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1729, 12, vol. 2
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MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU
ROT
DECEMBRE
1729 .
SECOND VOLUME.
QUE
COLLI COLLIGIT
SPARGIT
·
A PARIS ;
3
TGUILLAUME CAVELIER ; N
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSÓT, Quayde Contys
Chez à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY , au Palais
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. XXIX.
Avec Approbation & Privilege du Roys
A VIS.
L
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU,
Commis au Mercure vis - à-vis la Comedie
Françoife , à Paris. Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
Cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
davoir fain d'en affranchir le Port ,
comme cela
s'est toujours pratiqué , afi
d'épargner à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non- feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , an les particuliers qui fonhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere maix , & plus promptement;
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , de les faire
porterfur l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries,
qu'on lui indiquera.
PRIX XXX SOLS,
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT:
DECEMBRE . 1729 .
** XXX
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
O DE
A M. DE SAINT M.
NOLO Eureux Daphnis , loin des affaires ,
H Sage ami de l'oifiveté ,
C'eft dans tes Hameaux folitaires ,
Séjour de la felicité ,
Que comme aux premiers ans du Monde ,
A la Fortune vagabonde ,
Tu préferes ta liberté.
11. Vol
Aij
Cent
2968 MERCURE DE FRANCE.
Cent fois plus prudent & plus fage
Que les Platons & les Cratès ,
Tu fais voir que l'homme volage ,
Quand il veut , peut trouver la Paix.
Ah ! que j'aime à te voir tranquille
T'exiler & dire à la Ville :
Tu ne me reverras jamais.
Pour moi , je ne conçois qu'à peine
Quel charme m'y peut arrêter .
Quel deftin malgré moi m'enchaîne
Aux foins queje veux éviter ?
Que ne puis -je te voir , t'entendre
Ami toûjours fincere & tendre ,
Que jamais je n'ai dû quitter

Chez toi je verrois la Nature ,
Prodiguer toutes les faveurs ;
Et pour orner leur chevelure ,
Les Driades cueillir des fleurs';
Attentif à les voir éclore ,
Zephire , oublier jufqu'à Flore ,
Pour fentir leurs douces odeurs
J'irois réveiller dans les Plaines
હૈ
L'Echo par mes plus doux Concerts ;
Les Silvains à l'ombre des Chênes ,
I. Vol Dang
DECEMBRE. 1729 .
2969
• Danferoient fur les Gafons verds ,
Je réverois cette Onde vive ,
Où Diane laffe & craintive ,
Jouë avec les fonges legers.
Si quelque orage en ces Retraites
Des plaifirs interrompt le cours ;
Bien- tôt les Haut- Bois , les Mufettes ,
Prêtent un innocent fecours .
Mais , tout au plus , c'eft du Rivage
Que l'on entend gronder l'Orage ,
Sans craindre & trembler pour les jours,
Quand pourrai-je , chere innocence
Revoir ces aimables Hameaux ,
Ces lieux facrez , où le filence ,
Regne feul avec le repos !
Ces Prez , ces Forêts , ces Boccages.
Et ces fertiles pâturages ,
Les délices de nos Troupeaux.

• C'en eft fait , je fors de la Ville ,
Ami , je vole fur tes pas,
Je cours , Philofophie utile ,
Me jetter encor dans tes bras :
En vain à l'Hymen trop fideles ,
Ho Fol
A- iij Les
2970 MERCURE DE FRANCE.
Les noirs Aquilons fur leurs aîles ,
Ramenent l'horreur des frimats.

Envain les lugubres Hyades ,
Au Bercail font fuir les Troupeaux
Envain j'apperçois les Nayades ,
Se retirer fous leurs Rofeaux.
Je vole à ces lieux qu'ornoit Flore
Des fleurs qu'elle faifoit éclore ,
Et je fens diffiper mes maux.

Là , nous boirons à pleine coupe s
Ton vin , digne même des Dieux ,
Des Graces la riante Troupe ,
Verfe ce Jus délicieux ;
Et bien- tôt la fombre trifteffe,
Qui fuit la folide fageffe ,
Quittera ces aimables lieux.
L'Abbé Bonnos de Mably.
11. Vol.
SUITE
DECEMBRE. 1729. 2971
"
SUITE de la Maladie extraordinatre
traitée
par
M. Theveneau , Medecin
du Roy, exerçant la Medecine à Saint
Sauge , Ville du Nivernois , & déja
annoncée dans le Mercure de France.
Lettre écrite de ce Medecin .
Près avoit ,Monfieur , détaillé cette
AMaladie à Mrs de l'Académie des .
Sciences à Paris , & aux plus experimentez
Medecins de l'illuftre Faculté
de cette Ville , fans avoir eu d'éclairciffemens
fur un fait fi particulier , quoique
très - vrai , & dont je puis envoyer des
Attestations bien authentiques , foit que
ceux à qui je me fuis adreffé , ou ceux
qui ont la la Defcription de cette Maladie
, révoquent en doute la verité du
fait , ou fouhaitent avoir des preuves inconteftables
d'une Maladie qui mérite
l'attention des plus habiles , j'en fis part
à M. Blondeau , à Paris , l'un de mes amis,
qui voulant inftruire le Public d'un cas fi
particulier , en donna une petite note dans
le Mercure de France du mois d'Août
1727. page 1789 .
* 『!,
Pour inftruire plus amplement le Public
qui paroiffoit avide de fçavoir les fuites
II. Vol.
A iiij
de
2972 MERCURE DE FRANCE .
de cette maladie , j'en envoyai un détail
qui fut placé dans le Mercure du mois
d'Avril 1728. je te fis d'autant plus volontiers
que je m'attendois que cette maladie
exciteroit la curiofité des fçavans Medecins
des plus celebres Facultez de l'Europe
, comme de Paris , d'Angleterre ,
d'Allemagne , d'Italie , &c . & qu'ils travailleroient
à m'inftruire & à inftruire les
autres , en publiant les recherches & les
découvertes qu'ils auroient pû faire fur
cette Maladie ; mais tout le monde étant
refté dans le filence , j'avois pris auffi la
réfolution d'en demeurer là, & je l'aurois
fait , fi je n'avois été pouffé par l'ami
dont j'ai parlé , à donner au Public la fuite
de cette Maladie , lequel ami plus curieux
que les gens du métier , a fait un voyage
ici pour le confirmer dans la verité du fait.
Je m'étonne que la Cour ou que la célebre
Faculté de Paris , n'ait pas fait la
dépenfe convenable pour faire tranfporter
cette Malade ; je l'aurois de bon coeur ac
compagnée pour rendre compte de la maladie
, de la façon dont je l'ai traitée & des
petites remarques que j'ai faites ; ou pour
le moins je fuis furpris qu'on n'ait pas envoyé
quelque Membre de fecourable
Ecole .Je m'y attendois d'autant plus, que la
dépenfe eft très - peu de chofe. Nous lifons
dans l'Hiftoire de France de Mezeray ,
Cette
II. Vol.
qu'en
DECEMBRE. 1729
2973
qu'en 1599. la fille du Maréchal du-
Bourg de Conflants , fur les limites du
Poitou & du Limofin , ayant été trois ans
entiers fans boire ni manger , le Roi qui
le fçût , envoya dans ce Pays- là des Medecins
avec des ordres de Sa Majesté pour
l'amener à Paris . On peut voir plus au
long cette hiftoire dans Mezeray . On
fçaura encore que pareille chofe étoit arrivée
l'an 82 s . à une fille , fous le Regnet
de Lothaire , après avoir été auffi trois ans
fans rien avaler , on ne négligea rien pour
approfondir une chofe fi furprenante ,
dans des fiecles néanmoins où les Sciences
& les connoiffances n'étoient pas au haut
point de perfection où elles font aujourd'hui
.
Mais pour revenir à notre Malade , &
pour en retracer l'idée en faveur de ceux
qui n'ont pas lu les premiers Mercures où
il en eft parlé , notre Malade , dis - je , à
prefent âgée de vingt - fept ans , fut attaquée
le 6. Septembre 1726. d'un fommeil
lethargique , dont elle fut éveillée
par un vomitif , mais elle retomba dans
le même fommeil plufieurs fois jufqu'air
21. du même mois qu'elle eut des convulfions
au bras & à la tête , qui ont dure
jufqu'à prefent. Ces convulfions ne durent
qu'un inftant & font fuivies d'un
fommeil léthargique qui ne dure auffi
HI Foto
2974 MERCURE DE FRANCE;
1
qu'un inftant ; après le fommeil revien
nent les convulfions , & ainfi alternati
yement.
Ce Paroxime dure jufqu'à ce qu'on
ouvre la veine ; la veine ouverte , l'accident
fe paffe plus ou moins facilement ,
felon que la Malade arrête plus ou moins
de temps dans fon Paroxifme , c'eft - à- dire
qu'il faut plus de fang, & la Malade eft plus
long temps à revenir lorfqu'elle a reſté
long- temps dans fon Paroxifme , ou qu'il
a été plus violent .
On a donné dans le Mercure du mois
'd'Avril 1728. un Tarif des Saignées de
chaque jour , & qui montoient pour les
dix-huit premiers mois , à dix mille cent
quatre- vingt-dix - neuf Saignées. Le fang
que j'avois fait pefer , montoit à vingtune
livres , fix onces , fix gros . Je joins
ici un fecond Tarif des Saignées faites depuis
, jufqu'à ce jour premier Décembre
1729. & qui montent à ſeize mille trenteune
Saignées , & qui additionnées à celles
du premier Tarif, montent à vingt- fix
mille deux cens trente .
Ce nombre prodigieux de Saignées pa
roîtra peut-être un Paradoxe . Mais je prie
ceux qui penferont de la forte , de venir
vérifier le fait fur les lieux , & je fuis
fuadé qu'ayanr vû la Malade pendant deux
jours , ils ne douteront nullement de la
per.
2
3
S
+2
O
6
9
C
2
8
S
S
6
11. Vol.
certitude
1729. 1729 1729 .
Juin Juillet Août
25 23
I 18
27 2 17 17
35 3. 14
16 4
16
16 S 19
6 19
6 21
7. 22 7. 17
7 27
8 33
3446 7 .
16
4.
14
201
22
30
27
S 9. 25
9. 29
16
ΙΟ 17 10 20
ΤΟ
12
II 30
II 18 II IS
12 28 12 13
I 2 19
13
22. 13 20 13
14. 23
14 25
14
23
Is 25 IS 22 Is 23
16 2I 16
16 16 13
17 26 17 ∙19. 17 33
18 32
18
14 18 31
19 33 19. IS 12
20 21 20
27 20 17
21 19 2 I
13 25 17
22
20 22 35. 22 17
699
23 23.
24 25
2223 19 23
12
24
20
34
21
25 31 25 3,0 25 19
26
29 26 18 26 20
27.
18 27 29 27 30
28
17 28 17 28 Is
29 16 29 Is 29 17
30
22 30 12. 30
22
31 32 31 25
8 total 710
total 655 total 637
1729.
1749. 1729.
Septembre Octobre Novembre
20 I

19
25 2 23 2.
23 3
17
4.
12
20
S ΙΟ 12
6 19
7. ΙΟ
8 ΙΟ
1879
18
14 7
IS &
9 Ιρ 9 25.
I'm 61a
II
Is
3 9.
4.
20
21
14
16
12
ΤΟ 12 ΤΟ 9 10 II
II 9 II 16 II 19
12 20 โน
22 12 22
*13 17 13 24 13 25
14 9 14
19 14
12
Is 12 If
21 Is 35
16
22 16 27 16 14
17 25 17 30 17 32
18 24 18 II 18 26
19 19
19
13
19
16
2Q 16 20 26 20 20
2 I
13
21 16 21
25
22 14
2.2 17 22 26
23
18 23 IS 23
IS
24 19
24
13 24 IS
25. 25 25 25 25 44
26 17 26 21 26
ΙΟ
27 20 27
22 27
12
28
12 28 27 28
15
16
29 If 29 Is 29
༣༠.
14 30 16 30 13
3x 18
total T 498 total 516 total
Total des Totaux , 16031.
509
qui joints à
font
10199.
26230.
DECEMBRE . 1729. 2975
certitude de ce que j'avance. J'ai eu foin
d'obſerver qu'il falloit quelquefois très-
"peu de fang & que quelques goutes ſuffifoient.
En dix - huit mois de temps on a tiré à
la Malade , vingt - une livre , fix onces , fix
gros de fang , fuppofant , ce dont je ne
doute pas , pareille quantité de fang , tirée
chaque mois jufqu'à ce jour , cela monte
en trois ans trois mois , à quarante -fix livres
quatre onces deux gros.
A l'approche du Paroxisme , la Malade
ne reffent autre chofe qu'une douleur
violente de tenfion dans la tête , & voici
comme je le conçois : les efprits animaux
mis dans un mouvement très rapide par
un acide très-vif, caufent dans toute l'étenduë
du cerveau un embarras confideble
, les mêmes efprits cherchant à fe
faire jour , fortent en foule à peu près
comme le vent fort de l'Eolypile , en
gonflant extraordinairement les mufcles
des parties fuperieures , ils y procutent
les mouvemens de convulfions que
reffent la Malade ; ces efprits étant fortis
en foule, laiffent pour un inftant la fubftanee
du cerveau appauvrie d'efprits , &
dans cet inftant arrive le fommeil. Ces
mêmes efprits étant de nouveau mis en
mouvement par la même caufe , donnent
lieu aux mêmes convulfions , & ainfi alternativement.
A vj Ce
2976 MERCURE DE FRANCE .
Ce mouvement tapide & déreglé , ne
fçauroit le faire fans rarefier confidérableblement
les Liquides & étendre les Solides
, & c'est ce qui fait que la Malade
fent une tenfion douloureufe dans le
temps de l'approche du Paroxifme.
Elle a eu depuis le Mercure d'Avril 1728
quatre attaques de Catalepfie , maladie que
J'ai décrite dans le même Mercure , &
M. Blondeau étant fur les lieux , a été
témoin d'une de ces attaques.
La Malade a eu deux Enfans pendant
fa maladie , l'un au mois de Juin 1728.
& l'autre au mois de Juillet 1729. Ces
deux enfans, qui étoient deux filles , n'ont
vécu chacune que trente- fix heures , pas
une minute de plus ou de moins l'une que
l'autre.
Dans le temps que l'accès doit être long
& violent , la Malade a l'imagination
quelquefois dérangée , & cela dure jufqu'à
ce que le Paroxifme arrive , lequel
eft diffipé par la faignée , remede ordinaire
, & le dérangement de l'imagination
fe diffipe auffi.
La Malade eft quelquefois , fans perdre
connoiffance , attaquée d'une difficulté de
refpirer très- preffante , avec convulfions
des mufcles de la tête & du col , dont elleeft
auffi délivrée par la faignée.
Elle fut attaquée de Paralifie fur les
II.. Vol.
deux :
DECEMBRE. 1729 2977
deux bras le 10. Juillet 1728. & cette
Paralife finit au bout de huit jours par
des remedes affez fimples .
C'eft fur cette maladie nouvelle & extraordinaire
, & à laquelle le fieur Theve
neau donne le nom de Spafmadifoporeufe,
qu'il implore le fecours des habiles Medecins
& de ceux qui pourront procurer
à la Malade la fatisfaction d'être ou foulagée
ou examinée ; la dépenfe qu'on peut
employer pour cela , outre qu'elle eft un
motif de charité , eft encore digne des
attentions d'un Etat auffi policé & auffi
éclairé qu'eft le Royaume de France
dont il ne peut refter qu'un monument
authentique & glorieux à la Pofterité; fans
parler d'un defir extrême qu'a le fieur
Theveneau d'être inftruit & éclairci furun
fait fi extraordinaire. Je fuis , &c.
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE
MU
DAUPHIN
STANCES.
Ufes , qu'à nos accens vos douces voix
`s'uniflent :
Par les plus tendres fons exprimons nos tranf
ports.
Il Volo Que
2
2978 MERCURE DE FRANCE.

Que dans un fi beau jour ces rives retentiffent
De nos communs accords .
Un Prince vient de naître : ah ! que fur fon
vifage
Le Ciel a répandu de douceur & d'amour!
Déja fes yeux , fa bouche , en lui tout nous
préfage ,
Ce qu'il doit être un jour.
L'alegreffe en tous lieux brille par mille
fêtes :
Pour ce Heros naiffant que de voeux font forinez
!
Les Peuples vont le voir , de fleurs ceignent
leurs têtes ,
Et reviennent charmez.
Les Plaifirs & les Jeux abandonnant Cythere,
Volent pour rendre homage à leur Maître nouveau
,
Et ſe rangent en foule , empreffez de lui plaire,
Autour de fon berceau,
La volupté croyoit l'attirer far fes traces:
Mais cet aveugle eſpoir eft pour jamais déçú ;
De fa mere, à l'envi , les Vertus & les Graces,
Dans leurs bras l'ont reçû..
II. Vol.
La
DECEMBRE. 1719. 2979
La Pureté le fert , la Pieté l'alaite :
Toutes lui confacrant leurs foins & leurs fecours
,
Lui montrent une ardeur tendrement inquiete ,
Et veillent fur les jours.
Par fes ris il commence à connoître fa Merea
Qu'elle fent de tranfport dans fon fein genes
reux !
Elle trouve en te Fils l'image de fon Pere ,
Et l'objet de fes voeux.
Cette Reine livrée à l'amour qui l'inſpire ,
Formera de ce Fils & l'efprit & les moeurs ,
Et l'inftruira dans l'art de s'aquerir l'empire
Qu'elle a fur tous les coeurs.
De l'enfance bientôt paffant à la jeuneffe ,
Les dons que dans Louis chériffent ſes Sujets,
Lui feront difpenfez des mains de la Sageffe ,
Qui conduit fes projets.
Il apprendra qu'un Roi met le comble à fa
gloire ,
Quand il n'a d'autre but , en armant fes Guerriers
,
Que d'affurer la Paix ; dût même la Victoire ,
Le couvrir de Lauriers.
II. Vol. Dès
2989 MERCURE DE FRANCE.
Dès qu'il montre pour elle un amour veritable
,
Il défarme l'envie , il s'ouvre tous les coeurs ;
Ainfi que les vaincus , à ce Juge équitable ,
Recourent les vainqueurs.
Qu'il eft beau de fe voir l'Arbitre de la
Terre ,
De tenir la balance entre les Potentats ,
De regler , en donnant ou la paix ou la guerre,
Le deftin des Etats.
Ce qu'un fougueux torrent , fameux par fes
ravages',
Eft auprès d'un grand Fleuve au cours majeftueux
,
Qui porte l'abondance , & rend de fès Rivages
Les Habitans heureux ;
Tel eft un Roi fuperbe , avide de conquêtes ,
Auprès d'un fage Roi qui fait fleurir la paix s
L'un répand la tetreur : l'autre au milieu des
Fêtes ,
Voit benir les bienfaits.
Croiffez , venez remplir vos grandes def
tinées ,
Prince , ainfi que Louis , défarmez les jaloux,
1-1 Voly
Que
DECEMBRE. 1729. 2981
Que fur les vices feuls , dans vos belles an
nées ,
Puiffent tomber vos coups.
Quels Titans oferoient braver votre courage
!
Non, l'Univers pour vous , n'aura point d'ennemis
;
D'une éternelle paix n'êtes - vous pas le gage
Et le Fils de Louis.
24
Des bonheurs dont fa vie eft par le Ciel
comblée ,
Pour fon peuple & pour lui le plus flateur de
tous,
Prince, aux yeux attentifs de l'Europe affem
blée ,
C'eſt de renaître en vous.
Le Chevalier de S. DISDIER.
htt
REMARQUES envoyées d'Auxerre
fur les Spectacles que les Ecclefiaftiques
ou les Religieux donnoient
anciennement au Public hors le temps
de l'Office
LE
E dernier volume des Memoires de ' .
Litterature & d'Hiftoire , qui a paru,
renferme deux differentes Pieces qui m'ont
II. Vol. fais
2982 MERCURE DE FRANCE .
fait reffouvenir de la promeffe que je vous
ai faite il y a long -temps, de vous envoyer
un effai des Tragedies ou Comedies qu'on
réprefentoit anciennement dans les Eglifes
ou dans les Monafteres. La lecture que
j'ai faite du Chapitre que M. l'Abbé d'Aubignac
a ajoûté à fa pratique du Théatre,
& qui eft imprimé dans ce Volume , depuis
la page 10. jufqu'à la page 226.
m'a rappellé non- feulenient ce que j'ay
lu dans nos Regiftres & dans les Comptes
de la Ville , mais encore ce qui fe
trouve dans un Manuferit fingulier en ce
genre .
On jouoit ici comme en d'autres Villes
'Hiftoire de la Vie & de la Paffion de
Notre Seigneur : dans le quinziéme fięcle
& dans le fuivant cela s'appelloit jouer les
Myfteres ; & delà vint que lorsqu'on
reprefentoit la Vie d'un Saint fur le Théatre
, on difoit pareillement , jouer le Myftere
d'un tel Saint. C'étoit , par exemple,
chez nous l'ufage de dire le Myftere de
5. Germain fera joüé un tel jour ; & en
effet il fut joué ici dans l'Eglife des Cordeliers
l'an 1452. aux Fêtes de la Pentecôte
, en prefence de toute la Ville.

A faint Quentin en Picardie , jouer le
Myltere de S. Quentin , n'étoit autre chofe
que réprefenter le martyre de ce Saint ,
par le moyen de differens Acteurs . Hé-
11. Vol. meré
DÉCEMBRE. 1729. 298 3
meré en parle dans fon Augusta-Veromanduorum.
Jouer , comme chacun voit ,
ne fignifie là autre chofe que réprefenter.
Delà vient que dans l'Edition de la Tragédie
de la Paffion , donnée au Public
l'an 1539. laquelle contient les Additions
faites par très - éloquent & fcientifi
que Docteur , Maître Jehan - Michel , on
lit au titre du Livre ces paroles naïves :
lequel Mystere fut joué à Angers moult
triumphamment, & dernierement à Paris.
Cette Edition , que je ne crois pas fort
commune , commence par ces deux Vers :
Ifaye a écrit ce titre , En fon quarantiémé
Chapitre : & elle finit par une magnifique
Defcription de la précaution que les
Juifs prirent de mettre des Gardes au
Tombeau de Notre Seigneur. Je comp
tois de vous donner fimplement un échantillon
du ftyle de l'Ouvrage , fans autre
façon que de le prendre à l'ouverture du
Livre , après vous en avoir indiqué le
commencement & la fin ; mais fans qu'il
foit néceffaire de rétrograder , je trouve
au dernier feuillet dont je viens de parler,
de quoi arrêter le jugement que vous
pouvez porter de ce Livre .
Comme dans cet Ouvrage il n'y a point
d'Acteur qui n'ait fon nom particulier ,
les deux Gardes du Sépulcre ont chacun
le leur l'un s'appelle Marchantonne &
Pautre
:
II. Vol.
1984 MERCURE DE FRANGE.
Pautre Rubion . Voici en quels termes
Marchantonne affure à Caïphe & aux
autres Juifs qu'il aura très - grand foin que
le Corps du Crucifié ne foit pas dérobé.
Meſſeigneurs ,
Nous promettons fur nos honneurs ,
De veiller fi bien nuit & jour ,
Et d'y faire fi bon féjour ,
Que nous vous répondrons du corps ,
Pourvûque foyons les plus forts :
Ou ily en aura de torchez.
Rubion ajoûte :
Je fois pendu ou efcorché ,
S'il en approche chien ou chat ,
Si je ne l'affomme tout plat ,
Du premier coup fans marchander
Et puis m'en vienne demander ,
De fes nouvelles qui voudra
Si vous avez le Livre où font contenues
de fi belles chofes , il vous fera facile d'y
trouver maintes expreffions auffi naïves
que celles que je viens de rapporter ;
mais dans l'Edition de 1539. rien ne
diftingue ce qui eft de la premiere main
d'avec ce qui eft de Maître Jehan Michel.
Il auroit été cependant utile ou cu
rieux de démêler d'avec le refte les productions
de ce Docteur.
IL. Vol Ce
DECEMBRE . 1729. 2985
T
Ce n'eft point un homme entierement
indifferent , puifqu'on remarqua en lui
tant de pieté & de fcience , qu'il fut fair
Evêque d'Angers. Il mourut en odeur
de fainteté l'an 1447. & le Chapitre
d'Angers fit même quelques pourfuites
pour fa Canonifation . Il étoit natif de
Beauvais. Ce feroit peut- être de fa plume
que feroit fortie une Comédie qui eft un
Dialogue entre Dieu , l'homme & le
Diable , qu'un Manufcrit de S. Victor de
Paris , cotté 88o . dit avoir été joüée l'an
1426. à Paris au College de Navarre.
Je ne connois aucun endroit où la coûtume
ait perfeveré de réprefenter la Paſfion
de Notre Seigneur , felon ce vieux
langage , & d'y mêler mille circonftances
& dialogues qu'on ne trouve point ni
dans l'Ecriture Sainte ni dans la Tradition .
On a ceffé même ,
communément parlant ,
de réprefenter les Vies ou le Martyre des
Saints , comme on le faifoit anciennement
.
De ma
connoiffance il n'y a plus de nos
côtez que la réprefentation de la Vie &
du Martyre de Sainte Reine , qui fe fair
à la Proceffion du 7. de Septembre dans
le Bourg de fon nom , Bourg celebre
comme vous fçavez , par les Eaux Minerales
; mais c'eft un Spectacle où il y
a plus d'action
que de paroles
, & auquel
II. Vol.
les
2986 MERCURE DE FRANCE.
des yeux prennent plus de part que les
oreilles & peut- être même que peu à
peu ces veftiges de l'ancienne repréfentation
de la Tragédie de Sainte Reine
difparoîtront entierement de la cérémonie,
quoique le tout enſemble ferve admi
rablement à attirer chaque année en ce
lieu des milliers de Pellerins.
" On conferve dans la Bibliotheque de
' Abbaye de S. Benoît fur Loire , un Manufcrit
du treíziéme fiécle qui contient
un grand nombre de ces anciennes repréfentations
. Je doute qu'on en trouve
en France d'auffi anciennes en langage
François ces efpeces de Tragédies font
écrites en rimes latines ; & ce qu'il y a de
plus particulier , c'eft que la rimaille eft
notée en Plain - Chant comme les anciennes
Profes. Je voulois tirer au hazard
une de ces anciennes productions pour
vous donner une idée de cette grotesque
& gothique compofition . Mais la remarque
que j'ai lûë fur la Legende de faint
Nicolas dans le Volume des Mémoires de
Litterature , cy - deffus cité , m'a fait prendre
le parti de vous envoyer l'une des
quatre qui font fur la Vie de ce Saint
Evêque.
Molanus , Docteur de Louvain , eft fort
embarraffé dans fon Traité des Images
de dire pourquoi l'on reprefente auprès
II. Vol. de
DECEMBRE. 1729. 2987
?
de S. Nicolas une Cuvette d'où fortent
trois jeunes gens. Il ne fçait fi c'eft une
figure des perlonnes injuftement condamnées
à la mort , que S. Nicolas délivra
felon que l'a dit Euftathius avant Méraphrafte
; ou fi c'eft une repréfentation
mal formée des trois pauvres filles qu'il
dota ; ou enfin fi ce n'eft point pour figurer
les trois enfans qu'une femme avoit
taillez en pieces & mis dans un faloir
& qui furent reffufcitez par le faint Evêque.
La Profe ou Profule , faite au fujet
de ce Saint , ne parle que d'un enfant qui
étoit en péril fur la Mer , & non pas de
trois , Vas in mari merfum patri redditur
cum filio . Molanus ne fçachant à quoi ſe
déterminer fur l'origine de cette Peinture ,
dit qu'il vaudroit mieux repréfenter faint
Nicolas comme on fait à prefent à Rome &
en Italie,c'eft à- dire lui mettre fimplement
une Croffe dans une main & dans l'autre
fon Livre , & fur ce Livre trois maffes
d'or ou efpeces de pommes d'or , en memoire
de l'or dont il fe fervit pour empêcher
la chute de trois pauvres filles . Car,
dit- il , plus anciennement les Italiens réprefentoient
encore S. Nicolas , dans une
autre maniere ; c'eſt - à- dire qu'ils fe contentoient
de le repréfenter fans Mitre
pour le faire diftinguer parmi les autres
Evêques. Cela étoit fondé , ajoûte- t-il ,
fur une vieille Tradition, OF
2988 MERCURE DE FRANCE .
On racontoit de ce Saint , qu'étant au̟
Concile de Nicée , un jour qu'il fentit fon
zele enflammé plus qu'à l'ordinaire , il
s'approcha d'un Arien , & lui donna vigoureufement
fur la joue ; ce qui fit que
le Concile le priva de l'ufage de la Mitre
& du Pallium , pour avoir ainfi violé les
Préceptes de S. Paul, qui dit, non percufforem.
C'eft delà qu'étoit venue aux Peintres
d'Italie , l'idée de ne point donner
de Mitre à S. Nicolas , idée dont ils font
revenus dans ces derniers temps .
Mais il femble que Molanus n'auroit
pas dû hefiter à dire que la repréſentation
des trois jeunes gens tout nuds auprès de
ce Saint , vient de ce que fouvent on repréfentoit
au Public réellement & fur le
Théatre , l'Hiftoire de la Refurrection des
trois jeunes gens, qui fut faite par le faint
Prélat ; il étoit naturel qu'ils figuraffent
enfuite les chofes comme ils les avoient
vi repréfenter fur le Théatre. Les Traditions
populaires avoient un peu varié
là - deffus , puifqu'en certains pays on difoit
que c'étoient trois enfans dont les
chairs avoient été taillées en morceaux &
falées.
Voici comment le Manufcrit de S. Benoît
rapporte le fait. Ces jeunes gens font
des Ecoliers que le Manufcrit appelle du
nom de Clercs , car autrefois l'étude &
11. Vol
la
DECEMBRE . 1729. 2985
la fcience s'appelloient Clergie , & les
Etudians ou Sçavans étoient appellez
Gleres , parce qu'il n'y avoit gueres que
le Clergé & les Moines qui étudiaffent , &
qui fuftent en état d'enfeigner les autres.
Ces trois Ecoliers ou Clers qui alloient
fe rendre pour la premiere fois dans quelque
Univerfité , étant furpris par la nuit ,
-demanderent à loger à un vieux Aubergifte
qui-le trouva fur leur route. Ce -Vieillard
de mauvaiſe humeur , faiſant de la
difficulté , ils s'adrefferent à l'Hôteffe
qui n'étoit pas moins âgée , l'affurant que
fi elle pouvoit obtenir de fon mari qu'il
leur donnât le couvert , peut- être Dieu ,
en récompenfe , permettroit qu'elle mit
un fils au monde. La femme , plus polie
que fon mari , en fit fon affaire . Les trois
Ecoliers furent retenus au logis. Ils y
Louperent & y furent couchez . C'eft fur
quoi le Rimailleur n'entre dans aucun
détail .
Mais voici bien une autre Scene qu'il
fait paroître. Les jeunes Ecoliers étoient
dans leur premier fomne , & ils n'avoient
pas eu la précaution de fermer fur eux la
porte de leur chambre : le vieux Aubergifte
y entre , il prend leurs facs ou leurs
befaces, les vient montrer à fa femme, en
lui diſant qu'il n'y auroit pas grandˇmaḥ
à s'approprier l'argent qui y étoit ren
II. Vol₂ B fermé
2090 MERCURE DE FRANCE..
fermé. La femme y confent , & ne trouve
point d'autre expedient pour relever leur
fortune que de leur faire couper le cou
à tous trois par fon mari. C'eft une action
qui s'operoit derriere la Toile du
Théatre. Le Profateur ou Rimailleur continue
, & fair paroître enfuite à la porte :
de la même Auberge Monfieur S. Nicolas,
qui demande à loger , ne pouvant paffer
outre à caufe qu'il étoit trop fatigué,
L'Aubergifte ne voulant rien rifquer fans
l'avis de fa femme , lui demande ce qu'il ,
fera. Nicolas , ſur ſon air d'honnête hom- .
me , eft reçû d'un commun accord , & il
prend fon gîte dans ce lieu, Le Maîtres
de l'Auberge lui propofe quantité de mets
differens pour fon fouper ; le Saint dit
qu'il ne lui faut rien de tout cela , mais
qu'il fouhaiteroit bien avoir de la chair
fraîche. Le vieux Reitre de Cabaretier
Pour de la viande, dit - il,je vous la donne
rai telle que je l'ai, car de lafraîche je n'en
ai pas un morceau . Ab ! pour le coup , die
S. Nicolas , voila le dernier mensonge que
vous avez fait de la journée. Car pour de.
la chair fraîche, je fai que vous en avez
àfoifon ; Ab ! ... que l'argent fait faire de
chofes . Auffi-tôt l'Hôte & l'Hôteffe fe
reconnoiffant à ce portrait , fe profternent
aux pieds du Saint , avouent leur
crime , & prient S. Nicolas de leur obte-

