en commençant la sixième à dix ans , les
Enfans seront en Rétorique , dit- il , à quin
Ze à seize et à dix-sept ans. Ils y seront
encore assés-tôt , ajoute - t'il , peut- être mê
me trop- tôt à l'âge de dix-sept à dix- huit
ans. ainsi à dix- neuf ou vingt ans un jeu
ne homme aura fait sa Philosophie. Les
Parens impatiens de donner à leurs enfans
des emplois militaires , ou des charges
de robe , ne doivent - ils pas sçavoir gré à
M. Gaullyer d'adopter en ce point la
pensée de M. le Fevre ? car si l'on y veut
faire attention , c'est encore trop- tôt que
dix ou douze ans pour commencer une
étude que la Methode vulgaire a renduë
si penible et si embarassée. Quel effort de
mémoire et quelle justesse ne faut-il point
dans l'application de tant de régles si peu
claires , si peu fondées dans la nature , et
sujettes à tant d'exceptions ! les préten
dus charlatans , quoyqu'en dise M. Gaul
lyer , ont ici un grand avantage , du moins
ceux à qui le seul M. Gaullyer donne
le nom de Charlatans , la Methode du
Bureau Typographique, par exemple, met
les enfans en état de profiter des années
dont la Methode vulgaire fait un si mau
C
II. Vol.
vais
JUIN. 1731 1505
vais usage , parceque la Methode de ce
Bureau est fondée sur des principes pro
portionés à l'enfance . M. Gaullyer peut
s'en convaincre dans son propre College
s'il est capable d'être convaincu. Le petit
Rémilly,Pensionnaire au College du Ples
sis , et qui n'est âgé que de six ans , y étu
die selon cette Methode , M. Gaullyer
exigera- t'il qu'il y travaille encore au
moins quatre ans avant que d'aller en si
xiéme ?
Cet empressement des Charlatans , dit
M. Gaullyer ,est nuisible à la santé des en
fans , sur quoy je me contenteray d'ob
server que toute Methode qui instruit
les enfans agréablement , sans les forcer ,
sans les passionner , allant toujours du
connu à l'inconnu , c'est- à-dire , liant les
impressions nouvelles à celles qui sont
déja gravées dans le Cerveau , n'est nul
lement contraire à la santé des enfans :
mais il faut du rélâche , du sommeil , et
éviter sur tout de les forcer, et de les pas
sionner. Je suis persuadé que le grand
travail M. le Fevre a fait faire à son
fils ., peut avoir contribué à la perte de
cet enfant précieux , quoiqu'il soit diffi
cile en ces occasions qu'on ne prenne
pour cause ce qui n'est pas cause .
que
Ce n'est pas le sçavoir qui tue un en
\
II. Vol. fant
506 MERCURE DE FRANCE
fant , c'est l'éffort , c'est de ne point gar
der de proportion entre sa capacité et
ce qu'on veut lui faire apprendre ; les
enfans élevés dans les grandes Villes ap
prennent par l'usage de la vie une infiz
nité de choses sans qu'ils s'en portent
plus mal que les enfans de la Campagne
qui ignorent toutes ces choses : combien
de mots n'apprennent-ils point de leur
langue naturelle ? combien d'objets , com
bien de personnes ne connoissent- ils pas ?
c'est donc de la maniere d'apprendre que
vient tout le bien ou tout le mal. Sur ces
príncipes, il seroit aisé de faire voir que la
Methode vulgaire est bien plus contraire
à la santé des enfans , que celles contre
lesquelles M. Gaullyer fait des déclama
tions si pathétiques . On pourroit aussi
faire voir que quelque Methode que l'on
suive il y a des differences à observer ,
qu'ainst n'en déplaise à M. Gaullyer ,
M. le Feyre a grande raison de dire que
sa maniere d'enseigner n'est pas ce qu'il faut
pour des personnes qui ont peu de bien , mais
tous ces points demanderoient un détail
dans lequel je n'ai pas le temps d'entrer
maintenant.
On ne veut point approfondir d'où
vient le zele de M. Gaullyer contre cer
taines personnes à qui assurément le pu
II. Vol.
blic
JUIN. 1731.
1507
ܐܫܟܗ
Llic ne donne point les noms dont il plaît
à M. Gaullyer de les qualifier. Il traite
leurs idées de folles et d'extravagantes ,
quoiqu'elles soient assurément bien plus
conformes au sistême de M. le Fevre :
il les appelle des Charlatans et des Avan
turiers de la menuë Litterature ; on pourroit
fort bien , dit-il , ( pag. 78. ) lesforcer à
se taire et les chasser des grandes Villes :
et pourquoy ne pas les chasser aussi des
petites les livres de M. Gaullyer ne se
débitent- ils point dans celles - ci ? leurs
ridicules imaginations , poursuit-il , de
vraient au moins les faire bannir des Colleges,
ou plutôt on ne devroit on ne devroit pas leury laisser
mettre le pied. Ce n'est-là ni la pensée ,
pour ainsi dire , ni le langage de la raison .
Qui ne riroit , dit M. Gaullyer , ( p. 83. )
de voir ces bonnes gens nous proposer sérieu
sement , celui - là son Imprimerie en colom
bier avecses logetes ou boulins. M. Gaullyer
peut en rire tout à son aise , et c'est mê
me ce qu'il fera de mieux ; mais il en ri
ra tout seul. La Cour , la Ville , et mê
me les Colleges en pensent plus serieu
sement. Mais rions un moment avec M.
Gaullyer. L'autre , poursuit- il , nous pro
pose serieusement ses gloses interlinéaires ;
comme si c'étoit quelque chose de bien rare ,
et qui fut utile à d'autres qu'à des enfans.
4
II. Vol. Le
1508 MERCURE DE FRANCE.
Le dessein de celui - ci n'a pas été de tra 3
vailler des Vicillards. M. Gaullyer
pour
a d'autant plus de tort de confondre ce
dernier avec les autres dont il parle ,
que celui -ci n'a jamais rien dit contre les
Colleges , qu'il a même l'honneur d'avoir
fait les dernieres années de ses études dans
l'Université de Paris , et d'y avoir pris
des degrés ; il vient de donner au Public
un ouvrage qui a été réçû avec une Apro
bation singuliere dans les Colleges mê
me , il n'y a rien dans cet ouvrage ni dans
tout le reste de sa Methode , qui ne puis
se parfaitement s'accorder avec la prati
que des Colleges , et cet ouvrage n'a pas
été regardé comme une production d'une
menuë Litterature .
Cet autre , continuë M. Gaullyer , nous
propose ses propres Livres. Quel est celui
ci ? seroit- ce M. Gaullyer lui- même ? En
effet au versò du titre de la Methode de
M. le Fevre , M. Gaullyer a pris soin de
faire imprimer le Catalogue de ses pro
pres Livres. LIVRES DE M. GAULLYER.
Régles pour la Langue Latine , Rudiment
Methode , Régles d'élégance , Régles de
Traduction , Régles de Versification , Gram
maire Françoise , Feuille de François . &c
Ceux qui voudront avoir un nombre de ces
Livres sont priés de s'addresser à la V. Bro
د
II. Vol.
GAS
JUIN. 1731. 1509
sas. On leurfera les remises convenables & c.
Dans toutes cès Notes , M. Gaullyer ne
propose que ses propres Livres. Quel
nom donnerons - nous à ce langage ? Il ne
manque plus que de crier , tout le monde
l'a vũ , tout le monde l'a voulu voir. Quoy
qu'il en soit j'avouerai ingenûment , conti
nue M. Gaullyer , qu'il m'est venu souvent
à leur sujet une pensée que je crois vraye ,
pourvû qu'on ne la prenne pas à la rigueurs
c'est qu'ils sont , dit-il , ( pag. 84. ) ou
HERETIQUES on Fous : héretiques , s'ils ne
croyent pas le peché originel ; fous , si en le
croyant ils s'imaginent qu'on puisse guerir fá
cilement une des playes , les plus grandes qu'il
aitfaites à la nature humaine ; et cette playe
c'est l'ignorance.
J'ai lu dans les vies des Peres du dé
sert , qu'un pieux Solitaire fut un jour
extrémement maltraité de paroles par
quelques personnes : vous êtes un fou
lui disoit- on , un médisant , un calom
niateur , un emporté , un fanatique
un charlatan , peut- être lui dit-on aussi
vous n'êtes qu'un homme de la menuë Litte
rature : à tout cela le pieux Solitaire ne ré
pondit rien ; il imita le silence sage de
M. Rollin : mais ces personnes ayant dit
au Solitaire qu'il étoit hérétique , il prit
la parole , et se justifia , parce que
II. Vol. are E
1510 MERCURE DE FRANCE
ore confessio fit ad salutem. Nous déclarons
donc que nous reconnoissons le peché
originel et ses effets dans tous les hom
mes , en notre personne , et même en
celle de M. Gaullyer ; nous croyons aussi
que M. Gaullyer est très bon catholique ,
et qu'il est soumis comme nous à toutes
les décisions de l'Eglise ; mais si au lieu .
de lui retorquer cette premiere partie de
son dilemme , on lui reprochoit et on
lui prouvoit la seconde par ses discours
et par ses livres , imiteroit- il la conduite
du Saint Solitaire ?
M. Gaullyer se plaint , ( pag. 84. ) que
nous trouvons quelques dupes , par LA
REGLÉ qu'un sot trouve toujours un plus
sot qui l'admire. Que M. Gaullyer est ad
mirable !
Voici , entre tant d'autres , une Note où
brille une très- grosse Litterature , M. le
Fevre parlant de Longin , l'appelle Cassius
Longinus. M. Gaullyer à la page 100. fait
cette remarque modeste : je ne connoispoint,
dit- il , le Rhéteur Cassius Longinus, mais le
célebre Denis Longin. Il est vray que M.
Boileau et les Notes du Traité du subli
me , ont supprimé le nom de Cassius ,
mais Suidas , M. Baillet , Jugem. des Sça
vans , Tom. 2. 1. part . in 12. 1685. et
les autres Bibliothequaires nomment Lon
11. Vol.
gin
JUIN 1731. ISII
gin Dionysius Cassius Longinus. Si M. le
Fevre avoit dit Tullius Ciceron , M. Gaul
lyer nous auroit peut-être fait une sça
vante note, pour nous dire : je ne connois
point Tullius Ciceron , mais je connois
bien Marcus Ciceron.
M. Gaullyer remarque ( pag. 83. ) que
le seul moyen d'apprendre les belles Lettres ,
c'est la lecture qu'on fait assidûment pen
dant plusieurs années des Auteurs, et qu'ain
si les Charlatans qui suivent , dit - il ,
d'autres routes n'ont pas grand commerce
avec la raison et l'experience : mais où
sont les Charlatans qui ont prétendu
qu'il ne faloit point lire les Auteurs ? les
Charlatans dont parle M. Gaullyer , ne
different que dans les préliminaires et
dans la Methode , ils sont d'accord avec
M. le Fevre , ils disent avec ce grand hom
me , qu'il ne faut point perdrele tems à
faire des Thèmes , surtout dans les pre
miers commencemens , qu'il faut voir les
Originaux avant que de faire des copies :
un homme qui délibere là-dessus , dit M. le
Fevre , ( pag. 21. ) n'a pas grand com
merce avec la saine raison. Ainsi expli
quons les Auteurs , facilitons d'abord
cette explication , disent nos Charla
tans ; s'ils ne parlent pas comme M. Gaul
lyer encore un coup , ils parlent comme
II. Vol. E ij MA
1512 MERCURE DE FRANCE
M. le Fevre ; mais il suffit à M. Gaullyer
de dire beaucoup de mal des autres , et
beaucoup de bien de lui-même : justice ,
équité , discernement , raison , justesse ;
il n'a pas été en ces Classes-là.
M. le Fevre dit ( pag . 8. et 9. ) qu'il
donna à son fils le gros Alphabet de Robert
Estienne , et veut qu'on se serve de grand
papier plié in 4º . l'Auteur du Bureau
Typographique conseille aussi les grands
livres pour l'usage des enfans , parceque
ses livres se tiennent ouverts , ils laissent
les enfans plus libres, et facilitent la lectu
re : mais M. Gaullyer nous renvoye à
ses petits livres chez la V. Brocas , c'est
dit-il ,
que
l'on trouvera les ouvrages
que nous avons fait imprimer pour l'usage des
Classes. Ces ouvrages sont imprimés en
lettres fort menuës , pour ne pas dire en
menuë Litterature ; il seroit inutile d'en par
ler ici plus au long , le Public sçait assés
l'usage qu'on en fait.
Entre un grand nombre d'observation:
que je pourrois faire sur les Notes d
M. Gaullyer, je me réduis à ces deux der
nieres.
là
,
1. M. Gaullyer n'imite pas les Pane
gyristes qui élevent au dessus des autres
Saints ceux dont il font l'éloge , pour lui
il blâme M. le Fevre ; mais en quelles
11. Vol.
occasions ?
JUIN. 1731 . 1513
Occasions ? c'est uniquement quand M. le
Fevre est contraire aux usages et aux
livres de notre critique ; on voit par tout
que M. Gaullyer ne cherche qu'à faire
valoir ses propres ouvrages . Si j'avois à
instruire un enfant , dit- il , ( pag . 109. )
je lui mettrois entre les mains six on sept pe
tites feuilles que j'ai fait imprimer , lafeuille
de Grammairefrançoise , celle du Rudiment ,
celle des Préterits et Supins &c. de la feuille
du françois je passerois à la feuille du La
tin , je distilerois mes paroles goutte à goutte
dans ses oreilles et dans son esprit , qui
est d'une étroite embouchure , ( c'est de l'es
prit de l'enfant et non du sien dont il par
le ) j'imiterois les bonnes nourrices qui four
rent dans la bouche des petits enfans des
morceaux très-menus. Ce stile ne reveillé
t'il
pas l'idée d'une grande Litterature ?
2. M. Gaullyer employe presque une
page en citations , pour nous apprendre
où nous pourrons aller chercher ce que
c'est que Pedant et Pedanterie . Il fait fort
bien de ne pas le définir , il n'y a rien
de si difficile que la connoissance
de
soy- même.
Voilà quelques-unes des réfléxions que
nous n'avons faites que pour donner à
M. Gaullyer la satisfaction qu'il a de
mandée , nous sçavons d'ailleurs qu'il
II. Vol.
E iij persistera
114 MERCURE DE FRANCE
.
persistera dans le même sentiment . Nous
le soutenons, dit- il dans sa belle Preface de
ses Régles innombrables , page XVIII
nous le soutenons , nous l'avons déja soutenu
et nous le soutiendrons encore. Que M.
Gaullyer sçait bien conjuguer ! voilà le
présent , le passé , le futur. Pour nous
gens à menue Litterature , entierement vui
des de science et de bon sens , & c. nous
tâcherons de profiter des lumieres des
autres quand on voudra bien nous
en faire part ; mais si M. Gaullyer n'a
que des déclamations à faire contre
nous , nous lui déclarons que nous ne
voulions , nous ne voulons , ni ne vou
drons pas perdre le tems à lui répondre.
Si quis est qui delictum in se inclementiùs
Existimavit esse , sic existimet ,
Responsum, non dictum esse , quia lasit prior .
Ter. Eun. Prol .
›
a į į į į į į į į į į į Į Į Į Į Į Į Į ṛ Į Į j &
BOUQUET A MADAME D...
PodeFlore
Our vous faire un Bouquet, dans les Jardins.
Je rassemblois des fleurs que, tout nouvellement,.
Pour orner votre sein dans ce jour si charmant
La Déesse avoit fait éclore.
II. Vol
Apollon
JUIN. 1731.
1515
Apollon tout à coup à mes yeux s'est montré.
Quoy , m'a- t'il dit , d'un ton qui marquoit sa
colere ,
Toi , que j'ai si souvent de mes feux inspiré ,
Quoi ? sans crainte de me déplaire ,
Ingrat , oses -tu donc ailleurs
Que sur le sommet du Parnasse
Dans ce jour ramasser des fleurs ?
Est- ce mépris pour moi ? manquerois- tu d'audace ?
Quand tu n'as jamais eu de plus digne sujet ?
Lorsqu'en chantant le plus aimable objet ,
Tu pourrois relever ma gloire ,
Et t'assurer une heureuse mémoire ,
Loin de faire éclatter des sons pleins de douceurs,
Tu cueilles pour tout soin , quelques fleurs pas
sageres ,
Qui , bien moins que des vers flateurs
Aux belles doivent être cheres !
Pardonne-moy , grand Dieu , lui reponds- je en
tremblant ,
Si mon courage chancelant
S'oppose à mes désirs de chanter cette Belle ;
Je crains de ne pouvoir faire un portrait fidelle
De ses graces , de ses attraits :
Envain j'ai réussi sur bien d'autres sujets
Je défigurerois un si charmant modele ,
Et je ferois de vains efforts.
.
Le Dieu m'a repliqué ; charmé de tes transports.
A ton aide aussi-tôt je volerois moi -même ;
II. Vol. Mais
E iiij
1916 MERCURE DE FRANCE
Mais quand par mon secours suprême
Je ne soutiendrois pas une si vive ardeur ,
Pour faire de la Belle une image achevée ,
Tu n'aurois qu'à tracer celle qui dans ton coeu
Est si profondement gravée.
****** :* :*:*******
LETTRE de M. Laloüat de Soulaines ,
écrite à M. L. B. C. D. au sujet de
l'Akousmate d'Ansacq , et d'un autre
pareil dont il a été le témoin.
1
E ne suis pas surpris , Monsieur , que
la Rélation de M. le Curé d'Ansacq
ne passe chez vous que pour un Conte
de Fées , puisqu'il vous faut des temoi
gnages ex visu et auditu , et que cette
Rélation ne se soutient que sur l'un de
ces sens : je la trouverois fort avanturée ,
si elle ne devoit passer qu'entre les mains
de personnes de votre secte . Pour moy ,
puisque vous êtes curieux de sçavoir ce
que j'en pense , je vous avoüerai que je
la traite plus favorablement. A cet aveu
je crois vous entendre rire et feliciter
l'Auteur de ce qu'il est assés heureux pour
trouver des
personnes comme moy , qui
veulent bien croire fermement que c'est
un jeu d'esprit , et vous me demandés
II. Vola déja
JUIN. 1731. 1517
'déja d'un ton railleur , si je n'ai pas quel
que expérience personnelle pour forti
fier la diablerie d'Ansacq ; oui , M. et
en dépit de vôtre pyrrhonisme , je vais
vous donner la Rélation d'un autre
Akousmate ; et dûssiés - vous bâiller cent
fois , j'i joindrai quelques observations
en faveur de celui d'Ansacq. J'y gagne
ray du moins d'y vanger cet agréable
Historien de vôtre incrédulité.
Sezanne , petite Ville de la Brie , est si
tuée au pied d'une Colline qui la cot
toye ( par intervalles néanmoins ) du
Sud- Ouest au Nord , je dis
par inter
valles , c'est-à-dire , que cette Colline est
interrompue et coupée en differens en
droits par des Vallons ou ruelles trés pro
fondes , ( pour parler le langage du Pays )
qui conduisent de ces Côtés- là à la Ville.
Le plus doux de la pente de cette Colli
ne est planté de vignes , le sommet trop
escarpé est inculte , et au dessus on trou
ve des Bruyeres qui se terminent à dif
ferentes pieces de bois , les unes taillis .
les autres de haute futaye , qui font une
Forêt de quelques lieues de long , dans
laquelle il y a trois ou quatre grands:
Etangs.
Au Sud , à quelques lieües de la Ville ,
on trouve de dangereux Marais , qu'on
11. Vol. E v
appelle
1518 MERCURE DE FRANCE
appelle les Marais de S. Gond , lesquels
s'étendent jusqu'au Sud- Ouest.
De l'autre côté de la Ville regne une
Plaine à perte de vie , et qui n'est bor
née d'aucune Montagne , presque jusqu'à
Troye en Champagne . La Ville est ceinte
de murailles , et entourrée de fossés de
tous côtés. En sortant de la Ville à son
midy , il se forme une espece de fer à
Cheval , dont chaque branche fait un
Fauxbourg , l'un au Sud - Est , l'autre
au Sud- Ouest ; le milieu du fer à Che
val , est une Place trés spacieuse , et plan
té d'Arbres , qui sert de promenade aux
Habitans.
Comme ces deux branches sont hors
de la Ville , les maisons ont un terrain
assés étendu , et même il n'y en a point
qui n'ait sur son derriere un Jardin assés
spacieux. Les Jardins surtout de la bran
che qui s'allonge au Sud- Ouest sont si
longs , qu'on auroit peine à distinguer
un homme d'un bout à l'autre ; les pi
gnons de derriere de chique maison leur
serv nt de clôture d'un bout , à l'autre
bout ils sont fermés par un mur com
mun à tous , qui est par consequent
fort
long , et qui n'est separé du pied de la
Colline et des vignes dont je viens de
parler , que par un chemin on ruelle de
11. Vola dix
JUIN. Ì731 . 1519
dix ou douze pieds de large.
Je me promenois dans un de ces Jar
dins au commencement d'Octobre 1724.
environ sur les quatre heures du soir , je
fus interrompu dans une lecture que je fai
sois , par un bruit affreux formé par
une multitude de voix humaines de tou
tes especes , de cris d'Oiseaux et d'Ani
maux. Je vous confesserai , sans en faire
le fin , qu'il m'effraya , et que je pris la
fuite ; mais m'appercevant que ce bruit
' sembloit me suivre , et voyant d'ailleurs
du monde à l'autre bout du Jardin , je
me rassurai ; et picqué d'un peu de hon
te d'avoir eu peur en si grand jour , je
levai la tête , et je vis un nuage fort noir
qui sembloit naître de la pointe de la Col
line , qui s'élevoit au dessus de ma tête
et qui se poussoit sans aucun vent , et
néanmoins avec la derniere impetuosité
de l'Occident à l'Orient ; à mesure que
le nuage s'éloignoit , cette multitude de
voix et de cris se confondoient davan
tage , bientôt je n'entendis plus qu'um
bruit semblable à celui d'un torrent qui
tombe d'une Montagne dans des Ravi
nes , ou d'un Fleuve qui se décharge
dans un autre; et pour vous donner en
core quelque chose de plus sensible ,
persuadez-vous que vous êtes au Pertuis
II. Vol. E vj
de
1520 MERCURE DE FRANCE
de Regeanes ( a ) si terrible à nos Mari
niers ; ce que je veux vous faire conce
voir , étoit encore plus rapide et plus
épouvantable. Enfin le nuage se dissipa
avec tout le tintamarre , je ne vis ni en
tendis plus rien , et nous en fûmes quitte
pour un brouillard trés-épais et trés- puant
qui s'eleva fort peu de tems aprés , et
qui nous incommoda plusieurs jours.
