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1730, 01-02
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Presentedby
John Bigelow
to the
Century
Association
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
Chez
JANVIER 1730 .
QUE
COLLIGIT
SPARGITS
A PARIS ,
R
GUILLAUME CAVELIER , me
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSÓT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf , au com
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. DCC. XXIX.
Avec Approbation & Privilege du Roya
COCO COPCO COR : COD
EW YORK
LIBRA
RIVILEGE
侵
LENOX AND
FOUNDATIONS
1905
DU ROY.
Love,parla grace de Dieu , Roi de France & de
·
Navarre à nos Amez & Feaux Confeillers , les
Gens tenans nos Cours de Parlement , Maîtres des
Requêtes ordinaires de nôtre Hôtel , Grand- Conſeil ',
Baillifs , Senéchaux , leurs Lieutenans Civils , & au
tres nos Officiers & Jufticiers qu'il appartiendra. Sa-
LUT : l'applaudiffement que reçoit le MERCURE DE
FRANCE , Cy devant appellé le Mercure Galant
compofé depuis l'année 1672. par le fieur de Vifé , &
autres Auteurs , nous fait croire que le fieur Dufreni ,
Titulaire du dernier Brevet étant decedé , il ne con
vient pas que le Public foit à l'avenir privé d'un ouvrage
auffi utile qu'agréable , tant à nos fujets qu'aux
étrangers ; c'eft dans cette vûë que bien informé des
talens , & de la fageffe du fieur ANTOINE DE LA ROQUE ,
Ecuyer , ancien Gendarme dans la Compagnie des
Gendarmes de notre Garde ordinaire , & Chevalier
de nôtre Ordre Militaire de Saint Louis ; nous l'avons
choifi pour compoſer à l'avenir exclufivement à tout
autre ledit Ouvrage , fous le titre de MERCURE DE
FRANCE , & nous lui en avons à cet effet accordé nôtre
Brevet le 17 , Octobre dernier , pour l'execution du
quel ledit fieur de la Roque nous a fait fupplier de
lui accorder nos Lettres de Privilege fur ce neceffaires
: A CES CAUSES , conformément audit Brevet , Nous
lui avons permis & permettons par ces Prefentes de
compofer & donner au Public à l'avenir tous les mois ,
à lui feul exclufivement , ledit Mercure de France , qu'il
pourra faire imprimer en tel volume , forme , marge,
caractere , conjointement , ou feparement , & autant
de fois que bon lui femblera , chaque mois , & de le
faire vendre & débiter par tout nôtre Royaume, & ce
pendant le temps de douze années confecutives , à
compter du jour de ladatte des Prefentes ; à condi
tion neanmoins que chaque volume portera fon Approbation
expreffe de l'Examinateur , qui aura été com
1
•
correc
fans la
mis à cet effet . Faifons défenfes à toutes fortes de
perfonnes , de quelques qualitez & conditions qu'elles
foient , d'en introduire d'impreffions étrangeres dans
aucun lieu de nôtre obéiffance , comme auffi à tous
Libraires , Imprimeurs , Graveurs , & autres d'imprimer
, faire imprimer , graver , vendre , faire vendre,
débiter ni contrefaire ledit Livre, ou planches , en tour
ou en partie , ni d'en faire aucun Extrait , fous quel
que prétexte qué ce foit , d'augmentation
tions , changement de titre , ou autrement
permiffion expreffe & par écrit de l'Expofant , ou de
ceux qui auront droit de lui ; le tout à peine de confifcation
des exemplaires contrefaits , de 6000, livres
d'amende , payables fans déport par chacun des con
trevenans , dont un tiers à Nous , un tiers à l'Hôtel-
Dieu de Paris , l'autre tiers à l'Expofant , ou à ceux
qui auront droit de lui , & de tous dépens , domma
ges & interefts ; à la charge que ces Prefentes feront
enregistrées tout au long fur le Registre de la Com
munauté des Libraires & Imprimeurs de Paris , & ce
dans trois mois de la datte d'icelles ; que l'impreffion
de ce Livre fera faite dans nôtre Royaume , & non
ailleurs , en fin papier , & en beau caractere , confor
mément aux Reglemens de la Librairie ; & qu'avant
de l'expofer en vente , le manufcrit ou imprimé qui
aura fervi de copie à l'impreffion dudit Livre fera
remis dans le même état , où les Approbations y au
ront été données , ès mains de nôtre très -cher &
Feal Chevalier , Garde des Sceaux de France , le
fieur FLEURIAU D'ARMENONVILLE, Commandeur de nos
ordres , & qu'il en fera enfuite remis deux Exemplai
res de chacun dans nôtre Bibliotheque publique , un
dans celle de nôtre Château du Louvre , & un dans
celle de notredit très -cher & Feal Chevalier , Garde
des Sceaux de France ; le tout à peine de nullité des
Prefentes , du contenu defquelles Vous enjoignons de
faire jouir ledit Expofant , ou fes ayans caufe pleine
ment & paifiblement , fans fouffrir qu'il leur foit fait
aucuns troubles & empêchemens , & à cet effet nous
avons revoqué & revoquons tous autres Privileges
qui pourroient avoir été donnez cy- devant à d'autres
qu'audit Expofant ; Voulons que la copie des Prefentes
qui fera imprimée tout au long au commencement ou
à la fin dudit Livre foit tenue pour dûëment fignifiée ,
& qu'aux copies collationnées par l'un de nos Amez
& Feaux Confeillers- Secretaires , foy foit ajoûtée, &c.
A ij CA
CATALOGUE
des Mercures de France,
depuis l'année 1721. jufqu'à prefent.
Uin & Juillet 1721 .
2. vol.
Aouft , Septembre , Octobre ,
Novembre & Decembre 5. vol
.
Janvier & Fevrier 1722 .
2. vol .
Mars 1722.
2. vol.
Avril. I. vol.
Mai. 2. vol.
Juin , Juillet & Aouft, 3. vol.
Septembre. 2. vol.
Octobre, I. vol.
Novembre . 2. vol.
Decembre. I. vol.
Année 1723. le mois de Decembre
double.
Année 1724. les mois de Juin
& de Decembre doubles.
Année 1725. les mois de Juin ,
de Septembre & de Decembre
doubles,
13. vol .
14. vol.
Is. vol.
Année 1726. les mois de Juin
& de Decembre doubles. 14. yol,
Année 1727. les mois de Juin
& de Décembre doubles . 14. vol.
Année 1728. les mois de Juin
& de Décembre doubles
14.
vol
. 'Année 1729. les mois de Juin, de
Septembre & Décembre,doubles 15. vol.
Janvier 1730
1. vol.
123. vali
Maa
AVERTISSEMENT.
Ous commençons cette nouvelle Année,
par prefenter au Public le cent- vingttroifiéme
Volume du Mercure. Ce Livre
a paru tous les mois, & n'a fouffert aucune
interruption depuis le mois de Juin 1721 .
que nous y travaillons ; nous continuons
de rendre de trés-humbles graces au Lecteur,
de l'accueilfavorable qu'il daigne lui
faire. Nous redoublerons nos foins & notre
application , pour qu'il foit à l'avenir encore
plus felon fon goût : on n'épargnera
rien pour cela. Si des gens éclairez trou
voient ce Journal defectueux en quelque
chofe , ou qu'il fur fufceptible de quel
qu'autre matiere & d'un meilleur arrangement
, on nous fera plaifir d'en donner
avis ; les confeils , appuyez de bonnes raifons
, feront fuivis,
Nous demandons quelque indulgence
pour certains articles qui paroîtrontpeutêtre
negligez & la diction peu châtiée
furtout pour ces derniers tems : Le Lecteur
judicieux fera, s'il lui plaît , reflexion , que
dans un Ouvrage tel que celui - ci , il eft
très - aifé de manquer , même dans les chofes
Les plus communes , dont chacune en particulier
eft facile , mais qui ramaffées
A iij fons
AVERTISSEMENT.
Font une multiplicité fi grande , qu'il eft
bien mal- aifé de donner à toutes la même
attention , quelque foin qu'on y apporte
furtout , quand une collection eft faite en
auffi peu de tems . Une chose qui paroît un
peu injufte , c'est qu'on reproche affezfouvent
des inattentions à l'Auteur de ce Livre,
& qu'on ne lui fçache aucun gré des
corrections fans nombre qu'il fait , & des
fautes qu'il évite.
La grande difficulté dans la defcription
des Fetes que nous avons données , à d'abord
été d'être bien inftruit de toutes les
circonstances enfuite de trouver des
termes & des expreffions qui répondent
à la beauté & à la grandeur de la matiere.
Mais ces deux difficultez furmontées
il est encore très - mal- aife de donner une
idée jufte fur le papier de certaines Fêtes
animées par des mouvemens extraordinaires
, pour faire connoître dans tout for
excès , la joye & les tranſports , que nous
avons peints ; car le recit doit donner de
Paction à ce qui s'eft fait , par des Por
traits animez , des Peintures vives & pari
Lantes , enforte qu'on ait l'imagination
tellement remplie de ce qu'on lit , qu'on
croye moins lire
que
voir.
En y employant le tems convenable , on
peut faire fans doute des Morceaux trèsgifs
, & prefenter aux yeux de l'esprit
de
AVERTISSEMENT.
de fort belles images ; nous ofons même
nous flatter qu'on rendra justice à quel
ques traits affez animés , qui se trouvent
dans plufieurs de nos Relations , malgré
la précipitation avec laquelle nous les
avons écrites ; mais dans une longue fuite
de Defcriptions & de Fêtes , c'est tout an
plus fi on peut y conferver quelque varieté.
Nous faifons de la part du Public de
nouvelles inftances aux Libraires qui en
voyent des Livres pour les annoncer dans
le Mercure d'en marquer le prix an
jufte ; cela fert beaucoup dans les Provinces
aux perfonnes qui fe déterminent
Ta -deffus à les acheter , & qui ne font pas
fürs de l'exactitude des Meffagers & des
autres perfonnes qu'elles chargent de leurs
commifftons , qui fouvent les font furd
payer.
On invite ici les Marchands & les
Ouvriers qui ont quelques nouvelles Modes
, foit par des Etoffes nouvelles , Habits
, Ajuftemens , Perruques , Coëffures,
Ornemens de tête & autres parures ,
ainsi que de meubles , Caroffes , Chaifes
& autres chofes , foit pour l'utilité , foit
pour l'agrément , d'en donner quelques
Memoires pour en avertir le Public , ce
qui pourra faire plaisir à divers particu
liers , procurer un débit avantageux
A iij
aux
AVERTISSEMENT.
aux Marchands & anx Ouvriers .
Plufieurs Pieces en Profe & en Vers,
envoyées pour le Mercure , font fouvent fi
mal écrites qu'on ne peut les déchifrer , G
elles font pour cela rejettées ; d'autres fons
bonnes à quelques égards , & defectueuses
en d'autres lorfqu'elles peuvent en valoir
la peine , nous les retouchons avec
foin ; mais comme nous ne prenons ce parti
qu'avec peine , nous prions les Auteurs
de ne le pas trouver mauvais , & de travailler
leurs Ouvrages avec le plus d'attention
qu'il leur fera poffible. Si on fçavoit
leur addreffe , on leur indiqueroit
les defectuofités & les corrections à faire.
Les Sçavans & les Curieux font priés
de vouloir concourir avec nous pour
rendre ce Livre encore plus utile & plus
agréable , en nous communiquant les Memoires
& les Pieces en Profe & en Vers,
qui peuvent inftruire & amufer. Aucun
point de Litterature n'eft exclus de ce
Recueil , où l'on tâche de mettre une agréable
varieté , Poëfies , Eloquence , nouvelles
Découvertes dans les Arts & dans.
les Sciences , Morale , Antiquité , Hiftoire
facrée & profane , Hiftoriette , Mytologie
, Phyfique & Métaphifique , Pieces
de Théatre , Jurifprudence , Anaiomie
& Medecine , Critique , Mathématique
, Mémoires , Projets , Traductions
GramAVERTISSEMENT.
0
Grammaire , Piéces amufantes & recréati
ves &c. Quand les morceaux d'une cértaine
confideration feront trop longs , on
les placera dans un Volume extraordinaire,
& onfer enforte qu'on puiffe les en détacherfacilement
, pour la fatisfaction des
Auteurs & des perfonnes qui ne veulens
avoir que certaines Piéces.
Quelques morceaux de Profe & de
Vers rejettés par bonnes raifons , ont fouvent
donné lieu à des plaintes de la part
des perfonnes intereffèes ; mais nous les
prions de confiderer que c'est toujours
I malgré nous que certaines Piéces font rebutées
; nous ne nous en rapportons pas
E toujours à notre feul jugement dans le
choix que nous faifons de celles qui méritent
l'impreffion.
que
la
Quoiqu'on ait toujours la précaution
de faire mettre un Avis à la tête de cha-
Mercure , pour avertir qu'on de redevra
point de Lettres ni Paquets par
Pofte dont le port ne foit affranchi , il en
vient cependant quelquefois qu'on est
obligé de rebuter. Ceux qui n'auront pas
pris cette précaution ne doivent pas
Surpris de ne pas voir paroître les Piéces
qu'ils ont envoyées .
être
Les perfonnes qui défirent avoir le Mer
cure des premiers , foit dans les Provinges
ou dans les Pays Etrangers , n'auront
A v qu'à
AVERTISSEMENT.
qu'à s'addreßer à M. Moreau , Commis
au Mercure , vis - à- vis la Comédie Frangoife
, à Paris , qui le leur envoyera par
la voye la plus convenable , & avant
qu'il foit en vente ici . Les amis à qui on
s'adreffe pour cela ne font pas ordinairement
fort exacts ; ils n'envoyent gueres
acheter ce Livre précisément dans le tems
qu'il paroît ; ils ne manquent pas de le
lire , fouvent ils le prêtent à d'autres , &
ne l'envoyent que fort tard , fous le prétexte
fpecieux que le Mercure n'a pas
paru plutôt.
Nous renouvellons la priere que nous
avons déja faite , quand on envoye des
Piéces , foit en Vers , foit en Profe , de
les faire tranfcrire lifiblement fur des papiers
Séparés , & d'une grandeur raifon
nable , avec des marges , & que les noms.
propres , fur tout , foient exactement écrits.
Nous aurons toujours les mêmes égards
pour les Auteurs qui ne veulent pas fe
faire connoîtres mais il feroit bon qu'ils
donnaßent une adreffe , furtout quand il
s'agit de quelque Ouvrage qui peut demander
des éclairciffemens ; car fouvent
faute d'un tel fecours , des Piéces nous
demeurent entre les mains , fans pouvoir
les faire paroître.
Nous prions feux qui par
Le moyen de
beurs correspondances reçoivent des nou
velle s
AVERTISSEMENT.
velles d'Affrique , du Levant , de Perfe
de Tartarie , du Japon , de la Chine , des
Indes Orientales & Occidentales d'antres
Pays & Contrées éloignées , de vouloir
nous en faire part à l'adreſſe generale du
Mercure. Ces nouvelles peuvent rouler
fur les guerres préfentes des Etats voisins ,
leurs Révolutions , les Traités de Paix
on de Tréve , les occupations des Souverains
, la Religion des Peuples , leurs Cé
rémonies , Coûtumes & Ufages , les Phénomenes
& les productions de la Nature
& de l'Art &c. comme Pierres figurées
Marcaffites rares , Petrifications & Chrif
talifations extraordinaires , Coquillages
& c.
,
Nous ferons plus attentifs que jamais à
apprendre au Public la mort des Sçavans.
de ceux qui fe font diftingués dans les
Arts & dans la Mécanique ; on y joindra
le récit de leurs principales occupa
tions & des plus confidérables actions
de leur vie. L'Hiftoire des Lettres & des
Arts doit cette marque de reconnoiffance
à la mémoire de ceux qui s'y font rendus
celébres , ou qui les ont cultivés avec foin.
Nous esperons que les parens & les amis
de ces illuftres Morts aideront volontiers a
leur rendre ce devoir par les inftructions
qu'ils voudront bien nous fournir . Ce que
nous venons de dire , regarde non- feule
A vj
meng
AVERTISSEMENT.
ment Paris , mais encore toutes les Pro
vinces du Royaume , qui peuvent fournir
des Evénemens confiderables , Morts ,
Mariages , Actes folemnels , Fêtes & autres
Faits dignes d'être tranfmis à la
pofterité ; on fera , fans donte , furpris
de ne rien trouver dans le Mercure de
ce qui s'est passé dans quelques Villes
celebres & des plus confiderables du
Royaume , à l'occafion de la Naiffance du
Dauphins ces Villes ont marqué fans
doute leur zele , & ont fait de très - belles
chofes ; mais cela eft ignoré hors de leurs
murailles , & la Pofterité l'ignorera toujours
, faute d'avoir fuivi l'exemple des
autres Villes , des moindres même , qui
n'ont pas négligé de nous envoyer des Relations
de leurs Réjouiſſances &c .
Il nous refte à marquer notre reconnoif
fance & à remercier au nom du Public
plufieurs Sçavans du premier ordre , &
quantité d'autres perfonnes d'un mérite difsingué
, dont les productions enrichiffent le
Mercure , & le font lire & rechercher
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROY.
JANVIER. 1730.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
0 DE
Tirée du Cantique de Moïfe , Cantemus
Domino gloriosè , &c. Exod. ch. xv.
D
U Seigneur, la toute- Puiffance ,
; Se fignale en notre faveur
Marquons notre reconnoiffance
Par un Cantique en fon honneur.
Publions qu'un Etre fuprême ,
Vient de nous montrer qu'il nous aime,
Puifqu'il s'eft déclaré pour nous ;
Et
MERCURE DE FRANCE
Et que fans fa main fecourable ,
Nous aurions , d'un Roi redoutable ,
Eprouvé l'injufte courroux.
Oui , ce Dieu pour nous s'intereffe,
O comble de félicité !
Qu'Ifraël s'occupe fans ceffe,
A loüer fon immenfité.
Tandis qu'il nous traite en bon Pere
Il punit en Juge fevere ,
Les Egyptiens orgueilleux ;
Pour nous garantir de leur rage ,
La Mer nous preſente un paffage ,
Qui devient un gouffre pour eux-
He quoi ? ces Troupes animées ,
Par la fureur d'un Roi cruel ,
Malgré le grand Dieu des Armées ,
Veulent- elles vaincre Ifraël ?
Trop obtinez à nous pourſuivre ,
Infenfez , voyez où vous livre
Une folle préfomption ;
La plus terrible des tempêtes ,
Eft prête à fondre fur vos têtes ,
Pour venger notre oppreffion ..
Comme s'ils n'avoient rien à craindre ,
Ces
JANVIER.
3
17301
Ces Idolâtres inhumains
Comptent déja de nous atteindre ,
Et le fer brille dans leurs mains
Mais aux ordres de Dieu foumife ,
Cette Mer qui nous favorife ,
Nous voyant fortis de fes flancs ,
Ceffe de contraindre fon Onde ,
Se refferre & foudain inonde ,
Tous ces fuperbes Combattans-
Subis le châtiment terrible,
Qu'ont mérité tes attentats ,
Roi qui te croyois invincible ,
Par le nombre de tes Soldats .
Seigneur , tu rends par leur défaite ,
Notre vengeance plus parfaite ,
Et ton triomphe plus complet ; -
Cette Troupe tantôt fi fiere ,
Eft , comme une paille legere ,
Des flots l'inutile joüet.
Hommes puiffans , Rois formidables ,
Parlez : qui font ceux d'entre vous ,
Qui peuvent être comparables ,
A ce Dieu qui veille fur nous ?-
Qu'est-ce qui pourroit dans ce monde ,
Ouvrage de fa main féconde ..
Egaler
4
MERCURE DE FRANCE:
Egaler fon autorité ?
Unique fource des miracles ,
Jamais il ne trouve d'obstacles ,
A fa fuprême volonté.
Ifraël , qui pourra te nuire ,
Avec un fi puiffant appui è
Puifque ton Dieu veut te conduire ,
Tu peux tout attendre de lui.
Dans une agréable contrée ,
Qu'il s'eft lui - même préparée ,
Il te deftine de beaux jours :
Tes armes feront triomphantes
Et cent Nations differentes ,
N'en arrêteront point le cours
Dans cette charmante demeure ,
Allez , ô Peuple trop heureux ?
Et que le Seigneur à toute heure ,
Y foit l'objet de tous vos voeux.
Tant que vous lui ferez fidele ,
Il couronnera votre zele ,
Par quelque nouvelle bonté.
Tout autre Regne eft périffable ,
Mais le fien à jamais durable ,
El fondé fur l'Eternité.
2010
.
R. S.
EX
JANVIER. 1730
EXTRAIT du Memoire lû à l'Affemblée
publique de l'Académie Royale des
Sciences , le 12. Novembre 1729. fur
les Eaux de Bourbon .
R. Boulduc lut un Difcours intitulé
Maid Analyse engeneral des Eaux
Minerales chaudes de Bourbon l'Archamband.
Ces Eaux étant du nombre des plus anciennes
du Royaume & des plus renommées
par la guérifon de plufieurs maladies
longues & fâcheufes, elles fe font toûjours
attiré l'attention & la recherche des
Medecins & des Phyficiens.
Dès les années 1605. & 1618. fans
remonter plus haut , Jean Ban , de Mou
lins , en fait mention dans fon Livre des
vertus des Eaux naturelles de France renommées
, & croit qu'elles contiennent du
Souffre mineral , du Bitume & du Nitre ,
qui eft le Natron des Anciens , que l'on
regarde comme un Sel Alkali mineral ,
comparable par fes effets aux Sels fixes ,
acres & lixiviels , qu'on tire des Plantes
après les avoir réduites en cendres .
En 1670. M. Duclos , de cette Académie
, reconnut dans nos Eaux le même
Nitre
MERCURE DE FRANCE.
Nitre ; & depuis cet Auteur , d'autres Aca
démiciens ayant eu par intervales occafion
de les éxaminer , ont encore conclu
avec leur Prédéceffeur , qu'elles ne renferment
prefqu'autre chofe que cet Alkali
naturel.
Il feinbloit donc , que la qualité alkaline
leur étoit bien affurée . Mais en 1699.
quelqu'un , fous le nom de Pafcal , la rejetta
entierement dans un Livre fait exprès
au fujet de ces Eaux ; ce n'eſt pas
un fimple Sel Alkali qu'elles contiennent
, c'eſt , felon lui , un Sel mixte , compofé
d'un Acide volatile & d'un Sel Alkali
fixe , qu'il appelle un Nitre fort vobatile
& fort épuré ; on tireroit même ,
dit- il , cet Acide comme un veritable
efprit de Nitre du ſédiment, qu'on trouve à
leur fource en maniere de croutes ; &
pour jouir du Sel dans fon état naturel ,
il faudroit laiffer évaporer nos Eaux à l'air
ou au Soleil le feu , qu'on employe , eft
infidele , il altere les Mixtes , il décompofe
ce Sel , & fajt , à la verité , qu'on ne
trouve qu'un Alkali, mais cet Alkali étoit
auparavant lié avec l'acide.
Plufieurs perfonnes ont applaudi à ce
raifonnement : M.Boulduc fait neanmoins
remarquer en paffant , qu'un veritable
efprit de Nitre ,uni avec un Sel Alkali fixe ,
feroit neceffairement un veritable Nitre
dec
JANVIER 7 1730.
des Modernes , c'eſt à- dire , un bon Salpêtre
qui ne fe décompofe pas fi aifément
qu'on le dit.
Cependant le Livre allegué dérive de
ce Sel Mixte Nitreux la plupart des effets
que nos Eaux produifent fur le corps
humain ; au lieu que les premiers Auteurs
les dérivoient de l'Alkali Salin .
Cette diverfité de fentimens a été le
principal motif pour que M. Boulduc
cherchât les moyens de s'éclaircir de la
verité, en examinant ces Eaux de nouveau.
Son deffein a été fecondé ; il en a reçû
près de cent Bouteilles très - promptement
1
l'occafion du retour de S. A. S. Monfieur
le Due , qui les avoit prifes avec
fuccès à Bourbon; & un bon Artiſte voulur
bien en évaporer à la Source un grand
nombre de livres , & lui en remettre la
Réfidence.
M. Boulduc , de fon côté , y a trouvé
par fon travail plus de matieres qu'on
n'en avoit encore connu , & quelques-
unes dans des circonftances fingulieres
. Les myfteres de la Nature ne fe
développent que peu à peu , & c'eſt toûjours
un avantage pour les derniers venus.
L'Eau de Bourbon eft claire & limpide
comme une Eau de Roche , prefque fans
odeur , & d'un gout partagé entre le vrai
falé & le lixiviels fortant de la terre trèsfenfiblement
--
MERCURE DE FRANCE :
fenfiblement bouillante , elle fume con
tinuellement dans les puits & réſervoir , &
à mesure qu'il s'en exhale , il paroît à la
furface une fleur ou pouffiere blanche
très-fine fous l'apparence d'une toile ou
pellicule graffe fans liaifon , qui devient
plus vifible quand il y a long- temps que
l'Eau n'a été agitée , mais qu'on ne fçauroit
ramaffer de quelque façon qu'on s'y
prenne, Cette Eau dépofe un Sédiment en
maniere de croutes pierrenfes affez dures ,
formées de plufieurs couches blanches
bien diſtinctes , & mêlées en quelques
endroits , particulierement en deffous
d'une couche de terre d'un brun foncé.
Ces croutes qui font fans gout & fans
odeur fe collent aux bords & à la furface
interieure du puits , du conduit & du réfervoir,
dont on eft obligé de les détacher
de temps à autre.
une
Cette Eau , gardée dans des bouteilles
bien transparentes , fait auffi voir au bout
de quelque temps à fa furface de petits
corps blancs fort déliez qui augmentent
peu à peu & fe condenfenten
pellicule femblable à celle , qui fe forme
fur l'Eau de Chaux , laquelle groffiffant
au point que l'Eau ne peut plus la foûtenir
, ſe briſe en beaucoup de morceaux
qui en tombant , s'attachent au fond &
aux parois du vaiffeau , & affectent une
confiJANVIER
. 1730
configuration réguliere comme quelque
chofe de falin .
Après le récit de ces circonstances ,
M. Boulduc entre dans l'Analyfe , & dit
à la fin de chaque article des matieres qu'il
y a trouvées , comme il les a preffenties
par les Epreuves , quand il y en a , par le
gout , par l'odeur , &c. & comment il eft
enfin parvenu à les féparer de maniere
qu'il les puiffe expofer aux yeux dont
nous ne pouvons ici donner que le précis.
Les Epreuves les plus fignificatives que
M. Boulduc a faites fur l'Eau de Bourbon
font ; qu'elle précipite l'argent diffous en
un caillé blanc qui fond aifement au feu
& devient volatile , fi on n'employe que
peu de cette folution ; que fi au contraire
on en paffe les bornes , l'Eau en fait un
deuxième précipité qui refufe la fonte ;
qu'elle verdit la teinture de violettes lentement
; qu'elle fermente avec tous les
Acides affez fenfiblement , & précipite l'Alun
& les Vitriols ordinaires , quand ils
font diffous dans de l'eau commune :
Avec une forte huille de tartre faite par
défaillance , elle fe trouble & dépofe après
une terre blanche ."
Tous ces effets font plus prompts &
plus fenfibles , quand notre Eau eft concentrée
, foit
foit parle feu , par l'air ou par la
gelée . Alors elle fait même bien plus
૫′31
MERCURE DE FRANCE.
qu'auparavant , comme de précipiter , entre
autres , le fublimé diffous en une poudre
de couleur d'écorce d'Orange . Les
differentes matieres réciproques ne pouvoient
pas s'atteindre facilement dans la
grande étendue du liquide .
L'Evaporation & la Diftillation , continuées
jufqu'à ficcité des matieres , n'ont
prefque rien fait appercevoir à M. Boulduc
de different d'entre- elles. A peine
l'Eau reffent - elle la chaleur qu'elle jette
à la furface une pouffiere blanche trèsfine
, laquelle en augmentant le noye en
partie , & tombe ; & en partie elle forme
par l'union d'un nombre de petits filets
fins & tranfparents des feuillets à peu près
comme on en voit dans l'eau de chaux ,
qui restent quelque temps à la furface ;
& fe brifant enfin, voltigent long - temps en
tout fens avant que d'aller au fond.L'Eau ,
qui eſt élevée dans la diſtillation ,n'a point
de gout ni d'odeur,ni ne fait impreffion fur
aucune matiere; la cucurbite fent feulement
un peu l'empyreume , & toute la Réfidence
affaiffée est une terre blanche mêlée d'une
matiere qui reffemble à une gelée ou mucilage
bien tranfparent & couverte d'une
maffe de Sels fort blancs .
Cette Réfidence mife fur une pelle ou
lame d'argent bien chauffées , jette unę
petite flamme , & expofée à l'air elle
s'hu
JANVIER. 1730 . II
s'humecte. Si fon poids varie d'une évaporation
à l'autre de quelques grains au .
deffous ou au- deffus de foixante pour
chaques deux livres d'Eau , c'eft d'avoir
été plus ou moins deffechée.
En démêlant cette Réfidence , M. Boulduc
n'a pas perdu de vûe celle qu'on lui
avoit apportée de Bourbon ; l'une & l'au
tre lui ont fourni les mêmes matieres par
differentes operations . Cependant M.Boulduc
s'étant apperçu , que l'Evaporation
très -modérée de notre Eau , pouvoit pref
que toute feule fuffire pour en developper
tout , il la propofe comme le moyen
le plus fimple & le plus ailé à executer.
Sans répeter ce qui a été dit de ce
qu'on voit au commencement de cette
operation , on continue à faire exhaler
notre eau le plus doucement qu'il eft poffible
, & toutes les fois qu'il fe préfente
une certaine quantité de Sediment en partie
, comme une terre informe & opaque ,
en partie , comme des filets tranfparents ,
on le fépare en furvuidant l'eau claire dans
un autre vaiffeau : plus elle fe concentre
de cette maniere , plus elle jaunit , & il
fe forme alors peu à peu au fond & aux
parois du vaiffeau , des Cristaux en cubes
parfaits , pendant que la furface fe couvre
d'une croute faline , qui en deffus eft
inégale & raboteufe , & en deffous mélée
de
$ 2 MERCURE DE FRANCE.
de deux fortes de Cryſtaux. On ôte cette
croute auffi fouvent qu'il s'en forme ,
pour que l'eau s'évapore librement ; &
nous dirons davantage du Sediment en
fon lieu.
Les Cryftaux cubiques font un veritable
Sel commun , qui fe diftingue par
cette configuration , par fon gout particulierement
falé , & par d'autres proprietez
trop connues pour être rapportées .
Il fe déclare d'avance par le gout qu'il
donne à notre eau , & encore davantage
dans les Epreuves, par l'effet de la volatili
té, que fon acide imprime à l'argent , en
le précipitant ; & enfin , on le réduit par
l'évaporation en fa confiftence concrete.
›
Ce Sel fait la plus grande quantité
d'entre les matieres de la Réfidence , comparé
avec chacune en particulier .
Les Croutes falines , de nouveau diffoutes
dans de l'eau commune
donnent par
l'évaporation encore du Sel commun ;
après quoi le reste de cette folution furvuidée
& expofée à l'air fait naître des
Cryftaux d'un quarré long , taillez à facettes
aux extrémitez , amers d'abord , &
frais enfuite fur la langue , qui font des
proprietez , qui avec d'autres font le caractere
du Sel de Glauber : Et c'eſt -là ce
que Palcala pris pour un Sel Nitreux , féduic
JANVIER. 1730 . 13
dait par quelque reffemblance fuperficielle
& imparfaite des Cryftaux . L'acide
nitreux , qui fait l'effence des Sels de ce
nom , n'entre point dans fa compofition
c'eſt celui du Vitriol & outre que
M. Lemmery a prouvé clairement dans
un de fes Mémoires , que la fource de
Notre Nitre , n'eſt point dans les entrailles
de la terre , mais qu'il naît , pour
ainfi dire , à la furface , ou à une très- pe
tite profondeur ; il eft encore bien certain
, qu'il ne s'en eft point trouvé julqu'ici
de bien reconnu pour tel dans aucune
eau Minerale ; car celles qu'on appelle
communément Nitrenfes , contiennent
un Sel alkali à toute épreuve ;
on les a comparé au Nitre des Anciens ,
qui leur a fait donner ce nom .
Le Sel de Glauber ne fçauroit être diftingué
dans notre Eau par le gout , parce
qu'il eft dominé par d'autres , dont nous
reffentons plus d'impreffion ; on ne fçauroit
non plus le prévoir par une fimple
épreuve : il faut le foupçonner , & en partie
feulement fe convaincre de fa préfence
avant que de le chercher .
On peut avec quelque fondement le
foupçonner par tout où il y a du Sel
commun , ils ne font guéres l'un fans
l'autre . Il y en a ainfi dans quelques Acidules
ou Eaux ferrugineufes froides,com-
B me
14 MERCURE DE FRANCE . me
il y en a dans
notre
Eau
naturelle
ment
chaude
; l'eau
de la Mer
même
n'en
eft pas
exempte
; & M. Boulduc
en
a trouvé
dans
des
eaux
de Salines
, que
l'on
regardoit
comme
purement
falées
parce
que
l'on
en tire
du Sel commun
.
Pour s'affurer de la préſence de ce Sel
par quelque épreuve , il faut d'abord
voir , fi l'on peut découvrir l'acide vitriolique
en general , & c'est ce que
M. Boulduc fait par le moyen de l'huile
de Chaux , qui lui fert de pierre de touche
pour cet acide , lequel (ous quelque
forme qu'il le trouve , quitte après ce
melange fa bafe quelconque , & le porte
fur la Chaux , avec laquelle il fait une
efpece de cryftalilation : l'Acide vitriolique
étant ainfi dévoilé , on employe enfuite
des moyens fubfidiaires , par lefquels
on puiffe reconnoître , s'il eft lié avec du
fer , comme il l'eft dans le Vitriol , ou
avec une terre cretacée , comme il l'eft
dans l'Alun , & c. Que fi ces fortes de
preuves manquent , on eft affez certain
qu'il y a du Sel de Glauber . Et c'eft de
cette maniere que M. Boulduc l'a preffenti
dans les Croutes Salines avant que
de le faire paroître par la cryftaliſation.
Ce Sel contribue beaucoup à faire várier
le poids de la Réfidence , parce qu'on
peut deffecher au point qu'il peſe plus le
de
JANVIER. 1730. 13
de la moitié moins que dans fon état naturel.
Aprés avoir retiré de notre Eau le Sel
<commun & les Croutes Salines , on con◄
tinue à l'évaporer : plus elle s'avance vers
la fin , plus elle devient rouffe & graffe ,
d'un gout piquant comme une Lexive ,
& répand une odeur bitumineufe , fans
dépofer davantage de Cryftaux .
Ces circonstances font juger , qu'il y a
là plus d'une matiere : c'eft un Sel qu'on
découvre par le gout , & une fubftance
en general appellée fulphureufe , qu'on
apperçoit par l'odeur , qu'il faut démêler
F'une d'avec l'autre.
•
هل
Ce qui produit le gout piquant & lixiviel
, eft un Sel Alkali fixe , dont les
proprietez égalent en beaucoup de circonftances
un bon Sel de Tartre , avec
lequel M. Boulduc l'a toujours comparé s
mais elles s'en éloignént , entr'autres , en
ce qu'au lieu que le Sel de Tartre mêlé
avec le Vitriol ou fon acide fait un Tartre
vitriolé ; le Sel de notre Eau mêlé
avec le même acide produit conftamment
un Sel de Glauber . Ce fait , jufque
là l'unique , a fait fouhaitter à M. Boulduc
d'avoir du moins encore un exemple
de pareil Sel ; & il l'a trouvé dans la Terre
appellée Nitreufe , qu'on amaffe autour
de Smyrne & d'Ephefe , & qu'on employe
Bij dans
16 MERCURE DE FRANCE.
dans ce Pays- là à la fabrique du Savon
il en a fait une forte Lexive purement
alkaline , & Payant mêlée avec du Vitrial
ou fon acide , il en a pareillement
retiré du Sel de Glauber , & point d'autre.
Cette difference prouve évidemment
que ces deux Alkalis tirent leur origine .
du Sel commun ; & M. Boulduc conjecture
, que les Sels de toutes ces Eaux Minerales
, que M. Du Clos & d'autres ont
appellé Nitreufes , font auffi de cette ef
pece diftinguée.
Cer Alkali falin fe déclare d'avance.
dans notre Eau. le
par gout lixiviel qu'il
lui donne , & qui avec celui du Sel commun
domine fur le refte ; il fe fait encore
connoître davantage dans les épreuves
par
les effets d'effervefcence avec les acides
, de précipitation de tout ce qu'ils
ont diffous , de changement de couleur
dans la teinture de Violettes , & dans la
folution du Sublimé corrofif ; & enfin on
peut le réunir , & le rendre fec & palpable
, comme nous l'allons dire en par
lant de ce qu'il y a de fulphureux dans
notre Eau .
Le Sel commun étant partout où il
le trouve plus ou moins bitumineux , a
felon toute apparence communiqué à
notre Eau du Bitume , que l'Alkali¯tient .
diffous , & l'empêche par là de furnager
&
JANVIER. 1730. 17
& de paroître. Quoiqu'il en foit de fon
origine , le Bitume y eft , & on peut le féparer
d'avec l'Alkali , en verfant de l'Ef
prit de Vin fur la derniere portion d'eatt
bien concentrée : par ce moyen , comme le
plus aifé d'entre les autres,quelques gouttelettes
de Bitume montent à la furface
& d'autres fe collent aux parois du vaiffeau
, pendant que le Sel Alcali refte li
quide au fond , d'où on le retire facilement
pour le deffecher & pour l'avoir pur
& blanc. L'Esprit de Vin feul en quantité
fuffifante le réduit à fec avec le tems.
Le gout ne fçauroit diftinguer le Bitume
dans notre Eau , & le peu d'odeur
qu'elle a eft une trop foible & incertaine
marque de fa préfence : on ne peut que
le foupçonner par l'empyreume que l'eau
imprime au vaiffeau dans la diftillation:
& par l'odeur qu'elle exhale fur la fin de
Pévaporation , jufqu'à ce qu'on le fépare
de tout mêlange par le moyen que nous
venons de dire.
Le Bitume répandu dans toute la Réfidence
, fait qu'elle s'enflamme , quand
on en met fur une pele rougie , étant inflammable
de lui - même.
Nous paffons à examiner le Sediment ;
c'eft autant celui que l'on garde des évaporations
, que celui que l'eau dépofe à
B iij
la
?
18 MERCURE DE FRANCE:
1
fa Source en maniere de croutes piera
reuſes.
On apperçoit dans l'Eau , qu'on évapore
actuellement , de petits filets clairs
transparents parmi d'autres corps blancs
✔opaques , qui en s'affaiffant fe confondent
enfemble : & dans les croutes pier
reuſes on diftingue de petits brillans parmi
une matiere terne & fans éclat. Voilà
encore deux fubftances à démêler.
La premiere , qui a de la tranfparence:
ou du brillant , eft un Sel moyen , dans
lequel l'Acide vitriolique eft chargé de
beaucoup de terre , & M. Boulduc a parlé
plus au long de fa qualité faline , à
l'occafion des Nouvelles Eaux Minerales:
de Paffy. Ce Mixte n'ayant pas encore
été mis au rang des Sels, il fera libre à cha
cun de lui donner tel nom qu'il voudra.
M. Boulduc l'appelle Selenite , parce qu'il
prend la même configuration en fe cryf
talifant.
Comme un Sel de difficile diffolution
ou qui a befoin de beaucoup d'eau pour
fe tenir diffous , il commence à paroître
comme une pouffiere fine qui a quelque.
éclat , auffi tôt qu'un peu d'eau lui eft
fouftraite , & à mesure qu'elle diminuë
il forme de petits filets , enfuite des feuillets
ou pellicules , dont enfin les mor
ceaux
JANVIER. 1729. 19
ན་
ceaux brifez s'attachent au vaiffeau , &
prennent encore là plus de volume & plus
de régularité dans leur configuration .
Ce Sel ne fe trouve pas feulement dans
quelques Acidules & Eaux Minerales
chaudes; il y en a auffi dans des Eaux fa
lées , dont on tire du Sel commun , comme
font celles de Salins , de Durban , de
Fourtou , de Roquefort.
Pour ce qui regarde la deuxiéme mafiere
de nos Sedimens , ces corps blancs
& opaques ou ternes ; c'eft une Terre ,
qui fermente avec tous les Acides , comme
le font celles qu'on appelle abforban
tes : elle a pourtant une qualité de plus ,
que M. Boulduc a reconnue par d'autres
effais ; c'eft qu'elle a été calcinée dans le
Laboratoire foûterrain. Quand on en
mêle avec du Sel Ammoniac , foit qu'on
employe la terre de la Réfidence bien las
vée , ou les croutes pierreufes , comme
elles font forties de l'eau , elles retien
nent dans la diftillation l'Acide du Sel
commun , & mettent en liberté l'Efpris
urineux , qui eft vif & pénétrant , & de
fes effets ordinaires , précipitant le Subli
mé en blanc , verdiffant le fyrop violat ,
changeant en bleu célefte toute folution
de cuivre & le Réfidu , comme un Sel
Ammoniac fixe , réfous par l'humidité de
Biiij l'air ,
10 MERCURE DE FRANCE.
Fair , ou détrempé dans de l'eau , donno
cette Liqueur ou Solution , qu'on appelle
vulgairement Huile de Chaux , laquelle
paffant par le filtre , laiffe en arriere une
maffe brune , qui après une legere calcination
, & pas plutôt , permet à l'Aimant
d'en attirer des parcelles de fer.
Les Croutes pierreufes , dont on avois
fait cfperer un Efprit de Nitre , diftillées
feules , donnent un peu de Bitume ; &
mêlées avec du Vitriol , elles fourniffent
un phlegme d'une odeur bitumineuſe , &
rien au- delà.
L'Alkali terreux fe fait bientôt connoî .
tre dans l'évaporation de notre Eau comme
une terre en general ; mais dans les
épreuves il femble , que l'Huile de Tartre
par défaillance déclare fa qualité particuliere
, parce qu'elle l'en précipite
comme elle le fait à l'eau de Chaux . Etant
bien abforbante , elle a part à l'effervefcence
avec les acides , & à la précipitation
de ce qu'ils avoient diffous.
Comme cette terre & laSelenite fe préfentent
toujours à la furface de laSource,
où il fe fait fans ceffe une évaporation &
diminution affez forte ; ces deux marieres
s'amoncelent dans les tems , que l'eau
n'eft point agitée , & parvenant au point
de furmonter la réfiftance , ou aidées par
dess
CULTIE
HO
JANVIER 1729. 21
des agitations volontaires de la part de
ceux qui en puifent , elles fe dépofent
fucceffivement , & forment les couches
des croutes pierreufes , qui fe mêlent &
fe cimentent encore avec les feuillets
bruns , qui dérivent en partie de la boue
que l'eau amene de fon fond.
Le Fer , dont nous avons touché un
mot , faiſant la plus petite partie d'entre
les matieres de la Réfidence , ne fçauroit
y paroître fous fa couleur ordinaire ; les
couches rouges brunes des croutes le peuvent
faire foupçonner ; mais l'épreuve
qu'on fait avec la noix de galle ne peut
pas déclarer la préfence , parce qu'il n'eft
pas diffous dans notre Eau , ou en forme
de Vitriol ; il n'y eft pas non plus comme
Fer parfait , parce qu'il n'obeït pas d'abort
à l'Aimant. Il y a apparence , qu'il
fort d'une Marcaffite ferrugineufe , &
que fes pores font encore bouchez de
terre , dont le feu les délivre ; & alors la
matiere magnetique y trouve accès .
M. Boulduc a tiré du Fer & des croutes
pierreuſes , & de la partie terreufe de la
Réfidence , & M. Burlet en avoit auparavant
apperçu dans le Mucilage , qui est
d'ailleurs une partie du tout , entremêlé
de Sels , de Bitume & de terres , avec un
petit refte d'eau , qui lui conferve de la
tranfparence pour quelque tems..
BV Le
22 MERCURE DE FRANCE :
Le Mucilage , plus ou moins deffeché
peut contribuer beaucoup à faire varier
le poids de la Réfidence.
9
Après ce détail , M. Boulduc répond
à une Objection , qu'on fait communément
à la Chymie fur fes productions
& particulierement fur les Sels : lefeu alzere
& décompofe. Qu'on laiffe évaporernotre
Eau , dit - il , à l'air ou au Soleil
comme Paſcal l'a voulu , ou qu'on la concentre
par la gelée , & de l'une ou de
Pautre façon , à tel point qu'on voudra 5
& qu'on la mêle enfuite à differentes reprifes
, avec de l'efprit de Vin , que l'on
augmentera chaque fois , qu'on furvuidera
le mêlange de cette maniere , on
verra d'abord la terre , que la Selenite
& le Fer accompagnent , enfuite les Sels
moyens en Cryftaux , & finalement le
Sel Alkali au fond , diftinctement féparé
d'avec l'Esprit de Vin , comme fi on y
avoit verfé une forte Huile de Tartre par:
défaillance .
:
Il n'y a point d'apparence , qu'après
cela on mette le Sel Alkali ou quelque
autre fut le compte du feu , qu'on n'a pas
employé.
De tout ce qui a été dit jufqu'ici , M.
Boulduc conclud , que les Eaux de Bourbon
contiennent naturellement du Sel
commun , du Sel de Glauber , un sel A
kalis
JANVIER 1730. 23
kali , du Bitume , de la Selenite , une Terre
abforbane , & du Fer , dont le mêlange
répandu dans une eau actuellement
chaude , & chaque matiere confiderée
felon fa qualité , connue par l'experience
& l'ufage , que la Medecine en fait tousles
jours , doivent faire inferer d'avance.
qu'elles font en état de déterger , d'inci-
-fer , & de réfoudre , qui font des effets
generaux communément fuivis d'une ample
tranfpiration & excretion d'urine s
que de plus elles peuvent abforber , & ens.
partie deffecher & fortifier ; mais ce qu'on
regrette ordinairement fort , c'eft qu'elles
ne fçauroient guères purger , & c'eſt
auffi ce que la plupart des Malades regardent
comme un deffaut , mefurant la
bonté d'une Eau Minerale fur de fréquentes
évacuations de cette efpece..
Si on accorde , dit M. Boulduc en finiffant
, que ce foit là un deffaut , d'ha
biles Medecins fçavent bien le réparer
foit en faifant préceder les Eaux de Vi--
chy , pour frayer le chemin à celles de
Bourbon , foit en faiſant prendre ces der--
nieres , quand ils le jugent à propos , avec
des Sels moyens apéritifs , d'entre lefquels
M. Burlet a depuis une vingtaine d'années
mis en ufage l'Arcanum duplicatum
bien conditionné , & en a vu d'heureux
fuccès.
Bivj LET
+
24 MERCURE DE FRANCE.
*****: ***** *****
A
LETTRE du P. A. J. à un Ami.
Mi , veux-tu fçavoir l'ufage des momens
Qui compofent ma vie :
Peut être en les trouvant fi doux & fi char¬
mans ,
Me porteras-tu quelqu'envie .
A ce plaifant début que tu crois impof
teur ,
Cher Ami , tu vas rire.
Il me femble déja te voir d'un air railleur .
Me lancer un trait de Satyre,
W
Il fait beau , diras- tu , voir au fond d'un Bureau
L'éleve d'Uranie ,.
D'abbattre , difputer ſur le prix (4) d'un Taureau
,
Et proftituer fon génie..
M
Cette main , qui jadis calculoít du Soleil
( a ) L'Auteur étoit alors Procureur dans
La Maison du Berry.
Les
JANVIER. 1730 25
Lesmouvemens rapides ,
Suppute maintenant les profits d'un ( ))
Chepteil ,
Avec des Payfans ſtupides.
Mon poffè à ce coup d'oeil eft à ton juge -
ment
Ignoble autant que rude :
Máis apprens que j'en fais un doux amuſe
ment,
Et non pas une trifte étude.
Par-là j'ai trouvé l'art d'étayer de mon
corps
La prochaine ruine ::
Je fens dejour en jour s'animer les refforts
De cette importante machine.
En faifant fucceder le travail au repos ,,
La Campagne à la Ville ,
Je medite , je lis , & je mêle à propos
Le doux à l'honnête & l'utile..
Des fameux Orateurs relifant lesEcrits,
(a) Efpece de Fermage à la Campagne.
Leur
26 MERCURE DE FRANCE.
1
Leur fublime m'engage :
Je m'efforce à l'envi de ces brillans efprits
De parler le même langage.
Des Poëtes le feu , le tour , la liberté
M'éleve à l'héroïque :
En lifant de beaux Vers je me fens tranf
porté
D'une ardeur toute Poëtique.
Je n'y fuccombe pas , les aufteres leçons
De la Philofophie
M'avertiffent tout bas que ces tours , ces doux
fons ,
Ne font qu'une douce folie.
Je l'écoute , & formant de plus nobles prejets
Au gré de la fageffe
J'éleve mon efprit aux differens objets ,
Qu'elle me préfente fans ceffé.
Libre depuis long- tems du fervile far--
deau
Des préjugez Vulgaires .
De la foy ma raif on révere le bandeau ,
Maiss
JANVIER 1730. 27
Mais hors de- là point de myfteres.
糕
La fageffe de Dieu , la fuprême raifon
A fondé la nature ,
1
Tout s'y fait , tout s'y meur , par la combisnaiſon
;.
Le poids , le nombre , la meſure.
Je n'y cherche donc point de vaines fa--
cultez
Qu'enfanta l'ignorance
De formes , ni d'horreurs , d'ocultes qua--
litez ,
Et bien moins encor d'éxigence.
Je contemple des Cieux le fuperbe con--
tour
Et leurs clartez errantes : :
Je les vois ramener & la nuit & le jour,
Mais par des routes differentes.
Je m'éleve en efprit vers cette Région , ›
Qui ce monde limite :
Ah !qu'alors cette utile & douce fiction
Rend la terre à mes yeux petite !
Je
28 MERCURE DE FRANCE:
Je cherche les raifons qui forment dans les airs
L'Eclair & le Tonnere :
J'apprens celles qui font fe retirer les Mers ,
Et fe répandre fur la terre.
Mon efprit curieux va chercher les métaux
Dans leurs profondes mines :
Et parcourant les Mers , des Perles , des Co
raux ,
Développe les origines.
Les corps des animaux & leurs refforts divers
Sont autant de miracles.
Le détail infini de ce vafte Univers
N'offre que d'étonnans fpectacles.
Quand' ces points animez,. ces atomes vivans
Qu'un verre nous découvre
Préfentent à mes yeux mille objets ſurprenants
:
C'eſt un monde nouveau qui s'ouvre.
Jene méprife poing les curieux hazards
De
JANVIER. 1730 . 29
De l'obfcure Chymie;
En un mot , cher Ami , je cultive les arts ,
Que cultive l'Académie.
Exempt d'entêtement comme de paffions ,
Tu peux bien me connoître ,
Quoiqu'on en dife , Ami , dans mes opi
nions ,
•
Je ne me fixe point de Maître.
Sectateur des Anciens ainfi que des Récens
,
Mais toujours équitable ,
De qui fuit la raiſon , de qui fuit le bon
fens
Je tâche d'être inféparable.
Ariftote me plaît , foit dans fes animaux™
Soit dans fa Poëtique ;
Jadmire fon efprit dans bien d'autres tra
vaux ,
Mais je mépriſe fa Phyfique.
*
Au reſte , ne crois pas que toujours oc-´
cupé
De Sciences fteriles ,
Ebloui
30 MERCURE DE FRANCE.
Ebloui par l'éclat & par l'orgueil dupé ,
J'en néglige de plus utiles.
Non , non , je dis fouvent : ceffez de me
tenter
Eclatantes Etudes :
L'homme en vous cultivant, que fait- il, qu'augs
menter
Ses travaux , fes inquiétudes ?
Votre éclat ébloüit , votre fublimité
De nos efprits abuſe.
Mais vous n'êtes pourtant qu'ombre ,
vanité
Où l'homme follement s'amuſe.
語
, que
Dans ce fiécle éclairé que les beaux - Arts ont
fait ,
Un progrès incroyable ,
L'homme eft-il devenu plus heureux , plus
parfait
Non mais peut- être plus coupable.
Oui , l'homme, en découvrant par de pénibles
foins
Tant de chofes fi belles,
N'a
(
1730. 31
JANVIER.
N'a fait que découvrir mille nouveaux bee
foins ,
Se former des chaînes nouvelles.
Se connoître foi- même eft le premier devoir
Que le Ciel nous impofe.
Ofons ce beau deffein fortement concevoir ,
On l'éxecute quand on l'ofe.
C'eſt ainſi qu'à percer les replis de mon
coeur
T Je m'excite moi-même :
Mais on ne devient pas fi promptement vain
queur
Des deffauts que fouvent on aime.
J'ai pourtant écrafé des Tyrans de nos
jours
La tête faftueuſe :
Les defirs de briller , Domeftiques Vau
tours ,.
Ne troublent plus ma vie heureufe..
Envain , devant mes yeux éclairent les appas
De leftime publique ,
Heu
*2
MERCURE DE FRANCË
Heureux, je fçais gouter loin d'un brillant
fracas ,
Une vie humble & pacifique.
Content à quelque ami pour moi plein de
bonté
De lire mes Ouvrages ,
On ne me verra point du Public redouté
Briguer les orgueilleux fuffrages.
潞
Je cherche dans mon coeur ce qui fait
ávorter
Les efforts de la grace ';
Sûr qu'au gré de mes voeux , qu'elle fçait
confulter ,
Elle eft , ou n'eft pas efficace.
糖
Je nombre tous les maux qui marchent fur
les pas
De la fiere opulence ;'
Je vois que le bonheur ne fe rencontre pas
Dans les biens , mais dans l'innocence..
De nos myfteres faints je fonde les abords ,
Redoutable entrepriſe !
Mais utile pourtant quand on fuit les efforts
D'une raifon droite & foumife.
Mer
JANVIER. 1736. 33
Merveilles de la Foi , ne peut- on vous orner
De couleurs encor neuves ?
Anciennes Verités , ne peut- on yous donner
Encor de nouvelles preuves ?
Pour loüer des mortels , on ufe tous les
tours
Que fournit l'éloquence ;
Et nous ne pourrions pas par de nouveaux
difcours
Rendre aimable la Providence !
逛
Malgré les beaux dehors dont il eft revêtuz
Je découvre le vice ;
Et des attraits naïfs de l'aimable vertų
Je fçais diftinguer l'artifice .
Objets toûjours divers de méditation ,
Les Paffions humaines ,
Les haines , les defirs , l'orgueil , l'ambi
tion ,
Me fourniffent d'étranges Scenes .
Obfervateur exact , je les fuis pas à pas
Dans leurs routes obliques ;
*Im
34 MERCURE DE FRANCE .
Implacable ennemi de quiconque n'eft pas
Homme droit à mes yeux ftoïques,
Je detefte furtout cet Art contagieux
Qui corrompt les oreilles ;
Qui toûjours chez les Grands d'un fon harmonieux
Leur chante leurs propres merveilles .
M
O Vous de qui dépend le deftin des humains
,
Arbitres du mérite ,
Tous les jours vos flatteurs raviffent dans vos
mains
Le prix de la vertu profcrite.
De vils adulateurs vous recevez l'encens ,
Idoles de la terre ;
Mais fçachez que du Dieu qui jugera les
Grands
Cet encens forme le Tonnere.
Mais où m'enlevez - vous d'un vol audacieux
,
Capricieufe Guide ?
Ah ! Mufe , defcendons ; pour voler dans les
Cieux
Je n'ai pas l'aîle affez rapide.
C'eft
JANVIER. 17300 35
C'eſt ainfi , cher ami , que je paffe les
jours
Que la Parque me file ;
Ils ne font pas brillans , il eft vrai , mais
leur cours
En eft plus doux & plus tranquille .
REMARQUES de M. d'Auvergne,
de Beauvais , fur un Livre intitulé :
Les Principes du Droit François fur les
Fiefs . Par M. Billecocq.
E titre de cet Ouvrage paroît impo-
Lfant.On yannonce le détail des
principes de la Jurifprudence Françoile
fur les Fiefs , c'eft - à- dire , fur la matiere
la plus curieufe , la plus difficile &
la plus importante peut- être de tout notre
Droit . La diverfité d'opinions , &
les conteftations qu'elle produit tous les
jours fur une infinité de points , font
une grande preuve qu'après tout ce qu'il
y a eu de Sçavans hommes qui ont tra
vaillé à les éclaircir & à les difcuter ,
nous y manquons encore de principes
fixes & certains . Auffi un Livre qui rentermeroit
réellement tous ces principes ,
feroit
46 MERCURE DE FRANCE .
Leroit à rechercher avec empreffement.
Mais ici la promeffe eft trop étenduë;
elle ne s'accorde pas même avec le jugement
que M. Billecocq a porté de fon
Ectit dans l'Epitre Dédicatoire & dans
l'Avis au Lecteur. Il n'y préfente en
effet ce fruit de les travaux que comme
un Commentaire fur la Coûtume particuliere
du Gouvernement de Peronne ,
Mondidier & Roye , & il-y avertit que
c'eft à cette Coûtume qu'il réduit tous
fes principes. Auffi je ne me propofe que
d'examiner de quelle façon doit s'executer
une femblable entreprife , de faciliter
l'intelligence de fa Coûtume , & fi
la Méthode que l'Auteur s'eft faite fur
cela est celle qu'il faut fuivre pour les
Ouvrages de ce genre : ce fera à quoi
fe borneront toutes mes Remarques .
Eclaircir on commenter une Coûtume
ou une Loi , ce n'eft pas fimplement
diftribuer fes collections fur toutes les
parties du Texte , ni morceler ce Texte
pour le compiler avec d'autres ; c'eft en
interpreter les termes obfcurs , déterminer
le fens des expreffions qui peuvent
être entendues de differentes façons , leyer
tous les doutes fur les cas où le Legiflateur
ne s'eft pas luffifamment expliqué
, ou qu'il a entierement omis . Pour
y réuffir , il faut examiner non - feulement
JANVIER. 1730. 37
ment les Ecrits de ceux qui ont fait la
même entrepriſe , foit fur cette même
Coûtume , foit fur celles qui ont quelques
difpofitions femblables , mais auffi
ce qui nous a été tranfmis par ceux d'entre
les Interpretes de toutes les autres
Coûtumes differentes ou oppofées, qui font
en réputation d'y avoir le plus excellé.
Il faut en choififfant parmi leurs diverfes
décifions , montrer par des raiſonnemens
clairs & folides , & fouvent par
l'Hiftoire de l'ancienne Jurifprudence ,
que les fentimens que l'on embraffe font
véritablement ceux qui doivent prévaloir
, & qui conviennent le mieux à
l'efprit de la Loi particuliere que l'on
commente. Il faut rapporter avec une
judicieufe critique les Sentences & les
Arrêts rendus fur chaque Queſtion ,
rétablir les efpeces de ceux qui ont été
mal entendus , enfeigner quels font ceux
qui n'étant pas conformes au vrai fens
des Coûtumes , dans lesquelles ils font intervenus
, ne doivent pas être fuivis
faire connoître ce qui auroit dû y être
jugé , relever les fauffes applications qui
ont été faites de plufieurs autres . Or il
n'eft pas poffible qu'il s'en trouve de
cette nature dans un Livre qui n'étant
comme celui-ci que d'environ 440. pages
in- 12 , contient cependant près de
C 275
38 MERCURE DE FRANCE .
275. Chapitres , dont une bonne partie
eft fubdivifée en Sections , qui dans
certains Chapitres , vont jufqu'à douze
ou quinze.
Sans doute , l'Auteur n'a pas fait une
attention qu'il eft à fouhaitter qu'il faffe
pour les autres Ouvrages qu'il fe prépare
à nous donner fur les Rotures , le
Franc- Aleu , les Juftices Seigneuriales.
C'est que nous ne fommes plus dans le
tems où nos anciens Auteurs , tels que
Beaumanoir , Defmares , Bouteiller & c.
n'avoient qu'à écrire en forme de Loix
ou de Maximes ce qu'ils voyoient pratiquer.
Comme l'ufage étoit alors la
principale Loi , l'ignorance ou l'incertitude
de cet ufage étoit aufli la plus grande
fource des Procès on avoit encore
beaucoup d'obligation à ceux qui pour
le rendre plus invariable & plus connu,
prenoient la peine de le rédiger par
écrit. Content de l'utilité de laquelle
étoient à cet égard leurs compilations
on ne leur demandoit pas qu'ils difcu
taffent à fond toutes les fubtilités qu'on
commençoit déja à inventer , en s'écartant
peu à peu de la fimplicité des ficcles
précedens .
>
Mais aujourd'hui que les Coûtumes
particulieres de chaque Contrée font
écrites , que les Ordonnances de nos
Rois
JANVIER. 1729. 39 32
Rois fe font multipliées , que quantité de
Points qui n'avoient été décidés ni dans
les unes ni dans les autres , l'ont été
depuis par les Parlemens , qu'il y a une
infinité de Collections qui contiennent
les regles fur lesquelles on eft univerfellement
d'accord ; le travail de ceux
qui entreprennent encore d'écrire fur
cela , doit rouler uniquement fur ce qui
refte à faire jufqu'à ce qu'on foit enfin
parvenu à l'uniformité de Jurifprudence
fi poffible & fi defirée ; c'est - à- dire , fur
la folution des difficultés que l'obfcurité,
Je filence & la contrarieté de ces diverfes
Loix laiffent encore fubfifter , ou
que l'imagination des Interpretes a fait
naître.
A la verité , l'ouvrage eft d'autant
plus penible & moins gracieux , qu'il eſt
très-difficile de donner à ce qu'on trouve
encore à dire l'agrément de la nouveauté.
La Jurifprudence eft, en effet ,une
des Sciences fur lefquelles on peut affu .
ter avec le plus de raifon , que tout eft
dit. H eft peu de queftions , fi même il
y en a aucunes , qui ne foient traitées par
quantité d'Auteurs. Ceux qui nous ont
précedé ne nous ont prefque laiffé qu'à
concilier leurs avis , qu'à décider entre
nous à qui la préference doit être donnée
, & qu'à répliquer aux objections
Cij que
40
MERCURE
DE FRANCE.
que les uns ont faites contre les argumens
de ceux qui avoient écrit avant
eux , répliques qui fe trouvent aflez
fouvent dans les principes mêmes établis
par les premiers ; & ces questions fur
lefquelles il y a diverfité de fentimens ,
ou qui ayant été une fois éclaircies , ont
été rebrouillées de nouveau , ne peuvent
être ramaffées qu'en parcourant le
plus qu'il fe peut du grand nombre de
Volumes où elles font éparfes , & qu'en
effuyant , fans fe rebuter , le dégoût &
l'ennui qui font inféparables de la lecture
de tant de Livres qui fe font fucceffivement
copiés & remplis pour la plupart
des mêmes lieux communs.
Dans celui - ci , au -contraire , les fources
où l'on a puifé , & qui peuvent aifément
être comptées , parce qu'elles
font exactement indiquées fur les marges
, fe réduisent à un affez petit nombre.
Je me fuis même apperçû fur cet
article de deux petites circonstances affez
fingulieres , pour que je n'obmette pas de
les faire remarquer. La premiere , eſt que
l'Auteur a exclus du nombre de fes guides
tous ceux qui ont écrit en Latin
& la feconde , qu'encore que fon Recueil
foit fur les Fiefs , il n'y a cependant
pas fait ufage d'un feul des trai
tés dont cette matiere eft l'unique objet,
Ес
JANVIER. 1730.
41
Et dans le peu de recherches aufquelles
il s'eft borné , il a fait fon capital
de ce qui ne devoit être qu'un moyen
pour y parvenir ; c'eft- à- dire , qu'au lieu
de n'avoir recours aux ouvrages qu'il
avoit fous les yeux que comme à une
fource propre à lui fournir de nouvelles
ouvertures pour mettre dans un plus
grand jour les matieres controverſées ;
ou comme à un aiguillon qui excitât
qui reveillât fes propres idées , il s'eſt
toûjours borné à donner le précis des
réfolutions qu'il y a trouvées , fans même
indiquer les motifs qui y ont donné
lieu , ni les autorités qui y font oppofées.
pour
C'est ainsi , par exemple , qu'il donne
indubitable
,, ppoouurr cela feulement
que de Heu l'a dit , quoique l'axiome
foit faux & que du Pleffis , dont il a
extrait dans le même endroit un des
plus longs Chapitres prefque en entier,
ait fuffifamment fait entendre le contraire
,
que lorfque le mari neglige ou
refufe de rendre la foi & hommage pour
les Fiefs qui font échus à fa femme , &
de les relever , elle peut fe faire autorifer
par Justice , pour remplir cette
obligation.
Liv. 2 Ch . 4. Sect. 6.
C'iij
De
42 MERCURE DE FRANCE.-
De même , fur l'article de ce que
Fainé peut exiger de fes freres & foeurs ,
lorfqu'ils aiment mieux relever de lui
pour la premiere fois , que du Seigneur
dominant , l'Auteur range parmi les
maximes univerfellement fuivies ce qu'il
a vû dans la Coûtume de Laon a que
les cadets doivent en ce cas à leur ainé
le droit de chambellage , fans avertir que
M. d'Argentré b dont le fentiment a été
en cela fuivi par plufieurs autres , a tenu
le contraire .
·
Telle est la Méthode de M. D.....
Au lieu de n'avoir recours au Texte des
autres Coûtumes que pour difcuter le
plus ou le moins d'application qui en
peut être faite à la fienne , il fe contente
de les tranfcrire comme des principes
genéraux , tous differens qu'ils font
du détail dans lequel les Auteurs qui
ont traité les mêmes points font entrés.
Ainfi la Section où il parle de la foi
& hommage du Fief contefté entre plufieurs
perfonnes , n'eft qu'un compofé
de purs Textes de quelques Coûtumes
de Champagne , pofês là en forme de
maximes genérales , & fans exception ,
(a ) Liv. 2. Ch. s . Sect. 7.
( b ) Sur l'Art. 328. de l'anc . Coût. de Bre
tagne.
( c) Liv. 2. Ch. 4. Sect. 4.
tandis
JANVIER. 1730. 43:
tandis que ce dont il s'agit a été am
plement traité par du Moulin qui a fai
les principales des diftinctions neceffaires
pour la décifion des differens cas
dans lefquels la queftion peut fe préfenter
, qui en a facilité l'application par
les hypotefes qu'il a dreffées avec foin,
& qui a enfeigné quelles font les excep
tions dont les regles qu'il établiffoit font
fufceptibles.
Ainfi encore quand il s'agit de fçavoit
fi le Seigneur qui veut retenir un
Fief de fa mouvance , dont le nouvel
acheteur vient lui demander l'inveftiture ,
peut deduire , fur le prix de la vente
qu'il eft obligé de rembourfer , le montant
des droits féodaux , M. B. a appor
re de même pour toute déciſion un article
de la Coûtume de Vermandois qui
ne reçoit d'application que pour le feul
cas , qui n'eft fufceptible d'aucune difficulté,
que ce foit l'acheteur qui foit char.
gé du payement de ces droits . Mais
changez l'efpece , fuppofez que l'achereur
ne s'étant pas engagé à les acquiter,
le vendeur en fut resté tenu , & demandez
fi alors il eft encore vrai que le
Seigneur ne puiffe pas en faire de déduction
fur la fomme principale , il ne
(a) Liv. 14. Ch. is. Sect. 1.
C iiij.
s'en
44 MERCURE DE FRANCE.
s'en trouve rien dans l'Auteur , & il vous
laiffe dans l'incertitude du parti qui eft
à prendre dans la contrarieté qui fe rencontre
fur cela , non - feulement entre les
diverfes Coûtumes , mais auffi entre les
divers Jurifconfultes .
"
Rien , comme on voit , n'eft fi oppofé
au but que j'ai expliqué , qu'un Commentateur
de Coûtume doit fe propoſer
de fuppléer fur le plus grand nombre de
cas qu'il lui eft poffible , de raffembler au
deffaut des Textes qu'il entreprend d'éclaircir
. A quoi bon un Commentaire
qui contient tout auffi peu , & même
quelquefois moins que l'article conteſté;
& c'eft cependant le deffaut dominant de
celui de M. B. en voici encore un exemple.
Si on cherche dans le Texte de la
Coûtume de Peronne a fur quel pied
l'ainé doit rembourfer & récompenfer
fes cadets , lorfqu'il veut retirer de leurs
mains la part qu'ils ont dans les Fiefs
des fucceffions de leur pere & mere , &
qu'il eft obligé d'en faire la récompenfe
en argent ; on y voit que les redacteurs
de cette Coûtume ont décidé que le rachat
devoit fe faire à raifon du denier
20. pour ce qui eft du côté de Vermandois
& de l'Artois , & du denier 25.
( a ) Liv. 4. Ch . 15. Sect. 7..
pour
JANVIER. 1730. 45
pour ce qui eft en deçà de la Somme ;
au lieu que notre Auteur n'a rien fait
paffer de cela dans fon Recueil , où l'on
chercheroit avec tout auffi peu de fruit
à s'inftruire de tous les doutes que les
difpofitions de la Coûtume peuvent caufer
fur cette matiere ; comme fi cette ancienne
fixation doit encore être fuivie
s'il eft vrai que l'ainé foit toujours le
maître de faire ce rachat en héritages
roturiers , quand il y en a fuffifamment
dans la fucceffion , & fi les cadets ne
peuvent jamais en ce cas l'exiger en argent
; fi ce que ceux - ci ont eu par donation
eft fujet à ce droit de retenuë de
Painé , comme ce qui leur eft échu par
fucceffion ; fi ce droit eft ceffible ; fi le
tems en dedans lequel il doit être exercé
court pendant la minorité des enfans
du fils ainé mort avant que ce tems fur
écoulé ; fi la joüiffance de la mere à titre
de douaire prolonge ce délai ; fi les
proprietaires peuvent rien démolir fur
leur part , & en couper les bois de haute
futaye , tant que dure la faculté de leur
ôter des mains & c .
Mais les inconveniens de cette derniere
forte d'omiffions ne font rien ,
pour ainfi dire , en comparaifon dest
maux que peut produire la réticence des
autorités oppofées aux décifions qui font
Cx
ici
46 MERCURE DE FRANCE.
ici continuellement données comme des
axiomes non conteftés ; car dans la Science
du Droit encore plus que dans toute
autre , un Livre , fi mal digeré qu'il
foit , eft , fur tout après la mort de fon
Auteur , un oracle pour une infinité de
gens . Cette maxime eft imprimée ; cela
fuffit pour le vulgaire ; il en conclud:
aufli - tôt qu'elle eft vraye ; malheureufement
ce vulgaire n'eft que trop nombreux
. Des Avocats mêmes qui paffent
pour habiles , font- ils confultés fur une
queftion dont ils ignorent le noeud , ils
ne font fouvent autre chofe qu'ouvrir
un des Auteurs qu'ils fçavent qui en
ont parlé ; & la décifion qu'ils y trouvent
qu'elle foit bien ou mal fondée,
eft la régle de leur réponſe . Si ellé eft
favorable au confultant , cela l'engage à
entreprendre un Procès dans lequel il
fuccombe , parce qu'il plaide devant des
Juges qui font mieux inftruits des veritables
principes ; & le voilà ruiné
tant par les dépenfes qu'il a faites que
par celles qu'il eft obligé de rembourfer
à ceux qu'il a inquietés. Quelquefoisc'eft
le Magiftrat qui donne dans ce
travers , & à qui la caufe du monde la
mieux fondée paroît mauvaife , fur la
foi d'un Auteur pour lequel il s'eft prévenu
; & à qui il s'en rapporte aveuglé
›
ment.
5.
JANVIER. 1730. 47.
ment. Mais que ce foit à fa trop grande
crédulité ou à celle de Avocat
qu'il faille fe prendre de la ruine d'une
famille , l'Ouvrage qui a fait tomber
dans l'erreur le Juge , ou l'Avocat , n'en
eft pas moins la premiere caufe de la dé
folation de cette famille. C'eft là l'importance
de ces fortes d'Ecrits , & ce
qui en doit rendre les Auteurs bien circonfpects,
į į į į į įšį į į į ÿ ÿÿ ÿ ÿ ÿ ÿ ÿ ÿ ! !!
A M. LE CHEVALIER COYNART
L
A terre a perdu fa verdure ;
Flóre atteinte de la froidure
Refufe aujourd'hui fes faveurs ;
Ainfi vainement je m'apprête ,
Chevalier , à chommer ta Fête ,
Je ne fçaurois trouver de fleurs.-
Au deffaut de celles que Flore
Dans fes Parterres fait éclore ,
Et que l'on voit fi - tôt mourir ,
Je vais , volant avec audace ,
En cueillir fur le Mont- Parnaffe :
Que le tems ne pourra fletrir.
C vj Neuf
48 MERCURE DE FRANCE:
Neuf Soeurs plus fçavantes que belles.
Cultivent ces fleurs immortelles ,
Qui bravent le plus grand Hyver ¿ .
Avec ces fleurs je veux te faire
Un bouquet , que jamais n'altere
Aucune impreffion de l'air.
Sans impofer aux yeux , fans feindre
Avec ces fleurs je fçaurai peindre.
Ta politeffe , ta candeur ,
Ta mémoire heureufe , admirable ,
Ton efprit facile , agréable ,
D.Ss ans * furmontant la froideur.
Ce bouquet difert , patetique,
De ton ame vraiment ſtoïque.
Exprimera l'égalité ;
On y verra par quelle addreffe
Tu fça s donner à la vieilleffe
Un air dont on eft enchanté.
Ta converfátion charmante ,
Auffi folide qu'amuſante ,
Y paroîtra dans tout fon jour.
Voila les fleurs que pour ta gloire
Je vais aux filles de mémoire
Voler en leur faiſant ma Cour.
* 11 a 78. Anso.
REJANVIER.
1730 49
1
REJOUISSANCES faites à Dijon.
Extrait d'une Lettre écrite de cetto
Ville.
Ous apprimes l'heureufe nouvelle le
Node Septembre ; elle n'eut pas été plutôt
annoncée par une triple décharge de l'Artillerie
de la Ville & du Château , qu'on
entendit de toutes parts le fon des Cloches
& les acclammations des Habitans. Il n'eſt
pas poffible de vous décrire les tranſports
que produifit ce grand évenement. On fortoit
des maifons en foule ; on couroit de
porte en porte pour apprendre à fon paà
fon ami une nouvelle qu'il fçavoit
déja , & qu'il avoit la même paffion de débiter.
rent ,
Le Comte de Tavanes qui commande dans
la Province , ne pouvoit manquer une fi
belle occafion de faire éclater fon zele , &
l'ardeur hereditaire qu'il a pour le fervice
de Sa Majesté . Son fpacieux Hôtel parut tout
en feu dès l'entrée de la nuit ; la porte &
la façade ornées de Feftons , de Dauphins , de
Fleurs de Lys , les bougies & les Lampions
étoient répandus par tout & principalement
fur la belle Terraffe fur la ruë. Grand
feu au milieu de la Place , grand feftin dans
l'interieur de la maifon , fontaines de vin
au dedans & au dehors de la Cour , Bal
pour les perfonnes qualifiées , danſes parmi
le Peuple & c.
Pendant les trois semaines de nos princi
pales
50 MERCURE DE FRANCE .
pales Réjouiffances , ce Seigneur a fçu varier
tous les repas qu'il a donnés ; & toutes
les illuminations ; on étoit für de trouver
toujours chez lui quelque chofe de brillant
& de nouveau ; nous appelterions cela
des Fêtes dans toutes les formes ; ce n'étoit
pourtant que le prélude de celle qu'il méditoit.
;
Le Parlement étant feparé à caufe des vacations
, il ne pût fe raffembler que le Sa
medi , cette illuftre Compagnie parut auffi
complete que dans le tems des pleines feances.
M. de Berbifey , Premier Préfident étoit
à la tête les Huiffiers le précedoient comme
à l'ordinaire , les Avocats & les Procu→
reurs en grand nombre faifoient cortege ,
la Maréchauffée bordoit les rangs ; le Te
Deum fut chanté dans laSale du Palais.L'Abbé
Bouhier , Doyen de la Sainte Chapelle , défigné
pour être notre premier Evêque , officia
; la fymphonie fut merveilleufe , la Mufique
excellente , & M. Michel , Maître de la
même S inte Chapelle , fe furpaffa .
Les Muficiens qu'il avoit. employez continuerent
ce jour là à fe donner inutuellement
des Concerts comme ils avoient fait les jours
précedens ; ils illuminerent les lieux où ils
fe régaloient ; & fi l'on doit en juger par les
fréquentes décharges d'une douzaine de petites
pièces de Canons dont ils s'étoient pourvus
, & aufquels on metroit le feu toutes
les fois qu'ils celébroient la fanté du Roi ,
ou de quelque Prince de la Maiſon Royale,
on ne peut douter qu'ils ne s'y intereffaffent
infiniment.
Le Dimanche fuivant , les ordres de la
Cour arriverent , & ce fut alors que la joye
monta
JANVIER. 17307 རྣ
monta à fon comble ; pendant trois jours con--
fécutifs les Cloches fonnerent ; le Canon ti
ra ; il y eut des feux devant toutes les por
tes , des lumieres fur toutes les Fenêtres ,
les Clochers mêmes furent éclairés . Le Lundi
on vit tous les Ouvriers occupés à fufpendre
des Guirlandes , à attacher des A moi
ries , à élever des Loges de verdure de cent'
figures differentes , tout le Peuple enfin fe:
livrer à la joye. Nos Comédiens jouerent
pour lui gratis .
Il eft aifé de comprendre que chez les gens
de qualité il y avoit tous les jours des Feftins
& des Bals , & qu'on n'y épargnoit ni
les Boëtes , ni les Futées , ni les Flambeaux,
ni tous ces autres agrémens que le coeur
& le bon gout peuvent infpirer ; le détail
de tout cela feroit immenfe , & j'ai d'ailleurs
à ouvrir une fcene plus grande & pluspompeufe.
C'eft M. le Premier Préfident du Parlement
qui donna la premiere Fêre folemnelle le
Lundi 125 Septembre. Elle commença par une
illumination genérale de tout fon quartier ,
& particulierement de fon Hotel , non feulement
la face , mais les Cours , les Appartemens
& les Jardins ; il y eut un Concert
executé par des Muficiens du premier ordre,.
un repas fplendide où les perfonnes de la
premiere confidération fe trouverent. Il fit
diftribuer , ou plutôt prodiguer au Peuplele
pain , le vin & la viande ; & il difpofa
en differens endroits des Inftrumens , au fon
defquels on danfa jufqu'au jour . En un mot,
on peut dire qu'il n'omit rien de ce que
fon inclination pouvoit demander & faDignité.
permettre.
Le
2 MERCURE DE FRANCE.
Le lendemain on chanta , fur les cinq
heures du foir , à la Sainte Chapelle , un Te
Deum qui fut annoncé par le fon des Cloches
& par le bruit du Canon ; le Parlement
& la Chambre des Comptes y affifterent en
Robes de cerémonie , avec toutes les Compagnies
qui ont droit de s'y trouver ; M.
de Tavanes s'y rendit auffi. La plupart des
Communautés Ecclefiaftiques > en conféquence
du Mandement de M. l'Evêque de
Langres , firent la même cerémonie ce jourlà
.
Les Chevaliers de l'Arbalète firent chanter
le lendemain aux Carmes un Te Deum en
Mufiqué , au bruit des Boëtes ; & quoique la
Ville eut renouvellé le foir fes Illuminations
& fes Feux , ils l'emporterent fur tous les
autres en éclairant leurs Maifons , jufqu'aux
Jardins , de Bougies , de Lampions ,
&c. & ils donnerent un grand Repas.
"
Les Jefuites fe diftinguerent beaucoup s
les dehors de leur magnifique College furent
ornés & éclairés avec gout ; mais le
plus bel afpect fut celui du feu qu'ils allumerent
au milieu de leur grande Cour - entourée
de Bâtimens à trois étages , dont les
Fenêtres étoient également chargées de lu.
mieres. Ce qu'ils eurent de plus fingulier
fut une Armée de nouvelle levée , ce fut
une Milice brillante, qui fit plufieurs évolutions
dans cette Cour , s'y rangea en bataille , &
y fit des décharges. On eut le plaifir de
voir pendant trois jours cette belle jeuneffe
parcourir les lieux les plus apparens de la
Ville , portant & maniant les armes avec autant
de dexterité que des Troupes aguerzies
,
Le
JANVIER 1726. 53
>
Le 14. les Bouchers qui ont toûjours pris
part aux Réjouiffances publiques , mêlerens
les Mufettes aux Tambours , les uns pafferent
la journée fous les armes ; les autres
ayant choifi deux jeunes filles les habillerent
en Bergeres , & au fon des Inftrumens,
les conduifirent en grand cortege chez le
Comte de Tavanes , à qui elles eurent l'honneur
de préfenter un Agneau , orné de rubans
& de guirlandes , qui fut très - gracieufement
& très- noblement reçû . Ils s'apliquerent
enfuite à embellir les Loges qu'ils avoient
déja conftruites , à tapifler leurs Boutiques
à décorer d'arbuftes , de Feftons , de Guidons
& d'armoiries les Ponts qu'ils avoient
jettés fur leur ruë , & qu'ils illuminoient tous
les foirs
Cependant des Veaux & des Moutons entiers
fe rotifoient au milieu des Places aux
dépens des mêmes Bouchers ; les Hautbois
& les Tambours retentiffoient de toutes parts
les Tables étoient dreffées , & parurent trèsbien
fervies. M. de Tavanes voulut être témoin
de leurs plaifirs ; Madame de Tavanes
y mit le comble , en les animant elle - mê
me , & c'eft principalement à fa préſence &
à fexcellent vin qu'elle envoyoit avec profufion
, que ceux qui fe donnoient en fpectacle
durent la vivacité de leurs Réjouiffances.
M. Baudot , notre Vicomte- Mayeur , que
fa vigilance portoit de tous côtés , crut que
la Police même étoit intereffée à entretenir
cette ardeurs fon bon vin de Champagne &
de Bourgogne le fuivoit par tout , & c'eft
de cette fource féconde que coulerent tang
d'heureux impromptus à fa loüange & c.
Co
$4 MERCURE DE FRANCE .
Ce même jour 14. Septembre fue marque
par l'une des plus belles Fêtes que nous
ayons vûës ; je veux parler de celle de M. le
Comte deTavanes ; comme il defiroit que tout
répondit à la grandeur de fes idées, fon Hôtel,
tout vafte qu'il eft , lui parut trop refferré,
& il fe détermina pour le Jeu de l'Arquebufe.
C'est un Bâtiment de 30. toifes d'éten
duë , fitué à la Porte de la Ville , &
compofé de deux grandes Galleries ' une fur
Pautre , terminées par deux Pavillons quarrés
. On y arrive par une avenue de 200.
pas de longueur , bordée de chaque côté par
deux rangs d'arbres , avec un foffé , fur les
bords duquel regnent des charmilles à hauteur
d'apui on entre par une grande porte de fer
placée au milieu de la galerie d'en bas , qur
du côté du Jardin eft ouverte en periftile .
Ce Jardin eft un quarré long , clos de mu
railles couvertes par tout d'une paliffade de
Charmes de 9: à ro. pieds d'élevation ; i
eft coupé en deux portions égales par un
canal , & acompagné de deux grandes allées
d'Arbres en Berceau , dont le rang exterieur
a fon apui de Charmilles aufi bien
que l'avenue. Les retours qui font au bout
des Allées forment quatre beaux quarrés ,
pareillement enfermés d'Arbres & de Charmilles
; derriere le canal de cent toifes de
longueur , est une efplanade qui fait face
une niche adoffée au mur de clôture , percée
par les côtés , & couverte d'une demie
Coupole , fous laquelle eft le Bufte de M. le
Duc. La diftance entre les Allées & les
murs de côté eft d'environ quarante pas ,
& c'eft dans ces vuides qu'on a coutume
de placer les buts pour l'exercice de l'Arquebufe
Devant
JANVIER. 1729. 55.
•
&
Devant la Porte de fer , dans l'endroit ou
l'avenue forme une demi - lune , on avois
élevé fur des Pilliers de 25. pieds de hauteur
un Edifice de charpente , dont l'Entablement
étoit orné des Ecuffons des Armest
du Roi , de la Reine , de Monfeigneur les
Dauphin & du Duc de Bourbon ; ces Armoiries
étoient ornées de fleurs , dont les
Guirlandes defcendoient jufqu'à terre , &
tournoient autour des Pilliers de l'Edifice. "
Sur la Plate forme étoit un petit Acrotêre
ou Piédeſtal & cinq Piramides foutenues par
des Dauphins , decorées de Devifes & de
Cartouches la plus haute de ces Piramides
portoit un Soleil rempli d'artifice ; les quatre
autres Piramides étoient furmontées d'au-”
tant de Grenades .
Quatre rangs de Terrines ou de Lampions
garniffoient toute la longueur de l'Avenue ;
le premier rang étoit pofé fur le terrain
fe fecond à hauteur d'apui ; dans le Jardin
il y en avoit trois étages ; les premiers étoient
rangés le long du canal , les feconds fur les
Charmilles d'apui , & les troifiemes fur les
paliffades. Tout fut allumé avec une promtitude
inconcevable ; la Niche parut toute
heriffée de Bougies ; fes deux côtés en étoient
pareillement garnis pour terminer les Allées,
ainfi que toutes les Fenêtres de la Gallerie
& des Pavillons & le Cordon du Bâtiment
des quatre faces ; c'étoit un coup d'oeil
charmant , & auffi furprenant de loin qu'il
paroiffoit galant & magnifique de près ; la
réflexion de l'eau faifoit fur tout un effets
admirable , en inultipliant les objets .
Cependant l'illuftre Compagnie s'étant af
femblée dans la Gallerie haute , on lui donnai
une
* MERCURE DE FRANCE .
une Cantate à grand Choeur , dont les paroles
avoient été compofées par le P. Adam,
de la Compagnie de Jefus , & la Mufique
par le S. Lejlivet. Ce Divertiffement dura
une heure , & fut reçû avec beaucoup de
fatisfaction.
A peine étoit- il fini qu'on donna le fignal
pour tirer le Feu d'artifice par une falve de
vingt pieces de Canon rangées au bas des
Pilliers de l'Edifice ; auffi - tôt Madame l'Intendante
, au bruit des timbales & des trompettes
, mit le feu à la meche , & fit partir
un Dauphin enflamé , qui courant avec
rapidité à l'une des faces communiqua fes
flammes à trois autres Dauphins qui s'éleverent
en même- tems des trois autres faces,
& y revinrent avec la même impetuofité s
tout s'enflamma à leur retour ; ce ne fut plus
que tonnerre & que feu ; les Serpentaux
voloient fur la terre , les Fufées s'élevoient
dans l'air & c. Le Ciel devint en mêmetems
fort obfcur , & fon obfcurité contribua
encore à rendre le feu plus éclatant &
L'Illumination plus brillante. On ne vit ja
mais rien en ce genre de mieux executé , &
de plus juftement applaudi.
On fervit enfuite le fouper. Il y avoit
quatre Tables , une de 40. Couverts dans
l'un des Pavillons , trois de 30. Couverts chacune
dans la Gallerie d'en haut , toutes
quatre fervies avec un ordre , une abondan
ce , une délicateffe , une propreté qui paſſe
toute expreffion ; cent fortes de ragoûts
nouveaux & recherchés , viandes exquifes ,
vins de tous les Climats , liqueurs de toutes
les fortes ; on épargnoit aux Convives la
peine de demander on prévenoit , on devinoit
ANVIER. 1730. ST
noit les fouhaits. Ce qu'on admira fur tout
ce fut le Fruit , & principalement celui qui
étoit deftiné pour les Dames ; il n'eft pas
poffible d'imaginer comment on avoit p
ramaller tant de fruits délicieux , tant de
confitures exquifes ; l'oeil , l'odorat , le
gout , tout y étoit fatisfait. 8c. pieces de
porcelaines & de cristaux qui contenoient ce
Deffert , rangées avec une fimétrie & un art
infini , faifoient dire à tout le monde que
C'étoit dommage d'y toucher . Un de nos
Poëtes qui a affifté à toute cette Fête l'a
dépeinte par les Vers que voici :
Vulcain, fans doute, avoit conduit les feux;
Apollon avoit fait les Vers & la Mufique :
Bacchus fe trouva bienheureux
De faire les honneurs d'un Buffet magnifique;
Diane Pan qni fournirent les mets ,
Avoient épuisé les Forêts ;
Comus même d'intelligence,
De ce Banquet fuperbe avoit pris l'inten
dance ,
Pour donner tant de fleurs , pour donner tant
de fruits ,
Fleurs de toutes faifons , fruits d'Eté , fruite
ďAutomne ,
Flore avec fon Zephir Vertumne avec Po
mone
>
Avoient paßé plus d'une nuit.
Le Peuple eut part à la fomptuofité de
M. de Tavanes ; on lui fit de grandes diftributions
de pain & de viandes pour le vin
il
8 MERCURE DE FRANCE.
n'y avoit qu'à prendre , on en avoit dif
pofé fix fontaines en fix endroits differens
deux à côté des Pilaftres qui font le commencement
de l'Avenue , les quatre autres
au commencement & au bout des Allées du
Jardin outre cette profufion , on en donnoit
encore à tous ceux qui en demandoient s
de forte qu'il n'étoit pas plus rare que l'eau
qui remplit le canal .
Dès qu'on eut fait quelques tours de pro
menade pour voir l'Illumination de plus près,
& ce nombre infini de gens de tous étages,
qui danfoient en vingt endroits differens
au fon des tambours & des hautbois ; on
enleva les Tables , & le Comte de Tavanes
remontant à la Gallerie , ouvrit un Bal , où
les Rafraîchiffemens furent prodigués ; ce
Bal dura fi long- tems que le Soleil en vint
éclairer une partie.
>
Le Jeudi is Septembre , les Chevaliers
du Jeu de l'Arquebufe , precedés de leurs
trompettes & de leurs timballes , allerent
prendre M. le Comte de Saulx , qu'ils ont
l'honneur d'avoir pour Capitaine , & l'accompagnerent
aux Jacobins , où en préfence
de M. le Comte de Tavanes fon pere,
& de M. Baudot Vicomte - Mayeur , &
Chef des Armes , il fit chanter avec magnificence
un Te Deum par un grand nombre
de Muficiens ; il fe trouva auffi quelques
jours après au grand repas qui fut donné
dans un Salon de verdure , élevé exprès à
côté du canal dont on a parlés tous les
Bâtimens & le Jardin même furent illuminés.
Le 16. les Tréforiers de France celebrerent
leur Fête ; ils n'employerent pas cette
grande
JANVIER. 1730 . 59
grande foule de Muficiens qui fe trouverent
aux autres folemnitez ; leur Chapelle
n'auroit pas pu les contenir ; mais ils avoient
des voix & des Inftrumens d'élite , & s'ils
n'eurent pas la gloire de la magnificence ,
ils eurent celle du gout & de la delica
teffe.
Le Dimanche 18. fut marqué par une Proceffion
generale du Clergé Seculier & Regulier
de la Ville , à laquelle le Doyen de
la Sainte Chapelle prefida le Parlement y
alliſta en Robes rouges , & M. de Tavanes
marcha conjointement en habit de ceremonie.
Les Chevaliers de l'Arc firent les hon
neurs du lendemain ; le Te Deum à grand
choeur qu'ils chanterent aux Cordeliers , le
repas qui fucceda , & la parure des lieux
où ils tiennent leur Affemblée ont fait hon
neur à la Ville.
M M. de la Chambre des Comptes qui
n'avoient pas moins de zele & d'empreffement
que les autres Corps , choifirent le 21 .
du même mois , & la Sainte Chapelle pour
le lieu de leur Ceremonie ; la face de l'Eglife
fut decorée & éclairée , la Nef & les
deux Tribunes furent tapiffées comme aux
jours les plus folemnels ; on éleva dans ce
Choeur jufqu'aux premieres Galleries trois
rangs
de Feftons de verdures & c.
L'Autel étoit paré des ornemens les plus
précieux ; l'Illumination repondoit à la parure
; car outre le grand nombre de cierges
dont le Maître- Autel étoit chargé outre
la multitude de Luftres qui étoient diftri
buez dans toute l'étendue de l'Eglife , les
deux Galleries du Choeur , les deux Tribu
,
nes
60 MERCURE DE FRANCE.
1
nes & la Baluftrade qui regne le long des
Stales étoient bordées de Bougies . Les premieres
Galleries de la Nef étoient garnies
d'une infinité de Pots à feu , où pour évi--
ter l'incommodité de la fumée , il n'étoit
préfque entré que de la cire. C'étoit un bril
lant inconcevable , & toutes ces lumieres que
la tapifferie & l'enfoncement des Galleries
faifoient fortir , parurent d'un gout nouveau
, qui fatisfit également & ceux qui fe
piquent de fe connoître en ces chofes , &
ceux qui ne s'y connoiffent pas.
M M.de la Chambre des Comptes vinrent
à l'Eglife , precedez de leurs Huiffiers , &c
fuivis d'un grand nombre de Comptables qu'ils
avoient appellés à la Ceremonie. Le Comte
de Tavanes qui s'étoit rendu dans leur Salle
d'Affemblée , marchoit entre le Premier &
l'ancien Préfident , precedé de la Maréchauf
fée & de fes Gardes. On entra au bruit
des timbales & des trompettes , & M. Michel
donna un troifiéme Te Deum , qui quoique
d'un goût different , ne parut pas moins
beau que les deux autres ; la Mufique
fut executée avec la derniere precifion ;
on ne s'étoit pas contenté des Muficiens
de la Ville , quoiqu'ils foient très - nombreux
, on en avoit fait venir d'Etrangers.
M. le Doyen de la Sainte Chapelle fit l'Offion
finit par la Priere pour le Roi & ce &
pour le Dauphin.
Le 22 , notre Vicomte Mayeur , qui avoit
envoyé de grandes aumônes aux Hôpitaux,
aux Prifonniers , aux Pauvres honteux , &
même aux Religieux Mendians , fe rendit
avec toute la Magiftrature & les Officiers
des Paroifles chez M. le Comte de Tavanes ,
Pour
ANVIER. 1730. 61
pour l'accompagner au Te Deum de la Ville,
Voici l'ordre de la marche.
Les deux Sergens de Bande , revêtus de
leurs cafaques d'écarlate , galonées d'argent,
la hallebarde à la main. Les Sergens des
fept Paroiffes , tous en uniforme , fuivoient
deux à deux , pareillement avec des hallebardes
qu'ils portoient fur l'épaule . Les Officiers
de la Milice Bourgeoife , diftinguez
fuivant leurs Paroiffes , ayant chacun leurs
Tambours , leur Fifre , leurs Hautbois &
leur Drapeau. Les Capitaines , Lieutenans ,
Majors & Dizeniers marchoient les premiers,
avec l'Efponton ; les Apointez étoient derriere
avec la Pertuifane. Nous appellons
Apointez certains Officiers fubalternes qui
fervent fous les Dizeniers. Ils faifoient un
Corps d'environ 500. hommes , tous_trèsleftes
& très proprement habillez. Les Trompettes
de la Ville , puis les Gardes de M. de
Tavanes d'un côté , & les Sergens de Mairie
de l'autre. M. de Tavanes vêtu d'un habit de
drap d'or , avec un manteau noir , doublé pareillement
de drap d'or , étoit acompagné de
M. le Maire , qui étoit revêtu de fa Robe de
velours violet , doublée de velours cramoifi,
bordée d'une fourure blanche ; les Echevins
ayoient auffi leurs Robes de ceremonie , de
moire violette. Le Procureur Syndic étoit à
la fuite avec la même parure , en tête de
fes Subftituts , & de tout ce qui compofe le
Corps de Ville. La marche étoit fermée par
un Detachement des Sergens des Paroiffes ,
pour empêcher la foule.
La grande Porte des Jacobins étoit ornée
de tapis , de feftons &c. & éclairée de bougies
; leur valte Cour l'étoit des deux cô.
D tez
62 MERCURE DE FRANCE.
tez par des Terrines & des Pots à feu ; le
Portail étoit auffi illuminé , & on avoit élevé
fur la principale Porte le tableau d'un
Peintre fameux , reprefentant le Dauphin de
Viennois , qui cede fa Principauté au Rof
Philipes VI. Tout étoit éclairé en Luftres
& en Girandoles dans l'Eglife. Le Grand-
Autel , de même que ceux des Chapelles ,
étoit fi chargé de cierges , qu'on n'auroit jamais
pu en augmenter le nombre ; les hauts
freges du Choeur étoient pareillement couronnez
de cierges , mêlez de Grenadiers &
d'Orangers On entra dans l'Eglife au fon
des Cloches & des Trompettes , & ay bruit
d'une decharge generale de l'Artillerie de la
Ville & du Château . M. le Comte de Ta- .
vanes prit fa place fur un Prie- Dieu qu'on
lui avoit préparé à la droite du Choeur.
M. le Vicomte - Mayeur étoit à droite dans
les hauts fieges , ayant devant lui un tapis
de velours cramoifi avec deux carreaux ;
tout ce qui compofoit l'Hôtel de Ville fe
plaça à droite & à gauche dans les mêmes
fieges qu'occupent ordinairement les Relie
gieux.
Les Peres Jacobins , les uns revêtus de
Chapes , les autres en Tuniques , entonnerent
le Te Deum , qui fut chanté par les
mêmes Muficiens qui avoient executé celuí
de la Chambre des Comptes , & qu'on avoit
placez fur un Amphitheatre dreffé au milieu
de l'Eglife , & tout illaminé. La fin de
la Cerémonie fut marquée comme le commencement
par le bruit des Inftrumens , le fon
des Cloches & par une falve de l'Artillerie.
De l'Eglife des Jacobins on marcha à la
Place Royale ; elle a la figure d'un Arc ,
dont
JANVIER. 1730. 63
ladont
la Maifon du Roi fait la corde ; le demi
cercle eft compofé de 42. Portiques d'une
tres belle execution , & furmontez d'une Ba
luftrade de pierre fort bien travaillée ,
quelle regne auffi fur les murs de la Ter-
Tafle du Louvre. On avoit élevé l'Edifice
deftiné pour le Feu entre les deux raës qui
aboutiffent à la Place Royale.
Cet Edifice étoit un Arc de triomphe à
quatre Portiques de 25. piés de hauteur fur
20 de largeur , dont les quatre angles exterieurs
étoient coupez pour recevoir des Pilaftres
d'Ordre Ionique & autant de colomnes
ifolées à Bafes & Chapiteaux dorez
pofées iur des Piédeftaux , élevez fur des
Zocles . L'Entablement répondoit à l'ordre ,
& le milieu des Architraves étoit couvert
de Cartouches aux Armes de Sa Majelté.
Sur cet Entablement regnoit une Balustrade
avec quatre autres Piédeftaux à l'aplomb
des colomnes qui portoient des urnes feintes
de porphire. Sur la premiere Plateforme étoit
élevé un Zocle de fept pieds & demi de
hauteur , & de douze de diametre , qui for
moit la feconde Plateforme , de laquelle
fortoit un Baldaquin circulaire , & d'Ordre
Corinthien, à huit colomnes grouppées , dont
les Bafes & les Chapiteaux étoient pareillement
dorez , & qui portoient huit Dauphins
furmontez d'un Soleil . Sous le Dome
étoient placées plufieurs Statues ; celle de la
Felicité qui fe faifoit un plaifir de donner un
Dauphin à la France , celle de la France
qui le recevoit avec refpect , celle de la
Ville de Dijon qui y applaudiffoit avec admiration.
Au- deffus de ces Figures voloit le
Génie de la France , qui femoit des lau-
Dij riers
64 MERCURE DE FRANCE:
riers fur le nouveau Prince. Toutes les par
ties de cet Edifice étoient peintes en mare
bre & ornées de Devifes & d'Infcriptions ,
En arrivant à la Place , toutes les Troupes
formerent un grand cercle autour du
Theatre , laiffant entre elles & ce même
Theatre un affez grand efpace pour que le
Comte de Tavanes & tous ceux qui compofent
la Magiftrature , fiffent les trois tours
ordinaires avant que de mettre le feu aux
meches. Plus de cinquante inftrumens de
toutes les façons , placez fur la Terraffe qui
ferme le logis du Roi , fe mélerent au bruit
des tambours , des hautbois & des Fifres .
qui étoient à la tête des Troupes.
Après les trois tours , M. le Comte de
Tavanes & M. le Vicomte- Mayeur , mirent
le feu aux deux meches qu'on avoit prepa
rées ; le feu fe communiqua par tout dans
l'inftant , les Fufées , les Lances à feu , les
Sauciffons , les Soleils , les Dragons , les
Grenades éclaterent de toutes parts , & donnerent
lieu à cet autre Enthoufiafme Poëti
que.
La veille pendant mon repos
On m'avoit transporté dans l'Ile de Lemnos
Là , du milieu des fournaifes ardentes
Couloient des torrens de métaux
Et les enclumes gémiffantes
Plioient fous l'effort des marteaux.
Le Cyclope attentif à l'ordre de fon Maître ,
Mêle avec le charbon le fouphre & le falpêtre,
Joint au feu , joint au vent le bruit & le
fracass
E
JANVIER 1730. 63
Et tout ce qui du foudre anime les éclats ;
Mais il n'y mêle point la mort & les allar mes
Il ne le trempe point dans le fang , dans les
larmes ;
L'ouvrage n'eft point fait pour nuire & pour
troubler ;
il est fait pour surprendre , il eft fait pour
briller
En effet , quoique le vacarme fût grand ,
& qu'il redoublât encore par l'écho de cette
Place fpacieufe , quoique les flammes nous
envelopaffent de tous côtez , non feulement
nous n'eûmes point de mal , mais on n'eut
pas même la moindre peur.
Le feu fini , on continua la marche jufqu'à
l'Hôtel de Ville , qui étoit entierement
illuminé ; fur la Porte on avoit placé le portrait
du Roi fous un Dais . Cependant on
avoit diftribué du pain à plufieurs reprifes
pendant la journée , les Fontaines de vin
n'avoient cellé de couler. Un feftin fplendide
attendoit la Compagnie , pour laquelle
on avoit preparé trois Tables dans la grande
Salle de cet Hôtel , une au fond où étoit
M. de Tayanes avec M. le Vicomte- Mayeur
& les perfonnes les plus qualifiées , les deux
autres en long & à côté pour les Echevins
, les Citoyens & les Etrangers qui
avoient été invitez ; il y eut plufieurs fervices
differens , tous également bien fournis
, & ceux qui aiment l'abondance eurent
autant de lieu d'être fatisfaits que ceux
qui ne demandent que de la propreté & de
Diij la
66 MERCURE DE FRANCE :
la delicatefle. M. de Tavanes porta la fante
du Roi , de la Reine , du Dauphin & de M.
le Duc , & ces fantez furent accompagnéesde
plufieurs falves.
2 Les Inftrumens qu'on avoit placez fur la
gallerie du Logis du Roi , donnerent pendant
plus d'une heure une fimphonie vive & harmonieufe
; les Illuminations étoient generales.
De quelque côté qu'on tournât dans la Ville,
dans les rues les plus étroites , dans les quartiers
les plus éloignez , on ne voyoit que lumieres
, figurées de cent manieres differentes ;
chacun fe faifoit honneur de rencherir fur fes
voifins .
Le plus grand fpectacle parut dans la Place
Royale le Théatre avoit changé de face , au
lieu de Feux d'artifice l'Edifice de charpente
parut chargé de Lampions & de Pots à feu ;
ce n'étoit plus des Portiques ni des Baldaquins
de marbres , c'étoient des Portiques &
des Baldaquins de lumieres. Cette Illumination
avoit d'ailleurs des accompagnemens
merveilleux ; les deux Fontaines de vin qui
coulerent le jour & la nuit , étoient ornées
de lumieres & de feüillages on avoit porté
une grande quantité de Pots à feu fur la haute
Tour du Louvre , qui eft la piece la plus élevée
de la Ville & qui s'apperçoit de plus d'une
lieuë : toute la façade de ce Palais étoit illuminée
, tout le tour de la Place décoré d'un
cordon de verdure qui defcendoit en feftons
aux côtez des Portiques ;, deux rangs de terrines
garniffoient les Ceintres & la Balustrade
dont ils font couronnez , des Pots à féu extraordinaires
& placez de diftance en diftance
, en relevoient encore l'éclat ; les ruës
& fur tout les deux grandes rues qui traverfent:
、
JANVIER, 1730. 67
fent la Place Royale , avoient une apparence
d'autant plus riche & plus agréable , que toutes
les fenêtres y font de même fymetrie &
qu'elles étoient également éclairées ; on avoit
encore un point de vue qui l'emportoit fur
tout cela ; le fomptueux Portail de l'Eglife de
Ş. Michel , de differens ordres d'Architecture
P'un fur l'autre , étoit totalement illuminé ; la
plateforme étoit bordée de Pots à feu , les galleries
du milieu & toutes les ouvertures des
Tours en étoient remplies.
Pour peu qu'on s'avançât dans la Place de
S. Etienne , qui n'eft qu'à quelques pas de
l'autre, on trouvoit d'autres clartez ; on voyoit
en perſpective la maifon de M. le Vicomte-
Mayeur au bout de la grande ruë qui entre
dans cette Place : pendant tout le jour on y
avoit fourni du pain & fait couler unc Fon
taine de vin ; fur tout la populace s'étoit fort
amuſée d'un jeune enfant habillé en Bacchus
, qui paffa plufieurs heures affis fur le
tonneau d'où jailliffoit la Fontaine : pendant
la nuit on ne reconnut plus ni maifon ni porte ,
on ne vit qu'une lumiere univerfelle qui envelopoit
& abforboit entierement les autres
objets.
Toute la Ville à la fin fe raffembla dans la
Place , tout y danfoit , tout y fautoit ; les Inftrumens
ne cefferent qu'au jour , & on ne ceffa
de danfer tant qu'ils continuerent ; enfin cette
nuit fi charmante fut pour nous un augure du
bonheur que la naiſſance du Prince nous promet
; ce qu'un autre de nos Poëtes a tâché
d'exprimer ainfi :
Après une trop longue & trop cruelle abfence ,
La Félicité de retour ,
D iiij En
68 MERCURE DE FRANCE .
En accordant un Dauphin à la France,
Nousmarque qu'elle veut y fixer fonfejour
Recevons ce prefent de fes mains bienfaisantes,
Ne doutons plus de fon fecours ;
Si les nuits font pour nous fi belles , fi brillantes,
Quels feront déformais nos jours ?´
Cependant les Officiers de notre Milice Bourgeoife
ne crurent pas avoir marqué leur joye
affez vivement. Le 25. de Septembre ils firenz
chanter dans l'Eglife des Jacobins , un Te
Deum auffi magnifique que celui de la Ville ;
M. de Tavanne leur fit l'honneur d'y affifter ;
M. le Vicomte-Mayeur fe mit à leur tête . La
Troupe n'étoit compofée precifement que des
Capitaines , Lieutenans , Enſeignes , Majors
& Dizeniers des Paroiffes , précedez des Sergens
& des Tanbours. La marche parut d'au-.
tant plus pompeuſe , qu'à commencer par le
Maire , tous les Officiers jufqu'au dernier ,
avoient des habits uniformes , la vefte galonnée,
le juftaucorps d'un beau Camelot écarlate,
le chapeau bordé , avec le plumet blanc &
la coquarde de même ; ils allerent enfuite au
Jeu de l'Arbalête , dont ils avoient illuminé
les Bâtimens & les Jardins d'une maniere trèsriante
& tès-agréable . La Salle haute & la
Gallerie d'en bas , quoique très- étendue , ne le
furent pas trop pour les tables ; M. le Vicomte-
Mayeur tint la premiere , M.le Comte de Tavanes
n'ayant pû s'y trouver , à caufe de l'illuftre
Compagnie , à qui ce foir là même il
donnoit à manger ; mais il s'y rendit fur les
onze heures du foir , & fa prefence redoubla
la joye qui étoit déja bien vive ; on recommença
JANVIER. 1730. 69
mença , au bruit des Canons , à boire la fanté
du Roi , de la Reine , de Monſeigneur le Dauphin
& de M. le Duc.
Les Benedictins avoient fait ce même jour
une Proceffion folemnelle & chanté le Te Deum
& l'Exaudiat , avec beaucoup de pompe , &
pour rendre leur joye plus fenfible , ils firent
aux pauvres de grandes diftributions de pain ,
de vin , de viande & d'argent.
J'ajoûterai que notre Univerfité ſe trouva
chez les Jacobins pour une pareille ceremonie
le 8. du mois d'Octobre ; comme elle ne
fait que de naître , elle a encore tout fon
premier zele & toute fon ardeur pour le Roi ,
toute fa reconnoiffance pour M. le Duc , fon
Protecteur. Le Doyen de la Sainte Chapelle ,
Chancelier , fe trouva à cette folemnité , conduit
par les Maffiers & les Bedeaux , les Profeffeurs
l'accompagnoient en Robes rouges ,
les Aggregez en Robes noires avec le Chaperon
d'écarlate ; ils ne cederent en rien à ceux
qui avoient paru devant eux dans la même
Eglife. Tous les Corps de Métiers generalement
quelconques ont rempli les mêmes devoirs
avec un empreffement & une joye que
je ne puis vous repréfenter.
La Céremonie de nos Marchands eut quelque
chofe de noble ; la belle Eglife de Notre-
Dame , où ils fe rendirent , étoit tapillée ,
ornée & illuminée à faire plaifir ; leur Mufique
fut d'un très-bon gout , & les Inftrumens en
rehaufferent le prix ; le Canon n'y manqua
point , & pendant toute la nuit fuivante ils
étalerent , à l'envi les uns des autres , tout ce
qui pouvoit rendre leurs maifons plus ornées;
& plus brillantes.
M. de la Briffe , Intendant. de. Bourgogne
Dv n'ayans
70 MERCURE DE FRANCE.
n'ayant pû être de retour à Dijon que le 27%
Septembre , il fixa fa Fête au Dimanche 2.
Octobre. M. l'Intendant occupe la Maiſon Abbatiale
de S Benigne ; il y a devant la porte
une petite Place quarrée , des plus jolies ; la
Cour eft en arc & d'une étendue plus que raifonnable
; les Appartemens font beaux & bien
fuivis. Le Jardin eft orné d'un très - beau Parterre
& de quelques Baffins ; il eft terminé parfept
Portiques d'un treillage très riche , dont
il y en a trois qui ont plus d'élevation que
les autres , & qui font décorez de Statues :
de part & d'autre font plantez des arbres &
au-deffous des Charmilles à hauteur d'apui ; .
à droite derriere ces Charmilles s'éleve
une Terraffe qui donne fur l'allée ; à gauche
ce font des Bâtimens couverts de verdure , au
bout de quels on a ménagé une iffue pour
monter à la grande Terraßle qui tient toutela
largeur du Jardin du côté de la Maiton
cette Terralle eft cachée par les Portiques .
de l'autre côté elle donne fur le foflé de la
Ville entre deux Baftions qui la débordent ,
& elle a un afpe&t très gracieux , dont le prin .
cipal point de vuë cft le Jeu de l'Arquebuie &
la Chartreufe .
:
,
On s'affembla d'affez bonne heure , & chacun
s'amufa jufqu'à fix heures du foir , la
Compagnie attirée par le fon des Inftrumens ,.
fe ren lit dans la premiere Salle on préluda
par des Concertos ; on vint enfuite au Divertiffement
particulier , dont les paroles
avoient été faites exprès pour le fujet , & la
Mufique compofée par le fieur Bourgeois .
La Place que j'ai décrite étoit entourée de
Lanternes ; elle tiroit un grand jour & des
maifons fituées à l'opofite , où on n'avoit rien
épargné
६
JANVIER . 1730. 7.1
épargné , du Portail de S. Benigne qui étoit
entierement illuminé , & de la façade du Palais
Abbatial qui répondoit à tout cela. Le Peuple
y avoit fon Concert & fes Inftrumens ,
& des Fontaines de vin qui couloient fans
ceffe. Une double ceinture de bougies regnoit
dans toute l'étenduë de la cour. Les Baffins
& le Parterre du Jardin étoient profilez &
bordez de Lampions ; la petite Terraffe & les
Charmilles étoient chargées de terrines ; les
fept Portiques étoient en bougies qui en
avoient pris les ceintres. C'étoit proprement
un Jardin de lumieres , dont les éclats éblouiffants
avoient été fubftituez à la place des Buis,
des Charmilles & des Treillages.
Un très beau Feu d'artifice , placé fur le
chemin couvert en vûë de la grande Terraffe
devoit faire partie de cette Fête ; on s'occupa
encore de l'Illumination , qui du haut de cette
Terraffe , faifoit un fpectacle nouveau & magnifique.
Du côté de la Maifon , on avoit un
Parterre lumineux , un Portail & des Touts
enflammées du côté de la Campagne on
avoit en face le Jeu de l'Arquebufe , dont
les Bâtimens étoient éclairez , & fur les côtez
deux grands Baftions bordez de lumieres ›
& garnis d'artillerie qui commença à fe faire
entendre après quoi Madame la Comteffe
de Tavane & Madame la Marquise de Charoft
, après avoir long- temps difputé de politeffe
, firent enfin partir en commun un
Dragon enflammé , qui étoit venu prendre leurs
ordres fur la Terraffe il ne les eut pas plutôt
portez fur le Théatre , que les Piramides s'ailumerent
, les Moulinets tournerent , les Fufées
partirent , les Lances à feu fuivirene ; ce
fut un feu continuel & un bruit étonnant ;
Dvj rien:
72 MERCURE DE FRANCE.
rien n'étoit plus beau que de voir les Grenades:
vonir des milliers de Serpenteaux fur la Populace
, qui n'eft jamais trop près à ſon gré ;
mais rien n'étoit plus plaifant que les mouvemens
qu'elle fe donnoit pour les éviter ;
ces feux voloient de cent manieres differentes,
les uns fembloient fe plonger & fe précipiter
fur la terre , les autres après cent tours & cent
retours remontoient avec vivacité au lieu d'où.
is étoient fortis , la plupart ferpentoient veritablement
& pourfuivoient ceux qui vouloient
s'en détourner ; fur la fin on jetta quel
ques douzaines de Fufées choifies , qui remplirent
l'Air de gerbes & d'étoiles .
M. I'Intendant donna enfuite à fouper à près
de cent perfonnes diftinguées. Quand il y en
auroit eu le double on fe feroit loué de l'abondance
; la propreté & la délicateffe en furent
l'affortiment . Après le fouper il y eut un
Bal magnifique.
La Fête de Mrs les Elûs a mis , pour ainfi
dire, le fceau à toutes les autres Réjoüiffances,
elle a téüni en quelque forte toutes les Fêtesqui
avoient precedé. Je n'entrerai là- deffus dans
aucun détail , ma Lettre n'étant déja que trop
longue , & le Mercure en ayant déja parlé dans
le premier volume de Decembre , page 2866..
Je ne puis cependant me difpenfer de vous
parler enco e de deux traits qui regardent d'au
tres perfonnes , & qui meriten: de n'être pas
oubliez , & je finis par là ma Narration .
Une vingtaine de Bourgeois , las d'être
confondus dans la foule , ont eu recours à une
nouvelle invention pour ſe tirer du pair. Ils
avoient élevé fur quatre roues un Char Bachique
de 18. pieds de long fur 8 de large ,
fermé d'une barriere d'environ 2, pieds de hau
teur
JANVIER. 1730. 73*
#
*
teur , ornée de Tapis & de Peintures. Il étoit
eouvert d'une riche Imperiale en berceau , fou
tenue par des Colomnes entourées de Pampres,.
à laquelle étoient fufpendus plufieurs Luftres ,
& dont les pentes étoient décorées de Tableaux
& d'Ecuffons de differentes Armoiries. Les
Hautbois & les Baffons étoient placez fur le
devant du Char ; une table bien fervie &
bien arrêtée , chargée de bougies & d'une
grande quantité de plats très bien remplis , &
un Buffet ou plutôt une Boutique de verres .
& de bouteilles , ne faifoit pas la moindre partie
du fpectacle . Toute cette Machine étoit
traînée par huit puiffants chevaux , conduits
par quatre Poftillons & precedée par un Timbalier
& par deux,Trompettes, à cheval , etcortée
par une Compagnie de Gardes à pied , &:
environnée de flambeaux..
On avoit pris pour quartier d'affemblée la
Porte Guillaume , qui eft celle par où nous ,
fortons pour aller à Paris . Elle étoit illuminée
de haut en bas ; les Ceintres , les Pilaftres , les
côtez , marquez , & pour ainfi dire d'aprez de
Lampions & de Terrines ; toutes les fenêtres
de la longue rue qui y aboutit , avoient auffi
leurs lumieres , ce qui joint aux Lanternes des
ruës qu'on allume tous les foirs , rendoit une
-clarté égale à celle du jour. La marche com
mença fur les fept heures du foir & elle continua
jufqu'à minuit : on s'arrêta dans la Place
Royale & dans tous les lieux où font placez
les Hôtels de ceux qui ont quelque autorité
dans la Ville : là les cris de joye redoubloient
les Inftrumens fe mêloient , la petite Artillerie
fe faifoit entendre , mais la poudre n'étoit pas .
ja munition dont un confumoit le plus .
Une multitude étonnante de peuple ſuivit ce
feftin3
74 MERCURE DE FRANCE .
feftin ambulant pendant toute la nuit , mar
quant par fes acclamations le gré qu'elle fçavoit
à ceux à qui leur zele feul avoit infpiré ce
deffein. Les perfonnes les plus confiderables
y applaudirent & les reçurent avec accueil, lorfqu'ils
fe prefenterent devant leurs Hôtels : tous
les Habitans s'emprefferent de leur faire honneur
, en chargeant leurs fenêtres de lumieres ,
en jettant des Fufees & faiſant tirer des Boëtes .
& du Canon ; enfin cette Réjouiffance particuliere
devint en un inftant une Fête generale
par la part que tout le monde y voulut pren
dre. L'autre trait eft un peu plus grave.
Les Enfans de Choeur de la Sainte Chapelle,
à qui on avoit accordé un jour de congé , afin
qu'ils fe reffentiffent de la joye puplique , demandérent
à le pafler dans un Hermitage fitué.
à une portée de moufquet de la Ville , & dont
la Chapelle dédiée fous le nom de S. Martin
a fervi autrefois d'Eglife au Village de Fontaine
, lieu de la naifance de S. Bernard. On
ne penetra point leur deffein , & on ne les
foupçonna pas de fonger à autre chofe qu'à
'une fimple promenade : ils avoient neanmoins
des pentées plus férieufes . Avec le fecours de
l'Hermite , ils trouverent le fecret d'aproprier
la Chapelle , d'en illuminer les dehors & les
dedans , même de couronner les murs du Jardin
de Lampes à plufieurs lumignons , qui répandirent
un éclat d'autant plus étonnant qu'on
n'en connoiffoit point la caufe. Cette clarté
fubite , jointe aux Cantiques & aux Motets de
leur compofition , qu'ils chanterent avec une
dévotion touchante & avec beaucoup d'art ,
charmerent tout le monde ; on prit part à des
Prieres que Dieu exaucera fans doute , puifqu'elles
lui ont été adreffées par l'innocence
&
JANVIER
1730. 75
& par le bon coeur. Nos Muficiens & Sim
phoniftes qui avoient été invitez fecretement' ,,
fe firent un merite de les feconder. Il y eur
enfuite un petit régal , où l'enjouëment ne nuifit
point à la modeftie , ni la modeftie à l'enjouement
; on chanta en partie diverfes Chanfons
fur la naiflance du Dauphin , le bruit du
Canon fe mêla au fon des Inftrumens & à
l'harmonie des voix , & tout s'y palla d'une
maniere fi tendre & fi convenable , que je me
ferois fait un reproche de ne vous en avoir
pas rendu compte. Je n'ai plus , pour finirs
heureufement , qu'à ajoûter ici le vou general:
de tous nos Citoyens , vous y foulcrirez de
bon coeur.
Grand Dieu , prenez foin de la Mere ,
Confervez nous & l'Enfant & le Pere ; ;
Que pendant des fecles entiers >
Ils regnent tous les trois dans une paix presfonde
::
Vous les avez donnez pour le bonheur du monder
Qu'ils enjouiffent les premiers.
Les Réjouiffances à Sedan furent annoncéess
par deux décharges de l'Artillerie de la Ville:
& du Château , l'une le Samedy au foir premier
Octobre ; la feconde le Dimanche à la
pointe du jour . L'Après midi on chanta un
Te Deum, & on fit enfuite une Proceffion Solemnelle
au bruit d'une triple décharge de toute
l'Artillerie & de la Moufqueteries on avoit
bordé les Ramparts de toute la . Garnifon , tant
Infanterie que Dragons , & la Bourgeoifie avoit
été commandée , & y faifoit les mêmes fonc
sions que les Troupes reglées..
75 MERCURE DE FRANCE.
La Compagnie de la Jeuneffe Bourgeoife ,
compofée de trois cens hommes , s'eft fur tour
diftinguée; le nom feul annonce quelque chofe
de galant & de brillant , auffi avoient-ils tous
les livrées de leurs Maîtrefles qui étoient fur
les Remparts.
Après le Te Deum , on alluma un Feu trèsélevé
avec les ceremonies ordinaires , la Garnifon
étant fous les armes , & à l'entrée de la
nuit , on mit le feu à un Artifice , dont la difpofition
étoit ingenieufement imaginée ; l'Edifice
étoit conftruit au milieu de la grande Place
fur un Rocher extremement élevé , & jettant
Peau en arc par quatre mufles ; cette eau tomboit
dans un Réfervoir , d'où elle fortoit en
abondance tout à l'entour & faifoit une Nape
d'eau de toute la circonference ; la Charpente
de l'Edifice étoit cachée par des arbres entiers
qu'on y avoit plantez , ce qui en faifoit an
Bofquet frais & enchanté , tel que les Poëtes .
dépeignent celui du Bain de Diane.
L'Artifice n'avoit rien de particulier que la
quantité & la promptitude de l'execution' ,
mais ce qu'il y avoit de plus agréable eft qu'à
mefure que l'Air étoit éclairé , on voyoit
les quatre Arcs d'eau briller des couleurs les
plus vives , tel que celui de l'Arc - en - Ciel ; ce
mêlange des Elemens concouroit à faire un
très -beau fpectacle.
A peine l'Artifice fut- il fini , que toute la
Villefut illuminée de Lampions,les Feux furent
en même temps allumez devant chaque porte
& les tables dreffées dans les ruës ; les Officiers
de Ville ont bien marqué en cette occafion
qu'ils étoient les Peres du Peuples indépendamment
des Fontaines de vin qui couloient de
routes parts , ils ont fait diſtribuer du pain , du
via
"
JANVIER. 1730. 77
vin & de la viande à toute la populace , & au
Heu de donner un Feſtin à l'Hôtel de Ville auxi
dépens du Public , chacun de ces Magiftratsi
donna chez foi un Repas fplendide , où tout
ce qu'ily avoit dans la Ville,au- deffus du Commun
, fut invité.
Le Commandant raffembla cependant tou
tes les Dames chez lui après le foupé. Elles
trouverent le Frontispice & la façade de l'Hô
tel illuminez de flambeaux de peing & de Lam
pions & ornez de Cartouches des Armes de
leurs Majeftez & du DAUPHIN. Trois grandes
Salles extremement éclairées , fervirent de Scene.
Les deux premieres étoient deftinées à la
danfe , & dans la troifiéme on avoit fervi un
magnifique Ambigu , où toute l'Affemblée alla
fe délaffer & reprendre des forces pour danfer
de nouveau.
Plufieurs bandes de Mafques fe fuccederent
les unes aux autres avec des habits fomptueux
& galants. On ne connoît point ici les Do
mino, ce déguiſement répand une uniformité:
ennuyeufe dans une Affemblée , tout s'y reſfemble
& s'y confond. Nos Mafcarades , au
contraire , étoient variées & caracteriſées .
Ce qu'il y a de remarquable eft que les Maf
ques ne danferent aucune des danfes ordinai
res on avoit pris foin de donner à l'Orqueftre
des Airs inventez exprès pour la Fête , & chaque
Mafcarade figuroit une danfe nouvelle , de
forte que l'oreille & les yeux furent également
fatisfaits par l'agréable varieté. Les Dames des
Villes voifines qui avoient été invitées à cette
brillante Fête , y concoururent par les déguifemens
qu'elles imaginerent & par les danfes
qu'elles executerent.
Les jours fuivans furent diftinguez par de
NOU
78 MERCURE DE FRANCE.
nouveaux Spectacles qui meritent d'être rap
portez par leur fingularité . Les Ouvriers des
Manufactures qui font en grand nombre à Se-.
dan , habillerent un Enfant en DAUPHIN. Èt
firent chanter une grande Meffe & un Te Deum.
Voici l'ordre de la Ceremonie .
Deux Compagnies de Milice Bourgeoife
commençoient la marche. Ils avoient à leur
tête des Violons , des Hautbois , & des Tambours
au centre qui fe répondoient alternativement.
Enfuite marchoit une Compagnie de
Houffarts vétus magnifiquement & bien montez.
Ils étoient précedez de Trompettes & Timbales.
Cette Compagnie étoit fuivie de vingt
Gardes du Corps à cheval en habits bleus uniformes
; le Carroffe où étoit l'Enfant reprefentant
le Dauphin , marchoit immédiatement
après ; il étoit accompagné de Pages, de Valets
de Pred & de huit Coureurs , & entouré de
douze Heraults , dont fix étoient à cheval, armez
de pied en cap à l'antique , & les chevaux bardez
. Ils avoient la vifiere baiſſée & les Malles
d'Armes ou les Lances à la main.
Dans le même Carroffe étoient trois jeunes
Demoiſelles richement vétues , repréfentant
Mes Dames de France , & une quatrième repréfentant
Madame de Vantadour. Le Carroffe
étoit furmonté d'une Couronne fermée de quaare
Dauphins .
Les Dames du Palais fuivoient dans une
Caleche galamment ornée ; enfin le Cortege
étoit terminé par deux autres Compagnies avec
des Violons & Tambours , dans la même dif
pofition que les premieres.
Ce, fut en cet ordre qu'ils marcherent pour
fe rendre à l'Eglife ; on avoit placé au milieudu
Choeur un Carreau pour le Dauphin. Les
Gardes
JANVIER 1730. 79
Gardes faifoient un demi cercle à l'entour &
les Cuiraffiers à pied , armez de toutes pieces ,
étoient aux quatre coins du Coeur & aur
deux côtez de l'Autel comme desHeraults d'Ar
mes. L'Aumônier étoit derriere le Fauteuil qui
preſentoit au Prince le Livre & lui marquoit
toutes les parties de l'Office.
Au fortir de l'Eglife le Cortege paffa par les
principales rues , à l'entrée defquelles toute
l'Infanterie faifoit une décharge de Moufqueterie
& un Officier des Gardes du Corps jettoit
de l'argent au Peuple.
Cette Ceremonie a été repetée jufqu'à quatre
fois par differens Corps d'Ouvriers , qui à
l'envi l'un de l'autre , encheriffoient fur la magnificence
& fur le nombre.
Le Corps de la Manufacture Royale de Draps
a auffi fignalé fon zele par un Te Deum , &
un Feu de joye. Deux Fontaines de vin induftrieufement
pratiquées , ont coulé pendant
leur Feltin autour de l'Hôtel de Ville , où ils
s'étoient raffemblez , & où étoient invitez l'Etat
Major & les Chefs des Compagnies . Le
gout de l'illumination répondoit â la magnificence
de la Fête.
Les Officiers de la Garnifon ( Régiment de
Dilon Irlandois ) ont couronné toutes ces Fêtes
par un Spectacle de leur mêtier, & ils l'ont:
executé d'une maniere qui marque leur expe
rience au fait de la guerre & qui confirme la.
réputation qu'ils le font acquife à Crémone &
ailleurs..
Ils ont formé deux partis pour fe battre à
coups de Fufées . Les Dames fé diviferent auffi
en deux Partis , & chaque Reine choifit les
Champions qui devoient entrer en lice.
Le 9..Octobre à fix heures du foir les Chefss
do.
fo MERCURE DE FRANCE.
de chaque Parti allerent marquer les deux
Camps.Ils partagerent l'avantage du vent, afin
que l'un des Partis ne pût fe plaindre d'être
offufqué de la fumée.
Ils firent tendre deux cordes à douze pas
P'une de l'autre , ils convinrent que l'approche
en feroit deffendue , & qu'ils s'en tiendroient
à fe lancer leur Artifice d'un Camp à l'autre.
A huit heures les Combattans parurent au
nombre de quarante ; Ils étoient menez au
Combat chacun par leur Dame , dont ils portoient
les Livrées ; ils conduifirent les Dames
aux Balcons d'où elles devoient voir le Combat
& décider de la victoire. Enfuite ils fe ren
dirent fur le Champ de bataille. Cinquante
Soldats de chaque côté étoient fous les armes
pour empêcher le Peuple de s'expofer au feu
Les Tambours & Fifres étoient des deux côtez
pour animer les Combattans.
A huit heures & demie les Dames donnerent
le fignal ; les Tambours battirent la charge
, & le feu commença par quelques efcarmouches
; enfuite il fut fi violent de part &
d'autre , qu'il étoit difficile de juger lequel des
deux Partis devoit l'emporter ; enfin après
trois quarts d'heure d'un feu vif , égal & continuel
, il arriva comme à la Bataille de Phatfale
, que le hazard décida ce que les Dieux
n'ofoient juger. Le feu prit au Parc de l'Artillerie
de l'un des Partis & brula en un inftant
quatre mille Fulées , Petards ou Serpenteaux ,
qui étoit environ le quart de leur Artifice.
Après cet accident il fallut ceder , mais auparavant
ceux de ce Parti voulurent marquer
par leur courage qu'ils étoient dignes d'un fort
plus heureux . Ils fe préfenterent à la barriere à
corps découvert & effuyerent le feu ennemi,
pendant
JANVIER. 1730. 81
pendant près d'un quart d'heure , fans autre
deffenfe que leur intrepidité; enfin le Parti op
poté ayant épuifé fes Munitions , ils furent accueillis
parleurs Dames, qui atta cherent à leurs
chapeaux des Cocardes Simboliques avec une
branche de Laurier.
Les malheureux furent prévenus par les Dames
qui avoient pris leur parti , elles leur don
nerent des Dragones vertes en figne d'efperance
& une branche de Mirthe , qui eft l'arbre confacré
à l'amour.
On étoit convenu avant le Combat que les
Vainqueurs donneroient le Bal aux Dames , ce
qui rendoit ce Cartel plus noble & plus galant;
c'eft le feul defavantage qu'ont eu à effuyer
ceux du Parti malheureux ; mais ils en ont été
amplement dédommagez par le témoignage
que les Dames ont rendu à leur valeur & par
le Mirthe dont elles les ont couronnez .
VOEU ROYAL , fait par LOUIS XIII ,
&par la Reine ANNE D'AUTRICHE
fon augufte Epouse , execute & renouvelle
à Toulouze , par la Compagnie
Royale de Mr les Pénitens Bleus , à
l'occafion de l'heureuse Naiſſance de
MONSEIGNEUR LE DAUPHIN , le
30. Septembre , le premier & le deux
Odlobre 1729. Brochure in- 8 . de 26.
pages . A Toulouse , de l'Imprimerie de
Nicolas Caranove , à la Bible d'Or ,
M. DCC. XXIX.
A Royale Compagnie des Penitens Bleus ,
érigée à Touloufe , eft compofée des Pertonnes
les plus qualifiées de la Ville & de la
Pros
82 MERCURE DE FRANCE:
Province. Elle donna des marques éclatantes
de fon zele & de fon attachement à la Perfonne
facrée du Roi , lors du rétabliffement de
la fanté de S. M. par une Fête folemnelle dont
de détail fe trouve dans notre Journal du mois
d'octobre 172 1. La Naiffance du DAUPHIN,
a fourni à cette Compagnie une nouvelle occafion
de fignaler ce zele . Ce qu'elle a executé
fur ce fujet , fait la matiere du Livre dont
nous avons à rendre compte ; jamais occupation
ne peut nous être plus agréable.
Le 17. Septembre , la Compagnie ayant été
extraordinairement affemblée à l'occafion de
Pheureuſe nouvelle qui avoit été annoncée la
veille , M. Cortade , Docteur ès Droits , Avocat
au Parlement , Syndic de cette Compagnie,
Prononça un fort beau & éloquent Difcours
fur ce grand fujet. Nous en rapporterons ici
quelques traits.
" MONSEIGNEUR LE DAUPHIN eft né, & il
eft né dans le fein de la Paix , il eſt né d'un
Roi pacifique , le premier de nos Rois qui a
vû fa Minorité paifible , & l'Europe entiere
»jouir auffi long- temps d'une profonde paix .
Quel heureux préfage pour le Prince qui
a vient de naître ! MONSEIGNEUR LE DAU-
» PHIN eft né , & il eſt né d'une pieuſe Reine ,
» doüée de toutes les vertus ; il falloit , fans
doute , un Trône proportionné à tous les
dons dont le Ciel la comblée , pour cou-
» ronner la vertu , pour la gloire d'une Nation
illuftre & pour faire le bonheur de la nôtre.
Qu'il eft confolant pour nous qu'en execu-
≫tant & en renouvellant leVoeu de Louis XIII,
de glorieufe memoire , à la Nailfance de cha
que Succeffeur à la Couronne , d'avoir à rendre
graces à Dieu d'un Evenement qui affure
M
» le
JANVIER. 1730.
83
う
» le bonheur d'une Nation la plus digne d'être
» heureuſe , au moins par fon refpect & par fa
" fidelité pour fes Souverains.
Le Prince qui vient de naître , & qui eft
l'objet de notre joye , apprendra un jour le
Vou que nous allons faire , & que Louis
» le Juste nous a chargez de renouveller pour
» fa confervation,
"
33 Puiffent nos arriere- Petits- Fils , voir dans
» MONSEIGNEUR LE DAUPHIN , un Roi jufte ,
religieux , pacifique , & même fi la neceffité
l'y oblige , un Roi victorieux ; & pour fouhaiter
a ce Prince tous les bonheurs à la fois,
»faffe le Ciel que le Fils aîné d'un Roi & d'une
"Reine que Dieu a formez felon fon coeur ;
faffe le Ciel que l'Héritier de leur Couronne
foit l'heritier de leurs vertus.
L'Orateur finit par ces paroles :
» Pour moi , MESSIEURS , qui fuis d'avance
inftruit de vos intentions & devos fentimens,
& notre Compagnie Royale étant elle- même
"inftruite de fes engagemens & de fes devoirs,
il ne me refte qu'à la requerir d'executer & de
"renouveller leVoeu fait par Louis XIII. & par
la Reine ANNE D'AUTRICHE , fon augufte
Epoufe , & de prendre à ce fujet la déliberation
ordinaire en cette importante occafior
Jamais Difcours ne fut plus applaudi en
toutes manieres , & ne merita mieux de l'être.
A peine M. le Syndic eut ceffé de parler , qu'il
fut unanimement , & par une acclamation generale
, déliberé que pour rendre graces à Dieu
de l'heureuſe Naiffance du D'AUPHIN , & pour
executer & renouveller le Vou fait par Lours
XIII. de glorieufe mémoire , & par la Reine
ANNE D'AUTRICHE , fon augufte Epoufe , il
y auroit Oraifon de Quarante heures le 30.
Sep
84 MERCURE DE FRANCE .
Septembre & les deux jours fuivans , pour
demander à Dieu , & c. Que le premier jour le
Te Deum feroit folemnellement chanté après
lle Voeu fait , & pour cet effet M. le Comte de
Bioulle , Meltre de Camp de la Colonelle
Generale de la Cavalerie , Chevalier de Saint
Louis , ancien Prieur de la Compagnie , fut
nommé Premier Commiffaire pour avoir l'honneur
de faire & de renouveller le Vou de
LOUIS XIII. au nom de la Compagnie. Et à
caufe de l'abfence de l'Archevêque deToulou
fe , à qui il appartient de droit de recevoir le
voeu , l'Abbé Dejan , Chanoine de l'Eglife de
S. Sernin , fut nommé pour faire cette fonction
& pour officier durant les Prieres de 40.
heures. On délibera auffi fur les marques de
de joye qui devoient fuivre le Te Deum , &
que toutes les Compagnies Superieures fefoient
invitées d'affifter au Vou & au Te Deum.
Voici en abregé de quelle maniere cette Déliberation
fut executée. La Chapelle Royale
étoit ornée de ces belles & magnifiques Tapifferies
qui ont appartenu à la Reine Marguerite
, qui en fit prefent à un Evêque de Rieux ,
de la Maiſon de Bertier. Les trois Aurels étoient
éclairez de plus de 200. flambeaux de cire
blanche.
Le Cordon qui regne autour de la Chapelle
Royale , qui eft une des plus belles & dont
le Plan eft des plus réguliers qu'il y ait en
Europe , étoit couvert de Laurier avec beau
coup d'art , & en relevant la blancheur des
Trumeaux , ornez d'une belle Architecture &
d'une riche Sculpture ; ce Cordon , dis- je ,
formoit un coup d'oeil merveilleux. Ces Trumeaux
, fur lefquels font repréfentées les Veraus
& leurs attributs , font de la main du fieur
d'Arcis,
JANVIER. 1730. **
d'Arcis , celebre Sculpteur & un des Membres
de l'Académie Royale de Sculpture , c'eft un
Ouvrage très- eftimé des Connoiffeurs , & qui
tient un rang diftingué dans le grand nombre
qu'on en voit dans la Ville de Toulouſe.
Les Portraits du Roi & de la Reine entourez
de flambeaux de cire blanche , furent placez
dans la Chapelle Royale , à une diſtance convenable
; & au milieu on avoit élevé un riche
Ecuffon des Armes de MONSEIGNEUR LE
DAUPHIN ,lemême qui fut fait lorfqu'on executa
le Voeu pour la premiere fois par ordre de
Louis XIII.
Le Vestibule étoit auffi orné de riches Tapifferies
& d'un grand nombre de bougies
pofees fur des Girandoles , ainfi que tout l'interieur
des Galeries & les Coridors de la Chapelle
Royale , dont les Portes , fur lesquelles il
y avoit des Arcs de Triomphe , étoient auffi
magnifiquement décorées , ainfi que les Murs ,
qui étoient préparez pour une grande illumination.
Les Prieres de quarante heures & le Voeu
furent annoncez la veille 29. Septembre après
midi par le fon des Cloches , par le bruit des
Tambours & des Trompettes & par plufieurs
falves de la Moufqueterie du Guet , lefquelles
furent fouvent réiterées avant & après les
premieres Vêpres & la Benediction du Très-
Saint Sacrement ; ces démonftrations de joye
furent continuées pendant la nuit, ainfi que les
Fanfares , & on tira un grand nombre de Boëtes
& de Fufées.
Le Vendredy matin 30. Septembre , Fêtè de
S. Jerôme, l'un des Patrons de la Compagnie ;
on fit dans la Chapelle Royale l'ouverture des
Prieres de quarante heures,avec les ceremonies
E ac
86 MERCURE DE FRANCE.
accoutumées. La Nobleffe en très- grand nom
bre & un Peuple infini y affifterent ; pendant
qu'on celebroit des Meffes aux trois Autels de
la Chapelle Royale, les Aumôniers de la Compagnie
diftribuoient des aumônes aux pauvres
malades & aux Priſonniers,
L'après midi les Compagnies qui avoient
été invitées pour affifter au Vou & au Te Deum,
fçavoir , la Chambre des Vacations , les Treforiers
de France , l'Univerfité , le Senechal &
& les Capitouls , fe rendirent en grand nombre
& en habits de ceremonie , dans la Chapelle
Royale. Les Capitouls étoient revêtus de leur
Manteau Comtal, & accompagnez des Officiers
de la Ville & de leur grand Cortege.
Le concours des perfonnes de la premiere.
diftinction, de tout fexe, & de la Nobleffe, tang
de la Ville que de la Campagne & des Provinces
voifines , qui étoient venues avec empreffement
pour affifter au Vou , fut extrordinaire.
Les Vêpres furent chantées avec beau
coup de folemnité & à plufieurs choeurs , en
faux-bourdon , qui eft une Mufique propre &
particuliere à la Chapelle Royale.
Les Vêpres finies , M. le Comte de Bioulle ,
premier Commiffaire , accompagné de M. le
Baron de Ferrand , Sous- Prieur ; de M. de Nolet
, Prefident , Treforier General de France ,
Cenfeur; de M. Pujol , Confeiller au Parlement
Confulteur , & de M. Cortade , Docteur ès
Droits & Avocat au Parlement , Syndic de la
Compagnie , feconds Commiffaires nez ; de
M. le Comte de Pibrac , de M. le Marquis de
Pinfaguel , & d'un grand nombre d'autres.
Confreres , tous revêtus de leurs habits de
Penitent , defcendirent de la Tribune à la Cha-
Relles le Comte de Bioulle portoit le Cierge
du
JANVIER . 87 1730.
du Voeu, du poids de fept livres , orné de Fleurs
de Lys d'or , des Armes du Roi , de MONSEI
GNEUR LE DAUPHIN , d'L L. couronnées &
de Dauphins ; ce Cierge étoit garni de Velours
avec des Crepines d'or,à la hauteur de la mains
les quatre feconds Commiffaires portoient un
court Bâton de couleur bleue , orné de Fleurs
de Lys d'argent; les autres Confreres portoient
des fambeaux de cire blanche , & quatre d'entr'eux
portant des Bâtons de ceremonie , fermoient
la marche. Les Commiffaires étant are
rivez à l'Autel après M. l'Abbé Dejean , Officiant
, qui étoit en Chape de Moëre d'argent ,
affis dans un Fauteuil doré, à côté de l'Evangile,
ils fe mirent à genoux fur la premiere marche
de l'Autel, & après s'être profternez , le Comte
de Bioulle , premier Commiffaire , prononça
à haute voix leoeu qui fuit.
Notre Confrerie Royale s'étant toûjours particulierement
intereffée en tout ce qui regarde
les avantages de la facrée Perfonne du Roi & de
la Famille Royale, ayant même lieu de croire
que Dieu a eu égard àfes voeux à fes prieres
par les Benedictions que le Ciel a répandûës dans
la'Naiffance&la confervation du Roi , heureu
fement regnant , depuis peu de jours en l'heureufe
Naiffance de MONSEIGNEUR LE DAUPHIN
, notre Compagnie Royale defirant d'en
témoigner fa reconnoiffance publique , & voulant
faire tous fes pieux efforts pour obtenir
du Ciel la confervation de la facrée Perfonne
du Roi , de la REINE , en particulier de
MONSEGNEUR LE DAUPHIN , & de toute la
Famille Royale , elle a résolu de voüer & de
promettre , comme en effet elle voie & promet
par ma bouche , en qualité d'ancien Prieur &
E ij
de
88 MERCURE DE FRANCE .
de premier Commiſſaire , à Dieu & à la fainte
Vierge notre Protectrice & de la France , à
S. Jerôme , à S. Louis , à fainte Magdelaine ,
nos Patrons , à toute la Cour Celeste , & à vous
Monfieur, de faire expofer le Très Saint Sacrement
dans notre Chapelle Royale durant troisjours
confecutifs , & de faire celebrer autant de
Meffes qu'il fe pourra pendant ces trois jours
à cette intention , d'aller Samedi prochain en
Proceffion à l'Eglife Abbatiale de S. Sernin, pour
implorer le fecours des Saints , dont les facrées
Reliques repofent dans cette Eglife , & de dire
à genoux cinq fois le Pater & cinq fois l'Ave
Maria , tous les Vendredis , dans notre Chapelle ,
en prefence du Très - Saint Sacrement , après les
Prieres accoûtumées Pro Rege , & ce durant
dix années à compter de ce jour 30. Septembre
1729.
A quoi M. l'Abbé Dejean , Officiant , répondit :
J'accepte , Monfieur , le voeu que vous venez
de faire au nom de la Compagnie Royale ,
par le zele & la ferveur que je vois paroître
dans toute cette illuftre & Royale Compagnie ,
j'espere avec confiance que notre Vau fera
exaucé, & par l'honneur que j'ai de recevoir
ce Vouen l'absence de M. l'Archevêque deTouloufe
, notre Confrere , & en qualité d'ancien
Sous-Prieur de la Compagnie , j'y joindrai mes
Prieres les Saints Sacrifices pour obtenir du
Ciel fon accompliſſement.
Le Comte de Bioulle , premier Commiffaire,
& les Commiffaires nez , s'étant enfuite levez,
ils remonterent à la Tribune dans le même
ordre qu'ils en étoient defcendus , & le Comte
de Bioulle ayant pris la premiere place, & les
autres Officiers & Confreres celles qui leur
conviennent , l'Abbé Dejean , Officiant, entonna
JANVIER.
1730. 89
ha le Te Deum , qui fut chanté en Mufique
& enSimphonie par beaucoup deVoix & d'Inftrumens
; il étoit de la compofition de M. Valette
, Maître de Mufique de l'Eglife Abbatiale
de S. Sernin , & il fut beaucoup applaudi.
Après le Te Deum , on reitera les falves
de Moufqueterie avant & après la Benedicsion
du très faint Sacrement , & vers les
fept heures, l'Illumination commença des deux
côtez de la grande rue des Penitens Bleus
dans toute fon étenduë ; cette ruë eft d'une
largeur extraordinaire , & toutes les Maifons
font d'une même élevation , ce qui favori
foit beaucoup Illumination ; la Grande Porte
, les Combles & les Murs de la Cha
pelle Royale étoient illuminez par un nombre
infini de Globes de feu & de Falots
aux Armes du Roi , de la Reine & de Monfeigneur
le DAUPHIN , & aux Armes de la
Chapelle Royale , qui font un Lion d'or ,.
fur un Champ d'Azur , avec ces mots SANA
ME , DOMINE.
Les Chanoines Reguliers de Saint Antoine,
affociez à la Compagnie Royale , qui ont
leur Maifon dans la grande Rue des PenitensBleus
, Maifon dont la façade eft très- belle,
l'illuminerent magnifiquement le même foir.
Sur les neuf heures , le Comte de Bioulle
, premier Commiffaire , encore revêtu de
fon habit de Penitent , ainfi que les Commiffaires
nez , alluma le feu qui avoit été
preparé , tenant à la main un flambeau de
cire blanche , peint en bleu , & orné de
Fleurs de Lys d'or. Dès que le feu fut allumé
on fit plufieurs falves de Moufquete
rie , & toute la Ruë , où il y avoit un peuple
infini , retentit des acclammations reite
"
E iij,
récs
90 MERCURE DE FRANCE .
-
vive rées de Vive le Roi , vive la Reine
Monfeigneur le Dauphin. Les falves de Moufqueterie
furent fuivies du fon des trompettes
hautbois & tambours , qui ne furent
interrompus que par le grand nombre
de Boetes & de Fuféès qu'on tira pendant
la nuit.
>
Un long difcours ne fuffiroit pas pour
rapporter ici tous les pieux & differens exercices
auxquels les Confreres de cette Royale
Compagnie furent occupez pendant les
deux jours fuivants. On n'a jamais vû paroî
tre un plus grand zele , & donner plus d'édification.
Les Prieres de 40 heures furent
terminées le Dimanche au foir par la Benediction
du très - faint Sacrement , au bruit
de la Moufqueterie & des Fanfares .
Les Confreres , & particulierement les
Officiers de la Compagnie , qui avoient magnifiquement
illuminé leurs Hôtels le foir du
Voeu , & pendant la premiere nuit , continuerent
les Illuminations pendant les deux
nuits fuivantes . Enfin la Compagnie Royale
n'a rien negligé pour que l'ordre & la magnificence
de cette Fête pût être digne d'un
heureux évenement. M. le Syndic , qui eft
l'ane & le principal mobile de tout ce qui
fe fait dans cette Compagnie , ne s'eft pas
contenté d'exercer en cette rencontre fon
heureux talent de la compofition & de la
parole , il a auffi employé fon genie univerfel
pour faire bien executer la deliberation
de la Compagnie , & on peut dire qu'il
s'eft furpaffé lui même en cette importante
occafion.
Il nous reffe à ajouter ici deux ou trois
Remarques hiftoriques au fujet de cette
ComJANVIER.
1730 91
Compagnie , & de la Chapelle Royale.
Le Roi Louis XIII . lui fit l'honneur de vouloir
être infcrit fur fes Regiftres le 23. Novembre
1621. Louis XIV. de glorieufe memoire
, lui fit le même honneur le 19. Oc
tobre 1659. M. le Duc de Bourgogne le 16.
Fevrier 1701. & M. le Duc de Berry le 17
Fevrier de la même année.
Le 26. Octobre 1632. Louis XIII. qui le
30. Mars 1622. avoit pofé la premiere pierre
de la Chapelle Royale , fit dans la tribune
de cette Chapelle un voeu folemnel avec la
Reine , fon Augufte Epoufe , & toute la
Compagnie Royale , affemblée par ordre de
Leurs Majeftez , pour fupplier la Divine
Bonté de donner un fucceffeur au Roi . Ce
Voeu fut renouvellé annuellement jufqu'à la
Naiffance de Louis XIV , & enfuite executé
& accompli pour & au nom de Leurs Majeſtez
, par ordre du Roi , au mois de Septembre
1638.
Ce Vou folemnel fut encore executé &
renouvellé en 1661. à la Naiffance du Dauphin
, fils de Louis XIV. & au mois d'Aoûg
1682. après la Naiffance de M. le Duc de
Bourgogne , pere du Roi heureuſement regnant
, ainfi que le 8. 9. & 16. Août 1704.
après la Naiffance de M. le Duc de Bretagne
, frere ainé de Sa Majefté. Faffe le Ciel
qu'il foit encore renouvellé à l'occafion du
premier Prince , qui naîtra du nouveau
DAUPHIN.
E iiij LETTRE
92 MERCURE DE FRANCE?
XXXXXX: XXXXXXXXX
LETTRE écrite d'Orleans le 15. Janvier
1730. par Madame L. T. D.
au fujet des Enigmes pillées.
Omme chacun eft en droit de re-
Caclamer fon bien , & que la Lettre
de Verdun inferée dans votre dernier
Mercure , au fujer de l'Enigme des Bas,
pillée par Mlle de Bellefond de Vernon ,
m'autorife à demander un fonds de patrimoine.
J'ai crû , Meffieurs , devoir
auffi vous écrire fur un pareil fujet.
Il s'agit d'une Enigme fur l'Or , de la
compófition de feu mon pere , donnée
fous le nom de la Dame Solitaire ; elle
parut dans la premiere partie du Mercure
Galant de Juin de l'année 1684 .
page 258. & j'ai vu avec douleur què
Mile de Bellefond de Vernon l'a fait reparoître
fous fon nom dans le Mercure
d'Août 1729.
Que peut-on penfer d'un tel larcin ?
rien n'eft plus injufte ; le Public devroit
-il s'attendre à de pareilles trahifons
pour moi , je crois qu'on en devroit
faire un exemple dans la Repu
blique des Belles Lettres . Je laiffe à
Meffieurs les Préfidens de cet Etat à
proJANVIER.
1730. 93
prononcer le jugement ; je fuis cependant
perfuadé , M M. que vous êtes
trop équitables pour ne pas inferer ma
plainte dans votre Mercure , afin que
s'il eft poffible , on ne tombe plus dans
cet inconvenient.
Il fembloit que l'explication de Mlle
Dorvilliers fur les Enigmes de M.
J. B. D. de Versailles auroit dû arrêter
le cours de ces pilleries , & je vois avec
tout le regret poffible que Mile de Bellefond
& Mlle de Bellefoffe , toutes deux
de la même patrie , n'ont point craise
les juftes reproches qu'on leur a faits.
Je fuis &c.
On a dû expliquer le mot de l'Enigme
du premier Volume de Decembre
par l'Enigme même , & celui du Logogryphe
par Louis , pris en trois manieres
; S. Louis , Louis Roi de France
& Louis d'or ; en ôtant les deux lettres
d'après la premiere refte Lis ; la
Fleur de Lis forme les Armes du Roi &
la marque des Louis d'or &c. La Puce
eft le vrai mot de l'Enigme du fecond
Volume , & Paris , celui du Logogry
phe.
Ev EXPLE
94 MERCURE DE FRANCE :
EXPLICATION du premier Logogryphe.
Aint Louis eft au Ciel , & Louis fur la
S Airterre
Fait trembler mille Nations ;
Quoiqu'il ne faffe point la guerre ,
J'entends vanter par tout fes belles actions ,
Peut-on trop admirer le bonheur de la
France >
Dans la Paix & dans l'Abondance ,
Sans qu'il en coûte un feul Louis !
On voit croître à la Cour les Rofes & les
Lis.
Au contentement de mon Maître ,
Un charmant Dauphin vient de naître
Je voudrois qu'il pût dire en ma faveur un
oui ,
Ou qu'il apprit combien je fais de voeux
pour lui.
Par Me Angelique Dorvilliers
de Vernon.
ENIGME
JANVIER. 1730. 95
XXX :XXXXXXX:XXXXX
ENIG ME.
E fuis aux plus vives douleurs
remede
L'unique & fouverain remede ;
Dans la nature tout me cede ,
Et felon que je change , on change auffi de
moeurs.
Il n'eft que l'experience
Qraffe voir l'importance
Deilité dont je fuis.
Lieureux , qui connoît tout mon prix.
LE LOGOGRYPH E.
A Madame la Comtesse de B ***
Lorfque iadis Oedipe dévoila
Ce que le Sphinx en mots enigmatiques
Vint propofer , s'il meritoit par là
D'être fait Roi des peuples Thebaniques.
Sage B *** , l'Oedipe de nos jours ,
Qui voyez clair où maint Sçavant tatonne ,
N'auriez-vous pas avec pareils fecours
Plus de cent fois merité la Couronne
Bien affuré que votre ceil penetrant
Aura dans peu devoilé mon miftere.
E vj.
Poys
MERCURE DE FRANCE .
ELECTRE , Tragédie de M. de Longe
pierre. A Paris , chez la Veuve Piffot
Quay de Conti 1730. in 12. de 84 .
pages.
>
Cette Piece paroit imprimée pour la
premiere fois.
ADDITION au Traité d'accompagnement
& de compofition par la Regle de
POctave , où eft compris particulierement
le fecret de l'accompagnement du Theor
be , de la Guitarre & du Luth , avec la
maniere de tranfpofer inftrumentalement
& de folfier facilement la Mufique vocale
, fans l'ufage de la Gamme. Par let
Sieur Campion , Profeffeur Maître de:
Theorbe & de Guitarre , de l'Académie
Royale de Mufique . Oeuvre IV. A Paris
, chez l'Auteur , Rue des Foff
Montmartre. A la Porte de l'Opera , chez
Boivin &c. 1730. broch. in 4. de
plus de 60. pages.
·
Plufieurs approbations de divers Maîtres
de Mufiques très habiles , qu'on
trouve à la fin de cet Ouvrage , ne laiffent
aucun lieu de douter qu'il ne foit
fort utile.
TABLEAU DU MONDE ANCIEN
RT MODERNE , divifé en trois parties.
La premiere contient la divifion
da
JANVIER . 1730: 99
du monde en fept Ages , les Epoques
les plus celébres depuis Adam jufqu'à
prefent , le partage de la Terre entre lesenfans
de Noë , l'établiffement & la décadence
des quatre Monarchies & des
anciennes Républiques , & comment de
la derniere des quatre Monarchies , qui
eft celle des Romains , fe font formés
prefque tous les Etats qui fubfiftent aujourd'hui.
La feconde eft une courte
defcription des quatre Parties du Monde
و
contenant ce qu'elles produifent
pour l'utilité des hommes , les moeurs ,
la Religion & la Langue de toutes les
Nations La troifiéme enfin eft un Recueil
de toutes fortes de Remarques curieufes
, parmi lefquelles on trouvera
l'origine des Arts & des Sciences . Par
M. Noblet. Chez Claude Prudhomme
au fixiéme Pillier de la Grand' Salle du
Palais. 1730. in- I 2.
TUELLES
NOUVELLES POESIES SPIRIET
MORALES ; Noë' fur
les plus beaux Airs de la Mufique Françoife
& Italienne , avec une Baffe continue
, Fabies fur des petits Airs & des
Vaudevilles choifis , avec une Baffe en
Mufette. Premier Recueil. Rue S. Jacques
, chez Lottin , Defprez & Defeffart
HIS
3351
MERCURE DE FRANCE:
ELECTRE , Tragédie de M. de Longe
pierre. A Paris , chez la Veuve Pilot
Quay de Conti 1730. in - 12. de 84.
pages.
Čette Piece paroit imprimée pour la
premiere fois.
ADDITION au Traité d'accompagne.
ment & de compofition par la Regle de
Octave , où eft compris particulierement
le fecret de l'accompagnement du Theor
be , de la Guitarre & du Luth , avec la
maniere de tranfpofer inftrumentalement
& de folfier facilement la Mufique vocale
, fans l'ufage de la Gamme . Par let
Sieur Campion , Profeffeur Maître de
Theorbe & de Guitarre , de l'Académie
Royale de Mufique . Oeuvre IV. A Paris
chez l'Ateur , Rue des FoffX
Montmartre. A la Porte de l'Opera , cheZ
Boivin & c. 1730. broch . in 4. de
plus de 60. pages .
>
·
Plufieurs approbations de divers Maîtres
de Mufiques très habiles , qu'on
touve à la fin de cet Ouvrage , ne laiffent
aucun lieu de douter qu'il ne foit
fort utile.
TABLEAU DU MONDE ANCIEN
ET MODERNE , divifé en trois parties.
La premiere contient la divifion
du
JANVIER. 1730 99
du monde en fept Ages , les Epoques
les plus celebres depuis Adam juſqu'à
prefent , le partage de la Terre entre lesenfans
de Noë , l'établiſſement & la décadence
des quatre Monarchies & des
anciennes Républiques , & comment de
la derniere des quatre Monarchies , qui
eft celle des Romains , fe font formés
prefque tous les Etats qui fubfiftent aujourd'hui
. La feconde eft une courte
defcription des quatre Parties du Monde
, contenant ce qu'elles produifent
pour l'utilité des hommes , les moeurs ,
la Religion & la Langue de toutes les
Nations La troifiéme enfin eft un Recueil
de toutes fortes de Remarques curieuſes
, parmi lesquelles on trouvera
l'origine des Arts & des Sciences. Par
M. Noblet. Chez Claude Prudhomme
au fixiéme Pillier de la Grand' Salle du
Palais. 1730. in- I 2.
NOUVELLES POESIES SPIRI
TUELLES ET MORALES ; Noë fur
les plus beaux Airs de la Mufique Fran
çoife & Italienne , avec une Baffe continue
, Fabies fur des petits Airs & des
Vaudevilles choifis , avec une Baffe en
Mufette. Premier Recueil . Rue S. Jacques
, chez Lottin , Defprez & Defeffarts
HIS
335159
Foo MERCURE DE FRANCE
HISTOIRE ANCIENNE DES EGYP
TIENS , des Cartaginois , des Affiriens,
des Babiloniens , des Medes & des Perfes
, des Macedoniens , des Grecs : Par
M. Rollin , ancien Recteur de l'Univerfité
de Paris , Profeffeur d'Eloquence
au College Royal , & Affocié à l'Académie
Royale des Infcriptions & Belles-
Lettres. Tome premier , contenant l'hifroire
des Egyptiens & des Cartaginois.