II. Vol. nig
DECEMBRE. 1729. 1997
nir le pardon. Le faint Evêque le fait apporter
les trois corps , & ordonne aux
Meurtriers de fe mettre en pénitence. Lui
de fon côté fe inet en prieres , & demande
à Dieu de les reffufciter. Ils reffufcitent
& on chante le Te Deum.
Voilà , Monfieur , le précis de la Tra
gedie , qui peut fuffire pour que tout le
monde juge du génie de l'Auteur : il faut
à prefent vous rapporter la Piece entiere
qui n'eft pas longue , afin que vous en
connoiffiez le ftyle. Cette Piece eft de la
mefure de quelques anciennes Profes ,
comme le Languentibus in Purgatorio ;
elle eft notée en Plain- Chant fyllabique,
& , prife totalement , elle eft du premier
ton , pour amener naturellement & tour
de fuite le Cantique Te Deum , qui com.
mence mi fol- la. Ne doutez point , je
vous prie , qu'on ne chantât en déclamang
& en gefticulant..
Primus Clericus.
Nos quos caufa difcendi litteras ,
Apudgentes tranfmifit cateras ,
Dum fol adhuc extendit radium ,
Perquiramus nobis hofpitium.
Secundus Clericus.A
Jam fol equos tenet in littore ,
Quos ad pifoes merget fub aquore,
FI. Vol. Bi Nec
2991 MERCURE DE FRANCE,
(
Nec eft nota nobis hac patria :
Ergo quari debent hofpitia.
Tertius Clericus.
Senem quemdam maturum moribusą
Hic habemus coram luminibus ,
Forfan noftris
compulfus precibus ,
Erit hofpes nobis hofpitibus.
Simul omnes ad Senem dicunt .
Hofpes care , querendo ftudia
Huc relicta venimus patrias ,
Nobis ergo praftes hofpitium
Dum durabit hoc noctis fpatium
Senex .
Hofpitetur vos factor omnium ;
Nam non dabo vobis hoſpitium i
Nam nec mea in học utilitas ,
Nec eft ad hoc , nec opportunitaș,
Clerici ad vetulam.
Per te cara, fit impetrabile ,
Quod rogamus, &fi non utile s
Forfanpropter hoc beneficium
Vobis Deus donabit puerum.
Mulier ad Senem .
Nos his dare , conjux hoſpitium .
Qui fic vagant quarendo ftudium i
II. Kob
Sola
DECEMBRE 1729: ÷ 2991
Sola faltem compellat charitas i
Nec eft dampnum nec eft utilitasi
Senex .
6
Acquiefcam tuo confilio ,
Et dignabor iftos hofpitio.
2
Senex ad Clericos.
Accedatis Scolares igitur 3
Quod rogaftis vobis conceditur.
311 212
Senex , Clericis dormientibus.
Nonne vides quanta marſupia ?
Eft in illis argenti copia.
Hac à nobis abfque infamia ;
Poffideri poffet pecunia.
1
Vetula.
Paupertatis onus fuftulimas ,
Mimarite , quandiu viximus 1
Hos fi morti donare volumus
Paupertatem vitare poffumus
Evagines ergo jam gladium ;
Namque potes morte jacentium ;
Effe dives quandiu vixeris ;
G
Atque fciet nemo quod feceris;
Nicholaus.
Peregrinus feffus itineres
2011. Vol. B iij
Ultra
2994 MERCURE DE FRANCE.
Ultra modò non poffum tenderes .
Hujus ergo per noctis fpatium ,
Mihi praftes , precor , hofpitium.
Senex ad mulierem
An dignabor iftum hofpitio ,
Cara conjux , tuo confilio ?
Vetula.
Hunc perfona commendat nimium
Et eft dignus ut des hospitium.
Senex .
Peregrine , accede propius ,
Vir videris nimis egregius :
Si vis dabo tibi comedere
Quidquid voles tentabo quarere.
Nicholaus ad menfam.
Nichil ex his poffum comedere
Carnem vellem recentem ed ere.
Senex. <
Dabo tibi carnem quam habeo ;
Namque carne recente careo.
Nicholaus.
Nunc dixifti planè mendacium
Carnem habes récentem nimiùm :
Et hanc habes magna nequitia ,
Quam madari fecit pecunia.
Senex
11. Vol.
DECEMBRE. 1729. ' 2995
Senex & mulier.
Miferere noftri , te petimus ,
Nam te fanctum Dei cognofcimus .
Noftrum fcelus abominabile i
Non eft tamen incondonabile.
Nicholaus
Mortuorum afferte corpora ;
Et contrita fint veftra pectorá¿
Hi refurgent per Dei gratiam ,
Et vos flendo quaratis veniam.
Orationes Nicholai.
Pie Deus , cujus funt omnia.
Calum tellus aër & maria ,
Ut refurgant ifti pracipias ;
Et hos ad te clamantes audias.
Et poft omnis Choris dicat : Te
Deum laudamus.
Ce 6. Decembre 1728.
11. Vol.
B iiij TROI1996
MERCURE DE FRANCE
*******************
TROISIEME Lettre de M. Cappe
ron, Ancien Doyen de S. Maxent , écrite
à M¹. A... M ... fur les Sels contenus
dans l'Air , & fur fa methode de
découvrir ces mêmes Sels , & juger do
beurs effets par rapport à la fante
MONOSNSIIEUR ,
Après avoir remarqué que les Sels
répandus dans l'Air font de fortes impreffions
fur nos corps , qu'ils y cauſent
fouvent de grandes alterations , & qu'ils
dérangent extrêmement la fanté ; je vous
ai mandé de quelle efpece font les Sels
que j'ai découverts dans l'Air , quels font
les fâcheux effets qu'ils doivent naturellement
produire , & ce que je crois qu'il
convient de faire pour s'en garantir. Je
vais aujourd'hui vous donner une parfaite
connoiffance de ma maniere d'operer
dans cette découverte , afin que vous
puiffiez juftifier vous- même ce que je
vous ai avancé fur les differentes Figures
de ces Sels que je vous ai envoyées , *
vous aurez le plaifir de les voir , de les
*
* Voyez le Mercure du mois de Mars , p . 41 2
11. Vol. connoître ,
DECEMBRE: 爨
1729 2997
connoître , & de faire vous -même des
obfervations fur cette matiere , afin de
perfectionner de plus en plus cette découverte
.
me ,
Avant que d'entrer dans la defcription
de ma methode , je crois qu'il eſt ne •
ceffaire de vous marquer par quel moyen
l'Air fe trouve , fouvent rempli de differens
Sels ; car ce n'eft pas par lui- mê-
& de fa nature qu'il contient des
Sels : c'est un Element qui eft pur dès
fon origine , fimple , & fans aucun mélange
de Corps Etrangers , tels que font
les Sels , lefquels appartiennent uniquement
à la Terre ; parce que tous les Sels
participans de la Terre , en font une portion
délicate , formée en elle - même comme
les Pierres & tous les Mineraux , lefquels
y refteroient toujours adherans par
eux-mêmes , fi rien ne les en détachoit ; car
formez d'une fubftance folide & plus ou
moins péfante , ils ne pourroient pas
s'élever dans l'Air , fi quelqu'autre Corps.
plus facile à s'y élever ne les y tranfportoit.
>
Oui , Monfieur , & l'eau feule fair
cette operation , par la délicateffe &
l'agitation continuelle de fes parties
ayant toute la facilité poffible de s'intro
duire dans les Pores des Sels contenus
dans la Terre , & de défunir les parties
II. Vol. Bv qui
2998 MERCURE DE FRANCE.
qui les compofent , elle fe les incors
pore
tellement par la diffolution qu'elle
en fait , que venant enfuite à s'évaporer
dans l'Air en forme de petits Globules
par la chaleur du Soleil ou autrement
elle les y tranfporte avec elle la pe
titeffe du volume de ces parties des Sels
par rapport aux Globules d'eau qui les
envelopent , ne pouvant mettre d'obfta
cle à leur enlevement.
Les Sels ainfi enlevez dans l'Air par
les vapeurs qui s'exhalent de la Terre ,
n'y fubfiftent donc qu'autant qu'ils y font
renfermez dans les petits Globules d'eau
qui forment ces vapeurs , & ces Globules,
quoique compofez d'eau , de quelques
petites parties de Sels , même de quel
que peu de terre , font d'une telle pe
titeffe , qu'ils reftent toujours imper
ceptibles à la vûë , tant qu'ils voltigent
dans l'Air , & qu'ils y font confiderablement
feparez les uns des autres . C'eſt
de là , Monfieur , que l'évaporation de
l'eau eft fouvent imperceptible , & que
l'Air ne laiffe pas quelquefois de paroître
trés pur , quoiqu'il y ait toujours quelques
vapeurs mêlées , lefquelles ne deviennent
vifibles que quand les petits
Globules qui les compofent , après avoir
été difperfez , viennent à fe raprocher
les uns des autres en grand nombre s
11. Vol. car
DECEMBRE. 1729. 2999
ils
car alors ils forment les nuages , ou les
brouillards , & s'ils fe raprochent juf
qu'à le réunir plufieurs enfemble
forment alors des Globules d'un plus
gros volume , qui retombent , ou en
pluye , ou en rofée , & quelquefois en
grêle & en neige .
Lorsqu'on fouhaitte donc , Monfieur ,
de voir les Sels qui ont été tranfportez
de la Terre dans l'Air , il ne faut pas
s'imaginer qu'on puiffe jamais les y
appercevoir avec les plus excellens Microſcopes
, tandis qu'ils y font difperfez
& qu'ils y voltigent en mille manieres
differentes. L'unique moyen de réuffir
dans cette operation , confiſte à ramaffer
les vapeurs qui les contiennent , lorfque
condenfées elles retombent , ou en
pluye , ou en rofée , ou en brouillard ,
ou en grêle , ou en neige : car c'eſt
alors qu'elles rapportent à la Terre les
Sels qu'elles lui avoient enlevez.
>
2
Commé ces Sels fe trouvent ramaffez
dans l'eau formée par cette condenſation ,
il est très facile de les voir , & de les
diftinguer , leur donnant lieu de fe réunir
en un volume fuffifant par une parfaite
criftalifation : parce que tous les
Sels prenant chacun la figure qui leur eſt
fpecifique , lorfqu'ils fe criftalifent , il s'enfuit
que dès le moment qu'on peut faire
II.Vol. B vj criſtalifer
3000 MERCURE DE FRANCE .
·là
criftalifer les Sels qui font contenus dans
les eaux de pluye , de rofée , de brouillard
, de neige , & de grele , on on a par
un moyen für , de voir & de connoî
tre ceux qui font renfermez dans les
vapeurs , & répandus dans l'Air. Je me
propofe , Monfieur , de vous faire connoître
dans une Lettre particuliere que! -
le eft la figure fpecifique des Sels les
plus connus , ce qui fervira à mieux
diftinguer les differens Sels de l'Air .
Pour operer dans la Criftalifation dont
je viens de vous parler ; voici , Monfieur,
la méthode dont je me fers. Je place dans
le milieu d'un Jardin un Trépied fuffifamment
élevé , fur lequel je pofe un plat de
fayence , affez grand & affez large pour '
recevoir ou l'eau de la pluye , ou celle de
la rofée , des brouillards , ou la neige , ou
la grêle , afin que faifant enfuite criftalifer
les fels qui font dans ces eaux , on puiffet
aifément voir leurs figures. J'ai pour cet
effet plufieurs petits verres taillez en rond ,
à peu prés de la grandeur des verres de lu
nettes communes , que je choisis les plus
nets , ( qu'il eft poffible , ) les plus polis ,
enforte qu'il n'y ait aucunes balles ; car
c'eft fur ces verres que les fels doivent ſe
criftalifer & voici comment. Je frotte
d'abord avec le pouce graiffé de fuif , la
circonference du verre , en forte qu'il y
11. Vol.
air
DECEMBRE. 1729. 3000
ait autour de fa fuperficie environ la lar
geur d'une ligne marquée de fuif. Pofant
enfuite ce verre fur une table ou autre cho
fe qui foit de niveau , je verfe deffus autant
de l'une de ces eaux qu'il en peut contenir
fans qu'il s'en répande , la trace du fuif
qui eft fur les bords l'en empêchant . Laiffant
enfuite le tout à l'ombre , hors du
grand air , comme dans une chambre , ou
autre lieu femblable , je l'y laiffe jufqu'à ce
que l'eau foit diffipée , & c'eft alors que
je trouve les fels qui étoient contenus dans
cette eau parfaitement criftalifez fur le
verre, avec la figure qui leur eft fpécifique.
Mais comme ces fels ainfi criſtalifez
font pour l'ordinaire fi petits qu'il eft prefque
impoffible , ou de les voir , ou de remarquer
avec les yeux , quelle eft précifément
leur figure ; pour examiner à mon
aife , j'ai deux microfcopes , tous deux.
montez de la maniere fuivante . Ce font
deux efpeces de petites palettes percées à
jour d'un trou rond , tant foit peu moins ,
grand que les verres qu'on y doit pofer
& dont je viens de vous parler. Autour
de ce trou , il y a quatre petites pointes de
fil d'archal recourbées pour y faire couler
le verre , & le tenir par ce moyen arrêté à
ce trou. Je mets fur le haut une cinquième ,
pointe également recourbée , mais mobile,
afin que le verre étant entré dans les qua-
11. Vol.
F002 MERCURE DE FRANCE .
tre premieres , on puiffe en la tournant ar
Fêter encore mieux le verre. C'eſt ſur ces
efpeces de palettes , Monfieur , que je po
fe ce qui eft proprement le Microſcope ,
c'eſt à - dire , qu'il y a fur chacune une lentille
propre à groffir les objets , laquelle eft
ajustée & attachée au centre d'un petit
Fond de bois formé autour , tant foit peu
concave, lequel correfpond au trou des palettes
, par le moyen d'un fil de fer qui y
eft attaché par un bout , pendant qu'il entre
par l'autre qui eft recourbé , dans un
trou fait au manche de la palette , où il eft
mobile , dans lequel on peut l'enfoncer
plus ou moins, afin de pouvoir approcher,
autant qu'on le juge à propos ,la lentille du
verre fur lefquels font les fels , pour les
bien voir & pour faire parcourir à la lentille
toute la largeur du verre , en tournant à
volonté cette petite machine.
Je vous ai marqué , Monfieur , que je
me fervois de deux microſcopes,, tous deux
à la verité , montez de la même maniere ,
mais néanmoins differens, en ce que la lentille
du premier a environ douze ou treize
lignes de foyer , laquelle fert particuliérement
lorfqu'on veut voir ce qui eft fur le
verre dans toute fon étendue , & obferver
quel eft l'arrangement general que les fels
yont pris. Ce qui eft principalement utile
lorfqu'on veut en tirer le deffein ,
II. Vol
Le
DECEMBRE. 1729 3008
La lentille du fecond eft differente , en
ce qu'elle n'a qu'environ deux lignes de
foyer; auffi groffit - elle les objets beaucoup
dayantage. Lorfqu'on veut donc voir
exactement quelle eft la figure des fels ,
c'eſt à ce fecond microfcope qu'il faut
tranfporter leverre pour les regarder avec
cette lentille ; vous jugez bien , Monfieur ,
que pour voir aifément ces fels , il eft néceffaire
de tourner la furface du verre vers le
jour , fouvent même on les voit beaucoup
mieux à la lumiere d'une bougie ; & pour
voir tout ce qu'il y a de fels, il eft à propos
de faire changer de fituation au verre.
Voilà , Monfieur , de quelle maniere
font compofez les deux microſcopes avec.
lefquels je découvre quelle eft la figure de
tous les fels. Telle eft auffi ma méthode
pour connoître les fels qui font dans l'air.
C'est une carriere que j'aiouverte , où j'eſpere
que d'autres iront beaucoup plus loin
queje n'ai fait. Car fi l'examen journalier
de la pefanteur de l'air , & de la quantité
de pluye qui tombe , ont merité l'attention
des perfonnes les plus diftinguées par leurs
lumieres , & par la place qu'ils occupent,
conviendra- t il moins de faire une pareille
étude des differens fels qui peuvent fe trou
ver dans l'air ? J'efpere même , que com.
me on ne peut pas avoir, quand on veut,
les eaux de pluye , de rofée , &c. pour y
II. Vol. voir 1
3664 MERCURE DE FRANCE
L

voir les fels qu'elles renferment , on pour
ra peut- être découvrir le moyen de ramaffer
en tel tems qu'on voudra , & principa
lement la nuit , l'humidité de l'air. C'eftà-
dire , l'eau des vapeurs qui y font contenues
, car vous fçavez qu'il y en a toû
jours . On le remarque affez ſouvent par les
effets qu'elles operent fur les Hygrometres
& fur le fel de tartre , lequel étant expolé
à l'air , fe charge tellement de l'eau de ces
vapeurs , que l'efpece d'huille qui refulté
de ce fel fondu, pefe beaucoup plus qu'avant
qu'on l'y eut expofé .
Il ne paroît donc , Monfieur , qu'on
pourroit tirer un grand avantage de cette
découverte ; fi non-feulement on obfer
voit réguliérement pendant quelques an
nées confécutives quelles fortes de fels fe
feroient trouvez dans l'air ; mais fi de plus
on faifoit de femblables obfervations en
differentes contrées dans le même tems ;
& qu'obfervant ces fels , on en tirât chaque
fois le deffein fur le papier , ainfi que
J'ai fait depuis que je les obferve ; car comparant
enfuite ces obfervations les unes
avec les autres , on découvriroit aisément
par ce moyen , s'il regnoit quelque mala
die , foit en certains lieux , ou en certains
tems , ou enfin fur certains animaux
quelle en feroit la caufe ; on fçauroit pour
quoi certains lieux font fains , & d'autres
1 I. Vola
no
DECEMBRE. 1719. 3005
he le font pas , quels font les fels qui produifent
ces mauvais effets,foit par eux mêmes
, foit par leurs différens mélanges ; &
par là on pourroit avoir une connoiffance
très- claire de l'alteration de l'air , que le
fameux Sindenham dit être fi peu connue ,
& qu'il avoue néanmoins être l'unique
caufe des maladies qu'il appelle locales &
nationales , ce qui pourroit donner un
grand jour pour découvrir les préfervatifs
convenables à dé fi facheux effets , & même
les remédes fpécifiques pout en être
gueri , fi on s'en trouvoit attaqué . J'ai
Phonneur d'être , Monfieuf , Votre , & c .
A Eu , ce Is. Octobre 1728 .
XXXXXXXX XXXXXX : X
LA CHARITE ROMAINE
POEM E.
Tiré de Valere Maxime.
Ous qui fçavez fi bien imiter la Nature ,
Rivale enfemble & Soeur de l'aimable
peinture ;
Sçavante Poëfie , en ce fujet nouveau
Egalez , s'il fe peut , l'addreſſe du Pinceau
Ce fujet embelli par des couleurs fidelles ,
Vrai Chef-d'oeuvre de l'Art,des modernes Ap
pelles ,
11. Vol EA
3666 MERCURE DE FRANCE .
Eft connu fur la toile en cent climats divers }
Rendez-le plus fameux par de fublimes Vers.
La toile parle à l'oeil , mais vous parlez à l'ame
Vous m'infpirez ; cedons à l'ardeur qui m'enflamme.
Les
Decemvirs regnoient & le crime avec euxs
Ces Tirans enyvrés du fang des malheureux
Sous leurs injuftes Loix opprimoient l'innocence.
Appius unifſoit à fa vaſte puiffance
Ce fordide interêt & ces penchans pervers
Qui l'ont enfin rendu l'horreur de l'Univers
Cimon , fameux Guerrier , iffu d'ayeux illuftres
Et qui comptoit alors plus de quatorze Luf
tres ,
Sincere en fes difcours, auftere dans fes moeurs,
De l'inique Appius excita les fureurs 3
Ce Tiran veut le perdre , & fuivant la maxime
Qu'un Innocent qu'on hạit ne peut être fans
crime ;
Il accufe Cimon ; ce Heros chargé dans ,
Et dont mille lauriers ornoient les cheveux
blancs ,
Traîne dans les cachots les reftes d'une vie
Qui bientôt par la faim lui doit être ravie ;
C'est l'ordre d'Appius , qu'avec foin renfermés
Par un fupplice lent il meure confumés
Tout le quitte & le fuit , une fille lui refte
Elle mettoit au jour en ce moment funefte ·
II. Vol.
Un
DECEMBRE . 1729. 3007
Un fils que de fon lait elle vouloit nourrir
Que faire , dit Sylvie , à qui des deux m'offrir
Monpere meurt fans moi fans moi, mon als
peut vivre
Cedons à mondevoir ; il parle ; il faut de fuivre
;
Allons trouver mon pere , & de fes trilles
jours dai¸
Tachons avec mon lait de prolonger le cours,
Aux pieds des Decemvirs, les yeux baignez de
larmes ,
Elle fçait pour un Pere exprimer fes allarméss
Ah ! dit-elle , fouffrez que j'expire avec lui ,
Ou que j'aille du moins partager fon ennui
Ne me refufez pas cette faveur legere ,
Quefans peine obtiendroit une vile étrangeres
'ofe vous en prier au nom de tous les Dieux;
Par vos facrés genoux , par vos nobles aveux..
Ses pleurs difent le refte ; Appius a l'audace
De lui faire acheter une fi foible grace ;
L'or feul lui peut ouvrir ces autres creux Ba
fourds
Qu'une Garde farouche environne toujours.
Les Soldats cependant examinent Sylvie ,
Et l'ordre étoit donné de lui trancher la vie ,
Si fur elle on trouvoit les moindres alimens
On fuit avec rigueur ces durs commandemens;
Vaines précautions ; cette avide cohorte
Ne lui fçauroit ravir le fecours qu'elle apporte.
II. Vol. Dans
3008 MERCURE DE FRANCE:
Dans un lieu fouterrain , folitaire réduit
Qu'habitent la mifere & l'horreur & la nuit.
Cimon nud fur la terre , épuiſé fous fes chaî
nes
Sans ſe plaindre attendoit le terme de fes pernes
;
Il entend tout à coup les portes s'entrouvrir s
Tranquille , plein de joye , il s'apprête à mourir
s
Il croit voir fes bourreaux ; il croit que le fer
brille.
C
Quelle furprife, O Dieux ! il apperçoit fa fille
Elle pouffe un grand cri ; mon pere eft- ce done
vous ,
Dit Sylvie , en tombant fans force à fes genonx
:
Son Pere la releve , en fes bras il laprèffe
Grands Dieux ! quel jour mêlé d'horreur &
d'allegreffe ;
Ma fille , lui dit-il , ma fille , unique efpoir
D'un pere qui craignoir de ne te plus revoir
Ma fille , quel deffein jufqu'en ces lieux t'amene
?
Celui de retarder votre perte certaine
Répond- elle à fon Pere , & découvrant for
fein ,
Voilà ce qui m'amene ; apprenez mon deffein
Contre vos ennemis je ne puis vous deffendres
Je leur offre mon fang , s'ils veulent le répandré
;
Mais je perdrois ma mort en ne vous fauvant
pasó 11. Vols
Je
DECEMBRE 1729. 3009
Je vis pour empêcher votre injufte trépas
Votre fang le plus pur a formé dans mes vei
nes
Ce lait que je vous rends pour adoucir vos
peines
Abregeons des diſcours qu'on pourroit remarquer
,
C'eft par les feuls effets que je dois m'expli
quer.
>
Le pere à ce difcours pleure , gémit fur elle ,
Eléve jufqu'aux Cieux fon amitié fidelle :
S'approche , boit ; déja cette douce liqueur
De les fens affoiblis ranime la vigueur
Et de ce lait tour pur les ondes jailliffantes
Colorent du Vieillard les levres paliffantes ;
Sa fille du tombeau vient de le rappeller,
Et la Parque pour lui trouve encore à filer.
C'eft ainfi chaque jour que la tendre Sylvie
D'un pere malheureux Tçait prolonger la vie ;
Appius eft furpris qu'un Vieillard fans fecours
Nen ait pas terminé le déplorable cours.
On veille , on examine , on apprend l'artifices .
Appius le fçait , change , & lui devient pro
pice ;
Cet exemple le frappe , & fon coeur corrom
pu,
Tout Barbare qu'il eft , admire la vertu .
f.
Cimon revoit le jour qu'il ne doit qu'à fa fille,
Mais à peine à les yeux le premier rayon brille
Qu'ébloui tout à coup de cet éclat nouveau ,
11. Folo Sortant
8010 MERCURE DE FRANCE.
Sortant de fa prifon , il defcend au Tombeau
Et bientôt fur fes pas fa ' fille genereuſe
Va voir du Styx affreux la riye tenébreufe.
Un pompeux Monument pour eux eſt élevé :
Letems jufques à nous ne l'a pas confervés
Mais leurs noms font écrits au Temple de mé,
moire ,
Et fur le temps jaloux remportent la victoire,
Le Pere de P. J.
*****: **********
REMARQUES fur la Lettre de M. Pe
tit , Docteur en Medecine de l'Académie.
Royale des Sciences , avec un Supple-..
ment contre le Systême des Modernes
qui foutiennent que le corps vitré de
l'ail forme un nouveau Cristallin après
Pabbatement des Cataractes.
>
I j'entreprends de faire des Reflexions fur
Sla Lettre imprimée de M. Petit , du 19.
Fevrier 1729, c'eft plutôt mon inftruction
& l'utilité du Public que je cherche , qu'une
vaine gloire que tous les honnêtes
gens doivent éviter comme l'écueil qui les ,
fait ordinairement échoüer ; c'eft pourquoi , fi
M. Petit veut bien m'honorer d'une Réplique .
fur cette matiere , je la recevrai agréablement ,
& je tâcherai de lui marquer toujours l'eftime .
particuliere que j'ai pour fon merite perfonnel
, & que je l'honore & le refpecte infiniment.
II. Vol, Je
DECEMBRE. 1729 3011;
Je prends la liberté de lui demander d'abord
pourquoi il dit avec M. Antoine , que la Caplule
qui enveloppe le Criltallin eft continue à
la membrane hyaloides comment le pourroitil
être Puifqu'il s'enfuivroit que du moment
que cette Caplule feroit alterée , fon alteration
fe communiqueroit infailliblement à la
membrane hyaloide &. il s'enfuiyroit encore
que cette alteration de la Capfule , fe communiquant
à la membrane hyaloide , la corrom-.
proit & rendroit par- là toutes les opérations:
des Cataractes Cristallines inutiles , puifque
la membrane du corps vitré perdroit fa tranfparence
par cette alteration ; ainfi tous les
Oculiftes les plus fameux n'y trouveroient
pas leur compte , puifque ces Cataractes Criftalline
deviendroient des glaucomes du corps
vitré par l'alteration de la membrane du Criftallin
, continue à la membrane hyaloïde ,
ainfi on ne rencontreroit que des glaucomes
du corps vitré qui font fans operation & fans
remede ; cependant la pratique & l'experience
journalieres prouvent évidemment qu'on rencontre
prefque toujours des glaucomes du
Criftallin , qui font les Cataractes Criſtallines
de nos Adverfaires ; je ne difpute point des
noms , mais que M. Petit faffe refléxion , &
qu'il convienne avec moi que c'eft une confequence
indifputable que la membrane du
Criftallin n'eft point une continuation de la
membrane hyaloide , comme je l'ai prouvé.
Il femble que M. Petit veüille pallier la dif
ficulté , lorfqu'il dit que le Criftallin eft humecté
par une petite quantité de liqueurs pourquoi
tant balancer ? Que ne dit -il qu'il eft.
nourri par imbibition , comme M. Antoine
le rapporte ; puifqu'il eft dans les mêmes fenti-
11, Fol
mens į
gor2 MERCURE DE FRANCE .
·
mens la confideration toute particuliere que
j'ai pour M. Petit , m'empêche de lui repliquer
que le Criftallin , étant un corps folide
ne reçoit point fa nourriture par imbibition ,
parce qu'une partie ne nourrit point l'autre
& qu'il la reçoit immediatement de fa membrane
propre , comme le corps vitré la reçoit
de la fienne ; fi cela étoit , comme M Petit le
prétend , il s'enfujvroit que les Cristallins fe
deffecheroient dans l'oeil , comme les matieres
un peu purulentes , amaffées dans le corps de
l'oeil, fe deffechent , fe réduifent en poudre ,
& fe précipitent au fond de l'oeil , comme
l'experience le fait voir : encore une fois , eftit
poffible qu'un corps auffi précieux qu'eft le
Criftallin , prenne fa nourriture par imbibition
? Ne merite - t- il pas bien de la recevoir
comme les autres parties de notre corps ? A
quoi fert done cette membrane dont la nature
la pourvû ? La nature a t -elle jamais fait
quelque chofe d'inutile ? M Petit dira peut-
Etre que cette membrane eft pour l'affujettir
au giron du vitré: j'en conviens , mais n'a - t- elle
que cette proprieté ? il fuffit qu'elle foit la
membrane , par conféquent elle eft parfemée
de vaiffeaux deftinez à la nourriture ; c'eft, un
principe inconteſtable & reconnu de tous les
Connoiffeurs , que toute membrane eft parfemée
de vaiffeaux : fi ces vaiffeaux ne font pas
vifibles à nos yeux nuds , les vaiffeaux de la
membrane du corps vitré le font- ils davantage
? Néanmoins , on ne fait point de difficulté
de les reconnoître ; les vaiffeaux adducteur's
& abducteurs de l'humeur aqueufe , qui fervent
à la circulation de cette liqueur , paroiffent-
ils plus aux yeux de ceux qui font la dif-
Lection des yeux ? En font-ils moins verita,
11. Vol. les?
DECEMBRE . 1729. 3013
bles Quoiqu'ils foient moins apparens. Cependant
il y a eu de celebres Anatomiftes Anglois
& Hollandois qui les ont bien fçû diſtinguer
, & les décrire à la faveur d'excellens Microſcopes.
Si j'ofois me flatter que M. Petit ne trouvât
pas mauvais que j'entraffe en difcuffion fur
l'article, où il dit que la Cataracte eft le Criftallin
obfcurci , & que les Sçavans qu'il nomme
dans fa Lettre , n'en ont jamais vû d'autres ;
je lui représenterois , avec toute l'estime que
j'ai pour ces Mrs , que ce n'eft pas une conféquence
de dire , qu'il n'y ait point de Catarac
tes membraneuses , parce qu'ils n'en ont point
rencontré ; je puis certifier que , quoique rarement
,j'ai vû des Cataractes membraneuſes , &
que de bons Oculiftes en ont vûs auffi de femblables.
Un jeune Oculifte qui ne fçachant pas
faire la difference des Cataractes membraneufes
, voulut fe mêler d'en abbattre deux à une
jeune fille que j'ai vûë, quiétoit venuë au monde
aveugle avec deux Cataractes membraneufes
; l'opération que lui fit cet Oculifte , ne
Jui réudit point , parce qu'il abbatit les deux
Criftallins , qui ne font jamais obfcurcis , ni
alterez dans ces fortes de Cataractes fimples .
C'eft pour cela qu'après leur abbatement le
malade voit auffi bien que s'il n'avoit jamais
eu de Cataracte , parce que le Criſtallin conferve
fa fplendeur & fon brillant , & felon
Gallien , ce qui n'arrive pas dans la Cataracte
Criftalline, appellée avec jufticeGlaucome , parce
que le Criftallin étant deplacé par l'operation
, il retranche des rayons de lumiere, comme
l'avoue M. Petit dans fa Lettre ; c'eft pour cela
que les Lunettes convexes font fort neceffaires
Pourécrire & lire diftinctement , au lieu qu'a-
IL, Vol.
près
8014 MERCURE DE FRANCE.
près l'abbatement des Cataractes membranefes
, il n'eft pas beſoin de Lunettes convexes .
parce qu'elles n'alterent point le Criftallin.
Si M. Petit vouloit fe donner la peine d'examiner
la démonftration que le Sçavant M. de
Woolouze a faite de ces Cataractes membraneufes
, tant pour l'operation que pour leur
defcription , il y auroit tout fujet d'efperer
qu'il en feroit très - fatisfait , & fi pleinement
convaincu , qu'il feroit obligé d'avouer
qu'on voit de tems en tems de ces fortes de Cataractes.
M. Petit rapporte qu'il a fait en une demie
minute l'abbatement de deux Cataractes , dont
l'une étoit barrée , & que dans la fuite la malade
qui étoit âgée de 71. ans travailloit à la Couture
comme fi elle n'avoit jamais eu de Cataraces
il n'y a rien dans l'exemple qui puiffe
attirer l'admiration du Public , ni caufer fon
étonnement : puifque ce n'eft pas une chofe
furprenante qu'apres l'abbattement des Cataractes
une femme puiffe travailler à fa couture
comme fi elle n'avoit jamais eu de
Cataractes. Ce n'eft point là marquer le degré
de vûë que cette Dame pouvoit avoir recouvré
après l'abbatement de fes deux Cataractes
on voit ici comme ailleurs , des perfonnes qui
ont les yeux abfcedez de la petite verole qui
font aveugles , qui travaillent à la couture
qui font des bas & des gants; ainfi l'exemple
qu'il apporte ne paroît pas affez convainquant
pour pouvoir juger de la vûë de cette Dame ;
quand elle travailleroit à la couture après l'abbatement
des Cataractes ; qu'eft- ce que cela
prouve Cela prouve - t-il qu'elle voyoit diftinctement
? N'y a- t- il pas des degrez de vûë
differens ? N'y a -t-il vas plufieurs fortes de
11. Vol
coutuDECEMBRE.
1729. 3015
Couture , de fines & de groffieres ? J'en ai
vû qui travailloient affez aifément à la couture
après l'abbatement de leurs Cataractes , qui
ne diftinguoient neanmoins aucun objet , &
qui à peine fe pouvoient conduire feules : ce
n'eft donc pas toujours une conféquence de
dire qu'en travaillant à la couture après l'abbatement
des Cataractes Cristallines , on puiffe
diftinguer les objets ; je finis cet article par un
exemple qui fait voir qu'il y a des femmes qui
travaillent à de pareils ouvrages qui ne demandent
gueres de vûë ; il y a ici une fille âgée de
vingt- cinq ans , attaquée, de deux Cataractes
Criftallines , dont l'une eft incurable , parce
que le Criftallin eft déchattoné de vitré fletri .
& l'autre qui ne l'eft pas moins incurable .
parce qu'elle eft produite par un épaiffiffement
démesuré , qui forme le Glaucome du Criſtallin
, dont la matiere eft engagée dans les fibres
circulaires de l'Iris , & s'étend jufqu'au Criftallin
, où elle a pris naiſſance , cette fille ne
diftingue aucun objet , & ne peut fe conduire
feule , & ne laifle pas de gagner fa vie à
filer.
Que veut dire donc M. Petit , en parlant du
Cristallin depofé & placé à la partie anterieure
du fond de l'oeil , quand il dit qu'il ne retranche
que le moins qu'il eft poffible des
rayons de lumiere ; cette expreffion ne me
paroît pas affez naïve & développée ni affez
intelligible ; je prendrois volontiers la libert.é
de demander à M. Petit de quoi dépend le retranchement
de lumiere ? Si c'eft feulement du
côté du Criftallin déplacé , comme il femble
le faire entendre par fa propofition , où il dit
qu'il ne retranche , & c. il s'enfuivra que tous
les fujets à qui on aura abbatu des Catarac-
II. Vola Gij tes
3016 MERCURE DE FRANCE:
tès , verront également ; neanmoins l'expe
rience nous fait voir une grande difference de
vûë entre ceux à qui on a fait cette opération
quoique felon toutes les régles de l'Art ; car
les uns voyent plus clair , & diftinguent mieux
les objets , les autres au contraire voyent peu ,
& d'autres enfin à peine fe peuvent - ils conduire.
Ainfi ce retranchement de lumiere ne
vient pas feulement du côté du Criſtallin déplacé
; mais auffi de la divifion , de la féparation
, ou du dérangement des autres parties
interieures de l'oeil , caufé par l'aiguille , comme
le prouve fort bien le Sçavant M. de Wooloufe
dans fes Differtations , ou bien convient-
il avec M. de Wooloufe que le vitré eft
le principal organe de la vûë.
Si je n'appréhendois de flétrir la réputation
de plufieurs Oculiftes , je fercis un détail circonftancié
à M. Petit de toutes les operations.
que j'ai vûes ; comment on a fait cette opération
, comment elle a été pratiquée fans prés
paration , ni anterieute , ni pofferieure , comment
les perfonnes voyent après l'opération ,
car c'eft fi peu, que ce n'eft pas la peine de dire
qu'elles voyent , puifque la plus grande partie
ne diftinguent aucun objet , & qu'à peine
fe peuvent elles conduire feules : mais comme
j'ai toujours préferé l'amour de la paix à la divifion
, & à la diffenfion , que ces fortes de
difputes font ordinairement naître , & qui dégenerent
le plus fouvent en injures & en invectives
, comme dit fort bien M. Petit dans
cette fçavante Lettre : ainfi j'aime mieux
prendre le parti de l'affurer que s'il m'eft échappé
quelque chofe contre la bienséance , ou
que je me fois fervi de termes peu ménagez ,
je lui en fais dès à préfent mes très humbles
JI. Vol,
DECEMBRE. 1729. 2017
excuſes , afin d'entretenir par- là des répliques
réciproques , dont le Public pourra tirer quelque
avantage , ce qui fera utile pour l'éclairciffement
d'une difficulté qui partage les
Oculiftes depuis plus de 20. années.
A Châlons en Champagne , le 28. Mái 1729.
Blanchart , Prêtre du Diocèfe de Châlons , Chapelain
de l'Eglife Collegiale de Notre - Dame .
AYATAYAYAYAYAYAYAYAYAAA
STANCE S.
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
L Evez - vous , pareffeufe Aurore 5
Venez , hâtez votre retour .
Pendant que tout brille à la Cour ,
Vous n'y paroiffez pas encore !
Qui vous arrête ? eft- ce l'Amour ?
Eft- ce la celefte puiflance ?
Non , le Prince dont la naiſſance
Répand un éclat fi pompeux ,.
Vous fait craindre que fa préfence
Ne faffe ici pâlir vos feux.
PASS
Đéja , du bruit de ſa Trompette
II. Vol. Ciij
L'a
3018 MERCURE DE FRANCE.
L'agile Déeffe aux cent voix ,
Chaffe les Bergers de leurs toits ;
Déja le fon de la Mufette
Réveille les Hôtes des Bois ;
Les voix , les échos , les ramages ;
Empreffez d'offrir leurs hommages
Celebrent notre heureux deftin
• Et répetent fous les ombrages ,
Vivent Louis & le DAUPHIN.
On n'entend plus le bruit des armes
Sous ce Regne délicieux i
Un Roy , digne préfent des Cieux,
Prend foin de bannir les allarmes.
Eft- il rien de fi glorieux ?
Cheri de fes Peuples qu'il aime ,
Quoi qu'iffu de la valeur même,
Il leur procure un doux repos ; -
Il retient fon ardeur extrême ,
Caractere d'un vrai Heros !!
M
Vive l'objet de notre joye ;.
Ce Rejetton fi précieux.
Sceau de la Paix , préfage heureux
Des jours tiffus d'or & de foye ,
Que le Ciel accorde à nos voeux ;
Enfant , gage de fa clémence ,
11. Vol.
Enfant
DECEMBRE. 1729. 3019
Enfant , cher efpoir de la France ,
Pourquoi répandez - vous des pleurs ?
Ah ! fongez que votre naiſſance
A diffipé tous nos malheurs.
Dauphin , que la France revére ,
Louis n'a les yeux que fur toi ,
Le Sang parle , il en fuit la loy ,
En lui la tendreffe d'un Pere ,
S'unit aux vertus d'un grand Roy ;
Son amour envain ſe partage ,
Dès que ce grand Roy t'envifage ,
Son coeur ne defire plus rien ,
Il admire en fa vive image
Ses traits , fa gloire , fon foutien .
Mere heureufe ! nulle trifteffe
Ne peut plus troubler ton bonheur ;
Le Dauphin n'agite ton coeur
Que par un excès de tendreffe.
Le Ciel prend foin de ta grandeur ,
Le Ciel à tes voeux eft propice ;
Et fa clémence & fa juftice ,
Pour toi tout femble confpirer.
Sous un fifavorable aufpice
Que ne dois- tu pas efperer ?

