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MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AV
ROT.
SEPTEMBRE 1729 .
PREMIERE PARTIE ,
Contenant diverfes Fêtes à l'occafion de la
Naiffance de Monfeigneur le DAUPHIN
PARGIT
QUÆ
COLLIGIT
SPAT
GEN
Chez
A. PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , m
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY au Palais
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. XXIX.
>
Avec Approbation & Frivilege du Roy
AVIS.
L'AD
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU ,
Commis au Mercure¸vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris. Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
gette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui foubaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura fein de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Mefageries
qu'on lui indiquera,
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
SEPTEMBRE . 1729 .
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
J
L'AMOUR VAINCU.
NOUVELLE.
E veux chanter l'Amour , en dépit
de mes rides .
Anacréon plus vieux
En faifoit fon unique emploi ,
que moi
Et jugeoit , fans Amour , les Mufes infipides.
Mon fage Ami , fouffre mes Jeux ,
Comme une fiévre intermittante ;
A ij
C'eft
1910 MERCURE DE FRANCE .
C'eſt l'Amour vaincu que je chante ,
Damis , c'eft comme tu le veux .
Gênes n'avoit rien vû de plus beau qu'Ifabelle
Gênes , fi fuperbe en Palais ,
En Meubles , en Tableaux , en Feſtins , en Baz
lets ,
Gênes étoit encor plus fuperbe par elle .
Par une infinité d'endroits ,
C'étoit une beaute charmante ;
Le teint , les yeux , la bouche & la gorge naiffante
,
A l'envi difputoient leurs droits ,
Et ne laiffoient pas faire un choix ,
A la Cupidité flottante.
Bien que fa modefliç au bon goût plus picquante
,
L'emportât de toutes les voix ;
Faite comme elle étoit , fans biens & fans naiffance
,
Elle ne manquoit point d'Amans ;
Les Galans , par des foins , les Riches , par
prefens ,
S'efforçoient d'ébranler ce Rocher de conftance
;
Mais les foupirs perdus , les préfens mépriíez ,
A tous les conteurs de fleurette ,१
De leur efpoir defabuſez ,
Firent bientôt fonner retraite.
Comme le plus épris ou le plus obftiné ,
Vivalde
SEPTEMBRE. 1729 1911
Vivalde refta feul à tenter l'avanture ;
De toutes les Graces orné ,
Qu'une haute fortune ajoûte à la Nature ,
Vivalde étoit l'honneur de cette Nation ;
Galant , liberal , magnifique
Bienfait , & dans l'intention ,
Pour fignaler fa paffion ,
De faire un effort héroïque.
Que fit-il un beau jour il vint lui propofer ,
D'accourcir le chemin d'Amour de mainte
lieuë ,
De prendre le Roman par le bout de la queuë ,
En un mot d'épouſer.
Ifabelle n'étoit de bronze , ni de roches
Son jeune coeur avoit pris feu ,
Comme on prend bien fouvent , pour peu
Qu'on en approche :
Grande étoit la tentation ,
Et ne pouvoit être plus forte
Après quelque reflexion ,
Elle répondit de la forte :
Y penfez- vous , Seigneur ? Ah ! quand ma
vanité ,
Me porteroit à l'imprudence ,
Dejoindre ma baſſeſſe à votre qualité ,
J'en ferois une amere & longue pen tence.
Croitiez-vous parvenir à la tranquillité,
Que cherche votre impatience ?
B iij Une
1912 MERCURE DE FRANCE .
Une premiere joüiffance .
Eteindroit de vos feux toute l'activité ;
Vous languiriez d'ennuis pour avoir rejetté,
Une plus fortable alliance.
Je mourrois de douleur de me voir méprifer
Mon dépit en feroit extrême ;
Seigneur , parce que je vous aime ,
Je ne veux point vous époufer.
Ce beau raifonnement paroiffoit chimerique
,
Pour un coeur fortement touché ,
Vivalde ne fut pas bien long temps empêché
long - temps
D'y trouver la réplique :
L'Amour Ini prête pour raifon,
Des fermen's , des tranfports , des foupirs &
des larmes ,
vrayes ou feintes pamoiſons.
Infenfible à tous ces vacarmes ,
Après avoir bien combattu ,
A la fin , conclut Tabelle ,
Que fon Amant fidelle ,
Sans chocquer le bon ſens , ou bleſſer ſa vertu,
Ne doit plus s'obftiner à foupirer pour elle :
On craint le voisinage , on craint les mauvais
bruits ;
On fe craint plus foi-même , & la Belle l'engage
,
D'aller diffiper fes ennuis ,
Il
SEPTEMBRE . 1719. 1913
Par la diverfion de quelque long voyage.
Il part deſeſperé ,
Et quitte le Rivage ,
De l'objet adoré.
C'eſt ainfi qu'Iſabelle heureufement débute ,
Pour vaincre fon amour dans cette occaſion ,
Et l'orgueilleufe paffion ,
Entraîne dans fa chute ,
L'interêt & l'ambition.
Mais tandis que Vivalde aux Echos de Syries
Va conter ſon tourment ,
Iſabelle qui ſe marie ,
Met par fa bizarrerie ,
Gênes dans l'étonnement
On croir qu'Ifabelle extravague ,
Qnand parmi tant de concurrens ,
En mérite , en naiffance , en amour differens ,
Un jeune Matelot feul emporte la bague.
C'étoit là fon entêtement ,>
Qui ne manquoit pas de prudence ;
Eile croyoit qu'une alliance ,
Se cimentoit plus fortement .
Par égalité de naiffance ,
Quoiqu'il en foit , l'évenement ,
Répondit à fon eſperance :
Dans fon nouvel engagement ,
Ce ne fut plus qu'empreffement ,
A iiij Plus
1914 MERCURE DE FRANCE .
Plus que parfaite intelligence ;
Mais fans le fouvenir de fon cher Exilé ,
Qui troubloit les douceurs du nouveau mariage,
Jamais il ne feroit parlé ,
D'un plus heureux ménage.
Le premier enfant embellit ,
Ainfi que le vulgaire affure ;
Mais la fécondité de fon pudique lit ,
Bien loin qu'à fes attraits elle fit quelqu'injure,
Sur le Proverbe renchérit,
Et l'incomparable Iſabelle ,
A fa troifiéme couche étoit encor plus belle.
Cependant le deftin jaloux ,
Qui de mal faire a toujours hâte ,
Lui fait éprouver fon courroux ;
Son pauvre Matelot montant une Frégate ,
Eft enlevé par un Pyrate ,
Et mis dans la boëte à cailloux ,
Sans que dans fa maifon reftât ni pain ni pâte.
Animez par cet accident ,
Tous fes vieux Soupirans reviennent à la
charge ;
Ils offrent du fecours, & dans leur zele ardent,
Le plus ferré d'ailleurs fe montre le plus
large.
Ifabelle refufe tout ,
A la barbe des gens qui la pouffoient à bouts
Ells
SEPTEMBRE 1729. 1915
Elle leur dérobe fes charmes ,
Et la pauvrette ſe réfout ,
A vivre de fes larmes.
Vivalde en ce temps là , de Smirne retourné ,
Avoit fait un riche commerce ,
Où , pour paffer le temps , il s'étoit adonné ,
De Perles d'Indofthan & de Tapis de Perfe ;
Qui dit Gênois , dit
Commerçant ;
Qu'amour tant qu'il voudra lutine & bouleverfe
,
Mais vive le trente pour cent.
De fon adorable Iſabelle ,`
Dont il avoit en gròs appris l'évenement ,
Il cherchoit toûjours fourdement ,
A retrouver quelque nouvelle ;
Quand par un beau matin on lui vint annoncer
Que cette Belle eſt à ſa porté :
Quel étonnement le transporte ,
Je vous laiffe à penfer !
Tantôt il eft de feu , tantôt il eſt de glace ;
Dans l'attente de ce combat ,
Comme pour fortir de fa place ,
Le coeur lui bat ,
Et fent donner à ſon audace,
Echec & mat.
Elle de fon côté n'eft pas plus affurée,
Et fur fon teint de Lis une honnêté rougeur ,
Seme de la pudeur ,
Ay L'ho
1916 MERCURE DE FRANCE:
"
L'honorable livrée :
Une commune émotion ,
Entrux fait regner le filence.
Vivalde plus hardi , l'interrompt & commence
La converfation .
Vous voir dans mon Palais , adorable Ifabelle ,
Eft un honneur que je reçois
Qui paffe mon attente, apprenez -moi , cruelle,
A quel fentiment je le dois :
Eft- ce pour m'en chaffer une feconde fois ?
Et par trois a s d'exil , de mon obéiſſance ,
A vos féveres loix ,
N'ai - je donc pas affez confirmé l'affurance
Seigneur, interrompt elle il ne faut plus fonger
A ma faute paffée ,
Et je viens vous offrir de quoi vous en venger ››
Au-delà de votre penfée.
Indigne du bonh ur que vous m'aviez offert ,
J'ai refufé la main qui me combloit de gloire ,
L'Amour fçait que j'en ai fouffert
Plus de maux que l'on ne peut croire ;
Mais refufez de fecourir ,
T.ois enfans malheureux qu'accable leur mi
ieres t
Et qui fur le point de périr ,
N'y feroient pas réduits fi vous étiez leur peres
Par fon caprice négligé ,
Refufez du fecours à leur coupable mere ,
SeiSEPTEMBRE
. 1719. 1917
Seigneur , & vous êtes vengé.
J'ai trouvé plus d'un témeraire ,
Qui mal- à-propos s'eft flatté ,
De m'acquerir comme à l'enchere ;
Mais ce n'eft qu'en vous que j'eſpere ,
Et la mort finira mon infortune amere ,
Ou votre generofité.
Courage , Amour , nous tenons la cruelle,
Notre efpoir n'eft plus limité ,
On voit rarement une Belle ,
Avoir affez de fermeté,
Pour deffendre fon coeur rebelle ,
Des invincibles traits de la neceffité.
Pendant que l'adroite Ifabelle ,
Pourfuit de fon difcours le tour ingenieux
Vivalde eft abſorbé , la dévore des yeux ,
Et fent que fa vertu chancelle.
Ah ! difoit il , qu'elle est belle !
Jamais elle n'eut tant d'appas :
Peut-on faire meilleure amplette ?
Ofons , c'eſt une affaire faite ,
Il ne refte qu'à faire un pas.
Puis d'un meilleur avis , ah ! difoit il , perfide!
Ce que tu n'as pû par tes foins ,
Faut- il que ta fureur aveugle & parricide ,
L'arrache à fes befoins ?
A vj Quci
1918 MERCURE DE FRANCE.
Quoi renoncer à la victoire,
Dont l'Amour va me couronner ?
Quoi ! renoncer à cette gloire ,
Que la vertu peut me donner ?
Long-temps il flote dans le doute ,
Où fon efprit eft englouti ;
Il rougit , il pâlit , il fuë à groffe goute .
Et prend enfin le bon parti.
Madame , reprit- il , calmez votre courage :
Je vais faire tenir chez vous ,
Dequoi fournir votre ménage ,
Et ce qu'il faut en or pour tirer votre époux ,
De fon rigoureux eſclavage .
Puifque mon fort cruel n'a pû me procurer ,.
Par un noeud plus étroit le bonheur de vous
plaire ,
Laiffez- moi du moins aſpirer,
A l'honneur d'être votre frere ;
A ces mots , la nouvelle Soeur ,
Que Vivalde avec grand honneur
Renvoya dans fon équipage ,
Pelta peut- être au fond du coeur ,
D'être foeur d'un frere fi ſage.
Eh bien , cher Damis , qu'en crois tu ,
Dans ce beau conflict de fageffe ,
Qu'Ifabelle ait vaincu par fa délicateffe ,
Ou Vivalde par fa vertu .
DE SENECE , 1729.
SUITE
SEPTEMBRE. 1729. 1919
XXX:XXXXXX : XXXXX : X
à
SUITE des Reflexions de M.... an
fujet de la Réponse de M. Hecquet ,
M. Silva , Auteur du Traité de l'ufage
des differentes fortes de Saignées.
M
R. Hecquet le récrie fur ce qu'on
met de la Géometrie dans un Ouvrage
de Medecine , qui ne doit fe faire ,
dit - il , que par Obfervations . Fourquoi
attend il fi tard pour s'élever contre cette
conduite ? Et pourquoi faire tomber ce
reproche fur M.Silva ? Il pouvoit déployer
toute fon éloquence contre un grand nom
bre de Medecins dont les Ouvrages font
pleins de cet efprit qui le choque. Bellini
, qu'il trouve que l'Auteur du Traité
des Saignées ne loie pas affez , en eſt une
preuve admirable. Le grand M. Pitcarne,
Î'ami de M. Hecquet , réduit tout ce qu'il
peut à la Démonftration . Gulielmini en
eft auffi un exemple ; fes Ecrits ont mérité
par-là les plus grands éloges ; & on trouvera
à la fin du premier volume de fes
Ouvrages , une Differtation où il prouve
combien les Mathématiques font utiles
aux Medecins . Le fameux M. Keil nous
a laiffé un Livre , où il a mis à profit la
liberté qu'il croyoit qu'on avoit de mettre
par
1920 MERCURE DE FRANCE .
par tout de l'évidence. Le celebre M.Boerhaave,
en ufe de même avec un très grand
fuccès. M. Freind , qu'on ne fçauroit trop
regretter , ne l'a jamais perduë de vûë , &
s'eft fervi du calcul dans toutes les chofes
qui en étoient ſuſceptibles . M. Michelotti ,
fi eftimé des Sçavans , & qui jouit avec
juſtice d'une grande réputation à Veniſe,
a porté cela encore plus loin . Les uns &
les autres en avoient reçû l'exemple de
l'incomparable Borelli . On a donc lieu de
foupçonner que le dégoût pour la Géometrie
que M. H. fait éclatter aujourd'hui ,
eft une espece de dépit de ce qu'elle a fourni
des armes victorieufes pour le com
battre ; car il n'avoit rien négligé dans la
Préface de l'Explication Phyfique & Méchanique
des effets de la Saignée , imprimée
à Chambery en 1707. pour faire
croire aux Lecteurs qu'il regardoit cette
fcience comme une lumiere qui empêche
qu'on ne s'égare dans la recherche de la
verité. Ses autres Livres font remplis auffi
des termes qui lui font , pour ainfi dire ,
confacrez ; c'eft dommage qu'il n'en ait
fait que ce feul emprunt . Si les Auteurs
que je viens de nommer ont été loüez
d'avoir affocié la Géometrie à l'Anatomie
, & s'ils ont par- là marqué leurs Ouvrages
au coin de l'immortalité , pourquoi
faire un crime à M. Silva , d'avoir pris
d'une
SEPTEMBRE. 1729. 1923
June partie des Mathématiques , des notions
propres à donner à ce qu'il traite
une clarté & une précision qu'il ne pouvoit
jamais avoir fans ce fecours ? J'ofe
dire même que c'est la feule matiere de
la Medecine -pratique , qui en foit verita
blement fufceptible. Comment parler , en
effet , du choix des Saignées , dans un
temps où la circulation eft connue , fans
traiter du plus ou du moins de mouvement
qui arrive au fang par la diminution
des réſiſtances ? Ainfi le Lecteur fen
tira fans peine qu'on n'a pas eû befoin
d'effort pour mettre de l'Hydroftatique
dans le Livre qui ne peut trouver grace
devant les yeux de M.Hecquet, & qu'elle
a dû prefenter à l'Auteur dans fes recherches
& venir s'offrir , & › pour ainfi
dire , fe placer dans un fujet dont elle
fait neceffaitement la baze ; mais quand
on auroit cherché avec foin & même
avec affectation , à allier la Géometrie à
la Medecine , on n'auroit fait que fuivre
les confeils d'Hippocrate. Qu'on life fa
Lettre ad Thefal. filium , on y trouvera
que ce Pere des Medecins entrevoyoit
déja que les Mathématiques devoient contribuer
à les éclairer. Qu'étoit -ce cependant
que la Géometrie de ce temps là ? On
n'auroit fait que fe conformer à ce que
recommande Galien , Lib. 1. Methodi
Cap
1922 MERCURE DE FRANCE .
Cap. 1. Ce même Medecin , dans le Livre
, Si quis optimus Melicus , s'éleve
vivement contre ceux qui avoient trouvé
extraordinaire qu'Hippocrate recommandât
la Géometrie à ceux qui vouloient exceller
dans l'Art de guérir. Ces fentimens
ont parù très - railonnables aux Anciens
que M. H. refpecte fi aveuglement .
Qu'onjette les yeux fur Soranus Ephefius
in Ifagoge , Cap . 2. on verra ce qu'il penfoit
de la neceffité de differentes parties des
Mathématiques , pour former un Medecin.
Les perfonnes judicieufes plaignent , avec
raifon , les Medecins , de ce que leur Art
eft fonde fur des conjectures . M H. au
contraire blâme ceux qui s'efforcent d'en
affranchir les parties , qui peuvent recevoir
de l'évidence par l'ufage qu'on fait des
autres Sciences . Ce contrafte doit enga
ger le Public éclairé à prendre lui -même
la deffenfe de M. Silva , puifque c'eft les
interêts qu'il a principalement confultez .
Occupé comme je fçai qu'il l'eſt du bien
public , je répondrois bien qu'il voudroit
qu'il lui fût poffible de s'expoſer fouvent
à des déclamations encore plus véhementes
, en réduifant en Démonſtrations les
regles qui peuvent conduire à le procurer
foliement. Mais fi malheureufement la
Geometrie ne peut influer tur tout ce qui
regarde l'Art de guerir , on ne peut difconvenir
SEPTEMBRE. 1729 1923
convenir pourtant qu'on n'y gagne beaucoup
, lorfque les Medecins ne la négligent
pas. Elle leur donne un efprit de jufteffe
, fi neceffaire quand il s'agit de démêler
des choſes qui paroiffent avoir du
rapport. Elle leur apprend à pefer & à
aprétier plus exactement les raiſons qui
déterminent à agir d'une telle ou telle maniere.
Elle les rend plus capables de mefurer
les degrez de probabilité. Enfin , elle
leur apprend à connoître ce qui approche
le plus de l'évidence & de la verité qui
eft fon principal objet , & parconfequent
à mieux difcerner, à mieux juger , à mieux
agir . D'où il fuit qu'à efprit égal & à application
égale , celui qui fe fera accoùtumé
aux idées géometriques , doir moins
fouvent tomber dans l'erreur , que celui
qui fera enfoncé dans les Commentateurs,
plus fouvent occupez à forcer les Textes
pour les amener à leur fens , qu'à les éclaircir
, & plus propres à faire des Erudits
que des Sçavans. Ceux - cy propoſent avec
défiance leurs fentimens , toûjours prêts
à les facrifier à ce qu'on pourroit trouver
de plus clair & de plus utile. Ceux- là ,
au contraire , veulent affujettir tout le
monde à des décifions dont ils feroient
honteux de rien rabattre. Les uns moins
occupez de ce qu'on a crû jufqu'à eux ,
que de ce qu'il faut penfer , font plus de
cas
1924 MERCURE DE FRANCE.
cas des raisons que des autoritez . Les
autres comptant plus fur les noms que fur
les choſes ,ſe revoltent contre tout ce qui
leur eft proposé par des hommes dont des
fiecles n'ont pas confacré la réputation .
Ils refufent le plus foible éloge aux vivans
( peut -être parce qu'ils font vivans ) &
accordent l'infaillibilité à ceux qui étoient
bien éloignez de l'avoir de leur temps &
dont le meilleur titre eft peut- être de n'être
plus.
M. Hecquet fait un crime à M. Silva ,
d'avoir avancé hiftoriquement que les
Arabes avoient pratiqué la Révulfion par
préference à la dérivation dans les commencemens
des maladies inflammatoires ,
& il veut qu'il ne foit pas excufable d'avoir
adopté leurs fentimens , qui ont été
frappez d'anathême par les déciſions de la
Faculté de Paris.
Je n'ai point été furpris que M. H. n'ait
point entendu ce qu'il peut y avoir de
Géometrie dans le Livre qu'il combat. Il
fait gloire de ne s'être point appliqué à
une Science qu'il croit inutile pour un
Medecin , & il auroit crû être obligé de
rabbattre quelque chofe de la dignité d'une
Profeffion dont il eft fi juftement jaloux
, s'il avoit confulté des Géometres.
Je ne fuis point étonné non plus qu'il n'ait
pas faili la maniere dont la Saignée du
pied
SEPTEMBRE. 1729 192§
pas
pied opere. Son efprit prévenu de l'explica
tion qu'il en avoit imaginée autrefois , n'a
pû recevoir ni fe former de nouvelles idées
fur ce fujet. Ces idées cependant n'auroient
été entierement nouvelles pour
un homme qui auroit lû Bellini avec appli
cation , & moins pour pouvoir faftueuſement
le citer que pour y apprendre , mais,
j'avoue que ma furprife n'a pas été médiocre
, quand j'ai vu qu'il croyoit ou du
moins qu'il vouloit faire croire que ce que
M. Silva a dit de ces Auteurs , méritoit la
vivacité de ces reproches.Dire que les Ara
bes font encore plus décidez que les Grecs
& les Romains fur la neceffité & l'utilité
de la Révulfion , que ceux- cy avoient récommandée
, c'eſt une louange d'une eſpe
ce dont, tout modefte qu'eft M. Hecquet,
il ne rougiroit point en pareil cas . Mais ce
qui me furprend encore davantage , c'eft
qu'il veuille perfuader qu'on a adopté les
fentimens des Rhazes , des Avicenes, fur le
choix des Saignées , & qu'on cherche ici
à s'en étayer. Ils veulent comme les Grecs
& les Latins , dont on a rapporté les Paſſages
dans la feconde Partie du Traité des
Saignées, qu'on termine les inflammations
par les Saignées dérivatives. Or loin d'approuver
cette opinion , quoique fuivie par
le fameux Bellini , que M. Silva refpecte
& qu'il reconnoît pour le premier qui ait
éclairci
1926 MERCURE DE FRANCE.
éclairci la matiere de la Saignée . Il em
ploye une partie de fon Ouvrage à en faire
fentir tout le danger . Cela eft fi évident
pour les Lecteurs même les moins attentifs,
que je ne fçai comment M. H. pourra
éluder l'application de la Remarque d'un
bon Auteur , qu'une erreur de fait jette
un homme d'efprit dans le ridicule. Il n'eft
pas impoffible qu'on s'en donne quelquefois
par les mêmes moyens dont on fe fert
pour en charger les autres .
Comme il n'y a pas d'hiftoire impris
mée de la Faculté de Medecine de Paris ,
& que M. Silva n'a jamais été comme
M. H. le dépofitaire de fes Regiftres ,
il peut avouer , fans honte, qu'il ignoroit
entierement que cette fçivante Compagnie
eut décidé que la doctrine qui éta
blit l'utilité , & même la neceffité de la
révulfion , dût être profcrite. Mais quand
il auroit été informé de fon Decret , je
ne fçaurois me perfuader que malgré
tout le refpect que je fçai qu'il a pour
elle ; il n'eut pris la liberté de s'écarter
de fes fentimens . Des raifons démonftra
tives , & un grand nombre de faits obfervés
avec une extrême attention , lui auroient
donné le courage de ne pas fe
foumettre à fes jugemens. La Faculté eft
trop jufte , trop éclairée & trop occupée
du bien Public , pour vouloir qu'on
heurte
SEPTEMBRE. 1729. 1927
heurte de front ce que l'on voit bien
diftinctement ; pour exiger qu'on ne fe
corrige pas fur fes fautes ou fur celles des
autres qu'on ne profite pas des nouvelles
lumieres qui parviennent juſqu'à
nous , de quelque lieu qu'elles partent ;
en un mot , qu'on ne fe retracte pas ,
quand on connoît qu'on s'eft trompé.
Car fans me picquer, d'une érudition auffi
vafte que celle de M. H. je fçai qu'un
décret qui fut fait fous le Déçanat de
M. Puilon , où l'on condamnoit l'uſage
de l'Emetique dans les pleurefies d'hiver ,
doctrine qu'on cenfura dans une Théſe
de M. Poftel , Profeffeur de Caën ; je
fçai , dis - je , que ce décret dogmatique
n'a point eu lieu , & que M M. Gueneau
, Daval , Poirier &c . quoique trèsattachés
aux interêts & à l'honneur de
leur Compagnie , ont été les premiers à
l'enfreindre dans leur pratique , dont le
fuccés a immortalifé leurs noms . Je fuis
moi- même fi jaloux de fa gloire ( quoique
je n'aye pas l'honneur de lui appartenir
) que ce que je publie ici eft moins
pour la deffenfe de M. Silva , que pour
ne pas laiffer ignorer au Public que cette
Compagnie , loin d'être opiniâtre , tiranique
, & difpofée à s'oppofer aux progrès
que peut faire la Medecine , eft
toujours prête à fe rendre à tout ce qui eft
capable
1928 MERCURE DE FRANCE .
capable de mieux fervir ceux qui lui confient
ce qu'ils ont de plus précieux ;
mais toujours affez fage , pour n'adopter
les nouveautés qu'après un examen digne
d'elle , & proportionné à l'importance
de ce dont elle eft chargée.
J'efpere que la Faculté fera plus fatis .
faite du portrait que je viens de faire
d'elle , que du zele ardent de M. H. qui
s'il étoit crû , pourroit faire entrer en
foupçon que ce Corps illuftre ne fçait
pas facrifier une vanité mal - entenduë ,
& un faux honneur à la confervation de
la vie des hommes. L'ufage que la plupart
des Medecins de Paris font tous les
jours des Antimoniaux , du Quinquina ,
de l'Hypecacuhana & c . prouve combien
cette Compagnie eft éloignée de fe roidir
contre ce qui a quelque utilité ; ainfi la
verité & le bien Public lui étant encore
plus chers que la memoire
de M. Briffot
ne peut lui être précieufe, elle est toujours
prête à retracter
fes arrêts , fi une route
plus fûre que celle qu'elle avoit crû
qu'on devoit fuivre , lui eft ouverte. Je ne dis pas par quelqu'un
de fes enfans ,
( car elle n'aime pas moins ceux qui vivent
aujourd'hui
que ceux qu'elle a perdu
depuis deux fiécles ) mais par les ennemis
même que fon mérite lui attire . Ce que nous venons de dire fuffiroit
A pour
SEPTEMBRE. 1729. 1729
pour faire voir que c'eft à tort qu'on
voudroit faire un crime à M. Silva de
n'avoir point embraffé les fentimens que
la Faculté auroit adoptés il y a deux
cens ans fur le choix des faignées ; qu'il
feroit en droit d'en appeller à elle - même
du jugement qu'elle auroit porté alors ;
que la Faculté inftruite de la circulation
du fang , révoqueroit fans doute les décifions
qu'elle auroit pû faire avant que
cette importante découverte lui fut cons
nuë , & que par conféquent ce feroit
manquer tout à la fois & à la Compagnie
& à la verité , que de facrifier à la vaine
crainte de lui déplaire , ce qu'on croit
utile , après y avoir fait toute l'attention
neceffaire. Mais puifque M. Silva ne feroit
pas digne de blâme de s'être rendu
à l'évidence plutôt qu'à l'authorité , il
n'a même donné de pretexte aux plus
legers murmures , s'il eft vrai que fa Compagnie
n'ait rien prononcé ſur cette matiere
. Or on déffie M. H. de pouvoir
produire aucun , Acte , aucun décret
où elle deffende de faigner du pied
dans les maladies de la tête , & du bras
dans celles du bas -ventre ; où elle ordonne
de faigner du côté enflammé ,
& non du côté oppofé à celui où le
fang eft engorgé ; en un mor , où elle
veuille affujettir aucun Docteur à com
pas
mencer
1930 MERCURE DE FRANCE.
mencer par les faignées dérivatives , par
préference aux révulfives. Le filence de
M. H. fur ce fujet , fera un defaveu de
tout ce qu'il vient de publier , & fera
en même tems une preuve qu'il a fuppo
fé une décifion refpectable , pour entraî
ner les Lecteurs dans des opinions qui lui
font prefentement prefque particulieres.
Si fon adverfaire avoit eu une pareille
conduite , quelles feroient les qualifications
dont il le chargeroit ! on n'a garde
de l'imiter ; on ne lui reprochera pas
même avec vivacité , que lui qui ne veut
pas qu'on foit pardonnable de s'être
écarté des maximes des anciens Maîtres ,
fur le choix des faignées ( quoique la
connoiffance du mouvement du fang
puiffe & doive guider avec affez de fureté
un Medecin fur cette matiere ) qu'il
a , dis- je , contredit visiblement & fans
ménagement leurs préceptes fur le tems.
où il faut purger dans les maladies aigues
, comme M. Andri l'a fait voir dans
fes excellentes remarques de Medecine .
Entre toutes les objections que M. H.
fait contre l'Auteur du Traité des faignées
, la feule qui puiffe faire quelque
impreffion fur l'efprit d'un Lecteur judicieux
, c'eft la remarque qu'il fait , page
320. que l'Eftomac ne fçauroit preffer
le tronc de l'Aorte inferieure , propofi
tion
SEPTEMBRE. 1729. 1938
tion qu'il paroît extraire du chap . IX .
du Livre qu'il combat . M. Sylva en
cherchant les caufes qui peuvent donner
occafion au fang de fe porter pendant la
fiévre continue trop abondamment vers
le cerveau , infinuë que la preffion de
l'Aorte inférieure peut y contribuer ; non
feulement il y fait mention de ce tronc ,
mais auffi de fes rameaux , & il n'eft
pas moins fûr qu'il reconnoît pour caufe
de cette preffion , le gonflement confiderable
des inteftins , ainfi que celui de
l'Eftomac ; foit que cette tenfion foit
produite par l'air rarefié , ou par le
bouillonnement des matieres contenuës
dans la cavité de ces parties. C'est donc
une petite rufe peu digne d'un Auteur
auffi grave grave ,, && qui fe picque de tant de
candeur , que de ne faire mention que de
1'Eftomac , & de tourner de ce côté là
toutes les preuves avec une confiance
infultante. Car pourvû feulement qu'il
foit vrai que l'une de ces parties puiffe
gêner le tronc de l'Aorte , & que l'autre
foit en état de preffer les branches de
cette artere , le fentiment de M. Silva demeure
exactement vrai , & par conféquent
les difficultez qu'on lui fait fur
F'impoffibilité , où l'on dit qu'eft l'Eſtomac
de comprimer le corps de cette
groffe artere , portent abſolument à faux,
B puifque
1932 MERCURE DE FRANCE.
puifque M. Silva admet deux corps qui
preffent , & deux corps qui peuvent être
preffez, & qu'il en parle indéfiniment fans
défigner celui des premiers qui eft en état
de gêner l'un ou l'aurre des derniers . Or
il est évident que le premier des boyaux
grêles paffe fur le tronc de l'Aorte inférieure
, plus ou moins , tranfverfalement ,
& cela précisément dans l'endroit où ce
tronc vient de paffer lui-même entre les appendices
du Diaphragme. Il eft certain
auffi que cette partie de l'extrémité du
Colon , qu'on nomme ordinairement S
Romaine peut géner l'extrémité du
tronc de l'Aorte inférieure fur les deux
Du trois vertebres lombaires. Voilà la
moitié de la propofition de M. Silva
démontrée ; il n'eft pas difficile de prouyer
l'autre. Car dans la forte tenfion de
l'Eftomac , les rameaux arteriels qui y
portent le fang , doivent s'allonger dans
la proportion du gonflement de la partie
où ils font femez ; donc ils fe retraiffiffent
dans la proportion de leur allongement
; ainfi leur cavité devenue
plus étroite , fera plus de refiftance au
fang qui y doit couler du tronc de
l'Aorte ; ce qui doit produire le même
effet à l'égard du cerveau , que fi ce
tronc lui- même avoit perdu de fon calibre
car le fang fe portera en haut
d'autant
SEPTEMBRE. 1729. 1633
d'autant plus aifément qu'il aura plus de
peine à couler en bas. Le peu de fidelité
du Critique fera donc en pure perte pour
ceux qui auront le Traité des faignées ;
& l'étalage d'Anatomie dont il paroît li
content , ne peut féduire tout au plus
qu'un moment. En verité il eft à plaindred'avoir
obligation pour fi peu de profit.
Mais fuppofons ici qu'il n'eut été en effet
queftion que de l'Eftomac ; dans ce cas làmême
fon triomphe n'en feroit ni plus
long ni plus folide.
Quelques- unes des raifons que M. H.
allegue pour faire fentir la prétenduë
impoffibilité où le trouve l'Eftomac de
preffer l'Aorte , font fi manifeftement
fauffes , qu'il eft furprenant qu'elles ayent
pû le féduire . Il regarde le Pancreas &
L'épiploon comme des obftacles à cette
preffion. La premiere de ces parties ;
parce qu'elle eft , dit - il , fufpenduë fous
Peftomac. La feconde , parce qu'elle eft
fouple & molle . Mais j'en appelle à tous,
les Anatomites , pour décider fi le Pancreas
eft fitué de maniere qu'il puiffe garantir
l'Aorte de la gêne que l'eftomac
gonflé y pourroit caufer. Je m'en rapporte
à eux auffi pour fçavoir fi l'epiploon
eft placé entre l'Aorte & l'Eftomaç
( car ce ne feroit que par là que fa moleffe
pourroit garantir Aorte de la pref
Bij fion
1914 MERCURE DE FRANCE.
fion de ce fac mufculeux ) ils répon
dront unanimement que ce corps graiffeux
n'eft non plus interpofé entre l'ef
tomac & l'Aorte inférieure , que le coeur
eft interpofé entre PAorte afcendante & la
defcendante de maniere qu'il empêche le
contact du fang de l'une à celui de l'autre.
Cette faute qu'on trouve dans la page
291. de fon nouveau Livre , eft de telle
nature , qu'elle eft capable tout à la fois
de décourager les plus zelés Apologiſtes,
& d'humilier fes plus malins cenfeurs ,
s'ils font Medecins . Elle l'emporte même
fur celle-ci qui fuit immédiatement ,
( car M. H. a toujours eu le foin d'épargner
aux critiques le travail d'une longue
& penible recherche ; ) la faignée du pied,
dit- il , dégage donc la defcendante fans
pouvoir atteindre l'afcendante ni les fouclavieres.
Je ferois tenté de croire qu'il a'
trouvé dans d'anciennes collections , qu'il
y a dans l'homme une Aorte afcendante
qui n'eft pas les fouclavieres & une des
carotides ; car je ne fçaurois croire que
quelqu'un ait été affez malin , pour avoir
voulu lui en impofer jufqu'à ce point
dans des démonftrations fur le fujet. Peutêtre
auffi l'a -t'il imaginé , comme il avoit
fait les attaches qu'il dit que le fang des
Eſpagnols a aux vaiffeaux de la peau .
Lorfque certaines idées favorifent fes
opinions ,
I
SEPTEMBRE. 1729. 1935
opinions , comme il est naturellement
inventif , il eft affez vrai femblable qu'il
n'en eft redevable à perfonne. Il pour
roit done y avoir un peu d'injustice &
même d'ingratitude dans ceux qui blâ
ment M. H. de ce qu'il cite plus qu'il ne
produit .
La raifon tirée de la fermeté des membranes
des arteres , qui doit les empêcher
de ceder à des corps qui ne font pas
durs , eft une de ces difficultés fur lefquelles
notre Auteur infifte long- tems ,
& avec complaifance. On diroit par le
ton fur lequel il le prend , qu'il ne s'agit
point ici de vaiffeaux mols & fléxibles
où eft contenu un liquide qui s'écoule
fans ceffe ailément , mais qu'il eft queftion
de tuyaux durs & infléxibles , remplis
exactement par un folide qu'on y auroit
, pour ainfi dire , enchaffé avec violence.
On ne fe perfuaderoit jamais que
les parois des vaiffeaux qu'il croit fi difficiles
à être preffez , s'approchaffent a
tous momens du centre de leur cavité
& par conféquent , puffent être favorifés
dans ce raprochement , & demeurer un
peu affujettis par le volume ou le poids
des parties voisines qui les touchent médiatement
ou immédiatement. Auffi cette
raifon dont M. H. fait tant de cas n'at'elle
pas affecté bien vivement un celebre
1936 MERCURE DE FRANCE.
lebre Medecin qui réuniffoit la qualité
d'excellent Anatomifte à celle de grand
Géometre. Il fçavoit cependant la valeur
des forces agiffantes , & la force des réfiftantes
, & perfonne n'a pouffé plus loin
que lui la Phyfique géométrique applicable
à l'economie animale. Le Sçavant
M. Keill aprés avoir montré que la raiſon
pour laquelle les hydropiques tombent
en défaillance quand on tire toute l'eau
qu'ils ont dans le ventre , c'eft parcequ'alors
l'Aorte inférieure qui en étoit
comprimée , & qui à cette occafion étoit
caufe que le fang fe portoit plus abondamment
au cerveau , cette artère , disje
, étant tout à coup moins preffée ,
permet au fang de fe porter plus vivement
en bas , & d'abandonner le cerveau.
Après cette explication , dis-je , il rend
raifon de la rougeur & de la chaleur du
vifage qui furvient après le repas , du
mal de tête ou de l'affoupiffement où
quelques perfonnes tombent en fortant
d'un grand dîné , & il dit qu'il eft plus
clair que le jour que ces changemens
qui arrivent alors au corps , font l'effet
de la compreffion de l'Aorte defcendante.
On n'a qu'à lire fes Effais Medico - Phifiques
, page 8. & 9. Ce grand homme
donc dans l'Ouvrage duquel M. Silva a
peut -être puifé l'endroit contre lequel
M.
SEPTEMBRE. 1729. 1937
M. H. s'éleve avec tant de hauteur , ju
geoit tout à la fois que l'eftomac étoit
à portée de preffer une groffe artere , &
que la réfiftance de celle- ci n'étoit pas
infurmontable à la puiffance qui pou
voit agir fur elle. Pour le coup l'érudi
tion aici mal fervi notre Cenfeur ; car
il auroit été plus mefuté dans fes expreffions
, s'il avoit crû qu'un illuftre Etran
ger en eut dû partager la vivacité avec
M. Silva ; il faut croire auffi qu'il eut
été plus moderé s'il avoit été inftruit de
la remarque que je prens la liberté de
lui communiquer. Il l'adoptera peutêtre
, quoiqu'il ne foit pas accoutumé à
honorer d'un favorable accueil ce qui
lui vient des Medecins , entre lefquels &
ceux de fa compagnie , il s'efforce de
mettre un mur de feparation , & qu'il dit
combattre fous d'autres étendarts que les
fiens. Sentiment què vrai femblablement
ils n'adopteront ni les uns ni les autres, &
dont , s'il étoit vrai , le Public auroit
lieu d'être indigné.
L'orifice fupérieur de l'eftomac , dans
l'endroit où il fe dilate , doit quand ce
lui- ci eft fort gonflé , preffer la partie du
diaphragme par laquelle vient de paffer
l'extremité inférieure de l'afophage . Et
lorfque le diaphragme eft dans le relâ
chement , ce qui arrive dans l'expira-
Biiij tion
1938 MERCURE DE FRANCE.
tion , il eft pouffé vers le tronc de l'Aorte
qui eft placée immédiatement derriere ,
ce qui ne peut manquer de faire perdre
du calibre à ce tronc arteriel. Cette preffion
par cet endroit du diaphragme eft
d'autant plus fenfible & plus facile à
concevoir , qu'on fçait qu'il eft fi incliné
& fi courbé vers les vertebres , qu'il
les cotôye , pour ainfi dire , pendant
l'espace de plus de deux poulces , ce
qui doit gêner l'Aorte dans toute cette
étendue , & par conféquent empêcher
que le fang n'y paffe avec la liberté ordinaire
; ce qui fuffit , par la réſiſtance qu'il
y trouve , pour fe déterminer à fe porter
plus abondamment vers les parties fuperieures
.
Comme il me revient de toutes parts
qu'on n'aime pas les gros Ouvrages , je
me bornerai aujourd'hui à ce petit nom
bre de refléxions ; celles que je publierai
dans la fuite feront peut- être plus importantes
; mais il falloit commencer par
écarter ce qu'il pouvoit y avoir d'étranger
au fonds du fujet. Les Epiſodes partageant
où détournant l'attention du Lecteur
, nous avons autant d'interêt à les
éviter , que M. H. en a eu de les employer
fréquemment . Cette difference
peut faire connoître celle de nos motifs.
EPITRE
SEPTEMBRE. 1729. 1939
EPITRE AU ROY.
H
Eros cheri du Ciel , à qui lesA deſtinées
Donnent une fageffe au deffus des années,
Et qui , tout jeune encor , fais admirer en toi
Les plus dignes vertus qui forment un grand
Roi.
Quoiqu'à louer , ma Mufe avec raifon timide,
N'ofe s'abandonner au tranſport qui la guide;
Et que nouvel Icare effrayé du danger ,
Je te parle en tremblant un langage étranger.
Animé d'un beau feu , qui m'excite fans ceffe,
Je ne fuis laiffé vaincre ; & dans ma double
ivreffe
Je m'approche de toi par un effort nouveau.
Quel champ puis - je choifir & plus noble &
plus beau !
Qu'un autre plus hardi chante l'ardeur guerriere
D'un Héros tout couvert d'une noble pouffiere;
Ou que d'un doux penchant fe laiffant animer,
Il chante les faveurs du Dieu qui fait aimer.
Peu touché des attraits d'une fi foible gloire
J'employe à d'autres foins les Filles de mémoire
;
"
Et d'un fardeau plus digne occupant mes loifirs
;
Je contente à la fois leurs voeux & mes defirs.
Bv *Je
1948 MERCURE DE FRANCE.
Je n'aurai pas befoin pour exciter ma veine
De puifer dans les eaux de la docte fontaine
Et je n'aurai qu'à fuivre , en voulant te louer,
Ce que tout l'Univers eft forcé d'avouer ;
Cette tranquile paix qui fait toute ta gloire ,
Fruit heureux d'un Heros , Maître de la victoire.
Après la mort d'un Roi fi digne de nos pleurs,
Tu rafferinis l'efpoir chancelant dans les coeurs.
Nous gémirions encor , fi le Ciel équitable
Ne nous eut regardés d'un oeil plus favorables
Et n'eut fait fucceder dans le fuprême rang ,
A ce Héros , un Roi fi digne de fon fang.
La difcorde eft aux fers ; non ; l'envie impuif
fante
N'ofe plus attaquer la France floriffante.
Et par toi les beaux Arts reprenant leur vigueur
.
C
De leur heureux progrès te doivent tout l'honneur.
Vrai Pere de ton Peuple , & Maître de toi - même,
Tu foûtiens tout l'éclat d'un pefant diadême ;
Et dans l'âge où des feris , le dangereux poifon
Souvent des jeunes coeurs , exile la raison ;
Au faifte des grandeurs , où chacun te contemple
;
Tu fers à tous les Rois & de guide & d'exemples
Et par de fages Loix affurant le repos
Tu te mets au deffus des plus fameux Héros.
EXSEPTEMBRE
1729. 1941
I YA YAYA YA YA YA YA YA YA YA K
EXTRAIT d'une Lettre écrite par M...
à l'occafion de la datte de deux Bibles
dont il eft parlé dans le Mercure de
France des mois de Mars & Avril 1729 .
}
Spartientre la Répoffe donnée dans le
Ans vouloir prendre prefentement dè
>
Mercure du mois de Mars dernier au fujet
de la datte de l'impreffion de deux
Bibles , & l'Extrait d'ane Lettre écrite de
Montpellier le 29. Avril 1729. fur le
même fujet , dans le Mercure de May ,
page 913. il n'eft pas difficile de faire
voir qu'il y a eu des Livres imprimez avant
l'année 1460. contre l'opinion de l'Auteur
de cette Lettre , qui prétend que les
premieres Impreffions n'ont parû qu'après
1460. Tels font , dit - il , un Livre
intitulé : Durandus de Ritibus Ecclefia ,
qui eft de 1461. & c .
Le Pere Jacob , de l'Ordre des Carmes
, dans fon Traité des Bibliotheques ,
imprimé à Paris en 1644. parle d'une
impreffion qui fut faite à Mayence par
Jean Fauft & Pierre Schoeffer , & dit ,
page 532. ils commencerent d'imprimer
le Durandus de Ritibus Ecclefia l'an 1461.
mais perfonne n'a fait mention de cette
B vj Edi
1942 MERCURE DE FRANCE :
Edition avant lui ; en fecond lieu c'eft
Durantus qui a écrit de Ritibus Ecclefia,
& non pas Durandus. Ce dernier s'appelloit
Guillaume Durand , & fut Evêque
de Mende ; le premier fe nommoit Jean-
Etienne Duranti , & fut Premier Prefident
du Parlement de Toulofe.
Guillaume Durand compofa le Rationale
Divinorum Officiorum , qui fut imprimé
in -folio fur vélin , à Mayence , en
l'année 1459. par Jean Fauft & Pierre
Schoeffer de Gernshiem.
Bernard de Malinerot , Doyen de Munfter
, dans fa Differtation de l'Art de l'Imprimerie
, page 67. dit qu'il a ce Livre
dans fa Bibliotheque , & en rapporte la
date en ces termes : Prefens Rationalis divinorum
codex Officiorum venuftate capitalium
decoratus , Rubricationibufque dif
tinctus , artificiofa adinventione imprimen
di & caracterifandi abfque calami exaratione
fic effigiatus & ad Eufebiam Dei
induftria eft confummatus , per Joannem
Fuft , civem Mogunt & Petr. Gernsheim
Clericum Dioecefis ejufdem , anni 1459 .
die 6. Octob.
Jacques Hofman , dans fon Lexicon
univerfale , imprimé à Bafle , in-folio , en
deux volumes , l'année 1677. dit dans le
fecond Tome , que l'on voit dans la Bibliotheque
de l'Univerfité de cette Ville
là
SEPTEMBRE . 1729. 1943
là un Exemplaire de cette Edition de 1459 •
qu'il appelle Officiale Durandi , ce font
ces termes , page 508. Cujus exemplar
in Academia Bafileenfi affervatum bane
infcriptionem habet , &' c.
Le Pere Labbe , qui a donné un Catalogue
des anciens Livresimprimez, qu'on
garde dans la Bibliotheque du Roi , fait
cette remarque : ( a) Anno 1459. Joannes.
Fauftus Arte Imprefforia inventa edidit
primo Moguntia Libros Guill. Durandi
de Officiis Ecclefiafticis , &c.
Furetiere , dans ce qu'il rapporte de
l'origine de l'Imprimerie dans la premiere
Edition de fon Dictionnaire , s'en eft
trop fié à M. Mentel & au Pere Jacob ,
& il s'eft trompé feurement , lorfqu'il a
dit que les premiers Livres imprimez
qu'on ait vû en Europe font un Durandus
de Ritibus Ecclefia , de l'année 1461. une
Bible de l'année 1462. la Cité de Dieu
de S. Auguftin , & les Offices de Ciceron.
Il y a à Vienne dans la Bibliotheque
de l'Empereur , une Edition encore plus
ancienne que celle de 1459. c'eſt celle
du Plautier , dont S. Chrifoftome (b) di-
( a ) Suplem. de Script. Eccl. Parif. 18868
P. 506.
(b) Juftin Decadius , dans fa Préface du
Plautier imprimé in- 4. par Alde Manuce, pour
l'ufage de l'Eglife Grecque.
foit
1944 MERCURE DE FRANCE .
foit qu'il vaudroit mieux que le Soleil
ceffât de répandre fes lumieres fur la terre
que de ceifer de le chanter chaque jour
dans l'Eglife . Ce Livre fut imprimé in -4
fur velin , dans la Ville de Mayence , en
1457. par Jean Fauft & Pierre Schoeffer,
& fut apporté dans la Bibliotheque de
P'Empereur , avec un grand nombre d'autres
volumes imprimez , ex Archiducali
arce Anbrafiana. Pierre Lambec , qui en
étoit le Bibliothecaire , rend témoignage
qu'il l'a vu dans cette Bibliotheque , &
rapporte ce qu'il a lû à la fin de ce Livre,
en ces termes , qui font prefque tous les
mêmes que ceux du RATIONALE : Reperi
inter ea unum impreffum in membrana,
in cujus fine de origine Artis Typographice
hoc legitur notabile teftimonium :
Prafens Pfalmorum codex venuftate Capitalium
decoratus , Rubricationibufque fufficienter
diftinctus adinventione artifi
ciofa imprimendi , ac caracterifandi abf
que calami exaratione fic effigiatus ad Eufebiam
Dei induftriè eft confummatus per
Joannem Fuft , civem Maguntinum &
Petrum Schoeffer de Gernsheim , anno Demini
millefimo cccclvii . in vigiliâ Affumptionis
. (a)
,
Après ces autoritez on ne peut pas
douter qu'il n'y ait eu des Livres impri-
(a) Lib. 2. Bibliot. Vindobon . pag. 989.
mez
SEPTEMBRE . 1729. 1945
mez avant l'année 460. mais on croit que
I'Imprimerie eft un Art qui eft bien plus
ancien dans la Chine , le P. Couplet affure
qu'elle y eft en ufage dès l'an 930 .
Elle eft , à la verité , bien differente de
celle de l'Europe , car les Chinois ne fe
fervent que de Tables de bois gravées &
taillées , enforte qu'il faut autant de Planches
que de pages , & elles ne peuvent
fervir que pour un même Livre ; c'eſt ce
qui fe pratique encore aujourd'hui par
nos Graveurs dans les Impreffions qui fe
font fur le Bois, fur le Cuivre , ou fur l'Etain
les premieres Impreffions de l'Europe
ont commencé par la Méthode Chinoiſe
, & c'est elle qui a pû donner une
idée de cet Art admirable qui a été perfectionné
dans la fuite.
J'ai vu dans la Bibliotheque des Celeftins
de Paris , un Livre intitulé , Speculum
falutis , imprimé par Cofter , dont l'impreffion
paroît avoir été faite avec de pareilles
Planches de bois gravées , & nom
avec des Caracteres féparez , & on prétend
que cette Impreffion a été faite en
l'année 1448. Les Hiftoriens en rapportent
encore d'autres plus anciennes du
même Cofter. Dans le Catalogue donné
par M. Beughem , intitulé : Incunabula *
Typographie , il cite page 54. Donatus.
Vol. in- 12. Amftelod. 1688 .
A
1946 MERCURE DE FRANCE.
A Harlem 1440. Page 165. Speculum
falutis. A Harlem , 1441. Page 150 .
Sabellicus Hiftoria Enneades feptem . A
Mayence , 1442. Page 156. Confeſſionale
Donatus. A Mayence , 1450. Page
159. Hiftoria de B. Maria Virginis Affumptione.
A Deventer , 1457. in- 4 .
Une ancienne Chronique de la Ville de
Cologne , manufcrite , en Allemand , de
l'an 1499. & rapportée dans le Théatre
de la Hollande par Boxhorrius , imprimé
en Latin, à Leyden , en 1632. page 139 .
dont les paroles Allemandes ont été traduites
en Latin par le Doyen de Munſter,
dans fa Differtation , De Arte Typogra
phica , page 37. Cette Chronique , dis je,
porte que l'Art de l'Imprimerie fut inventé
en la Ville de Mayence environ l'an
1440. Ars inventa primùm in Germania
urbe Moguntia eft ad Rhenum circa annum
1440 .
Le même M. Beughem , dans la Liſte
qu'il a donnée des anciennes Impreffions
faites avant l'année 1500. parle en ces
termes d'un Donat , de Harlem , duquel il
dit qu'on le tient communément pour le
premier Livre imprimé, & il en met la date
à l'an 1440. Donatus non Authoris , fed
Libri cujufdam titulus eft qui inftitutio
Grammatices Harlemi lignofoliatim incifa,
ibidemque circa annum 1440. edita, &
fic
SEPTEMBRE 1729 1947
fic conglutinata , tefte P. Scriverio , vulgò
Artis Typographica primum fpecimen ha-,
betur.
On voit dans la Bibliotheque de Sor
bonne , deux Imprimez in -fol. d'une date,
extraordinaire , mais fauffe. L'une finit
par ces termes , Flores de diverfis Sermonibus
B. Bernardi per me Joan. Koelhof
de Lubeck , Colonienfem civem impreſſi an
Mcccc. feliciter finint. Il y a erreur manifefte
dans cette date , parce que l'Imprimerie
n'étoit pas encore inventée en
1400. en ſecond , parce que cet Imprimeur
Jean Koelhof n'étoit pas encore né
en l'année 1400. il imprima à Cologne
en 1483. le Gerfon en 4. volumes , qui
font de même fabrique que ce Flores . Sans
doute que l'erreur vient d'une omiffion.
de cet autre chiffre lxxxij . qui devoit être
ajoûté après мCCCC .
L'autre eft le Preceptorium Divinum de
Gotſchal Hollen , Religieux Auguftin ,
où on lit à la fin , Impreffum per me Joan.
Guldenfchaef, civem coloniens ipfo Die
S.Kuberti Epifcopi. Anno Domini octoge
fimi quarti. Il y a ici une omiffion de ces
mots qui doivent préceder , millefimi qua
dragentefimi.
Dans la Bibliotheque Mazarine il y
a un Manipulus Curatorum , que Guy de
Mont -Rocher compofa l'année 1333.
C'eft
1948 MERCURE DE FRANCE .
こ
C'est une Edition faite à Paris , in-4. o
on lit ces mots écrits en cette maniere :
Completus Parifiis Anno Domini millefimo
ecce. vigefimo tertio. Amen. l'erreur
dans la date eft bien certaine , puifque
l'imprimerie n'a commencé à Paris qu'en
l'année 1470. il faut que le cinquiéme
C. qui faifoit l'année 1 523. foit échappé
des formes .
Il n'eft pas douteux qu'il n'y ait pareillement
erreur de date dans l'impreffion
des deux Bibles rapportées dans le Mercure
de Janvier 1729. où l'on fixe la
date aux années 1016. anno decimo fexto
Jupra millefimum , & 1019. anno decime
nono fupra millefimum. Pour rendre cette
date plus réguliere il faudroit fuppofer
qu'on eût obmis ce mot , quingentefimo,
après l'année , & lire ainfi , anno quingentefimo
decimo fexto , ou nono , Supra
millefimum , & pour lors il n'y auroit plus
de difficulté fur ces dates .
Ce premier Août 1729 .
XXXXXXX
REQUESTE d'un jeune Hêtre aux
Myrtes des Jardins de Venus , qui font
dans la Ville d'Idalie en Cypre.
Myrtes des Jardins d'Idalie ,
Habitans d'un féjour fi doux ,
Un
SEPTEMBRE. 1729. 1949
1
Un Arbre étranger vous fupplie ,
De le recevoir parmi vous.
M
Il eft vrai , je ne fuis qu'un Hêtre ,
Né dans des lieux qui vous font inconnus,
Mais avec tout cela peut- être ,
Je vaux un Myrte de Venus.
C'eft prétendre un peu haut, Myrtes , je le confeffe
,
Et non pas cependant plus haut qui je ne doi
Si vous me demandez mes titres de Nobleffe.
Je les porte gravez fur moi.
ร
Sçachez que l'autre jour une aimable Bergere
Errant dans notre Bois , réveufe & folitaire ,
Vint fous nos ombrages charmans ;
A fa douce langueur , à ſa démarche lente ,
Nous dîmes auffi - tôt , c'eft quelque jeune
Amante ,
Car tous les jours nous voyons des Amans.
M
Elle cherchoit des yeux une écorce nouvelle ,
Jeunes Hêtres s'empreffoient tous ,
D'offrir leur écorce à la Belle ;
De ces marques d'honneur nous fommes fort
jaloux ,
Heureufement je fus choifi par elle.
Elle
1950 MERCURE DE FRANCE.
Elle grava Tirfis , moi ravi de prêter
Mon écorce naiffante à cet aimable ufage ;
Glorieux de fon choix, je femblois m'en vanter
Aux Hétres envieux de tout mon voifinage :
Deux ou trois jours après , elle vint ajoûter .
Et le mot de fidele , & ce petit Ouvrage.
En rêvant dans ces Bois à qui m'a fçû char
mer ,
Sur cette écorce tendre & belle
»Je gravai fon nom feul , fans parler de fon
zele ,
Tous les Bergers du nom venoient le reclamer
;
Mais à prefent que j'ajoûte fidele ,
»Tirfis , des Amans le modele ,
S'y connoîtra lui ſeul , puiſqu'il fçait feul
aimer.
SPE
Ah ! fivous aviez vû cette jeune perfonne ;
Si vous connoiffiez fa beauté ,
Vous ne blâmeriez pas , Myrtes , la vanité ,
Que fa confidence me donne.
Nos Hêtres les plus vieux , qui mille & mille
fois ,
Prêterent aux Amans une ombre favorable ,
M'ont dit d'une commune voix ,
Qu'ils
SEPTEMBRE . 1729. 1951
Qu'ils n'ont jamais vû dans nos Bois ,
Une Bergere plus aimable.
J'ai demandé fon nom à ces petits Amours ,
Qu'en foule depuis quelques jours ,
Un defir curieux dans notre Bois amene ,
Et dont autour de moi fe fait un grand concours
,
Pour voir les vers , dont mon écorce eft pleine.
C'eft Iris, m'ont-ils dit, & l'Amourfe promet,
» De tirer une gloire extrême ,
»De ce qu'elle t'a pû confier ſon ſecret ,
Depuis affez long temps elle aime ,
» Mais ſon coeur n'en avoit pas fait ,
» La confidence à fon coeur même.
"
512
Tirfis , Eh ! quel Amiant ! quel Amant que
Tirfis !
Quoiqu'elle partageât ſes amoureux ſoucis ;
N'en pouvoit obtenir un aveu de fa bouche ;
»Enfin après un long ennui ,
Il fçait depuis un mois que fon amour la
touche ,
- Et tu l'as fçû prefqu'auffi - tôt que lui.
潞
»Songe que cette Iris , obſtinée au filence ,
Et qui n'aimoit qu'en fe cachant de moi,
Ne
1952 MERCURE DE FRANCE.
» Ne fouffrit dans fa confidence
Qu'elle -même , Tirfis & toi
Voilà quelle eft mon avanture ,
Fier de tant d'honneurs , je fuis las ,
De vivre en une foule obfcure ,
D'Arbres que l'on ne connoît pas.
Souffrez que chez votre Déeffe ,
Par les Amours je me faffe emporter ;
Je fuis en ma verte jeuneſſe,
Et propre encore à tranſplanter.
t
Parmi vous de nouveau je me prépare à naître,
D'Iris & deTirfis vous verrez l'amour croître ,
En même temps que je croîtrai ;
Dans ces heureux Jardins que la Déeffe habite,
J'en pourrois bien avoir quelque vifite .
Grace aux Vers de ſa main que je conſerverai.
Ni
Ne craignez point la confequence ,
Mi qu'un nombre trop grand des Hêtres tranf
plantez ,
Ne regne enfin de tous côtez ...
Dans les lieux de votre naiffance.
J
I
Recevez ceux qui porteront écrits .
De
SEPTEMBRE . 1729 1953.
De tendres Vers d'une Bergere ,
Qui vaille la Bergere Iris ,
Et foyez fürs de n'en recevoir guere .
Vous voyez mes defirs, daignez les approuver,
Myrtes, qu'ainfi toûjours une main immortelle,
Prenne foin de vous cultiver ,
Que chaque Myrte mâle ait fon Myrte femelle.
D. S. T. S.
DEFENSE de ce qui a été dit
dans le Mercure d'Octobre 1728. fur
les Senfations , avec quelques Refle
xions fur les divers genres d'utilité des
Ouvrages de Litterature . Par M. d'Auvergne
, Avocat à Beauvais .
Ly a des Questions qu'il peut être
I utile , & même important de difcuter,
quoique la réfolution n'en foit ni poffible
ni neceffaire. Le Paradoxe eft- il donc fi
grand que l'Anonyme qui a crû devoir
m'attaquer fur cela dans le Mercure de
May , n'ait pû regarder la propofition que
comme abfolument fauffe ?
Il faut diftinguer en matiere de Litterature
, deux genres d'importance. Ce qui
ne
1954 MERCURE DE FRANCE .
ne fert qu'à amufer , qu'à délaffer , qu't
remettre l'efprit en état de s'appliquer à
des chofes plus grandes & plus férieuſes,
qu'à l'orner , qu'à lui donner plus d'étenduë
, eft de l'utilité , de l'importance du
premier genre. Ce qui tend plus immédiatement
à régularifer la conduite , à diriger
les moeurs , à perfectionner les Arts,
& tels font les Ouvrages de Politique ,
de Morale , de Phyfique , de Mécanique,
&c. eft d'une utilité , d'une importance ,
d'un tout autre genre . Et ces utilitez, pour
être de differente efpece , n'en font ni les
uns ni les autres moins réelles .
Se divertir , ne fignifie autre chofe , dit
un Auteur moderne , que diverfifier &
interrompre ce qu'on eft accoûtumé de
faire. Combien de gens en effet fçavent
fe contenter d'ordinaire, pour tout plaifir,
de celui de changer d'occupation ? Mais
le changement ne feroit pas affez grand
ni affez fenfible , fi l'occupation fubftituée
à une autre étoit aufli grave & auffi appliquante
que la premiere. La diverfité
d'objets ne feroit plus un délaffement ,
parce que la contention d'efprit refteroit
toûjours la même .
Ces délaffemens font néanmoins né
ceffaires. Comme l'efprit ne fçauroit être
continuellement tendu fur un même fajet
ni fur des fujets qui , quoique differens ,
feroient
SEPTEMBRE. 1729. 1955
feroient d'une égale gravité , il eft bon
qu'il puiffe trouver de temps à autre à
détourner fon attention fur -des objets
plus legers , & qui , ou n'exigeant pas
qu'il fe rappelle de longs enchainemens
de principes & de confequences , ou ne
lui retraçant rien de gracieux & d'amufant
, lui foient un aiguillon qui le ranime
, & un aliment qui lui redonne de
nouvelles forces pour les matieres dont
il fait fon étude & fon travail ordinaire.
C'est ainsi que tout Ouvrage , foit en
Vers , foit en Profe , dont les penſées ſont
fines , ingénieufes & délicatement exprinées
, ne laiffent pas d'être utiles & eftimables,
quoique le fond fur lequel il roule,
foit des moins intereffans. Ce ne font,
fi l'on veut , que d'innocentes débauches
d'efprit , que de fages folies , que des bagatelles
, que des riens ; mais fi les fentimens
& les expreffions de ces riens font
de gout, qu'ils plaiſent ou qu'ils touchent ;
s'ils font pour les uns un moyen de fe
préferver de la langueur & de la létargie
que caufe à l'efprit une application trop
uniforme , s'ils contribuent à accoûtumer
les autres à penfer , à raiſonner , à ne
perdre dans un objet aucun des côtez par
lefquels il peut être faifi , les voilà par
ces endroits au nombre des Ouvrages
utiles & importans , & ceux qui en font
C les
1956 MERCURE DE FRANCE :
les Auteurs hors d'atteinte du reproche
d'avoir fait un mal , ni une inutilité.
Ou mon Cenfeur n'a pas eu ces Reflexions
bien préſentes , ou il s'eft imaginé
que le don lui en étoit réſervé à lui
feul . Autrement il ne fe feroit pas fi fort
fcandalifé de ce qu'il a lû dans ma Lettre
imprimée au Mercure d'Octobre, qu'il n'y
a perfonne qui foit veritablement intereffé
à fçavoir dans quel état & dans quelles
circonstances il vaudroit mieux être aveugle
que fourd , puisqu'il n'y a point de
conjonctures où il foit & libre & neceffaire
-de choisir entre l'un & l'autre. Quand cela
feroit vrai, dit -il, y auroit- il lieu d'en conclure
qu'il fût mal fait d'examiner en particulier
lequel des deux fens eft le plus
neceffaire , de la vûë ou de l'oüie. Il répond
, avec raiſon , que non ; mais je lui
demande à mon tour , fi de ce que j'ai
dit que le but de la queftion ( que le Critique
me foupçonne fans fondement d'avoit
entendue autrement que lui ) ne pouvoir
être que de donner occafion de ré-
'jouir & de récréer le Lecteur par de petites
difcuffions enjouées & fpirituelless
il s'enfuit que j'aye voulu infinuer que
ces difcuffions fuffent mauvaiſes , & que
j'aye confondu ce qu'il eft fi naturel &
fi important de fçavoir bien diftinguer
les Ouvrages où il n'y a que l'efprit qui
brille
SEPTEMBRE. 1729. 1957:
brille , & qui ne font faits que pour l'efprit,
d'avec ceux qui font abfolument blâ
mables & répréhensibles ?