Chez Jacques Etienne , Rue S. Jacques,
Ruë
à la Vertu. 1730. in 12.
REFLEXIONS CRITIQUES fur le
Traité de l'ufage des differentes faignées ,
principalement de celle du pied , en forme
de Lettre , par M. Chevallier , Docteur
Regent en la Faculté de Medecine
de l'Université de Paris, 1730. Chez
Rollin , pere , Quay des Auguftins . in- 1-2 .
LES LOIX ECCLESIASTIQUES DE
FRANCE dans leur ordre naturel. Par
M. de Hericourt , Avocat au Parlement.
Troifiéme Edition . Rue S. Jacques
, chez D. Mariette .
LETTRE de M. l'Abbé de Broffard
Chanoine de Meaux , écrite en forme ,
de Differtation à M. de Moz , fur fa
nouvelle Méthode d'écrire le Plainchant
&
ANVIER. 1730. 107
& la Mufique. Chez Chriftophe Ballard
broch. in- 4. de 32. pages.
OEUVRES DIVERSES de M. l'Abbé
de S. Pierre , Tome 2. contenant 1
un projet pour rendre les Sermons plus
utiles. 20. un projet pour perfectionner
Péducation domeftique des Princes &
des Grands Seigneurs . 30. un projet pour
perfectionner l'éducation des filles . 4 ° .
Obfervations fur le deffein d'établir un
Bureau perpetuel pour l'éducation pu
blique dans les Colleges . 5 ° . un projet
pour rendre les Spectacles plus utiles à
F'Etat. 6. un projet pour mieux mettre
en oeuvre le defir de la diftinction entre
pareils. Chez Briaffon , Rue S. Jacques
, à la Science . 1730. in - 12.
Il va paroître chez Cavelier & Huart,
Libraires , Rue S. Jacques , une Dif
fertation fur l'Opération de la Pierre ,
par l'Appareil lateral , ou la Méthode
de Frere- Jacques , corrigée de tous fes
deffauts , enrichie d'une épreuve faite fur
un enfant de 8. ans , avec beaucoup de
fuccès , & d'une Réponſe à la Lettre de
M. Morand , Chirurgien , à M. Senac ,
Medecin de S. Germain . Par M. de Ga
rengeot , Chirurgien Juré de Paris.
INe
fo2 MERCURE DE FRANCE :
INTRODUCTION A LA RETHORI
QUE , par le fieur Brulon de Saint Remi
Profeffeur des Humanitez au College de
Joinville. Se vend chez l'Auteur. A Join
ville , chezJ. Baptiſte Monnoyer , 1729 .
in- 12 . de 166. pages.
CONFERENCES INSTRUCTIVES fur
la Religion Chrétienne , avec une Juive ,
par M. Treviſeni , Pattice Venitien , auparavant
Evêque de Ceneda , & preſentement
de Virone , Ouvrage dédié au
Pape Benoît XIII . A Rome , chez Antoine
Roffi , 1728. in - 4 . de 261. pages.
En Italien.
LA VIE DE BRUTUS , premier Conful
de Rome. A Madame de G *** . A
Paris , chez Prudhomme , au Palais ; la
veuve Piffot , Quay de Conty , &c. 1730.
brochure in- 8. de 35. pages.
On apprend à la fin de ce petit Ouvrage
qu'il a été fait à l'occafion de la
Tragedie de Brutus , que M. de Voltaire
devoit donner cet hyver au Théa
tre François.
B
LES FRERES JUMEAUX , Nouvelle
Hiftorique tirée de l'Eſpagnol. A Paris ,
ruë S. Jacques , chez J. Fr. Joffe à la
Fleur de Lys d'er, 1730. in 12. de 300.
pages.
>
Get
JANVIER. 1729 . 103
}
Cet Ouvrage dédié au Duc de Geſvres,
eft de M. de la Valle , Auteur de quelques
autres Livres affez connus . Celui cy paroît
affez bien écrit , & il y a lieu d'efperer
que le Public le recevra avec plaifir.
L'Epiſode du Medecin eft fingulier
& d'un gout nouveau . Le caractere du
Poëte paroît être tiré d'apres nature.
La nouvelle Traduction de Salufte ;
que nous avons annoncée dans le mois
de Septembre dernier , paroît à prefent
en deux volumes in 12. chez Huart l'aîsé
, près la Fontaine S. Severin , à la
Juftice .
M. l'Abbé Thyvon , qui en eft l'Auteur
, s'y eft attaché à la mettre à la portée
des Etudians , à en rendre la lecture
agréable aux Lecteurs qui ont du gout ,
& à contenter la curiofité de ceux qui
aiment à trouver fous leurs yeux les éclairciffemens
capables de les mettre tout d'un
coup au fait d'un Evenement , d'une épo
que & d'un perſonnage dont il s'agit.
H commence fa Préface par un jugement
très exact des Ouvrages de fon
Auteur. Il propofe enfuite & réfute les
eritiques qui en ont été faites , & il marque
le plan & l'ordre de cette Edition .
Cette Préface eft fuivie de la Vie de
Hiftorien. Le Traducteur a jugé à pro
pos
To4 MERCURE DE FRANCE.
pos de faire des Remarques propres à
affoiblir du moins les mauvaifes im
preffions que la lecture de la lecture de cette Vie
pourroit laiffer fur les moeurs de Salufte:
Attentif à faire fentir le vrai fens du
Texte , M.Thyvon a mis à la tête de l'Hiftoire
de la Conjuration de Catilina , deux
Differtations. L'une où il juftifie la
maniere dont il explique la premiere phra
fe de la Préface de fon Auteur ; & l'autre
fur l'Agriculture & fur la Chaffe , où il
prouve que ces mots fervilibus officiis ,
qui font à la fuite d'agrum colendo , aut
venando , ne fignifie autre chofe que les
exercices du corps.
Il y a plufieurs autres Differtations répandues
dans les deux Volumes, quoiqu'elles
n'en ayent pas le titre . Les Remarques
font en grand nombre dans tout le corps.
de l'Ouvrage . Elles font remplies de Recherches
curieufes & intereffantes.
Les morceaux qui fe trouvent en entier
dans les fragmens de Salufte méritoient
d'être mis en notre Langue. Les Notions
préliminaires que le Traducteur a miſes à
la tête de chacun de ces morceaux , & les
Notesdont il les a accompagnées font trèsntiles
pour en faciliter l'intelligence . Elles
peuvent même fuffire pourdonner unejuſte
idée des principaux évenemens des guerres
civiles fur lefquelles roulent ces fragmens."
On
JANVIER 1730. 105
On ne pourra gueres le deffendre d'approuver
M. Thyvon , dans le changement
qu'il a fait de l'ordre des deux Lettres
politiques adreffées par fon Auteur à Ce
far , & dans la correction qu'il a introduite
dans le Texte , au quatriéme Chapitre
de la premiere de ces Lettres , quand
on aura la les raifons qu'il en apporte.
En un mot toute cette Traduction eft
d'un ſtyle aifé & coulant ,& il y regne beaucoup
d'ordre , de netteté & d'érudition,
Tout l'Ouvrage eft en 2. volumes in-
12. le premier de 306. pages fans la
Préface qui en contient 3o . & la Vie de
Salufte de 77. & le deuxième 370. fans
les Fragmens de 184. pages .
Il paroît un Projet imprimé d'un Ouvrage
des plus finguliers qu'on ait vûs
dans la Litterature , il aa pour titre , Cours
des Sciences fur des principes nouveaux
& fimples pourformer le langage , l'esprit
le coeur dans l'ufage ordinaire de la vie.
Volume in- folio de 8. à 900. pages ,
deux colonnes , caractere de S. Augustin.
Par le Pere Buffier , de la Compagnie de
Jefus.
Si la brieveté que demande notre Mer
cure , permettoit d'en donner ici le projet
tout au long , ceux qui ont du gout pour'
lesSciences nousen fçauroient gré; ils prendroient
106
MERCURE DE FRANCE.
droient plaifir à la clarté & à la préciſion
avec laquelle font énoncez les principes
de chacune des Sciences qui forment ce
Recueil , & entre lefquelles on fait appercevoir
une liaiſon naturelle.
On met d'abord la Grammaire Françoife
de l'Auteur , laquelle a été fi répandue
dans l'Europe , & qui a pour fondement
de repréfenter le langage comme
l'image de nos penfées pour les difcerner
& les arranger . L'experience a montré
d'ailleurs combien elle eft utile pour faciliter
l'étude de la Langue Françoiſe en
particulier , & pour tourner en general le
tyle à une heureuſe élocution ; c'eſt ce
qui conduit à deux facultez qui font le
plus excellent ufage de la Grammaire
fçavoir , l'Eloquence & la Poëfie. Comme
la Grammaire enfeigne à nous faire bien.
bien entendre , l'Eloquence & la Poëfie
enfeignent à faire une impreffion fenfible
fur l'efprit de ceux à qui nous nous faifons
entendre . Le Traité de la Grammaire
eft donc fuivi de deux autres Traitez , l'un
fur l'Eloquence , l'autre fur la Poësie ; &
voilà pour ce qui fert à former le langage.
Ce qui contribue à former l'efprit & l'in
telligence , eft amené auffi naturellement :
Que ferviroit , dit l'Auteur , d'énoncer
heureuſement nos penfées , fi elles- mêmes
me font exactes & juftes ? c'eft pour cela
que
JANVIER. 1729. 107
que dans les Colleges on fait fucceder
L'étude de la Logique à celle des Humanitez
; mais dans les vues du P. Buffier
la Logique étant la fcience des conféquences
, qui tirent leur prix des principes , la
fcience des principes doit préceder celle
des conféquences . Ainfi il place avant la
Logique l'Ouvrage intitulé , Des premieres
veritez , dont nous parlâmes il y a
quelques années . Les veritez qui font déduites
des premieres par voye de conféquence
& de raifonnement , font l'objet
propre & fpecial de la Logique. On eft
étonné d'abord de voir l'Auteur infinuer
que pour regle génerale de Logique , il
ne faut qu'avoir fimplement & nettement
préfentes à l'efprit & Pidée du principe ,
& l'idée de la confequence ; neanmoins fa
propofition fe verifie par les exemples
qu'il apporte. Qu'on ait , dit - il , prefente
à l'efprit l'idée d'une Horloge & l'idée
d'un Moulin , il eft impoffible de conclure
qu'une Horloge eft un Moulin . Nouvel
exemple ; un homme craint de vous toucher
par la raifon , dit - il , qu'il vous cafferoit ;
vous croyez qu'il raiſonne en fou , vous
vous trompez ; c'eft qu'il vous croit de
verre : la conféquence eft jufte , il n'y a
de fou que le principe. On ajoûte deux
autres Ouvrages , l'un intitulé Elemens
de Métaphysique à la portée de tout le
monds
Je8 MERCURE DE FRANCE :
monde ; l'autre Examen des préjugez vulgaires
; ils font deſtinez à rendre plus facile
l'accès des deux fciences précedentes,
& ils font traitez en Dialogue avec précifion
, mais d'un ftyle égayé ; pour faire
fentir que des connoiffances qui fém
blent difficiles en elles - mêmes , feroient
faciles à guerir fi on les expofoit d'une
maniere ailée & familiere . Ces quatre
fortes d'Ouvrages font pour former l'esprit
en lui donnant de la jufteffe & de la folidité.
Enfin après avoir formé le langage &
Pefprit , il eft plus important encore de
former le coeur par la fcience de la Morale
& par celle de la Religion . Ce font
les derniers Traitez de ce Recueil. La Morale
eft indiquée fous un jour qui en doit
exciter le gout , puifque dans le Plan de
Auteur elle ne tend qu'à nous rendre
heureux en procurant le bonheur des autres.
Le Traité intitulé De la Societé Civile
, fert d'introduction à un Traité intitulé
, Analyfe des preuves les plus plaufibles
de la Religion , ce que l'Auteur réduit
à trois propofitions fimples & très ,
intelligibles , pour montrer que rien n'eft
plus raifonnable que d'embraffer la Foi
Chrétienne , qui feule peut donner à
T'homme toute la perfection pour le prefent
& pour l'avenir.
Ce $
JANVIER 1730. 109
Ces divers Traitez s'imprimeront cette
année dans un même volume in-folio ,
afin qu'étant liez par des principes nouveaux
& fimples , ils faffent un corps complet
dont les parties ne fe puiffent difperfer.
1 On avertit à la fin que ceux qui retiendront
les premiers des Exemplaires de
cette Edition , auront le choix des mieux
imprimez , avec diminution du prix . On
a fçû depuis que l'In-folio fera de 18. livres
, & qu'on rabattra le tiers à ceux des
amis qui veulent bien d'avance aider aux
frais de l'impreffion.`
Jean Vilette , fils , Libraire , rue faint
Jacques , à S. Bernard , mettra en vente
au commencement du mois prochain , la
troifiéme Partie de l'Univers Materiel
ou Aftronomie Phyfique du fieur Petit ,
contenant les caufes du Flux & Reflux de
la Mer , les raifons pourquoi la Mer eft
haute en Hollande & aux Ifles Canaries
dans le même inftant ; pourquoi la Marée
monte plus haut en approchant du Nord.
que proche l'Equinoxiale ; pourquoi les
Marées font plus fortes au temps des Equinoxes
qu'en toute autre faifon , les moyens
de fe fervir du Flux & du Reflux pour
trouver la Longitude d'un Vaiffeau en
pleine Mer , avec les Tables pour en faire
les experiences pendant l'année 1730. le
F rout
118 MERCURE
DE FRANCE
tout indépendemment du mouvement de
la Lune ; comment la preffion de la Lune
avance ou retarde lesMarées dans les Ports
& fur les côtes ; quels font les vents qui
feront caufez par la Lune pendant l'année
1730 .
par
Il paroît depuis peu chez la veuve Delaul,
ne , rue S. Jacques , & Théodore le Gras ,
au Palais , une nouvelle Hiftoire de Francè
demandes & par réponſes , dédiée à
M. le Prince de Conty , in- 12. C'eſt un
abregé très- méthodique & affez circonftancié
de toute l'Hiftoire de France . La
Chronologie eft exactement marquée à la
marge , & l'Auteur a eu foin de mettre
à la tête de tous les articles les Papes &
les Empereurs , foit de Conftantinople ,
foit d'Allemagne , contemporains des
Rois de France , ce qui forme une espece
d'Hiftoire univerfelle. Cet Ouvrage fera
très-utile aux perfonnes qui veulent fe
rappeller ou s'imprimer dans la memoire
tous les traits de l'Hiftoire de France, mais
fur tout aux jeunes gens . On fçait les nombreufes
Editions qui ont été faites d'un
Ouvrage qui eft dans ce même genre .
Celui dont il s'agit eft beaucoup plus éten
du , plus exact , & on a eu foin d'éviter
les méprifes de Mezeray , qui fe trouvent
dans l'autre. On y a auffi profité de quelque
JANVIER. 17307 LII
ques Remarques du feu Comte de Boulainviliers
, fur l'Hiftoire du P. Daniel.
La veuve Guillaume vient de publier
une fuite des Journées amusantes de Me de
Gomes. Le fuccès des volumes qui ont
précedé & dont on a fait plufieurs Editions
, garantit le fuccès de cette Suite
nouvelle. On y trouve trois ou quatre
belles Hiftoires , & entr'autres celle du
Comte de Salmoni , qui eft très touchante.
L'Auteur y a fait entrer un détail du bombardement
d'Alger.
DESCRIPTION de la Fête & du Feu
d'artifice qui doit être tiré à Paris fur la
Riviere , au fujet de la Naiſſance de Monfeigneur
le Dauphin , par ordre de S. M.C.
Philippe V. Et par les foins de leurs Excellences
M. le Marquis de Santa - Cruz,
& M. de Barrenechea , Ambaffadeurs Extraordinaires
& Plenipotentiaires du Roi
d'Eſpagne , le 24. Janvier 1730. in - 4 .
avec figures. A Paris , chez Pierre
Gandouin , Quay des Auguftins , à la Belle
Image , 1730. Brochure de 31. pages ,
3. livres.
Cette Defcription eft de M. l'Abbé Lan.
glet du Frefroy , connu déja par plufieurs
Ouvrages Dogmatiques & Hiftoriques ,
& fur tout par la Méthode pour étudier
Fij PHif
112 MERCURE DE FRANCE.
T' Hiftoire , qu'il a publiée l'année derniere
en 4. volumes in- 4. C'eft un Ouvrage
qu'il a accordé à l'amitié ; M M. les
Ambaffadeurs d'Efpagne , l'ayant honoré
de la leur depuis qu'ils font en France .
Quoique l'Auteur n'ait pas tourné fes
études du côté de cette forte d'Ouvrages ,
on n'a pas laiffé de l'approuver & de le
regarder comme une piece excellente en
ce genre , tant pour Pélegance que pour
les traits curieux & finguliers qu'on y
trouve . Il a crû , fans doute , que pour
en ôter la fechereffe propre aux Defcriptions
, il devoit y femer quelques faits
historiques très -intereffans , & Paffaifonner
même de quelques Pieces de Vers
François , qui fervent à expliquer les Infcriptions
Latines que M. l'Abbé Langlet
a -données , & qui font des applications
heureufes de divers endroits des anciens
Poëtes , au fujet de cette illuftre Fête . Il
a pris même occafion delà de faire des
Eloges fages & veritables des deux Rois
& même des deux Reines de ces deux
Nations , & de placer quelques penſées
brillantes , mais fimples dans leurs expreffions
.
སྐ
On trouve auffi dans cette Defcription
les Vers que M. de la Serre , homme de
beaucoup d'efprit & de fçavoir , a faits ,
à la priere de M M. les Ambaffadeurs d'Ef
pagne
JANVIER 1730. 113
pagne , pour fervir au Ballet en Mufique
que Leurs Excellences ont fait reprefenter
dans cette occafion . Cette Fête qui devoit
fe donner dès le mois de Décembre
a été reculée par divers accidens. Elle avoit
été depuis promiſe au 14. enfuite au 21 .
& enfin elle s'eft donnée le 2 4.de ce mois .
La Fête a furpaffé de beaucoup la magnificence
& le brillant qui eft répandu dans
cette Defcription . Ce petit Ouvrage doit
être regardé comme un morceau précieux
& comme un monument éternel de la
tendreffe paternelle du Roi Catholique
pour le Roi fon neveu .
Comme nous donnerons une Relation
de cette Fête, nous ne nous arrêterons pas
plus long-temps à cette Defcription ; mais
pour donner une idée de la Verfification
de l'Auteur , voici par où cette Piece eft
terminée. C'est une imitation de Properce
S'il eft des Dieux fur la Terre ,
Il en eſt dedans les Cieux ;
Ceux-cy lancent le Tonnerre ,
Seuls ils exaucent nos voeux.
Il faut , Mortels , leur en faire ,
Pour que de notre Hemiſphere ,
Ils éloignent tout brouillard
Les vents , la pluye & l'orage ;
Devroient- ils un peu plus tard ,
En envoyer davantage.
Fiij
Il
114 MERCURE DE FRANCE :
Il faut donc pour cette Fête ,
Aux Dieux , fans autre façon ,
Prefenter notre Requête ,
Les priant d'y mettre , Bon.
Mais Bon depuis le quinziéme
De Janvier jufqu'au trentiéme.
On en doit tout efperer ;
C'est pour eux fi peu de chofe ,
Qu'ils daigneront l'accorder s
C'eft fur quoi je me repoſe.
Il paroît un Ouvrage qui a pour titre ,
Poëfies Spirituelles & Morales fur les plus
beaux Airs de la Musique Françoiſe &
Italienne. Premier Recueil , prix 6. livres
en blanc. A Paris chez Guillaume Desprez,
Libraire , rue S. Jacques , à S. Profper ,
Ph. N. Lottin , à la Verité , & Guichard ,
Marchand Papetier de la Mufique du Roi,
ruë de l'Arbre-fec , derriere S. Germain
l'Auxerrois ; c'eft un in 4. gravé , grand
papier.
On s'eft propofé dans ce Recueil de
donner un effai de l'ufage chrétien & raifonnable
qu'on peut faire de la Mufique.
Il commence par un Cantique affez étendu
fur les grandeurs de Dieu , dont la Mufique
eft du celebre M. Defmarets , & la Poëfie
d'un grand Maître. On en peut juger
par les deux premieres Strophes que nous
allons rapporter
. Loin
JANVIER . 1730. 115
Loin d'ici , profanes Mortels ,
Vous dont la main impie a dreffé des Aurels .
A des Dieux impuiffans que le crime a fait
naître ,
Qu'aux accens de ma voix tout tremble en
l'Univers ,
Cieux , Enfers , Terre , Mers , c'eft votre augufte
Maître ,
Que je vais chanter dans mes Vers.
Il eft , & par lui feul tout Etre a pris naiffance
il
Le néant exiſte à ſa voix :
La Nature & les temps agiffent par fes Loix ;
Tout adore en tremblant fa fuprême puiffance .
Invisible & prefent , on le trouve en tous lieux
Il remplit la Terre & les Cieux ;
Par lui tout fe meut , tout refpire ;
Sa durée eft l'Eternité ,
Et les bornes de fon Empire ,
Sont celles de l'immenfité.
On trouve enfuite des Cantiques fur les
Myſteres de Notre Seigneur , fur les Vertus
& les Vices , & fur les quatre Fins de
l'homme. Ce Recueil renferme tous les
fujets de pieté qu'on peut defirer . On y
trouve auſſi d'autres Pieces que l'on peut
appeller des Chansons Morales , & qui
peuvent fervir dans des occafions où les
premieres paroîtroient peut - être trop
fé-
Fiiij rieules.
116 MERCURE DE FRANCE :
rieuſes . Pour intereffer par la varieté , on
a recueilli près d'une centaine d'Airs ſur
tous les differens caracteres de la Mufique.
Plufieurs Mufetres , Airs de Violon , Pieces
de Clavecin de M. Couprin , Airs
Italiens & plufieurs doubles dans le gout
de M. Lambert.
On efpere que les perfonnes qui auront
de la voix feront bien aifes qu'on leur
fourniffe le moyen d'en faire un ufage
utile , quand elles voudront elles - mêmes
prendre ce délaffement , ou qu'elles ne
pourront le refufer à d'autres qui voudront
les entendre chanter.
&
On a ajoûté à ce Recueil grand nom
bre de Fables choifres , dans le gout de
la Fontaine , fur les petits Airs & Vaudevilles
les plus connus , avec une Baffe
en Mufette , qui pourront fervir au même
ufage que les Chanfons Morales dont on
vient de parler , mais qui font deſtinées
principalement à fournir aux Enfans un
amufement utile & convenable à leur âge:
nous en rapporterons deux pour fervir
d'exemple.
L'UTILE ET LE BEAU .
Le Cerf fe mirant dans l'eau . Sur l'Air :
Je fais fouvent raifonner ma Mufetie , &
fur les Folies d'Espagne.
Dans le Criſtal d'une claire Fontaine ,
Un jeune Cerf fe miroit autrefois ¿
I
JANVIER. 1730 117
Il ne voyoit fes jambes qu'avec peine .
Charmé de voir la beauté de fon Bois.
Soudain du Cor entendant le murmure ,
Prompt & leger , il fuit dans les Forêts ;
Mais arrêté par fa belle ramure ,
En expirant il pouffe ces regrets.
Le beau nous plaît & le bien nous ennuye,
L'un fert toûjours , l'autre eſt ſouvent fatal ,
Je méprifois ce qui fauvoit ma vie ,
J'aimois , helas ! ce qui fait tout mon mal.
LA PEUR..
Les Oreilles du Lievre. Sur l'Air : C'eft
une Bouteille qui n'eut jamais ja pareille.
De fa corne un inconnu
Au Lion fit quelque peine.
Lion dit , que tout Cornu ,
Soit chaffé de mon Domaine.
Depuis le Taureau jufqu'au Chevreau ,
Tout s'én va chercher pays nouveau..
Le bruit en vient au Lievre ,
Qui de crainte en a la fievrea
Ah ' dit- il , je fuis banni ,
J'ai deux cornes bien pareilles.
OF
118 MERCURE DE FRANCE:
On lui dit en vain , nenni ,
Ce ne font que des oreilles.
Il répond toûjours , détrompez - vous ;
Au gré des malins & des jaloux ,
Oreilles feront cornes ,
Voire cornes de Licornes .
C'eft ainfi , quand on a peur ,
Que tout fe metamorphofe ;
Un Buiffon eſt un Voleur ,
Un Phantôme , ou pire chofe ,
Mais on fçait de même qu'à la Cour ,
Un flateur fait prendre chaque jour ,
Les Merles pour Corneilles ,
Et pour cornes les Oreilles.
On promet de donner inceffamment un
fecond Recueil de Fables dans le même
goût , & de les réunir enfuite toutes enfemble
dans un petit volume avec les airs
nottez , afin qu'on puiffe s'en fervir plus
commodément.
Sans vouloir prévenir le jugement
du Public , ce Recueil nous paroît être
un excellent mélange de l'utile & de
l'agréable. Une pieté tendre & folide ',
la nobleffe des penfées & des fentimens
, le naïf des Fablés , le choix & la
varieté des Airs parfaitement affortis aux
paroles
JANVIER 1730 119
paroles tout invite également ceux qui
he cherchent pas dans la Mufique un vain
amufement ou un plaifir dangereux. On
n'a rien épargné pour leur plaire : la beauté
de la Gravure & du papier , & la modiçité
du prix font affez voir que ceux qui
ont entrepris ce Recueil , n'ont eu en vüc
que l'avantage du Public .
On écrit d'Amfterdam , que M. Bourguet
a donné chez François l'Honoré des
Lettres Philofophiques fur la formation
des Sels & Cryſtaux , & fur la generation
& le mecaniſme organique des Plantes &
des Animaux , à l'occafion de la pierre
Belemnite & de la pierre Lenticulaire ,
avec un Mémoire fur la Théorie de la
terre. Ces quatre Lettres font adreffées à
M. J. Scheuchzer.
M. Durand , au College de Gresham à
Londres , Membre de la Societé Royale ,
a compofé & diftribué l'Hiftoire de l'Or
de l'Argent , extraite de Pline le Natu
raliſte , L. 33, avec un fuplément à l'hif
toire de l'Or , Vol. in folio .
•
Le Sieur Chevillard , Généalogifte du
Roy , Chronologifte & Hiftoriographe
de France , ( qualitez qui lui furent accor
dées par Lettres du Grand Sceau du 19 .
F vj Fevries
120 MERCURE DE FRANCE:
Fevrier . 1692. ) mourut en cette Ville le
28 Decembre dernier, âgé de 73 ans moins
trois mois , fa veuve continue de vendre
les Cartes de Chronologie & d'Armoiries
publiées par fon mari , en fa même demeure
au coin de ta ruë neuve Notre- Dame
& fes deux fils qui ont déja donné au Public
plufieurs Ouvrages , continuent la
Profeffion de leur pere , & demeurent
Paîné , fur le Petit Pont, au Nom de Jefus ,
& le cadet , ruë neuve Nôtre - Dame , à la
Providence.
Jean Baptifte Henry du Trouffet de
Valincour , Secretaire General de la Marine
, l'un des Quarante de l'Académie
Françoife , & Honoraire de l'Académie
Royale des Sciences , ci- devant Secretaire
de la Chambre & du Cabinet du Roy ,
mourut le 5. de ce mois âgé de 77. ans..
量
Nous avons dit dans le Journal du mois
de Mai 1729. que le 7. du même mois le
Cardinal de Noailles Archevêque de Paris
fut inhumé dans l'Eglife Métropolitaine ,
devant la Chapelle de la fainte Vierge ,
fuivant qu'il l'avoit ordonné par fon Teftement.
On a depuis couvert d'un marbre
noir le lieu de fon inhumation , & on a
gravé fur ce Marbre l'Epitaphe qui fuic.
AD
JANVIER 1730 12
AD PEDES DEI- PAR &
Quam femper religiosè coluerat.
HIC JACET
,
Ut Teftamento juffit ,
LUDOVICUS ANTONIUS DE NOAILLES,
S. R. E. Cardinalis , Archiepifcopus Parifienfiso
Duc S. Clodoaldi , Par Francia :
Regii Ordinis S. Spiritûs Commendater ;
Provifor Sorbona ; ac Regia Navarra Superior s
Commiffi fibi gregis
Sollicitudine Paftor , charitate Rater - ›
Moribus , forma,
Domui fua benè prapofitus ,:
Domus Domini zelo accenfus ,
In oratione affiduus , in labore indefeffus
In cultu modéftus , in vittu fimplex
Sibi parcus , in cateros fanè prodigus ,
A teneris adfenium aqualis idemque »
Semper prudens , mitis pacificus
Vitam tranfegit benefaciendo.
Ecclefiam Parifienfem.
ANNIS XXXIV.
>
Rexit , dilexit, excoluit , ornavit ::
Ejus beneficentiam homines fi taceant
Hujus Bafilica lapides clamabunt :
Obiit plenus dierum , omnibus flebilis ,
Die Maii 4. Anº . Dni 1729. atatis 78
VIRO MISERICORDI
Divinam - Mifericordiam apprecare.
Hos
22 MERCURE DE FRANCE.
>
Honoré Tournely , Docteur én Theo
gie de la Maifon & Societé de Sorbonne
, Ancien Profeffeur Royal en Théologie
de cette Maiſon , Chanoine de la
Sainte Chapelle de Paris , & auparavant
de la Cathédrale d'Evreux Cenfeur
Royal des Livres , mourut à Paris le
26. Decembre , âgé de 73. ans , dans la
réputation d'un grand Théologien & d'un
Ecclefiaftique verfé dans toutes les autres
fciences de fon Etat. Il a compofé plu
fieurs Ouvrages de Doctrine & de Religion
, qui font honneur à fa mémoire.
Il étoit Originaire de la Ville d'Antibes
en Provence.
Jean Bernard Ourſel , Prêtre , Docteur
de Sorbonne , Chanoine & Grand Penitencier
de l'Eglife de Paris , né en cette Ville,
mourut le 10. Janvier , âgé de foixante &
cinq ans. Il avoit été près de fept années
Superieur de la Communauté des
Prêtres de S. Sulpice , avant que d'être
nommé par le Cardinal de Noailles
à la Grande Penitencerie , qu'il a exercée
pendant douze ans. Il s'étoit préparé
à ces differens emplois par une Retraite
de trente années dans le Seminaire
de S. Sulpice , enforte que toute
fa vie a été confacrée à Dieu , & qu'après
en avoir employé la meilleure par-
εἰς
JANVIER. 1730 123
tie à fa propre fanctification , il a confumé
le refte à l'inftruction & au falut
du prochain dans des occupations difficiles
& laborieuſes , où il a fait paroître
une pureté de moeurs , un zele &
une charité dignes des premiers fiecles
de l'Eglife . Il avoit une Bibliotheque des
plus curieuſes , des plus completes &
d'un prix confiderable , qu'il a donnée
par fon Teftament au Seminaire de faine
Louis de cette Ville.
L'Académie Royale de l'Hiftoire à
Liſbonne a élu , pour remplir la place
qui vaquoit par la mort de Dom François
de Souza , Commandant de la
Garde Allemande du Roy , Dom Gonçalve-
Manuel Galvaon de la Cerda
Gentilhomme de la Maifon du Roy ,
Grand Alcade de la Ville de Torram ,
Commandeur de S. Barthelemi de Rabal
dans l'Ordre de Chrift , Confeiller
du Confeil Ultramontain , & Deputé au
Confeil de la Maifon de Bragance. Le
Roi ayant approuvé l'Election , le nouvel
Académicien s'eft chargé d'écrire
l'Hiftoire des Rois Dom Pedro & Dom
Ferdinand .
Le 17. du mois dernier , le Comte
de Clermont alla voir le Cabinet du
fieur
24 MERCURE DE FRANCE.
fieur Paul Lucas , celébre Voyageur ,
& y examina avec autant de difcernement
que de plaifir les differentes curiofités
anciennes & modernes qui y font_ralfemblées
. Il s'arrêta fur tout à une belle
Figure antique de la Déeffe Cerès , rapportée
depuis quelques années d'Athenes
, où elle fut trouvée près le Temple
de Minerve ; fon corps eft de marbre
; mais les extremités , c'est - à- dire la
tête , les pieds & les mains font de bronze
; elle eft affife fur une baze de jaſpe
floride , & dans cette fituation , elle a
environ deux piés de haut.
Voici un article également propre à
enrichir ces nouvelles & à faire briller
les Arts , puifque les bijoux vont devenir
plus communs par la mine de diamans
qu'on a découverte au Brezil , à ce
qu'on mande de Lisbonne , & qu'on
dit être trés - riche . Ces Lettres ajoûtent
que les derniers Vaiffeaux revenus de la
Baye de Tous les Saints , en ont ap
porté plufieurs , dans le nombre defquels
il y en a un qui pefe brut le double du
poids du plus gros diamant qu'on con
noiffe en Europe ; on l'a mis fur le tour
pour le découvrir.
JETONEV
YORK
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ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
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ANNEE 1730
THIS
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III
INSCIA
V
NIMUS
LITT
X
JANVIER . 1730. 25
t
JETTONS FRAPPE'S pour le
premier jour de Janvier 1730. avec
l'explication des Types &c.
I. TRESOR ROYAL .
Le Soleil parcourant les Signes du Zo
diaque. Legende. Ordine cuique fuo.
II. PARTIES CASUELLES .
Un Laurier & la Foudre qui tombe
dans le lointain . Legende. Solvit formidine
cafus .
III. CHAMBRE AUX DENIERS.
Une Fortune avec un bandeau ôté de
deffus les yeux & pendant ; laquelle
répand des pieces d'argent. Legende.
Nec inftia.
IV. EXTRAORDINAIRES DES GUERRES.
Des Trompettes ornées dé leurs Ban
deroles. Legende. Pacem non Bella ciento,
V. ORDINAIRE DES GUERRES.
Un effain d'Abeilles , qui environnent
leur Roi . Legende . Major mole
animus.
VIS
116 MERCURE DE FRANCE.
VI. BASTIMENS DU Roy.
Un diamant taillé en brillant , & richement
monté. Legende. Natura micat
& arte.
VII.
ARTILLERIE.
La Renommée tenant fa trompette, d'où
pend une Banderole aux Armes du Dau
phin plus des Feux & des Canons .
Legende. Regalis nuncia partus .
VIII. MARINE.
Une Aigle qui donne la chaffe à des
Oifeaux de proye . Legende. Majoribus
apta.
IX. GALERES.
Des Syrenes à la tête d'un Promontoire.
Legende. Delectant atque timentur.
X. MAISON DE LA REINE.
Une Vigne chargée de quatre grap
pes , dont une eft très- remarquable . Le
gende. Nec vota fefellit.
CHAN.
THENEW
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JANVIER. 1736. 127
MMMMMMMMMMMM
CHANSON,
Mon amour près de vous ne fçaurois
s'éveiller ,
Vous Pendormez avec votre fageffe.
Vous baillez au recit de ma vive tendreffe ,
Et moi je baille en vous voyant bailler.
Ces paroles & la Mufique , envoyées
de Saxe , font de la compofition des
fieurs Faviers & André , au fervice du
Roi de Pologne . On doit exprimer les
mots de bailler & baille par des efpeces
de baillemens.
SPECTACLES.
E 17. Decembre , les Comédiens
LE
Melicerte , Tragédie de M. de la Gran
ge. Cette Piéce fut donnée pour la premiere
fois avec un grand fuccès l'an
1713. on la reprit fept ou huit ans
après ; mais par des circonstances dont
on ne fçauroit rendre raifon , les Repréſentations
n'en furent pas nombreu
Les
718 MERCURE DE FRANCE.
fes ; elle vient de rentrer dans fes droits ,
& les larmes qu'elle fait répandre de
polent en fa faveur. A cette occafion' ,
nous avons crû qu'il ne feroit pas hors
de propos de faire voir dans quelle
fource l'Auteur a puifé fon fujet. Voici
ce qu'il en dit dans fa Préface.
La Tragédie d'la fut une de celles
qui firent remporter des prix à Euripides
le tems qui nous a dérobé une partie des
Ouvrages de ce grand Poëte , n'a pas laiffe
venir jufqu'à nous le moindre frag
ment de celui-ci , & l'on en ignoreroit le
fujer mene , fi Hygin , Affranchi d'Auguste,
n'avoit pris foin de nous le conferver
dans la quatrième Fable , qu'il nous
a laiffée fous le titre d'Ino d'Euripide
où nous apprennons qu'Alhamas , Souverain
d'une partie de la Theffalie , eus
deux Enfans d'Ino , fon Epouse , & denx
autres enfuite de Themifto , qu'il épousa
auffi ; qu'Ino , fa premiere femme , étant
allee fur le Parnaße , pour celebrer les
Fêtes de Bacchus , Athamas envoya de
fes gens qui la lui amenerent , & trouva
moyen de la garder près de lui comme
une perfonne inconnuë ; Themifto cepena
dani fut informée qu'elle y étoit , fans
pouvoir la connoître , & forma le deffein
de faire périr les Enfans de cette premiere
femme d'Athamas ; elle la pris
elleJANVIER.
1730. 129
elle-même pour Confidente , & pour complice
de fon deffein , la regardant comme
une Efclave qui apparemment faifoit auprès
des quatre enfans d'Athamas
qu'on élevoit ensemble , les fonctions de
Gouvernantes afin de ne fe point mépren
dre au choix qu'elle avoit à faire des
deux qu'elle vouloit immoler , Themifto
dit à fa Rivale de donner des vêtemens
blancs aux deux derniers enfans du Roy ,
& d'habiller de noir ceux de la premiere
femmes Ino fit le contraire ; Themifto
tua fes propres Fils ; elle recennut fon
erreur , & fe tua elle - même de defefpoir.
Voilà, pour ainfi dire , le germe de la Tragédie
dont nous allons donner l'Extrait. On
croiroit que c'est par modeftie queM.de la
Grange a voulu rendre à Euripide l'honneur
de l'invention ; mais il nous apprend
lui-même que c'eft par un autre
motif qu'il s'y eſt déterminé . Voici comment
il s'explique .
Ce fujet n'eft donc point tout entier
de mon invention , & il eft furprenanɛ
que dans un tems où beaucoup de perfonnes
d'une érudition très - profonde dans
PAntiquité , marquent tant de goût pour le
Théatre il ne s'en foit prefque poins
trouvé qui n'ayent regardé cette Piéce
comme un Roman tout- à -fait nouveau
& tiré dans toutes fes parties de mon imagination.
1
130 MERCURE DE FRANCE.
gination . Ne diroit- on pas par le foin
que M. de la Grange prend de fe juftifier
, qu'il craint qu'on ne lui impute
à faute ce qui devroit lui faire honneur,
& qu'il croit qu'il eft plus glorieux d'avoir
lû que de créér ? il fait pourtant
voir par la maniere dont il a traité fon
fujet , qu'il eft capable de l'avoir inventé.
Voici comment il diſpoſe ſa Fable , & ſe
la rend originale.
Un Roi de Theffalie n'ayant laiffé
qu'une fille après la mort , Athamas
ufurpa le Throne fur cette Princeffe.
Themiftée , fille du Gouverneur d'Euridice
, c'eft le nom de la Princeffe , fe
rendit fi redoutable à l'ufurpateur , qu'il
fut obligé de partager fon Throne & fon
lit avec elle il ne put le faire fans répudier.
Ino , fa premiere femme , & fille
de Cadmus . Themiftée voulant affurer
la Couronne à un fils qu'elle avoit eu
d'un premier lit , donna des ordres fecrets
pour faire périr Melicerte qu'on
avoit dérobé à la fureur ; ce Melicerte
étoit fils d'Athamas & d'Ino . Le bruit
de fa mort fut répandu par les foins de
Themiftée , quoiqu'elle eut manqué fon
coup ; elle fit élever Euridice dans une
tour ; elle la deftinoit à Palamede , c'eft
le nom de ce Fils qu'elle avoit eu d'un
premier lit ; elle donna à cette Princeffe
une
JANVIER . 1730. 131
proune
Esclave pour Gouvernante. Cette
Efclave étoit Ino elle même , qui croyoit
n'avoir plus de fils , trompée par le bruit
genéral de fa mort . Cependant Melicerte,
échapé aux recherches de fes affafins
refpiroit fous le nom d'Alcidamas , &
commandoit l'Armée de Cadmus , qui
afficgeoit Pellé , Capitale de la Theffalie
, pour vanger fa fille Ino . Pellé eft
le lieu de la Scene . Alcidamas & Euridice
s'aiment par une fimple vûë
duite par le hazard pendant le fiege. Alcidamas
eft fait prifonnier dans une attaque
où tout fembloit l'affurer d'une
pleine Victoire ; Themiftée apprend en
même tems que cet illuftre prifonnier
eft ce même Melicerte dont elle avoit
autrefois ordonné la mort ; elle en fait
confidence à la prétendue Efclave , mere
de Melicerte ; Ino fait fçavoir à Athamas
par une lettre dont elle charge la
Princeffe Euridice , qu'Alcidamas eſt ſon
fils Melicerte ; cela produit des reconnoiffances
très- touchantes entre le pere
& le fils , & bientôt après entre le fils
& la mere. Tout cela fe paffe dans le
tems que Themiftée eft dans le Temple ,
où elle ordonne les apprêts du mariage
de fon fils Palamede avec Euridice
fille du legitime Roi de Theffalie . Themistée
ayant appris qu'Athamas a vû &
recon132
MERCURE
DE FRANCE
.
reconnu fon fils Melicerte , entreprend
de faire périr ce Rival de fon fils ; elle
charge fa fidelle Efclave de l'envoyer fur
quelque pretexte , dans un lieu obfcur ,
où elle l'attendra pour le poignarder ;
Ino y envoye Palamede au lieu de Melicerte
; & par cette méprife , Themiſtée
plonge dans le fein de fon propre fils
ce fer qu'elle croit porter dans le ſein
du fils de fa Rivale ; elle reconnoît en
même-tems fon crime , & le veritable
fort de fa prétendue Efclave , & fſe tuë
de defefpoir , peu regrettée d'Athamas ,
qui depuis long- tems n'étoit occupé que
de fa chere Ino . Cet Argument fervira
à rendre la diftribution des Actes &
des Scenes plus claire , & les Scenes en
feront moins chargées d'expofitions.
Themiftée commence la Tragédie avec
fon fils Palamede . L'Expofition du ſujet
eft partagée entre le fils & la mere ,
& telle qu'on l'a mife dans l'Argument .
Un fecours arrivé à Athamas , & conduit
par Thrafile , frere de Themiſtée
donne lieu à cette femme ambitieuſe de
découvrir pour la premiere fois à fon
fils le grand deffein qu'elle a formé depuis
long- tems de lui faire époufer l'heritiere
legitime de la Couronne en la
perfonne de la Princeffe Euridice. L'Auxeur
connoît trop bien le Théatre pour
ne
JANVIER . 1729. 133
ne pas donner des raifons à Thémiſtée
pour faire éclater précilement en ce jour
un fecret qu'elle a toûjours caché : voici
comme elle s'explique.
Il eft temps quand tout nous favoriſe ,
Que je faffe éclater cette illuftre entrepriſe.
Il n'eft pas vrai , à la rigueur , que tout
favorife Thémiſtée , le fecours que Thrafile
vient de lui amener , quelque confiderable
qu'elle le faffe , ne l'a pas empêchée
de dire dès le premier Vers :
Eh bien, mon fils , le fort changera- t'il de face?
Pouvons- nous efperer de fauver cette Place ?
Mais d'une efperance naiffante elle paffe
bientôt à une fécurité qui va jufqu'à la
perfuafion, puifqu'en finiffant la premiere
Scene , elle dit :
Du fuccès que j'attends je fuis perfuadée.
Le grand deffein de Thémiſtée ne confifte
pas feulement à faire époufer la Princeffe
Euridice à fon fils ; mais à achever
de déterminer Athamas à abdiquer la Couronne
; abdication dont Clarigene , le plus
fidele de fes Sujets l'a détourné juſqu'à
ce jour.
Thémitée fait connoître fes intentions
G
34 MERCURE DE FRANCE .
à Euridice , & exhorte l'Efclave qui lui a
tenu lieu de Gouvernante dans la Tour
d'où elle fort pour la premiere fois ,
à la porter à cet Hymen ; elle tâche de
l'y engager par la promeffe de fa liberté .
Palamede n'effuye que des mépris de la
part d'Euridice , & la quitte très- peu fatisfait.
L'Efclave inconnue loue la Prin
ceffe de la noble fermeté avec laquelle
elle a réprimé l'audace d'un Sujet affez témeraire
pous afpirer à fon Hymen.
Clarigene reconnoît Ino dans la perfonne
de l'Esclave ; il lui apprend qu'Athamas
la regrette tous les jours . Ino par
un premier mouvement voudroit s'aller
jetter aux pieds de fon époux ; mais Clarigene
l'en détourne par prudence ; il
l'inftruit de ce qui fe paffe dans l'armée
des Affiegeans , dont le Chef s'appelle
Alcidamas ; Ino foupçonne que c'eft fon
fils Melicerte qui fe cache fous ce nom ;
Clarigene lui ôte une fi douce erreur , & lui
apprend que Thémiſtée a fait perir Melicerte.
Cet Acte finit par une promeffe que
Clarigene fait à Ino de détourner l'Hymen
de Palamede avec Euridice & l'abdication
d'Athamas. Il eft encore parlé dans cet A&te
de l'Amour d'Alcidamas & d'Euridice .
Au fecond Acte , Clarigene , dans un
Monologue , fe confirme dans la noble
réfolution de périr plutôt que de trahir les
interêts de fon Roi. Athas
JANVIER. 1730. 135
Athamas , pour la premiere fois qu'il
paroît , témoigne des remords qui tiennent
de la fureur ; fon caractere devient
plus raifonnable dans le refte de la Piece,
les differentes fituations où il fe troupar
ve. La mort prétenduë d'Ino & de Melicerte
qu'il s'impute , le rend furieux ;
mais ce cher Fils recouvré , & l'efperance
'de retrouver cette fidele Epoufe , injuſtement
répudiée , donnent lieu à ce qu'on
trouve de changement dans fon caracteres
cela n'empêche pas qu'il ne foit imbeciles
Clarigene a beau l'exhorter à ne point
abdiquer la Couronne , par les raifons les
plus preffantes, il perfifte dans fon deffein,
& n'excufe fa foibleffe que par ces Vers :
Maître encor du bandeau qu'ils veulent m'ar
racher ,
Moi-même de mon front je le veux détacher :
Faifons voir qu'un grand coeur aifement le
dédaigne ,
Et fçait y renoncer avant qu'on l'y contraigne
Il confirme à Thémiſtée qui arrive , l'efperance
dont il l'a flatée ; Clarigene plus
Roi que le Roi même , ofe perfifter en
prefence de Thémiſtée dans le confeil qu'il
vient de lui donner ; tout cela n'ébranle
point Athamas ; quelques larmes que
Thémitée affecte de répandre , le portent
à dire d'un ton abfolu à Clarigene :
Gij Clas
136 MERCURE DE FRANCE ,
1
Clarigene , fuivez l'ordre que j'ai donné.
Euridice qui arrive , témoigne au
contraire une noble fermeté , Thémiſtée
en eft vivement picquée , & Athamas femble
prefque l'approuver par fon filence .
Clarigene qui étoit forti par ordre du Roi ,
revient pour lui annoncer que les ennemis
ont défait le fecours amené par Thrafile.
Thémistée en eft déconcertée ; mais une
feconde nouvelle que fon fils lui apporte
de l'emprisonnement d'Alcidamas , qui
a fuivi la mort de Thrafile , la confole en
partie & lui fait jurer la mort d'Alcida
mas. Euridice , troublée du danger de fon
Amant , prend une réfolution digne d'elle ,
qu'elle témoigne par ces Vers , qui finiffent
le fecond Acte :
Allons , quelque malheur que le deftin n'ap
prête ,
D'une tête fi chere écartons la tempête.
Le péril eft preffant , volons à fon fecours
Et confervons fa vie aux dépens de mes jours,
C'eft dès la premiere Scene du troifiéme
Acte , que le grand intérêt commence.
L'Esclave à qui Thémitée fe confie ,
lui apprend qu'Euridice confent enfin
par fes foins à l'Hymen de fon fils , &
qu'elle n'y met d'autre prix que la liberté
du jeune Alcidamas ; ce grand
facrifice
JANVIER 1730. 137
facrifice perfuade à Thémiſtée qu'Alcidamas
eft aimé de la Princeffe ; Ino
combat cette croyance ; mais elle a bien.
d'autres foins quand elle apprend de
Thémitée qué cet Alcidamas eft Mélicerte
& que Lycus , autrefois chargé de ſa mort
& récemment échappé des prifons de Cadmus
, vient de lui réveler ce grand fecret ;
que devient Ino à cette fatale confidence?
elle exhorte Thémiftée à fufpendre fa vengeance
jufqu'après l'Hymen de fon fils
avec Euridice , & fur tout à cacher le fort
de Mélicerte au Roi même ; ce dernier
Confeil , qui a un air de fidelité , confirme
Thémitée dans la croyance où elle
eft que fa prétendue Efclave eft inviolablement
attachée à fes interêts .
Euridice vient ; Thémiftée diffimulant
par le Confeil d'Ino , lui promet la liberté
d'Alcidamas au moment qu'elle aura épou
fé fon fils.
Euridice gémit du facrifice que l'Amour
exige d'elle , pour fauver ce qu'elle aime,
elle s'en plaint à Ino qui l'y a confirmée,
elle protefte qu'elle fe donnera la mort
après avoir lauvé la vie à fon Amant . La
fauffe Efclave lui confeille de feindre , &
pour l'y mieux obliger , elle lui apprend
que Thémitée feint elle - même & qu'elle
a juré la mort d'Alcidamas , quelque promeffe
qu'elle ait faite de lui rendre la li-
Giij berté.
138 MERCURE DE FRANCE: -
berté. Euridice frémit à cette funefte nou
velle , Ino la raffute autant qu'elle peut
par ces deux Vers :
Le Ciel dans mes projets ne me trahira pas ,
Madame, & je répons des jours d'Alcidamas,
Euridice déplore fon fort dans un court
Monologue . Melicerte , qui apparemment
n'a que la Cour pour prifon , vient fe prefenter
aux yeux d'Euridice ; il lui dit que
la nouvelle qu'il a reçûë de la violence
qu'on vouloit lui faire , l'avoit déterminée:
à tout entreprendre pour l'affranchir d'un:
Hymen odieux ; il lui déclare fon amour
qu'il s'impute à témerité, ignorant de quel
fang les Dieux l'ont fait naître . Euridice
reçoit cet aveu avec la décence convenable
à fon rang.
Ino , fous le nom de Cléone , vient
raffurer ces deux Amants ; Melicerte eft
émû à fa vûë , il reçoit la promeffe qu'elle
lui fait de le fauver , comme un Oracle.
prononcé par une Divinité ; la fauffe Cléone
lui dit qu'il n'y a qu'à le faire connoître
au Roi pour fon fils Mélicerte; elle prie:
Euridice de remettre entre les mains d'Athamas
un écrit qui doit l'inftruire d'un
important fecret ; Euridice lui demande
d'où vient qu'elle ne le va pas préfenter
elle - même au Roi ; elle lui répond qu'elle
ne doit le montrer à les yeux que lorfqu'il
JANVIER . 1730 . 139
qu'il fera le Maître dans ce Palais , &
affranchi de la tyrannie de Thémiſtée.
Tout le monde convient que le quatrié
me eft le plus bél Acte de la Piece , Atha
mas même , qui jufqu'ici en a paru le
perfonnage le plus deffectueux , reprend
un nouveau caractere ; Clarigene le reconnoît
par ces Vers :
Je reconnois mon Roi dans ce noble deffein ,
Que les Dieux appaifez ont mis dans votre'
Tein ز
Par eux en ce moment votre aine eſt inſpiréè ,
Aux confeils d'une femme elle n'eft plus li
vrée ,
Et fous de noirs chagrins trop long- temps
abbatu ,
Seigneur , vous reprenez toute votre vertu .
Ce qui oblige Clarigene à parler ainf
à Athamas c'eſt la noble réfolution qu'il
lui témoigne de proteger le faux Alcidamas
contre la fureur de Thémiftée. Athamas
lui dit qu'il doit ce changement qui
vient de fe faire en lui , à un fonge dans
lequel il a crû voir fa chere Ino , lui préfentant
d'une main Alcidamas & de l'autre
fon fils Melicerte. Il ajoûte qu'après
fon réveil il a entendu la voix d'Ino d'une
maniere à ne pouvoir s'y tromper ; mais
que ne l'ayant point trouvée , il n'a point
douté que ce ne fût fon Ombre , qui , fi-
Gilij dele
40 MERCURE DE FRANCE .
delle-même dans les Enfers , venoit lui'an
noncer la mort , comme la fin de fes malheurs.
Euridice vient préfenter au Roi le
billet dont la fauffe Efclave l'a chargée
pour lui. Voici ce qu'il contient .
N'eft-tu pas fatisfait , impitoyable Epoux ,
Des maux que m'a faits ton courroux- ,
Sans ajoûter à ma mifere
L'horreur de voir mon fils prifonnier dans ta
Cour ,
Perdre enfa la clarté du jour
Par la cruauté de fon pere .
La lecture de ce billet n'avoit jamais
tant touché que dans cette derniere reprife
d'Ino & Melicerte , ce qui fait
beaucoup d'honneur au fieur Sarrazin ,
qui joue le Rôle d'Athamas . Le Roi ordonne
à Clarigene d'aller chercher le
prifonnier la reconnoiffance entre le
Pere & le Fils eft très- touchante. Athamas
ordonne à Melicerte d'éviter la furie
de Themiſtée par une prompte fuite. Melicerte
ne veut point partir fans amener
avec lui l'Esclave qui lui a cauſé tant
d'émotion dans l'Acte précedent. Ino
vient fon fils la reconnoît pour fa mere
aux tendres foins qu'elle prend de fes
jours. Voici comment il s'explique.
Ces
JANVIER. 1730. 141,
Ces mots entrecoupés , ces larmes que je
voi ,
Celles qui de mes yeux s'échapent malgré
moi ;
Cet excés de bonté , ces marques de tendreſſe,
Un fecret mouvement qui pour vous m'intereffe
;
Madame , tout m'apprend que fi je vois le
jour ,
Melicerte deux fois le tient de votre amour.
Ino ne peut enfin fe deffendre de lui
avouer qu'elle eft fa mere ; elle l'oblige
à fuir avec Clarigene. Melicerte obéit
malgré lui.
Themiftée arrive ; elle a appris qu'Athamás
a reconnu le prifonnier pour fon
fils ; elle en eft au defefpoir ; elle foupçonne
la fauffe Cleone de cette trahison ,
& lui demande pour preuve de fon innocence
de conduire fous un faux prétexte
, Melicerte dans un endroit obfcur,
où elle le va attendre pour le poignarder.
C'eſt là un grand coup de Théatre ;
mais on n'auroit pas voulu que Themifrée
eut foupçonné Cleone , parcequ'elle
ne doit pas lui confier cette derniere entreprife
, fi elle fe doute qu'elle a pû la
trahir dans une confidence moins importante.
Gv Nous
142 MERCURE DE FRANCE:
Nous pafferons legerement fur ce dernier
Acte , & nous n'en dirons que ce
qui fert à dénouer une Piece qui n'eſt :
que trop chargée d'action . Palamede
vaincu , fe propofe d'accabler fon Rival
fous fa chute par un noble defefpoir ..
On a retranché une Scene , où Licus
paroiffoit pour la premiere fois , & quis
étoit tout- à- fait inutile . Palamede fait :
connoître Themiftée l'attend ; il eft
à préfumer que c'eft la fauffe Cleone qui
l'envoye à l'endroit obfcur où Themiftée
doit poignarder Melicerte. Athamas &
Euridice viennent s'applaudir de la victoire
que Melicerte a remportée fur fes
Ennemis. Themiftée vient annoncer à
Athamas que Melicerte n'eft plus , & :
qu'elle l'a poignardé de fa propre main.
que
Melicerte paroît ; mais on a trouvé
qu'il venoit un peu trop tard defabufer-
Athamas , qui ne difant , ni ne faiſant
rien pendant qu'on lui annonçoit la mort
de fon fils , retomboit dans fon premier
caractere , La vûë de Melicerte donne
d'étranges foupçons à Themiftée , dont
les coups ont été trompés..
Ino vient changer les foupçons en cer
titude ; elle lui apprend qu'elle a poignardé
fon propre fils . La reconnoiffance -
entre Athamas & Ino ne produit pas un ›
grand effet , parcequ'elle le fait dans une
firuation
JANVIER. 1730. 143
fituation funefte , qui fait diverfion à
l'interêt qui en pourroit refulter. Themiftée
fe tue , après une prédiction
dont on croit que l'Auteur auroit bien
fait de fe paffer.
"
On a trouvé la Verfification de cette :
Tragédie un peu foible ; mais on ne
peut pas refufer à l'Auteur l'entente du
Théatre qu'il a portée au plus haut degré,
,
La Dule Lecouvreur & le S Duval
jouent les deux principaux Rôles dans
cette Piéce. Ceux de Themiftée & d'Euridice
, font jouez par les Dlles Balicour &
du Frefne , & celui de Palamede , par le
S Duchemin fils.
Le 2 o de ce mois , les Comediens François
ont remis au Theatre une petite Co❤
medie en un acte de M. Nericault Deftouches,
qui a pour titre le Triple Mariage ,,
& que le Public revoit avec plaisir.
Le 28 , ils jouerent du même Auteurs
la Comedie en vers & en cinq actes du
Medifant, dans laquelle la Dile Mariane :
Dangeville , Niéce & Eleve de Mile Def--
mares , à prefent âgée d'environ 14 ans ,
joua le rôle de la Suivante , avec beaucoup
d'intelligence , ' de vivacité , de graces &
de fineffe . C'eft la même qui a déja beaucoup
brillé fur le même Théatre dès fa
G-vj pluss
3
144 MERCURE DE FRANCE .
8
plus tendre jeuneffe , par fes talens pour
la Comedie & pour la Danſe . On efpere
qu'elle dédommagera le Public , qui l'a:
extrêmement applaudie de fon incomparable
Tante , qu'on ne ceffe de regreter.
Elle joua le même rôle le fur- lendemain.
& elle fut infiniment plus applaudie. Et
dans la petite Piece elle parut fous le nom
de Rozette dans le Cocher fupofé , avec
une fatisfaction generale des Spectateurs
qui la trouvent façonnée au Théatre com →
me fi elle étoit âgée de trente ans , & qu'elle
l'eut toujours affidument cultivé.
Deux jours après , elle remplit le rôle
de Cleantis dans la Comedie de Démocrits
amoureux , & le Public qui l'applaudit :
extrêmement , en parut encore plus content.
La Comedie du Curieux Impertinent
en vers & en cinq actes , que les Comediens
François reprefenterent à la Cour
les de ce mois , fit un extrême plaifir.
C'est la premiere Piece de M. Néricault
Deftouches , qui eut beaucoup de fuccès
en 1710. dans fa nouveauté , & qui ne fait
pas moins de plaifir aujourd'huy. Elle eft
parfaitement reprefentée , quoiqu'il n'y
ait que le Sde la Thorilliere , de tous
ceux qui en remplifſoient les rôles en ce
tems- là ; il y joue le même rôle de l'Olive.
Celui de Gerente , joué par le feu St Guerin
,
JANVIER. 1730. 14'
rin , eft rempli par le S, du Chemin , pere.
Celui de Julie fa fille , joué par Mad® Dancour
, par la Dlle Labat. Celui de Leandre,
joué par le S'Baron fils, par le S' Quinaut.
Celui de Damon par le S Poiffon fils ; par
le St Dufresne. La fuivante Nerine , jouée
par Made Delmares , par la Dlle Quinaut
. Crispin , joué alors par le S Poif
Lon pere , aujourd'huy par le Sieur Poif--
llon fils.
Le 10. les mêmes Comediens reprefen
terent à la Cour la Tragedie de . Berenice ,
& le Retour imprevu.
Le 12. Jodelet Maître & Georges Dandin..
Le 17. La Tragedie d'Electre & l'Avare
amoureux.
Le 19.le Philofophe marié & la Serenade.
Le 26. Efope à la Cour , & pour petite-
Piece Colin Maillard.
On donnera la premiere reprefentation
de la Tragedie de Callyftene le 10. ou le:
12 du mois prochain..
Le 23. les Comediens Italiens donnerent
la premiere reprefentation d'une Piece
nouvelle en Profe & en trois actes , de M.
de Marivaux , intitulée le Jeu de l'Amour
du Hazard , laquelle a été reçûë trèsfavorablement
du Public . On en parlera
plus au long. Elle a un très - grand fuccès.
les mêmes Comediens reprefen-
Le.7.
terent
146 MERCURE DE FRANCE .
tèrent à la Cour , la furprife de l'Amour ,
Comedie en trois actes , avec la petite
Piece des Debuts , dans laquelle la Dile Silvia
& le S Theveneau , jouerent d'une
maniere inimitable la Parodie das trois
Intermedes du Joueur , qui ont été reprefentés
fur le Théatre de l'Opera au mois
de Juin dernier. Certe Parodie qui a été ·
fi goutée à l'Hôtel de Bourgogne, n'a pas
moins plû à la Cour.
Le 14. ils reprefenterent les Comediens
Efclaves , & la petite Piece de la veuve
Coquette.
Le 21. Arlequin Sauvage & Arlequin
Poli
par
l'Amour...
Le 28. la Piece nouvelle du Jeu de
l'Amour & du Hazard qui a été trèsgoûtée,
& l'Horoscope accompli
Le 6. Janvier , Fête des Rois l'Academie
Royale de Musique donna le premier
Bal de cette année , qu'elle continuëra
de donner differents jours de la
femaine pendant le Carnaval jufqu'au
Carême.
On continue les repréfentations de l'O
pera de Thefée , auquel elui de Tele-
・maque , qu'on repete , fuccedera le mois
prochain ; mais à propos de Thefée , quelques
perfonnes d'un goût exquis , nous
ont reproché de n'avoir rien dit de la belle
Décoration
JANVIER. 1730. 147
Décoration du premier Acte de cet Opera
, repréfentant le Temple de Minerve .
Nous reconnoiffons notre tort , & pour le
réparer , voici une Defcription que nous
allons tâcher de rendre digne de la curiofité
du Lecteur , & s'il le peut , de ré--
pondre au mérite de l'Ouvrage.
Ce Temple eft d'Ordre Ionique , très--
richement orné. Les Colonnes , Pilaftress
& Contre- Pilaftres font en Marbre ca- ·
nelés ; les ornemens en Bronze doré ,
& les Figures & bas Reliefs , en Marbre
blanc.
Un grand Veſtibule eft formé par 40 .
Arcades fort exaucées , deux à droite ,,
& deux à gauche , foûtenues par 16. Co--
lonnes couplées , qui forment un paffage :
confiderable l'entrée & la fortie des
Acteurs.
pour
Dans les espaces entre les Arcades , il y a 1
deux Colonnes ifolées & Contre pilaftres ,
avec leurs Piédeftaux & leurs Entablemens.
De grandes Conſoles pofent deffus
& foutiennent des Travées formant un
Plafond à compartiments , dans le goût
Antique , lequel par l'art de la Perfpective
trompe les yeux , car il paroît vrai
& de niveau aux Spectateurs , quoiqu'il
foit par la pofition des toiles , mis perpendiculairement.
Entre les Colonnes du Veſtibule , font
deş
ン
748 MERCURE DE FRANCE.
des Piédeftaux ronds , portant des Fi
gures qui paroiffent réellement ifolées , &
détachées du fond où elles font peintes .
Au fond de ce Veftibule , eft une grande
Arcade de 13. piés d'ouverture , fur 26 .
de haut , portée par huit Colonnes. Les
Entrecolonnements font de 4. piés d'ou
verture, par où l'on découvre tout le Temple
, qui par l'oppofition de ces Colonnes,
par la maniere dont elles font traitées , &
par le jour dont il eft éclairé , qui eft beau--
coup plus vague & brillant que celui du
Veſtibule , devient entierement majef
tueux & éclatant ; entre les Colonnes il
y a deux Figures ifolées .
Cette grande Arcade fert de principale
entrée au Temple , lequel paroît réellement
aux yeux de figure ronde.
Tout autour de l'interieur du Temple ,
font Arcades voutées qui forment des
bas côtez , dont les Voutes font portées
par des Colonnes de la même proportion
que celles du Veftibule , avec lesquelles
elles s'alignent & ne font qu'un Corps:
d'Architecture.
Au- deffus de ces Arcades eft une Galerie
ou Promenoir , formé par 5. autres
Arcades , dans les Pilaftres defquels il y a
des Colonnes adoffées au mur , de même
qu'au premier Ordre . Au- deffus de leur
Entablement s'éleve un Dome , orné de
Mofaiques,
JANVIER . 1730. 749
Mofaïques , formé par des formes Octogones
avec des Rozettes au milieu , dans
gout Antique. Ce fecond Ordre eft
Corinthien.
le
Pendant la Scene , ce Promenoir fe voit
réellement rempli d'un grand nombre de
perfonnes , qui font Spectateurs des Cérémonies
qui le font dans le Temple . On
voit au milieu de ce Temple la Statuë de
Minerve en ronde Boffe , affife fur un
Piédeftaik
Les connoiffeurs ont mis cette Décora
tion au-deffus de celle du Palais de Ninus
du même Auteur , dans l'Opera de Pi
rame & Thiſbé , dont nous avons donné
la Defeription en Octobre 1726. La
Perfpective femble avoir donné réellement
à cette derniere une élevation extraordinaire
, puifque malgré la petiteffe
du lieu , & fans avoir dérangé aucune
machine , les Décorations font beaucoup
plus hautes dans le fond du Theatre que
fur le devant , chofe qu'on n'avoit pas encore
vû à l'Opera , & qui fait un effet
admirable ; car outre le Dome , on y
voit dans le fond , deux Ordres d'Architecture
, le tout ayant 32. piés de haut
réels , qui paroiffent à la vue en avoir
plus de 60. au lieu que jufqu'à préfent
aucune Décoration n'a eu que 1 8. piés de
haut au plus dans le fond.
L'Ordre
Tso MERCURE DE FRANCE . S
L'Ordre du Veftibule , qui eft Ionique ,
saligne tout au pourtour à l'aplomb du
fecond Ordre du Temple , qui eft Corinthien
. On y voit réellement 78. Colonnes
ou Pilaftres ; les plus grandes
portent l'Entablement qui regne au pourfour
; les moindres , qui ne montent
qu'aux deux tiers des grandes , portent
les Voutes & les Arcades ; elles font
roître le Temple d'une grandeur d'autant
plus étonnante , que tout le monde fçait
que le lieu est très - refferré.
pa.
Le fieur Servandoni , Auteur de cette
Décoration & de toutes celles dont nous
avons parlé dans nos précedents Mercures,
a travaillé jufqu'ici avec fuccès à faire
paroître vrayes toutes les Décorations
qu'il a données ; mais comme l'Architectute
eft fon principal talent , & qu'il y
donne toute fon attention , il a compofé
toutes les Décorations avec tant d'étude
& d'art.qu'elles peuvent êtretoutes mifee
réellement à execution , felon les difpofitions
les plus exactes , & les regles les plus
justes de l'Architecture .
Il a donné par ordre de la Cour , un`
Deffein pour l'Edifice qu'on propofe de
bâtir aux Grands Auguftins de Paris. Il
eft Auteur des Difpofitions , Décorations ,
Illuminations de la Fête & du Feu d'artifice
fur la Riviere de Seine , tiré le 24. de
JANVIER. 1730. 151
ce mois , dont nous ne manquerons pas de
parler.
2
L'Opera Comique fera l'ouverture de
fon Theatre , par une Piece intitulée , Le
Malade par complaisance , le 3. Fevrier
au Jeu de Paulme de la rue de Buffy , où
il étoit l'année derniere ; il y aura deux
Entrées. On n'a rien negligé pour rendre
le lieu commode , autant que fa fituation
l'a pû permettre.
NOUVELLES DU TEMS
DE PERSE.
Es Lettres d'Ifpahan portent qu'on efpe
roit d'y rendre inutiles les projets du Prince
Thamas, qui en fe rendant feudataire du
Grand Mogol, en cas qu'il puiffe re onter
fur le Trône de fes ancêtres , a engagé ce
Prince à mettre fur pied deux Armées trésnombreuſes
, qui doivent marcher au Printems
prochain vers les Frontieres de Perfe
On efpere auffi que le Grand Seigneur envoyera
une Ambaſſade au Grand Mogol , pour
le détourner de faire aucune entrepriſe fur la
Perfe , & pour lui propofer quelque accommodement
en faveur du Prince Thamas , auquel
on affure qu'il a donné une de fes filles en
Mariage.
Le Commerce d'Ifpahan eft entierement indterrompuz
152 MERCURE DE FRANCE.
terrompu ; la mifere du Peuple y eft extrême ,
& perfonne n'ofe entreprendre d'y envoyer
des Marchandiſes , ni d'en faire venir , à caufe
du grand nombre de brigands qui font fur les
cheinins , & qui pilient les Caravannes . Quoique
les Magazins des Negocians d'Europe
foient vuides , & que leurs Facteurs foient
préfentement inutiles , le Sultan Acheraf continue
cependant de leur faire payer très- fouvent
des taxes confiderables pour fe conferver
deux Generaux de fes troupes , dont il auroit
tout à craindre s'il ne contentoit pas leur avarice.
Les Troupes du Sultan Acheraf font en
quartiers dans les environs d'Ifpahan , & elles
peuvent fe raffembler en deux fois vingt- qua
tre heures , pour former une Armée de cin
quante à foixante -mille hommes.
I
TURQUIE ET AFFRIQUE.
Es Regences de Tripoli & de Tunis , ne
font point brouillées avec le Grand Seigneur,
comme le bruit s'en étoit répandu , &
Sa Hauteffe vient de les affurer de nouveau de
fa protection. On eft dans la crainte d'une révolte
generale en Egypte , dont les Pachas
oppriment les Peuples , fans leur rendre aueune
juftice dans la repartition des impofitions .
Le bruit s'eft répandu à Conftantinople , que
les Turcs ont remporté une victoire complette
fur les rebelles d'Egypte , dont il eft refté environ
40000 fur le Champ de bataille .
On écrit d'Alger , que le Bey de cette Ré
gence avoit fait dire au Commandant des trois
Vaiffeaux de Guerre Hollandois , qui ont porté
cette année à la Régence les préfens des Etats
Generaux , qu'il n'étoit pas content de ces
préfens
JANVIER . 1730. 153
préfens ; que le Divan les avoit trouvez d'une
valeur beaucoup inferieure à celle des préfens
que la République étoit convenuë d'envoyer
tous les ans le Commandant ayant promis
que ceux de l'année prochaine feroient beaucoup
plus confiderables , le Bey l'affura que
la Regence n'avoit aucun deffein de violer les
conventions faites avec la République d'Hollande
, mais qu'elle exigeoit que les Etats Generaux
& leurs fujets Negocians ceffaffent de
prêter le Pavillon Hollandois aux Efpagnols .
Portugais & Italiens , avec lefquels les Algeriens
font en guerre , ainfi que cela étoit arrivé
, même depuis trois mois. Ce fut à cette
condition que le Bey fit rendre à ce Commandant
les effets qui avoient été pris fur un Vaiffeau
Hollandois vers la fin d'Octobre dernier.
On a apris de Tanger , que Muley. Abdala
étoit actuellement paifible poffeffeur des Royaumes
de Maroc & de Fez ; que les Blancs & les
Noirs lui avoient prêté ferment de fidelité , & .
que n'ayant que le Royaume de Sus à conquerir
, on croyoit qu'il rétabliroit bien- tôt fa réfidence
à Miquenez , que le bruit couroit qu'il
alloit recommencer les Sieges de Ceuta & de
Mellilla , pour occuper une partie de fes
Troupes , qui dans l'inaction pourroient lui
devenir infidelles ; ces Lettres ajoûtent , que ce
Prince traitoit les Efclaves Chrétiens avec
beaucoup d'humanité , & qu'il avoit déja donné
la liberté à plufieurs d'entre eux , dont les
fervices lui avoient été agréables ,
On écrit de Tunis , que le Bey de cette Regence
s'étoit rendu à Soufa , pour en faire
rétablir les fortifications qui avoient été négligées
depuis plufieurs années , il prétend en
faire une bonne Place , & y établir le Commerce
.
154 MERCURE DE FRANCE .
merce. La même Regence a envoyé des Dépurez
à celle de Tripoli , pour travailler au
reglement de leurs limites.
Les dernieres Lettres de Tunis portent que
le Bey de cette Ville avoit remporté une victoire
complete fur le rebelle Ali -Pacha , fon
Neveu , & que s'étant emparé des hauteurs
& des paffages des Montagnes , où s'étoit
retiré le refte des rebelles , ils avoient demandé
à capituler , ce qu'on leur avoit accordé ; de
forte que cette Régence joüiffoit préfentement
d'une profonde tranquillité.
RUSSIE.
Deux Negocians qui fe font rendus d'Aront
propofé au
Czar de faire aux frais de leur Compagnie un
Canal de communication depuis la Mer Cafpienne
jufqu'à Archangel , à condition qu'on
leur accordera un Privilege exclufif, pour faire
le Commerce de routes fortes de Marchandifes
dans la Mofcovie : S. M. Cz. a donné ordre
à quelques Confeillers de fon Confeil , d'examiner
leur projet & d'en faire leur rapporte
SUUE DE .
ON aprend de Stokolm , que le Miniſtre
du Czar a reçeu une remife confiderable,
pour donner une Fête à l'occafion des Fiangailles
de S. M. Cz.
FESTE
JANVIER 1730. 155
le
FESTE donnée à Stolkbolm , par
Comte de Cafteja , Miniftre Plenipotentiaire
de France en Suede , pour la
Naiffance du DAUPHIN.
1
L'oré de 15.Arcades , dont 5. rempliffoient
'Hôtel destiné pour cette Fête , étoit dela
face , & 7. chacune des deux aîles ; il y avoit
trois Arcades à chacun des bouts des deux
aîles . Toutes ces Arcades étoient élevées depuis
le Rez- de- Chauffée jufqu'à la Corniche
du Batiment compofé de deux étages . Les
fenêtres de chaque étage , fe trouvoient à
l'aplomb des Arcades. Elles étoient peintes
en bleu , femé de Fleur de Lys d'or , dont
chacune étoit éclairée par derriere avec des
Lampions , au nombre de douze mille. Les
Piédeftaux des Pilaftres , étoient garnis differemment
par d'autres Lampions . Au milieu
de chaque Pilaftre , étoient les Armes du Roy.
Il y avoit un cordon de Lampions beaucoup
plus gros que les autres , aux endroits qui
féparoient les fenêtres les unes des autres.
Toutes ces fenêtres étoient remplies de grands
Chandeliers à trois branches , formez par des
Lampions ; & pour garantir l'Illumination des
injures du tems , la Cour étoit entierement
Couverte d'une toile à l'épreuve de la pluye.
Tous les Appartemens de cet Hôtel étoient
meublés magnifiquement ; les Sales des Rez
de Chauffée , furent deftinées pour les Tables
& les Buffets ; trois des Sales du premier
étage étoient pour le Bal , deux pour le Jeu ,
& l'autre pour le Buffet , où étoient les rafraîchiffemens.
La
# 56 MERCURE DE FRANCE .
La fête commença le 7 du mois dernier par
un dîné , auquel le Comte de Caſteja avoit invité
tous les Sénateurs , les Miniftres étrangers,
les Préfidens des Colleges, & d'autres Officiers
les plus confidérables , qui s'y trouverent au
nombre de quarante. Ce dîné dura depuis une
heure après midi jufqu'à fix heures du foir.La
Table fut fervie avec autant de délicateffe que
d'abondance. On y but au fon des Trompetes
& des Timbales , les fantez du Roy , de la
Reine & de Monfeigneur le Dauphin , celle du
Roy & de la Reine de Suede , du Langrave de
Helle, & beaucoup d'autres qui furent fouvent
rélterées.On fervit à la fin du repas les Liqueurs
les plus exquifes.
Le lendemain 8 Decembre il y eut une feconde
fête , qui commença à fix heures du foir
par un grand Bal. Il fut ouvert par le Ministre
Angleterre qui en étoit le Roy , & par la fille
du Comte de Horn , premier Miniftre de Suede
, qui en étoit la Reine ; à la fin du premier
Menuet le Roy de Suede arriva ; il danſa d'abord
avec la Reine du Bal ; il prit enfuite la
Comteffe de Cafteja . Sa Majefté refta au Bal jufqu'à
neuf heures ; dès qu'elle fe fut retirée on
fervit deux Tables de trente- cinq couverts chacune
, qui furent renouvellées quatre fois , de
deux heures en deux heures pour de nouveaux
Conviez qui fe fuccederent les uns aux
autres. Il y avoit outre cela dans les mêmes
Sales plufieurs petites Tables , qui furent renouvelleés
de même que les deux grandes ; de
forte que ce furent quatre foupez differents de
foixante & dix perfonnes chacune , pour les
deux grandes Tables , & de prefque un pareil
nombre pour les petites . Ces Tables furent
remplies fucceffivement par toutes les Dames
de
JANVIER. 1730. 157
de la Cour , par les Senateurs , les Miniftres
Etrangers , les Préfidens des Colleges , les Generaux
des Troupes, les Lieutenans Generaux ,
les Majors , les Colonels , les Chambelans , les
Gentilhommes de la Cour , par tous les Officiers
du Regiment des Gardes , par plufieurs
Lieutenans-Colonels Majors & autres gens de
condition , par tous les Colleges de la Chancelerie
, & par une partie des Confeillers & Officiers
des autres Colleges qui y avoient tous été
invitez avec leur femme & leur famille ,
Ces Tables furent fervies avec la même abondance
& la même délicateffe que celle du jour
précedent , & on fervit en même tems une
grande quantité de Confitures , d'Oranges , des
Vins de Liqueurs & toutes fortes de rafraî
chiffemens à tout le monde. Le Bal dura toute
la nuit , auffi bien que l'Illumination . Les Fontaines
de Vin , que l'on avoit placées dans les
Arcades de l'Hôtel , ne cefferent de couler pendant
tout ce temps-là.
Il n'y a pas d'exemple en Suede d'une pareille
Féte, & où l'on aitrégalé en même temps un
fi grand nombre de perfonnes ; & malgré le
monde prodigieux qui s'y trouva, il n'y arriva
aucun défordre .
Il n'y eut point de Feu d'artifice , n'ayant jamais
été permis d'en faire à Stockholm , par la
crainte du feu , toutes les Maiſons de cette Ville
étant bâties de bois , & on y porte la précaution
fi loin à cet égard , qu'il y eft deffendu
de fe fervir de Flambeaux la nuit ; on ne s'y fert
que de Lanternes.
H
Allemagne
158 MERCURE
DE FRANCE
.
ALLEMAGNE.
Es Juifs ont offert à l'Empereur de lui faire
Lun prêt de quatre cent mille Florins , dans ,
l'efperance d'obtenir la révocation de l'Edit
publié à Prague en 1727. par lequel il n'eft permis
qu'aux aînez des familles Juives de fe marier.
Ily a dans le Palatinat & aux environs une
Troupe de Mendians & d'autres gens fans aveu,
qui mettent le feu aux Granges des Paifans
qui leur refufent retraite, Ils brûlerent il y
a quelques jours une Ferme tres - confiderable
, qui appartient à l'Abbeffe de Gravent-
Raindorff. On en a déja arrêté plufieurs qui
doivent être exécutez dans quelques jours , &
l'on a envoyé divers détachemens de Troupes
- contre les autres.
On apprend de Drefde que le Régiment des
grands Grenadiers du Roy de Pologne fera
bien- tôt complet , par les foins que l'on prend
de lui envoyer de plufieurs endroits des hommes
d'une taille extraordinaire . Outre cette
Troupe qui fera une des plus belles de l'Europe,
on va former une Compagnie de deux cens
grands Moufquetaires , tous Gentilhommes.
Le Roy en fera le Capitaine , & le Prince Lubomirsky
Capitaine- Lieutenant.
ITALIE,
N apprend de Rome que la veille de Noël
les Cardinaux qui étoient reftez au Palais
du Vatican , pour affiſter à l'Office de la nuit ,
furent traitez magnifiquement ; ils entendirent
enfuite les Matines & la Mele de Minuit , que
le
JANVIER. 1730. 159
le Pape celebra pontificalement, ainfi que celle
du jour de la Fete . Entre les deux grandes Melfes
Sa Sainteté en dit une baffe, pendant laquelle
elle facra le Pere Manara , Barnabite , de Savoye
, nouvel Evêque d'Alexandrie de la Paille.
Une Compagnie de Marchands de diverfes
Villes d'Italie ont fait prefenter par le Baron
Tinti un Projet pour faire creufer un Canal, par
le moyen duquel les eaux de l'Adige s'écouleront
plus ailément , & cette Riviere deviendra
navigable jufqu'à Oftiglia , ce qui feroit favorable
au commerce de Triefte , parce quon y
pourroit tranfporter par cau des Marchandifes
de plufieurs Villes d'Italie , ils demandent
que pour les dédommager des dépenfes qu'ils
auront faites pour ce Canal , on leur accorde
pendant dix années les péages qu'on leve fur
cette Riviere.
On écrit de Florence que deux Galiotes des
Côtes de Barbarie ont fait depuis peu une defcente
du côté de Recoreggio; & fur le point du
jour les Turcs qui étoient reftez fur ces deux
Bâtimens ayant feint de fe battre &tiré plufieurs
coups de Fufil , des gens du pais & plufieurs
Soldats de la Garniſon de Porto - Vecchio accoururent
fur ce rivage pour être ſpectateurs
du combat. Sept Soldats qui s'étoient trop
avancez furent envelopez & faits eſclaves par
les Turcs qui étoient à terre.
REJOU IS ANCES faites à Malte
Extrait de diverfes Lettres .
Es
Les nouvellesde la naiffance du DAUPHIN n'étant arrivées à Malte que le 31.Octobre,
on commença dès ce même jour les prépara-
Hij
tifs
160 MERCURE DE FRANCE .
tifs des Fêtes que la Religion, & plufieurs perfonnes
confiderables de l'Ordre devoient donner
à cette occafion . Le Bailly d'Avenes de Bocage,
chargé des affaires du Roy en cette Ille , eft
le premier qui s'eft diftingué . Il fit dreffer de
vant fon Hôtel un Arc de triomphe de trente
pieds de hauteur , lequel occupoit toute la largeur
de la rue.Les 4 Colomnes Holées de la Fasade
étoient ornées de feftons , de feuillages
& de fleurs. L'Attique qui furmontoit cet Arc
étoit orné de la même maniere , & on y voyoit
les armes du Roy , de la Reine & du DAUPHIN ,
avec cette Infcription :
EX FOECUNDITATE REGIA FELICITAS
POPULI.
La Fête commença le foir du 12 Novembre
par une illumination , compofée de quantité de
grands Lampions , couverts de papier tranfpa
rent , où les armes du Roy , de la Reine & du
Dauphin étoient peintes féparément & placées
alternativement fur les Corniches & fur les
autres faillies de l'Arc de triomphe , ainfi que
fur les Portes , les Fenêtes de l'Hôtel du Bailly
d'Avernes, & fur celles des Maifons oppofées :
I'Infcription parut alors en lettres de feu .
A vingt pas de diftance de l'Arc de triomphe
on avoit élevé deux Piramides à jour, de vingtquatre
pieds de hauteur, garnies de haut en bas
de quantité de Lampions , & furmontées par 2
Globes lumineux. Ces Piramides jettoient fur
l'Arc de Triomphe & aux environs un éclat
furprenant. Pendant cette illumination on entendoit
une belle fymphonie qui étoit placée
dans un Balcon affez près de l'Arc de triomphe.
On accouroit en foule à ce Spectacle; on fut
furtout
JANVIER. 1730. 16
furtout charmée d'un beau Portrait du Roy ,
peint de grandeur naturelle , que M. le Bailly
avoit fait placer à l'entrée de fon Hôtel fous un
Dais de Velours cramoifi , éclairé de quantité
de Flambeaux de cire blanche.
Le Dimanche 13. M. le Bailly fit chanter une
Meffe folennelle à plufieurs Choeurs de Mufique
, dans l'Eglife des Jéfuites , à laquelle le
Grand-Maître affifta , accompagné des Grands
Croix , des Chevaliers , Officiers , & autres
Membres de l'Ordre qui y avoient été invitez
L'Eglife étoit parée & éclairée extraordinairement.
Un Portrait du Roy y étoit expolé fous
un Dais magnifique. On avoit élevé audeffus
de la grande Porte les Armes de Sa Majesté, de
la Reine & du Dauphin , dans des Cartouches,
⚫rnez de Feftons , de Feuillages & de Fleurs ;
& audeffous on lifoit ce verfet du Pfeaume 71 ,
en lettres d'or : Deus judicium tuum Regi da,
& juftitiam tuam filio Regis .
La Meffe finie , l'Abbé Signoret fous Prieur
de l'Eglife de S. Jean qui l'avoit celebrée , entonna
le Te Deum , qui fut chanté par la Mufique,,
aux Fanfares des Trompettes , des Tim-
Balles & au bruit de l'Artillerie de nos Cavaliers
, & de celle de tous les Bâtimens François
qui fe trouverent dans ce Port . Le Domine falvum
fac Regem , fut chanté de la même maniere.
Enfuite le Bailly de Bocage, accompagné
du Bailly de la Salle & du Bailly de Froulay
General des Galeres , tous trois de la Langue
de France, s'avancerent à la porte de l'Eglife
pour remercier le Grand Maître & toutes
les perfonnes de l'Ordre qui avoient affifté à
cette ceremonie. Il s'étoit célebré depuis la
pointe du jour des Meffes en plufieurs Eglifes
dans la même intention.
-
Hij
Le
162 MERCURE DE FRANCE.
Le Bailly donna enfuite un fplendide dîné ,
qui fut fervi fur deux Tables de quinze cou
verts chacune. Sur la fin du repas , les fantez
du Roy, de la Reine, du Dauphin & du Grand-
Maître furent bues au bruit de l'Artillerie &
des Fanfares.Une Fontaine de vin à quatre jets
& extrémnement ornée amufa le peuple jufqu'à
la nuit. On lifoit ces Vers au deffus de la Fontaine
:
Emanare folent Fontes cum murmure Limphas
,
Hic fons fefive murmure viva fluit.
Curritejam populi , calices potate frequentes ,
Nec non folemnem , nunc celebrate diem :
Nam fæcunda dedit DELPHIN UM Gallia
nobis ;
Et nos DELPHINO Gaudia noftra damus.
On auroit peine à exprimer l'allegreffe du
peuple & à décrire les diverfes Danfes des Matelots
Provençaux , des Maltois & celles même
des Barbarefques . Le bruit confus des differens
Inftrumens de ces Nations , mêlez aux cris redoublez
de VIVE LE ROY , ne laiffoit rien à
délirer au Miniftre de Sa Majefté , qui excitoit
lui-même la joye publique en plufieurs manieres
, furtout par des envois de vivres & d'autres
rafraîchiffemens , & en affiftant abondamment
les pauvres. Il a eu la fatisfaction de voir
que malgré ce mêlange de Nations , la tranquillité
a toujours été parfaite dans cette fo-
Jemnité.
L'illumination recommença le foir comme la
nuit précedente , & fut continuée le troifiéme
jour prefque jufqu'au lever du Soleil. L'Eglife
&
JANVIER 1730. 163
C
& le College des Jefuites furent auffi illuminez
, ainfi que les Maiſons des Chevaliers de la
Nation & celles de tous les François établis à
Malte. L'affluence a toujours été égale pendant
ces trois jours dans la maiſon du Bailly de Bocage
, où l'on trouvoit toutes fortes de rafraî
chiffemens , particulierement des Glaces , des
Confitures & des Pâtes douces , qui font très
en ufage dans ce païs- ci.
Les Rejouiffances qui ont été faites ici par
l'Ordre de S. Jean de Jerufalem , ont duré trois
jours.confecutifs. Elles commencerent le Dimanche
20 Novembre par une Meffe folemnelle
, celebrée pontificalement dans l'Eglife
de S. Jean , par le Prieur de cette Eglife, & chantée
par une excellente Mufique . S. A. Eminentiffime
M. le Grand- Maître , y affilta avec tout
le Corps de la Religion . Après la Melle , le Te
Deum fut chanté par la même Mufique , au
bruit de plufieurs falves de toute l'Artillerie de
Terre & de Mer.
Le G. M. donna enfuite un fuperbe dîné à
feize Grands- Croix , François , Allemands
Italiens , Efpagnols , & Portugais : Le foir on
tira un très -beau feu d'Artifice.
Le Lundi , les trois Langues de France firent
chanter une grande Meffe & un Te Deum dans
l'Eglife de S. Jean , la Mufique fut encore audeffus
de celle de la veille , le G. M. à la tefte
de tout l'Ordre y affifta ; les Procureurs des
Langues prefenterent un magnifique bouque t
à S.A.E. & le foir il y eut encore un Feu d'Artifice
tiré devant le Palais . On executa enfuite
un très -beau Concert dans la Salle de l'Auberge
de France , ornée avec la derniere magnificence
, & enrichie d'un Portrait du Roi placé
Hiiij
fous
164 MERCURE DE FRANCE.
fous un Dais fuperbe. Le Concert étoit compofé
des meilleures voix , & de plus de cent
Inftrumens. Le Confeil entier & toute la Reli
gion s'y trouva ; on y laiffa entrer les Maltois
les plus apparens , ce qui fit un concours de
près de deux mille perfonnes. Les Paroles Italiennes
de ce Concert font de M. Ciantor , Baron
Maltois ; elles furent fort applaudies.
Le Mardi , l'Auberge d'Arragon & le grand
Prieuré de Caftille , firent chanter un Te Deum
dans l'Eglife de S. Jean , auquel le Prieur de
cette Eglife , malgré fon âge & fes infirmitez,
continua d'officier pontificalement comme les
jours precedens.
La Langue Françoiſe donna enfuite à dîner à
plus de cent perfonnes de diftinction. Il y eut
trois grandes Tables , dont la premiere étoit
remplie par le Confeil , par les trois premiers
Officiers du G. M. & par quelques Chevaliers
qui en faifoient les honneurs . La feconde & la
sroifiéme furent occupées par les Procureurs de
toutes les fept Langues & par d'autres Chevaliers.
Les fantez du Roi , de la Reine , du Dau
phin & du G. M. furent buës,au bruit de quatre
Talves de Canons , les trois premieres de 21
coups chacune , & la derniere de dix-neuf
coups . La même chofe fut obfervée au dîné
du G. M.
To
Le foir les trois Langues de France firent
une grande Cocagne dans la Place de la Confervatorie
, laquelle fut livrée au Peuple fuivant
la coûtume. Tous les ans le Lundi gras le
G. M. donne une pareille Fête. La Cocagne
confifte en une grande abondance d'Agneaux
, de Cochons de lait , de Poulets d'Indes
, de Lapins , de Chapons , de Pigeons ,
&c. rotis , avec quantité de fromages de Jambons
,
JANVIER 1730. 165
bons , & c . dont le Peuple eft regalé . Celle
dont il eft ici queftion , confiftoit en une grande
Piramide de Charpente , auffi haute que le toit
des Maifons de la Place ; elle étoit ornée de
feuillages , decorée de Peinture , d'Emblêmes ,
&c. & garnie depuis le pied jufqu'au fommer
de toute forte de viandes roties de la qualité
qu'on a dit , & de plufieurs autres chofes pour
compofer un Regale parfait . La Compagnie
du G. M. entouroit la Piramide , au haut de
Jaquelle étoit arboré un Drapeau. Au premier
bruit des Trompettes qui founerent la charge ,
une troupe d'Affaillans donna l'affaut , & on
vit fur tout les Matelots montrer une agilité
merveilleuse pour avoir la gloire de rapporter
le Drapeau , celui qui s'en rendit le Maître
reçut quelques fequins pour le prix de fon
adreffe , les autres furent dédommagez par le
pillage des viandes , c'étoit un fpectacle divertiffant
de voir cette foule d'Affaillans grimper
fur la Piramide , qui n'en pouvoit contenir
qu'un certain nombre , ce qui caufoit des chutes
, des culebutes , & une divertiffante con
fufion . On avoit rempli de feuillages toute la
circonference jufqu'à une certaine hauteur
afin que perfonne ne fut bleffé en tombant.
Il y eut enfuite un Feu d' Artifice tiré devant
le Palais , & un grand Bal à l'Auberge de
France , qui s'eft diftingué par la profufion des
rafraîchiffemens , par l'illumination de la Sale,
par le choix des Inftrumens , & par le bon
accueil fait à tous ceux qui fe font prefentez ,
les Baillis de Bocage & de Froulay firent les
honneurs de ce Bal.
Pendant ces trois jours confecutifs , ia Reli
gion , M. l'Evêque & tous les Maltois ont fair
de très - belles illuminations : Les trois Langues
H.V ont
166 MERCURE DE FRANCE.
ont fait couler des Fontaines de vin : mais la
Langue de France a fait toutes chofes par profufion
. Elle a fait diftribuer de grandes charitez
, non feulement à tous les Pauvres mandians
, mais particulierement aux Pauvres honteux
, & à toutes les Families qui font dans
le befoin.
Je crois , au refte , que dans cette folemnité
il s'eft tiré plus de deux mille coups de Canon,
car on n'a pas ceffé de tirer , foit des Fortifications
, foit des Bâtimens de Mer , pendant
les grandes Meffes , & les Te Deum , fans
compter les falves qui ont été faites durant les
Feftins , & c.
Entre toutes les Fêtes qui ont été données
ici à l'occafion de la Naiffance du DAUPHIN ,
celle que le Bailly de Froulay , General des
Armées Navales de la Religion , donna le 14.
Novembre , a été fans contredit la plus brillante
, & la plus au gout de tout le monde.
Elle cominença par une illumination des
Galeres , la plus ample , & la mieux executée
qu'on eut encore vûe dans cette Ifle, les tentes,
les flames , & les pavois , y paroiffoient toutes
en feu , les rames étendues étoient garnies de
Jampions jufqu'à l'extrêmité. On avoit élevé
fur la Poupe de la Capitane à la Place du
grand Fanal , les Armes du DAUPHIN fur le
devant d'une machine de 24 pieds de hauteur ,
a'u bas on li'oit certe Infcription , DII TIBI
DENT ANNOS. Les Armoiries étoient couvertes
d'une tenture de damas crameifi & plus de
700 Lampions placez dans cette machine devoient
les éclairer.
Les Galeres étoient rangées fur une mêne
ligne entre la pointe de S. Ange & celle de l'Ifle
de la Sangle , & lorfque tout fut allumé le
Grand
JANVIER. 1730. 167
Grand- Maître qui étoit à fonBelveder du Port,
donna un fignal auquel la tenture de damas
tomba , & les Armes du Dauphin parurent
très- brillantes. Les Galeres les faluerent de
trois falves reales confecutives , de la voix , de
la Moufqueterie , & du Canon ; dans les intervales
des falves on entendoit les Fanfares des
Trompettes , les Timbales , les Hautbois &
plufieurs autres Inftrumens , placez fous le
Belveder du Grand- Maître.
Les falves finies , on vit paroître une Ga
liotte à 18 rames , illuminée d'un côté , & qui
debouchoir de derriere la pointe de l'ifle ; auffitôt
tous les Caïques & les Felonques des Galeres
, auffi illuminées , allerent la reconnoître,
la Galiotte prit bientôt chaffe , les Felouques
la fuivirent , & dès qu'elles en furent à portée,
le combat commença par des décharges réci
proques de moufqueterie & par des grenades
qui bruloient même dans la Mer. La Galiotte
predée par les Caiques fut forcée de paffer fous
le balcon du Grand Maître , où le Feu fut beaucoup
plus vif , elle s'ouvrit enfuite un paffage,
& fit force de rames pour fuir du côté du Palais
de Bichi. Les Caiques & les Felouques la
fuivoient de près , & lui jettoient fans ceffe
des feux ; elle fut encore jointe , ce qui l'obligea
de paffer fous la pointe de S. Ange , & fort près
des Galeres , lefquelles lui lâcherent quelques
coups de Canon , dont fon-principal mât parut
abatu : Alors les Caiques l'environnerent , l'abordage
fut vif, & l'animofité qui parut de
part & d'autre reprefenta parfaitement bien un
veritable combat. Enfin on vit le feu prendre
à la Galiotte qui fut confumée au milieu du
Port. Pendant tout ce jeu qui fut très-bien exe
cuté les Galeries tiroient continuellement
H vj
des
168 MERCURE DE FRANCE.
des Fufées , des Pots à feu & d'autres Artifices
Il parut enfuite un grand Soleil au haut du
mât de la Capitane qui fervit de fignal aux autres
Galeres pour executer quantité de roues ,
de fontaines de feu , & d'autres Artifices . Enfin
deux Girandoles de Fufées parties de la
proue de la Capitane , remplirent l'air de leurs
feux , lefquels étant joints à ceux de quantité
de tonneaux gaudronnez , qui bruloient autour
des pointes de S. Ange & de l'Ile , & qui
fe repetoient dans la Mer , la faifoient paroître
toute en feu .. Le tout enfemble forma un des
plus beaux ſpectacles qu'on puiſſe voir en ce
genre.
Après ce divertiffement , M. le General de
Froulay , donna dans fon Palais un magnifique
fouper aux Chevaliers de toutes les Nations.
Les fantez du Roy , de la Reine , du Dauphin
& des autres Potentats Catholiques de l'Europe
y furent celebrées au bruit du Canon du Château
& des Galeres . Après le fouper on paffa
dans la Salle du Bal , où fe trouverent quatre
jeunes Maltois , du Corps des Galeres , & autant
de filles qu'ils avoient épousées le matin
& que le General avoit dotées. Pendant le Bal
qui dura jufqu'au jour , on fervit toutes fortes
de rafraichiffement. Et pendant toute cette
Fête , il y eut fur le Quay plufieurs Fontaines .
de vin pour les Equipages & pour les Forçats ,
plufieurs defquels furent mis en liberté..
ES PACNE..
&
N mande de Seville que le premier de ce
mois , les Miniftres Plenipotentiaires du
Roi Très Chrétien,de S. M. Catholique , & du .
Roy d'Angleterre , y firent , l'échange des rati
fications.
JANVIER 1730.
169
fications du Traité de Paix , d'union , d'amitié
& d'alliance deffenfive , conclu dans la même
Ville le 9 du mois de Novembre dernier , on
attend dans quelques jours un pareil acte d'échange
de ratification de la part des Etats Generaux
des Provinces unies , dont l'Ambaffadeur
Extraordinaire & Plenipotentiare a accedé
à ce Traité le 21 du même mois.
On a appris de Lifbonne que le 18 Novem--
bre un Vaiffeau chargé pour le compte des Fer--
miers du Tabac , fut entierement brulé . 52 perfonnes
y ont péri.Il s'apelloit le S. Gabriel.
Le de ce mois , le Marquis de Brancas ,
Ambaffadeur du Roy Très Chrétien , termina
les Fêtes qu'il a données à Seville , à l'occafion
de la Naiffance du Dauphin , par un très - beau
Feu d'Artifice qui fut tiré vis- à- vis le College
Royal de S. Felme , en prefence de Leurs Majeftez
& des Princes & Princeffes de la Famille
Royale qui étoient aux fenêtres du Palais de
l'Arcaçar.
Le 10. on publia dans les Places & Carrefours
de Madrid , avec les ceremonies accou
tumées , le Traité de Paix , d'union , d'amitié
& d'alliance defenfive , conclu à Seville le 9 .
Novembre dernier , entre le Roy Tr. Ch. le Roi
d'Efpagne , le Roi d'Angleterre & les Etats-
Generaux des Provinces Unies . Le foir & les
deux nuits fuivantes il y eur des Feux , des
Illuminations & d'autres marques de réjouiffance
dans toutes les rues de la Ville.
GRANDE BRETAGNE.·
Ur la fin du mois dernier, près de 160 Vaifa
Sfeaux Marchands font partis de differens
Ports de ce Royaume pour aller dans les Pays,
Etrangers
170 MERCURE DE FRANCE .
Etrangers , ce qu'on n'avoit pas vû depuis plufieurs
années .
Le s. Janvier , il arriva à Londres un Courier
depêché de Seville avec les Cedules du
Roi d'Espagne que la Compagnie de la Mer du
Sud attendoit pour continuer fon Commerce ,
& pour faire partir le nouveau Vailleau qu'elle
fait conftruire .
Le Comte de Stair , ci - devant Ambaffadeur
de France , a été nommé par le Roi Admiral
d'Ecoffe avec mille liv.fterlings d'apointemens .
Le 17. il y eut à Londres un brouillard fi
épais , que vers les quatre heures après midi
on fut obligé d'allumer des Lanternes & des
Flambeaux pour aller dans les rues : il arriva
plufieurs accidens fur la Tamife , & un Gentilhomme
qui fe promenoit dans le Parc de
S. James , ne voyant plus à fe conduire
tomba dans le Canal , où il fe feroit noyé infailliblement
, fi deux Soldats qui étoient auprès
, ne l'euffent fecouru .
C
Le 18. on publia dans les Places , Carre.
fours , & autres lieux accoutumez , le Traité
de Paix d'union , d'amitié & d'alliance défenfive
, conclu à Seville , le 9. du mois de Novembre
dernier.
! ! ! ! ! !! ! ! ! !!
MORTS , ET MARIAGES
des Pays Etrangers.
E Prince Thomas Emmanuel de Savoye ,
dor , Marechal de Camp , General des Armées.
de l'Empereur , & Colonel d'un Regiment de
Cuiraffiers
JANVIER. 1730. 171
Cuiraffiers, au Service de Sa Majefté Imperiale,
mourut de la petite Verole à Vienne , le 28. du
mois dernier , dans la 43 ° . année de ion âge ,
étant né le 8. Decembre 1687. Il avoit épousé le
24. Octobre 1713. la Princefle Therefe Anne
Felicité , Fille du Prince Jean Adam André
de Lichtenſtein , dont il a eu le 23. Decembre
1714. le Prince Eugene Jean de Soiflons ; le
Corps de ce Prince fut inhumé le 30. lans cérémonie
, dans l'Eglife de S. Eftienne .
La Marquife Douariere d'Anfpach , de la
Famille des Princés deWirtemberg Stugard en
Franconie , y eft morte âgée de 36 ans .
Le s de ce mois , une Femme nommée
Elizabeth Pieters . veuve de Reynier Bemel
man , mourut à Amfterdam , âgée de 111 ans.
Le Duc Jean Erneft de Saxe , Hofburg Haufen
, l'aîné de la branche Erneftine , eft mort
à Leypficx , dans la 27. année de fon âge.
D
On apprend de Vienne , que le nombre des
morts , tant de cette Ville que des Fauxbourgs
pendant l'année derniere , monte à 8283. Sçavoir
, 2570. hommes , 1816. femmes , 2042 .
enfans mâles , & 1855. filles . Le nombre des
enfans baptifez pendant la même année , eft de
5573.
Suivant les Extraits baptiftaires & mortuai
res , depuis le 21. Decembre 1728. jul qu'au '
23. Decembre 1729, on a baptife à Londres &
à Weftmintter 8736. garçons , & 8324 filies ,
en tout 29722. de forte que le rombre des
morts de cette année , excede celui de l'année
précedente de 1912 On a remarqué fur le
nombre des perfonnes mortes , qu'il s'en trouve
10735. au- deffous de deux ans , & 143. de
90 ans & au- deffus . Les maladies qui en ont
emporté plus des deux tiers , font les conyullions
,
172 MERCURE DE FRANCE.
vulfions , les fluxions , & diverfes fortes de
fiévres , la confomption & la petite verole.
Il est mort à Amfterdam pendant l'année
derniere , 9618. perfonnes , ce qui fait 1546
moins qu'en 1728. qu'il en mourut 11164.
Le 11. Decembre dernier , Fête de S. André .
jour deftiné pour la célebration des Fiançailles
du Czar , la Ĉzarine Doüairiere , les Princefles
du Sang , & les autres perfonnes de diftinction
qui avoient été invitées à cette Ceremonie , fe
rendirent au Palais vers les deux heures après
midi ; les Dames furent conduites dans les Appartemens
à la droite de la grande Salle , &
les Seigneurs dans les Anti- Chambres de S. M.
Cz. La grande Salle destinée pour cette Céremonie
, étoit magnifiquement ornée ; on avoit
placé au milieu un grand Tapis de Soye de
Perfe. Vis -à-vis de ce Tapis , au haut bout
de la Salle , il y avoit une table couverte de
drap d'or ; fur cette table étoit un Baffin d'or ,
dans lequel étoit la fainte Croix , & deux Plats
d'or , deftinez pour la benediétion des Bagues.
Il y avoit vis -à - vis de la Table , fur le Tapis
un Dais de drap d'argent brodé d'or , foutenu
par fix Majors Generaux. A la droite de ce
Dais , fur un autre Tapis de Soye , étoit un
Fauteuil pour le Czar , & à gauche , auffi fur
un Tapis & fur une même ligne , deux autres
Fauteuils de Velours vert chamaré d'or , pour
la Czarine Douairiere & pour la Princeffe future
Epoufe du Czar. A côté de ces Fauteuils
un peu en arriere , il y avoir quatre Chaifes
pour les quatre Princeffes du Sang, & plufieurs
autres Chaifes enfuite pour les Princeffes Mere
& Soeur de la Princeffe , & pour les autres
Princeffes de la Famille Dolgorucki.
Après que tout le monde fut affemblé au
Palais
JANVIER.
1730 173
Palais , le Prince Dolgorucki , Grand- Chambellan
du Czar & frere de la Princeffe fiancée,
fe rendit en qualité de principal Commiffaire
du Czar , pour cet Acte , avec une nombreuse
fuite de Carroffes & de Domeftiques de S. M.
Cz. au Palais de Golowiefch , où étoit la Princeffe
& toutes les Princefles de la Famille Dolgorucki
, il déclara à la Princeffe qu'il étoit
chargé de la conduire au Palais de S. M. Cz.
& après l'avoir priée de s'y rendre , il lui
donna la main & la conduifit au Carroffe &
après quoi la marche commença dans l'ordre
fuivant :
Deux Carroffes du Czar à fix chevaux , avec
les Chambellans de S M. Cz. un autre Carroffe
du Czar , auffi à fix chevaux , dans lequel
étoit le Grand- Chambellan feul . Quatre Coureurs
du Czar. Deux Fouriers de la Cour , à
cheval. M. Cofchelef , Ecuyer du Czar , à cheval
, feul. La Garde des Grenadiers de la Princeffe
à cheval . Quatre Poftillons de S. M.
Cz. Un caroffe à fix chevaux , dans lequel
étoit S. A. avec la Princeffe fa mere & la
Princefle fa foeur : fix Pages du Czar étoient
montez fur le devant du Carroflè : un
Page de la Chambre marchoit derriere à
cheval ; & fix Heyduques avec les Valetsde-
Pied de S. M. Cz . tous avec de magnifiques
Livres , alloient aux deux côtez . Plufieurs
autres Carroffes fuivoient , dans lefquels
étoient les Princeffes de la Famille Dolgorucki,
Les Dames de la Cour de S. A. Les Carroffes
de parade fermoient la marche.
Lorfque ce Cortege fut près du Palais du
Czar , le Maréchal de la Cour & le Grand-
Maître des Ceremonies , ayant à la main leurs
Bâtons de Ceremonie, & accompagnez des Seigneurs
174 MERCURE DE FRANCE .
gueurs de la Cour , allerent dans l'Apparte
ment des Dames, & prierent la Czarine Douai
riere , les Princeffes du Sang & les autres Dames
, de fe rendre dans la Salle des Fiançailles.
Après quoi le Maréchal de la Cour & le Grand
Maître des Ceremonies allerent au- devant de
la Princeffe pour la recevoir & la conduire
dans la même Salle . Le Prince Dolgorucki,
Grand-Chambellan , donna la main à cette
Princeffe à la defcente du Carroffe & l'accompagna
jufqu'à la Salle Auffi- tôt que la Princeffe
fui entrée dans la Salle , on entendit un
agréable Concert de Mufique ; après qu'elle
eut pris fa place , le Grand- Chambellan , les
Chambellans & autres Seigneurs , conduits
par le Maréchal de la Cour & par le Grand-
Maître des Ceremonies , allerent prendre lè
Czar aux fanfares des Trompettes , ce Prince ,
accompagné du Prince Gregoire Alexiowitz
Dolgorucki , du Velt Maréchal , Prince Dol
goruki , du Baron d'Ofterman , Vice Chancelier
, & de tous les Grands de fa Cour , fé
tendit auffi dans la même Salle.
Auffi tôt que S. M. Cz fe fut placée dans
fon Fauteuil , la Princeffe , conduite par le
Grand-Chambellan , fe rendit fous le Dais ;
le Czar s'y rendit auffi , étant conduit par le
Baron d'Ofterman , & fe mit à la droite de la
Princeffe. L'Archevêque de Novogrod fit enfuite
une Priere , & s'étant approché de la
Table , il mit les deux Bagues dans les deux
Plats d'or , les benit ,fuivant le Rit del'Eglife
Grecque , & les délivra aux Fiancez , fçavoir,
celle de la Princeffe à S. M. Cz . & celle du
Czar à la Princeffe . Après quelques autres
Prieres , le Czar & la Princefle s'étant remis
à leurs places , reçurent les complimens de
félicitation
ANVIER. 1730 : 175
félicitation des Seigneurs & Dames , qui eurent
l'honneur de leur baifer la main . On fit
en même temps une triple décharge du Canon
des Remparts , aux fanfares des Trompettes ,
&c. Après cette Ceremonie , le Czar , accompagné
de la Czarine Doüairiere , des Princeffes
du Sang & des Princeffes de la Famille Dolgorucki
, conduifit la Princeffe fiancée dans
fon Appartement , pour y voir tirer un Feu
d'artifice qui réüllit très -bien. Il y eut auffi de
fort belles Illuminations . Toute la Compagniet
étant enfuite retournée dans la grande Salle ,
il y eut Jeu & Bal , qui ne dura qu'une demie
heure, arce que la Princeffe fiancée s'étoit bleffée
au pied. Après qu'il fut fini , la Princeffet
fiancée retourna dans fon Palais dans un
Carroffe à huit chevaux , conduits par fix Poftillons
avec fix Pages , huit Heyduques , huis
Chevaliers Gardes à cheval , & le même Cortege
avec lequel elle s'étoit renduë au Palais
du Czar. La Princeffe étoit feule dans ce Carroffe
, & on battit la caiffe à fon départ.
On écrit de Mofcou , que tout le monde
convient que le Czar n'avoit pu faire un choix
qui fût plus univerfellement applaudi , à cauſe
du mérite , de la bonté du coeur & de la
modeftie de la future Czarine .Ces Lettres ajoûtent
que dans le Difcours que le Velt - Maréchal
Dolgorucki fit le 30. Novembre à cette
Princeffe , il lui dit entre autres choſes : Hier
vous étiez ma Niece , aujourd'hui vous allez
étre ma Souveraine ; vous voyez par là comment
les affaires humaines peuvent changer du
foir au lendemain : que
l'éclat du nouveau rang
que vous allez tenir , ne vous éblouiffe pas &
ne vous falle pas perdre cette noble modestie qui
Cons
176 MERCURE DE FRANCE.
,
vous y a élevée . Notre Famille eft affez pour
vue des biens de la fortune ; elle n'a befoin de
rien ; ainfi oubliez que vous en êtes Loo
prenez à tâche de n'employer le crédit que vous
pourrez avoir qu'à faire du bien à ceux qui
le méritent le plus , fans avoir égard au nom
qu'ils portent.
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris & c.
COUPLETS chantés à Madame la
Marquise de *** par Mlle fa fille ,
âgée de 4. à 5. ans , le premier jour
de l'année 1730. Air : Reveillez - vous
belle endormie
.
Aujourd'hui Ujourd'hui
que chacun
s'épuife
A faire de vains complimens
,
Maman
, fouffrez
que je vous dife
Mes veritables
fentimens
.
Je fais mon bonheur de vous plaire ,
Mon amour ne peut redoubler
N'en doutez pas , l'on ne fçait gueres
A mon âge diffimuler.
Mon coeur exprime par ma bouche
L'ardeur dont il fe fent preffer',
Si
JANVIER. 1730. 177
Si ce fincere aveu vous touche ,
Marquez le moi par un baifer.
Ah ! de grace , encore un , ma mere ,
Qu'est- ce qu'il vous en coûtera ?
La
marchandiſe n'eft pas chere ,
Et mon papa vous les rendra,
Le Roi a accordé une place de Confeiller
au Confeil Royal des Finances ,
à M. de Lamoignon de Courfon , Confeiller
d'Etat . Sa Majesté a nommé Confeillers
d'Etat M. Lebret , Premier Préfident
du Parlement d'Aix , & Intendant
de Provence & du Commerce , & M. Lef
calopier , Intendant de
Champagne.
Les Prêtres de la Miffion commen
cerent le 3. dans l'Eglife de la Paroiffe
de Versailles la Fête qu'ils ont continuée
les deux jours fuivans avec beaucoup
de folemnité & de magnificence ,
pour celebrer la Béatification du Bienheureux
Vincent de Paul , leur Fondateur
en France. L'Evêque de Xaintes &
l'Evêque de Rennes y ont officié ces
trois jours. Le 4. Janvier , la Reine
accompagnée des Dames de fa Cour ,
alla y entendre la Grande Meffe.
Le Roi a donné l'Evêché de Mirepoix
au Pere Boyer , Religieux Theatin,
Le
#78 MERCURE DE FRANCE .
Le 8. de ce mois , l'Abbé de Verta
mon de Chavagnac , nommé par le Roi
à l'Evêché de Montauban , fut facré
dans la Chapelle de l'Archevêché par
l'Archevêque de Paris , affifté des Evêques
de Soiffons & de Tarbes.
le Roi Le premier de ce mois
nomma le fieur Perrin , Docteur en Medecine
de la Faculté de Montpellier ,
en confideration de fes fervices , Medecin
Real de fes Galeres , à la place du
fieur Pelifferi , qui fe retire avec une
penfion de 1200 , fur les Invalides .
›
L'Abbé Segui , Auteur du Panegyrique
de S. Louis , dont on a vû avec
plaifir l'Extrait dans le Mercure d'Octobre
, fit à S. Sulpice , le 17. de ce mois ;
celui du Patron de cette Eglife , devant
une très nombreuſe Affemblée , avec un
applaudiffement general. Nous tâcherons
d'en donner un Extrait.
Le Maréchal d'Uxelles , Miniftre d'Etat
, s'eft retiré à caufe de fon âge
avancé.
On a eu avis de Toulon que dixhuit
Captifs Flamands , rachetés à Alger
par les Peres Mathurins de l'Ordre
de la Sainte Trinité , y font débarqués
le 29, Decembre dernier , pour fe
rendre à Paris , & de là dans leur Pays.
Les autres Deputés du même Ordre font
arrivés
JANVIER. 1730. 179
arrivés à Cadix , pour traiter auffi de la
rançon des François detenus au Royaume
de Maroc .
On apprend de Touloufe que le 8. Janvier
, l'Académie des Jeux Floraux s'étant
affemblée publiquement , fuivant
l'ufage, M. de Rabaudy , Viguier de.
Touloufe , l'un des Académiciens &
Modérateur de cette Compagnie , prononça
, avec beaucoup de fuccès , un
Difcours fur la Naiffance de Monfeigneur
le Dauphin .
Le premier Janvier , les vingt - quatre
Violons de la Chambre du Roi jouerent
pendant le dîner de S. M. une fuite
d'Airs de la compofition de M. Deftouches
, Sur - Intendant de la Mufique du
Roi , qui furent parfaitement bien executés
, & très- aplaudis .
Le 4. il y eut Concert devant la Reine
dans les grands Apartemens . M. Def
touches fit chanter le fecond Acte de
l'Opera d'Atys .
Le 9. on continua le même Opera
par le quatriéme & cinquiéme Acte. La
Dile Erremens la cadete , chanta le Rôle
de Cybelle , la Die Lenner , celui de
Sangaride , le St Dangerville fit le Rôle
de Gelenus , & le St Cochereau celui
d'Atys . Le tout fut parfaitement bien
executé , & tous les Acteurs s'attirerent
beaucoup
180 MERCURE DE FRANCE.
beaucoup d'applaudiffemens.
Le 11. on concerta dans les grands Appartemens
en préfence de la Reine , & on
executa une Paftorale en un Acte , intitulée
L'Amour mutuel, dont les paroles font de
M. Gaultier , & la Mufique de M. du
Tartre , connu par d'autres Ouvrages
qui ont eu du fuccès . L'autre partie de
cette Paftorale fut chantée le 16. dans les
mêmes Appartemens .
Le 18. on chanta le Prologue & le
premier Acte de l'Opera de Thefée ,
dont l'execution fut parfaite , & trèsapplaudie.
On continua le 30. le mê
me Opera par le fecond & troifiéme
Acte.
Le 4. il y eut Concert François au
Château des Thuileries ; on y chanta
la Cantate d'Europe & Jupiter , & un
Motet de M. de la Lande , précedé de
plufieurs Piéces de fymphonie . Le même
Concert a continué tous les Mercredis
du mois.
Le 18. la De Petitpas , l'une des
Actrices de l'Opera , chanta pour la
premiere fois une Cantatille nouvelle ,
intitulée La Conftance , de la compofition
de M. le Maire , qui fut très - bien
chantée & applaudie ; elle fut précedée
du Divertiffement de la Beauté couronnée
, de M. Mouret , qui est toujours
près-goûté.
Le
JANVIER. 1729 181
Le 9. la Lotterie pour le rembourſement
des Rentes de l'Hôtel de Ville fut
tirée en préſence du Prevôt des Marchands
& des Echevins , en la maniere
accoûtumée. Le fonds de ce premier
mois de cette année s'eft trouvé monter
à la fomme de 1278990. laquelle a été
diftribuée aux Rentiers pour les lots
qui leur font échus , conformément à la
Lifte genérale qui en a été renduë pu
blique.
Le 26. du mois dernier , les Deputés
des Etats de Bretagne eurent audiance publique
du Roi , préfentés par le Comte
de Toulouſe , Gouverneur de la Provin
ce , & par le Comte de Saint Florentin,
Secretaire d'Etat , & conduits par le
Marquis de Brezé , Grand - Maître des
Cerémonies , & par M. Defgranges
Maître des Cerémonies. La Députation
étoit compofée de l'Evêque de Saint
Brieu , pour le Clergé , qui porta la
parole ; du Comte de Guebriant , pour
la Nobleffe ; de M. de Boifbely , Chevalier
de l'Ordre de Saint Michel , &
Lieutenant Genéral de l'Amirauté de
Morlaix , pour le Tiers- Etat ; du Comte
de Coetlogon , Procureur General Syndic
; & de M. de la Boiffiere , Tréforier
Genéral des Etats de la Province . Ces
Députés furent enfuite conduits à l'Au-
I diance
182 MERCURE DE FRANCE.
diance de la Reine & à celle de Monfeigneur
le Dauphin & de Meldames
de France .
Le Roi a nommé Intendant de la Genéralité
de Champagne , M. de Vaftan ,
qui fera remplacé dans l'intendance de
la Genéralité de Caen , par M. le Peletier
de Beaupré , Maître des Requêtes,
Le 29. M. Bernage de Saint Maurice,
Maître des Requêtes , & Intendant du
Languedoc , à qui le Roi avoit accordé
dès le mois de Decembre 1724. la
Charge de Grand- Croix , Secretaire &
Greffier de l'Ordre Royal & Militaire
de Saint Louis , prêta ferment de fidelité
entre le mains de S. M. pour cette
Charge.
XXXX:XXX XX XXXXXX
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
Ean François le Boufte , Lieutenant de
Roy au Gouvernement de Languedoc ,
Département du haut Vivarez & Velay
mourut à Paris le 23. Decembre 1729.
âgé de 58. ans .
Jean François de Quinfon , Seigneur
de Leyman , & c . Chevalier de S. Louis
Lieutenant
JANVIER . 1730. 183
Lieutenant Colonel du Regiment de Cavalerie
de Villequier , mourut le 29 Decembre
dernier , âgé d'environ foixante
& douze ans .
M. Alexandre de Gaudechart , Comte
d'Effville , Lieutenant General des Armées
du Roy , Grand Croix de l'Ordre
Royal & militaire de S. Louis , Gouverneur
du Fort de Barault , & ci - devant premier
Lieutenant de la premiere Compagnie
des Gardes du Corps de S. M.
mourut à Paris le premier Janvier , âgé
d'environ 75 ans.
Il étoit Frere de M. Adolphe de Gau-
• dechart , Marquis de Bachiviliers , auffi
Lieutenant General des Armées du Roy &
Gouverneur du Fort de Barault , mort en
1717. & de Frere Nicolas de Gaudechart
de Bachiviliers , Commandeur de Soiffons
& de Santeni , & Tréforier de l'Ordre de
Malte en 1710. mort en 1720 .
Le Comte d'Effville eft le dernier de la
branche aînée de la Maifon de Gaudechart
, il ne reste plus que celle des Seigneurs
de Mattancourt , & celle des Marquis
de Guerieu . Cette Maifon , l'une
des plus anciennes & des plus qualifiées
du Beauvoifis , prouve au - delà de feize
quartiers paternels & maternels des meilleures
Maifons du Royaume; elle a eu des
Chc
I ij
184 MERCURE DE FRANCE.
Chevaliers de Rhodes, & enfuite plufieurs
de Malte elle eft alliée aux Maiſons de
Mornay , de Vignacourt , d'Hangeft , de
Bouflers , d'Arquinviliers , de Vyon, d'Efpinay
, de Mailly , de Clermont Toury &
de plufieurs autres des plus illuftres .
Jean de Begerede , Seigneur de Guairotte,
&c. Chevalier de S. Louis , Mestre de
Camp d'Infanterie , premier Lieutenant
des Gardes Françoifes , & Lieutenant des
Grenadiers , homme de valeur & trèsbon
Officier , mourut à Paris le 2. âgé
de foixante & dix ans.
Charles de Bedé des Fougerais , Capi- .
taine au Régiment des Gardes Françoifes ,
mourut le 5. âgé de cinquante ans. Sa
Compagnie a été donnée par le Roy à
M. Charpentier ; le plus ancien Lieutenant
du même Regiment .
M. Louis Jofeph de Châteauneuf de
Rochebonne , Evêque de Carcaffonne
.mourut dans fon Diocèfe le Janvier.
Marguerite Fraguier , veuve de Adam
Antoine Chaffepot de Beaumont , Préfident
à la Cour des Aides , mourut le 10 .
âgée de 77. ans .
و
Gafpard Brayer Confeiller en la
Grand'Chambre , & Doyen du Parlement
, mourut le onze , âgé de quatreyingt
fix ans.
Elifabeth
JANVIER. 1730? 105
?
Elifabeth Roüillé veuve de Henry
de Lambert , Seigneur d'Herbigny , Maître
des Requêtes honoraire , mourut le
même jour dans la quatre- vingt -dix-feptiéme
année de fon âge.
Marie Anne le Camus , veuve de René
Bazin , Marquis de Flamanville , Lieutenant
General des Armées du Roy , moufut
le 12 , âgée de 60. ans .
M. Claude Antoine , Chevalier , Docteur
en Droit , Chanoine de l'Eglife de
Paris , Syndic du Clergé de ce Diocèle ,
mourut le 31. Janvier , âgé de foixante
& quinze ans .
M. Louis le Peletier , Chevalier , Seigneur
de Beaupré , &c. Confeiller du Roi
en tous les Confeils , ci - devant Premier
Préfident du Parlement , mourut à Paris
le même jour dans la 69 année de fon
âge. Au mois d'Avril 1707. le Roy
l'avoit nommé Premier Président du Parlement
, & il a exercé cette Charge jufqu'au
mois de Janvier 1712. qu'il fupplia
Sa Majesté de vouloir bien accepter
fa démiffion.
Le 6. Janvier , fut ondoyé N. fils de
M. Jacques Bernard , Chevalier , Confeiller
du Roy en fes Conſeils , Maître des
Requêtes ordinaire de fon Hôtel , fur - Intendant
des Domaines , Maifon & Finan-
I iij ces
106
MERCURE DE FRANCE
ces de la Reine , Grand- Croix , Grand-
Prevôt & Maître des
Ceremonies de l'Ordre
Royal & Militaire de S. Louis , Lieutenant
des Chaffes des Plaifirs de S. M.
Seigneur de Grofbois -le- Roy , du Sancy
Boiffry , S, Leger , & c . & de Dame Louife,
Olive Frortier de la Corte .
2
Le 9. on batifa à S. Euftache une Negreffe
de Nation , dite Julie , âgée de 14
ans , & née dans l'Ile de
Madagafcar.
Elle fut prefentée par D. Marie Madelaine
Delvenequier, Epoufe de M. Denis Brouffe,
Lieutenant de Roy de l'Ifle de France ; &
nommée Marie
Françoife Charlotte par
M. Charles de Gouffier, Prêtre,
Chanoine.
de l'Eglife de Paris , & par Dile
Jaqueline
Françoile de Bourdin , fille de Pierre Aimé,
Comte de Bourdin , fes Parrain & Maraine
.
D. Julie Sophie de
Rochechouart de
Jars , Epoufe de M. Bertrand ,
Vicomte
de
Rochechouart , &c.
accoucha le 10,-
d'une fille qui fut tenue fur les Fonts , &
nommée Louife
Alexandrine Julie , par
Alexandre de
Rochechouart ,
Marquis de
Jars , & par D. Marie Anne
d'Efpinay de
S. Luc , Epoufe de
François Marquis de
Rochechouart , &c.
Le
Jacques Nompar de :
Caumont, Marquis de la Force , fils d'Armand
:
JANVIER. 1730. 187
mand Nompar de Caumont , Duc de la
Force , Pair de France , Marquis de Caumont
, &c. & de Dame Anne Elifabeth
de Gruel- la - Frette,Dame des Foffés Marrel
, &c. époufa Dlle Marie Louife det
Noailles , fille de Adrien Marie , Duc de
Noailles , Pair de France , Grand d'Efpagne
, Chevalier des Ordres du Roy &
de la Toifon d'Or , premier Capitaine
des Gardes du Corps du Roi , Lieutenant
General de fes Armées , Gouverneur
& Capitaine General de Rouflillon
& de Perpignan , Gouverneur de S. Germain
en Laye , ci - devant Préfident du
Confeil de Finance , & Confeiller au
Confeil de Regence , & de Dame Françoife-
Charlotte- Amable Daubigné ; le
mariage a été celebré à l'Hôtel de
Noailles.
> M. Anne Cefar Deparis la Broffe
Chevalier Marquis de Pomceaux , fous-
Montreuil , Seigneur de Campremy & c.
Confeiller au Parlement , reçû en furvivance
en la Charge de Préfident en la
Chambre des Comptes , veuf de Dame
Marguerite- Elifabeth Trudaine , fils de
M. Anne-François Deparis , Chevalier
Seigneur de la Broffe , Préfident en la
Chambre des Comptes , & de feuë Dame
Therefe- Angelique Collin , épouſa
le 8. Janvier Die Anne- Elifabeth Brayer,
fille
I iiij
·
188 MERCURE DE FRANCE.
fille de M. Gafpard Brayer , Confeiller
du Roi en la Grand'Chambre , Doyen
du Parlement , & de Dame Marie - Elifabeth
de Chenevieres.
ARRESTS , DECLARATIONS ,
L
ETTRES PATENTES , pour faire joüir
du droit de Committimus les Sous- Gouverneurs
du Roi . Données à Verſailles le 25.
Juillet 1729. Regiftrées à la Cour des Aydes le
29. par lesquelles il eft dit ce qui fuit. Nous déclarons
& voulons que les perfonnes honorées
du titre de nos Sous- Gouverneurs, enfemble
leurs veuves pendant leur viduité , joüiffent à
l'avenir du droit de Committimus & autres
Privileges dont joüiffent les Officiers Commenfaux
de notre Maifon , encore qu'ils ne
foient employez dans nofdits Etats , & qu'ils
ayent été obmis dans nofdites Lettres du 8.
Février 1721. ce que ne voulons leur pouvoir
nuire ni préjudicier , & c.
ARREST du 2. Août , qui ordonne que les
Officiers fujets aux Revenus Cafuels ,feront
admis au payement du Prêt & Annuel de leurs
Offices pour l'année prochaine 1730. aux mêmes
claufes & conditions portées par celui du
3. Août 1728. pour l'ouverture de l'Annuel de
l'année 1729 .
DECLARATION du Roi , qui établit des
peines contre les Contrebandiers. Donnée à
VerANVIER
. 1730. 189
Verfailles le 2. Août 1729. Regiſtrée en la
Cour des Aydes le 12. Septembre, par laquelle
le Roi ordonne ce qui fuit,
ARTICLE PREMIER .
Ceux qui feront convaincus d'avoir porté du
Tabac , Toiles peintes & autres Marchandifes
prohibées , en contrebande ou en fraude , par
attroupement , au nombre de cinq au moins
avec port d'armes , feront punis de mort , &
leurs biens confifquez , même dans les lieux
où la confifcation n'aura pas lieu ; & s'ils font
fans armes & au- deffous du nombre de cinq ,
ils feront condamnez aux Galeres pour cinq
ans & en mille livres d'amende chacun payas
ble folidairement.
II.
Les Commis & Employez de nos Fermes qui
feront d'intelligence avec les Fraudeurs &Contrebandiers
, & favoriferont leur paffage , ſe- .'
ront punis de mott.
III.
Les Contrebandiers qui forceront les Poftes
& les Corps- de- Garde établis dans les Villes ,
Villages , ou à la Campagne , gardez par les
Gardes de nos Fermes , feront punis de mort ,
encore qu'ils n'euffent lors aucunes Marchandifes
de contrebande , & qu'ils fuffent moins
de cinq.
IV.
En cas de rebellion de la part des Contrebandiers
contre les Commis de nos Fermes
´ordonnons aufdits Commis d'en dreffer leur
Procès-verbal fur le champ , & d'en donner
avis dans 24. heures aux Juges qui en doivent
connoître , à peine d'être déclarez incapables
de ous emplois , même de punition corporelle
s'ily échoit,
Iv V.
189 MERCURE DE FRANCE.
{
V.
Dans le cas de l'Article précedent, ordonnons
à nofd, Juges d'informer efdites rebellions dans
les 24. heures , après qu'ils en auront eu avis ,
à la requête du Fermier ou de nos Procureurs ,
peine de 300. liv. d'amende & d'interdiction.
V. L.
Ceux qui porteront ou debiteront du faux Tabac
ou autres Marchandifes de contrebande dans
notre bonne Ville de Paris ou autres lieux de notre
Royaume , & pareillement tous Receleurs ,
Complices ou Fauteurs defdits fraudeurs ou
Contrebandiers ,feront condamnez pour la pré--
miere fois aux Galeres pour 3 ans & en 500. liv..
d'amende ; & en cas de récidive , aux Galeres
perpetuelles & en roco. livres d'amende . Voulons
que les femmes qui fe trouveront dans
l'un des cas cy deffus marquez , foient condamnées
au fouet & à la fleur de Lys , au ban--
niffement pour trois ans , & en soo . livres d'a
mende pour la premiere fois ; & en cas de
récidive , au banniflement à perpetuité & en-
1000. liv. d'amende , ou à être renfermées pendant
leur vie dans l'Hôpital ou Maifon de for--
ce , le plus près du lieu où la condamnation s
aura été prononcée.
VIK
Deffendons aux Cabaretiers , Fermiers & autres
gens de la Campagne , de donner retraite
aux Contrebandiers ou à leurs Marchandiſes ,
à peine de 1000 livres d'amende pour la premiere
fois , & de banniflement en cas de récidive
, même d'être pourſuivis comme complices
defdits Contrebandiers , & d'être condamnez
, s'il y échoir , aux peines portées par
PArticle précedent , fi ce n'eft que dans les 24
heures au plûtard , ils ayent requis le Juge leplus
+
JANVIER 1730. 191
&a
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dites
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e rech
com
!
plus prochain , ou les Officiers de la Maréchauffée
, de fe tranfporter en leurs maifons,
à l'effet d'y dreffer Procès verbal de la violence
que les Contrebandiers auroient faite pour ſe
procurer l'entrée dans leurfdites maifons ; à
laquelle réquifition lefdits Juges ou lefdits Of
ficiers de Maréchauffée feront tenus de fatiffaire
fur le champ à peine d'interd &tion . Voulons
en outre que lesdits Cabaretiers ou Fermiers
foient tenus dans le même délai , de
faire avertir les Brigades de nos Fermes qui
font les plus proches du lieu de leur demeure,
à l'effet de courre fur les Contrebandiers , &
ce fous les mêmes peines que deffus..
VIII.
Ordonnons aux Syndics , Manans & Ha
bitans des Bourgs & Villages par lesquels il
paffera des Particuliers attroupez avec port
d'armes & des ballots fur leurs chevaux , de
fonner le tocfin, à peine de soo. livres d'amende,
qui fera prononcée folidairement contre les
Communautez.
IX.
Ceux qui auront été employez dans nos Fermes
en qualité de Commis ou de Gardes , qui
feront arrêtez avec du Tabac ou autres Marchandites
de contrebande , feront condamnez
aux Galeres pour cinq ans & en soo livres d'amende
, quoiqu'ils ne fuffent attroupez ni armez
, & c.
ARREST du 16. Août qui fixe les
Droits de Petit- Scel & de Controlle des Exploits
fur les Expeditions & Actes qui fe- "
ront faits à la requête de l'Adjudicataire geasnéral
des Fermes - unies .
сод
Ivj . ARS
192 MERCURE DE FRANCE .
ARREST du 19. Août qui réunit à la
Commiffion concernant les Péages , les affaires
des Commiffions pour les Recouvremens
de la Chambre de Juftice , la Capitation
extraordinaire , la Succeffion d'Edme Boudard
, celle du Sieur Montois & du Sieur
Jean André de Montgeron , pour le tout
être jugé dorefnavant par M M. les Commiffaires
du Confeil , pour les affaires des
Péages.
ARREST du 23. Août qui proroge
jufqu'au dernier Decembre 1729. le délay
accordé par l'Arrêt du 9. Novembre 1728.
pour le Controlle des Actes de Foy &
Hommage.
ARREST du même jour qui regle les
formalités à obferver par les Officiers des
Chancelleries près les Cours , pour la perception
de leur Franc- falé.
EDIT du Roi concernant les Succeffions
des Meres à leurs Enfans. Donné à Verfailles
au mois d'Août 1729. Regiftré en Parlement
le 20. du même mois , par lequel Sa
Majefté ordonne ce qui fuit :
ARTICLE PREMIER .
Nous avons revoqué & revoquons l'Edit
donné à Saint- Maur au mois de May de l'année
1567. pour regler les Succeffions des mères
à leurs Enfans . Voulons & entendons
qu'à compter du jour de la publication des
Prefentes , ledit Edit foit regardé comme non
fait & avenu , dans tous les pays & lieux
de notre Royaume , dans leſquels il a été executé
JANVIER. 17307 193
1
cuté ; & en conféquence ordonnons que les
Succeffions des meres à leurs enfans , ou des
autres afcendans & parens les plus proches
defdits enfans du côté maternel , qui feront
ouvertes après le jour de la publication du
prefent Edit , foient déferées , partagées &
reglées fuivant la difpofition des Loix Romaines
, ainfi qu'elles l'étoient avant l'Edit de
Saint- Maur.
II.
N'entendons néanmoins par l'Article précedent
déroger aux Coûtumes ou Statuts particuliers
qui ont lieu dans quelques- uns des
Pays où le Droit écrit eft obfervé , & qui
ne font pas entierement conformes aux difpofitions
des Loix Romaines fur lesdites fucceffions
: Voulons que lefdites Coûtumes ou
lefdits Statuts foient fuivis & executez , ainfi
qu'ils l'étoient avant notre préfent Edit.
III.
Dans tous les Pays de notre Royaume où
l'Edit de Saint- Maur a été oblervé en tout
ou en partie , les Succeffions ouvertes avant
la publication de notre prefent Edit , foit
qu'il y ait des conteftations formées pour
raifon d'icelles , ou qu'il n'y en ait point ,
feront déferées , partagées & reglées , ainfi
qu'elles l'étoient auparavant , & fuivant les
difpofitions de l'Edit de Saint- Maur , & la
Jurifprudence établie dans nos Cours fur l'execution
de cet Edit.
IV.
Les Arrêts rendus fur des differends nez à
l'occafion des Succeffions échuës avant la
publication du préfent Edit , enfemble les
Sentences qui auroient paflé en force de
chofe jugée , & pareillement les Tranfactions
ou
194 MERCURE DE FRANCE .
ou autres Actes équivalens , par lefquels
léfdites conteftations auroient été terminées ,
fubfifteront en leur entier , & feront execu-·
téz felon leur forme & teneur , fans que ceux
même qui prétendroient être encore dans le
tems , & en état de fe pourvoir contre lefdits
Arrêts , Jugemens , Tranfactions & autres
Actes femblables , puiffent être reçûs à:
les attaquer , fous pretexte de la revocation
de l'Edi de Saint- Maur . Déclarons néanmoins
que par la préfente difpofition , nous
n'entendons préjudicier aux autres moyens
de droit qu'ils pourroient avoir & être re
cevables à propofer contre lefdits Arrêts 9
Jugemens , Tranſactions & autres Actes de
pareille nature , fur lefquels moyens , enfemble
fur les deffenfes des Parties contraires
it fera ftatué par les Juges qui en devront
connoître , ainfi qu'il appartiendra , & comme
ils l'auroient pu faire avant notre préfent
Edit.
LETTRES PATENTES , qui accordent à
PHôpital des Cent Filles Orphelines de la Mifericorde
, établi à Paris , le Droit & Privilege
de Committimus du grand Sceau. Données à
Verſailles au mois d'Août 1729. Registrées en´
Parlement le 300-
ARREST du 3. Septembre , & Lettres
Patentes fur icelui , concernant les Officiers
des Chancelleries pès les Cours , Créez avant
le mois d'Avril 1672 Regiftrées ès Regiftres
de l'Audience de la grande Chancellerie de
France le 26 du mois de Septembre 1729 , &
au Grand- Confeil le 28. des mêmes mois &
30.
AU
JANVIER. 17307 195
O
оп
esta
AVA
US
3S
3
AUTRE , du 12. Septembre , qui ordonne
qu'à commencer au premier Janvier prochain '
il fera appliqué aux Draps , Serges , & autres
Etoffes de Draperie ou Sergerie , qui feront
portées dans les Bureaux de fabrique & de
Controlle , un plomb happé d'un pouce dediamettre
, fur l'un des côtez duquel ferone
gravées les Armes de Sa Majefté , & fur l'au
tre l'année & le nom du lieu où les Etoffes
auront été fabriquees , ou celui de la Ville ou
elles doivent recevoir le plomb de Controlle. -
7.
AUTRE du même jour , portant Reglement
pour les Toiles Baptiftes & Linons , qui
fe fabriquent dans les Provinces de Picardie ,
d'Artois , du Hainault , de la Flandre Fran- ¨
soife , & du Cambrefis.
DECLARATION du Roy , concernant les
Graces accordées aux Prifonniers , à l'occafion é
de la Naillance du Dauphin . Donnée à Verfailles
, le 22 Octobre 1729 Regiſtrée en Parlement
le 25 Octobre.
Louis , par la grace de Dieu , & c. Après
avoir fait examiner ce qui s'étoit paflé tous les
Regnes desRois nos prédece fleurs , pour fignaler
leur joye à l'occafion de leurs Sacres , der
leurs Mariages , & d'un évenement auffi important
que celui de la Naifiance d'un Dau→
phin , Nous avons reconnu qu'ils ont crû que
la meilleure maniere de témoigner la reconnoiffance
qu'ils avoient , d'une marque fi vi
fible de la protection du Ciel , étoit de faire
éclater leur clemence en faveur des Prisonniers
que la nature de leurs crimes ne rendoient pas
indignes de la grace qu'ils demandoient à
Poccafion d'un fi heureux évenement; & vou
lante
1
196 MERCURE DE FRANCE.
lant fuivre un exemple que notre inclination
bien faifante nous porteroit à donner , s'il n'y
en avoit point eu jufqu'à préfent , Nous nous
fommes fait rendre compte,fuivant l'ufagetordinaire
en notre Confeil , par notre Coufin le
Cardinal de Rohan , Grand- Aumonier de France
, de l'examen qu'il a fait avec les Sieurs
Roüillé , le Fevre de Caumartin , le Pelletier
de Beaupré , le Nain , Pallu , Dagueffeau de
Freine , Trudaine , & Chauvelin Maîtres des
Requêtes de notre Hôtel , des Prifonniers qui
font actuellement detenus pour crimes dans les
Prifons de notre bonne Ville de Paris , & de
la qualité des cas dont ils font accufez , &
Nous avons fait dreffer un état attaché fous le
Contre- Scel des Prefentes , de tous ceux qui
Nous ont paru pouvoir participer aux Graces
que Nous avons réfolu d'accorder en cette
occafion ; & comme Nous défirons , fuivant
ce qui s'et pratiqué en pareil cas , qu'ils jouiffent
dès à préfent des effets de notre bonté ,
fans les difpenfer neanmoins des regles établies
par nos Ordonnances à l'égard de ceux
qui obtiennent des Lettres de remiffion , Nous
avons jugé à propos de faire connoître nos
intentions dans une conjoncture , où les motifs
qui Nous portent à la clemence , ne doivent
pas Nous faire oublier ce que Nous devons
à la Juſtice. A CES CAUSES, &c. Nous
ordonnons , voulons & Nous plaît que tous
les Prifonniers contenus dans l'état attaché
fous le Contre- Scel des Préfentes , fignées de
notre main , & contre-fignées par un de nos
Secretaires & de nos Commandemens , foient
inceffamment délivrez & mis hors des Prifons
, à l'effet de quoi nos prefentes Lettres
Patentes & le Rolle qui y eft attaché , feront
remifes
JANVIER. 1730. 197
Nous
mo
remifes entre les mains de notre Grand- Aumonier.
Enjoignons aux Concierges & Greffiers
des Priſons , de mettre lefdits Prifonniers
en liberté , & ce conformément aux Prefentes ;
quoi faifant , ils en demeureront bien & valablement
déchargez ; le tout à la charge par
lefdits Prifonniers d'obtenir nós Lettres de
rémiffion ou pardon en la forme accoûtumée ,
& ce dans trois mois , à compter du jour
de l'enregistrement des Prefentes , pour être .
lorfqu'ils fe feront remis en état , procedé à
l'entherinement defdites Lettres , fuivant les
regles & les formes ordinaires , ainfi qu'il
appartiendra ; & faute par eux d'avoir obtenu
lefdites Lettres dans ledit tems de trois mois
& icelui paffé , Nous les avons declarez &
les declarons déchûs de l'effet & benefice des
prefentes ; Voulons qu'à la requête des Parties
civiles ou de nos Procureurs Generaux
& leurs Subftituts , ils puiffent être arrêtez &
reintégrez dans lefdites Prifons , pour être
leur Procès fait & parfait & jugé fuivant la
rigueur de nos Ordonnances.
ORDONNANCE du Roy , portant Amniftie
generale en faveur des Déferteurs des
Troupes de Sa Majefté. Du 17. Janvier 1730.
usd dont voici la teneur.
No
ttack
Tees
de
Lover
.
SA MAJESTE' ayant voulu marquer
eto pat tous les moyens qui font en fon pouvoir
la reconnoiffance qu'Elle a de la nouvelle grace
que Dieu vient de faire à ce Royaume par la
naiffance d'un Dauphin : Elle a crû devoir , à
l'exemple de fes prédeceffeurs , faire des actions
de clemence , & donner fes ordres pour que les
prifons fuffent ouvertes à un grand nombre de
ceux qui y étoient détenus . Quoique laDéferesP
Let
Fener
ems
tion
198 MERCURE DE FRANCE .
tion foit de l'efpece des crimes qui doivent être“
le moins pardonnez , puifque l'Etat eft intereffe
à la punition de ceux qui manquent aux enga
gemens qu'ils avoient pris pour fa deffenfe: Sa
Majefté n'a pû neanmoins , dans ce temps de
benediction & d'allegreffe , être infenfible aux
gemiffemens & aux inftances d'un nombre confiderable
de fes Sujets , qui répandus dans les
Etats voifins , fouffrent depuis plufieurs années
toute la rigueur d'une extrême mifere : Et Elle
s'eft déterminée d'autant plus volontiers à leur
faire grace , qu'ayant fatisfait aux engagemens
anticipez qu'Elle avoit pris à l'occafion de fon
Sacre & de fa Majorité , par fes Ordonnances
des 20. Juin 1719. & 3. Aoult 1722. de ne leur
accorder aucun pardon, Elle fe trouve libre, par
rapport à la naiflance d'un Dauphin ; & que
d'ailleurs Elle a lieu d'efperer que les témoignages
qu'ils rendront à leur retour , de tout
ce qu'ils ont enduré pendant qu'ils ont été éloignez
de leur patrie & les nouvelles mefures
que Sa Majefté a jugé à propos de prendre
pour ôter à l'avenir aux Déferteurs l'efperance
de pouvoir retourner chez eux , calmeront l'efprit
d'inquiétude & de légereté , qui peut feul´
exciter l'envie de déferter dans ceux qui n'ont
pas affez d'experience pour en prévoir les
fuites.
ARTICLE PREMIER.´
Par ces confiderations , Sa Majefté a quitté
remis & pardonné ; quitte , remet & pardonne
le crime de Défertion cominis par les Soldats
Cavaliers & Dragons de fes Troupes , tang
Françoifes qu'Etrangeres , y compris les Milices,
avant le jour de la date de la prefente Or--
donnance ; foit que lefdits Soldats , Cavaliers
Qu Dragons ayent paffé d'une Compagnie dans
une
JANIVER. 1730. 199
teOt
น
Pel
COP
une autre , qu'ils fe foient retirez dans les Provinces
du Royaume , ou qu'ils en foient fortis
pour aller dans le Pais Etranger ; deffendant Sa
Majefté à tous Officiers & autres fes Sujets , de
les inquieter pour raifon dudit crime de Défertion
, ni de les obliger fous quelque prétexte
que ce puiffe être à rentrer dans les Compagnies
dont ils auront déferté , fans que la prefente
Amniſtie puiffe s'étendre à ceux qui fe
trouveront avoir déferté depuis ledit jour de
la date de la Préfente , qui déferteront cy après,
ou qui fe trouveront actuellement condamnez
par jugement du Confeil de guerres & à condition
pour ceux deldits Déserteurs qui font en
Pais Etranger , de revenir dans l'efpace d'un
an , à compter dudit jour , dans les Terres de
lá domination de Sa Majefté , de fe reprefenter
devant le Gouverneur ou Commandant de la
premiere Place des frontieres par laquelle ils
pafferont à leur retour , & de prendre de luiun
Certificat dans lequel feront énoncez le jour
de leur arrivée dans le dites Places , & le lieu
de la Province où ils voudront fe retirer , a
peine d'étre déchus de la prefente Amnistie 3-
déclarant Sa Majefté qu'elle fera la derniere
qu'Elle accordera pour crime de Deſertion.
II.
N'entend Sa Majefté que les Soldats , Cavas
liers & Dragons , qui font actuellement abfens
de leurs Régimens ou Compagnies , fur des
Congez limitez puiffent fe difpenfer de les re->
joindre à l'expiration defdits Congez , fous
prétexte de la préfente Amniftie , à peine auxcontrevenans
d'être punis , ainfi qu'il fera cyaprès
expliqué , fuivant la rigueur de fon Ordonnance
du 2. Juillet 1716. qu'Elle veut êtrer
à l'avenir ponctuellement exécutée dans tous !
less
200 MERCURE DE FRANCE .
les points aufquels il n'eft pas dérogé par
prefente .
L
III.
Quitte & remet pareillement Sa Majefté aux
Soldats , Cavaliers & Dragons de fes Troupes,
qui dans la vûë de déferter, ou par quelqu'autre
raifon que ce puiffe être , ont donné un faux
fignalement lors de leurs engagemens , la peine
des Galeres perpetuelles qu'ils ont encourue
fuivant la difpofition de ladite Ordonnance du
2. Juillet 1716. à condition que dans le terme
de quinze jours , à compter de celui que la prefente
Ordonnance aura été publiée à la tête de
leurs Regimens ou Compagnies , le Soldat
Cavalier ou Dragon qui fera dans ce cas , ira
déclarer fon vrai nom & le lieu de fa naiſſance
au Capitaine , ou en fon abfence , au Lieute
hant de la Compagnie en laquelle il fera enro
lé , lequel aura foin de faire corriger le fignalement
dudit Soldat fur le Regiftre du Regi
ment ou de la Compagnie , fans que ladite grace
puiffe être appliquée à ceux qui donneront
un faux fignalement pofterieurement à la date
de la prefente.
IV.
Ordonne Sa Majefté aux Commiffaires ordinaires
de fes Guerres , de faire à leurs premieres
revûës , l'appel des Soldats , Cavaliers &
Dragons des Troupes dont ils ont la police, &
d'en dreffer un état , Compagnie par Compagnie
, contenant leurs noms & furnoms , ainfi
que le lieu de leur naiffance, défigné de maniere
qu'on puiffe le connoître ; lefquels Etats ils
enverront au Secretaire d'Etat de la Guerre ,
pour en être la vérification faite dans les Provinces
, lorfque befoin fera , par les Officiers
des Maréchauffées.
JANVIER. 1730. 201
V.
Lorfqu'un Soldat , Cavalier ou Dragon de
fes Troupes, s'abfentera de fa Compagnie , fans
'Congé de fes Officiers veut Sa Majefté que
huit jours après celui de fon départ , s'il n'eft
point arrêté , fon procès lui foit fait par contumace
, par les Ordres du Commandant du
Corps , fi c'eft dans les Villes ou Quartiers de
l'interieur du Royaume, ou par ceux des Com-
'mandans des Places , fi c'eft fur les Frontieres ,
& qu'il foit condamné par contumace , par Jugement
du Confeil de Guerre , aux peines de
POrdonnance du 2. Juillet 1716. fans autre
formalité que la dépofition & le recollement
de deux témoins , qui déclareront avoir connoiffance
de fon enrôlement ou de fon fervice
dans les Troupes.
V I.
Les Jugemens ainfi rendus feront adreffez au
Secretaire d'Etat de la Guerre, au lieu des fimples
dénonciations qui lui étoient cy-devant
envoyées , & feront enfuite affichez fur les ordres
qu'il en adreffera aux Prevôts des Maréchaunées
, dans la place ou lieu principal des
Villes, Bourgs ou Villages d'où feront les condamnez
, lefquels du jour de cette affiche feront
réputez morts civilement .
VII.
Al'égard des Soldats, Cavaliers ou Dragons
actuellement abfens par Congez limitez ou qui
en obtiendront par la fuite , où de ceux qui feront
enrôlez dans les Provinces avec permiffion
d'y refter pendant un temps limité , s'ils ne
rejoignent pas leurs Compagnies à l'expiration
defdits Congez ou permiffions , les Majors ou
autres Officiers chargez du détail des Corps
en donneront avis aŭ Secrétaire d'Etat de la
Guerre
262 MERCURE
DE FRANCE.
Guerre , qui adreffera les ordres de Sa Majefté
aux Prevôts des Maréchaux , pour les fommer
de rejoindre s'ils fe trouvent dans les Provinces
, ou pour en faire des perquifitions s'ils en
ont'difparu : Enjoint Sa Majefté aufdits Prevôts
de dreffer des Procès verbaux defdites fommations
ou perquifitions , & de les adreffer ponctuellement
au Secretaire d'Etat de la Guerre ,
pour être par lui envoyez aux Regimens ou
Compagnies dans lefquels les Soldats ainfi
avertis feront engagez ; l'intention de Sa Majefté
étant que faute par eux de s'y rendre dans
le terme de trois mois , à compter du jour de
la date defdits Procès verbaux , ceux qui après
avoir fervi à leurs Compagnies s'en feront abfentez
fur des Congez , foient condamnez par
contumace comme Déferteurs , par jugement
du Confeil de Guerre , fur le vû defdits Procès
verbaux , & fur les dépofitions & recollemens
de deux témoins, conformement à l'article V.de
la prefente Ordonnance ; & que ceux qui s'étant
engagez dans les Provinces ne fe feront pas
encore rendus à leurs Compagnies , foient pareillement
condamnez fur le vû defdits Procès
verbaux , & fur la reprefentation de l'engagement
figné d'eux ou de deux témoins.
VII.
Lorfque les Déferteurs ainfi condamnez par
contumace viendront à fe reprefenter ou à être
arrêtez , le jugement de contumace demeurera
nul , & leur Procès fera de nouveau inftruit &
jugé en dernier reffort par le Confeil de Guerse
en la forme accoûtumée , & c.
TABLE.
TABLE .
Avertiſſement
important
Pieces Fugitives en Vers & en Profe , Ode ,
Extraitd'un Memoire fur les Eaux de Bourbon,9
Lettre en Vers , & c.
24
Remarques fur les Principes du Droit François
fur les Fiefs ,
Vers au Chevalier Coynart ,
Réjouiffances à Dijon ,
A Sedan ,
35
47
49
75
Voeu Royal pour la Naiffance du Dauphin , 81
Lettre fur les Enigmes pillées , &c.
Explications du Logogryphe , &c.
Enigme & Logogryphe ,
9,2
93
95
NOUVELLES LITTERAIRES , des Beaux Arts ,
& c , 97
98
Addition au Traité d'Accompagnement & de
Compofition , & c.
Nouvelles Poëfies Spirituelles & Morales notées
, & c.
Nouvelle Traduction de Salufte ,
99
103
Cours des Sciences , fur des principes nouveaux
, & c.
L'Univers Materiel , ou Aftronomie Phyfique,
105
109
110
Nouvelle Hiftoire de France , par demandes &
par réponſes ,
Defcription de la Fête des Ambaffadeurs d'Efpagne
,
Poefies Spirituelles & Morales fur les plus
beaux Airs de la Mufique Françoife & Italienne
,
Epitaphe du Cardinal de Noailles ,
III
114
121
Jettons frappez au premier Janvier 1730, 125.
Chanfon notée , 127
Spectacles. Ino & Melicerte , Extrait , Ibid.
La Dile Dangeville la jeune , fon début , 143
Décoration du Temple de Minerve à l'Opera,
146
Nouvelles du Temps , de Perfe , d'Affrique ,
&c. IsI
Fête du Comte de Carteja , donnée en Suede ,
Nouvelles d'Allemagne & d'Italie ,
Réjouiffances faites à Malthe ,
Iss
158
159
170
Nouvelles d'Espagne & d'Angleterre , 168
Morts & Mariages des Pays Etrangers ,
France , Nouvelles , & c. Couplets de Chanfon
,
Morts , Naiffances & Mariages ,
Arrêts , Déclarations , &c.
Errata du 2. volume de Decembre.
PAS
176
182
188
Age 2299. ligne 11. Orationes , lifez Oratio.
Ibid. 1. penultiéme , Choris , 1. Chorus .
P. 3156. 1. 12. S, Favin , I1,, S. Savin.
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge 73. ligne 23. d'après , liſex diaprès;
P. 96. 1. 11. des , l. les .
P. 97.1, 6.. les trois , l. ces trois.
P. 102. 1. II. Virone , . Verone.
Les Jettons doivent regarder la page
Air notté, la page
825
137
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV
ROY.
FEVRIER 1730.
QUE
COLLIGIT
STARGIT
Chez
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER , muë
S.Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSÓT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la ruë de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais,
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. X X X.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
AVIS.
L'A
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU ,
Commis au Mercure , vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inſtamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
་
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries
qu'on lui indiquera.
PRIX XXX SOLS .
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
FEVRIER. 1730.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
PIECES FUGITIVES ,
en Profe & en Vers.
ECLAIRCISSEMENS.
Sur le lieu où furent données deux Batailles
en France , les années 596. &
600. & fur un ancien Palais de nos
Rois de la premiere Race , duquel
perfonne jufqu'ici n'a affigné la fituation.
Par M. le Beuf , Sous- Chantre
Chanoine de l'Eglife d'Auxerre.
L
>
E Journal de Verdun du mois
de Mars dernier nous a communiqué
une Remarque faite
par un habile homme , touchant l'en-
A ij droit
206 MERCURE DE FRANCE:
droit où fut donnée une Bataille l'an 596.
ou 597. entre les Troupes de Clotaire
II. Roi de Soiffons & de Paris , fils de
la Reine Fredegonde , d'une part , & les
Troupes de Theodebert II . Roi d'Auftrafie
, jointes à celles de Thierry II . Roi
d'Orleans & de Bourgogne. Ce lieu fe
trouve appellé Latofao dans les Imprimés
de la Chronique , connuë fous le
nom de Fredegaire, M. Maillard , Avo
cat , Auteur de la Remarque du Journal
, obſerve que le Pere Daniel dit qu'on
ne connoît plus ce lieu ; mais que le
Pere Ruinart a marqué dans fes Notes
fur Fredegaire que felon quelques uns
ce Latofao eft dans le Dioceſe de Sens.
Cette défignation genérale ne fatisfait
point le Lecteur. On aime à voir les
chofes indiquées plus particulierement .
C'eft ce que tache de faire M. Maillard,
en produifant un garant pour la fitua
tion de ce lieu dans le Dioceſe de Sens.
Le garant qu'il croit fuffifant eft l'Hiftoire
du Gâtinois , écrite il y a cent ans
par Morin , Grand-Prieur de Ferrieres.