Voilà , M. l'Akousmate dont j'avois
à vous faire le recit , il approche fort ,
comme vous voyez , de celui d'Ansacq ,
à l'exception cependant que les voix
que j'entendis se firent entendre tout
à la fois , au lieu qu'à Ansacq , une seule,
à laquelle une autre ayant répondu d'as
sés loin , commença le charivary , et que
je n'y distinguai aucun son d'instrument.
vous ne manquerês pas de conclure de
là qu'en supposant la verité de cette Réla
tion , elle ne peut pas confirmer celle
d'Ansacq. Il est vray , M. et j'accorderai
sans peine à vôtre prévention , qu'il y a
trop de merveilleux dans celle d'Ansacq ,
et qu'il faudroit trop d'hypothèses pour
y donner une explication un peu proba
ble ; explication par consequent trop
composée , et dès-là trop éloignée de
(a) Lien dangereux de la Riviere d'Yonne ,
à deux lieües d'Auxerre,
1
II. Fola
la
JUIN. 7521 1731.
¿
la nature , qui agit toujours par
les plus simples.
les
voyes
Aussi sans m'arrêter à chaque fait , en
particulier , je me contenterai de croire
en faveur de M. le Curé d'Ansacq , que le
fond de la piece est vray , et que les en
jolivemens peuvent êtte de lui ; mais je
ne suis pas moins persuadé que ce qui a
été entendu à Ansacq est à peu près la
même chose que ce que j'entendis moi
même en 1724.
Voilà cependant une Enquête en bon
ne forme, me direz-vous , faite à Ansacq ;
il faut la recevoir ou la rejetter toute
entiere ; à cela je vous reponds , M. que
quand le Curé d'Ansacq a donné sa Ré
lation au Public , il l'a soumise à toute
la severité de son jugement , et n'a pas as
surément prétendu faire passer son En
quête pour une Piece Juridique ; d'ail
leurs il n'est pas toujours vray qu'on
doive rejetter ou recevoir une Enquête
toute entiere , du grand nombre de té
moignages dont une Enquête est com
posée , il s'en trouve à modifier , ou à
rejetter absolument et d'autres qui font
foy.
Mais en considerant celle- ci comme
juridique , combattons-la juridiquement.
Je fais , je le repete , profession de croi
II. Vala IG
1522 MERCURE DE FRANCE
>
re qu'un bruit extraordinaire entendu à
Ansacq , tel à peu-près que celui que j'ai
entendu à Sezanne est la matiere de
la Rélation de M. le Curé d'Ansacq :
je ne conteste que sur les accessoires
tels que sont ces deux voix qui se répon
doient l'une à l'autre en un lieu fixe,
ces éclats de rire , ces mélanges d'instru
ments , je trouve que ces differens pro
diges se ressentent trop des Sabbats et
des Esprits que je n'admets point.
y
>
Les deux premiers témoins qui seuls
attestent les deux premiers faits , nous
font envisager ce bruit comme renfermé
et immobile entre l'endroit où ils ont
entendu la premiere voix , et celui d'où
a répondu la deuxième , et tous les autres
témoins qui déclarent avoir entendu ce
bruit trés distinctement , le font passer
par dessus les maisons et s'éloigner
comme mon nuage s'éloigna . Aucun de
ceux -là ne dépose des éclats de rire , les
deux personnes qui alloient à Beauvais
ne disent rien ni de ces ris ni de ces deux
voix préliminaires , un seul dépose du
partage du sabat en deux bandes ; on
conviendra qu'une foule de personnes
dont les unes sortant dès le matin pour
aller en Campagne , les autres tranquil.
les , ou dans leur lit ou dans leur cham
II. Vol. "
bre
JUIN. 1731. 1523
bre , doivent faire infiniment plus de
foy , que le témoignage de deux person
nes qui varient même dans des faits essen
tiels , et qui probablement ne se seront
pas mis en chemin si tard à jeun ; on
sçait trop que des gens de Campagne sor
tent toujours d'une Ville , d'un marché ou
d'une Foire , plus gays qu'ils n'y entrent.
-
.
En justice bien réglée , on infereroit
donc de ce grand nombre de dépositions
rassemblées par le Curé d'Ansacq , que cet
te nuit-là il se fit entendre en l'air un grand
bruit formé pat une multitude de voix
humaines et de cris , qui passoit le long
du Village du Sud-Ouest au Nord - Est ,
et qui s'évanouit en s'éloignant ; et st
nous lisons quelque chose de plus dans
la Rélation , il faut nous persuader que
M. le Curé la présenta d'abord à M. la
Princesse de Conti , à dessein de divertir
cette Princesse et le Prince son fils , et
d'attirer en même tems leur admiration :
or le fait narré dans sa simplicité a bien
quelque chose de surprenant , mais il ne
divertit pas comme fait la Musique et
les éclats de rire ; il s'en faut de beaucoup
qu'il soit aussi merveilleux qu'unConcert
aërien ; il faloit donc necessairement que
M. le Curé pour parvenir à son but re
touchât la Piece, et qu'il enrichit ce tinta
II. Vol. marre
524 MERCURE DE FRANCE
·
*
*
marre d'éclats de rire , et d'une sympho
nie , à laquelle il a fallu , sélon les règles
de la Musique , donner un prélude.
Ou bien , si vous voulez , disons à la
décharge du Curé , qu'il avoit affaire à
des gens de campagne
, trés- susceptibles
de prévention , qui dans le cahos et la
confusion qu'a pû faire naître ce grand
nombre de diffetens cris , ou sons aigus ,
auront crû entendre tous les Ménétriers
.
ou tous les Bergers du Pays rassemblés
avec leurs instruments . Vous n'ignorés
pas que les Bergers passent pour bien te
nir leur partie au sabbat.
Ajoutons que les Paysans dans ces sor
tes de récits manquent ordinairement de
bonne foy. Combien de fois des Domes
tiques et d'autres semblables gens ne
m'ont-ils pas fait des récits épouvanta
bles de sabbats , d'esprit , de Loups-ga
rous et de mille autres visions noctur
nes , dans lesquelles ils prétendoient mê
me avoir été maltraités , que j'ai forcé
en les suivant de prés et en les interro
geant avec exactitude , de m'avouer ou
que c'étoit leur Pere ou leur Grand
mere qui leur avoient transmis ces His
toires , ou que tous ces sabbats terribles
se terminoient à un bruit entendu dans
la nuit qui avoient pû être causé
par des
chats assemblés & c.
>
Nous
.
JUIN. 1737. 1925
Nous avons donc dans la Rélation
d'Ansacq , deux écueils dangereux à évi
ter : le . est le dessein formé de M. le
Guré de divertir un Prince et une Prin
cesse , et de les faire admirer ; le 2. l'ima
gination frappée et trés foible , unie à
la mauvaise foy , qui se rencontre ordi
nairement dans ces personnes , sur le té
moignage desquelles on nous donne
certe Rélation. Ces inconveniens nous
doivent faire tenir sur nos gardes , et me
font réduire ce prodige à peu prés au
bruit que j'ai entendu moi-même à Se
zanne. Cela posé , je soutiens , M. que
tout le merveilleux qu'on y trouve peut
n'être qu'un effet très naturel , qui n'a
de surprenant que sa rareté. Et j'ajoute
ce raisonnement :
1º. On ne peut nier qu'un air , ou , si
vous voulez , pour éviter toute ambi
guité , une matiere aërienne trop coin
primée dans un espace fermé , ou pous
sée avec trop de violence contre un corps
qui peut lui résister par le penchant na
turel qu'a cette matiere à s'éloigner de
son centre , ou pour continuer le mou
vement qui lui a été imprimé par un corps
étranger , ne fasse tous ses efforts ou
pour s'échapper ou pour pénetrer son
obstacle ; ensorte que si elle trouve une
.
II. Vol. issue
1426 MERCURE DE FRANCE
issue , ou si elle peut parvenir à s'en faire
une , l'impetuosité avec laquelle elle le
fait , et le choc qu'elle reçoit de l'autre
matiere qui veut entrer , ou qui est op
posée à son mouvement , ébranle violem
ment les colonnes voisines qui transmet
tent cette secousse aux autres colonnes
des environs jusqu'à une certaine étenduë,
plus ou moins grande , selon que les se
Cousses qu'elles reçoivent sont plus ou
moins violentes.
Vous avez , sans doute , fait quelque
fois des ricochets , et vous avez re
marqué que l'agitation des parties frap
pées par une pierre , se communique en
un instant aux environs , et que ce mou
vement forme differens tourbillons sur
l'eau , plus ou moins grands , selon que
votre pierre a été plus ou moins grosse ,
et qu'elle a frappé plus ou moins violem
ment sur l'eau.
Considerons l'Univers comme un
grand Etang extrémement rempli et sans
aucun vuide d'une matiere infiniment
plus fluide et plus facile à émouvoir que
l'eau ; que chaque choc que reçoit cette
matiere dans son mouvement reglé , fait
un ricochet dont les tourbillons sont in
finiment plus étendus que ceux qu'une
pierre pourroit produire dans l'eau , et que
II. Vol. tous
E
JUIN
. 1731.
1427
tous les corps qui sont enveloppez dans
le cercle que décrit ce tourbillon , se res
sentent de ce choc, pour peu qu'ils soient
susceptibles d'impression .
12.
Si ce sont quelques parties émanées
d'un corps qui se soient mêlées avec les par
ties de cette matiere fluide,et qui puissent
frapper nos organes , sur le champ elles
excitent en nous quelques sensations ; de
01 là les odeurs que nous sentons ; de- là
même les couleurs que nous voyons , si
les parties de ce corps lui ont résisté.
Enfin si c'est un corps étranger qui a frap
pé cette matiere fluide et que les secous
ses qu'elle a reçûës , ayent pû assez l'é
branler pour qu'elle les communique jus
qu'à mon oreille ; voilà un son qui sera
reglé par la qualité des secousses et des vi
brations qu'aura causées ce corps étfanger.
Ces principes sont prouvez par un
nombre infini d'expériences qui se pre
sentent tous les jours. Qu'on souffle dans
une flute dont on ait bouché tous les
troux , il ne s'y formera aucun son ; n'est
il
V
pas évident que ce n'est que parce que
l'air ne peut en sortir et ébranler les co
lomnes d'air qui sont au - dehors , et qui
puissent refléchir cette secousse jusqu'aux
oreilles Celui qui souffle fatiguera mê
me , parce que l'air trop comprimé trou
II. Vol vant
1428 MERCURE DE FRANCE
vant de tous côtez un obstacle invinci
ble se refléchira à la bouche de celui qui
souffle ; mais qu'on débouche tout à coup
un trou et que l'on mette la main au- dessus
on sentira l'effort de l'air qui sort et l'on
entendra un son très- aigu . Enfin le son
que rendra cette flute sera doux et aigu ,
selon que l'on souflera plus ou moins fort,
grave ou délicat , selon que les trous se
ront plus ou moins larges.
Le vent dans ces Plaines de Champa
gne où il n'y a arbre ni buissonne
fait point du tout , ou très - peu de bruit,
souffle- t'il dans une cheminée , dans des
Croisées qui ayent quelque petite ouver
tures , il siffle d'une maniere très -sensible.
Dernierement j'entrai dans une Chambre,
je fus frappé de deux sons qui imitoient
parfaitement le bourdon d'une Vielle ou
d'une Cornemuse , qui augmentoient et
s'abbaissoient par reprise quelquefois ces
sons étoient aigus , quelquefois doux . Cette
Musique champêtre venoit de deux car
reaux de vître , dont l'un étoit un peu
échancré , et l'autre n'étoit pas joint exac
tement avec le Chassis ; c'étoit le vent qui
faisoit varier les sons que j'entendois ;
c'est qu'il étoit plus ou moins violent.
Le son n'est donc produit que par les
secousses d'une matiere aërienne et très
II. Vol. fluide
JUIN. 1731 1429
fluide ; secousses occasionnées ou par le
choc d'un corps étranger avec cette ma
tiere fluide , ou parce que cette matiere
chassée avec trop de violence contre un
corps qui lui résiste , ou concentrée dans
un espace trop étroit , trouve ou se fait
des passages par où elle s'échappe avec
impétuosité et ébranle en fuyant les co
lomnes d'air voisines . La varieté des sons
est causée par la varieté du choc ou des
passages , qui , pouvant être modifiez à
l'infini , peuvent produire une varieté
infinie de sons.
2º. On ne peut raisonnablement dou
ter que , dans les airs comme dans le sein
de la terre , ces principes des sons ne
puissent s'y rencontrer. Dans le sein de
la terre les Experiences en sont, il est vrai,
plus rares , mais il n'est pas moins vrai
qu'il y en ait. On s'en convaincra par la
facilité qu'il y a de concevoir dans le sein
de la terre des matieres trop resserrées ,
er qui tendent à s'échapper ; si elles ne
le peuvent qu'en dilatant tous les obsta
cles , et que le corps terrestre qui les en
vironne ne puisse se dilater que par un
grand effort , il est constant que si ces
matieres se font une fois jour , ce ne
pourra jamais être sans un grand fracas.
En raisonnant par les experiences , on
II. Vol.
n'en
530 MERCURE DE FRANCE
T
n'en peut plus douter ; les brouillards.
qu'on voit sortir à vûë d'oeil des Marais ,
les tremblemens de terre , tout ce qu'on
nous raconte du Mont Etna et du Mont
Vesuve , nous persuade que dans le sein
de la terre il s'y trouve une matiere très
legere , qui peut ébranler pour sortir de
l'espace qui la contient , tous les obsta
cles qui se présentent à sa sortie , et qui
fait plus ou moins de désordre et de bruit ,
selon qu'elle a plus ou moins de peine
à s'évader , ou que l'espace qui la con
tient en est plus ou moins rempli , ou
qu'elle-même est plus ou moins active.
Les Mines que l'Art de la guerre a in
ventées , sont autant d'experiences qui
rendent mon raisonnement sensible . Et
un Quartier de Paris en fit une triste épreu
ve il y a quelques mois. Le feu ayant pris
à un Magazin de Poudre , la matiere ignée
remplit toute la voute, et ne pouvant plus
s'y contenir , la fit sauter en l'air , ainsi
que les Maisons et tout ce qui se trouva
au- dessus , avec un bruit si épouventable
que les Maisons des environs ,je veux dire,
à quelques rues même d'éloignement , en
furent ébranlés et les habitans effrayez.
Mais je m'apperçois , Monsieur , que
je commence d'exceder les bornes d'une
Lettre, et que je pourrois bien abuser de
II. Vol. Votre
JUIN. 1731. 1531
votre patience. Je prens donc le parti de
m'arrêter ici et de renvoyer à une autre
fois ce qui me reste à vous dire sur ce
sujet. Je suis , &c.
A Paris , ce 15. Juin 1731 .
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
ENIGM E.
JEE suis long , je suis rond , je suis droit et bossu;
Comme je viens tout nud au monde ,
Et que je ne suis fait que pour
être vétu ,
Pour avoir un habit je tourne et fais la ronde ;
D'une agilité sans seconde ;
Mais que me sert l'empressement ,
Avec lequel j'obtiens cette parure ?
Quand il plaît à celui qui m'en a fait present ,
Je ne le garde pas une heure.
LOGOGRYPHE.
Ui,je suis brüt et dur, mais on peut me
polir ; 悲
Un habile Ouvrier sçait si bien m'embellir ,
Que sans avoir recours à l'Art de la Peinture ,
Je représente la Nature.
Lecteur , ôte ma tête et tu verras après ,
I I. Vol.
Qu'on
1532 MERCURE
DE FRANCE
Qu'on
me trouve
dans les Forêts
,
Dans les Jardins
, dans les Campagnes
Dans les Plaines
, sur les Montagnes
,
En un mot dans tous les Pays ;
Devine
à present
qui je suis.
D'Orvilliers
, de Vernon.
SECOND
LOGOGRYPHE
.
Tou
Ourné de diverse façon ,
Me prenant au pied de la lettre ,
J'offre dès l'abord un Pronom
,
A quiconque
s'explique
en maître
; Mon tout , tantôt
Cité , quelquefois
Région
, Pour deux de moins
n'est guere
bon , Qu'à faire un saut par la fenêtre
. Voulez-vous un Oracle , un Saint de grand re
nom ?
Faites un cercle disparoitre
.
Je pourrois
sur le même ton ,
Nombrer
l'or et l'argent
que le Perou voit naître.
Par trois soeurs prises dans mon nom , Qu'il est aisé de reconnoître
,
Des Peuples
se sont faits raison ,
Et le Sauvage
encor , peut être ,
saison .
S'en sert presqu'en
toute saiso
Un des bouts sans combinaison
,
Souvent
connu , mais souvent
traître,
Sur
II. Vol
JUIN.
1731. 1533
Sur l'Element où le Mouton ,
Ne peut sauter , bondir et paître ,
A Jean Bart causa maint frisson.
Ici je finis ma leçon ;
Devinez ce que ce peut être.
C. In. au Montlouis.
XXX:XXXXXXXX - XXXX
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
LF
E THEATRE DES PASSIONS ET DE LA
FORTUNE , ou les Avantures surpre
nantes de Rosamidor et de Théoglaphyre ,
Histoire Australe. Par M. de Castera. A
Paris , rue S. Jacques , chez Henry , 1731 .
in 12.de 352. pages , sans l'Epitre au Com
te de Clermont , et sans la Préface.
Ce Livre est un tissu d'Avantures assez
nouvelles ; l'Auteur s'est proposé d'y faire
une peinture des Passions les plus vives ,
qui puissent agiter le coeur humain , et
de montrer dans quels précipices elles
nous entraînent , lorsqu'aucun frein ne
les arrête ; mais comme dans un Tableau
les ombres et le clair se prêtent mutuel
lement de la force , il a pris soin d'op
II. Vol, F poser
1534 MERCURE DE FRANCE
poser au vice differens caracteres de vertu ,
afin qu'en voyant ce qu'on doit imiter ,
on envisage avec plus d'horreur les éga
remens qu'on doit fuir ; au reste , ceci
n'est point un Roman , c'est un Recueil
de plusieurs évenemens veritables , dont
les principaux ont été puisez dans l'His
toire Anecdote du quinziéme siecle , mais
ils sont rapportez sous des noms qui les
déguisent , et qui pour la plûpart dérivent
du Grec et du Latin ; ainsi ces noms ont
une valeur secrette , qui est proportion
née aux lieux ou aux personnages dont il
s'agit ; par exemple , on a nommé Charles
Quint Laocrator , comme qui diroit Mo
narque , qui tient beaucoup de peuples
sous sa domination . Le Corsaire Barbe
rousse , est appellé Rufopogon , mot qui
signifie effectivement Barberousse , ainsi
des autres. En cela on a suivi la Méthode
de Thomas Morus , dans son Utopie , et
Barclay dans le fameux Roman d'Agénis .
Les Sçavans auront le plaisir de dévelop
per le sens de ces noms , qui ne sont point
jettez au hazard , et d'en faire une juste
application ; ceux qui n'entendent ni
Grec ni Latin , n'auront qu'à les prendre
pour des noms imaginaires , tels que ceux
qu'on trouve souvent dans Cléopatre
dans Pharamond et dans la Cassandre ;
1
*
II. Vol.
cela
JUIN. 1731. 1535
cela ne les arrêtera point dans leur lecture;
le style est poëtique , parce que tout l'Ou
vrage n'est qu'une narration faite par un
Philosophe Indien à un jeune Roi qu'il
veut instruire en l'amusant ; chacun sçait
que les Orientaux aiment l'emphase et les
expressions figurées.
ELOGE DE L'AMOUR , dédié à Cupidon .
Par M. A. C ** A Paris , chez Charles
Guillaume, rue du Hurepoix , au Pont sains
Michel , 1731.
MEMOIRE Sur le Laminage de Plomb ,
Par M. Remond , de la Societé des Arts.
A Paris , chez Pierre Prault , Quay de
Gêvres , au Paradis , Brochure in 4. de
48. pages.
M.Remond a rendu service au Public ,
en laissant imprimer cette Dissertation
en forme de Memoire sur la nouvelle Ma
nufacture de Plomb , établie ruë de Bercy ,
au Fauxbourg S. Antoine. On ne dira
plus qu'il en est du Laminage comme
de tant d'autres établissemens , que la
nouveauté seule fait valoir , qui ne sont
estimez qu'autant qu'ils restent inconnus ,
et qui ne se font connoître enfin que par
la ruine de ceux qui ont eu la foiblesse
de s'y livrer.
II. Vel
Fij M :
1536 MERCURE DE FRANCE
M. Remond explique si bien la cons
truction de la Machine dont on se sert
pour laminer le Plomb , les operations
de cette Machine et les effets qui en ré
sultent pour l'usage , qu'il n'y a que
la
prévention qui puisse faire douter encore
de l'utilité de cet établissement.
Tout le monde sçait que laminer un
Métal , c'est le réduire " d'une certaine
épaisseur à une moindre , par le secours
d'une forte compression .
L'Inventeur du Laminoir avoit trois
conditions essentielles à remplir. Le Plomb
par sa pesanteur est difficile à manier. Il
falloit vaincre cet obstacle. Ce Métal est
d'un usage commun ; on devroit songer
à le rendre le moins cruteux qu'il seroit
possible ; il est de peu de consistance 5
on avoit interêt que le Laminage ne lui
causât aucune altération . C'est à ces trois
points que M.Remond borne son examen .
Dans la premiere partie de son Me
moire , il donne le détail de toutes les
précautions que l'on a prises pour que la
pesanteur du Plomb ne fût pas un obsta
cle au Laminage ; moyennant ces précau
tions , c'est assez de six hommes pour
servir la Machine , et de six chevaux pour
la faire marcher toute l'année onze heu
res par jour.