Ce ne peut être cependant que dans
la perfuafion que mes idées fur cela étoient
bien brouillées , qu'il débute par annoncer
qu'il n'auroit jamais crû qu'un Avo- i
cat qui fait profeffion de deffendre des caus
fes , de tout genre , eût penſé comme je
l'ai fait. Je remarquerai en paffant que :
l'Anonime connoît mal les devoirs & les
Loix de notre état , & que les Avocats
tels qu'il les définit , qui feroient profeffion
de deffendre des cauſes , de tout genre,
c'est- à-dire , telles qu'elles fe prefentent ,
fans choix & fans difcernement , feroient :
des Monftres dans la Societé , qui ne juſtifieroient
que trop l'odieufe dénómina.
tion de fleaux de la colère de Dieu , que
l'Auteur Dominicain de la nouvelle Relation
de l'Afrique Occidentale , s'eſt fi indifcretement
avifé de nous y donner.
Quoiqu'il en foit , dès que mon Cenfeur !
a crû que je me chargeois indiftinctement
de toutes fortés de cauſes , il a bien dû
s'attendre que pour la mienne fur tout ,
bonne ou mauvaife , je ne l'abandonnerois
pas. Auffi , pour ne rien rifquer , a - t'il
jugé à propos de ne pas le nommer. Je
Croi à dire le vrai , la précaution affez
prudente ; ce pourroit bien être même le
meilleur de tout l'Ouvrage. Cij Car
**
1938 MERCURE DE FRANCE .
Car pour revenir au fond , il fuit évi
demment de mes premieres Obfervations
que ce Critique anonime pouvoit fe donner
la fatisfaction de s'exercer à fon gré
fur le problême de la préference de la
vûë fur l'oiiie , ou de l'ouie fur la vûë ,
fans appréhender d'en être repris ni pär
moi, ni par d'autres , & que je n'ai nullement
donné à entendre qu'une telle difcuffion,
artiſtement faite, ne pût être d'aucune
utilité , quoique j'aye fuppofé que
quelque façon qu'elle fût tournée , il étoit
impoffible qu'elle conduifit à la découverte
d'une verité intereffante , ni d'uſage ,
de
Il est vrai que cela ne fuffit pas au Critique
: felon lui , j'ai encore eû tort de
faire cette fuppofition , & de la fonder ›
d'un côté , fur ce qu'il ne nous eft pas
permis de nous priver nous-mêmes de nos
fenfations, dans l'idée de prévenir le défagrément
qu'elles peuvent nous caufer, ou
l'abus que nous en pourrions faire , & de
l'autre ,fur ce qu'il ne dépend pas de nous,
non - plus , quand les Loix de la Nature
font prêtes à nous ôter quelqu'un de nos
fens , de le conferver par le facrifice d'un
autre que nous affectionnerions moins .
Ilidemande fi les Religieux de la Trape &
de quelques autres Monafteres ne fe condamnent
pas au filence , & fi les Peres
des Delerts ne le privoient pas fouvent
de
SEPTEMBRE. 1729. 1959
de l'oite & de la vûë ? Les hommes, continue-
t-il , ont donc quelque liberté fur
le choix & fur l'ufage des fenfations.
J
Eh ! qui jamais l'a conteſté ? Tous les
jours nous nous contentons de prêter l'areille
à la lecture que d'autres nous font,
tandis que nous pourions la faire nous- mêmesfinous
le voulions.C'eſt un effet de notre
liberté de choix entre la vûë & l'oüie,
que perfonne ne révoque en doute . Mais ,
quoi ! parce qu'on eft libre en certains cas
de fe fervir de quelques- uns de fes fens plutôt
que des autres , d'en fufpendre l'ufage
pour quelque temps , de fe priver des
plaifirs qui y femblent attachez , de fuir
les occafions d'en abufer , s'enfuit-il qu'il
foit licite de fe priver des organes mêmes
dans lefquels ils réfident , & de s'en ôter
par- là l'ufage pour toujours ? On garde
le filence dans les Cloîtres , dans les uns
plus , dans les autres moins , mais je ne
croi pas qu'il y en ait aucun où la mode
foit encore venuë de s'arracher la langue .
Les Anachoretes s'éloignoient avec ardeur
de tous les plaifirs fenfuels , mais
ils ne s'ôtoient , quoiqu'en dife l'Anonįme
, ni l'ouie , ni la vûë , ni aucun autre
des organes de leurs fens. On fait des
voeux de vivre dans le célibat & on les
accomplit , mais c'eft à quoi on fe borne :
on ne s'avife pas , fi ce n'eft dans le delire,
C´iij
de
1660 MERCURE DE FRANCE .
de paffer plus avant ; les Valefiens , quì,
au rapport d'un Pere , exigeoient fur
cet article , outre la réfolution & la promeffe
, l'operation , qui eft l'unique gage
affuré que l'on puiffe donner de l'execution
, ont été mis au nombre des Heretiques
& des Heretiques les plus extravagans.
Tous les confeils d'abfcifion don.
nez par l'Ecriture , ne doivent être fuivis
que figurativement. Ce ne font que des
préceptes de fe tenir en garde contre les
fens , & qui ne prouvent rien contre ce
que j'ai dit qu'il ne nous eft pas permis
pour cela de les détruire en nous. Mon
Adverfaire en convient lui - même , du
moins en partie . Par quelle fingularité
donc lui cft-il revenu dans l'efprit de relever
fifort la periode ifolée que j'ai laiffé
échapper fur ce fujet , & d'accumuler
contre elle autant de Paffages de l'Evangile
, que s'il fe fût agi de combattre une
herefie ouverte ? Seroit - ce qu'il auroit
tout auffi peu compris cette période que
celle qui la fuit ?
Pour celle - cy , en effet , il l'avoue ingenuement
neuf ou dix pages plus loin ;
il ne l'a pas , dit -il , bien entendue , & il
s'eft trouvéembarraffé de ce que j'ai pensé,
Valefii fe ipfos caftrant & hofpites fuos boc
modo exiftimantes fe Deo debere fervire .S. Aug.
de Hæref. c. 37 .
fervire.S.Aug.
lorfque
SEPTEMBRE. 1729. 1961
P
lorfque j'ai écrit , qu'il n'eft pas non- plus
en notre pouvoir , quand nous preffentons
que les Loix de la Nature font prêtes à
nous ôter une de nos fenfations , d'en facrifier
une autre pour conferver celle -là , que
nous affectionnerions davantage. Il objecte
neanmoins qu'en Medecine il arrive fou
vent que l'on perd l'enfant pour fauver
la mere , ou la mere pour fauver l'enfant.
Mais je ne fçai s'il eft au fait d'une
matiere fi importante. Pour moi je fuis
dans ce préjugé que le facrifice qui le fait
quelquefois de l'enfant au falut de la mere ,
ne vient pas d'un choix entierement libre,
& produit uniquement par l'amour de
préference qui , en pareille conjoncture ,
eft toujours dû à la mere , mais plutôt de
l'experience que l'on a , que le parti de
faire périr la mere par la fection Cefarienne
, eſt un moyen de conferver l'enfant
dont la réüffite eft très - incertaine & trèsrare
;car on n'en peut venir à une fi cruelle
opération qu'aux dernieres extrémitez , &
qu'après avoir épuifé tous les expediens
que l'Art a imaginé pour aider l'enfant
à venir au jour par la voye naturelle ; &
s'il n'eft pas certain que de fi longues
épreuves l'ayent déja fait périr , il eſt à
préfumer du moins qu'elles l'ont mis dans
un très grand péril de n'y pas furvivre
long temps , au lieu qu'en l'immolant ,
tandis
1962 MERCURE DE FRANCE.
tandis que la mere eft encore vivante , it
y a bien plus d'efperance de la fauver.
D'ailleurs , difent les Maîtres de l'Art , il
y a bien quelques exemples que des enfans
tirez du ventre aprés la mort de la
mere , ayent vécu , mais il n'y en a point
que des femmes à qui on a fait avant la
mort l'opération Cefarienne , en foient
revenues. Auffi s'élevent - ils très- fort
contre la maxime avancée ici par mon
Cenfeur , que fi l'on ne veut pas perdre
l'enfant pour la mere , on peut tuer la
mere pour rifquer de faire vivre l'enfant.
Ils foutiennent que l'on ne peut en agir
de la forte que pour fatisfaire à l'avarice
de ces maris inhumains qui ne fe mettent
gueres en peine de de que devient leur
époufe , pourvû qu'elle leur laiffe un
enfant qui lui furvive de quelques heures,
pour remplir leurs vûes d'interêt ou
d'ambition. En un mot , ils regardent
comme une chimere , ou pour mieux dire ,
comme une idée des plus pernicieuſes, cette
prétendue poffibilité de faire fervir la
perte de qui l'on veut , de la mere ou de
l'enfant à la confervation de l'autre .
Quand même ce feroit le fentiment
oppofé qui le trouveroit le mieux fondé,
il n'y auroit pas plus de jufteffe à le traduire
ici en exemple , comme l'a fait le
Critique , parce que cela ne montreroit
pas
SEPTEMBRE. 1729. 1963
›
pas que nous puiflions également nous
conferver l'ouie , par la privation volon .
taire de la vûë , ou la vûe , par le facrifice
de l'onie , lorfque la caducité feroit fur
le point de nous enlever l'un des deux .
En tout cas , c'étoit cette parité , fi l'Anonime
la croit réelle , qu'il devoit prendre
à tache de démontrer S'il y avoit
réuffi , combien de graces n'én auroit- il
pas eu à recevoir de tant d'infortunés à
qui tout l'art des Oculiftes , Véritablement
contre les loix de la nature , ne
fçauroit fauver une vûë qui s'éteint , &
pour laquelle on donneroit fouvent , fi
volontiers , toute autre fenfation .
Mais enfin , dit le Cenfeur , les Hiftoiares
parlent de bien des perfonnes condamnées
à perit , qui ont eu le choix du
fer ou du poifon ; & ces barbares Orientaux
qui font dans l'ufage de faire crever
les yeux à ceux qu'ils veulent mettre hors
d'état de leur nuire , pourroient également
avoir un jour la bizarrerie de vouloir
faire choifir entre la furdi é & la cecité..
Je ne fçai fi l'execution de ce nouveau
caprice feroit des plus faciles , & fi on
pourroit détruire auf aifément l'organe
de l'ouie que celui de la vûe , fans déranger
le reste de la machine ; mais je ne
doute pas que , fuppofé la poffibilité d'un
Cy rel
1964 MERCURE DE FRANCE
tel choix , chacun ne s'y déterminât faivant
fon goût , que l'Anonimé avoue plus
haut dépendre toujours , dans chaque
perfonne , des circonftances particulieres
où elle fe trouve , de fon temperament ,
ou de fon caractere , & que tout ce qu'on
auroit lû auparavant fur la préeminence
de l'une ou de l'autre des deux fenfations,
entre lefquelles il faudroit opter , ne fût
d'une entiere inutilité pour cette option .
Du moins eft- il à croire que quiconque
travailleroit pour la feule idée de rendre
ce choix moins embaraffant , travailleroit
dans des vûës bien éloignées , puifque le
goût d'obliger ainfi à choifir entre la perte
des yeux & celle de l'ouie , n'eft pas
encore venu , & que fuivant toutes les
apparences il ne s'établira pas fi tôt.
J'ai donc eu raifon de dire qu'une differtation
qui ne rouleroit que fur pareille
chofe , ne feroit guere intereffante
› par
le fonds du fujet , & qu'elle ne pourroit
ni plaire , ni être utile , qu'à proportion
de l'habileté de fon Auteur à y fuppléer
de génie au défaut de la matiere .
Tout ce que l'on met dans les Mercures
, demande encore le Cenfeur , eftil
d'une plus grande utilité ? Je ne balance
pas à répondre que oui , finon pour
toutes les piéces de ces Recueils , du
moins pour la plus grande partie , qui
fous
SEPTEMBRE, 1729. 1965
fous l'apparence d'Ouvrages fimplement
deſtinés à plaire & à amuler , renferment
des inftructions , tantôt ſur un fujet , tantôt
fur un autre , qui en relevent bien le
prix. Le Mercure de France n'auroit pas
tant de cours qu'il en a , s'il ne contenoit
que des faillies heureuſes , que des images
vivement peintes , que des fictions
brillantes , que des expreffions fymétrifées
; en un mot , que de purs amuſemens.
Les Piéces qui font dans ce genre
là , ne laiffent pas , comme je l'ai obfervé
, d'étre d'une certaine utilité , nè futce
que pour la varieté . Mais il faut com.
munément quelque chofe de plus , &
qu'outre la forme & l'arrangement , la
matiere ,foit auffi elle-même de quelque
importance. Aufli je n'ai parlé du problême
fur la préference de la vûë ou de
l'ouie , qu'en paffant , non pas pour traiter
la queſtion , comme le Critique le fuppole
, mais feulement pour remarquer
fous quelle claffe je croyois qu'elle pouvoit
être rangée. Ce n'a même été que
parce qu'elle s'eft trouvée jointe immédiatement
à une autre queſtion , qui a donné
lieu à ce que j'ai dit de la maniere de
difcerner les Arts , dout on ne doit ni
condamner , ni méprifer la recherche
d'avec ceux qui font évidemment au deffus
de nos forces.
CVj Ceft
1966 MERCURE DE FRANCE.
C'eſt un ſecond Article fur lequel l'A
nonime me cenfure encore ; mais comme
le fujet en eft tout different , il fera
auffi la matiere d'un autre Ecrit.
XXXXXXXX XXXXXXX
BOUTS - RIME'S propofés dans le
Mercure du mois de Juillet , remplis.
E cherirai toujours les murs qui m'ont vû
JE
Je préfere à la Cour les délices de
naîtrei
Caën
Là je vois les Amours folâtrer fous le Hêtre 3.
Je vois plus de beaux yeux que n'en porte le
Paon
Je ne fuis point piqué du defir de paroître ;
Je n'ai jamais paffé le grand chemin de Laors
Mon ame eft attachée aux lieux où j'ai pris l'-
Etre
Comme auprès de fa mere eft un timide Faon.
L'Orne m'eft bien plus cher que le Tibré & la
Saone :
Son lit , dont la fraîcheur fe conferve fous l'
Aulne •
Me produit des poiffons , préferables au Thon.
De plaifirs innocens la fortune me faoule
Et
SEPTEMBRE. 1729. 1967
Et malgré l'envieux , & tous les traits de Taon;
L'âge de mon pourpoint fait refpecter le moule-
J. B. F. de Caën.
SUITE de la Lettre écrite de Dreux ;
par Mademoiſelle *** à M. Compfon,
au fujet d'un Livre intitulé l'Art d'ore
ner l'efprit en l'amufant &c. Par M.
Gayot de Pitaval, &c.
E fecond Volume de ce Livre , eft ;
Monfieur , de même goût que le
premier ; ainfi ce que je vous ai rapporté
de celui -là , peut vous fervir pour celuici
. M. Gayor rapporte quelques hiſtoires
de Revenans , qui font écrites d'une maniere
fi ailée & fi naturelle , que certains
Efprits , les plus incrédules même , ne
fçauroient à quoi s'en tenir , s'il n'avoit
eu foin d'en faire voir le ridicule .
On voit d'abord la fameuſe hiſtoire
ou plutôt le conte extraordinaire du Marquis
de Rambouiller , & du Marquis de
Precy , qui s'étoient promis l'un à l'autre.
que le premier qui mourroit , viendroit
apporter de fes nouvelles à fon compagnon.
L'Hiftoire dit que cela arriva effectivement
; Rambouillet étant venu , diton,
1968 MERCURE DE FRANCÉ .
on , en buffle & en bottes , dire à de Pre--
cy , qu'il avoit été tué la veille , & que
tout ce qu'on difoit de l'autre monde
étoit très-certain ... Cette hiftoire n'a
pas gueri M. de Pitaval de fon incrédulité
fur les Revenans , & felon les apparences,
elle n'en guerira pas beaucoup d'autres .
Ileft certain que l'imagination de de Présy
, lui pouvoit fort bien repréfenter les
objets qu'il crut voir , & l'affecter tellement
qu'il crut que les fens appercevoient
fon Ami. Il est bien des exemples de cet
effet de l'imagination , foit que l'on dor
me ou que l'on veille .
On voit encore ici une autre hiftoire
de Revenans qui a fait beaucoup de bruit
à Ardivilliers, Terre affez confiderable en
Picardie ; celle- cimérite , fur - tout , l'attention
de ceux qui ajoûtent foi facilement
à ces fortes de contes . Les tours d'adreffe ,
les tours d'efprit , & l'intrépidité même ,
font des manteaux à l'aide defquels bien
fouvent ces prétendus Revenans jouënt
leurs perfonages.
Les Magiciens ont auffi leur rang dans
ceVolume , & on peut voir par plufieurs
hiftoires que M. Gayot en rapporte ,
le
fonds qu'on doit faire fur les Altes de
ces ,fortes de gens. L'Hiftoire de la Voifini
& les fourberies de cette fameufe
devnereffe font étalées dans ce Volume
d'une
SEPTEMBRE. 1729 1969
d'une maniere agréable . La prolixité de
ces hiftoires m'empêche d'en tranfcrire
aucune ici ; il faut les voir dans l'Ouvrage
même. Je croi que je ferai mieux
de vous rapporter quelques bons mots
tirés de ce fecond Volume , comme j'ai
fait du premier.
D
Un Ambaffadeur Turc étoit vifité
par
plufieurs Dames de la Cour extrémement
fardées ; celles qui fe diftinguoient par
leur beauté voulurent fçavoir comment il
les trouvoit je ne puis pas , leur dit - il ,
m'expliquer bien clairement là deffus
parceque je ne me connois pas en Peinture.
:
. Un Gentil - homme qui acheta une
Charge à la Cour , dit que c'étoit une Loge
qu'il avoit priſe pour voir la Comédie
qui fe jouoit continuellement dans ce
pays-là , & que c'étoit à la Cour que
bonne Troupe'jouoit .
la
Je vous ai déja dit , Monfieur , que le
Mercure de France avoit été un fonds
dans lequel M. Pitaval n'avoit point aplui
une
préhendé de puifer . Ç'a été pour
fource feconde de materiaux pour ce fe
cond volume ; & fans compter quelques
Piéces de M. de Senecé , de Laiſnez , de
l'Abbé de Villiers ... il y a à la page 83. de
ce fecond Volume une Gageure hardie
que vous pourriez revendiquerson la voir
dans
}
1970 MERCURE DE FRANCE.
dans le Mercure de France , du mois de
Juin 1726. fecond Volume.
On avoit toujours crû que l'origine de
ce Proverbe, Bonne renommée vaut mieux
que ceinture dorée , ne remontoit pas plus
haut qu'à Henri IV. & que ce Roi rendit
même une Déclaration qui y donna
lieu. Vous fçavez dans quelles circonftances
. Mais M. de Pitaval toujours ingénieux
, en trouve l'origine dans l'Ecriture
même . Vous jugerez quand il vous plaira
de ce qu'il dit là - deffus.
Vous fçavez qu'il a paru un Ouvrage,
intitulé Les Chats ; M. de Pitaval eft furpris
de voir le Chat élevé au - deffus du
Chien , qui de tous les animaux , dit- il ,
eft celui qui eft le plus difciplinable , le
plus fidele à l'homme , le plus reconnoiffant
, & qui fe foumet le mieux à l'empire
que l'homme a fur les animaux . On
peut dice que le Chien a un efprit de focieté
fait exprès pour l'homme . M. de Pitaval
renvoye à ce qu'il a dit là deffus ,
dans le troifiéme Tome de la Bibliotheque.
des Gens de Cour . Mais ici ilrapporte l'hif
toire d'un Chien, de l'efprit duquel il a éré
témoin , & enfuite celle d'un Barbet qui
doit réjouir le Lecteur. Vous la verrez
dans l'Ouvrage même.
> · Plufieurs Lettres , & fur - tout une
contenant le récit grotesque d'un voyage
de
SEPTEMBRE . 1729. 1971
de Lyon, font fort amufantes. Vous verrez
auffi comment les Secretaires d'Etat ont
commencé à figner pour le Roi . Ou plu
tot comme je fçai que ces fortes de faits
font fort de votre goût , je vais mettre
ici ce que M. Gayot dit de cette origine.
» Autrefois les Secretaires d'Etat ne fi-
>> gnoient point pour le Roi ; c'eft M. de
» Villeroi qui figna le premier par le
»Commandement exprès de Charles IX.
>> Ce Prince étoit fort vif dans les paf-
>> fions , & M. de Villeroi lui ayant pré-
» fenté plufieurs fois des depêches à fi-.
» gner dans le tems qu'il vouloit aller
jouer à la paume : fignez , mon Pere
» lui dit- il , fignez pour moi ; ch bien !
» mon Maître , reprit M. de Villeroi
» puifque vous me le commandez , je ſi-
» gnerai.
»
Votre ami l'Abbé D **** eſt pour fa
part dans ce volume , M. de Pitaval ne le
regarde pas comme le Critique, mais comme
le Cauftique de ce fiecle , & il le compare
à Gâcon.L'objet de fon acharnement
eft le celebre M.de la Mothe, il n'a pas fait
un Ouvrage de critiqué où il ne lui ait don
né plufieurs coups de dent ; le Serpent qui
ronge la lime eft fon fymbole. Il en veut ,
dit M. de Pitaval , à M. de Fontenelle , &
en veut parconfequent à la faine partie
du monde qui fait les délices des Ouvrages
1992 MERCURE DE FRANCE
ges de cet Auteur. M.de Pitaval releve une
expreffion de l'Abbé, qu'il a employée dans
le titre même d'un de fes Ouvrages imprimé
à Rouen, & eft intitulé , Poëfies Sacrées,
traduites ou imitées des Pfeaumes . M. de
Pitaval ne croit pas qu'on puiffe dire traduit
ou Imité d'un tel Ouvrage , il trouve
ce régime vicieux . Placera - t - on cetve
expreffion dans le Dictionnaire Néologique
? Quelle apparence ? On pourroit lui
appliquer pour lors ces Vers de Boileau.
....Il va du blanc au noir ,
Il condamne au matin fes ſentimens du foir.
M. de Pitaval , à la page 160. revient
à la fidelité des Chiens , & rapporte d'après
Scaliger , l'Hiftoire d'un chien qui
s'eft fignalé par fon zele & fa tendreffe envers
fon Maître. Cette hiftoire mérite
bien d'entrer dans l'Apologie des Chiens .
Le Philofophe Marié , comme vous
fçavez , Monfieur , eft une Comedie qui
a eu un grand fuccès , l'Auteur de cette
Comedie a crû que le Public , prévenu en
fa faveur , recevroit bien fa petite Comedie
de l'Envieux ; il s'eft trompé , dit M. de
Pitaval , & pour le prouver , il rapporte
P'Epigramme fuivante.
L'Envieux & le Philofophe ,
Ne font pas de la même étoffe s
Ils
SEPTEMBRE. 1729. 1973
Ils different entr'eux de plus de la moitié.
Ah ! pour l'Auteur quelle folie !
Son Philofophe a fait envie,
Son Envieux a fait pitié.
Les Carmes foutiennent , dit l'Auteur
qu'Elic eft leur Fondateur; M. Gayor dit à
ce fujet , qu'une origine ancienne , quoique
fauffe, donne toûjours un grand luftre,
graces au grand nombre des gens crédules .
Vous vous rappellerez, je croi là - deffus,
qu'une Dame de diftinction de ma connoiffance
& de la vôtre , foutient avec la
plus grande fermeté , & en même- temps
avec la plus grande fincerité du monde ,
qu'elle tire fon origine du Soleil , de
Phebus ou d'Apollon , qui font, felon elle,
trois noms qui fignifient l'Etre même.
Voici une penſée plaifante , tirée du
même Ouvrage. Le Roi François I. jouant
un jour à la paulme avec l'Abbé de Beaulieu
ce dernier fit un coup qui piqua
tellement le Roi , qu'il dit : Abbé , je te
donne à tous les diables. Sire , répondit
P'Abbé , je vous donne à tous mes Moines
, qui font bien d'autres Compagnons.
Si vous aviez fçû celui - là , vous ne l'auriez
pas , je croi , oublié dans vos Lettres
fur les Bons- Mots.
M. de Pitaval nous rapporte enfuite jufqu'à
des titres affez finguliers de Livres.
Lee
1974 MERCURE DE FRANCE.
Les Allumettes de l'amour divin : le Mous
iardier Spirituel pourfaire éternuer l'ame de
dévotion : le Capucin botté , éperonné , allant
tout droit en Paradis : Voilà de belles
idées dans des Titres . En voici un autre
dont peut- être M. de P. n'a pas eu
connoiffance , la Moëlle de Machiavel;
il fut imprimé à Zurik au commencement
de ce fiecle. La morale qu'on y débite eft
finguliere.
La plupart de ceux qui jouent des Inftrumens
ont tant d'efprit au bout des
doigts & à l'entrée de l'oreille , qu'il leur
en refte peu dans la tête. C'est une reflexion
que M. Gayot fait à la page 257.
de fon Ouvrage
.
La plupart des femmes , dit-il encore ,
ont comme le Tableau un point de perfpective.
Une Belle difoit à un Gafcon :
vous me voyez bien négligée ; vous n'y
perdez rien , Madame , lui répondit- il ,
l'éloquence qui fe néglige un peu né perfuade
pas moins . Eft- ce là , Monfieur, une
répartie vive , fine & délicate ?
Voilà , Monfieur , ce que j'avois à vous
mander de ce dernier Ouvrage de M.Gayot
de Pitaval , quand vous aurez occaſion
de le voir , j'efpere que vous ne dédaignerez
point de le lire , & que vous ne
regretterez point le temps que vous y
aurez employé. Je fuis toujours , Monfeur
, votre.... Dans
SEPTEMBRE. 1729. 1975
Dans le moment que je finis ma Lettre
je me fouviens de quelques traits que je
vous donne pour ce qu'ils valent .
Un Hibou qui avoit coûtume d'empêcher
Augufte de dormir , fut pris par
un Soldat , & dans l'efpoir d'une grande.
recompenfe , le porta à l'Empereur ; mais
ne fe voyant donner qu'environ deux
piftoles , j'aime autant qu'il vive , dit- il ,
en le laiffant aller.
Parmenion confeilloit à Alexandre de
combattre la nuit l'armée de Darius pour
cacher au Soldat la grandeur du danger .
Alexandre lui répondit qu'il ne préten
doit pas dérober la victoire.
Philippe II. Roi d'Espagne , ayant don'
né la droite à Emanuel de Savoyé , fon
Gendre , pour lui faire honneur à fon'
Entrée à Sarragoffe , & voyant que fon
cheval étoit fort fringant : lui dit , mon
fils , vous êtes là monté fur un cheval
bien remuant : Sire , lui répondit Emaruel
, c'eft qu'il fent bien qu'il n'eft pas
dans fa place.
Diogene voyant Dionippus qui faifoit
fon Entrée fur un Char de triomphe ,
pour avoir remporté le prix aux Jeux
Olympiques , & remarquant qu'il avoit
toujours les yeux attachés fur une jeune
fille : voyez , dit -il , notre Champion
victorieux , qu'une fillete emmene par
le
colet où elle veut.
Me1976
MERCURE DE FRANCE.
Metellus reprochant à Ciceron qu'il
avoit plus perdu de gens par fon témoi••
gnage qu'il n'en avoit fauvé par fon éloquence
: c'eft , lui dit cet Orateur , que
je fuis encore plus veridiqué qu'éloquent..
On difoit de Cefar , qu'il avoit foumis
les Gaulois par le fer des Romains , & les
Romains par l'or des Gaulois.
Les Ambaffadeurs d'un Roi de Perfe,
voyant que Zenon ne difoit mot dans un
feftin , burent à fa fanté , & tâcherent
par toutes fortes d'endroits de le faire
parler ; mais n'en pouvant venir à bout :
Que voulez - vous , lui dirent- ils , que
nous difions au Roi de Perfe de Zenon ,
de ce Philofophe dont la réputation eft fi
étendue il leur répondit : dites - lui que
vous avez vû un Vieillard qui fçait bien
fe taire à table.
Les Corinthiens ayant fait Alexandre
Citoyen de leur Ville , ils lui dirent qu'ils
l'avoient traité comme Hercule : en verité
, Meffieurs , leur dit Alexandre , dans ,
l'honneur que vous m'avez fait , je n'aime
que la comparaiſon .
Biance , pauvre Egyptien , demandant
l'aumône à Alexandre , ce Prince lui fit
préfent d'une belle Ville bien peuplée ; le
pauvre homme étonné , crut qu'il fe mocquoit
de lui : Non , non , dit Alexandre , je
ne me mocque pas tu es Biance qui demande
SEPTEMBRE. 1729. 1977
mande , mais fçache que c'eft Alexandre
qui te donne.
Perillus lui ayant demandé quelque argent
pour marier fes filles , il lui donna
50. talens ; & comme il vit que Perillus
qui n'en demandoit que cinq ou fix , faifoit
difficulté d'accepter une fi groffe fomme
, il lui dit : Si c'eft affez à recevoir
pour toi , ce n'eft pas affez à donner pour
moi.
Alexandre rencontrant Diogene dans
un Cimetierre , & lui demandant à quoy
il s'amufoit là ? Je cherchois , lui dit-il ,
les os de ton Pere parmi ceux de mon
Valet ; mais ils font tous fi égaux , que
je ne puis les diftinguer.
Un Avocat d'un Parlement plaidant un
jour qu'il faifoit fort chaud , tous les
Confeillers s'endormirent & les Préfidens
enfuite ; enforte qu'il n'en reftoit pas un
feul qui ne fut endormi. Alors l'Avocat
ceffa de parler. Ce filence fubit en fit revenir
quelques- uns , qui honteux de voir
tous leurs Confreres endormis , toufferent
, reveillerent leurs voifins & le
Premier Prefident s'étant éveillé auffi , il
fit figne à l'Avocat de continuer. Il re
prit la parole en ces termes : j'avois l'honneur
de dire hier à la Cour & c . & il redit
la plupart des chofes qu'il avoit déja dites
; mais le Parlement l'interdit pour la
plaifanterie,
ODE
,
1978 MERCURE DE FRANCE.
XXXXXXXXX XX :XXXX
J
ODE
Sur la Naiffance de Monfeigneur
LE DAUPHIN .
E fens croître mon audace ,
Mufes , par votre fecours ,
Des fombres Bois du Parnaffe ,
Je parcours tous les détours .
Quel heureux & faint délire
M'agite quel Dieu m'inſpire
De fuir les terreftres lieux ?
Sans craindre le fort d'Icare ,
Je vais en fuivant Pindare ,
Converfer avec les Dieux.
來
Où fuis-je ? des Deftinées
Je penetre les fecrets .
Que de faifons fortunées
Nous promettent leurs Decrets !
LOUIS , ta race nombreuſe
Rendra la France fameufe
Par l'équité de tes Loix ;
Et durant un long Empire ,
Ne doit laiffler à décrire
Que Vertus , que grands Exploits.
7
Déja
SEPTEMBRE. 1729 1979
Déja Lucine s'avance
Vers le terreftre féjour ;.
Jamais plus noble naiffance
N'y merita fon retour.
Mes Oracles s'accompliffent ;
Que les Echos retentiffent
Du bruit des plus doux Concerts &
Cet évenement préſage
Tous les biens de l'ancien âge
Que defire l'Univers.
器
Daigne , puiffante Déeffe ,
Epoufe du Roi des Dieux ,
Daigne proteger fans céffe
Un Enfant fi précieux.
Jadis ta jufte colere ,
D'un raviffeur témeraire
Châtia les noirs forfaits ;
Mais les Dieux vengeurs des crimes
Pour les ames magnanimes
Refervent tous leurs bienfaits.
<
柒
Que l'Olimpe foit propice
Aux juftes voeux des humains ;
La fage guide d'Uliffe
Regle feule nos deſſeins .
Bellone fuit éperduë ;
La Difcorde confondue
D Voit
1980 MERCURE DE FRANCE ,
ة و
Voit renverfer fes projets ;
Toute l'Europe tranquile
Sera deformais l'azile
Des Vertus & de la Paix.
25
Dans leurs cavernes profondes
Les Aquilons arrêtés ,
N'élevent plus fur les ondes
Des monts de flots irrités.
Les Tritons , les Nereides
Vont fur les plaines liquides
Accompagner nos Vaiffeaux
Ni les Sirenes perfides ,
Ni les Corfaires avides'
Ne troubleront plus les Eaux .
柒
Mortels , Apollon m'anime ,
C'est lui qui dicte ces vers 3
Le noir chagrin , & le crime
Sont bannis de l'Univers.
Les Faunes , Cerés & Rhée ,
De leur demeure facrée
Dans vos champs font revenus &
Le Siecle du fer expire ,
Pour faire place à l'Empire
De Themis & de Janus."
Ain
SEPTEMBRE. 1729 198 1
Ainfi le deftin s'emprefle
A couronner les fouhaits
D'un Prince dont la ſageſſe
Va nous confirmer la paix.
Tel Saturne en Aufonie ,
De la difcorde bannie
Détrufit tous les Autels ;
Et fit naître fur la Terre
Cet Age d'Or , que la guerre
Ravit trop tôt aux Mortels,
Par M. de Sainte Palaye , de Monfort
'Lamaury .
****:*X*XXXXXXXXX
LETTRE de M. de Senecé aux Au
teurs du Mercure , en faveur des Epigrammes
, écrite le 18. Août 1729 .
Seroit - on vous demander , Melfleurs
, d'où vient que dans votre
ingénieux Recueil vous ne mêlez point
d'Epigrammes : C'eſt un jeu fi charmant ,
qu'il mériteroit bien d'y tenir qu Iquefois
la place . Eft - ce que parmi les Piéces
que l'on vous envoye de toutes parts
nos beaux efprits négligent ce petit amufement
; ou bien ne craignez - vous point
que leur aiguillon ne pique quelqu'uo ?
D- ij IL
1982 MERCURE DE FRANCE:
Il eft vrai qu'elles font querelleufes ; máis
on peut bien reprimer leur impétuofité ,
& les rendre plus traitables . Celles que
nous a données Clement Marot , après
Catulle & Martial , nous en fourniffent à
imiter de toutes les efpeces . Il n'eſt rien .
de nouveau fous le Ciel , difoit Salomon,
il y a quatre mille ans ; jugez de ce que
ce peut être à préfent . On a bien renouvellé
la mode des Paniers , en changeant
feulement le nom de Verty - gadin , qu'ils
portoient du tems de François I. j'eſtime
qu'on en pourroit bien faire autant des
Epigrammes, & qu'elles ne feroient point
de deshonneur à notre Siecle . J'ai voulu
effayer fi j'en pourrois réveiller le goût ,
& en voici une que je vous préfente à
cette intention , dont je vous laiffe le Ju
ge. Elle tire fon origine d'un feftin de
Nôces , où je fus invité , il n'y a que
deux jours ; je prétends infinuer que rien
ne donne tant de mépris & d'averfion
pour le vice , que lorsqu'il fort d'u
ne vilaine bouche ,
EPIGRAMME.
Atin , dans un repas , chantoit de certaing
Qui fentoient le libertinage.
Un Dévot , près de moi , la lorgnoit de tra
vers s
Es
SEPTEMBRE . 1729 : 1983
Et l'indignation lui montoit au viſage ;
La Chanteufe étoit vieille , & laide à faire
peur ,
Avec une voix difcordante ;
Ah ! dis - je à mon voifin, moderez votre ardeur,
C'eft la chafteté qu'elle chante.
XXX:XXXXXXXXX:X **
LETTRE de M. Capperon , Ancien
Doyen de S.Maxent, écrite à M. Adam,
au fujet d'une Pierre formée dans le
corps humain , & renduë par l'Anus.
C
Omme je fçai , Monfieur , que c'eſt
vous faire plaifir que de vous com→
muniquer les choles fingulieres qui vien
nent à ma connoiffance , & qui peuvent
regarder votre Profeffion , je croi qu'il
ne vous déplaira pas que je vous entretienne
aujourd'hui fur une Pierre extraor
dinaire , formée dans les inteftins d'une
fille. M. le Curé du Bourg de Foucarmont ,
au Comté d'Eu , m'a mis cette Pierre entre
les mains , & je la conferve dans mon
Cabinet.
Elle a deux pouces de longueur fur
quatre pouces trois lignes de tour dans
fa plus grande épaiffeur ; car elle diminuë
vers un des bouts , où elle n'a que
deux pouces & demi de circonference.
Diij Elle
1984 MERCURE DE FRANCE .
Elle eft tant foit peu courbée , formant
dans fon milieu une efpece de pli , fes
deux extrémitez font coupées comme fi
elle avoit été rompuë & féparée d'un
autre corps femblable . Sa couleur , à la
fuperficie , eft d'un gris blanc , excepté fes
deux extrémitez , qui font d'une couleur
marbrée de rouge , de noir & de blanc .
Elle eft liffe & polie dans toute fon étendue.
Enfin on la prendroit , à la voir pour
un veritable caillou ordinaire , dont les
deux bouts auroient été caffez . Toute la
difference confifte en ce qu'elle n'a ni la
dureté ni la pefanteur d'un caillou de pareil
volume . J'en ai fait un deffein exact
que vous recevrez dans ma Lettre.
SEPTEMBRE. 1729 198§
Ce qu'il y a de fingulier , Monfieur ,
dans cette Pierre , c'eft qu'elle a été formée
dans les inteftins d'une fille nommée
Elifabeth Poiffon , âgée prefentement
d'environ 56. ans , Maîtreffe de l'Ecole
des filles au Bourg de Foucarmont , οι
elle eft entretenue par la liberalité de
M. le Duc du Maine.
Cette fille depuis 15.ou 16.ans a été fort
fujette à des coliques très - douloureuſes
qui ont beaucoup augmenté depuis environ
fix ans , jufqu'au point qu'elles la faifoient
tomber dans de fortes vapeurs , & de
grandes convulfions. Il y a trois mois
qu'elle fut attaquée d'une fiévre doublequarte
, qui eft enfuite devenue quarte ,
& qui ne l'a pas quittée depuis . Par furcroît
de maux , ayant été attaquée d'une
colique qui lui dura fix jours entiers il >
lui furvint un cours de ventre ; ce qui
donna lieu au Chirurgien qui la voyoit
de lui faire prendre par la bouche de
l'huile d'amendes douces , & de lui faire
donner des remedes compofés d'huile
de beurre & c. Enfin le 26. d'Octobre
dernier , ayant reffenti des envies extraor
dinaires d'aller à la felle , elle refta prefque
inutilement pendant quatre heures
fur le baffin ; mais après les plus violens
efforts , elle rendit fur les fix heures du
matin la pierre en queſtion..
Tel
1986 MERCURE DE FRANCE .
Tel eft , Monfieur , le fait , ainfi que
me l'a rapporté M. le Curé , & dont il
m'a laiffé un Mémoire par écrit fur lequel
vous voulez bien que je faffe quelques
Refléxions. Je ne nie pas que la même
chofe ne foit arrivée quelquefois ,
c'eft- à - dire , qu'il ſe ſoit ainfi formé une
pierre dans les inteftins ( a ) mais c'eſt ſi
rarement , que ceux- mêmes qui traitent
de ces matieres ( b ) conviennent de la
rareté du fait.
,و
On ne peut douter , Monfieur , que
cette pierre n'ait été formée dans l'intel
tin Coecum ; car outre que c'eft celui des
inteftins où les matieres propres à former
une pierre peuvent plus aifément s'amaffer
, & s'éjourner avec moins d'agitation ,
c'eſt que cette pierre a pris même la
configuration de cet inteftin , & qu'elle
s'y eft , pour ainfi dire , moulée. Ce qui
acheve même de perfuader cette verité ,
c'eft que l'endroit où la malade fentoit
le plus de douleur , lors de fes coliques,
étoit dans l'hipocondre droit , qui eft ,
comme vous fçavez , la place & le fiége
( a ) Horftius , Livre IV.de fes Obfervations ;
parle auffi d'une colique furieufe également
caufée par une pierre formée dans les inteftins.
(b) bomas Burnet, Tref, de la Prat. de Med.
du calc. du coeur &c.
du
$
SEPTEMBRE . 1729. 1987
du coecum , elle y fentoit une dureté qu'elle
prenoit même entre fes doigts , & qui n'étoit
autre que cette pierre.
Quant à la maniere dont elle s'y eft
formée , elle doit être expliquée , com .
me on explique la formation de toutes les
pierres qui fe trouvent dans le corps humain
, & quelquefois dans le corps des
brutes ; c'est- à - dire , qu'elles s'y forment ,
lorfque par hazard , s'étant fait dans quelque
partie du corps quelquè concretion ,
ou amas de matiere terreftre , accompagnée
d'un fel très fixe , terreftre lui - même
, aftringent &c . Cette concretion acquiert
naturellement une dureté qui approche
de celle d'une pierre ; de la même
maniere que le fel fixe & terreftre de la
chaux , s'incorporant avec une terre fablonneufe
, & encore mieux avec le ciment
forme même dans l'eau , un
mortier dont la dureté approche de celle
de la pierre.
›
En effet , Monfieur , toutes les pierres
ne font formées que par cette espece de
fel , & elles ne font plus ou moins dures,
& folides , qu'à proportion que ce fel s'y
trouve réuni en plus ou moins grande
quantité ; c'eft en confequence de cette
Méchanique , qu'on a trouvé le moyen
d'augmenter la fermeté & la dureté du
mortier , en fe fervant , pour délayer la
D v chaux
1988 MERCURE DE FRANCE.
chaux , d'une eau , dans laquelle on a
fait éteindre d'autre chaux , & qui en a
pris tout le fel.
Ce fel étant très abondant dans la
terre , il eſt certain que les fontaines &
les rivieres en entraînent ordinairement
beaucoup ; & comme l'a remarqué Vigenere
( a ) il eft affez facile de le voir ,
lorfque l'eau des puits & des fontaines eft
gouvernée à propos par le régime de feu ;
car c'eft alors qu'on le voit fe former ,
& paroître en petits filamens. C'est ce que
j'ai vu plufieurs fois lorfqu'on faifoit
chauffer de l'eau dans un poëlon bien net.
Non feulement ce fel fe trouve dans l'eau
des fontaines & des rivieres , où il forme
fouvent des concretions pierreufes ; mais
de la terre , il s'eleve même dans les
plantes ; car c'est lui qui fait dans les poires
les efpeces de pierres qui s'y trouvent.
Ce fel entre donc plus ou moins dans les
corps des homines , felon que ces nouritures
folides , ou liquides dont ils ufent
en contiennent plus ou moins. Ce qui
feul peut quelquefois contribuer à ce que
certaines perfonnes ont plus de difpofition
que d'autres à produire de fes fortes
de pierres , felon les eaux ou les nourritures
dont elles ont ufé.
Une autre chofe peut encore y contri-
( a ) Philoft. Tabl. des Toiles.
buer.
SEPTEMBRE. 1729. 1989
buer. Sçavoir , lorfque le fang fe trouve
rempli ou de ce fel , ou d'un autre corps
qui y a un grand rapport ; c'est - à - dire ,
qui eft très-fixe , terreftre ou aftringeant;
ce qui peut venir ou des parens , dont
certaines perfonnes font nées , ou de l'air
qu'elles ont refpiré , des alimens dont elles
ont ufé , des travaux exceffifs de l'efprit
ou du corps , ou enfin de leur âge
avancé. Car comme les fels homogenes
fe réuniffent naturellement les uns aux
autres ( ainfi que je le vois arriver tous
les jours dans mes Experiences fur les
fels de l'air , au fujet defquels je vous ai
écrit plufieurs Lettres ) C'en eft donc alfez
pour que les perfonnes ainfi d fpofées
amaffent dans leur fang & dans leurs humeurs
beaucoup plus que d'autres de ce
fel petrifiant , parceque ce qui fe rencon .
tre de cette espece de fel dans leur boiffon
ou leurs alimens fe réuniffant plus aifément
à celui qui abonde en elles , à
caufe de leur analogie ; cela fait qu'il s'y
amaffe en plus grande quantité , & par
conféquent qu'il y produit plutôt que
dans d'autres ces fortes de concretions
pierreufes.
C'est par ces differens moyens , Monfieur
, que ce font produites toutes les
pierres formées dans differentes parties
du corps humain ; car vous fçavez qu'il
D vj
ne
1990 MERCURE DE FRANCE:
ne s'en forme pas feulement dans les
reins & dans la veffie , ce font cependant
les endroits où il s'en forme le plus communément
; mais on n'a pas laislé d'en
trouver dans le cerveau , jufqu'à voir la
glande pineale petrifiée ; c'eft une Obfervation
qui a été communiquée à la Societé
Royale de Londres par M. King .
On a aufli fait voir à l'Académie des
Sciences de Paris la tête d'un boeuf dont
le cerveau étoit prefque totalement petrifié.
Vous fçavez , Monfieur , qu'il s'en
forme fouvent dans le poumon , & qu'on
rejette par la bouche . Il n'y a pas encore
long- tems que cela eft arrivé à une femme
de cette Ville . On en a même trouvé
dans les ventricules du coeur. Uvier rapporte
qu'on en trouva trois dans le coeur
de l'Empereur Maximilien . Il s'en eft même
trouvé jufques dans la propre fubftance
du coeur , comme dans celle du foye , &
fouvent dans la vefficule du fiel . Les Actes
des Sçavans de Leipfic parlent d'une fille
âgée de vingt -cinq ans qui rendoit des pierres
par la bouche , par les urines , &
les felles. Voilà , Monfieur , ce que par
j'ai crû devoir vous mander fur cẹ ſujet
affez fingulier. Je fuis toujours , Monfieur
, votre & c .
A la Ville d'En , le 2. Novembre 1728.
On
SEPTEMBRE . 1729. 1991
On a dû expliquer le Logogryphe du
mois d'Août par Croix & Roy. Les Bottes
& P'Or font les mots des deux Enigmes.
LOGO GRYPHE.
ON peut aisément me connoître ,
Puifqu'on me met à la fenêtre ,
Ma premiere moitié deftinée aux plaifirs ,
Dans tous les jeunes coeurs fait naître des defirs
;
De mes fix portions ôtant la quatrième ,
On fe fait un amusement
De me pouffer en l'air d'une vîteffe extrême ;
Auffi fuis- je leger preſqu'autant que le vent.
D'Orvilliers de Vernon.
off of off of off ff ff ff ff ff
PREMIERE ENIGME .
Traché par plus d'une chaîne ,
Et le corps dur comme un Rocher ;
Perfonne n'ofe me toucher ,
Pendant que quelqu'un me promene.
Pou
1992 MERCURE DE FRANCE:
Pour aller , venir , je fuis fait ;
Les honnêtes gens je faluë ;
Quand on me voit dans quelque ruë ,
C'eft toûjours pour un beau fujet.
Pour bien remplir mon miniftere ,
Je fuis tout plein de feux ardens
Je fais honneur à bien des gens ,
Lorfqu'ils n'en ont plus guere à faire.
DEUXIE' ME ENIGME.
Ux humains tous les jours je rends mille
Auxfervices ;
Le fexe fait de moi fes plus cheres délices :
Sans partage je fuis en mille endroits divers,
Vers le bien , vers le mal mon penchant eft
extrême ;
Je nâquis au moment qu'on créa l'Univers.
Perfonne ne dira qui je fuis que moi- même.
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
M
EMORIAL ALPHABETIQUE
des matieres des Eaux & Forêts
contenues en l'Ordonnance du mois
d'Août
SEPTEMBRE. 1729. 1993
d'Août 1669. Par M. Michel Noël
Ancien Confeiller du Roi , Greffier en
Chef des Eaux & Forêts de France , au
Siége general de la Table de Marbre &c.
A Paris , au Palais , chez Brunet 1729.
,
MELANIE ou la Veuve charitable ,
Hiftoire morale . A Paris , rue S. Jacques
chez Antoine Deshayes 1729. in- 12
TRAITE' des arbitrages de change ;
contenant la veritable maniere dont les
principales Places de l'Europe fe fervent
pour la direction de leurs Changes , avec
une méthode auffi fuccinte qu'aifée ,
pour trouver le pair de toutes ces Places ,
& pour chifrer tous les arbitrages propolés.
Démontrée par un grand nombre
d'exemples de toutes fortes de change , à
quoi encore on a ajouté des arbitrages &
des Calculs très curieux , dont aucun Auteur
n'a traité. Le tout calculé & chifré
très - exactement par J. Wiertz , Agent de
Change de la Ville de Bâle. Vol. in 4 .
prix 12. livres , imprimé à Bale , & fe
vend à Paris , chez Montalant , Quai
des Auguftins 1729.
ALCESTE , Parodie , reprefentée pour
la premiere fois fur le Théatre de l'Hôtel
de Bourgogne , par les Comédiens
Ita1994
MERCURE DE FRANCE .
Italiens ordinaires du Roi , le 21. Decembre
1728. par M M. Dominique &
Romagn fi , Comédiens du Roi . A Paris
, rue du Foin , chez P. Delorme 1729.
Hif REFLEXIONS LITTERALES
toriques & Morales fur chaque Verfet des
Pleaumes de la Penitence , tirées du Texte
facré & des Saints Peres , Par R. P. en
Dieu Dom Jerome Dogerdias , Ancien
Abbé Regulier de Moreuil , Ordre de S.
Benoît , & Licentié en Théologie de la
Faculté de Paris . A Paris , ruë S. Ševerin
, chez d'Houry 1729. in - 12.
DICTIONNAIRE DE LA LANGUE
FRANÇOISE ancienne & moderne , de
Pierre Richelet , augmenté de plufieurs
Additions d'Hiftoire , de Grammaire
de Critique , de Jurifprudence , & d'un
nouvel Abregé de la Vie des Auteurs ,
cités dans tout l'Ouvrage. A Lyon , &
fe vend à Paris , rue S. Jacques , chez
Etienne 1728. 3. vol . in- folio.
ن م
TRAITE' DE L'AMOUR DE DIEU
& de fes vrais caracteres , tiré des Livres
faints ; dans lequel on expofe par les propres
paroles de l'Ecriture Sainte , nos devoirs
à l'égard de Dieu , & l'on refute les
erreurs oppofées. Dedié aux Evêques de
France.
SEPTEMBRE .. 1729. 1995
France. Par un Prieur Benedictin . A Paris
, chez Bullot & Henri , ruë S. Jacques
1729.
LES TROIS SPECTACLES , ou Polixene
, Tragédie en un Acte. L'Avare
amoureux , Comédie en un Acte . Pan &
Doris , Paftorale Heroïque , en un Acte ;
avec un Prologue. A Paris , Quay de Conti
, chez Tabarie. 1729. prix 24. fols.
MEMOIRES de M. L *** Confeiller
d'Etat , contenant l'Hiftoire des Guerres
Civiles des années 1649. & fuivantes.
principalement celles de Guienne & des
autres Provinces . 17 29. 2. vol . in- 12 .
de plus de 1100. pages les deux.
LES VOYAGES DE GLANTZBY ,
dans les Mers Orientales de la Tararie ,
avec les Avantures furprenantes des Rois
Loriman & Ofmondar, Princes Orientaux,
traduits de l'Original Danois ; & la Carte
de ce Pays . A Paris , chez la veuve Delaulae
, & Théodore le Gras , Libraire ,
Grand'Salle du Palais , 1729. in- 12 de
349. pages.
Suivant un court Avertiffement qui eft
à la tête de cet Ouvrage , il a été trouvé
à la mort d'un Miniftre perfecuté de la
Fortune dans ces derniers temps ; l'Auteur
1996 MERCURE DE FRANGE:
teur , dit - on , étoit Sujet de ce Prince ,
il avoit dépofé fes Memoires en mourant
entre fes mains pour qu'il pût tirer parti
des Pays qu'il avoit découverts , lorſqu'il
feroit rétabli par le fecours d'une grande
Puiffance , qui protegeoit fon Maître, &
qui paroît le proteger encore ; on ajoûte
que ces découvertes pourront devenir
avec le temps un objet confiderable pour
les Européens.
DE LA DIGESTION & des Maladies
de l'eftomach , fuivant le Siftême de la
Trituration & du broyement , fans l'aide
' des levains ou de la fermentation , dont
on fait voir l'impoffibilité en fanté & en
maladie ; nouvelle Edition , revûë , corrigée
& augmentée par l'Aureur . Tome
premier , qui contient un Difcours Préliminaire
fur la Trituration , une Réponſe
à M. Silva , & cinq Lettres fur la Révulfion
, la Saignée , le Kermés Mineral &
les Maladies des yeux . A Paris , chez
Guill. Cavelier , ruë S. Jacques , 1729 .
in- 1 2. de 616. pages , petit caractere .
MEMOIRES pour fervir à l'Hiſtoire
de France & de Bourgogne , contenant
un Journal de Paris , fous les Regnes de
Charles VI . & Charles VII . l'Hiftoire du
meurtre de Jean fans Peur , Duc de Bourgogne
,
SEPTEMBRE . 1729. 1997.
gogne , avec les Preuves. Les états des
Maifons & Officiers des Ducs de Bour
gogne , de la derniere Race , enrichis de
Notes hiftoriques , très- intereffantes pour
un grand nombre de Familles illuftres.
Des Lettres de Charles le Hardy , Duc
de Bourgogne , au fieur de Neufchâtel
du Fay , Gouverneur de Luxembourg , &
plufieurs autres Monumens très - utiles
pour l'éclairciffement
de l'Hiftoire du
XIV. & XV. fiecles. Avec une Table des
Matieres & des noms des Familles les
plus confiderables , dont il eft fait mention
dans l'Ouvrage. A Paris , chez
J. M. Gandouin , Quay de Conty , &
P. F. Giffart , ruë S. Jacques , 1729. deux
volumes in -4.
APOLOGIE des anciens Docteurs de
la Faculté de Théologie de Paris , Claude
de Saintes & Nicolas Ifambert , contre
une Lettre du R. P. le Brun , Prêtre de
la Congrégation de l'Oratoire , inferée
dans les Memoires de Trévoux , au mois
de Juillet 1728. fur la forme de la Confécration
de l'Euchariftie . Par M. P. T.
H. Ch. R. Pr . D. D. ancien Profeffeur en
Théologie. A Paris , Quay des Auguftins,
chez Chaubert , 1729 .
LE CAPRICE DES MODES , avec la
Cri1998
MERCURE DE FRANCE .
Critique , Dialogue . A Paris , Quay des
Auguftins , chez Jacq. Langlois , 1729 .
TRAITE' des Négociations de Banque
& des Monnoyes Etrangeres , contenant
le fondement des Changes Etrangers &
l'intelligence des Arbitrages , avec une
Differtation Hiftorique des Monnoyes des
Princes & Républiques de l'Europe . Ou
vrage enrichi des Réprefentations defdites
Monnoyes , en Taille - douce , par
Etienne Damoireau . A Paris , Quay de
Conty , chez la veuve Piffot , 1729.
DISSERTATION PRE'LIMINAIRE
ou Prolegomenes fur la Bible. Par Meffire
Louis Ellies du Pin , Docteur en Théologie
de la Faculté de Paris , & Profeffeur
Royal en Philofophie. Nouvelle Edition .
AParis, chez Pralard, 1729.3 . vol. in- 8 .
NOUVEAU SISTESME DE PHILO
SOPHIE , établi fur la nature des chofes
connues par elles-mêmes , mife en paralellee
avec l'opinion des anciens Philofophes fur
Les premiers principes de la Nature , &
fur lefquels on n'a rien trouvé de fixe
de ftable jufqu'à prefent. Auquel on a
joint un Traité de la Nature de l'Ame &
de l'Existence de Dieu , prouvées l'une &
l'autre par une chaine fuivie d'Argumens
capables
SEPTEMBRE. 1729. 1999
capables de convaincre les plus incredules
les plus opiniâtres . A Paris , chez le
Breton , Quay des Auguſtins , 2.vol. in- 12.
Jufqu'à prefent , felon l'Auteur , les
Philofophes anciens & modernes avoient
marché à tâtons dans la vafte & épineufe
carriere de la Philofophie . De la diverfité
de leurs opinions naiffoient chaque jour
de nouvelles difficultez , qui loin d'éclai
rer les hommes , les jettent dans de nouyeaux
embarras ; mais tout va être applani
par le fecours de ce nouveau Siftême
, qui ne laiffe , felon fon Auteur , rien
d'incertain fur ces matieres .
Il prétend avoir raffemblé les preuves
les plus claires & les plus convaincantes
pour détruire les fauffes idées que l'on a
introduites dans la Philofophie . Il entreprend
de porter la lumicre dans le fein
des tenebres , & a en vûë de rendre la
Philofophie à l'ufage de tous les hommes.
Pour y parvenir avec tout l'ordre qu'e
xige cette matiere , il la divife en trois
Chapitres , qui font le fujet du premier
Volume. Dans le premier , il explique les
quatre premiers principes fur lesquels .
roulent tout fon Siftême . Dans le fecond,
il fait voir la convenance qu'il y a entre
les Saintes Ecritures & fes fentimens ;
il répond aux objections que les Jourpaliſtes
de Trévoux ont faites contre lui ;
il
2000 MERCURE DE FRANCE .
il réfute , felon fes Principes , l'opinion
de M. Defcartes fur l'Etendue , & finit
ce Chapitre par des Refléxions fur le
Temps , qu'il prouve être un Eftre diftinct
des autres Eftres , ayant fes modes comme
eux , auffi- bien que le mouvement. Cette
opinion nouvelle a dû attirer l'attention
de tous les Philofophes , qui ont crû julqu'ici
que la durée des chofes n'étoit
point diftinguée des chofes qui durent .
Enfin dans le troifiéme Chapitre , il prétend
qu'on ne peut acquerir la connoiſſance
de fon Ouvrage que par des Reflexions intellectuelles
, & il finit en récapitulant avec
exactitude tout ce qu'il a avancé dans le
corps de l'Ouvrage , pour en rendre les
impreffions plus fortes & plus utiles .
Le fecond Volume renferme des Refléxions
fur la Nature de l'Ame , & un
Traité de l'Existence de Dieu . L'Auteur
nous affure qu'il n'a rien obmis de ce qui
pouvoit rendre fon Ouvrage eftimable ;
pour cela il a commencé par expliquer
la Nature de l'Ame & fes Operations ;
de-là il paffe à la Démonftration de l'Exiftence
de Dieu , & aux rapports neceffaires
qui font entre le Créateur & la
Créature , il n'oublie pas ceux qu'a l'homme
avec la Loi Divine & Civile , & avec
les Eftres Phyfiques & Moraux ; tout cela
accompagné de Démonftrations que l'Auteur
SEPTEMBRE . 1729 2001
9
teur affure devoir frapper les plus incrédules;
il finit ce Traité en proteftant qu'il ne
s'eft fervi que de fes lumieres ; que fon
Systême n'eft établi que fur les ReĤéxions
qu'il a faites fur la Nature en general .
Ce fera au Public à juger fi l'Ouvrage
qu'on lui prefente n'abrege pas une infinité
de difficultez qu'on trouve dans la
Philofophie nouvelle . Au refte l'Auteur
eft un Magiftrat également recommandable
par fa naiffance que par fon âge &
par la probité.
LETTRE d'un Gentilhomme Perigour
'din , à un Académicien de Paris , fur la
Réfutation de la Grammaire Italienne à
l'ufage des Dames , faite par M. l'Abbé
ANTONINI. Par M. de la LANDE , Interprete
du Roi, & Profeffeur des Langues
Italienne & Françoife , d'Hiftoire & de
Géographie. Brochure in-12.de 3 3. pages,
L'Auteur de cette Lettre , après s'être
plaint de l'obscurité qu'il prétend être ré
pandue dans la Réfutation , on demande
Ï'éclairciffement à l'Académicien , il lui
propofe fes doutes , qui fe trouvent repetez
à chaque page de la Réfutation , dont
il fait prefque l'Extrait . Il réfufe à l'Aureur
de la Réfutation les titres & les qua
litez qu'il prend. Voilà prefque une guerre
Litteraire commencée fur la Langue
Fran2002
MERCURE DE FRANCE :
Françoife . Si la capacité de l'Auteur de la
Réfutation égale celle qui paroît dans la
Lettre du Perigourdin , il paroît y avoir
de l'utilité pour le Public dans cette
conteſtation .
TRADUCTION en Vers Latins ;
des Avantures de Telemaque , fils d'Vliffe
, & c. Extrait d'une Lettre écrite
de Caën , le 28. Juillet 1729.
R Heurtauld , Profeffeur des Hu
Mmanitez au College du Bois , dont
on a vû avec plaifir plufieurs Pieces imprimées
dans votre Mercure , a entrepris
de traduire le Telemaque de feu M. de
Cambray en Vers Latins ; il y en a déja
cinq Livres d'expediés , dont le premier
a été recité publiquement le 11. de ce
mois dans un Exercice qui s'eft fait dans la
Grande Salle du même College , où l'on
expliqua auffi l'Andrienne de Terence.
D'autres Ecoliers choifis ont recité la
Traduction des 4. Livres fuivans , & plu
fieurs connoiffeurs ont loué le projet &
l'execution. Vous pourrez en juger par
ce peu de Vers du Prologue .
O Gallis , Fenelo , quondam venerabile nomen
Vivus Apollinei gloria montis eras .
Dignus at aternam traxife in facula laudem ,
Lio
SEPTEMBRE 1729 : 2003
Ito peritorum rurfus in ora virúm.
Tu lucem repetis , latio mutatus amiču.
Heu ! paveo minuat ne nova Pallâ decus.
Vix benè te nofces , teque in te fæpè requires ?
Verum quis calamus par queat ire tuo.
Parce , quod hos tracaffe libros temerius aufim
Hane tuus ipfe lepor fuafit inire viam
Irrita tentavi ;fed erit tentaffe decorum ;
Devictum à tanto nil pudet effe viro .
Carmina fi quid habent artis , tibi debeo totum
Si rude quid crepitent , barbaricumve ,mihia
Quàm benè , fi poffem tantillam hinc carpere,
famam ,
Nominibufque tuis inferuiffe meum !
Efto procul livor, ludendo hac fecimus : olim
Publica fi fuerint , dentibus illa teres.
A la fin de l'Exercice , un Ecolier vint
reciter la Fable qui fuit , précedée de quelques
Vers , de la façon de l'Auteur de
la Traduction , pour remercier l'Allem
blée.
Eh ! quoi , chers Compagnons , finiffez- vous
ainfi ?
N'allez pas vous flatter d'avoir bien réuffi ;
Non , j'entends que tout bas l'Auditeur vous
accuſe ;
C'est trop , dit- on , c'est trop nous avoir ennuyés
.
De leurs Vers plats, obfcurs,fouvent cftropiés
E Cela
2004 MERCURE DE FRANCE .
Cela demanderoit un petit mot d'excufe .
Je le ferai pour vous.
Meffieurs, nous vous prions
De vouloir pardonner nos imperfections ;
Et pour chaffer l'ennui dont l'excès vous acca
ble ,
Ecoutez , s'il vous plaît , cette petite Fable.
LE SERIN ET LE ROSSIGNOL
FABLE.
Sur les bords de l'Odon. * fur jadis un Serin
Jeune , groffier , volage.
A fon mince plumage
Se joignoit un ramage
Qui n'avoit rien encor de tendre , ni de fin,
N'importe ; amoureux de la gloire ,
C'étoit fon plus beau lot que fon noble penchant
)
Le folet ( pourra- t'on le croire )
Certain jour invita Philomele à ſon chant.
Quel chant ? jugez ; ce n'étoit pas merveille
Peu de jufteffe , & beaucoup de défautsa
Il fatiguoit la délicate oreille
Par mille tons , durs , languiffans & faux.
Oifillon témeraire ,
Dit le doux Roffignol ,
Riviere qui coule auprès da College du Boisa
Trop
SEPTEMBRE . 1729. 2005;
Trop haut tu prends ton vol;
Ce que j'approuve en toi , c'eſt le defir de plaire.
Quand un âge plus mur aura formé ta voix ,
Tu pourras égaler les Chantres de nos bois
Ce foible effai nous donne une heureuſe eſpe
rance ,
Et mérite qu'on ait pour toi quelque indulgen
ce,
Voilà mon Apologue, Or , quel eft mon def
fein
Nous fommes l'Oifillon , & le Public fevere M
Eft cette Philomele à qui nous voulons plaire.
Portez de nous , Meffieurs , ce jugement be
nin
Que porta Philomele à l'égard du Serin.
Huart l'aîné , Libraire de la Reine ;
ruë S. Jacques , à la Juſtice , mettra en
vente , le mois d'Octobre prochain , une
nouvelle Traduction de Salufte , en deux
volumes in- I 2. avec des Differtations &
des Remarques. On y trouvera la Traduction
des morceaux qui le trouvent entiers
dans les fragmens de cet Hiftorien .
Ils n'ont pas encore paru en notre Langue
; le tout par M. l'Abbé Thyvon.
Le se & 6 volumes des Mémoires de
l'Académie des Infcriptions & Belles-
Lettres , nouvellement imprimez , ont été
pre E ij
1920 MERCURE DE FRANCE:
prefentez au Roi , & fe débitent à l'Imprimerie
Royale.