C'est un Ouvrage où , à la verité , il y
a quelque chofe à apprendre ; mais en
prenant les précautions neceffaires ,
c'est - à- dire , en verifiant la plupart des
chofes qu'il avance , il y a lieu de fe
defier de tout ce qu'il produit , fans
eu
FEVRIER . 1730. 207
en apporter la preuve ; & je ne vois
pas qu'on puiffe fonder fur fon fimple
témoignage un fait auffi ancien qu'eft
celui en queftion . Cet Hiftorien eft fi
peu exact , & fi rempli de fautes , que
dès le premier mot du Chapitre où il
parle de ce Latofao , il dit que Moret
& Doromel font la même chofe felon
Aimoin , ce qui eft doublement faux ,
puifqu'Aimoin ne parle aucunement de
Moret , lib. 3. c. 88. & que Dormeil ,
loin d'être Moret , en eft éloigné de
trois lieuës ou environ . Le PereLe Cointe
ne
dit auffi à l'an 596. num . 4. que quelques
nouveaux Auteurs placent ce Latofao
dans le Dioceſe de Sens . Il ne les
eite point par leur nom , & on
connoît que Morin qui ait avancé cette
opinion. C'est lui apparemment que le
Pere Le Cointe a en vuë. Mais avec un
peu d'attention , on s'apperçoit ailément
que ce qui a conduit Morin dans le fentiment
qu'il embraffe fur la Bataille de
Latofao , eft que Dormeil , où il s'en
donna quatre ans après une feconde
eft fitué dans le Diocèfe de Sens , &
peu éloigné de Moret. Pour moi , je
fuis d'un fentiment bien oppofé au fien;
je prétends que les Places où fe donnerent
ces deux Batailles ne font point
fi voisines ; & que comme l'iffuë en fut
A iij diffe
258 MERCURE DE FRANCE:
differente ,› le terrain en fur auffi forr
different. Dans celle de Latofao de l'an
596. c'eft Clotaire qui paroît aggreffeur
& qui vient fondre fur les Armées de
Theodebert & de Thierry , qu'il taille
en pieces . Dans celle de Dormeil , ce
font Theodebert & Thierry qui venant
à leur tour contre Clotaire , lui rendirent
la pareille , & mirent toute fon
Armée en déroute. Il paroît plus naturel
que la premiere Bataille fe foit donnée
fur un terrain appartenant à Theodebert
ou à Thierry , de même que la
feconde fut donnée vrai - femblablement
dans un lieu des Etats de Clotaire. II.
ne faut point s'aftreindre tellement aux
noms marqués dans les imprimés de la
Chronique de Fredegaire , qu'on ne
puiffe avouer que quelquefois ces noms
ont été mal écrits par les Copiftes. Que
penfer de certains noms propres dont il
eft fait mention dans cet Ecrivain , lorfque
l'on voit que dès le titre de fá Chronique
, qui étoit intitulée : Extrait de
Hiftoire de S. Gregoire de Tours , du
mot Greg , les Copiſtes les plus anciens
avoient fait Graec , & de Turonici , ils
avoient fait Thoromachi ? Le Pere Ruinart
fait cette Obfervation dans fon excellente
Préface , num. 137. Aidons un
peu à la lettre , & voyons fi dans la même
FEVRIER. 1730. 209
}
me Chronique ou dans fes Continuateurs
, il n'y a pas encore d'autre Bataille
donnée dans un lieu d'un nom approchant.
Je découvre par le moyen des
fçavantes Notes du P. Ruinart , que
l'endroit où le fecond Continuateur marque
une Bataille donnée en 680. & que
les imprimés appellent mal Locofico ;
eft nommé dans les manufcrits Locofao
ou Lufao , & autrement Lucofaco Lus
cofagos je le trouve auffi appellé Lucofao
dans l'Hiftoire d'Aimoin . Comme le
Manufcrit des Continuateurs de la Chronique
, & celui du premier Auteur n'ont
pas toujours paffé par les mêmes mains,
il ne faut pas s'étonner de la petite difference
qui fe trouve entre Latofao &
Lacofao. Mais je croirois volontiers que
c'eft un feul & même endroit ; il s'agit
d'abord de fixer fa fituation . Dom Thierry
Ruinart dit que Monfieur Valois n'a pas
connu cet endroit , mais que ce pour
roit être Loixi en Lannois ; il ajoûte
enfuite , que cependant il paroîtra à
d'autres affez vrai- femblable , que ce lieu
eft celui dont parle l'Hiftoire des Evêques
d'Auxerre , & qu'elle dit être fitué
dans le Pays de Toul. Cette Hiftoire
écrite fous le Regne de Charles le Chauve
, rapporte que Hainmar , Evêque
d'Auxerre vers l'an 765. ayant été cons
A iiij duit
210 MERCURE DE FRANCE:
duit ordre du Roi fur de faux rap
par
ports à Bastognes , dans la Forêt des
Ardennes , fut adroitement tiré de cette
prifon par un de fes neveux ; & que
comme il le fauvoit à cheval , il fut furpris
& arrêté à Lufaüs , dans le Pays de
Toul , où les ennemis en firent un Martyr.
Adverfarii infequentes in loco qui
Lufaus dicitur , in Pago Tullenfi , eum
confecuti funt &c. Il femble qu'il ne faut
point chercher ailleurs ce Lufaüs que
dans le Diocèfe de Toul ; ainfi c'eft infailliblement
ce qu'on appelle aujourd'hui
Lifou. Il y a Lifou le grand & Lifou
le petit , qui font deux Villages contigus
, à fix ou fept lieues de Joinville ,
vers l'Orient , tous les deux dans le Diocefe
de Toul , & dans l'ancienne Auftrafie.
Le nom de Lifoldium , que le
P. Benoit , Capucin , leur donne dans fon
nouveau Pouiller de Toul , ne m'arrête
aucunement parceque j'ai connu que
dans beaucoup d'articles , il a latinifé les
noms fur le François , & que lorfque la
terminaifon d'un nom étoit fufceptible
de deux differentes inflexions Latines ,
il a fouvent pris la moins fondée dans
l'antiquité , & a laiffé l'autre qui-lui étoit
inconnue. Telle eft la derniere fyllabe
du nom Lifou ou Lufou , laquelle n'a
pas
été formée de l'Allemand Fold , mais
>
du
FEVRIER . 1730. 211
"
du Latin Fagus . A l'égard de la premiere
fyllabe , il eft plus probable qu'elle vient
du mot Lucus que d'aucun autre , & je
me perfuade que quiconque eft au fait
de la formation des noms propres des
lieux ne fera aucunement furpris que
de Lucofagus , on ait fait Lifou , qui
auparavant étoit écrit & prononcé Lucfoug
, foit que ce mot vienne de Lencorum
Fagus , ou de Lucus Fagorum. Je
laiffe au Lecteur à juger fi Lifou , qui a
plutôt été le Theatre de la Guerre de
L'an 680. qu'aucun autre lieu , n'eft pas
auffi l'endroit de la Bataille de l'an $ 96.
puifqu'il étoit dans les Etats de Theodebert
, où il eft plus vrai femblable que
Clotaire envoya fes Troupes , que non
pas dans fes propres Etats , à 15. Ou
16. lieues de Paris. On pourroit m'objecter,
que quand même il fe feroit donné
une Bataille à Lifou en l'an 680. il ne
s'enfuivroit pas delà qu'il s'y en foit auffi
donné une en 596. Quinferer l'un de
l'autre , c'eft retomber dans le deffaut
de raifonnement que je blâme dans Morin.
Mais la difference qu'il y a , eft que
Latofao & Lucofao , ou par abregé Lufao
, fe reffemblent fi fort , qu'à moins
qu on ne trouve un lieu veritablement
nommé Latofan , different de Lifou , on
eft toujours bien fondé à croire que c'eft
A v
le
212 MERCURE DE FRANCE .
le même . M. Maillard avoue qu'on ne
connoît point de lieu appellé Latofao ,
où Morin dit qu'il y en a un . Il ne produit
non plus aucun titre , ni aucune
Hiftoire qui donne ce nom à aucun endroit
voifin de Dormeil & de Moret ;:
d'où je conclus qne fa Remarque eft
trop foiblement appuyée pour qu'on
puiffe y avoir égard , & que fi Latofaon'eft
pas Lifou , il faut continuer à avouer
avec le Pere Daniel qu'on ne connoît
plus ce Latofao.
Comme cette Obfervation tend à ôter
au Dioceſe de Sens un endroit mémorable
que M. Maillard a effayé de lui attribuer
, je fuis bien aife de lui affigner
en dédommagement un autre lieu plus
celebre , & qui mériteroit d'être regardé
avec diftinction par les Hiftoriographes
de France . C'eft le lieu que nos
anciennes Chroniques , nos Annales &
certaines Chartes appellent Maffolacum ,
Muflacum , Manfolagum. J'en ai déja
touché quelque chofe dans une Note qui
eft au bas de la page 87 du Mercure
de Janvier 1725. Mais comme il n'y a
gueres que les curieux & les perfonnes.
tudieufes qui lifent ce qui eft au bas des
pages , j'ai crû devoir m'étendre un peu
plus fur ce point Topographique. Le
fujet eft d'autant plus digne d'attention
que
FEVRIER. 1730. 213
que le Pere Mabillon avoue dans fon quatriéme
Livre de la Diplomatique , qu'il
n'a pû découvrir quel lieu eft ce Mafolacum
, & que le P. Ruinart en publiant
Fredegaire , déclare qu'il ne le connoît
pas davantage. Ignotus mihi Manfolaci
fitus , dit le Pere Mabillon. Hujus Ville
fitus ignotus eft , dit le Pere Ruinart.
Cet endroit n'étant pas un fimple Village
du commun , mais une terre dif
tinguée par un Palais Royal , ne doir
pas être non plus , par conféquent , de
ceux qui peuvent refter dans l'obfcurité.
Les Antiquaires qui aiment à fuivre la
marche de nos Rois ne peuvent regarder
comme indifferens dans la Géographie
les lieux où ils fe retiroient quelquefois,
foit pour y prendre le divertiffement de
la chaffe , foit pour y tenir leurs Etats ,
ou y faire quelqu'autre action éclatante .
Maffolacum eft dans ce cas . Ce fut là
que Clotaire II. fit comparoître l'an 613.
devant lui le Patrice Alethée , lequel
n'ayant pû fe purger des crimes dont il
étoit acculé , fut condamné à perir par
le glaive. Dagobert I. étant mort , ce
fut auffi à Maffolac que les Seigneurs de
Neuftrie & de Bourgogne s'affemblerent
pour proclamer Roi , fon fils Clovis.
Ces faits font affectés par Fredegaire ,
Auteur du tems , & depuis par Aimoin.
Mais
A vj
214 MERCURE DE FRANCE:
Mais où étoit fitué ce Maffolac ? & com
ment l'appelle-t'on aujourd'hui ? C'eft
fur quoi je me fuis déja déclaré en 1725
en marquant que c'eft Maflay , à une
lieuë de Sens. Dom Jean Mabillon dit.
que ce Maffolac a du être certainement
un Palais Royal du Royaume de Bourgogne
avant le Regne de Clotaire II.
Regni Burgundici Palatium fuiffe conftat.
Il le dit fans affigner le lieu où il étoit
fitué; mais le voisinage de Sens fuffit pour
décider que ce Palais étoit du même
Royaume que Sens ; & quoique je ne
Veuille pas contredire ouvertement le
fçavant Pere Mabillon , je ne crois pas
qu'après la refolution prife par le Roi
Clotaire d'entendre les Chefs d'accufa
tion contre un Patrice de Bourgogne ,
il fut neceffaire pour cela que l'Affemblée
le tint dans un Palais du Royaume
de Bourgogne , quoique ce Roi en
fut devenu le Maître. On voit que trois
ans après , ce même Roi fit venir tous
les Evêques & Seigneurs de Bourgogne
au Palais de Boneuil proche Paris , qui
conftament n'a jamais été du Royaume
de Bourgogne. Il fuffifoit donc que co
fut un lieu fur les limites des Royaumesde
Neuftrie & de Bourgogne , comme
en effet ce fut là que les premiers de.
ces deux Royaumes éleverent l'an 637-
FEVRIER. 1730. 215
>
la Royauté Clovis , fils de Dagobert.
Or que ce fut dans le voisinage de Sens,
nous en avons une bonne preuve dans
un acte produit par le Pere Mabillon ,
Sec. 3. Benedi& . part. 2. p . 614. on y
lit qu'Emmon , Archevêque de Sens
fervant de la préſence d'un grand nombre
d'Evêques affemblés en ce lieu l'an
657. leur fit figner un Privilege concernant
l'Abbaye de Saint - Pierre le Vif;:
il est daté Manfolaco Curte Dominica ,
Il étoit affez naturel à un Archevêque
de faifir cette occafion , ayant le Roi &
les Evéques fi proches de lui . On peut
dire que c'étoit comme le Fontainebleau:
de ce fiecle-là ; les Rois de France y venoient
de tems en tems , & la Cour y
étant , il étoit neceffaire que les Prélats
qui avoient des affaires d'importance à
regler , s'y tranfportaffent. Clotaire III .
y étoit la troifiéme année de fon Regne.
felon l'Acte ci deflus cité. Il y vint encore
la huitième année , & c'eft de là
que fut daté un Diplome de confirmation
de la terre de Larrey à l'Abbaye de Saint
Benigne de Dijon qu'on trouve dans Pe
rard à l'an 627. mais qui doit être placé
à l'an 660. comme l'a fait remarquer
le Pere Mabillon. Datum Mafolago in
Palatio noftro. Si depuis ce tems là on
ne trouve plus de mention du Palais de
Mallay
216 MERCURE DE FRANCE.
Maffay , c'est qu'il fut peut- être détruit
par les guerres des Sarrazins au fiecle
fuivant. Mais le nom de fa premiere
deftination lui eft roujours refté , puifque
des deux Malay contigus , il y en
a un qui eft appellé Maflay- le - Roy , ce
qui marque , comme dit le Privilege de
PArchevêque Emmon , un Territoire:
Royal, Curtem Dominicam. Ces deux endroits
font à l'Orient d'hyver de la Ville
de Sens , fur la Riviere de Vanne' , &
peu éloignés de la Forêt d'Othe qui
étoit alors fort vafte , & qui l'eft encore
affez. J'ai trouvé aux marges d'un Martyrologe
de la Cathédrale de Sens , écrit
au dixiéme fiécle , quelques additions de
perfonnes notables décedées dans le même
fiecle & entr'autres une Hermengarde
, Dame de Malay. XVII . Kal.
Junii , obiit Hermengardis de Mafiaco
Domina , anno Domini D. C C CC LV.
Ces additions font au plus tard d'une
écriture du XI . fiecle. L'original eft dans
la Bibliotheque de Saint - Benoît fur Loire.
Il y a apparence que les deux Maflay
étoient originairement une feule & même
terre , dont les guerres ont fait faire
des partages , enforte que l'un des Maflay
s'eft appellé le Grand - Malay , &
l'autre le petit Maflay . Je ne fçai pourquoi
ce dernier eft celui qu'on appelle
"'
autre
FEVRIER. 1730 217
:
autrement Maflay - le - Roy , ni pourquoi
celui qu'on furnomme le petit eft échu
au Roi. Il arrive quelquefois que ce qui
eft plus petir , quant au nombre des
Feux & des Habitans , eft d'un plus
grand produit pour le revenu à caufe
des dépendances. Quoiqu'il en foit , le
grand Maflay eft nommé dans un Hiftorien
de Sens , contemporain du Roy
Robert C'eft Odoran , Moine de Saint
Pierre le Vif. Son Ouvrage feroit peutêtre
refté jufqu'ici dans l'obfcurité , fi ce
n'étoit que M. Jean Baptifte Oudinet
Prieur de l'Abbaye de Saint Mariende
notre Ville , fe fit un plaifir de
le communiquer à Dom Mabillon . I
renferme plufieurs particularitez qui ne
font pas indifferentes à l'Hiftoire du
Roi Robert , & que je tais parce qu'elles
ne font rien à mon fujet . On peut les
voir au fecond volume du VI fiecle Benedictin
. Cet Ecrivain rapportant dans
fon 22. Chapitre , la punition d'un hom--
me qui fit un faux ferment dans l'Eglifer
de S. Savinien , proche Sens , dit que cet
homme étoit nomine Rothberthus in vicina
ortus villa , cui nomen Mafliacus · Major
dedit antiquitas. Le Moine Clarius , de
la même Abbaye de S. Pierre le vif , qui
vivoit cent ans après Odoran , rapportant
dans fa Chronique , imprimée au 11. Toinc
118 MERCURE DE FRANCE .
me du Specilege , les violences qu'on employa
l'an 1032. pour obliger les Senonois
de recevoir Gelduin , que le Roi
Henry I. leur avoit donné pour Evêque
dit que ce Roi fe tranfporta en perfonne
fur les lieux ; qu'il vint affieger la Ville de
Sens, & que ce fut au Grand- Maſlay qu'il
fit camper fon armée : Rex copiofum exercitum
applicuit ; & in villa qua Mafliacus
Major dicitur caftra pofuit. Ces trois témoignages
prouvent que dans le X. XI. &
XII, fiecles on difoit encore dans le pays
Mafliacus , qui étoit une expreffion moins
éloignée de Majolacus . Mais dans les fiecles
fuivans on commença à corrompre
ce mot de plus en plus. Je trouve dans
un Manufcrit de la Bibliotheque de la Cathédrale
de Sens , qui eft du XIII . fiecle,
qu'il eft fait mention en ces termes du
Maire de Maflay -le-Vicomte & de l'E
glife de Maflay - le - Roy : Majori de Maf
leio-Vicecomitis ...& Ecclefia de Mafleio
Regis. Au refte il ne doit pas paroître furprenant
que l'on ait corrompu Mafolacum
en Mafliacum & Maflcium: ces deux manieres
de latinifer ce nom dans les bas
fiecles , marquent que dans le langage
vulgaire on faifoit la premiere fyllabe
longue comme aujourd'hui , fi on ne prononçoit
pas la lettre S , ce qui eſt d'autant
plus veritable que les Titres François
du
FEVRIER . 1730. 219
du XIV. fiecle mettent un fecond a pour
tenir la place de la lettre S , enforte qu'on
Y lit ce mot ainfi écrit ; Maalay. Il eft naturel
que dès -là qu'on réduit plufieurs
fyllabes à n'en former qu'une , cette fyllabe
devienne longue de prononciation .
Quant à la terminaifon en ay , il eft vrai
que de nos côtez elle eft moins commune
que celle en y , qui nous vient de tous
les noms des lieux finiffant en latin par
iacum ; cependant il reste encore dans dif
ferens cantons de la Province Senonoife
des noms de lieu en ay qui viennent du
latin iacum ou acum ... Nous avons dans
notre Diocèfe , prefque fur les bords de
la Loire , Mannay qui s'appelloit Mannacum
, au fixiéme fiecle , Annay qui fe
difoit en latin au neuviéme fiécle Abundiacum
, & Seignelay , qui eft un endroit
fort connu , Seligniacum. Dans le Diocèfe
de Sens on trouve Bray& Loray, dont les
noms latins ne font autres que Braiacum
& Loriacum. Je ne puis donc croire qu'il y
ait lieu de douter du côté de l'analogie
des deux Langues , que Maflay ne vienne
de Mafolacum. Les Antiquaires font obligez
d'admettre des noms qui font encore
plus méconnoiffables & moins rapportans
l'un à l'autre . Je n'ai paffé qu'une
feule fois dans le grand Maflay , & j'ay
apperçu que la Plaine de ce lieu eft très
fertile
120 MERCURE DE FRANCE.
fertile. La Riviere de Vanne entoure en
tierement ce Bourg & en fait une verita
ble Ifle. Comme cette Riviere ne tarit
gueres , elle contribue beaucoup à rendre
cet endroit verdoyant & fort gai en été.
Le petit Malay eft un peu plus vers l'Orient
, la Riviere entre deux . Plus haut
eft le Village de Teil , que je pourrois en
quelque forte qualifier d'ancienne Maifon
Royale , en me fondant fur le texte
d'Odoran , quoique le P. Mabillon n'en
ait fait aucune mention . Odoran rapporte
dans fon 26. Chapitre , que Teil
fut le lieu de la réfidence de la ReineConf
tance pendant tout le temps que le Roi
Robert employa à faire fon voyage de
Rome. Factum eft dum quodam tempore
Robertus Rex Romam peteret , ut Conf
tantia Regina unà cum filio fuo Hugone
parvulo Tillo remaneret. Peut être que
Mâlay s'étendoit autrefois jufques - là . Au
moins il eft certain que Teil fait encore
partie de la Châtellenie de Mâlay- le- Roi .
Cette Châtellenie fut échangée par Philippe
le Bel avec Marie Comteffe de Sancerre
, & l'échange fut ratifié au mois
d'Août 1318. par Philippe le Long , en
faveur de Thibaud & Louis de Sancerre.
M. Coufte , Lieutenant Civil & Particulier
de la Ville de Sens , qui poffede une
partie de ce Mâlay , m'apprend par le
MeFEVRIER.
1730. 221
re
J.
Memoire qu'il a eu la bonté de m'envoyer,
que dans les Titres d'échange & de ratification
, ce lieu eft écrit Maalay - le - Roi
Il ajoûte que cette Châtellenie apparting
depuis cet échange à un feul Seigneur ,
qui ayant eu huit enfans , en fit le partage
entre eux dès fon vivant ; ce qui eft
caufe qu'elle eft aujourd'hui divifée en
fept ou huit portions . Et quoiqu'il obferve
que Mâlay-le- Roy , dont la Châtellenie
porte le nom , foit le plus petit des
fept Villages qui la compofent , & que le
Siege du Bailliage foit à Teil , cela ne doit
point cependant empêcher de croire que
tout ce terrain n'ait été un territoire Royal
dans le temps que j'ai marqué cy - deffus.
Cette fuperiorité de Seigneuries fe trouve
même appuyée par le nom de Villiers-
Louis , qui eft un des fept Villages, & qui
eft contigu à Mâlay- le- Roy . Au refte fi
cette Châtellenie releve aujourd'hui des
Comtes de Joigny , ce n'eft que depuis
le Regne de Philippe V. Ce Prince ceda
cette Mouvance à Jean Comte de Joigny
en 1317. pour avoir la Mouvance de Château-
Renard , qui appartenoit au Comte
de Joigny. Je ne fçai fi ce que Nicole
Gilles , Belleforeft & Chappuis , prennent
pour un retranchement fait à Mâlay par
les Anglois au XIV . fiecle , ne feroit point
un veftige de l'enceinte du Château de nos
Rois
122 MERCURE DE FRANCE
Rois de la premiere Race , ou du terrain
qui fut occupé par les Troupes du Roi
Henry I. lorfqu'elles camperent à Mâlay .
Il s'eft confervé au Grand - Mâlay , autre
ment dit Mâlay - le - Vicomte , une Tradition
que S. Agnan Evêque d'Orleans étoit
natif de ce lieu . Tel a été le fentiment de
M. Tripaut , Avocat d'Orleans . On écrit
cependant plus communement que faint
Agnan étoit né à Vienne en Daufiné
plutôt que dans cette Bourgade de la Riviere
de Venne. Il refteroit a examiner s'il
n'y a point eu de méprife d'un nom pour
un autre , à caufe de la reffemblance des
noms de Venne & de Vienne . Mâlay - le-
Vicomte a été de la Commune de Sens
jufques fous Louis le Gros ; c'est aujourd'hui
une Prévôté Royale : & M. le Duc
de Bourbon en nomme tous les Officiers,
foit comme étant aux droits du Vicomte ,
ou comme jouiffant du Domaine de Sens
& de la Banlieuë.
En finiffant ces Obſervations , je reçois
de M. Ferrand , l'un des fçavans Curez
du Diocèle de Sens , Doyen Rural de Marolles
, un Memoire qu'il a redigé , fur la
Riviere dont Fredegaire & Aimoin font
mention par rapport à la Bataille qui y fut
donnée en l'an 600. La remarque de
M. Maillard , inferée dans le Journal de
Verdun , m'ayant engagé à faire des perquiliFEVRIER.
1730. 223
ay.
di..
of:
del
quifitions , tant pour conftater la chole
que pour corriger ce que j'ai mal mis
moi-même en vous écrivant fur les lumie
res Celeftes qui furent vûës l'année de
cette Bataille , (a) je reconnois ne les avoir
point faites inutilement , & qu'il feroit
bon que ceux , qui dans la fuite youdront
donner une Edition de S. Grégoire de
Tours , de Fredegaire & de toutes nos anciennes
Annales Latines avec des Notes,
priffent la peine ou de fe tranfporter fur
les lieux ou de faire venir des memoires
exacts. J'avoue que j'ay été trompé en
1726. par la Note de Dom Ruinart fur
la Riviere Aroanna , que j'avois mal comprife
à caufe du nom François d'Ouaine
qu'il lui donne. Ce n'eft ni de la Riviere
d'Ouaine en Gâtinois ni de celle de Vanne
en Senonois , qu'il faut entendre ce qui
eft dit de la Bataille où Clotaire II . fut
défait ; mais de la Riviere qui paffe à Dor
melle même. ( On dit Dormelle dans le
pays , & non Dormeil. ) Elle prend fa
fource à trois quarts de lieuë au - deffus
de Dollot , qui eft la Cure de M. Ferrand
, Auteur des Remarques que je vais
rapporter , mais dans la Paroiffe de faint
Valerien . Au bout de cent pas , fortifiée
par plufieurs fontaines , elle fait tour-
(a ) Mercure de Novembre 1726 , page 2426,
ner
224 MERCURE DE FRANCE .
ner un moulin. Jufques là , elle n'a que
le nom de Fontaine de Saint - Blaiſe
à caufe d'une Chapelle voifine de la fource
mais au-deffous du moulin , elle commence
à s'apeller la Riviere d'Orvanne.
Elle paffe enfuite à Dollot , à Valery
Blennes , Diant , Vaux , Ferrotes , Flagis
, Dormelle , Château- Saint- Ange , &
va former l'étang de Moret , dans lequel
elle eft abforbée ; puis delà elle fe
décharge dans le Loin , un peu au- deffus
de Moret ; le tout fait l'étendue de fix
lieues de pays. Le Vallon que cette petite
Riviere arrofe s'appelle le Vallon
d'Orvanne , & les Paroiffes qui y font
fituées ou contigues s'appellent de même
Les Paroiffes de la Vallée d'Orvanne. On
affure que tous les Contrats de partages
& de ventes dans tous ces pays là nạp
pellent point cette Riviere autrement
que la Riviere d'Orvanne. Ce qu'il y a
de fingulier, eft que le nom de cette même
Riviere change dans la bouche de plufieurs
perfonnes au delà de Dormelle , &
près de fa décharge dans l'Etang de Moret.
En ces lieux- là on l'appelle quelquefois
la Riviere de Ravanne , & ce font fur
rout les Payfans voifins de cet Etang qui
lui donnent ce nom , parce qu'au - deffus de
cet Etang elle paffe dans un Château affez
diftingué, appellé le Château de Ravanne ,
dont
FEVRIER.. 1730. 228
dont elle traverſe les Jardins , y formant
outre fonCanal, des pieces d'eau trés agréa
bles. Mais fi l'on remonte une lieue plus
haut , on voit que ce nom eft inconnu .
Au-deffus de ce Château & une demie
lieue au -deffous de Dormelle , eft la
belle maifon de feu M. de Caumartin ,
bâtie fur la croupe d'une Montagne . Cette
maifon s'appelle le Château Saint- Ange,
C'est peut -être l'endoit où fe donna la
Bataille , fuperfluvium Arvennam nec procul
à Doromello vico, ainfi que dit Aimoin ,
Cette lecture du mot Arvenna eft plus
exacte que celle du mot Aroanna employée
dans Fredegaire de la derniere Edition
. Il eft inconteftable par le moyen de
cet éclairciffement qu'il s'agit dans Fredegaire
& dans Aimoin de la Riviere d'Or
vanne , qui plus anciennement a dû être
prononcée Arvanne. Il faut abandonner
en cette occafion la Riviere d'Ouaine
(Odona ) qui est éloignée de Dormelle de
plus de huit lieuës. Le P. Daniel a eu
raifon de dire que la Bataille fut donnée
fur une Riviere qui fe jette dans le Louain
au-deffus de Moret ; mais il s'eft trompé
en lui donnant le nom de Riviere d'Ouaine
, auffi-bien que le P. Ruinart. On doit
la raifon que en être convaincu par je
viens de rapporter ; celle d'Ouaine étant
bien differente, puifqu'elle prend la fource
226 MERCURE DE FRANCE .
,
à quatre lieues d'Auxerre , & qu'elle va
fe jetter dans le Loüain au - deffus de
Montargis . Ce n'eft point non - plus la
Riviere de Vanne , comme le Pere le Cointe
à l'an 6oo . Num. 1. femble l'avoir
crû après le Prefident Fauchet. Encore
moins faut- il aller chercher cette Riviere
dans le Pays du Maine , où il y a un Aroëna
fluviolus. Il faut quelque chofe de plus
que la reffemblance des noms dans leLatin,
pour pouvoir avec fondement éloigner de
Los quartiers le Théatre de cette guerre,
A Auxerre ce 18. May 1728.
ADDITION.
Après avoir envoyé ces éclairciffemens
aux Auteurs du Mercure , j'ai eu occafion
d'aller à Paris . Comme le cours de la Riviere
d'Orvanne eft collateral à celui de la
Riviere d'Yonne , & n'eft éloigné du
grand chemin que de deux lieuës ou environ
, je n'ai pas manqué de verifier par
moi-même avant que de me rendre dans
la voiture publique , le Memoire de M. le
Prieur de Dollot. Je l'ai trouvé très -juſte
à un article près ; j'ai remarqué en mêmetemps
que nos Géographes mettent fouvent
à droite d'une Riviere ce qui eft à
gauche , ou qu'ils font quelquefois tout
le contraire. C'eſt pourquoi fi vous avez
la
FEVRIER . 1730. 227
la Carte du Diocèle de Sens dreffée par
Samfon , vous pouvez en toute fureté ,
vous & vos amis , y faire les corrections
fuivantes. Mettez la fource de la Riviere
d'Orvanne à une portée de Moufquet du
Bourg de Saint Valerien , à l'Orient d'Eté;
mettez enfuite Dollot à droite , comme
a fait le Géographe , mais à gauche du
Ruiffeau. Vallery eft bien placé dans les
Cartes. C'eft un lieu celebre par fa deftination
à la fépulture des Princes de la
Maiſon de Condé. Plus bas à droite eft
Blenne , mal nommé Blaineux par Samfon;
plus bas encore eft Diant . Enfuite à gauche
eft le Bourg de Voux , qui eſt fermé
de murs, & que les Cartes ont tort de repréfenter
comme un fimple Hameau.
Après Voux & du même côté le Village
de Ferrotes & plus bas encore à
gauche eft le Bourg de Flagy , qui a du
côté du Midi des murs fi élevez & fi confiderables
pour leur épaiffeur , qu'on la
peut comparer
à ceux des plus anciennes
Villes. Ce Bourg a été cependant
fort endommagé
par les Huguenots
, ainfi que
l'Eglife du lieu en fait foi. Au fortir de
Flagy on voit à gauche une Plaine qui
regne jufqu'auprès
de Dormelle . Ce dernier
Village eft fur une éminence. On
paffe la Riviere d'Orvanne
fur un
Pont , & dès lors on ceffe d'en fuivre le
B cours.
228 MERCURE DE FRANCE.
cours. Lorfqu'on a atteint le haut du
Côreau , on apperçoit encore une autre
Plaine à droite , laquelle s'étend dụ
côté de l'Orient & du Septentrion . Il y
a plus d'apparence que ce fut en cette
derniere Plaine que fut donnée la Bataille
de Dormelle , en tirant vers le
Village de Foffar , dont le nom vient
peut- être à Foffario feu loco Foffarum. Ce
que j'ai remarqué plus loin après avoir
laiffé le Village de Montarlot à gauche ,
ne s'accorde plus avec le Memoire dont
je vous ai parlé. Il ne m'a point paru que
la Riviere d'Orvanne fe jettât dans un
Etang; c'est elle qui forme cette elpece
d'Etang par le moyen des murs &
des Eclufes qui fervent à retenir les eaux,
Cette Riviere ayant repris enfuite fa premiere
liberté , ne va point fe jetter dans
le Louain fi tôt que Meffieurs Samfon
& Deliẞle l'ont marqué dans leurs Cartes ;
ce n'eft point au- deffus de Moret qu'elle
s'y jette , mais au- deffous , prefque vis- àvis
l'angle Septentrional des murs de cette
petite Ville ; deforte qu'il y a à Moret
deux Ponts l'un au bout de l'autre; le plus
grand pour la Riviere de Louain au bout
duquel eft le Prieuré de Pont Loii , Pons
Lupa ; ( c'eft le nom de la Riviere qui
joint le Canal de Briare à la Seine Lupaamnis
) & l'autre petit Pont eft fur la Riviere
FEVRIER . 1730 . 1730. 229
viere d'Orvanne . C'est ainsi qu'en une
matinée de temps j'ai eu le plaifir de voir
cette Riviere depuis la fource jufqu'à ſon
embouchure , avec tout ce qu'il y a de
curieux fur les bords de la Vallée à laquel ,
le elle donne fon nom .
Ce 15. Juillet 1728.
REPONSE
DE LA RAISON,
Toi ,
A M. Rouffeau.
Oi , qui d'une brillante Rime ,
Suivant l'homme en fes actions ,
Soutiens dans un difcours fublime
Que je flatte fes paffions ;
Revien de cette erreur extrême ,
Reconnois que toûjours la même .
Je leur réfifte avec vigueur ,
Mais que foumis à leur empire ,
L'homme infenfé me laiffe dire ,
Les fuit & leur livre fon coeur.
Pour empêcher qu'il ne s'égare ›
Sans ceffe j'obſerve fes pas ,
Bij Et
230 MERCURE DE FRANCE;
Et je lui fers comme de Phare ,
Sur la Mer qu'il court ici bas :
Rayon de la ſplendeur divine ,
Je l'échauffe , je l'illumine ,
Je lui montre le droit chemin ;
Je lui dicte ce qu'il doit faire ,
Par plus d'un avis ſalutaire ,
Qu'il ne reçoit qu'avec dédain,
Ce Grec fameux par fa prudence ,
Ulyffe , fouvent m'écouta ,
Par cette heureufe déference ,
Combien d'écueils il évita !
De l'Ifle , où Calipfo charmée ,
Tenoit fa gloire renfermée ,
Je le tirai , je le fauvai ;
Si de Circé , fi des Sirenes ,
Il rendit les embuches vaines ,
Ce fut moi qui l'en préſervai.
Mais quel écart , quelle foibleffe !
Et peut- on le lui pardonner ?
Il refte chez l'Enchantereffe ,
Qui le vouloit empoisonner,
Dans le Palais d'une perfide ,
Ulyffe abandonnant fon Guide ,
S'endort dans un indigne amour ,
Et ce n'est qu'après une année ,
Qu'au
FEVRIER. 1730. 231
Qu'auprès de lui plus fortunée ,
Je l'arrache de ce féjour.
Pour les Mortels je fais encore ,
Ce que pour Ulyffe je fis ;
Ma voix du Couchant à l'Aurore ,
Se fait entendre ; à tous je dis ,
Fuyez ces Sirenes flatteuſes ,
Dont les voix douces & trompeufes ,
Vous attirent dans leurs filets ; .
Des Circés galantes , volages ,
Craignez les dangereux breuvages ,
Craignez les féduiſants attraits.
Mais ces avis font inutiles ,
Tous ferment l'oreille à ma voix ,
Tous rebelles , tous indociles ,
Refuſent de fuivre mes loix .
Les paffions impérieuſes ,
Aveugles , mais audacieufes ,
Ont le deffus fur la raifon :
Par une étonnante manie ,
On en aime la tyrannie ,
On en favoure le poifon.
Réprime enfin ta folle verve i
Dis-je à cet efprit de travers i
Tu travailles malgré Minerve ,
B iij Lorfque
232 MERCURE DE FRANCE.
Lorfque tu compofes des Vers
Tu manques de feu , de génie ,
Tes Vers fans fel , fans harmonie ,
Sont fifflez aufacré Vallon.
Mais pour moi fourd & fans eftime ,
Il va m'immoler à la Rime ,
Et faire jurer Apollon.
Je m'adreffe à ce Philoſophe ,
Par qui tout paroît éclairci ,
Et par une vive apoſtrophe ,
Je le picque & lui parle ainſi :
Tu mefures le Ciel , la Terre ,
Tout ce que l'Univers enferre ,
Dans ton efprit eft renfermé ,
De ce fçavoir voyons l'uſage ;
En es- tu plus ferme ? plus fage ·
A la vertu plus animé ?
Non, & de fa fcience vaine ,
Il ne remporte pour tout fruit ,
Qu'une vanité fouveraine ,
Dont fon coeur vuide fe nourrit.
De la vertu , de la fageffe ,
Il fçait parler avec jufteffe ,.
Il fçait fort bien les définir ;
Mais de paffer à la pratique ,
Pour lui c'eſt un cercle excentrique ,
I ne fçauroit y parvenir.
Je
FEVRIER. 1730. 233
Je dis à ce Cenfeur fevere ,
Qui , voluptueux & mondain ,
Ofe reprendre dans la Chaire ,
La volupté dans fon prochain :
Faux imitateur des Apôtres ,
Toi , qui veux réformer les autres
Commence par te réformer :
Miniftre pieux & fidele ,
Epure tes motifs , ton zele ,
Plein du feu qui doit t'enflammer.
Quelle eft ton audace effrenée ,
De r'attaquer au Dieu jaloux ?
Dis-je à ce nouveau Capanée ,
Digne du poids de fon couroux.
En vain par un brillant fophifme ,
Tu veux foutenir l'Atheiſme ,
Et paffer pour un esprit fort i
Tes Argumens vagues , frivoles p
Et tes Differtations folles ,
D'un coeur corrompu font l'effort.
Il me fait taire , & chez des femmes ,
Dont ce Docteur eft écouté ,
Il s'en va fierement des ames ,
Combattre l'immortalité.
L'une en rit ; une autre l'admire ;
Mais ce Fanfaron a beau dire ,
Biiij Quel
234 MERCURE DE FRANCE.
Quelque jour tremblant il croira ,
Un Dieu tout-puiffant , invifible ,
Et que l'ame eft incorruptible ,
Quand la fievre le preffera .
En vain je crie à cet avare ,
Jouis de tes biens amaſſez,
Etouffe cette ardeur bizare ,
Qui ne dit jamais , c'eſt aſſez.
Il mépriſe ma remontrance ,
Et pour aller à l'opulence ,
Il va redoubler fes efforts ;
Par la faim , la foif, qu'il endure ,
Et par la déteftable uſure ,
11 accumule des trefors.
A ce Joueur je dis fans ceffe ;
Ufe mieux d'un rare métal ,
Je lui repete , qui te preſſe ,
D'aller loger à l'Hôpital ?
Sa paffion eft la plus forte;
Elle l'obfede , elle l'emporte ;
Il s'en va jouer un Hôtel ;
Et bien- tôt l'affreuſe ruine ,
La have & hideufe famine ,
Vont faifir l'imprudent mortel.
Soutient mieux ta haute naiſſance ,
Dis
FEVRIER. 1730 235 .
Dis-je à ce Marquis faineant ;
Parune honteuse indolence ,
Tu retombes dans le neant ,
Tu ne fais voir d'un Tronc illuftre ,
Qu'une branche morte fans laftre ,
Et qui n'a qu'un frefle foutien :
Mais je l'offenſe & je le bleſſe ,
En lui montrant cette nobleffe ,
Sans qui celle du fang n'eft rien .
D'où te vient cet air d'importance
Dis- je à cet homme tout nouveau ,
Dont le mérité eft la fcience ,
De calculer dans un Bureau ?
Le fort, qui des hommes fe joue ,
Te trouve enfoncé dans la bože ,
T'en tire , quel ſujet d'orgueil !
Il me répond que la richeſſe ,
Lui donne mérite , nobleffe ,
Et vertu , voila fon écueil .
A ce Mortel charmé du monde
Et qui court après la grandeur ,
Je dis: Ame en defirs féconde ,
Amoureuse de la fplendeur ,
Quoi ! n'as-tu donc été formée ,
Que pour aimer une fumée ,
D
Une ombre qui s'évanoüit è
BV Songe
236 MERCURE DE FRANCE.
Songe du moins que cette pompe ,
N'a rien de fixe & qu'on fe trompe ,
Si l'on croit que l'on enjoiit.
Ce difcours fi vrai , fi folide ,,
N'émeut point cet Ambitieux ;
D'un faux éclat toûjours avide ,
Il n'en détourne point fes yeux.
Pour la fortune qu'il médite ,
Toûjours inquiet il s'agite ,
Il veille & fait tout ce qu'il fauts.
Il trouve une place brillante ;
Son ame en eft- elle contente ?
Non , il pretend monter plus haut..
Blámant d'une Coquette antiques ,
Le fard & les ajuftemens ,.
Avec elle ainfi je m'explique ,,
Sur ces frivoles ornemens.
A quoi te fert cette parure
Dont pour embellir ta figure
Tu fçais te fervir avec art ?
En vain tu te peins le visage ,
Tes rides découvrent ton âge ,.
Malgré tes atours & ton fard..
9+
Mais cet avis eft trop fincere , -
On n'aime point la verité..
Cette
FEVRIER. 1730. 237
Cette folle a juré de plaire ,
Avec un mafque de beauté.
Elle fuit avec foin la mode ,
Comme les jeunes s'accommode ,
En prends les habits , & les airs ;
Et croit par les affeteries ,
Et fes fades minauderies ,
Mettre tous les coeurs dans fes fers.
A certe autre , à ' qui´ la jeuneffe ,
Un teint & des traits enchanteurs ,
Attirent la brillante preffe
Des profanes adorateurs ,
Je dis ces Lys & ces Rofes ,
Ces fleurs fur ton vifage écloses ,
Avec le temps ſe fanerons :
Dans la déroute de tes charmes
Un jour tu verferas des larmes↳
Et tes Efclaves s'enfuiront:
3
Prévien l'inévitable fuite ,
Du temps fi prompt à tout faucher à
Fais provifion d'un mérite ,
Où fa faux ne puiffe toucher.
Arrête ton efprit volage;
A la beauté , foible avantage ,
Unis le luftre des vertus.
Mais j'importune cette Belle ,
Bavj Par
238 MERCURE DE FRANCE.
Par un jeune étourdi chez elle ,
Tous mes confeils font combattus.
Bouchet , Chanoine de Sens.
******** XXXXXX :X
DISCOURS fur la probité de l'Avocat
, prononcé par M. Gaulliere , enfuite
de celui de M. Maillard , à l'onverture
de la Conference publique des
Avocats.
Ntre les vertus qui relevent le me-
Erite perfonnel de l'homme , il n'en
eft point de plus convenable que la probité
; elle doit regler fes penfées & diriger
fes actions . Elle feule peut lui apprendre
quelle eft la nature de fes devoirs
, quel eft fon engagement , & comment
il doit y fatisfaire . Survient il dans
l'execution des difficultés & des peines ?,
la probité lui donne les moyens de les
furmonter ; s'y trouve - t'il du danger ?
elle lui infpire affez de précaution &
de prudence pour l'éviter , ou du moins
elle y fuppléer.
La conduite de l'homme ne peut donc
jamais être reguliere fans la probité ;
ainfi dequoi l'Avocat feroit - il capable
fans elle, Formons -nous , Meffieurs , l'i
dée
FEVRIER . 17307 239
dée de l'Avocat le plus digne de l'eftime
& de la confiance du public ; donnons
lui les talens d'un heureux nature !
qu'il poffede éminement l'art de la parole
, qu'il fçache les Loix tant anciennes
que nouvelles , qu'il en comprenne
les plus abftraites difpofitions , qu'il en
explique les plus grandes difficultés
qu'il en applique à propos les principes ,
qu'il fçache demêler tous les tours embaraffans
dans lefquels fe cache le monftre
de la chicane , qu'il fe dévouë à les
fonctions par un travail penible & affidu
; donnons lui enfin en partage toutes
les qualités exterieures qui lui font
neceffaires pour faire briller fon éloquence
; talens admirables , perfections
louables , à la verité ; mais en mêmetems
, dons pernicieux de la Nature &
de l'Art , s'ils ne font accompagnés d'une
probité à toute epreuve. Il faut donc la
regarder , cette Vertu , comme la principale
qualité de l'Avocat dans toutes
les occafions où fon miniftere eft neceffaire.
Par elle l'homme eft naturellement
porté à rendre fervice à l'homme ; il ne
fait ni ne penſe rien qu'il ne puiffe publier
hardiment & avec confiance , il ne
s'engage dans aucune entrepriſe ſujette
à reproche , quoiqu'il foit für que perfonne
240 MERCURE DE FRANCE .
fonne n'en empêchera la réuffite ; fon interêt
ne le porte jamais à rien dire de
contraire à la verité , à accufer perfonne
fans fujet , à ne prendre que ce qui lui
appartient, & à ufer de furpriſe pour parvenir
à fes fins. Si l'Avocat plaide , fans
la probité il degenere en déclamateur
il déguife ou il exagere les faits , il époufe
les paffions de fes parties , il n'a pas
honte d'entreprendre des cauſes injuftes,
quoiqu'il les connoiffe pour telles.
S'il eft confulté , fans la probité ce
n'eft pas pour lui un crime de donner
confeil pour favorifer les furprifes , d'u
fer de tous les détours imaginables pour
rendre les procès éternels , d'alterer le
fens des Loix , des Coûtumes & des Ordonnances
pour en impofer aux Juges ,
enfin d'abandonner la jufte deffenſe du
pauvre pour pallier les injuftes prétentions
du riche.
་
Avec la probité , au contraire , le but
de l'Avocat eft de facrifier ſes veilles , &
de fe donner tout entier au Public ; fon
unique attention eft de foulager les peinés
de fes parties , d'être tout pour les
autres , & prefque rien pour lui- même.
Son coeur immole à la Justice routes
paffions , tout plaifir , tout interêt ;
ainfi chaque jour , chaque heure , chaque
inftant lui fournit les occafions de
lui:
i
FEVRIER. 1736. 2411
lui faire pendant toute la vie de nouveaux
facrifices.
Affiegé de toutes parts , demandé en²
tous lieux , la fin d'une affaire le foumet
au commencement d'une autre , le :
dernier des malheureux a droit fur tous
les momens de fon loifir.
Il ſe refufe jufqu'à la joüiffance de ſes ›
propres biens , & il n'a d'autre foin que
d'aflurer ceux des Cliens qui implorent
fon fecours.
Cet efclavage , où fous un titre fpecieux
on renonce à la liberté pour deffendre
celle des autres , paroît bien dur;
mais qu'il eft glorieux pour le veritable
Avocat ! c'eſt avec ces fentimens qu'il
fe préfente au Barreau , ce font eux qui¹
font fon principal mérite.
Il n'a pas befoin de faire briller fon
éloquence par des difcours pompeux qui
pourroient féduire ; i la fait confifter
dans le récit fimple & veritable des faits .
Il ne lui eft pas neceffaire Four donner
des preuves de fon érudition d'employer:
des citations ennuyeufes , & fouvent étran
geres à la matiere qu'il traite ; une juſte
application des Loix , leur interpretations
naturelle compofent toute la deffenfe de
fes - parties.
Sa probité , fá fincerité lui tiennent
lieu de tout ; fa parole vaut le ferment
les
*
242 MERCURE DE FRANCE.
le plus autentique , & c'eft ainfi qu'il
s'attire toute l'eftime & toute la confiance
du public . Que dis - je ? Meffieurs ,
les Rois même n'ont pas dédaigné d'hơhorer
l'Avocat de la leur.
En effet , il eft dit dans l'Ordonnance
de 1327. que lorfque dans la plaidoyetie
il y auroit conteftation fur des faits ,
les Avocats en fetoient crûs à leur ferment
; & l'Hiftoire nous rapporte en
cent endroits les avantages inféparables
de la probité de l'Avocat.
M. de Montholon acquit par elle une
fi grande confiance , que quand il s'agiffoit
de la lecture d'une pièce , les Juges
l'en difpenfoient ; & ce fut cette même
probité qui l'éleva au fuprême degré de
la Magiftrature.
Sans la probité , au contraire , l'Ávocat
feroit en proye à toutes fortes de
paffions. Tantôt il feroit affez malheureux
pour ne confulter que lui-même ;
on le verroit rarement marcher la balance
à la main , ardent en apparence à
proferire le vice & à proteger la vertu ;
la veuve & l'orphelin fembleroient être
les objets de fa compaffion ; grand en
maximes , faftueux en paroles ; on croitoit
qu'il ne refpire que la Juftice ;
mais fi on fondoit les fecrets replis de fon
coeur , fi on le fuivoit pas à pas dans les
fentiers
FEVRIER. 1736. 243
fentiers détournés où le conduiroient fes
fauffes lumieres , fi on peſoit les actions
au poids du fanctuaire , on pourroit de-.
mêler au milieu de ces vains phantômes
de vertu qui l'environnent , les charmes
féduifans de la volupté ; entraîné par
fon penchant naturel au plaifir , il s'y
livreroit de plus en plus , & il feroit
à craindre que la Juftice ne fut la premiere
victime qu'il immoleroit à l'idole
de fes plaifirs.
Tantôt le trouvant dans les occafions
dangereuses de contenter un interêt qui
exciteroit fa cupidité , l'ardeur d'acquerir
& de poffeder , qui eft naturelle à
l'homme , ne lui permettroit pas de diftinguer
le jufte de l'injufte ; rien ne fe
roit capable de fervir de contrepoids à
fa paffion ; elle lui fuggereroit les moyens
d'anéantir la Loi par la Loi même.
Que d'explications forcées mais en
même- tems captieufes, ne lui fourniroientelles
point pour faire parler à cette Loi
le langage de fa cupidité ? charmes de
l'éloquence , connoiffance des Loix , il
mettroit tout à profit pour furprendre
pour féduire peut- être même abuſeroit-
il du fecret & de la confiance de
fes parties , s'il n'étoit retenu par l'integrité.
Sans elle la haine , la jaloufie , ou
quel244
MERCURE DE FRANCE:
quelqu'autre paffion l'agiteroit fans ceffe,
obfcurciroit fa raifon , & la rendroit furieufe
; & à l'ombre de ces monstres
tantôt en ennemi fecret & implacable ,
il attaqueroit ceux qui font l'objet de
fon averfion & de fa haine ; tantôt les
yeux bleffés de la gloire importune d'un
Rival qui l'offufque , que ne tenteroitil
point pour détruire cet ennemi de fon
orgueil & de fon ambition ?
En proye fucceffivement & quelquefois
en même tems à toutes ces paffions
qui l'agiteroient , la Juftice auroit beau
fe préfenter , il feroit fourd à ſa voix
elle feroit toûjours profetite de fon coeur
& fur les ruines du Tribunal de fa confcience
il éleveroit un Trône à fes paffions
favorites , ce feroit elles qui lui
donneroient la Loi , & ce feroit à elles
feules qu'il rendroit compte de fes actions
, trop content de leur avoir menagé
les marques exterieures de la vertu.
9
On ne trouve point heureuſement de
ces vices dans le veritable Avocat ; auffi
n'y a t'il rien à foupçonner dans fes démarches.
Les Puiffances ont elles befoin
de fon miniftere ? incapable de fe
laiffer corrompre par les prefens , il voit
avec indignation: Demofthene accepter la
coupe d'Harpalus ; infenfible aux menaces
, il fuivroit Papinien fur l'échafaur ?
plutôt
FEVRIER. 1736. 245
plutôt que d'excufer un Empereur conpable
d'un fratricide.
S'agit-il de l'interêt de fes Conci
toyens ? on ne le voit jamais examiner
une affaire qu'avec une attention fcrupuleufe
, & conduite un Client qu'avec
prudence ; il ne jette un oeil de compaffion
que fur les objets qui la méritent , & ne donne les foins & fes confeils aux
riches qu'après avoir fecouru les malheureux.
Il ne repouffe l'injure que par les armes
que l'équité , la raifon & les Loix
lui adminiftrent ; il ne fait confifter fon
plaifit que dans un delaffement honnête,
;
& fouvent même dans le travail il
trouve les peines récompenfées plutôt
par la gloire de les avoir prifes que par
P'utilité qu'il en retire.
S'il apperçoit
dans un de fes Confre→
res des talens fuperieurs
aux fiens , loin
d'en concevoir
une indigne jaloufie , ils
ne fervent au contraire qu'à lui infpiter
une noble émulation
; enfin fes démarches
, les actions ont pour but la vertu
plutôt que fa propre utilité. Par là fes
confeils font admirés , fes décifions font
regardées
comme des Oracles , fa conduite
fert d'exemple
à tout homme de
bien , & il fe captive la bienveillance
de
fts. Confreres
, l'eftime des Magiftrats
&
la
246 MERCURE DE FRANCE
la confiance du Public.
Mais eft- ce dans cette idée feule que
l'Avocat doit être fi pur dans fes penſées,
fi refervé dans fes difcours, fi integre dans
fes actions , dont il doit compte même à
foi-même ?
Plus l'Avocat a de talens , plus il eſt
reſponſable de fa conduite ; plus il a de
qualités éminentes , plus il doit être en
garde contre les charmes féducteurs des
paffions de l'homme.
En effet , que lui ferviroit - il d'être applaudi
à l'occafion de fon éloquence , fi
fes moeurs ne tendoient pas à la perfection
? Seroit- on perfuade de la fageffe de
fes confeils , s'il fuivoit lui-même d'autres
routes ?
>
Qu'il fortifie donc de jour en jour dans
fon coeur les fentimens de la droiture &
-de la probité ; qu'il s'empreffe à prononcer
par fon propre exemple la premiere
condamnation contre les vices .
Ce font ces fentimens , Meffieurs , que
vous avez reconnus dans les difpofitions
de votre digne bienfacteurs ce fut ainſi
qu'il s'acquit l'eftime de tous fes amis ,
la confideration de nôtre Ordre & la
confiance du Public .
La nobleffe de fa naiffance ne lui
pafut
qu'un nouveau degré digne d'être joint
à notre profeffion ; il s'appliqua fans peine
FEVRIER. 1730. 24.7
à la connoiffance des Loix les plus difficiles
; fon efprit naturellement penétrant
en donna facilement les folutions ; à
peine fut- il entré dans la carriere , qu'il
fe fit refpecter même de tous les ennemis
& de fes envieux ; fa vertu lui donna
pour amis tous les Cliens que fa réputation
lui addreffoit ; la prudence de fes
confeils détermina fouvent les opinions
des Magiftrars ; utile à tout le monde
il fe livroit fans ceffe à tous ; le Public
trouvoit des fecours infinis dans les talens
, & les pauvres des reffources iné,
puifables dans fa charité ; ceux qui le
connoiffoient le le propofoient pour mo
dele de fçavoir , de modeftie , de défin
- tereffement & de candeur , La mort enfin
s'approcha fans le furprendre ; il l'avoit
prévenue par un fage teftament qui
partageoit les biens entre les pauvres ,
fes parens , fes amis & notre Ordre ;
fes Livres & fes Manufcrits nous feront
à jamais précieux auffi bien que fa mé,
moire. Kappellons nous donc fans ceffe
le mérite de ce grand homme.
Mais fi d'un côté nous avons lieu de
regretter M. de Riparfons , nous avons
de l'autre occafion de nous confoler de
fa perte , puifque nous la trouvons reparée
par l'illuftre Confrere qui veut
* Voyez le 1. Vol. du Mercure de Decembra.
1729, page 2909.
248 MERCURE DE FRANCE.
bien préfider à nos travaux ; en fe faifant
une gloire d'executer les intentions
de notre bienfacteur il a la meilleure
part à la fondation ; il facrifie fon tems
à nous découvrir des trélors qui fans lui
nous feroient inconnus ; quels avantages
ne trouvons - nous pas dans les fçavantes
inftructions ? penétrés de reconnoiffance
, faifons - nous donc un mérite
de marcher fur les traces & fi nous ne
pouvons parvenir au même dégré de
Icience que lui , donnons -lui du moins
la fatisfaction d'imiter les vertus.
Animés par de fi beaux & de fi grands
exemples , nous ferons toûjours difpofés
à detefter l'ufurpation , & à repouffer la
violence , toujours prêts à defendre la
Veuve & l'Orphelin , à foutenir l'innocence
que l'on voudra opprimer , &
pourſuivant la punition du crime , nous
ne travaillerons pas moins à la fûreté
publique qu'à la confervation des particuliers.
Nous fommes les premiers organes
de la Juſtice , & même en quelque forte
les maîtres des droits de nos parties ;
chaque inftant de notre vie nous met
devant les yeux l'obligation indifpenfable
de menager leurs interêts , & d'appaiſer
leur animofité. En nous faifant un
honneur de leur fervir de patrons , de
peres
FEVRIER. 1730. 249
peres & de protecteurs , nous nous fouviendrons
encore qu'affociés , pour ain
dire , à la Magiftrature , nous fommes
les enfans & les Miniftres de la Justice ,
& que nous ne lui devons pas moins
d'integrité , de bonne foi & de fincerité
que de foin , de vigilance & de zele pour
les affaires qui nous font commifes . Nous
renoncerons à toute forte de déguiſement,
la verité regnera toujours dans nos difcours
, & nous ne chercherons jamais de
ces ornemens capables de furprendre la
Religion des Juges.
Fondés fur les principes de la probité,
notre miniftere fera foutenu de courage
& de fermeté fans orgueil , de charité
fans foibleffe , d'une feverité jufte , utile
& neceffaire fans dureté , d'une connoiffance
compatiffante de la mifere de l'homme
fans lâche complaifance , & répondant
à la haute idée que l'on a de notre
profeffion , nous annoncerons par la fageffe
de nos confeils les oracles de la
Juftice.
L'IN250
MERCURE
DE
FRANCE
.
XXXXXX: XXXXXXX **
L'INJUSTE SOUPÇON,
CANTAT E.
Ur ces fteriles bords que parcourt la Du-
SUFrance ,
Eucharis attendoit le Berger Lidamant ;
Surpriſe avec raifon de fon retardement ,
Ele exprimoit ainfi fa trifte impatience,
Lidamant , l'objet de mes feux ,
Ici m'a promis de fe rendre ,
J'y fuis depuis long- tems ; helas ! j'ai beau
l'attendre ,
Il ne vient point encor ; quel tourment rigoureux
!
Dieux ! un fatal foupçon vient s'offrir à mon
ame ;
L'ingrat ennuyé de mes fers ,
Eft touché des appas de quelqu'autre Bergere;
Et pour avoir trop fçû lui plaire ,
Pour l'avoir trop aimé , Jufte Ciel ! je le pers.
Eucharis tu devois te montrer inhumaine ,
Refifter plus long- tems à fes preffans defirsi
Tu le favorifas , tu mis fin à fa peine ,
Et ce malheureux jour mit fin à ſes plaifirs
Ornement
FEVRIER.
1730. 251
Ornement de nos lieux , adorables Bergeres,
Vous perdrez bientôt vos Amans ,
Si vous ceffez d'être feveres ,
Si vous foulagez leurs tourmens.
Venez , fierté , jalouſe rage ,
Venez éteindre mon ardeur ;
Rendons outrage pour outrage ,
Chaffons Lidamant de mon coeur.
Torrent impetueux , témoin de mes allarmes
,
Daigne arrêter ton cours ,
Sois fenfible à mes larmes ,
Et contre cet ingrat prête- moi ton fecours.
S'il venoit fur tes bords déplorer un tour
ment .
Que pourroit lui caufer une flamme nouvelle ,
Durance , tes eaux , à l'inftant ,
Doivent engloutir l'Infidelle ;
Mon coeur de fes tranſports ne peut être le
maître ;
Le cruel n'a que trop mérité mon courroux...
Mais j'apperçois quelqu'un , Ciel : je le vois
paroître ;
C'est lui , je m'abufois dans mes foupçons jaloux
.
L'heureux Berger arrive ; helas ! excufe moi,
Je venois , lui dit- il, mais diſgrace imprevûë !
C Belle
252 MERCURE DE FRANCE .
Belle Eucharis , un Loup s'eft offert à ma
vûë
Il m'enlevoit l'Agneau , le gage de ta fois
Je cours , à fa dent je m'expofe ;
Un Amant craint-il quelque chofe ?
Enfin de ce combat je fors victorieux ;
Mais la plus grande gloire en eft due à teş
yeux .
Toi feule excitois mon courage ;
Sans un espoir flatteur j'euffe en vain com
battu ,
Bientôt victime de fa rage
L'animal m'auroit abbatu .
Beautés qui fçavez tout charmer
Faut-il qu'à vos foupçons votre coeur s'abandonne
;
Souvent l'Amant que l'on foupçonne
Eft celui qui fçait mieux aimer.
L'impatience
Voit tromper fes defirs ;
La moindre abfence
Arrache des foupirs ;
Si le retardement de ce Berger fidelle
Donne de fon amour une preuve nouvelle ,
Quel excès de plaifirs ?
Par M. V. d'Aix.
Q B
FEVRIER . 1730 253
*******************
OBSERVATIONS für la Méthode
d'Accompagnement pour le Clavecin
qui eft en usage , & qu'on appelle
Echelle ou Regle de l'Octave.
L
Es premiers élemens de la regle de
POctave confiftent à donner aux
doigts des habitudes conformes aux accords
qu'elle preferit fur les dégrés confécutifs
d'un Mode.
Cette regle renferme quelque chofe
de bon ; mais elle eft tellement bornée ,
qu'il faut dans la fuite y faire un nombre
infini d'exceptions , que les Maîtres
ſe refervent d'enſeigner , à meſure que
les cas s'en préfentent .
Le détail de ces exceptions eft prodigieux
; la connoiffance & la pratique en
font remplies de difficultés prefque infurmontables
, par la multiplicité des accords
, par la variation infinie de leurs
Accompagnemens , par la furpriſe où.
jettent fans ceffe les differentes formes
de fucceffion dont chaque accord en
particulier eft ſuſceptible , & qui font fouvent
contraires aux habitudes déja formées
, par la confufion des regles fondamentales
avec celles de gout , par le
Cij vuide
254 MERCURE DE FRANCE.
vuide que l'harmonie y fouffre le plus
Louvent
, par le peu de reffource que l'o
reille y trouve pour fe former aux, veritables
progrés des fons , par l'affujetiffement
trop fervile aux chifres fouvent
fautifs , enfin par les fauffes applications
auxquelles des regles de détail & des exceptions
innombrables ne peuvent manquer
d'être fujettes .
La Regle de l'Octave, avec fes excep
tions , contient 22. Accords dans chaque
Mode , dont voici l'énumération en
abregé.
e
L'Accord parfait , la 6° , la 6 ° & 4º,
la 7º , la petite 7º , la fauſſe 5º , la petite
6 , le Triton , la 7º fuperfluë , la 5º fuperfluë
, la 2 , la 6 & 5 , la 9 complette,
la ge fimple , la 4º , la 9 ° & 4º,
la 2 & 5 ° , la 2º ſuperfluë , la 7º diminuée
, la 6º majeure avec la fauffes , le
Triton avec la 3e mineure , & la 7e Superflue
avec la 6 mineure , fans parler de la
6 doublée , & encore moins de la 6
mineure avec la 3e majeure , que quelques-
uns ont introduit affez mal à propos
, de la 6e fuperfluë , que le gont au.
torife depuis quelque tems , ni de la 5°
fuperflue avec la 4 , qui pourroit plutôt
avoir lieu que les deux derniers .
Chacun de ces accords a fes Accompagnemens
differens , qui confiftent en
deux
FEVRIER. 1730. 25.5
deux ou trois intervales de plus que ceux
dont ces Accords portent le nom ; de
forte qu'à la vûë du chiffre , ou par le
moyen de quelques autres notions , il
faut fe repréfenter tous les intervales qui
compofent l'Accord , & y porter incontinent
les doigts .
Chaque Accord a d'ailleurs trois faces
ou permutations fur le Clavier ; & tel
qui connoît la premiere n'en eft pas beaucoup
plus avancé pour la feconde , ni
après celle- ci pour la troifiéme , quant
à la pratique chacun des 22. Accords
exprimés en produit donc trois differens
dans l'execution , ce qui fait le nombre
de 66.
Outre cela , il y a 24. Modes ; & f
l'on veut être en état d'accompagner
toute forte de Mufique , ou de tranfpo
fer , il faut abfolument fe procurer une
connoiffance locale des 66. Accords précedens
dans chacun de ces Modes , car
tel qui fçait toucher les Accords d'un
Mode a encore bien à faire pour trouver
ceux d'un autre ; il faut donc multiplier
les 66. Accords ci- deffus par 24. ce qui
fait le nombre de 1584. fi ce n'eſt pour
l'efprit , du moins pour les doigts .
Chacun des 2 2. Accords primitifs a ſa
regle particuliere , tant pour ce qui doir
Le préceder , que pour ce qui doit le
Cij fuivre
256 MERCURE DE FRANCE:
fuivre par exemple , il faut faire la pe
tite 6 pour defcendre fur l'Accord parfait
, fur la 7 ou fur la 4 , il ne faut
plus faire que la 6 , fi l'on defcend fur
la petite 6 , & fi l'on paffe en montant
par les mêmes accords , tout change ;
ce détail ne finit point. Comment la
mémoire , le jugement & les doigts peuvent-
ils fur le champ , & tout à la fois
fuffire à tant de regles ?
y
On dira peut- être que la connoiffance
du Mode foulage l'Accompagnateur en
pareil cas , puifque la regle ſpecifie que
tel Accord fe fait fur une telle Note du
Mode , en montant ou en ' defcendant ;
mais fi tant eft qu'on connoiffe le Mode,
ne faut il pas découvrir auffi- tôt quel rang
tient la Note préfente , puis fon Accord,
puis les Diézes ou les Bémols affectés à ce
Mode , & fi enfin on parvient à le rendre
tout cela préfent dans la promtitude de
l'execution , qu'a t'on gagné , fi la Note
en question ne porte point l'Accord atta
thé au rang qu'elle tient dans le Mode ?
car , par exemple , au lieu de l'Accord
parfait au premier degré , autrement dit
la Note tonique , il peut y avoir la 6' &
5 , la 5 & 4° , là 4° & 3 , la cou ° ,
la fuperfluë , même avec la 6 mineure,
pareillement au lieu de la petite 6º au
deuxième degré , il peut fe trouver la 7º
ou
FEVRIER . 1730. 257.
oui la 9º & 4º , ainfi de tous les autres
degrés , excepté le feptiéme , appellé Note
fenfible. Il faut donc ici bien des exceptions
aux regles que l'on s'eft efforcé
d'apprendre , & préfumer encore que les
doigts accoutumés à n'enchaîner que dans
le même ordre les Accords qu'elles renferment
, prendront facilement la route
contraire que demandent toutes les fuccellions
differentes , dont chaque Accord
eft fufceptible.
Les chiffres , ajoûtera- t'on , doivenť
fuppléer ici au deffaut de la regle ; mais
peut-on s'affurer que le Compofiteur les
aura mis regulierement par tout , & que
le Copilte ou l'Imprimeur n'y aura rien
oublié. On a fait voir dans le nouveaur
fiftême de Mufique que le plus habile
Compofiteur de notre fiecle n'avoit pas
été exemt de méprife à cet égard ; & c'en
eft affez pour bannir la trop grande confiance
dans les chiffres ; au refte , qu'estce
qu'une Méthode qui nous rend eſclaves
des erreurs d'autrui , ne devroit- elle
pas plutôt nous enfeigner à les rectifier ;
mais bien loin de cela , dans quel embarras
ne met- elle pas l'Accompagnateur
lorfqu'il n'y a point de chiffres le chant
du Deffus lui indiquera- t'il les Accords ?
fi ce chant , par exemple , fait la 3e de
la Baffe , cette 3 pourra être accompa-
C iiij
gnée
258 MERCURE DE FRANCE.
gnée de la 4º , de la se , de la 6º , de la
7 ou de la 9º ; or quelle raifon de préference
pourra-t'il tirer d'une multiplicité
de regles ?
D'ailleurs , on furcharge les commencans
par le mélange de certaines regles
de gout avec celles de fond , fans penfer
que celles - ci font la baze & le modele
de celles - là , & qu'elles feules peuvent
former effentiellement l'oreille , procurer
aux doigts des habitudes genérales & régulieres
, & mettre dans l'efprit la certitude
avec laquelle l'oreille peut fecon
der l'execution . Ces regles de gout ne
font pas fimplement les harpegemens ,
les fredons & le choix des faces , dont
quelque échantillon fait pour certaines
perfonnes tout le mérite & tout le char
me de l'Accompagnement . C'eft fur-tour
la regle qui deffend deux Octaves de fuite,
defquelles on fait un monftre , & dont la
prohibition , pour éviter une faute imaginaire
, en fait commettre de veritables.
Pour ne pas bleffer ce prejugé des deux
Octaves de fuite , on fait retrancher celle
de la Baffe dans prefque tous les Accords
diffonans , d'où il arrive que fi la Baffe
parcourt fucceffivement toutes les Notes
d'un même Accord , il faut à chacune de
ces Notes deux opérations , l'une de lever
le doigt de l'Octave , l'autre de remettre
FEVRIER. 1730. 259
mettre celui qu'on a levé précedemment
fi l'on ne veut en denuer l'harmonie ,
ce qui varie à tous momens les Accompagnemens
d'un même Accord , & le
préfente fans ceffe fous des dénominations
differentes ; or quel retardement cela n'apporte-
t'il pas à la connoiffance , & quel
préjudice n'eft - ce pas pour l'execution ?
car fi les pofitions changent fi fréquemment
, & qu'en même-tems toutes les
faces du Clavier ne foient pas également
familieres , il arrive fouvent que les
doigtsfe refufent à l'accord qui doit fucceder
à un autre dans une certaine face ;
d'où l'on eft obligé de faire aller la main
par fauts , & de la porter précipitamment
à l'endroit où la face eft plus familiere &
plus commode , ce qui ne le fait point
encore fans le defagrement de partager
continuellement fa vue entre le Pupitrs
& le Clavier.
Le retranchement de l'Octave multiplie
un même accord jufqu'à cinq ou fix , tant
pour l'efprit que pour les doigts , & la
forme de fucceffion naturelle à cet Accord
eft multipliée à proportion ; fi cet
Accord en admet cinq ou fix autres differens
dans fa fucceffion , ce font pour cha
cun autant de fucceffions differentes fur
le Clavier , & autant de nouvelles regles.
à obferver , ce qui accable les doigts de
C v tang
160 MERCURE DE FRANCE .
tant de pofitions , & de marches diffe
rentes , qu'il eft impoffible de ne s'y pas
tromper le plus fouvent ; c'eft une verité
dont prefque tous les amateurs , & même
plufieurs Maîtres peuvent rendre té
moignage , pour peu qu'ils foient finceres.
Combien de fois ont- ils fenti en accompagnant
certaines Mufiques que leurs
regles , leurs connoiffances , leur oreille
même , & leurs doigts le trouvoient en
deffaut ?
On peut juger aisément de là que l'o
reille , de concert avec les doigts , fe
formeroit bien plus furement , & s'accoutumeroit
bien plutôt à une fucceffion
uniforme d'accords qu'elle ne le peut faire
à plufieurs fucceffions , qui lui paroiffent
differentes les unes des autres , & qu'elle
préfente même comme telles à l'efprit ;
car fuivant toutes les Méthodes d'Accompagnement
qui ont paru jufqu'ici ,
nos Muficiens pratiquent comme diffe
rentes , plufieurs fucceffions d'Accords ,
qui dans le fond ne font qu'une , & ils
ont établi en conféquence plufieurs regles
qui fe réduifent toutes à une feule ; par
exemple , quand on dit que le Triton doit
être fauvé de la 6º , la fauffe se de la 3º
la 6º majeure de la 8 ou de la 6º , la 7º
fuperfle de la 8 , la fuperfluë de la
6 , & la 2° fuperfluë de la 4 confonante,
e
tout
FEVRIER. 1730. 26-1
rout cela fe réunit dans l'Accord de la
Note fenfible qui doit être fuivi de l'Accord
parfait de la Note tonique ; mais il
ne faut pas s'étonner du grand nombre de
regles inftituées jufqu'à prefent fur la
fucceffion des Accords ; le Muficien que
le fentiment feul a conduit pendant fi long.
rems , n'en a decidé que relativement à
P'impreffion que les differentes difpofitions
d'un même Accord faifoient fur fon oreille
; la réunion de toutes ces fucceffions
en une feule paffoit la portée de cet organe.
Au reste , il n'y a prefque pas une de
ces dernieres regles de détail qui ne foit
fauffe en certains cas , puifque fi les intervales
de Triton , de fauffe se , de 6º maª
jeure , de 3 majeure & de 7e fuperfluë »
fe trouvent dans un autre Accord que
dans le fenfible , comme il arrive trèsfouvent
, tantôt ils font confonans , tantôt
de diffonances majeures ils deviennent
dißonances mineures , & tantôt ils font
diffonans fans être foumis à la fucceffion
determinée en premier lieu . Que devien
nent alors les fufdites regles , & dequoi
fert encore leur multiplicité ? Tel quit
entreprendra de contefter ces verités ne
fera pas Muficien , ou fe perdra dans des
diftinctions frivoles & dans des excep
tions fans fin
Cvj OF
262 MERCURE DE FRANCE :
On pourroit rapporter plufieurs autres
exemples des differens cas où ces regles
échouent; mais pour achever de
achever de prouver
combien elles font vagues , & même préjudiciables
, il fuffira de l'exception qu'il
faut faire à l'égard du Triton , qui felon fa
regle,doit être fauvé de la 6° en montant ,
&qui felon d'autres regles que l'experience
oblige de fuivre à préfent , refte fur le même
degré pour former la 8 , la 3º , la 6º ou
la 5 ; ne voilà t'il pas un conflit de regles
oppofées ? & ne font- elles pas réciproquement
fujettes à de fauffes applications
, vu que l'une peut fe préfenter à
l'efprit , lorsqu'il eft queftion de l'autre ?
Cette Méthode , fi l'on peut qualifier
ainfi un amas confus de regles , ne fembleroit
pas un labirinte , & ne rebuteroit
pas tant de perfonnes de l'Accompagnement
, fi elle étoit plus inftructive du
fond ; cependant on ne doit pas nier qu'il
ne foit poffible de poffeder entierement
toutes les regles du détail & toutes leurs
exceptions , d'en faire la jufte application
, & de les mettre en pratique fur les
1584. Accords , dont elle exige la connoiffance.
Mais quel tems & quels travaux
ne faut -il pas pour cela ? D'ailleurs
quelle confufion pour l'efprit ! quelle
charge à la mémoire , & même quel
obſtacle à la préciſion de l'execution !
Од
FEVRIER: 17301 26.3
On donnera dans le Mercure prochains
le Plan d'une nouvelle Méthode fur le
même fujet.
LE JEUNE ELEAZAR ..
POEME.
E fils d'Antiochus opprimoit les Hebreux
'D'un père criminel le châtiment affreux ,
Du celefte courroux monument formidable,
Sert à rendre le fils encore plus coupable 3
Au lieu d'en profiter , il jure d'abolir
Le culte que les Juifs viennent de rétablir si
Il déclare au vrai Dieu la plus cruelle guerres
Les Syriens armés couvrent deja la Terre.
Confonds tes ennemis & fauve tes enfaris ,
Seigneur , vois ces apprêts , ces nombreux
Elephans ;
Chacun d'eux fur fon dos porte des Tours
énormes ;
3 Au fommet de ces Tours , fous cent terribles:
formes ,
La mort menace au loin ton peuple confternés
Bour brifer tes Autels le fignal eft donné.
Notre caufe eft la tienne , embraffe fa deffenfes.
Exauce nos foupirs , protege l'innocence ;
Que dans leur fang impur les méchans foient
poyés
Difperfe
264 MERCURE DE FRANCE.
Difperfe au gré des vents leurs reftes foudroyés.
Tels font les cris des Juifs , ils volent tous
aux armes ,
Et le Très Haut s'apprête à finir leurs allar
mes ;
Sur un Trône éternel , digne de fa Grandeur,
Dieu repoſe en fon ſein , revêtu de ſplendeurs
Le pouvoir , la bonté , la fageffe y réfident ;
A ce vafte Univers ces attributs préfident ;-
La fageffe conduit , la puiffance foûtient ,
La bonté fit le monde , & l'amour l'entretient '
Cet amour a fouvent arraché le tonnere
Au bras de la Juftice armé contre la Terre ;
Et c'eft lui qui pour lors appaifant fon cour
roux ,
Sur l'ennemi des Juifs en détourna les coups,
Judas , Eleazar , reftes d'un Sang illuftre ,
Tous deux touchoient à peine à leur cinquiéme
Luftre ;
Tous deuxd'Antiochus repouffoient les efforts;
L'Eternel feconda leurs genereux tranſports.
De Siriens mourans la campagne eft ſemée ;
Deux Heros font trembler une effroyable Armée.
Que ne peut la valeur ! fous les coups de l'aî
né
Ee deſtin , de fix cens , eſt déja terminé
Du côtéqu'il combat tout tombe , fuit ou cede;
Le carnage le fuit , la terreur le précede
Lo
FEVRIER: 1730 265
Le jeune Eleazar attaque , & fe deffend ;
Il voit venir de loin un fuperbe Elephant ;
Sous les pas faftueux des flots de fang ruiffe
lent .
Et les Armes du Roi fur fon dos étincellent ;
De la Tour qu'il foûtient le fommet radieux
Domine fur l'Armée , éblouit tous les yeux ,
Et fur lui du Soleil les flammes recueillies
Forment de toutes parts de brillans parelies ;
Le luxe y réunit les plus rares trefors
Que l'Inde avec éclat voit germer fur fes
bords ;
On croit qu'en cette Tour d'où cent guerriers
combattent ,
D'où les traits échapés volent , percent , abbatent
,
Le Roi caché lui même eft témoin des Exploits
D'un monde de Soldats triomphans fous fes
Loix .
Eleazar flatté d'une douce efperance ,
Des Hebreux gemiffans médite la vengeance >
Et veut pour leur falut facrifier ſes jours ,
Trop heureux à ce prix d'en abreger le cours-
Intrépide Lion , guidé par fon courage ,
A travers mille morts il fe fait un paſſage ,
Se cache fous les flancs de l'énorme animal
Qui portoit , orgueilleux , le Pavillon Royal
Et dans fes flancs profonds il plonge fon épée. »
De leur fang confondu la campagne eft crem
pée ;
L'Elephan
266 MERCURE DE FRANCE .
Eléphant bleffé tombe ; ô funefte malheur!
Sous fon poids effroyable expire le Vainqueur.
On fremit , on s'écarte , on fuit , & la pouffiere
Sous un nuage épais obfcurcit la lumiere
Les Juifs encouragés par ce revers heureux
Pourfuivent l'ennemi qui tremble devant eux ;
Judas pleure fon frere , il le vange , & fes
larmes
Coulent avec le fang dont il rougit les armes
;
Le feul Antiochus échape à fon courroux ;
Mais bientôt de Dieu même il fubira les
coups;
Sa vengeance l'attend aux bords du préci
pice ;
L'Eternel aux Tirans ne fut jamais propice.
J. B. Poncy J.
XXX:XXXXXXX :XXXXX
EXTRAIT die Panegyrique
de S. Sulpice.
Lépar
E 17. Janvier , l'Abbé Seguy , nomle
Roi à l'Abbaye de Genlis ,
prononça ce Difcours dans l'Eglife Paroiffiale
de S. Sulice , avec un applau
diffe.nent univerfel . Jamais réputation
n'a
FEVRIER. 1730. 2692
'a été plus prompte que celle de ce nou
vel Orateur , dont le premier fuccès a été
affez éclatant pour être honoré de l'attention
& des récompenfes de la Cour .
Le Public échauffé fur fon compte , at
tendoit avec impatience ce fecond Difcours
, qui a mis , pour ainfi dire , le fceau
à la réputation , & avec d'autant plus de
juſtice que fon fujet , bien moins favora
ble que le premier , ne paroiffoit point
fufceptible des traits vifs & grands qu'il
lui a prétez. L'Extrait du Panegyrique de
S. Louis a fait tant de plaifir , qu'on a
fort fouhaité voir auffi celui du Panegyrique
de S. Sulpice , & nous avons enfin
obtenu le confentement de M. l'Abbé Se
guy pour faire ufage du fecours des Copiftes
qui lui ont enlevé fon Difcours.
L'Orateur a pris pour Texte ces paroles
de l'Ecclefiaftique : Factum eft illi fungi
facerdotic ...& habere laudem in nomine
ejus. Voici l'Exorde , à quelques lignes
près
un
Si l'on fçait à travers les expreffions
les plus fimples penetrer le fens le plus
élevé , quelles grandes idées fe prefentent
à ces mots ! Voilà Chrétiens ,
Eloge digne d'Aaron , qui en eft l'objet
& pour dire encore plus , digne de l'Eſprit
Saint qui en eft l'Auteur. En effet
louer un homme d'avoir mérité le Sacerdoce
268 MERCURE DE FRAŃCÊ.
doce & la plénitude du Sacerdoce , qui
eft le Pontificat , n'eft - ce pas le louer
d'avoir mérité le plus fublime de tous les
Minifteres , celui de Pacificateur , de Médiateur
entre Dieu & fon Peuple , & quelle
louange pourroit , ce femble , égaler celle
fà , fi ce qui fuit n'y mettoit le comble
en ajoûtant que ce Miniftere fi augufte,
Aaron l'exerça avec gloire en Ifraël ,
Factum eft illi fungi facerdotio .... ✪
babere laudem in nomine ejus:
Cette idée , toute grande qu'elle eſt ,
Chrétiens Auditeurs , l'eft- elle trop pour
le fujet qui nous affemble .... Par tout
PHiftoire de fa vie ( de S. Sulpice ) m'a
prefenté un homme vifiblement deftiné
pour entrer en part du gouvernement de
l'Eglife ; un homme que la Grace de Jefus
- Chrift prit foin de préparer dès fon
enfance à la dignité de Pafteur dans l'Eglife
; un homme élevé d'une commune
voix à ce comble d'honneur pour l'édi
fication & pour l'utilité de l'Eglife
C'est à ce point de vûë que m'ont paru fe
rapporter toutes les faces fous lefquelles
on peut l'envifager , & quand j'entreprends
de vous retracer une fi belle vie ,
c'eft ou comme la préparation la plus
parfaite à la dignité Epifcopale , ou comme
l'accompliffement le plus entier des
devoirs qui y font attachez : car voici en
en
FEVRIER. 1730. 269
en deux mots le Plan du Difcours que je
confacre à la gloire de S. Sulpice. Il mérita
d'être élevé à l'honneur fuprême de
l'Epifcopat , & il foutint glorieufement
le poids immenfe de l'Epifcopat. Factum
eft illi fungi Sacerdotio .... habere &
laudem in nomine ejus.
Dieu immortel , qui n'alienez jamais
votre gloire , c'eft à vous que fe rapportent
les louanges de vos Saints , & c'eſt à vous
auffi que fe rapporteroient celles d'un
de vos plus dignesMiniftres qui m'écoute ..
dans ce faint Temple , dont la conſtruc
tion n'étoit poffible qu'à lui feul. Avec
quel zele vous prépare- t - il une demeure,
pendant qu'un autre Serviteur fidele que
Vous vous êtes choifi dans fa maiſon , travaille
fans relâche à votre gloire ; Pontife
& deffenfeur illuftre de votre Religion
facrée. Ainfi Moyfe executoit le Plan
de votre augufte Tabernacle, tandis qu'ho
noré du Pontificat , Aaron fon frere préfidoit
à votre culte divin ... Je rentre
dans mon fujet , mais je fens que je n'en
puis foutenir le poids fi Marie ne s'intereffe
à l'entrepriſe.
Le comprenons-nous ce que c'est que
d'être un des Pafteurs prépofez au gouvernement
de l'Eglife que J. C. a acquife
par fon Sang ? nous formons- nous unet
affez haute idée de la grandeur de ce Miniftere
$ 70 MERCURE DE FRANCE .
niftere ? L'Epifcopat , Chrétiens , l'Epif
copat n'eft rien moins que le Tribunal
irreprochable de cette foi , fans laquelle
on ne peut être fauvé ; la fucceffion non
interrompue du pouvoir & des fonctions
des Apôtres , le complement , la plénitude
furabondante du caractere conferé aux
autres Miniftres de l'Autel , l'autorité de
droit divin fur les Fideles & fur les Prê
tres qui les conduifent , le gage fenfible
de l'union de J. C. avec fon Eglife , la
participation immediate de la puiffance du
Fils de Dieu lui - même , la fource primitive
du pouvoir de lier & de délier fur
la Terre , de conferer la Grace & de la
fufpendre , de rendre prefente la Victime
adorable & de l'immoler . Quelle dignité
que celle qui réunit en foi de fi grandes
chofes , mais auffi de la part de notre
Saint , quelle vertu , quelle capacité
tous égards , quelle répugnance à accep .
ter tant de grandeur, l'en rendirent digne !
trois principaux chefs dont je fais tout le
fond de cette premiere Partie.Reprenons.
Il femble , Chrétiens , que Sulpice ne
pouvoit naturellement échapper au mon
de ,fi fon coeur n'eût été fpecialement deftiné
de Dieu pour être à lui. La Cour , où fa
naiffance l'appella dès fes premieres années;
la Cour eft - elle l'école ordinaire de
la vertu Cet âge même où le coeur tout
(
en
FEVRIER. 1730. 271
en bute aux paffions , à peine fe trouve
libre , eft peut -être moins dangereux , &
j'oubliois prefque de vous dire que Sulpice
fut au Seigneur dès le point du jour,
comme parle le Prophete , dès fa jeuneffe ,
parce que j'ai quelque chofe de plus glorieux
pour lui à vous dire ; c'eft qu'il fut
au Seigneur dans des lieux , théatre univerfel
des foibleffes & des vanitez humaines
, à la Cour . Ce n'eft donc pas ici ,
Chrétiens , une vertu à l'abri des dangers
du fiecle ; c'eft une vertu à l'épreuve des
charmes & des engagemens du monde le
plus féduifant , que l'on appelle le grand
monde , une veriu conftamment follicitée
& conftamment victorieule ....
L'Abbé Seguy , après avoir mis dans
tout fon jour la vertu de S. Sulpice au
milieu des dangers de la Cour , le repréfente
dans fa Retraite domeftique , &
voici comment il en parle .
Il quitte donc cette Cour , où il ne
voit aucun des vrais biens qu'il aime
où font réunis enfemble tous les faux
biens qu'il n'aime pas ; il fe fait de fa
maifon une retraite particuliere auffi inacceffible
aux attaques des folles paffions
que le fut jamais celle des Hilarions &
des Antoines . La folitude Chrétienne ,
mes freres , ne penfez pas qu'il faille abfolument
l'aller chercher dans l'ombre
>
du
272 MERCURE DE FRANCE .
du Cloitre ou dans l'horreur des Deferts .
Un coeur tumultueux , plein des idées &
des engagemens du fiecle ne feroit pas
feul dans les Antres profonds de la Thébaïde
même. La vraye folitude eft fouvent
dans un genre de vie retirée , quoiqu'au
milieu du monde , dans les fentimens
qui y font conformes dans le coeur .
L'Orateur en parlant de l'humble
réfiftance de S. Sulpice , lorfque fon Evêque
voulut l'ordonner Prêtre , dit :
Malgré un attrait naturel pour cet état
le Serviteur de Dieu , par un effet de cette
humilité qui met le comble à la vertu refufe
de repondre à un deffein qu'a fait
naître la vertu même , & pour le faire
paffer de l'état laïque à la Cléricature ,
de la Cléricature au Sacerdoce , il faut
que le faint Evêque engage les Princes à
fe joindre à lui . C'est ainsi que la modeftie
des Saints leur cache quelquefois
la volonté divine qu'ils adorent , & que
le Ciel fait executer fur eux fa volonté
fans rien faire perdre à leur modeftie.
Vous réfiftiez donc en vain , digne Diſciple
de J. C. vous en deviez être le Prêtre ,
parce que vous en fûtes la Victime.Il étoit,
il étoit convenable que vous puffiez offrir
à l'Autel l'Agneau fans tache , vous qui
pouviez vous offrir avec lui. Vous fçavez
déja ce qu'il fut dans la vie féculiere,Chrétiens
FEVRIER. 1730. 273
tiens Auditeurs , jugez de ce qu'il fut dans
le Sacerdoce ... Sa vie infpire , perfuade
la vertu que refpirent tous fes difcours
fes exemples font citez dans les familles
fon fimple afpect eft une leçon , fon feul
nom rappelle une idée falutaire . Déja fe
répand le bruit de fa fainteté dans les Provinces
voilines . La Cour l'entendit , & le
Prince Religieux qui commandoit alors
à nos Ancêtres , Clotaire II. jetta les yeux
fur le Serviteur de J. C. pour le charger
d'un emploi plus honorable encore par la
fainteté de fes fonctions , que confiderable
par l'accès & le crédit qu'il donnoit auprès
du Monarque ... Mais il s'agiffoit
d'engager l'Homme de Dieu à l'accepter
& fon Evêque fut intereffé pour cela ;; car
comme ce Prélat n'eût jamais pû fans le
Prince , forcer l'humilité de Sulpice à recevoir
le Sacerdoce , le Prince n'eut auffi
jamais pu fans lui,forcer la vertu du Saint
à rentrer dans le grand monde. On l'y fit
rentrer. Sulpice reparoît à la Cour & il
l'édifie de nouveau . La Cour , quelques
paffions qui y regnent , n'en eft pas moins
pleine d'eftime pour la vertu , & fans la
pratiquer mieux que le peuple , elle fçait
& la connoître mieux & la refpecter davantage
.
Rien n'eft plus beau & plus délicat que
le Portrait que fait l'Orateur de fon Saint,
dans
£74 MERCURE DE FRANCE.
dans le crédit que lui donnoient fa Char
ge de Grand - Aumônier & l'amitié de Clotaire.
Clotaire , dit- il , qui lui doit la confervation
de fes jours , veut qu'il ait aux
affaires une part confiderable , qui ne fut
jamais l'objet de fes voeux... Je reconnois
ici , ô mon Dieu ! un grand exemple de
la conduite que vous tenez quelquefois
fur ceux qui vous aiment ; quoiqu'ordinairement
jaloux de les cacher dans le
fecret de votre face , cependant pour le
bien de leurs freres , pour l'honneur même
de la vertu , vous les menez de temps
la main fur la Scene
en temps comme par
changeante du monde , vous leur faites
trouver grace devant les Dieux de la
Terre & toujours fur de leur coeur , vous
les prêtez pour récompenfe aux bons Rois,
à qui ils font neceffaires.
›
Enfuite l'Abbé Seguy fait voir S. Sulpice
attentif dans la faveur à ménager pour
la timide vertu la protection du Monarque
, charmé de pouvoir prêter fa voix
aux larmes des malheureux , le rendant
cher à fa Nation , comme un autre Mardochée
, & par le charme d'une douceur
toute Chrétienne , trouvant le fecret de
ne mécontenter perfonne , malgré l'impuiffance
, de procurer des graces à tous,
Conduifant & executant tout ce qu'il fe {
propofe
1
C
FEVRIER. 1730. 275
propofe par une nouvelle forte de politique
, la droiture & la fincerité , agiffanc
avec zele & avec zele felon la fcience
dans tout ce qui a rapport à la Religion
& qui demande l'appui de l'autorité Royale
pour l'Eglife ; enfin dans une fituation
où d'autres facrifieroient leur ame , ayant
aux yeux des hommes mêmes le mérite
de ne facrifier que fon repos : tel & plus
grand encore par le faint ufage de fon crédit
étoit Sulpice , Chr. Aud . & s'il n'eft pas
le feul que fon Portrait vous repréfente ,
c'eft une heureuſe reffemblance qui honore
notre fiecle . Au refte , il est bon pour votre
inftruction , mes Freres , que vous remarquiez
la cauſe du faint ufage que fit Sulpice
de fa faveur à la Cour, & la raifon du bonheur
qu'il eut d'y conſerver ſa vertu dans-
#tous les temps . Dieu l'y avoit appellé ; &
parce qu'il l'y avoit appellé , il le fauvades
écueils dangereux contre lefquels ont
brifés mille autres ; parce qu'il l'y avoit
appellé , il le mit au - deffus des foibleffes
ordinaires du fang , il lui fit oublier le
foin de l'élevation des fiens & de leur
fortune particuliere ; parce qu'il l'y avoit
appellé , bien loin de l'abandonner à l'amour
du plaifir qui y regne , il fe fervit
de lui pour y confondre les voluptueux
par fon exemple ; parce qu'il l'y avoit
appellé , il fit taire en lui la voix de la
D cupidité
276 MERCURE DE FRANCE :
cupidité , il lui donna ce détachement fi
neceflaire à qui peut obtenir tout ce qu'il
defire ; parce qu'il l'y avoit appellé , il
lui conferva au milieu de la pompe & du
luxe de la Cour , un gout conftant pour
la fimplicité la plus modefte ; parce qu'il
l'y avoit appellé , il l'entretint au centre
même du grand monde dans un efprit de
retraite qui l'engageoit à fe dérober de
temps en temps à la Cour , pour donner
au foin de recueillir fon coeur tous les
momens dont il étoit le maître ; parce
qu'il l'y avoit appellé , il juſtifia ſa vocation.
Ceux que Dieu lui - même expoſe ,
font dans le monde fans appartenir au
monde ; Dieu eft avec eux , mais auffi
ceux qui s'expofent fans fon aveu , y penfent
- ils férieuſement .
Si Sulpice y eût été porté par fes propres
confeils , il y auroit fait infailliblement
naufrage. La Providence qui veut.
peut-être tel d'entre vous loin du tumulte
du monde , le voulut long- temps lui au
milieu des dangers du fiecle , & elle avoit
fes raifons . Ce n'étoit pas fans deffein
qu'elle l'avoit fait naître avec les avantages
des richeffes & du rang , qu'elle lui
fit paffer plufieurs années parmi les délices
& les vaines pompes contre lefquelles
il étoit obligé de fe deffendre. Elle le def
sinoit à remplir dans fon Eglife une place
..
qui
FEVRIER. 1730. 277
qui pour être fainte , facrée , de droit divin
, n'en expofe pas moins aux périls inféparables
des grandes places , une place
qu'une vertu à l'épreuve des tentations
de la grandeur & de l'abondance , eſt ſeule
digne de remplir.Car depuis que les Chré
tiens , trop indignes de leurs premiers
Ancêtres , ont renoncé à cette heureufe
pauvreté qui fut comme le berceau de leur
Religion , depuis que l'amour des abbaiffemens
a fait place chez eux aux fatales
chimeres de l'orgueil , il a fallu appuyer
l'autorité Epifcopale de tout ce que l'opulence
, le rang ont de plus impofant à
leurs yeux . Sulpice avoit donc befoin d'une
vertu éminente , éprouvée , pour répondre
dignement aux deffeins de Dieu
fur lui , & vous avez vû fi la fienne ne
fut pas telle , in integritate ; mais la vertu
feule n'eût pas fuffi fans une capacité proportionnée
à fa deſtination , in doctrina ...
Il l'avoit , & fi vous me demandez comment
parmi les diftractions & tumulte du
fiecle il trouva le temps de l'acquerir , je
vous répondrai qu'il le trouva à force
d'attention à faifir & à employer des momens
qu'un autre auroit perdus en amufemens
frivoles ou criminels , je vous ferai
reffouvenir de cette Retraite domeftique
de plufieurs années où tout fon temps
étoit partagé entre Dieu & une étude re-
Dij glée
(
278 MERCURE DE FRANCE:
glée qui avoit rapport à lui . Lorfqu'il fo
faifoit ainfi par principe d'occupation un
fond de faintes connoiffances , il ne prévoyoit
pas qu'il dût un jour par état les
communiquer aux autres ... Il n'étoit pas
moins propre à annoncer les veritez Evangeliques
aux Grands , qu'à inftruite les
petits & à cathéchifer les Habitans des
Campagnes , il éclairciffoit les doutes des
ames timorées , il affermiffoit la foi des
ames foibles , il étoit utile à fon Evêque
même qui le confultoit ...
....
Voilà ce que c'étoit que les lumieres.
de Sulpice , Chrétiens Auditeurs , elles
ne faifoient point peut - être cette fcience
fi étenduë , fi variée , de beaucoup de Sçavans
de nos jours , mais elles faifoient
une ſcience utile à fon prochain , à luimême
, & fur tout fobre , modeſte , s'arrêtant
où elle devoit ; & plût à Dieu que
plufieurs de nos freres n'en euffent point
d'autre , qu'ils fuffent & bien plus humbles
& moins curieux , & par là moins
fujets à des égaremens déplorables . Car ,
ô Ciel ! vous confondez le témeraire regard
qui veut s'élever jufqu'à la hauteur
inacceffible des tréfors de votre fageffe.
Rendez - nous l'heureufe fimplicité des premiers
temps de l'Eglife . On ne fçavoit pas
difputer , ah ! mais on fçavoit obéir .....
L'Orateur , après avoir paffé avec un
art
FEVRIER. 1730. 279
art infini au troifiéme Chef de fa fubdi
vifion , continue :
Ici, Chrétiens, s'offre un nouveau fpectacle.
C'eft une affemblée d'efprits violens
& factieux , qui fe calme au feul nom de
Sulpice. Le Siege Epifcopal étoit vacant
& le peuple , alors maître du choix de fon
Evêque, étoit divifé en plufieurs partis qui
en alloient venir aux mains , fi une voix
fortie du milieu de tant de clameurs , n'eût
tout -à-coup nommé Sulpice . A un nom
fi refpecté les troubles ceffent , les efprits
font d'accord , & cette Affemblée tumultueufe
, dont les cris differens étoient la
voix de mille paffions differentes , devient
en un moment par la réunion inefperéo
de fes fuffrages , l'Interprete du choix de
Dieu -même . Mais voici un fpectacle plus
grand encore ; c'eft Sulpice qui refuſe
d'accepter la dignité facrée qu'on lui défere
; on le preffe & il réfifte pour la premiere
fois à la volonté de fon Dieu , mais
remarquez qu'il y réfifte dans une occafion
où il est beau , j'ofe le dire , de la
méconnoître .... c'eft mériter l'Epifcopat
que d'avoir la pieté , la fcience neceffaire
pour en exercer avec fruit les
fonctions auguftes ; le refufer toutefois
par Religion , c'eſt avoir un mérite auffi
éminent que la place même ....
La réfiftance de Sulpice aux empreffemens
du peuple , venoit de fon profond
28 MERCURE DE FRANCE.
{
refpect pour la dignité facrée qu'il mé
ritoit fi parfaitement , il regardoit l'Epifcopat
comme le caractere le plus augufte , le
plus élevé dont un Chrétien puiffe être
revêtu ici bas. Il avoit toûjours été particulierement
recommandable par fon refpect
pour les premiers Oints du Seigneur,
& il vivoit dans un fiecle où des difcours
injurieux à leur gloire , étoient un crime
prefque inconnu.
L'Abbé Seguy termine cette premiere
Partie par une morale forte & convenable
, & paffe à fon ſecond Point , où il
fait voir S. Sulpice foutenant dignement
le poids immenfe de l'Epifcopat.
La plus grande idée qu'on puiffe dons
ner d'un Miniftre du Seigneur , n'eſt pas
de dire qu'il mérita d'être honoré du caractere
Epifcopal ; non , quelque grand
que foit un tel éloge : mais dire qu'ayant
reçu ce caractere facré , il le mérita toujours
, eft la fuprême loüange. Il y a,
Chrétiens entre la gloire d'être élevé par
fes vertus à une dignité éminente & celle
d'en remplir parfaitement les devoirs , une
difference qu'il eft aifé de fentir pour peu
qu'on y réflechiffe .... Audi parmi tant
d'hommes que les fuffrages des peuples
éleverent aux places les plus auguftes ;
combien en a t'on vû qui en auroient
toûjours paru dignes s'ils ne les euffent
jamais occupées. Sulpice digne de l'Epif
FEVRIER . 1736. 281
copat , & avant d'y parvenir , & après
y être parvenu , juftifia pleinement le choix
de fon peuple , & cela par l'efprit de fon
gouvernement , par fes travaux , par fes
fuccès mêmes.
L'Abbé Seguy , dans le premier membre
de cette fubdivifion , fait voir l'efprit
du gouvernement du S. Evêque comme
un efprit de bonté , de fermeté, de fageffe,
& il en rapporte entr'autres exemples un
trait de ce S. Pafteur à l'occafion des vexations
inoüies & des cruautez qu'exerçoient
certains exacteurs d'un impôt trop
fort qui mettoit le comble à la mifere du
peuple.
Sulpice en eft témoin , dit l'habile Panegyrifte
, & les entrailles paternelles en
font émuës . Il s'adreffe avec douceur aux
barbares Officiers , il leur fait la plus touchante
peinture de l'état déplorable de
fon peuple , il les conjure au nom du Dieu
de bonté de ceffer d'indignes poutfuites,
qui auffi bien ne fervent qu'à réduire au
plus affreux defefpoir une partie de fon
troupeau , & fans doute il leur auroit inf
piré des fentimens plus humains, fi de tels
coeurs en euffent été capables . Eh bien ,
cruels je me fuis inutilement abbaiffé
jufqu'à la priere ; il ne me refte qu'à vous
lancer les foudres fpirituels qui m'ont été
confiez. A Dieu ne plaife , que je m'op
Dij pole
282 MERCURE DE FRANCE
pofe
ofe aux ordres du Prince ; ce n'eft pas
a vos pareils qu'il eft donné de lui être
plus foumis & plus attachez qu'un Evêque.
Mon Roi n'ignore pas mon zele , il
n'ignore que vos cruautez . Je lui écris ,
il nous fera fçavoir fa volonté fouveraine...
Je vous abandonnerai , s'il l'exige ,
& le Troupeau & le Paſteur même ; mais
en attendant n'efperez pas que je fouffre
votre barbarie ; je ne verrai point écrafer
ainfi mon peuple , dont les cris me déchirent
; percez plutôt ce coeur qui ne peut
vous abandonner .
Fermeté héroïque , Chrétiens Auditeurs,
qui fans une prudence infinie auroit eu ,
je l'avoue , fes dangers ; mais l'efprit de
fageffe égala toûjours en Sulpice l'efprit
de force. Spiritus fortitudinis , fpiritus fapientia
& intellectus. Tandis que par la
vigueur de fa conduite il arrête les perfecutions
des Publicains barbares , il exhorte
d'un autre côté les riches à leur
payer le nouveau tribut , il recommande
vivement au peuple les fentimens d'attachement
& d'obéiffance qu'il doit à fon
Souverain , il paroît prêt à accabler du
poids de fon indignation quiconque oferoit
s'en écarter , & cependant il conjure
celui qui tient en fes mains les coeurs des
Rois, de lui rendre favorable Dagobert ,
qui avoit fuccedé à Clotaire.
>
L'art
<
FEVRIER . 1730. 283
L'art avec lequel l'Orateur entre dans
la feconde partie de fa fubdivifion , & la
maniere dont il décrit les travaux Apoftoliques
du faint Evêque , auroient ici leur
place , fi on pouvoit abreger cet endroit
fans le gâter....
Que vous dirai - je de plus ? auffi infatigable
, auffi prompt que plein de zele
occupé fans relâche , fans altération , il
ne l'èft que des interêts du Ciel & du foin
de fon Diocèfe. Il ne tient d'une main qu'à
fes Quailles & de l'autre qu'à fon Dieu.
L'article des fuccès du faint Evêque eft
traité avec la même dignité & le même
feu. La converfion des Juifs de Bourges
faite par fon miniftere , n'y eft pas oubliée
, & l'Orateur pour relever ce grand
fuccès , parlant de l'obftination des Juifs
dit.... malheureufe race , ton aveuglement
eft la peine de tes ingratitudes . C'eſt
du tréfor de la colere qu'eft fortie ton
obftination infenfée ; terrible exemple des
vengeances du Seigneur , tu portes imprimez
fur toi les fignes les plus marquez
de la colere , & toi feule ne les reconnois
pas ; tu gardes cherement les Livres faints
où fe lit ta condamnation manifefte , &
toi feule ne l'y trouves pas ; tu fers au
monde entier de témoin contre toi-même
& toi feule ne t'en apperçois pas' ; & fi
par une espece de prodige la verité puif-
D v Lante
284 MERCURE DE FRANCE :
fante arrache à quelques- uns des tiens le
fatal bandeau , ne les voit- on pas prefquo
toûjours lui enlever peu de temps après.
fa victoire , & lui vouer une haine plus
cruelle que jamais ; ainfi fe juftifient les
oracles de tes Prophetes par qui a été prédic
ton endurciffement déplorable. Mais , Chrétiens
, Sulpice devoit avoir la gloire de
triompher de tant d'obftination . Il prêche
donc J. C. crucifié à des infortunez qui le
regardent comme un fujet de fcandale , ik
lutte contre leurs opiniâtres préjugez &
il en triomphe. Ce ne font plus ces ennemis
irréconciliables de l'Homme- Dieu ;
ce font des vaincus , qui trop contens de
l'être , baignent de larmes de joye les armes
qu'ils remettent au vainqueur . Que:
j'aime à les voir gémir amoureufement au
pied de la Croix , ils en font le glorieux
& nouveau trophée . Plus de difference :
de culte dans la même Ville . Les enfans :
de Sara & d'Agar fe font réunis . Que les
Efprits Celeftes en foient tranfportez de
joye , que l'Eglife en faffe retentir fes
Temples de Chants d'allegreffe , que la
pofterité de ces Efclaves devenus libres en
J.C. beniffe à jamais la memoire du faint:
Pafteur dont Dieu s'eft lervi pour renouveller
fur leurs peres & fur eux les ancicunes
mifericordes .
MAS
FEVRIER. 1730. 285
MADRIGAL.
lle
A Mad P.
FAlloit il , Belle Iris , ajouter la parure ,
Aux attraits que fur vous répandit la Nature ?
N'étiez - vous pas déja trop aimable à mes
* . yeux ?
Mais en vain l'art vous prête encor de nou
veaux charmes ,
Malgré ces foins induſtrieux ,
C'eft à vos feuls appas que mon coeur rend les
armes.
MMMMMMMMMMMMMMYaa?
QUESTION PROPOSE'E de
Bourgogne à M. D. L. R. fur le Rhume
& fur certains régimes de fanté , recommandez
par les Anciens.
Dtrouvé fifouvent des réponfes fatis-
Epuis que je lis le Mercure j'y ait
faifantes à differentes Questions qui y'
avoient été propofées , que j'efpere qu'on
voudra bien m'en procurer une par le
même canal , fur un fujet qui intereffe
tout le monde . Il n'eft rien de plus précieux
que la fanté ; nos Anciens avoient
D. vj
ung
286 ME RCURE DE FRANCE?
une grande attention fur cet article. Ils
placerent de tous côtez des Sentences qui
y avoient rapport . Elles étoient quelquefois
rédigées en Vers , quelquefois en rimes
feulement , d'autres fois en Vers latins
rimez de la nature de ceux qu'on appelle
Techniques , & cela afin qu'on les retint
plus facilement . Mais comme chacun
n'a pas la clef de ces fortes de dictions ,
je me flate que quelque Medecin zelé pour
le bien public voudra bien nous expliquer
ce qui paroît de plus obfcur dans
ces fortes de Sentences.
On les trouve en Quatrains au bas de
chaque mois des Calendriers dans prefque
tous les Livres d'Eglife qui ont été imprimez
en France au commencement du
XVI. fiecle avant le Concile de Trente.
Il y avoit alors parmi les Chantres & les
autres Ecclefiaftiques beaucoup de Medecins
qui fçavoient faire l'apologie de ces
Vers & qui en donnoient le dénouement.
J'en ai des preuves particulieres pour l'Eglife
à laquelle je fuis attaché. Aujourd'hui
qu'il n'y en a plus , on regarde ces fortes de
Quatrains comme ridicules & même com.
me très -impertinemment placez . Car où
font- ils imprimez ? C'eft dans les Miffels ,
à la marge inferieure du Calendrier , comme
pour fervir de brodure au bout des
Saints de chaque mois. Si ces Vers tant
bien
FEVRIER. 1730 . 287
bien que mal faits , ne fe trouvoient que
dans un ou deux Miffels , je les croirois
peu dignes d'attention ; mais comme ils
fe rencontrent dans le plus grand nombre
& même dans ceux de Paris , & dans ceux
de Rome , imprimez en France , c'est une
marque de l'eftime generale qu'on en
avoit. Il n'eft donc pas indifferent d'examiner
fi cette eftime étoit bien fondée &
fi les regles en font folidement établies .
J'ay eu le bonheur de n'être point attaqué
de la maladie qui a été fi commune
depuis quelques mois ; mais afin que je
puiffe la prevenir au retour d'une autre
année , quelque charitable Medecin voudroit-
il bien nous affurer fi l'on peut fe
fier à ce qui eft marqué dans un de ces
Quatrains ? C'eft celui du mois de Novembre.
Vis fanus fieri curetur reuma Novembri :
Quodque nocens vita ; tua fit prétiofa dieta
Balnea cum venere tunc nulli profit habere :
Potio fit fana , nec jufta minutio vana.
Voilà , ce me femble , cinq leçons dans
ce Quatrain. Le premier Vers décide que
c'est au mois de Novembre qu'il faut le
préſerver du rhume ou le faire ceffer. Il
eft en mêmes termes dans la plupart des
differens Miffels que j'ay vus. Il y en a
feulement quelques uns où on lit
Hoa
288 MERCURE DE FRANCE.
Hot tibi feire datur , quod rheuma Novembre
creatur
C'est ainsi que je trouve ce premier Vers
dans un Miffel de Clugny de 1510. dans
un d'Autun de 15 30. & dans un de Chartres
de 153.2 . & un de Sens de 1556.
Cette Variante nous apprend bien que le:
rhume fe forme en Novembre ; mais elle
n'affure pas qu'il faille y remedier dès ce
mois-là. Il eft cependant bon de fçavoir
à quoi s'en tenir ; parce que bien des gens
difent que le rhume eft de plus longue durée
lorfqu'on le mitonne que lorfqu'on le
néglige . C'eft fur quoi j'attends un parfait
& prompt éclairciffement.
LesVariantes du fecond Vers n'en chan
gent point le lens . Quaque nociva vita ,
cela revient au même. Pour ce qui eſt de
dieta , les Ecclefiaftiques plus accoûtumez
aux langages de leurs Rubriques qu'à celui
de Galien ou d'Hippocrate , entendoient
autrefois par dieta , l'Office Ferial :
Fit dieta , ou bien Fit de dieta , fignifioit
qu'on faifoit de la Férie . Mais je croirois
que ces Vers n'ayant pas été compofez par
un Rubriquaire , l'Auteur veut dire qu'il
faut bien prendre garde à la diete qu'on
obfervera dans ce mois - là . N'eſt - ce point
en effet la faiſon où il femble que l'appégit
renaît à mesure que le froid approche?
Je
FEVRIER 1730: 28
Je méprile la Variante de certains Miffels
où on lit , tua fint pretiofa dila , ce font
des fautes groffieres qu'on peut rejetter
fur les Imprimeurs, comme s'il falloit
donc parler moins dans le mois de Novembre
que dans les autres , ou bien qu'il
fallûr n'y parler que le langage de ces
précieux ridicules.
Le grand nombre des Editions contient
le troifiéme Vers comme je l'ay rapporté
d'après mon Miffel Diocèfain de l'an 1518
Cependant celui de Cluny de 1510. &
celui d'Autun de 1530. mettent en style:
affertif.
Balnea cum venere tune nullum conftat habere..
Ces deux mêmes Miffels rapportent auffi
un peu autrement le quatrième Vers , en
mettant , Potio fit fana atque minutio bona..
Je pense qu'on y recommande feulement
de prendre garde à ce que l'on boira , &
de fonger qu'il fera bon de fe faire ti--
rer alors un peu de fang . Un Apotiquaire
attentif pourra me reprendre & dire ques
potio veut dire là une Medecine , & que:
ce Quatrain ne doit pas donner l'exclu--
fion aux fonctions de fon miniftere . A
cela je fuis tout prêt à lui répondre , qu'il
ne paroît pas que l'ufage des potions médicinales
doive préceder la faignée , mais
qu'il doit la fuivre , & que tout au plus il
eft recommandé de ne point boire trop
froid
100 MERCURE DE FRANCE:
froid & peut- être de tremper fon vin avec
un peu d'eau chaude , dont quantité de
gens , defquels je fuis du nombre , fe font
bien trouvez . Je crois auffi , que pour ce
qui eft de la queue du Vers , il eft queſtion
feulement de ces faignées de précaution ,
telles qu'on les pratiquoit anciennement
dans les Monafteres , où il falloit que tous
les Moines fe fiffent ouvrir la veine à certains
jours de l'année , de la même maniere
qu'ils fe fervent tous du miniſtere
du Barbier un même jour de la femaine .
Au refte , fi je me trompe dans mon
explication , je laiffe à Meffieurs les Docteurs
en Medecine à en décider . Je me
flate qu'au premier jour quelqu'un d'entr'eux
, moins afferé lorfque les rhumes
auront un peu ceffé , nous donnera un
ample Commentaire de ce Quatrain : &
fi le Public en eft content , je prendrai la
liberté de demander par le même canal une
Paraphrafe également inftructive fur les
Quatrains mis à la fin des autres mois.
Cependant pour ne rien celer , je vous
dirai que le Miffel d'Autun de 1530 .
ajoûte encore les deux Vers fuivans pour
Je mois de Novembre , comme d'un au
tre Auteur.
Ungues vel crines poteris prafcindere tutè ;
De vena minuas , & balnca citiùs intres.
La
FEVRIER. 1730. 291
La précision ou coupure des ongles ou
des cheveux contribuë- t'elle donc à la
fanté , pour être mife en parallele avec l'a
faignée ? A Pégard du bain , l'Auteur or
donne de fe le procurer au plutôt , bien
entendu , avec éxclufion de ce qui eſt porté
dans le troifiéme Vers cy- deffus. Je ne
connois point de Riviere qui foit chaude
au mois de Novembte , du moins dans
nos quartiers . Sans doute qu'il eft queſtion
en cet endroit des bains domeftiques , on
de ceux qui font dans les lieux où la Nature
fait fortir des Fontaines chaudes des
entrailles de la Terre . Mais comment &
pourquoi les Bains font-ils plus falutaires
au mois de Novembre qu'en d'autre tems?
C'eft ce qu'il eft à propos d'éclaircir , ou
bien il faut déclarer que les Anciens
avoient tort de propofer ces regles . Je recommande
fur tout l'article du rhume.
La Ptifane dont on fe fert pour le guerir
ici , eft le vin tout pur ou l'eau- de- vie.
C'est une Medecine qui n'eft pas rare
dans nos cantons , principalement au mois
de Novembre. Mais eft - elle bonne ? Estce
celle que prefcrit le premiers Vers qui
dit : Curetur rheuma Novembri ? C'eft- là
la queſtion dont j'attends la décision .
Ce 31. Janvier 17302,
A
191 MERCURE DE FRANCE.
のの
శ్రీ శ్రీ శ్రీ శ్రీ
A UNE DAME ,
En lui envoyant une Bourse brodée.
MADRIGAL.
St le mérité d'une Bourſe ,
J'entends bourfe remplie , eft la feule ref
fource ,
Pour toucher en ce temps un coeur intereffé
Je n'ai pas dû pour plaire être affez empreſſé.
Non , ce n'eft point l'amour , c'eft l'argent qui
décide.
Jadis je fçus aimer à la façon d'Ovide ,
Vers galants , petits foins , complaifances
foupirs ,
Sans féduire mes fens , firent tous mes plaifirs.
Et vous , charmante Iris , dont la délicateffe
Préfere à la fortune une fage tendreffe ,
Surpaffant votre fexe en nobles fentimens ,
Vous avez des amis qui valent des Amans,
EX
FEVRIER. 1730. 193
XXX:XXXXXX :XXXXX : X
EXTRAIT de l'Affemblée publique
de la Societé Royale des Sciences , tenue
dans la Grand'Sale de l'Hôtel de Ville
de Montpellier le 22. Decembre 1729%
l'Archevêque d'Alby y préfidant.
Ce
E Prélat qui fut nommé l'année derniere
à la place d'Académicien Honoraire
du feu Marquis de Caftries , fon
frere , & qui paroiffoit pour la premiere
fois dans l'Affemblée de l'Académie
étoit au haut bout de la Table , avec M.
l'Evêque de Montpellier & M. Bon ;
Premier Président de la Cour des Comptes
, Aides & Finances de Montpellier,
Académiciens Honoraires ; les Académiciens
ordinaires y éroient rangés fuivant
la coutume , & les Confuls de la Ville
y affiftoient en Chaperon.
L'Archevêque d'Albi ouvrit la Seance
par un remerciement qu'il fit à la Compagnie
au fujet de fon élection , & ce
remerciement affaifonné de toutes les graces
que ce Prélat ne manque jamais de
répandre dans tous fes difcours & dans
toutes les actions , fit connoître à la Com--
pagnie qu'elle trouveroit dans cet Honoraire
non-feulement un veritable Me
cenog
4 MERCURE DE FRANCE:
cene , mais encore un Académicien zelé,
& très- capable par lui- même de perfectionner
les Sciences & les Beaux - Arts ,
fi les devoirs indifpenfable's de fon Mi
niftere pouvoient le lui permettre.
M. Marcot , Directeur de la Societé ,
lut enfuite un Difcours préliminaire , dans
lequel après avoir remercié M. le Préfident
de tout ce qu'il avoit dit d'obli
geant pour la Compagnie , donna une
idée genérale des occupations de l'Académie
, & parcourut avec beaucoup de
précifion & de netteté toutes les Sciences
qui font l'objet de l'Etude des Académiciens
; il parla des Obfervations
particulieres qu'ils y avoient déja faites
de l'utilité que le Public en avoit retiré ,
& de celles qu'un tems plus favorable
aux Sciences pourroit lui procurer dans
la fuite.
Après ce Préliminaire , M. Marcot lat
une Obfervation d'un Anevrifme mixte,
qui fut heureufement gueri par fes foins
& fes attentions.
Cet Anevrilme parut après une piqueure
de l'artere du bras , qui eft enfermée
dans une même gaine avec la vei
he bafilique . On crut d'abord avoir fuffi
famment temedié à cet accident par des
faignées copieufes & par des compreffes
graduées , foutenues par un bon banda
ge
FEVRIER. 1730. 295
ge ; mais malgré ces précautions , la piqueure
de l'artere ne fut point confolidée
, & celle de la gaine , dans laquelle ,
elle eft enfermée , fe rejoignit en peu de
tems ; le fang que fourniffoit la piqueure
de l'artere dilata bientôt cette tunique
vaginale , & fit une tumeur de la groffeur
d'une petite noix , qui avoit un mouvement
de fiftole & de diaftole.
Cependant , foit que les compreffes
graduées & les bandages euffent arrêté le
cours ordinaire du fang , foit qu'il s'en
fut extravafé quelque portion avant que
l'ouverture de la tunique vaginale fe fut
colée , il s'étoit fait au deffous de la
premiere tumeur une feconde tumeur
qui étoit un veritable flegmon , & qui
rendoit la cure de l'aneyrifme très déli
cate & très difficile.
M. Marcot prit le parti dans cette
conjoncture d'attaquer le flegmon , de
le faire fuppurer & de le mener à cicatrice
, & enfuite ayant le champ libre
pour comprimer fans danger la tumeur
anevrifmale , il réduifit l'artere dans fon
état naturel par le bandage de l'Abbé
Bourdelor , dont on voit tous les jours,
des effets merveilleux dans des occafions
femblables.
Un tourbillon qui fit beaucoup de
rayage aux environs de Montpellier
fut
296 MERCURE DE FRANCE.
fut le fujet d'un Mémoire que lut M.
de Montferrier le fils , Sous - Directeur
de l'Académie.
Ceux qui furent les témoins de la viofence
de ce Méteore lui donnerent d'abord
le nom d'Ouragan ; d'autres crurent
qu'il avoit plus de rapport aux Trompes
de Mer qui font quelquefois fi fa-
Tales aux Navigateurs ; & d'autres plus
fuperftitieux que Philofophes , voulurent
y trouver quelque chofe de furnaturel
& fe perfuader que quelque Efprit foler
étoit la caufe de cet Orage .
M. de Montferrier fit voir par la defcription
qu'il donna des veritables Ouragans
& des Trompes de Mer , que le
tourbillon qui étoit le fujet de fon Mémoire
, n'avoit aucun rapport avec les
Orages de l'Amérique , ni avec ces colonnes
de nuées qui s'élevent ordinairement
fur la Mer ; & fans s'arrêter aux
Efprits Folets qui ne peuvent être admis
que dans quelques Contes de Fées , il
appella le Méteore en queftion un tourbillon
de nuée & de vent , dénomination
qui n'est point arbitraire , puifqu'elle
eft prife de la nature même du fujet dont
il s'agit.
En effet , M. de Montferrier fit remarquer
que les Vents de Sud & les Vents
Eft furent les feuls qui regnerent pendant
FEVRIER. 1730. 297
dant les derniers jours du mois d'Octobre
, que ces Vents toujours humides
avoient amoncelé beaucoup de nuées ,
épaiffes fur l'Horifon , & que le fecond
de Novembre une portion de ces nuées
étant pouffée par un Vent de Sud - Eft
fort violent , fut forcée à fe mouvoir vers
le Nord , avec un mouvement vorti
queux , caufé par les obftacles que l'affemblage
des autres nuages qui l'environnoient
lui préfentoit de toutes parts.
hors le côté de la Terre où ce tourbillon
fe porta , y trouvant moins de reſiſtance,
Ce Groupe de nuées qui étoit fort noir
& fort épais , ne paroiffoit pas avoir plus
de trois toifes de largeur fur une hauteur
indéterminée ; mais comme il étoit
pouffé par un Vent de Sud- Eft très violent
qu'il avoit acquis un mouvement
de tourbillon très- rapide , & qu'il for
çoit l'Air qui l'environnoit à fuivre le même
mouvement , le tout enſemble faifoit
un tourbillon d'environ cent toifes de largeur
, qui dans l'efpace d'une demie lieue
renverfa ou enleva tout ce qui fe trouva
fur fon paffage.
>
Il y eut des perfonnes qui fe trouvant
à portée de voir cette nuée obfcure qui
s'avançoit du Sud - Eft au Nord avec un
bruit effroyable , crurent y avoir vu une
Jumiere rougeatre comme la fumée qui
s'éleve
298 MERCURE DE FRANCE .
s'éleve d'un grand incendie , & d'autres
affurent avoir fenti une odeur de fouffre ,
telle à peu près que celle que l'on fent
dans les lieux qui ont été frapés de la
foudre.
L'Académicien explique la premiere
apparence par le mouvement rapide du
Méteore qui pouffoit avec violence la
matiere étherée , & produifoit par là la
lumiere , comme on le voit arriver dans
le Phoſphore du Barometre , & plufieurs
autres experiences , dans toutes lefquelles
la lumiere eft une fuite d'un grand
mouvement ; ou par des rayons du Soleil
, qui paffant dans les intervales des
nuées , fouffroient des reflexions & des
refractions qui les dirigeoient vers les
yeux du Spectateur. Pour l'odeur de foufre
, il dit que le froiffement des matieres
que le tourbillon enlevoit pouvoient
bien en être la caufe , en faisant dévelo
per les particules fulfureufes qui y étoient
contenues ou qui étoient répandues dans
l'Air , & les vapeurs qui environnoient
le tourbillon .
Cette explication paroît très - naturelle ,
puifque s'il y avoit eu un feu actuel
dans le nuage , il auroit infailliblement
brulé les diverfes matieres combuftibles
qu'il enlevoit , & qu'il emportoit à plus
de cent t oifes.
Enfin
FEVRIER. 1730. 299
Enfin ce tourbillon finit à une demie
dieuë de l'endroit où il avoit été apperçû
, parce qu'à force de s'étendre dans les
terres où il étoit moins expofé à l'impulfion
du vent , & de communiquer de
fon mouvement aux corps qu'il rencontroit
, il perdoit de fon mouvement
propre , & que le groupe de nuée dont
il étoit compofé venant à fe fondre en
pluye , acheva de le diffiper.
M. Riviere fit part au Public dans un
Mémoire qu'il lut enfuite , de l'Analyſe
qu'il avoit faite de l'Ivraye , & de la
caufe des mauvais effets que cette graine
produit quand elle eft mêlée avec le
froment dont on fait le bon pain .
Il commença par donner la defcription
Botanique de la Plante qui produit
ce mauvais grain , afin qu'on ne puiffe
pas la méconnoître quand elle eft en
herbe , & qu'on puiffe l'arracher de bonne
heure quand elle eſt mêlée avec la plante
qui produit le bon bled.
>
Il fit voir par des experiences affurées
& par des raifonnemens très- folides
, que
les graines produiſent toujours
des Plantes de leur efpece , & que la
prétendue Métamorphofe du froment en
Ivraye , & de l'Ivraye en froment , n'eſt
qu'une erreur populaire , fondée fur l'inattention
de ceux qui fement ces grai-
E nes ,
300
MERCURE DE FRANCE.
nes , & qui ne s'apperçoivent pas que
pour l'ordinaire elles font mêlangées
or il eft conftant , comme l'a remarqué
M. Riviere , que l'ivraye demande pour
germer un tems fort humide & fort pluvieux
, & que le froment , au contraire ,
n'a befoin que d'une humidité médiocre ;
enforte que quand on féme du froment
mêlé avec de l'ivraye , ou de l'ivraye
mêlée avec quelque grain de froment ,
c'eft toujours la faifon plus ou moins humide
qui fait que l'une de ces graines
fructifie au préjudice de l'autre. Voilà
tout le miftere de cette prétendue Métamorphofe
, qui étant bien étenduë n'ą
de fort naturel. rien
que
M. Riviere paffa enfuite à l'Analife
Chimique de l'ivraye , & chercha dans
la décompofition de cette graine les prin
cipes qui peuvent être la caufe des mauvais
effets qu'elle produit,
Il ne compte pas fur l'Analife qu'il en
a faite par la Cornue , puifque par cette
voye toutes les plantes donnent , àà peu
de chofe près , les mêmes fubftances qui
ne font pour l'ordinaire que de productions
du feu ; mais il s'attache principalement
aux principes que l'on en peut
tirer par la voye de la fermentation &
par voye de l'extraction. la
L'ivraye fans aucune addition & fans
feu ,
FEVRIER 1730. 3or
feu , bien preffée , humectée & couverte
d'un entonnoir garni d'une petite chape
d'alambic , lui a donné , quand elle a été
échaufée par la fermentation qui lui eft
furvenue , un efprit volatil urineux .
C
Par l'extraction qu'il a fait de la même
graine par l'Eſprit de vin , il en a
siré une Refine fort acre & fort piquante.
Et de la leffive qu'il a faite du Refidu
, il en eft forti un Sel alkali un peu
cauftique. D'où il conclud qu'une graine
qui contient de tels principes peut enyvrer
, donner des vertiges & des maux
de tête , des maux d'eftomac & des vomiffemens
.
L'experience a fait voir à M. Riviere
la jufteffe de fes raiſonnemens , puiſqu'il
a gueri des perfonnes attaquées de quelques-
uns de ces maux ,en leur faifant quiter
leur Boulanger , & leur faifant manger
du pain dont on avoit feparé avec
foin toutes les mauvailes graines . C'eſt
ce qu'on peut appeller guerir les maladies
furement , promptement & fans de
goût , ce qui eft l'intention de la bonne
Médecine .
Perfonne n'ignore que la fonte de la
Glace ne foit un effet ordinaire de la
chaleur , & cette cauſe eft fi manifeſte
qu'on ne s'eft pas mis en peine d'en
chercher d'autres ; il y en a une cepen
E ij
dan
joz MERCURE DE FRANCE.
#
dant plus cachée , que M. Haguenot fe
propofe de découvrir dans le Mémoire
dont nous allons donner un Abregé.
Quelques Sçavans de Paris firent fçavoir
à M. Haguenot que de deux portions
de Glace d'un égal poids & d'un
égal volume , dont l'une eft mile fur la
main d'un homme qui fe porte bien , &
Fautre fur une affiete d'argent , celle qui
eft miſe fur l'affiete d'argent fond plus
vîte de quelques minutes que celle que
Fon met fur la main . Cette Experience
que M. Haguenot a repeté plufieurs fois,
a toujours réuffi de même .
Pour trouver la caufe d'un effet qui
paroît un paradoxe , M. Haguenot mit
des portions égales de glace fur plufieurs
Métaux , comme fur l'or , le cuivre , le
plomb , l'étain , l'aiman , le fer , l'acier,
& il trouva conftamment que la Glace
fondoit plus vite fur le cuivre que fur
tous les autres Métaux , & fur un fer à
repaffer plus vite que fur du fer ordinaire
, & que fur Pacier & fur l'aimant.
Il fait remarquer que dans toutes ces
Experiences il faut que la Glace touche
immédiatement le Métail , fans quoi la
fonte de la Glace n'eft pas à beaucoup
près fi prompte ; il a même obfervé que
lorfqu'on met la Glace fur un fer raboteux
, la fuperficie de la Glace , quoique
polię
FEVRIER. 1730. 30$
polie auparavant , devient inégale , c'eſtà
- dire , qu'elle fond plus vite dans les
points où le Métal touche la Glace immédiatement
.
M. Haguenot , après avoir cherché la
caufe d'un effet fi long- tems ignoré , &
avoir abandonné la matiere magnetique
qui paroiffoit une caufe aflez vrai -fem
blable , s'eft porté à croire que toutes les
parties intégrantes des corps folides font
dans un trémouffement perpetuel , quoiqu'infenfibles
que ee trémouffement eft
la caufe que les corps les plus folides fe
détruifent comme d'eux- mêmes avec le
tems , & que c'eft à ce même trémouf
fement qu'il faut attribuer la fonte de la
Glace qui arrive fur les Métaux quand
elle leur eft immédiatement appliquée ;
& fi cette fonte le fait plus vite fur le
cuivre que fur le fer & fur Pacier , c'eft
apparemment , dit M. Haguenot , parceque
les parties du fer & de l'acier étant
beaucoup plus ferrées que celles du cuivre
, elles n'ont pas un trémouffement
affez libre , & ne peuvent pas agir ſi vivement
fur la glace.
Quoique l'hipotefe de M. Haguenot air
quelque vrai - femblance , il ne la propofe
cependant que comme douteuse , le refervant
de faire encore plufieurs Experiences
pour s'affurer de la verité.
E iij
Les
304 MERCURE DE FRANCE.
Les Recapitulations que fit M. le Préfident
de tous ces Mémoires , en furent
des Extraits plus courts , mais plus précis
& plus vifs que ceux que l'on donne ici .
Houa le travail & l'exactitude de ceux
qui avoient lû les Mémoires ; il exhorta
tous les Académiciens à continuer leurs
recherches qu'il dit être auffi utiles que
curieuſes , & voulut bien leur faire efperer
qu'il ne perdroit aucune occafion
d'affifter à leurs Affemblées quand il ſe
trouveroit à portée de pouvoir en profiter.
******: XXX : XXXXXX
RE'JOUISSANCES de la Ville de
Marfeille.
Uoique Marseille , à l'imitation des plus
Qcondderables Villes du Royaume , ait
fait de fort belles chofes à l'occafion de la
Naiffance du DAUPHIN , indépen demment de
ce qui s'eft paffé dans la même Ville de la'
part des Citadelles , du Corps des Galeres
& de l'Arcenal , dont nous avons rendu compte
en fon tens, Marſeille , dis - je , n'a pas
imité ces Villes du premier Ordre dans le
foin qu'elles ont pris de nous envoyer des
Defcriptions de leurs Fêtes , pour les inferer
dans un Livre qui contient l'Hiftoire Journaliere
de la Nation , & qui eft particulierement
deftiné à conferver le dépôt de ces fortes
de
FEVRIER . 1730. 305
de monumens . C'eft ce qui fait que nous par
lons fi tard de ce qui s'ett fait dans cette cele
breVille , & que nous ne pourrons le faire que
fort brièvement , par les circonftances ou
nous nous trouvons. Nous ferions même tout
à fait hors d'état de rendre ce compte au
Public , fi le hazard ne s'en étoit enfin mêlé,
en faisant tomber entre nos mains , au mois
de Fevrier , le Mémoire imprimé à Marseille
des Réjouiffances qui ont été faites dans cette
Ville , en Septembre. Nous allons donner un
Extrait de ce Mémoire :
Le 27. Septembre au foir , quatre Trompettes
à cheval , précedez d'un Timballier ,
accompagnez de plufieurs Tambours & Fifres,
tous avec les couleurs de la Ville , publierent
dans toutes les Places publiques l'Ordonnance
des Echevins , portant qu'on fermeroit les
Boutiques pendant trois jours , qu'on illumineroit
toutes les Maifons , & qu'on feroit
des feux devant les portes . Le bruit des trome
pettes , des tambours & de toutes les cloches
de la Ville qui fonnerent en même tems,
anima le Peuple déja difpofé à la joye . Tour
retentit de cris & d'acclamations réiterés .
Dès le matin du 28. les Galeres qui celébroient
ce jour là leur derniere Fête , furent
ornées de leurs Eten darts & c. Plus de cent
Vaiffeaux & autres Bâtimens qui étoient dans
le Port arborerent leurs Pavillons , ce qui
fit une varieté auffi agréable que furprenante.
Le Peuple danfoit cependant au fon des tambours
dans toutes les Places ; on avoit placé
devant l'Hôtel de Ville & au Cours quatre
Fontaines de vin .
Le Marquis de Pilles , Gouverneur Viguier
de Marſeille , & les Echevins en Robe rou-
E iiij ge,
306 MERCURE DE FRANCE .
ge , fuivis d'un nombreux cortege , fe rendia
rent ce même matin à l'Eglife Cathédrale
pour affifter à la Meffe folemnelle que M.
FEvêque celébra pontificalement ; elle fut
chantée en Mufique ; on tira à l'élevation 21.
pieces de Canon que les Echevins avoient
fait mettre fur la Plateforme qui regarde la
Mer près la Cathédrale.
Ce jour là M. l'Evêque donna à diner à
cent pauvres dans la Cour de l'Evêché , fit
diftribuer des aumônes à tous ceux qui fe préfenterent
à la porte pendant ces trois jours de
Fête , & il n'oublia pas les pauvres honteux
auxquels ce Prélat fit des liberalitez par le
canal des Curez. C'eft ainfi que celui qui dans
des jours de deuil & de défolation n'abandonna
jamais les pauvres , les a traitez dans ces
jours de joye & de jubilation.
Sur les 4. heures du foir , les Officiers mu
nicipaux & les principaux Citoyens fe rendirent
l'Hôtel de Ville pour accompagner
les Magiftrats au Te Deum ; une troupe de
plus de mille jeunes garçons portant des
Guidons & des Banderolles aux Armes du
Roi & de Monfeigneur le Dauphin commençoient
la marche. Les trompettes & les timbales
précedoient un Corps d'Infanterie tiré
des Arts & Métiers , divifé en 4 Compagnies
de cent hommes chacune , avec leurs differens
Drapeaux , & commandé par les Capitaines
de la Ville. 4 .
Ces nouveaux Soldats étoient proprement
habillez , & avoient des Cocardes , dont les
couleurs diftinguoient les differentes Compagnies.
Leurs rangs étoient mêlez de Hautbois,
de Fifres & de Tambours. Une bande de Violons
fuivoit. Les Gardes de Police , la livrée **
de
FEVRIER. 1730. 307
de la Ville , celle du Gouverneur - Viguier &
les Halebardiers précedoient les Echevins . Le
Marquis de Piles étoit à la droite des deux
premiers , & les deux autres avoient à leur
gauche l'Orateur de la Ville. Une fuite nom-
Breufe de perfonnes diftinguées fermoit cette .
marche un Peuple infini bordoit tous les
paffages . En arrivant à la Cathédrale on fit
une décharge de toute la Moufqueterie & de
21. pieces de Canon. Les Echevins fe placerent
dans le Choeur , où les Officiers de la
Senechauffée s'étoient déja rendus . M. PEvêque
officiant pontificalement entonna le
Te Deum , qui fut chanté par la Mufique au
bruit des Canons & de toute la Moufque
terie.
On commença enfuite la Proceffion gene
rale , à laquelle tout le Clergé feculier & regulier
affifta on y porta la Statuë de la trèsfainte
Vierge , les Châffes de Saint Lazare &
de Saint Cannat , & les Reliques de Saint Vic
Martyr de Marfeille ; M. l'Evêque ent
habits pontificaux , le Gouverneur Viguier &
les Echevins y afferent avec toute leur
faite. A mefure que les Reliques fortoient de
l'Eglife elles furent faluées du Canon & de
la Moufqueterie , elles le furent de cent Boëtes
dans toutes les Places publiques , & on
fit le même falut en rentrant , M. l'Evêque
donna la Benediction du Très - Saint Sacrement
au bruit du Canón & de la Mouſqueterie.
Au fortir de la Cathédrale , on marcha vers
la Place Neuve , où l'on avoit drefié l'Appareil
d'un grand Feu de joye , orné de Porti
ques , d'Emblêmes &c. Plus de cent flambeauxde
cire blanche éclairoient la marches .
£ v toutes
308 MERCURE DE FRANCE .
,
>
toutes les Maifons étoient illuminées des
feux brûloient devant les portes , la Citadelle
le Fort Saint Jean , celui de Notre-
Dame de la Garde , l'Arfenal , les Tours de
l'Abbaye de Saint Victor , la Rive- Neuve
les Galeres , le Port , tout étoit éclairé , &
la Ville entiere paroiffoit être dans un embrafément
general les quatre Compagnies
rangées autour de la Place firent une falve
de Moufqueterie , fuivie de celle de 200
Boetes. Après que le Marquis de Pilles & les
Echevins eurent allumé le feu de joye , on
tira en même tems une prodigieufe quantité
de Fufées .
Le Corps de Ville fe rendit enfuite à l'Hôtel
de Ville par le Quay du Port ; alors les Galeres
firent trois décharges de leurs Canons
& des Courfiers ; l'Arcenal fit tirer des Boetes
, les Vaiffeaux du Port , la Citadelle , le
Fort Saint Jean , celui de Notre - Dame de la
Garde firent autant de décharges de toute
leur Artillerie , & des Gerbes de Fufées remplirent
le Port d'une pluye de feu à trois
differentes repriſes.
La Façade de l'Hôtel de Ville , fi eftimée des
Connoiffeurs fi remarquable par ſes riches
(* ) Le Chevalier Bernin ayant vû à Rome
le deffein entier de l'Hôtel de Ville de Marfeille
de la main de Puger , avoia qu'il n'avoit
encore rien vû en ce genre d'un plus grand
goût ; & il admira fur tout la Façade. Il y a
une belle deſcription de cette Façade dans un
Mercure de l'année 1682 à l'occafion de la
fuperbe Illumination qui y parut dins la Fête
que donna Marseille pour celebrer la Naiſſance
du Duc de Bourgogne , pere du Roi. Cette Faembel
FEVRIER. 1720. 309
embelliffemens & par la beauté de fon Architecture
, fur tout par cet incomparable
morceau de fculpture qui contient les Armes
du Roi , Chef- d'oeuvre du fameux Pierre
Puget , Marfeillois , qui a donné les deffeins
de tout le Bâtiment ; cette Façade , dis- je , attira
ce jour là l'admiration publique. Plus d'un
million de lumieres arrangées avec cimétrie ,
en fit voir non- feulement toutes les beautez ,
mais en marqua encore les ornemens les plus
deliez des differens ordres dont elle eft compofée
, en les profilant.
Les Echevins fe dépouillant , pour ain
dire , de la qualité de Magiftrats pour rentrer
dans celle de fimples Citoyens , voulu =
rent témoigner leur zele particulier & perfonel
, & donnerent en leur nom des Fêtes
qui fe firent remarquer. M. Ravel , premier
Échevin , donna un fouper à tout le Corps
de Ville ; la Maifon étoit artiftement illuminée
; les Boëtes furent tirées à chaque fanté
Royale. Au fortir de table , la Compagnie alla
au Bal que les Echevins donnoient dans la
Salle de la Loge ( c'eft le lieu où s'affemblent
tous les Negocians cette Salle qui a 90,
pieds de longueur fur 45 de largeur étoit
richement ornée & éclairée par quantité de
luftres de criftal & par des flambeaux portez
par des Bras ; les Portraits du Roi & de
la Reine étoient placez fous un Dais de velours
cramoifi , enrichi de galons , de crepigade
étoit alors dans toute fa beauté , & on
n'y voyoit pas encore les ornemens qu'on s'eft
avifé d'ajouter depuis , & qui comparéz au
Cifeau du celebre Puget , font un contrafte defagréable.
E vj
nes
310 MERCURE DE FRANCE .
nes & de franges d'or. Les Violons étoient
placez fur des Amphitheatres aux deux bouts
de la Salle ; differens Buffets étoient remplis
de toute forte de Rafraîchiffemens ; on prefenta
indifferemment à tout le monde & en
profufion des confitures , des liqueurs & des.
eaux glacées de toute efpece. La Salle fut
affez grande pour y danfer en trois differens
endroits, Le Bal dura juſqu'à 7. heures du
matin.
Le fecond jour les Pauvres reffentirent les
effets de l'attention des Echevins. Sur les 9.
heures du matin une Compagnie de Bouchers
habillez en Gladiateurs , qui marchoient avec:
des Tambours , efcorta deux Boeufs qu'on
avoit égorgez & qui étoient ornez de Guirlandes
; ils furent portez chacun par quatre deces
Gladiateurs à la Place Neuve où on les .
rotit tous entiers ; peu de gens fe refuferent
à ce fpectacle fur les 4. heures du foir ces
Boeufs furent portez devant l'Hôtel de Ville,
depecez & diftribuez. On y donna deux mille
pains , les Fontaines de vin coulant toûjours;.
outre cela on fit diftribuer des charitez à un
grand nombre de perfonnes , qui fans ce
fecours n'auroient pas participé à la joye publique.
Sur le foir , les quatre Compagnies dont on
a parlé , s'étant rendues devant l'Hôtel de Ville,
& toute la Ville étant déja éclairée comme
elle l'étoit le jour précedent ; le Marquis de-
Pilles & les chevins , allerent en ceremonie
allumer un Feu de joye dreffé à la Place de
Linche , au bruit reiteré de la Moufqueterie ,
des Boëtes , & de trois décharges que les Vaiffeaux
du Port firent de leurs . Canons , on y tira
un grand nombre de Fufées, Le Corps de Ville
FEVRIER. 1730. 31
alla enfuite chez M. Martin , fecond Echevin ,
qui à fon tour lui donnoit à fouper ; fa Maiſon
fut éclairée avec diftinction , les fantez Royales
& de Monfeigneur le Dauphin furent laluées
au bruit de toutes les Boëtes.
Cependant les Echevins avoient fait élever
un Arc de Triomphe au milieu du Cours , entre
les deux grands Baffins de marbre blanc ;
cet Edifice compofé. de deux Ordres , avoit
depuis le Zocle jufqu'au Fronton qui le couronnoit
54, piés de hauteur , fur 36. de largeur.
Les deux principales Faces étoient tournées
l'une vers la Porte Royale , & l'autre vers la
Porte de Rome.. Il y avoit au milieu de chaque
Face une grande ouverture ceintrée de 37. piés
de hauteur , fur 20. de largeur.
Le premier Ordre étoit pofé fur un Zocle de
marbre brun de 3. piés de hauteur , d'où s'élevoient
4. Pilaftres faillants d'un marbre jafpé
dont les Baſes & les Chapiteaux étoient d'or
feint , portant une Corniche qui fervoit d'Impofte
à l'ouverture de l'Arc : les Pilaftres les
plus proches de cette ouverture formoient un
Avant Corps , & des Piédeftaux de marbre
blanc ornez de moulures d'or qui s'élevoient
du Zocle y étoient adoffés , l'entre-deux des
Pilaftres étoit rempli de Cartouches , dont lesbordures
étoient d'or fur un fond de marbre .
gris dont tout l'Edifice étoit bâti , & l'Enta-
Element étoit de marbre blanc , excepté la Frize :
de lapis , enrichie de tous les ornemens conyenables.
Les Cartouches portoient des Emblêmes
& des Devifes .
Des Pilaftres couples & faillants , dont les
Bafes & Chapiteaux étoient auffi d'or , formoient
le fecond Ordre qui étoit orné d'une :
Corniche de marbre blanc , d'où s'élevoit un
Eronton?
112 MERCURE DE FRANCE.
Fronton triangulaire , dont le Timpan étoit de
marbre noir ; les entre- deux de ces Pilaftres
étoient remplis de Cartouches auffi remplis
Emblêmes & de Devifes , & les Cartouches
étoient fufpendus à des Feftons , attachés à des
mafques bronzés & aux volutes des Chapiteaux
.
Dans la Face oppofée à la Porte Royale , on
voyoit dans le Frontifpice les Armes du Roy
foutenues par deux grands Genies ; & dans
un riche Cartouche qui formoit la clef de
l'Arc, on lifoit cette Infcription en Lettres d'or:
Publica latitia Monumentum Maffilia civitas
pofuit , M. DCC. XXIX.
Sur le fommet du Fronton qui couronnoit
tout l'Edifice , s'élevoit fur un Piédestal de
marbre une belle & grande Figure de Femme
Symbole de la Ville de Marfeille , qui tenoit
le Portrait de Monfeigneur le Dauphin , avec
ces mots qu'on lifoit dans un Cadre d'or fur
le Piédettal : Maffilia voti compos.
Sur deux autres Piédeftaux , à côté de la Figure
de Marfeille , on voyoit à droite la Religion
habillée en Veftale , tenant un Vafe d'or
qui exhaloit des Parfums , & à gauche la Juftiče
tenant la Balance d'une main & un Faifceau
d'armes de l'autre ; fur la Corniche de l' Arriere-
Corps du premier Ordre , d'un côté on voyoit
-Apollon , & de l'autre Minerve , avec tous
leurs Attributs ; & devant les Pilaftres de
l'Avant Corps fur les Piédeftaux qui s'élevoient
du Zocle , on voyoit d'un côté Mercure
Dieu du Commerce , tenant une Bourſe remplie,
& de l'autre Thetis tenant un Vaiffeau à
Voiles enflées , ayant à fes pieds des Coquillages
, des Perles , du Corail , & c.
Tous les Cartouches étoient , comme on l'a
dit
FEVRIER : 1730 : ST3
dit , remplis de Peintures fymboliques , ceux
des Pilaftres fuperieurs contenoient ces quatre
Emblêmes .
La premiere , un Aigle volant & un Aiglon
un peu moins élevé, avec ces mots : Superas doeet
ire per aurase
La feconde , Alcide dans le berceau étouffant
deux Serpens : Nunc Alcides mox Hercules.
La troifiéme , une Corne d'abondance , prés
fentant trois Rofes & un Lys au- deffus beaucoup
plus élevé : Dives jam copia Cornu.
La quatrième , un.Dauphin couronné fortant
de la mer , environné d'une multitude
d'autres Poiffons : Parriis regnabit in undis
Sur le Piédeltal d'où s'élevoit la Figure de
Mercure , on avoit peint dans un Cadre d'or
une Ancre ou étoit entortillé un Dauphin avec
ces mots : Firmat & ernat ; & fur celui d'ou
s'élevoit Thetis on avoit peint la Planette de
Jupiter & un de fes Satellites : Monftrat miner
ignis iter.
Dans les Cartouches qui au - deffus de Mercure
& de Thetis rempliffoient les entre-deux
des Pilaftres du premier Ordre , on voyoit
ces deux autres Emblêmes.
Trois Hommes regardant un Arc en Ciel
& tournant le dos à un Soleil levant : Dat
figna & foedera pacis. Un Soleil naiffant &
trois Etoiles qui commençoient à difparoître
Majora dabit Sol lumina terris.
Dans la face de l'Arc de Triomphe , tournée
vers la Porte de Rome , on lifoit au frontifpice
qui étoit de marbre noir cette Infcription
en lettres d'or : Sereniffime Galliar. Delphino
natoprid. non. fept. conff. N Joan.Ravels
Francif. Martin , Jac. Remuzat , Joan, Roman.
M.DCC XXIX,
Sur
14 MERGURE DE FRANCE :
Sur la clef de l'Arc , un riche Cartouche ,
contenoit ce Diftique auffi en lettre d'or.
Expectate diù , per te Gens Francica neetit.
Perpetuas paci latitiaque moras .
Sur le Timpan on voyoit s'élever trois grandes
Figures fur leurs Piedeftaux , richement
peintes ; celle du milieu qui paroiffoit fur le.
fommet , reprefentoit la France , tenant d'une
main les Armes de Monfeigneur le Dauphin ,
& de l'autre des liens ou Guirlandes de fleurs
avec lefquels elle tenoit comme enchaînées la
Paix & là Joye , reprélemées par les deux autres
Figures qui étoient à fes côtez . La Paix
qui étoit à droite avoit à fes pieds trois Génies
, dont un lui prefentoit un Rameau d'O--
livier , l'autre une Corne d'abondance , & le
troifiéme paroiffoit occupé à brifer des lances
& des fleches ; la joye qui étoit à gauche ,
tenoit à la main un Caducée, & avoit à les
pieds des Feux d'artifice & toutes fortes d'Inftrumens
de Mufique .
"'
Sur les Piedeftaux qui s'élevoient du Zocle,
adoffez au Pilaftre du premier ordre, on voyoit
de chaque côté une grande Figure. A droite
celle du Maréchal Duc de Villars , Gouverneur
de Provence armé d'une Cuiraffe & .
d'un Bouclier , tenant à la main le Bâton de
commandement.Un petir Génie à fes pieds portoit
l'Ecu de fes Armes , & au deffous dans.
une Bordure d'or on lifoit ces Vers fur le
piedestal de la Figure.
La Guerre au plus haut point avoit porté ma
gloire ,
2 C'est à mes foins qu'on dut la Paix :
Mais fon plus fur garand & le plus plein d'at
traits
FEVRIER. 1730. 315
Manquoit à ma double victoire ,
Un Heros en naiſſant y met les derniers traits.
La Figure du côté gauche repreſentoit encore
Marſeille en Nymphe & dans une attitu
de majeftueafe, regardant le Portrait de Monfeigneur
le Dauphin que la France prefentoit du
haut du Timpan, auquel elle adreffoit ces Vers
Moi qui dans des temps moins heureux ,
Mettois ma gloire à n'avoir point de Maître ,
Aubonheur d'obéir au Roi qui vous fit naître ,
Je borne aujourd'hui tous mes voeux ,
Comme il eft mon Heros vous devez unjour l'êtres
Mais le plus tard fera le mieux.
Deux grands Genies qui s'élevoient fur la
Corniche du premier ordre , tenoient chacun
un Cartouche; on avoit peint dans l'un une colomne
foutenant une partie d'un Edifice avec
ces mots ; Columenque decufque : & dans l'autre
des illuminations & des Feux d'artifice
avec ces mots. Pectora ardentiùs.
Dans deux autres Cartouches placez audeffous
dans les entre- colonnemens de ce premier
ordre , on voyoit dans l'un des Oliviers
qui reçoivent les rayons du Soleil levant , avec
ces mots : Oleas foecundat ab ortu & dans
l'autre un Vaiffeau , fur la poupe duquel paroiffoit
Arion jouant de la Lyre , & fur l'eau
un Dauphin avec ces mots : Cantu precibufque
vocatus.
Les Cartouches placez des deux côtez dans
les entre - deux des Pilaftres fuperieurs contenoient
4. autres Emblêmes. La premiere des
deux qui étoient fous la figure de la Joye
έτους
$ 16 MERCURE DE FRANCE .
étoit un Soleil levant regardé par un Lyon ,
un Aigle & un Leopard : Unumfufpiciunt om
nes: & l'autre étoit un Dauphin fur la furface
de la Mer Mole minor fed Majeftate verendus.
La premiere de celles qui étoient placées de
l'autre côté fous la Figure de la Joye , repre
fentoit deux Bergers tendans les mains vers
le Ciel , à la vue d'une pluye qui tombe , &
la Terre couverte de fleurs deffechées : Precis
bus caleftia : l'autre faifoit voir trois Etoiles ,
deux enfemble & une plus éloignée , & toutes
trois touchées par les rayons du Soleil naiffant
: Pulchrior exibit fi praceſſere minores.
Cet Arc de Triomphe , qui par la beauté du
deffein , la magnificence de fa ftructure & le
fuccès de l'execution , avoit déja attiré tous
les regards , les fixa entierement lorfque le 30.
Septembre au foir il fut éclairé d'une multitude
infinie de Lampions , qui joints à l'illumination
de toutes les maifons du Cours , qui font
toutes d'une même hauteur & Architecture ,
avec des Balcons , diffiperent entierement les
tenebres . Les 4. Compagnies entrerent dans
le Cours par l'Avenue qui eft du côté de la
Porte Royale , pafferent fous l'Arc de Triomphe
, firent une falve devant ce Monument &
allerent fe ranger en bon ordre autour de la
Place S. Louis , où le Feu de joye étoit dreffé.
Lorfque le Gouverneur Viguier & les Echevins
l'eurent allumé , il fortit des 8. Colomnes
pofées autour des Portiques de l'Edifice du
Feu & des Caiffes placées fur les Corniches
de l'Arc de Triomphe , un fi grand nombre de
Fufées ,,
que fe croifant enfemble elles firent
paroître comme une voute de feu , qui occupoir
ce qu'il y a d'efpace entre la Place faint
Louis & celle de l'Arc de Triomphe . On enrendit
FEVRIER . 1730. 317
iendit alors une falve de toute la Moufqueterie
, celle de zoo. Boëtes , & plus de 300. coups
de Canons que tirerent les Vaiffeaux . Ce bruit
joint à celui des Trompettes , des Timbales &
des Tambours , au fon des Hautbois & des
Violons , & aux acclamations de tout un grand
Peuples tout cela fit un effet furprenant .
Le Corps de Ville fe rendit enfuite chez
M. Ramufat , premier Echevin nouveau , qui
Pavoit invité pour ce foir- là , fa Maiſon étois
ingenieufement éclairée , il y eut so . Boëtes tirées
à chaque Santé Koyale que l'on but. Après
le Repas on alla au Concert que les Echevins
donnerent dans la Salle de la Loge , elle étoit
ornée comme on l'a dit . Le Concert étoit compofé
des meilleurs Inftrumens & des plus belles
voix de l'Academie de Mufique & de l'Opera.
Il y eut une affluence infinie de monde. Au
Concert fucceda le Bal qui dura jufqu'à neuf
heures du matin , & on diftribua des Confitures
& des Rafraîchiffemens comme le premier jour.
M.Roman , Echevin , qui pendant ces trois
jours n'avoit pu donner fa Fête en particulier,
invita le Corps de Ville à fouper le premier
d'Octobre. La fituation avantageufe de fa maifon
fit encore plus remarquer fon illumination.
Les Boëtes fe firent entendre , le Repas
fut fuivi du Bal , & fa Fête fut comme une
extenfion des Réjouiffances publiques . La propreté
, la délicateffe & l'abondance regnerent
dans tous les repas donnez par les Echevins.
Les Intendans de la Santé ont auffi marqué
leur joye par une Fête particuliere ; ils prierent.
les Echevins d'affifter au Te Deum qu'ils firent
chanter dans la Chapelle des Infirmeries ; on
alluma enfuite un Feu de joye qu'ils avoient
fait préparer hors des Enceintes ; on fit une
de118
MERCURE DE FRANCÈ .
décharge de cent cinquante Boëtes , & on tira
plufieurs Gerbes de Fufées , toute la façade du
Bureau de la Santé qu'on avoit ornée d'Emblêmes
, & c . étoit parfaitement illuminée , de
même que la Porte du grand Pavillon des Infirmeries
& les Portes de la double enceinte,
Ils fe rendirent enfuite en un Pavillon voiſin ,
e l'on fervit un Ambigu, & on tira cinquante
Boëtes à chaque Santé Royale.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Renness
Laffe
Es Jefuites de la Ville de Rennes furent
affez heureux pour annoncer les premiers
au Public la grande nouvelle de la Naiffance.
du DAUPHIN , plufieurs Lettres en avoient déja
inftruit les perfonnes les plus qualifiées , mais
le Peuple l'apprit par une décharge generale
& réïterée des Canons conduits fur les bords
de la Villaine , qui arrofe les dehors du College.
Le lendemain 8. de Septembre , on y
Continua ces éclatantes démonftrations d'allegreffe
, & le Pere Eon , ancien Prédicateur du
Rof , parla éloquemment dans le Sermon de la
Fête au nom de la Compagnie , fur l'heureux
prefent que le Ciel venoit de faire à la France,
& y joignit les voeux les plus tendres auprès
du Seigneur pour la confervation d'un fi précieux
depot .
Ces premiers témoignages furent fimples ,
le peu de temps qu'on avoit ne permettoit pas
d'en faire davantage ; mais ils ne furent que
fes préludes de la Fête qui fe prépara pour le
mardy zo. du même mois. Elle commença fur
les quatre heures du foir par une falve generafe
d'Artillerie , fuivie des Fanfares, des Trompettes
& du bruit des Tambours. Une inultitude
FEVRIER . 1730 .
319
tude incroyable de Peuple fe rendit à l'Eglife
des Jefuites , en affiegea les avenues , ne
pouvant y entrer. Cette Eglife eft un des plus
beaux morceaux d'Architecture qui foit dans
le Royaume ; on en doit le deffein au fameux
F. Martelange , qui traça celui de l'Eglife du
Noviciat des Jefuites de Paris , & l'execution à la
liberalité desNobles Bourgeois deRennes.Deux
Tours octogones accompagnent le Frontispice,
& le milieu de ce fuperbe Vaiffeau eft couronné
d'une Tourelle en forme de Lanterne , d'un
travail exquis ; ce fut là que fe drefla tout
l'appareil d'une magnifique illumination .
Après que le Te Deum eut été chanté avec
l'accompagnement des Flutes , Hautbois &
Tambours , on fit une décharge generale de
Boëtes , on cria plufieus fois , VIVE LE ROY ,
VIVE LA REINE , VIVE MONSEIGNEUR LE
DAUPHIN. La nuit commençoit lorfqu'on forti
de l'Eglife ; toute fa large façade parut char
gée des plus brillantes lumieres , aufli bien que
fon Frontifpice . Les Ceintres , les Entablemens.
les ouvertures étoient couvertes d'une infinité
de Lampions , difpofez avec art & affez ménagez
pour y laiffer appercevoir des caracteres
hyoroglyphiques à l'honneur du Roi, de la
Reine & du Dauphin. Le fommet des Tours ,
les Baluftrades qui y regnent & la Lanterne
étoient chargez de Pots à feu , de Globes lumineux
& entrelaffez d'Ecuffons aux Armes
du Dauphin , qui étoient éclairez par des lumieres
poftiches ; les Trompettes , les Hautbois
& les Tambours fe faifoient entendre du
haut de ces Tours , & répandoient de toutes
parts leurs fons d'allegreffes. Les Fufées partirent
en abondance , & fe mêlant dans les
airs y difliperent de temps- en- temps les tenebres
320 MERCURE DE FRANCE .
nebres de la nuit. L'oeil n'étoit pas feulement
frappé du fpectacle , l'oreille étoit agreablement
flattée par les voix mélodieufes d'une
troupe choifié, qui repetoit à differens Choeurs
une Chanfon faite à l'occafion de l'heureux
jour.L'Illumination dura quatre jours; la Ville
ne fut pas la feule à en avoir l'agrement , les
lieux circonvoifins placez par la Nature en
differens Amphitheatres , eurent l'avantage
d'avoir pendant plufieurs nuits ce charmant
point de vue.
A l'ouverture des Claffes , les Profeffeurs
celebrerent à l'envi la glorieufe Naiſſance du
DAUPHIN ; ils exprimerent en Vers ou en Profe
tout ce que le coeur put leur infpirer de voeux
& de préfages à la gloire du Prince nouveau né,
CHANSON ,
Chantée à la Fête des Jefuites de Rennes ,
Hantons du nouveau Dauphin ,
Cha joyeufe Naiffance ,
Nous voyons s'accomplir enfin ,
Nos voeux , notre efperance ,
Que chacun d'un fi beau deftin ,
Applaudiffe à la France,
Auffi -tôt qu'il a vû le jour ,
Une vive allegreſſe ,
Et de la Ville & de la Cour ,
A banni la trifteffe ,
Tout François en cet heureux jour,
Fuit l'austere ſageſſe,
Des
FEVRIER.