II. Vol. Ciuj Fe3020
MERCURE DE FRANCE.
Felicité fi defirée ,
Que tu nous promets de beaux jours !
Un Roy , nos plus cheres amours ,
Du fiecle fortuné d'Aftrée ,
Recommence l'aimable cours ;
Le calme fuccede aux tempêtes ,
La Paix à l'ardeur des Guerriers ;
Nos Rois ont borné leurs Conquêtes,
Le Myrthe couronne leurs Têtes ,
L'Olive fe mêle aux Lauriers.
Par M. de P'Ifle.
XXXXXX: XXX :XXXXXX
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Dreux
au fujet d'uneExpreffionProverbiale dont
il eft parlé dans le Mercure d'Octobre
1727. &fur une Pétrification. İ
Quelque fenfible que je fois à l'hour- peur que vous me faites , de croire™
que je puiffe vous êrre de quelque utilité
dans cette Ville , ou des fonctions trèsférieufes
m'ont conduit , j'ai hefité fi je
devois répondre fur un fujet qu'on a youlu
rendre Comique , dans la querelle des
Champenois & des Dreuxiens , devenue
célebre dans les Mercures de 1727. &
1728. Je me fuis pourtant déterminé à
II. Vol.
le
DECEMBRE . 1729. 3021
le faire , dans l'efperance de vous dédommager
par des découvertes plus férieuſes ,
& qui regardent ce même Pays .
Plein d'eftime pour les deux Partis 5
également refpectables par les Hommes
Illuftres que chaque Région a donnez
je vous dirai naïvement que l'origine du
Proverbe , A gauche le chemin de Dreux ,
eft fi naturelle & fi peu choquante pour
les Dreuxiens , que je fuis furpris que celui
qui a parlé en leur faveur , ait pû ou
voulu l'ignorer.
On la trouve , cette origine , dans la
fituation de deux Faubourgs , l'un de
S. Jean de Houdan , Ville la plus prochaine
de Dreux , en venant de Paris
ou de deux chemins on prend celui de la
gauche. L'autre . Faubourg eft celui de
S. Maurice de Chartres , après lequel trois
chemins fort difficiles à diftinguer , fe
préfentent. Le premier eft à droite , qui
conduit à Paris par Maintenon ; auprès
duquel on trouve ces Pierres fingulieres ,
ou l'Echinus pétrifié , dont il eft parlé
dans le Mercure de Juin 1722. p. 67 .
Le fecond chemin eft celui de Chartres à
Nogent- le- Roy , Ville où mourut le Roy
de France Philippe VI. dit de Valois
le 28 Août 1350. & non pas le 22. comme
Mezeray & d'autres Auteurs l'ont
écrit.
Jo Val
Em
3022 MERCURE DE FRANCE .
Enfin , le troifiéme chemin fe trouve en
fortant de Chartres fur la gauche , & mene
à Houdan , Mante & Dreux , pratiqué
de jour & de nuit , à caufe du paffage
continuel des Troupes , des Rouliers &
des Voyageurs , lefquels voulant s'affurer
de leur route , à caufe de ces trois chemins
, importunent fouvent les Chartrains
, & les obligent de leur répondre
& de leur crier , A gauche , le chemin de
Dreux ; cet avertiffement qu'ils tâchent
de ne pas oublier , jufqu'à ce qu'ils foient
venus , où il faut choifir le veritable chemin
de Dreux , fait qu'on entend fur la
route les Paffans le répeter fans ceffe par
maniere de plaifanterie ; & c'eft cetterépétition
continuelle qui eft enfin paffée
en Proverbe , ou plutôt qui a fait le Quolibet
en queſtion .
Agréez , Monfieur , que j'ajoûte ici que
fans aller en Afrique , ni en Egypte , ni
en Perfe , pour voir de ce bois petrifié ,
dont il eft parlé dans un des Mercures de
cette année , le Principal du College de
Dreux a dans fon Cabinet une Piéce de
la même qualité , que j'ai vûë & touchée ;
tout y paroît bois à l'exterieur , l'écorce ,
la vermoulure , les veines , & c . Il faut
toucher & manier la piéce pour s'affurez
qu'elle eft petrifiée ; elle eft de 1. pou
ces de long , fur fix de large , & de trois..
L'épaiffeur.
DECEMBRE. 1729, 3023
(
Vous recevrez inceffamment un Ecrit
de moi , au fujet de la mort de Philippe
de Valois , arrivée le jour que j'ai dit cideffus
à Nogent - le - Roy , lequel fera plaifir
à tous ceux qui aiment l'exactitude
dans les faits hiftoriques , & juftifiera ma
Critique fur ce point.
XXX:XXXXXX:XXXXXX
SUR LE PORTRAIT DU ROY.
C'Et l'Augufte Louis , à quí les doſti-
Se preffent d'affurer un Régne floriffant.-
Par combien de faveurs , l'une à l'autre en
chainées ,
Le Ciel a t-il marqué fon Empire naiffant ?
Héritier jeune encor de notre grand Al
cide .
Il échappe aux cifeaux de la Parque homicide
;
Et malgré des périls qui nous firent frémir ,
Elevé fur le Thrône , on l'y voit s'affer
mir ,
C'eft à fon fage choix qu'on doit un minif
tere
A la Religion , à l'Etat falutaire ; \
Une Reine adorable , & dont l'Hymen enfin
Met le comble à nos voeux , & lui donne un
Dauphin.
11. Vola Cvj
France
3024 MERCURE DE FRANCE :
France , de tous ces maux où l'on te vit en
proye ,
Il eft tems d'effacer jufques au fouvenir.
Quel plus jufte fujet peut s'offrir à ta joye ?
Quel espoir mieux fondé d'un heureux ave
nir ?
LETTRE de M *** écrite à
M. l'Abbé **
Ernierement , Monfieur , vous me
Darlates des fuites qui vont en di
minuant & de leurs proprietez . En voici
une qui paroît digne d'attention. Elle démontre
à priori , & d'une maniere plusfimple
& plus aifée que les voyes ordinaires
, la regle de trouver la fomme des .
progreffions géometriques .
Afin de vous expofer ma pensée d'une
maniere nette & précife , je vais former
d'abord une Théorême general de la pro
prieté dont je parle , & enfuite j'en tires
rai la regle dont il s'agit.
Théorême general .
Suppofons une fuite telle qu'on voudra;
A. B. C. D. E. & qui aille en diminuant
Pexcès du premier: terme au deffus du
fecond , plus celui du fecond au-deffus
II. Voli du
DECEMBRE. 1729. 302
troifiéme , plus celui du troifiéme , audeffus
du quatrième , &c . c'eft - à- dire la
fomme des differences qui fe trouvent
entre tous les termes , fera toujours égale.
au premier terme , moins le dernier .
Démonftration.
La difference du premier terme A. &
dufecond B. eft A- B celle de B. avec C..
eftB-C. & celle de C. avec D.eft C- D
&c.or, A- B+B- C+CD+DE
A- E. donc la fomme des differences qui
fetrouvent entre , tous les termes eft le
premier terme moins le dernier.
Si le dernier terme eft zero , alors la
fomme de toutes les differences fera égale
au premier terme.
Je ne donne pas ce Théoreme là pour
une choſe dont je fois Auteur , mais je
n'ai vû nulle part l'application que j'er
vais faire.
Le Théoreme étant expofé , il faut en
déduire la regle dont il s'agit . Suppofons
pour cet effet que la fuite A. B. C. D.
E. &c. reprefente une progreffion double
qui aille en diminuant dans cette fuppofition
A-BB, B-CC, CDI
D , &c. cela eft évident ; donc la fomme
de toutes les differences , égale à B+C+
D , & c. c'est-à - dire la fomme de toutes
les differences , égale à la fomme de tous
11. Vol
>
less
3026 MERCURE DE FRANCE .
les termes qui fuivent le premier. Mais
felon le Théorême , la fomme de toutes
les differences eft égale au premier ter
me moins le dernier. Donc A-E- B
+C+D+E ; ajoûtant de part & d'autre
un A , on aura 2 A-EA+B+C+ D ·
→E , fomme de la progreffion.
Si la fomme eft infinie , le dernier terme
fera zero & la fomme de la progreffion
fera 2 A. Et fi la fomme eft finie on
aura pour la fomme de la progreffion , le
double du plus grand terme , moins une
fois le plus petit.
>
Si l'on fuppofe que la fuite A. B. C. D.
E. &c. reprefente une progreffion triple
alors A- B2 B & B- C 2 C &
C- D2 D , & c . donc la fomme de
toutes les differences 2 B + 2 C + 2
D , &c. mais la fomme de toutes les differences
AE ; donc A - E 2 B +
2 C+ 2 D +2 E. Ajoûtant 2. A de part &
d'autre , on aura 3 A- E2 A+ 2 B +
2 C + ¿ D+ ? E ; c'est - à- dire 3 A —E:
a deux fois la fomme de la progreffion .
Donc 3 a la fomme de la progreſfron.
Si le nombre des termes eft infini , le
dernier fera zero , & alors la fomme de
la progreffion fera 4. Mais fi le nombre
des termes eft fini ; alors pour avoir
la fomine de la progreffion , on retran-
2
11, Vola thera
DECEMBRE . 1729. 3027
chiera du triple du plus grand terme le
plus petit terme , & on prendra la moitié
du reſte.
Enfin fi l'on fuppofe que la fuite A ..
B. C. D. E. &c. repréfente une progref
fion telle qu'on voudra , par exemple ,.
une, progreffion de cuple. Alors A-B
9B & BC 9 C. & CD
9 D. & c.donc la fomme de toutes les dif
ferences égale à neuf fois la fomme de
tous les termes qui fuivent le premier ;
c'est-à-dire , la fomme fera égale à 9 B
+9 C+9 D. & c. mais la fomme de toutes
les differences eft égale à A - E . donc
A-E9 B+ 9 C + 9 D 9 E , & c.
ajoûtant de part & d'autre 9 A. on aura
10 AE 9 A+9 B + 9 C + 9 D + 9 E,
c'est-à - dire 10- A - E égal à neuf fois
la fomme de la progreffion , donc 10 Aà
la fomme de la progreffion.
9
Il eft évident que le Théorême eft fort :
fanple , & qu'il eft démontré d'une maniere
courte & aifée .
Il eft encore évident qu'il démontre
àpriori la regle qu'on en tire & qu'il donne
tout d'un coup la regle la plus fimple
de trouver les fommes des progreffions ;
ce que ne font pas les Méthodes ordi-
A
naires.
Cette regle confifte à multiplier le plus
grand terme par l'expofant de la progref
11. Kol fion
028 MERCURE DE FRANCE.
fion , du produit ôter le plus petit terme,
enfuite divifer le reste par un nombre qui
foit plus petit que l'expofant d'une unité.
Par le moyen de cette regle , on réfoudra
aifément le fameux Problême de Zenon
, ou tout autre qui lui fera femblable.
Suppofons que la Tortue & Achille ail-
Lent du même côté, que la Tortuë précede
d'un pied & que la viteffe d'Achille foit
decuple de celle de la Tortue. On de
mande le point où fe fera la rencontre .
Il eft certain que le Problême confifte
à trouver la fomme d'une progreffion de
euple, dont le premier terme foit un pied .
Il faut , fuivant la regle , multiplier le
premier terme par 1o . & divifer le produit
par 9 & le quotient de de pied
donnera le point de rencontre ; c'eſt- àdire
, que fi l'on divife le fecond pied en
neuf parties égales , Achille joindra la
Tortue à la fin de la premiere partie du
fecond pied, puifqu'elle ne fait qu'un neuviéme
de pied , pendant qu'Achille en
fait 10. & quelque foit la progreffion ,
la folution en fera toûjours également
facile.
Par le moyen du même Théorême , il
eft aifé de donner folution aux Problêmes
que vous propofiez dernierément.
Vous demandiez qu'on vous affignât des
fuites dont la fomine des differences de
LL. Koly
termes
DECEMBRE. 1729. 3629
termes , étant multipliée par la fomme
des termes , donnât une fomme double ,
triple , quadruple & de celle de la fuite.
Il eft certain que fi l'on prend la fuite
infinie des nombres naturels , la fomme
de toutes les differences fera égale au plus
grand terme qui eft infini , ainfi le produit
de cette fomme par le nombre des
termes fera double de celle de la fuite.
Si on éleve les nombres naturels à la
feconde puiffance , alors la fomme des
differences , multipliée par le nombre des
termes fera triple de celle de la fuite.
Si on éleve les nombres naturels à la
3 , 4 , 5 puiffance & alors la fomme des
differences multipliées par le nombre des
termes fera quadruple , quintuple fexruple
, &c. de celle de la fuite.
Enfin fi l'on applique le Théorême à
la fuite que voici ,,,, & qu'on
fuppofe avoir une infinité de termes , la
fomme de toutes les differences fera égale
à un quodrilatere hyperbolique , puifque
cette fomme fera égale à l'unité qui rés
prefente la puiffance de l'hyperbole..
www
II. Vole SUR
3030 MERCURE DE FRANCE .
康康品
SUR L'HOROSCOPE
DE MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
N Dauphin nous eft né , déja plus d'un
Poëte UN
Nous fait fon Horofcope & s'érige en Pro
phete ,
L'un en termes pompeux dans le facré Vallon
,
Fait retentir au loin lé Trepié d'Apollon ,
Perce des temps futurs les tenebres obfcures
Et d'un Heros naiffant décrit les avantures .
Me trompai-je , dit- il , Ciel ! qu'eft- ce que
je voi? +
Quel brillant avenir le développe à moi ?
Un Dauphin dont l'éclat & la vertu fans
bornes
» Fait pâlir du Croiffant les orgueilleufes cornes
,
" Et trainant en tous lieux la victoire & l'ef
froy ,
» Arbore dans Memphis l'Etendard de fon
Roy.
Je le vois , ce Guerrier , ſous ſes juſtes Conquêtes
,
LL. Vol. » ConDECEMBRE.
1729. 3031
Confondre, humilier les plus fuperbes Têtes
.
Et parcourant l'Afie en rapide Vainqueur ,
» Etablir un Empire auffi grand que fon coeur.
L'autre d'un ton plus doux & non moins prophetique
,
Nous peint dans le Dauphin un Heros paci
fique.
Et fous qui l'on verra l'âge d'or de retour ,
Ramenant les feftins , l'abondance & l'aš
mour ,
Offrir des plaifirs purs fans mélange de
peine.
„ Le Pactole , dit- il , fuccedant à la Seine ,
Sur les buiffons bientôt vont germer les
rubis ,
Et d'une Toifon d'or s'habiller les brebis.
Des ruiffeaux de Nectar couleront des Fontaines
;
Et le Sucre & le Miel dégouteront des Che
nes :
De cet Augufte Enfant , délices des hu
mains ,
Parques , à filets d'or , dévidez les deftins.
» Quelle felicité renaîtra fous ſon Régne !
» Il cherchera qu'on l'aime , & non pas qu'on
le craigne ;
Baniffant de nous Bellone , & fes rigueurs ,
Il bornera fa gloire à l'Empire des coeurs.
Ainfi de fon Heros il nous trace l'image ,
II. vol. C'eft
3632 MERCURE DE FRANCE .
C'eft en dire beaucoup ; j'en dirois davan
tage ,
Rappellant au befoin ces lieux communs
ufez ';
Jadis en cas pareil par Virgile épuifez :
Mais je ne fûs jamais du nombre des Oracles.
Je laiffe , à qui l'on veut , prédire ces miracles;
Et puifque mes amis dans cet illuftre jour ,
Me forcent là- deffus de rimer à mon tour ;
Sans réhauffer ma voix , fans mohter fur Pe
gafe ;
Je ne dirai qu'un mot le voici fans em
1 phaſe :
France , tu ne dois rien attendre que de bon
Du Sang de Lezinski joint au Sang de Bour
bon.
XXXX XXX XX :XXXXXX
LETTRE écrite de Nîmes , par M. l'Abbé
*** à M. le Marquis de la Porte.
me demandez , mon cher Mar-
Vquis,de vous envoyer l'Analife de
>
la Harangue que le R. P. Vionnet , Jefuite
Profeffeur de Rhéthorique au
College de Nîmes , a prononcée le premier
de Décembre 1729. devant les Etats
de Languedoc. Je vous dirai que j'enten-
II. Vol.
dis
DECEMBRE. 1729. 8033
dis cet Orateur , & qu'il foutient autant
par fa maniere de dire , que par fon éloquence
, la haute idée que vous en avez
vous-même conçûë . M M. des Etats en
furent charmez , les applaudiffemens que
lui donnerent tous ceux de cette augufte
Affemblée qui fe picquent de Belles - Lettres
( le nombre en eft grand ) exciterent
de plus en plus le defir que j'avois de
connoître de plus près les talens que le
Public lui reconnoît déja. J'allai le féliciter
de votre part ; & je ne cefferai jamais
de cultiver une connoiffance qui m'eft
fi avantageufe. Ce fut dans ma derniere
vifite que j'obtins de ce Pere , à force de
prieres , la permiffion de faire en particulier
la lecture de fa Harangue . Voici
P'Extrait que j'en ai fair .
Le deffein étoit exprimé par le Programme
, en ces termes : In ortu Sereniffimi
Delphini , Parenti natum , nato Parentem
, utrumque Gallia gratulabitur Orator.
L'Orateur félicitoit le Roi d'avoir un
Dauphin . 1 ° . Parce que la Naiffance d'un
Fils eft quelque chofe de plus doux pour
un Monarque que le pouvoir fuprême ,
fur tout dans un Royaume hereditaire ,
& en particulier pour Louis XV. qui
avoit été Roi fans avoir jamais éprouvé
ce que c'eft que de ne l'être pas , puifqu'il
l'avoit éprouvé dès le berceau. Hebetat
11. Vole 129
1-
$ 34 MERCURE DE FRANCE :
in illis , difoit- il , tante amplitudinis fen
fum ille ipfe qui Principes è finu mairis
excipit fplendor. D'où il conclut que le
plaifir de donner des Rois aux Peuples
avoit quelque chofe de plus fenfible pour
un Prince , que d'être Roi lui - même. Le
titre de Conquerant ne le flate
que celui de Pere : Louis XIV. trouva
dans la fplendeur & dans les revers de
fa pofterité , un plaifir & une douleur
qui n'étoient point à comparer avec l'impreffion
que firent fur lui fa profperité
& fes difgraces dans la guerre.
pas tant
2. L'Orateur félicitoit le Roi d'avoir
un Fils à l'âge où il eſt. In ea atate in
quâ cateri mortales plerumque filii folummodo
erga parentes gerunt affectum , ipfe
jam fufcipit erga filium parentis pietatem.
Il difoit que le nom d'un fucceffeur dans
un Prince d'un âge avancé , trouble en
quelque maniere fon bonheur , par la
penfée qu'il lui faudra bientôt remettre
fon Sceptre & fa puiflance ; mais que le
Roi ne devoit pas tant regarder ſon Dauphin
comme fon fucceffeur , que comme
l'appui & l'ornement de fon Thrône ,
dont il partageoit la puiffance en l'augmentant
plutôt qu'il ne la diminuoit par
le partage. Non tam fuccefforem quàm con
fortem folü ... geminata per Delphinum
Imperii majeftate .....
11. Vol. 39
DECEMBRE. 1729. 3035
39. Pour furcroît de bonheur il ajoûtoit
que le Roi avoit eu fon Dauphin
fans avoir été réduit à le defirer long
temps , & jufqu'à perdre l'efperance de l'a
voir , comme il étoit arrivé à Louis XIII .
Mais que le Ciel avoit pourtant donné
lieu à fes defirs & à fes voeux par le
délai de quelques années , pour qu'il
pût mieux fentir tout le prix du don qu'il
lui faifoit, & dont il lui accordoit les prémices
par la naiffance des trois auguftes
Princeffes. L'Orateur finiffoit cette premiere
Partie en éxaltant le bonheur de
notre augufte Reine ; après avoir dit que
fi l'on n'avoit pas entendu fon nom dans
tout ce qui avoit été dit jufques - là , rien
ne devoit la flater plus agréablement que
d'entendre parler d'elle , comme fi elle
ne faifoit qu'un même objet avec ſon augufte
Epoux. L'Orateur la renvoyoit enfuité
à fon cher Dauphin , qui fans fçavoir
parler lui difoit encore plus éloquemment
que lui , qu'il étoit un gage qui lui
donnoit toute la plénitude de la Majeſté
d'une Reine de France ; qu'il lui répondoit
de l'amour du Roi & de celui des
François. Pignus quo tibi pleniùs Regia
Majeftas afferitur ; vinculum quo Regis
fides artius obftringitur , ac quafi authoramentum
quo Francorum amor major in
dies effervefcet.
11, Vol. Dans
3036 MERCURE DE FRANCE .
Dans la feconde Partie , l'Orateur après
avoir exalté la Famille Royale des Bourbons
, fans entrer dans le détail des actions
qui avoient fait la matiere de l'Eloge
du Roi pendant fon enfance , comme
étant moins propres d'un Difcours , qui
le reprefente comme Pere , il felicitoit le
Dauphin fur le cours des trois dernieres
années de fon augufte Pere .
1º. Sur le genereux deffein de fe charger
du poids des affaires dans un âge encore
tendre , le mettant avec avantage ,
en parallele avec fon Bis - Ayeul.
2. Sur les qualitez Royales , au moyen
defquelles il a gouverné avec autant de
fageffe , de bonté , de prudence , de fermeté
& d'autorité , qu'il avoit montré
de grandeur d'ame à fe décharger du Gouvernement
; ramenant tout cela au Dauphin
, il lui difoit : Congruente quodam
fortuna Gallica cafu effectum eft , ut maturè
patrem vocitares eum , qui tam citò
Se parentem Patria & populorum exhibere
voluit.
30. Après avoir fait l'Eloge du Roi , -
parce qu'il eft au- dedans du Royaume ,
P'Orateur rempliffoit la troifiéme fous- divifion
, parce qu'il eft au - dehors dans les
circonftances préfentes du Congrès , &
rapportant avec délicateffe le tout au bur
de fon Genethliaque, il difoit au Dauphin ,
II. Vol. Cire
DECEMBRE. 1729. 3037.
1
Circumftantes auguftiffimas cunas exterarum
gentium Miniftros de pace iis qui
fpirant pacem oculis refpice : illi tibi patris
gloriam prafantur vocibus ; hos non
advocavit, ut affolet, ortus tuus , ut meditata
gratulatione artificiofam aliquam tibi adftruerentlaudem
. Hi divinojam confilio congregati
te pacis in Europa conftituenda &
Corroboranda pignus agnofcunt , poftquam
expectarunt : te falutant Europa arbitrum ,
quod hæreditarium quiddam nec abalienandum
jus Francorum Regis videtur multis
abhinc annis effectum . Par là l'Orateur entroit
dans fa troifiéme Partie.
Il félicitoit la France d'avoir dans le
Dauphin , 1 ". un gage affuré de la Paix :
& quelles Puiffances de l'Europe pourroient
la troubler ? Ce feroit un crime
de penfer que notre pacifique Monarque
voulut en rompre les heureux liens. La
clémence dont il a accompagné la force
de fes armes dans l'expedition contre les
Pirates d'Afrique , témoigne authentiquement
que les Troupes ne feront jamais
commandées que par la Paix . Si les
Allemands nous regardent avec des yeux
d'envie , n'eft- ce pas parce que le Ciel
leur a refufé jufqu'ici un gage de fa Paix .
dans un Prince de la Famille Imperiale.
Le motif de leurs allarmes nous fait fenir
ce qui fait notre fécurité . Le Sang de
II. Vol. D nos
3038 MERCURE
DE FRANCE.
nos Rois met une espece d'affinité entre
l'Espagnol & le François . L'Anglois au
trefois fi acharné contre nous , recherche
notre alliance ; & par le nom du Prince
nouveau né , conjure Louis de lui mé
nager la Paix. Que peuvent contre nous
les autres Nations fans le fecours de celles
qu'on vient de repréfenter comme fi
amies de la Concorde ?
2. La Naiffance du Dauphin met le
ſceau à l'amour du Roi pour les Peuples ;
après s'être étendu fur cette vertu du Roi,
l'Orateur la ramenoit à fa propofition à
la faveur de ce Paffage d'un Ancien : Sed:
fi qua fides habenda Oratori antiquitatis
clariffimo , cum afferit , neminem nifi qui
pater eft , cui fit patrius in liberos animus
intelligere poffe quantam capiet acceffionem.
ex fufcepto Delphine Regius in populos:
affectus.
3.La prefence des Prélats qui faifoient
la plus nombreuſe
partie du corps des
Etats , prétoit un beau jour pour entrer.
en matiere fur les avantages que l'Eglife.
& la Religion doivent fe promettre de la
naiffance d'un Fils aîné de l'Eglife.La pureté
de la foi maintenuë
par
l'autorité ;
la fainteté de la morale appuyée par les
exemples , font entendre à l'Univers entier
que Louis eft plus jaloux de tranfmettre
à fa pofterité le titre de Roi très-
II. Vol.
Chré·
DÉCEMBRE. 1729 3039
Chrétien, que les autres prérogatives de fa
Couronne. Une belle peinture de la Cour
de France à ce fujet ferme le Difcours.
Je fouhaiterois que le R. P. Vionnet
ne fût pas auffi modefte qu'il l'eft , le Public
ne feroit pas privé de la lecture d'une
Piece dont je ne vous envoye que l'ébauche.
Les follicitations & les prieres des
perfonnes les plus diftinguées n'ont pu
l'ébranler. Il eft actuellement chez moi
pour m'enlever l'original' ; en le voyant ,
j'éprouve ce que vous m'avez fait autrefois
la grace de me dire , qu'il n'y a
gueres que le vrai mérite qui fe défie de
Les propres
forces. Je fuis , &c.
LETTRE d'un Gentilhomme des Etats
d'Artois , à un Marquis defes Amis ;
abfent & malade de la Goutte à la Campagne.
Marquis ,que je te plains ! que tes
les
gout
Te font un mauvais tour dans des Fêtes fi
belles ,
Au milieu des tranſports de nos Peuples heureux
,
De te clouer aux Champs fur un lit douloureux
!
II. Vol. Dij Pour
3040 MERCURE DE FRANCE .
Pour rendre en ces beaux jours notre allegreffe
entiere ,
Pourquoi n'as- tu pas pris la Chaiſe ou la Littiere
?
A l'abord de ces lieux , leur aſpect enchanté
,
Dès le premier coup d'oeil t'euft rendu la
fanté.
Le Dauphin au Berceau fait ici des miracles
,
Les Goutteux pour danfer ne trouvent plus
d'obftacles.
Malgré le poids de l'âge on a vû les Vieillards
Sauter , cabrioler , rajeunis & gaillards .
En la Cité fur tout une fempiternelle
Rappellant la vigueur de la Saifon nouvelle
En a donné l'exemple , & le verre à la main
Fefté le Roy , la Reine , & le nouveau Dauphin
.
Ce n'étoient que Feftins , & Concerts de Mufique
,
Nappe miſe aux paffans devant chaque Boutique
,
Des Tonneaux défoncez , & tous à haute
voix
Crioient , Vive la France , & le Sang de nos
Rois.
Arras eft tout François. C'eſt la verité pure ,
Et , fi j'ep crois fa joye en cette conjonc
gure ,
11.V. Le
DECEMBRE . 1729. 3048
Le coeur des Citoyens , contre tous les ha
zards ,
En répond mieux au Roi que fes fameux Rem
parts.
L'Ifle de fes tréfors prodiguant l'opulence ,
Avoit crû nous braver par fa magnificence >
Elle levoit la tête , & du haut de fes tours
Attentive à nos jeux en obſervoit le cours.
De quoi qu'en fa faveur , fa fierté l'entretienne
,
Notre pompe ,
fienne ;
mon cher bien valu la >
Un Démon envieux au fort de nos apprêts
Nous retarda d'un jour , agita l'air exprès ;
Jupin parmi l'orage éclata ; mais la foudre
Ceda le lendemain aux effets de la poudre.
Nos machines joüoient , Dieu fçait . L'Artifi
cier
Auroit peut- être ailleurs paffé pour un for
cier ;
Aquilon , tout-à- coup adoucit fon haleine
Favorifa- nos jeux , en refpecta la Scene ,
Nos Serpens enflamez , en fillonant les airs
De la nuit précedente effaçoient les éclairs ,
Du Ciel envain caché perçoient les fombres
voiles ,
Et nous rendoient le jour au deffaut des Etoiles
;
L'Hôtel étincelant de feux & de clarté ,
II. Vole Diij Sem3042
MERCURE DE FRANCE .
Sembloit de nouveaux Dieux un Olympe has
bité ;
Sur fon haut Frontifpice , éclatante , & do
rée ,
Brilloit la Fleur de Lys en Artois adorée ;
Les murs de tous côtez aux regards éblouis
N'offroient que le Dauphin , que Sophie &
Louife.
J
Et ces Auguftes noms écrits en- traits de flâ
mes ,
Infpiroient le refpect , & l'amour dans leș
ames .
Mais laiffons ce fujet que je n'ai qu'ébau
ché ;
Apprens , mon cher ami , ce qui m'a plus
touché.
J'ai vu notre Nobleffe en ces Fêtes publiques
,
Reconnoître le fang de fes Maîtres anti-
-ques ;
Barons , Comtes , Marquis , aux Etats appellez
,
Une pareille ardeur les a tous fignalez ,
Et je trouve , en un mot , plus je les examine
,
Qu'ils font François de coeur autant que d'o
rigine.
Des Magiftrats , des Clercs , cet exemple ſuivi.
Fit éclater le zele & la joye à l'envi.
Lorraine animoit tout par fa préſence illuftre s
II. Vole
De

DECEMBRE. 1729. 3043
De cet heureux fpectacle il rehauffoit le luf
tre ,
Aſſiſta d'un grand air , mais gracieux , humain
,
Au feu de notre joye allumé de fa main.
Il régla , conduifit , & foûtint notre zele ,
Én fut le fpectateur , ainfi que le modele ,
Et l'on fe flatte enfin en faveur de ces lieux ,
Qu'il en dira deux mots à l'oreille des Dieux.
Voilà fur tous ces points ce que je puis t'écrire
:
La Fête dure encor , viens avant qu'elle expire.
Quitte enfin ton Château , viens , pauvre Campagnard
,
D'Elbeuf part dans trois jours , n'attends pas
fon départ ;
Et malgré les rigueurs de ta goutte funeſte ,
De nos charmans plaifirs glane au moins quel
que refte ,
Le féjour de ce Prince en fait le plus exquis .
Mais le Courier me preffes il part ; Adieu, Mar
quis.
11. Vol.
Diij FESTE
3044 MERCURE DE FRANCE.
FESTE de l'Univerfité de Caën . Extrait
d'une Lettre de M. de C. du 5. Decembre
1729.
CE
Ette Fête qui a été celebrée le 28. Na
vembre , avoit été ordonnée dès le 200
par un Mandement du Recteur * qui en preferivoit
l'ordre general & les cérémonies . Ce
Mandement tout à - fait digne de la grandeur
du Sujet , étoit addreffé , fuivant la coutume',
à l'Evêque de Bayeux , Chancelier né de l'Univerfité
, aux Evêques de Lifieux & de Coutances
, & au Baillif de Caën , ou à ſon Lieutenant
General , comme confervateur de
fes Privileges. Cette Univerfité , reconnoît
pour fon premier Fondateur Henri VI . Roy
d'Angleterre , dont les Lettres Patentes font
dattées de Rouen au mois de Janvier de l'Année
1437. Elles furent fuivies de plufieurs
Bulles du Pape Eugene IV. & en l'Année
1452. Charles VII . Roy de France ayant
conquis la Normandie , ufurpée par les An
glois ; ce Prince accorda de nouvelles Lettres
de Création & de Fondation , & c. de
forte qu'après l'Univerfité de Paris , celle
de Caen eft reconnue pour la premiere Fille
de nos Roys. Elle peut fe glorifier auffi d'avoir
donné plufieurs Grands Hommes à l'E
glife , à l'Etat , & à la République des Lettres
.
* M. Charles Boullard , Docteur & Profeffeur
Royal en Medecine.
AI, Val
En
DECEMBRE. 1729. 3045

·
En conféquence du Mandement , dès le 27.
au foir le Canon du Château ayant fait une
décharge , toutes les Cloches des Paroiffes
& des Communautez , aggregées au Corps
de l'Univerfité , de celles même qui ne le
font pas , annoncerent la Fête au Public..
Quelques uns de ces Corps marquerent leur
joye plus particulierement : Les Benedictinsde
l'Abbaye S. Etienne firent tirer des Boëtes ,
& on tira de leur Clocher une grande quantité
de Fufées ; les Cordeliers , qui font les
Chapelains de l'Univerfité , firent de grandes.
Illuminations fur les Remparts qui bordene
les Terraffes de leur Jardin , qutre quantité
de Fufées tirées de divers endroits , & un
Feu d'artifice placé fur une des Tours des
mêmes Remparts.
Le lendemain 28. jour de la Solemnité ,
elle fut annoncée comme la veille › par le
bruit du Canon & par le fon de toutes les
Cloches. A huit heures du matin , la prin--
cipale Cloche de l'Eglife S, Sauveur ayant
fonné feule pour la convocation generale .
tous les Immatriculés fe rendirent à PEglife
des Cordeliers , ou après avoir entendu un
fort-beau Difcours Eatin de M. le Recteur
fur le fujet de la cérémonie , la Proceffion
fortit de l'Eglife , & commença la marchedans
l'ordre qui fuit:
1. Quelques Cavaliers . z . Quatre Mèffagers.
3 Un Religieux Cordelier en Chape
portant la Croix , accompagné de deux Acolites
portant des Chandeliers. 4. Le Meflager
general Quatorze autres Meflagers. 6. Les
Papetiers. 7 Les Parcheminiers. 8. Les Ecrivains:
9. Les Enlumineurs. 10. Les Relieurs
1. Le Libraire Juré de l'Univerfité ſeul. - 12
11. Vol. Dy Li
3046 MERCURE DE FRANCE.
Le Sonneur , l'Horloger , le Clavier des Ecoles.
13. Les deux Chirurgiens de l'Univer
fité.
14. Les Prêtres de l'Oratoire . 15. Les Jefuites.
16. Les Cordeliers . 17. Les Dominicains 18 ,
Les Carmes. 19 Les Religieux de l'Hôtel-
Dieu . 20. Les Religieux du Pleffis Grimoult
21. Les Religieux de l'Abbaye Duval. 22 .
Les Religieux de fainte Barbe. 23. Les Religieux
de Royal - Pré. 24 Les Religieux de
Barbery . 25, Les Religieux d'Aunay . 26. Les
Religieux des Abbayes de Belle - Étoile , de :
Mondai & d'Ardenne , Ordre de Premontré,
tous en Surplis & en Aumuffes blanches ..
precedés de quatre Chantres , revêtus de
Chapes & c. 27 Les Curez & le Clergé des
Paroiffes S. Jean , S. Pierre & S Sauveur
en Chapes . 28. Les Chanoines & Chapelains :
de l'Eglite Collegiale du S Sepulchre. 29 ..
Les Religieux Benedictins de l'Abbaye Royale
de S. Etienne en Chapes , ayant à leur têtele
P. de La Londe leur Prieur , auquel le
droit d'officier ce jour -là appartenoit en.
qualité de Grand Vicaire né de S. E. M. le.
Cardinal de Fleury , Abbé de S. Etienne
les Prieurs des Abbayes de Fontenay & de
Trouard , lui fervoient de Diacre & de Sous-
Diacre.

30. Les deux Bedeaux de la Faculté des
Arts 31. Le Greffier Secretaire & Garde
des Archives de l'Univerfité , en Robe noire.
32. La Faculté des Arts reprefentée par tous
Les Profeffeurs du College du Bois , & du
College des Arts 33. Six Bedeaux portant
leur Mailes.
34. Les Facultez de Medecine , de Droit
& de Theologie. 35. M. le Recteur , fuivi :
Al, Vol . des
DECEMBRE. 1729. 3047
des Confervateurs des Privileges Royaux de
P'Univerfité . Sçavoir : le Lieutenant General
du Baillif de Caën , & le Procureur du Roy
du Bailliage & Prefidial de Caën . 36. Les
Avocats , Procureurs , & Promoteurs de la
Jurifdiction Apoftolique. 37. Les Avocats &
Procureurs Ecclefiaftiques , l'Avocat & le
Procureur Civil ; le Notaire de la Jurifdietion
Apoftolique ; le Greffier de la même
Jurifdiction ; le Garde de la Bibliotheque ;
PAppariteur General de cette Jurifdiction.
38. l'Appariteur General de l'Univerfité.
Quelques Soldats fermoient la marche , &
d'autres étoient fur les rangs pour contenir
le Peuple , & c.
La Proceffion defcendit par la grande rue
des Cordeliers , & continuant fa marche par
celles de Froide , rue de Notre Dame , de
S. Pierre & de S. Jean , arriva enfin , au
fon de toutes les Cloches , dans l'Eglife des
Dominicains , dont le Portail étoit extrêmement
orné. Elle fut reçue à la porte par le
Prieur & les Religieux en Chappes & avec
l'Encenfoir , au bruit des Tambours , des
Trompetes , &c. Après que tout le monde
fe fut place , par les foins de fix Maîtres
des Cérémonies qui avoient dirigé l'ordre &
la marche de la Proceffion , M. Vicaire
Docteur en Theologie , Curé de S.. Michel
de Vaucelles , & Ancien Recteur de l'Univerfité
monta en Chaire , & prononça un
Difcours François auffi folide qu'éloquent &
pathetique , lequel fut univerfellement applaudi.
Son Texte étoit pris dans le 4e Chap..
du Livre de Ruth. v. 14. Benedictus Dominus
qui non eft paffus ut deficeret fucceffor
Familia tua , ut vocaretur nomen ejus Ifraël,.
1. Vol. D vj Aprèss
3048 MERCURE DE FRANCE :
Après ce Difcours , on commença la grande
Meffe qui fut chantée par la Mufique de l'Eglife
de S. Pierre , pendant laquelle le Diacre
porta le Livre de l'Evangile à bailer à M.
le Recteur , & on lui donna l'Encens . Après:
la Grande Meffe , la Proceffion fe remit en
marche dans le même ordre , & retourna
par la Place Royale à l'Eglife des Cordeliers
, ou le Te Deum fut chanté en Mufique
au fon des Trompettes , des Hautbois , & c.
ce qui finit une Cérémonie , auffi magnifique
que pieufe & édifiante.
Mrs. de l'Univerfité ſe retirerent dans leurs:
Ecoles , & quelque tems après on fervit un
grand Repas dans la grande Salle du Droit ,
fur une Table de 60. Couverts . M. de Vaftan ,
Intendant de la Generalité de Caën , s'y
trouva avec plufieurs perfonnes de Condition.
Ce Repas dont l'ordre , l'abondance ,
& la délicateffe furent extrêmement loüez ,
n'ayant pû commencer qu'à trois heures ,,
conduifit infenfiblement jufqu'à la nuit.
Alors on commença l'Illumination prepa
rée fur l'exterieur de cette grande Maifon
toute conftruite de ces belles Pierres blanches
, dont la Carriere eft aux environs de
Caën. Elle préfente une Façade d'environ 50-
toifes de longueur , & contient dans fon milieu
un principal Corps en Pavillon , lequel
eft accompagné de chaque côté d'un autre
Pavillon , où font les Claffes & les Salles .
d'Affemblée de la Faculté de Theologie , &
de celle des Arts . Ces deux Pavillons en
aîles , beaucoup plus avancez que le reste du
Batiment, & moins élevez , font comme deux-
Avant- Corps qui forment enfemble un en
foncement en quarré long , lequel fourni