II. Vol.
La
JUIN. 1731. 1537
La deuxième partie est destinée à prou
ver, que quoique le Plomb des Plombiers
soit un peu moins cher que celui de la
Manufacture , il y a cependant de l'épar
gne à se servir de ce dernier , 1. parce
que le Plomb des Plombiers n'étant ja
mais d'une épaisseur égale , on est tou
jours obligé d'acheter chez eux beaucoup
plus de matiere qu'on n'a besoin d'en em
ployer , inconvenient qu'on n'éprouve
point à la Manufacture , puisque les Ta
bles qu'elle fournit sont parfaitement éga
les dans toute leur épaisseur. 2 ° . Parce
que ces Tables étant une fois plus lon
gues et plus larges que les Tables ordinai
ses , on employera la moitié moins de
Soudure. 3 ° . Parce que l'on diminuë par
l'usage du Plomb laminé les frais de la
Charpente et des réparations .
L'Auteur démontre dans la troisième
Partie , que le Laminoir , bien loin de
détériorer le Plomb , le rend meilleur et
d'un service plus durable. Il réfute et
par le raisonnement et par l'experience,
toutes les objections qu'un Auteur ano
nyme avoit faites contre le Plomb de la.
Manufacture , dans un Ouvrage intitulé,
Observations sur le Plomb laminé.
Pour ne laisser rien à desirer sur cette
matiere , M. Remond a joint à sa Dis
II. Vol.
Fiij
serta
1538 MERCURE DE FRANCE
sertation les suffrages de tous ceux qui
sont en état de juger de la bonté et de l'u
tilité de ce nouvel établissement . Le Cer
tificat de l'Académie des Sciences , celui.
de la Societé des Arts , celui de l'Acadé
mie d'Architecture , et le Procès verbal
des Fontainiers du Roi . Toutes ces diffe
rentes Pieces confirment tout ce qui est dit
dans le Memoire . On trouve à la fin une
Lettre de M. le Comte de Broglio à M. le
Duc d'Antin , qui justifie l'avantage qu'on
a tiré de cet établissement en Angleterre ,
où cette Machine a pris naissance , et où
l'on ne se sert depuis le commencement
de ce siecle que de Plomb laminé ; au
reste ce Memoire est fort bien écrit , le
stile en est simple , coulant et précis.
DISCOURS pour servir de Plan à
Histoire naturelle du Gévaudan , lû à
Assemblée des Etats de ce Diocèse , par
M. Samuel Blanquet , Docteur en Mede
cine de la Faculté de Montpellier , et Me
decin du Roi, le 13. Février 1730. A Men
de , de l'Imprimerie de la Veuve de Jacques
Roy.
Ce n'est que depuis peu que ce Discours
nous est tombé entre les mains. L'Auteur,
après un court Exorde qui fait connoître
son amour pour la Partie et son zele
pour
II. Vol. P'uulité
JUIN. 1731. 1539
P'utilité publique , nous apprend qu'il
donna en 1718. un petit Traité sur les
Eaux Minerales ; il fut en cela approuvé
par M. de la Salle , alors Evêque de Men
de , et les Analyses qu'il fit des differen
tes Sources qui sont dans ce Diocèse ,
furent trouvées justes et exactes par plu
sieurs sçavans Medecins , et sur tout par
M. Andry.
Ces premiers Essais encouragerent
M. Blanquet à travailler à l'Histoire na
turelle du Gévaudan , par rapport à la
Medecine , persuadé que ce n'est pas asez,
à un Medecin d'avoir une connoissance
generale de cette Science , s'il n'en sçait
faire une application particuliere au cli
mat qu'il habite , & c . Notre Medecin s'é
tend beaucoup là - dessus , et dit de fort
bonnes choses.
Tels furent , ajoûte- t'il , les motifs qui
me porterent à travailler à l'Histoire na
turelle du Gévaudan. La grandeur de
l'entreprise , et la difficulté de l'execu
tion m'ont tenu long-tems en suspens ,
et j'avois même abandonné mon Projets
mais enfin les ordres de notre illutre Pré
lat , qui m'a fait l'honneur de croire que
j'étois capable de les exécuter , ont été
un motif bien plus puissant pour m'en
M.de Choiseul- Beaupré , Evêque de Mende.
II. Vol. Fiiij gager
1540 MERCURE DE FRANCE
gager de nouveau à ce travail , que tous
ceux qui me l'avoient fait entreprendre .
L'Auteur rend ensuite compte du Plan
qu'il a formé pour l'éxecution de son Ou
vrage , Plan qui paroît bien imaginé , et
qui fait souhaiter son exécution ; car
M. Blanquet n'omet rien de tout ce qui
doit entrer naturellement dans un tel
dessein on en jugera par une partie de
ses Promesses que nous allons rapporter
dans ses propres termes .
>> Je n'oublierai pas , dit-il , en finissant
"son Discours , les excellens Poissons
» qu'on pêche dans nos Rivieres ; les
>> Perles qu'on trouve dans quelques Ruis
» seaux , les differentes Mines et les con
>> cretions que l'on découvre en plusieurs
» endroits. Enfin , Messieurs , je ne négli
»gerai rien de ce qui peut rendre cette
>>Histoire utile et agréable. Sa varieté fera
» la plus grande partie de son mérite et
» de sa beauté.... Je ferai mon possible
» pour la donner au Public incessamment;
»je prie enfin tous les Mrs qui composent
>> cette illustre Assemblée , de me com
» muniquer ce qu'ils connoîtront de par
» ticulier dans leurs contrées , qui puisse
avoir quelque rapport à mon sujet ; de
» mon côté je n'épargnerai ni voyages ni
soins pour ne rien oublier de tout ce
Ila Vola
qui
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lu
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de
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M.
Ro
gle
the
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qu
tes
aut
met
JUIN. 1731. 154 &
C
qui peut perfectionner cet Ouvrage.
Il seroit à souhaiter que dans chaque
Province il y. eût des personnes qui avec
les talens de M. Blanquet , voulussent
aussi , comme lui , mettre la main à l'oeu
vre , et écrire une semblable Histoire de
leur Pays ce seroit le moyen d'avoir en
peu de tems un Corps complet d'His
toire naturelle de ce grand Royaume ,
Histoire que M" de l'Académie des Scien
ces pourroient rendre parfaite par leurs,
lumieres , en leur communiquant les Ou
vrages particuliers avant l'impression .
,
M. Cochet , de la Maison et Societé
de Sorbonne , Professeur de Philosophie:
au College des Quatre -Nations , vient
de donner au Public , en François , les
Elemens de Mathématique du celebre
M. de Varignon , &c. des Académies,
Royales des Sciences de France , d'Angleterre
et de Prusse , Professeur de Ma
thématique au College de Mazarin , et
Lecteur du Roi en Philosophie au Col
lege Royal ..
C'est un volume in 4. qui contient un
Traité abregé d'Algebre et d'Arithméti
que , qui peut servir d'introduction à tou
tes les parties des Mathématiques , et un
autre Traité des plus complers de la Géo
metrie Elementaire. E v
1542 MERCURE DE FRANCE
Le Traité d'Algebre d'Arithmétique est
divisé en quatre Livres , dont le premier
est de l'Addition , Soustraction , Multi
plication et Division ; le second , des Pro
portions et des Fractions ; on trouve dans
ce second Livre la Regle de Proportion
ou la Regle de Trois , qu'on appelle aussi
Regle d'Or , à cause de sa grande utili
té ; elle est expliquée de la façon la plus
simple et la plus intelligible , de même
que la Regle de Compagnie , et par les
principes qu'on établit dans ce second
Livre on peut aisément résoudre plusieurs
autres questions qu'on trouve dans ces
Traitez particuliers d'Arithmétique ; le
troisiénie Livre est de l'extraction des Ra
cines , et le quatrième des Equations . 7
Les Regles d'Arithmétique sont par
tout jointes à celle d'Algebre , pour faire
mieux sentir l'analogie qui est entr'elles.
Le Traité de Géométrie est divisé en
deux Parties dont la premiere est la Géo
metrie spéculative , ei la seconde , la Géo
métrie pratique.
La Geométrie speculative contient cinq
Livres dans le premier , on traite des
Lignes ; dans le second , des surfaces ;
dansle troisiéme , des Proportions ou des
Regles de compa : er , des grandeurs entre
elles ; dans le quatrième , des Proportions
II. Vol. des
JUIN. 1735.
1543
des lignes droites et des figures qu'elles
renferment ; dans le cinquième , des So
lides ou des Corps.
Tout ce qu'Euclide a dit des Propor
tions , se trouve renfermé dans sept Re
gles qui suffisent pour l'intelligence de
tout ce qui appartient aux Proportions
en general , et les démonstrations de ces
Regles sont si courtes , qu'elles sont con
tenues dans deux pages .
Toute la Trigonométrie est réduite à
trois Théorêmes , par le moyen desquels
on mesure toutes sortes de Triangles et
de figures rectilignes , et par consequent
toutes sortes d'étendues.
La Géométrie pratique, qui est la seconde
Partie, apprend à mesurer toute sorte d'é
tenduës, et comme toute Etenduë est ou li
gne, ou surface , ou solide, elle est divisée
en trois Chapitres ; le premier traite des
Lignes ; le second des Surfaces; le troisié
me des Solides our des Corps.
Les principes de Géométrie sont dé
veloppez dans cet Ouvrage avec tant de
justesse et d'exactitude , les propositions
y sont enchaînées d'une maniere si simple
et si naturelle , les démonstrations y sont
si courtes et si faciles , qu'on y recon noît
aisément la superiorité du génie de celui
qui en est Auteur. La Méthode qu'il a
F vj
II. Vol. su vic
1544 MERCURE DE FRANCE
suivie dans ces Elemens , le met parfai
tement à couvert des reproches qu'on fait
avec assez de fondement à quelques Géo
métres , en les accusant de manquer d'or
dre dans l'arrangement de leur matiere ;
il s'est étudié à mettre tout dans le plus
grand jour , et il ne s'est point épargné
le travail de l'arrangement , beaucoup
moins flatteur et souvent plus pénible
que celui de la production mêmes de- là
vient que nous avons si peu de bons Ele
mens de Mathématiques ,et que l'on peut
tirer un très- grand avantage de l'impres
sion de ceux de M. Varignon . Il les a tra
vaillez pendant plusieurs années avec tous
les soins et toute l'attention possible, pour
faciliter aux Commençans l'entrée dans
la Science des Mathématiques , qu'il pos
sedoit si parfaitement, et à laquelle il s'est
appliqué toute sa vie avec tant de succès
qu'il est parvenu à mériter le rang le
plus di tingué parmi les plus celebres Ma
thématiciens de l'Europe.
Cet Ouvrage de 155. pages , sans la
Table , la Préface et l'Epitre Dédicatoire à
S.A. S. M. le Comte de Clermont , est orné
de 22. grandes Planches et de grand nom
bre de figures . Il se vend à Paris , Quay
des Augustins , chez P. M. Brunet , 1731 .
I
H. Vol GIONS
JUIN. 1737. 1545 1
GIORNALE DE' LETTERATI D'ITALIA. ,
Tomo I I. Anno 1710 .
Copia di LETTERA del Sig. LORENSQ
BELLINI , scritta al sig . Antonio Vallisnieri
nella quale mette in chiaro le vie dell' aria
che si trovano in ogni vuovo , notate ne?
heoi opuscoli nella digressione che fa , de
ovo , ovi aere , et respiratione in genere. ,
dopo la proposizione ottava.
JUSTI FONTANINI Forojuliensis , in Ro
mano Archigymnasio publici Eloquentia
Professoris , vindicia antiquorum diploma
tum adversus Bartholomai Germonii discep
tationem de veteribus Regum Francorum Di
plomatibus & c. Romæ 1705. in 49 .. Pag.
287.
pen
CONSIDERAZIONI sopra un famoso libro
franzese intitolato , la maniere de bien
ser dans les Ouvrages d'esprit &c. divise
in sette Dialoghi ne' quali s'agitano alcune
quistioni Rettoriche e Poetiche , e si difen
dono molti passi di Poeti , e di prosatori Ita
liani condannati dall' Autore Franzese, in
Bologna 1739. in 8º . Pag. 832 .
Le Marquis Gio : Giuseppe orsi , Au
teur de cet Ouvrage , s'attache principa
lement à déffendre les Auteurs de sa na
tion , de la critique qu'en a fait le P. Boù
hours dans sa maniere de bien penser sur
les ouvrages d'esprit. Il prétend prouver
II. Vol
qo
1546 MERCURE DE FRANCE
que ce Critique avoit peu de connoissan
ce des Auteurs Italiens , en faisant d'abord
remarquer , premierement que de tous
leurs Poëtes il n'a nommé qu'une fois en
passant Petrarque , et qu'au contraite il
allegue trés -souvent le Cavalier Marin
et plusieurs autres de plus mauvaise trem
pe , et que parmi les Prosateurs , il n'a
attaqué que ceux qui n'ont aucune ré
putation , secondement › par la bevûë
énorme qu'il a faite d'atribuer à l'Arioste
ces deux vers.
Cosi colui , del colpo nom accorto ,
Andava combattendo , ed era mortos
2
Qui sont du Bornia , ce qui fait tomber
toute sa Critique , puisque ce qui seroit
ridicule dans un Poëme heroïque , peut
fort bien trouver place dans un Poëme
Burlesque.
Della perfetta Poësia Italiana , spiegata:
e dimostrata con varie osservasioni da
LODOVICO ANTONIO MURATORI , tom pri
mo, in Modena 1705. in 4. pag. 599.
tom. secondo ivi , pag. 483 ..
Sur ce que M. Muratori avance ici que
c'est de France que le Cavalier Marini a
aporté en Italie le mauvais goût des.
pointes et des Concerti car ce fut là , dit
il , qu'il composa les ouvrages qui sont le
II. Vol. plus
JUIN . 1731 1547
plus en vogue ; les Journalistes de Tre
voux , dans l'Extrait qu'ils donnerent
pour lors (a ) de ce livre , firent cette ré
fléxion. » On ne peut s'empêcher de se
>> récrier contre l'injustice de cette con
» jecture : que l'on compare les Larmes
» de S. Pierre , traduites par Malherbe de
» l'Italien de Tensile avec les autres Ou
» vrages du Poëte François , on distingue
» ra bientôt le goût de la France des ma
» nieres Italienes . Le Cavalier Marini
» n'a gardé aucune mesure dans l'usage
» des faux brillans : mais il en avoit dans
» le Tasse même des modeles , qu'aucun
»Poëte François ne pouvoit lui fournir.
Là dessus le Journaliste Italien fait cette
digréssion . On avance ici , dit il , ( b )
autant d'erreurs que de paroles . Il est
hors de dout que le Cavalier Marin a
que
écrit en France la plus grande partie de
ses ouvrages , comme l'Alone , la Sam
pogna , la Galleria &c. de plus il est cer
tain qu'ils sont plus remplis d'aff· cta
tions , que ceux qu'il avoit composés:
auparavant , principalement les deux
premieres parties de la Lira dans lesquel
les il s'est moins écarté que dans les au
tres du bon goût Italien. Il est très cer
(a) Octob. 1707. Pag. 1817»
(b) Pag. 166.
11. Vol.
7548 MERCURE DE FRANCE
›
tain encore que quand il passa en France ,
il y trouva genéralement en usage une
maniere de Poësie enflée , pleine de poin
tes d'antitèses , de Latinismes et de
Grecismes , qu'on ne connoissoit point
encore en Italie. On en demeurera con
vaincu si on lit l'Auteur moderne ( a ).
de l'Histoire de la Poësie Françoise . Des
Portes , bon Poëte pour le tems où il a
écrit , fut le moins affecté de tous les
François qui l'avoient précedé , et ses
vers furent plus estimés que ceux de Ron
sard et des autres , parceque dans son
Voyage d'Italie il puisa le bon goût , et
P'apporta en France , où loin d'être con
nu , on n'en avoit pas seulement l'idée
ainsi pour un mauvais troc , nous donnâ
mes au François le bon de nôtre Poësie ,
et eux en échange , nous donnerent le
mauvais de la leur. A l'égard de ce que
les Journalistes disent des Larmes de S.
Pierre traduites par Malherbe , je réponds.
1 °. Que ce Poëme n'est pas veritable
men un ouvrage du Tansille sous le nom
duquel nous l'avons. Il commença à l'é
crire d'un stile trés- pur , comme on voit
par plusieurs Stances qu'il fit imprimer
de son vivant , mais il ne le finit point.
(a) L'Abbé Mervesin. Hist. de la Poësic
Fr. Paris . 1706 .
XI. Vol. Aprés
JUIN. 1731 . 1549
Aprés sa mort , un autre y mit la main ,
et l'acheva du mieux qu'il pût , juste
ment dans le tems que la réputation du
Marin commençoit à corrompre le genie
des Italiens . J'ajoûte que la version qu'en
fit Malherbe , ami intime du Cavalier
Marin , est un des amusemens de sa jeu
nesse , et qu'il a désavoüé dans la suite ,
(a ) et deplus qu'il y abien de la difference
à faire entre les ouvrages qu'un bon Au
teur a travaillés de source , et ceux qu'il
n'a fait que traduire. Enfin , qu'on fasse
attention que ce qu'il y a de meilleur
dans les Poësies de Malherbe , est une
imitation de nos bons Poëtes , Menage
en a allegué plusieurs exemples dans ses
Observations sur cet Auteur , comme
il a connu mieux qu'aucun François , la
beauté et la force de la Langue Italienne ,
aussi lui a t'il rendu plus de justice qu'au
cun autre. pour le Tasse , on a si bien
répondu aux critiques qu'on a faites de lui
sans raison , qu'il seroit inutile d'y rien
ajoûter.
-
Panegyrica Orationes veterum Oratorum .
Notis , ac Numismatibus illustravit , et Ita
licam Interpretationem adjecit LAURENTIUS
PATAROL Venetus. Venetiis , 1708. in 8º .
pag. 156.
(a) Menag. Observat. sur le x, liv. de Ma!
1
Gemme herbe.
1550 MERCURE DE FRANCE
Gemme antiche figurate , date ni lua
da Domenico de' Rossi colle sposizioni di
PAOLO ALESSANDRO MAFFEI , parte 2.
in Roma 1707. in 4. reale. le gemme so
no 103.le pag. 234.
On avertit à la fin de ce second volume
duJournal de Venise , que la vie de Bran
dano laquelle dans le premier on avoit
dit être imprimée , ne l'est point encore
par quelque empêchement qui est sur
venu .
-
La vie de Mahomet , traduite et com
pilée de l'Alcoran , des Traditions au
thentiques de la Sonna , et des meilleurs
Auteurs Arabes , par M. Jean Gagner,
Professeur des Langues Orientales à Ox
ford . A Amsterdam , chez les Wetsteins et
Smisth. 1731. 2. vol . in 12.
François Changuien , Libraire à Ams
terdam , a imprimé et débite une nou
velle édition des Caracteres deTheophraste ,
avec les Caracteres ou les moeurs de ce
Siecle. Par M. de la Bruyere , augmentée
de la déffense de M. de la Bruyere et de
ses caracteres , par M. Coste , 2. volume
in 12.
OEUVRES DE NIC - BOILEAU DESPREAUX ,
I
(
II. Vol. avec
JUIN. 17314 1551
avec des éclaircissemens Historiques don
nés par lui -même , nouvelle Edition
revue , corrigée et augmentée de diver
ses Remarques , enrichie de figures nou
vellement gravées par Bernard Picart le
Romain , 2. vol . in fol . et 4. vol . in 12 .
Amsterd, chez le même.
On nous écrit de Venise , qu'on vient
d'imprimer en cette Ville toutes les Oeu
vres du Cardinal Bembe , 3. vol . in folio ,
et que cette Edition est magnifique.
D'Aix en Provence. Il a passé ici un Ita
lien chargé de 240. Medaillons en Or , en
Argent et en Bronze , d'une beauté et d'u
ne conservation ( admirables. Ils viennent
des Cabinets Carpegna, de Maximis , Saba
tini &c. Il n'y a gueres que des Princes
ou des grands Seigneurs qui puissent ac
querir ce Trésor d'Antiquité car on
ne veut point les partager , et on de
mande trois mille Louis d'or du total.
LETTRES SERIEUSES ET BADINES sur
les Ouvrages des Sçavans , et sur d'autres
Matieres. Tome 2. premiere partie .
Ecce iterum Crispinus , et est mihi sape vo
candus
Ad partes &c. .
A la Haye , chez Jean , Vanduren 1729.
Juven. Sat. IV .
II Vol
in
• ·
यं
1552 MERCURE DE FRANCE
in 12. de 267. pages , sans la Préface ,
l'avis du Libraire et la Table , &c.
Ce volume est composé de 12. Lettres ;
la 6. contient l'Extrait d'un Livre An
glois in 8. 2. volumes de prés de 600 .
pages , sous le titre d'Ouvrages mélan
gés de l'ingénieux Docteur Jean Swift.
Aprés une Epitre Dédicatoire et une Pre
face dans le goût de celles qui sont à la
tête du Comte du Tonneau , vient une
Lettre serieuse à un Lord , sur les moyens
de perfectionner la Langue Angloise .
Aprés quoy on lit cinq ou six Pieces Sa
tyriques et Ironiques , comme
Traité Histori- Theo - Phisico- Logique , sus
les grands desavantages de la connoissan
ce de soi -même : Déffense modeste du
Concubinage et de l'adultere. Panegyrique
des Nouvelistes : Le moyen de parvenir sans
Science et sans vertus : Eloge historique et
moral des Auteurs de Satyres.
sont ,
Dans ses pensées diverses , le même
Docteur dit , que si une Loi Parlemen
taire établissoit l'Athéisme , ceux qui se
donnent aujourd'hui pour Athées , fe
roient demain profession ouverte de croi
re en Dieu .
Sur le nombre ternaire , le Docteur dit
ironiquement ; »> que l'amour que les
» hommes ont pour le nombre trois , les
II.Vol. »faït
JUIN
. 1731 .
1553
39
fait agir sans qu'ils le sentent. Cet
» amour continuë t'il , a fait croire à
» Louis B.... y qu'on étoit bien quali
» fié à écrire quand on avoit ces trois
» choses , de la pauvreté , de l'impu
» dence et de la malice. Cet amour est cau
» se que l'Auteur du troisiéme Tome de
Gulliver n'a voulu pour faire ce livre
» que trois choses , du papier, de l'encre ,
» et une plume , et a réfusé d'y joindre
l'esprit et le jugement , & c.