324 1730
Des biens que nous en attendons ,
Quelle preuve éclatante ,
Déja dans la nuit des priſons ,
Cette Aurore naiffante ,
Porte de fes premiers rayons ,
La lueur bienfaifante.
Il naît au milieu de la Paix ,
Quel favorable augure !
Pour le bonheur de fes fujets ,
Qu'en pouvons- nous conclure ,
Que tous les jours par des bienfaits
Seront contez , j'en jure.
?
Il aura l'air , la majefté ,
De fon augufte Pere ,
La douceur & la pieté
De fon aimable Mere :
Dieux , pour notre felicité ,
En pouviez vous plus faire.
L'Amour eſt , dit- on , en courroux,
Eh , qui pourroit le croite ,
Au Prince , des attraits plus doux ,
Affurent la victoire :
Mars ne fera-t-il point jaloux ,
Quelque jour de fa gloire,
Les Jeux & les Ris à l'inſtant ,
Cette
322 MERCURE DE FRANCE.
Cette Troupe volage ,
Au Berceau de l'illuftre Enfant ,
Coururent faire hommage ,
Ils feront fon amufement .
Mais pendant fon bas âge.
Quand la raifon éclairera
Ses premieres années ,
A fes yeux on dévoilera ,
Ses hautes deſtinées ,
Son Pere feul le guidera ,
Aux routes fortunées.
Pour faire couler dans fon coeur ,
Une ardeur heroïque ,
Qu'il ne life jamais d'Auteur ,
Ni de vieille Chronique ,
Car dans fa maifon la valeur ,
S'apprend par la pratique.
Mais s'il veut frapper l'Univers ,
De l'éclat de fa gloire ,
Voler chez cent Peuples divers ,
Qu'il life bien l'Hiftoire
D'un Roi plus grand dans les revers ,
Qu'au fein de la victoire.
D. R. J.
t
On trouvera l'Air noté avec la Chanfon
page 367.
EXFEVRIER.
1730. 323
EXTRAIT d'un Difcours prononcé à
Rennes fur la Naiffance du DAUPHIN .
L
E Pere Coriou , Profeffeur de Rethorique
au College des Jefuites de la Ville de Ren,
nes , n'a femblé differer de celebrer l'heureuſe
Naifance d'un DAUPHIN , qu'afin de reveiller
la joye publique par les motifs les plus
intereffans pour la France.
Le Programme étoit conçu en ces termes :
Delphinum Parentibus , Parentes Delphino gra
tulabitur Orator. Le deffein étoit naturel,
mais il fut traité d'une façon qui le rendit fingulier
à fon ingenieux Auteur.
L'Orateur dans fon Exorde , conduifoit les
ris & les graces au berceau de l'Augufte Enfant
, rien ne s'y offre que d'aimable & de
propre à fixer les regards. L'amour des François
fe mêle à cette troupe badine . Les Zephirs
l'accompagnent , relpectent & augmen
tent le fommeil du Dauphin. Il viendra un
tems où la valeur & la gloire ne troublerone
que trop fon repos . L'Exorde étoit terminé
par un Compliment à l'Illuftre Chef du Parlement
de Bretagne , qui honoroit l'Orateur
de fa préfence. 2.
L'Orateur entra dans fa premiere Partie , en
marquant que les Enfans des Rois naiffent à la
verité dans les larmes comme les autres , mais
que la Grandeur , la Majefté , l'allegreffe fuivent
de près les premiers inftants de leur féjour
fur la terre. Nafcuntur ut cæteris imperent ho
minibus inter quos fedent ut Patres , eminent
ut foles , coluntur ut numina.
Enfuite il felicita le Roy & la Reine d'ayoir
un Dauphin , puifque cette Naiflance dif324
MERCURE DE FRANCE .
fipe toutes les inquietudes du Roy , puifqu'elle
donne un nouvel accroiffement à l'autorité de
la Reine.
1. Qu'il eft douloureux à un Grand Roy
de fe voir privé d'un heritier de fon Thrône! A
quoi même les Peuples ne font- ils pas expofés
dans de fi critiques conjonctures : L'âge de nos
Peres ne nous en eft qu'un trop fidele garand.
Les Guerres intellines ou Etrangeres dont ils
furent les victimes , l'ambition , la perfidie ,
qu'allumerent les interêrs divifés , font fentir
Je déplorable état d'un Royaume dont le Monarque
n'a point de Fils auquel il tranfmette
fa Couronne. La France n'a plus à redouter
de pareils malheurs. Le Dauphin , heureux
préfage du calme , écarte en naiflant toutes les
tempêtes que nous pouvions redouter.
Les larmes que nous verfames fur la perte
de nos Princes , font taries dans un jour fi
fortuné. L'Orateur expofa ici les juftes douleurs
qui faifirent tous les François à la mort
des Princes. Leurs caracteres étoient maniés
le plus délicatement. Celui du feu Roy plus
grand dans fes revers qu'au milieu de l'éclat
de fes profperités , couronnoit ces magnifiques
éloges.
Après tant d'alarmes , un Aftre nouveau
s'éleve , & nous fournit les plus heureux augures
pour rendre la fortune tributaire à fes
armes , donner la loy aux Nations jalouſes ,
faire trembler les Rois , affermir fon Trône par
de nouvelles conquêtes , ce fera un jour l'occupation
du Dauphin. Les Auguftes , les Tites ,
les Alexandres , les Henrys & les Louis , feront
fes modeles ; mais s'il fe peut , il les furpaffera.
2. L'autorité de la Reine s'accroît à la
Naiffance
FEVRIER. 1730 325
Naiffance d'un Dauphin. Il a été l'objet de fes
demandes & de fes foupirs. L'Orateur congratula
la Bretagne , d'avoir trouvé dans fainte
Anne un de fes Anges tutelaires , qui ait porté
au Trône de l'Eternel l'encens de fes prieres ,
pour obtenir un bien fi précieux ; quoiqu'ajouta-
t- il , il n'eft aucun Temple dans la France
qui n'ait retenti des Voeux qu'on y a addreffé, de
concert avec les defirs de la Reine. Il prit à témoin
les aziles fecrets où elle prefentoit au
Tout- puiffant fes prieres les plus ferventes
les Vierges confacrées à Dieu , les pauvres qui
ont interreffé le Ciel à combler les Voeux de
leur Bienfaitrice. Il invita fes Auditeurs à
contempler cette Princeffe aux pieds de fainte
Genevieve , y répandant d'abord fes larmes
& fes defirs , & peu après , les tendres gages
de fa reconnoiffance.
Il fit voir par le détail de fes hautes qualitez ,
que la Reine leur doit l'éclat du rang qu'elle
Occupe . Aujourd'hui comme une autre Cor
nelie , elle montre dans fon Dauphin le plus
précieux de fes Trefors . Ce fera auffi le Trefor
de tous les malheureux. Le coeur de la
Reine compatira à toutes les miferes , & le
Dauphin à qui elle les portera , fuffira pour les
bannir dans tous les Etats. C'eft à cet ufage,
que la Reine confacrera l'accroiffement nou
veau de fon autorité.
De cette premiere Partie , l'Orateur conclut
que les François retrouvent à la Naiffance du
Dauphin leur bonheur , uni à celui du Roy &
de la Reine.
L'Orateur commençoit la feconde Partie , en
difant que le Dauphin ne devoit point envier
aux anciens Heros la Nobleffe de leur origine ,
Qu l'excellence des Maîtres fous qui ils s'étoient
Fij formez.
326 MERCURE DE FRANCE .
formez. Le Roy fon Pere lui apprendra l'art de
regner , la Reine fa Mere fera fon Modele dans
ce qu'il doit à la Religion.
1. C'eft beaucoup de fournir le Sang des
Rois , c'eft plus de former un Roy. C'eft le
double bien que Louis XV . tranfporte à fon
Dauphin, Autrefois il mit fes délices à cultiver
des Fleurs ; il s'en préfente une à fa culture
qui aura tous fes foins .
C'eft fous un tel Maître que le Dauphin apprendra
à meriter l'amour des Peuples , à effuyer
leurs larmes , à procurer leur felicité ,
à en devenir le Pere .
C'eft fous un tel Maître qu'il apprendra à
donner des Batailles & à y vaincre . Les autres
n'apprennent à commander qu'à leurs dépens ,
ou par une longue experience . Les Bourbons
naillent Heros & triomphateurs.
C'eft fous un tel Maître qu'il apprendra à
préferer les vertus pacifiques aux vertus Guerrieres
.... Déja la paix eft née avec le Roy fon
Pere , il s'empreffera comme lui d'accroître
fon Temple.
Enfin , point de vertus heroïques dont le
Dauphin ne trouve en fon Pere l'éclatant modele
; Hector , Achille , Cefar ou Alexandre
peuvent fervir de Guides aux autres Princes ,
Louis eft le feul que le Dauphin doive confulter
, puifqu'il a tout ce qui fait & les Grands
Rois & les bons Rois.
J
2º. La tendre pieté de la Reine n'eft pas une
leçon moins précieuſe pour le Dauphin. Autrefois
Saül demanda à David quelle étoit fa
Famille. A peine l'eut- il fçu , qu'il connut que
le jeune David devoit être l'appui de la Religion
en Ifraël : Il fuffit de fçavoir que le Dauphin
a pour Mere la plus religieufe Princeffe ,
pour
FEVRIER . 1735. 317
pour augurer quel fera fon zele pour la Reli
gion de les Peres.
L'Orateur expofa avec tout l'art poffible les
exemples de piété que la Reine fait briller aux
yeux de fes Sujets , & avec quelle ardeur elle
confervera pour le Ciel le Heros qu'elle en a
reçu.
Il
II marqua enfuite que les Nations Etrangeres
préparent leurs Princes à l'exercice des vertus
par des Symboles qui leur en retracent la pratique
dès l'enfance , le Dauphin n'a befoin pour
fe former à la pieté , que des foins d'une
Reine dont le coeur eft l'Autel même de la
Religion . Il fit le parallele d'Annibal prelenté
aux Autels , & dont la confecration n'eut dèslors
rien que de funefte aux Romains , & celui
du Dauphin offert au Seigneur , & en qui
la Religion dès ce moment a reconnu fon appui
& fon vengeur.
L'Orateur conclut cette feconde Partie , en
recueillant les avantages que l'éducation paternelle
& maternelle vont lui procurer. Il la
termine par les Voeux les plus touchants pour
la confervation d'un fi cher Dépôt . Il n'a rien
de plus grand à defirer à fon Heros naillant ,
que de reffembler à Louis & à Marie , vivat
dignus Patre , vivat dignus Matre , vivat
utrique fimilis.
L'accompagnement de la Harangue répondoit
au fujet. La Salle étoit décorée de fuper
bes Tapifferies , fur lefquelles étoient dans un
riche enfoncement les Portraits du Roy & de
la Reine , & l'Ecuffon du Dauphin . Ils étoient
couronnés d'un Dais , & éclairés par une infinité
de lumieres. Plufieurs Luftres & Girandoles
éroient placés de diftance en distance .
L'Affemblée étoit des plus choifies . M. de Bril-
F iij
lac
328 MERCURE DE FRANCE .
lac , Premier Prefident , s'y trouva à la tête de
plufieurs Prefidens : à Mortier & Confeillers
du Parlement.
Le Difcours fini , on donna à l'Orateur les
applaudiflemens que déja plufieurs fois pendant
l'action , l'admiration unanime n'avoit
pû fufpendre . On fut agréablement frappé en
fortant , de trouver toute la Cour du College
illuminée ; chaque Croifée étoit chargée de
Piramides de Lampions , ou chargée de Pots
à Feu , ou d'Ecuflons aux Armes du Roy , de
la Reine & du Dauphin. Un grand Bucher
étoit preparé au milieu de la Cour. Cent Eco
liers richement habillés , & portant chacun un
Drapeau , firent autour diverſes évolutions ,
& deux des plus qualifiés y mirent le feu au
bruit des Tambours & des Trompettes. Les
Boëtes tirerent avec un fracas qui n'avoit rien
que de fuperbe ; les Fufées fe mêlerent dans les
airs , & firent difparoître pendant quelques
heures , les tenebres de la nuit. Le Public parut
charmé du Spectacle , & ranima à cette
nouvelle Fête les premiers fentimens de joye
que la Naiffance du Dauphin avoit caufé il y
avoit quelques mois.
LOGOGRYP HE d'une espece particuliere
, dont la difficulté n'eft pas feu-.
lement d'en trouver le mot , mais toutes
les explications.
DE fix piéces formé , je defigne un Empire
:
La derniere de moins je fuis homme fans fard,
Remets
FEVRIER. 1730. 329
Remets tout , & fans chef daigne à preſent
me lire ,
Tu pourras m'ajuſter avec de bon vieux lard ;
Ote mon fecond chef, & je me trouve utile
Aux feaux , aux panniers , aux chau
drons ;
Voyons , pour me trouver en changement
fertile
Comme quoi nous nous y prendrons.
Bon . Chiffre ines fix parts , & me ſuis à la
trace ,
Je vais te dévoiler mes divers changemens ,
Et t'expofer le tout auffi clair qu'une glace ,
Dans ces divers arrangemens.
Trois , quatre , fix , je fuis Roffignol d'Arcadie,
Trois , quatre, cinq , deux , fix , alors j'expofe
aux yeux
Des Sçavans & des Curieux
Profe & Vers , & de plus je peins la mélo,
die ;
Si je fais de la Chine, on en fait des Tableaux,
En même arrangement , j'arrête les Vaiffeaux.
Un , trois , deux , fix , la nuit j'éclaire au
bord des eaux .
Cinq , trois , fix , quatre , alors Ville de Nor
mandie.
Puis un , fix , cinq , trois , quatre , une riche
Abbaye.
Quatre , fix , deux , trois , cinq , Ville près de
Bordeaux.
F iiij Cinq
330 MERCURE DE FRANCE .
Cinq , deux , trois , quatre , fix , je couvre la
cervelle.
Trois , deux , cinq peut armer les Indiens
& l'Amour ;
;
Autre trois , cinq , deux , fix , j'ai le goût de
prunelle.
Cinq , trois
un jour.
> deux , je me vis prefque prefcrit
Item , un , trois , cinq , fix , je fuis un gros
vifage ;
Et deux , trois , quatre , cinq , un Peintre recherché.
Plus un , trois , deux , cinq , fix , mon ordinaire
ufage
Eft d'amufer le Peuple au milieu d'un marché.
Trois , quatre , cinq , fix , deux , en latin , ma
parole
A jadis des Gaulois fauvé le Capitole.
En François , un , fix , deux ; je fuis un dur
métal.
Cinq , fix , deux , un , je fuis chaffé par la
Nobleffe.
Quatre trois , cinq , deux , fix , Coquille
d'une efpece
Auffi brillante qu'un cristal.
Et cinq , trois , quatre , fix , je foûtiens la
vieilleffe.
Bref, quatre , fix , deux , un , je fais mouvoir
les doigts
Les yeux , les pieds , les bras , en avant , en
arriere.
Puis
1
FEVRIER. 1730. 33 L
Puis trois , deux , quatre , fix , je fuis une Riviere.
Cinq , trois , deux , quatre , fix , coin de pierre
où de bois ,
Ou d'un volet , ou d'une cheminée.
Quatre , trois , un , deux , fix , eft drogue
raffinée ,
Dont contre les vapeurs femme ufe quelquefois.
Et cinq , trois , un , deux , fix , Peuple à fauvages
Loix.
Cinq , trois , quatre , un , deux , fix , drogue
d'Apoticaire
Qu'avec de l'Eau de vie on mêle affez fouvent.
Cinq , deux , trois , quatre enfin , dent de la
crémaillere ,
Ou d'un cri , fi l'on veut. Devinez à preſent .
********************
JE
PREMIERE ENIGME .
E fais fouvent bien du chemin
Quoique je fois fans pied , fans patte ;
Comme je fuis auffi fans Ratte ,
Mon plaifir eft d'aller grand train,
Je cours de Province en Province ;
Mon corps eft leger , & fort mince ;
Le feu m'allarme , & je crains l'eau ;
Fv Quel
332 MERCURE
DE FRANCE.
Quelquefois je deviens un très - pefant far
deau ; /
Ce trait & le fuivant vous le feront connoître,
Je me transforme en ceux qui m'avoient don-
J
né l'être.
DEUXIE' ME ENIG ME..
E me plais à marcher la nuit ;
Aucun guide ne me conduit ;
Je marche auffi le jour : fa clarté m'eft con
traire..
Aux flambeaux feuls j'ai dequoi plaire;
Je fuis d'un difficile accès ;
On ne peut m'approcher de près.
J'ai cependant le regard favorable ::
Ma blancheur me rend agréable ,
Le rouge me rend effroyable ;
Sur le corps le plus froid j'exerce mon pous
voir ;
Je fçai quand il me plaît fortement l'émou
voir ;
e fais auffi paroître en tous lieux ma puiſſans
Jces
On eft charmé de ma préfence.
Le mot de l'Enigme de Janvier a dû
s'expliquer par le Tems , & celui du Logrypae
par Panneau
NOU
FEVRIER. 1730. 333.
XXXXXX
NOUVELLES LITTERAIRES
IN
DES BEAUX ARTS , &c.
N ORTU Sereniffimi Galliarum DEL--
PHINI Gratulatio . Habita in Regio
Ludovici Magni Collegio , à Carolo Porée
, Societatis Jefu Sacerdote. Poftridie
Idus Septembris anni Domini M.
DCC. XXIX. Vol . 4. Parifiis , fumptibus
Marci Bordelet , viâ Jacoboâ , fub
figno fancti Ignatii . M. DCC. xxx.
?
DE SERENISSIMO DELPHINO
Ludovici XV. Filio , in fpem Galliarum
crefcente. Oratio . Habita Idibus Decembris
, Anni M. DCC . XXIX . in Regio
Ludovici Magni Collegio Societatis Jefu ,
ab Egid. An. Xaverio de la Sante ,,
ejufdem Societatis Sacerdote. Vol . in- 4 :
Parifiis , fumptibus ejufdem M. Bordelet:
& c. M. DCC . XXX .
Ces deux Difcours qui ont été applaudis
lorfqu'ils ont été prononcés devant
une illuftre Affemblée , méritoient d'être
rendus publics ; ils méritent aujourd'hui
d'être recherchés , & d'être lûs avec une
attention particuliere .
Fvjj His
334 MERCURE
DE FRANCE.
HISTOIRE de la Ville & de l'Egliſe
de Frejus , par M. G. C. D. C. D. E. T.
Tome I. de 278. pages , & Tome 2 .
de 276. pages . 1. Vol . in - 12 . A Paris ,
chez la Veuve Delaulne , Rue des Noyers,
1729.
Cette Hiftoire dédiée à S. E. M. le
Cardinal de Fleury eft précedée d'une Préface
instructive , & la Préface eft fuivie
de l'Approbation
de M. Tournely , par
laquelle ce Docteur déclare que l'Hiftoire
de la Ville & de l'Eglife de Frejus
exacte & curieufe . lui a paru fidele.
» L'Hiftoire particuliere d'une Province
» ou d'une Ville , dit - il , jette ſouvent
>> un grand jour fur l'Hiftoire generale
» de tout un Royaume . Un Auteur atta-
» ché à creufer l'origine d'une Ville ,
>> trouve fouvent dequoi debrouiller cer-
>> tains faits que l'obscurité des tems les
» plus reculés a dérobé à notre connoif-
» fance. C'est ce que l'Auteur de cette
Hiftoire a heureufement executé , en
» donnant à ſa Patrie un jufte tribut de
>> fa reconnoiffance ; il laiffe au Public
» des preuves certaines d'une érudition
» peu commune.
On nous écrit de Londres que les
Libraires Innys , Prevòt , du Noyer &
Brindlei achevent d'imprimer l'Histoire
de
FEVRIER. 1730. 335
de Mahomet , compofée par le Comte
de Boulainvilliers , du moins pour les
deux premiers Livres , car le troifiéme
& dernier Livre eft d'une autre main , la
mort ayant furpris l'Auteur fur la fin de
fon travail. On trouvera dans le premier
Livre , outre une Defcription de toute
l'Arabie , une Relation des moeurs des
Arabes , & des Reflexions fur la Religion
& les Coûtumes des Mahometans,
une Defcription particuliere des Villes
de la Mecque & Medine. On verra dans
le fecond la Genealogie & la Vie du prétendu
Prophete jufqu'au tems de l'Hegire.
Le dernier Livre expofe ce qui s'eſt paffé
par rapport à Mahomet , depuis cette
Epoque jufqu'à l'année de fa mort . On
imprime cet Ouvrage fur du grand &
du petit papier ; on le vendra une Guinée
le grand papier , & une demie Gui
née le petit.
M. Bergiron de Briou , l'un de ceux
qui a le plus contribué à l'établiſſement
de l'Académie des Beaux- Arts de Lyon ,
& qui a conduit les Concerts pendant fix
années entieres , avec autant de fuccès
que s'il étoit Muficien de profeſſion
vient de donner au Public un Recueil de
Cantares Françoifes de fa compofition qu'il
fait graver. Cet Ouvrage fe vend en 2
blanc
336 MERCURE DE FRANCE
blanc fept livres dix fols . A Lyon , chez
Thomas , Marchand Parfumeur , Ruë
Merciere vis - à- vis S. Antoine , &
à Paris , chez Boivin , Rue faint Honoré
, à la Regle d'or. Les paroles de
cet Ouvrage font de differens Auteurs .
Il y a plufieurs fujets qui n'ont jamais été
traités en Poëfie de ce genre là.
RE'PONSE GENERAL B aux quatre Mèmoires
que le Comte d'Orval vient d'ajoûter
à cinq qui avoient précedé. Bro--
chure Fol . de zo . pages. De l'Imprimerie
de Ph . N. Lottin , Rue S. Jacques , à la
Verité , 1729.
Cette nouvelle Réponſe eft divifée en
deux parties , dont la premiere expoſe
les anciennes Regles des Pairies avant
l'Edit de 171. & la feconde marque
lés difpofitions de ce même Edit. On excederoit
les bornes fi on entroit ici dans
le détail de ce que renferment ces deux
Parties. Le Deffenfeur de M. le Duc de
Sully n'y oublie rien d'effentiel , & répond
avec autant de clarté que de précifion
à toutes les objections. Quoique
la queftion dont il s'agit dans cette affaire
foit importante , & qu'elle paroiffe
fufceptible de plufieurs points de vue
l'Auteur a fçû , pour ainfi dire , là fimplifier
; on en jugera par les termes quis
.
fe
FEVRIER. 1730: 33 *
fe trouvent à la premiere page dans le
Préliminaire de la Réponſe genérale .
Une vûë plus fimple encore , fuffit
dit - il , pour la décifion . Si le Comte d'Or
val ,puilné,peut prendre la qualité d'Aîné“
des mâles defcendus de Maximilien de
Bethune, fon droit eft bon , mais fi le Duc
de Sully , reconnu l'Ainé d'une Maifon ,
dont la premiere Branche defcend de
Maximilien de Bethune , ne peut avoir
cette qualité fans être neceffairement
l'Aîné des mâles defcendus du même Ma--
ximilien , la cauſe eft décidée en fa fa--
veur par un texte formel dans l'Article
7. de l'Edit..
OEUVRES DIVERSES de M. l'Abbé
de Saint Pierre. Tome fecond , contenant
1º. Un projet pour rendre les Sermons
plus utiles. 2. Un Projet pour perfectionner
l'éducation domeftique des Princes
& des Grands Seigneurs. 3 °. Un
Projet pour perfectionner l'éducation des
Filles. 40 Obfervations fur le deffein :
d'établir un Bureau perpetuel pour l'édu--
cation publique des Colleges. Un Projet
pour rendre les Spectacles plus utiles >
àl'Etat. 6º . Un Projet pour mièux mettre
en oeuvre le defir de la diftinction
entre pareils . 1. vol . in - 12 . de 295.-
pages. A Paris , chez Briaffon , Rue S..
Jacs
338 MERCURE DE FRANCE .
Jacques , à la Science 1730 .
On continue de remarquer dans ce zi
Volume des Oeuvres de M. l'Abbé de
Saint Pierre les fentimens d'un Philoſophe
chrétien , les intentions loüables d'un bon
Citoyen , & les talens d'un Ecrivain
diftingué dans la bonne Litterature.
Coignard imprime actuellement avec
beaucoup de foin & de diligence le troifiéme
& dernier Tome des Oeuvres de
S. Bafile . dont l'Edition , d'abord entreprife
par Dom Julien Garnier , Benedictin
de S. Germain des Prez , a été continuée
, & mife dans fa perfection par
le R. P. Dom Prudent Maran , Religieux
du même Monaftere. L'Eglife gagnera
toûjours à la publication de pareils
Ouvrages , & la République des Lettres
fera en quelque façon dédommagée de
tant de Livres frivoles qui l'inondent
depuis quelque tems , & dont on ne fait
l'annonce qu'à regret.
RE'PONSE à la Lettre du Gentilhomme
Perigourdin , par uneRéfutation juſte
d'un nouveau Livre de Lettres, & de la
Grammaire Françoife de M. de Grimarest
, Maître de Langues à Paris , à laquelle
l'Auteur oppofe fa Grammaire
Françoise en faveur des Etrangers. Ouyrage
FEVRIER. 1730. 339
vrage dédié aux Sçavans . Par M. de la
Lande >
Interprete ordinaire du Roi ,
Profeffeur des Langues Françoiſe , Italienne
, de Géohraphie & d'Hiftoire . I
vol. 12. de 413. pages . A Paris , chez
la Veuve de Pierre Ribou . M. DCC .
XXX.
MEMOIRBS pour fervir à l'Hiftoire
des Hommes Illuftres dans la Republique,
des Lettres avec un Catalogue raisonné
de leurs Ouvrages , tome 8. de 408. pages
fans les Tables. A Paris , chez Briaffon
rue S. Jacques , à la Science. 1730 .
A la tête de ce 8. volume eft un court
Avertiffement , qui apprend au Lecteur
une chofe auffi agreable que neceffaire à
l'égard de ceux qui aiment l'exactitude &
la perfection dans les entreprifes Litteraires.
L'Auteur de ces Memoires ſe prépare
, nous dit - on , à donner dans le dixiéme
vol. qui paroîtra fur la fin du mois
de Decembre 1729. les corrections fur les
neuf vol . qui le précedent , avec les Additions
qu'on lui a déja données. Il invite
de plus ceux qui auront reconnu quelque
faute , quelque legere qu'elle puiffe être ,
ou qui fçauront quelques faits oubliez ,
ou enfin qui auront quelques Additions , à
les lui communiquer , fe chargeant d'inftruire
le Public du nom de ceux dont il
>
aura
340 MERCURE DE FRANCE .
aura receu des remarques utiles. On aver
tit auffi que le dixiéme vol. contiendra encore
des Tables generales , Alphabetique
, Necrologique , & felon l'ordre des
Matieres de ce qui eft contenu dans les
neuf premiers vol ; enfin qu'on pourra
s'addreffer au Libraire qui vend ce Livre ,
pour tout ce qu'on voudra faire tenir à
P'Auteur.
Nous profiterons de l'invitation conte
nue dans cet Avertiffement , pour continuer
de parler avec franchife en faveur de
la verité, & pour la perfection de cet Ou
vrage , quand l'occafion s'en préfentera.
Le 7. vol . en offroit une , mais il n'étoit
pas encore tems de publier notre Remarque
, qui n'auroit pu paffer alors que
pour une conjecture . Nous avons depuis
découvert que cette Remarque peut être
folidement appuyée . Voici de quoi il s'agit.
Dans le Catalogue des Ouvrages
d'André Duchefne , qui eft à la fin du
Memoire qui le concerne dans le 7. tome
pag. 323 on trouve art . 6. le Titre qui
fuit : Les Antiquitez & Recherches des
Villes , Châteaux & Places remarquables
de toute la France , fuivant l'ordre des buit
Parlemens. Paris 1610. in - 8 . On ajoûte
que cette premiere Edition a été fuivie de
celles des années 1614. 1622. 1629.
1631. 1637. in- 8 . Item , revues corrigées
FEVRIER. 1730. 341
gées & augmentées par François Duchefne.
Paris 1647. in 8. & 1668. 2. vol. in- 1 2 .
L'Article finit par ces paroles Ce Livre
eft mal écrit , mais il contient des chofes
curieufes , la derniere Edition que Duchefne
le Fils a procurée eft la meilleure. "
Nous avons toujours crû que cet Ouvrage,
quoique publié fous le nom d'André
Duchefne , n'étoit point de ce celebre'
Auteur . Il ne faut que le lire avec une
mediocre attention pour s'en appercevoir:
Mauvais ftile , défaut de critique ,
excès de credulité , tout fent une main
qui ne cherche qu'à accumuler des Phra
fes , pour produire enfin un Livre compofé
de chofes communes , & qu'on trouve
dans plufieurs autres Ouvrages , ce
qui eft bien éloigné du genie & de la capacité
d'André Duchefne.
Mais ce qui a achevé de nous convaincre
fur ce point , c'eft le témoignage
d'un Sçavant du premier ordre & des plus
refpectables. Il faut d'abord obferver que
la premiere Edition de ce Livre n'eft pas
celle de 1.6 10. marquée ci deffus par notre
Editeur. Il s'en trouve une autre de
1609. dont il y a un exemplaire dans la
Bibliotheque de S. Germain des Prez ,
faite à Paris , chez Jean Petit Pas. En
fecond lieu, on lit à la tête de cet Exemplaire
de 1609. les paroles qui fuivent ,
écrites
342 MERCURE DE FRANCE.
écrites de la main du celebre Dom Luc
Dachery , contemporain & ami d'André
Duchefne.
*
Ce prefent Livre n'eft point de M. Duchefne
, je l'ai feu de fa propre boucher
étant venu voir quelque chofe à notre Bibliotheque.
On l'a mis fous fon nom pour
le mieux vendre , parce que de foi il ne
vaut rien , ni pour l'Histoire ni pour le
Stile. Le 19. Avril 1640 .
Après une atteftation fi préciſe , on ne
peut s'empêcher de convenir de l'impofure
, laquelle a continué avec plus de
facilité après la mort de l'Auteur dans
les Editions qui ont fuivi , jufqu'à foûtenir
que les deux dernieres ont été revûës
& corrigées par F. Duchefne fon
Fils , & c. Quand même il feroit vrai que
le Fils ait eu quelque part à ces dernieres
Editions , ce qui eft extrêmement douteux
, il doit toujours paffer pour certain.
que l'Ouvrage original n'eft point de fon
Pere Au refte l'Auteur des Memoires
n'a erré là - deſſus qu'après le P. le Long
qui l'a copié fur l'article d'André Duchefne
, & après plufieurs autres .
Ce n'eft pas la premiere fois que les
Libraires , même quelques Auteurs en
ont impofé au Public , en mettant un
nom refpectable à la tête d'un Ouvrage
mediocre dans la vûë de l'acrediter : C'eſt
ainfi
FEVRIER . 1730. 343
ainfi qu'on a vu paroître en l'année
1729. un Livre fort fuperficiel , fous le
nom de M. l'Abbé de Bellegarde , qui
écrit fi poliment , & qui a donné tant de
bons Ouvrages , lequel nous a affuré n'ar
voir aucune part à celui dont on vient de
parler. Mais revenons à notre 8. vol.
des Memoires pour l'Hiftoire des Hommes
Illuftres , &c. Ce vol. contient la
Vie & le Catalogue des Ouvrages de 37 .
Sçavans , dont voici les noms.
,
Leon Allatius , Emeri Bigot , Lazare
André Bocquillot , Guillaume Budé , Ni»
col. Calliachi , Charles du Cange , Jean
Cocceius , Jacques Cujas , Jean Donne ,
Caffandre Fedele , Claude Fleury , Theophile
Folengo , Jean Gallois , Th. Gata
ker, Jean Gravius , Nicol. Hartfoeker ,
Jean Henri Hottinger , Jacques le Paulmier
de Grantemefnil , Barth. Platine
Jean Jovien Pontan , Louis Pontico Viru
nio , Guill. Poftel , Etien . Rafficod , Abel
de fainte Marthe Pere & Fils , Abel Louis
de fainte Marthe , Charles de fainte Marthe
, Claude de fainte Marthe , Pierre Sce
vole de fainte Marthe , Scevole de fainte
Marthe , Scevole & Louis de fainte Marthe
, Jacques Sannazar , Jean- Marie de
la Marque Tilladet , Sebaftien Vaillant ,
Charles Kerardo.
L'Article de Guillaume Budé nous a
рагы
844 MERCURE DE FRANCE .
paru être l'un des plus curieux de ce vol.
& nous croyons que nos Lecteurs nous
fçauront gré de le trouver ici , tel que
l'Auteur des Memoires l'a prefenté au
Public. Guillaume Budé , ( en Latin Budous
) naquit à Paris l'an 1467. de Jean
Budé , Seigneur d'Yerre , de Villers fur
Marne , & de Marly , Grand - Audiancier
en la Chancellerie de France , & de Catherine
le Picart ..
On lui donna des Maîtres dès - qu'il parut
capable d'apprendre quelque chofe ;
mais la barbarie qui regnoit alors dans les
Colleges , le dégoûta , & l'empêcha de
faire de grands progrès . C'étoit la coûtume
de paffer à l'étude du Droit , dès
qu'on fçavoit un peu de Latin , il la fuivit
comme les autres , & alla à Orleans
pour ce fujet ; mais il y demeura trois ans
fans y rien apprendre. Il n'entendoit prefque
point les Auteurs Latins , il n'étoit
pas par confequent en état de comprendre
les Ecrits & les Leçons de fes Profeffeurs.
Ainfi il revint à Paris auffi ignorant qu'il
en étoit parti , & plus dégoûté de l'étude
qu'il ne l'étoit auparavant.
Les plaifirs firent alors toute fon occupation
, & il s'adonna particulierement à
Ja chaffe ; mais lorsque le premier feu de
la jeuneffe fe fût rallenti en lui , il fe fentit
tout d'un coup faifi d'une paffion fi violente
FEVRIER. 1730. 34 $
lente pour l'étude , qu'il s'y donna avec
une ardeur inexprimable. Il renonça dès .
lors à tous les divertiffemens & à toutes
les compagnies ; & regardant comme perdu
tout le tems qui n'étoit point employé
à l'étude , il regrettoit les heures qu'il étoit
obligé de donner à fes repas & à fon fommeil
.
Ce qu'il y avoit de fâcheux pour lui ,
c'eft qu'il n'avoit perfonne qui pût le di
riger dans les études , & lui montrer la
route qu'il devoit tenir pour ne point
perdre un tems qui lui étoit fi précieux.
Il ne fçavoit quels étoient les Auteurs
qu'il devoit lire les premiers , & il fe trompoit
fouvent dans le choix qu'il en faifoit.
Ce ne fut que dans la fuite , qu'il
apprit par
fa propre experience , & par
fon propre goût , ceux qu'il devoit preferer
aux autres. Ainfi il ne dut qu'à luimême
les progrès qu'il fit , par fon application
affidue dans les Belles - Lettres.
Il ne fut non plus redevable qu'à fon
travail de la connoiffance qu'il acquit de
la Langue Grecque , il eût, à la verité, un
Maître nommé George Hermonyme , qui
fe difoit natif de Lacedemone , “ mais qui
ne fçachant pas grand chofe , ne pouvoit
lui en apprendre beaucoup . Quelques entretiens
qu'il eut avec Jean Lafcaris lui
furent plus utiles , & les inftructions de
$ 46 MERCURE DE FRANCE .
ce grand homme lui fournirent les moyens
d'avancer avec plus de fuccès dans les
connoiffances qu'il s'étoit propofé d'acquerir.
Les Belles -Lettres ne l'occuperent pas
tellement , qu'il negligeât les autres Sciences
; il apprit les Mathematiques de Jean
Faber , dont il épuifa bientôt le fçavoir ,
par la facilité qu'il avoit à comprendre
tout ce qu'il lui difoit.
Cependant fon Pere ne le voïoit qu'avec
peine attaché fi fort à l'étude , apprehendant
que cet attachement ne préjudiciât
à fes affaires domeftiques , & ne nui
sît à ſa ſanté ; mais tout ce qu'il pût lui
dire fur ce fujet fut inutile , fa paffion
l'emporta fur les remontrances. Au reſte
les craintes de fon Pere n'eurent lieu qu'en
partie ; car il ne negligea jamais fes affaires
, il eut foin au contraire de fe partager
entre- elles & les études . Mais la ſanté
en fouffrit , car fon affiduité au travail lui
procura une maladie , qui le tourmenta à
differentes repriſes , pendant plus de vingt
ans , & qui le rendit mélancolique & chagrin.
Le trifte état où il fe trouvoit alors ,
n'étoit point capable de le dégoûter de
l'étude , il profitoit des momens de relâche
qu'il avoit , pour s'y livrer de nouveau.
C'eft même pendant ce tems - là
qu'il a compofé la plupart de fes Ou
vrages Quelques
FEVRIER. 1730. 347
Quelques Auteurs on mis en queſtion :
S'il étoit à propos pour un Homme de
Lettres de fe marier , & fe font fervi de
l'exemple de Budé pour foûtenir l'affirmative.
Il fe maria en effet , & fi l'on en
croit un de ces Auteurs , fa femme bienloin
de l'empêcher d'étudier , lui fervoit
de fecond , en lui cherchant les paffages ,
& les Livres dont il avoit befoin. Il falloit
qu'il l'eût connue de ce goût- là dès avant
fon mariage , puifque le jour même de
fes nôces il fe déroba trois heures au
moins , pour les paffer avec fes Livres.
Louis le Roy , décrit ainfi la maniere
dont il avoit coûtume de paffer la journée
: En fe levant , il fe mettoit au travail ,
& étudioit juſqu'à l'heure de dîner ; avant
que de fe mettre à table , il faifoit un peu
d'exercice pour le donner de l'appetit .
Après le repas , il paffoit deux heures à
caufer avec la famille , ou fes amis , après
quoi il recommençoit à travailler jufqu'au
fouper. Comme ce repas le faifoit ordinairement
fort tard , il ne faifoit jamais
rien après. Il avoit une Maiſon de Campagne
à faint Maur , où il demeuroit affez
volontiers , parce que fon étude n'y étoit
point interrompuë par des vifites , comme
à la Ville .
R.
Il vêcut fort long - tems dans l'obfcurité
de fon Cabinet , mais fon mérite l'en tira :
G Guy
348 MERCURE DE FRANCE .
ce ,
Guy de Rochefort , Chancelier de Fran .
le fit connoître au Roy Charles VIII .
qui voulut le voir , & le fit venir auprès
de lui ; mais il ne vécut pas affez après
cela , pour lui faire du bien .
Louis XII, fucceffeur de Charles , l'envoya
deux fois en Italie pour quelques !
negociations , & le mit enfuite au nombre,
de fes Secretaires. Il voulut auffi le faire,
Confeiller au Parlement de Paris ; mais
Budé refufa cette Charge , qui lui auroit
caulé trop de diftractions , & qui lui auroit
enlevé un tems , qu'il aimoit mieux
donner à fes études.
Il fe vit cependant dans la fuite expolé
à ces diſtractions qu'il craignoit . Le Roy
François I. qui aimoit les Gens de Lettres,
le fit venir auprès de lui à Ardres , où il
s'étoit rendu en 1520. pour s'aboucher
avec le Roy d'Angleterre . L'Auteur de fa
vie remarque , que ce fut alors pour la
premiere fois que Budé eut accès auprès
de lui : ce qui détruit ce que Varillas a
avancé dans fon Hiftoire de François I.
(a ) que ce Prince l'envoya à Rome en
Ambaffade en 1515. auprès du Pape
Leon X. fait fuppofé par cet Auteur
qu'il accompagne d'une reflexion , qui
n'eft pas plus vraïe. » Budé , dit - il , n'é
toit pas mal adroit en negociation ,
(a ) Live I Po 320
» quoiqu'il
FEVRIER. 1730. 349
quoiqu'il eut vêcu dans Paris , fans autre
converfation que celle de fes Livres. «<
Comment Varillas a -t -il pu parler ainfi
puifque Budé avoit déja été deux fois en
Italie pour differentes négociations ?
François I. ayant pris gout à la convers
fation de Budé , voulut l'avoir toujours
auprès de lui , lui confia le foin de la Bi
bliotheque , & lui donna une Charge de
Maître des Requêtes , dont il fut pourvû
le 21. Août 152 2. La Ville de Paris l'é
lût la même année Prevôt des Mar.
chands.
Il aimoit trop les Sciences , pour ne pas
faire fervir à leur avantage le credit qu'il
ayoit auprès du Roy ; il fut un des prin
cipaux Promoteurs de l'érection du Col
lege Royal , & de la Fondation des Chais
res , qui y fut faite fous le Regne.de
François I.
Il fe brouilla avec Antoine du Prat ,
Chancelier de France , ce qui l'obligea
pendant quelque tems à n'aller à la Cour ,
qu'autant que le devoir de la Charge l'y
engagcoit. Mais ce tems ne dura pas ; car:
Guillaume , Poyet qui l'aimoit , ayant été
fait Chancelier , voulut qu'il demeurât
continuellement auprès de lui .
Un voyage qu'il fit avec lui en 1540.
fur les côtes de Normandie , à la fuite dus
Roy , qui y alloit chercher du rafraîchif-
Gij fement
350
MERCURE DE FRANCE
fement dans les chaleurs exceffives de
cette année , lui fut funefte. Il y ga
gna une fiévre , qui lui paroiffant dan
gereufe , lui fit naître l'envie de le faire
porter chez lui , pour mourir du moins
au milieu de fa Famille.
De retour à Paris , il vit bien tôt fon
mal s'augmenter , & il mourut le 23 .
Août de la même année 1540. âgé de 73 .
ans. Plufieurs Auteurs fe font trompés fur
la datte de fa mort ; La Croix du Maine
en la fixant au 25. Août. Sponde , en la
mettant au 20. Août , & Pierre de faint
Romuald , en l'avançant au 3. Août de
la même année. Le P. Garaffe dans fa
Doctrine curieuſe , le fait mourir en 1539.
L'erreur de M. de Launoy eft encore plus
confiderable , puifqu'il recule (a ) fa mort
jufqu'au premier Septembre 1573.
Budé fut enterré le 26. Août à faint Ni
colas des Champs , fans aucune pompe ,
comme il l'avoit ordonné par fon Tefta
ment , où il dit : » Je veux être porté en
terre de nuit , & fans femonce , à une
>> Torche , ou à deux feulement , & ne
» veux être proclamé à l'Eglife , ne à la
» Ville , ne alors que je ferai inhumé , ne
>> le lendemain ; car je n'approuverai ja-
>> mais la coûtume des cérémonies lugu-
» bres , & pompes funebres.... Je défens
(a ) Hift. Gymn. Navarr. p. 8827.
→ qu'on
2
I
x
FEVRIER. 1730: 35%
» qu'on m'en faffe , tant pour ce , que pour
>> autres chofes , qui ne fe peuvent faire
>fans fcandale ; & fi je ne veux qu'il y ait
» cérémonie funebre , ne autre Repréſen.
>> tation à l'entour du lieu où je ferai en
>terré , le long de l'année de mon trépas ,
>> parce qu'il me femble imitation des Ce-
>notaphes , dont les Gentils ancienne
>ment ont ufé.
.
C'étoit ici le lieu de placer l'Epigram
me , que fit Melain de faint Gelais , à
Poccafion de la mort de Budé , & de la
difpofition Teftamentaire qu'on vient de
lire. 11 eft à croire que l'Editeur des Memoires
ne l'a pas connue , on ne fera pas
fâché de la trouver ici.
Qui eft celui que tout le monde fuit a
Las ! c'eft Budé au Cercüeil étendu.
Pourquoi n'ont fait les Cloches plus grand
bruit ?
Son nom fans Cloche eſt affez épandu,
Que n'a- t- on plus en Torches dependu
Suivant la mode accoutumée & fainte
Afin qu'il fut par l'obſcur entendu
Que des François la lumiere eft éteinte.
Nous donnerons dans le prochain Mer
eure la fuite de ce Memoire.
Giij
LA
352 MERCURE DE FRANCE.
LA VIE DE CALLISTHENE , Philo
fophe , à la Cour d'Alexandre le Grand ,
A Paris , au Palais , chez Prudhomme,
Quay de Conty , chez la veuve Piffot ,
1730. Brochure in- 12 . de 38. pages .
Ce petit Ouvrage , ainfi que la Vie de
Brutus , a été faite à l'occafion de la Trage
die de Callisthene , de la compofition de
M.Piron, qu'on joue au Théatre François.
& Defprez & Defeffarts , Libraires , donnent
avis qu'ils ont mis au jour une nouvelle
Edition de la Bible , traduite par
M. Le Maitre de Sacy , où l'on a joint
500. Figures , gravées d'après les grands
Maîtres , par le fieur de Marne , Graveur
ordinaire de la Reine , avec des Sommaires
Hiftoriques fur chaque Livre de l'Ancien
& du nouveau Teftament , divifé en
fix volumes in 4. A Paris , chez lesdits
fieurs Defprez & Defeffarts , rue S. Jacques
, & chez l'Auteur des Gravures ruë
du Foin , en entrant par la rue de la Harpe,
Heaume. Il vendra féparement les Eftampes
de grandeur in -folio ou in- 4. en
3. volumes .
an
C
Gabriel Martin , Libraire , rue S. Jacques
, à l'Etoile , imprime le Catalogue
de la Bibliotheque de M. Turgot de Saint
Clair , Evêque de Seez , & celui de M. le
Préfident
FEVRIER . 1730. 353
•
Préfident Lambert , Prévôt des Marchands.
La vente de ces deux Bibliothe
ques doit fe faire inceffamment .
On trouve chez le même Gabriel Mar
tin & chez Coignard , fils , & Guerin l'aî
né , rue S. Jacques , la nouvelle Edition
des Elemens de l'Hiftoire de feu M. l'Abbé
de Vallemont , en 4. volumes in- 12
confiderablement augmentée .
LE PARADIS PERDU de Milton
traduit de l'Anglois en Vers Hollandois ,
par M. L. P. A Amfterdam , chez E.
Kifcher, 1730. in 8 .
Certe Traduction eft faite fur celle que
M. Vanzanten , fçavant Medecin à Hardem
, publia il y a deux ans en Vers Holdandois
non rimez .
HISTOIRE MODERNE de l'Etat pre
fent de tous les Peuples du monde , traduit
de l'Anglois de M. Salmon , enrichie
de Remarques , de Cartes Geographiques
& de Tailles-douces. Idem , chez Ifaac ›
Tirion , 1730. Tome premier , Premiere
Partie , contenant une Deſcription de
'Etat prefent de l'Empire de la Chine.
in- 8.
On apprend de Verone , que Jacques
Vellari , Libraire , y a donné une belle
Giiij Edi354
MERCURE DE FRANCE .
Edition de toutes les Oeuvrés du Trifin,
en 2. vol . in - 4 . fous ce titre . Tutte le
Opere di Giovan Giorgio Triffino , Gentilbuomo
Vicentino , non più raccolte . 1729 .
Jean Albert Tumermani , de la même
Ville , a imprimé in- 8 . un Poëme Italien
d'environ 430. Vers , intitulé , I. CANARINI
, les Serins , dont l'Auteur , appellé
Ignazio da Perfico , n'a que 16. ans.
on en fait beaucoup de cas.
Il paroît à Londres une trentiéme Edition
de l'Etat prefent de la Grande Brétagne
, par Chamberlain.
Un Comedien de Campagne a publié
dans la même Ville , une Réponſe à la
Préface que M. Pope a mife à la tête de
PEdition qu'il a donnée des Oeuvres de
Shakespear. Le Comedien prend fa deffenfe
des anciens Acteurs qui ont reprefenté
les Pieces de ce Poëte . Il fait voir
dans cette Réponſe les fautes qu'on a
faites dans cette Edition , & donne quelques
éclairciffemens nouveaux fur la vie
de Shakeſpear , & fur l'Hiftoire du Théa
tre de fon temps .
On trouve auffi à Londres , chez les
Knaptons , un Traité en Anglois de M. Richard
FEVRIER. 1730. 355
chard Brown , intitulé : Medicina Mufica
, ou Effai , dans lequel on examine
par les Loix de la Méchanique les effets
du Chant , de la Mufique & de la Danfe
fur le corps humain , avec un Traité fur
la nature des maladies de la Rate & des
yapeurs , & fur la maniere de les guérir.
L'Abbé de la Grive , vient de mettre
au jour la premiere feüille de fa Carte
Topographique des Environs de Paris , à
cing lieues à la ronde. Cet Ouvrage contiendra
neuf feuilles de papier de grand
Aigle . L'Auteur y a obfervé tous les détails
de façon qu'on y reconnoîtra les
Plans exacts de tous les Villages , leurs
iffuës & les chemins qui conduiſent de
l'un à l'autre , les principales Maifons de
Campagne avec leurs Jardins ; les Bois avec
leurs routes ; les Moulins , Carrieres , Cabarets
détachez fur les chemins , les Plases
des Vignes , Prez , Terres labourables.
& en friche. La premiere feüille qui pa-
Foît , renferme prefque toute la Banlieuë..
L'Auteur donnera dans la fuire une dixié
me feuille qui comprendra les précedentes,
dans laquelle il ne manquera aucun détail.
Ce que celle - cy aura de fingulier & de
plus curieux , c'eft qu'on y trouvera les
differens Triangles qui ont fervi à lever
la Carte , la valeur des Angles & degrez
G &
車
356 MERCURE DE FRANCE.
& le calcul des Côtes en toifes , ce qui
n'a encore été executé que par M" de
l'Académie des Sciences , pour déterminer
la Meridienne de l'Obfervatoire de
Paris , & mettre le Public en état de verifier
les Obfervations de l'Auteur . Il demeure
Cloître S. Benoit , chez, M. Dubois,
Avocat.
Le fieur Langlois, Fabricateur d'Inftrumens
de Mathématique , Eleve du fieur
Butterfield , demeurant à Paris , au Quay
de l'Horloge du Palais , aux Armes d'Angleterre
, avertit le Public qu'il fait &
vend un nouveau Cadran univerfel &
portatif, qui a toutes les proprietez qu'om
peut fouhaiter pour ce qui regarde le Soleil
, ce qu'on n'a pas encore vû dans aucun
autre . Il marque ( pour tout le monde
habitable , c'eſt - à- dire jufqu'au 70 °
degré de Latitude Méridionale & Septentrionale
, fans Soleil , & pour tel jour que
l'on veut ) à quelle heure commencent les
Crepufcules du matin , & finiffent ceux du
foir . A quelle heure le Soleil fe leve &
fe couche ; de combien de degrez il eft
elevé pardeffus l'Horifon , ou abaiffé pardeffous
, à telle heure qu'on voudra ; de
combien de degrez cet Aftre décline ou
eft éloigné de l'Equateur . Dans quel figne
& dans quel degré du Signe il fe trouve ,
&
1
FEVRIER. 1730. 357
& plufieurs autres chofes curieufes qu'il
feroit trop long de rapporter ici , qu'on
trouvera dans l'ufage ou maniere de fe fervir
de ce Cadran .
On nous écrit de Conftantinople que
M. le Marquis de Villeneuve , Ambaffadeur
du Roy à la Porte , a envoyé depuis
peu pour la Bibliotheque de S. M. trois.
Livres , qui ont été imprimez en 1728.
dans l'Imprimerie nouvellemnt établie
dans cette Capitale , fur de très - beau papier
& en Caracteres extremement nets ,
& on ajoûte ce qui fuit :
Le premier de ces Livres eft un Dictionnaire
Arabe , compofé par Gianhari , &
traduit en Langue Turque par Ovancouli,
ce qui fait deux volumes in-folio d'environ
700. pages chacun. On trouve à la
rête du Dictionnaire les Vies de ces deux
fçavans Orientaux , précedées d'une affez
longue Préface , qui inftruit de ce qui s'eft
paffé, tant à l'égard du G.Vizir , qu'à l'égard
du Mufti , au fujet de l'Etabliffement de
cette Imprimerie ; on y voit enfin les raifons
qui ont déterminé à commencer par
le Dictionnaire en queſtion.
Après la Préface fuit une copie du Caticherif,
ou Commandement Imperial, écrit
de la main du G. S. par lequel un Privilege
exclufif eft accordé à Zaid , fils de Me-
G vj
hemet
358 MERCURE DE FRANCE :
7
hemet Effendi , qui a été cy- devant ho
noré de l'Ambaffade de France , & à Ibra
him Aga , Muteferaka , de faire imprimer
toutes fortes d'Ouvrages compofez
en Arabe , en Turc , en Perfan , &c. pourvû
qu'ils ne regardent point la Religion de
Mahomet à la charge que les Ouvrages
qui s'imprimeront feront revûs & corrigez
par quatre perfonnes fçavantes fur
les matieres dont ils traitent.
Enfin , outre la permiffion du Mufti
Abdalah , pour imprimer , on trouve dans.
ce premier volume un Difcours , qui peut
paffer pour une feconde Préface , & qui
traite de l'utilité & des avantages que les
Turcs peuvent tirer de l'établiffement de
la nouvelle Imprimerie. On y rappelle le
Memoire prefenté au G. Vizir , fur ce fujet
, & répondu favorablement par le
Mufti & par les deux Cadileskiers , ou
Juges Supremes de tout l'Empire Turc.
Le fecond Livre , forti de la même Imprimerie
, eft d'un Auteur nommé Haggi
Calfab. C'est une Inftruction en Langue
Turque fur le Globle de la Terre , fur la
Sphere & fur les Cartes Geographiques.
Il décrit en particulier l'Etat de Venife ,
Albanie , l'ile de Corfout & les autres
lieux qui font le plus à portée de Conftanti-
* Les Muteferaka , composent un Corps parà
siculier pour la Garde du G. S.
nopley
FEVRIER. 1730 319
nople. On y trouve auffi plufieurs traits
d'Hiftoire concernant les Expeditions Ma
ritimes des Turcs,& l'Hiftoire abregée des
Capitans Pacha , depuis la conquête de la
Ville Imperiale par Mahomet II. juſqu'à
l'année 1653. Il décrit encore l'Arcenal de
Conftantinople,& entre dans le détail des
dépenfes de fon entretien . Il inftruit enfin
les Armateurs Turcs de ce qu'ils doivent
obferver dans leurs Courfes. L'Editeur
Ibrahim ya ajoûté un Difcours de fa compofition
fur les Diſtances itineraires ou les
Mefures géographiques , & fur le tour du
Globe Terreftre..
Ce Livre d'Haggi Calfah , eft enrichi
d'une Mappemonde & de plufieurs Cartes
Hydrographiques de la Mer Méditerannée
, de la Mer Noire , de l'Archipel
& du Golphe de Venife . On y trouve
auffi en deux Planches , deux Bouffoles
pour l'Ocean & pour la Mer Médite
rannée .
Le troifiéme Livre imprimé dans le mê
me lieu en 172 8. eft une Traduction Turque
d'une Hiftoire Latine de la derniere
' Révolution de Perie. L'Auteur de la Traduction
eſt le même Ibrahim , Editeur ,
dont on vient de parler. L'Auteur Original
donne dans cette Hiftoire un abregé
de l'Hiftoire des Rois de Perfe , de la Dynaftie
de ceux qui ont été abufivement
appellez
$ 60 MERCURE DE FRANCE .
appellez Sofis , dont Schab - Huffein eft le
dernier ; il parle de fon détrônement & de
Pufurpation de Miri- Mamoud , auquel a
fuccedé Acheraf, qui occupe aujourd'hui
te Trône de Perſe . C'eft par ce Sultan que
finit l'Hiftoire Latine , traduite en Turc ,
laquelle eft précedée d'une Préface du
Traducteur , & la Préface fuivie de là
Requête par lui prefentée au G. Vizir ,
pour obtenir la permiffion d'imprimer.
On y trouve tout de fuite cette permif
fion du Premier Miniftre .
Il eft marqué à la fin de ces Livres ,
qu'ils font imprimez à l'Imprimerie de
Conftantinople l'an de l'Hegire 1141 .
c'est-à- dire 1728. de J. C.
L'Auteur de la Lettre qui nous eft écrite
de Conftantinople , n'a pas , fans doute ,
été inftruit au fujet d'Haggi Calfah , Auteur
du fecond de ces Livres ; car il auroit
pu ajoûter que cet Ectivain , dont la
réputation n'eft pas petite , eft un Turc
Moderne de Conftantinople , fils d'un Secretaire
du Divan. Il fut premier Com
mis du Secretaire d'Etat en Chef , & il a
paffé pout l'un des plus habiles hommes
de fon temps . On en peut juger par fa
Bibliographic , qui eft dans la Bibliotheque
du Roi , laquelle contient un ample
Recueil alphabetique de tous les Auteurs
Orientaux , & un Catalogue raiſonné de
kurs
FEVRIER. 1730. 368
leurs Ouvrages depuis l'origine du Ma
hometifme . M. Petis, de la Croix , mort
en 1713. avoit traduit ce Livre en notre
Langue.
Il ne reste plus qu'à fouhaiter la con
tinuation des progrès de cette Imprimerie
, & que les bons Livres qui en for
tiront , foient non- feulement envoyez en
France , mais encore que les Interpretes
du Roi & les autres perfonnes employées
au fervice de S. M. verfées dans les Langues
Orientales , prennent foin de les
traduire pour l'utilité publique ; & c'eft
ce qu'il y a lieu d'efperer de la capacité
& de l'émulation de ces Meffieurs.
On a appris de Londres , que le 193
Janvier , M. Southall , ayant été introduit
dans la Societé Royale , par le Chevalier
Hans - Sloane , qui en eſt Préfident , lui
préfenta un Traité nouveau qu'il a com
pofé fur l'origine , la nature & la propa
gation des Punaifes , & il fit part du Remede
qu'il a découvert à la Jamaïque ,
pour le garantir de ces Infectes . fe
On nous écrit de Rouen , que le 8%
du mois de Decembre dernier , on lut
felon la coutume , dans l'Affemblée du
Palinod , les Pieces de Poëfie qui avoient'
été envoyées de differens endroits & que
le
362 MERCURE DE FRANCE .
le Prix Academique avoit été adjugé
M. de Becthomas , fils de M. Bois - le-
Vicomte , Conſeiller au Parlement , Autheur
de la Piece que voici , au fujet de
la Naiffance du DAUPHIN,
Vivite , felices , fecuri vivite Galli :
Dulcia florenti , Lodoix , dabit otia regno,
Firmabit patria foboles patre dignafalutem..
Jam data progenies , ultrò cui regna coronas
Extera fubmittant , quam Gallica fceptra manerent
,
Mafcula famineis manibus fi Gallia tangi
Sceptra fuperba finat . Triplices , tria fidera ,
nata ,
Sunt decus imperii ; foliifed deficit hares,
Alme Deus , gentis fpes deficit : Annue votis
Annue regali puerum de fanguine ; furgat
Auguftus princeps , populo qui jura volenti .
Dividat, & patrium tractet non degener enfem
Ac´novus exoritur per rura , per oppida plaufus
:
Ingeminant lata Regalia nomina voces.
Scilicet optati partûs rumore fecundo ,
Fama volans latè populos afflavit ovantes.
Plaudite , felices , fecuri plaudite Galli :
Parta quies vobis ; veftros quoque lata nepotes
Sacla manet. Solio fedent , aternumque fedebit
Inclyta BORBONIDUM proles ; qui nafcitur
HEROS
BORFEVRIER.
1730 363
BORBONIUS , fuccedet Avis : natalia monftrans
Tempora quantus erit : pofitis concordia bellis
Aptavit placidum iantis natalibus orbem .
Principis ad cunas concors EUROPA volavit
Arma fimal, bellique minas pofitura ; Quiefcite
Arbiter eft, Lodoix , DELPHINUS foederis Obfess
Crefce , Puer; tibi facla fluant felicia : Regum
Cum LODOIX dicetur Avus , Regumque MARIA.
Filia , Sponfa , Parens ; Patria dicaris Amoreso
EXTRAIT du Difcours que lût M.
l'Abbé Souchay , à l'Affemblée publi
que de l'Academie Royale des Belles-
Lettres , le mardi 15. Novembre de
Pannée derniere
Onfieur l'Abbé Souchay s'étant
Mpropofé de faire un parallele de
Tibulle , de Properce , & d'Ovide , trois
Poëtes Latins qui le font diftingués dans
le genre Elegiaque , il commença par expofer
les divers jugemens que l'on a portés
fur le mérite de ces Auteurs , les uns
donnant la préference à Tibulle , d'autres
à Properce , & le grand nombre des Modernes
la donnant à Ovide .
L'Auteur , avant que d'examiner qui la
mérite , établit en peu de mots la regle
de comparaifon dont il doit fe fervir, Certe
64 MERCURE DE FRANCE :
te regle eft , que tout genre de Poësie eft
une imitation , mais une forte d'imitation
qui , pour être parfaite , doit exciter dans
Fimagination les mêmes mouvemens qu'y
exciteroient les objets réels , & produire
les mêmes effets que produiroit la verité
de ce principe. M. l'Abbé Souchay tire
plufieurs conféquences , celle - ci entre -autres
: Qu'il faut que les images qu'em
ploye la Poëfie , foient vives & naturelles
tout enfemble ; parce que fi les images
n'exprimoient pas la nature , l'efprit s'appercevroit
aifément de la fiction , & que
elles étoient foibles , l'efprit ne fe préteroit
point à cette même fiction.
L'Autor applique enfuite certe regle
aux trois Poëtes dont il eft queftion . D'où
il réfulte , felon lui , que les images de
Properce , ni celles d'Ovide n'expriment
point la nature , quoiqu'il convienne que
Properce s'en éloigne moins qu'Ovide ,
qui eft prefque toujours fardé ; & fur cela
il entre dans des détails dans lefquels
nous ne pouvons le fuivre ici . Il panche
donc vers Tibulle , qu'il croît être le
feul qui ait connu le vrai caractere de
PElegie. » Ce défordre ingenieux , ( c'eft
>>l'Auteur qui parle ) qui eft comme l'ame
de la Poëfie Elegiaque , parce qu'il eft
fi conforme à la nature ; il a fçu le jettet
»dans fes Elegies . On diroir qu'elles font
>>uniquement
D
FEVRIER. 1730. 368
» uniquement le fruit de la paffion. Les
» differentes parties qui les compofent ,
» défunies , feparées , femblent ne former
>> que des tours irreguliers. Un écart eft
» fuivi d'un nouvel écart , une digreffion
» attire une autre digreffion . Mais le dé-
»fordre qui regne dans ces mêmes Ele-
» gies , n'est - il pas un tour fecret qui en
» lie le deffein , & qui leur donne toute
»la jufteffe & toute la régularité dont elles
?? étoient fufceptibles.
L'Auteur , après s'être comme declare
en faveur de Tibulle , appuye fon fentiment
de celui de Quintilien , & des deux
Seneques parmi les Anciens , & parmi les
Modernes de ceux de Patru & de Grayina
: quoiqu'au fond , dit il , ces tér
» moignages ne prouvent rien par eux
» mêmes , contraires ou favorables , à
» moins qu'ils ne foient précedés d'un
» examen ferieux , & qu'ils ne foient ap
puyés fur de folides raifonnemens.
2
Le famedi 4. de ce mois , M. Fromentin
, l'un des Profeffeurs de Rhetorique
du College Mazarin , prononça un fort
beau Difcours Latin au fujet de la Nailfance
du Dauphin . L'Affemblée fut fortnombreuſe
; le Cardinal de Biffy le
Nonce du Pape , plufieurs Prelats , & un
grand nombre de perfonnes de difting
tion
366 MERCURE DE FRANCE .
tion s'y trouverent . On applaudit beaucoup
à la Defcription que l'Orateur fir
du Feu , qui a été tiré fur la Riviere par
ordre des Ambaffadeurs d'Efpagne.
Le même jour 4. de Fevrier , l'Academie
Royale des Sciences , élut Mrs. Lieutaud
& de Lifle , Affociés Aftrònomes
de cette Academie , & M. Maraldi Externe
& Neveu de feu M. Maraldi , pour
que l'un de ces trois Sujets , au choix du
Roi , rempliffe la place de Penfionnaire
Aftronome vacante par la mort de M.
Maraldi , décedé au mois de Decembre
dernier , âgé d'environ 72. ans .
Le mercredi 9. le Comte de Maurepas
écrivit à l'Academie que S. M. avoit
choifi M. Lieutaud.
Le famedi 18. M. Dagueffeau de Valjouin,
Frere puifné du Chancelier de France
, fut élu pour remplir la place d'Academicien
Honoraire, vacante par la mort
de M. de Valincourt.
Le Comte de Portmore a été receu
depuis peu Membre de la Societé Royale
de Londres.
Six Allemands experimentez dans le
travail des Mines , vont dans les Mon
tagnes de la Calabre , pour faire l'épreuve
d'une
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FEVRIER, 1730. 367
Pune Mine d'or qu'on croit y avoir été
découverte .
On donne avis aux Antiquaires , que le zo
du mois de May prochain on vendra à Amfterdam
le fameux Cabinet de feu M, Jacques de
Bary , ci -devant Conful de L. H. P. à Seville ;
Il confifte dans des Medailles d'or & d'argent ,
& en un très- grand nombre de cuivre , toutes
antiques , parmi lefquelies on ne trouve pas
feulement les principales & les plus rares Medailles
des Empereurs , en grandes & moyennes
fortes en cuivre , mais auffi un très beau &
veritable Othon , dont le pareil eft à peine connu
dans l'Europe : Il contient encore une finguliere
collection de Medailles Efpagnoles &
Puniques , & plufieurs autres , felon le Catas
logue qui eft imprimé,
MUSETTE.
JE veux chanter fur ma Mufette ,
Les doux attraits qui m'ont charmé
Mon tendre coeur eft enflammé
Des yeux de la jeune Lifette :
Elle eft favorable à mes voeux ,
Mon fort n'eft-il pas trop heureux ?
L'Amour a fait fon beau viſage ,
Pour lancer fes Traits les plus doux ;
Dès qu'on la voit on fent les coups ,
Car
368 MERCURE DE FRANCE,
Car il s'eft peint dans fon Ouvrage :
Elle eſt favorable à mes voeux ,
Mon fort n'eft-il pas trop heureux ?
Tous les Bergers de ce Village ,
Adorent fes naiffans appas ,
En tous lieux ils fuivent fes pas ;
Mais elle rit de leur hommage :
Elle eft favorable à mes voeux ?
Mon fort n'eft- il pas trop heureux ?
Quand je lui vante ma tendreffe,
Elle m'écoute avec plaifir ,
Et quand au gré de mon defir ,
Sur le gazon je la careffe :
Elle eft favorable à mes voeux ,
Mon fort n'eft-il pas trop heureux ?
Ainfi , Tircis , qu'Amour infpire ,
Affis à l'ombre d'un Ormeau ,
Un jour en gardant fon Troupeau ,
Au tendre Echo faifoit redire :
Elle eft favorable à mes voeux ,
Mon fort n'eft-il pas trop heureux ?
Il fut furpris de fa Bergere ,
Qui l'écoutoit près d'un Buiffon ,
Er
FEVRIER. 1730. 369.
Et le refrain de la Chanſon ,
Fut repeté fur la fougere :
Elle eft favorable à mes voeux ,
Mon fort n'eft-il pas trop heureux ?
Par M. l'Affichard.
LA
SPECTACLES.
A jeune De Dangeville , qui a continué
de paroître avec avantage fur
le Theatre François , dans les Rôles de
Suivantes Comiques , joua celui de la
Comedie du Florentin le 5. de ce mois ,
avec un applaudiffement univerfel , le 7.
celui de Laurette , dans la Comedie de
La Mere Coquette , avec le même fuccès
& le 9. la Suivante encore , dans les Folies
Amoureuſes , avec toute la vivacité
les graces , la jufteffe & la legereté imaginable.
Elle eſt affez grande pour fon
âge , avec la taille admirable , bon air ,
marchant bien , la parole , le gefte aiſé ,
le vifage agréable , & quelque chofe de
fin & de picquant dans la phifionomie
& dans les manieres .
La De Dangeville a joué depuis trois
autres Rôles , qui lui ont fait beaucoup
d'honneur, & qui ont unanimement confirmé
370 MERCURE DE FRANCE.
1
firmé dans la bonne opinion qu'on avoit
d'elle & dé fes talens. La Suivante , dans
la Comedie d'Efope à la Ville , celui de
Toinette , dans le Malade Imaginaire , &
Lifette , dans la petite Comedie de la Serenade
, ce qui a fait dire à tout le monde
que cette jeune perfonne commence commé
les meilleurs Comediens ont fini.
Lé Samedi 18. de ce mois , les Comediens
François donnerent la premiere repréfentation
de la Tragedie nouvelle de
Callyftene , à une des plus nombreuſes
Affemblées qu'on ait vû de long remps .
Elle fut fort applaudie & fort critiquée.
A la feconde repréſentation , donnée le
fur - lendemain , on a beaucoup moins
cenfuré que loüé , & les meilleurs connoiffeurs
ont trouvé dans ce Poëme des
beautez comparables à ce que nos plus
grands Poëtes ont fait de plus beau. Nous
en parlerons plus au long.
Le 5. les Comediens Italiens remirent
au Théatre l'Italien Marié à Paris , Piece
Françoife , en cinq Actes , avec des agrémens
, de la compofition du fieur Lelic.
Elle fut donnée dans fa nouveauté en
1716. Elle étoit pour lors en Italien :
l'Auteur , qui y joüoit le principal Rôle ,
la donna en François au mois de Novem→
bre
FEVRIER. 1730 371
bre 1728. Le fieur Paghety a joué celui
du fieur Lelio à cette derniere reprife , &
a rempli le caractere de Jaloux , fur lequel
roule toute la Piece . On en peut
voir le Sujet & l'Extrait dans le premier
volume de Decembre 1728 .
Le 6. les mêmes Comediens jouerent
Arlequin Muet par crainte , Comedie Italienne
, en trois Actes , du même Auteur
de l'Italien Marié à Paris. M. le Duc
de Lorraine honora cette Piece de fa prefence
, & parut y prendre beaucoup de
plaifir , furtout furtout par le Rôle d'Arlequin ,
qui a prefque tout le jeu de la Piece. On
joua enfuite la petite Piece du Retour de
Tendreffe , qui ne fit pas moins de plaifir
à la nombreufe Affemblée qu'il y cut ce
jour -là à l'Hôtel de Bourgogne .
Le 3. de ce mois , l'ouverture de la
Foire S. Germain fut faite par le Lieutenant
General de Police , en la maniere accoûtumée.
Le même jour l'Opera Comique,
qui eft toûjours dans la ruë de Buffy,
& difpofé plus commodement que l'année
paffé , a ouvert fon Théatre par la premiere
Repréſentation du Malade par
complaifance , Piece en trois Actes , ornée
de Divertiffemens. Le fond de cette Piece
eft tout- à-fait Comique ; en voici le fujet ,
Leandre,Officier, amoureux d'une jeune
H perfonne
372 MERCURE DE FRANCE.
perfonne qu'il ne connoît pas , en fait
confidence à Pierrot , fon Valet. Dans le
temps qu'ils concertent les moyens d'entrer
dans le Château , réfidence de la Belle;
il en fort un Payfan qu'ils interrogent &
qui dans le fil de la converſation rustique,
leur apprend qu'il y a une certaine Gouvernante
des filles du Seigneur du Vil-
Jage , de qui le tic eft de traiter des malades
, & qu'il fçait par experience comme
elle les mitonne. Auffi - tôt Leandre propofe
à Pierrot de contrefaire le malade ;
& pour l'engager à accepter ce rôle-là ,
il lui fait une peinture délicieufe des foins
qu'on aura pour lui & des bons morceaux
qu'on lui fervira. Pierrot , frappé d'une
idée gourmande , accepte fur le champ le
parti propofé , & feint un mal de pied
très -douloureux , fans en prévoir la conféquence.
Il eft reçû comme gouteux dans
le Château , & en cette qualité condamné
à l'eau & à une fcrupuleufe abftinence par
la rigide Gouvernante qui s'intereffe d'abord
à fa fanté. Cette fituation triste pour
un Valet doué d'un grand apétit , produit
plufieurs Scenes divertiffantes dans le
cours de la Piece. Il y a dans un des Actes
un Divertiffement d'Enrhumez qui implorent
le fecours d'un Operateur. Le
Rhume univerfel qui a regné cet hyver
dans Paris , a rendu cette maladie un Vaudeville.
FEVRIER . 1730. 373
deville. Voici les Couplets de ce Divertiffement
, dont les paroles font de M. Panart,
& la Mufique de M. Gilliers , auffibien
que celle de tous les Divertiffemens.
Le Duc de Lorraine , accompagné de
plufieurs Seigneurs de la Cour & d'autres
perfonnes de confideration , honora ce
Spectacle de fa prefence , auquel on ajoûta
leDivertiffement de l'Impromptu duPont
Neuf , qui avoit été joué à la derniere
Foire S.Laurent avec beaucoup de fuccès;
on y danfa auffi plufieurs Entrées de Cas
racteres , dont ce Prince parut fatisfait.
VAUDEVILLE.
Maris , quand la peur d'avoir un Rival ,
Vous fait épier votre femme au Bal ,
O la folle coûtume !
Vous croyez fauver l'honneur conjugal ;
C'est ce qui vous enrhume,
來
Lorfque dans les Bois , Amans langoureux ,
Vous allez pouffer des cris douloureux
O la fotte coûtume !
Par- là vous croyez devenir heureux ,
C'eſt ce qui vous enrhume.
M
Vieillards amoureux , qui chez le Baigneur.
Hij
Cherchez
374 MERCURE DE FRANCE ,
Cherchez des attraits & de la fraîcheur
O la fotte coûtume !
Par- là vous croyez prendre un jeune coeur;
C'est ce qui vous enrhume.
Quand un Officier pour vous en tient là ; *
Chez votre Notaire il dit qu'il irą ;
Belles , c'eft fa coûtume.
Vous courez d'abord , croyant qu'il viendra ;
C'est ce qui vous enrhume.
來
Vous , qui vous flattez d'agir prudemment ,
En prenant pour femine un objet charmant ,
O la fotte coûtume !
Vous croyez l'avoir pour vous feulement ;
C'eft ce qui vous enrhume.
淡
Quand un Opera chez nous reüffit ,
Et que chaque jour la foule groffit ,
Notre ardeur fe rallume ;
Quandles rangs font clairs, le froid nous faifit,
C'est ce qui nous enrhume,
Le coeur.
On trouvera l'Air notté , page 367.
Le 18. l'Opera Comique donna la premiere
Repréſentation de la Reine de Baroftan
, Piéce nouvelle Heroïque , en un
Acte
FEVRIER: 1730 375
Actè , fuivie d'une autre petite Piéce d'uri
Acte , qui a pour titre les Couplets des
Vaudevilles en procès , avec un Prologue
qui précede ces deux Pieces , lefquelles
ont été reçues très- favorablement du Public.
On en parlera plus au long.
Le 19. l'Académie Royale de Mufique
donna la derniere Repréſentation de Thefée
, & le 23. on remit au Théatre l'Opera
de Telemaque ou Calypfo , donné
dans fa nouveauté en Novembre 1714.
qui n'avoit point été repris depuis fa
nouveauté , & que le Public fouhaitoit
revoir. Il a marqué fa fatisfaction par
beaucoup d'applaudiffèmens . On en par
lera plus au long le mois prochain .
Le Lundi & le Mardi gras , on donna
fur le même Théatre un Divertiffement
très -convenable pour finir le Carnaval ,
compofé du Prologue du Ballet des
Amours de Mars & de Venus , mis en
Mufique par M. Campra , de la Pastorale
Heroique , chantée à la Fête des
Ambaffadeurs d'Espagne , & des deux
Divertiffemens de Pourceaugnac & de
Carifelly , mis en Mufique par M. de
Lully. Le St Tribou joua dans ces deux
dernieres Piéces le principal Rôle d'une
maniere tout à fait comique , & très - convenable
au fujet ; il fut generalement
ap H iij
376 MERCURE DE FRANCE .
applaudi . Les Diles Camargo , Sallé &
Mariette fe font auffi fignalées par les
differentes Entrées qu'elles ont danfé.
On apprend de Bruxelles que l'Opera
Italien d'Attale qu'on y repréfenta le 5 .
de ce mois pour la premiere fois eur
beaucoup de fuccès , ainfi que celui de
Jules Cefar, qu'on repréfenta à Londres à
peu près dans le même-tems.
Le 30. Janvier au foir , le Cardinal
Ottoboni fit faire fur le Théatre de la
Chancellerie à Rome , une Repétition
generale du nouvel Opera de Conftantin
le Grand , qui fut genéralement applaudi
Deux Opera nouveaux ont été donnez
depuis peu à Venife , fur les Theatres de
S. Ange & de S. Moyfe ; ils font intitu
lez Helene & les Stratagemes amoureux.
NOUVELLES DU TEMS.
TURQUIE ET PERSE.
N apprend de Conftantinople , qu'on y
avoit reçu avis , que le Prince Thamas
ayant éte joint par quelques troupes de Maymud
, l'un des principaux Seigneurs de la
Province de Candahar , avoit défait en trois
combats la principale armée du Sultan Acheraf
;
FEVRIER . 1720. 377
raf; qu'il s'étoit rendu maître quelques jours
après de Bender- Abaffi ; que par la prife de
cette Place importante , le refte des troupes
du Sultan Acheraf n'avoit plus de communi
cation avec la ville d'Ifpahan , dont le Prince
Thamas avoit refolu de former le fiege , auffi•
tôt qu'il auroit reçu les fecours que le Grand
Mogol lui envoye . Ces nouvelles , dont le Gra
Vizir a reçu la confirmation , l'ont obligé d'af
fembler extraordinairement le Divan , pour
deliberer fi on donneroit du fecours au Sultan
Acheraf; mais les avis ont été partagez ; il eft
cependant arrivé à Conftantinople un Envoyé
Extraordinaire du Prince Thamas, qui a obtenu
que la Porte refteroit neutre.
On a appris depuis que le Prince Thamas
s'étoit emparé de Cafbin & de quelques autres
Places ; que les troupes du Mogol étoient en
trées en Perfe , & que le Sultan Acheraf avoit
été obligé de fe retirer à Ifpahan , où on ne
croyoit pas qu'il fut en état de foûtenir un
Siege.
RUSSIE
ON mande de Mofcou , que quatre Mar
chands d'Ifpahan y étoient arrivez depuis
peu pour s'y établir , & que les effets qu'ils y
avoient aportez confiftoient en bijoux & au
tres marchandifes précieufes . Ils ont demandé
la permiffion de prendre interêt dans les principales
Compagnies du commerce de ce pays .
& principalement dans celle du commerce de
la Chine , où tous les Negocians Etrangers
pourront à prefent prendre part , en vertu de
la nouvelle Ordonnance que le Czar a fait publier.
Le 12. Janvier , premier jour de l'an , felon
Hiiij l'an378
MERCURE DE FRANCE .
l'ancien ftile , le Czar , la Princeffe Dolhorucki
fa fiancée , & les Princeffes du Sang , recurent
les complimens de tous les Seigneurs
& Dames de la Cour , à Mofcou , fur la nouvelle
année .
On mande auffi de Mofcou du 18. Janvier ,
que la Ceremonie du Mariage du Czar fe feroit
avant la fin de ce mois - là ; & on apprend de
Petersbourg que la plupart des prifonniers des
prifons de cette ville avoient été mis en liberté
à l'occafion de ce futurMariage, à condition de
travailler aux Digues de la Neva pendant
l'hyver.
Il eft arrivé à Mofcou un Envoyé Extraor
dinaire du Prince Thamas , fils du dernier Roy
de Perfe , avec une fuite de trente à quarante
Perfans.
EXTRAIT d'une Lettre de M. Delifle,
écrite de Petersbourg le 3. Janvier
1 .
1730.
Leer la Melle & le Te Deum en Mufique dans E 9. du mois de Novembre , j'ai fait char
' Eglife
Catholique , en action de graces de
T'heureux
Accouchement de la Reine , & de
ja Naiffance de
Monfeigneur le Dauphin. J'y
avois invité non feulement tous les François
qui font dans cette ville , mais encore toutes
les perfonnes de diftinction qu'il y a ici , comme
Officiers
Generaux , Amiraux , Vice- A miraux
, Contre- Amiraux , les principaux Membres
des differents Colleges , les
principaux
Marchands , & tous les
Academiciens. Toutes
ces perfonnes invitées fe font enfuite rendues le
même foir dans la maifon de l'Academie ou
elt
l'Obfervatoire , & dans laquelle je demeure.
FEVRIER. 17307 379
ré. Cette maifon qui eft ifolée , eft avantageufement
fituée au milieu de la ville , à la pointe
de l'ifle appellée Vafile Ostrou ; elle eft compofée
de deux grands Corps de logis , au inilieu
defquels eft élevé l'Obfervatoire . Toute
la maifon , percée de plus de cent fenêtres
étoit éclairée d'illuminations par des Pirami
des de lumieres pofées en dedans de chaque
fenêtre , fuivant l'ufage du pays . J'avois auffi
fait préparer un grand nombre de terrines pour
illuminer en dehors la tour de l'Obfervatoire .
dans trois rangs , les uns au deffus des autres ;
il y avoit une fort groffe boule tranfparente ,
qui devoit terminer cette illumination de la
Tour , & qui étant élevée tout au haut de
P'Obfervatoire , à plus de deux cens pieds de
hauteur , pouvoit être vûë de toute la ville
& des environs , & y montrer fur un fond
obfcur les Fleurs de Lys des Armes de France
illuminées , mais la grande tempête & le vent
qu'il fit toute cette nuit à Petersbourg , ne
permirent pas cette illumination de la Tour.
De plein pied à mon Appartement eft une
grande Salle que j'avois fait preparer pour la
Fête , elle étoit ornée des plus belles Tapifleries
de haute & baffe Liffe , au deffus defquelles
regnoit tout autour de la Salle une large
bande d'Etoffe bleue , couverte de figures , de
Dauphins & de Lys de France. La voute étoit
foûtenue par huit Colomnes, autour defquelles
j'avois fait attacher en fpirales des branches
d'arbres qui faifoient l'effet des Colonnes
torfes. Cette Salle étoit illuminée , de même
que le reste de la Maifon , en Piramides de
lumieres dedans l'embrafure de chaque fenêtre.
Outre cela dans les deux fonds , par lefquels
cette Salle eft contiguë au refte de la
Hv Maiſon,
380 MERCURE
DE FRANCE .
Maifon , & dans lefquels il n'y a point de fe
nêtres , il y avoit fur le mur quatre autres
plus grandes Piramides de lumieres , & entre
ces Piramides , fur chaque fond , on voyoit
en haut comme dans un enfoncement un
grand Tableau tranſparent , fur lequel étoient
peintes des Devifes qui convenoient au fujet.
Celui de ces Tableaux qui étoit le premier vû
en entrant , reprefentoit le fujet de la Fête.
Les deux Anges qui fervent de Support aux
Armes de France , y étoient reprefentez en
pied ; & au lieu de foûtenir l'Ecuffon , ils recevoient
des Cieux un Enfant richement em
mailloté & accollé de l'Ordre du S. Efprit ,
avec cette Infcription : Calefti munere lata
Gallia. La Traduction en Rufle étoit au bas.
Du côté oppofé , fur un Tableau de même
grandeur , étoit reprefenté un Dauphin autour
du Sceptre Royal de France , lequel fe
terminoit en Ancre , avec cette Infcription :
Spes faufta futuri , la Traduction en Ruffe
étoit au bas . Au fond de la Salle il y avoit
une grande Table de cent Couverts , dreffée
en fer à cheval , & aux deux côtez vers le
bas , deux autres Tables de 25. Couverts chacune;
enfin vers le plus bas de la Table étoit
un Amphitheatre de Muficiens , partagé en 2.
Choeurs entre lefquels on paffoit fous un
Berceau de verdure , pour entrer dans la Salle.
Cette entrée étoit gardée par deux grands Grénadiers
de la Garde de S. M. il y en avoit 28.
autres à l'entrée de la maifon & de mon appartement
. Entre l'Amphitheatre
des Muficiens
& les Tables il y avoit encore un fort
grand efpace vuide pour la Danfe , fans incommoder
le Service des Tables , pour lequef
il y avoit deux grands Buffets dreffez aux deux
côtez
FEVRIER . 1730. 581
côtez de la Salle. J'avois fait fervir fur les
Tables une Collation en Ambigu , laquelle
faifoit un fort bel effet par le grand nombre
de bougies qui étoient fur ces Tables dans
des flambeaux de criftal. Toutes les Piramides
qui étoient auffi de criftal étoient ornées de
feurs naturelles & artificielles ; toutes les
viandes étoient jonchées de Bouquets de lauriers
naturels , dorez & argentez par les extremitez
; j'avois auffi fait reprefenter fur cette
Collation , autant que l'on avoit pû , des figures
de Dauphins & de Fleurs de- Lys , fur les
Tourtes , les Pâtez , & dans les Candits.
Il y avoit au haut de la plus grande Piramide
, qui étoit placée au milieu de la plus
grande Table , un groupe de plufieurs figures
de relief , en cire , de près d'un pied de hauteur
, dorées , & les Draperies argentées. La
principale figure étoit debout , & reprefentoit
la France , ayant le Manteau Royal , & la
Couronne de France. Elle tenoit fur fes bras
un Enfant nud , qui reprefentoit le Dauphin.
Au bas étoit un petit Amour , qui mettant les
pieds fur un Carreau femé de Fleurs de Lys ,
cherchoit à s'élever pour prefenter à l'augufte
Enfant la Couronne du Dauphin , &
fe Cordon de l'Ordre da S. Efprit . Ce groupe
qui étoit artiftement entouré des plus belles
Fleurs naturelles & artificielles , étoit furmonté
d'une Arcade de feuilles de Lauriers ,
dorées & argentées. Au haut de cette Arcade
étoit une grande Fleur- de- Lys de Sucre candi
tranfparante , qui à la clarté des lumieres paroiffoit
d'or. Aux deux côtez , fur les pinces
du Fer à cheval , étoient deux autres figures
de même matiere , dorées & argentées de la
même maniere ; l'une reprefentoit la Paix, &
H vj l'autre
382 MERCURE DE FRANCE :
L'autre l'Abondance , avec leurs attributs, pour
marquer que cette Naiffance étoit arrivée dans
la Paix & l'Abondance. J'avois auffi fait mettre
fur la Tapifferie du fond de la Salle les
Portraits du Roy & de la Reine . Enfin
fur le bas de la Nappe du milieu de la grande
Table , on voyoit les Armes du Dauphin ,
peintes en grand . Voilà quelle étoit la difpofition
de la Salle , dont on ne fit l'ouverture.
qu'après que toute la Compagnie fe fût aflemblée
dans mon Appartement.
Les Amiraux & autres Officiers Generaux,
à mesure qu'ils arrivoient par cau dans leurs
Barques , étoient annoncez par les Timballes
& les Trompettes , & étoient reçus , les Grenadiers
étant fous les armes , & leur Lieute
nant à leur tête . Lorfque la Compagnie fut
route affemblée , & qu'au fortir de mon Appartement
elle entra dans la Salle où les Muficiens
la reçurent par un Concert de tous leurs
inftrumens , elle y fut agreablement furprife
de l'éclat de toutes les lumieres & de la bellé
difpofition de la Saile , que chacun prit plaifir
de voir plus d'un quart d'heure avant que de fe
mettre à table. Chacun s'étant enfuite placé
fuivant fon rang , & les Dames ayant été con
duites par les perfonnes les plus diftinguées ,
Te Repas fut accompagné de la Mufique , qui
joua les plus belles Sonnates , & autres Airs
choifis. L'on y but les Santez de Leurs Majeftez
& de Monfeigneur le Dauphin , au fon
des Timballes & des Trompettes , & enfuite
Toutes les autres Santez , fuivant la coutume
du pays , comme celles du haut Miniftere , de
l'Ainirauté , & de la Generalité , des fideles
Serviteurs , des Abfents , &c. J'y fis fervir
avec profufion les meilleurs vins du Rhin , de
Bour
FEVRIER . 1730. 385
Bourgogne & de Canarie , faifant donner à
chacun celuy qu'il fouhaittoit , & autant qu'il
en vouloit. Après la Collation le Bal fut ou
vert par M. le General Major Teffin , Envoyé
du Duc de Holftein , qui danfa avec la fille
de l'Amiral Sivers . On danſa non- feulement
dans la grande Salle , mais auffi dans les au
tres Chambres de mon Appartement , & je fis
fervir pendant le Bal tous les Rafraîchiffemensque
l'on fouhaittoit. J'y avois aufli fait dreffer
des tables pour ceux qui vouloient fumer ou
chanter , où boire de la Ponche , à la maniere
Angloife , afin que rien ne manquat dans cette
Fête , qui a duré jufqu'au lendemain huit heures
du matin , avec une telle fatisfaction de
tout le monde , que plufieurs perfonnes ont
affuré qu'il n'y avoit point encore eu jufqu'alors
à Petersbourg une Fête plus belle & mieux
ordonnée.
M. Delife , Aftronome , de l'Academie
Royale des Sciences de Paris , Lecteur &
Profeffeur au College Royal de France , de
Ja Societé Royale de Londres , & de celle de
Pruffe , alla à Petersbourg il y a quatre ans,
avec la permiffion du Roy , pour y travailler
avec plufieurs autres Sçavans , à un Obfervatoire
& à une Academie des Sciences que le feu
Czar avoit commencé d'y établir.
ALLEMAGNE .
E 28. du mois dernier , on celebra à Vien
Lne, dans l'Eglife du Monaftere Royal des
Religieufes de Sainte Claire , l'Anniverfaire de
la Reine , Epoufe du Roy de France Charles
IX. qui étoit fille de l'Empereur Maximilien
II. & Fondatrice de ce Monaftere.
Les
384 MERCURE DE FRANCE .
Les troupes que l'Empereur a refolu d'en
voyer en Italie au Printemps prochain , confiftent
en 16. Bataillons , deux Compagnies de
Cuicaffiers , & 78. Efcadrons.
On écrit de Dannemarck qu'on a arrêté
deux foldats , foupçonnez d'être les auteurs
d'un terrible meurtre qui s'eft commis depuis
peu dans la maifon d'un Chaffeur du Roy , ま
4. lieues de Coppenhague. Le Chaffeur , fa
femme , fon pere , deux enfans & la fervante
y ont été cruellement maffacrez à
coups de hache , par trois hommes deguifez ;
un garçon de fept ans , qui au bruit qu'on faifoit
, s'étoit caché fous un four , a eu le bon◄
heur d'échaper de leurs mains , & en a fait le
#apport à la Juſtice.
Ο
ITALIE.
N écrit de Livourne que l'Agneau blanc ,
Vaiffeau Hollandois , y étoit arrivé le
mois dernier , venant du Levant , après s'être
échapé heureuſement d'un Corfaire d'Alger
qui s'en étoit emparé , fous pretexte que fon
Paffeport étoit trop vieux. Douze Turcs devoient
le conduire à Alger ; mais une tempête
étant furvenue fort à propos , & ce Batiment
ayant perdu le Corfaire de vue , dix
Matelots Hollandois qui étoient reftez fur ce
Navire , attaquerent les douze Turcs , en tuerent
fix , & fe rendirent maîtres des autres.
Le Comte d'Almenera , ci - devant Viceroy
de Sicile , qui étoit allé à Rome pour entrer
dans les Ordres , reçut le Dimanche 15. Janvier
le Diaconat , & le lendemain le Pape lui confera
l'Ordre de Prêtrife.
On a publié à Florence une Ordonnance du
Grand
FEVRIER. 1730 385
Grand Duc , portant deffenfes de fe mafques
avant quatre heures du foir , & de l'être en
core après huit , comme auffi de commettre
aucune irreverence devant les Eglifes , & aucun
defordre aux Spectacles & Feftins publics.
La Republique de Luques a fait offrir une
penfion confiderable à 'M. Servioni , s'il veut
fe demettre de l'Evêché de cette ville , auquel
le Pape l'a nommé . Il a demandé le confenfentement
de Sa Sainteté , pour fe determiner
à accepter cette offre , & on croit qu'il lui fera
accordé pour ne pas compromettre le S. Siege
avec cette Republique , qui veut abfolument
avoir un Ecclefiaftique Luquois pour fon Evêque.
Le 29. Janvier , le Chapitre de S. Pierre fit
celebrer la premiere Meffe folemnelle qu'il a
fondée , pour demander à Dieu la confervation
de la fanté du Pape , & le repos de for
ame après la mort , en reconnoiffance de ce
que Sa Sainteté a dechargé let Chanoines du
payement d'une fomme confiderable qu'ils de
voient à la Chambre Apoftolique.
La Ceremonie de la Beatification du Venerable
Pierre Fourier , Curé de Matincourt
Fondateur des Chanoines Reguliers de la
Paix , fe fit ce même jour dans l'Eglife de faine
Pierre , avec la folemnité accoutumée.
Le Gouverneur de Milan a donné ordre &
tous les ouvriers aufquels on avoit permis
de travailler à leurs ouvrages dans les Corpsde
-Garde de la Porte Tofa , d'en emporter
leurs métiers , pour faire place aux troupes
Imperiales qu'on attend inceffamment à Milan
On écrit de Genes que le 24. du mois dernier
M. Marie Balbi y avoit été élu Doge de
cetto
386 MERCURE DE FRANCE.
cette Republique , à la place de M. Grimaldi ,
dont les deux années étoient expirées.
ESPAGNE
12:
Na apris de Seville , que les Fêtes que
le Corps de Ville devoit celebrer pour
l'heureux Accouchement de la Reine , & la
Naiffance de l'Infante Dona Maria Antoinette
Ferdinante , commencerent le Janvier
au matin , dans la Place de S. François , qu'on
avoir ornée de magnifiques Tapifferies , par la
Courfe de dix Taureaux qui furent attaquez
par des homme à pied , & par quelques
Cavaliers armez de lances : les uns & les autres
s'en acquitterent avec beaucoup d'adreffe .
Vers les deux heures aprés Midy , le Roy
& la Reine , accompagnez du Prince & de la
Princeffe des Afturies , des Infants Don Car
los , Don Philippe & Don Louis , & de l'In .
fante Dona Marie Therefe , fe rendirent aux .
balcons de l'Hôtel de Ville , fuivies des Officiers
de leurs Maifons , des Dames de la Cour,
& efcortées par les Gardes du Corps & la
Compagnie des Hallebardiers de la Garde : les
Regimens des Gardes Espagnoles & Walones
étoient en haye & fous les armes . Auffi tốt
que Leurs Majeſtez parurent on commença la
Courfe des Cannes , huic Quadrilles compofées
chacune de quatre Cavaliers, & diftinguées par
la couleur des habits & par fes Deviles étant
entrées dans la Place , fe diviſerent en deux
Corps ou Elcadrons , dont le premier avoit
pour Parrain Don Rodolphe Acquaviva , &
l'autre le Marquis de Monte- Suerte. Le premier
Parrain étoit fuivi de vingt- quatre Laquais
vêtus en Efclaves Negres , avec des chaînes ,
>
des
FEVRIER . 1730 387
des grelots & des menotes dorées , des brode
quins & des turbans. Le fecond avoit à fa
fuite un pareil nombre de Laquais vêtus en
Huffarts , avec des bonnets d'hermine & des
fabres outre cette fuite chaque Parrain avoit
encore huit Laquais de fa livrée très - bien
montez , & cette Marche étoit terminée par
féize chevaux de main des Cavaliers qui compofoient
les Quadrilles , conduits par leurs
Laquais , de differentes livrées , & precedez
les uns & les autres de Clairons & de Tim
bales.
Les Parrains ayant donné le fignal , les Quadrilles
coururent les Cannes avec beaucoup
d'agilité & d'adreffe : enfuite les Cavaliers firent
faire l'exercice à leurs chevaux , & la
Fête fut terminée ce jour- là par une Courfe
de fept Taureaux .
Le lendemain matin il y eut une Courſe
d'onze Taureaux , & l'après - midy le Roy &
la Reine , les Princes & Princelles de la Famille
Roiale , étant retournez à l'Hôtel de
Ville avec la même fuite que le jour prece
dent , Don Nicolas de Toledo , Don Simon
de Legorbura , & Don Antoine de Bertendona
, tous trois natifs de Seville , & fuivis
chacun de cinquante Laquais de leur livrée ,
entrerent dans la Place , où ils attaquerent
quinze Taureaux avec tant de vivacité , que
Le Roy voyant le danger où ils s'expofoient
leur ordonna de fe retirer ; cette feconde Fête
fut terminée par fept autres Taureaux, que
de
jeunes gens du peuple attaquerent à pied.S.M.
a été fi fatisfaite de l'adreffe des trois Cavafiers
dont on vient de parler , qu'elle les a
fait fes Ecuyers , avec les mêmes appointemens
dont joüiffent ceux qui font en charge
depuis plufieurs années.
PORTU
388 MERCURE DE FRANCE.
PORTUGAL.
Left entré dans le Port de Lisbonne dans
le courant de l'année derniere $ 34 . Navie
res Marchands fçavoir 54. François , 301 .
Anglois , y compris les Paquebots , 52. Hol
landois , 16. Efpagnols , 8. Imperiaux , 11
Suedois , 6. Danois , 10. Hambourgois , 3.
Maltois , 2. Genois , un Navire de Lubec, &
71. Portugais.
GRANDE BRETAGNE .
L s'eft formé à Londres une Compagnie qui
a obtenu des Lettres Patentes pour faire fa
briquer des Tapifleries de Hauteliffe , femblables
à celles de Bruxelles .
On affure qu'on doit prefenter un Bill au
Parlement , pour fixer les gages des domef
tiques , & pour empêcher que les jeunes
gens les mieux faits ne quittent les campa
gnes pour venir fervir dans la Ville.
Deux Officiers , dont l'un eft Major General
, & l'autre Lieutenant dans le Regi
ment des Gardes , ayant pris querelle au
Bal du Theatre du Marché au foin , allerent
des jours paffez fe battre en duel à Hideparc.
Its fe tirerent d'abord deux coups de piftolet
chacun fans fe bleffer ; & étant defcendus de
cheval pour mettre l'épée à la main , ils furent
feparez par la Garde du Parc. Deux Officiers
Generaux qui font leurs amis communs , ont
promis au Roy de les reconcilier .
Les Seigneurs ont prefenté une Adreffe au
Roy, pour remercier Sa Majefté de ce qu'elle
a bien voulu leur communiquer le Traité de
FEVRIER. 1730. 389
Paix , d'union & d'alliance deffenfive , conclu
à Seville le 9. Novembre dernier , & pour
l'affurer qu'après l'avoir examiné , ils ont
trouvé qu'il contenoit toutes les ftipulations
neceffaires pour le maintien & la fureté de
Phonneur , de la dignité , des droits & poffeffions
de cette Couronne , & que toutes les
precautions neceffaires y font prifes pour l'avantage
du commerce de ce Royaume , & la
reparation des pertes que les Marchands Anglois
ont fouffertes pendant le temps des hoftilitez.
La refolution de prefenter cette Adreffe
au Roy , avoit paffé le jour précedent à la
pluralité de foixante dix - neuf voix contre
trente ; mais deux jours après vingt quatre
des Seigneurs , qui s'y étoient oppoſez , protefterent
contre elle , & firent enregistrer leur
proteftation.
*******************
MORTS DES PAYS ETRANGERS
E Prince Menzicoff mourut le 2. du mois
LeNovembre dernier en Siberie,, où cet
ancien Miniftre duCzar avoit été relegué depuis
fa diſgrace.
On a reçu avis que le Czar étoit mort de
la petite verole , à Mofcou , dans la quinziéme
année de fon âge , étant né le 22. Octobre
1715. Il avoit été proclamé Czar le 25
Fevrier 1727.
Le Pape Benoît XIII . mourut à Rome le 11
Fevrier , à 4 heures après midi. Sa S. avoit
tenu le 8 un Confiftoire, dans lequel Elle avoit
fait Cardinal M. Alamanno Salviati , qui a été
Nonce Extraordinaire en France en 1708.
DESCRIP
$90 MERCURE DE FRANCE.
XXX*XX:XXXXX XXXXX
DESCRIPTION de la Fête & du
Fen d'Artifice tiré fur la Riviere , à
Paris , entre le Pont - Neuf & le Pont
Royal , au fujet de la Naiffance du
DAUPHIN , par ordre du Roy d'Efpagné
, & par les foins de MM. le Marò
quis de Santa Cruz & de Barrenechea ,
Ambaffadeurs Extraordinaires & Plenipotentiaires
de S. M. Catholique.
I ve-
Es préparatifs immenfes & la dépenſe ve
ritablement Royale de cette fuperbe Fête
dans l'execution de laquelle on a , pour ainfi
dire , forcé la nature , & furmonté tous les
obftacles de la Saifon , méritent bien que le
Mercure de France en parle d'une maniere à
en pouvoir donner une idée à ceux qui n'ont
pas été à portée de voir un fpectacle auffi
éclatant , lequel a parfaitement répondu aux
ordres que M M. les Ambaffadeurs d'Efpagne
avoient reçûs du Roy , leur Maître , S. M. C.
ayant voulu à l'occafion de cet heureux évenement
, exprimer avec pompe dans la Capi
tale du Royaume , fes tendres fentimens pour
le Roi , fon Neveu , & mêler ſa joye avec
celle de toute la France.
On fçait affez les marques de joye qu'ont
fait paroître le Roi & la Reine d'Efpagne de
l'heureux Accouchement de la Reine ; mais
quelques brillantes & genérales qu'ayent été
les Fêtes qu'on a données dans leurs Etats à
cette
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FEVRIER . 1730. 391
cette occafion , elles n'ont pas encore éré pros
portionnées à ce que L. M. C. ont fenti dans
le coeur.
M M de Santa - Cruz & de Barrenechea ont
agi avec tant de fagacité , tant de grandeur
d'ame , de difcernement , de goût , & fur tour
avec tant de zele pour le fervice de S. M. C,
qu'il a refulté de leur application & de l'étenduë
de leurs lumieres , une éclatante Fête,
où la grandeur , la varieté & la magnificence
ont également regné,
L'Hôtel de Bouillon , fitué fur le Quai des
Theatins , vis- à- vis le Louvre , que le Duc de
ce nom a bien voulu prêter , avec la nobleffe
& les manieres qui font ordinaires aux perſonnes
de fon rang , a fervi de principale Scene.
C'étoit comme le centre de la Fête & du
fpectacle , qui fut heureufement favorisé d'une
très -belle nuit.
Le 24. Janvier , à fix heures du foir , toutes
les Illuminations parurent dans l'éclat &
dans le brillant qu'il eft plus aifé de s'imaginer
que de décrire. La Façade de l'Hôtel
de Bouillon préfentoit aux yeux fept Porques
de lumières ; on lifoit au - deffus de celui
du milieu , qui étoit formé par la porte
de l'Hôtel , une Infcription Latine qui mar
quoit l'union & le bonheur de la France &
de l'Espagne. Les ceintres des Portiques étoient
decorés alternativement par des Dauphins de
relief entrelaffés , & par les Chifres du Roi ;
le tout réhauffé d'or . Le vuide des Portiques
étoit occupé par des Emblêmes peintes en
camayeux , dans des Médaillons ornés de guirlandes
. Au premier à droite , la France étoit
repréfentée fous la figure d'une belle femme,
qui montre à l'Efpagne le Dauphin entre les મે
bras
392, MERCURE DE FRANCE .
bras de Lucine. Ce Vers d'Ovide étoit au bas
Jam noftrum curvi norunt Delphines amorem,
Au deuxième Portique , à gauche , l'Eſpa
gne montroit à la France le jeune Dauphin ,
armé d'un cafque & d'une cuiraffe que l'Amour
conduit , & lui préfente. Et ce Vers de
Properce.
Sed tibi fubfidio Delphinum currere vidi.
Les deux Portiques enfuite n'attiroient pas
zant les regards ; mais en revanche les gofiers
alterés y couroient avec grand empreffement
; car de deux mufles de Lion dorés ,
couloient deux Fontaines de vin pour le
peuple.
>
On voyoit au Médaillon du troifiéme Portique
un Coq fimbole de la France > qui
' addreffoit au Lion , fimbole de l'Espagne ,
& ce Vers d'Ovide. Metamorphof.
Nunc duo concordes anima vivemus in unâ.
L'amour qui entre dans cet Emblême , lie
enfemble le Coq , le Lion & le Dauphin.
Sur le dernier Portique de la gauche , un
Lion paroiffoit donner au Coq des affurances
d'une fincere amitié par ce Vers de Virgile.
Difpeream fi te fuerit mihi charior alter.
L'Amour au bas avec un Dauphin à fes
pieds , gravoit ces paroles fur le marbre &
fur l'airain pour en marquer lá folidité & la
fincerité.
Un entablement formé par des Lampions ,
regnoit
FEVRIER. 1730 393
regnoit fur les Portiques ; il étoit furmonté
par une Galerie découverte , dont la Baluftrade
étoit formée par des Girandoles d'une fi-.
gure agréable ; l'Architecture de toute la Façade
de l'Hôtel de Bouillon étoit ingénieufement
deffinée par des Lampions , & enrichie
de Luftres & de Girandoles aux Trumeaux
, dans les Croifées & fur les Combles .
On voyoit fur la principale porte un Dauphin
de relief , en marbre blanc , rehauffé
d'or & couronné , accompagné de Lys , repréfentés
en lumiere ; à quoi on a cru pou
voir appliquer ce Vers d'Ovide :
facra progenies digna parente tuo.
L'interieur de la Cour étoit auffi illuminé.
non feulement par des Chambranles à toutes
les Croifées jufqu'à celles des deux aîles qui
rendent fur le Quay , mais encore jufques fur
le faîte du Bâtiment où l'on avoit placé des
Girandoles & des Pots à feu.
D'autres Portiques de lumieres décoroient
encore le pourtour de cette Cour. On lifoit
au-deffus de celui du milieu , où eft la Porte
d'Entrée , cette Infcription tirée d'un Vers de
Properce.
Luceat & tota flamma fecunda domo.
A l'applomb de cette porte , fur les Com
bles , on avoit élevé une Tour lumineufe ,
faifant allufion aux Tours de Caftille ; elle
étoit acompagnée des Chiffres & du principal
Attribut des Armes de Philippe V.
Toute l'ordonnance de cette Illumination
a été conduite par le S. Beaufire , le fils .
Ar394
MERCURE DE FRANCE .
Architecte de la Ville de Paris , qui en a
donné les Deffeins .
La furface de la Riviere , vis - à- vis l'Hôtel
de Bouillon , offroit un fpectacle d'une autre
efpece , dont les yeux étoient également enchantés
& éblouis. C'étoit un vafte Jardin ,
de l'un à l'autre Rivage du Fleuve , qui à
cet endroit a environ 90 toifes de large , fur
un espace de 70. dans fa longueur. La fituation
étoit des plus magnifiques & des
plus avantageufes , étant naturellement decorée
par le Quay du College des Quatre
Nations d'un côté , par celui des Galleries du
Louvre de l'autre , & aux deux bouts , par
le Pont Neuf & par le Pont Royal.
Deux Rochers ifolés ou Montagnes efcarpées
, Simbole des Monts Pirennées , qui
féparent la France de l'Efpagne , formcient
le principal objet de cette pompeufe décoration
au milieu de la Riviere. Les deux
Monts étoient joints par leurs Bafes fur un
Plan d'environ 140. pieds de long , für 60.
de large , & feparés par leur cime de près
de 40. pieds , ayant chacun 82. pieds d'élevation
au deffus de la furface de l'eau &
des deux grands Bateaux fur lefquels tour
P'Edifice étoit conftruit.
On voyoit une agréable varieté fur ces
Montagnes , où la nature étoit imitée avec
beaucoup d'art , dans tout ce qu'elle a d'agrefte
& de fauvage . Dans un endroit c'étoient
des crevafles avec des quartiers de Rochers
en faillie ; dans d'autres , des Plantes & des
Arbuftes , des Cafcades , des Napes & chutes
d'eau , imitées par des gafes d'argent ,
des Antres , des Cavernes & c. Il y avoit
tout au pourtour , à fleur d'eau , des Sirenes,
›
-dey
FEVRIER . 1730.
des Tritons , des Nereides & autres Monf-
395
tres marins.
A une certaine diſtance , au- deffus & alldeffous
des Rochers , en voyoit à fleur d'eau
deux Parteres de lumieres qui occupoient
chacun un espace de 18. toifes fur i dont
les bordures étoient ornées
alternativement
d'Ifs & d'Orangers , avec leurs fruits , de
12. pieds de haut , chargez de lumieres. Le
deffein des Parteres étoit tracé & figuré d'une
maniere variée & agreable par des Terrines,
par du gazon & du fable de diverfes couleurs.
Du milieu de chacun de ces Parteres s'éle
voient des efpeces de Rochers jufqu'à la hauteur
de 15. pieds , fur un Plan de 30. pieds
fur 22. On avoit placé au deffus une Figure
Coloffale , bronzée en ronde boffe de 16.
pieds de proportion . A l'un c'étoit le Fleuve
du Guadalquivir , avec un Lion au bas. On
Lifoit en Lettres d'or, fur l'Urne de ce Fleuve,
ces deux Vers d'Ovide :
>
Non illo melior quifquam , nec amantior aqui
Rex fuit aut illa reverentior ulla Dearum.
Et à l'autre Partere c'étoit la Riviere de
Seine avec un Coq. On voyoit fur l'Urne ,
d'où l'eau du Fleuve paroiffoit fortir en gaze
d'argent , ces Vers de Tibulle :
Et longè ante alias omnes mitiffima mater
Ifque Pater , quo non alter amabilior.
Aux deux côtez des Parteres & des deux
Monts regnoient fix Platebandes fur 2. lignes
auffi à fleur d'eau , ornées & decorées dans
I lc
396 MERCURE DE FRANCE .
le même goût des Parteres . Les trois de chaque
côté occupoient un espace de plus de
cent pieds de long fur 15. de large .
Deux Terraffes de charpente , à doubles
Rampes de 20. piés de haut , étoient adofiées
aux Quais des deux côtez , & fe terminoient
en Gradins jufques fur le rivage. Elles regnoient
fur toute la longueur du Jardin , &
occupoient un terrain de 408. piés fur la même
ligne , en y comprenant une fuite de Decorations
ruftiques , qui fembloient fervir d'appuy
à ces deux grand's Perrons , le tout étoit garni
d'une fi grande quantité de Terrines , que les
yeux en étoient éblouis , & les tenebres de la
nuit entierement diffipées . Le mouvement des
lumieres , qui en les confondant leur donnoit
encore plus d'éclat , faifoit un tel effet à une
certaine diftance , qu'on croyoit voir des Napes
& des Caſcades de feu dont les Spectateurs
étoient enchantez .
9
* Entre ces Terraffes lumineuſes & le brillant
Jardin , à la hauteur des deux Montagnes , on
avoit placé deux Bateaux de 70. piés de long
für 24. de large , d'une forme finguliere &
agréable , ornez de fculpture & dorez. Dumilieu
de chacun de ces Bateaux , s'élevoit une
efpece de Temple Octogone , couvert en maniere
de Baldaquin , foutenu par huit Palmiers
avec des Guirlandes , des Feftons de Fleurs
& des Luftres de criftal . Les Bateaux étoiene.
remplis de Muficiens pour les fanfares qu'on
entendoit alternativement. Les Timbales , les
Trompettes, les Cors de Chaffe , les Hautbois
frappoient agréablement l'oreille.
Sur la partie la plus élevée du Temple , placé
du côté de l'Hôtel de Bouillon , on lifoit ce
Vers de Tibulle.
Omnibus
FEVRIER.
397 1730:
Omnibus ille dies femper natalis agatur.
Pour Infcription fur l'autre Temple du cô
té du Louvre , on lifoit cet autre Vers du même
Poëte.
O quantum felix , terque quaterque dies .
Le fommet de ces deux magnifiques Gon
doles étoit terminé par de gros Fanaux & par
des Etandarts , fur lefquels on avoit reprefenté
des Dauphins & des Amours.
Les quatre coins de ce vafte , lumineux &
magnifique Jardin , étoient terminez par 4 .
brillantes Tours , couvertes de Lampions
plaques de fer-blanc , qui augmentoient conderablement
l'éclat des lumieres , & qui pendant
le jour faifoient paroître les Tours comme
argentées. Elles fembloient s'élever fus quatre
Terraffes de lumieres , ayant 18. piés de diamettre
, fur 70, de haut , en y comprenant les
Etendarts aux Armes de France & d'Espagne ,
qu'on y avoit arborez , à un petit Mât charge
d'un gros Fallot .
C'eft du haut de ces Tours que commença
une partie de l'artifice de ce grand Spectacle ,
après que le fignal en eut été donné par une
décharge de Boëtes & de Canons , placez fur
le Quay du côté des Thuilleries , & après que
les Princes & Princeffes du Sang , les Ambaf
fadeurs & Minitres Etrangers , & les Seigneurs
& Dames de la Cour , invitez à la Fête,
furent arrivez à l'Hôtel de Bouillon.
On vit partir en même tems de ces Tours
les Fufées d'Honneur , & enfuite quantité
d'autres Artifices , Soleils fixes & tournans
I ij Gerbes ,
358 MERCURE
DE FRANCE
.
Gerbes , & c. après quoi commença le Spectacle
d'un Combat fur la Riviere , dans les intervales
& les allées du Jardin , de douze
Monftres Marins , tous differens , figurez fur autant
de Bateaux de plus de 20. piés delong, d'où
on vit fortir une grande quantité de Serpenteaux
, de Grenades , Balons d'eau , & autres
Artifices qui plongeoient dans laRiviere, & qui
en reffortoient avec une extrême viteffe , prenant
differentes formes , comme de Serpens ,
&c.
•
Pour troifiéme Acte de cet agreable Spectacle
, on fit partir d'abord du bas des deux
Montagnes , & enfuite par gradation, des Saillies
, des Crevaffes , des Cavitez , & enfin
du fommet des deux Monts une très- grande
quantité d'Artifice fuivi & diverfifié , ce qui
devoit former comme deux Montagnes de feu
dont l'action n'étoit interrompue que par des
Volcans clairs & brillans , qui fortoient à plufieurs
repriſes de tous côtez & du fommet des
Rochers . Les intervales des differens tems auf
quels les Volcans partoient , étoient remplis
par des Fougades très - vives par le grand
nombre & par la fingularité des Fufées. La
fin fut marquée par plufieurs Girandes.
• Après que les yeux d'un grand nombre , ou
plutôt d'un monde de Spectateurs , eurent été
affez long- tems & affez agreablement occupez
de ce qui fe paffoit dans l'air , la furface des
eaux attira tous les regards. On la voyoit par
intervales prefque entierement couverte d'ar
tifice ; Dauphins brillans qui s'élevoient & fe
replongeoient, & mille autres Figures animées
& éclatantes , Jets deau , ou plutôt de feu ,
& Gerbes flotantes fur des plateaux , qui fai
foient un agreable contraſte , par leur état pai,
fible
FEVRIER. 1730. 399
fible , avec la vivacité & le bruit éclatant des
autres feux ; enfin on auroit dit qu'il n'y avoit
plus d'antipatie entre le feu & l'eau , & que
ces deux Elemens fi oppofez , s'étoient réunis
pour faire un charmant badinage en faveur de
cette fuperbe Fête.
Après tout l'Artifice, terminé par une feconde
falve de Canon , il devoit fortir une lumiere
éclatante du centre des deux Montagnes
, pour défigner un Soleil- Levant , de 32 .
pieds de diamettre , & refter fixe fur fon horifon
, avec ces mots d'ovide au tour du Diſque
Nubila disjecit. Et en même- tems s'élever un
Arc-en- Ciel de 40 piés d'ouverture , très vif
& crés lumineux , avec fes couleurs naturelles ,
& la Déeffe Iris au - deffus , les deux extremitez
liant les fommets des Montagnes , ce qui
fera plus fenfible dans la Planche cy jointe.
Cette Infcription faifois allufion au Traité
d'Alfiance conclu depuis peu .
1
Eterna ftat Concordia Regum.
Toute l'Ordonnance de ce Spectacle fur l'a
Riviere , dont les Ambaffadeurs Plenipotentiaires
d'Espagne ont fourni les penſées , a été
conduite & deffinée par le fieur Servandoni
Florentin , Peintre & Architecte , premier
Peintre de l'Academie Royale de Mufique ,
très-connu par beaucoup d'autres Décorations
d'un excellent gout , qu'il a heureufement
faites , en Italie , en France , & en Angle
terre. Toutes les Illuminations ont été executées
fur fes Deffeins , par les fieurs Berthelin
& Gerard , Chandeliers Illuminateurs ordinaires
des plaifirs du Roy. Quelques Lampions
à Plaque qu'ils ont nouvellement imaginés
, ont fait beaucoup d'effet.
1 iij
Nous
г
400 MERCURE DE FRANCE .
Nous n'entreprendrons point de donner une
idée de la vûë admirable que produifoit la
foule des Spectateurs de tous états , de tout
âge & de tout fexe , dans des Bateaux fur la
Riviere , fur les deux Quais & fur les deux
Ponts , fur les Terraffes , les Balcons & aux
fenêtres du Louvre , des Hôtels & des Maifons
des deux côtez ; moins encore du coup d'oeil
magnifique , éclatant & tout à fait fuperbe de
la Galerie de l'Hôtel de Bouillon , & des Ter
raffes en Amphitheatre qui s'y joignoient ,
couverts & ornez d'une maniere convenable ,
où étoient placez tous les Princes , Princeffes,
Seigneurs & Dames invitez à la Fête , tous
en habits neufs magnifiques , qui , à l'envi , fe
difputoient la richeffe , le gout & la magnificence
, & dont plufieurs , avec tout ce qu'on
peut employer de dorures , de broderies & de
fuperbes Eroffes , étoient encore enrichis de
Garnitures complettes de Pierreries .
Dans la Galerie du grand Appartement de
l'Hôtel de Bouillon , on avoit dreffé un Théatre
très - bien décoré par le fieur Servandoni ,
& difpofé d'une maniere convenable aux fi
ches ornemens de la Galerie , dont les Spectateurs
occupoient les deux tiers . Le Rideau du
Théatre prefentoit aux yeux un Lion , un
Dauphin & des Amours , fur un Globe Ter
reltre , avec quelques attributs de la Fête. On
Hifoit au- deffus : Virg. Egl.
Clara Deum foboles
Afpice venturo latantur ut omnia fecio.
C'eft dans cette Galerie que toute l'illuſtre
Compagnie fe rendit après tout l'Artifice , pour
y voir une Paftorale de la compofition de M. de
t
FEVRIER. 1730. 401
la Serre & un Ballet . Toute la Mufique eft de
M. Rebel , le fils , Compofiteur de la Mufique
de la Chambre du Roy. La Scene fe paffoit dans
un Payfage au pied des Pirenées . Ce Divertiffement
, generalement gouté , fut execute
par l'élite des Acteurs de l'Opera , qui ont été
gratifiez par des Bijoux d'or , d'un prix
confiderable , outre leurs habits , qui étoient
auffi riches que convenables. Le fieur Laval
avoit compofé le Ballet ; il y danfa avec le
fieur Dangeville & les Dlles Prévost & Sale :
chantoient dans la Piece. , les Dlles Antier ,
Peliffier , Le Maure , & c. & les fieurs Tribou ,
Dun , & c.
Après ce Spectacle , toute l'Affemblée ,
compofée de tout ce qu'il y a de grand par la
naiffance & par les dignitez dans le Royaume
& des Miniftres Etrangers , paffa dans le grand
Salon de 108. piés de long, fur 45. de large
& 12. d'élevation dans oeuvre , conftruit exprès
dans le Jardin , & élevé jufqu'au plein
pied du Veftibule & des Appartemens bas de
PHôtel de Bouillon.
Cette magnifique Salle , destinée à un fuperbe
Feftin , étoit percée de fept portes , trois grandes
& quatre moindres. Huit Cabinets hors
d'oeuvre de 12. pieds en quarré , diſtribuez aux
quatres Angles , & dans les intervales des côtez
, étoient deftinez pour les Bufets , pendant
le Souper & pendant le Bal. Cette Salle , éclairée
par un très - grand nombre de Luftres de
criftal & de Girandoles garnies de bougies
étoit décorée & richement ornée par le fieur
Pitois , Sculpteur & Décorateur , qui a trèsbien
réüffi , furtout dans les bas - reliefs dorez
, où l'on voyoit les attributs de differentes
Divinitez , de Bacchus , de l'Abondance , & c.
I iiij enfin
492 MERCURE DE FRANCE :
enfin on avoit fçû allier la plus grande fomp
Luofité à tout ce qui peut procurer & infpirer
la joye & la gayeté.
Les illuftres Convives priez , fe placerent à
fix tables de cinquante couverts chacune
fervies à quatre Services , en gras & en maigre,
dans la plus grande magnificence & avec autant
de délicateffe que d'abondance . Au Deffert
on but les Santéz Royales au bruit de l'Artillerie.
Deux autres tables de se couverts
chacune , furent fervies en Ambigu dans deux
Appartemens à plein pied du Veſtibule.
Après le Feftin on remonta dans la Galerie
de la Paftorale , où l'on entendit un charmant
Concert de Voix & d'Inftrumens. On y executa
le cinquième Acte de l'Opera de Phaeton,
après quoi on retourna dans le grand Salon ,
qu'on trouva préparé pour le Bal , avec fix
rangs de Gradins tout autour , fur lesquels on
ne vit jamais une feule place vuideˇjuſqu'à
fept heures du matin. Il eft aifé de comprendre.
le charmant effet que devoient faire à la clarté
vive des lumieres , la richeffe de la parure &
le brillant des Pierreries des Seigneurs & des
Dames de cette augufte Affemblée.
Vers les deux heures après minuit on
laiffa
entrer les perfonnes invitées au Bal par billet,
& peu de temps après tous les Mafques qui fe
prefenterent , ce qui rendit le Bal très - nombreux
& très- animé jufqu'au grand jour qu'on
fe retira plein d'admiration d'une fi belle Fête
& charmé des manieres nobles , & polies des
Ambaffadeurs , qui l'avoient ordonnée , & qui
en avoient fait les honneurs avec tant de dignité.
Ces Miniftres avoient donné de fi bons
ordres , que pendant tout le Bal les Rafraîchiffemens
de toutes les efpeces qu'on avoit
pü
FEVRIER. 1730 . 403
pu imaginer , dans la plus grande abondance
& la plus grande délicateffe , furent prefentez
de tous côtez , enforte qu'on n'avoit pas même
le temps de fouhaiter , & chofe affez rare
dans ces fortes de Fêres , malgré la foule prodigieuſe,
il n'eſt pas arrivé le moindre defordre.
VERS LIBRES ,
Sur le Feu d' Artifice tiré fur l'Eau , par
ordre du Roy d'Espagne , & les foins
de MM. les Ambaffadeurs à la Cour
de France.
Hier dans ces Grottes profondes ,
D'où la Seine épanche fes Ondes ,
(Qui chaque jour la gloire & l'honneur de nos
champs ,
De la Blonde Cerés augmentent les prefens )
Elle appella les Dieux foumis à fon Empire ;
Nayades , Nimphes & Tritons ,
Sont affis dans leur rang fur des fieges de joncs.
Un mal commun à tous , en ces lieux nous at
tire :
Vous le fçavez, l'hyver , dit la Reine des flots,
De nos jours tous les ans vient troubler le re
pos.
Ce n'eft plus à prefent un tranquil Zephire ,
Qui folâtre & qui rit fur le fein de mes eaux .
Non, l'Aquilon bien- tôt , toûjours prompt
me nuire ,
Arrêtera mon cou ; s & rompra mes rofeaux.
1 v C'eff
464 MERCURE DE FRANCE;
C'eft fut ce point , Tritons , qu'il faut qu'on
délibere.
Mertons -nous à l'abri des coups de fa colere ;
Voyons par quels moyens on peut s'en ga
rantir ;
Ou par quels dons enfin nous pourrons la fle
chir ;
La trifteffe à ces mots fe peint fur le vifage,
Les Nayades alors regardent le Rivage ,
Où quand le Ciel donnoit des jours purs &
ferains ,
Elles alloient au fon d'un inftrument champêtre
,
A l'ombre de quelque vieux hêtre ,
Danfer avec les Dieux Silvains .
Les Nimphes de leurs yeux laiffent couler dess
larmes ;
Les Tritons affligez n'y trouvent plus les charmes
Qui fçurent affervir leurs coeurs ;
Ainfi chacun fe livroit aux douleurs.
Quand une Nimphe accourt : helas ! en cette
place ,
Que faltes-vous ?'un mal bien plus grand nous
menace ,
Venez , Reine des flots , arrêtez les deffeins ,
Que forment contre nous des aveugles Humains
.
Allons , courons punir une main facrilège ,
Dit la Seine ... elle part en ce même moment.
Les Nimphes , les Tritons, compofent fon cor
jege :
C'est
FEVRIER 1730. 405
C'est ainsi qu'en la voit dans le vafte Ocean ,
Quand elle offre à ce Dieu les Eaux de fon
Empire .
Elle approche ... elle voit ... & fon courroux
expire.
Sur fa Suite furpriſe elle jette les yeux ;
Enfin elle applaudit d'un rire gracieux ;
Elle voit les Jardins dignes de la Nature .
Une Nayade y court fecher fa chevelure ,
L'une y cüeille à la fois & des fruits & des
fleurs ,
L'autre ne fonge plus aux cruelles rigueurs
Que l'Amant fougueux d'Orithie ,
Leur prépare dans fa furie .
L'autre fous ces Rochers va chercher le repos ;
Tandis que l'une ici contemple cet Ouvrage ,
Et, l'autre des Poiffons en embraffant le dos ,
Coupe rapidement les flots .
Les Nimphes , à l'envi , courent fur le Rivage.
Elles danfent d'un pas leger ,
-Au doux chant des Tritons qui font reten
tir l'air.
Alors la Seine les appelle ;
Courez à l'Ocean , chers Tritons, leur dit- elle;
Que fes Dieux fur ces bords fe rendent avec
vous.
Allez encore au Tage , à cet ami fidele ,
Apprendre les apprêts d'une Fête fi belle ,
Qu'il vienne partager les plaifirs avec nous,
L'Abbé Bonnot de Mably.
I vj
f
t
FRAN
456 MERCURE DE FRANCE:
tata ta ta ta tas
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E de ce mois , M. Deftouches , Su
Intendant de la Mufique du Roi , fit chanter
à Marly, devant la Reine, un Concert compofé
du Prologue du Ballet des Elemens , de
la Fête de Junon dans l'entrée de l'Air , &
de l'Acte entier de la Veftale. Le Sr Chaffé
chanta le Rôle du Deftin , & la Die Lenner
celui de Venus. Le Sr d'Angerville fit le Rôle
de Valere , & la De Antier s'attira bien des
applaudiflemens dans les Rôles de Junon &
d'Emilie. Ce Concert eut un grand fuccès ,
l'execution en ayant été parfaite.
Le 8. on chanta le Prologue & le premier
Acte d'Amadis de Grece , qui fut très - goûté ;
il a été mis en Mufique par M. Deftouches.
Le 13. on continua le même Opera par le
fecond & le troifiéme Acte , & le 15. on chanta
les deux derniers Actes . La D ¹e Antier fit le
Rôlé de Méliffe , & celui d'Amadis fut chanté
par le S Dangerville. La Reine parut très-
Contente de cet. Opera & de l'execution .
Le 20. la Reine demanda les deux derniers
Actes de l'Opera de Thefée , qui firent un
extrême plaifir On l'avoit interrompu depuis
le départ de Verfailles.
Le 27. la Cour étant de retour à Versailles ,
la Reine ordonna pour les grands Appartemens
le Prologue & le premier Acte du Ballet
des Elemens , que S. M. voulut entendre
ane feconde fois . Les Acteurs furent les mêmes,
FEVRIER. 1730. 407
mes qui avoient chanté à Marly , à l'exception
de la De Le Maure , qui chanta avec
fuccès le Rôle de Venus dans le Prologue ,
& celui de Junon au premier Acte.
, Le z . Fête de la Purification il y eut un
Concert fpirituel au Château des Thuilleries
, qui commença par le Motet Dominus
regnavit. La De Petitpas & le S Dun en
chanterent un autre en duo , de M. Du Bouffet
, & la Dile Le Maure chanta feule un
autre Motet du même Auteur . On joüa dif
ferens Concerto fur le Violon & la Flute qui
furent executés avec une grande précifion.
On finit par le beau Te Deum de M. de la
Lande , précedé d'une fimphonie de Violons,
Hautbois , Trompettes , & Timbales , de la
compofition de M. Mouret , qu'on entend toûjours
avec plaifir . Il y eut une très- nombreufe
affemblée , que le Duc de Lorraine
honora de fa préfence.
Le 8. il y eut Concert François qui a
continué tous les Mercredis du mois. On
chanta le même jour une Cantatille nouvelle
qui a pour titre Le Rhume , & la Cantate
de Pfyché , chantée par la Dle Petitpas .
La Dile Le Maure chanta le 15. une Can
tate nouvelle , intitulée L'Abſence , qui fit:
beaucoup de plaifir.
Le 8. la Loterie pour le rembourfement des
Rentes de l'Hôtel de Ville fut tirée en préfence
du Prevôt des Marchands & des Echevins
, en la maniere accoutumée . Le fonds du
fecond mois de cette année s'eft trouvé monter
à la fomme de 1319975. liv. laquelle a été
diftribuée aux Rentiers pour les Lots qui leur
font échus , conformément à la Lifte gené
rale
410 MERCURE DE FRANCE .
1
›
,
Enfuite le Roi fe leva , fe découvrit , fe
recouvrit auffi- tôt & fit couvrir le Duc de
Lorraine. Le Duc d'Orleans , le Duc de Bourbon
, le Comte de Charolois , le Comte de
Clermont le Prince de Conty , le Prince de
Dombes , le Comte d'Eu & le Comte de Touloufe
qui étoient auprès du Roi , fe couvrirent
auffi un moment après. Le Duc de
Lorraine s'étant retiré , S. M. rentra dans fon
Cabinet.
Le Duc de Lorraine retourna à Paris le
même jour , après avoir dîné chez le Cardinal
de Fleury . Le lendemain , il alla à la
Chafe avec le Roi dans la Forêt de S. Germain
en Laye , & fut enfuite traité dans le
Chateau par le Duc de Noailles qui en eft
Gouverneur .
Le 3. ce Prince accompagna le Roi à la
Chaffe du Cerf.
Le 4. il alla à la Comédie Françoise voir
la Tragédie d'Electre , & la petite Comédie du
Florentin.
Les il vit l'Opera de Thefee.
Le 6 il alla diner à Arcueil chez le Prince
de Guife , le foir à la Comédie Italienne , &x
après fon fouper au Bal de l'Opera.
Le 7. après avoir été à la chaffe avec le
Roi , & joué enfuite à la partie du Lanfquenet
de S. M. ce Prince foupa à Marli
chez le Duc de Noailles qui le traita magni
fiquement , & alla coucher à Versailles , dans
P'Appartement du Duc d'Orleans .
Le lendemain il vit les Appartemens du
Château , alla tirer dans le Parc , & vint
dejeuner à la Ménagerie , où il fut traité par
le Duc de Noailles . Il alla enfuite à S. Cyr,
pour voir la Maiſon , d'où il revint à Verfailles
FEVRIER . 1730. 411
failles pour voir le Cabinet des Médailles ,
les Pierres gravées , & les autres Monumens
rares de ce celebre Cabinet , que ce Prince
examina avec beaucoup d'attention ; il foupa
chez le Prince Charles de Lorraine.
Le 9. le Duc de Lorraine vit jouer les
eaux , alla enfuite au Manege voir les Pages
monter à Cheval , dina chez le Prince
Charles , & revint à Paris pour voir l'Opera
>
Ce Prince a vú avec beaucoup de fatisfaction
à Verſailles les Tableaux , les Antiques de
la Grande Gallerie & des Jardins , & tout ce
qu'il y a de magnifique & de Curieux dans ce
fuperbe Château ; à la Menagerie , à Trianon ,
à Marly , à Saint Germain en Laye , à Saint
Cloud , à Meudon , à la Muette , & c. Il a vû à
Paris ce qu'il y a de plus remarquable ; l'Hôtel
Royal des Invalides , l'Obfervatoire , la Sorbonne
, la Bibliotheque du Roy , la Gallerie
des Plans , l'Academie Royale de Peinture &
Sculpture , la Monnoye des Medailles , & c.
Il vit avec beaucoup de fatisfaction le Cabinet
où font confervez dans un grand ordre', un
nombre prodigieux de Quarrez & de Poincons.
M. de Côtte , Directeur de la Monnoye
des Medailles , fit frapper en fa préſence des
Medailles & des Jettons , en or & en argent.
Le Fr. S. A R. Madame la Ducheffe d'Orleans
, dont tout le monde connoît la bonté du
coeur , & la nobleffe des fentimens , ayant été
bien ajfe de procurer au Duc de Lorraine , fon
Neveu , pendant le féjour que ce Prince a fait
à Paris incognito , fous le nom de Comte de
Blamont , quelque divertiffement , ainfi qu'aux
Princeffes d'Orleans fes Filles , donna un Bal
magnifique au Palais Royal . S. A. R. avoit
fait preparer le grand Salon de fon Appartement
412 MERCURE DE FRANCE .
ment avec des Gradins à trois étages tout atttour
pour les Dames & Seigneurs qui devoient
être feulement Spectateurs , & quantité de
fieges pour les perfonnes qui devoient danfers
Ce Salon étoit orné de Luftres , de Girando-
Jes , & de Bras garnis de bougies . On n'aura
pas de peine à fe perfuader que l'Affemblée
étoit des plus brillantes , puifqu'un très grand
nombre de Seigneurs & Dames de la Cour ,
& de la Ville , de la premiere diftinction , la
compofoient. L'éclat de quantité de belles
perfonnes , la magnificence des Habits , & le
vif brillant des Pierreries dont toutes les Dames
étoient parées , faifoit un effet furprenant .
Ce Bal fans Mafques commença à fix heures
du foir , par une excellente Simphonie , cont
polée de tout ce qu'ily a de plus habile à Paris
, & finit à onze heures. Mademoiſelle de
Beaujollois en fit l'ouverture par les caracteres
de la Danfe , qu'elle danfa avec le Duc de la
Tremoille , dans la plus grande perfection ,
& avec toute l'intelligence , la jufteffe , & la
grace poffible , de même que Mademoiſelle
de Chartres dans tout ce qu'elle danfa . La
plupart des Seigneurs & Dames danſerent enfuite
plufieurs differentes Danfes , Contredanfes
, & c.
Au refte toute l'Affemblée fut extrêmement
édifiée & pleinement fatisfaite de la bonté, des
attentions & des politefles continuelles de
S. A. R. Cette Princeſſe avoit donné de fi bons
ordres , que quoique l'Affemblée fut des plus
nombreufes , tout s'eft paffé avec la plus grande
magnificence , & fans la moindre confufion.
On diftribua toute forte de Fruits , & des Rafraichiflemens
dans la plus grande abondance,
fervis par les Officiers de S. A. R. qui avec des
manieres
FEVRIER. 1736. 41-3
manieres polies prevenoient tout le monde .
Le Duc de Lorraine qui a affifté à ce Bal incognito
, a été charmé de cette belle & illuftre __
Affemblée , des Danfes , de l'ordre , du bon
goût , & c.
氟
Le 14. S. A. R. fe rendit l'après midi en fon
Château de Bagnolet , pour donner encore au
Duc de Lorraine ( qui s'y étoit rendu le même
jour ) une nouvelle Fête ; ce Prince à fon arrivée
fe promena quelque tems dans le Parc ,
où S. A. R. fe promenoit alors , cette Princelle
étoit accompagnée de Mefdemoifelles de
Beaujollois & de Chartres , de la Marquife de
Conflans , leur Gouvernante , & de plufieurs
autres Dames de fa Cour . Ce Parc qui eft
très fpacieux , eft planté avec autant de gout
que de fimetrie. Les Eaux jouerent pendant la
promenade. La Ducheffe de Nevers , à préfent
Dame d'Honneur de S. A. R. & la Marquife
de Clermont fa Dame d'Atour , refterent pendant
la promenade dans les Appartements du
Château , pour recevoir les Seigneurs & les
Dames qui arrivoient de Paris pour prendre
part à la Fête. Il y eut avant le Bal vingt Tables
de Quadrille & de Piquet. Après la Promenade
, S. A. R. rentra au Château , elle
joua au Quadrille , & le Duc de Lorraine au
Piquet. Après le Jeu on fe rendit fur le Perron,
pour voir l'Illumination de la Cour Royale
, éclairée par quantité de Luftres argentez ,
qui produifoient une clarté des plus brillantes,
L'Avant-Cour qui eft très- fpacieuſe , étoit aufli
illuminée d'un nombre prodigieux de Lampions
, de-même que plufieurs Piramides de
charpente , autour defquelles on avoit placé,
avec fimetrie , une très grande quantité de
Lampions.
A
Y
414 MERCURE DE FRANCE
A huit heures , on paffa dans le grand Salon,
éclairé par quantité de Luftres & de Girandoles.
On y commença le Bal , qui fut ouvert
par un Menuet à quatre , danfé par Mefdemoifes
de Beaujollois & de Chartres , & par
les Ducs de la Tremoille & de Bouflers , après
quoi on danfa differentes Danfes & Contredanfes
qui furent executées dans la plus grande
perfection.
A côté du Salon du Bal , on avoit préparé
une Sale à manger , parfaitement bien éclai
rée , dans laquelle on trouva trois grandes Tables
, où l'on fervit un Ambigu , compofé de
toutes fortes de Pârez froids , Jambons & autres
viandes convenables , avec autant de délicateffe
que de profufion , & de toutes fortes
de Fruits & de Patifferies legeres. Il y avoit
dans une Sale à côté , un magnifique Buffet
garni de toutes fortes de Vins , Eaux glacées ,
Vins de Liqueurs & tous les rafraîchiflemens
/ qu'on pouvoit fouhaiter , & qu'on fervit à
tout le monde en abondance jufqu'à deux heures
du matin , après quoi S. A. R. jugea à
propos de fe retirer pour donner le temps au
Duc de Lorraine , qui devoit partir le lende
main , de prendre quelque repos.
On a oublié de dire que S. A. R. toûjours
attentive à tout ce qui pouvoit rendre la Fête
plus variée & plus brillante , avoit donné ordre
de faire venir plufieurs excellens Danfeurs
Provençaux , qui danferen: plufieurs Entrées
grotesques & champêtres , d'une maniere trèsvive
& très fingulière , pendant qu'une partie
des Dames -étoient allées quitter leurs habits
de Ville , fans rien changer à leur Coëfure ,
pour prendre des Domino , dont on avoit eu
foin de préparer un grand nombres afin que
ces
FEVRIER . 1730. 41
ces mêmes Dames , habillées plus legerement
puffent danfer plus à leur aife , & auffi pour
varier les differentes couleurs des Etoffes . Les
Seigneurs n'ont point changé d'habit , & enfin
toute cette belle Affemblée fe retira très - fatisfaite
d'avoir pû prendre part à une fi galante
& magnifique Fête.
Le même jour is . le Duc de Lorraine partic
pour retourner dans fes Etats , après avoir pris
congé du Roi. S. M. lui a fait prefent d'une
très- riche Tenture de Tapiflerie, rehauffée d'or,
faite fur les Defleins de Raphaël , à la Manufacture
Royale des Gobelins,
Le Duc de Lorraine , pendant fon féjour à
Paris , a occupé le grand Appartement du Pa
lais Royal. Une Table d'environ 15. Couverts
a toûjours été fervie,foir & matin, avec la plus
grande fomptuofité & la plus grande délicateffe
, par les Officiers du Duc d'Orleans . Il
y a eu d'autres Tables très - bien fervies pour
fa Suite.
Tous les Spectales où ce Prince a affifté , &
où fa préfence a attiré un très grand concours,
ont reçû des marques de fa liberalité. Ses gran
des qualitez & fes manieres nobles & genereufes
ont parû dans toutes les occafions.
Les Officiers du Duc d'Orleans qui ont fervi
auprès de fa perfonne , ont reçû des Diamans
brillans & d'autres Bijoux d'un prix
confiderable.
MORTS
416 MERCURE DE FRANCE .
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
N... l'Heritier , Ecuyer , mourut à Paris
le 17. Janvier. Il étoit fils de N. l'Heritier ,
Hiftoriographe du Roi , lequel a beaucoup tra ,
vaillé fur notre Hiftoire , & frere de Mc l'Héritier
, dont les talens & les Ouvrages font
affez connus. Il étoit orné de toutes les vertus
qui forment l'honnête homme ; fçachant beaucoup
& ne faifant point parade de fon fçavoir,
Les Mathematiques faifoient fon étude favo
rite , mais il ne laiffoit pas de cultiver les Mus
fes , & il réuffiffoit en Poëfie , par un talent
qui eft comme hereditaire dans fa famille .
Le 25. du même mois , Dame Marie -Claire
d'Eftaing , veuve du Marquis de Montboiffier ,
mourut en fon Château de Clas en Auvergne,
âgée de 79. ans.
Dame Anne - Louife de Bragelongne , veuve
de M. Pierre Gruyn , Chevalier , Seigneur de
Valgiand , Lacelle , &c. déceda le 30. Janvier
âgée de 81 , ans.
Jacques- Michel Baudry , Procureur Gene
ral de la Chambre des Comptes de Blois , mou
rut à Blois le premier Fevrier,âgé de 30 ans. It
Jaiffe plufieurs enfans , dont l'aîné ett pourvû
de la même Charge de fon pere.
Le 2. François Gueret , Prefident de la
Chambre des Comptes de Blois , mourut , âgé
55.ans , univerfellement regretté. C'eft à fes
travaux que la Chambre des Comptes de Blois
eft redevable de fon établiffement à l'inftar de
La Chambre des Comptes de Paris .
Dame
FEVRIER. 1730. 417
* Dame Geneviève de Seve , veuve d'Antoi
ne Gettou , Chevalier , Seigneur de Guiberville
, Confeiller au Grand Confeil , mourut le
du même mois , âgé de 72. ans environ.
Henry Fages , Abbé de la Cour- Dieu , Ordre
de Cîteaux , Diocèle d'Orleans , cy- devant
Controlleur des Finances de feuë fon Alteffe
Royale M. le Duc d'Orleans , mourut à Montpellier
le 22 de ce mois , âgé de 89. ans.
Le même jour , François Hector de la Tour
Montauban , Comte de la Chaux , Maréchal
des Camps & Armées du Roi , Chevalier det
$. Louis, Gentilhomme de la Chambre du Duc
d'Orleans , premier Prince du Sang mourut ,
âgé d'environ 5. ans .
ر
Adelaide - Loüife de Damas de Thianges ,
yeuve de Louis Conti Sforce , Duc de Segny
& d'Onano , Comte de Sainte- Fleur , Chevavalier
des Ordres du Roi , mort le 7. Mars
1685. mourut le 3. âgée de 76. ans . Elle
étoit Dame d'Honneur de S. A. R. Madame
la Ducheffe d'Orleans .
Le 4. Dame Catherine Guyot , veuve de
M. Jofeph Dorat , Chevalier , Seigneur de la
Barre , mourut , âgée de 65 ans .
Philippe de S. Martin de Boffuye , Chevalier
de l'Ordre de S. Louis , Brigadier des Armées
du Roi , & Lieutenant Colonel du Regiment
de Vivarets , mourut le 6. de ce mois
âgé d'environ 8c. ans.
Jacques - François de Johanne de la Carre ,
Marquis de Saumery , Gouverneur des Iles de
fainte Marguerite & de S. Honorat , Capitaine-
Gouverneur des Château & Chaffes de Chambord,
& Grand Bailly de Blois , mourut àCham--
bord le 8.de ce mois , dans fa 79 année . Il avoit
fervi fous M. de Turenne , &étoit Meſtre det
e
Camp
418 MERCURE DE FRANCE.
Camp de Cavalerie au Combat d'Altenheim.
premier Août 1675. ) ily eut l'épaule & la cuiffe
Caffée , ce qui l'ayant empêché de pouvoir continuer
de fervir à la guerre ; le feu Roi , de
glorieufe memoire , qui connoiflot fon mérite,
La fagelle , fon defintereffement & fes autres
qualitez perfonnelles , le choifit en 1688. pour
être Sous- Gouverneur des Enfans de France,
attaché à la perfonne de M. le Duc de Bourgogne
. S. M. fut fi contente de la maniere
dont il fe comporta dans cette Charge importante,
qu'elle lui donna une nouvelle marque
de fon eftime & de la fatisfaction qu'elle
avoit de fes fervices, en le nommant dans fon
Codicile , Sous - Gouverneur du Roy , heureufement
regnant. Il a foutenu dans ce glorieux
emploi la réputation qu'il s'étoit déja acquife ,
& il vient de terminer la vie exempte de tout
reproche , par une mort également chrétienne,
Il avoit épousé par contrat du 27. Novembre
1676. Marguerite- Charlotte de Montlezun
de Befimaus , fille de François de Montlezun,
Chevalier , Seigneur de Befmaus , Piffons ,
Pommeufe , Lumigny , & c. Gouverneur pour
le Roi du Château de la Baftille. De ce Ma
riage font fortis , Jean - Baptifte , Marquis de
Saumery, Seigneur de la Houffaye , Maréchal
des Camps & Armées de S. M. cy - devant
Sous- Gouverneur de S. M. Cornette des Cheyaux
Legers de la Garde , Envoyé Extraordi
naire du Roi près du feu Electeur de Baviere,
mort le s . May 1726 âgé de 48. ans , laiffant
de fon Mariage avec Marie-Magdelaine Benigne
de Luffe , deux filles en bas âge , dont
Pune eft morte en 1729.
François - Jean- Baptifte , Marquis de Saume-
Comte de Chemerolles , Maréchal des
Camps
FEVRIER . 1730. 419
Camps & Armées de S. M. cy- devant Envoyé
Extraordinaire à la Cour de l'Electeur de Baviere
, à prefent Gouverneur des Ifles Sainte
Marguerite & de S. Honorat , Capitaine- Gouverneur
des Château & Chaffes de Chambord.
Jacques , Chevalier de S. Jean de Jerufalem,
Alexandre , Docteur en Théologie de la Faculté
de Paris , Evêque de Rieux , facré le 17.
Mars 1720. Georges , Seigneur de Piffons , Colonel
d'Infanterie.
Nous avons déja parlé de la Maiſon de Johanne
Saumery , dans le Mercure du mois de
May 1726. pag. 1068. & fuivantes , à l'occafion
du decès du Marquis de Saumery , fils aîné de
celui dont nous annonçons à prefent la mort.
Frere Gabriël de Calonne de Courtebourne .
Chevalier Profès de l'Ordre de S. Jean de Jerufalem
, Commandeur de la Commanderie
de Fontaines- fous- Mondidier , cy - devant
Capitaine d'une des Galeres du Roy & des
Gardes de l'Etendart , mourut à Marseille le
8. de ce mois , dans la 2º année de fon âge .
Il étoit frere de Louis - Jacques de Calonne ,
Marquis de Courtebourne , Lieutenant- General
des Armées du Roi , Directeur General de
la Cavalerie , Lieutenant pour S. M. au Pays
d'Artois , & Gouverneur de Hefdin , mort en
& d'Anne de Calonne de Courtebourne
, veuve de François le Tonnelier- Breteüil ,
Marquis de Fontenay- Trefigny , Sire de Villebert
, Baron de Boitron , & c. Confeiller d'E
tat Ordinaire , & Intendant des Finances .
en 1705.
Le Marquis de Courtebourne a laiffé de fon
mariage avec Anne de Gerard , Jacques de
Calonne , Marquis de Courtebourne , Meftre
de Camp de Cavalerie , Capitaine - Lieutenant
des Gendarmes de la Reine, & Lieutenant pour
K S.
420 MERCURE DE FRANCE.
S. M. au Pays d'Artois , & Anne de Calonne
de Courtebourne , veuve de François le Tonnelier-
Breteuil , Marquis de Fontenay - Trefigny
, &c. Confeiller d'Etat Ordinaire , & c. eft
mere de François Victor le Tonnelier- Breteuil
Marquis de Fontenay- Trefigny , Sire de Villebert
, Baron de Boitron , & c. Commandeur
des Ordres du Roi , Chancelier de la Reine,
cy- devant Secretaire d'Etat , & de Charles-
Louis Augufte le Tonnelier- Breteuil , Evêque
de Rennes , Abbé de Chaulnes , Prieur de
Reüil , Grand - Maître de la Chapelle de S. M.
L'ancienneté de la Maifon de Calonne Courtebourne
eft fi connue , qu'il a paru inutile
d'entrer dans le détail de la Généalogie de
cette Maifón.
Charles- Jean- Louis de Faucon , Marquis
de Ris , Maître de la Garderobe de feu fon
Alteffe Royale , Monfieur , Frere unique du
du Roi Louis XIV . mourut en cette Ville le
8. âgé de 58. ans.
Dame Catherine de Loffanges de Bedver ,"
Abbeffe de l'Abbaye de Rieunette , Ordre de
Câteaux , Diocèfe de Carcaflonne , y mourut
le 9. de ce mois , âgée de 65. ans.
Le 10. de ce mois , M. Jean Denis , Che
valier , Seigneur d'Origni , premier Ecuyer de
S. A. S. Madame la Princeffe de Conti , troifiéme
Doüairiere , mourut âgé de 90. ans , ou
environ .
>
Le 11. Gabriel de la Porte , Doyen du Par
lement , mourut en la 82. année de fon âge.
Pierre Thomas Barthelemy le Boulanger
Seigneur de Boisfremont , Maître ordinaire en
la Chambre des Comptes de Normandie, mourut
le 13. âgé de 44. ans.
Jean Marie Rangoni , Chevalier , Marquis
de
FEVRIER. 1730. 42L
de Rangoni , & de Ramparto , Seigneur de
Stufione & de Caftelvetro , Comte de Leviz
Zano & de Guinta , Envoié Extraordinaire de
S. A. S. le Duc de Modene auprès de S. M.
T. C. & fon Plenipotentiaire au Congrès de
Soiffons mourut le 15. Fevrier âgé de 57.
¡ ans.
,
M. Charles Louis Lallemand , Comte de
Levignan , deceda le 18. Fevrier âgé de 73. ans
un mois 25. jours.
Le 23. Dame Anne Marie Magdelaine de
Beringhen , Abbeffe du Pré , Ordre de faint
Benoit , Diocèfe du Mans , y mourut dans la
47. année de fon âge.
La nuit du 27. au 28 , mourut à Paris Jofeph
François Ancezune , Duc de Caderouffe,
âgé de 85. ans .
Le nommé Nicolas Prezau , natif de Troyes.
en Champagne , eft mort depuis peu à Paris ,
fur la Paroiffe S. Roch , âgé de 109. ans. On
affure qu'il étoit Soldat dans le Regiment des
Gardes Françoifes , lors de la naiffance du feu
Roi , & qui fut du nombre de ceux qui allerent
au Louvre , à ce fujet, faire une decharge
fous les feneftres de l'Appartement de Louis .
XIII.
Le 19. Janvier D. Jeanne Catherine Coultard
, Epoufe de M. Bafile - Claude Henry Anjorrant
, Chevalier , Confeiller au Parlement,
accoucha d'une fille qui fut tenue fur les fonts
par M. Guillaume Julien Le Doubre , Confeiller
du Roi , Maître ordinaire en fa Chambre
des Comptes , & Doien de cette Chambre
, & par Dame Genevieve Le Mayre , veuve
de M. Claude Dubois , Chevalier , Seigneur
de Courceriers , Defbordeaux , & c.
Kij Dame
422 MERCURE DE FRANCE .
Dame Marie- Anne de Matignon , Epoufe de
Henry-François , Marquis de Grave , Baron
de Lattés , &c . Meftre de Camp de Cavalerie ,
accoucha le 31 Janvier d'une fille , qui fut
tenue fur les fonts , & nommée Marie - Anne.
Eleonor , par Jacques - François- Leonor Gri
maldi , Duc de Valentinois & d'Etouteville ,
Pair de France , Sire de Matignon , Comte de
Torigny , & c. Lieutenant General de la Province
de Normandie , & c. & par Daine Anne
Elifabeth Gruel de la Frette , Epoufe d'Armand
Monpar de Caumont , Duc de la Force ,
Pair de France , & c.
Le Comte du Rumain , de la Province de
Bretagne , Guidon de Gendarmerie & Meltre
de Camp de Cavalerie , a époufé , le mois de
Janvier dernier , D. N.... de Malnouë , fille
de N.... , de Malnovë , & veuve d'un Prefident
du Parlement de Bretagne.
Claude-Guftave-Chretien , Marquis des Salles
, Capitaine de Cavalerie , Gouverneur de
la Ville & du Château de Vaucouleurs , fils de
François , Comte des Salles , Marquis de
Buqueville , Confeiller d'Etat de S. A. R. de
Lorraine , premier Capitaine de fes Gardes du
Corps , Gouverneur de Pont - à- Mouffon , &
Confervateur des Privileges de l'Univerfité
& de D. Catherine de Fiquelmont , époufa le
6. Fevrier D. Adelaide-Candide Iouife -Marie
de Brancas de Villars , fille de Louis- Antoine
de Brancas , Duc de Villars , Pair de France ,
Chevalier des Ordres du Roi , & c, & de D.
Angelique Fremin de Moras.
M. Thomas - Jacques - François Charpentier,
Ecuyer , Seigneur d'Ennery , Efpiez , Grizy ,
Valangouja , Rue , Berval , Thuville , Levilliers
FÉVRIER. 1730. 423
liers , &c. Capitaine de Cavalerie au Regiment
Roïal Etranger , époufa le 13 , de ce
mois Dlle Madelaine Angelique de Rioult de
Curzay, fille de M. Seraphin de Rioul , Chevalier
, Seigneur de Curzay , Lieutenant pour
Sa Majefté en Poitou , & de Dame Thereze-
Elizabeth Blondot.
XXXXXXX
ARRESTS
.
RREST du 20. Septembre , qui ordonne
& d'Argent aux Hôtels des Monnoyes pendant
le refte de la prefente année , joüiront fur leurs
Quittances des quatre deniers pour livre attribuez
aux Changeurs.
AUTRE du 27. Septembre , qui ordonne
que jufqu'au dernier Decembre 1730. les
Moutons , Brebis & Agneaux , qui viendront
des Pays étrangers dans le Royaume , feront
& demeureront déchargez de tous Droits ; &
que lefdits Beftiaux , enfemble ceux qui aurone
été élevez & nourris dans le Royaume , feront
& demeureront pareillement déchargez
pendant ledit tems , de tous Droits d'entrée
& de fortie , à leur paffage des Provinces
reputées Etrangeres dans celles de l'étendue
des Cinq groffes Fermes , ou defdites Provinces
des Cinq groffes Fermes dans celles
reputées Etrangeres,
AUTRE du même jour , qui ordonne que
les Maîtres & Ouvriers en Bas & autres Onvrages
de Bonnetrie au Métier , appoferent
leur
424 MERCURE DE FRANCE.
leur Marque à chaque Paire ou Piece defdits.
Ouvrages.
AUTRE du même jour , qui ordonne que
les Titres Clericaux contenant Donations
d'Immeubles , feront infinuez aux Infinuations
Laiques , & que ceux qui ne contiendront
que des Conftitutions de Rentes Viageres ,
demeureront affujettis feulement aux Infinuations
Ecclefiaftiques , encore que pour fûreté
d'icelles il y ait affectation d'Immeubles. ly
AUTRE du 18. Octobre , qui ordonne
que dans le temps de trois mois les Officiers
des Amirautez & les Juges- Confuls de toutes
les Villes du Royaume où leurs Jurifdictions
font établies , rapporteront au Bureau
du Commerce les Titres concernant la competence
de jeurs Jurifdictions,
ORDONNANCE du Lieutenant General
de Police , du 21. Octobre , qui interdit pour
toûjours l'Entrée de la Bourfe au nommé la
Roche , avec amende : & qui lui fait deffenfe
& à tous autres de s'immifcer dans les fonctions
des Agens de Change.
SENTENCE DE POLICE du même jour ,
portant deffenfe à tous Jardiniers & Marachers
, de refter fur le Carreau de la rue de.
la Feronnerie en Eté , paffé fept heures , &
en Hyver , paffé huit heures du matin.
ARREST du même jour , qui ordonne qu'il
ne fera plus payé dorénavant aux Changeurs les
plus éloignez , fur le compte de S. M. que
quatre deniers pour livre , à quelque diftance
qu'ils foient , au- deffus de dix heuës , & c.
TABLE
.
TABLE .
Plieu de Batailles données en Fran-
Ieces fugitives . Eclairciffemens fur le
ce en 596. & 600. & fur un ancien Palais
& c. 20$
Réponse de la Raiſon à M. Rouſſeau , Ode ,
Difcours fur la probité de l'Avocat ,
L'injufte foupçon , Cantate ,
229
238
250
Obfervations fur la Méthode d'Accompagnement
& c.
Le jeune Eleazar , Poeme
255
263
Extrait du Panegyrique de S. Sulpice , 266
Madrigal ,
Queſtion fur le Rhume
Autre Madrigal ,
285
ibid.
292
Affemblée publique de l'Académie de Montpellier,
Réjoüiffances à Marseille ,
A Rennes
293
304
318
Difcours fur la Naiffance du Dauphin , 313
Logogryphe fingulier & Enigmes , 329
Nouvelles Litteraires des Beaux Arts & C..
333
Hiftoire de la Ville & de l'Eglife de Frejus ,
334
Réponse aux quatre Mémoires du Comte
d'Orval ,
9336
Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Hommes
Illuftres , ·
Carte des environs de Paris ,
Nouvelle Imprimerie du Sérail & c.
Prix donné au Palinod de Rouen .
339
355
317
362
Extrait d'un Difcours à l'Académie des Belles-
Lettres ,
Mufette , Air gravé ,
Spectacles ,
Tragédie nouvelle de Califtene ,
363
367
3694
370
Le malade par complaifance , & Couplets
371
notés ,
Nouvelles du Tems , de Turquie & de Perfe,
de Ruffie , & Réjouillances à Petersbourg ,
376
D'Allemagne , d'Italie , d'Eſpagne , Portugal
& Angleterre ,
Morts des Pays Etrangers ,
383
389
Defcription de la Fête des Ambaffadeurs d'El
pagne ,
Vers libres fur cette Fête ,
399
403
France , Nouvelles de la Cour , de Paris ,
406
Foy & hommage prêté par le Duc de Lorraine
, & fejour de ce Prince à la Cour, 408
Fête au Palais Royal & à Bagnolet , 411
Morts , Naiffances & Mariages ,
Fautes à corriger dans ce Livre.
416
Age 213 , ligne 2. du bas , affectez , lifex
atteftés.
P. 238. 1. 22. fuppléer 1. fupplée.
P. 330. 1. 7. prefcrit . profcrit.
P. 354.17. L. Cantarini , ôtez le point à l'I.
P. 356. 1. premiere , Côtes l. côtés .
Air noté ,
Eftampe du Feu ,
367
-399
OCT 2 9 1932
Presented by
to the
New York
Public
Library
John Bigelow
to the
Century
Association
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
Chez
JANVIER 1730 .