NOUVELLE SOUSCRIPTION pour
les deux volumes qui restent à fournir
des Ceremonies & Coûtumes Religieu
fes de tous les Peuples , & c. 6. volumes
in-folio , en grand & petit papier. Ces
deux derniers volumes contiendront les
Sectes Proteftantes , &c. les Grecs , les
Mahometans , les Drufes , &c.
Le volume qu'on donne maintenant, eſt
le fecond des Religions des Idolâtres , mais
le 4me en date de ceux qu'on a publiez
jufqu'à prefent des Ceremonies Religieuses,
c. Les Soufcripteurs & les Acheteurs
de ces quatre volumes , ayant paru difpofez
à foufcrire également pour ce qui reſte
à fournir de ce grand Ouvrage , on leur
propofe le plan qui fuit . Selon ce plan
ils auront pour 30. florins , en petit papier
, & pour 40. en grand , deux volu
mes , qui , par la nouveauté des Sujets &
la beauté des Deffeins , ne manqueront
pas de fatisfaire les Curieux .
Pour la Soufcription de ces derniers volumes
on payera petit papier 12. florins
grand papier 18. en recevant le premier
de ces deux volumes 9. florins ; en recevant
le dernier , 9. florins. Cette Soufcription
aura cours pendant le refte de
l'année
SEPTEMBRE. 1729. 2007
l'année 1729. Le même Libraire avertit
qu'on trouve chez lui l'Hiftoire des Infectes
de l'Amerique , particulierement de
Surinam , en Latin & en François , infolio
, du format des Atlas , avec de belles
figures faifant 72. Planches , deffinées
par Madame de Meriaan . Le prix de ce
Livre eft de 25. florins.
Comme il va publier une feconde Partie
de cette Hiftoire , du même nombre
de feuilles & d'après les Deffeins de la
même perſonne , le Libraire avertit qu'il
donnera ce premier volume pour 16 .
florins à ceux qui l'acheteront dans le
cours de l'année 1729. moyennant qu'ils
donnent trois florins d'arrhes pour le Tome
fecond qu'il leur délivrera au mois
d'Avril 1730. Il offre les mêmes avantages
à ceux qui ont déja le prèmier Volume.
Il fournira cet Ouvrage enluminé
à ceux qui le fouhaiteront. Les Particuliers
pourront s'adreffer directement
à lui pour les Exemplaires en grand papier
de l'Ouvrage fur les Ceremonies Religienfes
, dont il ne lui reste que fort peu
mais dont les épreuves font belles & trèsbien
choifies.
EX2008
MERCURE DE FRANCE.
1
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Londres
au R. P. le Quien , Bibliothecaire des
PP. Dominicains de la rue S. Honoré ,
&c. par M. Philips , au fujet d'une
Edition des Ouvrages de M. de Thou .
N m'a écrit de Paris le mois de Juin
O dernier , qu'on y fait courir le bruit
que dans l'Hiftoire de M. de Thou , que
je dois publier , je retranche plufieurs chofes
, qui ne font point honneur à la Nation
Angloife : cela m'oblige de vous prier
M. R. P. d'être perfuadé qu'il n'y a rien
au monde de plus contraire à la verité
que ce bruit là ; car je vous promets que
je ne retranche pas un feul mot de cet
Hiftorien , je fuivrai en tout l'édition de
Genêve , excepté feulement que je me
garderai bien d'admettre les fautes d'impreffion
qui y font en grand nombre. j'y
ajoûterai toutes les diverfes Leçons & les
paffages qui fé trouvent dans les differentes
Editions qu'on a publiées de cet Hiſtorien .
Outre cela j'ai eu communication de tous
les papiers de la Famille de M. de Thou ,
qui ont été trouvez après la mort dans fon
Cabinet , de plufieurs Manufcrits concernant
cette Hiftoire , & plufieurs autres
Pieces Anecdotes , confervées dans plufieurs
Bibliotheques , tant en France qu'en
Allemagne
SEPTEMBRE 1729 2009
Allemagne & en Angleterre. Enforte que
l'on verra dans cette nouvelle Edition
comme d'un coup d'oeil , ce qui eft répandu
dans plufieurs. Je donnerai dans le
dernier Tome , des Notes qui expliqueront
au long les raifons des differentes
Leçons. Il y a chez nous dés Coûtumes
particulieres qui y feront expliquées , en
y ajoûtant les noms des perfonnes & des
endroits d'Angleterre aufquels elles ont
rapport. Les Anglois font fouvent de lourdes
fautes quands ils donnent les noms
des François , & les François en font de
même quand ils donnent ceux des Anglois.
Je m'appliquerai furtout à prévenir & à
corriger cet inconvenient , c'eft de quoi
je vous prie d'affarer tous vos Amis.
Le Cardinal de Polignac , étant à Frefcati
, vers la fin du mois de Juillet , y fit
foüiller dans un endroit où l'on trouva
une Statuë d'Efculape en Marbre ; une
autre de la Déeffe de la Santé ,& la Statue
Equeftre d'un Cavalier qui fut trouvé
fans tête & fans bras.
>
Le 11. du mois dernier , le Pape fit
prefent au Chevalier de S. George , de
Hiftoire des Rois Catholiques d'Angleterre
, en deux volumes in -folio , imprimez
depuis peu à Ravenne par les foins du
Cardinal Marini.
E iiij PRO2010
MERCURE DE FRANCE:
PROGRAMME de l'Académie Royale
des Belles- Lettres , Sciences & Arts
de Bordeaux .
L'Académie à tousfeu M.
' Académie propofe à tous les Sçavans
un Prix fondé par feu M. LE
DUC DE LA FORCE. C'eft une Médaille
d'or de la valeur de trois cens livres .
Elle eft destinée à celui qui expliquera
avec le plus de probabilité la caufe des
Vents , & leurs variations . Ce Prix fera
diftribué le vingt - cinq d'Août de l'année
1730. jour de la Fête de S. Louis.
Il fera libre d'envoyer des Differtations
en François ou en Latin , mais elles ne feront
reçues pour le concours que jufqu'au
premier May prochain inclufivement.
Au bas des Differtations , il y aura une
Sentence , & l'Auteur mettra dans un Billet
féparé & cacheté , la même Sentence,
avec fon nom & fon adreffe.
نم
Les Paquets feront affranchis de port ,
adreffez à M. Sarrau , Secretaire de l'Académie,
ruë de Gourguês , ou au fieur Brun,
Imprimeur de l'Académie , ruë S. Jâmes .
Le fieur de Candole , qui compofoit
Arcane de vie incorruptible , qui a été
annoncé l'année derniere , & qui en faifoit
feulement faire la diftribution par le
fieur Gaynier , Négociant , qui demeuroit
rue
2011
22. du
avant
iere de
rruptiemeuuë
des
nte &
+ 1 fieur
e s'en
trop
té dit
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cane ,
ilien ;
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dicafaire.
****
eur
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Toisa
2010
MERCURE
D ED ANOR:
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17 3
11
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Le
adre
cadé
Impi
clau
n dau
tu ,
an
foie
Gie
1
#
ais
SEPTEMBRE . 1729. 2011
rue Quinquempoix , eft décedé le 22. du
mois d'Août dernier , & il a laiffé avant
que de mourir fon fecret & la maniere de
compofer fon Arcane de vie incorruptible
, au fieur Julien , Apoticaire , demeurant
ruë de la Verrerie , proche la rue des
Carmes Billettes , qui en fait la vente &
donne une Lettre inftructive du feu fieur
de Caudole , qui eft la maniere de s'en
fervir & fes proprietés , il eft déja trop
connu pour repeter ce qui en a été dit
touchant les vertus efficaces ; ceux qui
fouhaiteront d'avoir le veritable Arcane ,
ne le trouveront que chez ledit StJulien ;
il ne répond point de celui que d'autres
perfonnes peu verfées dans les médicamens
, voudroient ſe mêler de contrefaire.
XXXXXXXX**XXXX )
CHANSON,
**
Sur la Naiffance de Monseigneur
le DAUPHIN . Septembre 1729 .
Orgué la charmante nouvelle ,
Ami Lucas , à la parfin ,
On dit que j'avons un Dauphin.
Que de biens à la fois ! notre vendange eft
belle ;
Buvons , vuidons notre tonniau
Et faifons place au vin nouvisu.
Ev Vois
2012 MERCURE DE FRANCE.
1
Vois-tu que de réjouiffance ?
Ce DAUPHIN met le comble au bonheur de
l'Etat ;
On celebre par tout fon heureuſe Naiffance ;
Lucas , chantons itou vivat , vivat , vivat.
Le Tellier d'Orvilliers , Lieutenant General
d'Epée,à Vernon cé 6.Septembre 1729.
VAUDEVILLE .
UN DAUPHIN à la France ,
Par le Ciel eft donné ;
Celebrons fa Naiffance ,
Dans ce jour fortuné :
Buvons à taffe pleine ,
Rions , chantons fans fin :
Vive le Roi , vive la Reine ,
Vive notre aimable DAUPHIN,
Ce Prince vient de naître ,
Dans le fein de la Paix ;
Nous verrons difparoitre ,
La difcorde à jamais :
Buyons , & c.
Qu'à l'envi l'on s'empreße ,
D'exalter ce grand jour s
Par des cris d'allegreffe ,
SiSEPTEMBRE.
1729. 2013
Signalons notre amour :1
Buvons , & c.
Que tout le réjouiſe
Louis comble nos voeux ';
Que fon nom retentiffe ,
Au milieu de nos Jeux ,
Buyons , & c.
M
Pour Louis qu'on s'adonne ,
'A d'amoureux Projets ;
Un DAUPHIN il nous donne ,
Donnons.lui des Sujets :
Buvons , & c .
M
Morgué, morgué , Commere ,
Guariffons notre peur ;
La Lune en cette affaire , -
Condamne notre arreur?
Buvons , & c.
Vien-t'en Piarrot bon drille a
Vien-t'en au cabaret ;:
Il nous faut , ventrebille!
Enyvrer tout-à -fait . 109)
2101
Buvons , & c,
32
Dans ce jour , ma Claudeine ,
Aime moi fans façon ;
E vj Avec
2014 MERCURE DE FRANCE.
Avec toi , palfanguenne !
Je veux faire un garçon :
Buvons , & c.
M
D'une Reine adorable ,
Béniffons le préfent ;
Que tout foit favorable ,
A la Mere , à l'Enfant :
Buvons , &c.
Les paroles font de M. G .... & la
Mufique de M. Dutarire.
ជា
SPECTACLES.
Es Comediens Italiens donnerent le
L. Septembre la premiere Reprefentation
d'une petite Piece qui a pour titre
Melpomene vengée : M. de Boiffy qui en
eft l'Auteur , l'ayant retirée pour y faire
quelques changemens , nous ne pouvons
en donner qu'un Extrait imparfait , tel
qu'on le peut faire d'une Piece qu'on n'a
encore vûë qu'une fois .
Le Théatre réprefente le Mont Parnaffe,
au pied duquel Melpomene eft endormie ;
quelques cris que cette Mufe de la Tragédie
entend dans le facré Vallon , l'éveillent
en furfaut. Elle eft toute étonnée
de
SEPTEMBRE . 1729. 2019
de voir qu'on a raccourci fa robbe peridant
fon fommeil , elle jure de tirer raifon
de cet outrage , fi elle peut en connoître
l'Auteur -UnCavalier qui fe dit de Bayonne
vient plaifanter fur la robbe transformée
en Pet - en- Pair. Il lui parle en homme qui
connoît la main d'où le coup de citeau
eft parti ; comme cette feconde Scene ne
nous a pas paru bien claire , nous nous
difpenferons d'en dire davantage . A la
troifiéme Scene , Diane vient. Elle annonce
à Melpomene un nouvel affront
qu'on lui a fait à l'Opera , où l'on vient
de réprefenter fes Amours avec Linus , Inventeur
de l'Elegie. LaDéeffe des Bois ajoûte
qu'elles ont été toutes deux également
infultées dans le Balet des Amours des D ef
Les ,puifque, malgré le refpect que le nom de
Ja chafteDiane doit impofer, on la fait courir
après Endimion , & qu'on la montre
fortant des Enfers dans le Char de Pluton
qui veut bien la conduire près de for
Rival ; après beaucoup de traits fatyriques
lancez contre l'Auteur de ce Balet , on
paffe à une autre Scene , dont les Perfonnages
font l'Opera , la Comedie Françoife
, la Comedie Italienne & l'Opera Comique
; ils parlent d'abord tous quatre
à la fois , ils fe plaignent les uns des autres
, & plaident leur caufe devant Melpomene
. Cette Scene fait une image dur
dé
2016 MERCURE DE FRANCE.
dérangement que l'Auteur trouve fur tous
les Théatres , où , à ce qu'il dit , on ne
joue rien moins que ce qu'on y devroit
jouer ; on reproche à l'Opera d'admettre
les Bouffons d'Italie fur fon Théatre ; à la
Comedie Françoife de faire chanter des
Paftorales par des Acteurs qui ne devroient
que déclamer ; à la Comedie Italienne
, de vouloir réprefenter des Tragédies
, & à l'Opera Comique , de donner
dans le férieux & même dans le pathéti
que. Melpomene ordonne que chacun s'en
tienne à ce qui lui convient . La derniere
Scene vient enfin , & avec elle l'action
principale. C'eft une efpece de Monftre à
trois têtes qui s'appelle les trois Spectacles.
L'Auteur qui réprefente ce nouveau Cerbere
, ou cette triple Hecate , a un Caf
que fur la tête ; une houlette à la main
un brodequin à un de fes pieds & une
affiche de Comedie fur la poitrine . Melpomene
, pour le punir de l'avoir miſe en
Pet- en- l'air , le fait dégrader . Par fon ordre
on lui ôte le cafque , la houlette , &
même le brodequin ; on ne lui laiffe que
l'affiche de Comedie. Cette réduction de
trois attributs à un feul , fignifie , felon
l'efprit de l'Auteur , que dans la Piece
qui avoit pour titre let Trois Spectacles
rien n'a réuffi que la Comédie de l'Avare,
Amoureux. Après cette condamnation qui
répond
?
SEPTEMBRE. 1729. 2017
répond au titre de la Piece , on danfe un
Balet de la compofition de M. Mouret ;
la Piece finit par le Vaudeville en couplets .
Le 4. ils
donnerent
la
premiere
Réprefentation
d'une
petite
Piece
d'un
Acte
en
Vers
, intitulée
Colinette
; c'eſt
une
Parodie
de
Polixene
&
Pirrhus
, Tragédie
en
un
Acte
, réprefentée
au
Théatre
François
le
6. Juillet
. Cette
Parodie
eft
du
même
Auteur
des
Trois
Spectacles
.
Les mêmes Comediens Italiens ont fait
éclater leur joye pour l'heureux accouchement
de la Reine & pour la Naiffance de
Monfeigneur le Dauphin , avec beaucoup
de zele ; pendant les jours deftinez aux
réjouiffances publiques , on álluma des
feux & on fit des illuminations dans les
deux rues où font les portes de l'Hôtel
de Bourgogne . Le 9. ils donnerent gratis à
une très-nombreufe Affemblée la Comédie
de la Précaution inutile , on la Fille mal
gardée , avec des Divertiffemens qui fatisfirent
extrêmement les Spectateurs.Le foir
du même jour, ils firent tirer un très - beau
Feu d'artifice , dreffé devant la porte de la
ruë Mauconfeil , dont voicy la defcription .
La Charpente du Feu d'artifice & de
l'illumination , qui occupoit toute la largeur
de cette ruë , avoit 46. pieds de hauteur
, & réprefentoit un Arc de Triomphe,
élevé
2018 MERCURE DE FRANCE.
élevé à la gloire du nouveau DAUPHIN.
Cet Arc de Triomphe confiftoit en un
Obelifque élevé fur un ordre d'Architecture
rustique. Au- deffus des Pilastres
étoient placez quatre Génies ; fçavoir ,
deux à chaque face , tenant d'une main
un Brandon , & de l'autre un Médaillon .
L'Obelifque étoit enveloppé dans une
Nuë qui fembloit defcendre de fon fommet
en forme de Tourbillon jufqu'au pied .
A la face du côté de la rue Comteffe
d'Artois , étoit le Simbole de la France
offrant fes voeux à Junon Lucine ; cette
Déeffe qui préfide aux accouchemens ,
propice aux voeux de la France , lui montre
Mercure qui defcend du Ciel , & préfente
le DAUPHIN à l'Aurore , qui eft
placée au haut de la Nuë , tenant d'une
main fon flambeau , & de l'autre il répand
des fleurs. On lit pour Devife au- deffous
de la réprefentation du Dauphin , SPES
UNICA PLEBIS .
Dans le Médaillon du Génie de la droite
on lit , SOL NASCITUR ; & dans celui
de la gauche , LILIA CRESCUNT.
Dans le Cartouche du milieu , au deffous
de la France , DEUS NOBIS HÆC OTLA
FECIT .
A la face du côté de la rue S. Denis ,
on voyoit la figure de la félicité publique ,
au bas de la Nuë , tenant de la main droite
SEPTEMBRE. 1729. 2019
un Caducée , & de l'autre une Corne d'abondande.
Elle ordonne aux Génies d'exciter
les plaifirs , les jeux , & c.
Dans le haut de la Nue on voyoit l'Amour
& l'Hymen avec le nouveau DAUPHIN
, & au- deffus étoit la Renommée
tenant d'une main une Couronne au - deffus
de la tête du Prince , & de l'autre une
Trompette qui publie le bonheur de la
France. Ces paroles étoient au - deffous ,
SPES UNICA PLEBIS .
Dans le Médaillon à droite , VOTA
DEDIT . Dans celui de la gauche , AD
ANNOS . Et dans le Cartouche
du milieu FELICITATI PUNESTORIS
BLICA.
Le 10. & le 11. il y eut une pareille
illumination & un Concert d'Inftrumens ,
executé par environ quarante excellens
Symphonistes, ce qui a terminé cette galante
Fête.
Tout l'Ouvrage dont on vient de parler
a été compofé & peint par M. le Maire .
Les Comédiens François n'ont pas été
des derniers à marquer leur zele pour la
Naiffance du DAUPHIN. Le Dimanche
4. Septembre , jour de cette heureuſe ,
Naiffance , le lendemain & le furlende
main , ils firent le foir un beau Feu devant
leur Hôtel , dont le Balcon fut illuminé
en terrines. Le
2020 MERCURE DE FRANCE .
Le Mercredy 7. ils donnerent au Peu
ple la Comédie de Dom Japhet d' Arménie,
& le foir toute la façade de l'Hôtel fut illuminée
d'une maniere auffi galante qu'ingenieufe
, toute la rampe du Balcon étoit
illuminée en Lampions , & le bas étoit
orné fur toute fa longueur , de Feftons
de feuillages & de fleurs naturelles , du
noeud defquels pendoient huit Luftres de
criftal à douze bobêches , qui faifoient
un très- bel effet.
Deux muids de vin occupoient les deux
bouts du Balcon , d'où fortirent deux Fontaines
de vin qui coulerent jufqu'après
minuit , & qui ne contribuerent pas peu
à augmenter le concours & la joye du
peuple. Ces pieces de vin étoient cachées
fous deux Piramides triangulaires , dont
le haut étoit terminé par une Girandolė
de cristal . Aux deux faces exterieures on
yoyoit deux Dauphins tranfparans.
Sur la façade , immédiatement au - deffus
du Balcon s'élevoient fept portiques de
lumieres interrompus par des Pilaftres de
même . Le Portique du milieu , qui dominoit
fur les autres , étoit occupé par un
Dauphin avec une bordure de Guirlandes
de fleurs & de lumieres , & à l'aplomb
de chacun de ces Portiques defcendoit un
Luftre de cristal , pareil à ceux qui terminoient
le bas du Balcon. D'autres Guirlandes
SEPTEMBRE . -1729 . 2021
•
landes ornoient le Ceintre de ces Portiques
en fens contraire . Six petits Portiques
occupoient le fecond étage , au -deſfus
des premiers , avec un Luftre au milieu
qui tenoit lieu du feptiéme . Ils étoient
féparez par une Frile de Feftons de fleurs
de la faifon & de feuillages naturels ,
de l'entre - deux defquels pendoient des
Aeurons. Six Girandoles de criftal fur un
pied , étoient placées au milieu de chacun
de ces Portiques . Les combles & le
Fronton qui fert de couronnement , étoient
illuminez en Terrines . La Fête fut ter.
minée par: quantité de Fufées volantes.
P
L'Académie Royale de Mufique , donna
le 28. Août , la derniere Répreſentation
du Ballet Héroïque des Amours
ades Déeffes , dont il a été parlé dans le
edernier Mercure , & reprit le premier
Septembre l'Opera de Tancrede.
La même Académie voulant prendre
part à l'allegreffe publique pour la Naiffance
de Monfeigneur le DAUPHIN , fit
faire des Feux & des Illuminations devant
la principale Porte , pendant les
jours ordonnez . Le 8. elle donna fur le
Peron du Château des Tuilleries , un
grand Concert de Choeurs & de Symphonies
, qui fut executé par les Acteurs
& Symphoniſtes de l'Académie . Il commença
2022 MERCURE DE FRANCE .
mença par un Air de l'Opera d'Amadis
de Gaule , qui fut joué avec Trompettes
& Timballes , & fuivi de ce Choeur du
Prologue du Ballet des Elemens.
Trompettes éclattez, frappez, percez les Airs,
Eclattez, annoncez un Maître à l'Univers, &ca
On joua après une fuite d'Airs du Balet
des Stratagêmes de l'Amour , terminez
par un Choeur du même Opera , dont les
paroles font :
Que la Trompette éclate & que l'Echo répondez
Ce jour eft la Fête du Monde :
Par de brillants Concerts animons les plaifirs ;
Le Ciel a rempli nos defirs.
Après cela on executa une fuite d'Airs
'de differens Opera de M. Lully , après
lefquels on chanta le Choeur du Prologue
de Phaeton.
Que les Mortels fe réjouiſſent , &c.
Après ce Choeur , on prit une fuite
de differens Airs des Opera de M. Deftouches
, Sur- Intendant de la Mufique du
Roi , & des Choeurs du même Auteur ,
dont les paroles pouvoient s'appliquer à
la Fête qu'on célebroit .
Chantons , qu'avec nous tout s'uniffe:
RemSEPTEMBRE
1729. 2023
Rempliffons de nos chants & la Terre & les Airsi
Que de fon Nom tout retentiſſe ;
Qu'il vole au bout de l'Univers , &c.
Qu'à fuivre fes Loix tout s'empreſſe ,
Que l'Amour dans les coeurs lui dreſſe des Au≈
tels ,
Qu'il regne , & triomphe fans ceffe ,
Qu'il affure àjamais le repos des Mortels.
Ces Choeurs furent fuivis de l'Air des
Echos de l'Opera d'Atis , & du Choeur de
celui de Phaeton.
Allez répandre la lumiere , &c,
par
Ce grand Concert , qui fut très applau
di & très-bien executé , fut terminé
une Piece de Symphonie de la compofition
de M. Rebel , intitulée la Fantaifie
, & de trois VIVE LE Roy , en
faux bourdon , avec Trompettes & Tim
bales.
榴
Le II. la même Académie donna au
Public , gratis , l'Opera de Roland. On
n'aura pas de peine à fe perfuader que
l'Affemblée fut des plus nombreuſes ; une
foule de peuple y étant accourue des quartiers
les plus éloignez ; cependant tout ſe
paffa fans confufion ni defordre , par les
bons
2024 MERCURE DE FRANCE .
bons ordres que M. Détouches, Directeur
General de l'Académie , avoit donnez.
La De Antier , Ordinaire de la Mufique
de la Chambre du Roi , & premiere
Actrice de l'Académie Royale de Mufique
, fignala fon zele par un Concert qu'el
le donna chez elle au fujet de l'heureuſe
Naiffance de Monseigneur le DAUPHIN.
Elle avoit fait choifir dans divers Opera ,
tout ce qui pouvoit avoir le plus de rapport
à cette augufte Fête. Comme elle
demeure dans l'enceinte du Palais Royal
un grand concours de Peuple & de gens
de confideration , prirent part à ce Concert.
Les Choeurs & les Symphonies furent
executez avec beaucoup de jufteſſe &
d'éclat. L'ordonnatrice avoit pris foin de
raffembler l'élite de l'Orqueftre ; & à ſon
exemple le fieur Thévenard , ſe mit à la
tête des Chours. Le Concert fut fuivi
d'un fouper des plus joyeux .
Le 13. on remit au Théatre l'Opera
d'Héfione , qui n'avoit pas été joué depuis
le mois de Juillet 1709. Cette Piece qui
eft des mêmes Auteurs de Tancrede , à
été reçûë très favorablement du Public.
Le 18. on donna par extraordinaire le
Bal fur le Théatre de l'Opera ; il fut précedé
d'un Concert , compofé de Choeurs
& de Symphonies choifies .
ATHEA
SEPTEMBRE . 1729 2025
ATHE ATUS , ou l'Inviſible , Comédie
reprefentée à Avignon. Extrait
d'une Lettre écrite de cette Ville le 134.
Août 1729.
Na reprefenté depuis peu fur le
Théatre du College des Jefuites
d'Avignon Atheatus , ou l'Invifible , Comédie
Latine , de trois Actes , accompagnés
d'Intermedes François . Une Fable
propofée par Platon , & que Ciceron rapporte
dans le troifiiéme Livre de fes Offices
, en a fait naître le ſujet.
Dans une faifon fort pluvieufe , la terre
s'étant entr'ouverte , découvrit de pro
fonds abîmes. La curiofité porta Gygés,
Berger du Roi de Lydie , à y defcendre ;
fes peines , ou plutôt fa hardieffe n'eft
pas fans récompenfe. Au fond de ce vafte
fouterrain , il trouve un Cheval d'airain
, qui avoit à chaque côté une espece
de . porte. Dans ce Cheval étoit enfermé
un corps mort d'une grandeur prodigieufe.
L'éclat d'un fuperbe diamant qu'il portoit
au doigt , attire les regards de Gygés ;
il s'en faifit ; & charmé de fa bonne foril
va rejoindre les autres Bergers .
Lorfqu'il tournoit le chaton de fon anneau
, vers le dedans de la main , fans.
ceffer de voir ce qui fe paffoit , il devetune
,
noit
2016 MERCURE DE FRANCE
noit lui- même invifible ; dès qu'il remettoit
le chaton en dehors , il redevenoit
visible comme auparavant. Un tel avantage
lui facilite les moyens de faire mourir
à petit bruit , & fans être apperçû ,
fon Souverain , & de fe débaraffer de ceux
qui pouvoient lui difputer le Trône auquel
il afpiroit , & dont il s'empare par
de fi noirs attentats. C'eft fur ce riche
fond que le R. P. de Chargey , Profeſfeur
de la Seconde , a formé l'intrigue de
fa Comédie.
Criton , Citoyen d'Athénes avoit deux
fils ; le cadet , furnommé Atheatus , jeune
homme plein de droiture & de probité
, forma le deffein de voyager , dans
l'efperance de faire fortune. Il part , fuivi
de Geta , fon valet , & bientôt après
il amaffe des richeffes confiderables . Pendant
le féjour qu'il fait à Micenes , il contracte
une étroite liaiſon avec un vieux
Philofophe , Petit - Fils du Roi Gygés.
Ce Philofophe fur le point d'expirer ,
donne à Atheatus pour gage de fon amitié
, l'anneau précieux , dont Gygés , fon
Ayeul , l'avoit laiffé le maître. A l'aide de
cet anneau , Atheatus ne tarde pas de reconnoître
que ceux qui lui prodiguoient
les marques apparentes de l'amitié la plus
fincere n'étoient au fond que de faux
amis . Le chagrin fuit de prés une fi trifte
déSEPTEMBRE.
1729. 2027
découverte , & lui fait prendre le deffein
de retourner dans fa Patrie , dans la vûë
de trouver du moins parmi fes proches &
fes concitoyens la fidelité qu'il cherchoit
inutilement parmi les Etrangers.
Comme il fe difpofe à partir , Alethés,
ami fidele qu'il avoit à Athénes , lui fait
fçavoir que Criton fon Pere eft à l'extré
mité , qui lui legue par fon Teftament ,
outre la legitime , une caffete remplie de
pierreries , où le Portrait de la Mere , &
d'autres marques de la tendreffe paternelle
fe trouvoient renfermés . Cette affli.
geante nouvelle frappe Atheatus , & précipite
fon retour. A peine arrive - t'il dans
fa Patrie , qu'il apprend la mort de fon
Pere. Ce n'est qu'avec chagrin , que
Chryfophile , homme avare , dur , intereffé
, s'il en fut jamais , revoit fon frere
Atheatus , poffeffeur de la caffe te dont
fon Pere l'avoit fait dépofitaire , il cherche
les moyens de la retenir. Divers pretextes
pour colorer fon injuftice lui font
fuggerés par Philante , ami fourbe & artificieux
. Atheatus , à qui la caffete étoit
plus chere par les témoignages finguliers
de l'amitié de fon Pere que par les richeffes
qu'elle contenoit , la répete inutilement.
Indigné du refus que lui fait fon
frere , qu'il croyoit moins mal - honnête
homme , il recourt à la vertu de fon an-
F neau
2028 MERCURE DE FRANCE.
neau ; par là il découvre & la mauvaiſe
foi de Chryfophile , & les artifices de
Philante. Avec le fecours du Diamant de
fon Maître , Geta fe rend invifible , &
enleve la caffete des mains de Chryfophile ,
qui la remettoit en fecret à Philante pour
la garder en dépôt , & la fouftraire aux
perquifitions qu'en auroit pû faire Atheatus.
Quelque prévenante que fut pour cette
Comédie la nouveauté de fon fujet , la
maniere dont elle fut executée lui mérita
un furcroit d'applaudiffemens . Une intri
gue conduite avec art ; le dénouement
bien amené par tout une action variée ,
& qui animoit chaque Scene ; les caracteres
des perfonnages bien foutenus ; un
Vers Iambe noble , dans fa fimplicité
mais jufte dans fon expreffion ; des penfées
naturelles , quoique remplies de délicateffe
; une morale fine & recherchée ;
tout y fentoit une main de Maître ; tour
y fut admiré par les Connoiffeurs .
XXXXXXXX XX :XXXX
NOUVELLES DU TEMPS,
TURQUIE
N mande de Conftantinople , que la Flore
du Grand-Seigneur étoit prefentement en
bon état , & qu'elle confiftoit en 70. Vaiſſeaux
de
SEPTEMBRE. 1729 2029
t
de guerre & 60. Galeres, mais qu'on ne croyoit
pas qu'elle fortit des Ports cette année. Ces
Lettres ajoûtent que S. H. avoit fait deffendre
aux Princes de Géorgie & de Mingrelie , de
fe mettre dorénavant fous la protection d'aus
cune Puiffance Etrangere.
On a eu avis que la Caravane des Pelle
rins de la Mecque avoit été attaquée cette année
par les Arabes ; qu'ils avoient enlevé le
préfent que le Gr . S. envoye chaque année au
Tombeau de Mahomet , avec 24. Bourfes que
S. H. y envoyoit d'extraordinaire pour l'embelliffement
de la Moſquée , & que le Pacha
du Pays avoit fait arrêter depuis dans le Defert
de Paran , un Chef d'Arabes , nommé
Alitzan , qui s'étoit retiré avec la part du bu❤
tin dans la petite Ville de Sterar.
On a appris de Tripoli , que le Bey avoit
encore défait un nouveau Parti de fon Neveu,
& qu'il l'avoit obligé de fe retirer dans les
Montagnes , où il le tenoit bloqué avec ce
qui refte de Rebelles attachez à fon Party.
Vers le commencement du mois de Juillet ,
le bruit couroit à Conftantinople que l'Armée
du Prince Thamas étoit prefentement en état
de tenir la campagne , & que la Ville d'Ifpaham
étoit menacée d'un fecond Siege , que
dans toe fa marche , pour approcher de la
Province d'Yerack , où cette Capitale de la
Perfe eft fituée , elle avoit brûlé les fourrages ,
détruit les Villages & les Bourgs , & paffé au
fil de l'épée un grand nombre d'habitans , pour
les punir de leur précedente rebellion contre
la Famille Royale.
On affure que le Grand -Vizir a reçû avis par
des Lettres particulieres du Pacha de Babilone,
que la maladie,contagieufe avoit fait périr une
partie de l'Armée Ottomane qui eſt en Perſe.
Fij
OB
2030 MERCURE DE FRANCE
On envoya fur la fin du mois de Juin aux
Dardanelles , fix Vaiffeaux de guerre , montez
par des Officiers Renégats très- experimentez
dans la Marine , & quatre Galeres , fur lefquelies
on a embarqué quelques Troupes reglées,
afin de donner la chaffe aux Armateurs Maltois
qui interrompent la Navigation des Turcs
dans l'Archipel.
RUSSIE.
Es Lettres de Mofcou , de la fin de Juillet ,
portent qu'on devoit publier inceffamment
dans les principales Villes de Mofcovie, un nouveauTraité
de Paix qui a été conclu depuis plus
d'un mois avec le Sultan Acheraf , & dont la
ratification a été apportée depuis peu d'Ifpaham
.
On mande de Petersbourg , que la Cour
avoit réfolu de fixer fon féjour à Moscou , &
d'abandonner entierement celui de Peterſbourg
dont l'air eft mal fain . On ajoûte que la plu
part des Etrangers établis dans cette derniere
Ville , fe préparoient à retourner chez eux
prévoyant bien que l'abfence du Czar fera un
tort confiderable à leur Commerce,
O U.
S UTE D E.
dernier,
>
L arriva le 12. du mois dernier , un Cour
rier de Caffel à Stokolm , & le bruit fe répandit
qu'il avoit apporté au Roi le Projet
d'un Traité d' Alliance offenfive & deffenfive
entre le Roi d'Angleterre , comme Electeur
d'Hanover , le Duc de Brunfwick Wolfembutel
& le Landgrave de Heffe- Caffel . On a
appris depuis que le Roi approuvoit le Traité
d'Alliance , & l'on croit que S. M, y entrera.
AL
SEPTEMBRE . 1729 2031
ALLEMAGNE .
N apprend de Vienne , que le 14. du mois
dernier , l'Empereur fe rendit fur la Place
des Poiffonniers , où l'on avoit dreffé uneTente,
& S. M. Imp. fit la ceremonie de pofer la premiere
Pierre dans la bafe d'une Colomne qu'elle
y fait ériger en l'honneur des Epoufailles de
la fainte Vierge avec S. Jofeph : enfuite l'Empereur
alla à l'Eglife du Monaftere de S. Jofeph
entendre une Meffe folemnelle qui y fut
celebrée par le Cardinal Archevêque de cette
Ville.
On a diftribué à tous les Miniftres qui réfident
à Ratisbonne , un Mémoire pour prou
ver que fuivant les Loix de l'Empire , on ne
peut forcer le Roi d'Angleterre & le Duc de
Brunfwick Wolfembutel, à retirer les Troupes
qu'ils ont dans le Duché de Meckelbourg , en
qualité de Commiffaires d'Execution , avant
qu'on leur ait donné une entiere fatisfaction
par rapport aux frais d'execution .
On mande d'Hanover , que les Officiers de
la Garnifon de cette Ville fe préparoient à fe
mettre en campagne , parce que toutes les
Troupes du Roi d'Angleterre ont eu ordre de
de marcher le 3. de ce mois , en cas que celles .
du Roi de Pruffe faffent quelques mouvemens.
On efpere cependant qu'il n'y aura point de
rupture entre L. M. Brit . & Pruffienne , & le
bruit fe répand que les deux Rois font convenus
de s'en rapporter à la décifion de quelques
Puiffances , pour terminer leurs nouveaux
differends .
Fiij
ITALIE.
1032 MERCURE DE FRANCE.
ITALIE.
LehevaliersdeGrandre de S.Etienne tine
E 6. Août , le Grand Duc , accompagné des
à Florence Chapitre de cet Ordre dans la Sacriftie
des Religieufes de la Trinité , où ce
Prince fit un nouveau Reglement , fuivant lequel
on ne pourra à l'avenir recevoir aucun
Chevalier qu'il n'ait fait preuve de fix generations
de Nobleffe : les Chevaliers feront obligez
de porter dorénavant la Croix attachée
à la boutonniere de leur habit , ou de quelqu'autre
maniere , pourvû qu'elle foit apparente
, à peine d'être condamnez par le Cha .
pitre à une peine arbitraire , & il ne leur fera
permis d'entrer au fervice d'aucun Prince , à
l'exception de ceux qui ont le Titre d'Alteffe.
Le 20. du mois dernier , on reffentit à Florence
une violente fecouffe de Tremblement
de Terre qui ne caufa aucun dommage dans
la Ville , mais dans leFief du Trecinta , dans le
Ferarois , il y a eu plufieurs maifons renverfées
& une trentaine de perfonnes enfevelies
dans les ruines .
On écrit de Venife , que le Chevalier André
Cornaro , s'étant excufé d'aller en Ambaffade
Conftantinople , M. Domini Ruzini avoit
été élû pour aller relever le Baile de la République.
du Les Lettres de Turin portent que le 15.
mois dernier , le Roi de Sardaigne fit une Promotion
de Chevaliers de l'Ordre de l'Annonciade
, dans laquelle S. M. a compris le Prince
Eugene , fils du Prince Emanuel de Savoye ;
le Prince de Heffe Reinsfels - Rottembourg,
Pere de la Princeffe de Piémont & de la Ducheffe
de Bourbon ; le Comte de Nom , Grand
Ecuyer
SEPTEMBRE. 1929: 2033
Ecuyer du Roi ; le Comte de Gouvon , Che
valier d'honneur de la feüe Reine de Sardaigne;
le Baron de S. Reni Palavicini, Gouverneur de
la Citadelle de Turin ; le Marquis de Saluces-
Gaugreffe ; le Marquis d'Entraives ; le Comte
Maffei , actuellement Ambaffadeur auprès du
Roi T. Ch. & le Marquis del- Borgo , Secretaire
d'Etat.
On apprend de Rome , que le 16. du mois
dernier au matin , le Marquis Ottieri , cy - devant
Ecuyer du Pape , alla chez le Cardinal de
Polignac , chargé des affaires de France , pour
demander pardon à S. M. T. C. d'avoir ofé publier
un Ouvrage qui avoit pû lui déplaire. Le
Cardinal de Polignac le reçut gracieufement ,
& l'affura qu'il feroit part au Roy T. C. de
cette démarche refpectueufe.
Le Pape ayant été informé qu'une Confrerie
particuliere de Tivoli , joüiffoit d'un revenu
de roo. écus . qu'elle employoit à fes plaifirs
plutôt qu'à des oeuvres de pieté , S. S. vient
de la dépouiller par un Bref, de ce revenu ,
& du fonds qui le rapporte , pour le donner
aux PP. de la Miffion ; ils ne pourront cependant
s'en mettre en poffeffion fans foutenir un
grand procès que la Confrairie leur intente. :
Le Pape accompagné des Cardinaux & des
differens Ordres de Prélature , fe tendit le 21
Août à l'Eglife de S. Pierre , où la Mefle fut
celebrée par M. Nicolai , Vicaire de cette Eglife.
Après la Meffe on découvrit au fon des
Trompettes & des Timbales , le Tableau qui
réprefence le venerable Vincent de Paul , Fon
dateur des Prêtres de la Miffion , qui vient d'être
béatifié. Le Te Deum fut chanté enfuite
à plufieurs Choeurs de Mufique , & au bruit
d'une falve generale de l'Artillerie du Château
S. Ange,
1.
Fiiij
Le
2034 MERCURE DE FRANCE .
Le Pape a accordé à l'Electeur Palatin , un
Bref qui permet à S. A. El . d'exiger les dixmes
des Ecclefiaftiques de les Etats .
ON
ESPAGNE.
N mande de Cadix qu'on y avoit reçû
la nouvelle que deux Vaiffeaux de guerre
Efpagnols avoient arrêté fur les Côtes de la
Mer du Sud , trojs Vaiffeaux Marchands Ho}-
landois qui y faifoient la contrebande ; que
les Capitaines & les Equipages avoient été
remis en liberté , mais que leur argent & leurs
Marchandiſes avoient été faifis & repartis fuivant
les anciens Reglemens.
оц
On mande auffi de la même Ville , que le
17. du mois dernier on avoit commencé à délivrer
l'or & l'argent des Gallions aux Intereffez
dans le retour des Bâtimens. On paye
au Roy pour l'Indult des Effets des Gallions ,
quinze pour cent , argent fort , c'est- à - dire fur
le pied de dix Reaux de Plate pour un Pefo ,
un demi pour cent pour le fret de l'argent , &
trois quarts pour cent de l'or , auffi argent
fort ; & au Confulat pour les frais extraordinaires
, quatre pour cent , argent courant ,
fur le pied de 8. Reaux de Plate pour un Pefo.
On paye à S. M. pour l'Indult des Effets des
Vaiffeaux d'Affogues , 5. pour cent , un demi
pour cent pour le fret de l'argent , & trois
quarts de l'or , le tout argent fort ; & au Confulat
4. pour cent , argent courant. Les Habitans
de cette Ville , intereffez aux Gallions ,
payent outre cela un quart pour cent pour
fubvenir aux frais du bâtiment de l'Eglife Cathédrale.
Les Marchandifes fur lesquelles le
Roi retire fes droits , font taxez au plus haut
prix qu'elles peuvent valoir en Espagne , au
lien
SEPTEMBRE. 1729. 2035
lieu qu'elles ne font taxées que fur le pied
qu'elles ont coûté aux Indes pour payer les
droits au Confulat , ce qui differe preſque de
la moitié
ON
PORTUGAL .
N mande de Lisbonne , qu'on y a reçû
des Lettres de Dom Jean de Saldanha ,
Viceroi des Etabliffemens Portugais dans les
Indes Orientales qui confirment les premiers
avis qu'on avoit eu de la conquête de Monbaça
& des autres avantages remportez par l'armée
Portugaife fur les Indiens. Selon ces Lettres
l'armée qui a fait cette expedition , étoit venuë
fe rafraîchir à Goa, & qu'elle en étoit partie
depuis pour executer une nouvelle entreprife.
D'autres nouvelles de la même Ville portent
que quelques Princes des Indes Orien
tales , ennemis des Portugais , ayant été informez
que le Viceroy de Goa avoit envoyé fur
les Côtes d'Ethiopie , une armée compofée
de fes meilleures Troupes , ils avoient raffemblé
tous leurs Vaiffeaux pour en former une
Flote fur laquelle ils avoient embarqué toutes
leurs Troupes , dans le deffein d'aller furprendre
la Ville de Goa , Capitale de la Viceroyauté
, efperant de la trouver dépourvûë de Troupes
& de munitions , mais que la plus grande
partie de cette Flote avoit fait nauffrage à quelques
lieues de Goa , où elle avoit été furpriſe
pár une tempête , & que le reste avoit eu beaucoup
de peine à fe fauver ; que cependant le
Viceroi avoit pris des précautions pour la deffenfe
de la Ville , deforte qu'elle n'avoir plus
de furprife à craindre .
GEA
1036 MERCURE DE FRANCE.
GRANDE - BRETAGNE.
N mande de Gibraltar qu'on y avoit reçû
avis que M. Ruffel , Miniftre Plenipotentiaire
de S. M. Brit. auprés du Roi de Maroc ,
Muley- Ab fallah , étoit arrivé à Salé le 29. de
Juin dernier , que ce Prince lui avoit fait
beaucoup d'accueil , & qu'il avoit deffendu
fous peine de mort à trois Corfaires qui étoient
prêts à partir , d'inquiéter en aucune maniere
les Vaiffeaux qui porteroient Pavillon Anglois.
La Moiffon eft achevée dans toutes les Provinces
, elle a été fi abondante cette année ,
qu'on ne fe fouvient pas d'en avoir vu une
pareille depuis plus de 3o . ans .
XXX :XXXXXXX :XXXXX
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris ,&c.
L5
E premier de ce mois , on celebra
avec les Cerémonies accoutumées
dans Eglife de l'abbaye Royale de S.
Denis , le Service folemnel qui s'y fait
tous les ans pour le repos de l'ame du
feu Roi Louis XIV. L'Evêque , Comte
de Beauvais y officia pontificalement , &
le Prince de Dombes , le Comte d'Eu &
le Comte de Touloufe y affifterent , ainfi
que plufieurs Seigneurs de la Cour.
Le même jour , le Roi entendit à Verfailles
SEPTEMBRE. 1729. 2037
failles , dans la Chapelle du Château , lá
Meffe de Requiem , pendant laquelle , le
De profundis fut chanté par la mufique ,
dans la même intention.
Le Roi a nommé la Princeffe de Montauban
, Dame du Palais de la Reine , à
la place de la Ducheffe de Talard.
M. Dagueffeau , Avocat General du
Parlement , fils ainé du Chancelier de
France , a été nommé par le Roi Confeiller
d'Etat.
L'Archevêque de Paris , qui avoit re
çû le 5. de ce mois le Pallium des mains
du Cardinal de Biffy , dans la Chapelle
interieure des Recolets de Verfailles , prit
poffeffion le lendemain de l'Archevêché
de Paris , avec les Cerémonies marquées
cy - après.
2
Le 2. du Courant , l'Abbé de Maillé ,
Originaire de la Ville de Laval au Maine,
ci-devant Procureur General de la Congrégation
de S. Maur , fut reçû dans l'Églife
du College de Cluni , à Paris , Grand
Prieur de l'Abbaye & de tout l'Ordre de
Cluni , & Abbé de Chambon , par un
Commiffaire député à cet effet , de la part
de l'Archevêque de Vienne , Abbé , General
de cet Ordre, qui le revêtit en même
tems des marques de la Prélature , atta
chée à cette premiere Dignité.
,
Leis Août,jour de laFête del'Affomption
F vj il
2038 MERCURE DE FRANCE .
il y eut Concert Spirituel au Château des
Thuilleries , on y chanta le Confitebor de
M. de la Lande , & un autre Motet Exaudiat
te de M. du Bouffet , qui furent par
faitement bien executés . Les Diles Erremens
& le Maure chanterent un Motet
à deux voix du même Auteur qui fut très
applaudi , de même qu'un autre petit nou
yeau Motet à voix feule de la compofi
tion de M. le Maire , chanté par la Dlle
Bartholet . Les S's Guignon & Blaver
executerent chacun un Concerto qui firent
beaucoup de plaifir .
Le 17. il y eut Concert François , la
Dile le Maure & le St Dun chanterent
une Cantate à deux voix , Europe & Jupiter.
La Dlle Erremens chanta la Cantatille
du Retour du Printems de M. le Mai-
& la Dile Bartholet une Arriette Italienne
, intitulée le Roffignol ; le tout précedé
de plufieurs piéces de fimphonie. Le
Concert fut terminé par l'Exaudiat , qui
avoit été chanté le jour précedent .
re ,
M. Armand Hierôme Bignon , fur reçû
le 2. de Septembre , Avocat General
du Grand Confeil.
Le 4. Septembre , pendant la Meffe du
Roi , l'Archevêque de Paris & l'Archevêque
d'Aix prêterent ferment de fidelité.
entre les mains de S. M.
•
Le même jour , S. M. accorda à la Ducheffe
SEPTEMBRE . 1729. 2039
cheffe de Ventadour la furvivance de la
Charge de Gouvernante des Enfans de
France , pour la Ducheffe de Tallard , fa
petite- fille . Le Roi qui n'a jamais oublié
tous les foins que la Ducheffe de Ventadour
a pris de S. M. accompagna cette
grace des marques les plus tendres des fentimens
qu'il a pour elle , & lui fit l'honneur
de l'embraffer.
Le 6. la Ducheffe de Talard prêta ferment
de fidelité
pour cette Charge entre
les mains du Roi.
Le 6. Septembre , M. l'Archevêque de
Paris prit poffeffion de fa nouvelle Dignité
, avec les Cerémonies accoutumées , &
contenues dans le Mémoire qui ſuit .
Le jour marqué pour la prise de poffeffion
de M. l'Archevêque de Paris , le
Chapitre s'affemble , aprés la lecture des
Bulles faite en Chapitre , on députe quatre
perfonnes du Corps pour aller avertir
M. PArchevêque & l'accompagner au
Chapitre.
M. l'Archevêque étant entré au Chapitre
en Rochet & Camail , prête ferment
fur les Saints Evangiles de conferver les
droits du Chapitre , puis eft conduit par
M. le Doyen à l'Eglife Cathedrale
M. le Doyen le mene à la Chapelle de
S. Denis , du côté gauche de la Croisée
où étant arrivé , il prend l'habit Canonial
2040 MERCURE DE FRANCE .
nial d'Hyver , c'eft -à - dire , la Chappe
& le Camail long , qui eft l'habit ordinaire
pour toutes les Prifes de poffeffion
dans l'Eglife Cathedrale.
M. l'Archevêque eft conduit enfuite
par M. le Doyen au grand Autel du Choeur
auprès duquel il ſe met à genoux & fait
La priere ; puis après être monté à l'Autel
& l'avoir bailé , il cft mené près de fon
Thrône Epifcopal , fur lequel monte d'abord
M. le Doyen , & s'y affied pendant
quelque tems , puis il y fait monter &
affeoir le Prélat .
M. le Doyen va à fa place ordinaire entonner
le Te Deum , & dire enfuite les
Oraifons accoutumées , après lefquelles
M. l'Archevêque , du Trône Epifcopal ,
donne la Benediction au Peuple , laquelle
eft fuivie de la lecture publique des Bulles,
faite au Jubé par M. le Theologal .
Apres toutes ces Cerémonies M l'Archevêque
va à la Sacriftie quitter fon ha
bit Canonial , & eft conduit en Rochet
& Camail par le Chapitre à l'Officialité ,
& y prend féance .
On y plaide une Caufe qui eft jugée
par M. l'Archevêque. Il nomme enfuite
les Officiers de l'Officialité qu'il a choifis
fçavoir , l'Official , le Vice- Gerent & le
Promoteur , qui fur le champ prêtent le
Serment ordinaire entre les mains.
Enfaite
SEPTEMBRE. 1729. 2041
Enfuite M. l'Archevêque eft accompagné
par le Chapitre en fon Palais Arche
pifcopal , où M. le Doyen lui fait une Ha
rangue , à laquelle répond M. l'Archevê
que ; puis il reconduit le Chapitre.
Le 8. de ce mois il y eut Concert Spirituel
au Château des Thuilleries , les Abbés
du Cros & Benoît y chanterent un petit
Motet , qui fit beaucoup de plaifir. La
Dile Erremens en chanta un autre de la
compofition de M. le Maire , qui n'en fit
pas moins , & après plufieurs Piéces de
Symphonie , le Concert fut terminé par le
Cantate Domino , Moret de M. de la Lan-,
de , dans lequel la Die le Maure chanta ,
à fon ordinaire , avec beaucoup de jufteffe.
Le 14. & le 21. il y eut Concert Fran
çois,on chanta un Divertiffement à grand
Choeur , intitulé Les Sauvages , qui fur
Très applaudi ; il eft de la compofition de
M. Campra. La De le Maure chanta la
Cantate d'Andromed: & Perfée , mife en
mufique par M. Mouret . On finit par le
Motet, Domine, in virtute tua , qui eſt toujours
très gouté ; il eft de M. Gomay.
Le 9. la Lotterie pour le rembourſement
des Rentes de l'Hôtel de Ville fut
tirée en prefence du Prevôt des Marchands
& des Echevins , en la maniere
accoutumée. Le fonds de ce mois s'eft
trouvé
2042 MERCURE DE FRANCE .
livres , laquelle a été diftribuée aux Rentiers
, pour les lots qui leur font échus
conformément à la lifte generale qui a été
rendue publique. Le lot le plus confiderable
de ce mois , qui eft de 18000. livres
eft échu au Numero 446198. fans
Devife.
Le Roi a nommé Avocat General au
Parlement M. Chauvelin , Confeiller au
Parlement , fils de feu M. Chauvelin ?
qui mourut au mois d'Août 1715. après
avoir exercé cette Charge avec une grande
réputation .
La Reine qui eft parfaitement rétablie
de fes couches , a commencé depuis quel
ques jours à voir les Seigneurs & Dames
de la Cour , & le 20. S. M. reçut les
complimens des Ambaffadeurs & Minif
tres Etrangers .
M
***
MORTS.
R. Henri Jofeph de la Garde , Com
te de Chambonas , Chevalier de
l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis ,
Lieutenant de Roi de la Province de Languedoc
, & Premier Gentilhomme du
Duc du Maine , mourut à Sceaux le 31 .
du mois dernier , âgé de 33. ans .
Dame
SEPTEMBRE . 1729. 2043
Dame Elifabeth Marguerite Bouthillier
de Chavigni , Abbeffe de l'Abbaye des
Clairets , Ordre de S. Bernard , Diocéfe
de Chartres , mourut dans cette Abbaye
le 1. de ce mois , dans la 62. année de
fon âge. Elle avoit fuccedé à la Dame de
Valençay qui en étoit Abbeffe lorfque le
feu Abbé de Rancé y établit la même reforme
que dans l'Abbaye de la Trappe.
M. Hilaire Roüillé du Coudrai , Confeiller
d'Etat ordinaire , cy - devant Directeur
General des Finances , mourut à
Paris le 4. de ce mois , dans la 78. année
de fon âge .
M. Charles Maurice de Montezun-
Bufca , Baron de Rian , Lieutenant des
Gardes du Corps du Roi , Brigadier des
Armées de S. M. Gouverneur des Ville
& Château d'Aiguemortes , mourut le s .
de ce mois , âgé de 53. ans.
Dame Nicole Lydie de Beringhen ,
Epoufe de M. Hubert de Courtavel
Marquis de Pezé , Maréchal des Camps
& Armées de S. M. Meftre de Camp ,
Lieutenant du Régiment du Roi Infanterie
, Gouverneur des Ville & Château
de Rennes , & des Châteaux de la Muette
& de Madrid , & Capitaine des Chaffes
du Bois de Boulogne , mourut à Paris le
6 dans la 26. année de fon âge.
,
D. Marie Henriette Françoife Therefe
Boifchot ,
2044 MERCURE DE FRANCE :
Boifchot , née Comteffe d'Erps , native
de Bruxelles , Epoufe de M. Antoine
Marie , Comte de Carteli , cy - devant Maréchal
des Camps & Armées du Roi de
Pologne , Electeur de Saxe , & Capitaine
d'une Compagnie de fes Gardes du
Corps , mourut à Paris le 13. Septembre
âgée de 24. ans.
Le 17. de ce mois , Dame Marie Adelaïde
Favieres , Epoufe de Jean François
de Billy , Chevalier , Seigneur de Villeterre
, Romefnil , Bachaumont & c . Meftre
de Camp de Cavallerie , Chevalier de
l'Ordre de S. Louis & de S. Lazare ,
Premier Gentilhomme du Comte de Clermont
, mourut à Paris , âgée de 2 2. ans.
J
LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
O D E.
E vois les Nimphes du Permeffe
Se livrer aux plus doux tranfports,
Et d'une Lire enchantereffe
J'entends les plus touchans accords.
Je vois l'Amante de Céphale ,
Qui
SEPTEMBRE . 1719. 2045
Quifur la Rive Orientale
Répand les fleurs à pleines mains ;
Tout rajeunit dans la Nature ;
Jamais un plus charmant augure.
Ne flata le coeur des humains .
Une Divinité brillante.
Defcend du celefte féjour .
Eft- ce vous , Minerve fçavante ?
Eft- ce vous , Mere de l'Amour ?
Non , c'eſt l'adorable Lucine ,
Qui vient de la bonté divine
Apporter le gage en ces lieux ;
» Vois- tu l'enfant qui vient de naître
» Me dit- elle , il te fait connoître
33 Quelle eft la tendreffe des Dieux,
M
A ces mots la Terre eft émuë ,
Son fein s'ouvre , il produit des Lys.
O Ciel ! en croirai-je à ma vûë ,
J'apperçois les traits de Louis ;
O précieuſe Reffemblance !
C'eſt le Dauphin , de qui la France
Attend fa gloire & fon bonheur.
Quand tu me prêterois ta Lire ,
Apollon , pourois-je décrire
Tous les mouvemens de mon coeur ?
Le
2046 MERCURE DE FRANCE:
Le fameux Fils de Calliope ,
Jamais dans un antre écarté
Ou d'Helicon , ou de Rodope
Ne fe fentit plus transporté.
Si je m'abandonne à la flamme
Dont l'ardeur penetre mon ame ,
Je vais ébranler ces côteaux ;
Ces Pins defcendront dans la Plaine.
Déja le Fleuve de la Seine
Pour m'entendre arrête fes eaux.
Accourez, Nimphes fortunées ,
Venez danfer autour de moi ;
Venez , de Mirte couronnées ,
Chanter le fang du plus grand Roi.
Faunes , fortez de vos Retraites
Et dans de tendres chanfonnetes
Celebrez ce Regne fi doux ,
Où dans un même pâturage
>
Les Agneaux , fans craindre leur Rage ,
Ofent jouer avec les Loups.
Ne craignez plus que fur la Terre
L'on entende le bruit affreux
Des Clairons du Dieu de la Guerre ;
Lui-même , il reſpecte vos jeux.
Ici fans trouble , fans allarmes ,
Vous
SEPTEMBRE . 1729. 2047.
Vous pouvez goûter tous les charmes
De l'innocence & du repos ;
Et du nom d'un fage Miniftro ,
A Bellone toujours finiftre ,
Faire retentir les échos.
潞
C'eſtpar fes foins qu'on voit l'Olive
Croître à l'ombre de nos Lauriers ,
Sa fageffe qui les cultive
Eft refpectable à nos Guerriers.
Son nom au Temple de la gloire ,
Par les neuf Filles de mémoire
Doit être à jamais confacré ;
Il fait refleurir nos Campagnes .
Dans nos vallons , fur nos montagnes ;
Qu'il foit à jamais reveré.
M
Regardez comme l'abondance
Et la Paix marchent fur fes pas ;
Voyez le calme & l'affurance
Qu'il ramene fous nos climats
Sa Piété tendre , agiſſante ,
Sa priere vive & fervente ,
De l'Eternel flechit le coeur,
Et fur les crimes de la terre ,
Quand il fait gronder fon Tonnere ,
Elle arrête ſon bras vengeur.
Mais
2048 MERCURE DE FRANCE.
Mais déja le flambeau du monde.
Fait place aux ombres de la Nuit ;
Le Soleil eft rentré dans l'onde ,
Quel eft donc l'Aftre qui nous luit ?
C'est le DAUPHIN qui nous éclaire :
Son influance falutaire
Produit les Jeux & les Amours ;
O bel Aftre , dans ta carriere ,
A la France , à l'Europe entiere
Que tu vas donner de beaux jours !`
W
Augufte Roi , puiflante Reine ,
Glorieux appuis des beaux Arts ;
Sur ces Vers ,' Enfans de ma veine ,
Daignez arrêter vos regards.
J'ofe celebrer votre ouvrages
Un coeur François dans cet hommage
Doit trouver fa felicité.
Là , je bornę mon eſperance ;
Mon Prix ... je l'ai reçû d'avance
Dans le DAUPHIN que j'ai chanté..
Le Chevalier Delatouche.
COUCHES DE LA REINE.
L
E Roi , toute la France , & on peut
dire toute l'Europe , attendoient avec
la plus vive impatience les Couches de
la
SEPTEMBRE . 1729. 2049
la Reine , qui déja mere de trois Princeffes
, vient de combler nos voeux par
Pheureufe Naiffance de Monfeigneur le
DAUPHIN .
Nous n'entreprendrons pas d'exprimer
ici les tranfports de joye de la Cour , de
la Ville & de toutes les Provinces du
Royaumes cela feroit trop difficile. Mais
nous tâcherons de n'oublier aucun fait ,
afin qu'on puiffe juger des fentimens tendres
& refpectueux des François pour
leur Roi .
La Reine étant fort avancée dans le
neuvième mois de fa groffeffe , fentit le
3. de ce mois fur les onze heures du foir
quelques douleurs qui firent croire que
S. M. alloit accoucher , mais ces douleurs
ayant diſcontinué , les Princes & les Princeffes
du Sang qui s'étoient rendus auprès
de la Reine , fe retirerent & S. M.
prit un peu de repos , continuellement
obfervée par tous les Officiers de fanté &
particulièrement par M. Payrat , qui devoit
l'accoucher , & qui vient d'avoir cet
honneur pour la troisième fois.
•
Le 4 à deux heures du matin , la
Reine commença à fouffrir beaucoup ; &
le Roi s'étant levé , on envoya avertir les
Princes & les Princeffes du Sang , le Cardinal
de Fleury , le Chancelier de France
& le Garde des Sceaux , qui ſe rendirent
fe
F * auf
2050 MERCURE DE FRANCE.
auffi - tôt dans la Chambre de la Reine
dont l'Appartement fut dans l'inftant rempli
des Seigneurs & Dames de là Cour.
La Reine fentit de grandes douleurs pendant
une heure & demie , & à trois heures
40. minutes du matin S. M. accoucha
heureufement d'un Prince , dont la
fanté & la force donnent de grandes efperances
pour de longs jours .
Le Roi qui n'avoit point quitté la Reine
pendant fes douleurs,& qui lui avoit donné
des marques continuelles de fa tendreffe,
parut dans le moment de la naiffance de
Monfeigneur le DAUPHIN , touché de la
plus vive joye ; & toutes les perfonnes qui
étoient dans la Chambre ou dans l'Appartement
de la Reine , en apprenant cette
grande nouvelle , firent paroître leur
amour pour le Roi , & la fincerité de
leurs voeux pour la fatisfaction de Leurs
Majeftez.
Auffi-tôt que Monfeigneur le DAUPHIN
fut né , il fut mis dans un lange & porté
auprès du feu ; enfuite il fut ondoyé par le
Cardinal de Rohan , Grand Aumônier de
France, en préfence du Curé de la Paroiffe
de Verfailles ; le Roi affifta à cette Cerémonie,
après laquelle le Prince nouveau-né
fut emmaillotté par... & enfuite la Duchef-
Le de Ventadour, Gouvernante des Enfans
de France , accompagnée des trois Sous-
Gou
SEPTEMBRE. 1729 2055.
Gouvernantes , porta Monfeigneur le DAU
PHIN dans l'Appartement qui lui avoit
été préparé. Dans le moment le Roi dit
au Duc de Villeroy , Capitaine des Gardes
du Corps en quartier : Duc de Ville
roy , conduisez le DAUPHIN ; c'est le
feul cas où mon Capitaine des Gardes
peut me quitter.
Quand Monfeigneur le DAUPHIN
fut arrivé dans fon Appartement , où
les perfonnes deſtinées à le fervir le trou
verent , le Marquis de Breteüil , Commandeur-
Prévôt & Maître des Ceremo
nies des Ordres du Roi , lui porta le Cora
don & la Croix de l'Ordre du S. Esprit ,
que la Ducheffe de Vantadour lui mit
& qui ne lui avoient point été donnez
dans la Chambre de la Reine , parce que
le Roi , par attention pour la fanté de
S.M. n'avoit pas voulu qu'elle pût appren
dre trop tôt qu'elle étoit accouchée d'un
Prince le Marquis de Breteuil fit cette
fonction à caufe de l'abfence du Grand-
Tréforier.
Le Roi fortit de l'Appartement de la
Reine vers les quatre heures & demie
& en rentrant dans le fien , S. M. envoya
M. le Foüin , l'un de fes Gentils - hommes
ordinaires , à Chambord , porter au Roi
Staniſlas & à la Reine fon Epoufe , la
nouvelle de l'heureux accouchement de
G la
P
1044 MERCURE DE FRANCE.
la Reine & de la Naiffance de Monfei
gneur le Dauphin ,
Le Garde des Sceaux , Miniftre & Se
cretaire d'Etat , ayant le département des
affaires étrangeres , étant rentré chez lui ,
dépêcha des Couriers extraordinaires aux
Ambaffadeurs & aux Miniftres du Roi
dans les Cours Etrangeres , pour leur ape
prendre cette grande nouvelle , & tous
ces Couriers partirent à cinq heures &
demie du matin. On envoya auffi en faire.
part aux Ambaffadeurs , aux Miniftres
Etrangers & aux Ambaffadeurs Plenipotentiaires
qui font en cette Ville.
>
Dès qu'on fçut à Versailles que la Reineétoit
accouchée d'un Prince , les Cours
du Château & toute la Ville , retentirent.
des plus grandes acclamations de joye ,
& elles le renouvellerent avec plus de
vivacité fous les fenêtres de l'Apparte
ment du Roi , lorfque S. M. fut éveillée ,
Tous les Seigneurs de la Cour, les Chefs
des Compagnies Superieures & les perfonnes
de confideration , s'emprefferent
d'aller à cette occafion rendre leurs refpects
au Roi , qui reçut avec bonté les
marques que chacun cherchoit à lui don
ner de la joye. S. M. alla à midy entendre
la Meffe , pendant laquelle on chanta le
Te Deum en action de graces de la Naiffance
de Monſeigneur le Dauphin.