99
Sur le point d'honneur , il rapporte
cette contestation arrivée dans la Pro
vince de Sussex. Un homme qui avoit
beaucoup d'esprit , mais qui n'entendoit
pas autrement la Logique de nos Moder
nes , se plaignoit à un d'eux d'une injus
tice qu'il en avoit reçûë . C'est assez , in
terrompit l'autre , vous êtes offensé , vous
avez de la noblesse , vous portez une épée :
je vous donnerai satisfaction demain au ma
tin en tel endroit. Ce terrible Logicien se
retira en même- tems ; après qu'il fut sorti ,
l'autre qui étoit resté avec un de ses amis,
et qui étoit demeuré tout interdit , dès
qu'il fut un peu revenu de sa premiere
surprise : Quelle brutalité , s'écria - t'il en
s'adressant à cet ami ! Ce Monsieur con
vient qu'il m'a offensé , et il me promet de
faire de son mieux pour ne offenser demain
.
II. Vol.
encore
1554 MERCURE DE FRANCE
!
encore davantage. C'est- là , selon lui , une
satisfaction qui doit me paroîttre suffisante.Fe
suis Gentilhomme, ajoûte - t'il, doncje dois re
noncer à la raison et a la Religion , et me
sacrifier à un ridicule point d'honneur. Je
porte l'épée , donc je dois m'en servir pour
faire un meurtre . J'aimerais autant qu'il me
dit : Je vous ai blessé dans votre hon
>> neur , c'est-à- dire , dans une chose que
>> vous devez estimer plus que la vie ; mais
» je suis trop honnête homme pour ne pas
»réparer le mal , autant qu'il m'est pos
» sible . Trouvez - vous donc demain en tel
» endroit avec une épée. Comme je sçai
> mieux la manier que vous , il y a grande
apparence que je vous la passerai au tra
>> vers du corps. Cependant cela ne doit
»pas faire de peine à un homme qui a de
» la naissance ; il sera toûjours vrai que
» vous m'aurez demandé satisfaction ,
» et que je vous l'aurai donnée , et c'est
» tout ce que vous pouvez exiger de vo
» tre serviteur .
و د
A l'occasion des Oeuvres diverses de
M. de la Fontaine , imprimées à la Haye,
on fait ce Portrait de cet illustre Poëte ;
il étoit spirituel , assez sçavant , naif , le
coeur bon et droit , des manieres ouver
tes , aimant les plaisirs de la table et les
rendant plus aimables par son enjouement,
II. Vol. constant
JUIN. 1731 1555
constant et genereux ami , tendre et dé
licat Amant. D'ailleurs , paresseux , dis
trait , négligeant un peu trop ses affaires
domestiques , et pensant assez mal de la
Religion , soit parce qu'à son entrée dans
le monde , il avoit été entraîné par l'e
xemple et par les plaisanteries des esprits
forts , ou parce qu'il n'avoit jamais trou
vé de ces hommes sages qui sçavent trai
ter les choses saintes avec un air de di
gnité qui les fait respecter , ou peut- être
parce qu'il craignoit le travail de l'exa
men , et la connoissance de ses devoirs.
En un mot , une certaine indolence molle
et voluptueuse étoit le fond de son carac
tere , et il n'eut que les vertus et les défauts
qui pouvoient s'accorder avec ce penchant
Favori .
Avec un tel caractere il ne pouvoit qu'é
crire naturellement et gracieusement . Il
ne couroit point après les brillans , il ne se
mettoit point en peine de chercher des pen
sées, ni de leur donner un tour nouveau ;
enfin il ne paroissoit ni affecté, ni précieux.
Ses Ouvrages étoient remplis d'images
riantes , de tendres sentimens , et d'éle
gantes naïvetez.
Quelques-unes des Pieces qui compo
sent ses Ouvrages , avoient déja paru et
les autres paroissent aujourd'hui pour la
11. Vol.
premiere
1555 MERCURE DE FRANCE
premiere fois. On trouve dans le premier
Tome cinq Poëmes , Adonis , la Capti
vité de S. Malc , le Quinquina , Philemon
et Baucis , et les filles de Minée et 85.
autres Pieces. Dans les trois autres Vo
lumes , ses Lettres en Prose et en Vers ,
son Discours à l'Académie Françoise ,
deux Comedies , Climene et l'Eunuque
l'Opera de Daphné , Astrée , Tragedie , le
Florentin , Comedie , des fragmens de Ga
lathée , Opera , Je vous prends sans vert ,
Comedie , les Amours de Psiché et de Cu
pidon et de Venus et Adonis.
>
Pour dire quelque chose de plus par
ticulier de ce naïf et ingénieux Poëte ,
donnons ici la fin d'une Epitre de sa fa
çon au Duc de Vendôme.
Sur ce je finirai ,
Vous assurant que je suis et serai ,
De votre Altesse , humble servant et Poëte ,
Qui tous honneurs et tous biens vous souhaite.
Ce mot de biens , ce n'est pas un trésor ,`
Car chacun sçait que vous méprisez l'or ;
J'en fais grand cas , aussi fait Sire Pierre ;
Et Sire Paul , enfin toute la Terre :
Toute la Terre a peut -être raison.
Si je sçavois quelque bonne Oraison ,
Pour en avoir , tant que la Paix se fasse ;
11. Vol.
Jc
JUIN.
1557 1731.
Je la dirois de la meilleure grace ,
Que j'en dis onc : grande sterilité,
Sur le Parnasse en a toûjours été.
Qu'y feroit-on ? Seigneur , Je me console
Si vers Noel l'Abbé me tient parole
Je serai Roi: le Sage l'est-il pas ?
Souhaiter l'or , est - ce l'être è ce cas
Mérite bien qu'à vous je m'en rapporte.
Je tiens la chose à résoudre un peu
forte.
NOUVEAU REGLEMENT
pour le Palinod de l'Université de Caën ,
et Avis aux Poëtes.
›
LES
Es Poëtes les plus distingués se sont fait dans
tous les tems un honneur d'envoyer des pieces
remporter des Prix au Palinod , entr'au
tres les Marot les Corneille , les Huet , les
Duc de Saint Aignan , les Segrais , &c...
et de
>
Pour rendre cette Cérémonie plus interessante,
et pour exciter l'émulation des Poëtes qui parois
soit un peu se ralentir , l'Université vient de sta◄
tuer , le 19. Mai 1731. ) qu'à l'avenir les Prix
seront distribuez le jour même que se tient le Pa
finod , c'est- à - dire , le jour de la Conception de
la Sainte Vierge : on ne lira sur le Pui , que les
Pieces qui auront remporté les Prix , et celles qui
en auront approché ; Aussi - tôt après on fera
imprimer les Pieces couronnées , et quelques -unes
des meilleures à la suite , si elles sont jugées di
gnes de l'impression.
En consequence du même Reglement, les Poë
tes envoyeront leurs Pieces depuis le commence
II. Vol.
ment G
1558 MERCURE DE FRANCÈ
ment d'Octobre , jusqu'à la . Saint Martin , lequel
tems expiré , on n'en recevra plus pour le pro
chain Palinod. Ils les adresseront au Secretaire
de l'Université , quien donnera son récépissé , el
les seront affranchies de port , faute de quoi el
les seront mises au rebut , sans être iûes : ils ne
mettront point leur nom à leurs Pieces , mais seu
lement une Sentence et quelques chiffres , sans se
faire connoître avant le jugement , à peine de
perdre le prix ; et pour se faire connoître avant
le jugement , ils présenteront ou feront présenter
les mêmes Sentences et chiffres écrits de la même
main.
Le jour du Palinod , les Prix seront donnés
immédiatement après la lecture des Pieces , si les
Auteurs sont présens et qu'ils se fassent connoître ;
sinon ils resteront entre les mains du Secretaire
de l'Université , pour être distribués , à l'ordre de
M. le Recteur, lorsque les Auteurs seront connus.
Il y a lieu d'efperer que les Poëtes furs d'ê
tre récompenfez promptement & publique
ment , vont travailler avec une nouvelle ar
deur ; on a cru devoir ajoûter ce qui fuit en fa
veur de ceux qui ne feroient pas au fait des
ufages de cet établissement..
2
Il y a des Prix fondés pour huit sortes de Pie
ces , Epigramme Latine Chant Royal , Bal
lade , Sonner , Dizain , Ode Françoise , Ode en
Vers Alcaïques , et Ode en Vers Iambes.
Les Poëtes doivent prendre pour argument de
leurs Pieces , quelque sujet qui puisse faire al
lusion à l'Immaculée Conception de la Sainte
Vierge ; par exemple , si l'on prend pour sujet de
l'Epigramme Latine , Jonas in utero Ceri inco
lumis , l'allusion pourra être , Bellua nil vati
nocuit , nil culpa Maria
11. Vol. L'Epigramme
JUIN. 1731
T
1559
L'Epigramme Latine doit être de trente
Vers , ni plus ni moins , y compris l'allusion .
Le Chint Royal doit être de cinq Strophes ,non
comprise l'allusion , chaque Strophe est compo
sée d'onze Vers de dix syllabes ; le dernier Vers,
qui est le refrein doit être feminin ; il doit y avoir
un repos à la fin des cinquième et huitiéme Vers.
L'usage est que le cinquième Vers soit masculin ;
les sixième et septiéme feminins et de même ri
me , et tous les autres entremêléz à la volonté du
Poëte. L'allusion peut contenir une sixieme stro
phe entiere , ou du moins une derniere moitié de
Strophe , qui est de six Vers. Il n'est pas be
soin d'avertir que toutes les strophes doivent se
ressembler pour les rimes , et leur arrangement.
La Ballade est de trois strophes , non com
prise l'allusion qui doit être une quatriéme stro
phe entiere, ou du moins une moitié de strophe ;
chaque strophe est composée de 2 quatrains , dont
les Vers sont de huit syllabes ; l'usage est que les
quatre premiers soient de rimes entremêlées ,
de sorte que le premier et le quatriéme soient de
même rime, masculins ou feminins , à la volonté
du Poëte ; et les quatre derniers entremêlés , de→
sorte que le dernier , qui est le refrein , soit femi
nin, et rime avec le sixième. Toutes les strophes ,
comme l'on sçait , doivent se ressembler pour les
rimés , tant des premiers que
des seconds qua
trains.
Le Sonnet est toujours composé de grands
Vers.
Le Dizain est composé , le plus ordinaire
ment , de grands et petits Vers entremêlés.
L'Ode Françoife est de dix strophes , y com
prise l'allusion ; chaque strophe de dix Vers
de huit syllabes. On sçair assez que ce seroit un
II. Vol. G .. grand
1,60 MERCURE DE FRANCE
grand défaut , s'll ne se trouvoit pas un repos
la fin des quatrième et septiéme Vers.
L'Ode Alcaïque est de douze strophes , y com
prise l'allusion .
$
L'Ode Iambique'est de quarante- huit Vers , y
comprise l'allusion ; à l'imitation de la quatriéme
Fable du quatriéme Livre de Phedre qui com
mence par ces mots : Plus esse in uno fæpe ,
quam in turbâ boni.
Les Prix de ces Pieces, sont pour l'Epigramme ;
premier Prix,les Armes de l'Université; deuxiéme
Prix l'Anneau d'or. Chant Royal , premier Prix ,
les Armes du Fondateur ; second Prix , la Palme ;
Balade , premier Prix , les Armes du Fondateur
second Prix , l'Etoile. Sonnet , premier Prix ,
les
Armes du Fondateur ; second Prix , la branche de
Laurier. Dixain , la Plume d'argent.
Tous ces Prix font redimez par d'autres Prix
d'honnête valeur.
+
Le Prix de l'Ode Françoise est une bourse de
Jettons d'argent , celui de l'Ode Alcaïque est de
vingt livres fet celui de l'Ode lambique de même.
L'Univerfité fouhaiteroit fort que tous ces Pri
fuffent bien plus confiderables 3 poury Supplées
Autant qu'il lui fera poffible , elle n'omettra riem
de tout ce qui pourra faire honneur aux Poëte
victorieux ; & à ceux qui les auront fuivis e 2
plus prés. Ils sont très -inftamment priez d'en .
voyer leurs Pieces pour la fin d'Octobre ou a
commencement de Novembre , tant de la pr
sente année 1731. que des fuivantes
Un Particulier , bon Physicien , bon Mécani❤
cien , et fort versé dans l'Histoire naturelle et
dans l'Antiquité, a fait plusieurs découvertes con
siderables , sur les differentes manoeuvres et ope,
JJ, Vol rations
JUIN. Iscr 1731.
rations qu'on peut faire sous les eaux , et dans le
plus profond de la mer.
Il assure avoir un moyen infaillible et aisé
pratiquer , pour tirer les plus grands Vaiffeaux
submergez , à quelque profondeur qu'ils soient ,
pourvû toutefois qu'ils ne soient point entie
rement ensevelis dans la vase , ou engagez sous
quelques rochers .
Il assure aussi avoir trouvé un moyen sûr pour
faire agir et maneuvrer des hommes au fond de
la mer pendant plusieurs heures , et opérer sans
presque aucune contrainte ni incommodité.
>
Ce n'est pas tout ; ces-Plongeurs , qui pourront
à tout instant remonter sur la surface des eaux
auront la liberté de boire , de manger sous les
eaux : pendant la nuit ils seront éclairez par une
lanterne allumée , qu'ils porteront ou guideront
eux -mêmes.
Nous sommes bien éloignez de croire toutes
les choses jusqu'à aujourd'hui incroyables que
nous annonçons ici ; mais nous devons rendre té
moignage à la verité , que pour ce dernier fait ,
nous en avons vû l'experience en cette maniere.
M. de V *** voulant nous convaincre qu'
étoit en état de prouver ce qu'il avançoit , nous
mena chez lui , et dans un coin de la Cour de la
maison où il loge , où il y a un tonneau plein
d'eau , défoncé par en haut , il se fit apporter
exac une lanterne de fer blanc , de figure ronde ,
tement fermée , ayant
côté un morceau de
verre pour donner passage à la lumiere. Le corps
à un
de la Lanterne s'emboëte à une base de trois ou
quatre pouces de diamettre ; au milieu est une
bobeche dans laquelle on mit une petite bou
gie allumée , et on rejoignit les deux parties ,
C'est-à-dire , le sol et les parois de la Lanterne
-11. Vol.
G iij . avec
1552 MERCURE DE FRANCE
avec une espece de mastic assez gluant à l'endroit
de la jointure , pourempêcher l'eau d'entrer dans
Ja Lanterne. •
La bougie ainsiallumée et fermée hors de l'eau ,
me dura que l'espace d'un Pater sans s'éteindre :
On aperçoit un peu de fumée qui sort par un très
petit orifice,au haut du Pavillon de la Lanterne.La
bougie entierement éteinte,on ouvrit la Lanterne,
on ralluma la bougie ; et après avoir refermé la
Lanterne, on l'adapta sur le cul d'un seau renver
sé,et on attacha autour du seau des poids de fer et
de plomb pour attirer le tout au fond du tonneau.
Avant que la lanterne fut plongée dans l'eau , la
Lumiere paroissoit vouloir s'éteindre , mais elle
reprit vigueur d'abord que laLanterne fut submer
gée , et elle éclaira très- bien le tonneau pendant
un tems considérable que nous restâmes- là à rai
sonner sur ce phénomene. On aperçoit et on en
tend sur la surface de l'eau , un petit bouillon
nement causé sans doute par ce petit filet
de fumée dont on a parlé. On tira ensuite
la Lanterne hors de l'eau , et la bougie s'é
teignit dans le même espace de tems que la pre
miere fois.
›
M. V*** offre de prouver par des expériences
aussi sensibles , toutes les propositions qu'il fait
dans ce Memoire Il fait plus , il assure avec
grande confiance , que quand il voudra établir
ses principes , et expliquer clairement la méthode
qu'il a imaginée pour les découvertes et les
moyens qu'il propose , à des personnes éclairées
et capables de tirer des consequences , il portera
la possibilité , par ses seuls raisonnemens ,
tel degré d'évidence , qu'on ne lui demandera
ni preuves ni expériences.
à un
Au reste , le Lecteur intelligent , sent assez
127. Vol. sans
JUIN. 1731. 1563
sans que nous nous arrêtions à le lui faire remar
quer , combien ces découvertes seroient utiles , si
elles étoient solidement faites , comme dans les
naufrages , dans la pêche des Perles , & c.
A l'égard de la Lanterne marine , il se peut
faire qu'elle sera plus curieuse qu'elle ne sera
d'un grand usage , attendu qu'il n'y a guere d'oc
casion assez urgente pour faire travailier sous les
caux pendant la nuit, à moins que ce ne fût sur les
rivieres , à reparer quelque pile de Pont qui seroit
en danger , et qu'on voudroit profiter des basses
caux , pour prévenir les suites funestes que peu
vent causer les trop grandes crues d'eau et les dé
bordemens.
Cette Lanterne peut être encore d'un grand se
cours , pour prendre une grande quantité de pois
son pendant un calme qui arrive pendant la nuit ,
à une Flotte , et même à un Navire qui fait un
voyage de long cours , et dont les équipages souf
frent beaucoup , faute de Poissons frais , et d'au
tres bonnes nourritures.
L'Auteur de ces découvertes , à qui nous avons
communiqué ce Mémoire , nous prie d'ajoûter
que les Plongeurs pourront se garantir du froid
et de la morsure de certains poissons , et qu'ils
pourront facilement parcourir et trouver dans le
fond de la mer les choses qu'on y cherche , et
y
faire autant et plus de chemin , et en aussi peu
de tems , qu'un homme en pourroit faire sur la
terre en marchant d'un pas reglé , sans courir, et
même beaucoup plus aisément et sans se fatiguer."
Les Plongeurs dont on parle , auront la liberté de
parcourir avec la même facilité , les montagnes ,
les valées et les plaines maritimes.
Le Sieur Gersaint , Marchand , Pont Notre
11. Vol Giiij Dame,
1564 MERCURE DE FRANCE
Notre Dame , au Grand Monarque , ayant connu
que non- seulement les Curieux ayant goûté les
ornemens qu'il a fait graver d'après Vatteau, mais
même qu'ils étoient d'un grand usage pour les
Peintres , Eventaillistes , Sculpteurs , Orfevres ,
Tapissiers , Brodeurs , &c. a été encouragé à en
faire graver de nouveaux , dont il n'espere pas un
moindre succés. En effet , Vatteau par la ferti
lité de son genie, a si bien réussi en ce genre, et a
sçû si bien ajuster ses sujets à ses ornemens , et
aes ornemens à ses sujets , en variant le tout d'une
maniere infiniment ingénieuse , riante et nou
welle › que l'on peut dire avec justice que jus
ques à present nous n'avons point eû d'ornemens
si galants et si bien imaginés. Voici le détail de
ceux qu'il a mis au jour depuis environ un an.
L'Alliance de la Comedie et de la Musique ,
avec leurs armes et attributs , gravée par M.
Moyreau . Vexus blessée par l'Amour , Plafond ,
par M. Aveline..
Un Clavecin .
Un Livre de quatre feüilles , dont la premiere
PEnjoleur , la seconde le Frileux , la troisiéme
Baccus , la quatriéme le Vendangeur. Deux sont
gravées par Mayreau ; et les deux autres par .
Aveline.
Un autre Livre plus grand aussi de quatre feuil
les : les Sujets de celui - ci sont des plus galants ,
et ornés de berceaux , enrichis de Guirlandes ,
Oiseaux , Trophées et attributs convenables aux
snjers , et soutenus pas des ornemens qui renfer→
ment un paysage en camayeux .
La premiere.gravée par Moyreau est une Fête
Bacchique.
La seconde gravée par M. le Bass, est une
Balanceuse
IL Vol . Lia
JUIN.
1565 1731.
La troisiéme gravée par M. Scotin , est un
Retour de Chaffe.
La quatriéme gravée par Aveline , est un
May.
Tous ces ornemens réussissent parfaitement en
découpure.
Le sieur Gersaint a aussi mis en vente , sur la
demie feuille du grand Aigle , un Cartouche gra
vé d'après un Dessein de Vatteau , d'un goût fort
comique , et d'une forme agréable , qui non- seu
Tement servira pour ceux qui font l'Euvre de
Vatteau , mais aussi pour mettre à la tête de ou
tes sortes de Receuils d'Estampes .
Il a aussi mis au jour d'autres sujets nouveaux
sans ornemens, d'après le même Vatteau , que les
Curieux recherchent avec empressement. En voici
la Liste.
Les agrémens de l'Eté , gravée par M.`de
Favanes,
La Partie quarrée , par Moyreau.
La Collation , par le même.
Le Nauffrage , id.
Les Délaffemens de la Guerre , par M. Crepy.
Les Fatigues de la Guerre , par M. Scotin.
Les deux dernieres morceaux entr'autres , sont
composez avec la vérité si naturelle à Vatteau ,
et les soins que les Graveurs ont pris à les rendre ,
font deux Estampes très piquantes , et d'un goût
exquis. Nous ajoûterons cette réflexion , en
voyant ces Estampes , que l'Art de la gravûre n'a
jamais été en France , ni peut-être ailleurs , à
si haut degré de perfection.
-
m
Les Mines de Plomb qu'on a découvertes à
deux lieues de Rennes en Bretagne , sont si
abondantes , qu'on dit que cent livres de cette
Mine 11. Vol.
1566 MERCURE DE FRANCE
Mine produisent cinquante livres de Métal. On
assure que M. Danicamp , de Saint - Malo , a ob
tenu des Lettres Patentes , qui lui accordent le
Privilege exclusif d'y faire travailler.
On aprend de Londres , que le sieur Jean Das
sier , Genevois , Graveur , qui a été chargé dé
graver les Portraits des Rois d'Angleterre , depuis
Guillaume le Conquérant , jusqu'à present ,
présenta le 15. de ce mois à la Reine
dix
huit Médailles qu'il a faites , dans le nombre des
quelles sont celles de Leurs Majestez.