QUE
COLLIGIT
SPARGITS
A PARIS ,
R
GUILLAUME CAVELIER , me
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSÓT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf , au com
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. DCC. XXIX.
Avec Approbation & Privilege du Roya
COCO COPCO COR : COD
EW YORK
LIBRA
RIVILEGE
侵
LENOX AND
FOUNDATIONS
1905
DU ROY.
Love,parla grace de Dieu , Roi de France & de
·
Navarre à nos Amez & Feaux Confeillers , les
Gens tenans nos Cours de Parlement , Maîtres des
Requêtes ordinaires de nôtre Hôtel , Grand- Conſeil ',
Baillifs , Senéchaux , leurs Lieutenans Civils , & au
tres nos Officiers & Jufticiers qu'il appartiendra. Sa-
LUT : l'applaudiffement que reçoit le MERCURE DE
FRANCE , Cy devant appellé le Mercure Galant
compofé depuis l'année 1672. par le fieur de Vifé , &
autres Auteurs , nous fait croire que le fieur Dufreni ,
Titulaire du dernier Brevet étant decedé , il ne con
vient pas que le Public foit à l'avenir privé d'un ouvrage
auffi utile qu'agréable , tant à nos fujets qu'aux
étrangers ; c'eft dans cette vûë que bien informé des
talens , & de la fageffe du fieur ANTOINE DE LA ROQUE ,
Ecuyer , ancien Gendarme dans la Compagnie des
Gendarmes de notre Garde ordinaire , & Chevalier
de nôtre Ordre Militaire de Saint Louis ; nous l'avons
choifi pour compoſer à l'avenir exclufivement à tout
autre ledit Ouvrage , fous le titre de MERCURE DE
FRANCE , & nous lui en avons à cet effet accordé nôtre
Brevet le 17 , Octobre dernier , pour l'execution du
quel ledit fieur de la Roque nous a fait fupplier de
lui accorder nos Lettres de Privilege fur ce neceffaires
: A CES CAUSES , conformément audit Brevet , Nous
lui avons permis & permettons par ces Prefentes de
compofer & donner au Public à l'avenir tous les mois ,
à lui feul exclufivement , ledit Mercure de France , qu'il
pourra faire imprimer en tel volume , forme , marge,
caractere , conjointement , ou feparement , & autant
de fois que bon lui femblera , chaque mois , & de le
faire vendre & débiter par tout nôtre Royaume, & ce
pendant le temps de douze années confecutives , à
compter du jour de ladatte des Prefentes ; à condi
tion neanmoins que chaque volume portera fon Approbation
expreffe de l'Examinateur , qui aura été com
1
•
correc
fans la
mis à cet effet . Faifons défenfes à toutes fortes de
perfonnes , de quelques qualitez & conditions qu'elles
foient , d'en introduire d'impreffions étrangeres dans
aucun lieu de nôtre obéiffance , comme auffi à tous
Libraires , Imprimeurs , Graveurs , & autres d'imprimer
, faire imprimer , graver , vendre , faire vendre,
débiter ni contrefaire ledit Livre, ou planches , en tour
ou en partie , ni d'en faire aucun Extrait , fous quel
que prétexte qué ce foit , d'augmentation
tions , changement de titre , ou autrement
permiffion expreffe & par écrit de l'Expofant , ou de
ceux qui auront droit de lui ; le tout à peine de confifcation
des exemplaires contrefaits , de 6000, livres
d'amende , payables fans déport par chacun des con
trevenans , dont un tiers à Nous , un tiers à l'Hôtel-
Dieu de Paris , l'autre tiers à l'Expofant , ou à ceux
qui auront droit de lui , & de tous dépens , domma
ges & interefts ; à la charge que ces Prefentes feront
enregistrées tout au long fur le Registre de la Com
munauté des Libraires & Imprimeurs de Paris , & ce
dans trois mois de la datte d'icelles ; que l'impreffion
de ce Livre fera faite dans nôtre Royaume , & non
ailleurs , en fin papier , & en beau caractere , confor
mément aux Reglemens de la Librairie ; & qu'avant
de l'expofer en vente , le manufcrit ou imprimé qui
aura fervi de copie à l'impreffion dudit Livre fera
remis dans le même état , où les Approbations y au
ront été données , ès mains de nôtre très -cher &
Feal Chevalier , Garde des Sceaux de France , le
fieur FLEURIAU D'ARMENONVILLE, Commandeur de nos
ordres , & qu'il en fera enfuite remis deux Exemplai
res de chacun dans nôtre Bibliotheque publique , un
dans celle de nôtre Château du Louvre , & un dans
celle de notredit très -cher & Feal Chevalier , Garde
des Sceaux de France ; le tout à peine de nullité des
Prefentes , du contenu defquelles Vous enjoignons de
faire jouir ledit Expofant , ou fes ayans caufe pleine
ment & paifiblement , fans fouffrir qu'il leur foit fait
aucuns troubles & empêchemens , & à cet effet nous
avons revoqué & revoquons tous autres Privileges
qui pourroient avoir été donnez cy- devant à d'autres
qu'audit Expofant ; Voulons que la copie des Prefentes
qui fera imprimée tout au long au commencement ou
à la fin dudit Livre foit tenue pour dûëment fignifiée ,
& qu'aux copies collationnées par l'un de nos Amez
& Feaux Confeillers- Secretaires , foy foit ajoûtée, &c.
A ij CA
CATALOGUE
des Mercures de France,
depuis l'année 1721. jufqu'à prefent.
Uin & Juillet 1721 .
2. vol.
Aouft , Septembre , Octobre ,
Novembre & Decembre 5. vol
.
Janvier & Fevrier 1722 .
2. vol .
Mars 1722.
2. vol.
Avril. I. vol.
Mai. 2. vol.
Juin , Juillet & Aouft, 3. vol.
Septembre. 2. vol.
Octobre, I. vol.
Novembre . 2. vol.
Decembre. I. vol.
Année 1723. le mois de Decembre
double.
Année 1724. les mois de Juin
& de Decembre doubles.
Année 1725. les mois de Juin ,
de Septembre & de Decembre
doubles,
13. vol .
14. vol.
Is. vol.
Année 1726. les mois de Juin
& de Decembre doubles. 14. yol,
Année 1727. les mois de Juin
& de Décembre doubles . 14. vol.
Année 1728. les mois de Juin
& de Décembre doubles
14.
vol
. 'Année 1729. les mois de Juin, de
Septembre & Décembre,doubles 15. vol.
Janvier 1730
1. vol.
123. vali
Maa
AVERTISSEMENT.
Ous commençons cette nouvelle Année,
par prefenter au Public le cent- vingttroifiéme
Volume du Mercure. Ce Livre
a paru tous les mois, & n'a fouffert aucune
interruption depuis le mois de Juin 1721 .
que nous y travaillons ; nous continuons
de rendre de trés-humbles graces au Lecteur,
de l'accueilfavorable qu'il daigne lui
faire. Nous redoublerons nos foins & notre
application , pour qu'il foit à l'avenir encore
plus felon fon goût : on n'épargnera
rien pour cela. Si des gens éclairez trou
voient ce Journal defectueux en quelque
chofe , ou qu'il fur fufceptible de quel
qu'autre matiere & d'un meilleur arrangement
, on nous fera plaifir d'en donner
avis ; les confeils , appuyez de bonnes raifons
, feront fuivis,
Nous demandons quelque indulgence
pour certains articles qui paroîtrontpeutêtre
negligez & la diction peu châtiée
furtout pour ces derniers tems : Le Lecteur
judicieux fera, s'il lui plaît , reflexion , que
dans un Ouvrage tel que celui - ci , il eft
très - aifé de manquer , même dans les chofes
Les plus communes , dont chacune en particulier
eft facile , mais qui ramaffées
A iij fons
AVERTISSEMENT.
Font une multiplicité fi grande , qu'il eft
bien mal- aifé de donner à toutes la même
attention , quelque foin qu'on y apporte
furtout , quand une collection eft faite en
auffi peu de tems . Une chose qui paroît un
peu injufte , c'est qu'on reproche affezfouvent
des inattentions à l'Auteur de ce Livre,
& qu'on ne lui fçache aucun gré des
corrections fans nombre qu'il fait , & des
fautes qu'il évite.
La grande difficulté dans la defcription
des Fetes que nous avons données , à d'abord
été d'être bien inftruit de toutes les
circonstances enfuite de trouver des
termes & des expreffions qui répondent
à la beauté & à la grandeur de la matiere.
Mais ces deux difficultez furmontées
il est encore très - mal- aife de donner une
idée jufte fur le papier de certaines Fêtes
animées par des mouvemens extraordinaires
, pour faire connoître dans tout for
excès , la joye & les tranſports , que nous
avons peints ; car le recit doit donner de
Paction à ce qui s'eft fait , par des Por
traits animez , des Peintures vives & pari
Lantes , enforte qu'on ait l'imagination
tellement remplie de ce qu'on lit , qu'on
croye moins lire
que
voir.
En y employant le tems convenable , on
peut faire fans doute des Morceaux trèsgifs
, & prefenter aux yeux de l'esprit
de
AVERTISSEMENT.
de fort belles images ; nous ofons même
nous flatter qu'on rendra justice à quel
ques traits affez animés , qui se trouvent
dans plufieurs de nos Relations , malgré
la précipitation avec laquelle nous les
avons écrites ; mais dans une longue fuite
de Defcriptions & de Fêtes , c'est tout an
plus fi on peut y conferver quelque varieté.
Nous faifons de la part du Public de
nouvelles inftances aux Libraires qui en
voyent des Livres pour les annoncer dans
le Mercure d'en marquer le prix an
jufte ; cela fert beaucoup dans les Provinces
aux perfonnes qui fe déterminent
Ta -deffus à les acheter , & qui ne font pas
fürs de l'exactitude des Meffagers & des
autres perfonnes qu'elles chargent de leurs
commifftons , qui fouvent les font furd
payer.
On invite ici les Marchands & les
Ouvriers qui ont quelques nouvelles Modes
, foit par des Etoffes nouvelles , Habits
, Ajuftemens , Perruques , Coëffures,
Ornemens de tête & autres parures ,
ainsi que de meubles , Caroffes , Chaifes
& autres chofes , foit pour l'utilité , foit
pour l'agrément , d'en donner quelques
Memoires pour en avertir le Public , ce
qui pourra faire plaisir à divers particu
liers , procurer un débit avantageux
A iij
aux
AVERTISSEMENT.
aux Marchands & anx Ouvriers .
Plufieurs Pieces en Profe & en Vers,
envoyées pour le Mercure , font fouvent fi
mal écrites qu'on ne peut les déchifrer , G
elles font pour cela rejettées ; d'autres fons
bonnes à quelques égards , & defectueuses
en d'autres lorfqu'elles peuvent en valoir
la peine , nous les retouchons avec
foin ; mais comme nous ne prenons ce parti
qu'avec peine , nous prions les Auteurs
de ne le pas trouver mauvais , & de travailler
leurs Ouvrages avec le plus d'attention
qu'il leur fera poffible. Si on fçavoit
leur addreffe , on leur indiqueroit
les defectuofités & les corrections à faire.
Les Sçavans & les Curieux font priés
de vouloir concourir avec nous pour
rendre ce Livre encore plus utile & plus
agréable , en nous communiquant les Memoires
& les Pieces en Profe & en Vers,
qui peuvent inftruire & amufer. Aucun
point de Litterature n'eft exclus de ce
Recueil , où l'on tâche de mettre une agréable
varieté , Poëfies , Eloquence , nouvelles
Découvertes dans les Arts & dans.
les Sciences , Morale , Antiquité , Hiftoire
facrée & profane , Hiftoriette , Mytologie
, Phyfique & Métaphifique , Pieces
de Théatre , Jurifprudence , Anaiomie
& Medecine , Critique , Mathématique
, Mémoires , Projets , Traductions
GramAVERTISSEMENT.
0
Grammaire , Piéces amufantes & recréati
ves &c. Quand les morceaux d'une cértaine
confideration feront trop longs , on
les placera dans un Volume extraordinaire,
& onfer enforte qu'on puiffe les en détacherfacilement
, pour la fatisfaction des
Auteurs & des perfonnes qui ne veulens
avoir que certaines Piéces.
Quelques morceaux de Profe & de
Vers rejettés par bonnes raifons , ont fouvent
donné lieu à des plaintes de la part
des perfonnes intereffèes ; mais nous les
prions de confiderer que c'est toujours
I malgré nous que certaines Piéces font rebutées
; nous ne nous en rapportons pas
E toujours à notre feul jugement dans le
choix que nous faifons de celles qui méritent
l'impreffion.
que
la
Quoiqu'on ait toujours la précaution
de faire mettre un Avis à la tête de cha-
Mercure , pour avertir qu'on de redevra
point de Lettres ni Paquets par
Pofte dont le port ne foit affranchi , il en
vient cependant quelquefois qu'on est
obligé de rebuter. Ceux qui n'auront pas
pris cette précaution ne doivent pas
Surpris de ne pas voir paroître les Piéces
qu'ils ont envoyées .
être
Les perfonnes qui défirent avoir le Mer
cure des premiers , foit dans les Provinges
ou dans les Pays Etrangers , n'auront
A v qu'à
AVERTISSEMENT.
qu'à s'addreßer à M. Moreau , Commis
au Mercure , vis - à- vis la Comédie Frangoife
, à Paris , qui le leur envoyera par
la voye la plus convenable , & avant
qu'il foit en vente ici . Les amis à qui on
s'adreffe pour cela ne font pas ordinairement
fort exacts ; ils n'envoyent gueres
acheter ce Livre précisément dans le tems
qu'il paroît ; ils ne manquent pas de le
lire , fouvent ils le prêtent à d'autres , &
ne l'envoyent que fort tard , fous le prétexte
fpecieux que le Mercure n'a pas
paru plutôt.
Nous renouvellons la priere que nous
avons déja faite , quand on envoye des
Piéces , foit en Vers , foit en Profe , de
les faire tranfcrire lifiblement fur des papiers
Séparés , & d'une grandeur raifon
nable , avec des marges , & que les noms.
propres , fur tout , foient exactement écrits.
Nous aurons toujours les mêmes égards
pour les Auteurs qui ne veulent pas fe
faire connoîtres mais il feroit bon qu'ils
donnaßent une adreffe , furtout quand il
s'agit de quelque Ouvrage qui peut demander
des éclairciffemens ; car fouvent
faute d'un tel fecours , des Piéces nous
demeurent entre les mains , fans pouvoir
les faire paroître.
Nous prions feux qui par
Le moyen de
beurs correspondances reçoivent des nou
velle s
AVERTISSEMENT.
velles d'Affrique , du Levant , de Perfe
de Tartarie , du Japon , de la Chine , des
Indes Orientales & Occidentales d'antres
Pays & Contrées éloignées , de vouloir
nous en faire part à l'adreſſe generale du
Mercure. Ces nouvelles peuvent rouler
fur les guerres préfentes des Etats voisins ,
leurs Révolutions , les Traités de Paix
on de Tréve , les occupations des Souverains
, la Religion des Peuples , leurs Cé
rémonies , Coûtumes & Ufages , les Phénomenes
& les productions de la Nature
& de l'Art &c. comme Pierres figurées
Marcaffites rares , Petrifications & Chrif
talifations extraordinaires , Coquillages
& c.
,
Nous ferons plus attentifs que jamais à
apprendre au Public la mort des Sçavans.
de ceux qui fe font diftingués dans les
Arts & dans la Mécanique ; on y joindra
le récit de leurs principales occupa
tions & des plus confidérables actions
de leur vie. L'Hiftoire des Lettres & des
Arts doit cette marque de reconnoiffance
à la mémoire de ceux qui s'y font rendus
celébres , ou qui les ont cultivés avec foin.
Nous esperons que les parens & les amis
de ces illuftres Morts aideront volontiers a
leur rendre ce devoir par les inftructions
qu'ils voudront bien nous fournir . Ce que
nous venons de dire , regarde non- feule
A vj
meng
AVERTISSEMENT.
ment Paris , mais encore toutes les Pro
vinces du Royaume , qui peuvent fournir
des Evénemens confiderables , Morts ,
Mariages , Actes folemnels , Fêtes & autres
Faits dignes d'être tranfmis à la
pofterité ; on fera , fans donte , furpris
de ne rien trouver dans le Mercure de
ce qui s'est passé dans quelques Villes
celebres & des plus confiderables du
Royaume , à l'occafion de la Naiffance du
Dauphins ces Villes ont marqué fans
doute leur zele , & ont fait de très - belles
chofes ; mais cela eft ignoré hors de leurs
murailles , & la Pofterité l'ignorera toujours
, faute d'avoir fuivi l'exemple des
autres Villes , des moindres même , qui
n'ont pas négligé de nous envoyer des Relations
de leurs Réjouiſſances &c .
Il nous refte à marquer notre reconnoif
fance & à remercier au nom du Public
plufieurs Sçavans du premier ordre , &
quantité d'autres perfonnes d'un mérite difsingué
, dont les productions enrichiffent le
Mercure , & le font lire & rechercher
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROY.
JANVIER. 1730.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
0 DE
Tirée du Cantique de Moïfe , Cantemus
Domino gloriosè , &c. Exod. ch. xv.
D
U Seigneur, la toute- Puiffance ,
; Se fignale en notre faveur
Marquons notre reconnoiffance
Par un Cantique en fon honneur.
Publions qu'un Etre fuprême ,
Vient de nous montrer qu'il nous aime,
Puifqu'il s'eft déclaré pour nous ;
Et
MERCURE DE FRANCE
Et que fans fa main fecourable ,
Nous aurions , d'un Roi redoutable ,
Eprouvé l'injufte courroux.
Oui , ce Dieu pour nous s'intereffe,
O comble de félicité !
Qu'Ifraël s'occupe fans ceffe,
A loüer fon immenfité.
Tandis qu'il nous traite en bon Pere
Il punit en Juge fevere ,
Les Egyptiens orgueilleux ;
Pour nous garantir de leur rage ,
La Mer nous preſente un paffage ,
Qui devient un gouffre pour eux-
He quoi ? ces Troupes animées ,
Par la fureur d'un Roi cruel ,
Malgré le grand Dieu des Armées ,
Veulent- elles vaincre Ifraël ?
Trop obtinez à nous pourſuivre ,
Infenfez , voyez où vous livre
Une folle préfomption ;
La plus terrible des tempêtes ,
Eft prête à fondre fur vos têtes ,
Pour venger notre oppreffion ..
Comme s'ils n'avoient rien à craindre ,
Ces
JANVIER.
3
17301
Ces Idolâtres inhumains
Comptent déja de nous atteindre ,
Et le fer brille dans leurs mains
Mais aux ordres de Dieu foumife ,
Cette Mer qui nous favorife ,
Nous voyant fortis de fes flancs ,
Ceffe de contraindre fon Onde ,
Se refferre & foudain inonde ,
Tous ces fuperbes Combattans-
Subis le châtiment terrible,
Qu'ont mérité tes attentats ,
Roi qui te croyois invincible ,
Par le nombre de tes Soldats .
Seigneur , tu rends par leur défaite ,
Notre vengeance plus parfaite ,
Et ton triomphe plus complet ; -
Cette Troupe tantôt fi fiere ,
Eft , comme une paille legere ,
Des flots l'inutile joüet.
Hommes puiffans , Rois formidables ,
Parlez : qui font ceux d'entre vous ,
Qui peuvent être comparables ,
A ce Dieu qui veille fur nous ?-
Qu'est-ce qui pourroit dans ce monde ,
Ouvrage de fa main féconde ..
Egaler
4
MERCURE DE FRANCE:
Egaler fon autorité ?
Unique fource des miracles ,
Jamais il ne trouve d'obstacles ,
A fa fuprême volonté.
Ifraël , qui pourra te nuire ,
Avec un fi puiffant appui è
Puifque ton Dieu veut te conduire ,
Tu peux tout attendre de lui.
Dans une agréable contrée ,
Qu'il s'eft lui - même préparée ,
Il te deftine de beaux jours :
Tes armes feront triomphantes
Et cent Nations differentes ,
N'en arrêteront point le cours
Dans cette charmante demeure ,
Allez , ô Peuple trop heureux ?
Et que le Seigneur à toute heure ,
Y foit l'objet de tous vos voeux.
Tant que vous lui ferez fidele ,
Il couronnera votre zele ,
Par quelque nouvelle bonté.
Tout autre Regne eft périffable ,
Mais le fien à jamais durable ,
El fondé fur l'Eternité.
2010
.
R. S.
EX
JANVIER. 1730
EXTRAIT du Memoire lû à l'Affemblée
publique de l'Académie Royale des
Sciences , le 12. Novembre 1729. fur
les Eaux de Bourbon .
R. Boulduc lut un Difcours intitulé
Maid Analyse engeneral des Eaux
Minerales chaudes de Bourbon l'Archamband.
Ces Eaux étant du nombre des plus anciennes
du Royaume & des plus renommées
par la guérifon de plufieurs maladies
longues & fâcheufes, elles fe font toûjours
attiré l'attention & la recherche des
Medecins & des Phyficiens.
Dès les années 1605. & 1618. fans
remonter plus haut , Jean Ban , de Mou
lins , en fait mention dans fon Livre des
vertus des Eaux naturelles de France renommées
, & croit qu'elles contiennent du
Souffre mineral , du Bitume & du Nitre ,
qui eft le Natron des Anciens , que l'on
regarde comme un Sel Alkali mineral ,
comparable par fes effets aux Sels fixes ,
acres & lixiviels , qu'on tire des Plantes
après les avoir réduites en cendres .
En 1670. M. Duclos , de cette Académie
, reconnut dans nos Eaux le même
Nitre
MERCURE DE FRANCE.
Nitre ; & depuis cet Auteur , d'autres Aca
démiciens ayant eu par intervales occafion
de les éxaminer , ont encore conclu
avec leur Prédéceffeur , qu'elles ne renferment
prefqu'autre chofe que cet Alkali
naturel.
Il feinbloit donc , que la qualité alkaline
leur étoit bien affurée . Mais en 1699.
quelqu'un , fous le nom de Pafcal , la rejetta
entierement dans un Livre fait exprès
au fujet de ces Eaux ; ce n'eſt pas
un fimple Sel Alkali qu'elles contiennent
, c'eſt , felon lui , un Sel mixte , compofé
d'un Acide volatile & d'un Sel Alkali
fixe , qu'il appelle un Nitre fort vobatile
& fort épuré ; on tireroit même ,
dit- il , cet Acide comme un veritable
efprit de Nitre du ſédiment, qu'on trouve à
leur fource en maniere de croutes ; &
pour jouir du Sel dans fon état naturel ,
il faudroit laiffer évaporer nos Eaux à l'air
ou au Soleil le feu , qu'on employe , eft
infidele , il altere les Mixtes , il décompofe
ce Sel , & fajt , à la verité , qu'on ne
trouve qu'un Alkali, mais cet Alkali étoit
auparavant lié avec l'acide.
Plufieurs perfonnes ont applaudi à ce
raifonnement : M.Boulduc fait neanmoins
remarquer en paffant , qu'un veritable
efprit de Nitre ,uni avec un Sel Alkali fixe ,
feroit neceffairement un veritable Nitre
dec
JANVIER 7 1730.
des Modernes , c'eſt à- dire , un bon Salpêtre
qui ne fe décompofe pas fi aifément
qu'on le dit.
Cependant le Livre allegué dérive de
ce Sel Mixte Nitreux la plupart des effets
que nos Eaux produifent fur le corps
humain ; au lieu que les premiers Auteurs
les dérivoient de l'Alkali Salin .
Cette diverfité de fentimens a été le
principal motif pour que M. Boulduc
cherchât les moyens de s'éclaircir de la
verité, en examinant ces Eaux de nouveau.
Son deffein a été fecondé ; il en a reçû
près de cent Bouteilles très - promptement
1
l'occafion du retour de S. A. S. Monfieur
le Due , qui les avoit prifes avec
fuccès à Bourbon; & un bon Artiſte voulur
bien en évaporer à la Source un grand
nombre de livres , & lui en remettre la
Réfidence.
M. Boulduc , de fon côté , y a trouvé
par fon travail plus de matieres qu'on
n'en avoit encore connu , & quelques-
unes dans des circonftances fingulieres
. Les myfteres de la Nature ne fe
développent que peu à peu , & c'eſt toûjours
un avantage pour les derniers venus.
L'Eau de Bourbon eft claire & limpide
comme une Eau de Roche , prefque fans
odeur , & d'un gout partagé entre le vrai
falé & le lixiviels fortant de la terre trèsfenfiblement
--
MERCURE DE FRANCE :
fenfiblement bouillante , elle fume con
tinuellement dans les puits & réſervoir , &
à mesure qu'il s'en exhale , il paroît à la
furface une fleur ou pouffiere blanche
très-fine fous l'apparence d'une toile ou
pellicule graffe fans liaifon , qui devient
plus vifible quand il y a long- temps que
l'Eau n'a été agitée , mais qu'on ne fçauroit
ramaffer de quelque façon qu'on s'y
prenne, Cette Eau dépofe un Sédiment en
maniere de croutes pierrenfes affez dures ,
formées de plufieurs couches blanches
bien diſtinctes , & mêlées en quelques
endroits , particulierement en deffous
d'une couche de terre d'un brun foncé.
Ces croutes qui font fans gout & fans
odeur fe collent aux bords & à la furface
interieure du puits , du conduit & du réfervoir,
dont on eft obligé de les détacher
de temps à autre.
une
Cette Eau , gardée dans des bouteilles
bien transparentes , fait auffi voir au bout
de quelque temps à fa furface de petits
corps blancs fort déliez qui augmentent
peu à peu & fe condenfenten
pellicule femblable à celle , qui fe forme
fur l'Eau de Chaux , laquelle groffiffant
au point que l'Eau ne peut plus la foûtenir
, ſe briſe en beaucoup de morceaux
qui en tombant , s'attachent au fond &
aux parois du vaiffeau , & affectent une
confiJANVIER
. 1730
configuration réguliere comme quelque
chofe de falin .
Après le récit de ces circonstances ,
M. Boulduc entre dans l'Analyfe , & dit
à la fin de chaque article des matieres qu'il
y a trouvées , comme il les a preffenties
par les Epreuves , quand il y en a , par le
gout , par l'odeur , &c. & comment il eft
enfin parvenu à les féparer de maniere
qu'il les puiffe expofer aux yeux dont
nous ne pouvons ici donner que le précis.
Les Epreuves les plus fignificatives que
M. Boulduc a faites fur l'Eau de Bourbon
font ; qu'elle précipite l'argent diffous en
un caillé blanc qui fond aifement au feu
& devient volatile , fi on n'employe que
peu de cette folution ; que fi au contraire
on en paffe les bornes , l'Eau en fait un
deuxième précipité qui refufe la fonte ;
qu'elle verdit la teinture de violettes lentement
; qu'elle fermente avec tous les
Acides affez fenfiblement , & précipite l'Alun
& les Vitriols ordinaires , quand ils
font diffous dans de l'eau commune :
Avec une forte huille de tartre faite par
défaillance , elle fe trouble & dépofe après
une terre blanche ."
Tous ces effets font plus prompts &
plus fenfibles , quand notre Eau eft concentrée
, foit
foit parle feu , par l'air ou par la
gelée . Alors elle fait même bien plus
૫′31
MERCURE DE FRANCE.
qu'auparavant , comme de précipiter , entre
autres , le fublimé diffous en une poudre
de couleur d'écorce d'Orange . Les
differentes matieres réciproques ne pouvoient
pas s'atteindre facilement dans la
grande étendue du liquide .
L'Evaporation & la Diftillation , continuées
jufqu'à ficcité des matieres , n'ont
prefque rien fait appercevoir à M. Boulduc
de different d'entre- elles. A peine
l'Eau reffent - elle la chaleur qu'elle jette
à la furface une pouffiere blanche trèsfine
, laquelle en augmentant le noye en
partie , & tombe ; & en partie elle forme
par l'union d'un nombre de petits filets
fins & tranfparents des feuillets à peu près
comme on en voit dans l'eau de chaux ,
qui restent quelque temps à la furface ;
& fe brifant enfin, voltigent long - temps en
tout fens avant que d'aller au fond.L'Eau ,
qui eſt élevée dans la diſtillation ,n'a point
de gout ni d'odeur,ni ne fait impreffion fur
aucune matiere; la cucurbite fent feulement
un peu l'empyreume , & toute la Réfidence
affaiffée est une terre blanche mêlée d'une
matiere qui reffemble à une gelée ou mucilage
bien tranfparent & couverte d'une
maffe de Sels fort blancs .
Cette Réfidence mife fur une pelle ou
lame d'argent bien chauffées , jette unę
petite flamme , & expofée à l'air elle
s'hu
JANVIER. 1730 . II
s'humecte. Si fon poids varie d'une évaporation
à l'autre de quelques grains au .
deffous ou au- deffus de foixante pour
chaques deux livres d'Eau , c'eft d'avoir
été plus ou moins deffechée.
En démêlant cette Réfidence , M. Boulduc
n'a pas perdu de vûe celle qu'on lui
avoit apportée de Bourbon ; l'une & l'au
tre lui ont fourni les mêmes matieres par
differentes operations . Cependant M.Boulduc
s'étant apperçu , que l'Evaporation
très -modérée de notre Eau , pouvoit pref
que toute feule fuffire pour en developper
tout , il la propofe comme le moyen
le plus fimple & le plus ailé à executer.
Sans répeter ce qui a été dit de ce
qu'on voit au commencement de cette
operation , on continue à faire exhaler
notre eau le plus doucement qu'il eft poffible
, & toutes les fois qu'il fe préfente
une certaine quantité de Sediment en partie
, comme une terre informe & opaque ,
en partie , comme des filets tranfparents ,
on le fépare en furvuidant l'eau claire dans
un autre vaiffeau : plus elle fe concentre
de cette maniere , plus elle jaunit , & il
fe forme alors peu à peu au fond & aux
parois du vaiffeau , des Cristaux en cubes
parfaits , pendant que la furface fe couvre
d'une croute faline , qui en deffus eft
inégale & raboteufe , & en deffous mélée
de
$ 2 MERCURE DE FRANCE.
de deux fortes de Cryſtaux. On ôte cette
croute auffi fouvent qu'il s'en forme ,
pour que l'eau s'évapore librement ; &
nous dirons davantage du Sediment en
fon lieu.
Les Cryftaux cubiques font un veritable
Sel commun , qui fe diftingue par
cette configuration , par fon gout particulierement
falé , & par d'autres proprietez
trop connues pour être rapportées .
Il fe déclare d'avance par le gout qu'il
donne à notre eau , & encore davantage
dans les Epreuves, par l'effet de la volatili
té, que fon acide imprime à l'argent , en
le précipitant ; & enfin , on le réduit par
l'évaporation en fa confiftence concrete.
›
Ce Sel fait la plus grande quantité
d'entre les matieres de la Réfidence , comparé
avec chacune en particulier .
Les Croutes falines , de nouveau diffoutes
dans de l'eau commune
donnent par
l'évaporation encore du Sel commun ;
après quoi le reste de cette folution furvuidée
& expofée à l'air fait naître des
Cryftaux d'un quarré long , taillez à facettes
aux extrémitez , amers d'abord , &
frais enfuite fur la langue , qui font des
proprietez , qui avec d'autres font le caractere
du Sel de Glauber : Et c'eſt -là ce
que Palcala pris pour un Sel Nitreux , féduic
JANVIER. 1730 . 13
dait par quelque reffemblance fuperficielle
& imparfaite des Cryftaux . L'acide
nitreux , qui fait l'effence des Sels de ce
nom , n'entre point dans fa compofition
c'eſt celui du Vitriol & outre que
M. Lemmery a prouvé clairement dans
un de fes Mémoires , que la fource de
Notre Nitre , n'eſt point dans les entrailles
de la terre , mais qu'il naît , pour
ainfi dire , à la furface , ou à une très- pe
tite profondeur ; il eft encore bien certain
, qu'il ne s'en eft point trouvé julqu'ici
de bien reconnu pour tel dans aucune
eau Minerale ; car celles qu'on appelle
communément Nitrenfes , contiennent
un Sel alkali à toute épreuve ;
on les a comparé au Nitre des Anciens ,
qui leur a fait donner ce nom .
Le Sel de Glauber ne fçauroit être diftingué
dans notre Eau par le gout , parce
qu'il eft dominé par d'autres , dont nous
reffentons plus d'impreffion ; on ne fçauroit
non plus le prévoir par une fimple
épreuve : il faut le foupçonner , & en partie
feulement fe convaincre de fa préfence
avant que de le chercher .
On peut avec quelque fondement le
foupçonner par tout où il y a du Sel
commun , ils ne font guéres l'un fans
l'autre . Il y en a ainfi dans quelques Acidules
ou Eaux ferrugineufes froides,com-
B me
14 MERCURE DE FRANCE . me
il y en a dans
notre
Eau
naturelle
ment
chaude
; l'eau
de la Mer
même
n'en
eft pas
exempte
; & M. Boulduc
en
a trouvé
dans
des
eaux
de Salines
, que
l'on
regardoit
comme
purement
falées
parce
que
l'on
en tire
du Sel commun
.
Pour s'affurer de la préſence de ce Sel
par quelque épreuve , il faut d'abord
voir , fi l'on peut découvrir l'acide vitriolique
en general , & c'est ce que
M. Boulduc fait par le moyen de l'huile
de Chaux , qui lui fert de pierre de touche
pour cet acide , lequel (ous quelque
forme qu'il le trouve , quitte après ce
melange fa bafe quelconque , & le porte
fur la Chaux , avec laquelle il fait une
efpece de cryftalilation : l'Acide vitriolique
étant ainfi dévoilé , on employe enfuite
des moyens fubfidiaires , par lefquels
on puiffe reconnoître , s'il eft lié avec du
fer , comme il l'eft dans le Vitriol , ou
avec une terre cretacée , comme il l'eft
dans l'Alun , & c. Que fi ces fortes de
preuves manquent , on eft affez certain
qu'il y a du Sel de Glauber . Et c'eft de
cette maniere que M. Boulduc l'a preffenti
dans les Croutes Salines avant que
de le faire paroître par la cryftaliſation.
Ce Sel contribue beaucoup à faire várier
le poids de la Réfidence , parce qu'on
peut deffecher au point qu'il peſe plus le
de
JANVIER. 1730. 13
de la moitié moins que dans fon état naturel.
Aprés avoir retiré de notre Eau le Sel
<commun & les Croutes Salines , on con◄
tinue à l'évaporer : plus elle s'avance vers
la fin , plus elle devient rouffe & graffe ,
d'un gout piquant comme une Lexive ,
& répand une odeur bitumineufe , fans
dépofer davantage de Cryftaux .
Ces circonstances font juger , qu'il y a
là plus d'une matiere : c'eft un Sel qu'on
découvre par le gout , & une fubftance
en general appellée fulphureufe , qu'on
apperçoit par l'odeur , qu'il faut démêler
F'une d'avec l'autre.
•
هل
Ce qui produit le gout piquant & lixiviel
, eft un Sel Alkali fixe , dont les
proprietez égalent en beaucoup de circonftances
un bon Sel de Tartre , avec
lequel M. Boulduc l'a toujours comparé s
mais elles s'en éloignént , entr'autres , en
ce qu'au lieu que le Sel de Tartre mêlé
avec le Vitriol ou fon acide fait un Tartre
vitriolé ; le Sel de notre Eau mêlé
avec le même acide produit conftamment
un Sel de Glauber . Ce fait , jufque
là l'unique , a fait fouhaitter à M. Boulduc
d'avoir du moins encore un exemple
de pareil Sel ; & il l'a trouvé dans la Terre
appellée Nitreufe , qu'on amaffe autour
de Smyrne & d'Ephefe , & qu'on employe
Bij dans
16 MERCURE DE FRANCE.
dans ce Pays- là à la fabrique du Savon
il en a fait une forte Lexive purement
alkaline , & Payant mêlée avec du Vitrial
ou fon acide , il en a pareillement
retiré du Sel de Glauber , & point d'autre.
Cette difference prouve évidemment
que ces deux Alkalis tirent leur origine .
du Sel commun ; & M. Boulduc conjecture
, que les Sels de toutes ces Eaux Minerales
, que M. Du Clos & d'autres ont
appellé Nitreufes , font auffi de cette ef
pece diftinguée.
Cer Alkali falin fe déclare d'avance.
dans notre Eau. le
par gout lixiviel qu'il
lui donne , & qui avec celui du Sel commun
domine fur le refte ; il fe fait encore
connoître davantage dans les épreuves
par
les effets d'effervefcence avec les acides
, de précipitation de tout ce qu'ils
ont diffous , de changement de couleur
dans la teinture de Violettes , & dans la
folution du Sublimé corrofif ; & enfin on
peut le réunir , & le rendre fec & palpable
, comme nous l'allons dire en par
lant de ce qu'il y a de fulphureux dans
notre Eau .
Le Sel commun étant partout où il
le trouve plus ou moins bitumineux , a
felon toute apparence communiqué à
notre Eau du Bitume , que l'Alkali¯tient .
diffous , & l'empêche par là de furnager
&
JANVIER. 1730. 17
& de paroître. Quoiqu'il en foit de fon
origine , le Bitume y eft , & on peut le féparer
d'avec l'Alkali , en verfant de l'Ef
prit de Vin fur la derniere portion d'eatt
bien concentrée : par ce moyen , comme le
plus aifé d'entre les autres,quelques gouttelettes
de Bitume montent à la furface
& d'autres fe collent aux parois du vaiffeau
, pendant que le Sel Alcali refte li
quide au fond , d'où on le retire facilement
pour le deffecher & pour l'avoir pur
& blanc. L'Esprit de Vin feul en quantité
fuffifante le réduit à fec avec le tems.
Le gout ne fçauroit diftinguer le Bitume
dans notre Eau , & le peu d'odeur
qu'elle a eft une trop foible & incertaine
marque de fa préfence : on ne peut que
le foupçonner par l'empyreume que l'eau
imprime au vaiffeau dans la diftillation:
& par l'odeur qu'elle exhale fur la fin de
Pévaporation , jufqu'à ce qu'on le fépare
de tout mêlange par le moyen que nous
venons de dire.
Le Bitume répandu dans toute la Réfidence
, fait qu'elle s'enflamme , quand
on en met fur une pele rougie , étant inflammable
de lui - même.
Nous paffons à examiner le Sediment ;
c'eft autant celui que l'on garde des évaporations
, que celui que l'eau dépofe à
B iij
la
?
18 MERCURE DE FRANCE:
1
fa Source en maniere de croutes piera
reuſes.
On apperçoit dans l'Eau , qu'on évapore
actuellement , de petits filets clairs
transparents parmi d'autres corps blancs
✔opaques , qui en s'affaiffant fe confondent
enfemble : & dans les croutes pier
reuſes on diftingue de petits brillans parmi
une matiere terne & fans éclat. Voilà
encore deux fubftances à démêler.
La premiere , qui a de la tranfparence:
ou du brillant , eft un Sel moyen , dans
lequel l'Acide vitriolique eft chargé de
beaucoup de terre , & M. Boulduc a parlé
plus au long de fa qualité faline , à
l'occafion des Nouvelles Eaux Minerales:
de Paffy. Ce Mixte n'ayant pas encore
été mis au rang des Sels, il fera libre à cha
cun de lui donner tel nom qu'il voudra.
M. Boulduc l'appelle Selenite , parce qu'il
prend la même configuration en fe cryf
talifant.
Comme un Sel de difficile diffolution
ou qui a befoin de beaucoup d'eau pour
fe tenir diffous , il commence à paroître
comme une pouffiere fine qui a quelque.
éclat , auffi tôt qu'un peu d'eau lui eft
fouftraite , & à mesure qu'elle diminuë
il forme de petits filets , enfuite des feuillets
ou pellicules , dont enfin les mor
ceaux
JANVIER. 1729. 19
ན་
ceaux brifez s'attachent au vaiffeau , &
prennent encore là plus de volume & plus
de régularité dans leur configuration .
Ce Sel ne fe trouve pas feulement dans
quelques Acidules & Eaux Minerales
chaudes; il y en a auffi dans des Eaux fa
lées , dont on tire du Sel commun , comme
font celles de Salins , de Durban , de
Fourtou , de Roquefort.
Pour ce qui regarde la deuxiéme mafiere
de nos Sedimens , ces corps blancs
& opaques ou ternes ; c'eft une Terre ,
qui fermente avec tous les Acides , comme
le font celles qu'on appelle abforban
tes : elle a pourtant une qualité de plus ,
que M. Boulduc a reconnue par d'autres
effais ; c'eft qu'elle a été calcinée dans le
Laboratoire foûterrain. Quand on en
mêle avec du Sel Ammoniac , foit qu'on
employe la terre de la Réfidence bien las
vée , ou les croutes pierreufes , comme
elles font forties de l'eau , elles retien
nent dans la diftillation l'Acide du Sel
commun , & mettent en liberté l'Efpris
urineux , qui eft vif & pénétrant , & de
fes effets ordinaires , précipitant le Subli
mé en blanc , verdiffant le fyrop violat ,
changeant en bleu célefte toute folution
de cuivre & le Réfidu , comme un Sel
Ammoniac fixe , réfous par l'humidité de
Biiij l'air ,
10 MERCURE DE FRANCE.
Fair , ou détrempé dans de l'eau , donno
cette Liqueur ou Solution , qu'on appelle
vulgairement Huile de Chaux , laquelle
paffant par le filtre , laiffe en arriere une
maffe brune , qui après une legere calcination
, & pas plutôt , permet à l'Aimant
d'en attirer des parcelles de fer.
Les Croutes pierreufes , dont on avois
fait cfperer un Efprit de Nitre , diftillées
feules , donnent un peu de Bitume ; &
mêlées avec du Vitriol , elles fourniffent
un phlegme d'une odeur bitumineuſe , &
rien au- delà.
L'Alkali terreux fe fait bientôt connoî .
tre dans l'évaporation de notre Eau comme
une terre en general ; mais dans les
épreuves il femble , que l'Huile de Tartre
par défaillance déclare fa qualité particuliere
, parce qu'elle l'en précipite
comme elle le fait à l'eau de Chaux . Etant
bien abforbante , elle a part à l'effervefcence
avec les acides , & à la précipitation
de ce qu'ils avoient diffous.
Comme cette terre & laSelenite fe préfentent
toujours à la furface de laSource,
où il fe fait fans ceffe une évaporation &
diminution affez forte ; ces deux marieres
s'amoncelent dans les tems , que l'eau
n'eft point agitée , & parvenant au point
de furmonter la réfiftance , ou aidées par
dess
CULTIE
HO
JANVIER 1729. 21
des agitations volontaires de la part de
ceux qui en puifent , elles fe dépofent
fucceffivement , & forment les couches
des croutes pierreufes , qui fe mêlent &
fe cimentent encore avec les feuillets
bruns , qui dérivent en partie de la boue
que l'eau amene de fon fond.
Le Fer , dont nous avons touché un
mot , faiſant la plus petite partie d'entre
les matieres de la Réfidence , ne fçauroit
y paroître fous fa couleur ordinaire ; les
couches rouges brunes des croutes le peuvent
faire foupçonner ; mais l'épreuve
qu'on fait avec la noix de galle ne peut
pas déclarer la préfence , parce qu'il n'eft
pas diffous dans notre Eau , ou en forme
de Vitriol ; il n'y eft pas non plus comme
Fer parfait , parce qu'il n'obeït pas d'abort
à l'Aimant. Il y a apparence , qu'il
fort d'une Marcaffite ferrugineufe , &
que fes pores font encore bouchez de
terre , dont le feu les délivre ; & alors la
matiere magnetique y trouve accès .
M. Boulduc a tiré du Fer & des croutes
pierreuſes , & de la partie terreufe de la
Réfidence , & M. Burlet en avoit auparavant
apperçu dans le Mucilage , qui est
d'ailleurs une partie du tout , entremêlé
de Sels , de Bitume & de terres , avec un
petit refte d'eau , qui lui conferve de la
tranfparence pour quelque tems..
BV Le
22 MERCURE DE FRANCE :
Le Mucilage , plus ou moins deffeché
peut contribuer beaucoup à faire varier
le poids de la Réfidence.
9
Après ce détail , M. Boulduc répond
à une Objection , qu'on fait communément
à la Chymie fur fes productions
& particulierement fur les Sels : lefeu alzere
& décompofe. Qu'on laiffe évaporernotre
Eau , dit - il , à l'air ou au Soleil
comme Paſcal l'a voulu , ou qu'on la concentre
par la gelée , & de l'une ou de
Pautre façon , à tel point qu'on voudra 5
& qu'on la mêle enfuite à differentes reprifes
, avec de l'efprit de Vin , que l'on
augmentera chaque fois , qu'on furvuidera
le mêlange de cette maniere , on
verra d'abord la terre , que la Selenite
& le Fer accompagnent , enfuite les Sels
moyens en Cryftaux , & finalement le
Sel Alkali au fond , diftinctement féparé
d'avec l'Esprit de Vin , comme fi on y
avoit verfé une forte Huile de Tartre par:
défaillance .
:
Il n'y a point d'apparence , qu'après
cela on mette le Sel Alkali ou quelque
autre fut le compte du feu , qu'on n'a pas
employé.
De tout ce qui a été dit jufqu'ici , M.
Boulduc conclud , que les Eaux de Bourbon
contiennent naturellement du Sel
commun , du Sel de Glauber , un sel A
kalis
JANVIER 1730. 23
kali , du Bitume , de la Selenite , une Terre
abforbane , & du Fer , dont le mêlange
répandu dans une eau actuellement
chaude , & chaque matiere confiderée
felon fa qualité , connue par l'experience
& l'ufage , que la Medecine en fait tousles
jours , doivent faire inferer d'avance.
qu'elles font en état de déterger , d'inci-
-fer , & de réfoudre , qui font des effets
generaux communément fuivis d'une ample
tranfpiration & excretion d'urine s
que de plus elles peuvent abforber , & ens.
partie deffecher & fortifier ; mais ce qu'on
regrette ordinairement fort , c'eft qu'elles
ne fçauroient guères purger , & c'eſt
auffi ce que la plupart des Malades regardent
comme un deffaut , mefurant la
bonté d'une Eau Minerale fur de fréquentes
évacuations de cette efpece..
Si on accorde , dit M. Boulduc en finiffant
, que ce foit là un deffaut , d'ha
biles Medecins fçavent bien le réparer
foit en faifant préceder les Eaux de Vi--
chy , pour frayer le chemin à celles de
Bourbon , foit en faiſant prendre ces der--
nieres , quand ils le jugent à propos , avec
des Sels moyens apéritifs , d'entre lefquels
M. Burlet a depuis une vingtaine d'années
mis en ufage l'Arcanum duplicatum
bien conditionné , & en a vu d'heureux
fuccès.
Bivj LET
+
24 MERCURE DE FRANCE.
*****: ***** *****
A
LETTRE du P. A. J. à un Ami.
Mi , veux-tu fçavoir l'ufage des momens
Qui compofent ma vie :
Peut être en les trouvant fi doux & fi char¬
mans ,
Me porteras-tu quelqu'envie .
A ce plaifant début que tu crois impof
teur ,
Cher Ami , tu vas rire.
Il me femble déja te voir d'un air railleur .
Me lancer un trait de Satyre,
W
Il fait beau , diras- tu , voir au fond d'un Bureau
L'éleve d'Uranie ,.
D'abbattre , difputer ſur le prix (4) d'un Taureau
,
Et proftituer fon génie..
M
Cette main , qui jadis calculoít du Soleil
( a ) L'Auteur étoit alors Procureur dans
La Maison du Berry.
Les
JANVIER. 1730 25
Lesmouvemens rapides ,
Suppute maintenant les profits d'un ( ))
Chepteil ,
Avec des Payfans ſtupides.
Mon poffè à ce coup d'oeil eft à ton juge -
ment
Ignoble autant que rude :
Máis apprens que j'en fais un doux amuſe
ment,
Et non pas une trifte étude.
Par-là j'ai trouvé l'art d'étayer de mon
corps
La prochaine ruine ::
Je fens dejour en jour s'animer les refforts
De cette importante machine.
En faifant fucceder le travail au repos ,,
La Campagne à la Ville ,
Je medite , je lis , & je mêle à propos
Le doux à l'honnête & l'utile..
Des fameux Orateurs relifant lesEcrits,
(a) Efpece de Fermage à la Campagne.
Leur
26 MERCURE DE FRANCE.
1
Leur fublime m'engage :
Je m'efforce à l'envi de ces brillans efprits
De parler le même langage.
Des Poëtes le feu , le tour , la liberté
M'éleve à l'héroïque :
En lifant de beaux Vers je me fens tranf
porté
D'une ardeur toute Poëtique.
Je n'y fuccombe pas , les aufteres leçons
De la Philofophie
M'avertiffent tout bas que ces tours , ces doux
fons ,
Ne font qu'une douce folie.
Je l'écoute , & formant de plus nobles prejets
Au gré de la fageffe
J'éleve mon efprit aux differens objets ,
Qu'elle me préfente fans ceffé.
Libre depuis long- tems du fervile far--
deau
Des préjugez Vulgaires .
De la foy ma raif on révere le bandeau ,
Maiss
JANVIER 1730. 27
Mais hors de- là point de myfteres.
糕
La fageffe de Dieu , la fuprême raifon
A fondé la nature ,
1
Tout s'y fait , tout s'y meur , par la combisnaiſon
;.
Le poids , le nombre , la meſure.
Je n'y cherche donc point de vaines fa--
cultez
Qu'enfanta l'ignorance
De formes , ni d'horreurs , d'ocultes qua--
litez ,
Et bien moins encor d'éxigence.
Je contemple des Cieux le fuperbe con--
tour
Et leurs clartez errantes : :
Je les vois ramener & la nuit & le jour,
Mais par des routes differentes.
Je m'éleve en efprit vers cette Région , ›
Qui ce monde limite :
Ah !qu'alors cette utile & douce fiction
Rend la terre à mes yeux petite !
Je
28 MERCURE DE FRANCE:
Je cherche les raifons qui forment dans les airs
L'Eclair & le Tonnere :
J'apprens celles qui font fe retirer les Mers ,
Et fe répandre fur la terre.
Mon efprit curieux va chercher les métaux
Dans leurs profondes mines :
Et parcourant les Mers , des Perles , des Co
raux ,
Développe les origines.
Les corps des animaux & leurs refforts divers
Sont autant de miracles.
Le détail infini de ce vafte Univers
N'offre que d'étonnans fpectacles.
Quand' ces points animez,. ces atomes vivans
Qu'un verre nous découvre
Préfentent à mes yeux mille objets ſurprenants
:
C'eſt un monde nouveau qui s'ouvre.
Jene méprife poing les curieux hazards
De
JANVIER. 1730 . 29
De l'obfcure Chymie;
En un mot , cher Ami , je cultive les arts ,
Que cultive l'Académie.
Exempt d'entêtement comme de paffions ,
Tu peux bien me connoître ,
Quoiqu'on en dife , Ami , dans mes opi
nions ,
•
Je ne me fixe point de Maître.
Sectateur des Anciens ainfi que des Récens
,
Mais toujours équitable ,
De qui fuit la raiſon , de qui fuit le bon
fens
Je tâche d'être inféparable.
Ariftote me plaît , foit dans fes animaux™
Soit dans fa Poëtique ;
Jadmire fon efprit dans bien d'autres tra
vaux ,
Mais je mépriſe fa Phyfique.
*
Au reſte , ne crois pas que toujours oc-´
cupé
De Sciences fteriles ,
Ebloui
30 MERCURE DE FRANCE.
Ebloui par l'éclat & par l'orgueil dupé ,
J'en néglige de plus utiles.
Non , non , je dis fouvent : ceffez de me
tenter
Eclatantes Etudes :
L'homme en vous cultivant, que fait- il, qu'augs
menter
Ses travaux , fes inquiétudes ?
Votre éclat ébloüit , votre fublimité
De nos efprits abuſe.
Mais vous n'êtes pourtant qu'ombre ,
vanité
Où l'homme follement s'amuſe.
語
, que
Dans ce fiécle éclairé que les beaux - Arts ont
fait ,
Un progrès incroyable ,
L'homme eft-il devenu plus heureux , plus
parfait
Non mais peut- être plus coupable.
Oui , l'homme, en découvrant par de pénibles
foins
Tant de chofes fi belles,
N'a
(
1730. 31
JANVIER.
N'a fait que découvrir mille nouveaux bee
foins ,
Se former des chaînes nouvelles.
Se connoître foi- même eft le premier devoir
Que le Ciel nous impofe.
Ofons ce beau deffein fortement concevoir ,
On l'éxecute quand on l'ofe.
C'eſt ainſi qu'à percer les replis de mon
coeur
T Je m'excite moi-même :
Mais on ne devient pas fi promptement vain
queur
Des deffauts que fouvent on aime.
J'ai pourtant écrafé des Tyrans de nos
jours
La tête faftueuſe :
Les defirs de briller , Domeftiques Vau
tours ,.
Ne troublent plus ma vie heureufe..
Envain , devant mes yeux éclairent les appas
De leftime publique ,
Heu
*2
MERCURE DE FRANCË
Heureux, je fçais gouter loin d'un brillant
fracas ,
Une vie humble & pacifique.
Content à quelque ami pour moi plein de
bonté
De lire mes Ouvrages ,
On ne me verra point du Public redouté
Briguer les orgueilleux fuffrages.
潞
Je cherche dans mon coeur ce qui fait
ávorter
Les efforts de la grace ';
Sûr qu'au gré de mes voeux , qu'elle fçait
confulter ,
Elle eft , ou n'eft pas efficace.
糖
Je nombre tous les maux qui marchent fur
les pas
De la fiere opulence ;'
Je vois que le bonheur ne fe rencontre pas
Dans les biens , mais dans l'innocence..
De nos myfteres faints je fonde les abords ,
Redoutable entrepriſe !
Mais utile pourtant quand on fuit les efforts
D'une raifon droite & foumife.
Mer
JANVIER. 1736. 33
Merveilles de la Foi , ne peut- on vous orner
De couleurs encor neuves ?
Anciennes Verités , ne peut- on yous donner
Encor de nouvelles preuves ?
Pour loüer des mortels , on ufe tous les
tours
Que fournit l'éloquence ;
Et nous ne pourrions pas par de nouveaux
difcours
Rendre aimable la Providence !
逛
Malgré les beaux dehors dont il eft revêtuz
Je découvre le vice ;
Et des attraits naïfs de l'aimable vertų
Je fçais diftinguer l'artifice .
Objets toûjours divers de méditation ,
Les Paffions humaines ,
Les haines , les defirs , l'orgueil , l'ambi
tion ,
Me fourniffent d'étranges Scenes .
Obfervateur exact , je les fuis pas à pas
Dans leurs routes obliques ;
*Im
34 MERCURE DE FRANCE .
Implacable ennemi de quiconque n'eft pas
Homme droit à mes yeux ftoïques,
Je detefte furtout cet Art contagieux
Qui corrompt les oreilles ;
Qui toûjours chez les Grands d'un fon harmonieux
Leur chante leurs propres merveilles .
M
O Vous de qui dépend le deftin des humains
,
Arbitres du mérite ,
Tous les jours vos flatteurs raviffent dans vos
mains
Le prix de la vertu profcrite.
De vils adulateurs vous recevez l'encens ,
Idoles de la terre ;
Mais fçachez que du Dieu qui jugera les
Grands
Cet encens forme le Tonnere.
Mais où m'enlevez - vous d'un vol audacieux
,
Capricieufe Guide ?
Ah ! Mufe , defcendons ; pour voler dans les
Cieux
Je n'ai pas l'aîle affez rapide.
C'eft
JANVIER. 17300 35
C'eſt ainfi , cher ami , que je paffe les
jours
Que la Parque me file ;
Ils ne font pas brillans , il eft vrai , mais
leur cours
En eft plus doux & plus tranquille .
REMARQUES de M. d'Auvergne,
de Beauvais , fur un Livre intitulé :
Les Principes du Droit François fur les
Fiefs . Par M. Billecocq.
E titre de cet Ouvrage paroît impo-
Lfant.On yannonce le détail des
principes de la Jurifprudence Françoile
fur les Fiefs , c'eft - à- dire , fur la matiere
la plus curieufe , la plus difficile &
la plus importante peut- être de tout notre
Droit . La diverfité d'opinions , &
les conteftations qu'elle produit tous les
jours fur une infinité de points , font
une grande preuve qu'après tout ce qu'il
y a eu de Sçavans hommes qui ont tra
vaillé à les éclaircir & à les difcuter ,
nous y manquons encore de principes
fixes & certains . Auffi un Livre qui rentermeroit
réellement tous ces principes ,
feroit
46 MERCURE DE FRANCE .
Leroit à rechercher avec empreffement.
Mais ici la promeffe eft trop étenduë;
elle ne s'accorde pas même avec le jugement
que M. Billecocq a porté de fon
Ectit dans l'Epitre Dédicatoire & dans
l'Avis au Lecteur. Il n'y préfente en
effet ce fruit de les travaux que comme
un Commentaire fur la Coûtume particuliere
du Gouvernement de Peronne ,
Mondidier & Roye , & il-y avertit que
c'eft à cette Coûtume qu'il réduit tous
fes principes. Auffi je ne me propofe que
d'examiner de quelle façon doit s'executer
une femblable entreprife , de faciliter
l'intelligence de fa Coûtume , & fi
la Méthode que l'Auteur s'eft faite fur
cela est celle qu'il faut fuivre pour les
Ouvrages de ce genre : ce fera à quoi
fe borneront toutes mes Remarques .
Eclaircir on commenter une Coûtume
ou une Loi , ce n'eft pas fimplement
diftribuer fes collections fur toutes les
parties du Texte , ni morceler ce Texte
pour le compiler avec d'autres ; c'eft en
interpreter les termes obfcurs , déterminer
le fens des expreffions qui peuvent
être entendues de differentes façons , leyer
tous les doutes fur les cas où le Legiflateur
ne s'eft pas luffifamment expliqué
, ou qu'il a entierement omis . Pour
y réuffir , il faut examiner non - feulement
JANVIER. 1730. 37
ment les Ecrits de ceux qui ont fait la
même entrepriſe , foit fur cette même
Coûtume , foit fur celles qui ont quelques
difpofitions femblables , mais auffi
ce qui nous a été tranfmis par ceux d'entre
les Interpretes de toutes les autres
Coûtumes differentes ou oppofées, qui font
en réputation d'y avoir le plus excellé.
Il faut en choififfant parmi leurs diverfes
décifions , montrer par des raiſonnemens
clairs & folides , & fouvent par
l'Hiftoire de l'ancienne Jurifprudence ,
que les fentimens que l'on embraffe font
véritablement ceux qui doivent prévaloir
, & qui conviennent le mieux à
l'efprit de la Loi particuliere que l'on
commente. Il faut rapporter avec une
judicieufe critique les Sentences & les
Arrêts rendus fur chaque Queſtion ,
rétablir les efpeces de ceux qui ont été
mal entendus , enfeigner quels font ceux
qui n'étant pas conformes au vrai fens
des Coûtumes , dans lesquelles ils font intervenus
, ne doivent pas être fuivis
faire connoître ce qui auroit dû y être
jugé , relever les fauffes applications qui
ont été faites de plufieurs autres . Or il
n'eft pas poffible qu'il s'en trouve de
cette nature dans un Livre qui n'étant
comme celui-ci que d'environ 440. pages
in- 12 , contient cependant près de
C 275
38 MERCURE DE FRANCE .
275. Chapitres , dont une bonne partie
eft fubdivifée en Sections , qui dans
certains Chapitres , vont jufqu'à douze
ou quinze.
Sans doute , l'Auteur n'a pas fait une
attention qu'il eft à fouhaitter qu'il faffe
pour les autres Ouvrages qu'il fe prépare
à nous donner fur les Rotures , le
Franc- Aleu , les Juftices Seigneuriales.
C'est que nous ne fommes plus dans le
tems où nos anciens Auteurs , tels que
Beaumanoir , Defmares , Bouteiller & c.
n'avoient qu'à écrire en forme de Loix
ou de Maximes ce qu'ils voyoient pratiquer.
Comme l'ufage étoit alors la
principale Loi , l'ignorance ou l'incertitude
de cet ufage étoit aufli la plus grande
fource des Procès on avoit encore
beaucoup d'obligation à ceux qui pour
le rendre plus invariable & plus connu,
prenoient la peine de le rédiger par
écrit. Content de l'utilité de laquelle
étoient à cet égard leurs compilations
on ne leur demandoit pas qu'ils difcu
taffent à fond toutes les fubtilités qu'on
commençoit déja à inventer , en s'écartant
peu à peu de la fimplicité des ficcles
précedens .
>
Mais aujourd'hui que les Coûtumes
particulieres de chaque Contrée font
écrites , que les Ordonnances de nos
Rois
JANVIER. 1729. 39 32
Rois fe font multipliées , que quantité de
Points qui n'avoient été décidés ni dans
les unes ni dans les autres , l'ont été
depuis par les Parlemens , qu'il y a une
infinité de Collections qui contiennent
les regles fur lesquelles on eft univerfellement
d'accord ; le travail de ceux
qui entreprennent encore d'écrire fur
cela , doit rouler uniquement fur ce qui
refte à faire jufqu'à ce qu'on foit enfin
parvenu à l'uniformité de Jurifprudence
fi poffible & fi defirée ; c'est - à- dire , fur
la folution des difficultés que l'obfcurité,
Je filence & la contrarieté de ces diverfes
Loix laiffent encore fubfifter , ou
que l'imagination des Interpretes a fait
naître.
A la verité , l'ouvrage eft d'autant
plus penible & moins gracieux , qu'il eſt
très-difficile de donner à ce qu'on trouve
encore à dire l'agrément de la nouveauté.
La Jurifprudence eft, en effet ,une
des Sciences fur lefquelles on peut affu .
ter avec le plus de raifon , que tout eft
dit. H eft peu de queftions , fi même il
y en a aucunes , qui ne foient traitées par
quantité d'Auteurs. Ceux qui nous ont
précedé ne nous ont prefque laiffé qu'à
concilier leurs avis , qu'à décider entre
nous à qui la préference doit être donnée
, & qu'à répliquer aux objections
Cij que
40
MERCURE
DE FRANCE.
que les uns ont faites contre les argumens
de ceux qui avoient écrit avant
eux , répliques qui fe trouvent aflez
fouvent dans les principes mêmes établis
par les premiers ; & ces questions fur
lefquelles il y a diverfité de fentimens ,
ou qui ayant été une fois éclaircies , ont
été rebrouillées de nouveau , ne peuvent
être ramaffées qu'en parcourant le
plus qu'il fe peut du grand nombre de
Volumes où elles font éparfes , & qu'en
effuyant , fans fe rebuter , le dégoût &
l'ennui qui font inféparables de la lecture
de tant de Livres qui fe font fucceffivement
copiés & remplis pour la plupart
des mêmes lieux communs.
Dans celui - ci , au -contraire , les fources
où l'on a puifé , & qui peuvent aifément
être comptées , parce qu'elles
font exactement indiquées fur les marges
, fe réduisent à un affez petit nombre.
Je me fuis même apperçû fur cet
article de deux petites circonstances affez
fingulieres , pour que je n'obmette pas de
les faire remarquer. La premiere , eſt que
l'Auteur a exclus du nombre de fes guides
tous ceux qui ont écrit en Latin
& la feconde , qu'encore que fon Recueil
foit fur les Fiefs , il n'y a cependant
pas fait ufage d'un feul des trai
tés dont cette matiere eft l'unique objet,
Ес
JANVIER. 1730.
41
Et dans le peu de recherches aufquelles
il s'eft borné , il a fait fon capital
de ce qui ne devoit être qu'un moyen
pour y parvenir ; c'eft- à- dire , qu'au lieu
de n'avoir recours aux ouvrages qu'il
avoit fous les yeux que comme à une
fource propre à lui fournir de nouvelles
ouvertures pour mettre dans un plus
grand jour les matieres controverſées ;
ou comme à un aiguillon qui excitât
qui reveillât fes propres idées , il s'eſt
toûjours borné à donner le précis des
réfolutions qu'il y a trouvées , fans même
indiquer les motifs qui y ont donné
lieu , ni les autorités qui y font oppofées.
pour
C'est ainsi , par exemple , qu'il donne
indubitable
,, ppoouurr cela feulement
que de Heu l'a dit , quoique l'axiome
foit faux & que du Pleffis , dont il a
extrait dans le même endroit un des
plus longs Chapitres prefque en entier,
ait fuffifamment fait entendre le contraire
,
que lorfque le mari neglige ou
refufe de rendre la foi & hommage pour
les Fiefs qui font échus à fa femme , &
de les relever , elle peut fe faire autorifer
par Justice , pour remplir cette
obligation.
Liv. 2 Ch . 4. Sect. 6.
C'iij
De
42 MERCURE DE FRANCE.-
De même , fur l'article de ce que
Fainé peut exiger de fes freres & foeurs ,
lorfqu'ils aiment mieux relever de lui
pour la premiere fois , que du Seigneur
dominant , l'Auteur range parmi les
maximes univerfellement fuivies ce qu'il
a vû dans la Coûtume de Laon a que
les cadets doivent en ce cas à leur ainé
le droit de chambellage , fans avertir que
M. d'Argentré b dont le fentiment a été
en cela fuivi par plufieurs autres , a tenu
le contraire .
·
Telle est la Méthode de M. D.....
Au lieu de n'avoir recours au Texte des
autres Coûtumes que pour difcuter le
plus ou le moins d'application qui en
peut être faite à la fienne , il fe contente
de les tranfcrire comme des principes
genéraux , tous differens qu'ils font
du détail dans lequel les Auteurs qui
ont traité les mêmes points font entrés.
Ainfi la Section où il parle de la foi
& hommage du Fief contefté entre plufieurs
perfonnes , n'eft qu'un compofé
de purs Textes de quelques Coûtumes
de Champagne , pofês là en forme de
maximes genérales , & fans exception ,
(a ) Liv. 2. Ch. s . Sect. 7.
( b ) Sur l'Art. 328. de l'anc . Coût. de Bre
tagne.
( c) Liv. 2. Ch. 4. Sect. 4.
tandis
JANVIER. 1730. 43:
tandis que ce dont il s'agit a été am
plement traité par du Moulin qui a fai
les principales des diftinctions neceffaires
pour la décifion des differens cas
dans lefquels la queftion peut fe préfenter
, qui en a facilité l'application par
les hypotefes qu'il a dreffées avec foin,
& qui a enfeigné quelles font les excep
tions dont les regles qu'il établiffoit font
fufceptibles.
Ainfi encore quand il s'agit de fçavoit
fi le Seigneur qui veut retenir un
Fief de fa mouvance , dont le nouvel
acheteur vient lui demander l'inveftiture ,
peut deduire , fur le prix de la vente
qu'il eft obligé de rembourfer , le montant
des droits féodaux , M. B. a appor
re de même pour toute déciſion un article
de la Coûtume de Vermandois qui
ne reçoit d'application que pour le feul
cas , qui n'eft fufceptible d'aucune difficulté,
que ce foit l'acheteur qui foit char.
gé du payement de ces droits . Mais
changez l'efpece , fuppofez que l'achereur
ne s'étant pas engagé à les acquiter,
le vendeur en fut resté tenu , & demandez
fi alors il eft encore vrai que le
Seigneur ne puiffe pas en faire de déduction
fur la fomme principale , il ne
(a) Liv. 14. Ch. is. Sect. 1.
C iiij.
s'en
44 MERCURE DE FRANCE.
s'en trouve rien dans l'Auteur , & il vous
laiffe dans l'incertitude du parti qui eft
à prendre dans la contrarieté qui fe rencontre
fur cela , non - feulement entre les
diverfes Coûtumes , mais auffi entre les
divers Jurifconfultes .
"
Rien , comme on voit , n'eft fi oppofé
au but que j'ai expliqué , qu'un Commentateur
de Coûtume doit fe propoſer
de fuppléer fur le plus grand nombre de
cas qu'il lui eft poffible , de raffembler au
deffaut des Textes qu'il entreprend d'éclaircir
. A quoi bon un Commentaire
qui contient tout auffi peu , & même
quelquefois moins que l'article conteſté;
& c'eft cependant le deffaut dominant de
celui de M. B. en voici encore un exemple.
Si on cherche dans le Texte de la
Coûtume de Peronne a fur quel pied
l'ainé doit rembourfer & récompenfer
fes cadets , lorfqu'il veut retirer de leurs
mains la part qu'ils ont dans les Fiefs
des fucceffions de leur pere & mere , &
qu'il eft obligé d'en faire la récompenfe
en argent ; on y voit que les redacteurs
de cette Coûtume ont décidé que le rachat
devoit fe faire à raifon du denier
20. pour ce qui eft du côté de Vermandois
& de l'Artois , & du denier 25.
( a ) Liv. 4. Ch . 15. Sect. 7..
pour
JANVIER. 1730. 45
pour ce qui eft en deçà de la Somme ;
au lieu que notre Auteur n'a rien fait
paffer de cela dans fon Recueil , où l'on
chercheroit avec tout auffi peu de fruit
à s'inftruire de tous les doutes que les
difpofitions de la Coûtume peuvent caufer
fur cette matiere ; comme fi cette ancienne
fixation doit encore être fuivie
s'il eft vrai que l'ainé foit toujours le
maître de faire ce rachat en héritages
roturiers , quand il y en a fuffifamment
dans la fucceffion , & fi les cadets ne
peuvent jamais en ce cas l'exiger en argent
; fi ce que ceux - ci ont eu par donation
eft fujet à ce droit de retenuë de
Painé , comme ce qui leur eft échu par
fucceffion ; fi ce droit eft ceffible ; fi le
tems en dedans lequel il doit être exercé
court pendant la minorité des enfans
du fils ainé mort avant que ce tems fur
écoulé ; fi la joüiffance de la mere à titre
de douaire prolonge ce délai ; fi les
proprietaires peuvent rien démolir fur
leur part , & en couper les bois de haute
futaye , tant que dure la faculté de leur
ôter des mains & c .
Mais les inconveniens de cette derniere
forte d'omiffions ne font rien ,
pour ainfi dire , en comparaifon dest
maux que peut produire la réticence des
autorités oppofées aux décifions qui font
Cx
ici
46 MERCURE DE FRANCE.
ici continuellement données comme des
axiomes non conteftés ; car dans la Science
du Droit encore plus que dans toute
autre , un Livre , fi mal digeré qu'il
foit , eft , fur tout après la mort de fon
Auteur , un oracle pour une infinité de
gens . Cette maxime eft imprimée ; cela
fuffit pour le vulgaire ; il en conclud:
aufli - tôt qu'elle eft vraye ; malheureufement
ce vulgaire n'eft que trop nombreux
. Des Avocats mêmes qui paffent
pour habiles , font- ils confultés fur une
queftion dont ils ignorent le noeud , ils
ne font fouvent autre chofe qu'ouvrir
un des Auteurs qu'ils fçavent qui en
ont parlé ; & la décifion qu'ils y trouvent
qu'elle foit bien ou mal fondée,
eft la régle de leur réponſe . Si ellé eft
favorable au confultant , cela l'engage à
entreprendre un Procès dans lequel il
fuccombe , parce qu'il plaide devant des
Juges qui font mieux inftruits des veritables
principes ; & le voilà ruiné
tant par les dépenfes qu'il a faites que
par celles qu'il eft obligé de rembourfer
à ceux qu'il a inquietés. Quelquefoisc'eft
le Magiftrat qui donne dans ce
travers , & à qui la caufe du monde la
mieux fondée paroît mauvaife , fur la
foi d'un Auteur pour lequel il s'eft prévenu
; & à qui il s'en rapporte aveuglé
›
ment.
5.
JANVIER. 1730. 47.
ment. Mais que ce foit à fa trop grande
crédulité ou à celle de Avocat
qu'il faille fe prendre de la ruine d'une
famille , l'Ouvrage qui a fait tomber
dans l'erreur le Juge , ou l'Avocat , n'en
eft pas moins la premiere caufe de la dé
folation de cette famille. C'eft là l'importance
de ces fortes d'Ecrits , & ce
qui en doit rendre les Auteurs bien circonfpects,
į į į į į įšį į į į ÿ ÿÿ ÿ ÿ ÿ ÿ ÿ ÿ ! !!
A M. LE CHEVALIER COYNART
L
A terre a perdu fa verdure ;
Flóre atteinte de la froidure
Refufe aujourd'hui fes faveurs ;
Ainfi vainement je m'apprête ,
Chevalier , à chommer ta Fête ,
Je ne fçaurois trouver de fleurs.-
Au deffaut de celles que Flore
Dans fes Parterres fait éclore ,
Et que l'on voit fi - tôt mourir ,
Je vais , volant avec audace ,
En cueillir fur le Mont- Parnaffe :
Que le tems ne pourra fletrir.
C vj Neuf
48 MERCURE DE FRANCE:
Neuf Soeurs plus fçavantes que belles.
Cultivent ces fleurs immortelles ,
Qui bravent le plus grand Hyver ¿ .
Avec ces fleurs je veux te faire
Un bouquet , que jamais n'altere
Aucune impreffion de l'air.
Sans impofer aux yeux , fans feindre
Avec ces fleurs je fçaurai peindre.
Ta politeffe , ta candeur ,
Ta mémoire heureufe , admirable ,
Ton efprit facile , agréable ,
D.Ss ans * furmontant la froideur.
Ce bouquet difert , patetique,
De ton ame vraiment ſtoïque.
Exprimera l'égalité ;
On y verra par quelle addreffe
Tu fça s donner à la vieilleffe
Un air dont on eft enchanté.
Ta converfátion charmante ,
Auffi folide qu'amuſante ,
Y paroîtra dans tout fon jour.
Voila les fleurs que pour ta gloire
Je vais aux filles de mémoire
Voler en leur faiſant ma Cour.
* 11 a 78. Anso.
REJANVIER.
1730 49
1
REJOUISSANCES faites à Dijon.
Extrait d'une Lettre écrite de cetto
Ville.
Ous apprimes l'heureufe nouvelle le
Node Septembre ; elle n'eut pas été plutôt
annoncée par une triple décharge de l'Artillerie
de la Ville & du Château , qu'on
entendit de toutes parts le fon des Cloches
& les acclammations des Habitans. Il n'eſt
pas poffible de vous décrire les tranſports
que produifit ce grand évenement. On fortoit
des maifons en foule ; on couroit de
porte en porte pour apprendre à fon paà
fon ami une nouvelle qu'il fçavoit
déja , & qu'il avoit la même paffion de débiter.
rent ,
Le Comte de Tavanes qui commande dans
la Province , ne pouvoit manquer une fi
belle occafion de faire éclater fon zele , &
l'ardeur hereditaire qu'il a pour le fervice
de Sa Majesté . Son fpacieux Hôtel parut tout
en feu dès l'entrée de la nuit ; la porte &
la façade ornées de Feftons , de Dauphins , de
Fleurs de Lys , les bougies & les Lampions
étoient répandus par tout & principalement
fur la belle Terraffe fur la ruë. Grand
feu au milieu de la Place , grand feftin dans
l'interieur de la maifon , fontaines de vin
au dedans & au dehors de la Cour , Bal
pour les perfonnes qualifiées , danſes parmi
le Peuple & c.
Pendant les trois semaines de nos princi
pales
50 MERCURE DE FRANCE .
pales Réjouiffances , ce Seigneur a fçu varier
tous les repas qu'il a donnés ; & toutes
les illuminations ; on étoit für de trouver
toujours chez lui quelque chofe de brillant
& de nouveau ; nous appelterions cela
des Fêtes dans toutes les formes ; ce n'étoit
pourtant que le prélude de celle qu'il méditoit.
;
Le Parlement étant feparé à caufe des vacations
, il ne pût fe raffembler que le Sa
medi , cette illuftre Compagnie parut auffi
complete que dans le tems des pleines feances.
M. de Berbifey , Premier Préfident étoit
à la tête les Huiffiers le précedoient comme
à l'ordinaire , les Avocats & les Procu→
reurs en grand nombre faifoient cortege ,
la Maréchauffée bordoit les rangs ; le Te
Deum fut chanté dans laSale du Palais.L'Abbé
Bouhier , Doyen de la Sainte Chapelle , défigné
pour être notre premier Evêque , officia
; la fymphonie fut merveilleufe , la Mufique
excellente , & M. Michel , Maître de la
même S inte Chapelle , fe furpaffa .
Les Muficiens qu'il avoit. employez continuerent
ce jour là à fe donner inutuellement
des Concerts comme ils avoient fait les jours
précedens ; ils illuminerent les lieux où ils
fe régaloient ; & fi l'on doit en juger par les
fréquentes décharges d'une douzaine de petites
pièces de Canons dont ils s'étoient pourvus
, & aufquels on metroit le feu toutes
les fois qu'ils celébroient la fanté du Roi ,
ou de quelque Prince de la Maiſon Royale,
on ne peut douter qu'ils ne s'y intereffaffent
infiniment.
Le Dimanche fuivant , les ordres de la
Cour arriverent , & ce fut alors que la joye
monta
JANVIER. 17307 རྣ
monta à fon comble ; pendant trois jours con--
fécutifs les Cloches fonnerent ; le Canon ti
ra ; il y eut des feux devant toutes les por
tes , des lumieres fur toutes les Fenêtres ,
les Clochers mêmes furent éclairés . Le Lundi
on vit tous les Ouvriers occupés à fufpendre
des Guirlandes , à attacher des A moi
ries , à élever des Loges de verdure de cent'
figures differentes , tout le Peuple enfin fe:
livrer à la joye. Nos Comédiens jouerent
pour lui gratis .
Il eft aifé de comprendre que chez les gens
de qualité il y avoit tous les jours des Feftins
& des Bals , & qu'on n'y épargnoit ni
les Boëtes , ni les Futées , ni les Flambeaux,
ni tous ces autres agrémens que le coeur
& le bon gout peuvent infpirer ; le détail
de tout cela feroit immenfe , & j'ai d'ailleurs
à ouvrir une fcene plus grande & pluspompeufe.
C'eft M. le Premier Préfident du Parlement
qui donna la premiere Fêre folemnelle le
Lundi 125 Septembre. Elle commença par une
illumination genérale de tout fon quartier ,
& particulierement de fon Hotel , non feulement
la face , mais les Cours , les Appartemens
& les Jardins ; il y eut un Concert
executé par des Muficiens du premier ordre,.
un repas fplendide où les perfonnes de la
premiere confidération fe trouverent. Il fit
diftribuer , ou plutôt prodiguer au Peuplele
pain , le vin & la viande ; & il difpofa
en differens endroits des Inftrumens , au fon
defquels on danfa jufqu'au jour . En un mot,
on peut dire qu'il n'omit rien de ce que
fon inclination pouvoit demander & faDignité.
permettre.
Le
2 MERCURE DE FRANCE.
Le lendemain on chanta , fur les cinq
heures du foir , à la Sainte Chapelle , un Te
Deum qui fut annoncé par le fon des Cloches
& par le bruit du Canon ; le Parlement
& la Chambre des Comptes y affifterent en
Robes de cerémonie , avec toutes les Compagnies
qui ont droit de s'y trouver ; M.
de Tavanes s'y rendit auffi. La plupart des
Communautés Ecclefiaftiques > en conféquence
du Mandement de M. l'Evêque de
Langres , firent la même cerémonie ce jourlà
.
Les Chevaliers de l'Arbalète firent chanter
le lendemain aux Carmes un Te Deum en
Mufiqué , au bruit des Boëtes ; & quoique la
Ville eut renouvellé le foir fes Illuminations
& fes Feux , ils l'emporterent fur tous les
autres en éclairant leurs Maifons , jufqu'aux
Jardins , de Bougies , de Lampions ,
&c. & ils donnerent un grand Repas.
"
Les Jefuites fe diftinguerent beaucoup s
les dehors de leur magnifique College furent
ornés & éclairés avec gout ; mais le
plus bel afpect fut celui du feu qu'ils allumerent
au milieu de leur grande Cour - entourée
de Bâtimens à trois étages , dont les
Fenêtres étoient également chargées de lu.
mieres. Ce qu'ils eurent de plus fingulier
fut une Armée de nouvelle levée , ce fut
une Milice brillante, qui fit plufieurs évolutions
dans cette Cour , s'y rangea en bataille , &
y fit des décharges. On eut le plaifir de
voir pendant trois jours cette belle jeuneffe
parcourir les lieux les plus apparens de la
Ville , portant & maniant les armes avec autant
de dexterité que des Troupes aguerzies
,
Le
JANVIER 1726. 53
>
Le 14. les Bouchers qui ont toûjours pris
part aux Réjouiffances publiques , mêlerens
les Mufettes aux Tambours , les uns pafferent
la journée fous les armes ; les autres
ayant choifi deux jeunes filles les habillerent
en Bergeres , & au fon des Inftrumens,
les conduifirent en grand cortege chez le
Comte de Tavanes , à qui elles eurent l'honneur
de préfenter un Agneau , orné de rubans
& de guirlandes , qui fut très - gracieufement
& très- noblement reçû . Ils s'apliquerent
enfuite à embellir les Loges qu'ils avoient
déja conftruites , à tapifler leurs Boutiques
à décorer d'arbuftes , de Feftons , de Guidons
& d'armoiries les Ponts qu'ils avoient
jettés fur leur ruë , & qu'ils illuminoient tous
les foirs
Cependant des Veaux & des Moutons entiers
fe rotifoient au milieu des Places aux
dépens des mêmes Bouchers ; les Hautbois
& les Tambours retentiffoient de toutes parts
les Tables étoient dreffées , & parurent trèsbien
fervies. M. de Tavanes voulut être témoin
de leurs plaifirs ; Madame de Tavanes
y mit le comble , en les animant elle - mê
me , & c'eft principalement à fa préſence &
à fexcellent vin qu'elle envoyoit avec profufion
, que ceux qui fe donnoient en fpectacle
durent la vivacité de leurs Réjouiffances.
M. Baudot , notre Vicomte- Mayeur , que
fa vigilance portoit de tous côtés , crut que
la Police même étoit intereffée à entretenir
cette ardeurs fon bon vin de Champagne &
de Bourgogne le fuivoit par tout , & c'eft
de cette fource féconde que coulerent tang
d'heureux impromptus à fa loüange & c.
Co
$4 MERCURE DE FRANCE .
Ce même jour 14. Septembre fue marque
par l'une des plus belles Fêtes que nous
ayons vûës ; je veux parler de celle de M. le
Comte deTavanes ; comme il defiroit que tout
répondit à la grandeur de fes idées, fon Hôtel,
tout vafte qu'il eft , lui parut trop refferré,
& il fe détermina pour le Jeu de l'Arquebufe.
C'est un Bâtiment de 30. toifes d'éten
duë , fitué à la Porte de la Ville , &
compofé de deux grandes Galleries ' une fur
Pautre , terminées par deux Pavillons quarrés
. On y arrive par une avenue de 200.
pas de longueur , bordée de chaque côté par
deux rangs d'arbres , avec un foffé , fur les
bords duquel regnent des charmilles à hauteur
d'apui on entre par une grande porte de fer
placée au milieu de la galerie d'en bas , qur
du côté du Jardin eft ouverte en periftile .
Ce Jardin eft un quarré long , clos de mu
railles couvertes par tout d'une paliffade de
Charmes de 9: à ro. pieds d'élevation ; i
eft coupé en deux portions égales par un
canal , & acompagné de deux grandes allées
d'Arbres en Berceau , dont le rang exterieur
a fon apui de Charmilles aufi bien
que l'avenue. Les retours qui font au bout
des Allées forment quatre beaux quarrés ,
pareillement enfermés d'Arbres & de Charmilles
; derriere le canal de cent toifes de
longueur , est une efplanade qui fait face
une niche adoffée au mur de clôture , percée
par les côtés , & couverte d'une demie
Coupole , fous laquelle eft le Bufte de M. le
Duc. La diftance entre les Allées & les
murs de côté eft d'environ quarante pas ,
& c'eft dans ces vuides qu'on a coutume
de placer les buts pour l'exercice de l'Arquebufe
Devant
JANVIER. 1729. 55.
•
&
Devant la Porte de fer , dans l'endroit ou
l'avenue forme une demi - lune , on avois
élevé fur des Pilliers de 25. pieds de hauteur
un Edifice de charpente , dont l'Entablement
étoit orné des Ecuffons des Armest
du Roi , de la Reine , de Monfeigneur les
Dauphin & du Duc de Bourbon ; ces Armoiries
étoient ornées de fleurs , dont les
Guirlandes defcendoient jufqu'à terre , &
tournoient autour des Pilliers de l'Edifice. "
Sur la Plate forme étoit un petit Acrotêre
ou Piédeſtal & cinq Piramides foutenues par
des Dauphins , decorées de Devifes & de
Cartouches la plus haute de ces Piramides
portoit un Soleil rempli d'artifice ; les quatre
autres Piramides étoient furmontées d'au-”
tant de Grenades .
Quatre rangs de Terrines ou de Lampions
garniffoient toute la longueur de l'Avenue ;
le premier rang étoit pofé fur le terrain
fe fecond à hauteur d'apui ; dans le Jardin
il y en avoit trois étages ; les premiers étoient
rangés le long du canal , les feconds fur les
Charmilles d'apui , & les troifiemes fur les
paliffades. Tout fut allumé avec une promtitude
inconcevable ; la Niche parut toute
heriffée de Bougies ; fes deux côtés en étoient
pareillement garnis pour terminer les Allées,
ainfi que toutes les Fenêtres de la Gallerie
& des Pavillons & le Cordon du Bâtiment
des quatre faces ; c'étoit un coup d'oeil
charmant , & auffi furprenant de loin qu'il
paroiffoit galant & magnifique de près ; la
réflexion de l'eau faifoit fur tout un effets
admirable , en inultipliant les objets .
Cependant l'illuftre Compagnie s'étant af
femblée dans la Gallerie haute , on lui donnai
une
* MERCURE DE FRANCE .
une Cantate à grand Choeur , dont les paroles
avoient été compofées par le P. Adam,
de la Compagnie de Jefus , & la Mufique
par le S. Lejlivet. Ce Divertiffement dura
une heure , & fut reçû avec beaucoup de
fatisfaction.
A peine étoit- il fini qu'on donna le fignal
pour tirer le Feu d'artifice par une falve de
vingt pieces de Canon rangées au bas des
Pilliers de l'Edifice ; auffi - tôt Madame l'Intendante
, au bruit des timbales & des trompettes
, mit le feu à la meche , & fit partir
un Dauphin enflamé , qui courant avec
rapidité à l'une des faces communiqua fes
flammes à trois autres Dauphins qui s'éleverent
en même- tems des trois autres faces,
& y revinrent avec la même impetuofité s
tout s'enflamma à leur retour ; ce ne fut plus
que tonnerre & que feu ; les Serpentaux
voloient fur la terre , les Fufées s'élevoient
dans l'air & c. Le Ciel devint en mêmetems
fort obfcur , & fon obfcurité contribua
encore à rendre le feu plus éclatant &
L'Illumination plus brillante. On ne vit ja
mais rien en ce genre de mieux executé , &
de plus juftement applaudi.
On fervit enfuite le fouper. Il y avoit
quatre Tables , une de 40. Couverts dans
l'un des Pavillons , trois de 30. Couverts chacune
dans la Gallerie d'en haut , toutes
quatre fervies avec un ordre , une abondan
ce , une délicateffe , une propreté qui paſſe
toute expreffion ; cent fortes de ragoûts
nouveaux & recherchés , viandes exquifes ,
vins de tous les Climats , liqueurs de toutes
les fortes ; on épargnoit aux Convives la
peine de demander on prévenoit , on devinoit
ANVIER. 1730. ST
noit les fouhaits. Ce qu'on admira fur tout
ce fut le Fruit , & principalement celui qui
étoit deftiné pour les Dames ; il n'eft pas
poffible d'imaginer comment on avoit p
ramaller tant de fruits délicieux , tant de
confitures exquifes ; l'oeil , l'odorat , le
gout , tout y étoit fatisfait. 8c. pieces de
porcelaines & de cristaux qui contenoient ce
Deffert , rangées avec une fimétrie & un art
infini , faifoient dire à tout le monde que
C'étoit dommage d'y toucher . Un de nos
Poëtes qui a affifté à toute cette Fête l'a
dépeinte par les Vers que voici :
Vulcain, fans doute, avoit conduit les feux;
Apollon avoit fait les Vers & la Mufique :
Bacchus fe trouva bienheureux
De faire les honneurs d'un Buffet magnifique;
Diane Pan qni fournirent les mets ,
Avoient épuisé les Forêts ;
Comus même d'intelligence,
De ce Banquet fuperbe avoit pris l'inten
dance ,
Pour donner tant de fleurs , pour donner tant
de fruits ,
Fleurs de toutes faifons , fruits d'Eté , fruite
ďAutomne ,
Flore avec fon Zephir Vertumne avec Po
mone
>
Avoient paßé plus d'une nuit.
Le Peuple eut part à la fomptuofité de
M. de Tavanes ; on lui fit de grandes diftributions
de pain & de viandes pour le vin
il
8 MERCURE DE FRANCE.
n'y avoit qu'à prendre , on en avoit dif
pofé fix fontaines en fix endroits differens
deux à côté des Pilaftres qui font le commencement
de l'Avenue , les quatre autres
au commencement & au bout des Allées du
Jardin outre cette profufion , on en donnoit
encore à tous ceux qui en demandoient s
de forte qu'il n'étoit pas plus rare que l'eau
qui remplit le canal .
Dès qu'on eut fait quelques tours de pro
menade pour voir l'Illumination de plus près,
& ce nombre infini de gens de tous étages,
qui danfoient en vingt endroits differens
au fon des tambours & des hautbois ; on
enleva les Tables , & le Comte de Tavanes
remontant à la Gallerie , ouvrit un Bal , où
les Rafraîchiffemens furent prodigués ; ce
Bal dura fi long- tems que le Soleil en vint
éclairer une partie.
>
Le Jeudi is Septembre , les Chevaliers
du Jeu de l'Arquebufe , precedés de leurs
trompettes & de leurs timballes , allerent
prendre M. le Comte de Saulx , qu'ils ont
l'honneur d'avoir pour Capitaine , & l'accompagnerent
aux Jacobins , où en préfence
de M. le Comte de Tavanes fon pere,
& de M. Baudot Vicomte - Mayeur , &
Chef des Armes , il fit chanter avec magnificence
un Te Deum par un grand nombre
de Muficiens ; il fe trouva auffi quelques
jours après au grand repas qui fut donné
dans un Salon de verdure , élevé exprès à
côté du canal dont on a parlés tous les
Bâtimens & le Jardin même furent illuminés.
Le 16. les Tréforiers de France celebrerent
leur Fête ; ils n'employerent pas cette
grande
JANVIER. 1730 . 59
grande foule de Muficiens qui fe trouverent
aux autres folemnitez ; leur Chapelle
n'auroit pas pu les contenir ; mais ils avoient
des voix & des Inftrumens d'élite , & s'ils
n'eurent pas la gloire de la magnificence ,
ils eurent celle du gout & de la delica
teffe.
Le Dimanche 18. fut marqué par une Proceffion
generale du Clergé Seculier & Regulier
de la Ville , à laquelle le Doyen de
la Sainte Chapelle prefida le Parlement y
alliſta en Robes rouges , & M. de Tavanes
marcha conjointement en habit de ceremonie.
Les Chevaliers de l'Arc firent les hon
neurs du lendemain ; le Te Deum à grand
choeur qu'ils chanterent aux Cordeliers , le
repas qui fucceda , & la parure des lieux
où ils tiennent leur Affemblée ont fait hon
neur à la Ville.
M M. de la Chambre des Comptes qui
n'avoient pas moins de zele & d'empreffement
que les autres Corps , choifirent le 21 .
du même mois , & la Sainte Chapelle pour
le lieu de leur Ceremonie ; la face de l'Eglife
fut decorée & éclairée , la Nef & les
deux Tribunes furent tapiffées comme aux
jours les plus folemnels ; on éleva dans ce
Choeur jufqu'aux premieres Galleries trois
rangs
de Feftons de verdures & c.
L'Autel étoit paré des ornemens les plus
précieux ; l'Illumination repondoit à la parure
; car outre le grand nombre de cierges
dont le Maître- Autel étoit chargé outre
la multitude de Luftres qui étoient diftri
buez dans toute l'étendue de l'Eglife , les
deux Galleries du Choeur , les deux Tribu
,
nes
60 MERCURE DE FRANCE.
1
nes & la Baluftrade qui regne le long des
Stales étoient bordées de Bougies . Les premieres
Galleries de la Nef étoient garnies
d'une infinité de Pots à feu , où pour évi--
ter l'incommodité de la fumée , il n'étoit
préfque entré que de la cire. C'étoit un bril
lant inconcevable , & toutes ces lumieres que
la tapifferie & l'enfoncement des Galleries
faifoient fortir , parurent d'un gout nouveau
, qui fatisfit également & ceux qui fe
piquent de fe connoître en ces chofes , &
ceux qui ne s'y connoiffent pas.
M M.de la Chambre des Comptes vinrent
à l'Eglife , precedez de leurs Huiffiers , &c
fuivis d'un grand nombre de Comptables qu'ils
avoient appellés à la Ceremonie. Le Comte
de Tavanes qui s'étoit rendu dans leur Salle
d'Affemblée , marchoit entre le Premier &
l'ancien Préfident , precedé de la Maréchauf
fée & de fes Gardes. On entra au bruit
des timbales & des trompettes , & M. Michel
donna un troifiéme Te Deum , qui quoique
d'un goût different , ne parut pas moins
beau que les deux autres ; la Mufique
fut executée avec la derniere precifion ;
on ne s'étoit pas contenté des Muficiens
de la Ville , quoiqu'ils foient très - nombreux
, on en avoit fait venir d'Etrangers.
M. le Doyen de la Sainte Chapelle fit l'Offion
finit par la Priere pour le Roi & ce &
pour le Dauphin.
Le 22 , notre Vicomte Mayeur , qui avoit
envoyé de grandes aumônes aux Hôpitaux,
aux Prifonniers , aux Pauvres honteux , &
même aux Religieux Mendians , fe rendit
avec toute la Magiftrature & les Officiers
des Paroifles chez M. le Comte de Tavanes ,
Pour
ANVIER. 1730. 61
pour l'accompagner au Te Deum de la Ville,
Voici l'ordre de la marche.
Les deux Sergens de Bande , revêtus de
leurs cafaques d'écarlate , galonées d'argent,
la hallebarde à la main. Les Sergens des
fept Paroiffes , tous en uniforme , fuivoient
deux à deux , pareillement avec des hallebardes
qu'ils portoient fur l'épaule . Les Officiers
de la Milice Bourgeoife , diftinguez
fuivant leurs Paroiffes , ayant chacun leurs
Tambours , leur Fifre , leurs Hautbois &
leur Drapeau. Les Capitaines , Lieutenans ,
Majors & Dizeniers marchoient les premiers,
avec l'Efponton ; les Apointez étoient derriere
avec la Pertuifane. Nous appellons
Apointez certains Officiers fubalternes qui
fervent fous les Dizeniers. Ils faifoient un
Corps d'environ 500. hommes , tous_trèsleftes
& très proprement habillez. Les Trompettes
de la Ville , puis les Gardes de M. de
Tavanes d'un côté , & les Sergens de Mairie
de l'autre. M. de Tavanes vêtu d'un habit de
drap d'or , avec un manteau noir , doublé pareillement
de drap d'or , étoit acompagné de
M. le Maire , qui étoit revêtu de fa Robe de
velours violet , doublée de velours cramoifi,
bordée d'une fourure blanche ; les Echevins
ayoient auffi leurs Robes de ceremonie , de
moire violette. Le Procureur Syndic étoit à
la fuite avec la même parure , en tête de
fes Subftituts , & de tout ce qui compofe le
Corps de Ville. La marche étoit fermée par
un Detachement des Sergens des Paroiffes ,
pour empêcher la foule.
La grande Porte des Jacobins étoit ornée
de tapis , de feftons &c. & éclairée de bougies
; leur valte Cour l'étoit des deux cô.
D tez
62 MERCURE DE FRANCE.
tez par des Terrines & des Pots à feu ; le
Portail étoit auffi illuminé , & on avoit élevé
fur la principale Porte le tableau d'un
Peintre fameux , reprefentant le Dauphin de
Viennois , qui cede fa Principauté au Rof
Philipes VI. Tout étoit éclairé en Luftres
& en Girandoles dans l'Eglife. Le Grand-
Autel , de même que ceux des Chapelles ,
étoit fi chargé de cierges , qu'on n'auroit jamais
pu en augmenter le nombre ; les hauts
freges du Choeur étoient pareillement couronnez
de cierges , mêlez de Grenadiers &
d'Orangers On entra dans l'Eglife au fon
des Cloches & des Trompettes , & ay bruit
d'une decharge generale de l'Artillerie de la
Ville & du Château . M. le Comte de Ta- .
vanes prit fa place fur un Prie- Dieu qu'on
lui avoit préparé à la droite du Choeur.
M. le Vicomte - Mayeur étoit à droite dans
les hauts fieges , ayant devant lui un tapis
de velours cramoifi avec deux carreaux ;
tout ce qui compofoit l'Hôtel de Ville fe
plaça à droite & à gauche dans les mêmes
fieges qu'occupent ordinairement les Relie
gieux.
Les Peres Jacobins , les uns revêtus de
Chapes , les autres en Tuniques , entonnerent
le Te Deum , qui fut chanté par les
mêmes Muficiens qui avoient executé celuí
de la Chambre des Comptes , & qu'on avoit
placez fur un Amphitheatre dreffé au milieu
de l'Eglife , & tout illaminé. La fin de
la Cerémonie fut marquée comme le commencement
par le bruit des Inftrumens , le fon
des Cloches & par une falve de l'Artillerie.
De l'Eglife des Jacobins on marcha à la
Place Royale ; elle a la figure d'un Arc ,
dont
JANVIER. 1730. 63
ladont
la Maifon du Roi fait la corde ; le demi
cercle eft compofé de 42. Portiques d'une
tres belle execution , & furmontez d'une Ba
luftrade de pierre fort bien travaillée ,
quelle regne auffi fur les murs de la Ter-
Tafle du Louvre. On avoit élevé l'Edifice
deftiné pour le Feu entre les deux raës qui
aboutiffent à la Place Royale.
Cet Edifice étoit un Arc de triomphe à
quatre Portiques de 25. piés de hauteur fur
20 de largeur , dont les quatre angles exterieurs
étoient coupez pour recevoir des Pilaftres
d'Ordre Ionique & autant de colomnes
ifolées à Bafes & Chapiteaux dorez
pofées iur des Piédeftaux , élevez fur des
Zocles . L'Entablement répondoit à l'ordre ,
& le milieu des Architraves étoit couvert
de Cartouches aux Armes de Sa Majelté.
Sur cet Entablement regnoit une Balustrade
avec quatre autres Piédeftaux à l'aplomb
des colomnes qui portoient des urnes feintes
de porphire. Sur la premiere Plateforme étoit
élevé un Zocle de fept pieds & demi de
hauteur , & de douze de diametre , qui for
moit la feconde Plateforme , de laquelle
fortoit un Baldaquin circulaire , & d'Ordre
Corinthien, à huit colomnes grouppées , dont
les Bafes & les Chapiteaux étoient pareillement
dorez , & qui portoient huit Dauphins
furmontez d'un Soleil . Sous le Dome
étoient placées plufieurs Statues ; celle de la
Felicité qui fe faifoit un plaifir de donner un
Dauphin à la France , celle de la France
qui le recevoit avec refpect , celle de la
Ville de Dijon qui y applaudiffoit avec admiration.
Au- deffus de ces Figures voloit le
Génie de la France , qui femoit des lau-
Dij riers
64 MERCURE DE FRANCE:
riers fur le nouveau Prince. Toutes les par
ties de cet Edifice étoient peintes en mare
bre & ornées de Devifes & d'Infcriptions ,
En arrivant à la Place , toutes les Troupes
formerent un grand cercle autour du
Theatre , laiffant entre elles & ce même
Theatre un affez grand efpace pour que le
Comte de Tavanes & tous ceux qui compofent
la Magiftrature , fiffent les trois tours
ordinaires avant que de mettre le feu aux
meches. Plus de cinquante inftrumens de
toutes les façons , placez fur la Terraffe qui
ferme le logis du Roi , fe mélerent au bruit
des tambours , des hautbois & des Fifres .
qui étoient à la tête des Troupes.
Après les trois tours , M. le Comte de
Tavanes & M. le Vicomte- Mayeur , mirent
le feu aux deux meches qu'on avoit prepa
rées ; le feu fe communiqua par tout dans
l'inftant , les Fufées , les Lances à feu , les
Sauciffons , les Soleils , les Dragons , les
Grenades éclaterent de toutes parts , & donnerent
lieu à cet autre Enthoufiafme Poëti
que.
La veille pendant mon repos
On m'avoit transporté dans l'Ile de Lemnos
Là , du milieu des fournaifes ardentes
Couloient des torrens de métaux
Et les enclumes gémiffantes
Plioient fous l'effort des marteaux.
Le Cyclope attentif à l'ordre de fon Maître ,
Mêle avec le charbon le fouphre & le falpêtre,
Joint au feu , joint au vent le bruit & le
fracass
E
JANVIER 1730. 63
Et tout ce qui du foudre anime les éclats ;
Mais il n'y mêle point la mort & les allar mes
Il ne le trempe point dans le fang , dans les
larmes ;
L'ouvrage n'eft point fait pour nuire & pour
troubler ;
il est fait pour surprendre , il eft fait pour
briller
En effet , quoique le vacarme fût grand ,
& qu'il redoublât encore par l'écho de cette
Place fpacieufe , quoique les flammes nous
envelopaffent de tous côtez , non feulement
nous n'eûmes point de mal , mais on n'eut
pas même la moindre peur.
Le feu fini , on continua la marche jufqu'à
l'Hôtel de Ville , qui étoit entierement
illuminé ; fur la Porte on avoit placé le portrait
du Roi fous un Dais . Cependant on
avoit diftribué du pain à plufieurs reprifes
pendant la journée , les Fontaines de vin
n'avoient cellé de couler. Un feftin fplendide
attendoit la Compagnie , pour laquelle
on avoit preparé trois Tables dans la grande
Salle de cet Hôtel , une au fond où étoit
M. de Tayanes avec M. le Vicomte- Mayeur
& les perfonnes les plus qualifiées , les deux
autres en long & à côté pour les Echevins
, les Citoyens & les Etrangers qui
avoient été invitez ; il y eut plufieurs fervices
differens , tous également bien fournis
, & ceux qui aiment l'abondance eurent
autant de lieu d'être fatisfaits que ceux
qui ne demandent que de la propreté & de
Diij la
66 MERCURE DE FRANCE :
la delicatefle. M. de Tavanes porta la fante
du Roi , de la Reine , du Dauphin & de M.
le Duc , & ces fantez furent accompagnéesde
plufieurs falves.
2 Les Inftrumens qu'on avoit placez fur la
gallerie du Logis du Roi , donnerent pendant
plus d'une heure une fimphonie vive & harmonieufe
; les Illuminations étoient generales.
De quelque côté qu'on tournât dans la Ville,
dans les rues les plus étroites , dans les quartiers
les plus éloignez , on ne voyoit que lumieres
, figurées de cent manieres differentes ;
chacun fe faifoit honneur de rencherir fur fes
voifins .
Le plus grand fpectacle parut dans la Place
Royale le Théatre avoit changé de face , au
lieu de Feux d'artifice l'Edifice de charpente
parut chargé de Lampions & de Pots à feu ;
ce n'étoit plus des Portiques ni des Baldaquins
de marbres , c'étoient des Portiques &
des Baldaquins de lumieres. Cette Illumination
avoit d'ailleurs des accompagnemens
merveilleux ; les deux Fontaines de vin qui
coulerent le jour & la nuit , étoient ornées
de lumieres & de feüillages on avoit porté
une grande quantité de Pots à feu fur la haute
Tour du Louvre , qui eft la piece la plus élevée
de la Ville & qui s'apperçoit de plus d'une
lieuë : toute la façade de ce Palais étoit illuminée
, tout le tour de la Place décoré d'un
cordon de verdure qui defcendoit en feftons
aux côtez des Portiques ;, deux rangs de terrines
garniffoient les Ceintres & la Balustrade
dont ils font couronnez , des Pots à féu extraordinaires
& placez de diftance en diftance
, en relevoient encore l'éclat ; les ruës
& fur tout les deux grandes rues qui traverfent:
、
JANVIER, 1730. 67
fent la Place Royale , avoient une apparence
d'autant plus riche & plus agréable , que toutes
les fenêtres y font de même fymetrie &
qu'elles étoient également éclairées ; on avoit
encore un point de vue qui l'emportoit fur
tout cela ; le fomptueux Portail de l'Eglife de
Ş. Michel , de differens ordres d'Architecture
P'un fur l'autre , étoit totalement illuminé ; la
plateforme étoit bordée de Pots à feu , les galleries
du milieu & toutes les ouvertures des
Tours en étoient remplies.
Pour peu qu'on s'avançât dans la Place de
S. Etienne , qui n'eft qu'à quelques pas de
l'autre, on trouvoit d'autres clartez ; on voyoit
en perſpective la maifon de M. le Vicomte-
Mayeur au bout de la grande ruë qui entre
dans cette Place : pendant tout le jour on y
avoit fourni du pain & fait couler unc Fon
taine de vin ; fur tout la populace s'étoit fort
amuſée d'un jeune enfant habillé en Bacchus
, qui paffa plufieurs heures affis fur le
tonneau d'où jailliffoit la Fontaine : pendant
la nuit on ne reconnut plus ni maifon ni porte ,
on ne vit qu'une lumiere univerfelle qui envelopoit
& abforboit entierement les autres
objets.
Toute la Ville à la fin fe raffembla dans la
Place , tout y danfoit , tout y fautoit ; les Inftrumens
ne cefferent qu'au jour , & on ne ceffa
de danfer tant qu'ils continuerent ; enfin cette
nuit fi charmante fut pour nous un augure du
bonheur que la naiſſance du Prince nous promet
; ce qu'un autre de nos Poëtes a tâché
d'exprimer ainfi :
Après une trop longue & trop cruelle abfence ,
La Félicité de retour ,
D iiij En
68 MERCURE DE FRANCE .
En accordant un Dauphin à la France,
Nousmarque qu'elle veut y fixer fonfejour
Recevons ce prefent de fes mains bienfaisantes,
Ne doutons plus de fon fecours ;
Si les nuits font pour nous fi belles , fi brillantes,
Quels feront déformais nos jours ?´
Cependant les Officiers de notre Milice Bourgeoife
ne crurent pas avoir marqué leur joye
affez vivement. Le 25. de Septembre ils firenz
chanter dans l'Eglife des Jacobins , un Te
Deum auffi magnifique que celui de la Ville ;
M. de Tavanne leur fit l'honneur d'y affifter ;
M. le Vicomte-Mayeur fe mit à leur tête . La
Troupe n'étoit compofée precifement que des
Capitaines , Lieutenans , Enſeignes , Majors
& Dizeniers des Paroiffes , précedez des Sergens
& des Tanbours. La marche parut d'au-.
tant plus pompeuſe , qu'à commencer par le
Maire , tous les Officiers jufqu'au dernier ,
avoient des habits uniformes , la vefte galonnée,
le juftaucorps d'un beau Camelot écarlate,
le chapeau bordé , avec le plumet blanc &
la coquarde de même ; ils allerent enfuite au
Jeu de l'Arbalête , dont ils avoient illuminé
les Bâtimens & les Jardins d'une maniere trèsriante
& tès-agréable . La Salle haute & la
Gallerie d'en bas , quoique très- étendue , ne le
furent pas trop pour les tables ; M. le Vicomte-
Mayeur tint la premiere , M.le Comte de Tavanes
n'ayant pû s'y trouver , à caufe de l'illuftre
Compagnie , à qui ce foir là même il
donnoit à manger ; mais il s'y rendit fur les
onze heures du foir , & fa prefence redoubla
la joye qui étoit déja bien vive ; on recommença
JANVIER. 1730. 69
mença , au bruit des Canons , à boire la fanté
du Roi , de la Reine , de Monſeigneur le Dauphin
& de M. le Duc.
Les Benedictins avoient fait ce même jour
une Proceffion folemnelle & chanté le Te Deum
& l'Exaudiat , avec beaucoup de pompe , &
pour rendre leur joye plus fenfible , ils firent
aux pauvres de grandes diftributions de pain ,
de vin , de viande & d'argent.
J'ajoûterai que notre Univerfité ſe trouva
chez les Jacobins pour une pareille ceremonie
le 8. du mois d'Octobre ; comme elle ne
fait que de naître , elle a encore tout fon
premier zele & toute fon ardeur pour le Roi ,
toute fa reconnoiffance pour M. le Duc , fon
Protecteur. Le Doyen de la Sainte Chapelle ,
Chancelier , fe trouva à cette folemnité , conduit
par les Maffiers & les Bedeaux , les Profeffeurs
l'accompagnoient en Robes rouges ,
les Aggregez en Robes noires avec le Chaperon
d'écarlate ; ils ne cederent en rien à ceux
qui avoient paru devant eux dans la même
Eglife. Tous les Corps de Métiers generalement
quelconques ont rempli les mêmes devoirs
avec un empreffement & une joye que
je ne puis vous repréfenter.
La Céremonie de nos Marchands eut quelque
chofe de noble ; la belle Eglife de Notre-
Dame , où ils fe rendirent , étoit tapillée ,
ornée & illuminée à faire plaifir ; leur Mufique
fut d'un très-bon gout , & les Inftrumens en
rehaufferent le prix ; le Canon n'y manqua
point , & pendant toute la nuit fuivante ils
étalerent , à l'envi les uns des autres , tout ce
qui pouvoit rendre leurs maifons plus ornées;
& plus brillantes.
M. de la Briffe , Intendant. de. Bourgogne
Dv n'ayans
70 MERCURE DE FRANCE.
n'ayant pû être de retour à Dijon que le 27%
Septembre , il fixa fa Fête au Dimanche 2.
Octobre. M. l'Intendant occupe la Maiſon Abbatiale
de S Benigne ; il y a devant la porte
une petite Place quarrée , des plus jolies ; la
Cour eft en arc & d'une étendue plus que raifonnable
; les Appartemens font beaux & bien
fuivis. Le Jardin eft orné d'un très - beau Parterre
& de quelques Baffins ; il eft terminé parfept
Portiques d'un treillage très riche , dont
il y en a trois qui ont plus d'élevation que
les autres , & qui font décorez de Statues :
de part & d'autre font plantez des arbres &
au-deffous des Charmilles à hauteur d'apui ; .
à droite derriere ces Charmilles s'éleve
une Terraffe qui donne fur l'allée ; à gauche
ce font des Bâtimens couverts de verdure , au
bout de quels on a ménagé une iffue pour
monter à la grande Terraßle qui tient toutela
largeur du Jardin du côté de la Maiton
cette Terralle eft cachée par les Portiques .
de l'autre côté elle donne fur le foflé de la
Ville entre deux Baftions qui la débordent ,
& elle a un afpe&t très gracieux , dont le prin .
cipal point de vuë cft le Jeu de l'Arquebuie &
la Chartreufe .
:
,
On s'affembla d'affez bonne heure , & chacun
s'amufa jufqu'à fix heures du foir , la
Compagnie attirée par le fon des Inftrumens ,.
fe ren lit dans la premiere Salle on préluda
par des Concertos ; on vint enfuite au Divertiffement
particulier , dont les paroles
avoient été faites exprès pour le fujet , & la
Mufique compofée par le fieur Bourgeois .
La Place que j'ai décrite étoit entourée de
Lanternes ; elle tiroit un grand jour & des
maifons fituées à l'opofite , où on n'avoit rien
épargné
६
JANVIER . 1730. 7.1
épargné , du Portail de S. Benigne qui étoit
entierement illuminé , & de la façade du Palais
Abbatial qui répondoit à tout cela. Le Peuple
y avoit fon Concert & fes Inftrumens ,
& des Fontaines de vin qui couloient fans
ceffe. Une double ceinture de bougies regnoit
dans toute l'étenduë de la cour. Les Baffins
& le Parterre du Jardin étoient profilez &
bordez de Lampions ; la petite Terraffe & les
Charmilles étoient chargées de terrines ; les
fept Portiques étoient en bougies qui en
avoient pris les ceintres. C'étoit proprement
un Jardin de lumieres , dont les éclats éblouiffants
avoient été fubftituez à la place des Buis,
des Charmilles & des Treillages.
Un très beau Feu d'artifice , placé fur le
chemin couvert en vûë de la grande Terraffe
devoit faire partie de cette Fête ; on s'occupa
encore de l'Illumination , qui du haut de cette
Terraffe , faifoit un fpectacle nouveau & magnifique.
Du côté de la Maifon , on avoit un
Parterre lumineux , un Portail & des Touts
enflammées du côté de la Campagne on
avoit en face le Jeu de l'Arquebufe , dont
les Bâtimens étoient éclairez , & fur les côtez
deux grands Baftions bordez de lumieres ›
& garnis d'artillerie qui commença à fe faire
entendre après quoi Madame la Comteffe
de Tavane & Madame la Marquise de Charoft
, après avoir long- temps difputé de politeffe
, firent enfin partir en commun un
Dragon enflammé , qui étoit venu prendre leurs
ordres fur la Terraffe il ne les eut pas plutôt
portez fur le Théatre , que les Piramides s'ailumerent
, les Moulinets tournerent , les Fufées
partirent , les Lances à feu fuivirene ; ce
fut un feu continuel & un bruit étonnant ;
Dvj rien:
72 MERCURE DE FRANCE.
rien n'étoit plus beau que de voir les Grenades:
vonir des milliers de Serpenteaux fur la Populace
, qui n'eft jamais trop près à ſon gré ;
mais rien n'étoit plus plaifant que les mouvemens
qu'elle fe donnoit pour les éviter ;
ces feux voloient de cent manieres differentes,
les uns fembloient fe plonger & fe précipiter
fur la terre , les autres après cent tours & cent
retours remontoient avec vivacité au lieu d'où.
is étoient fortis , la plupart ferpentoient veritablement
& pourfuivoient ceux qui vouloient
s'en détourner ; fur la fin on jetta quel
ques douzaines de Fufées choifies , qui remplirent
l'Air de gerbes & d'étoiles .
M. I'Intendant donna enfuite à fouper à près
de cent perfonnes diftinguées. Quand il y en
auroit eu le double on fe feroit loué de l'abondance
; la propreté & la délicateffe en furent
l'affortiment . Après le fouper il y eut un
Bal magnifique.
La Fête de Mrs les Elûs a mis , pour ainfi
dire, le fceau à toutes les autres Réjoüiffances,
elle a téüni en quelque forte toutes les Fêtesqui
avoient precedé. Je n'entrerai là- deffus dans
aucun détail , ma Lettre n'étant déja que trop
longue , & le Mercure en ayant déja parlé dans
le premier volume de Decembre , page 2866..
Je ne puis cependant me difpenfer de vous
parler enco e de deux traits qui regardent d'au
tres perfonnes , & qui meriten: de n'être pas
oubliez , & je finis par là ma Narration .
Une vingtaine de Bourgeois , las d'être
confondus dans la foule , ont eu recours à une
nouvelle invention pour ſe tirer du pair. Ils
avoient élevé fur quatre roues un Char Bachique
de 18. pieds de long fur 8 de large ,
fermé d'une barriere d'environ 2, pieds de hau
teur
JANVIER. 1730. 73*
#
*
teur , ornée de Tapis & de Peintures. Il étoit
eouvert d'une riche Imperiale en berceau , fou
tenue par des Colomnes entourées de Pampres,.
à laquelle étoient fufpendus plufieurs Luftres ,
& dont les pentes étoient décorées de Tableaux
& d'Ecuffons de differentes Armoiries. Les
Hautbois & les Baffons étoient placez fur le
devant du Char ; une table bien fervie &
bien arrêtée , chargée de bougies & d'une
grande quantité de plats très bien remplis , &
un Buffet ou plutôt une Boutique de verres .
& de bouteilles , ne faifoit pas la moindre partie
du fpectacle . Toute cette Machine étoit
traînée par huit puiffants chevaux , conduits
par quatre Poftillons & precedée par un Timbalier
& par deux,Trompettes, à cheval , etcortée
par une Compagnie de Gardes à pied , &:
environnée de flambeaux..
On avoit pris pour quartier d'affemblée la
Porte Guillaume , qui eft celle par où nous ,
fortons pour aller à Paris . Elle étoit illuminée
de haut en bas ; les Ceintres , les Pilaftres , les
côtez , marquez , & pour ainfi dire d'aprez de
Lampions & de Terrines ; toutes les fenêtres
de la longue rue qui y aboutit , avoient auffi
leurs lumieres , ce qui joint aux Lanternes des
ruës qu'on allume tous les foirs , rendoit une
-clarté égale à celle du jour. La marche com
mença fur les fept heures du foir & elle continua
jufqu'à minuit : on s'arrêta dans la Place
Royale & dans tous les lieux où font placez
les Hôtels de ceux qui ont quelque autorité
dans la Ville : là les cris de joye redoubloient
les Inftrumens fe mêloient , la petite Artillerie
fe faifoit entendre , mais la poudre n'étoit pas .
ja munition dont un confumoit le plus .
Une multitude étonnante de peuple ſuivit ce
feftin3
74 MERCURE DE FRANCE .
feftin ambulant pendant toute la nuit , mar
quant par fes acclamations le gré qu'elle fçavoit
à ceux à qui leur zele feul avoit infpiré ce
deffein. Les perfonnes les plus confiderables
y applaudirent & les reçurent avec accueil, lorfqu'ils
fe prefenterent devant leurs Hôtels : tous
les Habitans s'emprefferent de leur faire honneur
, en chargeant leurs fenêtres de lumieres ,
en jettant des Fufees & faiſant tirer des Boëtes .
& du Canon ; enfin cette Réjouiffance particuliere
devint en un inftant une Fête generale
par la part que tout le monde y voulut pren
dre. L'autre trait eft un peu plus grave.
Les Enfans de Choeur de la Sainte Chapelle,
à qui on avoit accordé un jour de congé , afin
qu'ils fe reffentiffent de la joye puplique , demandérent
à le pafler dans un Hermitage fitué.
à une portée de moufquet de la Ville , & dont
la Chapelle dédiée fous le nom de S. Martin
a fervi autrefois d'Eglife au Village de Fontaine
, lieu de la naifance de S. Bernard. On
ne penetra point leur deffein , & on ne les
foupçonna pas de fonger à autre chofe qu'à
'une fimple promenade : ils avoient neanmoins
des pentées plus férieufes . Avec le fecours de
l'Hermite , ils trouverent le fecret d'aproprier
la Chapelle , d'en illuminer les dehors & les
dedans , même de couronner les murs du Jardin
de Lampes à plufieurs lumignons , qui répandirent
un éclat d'autant plus étonnant qu'on
n'en connoiffoit point la caufe. Cette clarté
fubite , jointe aux Cantiques & aux Motets de
leur compofition , qu'ils chanterent avec une
dévotion touchante & avec beaucoup d'art ,
charmerent tout le monde ; on prit part à des
Prieres que Dieu exaucera fans doute , puifqu'elles
lui ont été adreffées par l'innocence
&
JANVIER
1730. 75
& par le bon coeur. Nos Muficiens & Sim
phoniftes qui avoient été invitez fecretement' ,,
fe firent un merite de les feconder. Il y eur
enfuite un petit régal , où l'enjouëment ne nuifit
point à la modeftie , ni la modeftie à l'enjouement
; on chanta en partie diverfes Chanfons
fur la naiflance du Dauphin , le bruit du
Canon fe mêla au fon des Inftrumens & à
l'harmonie des voix , & tout s'y palla d'une
maniere fi tendre & fi convenable , que je me
ferois fait un reproche de ne vous en avoir
pas rendu compte. Je n'ai plus , pour finirs
heureufement , qu'à ajoûter ici le vou general:
de tous nos Citoyens , vous y foulcrirez de
bon coeur.
Grand Dieu , prenez foin de la Mere ,
Confervez nous & l'Enfant & le Pere ; ;
Que pendant des fecles entiers >
Ils regnent tous les trois dans une paix presfonde
::
Vous les avez donnez pour le bonheur du monder
Qu'ils enjouiffent les premiers.
Les Réjouiffances à Sedan furent annoncéess
par deux décharges de l'Artillerie de la Ville:
& du Château , l'une le Samedy au foir premier
Octobre ; la feconde le Dimanche à la
pointe du jour . L'Après midi on chanta un
Te Deum, & on fit enfuite une Proceffion Solemnelle
au bruit d'une triple décharge de toute
l'Artillerie & de la Moufqueteries on avoit
bordé les Ramparts de toute la . Garnifon , tant
Infanterie que Dragons , & la Bourgeoifie avoit
été commandée , & y faifoit les mêmes fonc
sions que les Troupes reglées..
75 MERCURE DE FRANCE.
La Compagnie de la Jeuneffe Bourgeoife ,
compofée de trois cens hommes , s'eft fur tour
diftinguée; le nom feul annonce quelque chofe
de galant & de brillant , auffi avoient-ils tous
les livrées de leurs Maîtrefles qui étoient fur
les Remparts.
Après le Te Deum , on alluma un Feu trèsélevé
avec les ceremonies ordinaires , la Garnifon
étant fous les armes , & à l'entrée de la
nuit , on mit le feu à un Artifice , dont la difpofition
étoit ingenieufement imaginée ; l'Edifice
étoit conftruit au milieu de la grande Place
fur un Rocher extremement élevé , & jettant
Peau en arc par quatre mufles ; cette eau tomboit
dans un Réfervoir , d'où elle fortoit en
abondance tout à l'entour & faifoit une Nape
d'eau de toute la circonference ; la Charpente
de l'Edifice étoit cachée par des arbres entiers
qu'on y avoit plantez , ce qui en faifoit an
Bofquet frais & enchanté , tel que les Poëtes .
dépeignent celui du Bain de Diane.
L'Artifice n'avoit rien de particulier que la
quantité & la promptitude de l'execution' ,
mais ce qu'il y avoit de plus agréable eft qu'à
mefure que l'Air étoit éclairé , on voyoit
les quatre Arcs d'eau briller des couleurs les
plus vives , tel que celui de l'Arc - en - Ciel ; ce
mêlange des Elemens concouroit à faire un
très -beau fpectacle.
A peine l'Artifice fut- il fini , que toute la
Villefut illuminée de Lampions,les Feux furent
en même temps allumez devant chaque porte
& les tables dreffées dans les ruës ; les Officiers
de Ville ont bien marqué en cette occafion
qu'ils étoient les Peres du Peuples indépendamment
des Fontaines de vin qui couloient de
routes parts , ils ont fait diſtribuer du pain , du
via
"
JANVIER. 1730. 77
vin & de la viande à toute la populace , & au
Heu de donner un Feſtin à l'Hôtel de Ville auxi
dépens du Public , chacun de ces Magiftratsi
donna chez foi un Repas fplendide , où tout
ce qu'ily avoit dans la Ville,au- deffus du Commun
, fut invité.
Le Commandant raffembla cependant tou
tes les Dames chez lui après le foupé. Elles
trouverent le Frontispice & la façade de l'Hô
tel illuminez de flambeaux de peing & de Lam
pions & ornez de Cartouches des Armes de
leurs Majeftez & du DAUPHIN. Trois grandes
Salles extremement éclairées , fervirent de Scene.
Les deux premieres étoient deftinées à la
danfe , & dans la troifiéme on avoit fervi un
magnifique Ambigu , où toute l'Affemblée alla
fe délaffer & reprendre des forces pour danfer
de nouveau.
Plufieurs bandes de Mafques fe fuccederent
les unes aux autres avec des habits fomptueux
& galants. On ne connoît point ici les Do
mino, ce déguiſement répand une uniformité:
ennuyeufe dans une Affemblée , tout s'y reſfemble
& s'y confond. Nos Mafcarades , au
contraire , étoient variées & caracteriſées .
Ce qu'il y a de remarquable eft que les Maf
ques ne danferent aucune des danfes ordinai
res on avoit pris foin de donner à l'Orqueftre
des Airs inventez exprès pour la Fête , & chaque
Mafcarade figuroit une danfe nouvelle , de
forte que l'oreille & les yeux furent également
fatisfaits par l'agréable varieté. Les Dames des
Villes voifines qui avoient été invitées à cette
brillante Fête , y concoururent par les déguifemens
qu'elles imaginerent & par les danfes
qu'elles executerent.
Les jours fuivans furent diftinguez par de
NOU
78 MERCURE DE FRANCE.
nouveaux Spectacles qui meritent d'être rap
portez par leur fingularité . Les Ouvriers des
Manufactures qui font en grand nombre à Se-.
dan , habillerent un Enfant en DAUPHIN. Èt
firent chanter une grande Meffe & un Te Deum.
Voici l'ordre de la Ceremonie .
Deux Compagnies de Milice Bourgeoife
commençoient la marche. Ils avoient à leur
tête des Violons , des Hautbois , & des Tambours
au centre qui fe répondoient alternativement.
Enfuite marchoit une Compagnie de
Houffarts vétus magnifiquement & bien montez.
Ils étoient précedez de Trompettes & Timbales.
Cette Compagnie étoit fuivie de vingt
Gardes du Corps à cheval en habits bleus uniformes
; le Carroffe où étoit l'Enfant reprefentant
le Dauphin , marchoit immédiatement
après ; il étoit accompagné de Pages, de Valets
de Pred & de huit Coureurs , & entouré de
douze Heraults , dont fix étoient à cheval, armez
de pied en cap à l'antique , & les chevaux bardez
. Ils avoient la vifiere baiſſée & les Malles
d'Armes ou les Lances à la main.
Dans le même Carroffe étoient trois jeunes
Demoiſelles richement vétues , repréfentant
Mes Dames de France , & une quatrième repréfentant
Madame de Vantadour. Le Carroffe
étoit furmonté d'une Couronne fermée de quaare
Dauphins .
Les Dames du Palais fuivoient dans une
Caleche galamment ornée ; enfin le Cortege
étoit terminé par deux autres Compagnies avec
des Violons & Tambours , dans la même dif
pofition que les premieres.
Ce, fut en cet ordre qu'ils marcherent pour
fe rendre à l'Eglife ; on avoit placé au milieudu
Choeur un Carreau pour le Dauphin. Les
Gardes
JANVIER 1730. 79
Gardes faifoient un demi cercle à l'entour &
les Cuiraffiers à pied , armez de toutes pieces ,
étoient aux quatre coins du Coeur & aur
deux côtez de l'Autel comme desHeraults d'Ar
mes. L'Aumônier étoit derriere le Fauteuil qui
preſentoit au Prince le Livre & lui marquoit
toutes les parties de l'Office.
Au fortir de l'Eglife le Cortege paffa par les
principales rues , à l'entrée defquelles toute
l'Infanterie faifoit une décharge de Moufqueterie
& un Officier des Gardes du Corps jettoit
de l'argent au Peuple.
Cette Ceremonie a été repetée jufqu'à quatre
fois par differens Corps d'Ouvriers , qui à
l'envi l'un de l'autre , encheriffoient fur la magnificence
& fur le nombre.
Le Corps de la Manufacture Royale de Draps
a auffi fignalé fon zele par un Te Deum , &
un Feu de joye. Deux Fontaines de vin induftrieufement
pratiquées , ont coulé pendant
leur Feltin autour de l'Hôtel de Ville , où ils
s'étoient raffemblez , & où étoient invitez l'Etat
Major & les Chefs des Compagnies . Le
gout de l'illumination répondoit â la magnificence
de la Fête.
Les Officiers de la Garnifon ( Régiment de
Dilon Irlandois ) ont couronné toutes ces Fêtes
par un Spectacle de leur mêtier, & ils l'ont:
executé d'une maniere qui marque leur expe
rience au fait de la guerre & qui confirme la.
réputation qu'ils le font acquife à Crémone &
ailleurs..
Ils ont formé deux partis pour fe battre à
coups de Fufées . Les Dames fé diviferent auffi
en deux Partis , & chaque Reine choifit les
Champions qui devoient entrer en lice.
Le 9..Octobre à fix heures du foir les Chefss
do.
fo MERCURE DE FRANCE.
de chaque Parti allerent marquer les deux
Camps.Ils partagerent l'avantage du vent, afin
que l'un des Partis ne pût fe plaindre d'être
offufqué de la fumée.
Ils firent tendre deux cordes à douze pas
P'une de l'autre , ils convinrent que l'approche
en feroit deffendue , & qu'ils s'en tiendroient
à fe lancer leur Artifice d'un Camp à l'autre.
A huit heures les Combattans parurent au
nombre de quarante ; Ils étoient menez au
Combat chacun par leur Dame , dont ils portoient
les Livrées ; ils conduifirent les Dames
aux Balcons d'où elles devoient voir le Combat
& décider de la victoire. Enfuite ils fe ren
dirent fur le Champ de bataille. Cinquante
Soldats de chaque côté étoient fous les armes
pour empêcher le Peuple de s'expofer au feu
Les Tambours & Fifres étoient des deux côtez
pour animer les Combattans.
A huit heures & demie les Dames donnerent
le fignal ; les Tambours battirent la charge
, & le feu commença par quelques efcarmouches
; enfuite il fut fi violent de part &
d'autre , qu'il étoit difficile de juger lequel des
deux Partis devoit l'emporter ; enfin après
trois quarts d'heure d'un feu vif , égal & continuel
, il arriva comme à la Bataille de Phatfale
, que le hazard décida ce que les Dieux
n'ofoient juger. Le feu prit au Parc de l'Artillerie
de l'un des Partis & brula en un inftant
quatre mille Fulées , Petards ou Serpenteaux ,
qui étoit environ le quart de leur Artifice.
Après cet accident il fallut ceder , mais auparavant
ceux de ce Parti voulurent marquer
par leur courage qu'ils étoient dignes d'un fort
plus heureux . Ils fe préfenterent à la barriere à
corps découvert & effuyerent le feu ennemi,
pendant
JANVIER. 1730. 81
pendant près d'un quart d'heure , fans autre
deffenfe que leur intrepidité; enfin le Parti op
poté ayant épuifé fes Munitions , ils furent accueillis
parleurs Dames, qui atta cherent à leurs
chapeaux des Cocardes Simboliques avec une
branche de Laurier.
Les malheureux furent prévenus par les Dames
qui avoient pris leur parti , elles leur don
nerent des Dragones vertes en figne d'efperance
& une branche de Mirthe , qui eft l'arbre confacré
à l'amour.
On étoit convenu avant le Combat que les
Vainqueurs donneroient le Bal aux Dames , ce
qui rendoit ce Cartel plus noble & plus galant;
c'eft le feul defavantage qu'ont eu à effuyer
ceux du Parti malheureux ; mais ils en ont été
amplement dédommagez par le témoignage
que les Dames ont rendu à leur valeur & par
le Mirthe dont elles les ont couronnez .
VOEU ROYAL , fait par LOUIS XIII ,
&par la Reine ANNE D'AUTRICHE
fon augufte Epouse , execute & renouvelle
à Toulouze , par la Compagnie
Royale de Mr les Pénitens Bleus , à
l'occafion de l'heureuse Naiſſance de
MONSEIGNEUR LE DAUPHIN , le
30. Septembre , le premier & le deux
Odlobre 1729. Brochure in- 8 . de 26.
pages . A Toulouse , de l'Imprimerie de
Nicolas Caranove , à la Bible d'Or ,
M. DCC. XXIX.
A Royale Compagnie des Penitens Bleus ,
érigée à Touloufe , eft compofée des Pertonnes
les plus qualifiées de la Ville & de la
Pros
82 MERCURE DE FRANCE:
Province. Elle donna des marques éclatantes
de fon zele & de fon attachement à la Perfonne
facrée du Roi , lors du rétabliffement de
la fanté de S. M. par une Fête folemnelle dont
de détail fe trouve dans notre Journal du mois
d'octobre 172 1. La Naiffance du DAUPHIN,
a fourni à cette Compagnie une nouvelle occafion
de fignaler ce zele . Ce qu'elle a executé
fur ce fujet , fait la matiere du Livre dont
nous avons à rendre compte ; jamais occupation
ne peut nous être plus agréable.
Le 17. Septembre , la Compagnie ayant été
extraordinairement affemblée à l'occafion de
Pheureuſe nouvelle qui avoit été annoncée la
veille , M. Cortade , Docteur ès Droits , Avocat
au Parlement , Syndic de cette Compagnie,
Prononça un fort beau & éloquent Difcours
fur ce grand fujet. Nous en rapporterons ici
quelques traits.
" MONSEIGNEUR LE DAUPHIN eft né, & il
eft né dans le fein de la Paix , il eſt né d'un
Roi pacifique , le premier de nos Rois qui a
vû fa Minorité paifible , & l'Europe entiere
»jouir auffi long- temps d'une profonde paix .
Quel heureux préfage pour le Prince qui
a vient de naître ! MONSEIGNEUR LE DAU-
» PHIN eft né , & il eſt né d'une pieuſe Reine ,
» doüée de toutes les vertus ; il falloit , fans
doute , un Trône proportionné à tous les
dons dont le Ciel la comblée , pour cou-
» ronner la vertu , pour la gloire d'une Nation
illuftre & pour faire le bonheur de la nôtre.
Qu'il eft confolant pour nous qu'en execu-
≫tant & en renouvellant leVoeu de Louis XIII,
de glorieufe memoire , à la Nailfance de cha
que Succeffeur à la Couronne , d'avoir à rendre
graces à Dieu d'un Evenement qui affure
M
» le
JANVIER. 1730.
83
う
» le bonheur d'une Nation la plus digne d'être
» heureuſe , au moins par fon refpect & par fa
" fidelité pour fes Souverains.
Le Prince qui vient de naître , & qui eft
l'objet de notre joye , apprendra un jour le
Vou que nous allons faire , & que Louis
» le Juste nous a chargez de renouveller pour
» fa confervation,
"
33 Puiffent nos arriere- Petits- Fils , voir dans
» MONSEIGNEUR LE DAUPHIN , un Roi jufte ,
religieux , pacifique , & même fi la neceffité
l'y oblige , un Roi victorieux ; & pour fouhaiter
a ce Prince tous les bonheurs à la fois,
»faffe le Ciel que le Fils aîné d'un Roi & d'une
"Reine que Dieu a formez felon fon coeur ;
faffe le Ciel que l'Héritier de leur Couronne
foit l'heritier de leurs vertus.
L'Orateur finit par ces paroles :
» Pour moi , MESSIEURS , qui fuis d'avance
inftruit de vos intentions & devos fentimens,
& notre Compagnie Royale étant elle- même
"inftruite de fes engagemens & de fes devoirs,
il ne me refte qu'à la requerir d'executer & de
"renouveller leVoeu fait par Louis XIII. & par
la Reine ANNE D'AUTRICHE , fon augufte
Epoufe , & de prendre à ce fujet la déliberation
ordinaire en cette importante occafior
Jamais Difcours ne fut plus applaudi en
toutes manieres , & ne merita mieux de l'être.
A peine M. le Syndic eut ceffé de parler , qu'il
fut unanimement , & par une acclamation generale
, déliberé que pour rendre graces à Dieu
de l'heureuſe Naiffance du D'AUPHIN , & pour
executer & renouveller le Vou fait par Lours
XIII. de glorieufe mémoire , & par la Reine
ANNE D'AUTRICHE , fon augufte Epoufe , il
y auroit Oraifon de Quarante heures le 30.
Sep
84 MERCURE DE FRANCE .
Septembre & les deux jours fuivans , pour
demander à Dieu , & c. Que le premier jour le
Te Deum feroit folemnellement chanté après
lle Voeu fait , & pour cet effet M. le Comte de
Bioulle , Meltre de Camp de la Colonelle
Generale de la Cavalerie , Chevalier de Saint
Louis , ancien Prieur de la Compagnie , fut
nommé Premier Commiffaire pour avoir l'honneur
de faire & de renouveller le Vou de
LOUIS XIII. au nom de la Compagnie. Et à
caufe de l'abfence de l'Archevêque deToulou
fe , à qui il appartient de droit de recevoir le
voeu , l'Abbé Dejan , Chanoine de l'Eglife de
S. Sernin , fut nommé pour faire cette fonction
& pour officier durant les Prieres de 40.
heures. On délibera auffi fur les marques de
de joye qui devoient fuivre le Te Deum , &
que toutes les Compagnies Superieures fefoient
invitées d'affifter au Vou & au Te Deum.
Voici en abregé de quelle maniere cette Déliberation
fut executée. La Chapelle Royale
étoit ornée de ces belles & magnifiques Tapifferies
qui ont appartenu à la Reine Marguerite
, qui en fit prefent à un Evêque de Rieux ,
de la Maiſon de Bertier. Les trois Aurels étoient
éclairez de plus de 200. flambeaux de cire
blanche.
Le Cordon qui regne autour de la Chapelle
Royale , qui eft une des plus belles & dont
le Plan eft des plus réguliers qu'il y ait en
Europe , étoit couvert de Laurier avec beau
coup d'art , & en relevant la blancheur des
Trumeaux , ornez d'une belle Architecture &
d'une riche Sculpture ; ce Cordon , dis- je ,
formoit un coup d'oeil merveilleux. Ces Trumeaux
, fur lefquels font repréfentées les Veraus
& leurs attributs , font de la main du fieur
d'Arcis,
JANVIER. 1730. **
d'Arcis , celebre Sculpteur & un des Membres
de l'Académie Royale de Sculpture , c'eft un
Ouvrage très- eftimé des Connoiffeurs , & qui
tient un rang diftingué dans le grand nombre
qu'on en voit dans la Ville de Toulouſe.
Les Portraits du Roi & de la Reine entourez
de flambeaux de cire blanche , furent placez
dans la Chapelle Royale , à une diſtance convenable
; & au milieu on avoit élevé un riche
Ecuffon des Armes de MONSEIGNEUR LE
DAUPHIN ,lemême qui fut fait lorfqu'on executa
le Voeu pour la premiere fois par ordre de
Louis XIII.
Le Vestibule étoit auffi orné de riches Tapifferies
& d'un grand nombre de bougies
pofees fur des Girandoles , ainfi que tout l'interieur
des Galeries & les Coridors de la Chapelle
Royale , dont les Portes , fur lesquelles il
y avoit des Arcs de Triomphe , étoient auffi
magnifiquement décorées , ainfi que les Murs ,
qui étoient préparez pour une grande illumination.
Les Prieres de quarante heures & le Voeu
furent annoncez la veille 29. Septembre après
midi par le fon des Cloches , par le bruit des
Tambours & des Trompettes & par plufieurs
falves de la Moufqueterie du Guet , lefquelles
furent fouvent réiterées avant & après les
premieres Vêpres & la Benediction du Très-
Saint Sacrement ; ces démonftrations de joye
furent continuées pendant la nuit, ainfi que les
Fanfares , & on tira un grand nombre de Boëtes
& de Fufées.
Le Vendredy matin 30. Septembre , Fêtè de
S. Jerôme, l'un des Patrons de la Compagnie ;
on fit dans la Chapelle Royale l'ouverture des
Prieres de quarante heures,avec les ceremonies
E ac
86 MERCURE DE FRANCE.
accoutumées. La Nobleffe en très- grand nom
bre & un Peuple infini y affifterent ; pendant
qu'on celebroit des Meffes aux trois Autels de
la Chapelle Royale, les Aumôniers de la Compagnie
diftribuoient des aumônes aux pauvres
malades & aux Priſonniers,
L'après midi les Compagnies qui avoient
été invitées pour affifter au Vou & au Te Deum,
fçavoir , la Chambre des Vacations , les Treforiers
de France , l'Univerfité , le Senechal &
& les Capitouls , fe rendirent en grand nombre
& en habits de ceremonie , dans la Chapelle
Royale. Les Capitouls étoient revêtus de leur
Manteau Comtal, & accompagnez des Officiers
de la Ville & de leur grand Cortege.
Le concours des perfonnes de la premiere.
diftinction, de tout fexe, & de la Nobleffe, tang
de la Ville que de la Campagne & des Provinces
voifines , qui étoient venues avec empreffement
pour affifter au Vou , fut extrordinaire.
Les Vêpres furent chantées avec beau
coup de folemnité & à plufieurs choeurs , en
faux-bourdon , qui eft une Mufique propre &
particuliere à la Chapelle Royale.
Les Vêpres finies , M. le Comte de Bioulle ,
premier Commiffaire , accompagné de M. le
Baron de Ferrand , Sous- Prieur ; de M. de Nolet
, Prefident , Treforier General de France ,
Cenfeur; de M. Pujol , Confeiller au Parlement
Confulteur , & de M. Cortade , Docteur ès
Droits & Avocat au Parlement , Syndic de la
Compagnie , feconds Commiffaires nez ; de
M. le Comte de Pibrac , de M. le Marquis de
Pinfaguel , & d'un grand nombre d'autres.
Confreres , tous revêtus de leurs habits de
Penitent , defcendirent de la Tribune à la Cha-
Relles le Comte de Bioulle portoit le Cierge
du
JANVIER . 87 1730.
du Voeu, du poids de fept livres , orné de Fleurs
de Lys d'or , des Armes du Roi , de MONSEI
GNEUR LE DAUPHIN , d'L L. couronnées &
de Dauphins ; ce Cierge étoit garni de Velours
avec des Crepines d'or,à la hauteur de la mains
les quatre feconds Commiffaires portoient un
court Bâton de couleur bleue , orné de Fleurs
de Lys d'argent; les autres Confreres portoient
des fambeaux de cire blanche , & quatre d'entr'eux
portant des Bâtons de ceremonie , fermoient
la marche. Les Commiffaires étant are
rivez à l'Autel après M. l'Abbé Dejean , Officiant
, qui étoit en Chape de Moëre d'argent ,
affis dans un Fauteuil doré, à côté de l'Evangile,
ils fe mirent à genoux fur la premiere marche
de l'Autel, & après s'être profternez , le Comte
de Bioulle , premier Commiffaire , prononça
à haute voix leoeu qui fuit.
Notre Confrerie Royale s'étant toûjours particulierement
intereffée en tout ce qui regarde
les avantages de la facrée Perfonne du Roi & de
la Famille Royale, ayant même lieu de croire
que Dieu a eu égard àfes voeux à fes prieres
par les Benedictions que le Ciel a répandûës dans
la'Naiffance&la confervation du Roi , heureu
fement regnant , depuis peu de jours en l'heureufe
Naiffance de MONSEIGNEUR LE DAUPHIN
, notre Compagnie Royale defirant d'en
témoigner fa reconnoiffance publique , & voulant
faire tous fes pieux efforts pour obtenir
du Ciel la confervation de la facrée Perfonne
du Roi , de la REINE , en particulier de
MONSEGNEUR LE DAUPHIN , & de toute la
Famille Royale , elle a résolu de voüer & de
promettre , comme en effet elle voie & promet
par ma bouche , en qualité d'ancien Prieur &
E ij
de
88 MERCURE DE FRANCE .
de premier Commiſſaire , à Dieu & à la fainte
Vierge notre Protectrice & de la France , à
S. Jerôme , à S. Louis , à fainte Magdelaine ,
nos Patrons , à toute la Cour Celeste , & à vous
Monfieur, de faire expofer le Très Saint Sacrement
dans notre Chapelle Royale durant troisjours
confecutifs , & de faire celebrer autant de
Meffes qu'il fe pourra pendant ces trois jours
à cette intention , d'aller Samedi prochain en
Proceffion à l'Eglife Abbatiale de S. Sernin, pour
implorer le fecours des Saints , dont les facrées
Reliques repofent dans cette Eglife , & de dire
à genoux cinq fois le Pater & cinq fois l'Ave
Maria , tous les Vendredis , dans notre Chapelle ,
en prefence du Très - Saint Sacrement , après les
Prieres accoûtumées Pro Rege , & ce durant
dix années à compter de ce jour 30. Septembre
1729.
A quoi M. l'Abbé Dejean , Officiant , répondit :
J'accepte , Monfieur , le voeu que vous venez
de faire au nom de la Compagnie Royale ,
par le zele & la ferveur que je vois paroître
dans toute cette illuftre & Royale Compagnie ,
j'espere avec confiance que notre Vau fera
exaucé, & par l'honneur que j'ai de recevoir
ce Vouen l'absence de M. l'Archevêque deTouloufe
, notre Confrere , & en qualité d'ancien
Sous-Prieur de la Compagnie , j'y joindrai mes
Prieres les Saints Sacrifices pour obtenir du
Ciel fon accompliſſement.
Le Comte de Bioulle , premier Commiffaire,
& les Commiffaires nez , s'étant enfuite levez,
ils remonterent à la Tribune dans le même
ordre qu'ils en étoient defcendus , & le Comte
de Bioulle ayant pris la premiere place, & les
autres Officiers & Confreres celles qui leur
conviennent , l'Abbé Dejean , Officiant, entonna
JANVIER.
1730. 89
ha le Te Deum , qui fut chanté en Mufique
& enSimphonie par beaucoup deVoix & d'Inftrumens
; il étoit de la compofition de M. Valette
, Maître de Mufique de l'Eglife Abbatiale
de S. Sernin , & il fut beaucoup applaudi.
Après le Te Deum , on reitera les falves
de Moufqueterie avant & après la Benedicsion
du très faint Sacrement , & vers les
fept heures, l'Illumination commença des deux
côtez de la grande rue des Penitens Bleus
dans toute fon étenduë ; cette ruë eft d'une
largeur extraordinaire , & toutes les Maifons
font d'une même élevation , ce qui favori
foit beaucoup Illumination ; la Grande Porte
, les Combles & les Murs de la Cha
pelle Royale étoient illuminez par un nombre
infini de Globes de feu & de Falots
aux Armes du Roi , de la Reine & de Monfeigneur
le DAUPHIN , & aux Armes de la
Chapelle Royale , qui font un Lion d'or ,.
fur un Champ d'Azur , avec ces mots SANA
ME , DOMINE.
Les Chanoines Reguliers de Saint Antoine,
affociez à la Compagnie Royale , qui ont
leur Maifon dans la grande Rue des PenitensBleus
, Maifon dont la façade eft très- belle,
l'illuminerent magnifiquement le même foir.
Sur les neuf heures , le Comte de Bioulle
, premier Commiffaire , encore revêtu de
fon habit de Penitent , ainfi que les Commiffaires
nez , alluma le feu qui avoit été
preparé , tenant à la main un flambeau de
cire blanche , peint en bleu , & orné de
Fleurs de Lys d'or. Dès que le feu fut allumé
on fit plufieurs falves de Moufquete
rie , & toute la Ruë , où il y avoit un peuple
infini , retentit des acclammations reite
"
E iij,
récs
90 MERCURE DE FRANCE .
-
vive rées de Vive le Roi , vive la Reine
Monfeigneur le Dauphin. Les falves de Moufqueterie
furent fuivies du fon des trompettes
hautbois & tambours , qui ne furent
interrompus que par le grand nombre
de Boetes & de Fuféès qu'on tira pendant
la nuit.
>
Un long difcours ne fuffiroit pas pour
rapporter ici tous les pieux & differens exercices
auxquels les Confreres de cette Royale
Compagnie furent occupez pendant les
deux jours fuivants. On n'a jamais vû paroî
tre un plus grand zele , & donner plus d'édification.
Les Prieres de 40 heures furent
terminées le Dimanche au foir par la Benediction
du très - faint Sacrement , au bruit
de la Moufqueterie & des Fanfares .
Les Confreres , & particulierement les
Officiers de la Compagnie , qui avoient magnifiquement
illuminé leurs Hôtels le foir du
Voeu , & pendant la premiere nuit , continuerent
les Illuminations pendant les deux
nuits fuivantes . Enfin la Compagnie Royale
n'a rien negligé pour que l'ordre & la magnificence
de cette Fête pût être digne d'un
heureux évenement. M. le Syndic , qui eft
l'ane & le principal mobile de tout ce qui
fe fait dans cette Compagnie , ne s'eft pas
contenté d'exercer en cette rencontre fon
heureux talent de la compofition & de la
parole , il a auffi employé fon genie univerfel
pour faire bien executer la deliberation
de la Compagnie , & on peut dire qu'il
s'eft furpaffé lui même en cette importante
occafion.
Il nous reffe à ajouter ici deux ou trois
Remarques hiftoriques au fujet de cette
ComJANVIER.
1730 91
Compagnie , & de la Chapelle Royale.
Le Roi Louis XIII . lui fit l'honneur de vouloir
être infcrit fur fes Regiftres le 23. Novembre
1621. Louis XIV. de glorieufe memoire
, lui fit le même honneur le 19. Oc
tobre 1659. M. le Duc de Bourgogne le 16.
Fevrier 1701. & M. le Duc de Berry le 17
Fevrier de la même année.
Le 26. Octobre 1632. Louis XIII. qui le
30. Mars 1622. avoit pofé la premiere pierre
de la Chapelle Royale , fit dans la tribune
de cette Chapelle un voeu folemnel avec la
Reine , fon Augufte Epoufe , & toute la
Compagnie Royale , affemblée par ordre de
Leurs Majeftez , pour fupplier la Divine
Bonté de donner un fucceffeur au Roi . Ce
Voeu fut renouvellé annuellement jufqu'à la
Naiffance de Louis XIV , & enfuite executé
& accompli pour & au nom de Leurs Majeſtez
, par ordre du Roi , au mois de Septembre
1638.
Ce Vou folemnel fut encore executé &
renouvellé en 1661. à la Naiffance du Dauphin
, fils de Louis XIV. & au mois d'Aoûg
1682. après la Naiffance de M. le Duc de
Bourgogne , pere du Roi heureuſement regnant
, ainfi que le 8. 9. & 16. Août 1704.
après la Naiffance de M. le Duc de Bretagne
, frere ainé de Sa Majefté. Faffe le Ciel
qu'il foit encore renouvellé à l'occafion du
premier Prince , qui naîtra du nouveau
DAUPHIN.
E iiij LETTRE
92 MERCURE DE FRANCE?
XXXXXX: XXXXXXXXX
LETTRE écrite d'Orleans le 15. Janvier
1730. par Madame L. T. D.
au fujet des Enigmes pillées.
Omme chacun eft en droit de re-
Caclamer fon bien , & que la Lettre
de Verdun inferée dans votre dernier
Mercure , au fujer de l'Enigme des Bas,
pillée par Mlle de Bellefond de Vernon ,
m'autorife à demander un fonds de patrimoine.
J'ai crû , Meffieurs , devoir
auffi vous écrire fur un pareil fujet.
Il s'agit d'une Enigme fur l'Or , de la
compófition de feu mon pere , donnée
fous le nom de la Dame Solitaire ; elle
parut dans la premiere partie du Mercure
Galant de Juin de l'année 1684 .
page 258. & j'ai vu avec douleur què
Mile de Bellefond de Vernon l'a fait reparoître
fous fon nom dans le Mercure
d'Août 1729.
Que peut-on penfer d'un tel larcin ?
rien n'eft plus injufte ; le Public devroit
-il s'attendre à de pareilles trahifons
pour moi , je crois qu'on en devroit
faire un exemple dans la Repu
blique des Belles Lettres . Je laiffe à
Meffieurs les Préfidens de cet Etat à
proJANVIER.
1730. 93
prononcer le jugement ; je fuis cependant
perfuadé , M M. que vous êtes
trop équitables pour ne pas inferer ma
plainte dans votre Mercure , afin que
s'il eft poffible , on ne tombe plus dans
cet inconvenient.
Il fembloit que l'explication de Mlle
Dorvilliers fur les Enigmes de M.
J. B. D. de Versailles auroit dû arrêter
le cours de ces pilleries , & je vois avec
tout le regret poffible que Mile de Bellefond
& Mlle de Bellefoffe , toutes deux
de la même patrie , n'ont point craise
les juftes reproches qu'on leur a faits.
Je fuis &c.
On a dû expliquer le mot de l'Enigme
du premier Volume de Decembre
par l'Enigme même , & celui du Logogryphe
par Louis , pris en trois manieres
; S. Louis , Louis Roi de France
& Louis d'or ; en ôtant les deux lettres
d'après la premiere refte Lis ; la
Fleur de Lis forme les Armes du Roi &
la marque des Louis d'or &c. La Puce
eft le vrai mot de l'Enigme du fecond
Volume , & Paris , celui du Logogry
phe.
Ev EXPLE
94 MERCURE DE FRANCE :
EXPLICATION du premier Logogryphe.
Aint Louis eft au Ciel , & Louis fur la
S Airterre
Fait trembler mille Nations ;
Quoiqu'il ne faffe point la guerre ,
J'entends vanter par tout fes belles actions ,
Peut-on trop admirer le bonheur de la
France >
Dans la Paix & dans l'Abondance ,
Sans qu'il en coûte un feul Louis !
On voit croître à la Cour les Rofes & les
Lis.
Au contentement de mon Maître ,
Un charmant Dauphin vient de naître
Je voudrois qu'il pût dire en ma faveur un
oui ,
Ou qu'il apprit combien je fais de voeux
pour lui.
Par Me Angelique Dorvilliers
de Vernon.
ENIGME
JANVIER. 1730. 95
XXX :XXXXXXX:XXXXX
ENIG ME.
E fuis aux plus vives douleurs
remede
L'unique & fouverain remede ;
Dans la nature tout me cede ,
Et felon que je change , on change auffi de
moeurs.
Il n'eft que l'experience
Qraffe voir l'importance
Deilité dont je fuis.
Lieureux , qui connoît tout mon prix.
LE LOGOGRYPH E.
A Madame la Comtesse de B ***
Lorfque iadis Oedipe dévoila
Ce que le Sphinx en mots enigmatiques
Vint propofer , s'il meritoit par là
D'être fait Roi des peuples Thebaniques.
Sage B *** , l'Oedipe de nos jours ,
Qui voyez clair où maint Sçavant tatonne ,
N'auriez-vous pas avec pareils fecours
Plus de cent fois merité la Couronne
Bien affuré que votre ceil penetrant
Aura dans peu devoilé mon miftere.
E vj.
Poys
MERCURE DE FRANCE .
ELECTRE , Tragédie de M. de Longe
pierre. A Paris , chez la Veuve Piffot
Quay de Conti 1730. in 12. de 84 .
pages.
>
Cette Piece paroit imprimée pour la
premiere fois.
ADDITION au Traité d'accompagnement
& de compofition par la Regle de
POctave , où eft compris particulierement
le fecret de l'accompagnement du Theor
be , de la Guitarre & du Luth , avec la
maniere de tranfpofer inftrumentalement
& de folfier facilement la Mufique vocale
, fans l'ufage de la Gamme. Par let
Sieur Campion , Profeffeur Maître de:
Theorbe & de Guitarre , de l'Académie
Royale de Mufique . Oeuvre IV. A Paris
, chez l'Auteur , Rue des Foff
Montmartre. A la Porte de l'Opera , chez
Boivin &c. 1730. broch. in 4. de
plus de 60. pages.
·
Plufieurs approbations de divers Maîtres
de Mufiques très habiles , qu'on
trouve à la fin de cet Ouvrage , ne laiffent
aucun lieu de douter qu'il ne foit
fort utile.
TABLEAU DU MONDE ANCIEN
RT MODERNE , divifé en trois parties.
La premiere contient la divifion
da
JANVIER . 1730: 99
du monde en fept Ages , les Epoques
les plus celébres depuis Adam jufqu'à
prefent , le partage de la Terre entre lesenfans
de Noë , l'établiffement & la décadence
des quatre Monarchies & des
anciennes Républiques , & comment de
la derniere des quatre Monarchies , qui
eft celle des Romains , fe font formés
prefque tous les Etats qui fubfiftent aujourd'hui.
La feconde eft une courte
defcription des quatre Parties du Monde
و
contenant ce qu'elles produifent
pour l'utilité des hommes , les moeurs ,
la Religion & la Langue de toutes les
Nations La troifiéme enfin eft un Recueil
de toutes fortes de Remarques curieufes
, parmi lefquelles on trouvera
l'origine des Arts & des Sciences . Par
M. Noblet. Chez Claude Prudhomme
au fixiéme Pillier de la Grand' Salle du
Palais. 1730. in- I 2.
TUELLES
NOUVELLES POESIES SPIRIET
MORALES ; Noë' fur
les plus beaux Airs de la Mufique Françoife
& Italienne , avec une Baffe continue
, Fabies fur des petits Airs & des
Vaudevilles choifis , avec une Baffe en
Mufette. Premier Recueil. Rue S. Jacques
, chez Lottin , Defprez & Defeffart
HIS
3351
MERCURE DE FRANCE:
ELECTRE , Tragédie de M. de Longe
pierre. A Paris , chez la Veuve Pilot
Quay de Conti 1730. in - 12. de 84.
pages.
Čette Piece paroit imprimée pour la
premiere fois.
ADDITION au Traité d'accompagne.
ment & de compofition par la Regle de
Octave , où eft compris particulierement
le fecret de l'accompagnement du Theor
be , de la Guitarre & du Luth , avec la
maniere de tranfpofer inftrumentalement
& de folfier facilement la Mufique vocale
, fans l'ufage de la Gamme . Par let
Sieur Campion , Profeffeur Maître de
Theorbe & de Guitarre , de l'Académie
Royale de Mufique . Oeuvre IV. A Paris
chez l'Ateur , Rue des FoffX
Montmartre. A la Porte de l'Opera , cheZ
Boivin & c. 1730. broch . in 4. de
plus de 60. pages .
>
·
Plufieurs approbations de divers Maîtres
de Mufiques très habiles , qu'on
touve à la fin de cet Ouvrage , ne laiffent
aucun lieu de douter qu'il ne foit
fort utile.
TABLEAU DU MONDE ANCIEN
ET MODERNE , divifé en trois parties.
La premiere contient la divifion
du
JANVIER. 1730 99
du monde en fept Ages , les Epoques
les plus celebres depuis Adam juſqu'à
prefent , le partage de la Terre entre lesenfans
de Noë , l'établiſſement & la décadence
des quatre Monarchies & des
anciennes Républiques , & comment de
la derniere des quatre Monarchies , qui
eft celle des Romains , fe font formés
prefque tous les Etats qui fubfiftent aujourd'hui
. La feconde eft une courte
defcription des quatre Parties du Monde
, contenant ce qu'elles produifent
pour l'utilité des hommes , les moeurs ,
la Religion & la Langue de toutes les
Nations La troifiéme enfin eft un Recueil
de toutes fortes de Remarques curieuſes
, parmi lesquelles on trouvera
l'origine des Arts & des Sciences. Par
M. Noblet. Chez Claude Prudhomme
au fixiéme Pillier de la Grand' Salle du
Palais. 1730. in- I 2.
NOUVELLES POESIES SPIRI
TUELLES ET MORALES ; Noë fur
les plus beaux Airs de la Mufique Fran
çoife & Italienne , avec une Baffe continue
, Fabies fur des petits Airs & des
Vaudevilles choifis , avec une Baffe en
Mufette. Premier Recueil . Rue S. Jacques
, chez Lottin , Defprez & Defeffarts
HIS
335159
Foo MERCURE DE FRANCE
HISTOIRE ANCIENNE DES EGYP
TIENS , des Cartaginois , des Affiriens,
des Babiloniens , des Medes & des Perfes
, des Macedoniens , des Grecs : Par
M. Rollin , ancien Recteur de l'Univerfité
de Paris , Profeffeur d'Eloquence
au College Royal , & Affocié à l'Académie
Royale des Infcriptions & Belles-
Lettres. Tome premier , contenant l'hifroire
des Egyptiens & des Cartaginois.