Kol
une
DECEMBRE . 1729. 3049
une promenade fort- agréable. Le Corps prin
cipal eft orné d'un Frontispice tout- à - fait
magnifique , compofé de Colomnes Ioniques
Ifolées , qui foutiennent un riche Entablement
, au - deffus duquel s'eleve un fecond
Ordre de fix Pilaftres avec leur Entablement
couronné par un grand Fronton ; ce
Pavillon eft enfin furmonté au milieu du
comble , d'une Lanterne , d'un ouvrage délicat
, laquelle renferme l'Horloge de l'Uni--
verfité.
9
Dix mille Lampions , outre un grand nombre
de Pots à Feu , de Terrines , & c. allumez
en très- peu de tems , produifirent un effet
merveilleux fur toute cette longue . Façade.
On ne vit jamais en ce genre , un plus beau
coup d'oeil , non-feulement par le nombre
infini de Lumieres , mais encore par la ma--
niere ingenieufe de leur diftribution , à quoi
l'Architecture de ce Bâtiment , & en par
ticulier les Ceintres des 24. grandes Croisées ,
contribuoient beaucoup . Rien cependant n'arrêta
plus tous les regards , & ne fixa davantage
l'admiration generale , que la grande
Infcription lumineufe , qui paroiffoit fur la
Frife du premier Entablement. L'arrangement
tour particulier d'un nombre de Lampions ,
produifoit cet effet , & faifoit lire très - dif
tinctement ces paroles :.
NASCENTI DELPHINO
RELLIGIONEM STABILITAM
LITTERARUM DECU SAMPLIATUM
IMPERIO PACEM ASSERTAM PRÆSAGIENTI
HOS IGNES VOVET ET CONSECRAT
CADOMENS IS UNIVERSITAS
III. KAL. DECEMB. AN. M. DCC. XXIX.
11. Vel.. Vis: à- vis
Foro MERCURE DE FRANCE.
Vis- à- vis de ce grand Bâtiment , eft fitué
le College des Arts , qui parut en même--
tems tout en feu , par le zele & le genie
de M. Michel , qui en eft le Principal ; outre
quantité de Décorations convenables àu Sujet,
deux Cabinets de verdure , terminez en Piramides,
& chargez d'une infinité de Lampions ,
firent un effet des plus agréables.
Les Benedictins de l'Abbaye S. Etienne , qui
avoient déja marqué leur joye avec la Ville , par
une illumination generale , la réitererent pour
témoigner leur attachement à l'Univerfité ;
toutes les croifées de ce grand Edifice furent
éclairées par des bougies ; le clocher le fut pardes
pots à feu , & c. & on y plaça des Canons
& des buetes dont les decharges ne cefferent
qu'après minuit.
Les Prémontrez de l'Abbaye d'Ardenne , fi
tuée aux environs de Caen , fur une hauteur , fe
fignalerent encore par une illumination des plus
fuperbes , dont toute la Ville admira l'ordre &
le goûr , fans parler des décorations qui accompagnoient
l'Architecture de leur batiment.
Enfin fur les huit heures du foir , le Château
de Caen ayant fait une décharge generale de fon:
Artillerie , & toutes les cloches de la Ville
ayant commencé de fonner , un nombre d'Ar
tificiers placez fur un grand balcon de char
pente , qui avoit été conftruit fur le comble du
bâtiment qui eft en face de la grande Horloge
de la Ville , donnerent au Public un autre fpectacle.
Ils lancerent d'abord quantité de très--
belles fufées qui ne furent que le prélude de 'ce:
qu'ils préparoient. Dans le tems qu'on y penfoit
le moins, le Balcon dans lequel ils étoient,
parut tout en feu , quatre Roues s'allumèrent
dans les Angles , & une Inſcription dans laquel
Jd. Vol .
lc.
DECEMBRE. 1729. 3058
le on lut long- tems VIVE LE Ror , fur une
planche de 14. pieds de longueur, garnie de plus
de 1500. Lances à feu, fournit un fpectacle trèsagréable.
Du milieu de cette efpece d'embrafement
, fix Caiffes remplies de füfées , partirent:
au fon des Trompettes , des Tambours , des
Hautbois , &c. & firent l'admiration & le plaifir
des Spectateurs. Quelques momens après ,-
on lança du même balcon un nombre chofi de
fufées les plus grofles & les mieux entenduesqui
ayent jamais été veuës dans les Irovinces.-
Elles eurent toutes un fuccès merveilleux , leurs
têtes differemment chargées , rempliffoient l'air
d'Etoiles , de Gerbes & de Pluye de feu , donts
la chute differente excitoit mille cris de joye.
La Fête ne fe termina pas là . Un Artificier de
la Ville parût à fon tour fur le Balcon , d'où il
tira encore plufieurs centaines de Fufées de fa
façon par émulation de celles qui avoient été en--
voyées de Paris . Elles amuferent agréablement
le Peuple une partie de la nuit , & pour dernier
fpectacle , il mit le feu à fix Caiffes de fufées
qui partirent toutes en même tems , & excite--
rent de nouveaux applaudiffemens.
C'eft ainfi que fe patla cette Fête , à laquelle
toute la Ville's'eft intereffée , & dans laquelle
elle a joint fes voeux les plus ardens à ceux de
'Univerfité. M. Hallot , Chanoine de l'Eglife:
du S Sepulere , Profeffeur Royal d'Eloquence
, & ancien Recteur , a exprimé ces difpofitions
par ces Vers addreffez au Roy.
A'D
REGEM CHRISTIANISSINUM LUDOVICUM XV .
Natalem Sereniffimi DELPHINI
Decreta fupplicatione celebrante
Univerfitate Cadomens
H..Vol. VOTIT
For MERCURE DE FRANCE .
VOTIVUM EPIGRAMMA.
DELPHINO juvenis Pater es , LODOICE , relinquas
Imperium ut ferus , Publicà vita petun.·
Zuropa nafcens dat Pacis pignora toti
Hares ille tuus , Gentis & orbis amor..
Sic tibi , fic detur Nato permittere habenas ,
Ut regat has tecum , te`feniore , fenex.
Tu colamen , tu prafidium , fpes altera rerum
DELPHINUS ; rata fint publica vota Deo..
Traduction.
Louis, dans un feul fils, voy combien de prefens.
Le gage d'une paix profonde ,
L'objet de ton amour , l'amour de tout le
monde
T'eft donné dans tes jeunes ans.
Qu'il ne foit de long- tems ceint de ton dia
dême ;
Dans un âge avancé lui-même ,
Puiffe- t'il au gré de nos voeux
Devenir le foutien de ta vieilleffe extrême:
Pouvons- nous t'augurer un Regne plus heureux
?
On n'a au refte jamais vu tant d'Emblê--
mes ,,, de Devifes & d'autres femblables productions
qu'il en a parû à cette Fête dans les
differentes Décorations des Eglifes & des
autres lieux où elle a été celebrée . Cela fe préfume
aifément d'un Pays de l'Univerfité , &
II. Vol. d'une
DECEMBRE. 1729. 3053
d'une Ville auffi fpirituelle que Caën ; on
peut ajoûter que ces Emblêmes ont été trouvées
prefque toutes heureufes pour l'invention
, juftes par l'application , & exprimées
poëtiquement dans les deux Langues . Celles
qu'on a le plus applaudies font de la façon de
M. Heurtauld , Profeffeur des Humanités au
College du Bois , qui excelle dans les Belles-
Lettres , & qui a un talent particulier pour
fa Poëfie ; vous en jugerez par cet échantil
lon car on ne peut pas tout mettre dans une
Lettre.
PARELION.
Sive folis effigies in nube expreffa .
Lemna.
Simillima Patris imago.
Fix benè Sol oritur ; jam quantus in orbe con
ruſcat
Ludor ego ? fulget duplicatus in aere.
Titan ;
Nempè fuos nubi pictor dedit ipfe colores .
Haud fecus , ô LODOIX , fimilis tibi nafsitur
alter.
Explication.
LE PARELIE.
Ou la figure du Soleil dépeinte fur la
Nuë.
DEVISE.
De fon Pere il a tous les traits.
II. Vol L'Aftre
3054 MERCURE DE FRANCE.
L'Aftre du jour commence à parcourir les
Cieux ;
Déja fon vif éclat éblouit tous les yeux ;
Mais prodige nouveau !feroit- ce une impoſtures
J'apperçois deux Soleils briller dans la nature.
Ses rayons refléchis par un divin fecret
Sur la nue oppofée ont dépeint fon Portrait
Tel nous voyons Lours dans un objet qu'il
aime
Former un Fils illuftre , & pareil à lui- même..
DELPHINUS RELIGIONIS PROTECTOR .
Dea venerabilis , fronte velata , crucem
gerens : hinc à Rege illinc , à DELPHINO
fuftenta .
Lemna.
Undique fuftineor.
Unumfulta latus timui ; nunc undique freta
Quem cafum expaveam ? validis firmata lacertis
;
Quamquàm Gens hominum , quamquàm fremat
ipfe rebellis
Tartarus , extendam totum mesjura per orbem.
Explication .
LE DAUPHIN PROTECTEUR DE LA
RELIGION .
Une Vierge majeftueufe , la tête cou-
11. Vol
verte
DECEMBRE . 1729. 3055
verte d'un voile , une Croix à la main ,
& appuyée d'un côté par le Roi , & de
l'autre par le Dauphin .
DEVISE .
Par un double fupport je me vois af
fermie .
Autrefois je tremblai ; mais un heureux fecours
Vient affurer mes pas , & deffendre mes jours;
Que l'Enfer conjuré contre moi fe déchaînes
Je méprife aujourd'hui fon impuillante haines
Par ce double fupport à l'abri des revers ,
J'irai planter ma Croix aux bouts de l'Uni
vers.
Réjouiffances faites à Bayonne. Extrait
de Lettre.
E n'ai rien vû de fi brillant que les diverfesFêtes
qu'on a données ici, & j'ai été extrê
mement frappé des tranfports de joye que les
gens de tout âge , de tout état & de tout
fexe ont montre dans cette occafion ; j'étois
bien prévenu du grand attachement & de la
fidelité éprouvée des Bayonnois pour leur
Roi ; mais les nouveaux témoignages qu'ils
en ont donnés m'ont furpris , & je les ai admirés:
Ne penfez pas que trop fenfible aux
politeffes , la prévention ait fait fur moi trop .
d'impreffion .
Auffi tôt après l'arrivée du Courrier qui portala
nouvelle , M. Dadoncour fit tirer le Canon
II.Vol. des
3656 MERCURE DE FRANCE.
des Châteaux & de la Citadelle , & il ſe répan
dit une joye extraordinaire partout, M. l'Evêque
commença par faire chanter le Te Deum
dans fon Eglife , qui fut précedé d'une Proceffion
generale , & fuivi de Feux de joye
dans la Ville , de trois décharges generales
des Canons & de la Moufqueterie des Troupes
de la Garnifon & des Troupes Bourgeoifes
. Toutes les Maifons furent illuminées
pendant la nuit , & la journée fut terminée
par un grand foupé au Palais Epiſcopal.
M. Dadoncour fit fa te quelques jours
après les Illuminations furent encore generales
, & fa Maifon fut éclairée par dehors &
par dedans avec magnificence & gout. Il y
eut Concert , Soupé & Bal.
Enfin , le Corps de Ville commença fes Fêtes
qui ont duré trois jours . M. l'Evêque , M.
Dadoncour , les principaux de tous les Corps
& tous les Notables , au nombre de plus de
eent perfonnes , furent invités à un dîner qui
fuc fervi avec beaucoup d'ordre , de propreté
& de magnificence . Après le dîner , il y
eut un grand Concert d'Inftrumens , & il y
fut chanté un Motet à grand Choeur en actions
de graces. Après le Concert qui finit à l'ens
trée de la nuit , on alla prendre des places
pour voir un Feu d'artifice qui avoit été préparé
fur la Riviere de la Nive. Notre Prés
fat fut conduit dans une Maiſon d'un des Magiftrats
, qui étoit illuminée d'une façon re
cherchée , & l'inftant d'après , on lui préfenta
du feu pour allumer un Aigle d'arifice
qui devoit l'aller porter à l'artifice préparé.
Le Feu réuffit à la fatisfaction de tous
les fpectateurs. On n'avoit point vû à Bayonne
depuis un tems infini un fpectacle de
II. Vol. cette
DECEMBRE. 1729. 3057
sette efpece n'y ayant point à Bayonne
d'ouvrier qui pût l'entreprendre , on fit venir
un Artificier Efpagnol , homme d'une grande
réputation , & qui dans cette occafion ne l'a
point démentie. Les Illuminations fuccederent
au Feu , & on vit des Fufées volantes
qu'on jettoit de prefque tous les Quartiers de
la Ville.
Le lendemain , il y eut deux Fontaines de
vin qui coulerent tout le jour devant la Maifon
de Ville , & l'après - midi , on fit courir
POye , & les Artifans de tous les Corps
donnerent , à l'envi, des marques d'une grande
joye.
Le Mardi , toutes les Dames & Demoifelles
s'affemblerent à la Maifon de Ville vers
les quatre heures ,⚫ pour entendre un Concert
d'Inftrumens & de Voix , qui ne finit qu'à
fept. Enfuite on fit une Pamparruque trèsnombreuſe
, & fort décorée. Ôn alla au ſon
des trompettes , tambours , violons , hautbois
& tambourins , d'abord chez M. l'Evêque
& chez M. Dadoncour , & puis faire le tour
de la Ville On compta jufqu'à 160, perfonnes
, Dames & Cavaliers , qui fe tenoient par
des Feftons , faits avec art, Cette nombreuſe
Affemblée rentra , & trouva un très grand
fouper fervi avec toute la délicateße imaginable
fur une Table en fer à Cheval il
eut trois Tables de la même magnificence
Occupées feulement par les Dames ; un grand
nombre de Cavaliers les entouroit ; beaucoup
de gayeté fit encore valoir la bonne
chere. Il fut chanté dans les deux repas de
la Ville des Chanfons fort jolies au fujet
de la Fête. Après le fouper , on commença
un Bal fort brillant qui ne finit qu'avec la
1 10 Vol . nuit
y
3058 MERCURE DE FRANCE .
muit. L'Artillerie de la Ville fit diverfes de
charges. On tira nombre de Fufées ; les
Illuminations de l'Hôtel de Ville furent
grandes & continuelles pendant les trois
nuits. Les Jours fuivans ont été encore marqués
pár diverfes Fêtes particulieres , & par
les témoignages de joye qu'ont donné tous
les Corps de la Ville ; beaucoup de danfes
publiques , de foupers dans les rues , fous
des Tentes , fur la Riviere , nombre de Fufées
volantes , l'Artillerie des Vaiffeaux & c.
Les Bouchers donnerent une Courſe , que
des Teriadors Eſpagnols rendirent intereffante
.
XXX:XXXXXXX :XXXXX
ENIGM E.
D'Un frere lourd , foeur très - legere ,
Bon gré malgré , je me gliffe par tout ,
Il n'eft lieu fi caché que d'un oeil témerairs
Je n'obferve de bout en bout.
Plus d'un Amant me porte envie ,
Quoique le beau ſexe encourroux
Se faffe un paffe - tems bien doux ,
De confpirer contre ma vie.
Mais fans m'étendre en long propos ,
Pour vous montrer que je fuis fans pareille ,
Il n'eft ni Prince , ni Heros
Dont je ne trouble le repos ,
Lorfqu'une foisje le tiens par l'oreille.
II. Vol. LOGO .
DECEMBRE . 1729. 3059
LOGOGRYPHE.
A Double fens , on peut me prendre ,
Dans le premier , je fuis conftruit ,
Dans le fecond , je fuis le fruit
Qu'a produir le noeud le plus tendre ,
Quoiqu'en lieu magnifique , & même fans
Rivals
Cependant , dans mon nom fe trouve mon
égal.
Dans l'autre , fous l'efpoir d'un beau noeud
qui m'engage ,
Je fuis plus amoureux , qu'ambitieux & lage.
si dans l'un & dans l'autre fens ,
En ôtant peu ,
preffe ,
chacun à me tourner s'em
Mon nom offre d'abord un titre de nobleffe ,
Où l'on voit afpirer les Grands.
Si je defcends de ce degré de gloire ,
Sans y rien ajouter , me tourner feulement
Entre deux combattans on me mit en avant ,
Et je fuis toujours la victoire.
Si l'on me coupe en deux , & qu'on prenne, la
fin ›
Par un favorable deftin
Je bannis bien loin la triſteſſe ,
Otez ma penultiéme , & dans l'inftant je
ceffe
11. Vol. De
3060 MERCURE DE FRANCE. 1
De me fixer en quelque lieu ;
Qu'on ôte encore le milieu
Je fuis contre l'affirmative ,
Sans rien changer , celui qui me captive ,
Refte toujours dans le repos ,
s'il veille ; mais exempt de maux ,
A me redonner l'être on ne le voit point
chiche ,
Mais plus le Manan que le Riche.
Des lettres qui forment mon nom ,
Qu'on ôte feulement la tête & la derniere ,
Tournant celles qu'on laiffe , on voit avec
raifon ,
Qu'à tout être vivant je deviens neceffaire ,
En entier , fans leçon je fuis très - bien appris
,
Pourvû qu'à mieux placer une lettre on s'engage.
Qu'on l'ôte entierement , dans le momentj'enrage
De me voir accroché fans éclat & fans prix.
Pour deviner le mot , Lecteur prens patience ,
Tes foins ne feront pas perdus ;
Pourfuis.... au premier fens on voit fon exiftence
,
Au fecond on ne la voit plus.
!
II. Vol. On
DECEMBRE 1729 3061
On donnera avec les nouvelles Enigmes
du mois de Janvier , l'Explication de celles-
ci , & de celles du premier Volume de
ce mois.
XXXXXXXXXXXXXXXX
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
TR
RAITE DE LA VERTU DES ME
DICAMENS , traduit du Latin de
M. Herman Beerhave , par M. Devaux
Maître Chirurgien- Juré à Paris , & Ancien
Prévôt de fa Compagnie . A Paris ,
chez les Freres Ofmont , proche le Pont
S. Michel , 1729.
"
SUITE DES JOURNE'ES AMUSANTES ,
dédiées au Roy. Par Madame de Gomez ,
Tome V. enrichi de Figures en Tailledouce
de 355. pages , pour la premiere
Partie , de 319. pour la feconde. A Paris ,
Quai des Auguftins , che la veuve Guillaume
, au Nom de Jefus , 1730. 2. vol.
in a 2.3 . liv.
L'AVARE PUNI , ou le Don genereux
II. Vols E du
3062 MERCURE
DE FRANCE.
du Comte de Champagne . Nouvelle hiftorique
, mife en Vers par Mlle l'Heritier .
A Paris , Quai de Conty , chez Tabarie ,
1729. in- 8 . de 28. pages,
HISTOIRE DE L'ACADEMIE
ROYA
L des Infcriptions & Belles Lettres ,
des
Regiftres de cette Académie , depuis l'année
1718. jufques & compris 1725. Tome
cinquième, A Paris , de l'Imprimerie
Royale 1719. in - 4 . 10. Planches ,
4.42 . pages pour l'Hiftoire , & 430. pour
les Mémoires . Le fixième Tome paroît
auffi.
avec les Mémoires de Litterature
ettres
INSTRUCTIONS
utiles au Chrétien &
à l'honnête homme , en forme de Sentences
, par M. Le Vaffeur , Chanoine
Régulier de l'Ordre de la Sainte Trinité
& Rédemption
des Captifs . A Paris ,
rue du Foin , chez P. Lormel , in - 12 .
DE LA ME'THODE
d'obferver exacte,
ment fur Mer la hauteur des Aftres , Piéce
qui a remporté le Prix propofé par l'Académie
Royale des Sciences , pour l'année
1729. Par M. Bouguier, Profeffeur
du Roy en Hydrographie
au Croific , &
Membre de l'Académie Royale de Børdeaux
.
Ile Vol.
DECEMBRE . 1729 . 3063
deaux. Rue S. Jacques , chez Jombert
1729. in-4.
LE NOUVEAU GULLIVER , OU Voyage
de JeanGulliver, Fils du Capitaine Gulliver
, &c. Par M. l'Abbé Desfontaines
2. vol. in- 12 . A Paris , chez la veuve
Clouzier , & François le Breton , à la defcente
du Pont- Neuf, près la rue Guenegaud
, 1720 .
Tout le monde fçait le fuccès qu'eut
en France , il y a trois ans , la Traduction
des Voyages du Capitaine Gulliver , donnée
au Public , par M. l'Abbé Desfontaines
. Le Traducteur eft Auteur dans l'Ouvrage
nouveau qui vient de paroître , &
qui n'a pas moins de fuccès. Il eft vraifemblable
que les Voyages de Telemaque
qui parcourt les Mers en cherchant fon
pere , ont fait naître à M. L. D. F.
l'idée de faire voyager à fon exemple le
fils du Capitaine Gulliver. Quoiqu'il en
foit , le Lecteur voyage avec lui trèsagréablement
on trouve que le fils a des
avantures plus agréables & plus amufantes
que le pere. Tout ce qu'il raconte fignifie
quelque chofe ; le fens myfterieux fe préfente
naturellement , l'Allegorie eft claire
& intereffante ; la vrai - femblance eft
plus menagée , & la verité eft en quelque
forte mieux habillée & plus piquante.
II. Vole Eij Jean
3064 MERCURE DE FRANCE;
que
Jean Gulliver eft pris par des Corſaires
qui le conduifent dans leur . Ifle , où la
Gynécocratie eft établie , c'eſt - à - dire , où
les femmes font le fexe dominant , & exercent
tous les Emplois de Judicature , de
Finance , de Guerre , &c. La Reine a un
Serrail de Jeunes Gens , dont elle en tire
un tous les ans pour l'époufer . Enforte
la coûtume eft qu'elle en change une
fois chaque année , n'ayant jamais qu'un
mari à la fois. Notre Voyageur ayant eu
le bonheur de plaire à S. M, eft déclaré
Epoux de la Reine pour le cours de l'année
fuivante , & fur ce pied il eft tiré du
Serrail & logé dans le Palais . Pendant ce
temps -là , une des plus grandes Dames de
'Ile devient amoureufe de lui , & il en
devient auffi lui - même amoureux ; enforte
qu'il fe fait enlever par elle ; ce qui lui
eft ailé , parce que cette Dame eft Gouvernante
du premier Port de l'Ifle , & en
commande tous les Vaiffeaux . Tandis
qu'elle fuit avec fa nouvelle Conquête ,
le Vaiffeau qui les porte eft attaqué par
deux Vaiffeaux de l'Ifle , que la Reine.
avoit envoyez pour les pourfuivre. Ils font
repouffez après un Combat fanglant.Mais
l'Amante de notre Voyageur , qui avoit
combattu genereufement , eft bleffée , &
meurt de fes bleffures. Ses adieux font
grès- touchans & affez finguliers.
II.Vol,
Jean
DECEMBRE. 1729. 3069
Jean Gulliver , peu de tems après , fait
naufrage & aborde par le moyen d'un
Canor , dans une Ifle où les habitans vivent
peu de tems , mais font formez de
bonne heure. Le Roy qui n'a que quatre
ans , eft un Prince qui régne avec beau
coup de gloire , aidé, des confeils de fon
premier Miniftre , âgé de 16. ans . Cet
endroit renferme une morale excellente
fur le vain ufage que nous faifons de la
vie ; mais on trouve encore beaucoup plus
de profondeur & de fublimité dans celle
qu'amene naturellement le féjour que
Jean Gulliver fait enfuite dans l'Ifle de
Manoubam; fes entretiens avec un Sau-,
vage font parfaitement dialoguez , & contiennent
des idées toutes neuves fur ce
que nous appellons focieté civile. Ils
font égayez par les Entretiens galants de
notre Voyageur , avec une jolie Sauvageffe
dont il eft amoureux .
L'Ifle des Boffus eft une fuppofition bur
lefque , pour faire fentir que la beauté &
la laideur , la bonne & la mauvaiſe grace
font des qualitez purement arbitraires ,
C'eft en quelque forte l'Apologie de ceux
qui font nez avec des deffauts corporels
On fent affez que l'Auteur n'a point eu
deffein de les railler ; ce qui auroit été de
fort mauvais goût . Cependant cette fiction
, malgré le Portrait plaifant de l'Em
Ik Voly E iij pereur ,
3066 MERCURE DE FRANCE .
pereur , Doffogroboskow n'eft pas celle qui
plaît le plus.
On trouve dans le fecond Volume la
Defcription allegorique de plufieurs Ifles
de la Terre de Feu ; comme l'Ile des Bêtes
, des Orateurs , des Philofophes , des
Géometres , des Muficiens , des Comédiens
, des Medecins & des Gourmands.
Tout cela eft un peu dans le goût des
Fictions de Rabelais .
que
L'Ile des Letalifpons , où il s'agit de la
Palinneafie , ou du rajeuniffement des
homines , eft une idée trés - amufante , &
dont on peut tirer beaucoup d'utilité . Il
y a dans cet endroit beaucoup de Phyfi-
& de Morale. L'Hiftoire de Taïfaco
& d'Amenoza eft fort touchante & bien
contée. En general , tout le monde convient
que le Livre eft écrit avec beaucoup
de pureté , d'élégance & de précifion.
P'Auteur eft trop connu dans le monde
pour que cet éloge paroiffe fufpect.
La Lettre du Docteur Ferruginer , qui
termine l'Ouvrage , renferme une vafte
érudition , qui dans fa bouche devient
Comique ; cette Lettre fert à faire voir
que tout ce qui a été imaginé dans le
corps de l'Ouvrage , eft fondé fur des
faits atteftez par des Auteurs très - refpectables
. On trouve à la tête du Livre une
Préface fenfée & bien écrite , qui pré-
II. Vola vient
DECEMBRE 1729. 3067
r
vient le Lecteur , & le fait juger d'avance
que l'Ouvrage eft bien moins frivole qu'on
le pourroit croire ; en effet , rien n'eſt
les moeurs que de mettre plus utile pour
la morale en action . C'est ce qu'a executé
fi heureuſement feu M. de Fenelon
dans fon Telemaque , qu'on ne prétend
néanmoins aucunement comparer à l'Ouvrage
dont il s'agit , étant d'un autre
genre . Les deux Volumes fe vendent trois
liv. brochez .
Il paroît 2. Volumes in o & avo de M.
de la Motte , de l'Academie Françoiſe
imprimés chez Gregoire Dupuis
·
,
ruë
S. Jacques , à la Couronne d'Or , 1730 .
Prix 6. liv . de 738. pages les 2. vol.
qui ont pour titre Les Oeuvres de
Theatre de M. de la Mottes
>
Le premier vol . contient plufieurs Difcours
fur la Tragedie , faits chacun à
l'occafion d'une de fes Pieces . M. de la
Motte y entre dans toutes les parties de
Art ; & il appuye toujours les réfléxions
d'Exemples , tirés , prefque tous , de Corneille
& de Racine , auffi -bien pour avertir
de ce qu'il faut éviter , que de ce qui
doir fervir de modele : Ce qui forme une
Poëtique complette de la Tragedie , propre
à éclairer le genie des Poëtes Dramatiques
, & à regler le jugement des
Spectateurs. E iiij M.
3068 MERCURE DE FRANCE:
M. de la Motte établit dans un de fest
Difcours , que la Verfification n'eft point
effentielle à la Tragedie ; & qu'il y auroit
à gagner pour le Public , à fouffris
des Tragedies en Profe , parce qu'il y a
des Ecrivains , qui n'ayant pas le talent
des Vers , ont d'ailleurs tout l'efprit neceffaire
pour imaginer de grands deffeins ,
& pour bien manier les caracteres & les
paflions.
M. de la Motte ajoûte à fes reflexions ,
fon Oedipe en Profe , comme un effai
de ce que pourroient devenir des Tragedies
fans Verfification.
Le fecond vol. contient les Tragedies
de M. de la Motte , déja imprimées ; &
de plus , la Tragedie d'Oedipe , & la petite
Comedie du. Talifman .
Le vol. eft terminé par une Ode de
M. de la Faye , en faveur des Vers , &:
par une Réponſe de M. de la. Motte ,
en faveur de la Profe.
OUVRAGES DE PHYSIQUE ET DE
MECHANIQUE , par M. Perault . A Am
fterdam 1727. 2. vol. in- 4 . Fig.
LA THEORIE DE L'AIR , ou les caufes
Phyfiques de cet Element font expo
fées par une Hypotè fe nouvelle , & deffendues
contre les objections fur les
II. Vol. variations.
DECEMBRE . 1729. 3069
variations de l'Air , & fes Phenomenes.
Par M. Bernard Annely. A Londres ,
chez Barey. in- 8 .
LE GRAND THEATRE SACRE' du
Duché de Brabant , contenant la Defcription
Hiftorique de toutes les Eglifes
Abbayes , Couvents , & autres Fonda
tions pieufes , qui fe trouvent dans l'Archevêché
de Malines , les Evêchez d'Anvers
& Bois - le - Duc , & dans le Wallon
Brabant ; les Vies des Evêques , la Lifte
des Doyens , Prevoſts , Abbez & Abbelfes.
Les Tombes élevées , Cabinets d'Ar
mes , Infcriptions Sepulchrales des perfonnes
qui fe font diftinguées , & fe font
renduës Illuftres , dans l'Eglife , dans la
Robe & dans l'Epée , enterrées dans ces
Eglifes. A la Haye , chez Vanlom. 2.-
vol. grand in-fol. avec plus de 300..
Figures très -bien gravées .
LES SATIRES , & autres Oeuvres dè
Regnier , avec des Remarques. A Lon
dres , chez Lyon & Woodman . 17291
1. vol. in - 4. propofé par Soufcriptions ,
& fe vend à Paris , rue S. Jacques , chez.
Coignard , Fils , Martin , Guerin‹, &
Montalant.
Les Libraires d'Angleterre , qui fe font-
Ev 11. Vol.
و م
attachez
3070 MERCURE DE FRANCE.
à attachez , depuis quelques années
réimprimer les Ouvrages des Anciens
Poëtes Grecs & Latins , viennent de publier
une nouvelle Edition de Regnier
Ancien Poëte François. Ils n'ont épargné
ni foins , ni dépenfe , pour rendre magnifique
cette Edition , qui furpaffe infiniment
toutes celles qui ont été faites de
ce fameux Poëte Satirique. C'eſt un vol.
in- 4 . d'environ 450. pag. orné de plufieurs.
Eftampes , Vignetes , & Lettres.
grifes , imprimé fur du Papier Royal ,
à grandes marges , & en beaux caracteres.
Mais ce qui fait le principal mérite
de ce Livre , c'est le Commentaire
qu'on y a ajoûté , & qui eft rempli de-
Recherches également curieufes & neceffaires.
L'Editeur , ou le Commentateur , dit
dans fa Préface , que de tous les Auteurs
célebres , dont les Ouvrages ont été multipliez
par un grand nombre d'éditions
Regnier eft peut être celui qui a le plus.
fouffert , de la négligence des Imprimeurs ,
de l'ignorance des Copiftes , & de la temerité
des Editeurs . Outre cela , dit - on ,
fes Poëfies contiennent quantité de Faits
Hiftoriques , & d'Allufions , que l'éloi
gnement des tems a derobez à notre connoiffance
; fans parler de l'obfcurité qui
xéfulte de l'embarras même de fon ex-
11. Vol preffion :
DECEMBRE . 1729 3071
preffion défaut , que l'on voudroit bien :
pouvoir excufer dans ce Poëte , d'ailleurs
fi fenfé & fi énergique. Voila les deux
motifs qui ont procuré la nouvelle édi
tion des Oeuvres de Regnier , & le Commentaire
qui les accompagne.
Le Texte y eft corrigé exactement :
fes Imitations y font recueillies avec
foin ; enfin le Texte y eft éclairci par ungrand
nombre de Notes hiftoriques &
critiques. Suivant ce partage , il paroît
que le Plan que s'étoit fait le Commentateur
de Boileau , a fervi de modele au
Plan qu'a fuivi le Commentateur de Regnier.
Celui-ci n'a pas voulu fe faire
connoître , & nous le laiffons jouir de
fon modefte filence . Donnons du moins
une idée de fon Ouvrage , en rapportant
quelques exemples de ces trois fortes de
Notes.
Pour donner le Texte correct de Regnier
, fon Commentateur a conferé toutes
les éditions , qui font en grand nombre,
& dans chacune defquelles il y a des differences
très notables , & même des fautes
effentielles ; fans excepter même les
éditions qui ont été faites pendant la
Vie de l'Auteur. Elles donnent lieu de
croire , dit on , que fon indifference pour:
fes Ouvrages , alloit jufqu'à n'en pas revoir
les épreuves. En veut - on un exemple
· IL. Vol.
E..vj pluss
3072 MERCURE DE FRANCE :
plus fenfible
que cette faute , qui ſe trous ve répetée
dans toutes les éditions
de
Regnier
? C'eft ce Poëte lui même qui
parle , Satire III . Vers 95.
Et le Surnom de bon me va tout repro
chant ,
Dautant que je n'ai pas l'efprit d'être:
méchant.
Ces mots, me va tout reprochant , c@ntiennent
une faute remarquable , que le
Commentateur a corrigée , en mettant ::
me va-t-on reprochant , qui lui a paru la
feule bonne leçon , & la leçon même de
P'Auteur. Vrai - femblablement il l'avoit
écrit ainſi ; mais dans la premiere édition
de 1608. l'Imprimeur avoit mis , me va
tout , par le renversement de la Lettre n,.
changée en u furquoi les Imprimeurs
dans les éditions fuivantes , ont crû malà
propos qu'il falloit tout..
Dans, la Satire V. le Vers 73. le doir -
lire ainfi Scaures du temps préfent , by
pocrites feveres , &c. Au lieu du premier
mot , Scaurés , du Latin , Scaurus , l'ir
gnorance des Imprimeurs avoit introduit ,
Scaurez , qui ne fignifie, rien en cet endroit.
Marcus Emilius Scaurus , Sena
teur Romain , étoit un fin hypocrite ,
qui, fçavoit habilement cacher fes vices
fuivant le portrait que nous en fait Sal-
Lufts
Nous
DECEMBRE. 1729 3073
Nous ne raporterons plus qu'un exemple
des corrections du Texte de Regnier.
C'est dans le Vers. 253. de la Satire dixiéme.
Mais comme un jour d'Hyver , où le
Soleil reluit ,
Ma joye , en moins d'un rien , comme un
éclair s'enfuit..
Voici la Remarque dû Commentateur.
Dans toutes les éditions on lifoit : Mais
comme un jour d'Efté. Il eſt viſible que
l'Auteur , ou les Imprimeurs , avoient mis
ici l'Efté pour l'Hyver : faute , qui s'étant
gliffée dans la première édition de
1608. s'étoit répandue dans toutes les
éditions pofterieures .
L'affemblage qu'on a fait ici , des paffages
de quelques Poëtes , tant Latins
qu'Italiens , que . Regnier a imitez.; ou :
plutôt , des Pieces prefque entieres qu'il
a . copiées , nous fait connoître qu'on a
eu tort jufqu'à préfent , de regarder Re- .
gnier comme un Poëte original , qui ne ·
devoit rien qu'à fon génie , & qui a tiré
tout de fon propre fonds..
La Satire fixiéme eft contre l'Honneur ,.
entant qu'il eft contraire à notre liberté
& à nos plaifirs. Les deux Capitoli dů
Mauro , Poëte Italien : l'un , In dishonor
dell' Honore ; l'autre , Del dishonore , ont
Il Vol feryt
3074 MERCURE DE FRANCE .
fervi de modele à Regnier dans cette Satire
, qui eft une de fes plus belles Piéces .
Le Commentateur a inferé dans fes Notes
, les endroits du Poëte Italien qui fe
rapportent plus précisément à ceux du
Poëte François.
P
La Satire VII. eft une imitation de la
quatriéme Elegie , du Livre fecond des
Amours d'Ovide ; & la Satire VIII . eft
auffi une imitation de celle d'Horace ,
contre un Importun ; mais une imitation
de Maître , un Tableau Original , par la
maniere libre & fçavante dont l'Auteur a
traité fon fujet.
La dixième , contient la Defcription
d'un Soupé ridicule & mal afforti , auquel
Regnier fut retenu malgré lui . Il
introduit à ce Soupé un Pédant.
Animal Domeſtique
De qui la mine rogue , & le parler confus ,
Les Cheveux gras & longs , & les Sourcils
touffus
Faifoient par leur fçavoir , comme il faifoit
entendre ,
La Figue fur le Nez au Pédant d'Alexandre.
Le Portrait que le Poëte fait de ce Pédant
, eft un Portrait fort chargé ; mais
il en a emprunté les principaux traits de
deux Piéces du Caporali , Poëte Italien ,
inti tulées , l'une Del Pedante , & l'autre
IL. Vol Sopra
DECEMBRE . 1729 3075
Sopra la Corte , dont les Vers paralleles
à ceux de Regnier , font rapportez dans
le Commentaire.
Enfin , le Commentateur a éclairci le
Texte par un grand nombre de Notes ,
qui donnent un grand jour aux Poëfies
de l'Ancien Satirique François . Il y a
des Remarques purement hiftoriques ,
qui expliquent les Faits que le Poëte a
indiquez , foit directement , foit par allufion.
Il y en a d'autres qui tiennent lieu
d'éclairciffemens , & qui fervent à déveloper
le fens même de Regnier , dans
les endroits où fon expreffion , fouvent
embarraffée , ou équivoque , ne rend pass
nettement fa pentée. Telles font les Remarques
fuivantes , qu'on va tranfcrire
à mesure qu'elles fe prefenteront.
Satire II. Vers 147.
Or , la Table levée , ils eurent la Mâchoire..
Après graces Dieu bût , ils demandent à boire..
On trouve ici l'explication de ce Proverbe:
Après graces Dieu bût.UnAuteur grave
[ Boetius Epo , ] dit que les Allemans ,
fort addonnez à la débauche , ne fe mettoient
point en peine de dire graces après
leurs Repas. On eut beau y exhorter les
Chanoines & les Moines , dans un Concile
de Mayence , tenu l'an 847. Hor-·
tantes eos....... fumere cibum cum be..
1. Vol nedi&ione
3076 MERCURE DE FRANCE.
nedictione & laule Domini , fecundùm
Apoftolum dicentem : five manducetis ,
five bibatis , omnia in Dei laudem facite.
Synod. Mogunt. fub Rabano , de Cleric.
vita , five Monach. cap. 13. in fine. Ces
exhortations furent inutiles : Ainſi , pour
réprimer cet abus , le Pape Honorius III.
donna des Indulgences aux Allemans , qui
boiroient un coup , après avoir dit graces.
Satire VI. Vers 130.
Qu'un Barifel vous mift dedans la Tour de
Nonne. ]
Ce Verseft accompagné de deux Notes .
La premiere dit , qu'à Rome , le Barifel ,
Barigello , eft un Officier, dont le foin eft
de veiller à la fûreté publique , en faifant
arrêter & punir les bandits & les
voleurs . C'est le Chef , ou le Capitaine
des Sbirres , qui font des Archers . Bargello,
Capitan de Birri . Diction . della Crufca.
La feconde Note apprend , que la Tour
de Nonne , eft une ancienne Tour de
Rome , qui fervoit de prifon : Autrefois
Torre de Nona , & aujourd'hui Torlinone
, ainfi appellée par corruption , de Torre
dell' Annona ; parce que les Magazins
publics de . Blé étoient dans ce lieu- là.
Cette Tour fut démolie vers l'an 1690 .
& à fa place on bâtit un Theatre pour
les Comediens & les Spectacles . Ce
LL..Vola
Theatre
DECEMBRE. 1729. 3077
Theatre étoit fameux par fa difpofition
par les Décorations , & par fes Peintures ;
mais fur- tout, par la commodité d'y repreſenter
un Combat naval fur le Tibre qui
étoit prefque au niveau & en perfpective
de ce Theatre. Il a été confumé par le feu .
Satire VIII. Vers 28 .
3
D'un ris de S. Medard il me fallut répondre. J
C'eſt- à- dire , d'un ris forcé. Grégoire de
Tours , c. 95. De la gloire des Confeſſeurs
nous apprend, que S.Medard ayant le don
d'appaifer la douleur des Dents , on le
repreſentoit exprès , la Bouche entr'ouverte
, laiffant un peu voir fes Dents ,
pour faire fouvenir , quand on y auroit
mal , d'avoir recours à ce Saint . Et parce
que entr'ouvrant ainfi la Bouche , il
paroiffoit rire , mais d'un ris , qui ne paf
foit pas le bout des Dents ; de -là eft
venu le Proverbe d'un ris de S. Medard ,
pour fignifier un ris forcé.
Satire XII. Vers 49 .
Telles fortes de gens vont après les Poëtes ,
Comme après les Hiboux vont criant les
Chouettes. 1
Si par Chouette , on vouloit fignifier un
Oifeau de nuit , efpece de Hibou , le fens
de ce Vers feroit faux : Car ce ne font
pas les Chouettes qui vont criant aprés
les Hiboux , mais ce font les autres Oi-
IL Vol. Chouettes ,
3078 MERCURE DE FRANCE.
feaux qui crient après les Hiboux & les
Chouettes. C'est pourquoi j'avois crû ,
dit le Commentateur , qu'il falloit lire 3
Comme après les Hiboux vont criant les
Fauvettes.
Suppofant que Regnier , comme de font
tems on ne diftinguoit pas dans l'écriture
I'v confone d'avec l'uvoyelle , avoit , au
lieu de Fovettes , écrit Fouettes , d'où l'Imprimeur
auroit fait Chouettes . Mais nos anciens
Dictionaires François m'apprennent,
que du tems de Regnier , Chouette, ou Chuets
te, fignifioit une efpece de Corneille , le petit
Choucas , qui , pour ufer des Termes de
Belon , eft la plus petite efpece du genre Cor
bin : en Latin Monedula ; parce que cet Oi .
feau , aimé extrêmement à cacher l'Or
& l'Argent , d'où eft venu le Proverbe :
Larron comme une Chouette. Marot , Epître
à celui qui avoit calomnié fon Epître ,
fur le vol de fon Valet :
Quel qu'il foit , il n'eft point Poëte ,
Mais Fils aîné d'une Chouette ,
Ou auffi larron pour le moins
Il faut donc conferver le Vers de Regnier
, tel qu'il eft dans la premiere édition
de 1608. Comme après les Hiboux
vont criant les Chouettes; ou mettre Chuettes
comme on lit dans les éditions de
1612 , & 1613 , faites pendant la vie de
,
PAuteur.
Dans
DECEMBRE . 1729. 3079
Dans la Satyre quatorziéme , Vers 111.
Il eft parlé de Gallet , fameux Joueur de
dez , qui vivoit du tems de Regnier. On
fait obferver ici dans une Note , que le
Commentateur de Boileau , Sat. 8. v. 81 .
a dit , fur la foi de la tradition , & de Ménage
dans fes Origines , que Galet fit bâtir
'Hôtel de Sully , & qu'il le perdit au jeu.
C'eſt le Duc de Sully , Sur Intendant des
Finances fous Henry IV. qui avoit fait bâ
tir l'Hôtel qui porte fon nom. Il eft vrai
que Galet avoit une maifon tout auprès
qu'on appelloit auffi l'Hôtel de Sully ; &
Galet la vendit pour payer les Créanciers.
On trouve encore le nom de ce Joueur
dans les Vers d'un Ballet, intitulé le sérieux
& le Grotefque , danfé par Louis XIII ,
en 1627. C'est dans un Récit pour les Fa
latiers de Rouen.
Là , ceux qui prêtent le collet
Aux chances que livre Gallet ,
Après quelques faveurs fouffrent mille
difgraces ;
Et ne rencontrent volontiers
Que l'Hôpital , dont les Portiers
Ce font les Digolis , les Taupes & les
Maces.
Au refte , nous devons dire , à la gloire
11. Polo du
3080 MERCURE DE FRANCE.
du Commentateur , qu'il s'eft comporté
avec beaucoup de fageffe , en interprétant
les Ecrits d'un Auteur qui s'eft quelquefois
écarté des régles de la bienséance.
J'aurois voulu , dit - il , en parlant de Regnier
, pouvoir couvrir d'épaiſſes ténébres
les endroits peu modeftes , que la licence de
fes moeurs , ou de fon fiécle , a laißé malheureufement
échaper de fa plume. Il faut toûjours
qu'un Ecrivain foit honnête -homme ;
mais cela doit paroître furtout , quand il a
entrepris d'expliquer un Auteur licentieux.
La Préface eft terminée par les principales
circonstances de la Vie de Regnier
tirées des papiers journaux de fa famille.
Mathurin Regnier nâquit dans la Ville
de Chartres , le 21 de Decembre 1573.
dans la Paroiffe de S. Saturnin . Il étoit fils
aîné de Jacques Regnier , Bourgeois de
la même Ville , & de Simone Des Portes,
foeur de l'Abbé Des Portes , fameux Poëte.
Jacques Regnier fon pere , qui étoit un
homme de plaifir , fit bâtir en 1573. un
Jeu de paume , des démolitions de la Citadelle
de Chartres , qui lui furent données
par le crédit de l'Abbé Des - Portes fon
Beau -frere. Et comme ce Tripot a porté le
nom de Tripot- Regnier , tant qu'il a fubfifté
, c'eft apparemment ce qui a donné
lieu de dire que Regnier le Satyrique étoit
fils d'un Tripotier
II. Vol.
DECEMBRE. 1729. 3081
Il fut tonfuré en 1582. & quelques années
après , il obtint par dévolut , un Canonicat
dans l'Eglife de Notre- Dame de la
même Ville, ayant prouvé que le Réfignataire
de ce Bénéfice , pour avoir le tems de
faire admettre la réfignation à Rome
avoit caché la mort du dernier Titulaire
dans le lit duquel on avoit mis une buche,
qui fut depuis portée en terre , à la place
du corps qu'on avoit fait enterrer fecrettement
.
&
une
Il eut encore d'autres Bénéfices ,
penfion de deux mille livres , qu'Henri
IV . lui donna fur l'Abbaye des Vaux - de-
Cernay,après la mort de l'Abbé Des Portes
, qui en étoit revêtu . Le déreglement
dans lequel il vêcut , ne le laiffa pas jouir
d'une longue vie. Il mourut à Rouen dans
fa quarantiéme année , le 22 d'Octobre
1613. Ses entrailles furent portées en
l'Eglife Parroifliale de Sainte Marie ; &
fon corps ayant été mis dans un cercueil
de plomb , fut tranfporté à l'Abbaye de
Royaumont , licu qu'il aimoit beaucoup ,
& où il voulut être enterré.
A la fuite de l'Avertiffement , on trouve
les Jugemens que nos Ecrivains François
ont portez de ce Poëte.
VERITABLE CALENDRIER CHRO
NOLOGIQUE ET HISTORIQUE con-
1. Vole
>
tenant
3082 MERCURE DE FRA NC
tenant la connoiffance des tems , le lever &
le coucher du Soleil & autres mouvemens
celeftes pour l'année 1730. Avec une
Chronologie des Papes , des Rois & Reines
de France , leurs Naiffances & Morts ,
& celles des Princes & Princeffes de l'Europe
; l'Epoque de leurs Regnes , la datte
des Mariages , les noms & demeures des
Ambaffadeurs , & c . enfemble , un Abregé
Chronologique des Evenemens anciens &
nouveaux , un mélange de Remarques
Hiftoriques , plufieurs nouvelles matiéres
curieufes , Tables , & c. Le tout mis dans
un nouvel ordre , dédié à Monseigneur le
Duc d'Orleans , premier Prince du Sang.
A Paris , chez H. S. P. Gißey , rue de la
Vieille Bouclerie , à l'Arbre de Jeffe , an
bas du Pont S. Michel.
L'Applaudiffement qu'on a donné aux
différentes éditions qui ont été faites de ce
petit Ouvrage , donne une idée affez avantageufe
, fans qu'il foit befoin de beaucoup
s'étendre fur l'utilité ; car on peut dire ,
que parmi les Calendriers ou Almanachs
qui s'impriment tous les ans , il n'en eft
point où l'enchaînement foit plus univerfel
, & où chaque matiere foit plus curieufement
développée . On y voit non feulement
tout ce qui fe rencontre dans les autres
Calendriers ; mais encore plus de
800. articles d'Hiftoire & de faits égale-
II. Vol. ment
DECEMBRE . 1729. 3083
ment curieux & intereffants, indépendemment
d'une multitude de dattes & de remarques
qu'on ne trouve point ailleurs ;
il ne faut que jetter les yeux fur la diftribu
tion des Naiffances & Morts des Princes ,
pour connoître que tout ce qui a raport au
Roy ou au Prince dont on parle , y eft réuni
comme dans un feul point de vue ;
enforte qu'en apprenant la Naiffance , on
s'inftruit de la Fondation de la Monarchie,
du nombre de fes Rois , de l'avenement du
Prince au Trône , de fon Mariage , dų
nom & demeure de fon Ambaffadeur ou
Envoyé , &c.
A l'article des Morts , avec la datte on
rencontre l'âge , la durée du Gouvernement
, celle du Mariage , & du deuil , &
quand il a commencé , &c. La même
Inftruction historique fe trouve répandue
dans tout ce Calendrier Chronologique ,
indépendament des autres matieres qui s'y
rencontrent en tous genres & dont l'utilité
annuelle eft indifpenfable.
Enfin files Abregez font néceffaires
pour établir dans la Mémoire l'ordre des
tems , il eſt aifé de juger , combien ce li-
Nte convient à toutes fortes de perfonnes ,
d'ailleurs la diverfité qui regne dans chaque
édition forme de toutes celles qui
ont été faites un corps d'Hiftoire journaliere
des plus curieux,
Ale Vol. L'Aus
3084 MERCURE DE FRANCE.
:
L'Auteur de ce Calendrier fouhaitant
de plus en plus de rendre ce livre agréable
& utile , nous a prié d'inviter le public à
continuer de lui faire part defes avis , tant
furle choix des Matieres , que fur l'ordre
de les employer , en adreffant les Memoires
comme cy- devant à l'Imprimeur de cet
Ouvrage pour rendre à l'Auteur & en affranchiffant
le port . La diftinction de ce
Calendrier eft d'autant plus facile à faire ,
que c'est le feul qui foit paraphe de l'Auteur
fur la premiere page.
Jean Villette , fils , Libraire , rue S. Jacques
, à S. Bernard , mettra en vente au
commencement du mois prochain la troifiéme
partie de l'Univers materiel ou Aſtronomie
Phyfique , du fieur Petit, contenant
les caufes du Flux & Reflux de la Mer , les
raifons pourquoi la Mereft haute en Hollande
& aux Ifles Canaries dans le même
inftant,pourquoi laMarée monte plus haut
en aprochant du Nord que proche la ligne
équinoxiale , pourquoi les Marées font
plus fortes au tems des équinoxes qu'en
toute autre faifon : les moyens de fe fervir
dú Flux & du Reflux pour trouver la lòngitude
d'un Vaiffeau en pleine Mer , avec
les Tables pour en faire les experiences,
pendant l'année 1730. Le tout indépendemment
du mouvement de la Lune 3
11. Vol comme
DECEMBRE . 1729. 3085
comment la preffion de la Lune avance
ou retarde les Marées dans les Ports &
fur les Côtes , quels font les vents qui
feront cauſez par la Lune , pendant l'année
1730.
l'an-
Briaffon, Libraire, rue Saint Jacques ;
commencera inceffament l'édition des
Oeuvres du feu fieur du Frefny , fort
connu par fes Amusemens ferieux &
comiques , & par un grand nombre de
Comedies de la compofition pour
cien Théatre Italien & pour le Théatre
François. Cette édition fera compofée des
Amuſemens ferieux & comiques ; du
Puits de la Verités de fes piéces de Théatre
François , dont la plupart font devenues
très- rares , & les autres n'ont jamais
été imprimées ; de fes Chanfons de caractere
avec les Airs notés , tels qu'il les avoit
compofez ; les Hiftorietes qu'il avoit faites
pour fes Mercures ; & enfin toutes les
piéces fugitives qu'on a pû recueillir . Mais
comme il pourroit en être échappé aux recherches
qu'on a faites pour la perfection
de cette édition , on prie ceux qui ont
quelque ouvrage ou piéce fugitive de cet
Auteur , & qui en voudront bien faire
prefent au public , de les adreffer au Sieur
Briaffon . On ne negligera rien pour rendre
ce livre parfait , à la tefte duquel on
II. Vol F trouvera
3086 MERCURE DE FRANCE.
trouvera le portrait de l'auteur gravé avee
foin , d'aprés le tableau original , fait peu
de tems avant ſa mort .
Le Jeudi 24. Novembre , M. Coffin ;
ancien Recteur de l'Univerfité & Principal
du College de Beauvais , prononça un
Difcours Latin fort éloquent , au nom de
l'Univerfité, dans la Salle des Ecoles extérieures
de Sorbonne , au fujet de la Naiffance
de Monfeigneur le Dauphin . Le Premier
Préfident , plufieurs autres Préſidens
& un grand nombre de Confeillers au Parlement
s'y trouverent , ainfi que quantité
d'autres perfonnes de diftinction.
Le 9. de ce mois , le Pere de la Sante ;
l'un des Profeffeurs de Rhetorique du College
de Louis le Grand , y prononça un
Difcours Latin très- éloquent , fur le bonheur
que la Naiffance de Monfeigneur le
Dauphin promet à la France . L'Archevêque
de Paris, & plufieurs Archevêques &
Evêques y affifterent , ainſi qu'un nombre
d'autres perfonnes de diftinction.
La nuit du 16. au 17. du mois dernier
à 7. heures du foir , on aperçut ici dans le
Ciel , une Lumiere Boreale qui dardoit fes
rayons lumineux du Nord au Sud - Ouest ;
avec beaucoup de vivacité , jufques vers
11. Fol
les
DECEMBRE . 1729. 3087
les dix heures qu'elle diminua confidera
blement ; mais elle
recommença trois heu
res après avec beaucoup plus de vivacité
& dura prefque le reſte de la nuit .
On mande de Warfovie qu'il parut la
même nuit dans le Ciel un Phénomene
extraordinaire , c'eſt - à- dire , une espece
de Comete , qui parut d'abord en forme
d'une Colomne ardente , jettant une clarté
très-vive & comme des éclairs . Ce Phéno
mene prit fon cours d'Orient en Occident,
étant entouré de plufieurs étoiles très- bril
lantes.
On a appris de
Dannemarck, que le 24
Novembre , on
reffentit en
Norwege
plufieurs fecouffes de
tremblement de terre
, qui ne
cauferent aucun
dommages
mais qui
effrayerent beaucoup les peuples ,
parce que le pays n'y eft pas fujet . Ce
tremblement s'eft fait fentir en même tems
à Orebroc , qui eft fitué en Suede à dix
lieues de
Frederiſchall . La plupart des cheminées
de
Coppenhague ont été abatuës &
plufieurs Maiſons ont été ébranlées . Le
Volcan qui eft dans la partie Septenttionale
de l'Iflande , s'étant
enflammé
beaucoup plus vivement que de coûtume ,
a reduit en cendres tout le Village de Mifhafen
, qui eft au pied de la
montagne , &c
II. Vol
Fij il
3088 MERCURE DE FRANCE .
il s'eft communiqué aux Villages voifins ,
dont les habitans ont eu beaucoup de peine
à fe fauver , après avoir perdu tous leurs
beftiaux .
D'autres Lettres s'expriment ainfi : Les
'dommages qu'on a ſoufferts dans l'Iſlande
par l'irruption des flammes du Volcan de
cette Ifle, ont été beaucoup plus confidérables
qu'on ne l'avoit mandé d'abord , & ils
l'auroient été encore davantage , file feu
qui fe communiquoit à toutes les terres fulfureufes
des environs , n'avoit été éteint
par une quantité prodigieufe de neiges ,
qui y eft tombée quelques jours après.
On a dit dans le dernier Mercure que
M. Duhamel avoit lû à la rentrée publique
de l'Académie des Sciences , un
Mémoire qui a pour titre : Recherche
Phyfique de la caufe du promt accroiffement
des Planies dans les tems de pluye.
Ce fait paroît fi ailé à expliquer , qu'on
ne conçoit pas d'abord ce qui a pû engager
M. D. à travailler fur ce fujet
>
Il eft certain que l'eau entre pour
beaucoup dans la compofition de la feye ;
ainfi la retrancher aux Plantes c'eſt
Jeur couper les vivres ; il eft donc neceffaire
qu'elles periffent. Auffi M. D. ne
contefte- t'il pas la neceffité des fluides
14.Kol
pour
DECEMBRE . 1729 3089
pour la vegétation ; mais il entreprend
de faire voir que le deffaut du fluide ne
doit point être regardé comme la feule
caufe de l'oifiveté des Plantes dans les
beaux tems , & que ce n'eft point à ce
fluide feul qu'on doit attribuer la prom
titude étonnante avec laquelle elles profitent
par les tems couverts , changeans
& orageux. C'est ce qu'il établit par plufieurs
experiences ; mais principalement
par une Obfervation finguliere qu'il a
faite Tur les plantes aquatiques ; c'eft la
feule qui fera rapportée dans cet Extrait .
Voici comme il s'explique.
Perfonne encore n'avoit " je crois
fait attention à l'effet que les changemens
de tems produifent fur les Plantes
aquatiques ; cet effet eft cependant bien
fenfible , & je l'ai plufieurs fois remarqué
avec plaifir dans ces fortes de changemens
fur les Hydroceraton , les Nénuphars
, le Creffon de fontaine & fur les
autres de cette nature qui croiffent dans
les eaux enforte que loriqu'on a fauché
une Marre , un Etang , une Riviere,
s'il faut quinze jours aux Plantes qui y
renaiffent pour gagner la fuperficie de
l'eau dans un tems pluvieux , il leur faudra
plus d'un mois dans les tems de fechereffe
; d'où vient donc cette diffe
rence , & comment arrive- t'il que l'hu-
II. Vol. Fiij midité
1090 MERCURE DE FRANCE
midité & les pluyes leur font prefqu'auf
fi utiles qu'aux Plantes terreftres ? Cette
eau fi neceffaire , ce diffolvant fi puiffant
ne manque point à ces aquatiques , puifqu'elles
en font quelquefois recouvertes
de deux à trois pieds.
L'Académicien remarque enfuite que
quoique les pluyes foient utiles aux Planres
, en diminuant leur tranfpiration , &
donnant de la flexibilité à leurs fibres
ées raifons ne peuvent pas valoir pour les
Plantes aquatiques , qui font continuellement
humectées.
Mais cette Refléxion lui fournit une
explication bien fimple d'une autre Ob.
fervation , qui eft que les Plantes aquatiques
profitent plus vite que les terreftres ;
car , dit il , elles nagent dans un fluide
qui diminuë leur tranfpiration , en mê→
me tems qu'il entretient leurs fibres dans
une foupleffe & une flexibilité convenable
, & qui étant plus pefante que la
Plante , facilite fon développement ; au
lieu que les Plantes qui croiffent dans
l'air (qui eft un fluide plus leger qu'elles
) ont une force toute oppofée à vaincre.
Après cette digreffion , il revient à fon
fujet , & établit qu'on ne peut pas expliquer
le promt accroiffement des Plantes
aquatiques dans les tems couverts par
11. Vol. la
DECEMBRE. 1729: 3091