M.
SEPTEMBRE. 1729 2053
M. de Blamont , Sur- Intendant de la
Mufique du Roi , fit chanter fon Te Deum,
qui fut executé avec beaucoup de fuccès
& d'applaudiffemens. Il le fit auffi chanter
le même jour à la Paroiffe de Verfailles
par Mrs de la Mufique du Roi , avec
autant de fuccès & une execution auffi
parfaite.
L'après midy , le Roi reçut les compli
mens de S. A. R. Madame la Ducheffe
Orleans , des Princeffes du Sang & des
Dames de la Cour , & après le falut ;
S. M. paffa dans fa Chambre , où elle vit
les Ambaffadeurs & les Miniftres Etran
gers , qui fans avoir attendu qu'on leur
eût fait part de la Naiffance de Monfei
gneur le DAUPHIN , s'étoient rendus à
Verfailles dès le matin pour complimen
ter le Roi fur cette heureufe Naiffance
dont ils paroiffent auffi contens que les
Sujets de S. M.
Le Roi alla plufieurs fois chez la Rei
ne pendant la journée , & il alla auffi voir
Monfeigneur le DAUPHIN. Le foir après
le fouper de S. M, on tira dans l'Eſpla
nade qui eft entre la grande Grille & les
Ecuries , une grande quantité de Fufées
& un Feu d'artifice auffi beau que le peu
de temps qu'on avoit eu pour le préparer
put le
permettre ; & ce Feu fut acompagné
d'une grande Illumination , formée
Gij par
2054 MERCURE DE FRANCE .
par des Girandoles de lumiere & une
grande quantité de Terrines ; il y eut en
même temps dans toutes les rues de Ver.
failles , des Illuminations , des Feux &
toutes les autres marques de la plus grande
joye
.
Les Prévôt des Marchands & Echevins,
pleins d'ardeur & de zele , s'étoient renduş
à l'Hôtel de Ville à une heure après
minuit , c'est -à - dire auffi-tôt qu'ils eurent
appris par un Exprès de M. le Contrôleur
General & par un Page du Duc de Gefvres,
que la Reine avoit fenti quelques douleurs
. Ils reçurent la grande nouvelle de la
Naiffance de Monfeigneur le Dauphin
par le Comte de Saugeon , Enfeigne des
Gardes du Corps , qui fert actuellement
auprès de la Reine , & que le Roi avoit
envoyé pour en donner part au Corps de
Ville, qui lui fit prefent d'une Tabatiere
d'or , enrichie de diamans , après qu'il eut
remis fa Lettre de Cachet . Il arriva à
l'Hôtel de Ville vers les cinq heures du
matin , & dans le moment , les Prévôt
.des Marchands & Echevins , allerent au
Parlement , & à leur retour ils firent annoncer
à toute la Ville une fi heureuſe
nouvelle par le bruit du Canon , des Boëtes
& par la Cloche de l'Hôtel de Ville
-qui a fonné , fuivant l'uſage , pendant
trois jours & trois nuits , ainfi que celle
du
SEPTEMBRE . 1729. 2055
du Palais ; qui commença à fonner en
même temps. On entendit auffi le Canon
de l'Hôtel Royal des Invalides , & avant
fept heures les acclamations du Peuple
fe firent entendre dans les rues & dans la
Place de Gréve , qui fut bien - tôt remplie
de gens de tous états , les uns pour s'affu
rer de la verité de cette grande nouvelle ,
& tous pour en marquer leur joye.
Le Marquis de Brezé , Grand - Maître
des Ceremonies , en furvivance du Marquis
de Dreux fon Pere , arrivá à huit heures du
matin à l'Hôtel de Ville , & il y apporta les
Ordres du Roi , fuivant lefquels les Prévôt
des Marchands & Echevins commencerent
à ordonner les réjoüiffances pour la
Naiffance de Monfeigneur le DAUPHIN .
41
La nouvelle n'en fut pas plutôt répanduë
dans la Ville par le bruit du Canon
& des cloches , & par les differens Couriers
qui étoient arrivez de Verſailles ,
que la joye publiqué éclata , & qu'on entendit
par tout des cris réiterez de VIVE
LE ROY , VIVE LA REINE , VIVE
MONSEIGNEUR LE DAUPHIN : ces .
acclamations durerent tout le jour , elles
furent encore plus grandes le foir pendant
les Illuminations & les Feux qui
furent faits devant toutes les maifons ,
ce qui fut continué pendant toute la nuit.
Le foir de ce même jour 4. Septembre
Giij
९
1
2056 MERCURE DE FRANCE :
à fept heures du foir , il y eut une autre
décharge du Canon & des Boëtes de la
Ville & un Feu de bois dans la Place de
Gréve , qui fut allumé par le Corps de
Ville , avec les mêmes ceremonies obfervées
au Feu de la Fête S. Jean- Baptiſte. Le
Prévôt des Marchands jetta de l'argent
au peuple , & pendant le Feu on fit dif
tribuer du Pain , de la Viande & des Cervelats
au Peuple , pendant que quatre Fontaines
de vin couloient dans la Place de
Gréve ; & ce n'étoit pas la denrée qui
avoit le moins de débit.
A neuf heures on fit une autre déchar
ge de Canon & de Boëtes , & toute la
façade de l'Hôtel de Ville fut illuminée de
la maniere qu'on dira bien- tôt.
Cependant les Magiftrats toujours attentifs
& zelez ,firent paroître dès lemêmejous
4. Septembre , divers Reglemens ; fçavois
une Ordonnance du Prévôt des Marchands
& Echevins , qui enjoignoit à tous
les Bourgeois & Habitans de la Ville de
Paris , de faire des feux devant leurs por
tes & des illuminations devant leurs maifons
pendant trois jours pour l'heureux
accouchement de la Reine & pour la
Naiffance de Monfeigneur le DAUPHIN .
ORSEPTEMBRE.
1729 : 205Ť,
ORDONNANCE de Police , qui
regle ce qui doit être obfervé par les
Habitans de Paris , pour prévenir les
Incendies pendant le temps que dureront
Les Réjouiffances publiques , à cause de
la Naiffance de Monfeigneur le DAʊ-
PHIN .
Ur ce qui Nous a été remontré par le Pro-
Scureur Roy,aété mon unparccalion
auffi importante que celle de la Naiffance du
Dauphin , les Citoyens de cette Ville entierement
occupez du foin de marquer leur zele
& d'exprimer par des réjouiffances publiques,
toute la joie dont ils font penetrez , ne manqueront
pas de negliger ce qui intereffe leurs
biens , & même leur propre confervation ;
Que les Peuples de cette Capitale du Royaume
accoûtumez à fignaler leur fidelité & leur
' attachement refpectueux pour leur Souverain
, fouffriroient , à la verité , avec peine ,
" que dans un fi grand évenement on mît quefques
bornes aux juftes témoignages de leur
fenfibilité mais qu'en y applaudiffant , il eft de
notre miniftere de prévenir les accidens que
leur extrême fatisfaction leur cachera , & qui
Cependant font prefque toujours les fuites dès
réjouiffances publiques ; Enfin que les incendies
dont il veut parler , font d'autant plus à
craindre dans ces occurrences , que le dedans
des maiſons ceffe d'être occupé, & que les Fufées
& autres Feux d'artifice peuvent penetrer
dans les caves , dans les boutiques , & même
jufques aux greniers . Sur quoi nous ordonnons
à tous Proprietaires & Locataires de maifons,
de faire fermer & boucher exactement les fe-
G iiij nêtres
2018 MERCURE DE FRANCE .
3
nêtres , lucarnes , yeux de boeufs , & genera
lement toutes les ouvertures des greniers des
maifons à eux appartenantes , ou par eux occupées
, foit que lefdits greniers foient vuides
ou remplis , comme auffi de fermer les fenêtres
& portes des chambres , remiſes , hangards
& écuries , de même que les foupiraux
& ouvertures des caves caveaux & autres
endroits dans lefquels il y aura de la paille , du
foin , du bois , des tonneaux ; du ſuif & autres
matieres combustibles , lefquels endroits
refteront fermez & bouchez pendant & fi long
temps que dureront les Réjouiffances publiques
, à peine de deux cens livres d'amende
Contre les contrevenans. Ordonnons en outre
aux Marchands Epiciers pendant ledit temps ,
de fermer leurs boutiques à fix heures préciſes
du foir , & de n'en laifler ouvert que la porte
feulement , & aux Grainiers & Chandeliers ,
de retirer à la même heure les bottes de foin
& de paille qu'ils ont coutume d'étaler en dehors
de leurs boutiques . lefquelles feront
pareillement fermées à fix heures du foir , &
ce fous la même peine de deux cens livres d'a
mende , & c.
AUTRE Ordonnance du 5. Septembre:
Sure
Ur ce qui Nous a été remontré par le Procureur
du Roy , que par Arreft du Parlement
il vient d'être ordonné à tous les Marchands
de cette Ville , de tenir leurs Boutiques
fermées aujourd'huy toute la journée , demain
toute la matinée , à caufe de la Proceffion folemnelle
, & Mercredy après midy , jour que
fera chanté le Te Deum , & que les Feux &
Illuminations continueront pareillement aujourd'huy
, demain & Mercredy : Qu'il eft
d'autant
SEPTEMBRE . 1719, 2059
d'autant plus de notre miniftere de tenir la
main à l'execution de cet Arreft , que la Naiffance
du DAUPHIN qui y donne lieu , fait
l'objet de l'attention & de la joie de tous les
Habitans de cette Capitale's; Que jamais occafion
ne fut plus importante à leur bonheur ,
& que ce grand évenement merite en effet les
marques les plus éclatantes de la refpectueufe
fenfibilité que les François portent au fond du
coeur pour leur Souverain. Nous , faifant droit
fur le requifitoire du Procureur du Roy , ordonnons
que l'Arreft du Parlement de ce jour
fera executé felon fa forme & teneur , Et en
confequence que tous les Bourgeois & Habitans
de cette Ville ſeront tenus d'allumer des
feux devant leurs portes , & d'illuminer leurs
fenêtres aujourd'huy , demain , & Mercredy
prochain ; Et que tous les Marchands tiendront
leurs boutiques fermées aujourd'huy
toute la journée , demain jufqu'à midy , &
Metcredy après midy , & c.
AUTRE Ordonnance du Prevost des
Marchands & Echevins , du 6 , Sept.
Left enjoint , oüi & ce requerant le Procu-
Ire dupiny 2 oud ce requerantles
geois & Habitans de cette Ville , de faire des
Feux devant leurs portes , & des Illuminations
devant leurs Maifons , demain Mercredy
7. du prefent mois , jour auquel fera tiré un
Feu d'artifice devant l'Hôtel de Ville , que le
Roy honorera de fa prefence , en réjouiffance
de l'heureux Accouchement de la Reine , &.
de la Naiffance d'un Dauphin ; à l'exception
des Maiſons fifes fur le Quay Pelletier , dès
ruës des Arcis , des Lombards , de la Feronnerie
, & S. Honoré , juſqu'à la Porte de ce
Gv nom ,
1060 MERCURE DE FRANCE:
nom , devant lefquelles il ne fera point fait
de Feux , à caufe que Sa Majefté y paffera ,
& c.
Les Princes du Sang , les Miniftres &
des Seigneurs de la Cour fe font diftinguez
par les marques qu'ils ont données
de leur joye , & ils ont fait mettre des
Fontaines de vin devant leurs Hôtels qui
ont été magnifiquement illuminez , ainfi
que ceux des Ambaffadeurs & Miniftres
Etrangers.
Les grandes démonftrations de la joye
publique ont continué les trois jours ſuivans
, pendant lefquels les Boutiques ont
été fermées Les foirs , les illuminations
ont recommencé partout .
Les Prévôt des Marchands & Echevins
, ont fait fortir un grand nombre de
Prifonniers pour dettes.
Le premier foin du Roi après la Naiffance
de Monfeigneur le Dauphin , ayang
été rendre à Dieu de folemnelles actions
de graces de la nouvelle marque qu'il
vient de recevoir de fa protection ,
le
Mercredi 7. de ce mois , fut indiqué pour
chanter un Te Deum , dans l'Eglife Métropolitaine
, & l'Archevêque de Paris
reçût là - deffus les ordres de S.M. Le Marquis
de Brezé, Grand Maître desCeremo -
nies ,en furvivance du Marquis de Dreux,
alla le même jour inviter les Compagnies
Supericures
SEPTEMBRE . 1729 2061
"
Superieures de s'y trouver, & il leur remit
les Lettres de Cachet à ce fujet . Le Roy
ayant voulu en même temps témoignér
à fon Peuple que S. M. eft fatisfaite des
preuves qu'il a données de fa joye & de
fon amour pour fa Perfonne , déclara
qu'après le Te Deum , il viendroit fouper
à l'Hôtel de Ville & qu'il honoreroit de
fa prefence le Feu d'artifice préparé devant
cet Hôtel . Les Prévôt des Marchands
& Echevins en ayant été informez , ordonnerent
tous les préparatifs neceffaires
pour recevoir S. M.
LETTRE DU ROY, à M. l'Archevêque
de Paris , pour faire chanter
le Te Deum , en action de graces de la
Naiffance de Monfeigneur le Dauphin.
On Coufin , de toutes les graces qu'il a
Mplà à Dieu de répandre fur moi depuis
mon avenement à la Couronne , celle qu'il
m'accorde aujourd'hui par la naiffance d'un
Fils , dont la Reine ma très chere Epoufe &
Compagne vient d'être heureufement délivrée
, eft la marque la plus vifible que j'aye
encore reçuë de fa Protection . J'y fuis d'autant
plus fenfible , qu'en comblant mes voeux
& ceux de mes Peuples , elle affure le bonheur
de mon Etat : c'eft dans les fentimens
de la jufte reconnoiffance que j'ai d'un évene
ment fi avantageux , que je crois ne pouvoir
trop-tôt rendre à la Divine Providence les
Actions de graces qui lui en font dûës ; & je
G vj Vous
2062 MERCURE DE FRANCE .
Vous fais cette Lettre pour vous dire que
mon intention eft que vous faffież chanter le
Te Deum en l'Eglife Metropolitaine de ma
bonne Ville de Paris , au jour & à l'heure
que le Grand- Maître ou le Maître des Ceremonies
vous dira de ma part ; & que vous
ordonniez une Proceffion generale , & les autres
Prieres publiques accoûtumées en pareilles
occafions. Sur ce , je prie Dieu qu'il vous
ait , mon Coufin , en fa fainte & digne garde.
Ecrite à Vetfailles le quatre Septembre 1729 .
Signé , LOUIS ; & plus bas PHELYPEAUX .
Et au dos eft écrit : A mon Coufin l'Archechevêque
de Paris , Pair de France , Commandeur
de mon Ordre du S. Efprit.
MANDEMENT du Cardinal de Biffy,
Abbé Commandataire de l'Abbaye de
S. Germain des Prez , Immediate au
S. Siege , &c. du s . Septembre .
Hae Yute confolation vient enfm d'accom
Enry de Thiard de Biffi , & c.Salut. Le Dieu
plir les defirs du coeur du Roy ; il a cedé à la
fainte violence que lui ont faite les voeux
réunis de tout le Royaume , il nous a accordé
un Dauphin. Ainfi fe verifie l'Oracle de l'Ecriture
: Que la pofterité de celui qui craint
le Seigneur fera puiffante fur la terre , & que
la race des Juftes fera benie. Réjouiffons - nous
donc , mes très- chers Freres , faifons éclater
notre joie , que les Temples facrez retentiffent
de nos Cantiques de loüange & d'actions de
graces. Mais prions en même temps l'Auteur
de tout bien de continuer à notre Auguſte
Reine fes divines faveurs , & de la combler
de fes benedictions : Prions-le que touché de
la
SEPTEMBRE . 1729. 2063
la plus vive reconnoiffance dont nous fommes
penetrez pour le bienfait que nous en avons
reçû , il nous en accorde un autre qui n'eft
pas moins précieux : qu'il conferve les jours
du Prince qu'il nous a donné , & qu'il répande
dans ce jeune coeur les premieres femences
de ces grandes vertus , qui dans nos Rois font
depuis une longue fuite de fiecles l'appui du
Trône , la terreur des ennemis , la gloire de
l'Eglife , & la felicité des Peuples.
A ces caufes , Jeudy prochain , jour de la
Nativité de la fainte Vierge , à l'iffuë des Vefpres,
on chantera dans l'Eglife de notre Abbaie
de S. Germain des Prez le Te Deum , le Pfeaume
Exaudiat , l'Oraiſon Pro Gratiarum Actione
& l'Oraifon pour
le Roy , &c. 3
MANDEMENT de M. l'Archevêque
de Paris , du 6. Septembre , qui
crdonne une Proceffion generale , pour
la naiffance de Monfeigneur LE
DAUPHIN.
CHA
>
HARLES GASPAR-GUILLAUME DE VINTIMILLE
DES COMTES DE MARSEILLE DU
Luc , Archevêque de Paris , Duc de Saint
Cloud , Pair de France , Commandeur de l'Or
dre du Saint Efprit , &c. A tous les Fidéles de
notre Diocéfe Salut & Benediction. Au
milieu des tranfports de joye que la naiffance
d'un DAUPHIN infpire à tout le Royaume ,
qu'il eft confolant pour nous , mes très chers
Freres , à l'entrée de notre Pontificat , & la
premiere fois que nous faifons entendre notre
voix dans ce Diocéfe , d'avoir à rendre
graces à Dieu d'un évenement qui affure le
bonheur
2064 MERCURE DE FRANCE .
bonheur de la France & la tranquillité de
l'Europe !
Vous fçavez que le bien ineftimable qui
nous eft accordé aujourd'hui , étoit le grand
objet des defirs du Roi , des voeux de tous
fes Sujets , & des Prieres ferventes qu'une
pieufe Reine , profternée aux pieds des Autels
, redoubloit tous les jours * comme la mere
de Samuel dans le faint Temple , avec des
fentimens de Religion capables de tout obtenir
.
Après une grace fi intereffante , que nous
refte - il à demander au Seigneur ? finon qu'il
conferve le Prince que nous regardons comthe
un gage éclatant de la protection fingu
liere de Dieu fur ce grand Royaume qu'il
faffe jouir d'une fanté parfaite une Reine refpectable
par les vertus , & fi précieu fe à l'Etat
par fon heureufe fecondité ; que pour notre
bonheur , & pour l'inftruction de Monfeigneur
LE DAUPHIN , il prolonge les jours
du Roi au- delà des plus longs jours des Rois
qui l'ont precedé , afin que comme un autre
David , tout occupé de former un Salomon ,*
il apprenne par fon exemple à l'Heritier de
fa Couronne à fervir le Dieu de fes Peres
avec un coeur parfait , & à garder les faintes
Loix avec conftance , & qu'il puiffe dans un
Regne également long & glorieux lui infpirer
les maximes importantes & falutaires que
faint Auguftin propofe à tous les Rois de la
Terre , & qu'une éducation chrétienne a gravées
dans le coeur de SA MAJESTE'. * Les
Rois ne font heureux , dit ce faint Docteur ,
* Lib. 1. Reg. cap. I. v. 1-2 .
1. Paralipom . c. 28. v. 9 , C. 29. 7% 19.
S. Auguft.l. s. de Civit . Dei, c. 24.
див
SEPTEMBRE. 1729. 2065
que lorfqu'ils gouvernent avec sageffe & aves
juftice , qu'ils s'employent à proteger l'Eglife ,
à faire refpecter la Religion , & à étendre le
culte de Dieu , cette autorité fuprême qu'ils
tiennent de lui ; qu'ils temperent par une conduite
pleine de clemence & de douceur les
exemples defeverité qu'ils font quelquefois dans
la neceffité de donner ; qu'au milieu des hommages
de leurs Sujets & des applaudiſſemens
de leurs Courtisans , ils fe fouviennent toujours.
qu'ils font hommes , & qu'ils fe croyent d'autant
plus obligés de reprimer leurs paffions s
qu'ils ont plus de liberté de les fàtisfaires
A ces caufes , après en avoir conferé avec
nos Venerables Freres les Doyen , Chanoines
& Chapitre de notre Eglife Metropolitaines
nous ordonnons que Dimanche onzième du
prefent mois , jour auquel l'après - midi nous
ferons avec le Chapitre & le Clergé de notre
dite Eglife , la Proceffion folemnelle pour la
naiffance de Monfeigneur le DAUPHIN , accou
tumée en pareil cas ; les Eglifes & les Chapitres
qui de droit ou de coutume fe trouvent
à la Proceffion de l'Afcenfion , y affilteront.
Que toutes les Eglifes Paroiffiales , Commu
nautés Seculieres & Regulieres de la Ville
& Fauxbourgs de Paris , exemtes ou non
exemtes , viendront proceffionnellement ledit
jour onze du prefent mois à notre Eglife
Metropolitaine , depuis fept heures du matin
jufqu'à midi , pour remercier Dieu de
l'heureufe delivrance de la Reine , de la Naif
ance de Monfeigneur LE DAUPHIN , &
prier pour la confervation des Perfonnes Sacrées
de leurs Majeftés , & du Prince qui vient
de naître. Que lefdites Paroißes & Communautés
retourneront enfuite dans leurs Eglifes
pour y celebrer une Meffe folemnelle , & chan-
"
ter
2066 MERCURE DE FRANCE :
1
.
ter le Te Deum , en actions de graces . Ordon
nons autfi que dans toutes les Abbayes , Chapitres
, Paroiffes & Couvents de notre Diocéfe
, hors la Ville & Fauxbourgs de Paris , il
fera chanté une Meffe folemnelle , & le Te
Deum en actions de graces le Dimanche après
la reception de la prefente Ordonnance. Si
mandons & c.
5.
la
Dès le 23. Août l'Abbé de Ste Geneviéve
fit un Mandement , par lequel il
ordonna que le devant de la Châffe de
fainte Geneviève feroit découvert , que
l'on diroit toute la matinée des Meffes au
Grand- Autel , & que l'on feroit pendant
tout ce tems à heures du foir un Salut
pour l'heureufe délivrance de la Reine.
Lorfqu'on cut reçû la nouvelle que
Reine avoit mis au monde un Dauphin ,
l'Abbé fit un fecond Mandement , par lequel
il ordonna que la Châffe continueroit
d'être découverte à l'ordinaire , &
que ce même jour 4. Septembre on célebreroit
une Grand- Meffe , outre les baffes
Meffes au Grand- Autel , en actions de
graces , auffi-bien que les Saluts , jufqu'au
Jeudy 8. Septembre , & que l'après-midy
de ce dernier jour on chanteroit un Te
Deum auquel il officieroit pontificalement.
On diftribua le même jour aux
Pauvres des Hôpitaux trois cent livres ,
& l'on continue pendant tout le mois de
SepSEPTEMBRE.
1729 2067
•
Septembre d'ajoûter aux Meffes la Col
lecte pour actions de graces.
ILLUMINATIONS de la face exterieure
de l'Hôtel de Ville , le premier
jour 4. Septembre.
L
Ilyavoitde gros Falots fur la têtedes
poteaux de la barriere qui eft au devant
-
du Perron , & une fuite de Falots fur la
corniche des Pieds d'Eftaux , du premier
ordre ; toutes les colomnes de
cet ordre étoient illuminées , ainfi que
leurs Chapitaux. Entre ces Colomnes
il Y avoit fix Luftres de Criftal gar- .
nis de bougies , fufpendus au ceintre
des fix croifées ; au - deffus de ces
Luftres étoient de fimetrie les Chiffres
du Roi & de la Reine , definez
par des lumieres ; il y avoit auffi audeffus
de la principale Porte le Chiffre du Roi ,
ainfi que fur la corniche , audeffus des
Falots. Ce premier ordre étoit terminé
par un filet de Lampions , fur la faillie de
l'Architrave , & par une fuite de Falots
fur la Corniche.
›
Au ceintre des Arcades du S.Efprit & de
S. Jean , étoient fufpendus deux grands
Luftres de bois , rehauffé d'or , portant
chacun so . lumieres , & audeffous de
l'encorbellement , ou pierres enfaillies des
Pa
1668 MERCURE DE FRANCE :
*.
Pavillons , étoient deux Panneaux chantournez
de lumieres , repréfentans une
Coquille avec ornemens pour fuports.
Le fecond ordre étoit décoré par 13 .
Dauphins tranfparans , coloriez ; au devant
des croifées on voyoit entre ces Dauphins
16. Piramides de lumieres , placées
dans les Niches , & audeffus de chacune
des Niches , fur la Corniche , deux Falots
. Ce fecond ordre étoit auffi terminé
par un cours de Falots .
Le comble étoit décoré par un grand
Cartouche couronné , repréſentant les
Armes du Roi , formé par des lumieres
& placé dans le milieu. Les Lucarnes
étoient illuminées par des Chanbranles
cintrez , & des Falots au- deffus ; au milieu
de la baye de ces Lucarnes & aux côtez
étoient des Dauphins de coloris tranfparans
, & fur les ramparts , & fur le faiſte
des Falots. Il y avoit auffi deux grandes
piramides de lumieres placées fur les deux
poinions de l'extrémité du faifte . Le Socle
& le Pied d'Eftal de la Lanterne , étoient
garnis de Falots , & les Portiques illuminez
par des Chanbranles cintrez , &
par un grand nombre de lumieres fufpendues
en dedans ; la petite Lanterne étoit
auffi illuminée en dedans & en dehors.
A côté du comble , au devant des Pavillons
, étoient deux grands Chiffres du
Roi
SEPTEMBRE . 1729. 2069
Roi, deffinés de lumieres , & 4. Piramides
des Etoiles . Toute cette illumination formoit
un fpectacle très - agréable.
Deuxième jour , S. Septembre.
Il y avoit comme la veille de gros Fa
lots fur la tête des Poteaux de la barriere ,
& un cours de Falots fur la Corniche des
Pieds -d'Eftaux du premier ordre , fervant
de baſe à toute l'illumination .
Cet ordre étoit éclairé par 65. flambeaux
de cire blanche , portez par des
bras de relief dorez , & placez de fimetrie
à côté des colomnes , ce qui formoie
quantité de Groupes de lumieres. Six Luftres
de Cristal garnis de bougies , étoient
fufpendus aux cintres des croilées de cet
ordre , & au-deffus les Chiffres du Roi &
de la Reine , deffinez par des lumieres
& placez alternativement.
On voyoit fur la Porte d'entrée , une
fleur de Lys de lumieres avec des Falots
au-deffus de la Corniche ; au ceintre des
Arcades du S. Efprit & de S. Jean , étoient
deux grands Luftres de bois , rehauffez
d'or , garnis de so. lumieres chacun com
me le jour précedent . Cet ordre étoit terminé
par un cours de Falots, fur la Corniche
.
Le fecond ordre étoit illuminé par 26.
Gi
2670 MERCURE DE FRANCE:
Girandoles de Cristal , garnies de bou
gies , lefquelles étoient placées fur les appuis
des croifées .
Il y avoit auffi 58. flambeaux de cire
blanche , portez par des bras rehauffez
d'or , placez au pied droit des croifées
pour accompagner les Girandoles placées
fur les appuis des croifées . 16. Piramides
le long de la face de cet ordre , étoient
placées fur les appuis des Niches , & audeffus
des Falots ; il y en avoit auſſi ſur la
Corniche des Pavillons en faillies ; enfin
cet ordre étoit terminé par un cours de
Falots fur la Corniche de l'Entablement.
Sur la Balustrade , au deffus de la Corniche
, étoit un cours de Falots . Le milieu du
comble étoit marqué par un grand Dauphin
de lumieres , qui fefoit un très - bel
effet.
Les Lucarnes au côté étoient illumi
nées par des Fallots , des Flambeaux dans
des bras , & des Luftres de Cristal en bougies
fufpendus aux ceintres des Lucarnes.
Les rempans & le faifte du comble ; étoient
profilez par des Falots , & deux Piramides
comme le jour précedent , ainfi que
la Lanterne. Les deux Chiffres du Roi
& de la Reine , & les quatre Piramides
portans des Etoiles , étoient auffi placées
au devant des Pavillons aux côtez du comble.
Il y eut auffi le foir un Feu de bois
dans
SEPTEMBRE . 1729. 207 !
dans la Place de Gréve , & des Fontaines
de Vin , comme le jour précedent.
L'illumination du fecond jour fut répétée
le lendemain , excepté que dans les
Niches on y avoit placé des Panneaux de
lumieres , au lieu des Piramides . Les Fontaines
de Via ont toujours continué dans
la Place de Gréve , & il y eut auffi un
Feu de bois avec la même cérémonie des
deux jours précedents , & il fut diftribué
du pain & de la viande au peuple , &
jetté de l'argent,
Quatrième jour 7. Septembre,
Le Roi ayant honoré de ſa préſence le
Feu d'artifice tiré ce jour - là devant l'Hôtel
de Ville , la face en fut décorée tout
differemment des jours précedens , & d'un
goût auffi nouveau qu'il étoit riche & magnifique
par le grand nombre de Luftres
de Criftal , de Guirlandes , & de Feftons
de fleurs placez avec beaucoup d'art.
On voyoit d'abord au haut du ceintre
des Arcades du S. Efprit & de S. Jean ,
trois Luftres de Cristal garnies de bougies
fufpendus par des cordons & houppes dorez
, accompagnez de Feſtons & de chûtes
de fleurs , dont le principal noeud étoit en
bouquet , placé au- deffus du Luftre du
milieu ;
2072 MERCURE DE FRANCE.
milieu ; & au-deffous des Luftres d'autres
Feftons & chûtes de Fleurs.
Les ceintres des croifées du premier étage
portoient auffi des Luftres de Cristal
en bougies , & accompagnez de Feftons
& chutes de fleurs. Les Colomnes étoient
chargées de 42. flambeaux de cire blanche
, portez par des bras rehauffez d'or
& placez par groupes de Piramides. Il y
avoit des Falots fur la Corniche de la
Porté d'entrée , avec des Feftons & chutes
de fleurs au- deffous , fufpendus par des
fleurs de Lys dorées .
Au-deffous de l'Encorbellement des Pavillons
en faillie , on avoit placé un Luftre
de Cristal garni de bougies & accompagné
de Feftons & chutes de fleurs . Une
fuite de Falots fur la Corniche terminoit
ce er ordre .
Le fecond ordre n'étoit pas moins richement
décoré. Il y avoit 16. Genies de
Rondeboffe , peinte de coloris , & drapez
differemment & dans des attitudes variées
& agréables , placez au - deffous des Niches,
tenant des Feftons de fleurs . 16. Gi
randoles de Criftal , garnies de bougies ,
étoient placées dans les Niches , au - deffus
des Génies , dont ils fembloient être les
fuports. Cet ordre étoit encore enrichi
par 39. Luftres de Criftal , en bougies ,
fufpendus par des cordons dorez , devant
les
SEPTEMBRE. 1729. 2073
les croilées , trois à chacune , dans le même
ordre des fleurs de Lys de l'Ecuffon
des Armes de France. Une fuite de Falots
, fur la Corniche de l'Entablement
terminoit cet ordre . Il y avoit auffi une
pareille fuite de Falots fur la Balustrade
au bas du comble. Les deux Lucarnes
au- deffus de la Balustrade , avoient chas
cune un Luftre de Cristal garni de bou
gies , fufpendus au ceintre de leur baye ,
accompagné de noeuds , feftons & chutes
de fleurs , & des Falots fur leurs Corniches.
Au milieu du comble , entre les deux
Lucarnes , étoit un Cartouche chantourné
, avec l'Ecuffon de France couronné
le tout deffiné par un très grand nombre
de lumieres. Les rampans & le faifte du
comble , étoient illuminez par des Falots
& deux Piramides comme les jours prés
cedens , ainfi que la Lanterne .
Aux côtez du comble , devant chacun
des deux Pavillons , étoient quatre Luftres
de Criftal , garnis de bouquets , accompagnez
de noeuds , feftons & chutes
de fleurs : chacun de ces Luftres étoit entre
quatre flambeaux de cire blanche
des bras rehauffez d'or.
portez par
Interieur de l'Hôtel de Ville.
Le dedans de la Porte d'entrée , étoit
3
-éclairé
2074 MERCURE DE FRANCE .
éclairé en bougies par un Luftre de Criftal
, & par cinq Girandoles de même
pofées au deffus du Luftre fur des Gradins
, & au- deffous de ces Girandoles
étoient des Feftons & chutes de fleurs.
Au Pourtour du rez de- chauffée , dans
la cour , étoit un cours de Falots , régnant
audevant des Arcades & des Pieds
d'Eftaux des colomnes ; il y avoit de pareils
Falots fur la Corniche des Piedsd'Eftaux
, Les colomnes étoient ornées
chacune de trois Médaillons , dont les
bordures étoient de fleurs , fe tenant les
uns & les autres par des chutes ; les deux
Médaillons fuperieur & inferieur repre
fentoient le Chiffre du Roi peint fur un
fond d'azure rehauffé d'or , & celui du
milieu repréfentoit le Chiffre de la Reine ,
rehauffé d'or fur un fond de gueule ; tous
ces ornemens étoient agraphés au Chapiteau
des colomnes par une fleur de Lys
dorée. 25. Luftres de Criſtal étoient au
Pourtour de la cour , fufpendus à l'aplomb
des ceintres de chacune des Arcades
, par des cordons dorez , accompagnez
de Feftons & chutes de fleurs , &
agraphez par des noeuds peints en bleu &
en rouge , placez alternativement . Il y
avoit auffi so. Girandoles de fer blanc
doré fur leurs confoles , à feuilles de Refuns
, placées dans les Arcades au devant
des
SEPTEMBRE. 1729. 1075
des Pieds- droits , pour accompagner les
Luftres .
Au devant de l'archi-volte , au- deffus
des Luftres , étoient des Groupes de Dauphins
rehauffés d'or.
L'Arcade qui renferme la Statue en
pied de Louis XIV . étoit feulement garnie
de Feftons & de Chutes de fleurs, fuf,
pendus au ceintre : les Marbres & les
Bronzes dorez , fourniffant des ornemens
affez riches. Il y avoit deux Guéridons
dorez au dedans de la Grille fur cha
cun defquels étoit une Girandole de Criftal
, pour accompagner la Statue de
Louis XIV. Le fond des Arcades étoit
tapiffé de belles verdures uniformes , pour
donner plus de relief & d'éclat à la décoration.
La Saillie de l'Architrave étoit
garnie d'un fil de Lampions , & la Corniche
du premier ordre d'un cours de Falots
; le tout en cuivre.
Au- deffus de la Statuë de Louis XIV .
étoit exposé un grand Tableau peint
tranfparant , repréfentant les armes du
Roi , avec les attributs convenables , &
accompagné de chaque côté d'un autre
Tableau , repréfentant un Dauphin & un
Génie affis deffus. On lifoit au bas PRESIDIUM
ET DE CUS . Elles font l'appui
& la gloire de la Nation. Au- deffus de la
principale Arcade , vis - à- vis la Statuë
H étoit
1076 MERCURE DE FRANCE .
étoit un autre Tableau tranfparent , re
préfentant les Armes de la Ville avec divers
attributs , accompagné de chaque
côté d'un autre Tableau repréfentant une
Sirene . On lifoit deffous IMMERSABILIS
UNDIS , Elle ne peut plus être fubmergée.
Les' Efcaliers & Coridors étoient
éclairez par des Luftres de Cristal .
"
La Grande- Salle étoit préparée & dif
pofée pour le Roi Il y avoit un Throne
dreffé & adoffé à la Cheminée , du côté
du S. Elprit , avec un Dais au- deſſus ;
audevant des trois croifées du milieu de
la grande Salle étoit formée une Eſtrade
& une Enceinte à hauteur d'appui , où
Sa Majesté le plaça pour voir tirer le Feu
d'artifice au-deffus de cette croiſée étoit un
Dais en dedans , & un autre en dehors ;
toute la Salle étoit ornée de riches Tapif
feries ; fur les Trémeaux étoient des Girandoles
portant nombre de bougies , indépendamment
de 18. Luftres de Cristal
qui étoient dans la Salle,
L'appartement du Greffier de la Ville ,
destiné pour le Roi , étoit fuperbement
meublé & éclairé par un grand nombre
de Luftres & de Girandoles de Cristal,
Dans la Salle des Gouverneurs étoit la
Table pour le fouper du Roi.
=
FEU
SEPTEMBRE. 1729. 2077
FEU D'ARTIFICE.
E Corps de l'Edifice étoit élevé audeffus
du pavé de quatre Gradins , 3
avoit quatre faces d'Ordre Dorique ; quatre
Pieds d'Eftaux aux quatre Angles
fur lefquels étoient des Poupes de Vaiffeaux
de relief peints en Bronze , rehauffez
d'or , accompagnez de Tritons de relief
feinr en marbre blanc ; les agrez de
ces Poupes étoient rehauffez d'or. Sur le
devant , des Génies de relief préfentoient
un Dauphin rehauffé d'or dans un Cartouches
des Guirlandes de fleurs paffoient
à l'entour des agrez qui tomboient fur les
Génies & fur les Tritons ; fur chaque face
étoient des Groupes de colomnes , élevées
fur une Eftrade , & des Pieds - d'Eftaux ,
dont le Plan étoit circulaire . Du milieu
du Portique , faiſant face à l'Hôtel de
Ville , s'élevoit un Autel fervant de bafe
au fujet Allégorique , & au - deffus des
colomnes étoient des Groupes de Génies
de relief , joüans avec un Dauphin , &
portans differens attributs comme le
Sceptre , la main de Juftice , & le Cordon
de l'Ordre : ces Génies étoient en Marbre
blanc rehauffez d'or .
Le milieu du Feu étoit fommé par un
Hij Pied2078
MERCURE DE FRANCE
Pied - d'Eftal pyramidal , qui étoit termi .
né par le Globe de la France , avec une
Renommée au deffus . Ce Pied - d'Eftal
étoit chargé fur fes faces de differens ornemens
de relief ; rehauffez d'or , accom
pagnez de Feftons &Chutes de fleurs.
L'Edifice avoit 24. pieds de face en
quarré , fans y comprendre les Gradins :
au Pourtour , fur environ 60. pieds de
haut . A 9. pieds de diftance des Gradins ,
étoient placez des Ifs à 8. pans , garnis
de Falots ; ces Ifs formoient un octogone
autour du Feu , & l'éclairoient de prèsde
zooo . lumieres . Il y avoit auffi grand
nombre de Falots fur les Gradins & fur le
Pailler au bas du Feu . Aux quatre coins
du Feu , au deffus de la Corniche de l'Entablement
, étoient placez 4. gros Falots
à cinq méches portez fur des Vaſes , entre
les Groupes de Génies , & grand nom
bre de Falots fur le plancher , au bas du
Pied d'Eftal pyramidal , couronnant le
Feu .
Face , on côté de l'Hôtel de Ville.
Au-deffus de l'Hôtel , au milieu du
Portique , paroiffoit le Génie de la France
, defcendant fur un nuage , & tenant
entre festbras le jeune DAUPHIN , qu'il .
remettoit au Soin & à la Vigilance ; lei
Soin
SEPTEMBRE. 1729. 2079
Soin étoit repreſenté par une figure qui
tenoit une Lampe , & la Vigilance par
une figure aiflée. Au- deffous de ce Grou
pe , on voyoit la France tranfportée de
joye , qui tendoit les bras pour recevoir
le Prince. Près d'elle étoit reprefentée la
Ville de Paris , qui marquoit auffi fon
allegreffe en préfentant une Nef d'argent ,
qui eft fon fymbole . Ce Groupe étoit ac-
-compagné de quelqu'autres figures qui
défignoient le Peuple . Quelques -unes paroiffoient
faire des voeux , & d'autres répandre-
leurs Tréfors . On lifoit fur le devant
de cet Autel l'Infcription fuivante
PERENNITATIS DOMUS AUGUSTE
POPULORUM VOTIS .
CONCESSUM PIGNUS
PREFECTUS ET ÆDILES
INEFFABILE OMNIUM ORDINUM PLAUSU
CELEBRANT
„Die feptima Septembris M. DCC . xxix .
Sur deux Pied- d'Eftaux , aux deux côtez
du Portique , & au devant des Colomnes
, il y avoit divers Groupes de Genies
avec deux Cartouches de chaque côté. Le.
premier reprefentoit le Vaiffeau qui forme
les armes de la Ville , voguant à pleines
voiles au-deffous de la conftellation
du Dauphin , avec ces mots pour ame ,
H iij
SIDERE
1080 MERCURE DE FRANCE .
SIDERE LÆTA NOVO . Quelle joye n'inf
pire point la vie de ce nouvel Aftre. Le
fecond , le même Vaiffeau au-deffous de
P'Etoile du Nord , par allufion à la Reine ,
avec ces mots , NEC VOTA FEPELLIT.
Elle n'a point trompé notre esperance &
nos veux. Le troifiéme , un Aigle qui
plane dans les airs au-deffous d'un Ciel
ferein . SE DES JOVE DIGNA. Une Ville
fi beureufe ne fut jamais plus digne de fixer
la demeure de fon Roi. Le quatriéme
une Rofe qui s'épanouit aux rayons du
Soleil Levant PULCHRIOR EVENIT.
Les rayons de cet Aftre lui donnent une
nouvelle beauté. Le ceintre du Portique
étoit fermé par les Armes du Roi & de
la Reine , avec leurs fupports , & c . Audeffus
de l'entablement , & audevant du
Socle , des Groupes d'enfans, on lifoit ces
FECUNDITAS AUGUSTA FE
LICITAS IMPERII , alternativement fur
quatre faces de la Décoration du Feu
mots
Jes
Face ou côté de la Riviere.
"
Au- deffus de l'Autel , on voyoit Minerve
qui préfide aux Arts & aux Sciences
; & près d'elle le jeune Prince , accompagné
de plufieurs Génies , & environné
des differens attributs & inftrumens
des Arts . Sur l'Autel brûloit un feu
de
SEPTEMBRE . 1729. 2081
de bois de Cédre , & au-deffus de Minerve
, au- devant du ceintre du Portique ,
un Soleil Levant perçant un nuage, portoit
trois fleurs de Lys au faifte de la Gloire.
Ce nuage laiffoit entrevoir un nombre
de mauvais Génies qui tomboient
dans l'abyfme. Sur le fuft de l'Autel de
Minerve , on lifoit : TALI SE DEA JAGTAT
ALUMNO. Que Minerve fe glorifie
un jour d'avoir fait un tel Eleve.
Sur les deux Pieds - d'Eftaux , & au -bas
des Colomnes , étoient élevez deux Guéridons
portans des Lampes ardentes ; &
au- deffus étoient encore quatre Cartou
ches dont l'un reprefentoit le Dieu de
la Seine , appuyé fur fon Urne , fur le
rebord de laquelle on lifoit SE QUANA ,
épandoit fes eaux prêtes à entrer dans la
Ville ; ces mots pour ame : AURIFERO
FELICIOR AMNE. Fleuve plus heureux
que le Pactole.
L'autre , le même Dieu de la Seine &
la Déeffe de la Marne dont on lifoic
auffi le nom fur le rebord de l'Urne :
MATRONA , mêloient leurs eaux avanc
que d'arriver à la Ville avec ces mots :
HOC ERAT IN VOTIS . Cet évenement
étoit auffi Pobjet de leurs voeux..
と
Le troifiéme , une Source qui formoit
prefqu'en naiffant une Riviere confiderable.
QUID NON SPONDET BUNDO.
Que
H iiij
2082 MERCURE DE FRANCE .
Que ne doit-on pas attendre d'un plus long
cours .
Le quatrième , une Anchre à l'antique ,
autour de laquelle étoit un Dauphin ,
ce qui étoit chez les Anciens un fymbole
de prudence & de tranquillité , avec ces
mots : TUTUM PRÆSTABIT ITER.
Elle nous promet une navigation sûre &
beureuse.
Troifiéme Face.
Au deffus de l'Autel on voyoit la Reli
gion qui préfentoit le DAUPHIN à la
Juftice , & une Gloire au- deffus ; aux
pieds de ces deux Divinitez étoient leurs
Génies & leurs Attributs . Sur. l'Autel
étoit un Lit de Juftice avec les Attributs
convenables , & fur le fuft de l'Autel
REDDAT PIETATE PARENTES . Qu'a
wec leurs fecours , on retrouve en lui toute
la vertu defes Ancêtres.
Sur les deux Pieds d'Eftaux , au devant
des Colomnes , étoient deux Grou
pes de figures dans des attitudes de refpects
& d'admiration ; & au- deffus quatre
nouveaux Cartouches , dont le premier
reprefentoit Minerves, qui d'un
coup de fa Pique fait fortir de terre un
Olivier , avec ces mots MUNERI BUS
PRETIOSA SUIS. Que le Préfent qu'elle
nousfait eft précieux. wa
&
"
Le
SEPTEMBRE . 1729. 2083
Le fecond, une Grenade couronnée , qui
étant entr'ouverte , laiffoit voir fon fruit
vermeil , NON SOLO GRATA DECORE .
Elle n'eft pas recommandable par fa feule
beauté.
Le troifiéme , deux Palmiers qui s'élevoient
à la même hauteur , & dont les
branches rapprochées formoient un Berceau.
UNA CRESCIT HONOs. Ils vɔyent
croître également leur bonheur & leur
gloire.
Le quatrième , un Lys épanoui avec un
rejetton qui commençoit à pouffer , PROLES
GEMINA BIT ODOREM C'est ainsi
qu'augmentefa force , fon éclat , nos hom-
·mages , &c.
Au- deffus du ceintre du Portique étoient
les Armes de la Ville , ayant pour fuports
la Marne & la . Seine .
Quatrième Fase.
1
Au-deffus de l'Autel étoit reprefenté
Mars , Dieu de la Guerre & de la Valeur,
tenant le DAUPHIN , au-deffus paroiffoit
une figure fur un nuage , reprefentant la
Force ; elle portoit d'une main une pyra
myde ; & de l'autre une Couronne d'immortelle
pour le jeune Prince ; aux pieds
de la Divinité étoient divers Génies effayant
des Armes. Mars étoit appuyé con
HY LEG
2084 MERCURE DE FRANCE .
tre un Palmier dont les branches le cou
vroient , & fur le Fuft de l'Autel étoient
écrits ces mots : VICTOREM DILIGAT
ORBIS. Que l'Univers entier l'adore
lors même qu'il fera obligé de prendre les
Armes , & de remporter des Victoires .
Sur les deux Pieds - d'Eftaux des Colom
nes , on voyoit d'un côté un Groupe d'en-
'fants , tenant differens inftrumens de
Guerre , & de l'autre une figure repréſentant
la Terre , fortant d'un antre , & fe
réveillant à l'afpect du Dieu Mars & de
fon Augufte Eleve. Au - deffus de ces
Groupes , & au - devant des Colomnes
étoient quatre Cartouches , dont le premier
repréfentoit l'Ancile , ou Bouclier
facré, fur lequel on lifoit ANCILE, tombant
du Ciel , avec ces mots : COELO
DEMITTITUR ALTO . Ce Gage facré
nous eft envoyé du haut des Cieux.
Le fecond , Un Arc- en -Ciel , qui percé
des rayons du Soleil , rend une pluye douce
; JUBET ESSE QUIETOS . Ce Symbole
de Alliance Divine rend la paix
·la Terre.
Le troifiéme , un Caducée , qui dans le
Ciel & fur la Terre , eft fymbole de la
Paix & du Repos , SUPERIS ACCEP
TUS ET IMIS. Il est également cheri des
hommes & des Dieux .
Le quatrième , la Lune en fon plein
R2-
SEPTEMBRE. 1729. 285
REPARATO GRATIOR ORBE. Qu'elle
a bien avantageufement recouvré fon état.
Autour de l'Edifice du Feu , étoit le
Parc de l'Artifice & les Caiffes de Fufées .
Sur le Port au Charbon & en retour fur
le Quay , étoient placez les Poteaux pour
tirer les Fulées volantes.
Quatre Fontaines de vin étoient diftribuées
aux quatre coins de la Place , dont
les Théatres , qui étoient garnis de feuillages
, formoient des Berceaux à 4. faces.
Le Duc de Gefvres , Premier Gentilhomme
de la Chambre du Roi , & Gouverneur
de Paris , s'eft fort diftingué par
la beauté des illuminations & des Feux
à fes Hôtels , rue neuve S. Auguſtin &
ruë des Petits- Champs . Il fit couler des
Fontaines de vin pour le peuple , dès le
matin que cette grande nouvelle fut fçûë
à Paris , & elles ont continué pendant les
quatre jours confecutifs des Réjoüiffances
publiques .
L'Illumination de la face exterieure de
l'Hôtel de Trêmes , avoit pour bafe un
cours de Falots fur la Saillie de la retraite.
La Porte d'entrée étoit illuminée par une
forme de Chanbranle chantourné avec des
lumieres ; au deffous du Linteau étoit fufpendu
un Luftre de cristal , garni de
bougies,accompagné de Feftons & Chutes .
de fleurs. Quatre Chiffres du Roi étoient
2086 MERCURE DE FRANCE .
placez fur deux corps de Refand , à côté
de la Porte , deffinez par des lumieres ,
entre lefquelles étoient placez auffi des
Coeurs , & c.
Sur l'Appui de la Baluffrade , au-deffus
de la Porte, étoit un Tableau tranſparent
où l'on voyoit un Soleil levant & un jeune
Dauphin naiffant fur les Ondes. Deux
Génies aux côtez tenoient l'un le Collier
de l'Ordre , & de l'autre le Cartouche des
Armes de France , & au - deffus étoit une
Couronne foutenue par 2. autres Génies.
Ce Tableau étoit accompagné de chaque
côté d'un Piedouche de lumieres , directement
au- deffus des corps du Refand fur
l'Appui de la Balustrade ,portant une Fleur:
de Lys , deffinez par des lumieres & deux
gros Falots. Le furplus de la face entre .
les Pavillons , étoit illuminé de chaque
côté de la Porte par des formes de lumieres
chantournées , dans lesquelles étoient
des Trophées de relief rehauffez d'or , réprefentant
des Brandons & des Carquois;
fur les corps de Refand à côté , étoient les
Chiffres de la Reine , entre lefquels étoient
des Coeurs , & c. Au deffus des Trophées,
des Girandoles de fer - blanc doré fur leurs
Confolles garnies de bougies en forme de
Piramides.
Les deux Pavillons en aîle , étoient illuminez
par d'autres formes de lumieres,.
an
SEPTEMBRE . 1729. 2087
au milieu defquelles étoient des Groupes
de Dauphins de relief , rehauffez d'or , accompagnés
des. Chiffres du Roi , fur les
corps de Refand , au - deffus des Dauphins,
des Girandoles de fer-blanc doré & bou.
gies , fur leurs Confoles en Piramides ,,
accompagnées de Piedouches , portans des
Etoiles, des Fleurs de Lys & de gros Falots.
La Corniche qui féparoit l'Illumination .
inferieure de lafuperieure étoit profilée de
gros Falots ; il y en avoit auffi fur la Core
niche de l'Entablement des . Pavillons.
La face exterieure de la baffe - cour , étoit
illuminée au rez - de - chauffée & fur la
Saillie de la premiere Plainte , ainfi que
fur les Appuis des Croifées , par des Falots
; fur les corps ddee RReeffaanndd , & fur les
Trumeaux entre les Croifées du rez - dechauffée
, étoient les Chiffres du Koi &
de la Reine , tracez par des lumières, ainfi
que les Coeurs & les Trophées qui les féparoient.
Le corps de logis de la baffecour
, étoit illuminé au rez - de chauffée
par une forme de lumieres devant la porte
d'entrée. Il y avoit des Falots fur la Saillie
de la retraite & fur celle de la Corniche
de la Porte. Au premier étage étoient
deux Piramides de lumieres avec Soleils .
à leurs pointes, & à leurs bafes des Falots;
il y en avoit auffi fur l'appui des Croilées.
du deuxième & troifiéme étage..
La
2088 MERCURE DE FRANCE:
La face du Bâtiment au fond de la
cour , étoit illuminée d'un cours de Falots
fur le pavé. Au milieu , entre les Co
lomnes , on voyoit un grand Tableau
tranfparent avec les Armes du Roi , des
Anges pour fupports & dans le Piedouche
au-deffous , étoient les Armes du Duc
de Gêvres . Ces Colomnes étoient illuminées
par des tambours de lumieres ; les
Pilaftres à côté étoient décorez en haut
& en bas par des Groupes de Dauphins
de relief, rehauffez d'or ; entre ces Groupes
étoient les Chiffres de M. le Gouverneur
, peints & rehauffez d'or , avec des
Bordures de fleurs ; le refte de cette face au
rez - de -chauffée , étoit illuminée par deux
flambeaux de cire blanche , portez par des
Bras rehauffez d'or , & fur la Corniche du
premier ordre étoit un cours de Falots.
Le ſecond ordre étoit illuminé par une
forme de lumieres , placée fur la Croifée
du milieu , au- deffus des Armes du Roi ,
& fur les Pilaftres à côté étoient d'autres
formes de lumieres chantournées , avec
des Soleils au- deffas . Le refte de cet or--
dre étoit illuminé par deux flambeaux de
cire blanche , portez par des Bras rehauffez
d'or ; & fur la Corniche de l'entablement
, ainfi que fur la Balustrade au - deffous
du Cadran étoit un cours de Falots.
Les deux aîles étoient illuminées par
des
SEPTEMBRE. 1729 2089
des Falots fur le pavé , au - devant des
Pilaftres ; par d'autres Falots fur l'appui
des Croisées & par des flambeaux de cire
blanche , portez par des Bras , accompagnans
ces Croifées , & fur la Saillie de la
premiere Plainte , étoit un cours de Falots
, ainfi que fur la Corniche du premier
ordre.
Cette illuminarion fut répetée pendant
quatre jours , pendant lefquels il y eut ,
outre des Fontaines de vin , du pain , de
la viande & de l'argent diftribué au Peuple
, & on tira tous les jours un grand
nombre de Fufées volantes.
La face exterieure de l'Hôtel de Gefvres
étoit illuminée par une forme de Chanbranle
chantourné & par une autre forme
entre la Corniche & ce Chanbranle. Sur
les Pilaftres à côté de la porte , en haut
& en bas , étoient les Chiffres du Roy
& de la Reine. Deux Groupes de Dauphins
de relief rehauffez d'or , accompagnoient
la Porte , un de chaque côté , lefquels
étoient entre trois Fleurs de Lys
deffinées par des lumières. Sur la Corniche
de la Porte & fur la Saillie de la
Plainte , êtoit un cours de Falots . A chaque
Croifée du premier étage , étoit fufpendu
un Luftre de cristal garni de bougies
; au - deffous de celui de celle du mi
lieu étoient des Feftons & chutes de fleurs,
82
7090 MERCURE DE FRANCE .
& à côté de cette Croisée , deux Pirami
des , formées par des Falots pofez fur
Appui du Balcon ; & fur les Trumeaux
à côté des Piramides , on voyoit des Médaillons
avec Bordures & chutes de fleurs
réprefentans le Chiffre de la Reine rehauffé
d'or , dont les attaches étoient mardes
noeuds dorez.
quées par
La façade interieure de l'Hôtel , étoit
auffi décorée au milieu par une grande Pi
ramide de lumieres , au deffus de laquelle
étoit un Groupe de Dauphins de relief ,
rehauffez d'or , & au deffus une Fleur de
Lys de lumieres ; fur l'Appui des Croilées
à côté de la Piramide , étoient des Falots .
Il y avoit auffi des Luftres de cristal garnis
de bougies , fufpendus dans ces Croi
fées , au -deffous defquels étoient des Feftons
& chutes de fleurs qui fe terminoient
vers la Piramide ; Deux Chiffres du Duc
de Gefvre , tracez de lumieres , étoient
fur les Trumeaux du rez de chauffée &
deux Fleurs de Lys , auff de lumieres ,
fur les Trumeaux au- deffus des Chiffres.
.
Au pourtour de la cour , la premiere
Plainte étoit profilée d'un cours de Falots
pofez fur des Tablertes de Menuiferie.
Cette ilumination a été auffi répetée pendant
quatre jours , avec des Fontaines de
vin , & c ..
La façade de l'Hôtel du Prévôt des Mar
SEPTEMBRE . 1729 2095
ehands étoit illuminée par fix grands Ifs
garnis de Falots à huit pans ; deux de ces
Ifs accompagnoient la Porte d'entrée &
les quatre autres accompagnoient les deux
Pavillons en aîle. La principale Porte étoit
décorée par un Chanbranle dont les refands
étoient de lumieres , & le Ceintre
étoit orné de Feftons & chutes de fleurs ;
il y avoit des Falots fur la Corniche &
fur le Fronton , où l'on voyoit un grand
Piedouche portant trois Fleurs de Lys de
lumieres ; ce Predouche ou petit Piedeſtal
étoit accompagné fur le mur de quatre
Piramides de lumieres , deux de chaque
côté , entre lefquelles étoit un Vale de
lumieres & un Soleil au- deffus.
Entre les Ifs au côté de la Porte , étoient
des Chambranles de lumieres , qui enfer
moient deux Groupes de Dauphins de re.
lief , rehauffez d'or , portez fur des filets,
rehauffezi d'argent ; ces Chambranles
étoient accompagnez de noeuds dorez , de
Feftons & chutes de fleurs , attachez fur
le mur au- deffous des Piramides .
Les Pavillons étoient illuminez au rezde-
chauffée par deux chambranles de lumieres
, dans le vuide defquels on voyoit
les Chiffres de la Reine auffi de lumieres,
& entre ces deux Chambranles, un Luftre
de cristal garni de bougie , fufpendu au
devant de la Croilées au- deffous étoit une
figure
2692 MERCURE DE FRANCE .
figure de Tonneau & une Lofenge de
lumieres.
Au premier étage étoit le Chiffre du
Roy , déffiné par des lumieres , placé au
milieu de la Croiſée. Six Girandoles de
fer-blanc doré , garnies de bougies , por
tées fur leurs Confoles , accompagnoient
ce Chiffte , trois de chaque côté , & audeffus
la Décoration étoit terminée par
trois noeuds , agrafant des Feftons &
Chutes de fleurs.
L'interieur de la Cour étoit éclairé par
grand nombre de Falots , pofez fur le
pavé & fur la Saillie de la premiere
Plainte , tout au pourtour . Auceinrre de
la porte du Veſtibule étoit fufpendu un
Luftre de cristal , garni de bougies , au
deffus duquel étoit un noeud doré , fervant
d'attache à des Feftons & Chures de
fleurs , qui accompagnoient ce Luftre.
Sur la Corniche étoient placées deux Pi
ramides de lumieres.
Le Jardin étoit auffi illuminé par grand
nombre de falots qui deffincient les Al
lées & les Parterres. Cette Illumination
a été repetée quatre jours , avec Fulées
volantes , deux Fontaines de vin , & les
diftributions de pain , de viande , &e.
L'Illumination de M. Remy , premier
Echevin , n'étoit point appliquée fur la
Maifon , elle en étoit éloignée à diſtance
SEPTEMBRE. 1729. 2093
convenable pour éviter l'incendie. Un
grand Portique de lumieres , au ceintre
duquel étoit fufpendu un Luftre de cristal
garni de bougies , accompagné de Feftons
& Chutes de fleurs , étoit le principal objet
dans le vuide du Fronton étoit un
Groupe de Dauphins de relief , rehauffé
d'or , & fur le Fronton , qui étoit chantourné
de lumieres , étoient trois Fleursde-
Lys , l'une au milieu , & les deux autres
au deffus de chaque Pied- droit du
Portique : aux côtez étoient deux Arcades
en aifle , dont les Pieds droits , Ceintres
& Corniches au-deffus , étoient deffinez
par un nombre infini de lumieres
au-deffus des Pieds- droits de ces Arcades
étoient des Urnes de lumieres & des tyramides
le tout porté fur un Piedouche
, regnant fur la Corniche des Arcades
en aifle aux ceintres defquelles
étoient auffi des Feftons & Chutes de
fleurs , quatre Yfs à huit pans , garnis de
lumieres , placez au devant des vuides
defdites Arcades. Il y avoit une fontaine
de vin tous les foirs , pendant quatre
jours ; il a été diftribué du pain & de la .
viande au peuple , & on a tiré des Fulées
volantes , &c.
›
>
La porte d'entrée de M. Le Roy , fecond
Echevin , étoit formée par un Chanbranle
de lumieres chantourné ; au ceintre étoit
fufpendu
1
2094 MERCURE DE FRANCE .
fufpendu un Luftre de criftal , garni de
bougies , accompagné de Feftons & Chutes
de fleurs , avec un cours de falots fur
la premiere Plainte . Le premier étage étoit
décoré par quatre Luftres de cristal , &
quatre Girandoles , avec des bougies ; les
Luftres fufpendus devant les croisées , &
les Girandoles fur l'appay ; & au milieu
étoient deux Coeurs aiflez peints , fur lefquels
étoit le Chiffre de la Reine , rehauffé
d'or ; la flamme des Coeurs étoit formée
par deux Girandoles de fer - blanc doré ,
garnies de bougies ; enfuite on voyoit
deux Dauphins , peints de coloris fur
bois , & aux extrémitez deux vales de lumieres.
Le haut de ce premier étage étoit
encore décoré par un cours de Feftons &
Chutes de fleurs , agrafez par des noeuds
dorez au deffus des Luftres , & deux Médaillons
repréfontans le Chiffre du Roy ,
rehauffez d'or , bordez de fleurs , fufpendus
au deffus des Coeurs , & des Trefles
auffi de fleurs , pour agrafes ' le tout terminé
par un cours de falots fur la feconde
Plainte . On voyoit au fecond étage
huit Girandoles fur l'appui des croifées ,
deux à chacune ; au milieu étoient trois
Fleurs - de - Lys de lumieres ; dans les croifées
étoient quatre Luftres de criſtal ,
garnis de bougies , dont l'attache étoit
marquée par des Trefles ; au- deffous des
Luftres
SEPTEMBRE. 1729. 2095.
Luftres & deux Fleurs- de- Lys fuperieures,
où étoient attachez fur toute la largeur
des Feftons & Chutes de fleurs , & c. Ce
qui a été repeté pendant quatre jours ,
avec fontaine de vin , du pain & de la
viande diftribuez , & grand nombre de
Eulées volantes tirées .
La Maiſon de M. Menil , troifiéme
Echevin , ayant deux faces , a été
illuminée des deux côtés ; à celui qui regarde
les Halles , la premiere Plainte étoit
illuminée par un cours de Falots ; au
milieu étoit une Piramide tronquée , deffinée
par des lumieres , ainfi que fon Piéd'eſtal
& les deux Vafes qui l'accompagnoient
de chaque côté, & en regard deux
Dauphins , peints de coloris fur bois,
Aux Croifées du fecond étage , étoient
deux Luftres , un de chaque côté de la
Piramide ; deux noeuds dorés marquoient,
l'attache des Luftres , & de ces noeuds
pendoient deux Feftons de Fleurs , retenus
par leur extremité à la Piramide , au
deffus de laquelle étoient trois Fleurs de
Lys en lumieres , & au haut un Trefle ,
avec des Feftons , chutes de Fleurs , &
deux noeuds de Carton doré , qui formoient
l'attache des deux Fleurs de Lys
Luperieures.
Le côté de S. Euftache étoit illuminé
par 42. Flambeaux de cire blanche , diftribués
2096 MERCURE DE FRANCE.
tribués par groupes entre les Croifées
devant les Trumeaux des 3. étages
un cours de Falots fur la premiere Plainte
, fervoit de bafe à cette illumination
qui a été repetée comme les autres pendant
4. jours , avec Fontaine de vin , Pain &
Viande diftribués au Peuple , & Fulées
Volantes.
Sur la Retraite de la Maifon de M.
Befnier , quatriéme Echevin , étoit un
Cours de Falots , pofés fur des tablettes
entre les Piéces de décoration , où l'on
voyoit trois Chambranles de lumieres
chantournés , accompagnés chacun de
deux Pilaftres ruftiques de lumieres , portant
des vales auffi de lumieres. Aux côtés
de la principale Porte , entre les Pilaftres
, étoient deux Guênes , dont les
Piéd'eftaux , Corniches , Coquillages &
ornemens étoient deffinées par des lumieres
; ces Guênes portoient le Chiffre de
la Reine , peint fur bois , rehauffé d'or.
Sur la Porte , étoit un Groupe de Dauphins
de relief , rehauffé d'or , & audeffous
un cours de Falots , pofés fur la
Corniche de la Porte. Ce Groupe étoit
accompagné de deux Flambeaux de cireblanche
portés par des bras rehauffés d'or.