Chez Jacques Etienne , Rue S. Jacques,
Ruë
à la Vertu. 1730. in 12.
REFLEXIONS CRITIQUES fur le
Traité de l'ufage des differentes faignées ,
principalement de celle du pied , en forme
de Lettre , par M. Chevallier , Docteur
Regent en la Faculté de Medecine
de l'Université de Paris, 1730. Chez
Rollin , pere , Quay des Auguftins . in- 1-2 .
LES LOIX ECCLESIASTIQUES DE
FRANCE dans leur ordre naturel. Par
M. de Hericourt , Avocat au Parlement.
Troifiéme Edition . Rue S. Jacques
, chez D. Mariette .
LETTRE de M. l'Abbé de Broffard
Chanoine de Meaux , écrite en forme ,
de Differtation à M. de Moz , fur fa
nouvelle Méthode d'écrire le Plainchant
&
ANVIER. 1730. 107
& la Mufique. Chez Chriftophe Ballard
broch. in- 4. de 32. pages.
OEUVRES DIVERSES de M. l'Abbé
de S. Pierre , Tome 2. contenant 1
un projet pour rendre les Sermons plus
utiles. 20. un projet pour perfectionner
Péducation domeftique des Princes &
des Grands Seigneurs . 30. un projet pour
perfectionner l'éducation des filles . 4 ° .
Obfervations fur le deffein d'établir un
Bureau perpetuel pour l'éducation pu
blique dans les Colleges . 5 ° . un projet
pour rendre les Spectacles plus utiles à
F'Etat. 6. un projet pour mieux mettre
en oeuvre le defir de la diftinction entre
pareils. Chez Briaffon , Rue S. Jacques
, à la Science . 1730. in - 12.
Il va paroître chez Cavelier & Huart,
Libraires , Rue S. Jacques , une Dif
fertation fur l'Opération de la Pierre ,
par l'Appareil lateral , ou la Méthode
de Frere- Jacques , corrigée de tous fes
deffauts , enrichie d'une épreuve faite fur
un enfant de 8. ans , avec beaucoup de
fuccès , & d'une Réponſe à la Lettre de
M. Morand , Chirurgien , à M. Senac ,
Medecin de S. Germain . Par M. de Ga
rengeot , Chirurgien Juré de Paris.
INe
fo2 MERCURE DE FRANCE :
INTRODUCTION A LA RETHORI
QUE , par le fieur Brulon de Saint Remi
Profeffeur des Humanitez au College de
Joinville. Se vend chez l'Auteur. A Join
ville , chezJ. Baptiſte Monnoyer , 1729 .
in- 12 . de 166. pages.
CONFERENCES INSTRUCTIVES fur
la Religion Chrétienne , avec une Juive ,
par M. Treviſeni , Pattice Venitien , auparavant
Evêque de Ceneda , & preſentement
de Virone , Ouvrage dédié au
Pape Benoît XIII . A Rome , chez Antoine
Roffi , 1728. in - 4 . de 261. pages.
En Italien.
LA VIE DE BRUTUS , premier Conful
de Rome. A Madame de G *** . A
Paris , chez Prudhomme , au Palais ; la
veuve Piffot , Quay de Conty , &c. 1730.
brochure in- 8. de 35. pages.
On apprend à la fin de ce petit Ouvrage
qu'il a été fait à l'occafion de la
Tragedie de Brutus , que M. de Voltaire
devoit donner cet hyver au Théa
tre François.
B
LES FRERES JUMEAUX , Nouvelle
Hiftorique tirée de l'Eſpagnol. A Paris ,
ruë S. Jacques , chez J. Fr. Joffe à la
Fleur de Lys d'er, 1730. in 12. de 300.
pages.
>
Get
JANVIER. 1729 . 103
}
Cet Ouvrage dédié au Duc de Geſvres,
eft de M. de la Valle , Auteur de quelques
autres Livres affez connus . Celui cy paroît
affez bien écrit , & il y a lieu d'efperer
que le Public le recevra avec plaifir.
L'Epiſode du Medecin eft fingulier
& d'un gout nouveau . Le caractere du
Poëte paroît être tiré d'apres nature.
La nouvelle Traduction de Salufte ;
que nous avons annoncée dans le mois
de Septembre dernier , paroît à prefent
en deux volumes in 12. chez Huart l'aîsé
, près la Fontaine S. Severin , à la
Juftice .
M. l'Abbé Thyvon , qui en eft l'Auteur
, s'y eft attaché à la mettre à la portée
des Etudians , à en rendre la lecture
agréable aux Lecteurs qui ont du gout ,
& à contenter la curiofité de ceux qui
aiment à trouver fous leurs yeux les éclairciffemens
capables de les mettre tout d'un
coup au fait d'un Evenement , d'une épo
que & d'un perſonnage dont il s'agit.
H commence fa Préface par un jugement
très exact des Ouvrages de fon
Auteur. Il propofe enfuite & réfute les
eritiques qui en ont été faites , & il marque
le plan & l'ordre de cette Edition .
Cette Préface eft fuivie de la Vie de
Hiftorien. Le Traducteur a jugé à pro
pos
To4 MERCURE DE FRANCE.
pos de faire des Remarques propres à
affoiblir du moins les mauvaifes im
preffions que la lecture de la lecture de cette Vie
pourroit laiffer fur les moeurs de Salufte:
Attentif à faire fentir le vrai fens du
Texte , M.Thyvon a mis à la tête de l'Hiftoire
de la Conjuration de Catilina , deux
Differtations. L'une où il juftifie la
maniere dont il explique la premiere phra
fe de la Préface de fon Auteur ; & l'autre
fur l'Agriculture & fur la Chaffe , où il
prouve que ces mots fervilibus officiis ,
qui font à la fuite d'agrum colendo , aut
venando , ne fignifie autre chofe que les
exercices du corps.
Il y a plufieurs autres Differtations répandues
dans les deux Volumes, quoiqu'elles
n'en ayent pas le titre . Les Remarques
font en grand nombre dans tout le corps.
de l'Ouvrage . Elles font remplies de Recherches
curieufes & intereffantes.
Les morceaux qui fe trouvent en entier
dans les fragmens de Salufte méritoient
d'être mis en notre Langue. Les Notions
préliminaires que le Traducteur a miſes à
la tête de chacun de ces morceaux , & les
Notesdont il les a accompagnées font trèsntiles
pour en faciliter l'intelligence . Elles
peuvent même fuffire pourdonner unejuſte
idée des principaux évenemens des guerres
civiles fur lefquelles roulent ces fragmens."
On
JANVIER 1730. 105
On ne pourra gueres le deffendre d'approuver
M. Thyvon , dans le changement
qu'il a fait de l'ordre des deux Lettres
politiques adreffées par fon Auteur à Ce
far , & dans la correction qu'il a introduite
dans le Texte , au quatriéme Chapitre
de la premiere de ces Lettres , quand
on aura la les raifons qu'il en apporte.
En un mot toute cette Traduction eft
d'un ſtyle aifé & coulant ,& il y regne beaucoup
d'ordre , de netteté & d'érudition,
Tout l'Ouvrage eft en 2. volumes in-
12. le premier de 306. pages fans la
Préface qui en contient 3o . & la Vie de
Salufte de 77. & le deuxième 370. fans
les Fragmens de 184. pages .
Il paroît un Projet imprimé d'un Ouvrage
des plus finguliers qu'on ait vûs
dans la Litterature , il aa pour titre , Cours
des Sciences fur des principes nouveaux
& fimples pourformer le langage , l'esprit
le coeur dans l'ufage ordinaire de la vie.
Volume in- folio de 8. à 900. pages ,
deux colonnes , caractere de S. Augustin.
Par le Pere Buffier , de la Compagnie de
Jefus.
Si la brieveté que demande notre Mer
cure , permettoit d'en donner ici le projet
tout au long , ceux qui ont du gout pour'
lesSciences nousen fçauroient gré; ils prendroient
106
MERCURE DE FRANCE.
droient plaifir à la clarté & à la préciſion
avec laquelle font énoncez les principes
de chacune des Sciences qui forment ce
Recueil , & entre lefquelles on fait appercevoir
une liaiſon naturelle.
On met d'abord la Grammaire Françoife
de l'Auteur , laquelle a été fi répandue
dans l'Europe , & qui a pour fondement
de repréfenter le langage comme
l'image de nos penfées pour les difcerner
& les arranger . L'experience a montré
d'ailleurs combien elle eft utile pour faciliter
l'étude de la Langue Françoiſe en
particulier , & pour tourner en general le
tyle à une heureuſe élocution ; c'eſt ce
qui conduit à deux facultez qui font le
plus excellent ufage de la Grammaire
fçavoir , l'Eloquence & la Poëfie. Comme
la Grammaire enfeigne à nous faire bien.
bien entendre , l'Eloquence & la Poëfie
enfeignent à faire une impreffion fenfible
fur l'efprit de ceux à qui nous nous faifons
entendre . Le Traité de la Grammaire
eft donc fuivi de deux autres Traitez , l'un
fur l'Eloquence , l'autre fur la Poësie ; &
voilà pour ce qui fert à former le langage.
Ce qui contribue à former l'efprit & l'in
telligence , eft amené auffi naturellement :
Que ferviroit , dit l'Auteur , d'énoncer
heureuſement nos penfées , fi elles- mêmes
me font exactes & juftes ? c'eft pour cela
que
JANVIER. 1729. 107
que dans les Colleges on fait fucceder
L'étude de la Logique à celle des Humanitez
; mais dans les vues du P. Buffier
la Logique étant la fcience des conféquences
, qui tirent leur prix des principes , la
fcience des principes doit préceder celle
des conféquences . Ainfi il place avant la
Logique l'Ouvrage intitulé , Des premieres
veritez , dont nous parlâmes il y a
quelques années . Les veritez qui font déduites
des premieres par voye de conféquence
& de raifonnement , font l'objet
propre & fpecial de la Logique. On eft
étonné d'abord de voir l'Auteur infinuer
que pour regle génerale de Logique , il
ne faut qu'avoir fimplement & nettement
préfentes à l'efprit & Pidée du principe ,
& l'idée de la confequence ; neanmoins fa
propofition fe verifie par les exemples
qu'il apporte. Qu'on ait , dit - il , prefente
à l'efprit l'idée d'une Horloge & l'idée
d'un Moulin , il eft impoffible de conclure
qu'une Horloge eft un Moulin . Nouvel
exemple ; un homme craint de vous toucher
par la raifon , dit - il , qu'il vous cafferoit ;
vous croyez qu'il raiſonne en fou , vous
vous trompez ; c'eft qu'il vous croit de
verre : la conféquence eft jufte , il n'y a
de fou que le principe. On ajoûte deux
autres Ouvrages , l'un intitulé Elemens
de Métaphysique à la portée de tout le
monds
Je8 MERCURE DE FRANCE :
monde ; l'autre Examen des préjugez vulgaires
; ils font deſtinez à rendre plus facile
l'accès des deux fciences précedentes,
& ils font traitez en Dialogue avec précifion
, mais d'un ftyle égayé ; pour faire
fentir que des connoiffances qui fém
blent difficiles en elles - mêmes , feroient
faciles à guerir fi on les expofoit d'une
maniere ailée & familiere . Ces quatre
fortes d'Ouvrages font pour former l'esprit
en lui donnant de la jufteffe & de la folidité.
Enfin après avoir formé le langage &
Pefprit , il eft plus important encore de
former le coeur par la fcience de la Morale
& par celle de la Religion . Ce font
les derniers Traitez de ce Recueil. La Morale
eft indiquée fous un jour qui en doit
exciter le gout , puifque dans le Plan de
Auteur elle ne tend qu'à nous rendre
heureux en procurant le bonheur des autres.
Le Traité intitulé De la Societé Civile
, fert d'introduction à un Traité intitulé
, Analyfe des preuves les plus plaufibles
de la Religion , ce que l'Auteur réduit
à trois propofitions fimples & très ,
intelligibles , pour montrer que rien n'eft
plus raifonnable que d'embraffer la Foi
Chrétienne , qui feule peut donner à
T'homme toute la perfection pour le prefent
& pour l'avenir.
Ce $
JANVIER 1730. 109
Ces divers Traitez s'imprimeront cette
année dans un même volume in-folio ,
afin qu'étant liez par des principes nouveaux
& fimples , ils faffent un corps complet
dont les parties ne fe puiffent difperfer.
1 On avertit à la fin que ceux qui retiendront
les premiers des Exemplaires de
cette Edition , auront le choix des mieux
imprimez , avec diminution du prix . On
a fçû depuis que l'In-folio fera de 18. livres
, & qu'on rabattra le tiers à ceux des
amis qui veulent bien d'avance aider aux
frais de l'impreffion.`
Jean Vilette , fils , Libraire , rue faint
Jacques , à S. Bernard , mettra en vente
au commencement du mois prochain , la
troifiéme Partie de l'Univers Materiel
ou Aftronomie Phyfique du fieur Petit ,
contenant les caufes du Flux & Reflux de
la Mer , les raifons pourquoi la Mer eft
haute en Hollande & aux Ifles Canaries
dans le même inftant ; pourquoi la Marée
monte plus haut en approchant du Nord.
que proche l'Equinoxiale ; pourquoi les
Marées font plus fortes au temps des Equinoxes
qu'en toute autre faifon , les moyens
de fe fervir du Flux & du Reflux pour
trouver la Longitude d'un Vaiffeau en
pleine Mer , avec les Tables pour en faire
les experiences pendant l'année 1730. le
F rout
118 MERCURE
DE FRANCE
tout indépendemment du mouvement de
la Lune ; comment la preffion de la Lune
avance ou retarde lesMarées dans les Ports
& fur les côtes ; quels font les vents qui
feront caufez par la Lune pendant l'année
1730 .
par
Il paroît depuis peu chez la veuve Delaul,
ne , rue S. Jacques , & Théodore le Gras ,
au Palais , une nouvelle Hiftoire de Francè
demandes & par réponſes , dédiée à
M. le Prince de Conty , in- 12. C'eſt un
abregé très- méthodique & affez circonftancié
de toute l'Hiftoire de France . La
Chronologie eft exactement marquée à la
marge , & l'Auteur a eu foin de mettre
à la tête de tous les articles les Papes &
les Empereurs , foit de Conftantinople ,
foit d'Allemagne , contemporains des
Rois de France , ce qui forme une espece
d'Hiftoire univerfelle. Cet Ouvrage fera
très-utile aux perfonnes qui veulent fe
rappeller ou s'imprimer dans la memoire
tous les traits de l'Hiftoire de France, mais
fur tout aux jeunes gens . On fçait les nombreufes
Editions qui ont été faites d'un
Ouvrage qui eft dans ce même genre .
Celui dont il s'agit eft beaucoup plus éten
du , plus exact , & on a eu foin d'éviter
les méprifes de Mezeray , qui fe trouvent
dans l'autre. On y a auffi profité de quelque
JANVIER. 17307 LII
ques Remarques du feu Comte de Boulainviliers
, fur l'Hiftoire du P. Daniel.
La veuve Guillaume vient de publier
une fuite des Journées amusantes de Me de
Gomes. Le fuccès des volumes qui ont
précedé & dont on a fait plufieurs Editions
, garantit le fuccès de cette Suite
nouvelle. On y trouve trois ou quatre
belles Hiftoires , & entr'autres celle du
Comte de Salmoni , qui eft très touchante.
L'Auteur y a fait entrer un détail du bombardement
d'Alger.
DESCRIPTION de la Fête & du Feu
d'artifice qui doit être tiré à Paris fur la
Riviere , au fujet de la Naiſſance de Monfeigneur
le Dauphin , par ordre de S. M.C.
Philippe V. Et par les foins de leurs Excellences
M. le Marquis de Santa - Cruz,
& M. de Barrenechea , Ambaffadeurs Extraordinaires
& Plenipotentiaires du Roi
d'Eſpagne , le 24. Janvier 1730. in - 4 .
avec figures. A Paris , chez Pierre
Gandouin , Quay des Auguftins , à la Belle
Image , 1730. Brochure de 31. pages ,
3. livres.
Cette Defcription eft de M. l'Abbé Lan.
glet du Frefroy , connu déja par plufieurs
Ouvrages Dogmatiques & Hiftoriques ,
& fur tout par la Méthode pour étudier
Fij PHif
112 MERCURE DE FRANCE.
T' Hiftoire , qu'il a publiée l'année derniere
en 4. volumes in- 4. C'eft un Ouvrage
qu'il a accordé à l'amitié ; M M. les
Ambaffadeurs d'Efpagne , l'ayant honoré
de la leur depuis qu'ils font en France .
Quoique l'Auteur n'ait pas tourné fes
études du côté de cette forte d'Ouvrages ,
on n'a pas laiffé de l'approuver & de le
regarder comme une piece excellente en
ce genre , tant pour Pélegance que pour
les traits curieux & finguliers qu'on y
trouve . Il a crû , fans doute , que pour
en ôter la fechereffe propre aux Defcriptions
, il devoit y femer quelques faits
historiques très -intereffans , & Paffaifonner
même de quelques Pieces de Vers
François , qui fervent à expliquer les Infcriptions
Latines que M. l'Abbé Langlet
a -données , & qui font des applications
heureufes de divers endroits des anciens
Poëtes , au fujet de cette illuftre Fête . Il
a pris même occafion delà de faire des
Eloges fages & veritables des deux Rois
& même des deux Reines de ces deux
Nations , & de placer quelques penſées
brillantes , mais fimples dans leurs expreffions
.
སྐ
On trouve auffi dans cette Defcription
les Vers que M. de la Serre , homme de
beaucoup d'efprit & de fçavoir , a faits ,
à la priere de M M. les Ambaffadeurs d'Ef
pagne
JANVIER 1730. 113
pagne , pour fervir au Ballet en Mufique
que Leurs Excellences ont fait reprefenter
dans cette occafion . Cette Fête qui devoit
fe donner dès le mois de Décembre
a été reculée par divers accidens. Elle avoit
été depuis promiſe au 14. enfuite au 21 .
& enfin elle s'eft donnée le 2 4.de ce mois .
La Fête a furpaffé de beaucoup la magnificence
& le brillant qui eft répandu dans
cette Defcription . Ce petit Ouvrage doit
être regardé comme un morceau précieux
& comme un monument éternel de la
tendreffe paternelle du Roi Catholique
pour le Roi fon neveu .
Comme nous donnerons une Relation
de cette Fête, nous ne nous arrêterons pas
plus long-temps à cette Defcription ; mais
pour donner une idée de la Verfification
de l'Auteur , voici par où cette Piece eft
terminée. C'est une imitation de Properce
S'il eft des Dieux fur la Terre ,
Il en eſt dedans les Cieux ;
Ceux-cy lancent le Tonnerre ,
Seuls ils exaucent nos voeux.
Il faut , Mortels , leur en faire ,
Pour que de notre Hemiſphere ,
Ils éloignent tout brouillard
Les vents , la pluye & l'orage ;
Devroient- ils un peu plus tard ,
En envoyer davantage.
Fiij
Il
114 MERCURE DE FRANCE :
Il faut donc pour cette Fête ,
Aux Dieux , fans autre façon ,
Prefenter notre Requête ,
Les priant d'y mettre , Bon.
Mais Bon depuis le quinziéme
De Janvier jufqu'au trentiéme.
On en doit tout efperer ;
C'est pour eux fi peu de chofe ,
Qu'ils daigneront l'accorder s
C'eft fur quoi je me repoſe.
Il paroît un Ouvrage qui a pour titre ,
Poëfies Spirituelles & Morales fur les plus
beaux Airs de la Musique Françoiſe &
Italienne. Premier Recueil , prix 6. livres
en blanc. A Paris chez Guillaume Desprez,
Libraire , rue S. Jacques , à S. Profper ,
Ph. N. Lottin , à la Verité , & Guichard ,
Marchand Papetier de la Mufique du Roi,
ruë de l'Arbre-fec , derriere S. Germain
l'Auxerrois ; c'eft un in 4. gravé , grand
papier.
On s'eft propofé dans ce Recueil de
donner un effai de l'ufage chrétien & raifonnable
qu'on peut faire de la Mufique.
Il commence par un Cantique affez étendu
fur les grandeurs de Dieu , dont la Mufique
eft du celebre M. Defmarets , & la Poëfie
d'un grand Maître. On en peut juger
par les deux premieres Strophes que nous
allons rapporter
. Loin
JANVIER . 1730. 115
Loin d'ici , profanes Mortels ,
Vous dont la main impie a dreffé des Aurels .
A des Dieux impuiffans que le crime a fait
naître ,
Qu'aux accens de ma voix tout tremble en
l'Univers ,
Cieux , Enfers , Terre , Mers , c'eft votre augufte
Maître ,
Que je vais chanter dans mes Vers.
Il eft , & par lui feul tout Etre a pris naiffance
il
Le néant exiſte à ſa voix :
La Nature & les temps agiffent par fes Loix ;
Tout adore en tremblant fa fuprême puiffance .
Invisible & prefent , on le trouve en tous lieux
Il remplit la Terre & les Cieux ;
Par lui tout fe meut , tout refpire ;
Sa durée eft l'Eternité ,
Et les bornes de fon Empire ,
Sont celles de l'immenfité.
On trouve enfuite des Cantiques fur les
Myſteres de Notre Seigneur , fur les Vertus
& les Vices , & fur les quatre Fins de
l'homme. Ce Recueil renferme tous les
fujets de pieté qu'on peut defirer . On y
trouve auſſi d'autres Pieces que l'on peut
appeller des Chansons Morales , & qui
peuvent fervir dans des occafions où les
premieres paroîtroient peut - être trop
fé-
Fiiij rieules.
116 MERCURE DE FRANCE :
rieuſes . Pour intereffer par la varieté , on
a recueilli près d'une centaine d'Airs ſur
tous les differens caracteres de la Mufique.
Plufieurs Mufetres , Airs de Violon , Pieces
de Clavecin de M. Couprin , Airs
Italiens & plufieurs doubles dans le gout
de M. Lambert.
On efpere que les perfonnes qui auront
de la voix feront bien aifes qu'on leur
fourniffe le moyen d'en faire un ufage
utile , quand elles voudront elles - mêmes
prendre ce délaffement , ou qu'elles ne
pourront le refufer à d'autres qui voudront
les entendre chanter.
&
On a ajoûté à ce Recueil grand nom
bre de Fables choifres , dans le gout de
la Fontaine , fur les petits Airs & Vaudevilles
les plus connus , avec une Baffe
en Mufette , qui pourront fervir au même
ufage que les Chanfons Morales dont on
vient de parler , mais qui font deſtinées
principalement à fournir aux Enfans un
amufement utile & convenable à leur âge:
nous en rapporterons deux pour fervir
d'exemple.
L'UTILE ET LE BEAU .
Le Cerf fe mirant dans l'eau . Sur l'Air :
Je fais fouvent raifonner ma Mufetie , &
fur les Folies d'Espagne.
Dans le Criſtal d'une claire Fontaine ,
Un jeune Cerf fe miroit autrefois ¿
I
JANVIER. 1730 117
Il ne voyoit fes jambes qu'avec peine .
Charmé de voir la beauté de fon Bois.
Soudain du Cor entendant le murmure ,
Prompt & leger , il fuit dans les Forêts ;
Mais arrêté par fa belle ramure ,
En expirant il pouffe ces regrets.
Le beau nous plaît & le bien nous ennuye,
L'un fert toûjours , l'autre eſt ſouvent fatal ,
Je méprifois ce qui fauvoit ma vie ,
J'aimois , helas ! ce qui fait tout mon mal.
LA PEUR..
Les Oreilles du Lievre. Sur l'Air : C'eft
une Bouteille qui n'eut jamais ja pareille.
De fa corne un inconnu
Au Lion fit quelque peine.
Lion dit , que tout Cornu ,
Soit chaffé de mon Domaine.
Depuis le Taureau jufqu'au Chevreau ,
Tout s'én va chercher pays nouveau..
Le bruit en vient au Lievre ,
Qui de crainte en a la fievrea
Ah ' dit- il , je fuis banni ,
J'ai deux cornes bien pareilles.
OF
118 MERCURE DE FRANCE:
On lui dit en vain , nenni ,
Ce ne font que des oreilles.
Il répond toûjours , détrompez - vous ;
Au gré des malins & des jaloux ,
Oreilles feront cornes ,
Voire cornes de Licornes .
C'eft ainfi , quand on a peur ,
Que tout fe metamorphofe ;
Un Buiffon eſt un Voleur ,
Un Phantôme , ou pire chofe ,
Mais on fçait de même qu'à la Cour ,
Un flateur fait prendre chaque jour ,
Les Merles pour Corneilles ,
Et pour cornes les Oreilles.
On promet de donner inceffamment un
fecond Recueil de Fables dans le même
goût , & de les réunir enfuite toutes enfemble
dans un petit volume avec les airs
nottez , afin qu'on puiffe s'en fervir plus
commodément.
Sans vouloir prévenir le jugement
du Public , ce Recueil nous paroît être
un excellent mélange de l'utile & de
l'agréable. Une pieté tendre & folide ',
la nobleffe des penfées & des fentimens
, le naïf des Fablés , le choix & la
varieté des Airs parfaitement affortis aux
paroles
JANVIER 1730 119
paroles tout invite également ceux qui
he cherchent pas dans la Mufique un vain
amufement ou un plaifir dangereux. On
n'a rien épargné pour leur plaire : la beauté
de la Gravure & du papier , & la modiçité
du prix font affez voir que ceux qui
ont entrepris ce Recueil , n'ont eu en vüc
que l'avantage du Public .
On écrit d'Amfterdam , que M. Bourguet
a donné chez François l'Honoré des
Lettres Philofophiques fur la formation
des Sels & Cryſtaux , & fur la generation
& le mecaniſme organique des Plantes &
des Animaux , à l'occafion de la pierre
Belemnite & de la pierre Lenticulaire ,
avec un Mémoire fur la Théorie de la
terre. Ces quatre Lettres font adreffées à
M. J. Scheuchzer.
M. Durand , au College de Gresham à
Londres , Membre de la Societé Royale ,
a compofé & diftribué l'Hiftoire de l'Or
de l'Argent , extraite de Pline le Natu
raliſte , L. 33, avec un fuplément à l'hif
toire de l'Or , Vol. in folio .
•
Le Sieur Chevillard , Généalogifte du
Roy , Chronologifte & Hiftoriographe
de France , ( qualitez qui lui furent accor
dées par Lettres du Grand Sceau du 19 .
F vj Fevries
120 MERCURE DE FRANCE:
Fevrier . 1692. ) mourut en cette Ville le
28 Decembre dernier, âgé de 73 ans moins
trois mois , fa veuve continue de vendre
les Cartes de Chronologie & d'Armoiries
publiées par fon mari , en fa même demeure
au coin de ta ruë neuve Notre- Dame
& fes deux fils qui ont déja donné au Public
plufieurs Ouvrages , continuent la
Profeffion de leur pere , & demeurent
Paîné , fur le Petit Pont, au Nom de Jefus ,
& le cadet , ruë neuve Nôtre - Dame , à la
Providence.
Jean Baptifte Henry du Trouffet de
Valincour , Secretaire General de la Marine
, l'un des Quarante de l'Académie
Françoife , & Honoraire de l'Académie
Royale des Sciences , ci- devant Secretaire
de la Chambre & du Cabinet du Roy ,
mourut le 5. de ce mois âgé de 77. ans..
量
Nous avons dit dans le Journal du mois
de Mai 1729. que le 7. du même mois le
Cardinal de Noailles Archevêque de Paris
fut inhumé dans l'Eglife Métropolitaine ,
devant la Chapelle de la fainte Vierge ,
fuivant qu'il l'avoit ordonné par fon Teftement.
On a depuis couvert d'un marbre
noir le lieu de fon inhumation , & on a
gravé fur ce Marbre l'Epitaphe qui fuic.
AD
JANVIER 1730 12
AD PEDES DEI- PAR &
Quam femper religiosè coluerat.
HIC JACET
,
Ut Teftamento juffit ,
LUDOVICUS ANTONIUS DE NOAILLES,
S. R. E. Cardinalis , Archiepifcopus Parifienfiso
Duc S. Clodoaldi , Par Francia :
Regii Ordinis S. Spiritûs Commendater ;
Provifor Sorbona ; ac Regia Navarra Superior s
Commiffi fibi gregis
Sollicitudine Paftor , charitate Rater - ›
Moribus , forma,
Domui fua benè prapofitus ,:
Domus Domini zelo accenfus ,
In oratione affiduus , in labore indefeffus
In cultu modéftus , in vittu fimplex
Sibi parcus , in cateros fanè prodigus ,
A teneris adfenium aqualis idemque »
Semper prudens , mitis pacificus
Vitam tranfegit benefaciendo.
Ecclefiam Parifienfem.
ANNIS XXXIV.
>
Rexit , dilexit, excoluit , ornavit ::
Ejus beneficentiam homines fi taceant
Hujus Bafilica lapides clamabunt :
Obiit plenus dierum , omnibus flebilis ,
Die Maii 4. Anº . Dni 1729. atatis 78
VIRO MISERICORDI
Divinam - Mifericordiam apprecare.
Hos
22 MERCURE DE FRANCE.
>
Honoré Tournely , Docteur én Theo
gie de la Maifon & Societé de Sorbonne
, Ancien Profeffeur Royal en Théologie
de cette Maiſon , Chanoine de la
Sainte Chapelle de Paris , & auparavant
de la Cathédrale d'Evreux Cenfeur
Royal des Livres , mourut à Paris le
26. Decembre , âgé de 73. ans , dans la
réputation d'un grand Théologien & d'un
Ecclefiaftique verfé dans toutes les autres
fciences de fon Etat. Il a compofé plu
fieurs Ouvrages de Doctrine & de Religion
, qui font honneur à fa mémoire.
Il étoit Originaire de la Ville d'Antibes
en Provence.
Jean Bernard Ourſel , Prêtre , Docteur
de Sorbonne , Chanoine & Grand Penitencier
de l'Eglife de Paris , né en cette Ville,
mourut le 10. Janvier , âgé de foixante &
cinq ans. Il avoit été près de fept années
Superieur de la Communauté des
Prêtres de S. Sulpice , avant que d'être
nommé par le Cardinal de Noailles
à la Grande Penitencerie , qu'il a exercée
pendant douze ans. Il s'étoit préparé
à ces differens emplois par une Retraite
de trente années dans le Seminaire
de S. Sulpice , enforte que toute
fa vie a été confacrée à Dieu , & qu'après
en avoir employé la meilleure par-
εἰς
JANVIER. 1730 123
tie à fa propre fanctification , il a confumé
le refte à l'inftruction & au falut
du prochain dans des occupations difficiles
& laborieuſes , où il a fait paroître
une pureté de moeurs , un zele &
une charité dignes des premiers fiecles
de l'Eglife . Il avoit une Bibliotheque des
plus curieuſes , des plus completes &
d'un prix confiderable , qu'il a donnée
par fon Teftament au Seminaire de faine
Louis de cette Ville.
L'Académie Royale de l'Hiftoire à
Liſbonne a élu , pour remplir la place
qui vaquoit par la mort de Dom François
de Souza , Commandant de la
Garde Allemande du Roy , Dom Gonçalve-
Manuel Galvaon de la Cerda
Gentilhomme de la Maifon du Roy ,
Grand Alcade de la Ville de Torram ,
Commandeur de S. Barthelemi de Rabal
dans l'Ordre de Chrift , Confeiller
du Confeil Ultramontain , & Deputé au
Confeil de la Maifon de Bragance. Le
Roi ayant approuvé l'Election , le nouvel
Académicien s'eft chargé d'écrire
l'Hiftoire des Rois Dom Pedro & Dom
Ferdinand .
Le 17. du mois dernier , le Comte
de Clermont alla voir le Cabinet du
fieur
24 MERCURE DE FRANCE.
fieur Paul Lucas , celébre Voyageur ,
& y examina avec autant de difcernement
que de plaifir les differentes curiofités
anciennes & modernes qui y font_ralfemblées
. Il s'arrêta fur tout à une belle
Figure antique de la Déeffe Cerès , rapportée
depuis quelques années d'Athenes
, où elle fut trouvée près le Temple
de Minerve ; fon corps eft de marbre
; mais les extremités , c'est - à- dire la
tête , les pieds & les mains font de bronze
; elle eft affife fur une baze de jaſpe
floride , & dans cette fituation , elle a
environ deux piés de haut.
Voici un article également propre à
enrichir ces nouvelles & à faire briller
les Arts , puifque les bijoux vont devenir
plus communs par la mine de diamans
qu'on a découverte au Brezil , à ce
qu'on mande de Lisbonne , & qu'on
dit être trés - riche . Ces Lettres ajoûtent
que les derniers Vaiffeaux revenus de la
Baye de Tous les Saints , en ont ap
porté plufieurs , dans le nombre defquels
il y en a un qui pefe brut le double du
poids du plus gros diamant qu'on con
noiffe en Europe ; on l'a mis fur le tour
pour le découvrir.
JETONEV
YORK
PUBLIC
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ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
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ANNEE 1730
THIS
NEW
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III
INSCIA
V
NIMUS
LITT
X
JANVIER . 1730. 25
t
JETTONS FRAPPE'S pour le
premier jour de Janvier 1730. avec
l'explication des Types &c.
I. TRESOR ROYAL .
Le Soleil parcourant les Signes du Zo
diaque. Legende. Ordine cuique fuo.
II. PARTIES CASUELLES .
Un Laurier & la Foudre qui tombe
dans le lointain . Legende. Solvit formidine
cafus .
III. CHAMBRE AUX DENIERS.
Une Fortune avec un bandeau ôté de
deffus les yeux & pendant ; laquelle
répand des pieces d'argent. Legende.
Nec inftia.
IV. EXTRAORDINAIRES DES GUERRES.
Des Trompettes ornées dé leurs Ban
deroles. Legende. Pacem non Bella ciento,
V. ORDINAIRE DES GUERRES.
Un effain d'Abeilles , qui environnent
leur Roi . Legende . Major mole
animus.
VIS
116 MERCURE DE FRANCE.
VI. BASTIMENS DU Roy.
Un diamant taillé en brillant , & richement
monté. Legende. Natura micat
& arte.
VII.
ARTILLERIE.
La Renommée tenant fa trompette, d'où
pend une Banderole aux Armes du Dau
phin plus des Feux & des Canons .
Legende. Regalis nuncia partus .
VIII. MARINE.
Une Aigle qui donne la chaffe à des
Oifeaux de proye . Legende. Majoribus
apta.
IX. GALERES.
Des Syrenes à la tête d'un Promontoire.
Legende. Delectant atque timentur.
X. MAISON DE LA REINE.
Une Vigne chargée de quatre grap
pes , dont une eft très- remarquable . Le
gende. Nec vota fefellit.
CHAN.
THENEW
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, LENOX
AND
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JANVIER. 1736. 127
MMMMMMMMMMMM
CHANSON,
Mon amour près de vous ne fçaurois
s'éveiller ,
Vous Pendormez avec votre fageffe.
Vous baillez au recit de ma vive tendreffe ,
Et moi je baille en vous voyant bailler.
Ces paroles & la Mufique , envoyées
de Saxe , font de la compofition des
fieurs Faviers & André , au fervice du
Roi de Pologne . On doit exprimer les
mots de bailler & baille par des efpeces
de baillemens.
SPECTACLES.
E 17. Decembre , les Comédiens
LE
Melicerte , Tragédie de M. de la Gran
ge. Cette Piéce fut donnée pour la premiere
fois avec un grand fuccès l'an
1713. on la reprit fept ou huit ans
après ; mais par des circonstances dont
on ne fçauroit rendre raifon , les Repréſentations
n'en furent pas nombreu
Les
718 MERCURE DE FRANCE.
fes ; elle vient de rentrer dans fes droits ,
& les larmes qu'elle fait répandre de
polent en fa faveur. A cette occafion' ,
nous avons crû qu'il ne feroit pas hors
de propos de faire voir dans quelle
fource l'Auteur a puifé fon fujet. Voici
ce qu'il en dit dans fa Préface.
La Tragédie d'la fut une de celles
qui firent remporter des prix à Euripides
le tems qui nous a dérobé une partie des
Ouvrages de ce grand Poëte , n'a pas laiffe
venir jufqu'à nous le moindre frag
ment de celui-ci , & l'on en ignoreroit le
fujer mene , fi Hygin , Affranchi d'Auguste,
n'avoit pris foin de nous le conferver
dans la quatrième Fable , qu'il nous
a laiffée fous le titre d'Ino d'Euripide
où nous apprennons qu'Alhamas , Souverain
d'une partie de la Theffalie , eus
deux Enfans d'Ino , fon Epouse , & denx
autres enfuite de Themifto , qu'il épousa
auffi ; qu'Ino , fa premiere femme , étant
allee fur le Parnaße , pour celebrer les
Fêtes de Bacchus , Athamas envoya de
fes gens qui la lui amenerent , & trouva
moyen de la garder près de lui comme
une perfonne inconnuë ; Themifto cepena
dani fut informée qu'elle y étoit , fans
pouvoir la connoître , & forma le deffein
de faire périr les Enfans de cette premiere
femme d'Athamas ; elle la pris
elleJANVIER.
1730. 129
elle-même pour Confidente , & pour complice
de fon deffein , la regardant comme
une Efclave qui apparemment faifoit auprès
des quatre enfans d'Athamas
qu'on élevoit ensemble , les fonctions de
Gouvernantes afin de ne fe point mépren
dre au choix qu'elle avoit à faire des
deux qu'elle vouloit immoler , Themifto
dit à fa Rivale de donner des vêtemens
blancs aux deux derniers enfans du Roy ,
& d'habiller de noir ceux de la premiere
femmes Ino fit le contraire ; Themifto
tua fes propres Fils ; elle recennut fon
erreur , & fe tua elle - même de defefpoir.
Voilà, pour ainfi dire , le germe de la Tragédie
dont nous allons donner l'Extrait. On
croiroit que c'est par modeftie queM.de la
Grange a voulu rendre à Euripide l'honneur
de l'invention ; mais il nous apprend
lui-même que c'eft par un autre
motif qu'il s'y eſt déterminé . Voici comment
il s'explique .
Ce fujet n'eft donc point tout entier
de mon invention , & il eft furprenanɛ
que dans un tems où beaucoup de perfonnes
d'une érudition très - profonde dans
PAntiquité , marquent tant de goût pour le
Théatre il ne s'en foit prefque poins
trouvé qui n'ayent regardé cette Piéce
comme un Roman tout- à -fait nouveau
& tiré dans toutes fes parties de mon imagination.
1
130 MERCURE DE FRANCE.
gination . Ne diroit- on pas par le foin
que M. de la Grange prend de fe juftifier
, qu'il craint qu'on ne lui impute
à faute ce qui devroit lui faire honneur,
& qu'il croit qu'il eft plus glorieux d'avoir
lû que de créér ? il fait pourtant
voir par la maniere dont il a traité fon
fujet , qu'il eft capable de l'avoir inventé.
Voici comment il diſpoſe ſa Fable , & ſe
la rend originale.
Un Roi de Theffalie n'ayant laiffé
qu'une fille après la mort , Athamas
ufurpa le Throne fur cette Princeffe.
Themiftée , fille du Gouverneur d'Euridice
, c'eft le nom de la Princeffe , fe
rendit fi redoutable à l'ufurpateur , qu'il
fut obligé de partager fon Throne & fon
lit avec elle il ne put le faire fans répudier.
Ino , fa premiere femme , & fille
de Cadmus . Themiftée voulant affurer
la Couronne à un fils qu'elle avoit eu
d'un premier lit , donna des ordres fecrets
pour faire périr Melicerte qu'on
avoit dérobé à la fureur ; ce Melicerte
étoit fils d'Athamas & d'Ino . Le bruit
de fa mort fut répandu par les foins de
Themiftée , quoiqu'elle eut manqué fon
coup ; elle fit élever Euridice dans une
tour ; elle la deftinoit à Palamede , c'eft
le nom de ce Fils qu'elle avoit eu d'un
premier lit ; elle donna à cette Princeffe
une
JANVIER . 1730. 131
proune
Esclave pour Gouvernante. Cette
Efclave étoit Ino elle même , qui croyoit
n'avoir plus de fils , trompée par le bruit
genéral de fa mort . Cependant Melicerte,
échapé aux recherches de fes affafins
refpiroit fous le nom d'Alcidamas , &
commandoit l'Armée de Cadmus , qui
afficgeoit Pellé , Capitale de la Theffalie
, pour vanger fa fille Ino . Pellé eft
le lieu de la Scene . Alcidamas & Euridice
s'aiment par une fimple vûë
duite par le hazard pendant le fiege. Alcidamas
eft fait prifonnier dans une attaque
où tout fembloit l'affurer d'une
pleine Victoire ; Themiftée apprend en
même tems que cet illuftre prifonnier
eft ce même Melicerte dont elle avoit
autrefois ordonné la mort ; elle en fait
confidence à la prétendue Efclave , mere
de Melicerte ; Ino fait fçavoir à Athamas
par une lettre dont elle charge la
Princeffe Euridice , qu'Alcidamas eſt ſon
fils Melicerte ; cela produit des reconnoiffances
très- touchantes entre le pere
& le fils , & bientôt après entre le fils
& la mere. Tout cela fe paffe dans le
tems que Themiftée eft dans le Temple ,
où elle ordonne les apprêts du mariage
de fon fils Palamede avec Euridice
fille du legitime Roi de Theffalie . Themistée
ayant appris qu'Athamas a vû &
recon132
MERCURE
DE FRANCE
.
reconnu fon fils Melicerte , entreprend
de faire périr ce Rival de fon fils ; elle
charge fa fidelle Efclave de l'envoyer fur
quelque pretexte , dans un lieu obfcur ,
où elle l'attendra pour le poignarder ;
Ino y envoye Palamede au lieu de Melicerte
; & par cette méprife , Themiſtée
plonge dans le fein de fon propre fils
ce fer qu'elle croit porter dans le ſein
du fils de fa Rivale ; elle reconnoît en
même-tems fon crime , & le veritable
fort de fa prétendue Efclave , & fſe tuë
de defefpoir , peu regrettée d'Athamas ,
qui depuis long- tems n'étoit occupé que
de fa chere Ino . Cet Argument fervira
à rendre la diftribution des Actes &
des Scenes plus claire , & les Scenes en
feront moins chargées d'expofitions.
Themiftée commence la Tragédie avec
fon fils Palamede . L'Expofition du ſujet
eft partagée entre le fils & la mere ,
& telle qu'on l'a mife dans l'Argument .
Un fecours arrivé à Athamas , & conduit
par Thrafile , frere de Themiſtée
donne lieu à cette femme ambitieuſe de
découvrir pour la premiere fois à fon
fils le grand deffein qu'elle a formé depuis
long- tems de lui faire époufer l'heritiere
legitime de la Couronne en la
perfonne de la Princeffe Euridice. L'Auxeur
connoît trop bien le Théatre pour
ne
JANVIER . 1729. 133
ne pas donner des raifons à Thémiſtée
pour faire éclater précilement en ce jour
un fecret qu'elle a toûjours caché : voici
comme elle s'explique.
Il eft temps quand tout nous favoriſe ,
Que je faffe éclater cette illuftre entrepriſe.
Il n'eft pas vrai , à la rigueur , que tout
favorife Thémiſtée , le fecours que Thrafile
vient de lui amener , quelque confiderable
qu'elle le faffe , ne l'a pas empêchée
de dire dès le premier Vers :
Eh bien, mon fils , le fort changera- t'il de face?
Pouvons- nous efperer de fauver cette Place ?
Mais d'une efperance naiffante elle paffe
bientôt à une fécurité qui va jufqu'à la
perfuafion, puifqu'en finiffant la premiere
Scene , elle dit :
Du fuccès que j'attends je fuis perfuadée.
Le grand deffein de Thémiſtée ne confifte
pas feulement à faire époufer la Princeffe
Euridice à fon fils ; mais à achever
de déterminer Athamas à abdiquer la Couronne
; abdication dont Clarigene , le plus
fidele de fes Sujets l'a détourné juſqu'à
ce jour.
Thémitée fait connoître fes intentions
G
34 MERCURE DE FRANCE .
à Euridice , & exhorte l'Efclave qui lui a
tenu lieu de Gouvernante dans la Tour
d'où elle fort pour la premiere fois ,
à la porter à cet Hymen ; elle tâche de
l'y engager par la promeffe de fa liberté .
Palamede n'effuye que des mépris de la
part d'Euridice , & la quitte très- peu fatisfait.
L'Efclave inconnue loue la Prin
ceffe de la noble fermeté avec laquelle
elle a réprimé l'audace d'un Sujet affez témeraire
pous afpirer à fon Hymen.
Clarigene reconnoît Ino dans la perfonne
de l'Esclave ; il lui apprend qu'Athamas
la regrette tous les jours . Ino par
un premier mouvement voudroit s'aller
jetter aux pieds de fon époux ; mais Clarigene
l'en détourne par prudence ; il
l'inftruit de ce qui fe paffe dans l'armée
des Affiegeans , dont le Chef s'appelle
Alcidamas ; Ino foupçonne que c'eft fon
fils Melicerte qui fe cache fous ce nom ;
Clarigene lui ôte une fi douce erreur , & lui
apprend que Thémiſtée a fait perir Melicerte.
Cet Acte finit par une promeffe que
Clarigene fait à Ino de détourner l'Hymen
de Palamede avec Euridice & l'abdication
d'Athamas. Il eft encore parlé dans cet A&te
de l'Amour d'Alcidamas & d'Euridice .
Au fecond Acte , Clarigene , dans un
Monologue , fe confirme dans la noble
réfolution de périr plutôt que de trahir les
interêts de fon Roi. Athas
JANVIER. 1730. 135
Athamas , pour la premiere fois qu'il
paroît , témoigne des remords qui tiennent
de la fureur ; fon caractere devient
plus raifonnable dans le refte de la Piece,
les differentes fituations où il fe troupar
ve. La mort prétenduë d'Ino & de Melicerte
qu'il s'impute , le rend furieux ;
mais ce cher Fils recouvré , & l'efperance
'de retrouver cette fidele Epoufe , injuſtement
répudiée , donnent lieu à ce qu'on
trouve de changement dans fon caracteres
cela n'empêche pas qu'il ne foit imbeciles
Clarigene a beau l'exhorter à ne point
abdiquer la Couronne , par les raifons les
plus preffantes, il perfifte dans fon deffein,
& n'excufe fa foibleffe que par ces Vers :
Maître encor du bandeau qu'ils veulent m'ar
racher ,
Moi-même de mon front je le veux détacher :
Faifons voir qu'un grand coeur aifement le
dédaigne ,
Et fçait y renoncer avant qu'on l'y contraigne
Il confirme à Thémiſtée qui arrive , l'efperance
dont il l'a flatée ; Clarigene plus
Roi que le Roi même , ofe perfifter en
prefence de Thémiſtée dans le confeil qu'il
vient de lui donner ; tout cela n'ébranle
point Athamas ; quelques larmes que
Thémitée affecte de répandre , le portent
à dire d'un ton abfolu à Clarigene :
Gij Clas
136 MERCURE DE FRANCE ,
1
Clarigene , fuivez l'ordre que j'ai donné.
Euridice qui arrive , témoigne au
contraire une noble fermeté , Thémiſtée
en eft vivement picquée , & Athamas femble
prefque l'approuver par fon filence .
Clarigene qui étoit forti par ordre du Roi ,
revient pour lui annoncer que les ennemis
ont défait le fecours amené par Thrafile.
Thémistée en eft déconcertée ; mais une
feconde nouvelle que fon fils lui apporte
de l'emprisonnement d'Alcidamas , qui
a fuivi la mort de Thrafile , la confole en
partie & lui fait jurer la mort d'Alcida
mas. Euridice , troublée du danger de fon
Amant , prend une réfolution digne d'elle ,
qu'elle témoigne par ces Vers , qui finiffent
le fecond Acte :
Allons , quelque malheur que le deftin n'ap
prête ,
D'une tête fi chere écartons la tempête.
Le péril eft preffant , volons à fon fecours
Et confervons fa vie aux dépens de mes jours,
C'eft dès la premiere Scene du troifiéme
Acte , que le grand intérêt commence.
L'Esclave à qui Thémitée fe confie ,
lui apprend qu'Euridice confent enfin
par fes foins à l'Hymen de fon fils , &
qu'elle n'y met d'autre prix que la liberté
du jeune Alcidamas ; ce grand
facrifice
JANVIER 1730. 137
facrifice perfuade à Thémiſtée qu'Alcidamas
eft aimé de la Princeffe ; Ino
combat cette croyance ; mais elle a bien.
d'autres foins quand elle apprend de
Thémitée qué cet Alcidamas eft Mélicerte
& que Lycus , autrefois chargé de ſa mort
& récemment échappé des prifons de Cadmus
, vient de lui réveler ce grand fecret ;
que devient Ino à cette fatale confidence?
elle exhorte Thémiftée à fufpendre fa vengeance
jufqu'après l'Hymen de fon fils
avec Euridice , & fur tout à cacher le fort
de Mélicerte au Roi même ; ce dernier
Confeil , qui a un air de fidelité , confirme
Thémitée dans la croyance où elle
eft que fa prétendue Efclave eft inviolablement
attachée à fes interêts .
Euridice vient ; Thémiftée diffimulant
par le Confeil d'Ino , lui promet la liberté
d'Alcidamas au moment qu'elle aura épou
fé fon fils.
Euridice gémit du facrifice que l'Amour
exige d'elle , pour fauver ce qu'elle aime,
elle s'en plaint à Ino qui l'y a confirmée,
elle protefte qu'elle fe donnera la mort
après avoir lauvé la vie à fon Amant . La
fauffe Efclave lui confeille de feindre , &
pour l'y mieux obliger , elle lui apprend
que Thémitée feint elle - même & qu'elle
a juré la mort d'Alcidamas , quelque promeffe
qu'elle ait faite de lui rendre la li-
Giij berté.
138 MERCURE DE FRANCE: -
berté. Euridice frémit à cette funefte nou
velle , Ino la raffute autant qu'elle peut
par ces deux Vers :
Le Ciel dans mes projets ne me trahira pas ,
Madame, & je répons des jours d'Alcidamas,
Euridice déplore fon fort dans un court
Monologue . Melicerte , qui apparemment
n'a que la Cour pour prifon , vient fe prefenter
aux yeux d'Euridice ; il lui dit que
la nouvelle qu'il a reçûë de la violence
qu'on vouloit lui faire , l'avoit déterminée:
à tout entreprendre pour l'affranchir d'un:
Hymen odieux ; il lui déclare fon amour
qu'il s'impute à témerité, ignorant de quel
fang les Dieux l'ont fait naître . Euridice
reçoit cet aveu avec la décence convenable
à fon rang.
Ino , fous le nom de Cléone , vient
raffurer ces deux Amants ; Melicerte eft
émû à fa vûë , il reçoit la promeffe qu'elle
lui fait de le fauver , comme un Oracle.
prononcé par une Divinité ; la fauffe Cléone
lui dit qu'il n'y a qu'à le faire connoître
au Roi pour fon fils Mélicerte; elle prie:
Euridice de remettre entre les mains d'Athamas
un écrit qui doit l'inftruire d'un
important fecret ; Euridice lui demande
d'où vient qu'elle ne le va pas préfenter
elle - même au Roi ; elle lui répond qu'elle
ne doit le montrer à les yeux que lorfqu'il
JANVIER . 1730 . 139
qu'il fera le Maître dans ce Palais , &
affranchi de la tyrannie de Thémiſtée.
Tout le monde convient que le quatrié
me eft le plus bél Acte de la Piece , Atha
mas même , qui jufqu'ici en a paru le
perfonnage le plus deffectueux , reprend
un nouveau caractere ; Clarigene le reconnoît
par ces Vers :
Je reconnois mon Roi dans ce noble deffein ,
Que les Dieux appaifez ont mis dans votre'
Tein ز
Par eux en ce moment votre aine eſt inſpiréè ,
Aux confeils d'une femme elle n'eft plus li
vrée ,
Et fous de noirs chagrins trop long- temps
abbatu ,
Seigneur , vous reprenez toute votre vertu .
Ce qui oblige Clarigene à parler ainf
à Athamas c'eſt la noble réfolution qu'il
lui témoigne de proteger le faux Alcidamas
contre la fureur de Thémiftée. Athamas
lui dit qu'il doit ce changement qui
vient de fe faire en lui , à un fonge dans
lequel il a crû voir fa chere Ino , lui préfentant
d'une main Alcidamas & de l'autre
fon fils Melicerte. Il ajoûte qu'après
fon réveil il a entendu la voix d'Ino d'une
maniere à ne pouvoir s'y tromper ; mais
que ne l'ayant point trouvée , il n'a point
douté que ce ne fût fon Ombre , qui , fi-
Gilij dele
40 MERCURE DE FRANCE .
delle-même dans les Enfers , venoit lui'an
noncer la mort , comme la fin de fes malheurs.
Euridice vient préfenter au Roi le
billet dont la fauffe Efclave l'a chargée
pour lui. Voici ce qu'il contient .
N'eft-tu pas fatisfait , impitoyable Epoux ,
Des maux que m'a faits ton courroux- ,
Sans ajoûter à ma mifere
L'horreur de voir mon fils prifonnier dans ta
Cour ,
Perdre enfa la clarté du jour
Par la cruauté de fon pere .
La lecture de ce billet n'avoit jamais
tant touché que dans cette derniere reprife
d'Ino & Melicerte , ce qui fait
beaucoup d'honneur au fieur Sarrazin ,
qui joue le Rôle d'Athamas . Le Roi ordonne
à Clarigene d'aller chercher le
prifonnier la reconnoiffance entre le
Pere & le Fils eft très- touchante. Athamas
ordonne à Melicerte d'éviter la furie
de Themiſtée par une prompte fuite. Melicerte
ne veut point partir fans amener
avec lui l'Esclave qui lui a cauſé tant
d'émotion dans l'Acte précedent. Ino
vient fon fils la reconnoît pour fa mere
aux tendres foins qu'elle prend de fes
jours. Voici comment il s'explique.
Ces
JANVIER. 1730. 141,
Ces mots entrecoupés , ces larmes que je
voi ,
Celles qui de mes yeux s'échapent malgré
moi ;
Cet excés de bonté , ces marques de tendreſſe,
Un fecret mouvement qui pour vous m'intereffe
;
Madame , tout m'apprend que fi je vois le
jour ,
Melicerte deux fois le tient de votre amour.
Ino ne peut enfin fe deffendre de lui
avouer qu'elle eft fa mere ; elle l'oblige
à fuir avec Clarigene. Melicerte obéit
malgré lui.
Themiftée arrive ; elle a appris qu'Athamás
a reconnu le prifonnier pour fon
fils ; elle en eft au defefpoir ; elle foupçonne
la fauffe Cleone de cette trahison ,
& lui demande pour preuve de fon innocence
de conduire fous un faux prétexte
, Melicerte dans un endroit obfcur,
où elle le va attendre pour le poignarder.
C'eſt là un grand coup de Théatre ;
mais on n'auroit pas voulu que Themifrée
eut foupçonné Cleone , parcequ'elle
ne doit pas lui confier cette derniere entreprife
, fi elle fe doute qu'elle a pû la
trahir dans une confidence moins importante.
Gv Nous
142 MERCURE DE FRANCE:
Nous pafferons legerement fur ce dernier
Acte , & nous n'en dirons que ce
qui fert à dénouer une Piece qui n'eſt :
que trop chargée d'action . Palamede
vaincu , fe propofe d'accabler fon Rival
fous fa chute par un noble defefpoir ..
On a retranché une Scene , où Licus
paroiffoit pour la premiere fois , & quis
étoit tout- à- fait inutile . Palamede fait :
connoître Themiftée l'attend ; il eft
à préfumer que c'eft la fauffe Cleone qui
l'envoye à l'endroit obfcur où Themiftée
doit poignarder Melicerte. Athamas &
Euridice viennent s'applaudir de la victoire
que Melicerte a remportée fur fes
Ennemis. Themiftée vient annoncer à
Athamas que Melicerte n'eft plus , & :
qu'elle l'a poignardé de fa propre main.
que
Melicerte paroît ; mais on a trouvé
qu'il venoit un peu trop tard defabufer-
Athamas , qui ne difant , ni ne faiſant
rien pendant qu'on lui annonçoit la mort
de fon fils , retomboit dans fon premier
caractere , La vûë de Melicerte donne
d'étranges foupçons à Themiftée , dont
les coups ont été trompés..
Ino vient changer les foupçons en cer
titude ; elle lui apprend qu'elle a poignardé
fon propre fils . La reconnoiffance -
entre Athamas & Ino ne produit pas un ›
grand effet , parcequ'elle le fait dans une
firuation
JANVIER. 1730. 143
fituation funefte , qui fait diverfion à
l'interêt qui en pourroit refulter. Themiftée
fe tue , après une prédiction
dont on croit que l'Auteur auroit bien
fait de fe paffer.
"
On a trouvé la Verfification de cette :
Tragédie un peu foible ; mais on ne
peut pas refufer à l'Auteur l'entente du
Théatre qu'il a portée au plus haut degré,
,
La Dule Lecouvreur & le S Duval
jouent les deux principaux Rôles dans
cette Piéce. Ceux de Themiftée & d'Euridice
, font jouez par les Dlles Balicour &
du Frefne , & celui de Palamede , par le
S Duchemin fils.
Le 2 o de ce mois , les Comediens François
ont remis au Theatre une petite Co❤
medie en un acte de M. Nericault Deftouches,
qui a pour titre le Triple Mariage ,,
& que le Public revoit avec plaisir.
Le 28 , ils jouerent du même Auteurs
la Comedie en vers & en cinq actes du
Medifant, dans laquelle la Dile Mariane :
Dangeville , Niéce & Eleve de Mile Def--
mares , à prefent âgée d'environ 14 ans ,
joua le rôle de la Suivante , avec beaucoup
d'intelligence , ' de vivacité , de graces &
de fineffe . C'eft la même qui a déja beaucoup
brillé fur le même Théatre dès fa
G-vj pluss
3
144 MERCURE DE FRANCE .
8
plus tendre jeuneffe , par fes talens pour
la Comedie & pour la Danſe . On efpere
qu'elle dédommagera le Public , qui l'a:
extrêmement applaudie de fon incomparable
Tante , qu'on ne ceffe de regreter.
Elle joua le même rôle le fur- lendemain.
& elle fut infiniment plus applaudie. Et
dans la petite Piece elle parut fous le nom
de Rozette dans le Cocher fupofé , avec
une fatisfaction generale des Spectateurs
qui la trouvent façonnée au Théatre com →
me fi elle étoit âgée de trente ans , & qu'elle
l'eut toujours affidument cultivé.
Deux jours après , elle remplit le rôle
de Cleantis dans la Comedie de Démocrits
amoureux , & le Public qui l'applaudit :
extrêmement , en parut encore plus content.
La Comedie du Curieux Impertinent
en vers & en cinq actes , que les Comediens
François reprefenterent à la Cour
les de ce mois , fit un extrême plaifir.
C'est la premiere Piece de M. Néricault
Deftouches , qui eut beaucoup de fuccès
en 1710. dans fa nouveauté , & qui ne fait
pas moins de plaifir aujourd'huy. Elle eft
parfaitement reprefentée , quoiqu'il n'y
ait que le Sde la Thorilliere , de tous
ceux qui en remplifſoient les rôles en ce
tems- là ; il y joue le même rôle de l'Olive.
Celui de Gerente , joué par le feu St Guerin
,
JANVIER. 1730. 14'
rin , eft rempli par le S, du Chemin , pere.
Celui de Julie fa fille , joué par Mad® Dancour
, par la Dlle Labat. Celui de Leandre,
joué par le S'Baron fils, par le S' Quinaut.
Celui de Damon par le S Poiffon fils ; par
le St Dufresne. La fuivante Nerine , jouée
par Made Delmares , par la Dlle Quinaut
. Crispin , joué alors par le S Poif
Lon pere , aujourd'huy par le Sieur Poif--
llon fils.
Le 10. les mêmes Comediens reprefen
terent à la Cour la Tragedie de . Berenice ,
& le Retour imprevu.
Le 12. Jodelet Maître & Georges Dandin..
Le 17. La Tragedie d'Electre & l'Avare
amoureux.
Le 19.le Philofophe marié & la Serenade.
Le 26. Efope à la Cour , & pour petite-
Piece Colin Maillard.
On donnera la premiere reprefentation
de la Tragedie de Callyftene le 10. ou le:
12 du mois prochain..
Le 23. les Comediens Italiens donnerent
la premiere reprefentation d'une Piece
nouvelle en Profe & en trois actes , de M.
de Marivaux , intitulée le Jeu de l'Amour
du Hazard , laquelle a été reçûë trèsfavorablement
du Public . On en parlera
plus au long. Elle a un très - grand fuccès.
les mêmes Comediens reprefen-
Le.7.
terent
146 MERCURE DE FRANCE .
tèrent à la Cour , la furprife de l'Amour ,
Comedie en trois actes , avec la petite
Piece des Debuts , dans laquelle la Dile Silvia
& le S Theveneau , jouerent d'une
maniere inimitable la Parodie das trois
Intermedes du Joueur , qui ont été reprefentés
fur le Théatre de l'Opera au mois
de Juin dernier. Certe Parodie qui a été ·
fi goutée à l'Hôtel de Bourgogne, n'a pas
moins plû à la Cour.
Le 14. ils reprefenterent les Comediens
Efclaves , & la petite Piece de la veuve
Coquette.
Le 21. Arlequin Sauvage & Arlequin
Poli
par
l'Amour...
Le 28. la Piece nouvelle du Jeu de
l'Amour & du Hazard qui a été trèsgoûtée,
& l'Horoscope accompli
Le 6. Janvier , Fête des Rois l'Academie
Royale de Musique donna le premier
Bal de cette année , qu'elle continuëra
de donner differents jours de la
femaine pendant le Carnaval jufqu'au
Carême.
On continue les repréfentations de l'O
pera de Thefée , auquel elui de Tele-
・maque , qu'on repete , fuccedera le mois
prochain ; mais à propos de Thefée , quelques
perfonnes d'un goût exquis , nous
ont reproché de n'avoir rien dit de la belle
Décoration
JANVIER. 1730. 147
Décoration du premier Acte de cet Opera
, repréfentant le Temple de Minerve .
Nous reconnoiffons notre tort , & pour le
réparer , voici une Defcription que nous
allons tâcher de rendre digne de la curiofité
du Lecteur , & s'il le peut , de ré--
pondre au mérite de l'Ouvrage.
Ce Temple eft d'Ordre Ionique , très--
richement orné. Les Colonnes , Pilaftress
& Contre- Pilaftres font en Marbre ca- ·
nelés ; les ornemens en Bronze doré ,
& les Figures & bas Reliefs , en Marbre
blanc.
Un grand Veſtibule eft formé par 40 .
Arcades fort exaucées , deux à droite ,,
& deux à gauche , foûtenues par 16. Co--
lonnes couplées , qui forment un paffage :
confiderable l'entrée & la fortie des
Acteurs.
pour
Dans les espaces entre les Arcades , il y a 1
deux Colonnes ifolées & Contre pilaftres ,
avec leurs Piédeftaux & leurs Entablemens.
De grandes Conſoles pofent deffus
& foutiennent des Travées formant un
Plafond à compartiments , dans le goût
Antique , lequel par l'art de la Perfpective
trompe les yeux , car il paroît vrai
& de niveau aux Spectateurs , quoiqu'il
foit par la pofition des toiles , mis perpendiculairement.
Entre les Colonnes du Veſtibule , font
deş
ン
748 MERCURE DE FRANCE.
des Piédeftaux ronds , portant des Fi
gures qui paroiffent réellement ifolées , &
détachées du fond où elles font peintes .
Au fond de ce Veftibule , eft une grande
Arcade de 13. piés d'ouverture , fur 26 .
de haut , portée par huit Colonnes. Les
Entrecolonnements font de 4. piés d'ou
verture, par où l'on découvre tout le Temple
, qui par l'oppofition de ces Colonnes,
par la maniere dont elles font traitées , &
par le jour dont il eft éclairé , qui eft beau--
coup plus vague & brillant que celui du
Veſtibule , devient entierement majef
tueux & éclatant ; entre les Colonnes il
y a deux Figures ifolées .
Cette grande Arcade fert de principale
entrée au Temple , lequel paroît réellement
aux yeux de figure ronde.
Tout autour de l'interieur du Temple ,
font Arcades voutées qui forment des
bas côtez , dont les Voutes font portées
par des Colonnes de la même proportion
que celles du Veftibule , avec lesquelles
elles s'alignent & ne font qu'un Corps:
d'Architecture.
Au- deffus de ces Arcades eft une Galerie
ou Promenoir , formé par 5. autres
Arcades , dans les Pilaftres defquels il y a
des Colonnes adoffées au mur , de même
qu'au premier Ordre . Au- deffus de leur
Entablement s'éleve un Dome , orné de
Mofaiques,
JANVIER . 1730. 749
Mofaïques , formé par des formes Octogones
avec des Rozettes au milieu , dans
gout Antique. Ce fecond Ordre eft
Corinthien.
le
Pendant la Scene , ce Promenoir fe voit
réellement rempli d'un grand nombre de
perfonnes , qui font Spectateurs des Cérémonies
qui le font dans le Temple . On
voit au milieu de ce Temple la Statuë de
Minerve en ronde Boffe , affife fur un
Piédeftaik
Les connoiffeurs ont mis cette Décora
tion au-deffus de celle du Palais de Ninus
du même Auteur , dans l'Opera de Pi
rame & Thiſbé , dont nous avons donné
la Defeription en Octobre 1726. La
Perfpective femble avoir donné réellement
à cette derniere une élevation extraordinaire
, puifque malgré la petiteffe
du lieu , & fans avoir dérangé aucune
machine , les Décorations font beaucoup
plus hautes dans le fond du Theatre que
fur le devant , chofe qu'on n'avoit pas encore
vû à l'Opera , & qui fait un effet
admirable ; car outre le Dome , on y
voit dans le fond , deux Ordres d'Architecture
, le tout ayant 32. piés de haut
réels , qui paroiffent à la vue en avoir
plus de 60. au lieu que jufqu'à préfent
aucune Décoration n'a eu que 1 8. piés de
haut au plus dans le fond.
L'Ordre
Tso MERCURE DE FRANCE . S
L'Ordre du Veftibule , qui eft Ionique ,
saligne tout au pourtour à l'aplomb du
fecond Ordre du Temple , qui eft Corinthien
. On y voit réellement 78. Colonnes
ou Pilaftres ; les plus grandes
portent l'Entablement qui regne au pourfour
; les moindres , qui ne montent
qu'aux deux tiers des grandes , portent
les Voutes & les Arcades ; elles font
roître le Temple d'une grandeur d'autant
plus étonnante , que tout le monde fçait
que le lieu est très - refferré.
pa.
Le fieur Servandoni , Auteur de cette
Décoration & de toutes celles dont nous
avons parlé dans nos précedents Mercures,
a travaillé jufqu'ici avec fuccès à faire
paroître vrayes toutes les Décorations
qu'il a données ; mais comme l'Architectute
eft fon principal talent , & qu'il y
donne toute fon attention , il a compofé
toutes les Décorations avec tant d'étude
& d'art.qu'elles peuvent êtretoutes mifee
réellement à execution , felon les difpofitions
les plus exactes , & les regles les plus
justes de l'Architecture .
Il a donné par ordre de la Cour , un`
Deffein pour l'Edifice qu'on propofe de
bâtir aux Grands Auguftins de Paris. Il
eft Auteur des Difpofitions , Décorations ,
Illuminations de la Fête & du Feu d'artifice
fur la Riviere de Seine , tiré le 24. de
JANVIER. 1730. 151
ce mois , dont nous ne manquerons pas de
parler.
2
L'Opera Comique fera l'ouverture de
fon Theatre , par une Piece intitulée , Le
Malade par complaisance , le 3. Fevrier
au Jeu de Paulme de la rue de Buffy , où
il étoit l'année derniere ; il y aura deux
Entrées. On n'a rien negligé pour rendre
le lieu commode , autant que fa fituation
l'a pû permettre.
NOUVELLES DU TEMS
DE PERSE.
Es Lettres d'Ifpahan portent qu'on efpe
roit d'y rendre inutiles les projets du Prince
Thamas, qui en fe rendant feudataire du
Grand Mogol, en cas qu'il puiffe re onter
fur le Trône de fes ancêtres , a engagé ce
Prince à mettre fur pied deux Armées trésnombreuſes
, qui doivent marcher au Printems
prochain vers les Frontieres de Perfe
On efpere auffi que le Grand Seigneur envoyera
une Ambaſſade au Grand Mogol , pour
le détourner de faire aucune entrepriſe fur la
Perfe , & pour lui propofer quelque accommodement
en faveur du Prince Thamas , auquel
on affure qu'il a donné une de fes filles en
Mariage.
Le Commerce d'Ifpahan eft entierement indterrompuz
152 MERCURE DE FRANCE.
terrompu ; la mifere du Peuple y eft extrême ,
& perfonne n'ofe entreprendre d'y envoyer
des Marchandiſes , ni d'en faire venir , à caufe
du grand nombre de brigands qui font fur les
cheinins , & qui pilient les Caravannes . Quoique
les Magazins des Negocians d'Europe
foient vuides , & que leurs Facteurs foient
préfentement inutiles , le Sultan Acheraf continue
cependant de leur faire payer très- fouvent
des taxes confiderables pour fe conferver
deux Generaux de fes troupes , dont il auroit
tout à craindre s'il ne contentoit pas leur avarice.
Les Troupes du Sultan Acheraf font en
quartiers dans les environs d'Ifpahan , & elles
peuvent fe raffembler en deux fois vingt- qua
tre heures , pour former une Armée de cin
quante à foixante -mille hommes.
I
TURQUIE ET AFFRIQUE.
Es Regences de Tripoli & de Tunis , ne
font point brouillées avec le Grand Seigneur,
comme le bruit s'en étoit répandu , &
Sa Hauteffe vient de les affurer de nouveau de
fa protection. On eft dans la crainte d'une révolte
generale en Egypte , dont les Pachas
oppriment les Peuples , fans leur rendre aueune
juftice dans la repartition des impofitions .
Le bruit s'eft répandu à Conftantinople , que
les Turcs ont remporté une victoire complette
fur les rebelles d'Egypte , dont il eft refté environ
40000 fur le Champ de bataille .
On écrit d'Alger , que le Bey de cette Ré
gence avoit fait dire au Commandant des trois
Vaiffeaux de Guerre Hollandois , qui ont porté
cette année à la Régence les préfens des Etats
Generaux , qu'il n'étoit pas content de ces
préfens
JANVIER . 1730. 153
préfens ; que le Divan les avoit trouvez d'une
valeur beaucoup inferieure à celle des préfens
que la République étoit convenuë d'envoyer
tous les ans le Commandant ayant promis
que ceux de l'année prochaine feroient beaucoup
plus confiderables , le Bey l'affura que
la Regence n'avoit aucun deffein de violer les
conventions faites avec la République d'Hollande
, mais qu'elle exigeoit que les Etats Generaux
& leurs fujets Negocians ceffaffent de
prêter le Pavillon Hollandois aux Efpagnols .
Portugais & Italiens , avec lefquels les Algeriens
font en guerre , ainfi que cela étoit arrivé
, même depuis trois mois. Ce fut à cette
condition que le Bey fit rendre à ce Commandant
les effets qui avoient été pris fur un Vaiffeau
Hollandois vers la fin d'Octobre dernier.
On a apris de Tanger , que Muley. Abdala
étoit actuellement paifible poffeffeur des Royaumes
de Maroc & de Fez ; que les Blancs & les
Noirs lui avoient prêté ferment de fidelité , & .
que n'ayant que le Royaume de Sus à conquerir
, on croyoit qu'il rétabliroit bien- tôt fa réfidence
à Miquenez , que le bruit couroit qu'il
alloit recommencer les Sieges de Ceuta & de
Mellilla , pour occuper une partie de fes
Troupes , qui dans l'inaction pourroient lui
devenir infidelles ; ces Lettres ajoûtent , que ce
Prince traitoit les Efclaves Chrétiens avec
beaucoup d'humanité , & qu'il avoit déja donné
la liberté à plufieurs d'entre eux , dont les
fervices lui avoient été agréables ,
On écrit de Tunis , que le Bey de cette Regence
s'étoit rendu à Soufa , pour en faire
rétablir les fortifications qui avoient été négligées
depuis plufieurs années , il prétend en
faire une bonne Place , & y établir le Commerce
.
154 MERCURE DE FRANCE .
merce. La même Regence a envoyé des Dépurez
à celle de Tripoli , pour travailler au
reglement de leurs limites.
Les dernieres Lettres de Tunis portent que
le Bey de cette Ville avoit remporté une victoire
complete fur le rebelle Ali -Pacha , fon
Neveu , & que s'étant emparé des hauteurs
& des paffages des Montagnes , où s'étoit
retiré le refte des rebelles , ils avoient demandé
à capituler , ce qu'on leur avoit accordé ; de
forte que cette Régence joüiffoit préfentement
d'une profonde tranquillité.
RUSSIE.
Deux Negocians qui fe font rendus d'Aront
propofé au
Czar de faire aux frais de leur Compagnie un
Canal de communication depuis la Mer Cafpienne
jufqu'à Archangel , à condition qu'on
leur accordera un Privilege exclufif, pour faire
le Commerce de routes fortes de Marchandifes
dans la Mofcovie : S. M. Cz. a donné ordre
à quelques Confeillers de fon Confeil , d'examiner
leur projet & d'en faire leur rapporte
SUUE DE .
ON aprend de Stokolm , que le Miniſtre
du Czar a reçeu une remife confiderable,
pour donner une Fête à l'occafion des Fiangailles
de S. M. Cz.
FESTE
JANVIER 1730. 155
le
FESTE donnée à Stolkbolm , par
Comte de Cafteja , Miniftre Plenipotentiaire
de France en Suede , pour la
Naiffance du DAUPHIN.
1
L'oré de 15.Arcades , dont 5. rempliffoient
'Hôtel destiné pour cette Fête , étoit dela
face , & 7. chacune des deux aîles ; il y avoit
trois Arcades à chacun des bouts des deux
aîles . Toutes ces Arcades étoient élevées depuis
le Rez- de- Chauffée jufqu'à la Corniche
du Batiment compofé de deux étages . Les
fenêtres de chaque étage , fe trouvoient à
l'aplomb des Arcades. Elles étoient peintes
en bleu , femé de Fleur de Lys d'or , dont
chacune étoit éclairée par derriere avec des
Lampions , au nombre de douze mille. Les
Piédeftaux des Pilaftres , étoient garnis differemment
par d'autres Lampions . Au milieu
de chaque Pilaftre , étoient les Armes du Roy.
Il y avoit un cordon de Lampions beaucoup
plus gros que les autres , aux endroits qui
féparoient les fenêtres les unes des autres.
Toutes ces fenêtres étoient remplies de grands
Chandeliers à trois branches , formez par des
Lampions ; & pour garantir l'Illumination des
injures du tems , la Cour étoit entierement
Couverte d'une toile à l'épreuve de la pluye.
Tous les Appartemens de cet Hôtel étoient
meublés magnifiquement ; les Sales des Rez
de Chauffée , furent deftinées pour les Tables
& les Buffets ; trois des Sales du premier
étage étoient pour le Bal , deux pour le Jeu ,
& l'autre pour le Buffet , où étoient les rafraîchiffemens.
La
# 56 MERCURE DE FRANCE .
La fête commença le 7 du mois dernier par
un dîné , auquel le Comte de Caſteja avoit invité
tous les Sénateurs , les Miniftres étrangers,
les Préfidens des Colleges, & d'autres Officiers
les plus confidérables , qui s'y trouverent au
nombre de quarante. Ce dîné dura depuis une
heure après midi jufqu'à fix heures du foir.La
Table fut fervie avec autant de délicateffe que
d'abondance. On y but au fon des Trompetes
& des Timbales , les fantez du Roy , de la
Reine & de Monfeigneur le Dauphin , celle du
Roy & de la Reine de Suede , du Langrave de
Helle, & beaucoup d'autres qui furent fouvent
rélterées.On fervit à la fin du repas les Liqueurs
les plus exquifes.
Le lendemain 8 Decembre il y eut une feconde
fête , qui commença à fix heures du foir
par un grand Bal. Il fut ouvert par le Ministre
Angleterre qui en étoit le Roy , & par la fille
du Comte de Horn , premier Miniftre de Suede
, qui en étoit la Reine ; à la fin du premier
Menuet le Roy de Suede arriva ; il danſa d'abord
avec la Reine du Bal ; il prit enfuite la
Comteffe de Cafteja . Sa Majefté refta au Bal jufqu'à
neuf heures ; dès qu'elle fe fut retirée on
fervit deux Tables de trente- cinq couverts chacune
, qui furent renouvellées quatre fois , de
deux heures en deux heures pour de nouveaux
Conviez qui fe fuccederent les uns aux
autres. Il y avoit outre cela dans les mêmes
Sales plufieurs petites Tables , qui furent renouvelleés
de même que les deux grandes ; de
forte que ce furent quatre foupez differents de
foixante & dix perfonnes chacune , pour les
deux grandes Tables , & de prefque un pareil
nombre pour les petites . Ces Tables furent
remplies fucceffivement par toutes les Dames
de
JANVIER. 1730. 157
de la Cour , par les Senateurs , les Miniftres
Etrangers , les Préfidens des Colleges , les Generaux
des Troupes, les Lieutenans Generaux ,
les Majors , les Colonels , les Chambelans , les
Gentilhommes de la Cour , par tous les Officiers
du Regiment des Gardes , par plufieurs
Lieutenans-Colonels Majors & autres gens de
condition , par tous les Colleges de la Chancelerie
, & par une partie des Confeillers & Officiers
des autres Colleges qui y avoient tous été
invitez avec leur femme & leur famille ,
Ces Tables furent fervies avec la même abondance
& la même délicateffe que celle du jour
précedent , & on fervit en même tems une
grande quantité de Confitures , d'Oranges , des
Vins de Liqueurs & toutes fortes de rafraî
chiffemens à tout le monde. Le Bal dura toute
la nuit , auffi bien que l'Illumination . Les Fontaines
de Vin , que l'on avoit placées dans les
Arcades de l'Hôtel , ne cefferent de couler pendant
tout ce temps-là.
Il n'y a pas d'exemple en Suede d'une pareille
Féte, & où l'on aitrégalé en même temps un
fi grand nombre de perfonnes ; & malgré le
monde prodigieux qui s'y trouva, il n'y arriva
aucun défordre .
Il n'y eut point de Feu d'artifice , n'ayant jamais
été permis d'en faire à Stockholm , par la
crainte du feu , toutes les Maiſons de cette Ville
étant bâties de bois , & on y porte la précaution
fi loin à cet égard , qu'il y eft deffendu
de fe fervir de Flambeaux la nuit ; on ne s'y fert
que de Lanternes.
H
Allemagne
158 MERCURE
DE FRANCE
.
ALLEMAGNE.
Es Juifs ont offert à l'Empereur de lui faire
Lun prêt de quatre cent mille Florins , dans ,
l'efperance d'obtenir la révocation de l'Edit
publié à Prague en 1727. par lequel il n'eft permis
qu'aux aînez des familles Juives de fe marier.
Ily a dans le Palatinat & aux environs une
Troupe de Mendians & d'autres gens fans aveu,
qui mettent le feu aux Granges des Paifans
qui leur refufent retraite, Ils brûlerent il y
a quelques jours une Ferme tres - confiderable
, qui appartient à l'Abbeffe de Gravent-
Raindorff. On en a déja arrêté plufieurs qui
doivent être exécutez dans quelques jours , &
l'on a envoyé divers détachemens de Troupes
- contre les autres.
On apprend de Drefde que le Régiment des
grands Grenadiers du Roy de Pologne fera
bien- tôt complet , par les foins que l'on prend
de lui envoyer de plufieurs endroits des hommes
d'une taille extraordinaire . Outre cette
Troupe qui fera une des plus belles de l'Europe,
on va former une Compagnie de deux cens
grands Moufquetaires , tous Gentilhommes.
Le Roy en fera le Capitaine , & le Prince Lubomirsky
Capitaine- Lieutenant.
ITALIE,
N apprend de Rome que la veille de Noël
les Cardinaux qui étoient reftez au Palais
du Vatican , pour affiſter à l'Office de la nuit ,
furent traitez magnifiquement ; ils entendirent
enfuite les Matines & la Mele de Minuit , que
le
JANVIER. 1730. 159
le Pape celebra pontificalement, ainfi que celle
du jour de la Fete . Entre les deux grandes Melfes
Sa Sainteté en dit une baffe, pendant laquelle
elle facra le Pere Manara , Barnabite , de Savoye
, nouvel Evêque d'Alexandrie de la Paille.
Une Compagnie de Marchands de diverfes
Villes d'Italie ont fait prefenter par le Baron
Tinti un Projet pour faire creufer un Canal, par
le moyen duquel les eaux de l'Adige s'écouleront
plus ailément , & cette Riviere deviendra
navigable jufqu'à Oftiglia , ce qui feroit favorable
au commerce de Triefte , parce quon y
pourroit tranfporter par cau des Marchandifes
de plufieurs Villes d'Italie , ils demandent
que pour les dédommager des dépenfes qu'ils
auront faites pour ce Canal , on leur accorde
pendant dix années les péages qu'on leve fur
cette Riviere.
On écrit de Florence que deux Galiotes des
Côtes de Barbarie ont fait depuis peu une defcente
du côté de Recoreggio; & fur le point du
jour les Turcs qui étoient reftez fur ces deux
Bâtimens ayant feint de fe battre &tiré plufieurs
coups de Fufil , des gens du pais & plufieurs
Soldats de la Garniſon de Porto - Vecchio accoururent
fur ce rivage pour être ſpectateurs
du combat. Sept Soldats qui s'étoient trop
avancez furent envelopez & faits eſclaves par
les Turcs qui étoient à terre.
REJOU IS ANCES faites à Malte
Extrait de diverfes Lettres .
Es
Les nouvellesde la naiffance du DAUPHIN n'étant arrivées à Malte que le 31.Octobre,
on commença dès ce même jour les prépara-
Hij
tifs
160 MERCURE DE FRANCE .
tifs des Fêtes que la Religion, & plufieurs perfonnes
confiderables de l'Ordre devoient donner
à cette occafion . Le Bailly d'Avenes de Bocage,
chargé des affaires du Roy en cette Ille , eft
le premier qui s'eft diftingué . Il fit dreffer de
vant fon Hôtel un Arc de triomphe de trente
pieds de hauteur , lequel occupoit toute la largeur
de la rue.Les 4 Colomnes Holées de la Fasade
étoient ornées de feftons , de feuillages
& de fleurs. L'Attique qui furmontoit cet Arc
étoit orné de la même maniere , & on y voyoit
les armes du Roy , de la Reine & du DAUPHIN ,
avec cette Infcription :
EX FOECUNDITATE REGIA FELICITAS
POPULI.
La Fête commença le foir du 12 Novembre
par une illumination , compofée de quantité de
grands Lampions , couverts de papier tranfpa
rent , où les armes du Roy , de la Reine & du
Dauphin étoient peintes féparément & placées
alternativement fur les Corniches & fur les
autres faillies de l'Arc de triomphe , ainfi que
fur les Portes , les Fenêtes de l'Hôtel du Bailly
d'Avernes, & fur celles des Maifons oppofées :
I'Infcription parut alors en lettres de feu .
A vingt pas de diftance de l'Arc de triomphe
on avoit élevé deux Piramides à jour, de vingtquatre
pieds de hauteur, garnies de haut en bas
de quantité de Lampions , & furmontées par 2
Globes lumineux. Ces Piramides jettoient fur
l'Arc de Triomphe & aux environs un éclat
furprenant. Pendant cette illumination on entendoit
une belle fymphonie qui étoit placée
dans un Balcon affez près de l'Arc de triomphe.
On accouroit en foule à ce Spectacle; on fut
furtout
JANVIER. 1730. 16
furtout charmée d'un beau Portrait du Roy ,
peint de grandeur naturelle , que M. le Bailly
avoit fait placer à l'entrée de fon Hôtel fous un
Dais de Velours cramoifi , éclairé de quantité
de Flambeaux de cire blanche.
Le Dimanche 13. M. le Bailly fit chanter une
Meffe folennelle à plufieurs Choeurs de Mufique
, dans l'Eglife des Jéfuites , à laquelle le
Grand-Maître affifta , accompagné des Grands
Croix , des Chevaliers , Officiers , & autres
Membres de l'Ordre qui y avoient été invitez
L'Eglife étoit parée & éclairée extraordinairement.
Un Portrait du Roy y étoit expolé fous
un Dais magnifique. On avoit élevé audeffus
de la grande Porte les Armes de Sa Majesté, de
la Reine & du Dauphin , dans des Cartouches,
⚫rnez de Feftons , de Feuillages & de Fleurs ;
& audeffous on lifoit ce verfet du Pfeaume 71 ,
en lettres d'or : Deus judicium tuum Regi da,
& juftitiam tuam filio Regis .
La Meffe finie , l'Abbé Signoret fous Prieur
de l'Eglife de S. Jean qui l'avoit celebrée , entonna
le Te Deum , qui fut chanté par la Mufique,,
aux Fanfares des Trompettes , des Tim-
Balles & au bruit de l'Artillerie de nos Cavaliers
, & de celle de tous les Bâtimens François
qui fe trouverent dans ce Port . Le Domine falvum
fac Regem , fut chanté de la même maniere.
Enfuite le Bailly de Bocage, accompagné
du Bailly de la Salle & du Bailly de Froulay
General des Galeres , tous trois de la Langue
de France, s'avancerent à la porte de l'Eglife
pour remercier le Grand Maître & toutes
les perfonnes de l'Ordre qui avoient affifté à
cette ceremonie. Il s'étoit célebré depuis la
pointe du jour des Meffes en plufieurs Eglifes
dans la même intention.
-
Hij
Le
162 MERCURE DE FRANCE.
Le Bailly donna enfuite un fplendide dîné ,
qui fut fervi fur deux Tables de quinze cou
verts chacune. Sur la fin du repas , les fantez
du Roy, de la Reine, du Dauphin & du Grand-
Maître furent bues au bruit de l'Artillerie &
des Fanfares.Une Fontaine de vin à quatre jets
& extrémnement ornée amufa le peuple jufqu'à
la nuit. On lifoit ces Vers au deffus de la Fontaine
:
Emanare folent Fontes cum murmure Limphas
,
Hic fons fefive murmure viva fluit.
Curritejam populi , calices potate frequentes ,
Nec non folemnem , nunc celebrate diem :
Nam fæcunda dedit DELPHIN UM Gallia
nobis ;
Et nos DELPHINO Gaudia noftra damus.
On auroit peine à exprimer l'allegreffe du
peuple & à décrire les diverfes Danfes des Matelots
Provençaux , des Maltois & celles même
des Barbarefques . Le bruit confus des differens
Inftrumens de ces Nations , mêlez aux cris redoublez
de VIVE LE ROY , ne laiffoit rien à
délirer au Miniftre de Sa Majefté , qui excitoit
lui-même la joye publique en plufieurs manieres
, furtout par des envois de vivres & d'autres
rafraîchiffemens , & en affiftant abondamment
les pauvres. Il a eu la fatisfaction de voir
que malgré ce mêlange de Nations , la tranquillité
a toujours été parfaite dans cette fo-
Jemnité.
L'illumination recommença le foir comme la
nuit précedente , & fut continuée le troifiéme
jour prefque jufqu'au lever du Soleil. L'Eglife
&
JANVIER 1730. 163
C
& le College des Jefuites furent auffi illuminez
, ainfi que les Maiſons des Chevaliers de la
Nation & celles de tous les François établis à
Malte. L'affluence a toujours été égale pendant
ces trois jours dans la maiſon du Bailly de Bocage
, où l'on trouvoit toutes fortes de rafraî
chiffemens , particulierement des Glaces , des
Confitures & des Pâtes douces , qui font très
en ufage dans ce païs- ci.
Les Rejouiffances qui ont été faites ici par
l'Ordre de S. Jean de Jerufalem , ont duré trois
jours.confecutifs. Elles commencerent le Dimanche
20 Novembre par une Meffe folemnelle
, celebrée pontificalement dans l'Eglife
de S. Jean , par le Prieur de cette Eglife, & chantée
par une excellente Mufique . S. A. Eminentiffime
M. le Grand- Maître , y affilta avec tout
le Corps de la Religion . Après la Melle , le Te
Deum fut chanté par la même Mufique , au
bruit de plufieurs falves de toute l'Artillerie de
Terre & de Mer.
Le G. M. donna enfuite un fuperbe dîné à
feize Grands- Croix , François , Allemands
Italiens , Efpagnols , & Portugais : Le foir on
tira un très -beau feu d'Artifice.
Le Lundi , les trois Langues de France firent
chanter une grande Meffe & un Te Deum dans
l'Eglife de S. Jean , la Mufique fut encore audeffus
de celle de la veille , le G. M. à la tefte
de tout l'Ordre y affifta ; les Procureurs des
Langues prefenterent un magnifique bouque t
à S.A.E. & le foir il y eut encore un Feu d'Artifice
tiré devant le Palais . On executa enfuite
un très -beau Concert dans la Salle de l'Auberge
de France , ornée avec la derniere magnificence
, & enrichie d'un Portrait du Roi placé
Hiiij
fous
164 MERCURE DE FRANCE.
fous un Dais fuperbe. Le Concert étoit compofé
des meilleures voix , & de plus de cent
Inftrumens. Le Confeil entier & toute la Reli
gion s'y trouva ; on y laiffa entrer les Maltois
les plus apparens , ce qui fit un concours de
près de deux mille perfonnes. Les Paroles Italiennes
de ce Concert font de M. Ciantor , Baron
Maltois ; elles furent fort applaudies.
Le Mardi , l'Auberge d'Arragon & le grand
Prieuré de Caftille , firent chanter un Te Deum
dans l'Eglife de S. Jean , auquel le Prieur de
cette Eglife , malgré fon âge & fes infirmitez,
continua d'officier pontificalement comme les
jours precedens.
La Langue Françoiſe donna enfuite à dîner à
plus de cent perfonnes de diftinction. Il y eut
trois grandes Tables , dont la premiere étoit
remplie par le Confeil , par les trois premiers
Officiers du G. M. & par quelques Chevaliers
qui en faifoient les honneurs . La feconde & la
sroifiéme furent occupées par les Procureurs de
toutes les fept Langues & par d'autres Chevaliers.
Les fantez du Roi , de la Reine , du Dau
phin & du G. M. furent buës,au bruit de quatre
Talves de Canons , les trois premieres de 21
coups chacune , & la derniere de dix-neuf
coups . La même chofe fut obfervée au dîné
du G. M.
To
Le foir les trois Langues de France firent
une grande Cocagne dans la Place de la Confervatorie
, laquelle fut livrée au Peuple fuivant
la coûtume. Tous les ans le Lundi gras le
G. M. donne une pareille Fête. La Cocagne
confifte en une grande abondance d'Agneaux
, de Cochons de lait , de Poulets d'Indes
, de Lapins , de Chapons , de Pigeons ,
&c. rotis , avec quantité de fromages de Jambons
,
JANVIER 1730. 165
bons , & c . dont le Peuple eft regalé . Celle
dont il eft ici queftion , confiftoit en une grande
Piramide de Charpente , auffi haute que le toit
des Maifons de la Place ; elle étoit ornée de
feuillages , decorée de Peinture , d'Emblêmes ,
&c. & garnie depuis le pied jufqu'au fommer
de toute forte de viandes roties de la qualité
qu'on a dit , & de plufieurs autres chofes pour
compofer un Regale parfait . La Compagnie
du G. M. entouroit la Piramide , au haut de
Jaquelle étoit arboré un Drapeau. Au premier
bruit des Trompettes qui founerent la charge ,
une troupe d'Affaillans donna l'affaut , & on
vit fur tout les Matelots montrer une agilité
merveilleuse pour avoir la gloire de rapporter
le Drapeau , celui qui s'en rendit le Maître
reçut quelques fequins pour le prix de fon
adreffe , les autres furent dédommagez par le
pillage des viandes , c'étoit un fpectacle divertiffant
de voir cette foule d'Affaillans grimper
fur la Piramide , qui n'en pouvoit contenir
qu'un certain nombre , ce qui caufoit des chutes
, des culebutes , & une divertiffante con
fufion . On avoit rempli de feuillages toute la
circonference jufqu'à une certaine hauteur
afin que perfonne ne fut bleffé en tombant.
Il y eut enfuite un Feu d' Artifice tiré devant
le Palais , & un grand Bal à l'Auberge de
France , qui s'eft diftingué par la profufion des
rafraîchiffemens , par l'illumination de la Sale,
par le choix des Inftrumens , & par le bon
accueil fait à tous ceux qui fe font prefentez ,
les Baillis de Bocage & de Froulay firent les
honneurs de ce Bal.
Pendant ces trois jours confecutifs , ia Reli
gion , M. l'Evêque & tous les Maltois ont fair
de très - belles illuminations : Les trois Langues
H.V ont
166 MERCURE DE FRANCE.
ont fait couler des Fontaines de vin : mais la
Langue de France a fait toutes chofes par profufion
. Elle a fait diftribuer de grandes charitez
, non feulement à tous les Pauvres mandians
, mais particulierement aux Pauvres honteux
, & à toutes les Families qui font dans
le befoin.
Je crois , au refte , que dans cette folemnité
il s'eft tiré plus de deux mille coups de Canon,
car on n'a pas ceffé de tirer , foit des Fortifications
, foit des Bâtimens de Mer , pendant
les grandes Meffes , & les Te Deum , fans
compter les falves qui ont été faites durant les
Feftins , & c.
Entre toutes les Fêtes qui ont été données
ici à l'occafion de la Naiffance du DAUPHIN ,
celle que le Bailly de Froulay , General des
Armées Navales de la Religion , donna le 14.
Novembre , a été fans contredit la plus brillante
, & la plus au gout de tout le monde.
Elle cominença par une illumination des
Galeres , la plus ample , & la mieux executée
qu'on eut encore vûe dans cette Ifle, les tentes,
les flames , & les pavois , y paroiffoient toutes
en feu , les rames étendues étoient garnies de
Jampions jufqu'à l'extrêmité. On avoit élevé
fur la Poupe de la Capitane à la Place du
grand Fanal , les Armes du DAUPHIN fur le
devant d'une machine de 24 pieds de hauteur ,
a'u bas on li'oit certe Infcription , DII TIBI
DENT ANNOS. Les Armoiries étoient couvertes
d'une tenture de damas crameifi & plus de
700 Lampions placez dans cette machine devoient
les éclairer.
Les Galeres étoient rangées fur une mêne
ligne entre la pointe de S. Ange & celle de l'Ifle
de la Sangle , & lorfque tout fut allumé le
Grand
JANVIER. 1730. 167
Grand- Maître qui étoit à fonBelveder du Port,
donna un fignal auquel la tenture de damas
tomba , & les Armes du Dauphin parurent
très- brillantes. Les Galeres les faluerent de
trois falves reales confecutives , de la voix , de
la Moufqueterie , & du Canon ; dans les intervales
des falves on entendoit les Fanfares des
Trompettes , les Timbales , les Hautbois &
plufieurs autres Inftrumens , placez fous le
Belveder du Grand- Maître.
Les falves finies , on vit paroître une Ga
liotte à 18 rames , illuminée d'un côté , & qui
debouchoir de derriere la pointe de l'ifle ; auffitôt
tous les Caïques & les Felonques des Galeres
, auffi illuminées , allerent la reconnoître,
la Galiotte prit bientôt chaffe , les Felouques
la fuivirent , & dès qu'elles en furent à portée,
le combat commença par des décharges réci
proques de moufqueterie & par des grenades
qui bruloient même dans la Mer. La Galiotte
predée par les Caiques fut forcée de paffer fous
le balcon du Grand Maître , où le Feu fut beaucoup
plus vif , elle s'ouvrit enfuite un paffage,
& fit force de rames pour fuir du côté du Palais
de Bichi. Les Caiques & les Felouques la
fuivoient de près , & lui jettoient fans ceffe
des feux ; elle fut encore jointe , ce qui l'obligea
de paffer fous la pointe de S. Ange , & fort près
des Galeres , lefquelles lui lâcherent quelques
coups de Canon , dont fon-principal mât parut
abatu : Alors les Caiques l'environnerent , l'abordage
fut vif, & l'animofité qui parut de
part & d'autre reprefenta parfaitement bien un
veritable combat. Enfin on vit le feu prendre
à la Galiotte qui fut confumée au milieu du
Port. Pendant tout ce jeu qui fut très-bien exe
cuté les Galeries tiroient continuellement
H vj
des
168 MERCURE DE FRANCE.
des Fufées , des Pots à feu & d'autres Artifices
Il parut enfuite un grand Soleil au haut du
mât de la Capitane qui fervit de fignal aux autres
Galeres pour executer quantité de roues ,
de fontaines de feu , & d'autres Artifices . Enfin
deux Girandoles de Fufées parties de la
proue de la Capitane , remplirent l'air de leurs
feux , lefquels étant joints à ceux de quantité
de tonneaux gaudronnez , qui bruloient autour
des pointes de S. Ange & de l'Ile , & qui
fe repetoient dans la Mer , la faifoient paroître
toute en feu .. Le tout enfemble forma un des
plus beaux ſpectacles qu'on puiſſe voir en ce
genre.
Après ce divertiffement , M. le General de
Froulay , donna dans fon Palais un magnifique
fouper aux Chevaliers de toutes les Nations.
Les fantez du Roy , de la Reine , du Dauphin
& des autres Potentats Catholiques de l'Europe
y furent celebrées au bruit du Canon du Château
& des Galeres . Après le fouper on paffa
dans la Salle du Bal , où fe trouverent quatre
jeunes Maltois , du Corps des Galeres , & autant
de filles qu'ils avoient épousées le matin
& que le General avoit dotées. Pendant le Bal
qui dura jufqu'au jour , on fervit toutes fortes
de rafraichiffement. Et pendant toute cette
Fête , il y eut fur le Quay plufieurs Fontaines .
de vin pour les Equipages & pour les Forçats ,
plufieurs defquels furent mis en liberté..
ES PACNE..
&
N mande de Seville que le premier de ce
mois , les Miniftres Plenipotentiaires du
Roi Très Chrétien,de S. M. Catholique , & du .
Roy d'Angleterre , y firent , l'échange des rati
fications.
JANVIER 1730.
169
fications du Traité de Paix , d'union , d'amitié
& d'alliance deffenfive , conclu dans la même
Ville le 9 du mois de Novembre dernier , on
attend dans quelques jours un pareil acte d'échange
de ratification de la part des Etats Generaux
des Provinces unies , dont l'Ambaffadeur
Extraordinaire & Plenipotentiare a accedé
à ce Traité le 21 du même mois.
On a appris de Lifbonne que le 18 Novem--
bre un Vaiffeau chargé pour le compte des Fer--
miers du Tabac , fut entierement brulé . 52 perfonnes
y ont péri.Il s'apelloit le S. Gabriel.
Le de ce mois , le Marquis de Brancas ,
Ambaffadeur du Roy Très Chrétien , termina
les Fêtes qu'il a données à Seville , à l'occafion
de la Naiffance du Dauphin , par un très - beau
Feu d'Artifice qui fut tiré vis- à- vis le College
Royal de S. Felme , en prefence de Leurs Majeftez
& des Princes & Princeffes de la Famille
Royale qui étoient aux fenêtres du Palais de
l'Arcaçar.
Le 10. on publia dans les Places & Carrefours
de Madrid , avec les ceremonies accou
tumées , le Traité de Paix , d'union , d'amitié
& d'alliance defenfive , conclu à Seville le 9 .
Novembre dernier , entre le Roy Tr. Ch. le Roi
d'Efpagne , le Roi d'Angleterre & les Etats-
Generaux des Provinces Unies . Le foir & les
deux nuits fuivantes il y eur des Feux , des
Illuminations & d'autres marques de réjouiffance
dans toutes les rues de la Ville.
GRANDE BRETAGNE.·
Ur la fin du mois dernier, près de 160 Vaifa
Sfeaux Marchands font partis de differens
Ports de ce Royaume pour aller dans les Pays,
Etrangers
170 MERCURE DE FRANCE .
Etrangers , ce qu'on n'avoit pas vû depuis plufieurs
années .
Le s. Janvier , il arriva à Londres un Courier
depêché de Seville avec les Cedules du
Roi d'Espagne que la Compagnie de la Mer du
Sud attendoit pour continuer fon Commerce ,
& pour faire partir le nouveau Vailleau qu'elle
fait conftruire .
Le Comte de Stair , ci - devant Ambaffadeur
de France , a été nommé par le Roi Admiral
d'Ecoffe avec mille liv.fterlings d'apointemens .
Le 17. il y eut à Londres un brouillard fi
épais , que vers les quatre heures après midi
on fut obligé d'allumer des Lanternes & des
Flambeaux pour aller dans les rues : il arriva
plufieurs accidens fur la Tamife , & un Gentilhomme
qui fe promenoit dans le Parc de
S. James , ne voyant plus à fe conduire
tomba dans le Canal , où il fe feroit noyé infailliblement
, fi deux Soldats qui étoient auprès
, ne l'euffent fecouru .
C
Le 18. on publia dans les Places , Carre.
fours , & autres lieux accoutumez , le Traité
de Paix d'union , d'amitié & d'alliance défenfive
, conclu à Seville , le 9. du mois de Novembre
dernier.
! ! ! ! ! !! ! ! ! !!
MORTS , ET MARIAGES
des Pays Etrangers.
E Prince Thomas Emmanuel de Savoye ,
dor , Marechal de Camp , General des Armées.
de l'Empereur , & Colonel d'un Regiment de
Cuiraffiers
JANVIER. 1730. 171
Cuiraffiers, au Service de Sa Majefté Imperiale,
mourut de la petite Verole à Vienne , le 28. du
mois dernier , dans la 43 ° . année de ion âge ,
étant né le 8. Decembre 1687. Il avoit épousé le
24. Octobre 1713. la Princefle Therefe Anne
Felicité , Fille du Prince Jean Adam André
de Lichtenſtein , dont il a eu le 23. Decembre
1714. le Prince Eugene Jean de Soiflons ; le
Corps de ce Prince fut inhumé le 30. lans cérémonie
, dans l'Eglife de S. Eftienne .
La Marquife Douariere d'Anfpach , de la
Famille des Princés deWirtemberg Stugard en
Franconie , y eft morte âgée de 36 ans .
Le s de ce mois , une Femme nommée
Elizabeth Pieters . veuve de Reynier Bemel
man , mourut à Amfterdam , âgée de 111 ans.
Le Duc Jean Erneft de Saxe , Hofburg Haufen
, l'aîné de la branche Erneftine , eft mort
à Leypficx , dans la 27. année de fon âge.
D
On apprend de Vienne , que le nombre des
morts , tant de cette Ville que des Fauxbourgs
pendant l'année derniere , monte à 8283. Sçavoir
, 2570. hommes , 1816. femmes , 2042 .
enfans mâles , & 1855. filles . Le nombre des
enfans baptifez pendant la même année , eft de
5573.
Suivant les Extraits baptiftaires & mortuai
res , depuis le 21. Decembre 1728. jul qu'au '
23. Decembre 1729, on a baptife à Londres &
à Weftmintter 8736. garçons , & 8324 filies ,
en tout 29722. de forte que le rombre des
morts de cette année , excede celui de l'année
précedente de 1912 On a remarqué fur le
nombre des perfonnes mortes , qu'il s'en trouve
10735. au- deffous de deux ans , & 143. de
90 ans & au- deffus . Les maladies qui en ont
emporté plus des deux tiers , font les conyullions
,
172 MERCURE DE FRANCE.
vulfions , les fluxions , & diverfes fortes de
fiévres , la confomption & la petite verole.
Il est mort à Amfterdam pendant l'année
derniere , 9618. perfonnes , ce qui fait 1546
moins qu'en 1728. qu'il en mourut 11164.
Le 11. Decembre dernier , Fête de S. André .
jour deftiné pour la célebration des Fiançailles
du Czar , la Ĉzarine Doüairiere , les Princefles
du Sang , & les autres perfonnes de diftinction
qui avoient été invitées à cette Ceremonie , fe
rendirent au Palais vers les deux heures après
midi ; les Dames furent conduites dans les Appartemens
à la droite de la grande Salle , &
les Seigneurs dans les Anti- Chambres de S. M.
Cz. La grande Salle destinée pour cette Céremonie
, étoit magnifiquement ornée ; on avoit
placé au milieu un grand Tapis de Soye de
Perfe. Vis -à-vis de ce Tapis , au haut bout
de la Salle , il y avoit une table couverte de
drap d'or ; fur cette table étoit un Baffin d'or ,
dans lequel étoit la fainte Croix , & deux Plats
d'or , deftinez pour la benediétion des Bagues.
Il y avoit vis -à - vis de la Table , fur le Tapis
un Dais de drap d'argent brodé d'or , foutenu
par fix Majors Generaux. A la droite de ce
Dais , fur un autre Tapis de Soye , étoit un
Fauteuil pour le Czar , & à gauche , auffi fur
un Tapis & fur une même ligne , deux autres
Fauteuils de Velours vert chamaré d'or , pour
la Czarine Douairiere & pour la Princeffe future
Epoufe du Czar. A côté de ces Fauteuils
un peu en arriere , il y avoir quatre Chaifes
pour les quatre Princeffes du Sang, & plufieurs
autres Chaifes enfuite pour les Princeffes Mere
& Soeur de la Princeffe , & pour les autres
Princeffes de la Famille Dolgorucki.
Après que tout le monde fut affemblé au
Palais
JANVIER.
1730 173
Palais , le Prince Dolgorucki , Grand- Chambellan
du Czar & frere de la Princeffe fiancée,
fe rendit en qualité de principal Commiffaire
du Czar , pour cet Acte , avec une nombreuse
fuite de Carroffes & de Domeftiques de S. M.
Cz. au Palais de Golowiefch , où étoit la Princeffe
& toutes les Princefles de la Famille Dolgorucki
, il déclara à la Princeffe qu'il étoit
chargé de la conduire au Palais de S. M. Cz.
& après l'avoir priée de s'y rendre , il lui
donna la main & la conduifit au Carroffe &
après quoi la marche commença dans l'ordre
fuivant :
Deux Carroffes du Czar à fix chevaux , avec
les Chambellans de S M. Cz. un autre Carroffe
du Czar , auffi à fix chevaux , dans lequel
étoit le Grand- Chambellan feul . Quatre Coureurs
du Czar. Deux Fouriers de la Cour , à
cheval. M. Cofchelef , Ecuyer du Czar , à cheval
, feul. La Garde des Grenadiers de la Princeffe
à cheval . Quatre Poftillons de S. M.
Cz. Un caroffe à fix chevaux , dans lequel
étoit S. A. avec la Princeffe fa mere & la
Princefle fa foeur : fix Pages du Czar étoient
montez fur le devant du Carroflè : un
Page de la Chambre marchoit derriere à
cheval ; & fix Heyduques avec les Valetsde-
Pied de S. M. Cz . tous avec de magnifiques
Livres , alloient aux deux côtez . Plufieurs
autres Carroffes fuivoient , dans lefquels
étoient les Princeffes de la Famille Dolgorucki,
Les Dames de la Cour de S. A. Les Carroffes
de parade fermoient la marche.
Lorfque ce Cortege fut près du Palais du
Czar , le Maréchal de la Cour & le Grand-
Maître des Ceremonies , ayant à la main leurs
Bâtons de Ceremonie, & accompagnez des Seigneurs
174 MERCURE DE FRANCE .
gueurs de la Cour , allerent dans l'Apparte
ment des Dames, & prierent la Czarine Douai
riere , les Princeffes du Sang & les autres Dames
, de fe rendre dans la Salle des Fiançailles.
Après quoi le Maréchal de la Cour & le Grand
Maître des Ceremonies allerent au- devant de
la Princeffe pour la recevoir & la conduire
dans la même Salle . Le Prince Dolgorucki,
Grand-Chambellan , donna la main à cette
Princeffe à la defcente du Carroffe & l'accompagna
jufqu'à la Salle Auffi- tôt que la Princeffe
fui entrée dans la Salle , on entendit un
agréable Concert de Mufique ; après qu'elle
eut pris fa place , le Grand- Chambellan , les
Chambellans & autres Seigneurs , conduits
par le Maréchal de la Cour & par le Grand-
Maître des Ceremonies , allerent prendre lè
Czar aux fanfares des Trompettes , ce Prince ,
accompagné du Prince Gregoire Alexiowitz
Dolgorucki , du Velt Maréchal , Prince Dol
goruki , du Baron d'Ofterman , Vice Chancelier
, & de tous les Grands de fa Cour , fé
tendit auffi dans la même Salle.
Auffi tôt que S. M. Cz fe fut placée dans
fon Fauteuil , la Princeffe , conduite par le
Grand-Chambellan , fe rendit fous le Dais ;
le Czar s'y rendit auffi , étant conduit par le
Baron d'Ofterman , & fe mit à la droite de la
Princeffe. L'Archevêque de Novogrod fit enfuite
une Priere , & s'étant approché de la
Table , il mit les deux Bagues dans les deux
Plats d'or , les benit ,fuivant le Rit del'Eglife
Grecque , & les délivra aux Fiancez , fçavoir,
celle de la Princeffe à S. M. Cz . & celle du
Czar à la Princeffe . Après quelques autres
Prieres , le Czar & la Princefle s'étant remis
à leurs places , reçurent les complimens de
félicitation
ANVIER. 1730 : 175
félicitation des Seigneurs & Dames , qui eurent
l'honneur de leur baifer la main . On fit
en même temps une triple décharge du Canon
des Remparts , aux fanfares des Trompettes ,
&c. Après cette Ceremonie , le Czar , accompagné
de la Czarine Doüairiere , des Princeffes
du Sang & des Princeffes de la Famille Dolgorucki
, conduifit la Princeffe fiancée dans
fon Appartement , pour y voir tirer un Feu
d'artifice qui réüllit très -bien. Il y eut auffi de
fort belles Illuminations . Toute la Compagniet
étant enfuite retournée dans la grande Salle ,
il y eut Jeu & Bal , qui ne dura qu'une demie
heure, arce que la Princeffe fiancée s'étoit bleffée
au pied. Après qu'il fut fini , la Princeffet
fiancée retourna dans fon Palais dans un
Carroffe à huit chevaux , conduits par fix Poftillons
avec fix Pages , huit Heyduques , huis
Chevaliers Gardes à cheval , & le même Cortege
avec lequel elle s'étoit renduë au Palais
du Czar. La Princeffe étoit feule dans ce Carroffe
, & on battit la caiffe à fon départ.
On écrit de Mofcou , que tout le monde
convient que le Czar n'avoit pu faire un choix
qui fût plus univerfellement applaudi , à cauſe
du mérite , de la bonté du coeur & de la
modeftie de la future Czarine .Ces Lettres ajoûtent
que dans le Difcours que le Velt - Maréchal
Dolgorucki fit le 30. Novembre à cette
Princeffe , il lui dit entre autres choſes : Hier
vous étiez ma Niece , aujourd'hui vous allez
étre ma Souveraine ; vous voyez par là comment
les affaires humaines peuvent changer du
foir au lendemain : que
l'éclat du nouveau rang
que vous allez tenir , ne vous éblouiffe pas &
ne vous falle pas perdre cette noble modestie qui
Cons
176 MERCURE DE FRANCE.
,
vous y a élevée . Notre Famille eft affez pour
vue des biens de la fortune ; elle n'a befoin de
rien ; ainfi oubliez que vous en êtes Loo
prenez à tâche de n'employer le crédit que vous
pourrez avoir qu'à faire du bien à ceux qui
le méritent le plus , fans avoir égard au nom
qu'ils portent.
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris & c.
COUPLETS chantés à Madame la
Marquise de *** par Mlle fa fille ,
âgée de 4. à 5. ans , le premier jour
de l'année 1730. Air : Reveillez - vous
belle endormie
.
Aujourd'hui Ujourd'hui
que chacun
s'épuife
A faire de vains complimens
,
Maman
, fouffrez
que je vous dife
Mes veritables
fentimens
.
Je fais mon bonheur de vous plaire ,
Mon amour ne peut redoubler
N'en doutez pas , l'on ne fçait gueres
A mon âge diffimuler.
Mon coeur exprime par ma bouche
L'ardeur dont il fe fent preffer',
Si
JANVIER. 1730. 177
Si ce fincere aveu vous touche ,
Marquez le moi par un baifer.
Ah ! de grace , encore un , ma mere ,
Qu'est- ce qu'il vous en coûtera ?
La
marchandiſe n'eft pas chere ,
Et mon papa vous les rendra,
Le Roi a accordé une place de Confeiller
au Confeil Royal des Finances ,
à M. de Lamoignon de Courfon , Confeiller
d'Etat . Sa Majesté a nommé Confeillers
d'Etat M. Lebret , Premier Préfident
du Parlement d'Aix , & Intendant
de Provence & du Commerce , & M. Lef
calopier , Intendant de
Champagne.
Les Prêtres de la Miffion commen
cerent le 3. dans l'Eglife de la Paroiffe
de Versailles la Fête qu'ils ont continuée
les deux jours fuivans avec beaucoup
de folemnité & de magnificence ,
pour celebrer la Béatification du Bienheureux
Vincent de Paul , leur Fondateur
en France. L'Evêque de Xaintes &
l'Evêque de Rennes y ont officié ces
trois jours. Le 4. Janvier , la Reine
accompagnée des Dames de fa Cour ,
alla y entendre la Grande Meffe.
Le Roi a donné l'Evêché de Mirepoix
au Pere Boyer , Religieux Theatin,
Le
#78 MERCURE DE FRANCE .
Le 8. de ce mois , l'Abbé de Verta
mon de Chavagnac , nommé par le Roi
à l'Evêché de Montauban , fut facré
dans la Chapelle de l'Archevêché par
l'Archevêque de Paris , affifté des Evêques
de Soiffons & de Tarbes.
le Roi Le premier de ce mois
nomma le fieur Perrin , Docteur en Medecine
de la Faculté de Montpellier ,
en confideration de fes fervices , Medecin
Real de fes Galeres , à la place du
fieur Pelifferi , qui fe retire avec une
penfion de 1200 , fur les Invalides .
›
L'Abbé Segui , Auteur du Panegyrique
de S. Louis , dont on a vû avec
plaifir l'Extrait dans le Mercure d'Octobre
, fit à S. Sulpice , le 17. de ce mois ;
celui du Patron de cette Eglife , devant
une très nombreuſe Affemblée , avec un
applaudiffement general. Nous tâcherons
d'en donner un Extrait.
Le Maréchal d'Uxelles , Miniftre d'Etat
, s'eft retiré à caufe de fon âge
avancé.
On a eu avis de Toulon que dixhuit
Captifs Flamands , rachetés à Alger
par les Peres Mathurins de l'Ordre
de la Sainte Trinité , y font débarqués
le 29, Decembre dernier , pour fe
rendre à Paris , & de là dans leur Pays.
Les autres Deputés du même Ordre font
arrivés
JANVIER. 1730. 179
arrivés à Cadix , pour traiter auffi de la
rançon des François detenus au Royaume
de Maroc .
On apprend de Touloufe que le 8. Janvier
, l'Académie des Jeux Floraux s'étant
affemblée publiquement , fuivant
l'ufage, M. de Rabaudy , Viguier de.
Touloufe , l'un des Académiciens &
Modérateur de cette Compagnie , prononça
, avec beaucoup de fuccès , un
Difcours fur la Naiffance de Monfeigneur
le Dauphin .
Le premier Janvier , les vingt - quatre
Violons de la Chambre du Roi jouerent
pendant le dîner de S. M. une fuite
d'Airs de la compofition de M. Deftouches
, Sur - Intendant de la Mufique du
Roi , qui furent parfaitement bien executés
, & très- aplaudis .
Le 4. il y eut Concert devant la Reine
dans les grands Apartemens . M. Def
touches fit chanter le fecond Acte de
l'Opera d'Atys .
Le 9. on continua le même Opera
par le quatriéme & cinquiéme Acte. La
Dile Erremens la cadete , chanta le Rôle
de Cybelle , la Die Lenner , celui de
Sangaride , le St Dangerville fit le Rôle
de Gelenus , & le St Cochereau celui
d'Atys . Le tout fut parfaitement bien
executé , & tous les Acteurs s'attirerent
beaucoup
180 MERCURE DE FRANCE.
beaucoup d'applaudiffemens.
Le 11. on concerta dans les grands Appartemens
en préfence de la Reine , & on
executa une Paftorale en un Acte , intitulée
L'Amour mutuel, dont les paroles font de
M. Gaultier , & la Mufique de M. du
Tartre , connu par d'autres Ouvrages
qui ont eu du fuccès . L'autre partie de
cette Paftorale fut chantée le 16. dans les
mêmes Appartemens .
Le 18. on chanta le Prologue & le
premier Acte de l'Opera de Thefée ,
dont l'execution fut parfaite , & trèsapplaudie.
On continua le 30. le mê
me Opera par le fecond & troifiéme
Acte.
Le 4. il y eut Concert François au
Château des Thuileries ; on y chanta
la Cantate d'Europe & Jupiter , & un
Motet de M. de la Lande , précedé de
plufieurs Piéces de fymphonie . Le même
Concert a continué tous les Mercredis
du mois.
Le 18. la De Petitpas , l'une des
Actrices de l'Opera , chanta pour la
premiere fois une Cantatille nouvelle ,
intitulée La Conftance , de la compofition
de M. le Maire , qui fut très - bien
chantée & applaudie ; elle fut précedée
du Divertiffement de la Beauté couronnée
, de M. Mouret , qui est toujours
près-goûté.
Le
JANVIER. 1729 181
Le 9. la Lotterie pour le rembourſement
des Rentes de l'Hôtel de Ville fut
tirée en préſence du Prevôt des Marchands
& des Echevins , en la maniere
accoûtumée. Le fonds de ce premier
mois de cette année s'eft trouvé monter
à la fomme de 1278990. laquelle a été
diftribuée aux Rentiers pour les lots
qui leur font échus , conformément à la
Lifte genérale qui en a été renduë pu
blique.
Le 26. du mois dernier , les Deputés
des Etats de Bretagne eurent audiance publique
du Roi , préfentés par le Comte
de Toulouſe , Gouverneur de la Provin
ce , & par le Comte de Saint Florentin,
Secretaire d'Etat , & conduits par le
Marquis de Brezé , Grand - Maître des
Cerémonies , & par M. Defgranges
Maître des Cerémonies. La Députation
étoit compofée de l'Evêque de Saint
Brieu , pour le Clergé , qui porta la
parole ; du Comte de Guebriant , pour
la Nobleffe ; de M. de Boifbely , Chevalier
de l'Ordre de Saint Michel , &
Lieutenant Genéral de l'Amirauté de
Morlaix , pour le Tiers- Etat ; du Comte
de Coetlogon , Procureur General Syndic
; & de M. de la Boiffiere , Tréforier
Genéral des Etats de la Province . Ces
Députés furent enfuite conduits à l'Au-
I diance
182 MERCURE DE FRANCE.
diance de la Reine & à celle de Monfeigneur
le Dauphin & de Meldames
de France .
Le Roi a nommé Intendant de la Genéralité
de Champagne , M. de Vaftan ,
qui fera remplacé dans l'intendance de
la Genéralité de Caen , par M. le Peletier
de Beaupré , Maître des Requêtes,
Le 29. M. Bernage de Saint Maurice,
Maître des Requêtes , & Intendant du
Languedoc , à qui le Roi avoit accordé
dès le mois de Decembre 1724. la
Charge de Grand- Croix , Secretaire &
Greffier de l'Ordre Royal & Militaire
de Saint Louis , prêta ferment de fidelité
entre le mains de S. M. pour cette
Charge.
XXXX:XXX XX XXXXXX
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
Ean François le Boufte , Lieutenant de
Roy au Gouvernement de Languedoc ,
Département du haut Vivarez & Velay
mourut à Paris le 23. Decembre 1729.
âgé de 58. ans .
Jean François de Quinfon , Seigneur
de Leyman , & c . Chevalier de S. Louis
Lieutenant
JANVIER . 1730. 183
Lieutenant Colonel du Regiment de Cavalerie
de Villequier , mourut le 29 Decembre
dernier , âgé d'environ foixante
& douze ans .
M. Alexandre de Gaudechart , Comte
d'Effville , Lieutenant General des Armées
du Roy , Grand Croix de l'Ordre
Royal & militaire de S. Louis , Gouverneur
du Fort de Barault , & ci - devant premier
Lieutenant de la premiere Compagnie
des Gardes du Corps de S. M.
mourut à Paris le premier Janvier , âgé
d'environ 75 ans.
Il étoit Frere de M. Adolphe de Gau-
• dechart , Marquis de Bachiviliers , auffi
Lieutenant General des Armées du Roy &
Gouverneur du Fort de Barault , mort en
1717. & de Frere Nicolas de Gaudechart
de Bachiviliers , Commandeur de Soiffons
& de Santeni , & Tréforier de l'Ordre de
Malte en 1710. mort en 1720 .
Le Comte d'Effville eft le dernier de la
branche aînée de la Maifon de Gaudechart
, il ne reste plus que celle des Seigneurs
de Mattancourt , & celle des Marquis
de Guerieu . Cette Maifon , l'une
des plus anciennes & des plus qualifiées
du Beauvoifis , prouve au - delà de feize
quartiers paternels & maternels des meilleures
Maifons du Royaume; elle a eu des
Chc
I ij
184 MERCURE DE FRANCE.
Chevaliers de Rhodes, & enfuite plufieurs
de Malte elle eft alliée aux Maiſons de
Mornay , de Vignacourt , d'Hangeft , de
Bouflers , d'Arquinviliers , de Vyon, d'Efpinay
, de Mailly , de Clermont Toury &
de plufieurs autres des plus illuftres .
Jean de Begerede , Seigneur de Guairotte,
&c. Chevalier de S. Louis , Mestre de
Camp d'Infanterie , premier Lieutenant
des Gardes Françoifes , & Lieutenant des
Grenadiers , homme de valeur & trèsbon
Officier , mourut à Paris le 2. âgé
de foixante & dix ans.
Charles de Bedé des Fougerais , Capi- .
taine au Régiment des Gardes Françoifes ,
mourut le 5. âgé de cinquante ans. Sa
Compagnie a été donnée par le Roy à
M. Charpentier ; le plus ancien Lieutenant
du même Regiment .
M. Louis Jofeph de Châteauneuf de
Rochebonne , Evêque de Carcaffonne
.mourut dans fon Diocèfe le Janvier.
Marguerite Fraguier , veuve de Adam
Antoine Chaffepot de Beaumont , Préfident
à la Cour des Aides , mourut le 10 .
âgée de 77. ans .
و
Gafpard Brayer Confeiller en la
Grand'Chambre , & Doyen du Parlement
, mourut le onze , âgé de quatreyingt
fix ans.
Elifabeth
JANVIER. 1730? 105
?
Elifabeth Roüillé veuve de Henry
de Lambert , Seigneur d'Herbigny , Maître
des Requêtes honoraire , mourut le
même jour dans la quatre- vingt -dix-feptiéme
année de fon âge.
Marie Anne le Camus , veuve de René
Bazin , Marquis de Flamanville , Lieutenant
General des Armées du Roy , moufut
le 12 , âgée de 60. ans .
M. Claude Antoine , Chevalier , Docteur
en Droit , Chanoine de l'Eglife de
Paris , Syndic du Clergé de ce Diocèle ,
mourut le 31. Janvier , âgé de foixante
& quinze ans .
M. Louis le Peletier , Chevalier , Seigneur
de Beaupré , &c. Confeiller du Roi
en tous les Confeils , ci - devant Premier
Préfident du Parlement , mourut à Paris
le même jour dans la 69 année de fon
âge. Au mois d'Avril 1707. le Roy
l'avoit nommé Premier Président du Parlement
, & il a exercé cette Charge jufqu'au
mois de Janvier 1712. qu'il fupplia
Sa Majesté de vouloir bien accepter
fa démiffion.
Le 6. Janvier , fut ondoyé N. fils de
M. Jacques Bernard , Chevalier , Confeiller
du Roy en fes Conſeils , Maître des
Requêtes ordinaire de fon Hôtel , fur - Intendant
des Domaines , Maifon & Finan-
I iij ces
106
MERCURE DE FRANCE
ces de la Reine , Grand- Croix , Grand-
Prevôt & Maître des
Ceremonies de l'Ordre
Royal & Militaire de S. Louis , Lieutenant
des Chaffes des Plaifirs de S. M.
Seigneur de Grofbois -le- Roy , du Sancy
Boiffry , S, Leger , & c . & de Dame Louife,
Olive Frortier de la Corte .
2
Le 9. on batifa à S. Euftache une Negreffe
de Nation , dite Julie , âgée de 14
ans , & née dans l'Ile de
Madagafcar.
Elle fut prefentée par D. Marie Madelaine
Delvenequier, Epoufe de M. Denis Brouffe,
Lieutenant de Roy de l'Ifle de France ; &
nommée Marie
Françoife Charlotte par
M. Charles de Gouffier, Prêtre,
Chanoine.
de l'Eglife de Paris , & par Dile
Jaqueline
Françoile de Bourdin , fille de Pierre Aimé,
Comte de Bourdin , fes Parrain & Maraine
.
D. Julie Sophie de
Rochechouart de
Jars , Epoufe de M. Bertrand ,
Vicomte
de
Rochechouart , &c.
accoucha le 10,-
d'une fille qui fut tenue fur les Fonts , &
nommée Louife
Alexandrine Julie , par
Alexandre de
Rochechouart ,
Marquis de
Jars , & par D. Marie Anne
d'Efpinay de
S. Luc , Epoufe de
François Marquis de
Rochechouart , &c.
Le
Jacques Nompar de :
Caumont, Marquis de la Force , fils d'Armand
:
JANVIER. 1730. 187
mand Nompar de Caumont , Duc de la
Force , Pair de France , Marquis de Caumont
, &c. & de Dame Anne Elifabeth
de Gruel- la - Frette,Dame des Foffés Marrel
, &c. époufa Dlle Marie Louife det
Noailles , fille de Adrien Marie , Duc de
Noailles , Pair de France , Grand d'Efpagne
, Chevalier des Ordres du Roy &
de la Toifon d'Or , premier Capitaine
des Gardes du Corps du Roi , Lieutenant
General de fes Armées , Gouverneur
& Capitaine General de Rouflillon
& de Perpignan , Gouverneur de S. Germain
en Laye , ci - devant Préfident du
Confeil de Finance , & Confeiller au
Confeil de Regence , & de Dame Françoife-
Charlotte- Amable Daubigné ; le
mariage a été celebré à l'Hôtel de
Noailles.
> M. Anne Cefar Deparis la Broffe
Chevalier Marquis de Pomceaux , fous-
Montreuil , Seigneur de Campremy & c.
Confeiller au Parlement , reçû en furvivance
en la Charge de Préfident en la
Chambre des Comptes , veuf de Dame
Marguerite- Elifabeth Trudaine , fils de
M. Anne-François Deparis , Chevalier
Seigneur de la Broffe , Préfident en la
Chambre des Comptes , & de feuë Dame
Therefe- Angelique Collin , épouſa
le 8. Janvier Die Anne- Elifabeth Brayer,
fille
I iiij
·
188 MERCURE DE FRANCE.
fille de M. Gafpard Brayer , Confeiller
du Roi en la Grand'Chambre , Doyen
du Parlement , & de Dame Marie - Elifabeth
de Chenevieres.
ARRESTS , DECLARATIONS ,
L
ETTRES PATENTES , pour faire joüir
du droit de Committimus les Sous- Gouverneurs
du Roi . Données à Verſailles le 25.
Juillet 1729. Regiftrées à la Cour des Aydes le
29. par lesquelles il eft dit ce qui fuit. Nous déclarons
& voulons que les perfonnes honorées
du titre de nos Sous- Gouverneurs, enfemble
leurs veuves pendant leur viduité , joüiffent à
l'avenir du droit de Committimus & autres
Privileges dont joüiffent les Officiers Commenfaux
de notre Maifon , encore qu'ils ne
foient employez dans nofdits Etats , & qu'ils
ayent été obmis dans nofdites Lettres du 8.
Février 1721. ce que ne voulons leur pouvoir
nuire ni préjudicier , & c.
ARREST du 2. Août , qui ordonne que les
Officiers fujets aux Revenus Cafuels ,feront
admis au payement du Prêt & Annuel de leurs
Offices pour l'année prochaine 1730. aux mêmes
claufes & conditions portées par celui du
3. Août 1728. pour l'ouverture de l'Annuel de
l'année 1729 .
DECLARATION du Roi , qui établit des
peines contre les Contrebandiers. Donnée à
VerANVIER
. 1730. 189
Verfailles le 2. Août 1729. Regiſtrée en la
Cour des Aydes le 12. Septembre, par laquelle
le Roi ordonne ce qui fuit,
ARTICLE PREMIER .
Ceux qui feront convaincus d'avoir porté du
Tabac , Toiles peintes & autres Marchandifes
prohibées , en contrebande ou en fraude , par
attroupement , au nombre de cinq au moins
avec port d'armes , feront punis de mort , &
leurs biens confifquez , même dans les lieux
où la confifcation n'aura pas lieu ; & s'ils font
fans armes & au- deffous du nombre de cinq ,
ils feront condamnez aux Galeres pour cinq
ans & en mille livres d'amende chacun payas
ble folidairement.
II.
Les Commis & Employez de nos Fermes qui
feront d'intelligence avec les Fraudeurs &Contrebandiers
, & favoriferont leur paffage , ſe- .'
ront punis de mott.
III.
Les Contrebandiers qui forceront les Poftes
& les Corps- de- Garde établis dans les Villes ,
Villages , ou à la Campagne , gardez par les
Gardes de nos Fermes , feront punis de mort ,
encore qu'ils n'euffent lors aucunes Marchandifes
de contrebande , & qu'ils fuffent moins
de cinq.
IV.
En cas de rebellion de la part des Contrebandiers
contre les Commis de nos Fermes
´ordonnons aufdits Commis d'en dreffer leur
Procès-verbal fur le champ , & d'en donner
avis dans 24. heures aux Juges qui en doivent
connoître , à peine d'être déclarez incapables
de ous emplois , même de punition corporelle
s'ily échoit,
Iv V.
189 MERCURE DE FRANCE.
{
V.
Dans le cas de l'Article précedent, ordonnons
à nofd, Juges d'informer efdites rebellions dans
les 24. heures , après qu'ils en auront eu avis ,
à la requête du Fermier ou de nos Procureurs ,
peine de 300. liv. d'amende & d'interdiction.
V. L.
Ceux qui porteront ou debiteront du faux Tabac
ou autres Marchandifes de contrebande dans
notre bonne Ville de Paris ou autres lieux de notre
Royaume , & pareillement tous Receleurs ,
Complices ou Fauteurs defdits fraudeurs ou
Contrebandiers ,feront condamnez pour la pré--
miere fois aux Galeres pour 3 ans & en 500. liv..
d'amende ; & en cas de récidive , aux Galeres
perpetuelles & en roco. livres d'amende . Voulons
que les femmes qui fe trouveront dans
l'un des cas cy deffus marquez , foient condamnées
au fouet & à la fleur de Lys , au ban--
niffement pour trois ans , & en soo . livres d'a
mende pour la premiere fois ; & en cas de
récidive , au banniflement à perpetuité & en-
1000. liv. d'amende , ou à être renfermées pendant
leur vie dans l'Hôpital ou Maifon de for--
ce , le plus près du lieu où la condamnation s
aura été prononcée.
VIK
Deffendons aux Cabaretiers , Fermiers & autres
gens de la Campagne , de donner retraite
aux Contrebandiers ou à leurs Marchandiſes ,
à peine de 1000 livres d'amende pour la premiere
fois , & de banniflement en cas de récidive
, même d'être pourſuivis comme complices
defdits Contrebandiers , & d'être condamnez
, s'il y échoir , aux peines portées par
PArticle précedent , fi ce n'eft que dans les 24
heures au plûtard , ils ayent requis le Juge leplus
+
JANVIER 1730. 191
&a
ays
curs,
xTa
dar
eurs,
rsca
apre
alers
Vou
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Con
un bar|
sda
as de
&
sper
for
ation
trak
dites
a pre
e rech
com
!
plus prochain , ou les Officiers de la Maréchauffée
, de fe tranfporter en leurs maifons,
à l'effet d'y dreffer Procès verbal de la violence
que les Contrebandiers auroient faite pour ſe
procurer l'entrée dans leurfdites maifons ; à
laquelle réquifition lefdits Juges ou lefdits Of
ficiers de Maréchauffée feront tenus de fatiffaire
fur le champ à peine d'interd &tion . Voulons
en outre que lesdits Cabaretiers ou Fermiers
foient tenus dans le même délai , de
faire avertir les Brigades de nos Fermes qui
font les plus proches du lieu de leur demeure,
à l'effet de courre fur les Contrebandiers , &
ce fous les mêmes peines que deffus..
VIII.
Ordonnons aux Syndics , Manans & Ha
bitans des Bourgs & Villages par lesquels il
paffera des Particuliers attroupez avec port
d'armes & des ballots fur leurs chevaux , de
fonner le tocfin, à peine de soo. livres d'amende,
qui fera prononcée folidairement contre les
Communautez.
IX.
Ceux qui auront été employez dans nos Fermes
en qualité de Commis ou de Gardes , qui
feront arrêtez avec du Tabac ou autres Marchandites
de contrebande , feront condamnez
aux Galeres pour cinq ans & en soo livres d'amende
, quoiqu'ils ne fuffent attroupez ni armez
, & c.
ARREST du 16. Août qui fixe les
Droits de Petit- Scel & de Controlle des Exploits
fur les Expeditions & Actes qui fe- "
ront faits à la requête de l'Adjudicataire geasnéral
des Fermes - unies .
сод
Ivj . ARS
192 MERCURE DE FRANCE .
ARREST du 19. Août qui réunit à la
Commiffion concernant les Péages , les affaires
des Commiffions pour les Recouvremens
de la Chambre de Juftice , la Capitation
extraordinaire , la Succeffion d'Edme Boudard
, celle du Sieur Montois & du Sieur
Jean André de Montgeron , pour le tout
être jugé dorefnavant par M M. les Commiffaires
du Confeil , pour les affaires des
Péages.
ARREST du 23. Août qui proroge
jufqu'au dernier Decembre 1729. le délay
accordé par l'Arrêt du 9. Novembre 1728.
pour le Controlle des Actes de Foy &
Hommage.
ARREST du même jour qui regle les
formalités à obferver par les Officiers des
Chancelleries près les Cours , pour la perception
de leur Franc- falé.
EDIT du Roi concernant les Succeffions
des Meres à leurs Enfans. Donné à Verfailles
au mois d'Août 1729. Regiftré en Parlement
le 20. du même mois , par lequel Sa
Majefté ordonne ce qui fuit :
ARTICLE PREMIER .
Nous avons revoqué & revoquons l'Edit
donné à Saint- Maur au mois de May de l'année
1567. pour regler les Succeffions des mères
à leurs Enfans . Voulons & entendons
qu'à compter du jour de la publication des
Prefentes , ledit Edit foit regardé comme non
fait & avenu , dans tous les pays & lieux
de notre Royaume , dans leſquels il a été executé
JANVIER. 17307 193
1
cuté ; & en conféquence ordonnons que les
Succeffions des meres à leurs enfans , ou des
autres afcendans & parens les plus proches
defdits enfans du côté maternel , qui feront
ouvertes après le jour de la publication du
prefent Edit , foient déferées , partagées &
reglées fuivant la difpofition des Loix Romaines
, ainfi qu'elles l'étoient avant l'Edit de
Saint- Maur.
II.
N'entendons néanmoins par l'Article précedent
déroger aux Coûtumes ou Statuts particuliers
qui ont lieu dans quelques- uns des
Pays où le Droit écrit eft obfervé , & qui
ne font pas entierement conformes aux difpofitions
des Loix Romaines fur lesdites fucceffions
: Voulons que lefdites Coûtumes ou
lefdits Statuts foient fuivis & executez , ainfi
qu'ils l'étoient avant notre préfent Edit.
III.
Dans tous les Pays de notre Royaume où
l'Edit de Saint- Maur a été oblervé en tout
ou en partie , les Succeffions ouvertes avant
la publication de notre prefent Edit , foit
qu'il y ait des conteftations formées pour
raifon d'icelles , ou qu'il n'y en ait point ,
feront déferées , partagées & reglées , ainfi
qu'elles l'étoient auparavant , & fuivant les
difpofitions de l'Edit de Saint- Maur , & la
Jurifprudence établie dans nos Cours fur l'execution
de cet Edit.
IV.
Les Arrêts rendus fur des differends nez à
l'occafion des Succeffions échuës avant la
publication du préfent Edit , enfemble les
Sentences qui auroient paflé en force de
chofe jugée , & pareillement les Tranfactions
ou
194 MERCURE DE FRANCE .
ou autres Actes équivalens , par lefquels
léfdites conteftations auroient été terminées ,
fubfifteront en leur entier , & feront execu-·
téz felon leur forme & teneur , fans que ceux
même qui prétendroient être encore dans le
tems , & en état de fe pourvoir contre lefdits
Arrêts , Jugemens , Tranfactions & autres
Actes femblables , puiffent être reçûs à:
les attaquer , fous pretexte de la revocation
de l'Edi de Saint- Maur . Déclarons néanmoins
que par la préfente difpofition , nous
n'entendons préjudicier aux autres moyens
de droit qu'ils pourroient avoir & être re
cevables à propofer contre lefdits Arrêts 9
Jugemens , Tranſactions & autres Actes de
pareille nature , fur lefquels moyens , enfemble
fur les deffenfes des Parties contraires
it fera ftatué par les Juges qui en devront
connoître , ainfi qu'il appartiendra , & comme
ils l'auroient pu faire avant notre préfent
Edit.
LETTRES PATENTES , qui accordent à
PHôpital des Cent Filles Orphelines de la Mifericorde
, établi à Paris , le Droit & Privilege
de Committimus du grand Sceau. Données à
Verſailles au mois d'Août 1729. Registrées en´
Parlement le 300-
ARREST du 3. Septembre , & Lettres
Patentes fur icelui , concernant les Officiers
des Chancelleries pès les Cours , Créez avant
le mois d'Avril 1672 Regiftrées ès Regiftres
de l'Audience de la grande Chancellerie de
France le 26 du mois de Septembre 1729 , &
au Grand- Confeil le 28. des mêmes mois &
30.
AU
JANVIER. 17307 195
O
оп
esta
AVA
US
3S
3
AUTRE , du 12. Septembre , qui ordonne
qu'à commencer au premier Janvier prochain '
il fera appliqué aux Draps , Serges , & autres
Etoffes de Draperie ou Sergerie , qui feront
portées dans les Bureaux de fabrique & de
Controlle , un plomb happé d'un pouce dediamettre
, fur l'un des côtez duquel ferone
gravées les Armes de Sa Majefté , & fur l'au
tre l'année & le nom du lieu où les Etoffes
auront été fabriquees , ou celui de la Ville ou
elles doivent recevoir le plomb de Controlle. -
7.
AUTRE du même jour , portant Reglement
pour les Toiles Baptiftes & Linons , qui
fe fabriquent dans les Provinces de Picardie ,
d'Artois , du Hainault , de la Flandre Fran- ¨
soife , & du Cambrefis.
DECLARATION du Roy , concernant les
Graces accordées aux Prifonniers , à l'occafion é
de la Naillance du Dauphin . Donnée à Verfailles
, le 22 Octobre 1729 Regiſtrée en Parlement
le 25 Octobre.
Louis , par la grace de Dieu , & c. Après
avoir fait examiner ce qui s'étoit paflé tous les
Regnes desRois nos prédece fleurs , pour fignaler
leur joye à l'occafion de leurs Sacres , der
leurs Mariages , & d'un évenement auffi important
que celui de la Naifiance d'un Dau→
phin , Nous avons reconnu qu'ils ont crû que
la meilleure maniere de témoigner la reconnoiffance
qu'ils avoient , d'une marque fi vi
fible de la protection du Ciel , étoit de faire
éclater leur clemence en faveur des Prisonniers
que la nature de leurs crimes ne rendoient pas
indignes de la grace qu'ils demandoient à
Poccafion d'un fi heureux évenement; & vou
lante
1
196 MERCURE DE FRANCE.
lant fuivre un exemple que notre inclination
bien faifante nous porteroit à donner , s'il n'y
en avoit point eu jufqu'à préfent , Nous nous
fommes fait rendre compte,fuivant l'ufagetordinaire
en notre Confeil , par notre Coufin le
Cardinal de Rohan , Grand- Aumonier de France
, de l'examen qu'il a fait avec les Sieurs
Roüillé , le Fevre de Caumartin , le Pelletier
de Beaupré , le Nain , Pallu , Dagueffeau de
Freine , Trudaine , & Chauvelin Maîtres des
Requêtes de notre Hôtel , des Prifonniers qui
font actuellement detenus pour crimes dans les
Prifons de notre bonne Ville de Paris , & de
la qualité des cas dont ils font accufez , &
Nous avons fait dreffer un état attaché fous le
Contre- Scel des Prefentes , de tous ceux qui
Nous ont paru pouvoir participer aux Graces
que Nous avons réfolu d'accorder en cette
occafion ; & comme Nous défirons , fuivant
ce qui s'et pratiqué en pareil cas , qu'ils jouiffent
dès à préfent des effets de notre bonté ,
fans les difpenfer neanmoins des regles établies
par nos Ordonnances à l'égard de ceux
qui obtiennent des Lettres de remiffion , Nous
avons jugé à propos de faire connoître nos
intentions dans une conjoncture , où les motifs
qui Nous portent à la clemence , ne doivent
pas Nous faire oublier ce que Nous devons
à la Juſtice. A CES CAUSES, &c. Nous
ordonnons , voulons & Nous plaît que tous
les Prifonniers contenus dans l'état attaché
fous le Contre- Scel des Préfentes , fignées de
notre main , & contre-fignées par un de nos
Secretaires & de nos Commandemens , foient
inceffamment délivrez & mis hors des Prifons
, à l'effet de quoi nos prefentes Lettres
Patentes & le Rolle qui y eft attaché , feront
remifes
JANVIER. 1730. 197
Nous
mo
remifes entre les mains de notre Grand- Aumonier.
Enjoignons aux Concierges & Greffiers
des Priſons , de mettre lefdits Prifonniers
en liberté , & ce conformément aux Prefentes ;
quoi faifant , ils en demeureront bien & valablement
déchargez ; le tout à la charge par
lefdits Prifonniers d'obtenir nós Lettres de
rémiffion ou pardon en la forme accoûtumée ,
& ce dans trois mois , à compter du jour
de l'enregistrement des Prefentes , pour être .
lorfqu'ils fe feront remis en état , procedé à
l'entherinement defdites Lettres , fuivant les
regles & les formes ordinaires , ainfi qu'il
appartiendra ; & faute par eux d'avoir obtenu
lefdites Lettres dans ledit tems de trois mois
& icelui paffé , Nous les avons declarez &
les declarons déchûs de l'effet & benefice des
prefentes ; Voulons qu'à la requête des Parties
civiles ou de nos Procureurs Generaux
& leurs Subftituts , ils puiffent être arrêtez &
reintégrez dans lefdites Prifons , pour être
leur Procès fait & parfait & jugé fuivant la
rigueur de nos Ordonnances.
ORDONNANCE du Roy , portant Amniftie
generale en faveur des Déferteurs des
Troupes de Sa Majefté. Du 17. Janvier 1730.
usd dont voici la teneur.
No
ttack
Tees
de
Lover
.
SA MAJESTE' ayant voulu marquer
eto pat tous les moyens qui font en fon pouvoir
la reconnoiffance qu'Elle a de la nouvelle grace
que Dieu vient de faire à ce Royaume par la
naiffance d'un Dauphin : Elle a crû devoir , à
l'exemple de fes prédeceffeurs , faire des actions
de clemence , & donner fes ordres pour que les
prifons fuffent ouvertes à un grand nombre de
ceux qui y étoient détenus . Quoique laDéferesP
Let
Fener
ems
tion
198 MERCURE DE FRANCE .
tion foit de l'efpece des crimes qui doivent être“
le moins pardonnez , puifque l'Etat eft intereffe
à la punition de ceux qui manquent aux enga
gemens qu'ils avoient pris pour fa deffenfe: Sa
Majefté n'a pû neanmoins , dans ce temps de
benediction & d'allegreffe , être infenfible aux
gemiffemens & aux inftances d'un nombre confiderable
de fes Sujets , qui répandus dans les
Etats voifins , fouffrent depuis plufieurs années
toute la rigueur d'une extrême mifere : Et Elle
s'eft déterminée d'autant plus volontiers à leur
faire grace , qu'ayant fatisfait aux engagemens
anticipez qu'Elle avoit pris à l'occafion de fon
Sacre & de fa Majorité , par fes Ordonnances
des 20. Juin 1719. & 3. Aoult 1722. de ne leur
accorder aucun pardon, Elle fe trouve libre, par
rapport à la naiflance d'un Dauphin ; & que
d'ailleurs Elle a lieu d'efperer que les témoignages
qu'ils rendront à leur retour , de tout
ce qu'ils ont enduré pendant qu'ils ont été éloignez
de leur patrie & les nouvelles mefures
que Sa Majefté a jugé à propos de prendre
pour ôter à l'avenir aux Déferteurs l'efperance
de pouvoir retourner chez eux , calmeront l'efprit
d'inquiétude & de légereté , qui peut feul´
exciter l'envie de déferter dans ceux qui n'ont
pas affez d'experience pour en prévoir les
fuites.
ARTICLE PREMIER.´
Par ces confiderations , Sa Majefté a quitté
remis & pardonné ; quitte , remet & pardonne
le crime de Défertion cominis par les Soldats
Cavaliers & Dragons de fes Troupes , tang
Françoifes qu'Etrangeres , y compris les Milices,
avant le jour de la date de la prefente Or--
donnance ; foit que lefdits Soldats , Cavaliers
Qu Dragons ayent paffé d'une Compagnie dans
une
JANIVER. 1730. 199
teOt
น
Pel
COP
une autre , qu'ils fe foient retirez dans les Provinces
du Royaume , ou qu'ils en foient fortis
pour aller dans le Pais Etranger ; deffendant Sa
Majefté à tous Officiers & autres fes Sujets , de
les inquieter pour raifon dudit crime de Défertion
, ni de les obliger fous quelque prétexte
que ce puiffe être à rentrer dans les Compagnies
dont ils auront déferté , fans que la prefente
Amniſtie puiffe s'étendre à ceux qui fe
trouveront avoir déferté depuis ledit jour de
la date de la Préfente , qui déferteront cy après,
ou qui fe trouveront actuellement condamnez
par jugement du Confeil de guerres & à condition
pour ceux deldits Déserteurs qui font en
Pais Etranger , de revenir dans l'efpace d'un
an , à compter dudit jour , dans les Terres de
lá domination de Sa Majefté , de fe reprefenter
devant le Gouverneur ou Commandant de la
premiere Place des frontieres par laquelle ils
pafferont à leur retour , & de prendre de luiun
Certificat dans lequel feront énoncez le jour
de leur arrivée dans le dites Places , & le lieu
de la Province où ils voudront fe retirer , a
peine d'étre déchus de la prefente Amnistie 3-
déclarant Sa Majefté qu'elle fera la derniere
qu'Elle accordera pour crime de Deſertion.
II.
N'entend Sa Majefté que les Soldats , Cavas
liers & Dragons , qui font actuellement abfens
de leurs Régimens ou Compagnies , fur des
Congez limitez puiffent fe difpenfer de les re->
joindre à l'expiration defdits Congez , fous
prétexte de la préfente Amniftie , à peine auxcontrevenans
d'être punis , ainfi qu'il fera cyaprès
expliqué , fuivant la rigueur de fon Ordonnance
du 2. Juillet 1716. qu'Elle veut êtrer
à l'avenir ponctuellement exécutée dans tous !
less
200 MERCURE DE FRANCE .
les points aufquels il n'eft pas dérogé par
prefente .
L
III.
Quitte & remet pareillement Sa Majefté aux
Soldats , Cavaliers & Dragons de fes Troupes,
qui dans la vûë de déferter, ou par quelqu'autre
raifon que ce puiffe être , ont donné un faux
fignalement lors de leurs engagemens , la peine
des Galeres perpetuelles qu'ils ont encourue
fuivant la difpofition de ladite Ordonnance du
2. Juillet 1716. à condition que dans le terme
de quinze jours , à compter de celui que la prefente
Ordonnance aura été publiée à la tête de
leurs Regimens ou Compagnies , le Soldat
Cavalier ou Dragon qui fera dans ce cas , ira
déclarer fon vrai nom & le lieu de fa naiſſance
au Capitaine , ou en fon abfence , au Lieute
hant de la Compagnie en laquelle il fera enro
lé , lequel aura foin de faire corriger le fignalement
dudit Soldat fur le Regiftre du Regi
ment ou de la Compagnie , fans que ladite grace
puiffe être appliquée à ceux qui donneront
un faux fignalement pofterieurement à la date
de la prefente.
IV.
Ordonne Sa Majefté aux Commiffaires ordinaires
de fes Guerres , de faire à leurs premieres
revûës , l'appel des Soldats , Cavaliers &
Dragons des Troupes dont ils ont la police, &
d'en dreffer un état , Compagnie par Compagnie
, contenant leurs noms & furnoms , ainfi
que le lieu de leur naiffance, défigné de maniere
qu'on puiffe le connoître ; lefquels Etats ils
enverront au Secretaire d'Etat de la Guerre ,
pour en être la vérification faite dans les Provinces
, lorfque befoin fera , par les Officiers
des Maréchauffées.
JANVIER. 1730. 201
V.
Lorfqu'un Soldat , Cavalier ou Dragon de
fes Troupes, s'abfentera de fa Compagnie , fans
'Congé de fes Officiers veut Sa Majefté que
huit jours après celui de fon départ , s'il n'eft
point arrêté , fon procès lui foit fait par contumace
, par les Ordres du Commandant du
Corps , fi c'eft dans les Villes ou Quartiers de
l'interieur du Royaume, ou par ceux des Com-
'mandans des Places , fi c'eft fur les Frontieres ,
& qu'il foit condamné par contumace , par Jugement
du Confeil de Guerre , aux peines de
POrdonnance du 2. Juillet 1716. fans autre
formalité que la dépofition & le recollement
de deux témoins , qui déclareront avoir connoiffance
de fon enrôlement ou de fon fervice
dans les Troupes.
V I.
Les Jugemens ainfi rendus feront adreffez au
Secretaire d'Etat de la Guerre, au lieu des fimples
dénonciations qui lui étoient cy-devant
envoyées , & feront enfuite affichez fur les ordres
qu'il en adreffera aux Prevôts des Maréchaunées
, dans la place ou lieu principal des
Villes, Bourgs ou Villages d'où feront les condamnez
, lefquels du jour de cette affiche feront
réputez morts civilement .
VII.
Al'égard des Soldats, Cavaliers ou Dragons
actuellement abfens par Congez limitez ou qui
en obtiendront par la fuite , où de ceux qui feront
enrôlez dans les Provinces avec permiffion
d'y refter pendant un temps limité , s'ils ne
rejoignent pas leurs Compagnies à l'expiration
defdits Congez ou permiffions , les Majors ou
autres Officiers chargez du détail des Corps
en donneront avis aŭ Secrétaire d'Etat de la
Guerre
262 MERCURE
DE FRANCE.
Guerre , qui adreffera les ordres de Sa Majefté
aux Prevôts des Maréchaux , pour les fommer
de rejoindre s'ils fe trouvent dans les Provinces
, ou pour en faire des perquifitions s'ils en
ont'difparu : Enjoint Sa Majefté aufdits Prevôts
de dreffer des Procès verbaux defdites fommations
ou perquifitions , & de les adreffer ponctuellement
au Secretaire d'Etat de la Guerre ,
pour être par lui envoyez aux Regimens ou
Compagnies dans lefquels les Soldats ainfi
avertis feront engagez ; l'intention de Sa Majefté
étant que faute par eux de s'y rendre dans
le terme de trois mois , à compter du jour de
la date defdits Procès verbaux , ceux qui après
avoir fervi à leurs Compagnies s'en feront abfentez
fur des Congez , foient condamnez par
contumace comme Déferteurs , par jugement
du Confeil de Guerre , fur le vû defdits Procès
verbaux , & fur les dépofitions & recollemens
de deux témoins, conformement à l'article V.de
la prefente Ordonnance ; & que ceux qui s'étant
engagez dans les Provinces ne fe feront pas
encore rendus à leurs Compagnies , foient pareillement
condamnez fur le vû defdits Procès
verbaux , & fur la reprefentation de l'engagement
figné d'eux ou de deux témoins.
VII.
Lorfque les Déferteurs ainfi condamnez par
contumace viendront à fe reprefenter ou à être
arrêtez , le jugement de contumace demeurera
nul , & leur Procès fera de nouveau inftruit &
jugé en dernier reffort par le Confeil de Guerse
en la forme accoûtumée , & c.
TABLE.
TABLE .
Avertiſſement
important
Pieces Fugitives en Vers & en Profe , Ode ,
Extraitd'un Memoire fur les Eaux de Bourbon,9
Lettre en Vers , & c.
24
Remarques fur les Principes du Droit François
fur les Fiefs ,
Vers au Chevalier Coynart ,
Réjouiffances à Dijon ,
A Sedan ,
35
47
49
75
Voeu Royal pour la Naiffance du Dauphin , 81
Lettre fur les Enigmes pillées , &c.
Explications du Logogryphe , &c.
Enigme & Logogryphe ,
9,2
93
95
NOUVELLES LITTERAIRES , des Beaux Arts ,
& c , 97
98
Addition au Traité d'Accompagnement & de
Compofition , & c.
Nouvelles Poëfies Spirituelles & Morales notées
, & c.
Nouvelle Traduction de Salufte ,
99
103
Cours des Sciences , fur des principes nouveaux
, & c.
L'Univers Materiel , ou Aftronomie Phyfique,
105
109
110
Nouvelle Hiftoire de France , par demandes &
par réponſes ,
Defcription de la Fête des Ambaffadeurs d'Efpagne
,
Poefies Spirituelles & Morales fur les plus
beaux Airs de la Mufique Françoife & Italienne
,
Epitaphe du Cardinal de Noailles ,
III
114
121
Jettons frappez au premier Janvier 1730, 125.
Chanfon notée , 127
Spectacles. Ino & Melicerte , Extrait , Ibid.
La Dile Dangeville la jeune , fon début , 143
Décoration du Temple de Minerve à l'Opera,
146
Nouvelles du Temps , de Perfe , d'Affrique ,
&c. IsI
Fête du Comte de Carteja , donnée en Suede ,
Nouvelles d'Allemagne & d'Italie ,
Réjouiffances faites à Malthe ,
Iss
158
159
170
Nouvelles d'Espagne & d'Angleterre , 168
Morts & Mariages des Pays Etrangers ,
France , Nouvelles , & c. Couplets de Chanfon
,
Morts , Naiffances & Mariages ,
Arrêts , Déclarations , &c.
Errata du 2. volume de Decembre.
PAS
176
182
188
Age 2299. ligne 11. Orationes , lifez Oratio.
Ibid. 1. penultiéme , Choris , 1. Chorus .
P. 3156. 1. 12. S, Favin , I1,, S. Savin.
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge 73. ligne 23. d'après , liſex diaprès;
P. 96. 1. 11. des , l. les .
P. 97.1, 6.. les trois , l. ces trois.
P. 102. 1. II. Virone , . Verone.
Les Jettons doivent regarder la page
Air notté, la page
825
137
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV
ROY.
FEVRIER 1730.
QUE
COLLIGIT
STARGIT
Chez
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER , muë
S.Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSÓT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la ruë de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais,
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. X X X.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
AVIS.
L'A
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU ,
Commis au Mercure , vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inſtamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
་
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries
qu'on lui indiquera.
PRIX XXX SOLS .
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
FEVRIER. 1730.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
PIECES FUGITIVES ,
en Profe & en Vers.
ECLAIRCISSEMENS.
Sur le lieu où furent données deux Batailles
en France , les années 596. &
600. & fur un ancien Palais de nos
Rois de la premiere Race , duquel
perfonne jufqu'ici n'a affigné la fituation.
Par M. le Beuf , Sous- Chantre
Chanoine de l'Eglife d'Auxerre.
L
>
E Journal de Verdun du mois
de Mars dernier nous a communiqué
une Remarque faite
par un habile homme , touchant l'en-
A ij droit
206 MERCURE DE FRANCE:
droit où fut donnée une Bataille l'an 596.
ou 597. entre les Troupes de Clotaire
II. Roi de Soiffons & de Paris , fils de
la Reine Fredegonde , d'une part , & les
Troupes de Theodebert II . Roi d'Auftrafie
, jointes à celles de Thierry II . Roi
d'Orleans & de Bourgogne. Ce lieu fe
trouve appellé Latofao dans les Imprimés
de la Chronique , connuë fous le
nom de Fredegaire, M. Maillard , Avo
cat , Auteur de la Remarque du Journal
, obſerve que le Pere Daniel dit qu'on
ne connoît plus ce lieu ; mais que le
Pere Ruinart a marqué dans fes Notes
fur Fredegaire que felon quelques uns
ce Latofao eft dans le Dioceſe de Sens.
Cette défignation genérale ne fatisfait
point le Lecteur. On aime à voir les
chofes indiquées plus particulierement .
C'eft ce que tache de faire M. Maillard,
en produifant un garant pour la fitua
tion de ce lieu dans le Dioceſe de Sens.
Le garant qu'il croit fuffifant eft l'Hiftoire
du Gâtinois , écrite il y a cent ans
par Morin , Grand-Prieur de Ferrieres.