la bonne qualité de l'eau de pluye. On
pourroit croire , dit- il , qu'en mêmetems
que l'eau de pluye fecourt les
Plantes de la Campagne , en mettant en
diffolution les fucs de referve qu'elles
ont auprès de leurs racines , elle fe rend
auffi utile aux Plantes aquatiques , en
feur chariant de la plaine une provifion
d'alimens.
Mais la petite quantité d'eau qui peut
venir de la pluye , comparée à celle de
fource qui coule continuellement dans le
lit de la Riviere que j'obfervois , me
parut de très petite confequence ; de
plus les pluyes abondantes & les grandes
averſes ne font pas celles qui font
le plus profiter les Plantes , ce font
plutôt les tems couverts , les rofées &
les petites pluyes chaudes,
Pour donner une explication plus pofitive
de cette Obfervation , M. D. s'eft
determiné à la chercher dans les principes
de la vegétation , & à étudier en
particulier ce qui pouvoit accelerer la
formation & le mouvement de la feve
ne doutant pas que le promt acroiffement
des Plantes ne dépendit de ces caufes
mais les bornes d'an Extrait ne
permettent pas de le fuivre dans le détail
Anatomique où il entre , & dans les
raifonnemens qu'il forme fur l'ufage des
1. Vol. Fiiij par3092
MERCURE DE FRANCE.
parties des Plantes qui lui fervent ceper
dant de principes pour expliquer la premiere
préparation de la feve dans la
terre , les differentes attenuations qu'elle
foufire avant que de paffer dans lesPlantes ,
& enfin la mécanique de fon afcenfion &
de fa circulation dans les Plantes.
De la fuppofition de ces principes fur
la préparation & la circulation de la fe
ve , il conclud que la condenfation & la
raréfraction de l'air font la cauſe primcipale
de la circulation de la feve dans la
terre, de fon attenuation avant que de paffer
dans les Racines , de fon mouvement
& peut- être de fa circulation dans les
Plantes ainfi plus cette raréfraction fera
forte & fouvent interrompuë par la
condenfation , plus le mouvement de la
feve fera grand , & par conféquenr plus
elles profiteront. C'est ce qui arrive dans
les tems pluvieux , changeants & orageux
du Primtems & de l'Eté , dans lefquels
( comme il le fait remarquer ) on
voit affez fouvent fucceder à un Rayon
de Soleil chaud & piquant , quelques ondées
froides , à des touffeurs du midi , des
fraîcheurs du Nord , où les vents changent
à chaque inftant , où quelquefois
la rareté de l'air eft fi confiderable que
les hommes & les bêtes ont peine à
fupporter le travail , que les Poiffons
II. Vol.
ſouffrent
DECEMBRE. 1729 : 3093
fouffrent dans l'eau , que les Rivieres
bouillonnent , que les Mares & les étangs
fe troublent , lorfqu'un orage , un tonnerre
change tout à coup la temperature
de l'air , & fait fucceder à la condenfation
une nuit fouvent trés -fraîche
. Qui ne découvre pas maintenant
, dit - il , la caufe du promt accroifement
des Plantes dans les tems de
pluye ; tout y contribuë , des cauſes particulieres
à chaque endroit , & dans tous
une generale , quelques ondées qui tombent
fecourent les Plantes , qui dans les
fables , & fur les montagnes periffoient
faute de fubftance. Les nuées qui couvrent
le Soleil diminuent la tranfpiration
dont l'abondance faifoit fanner les Plantes
de la plaine , pendant que les vapeurs
& l'humidité de l'air donnent de la foupleffe
à leurs fibres ; les averfes confiderables
peuvent encore être quelquefois
utiles aux Plantes des vallées par les
ravines & les écoulemens d'eau qui entraînent
avec elles une provifion d'alimens
qu'elles auroient diffouts dans la Plai
ne. Enfin cette raréfraction , infinie de
l'air qui précede quelquefois les orages
ranime le mouvement de la feve dans les
terroirs ombrageux , où elle circule quetquefois
fi lentement, qu'elle s'y corrompt
& fait perir les Plantes . Toutes ces cau-
II. Vol. Fy fes
3094 MERCURE DE FRANCE :
fes font particulieres à quelques endroits;
mais la caufe genérale eft le changementde
l'Atmoſphere , la condenfation & la
raréfraction fucceffive de l'air ; elle agit
fur toutes les Plantes ; c'eft elle qui rend
les arofemens plus utiles dans des temsque
dans d'autres ; fes effets s'apperçoisvent
jufqu'au plus profond de l'eau , &
c'en eft un des plus remarquables dans
les Plantes aquatiques que leur promt &
fenfible accroiffement.
M. D. fait enfuite remarquer que les
faifons de l'année où les Plantes profitent
le plus , font celles où la raréfac
tion & la condenſation de l'air font plus
variées , & finit en établiffant des regles
pour les aroſemens , fondées fur fes ob--
fervations , & qui tendent à perfectionner
l'agriculture ..
LETTRE de M. Le Feron , Cha
noine de Beauvais , au fujet de S. Ou--
dart. Du 18. Novembre.
I
Ly a long tems , Monfieur , que je
fuis en peine à l'occafion du faint
dont je porte le nom , c'eſt S. Ondart ;
j'en ai fait en vain les recherches les plus
exactes . On trouve dans M. Baillet au
10. de Septembre Thecdardus , Evêque
de Mastricht , Martyr , dans le 7. Siecle,.
3
II. Vol . dont
DECEMBRE. 1729. 3095
dont le corps eft à Liege ; il l'appelle
Theodart on Dodart . On y trouve encore
au premier de May Theodardus
Evêque de Narbonne , dans le 9. Siecle
, dont le corps eft à Montauban , il
l'appelle Thodart ou Audart. Ces deux
Saints font connus dans les Hiſtoires ;
le premier , plus que le fecond , & leurs
noms approchent affez du mien ; cependant
ce n'eft pas évidemment le même
nom . En effet , M M. Hennequins , chez
qui le nom de Oudart eft très- commun ,
& qui me l'ont tranfmis , parceque ma
famille eft alliée à la leur , ne difent
point Theodardus mais Odardus ; ils
font pourtant originaires de Flandres
& ils devroient connoître les Saints du
Pays de Liege . M M. de Sainte Marthe
dans leur Gallia Chriftiana , en parlant
de M M. Hennequins de Troye , les
appellent auffi Odardus , tant d'habiles *
gens fe feroient - ils trompés ?
>
Oudart en François , ne feroit- il point
le même que Theodardus en Latin ? ou
Odardus &Theodardus feroient-ce la même
chofe ? ou enfin , Odardus , Oudart,
feroit- il un Saint particulier ? fi cela eft,
on feroit curieux de fçavoir le Pays de
ce Saint , dans quel fiecle il vivoit , le
précis de la vie , les Auteurs qui en ont
parlé & le jour auquel l'Eglife en fait
mémoire.
Fvj
Voila
3096 MERCURE DE FRANCE:
Voilà , Monfieur , le fujet de ma Let
tre ; fi vous pouvez me procurer là - deffus
quelque lumiere par le moyen du
Mercure , vous obligerez plufieurs honnêtes
gens qui s'intereffent comme moi
à cette découverte . Je fuis & c.
La Congrégation de S. Maur & la
République des Lettres viennent de faire
une perte confiderable en la perfonne de
Dom Pierre Guarin , décedé le 29. Decembre
dans le Monaftere de S. Germain
des Prez , dont il étoit Bibliothecaire
, âgé d'environ 53. ans. Ce Religieux
avoit tourné fes études du côté des
Langues Saintes & de l'érudition facrée
& Orientale ; en particulier , il avoit acquis
une parfaite intelligence de la Langue
Hebraïque ; enforte qu'on peut dire
que depuis le fameux Genebrard , auff
Benedictin , il n'avoit paru aucun fçavant
qui fut plus habile & plus confommé
que lui dans ce genre d'érudition .
Dom Guarin avoit entrepris un grand
Ouvrage dont les Journaux ont parlé
plus d'une fois , & dont le premier Vo-
Tume a été publié en l'année 1724. Cet
Ouvrage porte pour titre Grammatica
Hebraica & Chaldaica ; accedit Lexicon
Hebraicum & Chaldaïcum . 3. vol. in-
4. Il reftoit peu de choſe à achever de
IX. Vol
la
DECEMBRE . 1729. 2037
la part de l'Auteur , & cependant l'im
preffion continuoit de fe faire chez Jac
ques Collombat. Il y a lieu d'efperer qué
le Public aura enfin cet Ouvrage dans
fa perfection , par les foins & les me--
fures que prennent actuellement là- deffus
les Superieurs de Dom Guarin .
Ayant annoncé dans le Mercure de
Novembre dernier que le fieur Gasniereft
feul en poffeffion de la veritable compofition
de l'Arcane de vie incorruptible ,
dont il a eu le fecret du feu fieur Caudole
, felon fa Déclaration pardevant
Notaire , on avertit aujourd'hui que cette
déclaration remife à M. le Premier Me:
decin du Roi , & examinée au Bureau
de la Commiflion , établie par Arrêt du
Confeil , il a été accordé audit fieur Gafnier
, demeurant ruë Quinquempoix , le
même privilege qu'avoit le feu fieur
Caudole , où il eft expreffement porté
que ce Remede ne pourra être vendu
ailleurs que chez ledit fieur Gafnier.
II. Vol
AIR
3098 MERCURE DE FRANCE.
A IR .
Ue j'aime à voir Iris dans ces riantes
QPlaines ,
Des riches dons de Flore embellir fes ches
veux ;
Que j'aime à voir les Zephirs amoureux
Au gré de leurs douces haleines ,
En faire voltiger les noeuds.
Goutez votre bonheur extrême ,
Rendez de vos plaifirs les Dieux mêmes jaloux
;
Volez , charmans Zephirs , careffez ce que j'ai
me ;
Heureux ! fi je n'ai pas d'autre Rival que vous.
Q
AIR PATS AN.
Ue l'on chante , que l'on danfe ,
Notre bonne Reine enfin
Pour le bonheur de la France
Vient d'accoucher d'un Dauphin.
Qu'en fanté Dieu le maintienne ,
Et que Sire il ne devienne ,
Sans être au moins foixante ans
Monfeigneur en cheveux blancs
SPECTA