>
On a appris de Dresden , que le Roy de Po
logne avoit nommé le Docteur Hebenstrit , Me
decin à Leipsic , et grand Naturaliste , pour aller
aux Indes Orientales et Occidentales , et y exa
miner les Plantes extraordinaires qui croissent
dans ce Pays -là , et pour les faire dessiner sur les
lieux , de même que les Animaux : il sera pour
cet effet accompagné d'un Peintre , d'un Graveur
et d'un Chasseur,
LETTRE écrite de Seville le 25. May
1731. par un Seigneur Espagnol , à un
François de ses Amis , sur les découvertes
d'Antiquité , faites depuis peu auprés de
Cadix
' Ai reçû avec beaucoup de plaisir, Monsieur , des
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire , je serois
charmé, en y repondant, de pouvoir pleinement sa
is faire la Curiosité que le bruit public vous a don
née desDécouvertes nouvellement faites auprès de
11. Vol
Cadiz ,
JUIN. 1731. 3557
Cadix:mais la Renommée les a si faussement gros
sies , qu'en vous en faisant un détall vrai et exact,
vous les trouverez peu dignes de votre attention .
Presqu'au bout Oriental de Saint Patri , qui se
pare L'Isle de Leon du Continent , on a trouvé
des masures de quelque vieux bâtiment ; il n'y a
aucun morceau d'Architecture assez entier , pour
qu'on puisse décider si c'étoit un Temple où des
maisons.
Dans ces masures, on a trouvé un buste de mé
tail ordinaire,sans tête,bras, ni jambes et assez, mal
formé, on a découvert aussi un pied nud d'une pe
tite statuë , d'un assez beau métail , et qui paroît
être l'ouvrage d'un bon maître, ces deux pieces ne
déterminent à rien . Ce qui nous a donné lieu à rai
sonner,ce sont certaines bandes d'un fort beau mé
tail émaillées d'argent , et parfaitement bien tra
vaillées, dont le rapport figure des pampres et des
raisins , et dont les côtez sont garnis de franges
très-artistement faites ; leur largeur est de trois
quarts de pied de Roy ; elles sont assez longues ;
Cela ressemble aux ornemens dont on décoroit les
victimes destinées aux sacrifices de Bacchus ; à
moins qu'elles n'imitent des ornemens du Sacri
ficateur. Les gens du Païs prétendent qu'à l'endroit
marqué cy dessus , il y avoit un Temple d'Hercule;
mais c'est une Tradition qui n'a aucun fondement,
et qui n'est même appuyée d'aucune apparence.Les
Médailles qu'on a trouvées sont Puniques , et Ro
maines ; aux premieres on ne distingue rien ; aux
secondes, celles qui regardent le haut Empire, sont
fort communes', il y en a du bas Empire aussi , les
unes et les autres fort defigurées : mais entre les
Médailles , le Buste , les Bandes , et les mazures
on ne trouve aucun rapport
*
De façon ,Monsieur , que de pareilles décou
II. Vol G vi
"
vertes
1568 MERCURE DE FRANCE
vertes ne fournissent rien pour la Chronologie , nr
pour l'Histoire. Quoique cela ne m'ait pas rendu
plus instruit , je suis en mon particulier trés aise
de ceue découverte , puisqu'elle m'a renouvellé
dans votre souvenir , &c.
SPECTACLE S.
LE
E Balet des Fêtes Venitiennes , dont
nous avons déja parlé dans le premier
volume du Mercure de ce mois , est tou
jours extrémement goûté du Public. Au
Prologue , le Théatre représente le Port
de Venise. Le Carnaval y paroît au mi
lieu d'une troupe de Masques . Il annon
ce le sujet par ces Vers :
L'éclat de ce séjour , tranquile au sein des Mers ,,
Attire cent Peuples divers ,
Charmez de sa magnificence :
Mais il n'est jamais plus pompeux
Que lorsque les Ris et les Jeux ,
Sy rassemblent par ma presence , &c.
La Folie vient se joindre au Carnaval
pour rendre la Fête plus vive , elle s'ex
prime ainsi :.
O
Accourez , hâtez-vous ;
Goutez les charmes de la vie ;
II..Vol. Je
. ا
r539
JUIN 1732:
Je les dispense tous :
Il n'en est point sans la Folie.
La Suite de la Folie se joint à celle du
Carnaval ; elles composent le. Balet- du
Prologue..
Dans la premiere Entrée qui a pour
titre les Devins de la Place de S. Marc
le Théatre représente cette Place . Zelie,
jeune Vénitienne , masquée en Bohemien
ne , veut apprendre à la faveur de ce
déguisement , si Leandre , Cavalier Fran
çois , ne lui fait point d'infidelité ; elle
se retire voyant approcher Léandre , et
fait connoître son dessein par ces Vers :
>
C'est lui qui vient , pour le surprendre,,
Je veux l'observer et l'entendre.
Léandre expose son caractere par ces
Vers :
Amour , favorise mes voeux;
Ne sois point offensé si mon coeur est vol age ;
Prendre souvent de nouveaux noeuds ,
C'est te rendre souvent hommage.
Zelie vient parler à Léandre sous le
masque , et lui dit en dansant avec un
Tambour de Basque :
Jeune Etranger, veux-tu sçavoir,
II. Vol..
Ta
1570 MERCURE DE FRANCE
Ta bonne ou mauvaise fortune ?
Ma science n'est point commune ,
Dans le grand Art de tout prévoir.
Leandre n'ajoute d'abord point de fot
à la prétendue science de la fausse Bohé
mienne ; mais il commence à la croire
après avoir entendu ces Vers :
Que voy-je dans ces lieux ?
A combien de Beautez tu promets tą tendresse !
Tu sçais parler d'amour , tu l'exprime des mieux,
Sans que d'un trait constant jamais ce Dieu te
blesse.
" Il lui repond :
Il est vrai je suis infidele ;
Par tout ce qui me plaît je me sens arrêté ;
Le coeur ne fut jamais le tribut d'une Belle
C'est le tribut de la Beauté.
Zelie le quitte après lui avoir dit
Ecoute , par mon Art ce que je vais prédire :
Aujourd'hui dans nos Jeux ,
Tu verras l'objet de tes voeux ;
Lui-même aura soin de t'instruire ,"
Du succès de tes feux.
Les Devins et les Bohémiennes de la
II. Vol.
Place
A
JUIN. 1731. 7575
Place de S. Marc , font le divertissement
de cette premiere Entrée ; Zelie vient se
faire connoître à Leandre , et fait le dé
noüement par ces deux Vers :
Tu m'offrois de dangereux liens ,
Je sçais tes sentimens , tu peux juger des miens.
Dans la deuxième Entrée , intitulée l'A
mourSaltinbanque , Filindo , Chef des Sal
tinbanques , promet son secours à Eraste ,
jeune François habillé à la Venitienne et
amoureux de Leonore ; il lui dit que cette
Belle vient souvent voir leurs Jeux , et
qu'à la faveur de la foule des Spectateurs
qu'ils attirent , il pourra lui parler de
son amour.
Eraste se retire voyant paroître Leono
re suivie de Nerine , sa Surveillante ; Ne
rine ne cesse point d'exhorter l'aimable
Venitienne dont la garde lui est commise,
à se défendre des pieges de tous les Amans;
elle lui témoigne sur tout sa défiance sur
un jeune François ; Leonore lui répond
ingenûment , que sans ces remontran
ces , hors de saison , elle ne se seroit peut
être jamais apperçuë ni du merite ni de
l'amour de ce François.
Une troupe de Saltinbanques arrive ; on
apperçoit un Char qui s'entr'ouvre et qui
II. Vol. se
572 MERCURE DE FRANCE
se présente en forme de Théatre. L'Amout
y paroît avec tous les ornemens d'un Sal
tinbanque , il n'est caracterisé que par unt
Arc qu'il tient dans sa main ; les Plaisirs et
l'ès Jeux sont autour de lui sous des figu
res comiques , et composent le Balet .
Filindo et les Choeurs annoncent la
Fête par ces Vers :
Hâtez-vous , accourez , volez de toutes parts ☀
Nous vous amenons de Cythere ,
"
Ce qui peut charmer vos regards ;
Notre soin vous est necessaire :
Hâtez-vous , accourez , volez de toutes parts.
L'Amour expose less sujets de sa venuë
par ces Vers :
Venez tous , venez faire emplette ;
Je vends le secret d'être heureux :
Je fais dispenser ma recette ,
Par les Plaisirs et par les Jeux , &c. ·
A la faveur de la Fête , Eraste s'appro
che de Leonore , et lui parle malgré tous
les soins de sa Surveillante ; elle les sur
prend enfin ; Eraste la met dins leurs in
terêts par ces paroles :
Ne contraint plus nos feux ;"
Gesse de nous être contraire ; .
LI Vol. Obres
JUIN.
3573 1731.
Obtenons l'aveu de son Pere ;
Espere tout de moi si je deviens heureux .
&
La troisiéme Entrée de cet Opera Balet
est appellée le Bal. La Scene est dans un
Palais de Venise ; le Théatre représente
un lieu préparé pour un Bal.
Alamir , Prince Polonois , amoureux
d'une jeune Venitienne , ne veut passer,
auprès d'elle que pour un simple Gentil
homme pour gouter le doux plaisir de
s'en faire aimer sans emprunter le se
cours d'un rang illustre ; Themir , son
Confident , qu'il fait passer pour son
Maître , lui dit qu'il est temps de se
donner pour ce qu'il est en effet , puisque
sa chere Iphise l'aime , tout simple Gen
tilhomme qu'elle le croit , tandis que lui
Thémir , prétendu Prince , ne s'attire pas
le moindre regard favorable ; il finit cette
premiere Scene par ces Vers qui annon
cent la Fête:
Par vos ordres exprès je donne un Bal pompeux;
Deux Maîtres renommez , qu'à vû naître là:
France ,
Doivent en préparer et les chants et la danse :
Vous y verrez l'objet de vos plus tendres voeux..?
Alamir lui répond :
Tu sçais par quel moyen tu me feras connoître
11. Vol.
-Les
1574 MERCURE DE FRANCE
Les Ordonnateurs du Bal étalent aux
yeux du Prince , à l'envi l'un de l'autre ,
tout ce que leur Art a de plus brillant.
Tout ce que chante le Maître de Musique
est une fine Critique dont on reconnoît
les objets. Cette Scene est suivie d'une au
tre , dans laquelle Alamir conseille à sa
chere Iphise d'aimer son prétendu Rival,
qui la veut placer dans un rang glorieux,
au lieu qu'il n'a à lui offrir que son amour
et sa constance ; cette charmante Scene
finit par ce bout de Dialogue.:
Ah ! j'ai perdu votre tendresse ;
Ce vain discours est une adresse ,
Qui cache un changement fatal :
Non , il n'est pas possible ,
Qu'un Amant bien sensible ,
Parle pour son Rival.
Alamir.
Aimez un Prince , aimez ....
Iphise.
Tu le veux donc , perfide ?
Alamir.
Si vous ne l'aimez pas , je ne puis être heureux.
Iphise.
C'en est fait , je suivrai le transport qui me guide;
5
1.1. Vol. Pour
JUIN. 1731. 1575
"
Pour me vanger de toi , j'approuverai ses feux ;
Mon juste désespoir ... je le voi qui s'avance ;
Ingrat , je t'aime encor malgré ton inconstance.
L'arrivée du Prince prétendu , qui fait
connoître Alamir pour le veritable , dé
noiie agréablement l'action ; le Bal qui
survient , finit cette derniere Entrée ,
dont les applaudissemens redoublez mar
quent le plaisir qu'elle fait.
On a appris de Naples , que le 27. du
mois dernier , on y représenta pour la
premiere fois le nouvel Opera d'Argene ,
qui fut generalement applaudi et honoré
de la présence du Chevalier de S. George
et de la principale Noblesse de la Ville.
Le 16. de ce mois , les Comédiens Fran
çois donnerent la premiere représentation
du Faux Sincere , Comedie , en Vers et
en cinq Actes , de feu M. Dufresni , Au
teur très-connu par quantité de bons et
de singuliers Ouvrages . Celui -cy est tous
les jours plus gouté et plus applaudi par
la maniere originale , naïve et précise avec
laquelle les caracteres sont exprimez , er
par les traits saillants et inattendus dont
la Piece est semée. Nous allons tâcher de
mettre le Lecteur en état d'en juger.
II. Vol. L'Au
1576 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur ne s'est attaché dans le prez.
mier Acte , qu'à exposer la situation pré
sente des Acteurs qu'il veut faire agir ,
il y donne aussi une idée des Caracteres ,
&c. Madame Argante a deux filles , An
gelique est l'ainée , et Marianne , la cadet
te ; Angelique ne faisant que de sortir du
Convent , a vû un jeune homme , soir
disant le Chevalier Valere , et c'est le
Heros de la Piece , à sçavoir le Faux Sin
cere. Marianne , qui a été long- tems chez
une de ses parentes , aime Dorante ; Mada
me Argante , prévenuë en faveur du Che
valier , vient dire à ses deux filles , qu'elle
a fait un projet de mariage ; elle veut don
ner Angelique à M. Franchard , à qui Ma
rianne avoit été promise autrefois et Ange
lique au Chevalier Valere . Ce M. Fran
chard est un riche Négociant , dont l'hu
meur franche contraste parfaitement avec
celle du Chevalier ; Madame Argante a
résolu de donner Angelique au Cheva
Tier Valere ; par-là Angelique est aussi sa
tisfaite que Marianne est mécontente.
Pour ce qui concerne les caracteres ,
Voici ce que Dorante ,Amant deMarianne,
dit du Chevalier Valere dès la premiere
Scene :
Cet homme me chagrine" ;
II. Vol. Je
JUIN.
17318 577
Je connois votre mere ; il prendra son esprit,
Il est très-dangereux. Hier il me surprit ;
Voulant lier , dit - il , avec moi connoissance ,
Il exige d'abord entiere confidence ;
Il me dit ses deffauts , et ceux qu'il trouve en moi.
Mais il les adoucit , et dans l'instant je voi ,
Que par le même tour il me blâme et me loue ,'
Qu'en blâmant avec art , habilement il joüe ,
Sous le jeu d'un Censeur , celui d'un complaisant;
Il n'est point flatteur , non , c'est un ton diffe
rent ;
Il paroît s'échapper par des traits véridiques ;
Mais chaque mot le mene à ses fins politiques :
Quand il vous trouve en garde il se découvre
un peu ,
Pour vous faire avancer et se donner beau jeu :
Profitant de l'amour qu'on a pour la franchise ,
Fait parade du vrai qu'il farde et qu'il déguise ;
Faux , même en disant vrai ; faux sincere ...
Il semble que M. du Fresni , ait craint
qu'on ne confondit le caractere qu'il
alloit traiter , avec celui du Flatteur , ou
du Tartuffe il en a justifié jusqu'au nom
voici ce que Dorante ajoute :
;
Caractere de coeur : j'entends par faux sincere ,
Celui qui sçait piper par la sincerité ,
Comme un fin courtisan fait par la probité ;
Il. Vol
Qui
1578 MERCURE DE FRANCE
Qui dit vrais trente fois , pour pouvoir mentir
une
Dans une occasion qui fasse sa fortune ;
Hipocrite en franchise est a peu prés le mot ;
Pourquoy pas faux sincere ? on dit bien faux
devot.
t Pour ce qui regarde le caractére con
trastant qui est celui de M. Franchard ,
l'Auteur le fait exposer en peu de mots
par le Chevalier Valere , parlant à une
Marquise qu'il feint d'aimer :
Vous me voyez charmé de ce bon commerçant ;
Il semble en arrivant ici de Picardie ,
Ramener à Paris la probité bannie.
De son accueil gaulois la liberté vous rit >
Sa cordialité qui lui tient lieu d'esprit
९
Ravit , enchante , au moins moy , qui toûjours
préfere ,
A tout l'esprit du monde un trait naif , sincere.
Sa candeur rend pour moi ses discours élog
• quents ?
Sur son visage ouvert on lit ses sentimens ;
Au premier entretien tout son coeur se déploye,&c.
La Marquise est une veuve qui se croit
aimée de ce faux Sincere. Elle n'est pas
encore riche , mais elle attend une suc
cession de cent mille écus , qui est dépo
II. Vol. sée
NCE
1579
JUI
N.
1731
.
H
sée entre les mains de M. Franchard.
Le Chevalier n'en sçait rien , et c'est par
le conseil de Laurette , sa Suivante , que
la Marquise lui en a fait mistere ; voici le
motif de Laurette :
Il faut de son amour une preuve certaine.
Des Indes il vous vient cent mille écus d'aubaine;
Cette succession arrivant en secret ,
Vous m'aidez , j'en conviens , à suivre le projet
Que j'ai conçu d'avoir aujourd'hui quelque
preuve ,
S'il aime en vous , Madame , ou l'argent , ou la
veuve.
Il ne reste plus dans ce premier Acte
qu'à faire connoître aux Spectateurs la
qualité et le coeur du Chevalier : voici
par où il finit l'Acte lui- même , en par
lant du Contrat que la Marquise lui a
proposé.
Je ne veux pas encor presser la signature ;
Ce n'est qu'un pis aller depuis mon avanture]
La Marquise m'a dit qu'elle a trés- peu de bien
Chez ce riche Marchand venant chercher le
mien ,
Quel bonheur d'y trouver une riche alliance !
Pourquoy cachois- je ici mon nom et ma nais
sance ?
* II. Vol.
Rapin
580 MERCURE
DE FRANCE
1
Rapin, fils d'un Marchand,pour eux eût été bong
Mais avec la Marquise ayant pris un beau nom
Sur celui de Rapin il a fallu me taire &C.
On voit par ces differentes expositions
que la Piece sera trés implexe ; nous
n'oublierons rien pour y mettre de la
clarté .
፡
Un Caissier du Banquier Franchard ,
ouvre la Scene du II. Acte , avec un
nouveau Rapin , Cousin du faux Valere,
On auroit souhaitté que ce dernier en
eut parlé à la fin du premier Acte. Ce
second Rapin apprend du Caissier ,
qu'un certain Chevalier Valere , se dit
Agent de Rapin ce qui oblige le nou
veau Rapin à faire arrêt sur la somme ;
le Caissier n'en est point fâché et se re
tire.
Laurette reconnoit Rapin , qu'elle a
vû autrefois à Rouen ; Rapin aprés avoir
quelque temps nié à Laurette qu'il soit
l'ancien ami dont elle lui parle , lui
avoue enfin qu'il est Rapin , et qu'il
vient d'apprendre qu'un certain Cheva
lier Valere , se donne pour son Agent
aux yeux de M. Franchard , pour lui en
lever sa succession ; il prend le parti de
cacher son nom et de prendre celui de
Valere on convient que l'Auteur a assés
11. Vel biea
JUIN. 1731. 1581
1
bien motivé l'incognito par ces deux
vers :
Ouy , courons nous parer : dans le siécle où nous
sommes ›
La parure du moins aide à parler aux hommes,
Mais on ne comprend point , pour
quoi le nouveau Rapin veut passer pour
un second Valere ; et l'on en conclut que
ce Valere doublé est plutot parti du cer
veau de l'Auteur que du fond du Sujet.
Laurette et Rapin s'étant retirés , le
Chevalier Valere , ou pour mieux dire ,
le Faux Sincere vient. A peine a-t'il dit
quelques mots qui ne font rien à la Piece,
qu'on voit paroître Madame Argante .
Valere , pour faire parade de sincerité ,
feint d'être fâché contre Madame Argan
te , de ce qu'elle l'a loüé sans cesse ; il lui
dit d'un ton d'homme mécontent :
Je m'en plains , et voici là -dessus mes scrupules ,
Que gens moins délicats trouveront ridicules ;
Je blâme tout ami qui me flatte d'abord ,
Et dit que j'ai raison sans sçavoir si j'ai tort ;
Qui prend trop mon parti contre la médisance ;
En me justifiant sans m'entendre, il m'offense ;
Car je ne veux point être innocent par faveur ;
Je veux que la raison me juge , et non le coeur :
II. Vol. Je H
1582 MERCURE DE FRANCE
Je veux qu'on se défie , et qu'on approfondisse ;
Ensuite , quel plaisir quand on me rend justice !
3
Aprés quelques autres traits de fausse
sincerité , Valere dit à Madame Argante
de parler d'affaire : elle lui confirme la
promesse qu'elle lui a déja faite de lui
donner Marianne; le Chevalier lui témoi
gne quelque crainte sur le choix que
M. Franchard en a fait pour lui - même ;
elle le rassure , par l'humeur de M.
Franchard qui n'y regarde pas de si prés ,
et qui se tourne facilement à tout ce
qu'on veut. M. Franchard confirme bien
tôt au Chevalier ce que Madame Argan
te lui a dit de son humeur ; car sur la
demande que Valere lui fait des vûës
qu'il peut avoir pour Marianne ; il lui ré
pond franchement ;
Pour elle je n'ai point eu de vûë autrement ;
Si ce n'est que je veux l'épouser seulement,
Mais , lui dit le Chevalier; vous aimez
aussi son aînée ; M. Franchard lui répond
avec la même franchise :
Ouy , je l'aime ,
Et d'abord je voulois l'épouser tout de même ;
Pas tant pourtant; je vais expliquer tout cela &e,
I
IL Vel
En
JUIN.:
1583 1731 .
En un mot comme en cent de ces deux Filles- ci ,
L'une est ce qui me faut ; mais l'autre l'est aussi,
Il conclut enfin par vouloir épouser
Marianne, ce qui oblige Valere à rabbat
tre sur Angelique en sage politique.
Madame Argante lui amene Marianne ,
qu'Angelique suit , non par simple curio
sité , comme dit sa mère , mais par le
tendre interêt qui l'attache au Cheva
lier.
Valere est fort embarrassé sur ce que
Madame Argante attend de lui, en faveur
de Marianne , pour qui M. Franchard
vient de se déclarer ; le compliment qu'il
fait à Marianne est si froid qu'elle en est
vivement picquée ; elle lui declare qu'elle
lui sera contraire , le Chevalier s'en con
sole par l'esperance d'obtenir Angelique ,
à qui il donne la préference. Madame
Argante n'est point fachée de ce change
ment , parceque cette derniere lui ressem
ble aussi bien que Marianne . Elle sort avec
le Chevalier et Angelique , pour aller
faire dresser le Contrat , et dit à Marianne
de prendre patience avec M. Franchard
qui la doit épouser . Marianne se détermi
ne à se venger du compliment injurieux
que le Chevalier vient de lui faire , et
II. Vol. Hij quol
584 MERCURE DE FRANCE
quoiqu'elle aime Dorante , elle ne laisse
pas de supporter impatiemment qu'on
ait préferé sa soeur à elle. Laurette veut
la consoler de ce chagrin par la promesse
de se venger du Chevalier , fondée sur les
découvertes qu'elle a faites .