C'est un Ouvrage où , à la verité , il y
a quelque chofe à apprendre ; mais en
prenant les précautions neceffaires ,
c'est - à- dire , en verifiant la plupart des
chofes qu'il avance , il y a lieu de fe
defier de tout ce qu'il produit , fans
eu
FEVRIER . 1730. 207
en apporter la preuve ; & je ne vois
pas qu'on puiffe fonder fur fon fimple
témoignage un fait auffi ancien qu'eft
celui en queftion . Cet Hiftorien eft fi
peu exact , & fi rempli de fautes , que
dès le premier mot du Chapitre où il
parle de ce Latofao , il dit que Moret
& Doromel font la même chofe felon
Aimoin , ce qui eft doublement faux ,
puifqu'Aimoin ne parle aucunement de
Moret , lib. 3. c. 88. & que Dormeil ,
loin d'être Moret , en eft éloigné de
trois lieuës ou environ . Le PereLe Cointe
ne
dit auffi à l'an 596. num . 4. que quelques
nouveaux Auteurs placent ce Latofao
dans le Dioceſe de Sens . Il ne les
eite point par leur nom , & on
connoît que Morin qui ait avancé cette
opinion. C'est lui apparemment que le
Pere Le Cointe a en vuë. Mais avec un
peu d'attention , on s'apperçoit ailément
que ce qui a conduit Morin dans le fentiment
qu'il embraffe fur la Bataille de
Latofao , eft que Dormeil , où il s'en
donna quatre ans après une feconde
eft fitué dans le Diocèfe de Sens , &
peu éloigné de Moret. Pour moi , je
fuis d'un fentiment bien oppofé au fien;
je prétends que les Places où fe donnerent
ces deux Batailles ne font point
fi voisines ; & que comme l'iffuë en fut
A iij diffe
258 MERCURE DE FRANCE:
differente ,› le terrain en fur auffi forr
different. Dans celle de Latofao de l'an
596. c'eft Clotaire qui paroît aggreffeur
& qui vient fondre fur les Armées de
Theodebert & de Thierry , qu'il taille
en pieces . Dans celle de Dormeil , ce
font Theodebert & Thierry qui venant
à leur tour contre Clotaire , lui rendirent
la pareille , & mirent toute fon
Armée en déroute. Il paroît plus naturel
que la premiere Bataille fe foit donnée
fur un terrain appartenant à Theodebert
ou à Thierry , de même que la
feconde fut donnée vrai - femblablement
dans un lieu des Etats de Clotaire. II.
ne faut point s'aftreindre tellement aux
noms marqués dans les imprimés de la
Chronique de Fredegaire , qu'on ne
puiffe avouer que quelquefois ces noms
ont été mal écrits par les Copiftes. Que
penfer de certains noms propres dont il
eft fait mention dans cet Ecrivain , lorfque
l'on voit que dès le titre de fá Chronique
, qui étoit intitulée : Extrait de
Hiftoire de S. Gregoire de Tours , du
mot Greg , les Copiſtes les plus anciens
avoient fait Graec , & de Turonici , ils
avoient fait Thoromachi ? Le Pere Ruinart
fait cette Obfervation dans fon excellente
Préface , num. 137. Aidons un
peu à la lettre , & voyons fi dans la même
FEVRIER. 1730. 209
}
me Chronique ou dans fes Continuateurs
, il n'y a pas encore d'autre Bataille
donnée dans un lieu d'un nom approchant.
Je découvre par le moyen des
fçavantes Notes du P. Ruinart , que
l'endroit où le fecond Continuateur marque
une Bataille donnée en 680. & que
les imprimés appellent mal Locofico ;
eft nommé dans les manufcrits Locofao
ou Lufao , & autrement Lucofaco Lus
cofagos je le trouve auffi appellé Lucofao
dans l'Hiftoire d'Aimoin . Comme le
Manufcrit des Continuateurs de la Chronique
, & celui du premier Auteur n'ont
pas toujours paffé par les mêmes mains,
il ne faut pas s'étonner de la petite difference
qui fe trouve entre Latofao &
Lacofao. Mais je croirois volontiers que
c'eft un feul & même endroit ; il s'agit
d'abord de fixer fa fituation . Dom Thierry
Ruinart dit que Monfieur Valois n'a pas
connu cet endroit , mais que ce pour
roit être Loixi en Lannois ; il ajoûte
enfuite , que cependant il paroîtra à
d'autres affez vrai- femblable , que ce lieu
eft celui dont parle l'Hiftoire des Evêques
d'Auxerre , & qu'elle dit être fitué
dans le Pays de Toul. Cette Hiftoire
écrite fous le Regne de Charles le Chauve
, rapporte que Hainmar , Evêque
d'Auxerre vers l'an 765. ayant été cons
A iiij duit
210 MERCURE DE FRANCE:
duit ordre du Roi fur de faux rap
par
ports à Bastognes , dans la Forêt des
Ardennes , fut adroitement tiré de cette
prifon par un de fes neveux ; & que
comme il le fauvoit à cheval , il fut furpris
& arrêté à Lufaüs , dans le Pays de
Toul , où les ennemis en firent un Martyr.
Adverfarii infequentes in loco qui
Lufaus dicitur , in Pago Tullenfi , eum
confecuti funt &c. Il femble qu'il ne faut
point chercher ailleurs ce Lufaüs que
dans le Diocèfe de Toul ; ainfi c'eft infailliblement
ce qu'on appelle aujourd'hui
Lifou. Il y a Lifou le grand & Lifou
le petit , qui font deux Villages contigus
, à fix ou fept lieues de Joinville ,
vers l'Orient , tous les deux dans le Diocefe
de Toul , & dans l'ancienne Auftrafie.
Le nom de Lifoldium , que le
P. Benoit , Capucin , leur donne dans fon
nouveau Pouiller de Toul , ne m'arrête
aucunement parceque j'ai connu que
dans beaucoup d'articles , il a latinifé les
noms fur le François , & que lorfque la
terminaifon d'un nom étoit fufceptible
de deux differentes inflexions Latines ,
il a fouvent pris la moins fondée dans
l'antiquité , & a laiffé l'autre qui-lui étoit
inconnue. Telle eft la derniere fyllabe
du nom Lifou ou Lufou , laquelle n'a
pas
été formée de l'Allemand Fold , mais
>
du
FEVRIER . 1730. 211
"
du Latin Fagus . A l'égard de la premiere
fyllabe , il eft plus probable qu'elle vient
du mot Lucus que d'aucun autre , & je
me perfuade que quiconque eft au fait
de la formation des noms propres des
lieux ne fera aucunement furpris que
de Lucofagus , on ait fait Lifou , qui
auparavant étoit écrit & prononcé Lucfoug
, foit que ce mot vienne de Lencorum
Fagus , ou de Lucus Fagorum. Je
laiffe au Lecteur à juger fi Lifou , qui a
plutôt été le Theatre de la Guerre de
L'an 680. qu'aucun autre lieu , n'eft pas
auffi l'endroit de la Bataille de l'an $ 96.
puifqu'il étoit dans les Etats de Theodebert
, où il eft plus vrai femblable que
Clotaire envoya fes Troupes , que non
pas dans fes propres Etats , à 15. Ou
16. lieues de Paris. On pourroit m'objecter,
que quand même il fe feroit donné
une Bataille à Lifou en l'an 680. il ne
s'enfuivroit pas delà qu'il s'y en foit auffi
donné une en 596. Quinferer l'un de
l'autre , c'eft retomber dans le deffaut
de raifonnement que je blâme dans Morin.
Mais la difference qu'il y a , eft que
Latofao & Lucofao , ou par abregé Lufao
, fe reffemblent fi fort , qu'à moins
qu on ne trouve un lieu veritablement
nommé Latofan , different de Lifou , on
eft toujours bien fondé à croire que c'eft
A v
le
212 MERCURE DE FRANCE .
le même . M. Maillard avoue qu'on ne
connoît point de lieu appellé Latofao ,
où Morin dit qu'il y en a un . Il ne produit
non plus aucun titre , ni aucune
Hiftoire qui donne ce nom à aucun endroit
voifin de Dormeil & de Moret ;:
d'où je conclus qne fa Remarque eft
trop foiblement appuyée pour qu'on
puiffe y avoir égard , & que fi Latofaon'eft
pas Lifou , il faut continuer à avouer
avec le Pere Daniel qu'on ne connoît
plus ce Latofao.
Comme cette Obfervation tend à ôter
au Dioceſe de Sens un endroit mémorable
que M. Maillard a effayé de lui attribuer
, je fuis bien aife de lui affigner
en dédommagement un autre lieu plus
celebre , & qui mériteroit d'être regardé
avec diftinction par les Hiftoriographes
de France . C'eft le lieu que nos
anciennes Chroniques , nos Annales &
certaines Chartes appellent Maffolacum ,
Muflacum , Manfolagum. J'en ai déja
touché quelque chofe dans une Note qui
eft au bas de la page 87 du Mercure
de Janvier 1725. Mais comme il n'y a
gueres que les curieux & les perfonnes.
tudieufes qui lifent ce qui eft au bas des
pages , j'ai crû devoir m'étendre un peu
plus fur ce point Topographique. Le
fujet eft d'autant plus digne d'attention
que
FEVRIER. 1730. 213
que le Pere Mabillon avoue dans fon quatriéme
Livre de la Diplomatique , qu'il
n'a pû découvrir quel lieu eft ce Mafolacum
, & que le P. Ruinart en publiant
Fredegaire , déclare qu'il ne le connoît
pas davantage. Ignotus mihi Manfolaci
fitus , dit le Pere Mabillon. Hujus Ville
fitus ignotus eft , dit le Pere Ruinart.
Cet endroit n'étant pas un fimple Village
du commun , mais une terre dif
tinguée par un Palais Royal , ne doir
pas être non plus , par conféquent , de
ceux qui peuvent refter dans l'obfcurité.
Les Antiquaires qui aiment à fuivre la
marche de nos Rois ne peuvent regarder
comme indifferens dans la Géographie
les lieux où ils fe retiroient quelquefois,
foit pour y prendre le divertiffement de
la chaffe , foit pour y tenir leurs Etats ,
ou y faire quelqu'autre action éclatante .
Maffolacum eft dans ce cas . Ce fut là
que Clotaire II. fit comparoître l'an 613.
devant lui le Patrice Alethée , lequel
n'ayant pû fe purger des crimes dont il
étoit acculé , fut condamné à perir par
le glaive. Dagobert I. étant mort , ce
fut auffi à Maffolac que les Seigneurs de
Neuftrie & de Bourgogne s'affemblerent
pour proclamer Roi , fon fils Clovis.
Ces faits font affectés par Fredegaire ,
Auteur du tems , & depuis par Aimoin.
Mais
A vj
214 MERCURE DE FRANCE:
Mais où étoit fitué ce Maffolac ? & com
ment l'appelle-t'on aujourd'hui ? C'eft
fur quoi je me fuis déja déclaré en 1725
en marquant que c'eft Maflay , à une
lieuë de Sens. Dom Jean Mabillon dit.
que ce Maffolac a du être certainement
un Palais Royal du Royaume de Bourgogne
avant le Regne de Clotaire II.
Regni Burgundici Palatium fuiffe conftat.
Il le dit fans affigner le lieu où il étoit
fitué; mais le voisinage de Sens fuffit pour
décider que ce Palais étoit du même
Royaume que Sens ; & quoique je ne
Veuille pas contredire ouvertement le
fçavant Pere Mabillon , je ne crois pas
qu'après la refolution prife par le Roi
Clotaire d'entendre les Chefs d'accufa
tion contre un Patrice de Bourgogne ,
il fut neceffaire pour cela que l'Affemblée
le tint dans un Palais du Royaume
de Bourgogne , quoique ce Roi en
fut devenu le Maître. On voit que trois
ans après , ce même Roi fit venir tous
les Evêques & Seigneurs de Bourgogne
au Palais de Boneuil proche Paris , qui
conftament n'a jamais été du Royaume
de Bourgogne. Il fuffifoit donc que co
fut un lieu fur les limites des Royaumesde
Neuftrie & de Bourgogne , comme
en effet ce fut là que les premiers de.
ces deux Royaumes éleverent l'an 637-
FEVRIER. 1730. 215
>
la Royauté Clovis , fils de Dagobert.
Or que ce fut dans le voisinage de Sens,
nous en avons une bonne preuve dans
un acte produit par le Pere Mabillon ,
Sec. 3. Benedi& . part. 2. p . 614. on y
lit qu'Emmon , Archevêque de Sens
fervant de la préſence d'un grand nombre
d'Evêques affemblés en ce lieu l'an
657. leur fit figner un Privilege concernant
l'Abbaye de Saint - Pierre le Vif;:
il est daté Manfolaco Curte Dominica ,
Il étoit affez naturel à un Archevêque
de faifir cette occafion , ayant le Roi &
les Evéques fi proches de lui . On peut
dire que c'étoit comme le Fontainebleau:
de ce fiecle-là ; les Rois de France y venoient
de tems en tems , & la Cour y
étant , il étoit neceffaire que les Prélats
qui avoient des affaires d'importance à
regler , s'y tranfportaffent. Clotaire III .
y étoit la troifiéme année de fon Regne.
felon l'Acte ci deflus cité. Il y vint encore
la huitième année , & c'eft de là
que fut daté un Diplome de confirmation
de la terre de Larrey à l'Abbaye de Saint
Benigne de Dijon qu'on trouve dans Pe
rard à l'an 627. mais qui doit être placé
à l'an 660. comme l'a fait remarquer
le Pere Mabillon. Datum Mafolago in
Palatio noftro. Si depuis ce tems là on
ne trouve plus de mention du Palais de
Mallay
216 MERCURE DE FRANCE.
Maffay , c'est qu'il fut peut- être détruit
par les guerres des Sarrazins au fiecle
fuivant. Mais le nom de fa premiere
deftination lui eft roujours refté , puifque
des deux Malay contigus , il y en
a un qui eft appellé Maflay- le - Roy , ce
qui marque , comme dit le Privilege de
PArchevêque Emmon , un Territoire:
Royal, Curtem Dominicam. Ces deux endroits
font à l'Orient d'hyver de la Ville
de Sens , fur la Riviere de Vanne' , &
peu éloignés de la Forêt d'Othe qui
étoit alors fort vafte , & qui l'eft encore
affez. J'ai trouvé aux marges d'un Martyrologe
de la Cathédrale de Sens , écrit
au dixiéme fiécle , quelques additions de
perfonnes notables décedées dans le même
fiecle & entr'autres une Hermengarde
, Dame de Malay. XVII . Kal.
Junii , obiit Hermengardis de Mafiaco
Domina , anno Domini D. C C CC LV.
Ces additions font au plus tard d'une
écriture du XI . fiecle. L'original eft dans
la Bibliotheque de Saint - Benoît fur Loire.
Il y a apparence que les deux Maflay
étoient originairement une feule & même
terre , dont les guerres ont fait faire
des partages , enforte que l'un des Maflay
s'eft appellé le Grand - Malay , &
l'autre le petit Maflay . Je ne fçai pourquoi
ce dernier eft celui qu'on appelle
"'
autre
FEVRIER. 1730 217
:
autrement Maflay - le - Roy , ni pourquoi
celui qu'on furnomme le petit eft échu
au Roi. Il arrive quelquefois que ce qui
eft plus petir , quant au nombre des
Feux & des Habitans , eft d'un plus
grand produit pour le revenu à caufe
des dépendances. Quoiqu'il en foit , le
grand Maflay eft nommé dans un Hiftorien
de Sens , contemporain du Roy
Robert C'eft Odoran , Moine de Saint
Pierre le Vif. Son Ouvrage feroit peutêtre
refté jufqu'ici dans l'obfcurité , fi ce
n'étoit que M. Jean Baptifte Oudinet
Prieur de l'Abbaye de Saint Mariende
notre Ville , fe fit un plaifir de
le communiquer à Dom Mabillon . I
renferme plufieurs particularitez qui ne
font pas indifferentes à l'Hiftoire du
Roi Robert , & que je tais parce qu'elles
ne font rien à mon fujet . On peut les
voir au fecond volume du VI fiecle Benedictin
. Cet Ecrivain rapportant dans
fon 22. Chapitre , la punition d'un hom--
me qui fit un faux ferment dans l'Eglifer
de S. Savinien , proche Sens , dit que cet
homme étoit nomine Rothberthus in vicina
ortus villa , cui nomen Mafliacus · Major
dedit antiquitas. Le Moine Clarius , de
la même Abbaye de S. Pierre le vif , qui
vivoit cent ans après Odoran , rapportant
dans fa Chronique , imprimée au 11. Toinc
118 MERCURE DE FRANCE .
me du Specilege , les violences qu'on employa
l'an 1032. pour obliger les Senonois
de recevoir Gelduin , que le Roi
Henry I. leur avoit donné pour Evêque
dit que ce Roi fe tranfporta en perfonne
fur les lieux ; qu'il vint affieger la Ville de
Sens, & que ce fut au Grand- Maſlay qu'il
fit camper fon armée : Rex copiofum exercitum
applicuit ; & in villa qua Mafliacus
Major dicitur caftra pofuit. Ces trois témoignages
prouvent que dans le X. XI. &
XII, fiecles on difoit encore dans le pays
Mafliacus , qui étoit une expreffion moins
éloignée de Majolacus . Mais dans les fiecles
fuivans on commença à corrompre
ce mot de plus en plus. Je trouve dans
un Manufcrit de la Bibliotheque de la Cathédrale
de Sens , qui eft du XIII . fiecle,
qu'il eft fait mention en ces termes du
Maire de Maflay -le-Vicomte & de l'E
glife de Maflay - le - Roy : Majori de Maf
leio-Vicecomitis ...& Ecclefia de Mafleio
Regis. Au refte il ne doit pas paroître furprenant
que l'on ait corrompu Mafolacum
en Mafliacum & Maflcium: ces deux manieres
de latinifer ce nom dans les bas
fiecles , marquent que dans le langage
vulgaire on faifoit la premiere fyllabe
longue comme aujourd'hui , fi on ne prononçoit
pas la lettre S , ce qui eſt d'autant
plus veritable que les Titres François
du
FEVRIER . 1730. 219
du XIV. fiecle mettent un fecond a pour
tenir la place de la lettre S , enforte qu'on
Y lit ce mot ainfi écrit ; Maalay. Il eft naturel
que dès -là qu'on réduit plufieurs
fyllabes à n'en former qu'une , cette fyllabe
devienne longue de prononciation .
Quant à la terminaifon en ay , il eft vrai
que de nos côtez elle eft moins commune
que celle en y , qui nous vient de tous
les noms des lieux finiffant en latin par
iacum ; cependant il reste encore dans dif
ferens cantons de la Province Senonoife
des noms de lieu en ay qui viennent du
latin iacum ou acum ... Nous avons dans
notre Diocèfe , prefque fur les bords de
la Loire , Mannay qui s'appelloit Mannacum
, au fixiéme fiecle , Annay qui fe
difoit en latin au neuviéme fiécle Abundiacum
, & Seignelay , qui eft un endroit
fort connu , Seligniacum. Dans le Diocèfe
de Sens on trouve Bray& Loray, dont les
noms latins ne font autres que Braiacum
& Loriacum. Je ne puis donc croire qu'il y
ait lieu de douter du côté de l'analogie
des deux Langues , que Maflay ne vienne
de Mafolacum. Les Antiquaires font obligez
d'admettre des noms qui font encore
plus méconnoiffables & moins rapportans
l'un à l'autre . Je n'ai paffé qu'une
feule fois dans le grand Maflay , & j'ay
apperçu que la Plaine de ce lieu eft très
fertile
120 MERCURE DE FRANCE.
fertile. La Riviere de Vanne entoure en
tierement ce Bourg & en fait une verita
ble Ifle. Comme cette Riviere ne tarit
gueres , elle contribue beaucoup à rendre
cet endroit verdoyant & fort gai en été.
Le petit Malay eft un peu plus vers l'Orient
, la Riviere entre deux . Plus haut
eft le Village de Teil , que je pourrois en
quelque forte qualifier d'ancienne Maifon
Royale , en me fondant fur le texte
d'Odoran , quoique le P. Mabillon n'en
ait fait aucune mention . Odoran rapporte
dans fon 26. Chapitre , que Teil
fut le lieu de la réfidence de la ReineConf
tance pendant tout le temps que le Roi
Robert employa à faire fon voyage de
Rome. Factum eft dum quodam tempore
Robertus Rex Romam peteret , ut Conf
tantia Regina unà cum filio fuo Hugone
parvulo Tillo remaneret. Peut être que
Mâlay s'étendoit autrefois jufques - là . Au
moins il eft certain que Teil fait encore
partie de la Châtellenie de Mâlay- le- Roi .
Cette Châtellenie fut échangée par Philippe
le Bel avec Marie Comteffe de Sancerre
, & l'échange fut ratifié au mois
d'Août 1318. par Philippe le Long , en
faveur de Thibaud & Louis de Sancerre.
M. Coufte , Lieutenant Civil & Particulier
de la Ville de Sens , qui poffede une
partie de ce Mâlay , m'apprend par le
MeFEVRIER.
1730. 221
re
J.
Memoire qu'il a eu la bonté de m'envoyer,
que dans les Titres d'échange & de ratification
, ce lieu eft écrit Maalay - le - Roi
Il ajoûte que cette Châtellenie apparting
depuis cet échange à un feul Seigneur ,
qui ayant eu huit enfans , en fit le partage
entre eux dès fon vivant ; ce qui eft
caufe qu'elle eft aujourd'hui divifée en
fept ou huit portions . Et quoiqu'il obferve
que Mâlay-le- Roy , dont la Châtellenie
porte le nom , foit le plus petit des
fept Villages qui la compofent , & que le
Siege du Bailliage foit à Teil , cela ne doit
point cependant empêcher de croire que
tout ce terrain n'ait été un territoire Royal
dans le temps que j'ai marqué cy - deffus.
Cette fuperiorité de Seigneuries fe trouve
même appuyée par le nom de Villiers-
Louis , qui eft un des fept Villages, & qui
eft contigu à Mâlay- le- Roy . Au refte fi
cette Châtellenie releve aujourd'hui des
Comtes de Joigny , ce n'eft que depuis
le Regne de Philippe V. Ce Prince ceda
cette Mouvance à Jean Comte de Joigny
en 1317. pour avoir la Mouvance de Château-
Renard , qui appartenoit au Comte
de Joigny. Je ne fçai fi ce que Nicole
Gilles , Belleforeft & Chappuis , prennent
pour un retranchement fait à Mâlay par
les Anglois au XIV . fiecle , ne feroit point
un veftige de l'enceinte du Château de nos
Rois
122 MERCURE DE FRANCE
Rois de la premiere Race , ou du terrain
qui fut occupé par les Troupes du Roi
Henry I. lorfqu'elles camperent à Mâlay .
Il s'eft confervé au Grand - Mâlay , autre
ment dit Mâlay - le - Vicomte , une Tradition
que S. Agnan Evêque d'Orleans étoit
natif de ce lieu . Tel a été le fentiment de
M. Tripaut , Avocat d'Orleans . On écrit
cependant plus communement que faint
Agnan étoit né à Vienne en Daufiné
plutôt que dans cette Bourgade de la Riviere
de Venne. Il refteroit a examiner s'il
n'y a point eu de méprife d'un nom pour
un autre , à caufe de la reffemblance des
noms de Venne & de Vienne . Mâlay - le-
Vicomte a été de la Commune de Sens
jufques fous Louis le Gros ; c'est aujourd'hui
une Prévôté Royale : & M. le Duc
de Bourbon en nomme tous les Officiers,
foit comme étant aux droits du Vicomte ,
ou comme jouiffant du Domaine de Sens
& de la Banlieuë.
En finiffant ces Obſervations , je reçois
de M. Ferrand , l'un des fçavans Curez
du Diocèle de Sens , Doyen Rural de Marolles
, un Memoire qu'il a redigé , fur la
Riviere dont Fredegaire & Aimoin font
mention par rapport à la Bataille qui y fut
donnée en l'an 600. La remarque de
M. Maillard , inferée dans le Journal de
Verdun , m'ayant engagé à faire des perquiliFEVRIER.
1730. 223
ay.
di..
of:
del
quifitions , tant pour conftater la chole
que pour corriger ce que j'ai mal mis
moi-même en vous écrivant fur les lumie
res Celeftes qui furent vûës l'année de
cette Bataille , (a) je reconnois ne les avoir
point faites inutilement , & qu'il feroit
bon que ceux , qui dans la fuite youdront
donner une Edition de S. Grégoire de
Tours , de Fredegaire & de toutes nos anciennes
Annales Latines avec des Notes,
priffent la peine ou de fe tranfporter fur
les lieux ou de faire venir des memoires
exacts. J'avoue que j'ay été trompé en
1726. par la Note de Dom Ruinart fur
la Riviere Aroanna , que j'avois mal comprife
à caufe du nom François d'Ouaine
qu'il lui donne. Ce n'eft ni de la Riviere
d'Ouaine en Gâtinois ni de celle de Vanne
en Senonois , qu'il faut entendre ce qui
eft dit de la Bataille où Clotaire II . fut
défait ; mais de la Riviere qui paffe à Dor
melle même. ( On dit Dormelle dans le
pays , & non Dormeil. ) Elle prend fa
fource à trois quarts de lieuë au - deffus
de Dollot , qui eft la Cure de M. Ferrand
, Auteur des Remarques que je vais
rapporter , mais dans la Paroiffe de faint
Valerien . Au bout de cent pas , fortifiée
par plufieurs fontaines , elle fait tour-
(a ) Mercure de Novembre 1726 , page 2426,
ner
224 MERCURE DE FRANCE .
ner un moulin. Jufques là , elle n'a que
le nom de Fontaine de Saint - Blaiſe
à caufe d'une Chapelle voifine de la fource
mais au-deffous du moulin , elle commence
à s'apeller la Riviere d'Orvanne.
Elle paffe enfuite à Dollot , à Valery
Blennes , Diant , Vaux , Ferrotes , Flagis
, Dormelle , Château- Saint- Ange , &
va former l'étang de Moret , dans lequel
elle eft abforbée ; puis delà elle fe
décharge dans le Loin , un peu au- deffus
de Moret ; le tout fait l'étendue de fix
lieues de pays. Le Vallon que cette petite
Riviere arrofe s'appelle le Vallon
d'Orvanne , & les Paroiffes qui y font
fituées ou contigues s'appellent de même
Les Paroiffes de la Vallée d'Orvanne. On
affure que tous les Contrats de partages
& de ventes dans tous ces pays là nạp
pellent point cette Riviere autrement
que la Riviere d'Orvanne. Ce qu'il y a
de fingulier, eft que le nom de cette même
Riviere change dans la bouche de plufieurs
perfonnes au delà de Dormelle , &
près de fa décharge dans l'Etang de Moret.
En ces lieux- là on l'appelle quelquefois
la Riviere de Ravanne , & ce font fur
rout les Payfans voifins de cet Etang qui
lui donnent ce nom , parce qu'au - deffus de
cet Etang elle paffe dans un Château affez
diftingué, appellé le Château de Ravanne ,
dont
FEVRIER.. 1730. 228
dont elle traverſe les Jardins , y formant
outre fonCanal, des pieces d'eau trés agréa
bles. Mais fi l'on remonte une lieue plus
haut , on voit que ce nom eft inconnu .
Au-deffus de ce Château & une demie
lieue au -deffous de Dormelle , eft la
belle maifon de feu M. de Caumartin ,
bâtie fur la croupe d'une Montagne . Cette
maifon s'appelle le Château Saint- Ange,
C'est peut -être l'endoit où fe donna la
Bataille , fuperfluvium Arvennam nec procul
à Doromello vico, ainfi que dit Aimoin ,
Cette lecture du mot Arvenna eft plus
exacte que celle du mot Aroanna employée
dans Fredegaire de la derniere Edition
. Il eft inconteftable par le moyen de
cet éclairciffement qu'il s'agit dans Fredegaire
& dans Aimoin de la Riviere d'Or
vanne , qui plus anciennement a dû être
prononcée Arvanne. Il faut abandonner
en cette occafion la Riviere d'Ouaine
(Odona ) qui est éloignée de Dormelle de
plus de huit lieuës. Le P. Daniel a eu
raifon de dire que la Bataille fut donnée
fur une Riviere qui fe jette dans le Louain
au-deffus de Moret ; mais il s'eft trompé
en lui donnant le nom de Riviere d'Ouaine
, auffi-bien que le P. Ruinart. On doit
la raifon que en être convaincu par je
viens de rapporter ; celle d'Ouaine étant
bien differente, puifqu'elle prend la fource
226 MERCURE DE FRANCE .
,
à quatre lieues d'Auxerre , & qu'elle va
fe jetter dans le Loüain au - deffus de
Montargis . Ce n'eft point non - plus la
Riviere de Vanne , comme le Pere le Cointe
à l'an 6oo . Num. 1. femble l'avoir
crû après le Prefident Fauchet. Encore
moins faut- il aller chercher cette Riviere
dans le Pays du Maine , où il y a un Aroëna
fluviolus. Il faut quelque chofe de plus
que la reffemblance des noms dans leLatin,
pour pouvoir avec fondement éloigner de
Los quartiers le Théatre de cette guerre,
A Auxerre ce 18. May 1728.
ADDITION.
Après avoir envoyé ces éclairciffemens
aux Auteurs du Mercure , j'ai eu occafion
d'aller à Paris . Comme le cours de la Riviere
d'Orvanne eft collateral à celui de la
Riviere d'Yonne , & n'eft éloigné du
grand chemin que de deux lieuës ou environ
, je n'ai pas manqué de verifier par
moi-même avant que de me rendre dans
la voiture publique , le Memoire de M. le
Prieur de Dollot. Je l'ai trouvé très -juſte
à un article près ; j'ai remarqué en mêmetemps
que nos Géographes mettent fouvent
à droite d'une Riviere ce qui eft à
gauche , ou qu'ils font quelquefois tout
le contraire. C'eſt pourquoi fi vous avez
la
FEVRIER . 1730. 227
la Carte du Diocèle de Sens dreffée par
Samfon , vous pouvez en toute fureté ,
vous & vos amis , y faire les corrections
fuivantes. Mettez la fource de la Riviere
d'Orvanne à une portée de Moufquet du
Bourg de Saint Valerien , à l'Orient d'Eté;
mettez enfuite Dollot à droite , comme
a fait le Géographe , mais à gauche du
Ruiffeau. Vallery eft bien placé dans les
Cartes. C'eft un lieu celebre par fa deftination
à la fépulture des Princes de la
Maiſon de Condé. Plus bas à droite eft
Blenne , mal nommé Blaineux par Samfon;
plus bas encore eft Diant . Enfuite à gauche
eft le Bourg de Voux , qui eſt fermé
de murs, & que les Cartes ont tort de repréfenter
comme un fimple Hameau.
Après Voux & du même côté le Village
de Ferrotes & plus bas encore à
gauche eft le Bourg de Flagy , qui a du
côté du Midi des murs fi élevez & fi confiderables
pour leur épaiffeur , qu'on la
peut comparer
à ceux des plus anciennes
Villes. Ce Bourg a été cependant
fort endommagé
par les Huguenots
, ainfi que
l'Eglife du lieu en fait foi. Au fortir de
Flagy on voit à gauche une Plaine qui
regne jufqu'auprès
de Dormelle . Ce dernier
Village eft fur une éminence. On
paffe la Riviere d'Orvanne
fur un
Pont , & dès lors on ceffe d'en fuivre le
B cours.
228 MERCURE DE FRANCE.
cours. Lorfqu'on a atteint le haut du
Côreau , on apperçoit encore une autre
Plaine à droite , laquelle s'étend dụ
côté de l'Orient & du Septentrion . Il y
a plus d'apparence que ce fut en cette
derniere Plaine que fut donnée la Bataille
de Dormelle , en tirant vers le
Village de Foffar , dont le nom vient
peut- être à Foffario feu loco Foffarum. Ce
que j'ai remarqué plus loin après avoir
laiffé le Village de Montarlot à gauche ,
ne s'accorde plus avec le Memoire dont
je vous ai parlé. Il ne m'a point paru que
la Riviere d'Orvanne fe jettât dans un
Etang; c'est elle qui forme cette elpece
d'Etang par le moyen des murs &
des Eclufes qui fervent à retenir les eaux,
Cette Riviere ayant repris enfuite fa premiere
liberté , ne va point fe jetter dans
le Louain fi tôt que Meffieurs Samfon
& Deliẞle l'ont marqué dans leurs Cartes ;
ce n'eft point au- deffus de Moret qu'elle
s'y jette , mais au- deffous , prefque vis- àvis
l'angle Septentrional des murs de cette
petite Ville ; deforte qu'il y a à Moret
deux Ponts l'un au bout de l'autre; le plus
grand pour la Riviere de Louain au bout
duquel eft le Prieuré de Pont Loii , Pons
Lupa ; ( c'eft le nom de la Riviere qui
joint le Canal de Briare à la Seine Lupaamnis
) & l'autre petit Pont eft fur la Riviere
FEVRIER . 1730 . 1730. 229
viere d'Orvanne . C'est ainsi qu'en une
matinée de temps j'ai eu le plaifir de voir
cette Riviere depuis la fource jufqu'à ſon
embouchure , avec tout ce qu'il y a de
curieux fur les bords de la Vallée à laquel ,
le elle donne fon nom .
Ce 15. Juillet 1728.
REPONSE
DE LA RAISON,
Toi ,
A M. Rouffeau.
Oi , qui d'une brillante Rime ,
Suivant l'homme en fes actions ,
Soutiens dans un difcours fublime
Que je flatte fes paffions ;
Revien de cette erreur extrême ,
Reconnois que toûjours la même .
Je leur réfifte avec vigueur ,
Mais que foumis à leur empire ,
L'homme infenfé me laiffe dire ,
Les fuit & leur livre fon coeur.
Pour empêcher qu'il ne s'égare ›
Sans ceffe j'obſerve fes pas ,
Bij Et
230 MERCURE DE FRANCE;
Et je lui fers comme de Phare ,
Sur la Mer qu'il court ici bas :
Rayon de la ſplendeur divine ,
Je l'échauffe , je l'illumine ,
Je lui montre le droit chemin ;
Je lui dicte ce qu'il doit faire ,
Par plus d'un avis ſalutaire ,
Qu'il ne reçoit qu'avec dédain,
Ce Grec fameux par fa prudence ,
Ulyffe , fouvent m'écouta ,
Par cette heureufe déference ,
Combien d'écueils il évita !
De l'Ifle , où Calipfo charmée ,
Tenoit fa gloire renfermée ,
Je le tirai , je le fauvai ;
Si de Circé , fi des Sirenes ,
Il rendit les embuches vaines ,
Ce fut moi qui l'en préſervai.
Mais quel écart , quelle foibleffe !
Et peut- on le lui pardonner ?
Il refte chez l'Enchantereffe ,
Qui le vouloit empoisonner,
Dans le Palais d'une perfide ,
Ulyffe abandonnant fon Guide ,
S'endort dans un indigne amour ,
Et ce n'est qu'après une année ,
Qu'au
FEVRIER. 1730. 231
Qu'auprès de lui plus fortunée ,
Je l'arrache de ce féjour.
Pour les Mortels je fais encore ,
Ce que pour Ulyffe je fis ;
Ma voix du Couchant à l'Aurore ,
Se fait entendre ; à tous je dis ,
Fuyez ces Sirenes flatteuſes ,
Dont les voix douces & trompeufes ,
Vous attirent dans leurs filets ; .
Des Circés galantes , volages ,
Craignez les dangereux breuvages ,
Craignez les féduiſants attraits.
Mais ces avis font inutiles ,
Tous ferment l'oreille à ma voix ,
Tous rebelles , tous indociles ,
Refuſent de fuivre mes loix .
Les paffions impérieuſes ,
Aveugles , mais audacieufes ,
Ont le deffus fur la raifon :
Par une étonnante manie ,
On en aime la tyrannie ,
On en favoure le poifon.
Réprime enfin ta folle verve i
Dis-je à cet efprit de travers i
Tu travailles malgré Minerve ,
B iij Lorfque
232 MERCURE DE FRANCE.
Lorfque tu compofes des Vers
Tu manques de feu , de génie ,
Tes Vers fans fel , fans harmonie ,
Sont fifflez aufacré Vallon.
Mais pour moi fourd & fans eftime ,
Il va m'immoler à la Rime ,
Et faire jurer Apollon.
Je m'adreffe à ce Philoſophe ,
Par qui tout paroît éclairci ,
Et par une vive apoſtrophe ,
Je le picque & lui parle ainſi :
Tu mefures le Ciel , la Terre ,
Tout ce que l'Univers enferre ,
Dans ton efprit eft renfermé ,
De ce fçavoir voyons l'uſage ;
En es- tu plus ferme ? plus fage ·
A la vertu plus animé ?
Non, & de fa fcience vaine ,
Il ne remporte pour tout fruit ,
Qu'une vanité fouveraine ,
Dont fon coeur vuide fe nourrit.
De la vertu , de la fageffe ,
Il fçait parler avec jufteffe ,.
Il fçait fort bien les définir ;
Mais de paffer à la pratique ,
Pour lui c'eſt un cercle excentrique ,
I ne fçauroit y parvenir.
Je
FEVRIER. 1730. 233
Je dis à ce Cenfeur fevere ,
Qui , voluptueux & mondain ,
Ofe reprendre dans la Chaire ,
La volupté dans fon prochain :
Faux imitateur des Apôtres ,
Toi , qui veux réformer les autres
Commence par te réformer :
Miniftre pieux & fidele ,
Epure tes motifs , ton zele ,
Plein du feu qui doit t'enflammer.
Quelle eft ton audace effrenée ,
De r'attaquer au Dieu jaloux ?
Dis-je à ce nouveau Capanée ,
Digne du poids de fon couroux.
En vain par un brillant fophifme ,
Tu veux foutenir l'Atheiſme ,
Et paffer pour un esprit fort i
Tes Argumens vagues , frivoles p
Et tes Differtations folles ,
D'un coeur corrompu font l'effort.
Il me fait taire , & chez des femmes ,
Dont ce Docteur eft écouté ,
Il s'en va fierement des ames ,
Combattre l'immortalité.
L'une en rit ; une autre l'admire ;
Mais ce Fanfaron a beau dire ,
Biiij Quel
234 MERCURE DE FRANCE.
Quelque jour tremblant il croira ,
Un Dieu tout-puiffant , invifible ,
Et que l'ame eft incorruptible ,
Quand la fievre le preffera .
En vain je crie à cet avare ,
Jouis de tes biens amaſſez,
Etouffe cette ardeur bizare ,
Qui ne dit jamais , c'eſt aſſez.
Il mépriſe ma remontrance ,
Et pour aller à l'opulence ,
Il va redoubler fes efforts ;
Par la faim , la foif, qu'il endure ,
Et par la déteftable uſure ,
11 accumule des trefors.
A ce Joueur je dis fans ceffe ;
Ufe mieux d'un rare métal ,
Je lui repete , qui te preſſe ,
D'aller loger à l'Hôpital ?
Sa paffion eft la plus forte;
Elle l'obfede , elle l'emporte ;
Il s'en va jouer un Hôtel ;
Et bien- tôt l'affreuſe ruine ,
La have & hideufe famine ,
Vont faifir l'imprudent mortel.
Soutient mieux ta haute naiſſance ,
Dis
FEVRIER. 1730 235 .
Dis-je à ce Marquis faineant ;
Parune honteuse indolence ,
Tu retombes dans le neant ,
Tu ne fais voir d'un Tronc illuftre ,
Qu'une branche morte fans laftre ,
Et qui n'a qu'un frefle foutien :
Mais je l'offenſe & je le bleſſe ,
En lui montrant cette nobleffe ,
Sans qui celle du fang n'eft rien .
D'où te vient cet air d'importance
Dis- je à cet homme tout nouveau ,
Dont le mérité eft la fcience ,
De calculer dans un Bureau ?
Le fort, qui des hommes fe joue ,
Te trouve enfoncé dans la bože ,
T'en tire , quel ſujet d'orgueil !
Il me répond que la richeſſe ,
Lui donne mérite , nobleffe ,
Et vertu , voila fon écueil .
A ce Mortel charmé du monde
Et qui court après la grandeur ,
Je dis: Ame en defirs féconde ,
Amoureuse de la fplendeur ,
Quoi ! n'as-tu donc été formée ,
Que pour aimer une fumée ,
D
Une ombre qui s'évanoüit è
BV Songe
236 MERCURE DE FRANCE.
Songe du moins que cette pompe ,
N'a rien de fixe & qu'on fe trompe ,
Si l'on croit que l'on enjoiit.
Ce difcours fi vrai , fi folide ,,
N'émeut point cet Ambitieux ;
D'un faux éclat toûjours avide ,
Il n'en détourne point fes yeux.
Pour la fortune qu'il médite ,
Toûjours inquiet il s'agite ,
Il veille & fait tout ce qu'il fauts.
Il trouve une place brillante ;
Son ame en eft- elle contente ?
Non , il pretend monter plus haut..
Blámant d'une Coquette antiques ,
Le fard & les ajuftemens ,.
Avec elle ainfi je m'explique ,,
Sur ces frivoles ornemens.
A quoi te fert cette parure
Dont pour embellir ta figure
Tu fçais te fervir avec art ?
En vain tu te peins le visage ,
Tes rides découvrent ton âge ,.
Malgré tes atours & ton fard..
9+
Mais cet avis eft trop fincere , -
On n'aime point la verité..
Cette
FEVRIER. 1730. 237
Cette folle a juré de plaire ,
Avec un mafque de beauté.
Elle fuit avec foin la mode ,
Comme les jeunes s'accommode ,
En prends les habits , & les airs ;
Et croit par les affeteries ,
Et fes fades minauderies ,
Mettre tous les coeurs dans fes fers.
A certe autre , à ' qui´ la jeuneffe ,
Un teint & des traits enchanteurs ,
Attirent la brillante preffe
Des profanes adorateurs ,
Je dis ces Lys & ces Rofes ,
Ces fleurs fur ton vifage écloses ,
Avec le temps ſe fanerons :
Dans la déroute de tes charmes
Un jour tu verferas des larmes↳
Et tes Efclaves s'enfuiront:
3
Prévien l'inévitable fuite ,
Du temps fi prompt à tout faucher à
Fais provifion d'un mérite ,
Où fa faux ne puiffe toucher.
Arrête ton efprit volage;
A la beauté , foible avantage ,
Unis le luftre des vertus.
Mais j'importune cette Belle ,
Bavj Par
238 MERCURE DE FRANCE.
Par un jeune étourdi chez elle ,
Tous mes confeils font combattus.
Bouchet , Chanoine de Sens.
******** XXXXXX :X
DISCOURS fur la probité de l'Avocat
, prononcé par M. Gaulliere , enfuite
de celui de M. Maillard , à l'onverture
de la Conference publique des
Avocats.
Ntre les vertus qui relevent le me-
Erite perfonnel de l'homme , il n'en
eft point de plus convenable que la probité
; elle doit regler fes penfées & diriger
fes actions . Elle feule peut lui apprendre
quelle eft la nature de fes devoirs
, quel eft fon engagement , & comment
il doit y fatisfaire . Survient il dans
l'execution des difficultés & des peines ?,
la probité lui donne les moyens de les
furmonter ; s'y trouve - t'il du danger ?
elle lui infpire affez de précaution &
de prudence pour l'éviter , ou du moins
elle y fuppléer.
La conduite de l'homme ne peut donc
jamais être reguliere fans la probité ;
ainfi dequoi l'Avocat feroit - il capable
fans elle, Formons -nous , Meffieurs , l'i
dée
FEVRIER . 17307 239
dée de l'Avocat le plus digne de l'eftime
& de la confiance du public ; donnons
lui les talens d'un heureux nature !
qu'il poffede éminement l'art de la parole
, qu'il fçache les Loix tant anciennes
que nouvelles , qu'il en comprenne
les plus abftraites difpofitions , qu'il en
explique les plus grandes difficultés
qu'il en applique à propos les principes ,
qu'il fçache demêler tous les tours embaraffans
dans lefquels fe cache le monftre
de la chicane , qu'il fe dévouë à les
fonctions par un travail penible & affidu
; donnons lui enfin en partage toutes
les qualités exterieures qui lui font
neceffaires pour faire briller fon éloquence
; talens admirables , perfections
louables , à la verité ; mais en mêmetems
, dons pernicieux de la Nature &
de l'Art , s'ils ne font accompagnés d'une
probité à toute epreuve. Il faut donc la
regarder , cette Vertu , comme la principale
qualité de l'Avocat dans toutes
les occafions où fon miniftere eft neceffaire.
Par elle l'homme eft naturellement
porté à rendre fervice à l'homme ; il ne
fait ni ne penſe rien qu'il ne puiffe publier
hardiment & avec confiance , il ne
s'engage dans aucune entrepriſe ſujette
à reproche , quoiqu'il foit für que perfonne
240 MERCURE DE FRANCE .
fonne n'en empêchera la réuffite ; fon interêt
ne le porte jamais à rien dire de
contraire à la verité , à accufer perfonne
fans fujet , à ne prendre que ce qui lui
appartient, & à ufer de furpriſe pour parvenir
à fes fins. Si l'Avocat plaide , fans
la probité il degenere en déclamateur
il déguife ou il exagere les faits , il époufe
les paffions de fes parties , il n'a pas
honte d'entreprendre des cauſes injuftes,
quoiqu'il les connoiffe pour telles.
S'il eft confulté , fans la probité ce
n'eft pas pour lui un crime de donner
confeil pour favorifer les furprifes , d'u
fer de tous les détours imaginables pour
rendre les procès éternels , d'alterer le
fens des Loix , des Coûtumes & des Ordonnances
pour en impofer aux Juges ,
enfin d'abandonner la jufte deffenſe du
pauvre pour pallier les injuftes prétentions
du riche.
་
Avec la probité , au contraire , le but
de l'Avocat eft de facrifier ſes veilles , &
de fe donner tout entier au Public ; fon
unique attention eft de foulager les peinés
de fes parties , d'être tout pour les
autres , & prefque rien pour lui- même.
Son coeur immole à la Justice routes
paffions , tout plaifir , tout interêt ;
ainfi chaque jour , chaque heure , chaque
inftant lui fournit les occafions de
lui:
i
FEVRIER. 1736. 2411
lui faire pendant toute la vie de nouveaux
facrifices.
Affiegé de toutes parts , demandé en²
tous lieux , la fin d'une affaire le foumet
au commencement d'une autre , le :
dernier des malheureux a droit fur tous
les momens de fon loifir.
Il ſe refufe jufqu'à la joüiffance de ſes ›
propres biens , & il n'a d'autre foin que
d'aflurer ceux des Cliens qui implorent
fon fecours.
Cet efclavage , où fous un titre fpecieux
on renonce à la liberté pour deffendre
celle des autres , paroît bien dur;
mais qu'il eft glorieux pour le veritable
Avocat ! c'eſt avec ces fentimens qu'il
fe préfente au Barreau , ce font eux qui¹
font fon principal mérite.
Il n'a pas befoin de faire briller fon
éloquence par des difcours pompeux qui
pourroient féduire ; i la fait confifter
dans le récit fimple & veritable des faits .
Il ne lui eft pas neceffaire Four donner
des preuves de fon érudition d'employer:
des citations ennuyeufes , & fouvent étran
geres à la matiere qu'il traite ; une juſte
application des Loix , leur interpretations
naturelle compofent toute la deffenfe de
fes - parties.
Sa probité , fá fincerité lui tiennent
lieu de tout ; fa parole vaut le ferment
les
*
242 MERCURE DE FRANCE.
le plus autentique , & c'eft ainfi qu'il
s'attire toute l'eftime & toute la confiance
du public . Que dis - je ? Meffieurs ,
les Rois même n'ont pas dédaigné d'hơhorer
l'Avocat de la leur.
En effet , il eft dit dans l'Ordonnance
de 1327. que lorfque dans la plaidoyetie
il y auroit conteftation fur des faits ,
les Avocats en fetoient crûs à leur ferment
; & l'Hiftoire nous rapporte en
cent endroits les avantages inféparables
de la probité de l'Avocat.
M. de Montholon acquit par elle une
fi grande confiance , que quand il s'agiffoit
de la lecture d'une pièce , les Juges
l'en difpenfoient ; & ce fut cette même
probité qui l'éleva au fuprême degré de
la Magiftrature.
Sans la probité , au contraire , l'Ávocat
feroit en proye à toutes fortes de
paffions. Tantôt il feroit affez malheureux
pour ne confulter que lui-même ;
on le verroit rarement marcher la balance
à la main , ardent en apparence à
proferire le vice & à proteger la vertu ;
la veuve & l'orphelin fembleroient être
les objets de fa compaffion ; grand en
maximes , faftueux en paroles ; on croitoit
qu'il ne refpire que la Juftice ;
mais fi on fondoit les fecrets replis de fon
coeur , fi on le fuivoit pas à pas dans les
fentiers
FEVRIER. 1736. 243
fentiers détournés où le conduiroient fes
fauffes lumieres , fi on peſoit les actions
au poids du fanctuaire , on pourroit de-.
mêler au milieu de ces vains phantômes
de vertu qui l'environnent , les charmes
féduifans de la volupté ; entraîné par
fon penchant naturel au plaifir , il s'y
livreroit de plus en plus , & il feroit
à craindre que la Juftice ne fut la premiere
victime qu'il immoleroit à l'idole
de fes plaifirs.
Tantôt le trouvant dans les occafions
dangereuses de contenter un interêt qui
exciteroit fa cupidité , l'ardeur d'acquerir
& de poffeder , qui eft naturelle à
l'homme , ne lui permettroit pas de diftinguer
le jufte de l'injufte ; rien ne fe
roit capable de fervir de contrepoids à
fa paffion ; elle lui fuggereroit les moyens
d'anéantir la Loi par la Loi même.
Que d'explications forcées mais en
même- tems captieufes, ne lui fourniroientelles
point pour faire parler à cette Loi
le langage de fa cupidité ? charmes de
l'éloquence , connoiffance des Loix , il
mettroit tout à profit pour furprendre
pour féduire peut- être même abuſeroit-
il du fecret & de la confiance de
fes parties , s'il n'étoit retenu par l'integrité.
Sans elle la haine , la jaloufie , ou
quel244
MERCURE DE FRANCE:
quelqu'autre paffion l'agiteroit fans ceffe,
obfcurciroit fa raifon , & la rendroit furieufe
; & à l'ombre de ces monstres
tantôt en ennemi fecret & implacable ,
il attaqueroit ceux qui font l'objet de
fon averfion & de fa haine ; tantôt les
yeux bleffés de la gloire importune d'un
Rival qui l'offufque , que ne tenteroitil
point pour détruire cet ennemi de fon
orgueil & de fon ambition ?
En proye fucceffivement & quelquefois
en même tems à toutes ces paffions
qui l'agiteroient , la Juftice auroit beau
fe préfenter , il feroit fourd à ſa voix
elle feroit toûjours profetite de fon coeur
& fur les ruines du Tribunal de fa confcience
il éleveroit un Trône à fes paffions
favorites , ce feroit elles qui lui
donneroient la Loi , & ce feroit à elles
feules qu'il rendroit compte de fes actions
, trop content de leur avoir menagé
les marques exterieures de la vertu.
9
On ne trouve point heureuſement de
ces vices dans le veritable Avocat ; auffi
n'y a t'il rien à foupçonner dans fes démarches.
Les Puiffances ont elles befoin
de fon miniftere ? incapable de fe
laiffer corrompre par les prefens , il voit
avec indignation: Demofthene accepter la
coupe d'Harpalus ; infenfible aux menaces
, il fuivroit Papinien fur l'échafaur ?
plutôt
FEVRIER. 1736. 245
plutôt que d'excufer un Empereur conpable
d'un fratricide.
S'agit-il de l'interêt de fes Conci
toyens ? on ne le voit jamais examiner
une affaire qu'avec une attention fcrupuleufe
, & conduite un Client qu'avec
prudence ; il ne jette un oeil de compaffion
que fur les objets qui la méritent , & ne donne les foins & fes confeils aux
riches qu'après avoir fecouru les malheureux.
Il ne repouffe l'injure que par les armes
que l'équité , la raifon & les Loix
lui adminiftrent ; il ne fait confifter fon
plaifit que dans un delaffement honnête,
;
& fouvent même dans le travail il
trouve les peines récompenfées plutôt
par la gloire de les avoir prifes que par
P'utilité qu'il en retire.
S'il apperçoit
dans un de fes Confre→
res des talens fuperieurs
aux fiens , loin
d'en concevoir
une indigne jaloufie , ils
ne fervent au contraire qu'à lui infpiter
une noble émulation
; enfin fes démarches
, les actions ont pour but la vertu
plutôt que fa propre utilité. Par là fes
confeils font admirés , fes décifions font
regardées
comme des Oracles , fa conduite
fert d'exemple
à tout homme de
bien , & il fe captive la bienveillance
de
fts. Confreres
, l'eftime des Magiftrats
&
la
246 MERCURE DE FRANCE
la confiance du Public.
Mais eft- ce dans cette idée feule que
l'Avocat doit être fi pur dans fes penſées,
fi refervé dans fes difcours, fi integre dans
fes actions , dont il doit compte même à
foi-même ?
Plus l'Avocat a de talens , plus il eſt
reſponſable de fa conduite ; plus il a de
qualités éminentes , plus il doit être en
garde contre les charmes féducteurs des
paffions de l'homme.
En effet , que lui ferviroit - il d'être applaudi
à l'occafion de fon éloquence , fi
fes moeurs ne tendoient pas à la perfection
? Seroit- on perfuade de la fageffe de
fes confeils , s'il fuivoit lui-même d'autres
routes ?
>
Qu'il fortifie donc de jour en jour dans
fon coeur les fentimens de la droiture &
-de la probité ; qu'il s'empreffe à prononcer
par fon propre exemple la premiere
condamnation contre les vices .
Ce font ces fentimens , Meffieurs , que
vous avez reconnus dans les difpofitions
de votre digne bienfacteurs ce fut ainſi
qu'il s'acquit l'eftime de tous fes amis ,
la confideration de nôtre Ordre & la
confiance du Public .
La nobleffe de fa naiffance ne lui
pafut
qu'un nouveau degré digne d'être joint
à notre profeffion ; il s'appliqua fans peine
FEVRIER. 1730. 24.7
à la connoiffance des Loix les plus difficiles
; fon efprit naturellement penétrant
en donna facilement les folutions ; à
peine fut- il entré dans la carriere , qu'il
fe fit refpecter même de tous les ennemis
& de fes envieux ; fa vertu lui donna
pour amis tous les Cliens que fa réputation
lui addreffoit ; la prudence de fes
confeils détermina fouvent les opinions
des Magiftrars ; utile à tout le monde
il fe livroit fans ceffe à tous ; le Public
trouvoit des fecours infinis dans les talens
, & les pauvres des reffources iné,
puifables dans fa charité ; ceux qui le
connoiffoient le le propofoient pour mo
dele de fçavoir , de modeftie , de défin
- tereffement & de candeur , La mort enfin
s'approcha fans le furprendre ; il l'avoit
prévenue par un fage teftament qui
partageoit les biens entre les pauvres ,
fes parens , fes amis & notre Ordre ;
fes Livres & fes Manufcrits nous feront
à jamais précieux auffi bien que fa mé,
moire. Kappellons nous donc fans ceffe
le mérite de ce grand homme.
Mais fi d'un côté nous avons lieu de
regretter M. de Riparfons , nous avons
de l'autre occafion de nous confoler de
fa perte , puifque nous la trouvons reparée
par l'illuftre Confrere qui veut
* Voyez le 1. Vol. du Mercure de Decembra.
1729, page 2909.
248 MERCURE DE FRANCE.
bien préfider à nos travaux ; en fe faifant
une gloire d'executer les intentions
de notre bienfacteur il a la meilleure
part à la fondation ; il facrifie fon tems
à nous découvrir des trélors qui fans lui
nous feroient inconnus ; quels avantages
ne trouvons - nous pas dans les fçavantes
inftructions ? penétrés de reconnoiffance
, faifons - nous donc un mérite
de marcher fur les traces & fi nous ne
pouvons parvenir au même dégré de
Icience que lui , donnons -lui du moins
la fatisfaction d'imiter les vertus.
Animés par de fi beaux & de fi grands
exemples , nous ferons toûjours difpofés
à detefter l'ufurpation , & à repouffer la
violence , toujours prêts à defendre la
Veuve & l'Orphelin , à foutenir l'innocence
que l'on voudra opprimer , &
pourſuivant la punition du crime , nous
ne travaillerons pas moins à la fûreté
publique qu'à la confervation des particuliers.
Nous fommes les premiers organes
de la Juſtice , & même en quelque forte
les maîtres des droits de nos parties ;
chaque inftant de notre vie nous met
devant les yeux l'obligation indifpenfable
de menager leurs interêts , & d'appaiſer
leur animofité. En nous faifant un
honneur de leur fervir de patrons , de
peres
FEVRIER. 1730. 249
peres & de protecteurs , nous nous fouviendrons
encore qu'affociés , pour ain
dire , à la Magiftrature , nous fommes
les enfans & les Miniftres de la Justice ,
& que nous ne lui devons pas moins
d'integrité , de bonne foi & de fincerité
que de foin , de vigilance & de zele pour
les affaires qui nous font commifes . Nous
renoncerons à toute forte de déguiſement,
la verité regnera toujours dans nos difcours
, & nous ne chercherons jamais de
ces ornemens capables de furprendre la
Religion des Juges.
Fondés fur les principes de la probité,
notre miniftere fera foutenu de courage
& de fermeté fans orgueil , de charité
fans foibleffe , d'une feverité jufte , utile
& neceffaire fans dureté , d'une connoiffance
compatiffante de la mifere de l'homme
fans lâche complaifance , & répondant
à la haute idée que l'on a de notre
profeffion , nous annoncerons par la fageffe
de nos confeils les oracles de la
Juftice.
L'IN250
MERCURE
DE
FRANCE
.
XXXXXX: XXXXXXX **
L'INJUSTE SOUPÇON,
CANTAT E.
Ur ces fteriles bords que parcourt la Du-
SUFrance ,
Eucharis attendoit le Berger Lidamant ;
Surpriſe avec raifon de fon retardement ,
Ele exprimoit ainfi fa trifte impatience,
Lidamant , l'objet de mes feux ,
Ici m'a promis de fe rendre ,
J'y fuis depuis long- tems ; helas ! j'ai beau
l'attendre ,
Il ne vient point encor ; quel tourment rigoureux
!
Dieux ! un fatal foupçon vient s'offrir à mon
ame ;
L'ingrat ennuyé de mes fers ,
Eft touché des appas de quelqu'autre Bergere;
Et pour avoir trop fçû lui plaire ,
Pour l'avoir trop aimé , Jufte Ciel ! je le pers.
Eucharis tu devois te montrer inhumaine ,
Refifter plus long- tems à fes preffans defirsi
Tu le favorifas , tu mis fin à fa peine ,
Et ce malheureux jour mit fin à ſes plaifirs
Ornement
FEVRIER.
1730. 251
Ornement de nos lieux , adorables Bergeres,
Vous perdrez bientôt vos Amans ,
Si vous ceffez d'être feveres ,
Si vous foulagez leurs tourmens.
Venez , fierté , jalouſe rage ,
Venez éteindre mon ardeur ;
Rendons outrage pour outrage ,
Chaffons Lidamant de mon coeur.
Torrent impetueux , témoin de mes allarmes
,
Daigne arrêter ton cours ,
Sois fenfible à mes larmes ,
Et contre cet ingrat prête- moi ton fecours.
S'il venoit fur tes bords déplorer un tour
ment .
Que pourroit lui caufer une flamme nouvelle ,
Durance , tes eaux , à l'inftant ,
Doivent engloutir l'Infidelle ;
Mon coeur de fes tranſports ne peut être le
maître ;
Le cruel n'a que trop mérité mon courroux...
Mais j'apperçois quelqu'un , Ciel : je le vois
paroître ;
C'est lui , je m'abufois dans mes foupçons jaloux
.
L'heureux Berger arrive ; helas ! excufe moi,
Je venois , lui dit- il, mais diſgrace imprevûë !
C Belle
252 MERCURE DE FRANCE .
Belle Eucharis , un Loup s'eft offert à ma
vûë
Il m'enlevoit l'Agneau , le gage de ta fois
Je cours , à fa dent je m'expofe ;
Un Amant craint-il quelque chofe ?
Enfin de ce combat je fors victorieux ;
Mais la plus grande gloire en eft due à teş
yeux .
Toi feule excitois mon courage ;
Sans un espoir flatteur j'euffe en vain com
battu ,
Bientôt victime de fa rage
L'animal m'auroit abbatu .
Beautés qui fçavez tout charmer
Faut-il qu'à vos foupçons votre coeur s'abandonne
;
Souvent l'Amant que l'on foupçonne
Eft celui qui fçait mieux aimer.
L'impatience
Voit tromper fes defirs ;
La moindre abfence
Arrache des foupirs ;
Si le retardement de ce Berger fidelle
Donne de fon amour une preuve nouvelle ,
Quel excès de plaifirs ?
Par M. V. d'Aix.
Q B
FEVRIER . 1730 253
*******************
OBSERVATIONS für la Méthode
d'Accompagnement pour le Clavecin
qui eft en usage , & qu'on appelle
Echelle ou Regle de l'Octave.
L
Es premiers élemens de la regle de
POctave confiftent à donner aux
doigts des habitudes conformes aux accords
qu'elle preferit fur les dégrés confécutifs
d'un Mode.
Cette regle renferme quelque chofe
de bon ; mais elle eft tellement bornée ,
qu'il faut dans la fuite y faire un nombre
infini d'exceptions , que les Maîtres
ſe refervent d'enſeigner , à meſure que
les cas s'en préfentent .
Le détail de ces exceptions eft prodigieux
; la connoiffance & la pratique en
font remplies de difficultés prefque infurmontables
, par la multiplicité des accords
, par la variation infinie de leurs
Accompagnemens , par la furpriſe où.
jettent fans ceffe les differentes formes
de fucceffion dont chaque accord en
particulier eft ſuſceptible , & qui font fouvent
contraires aux habitudes déja formées
, par la confufion des regles fondamentales
avec celles de gout , par le
Cij vuide
254 MERCURE DE FRANCE.
vuide que l'harmonie y fouffre le plus
Louvent
, par le peu de reffource que l'o
reille y trouve pour fe former aux, veritables
progrés des fons , par l'affujetiffement
trop fervile aux chifres fouvent
fautifs , enfin par les fauffes applications
auxquelles des regles de détail & des exceptions
innombrables ne peuvent manquer
d'être fujettes .
La Regle de l'Octave, avec fes excep
tions , contient 22. Accords dans chaque
Mode , dont voici l'énumération en
abregé.
e
L'Accord parfait , la 6° , la 6 ° & 4º,
la 7º , la petite 7º , la fauſſe 5º , la petite
6 , le Triton , la 7º fuperfluë , la 5º fuperfluë
, la 2 , la 6 & 5 , la 9 complette,
la ge fimple , la 4º , la 9 ° & 4º,
la 2 & 5 ° , la 2º ſuperfluë , la 7º diminuée
, la 6º majeure avec la fauffes , le
Triton avec la 3e mineure , & la 7e Superflue
avec la 6 mineure , fans parler de la
6 doublée , & encore moins de la 6
mineure avec la 3e majeure , que quelques-
uns ont introduit affez mal à propos
, de la 6e fuperfluë , que le gont au.
torife depuis quelque tems , ni de la 5°
fuperflue avec la 4 , qui pourroit plutôt
avoir lieu que les deux derniers .
Chacun de ces accords a fes Accompagnemens
differens , qui confiftent en
deux
FEVRIER. 1730. 25.5
deux ou trois intervales de plus que ceux
dont ces Accords portent le nom ; de
forte qu'à la vûë du chiffre , ou par le
moyen de quelques autres notions , il
faut fe repréfenter tous les intervales qui
compofent l'Accord , & y porter incontinent
les doigts .
Chaque Accord a d'ailleurs trois faces
ou permutations fur le Clavier ; & tel
qui connoît la premiere n'en eft pas beaucoup
plus avancé pour la feconde , ni
après celle- ci pour la troifiéme , quant
à la pratique chacun des 22. Accords
exprimés en produit donc trois differens
dans l'execution , ce qui fait le nombre
de 66.
Outre cela , il y a 24. Modes ; & f
l'on veut être en état d'accompagner
toute forte de Mufique , ou de tranfpo
fer , il faut abfolument fe procurer une
connoiffance locale des 66. Accords précedens
dans chacun de ces Modes , car
tel qui fçait toucher les Accords d'un
Mode a encore bien à faire pour trouver
ceux d'un autre ; il faut donc multiplier
les 66. Accords ci- deffus par 24. ce qui
fait le nombre de 1584. fi ce n'eſt pour
l'efprit , du moins pour les doigts .
Chacun des 2 2. Accords primitifs a ſa
regle particuliere , tant pour ce qui doir
Le préceder , que pour ce qui doit le
Cij fuivre
256 MERCURE DE FRANCE:
fuivre par exemple , il faut faire la pe
tite 6 pour defcendre fur l'Accord parfait
, fur la 7 ou fur la 4 , il ne faut
plus faire que la 6 , fi l'on defcend fur
la petite 6 , & fi l'on paffe en montant
par les mêmes accords , tout change ;
ce détail ne finit point. Comment la
mémoire , le jugement & les doigts peuvent-
ils fur le champ , & tout à la fois
fuffire à tant de regles ?
y
On dira peut- être que la connoiffance
du Mode foulage l'Accompagnateur en
pareil cas , puifque la regle ſpecifie que
tel Accord fe fait fur une telle Note du
Mode , en montant ou en ' defcendant ;
mais fi tant eft qu'on connoiffe le Mode,
ne faut il pas découvrir auffi- tôt quel rang
tient la Note préfente , puis fon Accord,
puis les Diézes ou les Bémols affectés à ce
Mode , & fi enfin on parvient à le rendre
tout cela préfent dans la promtitude de
l'execution , qu'a t'on gagné , fi la Note
en question ne porte point l'Accord atta
thé au rang qu'elle tient dans le Mode ?
car , par exemple , au lieu de l'Accord
parfait au premier degré , autrement dit
la Note tonique , il peut y avoir la 6' &
5 , la 5 & 4° , là 4° & 3 , la cou ° ,
la fuperfluë , même avec la 6 mineure,
pareillement au lieu de la petite 6º au
deuxième degré , il peut fe trouver la 7º
ou
FEVRIER . 1730. 257.
oui la 9º & 4º , ainfi de tous les autres
degrés , excepté le feptiéme , appellé Note
fenfible. Il faut donc ici bien des exceptions
aux regles que l'on s'eft efforcé
d'apprendre , & préfumer encore que les
doigts accoutumés à n'enchaîner que dans
le même ordre les Accords qu'elles renferment
, prendront facilement la route
contraire que demandent toutes les fuccellions
differentes , dont chaque Accord
eft fufceptible.
Les chiffres , ajoûtera- t'on , doivenť
fuppléer ici au deffaut de la regle ; mais
peut-on s'affurer que le Compofiteur les
aura mis regulierement par tout , & que
le Copilte ou l'Imprimeur n'y aura rien
oublié. On a fait voir dans le nouveaur
fiftême de Mufique que le plus habile
Compofiteur de notre fiecle n'avoit pas
été exemt de méprife à cet égard ; & c'en
eft affez pour bannir la trop grande confiance
dans les chiffres ; au refte , qu'estce
qu'une Méthode qui nous rend eſclaves
des erreurs d'autrui , ne devroit- elle
pas plutôt nous enfeigner à les rectifier ;
mais bien loin de cela , dans quel embarras
ne met- elle pas l'Accompagnateur
lorfqu'il n'y a point de chiffres le chant
du Deffus lui indiquera- t'il les Accords ?
fi ce chant , par exemple , fait la 3e de
la Baffe , cette 3 pourra être accompa-
C iiij
gnée
258 MERCURE DE FRANCE.
gnée de la 4º , de la se , de la 6º , de la
7 ou de la 9º ; or quelle raifon de préference
pourra-t'il tirer d'une multiplicité
de regles ?
D'ailleurs , on furcharge les commencans
par le mélange de certaines regles
de gout avec celles de fond , fans penfer
que celles - ci font la baze & le modele
de celles - là , & qu'elles feules peuvent
former effentiellement l'oreille , procurer
aux doigts des habitudes genérales & régulieres
, & mettre dans l'efprit la certitude
avec laquelle l'oreille peut fecon
der l'execution . Ces regles de gout ne
font pas fimplement les harpegemens ,
les fredons & le choix des faces , dont
quelque échantillon fait pour certaines
perfonnes tout le mérite & tout le char
me de l'Accompagnement . C'eft fur-tour
la regle qui deffend deux Octaves de fuite,
defquelles on fait un monftre , & dont la
prohibition , pour éviter une faute imaginaire
, en fait commettre de veritables.
Pour ne pas bleffer ce prejugé des deux
Octaves de fuite , on fait retrancher celle
de la Baffe dans prefque tous les Accords
diffonans , d'où il arrive que fi la Baffe
parcourt fucceffivement toutes les Notes
d'un même Accord , il faut à chacune de
ces Notes deux opérations , l'une de lever
le doigt de l'Octave , l'autre de remettre
FEVRIER. 1730. 259
mettre celui qu'on a levé précedemment
fi l'on ne veut en denuer l'harmonie ,
ce qui varie à tous momens les Accompagnemens
d'un même Accord , & le
préfente fans ceffe fous des dénominations
differentes ; or quel retardement cela n'apporte-
t'il pas à la connoiffance , & quel
préjudice n'eft - ce pas pour l'execution ?
car fi les pofitions changent fi fréquemment
, & qu'en même-tems toutes les
faces du Clavier ne foient pas également
familieres , il arrive fouvent que les
doigtsfe refufent à l'accord qui doit fucceder
à un autre dans une certaine face ;
d'où l'on eft obligé de faire aller la main
par fauts , & de la porter précipitamment
à l'endroit où la face eft plus familiere &
plus commode , ce qui ne le fait point
encore fans le defagrement de partager
continuellement fa vue entre le Pupitrs
& le Clavier.
Le retranchement de l'Octave multiplie
un même accord jufqu'à cinq ou fix , tant
pour l'efprit que pour les doigts , & la
forme de fucceffion naturelle à cet Accord
eft multipliée à proportion ; fi cet
Accord en admet cinq ou fix autres differens
dans fa fucceffion , ce font pour cha
cun autant de fucceffions differentes fur
le Clavier , & autant de nouvelles regles.
à obferver , ce qui accable les doigts de
C v tang
160 MERCURE DE FRANCE .
tant de pofitions , & de marches diffe
rentes , qu'il eft impoffible de ne s'y pas
tromper le plus fouvent ; c'eft une verité
dont prefque tous les amateurs , & même
plufieurs Maîtres peuvent rendre té
moignage , pour peu qu'ils foient finceres.
Combien de fois ont- ils fenti en accompagnant
certaines Mufiques que leurs
regles , leurs connoiffances , leur oreille
même , & leurs doigts le trouvoient en
deffaut ?
On peut juger aisément de là que l'o
reille , de concert avec les doigts , fe
formeroit bien plus furement , & s'accoutumeroit
bien plutôt à une fucceffion
uniforme d'accords qu'elle ne le peut faire
à plufieurs fucceffions , qui lui paroiffent
differentes les unes des autres , & qu'elle
préfente même comme telles à l'efprit ;
car fuivant toutes les Méthodes d'Accompagnement
qui ont paru jufqu'ici ,
nos Muficiens pratiquent comme diffe
rentes , plufieurs fucceffions d'Accords ,
qui dans le fond ne font qu'une , & ils
ont établi en conféquence plufieurs regles
qui fe réduifent toutes à une feule ; par
exemple , quand on dit que le Triton doit
être fauvé de la 6º , la fauffe se de la 3º
la 6º majeure de la 8 ou de la 6º , la 7º
fuperfle de la 8 , la fuperfluë de la
6 , & la 2° fuperfluë de la 4 confonante,
e
tout
FEVRIER. 1730. 26-1
rout cela fe réunit dans l'Accord de la
Note fenfible qui doit être fuivi de l'Accord
parfait de la Note tonique ; mais il
ne faut pas s'étonner du grand nombre de
regles inftituées jufqu'à prefent fur la
fucceffion des Accords ; le Muficien que
le fentiment feul a conduit pendant fi long.
rems , n'en a decidé que relativement à
P'impreffion que les differentes difpofitions
d'un même Accord faifoient fur fon oreille
; la réunion de toutes ces fucceffions
en une feule paffoit la portée de cet organe.
Au reste , il n'y a prefque pas une de
ces dernieres regles de détail qui ne foit
fauffe en certains cas , puifque fi les intervales
de Triton , de fauffe se , de 6º maª
jeure , de 3 majeure & de 7e fuperfluë »
fe trouvent dans un autre Accord que
dans le fenfible , comme il arrive trèsfouvent
, tantôt ils font confonans , tantôt
de diffonances majeures ils deviennent
dißonances mineures , & tantôt ils font
diffonans fans être foumis à la fucceffion
determinée en premier lieu . Que devien
nent alors les fufdites regles , & dequoi
fert encore leur multiplicité ? Tel quit
entreprendra de contefter ces verités ne
fera pas Muficien , ou fe perdra dans des
diftinctions frivoles & dans des excep
tions fans fin
Cvj OF
262 MERCURE DE FRANCE :
On pourroit rapporter plufieurs autres
exemples des differens cas où ces regles
échouent; mais pour achever de
achever de prouver
combien elles font vagues , & même préjudiciables
, il fuffira de l'exception qu'il
faut faire à l'égard du Triton , qui felon fa
regle,doit être fauvé de la 6° en montant ,
&qui felon d'autres regles que l'experience
oblige de fuivre à préfent , refte fur le même
degré pour former la 8 , la 3º , la 6º ou
la 5 ; ne voilà t'il pas un conflit de regles
oppofées ? & ne font- elles pas réciproquement
fujettes à de fauffes applications
, vu que l'une peut fe préfenter à
l'efprit , lorsqu'il eft queftion de l'autre ?
Cette Méthode , fi l'on peut qualifier
ainfi un amas confus de regles , ne fembleroit
pas un labirinte , & ne rebuteroit
pas tant de perfonnes de l'Accompagnement
, fi elle étoit plus inftructive du
fond ; cependant on ne doit pas nier qu'il
ne foit poffible de poffeder entierement
toutes les regles du détail & toutes leurs
exceptions , d'en faire la jufte application
, & de les mettre en pratique fur les
1584. Accords , dont elle exige la connoiffance.
Mais quel tems & quels travaux
ne faut -il pas pour cela ? D'ailleurs
quelle confufion pour l'efprit ! quelle
charge à la mémoire , & même quel
obſtacle à la préciſion de l'execution !
Од
FEVRIER: 17301 26.3
On donnera dans le Mercure prochains
le Plan d'une nouvelle Méthode fur le
même fujet.
LE JEUNE ELEAZAR ..
POEME.
E fils d'Antiochus opprimoit les Hebreux
'D'un père criminel le châtiment affreux ,
Du celefte courroux monument formidable,
Sert à rendre le fils encore plus coupable 3
Au lieu d'en profiter , il jure d'abolir
Le culte que les Juifs viennent de rétablir si
Il déclare au vrai Dieu la plus cruelle guerres
Les Syriens armés couvrent deja la Terre.
Confonds tes ennemis & fauve tes enfaris ,
Seigneur , vois ces apprêts , ces nombreux
Elephans ;
Chacun d'eux fur fon dos porte des Tours
énormes ;
3 Au fommet de ces Tours , fous cent terribles:
formes ,
La mort menace au loin ton peuple confternés
Bour brifer tes Autels le fignal eft donné.
Notre caufe eft la tienne , embraffe fa deffenfes.
Exauce nos foupirs , protege l'innocence ;
Que dans leur fang impur les méchans foient
poyés
Difperfe
264 MERCURE DE FRANCE.
Difperfe au gré des vents leurs reftes foudroyés.
Tels font les cris des Juifs , ils volent tous
aux armes ,
Et le Très Haut s'apprête à finir leurs allar
mes ;
Sur un Trône éternel , digne de fa Grandeur,
Dieu repoſe en fon ſein , revêtu de ſplendeurs
Le pouvoir , la bonté , la fageffe y réfident ;
A ce vafte Univers ces attributs préfident ;-
La fageffe conduit , la puiffance foûtient ,
La bonté fit le monde , & l'amour l'entretient '
Cet amour a fouvent arraché le tonnere
Au bras de la Juftice armé contre la Terre ;
Et c'eft lui qui pour lors appaifant fon cour
roux ,
Sur l'ennemi des Juifs en détourna les coups,
Judas , Eleazar , reftes d'un Sang illuftre ,
Tous deux touchoient à peine à leur cinquiéme
Luftre ;
Tous deuxd'Antiochus repouffoient les efforts;
L'Eternel feconda leurs genereux tranſports.
De Siriens mourans la campagne eft ſemée ;
Deux Heros font trembler une effroyable Armée.
Que ne peut la valeur ! fous les coups de l'aî
né
Ee deſtin , de fix cens , eſt déja terminé
Du côtéqu'il combat tout tombe , fuit ou cede;
Le carnage le fuit , la terreur le précede
Lo
FEVRIER: 1730 265
Le jeune Eleazar attaque , & fe deffend ;
Il voit venir de loin un fuperbe Elephant ;
Sous les pas faftueux des flots de fang ruiffe
lent .
Et les Armes du Roi fur fon dos étincellent ;
De la Tour qu'il foûtient le fommet radieux
Domine fur l'Armée , éblouit tous les yeux ,
Et fur lui du Soleil les flammes recueillies
Forment de toutes parts de brillans parelies ;
Le luxe y réunit les plus rares trefors
Que l'Inde avec éclat voit germer fur fes
bords ;
On croit qu'en cette Tour d'où cent guerriers
combattent ,
D'où les traits échapés volent , percent , abbatent
,
Le Roi caché lui même eft témoin des Exploits
D'un monde de Soldats triomphans fous fes
Loix .
Eleazar flatté d'une douce efperance ,
Des Hebreux gemiffans médite la vengeance >
Et veut pour leur falut facrifier ſes jours ,
Trop heureux à ce prix d'en abreger le cours-
Intrépide Lion , guidé par fon courage ,
A travers mille morts il fe fait un paſſage ,
Se cache fous les flancs de l'énorme animal
Qui portoit , orgueilleux , le Pavillon Royal
Et dans fes flancs profonds il plonge fon épée. »
De leur fang confondu la campagne eft crem
pée ;
L'Elephan
266 MERCURE DE FRANCE .
Eléphant bleffé tombe ; ô funefte malheur!
Sous fon poids effroyable expire le Vainqueur.
On fremit , on s'écarte , on fuit , & la pouffiere
Sous un nuage épais obfcurcit la lumiere
Les Juifs encouragés par ce revers heureux
Pourfuivent l'ennemi qui tremble devant eux ;
Judas pleure fon frere , il le vange , & fes
larmes
Coulent avec le fang dont il rougit les armes
;
Le feul Antiochus échape à fon courroux ;
Mais bientôt de Dieu même il fubira les
coups;
Sa vengeance l'attend aux bords du préci
pice ;
L'Eternel aux Tirans ne fut jamais propice.
J. B. Poncy J.
XXX:XXXXXXX :XXXXX
EXTRAIT die Panegyrique
de S. Sulpice.
Lépar
E 17. Janvier , l'Abbé Seguy , nomle
Roi à l'Abbaye de Genlis ,
prononça ce Difcours dans l'Eglife Paroiffiale
de S. Sulice , avec un applau
diffe.nent univerfel . Jamais réputation
n'a
FEVRIER. 1730. 2692
'a été plus prompte que celle de ce nou
vel Orateur , dont le premier fuccès a été
affez éclatant pour être honoré de l'attention
& des récompenfes de la Cour .
Le Public échauffé fur fon compte , at
tendoit avec impatience ce fecond Difcours
, qui a mis , pour ainfi dire , le fceau
à la réputation , & avec d'autant plus de
juſtice que fon fujet , bien moins favora
ble que le premier , ne paroiffoit point
fufceptible des traits vifs & grands qu'il
lui a prétez. L'Extrait du Panegyrique de
S. Louis a fait tant de plaifir , qu'on a
fort fouhaité voir auffi celui du Panegyrique
de S. Sulpice , & nous avons enfin
obtenu le confentement de M. l'Abbé Se
guy pour faire ufage du fecours des Copiftes
qui lui ont enlevé fon Difcours.
L'Orateur a pris pour Texte ces paroles
de l'Ecclefiaftique : Factum eft illi fungi
facerdotic ...& habere laudem in nomine
ejus. Voici l'Exorde , à quelques lignes
près
un
Si l'on fçait à travers les expreffions
les plus fimples penetrer le fens le plus
élevé , quelles grandes idées fe prefentent
à ces mots ! Voilà Chrétiens ,
Eloge digne d'Aaron , qui en eft l'objet
& pour dire encore plus , digne de l'Eſprit
Saint qui en eft l'Auteur. En effet
louer un homme d'avoir mérité le Sacerdoce
268 MERCURE DE FRAŃCÊ.
doce & la plénitude du Sacerdoce , qui
eft le Pontificat , n'eft - ce pas le louer
d'avoir mérité le plus fublime de tous les
Minifteres , celui de Pacificateur , de Médiateur
entre Dieu & fon Peuple , & quelle
louange pourroit , ce femble , égaler celle
fà , fi ce qui fuit n'y mettoit le comble
en ajoûtant que ce Miniftere fi augufte,
Aaron l'exerça avec gloire en Ifraël ,
Factum eft illi fungi facerdotio .... ✪
babere laudem in nomine ejus:
Cette idée , toute grande qu'elle eſt ,
Chrétiens Auditeurs , l'eft- elle trop pour
le fujet qui nous affemble .... Par tout
PHiftoire de fa vie ( de S. Sulpice ) m'a
prefenté un homme vifiblement deftiné
pour entrer en part du gouvernement de
l'Eglife ; un homme que la Grace de Jefus
- Chrift prit foin de préparer dès fon
enfance à la dignité de Pafteur dans l'Eglife
; un homme élevé d'une commune
voix à ce comble d'honneur pour l'édi
fication & pour l'utilité de l'Eglife
C'est à ce point de vûë que m'ont paru fe
rapporter toutes les faces fous lefquelles
on peut l'envifager , & quand j'entreprends
de vous retracer une fi belle vie ,
c'eft ou comme la préparation la plus
parfaite à la dignité Epifcopale , ou comme
l'accompliffement le plus entier des
devoirs qui y font attachez : car voici en
en
FEVRIER. 1730. 269
en deux mots le Plan du Difcours que je
confacre à la gloire de S. Sulpice. Il mérita
d'être élevé à l'honneur fuprême de
l'Epifcopat , & il foutint glorieufement
le poids immenfe de l'Epifcopat. Factum
eft illi fungi Sacerdotio .... habere &
laudem in nomine ejus.
Dieu immortel , qui n'alienez jamais
votre gloire , c'eft à vous que fe rapportent
les louanges de vos Saints , & c'eſt à vous
auffi que fe rapporteroient celles d'un
de vos plus dignesMiniftres qui m'écoute ..
dans ce faint Temple , dont la conſtruc
tion n'étoit poffible qu'à lui feul. Avec
quel zele vous prépare- t - il une demeure,
pendant qu'un autre Serviteur fidele que
Vous vous êtes choifi dans fa maiſon , travaille
fans relâche à votre gloire ; Pontife
& deffenfeur illuftre de votre Religion
facrée. Ainfi Moyfe executoit le Plan
de votre augufte Tabernacle, tandis qu'ho
noré du Pontificat , Aaron fon frere préfidoit
à votre culte divin ... Je rentre
dans mon fujet , mais je fens que je n'en
puis foutenir le poids fi Marie ne s'intereffe
à l'entrepriſe.
Le comprenons-nous ce que c'est que
d'être un des Pafteurs prépofez au gouvernement
de l'Eglife que J. C. a acquife
par fon Sang ? nous formons- nous unet
affez haute idée de la grandeur de ce Miniftere
$ 70 MERCURE DE FRANCE .
niftere ? L'Epifcopat , Chrétiens , l'Epif
copat n'eft rien moins que le Tribunal
irreprochable de cette foi , fans laquelle
on ne peut être fauvé ; la fucceffion non
interrompue du pouvoir & des fonctions
des Apôtres , le complement , la plénitude
furabondante du caractere conferé aux
autres Miniftres de l'Autel , l'autorité de
droit divin fur les Fideles & fur les Prê
tres qui les conduifent , le gage fenfible
de l'union de J. C. avec fon Eglife , la
participation immediate de la puiffance du
Fils de Dieu lui - même , la fource primitive
du pouvoir de lier & de délier fur
la Terre , de conferer la Grace & de la
fufpendre , de rendre prefente la Victime
adorable & de l'immoler . Quelle dignité
que celle qui réunit en foi de fi grandes
chofes , mais auffi de la part de notre
Saint , quelle vertu , quelle capacité
tous égards , quelle répugnance à accep .
ter tant de grandeur, l'en rendirent digne !
trois principaux chefs dont je fais tout le
fond de cette premiere Partie.Reprenons.
Il femble , Chrétiens , que Sulpice ne
pouvoit naturellement échapper au mon
de ,fi fon coeur n'eût été fpecialement deftiné
de Dieu pour être à lui. La Cour , où fa
naiffance l'appella dès fes premieres années;
la Cour eft - elle l'école ordinaire de
la vertu Cet âge même où le coeur tout
(
en
FEVRIER. 1730. 271
en bute aux paffions , à peine fe trouve
libre , eft peut -être moins dangereux , &
j'oubliois prefque de vous dire que Sulpice
fut au Seigneur dès le point du jour,
comme parle le Prophete , dès fa jeuneffe ,
parce que j'ai quelque chofe de plus glorieux
pour lui à vous dire ; c'eft qu'il fut
au Seigneur dans des lieux , théatre univerfel
des foibleffes & des vanitez humaines
, à la Cour . Ce n'eft donc pas ici ,
Chrétiens , une vertu à l'abri des dangers
du fiecle ; c'eft une vertu à l'épreuve des
charmes & des engagemens du monde le
plus féduifant , que l'on appelle le grand
monde , une veriu conftamment follicitée
& conftamment victorieule ....
L'Abbé Seguy , après avoir mis dans
tout fon jour la vertu de S. Sulpice au
milieu des dangers de la Cour , le repréfente
dans fa Retraite domeftique , &
voici comment il en parle .
Il quitte donc cette Cour , où il ne
voit aucun des vrais biens qu'il aime
où font réunis enfemble tous les faux
biens qu'il n'aime pas ; il fe fait de fa
maifon une retraite particuliere auffi inacceffible
aux attaques des folles paffions
que le fut jamais celle des Hilarions &
des Antoines . La folitude Chrétienne ,
mes freres , ne penfez pas qu'il faille abfolument
l'aller chercher dans l'ombre
>
du
272 MERCURE DE FRANCE .
du Cloitre ou dans l'horreur des Deferts .
Un coeur tumultueux , plein des idées &
des engagemens du fiecle ne feroit pas
feul dans les Antres profonds de la Thébaïde
même. La vraye folitude eft fouvent
dans un genre de vie retirée , quoiqu'au
milieu du monde , dans les fentimens
qui y font conformes dans le coeur .
L'Orateur en parlant de l'humble
réfiftance de S. Sulpice , lorfque fon Evêque
voulut l'ordonner Prêtre , dit :
Malgré un attrait naturel pour cet état
le Serviteur de Dieu , par un effet de cette
humilité qui met le comble à la vertu refufe
de repondre à un deffein qu'a fait
naître la vertu même , & pour le faire
paffer de l'état laïque à la Cléricature ,
de la Cléricature au Sacerdoce , il faut
que le faint Evêque engage les Princes à
fe joindre à lui . C'est ainsi que la modeftie
des Saints leur cache quelquefois
la volonté divine qu'ils adorent , & que
le Ciel fait executer fur eux fa volonté
fans rien faire perdre à leur modeftie.
Vous réfiftiez donc en vain , digne Diſciple
de J. C. vous en deviez être le Prêtre ,
parce que vous en fûtes la Victime.Il étoit,
il étoit convenable que vous puffiez offrir
à l'Autel l'Agneau fans tache , vous qui
pouviez vous offrir avec lui. Vous fçavez
déja ce qu'il fut dans la vie féculiere,Chrétiens
FEVRIER. 1730. 273
tiens Auditeurs , jugez de ce qu'il fut dans
le Sacerdoce ... Sa vie infpire , perfuade
la vertu que refpirent tous fes difcours
fes exemples font citez dans les familles
fon fimple afpect eft une leçon , fon feul
nom rappelle une idée falutaire . Déja fe
répand le bruit de fa fainteté dans les Provinces
voilines . La Cour l'entendit , & le
Prince Religieux qui commandoit alors
à nos Ancêtres , Clotaire II. jetta les yeux
fur le Serviteur de J. C. pour le charger
d'un emploi plus honorable encore par la
fainteté de fes fonctions , que confiderable
par l'accès & le crédit qu'il donnoit auprès
du Monarque ... Mais il s'agiffoit
d'engager l'Homme de Dieu à l'accepter
& fon Evêque fut intereffé pour cela ;; car
comme ce Prélat n'eût jamais pû fans le
Prince , forcer l'humilité de Sulpice à recevoir
le Sacerdoce , le Prince n'eut auffi
jamais pu fans lui,forcer la vertu du Saint
à rentrer dans le grand monde. On l'y fit
rentrer. Sulpice reparoît à la Cour & il
l'édifie de nouveau . La Cour , quelques
paffions qui y regnent , n'en eft pas moins
pleine d'eftime pour la vertu , & fans la
pratiquer mieux que le peuple , elle fçait
& la connoître mieux & la refpecter davantage
.
Rien n'eft plus beau & plus délicat que
le Portrait que fait l'Orateur de fon Saint,
dans
£74 MERCURE DE FRANCE.
dans le crédit que lui donnoient fa Char
ge de Grand - Aumônier & l'amitié de Clotaire.
Clotaire , dit- il , qui lui doit la confervation
de fes jours , veut qu'il ait aux
affaires une part confiderable , qui ne fut
jamais l'objet de fes voeux... Je reconnois
ici , ô mon Dieu ! un grand exemple de
la conduite que vous tenez quelquefois
fur ceux qui vous aiment ; quoiqu'ordinairement
jaloux de les cacher dans le
fecret de votre face , cependant pour le
bien de leurs freres , pour l'honneur même
de la vertu , vous les menez de temps
la main fur la Scene
en temps comme par
changeante du monde , vous leur faites
trouver grace devant les Dieux de la
Terre & toujours fur de leur coeur , vous
les prêtez pour récompenfe aux bons Rois,
à qui ils font neceffaires.
›
Enfuite l'Abbé Seguy fait voir S. Sulpice
attentif dans la faveur à ménager pour
la timide vertu la protection du Monarque
, charmé de pouvoir prêter fa voix
aux larmes des malheureux , le rendant
cher à fa Nation , comme un autre Mardochée
, & par le charme d'une douceur
toute Chrétienne , trouvant le fecret de
ne mécontenter perfonne , malgré l'impuiffance
, de procurer des graces à tous,
Conduifant & executant tout ce qu'il fe {
propofe
1
C
FEVRIER. 1730. 275
propofe par une nouvelle forte de politique
, la droiture & la fincerité , agiffanc
avec zele & avec zele felon la fcience
dans tout ce qui a rapport à la Religion
& qui demande l'appui de l'autorité Royale
pour l'Eglife ; enfin dans une fituation
où d'autres facrifieroient leur ame , ayant
aux yeux des hommes mêmes le mérite
de ne facrifier que fon repos : tel & plus
grand encore par le faint ufage de fon crédit
étoit Sulpice , Chr. Aud . & s'il n'eft pas
le feul que fon Portrait vous repréfente ,
c'eft une heureuſe reffemblance qui honore
notre fiecle . Au refte , il est bon pour votre
inftruction , mes Freres , que vous remarquiez
la cauſe du faint ufage que fit Sulpice
de fa faveur à la Cour, & la raifon du bonheur
qu'il eut d'y conſerver ſa vertu dans-
#tous les temps . Dieu l'y avoit appellé ; &
parce qu'il l'y avoit appellé , il le fauvades
écueils dangereux contre lefquels ont
brifés mille autres ; parce qu'il l'y avoit
appellé , il le mit au - deffus des foibleffes
ordinaires du fang , il lui fit oublier le
foin de l'élevation des fiens & de leur
fortune particuliere ; parce qu'il l'y avoit
appellé , bien loin de l'abandonner à l'amour
du plaifir qui y regne , il fe fervit
de lui pour y confondre les voluptueux
par fon exemple ; parce qu'il l'y avoit
appellé , il fit taire en lui la voix de la
D cupidité
276 MERCURE DE FRANCE :
cupidité , il lui donna ce détachement fi
neceflaire à qui peut obtenir tout ce qu'il
defire ; parce qu'il l'y avoit appellé , il
lui conferva au milieu de la pompe & du
luxe de la Cour , un gout conftant pour
la fimplicité la plus modefte ; parce qu'il
l'y avoit appellé , il l'entretint au centre
même du grand monde dans un efprit de
retraite qui l'engageoit à fe dérober de
temps en temps à la Cour , pour donner
au foin de recueillir fon coeur tous les
momens dont il étoit le maître ; parce
qu'il l'y avoit appellé , il juſtifia ſa vocation.
Ceux que Dieu lui - même expoſe ,
font dans le monde fans appartenir au
monde ; Dieu eft avec eux , mais auffi
ceux qui s'expofent fans fon aveu , y penfent
- ils férieuſement .
Si Sulpice y eût été porté par fes propres
confeils , il y auroit fait infailliblement
naufrage. La Providence qui veut.
peut-être tel d'entre vous loin du tumulte
du monde , le voulut long- temps lui au
milieu des dangers du fiecle , & elle avoit
fes raifons . Ce n'étoit pas fans deffein
qu'elle l'avoit fait naître avec les avantages
des richeffes & du rang , qu'elle lui
fit paffer plufieurs années parmi les délices
& les vaines pompes contre lefquelles
il étoit obligé de fe deffendre. Elle le def
sinoit à remplir dans fon Eglife une place
..
qui
FEVRIER. 1730. 277
qui pour être fainte , facrée , de droit divin
, n'en expofe pas moins aux périls inféparables
des grandes places , une place
qu'une vertu à l'épreuve des tentations
de la grandeur & de l'abondance , eſt ſeule
digne de remplir.Car depuis que les Chré
tiens , trop indignes de leurs premiers
Ancêtres , ont renoncé à cette heureufe
pauvreté qui fut comme le berceau de leur
Religion , depuis que l'amour des abbaiffemens
a fait place chez eux aux fatales
chimeres de l'orgueil , il a fallu appuyer
l'autorité Epifcopale de tout ce que l'opulence
, le rang ont de plus impofant à
leurs yeux . Sulpice avoit donc befoin d'une
vertu éminente , éprouvée , pour répondre
dignement aux deffeins de Dieu
fur lui , & vous avez vû fi la fienne ne
fut pas telle , in integritate ; mais la vertu
feule n'eût pas fuffi fans une capacité proportionnée
à fa deſtination , in doctrina ...
Il l'avoit , & fi vous me demandez comment
parmi les diftractions & tumulte du
fiecle il trouva le temps de l'acquerir , je
vous répondrai qu'il le trouva à force
d'attention à faifir & à employer des momens
qu'un autre auroit perdus en amufemens
frivoles ou criminels , je vous ferai
reffouvenir de cette Retraite domeftique
de plufieurs années où tout fon temps
étoit partagé entre Dieu & une étude re-
Dij glée
(
278 MERCURE DE FRANCE:
glée qui avoit rapport à lui . Lorfqu'il fo
faifoit ainfi par principe d'occupation un
fond de faintes connoiffances , il ne prévoyoit
pas qu'il dût un jour par état les
communiquer aux autres ... Il n'étoit pas
moins propre à annoncer les veritez Evangeliques
aux Grands , qu'à inftruite les
petits & à cathéchifer les Habitans des
Campagnes , il éclairciffoit les doutes des
ames timorées , il affermiffoit la foi des
ames foibles , il étoit utile à fon Evêque
même qui le confultoit ...
....
Voilà ce que c'étoit que les lumieres.
de Sulpice , Chrétiens Auditeurs , elles
ne faifoient point peut - être cette fcience
fi étenduë , fi variée , de beaucoup de Sçavans
de nos jours , mais elles faifoient
une ſcience utile à fon prochain , à luimême
, & fur tout fobre , modeſte , s'arrêtant
où elle devoit ; & plût à Dieu que
plufieurs de nos freres n'en euffent point
d'autre , qu'ils fuffent & bien plus humbles
& moins curieux , & par là moins
fujets à des égaremens déplorables . Car ,
ô Ciel ! vous confondez le témeraire regard
qui veut s'élever jufqu'à la hauteur
inacceffible des tréfors de votre fageffe.
Rendez - nous l'heureufe fimplicité des premiers
temps de l'Eglife . On ne fçavoit pas
difputer , ah ! mais on fçavoit obéir .....
L'Orateur , après avoir paffé avec un
art
FEVRIER. 1730. 279
art infini au troifiéme Chef de fa fubdi
vifion , continue :
Ici, Chrétiens, s'offre un nouveau fpectacle.
C'eft une affemblée d'efprits violens
& factieux , qui fe calme au feul nom de
Sulpice. Le Siege Epifcopal étoit vacant
& le peuple , alors maître du choix de fon
Evêque, étoit divifé en plufieurs partis qui
en alloient venir aux mains , fi une voix
fortie du milieu de tant de clameurs , n'eût
tout -à-coup nommé Sulpice . A un nom
fi refpecté les troubles ceffent , les efprits
font d'accord , & cette Affemblée tumultueufe
, dont les cris differens étoient la
voix de mille paffions differentes , devient
en un moment par la réunion inefperéo
de fes fuffrages , l'Interprete du choix de
Dieu -même . Mais voici un fpectacle plus
grand encore ; c'eft Sulpice qui refuſe
d'accepter la dignité facrée qu'on lui défere
; on le preffe & il réfifte pour la premiere
fois à la volonté de fon Dieu , mais
remarquez qu'il y réfifte dans une occafion
où il est beau , j'ofe le dire , de la
méconnoître .... c'eft mériter l'Epifcopat
que d'avoir la pieté , la fcience neceffaire
pour en exercer avec fruit les
fonctions auguftes ; le refufer toutefois
par Religion , c'eſt avoir un mérite auffi
éminent que la place même ....
La réfiftance de Sulpice aux empreffemens
du peuple , venoit de fon profond
28 MERCURE DE FRANCE.
{
refpect pour la dignité facrée qu'il mé
ritoit fi parfaitement , il regardoit l'Epifcopat
comme le caractere le plus augufte , le
plus élevé dont un Chrétien puiffe être
revêtu ici bas. Il avoit toûjours été particulierement
recommandable par fon refpect
pour les premiers Oints du Seigneur,
& il vivoit dans un fiecle où des difcours
injurieux à leur gloire , étoient un crime
prefque inconnu.
L'Abbé Seguy termine cette premiere
Partie par une morale forte & convenable
, & paffe à fon ſecond Point , où il
fait voir S. Sulpice foutenant dignement
le poids immenfe de l'Epifcopat.
La plus grande idée qu'on puiffe dons
ner d'un Miniftre du Seigneur , n'eſt pas
de dire qu'il mérita d'être honoré du caractere
Epifcopal ; non , quelque grand
que foit un tel éloge : mais dire qu'ayant
reçu ce caractere facré , il le mérita toujours
, eft la fuprême loüange. Il y a,
Chrétiens entre la gloire d'être élevé par
fes vertus à une dignité éminente & celle
d'en remplir parfaitement les devoirs , une
difference qu'il eft aifé de fentir pour peu
qu'on y réflechiffe .... Audi parmi tant
d'hommes que les fuffrages des peuples
éleverent aux places les plus auguftes ;
combien en a t'on vû qui en auroient
toûjours paru dignes s'ils ne les euffent
jamais occupées. Sulpice digne de l'Epif
FEVRIER . 1736. 281
copat , & avant d'y parvenir , & après
y être parvenu , juftifia pleinement le choix
de fon peuple , & cela par l'efprit de fon
gouvernement , par fes travaux , par fes
fuccès mêmes.
L'Abbé Seguy , dans le premier membre
de cette fubdivifion , fait voir l'efprit
du gouvernement du S. Evêque comme
un efprit de bonté , de fermeté, de fageffe,
& il en rapporte entr'autres exemples un
trait de ce S. Pafteur à l'occafion des vexations
inoüies & des cruautez qu'exerçoient
certains exacteurs d'un impôt trop
fort qui mettoit le comble à la mifere du
peuple.
Sulpice en eft témoin , dit l'habile Panegyrifte
, & les entrailles paternelles en
font émuës . Il s'adreffe avec douceur aux
barbares Officiers , il leur fait la plus touchante
peinture de l'état déplorable de
fon peuple , il les conjure au nom du Dieu
de bonté de ceffer d'indignes poutfuites,
qui auffi bien ne fervent qu'à réduire au
plus affreux defefpoir une partie de fon
troupeau , & fans doute il leur auroit inf
piré des fentimens plus humains, fi de tels
coeurs en euffent été capables . Eh bien ,
cruels je me fuis inutilement abbaiffé
jufqu'à la priere ; il ne me refte qu'à vous
lancer les foudres fpirituels qui m'ont été
confiez. A Dieu ne plaife , que je m'op
Dij pole
282 MERCURE DE FRANCE
pofe
ofe aux ordres du Prince ; ce n'eft pas
a vos pareils qu'il eft donné de lui être
plus foumis & plus attachez qu'un Evêque.
Mon Roi n'ignore pas mon zele , il
n'ignore que vos cruautez . Je lui écris ,
il nous fera fçavoir fa volonté fouveraine...
Je vous abandonnerai , s'il l'exige ,
& le Troupeau & le Paſteur même ; mais
en attendant n'efperez pas que je fouffre
votre barbarie ; je ne verrai point écrafer
ainfi mon peuple , dont les cris me déchirent
; percez plutôt ce coeur qui ne peut
vous abandonner .
Fermeté héroïque , Chrétiens Auditeurs,
qui fans une prudence infinie auroit eu ,
je l'avoue , fes dangers ; mais l'efprit de
fageffe égala toûjours en Sulpice l'efprit
de force. Spiritus fortitudinis , fpiritus fapientia
& intellectus. Tandis que par la
vigueur de fa conduite il arrête les perfecutions
des Publicains barbares , il exhorte
d'un autre côté les riches à leur
payer le nouveau tribut , il recommande
vivement au peuple les fentimens d'attachement
& d'obéiffance qu'il doit à fon
Souverain , il paroît prêt à accabler du
poids de fon indignation quiconque oferoit
s'en écarter , & cependant il conjure
celui qui tient en fes mains les coeurs des
Rois, de lui rendre favorable Dagobert ,
qui avoit fuccedé à Clotaire.
>
L'art
<
FEVRIER . 1730. 283
L'art avec lequel l'Orateur entre dans
la feconde partie de fa fubdivifion , & la
maniere dont il décrit les travaux Apoftoliques
du faint Evêque , auroient ici leur
place , fi on pouvoit abreger cet endroit
fans le gâter....
Que vous dirai - je de plus ? auffi infatigable
, auffi prompt que plein de zele
occupé fans relâche , fans altération , il
ne l'èft que des interêts du Ciel & du foin
de fon Diocèfe. Il ne tient d'une main qu'à
fes Quailles & de l'autre qu'à fon Dieu.
L'article des fuccès du faint Evêque eft
traité avec la même dignité & le même
feu. La converfion des Juifs de Bourges
faite par fon miniftere , n'y eft pas oubliée
, & l'Orateur pour relever ce grand
fuccès , parlant de l'obftination des Juifs
dit.... malheureufe race , ton aveuglement
eft la peine de tes ingratitudes . C'eſt
du tréfor de la colere qu'eft fortie ton
obftination infenfée ; terrible exemple des
vengeances du Seigneur , tu portes imprimez
fur toi les fignes les plus marquez
de la colere , & toi feule ne les reconnois
pas ; tu gardes cherement les Livres faints
où fe lit ta condamnation manifefte , &
toi feule ne l'y trouves pas ; tu fers au
monde entier de témoin contre toi-même
& toi feule ne t'en apperçois pas' ; & fi
par une espece de prodige la verité puif-
D v Lante
284 MERCURE DE FRANCE :
fante arrache à quelques- uns des tiens le
fatal bandeau , ne les voit- on pas prefquo
toûjours lui enlever peu de temps après.
fa victoire , & lui vouer une haine plus
cruelle que jamais ; ainfi fe juftifient les
oracles de tes Prophetes par qui a été prédic
ton endurciffement déplorable. Mais , Chrétiens
, Sulpice devoit avoir la gloire de
triompher de tant d'obftination . Il prêche
donc J. C. crucifié à des infortunez qui le
regardent comme un fujet de fcandale , ik
lutte contre leurs opiniâtres préjugez &
il en triomphe. Ce ne font plus ces ennemis
irréconciliables de l'Homme- Dieu ;
ce font des vaincus , qui trop contens de
l'être , baignent de larmes de joye les armes
qu'ils remettent au vainqueur . Que:
j'aime à les voir gémir amoureufement au
pied de la Croix , ils en font le glorieux
& nouveau trophée . Plus de difference :
de culte dans la même Ville . Les enfans :
de Sara & d'Agar fe font réunis . Que les
Efprits Celeftes en foient tranfportez de
joye , que l'Eglife en faffe retentir fes
Temples de Chants d'allegreffe , que la
pofterité de ces Efclaves devenus libres en
J.C. beniffe à jamais la memoire du faint:
Pafteur dont Dieu s'eft lervi pour renouveller
fur leurs peres & fur eux les ancicunes
mifericordes .
MAS
FEVRIER. 1730. 285
MADRIGAL.
lle
A Mad P.
FAlloit il , Belle Iris , ajouter la parure ,
Aux attraits que fur vous répandit la Nature ?
N'étiez - vous pas déja trop aimable à mes
* . yeux ?
Mais en vain l'art vous prête encor de nou
veaux charmes ,
Malgré ces foins induſtrieux ,
C'eft à vos feuls appas que mon coeur rend les
armes.
MMMMMMMMMMMMMMYaa?
QUESTION PROPOSE'E de
Bourgogne à M. D. L. R. fur le Rhume
& fur certains régimes de fanté , recommandez
par les Anciens.
Dtrouvé fifouvent des réponfes fatis-
Epuis que je lis le Mercure j'y ait
faifantes à differentes Questions qui y'
avoient été propofées , que j'efpere qu'on
voudra bien m'en procurer une par le
même canal , fur un fujet qui intereffe
tout le monde . Il n'eft rien de plus précieux
que la fanté ; nos Anciens avoient
D. vj
ung
286 ME RCURE DE FRANCE?
une grande attention fur cet article. Ils
placerent de tous côtez des Sentences qui
y avoient rapport . Elles étoient quelquefois
rédigées en Vers , quelquefois en rimes
feulement , d'autres fois en Vers latins
rimez de la nature de ceux qu'on appelle
Techniques , & cela afin qu'on les retint
plus facilement . Mais comme chacun
n'a pas la clef de ces fortes de dictions ,
je me flate que quelque Medecin zelé pour
le bien public voudra bien nous expliquer
ce qui paroît de plus obfcur dans
ces fortes de Sentences.
On les trouve en Quatrains au bas de
chaque mois des Calendriers dans prefque
tous les Livres d'Eglife qui ont été imprimez
en France au commencement du
XVI. fiecle avant le Concile de Trente.
Il y avoit alors parmi les Chantres & les
autres Ecclefiaftiques beaucoup de Medecins
qui fçavoient faire l'apologie de ces
Vers & qui en donnoient le dénouement.
J'en ai des preuves particulieres pour l'Eglife
à laquelle je fuis attaché. Aujourd'hui
qu'il n'y en a plus , on regarde ces fortes de
Quatrains comme ridicules & même com.
me très -impertinemment placez . Car où
font- ils imprimez ? C'eft dans les Miffels ,
à la marge inferieure du Calendrier , comme
pour fervir de brodure au bout des
Saints de chaque mois. Si ces Vers tant
bien
FEVRIER. 1730 . 287
bien que mal faits , ne fe trouvoient que
dans un ou deux Miffels , je les croirois
peu dignes d'attention ; mais comme ils
fe rencontrent dans le plus grand nombre
& même dans ceux de Paris , & dans ceux
de Rome , imprimez en France , c'est une
marque de l'eftime generale qu'on en
avoit. Il n'eft donc pas indifferent d'examiner
fi cette eftime étoit bien fondée &
fi les regles en font folidement établies .
J'ay eu le bonheur de n'être point attaqué
de la maladie qui a été fi commune
depuis quelques mois ; mais afin que je
puiffe la prevenir au retour d'une autre
année , quelque charitable Medecin voudroit-
il bien nous affurer fi l'on peut fe
fier à ce qui eft marqué dans un de ces
Quatrains ? C'eft celui du mois de Novembre.
Vis fanus fieri curetur reuma Novembri :
Quodque nocens vita ; tua fit prétiofa dieta
Balnea cum venere tunc nulli profit habere :
Potio fit fana , nec jufta minutio vana.
Voilà , ce me femble , cinq leçons dans
ce Quatrain. Le premier Vers décide que
c'est au mois de Novembre qu'il faut le
préſerver du rhume ou le faire ceffer. Il
eft en mêmes termes dans la plupart des
differens Miffels que j'ay vus. Il y en a
feulement quelques uns où on lit
Hoa
288 MERCURE DE FRANCE.
Hot tibi feire datur , quod rheuma Novembre
creatur
C'est ainsi que je trouve ce premier Vers
dans un Miffel de Clugny de 1510. dans
un d'Autun de 15 30. & dans un de Chartres
de 153.2 . & un de Sens de 1556.
Cette Variante nous apprend bien que le:
rhume fe forme en Novembre ; mais elle
n'affure pas qu'il faille y remedier dès ce
mois-là. Il eft cependant bon de fçavoir
à quoi s'en tenir ; parce que bien des gens
difent que le rhume eft de plus longue durée
lorfqu'on le mitonne que lorfqu'on le
néglige . C'eft fur quoi j'attends un parfait
& prompt éclairciffement.
LesVariantes du fecond Vers n'en chan
gent point le lens . Quaque nociva vita ,
cela revient au même. Pour ce qui eſt de
dieta , les Ecclefiaftiques plus accoûtumez
aux langages de leurs Rubriques qu'à celui
de Galien ou d'Hippocrate , entendoient
autrefois par dieta , l'Office Ferial :
Fit dieta , ou bien Fit de dieta , fignifioit
qu'on faifoit de la Férie . Mais je croirois
que ces Vers n'ayant pas été compofez par
un Rubriquaire , l'Auteur veut dire qu'il
faut bien prendre garde à la diete qu'on
obfervera dans ce mois - là . N'eſt - ce point
en effet la faiſon où il femble que l'appégit
renaît à mesure que le froid approche?
Je
FEVRIER 1730: 28
Je méprile la Variante de certains Miffels
où on lit , tua fint pretiofa dila , ce font
des fautes groffieres qu'on peut rejetter
fur les Imprimeurs, comme s'il falloit
donc parler moins dans le mois de Novembre
que dans les autres , ou bien qu'il
fallûr n'y parler que le langage de ces
précieux ridicules.
Le grand nombre des Editions contient
le troifiéme Vers comme je l'ay rapporté
d'après mon Miffel Diocèfain de l'an 1518
Cependant celui de Cluny de 1510. &
celui d'Autun de 1530. mettent en style:
affertif.
Balnea cum venere tune nullum conftat habere..
Ces deux mêmes Miffels rapportent auffi
un peu autrement le quatrième Vers , en
mettant , Potio fit fana atque minutio bona..
Je pense qu'on y recommande feulement
de prendre garde à ce que l'on boira , &
de fonger qu'il fera bon de fe faire ti--
rer alors un peu de fang . Un Apotiquaire
attentif pourra me reprendre & dire ques
potio veut dire là une Medecine , & que:
ce Quatrain ne doit pas donner l'exclu--
fion aux fonctions de fon miniftere . A
cela je fuis tout prêt à lui répondre , qu'il
ne paroît pas que l'ufage des potions médicinales
doive préceder la faignée , mais
qu'il doit la fuivre , & que tout au plus il
eft recommandé de ne point boire trop
froid
100 MERCURE DE FRANCE:
froid & peut- être de tremper fon vin avec
un peu d'eau chaude , dont quantité de
gens , defquels je fuis du nombre , fe font
bien trouvez . Je crois auffi , que pour ce
qui eft de la queue du Vers , il eft queſtion
feulement de ces faignées de précaution ,
telles qu'on les pratiquoit anciennement
dans les Monafteres , où il falloit que tous
les Moines fe fiffent ouvrir la veine à certains
jours de l'année , de la même maniere
qu'ils fe fervent tous du miniſtere
du Barbier un même jour de la femaine .
Au refte , fi je me trompe dans mon
explication , je laiffe à Meffieurs les Docteurs
en Medecine à en décider . Je me
flate qu'au premier jour quelqu'un d'entr'eux
, moins afferé lorfque les rhumes
auront un peu ceffé , nous donnera un
ample Commentaire de ce Quatrain : &
fi le Public en eft content , je prendrai la
liberté de demander par le même canal une
Paraphrafe également inftructive fur les
Quatrains mis à la fin des autres mois.
Cependant pour ne rien celer , je vous
dirai que le Miffel d'Autun de 1530 .
ajoûte encore les deux Vers fuivans pour
Je mois de Novembre , comme d'un au
tre Auteur.
Ungues vel crines poteris prafcindere tutè ;
De vena minuas , & balnca citiùs intres.
La
FEVRIER. 1730. 291
La précision ou coupure des ongles ou
des cheveux contribuë- t'elle donc à la
fanté , pour être mife en parallele avec l'a
faignée ? A Pégard du bain , l'Auteur or
donne de fe le procurer au plutôt , bien
entendu , avec éxclufion de ce qui eſt porté
dans le troifiéme Vers cy- deffus. Je ne
connois point de Riviere qui foit chaude
au mois de Novembte , du moins dans
nos quartiers . Sans doute qu'il eft queſtion
en cet endroit des bains domeftiques , on
de ceux qui font dans les lieux où la Nature
fait fortir des Fontaines chaudes des
entrailles de la Terre . Mais comment &
pourquoi les Bains font-ils plus falutaires
au mois de Novembre qu'en d'autre tems?
C'eft ce qu'il eft à propos d'éclaircir , ou
bien il faut déclarer que les Anciens
avoient tort de propofer ces regles . Je recommande
fur tout l'article du rhume.
La Ptifane dont on fe fert pour le guerir
ici , eft le vin tout pur ou l'eau- de- vie.
C'est une Medecine qui n'eft pas rare
dans nos cantons , principalement au mois
de Novembre. Mais eft - elle bonne ? Estce
celle que prefcrit le premiers Vers qui
dit : Curetur rheuma Novembri ? C'eft- là
la queſtion dont j'attends la décision .
Ce 31. Janvier 17302,
A
191 MERCURE DE FRANCE.
のの
శ్రీ శ్రీ శ్రీ శ్రీ
A UNE DAME ,
En lui envoyant une Bourse brodée.
MADRIGAL.
St le mérité d'une Bourſe ,
J'entends bourfe remplie , eft la feule ref
fource ,
Pour toucher en ce temps un coeur intereffé
Je n'ai pas dû pour plaire être affez empreſſé.
Non , ce n'eft point l'amour , c'eft l'argent qui
décide.
Jadis je fçus aimer à la façon d'Ovide ,
Vers galants , petits foins , complaifances
foupirs ,
Sans féduire mes fens , firent tous mes plaifirs.
Et vous , charmante Iris , dont la délicateffe
Préfere à la fortune une fage tendreffe ,
Surpaffant votre fexe en nobles fentimens ,
Vous avez des amis qui valent des Amans,
EX
FEVRIER. 1730. 193
XXX:XXXXXX :XXXXX : X
EXTRAIT de l'Affemblée publique
de la Societé Royale des Sciences , tenue
dans la Grand'Sale de l'Hôtel de Ville
de Montpellier le 22. Decembre 1729%
l'Archevêque d'Alby y préfidant.
Ce
E Prélat qui fut nommé l'année derniere
à la place d'Académicien Honoraire
du feu Marquis de Caftries , fon
frere , & qui paroiffoit pour la premiere
fois dans l'Affemblée de l'Académie
étoit au haut bout de la Table , avec M.
l'Evêque de Montpellier & M. Bon ;
Premier Président de la Cour des Comptes
, Aides & Finances de Montpellier,
Académiciens Honoraires ; les Académiciens
ordinaires y éroient rangés fuivant
la coutume , & les Confuls de la Ville
y affiftoient en Chaperon.
L'Archevêque d'Albi ouvrit la Seance
par un remerciement qu'il fit à la Compagnie
au fujet de fon élection , & ce
remerciement affaifonné de toutes les graces
que ce Prélat ne manque jamais de
répandre dans tous fes difcours & dans
toutes les actions , fit connoître à la Com--
pagnie qu'elle trouveroit dans cet Honoraire
non-feulement un veritable Me
cenog
4 MERCURE DE FRANCE:
cene , mais encore un Académicien zelé,
& très- capable par lui- même de perfectionner
les Sciences & les Beaux - Arts ,
fi les devoirs indifpenfable's de fon Mi
niftere pouvoient le lui permettre.
M. Marcot , Directeur de la Societé ,
lut enfuite un Difcours préliminaire , dans
lequel après avoir remercié M. le Préfident
de tout ce qu'il avoit dit d'obli
geant pour la Compagnie , donna une
idée genérale des occupations de l'Académie
, & parcourut avec beaucoup de
précifion & de netteté toutes les Sciences
qui font l'objet de l'Etude des Académiciens
; il parla des Obfervations
particulieres qu'ils y avoient déja faites
de l'utilité que le Public en avoit retiré ,
& de celles qu'un tems plus favorable
aux Sciences pourroit lui procurer dans
la fuite.
Après ce Préliminaire , M. Marcot lat
une Obfervation d'un Anevrifme mixte,
qui fut heureufement gueri par fes foins
& fes attentions.
Cet Anevrilme parut après une piqueure
de l'artere du bras , qui eft enfermée
dans une même gaine avec la vei
he bafilique . On crut d'abord avoir fuffi
famment temedié à cet accident par des
faignées copieufes & par des compreffes
graduées , foutenues par un bon banda
ge
FEVRIER. 1730. 295
ge ; mais malgré ces précautions , la piqueure
de l'artere ne fut point confolidée
, & celle de la gaine , dans laquelle ,
elle eft enfermée , fe rejoignit en peu de
tems ; le fang que fourniffoit la piqueure
de l'artere dilata bientôt cette tunique
vaginale , & fit une tumeur de la groffeur
d'une petite noix , qui avoit un mouvement
de fiftole & de diaftole.
Cependant , foit que les compreffes
graduées & les bandages euffent arrêté le
cours ordinaire du fang , foit qu'il s'en
fut extravafé quelque portion avant que
l'ouverture de la tunique vaginale fe fut
colée , il s'étoit fait au deffous de la
premiere tumeur une feconde tumeur
qui étoit un veritable flegmon , & qui
rendoit la cure de l'aneyrifme très déli
cate & très difficile.
M. Marcot prit le parti dans cette
conjoncture d'attaquer le flegmon , de
le faire fuppurer & de le mener à cicatrice
, & enfuite ayant le champ libre
pour comprimer fans danger la tumeur
anevrifmale , il réduifit l'artere dans fon
état naturel par le bandage de l'Abbé
Bourdelor , dont on voit tous les jours,
des effets merveilleux dans des occafions
femblables.
Un tourbillon qui fit beaucoup de
rayage aux environs de Montpellier
fut
296 MERCURE DE FRANCE.
fut le fujet d'un Mémoire que lut M.
de Montferrier le fils , Sous - Directeur
de l'Académie.
Ceux qui furent les témoins de la viofence
de ce Méteore lui donnerent d'abord
le nom d'Ouragan ; d'autres crurent
qu'il avoit plus de rapport aux Trompes
de Mer qui font quelquefois fi fa-
Tales aux Navigateurs ; & d'autres plus
fuperftitieux que Philofophes , voulurent
y trouver quelque chofe de furnaturel
& fe perfuader que quelque Efprit foler
étoit la caufe de cet Orage .
M. de Montferrier fit voir par la defcription
qu'il donna des veritables Ouragans
& des Trompes de Mer , que le
tourbillon qui étoit le fujet de fon Mémoire
, n'avoit aucun rapport avec les
Orages de l'Amérique , ni avec ces colonnes
de nuées qui s'élevent ordinairement
fur la Mer ; & fans s'arrêter aux
Efprits Folets qui ne peuvent être admis
que dans quelques Contes de Fées , il
appella le Méteore en queftion un tourbillon
de nuée & de vent , dénomination
qui n'est point arbitraire , puifqu'elle
eft prife de la nature même du fujet dont
il s'agit.
En effet , M. de Montferrier fit remarquer
que les Vents de Sud & les Vents
Eft furent les feuls qui regnerent pendant
FEVRIER. 1730. 297
dant les derniers jours du mois d'Octobre
, que ces Vents toujours humides
avoient amoncelé beaucoup de nuées ,
épaiffes fur l'Horifon , & que le fecond
de Novembre une portion de ces nuées
étant pouffée par un Vent de Sud - Eft
fort violent , fut forcée à fe mouvoir vers
le Nord , avec un mouvement vorti
queux , caufé par les obftacles que l'affemblage
des autres nuages qui l'environnoient
lui préfentoit de toutes parts.
hors le côté de la Terre où ce tourbillon
fe porta , y trouvant moins de reſiſtance,
Ce Groupe de nuées qui étoit fort noir
& fort épais , ne paroiffoit pas avoir plus
de trois toifes de largeur fur une hauteur
indéterminée ; mais comme il étoit
pouffé par un Vent de Sud- Eft très violent
qu'il avoit acquis un mouvement
de tourbillon très- rapide , & qu'il for
çoit l'Air qui l'environnoit à fuivre le même
mouvement , le tout enſemble faifoit
un tourbillon d'environ cent toifes de largeur
, qui dans l'efpace d'une demie lieue
renverfa ou enleva tout ce qui fe trouva
fur fon paffage.
>
Il y eut des perfonnes qui fe trouvant
à portée de voir cette nuée obfcure qui
s'avançoit du Sud - Eft au Nord avec un
bruit effroyable , crurent y avoir vu une
Jumiere rougeatre comme la fumée qui
s'éleve
298 MERCURE DE FRANCE .
s'éleve d'un grand incendie , & d'autres
affurent avoir fenti une odeur de fouffre ,
telle à peu près que celle que l'on fent
dans les lieux qui ont été frapés de la
foudre.
L'Académicien explique la premiere
apparence par le mouvement rapide du
Méteore qui pouffoit avec violence la
matiere étherée , & produifoit par là la
lumiere , comme on le voit arriver dans
le Phoſphore du Barometre , & plufieurs
autres experiences , dans toutes lefquelles
la lumiere eft une fuite d'un grand
mouvement ; ou par des rayons du Soleil
, qui paffant dans les intervales des
nuées , fouffroient des reflexions & des
refractions qui les dirigeoient vers les
yeux du Spectateur. Pour l'odeur de foufre
, il dit que le froiffement des matieres
que le tourbillon enlevoit pouvoient
bien en être la caufe , en faisant dévelo
per les particules fulfureufes qui y étoient
contenues ou qui étoient répandues dans
l'Air , & les vapeurs qui environnoient
le tourbillon .
Cette explication paroît très - naturelle ,
puifque s'il y avoit eu un feu actuel
dans le nuage , il auroit infailliblement
brulé les diverfes matieres combuftibles
qu'il enlevoit , & qu'il emportoit à plus
de cent t oifes.
Enfin
FEVRIER. 1730. 299
Enfin ce tourbillon finit à une demie
dieuë de l'endroit où il avoit été apperçû
, parce qu'à force de s'étendre dans les
terres où il étoit moins expofé à l'impulfion
du vent , & de communiquer de
fon mouvement aux corps qu'il rencontroit
, il perdoit de fon mouvement
propre , & que le groupe de nuée dont
il étoit compofé venant à fe fondre en
pluye , acheva de le diffiper.
M. Riviere fit part au Public dans un
Mémoire qu'il lut enfuite , de l'Analyſe
qu'il avoit faite de l'Ivraye , & de la
caufe des mauvais effets que cette graine
produit quand elle eft mêlée avec le
froment dont on fait le bon pain .
Il commença par donner la defcription
Botanique de la Plante qui produit
ce mauvais grain , afin qu'on ne puiffe
pas la méconnoître quand elle eft en
herbe , & qu'on puiffe l'arracher de bonne
heure quand elle eſt mêlée avec la plante
qui produit le bon bled.
>
Il fit voir par des experiences affurées
& par des raifonnemens très- folides
, que
les graines produiſent toujours
des Plantes de leur efpece , & que la
prétendue Métamorphofe du froment en
Ivraye , & de l'Ivraye en froment , n'eſt
qu'une erreur populaire , fondée fur l'inattention
de ceux qui fement ces grai-
E nes ,
300
MERCURE DE FRANCE.
nes , & qui ne s'apperçoivent pas que
pour l'ordinaire elles font mêlangées
or il eft conftant , comme l'a remarqué
M. Riviere , que l'ivraye demande pour
germer un tems fort humide & fort pluvieux
, & que le froment , au contraire ,
n'a befoin que d'une humidité médiocre ;
enforte que quand on féme du froment
mêlé avec de l'ivraye , ou de l'ivraye
mêlée avec quelque grain de froment ,
c'eft toujours la faifon plus ou moins humide
qui fait que l'une de ces graines
fructifie au préjudice de l'autre. Voilà
tout le miftere de cette prétendue Métamorphofe
, qui étant bien étenduë n'ą
de fort naturel. rien
que
M. Riviere paffa enfuite à l'Analife
Chimique de l'ivraye , & chercha dans
la décompofition de cette graine les prin
cipes qui peuvent être la caufe des mauvais
effets qu'elle produit,
Il ne compte pas fur l'Analife qu'il en
a faite par la Cornue , puifque par cette
voye toutes les plantes donnent , àà peu
de chofe près , les mêmes fubftances qui
ne font pour l'ordinaire que de productions
du feu ; mais il s'attache principalement
aux principes que l'on en peut
tirer par la voye de la fermentation &
par voye de l'extraction. la
L'ivraye fans aucune addition & fans
feu ,
FEVRIER 1730. 3or
feu , bien preffée , humectée & couverte
d'un entonnoir garni d'une petite chape
d'alambic , lui a donné , quand elle a été
échaufée par la fermentation qui lui eft
furvenue , un efprit volatil urineux .
C
Par l'extraction qu'il a fait de la même
graine par l'Eſprit de vin , il en a
siré une Refine fort acre & fort piquante.
Et de la leffive qu'il a faite du Refidu
, il en eft forti un Sel alkali un peu
cauftique. D'où il conclud qu'une graine
qui contient de tels principes peut enyvrer
, donner des vertiges & des maux
de tête , des maux d'eftomac & des vomiffemens
.
L'experience a fait voir à M. Riviere
la jufteffe de fes raiſonnemens , puiſqu'il
a gueri des perfonnes attaquées de quelques-
uns de ces maux ,en leur faifant quiter
leur Boulanger , & leur faifant manger
du pain dont on avoit feparé avec
foin toutes les mauvailes graines . C'eſt
ce qu'on peut appeller guerir les maladies
furement , promptement & fans de
goût , ce qui eft l'intention de la bonne
Médecine .
Perfonne n'ignore que la fonte de la
Glace ne foit un effet ordinaire de la
chaleur , & cette cauſe eft fi manifeſte
qu'on ne s'eft pas mis en peine d'en
chercher d'autres ; il y en a une cepen
E ij
dan
joz MERCURE DE FRANCE.
#
dant plus cachée , que M. Haguenot fe
propofe de découvrir dans le Mémoire
dont nous allons donner un Abregé.
Quelques Sçavans de Paris firent fçavoir
à M. Haguenot que de deux portions
de Glace d'un égal poids & d'un
égal volume , dont l'une eft mile fur la
main d'un homme qui fe porte bien , &
Fautre fur une affiete d'argent , celle qui
eft miſe fur l'affiete d'argent fond plus
vîte de quelques minutes que celle que
Fon met fur la main . Cette Experience
que M. Haguenot a repeté plufieurs fois,
a toujours réuffi de même .
Pour trouver la caufe d'un effet qui
paroît un paradoxe , M. Haguenot mit
des portions égales de glace fur plufieurs
Métaux , comme fur l'or , le cuivre , le
plomb , l'étain , l'aiman , le fer , l'acier,
& il trouva conftamment que la Glace
fondoit plus vite fur le cuivre que fur
tous les autres Métaux , & fur un fer à
repaffer plus vite que fur du fer ordinaire
, & que fur Pacier & fur l'aimant.
Il fait remarquer que dans toutes ces
Experiences il faut que la Glace touche
immédiatement le Métail , fans quoi la
fonte de la Glace n'eft pas à beaucoup
près fi prompte ; il a même obfervé que
lorfqu'on met la Glace fur un fer raboteux
, la fuperficie de la Glace , quoique
polię
FEVRIER. 1730. 30$
polie auparavant , devient inégale , c'eſtà
- dire , qu'elle fond plus vite dans les
points où le Métal touche la Glace immédiatement
.
M. Haguenot , après avoir cherché la
caufe d'un effet fi long- tems ignoré , &
avoir abandonné la matiere magnetique
qui paroiffoit une caufe aflez vrai -fem
blable , s'eft porté à croire que toutes les
parties intégrantes des corps folides font
dans un trémouffement perpetuel , quoiqu'infenfibles
que ee trémouffement eft
la caufe que les corps les plus folides fe
détruifent comme d'eux- mêmes avec le
tems , & que c'eft à ce même trémouf
fement qu'il faut attribuer la fonte de la
Glace qui arrive fur les Métaux quand
elle leur eft immédiatement appliquée ;
& fi cette fonte le fait plus vite fur le
cuivre que fur le fer & fur Pacier , c'eft
apparemment , dit M. Haguenot , parceque
les parties du fer & de l'acier étant
beaucoup plus ferrées que celles du cuivre
, elles n'ont pas un trémouffement
affez libre , & ne peuvent pas agir ſi vivement
fur la glace.
Quoique l'hipotefe de M. Haguenot air
quelque vrai - femblance , il ne la propofe
cependant que comme douteuse , le refervant
de faire encore plufieurs Experiences
pour s'affurer de la verité.
E iij
Les
304 MERCURE DE FRANCE.
Les Recapitulations que fit M. le Préfident
de tous ces Mémoires , en furent
des Extraits plus courts , mais plus précis
& plus vifs que ceux que l'on donne ici .
Houa le travail & l'exactitude de ceux
qui avoient lû les Mémoires ; il exhorta
tous les Académiciens à continuer leurs
recherches qu'il dit être auffi utiles que
curieuſes , & voulut bien leur faire efperer
qu'il ne perdroit aucune occafion
d'affifter à leurs Affemblées quand il ſe
trouveroit à portée de pouvoir en profiter.
******: XXX : XXXXXX
RE'JOUISSANCES de la Ville de
Marfeille.
Uoique Marseille , à l'imitation des plus
Qcondderables Villes du Royaume , ait
fait de fort belles chofes à l'occafion de la
Naiffance du DAUPHIN , indépen demment de
ce qui s'eft paffé dans la même Ville de la'
part des Citadelles , du Corps des Galeres
& de l'Arcenal , dont nous avons rendu compte
en fon tens, Marſeille , dis - je , n'a pas
imité ces Villes du premier Ordre dans le
foin qu'elles ont pris de nous envoyer des
Defcriptions de leurs Fêtes , pour les inferer
dans un Livre qui contient l'Hiftoire Journaliere
de la Nation , & qui eft particulierement
deftiné à conferver le dépôt de ces fortes
de
FEVRIER . 1730. 305
de monumens . C'eft ce qui fait que nous par
lons fi tard de ce qui s'ett fait dans cette cele
breVille , & que nous ne pourrons le faire que
fort brièvement , par les circonftances ou
nous nous trouvons. Nous ferions même tout
à fait hors d'état de rendre ce compte au
Public , fi le hazard ne s'en étoit enfin mêlé,
en faisant tomber entre nos mains , au mois
de Fevrier , le Mémoire imprimé à Marseille
des Réjouiffances qui ont été faites dans cette
Ville , en Septembre. Nous allons donner un
Extrait de ce Mémoire :
Le 27. Septembre au foir , quatre Trompettes
à cheval , précedez d'un Timballier ,
accompagnez de plufieurs Tambours & Fifres,
tous avec les couleurs de la Ville , publierent
dans toutes les Places publiques l'Ordonnance
des Echevins , portant qu'on fermeroit les
Boutiques pendant trois jours , qu'on illumineroit
toutes les Maifons , & qu'on feroit
des feux devant les portes . Le bruit des trome
pettes , des tambours & de toutes les cloches
de la Ville qui fonnerent en même tems,
anima le Peuple déja difpofé à la joye . Tour
retentit de cris & d'acclamations réiterés .
Dès le matin du 28. les Galeres qui celébroient
ce jour là leur derniere Fête , furent
ornées de leurs Eten darts & c. Plus de cent
Vaiffeaux & autres Bâtimens qui étoient dans
le Port arborerent leurs Pavillons , ce qui
fit une varieté auffi agréable que furprenante.
Le Peuple danfoit cependant au fon des tambours
dans toutes les Places ; on avoit placé
devant l'Hôtel de Ville & au Cours quatre
Fontaines de vin .
Le Marquis de Pilles , Gouverneur Viguier
de Marſeille , & les Echevins en Robe rou-
E iiij ge,
306 MERCURE DE FRANCE .
ge , fuivis d'un nombreux cortege , fe rendia
rent ce même matin à l'Eglife Cathédrale
pour affifter à la Meffe folemnelle que M.
FEvêque celébra pontificalement ; elle fut
chantée en Mufique ; on tira à l'élevation 21.
pieces de Canon que les Echevins avoient
fait mettre fur la Plateforme qui regarde la
Mer près la Cathédrale.
Ce jour là M. l'Evêque donna à diner à
cent pauvres dans la Cour de l'Evêché , fit
diftribuer des aumônes à tous ceux qui fe préfenterent
à la porte pendant ces trois jours de
Fête , & il n'oublia pas les pauvres honteux
auxquels ce Prélat fit des liberalitez par le
canal des Curez. C'eft ainfi que celui qui dans
des jours de deuil & de défolation n'abandonna
jamais les pauvres , les a traitez dans ces
jours de joye & de jubilation.
Sur les 4. heures du foir , les Officiers mu
nicipaux & les principaux Citoyens fe rendirent
l'Hôtel de Ville pour accompagner
les Magiftrats au Te Deum ; une troupe de
plus de mille jeunes garçons portant des
Guidons & des Banderolles aux Armes du
Roi & de Monfeigneur le Dauphin commençoient
la marche. Les trompettes & les timbales
précedoient un Corps d'Infanterie tiré
des Arts & Métiers , divifé en 4 Compagnies
de cent hommes chacune , avec leurs differens
Drapeaux , & commandé par les Capitaines
de la Ville. 4 .
Ces nouveaux Soldats étoient proprement
habillez , & avoient des Cocardes , dont les
couleurs diftinguoient les differentes Compagnies.
Leurs rangs étoient mêlez de Hautbois,
de Fifres & de Tambours. Une bande de Violons
fuivoit. Les Gardes de Police , la livrée **
de
FEVRIER. 1730. 307
de la Ville , celle du Gouverneur - Viguier &
les Halebardiers précedoient les Echevins . Le
Marquis de Piles étoit à la droite des deux
premiers , & les deux autres avoient à leur
gauche l'Orateur de la Ville. Une fuite nom-
Breufe de perfonnes diftinguées fermoit cette .
marche un Peuple infini bordoit tous les
paffages . En arrivant à la Cathédrale on fit
une décharge de toute la Moufqueterie & de
21. pieces de Canon. Les Echevins fe placerent
dans le Choeur , où les Officiers de la
Senechauffée s'étoient déja rendus . M. PEvêque
officiant pontificalement entonna le
Te Deum , qui fut chanté par la Mufique au
bruit des Canons & de toute la Moufque
terie.
On commença enfuite la Proceffion gene
rale , à laquelle tout le Clergé feculier & regulier
affifta on y porta la Statuë de la trèsfainte
Vierge , les Châffes de Saint Lazare &
de Saint Cannat , & les Reliques de Saint Vic
Martyr de Marfeille ; M. l'Evêque ent
habits pontificaux , le Gouverneur Viguier &
les Echevins y afferent avec toute leur
faite. A mefure que les Reliques fortoient de
l'Eglife elles furent faluées du Canon & de
la Moufqueterie , elles le furent de cent Boëtes
dans toutes les Places publiques , & on
fit le même falut en rentrant , M. l'Evêque
donna la Benediction du Très - Saint Sacrement
au bruit du Canón & de la Mouſqueterie.
Au fortir de la Cathédrale , on marcha vers
la Place Neuve , où l'on avoit drefié l'Appareil
d'un grand Feu de joye , orné de Porti
ques , d'Emblêmes &c. Plus de cent flambeauxde
cire blanche éclairoient la marches .
£ v toutes
308 MERCURE DE FRANCE .
,
>
toutes les Maifons étoient illuminées des
feux brûloient devant les portes , la Citadelle
le Fort Saint Jean , celui de Notre-
Dame de la Garde , l'Arfenal , les Tours de
l'Abbaye de Saint Victor , la Rive- Neuve
les Galeres , le Port , tout étoit éclairé , &
la Ville entiere paroiffoit être dans un embrafément
general les quatre Compagnies
rangées autour de la Place firent une falve
de Moufqueterie , fuivie de celle de 200
Boetes. Après que le Marquis de Pilles & les
Echevins eurent allumé le feu de joye , on
tira en même tems une prodigieufe quantité
de Fufées .
Le Corps de Ville fe rendit enfuite à l'Hôtel
de Ville par le Quay du Port ; alors les Galeres
firent trois décharges de leurs Canons
& des Courfiers ; l'Arcenal fit tirer des Boetes
, les Vaiffeaux du Port , la Citadelle , le
Fort Saint Jean , celui de Notre - Dame de la
Garde firent autant de décharges de toute
leur Artillerie , & des Gerbes de Fufées remplirent
le Port d'une pluye de feu à trois
differentes repriſes.
La Façade de l'Hôtel de Ville , fi eftimée des
Connoiffeurs fi remarquable par ſes riches
(* ) Le Chevalier Bernin ayant vû à Rome
le deffein entier de l'Hôtel de Ville de Marfeille
de la main de Puger , avoia qu'il n'avoit
encore rien vû en ce genre d'un plus grand
goût ; & il admira fur tout la Façade. Il y a
une belle deſcription de cette Façade dans un
Mercure de l'année 1682 à l'occafion de la
fuperbe Illumination qui y parut dins la Fête
que donna Marseille pour celebrer la Naiſſance
du Duc de Bourgogne , pere du Roi. Cette Faembel
FEVRIER. 1720. 309
embelliffemens & par la beauté de fon Architecture
, fur tout par cet incomparable
morceau de fculpture qui contient les Armes
du Roi , Chef- d'oeuvre du fameux Pierre
Puget , Marfeillois , qui a donné les deffeins
de tout le Bâtiment ; cette Façade , dis- je , attira
ce jour là l'admiration publique. Plus d'un
million de lumieres arrangées avec cimétrie ,
en fit voir non- feulement toutes les beautez ,
mais en marqua encore les ornemens les plus
deliez des differens ordres dont elle eft compofée
, en les profilant.
Les Echevins fe dépouillant , pour ain
dire , de la qualité de Magiftrats pour rentrer
dans celle de fimples Citoyens , voulu =
rent témoigner leur zele particulier & perfonel
, & donnerent en leur nom des Fêtes
qui fe firent remarquer. M. Ravel , premier
Échevin , donna un fouper à tout le Corps
de Ville ; la Maifon étoit artiftement illuminée
; les Boëtes furent tirées à chaque fanté
Royale. Au fortir de table , la Compagnie alla
au Bal que les Echevins donnoient dans la
Salle de la Loge ( c'eft le lieu où s'affemblent
tous les Negocians cette Salle qui a 90,
pieds de longueur fur 45 de largeur étoit
richement ornée & éclairée par quantité de
luftres de criftal & par des flambeaux portez
par des Bras ; les Portraits du Roi & de
la Reine étoient placez fous un Dais de velours
cramoifi , enrichi de galons , de crepigade
étoit alors dans toute fa beauté , & on
n'y voyoit pas encore les ornemens qu'on s'eft
avifé d'ajouter depuis , & qui comparéz au
Cifeau du celebre Puget , font un contrafte defagréable.
E vj
nes
310 MERCURE DE FRANCE .
nes & de franges d'or. Les Violons étoient
placez fur des Amphitheatres aux deux bouts
de la Salle ; differens Buffets étoient remplis
de toute forte de Rafraîchiffemens ; on prefenta
indifferemment à tout le monde & en
profufion des confitures , des liqueurs & des.
eaux glacées de toute efpece. La Salle fut
affez grande pour y danfer en trois differens
endroits, Le Bal dura juſqu'à 7. heures du
matin.
Le fecond jour les Pauvres reffentirent les
effets de l'attention des Echevins. Sur les 9.
heures du matin une Compagnie de Bouchers
habillez en Gladiateurs , qui marchoient avec:
des Tambours , efcorta deux Boeufs qu'on
avoit égorgez & qui étoient ornez de Guirlandes
; ils furent portez chacun par quatre deces
Gladiateurs à la Place Neuve où on les .
rotit tous entiers ; peu de gens fe refuferent
à ce fpectacle fur les 4. heures du foir ces
Boeufs furent portez devant l'Hôtel de Ville,
depecez & diftribuez. On y donna deux mille
pains , les Fontaines de vin coulant toûjours;.
outre cela on fit diftribuer des charitez à un
grand nombre de perfonnes , qui fans ce
fecours n'auroient pas participé à la joye publique.
Sur le foir , les quatre Compagnies dont on
a parlé , s'étant rendues devant l'Hôtel de Ville,
& toute la Ville étant déja éclairée comme
elle l'étoit le jour précedent ; le Marquis de-
Pilles & les chevins , allerent en ceremonie
allumer un Feu de joye dreffé à la Place de
Linche , au bruit reiteré de la Moufqueterie ,
des Boëtes , & de trois décharges que les Vaiffeaux
du Port firent de leurs . Canons , on y tira
un grand nombre de Fufées, Le Corps de Ville
FEVRIER. 1730. 31
alla enfuite chez M. Martin , fecond Echevin ,
qui à fon tour lui donnoit à fouper ; fa Maiſon
fut éclairée avec diftinction , les fantez Royales
& de Monfeigneur le Dauphin furent laluées
au bruit de toutes les Boëtes.
Cependant les Echevins avoient fait élever
un Arc de Triomphe au milieu du Cours , entre
les deux grands Baffins de marbre blanc ;
cet Edifice compofé. de deux Ordres , avoit
depuis le Zocle jufqu'au Fronton qui le couronnoit
54, piés de hauteur , fur 36. de largeur.
Les deux principales Faces étoient tournées
l'une vers la Porte Royale , & l'autre vers la
Porte de Rome.. Il y avoit au milieu de chaque
Face une grande ouverture ceintrée de 37. piés
de hauteur , fur 20. de largeur.
Le premier Ordre étoit pofé fur un Zocle de
marbre brun de 3. piés de hauteur , d'où s'élevoient
4. Pilaftres faillants d'un marbre jafpé
dont les Baſes & les Chapiteaux étoient d'or
feint , portant une Corniche qui fervoit d'Impofte
à l'ouverture de l'Arc : les Pilaftres les
plus proches de cette ouverture formoient un
Avant Corps , & des Piédeftaux de marbre
blanc ornez de moulures d'or qui s'élevoient
du Zocle y étoient adoffés , l'entre-deux des
Pilaftres étoit rempli de Cartouches , dont lesbordures
étoient d'or fur un fond de marbre .
gris dont tout l'Edifice étoit bâti , & l'Enta-
Element étoit de marbre blanc , excepté la Frize :
de lapis , enrichie de tous les ornemens conyenables.
Les Cartouches portoient des Emblêmes
& des Devifes .
Des Pilaftres couples & faillants , dont les
Bafes & Chapiteaux étoient auffi d'or , formoient
le fecond Ordre qui étoit orné d'une :
Corniche de marbre blanc , d'où s'élevoit un
Eronton?
112 MERCURE DE FRANCE.
Fronton triangulaire , dont le Timpan étoit de
marbre noir ; les entre- deux de ces Pilaftres
étoient remplis de Cartouches auffi remplis
Emblêmes & de Devifes , & les Cartouches
étoient fufpendus à des Feftons , attachés à des
mafques bronzés & aux volutes des Chapiteaux
.
Dans la Face oppofée à la Porte Royale , on
voyoit dans le Frontifpice les Armes du Roy
foutenues par deux grands Genies ; & dans
un riche Cartouche qui formoit la clef de
l'Arc, on lifoit cette Infcription en Lettres d'or:
Publica latitia Monumentum Maffilia civitas
pofuit , M. DCC. XXIX.
Sur le fommet du Fronton qui couronnoit
tout l'Edifice , s'élevoit fur un Piédestal de
marbre une belle & grande Figure de Femme
Symbole de la Ville de Marfeille , qui tenoit
le Portrait de Monfeigneur le Dauphin , avec
ces mots qu'on lifoit dans un Cadre d'or fur
le Piédettal : Maffilia voti compos.
Sur deux autres Piédeftaux , à côté de la Figure
de Marfeille , on voyoit à droite la Religion
habillée en Veftale , tenant un Vafe d'or
qui exhaloit des Parfums , & à gauche la Juftiče
tenant la Balance d'une main & un Faifceau
d'armes de l'autre ; fur la Corniche de l' Arriere-
Corps du premier Ordre , d'un côté on voyoit
-Apollon , & de l'autre Minerve , avec tous
leurs Attributs ; & devant les Pilaftres de
l'Avant Corps fur les Piédeftaux qui s'élevoient
du Zocle , on voyoit d'un côté Mercure
Dieu du Commerce , tenant une Bourſe remplie,
& de l'autre Thetis tenant un Vaiffeau à
Voiles enflées , ayant à fes pieds des Coquillages
, des Perles , du Corail , & c.
Tous les Cartouches étoient , comme on l'a
dit
FEVRIER : 1730 : ST3
dit , remplis de Peintures fymboliques , ceux
des Pilaftres fuperieurs contenoient ces quatre
Emblêmes .
La premiere , un Aigle volant & un Aiglon
un peu moins élevé, avec ces mots : Superas doeet
ire per aurase
La feconde , Alcide dans le berceau étouffant
deux Serpens : Nunc Alcides mox Hercules.
La troifiéme , une Corne d'abondance , prés
fentant trois Rofes & un Lys au- deffus beaucoup
plus élevé : Dives jam copia Cornu.
La quatrième , un.Dauphin couronné fortant
de la mer , environné d'une multitude
d'autres Poiffons : Parriis regnabit in undis
Sur le Piédeltal d'où s'élevoit la Figure de
Mercure , on avoit peint dans un Cadre d'or
une Ancre ou étoit entortillé un Dauphin avec
ces mots : Firmat & ernat ; & fur celui d'ou
s'élevoit Thetis on avoit peint la Planette de
Jupiter & un de fes Satellites : Monftrat miner
ignis iter.
Dans les Cartouches qui au - deffus de Mercure
& de Thetis rempliffoient les entre-deux
des Pilaftres du premier Ordre , on voyoit
ces deux autres Emblêmes.
Trois Hommes regardant un Arc en Ciel
& tournant le dos à un Soleil levant : Dat
figna & foedera pacis. Un Soleil naiffant &
trois Etoiles qui commençoient à difparoître
Majora dabit Sol lumina terris.
Dans la face de l'Arc de Triomphe , tournée
vers la Porte de Rome , on lifoit au frontifpice
qui étoit de marbre noir cette Infcription
en lettres d'or : Sereniffime Galliar. Delphino
natoprid. non. fept. conff. N Joan.Ravels
Francif. Martin , Jac. Remuzat , Joan, Roman.
M.DCC XXIX,
Sur
14 MERGURE DE FRANCE :
Sur la clef de l'Arc , un riche Cartouche ,
contenoit ce Diftique auffi en lettre d'or.
Expectate diù , per te Gens Francica neetit.
Perpetuas paci latitiaque moras .
Sur le Timpan on voyoit s'élever trois grandes
Figures fur leurs Piedeftaux , richement
peintes ; celle du milieu qui paroiffoit fur le.
fommet , reprefentoit la France , tenant d'une
main les Armes de Monfeigneur le Dauphin ,
& de l'autre des liens ou Guirlandes de fleurs
avec lefquels elle tenoit comme enchaînées la
Paix & là Joye , reprélemées par les deux autres
Figures qui étoient à fes côtez . La Paix
qui étoit à droite avoit à fes pieds trois Génies
, dont un lui prefentoit un Rameau d'O--
livier , l'autre une Corne d'abondance , & le
troifiéme paroiffoit occupé à brifer des lances
& des fleches ; la joye qui étoit à gauche ,
tenoit à la main un Caducée, & avoit à les
pieds des Feux d'artifice & toutes fortes d'Inftrumens
de Mufique .
"'
Sur les Piedeftaux qui s'élevoient du Zocle,
adoffez au Pilaftre du premier ordre, on voyoit
de chaque côté une grande Figure. A droite
celle du Maréchal Duc de Villars , Gouverneur
de Provence armé d'une Cuiraffe & .
d'un Bouclier , tenant à la main le Bâton de
commandement.Un petir Génie à fes pieds portoit
l'Ecu de fes Armes , & au deffous dans.
une Bordure d'or on lifoit ces Vers fur le
piedestal de la Figure.
La Guerre au plus haut point avoit porté ma
gloire ,
2 C'est à mes foins qu'on dut la Paix :
Mais fon plus fur garand & le plus plein d'at
traits
FEVRIER. 1730. 315
Manquoit à ma double victoire ,
Un Heros en naiſſant y met les derniers traits.
La Figure du côté gauche repreſentoit encore
Marſeille en Nymphe & dans une attitu
de majeftueafe, regardant le Portrait de Monfeigneur
le Dauphin que la France prefentoit du
haut du Timpan, auquel elle adreffoit ces Vers
Moi qui dans des temps moins heureux ,
Mettois ma gloire à n'avoir point de Maître ,
Aubonheur d'obéir au Roi qui vous fit naître ,
Je borne aujourd'hui tous mes voeux ,
Comme il eft mon Heros vous devez unjour l'êtres
Mais le plus tard fera le mieux.
Deux grands Genies qui s'élevoient fur la
Corniche du premier ordre , tenoient chacun
un Cartouche; on avoit peint dans l'un une colomne
foutenant une partie d'un Edifice avec
ces mots ; Columenque decufque : & dans l'autre
des illuminations & des Feux d'artifice
avec ces mots. Pectora ardentiùs.
Dans deux autres Cartouches placez audeffous
dans les entre- colonnemens de ce premier
ordre , on voyoit dans l'un des Oliviers
qui reçoivent les rayons du Soleil levant , avec
ces mots : Oleas foecundat ab ortu & dans
l'autre un Vaiffeau , fur la poupe duquel paroiffoit
Arion jouant de la Lyre , & fur l'eau
un Dauphin avec ces mots : Cantu precibufque
vocatus.
Les Cartouches placez des deux côtez dans
les entre - deux des Pilaftres fuperieurs contenoient
4. autres Emblêmes. La premiere des
deux qui étoient fous la figure de la Joye
έτους
$ 16 MERCURE DE FRANCE .
étoit un Soleil levant regardé par un Lyon ,
un Aigle & un Leopard : Unumfufpiciunt om
nes: & l'autre étoit un Dauphin fur la furface
de la Mer Mole minor fed Majeftate verendus.
La premiere de celles qui étoient placées de
l'autre côté fous la Figure de la Joye , repre
fentoit deux Bergers tendans les mains vers
le Ciel , à la vue d'une pluye qui tombe , &
la Terre couverte de fleurs deffechées : Precis
bus caleftia : l'autre faifoit voir trois Etoiles ,
deux enfemble & une plus éloignée , & toutes
trois touchées par les rayons du Soleil naiffant
: Pulchrior exibit fi praceſſere minores.
Cet Arc de Triomphe , qui par la beauté du
deffein , la magnificence de fa ftructure & le
fuccès de l'execution , avoit déja attiré tous
les regards , les fixa entierement lorfque le 30.
Septembre au foir il fut éclairé d'une multitude
infinie de Lampions , qui joints à l'illumination
de toutes les maifons du Cours , qui font
toutes d'une même hauteur & Architecture ,
avec des Balcons , diffiperent entierement les
tenebres . Les 4. Compagnies entrerent dans
le Cours par l'Avenue qui eft du côté de la
Porte Royale , pafferent fous l'Arc de Triomphe
, firent une falve devant ce Monument &
allerent fe ranger en bon ordre autour de la
Place S. Louis , où le Feu de joye étoit dreffé.
Lorfque le Gouverneur Viguier & les Echevins
l'eurent allumé , il fortit des 8. Colomnes
pofées autour des Portiques de l'Edifice du
Feu & des Caiffes placées fur les Corniches
de l'Arc de Triomphe , un fi grand nombre de
Fufées ,,
que fe croifant enfemble elles firent
paroître comme une voute de feu , qui occupoir
ce qu'il y a d'efpace entre la Place faint
Louis & celle de l'Arc de Triomphe . On enrendit
FEVRIER . 1730. 317
iendit alors une falve de toute la Moufqueterie
, celle de zoo. Boëtes , & plus de 300. coups
de Canons que tirerent les Vaiffeaux . Ce bruit
joint à celui des Trompettes , des Timbales &
des Tambours , au fon des Hautbois & des
Violons , & aux acclamations de tout un grand
Peuples tout cela fit un effet furprenant .
Le Corps de Ville fe rendit enfuite chez
M. Ramufat , premier Echevin nouveau , qui
Pavoit invité pour ce foir- là , fa Maiſon étois
ingenieufement éclairée , il y eut so . Boëtes tirées
à chaque Santé Koyale que l'on but. Après
le Repas on alla au Concert que les Echevins
donnerent dans la Salle de la Loge , elle étoit
ornée comme on l'a dit . Le Concert étoit compofé
des meilleurs Inftrumens & des plus belles
voix de l'Academie de Mufique & de l'Opera.
Il y eut une affluence infinie de monde. Au
Concert fucceda le Bal qui dura jufqu'à neuf
heures du matin , & on diftribua des Confitures
& des Rafraîchiffemens comme le premier jour.
M.Roman , Echevin , qui pendant ces trois
jours n'avoit pu donner fa Fête en particulier,
invita le Corps de Ville à fouper le premier
d'Octobre. La fituation avantageufe de fa maifon
fit encore plus remarquer fon illumination.
Les Boëtes fe firent entendre , le Repas
fut fuivi du Bal , & fa Fête fut comme une
extenfion des Réjouiffances publiques . La propreté
, la délicateffe & l'abondance regnerent
dans tous les repas donnez par les Echevins.
Les Intendans de la Santé ont auffi marqué
leur joye par une Fête particuliere ; ils prierent.
les Echevins d'affifter au Te Deum qu'ils firent
chanter dans la Chapelle des Infirmeries ; on
alluma enfuite un Feu de joye qu'ils avoient
fait préparer hors des Enceintes ; on fit une
de118
MERCURE DE FRANCÈ .
décharge de cent cinquante Boëtes , & on tira
plufieurs Gerbes de Fufées , toute la façade du
Bureau de la Santé qu'on avoit ornée d'Emblêmes
, & c . étoit parfaitement illuminée , de
même que la Porte du grand Pavillon des Infirmeries
& les Portes de la double enceinte,
Ils fe rendirent enfuite en un Pavillon voiſin ,
e l'on fervit un Ambigu, & on tira cinquante
Boëtes à chaque Santé Royale.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Renness
Laffe
Es Jefuites de la Ville de Rennes furent
affez heureux pour annoncer les premiers
au Public la grande nouvelle de la Naiffance.
du DAUPHIN , plufieurs Lettres en avoient déja
inftruit les perfonnes les plus qualifiées , mais
le Peuple l'apprit par une décharge generale
& réïterée des Canons conduits fur les bords
de la Villaine , qui arrofe les dehors du College.
Le lendemain 8. de Septembre , on y
Continua ces éclatantes démonftrations d'allegreffe
, & le Pere Eon , ancien Prédicateur du
Rof , parla éloquemment dans le Sermon de la
Fête au nom de la Compagnie , fur l'heureux
prefent que le Ciel venoit de faire à la France,
& y joignit les voeux les plus tendres auprès
du Seigneur pour la confervation d'un fi précieux
depot .
Ces premiers témoignages furent fimples ,
le peu de temps qu'on avoit ne permettoit pas
d'en faire davantage ; mais ils ne furent que
fes préludes de la Fête qui fe prépara pour le
mardy zo. du même mois. Elle commença fur
les quatre heures du foir par une falve generafe
d'Artillerie , fuivie des Fanfares, des Trompettes
& du bruit des Tambours. Une inultitude
FEVRIER . 1730 .
319
tude incroyable de Peuple fe rendit à l'Eglife
des Jefuites , en affiegea les avenues , ne
pouvant y entrer. Cette Eglife eft un des plus
beaux morceaux d'Architecture qui foit dans
le Royaume ; on en doit le deffein au fameux
F. Martelange , qui traça celui de l'Eglife du
Noviciat des Jefuites de Paris , & l'execution à la
liberalité desNobles Bourgeois deRennes.Deux
Tours octogones accompagnent le Frontispice,
& le milieu de ce fuperbe Vaiffeau eft couronné
d'une Tourelle en forme de Lanterne , d'un
travail exquis ; ce fut là que fe drefla tout
l'appareil d'une magnifique illumination .
Après que le Te Deum eut été chanté avec
l'accompagnement des Flutes , Hautbois &
Tambours , on fit une décharge generale de
Boëtes , on cria plufieus fois , VIVE LE ROY ,
VIVE LA REINE , VIVE MONSEIGNEUR LE
DAUPHIN. La nuit commençoit lorfqu'on forti
de l'Eglife ; toute fa large façade parut char
gée des plus brillantes lumieres , aufli bien que
fon Frontifpice . Les Ceintres , les Entablemens.
les ouvertures étoient couvertes d'une infinité
de Lampions , difpofez avec art & affez ménagez
pour y laiffer appercevoir des caracteres
hyoroglyphiques à l'honneur du Roi, de la
Reine & du Dauphin. Le fommet des Tours ,
les Baluftrades qui y regnent & la Lanterne
étoient chargez de Pots à feu , de Globes lumineux
& entrelaffez d'Ecuffons aux Armes
du Dauphin , qui étoient éclairez par des lumieres
poftiches ; les Trompettes , les Hautbois
& les Tambours fe faifoient entendre du
haut de ces Tours , & répandoient de toutes
parts leurs fons d'allegreffes. Les Fufées partirent
en abondance , & fe mêlant dans les
airs y difliperent de temps- en- temps les tenebres
320 MERCURE DE FRANCE .
nebres de la nuit. L'oeil n'étoit pas feulement
frappé du fpectacle , l'oreille étoit agreablement
flattée par les voix mélodieufes d'une
troupe choifié, qui repetoit à differens Choeurs
une Chanfon faite à l'occafion de l'heureux
jour.L'Illumination dura quatre jours; la Ville
ne fut pas la feule à en avoir l'agrement , les
lieux circonvoifins placez par la Nature en
differens Amphitheatres , eurent l'avantage
d'avoir pendant plufieurs nuits ce charmant
point de vue.
A l'ouverture des Claffes , les Profeffeurs
celebrerent à l'envi la glorieufe Naiſſance du
DAUPHIN ; ils exprimerent en Vers ou en Profe
tout ce que le coeur put leur infpirer de voeux
& de préfages à la gloire du Prince nouveau né,
CHANSON ,
Chantée à la Fête des Jefuites de Rennes ,
Hantons du nouveau Dauphin ,
Cha joyeufe Naiffance ,
Nous voyons s'accomplir enfin ,
Nos voeux , notre efperance ,
Que chacun d'un fi beau deftin ,
Applaudiffe à la France,
Auffi -tôt qu'il a vû le jour ,
Une vive allegreſſe ,
Et de la Ville & de la Cour ,
A banni la trifteffe ,
Tout François en cet heureux jour,
Fuit l'austere ſageſſe,
Des
FEVRIER.