DECEMBRE. 1729. 3099)
L
SPECTACLES.
E 29. Novembre , l'Academie Royale
de Mufique remit au Theatre l'Opera
de Thefee. Comme il n'y avoit que neuf
ans qu'on l'avoit donné , on avoit lieu
de craindre , que l'image encore recente
qu'on en avoit ne nuifit au fuccès qu'il
a toujours merité ; mais le foin avec lequel
il vient d'être remis , lui a tenu lieu
de nouveauté , & tout le monde eft convenu
qu'il n'a jamais paru avec tant d'éclat.
La diftribution des Rôles n'a jamais
été fi convenable , & les Rôles n'ont jamais
été fi bien executés. Les Decorations
& les Habits ont achevé de rendre
' cer Opera des plus brillants. Le Poëme
eft, fans contredit , le plus regulier qui foit
forti de la Plume de Quinault ; l'action
principale en a paru plus interreffante que
jamais. Nous ne difons rien de la Mufique
, le feul nom de Lully la doit faire:
fuppofer excellente ; on pourra juger de
la Piece par cet Extrait , dans lequel nous
fupprimerons le Comique , comme fuper
Au..
PROLOGUES3100
MERCURE DE FRANCE .
PROLOGUE.
Le Theatre reprefente le Jardin & la
Façade du Palais des Thuilleries.
Les Amours , les Graces , les Plaifirs
& les Jeux , fe plaignent de l'abſence
du Heros qui les a raffemblés dans ce
beau féjour , & qui les a quittez pour
fuivre la Gloire ; ils fe retirent d'un lieu
que fa prefence leur a rendu fi cher.
Venus eft affligée de ne plus trouver
cette charmante Troupe ; elle rappelle
fur-tout les Amours.
Mars paroît dans un Char avec Bellonne.
Il ordonne que rien ne trouble
Venus & les Amours ; & que Bellonne
aille porter les horreurs de la Guerre chez
les Ennemis de la France. Bellonne obéit.
Après une Scene entre Venus & Mars
Cerés & Bacchus ( par l'ordre de Mars )
ramenent les Plaifirs , les Amours , & c .
qui joints à la fuite de ces deux Divinitez
, forment la Fête.
Tout ce Prologue eft Allegoriques il
en résulte que la France jouiffoit de tous
les avantages de la Paix , pendant le tems
de la Guerre , par le foin que fon Augufte
Maître prenoit , de la porter chez
fes ennemis & d'affurer fes Frontieres ,
ce qui eft parfaitement bien exprimé par
ces quatre derniers Vers. Que
DECEMBRE . 1729. 3101
Que tout le refte de la Terre ,
Porte envie au bonheur de ces lieux pleins
d'attraits ;
Au milieu de la Guerre ,
Goûtons les douceurs de la Paix.
Au premier Acte , le Theatre reprefente
le Temple de Minerve. La premiere
Scene fe paffe derriere le Theatre , &
annonce un Combat , dont l'iffue eft incertaine
. Eglé , Princeffe elevée fous la
tutelle d'Egée Roy d'Athênes , fait entendre
qu'elle doit attendre fon deftin
dans le Temple de Minerve ; ce n'eft que
dans la feconde Scene qu'on apprend
qu'elle aime Thefée , & qu'elle en eſt aimée.
Chacune de ces Scenes eft interrompue
par ces paroles des Combattans
derriere le Theatre :
Il faut périr.
Il faut vaincre , ou mourir.
"
Après une Scene Comique , dont la
fuppreffion ne dérange aucunement l'action
principale , la Grande Prêtreffe de
Minerve , fuivie d'Eglé & de Cleone ,
fait une priere à Minerve ; cette priere
eft exaucée ; les Athéniens font vainqueurs
des rebelles . Le Roy vient l'an-
11. Vol.
noncer
102 MERCURE DE FRANCE.
P'annoncer ; la Grande Prêtreffe fe retire
pour aller ordonner un Sacrifice. Egée
fait une déclaration d'amour à Eglé , qui
en paroît furpriſe ; ce qui oblige le Roy
à lui dire :
Que votre trouble ceffe.
C'eft peut- être un peu tard vouloir plaire a
vos yeux ;
Je ne fuis plus au tems de l'aimable jeuneffe g
Mais je fuis Roy , belle Princeffe ,
Et Roy victorieux .
Faites grace à mon âge , en faveur de ma
gloire :
Voyez le prix du rang qui vous eft deſtiné ;
La vieilleffe fied bien fur un front couronné ,
Quand on y voit briller l'éclat de la victoire."
Eglé qui aime Thefée , reprefente au
Roy qu'il a promis fa foy à Medée ; le-
Roy lui répond , qu'il peut appaifer Medée
, en lui faifant époufer un Fils qu'il
fait élever en fecret dans Trezene . Cette
Scene eft interrompue par l'arrivée de
la Grande Prêtreffe , qui vient ordonner
la Fête ; elle eft fuivie d'autres Prêtreffes ,
de Sacrificateurs & de Combattans' , qui
apportent les Etendards & les dépouilles
des ennemis vaincus ; cette pompeufe
Fête eft à l'honneur de Minerve , Di-
II. Vol. vinité
DECEMBRE. 1729. 3103
vinité tutelaire du Peuple Athénien . La
Fête finit ce premier Acte ; on y a remarqué
une faute d'impreffion qui s'eft
gliffée dans toutes les éditions . Elle eft
dans la quatriéme Scene : la voici , c'eſt
Eglé qui en prefence d'Arcas , dit à
Cleone fa confidente :
Mon fecret eft connu .
Ce Vers ne peut pas fe concilier avec
celui qui fuit immediatement.
Je crains devant Arcas d'en faire trop entendre
.
Il n'y a qu'à ajouter unt qui fans
doute a été obmis , & par - là , le ſecret
n'étant connu que de Cleone , la contradiction
difparoîtra ; cependant on a
trouvé que cela ne fuffifoit que pour les
yeux , & n'empêchoit pas l'oreille de
prendre le change ; de forte qu'on a juftement
conclu qu'il vaudroit mieux qu'il
yait :
Mon amour t'eſt connu.
Au fecond Acte , le Théatre reprefente!
le Palais du Roi d'Athénes . Medée fe
plaint de l'Amour qui vient troubler le
refte de fa vie , qu'elle fe flattoit de paffer
dans une paix profonde ; Dorine l'invite
à recommencer d'aimer . Cette Scene eft
IE. Vol. desi
3104 MERCURE DE FRANCE.
;
des plus belles Medée , après avoir fair
connoître à quelles extrémitez elle eft capable
de le porter ,
fi Thefée ne répond
pas à fon amour , fe livre à fon nouveau
penchant.
Egée vient dire à Medée que la Guerre
l'a empêché jufqu'ici de tenir la promeffe
qu'il lui a faite de l'époufer ; Medée lui
répond que l'Hymen n'a rien qui preffe
ni pour lui ni pour elle. Le Roi prend
occafion d'une réponfe fi indifferente , de
. lui avouer qu'il eft d'un âge à n'en point
meriter d'autre , mais qu'il a un Fils qu'il
peur faire reconnoître fans aucun danger ;
Medée l'empêche d'achever ; elle lui dic
qu'elle s'apperçoit tous les jours qu'il aime
Eglée; elle ajoûte, quant à elle , qu'à fon défaut
le feulThefée eft digne de recevoir ſa
main. Ils s'applaudiffent de leur inconſtan
če mutuelle par de très jolies maximes ,
aufquelles il ne manque que la dignité
qui conviendroit à un Roi tel qu'Egée .
Arcas vient avertir le Roi que la populace
charmée de Thefée , veut le faire proclamer
pour fon Succeffeur , & que cette
émotion n'eft que trop dangereuſe. Egée
fort pour aller arrêter cette audace. Nous
fupprimons encore une petite Scene entre
Arcas & Dorine , qu'on pourroit même
tetrancher du Poëme , fans qu'il y parût
la moindre lacune.
II. Vol. Thefée
DECEMBRE. 1729. 3105
Thefée paroît fur un Char de triomphe
porté par quatre Efclaves , fuivi de la
populace ; on celebre fa derniere victoire.
Après la Fête , Thefée les congédie &
court à l'Appartement du Roi pour ſe juſtifier
; Medée qui en fort , l'empêche d'y
entrer en lui remontrant qu'on a tout à
craindre quand on a fait trembler un Roi.
Thefée lui déclare qu'il iroit chercher une
nouvelle guerre ailleurs , s'il n'étoit retenu
dans la cour d'Egée par un charme
puiffant ; Medée croit que c'eft à elle que
ce difcours s'adreffe ; mais elle eft bientôt.
défabuſée ; Theſée lui fait connoître qu'il
aime Eglé. Cette Scene eft des plus fines
de la Piéce, Medée diffimule ; elle pramet
fon fecours à Thefée , & lui dit de
l'aller attendre. Médée finit ce fecond
Acte par ce beau Monologue , en Rondeau
.
Depit mortel , tranfports jaloux ,
Je m'abbandonne à vous.
Et toi , meurs pour jamais , tendreffe trop fa
tale ;
Que le barbare Amour que j'avois crû fi
doux ,
Se change dans mon coeur en Furie infer
nale.
Dépit mortel , &c.
II. Vol
Inven3106
MERCURE DE FRANCE .
Inventons quelque peine affreufe & fans
égale ;
Préparons avec foin nos plus funeftes.coups :
Ah ! fi l'ingrat que j'aime échappe à mon
courroux ,
Au moins n'épargnons pas mon heureuſe Ri
yale ;
Dépit mortel , &c.
Ma
part
Eglé témoigne à Cléone au troifiéme
Acte , l'impatience qu'elle a de voir Thefée
après les allarmes que fes périls lui ont
caufées. Arcas vient annoncer à Eglé de
du Roi , qu'il la fera bientôt regner
; elle eft troublée de cette nouvelle
mais elle va bientôt l'être davantage . Medée
vient ; elle le fait connoître à Eglé
pour fa Rivale , & lui dit qu'il faut abſo-
Jument qu'elle épouſe le Roi dès ce jour .
Eglé lui répond avec fermeté :
Non , j'aime mieux la mort qu'une lâche inconftance
;
Tout l'Enfer à mes yeux n'aura rien de fi
noir ,
Malgré Medée & fa vengeance ,
Mon amour fera fon devoir.
Medée irritée par ces dernieres paroles
fait changer la Scene : le Théatre repre-
Lente une Grotte affreufe dans un Défert
II. Vol.
-épouDECEMBRE.
1729. 3107
épouventable , rempli de Monftres furieux.
Nous paffons la Scene Comique
entre Arcas , Dorine , & Cléone ; elle
fait trop de difparate avec le terrible de
la fituation . Médée la vient interrompre
par quelque chofe de plus convenable ;
elle chaffe tout le monde pour évoquer
les habitans des Enfers , la Rage & le
Défefpoir , par ces magnifiques Vers :
Sortez , Ombres , fortez de la nuit éternelle.
Voyez le jour pour le troubler.
Hâtez vous d'obéir quand ma voix vous ap
pelle ;
Que l'affreux défefpoir , que la rage cruelle
Prennent foin de vous aſſembler.
Sortez , Ombres , fortez de la nuit éter
nelle.
Les habitans des Enfers ayant obéi
Medée leur dit :
Venez , Peuple infernal , venez s
Avancez , malheureux coupables ,
Soyez aujourd'hui déchaînez ;
Goutez l'unique bien des coeurs infortunez ;
Ne foyez pas feuls miferables.
Elle acheve enfin de leur déclarer fes
intentions par ces vers :
Ma Rivale m'expofe à des maux effroya.
· bles i
3108 MERCURE DE FRANCE .
T
Qu'elle ait part aux tourmens qui vous fonc
deftinez.
> Tous les Enfers impitoyables ,
Auront peine à former des horreurs comparables
,
Aux troubles qu'elle m'a donnez ;
Goûtons l'unique bien des coeurs infortu-
"
nez ;
Ne foions pas feuls miferables.
Les habitans des Enfers , après avoir
témoigné par leurs Danfes , le plaiſir
qu'ils ont de faire des malheureux , tourmentent
Eglé , & la pourfuivent jufqu'au
fond du Théatre .
Le 4 Acte a paru le plus intereffant
de la Tragédie ; Médée ne pouvant déterminer
Eglé à époufer le Roi & à lui
céder Théfée , évoque les Furies par ces
Vers :
Venez à mon fecours, implacables Furies ;
Que le fang innocent recommence à couler.
Il faut encor nous fignaler ,
Par de nouvelles barbaties.
Avant qu'elle chante ces Vers on a déja
vu des fpectres volants tranfporter Théfée
endormi fur le Théatre. Médée annonce
à Eglé que fon Amant va périr à
Les yeux , en lui difant :
11. Vol.
Il
DECEMBRE . 1729. 3109
Il faut voir qui des deux l'aimera davantage ,
Plutôt que le ceder , j'aime mieux que la mort
En faffe entre nous le partage ;
Et l'amour n'en eft que plus fort ,
Quand il paffe jufqu'à la rage.
Aux Furies.
Dépêchez , achevez votre fanglant ouvrage.
A cet ordre barbare , Eglé cède fon
'Amant par ces Vers adreffez d'abord aux
Furies & après à Médéc .
Arrêtez , retenez leurs coups ;
J'épouferai le Roi , je ſuivrai votre envie :
Je cede ce Heros ; que fon coeur foit à vous ;
Rien ne m'eft fi riche que fa vie.
Médée ne fe contente pas de ce facrifice
; elle exige qu'Eglé fe déclare infidele
aux yeux de Thélée ; Je veux gagner
fon coeur , lui dit - elle , par le fecours de
ma Rivale. Eglé confent à tout. Par un
coup de bagette le Théatre change & repréfente
une Ifle enchantée .
Théfée éveillé , eft fort furpris de fo
trouver habillé galamment ; Médée lui
dit qu'elle a voulu lui aider à plaire . Il
témoigne quelque agitation in fe trouvant
fans épée , & la redemande par ce Vers :
II, Vol. `G`On
3110 MERCURE DE FRANCE .
Mon épée! ah ! rendez la moi ..
On n'a pas rendu juftice à ce dernier
Vers ; il n'eft rien moins que trivial . Il
annonce un figne de reconnoiffance que
l'Auteur n'a pû expofer d'une maniere
plus concife. Théfée eft interdit de voir
qu'Eglé garde le filence , & ne daigne pas
même laiffer échapper un regard fur lui ;
Médée reproche à Eglé fon inconftance ,
& dit à Théfée :
De quoi ne vient point à bout
Un Roi qui veut plaire ;
La conftance ne tient guere
Contre un Amant qui peut tout.
Elle les laiffe s'expliquer en liberté ;
mais elle n'en fera pas moins prefente pour
être invisible .
Eglé ne peut plus fe contraindre , elle
dit pourtant à Théfée qu'elle époufera
le Roi , puifqu'il y va de les jours , ce
qui donne occafion à fon Amant de lui
déclarer qu'il eft fils d'Egée ; Médée fort
d'un nuage
,
& leur dit qu'elle a tout entendu
; elle feint d'être attendrie & de
confentir à leur hymen. Des Démons
transformez en Bergers & en Bergeres ,
font le divertiffement de ce 4 ° Acte .
e
II Voi, Nous
DECEMBRE. 1729. 311
Nous ne dirons qu'un mot de l'action
du cinquiéme Acte ; mais nous fuppléerons
à cela par quelques remarques critiques
dont on nous a fait part .
Médée fe détermine à perdre Théſée ;
elle ne fe propofe pas moins qu'un parricide.
Elle a appris dans l'Acte précedent
que Théfée eft fils d'Egée ; elle
détermine ce dernier à empoisonner ce
Heros par la coupe nuptiale qu'il lui
doit préfenter lui-même , felon la coûtume
des Athéniens , vraye ou fuppofée.
Théfée, prêt à boire dans la Coupe , prête
le ferment de fidelité à Egée , & jure par
fon épée qui l'a comblé de gloire ; Egée
reconnoît la même épée par laquelle il
devoit un jour reconnoître fon fils ; il
répand la Liqueur mortelle , & embraffe
fon fils ; il lui cede Eglé par ces beaux
Vers adreffez à fa Princeffe.
Je fuis charmé de vos appass
Je ne m'en deffends pas ;
Trop aimable Eglé , je vous aime ;
Mais je veux être heureux dans un autre moimême.
Mon Rival m'eft trop cher pour en être jaloux;
Je reconnois mon fils à fon amour extrême ;
C'eſt le fort de mon fang de s'enflammer pour
Gij Le
yous.
11. Vol.
3112 MERCURE DE FRANCE,
Le reste de la Piece fe fait deviner ;
Médée jouë de fon refte , & Minerve
vient détruire les derniers effets de fes
enchantemens..
Voici les obfervations promifes . On
paffe fous filence la critique qui regarde
le mêlange du Comique avec le Tragique ;
c'eft la faute des temps . Celles - cy font
d'un autre genre , & aucun temps ne peut
les autorifer. Un Roi vertueux , dit - on ,
tel qu'Egée , n'a jamais dû confentir à
devenir empoisonneur ; Médée , a- t- on
ajoûté , n'a pas dû compter fur ce genre
de vengeance ; elle eft inftruite du fort de
Théfée : mais qui lui répond qu'Egée ne
le fera pas par fon propre fils , avant que
le vafe empoisonné foit bû ? Ce rafine
ment de vengeance ne fert qu'à la rendre
douteufe, comme l'évenement l'a fait voir.
Il étoit vrai femblable que Thésée n'épouferoit
pas Eglé fans le faire connoître
à fon pere. Voilà tout ce que nous avons
appris fur cette Tragedie , la plus réguhiere
de celles que l'inimitable Quinault
a mifes fur le Théatre Lyrique.
Le 15. de ce mois , le fieur Poiffon l'aî
mé, Auteur de la Comedie du Procureur
Arbitre , lut à l'Affemblée des Comediens
11. Vol. Fran-
-
DECEMBRE. 1729. 3113
1
François , une petite Piece d'un Acte en
Vers , qui a été reçûë . Elle a pour titre :
l'Epreuve amoureuse .
Le 20. les Comediens Italiens donne
rent la premiere Repréfentation
d'une
Piece nouvelle en Profe , en trois Actes ,
qui a pour titre : Abdili , Roi de Grenade
, laquelle n'a été repréfentée qu'une
fois.
Le fieur de la Thorilliere , cé Comedien
chéri à la Cour & à la Ville , qui a
été dangereufement malade , a donné lieu
aux Vers qu'on va lire.
L'inhumaine Atropos , de fa faulx meurtriere,
Alloit frapper la Thorilliere ;
Le Public en frémit : aux pieds du Roi des
Dieux ,
Thalie ofa porter fes pleurs & fa priere.
O Jupiter ! rends à mes voeux ,
Ce Comique fi gracieux ;
N'ai-je donc pas affez pleuré la mort du pere ,
Perdrai je dans le fils mes graces & mes Jeux ?
Le nouvel Opera Italien de Lothaire ;
fut repréfenté le 13. de ce mois à Londres,&
fut fort applaudi : le Roi l'honora
de fa prefence.
11. Vol. G iij Lo
3114 MERCURE DE FRANCE :
7
Le 26. le nouvel Opera d'Armide , en
Italien , fut repréfenté devant l'Archi- Ducheffe
, à Bruxelle , fur le grand Théatre ,
& fut fort applaudi.
Nous apprenons par une Lettre qui nous
eft écrite de la Maifon des Dames de la
Providence de cette Ville , que le 6. Décembre
, jour de S. Nicolas , la Tragédie
d'Athalie y fut repréfentée avec tous les
Chants & les autres accompagnemens de
cette Piece , par les Demoifelles Penfionnaires
Moyennes de cette Maifon , qui
s'en acquitterent dignement , & à la fatisfaction
d'une belle & nombreuſe Affemblée
. On fut fur tout charmé de la:
grace & de l'intelligence avec laquelle
une Demoiſelle de 8. à9 . ans joua le
Rôle de Joas ; la Mufique y fut applaudie:
des Connoiffeurs..
C'eft dans la même Maifon que fut:
repréfentée avec un pareil fuccès le 7.Octobre
de l'année derniere , la Tragedie de
Polieucte , laquelle fut précedée d'un Prologue
qui méritoit certainement l'impreffion
, & que nous nous filmes un plaifir
de publier dans le Journal du mois de Novembre
fuivant , page 2371 .
Il y eur pareillement un Prologue récité
par une des Actrices à la Réprefentation
d'Athalie , ou plutôt un Compli-
1
II. Vol. ment
DECEMBRE . 1729 . 3115
ment adreffé à M. l'Abbé Renaud , Grand-
Vicaire de M. l'Archevêque de Paris &
Superieur de cette Maiſon . On nous prie.
fort en nous l'envoyant de n'y rien changer
, c'eſt- à- dire , de le donner tel qu'il
a été écrit & prononcé . C'eft précisément
ce qui nous empêche de l'inferer ici , n'y
voyant rien , à la verité , que d'édifiant ,
mais reconnoiffant auffi que cette Piece
ne fçauroit foutenir le grand jour , fans
y faire bien des corrections.
On peut dire , au refte , en faveur de
la verité , & felon les termes de la même
Lettre , que dans cette Communauté on
donne aux jeunes Demoifelles une éducation
excellente , & qu'on y forme rout
à la fois le coeur , l'efprit & la main ,
ces Demoiselles y apprenant à broder
d'un gout exquis.
Le Théatre François a perdu BARON ,
le plus celebre Comedien qui ait paru
fur notre Scene ; l'Eleve , le Camarade
de Moliere , & qu'on peut appeller le
Rofcius de notre fiecle. Jamais homme
n'a eu tant , ni de fi heureux talens pour
plaire & pour toucher. La Nature fembloit
s'être épuilée en le formant ; d'une
taille avantagenfe & bien prife ; il avoit
la mine haute & fiere , autant qu'il paroiffoit
tendre & paffionné , felon les dif-
G⚫iiij ferens 11. Vol.
3116 MERCURE DE FRANCE .
ferens perfonnages qu'il avoit à repréfenter
, ayant la parole aifée , la prononciation
nette & d'une grande préciſion.
Sa voix étoit fonore , forte , jufte & fléxible
; fes tons énergiques & variez , fes
inflexions ajoûtoient fouvent au fens des
Vers qu'il déclamoit ; & fi , pour exprimer
les grandes paffions & émouvoir ,
il falloit encore quelque chofe , ſon filence
, fes regards , les divers caracteres
qu'il avoit l'art de peindre fur fon vifage,
fes attitudes , fes geftes précis & ménagez
, achevoient de porter la terreur &
la pitié jufques dans les coeurs les plus
infenfibles .
Michel Boyron ou Baron , comme
Louis XIV . l'a toûjours appellé , fils d'un
pere & d'une mere Comediens de la Troupe
Royale de l'Hôtel de Bourgogne ,
originaire d'Iffoudun en Berry , mourut
à Paris le zz . de ce mois , après avoir
reçû fes Sacremens. Il a été inhumé dans
l'Eglife de S. Benoît , fa Paroiffe.
A l'égard de fon âge , c'étoit un Problême
pendant fa vie , & c'en eft encore
un après la mort . Il étoit extrémement
délicat là - deffus , & il fe fâchoit avec les
meilleurs amis qui vouloient le pénetrer .
Mais par plufieurs époques, & par le témoi
gnage du feu fieur Defcôteaux , fon ami ,
d'enfance, mort il y a un an, âgé de 83. ans :
11. Vol.
on
DECEMBRE . 1729. 3117
on juge que M. Baron pouvoit avoir environ
82. ans ; cependant fa famille
produit un Extrait Baptiftaire de la Paroiffe
de S. Sauveur , par lequel il paroît
qu'il n'étoit né qu'en 1653. au mois
d'Octobre.
par
Cet homme illuftre & inimitable dans
fa Profeffion , eft univerfellement regretté
les Amateurs de la veritable Comedie
& de la Déclamation noble , naturelle &
fublime ; & felon toutes les apparences
Melpomene & Thalie fe reffentiront longtemps
de fa perte , & n'en perdront peutêtre
jamais le fouvenir , fur tout pour
Roles & les Caracteres qui lui étoient
propres.
les
Dès l'âge de dix ans fon gout & ' fes.
talens pour la Comedie , firent du bruit
& le firent rechercher par une Troupe
de petits Comediens qui repréfentoient
à la Foire S. Germain & qui attiroient
tout Paris ; on les appelloit les Petits Comediens
Dauphins , parce qu'ils avoientrepréſenté
à la Cour pendant l'Enfance
de Monfeigneur le Dauphin , Ayeul du
Roy.
Moliere , qui étoit venu à Paris avec
fa Troupe en 1658. voulut voir par luimême
fi tout le bien qu'on difoit du jeune
Baron n'étoit point exageré. Il reconnut
en lui de fi grandes qualitez , tant d'agré-
II. Kol. G v mens
1
3118 MERCURE DE FRANCE :
ment & un exterieur fi prévenant , qu'il
n'oublia rien pour le faire entrer dans
fa Troupe ; il en fortit quelque tems après,
& s'en alla en Languedoc , en Provence ,
en Dauphiné , à Lyon & à Dijon , d'où
il revint à Paris auprès de Moliere fon
cher Maître , & continua de faire briller
fes talens fur le Théatre du Palais Royal.
Un des premiers Rôles marquez , & qui
lui ait fait le plus d'honneur eft celui de
P'Amour , dans la Tragedie de Pfiché ,
Piece en Machines , executée en 1670 .
fur le Théatre du Palais des Thuilleries
en prefence du Roi , de la Reine & de
toute la Cour. Mile Moliere y jouoit le
Rôle de Pfiché. Un Róle qui lui fit encore
beaucoup d'honneur , c'eſt celui
de Pyrrhus, dans la Tragédie d'Andromaque
, au fujer duquel nous rapporterons
un trait d'éloge extrémement fateur ; il
eft de l'illuftre Racine , lequel en taifant
repeter fa. Piece , & en donnant , l'efprit &
Pintelligence à tous ceux qui devoient la.
repréfenter , dit en s'adreffant à Baron :
pour vous , je n'ai point d'inftructions à
yous donner , votre coeur vous en dira
plus que mes leçons n'en pourroient faireentendre
. En effet , quelque grand per.
fonnage qu'il repréfentât , le Spectateur
tranfporté en Aulide , à Nymphée, à Rome,
ne voyoit plus qu'Agamemnon, Mithrida
11. Vol,
te 2
DECEMBRE. 1729. 3119
te , Burrhus ; Le Comedien avoit difparu .
A la mort de Moliere , M. Baron entra
dans la Troupe Royale de l'Hôtel de Bourgogne,
où il joua toûjours les premiers Rôles
avec la fineffe & les graces nobles &
naïves qui lui ont fait une fi grande réputation
. En 1580. la Troupe de l'Hôtel de
Bourgogne s'étant jointe , par ordre du
Roi , à celle qui s'étoit formée d'une partie
de celle de Moliere & de celle du
Marais , dont le Théatre fut fupprimé ,
& qui s'ét it établie dans la ruë Mazaine ,
au bout de la rue Guenegaud , M. Baron
y vint avec tous fes Camarades , & fur
ce Théatre & fur celui qu'on conſtruifit
en 1688. dans la rue des Foffez S. Germain
, il a toûjours reprefenté avec les
mêmes agrémens & la même diftinction
jufqu'en l'année 1691. qu'il quitta la Comedie.
Il finit cette premiere carriere par
le Rôle de Ladislas , dans la Tragedie de
Venceslas de Rotrou , qu'il joua d'une
maniere inimitable devant le Roi & toute
la Cour , à Fontainebleau.
Après 30. ans de vie privée , M. Baron
reparut fur la Scene & joua le Mercredy
d'après la Quinzaine de Pâques de l'année
1720. le principal Rôle dans la Tragedie
de Cinna , fur le Théatre du Palais
Royal , en prefence du Duc d'Orleans ,
Regent, & d'une prodigieufe Affemblée ,
II. Vol. G vj qui
3120 MERCURE DE FRANCE .
qui fit retentir de fes applaudiffemens
la même Salle & le même Théatre où ce
grand Acteur en avoit tant reçû il y avoit
plus de 50. ans.
Une chofe affez remarquable , c'eſt
qu'il a terminé fa feconde carriere par la
même Tragedie de Rotrou , dans le Rôle
de Venceslas , qui lui attira mille & mille
applaudiffemens au mois de Septembre
de cette année. La derniere fois qu'il
parut il ne put déclamer qu'à peine une
vingtaine de Vers ; l'afthme, auquel il étoit
fujet , l'empêcha de continuer. Le fieur
du Miral , repréſenta à fa place le Rôle
de Venceslas.
>
Au refte , le fieur Baron étoit homme
d'efprit & de gout , il fe picquoit même de
Litterature , & avoit un Cabinet de Livres
choifis . Il paroiffoit à fes manieres & à
fon air ailé qu'il avoit fréquenté bonne
Compagnie. Le Roi l'avoit gratifié d'une
penfion de 3000. livres .
Il a enrichi le Théatre de plufieurs
Pieces , dont voici la Lifte.
Les Enlevemens, Comedie en un Acte,
en Profe , 1686 .
Le Rendez - vous des Tuilleries , ou le
Coquet trompé , un Acte , en Profe.
L'Homme à bonne Fortune , en cinq
Actes , en Profe , 1686.
La Coquette & la Fauffe Prude , Co-
II. Vol.
medie
DECEMBRE. 1729. 3121
medie en cinq Actes , en Profe , 1687.
L'Andrienne , Comedie en Vers , en
cinq Actes , 1704 .
C'est dans cette Piece que Made Dancourt
, qui y jouoit le principal Rôle ,
avoit une Robbe abatuë , avec des Paremens
, que toutes les Dames trouverent de
fi bon gout, qu'elles en firent faire de même
, & qu'on nomma dés lors Andrienne.
Les Adelphes de Terence , en Vers & en
cinq Actes.
On a trouvé deux autres Pieces manufcrites
dans fes Papiers , dont l'une en Vers
& en cinq Actes , a pour titre le Jaloux
& l'autre P'Ecole des Peres. La premiere
a été repréſentée :
NOUVELLES DU TEMS.
ON
DE PER S. E.
N apprend de Mofcou , que le Czar a envoyé
des ordres au Gouverneur de Siberie
pour faire arrêter à Tobolskoy , la Caravanne
qui partit il y a quelques mois pour la Chine,
parce que cette Caravanne devant paffer fur
les Terres du Grand Mogol , on a lieu d'apprehender
qu'elle ne foit pillée par l'armée
que ce Prince a mife en campagne pour fecourir
le Prince Thamas , fils du dernier Roy
de Perfe , dont les Troupes ravagent actuelle
ment la Province de Mazandran.
II. Vol. Qurre
3122 MERCURE DE FRANCE.
Outre ces deux armées , il y en a encore
ane troifiéme , commandée par le frere de
Miry-Mammouth , qui eft dans le Candahår ,
d'où ce dernier Chef des Rebelles prétend aller
droit à Ipaham ; mais on croit qu'il fera arrêté
dans fa marche par le Sultan Acheraf ,
qui eft allé au-devant de lui pour le combattre
à la tête d'une nombreuſe armée.
Les troubles qu'on croyoic finis , font plus
grands que jamais en ce Pays là , & la difette
elt telle dans Ifpaham , que le pain y vaut
un écu la livre.
La
RUSSIE.
Es Ambaffadeurs Extraordinaires du Sul
an Acheraf font arrivez fur les Frontieres
de la Mofcovie ; le beau- frere de ce nouveau
Souverain eft à leur tête , & leur fuite eft de
plus de cent Perfonnes. On meuble pour euxa
Mofcou le Palais qu'occupoit cy devant le
Prince Menzikoff , & le Czar envoye à leur
rencontre un détachement de cent Dragons
de la Garnifon de Veronitz.
On a fait partir de Pete bourg les Archives
de la Monarchie , pour les reporter à
Mofcou , ce qui fait croire que le Czar continuera
d'y faire fon féjour.
Le Sultan Acheraf a envoyé depuis peu au
Czar un prefent de douze barils de vin de
Schiras , qui eft le meilleur vin de toute la
Perfe, & Sa Majesté Czarienne en doit envoyer
fix à l'Empereur . Ce prefent a précedé les Ambaffadeurs
Extraordinaires de Perfe , qu'on
attend dans peu à Moſcow.
On a Jure que le Czar a tenu un Confeil extraordinaire
, dans lequel il a déclaré qu'il étoit
11. Vol. dans
DECEMBRE . 1729. 3123
dans la réfolution d'époufer la Princeffe Catherine
Alexiewna , foeur aînée du Prince Jwan
Dolhorucki , & que la celebration de ce Mariage
fe feroit inceffamment.
M. Beriger , Réfident de S. M. Cz. à Hambourg
, a eu ordre de faire part à tous les
Miniftres Etrangers qui s'y trouvent , que le
Czar avoit conclu un Traité de Paix avec le
nouveau Souverain de Perfe , & que par ce
Traité il confervoit toutes les conquêtes faites
en Perfe par le Czar fon Ayeul.r
ALLEM A G N E.
N mande de Dantzick , qu'on avoit pu-
Oblié
blié depuis peu à Thorn , un Edit , par
lequel il eft deffendu aux Proteftans de cette
Ville , de faire aucun exercice de leur Religion:
les jours de Fêtes annuelles des Catholiques ,
à peine d'être punis féverement.
On apprend de Dre de , que le Roi de Po
logne a permis qu'on fit une Collecte generale
dans fon Electorat , em faveur des Proteftans
de Boheme , Vaffaux du Comte Clari de Sepelitz
, que ce Seigneur a obligez d'abandonner :
les biens qu'ils poffedoient dans les Terres.
ITALIE.
Novembre , le Clergé Séculier & Ré
Lgulier de Venife alla en Proceffion à l'Eglife
Ducale de S.Marc.où l'on avoit expofé l'Image
de la Vierge, peinte par S Luc , à la veneration
du Peuple . Le Doge , accompagné de la Seigneurie
, affilta à cette Proceffion , qui fut faite
pour demander à Dieu la ceffation des pluyes
qui ont occafionné le débordement des Ri-
11. Vol. vieres
$ 124 MERCURE DE FRANCE .
viere, & caufé des dommages très - confiderables
a la campagne , où le féjour des eaux a pro
duit quantité de maladies dangereufes , qui
font périr beaucoup de monde , fans qu'on ait
pû jufqu'à prefent y apporter de remede.
On a apris depuis que le débordement du
Pô , s'eft fait avec tant de rapidité , que les
eaux ont monté en moins de deux jours juſqu'au
cordon des murailles de Plaifance ; on
compte plus de quatre mille perches de terre
enfemencées , des environs de cette Ville , qui
font couvertes d'eau depuis plus de quinze
jours. Plufieurs Villages du diftrict de Bologne
font entourez d'eau de forte qu'on eft
obligé de porter dans des Bateaux les vivres
neceflaires aux habitans .
On a reçû avis du Roufillon , que l'Empereur
avoit accordé aux Ports de Trieſte &
de Fiumé , une Foire franche pour le mois
d'Août prochain.
On apprend de Rome , que le 24. Septembre
au foir , le Palais de la Chancellerie , dont
toutes les faces, tant du dedans que du dehors,
étoient tendues de plufieurs lez de Velours &
de Damas , fut illuminée de flambeaux de cire
blanche , par ordre & aux frais du Cardinal
Ottoboni , qui fit repréfenter fur le Théatre
de ce Palais , le nouvel Opera qu'il avoit fait
préparer à l'occafion de la Naiffance du Dau
phin,tous les Cardinaux qui étoient à Rome s'y
trouverent , ainfi que les premiers Ordres de
la Prélature & les principaux de la Nobleffe.
Les jeunes Académiciens François de l'Académie
de Peinture & de Sculpture , reprefenterent
le même jour une Comedie Françoife ,
à laquelle il fe trouva plufieurs perfonnes de
diftinction.
LI. Vol. RE
DECEMBRE . 1729. 3125
REJOUISSANCES faites à Rome,
par le Cardinal de Polignac , Miniftre
du Roi auprès de N. S. P. le Pape
Benoît XIII.
L
E Cardinal de Polignac ayant reçû le 13 .
Septembre dernier par un Courrier Extraordinaire
, l'heureuſe nouvelle de la Naiffance
de Monfeigneur le Dauphin ; fon premier foin
fut d'aller fans aucune ceremoine à l'Eglife
Nationale de S. Louis , pour remercier Dieu
d'avoir fait à la France & à toute l'Europe,
un don fi précieux , & d'en donner enfuitepart
au Pape , au Sacré College , aux Miniſtres
& à toute la Cour Romaine .
Pour fe conformer aux ordres qu'il avoit
reçûs de faire des Réjouiffances éclatantes &.
veritablement dignes d'un fi grand fujet , fuivant
toute l'étenduë de fon zele , il jugea qu'il
falloit que toute la Ville en pût être témoin
c'est pourquoi il differa ces démonſtrations juf
qu'après le jour de S. Martin temps où les
Cardinaux , les Prélats & la Nobleffe reviennent
de la Campagne , d'autant plus que vou
lant faire quelque chofe de brillant , il avoit
befoin de plufieurs jours pour en ordonner les
préparatifs.
$1
Toutes chofes étant prêtes , le 18. Novembre
S. E. l'annonça au Public par une double
Illumination qu'elle fit dans fon Palais , &
invita le Sacré College & toute cette Cour au
Te Deum , qu'elle fit chanter le lendemain au
bruit de plufieurs falves de Boetes , dans l'Eglife
Nationale de S. Louis , où elle ſe rendit ,
malgré une très grande pluye , avec un Cortege
de 88. Prélats , de la principale Nobleffe
II. Vola de
3126 MERCURE DE FRANCE .
de Rome , de Gentilshommes , de tous les
Cardinaux & Princes Romains & de plufieurs
Etrangers , après les avoir régalez de toutes
fortes de rafraîchiflemens . Trente Cardinaux
furent reçûs hors de la Sacriftie par S. E. les
autres , au nombre de huit , étant ou malades
ou abfens .
L'Eglife étoit fuperbement parée , la Mufique
excellente , & le concours du Peuple
auffi grand que fi le Ciel avoit été ferain .
Tous les Miniftres Etrangers s'y trouverent ;
mais la pluye n'ayant pas celle de tomber avec
abondance , il fallut fufpendre tout le refte ,
réparer les dommages qu'elle avoit faits , &
attendre de plus beaux jours. Enfin le 26. de
Novembre le temps parut s'éclaircir , & S. E.
en profita pour donner au Public la fatisfaction
de jouir de toutes les Fêtes préparées .
Sçachant combien le Peuple Romain eft
amateur de Spectacles , & combien il feroit
ravi de voir en ce genre tout enſemble un
mêlange de beautez anciennes & modernes ,
elle imagina de donnex deux courfes de chevaux
dont elle propoferoit les Prix , avec
une Cantate dans la Cour de fon Palais , reduite
en forme de Théatre , & un grand feu d'artifice
dans la Place Navone , en achevant de lui
rendre par de nouveaux ornemens , l'ancienne
majefté des Cirques de Rome.
La premiere Courfe fut executée le Samedi
26 à la fatisfaction de tout le monde, au milieu
d'un peuple innombrable qui remplifoit la
grande rue du Cours , depuis la Porte Flaminiene
jufqu'à la Place de S. Marc. On voyoit
de toutes parts de fuperbes équipages , des
habits magnifiques & quantité de Pierreries
dont les Dames s'étoient parées pour affifter
le foir à la Cantate
Le
DECEMBRE . 1729. 3127
Le SacréCollege, au nombre de 19.Cardinaux
s'étoit rendu au Palais de l'Académie de France
, où M. le Cardinal de Polignac l'avoit invité
, & que M. Weugles , Directeur , avoit
parée des beaux Meubles dont il a plu au Roi
de la décorer; quantité de Prélats & de Nobleffe
y affifterent. Les rafraîchiffemens y fufurent
diftribuez avec abondance , par ordre
de S. E. la Courſe finit au milieu des acclamations
, & ce fut un Barbe du Connétable Colonne
qui remporta le Prix d'une Etoffe d'or
de la valeur d'environ 400. écus Romains , fur
15. autres Chevaux qui couroient .
De- lâ tout le monde ſe rendit au Palais de
S. E. dont l'Illumination au- dehors faifoit un
effet admirable , les fenêtres étant éclairées
par des flambeaux de cire blanche , & les Corniches
qui regnent autour , par des Lampions
artiftement placez .
Au haut de la Porte on voyoit dans un
ovale deux Cornes d'abondance entrelaffées
d'où fortoient plufieurs têtes d'Enfans . Audeffous
de ce Tableau il y avoit ces mots ::
SPES POPULORUM . Et au deffous ces quatre
Lettres,fuivant l'ancien ufage des Infcriptions.
V. S. L. M. Votum folvit libens merito.
-
La Cour , dont l'Architecture & la régularité
font admirables , reflembloit à un magnifique
Théatre , tant par la quantité de Luftres
qui l'éclairoient , que par la richeffe & le bon
gout des ornemens . Le rez de - chauffée étoit
garni de Tapifferies de Haute Lice, avec quan
tité de Plaques à Miroirs , qui portoient plufieurs
bougies chacune. Toutes les fenêtres.
du premier étage , tant à droite qu'à gauche
étoient ornées de Damas cramoifi en feftons ,
au- deffus defquels on avoit mis les Armes du
11. Vol. Rois
228 MERCURE DE FRANCE .
Roi , celles de la Reine & de Monfeigneur la
Dauphin. Chaque Ecuffon étoit furmonté d'un
Pavillon en forme de Couronné , dont les Rideaux
étoient foutenus par deux Amours dorez.
Chaque Pilaftre étoit garni d'une Etoffe
peinte en Lapis Lazuli , incruftée de Fleurs de
Lys d'or & de Dauphins, & éclairée d'un Luftre
de douze bougies. Leurs Piedeftaux portoient
chacun deux flambeaux de cire blanche.
Le haut de ces Pilaftres étoit terminé par un
Chapiteau Corinthien doré. La Corniche étoit
pofée fur une Frize de Velours cramoifi gafonné
& frangé d'or. Au-deffous de cette
Corniche il y avoit d'autres Pilaftres du fecond
étage , dont le Piedestal étoit caché par
de grands Vafes , imitant la Porcelaine , aux
Armes de S. E. & garnis chacun d'un Oranger
, dont les fruits étoient tranfparans ; à leur
côté il y avoit d'autres petits Vaſes de même
matiere , qui contenoient des flammes , & qui
rendoient une clarté très- douce . Ces feconds
Pilaftres étoient couverts d'un Velours cramoifi
, galonné d'or , & les fenêtres ornées
comme les premieres.
La principale façade de la Cour étoit occupée
par un Théatre porté par des Nuées , ou
130. Joueurs de toutes fortes d'Inftrumens
étoient rangez , & vétus en Génies , avec des
Couronnes de Laurier fur la tête , des Ceintures
& Bracelets noirs , garnis de Pierreries.
Les fix Muficiens reprefentant Jupiter, Apollon,
Mars , Aftrée , la Paix & la Fortune , étoient
chacun habillez comme la Fable reprefente
ces Divinitez & avec leurs attributs , ils
étoient tous affis fur des Nuages . Les cinq
Arcades formoient cinq Perſpectives charmantes
qui reprefentoient autant de Galleries ,
11. Vol. au
DECEMBRE 1729. 3129
au bout defquelles on voyoit dans le lointain
les Statues en or des cinq plus grands Rois
de France , dont le Dauphin defcend en droite
ligne ; fçavoir , HUGUES CAPET , PHILIPPE
AUGUSTE , S. LOUIS , HENRY IV. & LOUIS
LE GRAND .
Au- deffus du Théatre il y avoit les Armes
du Dauphin , couvertes d'une grande Coùronne
en Baldaquin , dont les Rideaux reprefentoient
un Manteau d'argent parfemé de
Fleurs de Lys d'or & de Dauphins d'azur ,
foutenues par deux Amours dorez, Au- deffus
du toit , qui fe trouvoit caché par des Nuages,
on voyoit un Soleil naiffant qui conduifoit
fon Char , tiré par quatre Chevaux & entouré
de Rayons que jettoient un très grand
éclat. Ils paroiffoient refléchis par ces mêmes
Nuages , tous refplendiffants de lumieres , &
fembloient entourer le Globe de la Terre ,
où l'on lifoit ces mots en Lettres tranfparan--
tes : IN COMMUNE BONUM.
Le refte des Bâtimens étoit couvert par
d'autres nuages , & par une grande Etoile
bleue qui fe confondoit avec le Ciel. On accommoda
d'un côté une cheminée en guife
d'un vafe antique , & on en fit un femblable
d'une autre d'où il fortoit une groffe flamme
; tous les combles étoient auffi éclairés
par d'autres flammes , les unes dans de petits
vafes , & les autres dans des Cornes d'abondance
, placées dans la plus grande regularité.
La Galerie vis- à- vis le Théatre , & que le
Sacré College , les Prélats & la Nobleffe occupoient
, étoit parée d'un gout qu'il eft impoffible
d'exprimer ; la Voute paroiffoit un
deffein Arabefque , en broderie très -riche , &
1. Vola des
3130 MERCURE DE FRANCE .
des mieux entendus ; les murailles étoient
revêtues de damas & de velours cramoifi ,
galonnés d'or à frange de même. Le Portrait
du Pape étoit placé au milieu , entre ceux
du Roi & de la Reine , celui de Monfeigneur
le Dauphin étoit au bout de la gaferie
, vis à -vis la Porte du grand Appartement
par où l'on y entroit. Les Pilaftres qui
formoient les cinq arcades étoient garnis de
velours galonné d'or au dedans , & femblables
à ceux du dehors ; & il y avoit à chaque
Baluftrade un tapis bleu & or , parfemé
de Fleurs de Lys , avec les Armes du Roi ,
celles de la Reine & de Monfeigneur le
Dauphin.
Au milieu de chaque Arcade pendoit un
Luftre de 24. Bougies , outre ceux qui étoient
au devant des Pilaftres de forte que cette
grande lumiere jointe à une quantité de pierreries
dont toutes les Princeffes & les Dames
qui occupoient les Fenêtres des Appartemens
haut & bas étoient parées , rendoit
un éclat furprenant.
>
La façade au- deffus de la Galerie des Cardinaux
& vis-à-vis le Théatre , étoit ornée
comme les autres. Les chambres étoient
remplies de Princeffes & de Dames , fans
diftinction de rang.
Le Pavé de la Cour étoit couvert d'un fable
fin , & on y avoit rangé autant de bancs
qu'elle en pouvoit contenir pour les perfonnes
d'un rang inferieur. Dés que tout le monde
fut placé , on tira le rideau qui cachoit la
Décoration ; chacun batit des mains pour
applaudir à un fi beau fpectacle. La Simphonie
commença , & la Cantate fut executée
admirablement, Entre la premiere & la fe-
11 , Vol.
conde
DECEMBRE . 1729. 3131
reurs.
conde Partie , on diftribua une quantité pros
digieufe de Rafraîchiflemens à tous les Spec-
Après la Mufique , les Cardinaux
furent conduits par les Appartemens qui
étoient tout éclairés de Luftres & de Plaques
, dans une grande Salle , où il y avoit
une table garnie de plufieurs Triomphes couverts
de fruits glacés , Confitures feches & c.
& qui furent enfuite abandonnés au pillage .
Ainfi finit cette journée fans aucun acci
dent ni defordre , malgré la quantité de monde
qui fe trouvoit à cette Fête , le parterre
feul avec le Vestibule contenant environ 3000.
perfonnes ; auffi avoit on pris foin de garnir
les avenues du Palais de plufieurs détachemens
de Soldats qui faifoient filer tous
les Caroffes les uns après les autres. Les principales
Maifons de la Ville , & plufieurs
moins confiderables furent auffi illuminées
pendant une bonne partie de la nuit.
S. E. auroit bien voulu donner au Public
dès le lendemain les autres fpectacles qu'elle
avoit fait préparer ; mais ayant befoin de
trois jours confecutifs de beau tems pour
faire armer les differentes Machines qui compofoient
le Feu d'artifice , qnoiqu'il y eut
300. Ouvriers employés à cet Ouvrage , il
fallut attendre deux jours entiers pour s'en
affurer après quoi on reprit le travail qu'on
avoit été obligé de quitter plufieurs fois , &
le 30. au foir tout fut en état d'être executé.
;
Il eft bon de faire obferver que pendant
qu'on faifoit ces préparatifs toute la Ville
s'empreffoit à les aller voir ; de forte que
plufieurs jours de fuite , c'étoit une affluen
ce de monde inconcevable , qui paffoit alternativement
du Palais de S. E. à la Place Na-
11. Volg
yone &
3132 MERCURE DE FRANCE .
vone , jufques- là que contre la coutume , &
malgré la rigueur du Cerémonial , on voyoit
des Cardinaux , des Princes , des Princeffes,
des Seigneurs & des Dames fe promener à
pied , comme on fait à Paris aux Thuilleries,
parceque les avenues de cette Place étoient
barrées , de peur que les Caroffes n'interrompiffent
le travail,
Pour fatisfaire la curiofité de ceux qui ne
pouvoient venir à la Cantate , ou qui étoient
arrivés trop tard , S. E. voulut bien leur
donner avant & après fon execution le plaifir
de l'Illumination du Théatre qu'on lui demandoit
avec empreffement.
Avant que de parler du Feu d'artifice , il
eft à propos de donner une idée de la Place
Navone , autrefois le Cirque Agonal , qui
n'a confervé d'autre marque de ce qu'il étoit
anciennement que la figure , n'ayant plus aucun
veftige des ornemens dont il étoit rempli
, fi ce n'eft l'Obelifque Egyptien que le
fameux Cavalier Bernin éleva par ordre du
Pape Innocent X. fur la magnifique fontaine
qu'on y voit au milieu ; la longueur de la
Place eft de .palmes , fur de largeur.
Du côté fuperieur , & au bout de cette Place
, il y a une autre fontaine d'un gout &
d'un deffein admirable , & du côté inferieur
une troifiéme beaucoup plus fimple , & fans
ornemens ; toutes deux font cependant du
celebre Michel Ange .
>
S. E. imagina qu'elle pourroit remettre çe
Cirque à peu près dans le même état qu'il
étoit anciennement en enconftruifant une
Terraffe en guife d'Epine , haute de s . palmes
, large de 35. & longue de chaque côté
de 246. & en y plaçant des ornemens dans
II. Vol.
la
DECEMBRE. 1729. 3133
le gout des anciens , mais propres & convenables
au fujet dont il étoit queſtion. Ayant
Communiqué fes vues au Chevalier Chezzi,
homme très- capable & très-entendu , celui- ci
les fit executer de la maniere fuivante.
1
Deux Temples ouverts à 4. faces s'élevoient
Caux deux côtez de l'Obelifque d'une égale
grandeur entre eux , & , d'une égale architecture
d'Ordre Corinthien , dont la hauteur
étoit de palmes , la largeur de 30 & la
longueur de 40. Ils étoient foutenus chacun
de 8. Colonnes , imitant le marbre & l'antique.
Au milieu de chaque Temple il y avoit
un Grouppe de grandes Statues , peintes en
bronze de Corinthe ; l'un des deux Grouppes
repréfentoit la Paix & la Juſtice qui s'embraffoient
, avec ces mots dans le Piédeftal :
ILLOSUS SIDERE NATUS , pour exprimer que
le DAUPHIN étoit né fous le Gouvernement
du Roi fon Pere , plein de juftice &
de paix. Au - deffus de la Corniche étoit cette
Infcription : PACI ÆTERNÆ pour fignifier
que la Naiffance du Prince affermiffoit le repos
, non-feulement de la France , mais de
'Europe entiere.
L'autre Grouppe étoit de deux Statuës
pareilles , qui repréfentoient la Valeur & la
Pieté , fondemens de ce que portoit l'Infcription
: SECURITATI PUBLICE , & dans le
Piédeftal , on difoit au DAUPHIN : H₂
TIBI ERUNT ARTES . Chacun de ces Temples
étoit accompagné , à une médiocre diftance
, de deux autres Piédeftaux , d'où fortoient
deux Dauphins qui foutenoient par
leurs queues réunies un grand Vale antique.
On voyoit enfuite un autre Piédeſtal
II. Vol.
H jour,
3134 MERCURE DE FRANCE .
jour , beaucoup plus grand , formé par 4
Termes qui portoient un grand Medaillon
Couronné , avec les Armes du Roi d'un côté ,
& celles de la Reine de l'autre , foutenues
par des Renommées. En fuivant la même
Epine , on voyoit deux petits Obeliſques furmontés
d'un Globe , & liés par un Architrave
dans la forme ancienne , après lefquels
il y avoit un autre Piédeftal qui foûtenoit
des Trophées , fur lefquels les Armes de
Monfeigneur le DAUPHIN étoient pofées.
Le même ordre étoit obfervé de part &
d'autre. A chaque bout il y avoir au lieu
des bornes que les Romains mettoient pour
la courfe des Chariots , deux Colonnes hif
toriées , tout- à - fait femblables à la Colomne
Trajane & à l'Antonine , de 104. palmes de
haut , y compris la Bafe & le Piédeftal , &
de 24. de circonference , fur l'une defquelles
on voyoit la Statue Coloffale de S. Louis ,
de la hauteur de 18. palmes , imitant le bronze
de Corinthe , entourée d'un Balcon de fer,
aux 4. coins duquel il y avoit douze torches
avec fon nom fur la Frife , & fur le Piédeftal
ces autres mots : GENUS ALTO A SANGUINE
DIVÛM. '
Sur l'autre Colonne étoit la Statue de
LOUIS LE GRAND avec fon nom , & fur
le Piédeftal : DISCE , PUER , VIRTUTEM EX
ME. Toutes ces Infcriptions étoient en grandes
Lettres tranfparentes.
Des deux fontaines de Michel Ange qui
fuivoient , une feule avoit befoin Fornemens
; on y en mit à la façon des autres , & .
principalement des Dauphins dans toutes
fortes de fituations qui jettoient l'eau par
les narines , & imitoient fi bien l'Antique ,
qu'on s'y feroit mépris. Chaque
DECEMBRE. 1729. 3735
Chaque bout de la Place fe terminoit par
une espece de Château , au- dedans duquel
il y avoit une grande fontaine de vin qui
fortoit d'une Fleur de Lys , & qui fut diftribué
au Peuple pendant tout le jour. La
Place dont la circonference eft de
étoit entourée d'un Portique , dont les Pilliers,
couleur d'or , étoient garnis de feuillages
entremêlés de fleurs artificielles , auffi bien
que l'Architrave , & de l'un à l'autre il y
avoit un Fefton de même , ce qui faifoit le
plus bel effet du monde. La moitié de ces
Pilliers foutenoit des Bras à trois Torches,
& l'autre moitié les Armes du Roi , celles
de la Reine & de Monfeigneur le Dauphin ,
accompagnées de Trophées. Les 3. fontaines
de la Place & les deux Colonnes
étoient également environnées de Pilliers
garnis comme les autres , avec des Bras â
deux Torches ; ce qui joint à deux rangs
de Lanternons dont cetre Place étoit entourée
, au nombre de plus de 6000, outre les
autres Illuminations des Eglifes , Palais &
Maifons qui l'environnent , jettoit une trèsgrande
lumiere.
3
Le Palais du Protecteur , occupé ce jour- là
par S. E. qui en faifoit les honneurs au facré
College étoit éclairé par une quantité de
Luftres & de Bougies au dedans , & au dehors
par deux Flambeaux de cire blanche à
chaque Fenêtre. Le Balcon que S. E avoit
fait élever pour les Cardinaux étoit magniquement
orné des Armes du Roi , de la Reine
& de Monfeigneur le Dauphin , avec de
riches tapis .
Tout étant prêt , comme on l'a dit pour
le jour de S. André , le Cardinal de Poli
Hij gnac I1. Vol.
3436 MERCURE
DE FRANCE .
gnac invita le S. College , la Prélature &
la Noblefle , au Palais de l'Académie , pour
y voir la feconde Courfe de Chevaux . Le
concours du Peuple fut égal à celui de la
premiere. Toutes les Fenêtres des Maifons
du Cours furent parées à l'ordinaire ; les
plus beaux Caroffes y parurent, 22. Cardinaux
& 200. perfonnes de diftinction ſe rendirent
à ce Palais , où on leur donna des Ra
fraîchiffemens. La Courfe fut de 17. Chevaux,
& celui du Connetable qui avoit gagné le premier
prix , eut encore le fecond, C'étoit
une piece de brocard d'or , à fond cramoifi ,
de la même valeur que l'autre. Chacun parut
très -fatisfait , & fe rendit ' enfuite à la
Place Navone.
>
Pendant que les Spectateurs s'affembloient,
4. Choeurs de trompettes , de timballes , de
hautbois & de Cors de Chaffe , difpofez à
'diftance égale , fonnoient continuellement
ou fe répondoient par échos. A deux heures
de nuit on mit le feu à la premiere Batterie
, & fucceffivement aux 4. autres. Enfuite
on vit ce qui compofoit l'Epine , auffi
bien que les Colonnes , s'éclairer dans un
même inftant depuis le haut jufqu'en bas
avec un fi grand éclat de lumiere , qu'on crût
être en plein jour , ce qui fit un très-beau
fpectale. Cette Illumination fe maintint dans
toute fa force une heure & demie , pendant
que toute forte de Feux d'artifice qu'on
puiffe imaginer , Soleils , Etoiles , Fufées ,
Serpentaux , Fontaines & c. mettoient l'air
tout en feu , avec un bruit inconcevable.
Toutes les Machines joüoient à la fois , &z
il n'y eut pas un moment d'interruption ni
de relâches de forte que l'execution faire
14. Vol.
par
DECEMBRE 11772266.. 3137
par le S. Bonari , Chef des Bombardiers du
Château S. Ange , répondit parfaitement au
deffein qui en avoit été conçû. Dès que tout
parut fini on vit reparoître deux rangs de
fontaines de feu , de chaque côté de l'Epine ,
fort près l'une de l'autre , qui firent un trèsbel
effet ; & aufquelles on ne s'attendoit pas
elles renouvellerent les acclamations qui n'avoient
prefque point deffé. Dans le moment il
partit aulli des deux Châteaux , d'où le vin
avoit coulé , deux grandes Girandoles de 1500
Fufées chacune , qui en couvrant la Place
& les envitons de Feux & d'Etoiles , couronnerent
pompeufement ce magnifique fpectacle.
Le bonheur voulut que le tems fut
admirable , & qu'il n'y eut pas un foufle de
vent. Il n'y eut pas non plus le moindre defordre
dans une fi grande multitude accouruë
de toutes parts , & tout le monde convient
que de memoire d'homme il n'y eut
jamais dans cette Ville , accoutumée à voir
de fuperbes Réjoüiffances , aucune Fête fi fuperbe
, d'un fi grand gout , & d'un fi bet
arrangement.
Tous les Poëtes de Rome les ont celebrées
par un grand nombre de Sonnets , d'Odes
, d'Epigrammes & d'autres compofitions
dont plufieurs font fort cftimées . On en fait
actuellement le Recueil.
La Cantate Italienne, dont il eft parlé dans
dette Relation , eft un fort beau morceau de
Poëfie, qui pourroit porter un autre titre ; car
par rapport à la nouvelle forme que l'Aufeur
a trouvé bon de lui donner , elle eft
dans le genre Dramatique au lieu que les
Cantates ordinaires font Epiques ; c'eſt- àdire
, que ce n'eft pas ici l'Auteur qui ra-
II. Vil.
Hiij conte
3138 MERCURE DE FRANCE.
conte , mais les Interlocuteurs qui agiffent .
Nous avons cru faire plaifir au Public en lui
en donnant un Extrait .
LES ACTEURS.
Jupiter, Mars , Apollon , Aftrée , la Paix , la
Fortune. La Scene eft fur le Mont Olympe.
ARGUMENT.
Jupiter furpris de quelques diffentions élevées
entre les Habitans de l'Olympe , en
demande le fujet aux Dieux foumis à fon
obéiffance ; voici comment l'Auteur fait parler
ce Souverain du Ciel & de la Terre .
Dieux de l'Olympe , quel courroux hors de
faifon vous agite & trouble la ferenité de l'Olympe
? d'où vient que Mars paroît à mes yeux
l'Epée à la main ? Pourquoi Apollon tien-t -il
Sen Are tendu ? quelle raiſon oblige Afirée à
devenir Guerriere? Et qui peut porter la Paix
à negligerfa beauté , & à laiſſerflotterfes che
veux épars , elle qui fut toujours l'amour &
l'efperance du monde ? Par quel evenement , la
Fortune qui n'aimoit qu'à ſe jouer & qu'à rire ,
touffe- t- elle aujourd'hui des plaintes & des gemiffemens
? va-t - on une feconde fois faire la
Guerre au Ciel Encelade & Typhée ont - ils
fecoué le joug des Monts , fous lefquels je les ai
enfevelis ? La Difcorde vient- elle encore de laif-
Jer tomber fa fatale Pomme fur la Table des
Dieux? Quelque foit le fujet de vos difputes ,
qu'on fe taife. Je ne veux entendre que des
voix d'applaudiffemens des cris de joye , à
l'occafion du nouveau Lys que je viens de planier
de ma propre main dans la Famille Royale ,
dont les rives heureufes de la Seine fuivent les
douces Loix . Le Deftin m'avoit commis ce foin',
II. Vol.
DECEMBRE. 1729. 3139
je l'ai rempli, c'eft à tous les Dieux à applandir
à mon Ouvrages
Que Vulcain déformais ne forge plus la
Foudre
Pour faire trembler les humains ;
Non , qu'ils ne craignent pas que pour les
mettre en poudre ,
Elle tombe encor de mes mains.
Nous ne traduifons le commencement de
te Poëme , que pour tracer une legere Image
des beautés qu'il contient ; un plus long détail
pafferoit les limites que nous nous fommes
prefcrites .
Jupiter eft bien étonné d'apprendre que le
préfent qu'il vient de faire à la Terre , trouble
la tranquillité du Ciel Chacun des Dieux veut
être chargé du foin d'élever le Dauphin de
France. Mars , Aftrée , Apollon , la Paix , &
la Fortune , briguent cet honneur ; Jupiter
leur ordonne d'expofer leurs droits , afin qu'il
puiffe juger lequel d'entr'eux eft le plus digne
d'un fi glorieux employ .
Apollon appuye fes prétentions fur les biens
qu'il a répandus fur la France ; il dit qu'il a
preferé les rives de la Seine , aux Jardins du
Permeffe , & aux ruiffeaux délicieux qui coulent
de la Fontaine d'Hipocrene ; il ajoûte , que
c'eft par lui que la Poëfie Dramatique brille
plus dans Paris qu'elle ne fit autrefois dans
Athenes ; qu'il regle lui - même fes chants fur
ceux des Cygnes François ; il ne borne pas fes
dons à la Poëfie ; il foûtient que c'eft par fes
ins que la France produit tous les jours
Pexcellens genies pour tous les beaux Arts ',
& c.
Hiiij La
3140 MERCURE DE FRANCE.
La Paix paroît furprife de ce que l'ingrati
tude regne même parmi les Dieux ; elle accufe
Apollon d'un oubli tout- à - fait indigne d'un
Fils de Jupiter, elle prétend que ce n'eft que
par elle que les beaux Arts ont fleuris , &
s'accroiffent tous les jours dans la France ; &
par- lå , elle demande l'honneur de la préfetence
, qu'elle croit mieux meriter que fon
concurrent.
Mars trouve encore plus étrange , qu'Appollon
& la Paix ofent s'attribuer ce qui
n'appartient qu'à lui ; il dit à la Paix d'un ten
menaçant, que le loifir dont elle jouit n'eft que
le fruit de fes travaux guerriers ; qu'elle doit
trembler des perils qui la menacent , s'il vient
à reprendre les armes ; puis s'addreffant à
Apollon , il lui fait entendre , que fi le bruit
de ces armes fi terribles , dont il tire toute fa
gloire , a quelquefois empêché les Mufes de
faire entendre leurs doux Concerts , il leur a
fourni en récompenfe de nouveaux fujets de
chants , & d'éloges pour fes Heros .
Aftrée s'addrefle à Jupiter , & lui reprefente
de combien de malheurs les Mortels ont
été accablez depuis qu'ils ont été affez coupables
pour la bannir de la terre ; elle ajoûte
qu'elle a été heureufement rappellée à ce féjour
fi cheri , qu'elle n'avoit abandonné qu'avec
un tendre regret ; que c'eft fous le Regne
des Bourbons que le fien arecommencé , & delà
elle conclut qu'elle a un droit incontestable
fur l'éducation du nouveau Rejetten de cette
Illuftre Tige.
La Fortune dit à Aftrée , que la France ne
fui doit pas moins qu'à elle , puifque c'eft fa
main qui régle le fort des Empires ; elle fe
vante d'avoir contribué au facré noeud qui a
joint
DECEMBRE. 1729. 3140
"
joint l'Augufte Epoux , & la vertueufe Epoufe
qui ont donné la naiffance au Dauphin dont
elle demande que l'éducation lui foit commife
Elle finit par ces Vers :
C'est la Fortune qui diſpenſe
Les dons qui font briller les plus grands Po
tentats ;
Etfi fur les Mortels je ne préfidois pas ,
Les plus hautes vertus feroient fans récom-·
penfe.
Jupiter ne peut condamner une divifion dont
la caufe eft fi belle ; il invite ces immortels Ri
vaux à bien mediter fur ce qu'ils ofent demander
, & ordonne cependant que les cieux
retentiffent d'applaudiffemens , fur le bonheur
la terre vient d'obtenir la naiſſance
d'un nouveau Maiſtre .
que
par
Comme la feconde partie n'eft qu'une continuation
, o bien des chofes font repetées
nous nous difpenferons d'en donner un Extrait
; nous nous contenterons de dire en peu
de mots ce qu'Apollon ajouté pour fortifier få
caufe. Voici comment il s'exprime :
Dieux Rivaux ; je puis faire feul tout ce que
vous feriex unis enſemble. Je n'ai besoin ni de
balances , ni d'épée , ni de bouclier , ni d'autres
harnois . Ma Lyre me fuffit ; que le Heros
qui vient de naître prête feulement l'oreille à
mes divins accords , je lui fournirai des exemples
domestiques de differentes vertus , dans les
Ayeux dont il a la gloire de defcendre ; quelle
émulation ne lui donneront pas les Charlemagnes
, & les Henris ; il n'aura pas même bei
oin de remonterfi haut ; quel chemin ar tui
H.v. ouvre
3142
MERCURE DE FRANCE .
ouvre pas ce grand Prince , qui remplir le
Throne des Efpagnes , & dont l'Empire comprend
deux mondes à la fois ? Qu'il se régle
encore fur fon Trifayeul , fur fon Bifayeul &
furfon Pere ; il n'entendra raifonner ma Lyre
que des noms de Louis , tantôt Jufte , tantôt
Grand , & tantôt Pieux.
Jupiter termine enfin cet illuftre differend
en partageant entre tous les Dieux le grand
emploi dont chacun d'eux veut être honoré , il
ne refufe pas de prendre fa part d'un foin fi
glorieux , & de leur fervir d'exemple dans
une éducation , où il s'agit du bonheur du
monde. Les Vers font de M. l'Abbé Pierre Methaftafe
, & la Mufique de M. Léonard Vini .
Voici une autre Piéce qui nous a été envoyée
que le Lecteur fera fans doute bien aiſe de voir
ici.
Quel fpectacle fuperbe ! où d'une main fçavante
,
On fçait rendre à nos yeux l'Antiquité pré-
· fente,
Et nous faire admirer ces pompeux monuments
1
Qu'avoit ensevelis l'obscurité des tems.
POLIGNAC , ton heureux genie
Ne pouvoit éclater par un plus noble choix i
Jamais rien de plus grand n'étonna l'Italie s
Ony voit briller à la fois
Le plaifir que t'inspire une Augufte Naiffance
,
Ton zele pour ton Roi , ten amour pour les
Arts
E
DECEMBRE. 1729. 3143
Et tu fais fucceder par ta magnificence
Les FRANÇOIS aux Romains , les Loüis aux
Céfars.
Thorame , Prêtre.
ESPAGNE
Na apris de Seville que les Ftits Generaux
ont accedé au Traité qui y fut figné
raux
le 9. Novembre , entre la France , l'Espagne
& l'Angleterre.
Don Jerôme Simon de Coeur , Chirurgien ,
Accoucheur de la Reine , a obtenu du Roy
des Lettres de Nobleffe pour lui & fes defcendans
, avec les mêmes honneurs & prérogatives
dont joüiffent les Titrés de Caftille.
On a apris de Lisbonne , que le Vaiffeau
la Notre - Dame d'Atalaya , qui y eft revenu
depuis peu de la Baye de tous les Saints , avec
une charge confiderable pour le Comte de
Don Gabriel - Antoine Gomez , de la Compagnie
des Fermiers du Tabac , fut brûlé le 17.
Novembre par accident , avec cinquante- deux
perfonnes & toutes les Marchandifes .
GRANDE BRETAGNE .
Ode Lancare, quoll étoit tombé des
Na apris des Provinces de Cheſter &
pluyes avec tant d'abondance , qu'en une feule
nuit la Riviere de Warington avoit debordé ,
& que plus de 25. perfonnes avoient été
noyées avec une grande quantité de Chevaux
& de Beftiaux.
Les Directeurs de la Compagnie de la Mer
du Sud , ont acheté des Marchandifes qu'ils
11. Vol.
Hvj doivent
3144 MERCURE DE FRANCE.
doivent envoyer aux Indes Occidentales, auffi
tôt qu'ils auront receu d'Espagne la Cedule
qu'ils en attendent , pour faire partir leur
Vaiffeau de l'Affieute.
Les Commiffaires du Commerce & des
Plantations , ont dreffé un Projet pour former
le Gouvernement Civil de Gibraltar , il
fera compofé d'un Lord - Maire , de fix Aldermans
, & de dix - huit autres particuliers qui
formeront le commun Confeil de la Ville ;
celui de l'Ile de Minorque ne fera compofé.
que d'un Lord- Maire , de quatre Aldermans ,
& de douze Membres du Commun Confeil.
HOLLANDE ET PAYS-BAS .
'Empereur a accordé des Lettres Patentes :
pour l'érection d'une Chambre de Commerce
à Gand , fur le même pied de celle qui
eft déja établie à Bruges. Toutes les conteftations
au fujet du Change & du Commerce y
feront jugées , & l'on en a interdit la connoif- -
fance aux Tribunaux ordinaires.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Soleurre
le 12. Decembre , fur les Réjouiffances
faites dans cette Ville.
L faudroit un Livre entier pour contenir la
Relation de tout ce qui s'est fait ici , au fujet
de la Naiffance du DAUPHIN. Je crois cependant
que cette Lettre pourra fuffire pour ne
rien omettre d'effentiel , & pour vous donner
une jufte idée des Réjoüiffances dont il s'agit .
Les préparatifs ordonnez par M. le Marquis
de Bonnac , Ambaffadeur de France en Suiffe
LI Vol. au
DECEMBRE 1729. 3145
au fujet de la Naiffance du DAUPHIN , étang
dans leur perfection , les Deputez du Corps
Helvetique arriverent en cette Ville pour
prendre part aux Fêtes publiques. Ils furent
d'abord complimentés de la part de ce Miniftre
, & regales du vin d'honneur.
Le 30. Novembre au matin , ces Deputez
s'affemblerent dans l'Hôtel de Ville , d'où ils
allerent en Corps chez S. E. pour le compli
menter en ceremonie , fur la Naiffance da
DAUPHIN. Le Bourguemaître Eſcher , Députér
du Canton de Zurich , porta la parole & fit un
Difcours fort-poli , auquel M. l'Ambaſſadeur
répondit avec beaucoup d'éloquence , de:
grace , & de dignité. Il prit cette occafion
pour inviter les Deputez à un Feu d'artifice
qui devoit fe tirer le foir , & par lequel les
Fêtes devoient commencer.
S. E. s'étant rendue en grand Cortege à la
grande Loge de Charpente qu'elle avoit fait
conftruire , y trouva les Deputez avec les pera
fonnes de diftinction ' de leur fuite , & quantité
d'Etrangers de confideration . Cet Edifice contenoit
un Amphitheatre fpacieux , placé visà-
vis un Pavillon , chargé des Armes de France
, entourées de celles des 13. Cantons & de
leurs Alliés , avec des Emblêmes , des Devifes
& d'autres Décorations convenables au Sujet .
Le tout extraordinairement illuminé , & dans
un goût exquis .
Sur les 7 heures de foir , 30. coups de Canon
ayant donné le fignal , on commença à
tirer un Feu d'artifice fur l'eau , après lequel
fuivit celui de terre , qui confiftoit en trois
grands Parcs , & qui fut partagé , pour ainfi
dire , en differens Actes , pour augmenter le
plaifir des Spectateurs. On peut dire fans exa-
1-1. Vol geration
3145 MERCURE DE FRANCE.
geration , que c'eft un des plus fuperbes Feux
qui ait jamais été tiré. Il y eut dans la même
Loge des Tables couvertes de mets exquis
& de toutes fortes de rafraîchiſſemens , fervis
par les gens de S. E. en faveur des Spectateurs.
Le Feu étant fini à onze heures , chacun fe retira
, charmé de la politeffe & de la generofité
de M.le Marquis de Bonnac , ainfi que de la
beauté & du bon gout de fon Feu d'artifice.
Le premier de Decembre , les mêmes Depu-.
tez s'étant encore rendus à l'Hôtel de Ville ,
nommerent d'autres Deputez pour aller prendre
M. l'Ambaffadeur à fon Hôtel , & l'accompagnerent
au lieu de l'Affemblée. S. E. s'y
étant rendue , addreffa ce Difcours aux Seigneurs
Deputés , reprefentant tout le Corps
Helvetique,
MAGNIFIQUES AGNIFIQUES SEIGNEURS ,
De tous les mouvemens du coeur humain
celui qu'infpire la joye d'un Evenement defiré
avec ardeur , eft le plus agréable & le plus fenfible
, mais il perd ſa force & sa vivacité , lorfqu'on
ne trouve perfonne avec qui le partager.
L'heureufe Naißance de MONSEIGNEUR
ZE DAUPHIN , remarquable par tant d'autres
endroits , l'eft encore infiniment par celuici;
la joye qu'elle a excitée dans le coeur du
Roy , s'eft aufi tôt communiquée à fes Peuples ,
elle a paffé dans tous les Royaumes & Etats
voisins , & avec quelle fatisfaction , MAGNIFIQUES
SEIGNEURS le Roy ne vous
feait-il pas aujourd'hui affemblés pour celebrer
conjointement avec moi , cet important Evenement
?
AL. Vol.
DECEMBRE. 1729 314 %
Sa Majesté , que j'ai informée de l'empreffement
avec lequel vos Seigneurs Superieurs fe
font portés à accepter mon invitation , m'a chargé
de vous témoigner , dans les termes les plus
expreffifs ; fa parfaite ſenſibilité pour cette dé
marche.
2
Veritablement , MAGNIFIQUES SEIGNEURS ,
vous n'en pouviez faire une ni plus conforme à
fn ancienne bienveillance pour votre Illuftre
Corps , ni qui fit paroître avec plus d'éclat ,
que le tems , qui détruit tout , n'avoit rien
diminué dans des ames comme les vôtres , des
fentimens qui avoient formé autrefois une
union indiffoluble de coeurs , & d'interefts entre
les deux Nations.
Elle est déja fans exemple par fa durée , & le
deviendra encore pour les tems avenir , par
telle dont de nouveaux Traités peuvent nous
afſurer.
11femble auffi , MAGNIFIQUES SEIGNEURS ,
que vous vous soyez fouvenus en cette occafion ,
que vous deviez votre premiere Alliance avec
la France , à un Dauphin , do que par un
ufage conftant l'heritier de la Couronne , à qui
il a tranfmis ce titre , étoit compris dans tous
vos Traités avec le Royaume.
Dans cette perfuafion , MAGNIFIQUES
SEIGNEURS , en invitant vos Seigneurs Superieurs
, aux réjouiſſances de la Naiſſance de
MONSEIGNEUR LE DAUPHIN , je les
ai priez de vous inftruire à me répondre fur les
ouvertures queje leur ai ci-devant faites , &
de bouche , & par écrit , fur cette matiere.
J'efpere que cette réponse fera conforme aux
defirs du Roy , pour le renouvellement d'une
Alliance générale , & que vous concourrez
Avec autant d'affection , & de cordialité aux
11. Vol. bonnes
1148 MERCURE DE FRANCE.
Bonnes intentions de Sa Majefté , que vous le
faites à fajoye.
Le Roy n'en fçauroit avoir une plus fenfible ,
que de contribuer parfon Alliance , à vos avantages
les plus réels de fe retrouver avec vous
dans la même fituation , qui a toujours été fi
chere aux Rois fes predeceffeurs , & de vous
voir vous-même , MAGNIFIQUES SEIGNEURS ,
dans cette difpofition conftante d'harmonie &
de concorde , qui fait la fûreté de tous les
Etats , qui a été le fondement des vôtres ; qui
en fait la gloire la force , & peut , plus que
toute autre chofe , en perpetuer la tranquillité.
J'ai ordre de vous affurer , MAGNIFIQUES
SEIGNEURS que Sa Majesté s'y intereffe en
bon voisin, & en ami fidele , & qu'elle foubaite
, que les plus anciens Alliez de ſa Couronne
foient auffi les plus heureux de tous les
Peuples.
Ce Miniftre fut enfuite reconduit à fon Pa-
Tais dans le même ordre qu'il étoit venu . Il
tetint les Deputés à fouper.
En attendant l'heure du repas , S. E. les fit
Raffer dans une Salle voifine de celle où l'on
devoit manger , & fic tirer une Loterie à leur
profit , confitant en plufieurs Bijoux d'un prix.
confiderable. Après cette galanterie , qui fut
extrêmement applaudie , on fe mit à table , &
le Repas dura bien avant dans la nuit. Les fantés
Royales y furent buës au bruit d'une nombreufe
Artillerie , & tout ce qu'il faut pour
rendre ce Feftin fuperbe & galant , fe trouva
dans celui- là , fort au- delà de tout ce qu'on
en peut décrire.
Le lendemain , la Ville fut toute illuminée ,
ainfi que le Palais de S. E. où les Dames s'étant
rendues il y eut Bal.M.l'Ambaffadeur l'in-
Hi Fol
terrompit
DECEMBRE . 1729 31492
terrompit pour faire tirer en faveur des Dames
une autreLoterie, compofée de Nippes , d'Etof
fes précieuſes, & c. après quoi, on recommen
ça à danfer , ce qui dura jufqu'au jour . Les rafraîchiffemens
furent diftribués pendant tout
ce tems - là, avec la même profufion que les
jours precedens
Le troifiéme Decembre , les Deputés de l'Etat
prirent congé de S E. en lui marquant ,
par la bouche de M. le Bourguemaître Eſcher,
la vive reconnoiffance dont ils étoient penetrés
, & en donnant de grands éloges à la magnificence
des Fêtes aufquelles ils venoient
d'affifter , ils partirent le lendemain pour s'en
retourner dans les lieux de leur refidence .
i
Ces Réjouiffances qui ont duré trois jours
entiers , fe font paflées avec tout l'ordre &
toute la tranquillité poffible , tant pour ce qui
s'eft fait dans la Ville , que dans la grandes
Loge , ou lieu du Spectacle du Feu d'artifice ,
o S. E. a regalé les Seigneurs Deputés , &...
où tout ce qui fe préfentoit d'un certain état
étoit receu & traité avec politeffe. Il n'eft pas
même jifqu'aux Domeftiques qui n'ayent
participé à la joye publique. Ils ont été regalés
d'un Bal & de quantité de rafraichiffemens. Il
faut obferver que M. le Marquis de Bonnac
avoit déja donné deux Fêtes pour le même fujet,
dans lesquelles ont fit couler plufieurs Fontaines
de vin & jetter de l'argent au Peuple.
********************
MORTS , ET MARIAGES
des Pays Etrangers.
E Prince Charles de Danemarck , fecond
Fils du Roy, & Fils unique de la Reine
mourut à Coppenhague le 10. Décembre ,"
II. Vol dans
3150 MERCURE DE FRANCE.
dans une convulfion caufée par les douleurs
de dents. Il étoit né le 10. Fevrier 1728. Son
Corps fut expofé le 12. fur un Lit de Parade
dans la Salle d'Audience , & le 15 il fut tranfporté
à Rotfchild , où eft la Sepulture de la
Famille Royale. La marche commença vers
les fept heures du foir , par un détachement
des Gardes à cheval. M. Blome , Confeiller
Privé & Grand Maréchal de la Cour , precedoit
le Caroffe où étoit le Cercueil , à côté
duquel marchoient les Trabans & feize Valets
de Pied du Roy. Le Roi , la Reine , le
Prince & la Princeffe Royale , affifterent à ce
Convoy , ainfi que le Grand Chancelier , les
Comtes de Reventlaw & de Larwig , plufieurs
Confeillers Privés & Gentilshommes de la
Chambre. La marche étoit fermée par un fecond
détachement des Gardes à cheval. Tou
tes les ruës étoient éclairées , & S. M. étant
arrivées à un endroit hors de la Ville , nommé
Accife Bude , Elles retournerent au Palais
avec le Prince & la Princefle Royale.
ge.
Le 30.
On apprend de Mofcou que le 19. Novem
bre le Czar étant allé dans l'Appartement du
Prince Alexis - Gregorowits Dolhorucki , fon
Gouverneur , qui étoit indifpofé , lui fit
l'honneur de lui demander la Princeffe Catherine
Alexiewna , fa fille ainée , en mariaà
midi , le Baron d'Ofterman
Vice- Chancelier , fit part du choix de Sa ,
Majefté Czarienne à tous les Seigneurs de la
Cour , qui allerent auffi -tôt complimenter
le Czar , & baifer la main de la Princeffe ,
fa future Epoufe, Le 2. la Princefle Elifabeth,
Tante du Czar , étant revenue de la Campagne
, alla rendre vifite à cette Princeffe.
II. Vol. Le
DECEMBRE. 1729. 3150
Le 3. le Grand Maître des Cerémonies donna
part de cette nouvelle à tous les Minif
tres Etrangers , & il les invita à fe trouver
Sau Bal que le Czar donna dans l'Appartement
de la Princefle Dolhorucki , dont
S. M. Cz. à commencé de former la Maiſon.
le
FRANCE
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
LE 24. de ce mois , veille de la Fête de la
Nativité de Notre- Seigneur , le Roy revêtu
du grand Collier de l'Ordre du S. Eſprit ,
fe rendit à la Chapelle du Château de Verfailles
, où S. M. communia par les mains
du Cardinal de Rohan , Grand Aumônier de
France : Enfuite le Roi toucha un grand nombre
de Malades . Le même jour la Reine
entendit la Meffe dans la même Chapelle , &
S. M. communia par les mains du Cardinal
Fleury , fon Grand Aumônier. L'après midi ,
le Roy & la Reine entendirent les premieres
Vêpres , chantées par la Mufique , aufquelles
T'Evêque de Rennes officia .
Le 25. jour de la Fête , le Roy & la Reine
qui avoient entendu trois Meffes à minuit ,
affifterent le matin à la Grande Meffe , cele
brée pontificalement par l'Evêque de Rennes .
L'après-midi , Leurs Majeftez entendirent la
Prédication du P. Segaud de la Compagnie de
Jefus , & enfuite les Vêpres chantées par la
Mufique , aufquelles le même Prélat officia
Le Corps de Mufique de l'Eglife d'Orleans ,
11. Vol.
gis MERCURE DE FRANCE.
de concert avec les principaux Muficiens de
FAcademie de la même Ville , & plufieurs
Amateurs de la Mufique , s'étant joints pour
faire chanter un Te Deum en Action dé graces
de l'heureufe Naiffance de Monfeigneur le
Dauphin, prirent jour au rse. Novembre der
nier ; ils prierent les RR. PP. Dominiquains
de leur accorder leur Eglife , à quoi le R. P.
Defvignes , Prieur , confentit très gracieufement.
Ils eurent l'honneur d'inviter à la Cérémonie
M. du Chapitre de la Cathedrale
qui y affifterent en grand nombre , ainfi que les
Magiftrats , les Academiciens , & beaucoup
de perfonnes de diftinction.
› M. Homet , Maître de Mufique du Roy Staniflas
, & de l'Eglife d'Orleans , fit chanter
ce grand Te Deum , avec Timballes & Trom
pettes , de la même maniere qu'il l'avoit fait
executer devant ce Prince , dans la Cathedrale'
de Blois . L'execution fe fit par plus de cinquante
Muficiens . Les Trompettes & les Timballiers
du Roy Staniflas furent univerfellement
applaudis . Le Choeur de l'Eglife , ainfi
que la Nef, étoient entiereinent illuminés. Le
Te Deum fut entonné par M. Chaffaing , Doc
teur de Sorbonne , Grand- Chantre de la Cathedrale
, & Vicaire General de M. l'Evêque
d'Orleans , accompagné des Religieux Domi.
niquains , revêtus de Chappes. Après le Te
Deum , le même Officiant , precedé des Timballes
, des Trompettes & de quantité de Flambeaux
, alluma le Feu qui avoit été dreffé dans
la Place ; on tira enfuite un Feu d'artifice , qui
fut très-bien executé.
Le Roy a accordé la Lieutenance de Roy, du
Fort de Niculay à M. Boutrand , Capitainet
de Grenadiers au Regiment de Picardie.
LL. Vol. La
DECEMBRE. 1729. 3253
La Commiffion de Commandant au Fort $.
Jean de Marſeille , à M. de la Doue , Lieute
mant Colonel du Regiment de Flandres.
La Lieutenance de Roy de la Ville de Metz ,
à M. de la Rochecolombe , Lieutenant Colonel
du Regiment de Touloufe . Infanterie."
La Commiffion de Commandant pour le Roy
au Fort François de Bergue , à M. de Villers ,
Capitaine au Regiment d'Infanterie de Riche
lieu.
La Lieutenance de Roy de S. Quentin , à
M. de Renaufart , Lieutenant de Grenadiers ,
au Regiment des Gardes Françoiſes .
La Lieutenance de Roy du Mont Louis , en
Rouffillon , au Chevalier Dalguier , Lieutenant
Colonel du Regiment de Bearn.
Le Roy a donné le Gouvernement du Fort
de Barrault , à M. Defponty , Marechal des
Camps & Armées de S. M. & Lieutenant Colonel
du Regiment des Gardes Françoiſes .
M. de Contade , Lieutenant General des Armées
du Roi , qui étoit Major de ce Regiment
, en a été nommé Lieutenant Colonel ,
& le Comte de Chabanes en a été fait Major.
Le Roi a nommé Miniftres d'Etat M. le
Peletier des Forts , Contrôleur General des
Finances , & M. d'Angervilliers , Secretaire
d'Etat , ayant le Département de la guerres
ils font entrés au Confeil d'Etat le 1. Janvier.
Il paroît une nouvelle Décoration dans
1'Eglife de S. Sulpice. On y fait une incruftation
de marbre , qui environnera le bas de
toute la vafte étendue de la Croifée de l'Eglifes
on a déja pofé ce riche ornement aux
Zocles des Pilaftres Corinthiens canelés , &
II. Vol. on
3154 MERCURE DE FRANCE .
on travaille à pofer ce qui doit orner de
la même maniere les intervalles .
Ces Zocles qui font très exhauffés à cauſe
de la grande élevation des Pilaftres , font revêtus
de marbres de Languedoc ; pofés en
Cadre , qui ont pour fond des tables de
marbre bleu turquins de Genes , richement
veiné.
Ces marbres de Languedoc font des plus
beaux , & ont été donnés à M. le Curé
de S. Sulpice pour la Decoration de fon Eglife,
par la liberalité du Roi. Ils viennent de la
démolition de la Riviere de Marli , dans laquelle
lechoix des plus beaux marbres , autant
que leur quantité fe reffentoit de la magnificence
de Louis le Grand. On a été obligé
de démolir ce grand Ouvrage , qui nepouvoit
pas fubfifter , à cause de l'impetuofité
de la chute des eaux du fommet dẹ
la montagne , où cette grande caſcade prenoit
fa naiffance.
Le Roi a montré fa Re'igion & fa liberalité
naturelle en faifant ce riche prefent à
l'Eglife de S. Sulpice , & le Curé de S. Sulpice
a montré fa reconnoiffance , en commençant
les décorations de cette Eglife par
le prefent du Roi,
On vient d'ajouter à ce bel Ouvrage deux
Pieces rares & dignes de l'attention des
Curieux . Ce font des Benitiers de Granie
antique , couronnés & fupportés par d'autres
marbres précieux.
Les Vafes qui font les Corps de ces Benitiers
font des urnes fepulcrales venues d'Egypte
, des figures cilindriques , terminées en
bas par une Calote renverfée , précieux mo
numens de l'Antiquité Payenne , aujourd'hui
11. Vol. con
DECEMBRE. 1729. 3 ་ དེ ¢
"
confacrés au Vrai - Dieu . M , le Curé les a
achetés d'un Curieux qui les avoit eus de
la fucceffion du celebre Alvaret , celui- ci
les avoit fait venir d'Egypte. Ainfi dans le
Nouveau Teftament , comme dans l'Ancien,
les Richeffes de l'Egypte font deſtinées &
employées à l'embelliffement de la Maifon de
Dieu. C'eft felon l'expreffion d'Origene
faire fervir les dépouilles du Paganilme à
la décoration du Temple du Seigneur.
Par refpect pour l'Antiquité, on a crû ne devoir
rien changer à la figure de ces Urnes , &
qu'il falloit les conferver dans toute leur ancienne
fimplicité, cette fimplicité même faifang
aux yeux des Connoiffeurs une partie de leur
prix & de leur beauté ; on a ajouté feulement
un Couronnement pour les terminer.
Ce Couronnement eft à godrons antiques
verd de mer des plus beaux marbres qui
foient encore venus de Genes.
Ces Urnes font fupportées par un Piédouche
octogone en Piramide , à la façon
des Anciens ce Piédouche eft pofé fur un
Zocle de même marbre .
Chaque Urne a 25. pouces de hauteur fur
deux pieds de diametre Le Couronnement .
a r. pouces d'épaiffeur avec un peu plus
de 4 pouces de faillie. Le Piédouche a 9.
pouces 6. lignes de hauteur , fur 18. pouces
6. lignes de largeur par le haut , la Baſe a
8. pouces 6. lignes de hauteur dans fon Plan
quarré d'où il refulte que chaque Benitier
a en tout 4. pieds de hauteur ,
fur 2.
pieds 9. pouces dans fa plus grande largeur,
L'Ouvrage eft de l'execution du Sieur Ouniquet
, Maître Marbrier à Paris , eftimé
dans fa profeflion.
ļļ. Vola BA3156
MERCURE DE FRANCE .
BENEFICES DONNEZ.
' Evêché de Limoges , vacant par la dé-
L'ition de M. de Gennetinnes à M. de
Alle du Gaft.
Celui de Tarbes , vacant par la mort de
M. du Cambout , à M. de la Roche Aymon,
Evéque de Sarepte.
V
L'Abbaye de Relecq , Ordre de Citeaux ,
Diocèfe de S. Paul de Leon , vacante par
le decès de M. Dargenfon , Archevêque de
Bordeaux , à M. de Gennetinnes , ancien
Evêque de Limoges.
Celle de S. Favin , Ordre de S. Benoît ,
Diocefe de Tarbes , vacante par le decès
de M. Baillif , à M. de Montlezun.
Celle de Chignan , Ordre de S. Benoît ,
Diocefe de S. Pons vacante par le decês
de M. Rofe de la Chevallerie à M. l'Evêque
de Graffe.
Celle de Jofaphat , Ordre de S. Benoît ,
Diocefe de Chartres , vacante par le decès
de M. Taillefer de Barriere , à M. Feydeau
de Brou .
Celle de Poultiere , Ordre de S. Benoît ,
Diocefe de Langres , vacante par le mariage
de M. de Bethune d'Orval , à M. Caudron
de Cantin.
L'Abbaye Reguliere de S. Sulpice , Ordre
de Citeaux , Diocefe de Belley , vacante par
l'élection de Dom Languet à l'Abbaye de Morimond
, à Dom Rigoley , Prieur de Bonnevaux
, & Vicaire General du même Ordre
.
Celle de S. Sernin de Rhodez , Ordre
de S. Benoît , vacante par le decès de Me de
1. Vol.
DECEMBRE.
1729. 3157
1
S. Clement , à Mde Du Bourg du Maine,
Religieufe à Mareiguy.
Celle de Preaux , Ordre de S. Benoît
Diocefe de Lizieux , vacante par la tranflation
de Mde de Rohan à l'Abbaye de Joüare
, à Mde Angelique Eleonore de Rohan
Guimenée .
L'Abbaye des Chanoineffes de S. Remfroy
à Denain , à Mile Omere de Liers , Chanoineffe
de cette Maiſon.
Le Prieuré Regulier de la Faye , près Fumillac
, Ordre de Grammont , Diocefe de
Perigueux , vacant par le decès de M. de
Puytifon , à Dom Garat.
Le Prieuré de S. Clementin , Ordre de S.
Benoît , Diocefe de la Rochelle , vaçant par
la demiffion de M. Cotte , à M. Rafin
d'Hauterive .
PELERIN AGE fait à Notre-
Dame de Lorette , fur la Naiffance , &
pour la confervation du Dauphin.
Extrait d'une Lettre écrite de Verfailles.
'Abbé Crozy , Prêtre de la Ville de Lyon,
La de l'Eglife Collegiale de S. Juft , de la
même Ville ayant appris à Rome la naiffance
de Monfeigneur le Dauphin , ſe mit
Ben devoir d'en remercier Dieu d'une maniere
particuliere , après en avoir obtenu la
permiffion de S. E. M. le Cardinal de Polignac.
Il prit l'habit & le Bourdon de Pelerin
, & fit à pied le voyage de Rome à Lorette
, où il arriva le 6. Octobre après fix
jours de marche. Il commença une neuvai-
11. Vol. I nc
3158 MERCURE
DE FRANCE
. ne dans la fameufe Eglife de la fainte Vierge
, en Actions de graces d'un fi grand bien
fait , & pour la confervation
de l'augufte
Prince nouveau- né .
Le dernier jour de la neuvaine , il pré- Tenta un Placet à M. Martiani , Gouverneur
de Lorette afin qu'il lui permit de celebrer
Ta
derniere Mefle dans la Sainte Chapelle , &
dy communier douze pauvres filles , ce que
le Gouverneur non fentement accorda , mais
édifié de la pieté du Prêtre François , &
penétré de fes mêmes fentimens ; il fit chanter
le même jour dans la même Chapelle
une grande Meffe en Mufique , où le Chade
3
pitre
life
de
Lorette
, le Magiftrat
de
la Ville , & tous les François établis dans
Te Pays affifterent,
TA
L'Abbé de Crozy , après avoir achevé toutes
fes devotions , alla remercier le Gouver-
"neur de Lorette , qui lui remit une des Robes
dont l'Image de la Sainte Vierge avoit
été revêtue , comme un prefent de dévotion
qu'il le pria de porter à la Reine , avec deux
Lettres que le même Gouverneur s'elt donné
l'honneur d'écrire fur ce fujet à Leurs
Majeftés , Cet Abbé eft arrivé à la Cour le
1o. Decembre '; & après avoir vu Monfei-
Agneur le Garde des Sceaux , à qui le Cardinal
de Polignac l'avoit addreffé , il a eu Vhonneur
destendrel fes refpects au Roi , à la Reine ,
au Dauphin , & de s'acquitter de ce dont
sil avoit été chargé à Lorette. Iba été reçû
avec bonté , & l'a tout lieu d'être content
de fon voyage.
I
alovit's !. Go , s
ong panemmos II Tongkah zmni
[
11. Fol. SODECEMBRE.
1729. 315
SOLEMNITE' au fujet de la Bea
tification du B. Vincent de Paul.
L27 Spinencerent
LE
E 27. Septembre , les Prêtres de la Mif
fion commencerent la folemnité de la
Béatification du B. Vincent de Paul , Inftituteur
de leur Congrégation & de la Compa
gnie des Filles de la Charité, fervantes des Pauvres
Malades . Le Tableau de ce Bienheureux
étoit placé dans le retable du Maître- Autel.
& on l'y voyoit élevé dans la gloire par
des Anges . Autour de l'Eglife , qui étoit
tendue & illuminée , il y avoit des Ta
bleaux en camayeux , à fond d'azur , rehauffés
d'or. Dans le premier étoit le jeune
Vincenr , gardant les Troupeaux de fon Pere,
& au deffus on lifoit ces paroles du Pleaume
77. Il l'a tiré de la garde des Troupeaux,
Dans le fecond, on voyoit le Bienheureux annonçant
l'Evangile aux gens de la Campa
gne , & au bas on lifoit ces paroles de
N. S. en S. Mathieu : l'Evangile eft annoncé
aux Pauvres, Le 3. le repréfentoit inf
truifant fur une Galere les Forçats . Les paroles
étoient tirées du Ch. 4. de S. Lucil
annoncé aux Captifs leur délivrance. Dans
le 4 on le voyoit à côté de S. François de
Sales , qui le donnoit pour premier Superieur
aux Filles de la Vifitation en leur
addreffant ces paroles du 3 , Ch . de Jeremie :
Il vous donnera la nourriture de la fcience &
de la doctrine. Dans le s . il étoit affis au
milieu des Ecclefiaftiques qu'il a réunis pour
tenir des Conferences toutes les Semaines
les paroles étoient du Pleaume 68, Le zele
II. Vol.
Ijj de
3160 MERCURE DE FRANCE .
de la gloire de votre Maifon m'a devoré. Le
6; le repréfentoit donnant des inftructions
aux Filles de la Charité , & à Mlle Le Gras,
leur premiere Superieure. Les paroles étoient
tirées du Chapitre 10. de S. Luc : Prenez
foin des malades . Dans le 7. on le voyoit
faifant une Exhortation aux Dames de la
Charité , qu'il avoit affociées pour le fecours
des Pauvres des Provinces , & on lifoit audeffous
ces paroles du Pfeaume 40. Heureux
celui qui a l'intelligence fur le pauvre
fur l'indigent. Dans le 8. il étoit environné
des Enfans trouvés , à l'Hôpital defquels
il a donné commencement ; & audeffus
on lifoit ces paroles du 29. Ch. de
Job : Il a délivré l'Orphelin qui n'avoit perfonne
pour le fecourir. Dans le 9. il étoit
repréſenté donnant commencement à l'Hôpital
du S. Nom de Jefus . Les paroles étoient
tirées du Ch . 31. des Proverbes : Il a ouvert
fa main à l'indigent. Enfin dans le 10 , on
le voyoit donnant des Regles aux Prêtres
de la Congrégation ; & on lifoit ces paroles
du Ch. 45. de l'Ecclefiaftique : Il leur a
donné la loi de vie de fcience . Au milieu du
Choeur, la Châffe du Bienheureux étoit élevée
d'environ fix à fept piés , & foûtenus par
quatre Confoles qui fe terminoient en tête
de Cherubins.
Le 27. à dix heures du matin , l'Archevêque
de Paris , après avoir fait lire à haute
Voix le Bref de cette Béatification , entonna
le Te Deum , encenfa la Relique , chanta
l'Oraifon du Bienheureux , puis celebra pontificalement
la Grand- Meffe. L'après- midi, le Panegyrique
fut prononcé par le R. P. Tourne
mine , de la Compagnie de Jefus ; & l'E
ALL Kole vêque
DECEMBRE . 1729. 316
vêque de Limoges officia pontificalement à
Vêpres & au Salut. Le 28. l'Archevêque de
Bourges chanta la Meffe. L'après - midi le
Panegyrique fut prononcé par le Superieur
General de la Congregation de la Miffion
L'Evêque de Saintes chanta les Vêpres , &
fit le Salut. Le 29. l'Evêque de Bayeux fi
tout l'Office , & un Prêtre de la Congres
gation de la Miſſion prêcha.
PRISE de Poffeffion de l'Archevêche
de Bourges & de l'Evêché de Bayeux.
Extrait de deux Lettres écrites au mois
de Decembre 1729
l'Abbé de Roye de la Rochefoucault,
M & M. l'Abbé Dalbert de Luynes , autant
diftinguez par leur mérite perfonnel , que par
leur naiffance , après avoir été facrez dans le
temps marqué dans notre Journal , ont tous
deux pris poffeffion de leur dignité au com →
mencement du mois de Décembre , & leur
réception s'eft faite avec toutes les ceremopies
qui font en ufage dans l'un & dans l'au
tre Diocèfe. Tous les Ordres de la Ville de
Bourges le font intereflez à l'inſtallation du
nouveau Prélat , mais aucuh ne l'a fait d'une
maniere plus diftinguée que les R. Peres Je
fuites du College de la même Ville. Ils ont exprimé
leur zele & marqué leur joye en plus
fieurs manieres. Un fi digne fujet ne pouvoir
pas manquer de Panegyriftes : la Poëfie avec
tous fes agrémens a concouru chez eux avec
l'Eloquence, & a produit un Recueil'de Pieces
Latines & Françoifes de tres - bon gout , qui
a été imprimé fous ce titre , Illuftriff. Ecclefia
Principi Freder. Hieron, DE RoYE DE LA
FK Vol. Liij Ro
3162 MERCURE DE FRANCE .
ROCHEFOUCAULT , Archiepifcopo Bituricenfi ,
Ecclefia fua Gubernacula Capefcenti gratulas
tur Regium B. M. Collegium Societatis JESU.
On diftingue parmi les meilleures Pieces
de ce Recueil , une Eglogue Françoife , dans
Jaquelle Palemon & Daphnis , avec des ma
nieres fimples & dans le vrai ftyle Paftorals
debitent les louanges les plus délicates & les
plus légitimes. Les grands Hommes de la Maifon
de la Rochefoucault n'y font pas oubliez ,
fur tout le Comte de Randan , pere du Cardinal
François de la Rochefoucault , qui fut
bleflé au Siege de Bourges en 1562 , Ce
grand Cardinal y tient auffi fon rang , &
doit revivre un jour en la perfonne d'un Prélat
qui eft iffu de fon même fang, & en qui brillent
les mêmes vertus , &c. Une Epigramme
qui dit beaucoup en peu de paroles , termine
cet ingenieux Recueil.
Tentabam meritos tibi , PRASUL , maximè,heğ
nores
Gratari , & planfus pars levis effe tui
Nil mihi vena dabat , `multùmque vocatus
Apollos
Ne quicquàm , vati ferre negabat opem .
Ad fuit ille tamen , quid agis ftulte , inquit ?
ad ipfum ,
Paftorem plaufus define ferrè tuos.
Urbi plaudendum eft , titulis non major ab iftis
Ille fit ; af ingens accipit illa decus.
Il nous refte , à légard de ce premier Attiele,
de marquer notre reconnoffance à M. Dodard
, Intendant de la Province de Berry , qui
- II. Vol. nous
DECEMBRE. 1729. 2163
nous a fait l'honneur de nous adreffer le Re
cueil en queftion & de nous écrire fur ce fujet
Nous avons déja dit que chaque Eglife a
fes ufages particuliers pour la Reception &
l'inftallation de fes Evêques, Ceux de l'Eglife
de Bayeux font finguliers & méritent l'atten
tion des Curieux ; mais nous n'entrerons làdeffus
dans aucun détail à l'égard de ce qui
s'eft paffé le 10. & 11. du mois paffé à la
Reception de M. de Luynes, parce qu'une femblable
ceremonie eft exactement décrite avec
plufieurs chofes qui regardent la Ville & le
Diocèle de Bayeux dans la IX . Lettre du
Voyage de Normandie, que nous devons bien,
tôt imprimer.
Caën , qui eft la principale Ville du Diocèfe
de Bayeux , n'a pas marqué moins de zele
& fait voir de moindres tranfports de joye
que la Ville de Bourges , dans la Reception de
fon nouveau Pafteur , fes Habitans ont couru
en foule à Bayeux pour affifter à fa premiere
Entrée dans cette Ville , & tous les Ordres
de l'une & de l'autre Ville fe font fignalez en
cette occafion. Caën , au refte , qui a toujours
produit des Poëtes d'élite , n'a pas manqué de
briller de ce côté- là; & comme fi les Mufes Normandes
euffent concerté dans cette rencontre
avec celles du Berry , une fort belle Eglogue
a auffi paru fur la Scene à Bayeux. Elle fut
prefentée au nouveau Prélat à la fin du Repas
qu'il donnoit à fon Chapitre le jour même de
fon Entrée folemnelle.
c
2
M. Heurtauld , Profeffeur des Humanitez à
Caën , dont nous avons parlé plus d'une fois ,
eft l'Auteur de cette Eglogue ; les Bergers
Damon & Aminte y difent avec une noble him .
plicité de fort belles chofes , & des chofes
11. Vol.
I jij vrayes
1164 MERCURE DE FRANCE.
> vrayes en faveur de DAPHNIS fous lequel
M. de Luynes , nouveau Pafteur , eft.defigné ,
fes Ancêtres , & fur tout le Connetable de
Luynes , n'y font pas omis. Sur la fin Da
mon invite Aminte à chanter quelque chofe
fur ce grand füjet . Aminte , après quelques
paroles dictées par la modeftie , chante cette
Chanfon.
Viens objet de notre esperance .
Ramene les Ris & les Jeux :
DAPHNIS , ton aimable prefence
Va rendre nos climats heureux.
La prompte & fage Renommée ,
Te pegnit grand , tu parois tel ::
Une vertu fi confemmée ,
Mérite un hommage immortel..
Bergers , mettez fin à vos larmes :
Le Ciel a comblé vos fouhaits :
Puiffe un Pasteur fi plein de charmes ».
Regner parmi nous à jamais.
L'offrande de l'Eglogue fut reçûë avec bonté
pat M. l'Evêque,applaudie par toute laCompagnie,
& enfin la Chanfon , dont l'Air étoit d'une
bonne main , fut chantée en pleine Table par
tout ce qu'il y avoit de Convives , ce qui fut
comme le fceau de cette Solemnité.
L'Eglogue a été imprimée à Caen chez Antoine
Cavelier , & reçûe avec avidité par le
Public.
11. Pola MORTS
DECEMBRE 1729. 3165
XXXX:XXX XX :XXXXXX
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
Quis Biancoleli , Chevalier de l'Ordre Mit
Litais de S.Louis, Capitaine réformé aut
Regiment Royal des Vaiffeaux , Directeur des
Fortifications au Département de Provence ,
eft mort à Toulon les . Decembre , âgé de 60.
ans , fort regretté à cauſe de fon mérite perfonnel
; il étoit à la veille d'être nommé Brigadier
, étant le plus ancien des Ingenieurs .
M. Jean François le Roultz , Chevalier ,
Lieutenant de Roi pour Sa Majeſté au Gou
vernement de Languedoc , Département du
Vivarais & du Vellay , lequel a fait la Com
tefle de Burou , fa Niece . fa Legatrice uni
verfelle , mourut le 22. Decembre , âgé de
58. ans environ.
Frere Robert le Fevre de Caumartin , Chevalier
Profez de l'Ordre de S. Jean de Jerufalem,
Commandeur de la Commanderie de Chanteranie
en Hainault , mourut en cette Ville le
25. de ce mois , dans la 90° année de fon âge .
Louis de Thefut,Confeiller d'Etat ordinaire,
Abbé de S. Pierre en Vallée , de S. Martin de
Pontoife , de Monftiers-Saint - Jean , Prieur de
Gigny en Franche Comté , & cy- devant Secretaire
des Commandemens de feu M. le Duc
d'Orleans , mourut en cette Ville la nuit du
28 au 29. âgé de 63. ans ou environ.
Jean - Louis le Mairat , Chevalier , Marquis
de Brieres-le- Châtel , Verville , Arpenti- Trou ,
Epiais , Nogent , &c. Maître des Requêtes
LI. Vola Fly Ho
2166 MERCURE DE FRANCE :
Honoraire , mourut à Paris le 30. de ce mois ,
âgé d'environ 66. ans.
D. Françoife Guillois , Epoufe de Jean-
Baptifte Camille de Bragelogne , Confeiller
au Parlement , accoucha d'un fils le 9. Novembre
, lequel fut nommé Chriftophe par
Bernard Chriftophe de Bragelogne , Prêtre ,
Doyen & Comte de l'Eglife de Brioude ,
Prieur de Lufignan , & par Catherine Doy
neau , veuve de Michel Guillois , Confeiller
au Châtelet.
?
- D. Catherine Conftance Camille Arnaud
de Pomponne , Epoufe de Jean Joachim
Rouault , Comte de Cayeux , Brigadier des
Armées du Roi , étant accouchée d'un fils
le 19. Octobre , ondoyé le même jour , les
Cerémonies du Baptême furent fuppléées le
22. Novembre , & il fut nommé Charles Joachim
par M. Charles Arnaud de Pomponnes
Commandeur des Ordres du Roi , ci -devant
Ambaffadeur à Rome & à Venife , Abbé de
S Medard de Soiffons & c. & par D. Angelique
de Bullion , veuve de Jofeph Emanuel
Rouault , Marquis de S. Valery , Brigadier des
Armées du Roi.
François Frederic de Boulene , Marquis
de S. Remi , Capitaine de Cavalerie au Regiiment
de Bourbon , époufa le 8. Octobre
D. Claude Marie Henriette des Peüille , fille
du Marquis des Peüille. La Maifon de Boulene
eft très ancienne , elle vient d'Angleterre.
Le 24 Novembre , M. Chauvelin , Avocat
General du Parlement , fils du feu Avocat Gemeral
du même nom & neveu de M. Chauve-
FOR IN Vol.
lin ,
DECEMBRE . 1729. 2167
lin Garde des Sceaux de France, époufa Ma
rie -Renée Racomel de Bienafiffe & d'Achy
d'une ancienne Nobleffe de Calais , dont le
Pere a été tué au Service du Roi , & dont lé
grand Pere étoit Syndic & Commandant la
Nobleffe Boulonoife.
APPROBATIO N.
'Ay lû par ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux , le Mercure de France du fecond
Volume du mois de Décembre , & j'ai cru qu'on
pouvoit en permettre l'impreffion . A Paris
le 21 Janvier 1739 150 $ sin ol
HARDION. I
TABLE. wie di
Du fecond Volume de Decembre.
feces Fugitives , ode à M. *** 2967
PSuite de la maladie extraordinaire , & d'uu
nombre prodigieux de faignées
Stances fur la Naiffance du Dauphin ,
2974
2977
Remarques fur les anciens Spectacles Ecclefiafiques
,
2981
Lettre de M. Capperon ; fur les Sels contenus
dans l'Air ,
La Charité Romaine , Poeme ","
2996
3005
Remarques fur l'abatement des Cataractes 3010
Stances ,
Lettre fur une expreffion , par une expreffion
proverbiale ,
II. Vel .
3017
3020
I vj PorPortrait
du Roy , 3015
Lettre de M. *** fur quelques progreffions
Geometriques , 3024
Horoſcope de Monfeigneur le Dauphin , 3030
Lettre écrite de Nimes , Extrait d'un Difcours
, 3032
Epître en Vers , 3039
Fête de l'Univerfité de Caen , 3044
Réjouiffances à Bayonne 3055
Enigme & Logogryphe , 3058
Nouvelles Litteraires des beaux Arts , 3061
Le nouveau Gulliver , 3063
Les Satyres & autres Oeuvres de Regnier ,
£ ་
3069
Le veritable Calendrier Chronologique & Hi-
2 3081 ftorique
L'Univers Materiel , ou Aftronomie Phifique ,
3084
Nouvelle édition des Oeuvres de Dufretni ,
3085
Lumiere Boreale & Tremblémentde Terre 3087-
Extrait du Difcours fur le prompt accroiffe
ment des Plante's
Lettre au fujet de S. Oudart ,
P13088
3094
Mort du Pere Guarin, fçavant Benedictin, 3096
Air noté , & c. 3098
Spectacles , l'Opera de Thefée , & c. 3099 .
Vers fur la maladie du fieur de la Tourilliere,
3113
3115 Mort de Baron , & c.
Nouvelles du tems , de Perfe , de Ruffie
d'Allemagne & d'Italie , 3127:
Réjouiffances du Cardinal de Polignac à Rome
. 3725-
Cantate Italienne à ce fujet , Extrait , 3138
Vers au Cardinal de Polignac , 3144
Efpagne , Grande Bretagne & Pays Bas , 31435
II. Volo
3144
3
Réjouiffances du Marquis de Bonnac , à So
leurre , & Difcours ,
Morts & Mariages des Pays Etrangers , 3149
France , nouvelles de la Cour , de Paris , & Co
Benefices donnez , 31965
Pelerinage à N. D. de Lorette, fur la Naiflance
& la confervation du Dauphin , 3157
Solemnité far le Bienheureux Vincent de Paul ,
3158
Priſe de Poffeffion de l'Archevêché de Bourges
& l'Evêché de Bayeux ,
Morts , Naiffances & Mariages ,,
Table generale ,
Fautes à corriger dans ce Livre.
3161
3165
31677
Page 2969. ligne 21 réverois , lifex rever◄- rois.
P. 3015. l. 16. qui ne l'eft 1. qui n'eſt.
P. 3021 , 1. 3. du bas , le 28. Août & non
22. l. 22. Août & non pas le 28 .
P. 3014. 1 19. une : I. un.
pas
le
P3031 l . 3. du bas Baniffant 1, & banniffant
P3052. 1. derniere , de l'Univerfité 1. d'une
Univerfité.
P. 3063. 1. 9. 17207 1.1729.
P3126.1. de Gentilshommes , 1. des.
f
.1
JAI. Vol . TA