Au-deffus des deux Pilaftres , à côté de
la Porte , étoient deux Fleurs de Lys de
lumieres , & un autre au-deffus des Dauphins
SEPTEMBRE. 1729. 2049°
la Reine , qui déja mere de trois Princeffes
, vient de combler nos voeux par
l'heureuſe Naiffance de Monfeigneur le
DAUPHIN.
Nous n'entreprendrons pas d'exprimer
ici les tranfports de joye de la Cour , de
la Ville & de toutes les Provinces du
Royaume ; cela feroit trop difficile . Mais
nous tâcherons de n'oublier aucun fait ,
afin qu'on puiffe juger des fentimens tendres
& refpectueux des François pour
leur Roi .
La Reine étant fort avancée dans le
neuvième mois de fa groffeffe , fentit le
3. de ce mois fur les onze heures du foir
quelques douleurs qui firent croire que
S. M. alloit accoucher , mais ces douleurs
ayant difcontinué , les Princes & les Princeffes
du Sang qui s'étoient rendus.
auprès de la Reine , fe retirerent & S ..
M. prit un peu de repos , continuellement
obfervée par tous les Officiers de
fanté & particulierement par M. Payrat ,
qui devoit l'accoucher , & qui avoit déja
eu cet honneur pour la troifiéme fois .
la
Le 4. à deux heures du matin
Reine commença à fouffrir beaucoup ; &
le Roi s'étant levé , on envoya avertir les
Princes & les Princeffes du Sang , le Cardinal
de Fleury , le Chancelier de France
& le Garde des Sceaux , qui fe rendirent
auffi™
2050 MERCURE DE FRANCE.
auffi -tôt dans la Chambre, de la Reine ;
dont l'Appartement fut dans l'inftant rempli
des Seigneurs & des Dames de la Cour,
La Reine fentit de grandes douleurs pendant
une heure & demie , & à trois heures
40. minutes du matin S. M. accoucha
heureufement d'un Prince , dont la
fanté & la force donnent de grandes ef
perances pour de longs jours..
Le Roi qui n'avoit point quitté la Reine
pendant fes douleurs,& qui lui avoit donné
des marques continuelles de fa tendreffe,
parut dans le moment de la Naiffance de
Monfeigneur le DAUPHIN , touché de la
plus vivejoye ; & toutes les perfonnes qui
éroient dans la Chambre ou dans l'Appartement
de la Reine , en apprenant cette
grande nouvelle , firent paroître leur
amour pour le Roi , & la fincerité de
leurs voeux pour la fatisfaction de L. M.
-Auffi -tôt que Monfeigneur le DAUPHIN
fut né , il fut mis dans un Lange.& porté
auprès du feu , enfuite il fut ondoyé par
le
Cardinal de Rohan Grand- Aumônier de
France , en prefence du Curé de la Paroife
de Verfailles ; le Roi affifta à cette
Ceremonie , après laquelle le Prince nouveau
né fut emmaillotté par Made .
Garde de la Reine ; enfuite la Ducheffe
de Ventadour , Gouvernante des Enfans
de France , accompagnée des trois Sous-
GouSEPTEMBRE
1729. 2099
Supports aux Armes du Roi. On voyoit
au deffus trois Fleurs de Lys de lumieres,
portées fur des Piramides auffi de lumieres
. Ces Fleurs de Lys paroiffoient fufpendues
à des noeuds dorés , avec des Feltons
dans les efpaces , & de chaque côté for◄
toit un Fefton de Fleurs qui fe terminoit
au deffus des Fleurs de Lys à un noeud doré,
avec des chutes au- deffous. Toute l'Il
lumination étoit terminée par deux Girandoles
portées fur des Confoles dorées ,
& un Luftre fufpendu entre-deux à un
noeud doré . Du deffous de ce Luftre fortoient
des Feftons de Fleurs , le terminant
à la rencontre des Conſoles qui fer .
voient de pied aux Girandoles.
Cette illumination a été auffi repetée 4 .
fois , avec les mêmes diftributions qu'aux
précedentes.
Au devant de la premiere Plinte de
la Maifon de M. Le Gras , ancien Eche
vin , étoit un cours de Falots , pour fervir
de baſe à toute l'Illumination . Sur la
feconde Plinte , regnoient des Feftons
de Fleurs d'un Trumeau à l'autre , dans
les milieux defquels étoient des noeuds de
rubans dorés & des chutes de fleurs , d'où
pendoient fix Luftres , devant les Croifées
du premier étage . Aux Trumeaux du
milieu , étoient trois Girandoles fur des
Confoles dorées , de même qu'aux Tru-
I meaux
1100 MERCURE DE FRANCE .
meaux des côtés . Aux deux grands Trumeaux
, étoient deux efpeces de Lyre ,
tracées avec des Lampions , dans le fond
defquels étoient des Dauphins de coloris.
Au Trumeau du milieu du fecond érage
, étoit un Cartouche portant le Chiffre
du Roi , rehauffé d'or , accompagné de
trois Fleurs de Lys de lumieres ; une de
chaque côté , & une au- deffus , fupportées
par des noeuds de rubans dorés , &
chutes de fleurs. A chaque Trumeau des
extremités , étoit un Médaillon des Chif-
"fres du Roi & de la Reine , enlaffés &
rehauffés d'or , avec bordure de lumieres.
De chaque côté de la Fleur de Lys du
milieu , fortoient des Feftons de Fleurs ,
qui regnoient le long de la Plinte du
troifiéme étage terminés au milieu de
chaque trumeau , par des noeuds de ruban
, & des chutes de Fleurs aufquelles
les Fleurs de Lys & Médaillons étoient
fufpendus.
J
Cette Illumination a auffi duré 4. jours
avec du vin & du Pain diftribués , Fufées
Volantes & c.
Les deux faces de la Maifon de M.
Maultrot , Ancien Echevin , faifant l'encoignure
des Rues de la Vieille Draperie
& de la Barillerie , étoient illuminées ;
cavoir , celle de la premiere Rue avoit
2012M
au
SEPTEMBRE . 1729. 2000
$
L
au premier étage trois Chambranles de
lumieres , au pourtour des Croifées ; celui
du milieu chantourné en forme de
Confole , & le Ceintre à trois Pans , audeffous
duquel étoit fufpendu un Luftre ,
garni de bougies , accompagné d'une Girandole
de chaque côté , pofées fur l'apui
des Croifées ; au- deffus des Chambranles
, étoient des Feftons de Fleurs ,
avec des chutes & noeuds de ruban , dans
les milieux des Croifées & des Trumeaux.
•
?
Au milieu du fecond étage , étoient
deux Dauphins enlaffés , peints de coloris
, avec un Médaillon au deffus , au
Chiffre du Roi , rehauffé d'or , dont la
bordure étoit de lumieres ; de chaque côté
de ce Groupe , étoit un Cartouche rehauffé
d'or , avec le Chiffre de la Reine.
Ces Cartouches fervoient de Confolesià
des Girandoles placées au- deffus. L'Illumination
étoit couronnée par des Feftons
& chutes de Fleurs retenus par des noeuds
de ruban dorés . S. oftenitoril s379
niv :
Caté
du Palais
. iv
Cette face étoit decorée au premier
étage par un Dauphin peint de coloris ,
placé entre les deux Croifées , avec Guit
landes de fleurs au-deffus & au- deffous ,
attachées avec des nauds dorés. Sur cha
aux côtés
que appui des deux Croifées ,
I ij
du
2102 MERCURE DE FRANCE.
du Dauphin , étoient deux Girandoles ,
garnies de bougies. On voyoit au deuxieme
étage trois Fleurs de Lys de lumieres
, au - deffus du Dauphin , & de chaque
côté , fur les appuis des deux Croifées
, deux Girandoles garnies de bougies.
Cette Illumination etoit auffi couronnée
par des Feftons de Fleurs & chutes
, retenus par des noeuds de rubans dorés.
Dans la Place des Barnabites , il y
eut pendant les quatre jours que cette illumination
a été repetée , les mêmes diftributions
& Fulées & c.
Le lendemain de la naiffance de Monfeigneur
le Dauphin , le Parlement pour en
rendre graces à Dieu , fit chanter dans la
Chapel e du Palais le Te Deum en mufique ,
auquel le Chapitre de la Sainte Chapelle
affifta , & l'Abbé de Champigny , Tréforier,
y officia pontificalement. La Chambre des
Comptes , la Cour des Aydes , la Cour
des Monnoyes , le Châtelet & le Corps
de Ville en ont fait chanter un le même
jour & les jours fuivans ; ainfi que le
Grand- Confeil , les Préfidens- Tréforiers
de France de la Generalité de Paris , l'Académie
Françoife , l'Académie Royale
des Sciences & celle des Infcriptions &
Belles Lettres , l'Académie de Peinture &
Sculpture &c,
LD
Unc
SEPTEMBRE 1729. 2103
V
Une particularité que nous venons
d'apprendre , & que nous ne devons pas
oublier , c'eft que M. Dorceval , premier
Page du Duc de Gefvres , qui apporta de
la part de fon Maître , le premier , la nou
velle de la naiffance du Dauphin , à l'Hô .
tel de Ville , & dont l'arrivée excita fubitement
les acclamations publique's
dans les rues & aux fenêtres , où les
Bourgeois paroiffoient en chemifes
en bonnets de nuit & en cornettes ,
a été gratifié d'une penfion de 15,00 .
livres par la Ville de Paris , & le Duc
de Gêvres dès ce jour là , le fit Exempt
de les Gardes . Une chofe finguliere
& vraye , c'eft que ce Gentil - homme
qui étoit venu de Verfailles en 33. minutes
, paroiffant fatigué en defcendant
de cheval , fut porté par le Peuple juſques
dans la Salle de l'Hôtel de Ville ,
en criant de toute fa force : vive le Roi ,
nous avons un Dauphin.
Le 7. Septembre , à trois heures aprèsmidi
, le Roi partit de Verſailles pour fe
rendre à Paris ; S. M. étant accompagnée
dans fon Caroffe du Duc d'Orleans
Premier Prince du Sang , du Comte de
Clermont , du Prince de Conti , du
Prince de Dombes , du Comte d'Eu , &
du Comte de Touloufe . Les trois autres
Garoffes du Roi étoient remplis par les
I iij prin2104
MERCURE DE FRANCE.
principaux Officiers de fa Maiſon , &
par les Seigneurs de la Cour. Les Détachemens
des Gendarmes , des Chevauxlegers
& des deux Compagnies des
Moufquetaires de la Garde du Roi , &
le Détachement des Gardes du Corps
précedoient & fuivoient le Caroffe du
Roi , les Officiers de ces Compagnies
occupant les places qui leur ont été marquées
par le Reglement du 11. Novembre
1724. Le Vol du Cabinet com
mandé par M. Forget , ayant l'honneur
de fuivre S. M. dans les voyages , étoit
immédiatement devant le Caroffe de fuite.
>
Le Roi arriva vers les 5. heures à la
Porte de la Conference au dehors de la
quelle S. M.. trouva le Guet à Cheval ;
& le Roi étant monté dans fon grand
Caroffe de Cerémonie , fe rendit à l'Eglife
Métropolitaine par le Quai des
Thuilleries , celui du Louvre , le Pont-
Neuf, le Quai des Orfevres , la Rue faint.
Louis , & le Marché-Neuf; les Regimens:
des Gardes Françoiles & Suiffes étoient
rángés en haye , & préfentoient leurs armes
dans toutes les. Rues par lefquelles .
S. M. paffa , en allant à l'Eglife Metropolitaine
, à l'Hôtel de Ville , & en retournant
à Verfailles
Le Roi fut reçu à la Porte de l'Eglife
par l'Archevêque de Paris , à la tête de
Lon
SEPTEMBRE. 1729. LOS
fon Chapitre. Ce Prélat complimenta S.
M. & lui prefenta l'Eau benite . Le Roi
entra dans l'Eglife au bruit des trompettes
& hautbois de la Chambre , étant pres
cedé du Grand-Maître & du Maître des
Cerémonies , devant lefquels marchoient
le Roi & les Heraults d'Armes , & S. M.
alla fe placer au milieu du Choeur fuc
un Prie- Dieu , au- deffus duquel étoit un
Dais. Le Duc d'Orleans , le Duc de Bourbon
, le Comte de Clermont , le Prince
de Conti , le Prince de Dombes , le Com .
te d'Eu , & le Comte de Touloufe , le
Cardinal de Rohan , le Cardinal de Biffi
le Cardinal de Fleuri , les Officiers de la
Couronne , les principaux Officiers de
S. M. & les Seigneurs de la Cour , étoient
placés auprès du Roi pendant le Te
Deum , auquel le Chancelier de France
& le Garde des Sceaux affifterent , étant
accompagnés de plufieurs Confeillers d'E
tat & Maitres des Requêtes.
Le Clergé , le Parlement , la Chambre
des Comptes , la Cour des Aides & le
Corps de Ville ayant été invités en la maniere
accoutumée , y affifterent en Robes
de Cerémonie , & à leurs Places ordinaires.
L'Archevêque de Paris officia pon.
tificalement au Te Deum qui fut chanté
par la Mufique , au bruit d'une Salve generale
des Canons de la Baftille , de l'Ar-
Liiij Tenal
1106 MERCURE DE FRANCE.
fenal & de la Ville . Les Regimens des
Gardes Françoifes & Suiffes y répondirent
par trois décharges de leur Moufqueterie.
Après le Te Deum , le Roi vint
faire la priere devant l'Autel de la Vierge
, d'où S. M. fut reconduite jufqu'à la
Porte de l'Eglife , avec les Cerémonies ,
qui avoient été obſervées à ſon arrivée.
Le Roi remonta en Caroffe , & avec fon
fuperbe Cortege , aux acclamations d'un
Peuple infini , aux fenêtres , fur des Echafauts
, & dans la Ruë que les Regimens
des Gardes Françoifes & Suiffes en haye ,
les Officiers à la tête , avoient bien de la
peine à contenir , paffa par la Ruë Notre
Dame , le Pont enfuite , le Quai Pelletier
, & arriva à fept heures vers l'entrée
de la nuit à l'Hôtel de Ville , qui
étoit illuminé de la maniere que nous l'avons
déja dit , ce qui faifoit un coup
d'oeil admirable , & de la plus grande
magnificence. On étoit veritablement
frappé du bon goût , de l'ordre & de l'effect
de ce fpectacle . Ce qu'on remarquera
en paffant , c'eft que par les fages précautions
des Magiftrats , malgré la foule
prodigieufe du Peuple avide de voir le
Roi , malgré l'excès de la joye auquel on
voyoit tout le monde fe livrer , & la
quantité de feux de toute efpece , tout
s'eft paffé dans cette grande Ville >
nonfeule
SEPTEMBRE 1729 2107
feulement fans aucun accident confiderable
, mais fans aucun defordre .
9
Le Roi fut reçû au bas de l'Efcalier del'Hôtel
de Ville par le Duc de Gêvres ,
Gouverneur de Paris , le Prefident Turgot
, Prévôt des Marchands , Mrs Remi
le Roy , Mefnil & Befnier , Echevins
Moriau , Procureur du Roi , Taitbout
Greffier , & Boucot , Receveur de la Ville
, tous en Robbe de cérémonie , & accompagnez
des autres Officiers , qui compofent
le Corps de Ville , lequel après
avoir affifté au Te Deum à Notre - Dame ,
en revint en diligence , pour la réception
de S. M.
L'arrivée du Roi fut précédée d'une décharge
des Canons & des Boetes de la
Ville , & de deux décharges de la Moufqueterie
des Régimens des Gardes Françoifes
& Suiffes. Le Roi étant monté dans
la grande Salle , S. M. fe mit à la fe.
nêtre , d'où elle vit l'affluence & le mouvement
du peuple , dont la Place de Grêve
étoit pleine , & dont les acclamations
de Vive le Roi furent très - vives & con -r
tinuelles .
On diftribua auPeuple par les fenêtres du
pain & de la viande , & il fut auffi ietté des
L'argent . Il y avoit quatre fontaines de vin,
dans la Place comme les jours précedens .
Sur les huit heures on fit une autre
Iv de2108
MERCURÉ DE FRANCE
décharge des Boetes & Canons de la
Ville , & on vit partir enfuite un grand
nombre de fufées.
Dans ce tems - là , on vit entrer dans la
Place de Grêve une Mafcarade , dont l'Arlequin
étoit monté fur un Afne , & leg
autres perfonnages de differens caracteres
du Théatre Italien , étoient à pied , accompagnez
de Timbales & Trompettes..
Cette petite Troupe falua le Roi par des .
acclamations , & fit trois fois le tour de
l'Edifice du Feu , ce qui mit un intervale :
entre la décharge des Canons & les Fufées
volantes. Cette plaifante cérémonie
s'étant faite avec quelque ordre , fut un
amulement agréable pour S. M.
Les Fufées furent d'abord tirées en très .
grand-nombre , & très- belles , étant d'u--
ne groffeur extraire , immédiate.
ment après , c'eft à- dire , à huit heures ,.
on entendit dans le corps de l'Edifice du
Feu , un Tonnere d'Artifice étonnant par
le bruit & par la grande quantité du feu
qui en fortoits, lequel dura pendant tout
le tems que les Parcs d'Artifice & les partemens
des Caiffes , placées autour de
P'Edifice , faifoient leur effet ; de forte que
l'on peut dire qu'il ne s'eft point encore
tiré de Feu où l'on ait vu une fi grandeabondance
d'Artifice , tiré en moins d'une
demie heure.
Après
SEPTEMBRE . 1729. 2109
Après le Feu d'Artifice , le Roi paffa
dans la Salle , dite des Gouverneurs , &
peu de tems après , S. M. alla fe mettre
à table. Le Duc d'Orleans , le Duc de
Bourbon , le Comte de Clermont , le
Prince de Conty , le Prince de Dombes ,
le Comte d'Eu & le Comte de Toulouſe ,
fe mirent aux deux côtez de S. M. le
Duc de la Rochefoucault , le Duc de
Grammont , le Duc de S. Aignan , le
Duc de Picquigny , le Marquis de Villars
le Marquis d'Alincourt , le Comte de Baviere
, le Comte de la Rochefoucault ,
le
Duc de Charoft , le Duc de Tallard , le
Comte de Grammont , le Prince de Tonnay
Charente , le Marquis de Maillebois ,
le Duc de Mortemart , le Duc de Retz
le Prince Charles de Lorraine , le Marquis
de Courtenvaux , le Duc d'Olonne ,
le Duc de Bethune , le Duc de Noailles ,
le Prince de Bouillon , le Duc de Luxembourg
& le Duc de Richelieu , que le Roi
avoit nommez pour avoir l'honneur de
l'accompagner dans fon Voyage , étoienr
placez à la Table de S. M. dans l'ordre
qu'on vient de rapporter ; le Duc de la
Rochefoucault étant à la droite du Roi
après le Comte de Toulouſe.
Le Prevôt des Marchands eur l'hon--
neur de préfenter la ferviette au Roi , &
de fervir S. M. les Echevins , le Procu
Ivj reup
2110 MERCURE DE FRANCE:
reur du Roi , le Greffier & le Receveur
fervirent les Princes. Le fouper qui a été
très -magnifique , a été préparé par les Officiers
du Roi , & il a été donné par la
Ville , dont les Maîtres - d'Hôtel ont mis
les plats fur la Table ; S. M. ayant voulu
dans cette occafion imiter le feu Roi Louis
XIV. qui voulut être traité par la Ville ;
lorfqu'il y vint dîner le 3 a. du mois de
Janvier 1687.
30
Vers le milieu du Repas , le Duc de
Noailles fe leva , & demanda au Roi la
permiffion de boire à la fanté de Mon-
SEIGNEUR , ce que S. M. ayant permis
avec beaucoup de bonté , tous les Convi
ves burent la fapté de l'Augufte Enfane
très-folemnellement s
Pendant le Repas , M. de Blamont ,
Sur-Intendant de la Mufique du Roi , fis
executer plufieurs Symphonies de M. de
Lully , par Mr de la Mufique de S. M.-
& par Ms les Vingt- quatre. Coupon
Dès que le Roi fut à Table , on fervit
dans les autres Sales plufieurs Tables pour
des Seigneurs & pour des perfonnes de
la fuite du Roi , & on diftribua à tout le
monde une très grande quantité de ra
fraîchiffemens , tout ce qu'il y a de plus
exquis en Vins & en Liqueurs chaudes
& froides y fut prodigué ..
En fortant de Table , le Roi reçûr la
Ler
SEPTEMBRE. 1729. 2111
ferviette des mains du Prévôt des Mar
chands. .9 24 ..
Vers les onze heures & demie , S : M
fortit de l'Hôtel de Ville , & fut reconduite
jufqu'au bas de l'Efcalier par le
Corps de Ville , auquel S. M. eut la bonté
de témoigner qu'elle étoit fatisfaite de
la maniere avec laquelle elle avoit été reçûë
, & le Roi étant remonté en Caroffe,
partit pour retourner à Verfailles avec le
même Cortege qui l'avoit accompagné
en entrant dans cette Ville . Sa Majesté
paffa par le Quai Pelletier , la rue des
Arcis , la rue des Lombards , la rue
S. Denys , la rue de la Feronnerie , la
ruë S. Honoré , & lorfqu'elle fut arrivée
vis -à-vis de la Place de Louis le Grand
elle en fit le tour pour en voir l'illumination
qui étoit très belle. Le Roi avoit or
donné fon Caroffe n'allât qu'au pas ,
que
afin de fatisfaire l'envie que fon peuple
lui marquoit de le voir & de répondre aux
voeux que chacun formoit pour obtenir
du Ciel qu'il continuât de répandre fes
bénedictions fur le Roi , la Reine & Mon
feigneur le DAUPHIN. Pendant la Mar
ehe les Officiers des Gardes du Corps ,
qui étoient autour du Caroffe du Roi ,
jetterent de l'argent au peuple:
9
Le Corps de Ville avoit encore eu foin
de faire illuminer la face de la Porte
Sa
.
#12 MERCURE DE FRANCE.
S Honoré , du côté de la Ville , par un
grand nombre de Falots placez fur les ap
puis des Croifées , fur les Corniches &
fur le Comble , ce qui faifoit un très bel
effet .
Jamais Paris n'a été fi brillant de lumieres
qu'il le fut cette nuit là. Plufieurs volumes
ne fuffiroient pas pour donner le détail
des ingénieuſes , magnifiques & fingu
lieres illuminations qui furent faites dans
toute la Ville & aux environs , furtout dans
les rues où le Roi paffa , & leslieux qui
pouvoient être vûs par S. M. La rue S.Honoré
fembloit formée par deux paliffades
de lumieres , toutes infiniment éclatantes
& prefque toutes variées par les diverſes
formes , par les Luftres , les Girandoles
les bras à plufieurs branches , les flam
beaux , les bougies , les terrines , les lame
pions , & c .
Les Balcons & les fenêtres étoient ornez
de Tapis & de riches Carreaux , &
les Dames qui les occupoient , faifoient
encoré un fpectacle admirable. par l'éclat
de leur beauté , par la magnificence de
leur parure , & par le brillant de leurs
Pierreries , qui à la vive clarté de toutes
ces lumieres faifoient un effet furprenant..
Nous ne difons rien des hommes , le Lecteur
juge ailément que quand les Belles
ont
SEPTEMBRE. 1729. 2113
ont fi grand foin de leur ajustement , les
Cavaliers ne négligent pas le leur . Le Roi
avec toute fa Cour étoit de la derniere
magnificence pour la richeffe & le goût des
habits.
Il y avoit un autre agrément dans toutes;
les rues par où le Roi paffa , c'eft qu'on
n'y voyoit ni Caroffes ni Feux , ni Fufées
incommodes ; en forte qu'on y joüiffoit
de ce que l'éclat de la lumiere a de plus
flatteur dans la plus belle nuit , de voir
l'élite du plus beau monde raffemblé & de
pouvoir le promener à pied prefque auffi
tranquillement que dans les allées des
Tuilleries.
Nous ne difons rien non plus de la mar--
che pompeufe du Roi , précedé & fuivi de
nombreux détachemens des Troupes de fa
Maifon , Gardes du Corps , Gendarmes ,
Chevaux Legers , & Moufquetaires , avec
les Commandans & les Officiers , à la
tête de ces Corps , & aux Places qu'ils :
doivent occuper autour du Caroffe du
Roi. L'air augufte & affable de Sa Majefté
, qui paroiffoit fenfible au zele & ài
l'amour refpectueux de fon peuple , la
bonne mine des Princes & des Seigneurs
qui l'accompagnoient
, celle des
Officiers & des Troupes de la Garde , à:
cheval & à pied , & la richeffe de leurs
habits , dont le brillant des lumieres re
hauffoiti
114 MERCURE DE FRANCE.
hauffoit encore l'éclat , la fomptuofité des
équipages , tout cela animé par les Trompettes
, les Timbales , les Hautbois , les
Tambours & les Fifres , & plus encore par
les cris de joye ; tout cela , dis je , faifoit
un effet admirable , & qu'on ne fçauroit
exprimer , moins encore l'éfufion du
coeur , la joye & le contentement peints
fur tous les vifages à la vûë du Roi . Ceux
qui ne pouvoient pas le voir , fe faiſoient
entendre de l'interieur des maiſons & des
ruës aboutiffantes , par des acclamations
redoublées.
Quel bonheur pour l'Auteur de ce Livre
, fi , fpectateur de ces tranfports , il
pouvoit les rendre fenfibles par la maniere
dont il les décrit , & faire paroître les fiens »
pour la perfonne & la gloire du Roi , pour :
la grandeur de la Maifon Royale & pour
la profperité de l'Etat !
S. M. ayant trouvé dans toutes les ruës
de fon paffage les magnifiques Illuminations
dont on vient de parler , fortit par
la Porte S. Honoré , & il fut reconduit
jufques fur le chemin de Verfailles paɛ
une multitude de peuple , qui ne ceffoit
pas un moment de marquer la joye que la
prefence de S.M.avoit infpirée à tout Paris-
Le foir & pendant la nuit il y eut dans .
la Ville des réjouiffances plus grandes que.
celles des trois jours précedens , qui due
xerent tout le reste de la nuit.
SEPTEMBRE. 1929. 2115
Le Roi fut bien agréablement furpris ,
après tout ce qu'il venoit de voir , en fortant
de Paris , de trouver encore des Feux
& des Illuminations de la derniere magnificence
, dans un goût nouveau & que la
diſtance des lieux & le point de perfpective
dans lequel on les voyoit , rendoient
encore plus agréables ; telle étoit la fuperbe
Illumination de l'Hôtel Royal des Invalides
, qui fit une falve de fon Artillerie.
Le Palais de Bourbon , que Madame la
Ducheffe Douairiere a fait bâtir depuis
peu ; la Terraffe , le Perron & toute l'Ar
chitecture de ce bel Edifice , étoit illumi
née en terrines d'une maniere auffi noble
qu'éclatante & ingénieufe. La richeffe de
PArchitecture & l'arrangement des lumieres
fur diversoPlans , fe prêtant un
mutuel fecours , il fembloit aux yeux , que
toutes ces lumieres n'étoient que d'une
feule flamme vive & éclatante , felon les
differentes formes , & les plans droits ou
inclinez le tout faifoit une décoration
admirable. L'artifice qui fut tiré de ce
Palais, lorfque le Roi parut de l'autre côté
de la Riviere , fit un très- bel effet .
L'Hôtel du Maine , fur le même Quay &
prefque fur le même alignement, attira par
fon illumination & fon Feu d'artifice , l'attention
, & fatisfit pleinement la curiofité de
tous les spectateurs . Nous en parlerons.
plus
2116 MERCURE DE FRANCE.
plus au long , pour ne pas interrompre
ici le fil de cette Narration .
Tous les magnifiques Hôtels qui font
fur cet alignement & prefque fur le bord
de la Seine , étoient décorez des plus fuperbes
illuminations , principalement celui
du Marquis de Laffé , du Duc de Saint
Aignan , &c. qui tous ont fait éclatter
leur zele & fair tirer quantité d'artifice ,
Ce beau coup d'oeil étoit encore aug
menté par la vûë des Illuminations gene-
Fales & particulieres de la Campagne ,
car tous ceux qui étoient dans quelque
expolition heureufe à pouvoir être vûs du
Roi , s'étoient efforcez de donner quelque
marque de leur zele ; enforte que S. M.
pouvoit voir les Villages de Vaugirard ,
d'Iffy , de Vanves , de Meudon , dont une
grande partie du Château étoit illuminée ,
& de l'autre côté de la Riviere , S. Cloud ,
Sureine , le Mont Valerien , Boulogne ,
Auteuil , Pacy, Chaillor , ce qui faiſoit divers
Tableaux brillans au milieu de la nuit
& une perfpective charmante .
Le Roi voulant ajoûter aux actions de
graces, qu'il a rendues à Dieu , des marques
de fa compaflion pour les malheureux , à
accordé plufieurs graces , & a donné ordre
au Cardinal de Rohan , Grand- Aumônier
de France , de faire diftribuer de grandes.
aumônes , & de délivrer des prifonniers,
L'Abbaye
SEPTEMBRE. 1729. 2017
L'Abbaye de S. Germain des Prez s'eſt
auffi diftinguée d'une maniere particuliere.
Dès le Dimanche , vers les fix heures du
matin , auffi-tôt que les Religieux fçûrent
la nouvelle de la naiffance de Monfeigneur
le DAUPHIN , ils fe hâterent de
l'annoncer à tout le Faubourg , par le fon
de toutes les Cloches , & par une triple
décharge de Boetes & de Coulevrines.
Sur le foir , il y eut un grand Feu dans la
Cour du Monaftere , accompagné de plufieurs
falves. Ils ont continué ces réjouif--
fances jufqu'au jour de la Nativité de la:
Sainte Vierge , qu'ils chanterent après
les Vêpres le Te Deum , au bruit d'un
grand nombre de Boëtes. Vers le foir il
y eut encore un Feu comme les quatre
jours précedens , pendant lequel on tira
un grand nombre de fufées. La principale
Tour , & toutes les faces des Bâtimens
tant du Dortoir des Religieux , que des
maiſons des Bourgeois qui font dans l'Enclos
de la Cour , étoient illuminées depuis
le haur jufqu'en bas , ce qui faifoit:
un très- bel effet par raport à la régularité
& à l'étendue de ces grands Bâtimens. Il
y eut auffi à la porte du Monaftere deux
Fontaines de Vin , qui coulerent fort
long- tems ; & on peut dire qu'il n'y a
peut-être point eu de Quartier dans Pa
Lis où la joye ait été plus éclatante que
dans l'Enclos de cette Abbaye
2118 MERCURE DE FRANCE.
Le 11. le Cardinal de Biffy , Abbé de
S. Germain , fit tirer dans la Cour de fon
Palais Abbatial un très beau Feu d'Artifice
, qui fut fuivi d'un grand & magnifique
Repas , auquel affifterent le Nonce
du Pape , plufieurs Ambaffadeurs & Miniftres
Etrangers , ainſi qu'un grand nombre
de Prélats & de perfonnes de la premiere
diftinction. Toute la façade de ce
Palais , ainfi que le fond du Jardin & le
Parterre , étoient illuminez d'une maniére
tout -à- fait ingénieufe , ce qui attira l'admiration
& l'applaudiffement de tout le
monde. Plufieurs Muids de Vin coulerent
en faveur du peuple pendant toute la Fête
PRIERE A DIEU pour Monseigneur
le DAUPHIN , fervant d'explication aw
Logogriphe du Mercure du mois d'Aoûts
Rand Dieu , de ce DAUPHIN aimable ,
Dont l'éclat éblouit nos yeux » GR
Daigne d'une main fecourable
Conferver les jours précieux ;
Les Heros dont il tient la vie
Ont fait fleurir par tout tes loix ;
Comme eux , Vainqueur de l'héréfie ,
It fera triompher la Croix .
Par Paparoche de Carpentras .
Le fécond Volume qui est actuellement
fouspreffe paroîtra inceffamment. 2
TABLE.
Leces Fugitives. L'Amour vaincu , No-
1909
P
velle
Suite
des Refléxions
fur la Réponse
de M. Hecquet
à M. Sylva
.
Epitre au Roi
1919
1939
Lettre à l'occafion des deux Bibles , & c 1941
Requeſte d'un jeune Hêtre aux Myrtes des
Jardins de Venus , 1948
Deffenfe de ce qui a été dit de l'impoffibilité
de certains Arts ,
Bouts- Rimez ,
1953
1966
Lettre fur l'art d'orner l'efprit , ou bons mots,
& c.
Ode fur la naiffance du DAUPHIN ,
Lettre en faveur des Epigrammes ,
1967
1978
1981
Lettie fur une Pierre formée dans le corps
humain ,
Logogryphe & Enigmes ,
1983
1921
Nouvelles Litteraires des Beaux Arts , & c. 1992
Les Voyages de Glantzbi , & c.
Nouveau Syftême de Philofophie ,
1991
1998
Lettre fur la Grammaire Italienne à l'ufage
des Dames , 2003
Traduction en Vers Latins des Avantures de
Telemaque ,
Le Serin & le Roffignol , Fable ,
2002
2004
Nouvelle foufcription pour les cérémonies &
coûtumes Religieufes ,
2006
Seconde partie de l'Hiftoire des Infectes de
l'Amerique , & c. 2007
Lettre fur une Edition des Ouvrages de M. de
Thou
2008
Programé de l'Académie de Bordeaux , 2010
Chanfon notée , & Vaudeville fur la naiflance
& c .
2011
"
2011
Spectacles , Melpomene vangée ,
Réjouiffances des Comédiens Italiens , 2017
Réjouiffances au Théâtre François ,
Réjouiffances à l'Opera ,
2019
2021
2024
Atheatus , ou l'Invifible , Comédie ,
Nouvelles du Temps , de Turquie , Ruffie .
Suede & c.
2028
D'Allemagne , Italie , Efpagne , Portugal &
Angleterre , 2031
Nouvelles de France , prife de poffeffion de
l'Archevêché de Paris ,
Morts ,
Naiffance du DAUPHIN , Ode ,
Couches de la Reine ,
2039
2042
2044
2048
Ordonnances de Police, & autres à ce sujet, 2057
Lettre du Roi à l'Archevêque de Paris , 2061
Mandemens , & c. 2062
Illuminations de l'Hôtel de Ville , &c. 2067
Feu d'Artifice , 2077
Illumination des Hôtels de Gêvres , &c. 2085
Celles du Prévôt des Marchands & des Eche.
vins , & c.
Arrivée du Roy , & Te Deum
Feu d'Artifice , & c.
Souper du Roy ,
Marche & Retour de S. M.
Fautes à corriger dans ce Livre.
I.
2091
2103
2108
2109
2111
I.
›
Age 1980. lig. du bas , du , lifez de. P. 2007.
1. 23. on , en. P. 2042. l. 1. livres ,
trouvé monter à la fomme de 1138181. livres ,
Jaquelle. P. 2068. 1. 20. & fur les Remparts ,
1. Tur les rempans . Ibid. l. 23. poinions , 4 pignons.
P. 2069. l. Piramides des Etoiles
1. Piramides terminées par des . P. 2072. 1. 22 .
peinte . peint . P. 2074. l . 17 , d'azure 1. d'a-
Eur. Ibid.. I. dern. Refuns , 1. refends.P . 2675.
7. 21.Cuivre , l. cire. P..2078.1. 5. du bas , l'Hô 1.
tel , 1, l'Autel. P. 2086. l . 10. & de l'autre , 1.
& l'autre, ibid. 1.15 . du Refand , 1.de refend.
Air noté dost rogarder la page
20110
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AV
ROT.
SEPTEMBRE 1729 .
PREMIERE PARTIE ,
Contenant diverfes Fêtes à l'occafion de la
Naiffance de Monfeigneur le DAUPHIN
PARGIT
QUÆ
COLLIGIT
SPAT
GEN
Chez
A. PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , m
S. Jacques , au Lys d'Or.
LA VEUVE PISSOT, Quay de Conty,
à la defcente du Pont Neuf , au coin
de la rue de Nevers , à la Croix d'Or.
JEAN DE NULLY au Palais
à l'Ecu de France & à la Palme.
M. D C C. XXIX.
>
Avec Approbation & Frivilege du Roy
AVIS.
L'AD
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU ,
Commis au Mercure¸vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris. Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
gette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui foubaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura fein de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Mefageries
qu'on lui indiquera,
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
SEPTEMBRE . 1729 .
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXX
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
J
L'AMOUR VAINCU.
NOUVELLE.
E veux chanter l'Amour , en dépit
de mes rides .
Anacréon plus vieux
En faifoit fon unique emploi ,
que moi
Et jugeoit , fans Amour , les Mufes infipides.
Mon fage Ami , fouffre mes Jeux ,
Comme une fiévre intermittante ;
A ij
C'eft
1910 MERCURE DE FRANCE .
C'eſt l'Amour vaincu que je chante ,
Damis , c'eft comme tu le veux .
Gênes n'avoit rien vû de plus beau qu'Ifabelle
Gênes , fi fuperbe en Palais ,
En Meubles , en Tableaux , en Feſtins , en Baz
lets ,
Gênes étoit encor plus fuperbe par elle .
Par une infinité d'endroits ,
C'étoit une beaute charmante ;
Le teint , les yeux , la bouche & la gorge naiffante
,
A l'envi difputoient leurs droits ,
Et ne laiffoient pas faire un choix ,
A la Cupidité flottante.
Bien que fa modefliç au bon goût plus picquante
,
L'emportât de toutes les voix ;
Faite comme elle étoit , fans biens & fans naiffance
,
Elle ne manquoit point d'Amans ;
Les Galans , par des foins , les Riches , par
prefens ,
S'efforçoient d'ébranler ce Rocher de conftance
;
Mais les foupirs perdus , les préfens mépriíez ,
A tous les conteurs de fleurette ,१
De leur efpoir defabuſez ,
Firent bientôt fonner retraite.
Comme le plus épris ou le plus obftiné ,
Vivalde
SEPTEMBRE. 1729 1911
Vivalde refta feul à tenter l'avanture ;
De toutes les Graces orné ,
Qu'une haute fortune ajoûte à la Nature ,
Vivalde étoit l'honneur de cette Nation ;
Galant , liberal , magnifique
Bienfait , & dans l'intention ,
Pour fignaler fa paffion ,
De faire un effort héroïque.
Que fit-il un beau jour il vint lui propofer ,
D'accourcir le chemin d'Amour de mainte
lieuë ,
De prendre le Roman par le bout de la queuë ,
En un mot d'épouſer.
Ifabelle n'étoit de bronze , ni de roches
Son jeune coeur avoit pris feu ,
Comme on prend bien fouvent , pour peu
Qu'on en approche :
Grande étoit la tentation ,
Et ne pouvoit être plus forte
Après quelque reflexion ,
Elle répondit de la forte :
Y penfez- vous , Seigneur ? Ah ! quand ma
vanité ,
Me porteroit à l'imprudence ,
Dejoindre ma baſſeſſe à votre qualité ,
J'en ferois une amere & longue pen tence.
Croitiez-vous parvenir à la tranquillité,
Que cherche votre impatience ?
B iij Une
1912 MERCURE DE FRANCE .
Une premiere joüiffance .
Eteindroit de vos feux toute l'activité ;
Vous languiriez d'ennuis pour avoir rejetté,
Une plus fortable alliance.
Je mourrois de douleur de me voir méprifer
Mon dépit en feroit extrême ;
Seigneur , parce que je vous aime ,
Je ne veux point vous époufer.
Ce beau raifonnement paroiffoit chimerique
,
Pour un coeur fortement touché ,
Vivalde ne fut pas bien long temps empêché
long - temps
D'y trouver la réplique :
L'Amour Ini prête pour raifon,
Des fermen's , des tranfports , des foupirs &
des larmes ,
vrayes ou feintes pamoiſons.
Infenfible à tous ces vacarmes ,
Après avoir bien combattu ,
A la fin , conclut Tabelle ,
Que fon Amant fidelle ,
Sans chocquer le bon ſens , ou bleſſer ſa vertu,
Ne doit plus s'obftiner à foupirer pour elle :
On craint le voisinage , on craint les mauvais
bruits ;
On fe craint plus foi-même , & la Belle l'engage
,
D'aller diffiper fes ennuis ,
Il
SEPTEMBRE . 1719. 1913
Par la diverfion de quelque long voyage.
Il part deſeſperé ,
Et quitte le Rivage ,
De l'objet adoré.
C'eſt ainfi qu'Iſabelle heureufement débute ,
Pour vaincre fon amour dans cette occaſion ,
Et l'orgueilleufe paffion ,
Entraîne dans fa chute ,
L'interêt & l'ambition.
Mais tandis que Vivalde aux Echos de Syries
Va conter ſon tourment ,
Iſabelle qui ſe marie ,
Met par fa bizarrerie ,
Gênes dans l'étonnement
On croir qu'Ifabelle extravague ,
Qnand parmi tant de concurrens ,
En mérite , en naiffance , en amour differens ,
Un jeune Matelot feul emporte la bague.
C'étoit là fon entêtement ,>
Qui ne manquoit pas de prudence ;
Eile croyoit qu'une alliance ,
Se cimentoit plus fortement .
Par égalité de naiffance ,
Quoiqu'il en foit , l'évenement ,
Répondit à fon eſperance :
Dans fon nouvel engagement ,
Ce ne fut plus qu'empreffement ,
A iiij Plus
1914 MERCURE DE FRANCE .
Plus que parfaite intelligence ;
Mais fans le fouvenir de fon cher Exilé ,
Qui troubloit les douceurs du nouveau mariage,
Jamais il ne feroit parlé ,
D'un plus heureux ménage.
Le premier enfant embellit ,
Ainfi que le vulgaire affure ;
Mais la fécondité de fon pudique lit ,
Bien loin qu'à fes attraits elle fit quelqu'injure,
Sur le Proverbe renchérit,
Et l'incomparable Iſabelle ,
A fa troifiéme couche étoit encor plus belle.
Cependant le deftin jaloux ,
Qui de mal faire a toujours hâte ,
Lui fait éprouver fon courroux ;
Son pauvre Matelot montant une Frégate ,
Eft enlevé par un Pyrate ,
Et mis dans la boëte à cailloux ,
Sans que dans fa maifon reftât ni pain ni pâte.
Animez par cet accident ,
Tous fes vieux Soupirans reviennent à la
charge ;
Ils offrent du fecours, & dans leur zele ardent,
Le plus ferré d'ailleurs fe montre le plus
large.
Ifabelle refufe tout ,
A la barbe des gens qui la pouffoient à bouts
Ells
SEPTEMBRE 1729. 1915
Elle leur dérobe fes charmes ,
Et la pauvrette ſe réfout ,
A vivre de fes larmes.
Vivalde en ce temps là , de Smirne retourné ,
Avoit fait un riche commerce ,
Où , pour paffer le temps , il s'étoit adonné ,
De Perles d'Indofthan & de Tapis de Perfe ;
Qui dit Gênois , dit
Commerçant ;
Qu'amour tant qu'il voudra lutine & bouleverfe
,
Mais vive le trente pour cent.
De fon adorable Iſabelle ,`
Dont il avoit en gròs appris l'évenement ,
Il cherchoit toûjours fourdement ,
A retrouver quelque nouvelle ;
Quand par un beau matin on lui vint annoncer
Que cette Belle eſt à ſa porté :
Quel étonnement le transporte ,
Je vous laiffe à penfer !
Tantôt il eft de feu , tantôt il eſt de glace ;
Dans l'attente de ce combat ,
Comme pour fortir de fa place ,
Le coeur lui bat ,
Et fent donner à ſon audace,
Echec & mat.
Elle de fon côté n'eft pas plus affurée,
Et fur fon teint de Lis une honnêté rougeur ,
Seme de la pudeur ,
Ay L'ho
1916 MERCURE DE FRANCE:
"
L'honorable livrée :
Une commune émotion ,
Entrux fait regner le filence.
Vivalde plus hardi , l'interrompt & commence
La converfation .
Vous voir dans mon Palais , adorable Ifabelle ,
Eft un honneur que je reçois
Qui paffe mon attente, apprenez -moi , cruelle,
A quel fentiment je le dois :
Eft- ce pour m'en chaffer une feconde fois ?
Et par trois a s d'exil , de mon obéiſſance ,
A vos féveres loix ,
N'ai - je donc pas affez confirmé l'affurance
Seigneur, interrompt elle il ne faut plus fonger
A ma faute paffée ,
Et je viens vous offrir de quoi vous en venger ››
Au-delà de votre penfée.
Indigne du bonh ur que vous m'aviez offert ,
J'ai refufé la main qui me combloit de gloire ,
L'Amour fçait que j'en ai fouffert
Plus de maux que l'on ne peut croire ;
Mais refufez de fecourir ,
T.ois enfans malheureux qu'accable leur mi
ieres t
Et qui fur le point de périr ,
N'y feroient pas réduits fi vous étiez leur peres
Par fon caprice négligé ,
Refufez du fecours à leur coupable mere ,
SeiSEPTEMBRE
. 1719. 1917
Seigneur , & vous êtes vengé.
J'ai trouvé plus d'un témeraire ,
Qui mal- à-propos s'eft flatté ,
De m'acquerir comme à l'enchere ;
Mais ce n'eft qu'en vous que j'eſpere ,
Et la mort finira mon infortune amere ,
Ou votre generofité.
Courage , Amour , nous tenons la cruelle,
Notre efpoir n'eft plus limité ,
On voit rarement une Belle ,
Avoir affez de fermeté,
Pour deffendre fon coeur rebelle ,
Des invincibles traits de la neceffité.
Pendant que l'adroite Ifabelle ,
Pourfuit de fon difcours le tour ingenieux
Vivalde eft abſorbé , la dévore des yeux ,
Et fent que fa vertu chancelle.
Ah ! difoit il , qu'elle est belle !
Jamais elle n'eut tant d'appas :
Peut-on faire meilleure amplette ?
Ofons , c'eſt une affaire faite ,
Il ne refte qu'à faire un pas.
Puis d'un meilleur avis , ah ! difoit il , perfide!
Ce que tu n'as pû par tes foins ,
Faut- il que ta fureur aveugle & parricide ,
L'arrache à fes befoins ?
A vj Quci
1918 MERCURE DE FRANCE.
Quoi renoncer à la victoire,
Dont l'Amour va me couronner ?
Quoi ! renoncer à cette gloire ,
Que la vertu peut me donner ?
Long-temps il flote dans le doute ,
Où fon efprit eft englouti ;
Il rougit , il pâlit , il fuë à groffe goute .
Et prend enfin le bon parti.
Madame , reprit- il , calmez votre courage :
Je vais faire tenir chez vous ,
Dequoi fournir votre ménage ,
Et ce qu'il faut en or pour tirer votre époux ,
De fon rigoureux eſclavage .
Puifque mon fort cruel n'a pû me procurer ,.
Par un noeud plus étroit le bonheur de vous
plaire ,
Laiffez- moi du moins aſpirer,
A l'honneur d'être votre frere ;
A ces mots , la nouvelle Soeur ,
Que Vivalde avec grand honneur
Renvoya dans fon équipage ,
Pelta peut- être au fond du coeur ,
D'être foeur d'un frere fi ſage.
Eh bien , cher Damis , qu'en crois tu ,
Dans ce beau conflict de fageffe ,
Qu'Ifabelle ait vaincu par fa délicateffe ,
Ou Vivalde par fa vertu .
DE SENECE , 1729.
SUITE
SEPTEMBRE. 1729. 1919
XXX:XXXXXX : XXXXX : X
à
SUITE des Reflexions de M.... an
fujet de la Réponse de M. Hecquet ,
M. Silva , Auteur du Traité de l'ufage
des differentes fortes de Saignées.
M
R. Hecquet le récrie fur ce qu'on
met de la Géometrie dans un Ouvrage
de Medecine , qui ne doit fe faire ,
dit - il , que par Obfervations . Fourquoi
attend il fi tard pour s'élever contre cette
conduite ? Et pourquoi faire tomber ce
reproche fur M.Silva ? Il pouvoit déployer
toute fon éloquence contre un grand nom
bre de Medecins dont les Ouvrages font
pleins de cet efprit qui le choque. Bellini
, qu'il trouve que l'Auteur du Traité
des Saignées ne loie pas affez , en eſt une
preuve admirable. Le grand M. Pitcarne,
Î'ami de M. Hecquet , réduit tout ce qu'il
peut à la Démonftration . Gulielmini en
eft auffi un exemple ; fes Ecrits ont mérité
par-là les plus grands éloges ; & on trouvera
à la fin du premier volume de fes
Ouvrages , une Differtation où il prouve
combien les Mathématiques font utiles
aux Medecins . Le fameux M. Keil nous
a laiffé un Livre , où il a mis à profit la
liberté qu'il croyoit qu'on avoit de mettre
par
1920 MERCURE DE FRANCE .
par tout de l'évidence. Le celebre M.Boerhaave,
en ufe de même avec un très grand
fuccès. M. Freind , qu'on ne fçauroit trop
regretter , ne l'a jamais perduë de vûë , &
s'eft fervi du calcul dans toutes les chofes
qui en étoient ſuſceptibles . M. Michelotti ,
fi eftimé des Sçavans , & qui jouit avec
juſtice d'une grande réputation à Veniſe,
a porté cela encore plus loin . Les uns &
les autres en avoient reçû l'exemple de
l'incomparable Borelli . On a donc lieu de
foupçonner que le dégoût pour la Géometrie
que M. H. fait éclatter aujourd'hui ,
eft une espece de dépit de ce qu'elle a fourni
des armes victorieufes pour le com
battre ; car il n'avoit rien négligé dans la
Préface de l'Explication Phyfique & Méchanique
des effets de la Saignée , imprimée
à Chambery en 1707. pour faire
croire aux Lecteurs qu'il regardoit cette
fcience comme une lumiere qui empêche
qu'on ne s'égare dans la recherche de la
verité. Ses autres Livres font remplis auffi
des termes qui lui font , pour ainfi dire ,
confacrez ; c'eft dommage qu'il n'en ait
fait que ce feul emprunt . Si les Auteurs
que je viens de nommer ont été loüez
d'avoir affocié la Géometrie à l'Anatomie
, & s'ils ont par- là marqué leurs Ouvrages
au coin de l'immortalité , pourquoi
faire un crime à M. Silva , d'avoir pris
d'une
SEPTEMBRE. 1729. 1923
June partie des Mathématiques , des notions
propres à donner à ce qu'il traite
une clarté & une précision qu'il ne pouvoit
jamais avoir fans ce fecours ? J'ofe
dire même que c'est la feule matiere de
la Medecine -pratique , qui en foit verita
blement fufceptible. Comment parler , en
effet , du choix des Saignées , dans un
temps où la circulation eft connue , fans
traiter du plus ou du moins de mouvement
qui arrive au fang par la diminution
des réſiſtances ? Ainfi le Lecteur fen
tira fans peine qu'on n'a pas eû befoin
d'effort pour mettre de l'Hydroftatique
dans le Livre qui ne peut trouver grace
devant les yeux de M.Hecquet, & qu'elle
a dû prefenter à l'Auteur dans fes recherches
& venir s'offrir , & › pour ainfi
dire , fe placer dans un fujet dont elle
fait neceffaitement la baze ; mais quand
on auroit cherché avec foin & même
avec affectation , à allier la Géometrie à
la Medecine , on n'auroit fait que fuivre
les confeils d'Hippocrate. Qu'on life fa
Lettre ad Thefal. filium , on y trouvera
que ce Pere des Medecins entrevoyoit
déja que les Mathématiques devoient contribuer
à les éclairer. Qu'étoit -ce cependant
que la Géometrie de ce temps là ? On
n'auroit fait que fe conformer à ce que
recommande Galien , Lib. 1. Methodi
Cap
1922 MERCURE DE FRANCE .
Cap. 1. Ce même Medecin , dans le Livre
, Si quis optimus Melicus , s'éleve
vivement contre ceux qui avoient trouvé
extraordinaire qu'Hippocrate recommandât
la Géometrie à ceux qui vouloient exceller
dans l'Art de guérir. Ces fentimens
ont parù très - railonnables aux Anciens
que M. H. refpecte fi aveuglement .
Qu'onjette les yeux fur Soranus Ephefius
in Ifagoge , Cap . 2. on verra ce qu'il penfoit
de la neceffité de differentes parties des
Mathématiques , pour former un Medecin.
Les perfonnes judicieufes plaignent , avec
raifon , les Medecins , de ce que leur Art
eft fonde fur des conjectures . M H. au
contraire blâme ceux qui s'efforcent d'en
affranchir les parties , qui peuvent recevoir
de l'évidence par l'ufage qu'on fait des
autres Sciences . Ce contrafte doit enga
ger le Public éclairé à prendre lui -même
la deffenfe de M. Silva , puifque c'eft les
interêts qu'il a principalement confultez .
Occupé comme je fçai qu'il l'eſt du bien
public , je répondrois bien qu'il voudroit
qu'il lui fût poffible de s'expoſer fouvent
à des déclamations encore plus véhementes
, en réduifant en Démonſtrations les
regles qui peuvent conduire à le procurer
foliement. Mais fi malheureufement la
Geometrie ne peut influer tur tout ce qui
regarde l'Art de guerir , on ne peut difconvenir
SEPTEMBRE. 1729 1923
convenir pourtant qu'on n'y gagne beaucoup
, lorfque les Medecins ne la négligent
pas. Elle leur donne un efprit de jufteffe
, fi neceffaire quand il s'agit de démêler
des choſes qui paroiffent avoir du
rapport. Elle leur apprend à pefer & à
aprétier plus exactement les raiſons qui
déterminent à agir d'une telle ou telle maniere.
Elle les rend plus capables de mefurer
les degrez de probabilité. Enfin , elle
leur apprend à connoître ce qui approche
le plus de l'évidence & de la verité qui
eft fon principal objet , & parconfequent
à mieux difcerner, à mieux juger , à mieux
agir . D'où il fuit qu'à efprit égal & à application
égale , celui qui fe fera accoùtumé
aux idées géometriques , doir moins
fouvent tomber dans l'erreur , que celui
qui fera enfoncé dans les Commentateurs,
plus fouvent occupez à forcer les Textes
pour les amener à leur fens , qu'à les éclaircir
, & plus propres à faire des Erudits
que des Sçavans. Ceux - cy propoſent avec
défiance leurs fentimens , toûjours prêts
à les facrifier à ce qu'on pourroit trouver
de plus clair & de plus utile. Ceux- là ,
au contraire , veulent affujettir tout le
monde à des décifions dont ils feroient
honteux de rien rabattre. Les uns moins
occupez de ce qu'on a crû jufqu'à eux ,
que de ce qu'il faut penfer , font plus de
cas
1924 MERCURE DE FRANCE.
cas des raisons que des autoritez . Les
autres comptant plus fur les noms que fur
les choſes ,ſe revoltent contre tout ce qui
leur eft proposé par des hommes dont des
fiecles n'ont pas confacré la réputation .
Ils refufent le plus foible éloge aux vivans
( peut -être parce qu'ils font vivans ) &
accordent l'infaillibilité à ceux qui étoient
bien éloignez de l'avoir de leur temps &
dont le meilleur titre eft peut- être de n'être
plus.
M. Hecquet fait un crime à M. Silva ,
d'avoir avancé hiftoriquement que les
Arabes avoient pratiqué la Révulfion par
préference à la dérivation dans les commencemens
des maladies inflammatoires ,
& il veut qu'il ne foit pas excufable d'avoir
adopté leurs fentimens , qui ont été
frappez d'anathême par les déciſions de la
Faculté de Paris.
Je n'ai point été furpris que M. H. n'ait
point entendu ce qu'il peut y avoir de
Géometrie dans le Livre qu'il combat. Il
fait gloire de ne s'être point appliqué à
une Science qu'il croit inutile pour un
Medecin , & il auroit crû être obligé de
rabbattre quelque chofe de la dignité d'une
Profeffion dont il eft fi juftement jaloux
, s'il avoit confulté des Géometres.
Je ne fuis point étonné non plus qu'il n'ait
pas faili la maniere dont la Saignée du
pied
SEPTEMBRE. 1729 192§
pas
pied opere. Son efprit prévenu de l'explica
tion qu'il en avoit imaginée autrefois , n'a
pû recevoir ni fe former de nouvelles idées
fur ce fujet. Ces idées cependant n'auroient
été entierement nouvelles pour
un homme qui auroit lû Bellini avec appli
cation , & moins pour pouvoir faftueuſement
le citer que pour y apprendre , mais,
j'avoue que ma furprife n'a pas été médiocre
, quand j'ai vu qu'il croyoit ou du
moins qu'il vouloit faire croire que ce que
M. Silva a dit de ces Auteurs , méritoit la
vivacité de ces reproches.Dire que les Ara
bes font encore plus décidez que les Grecs
& les Romains fur la neceffité & l'utilité
de la Révulfion , que ceux- cy avoient récommandée
, c'eſt une louange d'une eſpe
ce dont, tout modefte qu'eft M. Hecquet,
il ne rougiroit point en pareil cas . Mais ce
qui me furprend encore davantage , c'eft
qu'il veuille perfuader qu'on a adopté les
fentimens des Rhazes , des Avicenes, fur le
choix des Saignées , & qu'on cherche ici
à s'en étayer. Ils veulent comme les Grecs
& les Latins , dont on a rapporté les Paſſages
dans la feconde Partie du Traité des
Saignées, qu'on termine les inflammations
par les Saignées dérivatives. Or loin d'approuver
cette opinion , quoique fuivie par
le fameux Bellini , que M. Silva refpecte
& qu'il reconnoît pour le premier qui ait
éclairci
1926 MERCURE DE FRANCE.
éclairci la matiere de la Saignée . Il em
ploye une partie de fon Ouvrage à en faire
fentir tout le danger . Cela eft fi évident
pour les Lecteurs même les moins attentifs,
que je ne fçai comment M. H. pourra
éluder l'application de la Remarque d'un
bon Auteur , qu'une erreur de fait jette
un homme d'efprit dans le ridicule. Il n'eft
pas impoffible qu'on s'en donne quelquefois
par les mêmes moyens dont on fe fert
pour en charger les autres .
Comme il n'y a pas d'hiftoire impris
mée de la Faculté de Medecine de Paris ,
& que M. Silva n'a jamais été comme
M. H. le dépofitaire de fes Regiftres ,
il peut avouer , fans honte, qu'il ignoroit
entierement que cette fçivante Compagnie
eut décidé que la doctrine qui éta
blit l'utilité , & même la neceffité de la
révulfion , dût être profcrite. Mais quand
il auroit été informé de fon Decret , je
ne fçaurois me perfuader que malgré
tout le refpect que je fçai qu'il a pour
elle ; il n'eut pris la liberté de s'écarter
de fes fentimens . Des raifons démonftra
tives , & un grand nombre de faits obfervés
avec une extrême attention , lui auroient
donné le courage de ne pas fe
foumettre à fes jugemens. La Faculté eft
trop jufte , trop éclairée & trop occupée
du bien Public , pour vouloir qu'on
heurte
SEPTEMBRE. 1729. 1927
heurte de front ce que l'on voit bien
diftinctement ; pour exiger qu'on ne fe
corrige pas fur fes fautes ou fur celles des
autres qu'on ne profite pas des nouvelles
lumieres qui parviennent juſqu'à
nous , de quelque lieu qu'elles partent ;
en un mot , qu'on ne fe retracte pas ,
quand on connoît qu'on s'eft trompé.
Car fans me picquer, d'une érudition auffi
vafte que celle de M. H. je fçai qu'un
décret qui fut fait fous le Déçanat de
M. Puilon , où l'on condamnoit l'uſage
de l'Emetique dans les pleurefies d'hiver ,
doctrine qu'on cenfura dans une Théſe
de M. Poftel , Profeffeur de Caën ; je
fçai , dis - je , que ce décret dogmatique
n'a point eu lieu , & que M M. Gueneau
, Daval , Poirier &c . quoique trèsattachés
aux interêts & à l'honneur de
leur Compagnie , ont été les premiers à
l'enfreindre dans leur pratique , dont le
fuccés a immortalifé leurs noms . Je fuis
moi- même fi jaloux de fa gloire ( quoique
je n'aye pas l'honneur de lui appartenir
) que ce que je publie ici eft moins
pour la deffenfe de M. Silva , que pour
ne pas laiffer ignorer au Public que cette
Compagnie , loin d'être opiniâtre , tiranique
, & difpofée à s'oppofer aux progrès
que peut faire la Medecine , eft
toujours prête à fe rendre à tout ce qui eft
capable
1928 MERCURE DE FRANCE .
capable de mieux fervir ceux qui lui confient
ce qu'ils ont de plus précieux ;
mais toujours affez fage , pour n'adopter
les nouveautés qu'après un examen digne
d'elle , & proportionné à l'importance
de ce dont elle eft chargée.
J'efpere que la Faculté fera plus fatis .
faite du portrait que je viens de faire
d'elle , que du zele ardent de M. H. qui
s'il étoit crû , pourroit faire entrer en
foupçon que ce Corps illuftre ne fçait
pas facrifier une vanité mal - entenduë ,
& un faux honneur à la confervation de
la vie des hommes. L'ufage que la plupart
des Medecins de Paris font tous les
jours des Antimoniaux , du Quinquina ,
de l'Hypecacuhana & c . prouve combien
cette Compagnie eft éloignée de fe roidir
contre ce qui a quelque utilité ; ainfi la
verité & le bien Public lui étant encore
plus chers que la memoire
de M. Briffot
ne peut lui être précieufe, elle est toujours
prête à retracter
fes arrêts , fi une route
plus fûre que celle qu'elle avoit crû
qu'on devoit fuivre , lui eft ouverte. Je ne dis pas par quelqu'un
de fes enfans ,
( car elle n'aime pas moins ceux qui vivent
aujourd'hui
que ceux qu'elle a perdu
depuis deux fiécles ) mais par les ennemis
même que fon mérite lui attire . Ce que nous venons de dire fuffiroit
A pour
SEPTEMBRE. 1729. 1729
pour faire voir que c'eft à tort qu'on
voudroit faire un crime à M. Silva de
n'avoir point embraffé les fentimens que
la Faculté auroit adoptés il y a deux
cens ans fur le choix des faignées ; qu'il
feroit en droit d'en appeller à elle - même
du jugement qu'elle auroit porté alors ;
que la Faculté inftruite de la circulation
du fang , révoqueroit fans doute les décifions
qu'elle auroit pû faire avant que
cette importante découverte lui fut cons
nuë , & que par conféquent ce feroit
manquer tout à la fois & à la Compagnie
& à la verité , que de facrifier à la vaine
crainte de lui déplaire , ce qu'on croit
utile , après y avoir fait toute l'attention
neceffaire. Mais puifque M. Silva ne feroit
pas digne de blâme de s'être rendu
à l'évidence plutôt qu'à l'authorité , il
n'a même donné de pretexte aux plus
legers murmures , s'il eft vrai que fa Compagnie
n'ait rien prononcé ſur cette matiere
. Or on déffie M. H. de pouvoir
produire aucun , Acte , aucun décret
où elle deffende de faigner du pied
dans les maladies de la tête , & du bras
dans celles du bas -ventre ; où elle ordonne
de faigner du côté enflammé ,
& non du côté oppofé à celui où le
fang eft engorgé ; en un mor , où elle
veuille affujettir aucun Docteur à com
pas
mencer
1930 MERCURE DE FRANCE.
mencer par les faignées dérivatives , par
préference aux révulfives. Le filence de
M. H. fur ce fujet , fera un defaveu de
tout ce qu'il vient de publier , & fera
en même tems une preuve qu'il a fuppo
fé une décifion refpectable , pour entraî
ner les Lecteurs dans des opinions qui lui
font prefentement prefque particulieres.
Si fon adverfaire avoit eu une pareille
conduite , quelles feroient les qualifications
dont il le chargeroit ! on n'a garde
de l'imiter ; on ne lui reprochera pas
même avec vivacité , que lui qui ne veut
pas qu'on foit pardonnable de s'être
écarté des maximes des anciens Maîtres ,
fur le choix des faignées ( quoique la
connoiffance du mouvement du fang
puiffe & doive guider avec affez de fureté
un Medecin fur cette matiere ) qu'il
a , dis- je , contredit visiblement & fans
ménagement leurs préceptes fur le tems.
où il faut purger dans les maladies aigues
, comme M. Andri l'a fait voir dans
fes excellentes remarques de Medecine .