Le III. Acte a paru le plus beau de la
Piece. Dorante et Marianne le commen
cent. Ils se flattent de faire tomber le
masque aux Faux- Sincere , en le mettant
aux prises avec la Marquise et avec An
gelique , toutes deux mécontentes de lui ;
mais avant que d'entrer dans cette Scene
d'où il se tire avec toute l'adresse pos
sible , il n'est pas hors de propos d'exami
ner un point que quelques connoisseurs
ont remarqué , et dont l'Auteur semble
avoir voulu prévenir la critique. Quel
interêt, a- t'on dit , peuvent avoir Doran
te et Marianne à confondre le Faux - Sin
cere ? il n'en veut plus à Marianne ; ainsi
il ne tiendra pas à lui qu'elle ne soit ma
riée avec Dorante ; les voilà donc tous
deux hors d'interest du côté du Chevalier;
Dorante n'a plus d'autre Rival
que M.
Franchart; et en démasquant le Faux - Sin
cere , il n'empêchera pas que ce bon com
merçant ne lui enléve sa Maitresse . Il
ya apparence que M. du Fresni a prévû
L'objection , puisqu'il la met dans la bou
1 1. Vol . che
JUIN. 1731. 1584
che du Chevalier ; voici comment il le
fait parler à Dorante et à Marianne :
#
Pourquoi sur nos desseins ne nous pas concerter
Quand nous n'avons ici rien à nous disputer !
A Dorante.
Sommes- nous Rivaux ? non , nous n'aimons pas
la même ;
J'aime , je suis aimé , vous aimez , on vous aime ;
Monsieur Franchard pourroit par accomode
ment
Aux Pupilles laisser , chacune son- Amant ;
Mais de gayeté de coeur vous voulez me détruire.
Voilà donc , par l'aveu même de l'Au
teur , deux Amants qui ne vont pas à
leur fin ; ils agissent donc par tout autre
motif que celui de leur amour. L'Ob
jection est assés forte ; mais peut-être
ne l'auroit-on pas faite si l'Auteur n'eut
pris soin lui-même d'en faire la premiere
ouverture ; d'ailleurs on peut y répondre
pour lui , en disant que la haine que Do
rante et Marianne ont conçue contre le
Faux-Sincere est la plus forte en eux ;
que leur but principal est de le confon
dre , et que l'aveu sincere qu'il semble
leur faire , couvre quelque piege darts
LI. Vol.
Hij lequel
1586 MERCURE DE FRANCE
lequel il veut les faire donner ; en effet ,
quand il leur dit :
Voyons ; concertons- nous sur cent moyens fa
ciles ;
Entrons dans les détails :.+3
--Dorante lui répond :
Détails trés-inutiles.
Marianne dit quelque chose de plus :
Vous le sçavez trop bien ; mais vôtre intention
C'est d'échauffer d'abord la conversation ,
Afin
que , parlant trop à l'envi l'un de l'autre ,
Nous cachant vos secrets vous démêliez le
nôtre.
Un interêt plus fort justifie Marianne
dans cette occasion ; le Chevalier lui a
préferé sa soeur , et ces sortes d'outrages
ne se pardonnent jamais. Passons à la
Scene qui fait tant de plaisir , elle est en
tre le Chevalier , la Marquise et Ange
Jique. Ces deux Rivales l'accusent égale
ment d'avoir démenti sa prétendue sin
cerité à leur égard ; il leur répond qu'il
n'a besoin que d'elles- mêmes pour le
justifier ; voici ses propres mots :
II. Vol. Que
JUIN. 1731 ..
1587
Que chacune redise
Les faits simples , les faits ; par ce que vous dirés
L'une à l'autre , sans moi , vous me justifierés.
En effet , il convient avec la Marquise
qu'il lui a promis de s'arranger avec elle
par un mariage , et quand Angelique
lui reproche d'avoir proposé un mariage
à sa Rivale , aprés lui avoir montré
l'amour le plus ardent , il lui dit que
tien n'est plus vray, et qu'il brûle encore
du même amour ; il ajoûte que c'est ce
violent amour qui l'a forcé et qui le force
encore à retirer la parole qu'il avoit don
née à la Marquise : oui , poursuit- il en
parlant à la Marquise :
Tantôt j'ai dit ; j'épouse ;
t
A present je dis j'aime : en fussiez-vous jalouse
Madame , vous prouvez , vous , de vôtre côté ,
Qu'un arrangement seul entre nous concerté
Ne peut me rendre ici coupable d'inconstance.
Si cet amour subit et dont la violence
Vient troubler en un jour tous mes arrange
mens ,
Entre vous deux m'agite et me tient en suspens ,
Sans que j'aye encor pû parler , me réconnoî
tre ,
-
11. Vol. En
Hiiij
r588 MERCURE DE FRANCE
En quoy suis-je coupable ? où puis -je le pa
roître 2
Et comme Marianne qui est présente à
la conversation , vient à la charge en lui
disant , que cet amour subit fait tout au
moins un ingrat , et qu'il lui fait manquer
de parole , . il répond :
Et non pas de franchise ;
Fai promis de l'estime , et rien plus ; qu'on le
dise :
Le voilà donc parfaittement justifié
dans l'esprit d'Angelique ; mais un nou
vel incident va le réplonger dans l'em
barras . M. Franchard lui vient annoncer
un second Chevalier Valere ; c'est le
Rapin dont nous avons parlé dans l'Acte
précedent on n'a pas bien compris ,
comme nous l'avons déja remarqué , la
raison qui l'a porté à doubler Valere ,
ayant tout autre nom à prendre ,. on
convient que cela produit de l'improglio ;
mais on voudroit que ce Comique fut
appuyé sur quelque motif. Ce n'est pas
là
la le seul coup dont notre Faux-Sincere
est frappé ce nouveau chevalier Valere
se donne encore pour un Agent de Ra
pin ; M. Franchard ne voit en tout cela
C
1
II: Võt que
• JUIN. 1731. 1589
و د
"
ULV
que des brouillards , que ce second Agent
de Rapin lui promet de dissiper , papier
sur table . Ce dernier se retire.
M. Franchard commence à se défier
du Faux- Sincere , à quoy ce dernier ne
répond que par des brusqueries , coup
sur coup , par lesquelles il prétend lui
faire voir qu'il lui ressemble autant en
vivacité qu'en franchise ; en effet , aprés
s'être long- tems emporté contre lui , il se
radoucit et lui faisant rémarquer la con
formité d'humeur qui est entr'eux , il
dit finement :.
"
Nous nous ressemblerons encore sur ce points
Je pardonne d'abord :
M. Franchard lui répond , que pour
lui , il pardonne sur l'heure; il ajoute avec
une agréable surprise :
Mais , c'est tout comme moy ; j'en avois bie'n
cherché.
Des gens qui fussent faits tout justes à ma ma
niere :
Vous voilà tout trouvé ; car ressemblance ere
tiere ;
Dire tout ce qui vient , brusquer , parler bien
fort ,
Se facher tout d'an coup , puis pardonner
d'abord ;
11. Vol Hv N'est
}
1590 MERCURE DE FRANCE
N'est-il pas vrai Monsieur ? mon portrait est
le vôtre &c.
Plus de Dorante donc ; finissons au plutôt :
Deux contrats pour nous deux , c'est autant
qu'il en faut.
M. Franchard , Dorante , Marianne
et Angelique commencent le quatriéme
Acte. Le but de la premiere Scene est
de faire entendre à M. Franchard , que
ceChevalier qu'il croit vraiement sincere,
n'est rien moins que ce qu'il paroît à
ses yeux qu'il se dit Gentil - homme ,
quoiqu'il soit roturier ; et qu'il se vante
d'avoir beaucoup de biens , quoiqu'il
n'ait rien du tout. M. Franchard leur
dit qu'il lui demandera tout cela..
Le Chevalier dit en arrivant qu'il ne
doute point qu'on ne complotte contre
lui , mais que sa sincerité l'exempte de
toute crainte. M. Franchard lui demande
avec sa franchise ordinaire s'il est riche
ou non ; le Chevalier lui répond aussi
franchement qu'il n'a rien ; c'est toujouts
quelque chose , dit Franchard ; Valere
ajouteadroitement.
Par cet aveu sans doute au refus je m'èxpose ;
Mais quoy ? vous citerois- je ici comme un bien
clair
11. Vol
que
JUIN 1731 4597
OPL
MO
21
15
Quelques successions qui sont peut- être en Fair ?
Des terres en decret dont je ne suis plus maitre ?
Que quelque argent comptant dégageroit peut
être ?
Mais un bien en litige au fond est - il le mien ?
Non ; repetons - le donc encore , je n'ai rien .
Cette adroite franchise acheve de ga
gner le coeur à Franchard . Dorante re
vient pourtant à la charge , et dit qu'il
y a un second Valere , qui s'interesse
aussi la succession de Rapin , et
qu'il faut démêler qui des deux est le ve
ritable M.Franchard y consent , mais
il leur dit qu'aprés cette derniere épreu
ve , il n'écoutera plus rien .
pour
:
Laurette vient de porter le plus sen
sible coup au Chevalier , en disant à M.
Franchard que Madame la Marquise vient
chercher les cent mille écus qu'il doit
lui livrer ; M. Franchard lui répond qu'ils
sont prêts , et rentre pour aller compter
la somme à la Marquise. Le Chevalier
resté seul , fait ce court Monologue :
Ce revers est picquant.
L'ai- je pû deviner ? cent mille écus comptants
Je les perds ; dans quel temps quand tout me
déconcerte ;
3
II. Vol
Quand H vj
1592 MERCURE DE FRANCE
Quand cet autre Valere ici cause ma perte.
L'approche de la Marquise lui rend
quelques esperances , il se flatte qu'elle
l'aime encore , et qu'elle cherche à ré
noüer avec lui ; voici comme il s'y prend
pour lui faire entendre qu'il flatte encore :
entre Angelique et elle ::
Je suis comme j'étois , incertain , indécis ;
Tantôt passionné , tantôt de sens rassis.
Vois-je l'objet je suis la pante qu'Amour don
ne ;
Vous revois-je ? aussi-tôt je suspens, je raisonne
A me déterminer il faut que vous m'aidiez ;
En bonne amie , il faut que vous me conseilliez ,
Qu'en cette occasion vous me serviez de guide ;
Je crains de me flatter , ou d'être ttop rigide ,
De croire mon amour plus ou moins fort qu'il
n'est.
Se connoît-on ? peut-être en secret l'interêt
Sur vos biens augmentez à mon insçu m'a
buse ,
Me fait voir mon amour moins fort ; je m'en.
accuse ; :
De peur
de vous tromper , je me donne le tort. ,
Prés d'Angelique aussi peut- être ai-je d'abord ·
Exageré l'amour d'une façon trop forte ;
Car d'un objet brillant la présence transporte.
II, Vol. Il
JUIN 773
1593
Il n'a pas tenu à l'Autheur que la
Marquise n'ait donné dans un piége si
finement tendu , tant il a pris soin de
couvrir la fourberie d'un voile specieux:
de sincerité ; mais là Marquise avoit trop
bien pris son parti avant que d'avoir ce
dernier entretien avec lui ; elle le quitte ,
aprés lui avoir parlé ainsi.
Je ne vois plus en vous que feinte et politique ;
L'interest vous a fait adorer Angelique ;
L'interest à present vous fait changer de ton..
Si vous faites ceder l'amour à la raison ·
De mon côté , je dois devenir raisonnable ;
Car vôtre amour pour elle est faux , ou veri
table ;
Veritable , il me fait trembler pour vôtre coeur ,
Et s'il est faux , je dois rompre avec un trom
peur.
Ce dilemme acheve de désesperer nôtre
Faux - Sincere voyant venir le second
Valere , il le soupçonne d'être son Cou
sin Rapin , et sur ce soupçon il va chan
ger de Batterie.
Les deux Valeres se reconnoissent pour
deux Rapins , mais le Faux - Sincere voyant
que celui qui le double , ne se rend point
aux sentimens de la nature , lui promet
de lui abandonner la succession toute en
:
11, Vol. tiere. ;.
1594 MERCURE DE FRANCE
tiere ; à cette parole sympatique son Co
heritier l'embrasse cordialement , et lui
promet de le servir auprés de M. Fran
chard et de Madame Argante contre tous
ceux qui s'opposent à son mariage avec
Angelique .
Madame Argante arrive , le second Ra
pin lui dit qu'il est vrayement son Cousin
Valere ; Madame Argante les invite à aller
dire hautement ce qui s'est passé dans
leur reconnoissance ; le Chevalier dit
modestement qu'il n'y veut pas être , de
peur que sa présence n'empêche son Cou
sin de dire les choses avec toute la sin
cerité qu'il exige .
Nous abrégerons l'Extrait du 5. Acte ,
parceque les autres nous ont menés plus
loin que nous n'avions crû. Valere , tout
traversé qu'il a été jusqu'ici , voit relever
ses espérances abbatuës ; Madame Argan
te lui annonce que le Contrat se dresse
actuellement. C'est là ce qui occasione
l'aveu que ce Faux - Sincere lui fait de ce
qui pourroir venir à sa connoissance ;
sçavoir de s'être dit Gentil - homme, quoi
qu'il ne fut que le fils d'un Marchand
et d'avoir pris un faux nom ; Madame
Argante est charmée de cette derniere
sincerité ; mais il n'en est pas de même
de M. Franchard qui n'est déja que trop
[
J
II. Vol
informé
JUIN. 1731. 1595
鼻
12
Informé de la qualité supposée et du faux
nom. Deux Valeres et deux Agents de
Rapin lui paroissent un complot , et il dt
à Valere , d'un ton fâché , qu'il ne veut
point de comploteurs chez lui . Madame
Argante a beau le déffendre , en disant
qu'il lui avoit déja avoué la supposition
de nom et de qualité Laurerte , qui
dès le commencement du second Acte ,
a reconnu l'un des Rapins , ne doute
point qu'il n'y en ait deux sous le nom
de Valere ; elle fait entendre que le Che
valier ne l'a informée que d'une chose
déja connuë de tout le monde , et qu'elle
aété la dupe d'un autre prétendu' Valere.
Madame Argante ne peut souffrir pa
tiemment que le Chvalier l'ait jouée
Angelique désabusée par la Marquise à
laquelle son fourbe d'Amant avoit voulu
révenir , grace aux cent mille écus dont
nous avons parlé dans l'Acte précedent ,
lui déclare hautement qu'elle ne voit plus
en lui qu'un fourbe et qu'un imposteur
interessés tout cela tombant sur lui , coup
sur coup , il en est si accablé , qu'il se re
tire , en disant fierement , qu'il ne veut
d'autre Apologiste que son coeur ; tous
les Spectateurs ont été surpris de lui voir
quitter la partie , avec autant de ressour
ces qu'il en a fait esperer dans le cours
II. Vol.
de
1596 MERCURE DE FRANCE
de la Piece. On peut répondre à la déchar
ge de M. du Fresni qu'il n'avoit pas en
Gore mis la derniere main à sa Comédie ,
et qu'il y travailloit encore peu
de tems
avant sa Mort. Un double hymen entre
M. Franchard et Angelique , de même
qu'entre Dorante et Marianne , finissent
la Piece , et renvoyent les Spectateurs
infiniment plus satisfaits que mécontens.
Tout le monde connoit que l'intrigue est
un peu confuse et surchargée ; mais que
l'ouvrage fait briller par tout ces traits
saillants , qui ont toujours caracterisé et
distingué cet agréable Auteur , la versi
fication est un peu forcée ; mais on peut
juger par les morceaux que nous venons
d'en citer , que M. du Fresni y auroit
pû exceller , s'il en eut fait une plus lon
gue habitude ; en effet , ce n'a été que
dans ces dernieres Pieces , qu'il a voulu
assujettir à la contrainte de la rime , le
beau feu de Poësie dont la nature l'avoit
animé.
Cette Piece , qui a été représentée
pour la dixième fois le 30. de ce mois ,
et qui fait grand plaisir au Public , est
actuellement sous Presse , chez Briasson ,
ruë S. Jacques.
Les Comédiens François ont reçu dé
6
II. Vol.
puis
JUIN. 1731. 1597
puis peu une Comédie en vers , avec un
Prologue , de la composition de M. le
Fort , intitulée le Temple de la Paresse ,
qu'on jouera incessamment.
Le 28. l'ouverture de la Foire S. Lau
rent fut faite par le Lieutenant Géneral
de Police en la maniere accoutumée.
Le même jour l'Opéra Comique fit
aussi l'ouverture de son Théatre par une
Piece nouvelle en Vaudeville , et en trois
Actes avec des Divertissemens , qui a
pour titre la France Galante ; cette Piece
est suivie d'un Divertissement composé
de Scenes muettes , figurées en Balet , in
titulées la Guinguette Angloise ; il est
executé par les Sieurs Roger , Renton ,
et Haugthon , trois excellens danseurs
Pantomimes , nouvellement arrivés d'An
gleterre , qui sont géneralement applau
dis la figure du sieur Roger qui avoit
déja été vuë ici il y a deux ans , paroît
toujours- trés-originale ; on ne se lasse
point de le voir.
M.. Kol NOUVELLES
1598 MERCURE DE FRANCE
****:*******X:XXXX
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE .
à Malthe le Capitaine d'ur
Vaisseau François , qui y avoit touché
venant du Levant , et qui avoit rencontré douze
Vaisseaux de Guerre Turcs , partis de Constan
tinople vers le zo. d'Avril , que six de ces Vais
seaux alloient à Chio , trois à Rhodes , et les
autres à Napoli de Romanie , pour y rester et
y attendre les Ordres du Grand Seigneur. Ce
Capitaine ajoûte que S. H. avoit chargé Dgia
num Codgia , Capitan Pacha , de faire venir à
Constantinople toutes les Galeres des Provin
ces Maritimes de l'Empire Otthoman , pour les
joindre à la Flotte qu'on y équipe actuellement
avec un grand nombre de Bâtimens de trans
port.
Des Lettres de Constantinople portent , que
les Persans ont été battus par les Turcs devant
Tauris. Le bruit court que cet echec a porté
Schah Thomas à faire au Seraskier de l'Armée
Ottomane, des propositions d'accomodement ; ce
qui pourra operer la Paix entre les deux Empires ,
les Turcs et les Persans la désirant également ; er
on apprend par des Lettres reçues en Allemagne au
commencement de ce mois , que le Grand Sei
gneur avoit envoyé ordre au Pacha de Babylone
qui commande ses Troupes en Perse , de con
clure la Paix avec le Roy de Perse , et de lui
II. Vol. remettre
JUIN. 1731. 1599
.د
remettre même les Places conquises pendant la
derniere Révolution , s'il ne pouvoit convenir
d'un Traité plus avantageux.
On a appris par les dernieres Lettres de Mos
cou que le bruit commun étoit que les Trou
pes du Grand Seigneur avoient attaqué l'armée
du Roy de Perse deux jours aprés l'expiration
du terme de la suspension d'Armes ; que le
Combat s'étoit donné prés d'une Riviere ou
les Persans avoient été entiérement défaits •
que la plupart de leurs Generaux ayant voulu
passer cette Riviere dans leur retraite , s'y étoient
noyez , et qu'on croyoit que le Roy de Perse
avoit eu un pareil sort.
Quelques Lettres du Levant portent , que
l'Armée de S. H qui étoit en Egypte , et qui
devoit se rendre à A.exandrie , commençoit à
s'embarquer pour Constantinople , et qu'on
croyoit qu'elle seroit employée contre les Chré
tiens.
DANNEMARCK.
RELATION du Sacre du Roi et de
la Reine de Dannemarck.
>
E Sacre de Leurs Majestez Danoises ayant été
au 6. se rendit fixé
jours auparavant à Fridericsbourg , Maison
Royale, distante de Copenhague de 4. milles , où
la Ceremonie devoit se faire .
Le 5. L. M. firent leurs dévotions et commu
nierent dans la Chapelle , ensuite le Roi de Dan
nemarck fit plusieurs Promotions ; sçavoir :
Dans l'Ordre de l'Elephant.
Le dernier des Marckgraves de Culmbach ,
frere de la Reine.
1600 MERCURE DE FRANCE
Le Prince de Hesse - Philipstadt , Lieutenant Ge
neral au service de France.
Meckelbourg - Strelitz . Le Duc de
Le Duc de Saxe-Mersbourg.
Le Comte de Rantzow de Fuhmen , Chef du
Commissariat de Terre et de Mer.
M. Lerche , Grand - Maître des Ceremonies .
M. Blome , Ministre d'Etat.
M. Wolf- Blome , Conseiller Privé Titulaire.
Nouveaux Chevaliers dans l'Ordre
Danebrog
L'Amiral Rosempalm.
M: Gram , Maréchal de la Cour.
M. Numersen , Major-General.
M. Ratlow , Maître des Chasses en Jutland.
Le Comte de Zinzindorff.
M. Ahlfeldt , de Jersbeck..
Nouveaux Conseillers Privez.
M. le Comte de Guldenstein .
M. le Comte Knut , Chambellan de S. M. Da
noise.
M. de Gersdorff , aussi Chambellan du Roi.
M. de Vieteck.
Nouveaux Chambellansi
Le Comte Shack.
M. de Holsten , Grand- Bally de Zetlande et de
Copenhague .
M. Plessen , Maître des Chasses.
Nouveau Conseiller Privé des Conferences.
Le Comte de Sponeck , Lieutenant General et
Gouverneur de Copenhague,
Lla Vol Nou
JUIN. 1731. 1601
Nouveau Lieutenant General.
M. Roinling.
Nouveaux Majors Generaux.
Mrs Galkouski , Colonel de Cavalerie.
Walter , Colonel des Gardes à pied.
Prétorius , Colonel d'Infanterie.
Arnskiold , Colonel d'Artillerie..