TABLE GENERALE
De l'année 1729.
A
Académie Cadémie Françoife , 140. 1398, 1460
Des Sciences , 838. 976. 2238. 2904
Des Infcriptions & Belles - Lettres, 389.916.
2905
Des Jeux Floraux ,
1609
De Bordeaux ,, 707. 2010. 2670
De Marfeille ,
1376
De Pau ,
3 534
De Montpellier , 240-
De Peinture ,
543
De l'Hiftoire à Liſbone , 974
De Petersbourg,
De S. Luc à Rome ,
313 2243
139
Accouchement extraordinaire', 245
Actes des Saints ,
526
Alamani ( Luigi ) 13.82
Amiante de Siberie , 974
Amours des Déeffes ( les ) Opera
1837
327
1346
Amuſemens de l'Amitié ( les )
Antipaties ( Lettre fur les )
Antiquitez , 137. 476.48 3.5 36. 1059.1112.2473
Archevêque de Paris ( Prife de Poffeflion de l' )
Arlequin Tancrede , Comedie ,
Afne ( l' )
2039
793.994
1596
2025
976. 2911. 3086
Atheatus ou l'Invifible , Comedie ,
Aurore Boreale ,
11. Vol.
Aurore
DES MATIERES.
B
BAgnieres , Comedien Toulouzain
Ballet fingulier ,
Baron ( Mort & Eloge de ) Comedien ,
Baptême d'un Sauvage ,
1218
1660
3115
1305
Bellerophon ( ce qu'il y a d'hiftorique dans la
Fable de ) 919
Benitier de S. Sulpice , 3154
Bibliotheque Italique ;
1188.1378
Bibliotheques de Paris , 1587
Bigre , explication de ce mot,'
269
Boette de Pandore , Comedie , 794
Bouquet , 49.687
Boutard ( Mort de François )
755
Bouts-Rimez , 550. 720. 915. 938. 1280. 1297.
1574. 1966
Bragance ( Acta Sanctorum , Critiques fur Particle
de Barthelemi de ) 1075
Briançon ( Fortifications de la Ville de ) 2828
Brienon , Ville ,
C
Calendrier ( Projet d'un nouveau )
54
+884
Camaïeux & Coquilles Foffilles ( Origine des )
Canal en Suiffe ( nouveau )
926
1442
Canonifation de Jean Nepomucene , 1429
Cantate , 841.923 . 1581. 2553
Cartes de Géographie , 2474
tifs de la (
1428
les Peuples ,
Ceremonie d'époufer la Mer ( Origine & mo
Ceremonies & Coûtumes Religieufes de tous
Chant (nouveau Syftême de )
Chant dans l'Eglife ,
Chanter fur le Livre , ce que c'eft ,
Clarke ( Eloge de Samuël )
11. Vol,
1920
680
711
844
2567
Coeur
TABLE
Coeur du côté droit , 744
Colinette , Comedie , 2017
Colique extraordinaire , 245
College Royal , 2907
Colomies ( Ouvrages de ); 2892
Comediens ( Déclarations en faveur des ) 1886
Comere ,
Compliment de Silvia ,
Concert de Verſailles ,
2235
989
2921
2266
962
1740 )
Corlaire de Salé ( le ) Comedie ,
Couleurs de la lumiere des ).
Courfe du Cheval de S. Victor
C
D
Dauphin ( naiffance du )
Débuts (les ) Comedie ,
Déclamation. V. Poëfie.
B
2048
1623.1842-
Dictionnaire Hiftorique, &c. de la Bible , 1798
-De la Crufca , 2240
Difcours fur la Naiffance du Dauphin , 2204
Duels ( hiftoire & examen des ) 528
Diffenterie ( l'Ecorce de Simarouba guerit de
la )
E
1202
Eau de Mér ,moyen de la rendre potable, 2549
Eaux Minerales de la Joncaffe , 244
Eaux ( nouveau mouvement pour l'élevation
des )
Ecliptes ,
985
1885
Education ( Projet pour perfectionner l' ) 122
Effers du Jeu & de l'Amour ( les ) Comedie, 787
Eglogue fur le Dauphin ,
Elegie ,
2787
1095 1490 *
Enigme , 110. 298. 507.727.943 . 1155. 1362.
1577. 1791. 1991 , 2229. 2458. 2648 , 28760
3048
Ide Vol Ex
DES MATIERES.
Expliquée en Vers , 728. 942. 1153. 13600 2457
Entrée du Kam des Tartares à Conftantinople,
1847. De l'Ambaffadeur de Perfe ,
Epigramme ,
2493
1-731. 1740. 1982
Epitre en Vers, 237. 239. 135´§ . 15 47. 1939 , 3039
Eftampes , 138. 542. 543..750.964. 1396. 13974
1603. 1820. 1889. 2244, 2473. 2913:
Etrennes ,
F
196
Fable, 437. 705. 2004. Fables nouvelles , 246 2
Fer tranfmué en cuivre rouge , 749
Fête celebrée dans l'Eglife des Auguftins Déchauffez
,
398
2949 Fête des Miffions ,
Fête pour la Naiffance du Dauphin , 2017. 2019 .
2021. 2052. 2158. 2168. 2175. 2784. 2194.
2199. 2209. 2216. 2221. 2299 , 2380, 25136
2517. 2525. 2578. 2740. 2816. 2933. 2940
2952. 3044 3125. 3144. 3151
Feu tiré à Versailles ,
Feu d'Artifice ( le ) Comedie ,
2960
2259
Flux & Reflux de la Mer . Réponſe du P. D.
Alexandre ,
Fragmens ( nouveaux ') Ballet ,
45 3. 636
1613
G
Gallia
Chriftiana
Gazette des Sçavans ,
526
536
2234
Grammaire ( la ) de Veneroni , augmentée
Gregoire VII. ( Arrêt du Parlement fur l'Offce
dé )
Guet de S. Lazare ,
Guarin ( Mort & Eloge de D. Pierre )
Gulliver ( le nouveau ) .
11 Vol.
1688
3096
1740
3063
H
TABLE
HArangues
H
Arangues , 2313.23 27. 25 34 , 2950. 3032.
Hardouin ( Mort du P. >
3086
2237
Hefione , Opera , 2477. Comedie , 24920 2685
Hiftoire des Hommes Illuftres dans la République
des Lettres ( Memoires pour fervir
al')
308. 1180. 1521. 2891
Hiftoire du Commerce de Venife ,
1130
Hiftoire de France & Romaine , & c ( Elemens
de l' )
Hiftoire Militaire du P. Eugene ,
Hyver de cette année ,
Horace en Vers François ,
I
JAuge nouvellement inventée ,
Jeux Olympiques ( les ) Comedie
Impertinent malgré lui ( 1 ) Comedie ,
957
1156
2242
194
133
146
2697
1214
Imprimerie ( fingularité d' ) 136.472 913.1944
De Conftantinople 2915
Impromptu du Pont Neuf ( 1 ) Comedie , 2275
Incendie , 1012. 2715. De Conftantinople ,
Indulgentiis criminum ( de )
2286. 249 3. 2508
2469
Infini ( efpace ) parcouru en deux heures, 1551
Inftrumens de Mathematique,
Journal Litteraire ,
L
·982
1803
LAngue Gaſcone ( origine de la )
Larcin Litteraire ,
2671
2875
Latin ( Méthode nouvelle pour apprendre le )
740. Syftême de Grammaire pour faciliter
Pétude du Latin , 1201
11. Vol. Le
11
DES MATIERES.
Le Brun ( Mort du P. N. )
Lequien de la Neuville , fa mort ,
351
35.2
Lettre de M. Danchet , 830. Du Cardinal de
Fleury , 1032. Sur l'Art d'orner l'eſprit ,
1478.1967.En faveur des Epigrammes, 1981 .
D'un Gentilhomme Perigourdin , 2001.
D'un Garçon de Caffé , 2460
Lettres Capitales dont les Auteurs défignent
leur nom ,