Entre toutes les objections que M. H.
fait contre l'Auteur du Traité des faignées
, la feule qui puiffe faire quelque
impreffion fur l'efprit d'un Lecteur judicieux
, c'eft la remarque qu'il fait , page
320. que l'Eftomac ne fçauroit preffer
le tronc de l'Aorte inferieure , propofi
tion
SEPTEMBRE. 1729. 1938
tion qu'il paroît extraire du chap . IX .
du Livre qu'il combat . M. Sylva en
cherchant les caufes qui peuvent donner
occafion au fang de fe porter pendant la
fiévre continue trop abondamment vers
le cerveau , infinuë que la preffion de
l'Aorte inférieure peut y contribuer ; non
feulement il y fait mention de ce tronc ,
mais auffi de fes rameaux , & il n'eft
pas moins fûr qu'il reconnoît pour caufe
de cette preffion , le gonflement confiderable
des inteftins , ainfi que celui de
l'Eftomac ; foit que cette tenfion foit
produite par l'air rarefié , ou par le
bouillonnement des matieres contenuës
dans la cavité de ces parties. C'est donc
une petite rufe peu digne d'un Auteur
auffi grave grave ,, && qui fe picque de tant de
candeur , que de ne faire mention que de
1'Eftomac , & de tourner de ce côté là
toutes les preuves avec une confiance
infultante. Car pourvû feulement qu'il
foit vrai que l'une de ces parties puiffe
gêner le tronc de l'Aorte , & que l'autre
foit en état de preffer les branches de
cette artere , le fentiment de M. Silva demeure
exactement vrai , & par conféquent
les difficultez qu'on lui fait fur
F'impoffibilité , où l'on dit qu'eft l'Eſtomac
de comprimer le corps de cette
groffe artere , portent abſolument à faux,
B puifque
1932 MERCURE DE FRANCE.
puifque M. Silva admet deux corps qui
preffent , & deux corps qui peuvent être
preffez, & qu'il en parle indéfiniment fans
défigner celui des premiers qui eft en état
de gêner l'un ou l'aurre des derniers . Or
il est évident que le premier des boyaux
grêles paffe fur le tronc de l'Aorte inférieure
, plus ou moins , tranfverfalement ,
& cela précisément dans l'endroit où ce
tronc vient de paffer lui-même entre les appendices
du Diaphragme. Il eft certain
auffi que cette partie de l'extrémité du
Colon , qu'on nomme ordinairement S
Romaine peut géner l'extrémité du
tronc de l'Aorte inférieure fur les deux
Du trois vertebres lombaires. Voilà la
moitié de la propofition de M. Silva
démontrée ; il n'eft pas difficile de prouyer
l'autre. Car dans la forte tenfion de
l'Eftomac , les rameaux arteriels qui y
portent le fang , doivent s'allonger dans
la proportion du gonflement de la partie
où ils font femez ; donc ils fe retraiffiffent
dans la proportion de leur allongement
; ainfi leur cavité devenue
plus étroite , fera plus de refiftance au
fang qui y doit couler du tronc de
l'Aorte ; ce qui doit produire le même
effet à l'égard du cerveau , que fi ce
tronc lui- même avoit perdu de fon calibre
car le fang fe portera en haut
d'autant
SEPTEMBRE. 1729. 1633
d'autant plus aifément qu'il aura plus de
peine à couler en bas. Le peu de fidelité
du Critique fera donc en pure perte pour
ceux qui auront le Traité des faignées ;
& l'étalage d'Anatomie dont il paroît li
content , ne peut féduire tout au plus
qu'un moment. En verité il eft à plaindred'avoir
obligation pour fi peu de profit.
Mais fuppofons ici qu'il n'eut été en effet
queftion que de l'Eftomac ; dans ce cas làmême
fon triomphe n'en feroit ni plus
long ni plus folide.
Quelques- unes des raifons que M. H.
allegue pour faire fentir la prétenduë
impoffibilité où le trouve l'Eftomac de
preffer l'Aorte , font fi manifeftement
fauffes , qu'il eft furprenant qu'elles ayent
pû le féduire . Il regarde le Pancreas &
L'épiploon comme des obftacles à cette
preffion. La premiere de ces parties ;
parce qu'elle eft , dit - il , fufpenduë fous
Peftomac. La feconde , parce qu'elle eft
fouple & molle . Mais j'en appelle à tous,
les Anatomites , pour décider fi le Pancreas
eft fitué de maniere qu'il puiffe garantir
l'Aorte de la gêne que l'eftomac
gonflé y pourroit caufer. Je m'en rapporte
à eux auffi pour fçavoir fi l'epiploon
eft placé entre l'Aorte & l'Eftomaç
( car ce ne feroit que par là que fa moleffe
pourroit garantir Aorte de la pref
Bij fion
1914 MERCURE DE FRANCE.
fion de ce fac mufculeux ) ils répon
dront unanimement que ce corps graiffeux
n'eft non plus interpofé entre l'ef
tomac & l'Aorte inférieure , que le coeur
eft interpofé entre PAorte afcendante & la
defcendante de maniere qu'il empêche le
contact du fang de l'une à celui de l'autre.
Cette faute qu'on trouve dans la page
291. de fon nouveau Livre , eft de telle
nature , qu'elle eft capable tout à la fois
de décourager les plus zelés Apologiſtes,
& d'humilier fes plus malins cenfeurs ,
s'ils font Medecins . Elle l'emporte même
fur celle-ci qui fuit immédiatement ,
( car M. H. a toujours eu le foin d'épargner
aux critiques le travail d'une longue
& penible recherche ; ) la faignée du pied,
dit- il , dégage donc la defcendante fans
pouvoir atteindre l'afcendante ni les fouclavieres.
Je ferois tenté de croire qu'il a'
trouvé dans d'anciennes collections , qu'il
y a dans l'homme une Aorte afcendante
qui n'eft pas les fouclavieres & une des
carotides ; car je ne fçaurois croire que
quelqu'un ait été affez malin , pour avoir
voulu lui en impofer jufqu'à ce point
dans des démonftrations fur le fujet. Peutêtre
auffi l'a -t'il imaginé , comme il avoit
fait les attaches qu'il dit que le fang des
Eſpagnols a aux vaiffeaux de la peau .
Lorfque certaines idées favorifent fes
opinions ,
I
SEPTEMBRE. 1729. 1935
opinions , comme il est naturellement
inventif , il eft affez vrai femblable qu'il
n'en eft redevable à perfonne. Il pour
roit done y avoir un peu d'injustice &
même d'ingratitude dans ceux qui blâ
ment M. H. de ce qu'il cite plus qu'il ne
produit .
La raifon tirée de la fermeté des membranes
des arteres , qui doit les empêcher
de ceder à des corps qui ne font pas
durs , eft une de ces difficultés fur lefquelles
notre Auteur infifte long- tems ,
& avec complaifance. On diroit par le
ton fur lequel il le prend , qu'il ne s'agit
point ici de vaiffeaux mols & fléxibles
où eft contenu un liquide qui s'écoule
fans ceffe ailément , mais qu'il eft queftion
de tuyaux durs & infléxibles , remplis
exactement par un folide qu'on y auroit
, pour ainfi dire , enchaffé avec violence.
On ne fe perfuaderoit jamais que
les parois des vaiffeaux qu'il croit fi difficiles
à être preffez , s'approchaffent a
tous momens du centre de leur cavité
& par conféquent , puffent être favorifés
dans ce raprochement , & demeurer un
peu affujettis par le volume ou le poids
des parties voisines qui les touchent médiatement
ou immédiatement. Auffi cette
raifon dont M. H. fait tant de cas n'at'elle
pas affecté bien vivement un celebre
1936 MERCURE DE FRANCE.
lebre Medecin qui réuniffoit la qualité
d'excellent Anatomifte à celle de grand
Géometre. Il fçavoit cependant la valeur
des forces agiffantes , & la force des réfiftantes
, & perfonne n'a pouffé plus loin
que lui la Phyfique géométrique applicable
à l'economie animale. Le Sçavant
M. Keill aprés avoir montré que la raiſon
pour laquelle les hydropiques tombent
en défaillance quand on tire toute l'eau
qu'ils ont dans le ventre , c'eft parcequ'alors
l'Aorte inférieure qui en étoit
comprimée , & qui à cette occafion étoit
caufe que le fang fe portoit plus abondamment
au cerveau , cette artère , disje
, étant tout à coup moins preffée ,
permet au fang de fe porter plus vivement
en bas , & d'abandonner le cerveau.
Après cette explication , dis-je , il rend
raifon de la rougeur & de la chaleur du
vifage qui furvient après le repas , du
mal de tête ou de l'affoupiffement où
quelques perfonnes tombent en fortant
d'un grand dîné , & il dit qu'il eft plus
clair que le jour que ces changemens
qui arrivent alors au corps , font l'effet
de la compreffion de l'Aorte defcendante.
On n'a qu'à lire fes Effais Medico - Phifiques
, page 8. & 9. Ce grand homme
donc dans l'Ouvrage duquel M. Silva a
peut -être puifé l'endroit contre lequel
M.
SEPTEMBRE. 1729. 1937
M. H. s'éleve avec tant de hauteur , ju
geoit tout à la fois que l'eftomac étoit
à portée de preffer une groffe artere , &
que la réfiftance de celle- ci n'étoit pas
infurmontable à la puiffance qui pou
voit agir fur elle. Pour le coup l'érudi
tion aici mal fervi notre Cenfeur ; car
il auroit été plus mefuté dans fes expreffions
, s'il avoit crû qu'un illuftre Etran
ger en eut dû partager la vivacité avec
M. Silva ; il faut croire auffi qu'il eut
été plus moderé s'il avoit été inftruit de
la remarque que je prens la liberté de
lui communiquer. Il l'adoptera peutêtre
, quoiqu'il ne foit pas accoutumé à
honorer d'un favorable accueil ce qui
lui vient des Medecins , entre lefquels &
ceux de fa compagnie , il s'efforce de
mettre un mur de feparation , & qu'il dit
combattre fous d'autres étendarts que les
fiens. Sentiment què vrai femblablement
ils n'adopteront ni les uns ni les autres, &
dont , s'il étoit vrai , le Public auroit
lieu d'être indigné.
L'orifice fupérieur de l'eftomac , dans
l'endroit où il fe dilate , doit quand ce
lui- ci eft fort gonflé , preffer la partie du
diaphragme par laquelle vient de paffer
l'extremité inférieure de l'afophage . Et
lorfque le diaphragme eft dans le relâ
chement , ce qui arrive dans l'expira-
Biiij tion
1938 MERCURE DE FRANCE.
tion , il eft pouffé vers le tronc de l'Aorte
qui eft placée immédiatement derriere ,
ce qui ne peut manquer de faire perdre
du calibre à ce tronc arteriel. Cette preffion
par cet endroit du diaphragme eft
d'autant plus fenfible & plus facile à
concevoir , qu'on fçait qu'il eft fi incliné
& fi courbé vers les vertebres , qu'il
les cotôye , pour ainfi dire , pendant
l'espace de plus de deux poulces , ce
qui doit gêner l'Aorte dans toute cette
étendue , & par conféquent empêcher
que le fang n'y paffe avec la liberté ordinaire
; ce qui fuffit , par la réſiſtance qu'il
y trouve , pour fe déterminer à fe porter
plus abondamment vers les parties fuperieures
.
Comme il me revient de toutes parts
qu'on n'aime pas les gros Ouvrages , je
me bornerai aujourd'hui à ce petit nom
bre de refléxions ; celles que je publierai
dans la fuite feront peut- être plus importantes
; mais il falloit commencer par
écarter ce qu'il pouvoit y avoir d'étranger
au fonds du fujet. Les Epiſodes partageant
où détournant l'attention du Lecteur
, nous avons autant d'interêt à les
éviter , que M. H. en a eu de les employer
fréquemment . Cette difference
peut faire connoître celle de nos motifs.
EPITRE
SEPTEMBRE. 1729. 1939
EPITRE AU ROY.
H
Eros cheri du Ciel , à qui lesA deſtinées
Donnent une fageffe au deffus des années,
Et qui , tout jeune encor , fais admirer en toi
Les plus dignes vertus qui forment un grand
Roi.
Quoiqu'à louer , ma Mufe avec raifon timide,
N'ofe s'abandonner au tranſport qui la guide;
Et que nouvel Icare effrayé du danger ,
Je te parle en tremblant un langage étranger.
Animé d'un beau feu , qui m'excite fans ceffe,
Je ne fuis laiffé vaincre ; & dans ma double
ivreffe
Je m'approche de toi par un effort nouveau.
Quel champ puis - je choifir & plus noble &
plus beau !
Qu'un autre plus hardi chante l'ardeur guerriere
D'un Héros tout couvert d'une noble pouffiere;
Ou que d'un doux penchant fe laiffant animer,
Il chante les faveurs du Dieu qui fait aimer.
Peu touché des attraits d'une fi foible gloire
J'employe à d'autres foins les Filles de mémoire
;
"
Et d'un fardeau plus digne occupant mes loifirs
;
Je contente à la fois leurs voeux & mes defirs.
Bv *Je
1948 MERCURE DE FRANCE.
Je n'aurai pas befoin pour exciter ma veine
De puifer dans les eaux de la docte fontaine
Et je n'aurai qu'à fuivre , en voulant te louer,
Ce que tout l'Univers eft forcé d'avouer ;
Cette tranquile paix qui fait toute ta gloire ,
Fruit heureux d'un Heros , Maître de la victoire.
Après la mort d'un Roi fi digne de nos pleurs,
Tu rafferinis l'efpoir chancelant dans les coeurs.
Nous gémirions encor , fi le Ciel équitable
Ne nous eut regardés d'un oeil plus favorables
Et n'eut fait fucceder dans le fuprême rang ,
A ce Héros , un Roi fi digne de fon fang.
La difcorde eft aux fers ; non ; l'envie impuif
fante
N'ofe plus attaquer la France floriffante.
Et par toi les beaux Arts reprenant leur vigueur
.
C
De leur heureux progrès te doivent tout l'honneur.
Vrai Pere de ton Peuple , & Maître de toi - même,
Tu foûtiens tout l'éclat d'un pefant diadême ;
Et dans l'âge où des feris , le dangereux poifon
Souvent des jeunes coeurs , exile la raison ;
Au faifte des grandeurs , où chacun te contemple
;
Tu fers à tous les Rois & de guide & d'exemples
Et par de fages Loix affurant le repos
Tu te mets au deffus des plus fameux Héros.
EXSEPTEMBRE
1729. 1941
I YA YAYA YA YA YA YA YA YA YA K
EXTRAIT d'une Lettre écrite par M...
à l'occafion de la datte de deux Bibles
dont il eft parlé dans le Mercure de
France des mois de Mars & Avril 1729 .
}
Spartientre la Répoffe donnée dans le
Ans vouloir prendre prefentement dè
>
Mercure du mois de Mars dernier au fujet
de la datte de l'impreffion de deux
Bibles , & l'Extrait d'ane Lettre écrite de
Montpellier le 29. Avril 1729. fur le
même fujet , dans le Mercure de May ,
page 913. il n'eft pas difficile de faire
voir qu'il y a eu des Livres imprimez avant
l'année 1460. contre l'opinion de l'Auteur
de cette Lettre , qui prétend que les
premieres Impreffions n'ont parû qu'après
1460. Tels font , dit - il , un Livre
intitulé : Durandus de Ritibus Ecclefia ,
qui eft de 1461. & c .
Le Pere Jacob , de l'Ordre des Carmes
, dans fon Traité des Bibliotheques ,
imprimé à Paris en 1644. parle d'une
impreffion qui fut faite à Mayence par
Jean Fauft & Pierre Schoeffer , & dit ,
page 532. ils commencerent d'imprimer
le Durandus de Ritibus Ecclefia l'an 1461.
mais perfonne n'a fait mention de cette
B vj Edi
1942 MERCURE DE FRANCE :
Edition avant lui ; en fecond lieu c'eft
Durantus qui a écrit de Ritibus Ecclefia,
& non pas Durandus. Ce dernier s'appelloit
Guillaume Durand , & fut Evêque
de Mende ; le premier fe nommoit Jean-
Etienne Duranti , & fut Premier Prefident
du Parlement de Toulofe.
Guillaume Durand compofa le Rationale
Divinorum Officiorum , qui fut imprimé
in -folio fur vélin , à Mayence , en
l'année 1459. par Jean Fauft & Pierre
Schoeffer de Gernshiem.
Bernard de Malinerot , Doyen de Munfter
, dans fa Differtation de l'Art de l'Imprimerie
, page 67. dit qu'il a ce Livre
dans fa Bibliotheque , & en rapporte la
date en ces termes : Prefens Rationalis divinorum
codex Officiorum venuftate capitalium
decoratus , Rubricationibufque dif
tinctus , artificiofa adinventione imprimen
di & caracterifandi abfque calami exaratione
fic effigiatus & ad Eufebiam Dei
induftria eft confummatus , per Joannem
Fuft , civem Mogunt & Petr. Gernsheim
Clericum Dioecefis ejufdem , anni 1459 .
die 6. Octob.
Jacques Hofman , dans fon Lexicon
univerfale , imprimé à Bafle , in-folio , en
deux volumes , l'année 1677. dit dans le
fecond Tome , que l'on voit dans la Bibliotheque
de l'Univerfité de cette Ville
là
SEPTEMBRE . 1729. 1943
là un Exemplaire de cette Edition de 1459 •
qu'il appelle Officiale Durandi , ce font
ces termes , page 508. Cujus exemplar
in Academia Bafileenfi affervatum bane
infcriptionem habet , &' c.
Le Pere Labbe , qui a donné un Catalogue
des anciens Livresimprimez, qu'on
garde dans la Bibliotheque du Roi , fait
cette remarque : ( a) Anno 1459. Joannes.
Fauftus Arte Imprefforia inventa edidit
primo Moguntia Libros Guill. Durandi
de Officiis Ecclefiafticis , &c.
Furetiere , dans ce qu'il rapporte de
l'origine de l'Imprimerie dans la premiere
Edition de fon Dictionnaire , s'en eft
trop fié à M. Mentel & au Pere Jacob ,
& il s'eft trompé feurement , lorfqu'il a
dit que les premiers Livres imprimez
qu'on ait vû en Europe font un Durandus
de Ritibus Ecclefia , de l'année 1461. une
Bible de l'année 1462. la Cité de Dieu
de S. Auguftin , & les Offices de Ciceron.
Il y a à Vienne dans la Bibliotheque
de l'Empereur , une Edition encore plus
ancienne que celle de 1459. c'eſt celle
du Plautier , dont S. Chrifoftome (b) di-
( a ) Suplem. de Script. Eccl. Parif. 18868
P. 506.
(b) Juftin Decadius , dans fa Préface du
Plautier imprimé in- 4. par Alde Manuce, pour
l'ufage de l'Eglife Grecque.
foit
1944 MERCURE DE FRANCE .
foit qu'il vaudroit mieux que le Soleil
ceffât de répandre fes lumieres fur la terre
que de ceifer de le chanter chaque jour
dans l'Eglife . Ce Livre fut imprimé in -4
fur velin , dans la Ville de Mayence , en
1457. par Jean Fauft & Pierre Schoeffer,
& fut apporté dans la Bibliotheque de
P'Empereur , avec un grand nombre d'autres
volumes imprimez , ex Archiducali
arce Anbrafiana. Pierre Lambec , qui en
étoit le Bibliothecaire , rend témoignage
qu'il l'a vu dans cette Bibliotheque , &
rapporte ce qu'il a lû à la fin de ce Livre,
en ces termes , qui font prefque tous les
mêmes que ceux du RATIONALE : Reperi
inter ea unum impreffum in membrana,
in cujus fine de origine Artis Typographice
hoc legitur notabile teftimonium :
Prafens Pfalmorum codex venuftate Capitalium
decoratus , Rubricationibufque fufficienter
diftinctus adinventione artifi
ciofa imprimendi , ac caracterifandi abf
que calami exaratione fic effigiatus ad Eufebiam
Dei induftriè eft confummatus per
Joannem Fuft , civem Maguntinum &
Petrum Schoeffer de Gernsheim , anno Demini
millefimo cccclvii . in vigiliâ Affumptionis
. (a)
,
Après ces autoritez on ne peut pas
douter qu'il n'y ait eu des Livres impri-
(a) Lib. 2. Bibliot. Vindobon . pag. 989.
mez
SEPTEMBRE . 1729. 1945
mez avant l'année 460. mais on croit que
I'Imprimerie eft un Art qui eft bien plus
ancien dans la Chine , le P. Couplet affure
qu'elle y eft en ufage dès l'an 930 .
Elle eft , à la verité , bien differente de
celle de l'Europe , car les Chinois ne fe
fervent que de Tables de bois gravées &
taillées , enforte qu'il faut autant de Planches
que de pages , & elles ne peuvent
fervir que pour un même Livre ; c'eſt ce
qui fe pratique encore aujourd'hui par
nos Graveurs dans les Impreffions qui fe
font fur le Bois, fur le Cuivre , ou fur l'Etain
les premieres Impreffions de l'Europe
ont commencé par la Méthode Chinoiſe
, & c'est elle qui a pû donner une
idée de cet Art admirable qui a été perfectionné
dans la fuite.
J'ai vu dans la Bibliotheque des Celeftins
de Paris , un Livre intitulé , Speculum
falutis , imprimé par Cofter , dont l'impreffion
paroît avoir été faite avec de pareilles
Planches de bois gravées , & nom
avec des Caracteres féparez , & on prétend
que cette Impreffion a été faite en
l'année 1448. Les Hiftoriens en rapportent
encore d'autres plus anciennes du
même Cofter. Dans le Catalogue donné
par M. Beughem , intitulé : Incunabula *
Typographie , il cite page 54. Donatus.
Vol. in- 12. Amftelod. 1688 .
A
1946 MERCURE DE FRANCE.
A Harlem 1440. Page 165. Speculum
falutis. A Harlem , 1441. Page 150 .
Sabellicus Hiftoria Enneades feptem . A
Mayence , 1442. Page 156. Confeſſionale
Donatus. A Mayence , 1450. Page
159. Hiftoria de B. Maria Virginis Affumptione.
A Deventer , 1457. in- 4 .
Une ancienne Chronique de la Ville de
Cologne , manufcrite , en Allemand , de
l'an 1499. & rapportée dans le Théatre
de la Hollande par Boxhorrius , imprimé
en Latin, à Leyden , en 1632. page 139 .
dont les paroles Allemandes ont été traduites
en Latin par le Doyen de Munſter,
dans fa Differtation , De Arte Typogra
phica , page 37. Cette Chronique , dis je,
porte que l'Art de l'Imprimerie fut inventé
en la Ville de Mayence environ l'an
1440. Ars inventa primùm in Germania
urbe Moguntia eft ad Rhenum circa annum
1440 .
Le même M. Beughem , dans la Liſte
qu'il a donnée des anciennes Impreffions
faites avant l'année 1500. parle en ces
termes d'un Donat , de Harlem , duquel il
dit qu'on le tient communément pour le
premier Livre imprimé, & il en met la date
à l'an 1440. Donatus non Authoris , fed
Libri cujufdam titulus eft qui inftitutio
Grammatices Harlemi lignofoliatim incifa,
ibidemque circa annum 1440. edita, &
fic
SEPTEMBRE 1729 1947
fic conglutinata , tefte P. Scriverio , vulgò
Artis Typographica primum fpecimen ha-,
betur.
On voit dans la Bibliotheque de Sor
bonne , deux Imprimez in -fol. d'une date,
extraordinaire , mais fauffe. L'une finit
par ces termes , Flores de diverfis Sermonibus
B. Bernardi per me Joan. Koelhof
de Lubeck , Colonienfem civem impreſſi an
Mcccc. feliciter finint. Il y a erreur manifefte
dans cette date , parce que l'Imprimerie
n'étoit pas encore inventée en
1400. en ſecond , parce que cet Imprimeur
Jean Koelhof n'étoit pas encore né
en l'année 1400. il imprima à Cologne
en 1483. le Gerfon en 4. volumes , qui
font de même fabrique que ce Flores . Sans
doute que l'erreur vient d'une omiffion.
de cet autre chiffre lxxxij . qui devoit être
ajoûté après мCCCC .
L'autre eft le Preceptorium Divinum de
Gotſchal Hollen , Religieux Auguftin ,
où on lit à la fin , Impreffum per me Joan.
Guldenfchaef, civem coloniens ipfo Die
S.Kuberti Epifcopi. Anno Domini octoge
fimi quarti. Il y a ici une omiffion de ces
mots qui doivent préceder , millefimi qua
dragentefimi.
Dans la Bibliotheque Mazarine il y
a un Manipulus Curatorum , que Guy de
Mont -Rocher compofa l'année 1333.
C'eft
1948 MERCURE DE FRANCE .
こ
C'est une Edition faite à Paris , in-4. o
on lit ces mots écrits en cette maniere :
Completus Parifiis Anno Domini millefimo
ecce. vigefimo tertio. Amen. l'erreur
dans la date eft bien certaine , puifque
l'imprimerie n'a commencé à Paris qu'en
l'année 1470. il faut que le cinquiéme
C. qui faifoit l'année 1 523. foit échappé
des formes .
Il n'eft pas douteux qu'il n'y ait pareillement
erreur de date dans l'impreffion
des deux Bibles rapportées dans le Mercure
de Janvier 1729. où l'on fixe la
date aux années 1016. anno decimo fexto
Jupra millefimum , & 1019. anno decime
nono fupra millefimum. Pour rendre cette
date plus réguliere il faudroit fuppofer
qu'on eût obmis ce mot , quingentefimo,
après l'année , & lire ainfi , anno quingentefimo
decimo fexto , ou nono , Supra
millefimum , & pour lors il n'y auroit plus
de difficulté fur ces dates .
Ce premier Août 1729 .
XXXXXXX
REQUESTE d'un jeune Hêtre aux
Myrtes des Jardins de Venus , qui font
dans la Ville d'Idalie en Cypre.
Myrtes des Jardins d'Idalie ,
Habitans d'un féjour fi doux ,
Un
SEPTEMBRE. 1729. 1949
1
Un Arbre étranger vous fupplie ,
De le recevoir parmi vous.
M
Il eft vrai , je ne fuis qu'un Hêtre ,
Né dans des lieux qui vous font inconnus,
Mais avec tout cela peut- être ,
Je vaux un Myrte de Venus.
C'eft prétendre un peu haut, Myrtes , je le confeffe
,
Et non pas cependant plus haut qui je ne doi
Si vous me demandez mes titres de Nobleffe.
Je les porte gravez fur moi.
ร
Sçachez que l'autre jour une aimable Bergere
Errant dans notre Bois , réveufe & folitaire ,
Vint fous nos ombrages charmans ;
A fa douce langueur , à ſa démarche lente ,
Nous dîmes auffi - tôt , c'eft quelque jeune
Amante ,
Car tous les jours nous voyons des Amans.
M
Elle cherchoit des yeux une écorce nouvelle ,
Jeunes Hêtres s'empreffoient tous ,
D'offrir leur écorce à la Belle ;
De ces marques d'honneur nous fommes fort
jaloux ,
Heureufement je fus choifi par elle.
Elle
1950 MERCURE DE FRANCE.
Elle grava Tirfis , moi ravi de prêter
Mon écorce naiffante à cet aimable ufage ;
Glorieux de fon choix, je femblois m'en vanter
Aux Hétres envieux de tout mon voifinage :
Deux ou trois jours après , elle vint ajoûter .
Et le mot de fidele , & ce petit Ouvrage.
En rêvant dans ces Bois à qui m'a fçû char
mer ,
Sur cette écorce tendre & belle
»Je gravai fon nom feul , fans parler de fon
zele ,
Tous les Bergers du nom venoient le reclamer
;
Mais à prefent que j'ajoûte fidele ,
»Tirfis , des Amans le modele ,
S'y connoîtra lui ſeul , puiſqu'il fçait feul
aimer.
SPE
Ah ! fivous aviez vû cette jeune perfonne ;
Si vous connoiffiez fa beauté ,
Vous ne blâmeriez pas , Myrtes , la vanité ,
Que fa confidence me donne.
Nos Hêtres les plus vieux , qui mille & mille
fois ,
Prêterent aux Amans une ombre favorable ,
M'ont dit d'une commune voix ,
Qu'ils
SEPTEMBRE . 1729. 1951
Qu'ils n'ont jamais vû dans nos Bois ,
Une Bergere plus aimable.
J'ai demandé fon nom à ces petits Amours ,
Qu'en foule depuis quelques jours ,
Un defir curieux dans notre Bois amene ,
Et dont autour de moi fe fait un grand concours
,
Pour voir les vers , dont mon écorce eft pleine.
C'eft Iris, m'ont-ils dit, & l'Amourfe promet,
» De tirer une gloire extrême ,
»De ce qu'elle t'a pû confier ſon ſecret ,
Depuis affez long temps elle aime ,
» Mais ſon coeur n'en avoit pas fait ,
» La confidence à fon coeur même.
"
512
Tirfis , Eh ! quel Amiant ! quel Amant que
Tirfis !
Quoiqu'elle partageât ſes amoureux ſoucis ;
N'en pouvoit obtenir un aveu de fa bouche ;
»Enfin après un long ennui ,
Il fçait depuis un mois que fon amour la
touche ,
- Et tu l'as fçû prefqu'auffi - tôt que lui.
潞
»Songe que cette Iris , obſtinée au filence ,
Et qui n'aimoit qu'en fe cachant de moi,
Ne
1952 MERCURE DE FRANCE.
» Ne fouffrit dans fa confidence
Qu'elle -même , Tirfis & toi
Voilà quelle eft mon avanture ,
Fier de tant d'honneurs , je fuis las ,
De vivre en une foule obfcure ,
D'Arbres que l'on ne connoît pas.
Souffrez que chez votre Déeffe ,
Par les Amours je me faffe emporter ;
Je fuis en ma verte jeuneſſe,
Et propre encore à tranſplanter.
t
Parmi vous de nouveau je me prépare à naître,
D'Iris & deTirfis vous verrez l'amour croître ,
En même temps que je croîtrai ;
Dans ces heureux Jardins que la Déeffe habite,
J'en pourrois bien avoir quelque vifite .
Grace aux Vers de ſa main que je conſerverai.
Ni
Ne craignez point la confequence ,
Mi qu'un nombre trop grand des Hêtres tranf
plantez ,
Ne regne enfin de tous côtez ...
Dans les lieux de votre naiffance.
J
I
Recevez ceux qui porteront écrits .
De
SEPTEMBRE . 1729 1953.
De tendres Vers d'une Bergere ,
Qui vaille la Bergere Iris ,
Et foyez fürs de n'en recevoir guere .
Vous voyez mes defirs, daignez les approuver,
Myrtes, qu'ainfi toûjours une main immortelle,
Prenne foin de vous cultiver ,
Que chaque Myrte mâle ait fon Myrte femelle.
D. S. T. S.
DEFENSE de ce qui a été dit
dans le Mercure d'Octobre 1728. fur
les Senfations , avec quelques Refle
xions fur les divers genres d'utilité des
Ouvrages de Litterature . Par M. d'Auvergne
, Avocat à Beauvais .
Ly a des Questions qu'il peut être
I utile , & même important de difcuter,
quoique la réfolution n'en foit ni poffible
ni neceffaire. Le Paradoxe eft- il donc fi
grand que l'Anonyme qui a crû devoir
m'attaquer fur cela dans le Mercure de
May , n'ait pû regarder la propofition que
comme abfolument fauffe ?
Il faut diftinguer en matiere de Litterature
, deux genres d'importance. Ce qui
ne
1954 MERCURE DE FRANCE .
ne fert qu'à amufer , qu'à délaffer , qu't
remettre l'efprit en état de s'appliquer à
des chofes plus grandes & plus férieuſes,
qu'à l'orner , qu'à lui donner plus d'étenduë
, eft de l'utilité , de l'importance du
premier genre. Ce qui tend plus immédiatement
à régularifer la conduite , à diriger
les moeurs , à perfectionner les Arts,
& tels font les Ouvrages de Politique ,
de Morale , de Phyfique , de Mécanique,
&c. eft d'une utilité , d'une importance ,
d'un tout autre genre . Et ces utilitez, pour
être de differente efpece , n'en font ni les
uns ni les autres moins réelles .
Se divertir , ne fignifie autre chofe , dit
un Auteur moderne , que diverfifier &
interrompre ce qu'on eft accoûtumé de
faire. Combien de gens en effet fçavent
fe contenter d'ordinaire, pour tout plaifir,
de celui de changer d'occupation ? Mais
le changement ne feroit pas affez grand
ni affez fenfible , fi l'occupation fubftituée
à une autre étoit aufli grave & auffi appliquante
que la premiere. La diverfité
d'objets ne feroit plus un délaffement ,
parce que la contention d'efprit refteroit
toûjours la même .
Ces délaffemens font néanmoins né
ceffaires. Comme l'efprit ne fçauroit être
continuellement tendu fur un même fajet
ni fur des fujets qui , quoique differens ,
feroient
SEPTEMBRE. 1729. 1955
feroient d'une égale gravité , il eft bon
qu'il puiffe trouver de temps à autre à
détourner fon attention fur -des objets
plus legers , & qui , ou n'exigeant pas
qu'il fe rappelle de longs enchainemens
de principes & de confequences , ou ne
lui retraçant rien de gracieux & d'amufant
, lui foient un aiguillon qui le ranime
, & un aliment qui lui redonne de
nouvelles forces pour les matieres dont
il fait fon étude & fon travail ordinaire.
C'est ainsi que tout Ouvrage , foit en
Vers , foit en Profe , dont les penſées ſont
fines , ingénieufes & délicatement exprinées
, ne laiffent pas d'être utiles & eftimables,
quoique le fond fur lequel il roule,
foit des moins intereffans. Ce ne font,
fi l'on veut , que d'innocentes débauches
d'efprit , que de fages folies , que des bagatelles
, que des riens ; mais fi les fentimens
& les expreffions de ces riens font
de gout, qu'ils plaiſent ou qu'ils touchent ;
s'ils font pour les uns un moyen de fe
préferver de la langueur & de la létargie
que caufe à l'efprit une application trop
uniforme , s'ils contribuent à accoûtumer
les autres à penfer , à raiſonner , à ne
perdre dans un objet aucun des côtez par
lefquels il peut être faifi , les voilà par
ces endroits au nombre des Ouvrages
utiles & importans , & ceux qui en font
C les
1956 MERCURE DE FRANCE :
les Auteurs hors d'atteinte du reproche
d'avoir fait un mal , ni une inutilité.
Ou mon Cenfeur n'a pas eu ces Reflexions
bien préſentes , ou il s'eft imaginé
que le don lui en étoit réſervé à lui
feul . Autrement il ne fe feroit pas fi fort
fcandalifé de ce qu'il a lû dans ma Lettre
imprimée au Mercure d'Octobre, qu'il n'y
a perfonne qui foit veritablement intereffé
à fçavoir dans quel état & dans quelles
circonstances il vaudroit mieux être aveugle
que fourd , puisqu'il n'y a point de
conjonctures où il foit & libre & neceffaire
-de choisir entre l'un & l'autre. Quand cela
feroit vrai, dit -il, y auroit- il lieu d'en conclure
qu'il fût mal fait d'examiner en particulier
lequel des deux fens eft le plus
neceffaire , de la vûë ou de l'oüie. Il répond
, avec raiſon , que non ; mais je lui
demande à mon tour , fi de ce que j'ai
dit que le but de la queftion ( que le Critique
me foupçonne fans fondement d'avoit
entendue autrement que lui ) ne pouvoir
être que de donner occafion de ré-
'jouir & de récréer le Lecteur par de petites
difcuffions enjouées & fpirituelless
il s'enfuit que j'aye voulu infinuer que
ces difcuffions fuffent mauvaiſes , & que
j'aye confondu ce qu'il eft fi naturel &
fi important de fçavoir bien diftinguer
les Ouvrages où il n'y a que l'efprit qui
brille
SEPTEMBRE. 1729. 1957:
brille , & qui ne font faits que pour l'efprit,
d'avec ceux qui font abfolument blâ
mables & répréhensibles ?
Ce ne peut être cependant que dans
la perfuafion que mes idées fur cela étoient
bien brouillées , qu'il débute par annoncer
qu'il n'auroit jamais crû qu'un Avo- i
cat qui fait profeffion de deffendre des caus
fes , de tout genre , eût penſé comme je
l'ai fait. Je remarquerai en paffant que :
l'Anonime connoît mal les devoirs & les
Loix de notre état , & que les Avocats
tels qu'il les définit , qui feroient profeffion
de deffendre des cauſes , de tout genre,
c'est- à-dire , telles qu'elles fe prefentent ,
fans choix & fans difcernement , feroient :
des Monftres dans la Societé , qui ne juſtifieroient
que trop l'odieufe dénómina.
tion de fleaux de la colère de Dieu , que
l'Auteur Dominicain de la nouvelle Relation
de l'Afrique Occidentale , s'eſt fi indifcretement
avifé de nous y donner.
Quoiqu'il en foit , dès que mon Cenfeur !
a crû que je me chargeois indiftinctement
de toutes fortés de cauſes , il a bien dû
s'attendre que pour la mienne fur tout ,
bonne ou mauvaife , je ne l'abandonnerois
pas. Auffi , pour ne rien rifquer , a - t'il
jugé à propos de ne pas le nommer. Je
Croi à dire le vrai , la précaution affez
prudente ; ce pourroit bien être même le
meilleur de tout l'Ouvrage. Cij Car
**
1938 MERCURE DE FRANCE .
Car pour revenir au fond , il fuit évi
demment de mes premieres Obfervations
que ce Critique anonime pouvoit fe donner
la fatisfaction de s'exercer à fon gré
fur le problême de la préference de la
vûë fur l'oiiie , ou de l'ouie fur la vûë ,
fans appréhender d'en être repris ni pär
moi, ni par d'autres , & que je n'ai nullement
donné à entendre qu'une telle difcuffion,
artiſtement faite, ne pût être d'aucune
utilité , quoique j'aye fuppofé que
quelque façon qu'elle fût tournée , il étoit
impoffible qu'elle conduifit à la découverte
d'une verité intereffante , ni d'uſage ,
de
Il est vrai que cela ne fuffit pas au Critique
: felon lui , j'ai encore eû tort de
faire cette fuppofition , & de la fonder ›
d'un côté , fur ce qu'il ne nous eft pas
permis de nous priver nous-mêmes de nos
fenfations, dans l'idée de prévenir le défagrément
qu'elles peuvent nous caufer, ou
l'abus que nous en pourrions faire , & de
l'autre ,fur ce qu'il ne dépend pas de nous,
non - plus , quand les Loix de la Nature
font prêtes à nous ôter quelqu'un de nos
fens , de le conferver par le facrifice d'un
autre que nous affectionnerions moins .
Ilidemande fi les Religieux de la Trape &
de quelques autres Monafteres ne fe condamnent
pas au filence , & fi les Peres
des Delerts ne le privoient pas fouvent
de
SEPTEMBRE. 1729. 1959
de l'oite & de la vûë ? Les hommes, continue-
t-il , ont donc quelque liberté fur
le choix & fur l'ufage des fenfations.
J
Eh ! qui jamais l'a conteſté ? Tous les
jours nous nous contentons de prêter l'areille
à la lecture que d'autres nous font,
tandis que nous pourions la faire nous- mêmesfinous
le voulions.C'eſt un effet de notre
liberté de choix entre la vûë & l'oüie,
que perfonne ne révoque en doute . Mais ,
quoi ! parce qu'on eft libre en certains cas
de fe fervir de quelques- uns de fes fens plutôt
que des autres , d'en fufpendre l'ufage
pour quelque temps , de fe priver des
plaifirs qui y femblent attachez , de fuir
les occafions d'en abufer , s'enfuit-il qu'il
foit licite de fe priver des organes mêmes
dans lefquels ils réfident , & de s'en ôter
par- là l'ufage pour toujours ? On garde
le filence dans les Cloîtres , dans les uns
plus , dans les autres moins , mais je ne
croi pas qu'il y en ait aucun où la mode
foit encore venuë de s'arracher la langue .
Les Anachoretes s'éloignoient avec ardeur
de tous les plaifirs fenfuels , mais
ils ne s'ôtoient , quoiqu'en dife l'Anonįme
, ni l'ouie , ni la vûë , ni aucun autre
des organes de leurs fens. On fait des
voeux de vivre dans le célibat & on les
accomplit , mais c'eft à quoi on fe borne :
on ne s'avife pas , fi ce n'eft dans le delire,
C´iij
de
1660 MERCURE DE FRANCE .
de paffer plus avant ; les Valefiens , quì,
au rapport d'un Pere , exigeoient fur
cet article , outre la réfolution & la promeffe
, l'operation , qui eft l'unique gage
affuré que l'on puiffe donner de l'execution
, ont été mis au nombre des Heretiques
& des Heretiques les plus extravagans.
Tous les confeils d'abfcifion don.
nez par l'Ecriture , ne doivent être fuivis
que figurativement. Ce ne font que des
préceptes de fe tenir en garde contre les
fens , & qui ne prouvent rien contre ce
que j'ai dit qu'il ne nous eft pas permis
pour cela de les détruire en nous. Mon
Adverfaire en convient lui - même , du
moins en partie . Par quelle fingularité
donc lui cft-il revenu dans l'efprit de relever
fifort la periode ifolée que j'ai laiffé
échapper fur ce fujet , & d'accumuler
contre elle autant de Paffages de l'Evangile
, que s'il fe fût agi de combattre une
herefie ouverte ? Seroit - ce qu'il auroit
tout auffi peu compris cette période que
celle qui la fuit ?
Pour celle - cy , en effet , il l'avoue ingenuement
neuf ou dix pages plus loin ;
il ne l'a pas , dit -il , bien entendue , & il
s'eft trouvéembarraffé de ce que j'ai pensé,
Valefii fe ipfos caftrant & hofpites fuos boc
modo exiftimantes fe Deo debere fervire .S. Aug.
de Hæref. c. 37 .
fervire.S.Aug.
lorfque
SEPTEMBRE. 1729. 1961
P
lorfque j'ai écrit , qu'il n'eft pas non- plus
en notre pouvoir , quand nous preffentons
que les Loix de la Nature font prêtes à
nous ôter une de nos fenfations , d'en facrifier
une autre pour conferver celle -là , que
nous affectionnerions davantage. Il objecte
neanmoins qu'en Medecine il arrive fou
vent que l'on perd l'enfant pour fauver
la mere , ou la mere pour fauver l'enfant.
Mais je ne fçai s'il eft au fait d'une
matiere fi importante. Pour moi je fuis
dans ce préjugé que le facrifice qui le fait
quelquefois de l'enfant au falut de la mere ,
ne vient pas d'un choix entierement libre,
& produit uniquement par l'amour de
préference qui , en pareille conjoncture ,
eft toujours dû à la mere , mais plutôt de
l'experience que l'on a , que le parti de
faire périr la mere par la fection Cefarienne
, eſt un moyen de conferver l'enfant
dont la réüffite eft très - incertaine & trèsrare
;car on n'en peut venir à une fi cruelle
opération qu'aux dernieres extrémitez , &
qu'après avoir épuifé tous les expediens
que l'Art a imaginé pour aider l'enfant
à venir au jour par la voye naturelle ; &
s'il n'eft pas certain que de fi longues
épreuves l'ayent déja fait périr , il eſt à
préfumer du moins qu'elles l'ont mis dans
un très grand péril de n'y pas furvivre
long temps , au lieu qu'en l'immolant ,
tandis
1962 MERCURE DE FRANCE.
tandis que la mere eft encore vivante , it
y a bien plus d'efperance de la fauver.
D'ailleurs , difent les Maîtres de l'Art , il
y a bien quelques exemples que des enfans
tirez du ventre aprés la mort de la
mere , ayent vécu , mais il n'y en a point
que des femmes à qui on a fait avant la
mort l'opération Cefarienne , en foient
revenues. Auffi s'élevent - ils très- fort
contre la maxime avancée ici par mon
Cenfeur , que fi l'on ne veut pas perdre
l'enfant pour la mere , on peut tuer la
mere pour rifquer de faire vivre l'enfant.
Ils foutiennent que l'on ne peut en agir
de la forte que pour fatisfaire à l'avarice
de ces maris inhumains qui ne fe mettent
gueres en peine de de que devient leur
époufe , pourvû qu'elle leur laiffe un
enfant qui lui furvive de quelques heures,
pour remplir leurs vûes d'interêt ou
d'ambition. En un mot , ils regardent
comme une chimere , ou pour mieux dire ,
comme une idée des plus pernicieuſes, cette
prétendue poffibilité de faire fervir la
perte de qui l'on veut , de la mere ou de
l'enfant à la confervation de l'autre .
Quand même ce feroit le fentiment
oppofé qui le trouveroit le mieux fondé,
il n'y auroit pas plus de jufteffe à le traduire
ici en exemple , comme l'a fait le
Critique , parce que cela ne montreroit
pas
SEPTEMBRE. 1729. 1963
›
pas que nous puiflions également nous
conferver l'ouie , par la privation volon .
taire de la vûë , ou la vûe , par le facrifice
de l'onie , lorfque la caducité feroit fur
le point de nous enlever l'un des deux .
En tout cas , c'étoit cette parité , fi l'Anonime
la croit réelle , qu'il devoit prendre
à tache de démontrer S'il y avoit
réuffi , combien de graces n'én auroit- il
pas eu à recevoir de tant d'infortunés à
qui tout l'art des Oculiftes , Véritablement
contre les loix de la nature , ne
fçauroit fauver une vûë qui s'éteint , &
pour laquelle on donneroit fouvent , fi
volontiers , toute autre fenfation .
Mais enfin , dit le Cenfeur , les Hiftoiares
parlent de bien des perfonnes condamnées
à perit , qui ont eu le choix du
fer ou du poifon ; & ces barbares Orientaux
qui font dans l'ufage de faire crever
les yeux à ceux qu'ils veulent mettre hors
d'état de leur nuire , pourroient également
avoir un jour la bizarrerie de vouloir
faire choifir entre la furdi é & la cecité..
Je ne fçai fi l'execution de ce nouveau
caprice feroit des plus faciles , & fi on
pourroit détruire auf aifément l'organe
de l'ouie que celui de la vûe , fans déranger
le reste de la machine ; mais je ne
doute pas que , fuppofé la poffibilité d'un
Cy rel
1964 MERCURE DE FRANCE
tel choix , chacun ne s'y déterminât faivant
fon goût , que l'Anonimé avoue plus
haut dépendre toujours , dans chaque
perfonne , des circonftances particulieres
où elle fe trouve , de fon temperament ,
ou de fon caractere , & que tout ce qu'on
auroit lû auparavant fur la préeminence
de l'une ou de l'autre des deux fenfations,
entre lefquelles il faudroit opter , ne fût
d'une entiere inutilité pour cette option .
Du moins eft- il à croire que quiconque
travailleroit pour la feule idée de rendre
ce choix moins embaraffant , travailleroit
dans des vûës bien éloignées , puifque le
goût d'obliger ainfi à choifir entre la perte
des yeux & celle de l'ouie , n'eft pas
encore venu , & que fuivant toutes les
apparences il ne s'établira pas fi tôt.
J'ai donc eu raifon de dire qu'une differtation
qui ne rouleroit que fur pareille
chofe , ne feroit guere intereffante
› par
le fonds du fujet , & qu'elle ne pourroit
ni plaire , ni être utile , qu'à proportion
de l'habileté de fon Auteur à y fuppléer
de génie au défaut de la matiere .
Tout ce que l'on met dans les Mercures
, demande encore le Cenfeur , eftil
d'une plus grande utilité ? Je ne balance
pas à répondre que oui , finon pour
toutes les piéces de ces Recueils , du
moins pour la plus grande partie , qui
fous
SEPTEMBRE, 1729. 1965
fous l'apparence d'Ouvrages fimplement
deſtinés à plaire & à amuler , renferment
des inftructions , tantôt ſur un fujet , tantôt
fur un autre , qui en relevent bien le
prix. Le Mercure de France n'auroit pas
tant de cours qu'il en a , s'il ne contenoit
que des faillies heureuſes , que des images
vivement peintes , que des fictions
brillantes , que des expreffions fymétrifées
; en un mot , que de purs amuſemens.
Les Piéces qui font dans ce genre
là , ne laiffent pas , comme je l'ai obfervé
, d'étre d'une certaine utilité , nè futce
que pour la varieté . Mais il faut com.
munément quelque chofe de plus , &
qu'outre la forme & l'arrangement , la
matiere ,foit auffi elle-même de quelque
importance. Aufli je n'ai parlé du problême
fur la préference de la vûë ou de
l'ouie , qu'en paffant , non pas pour traiter
la queſtion , comme le Critique le fuppole
, mais feulement pour remarquer
fous quelle claffe je croyois qu'elle pouvoit
être rangée. Ce n'a même été que
parce qu'elle s'eft trouvée jointe immédiatement
à une autre queſtion , qui a donné
lieu à ce que j'ai dit de la maniere de
difcerner les Arts , dout on ne doit ni
condamner , ni méprifer la recherche
d'avec ceux qui font évidemment au deffus
de nos forces.
CVj Ceft
1966 MERCURE DE FRANCE.
C'eſt un ſecond Article fur lequel l'A
nonime me cenfure encore ; mais comme
le fujet en eft tout different , il fera
auffi la matiere d'un autre Ecrit.
XXXXXXXX XXXXXXX
BOUTS - RIME'S propofés dans le
Mercure du mois de Juillet , remplis.
E cherirai toujours les murs qui m'ont vû
JE
Je préfere à la Cour les délices de
naîtrei
Caën
Là je vois les Amours folâtrer fous le Hêtre 3.
Je vois plus de beaux yeux que n'en porte le
Paon
Je ne fuis point piqué du defir de paroître ;
Je n'ai jamais paffé le grand chemin de Laors
Mon ame eft attachée aux lieux où j'ai pris l'-
Etre
Comme auprès de fa mere eft un timide Faon.
L'Orne m'eft bien plus cher que le Tibré & la
Saone :
Son lit , dont la fraîcheur fe conferve fous l'
Aulne •
Me produit des poiffons , préferables au Thon.
De plaifirs innocens la fortune me faoule
Et
SEPTEMBRE. 1729. 1967
Et malgré l'envieux , & tous les traits de Taon;
L'âge de mon pourpoint fait refpecter le moule-
J. B. F. de Caën.
SUITE de la Lettre écrite de Dreux ;
par Mademoiſelle *** à M. Compfon,
au fujet d'un Livre intitulé l'Art d'ore
ner l'efprit en l'amufant &c. Par M.
Gayot de Pitaval, &c.
E fecond Volume de ce Livre , eft ;
Monfieur , de même goût que le
premier ; ainfi ce que je vous ai rapporté
de celui -là , peut vous fervir pour celuici
. M. Gayor rapporte quelques hiſtoires
de Revenans , qui font écrites d'une maniere
fi ailée & fi naturelle , que certains
Efprits , les plus incrédules même , ne
fçauroient à quoi s'en tenir , s'il n'avoit
eu foin d'en faire voir le ridicule .
On voit d'abord la fameuſe hiſtoire
ou plutôt le conte extraordinaire du Marquis
de Rambouiller , & du Marquis de
Precy , qui s'étoient promis l'un à l'autre.
que le premier qui mourroit , viendroit
apporter de fes nouvelles à fon compagnon.
L'Hiftoire dit que cela arriva effectivement
; Rambouillet étant venu , diton,
1968 MERCURE DE FRANCÉ .
on , en buffle & en bottes , dire à de Pre--
cy , qu'il avoit été tué la veille , & que
tout ce qu'on difoit de l'autre monde
étoit très-certain ... Cette hiftoire n'a
pas gueri M. de Pitaval de fon incrédulité
fur les Revenans , & felon les apparences,
elle n'en guerira pas beaucoup d'autres .
Ileft certain que l'imagination de de Présy
, lui pouvoit fort bien repréfenter les
objets qu'il crut voir , & l'affecter tellement
qu'il crut que les fens appercevoient
fon Ami. Il est bien des exemples de cet
effet de l'imagination , foit que l'on dor
me ou que l'on veille .
On voit encore ici une autre hiftoire
de Revenans qui a fait beaucoup de bruit
à Ardivilliers, Terre affez confiderable en
Picardie ; celle- cimérite , fur - tout , l'attention
de ceux qui ajoûtent foi facilement
à ces fortes de contes . Les tours d'adreffe ,
les tours d'efprit , & l'intrépidité même ,
font des manteaux à l'aide defquels bien
fouvent ces prétendus Revenans jouënt
leurs perfonages.
Les Magiciens ont auffi leur rang dans
ceVolume , & on peut voir par plufieurs
hiftoires que M. Gayot en rapporte ,
le
fonds qu'on doit faire fur les Altes de
ces ,fortes de gens. L'Hiftoire de la Voifini
& les fourberies de cette fameufe
devnereffe font étalées dans ce Volume
d'une
SEPTEMBRE. 1729 1969
d'une maniere agréable . La prolixité de
ces hiftoires m'empêche d'en tranfcrire
aucune ici ; il faut les voir dans l'Ouvrage
même. Je croi que je ferai mieux
de vous rapporter quelques bons mots
tirés de ce fecond Volume , comme j'ai
fait du premier.
D
Un Ambaffadeur Turc étoit vifité
par
plufieurs Dames de la Cour extrémement
fardées ; celles qui fe diftinguoient par
leur beauté voulurent fçavoir comment il
les trouvoit je ne puis pas , leur dit - il ,
m'expliquer bien clairement là deffus
parceque je ne me connois pas en Peinture.
:
. Un Gentil - homme qui acheta une
Charge à la Cour , dit que c'étoit une Loge
qu'il avoit priſe pour voir la Comédie
qui fe jouoit continuellement dans ce
pays-là , & que c'étoit à la Cour que
bonne Troupe'jouoit .
la
Je vous ai déja dit , Monfieur , que le
Mercure de France avoit été un fonds
dans lequel M. Pitaval n'avoit point aplui
une
préhendé de puifer . Ç'a été pour
fource feconde de materiaux pour ce fe
cond volume ; & fans compter quelques
Piéces de M. de Senecé , de Laiſnez , de
l'Abbé de Villiers ... il y a à la page 83. de
ce fecond Volume une Gageure hardie
que vous pourriez revendiquerson la voir
dans
}
1970 MERCURE DE FRANCE.
dans le Mercure de France , du mois de
Juin 1726. fecond Volume.
On avoit toujours crû que l'origine de
ce Proverbe, Bonne renommée vaut mieux
que ceinture dorée , ne remontoit pas plus
haut qu'à Henri IV. & que ce Roi rendit
même une Déclaration qui y donna
lieu. Vous fçavez dans quelles circonftances
. Mais M. de Pitaval toujours ingénieux
, en trouve l'origine dans l'Ecriture
même . Vous jugerez quand il vous plaira
de ce qu'il dit là - deffus.
Vous fçavez qu'il a paru un Ouvrage,
intitulé Les Chats ; M. de Pitaval eft furpris
de voir le Chat élevé au - deffus du
Chien , qui de tous les animaux , dit- il ,
eft celui qui eft le plus difciplinable , le
plus fidele à l'homme , le plus reconnoiffant
, & qui fe foumet le mieux à l'empire
que l'homme a fur les animaux . On
peut dice que le Chien a un efprit de focieté
fait exprès pour l'homme . M. de Pitaval
renvoye à ce qu'il a dit là deffus ,
dans le troifiéme Tome de la Bibliotheque.
des Gens de Cour . Mais ici ilrapporte l'hif
toire d'un Chien, de l'efprit duquel il a éré
témoin , & enfuite celle d'un Barbet qui
doit réjouir le Lecteur. Vous la verrez
dans l'Ouvrage même.
> · Plufieurs Lettres , & fur - tout une
contenant le récit grotesque d'un voyage
de
SEPTEMBRE . 1729. 1971
de Lyon, font fort amufantes. Vous verrez
auffi comment les Secretaires d'Etat ont
commencé à figner pour le Roi . Ou plu
tot comme je fçai que ces fortes de faits
font fort de votre goût , je vais mettre
ici ce que M. Gayot dit de cette origine.
» Autrefois les Secretaires d'Etat ne fi-
>> gnoient point pour le Roi ; c'eft M. de
» Villeroi qui figna le premier par le
»Commandement exprès de Charles IX.
>> Ce Prince étoit fort vif dans les paf-
>> fions , & M. de Villeroi lui ayant pré-
» fenté plufieurs fois des depêches à fi-.
» gner dans le tems qu'il vouloit aller
jouer à la paume : fignez , mon Pere
» lui dit- il , fignez pour moi ; ch bien !
» mon Maître , reprit M. de Villeroi
» puifque vous me le commandez , je ſi-
» gnerai.
»
Votre ami l'Abbé D **** eſt pour fa
part dans ce volume , M. de Pitaval ne le
regarde pas comme le Critique, mais comme
le Cauftique de ce fiecle , & il le compare
à Gâcon.L'objet de fon acharnement
eft le celebre M.de la Mothe, il n'a pas fait
un Ouvrage de critiqué où il ne lui ait don
né plufieurs coups de dent ; le Serpent qui
ronge la lime eft fon fymbole. Il en veut ,
dit M. de Pitaval , à M. de Fontenelle , &
en veut parconfequent à la faine partie
du monde qui fait les délices des Ouvrages
1992 MERCURE DE FRANCE
ges de cet Auteur. M.de Pitaval releve une
expreffion de l'Abbé, qu'il a employée dans
le titre même d'un de fes Ouvrages imprimé
à Rouen, & eft intitulé , Poëfies Sacrées,
traduites ou imitées des Pfeaumes . M. de
Pitaval ne croit pas qu'on puiffe dire traduit
ou Imité d'un tel Ouvrage , il trouve
ce régime vicieux . Placera - t - on cetve
expreffion dans le Dictionnaire Néologique
? Quelle apparence ? On pourroit lui
appliquer pour lors ces Vers de Boileau.
....Il va du blanc au noir ,
Il condamne au matin fes ſentimens du foir.
M. de Pitaval , à la page 160. revient
à la fidelité des Chiens , & rapporte d'après
Scaliger , l'Hiftoire d'un chien qui
s'eft fignalé par fon zele & fa tendreffe envers
fon Maître. Cette hiftoire mérite
bien d'entrer dans l'Apologie des Chiens .
Le Philofophe Marié , comme vous
fçavez , Monfieur , eft une Comedie qui
a eu un grand fuccès , l'Auteur de cette
Comedie a crû que le Public , prévenu en
fa faveur , recevroit bien fa petite Comedie
de l'Envieux ; il s'eft trompé , dit M. de
Pitaval , & pour le prouver , il rapporte
P'Epigramme fuivante.
L'Envieux & le Philofophe ,
Ne font pas de la même étoffe s
Ils
SEPTEMBRE. 1729. 1973
Ils different entr'eux de plus de la moitié.
Ah ! pour l'Auteur quelle folie !
Son Philofophe a fait envie,
Son Envieux a fait pitié.
Les Carmes foutiennent , dit l'Auteur
qu'Elic eft leur Fondateur; M. Gayor dit à
ce fujet , qu'une origine ancienne , quoique
fauffe, donne toûjours un grand luftre,
graces au grand nombre des gens crédules .
Vous vous rappellerez, je croi là - deffus,
qu'une Dame de diftinction de ma connoiffance
& de la vôtre , foutient avec la
plus grande fermeté , & en même- temps
avec la plus grande fincerité du monde ,
qu'elle tire fon origine du Soleil , de
Phebus ou d'Apollon , qui font, felon elle,
trois noms qui fignifient l'Etre même.
Voici une penſée plaifante , tirée du
même Ouvrage. Le Roi François I. jouant
un jour à la paulme avec l'Abbé de Beaulieu
ce dernier fit un coup qui piqua
tellement le Roi , qu'il dit : Abbé , je te
donne à tous les diables. Sire , répondit
P'Abbé , je vous donne à tous mes Moines
, qui font bien d'autres Compagnons.
Si vous aviez fçû celui - là , vous ne l'auriez
pas , je croi , oublié dans vos Lettres
fur les Bons- Mots.
M. de Pitaval nous rapporte enfuite jufqu'à
des titres affez finguliers de Livres.
Lee
1974 MERCURE DE FRANCE.
Les Allumettes de l'amour divin : le Mous
iardier Spirituel pourfaire éternuer l'ame de
dévotion : le Capucin botté , éperonné , allant
tout droit en Paradis : Voilà de belles
idées dans des Titres . En voici un autre
dont peut- être M. de P. n'a pas eu
connoiffance , la Moëlle de Machiavel;
il fut imprimé à Zurik au commencement
de ce fiecle. La morale qu'on y débite eft
finguliere.
La plupart de ceux qui jouent des Inftrumens
ont tant d'efprit au bout des
doigts & à l'entrée de l'oreille , qu'il leur
en refte peu dans la tête. C'est une reflexion
que M. Gayot fait à la page 257.
de fon Ouvrage
.
La plupart des femmes , dit-il encore ,
ont comme le Tableau un point de perfpective.
Une Belle difoit à un Gafcon :
vous me voyez bien négligée ; vous n'y
perdez rien , Madame , lui répondit- il ,
l'éloquence qui fe néglige un peu né perfuade
pas moins . Eft- ce là , Monfieur, une
répartie vive , fine & délicate ?
Voilà , Monfieur , ce que j'avois à vous
mander de ce dernier Ouvrage de M.Gayot
de Pitaval , quand vous aurez occaſion
de le voir , j'efpere que vous ne dédaignerez
point de le lire , & que vous ne
regretterez point le temps que vous y
aurez employé. Je fuis toujours , Monfeur
, votre.... Dans
SEPTEMBRE. 1729. 1975
Dans le moment que je finis ma Lettre
je me fouviens de quelques traits que je
vous donne pour ce qu'ils valent .
Un Hibou qui avoit coûtume d'empêcher
Augufte de dormir , fut pris par
un Soldat , & dans l'efpoir d'une grande.
recompenfe , le porta à l'Empereur ; mais
ne fe voyant donner qu'environ deux
piftoles , j'aime autant qu'il vive , dit- il ,
en le laiffant aller.
Parmenion confeilloit à Alexandre de
combattre la nuit l'armée de Darius pour
cacher au Soldat la grandeur du danger .
Alexandre lui répondit qu'il ne préten
doit pas dérober la victoire.
Philippe II. Roi d'Espagne , ayant don'
né la droite à Emanuel de Savoyé , fon
Gendre , pour lui faire honneur à fon'
Entrée à Sarragoffe , & voyant que fon
cheval étoit fort fringant : lui dit , mon
fils , vous êtes là monté fur un cheval
bien remuant : Sire , lui répondit Emaruel
, c'eft qu'il fent bien qu'il n'eft pas
dans fa place.
Diogene voyant Dionippus qui faifoit
fon Entrée fur un Char de triomphe ,
pour avoir remporté le prix aux Jeux
Olympiques , & remarquant qu'il avoit
toujours les yeux attachés fur une jeune
fille : voyez , dit -il , notre Champion
victorieux , qu'une fillete emmene par
le
colet où elle veut.
Me1976
MERCURE DE FRANCE.
Metellus reprochant à Ciceron qu'il
avoit plus perdu de gens par fon témoi••
gnage qu'il n'en avoit fauvé par fon éloquence
: c'eft , lui dit cet Orateur , que
je fuis encore plus veridiqué qu'éloquent..
On difoit de Cefar , qu'il avoit foumis
les Gaulois par le fer des Romains , & les
Romains par l'or des Gaulois.
Les Ambaffadeurs d'un Roi de Perfe,
voyant que Zenon ne difoit mot dans un
feftin , burent à fa fanté , & tâcherent
par toutes fortes d'endroits de le faire
parler ; mais n'en pouvant venir à bout :
Que voulez - vous , lui dirent- ils , que
nous difions au Roi de Perfe de Zenon ,
de ce Philofophe dont la réputation eft fi
étendue il leur répondit : dites - lui que
vous avez vû un Vieillard qui fçait bien
fe taire à table.
Les Corinthiens ayant fait Alexandre
Citoyen de leur Ville , ils lui dirent qu'ils
l'avoient traité comme Hercule : en verité
, Meffieurs , leur dit Alexandre , dans ,
l'honneur que vous m'avez fait , je n'aime
que la comparaiſon .
Biance , pauvre Egyptien , demandant
l'aumône à Alexandre , ce Prince lui fit
préfent d'une belle Ville bien peuplée ; le
pauvre homme étonné , crut qu'il fe mocquoit
de lui : Non , non , dit Alexandre , je
ne me mocque pas tu es Biance qui demande
SEPTEMBRE. 1729. 1977
mande , mais fçache que c'eft Alexandre
qui te donne.
Perillus lui ayant demandé quelque argent
pour marier fes filles , il lui donna
50. talens ; & comme il vit que Perillus
qui n'en demandoit que cinq ou fix , faifoit
difficulté d'accepter une fi groffe fomme
, il lui dit : Si c'eft affez à recevoir
pour toi , ce n'eft pas affez à donner pour
moi.
Alexandre rencontrant Diogene dans
un Cimetierre , & lui demandant à quoy
il s'amufoit là ? Je cherchois , lui dit-il ,
les os de ton Pere parmi ceux de mon
Valet ; mais ils font tous fi égaux , que
je ne puis les diftinguer.