Le 6. Juin à 11. heures du matin , le Roi , pré
cedé de toute sa Livrée , des Pages , des Officiers
de sa Maison , des Conseillers , d'Etat , des Con
seillers de Conference , des Comtes , des Cheva
liers des deux Ordres , Elephant et Danebrock,
des Ministres d'Etat , des deux Margraves de Cu
lemback , ainsi que des Ducs de Sunderbourg et
de Glucksbourg , de la Maison de Holstein , se
rendit processionellement de son Appartement à
la Chapelle , marchant sous un Dais porté par
quatre Chevaliers de l'Elephant , ayant à leur cô
té chacun un Chambellan. Il traversa ainsi la
cour du Château entre une double haye d'un dé
tachement de 140. Gardes du Corps , lesquels
étoient à pied et en bottes , avec le Mousqueton ,
les Officiers à la tête , l'épée à la main . Le che
min étoit couvert de drap rouge et orné de très
belles Tapisseries.
Ce Prince étoit vétu de Satin blanc à l'ancien
ne mode, avec des Trousses de même, ayant par
dessus le Manteau Royal de Velours pourpre ,
chargé de Couronnes en broderie d'or et doublé
d'hermine , dont le Grand- Chambellan Plessen et
le Comte d'Altembourg , Vice- Chambellan
portoient la queue, S. M. avoit la Couronne en
tête , tenant le Sceptre d'une main et de l'autre la
Boule d'or, surmontée d'une Croix ; aux deux cô
>
II. Vol.
tez
1601 MERCURE DE FRANCE
tez du Dais marchoit un Détachement de la nou
velle Compagnie de Trabans de la Garde , cou
verts de leur Casaque , ayant la Hallebarde sur
l'épaule.
Le Roifut reçu à Pentrée de la Chapelle par les
Evêques de Copenhague , d'Ahlborg en Jutland ,
et de Christiania en Norvege ; ces deux derniers
comme Assistans. Elle se plaça sur le Trône qui
lui avoit été préparé au bas de la Chapelle , en face
de l'Autel ; ce Trône consistant en une espece de
Dôme fort élevé , soutenu par quatre Colonnes ,
étoit revétu de velours cramoisi , enrichi de Cou
ronnes en broderie , de galons et de franges d'or,
et couvroit deux Chaises à bras à l'antique. Celle
de la droite , garnie d'étoffe d'or , et l'autre d'é
toffe d'argent , toutes les deux posées sur une Es
trade couverte d'un velours cramoisi , ayant à côté
deux Lions d'argent et un troisiéme devant , la
tête tournée devant l'Autel .
A peine le Roi fut placé sur la Chaise à droite ,
que la Reine entra et fut reçûe de la même ma
niere, précedée de la Livrée et des principaux Offi
ciers de sa Maison , de six Dames , toutes fem
mes de Chevaliers de l'Elephant , de la Comtesse
d'Altembourg, née Princesse de Hesse, de la Mar
grave de Culemback , mere de la Reine, et de leur
A. R. la Princesse Sophie , et Madame la Princesse
Charlotte. Elle marchoit sous un Dais porté par
quatre Chevaliers de l'Elephant et quatre Cham
bellans. Un Détachement de Trabans marchant
aux deux côtez du Dais.
Cette Princesse , coëffée en cheveux , à boucles
pendantes, la Couronne en tête , vétuë d'une Rob
be de Cour d'étoffe d'argent , et par -dessus le
Manteau Royal , dont la Comtesse de Hardeck ,
Grande- Maîtresse de sa Maison , et la Comtesse
11. Voln de
JUINA
1603 1731.
de Holsten, cy-devant Grande - Chanceliere, por
toient la queue , s'alla placer sur le Trône , et les
autres Dames , dans les places qui leur étoient
destinées .
A la droite et à côté de l'Autel , il y avoit une
Loge pour les deux Princesses de Culmback er
pour ceux de la Maison de Holstein , dont il n'y
avoit de présens que les Ducs de Sunderbourg et
de Glucksbourg . De cette Loge jusqu'au Trône,
regnoit une file de places occupées par les Che
waliers de l'Ordre de l'Elephant , avec des Rubans
bleus , à la tête de laquelle étoient le Grand - Ma
réchal et le Maréchal particulier de la Cour , te
nant en main le Bâton de leur Charge ; les Che
valiers Danebrog , avec leurs Cordons blancs
étoient placez derriere cette file , les deux Secre
taires d'Etat , et plusieurs Officiers Generaux de
Terre et de Mer , tous debout ; le Grand- Cham →
bellan Plessen , étoit à côté et un peu derriere le
Roi sur l'Estrade , avec le Comte d'Altembourg,
Ensuite , mais plus bas , le Comte de Holsten ,
cy- devant Grand -Chancelier , auprès duquel et
un peu derriere , étoient les Capitaines des Tra
bans , le Commandant des Gardes à cheval , et
ceux des Régimens des Grenadiers du Corps et
Gardes à pied , tous les quatre en habit d'ordon
nance. Un Détachement de Trabans , la Halle
barde à la main, occupoient le derriere du Trône,'
→
A la gauche et à côté de l'Autel étoit une Loge
pour L. A R. la Princesse Charlotte et la Prin
cesse Sophie , ainsi que pour le Margrave. Une
autre Loge à côté pour laComtesse d'Altembourg
et les deux Grandes- Maîtresses de la Maison de
L. A R. et enfin une troisiéme Loge pour les Fil
les d'Honneur des trois Princesses . De cette trois
siéme Loge jusqu'au Trône , le terrain étoit oc
IT, Vol. cupé
1604 MERCURE DE FRANCE
cupé par les autres Dames et par les Chevaliers
de l'Elephant , qui avoient porté le Dais de la
Reine. Toutes les places étoient de plein pied
dans le bas de la Chapelle,
La Ceremonie commença par une Musique qui
fut suivie d'un très long Sermon , lequel étoit
interrompu , par intervalles , de Prieres que com
mençoit l'Evêque de Copenhague , ayant à ses
côtez les Evêques d'Ahlbourg et de Christiania.
Ensuite,de quoi le Roi descendit de son Trône,
s'avança vers l'Autel , se mit à genoux , et après
avoir déposé son Sceptre et la Boule d'or , reçut
l'Onction au front , à la poitrine et à la main
droite.
Après cette Onction qui fut faite par l'Evêque
de Copenhague , et quelques Prieres chantées enª
Musique , ce Prélat recommença un nouveau Ser
mon , en s'adressant à la Reine. Après quoi cette
Princesse reçu l'Onction en la même maniere
que le Roi , mais seulement au front et à la poi
trine. Un Te Deum, chanté en Musique, termina
la Ceremonie : Le Roi et la Reine se retirerent à
leurs Appartemens dans le même ordre qu'ils
étoient venus.
L'ordre de cette Fête et la magnificence des ha
bits en faisoient le plus beau spectacle. L. M. D.
après s'être reposées un peu de tems , se mirent
à table à quatre heures ; L. A. R. Madame la
Princesse Charlotte et Madame la Princesse So
phie , avec Madame là Margrave , furent les seu
les qui y furent admises. Il y avoit dans d'autres
Chambres plusieurs differentes Tables pour les
Princes , les Dames , les Ministres d'Etat , les
Cordons bleus , les Cordons blancs , les Envoyez,
Résidens et Secretaires Etrangers , &c.
II. Vol.
ALLE
JUIN 1731. 1605
ALLEMAGNE.
de la
Lblique de Génes , cut dans les premiers jours
de ce mois une Audiance particuliere de l'Empe
reur , dans laquelle il lui demanda 6000. hom
mes d'Infanterie et 4000 de Cavalerie des Trou
pes Imperiales qui sont en Italie , pour aider la
République à réduire les Rebelles de l'Ile de
Corse.
On mande de Berlin , que le 3. de ce mois , le
Roi de Prusse et la Famille Royale , accompagnés
des Princes et Seigneurs Etrangers , allerent pren
dre le divertissement d'une magnifique Chasse
qu'on avoit préparée près de Spandaw , dans la
quelle on tua plus de 700. Pieces , tant Cerfs ,
Dains , Sangliers , qu'autre Gibier. La Reine et
la Duchesse de Beveren en tuerent plusieurs avec
des Arquebuses rayées. Le soir on tira au Blanc
à la lueur de plusieurs milliers de Lampions : on
distribua cinq Prix à ceux qui les avoient gagnez
et le Duc de Wirtemberg en remporta le plus haut.
On apprend de Suisse que l'Assemblée géné
rale des treize Cantons , se tiendra cette année à
Bade. Le Marquis de Bonac , Ambassadeur.de
France ayant résolu de s'y rendre , leur a écrit à,
ce sujet la Lettre suivante,
MAGNIFIQUES SEIGNEURS
Comme il vous a plû depuis que je suis honoré
de cette Ambassade , de vous assembler deux
fois à Soleure à ma réquisition , j'ai dessein de
profiter de votre prochaine Diete générale de la
11. Vol.
Saint
I
1606 MERCURE DE FRANCE
Saint Jean , pour vous en faire personnelle
ment mes remercimens , esperant que vous vou
drez bien la tenir dans la Ville de Baden où je
me rendrai.
Vous n'aurez pas oublié et vous verrez dans
vos Abcheids que je vous ai parlé de diverses
choses concernant l'affermissement de l'ancienne
amitié , et des Traitez de Paix perpetuelle et
d'Alliance entre le Roi et votre Nation ; et
comme vous jugerez , sans doute , que votre pro
chaine Assemblée sera une occasion fort natu
relle'de vous entretenir plus amplement sur le
même sujet , je vous prie, Magnifiques Seigneurs ,
de prendre en consideration lesdits Traitez, afin
que vous puissiez instruire Messieurs vos Dépu
tez sur une Matiere si interressante, et que nous
soyons en état de nous communiquer amiable
ment là-dessus. Je prie Dieu , qu'il vous main.
tienne , Magnifiques Seigneurs , dans la prosper
rité de tout ce qui peut vous être le plus avan
tageux.
MAGNIFIQUES SEIGNEURS ,
étoit figné , Votre affectionné à
vous servir.
D'USSON
DE BONA Ci
ITALI E.
R Lazare Palavicini , Genois , qui étoie
à Florence , a été fait de
Chambre du Pape , à la place de M. Sinibal de
Doria , qui a été nommé à l'Archevêché de Be
nevent.
Dans le Consistoire secret du 21. May , ·le
"
Jp Vola
Pape¿
JUIN. 1731.
1607
Tape proposa l'Evêché d'Ancone pour le Cardinal
Barthelemi Massei , ci -devant Nonce en France ,
&c. Le Cardinal Otthoboni , proposa l'Abbaye
de Saint Jacques de Provins , Diocèse de Sens ,
pour l'Evêque de Nîmes ; celle de N. D. de Bol
bone , Diocése de Mirepoix , pour l'Abbé de
Choiseuil- Beaupré. Il préconisa l'Abbé de Vi
gnaux , pour celle de Notre- Dame de Dalon ,
Diocèse de Limoges , et l'Abbé Caudrone de
Quentin , pour celle de Poultiers , Diocèse de
Langres , &c.
Dans le même Consistoire on dressa une pro
testation solemnelle par rapport au Duché de
Parme , pour s'en servir au cas que la Duchesse ,
seconde Douairiere de ce nom , vint à mettre au
monde une Princesse , et qu'on voulut entre
prendre quelque chose au préjudice du S. Siege
dont , a ce qu'on prétend , ce Duché releve .
Le Cardinal Grimaldi , que le Pape avoit nom
mé à l'Archevêché de Luques , a refusé d'accep
ter cet Archevêché.
Le Cardinal Secretaire d'Etat , ayant appris par
les Lettres M. de Paulucci , Nonce en Pologne
que le Roi et la Republique persistoient à vouloir
disposer des Benefices consistoriaux de ce Royau
me, le Pape a nommé une Congregation parti
culiere , pour chercher les moyens de s'opposer
efficacement à cette resolution , qu'on regarde à
Rome comme un attentat contre l'autorité du
S. Siege.
Le premier Juin , on publia une Ordonnance
du Cardinal Marefoschi , Vicaire de Rome , par
laquelle il est deffendu aux jeunes filles qui reçoi
vent des Dots des principales Archiconfrairies de
la Ville de Rome, de porter des dorures sur leurs
habits , ni aucunes étoffes de Soye.
II. Vel NE I ij
108 MERCURE DE FRANCE
On écrit de Turin que le Roi de Sardaigne a
fait arrêter les Receveurs des Fiefs , dépendans
du Saint Siege , qui sont situez dans le Piémont.
Le Cardinal Secretaire d'Etat a fait à ce sujet un
Manifeste. On a appris depuis , que le Roy de
Sardaigne avoit pris possession de la Principauté
de Masserano ; qu'on y avoit mis une forte gar
nison , et que S. M. avoit défendu à tous les Ha
bitans de cette Principauté , de reconnoître en au
cune maniere la Jurisdiction du S. Siege , et d'o
béir aux Ordres du Pape.
Le Chevalier de Saint George est de retour
à Rome de son Voyage de Naples , où il a vû unè
partie des curiositez de ce Royaume , entr'autres,
dans l'Eglise des Religieuses Hermites , le Sang
que l'on conserve de S. Jean - Baptiste , dont il vit
la liquefaction pendant la Messe.
On écrit de Naples qu'à la fin du mois dernier,
on avoit encore ressenti à Foggia et dans d'autres
endroits de la Pouille , une violente secousse de
Tremblement deTerre qui a abbatu plusieurs Mai
sons qui avoient résisté au dernier Tremblement
de Terre.
Les opinions condamnées de Molinos,faisant de
puis deux ans beaucoup de progrès dans le Royau
me de Naples , on a tenu à ce sujet plusieurs Con
grégations du S. Office à Rome , dans lesquelles
il a été résolu d'écrire à l'Empereur , et de le prier
de concourir avec le Saint Siege à la destruction
de cette Secte , qui est soutenue par plusieurs
Grands du Royaume.
Le Cardinal Coscia a fait présenter une Requête
au Conseil collateral pour demander qu'on lui
rendit justice au sujet de l'injure que lui ont faite
les Habitans de son Abbaye de Fragnitello , qui
le jour de la Fête du lieu ont arraché et brisé
II. Vol.
ses
JUIN. 1609 1731.
ses Armes qu'il avoit fait mettre au- dessus de la
Porte de son Palais Abbatial. Le même Cardinal
qui a été très mal d'une goûte remontée , est
présentement hors de danger , mais il garde en
core la Chambre dans le Palais du General de
l'Artillerie , chez lequel il a pris son logement . Le
Procureur de ce Cardinal a fait executer, en vertu
d'un ordre du Regent Ventura, tous ces Fermiers
de ses Abbayes et de ses autres Benefices , parce
que la Cour de Rome ne s'est pás addressée au
Conseil collateral , avant que de faire saisir les
revenus de ces Benefices .La Biblioteque de ce Car
dinal a été transportée du Château S. Ange à
son Palais à Rome , pour y être vendue , comme
ses meubles , au profit de la Chambre Apos
tolique.
Le s. de ce mois on finit à Rome la vente
publique des Meubles , des Tableaux et des Livres
du CardinalCoscia, contre lequel on a envoyé dans
tout l'Etat Ecclesiastique des Lettres exécutoires
des Cardinaux, Commissaires de la Congrégation
de non nullis , qui déclarent que ce Cardinal
• étant sorti de Rome , malgré les défenses expres
ses du Pape , a encouru les Censures Ecclesiasti
ques , contenues dans la Constitution d'Innocent
X. du 19. Fevrier 1646. Par ces Lettres il est or
donné à tous les Commissaires députez du Saint
Siege , de faire défenses à tous les Chapitres , Cu
rez et autres Superieurs des Eglises , de l'y rece
voir à peine de suspension à divinis : Sa Sainteté
revoquant à ce sujet tous Privileges , Concessions
et immunitez qui pourroient avoir été accordées
cy- devant , soit par des Bulles Pontificales , ou
par des Conciles Generaux.
On mande de Venise que la Republique a dé
pêché un Courier à son Ambassadeur à Vienne ;
·
II. Vol. I iij
avec
16 to MERCURE DE FRANCE
avec de nouvelles Instructions , pour prier l'Em
pereur de faire une diversion en Transylvanie , en
cas que les Turcs attaquent les places de la Répu
blique dans le Levant .
Le 3. Juin , le Doge , accompagné de la Sei
gneurie , du Nonce du Pape et des Ambassadeurs,
assista dans l'Eglise Ducale de S.Marc,auTeDeum
qui y fut chanté à l'occasion de la Fête de Saint
Pierre Orscolo, qui fut élû par le Peuple , pre
mier Doge de la Republique , en 697. et qui
après avoir gouverné l'Etat pendant deux ans
avec la plus exacte integrité , se retira secrete
ment en Gascogne avec Jean Gradeningo et Jean
Morosini , ses Gendres , et y fit profession dans
un Convent de Camaldules.
On a appris de l'Ifle de Corse que 127 Grecs
bien armés et bien munis de provisions de Guerre
et de bouche, avoient envoyé leurs Familles et leurs
meubles dans une place de sureté , et qu'ils s'é
toient retirés eux mêmes dans la Tour d'Uncivia,
où ils avoient été attaquez quelques jours après .
par 2500. Rebelles de cette Isle , dont ils avoient
soûtenu les assauts pendant cinq jours avec beau
coup de valcur ; que les Assiegeans , voyant .
qu'ils auroient peine à s'emparer de cette Forte
resse avoient fait faire diverses propositions
d'accommodement ; mais que le Chef de cette
petite garnison avoit repondu , qu'ayant entrepris
de combattre pour ses légitimes Souverains , il
ne quittetoit les armes que lorsque la Republique
de Ĝénes lui en auroit envoyé l'Ordre que cet
te réponse ayant irriré les Rebelles , ils s'étoient
portés aux dernieres extrémitez , pour obliger la
Garnison à capituler , qu'ils lui avoient coupé:
les eaux de toutes parts , et lui avoient donné:
un assaut général , dans lequel ils avoient été re
r
?
11. Vol.
poussés
JUIN.
\
1731.
161T
poussés avec perte ; que deux jours aprés , la
garnison avoit fait une sortie , dans laquelle elle
avoit tué un grand nombre des Assiégeans , eg
entr'autres un de leurs Chefs , auquel ils avoient
donné le titre de Maréchal de Camp ; que le de
sordre avoit été si grand parmi ces Mutins , que
la plupart avoient pris la fuite , abandonnant les
armes , leurs munitions de Guerre et leurs Che
vaux , que la Garnison avoit fait plusieurs pri
sonniers ; et que bien loin de les maltraiter ,
me font les Rebelles de l'Isle en pareil cas, le Com
mandant de la Garnison les avoit reçûs avec beau
de douceur et les avoit fait
coup
de leurs
panser
blessures , en les exhortant d'écrire à leurs Ca
marades pour les engager à rentrer dans leur de
com .
>
voir.
❤
D'autres Lettres arrivées depuis , portent que
les Rebelles avoient consenti à une Suspension
d'Armes,et que le premier de ce mois on avoit fait
partir de Génes trois Pinques , avec des armes et
des munitions de Guerre , pour les Villes dont
les Rebelles de cette Isle ne s'étoient pas encore
emparez.
1
On a appris de Génes par les Lettres de Barce
lone qui sont arrivées au commencement de ce
mois , que le Pinque du Patron Bozzo , qui por
toit Pavillon Anglois , avoit été attaqué près des
Côtes de la Catalogne par un Corsaire , qui voyant
lui
que le Patron refusait de venir à son bord ,
avoit tiré un coup de canon ; que ce coup ayant
donné dans le Magazin de la poudre , le Navire
avoit sauté avec cinq personnes en l'air, sçavoir, le
Consul François qui alloit à Malaga,son Laquais,
le Sur- Intendant Anglois du Commerce de Mala
ga ,un autre Passager et un Matelot; que le reste de
Equipage qui se sauvoit à la nage , avoit été
I iiij 11. Vol
fait
1612 MERCURE DE FRANCE
P
fait Esclave par le Corsaire , qui avoit été averti
par un Valet Renegat , que ce Bâtiment étoit
Génois.
ESPAGNE.
O
Na reçû avis que Don Placido de Sangro
étoit arrivé avec trois Escadrons au Camp
de Saint Roch , près de Gibraltar , où on con
tinue à travailler avec beaucoup de diligence aux
Forts qu'on y construit.
Vers le milieu de ce mois il y a eu un Orage
terrible à Seville , où le Tonnerre tomba en di
vers endroits ; il tua dans l'Eglise de Saint Jaques
un Religieux , et en blessa un autre.
On apprend de cette même Ville , que ce qui
a été signé le 6. de ce mois , par les Ministres
du Roi et par M. Kéene , Ministre du Roi d'An
gleterre , est une Déclaration , portant que S. M.
Britanique fera effectivement introduire six milles
hommes de Troupes Espagnoles dans les Etats de
Parme et de Toscane , et mettra l'Infant Don
Carlos en possession des mêmes Etats en con
formité de l'Article V. du Traité de la Qua
druple Alliance , et cela dans le terme de cinq
mois >
à compter du jour de la datte de
cette Déclaration. Le Roi de sa part promet que
pourvu que ces introduction et possession soient
ainsi effectuées , la jouissance de ce qui a été sti
pulé en faveur des Anglois par les Traitez , sub
>
sistera.
GRANDE BRETAGNE .
L
E Chevalier Charles Wager a été nommé
par le Roi , Commandant en Chef de la *
IL. Vol. Flotte
JUIN. 1731. 1613
3
3
4
1
Flotte qui doit mettre en mer au commencement
du mois prochain.
On apprend de Blandfort , dans le Comté de
Dorset, que le feu y ayant pris toute la Ville avoit
été reduite en cendres , à la reserve de 26. Mai
sons et de l'Eglise.
Il y a eu aussi un Incendie à Thwerton, dans le
Comté de Devonshire , où prés d'un tiers des
Maisons a été réduit en cendres .
Le 20, le feu prit dans la maison d'un Distilateur
de la Ville de Londres , dans le quartier de Hol
born , et s'étant communiqué aux maisons voi
sines , il y en eût trente consommées par les flam
mes , et plusieurs autres endommagées.
L'Ecuyer du Comte Kinnoul , Ambassadeur du
Roi à Constantinople , est arrivé à Londres , avec
des Lettres du Grand Seigneur , pour donner part
de son avenement au Trone.
HOLLANDE.