99
Logogryphe , 108. 299. 508.726 . 943. 1154
1361. 1575. 1790. 1991. 2457. 2649 , 2878 :
3059. Queſtions fur ce fujet , 293.939. 2873
Expliqué en Vers , 106. 108. sog . 728. 941
1152. 1361. 1575. 1898
Logogryphe Arithmetique , 105. 296. sosi
729.941. 1152 , 1789
Loubere ( Mort de Simon de la )
Louis ( Panegyrique de S. )
Lyon ( Hiftoire Litteraire de }
M
756
2651
76.277
Adrigal ,
Maladie extraordinaire ,
24
1971
Mandement , 198. 620 1040. 1042. 1881. 1883
Mappemonde ,
1607
Mariage d'une fille avec un Comedien. Si une
mere qui a abandonné fa fille , peut en interjetterappel
comme d'abus , 1555.Se marier en
face d'Eglife, d'où vient cette expreffion, 226
Mariage des Princes des Afturies & du Brefil ,
367. 590.594
Marie- Magdeleine , fon Voyage fabuleux en
Provence ,
Marſeille Sçavante ,
Maxuel , Tragedie ,
1123. 1268
582
2805
Médailles , 52. Du Roi , 142. 753.2328.2914.
De Trajan ,
Médée , Tragedie ,
II. Vol.
15%
MelTABLE
Melpomene vengée , Comedie , 2014
Memoires des Miffions , 1363. Litteraires de la
Grande- Bretagne ,
1585
Mere Rivale ( la ) Comedie
356
Mere Coquette ( la ) Comedie ,
558
Meffe Grecque de S. Denis , 1533
Métail qui imite l'or , 2917
Mezzetin ( début de ).
356
Mifmes
1222. 1401
Miffel ( Projet d'un nouveau )' 862
Mode ( la ) Poëme , 1. Modes ,
Monftre , Enfant Monftrueux ,
611
745
Montre ( proprietez d'un nouvel échappement
(44.746.977° de )
Monumens de la Monarchie Françoiſe , 1371
Motets de la Lande ,
332
Motte ( les Oeuvres de Théatre de M: de la )
Moulin d'une nouvelle invention ,
3067
548
Mufique ( Conference fur la ). 1281 2369
N
Nicolas ( S. ) pourquoi on reprefente auprès
de lui une Cuvette d'où fortent trois jeunes
2987 gens ,
Noailles ( Mott & Eloge du Cardinal de ) 1037'
Nobleffe ( la ) ne fait honneur qu'autant qu'on
eft vertueux
Nôce Angloife , Balet Pantomime ,
Noris ( le Cardinal Henry )
Nouvelle Colonie ( la ) Comedie ,
Nouvelle en Vers , l'Amour vaincu ,
2140
1844
114
1403
1909
Numifmata Imperatorum Romanorum , 29.06
EI. Fol
DES MATIERES .
O
By ( Mort , Eloge de P. François Delarre
BY
{}
Ο
247.
j
548
Ode . La Pefte de Marfeille , 36. La Solitude ,
L'Exiſtence
de Dieu , 262. L'Amour
Profane , 272. Au Roi , 419. La Fête des
Rois , 470. Sur le lieu de la naiffance de
l'Auteur 473. Sur la verité , 478. l'Athée ,
631. Le Maréchal de Villars , 676 L'emploi
du temps , ros3 . Orphée , 1263. La Mort ,
1302. L'Impenitence
finale , 1475. la Reli
gion , 1695. Les Progrés de la Navigation
,
1890. A M. de S. M... 2967. Sur la Naiffance
du Dauphin 1978, 2044 2543. 2755. Ode
Italienne fur le même fujet ,
Oedipes ( Differtations
fur les deux) 1315. 1700
Deil . S'il s'y forme un nouveau criftallin après
l'abatement
de la Cataracte,
Orage extraordinaire ,
Oudart ( S. )
2774
301 @
2290
3094
Ouië ( de l' ) ou de la vûë , lequel est preferable.
893.2793
Ouragan extraordinaire dans le Ferarois , 2239
P
PAyfans de qualité (les ) Comedie ,
1623
Paradis perdu ( le ) Poëme de Milton , 2882
Paradoxe Geometrique du P Caftel , 44. 254 .
Paris ( Plan de )
Paffeport pour l'autre Monde ,
Pecourt , Sa mort ,
444 876. 1392
541
311
777
Perfe , 174.795. 1851. 1854. 2029. 2285. 2287.
Pétrifications ,
Phénomene ,
2503.2704. 3121
64
3087
Philofophes Amoureux ( les ) Comedie , 2929
II. Vol. Phy
TABLE
Philofophie (nouveau Syfteme de )
Pia , n'eft point un nom de famille ,
Pierrot Tancrede , Comedie ,
1998
1494
778
Pierre rendue par l'Anus , 1983. Taille à l'Angloife
,
Plaidoyers des Jefuites ,
2780
652
Plantes ( prompt accroiffement des ) dans les
temps de pluye , 3088
Poëme. L'ambition , 205. Antiochus , 1118 ,
La Charité Romaine ,
3005
Poëfie ( examen Philofophique de la ) 339 .
Comparaison entre la Poëfie Dramatique &
la Déclamation ,
7
514
984
301
Portraits Hiftoriques des Premiers Prefidens
Pont Tournant ,
de Provence ,
Princeffe d'Elide ( la ) Opera , 147
Princeffe de la Chine ( la ) Comedie , 1408
Progreffions géometriques ( Regle pour trouver
la fomme des ) 3024
Proverbe ( origine du ) à gauche le chemin de
Dreux ,
Provifeur de Sorbonne ,
Pleaume III . paraphraſé en Vers ,
3020
1446
1518
Q
Uadrature du Cercle , 394. 546. 7.13
Queltion, 1732. 1785. 1953,2126.2760. 2793
R
Railleur ( le ) Comedie,
100%
Recteur , Conteftations fur la Préfidence du
Recteur & de l'Archidiacre de Paris , 1456
Regnier ( les Satires de ) 3069
Réjouillances publiques ( les ) Comedie , 2246
II. Vel, ReDES
MATIERES..
Religion Chrétienne démontrée par la Réfurrection
de J, C. 95
Rhéthorique ou l'Art de connoître ou de parler
( Reflexions Critiques fur la )
Rondeau ,
S
521
1760
Aignées , critique de la Réponse de M. Hec
quet , 1761. 1919. 2335
Sauterelles , comment on fe prend à Alep pour
les tuer ,
Sciences dévoilées ( les )
12557
1160
Sebaftien Truchet ( Mort & Eloge du P. ) 688
Seleucus Nicator ( durée du Regne de )
Sels contenus dans l'air ,
Sonet ,
916
217. 424. 2996
292.712, 912. 1289. 1532
Spectacles que les Ecclefiaftiques & les Religieux
donnoient anciennement ,
Spectacles malades ( les ) Comedie ,
Spolia apima , Loi à ce fujer ,
2981
2270
1102
Steel ( mort du Chevalier Richard ) N. 2472
SCCI . T
Ableau , 1296. de Porbus , 2686
Tancrede , Opera, 757
Teignes qui rongent les Etoffes de laine , 2
Telegone , Tragedie ,
1822
Telemaque en Vers Latins ,, 2002
Theatre Italien , ( le nouveau ) 2231
Themistocle , Tragedie ,
1166
Thefée , Opera , 3099
Thou ( Edition des Ouvrages de ) 2008
Tortue finguliere , 2674
Traîneaux
395
Traité de l'Univers materiel , 1163
"Tranfmutation des Métaux , 465, 1146. 1298
11. Vol. TremTABLE
Tremblement de Terre , 183. 1863. 1865 1032
Trois Spectacles ( les )
Vaillant , Botaniſte ,
3087
1641
1807
Vers. L'Amour exilé , 59, 76. Leçon de Poëfie,
225. Sentimens Chrétiens ,› 449. Sur la mort
de Robin , 461. Imitation de Perfe , 488.
Regard de Tableaux, 645.Voyage de Rouën,
855. Réponse d'Iris , 1313. Le Triomphe de
l'Hymen & de l'Amour , 870. Adieux à
Médor , 883 Au C. de Trefimes , 892. Refléxions
fur le génie Poëtique , 1071. Le
Triomphe du Parnaffe , 1r08. A S. A. S. M.
1139. Rèquête à la Reine , 1345. Caprice ,
1554. Requête d'un jeune Hêtre , 1948. Sur
la Naiffance du Dauphin , 2122. 2139.2155 .
216.2173 . 2190. 2198. 2201. 2207. 2215.
2220. 2246 2366. 2377. 2399. 2540. 2562.
57.2577.2627. 2803. 2813. 2977.13017 , 3023.
3030
Vieilleffe extraordinaise, 384. 1020 2294. 2944
Villages ( éclairciffemens fur la Maifon de) $ 37
Villiers ( Lettre fur les Poëfies de l'Abbé de )
490
force ,
Vinaigre concentré par la gelée augmente de
1204
1782
1523
Virelay ,
Urfé (Honoré, d' )
Vue ( de la ) ou de l'ouïe , lequel eft préfe
rable ,
893. 2793
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Air noté doit regarder la page
3098
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le