Un Avocat d'un Parlement plaidant un
jour qu'il faifoit fort chaud , tous les
Confeillers s'endormirent & les Préfidens
enfuite ; enforte qu'il n'en reftoit pas un
feul qui ne fut endormi. Alors l'Avocat
ceffa de parler. Ce filence fubit en fit revenir
quelques- uns , qui honteux de voir
tous leurs Confreres endormis , toufferent
, reveillerent leurs voifins & le
Premier Prefident s'étant éveillé auffi , il
fit figne à l'Avocat de continuer. Il re
prit la parole en ces termes : j'avois l'honneur
de dire hier à la Cour & c . & il redit
la plupart des chofes qu'il avoit déja dites
; mais le Parlement l'interdit pour la
plaifanterie,
ODE
,
1978 MERCURE DE FRANCE.
XXXXXXXXX XX :XXXX
J
ODE
Sur la Naiffance de Monfeigneur
LE DAUPHIN .
E fens croître mon audace ,
Mufes , par votre fecours ,
Des fombres Bois du Parnaffe ,
Je parcours tous les détours .
Quel heureux & faint délire
M'agite quel Dieu m'inſpire
De fuir les terreftres lieux ?
Sans craindre le fort d'Icare ,
Je vais en fuivant Pindare ,
Converfer avec les Dieux.
來
Où fuis-je ? des Deftinées
Je penetre les fecrets .
Que de faifons fortunées
Nous promettent leurs Decrets !
LOUIS , ta race nombreuſe
Rendra la France fameufe
Par l'équité de tes Loix ;
Et durant un long Empire ,
Ne doit laiffler à décrire
Que Vertus , que grands Exploits.
7
Déja
SEPTEMBRE. 1729 1979
Déja Lucine s'avance
Vers le terreftre féjour ;.
Jamais plus noble naiffance
N'y merita fon retour.
Mes Oracles s'accompliffent ;
Que les Echos retentiffent
Du bruit des plus doux Concerts &
Cet évenement préſage
Tous les biens de l'ancien âge
Que defire l'Univers.
器
Daigne , puiffante Déeffe ,
Epoufe du Roi des Dieux ,
Daigne proteger fans céffe
Un Enfant fi précieux.
Jadis ta jufte colere ,
D'un raviffeur témeraire
Châtia les noirs forfaits ;
Mais les Dieux vengeurs des crimes
Pour les ames magnanimes
Refervent tous leurs bienfaits.
<
柒
Que l'Olimpe foit propice
Aux juftes voeux des humains ;
La fage guide d'Uliffe
Regle feule nos deſſeins .
Bellone fuit éperduë ;
La Difcorde confondue
D Voit
1980 MERCURE DE FRANCE ,
ة و
Voit renverfer fes projets ;
Toute l'Europe tranquile
Sera deformais l'azile
Des Vertus & de la Paix.
25
Dans leurs cavernes profondes
Les Aquilons arrêtés ,
N'élevent plus fur les ondes
Des monts de flots irrités.
Les Tritons , les Nereides
Vont fur les plaines liquides
Accompagner nos Vaiffeaux
Ni les Sirenes perfides ,
Ni les Corfaires avides'
Ne troubleront plus les Eaux .
柒
Mortels , Apollon m'anime ,
C'est lui qui dicte ces vers 3
Le noir chagrin , & le crime
Sont bannis de l'Univers.
Les Faunes , Cerés & Rhée ,
De leur demeure facrée
Dans vos champs font revenus &
Le Siecle du fer expire ,
Pour faire place à l'Empire
De Themis & de Janus."
Ain
SEPTEMBRE. 1729 198 1
Ainfi le deftin s'emprefle
A couronner les fouhaits
D'un Prince dont la ſageſſe
Va nous confirmer la paix.
Tel Saturne en Aufonie ,
De la difcorde bannie
Détrufit tous les Autels ;
Et fit naître fur la Terre
Cet Age d'Or , que la guerre
Ravit trop tôt aux Mortels,
Par M. de Sainte Palaye , de Monfort
'Lamaury .
****:*X*XXXXXXXXX
LETTRE de M. de Senecé aux Au
teurs du Mercure , en faveur des Epigrammes
, écrite le 18. Août 1729 .
Seroit - on vous demander , Melfleurs
, d'où vient que dans votre
ingénieux Recueil vous ne mêlez point
d'Epigrammes : C'eſt un jeu fi charmant ,
qu'il mériteroit bien d'y tenir qu Iquefois
la place . Eft - ce que parmi les Piéces
que l'on vous envoye de toutes parts
nos beaux efprits négligent ce petit amufement
; ou bien ne craignez - vous point
que leur aiguillon ne pique quelqu'uo ?
D- ij IL
1982 MERCURE DE FRANCE:
Il eft vrai qu'elles font querelleufes ; máis
on peut bien reprimer leur impétuofité ,
& les rendre plus traitables . Celles que
nous a données Clement Marot , après
Catulle & Martial , nous en fourniffent à
imiter de toutes les efpeces . Il n'eſt rien .
de nouveau fous le Ciel , difoit Salomon,
il y a quatre mille ans ; jugez de ce que
ce peut être à préfent . On a bien renouvellé
la mode des Paniers , en changeant
feulement le nom de Verty - gadin , qu'ils
portoient du tems de François I. j'eſtime
qu'on en pourroit bien faire autant des
Epigrammes, & qu'elles ne feroient point
de deshonneur à notre Siecle . J'ai voulu
effayer fi j'en pourrois réveiller le goût ,
& en voici une que je vous préfente à
cette intention , dont je vous laiffe le Ju
ge. Elle tire fon origine d'un feftin de
Nôces , où je fus invité , il n'y a que
deux jours ; je prétends infinuer que rien
ne donne tant de mépris & d'averfion
pour le vice , que lorsqu'il fort d'u
ne vilaine bouche ,
EPIGRAMME.
Atin , dans un repas , chantoit de certaing
Qui fentoient le libertinage.
Un Dévot , près de moi , la lorgnoit de tra
vers s
Es
SEPTEMBRE . 1729 : 1983
Et l'indignation lui montoit au viſage ;
La Chanteufe étoit vieille , & laide à faire
peur ,
Avec une voix difcordante ;
Ah ! dis - je à mon voifin, moderez votre ardeur,
C'eft la chafteté qu'elle chante.
XXX:XXXXXXXXX:X **
LETTRE de M. Capperon , Ancien
Doyen de S.Maxent, écrite à M. Adam,
au fujet d'une Pierre formée dans le
corps humain , & renduë par l'Anus.
C
Omme je fçai , Monfieur , que c'eſt
vous faire plaifir que de vous com→
muniquer les choles fingulieres qui vien
nent à ma connoiffance , & qui peuvent
regarder votre Profeffion , je croi qu'il
ne vous déplaira pas que je vous entretienne
aujourd'hui fur une Pierre extraor
dinaire , formée dans les inteftins d'une
fille. M. le Curé du Bourg de Foucarmont ,
au Comté d'Eu , m'a mis cette Pierre entre
les mains , & je la conferve dans mon
Cabinet.
Elle a deux pouces de longueur fur
quatre pouces trois lignes de tour dans
fa plus grande épaiffeur ; car elle diminuë
vers un des bouts , où elle n'a que
deux pouces & demi de circonference.
Diij Elle
1984 MERCURE DE FRANCE .
Elle eft tant foit peu courbée , formant
dans fon milieu une efpece de pli , fes
deux extrémitez font coupées comme fi
elle avoit été rompuë & féparée d'un
autre corps femblable . Sa couleur , à la
fuperficie , eft d'un gris blanc , excepté fes
deux extrémitez , qui font d'une couleur
marbrée de rouge , de noir & de blanc .
Elle eft liffe & polie dans toute fon étendue.
Enfin on la prendroit , à la voir pour
un veritable caillou ordinaire , dont les
deux bouts auroient été caffez . Toute la
difference confifte en ce qu'elle n'a ni la
dureté ni la pefanteur d'un caillou de pareil
volume . J'en ai fait un deffein exact
que vous recevrez dans ma Lettre.
SEPTEMBRE. 1729 198§
Ce qu'il y a de fingulier , Monfieur ,
dans cette Pierre , c'eft qu'elle a été formée
dans les inteftins d'une fille nommée
Elifabeth Poiffon , âgée prefentement
d'environ 56. ans , Maîtreffe de l'Ecole
des filles au Bourg de Foucarmont , οι
elle eft entretenue par la liberalité de
M. le Duc du Maine.
Cette fille depuis 15.ou 16.ans a été fort
fujette à des coliques très - douloureuſes
qui ont beaucoup augmenté depuis environ
fix ans , jufqu'au point qu'elles la faifoient
tomber dans de fortes vapeurs , & de
grandes convulfions. Il y a trois mois
qu'elle fut attaquée d'une fiévre doublequarte
, qui eft enfuite devenue quarte ,
& qui ne l'a pas quittée depuis . Par furcroît
de maux , ayant été attaquée d'une
colique qui lui dura fix jours entiers il >
lui furvint un cours de ventre ; ce qui
donna lieu au Chirurgien qui la voyoit
de lui faire prendre par la bouche de
l'huile d'amendes douces , & de lui faire
donner des remedes compofés d'huile
de beurre & c. Enfin le 26. d'Octobre
dernier , ayant reffenti des envies extraor
dinaires d'aller à la felle , elle refta prefque
inutilement pendant quatre heures
fur le baffin ; mais après les plus violens
efforts , elle rendit fur les fix heures du
matin la pierre en queſtion..
Tel
1986 MERCURE DE FRANCE .
Tel eft , Monfieur , le fait , ainfi que
me l'a rapporté M. le Curé , & dont il
m'a laiffé un Mémoire par écrit fur lequel
vous voulez bien que je faffe quelques
Refléxions. Je ne nie pas que la même
chofe ne foit arrivée quelquefois ,
c'eft- à - dire , qu'il ſe ſoit ainfi formé une
pierre dans les inteftins ( a ) mais c'eſt ſi
rarement , que ceux- mêmes qui traitent
de ces matieres ( b ) conviennent de la
rareté du fait.
,و
On ne peut douter , Monfieur , que
cette pierre n'ait été formée dans l'intel
tin Coecum ; car outre que c'eft celui des
inteftins où les matieres propres à former
une pierre peuvent plus aifément s'amaffer
, & s'éjourner avec moins d'agitation ,
c'eſt que cette pierre a pris même la
configuration de cet inteftin , & qu'elle
s'y eft , pour ainfi dire , moulée. Ce qui
acheve même de perfuader cette verité ,
c'eft que l'endroit où la malade fentoit
le plus de douleur , lors de fes coliques,
étoit dans l'hipocondre droit , qui eft ,
comme vous fçavez , la place & le fiége
( a ) Horftius , Livre IV.de fes Obfervations ;
parle auffi d'une colique furieufe également
caufée par une pierre formée dans les inteftins.
(b) bomas Burnet, Tref, de la Prat. de Med.
du calc. du coeur &c.
du
$
SEPTEMBRE . 1729. 1987
du coecum , elle y fentoit une dureté qu'elle
prenoit même entre fes doigts , & qui n'étoit
autre que cette pierre.
Quant à la maniere dont elle s'y eft
formée , elle doit être expliquée , com .
me on explique la formation de toutes les
pierres qui fe trouvent dans le corps humain
, & quelquefois dans le corps des
brutes ; c'est- à - dire , qu'elles s'y forment ,
lorfque par hazard , s'étant fait dans quelque
partie du corps quelquè concretion ,
ou amas de matiere terreftre , accompagnée
d'un fel très fixe , terreftre lui - même
, aftringent &c . Cette concretion acquiert
naturellement une dureté qui approche
de celle d'une pierre ; de la même
maniere que le fel fixe & terreftre de la
chaux , s'incorporant avec une terre fablonneufe
, & encore mieux avec le ciment
forme même dans l'eau , un
mortier dont la dureté approche de celle
de la pierre.
›
En effet , Monfieur , toutes les pierres
ne font formées que par cette espece de
fel , & elles ne font plus ou moins dures,
& folides , qu'à proportion que ce fel s'y
trouve réuni en plus ou moins grande
quantité ; c'eft en confequence de cette
Méchanique , qu'on a trouvé le moyen
d'augmenter la fermeté & la dureté du
mortier , en fe fervant , pour délayer la
D v chaux
1988 MERCURE DE FRANCE.
chaux , d'une eau , dans laquelle on a
fait éteindre d'autre chaux , & qui en a
pris tout le fel.
Ce fel étant très abondant dans la
terre , il eſt certain que les fontaines &
les rivieres en entraînent ordinairement
beaucoup ; & comme l'a remarqué Vigenere
( a ) il eft affez facile de le voir ,
lorfque l'eau des puits & des fontaines eft
gouvernée à propos par le régime de feu ;
car c'eft alors qu'on le voit fe former ,
& paroître en petits filamens. C'est ce que
j'ai vu plufieurs fois lorfqu'on faifoit
chauffer de l'eau dans un poëlon bien net.
Non feulement ce fel fe trouve dans l'eau
des fontaines & des rivieres , où il forme
fouvent des concretions pierreufes ; mais
de la terre , il s'eleve même dans les
plantes ; car c'est lui qui fait dans les poires
les efpeces de pierres qui s'y trouvent.
Ce fel entre donc plus ou moins dans les
corps des homines , felon que ces nouritures
folides , ou liquides dont ils ufent
en contiennent plus ou moins. Ce qui
feul peut quelquefois contribuer à ce que
certaines perfonnes ont plus de difpofition
que d'autres à produire de fes fortes
de pierres , felon les eaux ou les nourritures
dont elles ont ufé.
Une autre chofe peut encore y contri-
( a ) Philoft. Tabl. des Toiles.
buer.
SEPTEMBRE. 1729. 1989
buer. Sçavoir , lorfque le fang fe trouve
rempli ou de ce fel , ou d'un autre corps
qui y a un grand rapport ; c'est - à - dire ,
qui eft très-fixe , terreftre ou aftringeant;
ce qui peut venir ou des parens , dont
certaines perfonnes font nées , ou de l'air
qu'elles ont refpiré , des alimens dont elles
ont ufé , des travaux exceffifs de l'efprit
ou du corps , ou enfin de leur âge
avancé. Car comme les fels homogenes
fe réuniffent naturellement les uns aux
autres ( ainfi que je le vois arriver tous
les jours dans mes Experiences fur les
fels de l'air , au fujet defquels je vous ai
écrit plufieurs Lettres ) C'en eft donc alfez
pour que les perfonnes ainfi d fpofées
amaffent dans leur fang & dans leurs humeurs
beaucoup plus que d'autres de ce
fel petrifiant , parceque ce qui fe rencon .
tre de cette espece de fel dans leur boiffon
ou leurs alimens fe réuniffant plus aifément
à celui qui abonde en elles , à
caufe de leur analogie ; cela fait qu'il s'y
amaffe en plus grande quantité , & par
conféquent qu'il y produit plutôt que
dans d'autres ces fortes de concretions
pierreufes.
C'est par ces differens moyens , Monfieur
, que ce font produites toutes les
pierres formées dans differentes parties
du corps humain ; car vous fçavez qu'il
D vj
ne
1990 MERCURE DE FRANCE:
ne s'en forme pas feulement dans les
reins & dans la veffie , ce font cependant
les endroits où il s'en forme le plus communément
; mais on n'a pas laislé d'en
trouver dans le cerveau , jufqu'à voir la
glande pineale petrifiée ; c'eft une Obfervation
qui a été communiquée à la Societé
Royale de Londres par M. King .
On a aufli fait voir à l'Académie des
Sciences de Paris la tête d'un boeuf dont
le cerveau étoit prefque totalement petrifié.
Vous fçavez , Monfieur , qu'il s'en
forme fouvent dans le poumon , & qu'on
rejette par la bouche . Il n'y a pas encore
long- tems que cela eft arrivé à une femme
de cette Ville . On en a même trouvé
dans les ventricules du coeur. Uvier rapporte
qu'on en trouva trois dans le coeur
de l'Empereur Maximilien . Il s'en eft même
trouvé jufques dans la propre fubftance
du coeur , comme dans celle du foye , &
fouvent dans la vefficule du fiel . Les Actes
des Sçavans de Leipfic parlent d'une fille
âgée de vingt -cinq ans qui rendoit des pierres
par la bouche , par les urines , &
les felles. Voilà , Monfieur , ce que par
j'ai crû devoir vous mander fur cẹ ſujet
affez fingulier. Je fuis toujours , Monfieur
, votre & c .
A la Ville d'En , le 2. Novembre 1728.
On
SEPTEMBRE . 1729. 1991
On a dû expliquer le Logogryphe du
mois d'Août par Croix & Roy. Les Bottes
& P'Or font les mots des deux Enigmes.
LOGO GRYPHE.
ON peut aisément me connoître ,
Puifqu'on me met à la fenêtre ,
Ma premiere moitié deftinée aux plaifirs ,
Dans tous les jeunes coeurs fait naître des defirs
;
De mes fix portions ôtant la quatrième ,
On fe fait un amusement
De me pouffer en l'air d'une vîteffe extrême ;
Auffi fuis- je leger preſqu'autant que le vent.
D'Orvilliers de Vernon.
off of off of off ff ff ff ff ff
PREMIERE ENIGME .
Traché par plus d'une chaîne ,
Et le corps dur comme un Rocher ;
Perfonne n'ofe me toucher ,
Pendant que quelqu'un me promene.
Pou
1992 MERCURE DE FRANCE:
Pour aller , venir , je fuis fait ;
Les honnêtes gens je faluë ;
Quand on me voit dans quelque ruë ,
C'eft toûjours pour un beau fujet.
Pour bien remplir mon miniftere ,
Je fuis tout plein de feux ardens
Je fais honneur à bien des gens ,
Lorfqu'ils n'en ont plus guere à faire.
DEUXIE' ME ENIGME.
Ux humains tous les jours je rends mille
Auxfervices ;
Le fexe fait de moi fes plus cheres délices :
Sans partage je fuis en mille endroits divers,
Vers le bien , vers le mal mon penchant eft
extrême ;
Je nâquis au moment qu'on créa l'Univers.
Perfonne ne dira qui je fuis que moi- même.
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , & c.
M
EMORIAL ALPHABETIQUE
des matieres des Eaux & Forêts
contenues en l'Ordonnance du mois
d'Août
SEPTEMBRE. 1729. 1993
d'Août 1669. Par M. Michel Noël
Ancien Confeiller du Roi , Greffier en
Chef des Eaux & Forêts de France , au
Siége general de la Table de Marbre &c.
A Paris , au Palais , chez Brunet 1729.
,
MELANIE ou la Veuve charitable ,
Hiftoire morale . A Paris , rue S. Jacques
chez Antoine Deshayes 1729. in- 12
TRAITE' des arbitrages de change ;
contenant la veritable maniere dont les
principales Places de l'Europe fe fervent
pour la direction de leurs Changes , avec
une méthode auffi fuccinte qu'aifée ,
pour trouver le pair de toutes ces Places ,
& pour chifrer tous les arbitrages propolés.
Démontrée par un grand nombre
d'exemples de toutes fortes de change , à
quoi encore on a ajouté des arbitrages &
des Calculs très curieux , dont aucun Auteur
n'a traité. Le tout calculé & chifré
très - exactement par J. Wiertz , Agent de
Change de la Ville de Bâle. Vol. in 4 .
prix 12. livres , imprimé à Bale , & fe
vend à Paris , chez Montalant , Quai
des Auguftins 1729.
ALCESTE , Parodie , reprefentée pour
la premiere fois fur le Théatre de l'Hôtel
de Bourgogne , par les Comédiens
Ita1994
MERCURE DE FRANCE .
Italiens ordinaires du Roi , le 21. Decembre
1728. par M M. Dominique &
Romagn fi , Comédiens du Roi . A Paris
, rue du Foin , chez P. Delorme 1729.
Hif REFLEXIONS LITTERALES
toriques & Morales fur chaque Verfet des
Pleaumes de la Penitence , tirées du Texte
facré & des Saints Peres , Par R. P. en
Dieu Dom Jerome Dogerdias , Ancien
Abbé Regulier de Moreuil , Ordre de S.
Benoît , & Licentié en Théologie de la
Faculté de Paris . A Paris , ruë S. Ševerin
, chez d'Houry 1729. in - 12.
DICTIONNAIRE DE LA LANGUE
FRANÇOISE ancienne & moderne , de
Pierre Richelet , augmenté de plufieurs
Additions d'Hiftoire , de Grammaire
de Critique , de Jurifprudence , & d'un
nouvel Abregé de la Vie des Auteurs ,
cités dans tout l'Ouvrage. A Lyon , &
fe vend à Paris , rue S. Jacques , chez
Etienne 1728. 3. vol . in- folio.
ن م
TRAITE' DE L'AMOUR DE DIEU
& de fes vrais caracteres , tiré des Livres
faints ; dans lequel on expofe par les propres
paroles de l'Ecriture Sainte , nos devoirs
à l'égard de Dieu , & l'on refute les
erreurs oppofées. Dedié aux Evêques de
France.
SEPTEMBRE .. 1729. 1995
France. Par un Prieur Benedictin . A Paris
, chez Bullot & Henri , ruë S. Jacques
1729.
LES TROIS SPECTACLES , ou Polixene
, Tragédie en un Acte. L'Avare
amoureux , Comédie en un Acte . Pan &
Doris , Paftorale Heroïque , en un Acte ;
avec un Prologue. A Paris , Quay de Conti
, chez Tabarie. 1729. prix 24. fols.
MEMOIRES de M. L *** Confeiller
d'Etat , contenant l'Hiftoire des Guerres
Civiles des années 1649. & fuivantes.
principalement celles de Guienne & des
autres Provinces . 17 29. 2. vol . in- 12 .
de plus de 1100. pages les deux.
LES VOYAGES DE GLANTZBY ,
dans les Mers Orientales de la Tararie ,
avec les Avantures furprenantes des Rois
Loriman & Ofmondar, Princes Orientaux,
traduits de l'Original Danois ; & la Carte
de ce Pays . A Paris , chez la veuve Delaulae
, & Théodore le Gras , Libraire ,
Grand'Salle du Palais , 1729. in- 12 de
349. pages.
Suivant un court Avertiffement qui eft
à la tête de cet Ouvrage , il a été trouvé
à la mort d'un Miniftre perfecuté de la
Fortune dans ces derniers temps ; l'Auteur
1996 MERCURE DE FRANGE:
teur , dit - on , étoit Sujet de ce Prince ,
il avoit dépofé fes Memoires en mourant
entre fes mains pour qu'il pût tirer parti
des Pays qu'il avoit découverts , lorſqu'il
feroit rétabli par le fecours d'une grande
Puiffance , qui protegeoit fon Maître, &
qui paroît le proteger encore ; on ajoûte
que ces découvertes pourront devenir
avec le temps un objet confiderable pour
les Européens.
DE LA DIGESTION & des Maladies
de l'eftomach , fuivant le Siftême de la
Trituration & du broyement , fans l'aide
' des levains ou de la fermentation , dont
on fait voir l'impoffibilité en fanté & en
maladie ; nouvelle Edition , revûë , corrigée
& augmentée par l'Aureur . Tome
premier , qui contient un Difcours Préliminaire
fur la Trituration , une Réponſe
à M. Silva , & cinq Lettres fur la Révulfion
, la Saignée , le Kermés Mineral &
les Maladies des yeux . A Paris , chez
Guill. Cavelier , ruë S. Jacques , 1729 .
in- 1 2. de 616. pages , petit caractere .
MEMOIRES pour fervir à l'Hiſtoire
de France & de Bourgogne , contenant
un Journal de Paris , fous les Regnes de
Charles VI . & Charles VII . l'Hiftoire du
meurtre de Jean fans Peur , Duc de Bourgogne
,
SEPTEMBRE . 1729. 1997.
gogne , avec les Preuves. Les états des
Maifons & Officiers des Ducs de Bour
gogne , de la derniere Race , enrichis de
Notes hiftoriques , très- intereffantes pour
un grand nombre de Familles illuftres.
Des Lettres de Charles le Hardy , Duc
de Bourgogne , au fieur de Neufchâtel
du Fay , Gouverneur de Luxembourg , &
plufieurs autres Monumens très - utiles
pour l'éclairciffement
de l'Hiftoire du
XIV. & XV. fiecles. Avec une Table des
Matieres & des noms des Familles les
plus confiderables , dont il eft fait mention
dans l'Ouvrage. A Paris , chez
J. M. Gandouin , Quay de Conty , &
P. F. Giffart , ruë S. Jacques , 1729. deux
volumes in -4.
APOLOGIE des anciens Docteurs de
la Faculté de Théologie de Paris , Claude
de Saintes & Nicolas Ifambert , contre
une Lettre du R. P. le Brun , Prêtre de
la Congrégation de l'Oratoire , inferée
dans les Memoires de Trévoux , au mois
de Juillet 1728. fur la forme de la Confécration
de l'Euchariftie . Par M. P. T.
H. Ch. R. Pr . D. D. ancien Profeffeur en
Théologie. A Paris , Quay des Auguftins,
chez Chaubert , 1729 .
LE CAPRICE DES MODES , avec la
Cri1998
MERCURE DE FRANCE .
Critique , Dialogue . A Paris , Quay des
Auguftins , chez Jacq. Langlois , 1729 .
TRAITE' des Négociations de Banque
& des Monnoyes Etrangeres , contenant
le fondement des Changes Etrangers &
l'intelligence des Arbitrages , avec une
Differtation Hiftorique des Monnoyes des
Princes & Républiques de l'Europe . Ou
vrage enrichi des Réprefentations defdites
Monnoyes , en Taille - douce , par
Etienne Damoireau . A Paris , Quay de
Conty , chez la veuve Piffot , 1729.
DISSERTATION PRE'LIMINAIRE
ou Prolegomenes fur la Bible. Par Meffire
Louis Ellies du Pin , Docteur en Théologie
de la Faculté de Paris , & Profeffeur
Royal en Philofophie. Nouvelle Edition .
AParis, chez Pralard, 1729.3 . vol. in- 8 .
NOUVEAU SISTESME DE PHILO
SOPHIE , établi fur la nature des chofes
connues par elles-mêmes , mife en paralellee
avec l'opinion des anciens Philofophes fur
Les premiers principes de la Nature , &
fur lefquels on n'a rien trouvé de fixe
de ftable jufqu'à prefent. Auquel on a
joint un Traité de la Nature de l'Ame &
de l'Existence de Dieu , prouvées l'une &
l'autre par une chaine fuivie d'Argumens
capables
SEPTEMBRE. 1729. 1999
capables de convaincre les plus incredules
les plus opiniâtres . A Paris , chez le
Breton , Quay des Auguſtins , 2.vol. in- 12.
Jufqu'à prefent , felon l'Auteur , les
Philofophes anciens & modernes avoient
marché à tâtons dans la vafte & épineufe
carriere de la Philofophie . De la diverfité
de leurs opinions naiffoient chaque jour
de nouvelles difficultez , qui loin d'éclai
rer les hommes , les jettent dans de nouyeaux
embarras ; mais tout va être applani
par le fecours de ce nouveau Siftême
, qui ne laiffe , felon fon Auteur , rien
d'incertain fur ces matieres .
Il prétend avoir raffemblé les preuves
les plus claires & les plus convaincantes
pour détruire les fauffes idées que l'on a
introduites dans la Philofophie . Il entreprend
de porter la lumicre dans le fein
des tenebres , & a en vûë de rendre la
Philofophie à l'ufage de tous les hommes.
Pour y parvenir avec tout l'ordre qu'e
xige cette matiere , il la divife en trois
Chapitres , qui font le fujet du premier
Volume. Dans le premier , il explique les
quatre premiers principes fur lesquels .
roulent tout fon Siftême . Dans le fecond,
il fait voir la convenance qu'il y a entre
les Saintes Ecritures & fes fentimens ;
il répond aux objections que les Jourpaliſtes
de Trévoux ont faites contre lui ;
il
2000 MERCURE DE FRANCE .
il réfute , felon fes Principes , l'opinion
de M. Defcartes fur l'Etendue , & finit
ce Chapitre par des Refléxions fur le
Temps , qu'il prouve être un Eftre diftinct
des autres Eftres , ayant fes modes comme
eux , auffi- bien que le mouvement. Cette
opinion nouvelle a dû attirer l'attention
de tous les Philofophes , qui ont crû julqu'ici
que la durée des chofes n'étoit
point diftinguée des chofes qui durent .
Enfin dans le troifiéme Chapitre , il prétend
qu'on ne peut acquerir la connoiſſance
de fon Ouvrage que par des Reflexions intellectuelles
, & il finit en récapitulant avec
exactitude tout ce qu'il a avancé dans le
corps de l'Ouvrage , pour en rendre les
impreffions plus fortes & plus utiles .
Le fecond Volume renferme des Refléxions
fur la Nature de l'Ame , & un
Traité de l'Existence de Dieu . L'Auteur
nous affure qu'il n'a rien obmis de ce qui
pouvoit rendre fon Ouvrage eftimable ;
pour cela il a commencé par expliquer
la Nature de l'Ame & fes Operations ;
de-là il paffe à la Démonftration de l'Exiftence
de Dieu , & aux rapports neceffaires
qui font entre le Créateur & la
Créature , il n'oublie pas ceux qu'a l'homme
avec la Loi Divine & Civile , & avec
les Eftres Phyfiques & Moraux ; tout cela
accompagné de Démonftrations que l'Auteur
SEPTEMBRE . 1729 2001
9
teur affure devoir frapper les plus incrédules;
il finit ce Traité en proteftant qu'il ne
s'eft fervi que de fes lumieres ; que fon
Systême n'eft établi que fur les ReĤéxions
qu'il a faites fur la Nature en general .
Ce fera au Public à juger fi l'Ouvrage
qu'on lui prefente n'abrege pas une infinité
de difficultez qu'on trouve dans la
Philofophie nouvelle . Au refte l'Auteur
eft un Magiftrat également recommandable
par fa naiffance que par fon âge &
par la probité.
LETTRE d'un Gentilhomme Perigour
'din , à un Académicien de Paris , fur la
Réfutation de la Grammaire Italienne à
l'ufage des Dames , faite par M. l'Abbé
ANTONINI. Par M. de la LANDE , Interprete
du Roi, & Profeffeur des Langues
Italienne & Françoife , d'Hiftoire & de
Géographie. Brochure in-12.de 3 3. pages,
L'Auteur de cette Lettre , après s'être
plaint de l'obscurité qu'il prétend être ré
pandue dans la Réfutation , on demande
Ï'éclairciffement à l'Académicien , il lui
propofe fes doutes , qui fe trouvent repetez
à chaque page de la Réfutation , dont
il fait prefque l'Extrait . Il réfufe à l'Aureur
de la Réfutation les titres & les qua
litez qu'il prend. Voilà prefque une guerre
Litteraire commencée fur la Langue
Fran2002
MERCURE DE FRANCE :
Françoife . Si la capacité de l'Auteur de la
Réfutation égale celle qui paroît dans la
Lettre du Perigourdin , il paroît y avoir
de l'utilité pour le Public dans cette
conteſtation .
TRADUCTION en Vers Latins ;
des Avantures de Telemaque , fils d'Vliffe
, & c. Extrait d'une Lettre écrite
de Caën , le 28. Juillet 1729.
R Heurtauld , Profeffeur des Hu
Mmanitez au College du Bois , dont
on a vû avec plaifir plufieurs Pieces imprimées
dans votre Mercure , a entrepris
de traduire le Telemaque de feu M. de
Cambray en Vers Latins ; il y en a déja
cinq Livres d'expediés , dont le premier
a été recité publiquement le 11. de ce
mois dans un Exercice qui s'eft fait dans la
Grande Salle du même College , où l'on
expliqua auffi l'Andrienne de Terence.
D'autres Ecoliers choifis ont recité la
Traduction des 4. Livres fuivans , & plu
fieurs connoiffeurs ont loué le projet &
l'execution. Vous pourrez en juger par
ce peu de Vers du Prologue .
O Gallis , Fenelo , quondam venerabile nomen
Vivus Apollinei gloria montis eras .
Dignus at aternam traxife in facula laudem ,
Lio
SEPTEMBRE 1729 : 2003
Ito peritorum rurfus in ora virúm.
Tu lucem repetis , latio mutatus amiču.
Heu ! paveo minuat ne nova Pallâ decus.
Vix benè te nofces , teque in te fæpè requires ?
Verum quis calamus par queat ire tuo.
Parce , quod hos tracaffe libros temerius aufim
Hane tuus ipfe lepor fuafit inire viam
Irrita tentavi ;fed erit tentaffe decorum ;
Devictum à tanto nil pudet effe viro .
Carmina fi quid habent artis , tibi debeo totum
Si rude quid crepitent , barbaricumve ,mihia
Quàm benè , fi poffem tantillam hinc carpere,
famam ,
Nominibufque tuis inferuiffe meum !
Efto procul livor, ludendo hac fecimus : olim
Publica fi fuerint , dentibus illa teres.
A la fin de l'Exercice , un Ecolier vint
reciter la Fable qui fuit , précedée de quelques
Vers , de la façon de l'Auteur de
la Traduction , pour remercier l'Allem
blée.
Eh ! quoi , chers Compagnons , finiffez- vous
ainfi ?
N'allez pas vous flatter d'avoir bien réuffi ;
Non , j'entends que tout bas l'Auditeur vous
accuſe ;
C'est trop , dit- on , c'est trop nous avoir ennuyés
.
De leurs Vers plats, obfcurs,fouvent cftropiés
E Cela
2004 MERCURE DE FRANCE .
Cela demanderoit un petit mot d'excufe .
Je le ferai pour vous.
Meffieurs, nous vous prions
De vouloir pardonner nos imperfections ;
Et pour chaffer l'ennui dont l'excès vous acca
ble ,
Ecoutez , s'il vous plaît , cette petite Fable.
LE SERIN ET LE ROSSIGNOL
FABLE.
Sur les bords de l'Odon. * fur jadis un Serin
Jeune , groffier , volage.
A fon mince plumage
Se joignoit un ramage
Qui n'avoit rien encor de tendre , ni de fin,
N'importe ; amoureux de la gloire ,
C'étoit fon plus beau lot que fon noble penchant
)
Le folet ( pourra- t'on le croire )
Certain jour invita Philomele à ſon chant.
Quel chant ? jugez ; ce n'étoit pas merveille
Peu de jufteffe , & beaucoup de défautsa
Il fatiguoit la délicate oreille
Par mille tons , durs , languiffans & faux.
Oifillon témeraire ,
Dit le doux Roffignol ,
Riviere qui coule auprès da College du Boisa
Trop
SEPTEMBRE . 1729. 2005;
Trop haut tu prends ton vol;
Ce que j'approuve en toi , c'eſt le defir de plaire.
Quand un âge plus mur aura formé ta voix ,
Tu pourras égaler les Chantres de nos bois
Ce foible effai nous donne une heureuſe eſpe
rance ,
Et mérite qu'on ait pour toi quelque indulgen
ce,
Voilà mon Apologue, Or , quel eft mon def
fein
Nous fommes l'Oifillon , & le Public fevere M
Eft cette Philomele à qui nous voulons plaire.
Portez de nous , Meffieurs , ce jugement be
nin
Que porta Philomele à l'égard du Serin.
Huart l'aîné , Libraire de la Reine ;
ruë S. Jacques , à la Juſtice , mettra en
vente , le mois d'Octobre prochain , une
nouvelle Traduction de Salufte , en deux
volumes in- I 2. avec des Differtations &
des Remarques. On y trouvera la Traduction
des morceaux qui le trouvent entiers
dans les fragmens de cet Hiftorien .
Ils n'ont pas encore paru en notre Langue
; le tout par M. l'Abbé Thyvon.
Le se & 6 volumes des Mémoires de
l'Académie des Infcriptions & Belles-
Lettres , nouvellement imprimez , ont été
pre E ij
1920 MERCURE DE FRANCE:
prefentez au Roi , & fe débitent à l'Imprimerie
Royale.
NOUVELLE SOUSCRIPTION pour
les deux volumes qui restent à fournir
des Ceremonies & Coûtumes Religieu
fes de tous les Peuples , & c. 6. volumes
in-folio , en grand & petit papier. Ces
deux derniers volumes contiendront les
Sectes Proteftantes , &c. les Grecs , les
Mahometans , les Drufes , &c.
Le volume qu'on donne maintenant, eſt
le fecond des Religions des Idolâtres , mais
le 4me en date de ceux qu'on a publiez
jufqu'à prefent des Ceremonies Religieuses,
c. Les Soufcripteurs & les Acheteurs
de ces quatre volumes , ayant paru difpofez
à foufcrire également pour ce qui reſte
à fournir de ce grand Ouvrage , on leur
propofe le plan qui fuit . Selon ce plan
ils auront pour 30. florins , en petit papier
, & pour 40. en grand , deux volu
mes , qui , par la nouveauté des Sujets &
la beauté des Deffeins , ne manqueront
pas de fatisfaire les Curieux .
Pour la Soufcription de ces derniers volumes
on payera petit papier 12. florins
grand papier 18. en recevant le premier
de ces deux volumes 9. florins ; en recevant
le dernier , 9. florins. Cette Soufcription
aura cours pendant le refte de
l'année
SEPTEMBRE. 1729. 2007
l'année 1729. Le même Libraire avertit
qu'on trouve chez lui l'Hiftoire des Infectes
de l'Amerique , particulierement de
Surinam , en Latin & en François , infolio
, du format des Atlas , avec de belles
figures faifant 72. Planches , deffinées
par Madame de Meriaan . Le prix de ce
Livre eft de 25. florins.
Comme il va publier une feconde Partie
de cette Hiftoire , du même nombre
de feuilles & d'après les Deffeins de la
même perſonne , le Libraire avertit qu'il
donnera ce premier volume pour 16 .
florins à ceux qui l'acheteront dans le
cours de l'année 1729. moyennant qu'ils
donnent trois florins d'arrhes pour le Tome
fecond qu'il leur délivrera au mois
d'Avril 1730. Il offre les mêmes avantages
à ceux qui ont déja le prèmier Volume.
Il fournira cet Ouvrage enluminé
à ceux qui le fouhaiteront. Les Particuliers
pourront s'adreffer directement
à lui pour les Exemplaires en grand papier
de l'Ouvrage fur les Ceremonies Religienfes
, dont il ne lui reste que fort peu
mais dont les épreuves font belles & trèsbien
choifies.
EX2008
MERCURE DE FRANCE.
1
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Londres
au R. P. le Quien , Bibliothecaire des
PP. Dominicains de la rue S. Honoré ,
&c. par M. Philips , au fujet d'une
Edition des Ouvrages de M. de Thou .
N m'a écrit de Paris le mois de Juin
O dernier , qu'on y fait courir le bruit
que dans l'Hiftoire de M. de Thou , que
je dois publier , je retranche plufieurs chofes
, qui ne font point honneur à la Nation
Angloife : cela m'oblige de vous prier
M. R. P. d'être perfuadé qu'il n'y a rien
au monde de plus contraire à la verité
que ce bruit là ; car je vous promets que
je ne retranche pas un feul mot de cet
Hiftorien , je fuivrai en tout l'édition de
Genêve , excepté feulement que je me
garderai bien d'admettre les fautes d'impreffion
qui y font en grand nombre. j'y
ajoûterai toutes les diverfes Leçons & les
paffages qui fé trouvent dans les differentes
Editions qu'on a publiées de cet Hiſtorien .
Outre cela j'ai eu communication de tous
les papiers de la Famille de M. de Thou ,
qui ont été trouvez après la mort dans fon
Cabinet , de plufieurs Manufcrits concernant
cette Hiftoire , & plufieurs autres
Pieces Anecdotes , confervées dans plufieurs
Bibliotheques , tant en France qu'en
Allemagne
SEPTEMBRE 1729 2009
Allemagne & en Angleterre. Enforte que
l'on verra dans cette nouvelle Edition
comme d'un coup d'oeil , ce qui eft répandu
dans plufieurs. Je donnerai dans le
dernier Tome , des Notes qui expliqueront
au long les raifons des differentes
Leçons. Il y a chez nous dés Coûtumes
particulieres qui y feront expliquées , en
y ajoûtant les noms des perfonnes & des
endroits d'Angleterre aufquels elles ont
rapport. Les Anglois font fouvent de lourdes
fautes quands ils donnent les noms
des François , & les François en font de
même quand ils donnent ceux des Anglois.
Je m'appliquerai furtout à prévenir & à
corriger cet inconvenient , c'eft de quoi
je vous prie d'affarer tous vos Amis.
Le Cardinal de Polignac , étant à Frefcati
, vers la fin du mois de Juillet , y fit
foüiller dans un endroit où l'on trouva
une Statuë d'Efculape en Marbre ; une
autre de la Déeffe de la Santé ,& la Statue
Equeftre d'un Cavalier qui fut trouvé
fans tête & fans bras.
>
Le 11. du mois dernier , le Pape fit
prefent au Chevalier de S. George , de
Hiftoire des Rois Catholiques d'Angleterre
, en deux volumes in -folio , imprimez
depuis peu à Ravenne par les foins du
Cardinal Marini.
E iiij PRO2010
MERCURE DE FRANCE:
PROGRAMME de l'Académie Royale
des Belles- Lettres , Sciences & Arts
de Bordeaux .
L'Académie à tousfeu M.
' Académie propofe à tous les Sçavans
un Prix fondé par feu M. LE
DUC DE LA FORCE. C'eft une Médaille
d'or de la valeur de trois cens livres .
Elle eft destinée à celui qui expliquera
avec le plus de probabilité la caufe des
Vents , & leurs variations . Ce Prix fera
diftribué le vingt - cinq d'Août de l'année
1730. jour de la Fête de S. Louis.
Il fera libre d'envoyer des Differtations
en François ou en Latin , mais elles ne feront
reçues pour le concours que jufqu'au
premier May prochain inclufivement.
Au bas des Differtations , il y aura une
Sentence , & l'Auteur mettra dans un Billet
féparé & cacheté , la même Sentence,
avec fon nom & fon adreffe.
نم
Les Paquets feront affranchis de port ,
adreffez à M. Sarrau , Secretaire de l'Académie,
ruë de Gourguês , ou au fieur Brun,
Imprimeur de l'Académie , ruë S. Jâmes .
Le fieur de Candole , qui compofoit
Arcane de vie incorruptible , qui a été
annoncé l'année derniere , & qui en faifoit
feulement faire la diftribution par le
fieur Gaynier , Négociant , qui demeuroit
rue
2011
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Gie
1
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ais
SEPTEMBRE . 1729. 2011
rue Quinquempoix , eft décedé le 22. du
mois d'Août dernier , & il a laiffé avant
que de mourir fon fecret & la maniere de
compofer fon Arcane de vie incorruptible
, au fieur Julien , Apoticaire , demeurant
ruë de la Verrerie , proche la rue des
Carmes Billettes , qui en fait la vente &
donne une Lettre inftructive du feu fieur
de Caudole , qui eft la maniere de s'en
fervir & fes proprietés , il eft déja trop
connu pour repeter ce qui en a été dit
touchant les vertus efficaces ; ceux qui
fouhaiteront d'avoir le veritable Arcane ,
ne le trouveront que chez ledit StJulien ;
il ne répond point de celui que d'autres
perfonnes peu verfées dans les médicamens
, voudroient ſe mêler de contrefaire.
XXXXXXXX**XXXX )
CHANSON,
**
Sur la Naiffance de Monseigneur
le DAUPHIN . Septembre 1729 .
Orgué la charmante nouvelle ,
Ami Lucas , à la parfin ,
On dit que j'avons un Dauphin.
Que de biens à la fois ! notre vendange eft
belle ;
Buvons , vuidons notre tonniau
Et faifons place au vin nouvisu.
Ev Vois
2012 MERCURE DE FRANCE.
1
Vois-tu que de réjouiffance ?
Ce DAUPHIN met le comble au bonheur de
l'Etat ;
On celebre par tout fon heureuſe Naiffance ;
Lucas , chantons itou vivat , vivat , vivat.
Le Tellier d'Orvilliers , Lieutenant General
d'Epée,à Vernon cé 6.Septembre 1729.
VAUDEVILLE .
UN DAUPHIN à la France ,
Par le Ciel eft donné ;
Celebrons fa Naiffance ,
Dans ce jour fortuné :
Buvons à taffe pleine ,
Rions , chantons fans fin :
Vive le Roi , vive la Reine ,
Vive notre aimable DAUPHIN,
Ce Prince vient de naître ,
Dans le fein de la Paix ;
Nous verrons difparoitre ,
La difcorde à jamais :
Buyons , & c.
Qu'à l'envi l'on s'empreße ,
D'exalter ce grand jour s
Par des cris d'allegreffe ,
SiSEPTEMBRE.
1729. 2013
Signalons notre amour :1
Buvons , & c.
Que tout le réjouiſe
Louis comble nos voeux ';
Que fon nom retentiffe ,
Au milieu de nos Jeux ,
Buyons , & c.
M
Pour Louis qu'on s'adonne ,
'A d'amoureux Projets ;
Un DAUPHIN il nous donne ,
Donnons.lui des Sujets :
Buvons , & c .
M
Morgué, morgué , Commere ,
Guariffons notre peur ;
La Lune en cette affaire , -
Condamne notre arreur?
Buvons , & c.
Vien-t'en Piarrot bon drille a
Vien-t'en au cabaret ;:
Il nous faut , ventrebille!
Enyvrer tout-à -fait . 109)
2101
Buvons , & c,
32
Dans ce jour , ma Claudeine ,
Aime moi fans façon ;
E vj Avec
2014 MERCURE DE FRANCE.
Avec toi , palfanguenne !
Je veux faire un garçon :
Buvons , & c.
M
D'une Reine adorable ,
Béniffons le préfent ;
Que tout foit favorable ,
A la Mere , à l'Enfant :
Buvons , &c.
Les paroles font de M. G .... & la
Mufique de M. Dutarire.
ជា
SPECTACLES.
Es Comediens Italiens donnerent le
L. Septembre la premiere Reprefentation
d'une petite Piece qui a pour titre
Melpomene vengée : M. de Boiffy qui en
eft l'Auteur , l'ayant retirée pour y faire
quelques changemens , nous ne pouvons
en donner qu'un Extrait imparfait , tel
qu'on le peut faire d'une Piece qu'on n'a
encore vûë qu'une fois .
Le Théatre réprefente le Mont Parnaffe,
au pied duquel Melpomene eft endormie ;
quelques cris que cette Mufe de la Tragédie
entend dans le facré Vallon , l'éveillent
en furfaut. Elle eft toute étonnée
de
SEPTEMBRE . 1729. 2019
de voir qu'on a raccourci fa robbe peridant
fon fommeil , elle jure de tirer raifon
de cet outrage , fi elle peut en connoître
l'Auteur -UnCavalier qui fe dit de Bayonne
vient plaifanter fur la robbe transformée
en Pet - en- Pair. Il lui parle en homme qui
connoît la main d'où le coup de citeau
eft parti ; comme cette feconde Scene ne
nous a pas paru bien claire , nous nous
difpenferons d'en dire davantage . A la
troifiéme Scene , Diane vient. Elle annonce
à Melpomene un nouvel affront
qu'on lui a fait à l'Opera , où l'on vient
de réprefenter fes Amours avec Linus , Inventeur
de l'Elegie. LaDéeffe des Bois ajoûte
qu'elles ont été toutes deux également
infultées dans le Balet des Amours des D ef
Les ,puifque, malgré le refpect que le nom de
Ja chafteDiane doit impofer, on la fait courir
après Endimion , & qu'on la montre
fortant des Enfers dans le Char de Pluton
qui veut bien la conduire près de for
Rival ; après beaucoup de traits fatyriques
lancez contre l'Auteur de ce Balet , on
paffe à une autre Scene , dont les Perfonnages
font l'Opera , la Comedie Françoife
, la Comedie Italienne & l'Opera Comique
; ils parlent d'abord tous quatre
à la fois , ils fe plaignent les uns des autres
, & plaident leur caufe devant Melpomene
. Cette Scene fait une image dur
dé
2016 MERCURE DE FRANCE.
dérangement que l'Auteur trouve fur tous
les Théatres , où , à ce qu'il dit , on ne
joue rien moins que ce qu'on y devroit
jouer ; on reproche à l'Opera d'admettre
les Bouffons d'Italie fur fon Théatre ; à la
Comedie Françoife de faire chanter des
Paftorales par des Acteurs qui ne devroient
que déclamer ; à la Comedie Italienne
, de vouloir réprefenter des Tragédies
, & à l'Opera Comique , de donner
dans le férieux & même dans le pathéti
que. Melpomene ordonne que chacun s'en
tienne à ce qui lui convient . La derniere
Scene vient enfin , & avec elle l'action
principale. C'eft une efpece de Monftre à
trois têtes qui s'appelle les trois Spectacles.
L'Auteur qui réprefente ce nouveau Cerbere
, ou cette triple Hecate , a un Caf
que fur la tête ; une houlette à la main
un brodequin à un de fes pieds & une
affiche de Comedie fur la poitrine . Melpomene
, pour le punir de l'avoir miſe en
Pet- en- l'air , le fait dégrader . Par fon ordre
on lui ôte le cafque , la houlette , &
même le brodequin ; on ne lui laiffe que
l'affiche de Comedie. Cette réduction de
trois attributs à un feul , fignifie , felon
l'efprit de l'Auteur , que dans la Piece
qui avoit pour titre let Trois Spectacles
rien n'a réuffi que la Comédie de l'Avare,
Amoureux. Après cette condamnation qui
répond
?
SEPTEMBRE. 1729. 2017
répond au titre de la Piece , on danfe un
Balet de la compofition de M. Mouret ;
la Piece finit par le Vaudeville en couplets .
Le 4. ils
donnerent
la
premiere
Réprefentation
d'une
petite
Piece
d'un
Acte
en
Vers
, intitulée
Colinette
; c'eſt
une
Parodie
de
Polixene
&
Pirrhus
, Tragédie
en
un
Acte
, réprefentée
au
Théatre
François
le
6. Juillet
. Cette
Parodie
eft
du
même
Auteur
des
Trois
Spectacles
.
Les mêmes Comediens Italiens ont fait
éclater leur joye pour l'heureux accouchement
de la Reine & pour la Naiffance de
Monfeigneur le Dauphin , avec beaucoup
de zele ; pendant les jours deftinez aux
réjouiffances publiques , on álluma des
feux & on fit des illuminations dans les
deux rues où font les portes de l'Hôtel
de Bourgogne . Le 9. ils donnerent gratis à
une très-nombreufe Affemblée la Comédie
de la Précaution inutile , on la Fille mal
gardée , avec des Divertiffemens qui fatisfirent
extrêmement les Spectateurs.Le foir
du même jour, ils firent tirer un très - beau
Feu d'artifice , dreffé devant la porte de la
ruë Mauconfeil , dont voicy la defcription .
La Charpente du Feu d'artifice & de
l'illumination , qui occupoit toute la largeur
de cette ruë , avoit 46. pieds de hauteur
, & réprefentoit un Arc de Triomphe,
élevé
2018 MERCURE DE FRANCE.
élevé à la gloire du nouveau DAUPHIN.
Cet Arc de Triomphe confiftoit en un
Obelifque élevé fur un ordre d'Architecture
rustique. Au- deffus des Pilastres
étoient placez quatre Génies ; fçavoir ,
deux à chaque face , tenant d'une main
un Brandon , & de l'autre un Médaillon .
L'Obelifque étoit enveloppé dans une
Nuë qui fembloit defcendre de fon fommet
en forme de Tourbillon jufqu'au pied .
A la face du côté de la rue Comteffe
d'Artois , étoit le Simbole de la France
offrant fes voeux à Junon Lucine ; cette
Déeffe qui préfide aux accouchemens ,
propice aux voeux de la France , lui montre
Mercure qui defcend du Ciel , & préfente
le DAUPHIN à l'Aurore , qui eft
placée au haut de la Nuë , tenant d'une
main fon flambeau , & de l'autre il répand
des fleurs. On lit pour Devife au- deffous
de la réprefentation du Dauphin , SPES
UNICA PLEBIS .
Dans le Médaillon du Génie de la droite
on lit , SOL NASCITUR ; & dans celui
de la gauche , LILIA CRESCUNT.
Dans le Cartouche du milieu , au deffous
de la France , DEUS NOBIS HÆC OTLA
FECIT .
A la face du côté de la rue S. Denis ,
on voyoit la figure de la félicité publique ,
au bas de la Nuë , tenant de la main droite
SEPTEMBRE. 1729. 2019
un Caducée , & de l'autre une Corne d'abondande.
Elle ordonne aux Génies d'exciter
les plaifirs , les jeux , & c.
Dans le haut de la Nue on voyoit l'Amour
& l'Hymen avec le nouveau DAUPHIN
, & au- deffus étoit la Renommée
tenant d'une main une Couronne au - deffus
de la tête du Prince , & de l'autre une
Trompette qui publie le bonheur de la
France. Ces paroles étoient au - deffous ,
SPES UNICA PLEBIS .
Dans le Médaillon à droite , VOTA
DEDIT . Dans celui de la gauche , AD
ANNOS . Et dans le Cartouche
du milieu FELICITATI PUNESTORIS
BLICA.
Le 10. & le 11. il y eut une pareille
illumination & un Concert d'Inftrumens ,
executé par environ quarante excellens
Symphonistes, ce qui a terminé cette galante
Fête.
Tout l'Ouvrage dont on vient de parler
a été compofé & peint par M. le Maire .
Les Comédiens François n'ont pas été
des derniers à marquer leur zele pour la
Naiffance du DAUPHIN. Le Dimanche
4. Septembre , jour de cette heureuſe ,
Naiffance , le lendemain & le furlende
main , ils firent le foir un beau Feu devant
leur Hôtel , dont le Balcon fut illuminé
en terrines. Le
2020 MERCURE DE FRANCE .
Le Mercredy 7. ils donnerent au Peu
ple la Comédie de Dom Japhet d' Arménie,
& le foir toute la façade de l'Hôtel fut illuminée
d'une maniere auffi galante qu'ingenieufe
, toute la rampe du Balcon étoit
illuminée en Lampions , & le bas étoit
orné fur toute fa longueur , de Feftons
de feuillages & de fleurs naturelles , du
noeud defquels pendoient huit Luftres de
criftal à douze bobêches , qui faifoient
un très- bel effet.
Deux muids de vin occupoient les deux
bouts du Balcon , d'où fortirent deux Fontaines
de vin qui coulerent jufqu'après
minuit , & qui ne contribuerent pas peu
à augmenter le concours & la joye du
peuple. Ces pieces de vin étoient cachées
fous deux Piramides triangulaires , dont
le haut étoit terminé par une Girandolė
de cristal . Aux deux faces exterieures on
yoyoit deux Dauphins tranfparans.
Sur la façade , immédiatement au - deffus
du Balcon s'élevoient fept portiques de
lumieres interrompus par des Pilaftres de
même . Le Portique du milieu , qui dominoit
fur les autres , étoit occupé par un
Dauphin avec une bordure de Guirlandes
de fleurs & de lumieres , & à l'aplomb
de chacun de ces Portiques defcendoit un
Luftre de cristal , pareil à ceux qui terminoient
le bas du Balcon. D'autres Guirlandes
SEPTEMBRE . -1729 . 2021
•
landes ornoient le Ceintre de ces Portiques
en fens contraire . Six petits Portiques
occupoient le fecond étage , au -deſfus
des premiers , avec un Luftre au milieu
qui tenoit lieu du feptiéme . Ils étoient
féparez par une Frile de Feftons de fleurs
de la faifon & de feuillages naturels ,
de l'entre - deux defquels pendoient des
Aeurons. Six Girandoles de criftal fur un
pied , étoient placées au milieu de chacun
de ces Portiques . Les combles & le
Fronton qui fert de couronnement , étoient
illuminez en Terrines . La Fête fut ter.
minée par: quantité de Fufées volantes.
P
L'Académie Royale de Mufique , donna
le 28. Août , la derniere Répreſentation
du Ballet Héroïque des Amours
ades Déeffes , dont il a été parlé dans le
edernier Mercure , & reprit le premier
Septembre l'Opera de Tancrede.
La même Académie voulant prendre
part à l'allegreffe publique pour la Naiffance
de Monfeigneur le DAUPHIN , fit
faire des Feux & des Illuminations devant
la principale Porte , pendant les
jours ordonnez . Le 8. elle donna fur le
Peron du Château des Tuilleries , un
grand Concert de Choeurs & de Symphonies
, qui fut executé par les Acteurs
& Symphoniſtes de l'Académie . Il commença
2022 MERCURE DE FRANCE .
mença par un Air de l'Opera d'Amadis
de Gaule , qui fut joué avec Trompettes
& Timballes , & fuivi de ce Choeur du
Prologue du Ballet des Elemens.
Trompettes éclattez, frappez, percez les Airs,
Eclattez, annoncez un Maître à l'Univers, &ca
On joua après une fuite d'Airs du Balet
des Stratagêmes de l'Amour , terminez
par un Choeur du même Opera , dont les
paroles font :
Que la Trompette éclate & que l'Echo répondez
Ce jour eft la Fête du Monde :
Par de brillants Concerts animons les plaifirs ;
Le Ciel a rempli nos defirs.
Après cela on executa une fuite d'Airs
'de differens Opera de M. Lully , après
lefquels on chanta le Choeur du Prologue
de Phaeton.
Que les Mortels fe réjouiſſent , &c.
Après ce Choeur , on prit une fuite
de differens Airs des Opera de M. Deftouches
, Sur- Intendant de la Mufique du
Roi , & des Choeurs du même Auteur ,
dont les paroles pouvoient s'appliquer à
la Fête qu'on célebroit .
Chantons , qu'avec nous tout s'uniffe:
RemSEPTEMBRE
1729. 2023
Rempliffons de nos chants & la Terre & les Airsi
Que de fon Nom tout retentiſſe ;
Qu'il vole au bout de l'Univers , &c.
Qu'à fuivre fes Loix tout s'empreſſe ,
Que l'Amour dans les coeurs lui dreſſe des Au≈
tels ,
Qu'il regne , & triomphe fans ceffe ,
Qu'il affure àjamais le repos des Mortels.
Ces Choeurs furent fuivis de l'Air des
Echos de l'Opera d'Atis , & du Choeur de
celui de Phaeton.
Allez répandre la lumiere , &c,
par
Ce grand Concert , qui fut très applau
di & très-bien executé , fut terminé
une Piece de Symphonie de la compofition
de M. Rebel , intitulée la Fantaifie
, & de trois VIVE LE Roy , en
faux bourdon , avec Trompettes & Tim
bales.
榴
Le II. la même Académie donna au
Public , gratis , l'Opera de Roland. On
n'aura pas de peine à fe perfuader que
l'Affemblée fut des plus nombreuſes ; une
foule de peuple y étant accourue des quartiers
les plus éloignez ; cependant tout ſe
paffa fans confufion ni defordre , par les
bons
2024 MERCURE DE FRANCE .
bons ordres que M. Détouches, Directeur
General de l'Académie , avoit donnez.
La De Antier , Ordinaire de la Mufique
de la Chambre du Roi , & premiere
Actrice de l'Académie Royale de Mufique
, fignala fon zele par un Concert qu'el
le donna chez elle au fujet de l'heureuſe
Naiffance de Monseigneur le DAUPHIN.
Elle avoit fait choifir dans divers Opera ,
tout ce qui pouvoit avoir le plus de rapport
à cette augufte Fête. Comme elle
demeure dans l'enceinte du Palais Royal
un grand concours de Peuple & de gens
de confideration , prirent part à ce Concert.
Les Choeurs & les Symphonies furent
executez avec beaucoup de jufteſſe &
d'éclat. L'ordonnatrice avoit pris foin de
raffembler l'élite de l'Orqueftre ; & à ſon
exemple le fieur Thévenard , ſe mit à la
tête des Chours. Le Concert fut fuivi
d'un fouper des plus joyeux .
Le 13. on remit au Théatre l'Opera
d'Héfione , qui n'avoit pas été joué depuis
le mois de Juillet 1709. Cette Piece qui
eft des mêmes Auteurs de Tancrede , à
été reçûë très favorablement du Public.
Le 18. on donna par extraordinaire le
Bal fur le Théatre de l'Opera ; il fut précedé
d'un Concert , compofé de Choeurs
& de Symphonies choifies .
ATHEA
SEPTEMBRE . 1729 2025
ATHE ATUS , ou l'Inviſible , Comédie
reprefentée à Avignon. Extrait
d'une Lettre écrite de cette Ville le 134.
Août 1729.
Na reprefenté depuis peu fur le
Théatre du College des Jefuites
d'Avignon Atheatus , ou l'Invifible , Comédie
Latine , de trois Actes , accompagnés
d'Intermedes François . Une Fable
propofée par Platon , & que Ciceron rapporte
dans le troifiiéme Livre de fes Offices
, en a fait naître le ſujet.
Dans une faifon fort pluvieufe , la terre
s'étant entr'ouverte , découvrit de pro
fonds abîmes. La curiofité porta Gygés,
Berger du Roi de Lydie , à y defcendre ;
fes peines , ou plutôt fa hardieffe n'eft
pas fans récompenfe. Au fond de ce vafte
fouterrain , il trouve un Cheval d'airain
, qui avoit à chaque côté une espece
de . porte. Dans ce Cheval étoit enfermé
un corps mort d'une grandeur prodigieufe.
L'éclat d'un fuperbe diamant qu'il portoit
au doigt , attire les regards de Gygés ;
il s'en faifit ; & charmé de fa bonne foril
va rejoindre les autres Bergers .
Lorfqu'il tournoit le chaton de fon anneau
, vers le dedans de la main , fans.
ceffer de voir ce qui fe paffoit , il devetune
,
noit
2016 MERCURE DE FRANCE
noit lui- même invifible ; dès qu'il remettoit
le chaton en dehors , il redevenoit
visible comme auparavant. Un tel avantage
lui facilite les moyens de faire mourir
à petit bruit , & fans être apperçû ,
fon Souverain , & de fe débaraffer de ceux
qui pouvoient lui difputer le Trône auquel
il afpiroit , & dont il s'empare par
de fi noirs attentats. C'eft fur ce riche
fond que le R. P. de Chargey , Profeſfeur
de la Seconde , a formé l'intrigue de
fa Comédie.
Criton , Citoyen d'Athénes avoit deux
fils ; le cadet , furnommé Atheatus , jeune
homme plein de droiture & de probité
, forma le deffein de voyager , dans
l'efperance de faire fortune. Il part , fuivi
de Geta , fon valet , & bientôt après
il amaffe des richeffes confiderables . Pendant
le féjour qu'il fait à Micenes , il contracte
une étroite liaiſon avec un vieux
Philofophe , Petit - Fils du Roi Gygés.
Ce Philofophe fur le point d'expirer ,
donne à Atheatus pour gage de fon amitié
, l'anneau précieux , dont Gygés , fon
Ayeul , l'avoit laiffé le maître. A l'aide de
cet anneau , Atheatus ne tarde pas de reconnoître
que ceux qui lui prodiguoient
les marques apparentes de l'amitié la plus
fincere n'étoient au fond que de faux
amis . Le chagrin fuit de prés une fi trifte
déSEPTEMBRE.
1729. 2027
découverte , & lui fait prendre le deffein
de retourner dans fa Patrie , dans la vûë
de trouver du moins parmi fes proches &
fes concitoyens la fidelité qu'il cherchoit
inutilement parmi les Etrangers.
Comme il fe difpofe à partir , Alethés,
ami fidele qu'il avoit à Athénes , lui fait
fçavoir que Criton fon Pere eft à l'extré
mité , qui lui legue par fon Teftament ,
outre la legitime , une caffete remplie de
pierreries , où le Portrait de la Mere , &
d'autres marques de la tendreffe paternelle
fe trouvoient renfermés . Cette affli.
geante nouvelle frappe Atheatus , & précipite
fon retour. A peine arrive - t'il dans
fa Patrie , qu'il apprend la mort de fon
Pere. Ce n'est qu'avec chagrin , que
Chryfophile , homme avare , dur , intereffé
, s'il en fut jamais , revoit fon frere
Atheatus , poffeffeur de la caffe te dont
fon Pere l'avoit fait dépofitaire , il cherche
les moyens de la retenir. Divers pretextes
pour colorer fon injuftice lui font
fuggerés par Philante , ami fourbe & artificieux
. Atheatus , à qui la caffete étoit
plus chere par les témoignages finguliers
de l'amitié de fon Pere que par les richeffes
qu'elle contenoit , la répete inutilement.
Indigné du refus que lui fait fon
frere , qu'il croyoit moins mal - honnête
homme , il recourt à la vertu de fon an-
F neau
2028 MERCURE DE FRANCE.
neau ; par là il découvre & la mauvaiſe
foi de Chryfophile , & les artifices de
Philante. Avec le fecours du Diamant de
fon Maître , Geta fe rend invifible , &
enleve la caffete des mains de Chryfophile ,
qui la remettoit en fecret à Philante pour
la garder en dépôt , & la fouftraire aux
perquifitions qu'en auroit pû faire Atheatus.