N mande de la Haye , que le Conseil d'Etat
eu une avec les Députez
l'Assemblée des Etats Generaux , au sujet des
affaires d'Oest - Frise , et qu'il y avoit été resolu
de faire à l'Empereur les propositions suivantes :
que S. M. Imperiale declarera que la Republique
de Hollande doit demeurer en possession , com
me elle l'est à present , de tenir garnison dans
Einben et Lierret , qu'elle reconnoîtra de plus que
tous les Pactes ou Conventions , faits entre le
Prince d'Oest - Frise et ses Sujets sous la garantie
de la Couronne d'Angleterre et de la Hollande
seront exécutez , que ses Renitens , ou sujets qui
sont demeurez attachez à ce Prince , jouiront de
Amnistie qui leur a été précedemment accordée,
I L. Vol.
IV. et
1614 MERCURE DE FRANCE
et qu'on leur restituera leurs Biens et leurs Effets
que l'Indemnité demandée par le Prince d'Oest
Frise, sera repartie non-seulement sur les Renitens ..
mais aussi sur tous les Sujets du Païs , et qu'enfin .
la forme du Gouvernement restera sur le même
pied qu'elle étoit avant ces derniers Traitez.
Les mêmes Lettres portent que L. H. P, refɑ
sent de s'obliger à entrer dans une Guerre ouverte
, en cas que les Puissances alliées par le der
nier Traité de Vienne , où les Etats soient atta
qués , et qu'elles ne consentent d'acceder à
ce Traité , qu'à condition de fournir seulement :
un contingent en cas de guerre.
On a apris de la Louisiane , que M. du Perier ,,
Commandant dans ce païs - là , ayant reçû de
France un renfort de Troupes , de munitions de
guerre et quelques pieces de Campagne et petits
Mortiers , se mit à la poursuite de ces Sauvages,
qui après avoir massacré il y a quelque tems , les
François dans la Nouvelle Orleans , s'étoient reti
rez dans un Fort qu'ils avoient construit , bien
terrassé , et où ils se croyoient en toute sureté ::
M. du Perier attaqua ce Fort à coups de Canon ,
sans pouvoir y faire brêche ; mais les Mortiers
dont il se servit , firent tant de ravage dans le
Fort , que les Sauvages qui y étoient fort à l'é
troit , furent enfin obligez de.se rendre à discre
tion , ne demandant la vie que pour leurs femmes
et leurs enfans , disant que pour eux ils avoient :
par leur cruauté, merité la mort : cependant :
M. du Perier leur a accordé la vie , et ils ont été:
depuis transportez à Saint Domingue , pour y
travailler avec les Negres………
IL F FRAN
JUIN 17310 4655
1.
t
******** X:XXXXXX:X
FRANCE,
Nouvelle de la Cour , de Paris , &c...
L
A Cour est toûjours trés -nombreuse
à Fontainebleau , où les plaisirs et
les amusemens se succedent & regnent
tour à tour divers jours de la Semaine sont
marqués pour le Jeu , le Concert , la
Comédie Françoise et Italienne , & d'au
tres pour la Promenade à pied , à cheval ,
en carosse & carioles découvertes , et pour
la Chasse du Vol , du Cerf , du Sanglier ,
du Loup , du Chevreuil , &c .
Le 26. de ce mois , le Roy prit le Deüil
pour la mort de la Princesse Douairiere de
Toscane , Veuve du Prince Ferdinand de
Medicis .
Le Roi a accordé au Chevalier de Ni
colaï le Regiment de Dragons , vacant par
la démission volontaire de son Frere aîné,
Le 18. Juin , il y eût concert à Fontaine-
Beau , on chanta dans l'Antichambre de la
Reine , le Prologue et le premier Acte
Amadis de Gaule.
Le 20. M. Destouches , Sur-Intendant ™
BL Volt
I vi de
1616 MERCURE DE FRANCE
de la Musique du Roy , fit executer par
ordre de la Reine , le Prologue , le premier
et le second Acte du Ballet des Elemens ,
qu'on continua le 25. L'éxecution de ce
Divertissement fut très- brillante . Les De
moiselles Courvasier , Lenners , et Bar
bier , chanterent avec succès les Rôles de
Funon et de Leucosie dans le Prologue . Le
fieur d'Angerville chanta ceux du Destin
et d'Ixion , et le St Guesdon celui d'Arion
La Demoiselle Lenner rendit parfaite
ment le Rôle d'Emilie , dans le troisiéme
Acte , ainsi que celui de Valere , chanté
par le fieur d'Angerville. Le sieur le
Prince fit avec applaudissement le Rôle
de Vertumne au quatriéme Acte , de même
que la Demoiselle Barbier dans celui de
Pomone. Les Choeurs et toutes les sim
phonies furent si bien exécutez , que la
Reine eût la bonté d'en marquer sa sa
tisfaction à M. Destouches.
Le 27. on chanta devant la Reine ;
le Prologue et le premier Acte de l'Opera
de Roland.
Le 19. Juin , les Comédiens François
représenterent à Fontainebleau , la Tra
gedie d'Amasis qui fut suivie de la petite
Piece du Concert Ridicule ; le 21 la Co
médie de l'Etourdi ; le 26. le Trage
die d'Andromaque , et la Comédie des
II. Vol. Fâcheux
JUIN. 1731. 1617
Fâcheux ; et le 28. le Dépit Amoureux..
Ces Pieces furent très bien exécutées et .
firent beaucoup de plaisir.
>
>
›
Le vingt-trois Juin , les Comédiens
Italiens représenterent Démocrite , pré
tendu Fou ,Comedie en Vers , de M. Au.
treau les De et pour petite Piéce
buts suivie de l'Intermede ou Paro
die de Lesbina et Dom Micco jouée
sur le Théatre de l'Opera , au mois
d'Aoust 1729. laquelle n'avoit pas en
core été représentée à la Cour. La De
moiselle Silvia et le fieur Theveneau qui
jouent ces deux Rôles , les exécuterent
en perfection .
Le 30 ?
ils représenterent la Tragi
Comedie de Samson , qui fut fort goû
tée. La Chûte du Temple fut parfaite
ment bien executée par le fieur le Maire
qui en est l'Auteur.
د
Le 25. la Lotterie de la Compagnie
des Indes pour le remboursement des
Actions , fut tirée en la maniere accou
tumée à l'Hôtel de la Compagnie. La
Liste des Numero gagnans des Actions.
et dixiéme d'Actions qui doivent être
remboursées , a été rendue publique ,
faisant en tout le nombre de 294. Ac
tions qui ont été remboursées..
II. Vol. M.
1618 MERCURE DE FRANCE
M. Bonnier de Lamosson , ancien
Colonel du Régiment de Dragons Dau
phin , ayant
, ayant obtenu du Roy l'agrément
pour la Charge de Capitaine des Chasses
de la Plaine de S. Denis , autrement dite
là Varenne des Thuilleries , dont il a traité
avec le Comte de Sainte Maure , qui
étoit pourvû de cette Charge , eut l'hon
neur d'en remercier S. Mi le 2. de ce
mois , et le 8 il tint sa premiere audiènce
en qualité de Capitaine des Chasses
aprés avoir été reçu par les Officiers de
la Capitainerie , dans la Galerie du Châs
teau des Thailleries , où les Audiences
se tiendront dorénavant.
On écrit de Bayeux qu'il y a fait surs
fa fin du mois de Juin des Tonnerres
et des Eclairs si épouvantables , que de
mémoire d'homme on n'en a vû de
pareils,
et sans qu'il soit tombé une goute de
pluye. Le Tonnerre , tombé plusieurs fois >
sur divers Bâtimens de la Ville , a causé
beaucoup de dommage , et a tué même
et blessé plusieurs personnes.
a
On apprend de Liege , que le Couvent
des Franciscains de cette Ville avoits
été réduit en cendre par le Tonnerre .
La Maison de Sorbonne a député plus
11. Folo
sieurss
JUIN.. 1731 1619
י
?
sieurs de ses Docteurs à M. le Duc d'Ai
guillon , pour lui faire compliment sur
sa nouvelle Dignité de Duc et Pair de
France , laquelle lui a été adjugée par
Arrêt contradictoire du Parlement , et
de laquelle il a pris possession au Parle
ment le 28. May. La députation étoit
composée de six Docteurs de cette Mai
son. Ces Messieurs se transporterent chez
M. le Duc d'Aiguillon le 27. de ce mois ,
où ils ne le trouverent point. Madame
la Duchesse d'Aiguillon les reçût , et
M. Lullier , ci- devant Curé de Saint
Louis en l'Isle , et maintenant Senieur
de la Maison de Sorbonne , et Doyens
de la Faculté de Théologie , lui adressaa
la parole, et fit le Discours suivant..
MADAME
La Maison de Sorbonne a trop de re
connoissance des bienfaits qu'elle a recês :
du Grand Cardinal de Richelieu , pour ne
pas s'interesser à tout ce qui peut honorer
sa mémoire, et illustrer sa Maison : nous
n'avons pas de termes pour exprimer les sentimens
dont nous fumes penetrez , lorsque
nous apprimes le jugement équitable qui
Assure à M. le Duc d'Aiguillon irrevoca
LL. Vol. blement:
1620 MERCURE DE FRANCE
blement une haute Dignité. Cette Dignité
Lui étoit dûë, Madame , les services im
portans que le grand Armand a rendus à
Eglise et à ce Royaume , retentissent encore
dans tout l'Univers ; ils meritoient une ré
compense singuliere le Souverain , le plus
juste de nos Rois , l'a accordée , en ordon
vant que les Titres les plus éclattans fus
sent transmis à ceux qui seroient les heritiers
du nom de Richelieu.
Ce qui fait sa gloire , Madame , c'est
qu'on voit en lui des qualités éminentes
qui ont fait suivre d'un applaudissement
general la Justice qui lui été renduë.
Vous participez à cet honneur, Madame
au plutôt il vous est commun avec vôtre Illus
tre Epoux ; et permettez nous de vous dire
que vous devez être au comble de vos voeux ;
vous vous trouvés placée sur un Siége hono
rable prés du Trône.
Votre joie et la nôtre ont été troublées , il
est vray, par une maladie soudaine et dan
gereuse , qui a retardé nos hommages , et qui
nous a causé bien des allarmes ; mais il a
plû au Seigneur de vous en délivrer , d'é
xaucer nos prieres , et de vous rendre une
santé qui nous est bien précieuse.
Puissiez- vous , M. le Duc d'Aiguillon
et vous, Madame, pendant une longue suite
d'années , voir vos illustres Enfans soutenir
"
II Vol t'éclat
JUIN. 1731. 1621
Péclat de leur naissance , par la vertu et la
pieté,sans quoy toute grandeur humaine n'est
que vanité ; puissent leurs descendans
perpetuer jusqu'à la posterité la plus reculée ,
tes beaux noms de Richelieu et d'Aiguillon
et au de-là des Siécles que durera le Monu
ment magnifique que le grand Cardinal a
fait élever pour la déffense de l'Eglise et de
la Réligion : ce sont , Madame , lesvoeux de
la Maison de Sorbonne , que nous avons
P'honneur de vous présenter.
7
•
Madame la Duchesse d'Aiguillon ré
pondit à ce compliment avec beaucoup
de politesse , témoigna à ces Messieurs
bien de l'estime pour la Maison de Sor
bonne , leur fit voir ses appartements ,
et les fit réconduire par M. son fils jus
qu'à leurs Carosses
BENEFICES DONNE'S.
L
E Roy a accordé l'Abbaye de S. Mar
tin , Ordre de S. Benoit , Diocèse
d'Agen , à l'Abbé de Bocaud , Chanoine
de l'Eglise Cathedrale de Montpellier .
Celle de Ham , Ordre de S. Augustin ;
Diocèse de Noyon , à l'Abbé de Ses
maisons , Aumônier du Roy , qui a remis
l'Evêché de Soissons , auquel S , M. l'avoit
nommé.
II. Vol L'Ab
1622 MERCURE DE FRANCE
L'Abbaye Reguliere de S. André aux
Bois , Ordre de Prémontré , Diocèse
d'Amiens , au P. Boubert ;
Celle de Slines , Ordre de Citeaux,
Diocèse d'Arras , à la Dame de Gomi
court.
L'Abbaye de Corneville , Ordre de S.
Augustin , Diocèse de Rouen , à l'Evê
que de Sisteron ;
Celle de Molome , Ordre de S. Benoît ,
Diocèse de Langres , à l'Abbé d'Heri
court , Conseiller au Parlement ;
Celle de Mores , même Ordre , et même
Diocèse , à l'Abbé Langlois , Chanoine de
P'Eglise Metropolitaine de Cambray ; et
L'Abbaye Reguliere de S. Jean de la
Castelle , Ordre de Prémontré Dio
cèse d'Aire , au P. de la Velle .
..
LETTRE écrite de Senlis , le premier
Juillet 173: 1 . sur un Fait singulier.
E vous ai promis , Monsieur , de vous
faire sçavoir ce qu'il y auroit de nou
veau dans cette Ville. Voici de quoi vous
divertir. Hier sur les onze heures du ma
tin , un nommé Moruë, fils d'un Couvreur
de Baron , jeune homme de vingt ans
et des pieds de hauteur environ , vint
prier le Sonneur de l'Eglise Cathédrale ,
de lui ouvrir la porte du grand Clocher
荆
II. Vol
celui
JUIN. 1731. 1623
eclui- cy , qui lui ouvrit , ne le put suivre
que de loin , à cause de la grande vitesse:
avec laquelle il monta . Parvenu à l'extré
mité de l'escalier , qui ne va tout au plus
qu'aux deux tiers du Clocher , il fut bien
surpris de ne plus voir celui qui l'avoit
précedé ; il l'appelle , il pâlit ; revenu un
peu de sa frayeur , il regarde par une
fenêtre , il voit dans la Place une grande
quantité de personnes qui lui paroissent
interdites et étonnées ; croyant à cette vûë
que cet inconnu s'étoit précipité , il des
cend avec d'autant plus d'affliction qu'il
craignoit qu'on ne l'accusât d'en avoir été
la cause. Mais qui peut se l'imaginer ! il
avoit sauté par la fenêtre sur une saillie:
voisine,etil grimpoit en dehors jusqu'à ce
qu'il parvint au Coq , et cela avec une
grande facilité , sans échelle et sans corde..
Ce témeraire remuoit la jambe , par bra
voure et chantoit en montant sur chaque
Corniche ou avance de pierre . Enfin quand
il fut à l'extrémité où il y a une pomme
de cuivre qui doit avoir 3. ou 4 pieds de
diamétre et qui est élevée environ 6. pieds.
au- dessus de la derniere Corniche sur la
quelle il étoit posé , il fut obligé de se
renverser en arriere pour attraper la bor
dure de la pomme et par un grand effort
qu'on lui vit faire , il y plaça un genou
et sauta dessus ..
1624 MERCURE DE FRANCE
1
C'est là que cet homme qui ne paroissoit
qu'un Pygmée, tant ce Clocher est élevé, fit
voir son adroite témerité ; il prit la Croix
de fer d'une main , et s'efforçant de l'au
tre d'en tirer le Coq , il n'y peut réüssir
qu'en faisant un saut pour y atteindre
au moyen duquel il le prit. Après avoir
fait sur ce Theatre plusieurs folies , il en
descendit son Coq à la main . Quand il
fut à la moitié de ce chemin étroit , fatigué
sans doute du fardeau qu'on dit peser 25.
livres , il mit un pied sur une Corniche
et un pied sur une autre , les jambes très
écartées , sa proye dans une main et de
l'autre tirant ses jaretieres , il lia ce Coq , le
mit sur son dos en forme de Carquois , et
descendit en cet état. Les Chanoines le fi-.
rent aussi-tôt enfermer dans la chambre du
Sonneur , de crainte qu'il ne s'enfuit , et
qu'on ne fût obligé de faire des dépenses
considerables pour les échafauds , les échel
les , &c. dont on seroit obligé de se ser
vir , dans le doute aussi qu'on pût trouver
un homme dans le Pays qui voulût mon
ter , puisque nos Couvreurs , nos Maçons.
et nos Charpentiers , ne sont point d'hu
meur à risquer ce voyage , même avec des
précautions. Tout le monde courut en fou
Je voir le Coq , moi- même je l'ai tenu et
mesuré , il a trois pieds un pouce depuis
1
II. Vol. l'ex
JUIN. 1731. 1625
l'extrémité de la tête jusqu'au bout de la
queue. Sur les 4. heures tout Senlis regar
dant son Clocher , vit remonter cet im
prudent avec une celerité admirable , il ne
fut pas une heure à faire son second
Voyage. Vous connoissez la grande éleva
tion de notre Clocher , on a toûjours crû
jusqu'à present qu'il étoit impossible au
plus agile des chats d'y grimper . Je ne
reviens point de ce que j'ai vû ; et ce qu'on
admire encore, c'est qu'il n'y eut ni gageu
re , ni espoir de gain dans cette entreprise;
et cette action à part , ce jeune homme ne
passe pas pour fou. Si quelqu'un doute
de ce que je vous écris , il sera aisé de le
convaincre , s'il veut venir jusqu'à Senlis
il verra par le moyen d'une Lunette d'ap
proche , un ruban que ce Grimpeur atta
cha au Coq , mais qu'on ne sçauroit voir
sans ce secours.
Le sicur Dugeron , ancien Chirurgien d'Ar
mée , continuë de donner avis qu'il a fait la dé
couverte du Remede sans gout qui préserve les
dents de se gâter et de tomber ; ceux qui en font
P'usage s'en trouvent bien . Il donne la maniere
facile de s'en servir , et mer son nom et le
prix sur les Boëtes ; il y en a de deux , de trois
et quatre livres . Sa demeure , avec Tableau , est
à Paris , ruë Comtesse d'Artois , au Dauphin ,
proche la Comedie Italienne.
II. Vol. MORTS
1626 MERCURE DE FRANCE
**XXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
MORTS ET MARIAGES
E 14. de ce mois , Jean Ovide Anne
de Mydorge , Chevalier de l'Ordre
de S. Jean de Jerusalem , du Prieuré de
France , mourut à Paris de la petite Ve
role ; il y a eu plusieurs Commandeurs
de ce nom dans ledit Ordre.
Le Président Duret , cy - devant Secre
taire de la Chambre et du Cabinet du
Roi , mourut à Paris le 21. de ce mois ,
âgé d'environ 58. ans.
N. Daunaut du Bois de la Roche , Mar
quis de Voluire , Maréchal de Camp ,
Lieutenant General de la Province de
Bretagne , cy - devant Capitaine Sous- Lieu
tenant de la Compagnie des Gendarmes
de la Garde du Roi , est mort subitement
à la fin de ce mois , en Bretagne , âgé d'en
viron 58. ans.
Michel Michaut de Montaran , Briga
dier des Armées du Roi , et Capitaine au
Régiment des Gardes Françoises , mourut
à Fontainebleau le 30. Juin , dans la 56.
année de son âge . Sa Compagnie a été
donnée à M. Tallonet , premier Lieute
nant à monter.
La Ceremonie du Mariage du Duc de
Mazarin avec la Marquise de la Vrilliere,
fut faire le 14. de ce mois , dans l'Eglise
de l'Institution des P P. de l'Oratoire.
Z
TABLE .
****
* **L[
اوخنرال
Leces Fugitives . La Sciende , Ode ,
sur le Sang ,
1427 Ode Sacrée tirée du Pseaume Confitebor ,
L'Aparition de l'Ombre de M. Thiers , &c. 1429
Le Renard trompé , Fable ,
Dissertation sur la Taille par l'appareil Lateral ,
1450
& c.
>
Sonnet de Mlle de la Vigne
Refléxion sur la Politesse →
1416
1421
1453
1469
1470
Stances ,
1479
Lettre de M Capperon pour découvrir et con
noître les Sels , & c . 1482
Cantatille ,
1497
1514
Refléxions sur la Méthode de M. le Fevre de Sau
mur , et sur les Notes de M. Gaullyer , 1498
Bouquet à Mad. B.
Lettre sur l'Akousmate d'Ansacq , et sur un au
tre , & c.
1516
Enigmes , Logogryphes , & c. 1531
Nouvelles Litteraires , des beaux Arts , &c. Le
Théatre des Passions et de la Fortune , 1533
Memoire sur le Laminage du Plomb , 1535
Discours pour servir de Plan à l'Histoire du
1538
Les Elemens de Mathématique de M. Varignon,
Gévaudan ,
& c. 1541
Giornale de Litterati d'Italia , Tomo II . 1545
Lettres sérieuses et badines , &c. 1551
Nouveau Reglement pour le Palinod de Caen ,
1557
Découvertes curieuses dans l'Art de plonger, 1558
Nouvelles Estampes de Watteau , 1561
Lettre sur les prétendues Antiquitez trouvées à
Cadix , 1564
Spectacles, Les Fêtes Venitiennes, Balet , 1568
LeFaux Sincere ,Comédie Nouvelle,Extrait, 1574
Nouvelles Etrangeres , de Turquie et Perse , 1598
Relation du Sacre du Roi et de la Reine de
1399
Dannemarck ,
1605
1615
Lettre du Marquis de Bonac , &c .
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c .
Députation et Discours de la Maison de Sorbonne
au Duc d'Aiguillon ,
Benefices donnez ,
Lettre sur un Fait singulier ,
Morts et Mariages ,
Errata de May.
Age 1046. ligne 4. encore que , lisez, encore
qu'en partie.
P. 1050. 1. 3. Ovindus , 1. Ovinius.
P. 1051. l. 24. et, l. cst.
1918
1621
1622
1626
Errata du premier volume de Juin.
PAge
Age 1259. ligne 3. Blomet , lisez Bolomet par tout.
P. 1380. 1. 3. du bas , jurer , 1. juger.
P. 1382. l. 4. du bás , Ferie , l. Force.
P. 1385. 1. 6. Gaudin , I. Gaudion.
P. 1396. l. 18. élû , l . élevé.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 1536. ligne 3. du bas , que vous aviez
eu raison de ne point tirer la pierre, ajoû
tez , dans le moment de l'Operation.
P. 1536. l. 17. cruteux , 1. coûteux.
P. 1550. 1. 1. lux , l . luce .
P. 1558 1. 10 avant , l. après.
P. 1561. 1. 20. les , l. ces.
P. 1270. 1. 4. ces paroles , l . ses paroles
Qualité de la reconnaissance optique de caractères