324 1730
Des biens que nous en attendons ,
Quelle preuve éclatante ,
Déja dans la nuit des priſons ,
Cette Aurore naiffante ,
Porte de fes premiers rayons ,
La lueur bienfaifante.
Il naît au milieu de la Paix ,
Quel favorable augure !
Pour le bonheur de fes fujets ,
Qu'en pouvons- nous conclure ,
Que tous les jours par des bienfaits
Seront contez , j'en jure.
?
Il aura l'air , la majefté ,
De fon augufte Pere ,
La douceur & la pieté
De fon aimable Mere :
Dieux , pour notre felicité ,
En pouviez vous plus faire.
L'Amour eſt , dit- on , en courroux,
Eh , qui pourroit le croite ,
Au Prince , des attraits plus doux ,
Affurent la victoire :
Mars ne fera-t-il point jaloux ,
Quelque jour de fa gloire,
Les Jeux & les Ris à l'inſtant ,
Cette
322 MERCURE DE FRANCE.
Cette Troupe volage ,
Au Berceau de l'illuftre Enfant ,
Coururent faire hommage ,
Ils feront fon amufement .
Mais pendant fon bas âge.
Quand la raifon éclairera
Ses premieres années ,
A fes yeux on dévoilera ,
Ses hautes deſtinées ,
Son Pere feul le guidera ,
Aux routes fortunées.
Pour faire couler dans fon coeur ,
Une ardeur heroïque ,
Qu'il ne life jamais d'Auteur ,
Ni de vieille Chronique ,
Car dans fa maifon la valeur ,
S'apprend par la pratique.
Mais s'il veut frapper l'Univers ,
De l'éclat de fa gloire ,
Voler chez cent Peuples divers ,
Qu'il life bien l'Hiftoire
D'un Roi plus grand dans les revers ,
Qu'au fein de la victoire.
D. R. J.
t
On trouvera l'Air noté avec la Chanfon
page 367.
EXFEVRIER.
1730. 323
EXTRAIT d'un Difcours prononcé à
Rennes fur la Naiffance du DAUPHIN .
L
E Pere Coriou , Profeffeur de Rethorique
au College des Jefuites de la Ville de Ren,
nes , n'a femblé differer de celebrer l'heureuſe
Naifance d'un DAUPHIN , qu'afin de reveiller
la joye publique par les motifs les plus
intereffans pour la France.
Le Programme étoit conçu en ces termes :
Delphinum Parentibus , Parentes Delphino gra
tulabitur Orator. Le deffein étoit naturel,
mais il fut traité d'une façon qui le rendit fingulier
à fon ingenieux Auteur.
L'Orateur dans fon Exorde , conduifoit les
ris & les graces au berceau de l'Augufte Enfant
, rien ne s'y offre que d'aimable & de
propre à fixer les regards. L'amour des François
fe mêle à cette troupe badine . Les Zephirs
l'accompagnent , relpectent & augmen
tent le fommeil du Dauphin. Il viendra un
tems où la valeur & la gloire ne troublerone
que trop fon repos . L'Exorde étoit terminé
par un Compliment à l'Illuftre Chef du Parlement
de Bretagne , qui honoroit l'Orateur
de fa préfence. 2.
L'Orateur entra dans fa premiere Partie , en
marquant que les Enfans des Rois naiffent à la
verité dans les larmes comme les autres , mais
que la Grandeur , la Majefté , l'allegreffe fuivent
de près les premiers inftants de leur féjour
fur la terre. Nafcuntur ut cæteris imperent ho
minibus inter quos fedent ut Patres , eminent
ut foles , coluntur ut numina.
Enfuite il felicita le Roy & la Reine d'ayoir
un Dauphin , puifque cette Naiflance dif324
MERCURE DE FRANCE .
fipe toutes les inquietudes du Roy , puifqu'elle
donne un nouvel accroiffement à l'autorité de
la Reine.
1. Qu'il eft douloureux à un Grand Roy
de fe voir privé d'un heritier de fon Thrône! A
quoi même les Peuples ne font- ils pas expofés
dans de fi critiques conjonctures : L'âge de nos
Peres ne nous en eft qu'un trop fidele garand.
Les Guerres intellines ou Etrangeres dont ils
furent les victimes , l'ambition , la perfidie ,
qu'allumerent les interêrs divifés , font fentir
Je déplorable état d'un Royaume dont le Monarque
n'a point de Fils auquel il tranfmette
fa Couronne. La France n'a plus à redouter
de pareils malheurs. Le Dauphin , heureux
préfage du calme , écarte en naiflant toutes les
tempêtes que nous pouvions redouter.
Les larmes que nous verfames fur la perte
de nos Princes , font taries dans un jour fi
fortuné. L'Orateur expofa ici les juftes douleurs
qui faifirent tous les François à la mort
des Princes. Leurs caracteres étoient maniés
le plus délicatement. Celui du feu Roy plus
grand dans fes revers qu'au milieu de l'éclat
de fes profperités , couronnoit ces magnifiques
éloges.
Après tant d'alarmes , un Aftre nouveau
s'éleve , & nous fournit les plus heureux augures
pour rendre la fortune tributaire à fes
armes , donner la loy aux Nations jalouſes ,
faire trembler les Rois , affermir fon Trône par
de nouvelles conquêtes , ce fera un jour l'occupation
du Dauphin. Les Auguftes , les Tites ,
les Alexandres , les Henrys & les Louis , feront
fes modeles ; mais s'il fe peut , il les furpaffera.
2. L'autorité de la Reine s'accroît à la
Naiffance
FEVRIER. 1730 325
Naiffance d'un Dauphin. Il a été l'objet de fes
demandes & de fes foupirs. L'Orateur congratula
la Bretagne , d'avoir trouvé dans fainte
Anne un de fes Anges tutelaires , qui ait porté
au Trône de l'Eternel l'encens de fes prieres ,
pour obtenir un bien fi précieux ; quoiqu'ajouta-
t- il , il n'eft aucun Temple dans la France
qui n'ait retenti des Voeux qu'on y a addreffé, de
concert avec les defirs de la Reine. Il prit à témoin
les aziles fecrets où elle prefentoit au
Tout- puiffant fes prieres les plus ferventes
les Vierges confacrées à Dieu , les pauvres qui
ont interreffé le Ciel à combler les Voeux de
leur Bienfaitrice. Il invita fes Auditeurs à
contempler cette Princeffe aux pieds de fainte
Genevieve , y répandant d'abord fes larmes
& fes defirs , & peu après , les tendres gages
de fa reconnoiffance.
Il fit voir par le détail de fes hautes qualitez ,
que la Reine leur doit l'éclat du rang qu'elle
Occupe . Aujourd'hui comme une autre Cor
nelie , elle montre dans fon Dauphin le plus
précieux de fes Trefors . Ce fera auffi le Trefor
de tous les malheureux. Le coeur de la
Reine compatira à toutes les miferes , & le
Dauphin à qui elle les portera , fuffira pour les
bannir dans tous les Etats. C'eft à cet ufage,
que la Reine confacrera l'accroiffement nou
veau de fon autorité.
De cette premiere Partie , l'Orateur conclut
que les François retrouvent à la Naiffance du
Dauphin leur bonheur , uni à celui du Roy &
de la Reine.
L'Orateur commençoit la feconde Partie , en
difant que le Dauphin ne devoit point envier
aux anciens Heros la Nobleffe de leur origine ,
Qu l'excellence des Maîtres fous qui ils s'étoient
Fij formez.
326 MERCURE DE FRANCE .
formez. Le Roy fon Pere lui apprendra l'art de
regner , la Reine fa Mere fera fon Modele dans
ce qu'il doit à la Religion.
1. C'eft beaucoup de fournir le Sang des
Rois , c'eft plus de former un Roy. C'eft le
double bien que Louis XV . tranfporte à fon
Dauphin, Autrefois il mit fes délices à cultiver
des Fleurs ; il s'en préfente une à fa culture
qui aura tous fes foins .
C'eft fous un tel Maître que le Dauphin apprendra
à meriter l'amour des Peuples , à effuyer
leurs larmes , à procurer leur felicité ,
à en devenir le Pere .
C'eft fous un tel Maître qu'il apprendra à
donner des Batailles & à y vaincre . Les autres
n'apprennent à commander qu'à leurs dépens ,
ou par une longue experience . Les Bourbons
naillent Heros & triomphateurs.
C'eft fous un tel Maître qu'il apprendra à
préferer les vertus pacifiques aux vertus Guerrieres
.... Déja la paix eft née avec le Roy fon
Pere , il s'empreffera comme lui d'accroître
fon Temple.
Enfin , point de vertus heroïques dont le
Dauphin ne trouve en fon Pere l'éclatant modele
; Hector , Achille , Cefar ou Alexandre
peuvent fervir de Guides aux autres Princes ,
Louis eft le feul que le Dauphin doive confulter
, puifqu'il a tout ce qui fait & les Grands
Rois & les bons Rois.
J
2º. La tendre pieté de la Reine n'eft pas une
leçon moins précieuſe pour le Dauphin. Autrefois
Saül demanda à David quelle étoit fa
Famille. A peine l'eut- il fçu , qu'il connut que
le jeune David devoit être l'appui de la Religion
en Ifraël : Il fuffit de fçavoir que le Dauphin
a pour Mere la plus religieufe Princeffe ,
pour
FEVRIER . 1735. 317
pour augurer quel fera fon zele pour la Reli
gion de les Peres.
L'Orateur expofa avec tout l'art poffible les
exemples de piété que la Reine fait briller aux
yeux de fes Sujets , & avec quelle ardeur elle
confervera pour le Ciel le Heros qu'elle en a
reçu.
Il
II marqua enfuite que les Nations Etrangeres
préparent leurs Princes à l'exercice des vertus
par des Symboles qui leur en retracent la pratique
dès l'enfance , le Dauphin n'a befoin pour
fe former à la pieté , que des foins d'une
Reine dont le coeur eft l'Autel même de la
Religion . Il fit le parallele d'Annibal prelenté
aux Autels , & dont la confecration n'eut dèslors
rien que de funefte aux Romains , & celui
du Dauphin offert au Seigneur , & en qui
la Religion dès ce moment a reconnu fon appui
& fon vengeur.
L'Orateur conclut cette feconde Partie , en
recueillant les avantages que l'éducation paternelle
& maternelle vont lui procurer. Il la
termine par les Voeux les plus touchants pour
la confervation d'un fi cher Dépôt . Il n'a rien
de plus grand à defirer à fon Heros naillant ,
que de reffembler à Louis & à Marie , vivat
dignus Patre , vivat dignus Matre , vivat
utrique fimilis.
L'accompagnement de la Harangue répondoit
au fujet. La Salle étoit décorée de fuper
bes Tapifferies , fur lefquelles étoient dans un
riche enfoncement les Portraits du Roy & de
la Reine , & l'Ecuffon du Dauphin . Ils étoient
couronnés d'un Dais , & éclairés par une infinité
de lumieres. Plufieurs Luftres & Girandoles
éroient placés de diftance en distance .
L'Affemblée étoit des plus choifies . M. de Bril-
F iij
lac
328 MERCURE DE FRANCE .
lac , Premier Prefident , s'y trouva à la tête de
plufieurs Prefidens : à Mortier & Confeillers
du Parlement.
Le Difcours fini , on donna à l'Orateur les
applaudiflemens que déja plufieurs fois pendant
l'action , l'admiration unanime n'avoit
pû fufpendre . On fut agréablement frappé en
fortant , de trouver toute la Cour du College
illuminée ; chaque Croifée étoit chargée de
Piramides de Lampions , ou chargée de Pots
à Feu , ou d'Ecuflons aux Armes du Roy , de
la Reine & du Dauphin. Un grand Bucher
étoit preparé au milieu de la Cour. Cent Eco
liers richement habillés , & portant chacun un
Drapeau , firent autour diverſes évolutions ,
& deux des plus qualifiés y mirent le feu au
bruit des Tambours & des Trompettes. Les
Boëtes tirerent avec un fracas qui n'avoit rien
que de fuperbe ; les Fufées fe mêlerent dans les
airs , & firent difparoître pendant quelques
heures , les tenebres de la nuit. Le Public parut
charmé du Spectacle , & ranima à cette
nouvelle Fête les premiers fentimens de joye
que la Naiffance du Dauphin avoit caufé il y
avoit quelques mois.
LOGOGRYP HE d'une espece particuliere
, dont la difficulté n'eft pas feu-.
lement d'en trouver le mot , mais toutes
les explications.
DE fix piéces formé , je defigne un Empire
:
La derniere de moins je fuis homme fans fard,
Remets
FEVRIER. 1730. 329
Remets tout , & fans chef daigne à preſent
me lire ,
Tu pourras m'ajuſter avec de bon vieux lard ;
Ote mon fecond chef, & je me trouve utile
Aux feaux , aux panniers , aux chau
drons ;
Voyons , pour me trouver en changement
fertile
Comme quoi nous nous y prendrons.
Bon . Chiffre ines fix parts , & me ſuis à la
trace ,
Je vais te dévoiler mes divers changemens ,
Et t'expofer le tout auffi clair qu'une glace ,
Dans ces divers arrangemens.
Trois , quatre , fix , je fuis Roffignol d'Arcadie,
Trois , quatre, cinq , deux , fix , alors j'expofe
aux yeux
Des Sçavans & des Curieux
Profe & Vers , & de plus je peins la mélo,
die ;
Si je fais de la Chine, on en fait des Tableaux,
En même arrangement , j'arrête les Vaiffeaux.
Un , trois , deux , fix , la nuit j'éclaire au
bord des eaux .
Cinq , trois , fix , quatre , alors Ville de Nor
mandie.
Puis un , fix , cinq , trois , quatre , une riche
Abbaye.
Quatre , fix , deux , trois , cinq , Ville près de
Bordeaux.
F iiij Cinq
330 MERCURE DE FRANCE .
Cinq , deux , trois , quatre , fix , je couvre la
cervelle.
Trois , deux , cinq peut armer les Indiens
& l'Amour ;
;
Autre trois , cinq , deux , fix , j'ai le goût de
prunelle.
Cinq , trois
un jour.
> deux , je me vis prefque prefcrit
Item , un , trois , cinq , fix , je fuis un gros
vifage ;
Et deux , trois , quatre , cinq , un Peintre recherché.
Plus un , trois , deux , cinq , fix , mon ordinaire
ufage
Eft d'amufer le Peuple au milieu d'un marché.
Trois , quatre , cinq , fix , deux , en latin , ma
parole
A jadis des Gaulois fauvé le Capitole.
En François , un , fix , deux ; je fuis un dur
métal.
Cinq , fix , deux , un , je fuis chaffé par la
Nobleffe.
Quatre trois , cinq , deux , fix , Coquille
d'une efpece
Auffi brillante qu'un cristal.
Et cinq , trois , quatre , fix , je foûtiens la
vieilleffe.
Bref, quatre , fix , deux , un , je fais mouvoir
les doigts
Les yeux , les pieds , les bras , en avant , en
arriere.
Puis
1
FEVRIER. 1730. 33 L
Puis trois , deux , quatre , fix , je fuis une Riviere.
Cinq , trois , deux , quatre , fix , coin de pierre
où de bois ,
Ou d'un volet , ou d'une cheminée.
Quatre , trois , un , deux , fix , eft drogue
raffinée ,
Dont contre les vapeurs femme ufe quelquefois.
Et cinq , trois , un , deux , fix , Peuple à fauvages
Loix.
Cinq , trois , quatre , un , deux , fix , drogue
d'Apoticaire
Qu'avec de l'Eau de vie on mêle affez fouvent.
Cinq , deux , trois , quatre enfin , dent de la
crémaillere ,
Ou d'un cri , fi l'on veut. Devinez à preſent .
********************
JE
PREMIERE ENIGME .
E fais fouvent bien du chemin
Quoique je fois fans pied , fans patte ;
Comme je fuis auffi fans Ratte ,
Mon plaifir eft d'aller grand train,
Je cours de Province en Province ;
Mon corps eft leger , & fort mince ;
Le feu m'allarme , & je crains l'eau ;
Fv Quel
332 MERCURE
DE FRANCE.
Quelquefois je deviens un très - pefant far
deau ; /
Ce trait & le fuivant vous le feront connoître,
Je me transforme en ceux qui m'avoient don-
J
né l'être.
DEUXIE' ME ENIG ME..
E me plais à marcher la nuit ;
Aucun guide ne me conduit ;
Je marche auffi le jour : fa clarté m'eft con
traire..
Aux flambeaux feuls j'ai dequoi plaire;
Je fuis d'un difficile accès ;
On ne peut m'approcher de près.
J'ai cependant le regard favorable ::
Ma blancheur me rend agréable ,
Le rouge me rend effroyable ;
Sur le corps le plus froid j'exerce mon pous
voir ;
Je fçai quand il me plaît fortement l'émou
voir ;
e fais auffi paroître en tous lieux ma puiſſans
Jces
On eft charmé de ma préfence.
Le mot de l'Enigme de Janvier a dû
s'expliquer par le Tems , & celui du Logrypae
par Panneau
NOU
FEVRIER. 1730. 333.
XXXXXX
NOUVELLES LITTERAIRES
IN
DES BEAUX ARTS , &c.
N ORTU Sereniffimi Galliarum DEL--
PHINI Gratulatio . Habita in Regio
Ludovici Magni Collegio , à Carolo Porée
, Societatis Jefu Sacerdote. Poftridie
Idus Septembris anni Domini M.
DCC. XXIX. Vol . 4. Parifiis , fumptibus
Marci Bordelet , viâ Jacoboâ , fub
figno fancti Ignatii . M. DCC. xxx.
?
DE SERENISSIMO DELPHINO
Ludovici XV. Filio , in fpem Galliarum
crefcente. Oratio . Habita Idibus Decembris
, Anni M. DCC . XXIX . in Regio
Ludovici Magni Collegio Societatis Jefu ,
ab Egid. An. Xaverio de la Sante ,,
ejufdem Societatis Sacerdote. Vol . in- 4 :
Parifiis , fumptibus ejufdem M. Bordelet:
& c. M. DCC . XXX .
Ces deux Difcours qui ont été applaudis
lorfqu'ils ont été prononcés devant
une illuftre Affemblée , méritoient d'être
rendus publics ; ils méritent aujourd'hui
d'être recherchés , & d'être lûs avec une
attention particuliere .
Fvjj His
334 MERCURE
DE FRANCE.
HISTOIRE de la Ville & de l'Egliſe
de Frejus , par M. G. C. D. C. D. E. T.
Tome I. de 278. pages , & Tome 2 .
de 276. pages . 1. Vol . in - 12 . A Paris ,
chez la Veuve Delaulne , Rue des Noyers,
1729.
Cette Hiftoire dédiée à S. E. M. le
Cardinal de Fleury eft précedée d'une Préface
instructive , & la Préface eft fuivie
de l'Approbation
de M. Tournely , par
laquelle ce Docteur déclare que l'Hiftoire
de la Ville & de l'Eglife de Frejus
exacte & curieufe . lui a paru fidele.
» L'Hiftoire particuliere d'une Province
» ou d'une Ville , dit - il , jette ſouvent
>> un grand jour fur l'Hiftoire generale
» de tout un Royaume . Un Auteur atta-
» ché à creufer l'origine d'une Ville ,
>> trouve fouvent dequoi debrouiller cer-
>> tains faits que l'obscurité des tems les
» plus reculés a dérobé à notre connoif-
» fance. C'est ce que l'Auteur de cette
Hiftoire a heureufement executé , en
» donnant à ſa Patrie un jufte tribut de
>> fa reconnoiffance ; il laiffe au Public
» des preuves certaines d'une érudition
» peu commune.
On nous écrit de Londres que les
Libraires Innys , Prevòt , du Noyer &
Brindlei achevent d'imprimer l'Histoire
de
FEVRIER. 1730. 335
de Mahomet , compofée par le Comte
de Boulainvilliers , du moins pour les
deux premiers Livres , car le troifiéme
& dernier Livre eft d'une autre main , la
mort ayant furpris l'Auteur fur la fin de
fon travail. On trouvera dans le premier
Livre , outre une Defcription de toute
l'Arabie , une Relation des moeurs des
Arabes , & des Reflexions fur la Religion
& les Coûtumes des Mahometans,
une Defcription particuliere des Villes
de la Mecque & Medine. On verra dans
le fecond la Genealogie & la Vie du prétendu
Prophete jufqu'au tems de l'Hegire.
Le dernier Livre expofe ce qui s'eſt paffé
par rapport à Mahomet , depuis cette
Epoque jufqu'à l'année de fa mort . On
imprime cet Ouvrage fur du grand &
du petit papier ; on le vendra une Guinée
le grand papier , & une demie Gui
née le petit.
M. Bergiron de Briou , l'un de ceux
qui a le plus contribué à l'établiſſement
de l'Académie des Beaux- Arts de Lyon ,
& qui a conduit les Concerts pendant fix
années entieres , avec autant de fuccès
que s'il étoit Muficien de profeſſion
vient de donner au Public un Recueil de
Cantares Françoifes de fa compofition qu'il
fait graver. Cet Ouvrage fe vend en 2
blanc
336 MERCURE DE FRANCE
blanc fept livres dix fols . A Lyon , chez
Thomas , Marchand Parfumeur , Ruë
Merciere vis - à- vis S. Antoine , &
à Paris , chez Boivin , Rue faint Honoré
, à la Regle d'or. Les paroles de
cet Ouvrage font de differens Auteurs .
Il y a plufieurs fujets qui n'ont jamais été
traités en Poëfie de ce genre là.
RE'PONSE GENERAL B aux quatre Mèmoires
que le Comte d'Orval vient d'ajoûter
à cinq qui avoient précedé. Bro--
chure Fol . de zo . pages. De l'Imprimerie
de Ph . N. Lottin , Rue S. Jacques , à la
Verité , 1729.
Cette nouvelle Réponſe eft divifée en
deux parties , dont la premiere expoſe
les anciennes Regles des Pairies avant
l'Edit de 171. & la feconde marque
lés difpofitions de ce même Edit. On excederoit
les bornes fi on entroit ici dans
le détail de ce que renferment ces deux
Parties. Le Deffenfeur de M. le Duc de
Sully n'y oublie rien d'effentiel , & répond
avec autant de clarté que de précifion
à toutes les objections. Quoique
la queftion dont il s'agit dans cette affaire
foit importante , & qu'elle paroiffe
fufceptible de plufieurs points de vue
l'Auteur a fçû , pour ainfi dire , là fimplifier
; on en jugera par les termes quis
.
fe
FEVRIER. 1730: 33 *
fe trouvent à la premiere page dans le
Préliminaire de la Réponſe genérale .
Une vûë plus fimple encore , fuffit
dit - il , pour la décifion . Si le Comte d'Or
val ,puilné,peut prendre la qualité d'Aîné“
des mâles defcendus de Maximilien de
Bethune, fon droit eft bon , mais fi le Duc
de Sully , reconnu l'Ainé d'une Maifon ,
dont la premiere Branche defcend de
Maximilien de Bethune , ne peut avoir
cette qualité fans être neceffairement
l'Aîné des mâles defcendus du même Ma--
ximilien , la cauſe eft décidée en fa fa--
veur par un texte formel dans l'Article
7. de l'Edit..
OEUVRES DIVERSES de M. l'Abbé
de Saint Pierre. Tome fecond , contenant
1º. Un projet pour rendre les Sermons
plus utiles. 2. Un Projet pour perfectionner
l'éducation domeftique des Princes
& des Grands Seigneurs. 3 °. Un
Projet pour perfectionner l'éducation des
Filles. 40 Obfervations fur le deffein :
d'établir un Bureau perpetuel pour l'édu--
cation publique des Colleges. Un Projet
pour rendre les Spectacles plus utiles >
àl'Etat. 6º . Un Projet pour mièux mettre
en oeuvre le defir de la diftinction
entre pareils . 1. vol . in - 12 . de 295.-
pages. A Paris , chez Briaffon , Rue S..
Jacs
338 MERCURE DE FRANCE .
Jacques , à la Science 1730 .
On continue de remarquer dans ce zi
Volume des Oeuvres de M. l'Abbé de
Saint Pierre les fentimens d'un Philoſophe
chrétien , les intentions loüables d'un bon
Citoyen , & les talens d'un Ecrivain
diftingué dans la bonne Litterature.
Coignard imprime actuellement avec
beaucoup de foin & de diligence le troifiéme
& dernier Tome des Oeuvres de
S. Bafile . dont l'Edition , d'abord entreprife
par Dom Julien Garnier , Benedictin
de S. Germain des Prez , a été continuée
, & mife dans fa perfection par
le R. P. Dom Prudent Maran , Religieux
du même Monaftere. L'Eglife gagnera
toûjours à la publication de pareils
Ouvrages , & la République des Lettres
fera en quelque façon dédommagée de
tant de Livres frivoles qui l'inondent
depuis quelque tems , & dont on ne fait
l'annonce qu'à regret.
RE'PONSE à la Lettre du Gentilhomme
Perigourdin , par uneRéfutation juſte
d'un nouveau Livre de Lettres, & de la
Grammaire Françoife de M. de Grimarest
, Maître de Langues à Paris , à laquelle
l'Auteur oppofe fa Grammaire
Françoise en faveur des Etrangers. Ouyrage
FEVRIER. 1730. 339
vrage dédié aux Sçavans . Par M. de la
Lande >
Interprete ordinaire du Roi ,
Profeffeur des Langues Françoiſe , Italienne
, de Géohraphie & d'Hiftoire . I
vol. 12. de 413. pages . A Paris , chez
la Veuve de Pierre Ribou . M. DCC .
XXX.
MEMOIRBS pour fervir à l'Hiftoire
des Hommes Illuftres dans la Republique,
des Lettres avec un Catalogue raisonné
de leurs Ouvrages , tome 8. de 408. pages
fans les Tables. A Paris , chez Briaffon
rue S. Jacques , à la Science. 1730 .
A la tête de ce 8. volume eft un court
Avertiffement , qui apprend au Lecteur
une chofe auffi agreable que neceffaire à
l'égard de ceux qui aiment l'exactitude &
la perfection dans les entreprifes Litteraires.
L'Auteur de ces Memoires ſe prépare
, nous dit - on , à donner dans le dixiéme
vol. qui paroîtra fur la fin du mois
de Decembre 1729. les corrections fur les
neuf vol . qui le précedent , avec les Additions
qu'on lui a déja données. Il invite
de plus ceux qui auront reconnu quelque
faute , quelque legere qu'elle puiffe être ,
ou qui fçauront quelques faits oubliez ,
ou enfin qui auront quelques Additions , à
les lui communiquer , fe chargeant d'inftruire
le Public du nom de ceux dont il
>
aura
340 MERCURE DE FRANCE .
aura receu des remarques utiles. On aver
tit auffi que le dixiéme vol. contiendra encore
des Tables generales , Alphabetique
, Necrologique , & felon l'ordre des
Matieres de ce qui eft contenu dans les
neuf premiers vol ; enfin qu'on pourra
s'addreffer au Libraire qui vend ce Livre ,
pour tout ce qu'on voudra faire tenir à
P'Auteur.
Nous profiterons de l'invitation conte
nue dans cet Avertiffement , pour continuer
de parler avec franchife en faveur de
la verité, & pour la perfection de cet Ou
vrage , quand l'occafion s'en préfentera.
Le 7. vol . en offroit une , mais il n'étoit
pas encore tems de publier notre Remarque
, qui n'auroit pu paffer alors que
pour une conjecture . Nous avons depuis
découvert que cette Remarque peut être
folidement appuyée . Voici de quoi il s'agit.
Dans le Catalogue des Ouvrages
d'André Duchefne , qui eft à la fin du
Memoire qui le concerne dans le 7. tome
pag. 323 on trouve art . 6. le Titre qui
fuit : Les Antiquitez & Recherches des
Villes , Châteaux & Places remarquables
de toute la France , fuivant l'ordre des buit
Parlemens. Paris 1610. in - 8 . On ajoûte
que cette premiere Edition a été fuivie de
celles des années 1614. 1622. 1629.
1631. 1637. in- 8 . Item , revues corrigées
FEVRIER. 1730. 341
gées & augmentées par François Duchefne.
Paris 1647. in 8. & 1668. 2. vol. in- 1 2 .
L'Article finit par ces paroles Ce Livre
eft mal écrit , mais il contient des chofes
curieufes , la derniere Edition que Duchefne
le Fils a procurée eft la meilleure. "
Nous avons toujours crû que cet Ouvrage,
quoique publié fous le nom d'André
Duchefne , n'étoit point de ce celebre'
Auteur . Il ne faut que le lire avec une
mediocre attention pour s'en appercevoir:
Mauvais ftile , défaut de critique ,
excès de credulité , tout fent une main
qui ne cherche qu'à accumuler des Phra
fes , pour produire enfin un Livre compofé
de chofes communes , & qu'on trouve
dans plufieurs autres Ouvrages , ce
qui eft bien éloigné du genie & de la capacité
d'André Duchefne.
Mais ce qui a achevé de nous convaincre
fur ce point , c'eft le témoignage
d'un Sçavant du premier ordre & des plus
refpectables. Il faut d'abord obferver que
la premiere Edition de ce Livre n'eft pas
celle de 1.6 10. marquée ci deffus par notre
Editeur. Il s'en trouve une autre de
1609. dont il y a un exemplaire dans la
Bibliotheque de S. Germain des Prez ,
faite à Paris , chez Jean Petit Pas. En
fecond lieu, on lit à la tête de cet Exemplaire
de 1609. les paroles qui fuivent ,
écrites
342 MERCURE DE FRANCE.
écrites de la main du celebre Dom Luc
Dachery , contemporain & ami d'André
Duchefne.
*
Ce prefent Livre n'eft point de M. Duchefne
, je l'ai feu de fa propre boucher
étant venu voir quelque chofe à notre Bibliotheque.
On l'a mis fous fon nom pour
le mieux vendre , parce que de foi il ne
vaut rien , ni pour l'Histoire ni pour le
Stile. Le 19. Avril 1640 .
Après une atteftation fi préciſe , on ne
peut s'empêcher de convenir de l'impofure
, laquelle a continué avec plus de
facilité après la mort de l'Auteur dans
les Editions qui ont fuivi , jufqu'à foûtenir
que les deux dernieres ont été revûës
& corrigées par F. Duchefne fon
Fils , & c. Quand même il feroit vrai que
le Fils ait eu quelque part à ces dernieres
Editions , ce qui eft extrêmement douteux
, il doit toujours paffer pour certain.
que l'Ouvrage original n'eft point de fon
Pere Au refte l'Auteur des Memoires
n'a erré là - deſſus qu'après le P. le Long
qui l'a copié fur l'article d'André Duchefne
, & après plufieurs autres .
Ce n'eft pas la premiere fois que les
Libraires , même quelques Auteurs en
ont impofé au Public , en mettant un
nom refpectable à la tête d'un Ouvrage
mediocre dans la vûë de l'acrediter : C'eſt
ainfi
FEVRIER . 1730. 343
ainfi qu'on a vu paroître en l'année
1729. un Livre fort fuperficiel , fous le
nom de M. l'Abbé de Bellegarde , qui
écrit fi poliment , & qui a donné tant de
bons Ouvrages , lequel nous a affuré n'ar
voir aucune part à celui dont on vient de
parler. Mais revenons à notre 8. vol.
des Memoires pour l'Hiftoire des Hommes
Illuftres , &c. Ce vol. contient la
Vie & le Catalogue des Ouvrages de 37 .
Sçavans , dont voici les noms.
,
Leon Allatius , Emeri Bigot , Lazare
André Bocquillot , Guillaume Budé , Ni»
col. Calliachi , Charles du Cange , Jean
Cocceius , Jacques Cujas , Jean Donne ,
Caffandre Fedele , Claude Fleury , Theophile
Folengo , Jean Gallois , Th. Gata
ker, Jean Gravius , Nicol. Hartfoeker ,
Jean Henri Hottinger , Jacques le Paulmier
de Grantemefnil , Barth. Platine
Jean Jovien Pontan , Louis Pontico Viru
nio , Guill. Poftel , Etien . Rafficod , Abel
de fainte Marthe Pere & Fils , Abel Louis
de fainte Marthe , Charles de fainte Marthe
, Claude de fainte Marthe , Pierre Sce
vole de fainte Marthe , Scevole de fainte
Marthe , Scevole & Louis de fainte Marthe
, Jacques Sannazar , Jean- Marie de
la Marque Tilladet , Sebaftien Vaillant ,
Charles Kerardo.
L'Article de Guillaume Budé nous a
рагы
844 MERCURE DE FRANCE .
paru être l'un des plus curieux de ce vol.
& nous croyons que nos Lecteurs nous
fçauront gré de le trouver ici , tel que
l'Auteur des Memoires l'a prefenté au
Public. Guillaume Budé , ( en Latin Budous
) naquit à Paris l'an 1467. de Jean
Budé , Seigneur d'Yerre , de Villers fur
Marne , & de Marly , Grand - Audiancier
en la Chancellerie de France , & de Catherine
le Picart ..
On lui donna des Maîtres dès - qu'il parut
capable d'apprendre quelque chofe ;
mais la barbarie qui regnoit alors dans les
Colleges , le dégoûta , & l'empêcha de
faire de grands progrès . C'étoit la coûtume
de paffer à l'étude du Droit , dès
qu'on fçavoit un peu de Latin , il la fuivit
comme les autres , & alla à Orleans
pour ce fujet ; mais il y demeura trois ans
fans y rien apprendre. Il n'entendoit prefque
point les Auteurs Latins , il n'étoit
pas par confequent en état de comprendre
les Ecrits & les Leçons de fes Profeffeurs.
Ainfi il revint à Paris auffi ignorant qu'il
en étoit parti , & plus dégoûté de l'étude
qu'il ne l'étoit auparavant.
Les plaifirs firent alors toute fon occupation
, & il s'adonna particulierement à
Ja chaffe ; mais lorsque le premier feu de
la jeuneffe fe fût rallenti en lui , il fe fentit
tout d'un coup faifi d'une paffion fi violente
FEVRIER. 1730. 34 $
lente pour l'étude , qu'il s'y donna avec
une ardeur inexprimable. Il renonça dès .
lors à tous les divertiffemens & à toutes
les compagnies ; & regardant comme perdu
tout le tems qui n'étoit point employé
à l'étude , il regrettoit les heures qu'il étoit
obligé de donner à fes repas & à fon fommeil
.
Ce qu'il y avoit de fâcheux pour lui ,
c'eft qu'il n'avoit perfonne qui pût le di
riger dans les études , & lui montrer la
route qu'il devoit tenir pour ne point
perdre un tems qui lui étoit fi précieux.
Il ne fçavoit quels étoient les Auteurs
qu'il devoit lire les premiers , & il fe trompoit
fouvent dans le choix qu'il en faifoit.
Ce ne fut que dans la fuite , qu'il
apprit par
fa propre experience , & par
fon propre goût , ceux qu'il devoit preferer
aux autres. Ainfi il ne dut qu'à luimême
les progrès qu'il fit , par fon application
affidue dans les Belles - Lettres.
Il ne fut non plus redevable qu'à fon
travail de la connoiffance qu'il acquit de
la Langue Grecque , il eût, à la verité, un
Maître nommé George Hermonyme , qui
fe difoit natif de Lacedemone , “ mais qui
ne fçachant pas grand chofe , ne pouvoit
lui en apprendre beaucoup . Quelques entretiens
qu'il eut avec Jean Lafcaris lui
furent plus utiles , & les inftructions de
$ 46 MERCURE DE FRANCE .
ce grand homme lui fournirent les moyens
d'avancer avec plus de fuccès dans les
connoiffances qu'il s'étoit propofé d'acquerir.
Les Belles -Lettres ne l'occuperent pas
tellement , qu'il negligeât les autres Sciences
; il apprit les Mathematiques de Jean
Faber , dont il épuifa bientôt le fçavoir ,
par la facilité qu'il avoit à comprendre
tout ce qu'il lui difoit.
Cependant fon Pere ne le voïoit qu'avec
peine attaché fi fort à l'étude , apprehendant
que cet attachement ne préjudiciât
à fes affaires domeftiques , & ne nui
sît à ſa ſanté ; mais tout ce qu'il pût lui
dire fur ce fujet fut inutile , fa paffion
l'emporta fur les remontrances. Au reſte
les craintes de fon Pere n'eurent lieu qu'en
partie ; car il ne negligea jamais fes affaires
, il eut foin au contraire de fe partager
entre- elles & les études . Mais la ſanté
en fouffrit , car fon affiduité au travail lui
procura une maladie , qui le tourmenta à
differentes repriſes , pendant plus de vingt
ans , & qui le rendit mélancolique & chagrin.
Le trifte état où il fe trouvoit alors ,
n'étoit point capable de le dégoûter de
l'étude , il profitoit des momens de relâche
qu'il avoit , pour s'y livrer de nouveau.
C'eft même pendant ce tems - là
qu'il a compofé la plupart de fes Ou
vrages Quelques
FEVRIER. 1730. 347
Quelques Auteurs on mis en queſtion :
S'il étoit à propos pour un Homme de
Lettres de fe marier , & fe font fervi de
l'exemple de Budé pour foûtenir l'affirmative.
Il fe maria en effet , & fi l'on en
croit un de ces Auteurs , fa femme bienloin
de l'empêcher d'étudier , lui fervoit
de fecond , en lui cherchant les paffages ,
& les Livres dont il avoit befoin. Il falloit
qu'il l'eût connue de ce goût- là dès avant
fon mariage , puifque le jour même de
fes nôces il fe déroba trois heures au
moins , pour les paffer avec fes Livres.
Louis le Roy , décrit ainfi la maniere
dont il avoit coûtume de paffer la journée
: En fe levant , il fe mettoit au travail ,
& étudioit juſqu'à l'heure de dîner ; avant
que de fe mettre à table , il faifoit un peu
d'exercice pour le donner de l'appetit .
Après le repas , il paffoit deux heures à
caufer avec la famille , ou fes amis , après
quoi il recommençoit à travailler jufqu'au
fouper. Comme ce repas le faifoit ordinairement
fort tard , il ne faifoit jamais
rien après. Il avoit une Maiſon de Campagne
à faint Maur , où il demeuroit affez
volontiers , parce que fon étude n'y étoit
point interrompuë par des vifites , comme
à la Ville .
R.
Il vêcut fort long - tems dans l'obfcurité
de fon Cabinet , mais fon mérite l'en tira :
G Guy
348 MERCURE DE FRANCE .
ce ,
Guy de Rochefort , Chancelier de Fran .
le fit connoître au Roy Charles VIII .
qui voulut le voir , & le fit venir auprès
de lui ; mais il ne vécut pas affez après
cela , pour lui faire du bien .
Louis XII, fucceffeur de Charles , l'envoya
deux fois en Italie pour quelques !
negociations , & le mit enfuite au nombre,
de fes Secretaires. Il voulut auffi le faire,
Confeiller au Parlement de Paris ; mais
Budé refufa cette Charge , qui lui auroit
caulé trop de diftractions , & qui lui auroit
enlevé un tems , qu'il aimoit mieux
donner à fes études.
Il fe vit cependant dans la fuite expolé
à ces diſtractions qu'il craignoit . Le Roy
François I. qui aimoit les Gens de Lettres,
le fit venir auprès de lui à Ardres , où il
s'étoit rendu en 1520. pour s'aboucher
avec le Roy d'Angleterre . L'Auteur de fa
vie remarque , que ce fut alors pour la
premiere fois que Budé eut accès auprès
de lui : ce qui détruit ce que Varillas a
avancé dans fon Hiftoire de François I.
(a ) que ce Prince l'envoya à Rome en
Ambaffade en 1515. auprès du Pape
Leon X. fait fuppofé par cet Auteur
qu'il accompagne d'une reflexion , qui
n'eft pas plus vraïe. » Budé , dit - il , n'é
toit pas mal adroit en negociation ,
(a ) Live I Po 320
» quoiqu'il
FEVRIER. 1730. 349
quoiqu'il eut vêcu dans Paris , fans autre
converfation que celle de fes Livres. «<
Comment Varillas a -t -il pu parler ainfi
puifque Budé avoit déja été deux fois en
Italie pour differentes négociations ?
François I. ayant pris gout à la convers
fation de Budé , voulut l'avoir toujours
auprès de lui , lui confia le foin de la Bi
bliotheque , & lui donna une Charge de
Maître des Requêtes , dont il fut pourvû
le 21. Août 152 2. La Ville de Paris l'é
lût la même année Prevôt des Mar.
chands.
Il aimoit trop les Sciences , pour ne pas
faire fervir à leur avantage le credit qu'il
ayoit auprès du Roy ; il fut un des prin
cipaux Promoteurs de l'érection du Col
lege Royal , & de la Fondation des Chais
res , qui y fut faite fous le Regne.de
François I.
Il fe brouilla avec Antoine du Prat ,
Chancelier de France , ce qui l'obligea
pendant quelque tems à n'aller à la Cour ,
qu'autant que le devoir de la Charge l'y
engagcoit. Mais ce tems ne dura pas ; car:
Guillaume , Poyet qui l'aimoit , ayant été
fait Chancelier , voulut qu'il demeurât
continuellement auprès de lui .
Un voyage qu'il fit avec lui en 1540.
fur les côtes de Normandie , à la fuite dus
Roy , qui y alloit chercher du rafraîchif-
Gij fement
350
MERCURE DE FRANCE
fement dans les chaleurs exceffives de
cette année , lui fut funefte. Il y ga
gna une fiévre , qui lui paroiffant dan
gereufe , lui fit naître l'envie de le faire
porter chez lui , pour mourir du moins
au milieu de fa Famille.
De retour à Paris , il vit bien tôt fon
mal s'augmenter , & il mourut le 23 .
Août de la même année 1540. âgé de 73 .
ans. Plufieurs Auteurs fe font trompés fur
la datte de fa mort ; La Croix du Maine
en la fixant au 25. Août. Sponde , en la
mettant au 20. Août , & Pierre de faint
Romuald , en l'avançant au 3. Août de
la même année. Le P. Garaffe dans fa
Doctrine curieuſe , le fait mourir en 1539.
L'erreur de M. de Launoy eft encore plus
confiderable , puifqu'il recule (a ) fa mort
jufqu'au premier Septembre 1573.
Budé fut enterré le 26. Août à faint Ni
colas des Champs , fans aucune pompe ,
comme il l'avoit ordonné par fon Tefta
ment , où il dit : » Je veux être porté en
terre de nuit , & fans femonce , à une
>> Torche , ou à deux feulement , & ne
» veux être proclamé à l'Eglife , ne à la
» Ville , ne alors que je ferai inhumé , ne
>> le lendemain ; car je n'approuverai ja-
>> mais la coûtume des cérémonies lugu-
» bres , & pompes funebres.... Je défens
(a ) Hift. Gymn. Navarr. p. 8827.
→ qu'on
2
I
x
FEVRIER. 1730: 35%
» qu'on m'en faffe , tant pour ce , que pour
>> autres chofes , qui ne fe peuvent faire
>fans fcandale ; & fi je ne veux qu'il y ait
» cérémonie funebre , ne autre Repréſen.
>> tation à l'entour du lieu où je ferai en
>terré , le long de l'année de mon trépas ,
>> parce qu'il me femble imitation des Ce-
>notaphes , dont les Gentils ancienne
>ment ont ufé.
.
C'étoit ici le lieu de placer l'Epigram
me , que fit Melain de faint Gelais , à
Poccafion de la mort de Budé , & de la
difpofition Teftamentaire qu'on vient de
lire. 11 eft à croire que l'Editeur des Memoires
ne l'a pas connue , on ne fera pas
fâché de la trouver ici.
Qui eft celui que tout le monde fuit a
Las ! c'eft Budé au Cercüeil étendu.
Pourquoi n'ont fait les Cloches plus grand
bruit ?
Son nom fans Cloche eſt affez épandu,
Que n'a- t- on plus en Torches dependu
Suivant la mode accoutumée & fainte
Afin qu'il fut par l'obſcur entendu
Que des François la lumiere eft éteinte.
Nous donnerons dans le prochain Mer
eure la fuite de ce Memoire.
Giij
LA
352 MERCURE DE FRANCE.
LA VIE DE CALLISTHENE , Philo
fophe , à la Cour d'Alexandre le Grand ,
A Paris , au Palais , chez Prudhomme,
Quay de Conty , chez la veuve Piffot ,
1730. Brochure in- 12 . de 38. pages .
Ce petit Ouvrage , ainfi que la Vie de
Brutus , a été faite à l'occafion de la Trage
die de Callisthene , de la compofition de
M.Piron, qu'on joue au Théatre François.
& Defprez & Defeffarts , Libraires , donnent
avis qu'ils ont mis au jour une nouvelle
Edition de la Bible , traduite par
M. Le Maitre de Sacy , où l'on a joint
500. Figures , gravées d'après les grands
Maîtres , par le fieur de Marne , Graveur
ordinaire de la Reine , avec des Sommaires
Hiftoriques fur chaque Livre de l'Ancien
& du nouveau Teftament , divifé en
fix volumes in 4. A Paris , chez lesdits
fieurs Defprez & Defeffarts , rue S. Jacques
, & chez l'Auteur des Gravures ruë
du Foin , en entrant par la rue de la Harpe,
Heaume. Il vendra féparement les Eftampes
de grandeur in -folio ou in- 4. en
3. volumes .
an
C
Gabriel Martin , Libraire , rue S. Jacques
, à l'Etoile , imprime le Catalogue
de la Bibliotheque de M. Turgot de Saint
Clair , Evêque de Seez , & celui de M. le
Préfident
FEVRIER . 1730. 353
•
Préfident Lambert , Prévôt des Marchands.
La vente de ces deux Bibliothe
ques doit fe faire inceffamment .
On trouve chez le même Gabriel Mar
tin & chez Coignard , fils , & Guerin l'aî
né , rue S. Jacques , la nouvelle Edition
des Elemens de l'Hiftoire de feu M. l'Abbé
de Vallemont , en 4. volumes in- 12
confiderablement augmentée .
LE PARADIS PERDU de Milton
traduit de l'Anglois en Vers Hollandois ,
par M. L. P. A Amfterdam , chez E.
Kifcher, 1730. in 8 .
Certe Traduction eft faite fur celle que
M. Vanzanten , fçavant Medecin à Hardem
, publia il y a deux ans en Vers Holdandois
non rimez .
HISTOIRE MODERNE de l'Etat pre
fent de tous les Peuples du monde , traduit
de l'Anglois de M. Salmon , enrichie
de Remarques , de Cartes Geographiques
& de Tailles-douces. Idem , chez Ifaac ›
Tirion , 1730. Tome premier , Premiere
Partie , contenant une Deſcription de
'Etat prefent de l'Empire de la Chine.
in- 8.
On apprend de Verone , que Jacques
Vellari , Libraire , y a donné une belle
Giiij Edi354
MERCURE DE FRANCE .
Edition de toutes les Oeuvrés du Trifin,
en 2. vol . in - 4 . fous ce titre . Tutte le
Opere di Giovan Giorgio Triffino , Gentilbuomo
Vicentino , non più raccolte . 1729 .
Jean Albert Tumermani , de la même
Ville , a imprimé in- 8 . un Poëme Italien
d'environ 430. Vers , intitulé , I. CANARINI
, les Serins , dont l'Auteur , appellé
Ignazio da Perfico , n'a que 16. ans.
on en fait beaucoup de cas.
Il paroît à Londres une trentiéme Edition
de l'Etat prefent de la Grande Brétagne
, par Chamberlain.
Un Comedien de Campagne a publié
dans la même Ville , une Réponſe à la
Préface que M. Pope a mife à la tête de
PEdition qu'il a donnée des Oeuvres de
Shakespear. Le Comedien prend fa deffenfe
des anciens Acteurs qui ont reprefenté
les Pieces de ce Poëte . Il fait voir
dans cette Réponſe les fautes qu'on a
faites dans cette Edition , & donne quelques
éclairciffemens nouveaux fur la vie
de Shakeſpear , & fur l'Hiftoire du Théa
tre de fon temps .
On trouve auffi à Londres , chez les
Knaptons , un Traité en Anglois de M. Richard
FEVRIER. 1730. 355
chard Brown , intitulé : Medicina Mufica
, ou Effai , dans lequel on examine
par les Loix de la Méchanique les effets
du Chant , de la Mufique & de la Danfe
fur le corps humain , avec un Traité fur
la nature des maladies de la Rate & des
yapeurs , & fur la maniere de les guérir.
L'Abbé de la Grive , vient de mettre
au jour la premiere feüille de fa Carte
Topographique des Environs de Paris , à
cing lieues à la ronde. Cet Ouvrage contiendra
neuf feuilles de papier de grand
Aigle . L'Auteur y a obfervé tous les détails
de façon qu'on y reconnoîtra les
Plans exacts de tous les Villages , leurs
iffuës & les chemins qui conduiſent de
l'un à l'autre , les principales Maifons de
Campagne avec leurs Jardins ; les Bois avec
leurs routes ; les Moulins , Carrieres , Cabarets
détachez fur les chemins , les Plases
des Vignes , Prez , Terres labourables.
& en friche. La premiere feüille qui pa-
Foît , renferme prefque toute la Banlieuë..
L'Auteur donnera dans la fuire une dixié
me feuille qui comprendra les précedentes,
dans laquelle il ne manquera aucun détail.
Ce que celle - cy aura de fingulier & de
plus curieux , c'eft qu'on y trouvera les
differens Triangles qui ont fervi à lever
la Carte , la valeur des Angles & degrez
G &
車
356 MERCURE DE FRANCE.
& le calcul des Côtes en toifes , ce qui
n'a encore été executé que par M" de
l'Académie des Sciences , pour déterminer
la Meridienne de l'Obfervatoire de
Paris , & mettre le Public en état de verifier
les Obfervations de l'Auteur . Il demeure
Cloître S. Benoit , chez, M. Dubois,
Avocat.
Le fieur Langlois, Fabricateur d'Inftrumens
de Mathématique , Eleve du fieur
Butterfield , demeurant à Paris , au Quay
de l'Horloge du Palais , aux Armes d'Angleterre
, avertit le Public qu'il fait &
vend un nouveau Cadran univerfel &
portatif, qui a toutes les proprietez qu'om
peut fouhaiter pour ce qui regarde le Soleil
, ce qu'on n'a pas encore vû dans aucun
autre . Il marque ( pour tout le monde
habitable , c'eſt - à- dire jufqu'au 70 °
degré de Latitude Méridionale & Septentrionale
, fans Soleil , & pour tel jour que
l'on veut ) à quelle heure commencent les
Crepufcules du matin , & finiffent ceux du
foir . A quelle heure le Soleil fe leve &
fe couche ; de combien de degrez il eft
elevé pardeffus l'Horifon , ou abaiffé pardeffous
, à telle heure qu'on voudra ; de
combien de degrez cet Aftre décline ou
eft éloigné de l'Equateur . Dans quel figne
& dans quel degré du Signe il fe trouve ,
&
1
FEVRIER. 1730. 357
& plufieurs autres chofes curieufes qu'il
feroit trop long de rapporter ici , qu'on
trouvera dans l'ufage ou maniere de fe fervir
de ce Cadran .
On nous écrit de Conftantinople que
M. le Marquis de Villeneuve , Ambaffadeur
du Roy à la Porte , a envoyé depuis
peu pour la Bibliotheque de S. M. trois.
Livres , qui ont été imprimez en 1728.
dans l'Imprimerie nouvellemnt établie
dans cette Capitale , fur de très - beau papier
& en Caracteres extremement nets ,
& on ajoûte ce qui fuit :
Le premier de ces Livres eft un Dictionnaire
Arabe , compofé par Gianhari , &
traduit en Langue Turque par Ovancouli,
ce qui fait deux volumes in-folio d'environ
700. pages chacun. On trouve à la
rête du Dictionnaire les Vies de ces deux
fçavans Orientaux , précedées d'une affez
longue Préface , qui inftruit de ce qui s'eft
paffé, tant à l'égard du G.Vizir , qu'à l'égard
du Mufti , au fujet de l'Etabliffement de
cette Imprimerie ; on y voit enfin les raifons
qui ont déterminé à commencer par
le Dictionnaire en queſtion.
Après la Préface fuit une copie du Caticherif,
ou Commandement Imperial, écrit
de la main du G. S. par lequel un Privilege
exclufif eft accordé à Zaid , fils de Me-
G vj
hemet
358 MERCURE DE FRANCE :
7
hemet Effendi , qui a été cy- devant ho
noré de l'Ambaffade de France , & à Ibra
him Aga , Muteferaka , de faire imprimer
toutes fortes d'Ouvrages compofez
en Arabe , en Turc , en Perfan , &c. pourvû
qu'ils ne regardent point la Religion de
Mahomet à la charge que les Ouvrages
qui s'imprimeront feront revûs & corrigez
par quatre perfonnes fçavantes fur
les matieres dont ils traitent.
Enfin , outre la permiffion du Mufti
Abdalah , pour imprimer , on trouve dans.
ce premier volume un Difcours , qui peut
paffer pour une feconde Préface , & qui
traite de l'utilité & des avantages que les
Turcs peuvent tirer de l'établiffement de
la nouvelle Imprimerie. On y rappelle le
Memoire prefenté au G. Vizir , fur ce fujet
, & répondu favorablement par le
Mufti & par les deux Cadileskiers , ou
Juges Supremes de tout l'Empire Turc.
Le fecond Livre , forti de la même Imprimerie
, eft d'un Auteur nommé Haggi
Calfab. C'est une Inftruction en Langue
Turque fur le Globle de la Terre , fur la
Sphere & fur les Cartes Geographiques.
Il décrit en particulier l'Etat de Venife ,
Albanie , l'ile de Corfout & les autres
lieux qui font le plus à portée de Conftanti-
* Les Muteferaka , composent un Corps parà
siculier pour la Garde du G. S.
nopley
FEVRIER. 1730 319
nople. On y trouve auffi plufieurs traits
d'Hiftoire concernant les Expeditions Ma
ritimes des Turcs,& l'Hiftoire abregée des
Capitans Pacha , depuis la conquête de la
Ville Imperiale par Mahomet II. juſqu'à
l'année 1653. Il décrit encore l'Arcenal de
Conftantinople,& entre dans le détail des
dépenfes de fon entretien . Il inftruit enfin
les Armateurs Turcs de ce qu'ils doivent
obferver dans leurs Courfes. L'Editeur
Ibrahim ya ajoûté un Difcours de fa compofition
fur les Diſtances itineraires ou les
Mefures géographiques , & fur le tour du
Globe Terreftre..
Ce Livre d'Haggi Calfah , eft enrichi
d'une Mappemonde & de plufieurs Cartes
Hydrographiques de la Mer Méditerannée
, de la Mer Noire , de l'Archipel
& du Golphe de Venife . On y trouve
auffi en deux Planches , deux Bouffoles
pour l'Ocean & pour la Mer Médite
rannée .
Le troifiéme Livre imprimé dans le mê
me lieu en 172 8. eft une Traduction Turque
d'une Hiftoire Latine de la derniere
' Révolution de Perie. L'Auteur de la Traduction
eſt le même Ibrahim , Editeur ,
dont on vient de parler. L'Auteur Original
donne dans cette Hiftoire un abregé
de l'Hiftoire des Rois de Perfe , de la Dynaftie
de ceux qui ont été abufivement
appellez
$ 60 MERCURE DE FRANCE .
appellez Sofis , dont Schab - Huffein eft le
dernier ; il parle de fon détrônement & de
Pufurpation de Miri- Mamoud , auquel a
fuccedé Acheraf, qui occupe aujourd'hui
te Trône de Perſe . C'eft par ce Sultan que
finit l'Hiftoire Latine , traduite en Turc ,
laquelle eft précedée d'une Préface du
Traducteur , & la Préface fuivie de là
Requête par lui prefentée au G. Vizir ,
pour obtenir la permiffion d'imprimer.
On y trouve tout de fuite cette permif
fion du Premier Miniftre .
Il eft marqué à la fin de ces Livres ,
qu'ils font imprimez à l'Imprimerie de
Conftantinople l'an de l'Hegire 1141 .
c'est-à- dire 1728. de J. C.
L'Auteur de la Lettre qui nous eft écrite
de Conftantinople , n'a pas , fans doute ,
été inftruit au fujet d'Haggi Calfah , Auteur
du fecond de ces Livres ; car il auroit
pu ajoûter que cet Ectivain , dont la
réputation n'eft pas petite , eft un Turc
Moderne de Conftantinople , fils d'un Secretaire
du Divan. Il fut premier Com
mis du Secretaire d'Etat en Chef , & il a
paffé pout l'un des plus habiles hommes
de fon temps . On en peut juger par fa
Bibliographic , qui eft dans la Bibliotheque
du Roi , laquelle contient un ample
Recueil alphabetique de tous les Auteurs
Orientaux , & un Catalogue raiſonné de
kurs
FEVRIER. 1730. 368
leurs Ouvrages depuis l'origine du Ma
hometifme . M. Petis, de la Croix , mort
en 1713. avoit traduit ce Livre en notre
Langue.
Il ne reste plus qu'à fouhaiter la con
tinuation des progrès de cette Imprimerie
, & que les bons Livres qui en for
tiront , foient non- feulement envoyez en
France , mais encore que les Interpretes
du Roi & les autres perfonnes employées
au fervice de S. M. verfées dans les Langues
Orientales , prennent foin de les
traduire pour l'utilité publique ; & c'eft
ce qu'il y a lieu d'efperer de la capacité
& de l'émulation de ces Meffieurs.
On a appris de Londres , que le 193
Janvier , M. Southall , ayant été introduit
dans la Societé Royale , par le Chevalier
Hans - Sloane , qui en eſt Préfident , lui
préfenta un Traité nouveau qu'il a com
pofé fur l'origine , la nature & la propa
gation des Punaifes , & il fit part du Remede
qu'il a découvert à la Jamaïque ,
pour le garantir de ces Infectes . fe
On nous écrit de Rouen , que le 8%
du mois de Decembre dernier , on lut
felon la coutume , dans l'Affemblée du
Palinod , les Pieces de Poëfie qui avoient'
été envoyées de differens endroits & que
le
362 MERCURE DE FRANCE .
le Prix Academique avoit été adjugé
M. de Becthomas , fils de M. Bois - le-
Vicomte , Conſeiller au Parlement , Autheur
de la Piece que voici , au fujet de
la Naiffance du DAUPHIN,
Vivite , felices , fecuri vivite Galli :
Dulcia florenti , Lodoix , dabit otia regno,
Firmabit patria foboles patre dignafalutem..
Jam data progenies , ultrò cui regna coronas
Extera fubmittant , quam Gallica fceptra manerent
,
Mafcula famineis manibus fi Gallia tangi
Sceptra fuperba finat . Triplices , tria fidera ,
nata ,
Sunt decus imperii ; foliifed deficit hares,
Alme Deus , gentis fpes deficit : Annue votis
Annue regali puerum de fanguine ; furgat
Auguftus princeps , populo qui jura volenti .
Dividat, & patrium tractet non degener enfem
Ac´novus exoritur per rura , per oppida plaufus
:
Ingeminant lata Regalia nomina voces.
Scilicet optati partûs rumore fecundo ,
Fama volans latè populos afflavit ovantes.
Plaudite , felices , fecuri plaudite Galli :
Parta quies vobis ; veftros quoque lata nepotes
Sacla manet. Solio fedent , aternumque fedebit
Inclyta BORBONIDUM proles ; qui nafcitur
HEROS
BORFEVRIER.
1730 363
BORBONIUS , fuccedet Avis : natalia monftrans
Tempora quantus erit : pofitis concordia bellis
Aptavit placidum iantis natalibus orbem .
Principis ad cunas concors EUROPA volavit
Arma fimal, bellique minas pofitura ; Quiefcite
Arbiter eft, Lodoix , DELPHINUS foederis Obfess
Crefce , Puer; tibi facla fluant felicia : Regum
Cum LODOIX dicetur Avus , Regumque MARIA.
Filia , Sponfa , Parens ; Patria dicaris Amoreso
EXTRAIT du Difcours que lût M.
l'Abbé Souchay , à l'Affemblée publi
que de l'Academie Royale des Belles-
Lettres , le mardi 15. Novembre de
Pannée derniere
Onfieur l'Abbé Souchay s'étant
Mpropofé de faire un parallele de
Tibulle , de Properce , & d'Ovide , trois
Poëtes Latins qui le font diftingués dans
le genre Elegiaque , il commença par expofer
les divers jugemens que l'on a portés
fur le mérite de ces Auteurs , les uns
donnant la préference à Tibulle , d'autres
à Properce , & le grand nombre des Modernes
la donnant à Ovide .
L'Auteur , avant que d'examiner qui la
mérite , établit en peu de mots la regle
de comparaifon dont il doit fe fervir, Certe
64 MERCURE DE FRANCE :
te regle eft , que tout genre de Poësie eft
une imitation , mais une forte d'imitation
qui , pour être parfaite , doit exciter dans
Fimagination les mêmes mouvemens qu'y
exciteroient les objets réels , & produire
les mêmes effets que produiroit la verité
de ce principe. M. l'Abbé Souchay tire
plufieurs conféquences , celle - ci entre -autres
: Qu'il faut que les images qu'em
ploye la Poëfie , foient vives & naturelles
tout enfemble ; parce que fi les images
n'exprimoient pas la nature , l'efprit s'appercevroit
aifément de la fiction , & que
elles étoient foibles , l'efprit ne fe préteroit
point à cette même fiction.
L'Autor applique enfuite certe regle
aux trois Poëtes dont il eft queftion . D'où
il réfulte , felon lui , que les images de
Properce , ni celles d'Ovide n'expriment
point la nature , quoiqu'il convienne que
Properce s'en éloigne moins qu'Ovide ,
qui eft prefque toujours fardé ; & fur cela
il entre dans des détails dans lefquels
nous ne pouvons le fuivre ici . Il panche
donc vers Tibulle , qu'il croît être le
feul qui ait connu le vrai caractere de
PElegie. » Ce défordre ingenieux , ( c'eft
>>l'Auteur qui parle ) qui eft comme l'ame
de la Poëfie Elegiaque , parce qu'il eft
fi conforme à la nature ; il a fçu le jettet
»dans fes Elegies . On diroir qu'elles font
>>uniquement
D
FEVRIER. 1730. 368
» uniquement le fruit de la paffion. Les
» differentes parties qui les compofent ,
» défunies , feparées , femblent ne former
>> que des tours irreguliers. Un écart eft
» fuivi d'un nouvel écart , une digreffion
» attire une autre digreffion . Mais le dé-
»fordre qui regne dans ces mêmes Ele-
» gies , n'est - il pas un tour fecret qui en
» lie le deffein , & qui leur donne toute
»la jufteffe & toute la régularité dont elles
?? étoient fufceptibles.
L'Auteur , après s'être comme declare
en faveur de Tibulle , appuye fon fentiment
de celui de Quintilien , & des deux
Seneques parmi les Anciens , & parmi les
Modernes de ceux de Patru & de Grayina
: quoiqu'au fond , dit il , ces tér
» moignages ne prouvent rien par eux
» mêmes , contraires ou favorables , à
» moins qu'ils ne foient précedés d'un
» examen ferieux , & qu'ils ne foient ap
puyés fur de folides raifonnemens.
2
Le famedi 4. de ce mois , M. Fromentin
, l'un des Profeffeurs de Rhetorique
du College Mazarin , prononça un fort
beau Difcours Latin au fujet de la Nailfance
du Dauphin . L'Affemblée fut fortnombreuſe
; le Cardinal de Biffy le
Nonce du Pape , plufieurs Prelats , & un
grand nombre de perfonnes de difting
tion
366 MERCURE DE FRANCE .
tion s'y trouverent . On applaudit beaucoup
à la Defcription que l'Orateur fir
du Feu , qui a été tiré fur la Riviere par
ordre des Ambaffadeurs d'Efpagne.
Le même jour 4. de Fevrier , l'Academie
Royale des Sciences , élut Mrs. Lieutaud
& de Lifle , Affociés Aftrònomes
de cette Academie , & M. Maraldi Externe
& Neveu de feu M. Maraldi , pour
que l'un de ces trois Sujets , au choix du
Roi , rempliffe la place de Penfionnaire
Aftronome vacante par la mort de M.
Maraldi , décedé au mois de Decembre
dernier , âgé d'environ 72. ans .
Le mercredi 9. le Comte de Maurepas
écrivit à l'Academie que S. M. avoit
choifi M. Lieutaud.
Le famedi 18. M. Dagueffeau de Valjouin,
Frere puifné du Chancelier de France
, fut élu pour remplir la place d'Academicien
Honoraire, vacante par la mort
de M. de Valincourt.
Le Comte de Portmore a été receu
depuis peu Membre de la Societé Royale
de Londres.
Six Allemands experimentez dans le
travail des Mines , vont dans les Mon
tagnes de la Calabre , pour faire l'épreuve
d'une
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
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ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
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THE
NEW
YORK PUBLIC
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FEVRIER, 1730. 367
Pune Mine d'or qu'on croit y avoir été
découverte .
On donne avis aux Antiquaires , que le zo
du mois de May prochain on vendra à Amfterdam
le fameux Cabinet de feu M, Jacques de
Bary , ci -devant Conful de L. H. P. à Seville ;
Il confifte dans des Medailles d'or & d'argent ,
& en un très- grand nombre de cuivre , toutes
antiques , parmi lefquelies on ne trouve pas
feulement les principales & les plus rares Medailles
des Empereurs , en grandes & moyennes
fortes en cuivre , mais auffi un très beau &
veritable Othon , dont le pareil eft à peine connu
dans l'Europe : Il contient encore une finguliere
collection de Medailles Efpagnoles &
Puniques , & plufieurs autres , felon le Catas
logue qui eft imprimé,
MUSETTE.
JE veux chanter fur ma Mufette ,
Les doux attraits qui m'ont charmé
Mon tendre coeur eft enflammé
Des yeux de la jeune Lifette :
Elle eft favorable à mes voeux ,
Mon fort n'eft-il pas trop heureux ?
L'Amour a fait fon beau viſage ,
Pour lancer fes Traits les plus doux ;
Dès qu'on la voit on fent les coups ,
Car
368 MERCURE DE FRANCE,
Car il s'eft peint dans fon Ouvrage :
Elle eſt favorable à mes voeux ,
Mon fort n'eft-il pas trop heureux ?
Tous les Bergers de ce Village ,
Adorent fes naiffans appas ,
En tous lieux ils fuivent fes pas ;
Mais elle rit de leur hommage :
Elle eft favorable à mes voeux ?
Mon fort n'eft- il pas trop heureux ?
Quand je lui vante ma tendreffe,
Elle m'écoute avec plaifir ,
Et quand au gré de mon defir ,
Sur le gazon je la careffe :
Elle eft favorable à mes voeux ,
Mon fort n'eft-il pas trop heureux ?
Ainfi , Tircis , qu'Amour infpire ,
Affis à l'ombre d'un Ormeau ,
Un jour en gardant fon Troupeau ,
Au tendre Echo faifoit redire :
Elle eft favorable à mes voeux ,
Mon fort n'eft-il pas trop heureux ?
Il fut furpris de fa Bergere ,
Qui l'écoutoit près d'un Buiffon ,
Er
FEVRIER. 1730. 369.
Et le refrain de la Chanſon ,
Fut repeté fur la fougere :
Elle eft favorable à mes voeux ,
Mon fort n'eft-il pas trop heureux ?
Par M. l'Affichard.
LA
SPECTACLES.
A jeune De Dangeville , qui a continué
de paroître avec avantage fur
le Theatre François , dans les Rôles de
Suivantes Comiques , joua celui de la
Comedie du Florentin le 5. de ce mois ,
avec un applaudiffement univerfel , le 7.
celui de Laurette , dans la Comedie de
La Mere Coquette , avec le même fuccès
& le 9. la Suivante encore , dans les Folies
Amoureuſes , avec toute la vivacité
les graces , la jufteffe & la legereté imaginable.
Elle eſt affez grande pour fon
âge , avec la taille admirable , bon air ,
marchant bien , la parole , le gefte aiſé ,
le vifage agréable , & quelque chofe de
fin & de picquant dans la phifionomie
& dans les manieres .
La De Dangeville a joué depuis trois
autres Rôles , qui lui ont fait beaucoup
d'honneur, & qui ont unanimement confirmé
370 MERCURE DE FRANCE.
1
firmé dans la bonne opinion qu'on avoit
d'elle & dé fes talens. La Suivante , dans
la Comedie d'Efope à la Ville , celui de
Toinette , dans le Malade Imaginaire , &
Lifette , dans la petite Comedie de la Serenade
, ce qui a fait dire à tout le monde
que cette jeune perfonne commence commé
les meilleurs Comediens ont fini.
Lé Samedi 18. de ce mois , les Comediens
François donnerent la premiere repréfentation
de la Tragedie nouvelle de
Callyftene , à une des plus nombreuſes
Affemblées qu'on ait vû de long remps .
Elle fut fort applaudie & fort critiquée.
A la feconde repréſentation , donnée le
fur - lendemain , on a beaucoup moins
cenfuré que loüé , & les meilleurs connoiffeurs
ont trouvé dans ce Poëme des
beautez comparables à ce que nos plus
grands Poëtes ont fait de plus beau. Nous
en parlerons plus au long.
Le 5. les Comediens Italiens remirent
au Théatre l'Italien Marié à Paris , Piece
Françoife , en cinq Actes , avec des agrémens
, de la compofition du fieur Lelic.
Elle fut donnée dans fa nouveauté en
1716. Elle étoit pour lors en Italien :
l'Auteur , qui y joüoit le principal Rôle ,
la donna en François au mois de Novem→
bre
FEVRIER. 1730 371
bre 1728. Le fieur Paghety a joué celui
du fieur Lelio à cette derniere reprife , &
a rempli le caractere de Jaloux , fur lequel
roule toute la Piece . On en peut
voir le Sujet & l'Extrait dans le premier
volume de Decembre 1728 .
Le 6. les mêmes Comediens jouerent
Arlequin Muet par crainte , Comedie Italienne
, en trois Actes , du même Auteur
de l'Italien Marié à Paris. M. le Duc
de Lorraine honora cette Piece de fa prefence
, & parut y prendre beaucoup de
plaifir , furtout furtout par le Rôle d'Arlequin ,
qui a prefque tout le jeu de la Piece. On
joua enfuite la petite Piece du Retour de
Tendreffe , qui ne fit pas moins de plaifir
à la nombreufe Affemblée qu'il y cut ce
jour -là à l'Hôtel de Bourgogne .
Le 3. de ce mois , l'ouverture de la
Foire S. Germain fut faite par le Lieutenant
General de Police , en la maniere accoûtumée.
Le même jour l'Opera Comique,
qui eft toûjours dans la ruë de Buffy,
& difpofé plus commodement que l'année
paffé , a ouvert fon Théatre par la premiere
Repréſentation du Malade par
complaifance , Piece en trois Actes , ornée
de Divertiffemens. Le fond de cette Piece
eft tout- à-fait Comique ; en voici le fujet ,
Leandre,Officier, amoureux d'une jeune
H perfonne
372 MERCURE DE FRANCE.
perfonne qu'il ne connoît pas , en fait
confidence à Pierrot , fon Valet. Dans le
temps qu'ils concertent les moyens d'entrer
dans le Château , réfidence de la Belle;
il en fort un Payfan qu'ils interrogent &
qui dans le fil de la converſation rustique,
leur apprend qu'il y a une certaine Gouvernante
des filles du Seigneur du Vil-
Jage , de qui le tic eft de traiter des malades
, & qu'il fçait par experience comme
elle les mitonne. Auffi - tôt Leandre propofe
à Pierrot de contrefaire le malade ;
& pour l'engager à accepter ce rôle-là ,
il lui fait une peinture délicieufe des foins
qu'on aura pour lui & des bons morceaux
qu'on lui fervira. Pierrot , frappé d'une
idée gourmande , accepte fur le champ le
parti propofé , & feint un mal de pied
très -douloureux , fans en prévoir la conféquence.
Il eft reçû comme gouteux dans
le Château , & en cette qualité condamné
à l'eau & à une fcrupuleufe abftinence par
la rigide Gouvernante qui s'intereffe d'abord
à fa fanté. Cette fituation triste pour
un Valet doué d'un grand apétit , produit
plufieurs Scenes divertiffantes dans le
cours de la Piece. Il y a dans un des Actes
un Divertiffement d'Enrhumez qui implorent
le fecours d'un Operateur. Le
Rhume univerfel qui a regné cet hyver
dans Paris , a rendu cette maladie un Vaudeville.
FEVRIER . 1730. 373
deville. Voici les Couplets de ce Divertiffement
, dont les paroles font de M. Panart,
& la Mufique de M. Gilliers , auffibien
que celle de tous les Divertiffemens.
Le Duc de Lorraine , accompagné de
plufieurs Seigneurs de la Cour & d'autres
perfonnes de confideration , honora ce
Spectacle de fa prefence , auquel on ajoûta
leDivertiffement de l'Impromptu duPont
Neuf , qui avoit été joué à la derniere
Foire S.Laurent avec beaucoup de fuccès;
on y danfa auffi plufieurs Entrées de Cas
racteres , dont ce Prince parut fatisfait.
VAUDEVILLE.
Maris , quand la peur d'avoir un Rival ,
Vous fait épier votre femme au Bal ,
O la folle coûtume !
Vous croyez fauver l'honneur conjugal ;
C'est ce qui vous enrhume,
來
Lorfque dans les Bois , Amans langoureux ,
Vous allez pouffer des cris douloureux
O la fotte coûtume !
Par- là vous croyez devenir heureux ,
C'eſt ce qui vous enrhume.
M
Vieillards amoureux , qui chez le Baigneur.
Hij
Cherchez
374 MERCURE DE FRANCE ,
Cherchez des attraits & de la fraîcheur
O la fotte coûtume !
Par- là vous croyez prendre un jeune coeur;
C'est ce qui vous enrhume.
Quand un Officier pour vous en tient là ; *
Chez votre Notaire il dit qu'il irą ;
Belles , c'eft fa coûtume.
Vous courez d'abord , croyant qu'il viendra ;
C'est ce qui vous enrhume.
來
Vous , qui vous flattez d'agir prudemment ,
En prenant pour femine un objet charmant ,
O la fotte coûtume !
Vous croyez l'avoir pour vous feulement ;
C'eft ce qui vous enrhume.
淡
Quand un Opera chez nous reüffit ,
Et que chaque jour la foule groffit ,
Notre ardeur fe rallume ;
Quandles rangs font clairs, le froid nous faifit,
C'est ce qui nous enrhume,
Le coeur.
On trouvera l'Air notté , page 367.
Le 18. l'Opera Comique donna la premiere
Repréſentation de la Reine de Baroftan
, Piéce nouvelle Heroïque , en un
Acte
FEVRIER: 1730 375
Actè , fuivie d'une autre petite Piéce d'uri
Acte , qui a pour titre les Couplets des
Vaudevilles en procès , avec un Prologue
qui précede ces deux Pieces , lefquelles
ont été reçues très- favorablement du Public.
On en parlera plus au long.
Le 19. l'Académie Royale de Mufique
donna la derniere Repréſentation de Thefée
, & le 23. on remit au Théatre l'Opera
de Telemaque ou Calypfo , donné
dans fa nouveauté en Novembre 1714.
qui n'avoit point été repris depuis fa
nouveauté , & que le Public fouhaitoit
revoir. Il a marqué fa fatisfaction par
beaucoup d'applaudiffèmens . On en par
lera plus au long le mois prochain .
Le Lundi & le Mardi gras , on donna
fur le même Théatre un Divertiffement
très -convenable pour finir le Carnaval ,
compofé du Prologue du Ballet des
Amours de Mars & de Venus , mis en
Mufique par M. Campra , de la Pastorale
Heroique , chantée à la Fête des
Ambaffadeurs d'Espagne , & des deux
Divertiffemens de Pourceaugnac & de
Carifelly , mis en Mufique par M. de
Lully. Le St Tribou joua dans ces deux
dernieres Piéces le principal Rôle d'une
maniere tout à fait comique , & très - convenable
au fujet ; il fut generalement
ap H iij
376 MERCURE DE FRANCE .
applaudi . Les Diles Camargo , Sallé &
Mariette fe font auffi fignalées par les
differentes Entrées qu'elles ont danfé.
On apprend de Bruxelles que l'Opera
Italien d'Attale qu'on y repréfenta le 5 .
de ce mois pour la premiere fois eur
beaucoup de fuccès , ainfi que celui de
Jules Cefar, qu'on repréfenta à Londres à
peu près dans le même-tems.
Le 30. Janvier au foir , le Cardinal
Ottoboni fit faire fur le Théatre de la
Chancellerie à Rome , une Repétition
generale du nouvel Opera de Conftantin
le Grand , qui fut genéralement applaudi
Deux Opera nouveaux ont été donnez
depuis peu à Venife , fur les Theatres de
S. Ange & de S. Moyfe ; ils font intitu
lez Helene & les Stratagemes amoureux.
NOUVELLES DU TEMS.
TURQUIE ET PERSE.
N apprend de Conftantinople , qu'on y
avoit reçu avis , que le Prince Thamas
ayant éte joint par quelques troupes de Maymud
, l'un des principaux Seigneurs de la
Province de Candahar , avoit défait en trois
combats la principale armée du Sultan Acheraf
;
FEVRIER . 1720. 377
raf; qu'il s'étoit rendu maître quelques jours
après de Bender- Abaffi ; que par la prife de
cette Place importante , le refte des troupes
du Sultan Acheraf n'avoit plus de communi
cation avec la ville d'Ifpahan , dont le Prince
Thamas avoit refolu de former le fiege , auffi•
tôt qu'il auroit reçu les fecours que le Grand
Mogol lui envoye . Ces nouvelles , dont le Gra
Vizir a reçu la confirmation , l'ont obligé d'af
fembler extraordinairement le Divan , pour
deliberer fi on donneroit du fecours au Sultan
Acheraf; mais les avis ont été partagez ; il eft
cependant arrivé à Conftantinople un Envoyé
Extraordinaire du Prince Thamas, qui a obtenu
que la Porte refteroit neutre.
On a appris depuis que le Prince Thamas
s'étoit emparé de Cafbin & de quelques autres
Places ; que les troupes du Mogol étoient en
trées en Perfe , & que le Sultan Acheraf avoit
été obligé de fe retirer à Ifpahan , où on ne
croyoit pas qu'il fut en état de foûtenir un
Siege.
RUSSIE
ON mande de Mofcou , que quatre Mar
chands d'Ifpahan y étoient arrivez depuis
peu pour s'y établir , & que les effets qu'ils y
avoient aportez confiftoient en bijoux & au
tres marchandifes précieufes . Ils ont demandé
la permiffion de prendre interêt dans les principales
Compagnies du commerce de ce pays .
& principalement dans celle du commerce de
la Chine , où tous les Negocians Etrangers
pourront à prefent prendre part , en vertu de
la nouvelle Ordonnance que le Czar a fait publier.
Le 12. Janvier , premier jour de l'an , felon
Hiiij l'an378
MERCURE DE FRANCE .
l'ancien ftile , le Czar , la Princeffe Dolhorucki
fa fiancée , & les Princeffes du Sang , recurent
les complimens de tous les Seigneurs
& Dames de la Cour , à Mofcou , fur la nouvelle
année .
On mande auffi de Mofcou du 18. Janvier ,
que la Ceremonie du Mariage du Czar fe feroit
avant la fin de ce mois - là ; & on apprend de
Petersbourg que la plupart des prifonniers des
prifons de cette ville avoient été mis en liberté
à l'occafion de ce futurMariage, à condition de
travailler aux Digues de la Neva pendant
l'hyver.
Il eft arrivé à Mofcou un Envoyé Extraor
dinaire du Prince Thamas , fils du dernier Roy
de Perfe , avec une fuite de trente à quarante
Perfans.
EXTRAIT d'une Lettre de M. Delifle,
écrite de Petersbourg le 3. Janvier
1 .
1730.
Leer la Melle & le Te Deum en Mufique dans E 9. du mois de Novembre , j'ai fait char
' Eglife
Catholique , en action de graces de
T'heureux
Accouchement de la Reine , & de
ja Naiffance de
Monfeigneur le Dauphin. J'y
avois invité non feulement tous les François
qui font dans cette ville , mais encore toutes
les perfonnes de diftinction qu'il y a ici , comme
Officiers
Generaux , Amiraux , Vice- A miraux
, Contre- Amiraux , les principaux Membres
des differents Colleges , les
principaux
Marchands , & tous les
Academiciens. Toutes
ces perfonnes invitées fe font enfuite rendues le
même foir dans la maifon de l'Academie ou
elt
l'Obfervatoire , & dans laquelle je demeure.
FEVRIER. 17307 379
ré. Cette maifon qui eft ifolée , eft avantageufement
fituée au milieu de la ville , à la pointe
de l'ifle appellée Vafile Ostrou ; elle eft compofée
de deux grands Corps de logis , au inilieu
defquels eft élevé l'Obfervatoire . Toute
la maifon , percée de plus de cent fenêtres
étoit éclairée d'illuminations par des Pirami
des de lumieres pofées en dedans de chaque
fenêtre , fuivant l'ufage du pays . J'avois auffi
fait préparer un grand nombre de terrines pour
illuminer en dehors la tour de l'Obfervatoire .
dans trois rangs , les uns au deffus des autres ;
il y avoit une fort groffe boule tranfparente ,
qui devoit terminer cette illumination de la
Tour , & qui étant élevée tout au haut de
P'Obfervatoire , à plus de deux cens pieds de
hauteur , pouvoit être vûë de toute la ville
& des environs , & y montrer fur un fond
obfcur les Fleurs de Lys des Armes de France
illuminées , mais la grande tempête & le vent
qu'il fit toute cette nuit à Petersbourg , ne
permirent pas cette illumination de la Tour.
De plein pied à mon Appartement eft une
grande Salle que j'avois fait preparer pour la
Fête , elle étoit ornée des plus belles Tapifleries
de haute & baffe Liffe , au deffus defquelles
regnoit tout autour de la Salle une large
bande d'Etoffe bleue , couverte de figures , de
Dauphins & de Lys de France. La voute étoit
foûtenue par huit Colomnes, autour defquelles
j'avois fait attacher en fpirales des branches
d'arbres qui faifoient l'effet des Colonnes
torfes. Cette Salle étoit illuminée , de même
que le reste de la Maifon , en Piramides de
lumieres dedans l'embrafure de chaque fenêtre.
Outre cela dans les deux fonds , par lefquels
cette Salle eft contiguë au refte de la
Hv Maiſon,
380 MERCURE
DE FRANCE .
Maifon , & dans lefquels il n'y a point de fe
nêtres , il y avoit fur le mur quatre autres
plus grandes Piramides de lumieres , & entre
ces Piramides , fur chaque fond , on voyoit
en haut comme dans un enfoncement un
grand Tableau tranſparent , fur lequel étoient
peintes des Devifes qui convenoient au fujet.
Celui de ces Tableaux qui étoit le premier vû
en entrant , reprefentoit le fujet de la Fête.
Les deux Anges qui fervent de Support aux
Armes de France , y étoient reprefentez en
pied ; & au lieu de foûtenir l'Ecuffon , ils recevoient
des Cieux un Enfant richement em
mailloté & accollé de l'Ordre du S. Efprit ,
avec cette Infcription : Calefti munere lata
Gallia. La Traduction en Rufle étoit au bas.
Du côté oppofé , fur un Tableau de même
grandeur , étoit reprefenté un Dauphin autour
du Sceptre Royal de France , lequel fe
terminoit en Ancre , avec cette Infcription :
Spes faufta futuri , la Traduction en Ruffe
étoit au bas . Au fond de la Salle il y avoit
une grande Table de cent Couverts , dreffée
en fer à cheval , & aux deux côtez vers le
bas , deux autres Tables de 25. Couverts chacune;
enfin vers le plus bas de la Table étoit
un Amphitheatre de Muficiens , partagé en 2.
Choeurs entre lefquels on paffoit fous un
Berceau de verdure , pour entrer dans la Salle.
Cette entrée étoit gardée par deux grands Grénadiers
de la Garde de S. M. il y en avoit 28.
autres à l'entrée de la maifon & de mon appartement
. Entre l'Amphitheatre
des Muficiens
& les Tables il y avoit encore un fort
grand efpace vuide pour la Danfe , fans incommoder
le Service des Tables , pour lequef
il y avoit deux grands Buffets dreffez aux deux
côtez
FEVRIER . 1730. 581
côtez de la Salle. J'avois fait fervir fur les
Tables une Collation en Ambigu , laquelle
faifoit un fort bel effet par le grand nombre
de bougies qui étoient fur ces Tables dans
des flambeaux de criftal. Toutes les Piramides
qui étoient auffi de criftal étoient ornées de
feurs naturelles & artificielles ; toutes les
viandes étoient jonchées de Bouquets de lauriers
naturels , dorez & argentez par les extremitez
; j'avois auffi fait reprefenter fur cette
Collation , autant que l'on avoit pû , des figures
de Dauphins & de Fleurs de- Lys , fur les
Tourtes , les Pâtez , & dans les Candits.
Il y avoit au haut de la plus grande Piramide
, qui étoit placée au milieu de la plus
grande Table , un groupe de plufieurs figures
de relief , en cire , de près d'un pied de hauteur
, dorées , & les Draperies argentées. La
principale figure étoit debout , & reprefentoit
la France , ayant le Manteau Royal , & la
Couronne de France. Elle tenoit fur fes bras
un Enfant nud , qui reprefentoit le Dauphin.
Au bas étoit un petit Amour , qui mettant les
pieds fur un Carreau femé de Fleurs de Lys ,
cherchoit à s'élever pour prefenter à l'augufte
Enfant la Couronne du Dauphin , &
fe Cordon de l'Ordre da S. Efprit . Ce groupe
qui étoit artiftement entouré des plus belles
Fleurs naturelles & artificielles , étoit furmonté
d'une Arcade de feuilles de Lauriers ,
dorées & argentées. Au haut de cette Arcade
étoit une grande Fleur- de- Lys de Sucre candi
tranfparante , qui à la clarté des lumieres paroiffoit
d'or. Aux deux côtez , fur les pinces
du Fer à cheval , étoient deux autres figures
de même matiere , dorées & argentées de la
même maniere ; l'une reprefentoit la Paix, &
H vj l'autre
382 MERCURE DE FRANCE :
L'autre l'Abondance , avec leurs attributs, pour
marquer que cette Naiffance étoit arrivée dans
la Paix & l'Abondance. J'avois auffi fait mettre
fur la Tapifferie du fond de la Salle les
Portraits du Roy & de la Reine . Enfin
fur le bas de la Nappe du milieu de la grande
Table , on voyoit les Armes du Dauphin ,
peintes en grand . Voilà quelle étoit la difpofition
de la Salle , dont on ne fit l'ouverture.
qu'après que toute la Compagnie fe fût aflemblée
dans mon Appartement.
Les Amiraux & autres Officiers Generaux,
à mesure qu'ils arrivoient par cau dans leurs
Barques , étoient annoncez par les Timballes
& les Trompettes , & étoient reçus , les Grenadiers
étant fous les armes , & leur Lieute
nant à leur tête . Lorfque la Compagnie fut
route affemblée , & qu'au fortir de mon Appartement
elle entra dans la Salle où les Muficiens
la reçurent par un Concert de tous leurs
inftrumens , elle y fut agreablement furprife
de l'éclat de toutes les lumieres & de la bellé
difpofition de la Saile , que chacun prit plaifir
de voir plus d'un quart d'heure avant que de fe
mettre à table. Chacun s'étant enfuite placé
fuivant fon rang , & les Dames ayant été con
duites par les perfonnes les plus diftinguées ,
Te Repas fut accompagné de la Mufique , qui
joua les plus belles Sonnates , & autres Airs
choifis. L'on y but les Santez de Leurs Majeftez
& de Monfeigneur le Dauphin , au fon
des Timballes & des Trompettes , & enfuite
Toutes les autres Santez , fuivant la coutume
du pays , comme celles du haut Miniftere , de
l'Ainirauté , & de la Generalité , des fideles
Serviteurs , des Abfents , &c. J'y fis fervir
avec profufion les meilleurs vins du Rhin , de
Bour
FEVRIER . 1730. 385
Bourgogne & de Canarie , faifant donner à
chacun celuy qu'il fouhaittoit , & autant qu'il
en vouloit. Après la Collation le Bal fut ou
vert par M. le General Major Teffin , Envoyé
du Duc de Holftein , qui danfa avec la fille
de l'Amiral Sivers . On danſa non- feulement
dans la grande Salle , mais auffi dans les au
tres Chambres de mon Appartement , & je fis
fervir pendant le Bal tous les Rafraîchiffemensque
l'on fouhaittoit. J'y avois aufli fait dreffer
des tables pour ceux qui vouloient fumer ou
chanter , où boire de la Ponche , à la maniere
Angloife , afin que rien ne manquat dans cette
Fête , qui a duré jufqu'au lendemain huit heures
du matin , avec une telle fatisfaction de
tout le monde , que plufieurs perfonnes ont
affuré qu'il n'y avoit point encore eu jufqu'alors
à Petersbourg une Fête plus belle & mieux
ordonnée.
M. Delife , Aftronome , de l'Academie
Royale des Sciences de Paris , Lecteur &
Profeffeur au College Royal de France , de
Ja Societé Royale de Londres , & de celle de
Pruffe , alla à Petersbourg il y a quatre ans,
avec la permiffion du Roy , pour y travailler
avec plufieurs autres Sçavans , à un Obfervatoire
& à une Academie des Sciences que le feu
Czar avoit commencé d'y établir.
ALLEMAGNE .
E 28. du mois dernier , on celebra à Vien
Lne, dans l'Eglife du Monaftere Royal des
Religieufes de Sainte Claire , l'Anniverfaire de
la Reine , Epoufe du Roy de France Charles
IX. qui étoit fille de l'Empereur Maximilien
II. & Fondatrice de ce Monaftere.
Les
384 MERCURE DE FRANCE .
Les troupes que l'Empereur a refolu d'en
voyer en Italie au Printemps prochain , confiftent
en 16. Bataillons , deux Compagnies de
Cuicaffiers , & 78. Efcadrons.
On écrit de Dannemarck qu'on a arrêté
deux foldats , foupçonnez d'être les auteurs
d'un terrible meurtre qui s'eft commis depuis
peu dans la maifon d'un Chaffeur du Roy , ま
4. lieues de Coppenhague. Le Chaffeur , fa
femme , fon pere , deux enfans & la fervante
y ont été cruellement maffacrez à
coups de hache , par trois hommes deguifez ;
un garçon de fept ans , qui au bruit qu'on faifoit
, s'étoit caché fous un four , a eu le bon◄
heur d'échaper de leurs mains , & en a fait le
#apport à la Juſtice.
Ο
ITALIE.
N écrit de Livourne que l'Agneau blanc ,
Vaiffeau Hollandois , y étoit arrivé le
mois dernier , venant du Levant , après s'être
échapé heureuſement d'un Corfaire d'Alger
qui s'en étoit emparé , fous pretexte que fon
Paffeport étoit trop vieux. Douze Turcs devoient
le conduire à Alger ; mais une tempête
étant furvenue fort à propos , & ce Batiment
ayant perdu le Corfaire de vue , dix
Matelots Hollandois qui étoient reftez fur ce
Navire , attaquerent les douze Turcs , en tuerent
fix , & fe rendirent maîtres des autres.
Le Comte d'Almenera , ci - devant Viceroy
de Sicile , qui étoit allé à Rome pour entrer
dans les Ordres , reçut le Dimanche 15. Janvier
le Diaconat , & le lendemain le Pape lui confera
l'Ordre de Prêtrife.
On a publié à Florence une Ordonnance du
Grand
FEVRIER. 1730 385
Grand Duc , portant deffenfes de fe mafques
avant quatre heures du foir , & de l'être en
core après huit , comme auffi de commettre
aucune irreverence devant les Eglifes , & aucun
defordre aux Spectacles & Feftins publics.
La Republique de Luques a fait offrir une
penfion confiderable à 'M. Servioni , s'il veut
fe demettre de l'Evêché de cette ville , auquel
le Pape l'a nommé . Il a demandé le confenfentement
de Sa Sainteté , pour fe determiner
à accepter cette offre , & on croit qu'il lui fera
accordé pour ne pas compromettre le S. Siege
avec cette Republique , qui veut abfolument
avoir un Ecclefiaftique Luquois pour fon Evêque.
Le 29. Janvier , le Chapitre de S. Pierre fit
celebrer la premiere Meffe folemnelle qu'il a
fondée , pour demander à Dieu la confervation
de la fanté du Pape , & le repos de for
ame après la mort , en reconnoiffance de ce
que Sa Sainteté a dechargé let Chanoines du
payement d'une fomme confiderable qu'ils de
voient à la Chambre Apoftolique.
La Ceremonie de la Beatification du Venerable
Pierre Fourier , Curé de Matincourt
Fondateur des Chanoines Reguliers de la
Paix , fe fit ce même jour dans l'Eglife de faine
Pierre , avec la folemnité accoutumée.
Le Gouverneur de Milan a donné ordre &
tous les ouvriers aufquels on avoit permis
de travailler à leurs ouvrages dans les Corpsde
-Garde de la Porte Tofa , d'en emporter
leurs métiers , pour faire place aux troupes
Imperiales qu'on attend inceffamment à Milan
On écrit de Genes que le 24. du mois dernier
M. Marie Balbi y avoit été élu Doge de
cetto
386 MERCURE DE FRANCE.
cette Republique , à la place de M. Grimaldi ,
dont les deux années étoient expirées.
ESPAGNE
12:
Na apris de Seville , que les Fêtes que
le Corps de Ville devoit celebrer pour
l'heureux Accouchement de la Reine , & la
Naiffance de l'Infante Dona Maria Antoinette
Ferdinante , commencerent le Janvier
au matin , dans la Place de S. François , qu'on
avoir ornée de magnifiques Tapifferies , par la
Courfe de dix Taureaux qui furent attaquez
par des homme à pied , & par quelques
Cavaliers armez de lances : les uns & les autres
s'en acquitterent avec beaucoup d'adreffe .
Vers les deux heures aprés Midy , le Roy
& la Reine , accompagnez du Prince & de la
Princeffe des Afturies , des Infants Don Car
los , Don Philippe & Don Louis , & de l'In .
fante Dona Marie Therefe , fe rendirent aux .
balcons de l'Hôtel de Ville , fuivies des Officiers
de leurs Maifons , des Dames de la Cour,
& efcortées par les Gardes du Corps & la
Compagnie des Hallebardiers de la Garde : les
Regimens des Gardes Espagnoles & Walones
étoient en haye & fous les armes . Auffi tốt
que Leurs Majeſtez parurent on commença la
Courfe des Cannes , huic Quadrilles compofées
chacune de quatre Cavaliers, & diftinguées par
la couleur des habits & par fes Deviles étant
entrées dans la Place , fe diviſerent en deux
Corps ou Elcadrons , dont le premier avoit
pour Parrain Don Rodolphe Acquaviva , &
l'autre le Marquis de Monte- Suerte. Le premier
Parrain étoit fuivi de vingt- quatre Laquais
vêtus en Efclaves Negres , avec des chaînes ,
>
des
FEVRIER . 1730 387
des grelots & des menotes dorées , des brode
quins & des turbans. Le fecond avoit à fa
fuite un pareil nombre de Laquais vêtus en
Huffarts , avec des bonnets d'hermine & des
fabres outre cette fuite chaque Parrain avoit
encore huit Laquais de fa livrée très - bien
montez , & cette Marche étoit terminée par
féize chevaux de main des Cavaliers qui compofoient
les Quadrilles , conduits par leurs
Laquais , de differentes livrées , & precedez
les uns & les autres de Clairons & de Tim
bales.
Les Parrains ayant donné le fignal , les Quadrilles
coururent les Cannes avec beaucoup
d'agilité & d'adreffe : enfuite les Cavaliers firent
faire l'exercice à leurs chevaux , & la
Fête fut terminée ce jour- là par une Courfe
de fept Taureaux .
Le lendemain matin il y eut une Courſe
d'onze Taureaux , & l'après - midy le Roy &
la Reine , les Princes & Princelles de la Famille
Roiale , étant retournez à l'Hôtel de
Ville avec la même fuite que le jour prece
dent , Don Nicolas de Toledo , Don Simon
de Legorbura , & Don Antoine de Bertendona
, tous trois natifs de Seville , & fuivis
chacun de cinquante Laquais de leur livrée ,
entrerent dans la Place , où ils attaquerent
quinze Taureaux avec tant de vivacité , que
Le Roy voyant le danger où ils s'expofoient
leur ordonna de fe retirer ; cette feconde Fête
fut terminée par fept autres Taureaux, que
de
jeunes gens du peuple attaquerent à pied.S.M.
a été fi fatisfaite de l'adreffe des trois Cavafiers
dont on vient de parler , qu'elle les a
fait fes Ecuyers , avec les mêmes appointemens
dont joüiffent ceux qui font en charge
depuis plufieurs années.
PORTU
388 MERCURE DE FRANCE.
PORTUGAL.
Left entré dans le Port de Lisbonne dans
le courant de l'année derniere $ 34 . Navie
res Marchands fçavoir 54. François , 301 .
Anglois , y compris les Paquebots , 52. Hol
landois , 16. Efpagnols , 8. Imperiaux , 11
Suedois , 6. Danois , 10. Hambourgois , 3.
Maltois , 2. Genois , un Navire de Lubec, &
71. Portugais.
GRANDE BRETAGNE .
L s'eft formé à Londres une Compagnie qui
a obtenu des Lettres Patentes pour faire fa
briquer des Tapifleries de Hauteliffe , femblables
à celles de Bruxelles .
On affure qu'on doit prefenter un Bill au
Parlement , pour fixer les gages des domef
tiques , & pour empêcher que les jeunes
gens les mieux faits ne quittent les campa
gnes pour venir fervir dans la Ville.
Deux Officiers , dont l'un eft Major General
, & l'autre Lieutenant dans le Regi
ment des Gardes , ayant pris querelle au
Bal du Theatre du Marché au foin , allerent
des jours paffez fe battre en duel à Hideparc.
Its fe tirerent d'abord deux coups de piftolet
chacun fans fe bleffer ; & étant defcendus de
cheval pour mettre l'épée à la main , ils furent
feparez par la Garde du Parc. Deux Officiers
Generaux qui font leurs amis communs , ont
promis au Roy de les reconcilier .
Les Seigneurs ont prefenté une Adreffe au
Roy, pour remercier Sa Majefté de ce qu'elle
a bien voulu leur communiquer le Traité de
FEVRIER. 1730. 389
Paix , d'union & d'alliance deffenfive , conclu
à Seville le 9. Novembre dernier , & pour
l'affurer qu'après l'avoir examiné , ils ont
trouvé qu'il contenoit toutes les ftipulations
neceffaires pour le maintien & la fureté de
Phonneur , de la dignité , des droits & poffeffions
de cette Couronne , & que toutes les
precautions neceffaires y font prifes pour l'avantage
du commerce de ce Royaume , & la
reparation des pertes que les Marchands Anglois
ont fouffertes pendant le temps des hoftilitez.
La refolution de prefenter cette Adreffe
au Roy , avoit paffé le jour précedent à la
pluralité de foixante dix - neuf voix contre
trente ; mais deux jours après vingt quatre
des Seigneurs , qui s'y étoient oppoſez , protefterent
contre elle , & firent enregistrer leur
proteftation.
*******************
MORTS DES PAYS ETRANGERS
E Prince Menzicoff mourut le 2. du mois
LeNovembre dernier en Siberie,, où cet
ancien Miniftre duCzar avoit été relegué depuis
fa diſgrace.
On a reçu avis que le Czar étoit mort de
la petite verole , à Mofcou , dans la quinziéme
année de fon âge , étant né le 22. Octobre
1715. Il avoit été proclamé Czar le 25
Fevrier 1727.
Le Pape Benoît XIII . mourut à Rome le 11
Fevrier , à 4 heures après midi. Sa S. avoit
tenu le 8 un Confiftoire, dans lequel Elle avoit
fait Cardinal M. Alamanno Salviati , qui a été
Nonce Extraordinaire en France en 1708.
DESCRIP
$90 MERCURE DE FRANCE.
XXX*XX:XXXXX XXXXX
DESCRIPTION de la Fête & du
Fen d'Artifice tiré fur la Riviere , à
Paris , entre le Pont - Neuf & le Pont
Royal , au fujet de la Naiffance du
DAUPHIN , par ordre du Roy d'Efpagné
, & par les foins de MM. le Marò
quis de Santa Cruz & de Barrenechea ,
Ambaffadeurs Extraordinaires & Plenipotentiaires
de S. M. Catholique.
I ve-
Es préparatifs immenfes & la dépenſe ve
ritablement Royale de cette fuperbe Fête
dans l'execution de laquelle on a , pour ainfi
dire , forcé la nature , & furmonté tous les
obftacles de la Saifon , méritent bien que le
Mercure de France en parle d'une maniere à
en pouvoir donner une idée à ceux qui n'ont
pas été à portée de voir un fpectacle auffi
éclatant , lequel a parfaitement répondu aux
ordres que M M. les Ambaffadeurs d'Efpagne
avoient reçûs du Roy , leur Maître , S. M. C.
ayant voulu à l'occafion de cet heureux évenement
, exprimer avec pompe dans la Capi
tale du Royaume , fes tendres fentimens pour
le Roi , fon Neveu , & mêler ſa joye avec
celle de toute la France.
On fçait affez les marques de joye qu'ont
fait paroître le Roi & la Reine d'Efpagne de
l'heureux Accouchement de la Reine ; mais
quelques brillantes & genérales qu'ayent été
les Fêtes qu'on a données dans leurs Etats à
cette
THE NEW YORK
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ASTOR, LENOX AND
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POMC LIBRARY .
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FEVRIER . 1730. 391
cette occafion , elles n'ont pas encore éré pros
portionnées à ce que L. M. C. ont fenti dans
le coeur.
M M de Santa - Cruz & de Barrenechea ont
agi avec tant de fagacité , tant de grandeur
d'ame , de difcernement , de goût , & fur tour
avec tant de zele pour le fervice de S. M. C,
qu'il a refulté de leur application & de l'étenduë
de leurs lumieres , une éclatante Fête,
où la grandeur , la varieté & la magnificence
ont également regné,
L'Hôtel de Bouillon , fitué fur le Quai des
Theatins , vis- à- vis le Louvre , que le Duc de
ce nom a bien voulu prêter , avec la nobleffe
& les manieres qui font ordinaires aux perſonnes
de fon rang , a fervi de principale Scene.
C'étoit comme le centre de la Fête & du
fpectacle , qui fut heureufement favorisé d'une
très -belle nuit.
Le 24. Janvier , à fix heures du foir , toutes
les Illuminations parurent dans l'éclat &
dans le brillant qu'il eft plus aifé de s'imaginer
que de décrire. La Façade de l'Hôtel
de Bouillon préfentoit aux yeux fept Porques
de lumières ; on lifoit au - deffus de celui
du milieu , qui étoit formé par la porte
de l'Hôtel , une Infcription Latine qui mar
quoit l'union & le bonheur de la France &
de l'Espagne. Les ceintres des Portiques étoient
decorés alternativement par des Dauphins de
relief entrelaffés , & par les Chifres du Roi ;
le tout réhauffé d'or . Le vuide des Portiques
étoit occupé par des Emblêmes peintes en
camayeux , dans des Médaillons ornés de guirlandes
. Au premier à droite , la France étoit
repréfentée fous la figure d'une belle femme,
qui montre à l'Efpagne le Dauphin entre les મે
bras
392, MERCURE DE FRANCE .
bras de Lucine. Ce Vers d'Ovide étoit au bas
Jam noftrum curvi norunt Delphines amorem,
Au deuxième Portique , à gauche , l'Eſpa
gne montroit à la France le jeune Dauphin ,
armé d'un cafque & d'une cuiraffe que l'Amour
conduit , & lui préfente. Et ce Vers de
Properce.
Sed tibi fubfidio Delphinum currere vidi.
Les deux Portiques enfuite n'attiroient pas
zant les regards ; mais en revanche les gofiers
alterés y couroient avec grand empreffement
; car de deux mufles de Lion dorés ,
couloient deux Fontaines de vin pour le
peuple.
>
On voyoit au Médaillon du troifiéme Portique
un Coq fimbole de la France > qui
' addreffoit au Lion , fimbole de l'Espagne ,
& ce Vers d'Ovide. Metamorphof.
Nunc duo concordes anima vivemus in unâ.
L'amour qui entre dans cet Emblême , lie
enfemble le Coq , le Lion & le Dauphin.
Sur le dernier Portique de la gauche , un
Lion paroiffoit donner au Coq des affurances
d'une fincere amitié par ce Vers de Virgile.
Difpeream fi te fuerit mihi charior alter.
L'Amour au bas avec un Dauphin à fes
pieds , gravoit ces paroles fur le marbre &
fur l'airain pour en marquer lá folidité & la
fincerité.
Un entablement formé par des Lampions ,
regnoit
FEVRIER. 1730 393
regnoit fur les Portiques ; il étoit furmonté
par une Galerie découverte , dont la Baluftrade
étoit formée par des Girandoles d'une fi-.
gure agréable ; l'Architecture de toute la Façade
de l'Hôtel de Bouillon étoit ingénieufement
deffinée par des Lampions , & enrichie
de Luftres & de Girandoles aux Trumeaux
, dans les Croifées & fur les Combles .
On voyoit fur la principale porte un Dauphin
de relief , en marbre blanc , rehauffé
d'or & couronné , accompagné de Lys , repréfentés
en lumiere ; à quoi on a cru pou
voir appliquer ce Vers d'Ovide :
facra progenies digna parente tuo.
L'interieur de la Cour étoit auffi illuminé.
non feulement par des Chambranles à toutes
les Croifées jufqu'à celles des deux aîles qui
rendent fur le Quay , mais encore jufques fur
le faîte du Bâtiment où l'on avoit placé des
Girandoles & des Pots à feu.
D'autres Portiques de lumieres décoroient
encore le pourtour de cette Cour. On lifoit
au-deffus de celui du milieu , où eft la Porte
d'Entrée , cette Infcription tirée d'un Vers de
Properce.
Luceat & tota flamma fecunda domo.
A l'applomb de cette porte , fur les Com
bles , on avoit élevé une Tour lumineufe ,
faifant allufion aux Tours de Caftille ; elle
étoit acompagnée des Chiffres & du principal
Attribut des Armes de Philippe V.
Toute l'ordonnance de cette Illumination
a été conduite par le S. Beaufire , le fils .
Ar394
MERCURE DE FRANCE .
Architecte de la Ville de Paris , qui en a
donné les Deffeins .
La furface de la Riviere , vis - à- vis l'Hôtel
de Bouillon , offroit un fpectacle d'une autre
efpece , dont les yeux étoient également enchantés
& éblouis. C'étoit un vafte Jardin ,
de l'un à l'autre Rivage du Fleuve , qui à
cet endroit a environ 90 toifes de large , fur
un espace de 70. dans fa longueur. La fituation
étoit des plus magnifiques & des
plus avantageufes , étant naturellement decorée
par le Quay du College des Quatre
Nations d'un côté , par celui des Galleries du
Louvre de l'autre , & aux deux bouts , par
le Pont Neuf & par le Pont Royal.
Deux Rochers ifolés ou Montagnes efcarpées
, Simbole des Monts Pirennées , qui
féparent la France de l'Efpagne , formcient
le principal objet de cette pompeufe décoration
au milieu de la Riviere. Les deux
Monts étoient joints par leurs Bafes fur un
Plan d'environ 140. pieds de long , für 60.
de large , & feparés par leur cime de près
de 40. pieds , ayant chacun 82. pieds d'élevation
au deffus de la furface de l'eau &
des deux grands Bateaux fur lefquels tour
P'Edifice étoit conftruit.
On voyoit une agréable varieté fur ces
Montagnes , où la nature étoit imitée avec
beaucoup d'art , dans tout ce qu'elle a d'agrefte
& de fauvage . Dans un endroit c'étoient
des crevafles avec des quartiers de Rochers
en faillie ; dans d'autres , des Plantes & des
Arbuftes , des Cafcades , des Napes & chutes
d'eau , imitées par des gafes d'argent ,
des Antres , des Cavernes & c. Il y avoit
tout au pourtour , à fleur d'eau , des Sirenes,
›
-dey
FEVRIER . 1730.
des Tritons , des Nereides & autres Monf-
395
tres marins.
A une certaine diſtance , au- deffus & alldeffous
des Rochers , en voyoit à fleur d'eau
deux Parteres de lumieres qui occupoient
chacun un espace de 18. toifes fur i dont
les bordures étoient ornées
alternativement
d'Ifs & d'Orangers , avec leurs fruits , de
12. pieds de haut , chargez de lumieres. Le
deffein des Parteres étoit tracé & figuré d'une
maniere variée & agreable par des Terrines,
par du gazon & du fable de diverfes couleurs.
Du milieu de chacun de ces Parteres s'éle
voient des efpeces de Rochers jufqu'à la hauteur
de 15. pieds , fur un Plan de 30. pieds
fur 22. On avoit placé au deffus une Figure
Coloffale , bronzée en ronde boffe de 16.
pieds de proportion . A l'un c'étoit le Fleuve
du Guadalquivir , avec un Lion au bas. On
Lifoit en Lettres d'or, fur l'Urne de ce Fleuve,
ces deux Vers d'Ovide :
>
Non illo melior quifquam , nec amantior aqui
Rex fuit aut illa reverentior ulla Dearum.
Et à l'autre Partere c'étoit la Riviere de
Seine avec un Coq. On voyoit fur l'Urne ,
d'où l'eau du Fleuve paroiffoit fortir en gaze
d'argent , ces Vers de Tibulle :
Et longè ante alias omnes mitiffima mater
Ifque Pater , quo non alter amabilior.
Aux deux côtez des Parteres & des deux
Monts regnoient fix Platebandes fur 2. lignes
auffi à fleur d'eau , ornées & decorées dans
I lc
396 MERCURE DE FRANCE .
le même goût des Parteres . Les trois de chaque
côté occupoient un espace de plus de
cent pieds de long fur 15. de large .
Deux Terraffes de charpente , à doubles
Rampes de 20. piés de haut , étoient adofiées
aux Quais des deux côtez , & fe terminoient
en Gradins jufques fur le rivage. Elles regnoient
fur toute la longueur du Jardin , &
occupoient un terrain de 408. piés fur la même
ligne , en y comprenant une fuite de Decorations
ruftiques , qui fembloient fervir d'appuy
à ces deux grand's Perrons , le tout étoit garni
d'une fi grande quantité de Terrines , que les
yeux en étoient éblouis , & les tenebres de la
nuit entierement diffipées . Le mouvement des
lumieres , qui en les confondant leur donnoit
encore plus d'éclat , faifoit un tel effet à une
certaine diftance , qu'on croyoit voir des Napes
& des Caſcades de feu dont les Spectateurs
étoient enchantez .
9
* Entre ces Terraffes lumineuſes & le brillant
Jardin , à la hauteur des deux Montagnes , on
avoit placé deux Bateaux de 70. piés de long
für 24. de large , d'une forme finguliere &
agréable , ornez de fculpture & dorez. Dumilieu
de chacun de ces Bateaux , s'élevoit une
efpece de Temple Octogone , couvert en maniere
de Baldaquin , foutenu par huit Palmiers
avec des Guirlandes , des Feftons de Fleurs
& des Luftres de criftal . Les Bateaux étoiene.
remplis de Muficiens pour les fanfares qu'on
entendoit alternativement. Les Timbales , les
Trompettes, les Cors de Chaffe , les Hautbois
frappoient agréablement l'oreille.
Sur la partie la plus élevée du Temple , placé
du côté de l'Hôtel de Bouillon , on lifoit ce
Vers de Tibulle.
Omnibus
FEVRIER.
397 1730:
Omnibus ille dies femper natalis agatur.
Pour Infcription fur l'autre Temple du cô
té du Louvre , on lifoit cet autre Vers du même
Poëte.
O quantum felix , terque quaterque dies .
Le fommet de ces deux magnifiques Gon
doles étoit terminé par de gros Fanaux & par
des Etandarts , fur lefquels on avoit reprefenté
des Dauphins & des Amours.
Les quatre coins de ce vafte , lumineux &
magnifique Jardin , étoient terminez par 4 .
brillantes Tours , couvertes de Lampions
plaques de fer-blanc , qui augmentoient conderablement
l'éclat des lumieres , & qui pendant
le jour faifoient paroître les Tours comme
argentées. Elles fembloient s'élever fus quatre
Terraffes de lumieres , ayant 18. piés de diamettre
, fur 70, de haut , en y comprenant les
Etendarts aux Armes de France & d'Espagne ,
qu'on y avoit arborez , à un petit Mât charge
d'un gros Fallot .
C'eft du haut de ces Tours que commença
une partie de l'artifice de ce grand Spectacle ,
après que le fignal en eut été donné par une
décharge de Boëtes & de Canons , placez fur
le Quay du côté des Thuilleries , & après que
les Princes & Princeffes du Sang , les Ambaf
fadeurs & Minitres Etrangers , & les Seigneurs
& Dames de la Cour , invitez à la Fête,
furent arrivez à l'Hôtel de Bouillon.
On vit partir en même tems de ces Tours
les Fufées d'Honneur , & enfuite quantité
d'autres Artifices , Soleils fixes & tournans
I ij Gerbes ,
358 MERCURE
DE FRANCE
.
Gerbes , & c. après quoi commença le Spectacle
d'un Combat fur la Riviere , dans les intervales
& les allées du Jardin , de douze
Monftres Marins , tous differens , figurez fur autant
de Bateaux de plus de 20. piés delong, d'où
on vit fortir une grande quantité de Serpenteaux
, de Grenades , Balons d'eau , & autres
Artifices qui plongeoient dans laRiviere, & qui
en reffortoient avec une extrême viteffe , prenant
differentes formes , comme de Serpens ,
&c.
•
Pour troifiéme Acte de cet agreable Spectacle
, on fit partir d'abord du bas des deux
Montagnes , & enfuite par gradation, des Saillies
, des Crevaffes , des Cavitez , & enfin
du fommet des deux Monts une très- grande
quantité d'Artifice fuivi & diverfifié , ce qui
devoit former comme deux Montagnes de feu
dont l'action n'étoit interrompue que par des
Volcans clairs & brillans , qui fortoient à plufieurs
repriſes de tous côtez & du fommet des
Rochers . Les intervales des differens tems auf
quels les Volcans partoient , étoient remplis
par des Fougades très - vives par le grand
nombre & par la fingularité des Fufées. La
fin fut marquée par plufieurs Girandes.
• Après que les yeux d'un grand nombre , ou
plutôt d'un monde de Spectateurs , eurent été
affez long- tems & affez agreablement occupez
de ce qui fe paffoit dans l'air , la furface des
eaux attira tous les regards. On la voyoit par
intervales prefque entierement couverte d'ar
tifice ; Dauphins brillans qui s'élevoient & fe
replongeoient, & mille autres Figures animées
& éclatantes , Jets deau , ou plutôt de feu ,
& Gerbes flotantes fur des plateaux , qui fai
foient un agreable contraſte , par leur état pai,
fible
FEVRIER. 1730. 399
fible , avec la vivacité & le bruit éclatant des
autres feux ; enfin on auroit dit qu'il n'y avoit
plus d'antipatie entre le feu & l'eau , & que
ces deux Elemens fi oppofez , s'étoient réunis
pour faire un charmant badinage en faveur de
cette fuperbe Fête.
Après tout l'Artifice, terminé par une feconde
falve de Canon , il devoit fortir une lumiere
éclatante du centre des deux Montagnes
, pour défigner un Soleil- Levant , de 32 .
pieds de diamettre , & refter fixe fur fon horifon
, avec ces mots d'ovide au tour du Diſque
Nubila disjecit. Et en même- tems s'élever un
Arc-en- Ciel de 40 piés d'ouverture , très vif
& crés lumineux , avec fes couleurs naturelles ,
& la Déeffe Iris au - deffus , les deux extremitez
liant les fommets des Montagnes , ce qui
fera plus fenfible dans la Planche cy jointe.
Cette Infcription faifois allufion au Traité
d'Alfiance conclu depuis peu .
1
Eterna ftat Concordia Regum.
Toute l'Ordonnance de ce Spectacle fur l'a
Riviere , dont les Ambaffadeurs Plenipotentiaires
d'Espagne ont fourni les penſées , a été
conduite & deffinée par le fieur Servandoni
Florentin , Peintre & Architecte , premier
Peintre de l'Academie Royale de Mufique ,
très-connu par beaucoup d'autres Décorations
d'un excellent gout , qu'il a heureufement
faites , en Italie , en France , & en Angle
terre. Toutes les Illuminations ont été executées
fur fes Deffeins , par les fieurs Berthelin
& Gerard , Chandeliers Illuminateurs ordinaires
des plaifirs du Roy. Quelques Lampions
à Plaque qu'ils ont nouvellement imaginés
, ont fait beaucoup d'effet.
1 iij
Nous
г
400 MERCURE DE FRANCE .
Nous n'entreprendrons point de donner une
idée de la vûë admirable que produifoit la
foule des Spectateurs de tous états , de tout
âge & de tout fexe , dans des Bateaux fur la
Riviere , fur les deux Quais & fur les deux
Ponts , fur les Terraffes , les Balcons & aux
fenêtres du Louvre , des Hôtels & des Maifons
des deux côtez ; moins encore du coup d'oeil
magnifique , éclatant & tout à fait fuperbe de
la Galerie de l'Hôtel de Bouillon , & des Ter
raffes en Amphitheatre qui s'y joignoient ,
couverts & ornez d'une maniere convenable ,
où étoient placez tous les Princes , Princeffes,
Seigneurs & Dames invitez à la Fête , tous
en habits neufs magnifiques , qui , à l'envi , fe
difputoient la richeffe , le gout & la magnificence
, & dont plufieurs , avec tout ce qu'on
peut employer de dorures , de broderies & de
fuperbes Eroffes , étoient encore enrichis de
Garnitures complettes de Pierreries .
Dans la Galerie du grand Appartement de
l'Hôtel de Bouillon , on avoit dreffé un Théatre
très - bien décoré par le fieur Servandoni ,
& difpofé d'une maniere convenable aux fi
ches ornemens de la Galerie , dont les Spectateurs
occupoient les deux tiers . Le Rideau du
Théatre prefentoit aux yeux un Lion , un
Dauphin & des Amours , fur un Globe Ter
reltre , avec quelques attributs de la Fête. On
Hifoit au- deffus : Virg. Egl.
Clara Deum foboles
Afpice venturo latantur ut omnia fecio.
C'eft dans cette Galerie que toute l'illuſtre
Compagnie fe rendit après tout l'Artifice , pour
y voir une Paftorale de la compofition de M. de
t
FEVRIER. 1730. 401
la Serre & un Ballet . Toute la Mufique eft de
M. Rebel , le fils , Compofiteur de la Mufique
de la Chambre du Roy. La Scene fe paffoit dans
un Payfage au pied des Pirenées . Ce Divertiffement
, generalement gouté , fut execute
par l'élite des Acteurs de l'Opera , qui ont été
gratifiez par des Bijoux d'or , d'un prix
confiderable , outre leurs habits , qui étoient
auffi riches que convenables. Le fieur Laval
avoit compofé le Ballet ; il y danfa avec le
fieur Dangeville & les Dlles Prévost & Sale :
chantoient dans la Piece. , les Dlles Antier ,
Peliffier , Le Maure , & c. & les fieurs Tribou ,
Dun , & c.
Après ce Spectacle , toute l'Affemblée ,
compofée de tout ce qu'il y a de grand par la
naiffance & par les dignitez dans le Royaume
& des Miniftres Etrangers , paffa dans le grand
Salon de 108. piés de long, fur 45. de large
& 12. d'élevation dans oeuvre , conftruit exprès
dans le Jardin , & élevé jufqu'au plein
pied du Veftibule & des Appartemens bas de
PHôtel de Bouillon.
Cette magnifique Salle , destinée à un fuperbe
Feftin , étoit percée de fept portes , trois grandes
& quatre moindres. Huit Cabinets hors
d'oeuvre de 12. pieds en quarré , diſtribuez aux
quatres Angles , & dans les intervales des côtez
, étoient deftinez pour les Bufets , pendant
le Souper & pendant le Bal. Cette Salle , éclairée
par un très - grand nombre de Luftres de
criftal & de Girandoles garnies de bougies
étoit décorée & richement ornée par le fieur
Pitois , Sculpteur & Décorateur , qui a trèsbien
réüffi , furtout dans les bas - reliefs dorez
, où l'on voyoit les attributs de differentes
Divinitez , de Bacchus , de l'Abondance , & c.
I iiij enfin
492 MERCURE DE FRANCE :
enfin on avoit fçû allier la plus grande fomp
Luofité à tout ce qui peut procurer & infpirer
la joye & la gayeté.
Les illuftres Convives priez , fe placerent à
fix tables de cinquante couverts chacune
fervies à quatre Services , en gras & en maigre,
dans la plus grande magnificence & avec autant
de délicateffe que d'abondance . Au Deffert
on but les Santéz Royales au bruit de l'Artillerie.
Deux autres tables de se couverts
chacune , furent fervies en Ambigu dans deux
Appartemens à plein pied du Veſtibule.
Après le Feftin on remonta dans la Galerie
de la Paftorale , où l'on entendit un charmant
Concert de Voix & d'Inftrumens. On y executa
le cinquième Acte de l'Opera de Phaeton,
après quoi on retourna dans le grand Salon ,
qu'on trouva préparé pour le Bal , avec fix
rangs de Gradins tout autour , fur lesquels on
ne vit jamais une feule place vuideˇjuſqu'à
fept heures du matin. Il eft aifé de comprendre.
le charmant effet que devoient faire à la clarté
vive des lumieres , la richeffe de la parure &
le brillant des Pierreries des Seigneurs & des
Dames de cette augufte Affemblée.
Vers les deux heures après minuit on
laiffa
entrer les perfonnes invitées au Bal par billet,
& peu de temps après tous les Mafques qui fe
prefenterent , ce qui rendit le Bal très - nombreux
& très- animé jufqu'au grand jour qu'on
fe retira plein d'admiration d'une fi belle Fête
& charmé des manieres nobles , & polies des
Ambaffadeurs , qui l'avoient ordonnée , & qui
en avoient fait les honneurs avec tant de dignité.
Ces Miniftres avoient donné de fi bons
ordres , que pendant tout le Bal les Rafraîchiffemens
de toutes les efpeces qu'on avoit
pü
FEVRIER. 1730 . 403
pu imaginer , dans la plus grande abondance
& la plus grande délicateffe , furent prefentez
de tous côtez , enforte qu'on n'avoit pas même
le temps de fouhaiter , & chofe affez rare
dans ces fortes de Fêres , malgré la foule prodigieuſe,
il n'eſt pas arrivé le moindre defordre.
VERS LIBRES ,
Sur le Feu d' Artifice tiré fur l'Eau , par
ordre du Roy d'Espagne , & les foins
de MM. les Ambaffadeurs à la Cour
de France.
Hier dans ces Grottes profondes ,
D'où la Seine épanche fes Ondes ,
(Qui chaque jour la gloire & l'honneur de nos
champs ,
De la Blonde Cerés augmentent les prefens )
Elle appella les Dieux foumis à fon Empire ;
Nayades , Nimphes & Tritons ,
Sont affis dans leur rang fur des fieges de joncs.
Un mal commun à tous , en ces lieux nous at
tire :
Vous le fçavez, l'hyver , dit la Reine des flots,
De nos jours tous les ans vient troubler le re
pos.
Ce n'eft plus à prefent un tranquil Zephire ,
Qui folâtre & qui rit fur le fein de mes eaux .
Non, l'Aquilon bien- tôt , toûjours prompt
me nuire ,
Arrêtera mon cou ; s & rompra mes rofeaux.
1 v C'eff
464 MERCURE DE FRANCE;
C'eft fut ce point , Tritons , qu'il faut qu'on
délibere.
Mertons -nous à l'abri des coups de fa colere ;
Voyons par quels moyens on peut s'en ga
rantir ;
Ou par quels dons enfin nous pourrons la fle
chir ;
La trifteffe à ces mots fe peint fur le vifage,
Les Nayades alors regardent le Rivage ,
Où quand le Ciel donnoit des jours purs &
ferains ,
Elles alloient au fon d'un inftrument champêtre
,
A l'ombre de quelque vieux hêtre ,
Danfer avec les Dieux Silvains .
Les Nimphes de leurs yeux laiffent couler dess
larmes ;
Les Tritons affligez n'y trouvent plus les charmes
Qui fçurent affervir leurs coeurs ;
Ainfi chacun fe livroit aux douleurs.
Quand une Nimphe accourt : helas ! en cette
place ,
Que faltes-vous ?'un mal bien plus grand nous
menace ,
Venez , Reine des flots , arrêtez les deffeins ,
Que forment contre nous des aveugles Humains
.
Allons , courons punir une main facrilège ,
Dit la Seine ... elle part en ce même moment.
Les Nimphes , les Tritons, compofent fon cor
jege :
C'est
FEVRIER 1730. 405
C'est ainsi qu'en la voit dans le vafte Ocean ,
Quand elle offre à ce Dieu les Eaux de fon
Empire .
Elle approche ... elle voit ... & fon courroux
expire.
Sur fa Suite furpriſe elle jette les yeux ;
Enfin elle applaudit d'un rire gracieux ;
Elle voit les Jardins dignes de la Nature .
Une Nayade y court fecher fa chevelure ,
L'une y cüeille à la fois & des fruits & des
fleurs ,
L'autre ne fonge plus aux cruelles rigueurs
Que l'Amant fougueux d'Orithie ,
Leur prépare dans fa furie .
L'autre fous ces Rochers va chercher le repos ;
Tandis que l'une ici contemple cet Ouvrage ,
Et, l'autre des Poiffons en embraffant le dos ,
Coupe rapidement les flots .
Les Nimphes , à l'envi , courent fur le Rivage.
Elles danfent d'un pas leger ,
-Au doux chant des Tritons qui font reten
tir l'air.
Alors la Seine les appelle ;
Courez à l'Ocean , chers Tritons, leur dit- elle;
Que fes Dieux fur ces bords fe rendent avec
vous.
Allez encore au Tage , à cet ami fidele ,
Apprendre les apprêts d'une Fête fi belle ,
Qu'il vienne partager les plaifirs avec nous,
L'Abbé Bonnot de Mably.
I vj
f
t
FRAN
456 MERCURE DE FRANCE:
tata ta ta ta tas
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E de ce mois , M. Deftouches , Su
Intendant de la Mufique du Roi , fit chanter
à Marly, devant la Reine, un Concert compofé
du Prologue du Ballet des Elemens , de
la Fête de Junon dans l'entrée de l'Air , &
de l'Acte entier de la Veftale. Le Sr Chaffé
chanta le Rôle du Deftin , & la Die Lenner
celui de Venus. Le Sr d'Angerville fit le Rôle
de Valere , & la De Antier s'attira bien des
applaudiflemens dans les Rôles de Junon &
d'Emilie. Ce Concert eut un grand fuccès ,
l'execution en ayant été parfaite.
Le 8. on chanta le Prologue & le premier
Acte d'Amadis de Grece , qui fut très - goûté ;
il a été mis en Mufique par M. Deftouches.
Le 13. on continua le même Opera par le
fecond & le troifiéme Acte , & le 15. on chanta
les deux derniers Actes . La D ¹e Antier fit le
Rôlé de Méliffe , & celui d'Amadis fut chanté
par le S Dangerville. La Reine parut très-
Contente de cet. Opera & de l'execution .
Le 20. la Reine demanda les deux derniers
Actes de l'Opera de Thefée , qui firent un
extrême plaifir On l'avoit interrompu depuis
le départ de Verfailles.
Le 27. la Cour étant de retour à Versailles ,
la Reine ordonna pour les grands Appartemens
le Prologue & le premier Acte du Ballet
des Elemens , que S. M. voulut entendre
ane feconde fois . Les Acteurs furent les mêmes,
FEVRIER. 1730. 407
mes qui avoient chanté à Marly , à l'exception
de la De Le Maure , qui chanta avec
fuccès le Rôle de Venus dans le Prologue ,
& celui de Junon au premier Acte.
, Le z . Fête de la Purification il y eut un
Concert fpirituel au Château des Thuilleries
, qui commença par le Motet Dominus
regnavit. La De Petitpas & le S Dun en
chanterent un autre en duo , de M. Du Bouffet
, & la Dile Le Maure chanta feule un
autre Motet du même Auteur . On joüa dif
ferens Concerto fur le Violon & la Flute qui
furent executés avec une grande précifion.
On finit par le beau Te Deum de M. de la
Lande , précedé d'une fimphonie de Violons,
Hautbois , Trompettes , & Timbales , de la
compofition de M. Mouret , qu'on entend toûjours
avec plaifir . Il y eut une très- nombreufe
affemblée , que le Duc de Lorraine
honora de fa préfence.
Le 8. il y eut Concert François qui a
continué tous les Mercredis du mois. On
chanta le même jour une Cantatille nouvelle
qui a pour titre Le Rhume , & la Cantate
de Pfyché , chantée par la Dle Petitpas .
La Dile Le Maure chanta le 15. une Can
tate nouvelle , intitulée L'Abſence , qui fit:
beaucoup de plaifir.
Le 8. la Loterie pour le rembourfement des
Rentes de l'Hôtel de Ville fut tirée en préfence
du Prevôt des Marchands & des Echevins
, en la maniere accoutumée . Le fonds du
fecond mois de cette année s'eft trouvé monter
à la fomme de 1319975. liv. laquelle a été
diftribuée aux Rentiers pour les Lots qui leur
font échus , conformément à la Lifte gené
rale
410 MERCURE DE FRANCE .
1
›
,
Enfuite le Roi fe leva , fe découvrit , fe
recouvrit auffi- tôt & fit couvrir le Duc de
Lorraine. Le Duc d'Orleans , le Duc de Bourbon
, le Comte de Charolois , le Comte de
Clermont le Prince de Conty , le Prince de
Dombes , le Comte d'Eu & le Comte de Touloufe
qui étoient auprès du Roi , fe couvrirent
auffi un moment après. Le Duc de
Lorraine s'étant retiré , S. M. rentra dans fon
Cabinet.
Le Duc de Lorraine retourna à Paris le
même jour , après avoir dîné chez le Cardinal
de Fleury . Le lendemain , il alla à la
Chafe avec le Roi dans la Forêt de S. Germain
en Laye , & fut enfuite traité dans le
Chateau par le Duc de Noailles qui en eft
Gouverneur .
Le 3. ce Prince accompagna le Roi à la
Chaffe du Cerf.
Le 4. il alla à la Comédie Françoise voir
la Tragédie d'Electre , & la petite Comédie du
Florentin.
Les il vit l'Opera de Thefee.
Le 6 il alla diner à Arcueil chez le Prince
de Guife , le foir à la Comédie Italienne , &x
après fon fouper au Bal de l'Opera.
Le 7. après avoir été à la chaffe avec le
Roi , & joué enfuite à la partie du Lanfquenet
de S. M. ce Prince foupa à Marli
chez le Duc de Noailles qui le traita magni
fiquement , & alla coucher à Versailles , dans
P'Appartement du Duc d'Orleans .
Le lendemain il vit les Appartemens du
Château , alla tirer dans le Parc , & vint
dejeuner à la Ménagerie , où il fut traité par
le Duc de Noailles . Il alla enfuite à S. Cyr,
pour voir la Maiſon , d'où il revint à Verfailles
FEVRIER . 1730. 411
failles pour voir le Cabinet des Médailles ,
les Pierres gravées , & les autres Monumens
rares de ce celebre Cabinet , que ce Prince
examina avec beaucoup d'attention ; il foupa
chez le Prince Charles de Lorraine.
Le 9. le Duc de Lorraine vit jouer les
eaux , alla enfuite au Manege voir les Pages
monter à Cheval , dina chez le Prince
Charles , & revint à Paris pour voir l'Opera
>
Ce Prince a vú avec beaucoup de fatisfaction
à Verſailles les Tableaux , les Antiques de
la Grande Gallerie & des Jardins , & tout ce
qu'il y a de magnifique & de Curieux dans ce
fuperbe Château ; à la Menagerie , à Trianon ,
à Marly , à Saint Germain en Laye , à Saint
Cloud , à Meudon , à la Muette , & c. Il a vû à
Paris ce qu'il y a de plus remarquable ; l'Hôtel
Royal des Invalides , l'Obfervatoire , la Sorbonne
, la Bibliotheque du Roy , la Gallerie
des Plans , l'Academie Royale de Peinture &
Sculpture , la Monnoye des Medailles , & c.
Il vit avec beaucoup de fatisfaction le Cabinet
où font confervez dans un grand ordre', un
nombre prodigieux de Quarrez & de Poincons.
M. de Côtte , Directeur de la Monnoye
des Medailles , fit frapper en fa préſence des
Medailles & des Jettons , en or & en argent.
Le Fr. S. A R. Madame la Ducheffe d'Orleans
, dont tout le monde connoît la bonté du
coeur , & la nobleffe des fentimens , ayant été
bien ajfe de procurer au Duc de Lorraine , fon
Neveu , pendant le féjour que ce Prince a fait
à Paris incognito , fous le nom de Comte de
Blamont , quelque divertiffement , ainfi qu'aux
Princeffes d'Orleans fes Filles , donna un Bal
magnifique au Palais Royal . S. A. R. avoit
fait preparer le grand Salon de fon Appartement
412 MERCURE DE FRANCE .
ment avec des Gradins à trois étages tout atttour
pour les Dames & Seigneurs qui devoient
être feulement Spectateurs , & quantité de
fieges pour les perfonnes qui devoient danfers
Ce Salon étoit orné de Luftres , de Girando-
Jes , & de Bras garnis de bougies . On n'aura
pas de peine à fe perfuader que l'Affemblée
étoit des plus brillantes , puifqu'un très grand
nombre de Seigneurs & Dames de la Cour ,
& de la Ville , de la premiere diftinction , la
compofoient. L'éclat de quantité de belles
perfonnes , la magnificence des Habits , & le
vif brillant des Pierreries dont toutes les Dames
étoient parées , faifoit un effet furprenant .
Ce Bal fans Mafques commença à fix heures
du foir , par une excellente Simphonie , cont
polée de tout ce qu'ily a de plus habile à Paris
, & finit à onze heures. Mademoiſelle de
Beaujollois en fit l'ouverture par les caracteres
de la Danfe , qu'elle danfa avec le Duc de la
Tremoille , dans la plus grande perfection ,
& avec toute l'intelligence , la jufteffe , & la
grace poffible , de même que Mademoiſelle
de Chartres dans tout ce qu'elle danfa . La
plupart des Seigneurs & Dames danſerent enfuite
plufieurs differentes Danfes , Contredanfes
, & c.
Au refte toute l'Affemblée fut extrêmement
édifiée & pleinement fatisfaite de la bonté, des
attentions & des politefles continuelles de
S. A. R. Cette Princeſſe avoit donné de fi bons
ordres , que quoique l'Affemblée fut des plus
nombreufes , tout s'eft paffé avec la plus grande
magnificence , & fans la moindre confufion.
On diftribua toute forte de Fruits , & des Rafraichiflemens
dans la plus grande abondance,
fervis par les Officiers de S. A. R. qui avec des
manieres
FEVRIER. 1736. 41-3
manieres polies prevenoient tout le monde .
Le Duc de Lorraine qui a affifté à ce Bal incognito
, a été charmé de cette belle & illuftre __
Affemblée , des Danfes , de l'ordre , du bon
goût , & c.
氟
Le 14. S. A. R. fe rendit l'après midi en fon
Château de Bagnolet , pour donner encore au
Duc de Lorraine ( qui s'y étoit rendu le même
jour ) une nouvelle Fête ; ce Prince à fon arrivée
fe promena quelque tems dans le Parc ,
où S. A. R. fe promenoit alors , cette Princelle
étoit accompagnée de Mefdemoifelles de
Beaujollois & de Chartres , de la Marquife de
Conflans , leur Gouvernante , & de plufieurs
autres Dames de fa Cour . Ce Parc qui eft
très fpacieux , eft planté avec autant de gout
que de fimetrie. Les Eaux jouerent pendant la
promenade. La Ducheffe de Nevers , à préfent
Dame d'Honneur de S. A. R. & la Marquife
de Clermont fa Dame d'Atour , refterent pendant
la promenade dans les Appartements du
Château , pour recevoir les Seigneurs & les
Dames qui arrivoient de Paris pour prendre
part à la Fête. Il y eut avant le Bal vingt Tables
de Quadrille & de Piquet. Après la Promenade
, S. A. R. rentra au Château , elle
joua au Quadrille , & le Duc de Lorraine au
Piquet. Après le Jeu on fe rendit fur le Perron,
pour voir l'Illumination de la Cour Royale
, éclairée par quantité de Luftres argentez ,
qui produifoient une clarté des plus brillantes,
L'Avant-Cour qui eft très- fpacieuſe , étoit aufli
illuminée d'un nombre prodigieux de Lampions
, de-même que plufieurs Piramides de
charpente , autour defquelles on avoit placé,
avec fimetrie , une très grande quantité de
Lampions.
A
Y
414 MERCURE DE FRANCE
A huit heures , on paffa dans le grand Salon,
éclairé par quantité de Luftres & de Girandoles.
On y commença le Bal , qui fut ouvert
par un Menuet à quatre , danfé par Mefdemoifes
de Beaujollois & de Chartres , & par
les Ducs de la Tremoille & de Bouflers , après
quoi on danfa differentes Danfes & Contredanfes
qui furent executées dans la plus grande
perfection.
A côté du Salon du Bal , on avoit préparé
une Sale à manger , parfaitement bien éclai
rée , dans laquelle on trouva trois grandes Tables
, où l'on fervit un Ambigu , compofé de
toutes fortes de Pârez froids , Jambons & autres
viandes convenables , avec autant de délicateffe
que de profufion , & de toutes fortes
de Fruits & de Patifferies legeres. Il y avoit
dans une Sale à côté , un magnifique Buffet
garni de toutes fortes de Vins , Eaux glacées ,
Vins de Liqueurs & tous les rafraîchiflemens
/ qu'on pouvoit fouhaiter , & qu'on fervit à
tout le monde en abondance jufqu'à deux heures
du matin , après quoi S. A. R. jugea à
propos de fe retirer pour donner le temps au
Duc de Lorraine , qui devoit partir le lende
main , de prendre quelque repos.
On a oublié de dire que S. A. R. toûjours
attentive à tout ce qui pouvoit rendre la Fête
plus variée & plus brillante , avoit donné ordre
de faire venir plufieurs excellens Danfeurs
Provençaux , qui danferen: plufieurs Entrées
grotesques & champêtres , d'une maniere trèsvive
& très fingulière , pendant qu'une partie
des Dames -étoient allées quitter leurs habits
de Ville , fans rien changer à leur Coëfure ,
pour prendre des Domino , dont on avoit eu
foin de préparer un grand nombres afin que
ces
FEVRIER . 1730. 41
ces mêmes Dames , habillées plus legerement
puffent danfer plus à leur aife , & auffi pour
varier les differentes couleurs des Etoffes . Les
Seigneurs n'ont point changé d'habit , & enfin
toute cette belle Affemblée fe retira très - fatisfaite
d'avoir pû prendre part à une fi galante
& magnifique Fête.
Le même jour is . le Duc de Lorraine partic
pour retourner dans fes Etats , après avoir pris
congé du Roi. S. M. lui a fait prefent d'une
très- riche Tenture de Tapiflerie, rehauffée d'or,
faite fur les Defleins de Raphaël , à la Manufacture
Royale des Gobelins,
Le Duc de Lorraine , pendant fon féjour à
Paris , a occupé le grand Appartement du Pa
lais Royal. Une Table d'environ 15. Couverts
a toûjours été fervie,foir & matin, avec la plus
grande fomptuofité & la plus grande délicateffe
, par les Officiers du Duc d'Orleans . Il
y a eu d'autres Tables très - bien fervies pour
fa Suite.
Tous les Spectales où ce Prince a affifté , &
où fa préfence a attiré un très grand concours,
ont reçû des marques de fa liberalité. Ses gran
des qualitez & fes manieres nobles & genereufes
ont parû dans toutes les occafions.
Les Officiers du Duc d'Orleans qui ont fervi
auprès de fa perfonne , ont reçû des Diamans
brillans & d'autres Bijoux d'un prix
confiderable.
MORTS
416 MERCURE DE FRANCE .
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
N... l'Heritier , Ecuyer , mourut à Paris
le 17. Janvier. Il étoit fils de N. l'Heritier ,
Hiftoriographe du Roi , lequel a beaucoup tra ,
vaillé fur notre Hiftoire , & frere de Mc l'Héritier
, dont les talens & les Ouvrages font
affez connus. Il étoit orné de toutes les vertus
qui forment l'honnête homme ; fçachant beaucoup
& ne faifant point parade de fon fçavoir,
Les Mathematiques faifoient fon étude favo
rite , mais il ne laiffoit pas de cultiver les Mus
fes , & il réuffiffoit en Poëfie , par un talent
qui eft comme hereditaire dans fa famille .
Le 25. du même mois , Dame Marie -Claire
d'Eftaing , veuve du Marquis de Montboiffier ,
mourut en fon Château de Clas en Auvergne,
âgée de 79. ans.
Dame Anne - Louife de Bragelongne , veuve
de M. Pierre Gruyn , Chevalier , Seigneur de
Valgiand , Lacelle , &c. déceda le 30. Janvier
âgée de 81 , ans.
Jacques- Michel Baudry , Procureur Gene
ral de la Chambre des Comptes de Blois , mou
rut à Blois le premier Fevrier,âgé de 30 ans. It
Jaiffe plufieurs enfans , dont l'aîné ett pourvû
de la même Charge de fon pere.
Le 2. François Gueret , Prefident de la
Chambre des Comptes de Blois , mourut , âgé
55.ans , univerfellement regretté. C'eft à fes
travaux que la Chambre des Comptes de Blois
eft redevable de fon établiffement à l'inftar de
La Chambre des Comptes de Paris .
Dame
FEVRIER. 1730. 417
* Dame Geneviève de Seve , veuve d'Antoi
ne Gettou , Chevalier , Seigneur de Guiberville
, Confeiller au Grand Confeil , mourut le
du même mois , âgé de 72. ans environ.
Henry Fages , Abbé de la Cour- Dieu , Ordre
de Cîteaux , Diocèle d'Orleans , cy- devant
Controlleur des Finances de feuë fon Alteffe
Royale M. le Duc d'Orleans , mourut à Montpellier
le 22 de ce mois , âgé de 89. ans.
Le même jour , François Hector de la Tour
Montauban , Comte de la Chaux , Maréchal
des Camps & Armées du Roi , Chevalier det
$. Louis, Gentilhomme de la Chambre du Duc
d'Orleans , premier Prince du Sang mourut ,
âgé d'environ 5. ans .
ر
Adelaide - Loüife de Damas de Thianges ,
yeuve de Louis Conti Sforce , Duc de Segny
& d'Onano , Comte de Sainte- Fleur , Chevavalier
des Ordres du Roi , mort le 7. Mars
1685. mourut le 3. âgée de 76. ans . Elle
étoit Dame d'Honneur de S. A. R. Madame
la Ducheffe d'Orleans .
Le 4. Dame Catherine Guyot , veuve de
M. Jofeph Dorat , Chevalier , Seigneur de la
Barre , mourut , âgée de 65 ans .
Philippe de S. Martin de Boffuye , Chevalier
de l'Ordre de S. Louis , Brigadier des Armées
du Roi , & Lieutenant Colonel du Regiment
de Vivarets , mourut le 6. de ce mois
âgé d'environ 8c. ans.
Jacques - François de Johanne de la Carre ,
Marquis de Saumery , Gouverneur des Iles de
fainte Marguerite & de S. Honorat , Capitaine-
Gouverneur des Château & Chaffes de Chambord,
& Grand Bailly de Blois , mourut àCham--
bord le 8.de ce mois , dans fa 79 année . Il avoit
fervi fous M. de Turenne , &étoit Meſtre det
e
Camp
418 MERCURE DE FRANCE.
Camp de Cavalerie au Combat d'Altenheim.
premier Août 1675. ) ily eut l'épaule & la cuiffe
Caffée , ce qui l'ayant empêché de pouvoir continuer
de fervir à la guerre ; le feu Roi , de
glorieufe memoire , qui connoiflot fon mérite,
La fagelle , fon defintereffement & fes autres
qualitez perfonnelles , le choifit en 1688. pour
être Sous- Gouverneur des Enfans de France,
attaché à la perfonne de M. le Duc de Bourgogne
. S. M. fut fi contente de la maniere
dont il fe comporta dans cette Charge importante,
qu'elle lui donna une nouvelle marque
de fon eftime & de la fatisfaction qu'elle
avoit de fes fervices, en le nommant dans fon
Codicile , Sous - Gouverneur du Roy , heureufement
regnant. Il a foutenu dans ce glorieux
emploi la réputation qu'il s'étoit déja acquife ,
& il vient de terminer la vie exempte de tout
reproche , par une mort également chrétienne,
Il avoit épousé par contrat du 27. Novembre
1676. Marguerite- Charlotte de Montlezun
de Befimaus , fille de François de Montlezun,
Chevalier , Seigneur de Befmaus , Piffons ,
Pommeufe , Lumigny , & c. Gouverneur pour
le Roi du Château de la Baftille. De ce Ma
riage font fortis , Jean - Baptifte , Marquis de
Saumery, Seigneur de la Houffaye , Maréchal
des Camps & Armées de S. M. cy - devant
Sous- Gouverneur de S. M. Cornette des Cheyaux
Legers de la Garde , Envoyé Extraordi
naire du Roi près du feu Electeur de Baviere,
mort le s . May 1726 âgé de 48. ans , laiffant
de fon Mariage avec Marie-Magdelaine Benigne
de Luffe , deux filles en bas âge , dont
Pune eft morte en 1729.
François - Jean- Baptifte , Marquis de Saume-
Comte de Chemerolles , Maréchal des
Camps
FEVRIER . 1730. 419
Camps & Armées de S. M. cy- devant Envoyé
Extraordinaire à la Cour de l'Electeur de Baviere
, à prefent Gouverneur des Ifles Sainte
Marguerite & de S. Honorat , Capitaine- Gouverneur
des Château & Chaffes de Chambord.
Jacques , Chevalier de S. Jean de Jerufalem,
Alexandre , Docteur en Théologie de la Faculté
de Paris , Evêque de Rieux , facré le 17.
Mars 1720. Georges , Seigneur de Piffons , Colonel
d'Infanterie.
Nous avons déja parlé de la Maiſon de Johanne
Saumery , dans le Mercure du mois de
May 1726. pag. 1068. & fuivantes , à l'occafion
du decès du Marquis de Saumery , fils aîné de
celui dont nous annonçons à prefent la mort.
Frere Gabriël de Calonne de Courtebourne .
Chevalier Profès de l'Ordre de S. Jean de Jerufalem
, Commandeur de la Commanderie
de Fontaines- fous- Mondidier , cy - devant
Capitaine d'une des Galeres du Roy & des
Gardes de l'Etendart , mourut à Marseille le
8. de ce mois , dans la 2º année de fon âge .
Il étoit frere de Louis - Jacques de Calonne ,
Marquis de Courtebourne , Lieutenant- General
des Armées du Roi , Directeur General de
la Cavalerie , Lieutenant pour S. M. au Pays
d'Artois , & Gouverneur de Hefdin , mort en
& d'Anne de Calonne de Courtebourne
, veuve de François le Tonnelier- Breteüil ,
Marquis de Fontenay- Trefigny , Sire de Villebert
, Baron de Boitron , & c. Confeiller d'E
tat Ordinaire , & Intendant des Finances .
en 1705.
Le Marquis de Courtebourne a laiffé de fon
mariage avec Anne de Gerard , Jacques de
Calonne , Marquis de Courtebourne , Meftre
de Camp de Cavalerie , Capitaine - Lieutenant
des Gendarmes de la Reine, & Lieutenant pour
K S.
420 MERCURE DE FRANCE.
S. M. au Pays d'Artois , & Anne de Calonne
de Courtebourne , veuve de François le Tonnelier-
Breteuil , Marquis de Fontenay - Trefigny
, &c. Confeiller d'Etat Ordinaire , & c. eft
mere de François Victor le Tonnelier- Breteuil
Marquis de Fontenay- Trefigny , Sire de Villebert
, Baron de Boitron , & c. Commandeur
des Ordres du Roi , Chancelier de la Reine,
cy- devant Secretaire d'Etat , & de Charles-
Louis Augufte le Tonnelier- Breteuil , Evêque
de Rennes , Abbé de Chaulnes , Prieur de
Reüil , Grand - Maître de la Chapelle de S. M.
L'ancienneté de la Maifon de Calonne Courtebourne
eft fi connue , qu'il a paru inutile
d'entrer dans le détail de la Généalogie de
cette Maifón.
Charles- Jean- Louis de Faucon , Marquis
de Ris , Maître de la Garderobe de feu fon
Alteffe Royale , Monfieur , Frere unique du
du Roi Louis XIV . mourut en cette Ville le
8. âgé de 58. ans.
Dame Catherine de Loffanges de Bedver ,"
Abbeffe de l'Abbaye de Rieunette , Ordre de
Câteaux , Diocèfe de Carcaflonne , y mourut
le 9. de ce mois , âgée de 65. ans.
Le 10. de ce mois , M. Jean Denis , Che
valier , Seigneur d'Origni , premier Ecuyer de
S. A. S. Madame la Princeffe de Conti , troifiéme
Doüairiere , mourut âgé de 90. ans , ou
environ .
>
Le 11. Gabriel de la Porte , Doyen du Par
lement , mourut en la 82. année de fon âge.
Pierre Thomas Barthelemy le Boulanger
Seigneur de Boisfremont , Maître ordinaire en
la Chambre des Comptes de Normandie, mourut
le 13. âgé de 44. ans.
Jean Marie Rangoni , Chevalier , Marquis
de
FEVRIER. 1730. 42L
de Rangoni , & de Ramparto , Seigneur de
Stufione & de Caftelvetro , Comte de Leviz
Zano & de Guinta , Envoié Extraordinaire de
S. A. S. le Duc de Modene auprès de S. M.
T. C. & fon Plenipotentiaire au Congrès de
Soiffons mourut le 15. Fevrier âgé de 57.
¡ ans.
,
M. Charles Louis Lallemand , Comte de
Levignan , deceda le 18. Fevrier âgé de 73. ans
un mois 25. jours.
Le 23. Dame Anne Marie Magdelaine de
Beringhen , Abbeffe du Pré , Ordre de faint
Benoit , Diocèfe du Mans , y mourut dans la
47. année de fon âge.
La nuit du 27. au 28 , mourut à Paris Jofeph
François Ancezune , Duc de Caderouffe,
âgé de 85. ans .
Le nommé Nicolas Prezau , natif de Troyes.
en Champagne , eft mort depuis peu à Paris ,
fur la Paroiffe S. Roch , âgé de 109. ans. On
affure qu'il étoit Soldat dans le Regiment des
Gardes Françoifes , lors de la naiffance du feu
Roi , & qui fut du nombre de ceux qui allerent
au Louvre , à ce fujet, faire une decharge
fous les feneftres de l'Appartement de Louis .
XIII.
Le 19. Janvier D. Jeanne Catherine Coultard
, Epoufe de M. Bafile - Claude Henry Anjorrant
, Chevalier , Confeiller au Parlement,
accoucha d'une fille qui fut tenue fur les fonts
par M. Guillaume Julien Le Doubre , Confeiller
du Roi , Maître ordinaire en fa Chambre
des Comptes , & Doien de cette Chambre
, & par Dame Genevieve Le Mayre , veuve
de M. Claude Dubois , Chevalier , Seigneur
de Courceriers , Defbordeaux , & c.
Kij Dame
422 MERCURE DE FRANCE .
Dame Marie- Anne de Matignon , Epoufe de
Henry-François , Marquis de Grave , Baron
de Lattés , &c . Meftre de Camp de Cavalerie ,
accoucha le 31 Janvier d'une fille , qui fut
tenue fur les fonts , & nommée Marie - Anne.
Eleonor , par Jacques - François- Leonor Gri
maldi , Duc de Valentinois & d'Etouteville ,
Pair de France , Sire de Matignon , Comte de
Torigny , & c. Lieutenant General de la Province
de Normandie , & c. & par Daine Anne
Elifabeth Gruel de la Frette , Epoufe d'Armand
Monpar de Caumont , Duc de la Force ,
Pair de France , & c.
Le Comte du Rumain , de la Province de
Bretagne , Guidon de Gendarmerie & Meltre
de Camp de Cavalerie , a époufé , le mois de
Janvier dernier , D. N.... de Malnouë , fille
de N.... , de Malnovë , & veuve d'un Prefident
du Parlement de Bretagne.
Claude-Guftave-Chretien , Marquis des Salles
, Capitaine de Cavalerie , Gouverneur de
la Ville & du Château de Vaucouleurs , fils de
François , Comte des Salles , Marquis de
Buqueville , Confeiller d'Etat de S. A. R. de
Lorraine , premier Capitaine de fes Gardes du
Corps , Gouverneur de Pont - à- Mouffon , &
Confervateur des Privileges de l'Univerfité
& de D. Catherine de Fiquelmont , époufa le
6. Fevrier D. Adelaide-Candide Iouife -Marie
de Brancas de Villars , fille de Louis- Antoine
de Brancas , Duc de Villars , Pair de France ,
Chevalier des Ordres du Roi , & c, & de D.
Angelique Fremin de Moras.
M. Thomas - Jacques - François Charpentier,
Ecuyer , Seigneur d'Ennery , Efpiez , Grizy ,
Valangouja , Rue , Berval , Thuville , Levilliers
FÉVRIER. 1730. 423
liers , &c. Capitaine de Cavalerie au Regiment
Roïal Etranger , époufa le 13 , de ce
mois Dlle Madelaine Angelique de Rioult de
Curzay, fille de M. Seraphin de Rioul , Chevalier
, Seigneur de Curzay , Lieutenant pour
Sa Majefté en Poitou , & de Dame Thereze-
Elizabeth Blondot.
XXXXXXX
ARRESTS
.
RREST du 20. Septembre , qui ordonne
& d'Argent aux Hôtels des Monnoyes pendant
le refte de la prefente année , joüiront fur leurs
Quittances des quatre deniers pour livre attribuez
aux Changeurs.
AUTRE du 27. Septembre , qui ordonne
que jufqu'au dernier Decembre 1730. les
Moutons , Brebis & Agneaux , qui viendront
des Pays étrangers dans le Royaume , feront
& demeureront déchargez de tous Droits ; &
que lefdits Beftiaux , enfemble ceux qui aurone
été élevez & nourris dans le Royaume , feront
& demeureront pareillement déchargez
pendant ledit tems , de tous Droits d'entrée
& de fortie , à leur paffage des Provinces
reputées Etrangeres dans celles de l'étendue
des Cinq groffes Fermes , ou defdites Provinces
des Cinq groffes Fermes dans celles
reputées Etrangeres,
AUTRE du même jour , qui ordonne que
les Maîtres & Ouvriers en Bas & autres Onvrages
de Bonnetrie au Métier , appoferent
leur
424 MERCURE DE FRANCE.
leur Marque à chaque Paire ou Piece defdits.
Ouvrages.
AUTRE du même jour , qui ordonne que
les Titres Clericaux contenant Donations
d'Immeubles , feront infinuez aux Infinuations
Laiques , & que ceux qui ne contiendront
que des Conftitutions de Rentes Viageres ,
demeureront affujettis feulement aux Infinuations
Ecclefiaftiques , encore que pour fûreté
d'icelles il y ait affectation d'Immeubles. ly
AUTRE du 18. Octobre , qui ordonne
que dans le temps de trois mois les Officiers
des Amirautez & les Juges- Confuls de toutes
les Villes du Royaume où leurs Jurifdictions
font établies , rapporteront au Bureau
du Commerce les Titres concernant la competence
de jeurs Jurifdictions,
ORDONNANCE du Lieutenant General
de Police , du 21. Octobre , qui interdit pour
toûjours l'Entrée de la Bourfe au nommé la
Roche , avec amende : & qui lui fait deffenfe
& à tous autres de s'immifcer dans les fonctions
des Agens de Change.
SENTENCE DE POLICE du même jour ,
portant deffenfe à tous Jardiniers & Marachers
, de refter fur le Carreau de la rue de.
la Feronnerie en Eté , paffé fept heures , &
en Hyver , paffé huit heures du matin.
ARREST du même jour , qui ordonne qu'il
ne fera plus payé dorénavant aux Changeurs les
plus éloignez , fur le compte de S. M. que
quatre deniers pour livre , à quelque diftance
qu'ils foient , au- deffus de dix heuës , & c.
TABLE
.
TABLE .
Plieu de Batailles données en Fran-
Ieces fugitives . Eclairciffemens fur le
ce en 596. & 600. & fur un ancien Palais
& c. 20$
Réponse de la Raiſon à M. Rouſſeau , Ode ,
Difcours fur la probité de l'Avocat ,
L'injufte foupçon , Cantate ,
229
238
250
Obfervations fur la Méthode d'Accompagnement
& c.
Le jeune Eleazar , Poeme
255
263
Extrait du Panegyrique de S. Sulpice , 266
Madrigal ,
Queſtion fur le Rhume
Autre Madrigal ,
285
ibid.
292
Affemblée publique de l'Académie de Montpellier,
Réjoüiffances à Marseille ,
A Rennes
293
304
318
Difcours fur la Naiffance du Dauphin , 313
Logogryphe fingulier & Enigmes , 329
Nouvelles Litteraires des Beaux Arts & C..
333
Hiftoire de la Ville & de l'Eglife de Frejus ,
334
Réponse aux quatre Mémoires du Comte
d'Orval ,
9336
Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Hommes
Illuftres , ·
Carte des environs de Paris ,
Nouvelle Imprimerie du Sérail & c.
Prix donné au Palinod de Rouen .
339
355
317
362
Extrait d'un Difcours à l'Académie des Belles-
Lettres ,
Mufette , Air gravé ,
Spectacles ,
Tragédie nouvelle de Califtene ,
363
367
3694
370
Le malade par complaifance , & Couplets
371
notés ,
Nouvelles du Tems , de Turquie & de Perfe,
de Ruffie , & Réjouillances à Petersbourg ,
376
D'Allemagne , d'Italie , d'Eſpagne , Portugal
& Angleterre ,
Morts des Pays Etrangers ,
383
389
Defcription de la Fête des Ambaffadeurs d'El
pagne ,
Vers libres fur cette Fête ,
399
403
France , Nouvelles de la Cour , de Paris ,
406
Foy & hommage prêté par le Duc de Lorraine
, & fejour de ce Prince à la Cour, 408
Fête au Palais Royal & à Bagnolet , 411
Morts , Naiffances & Mariages ,
Fautes à corriger dans ce Livre.
416
Age 213 , ligne 2. du bas , affectez , lifex
atteftés.
P. 238. 1. 22. fuppléer 1. fupplée.
P. 330. 1. 7. prefcrit . profcrit.
P. 354.17. L. Cantarini , ôtez le point à l'I.
P. 356. 1. premiere , Côtes l. côtés .
Air noté ,
Eftampe du Feu ,
367
-399
OCT 2 9 1932
Presented by
to the
New York
Public
Library
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