Quelque prévenante que fut pour cette
Comédie la nouveauté de fon fujet , la
maniere dont elle fut executée lui mérita
un furcroit d'applaudiffemens . Une intri
gue conduite avec art ; le dénouement
bien amené par tout une action variée ,
& qui animoit chaque Scene ; les caracteres
des perfonnages bien foutenus ; un
Vers Iambe noble , dans fa fimplicité
mais jufte dans fon expreffion ; des penfées
naturelles , quoique remplies de délicateffe
; une morale fine & recherchée ;
tout y fentoit une main de Maître ; tour
y fut admiré par les Connoiffeurs .
XXXXXXXX XX :XXXX
NOUVELLES DU TEMPS,
TURQUIE
N mande de Conftantinople , que la Flore
du Grand-Seigneur étoit prefentement en
bon état , & qu'elle confiftoit en 70. Vaiſſeaux
de
SEPTEMBRE. 1729 2029
t
de guerre & 60. Galeres, mais qu'on ne croyoit
pas qu'elle fortit des Ports cette année. Ces
Lettres ajoûtent que S. H. avoit fait deffendre
aux Princes de Géorgie & de Mingrelie , de
fe mettre dorénavant fous la protection d'aus
cune Puiffance Etrangere.
On a eu avis que la Caravane des Pelle
rins de la Mecque avoit été attaquée cette année
par les Arabes ; qu'ils avoient enlevé le
préfent que le Gr . S. envoye chaque année au
Tombeau de Mahomet , avec 24. Bourfes que
S. H. y envoyoit d'extraordinaire pour l'embelliffement
de la Moſquée , & que le Pacha
du Pays avoit fait arrêter depuis dans le Defert
de Paran , un Chef d'Arabes , nommé
Alitzan , qui s'étoit retiré avec la part du bu❤
tin dans la petite Ville de Sterar.
On a appris de Tripoli , que le Bey avoit
encore défait un nouveau Parti de fon Neveu,
& qu'il l'avoit obligé de fe retirer dans les
Montagnes , où il le tenoit bloqué avec ce
qui refte de Rebelles attachez à fon Party.
Vers le commencement du mois de Juillet ,
le bruit couroit à Conftantinople que l'Armée
du Prince Thamas étoit prefentement en état
de tenir la campagne , & que la Ville d'Ifpaham
étoit menacée d'un fecond Siege , que
dans toe fa marche , pour approcher de la
Province d'Yerack , où cette Capitale de la
Perfe eft fituée , elle avoit brûlé les fourrages ,
détruit les Villages & les Bourgs , & paffé au
fil de l'épée un grand nombre d'habitans , pour
les punir de leur précedente rebellion contre
la Famille Royale.
On affure que le Grand -Vizir a reçû avis par
des Lettres particulieres du Pacha de Babilone,
que la maladie,contagieufe avoit fait périr une
partie de l'Armée Ottomane qui eſt en Perſe.
Fij
OB
2030 MERCURE DE FRANCE
On envoya fur la fin du mois de Juin aux
Dardanelles , fix Vaiffeaux de guerre , montez
par des Officiers Renégats très- experimentez
dans la Marine , & quatre Galeres , fur lefquelies
on a embarqué quelques Troupes reglées,
afin de donner la chaffe aux Armateurs Maltois
qui interrompent la Navigation des Turcs
dans l'Archipel.
RUSSIE.
Es Lettres de Mofcou , de la fin de Juillet ,
portent qu'on devoit publier inceffamment
dans les principales Villes de Mofcovie, un nouveauTraité
de Paix qui a été conclu depuis plus
d'un mois avec le Sultan Acheraf , & dont la
ratification a été apportée depuis peu d'Ifpaham
.
On mande de Petersbourg , que la Cour
avoit réfolu de fixer fon féjour à Moscou , &
d'abandonner entierement celui de Peterſbourg
dont l'air eft mal fain . On ajoûte que la plu
part des Etrangers établis dans cette derniere
Ville , fe préparoient à retourner chez eux
prévoyant bien que l'abfence du Czar fera un
tort confiderable à leur Commerce,
O U.
S UTE D E.
dernier,
>
L arriva le 12. du mois dernier , un Cour
rier de Caffel à Stokolm , & le bruit fe répandit
qu'il avoit apporté au Roi le Projet
d'un Traité d' Alliance offenfive & deffenfive
entre le Roi d'Angleterre , comme Electeur
d'Hanover , le Duc de Brunfwick Wolfembutel
& le Landgrave de Heffe- Caffel . On a
appris depuis que le Roi approuvoit le Traité
d'Alliance , & l'on croit que S. M, y entrera.
AL
SEPTEMBRE . 1729 2031
ALLEMAGNE .
N apprend de Vienne , que le 14. du mois
dernier , l'Empereur fe rendit fur la Place
des Poiffonniers , où l'on avoit dreffé uneTente,
& S. M. Imp. fit la ceremonie de pofer la premiere
Pierre dans la bafe d'une Colomne qu'elle
y fait ériger en l'honneur des Epoufailles de
la fainte Vierge avec S. Jofeph : enfuite l'Empereur
alla à l'Eglife du Monaftere de S. Jofeph
entendre une Meffe folemnelle qui y fut
celebrée par le Cardinal Archevêque de cette
Ville.
On a diftribué à tous les Miniftres qui réfident
à Ratisbonne , un Mémoire pour prou
ver que fuivant les Loix de l'Empire , on ne
peut forcer le Roi d'Angleterre & le Duc de
Brunfwick Wolfembutel, à retirer les Troupes
qu'ils ont dans le Duché de Meckelbourg , en
qualité de Commiffaires d'Execution , avant
qu'on leur ait donné une entiere fatisfaction
par rapport aux frais d'execution .
On mande d'Hanover , que les Officiers de
la Garnifon de cette Ville fe préparoient à fe
mettre en campagne , parce que toutes les
Troupes du Roi d'Angleterre ont eu ordre de
de marcher le 3. de ce mois , en cas que celles .
du Roi de Pruffe faffent quelques mouvemens.
On efpere cependant qu'il n'y aura point de
rupture entre L. M. Brit . & Pruffienne , & le
bruit fe répand que les deux Rois font convenus
de s'en rapporter à la décifion de quelques
Puiffances , pour terminer leurs nouveaux
differends .
Fiij
ITALIE.
1032 MERCURE DE FRANCE.
ITALIE.
LehevaliersdeGrandre de S.Etienne tine
E 6. Août , le Grand Duc , accompagné des
à Florence Chapitre de cet Ordre dans la Sacriftie
des Religieufes de la Trinité , où ce
Prince fit un nouveau Reglement , fuivant lequel
on ne pourra à l'avenir recevoir aucun
Chevalier qu'il n'ait fait preuve de fix generations
de Nobleffe : les Chevaliers feront obligez
de porter dorénavant la Croix attachée
à la boutonniere de leur habit , ou de quelqu'autre
maniere , pourvû qu'elle foit apparente
, à peine d'être condamnez par le Cha .
pitre à une peine arbitraire , & il ne leur fera
permis d'entrer au fervice d'aucun Prince , à
l'exception de ceux qui ont le Titre d'Alteffe.
Le 20. du mois dernier , on reffentit à Florence
une violente fecouffe de Tremblement
de Terre qui ne caufa aucun dommage dans
la Ville , mais dans leFief du Trecinta , dans le
Ferarois , il y a eu plufieurs maifons renverfées
& une trentaine de perfonnes enfevelies
dans les ruines .
On écrit de Venife , que le Chevalier André
Cornaro , s'étant excufé d'aller en Ambaffade
Conftantinople , M. Domini Ruzini avoit
été élû pour aller relever le Baile de la République.
du Les Lettres de Turin portent que le 15.
mois dernier , le Roi de Sardaigne fit une Promotion
de Chevaliers de l'Ordre de l'Annonciade
, dans laquelle S. M. a compris le Prince
Eugene , fils du Prince Emanuel de Savoye ;
le Prince de Heffe Reinsfels - Rottembourg,
Pere de la Princeffe de Piémont & de la Ducheffe
de Bourbon ; le Comte de Nom , Grand
Ecuyer
SEPTEMBRE. 1929: 2033
Ecuyer du Roi ; le Comte de Gouvon , Che
valier d'honneur de la feüe Reine de Sardaigne;
le Baron de S. Reni Palavicini, Gouverneur de
la Citadelle de Turin ; le Marquis de Saluces-
Gaugreffe ; le Marquis d'Entraives ; le Comte
Maffei , actuellement Ambaffadeur auprès du
Roi T. Ch. & le Marquis del- Borgo , Secretaire
d'Etat.
On apprend de Rome , que le 16. du mois
dernier au matin , le Marquis Ottieri , cy - devant
Ecuyer du Pape , alla chez le Cardinal de
Polignac , chargé des affaires de France , pour
demander pardon à S. M. T. C. d'avoir ofé publier
un Ouvrage qui avoit pû lui déplaire. Le
Cardinal de Polignac le reçut gracieufement ,
& l'affura qu'il feroit part au Roy T. C. de
cette démarche refpectueufe.
Le Pape ayant été informé qu'une Confrerie
particuliere de Tivoli , joüiffoit d'un revenu
de roo. écus . qu'elle employoit à fes plaifirs
plutôt qu'à des oeuvres de pieté , S. S. vient
de la dépouiller par un Bref, de ce revenu ,
& du fonds qui le rapporte , pour le donner
aux PP. de la Miffion ; ils ne pourront cependant
s'en mettre en poffeffion fans foutenir un
grand procès que la Confrairie leur intente. :
Le Pape accompagné des Cardinaux & des
differens Ordres de Prélature , fe tendit le 21
Août à l'Eglife de S. Pierre , où la Mefle fut
celebrée par M. Nicolai , Vicaire de cette Eglife.
Après la Meffe on découvrit au fon des
Trompettes & des Timbales , le Tableau qui
réprefence le venerable Vincent de Paul , Fon
dateur des Prêtres de la Miffion , qui vient d'être
béatifié. Le Te Deum fut chanté enfuite
à plufieurs Choeurs de Mufique , & au bruit
d'une falve generale de l'Artillerie du Château
S. Ange,
1.
Fiiij
Le
2034 MERCURE DE FRANCE .
Le Pape a accordé à l'Electeur Palatin , un
Bref qui permet à S. A. El . d'exiger les dixmes
des Ecclefiaftiques de les Etats .
ON
ESPAGNE.
N mande de Cadix qu'on y avoit reçû
la nouvelle que deux Vaiffeaux de guerre
Efpagnols avoient arrêté fur les Côtes de la
Mer du Sud , trojs Vaiffeaux Marchands Ho}-
landois qui y faifoient la contrebande ; que
les Capitaines & les Equipages avoient été
remis en liberté , mais que leur argent & leurs
Marchandiſes avoient été faifis & repartis fuivant
les anciens Reglemens.
оц
On mande auffi de la même Ville , que le
17. du mois dernier on avoit commencé à délivrer
l'or & l'argent des Gallions aux Intereffez
dans le retour des Bâtimens. On paye
au Roy pour l'Indult des Effets des Gallions ,
quinze pour cent , argent fort , c'est- à - dire fur
le pied de dix Reaux de Plate pour un Pefo ,
un demi pour cent pour le fret de l'argent , &
trois quarts pour cent de l'or , auffi argent
fort ; & au Confulat pour les frais extraordinaires
, quatre pour cent , argent courant ,
fur le pied de 8. Reaux de Plate pour un Pefo.
On paye à S. M. pour l'Indult des Effets des
Vaiffeaux d'Affogues , 5. pour cent , un demi
pour cent pour le fret de l'argent , & trois
quarts de l'or , le tout argent fort ; & au Confulat
4. pour cent , argent courant. Les Habitans
de cette Ville , intereffez aux Gallions ,
payent outre cela un quart pour cent pour
fubvenir aux frais du bâtiment de l'Eglife Cathédrale.
Les Marchandifes fur lesquelles le
Roi retire fes droits , font taxez au plus haut
prix qu'elles peuvent valoir en Espagne , au
lien
SEPTEMBRE. 1729. 2035
lieu qu'elles ne font taxées que fur le pied
qu'elles ont coûté aux Indes pour payer les
droits au Confulat , ce qui differe preſque de
la moitié
ON
PORTUGAL .
N mande de Lisbonne , qu'on y a reçû
des Lettres de Dom Jean de Saldanha ,
Viceroi des Etabliffemens Portugais dans les
Indes Orientales qui confirment les premiers
avis qu'on avoit eu de la conquête de Monbaça
& des autres avantages remportez par l'armée
Portugaife fur les Indiens. Selon ces Lettres
l'armée qui a fait cette expedition , étoit venuë
fe rafraîchir à Goa, & qu'elle en étoit partie
depuis pour executer une nouvelle entreprife.
D'autres nouvelles de la même Ville portent
que quelques Princes des Indes Orien
tales , ennemis des Portugais , ayant été informez
que le Viceroy de Goa avoit envoyé fur
les Côtes d'Ethiopie , une armée compofée
de fes meilleures Troupes , ils avoient raffemblé
tous leurs Vaiffeaux pour en former une
Flote fur laquelle ils avoient embarqué toutes
leurs Troupes , dans le deffein d'aller furprendre
la Ville de Goa , Capitale de la Viceroyauté
, efperant de la trouver dépourvûë de Troupes
& de munitions , mais que la plus grande
partie de cette Flote avoit fait nauffrage à quelques
lieues de Goa , où elle avoit été furpriſe
pár une tempête , & que le reste avoit eu beaucoup
de peine à fe fauver ; que cependant le
Viceroi avoit pris des précautions pour la deffenfe
de la Ville , deforte qu'elle n'avoir plus
de furprife à craindre .
GEA
1036 MERCURE DE FRANCE.
GRANDE - BRETAGNE.
N mande de Gibraltar qu'on y avoit reçû
avis que M. Ruffel , Miniftre Plenipotentiaire
de S. M. Brit. auprés du Roi de Maroc ,
Muley- Ab fallah , étoit arrivé à Salé le 29. de
Juin dernier , que ce Prince lui avoit fait
beaucoup d'accueil , & qu'il avoit deffendu
fous peine de mort à trois Corfaires qui étoient
prêts à partir , d'inquiéter en aucune maniere
les Vaiffeaux qui porteroient Pavillon Anglois.
La Moiffon eft achevée dans toutes les Provinces
, elle a été fi abondante cette année ,
qu'on ne fe fouvient pas d'en avoir vu une
pareille depuis plus de 3o . ans .
XXX :XXXXXXX :XXXXX
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris ,&c.
L5
E premier de ce mois , on celebra
avec les Cerémonies accoutumées
dans Eglife de l'abbaye Royale de S.
Denis , le Service folemnel qui s'y fait
tous les ans pour le repos de l'ame du
feu Roi Louis XIV. L'Evêque , Comte
de Beauvais y officia pontificalement , &
le Prince de Dombes , le Comte d'Eu &
le Comte de Touloufe y affifterent , ainfi
que plufieurs Seigneurs de la Cour.
Le même jour , le Roi entendit à Verfailles
SEPTEMBRE. 1729. 2037
failles , dans la Chapelle du Château , lá
Meffe de Requiem , pendant laquelle , le
De profundis fut chanté par la mufique ,
dans la même intention.
Le Roi a nommé la Princeffe de Montauban
, Dame du Palais de la Reine , à
la place de la Ducheffe de Talard.
M. Dagueffeau , Avocat General du
Parlement , fils ainé du Chancelier de
France , a été nommé par le Roi Confeiller
d'Etat.
L'Archevêque de Paris , qui avoit re
çû le 5. de ce mois le Pallium des mains
du Cardinal de Biffy , dans la Chapelle
interieure des Recolets de Verfailles , prit
poffeffion le lendemain de l'Archevêché
de Paris , avec les Cerémonies marquées
cy - après.
2
Le 2. du Courant , l'Abbé de Maillé ,
Originaire de la Ville de Laval au Maine,
ci-devant Procureur General de la Congrégation
de S. Maur , fut reçû dans l'Églife
du College de Cluni , à Paris , Grand
Prieur de l'Abbaye & de tout l'Ordre de
Cluni , & Abbé de Chambon , par un
Commiffaire député à cet effet , de la part
de l'Archevêque de Vienne , Abbé , General
de cet Ordre, qui le revêtit en même
tems des marques de la Prélature , atta
chée à cette premiere Dignité.
,
Leis Août,jour de laFête del'Affomption
F vj il
2038 MERCURE DE FRANCE .
il y eut Concert Spirituel au Château des
Thuilleries , on y chanta le Confitebor de
M. de la Lande , & un autre Motet Exaudiat
te de M. du Bouffet , qui furent par
faitement bien executés . Les Diles Erremens
& le Maure chanterent un Motet
à deux voix du même Auteur qui fut très
applaudi , de même qu'un autre petit nou
yeau Motet à voix feule de la compofi
tion de M. le Maire , chanté par la Dlle
Bartholet . Les S's Guignon & Blaver
executerent chacun un Concerto qui firent
beaucoup de plaifir .
Le 17. il y eut Concert François , la
Dile le Maure & le St Dun chanterent
une Cantate à deux voix , Europe & Jupiter.
La Dlle Erremens chanta la Cantatille
du Retour du Printems de M. le Mai-
& la Dile Bartholet une Arriette Italienne
, intitulée le Roffignol ; le tout précedé
de plufieurs piéces de fimphonie. Le
Concert fut terminé par l'Exaudiat , qui
avoit été chanté le jour précedent .
re ,
M. Armand Hierôme Bignon , fur reçû
le 2. de Septembre , Avocat General
du Grand Confeil.
Le 4. Septembre , pendant la Meffe du
Roi , l'Archevêque de Paris & l'Archevêque
d'Aix prêterent ferment de fidelité.
entre les mains de S. M.
•
Le même jour , S. M. accorda à la Ducheffe
SEPTEMBRE . 1729. 2039
cheffe de Ventadour la furvivance de la
Charge de Gouvernante des Enfans de
France , pour la Ducheffe de Tallard , fa
petite- fille . Le Roi qui n'a jamais oublié
tous les foins que la Ducheffe de Ventadour
a pris de S. M. accompagna cette
grace des marques les plus tendres des fentimens
qu'il a pour elle , & lui fit l'honneur
de l'embraffer.
Le 6. la Ducheffe de Talard prêta ferment
de fidelité
pour cette Charge entre
les mains du Roi.
Le 6. Septembre , M. l'Archevêque de
Paris prit poffeffion de fa nouvelle Dignité
, avec les Cerémonies accoutumées , &
contenues dans le Mémoire qui ſuit .
Le jour marqué pour la prise de poffeffion
de M. l'Archevêque de Paris , le
Chapitre s'affemble , aprés la lecture des
Bulles faite en Chapitre , on députe quatre
perfonnes du Corps pour aller avertir
M. PArchevêque & l'accompagner au
Chapitre.
M. l'Archevêque étant entré au Chapitre
en Rochet & Camail , prête ferment
fur les Saints Evangiles de conferver les
droits du Chapitre , puis eft conduit par
M. le Doyen à l'Eglife Cathedrale
M. le Doyen le mene à la Chapelle de
S. Denis , du côté gauche de la Croisée
où étant arrivé , il prend l'habit Canonial
2040 MERCURE DE FRANCE .
nial d'Hyver , c'eft -à - dire , la Chappe
& le Camail long , qui eft l'habit ordinaire
pour toutes les Prifes de poffeffion
dans l'Eglife Cathedrale.
M. l'Archevêque eft conduit enfuite
par M. le Doyen au grand Autel du Choeur
auprès duquel il ſe met à genoux & fait
La priere ; puis après être monté à l'Autel
& l'avoir bailé , il cft mené près de fon
Thrône Epifcopal , fur lequel monte d'abord
M. le Doyen , & s'y affied pendant
quelque tems , puis il y fait monter &
affeoir le Prélat .
M. le Doyen va à fa place ordinaire entonner
le Te Deum , & dire enfuite les
Oraifons accoutumées , après lefquelles
M. l'Archevêque , du Trône Epifcopal ,
donne la Benediction au Peuple , laquelle
eft fuivie de la lecture publique des Bulles,
faite au Jubé par M. le Theologal .
Apres toutes ces Cerémonies M l'Archevêque
va à la Sacriftie quitter fon ha
bit Canonial , & eft conduit en Rochet
& Camail par le Chapitre à l'Officialité ,
& y prend féance .
On y plaide une Caufe qui eft jugée
par M. l'Archevêque. Il nomme enfuite
les Officiers de l'Officialité qu'il a choifis
fçavoir , l'Official , le Vice- Gerent & le
Promoteur , qui fur le champ prêtent le
Serment ordinaire entre les mains.
Enfaite
SEPTEMBRE. 1729. 2041
Enfuite M. l'Archevêque eft accompagné
par le Chapitre en fon Palais Arche
pifcopal , où M. le Doyen lui fait une Ha
rangue , à laquelle répond M. l'Archevê
que ; puis il reconduit le Chapitre.
Le 8. de ce mois il y eut Concert Spirituel
au Château des Thuilleries , les Abbés
du Cros & Benoît y chanterent un petit
Motet , qui fit beaucoup de plaifir. La
Dile Erremens en chanta un autre de la
compofition de M. le Maire , qui n'en fit
pas moins , & après plufieurs Piéces de
Symphonie , le Concert fut terminé par le
Cantate Domino , Moret de M. de la Lan-,
de , dans lequel la Die le Maure chanta ,
à fon ordinaire , avec beaucoup de jufteffe.
Le 14. & le 21. il y eut Concert Fran
çois,on chanta un Divertiffement à grand
Choeur , intitulé Les Sauvages , qui fur
Très applaudi ; il eft de la compofition de
M. Campra. La De le Maure chanta la
Cantate d'Andromed: & Perfée , mife en
mufique par M. Mouret . On finit par le
Motet, Domine, in virtute tua , qui eſt toujours
très gouté ; il eft de M. Gomay.
Le 9. la Lotterie pour le rembourſement
des Rentes de l'Hôtel de Ville fut
tirée en prefence du Prevôt des Marchands
& des Echevins , en la maniere
accoutumée. Le fonds de ce mois s'eft
trouvé
2042 MERCURE DE FRANCE .
livres , laquelle a été diftribuée aux Rentiers
, pour les lots qui leur font échus
conformément à la lifte generale qui a été
rendue publique. Le lot le plus confiderable
de ce mois , qui eft de 18000. livres
eft échu au Numero 446198. fans
Devife.
Le Roi a nommé Avocat General au
Parlement M. Chauvelin , Confeiller au
Parlement , fils de feu M. Chauvelin ?
qui mourut au mois d'Août 1715. après
avoir exercé cette Charge avec une grande
réputation .
La Reine qui eft parfaitement rétablie
de fes couches , a commencé depuis quel
ques jours à voir les Seigneurs & Dames
de la Cour , & le 20. S. M. reçut les
complimens des Ambaffadeurs & Minif
tres Etrangers .
M
***
MORTS.
R. Henri Jofeph de la Garde , Com
te de Chambonas , Chevalier de
l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis ,
Lieutenant de Roi de la Province de Languedoc
, & Premier Gentilhomme du
Duc du Maine , mourut à Sceaux le 31 .
du mois dernier , âgé de 33. ans .
Dame
SEPTEMBRE . 1729. 2043
Dame Elifabeth Marguerite Bouthillier
de Chavigni , Abbeffe de l'Abbaye des
Clairets , Ordre de S. Bernard , Diocéfe
de Chartres , mourut dans cette Abbaye
le 1. de ce mois , dans la 62. année de
fon âge. Elle avoit fuccedé à la Dame de
Valençay qui en étoit Abbeffe lorfque le
feu Abbé de Rancé y établit la même reforme
que dans l'Abbaye de la Trappe.
M. Hilaire Roüillé du Coudrai , Confeiller
d'Etat ordinaire , cy - devant Directeur
General des Finances , mourut à
Paris le 4. de ce mois , dans la 78. année
de fon âge .
M. Charles Maurice de Montezun-
Bufca , Baron de Rian , Lieutenant des
Gardes du Corps du Roi , Brigadier des
Armées de S. M. Gouverneur des Ville
& Château d'Aiguemortes , mourut le s .
de ce mois , âgé de 53. ans.
Dame Nicole Lydie de Beringhen ,
Epoufe de M. Hubert de Courtavel
Marquis de Pezé , Maréchal des Camps
& Armées de S. M. Meftre de Camp ,
Lieutenant du Régiment du Roi Infanterie
, Gouverneur des Ville & Château
de Rennes , & des Châteaux de la Muette
& de Madrid , & Capitaine des Chaffes
du Bois de Boulogne , mourut à Paris le
6 dans la 26. année de fon âge.
,
D. Marie Henriette Françoife Therefe
Boifchot ,
2044 MERCURE DE FRANCE :
Boifchot , née Comteffe d'Erps , native
de Bruxelles , Epoufe de M. Antoine
Marie , Comte de Carteli , cy - devant Maréchal
des Camps & Armées du Roi de
Pologne , Electeur de Saxe , & Capitaine
d'une Compagnie de fes Gardes du
Corps , mourut à Paris le 13. Septembre
âgée de 24. ans.
Le 17. de ce mois , Dame Marie Adelaïde
Favieres , Epoufe de Jean François
de Billy , Chevalier , Seigneur de Villeterre
, Romefnil , Bachaumont & c . Meftre
de Camp de Cavallerie , Chevalier de
l'Ordre de S. Louis & de S. Lazare ,
Premier Gentilhomme du Comte de Clermont
, mourut à Paris , âgée de 2 2. ans.
J
LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
O D E.
E vois les Nimphes du Permeffe
Se livrer aux plus doux tranfports,
Et d'une Lire enchantereffe
J'entends les plus touchans accords.
Je vois l'Amante de Céphale ,
Qui
SEPTEMBRE . 1719. 2045
Quifur la Rive Orientale
Répand les fleurs à pleines mains ;
Tout rajeunit dans la Nature ;
Jamais un plus charmant augure.
Ne flata le coeur des humains .
Une Divinité brillante.
Defcend du celefte féjour .
Eft- ce vous , Minerve fçavante ?
Eft- ce vous , Mere de l'Amour ?
Non , c'eſt l'adorable Lucine ,
Qui vient de la bonté divine
Apporter le gage en ces lieux ;
» Vois- tu l'enfant qui vient de naître
» Me dit- elle , il te fait connoître
33 Quelle eft la tendreffe des Dieux,
M
A ces mots la Terre eft émuë ,
Son fein s'ouvre , il produit des Lys.
O Ciel ! en croirai-je à ma vûë ,
J'apperçois les traits de Louis ;
O précieuſe Reffemblance !
C'eſt le Dauphin , de qui la France
Attend fa gloire & fon bonheur.
Quand tu me prêterois ta Lire ,
Apollon , pourois-je décrire
Tous les mouvemens de mon coeur ?
Le
2046 MERCURE DE FRANCE:
Le fameux Fils de Calliope ,
Jamais dans un antre écarté
Ou d'Helicon , ou de Rodope
Ne fe fentit plus transporté.
Si je m'abandonne à la flamme
Dont l'ardeur penetre mon ame ,
Je vais ébranler ces côteaux ;
Ces Pins defcendront dans la Plaine.
Déja le Fleuve de la Seine
Pour m'entendre arrête fes eaux.
Accourez, Nimphes fortunées ,
Venez danfer autour de moi ;
Venez , de Mirte couronnées ,
Chanter le fang du plus grand Roi.
Faunes , fortez de vos Retraites
Et dans de tendres chanfonnetes
Celebrez ce Regne fi doux ,
Où dans un même pâturage
>
Les Agneaux , fans craindre leur Rage ,
Ofent jouer avec les Loups.
Ne craignez plus que fur la Terre
L'on entende le bruit affreux
Des Clairons du Dieu de la Guerre ;
Lui-même , il reſpecte vos jeux.
Ici fans trouble , fans allarmes ,
Vous
SEPTEMBRE . 1729. 2047.
Vous pouvez goûter tous les charmes
De l'innocence & du repos ;
Et du nom d'un fage Miniftro ,
A Bellone toujours finiftre ,
Faire retentir les échos.
潞
C'eſtpar fes foins qu'on voit l'Olive
Croître à l'ombre de nos Lauriers ,
Sa fageffe qui les cultive
Eft refpectable à nos Guerriers.
Son nom au Temple de la gloire ,
Par les neuf Filles de mémoire
Doit être à jamais confacré ;
Il fait refleurir nos Campagnes .
Dans nos vallons , fur nos montagnes ;
Qu'il foit à jamais reveré.
M
Regardez comme l'abondance
Et la Paix marchent fur fes pas ;
Voyez le calme & l'affurance
Qu'il ramene fous nos climats
Sa Piété tendre , agiſſante ,
Sa priere vive & fervente ,
De l'Eternel flechit le coeur,
Et fur les crimes de la terre ,
Quand il fait gronder fon Tonnere ,
Elle arrête ſon bras vengeur.
Mais
2048 MERCURE DE FRANCE.
Mais déja le flambeau du monde.
Fait place aux ombres de la Nuit ;
Le Soleil eft rentré dans l'onde ,
Quel eft donc l'Aftre qui nous luit ?
C'est le DAUPHIN qui nous éclaire :
Son influance falutaire
Produit les Jeux & les Amours ;
O bel Aftre , dans ta carriere ,
A la France , à l'Europe entiere
Que tu vas donner de beaux jours !`
W
Augufte Roi , puiflante Reine ,
Glorieux appuis des beaux Arts ;
Sur ces Vers ,' Enfans de ma veine ,
Daignez arrêter vos regards.
J'ofe celebrer votre ouvrages
Un coeur François dans cet hommage
Doit trouver fa felicité.
Là , je bornę mon eſperance ;
Mon Prix ... je l'ai reçû d'avance
Dans le DAUPHIN que j'ai chanté..
Le Chevalier Delatouche.
COUCHES DE LA REINE.
L
E Roi , toute la France , & on peut
dire toute l'Europe , attendoient avec
la plus vive impatience les Couches de
la
SEPTEMBRE . 1729. 2049
la Reine , qui déja mere de trois Princeffes
, vient de combler nos voeux par
Pheureufe Naiffance de Monfeigneur le
DAUPHIN .
Nous n'entreprendrons pas d'exprimer
ici les tranfports de joye de la Cour , de
la Ville & de toutes les Provinces du
Royaumes cela feroit trop difficile. Mais
nous tâcherons de n'oublier aucun fait ,
afin qu'on puiffe juger des fentimens tendres
& refpectueux des François pour
leur Roi .
La Reine étant fort avancée dans le
neuvième mois de fa groffeffe , fentit le
3. de ce mois fur les onze heures du foir
quelques douleurs qui firent croire que
S. M. alloit accoucher , mais ces douleurs
ayant diſcontinué , les Princes & les Princeffes
du Sang qui s'étoient rendus auprès
de la Reine , fe retirerent & S. M.
prit un peu de repos , continuellement
obfervée par tous les Officiers de fanté &
particulièrement par M. Payrat , qui devoit
l'accoucher , & qui vient d'avoir cet
honneur pour la troisième fois.
•
Le 4 à deux heures du matin , la
Reine commença à fouffrir beaucoup ; &
le Roi s'étant levé , on envoya avertir les
Princes & les Princeffes du Sang , le Cardinal
de Fleury , le Chancelier de France
& le Garde des Sceaux , qui ſe rendirent
fe
F * auf
2050 MERCURE DE FRANCE.
auffi - tôt dans la Chambre de la Reine
dont l'Appartement fut dans l'inftant rempli
des Seigneurs & Dames de là Cour.
La Reine fentit de grandes douleurs pendant
une heure & demie , & à trois heures
40. minutes du matin S. M. accoucha
heureufement d'un Prince , dont la
fanté & la force donnent de grandes efperances
pour de longs jours .
Le Roi qui n'avoit point quitté la Reine
pendant fes douleurs,& qui lui avoit donné
des marques continuelles de fa tendreffe,
parut dans le moment de la naiffance de
Monfeigneur le DAUPHIN , touché de la
plus vive joye ; & toutes les perfonnes qui
étoient dans la Chambre ou dans l'Appartement
de la Reine , en apprenant cette
grande nouvelle , firent paroître leur
amour pour le Roi , & la fincerité de
leurs voeux pour la fatisfaction de Leurs
Majeftez.
Auffi-tôt que Monfeigneur le DAUPHIN
fut né , il fut mis dans un lange & porté
auprès du feu ; enfuite il fut ondoyé par le
Cardinal de Rohan , Grand Aumônier de
France, en préfence du Curé de la Paroiffe
de Verfailles ; le Roi affifta à cette Cerémonie,
après laquelle le Prince nouveau-né
fut emmaillotté par... & enfuite la Duchef-
Le de Ventadour, Gouvernante des Enfans
de France , accompagnée des trois Sous-
Gou
SEPTEMBRE. 1729 2055.
Gouvernantes , porta Monfeigneur le DAU
PHIN dans l'Appartement qui lui avoit
été préparé. Dans le moment le Roi dit
au Duc de Villeroy , Capitaine des Gardes
du Corps en quartier : Duc de Ville
roy , conduisez le DAUPHIN ; c'est le
feul cas où mon Capitaine des Gardes
peut me quitter.
Quand Monfeigneur le DAUPHIN
fut arrivé dans fon Appartement , où
les perfonnes deſtinées à le fervir le trou
verent , le Marquis de Breteüil , Commandeur-
Prévôt & Maître des Ceremo
nies des Ordres du Roi , lui porta le Cora
don & la Croix de l'Ordre du S. Esprit ,
que la Ducheffe de Vantadour lui mit
& qui ne lui avoient point été donnez
dans la Chambre de la Reine , parce que
le Roi , par attention pour la fanté de
S.M. n'avoit pas voulu qu'elle pût appren
dre trop tôt qu'elle étoit accouchée d'un
Prince le Marquis de Breteuil fit cette
fonction à caufe de l'abfence du Grand-
Tréforier.
Le Roi fortit de l'Appartement de la
Reine vers les quatre heures & demie
& en rentrant dans le fien , S. M. envoya
M. le Foüin , l'un de fes Gentils - hommes
ordinaires , à Chambord , porter au Roi
Staniſlas & à la Reine fon Epoufe , la
nouvelle de l'heureux accouchement de
G la
P
1044 MERCURE DE FRANCE.
la Reine & de la Naiffance de Monfei
gneur le Dauphin ,
Le Garde des Sceaux , Miniftre & Se
cretaire d'Etat , ayant le département des
affaires étrangeres , étant rentré chez lui ,
dépêcha des Couriers extraordinaires aux
Ambaffadeurs & aux Miniftres du Roi
dans les Cours Etrangeres , pour leur ape
prendre cette grande nouvelle , & tous
ces Couriers partirent à cinq heures &
demie du matin. On envoya auffi en faire.
part aux Ambaffadeurs , aux Miniftres
Etrangers & aux Ambaffadeurs Plenipotentiaires
qui font en cette Ville.
>
Dès qu'on fçut à Versailles que la Reineétoit
accouchée d'un Prince , les Cours
du Château & toute la Ville , retentirent.
des plus grandes acclamations de joye ,
& elles le renouvellerent avec plus de
vivacité fous les fenêtres de l'Apparte
ment du Roi , lorfque S. M. fut éveillée ,
Tous les Seigneurs de la Cour, les Chefs
des Compagnies Superieures & les perfonnes
de confideration , s'emprefferent
d'aller à cette occafion rendre leurs refpects
au Roi , qui reçut avec bonté les
marques que chacun cherchoit à lui don
ner de la joye. S. M. alla à midy entendre
la Meffe , pendant laquelle on chanta le
Te Deum en action de graces de la Naiffance
de Monſeigneur le Dauphin.
M.
SEPTEMBRE. 1729 2053
M. de Blamont , Sur- Intendant de la
Mufique du Roi , fit chanter fon Te Deum,
qui fut executé avec beaucoup de fuccès
& d'applaudiffemens. Il le fit auffi chanter
le même jour à la Paroiffe de Verfailles
par Mrs de la Mufique du Roi , avec
autant de fuccès & une execution auffi
parfaite.
L'après midy , le Roi reçut les compli
mens de S. A. R. Madame la Ducheffe
Orleans , des Princeffes du Sang & des
Dames de la Cour , & après le falut ;
S. M. paffa dans fa Chambre , où elle vit
les Ambaffadeurs & les Miniftres Etran
gers , qui fans avoir attendu qu'on leur
eût fait part de la Naiffance de Monfei
gneur le DAUPHIN , s'étoient rendus à
Verfailles dès le matin pour complimen
ter le Roi fur cette heureufe Naiffance
dont ils paroiffent auffi contens que les
Sujets de S. M.
Le Roi alla plufieurs fois chez la Rei
ne pendant la journée , & il alla auffi voir
Monfeigneur le DAUPHIN. Le foir après
le fouper de S. M, on tira dans l'Eſpla
nade qui eft entre la grande Grille & les
Ecuries , une grande quantité de Fufées
& un Feu d'artifice auffi beau que le peu
de temps qu'on avoit eu pour le préparer
put le
permettre ; & ce Feu fut acompagné
d'une grande Illumination , formée
Gij par
2054 MERCURE DE FRANCE .
par des Girandoles de lumiere & une
grande quantité de Terrines ; il y eut en
même temps dans toutes les rues de Ver.
failles , des Illuminations , des Feux &
toutes les autres marques de la plus grande
joye
.
Les Prévôt des Marchands & Echevins,
pleins d'ardeur & de zele , s'étoient renduş
à l'Hôtel de Ville à une heure après
minuit , c'est -à - dire auffi-tôt qu'ils eurent
appris par un Exprès de M. le Contrôleur
General & par un Page du Duc de Gefvres,
que la Reine avoit fenti quelques douleurs
. Ils reçurent la grande nouvelle de la
Naiffance de Monfeigneur le Dauphin
par le Comte de Saugeon , Enfeigne des
Gardes du Corps , qui fert actuellement
auprès de la Reine , & que le Roi avoit
envoyé pour en donner part au Corps de
Ville, qui lui fit prefent d'une Tabatiere
d'or , enrichie de diamans , après qu'il eut
remis fa Lettre de Cachet . Il arriva à
l'Hôtel de Ville vers les cinq heures du
matin , & dans le moment , les Prévôt
.des Marchands & Echevins , allerent au
Parlement , & à leur retour ils firent annoncer
à toute la Ville une fi heureuſe
nouvelle par le bruit du Canon , des Boëtes
& par la Cloche de l'Hôtel de Ville
-qui a fonné , fuivant l'uſage , pendant
trois jours & trois nuits , ainfi que celle
du
SEPTEMBRE . 1729. 2055
du Palais ; qui commença à fonner en
même temps. On entendit auffi le Canon
de l'Hôtel Royal des Invalides , & avant
fept heures les acclamations du Peuple
fe firent entendre dans les rues & dans la
Place de Gréve , qui fut bien - tôt remplie
de gens de tous états , les uns pour s'affu
rer de la verité de cette grande nouvelle ,
& tous pour en marquer leur joye.
Le Marquis de Brezé , Grand - Maître
des Ceremonies , en furvivance du Marquis
de Dreux fon Pere , arrivá à huit heures du
matin à l'Hôtel de Ville , & il y apporta les
Ordres du Roi , fuivant lefquels les Prévôt
des Marchands & Echevins commencerent
à ordonner les réjoüiffances pour la
Naiffance de Monfeigneur le DAUPHIN .
41
La nouvelle n'en fut pas plutôt répanduë
dans la Ville par le bruit du Canon
& des cloches , & par les differens Couriers
qui étoient arrivez de Verſailles ,
que la joye publiqué éclata , & qu'on entendit
par tout des cris réiterez de VIVE
LE ROY , VIVE LA REINE , VIVE
MONSEIGNEUR LE DAUPHIN : ces .
acclamations durerent tout le jour , elles
furent encore plus grandes le foir pendant
les Illuminations & les Feux qui
furent faits devant toutes les maifons ,
ce qui fut continué pendant toute la nuit.
Le foir de ce même jour 4. Septembre
Giij
९
1
2056 MERCURE DE FRANCE :
à fept heures du foir , il y eut une autre
décharge du Canon & des Boëtes de la
Ville & un Feu de bois dans la Place de
Gréve , qui fut allumé par le Corps de
Ville , avec les mêmes ceremonies obfervées
au Feu de la Fête S. Jean- Baptiſte. Le
Prévôt des Marchands jetta de l'argent
au peuple , & pendant le Feu on fit dif
tribuer du Pain , de la Viande & des Cervelats
au Peuple , pendant que quatre Fontaines
de vin couloient dans la Place de
Gréve ; & ce n'étoit pas la denrée qui
avoit le moins de débit.
A neuf heures on fit une autre déchar
ge de Canon & de Boëtes , & toute la
façade de l'Hôtel de Ville fut illuminée de
la maniere qu'on dira bien- tôt.
Cependant les Magiftrats toujours attentifs
& zelez ,firent paroître dès lemêmejous
4. Septembre , divers Reglemens ; fçavois
une Ordonnance du Prévôt des Marchands
& Echevins , qui enjoignoit à tous
les Bourgeois & Habitans de la Ville de
Paris , de faire des feux devant leurs por
tes & des illuminations devant leurs maifons
pendant trois jours pour l'heureux
accouchement de la Reine & pour la
Naiffance de Monfeigneur le DAUPHIN .
ORSEPTEMBRE.
1729 : 205Ť,
ORDONNANCE de Police , qui
regle ce qui doit être obfervé par les
Habitans de Paris , pour prévenir les
Incendies pendant le temps que dureront
Les Réjouiffances publiques , à cause de
la Naiffance de Monfeigneur le DAʊ-
PHIN .
Ur ce qui Nous a été remontré par le Pro-
Scureur Roy,aété mon unparccalion
auffi importante que celle de la Naiffance du
Dauphin , les Citoyens de cette Ville entierement
occupez du foin de marquer leur zele
& d'exprimer par des réjouiffances publiques,
toute la joie dont ils font penetrez , ne manqueront
pas de negliger ce qui intereffe leurs
biens , & même leur propre confervation ;
Que les Peuples de cette Capitale du Royaume
accoûtumez à fignaler leur fidelité & leur
' attachement refpectueux pour leur Souverain
, fouffriroient , à la verité , avec peine ,
" que dans un fi grand évenement on mît quefques
bornes aux juftes témoignages de leur
fenfibilité mais qu'en y applaudiffant , il eft de
notre miniftere de prévenir les accidens que
leur extrême fatisfaction leur cachera , & qui
Cependant font prefque toujours les fuites dès
réjouiffances publiques ; Enfin que les incendies
dont il veut parler , font d'autant plus à
craindre dans ces occurrences , que le dedans
des maiſons ceffe d'être occupé, & que les Fufées
& autres Feux d'artifice peuvent penetrer
dans les caves , dans les boutiques , & même
jufques aux greniers . Sur quoi nous ordonnons
à tous Proprietaires & Locataires de maifons,
de faire fermer & boucher exactement les fe-
G iiij nêtres
2018 MERCURE DE FRANCE .
3
nêtres , lucarnes , yeux de boeufs , & genera
lement toutes les ouvertures des greniers des
maifons à eux appartenantes , ou par eux occupées
, foit que lefdits greniers foient vuides
ou remplis , comme auffi de fermer les fenêtres
& portes des chambres , remiſes , hangards
& écuries , de même que les foupiraux
& ouvertures des caves caveaux & autres
endroits dans lefquels il y aura de la paille , du
foin , du bois , des tonneaux ; du ſuif & autres
matieres combustibles , lefquels endroits
refteront fermez & bouchez pendant & fi long
temps que dureront les Réjouiffances publiques
, à peine de deux cens livres d'amende
Contre les contrevenans. Ordonnons en outre
aux Marchands Epiciers pendant ledit temps ,
de fermer leurs boutiques à fix heures préciſes
du foir , & de n'en laifler ouvert que la porte
feulement , & aux Grainiers & Chandeliers ,
de retirer à la même heure les bottes de foin
& de paille qu'ils ont coutume d'étaler en dehors
de leurs boutiques . lefquelles feront
pareillement fermées à fix heures du foir , &
ce fous la même peine de deux cens livres d'a
mende , & c.
AUTRE Ordonnance du 5. Septembre:
Sure
Ur ce qui Nous a été remontré par le Procureur
du Roy , que par Arreft du Parlement
il vient d'être ordonné à tous les Marchands
de cette Ville , de tenir leurs Boutiques
fermées aujourd'huy toute la journée , demain
toute la matinée , à caufe de la Proceffion folemnelle
, & Mercredy après midy , jour que
fera chanté le Te Deum , & que les Feux &
Illuminations continueront pareillement aujourd'huy
, demain & Mercredy : Qu'il eft
d'autant
SEPTEMBRE . 1719, 2059
d'autant plus de notre miniftere de tenir la
main à l'execution de cet Arreft , que la Naiffance
du DAUPHIN qui y donne lieu , fait
l'objet de l'attention & de la joie de tous les
Habitans de cette Capitale's; Que jamais occafion
ne fut plus importante à leur bonheur ,
& que ce grand évenement merite en effet les
marques les plus éclatantes de la refpectueufe
fenfibilité que les François portent au fond du
coeur pour leur Souverain. Nous , faifant droit
fur le requifitoire du Procureur du Roy , ordonnons
que l'Arreft du Parlement de ce jour
fera executé felon fa forme & teneur , Et en
confequence que tous les Bourgeois & Habitans
de cette Ville ſeront tenus d'allumer des
feux devant leurs portes , & d'illuminer leurs
fenêtres aujourd'huy , demain , & Mercredy
prochain ; Et que tous les Marchands tiendront
leurs boutiques fermées aujourd'huy
toute la journée , demain jufqu'à midy , &
Metcredy après midy , & c.
AUTRE Ordonnance du Prevost des
Marchands & Echevins , du 6 , Sept.
Left enjoint , oüi & ce requerant le Procu-
Ire dupiny 2 oud ce requerantles
geois & Habitans de cette Ville , de faire des
Feux devant leurs portes , & des Illuminations
devant leurs Maifons , demain Mercredy
7. du prefent mois , jour auquel fera tiré un
Feu d'artifice devant l'Hôtel de Ville , que le
Roy honorera de fa prefence , en réjouiffance
de l'heureux Accouchement de la Reine , &.
de la Naiffance d'un Dauphin ; à l'exception
des Maiſons fifes fur le Quay Pelletier , dès
ruës des Arcis , des Lombards , de la Feronnerie
, & S. Honoré , juſqu'à la Porte de ce
Gv nom ,
1060 MERCURE DE FRANCE:
nom , devant lefquelles il ne fera point fait
de Feux , à caufe que Sa Majefté y paffera ,
& c.
Les Princes du Sang , les Miniftres &
des Seigneurs de la Cour fe font diftinguez
par les marques qu'ils ont données
de leur joye , & ils ont fait mettre des
Fontaines de vin devant leurs Hôtels qui
ont été magnifiquement illuminez , ainfi
que ceux des Ambaffadeurs & Miniftres
Etrangers.
Les grandes démonftrations de la joye
publique ont continué les trois jours ſuivans
, pendant lefquels les Boutiques ont
été fermées Les foirs , les illuminations
ont recommencé partout .
Les Prévôt des Marchands & Echevins
, ont fait fortir un grand nombre de
Prifonniers pour dettes.
Le premier foin du Roi après la Naiffance
de Monfeigneur le Dauphin , ayang
été rendre à Dieu de folemnelles actions
de graces de la nouvelle marque qu'il
vient de recevoir de fa protection ,
le
Mercredi 7. de ce mois , fut indiqué pour
chanter un Te Deum , dans l'Eglife Métropolitaine
, & l'Archevêque de Paris
reçût là - deffus les ordres de S.M. Le Marquis
de Brezé, Grand Maître desCeremo -
nies ,en furvivance du Marquis de Dreux,
alla le même jour inviter les Compagnies
Supericures
SEPTEMBRE . 1729 2061
"
Superieures de s'y trouver, & il leur remit
les Lettres de Cachet à ce fujet . Le Roy
ayant voulu en même temps témoignér
à fon Peuple que S. M. eft fatisfaite des
preuves qu'il a données de fa joye & de
fon amour pour fa Perfonne , déclara
qu'après le Te Deum , il viendroit fouper
à l'Hôtel de Ville & qu'il honoreroit de
fa prefence le Feu d'artifice préparé devant
cet Hôtel . Les Prévôt des Marchands
& Echevins en ayant été informez , ordonnerent
tous les préparatifs neceffaires
pour recevoir S. M.
LETTRE DU ROY, à M. l'Archevêque
de Paris , pour faire chanter
le Te Deum , en action de graces de la
Naiffance de Monfeigneur le Dauphin.
On Coufin , de toutes les graces qu'il a
Mplà à Dieu de répandre fur moi depuis
mon avenement à la Couronne , celle qu'il
m'accorde aujourd'hui par la naiffance d'un
Fils , dont la Reine ma très chere Epoufe &
Compagne vient d'être heureufement délivrée
, eft la marque la plus vifible que j'aye
encore reçuë de fa Protection . J'y fuis d'autant
plus fenfible , qu'en comblant mes voeux
& ceux de mes Peuples , elle affure le bonheur
de mon Etat : c'eft dans les fentimens
de la jufte reconnoiffance que j'ai d'un évene
ment fi avantageux , que je crois ne pouvoir
trop-tôt rendre à la Divine Providence les
Actions de graces qui lui en font dûës ; & je
G vj Vous
2062 MERCURE DE FRANCE .
Vous fais cette Lettre pour vous dire que
mon intention eft que vous faffież chanter le
Te Deum en l'Eglife Metropolitaine de ma
bonne Ville de Paris , au jour & à l'heure
que le Grand- Maître ou le Maître des Ceremonies
vous dira de ma part ; & que vous
ordonniez une Proceffion generale , & les autres
Prieres publiques accoûtumées en pareilles
occafions. Sur ce , je prie Dieu qu'il vous
ait , mon Coufin , en fa fainte & digne garde.
Ecrite à Vetfailles le quatre Septembre 1729 .
Signé , LOUIS ; & plus bas PHELYPEAUX .
Et au dos eft écrit : A mon Coufin l'Archechevêque
de Paris , Pair de France , Commandeur
de mon Ordre du S. Efprit.
MANDEMENT du Cardinal de Biffy,
Abbé Commandataire de l'Abbaye de
S. Germain des Prez , Immediate au
S. Siege , &c. du s . Septembre .
Hae Yute confolation vient enfm d'accom
Enry de Thiard de Biffi , & c.Salut. Le Dieu
plir les defirs du coeur du Roy ; il a cedé à la
fainte violence que lui ont faite les voeux
réunis de tout le Royaume , il nous a accordé
un Dauphin. Ainfi fe verifie l'Oracle de l'Ecriture
: Que la pofterité de celui qui craint
le Seigneur fera puiffante fur la terre , & que
la race des Juftes fera benie. Réjouiffons - nous
donc , mes très- chers Freres , faifons éclater
notre joie , que les Temples facrez retentiffent
de nos Cantiques de loüange & d'actions de
graces. Mais prions en même temps l'Auteur
de tout bien de continuer à notre Auguſte
Reine fes divines faveurs , & de la combler
de fes benedictions : Prions-le que touché de
la
SEPTEMBRE . 1729. 2063
la plus vive reconnoiffance dont nous fommes
penetrez pour le bienfait que nous en avons
reçû , il nous en accorde un autre qui n'eft
pas moins précieux : qu'il conferve les jours
du Prince qu'il nous a donné , & qu'il répande
dans ce jeune coeur les premieres femences
de ces grandes vertus , qui dans nos Rois font
depuis une longue fuite de fiecles l'appui du
Trône , la terreur des ennemis , la gloire de
l'Eglife , & la felicité des Peuples.
A ces caufes , Jeudy prochain , jour de la
Nativité de la fainte Vierge , à l'iffuë des Vefpres,
on chantera dans l'Eglife de notre Abbaie
de S. Germain des Prez le Te Deum , le Pfeaume
Exaudiat , l'Oraiſon Pro Gratiarum Actione
& l'Oraifon pour
le Roy , &c. 3
MANDEMENT de M. l'Archevêque
de Paris , du 6. Septembre , qui
crdonne une Proceffion generale , pour
la naiffance de Monfeigneur LE
DAUPHIN.
CHA
>
HARLES GASPAR-GUILLAUME DE VINTIMILLE
DES COMTES DE MARSEILLE DU
Luc , Archevêque de Paris , Duc de Saint
Cloud , Pair de France , Commandeur de l'Or
dre du Saint Efprit , &c. A tous les Fidéles de
notre Diocéfe Salut & Benediction. Au
milieu des tranfports de joye que la naiffance
d'un DAUPHIN infpire à tout le Royaume ,
qu'il eft confolant pour nous , mes très chers
Freres , à l'entrée de notre Pontificat , & la
premiere fois que nous faifons entendre notre
voix dans ce Diocéfe , d'avoir à rendre
graces à Dieu d'un évenement qui affure le
bonheur
2064 MERCURE DE FRANCE .
bonheur de la France & la tranquillité de
l'Europe !
Vous fçavez que le bien ineftimable qui
nous eft accordé aujourd'hui , étoit le grand
objet des defirs du Roi , des voeux de tous
fes Sujets , & des Prieres ferventes qu'une
pieufe Reine , profternée aux pieds des Autels
, redoubloit tous les jours * comme la mere
de Samuel dans le faint Temple , avec des
fentimens de Religion capables de tout obtenir
.
Après une grace fi intereffante , que nous
refte - il à demander au Seigneur ? finon qu'il
conferve le Prince que nous regardons comthe
un gage éclatant de la protection fingu
liere de Dieu fur ce grand Royaume qu'il
faffe jouir d'une fanté parfaite une Reine refpectable
par les vertus , & fi précieu fe à l'Etat
par fon heureufe fecondité ; que pour notre
bonheur , & pour l'inftruction de Monfeigneur
LE DAUPHIN , il prolonge les jours
du Roi au- delà des plus longs jours des Rois
qui l'ont precedé , afin que comme un autre
David , tout occupé de former un Salomon ,*
il apprenne par fon exemple à l'Heritier de
fa Couronne à fervir le Dieu de fes Peres
avec un coeur parfait , & à garder les faintes
Loix avec conftance , & qu'il puiffe dans un
Regne également long & glorieux lui infpirer
les maximes importantes & falutaires que
faint Auguftin propofe à tous les Rois de la
Terre , & qu'une éducation chrétienne a gravées
dans le coeur de SA MAJESTE'. * Les
Rois ne font heureux , dit ce faint Docteur ,
* Lib. 1. Reg. cap. I. v. 1-2 .
1. Paralipom . c. 28. v. 9 , C. 29. 7% 19.
S. Auguft.l. s. de Civit . Dei, c. 24.
див
SEPTEMBRE. 1729. 2065
que lorfqu'ils gouvernent avec sageffe & aves
juftice , qu'ils s'employent à proteger l'Eglife ,
à faire refpecter la Religion , & à étendre le
culte de Dieu , cette autorité fuprême qu'ils
tiennent de lui ; qu'ils temperent par une conduite
pleine de clemence & de douceur les
exemples defeverité qu'ils font quelquefois dans
la neceffité de donner ; qu'au milieu des hommages
de leurs Sujets & des applaudiſſemens
de leurs Courtisans , ils fe fouviennent toujours.
qu'ils font hommes , & qu'ils fe croyent d'autant
plus obligés de reprimer leurs paffions s
qu'ils ont plus de liberté de les fàtisfaires
A ces caufes , après en avoir conferé avec
nos Venerables Freres les Doyen , Chanoines
& Chapitre de notre Eglife Metropolitaines
nous ordonnons que Dimanche onzième du
prefent mois , jour auquel l'après - midi nous
ferons avec le Chapitre & le Clergé de notre
dite Eglife , la Proceffion folemnelle pour la
naiffance de Monfeigneur le DAUPHIN , accou
tumée en pareil cas ; les Eglifes & les Chapitres
qui de droit ou de coutume fe trouvent
à la Proceffion de l'Afcenfion , y affilteront.
Que toutes les Eglifes Paroiffiales , Commu
nautés Seculieres & Regulieres de la Ville
& Fauxbourgs de Paris , exemtes ou non
exemtes , viendront proceffionnellement ledit
jour onze du prefent mois à notre Eglife
Metropolitaine , depuis fept heures du matin
jufqu'à midi , pour remercier Dieu de
l'heureufe delivrance de la Reine , de la Naif
ance de Monfeigneur LE DAUPHIN , &
prier pour la confervation des Perfonnes Sacrées
de leurs Majeftés , & du Prince qui vient
de naître. Que lefdites Paroißes & Communautés
retourneront enfuite dans leurs Eglifes
pour y celebrer une Meffe folemnelle , & chan-
"
ter
2066 MERCURE DE FRANCE :
1
.
ter le Te Deum , en actions de graces . Ordon
nons autfi que dans toutes les Abbayes , Chapitres
, Paroiffes & Couvents de notre Diocéfe
, hors la Ville & Fauxbourgs de Paris , il
fera chanté une Meffe folemnelle , & le Te
Deum en actions de graces le Dimanche après
la reception de la prefente Ordonnance. Si
mandons & c.
5.
la
Dès le 23. Août l'Abbé de Ste Geneviéve
fit un Mandement , par lequel il
ordonna que le devant de la Châffe de
fainte Geneviève feroit découvert , que
l'on diroit toute la matinée des Meffes au
Grand- Autel , & que l'on feroit pendant
tout ce tems à heures du foir un Salut
pour l'heureufe délivrance de la Reine.
Lorfqu'on cut reçû la nouvelle que
Reine avoit mis au monde un Dauphin ,
l'Abbé fit un fecond Mandement , par lequel
il ordonna que la Châffe continueroit
d'être découverte à l'ordinaire , &
que ce même jour 4. Septembre on célebreroit
une Grand- Meffe , outre les baffes
Meffes au Grand- Autel , en actions de
graces , auffi-bien que les Saluts , jufqu'au
Jeudy 8. Septembre , & que l'après-midy
de ce dernier jour on chanteroit un Te
Deum auquel il officieroit pontificalement.
On diftribua le même jour aux
Pauvres des Hôpitaux trois cent livres ,
& l'on continue pendant tout le mois de
SepSEPTEMBRE.
1729 2067
•
Septembre d'ajoûter aux Meffes la Col
lecte pour actions de graces.
ILLUMINATIONS de la face exterieure
de l'Hôtel de Ville , le premier
jour 4. Septembre.
L
Ilyavoitde gros Falots fur la têtedes
poteaux de la barriere qui eft au devant
-
du Perron , & une fuite de Falots fur la
corniche des Pieds d'Eftaux , du premier
ordre ; toutes les colomnes de
cet ordre étoient illuminées , ainfi que
leurs Chapitaux. Entre ces Colomnes
il Y avoit fix Luftres de Criftal gar- .
nis de bougies , fufpendus au ceintre
des fix croifées ; au - deffus de ces
Luftres étoient de fimetrie les Chiffres
du Roi & de la Reine , definez
par des lumieres ; il y avoit auffi audeffus
de la principale Porte le Chiffre du Roi ,
ainfi que fur la corniche , audeffus des
Falots. Ce premier ordre étoit terminé
par un filet de Lampions , fur la faillie de
l'Architrave , & par une fuite de Falots
fur la Corniche.
›
Au ceintre des Arcades du S.Efprit & de
S. Jean , étoient fufpendus deux grands
Luftres de bois , rehauffé d'or , portant
chacun so . lumieres , & audeffous de
l'encorbellement , ou pierres enfaillies des
Pa
1668 MERCURE DE FRANCE :
*.
Pavillons , étoient deux Panneaux chantournez
de lumieres , repréfentans une
Coquille avec ornemens pour fuports.
Le fecond ordre étoit décoré par 13 .
Dauphins tranfparans , coloriez ; au devant
des croifées on voyoit entre ces Dauphins
16. Piramides de lumieres , placées
dans les Niches , & audeffus de chacune
des Niches , fur la Corniche , deux Falots
. Ce fecond ordre étoit auffi terminé
par un cours de Falots .
Le comble étoit décoré par un grand
Cartouche couronné , repréſentant les
Armes du Roi , formé par des lumieres
& placé dans le milieu. Les Lucarnes
étoient illuminées par des Chanbranles
cintrez , & des Falots au- deffus ; au milieu
de la baye de ces Lucarnes & aux côtez
étoient des Dauphins de coloris tranfparans
, & fur les ramparts , & fur le faiſte
des Falots. Il y avoit auffi deux grandes
piramides de lumieres placées fur les deux
poinions de l'extrémité du faifte . Le Socle
& le Pied d'Eftal de la Lanterne , étoient
garnis de Falots , & les Portiques illuminez
par des Chanbranles cintrez , &
par un grand nombre de lumieres fufpendues
en dedans ; la petite Lanterne étoit
auffi illuminée en dedans & en dehors.
A côté du comble , au devant des Pavillons
, étoient deux grands Chiffres du
Roi
SEPTEMBRE . 1729. 2069
Roi, deffinés de lumieres , & 4. Piramides
des Etoiles . Toute cette illumination formoit
un fpectacle très - agréable.
Deuxième jour , S. Septembre.
Il y avoit comme la veille de gros Fa
lots fur la tête des Poteaux de la barriere ,
& un cours de Falots fur la Corniche des
Pieds -d'Eftaux du premier ordre , fervant
de baſe à toute l'illumination .
Cet ordre étoit éclairé par 65. flambeaux
de cire blanche , portez par des
bras de relief dorez , & placez de fimetrie
à côté des colomnes , ce qui formoie
quantité de Groupes de lumieres. Six Luftres
de Cristal garnis de bougies , étoient
fufpendus aux cintres des croilées de cet
ordre , & au-deffus les Chiffres du Roi &
de la Reine , deffinez par des lumieres
& placez alternativement.
On voyoit fur la Porte d'entrée , une
fleur de Lys de lumieres avec des Falots
au-deffus de la Corniche ; au ceintre des
Arcades du S. Efprit & de S. Jean , étoient
deux grands Luftres de bois , rehauffez
d'or , garnis de so. lumieres chacun com
me le jour précedent . Cet ordre étoit terminé
par un cours de Falots, fur la Corniche
.
Le fecond ordre étoit illuminé par 26.
Gi
2670 MERCURE DE FRANCE:
Girandoles de Cristal , garnies de bou
gies , lefquelles étoient placées fur les appuis
des croifées .
Il y avoit auffi 58. flambeaux de cire
blanche , portez par des bras rehauffez
d'or , placez au pied droit des croifées
pour accompagner les Girandoles placées
fur les appuis des croifées . 16. Piramides
le long de la face de cet ordre , étoient
placées fur les appuis des Niches , & audeffus
des Falots ; il y en avoit auſſi ſur la
Corniche des Pavillons en faillies ; enfin
cet ordre étoit terminé par un cours de
Falots fur la Corniche de l'Entablement.
Sur la Balustrade , au deffus de la Corniche
, étoit un cours de Falots . Le milieu du
comble étoit marqué par un grand Dauphin
de lumieres , qui fefoit un très - bel
effet.
Les Lucarnes au côté étoient illumi
nées par des Fallots , des Flambeaux dans
des bras , & des Luftres de Cristal en bougies
fufpendus aux ceintres des Lucarnes.
Les rempans & le faifte du comble ; étoient
profilez par des Falots , & deux Piramides
comme le jour précedent , ainfi que
la Lanterne. Les deux Chiffres du Roi
& de la Reine , & les quatre Piramides
portans des Etoiles , étoient auffi placées
au devant des Pavillons aux côtez du comble.
Il y eut auffi le foir un Feu de bois
dans
SEPTEMBRE . 1729. 207 !
dans la Place de Gréve , & des Fontaines
de Vin , comme le jour précedent.
L'illumination du fecond jour fut répétée
le lendemain , excepté que dans les
Niches on y avoit placé des Panneaux de
lumieres , au lieu des Piramides . Les Fontaines
de Via ont toujours continué dans
la Place de Gréve , & il y eut auffi un
Feu de bois avec la même cérémonie des
deux jours précedents , & il fut diftribué
du pain & de la viande au peuple , &
jetté de l'argent,
Quatrième jour 7. Septembre,
Le Roi ayant honoré de ſa préſence le
Feu d'artifice tiré ce jour - là devant l'Hôtel
de Ville , la face en fut décorée tout
differemment des jours précedens , & d'un
goût auffi nouveau qu'il étoit riche & magnifique
par le grand nombre de Luftres
de Criftal , de Guirlandes , & de Feftons
de fleurs placez avec beaucoup d'art.
On voyoit d'abord au haut du ceintre
des Arcades du S. Efprit & de S. Jean ,
trois Luftres de Cristal garnies de bougies
fufpendus par des cordons & houppes dorez
, accompagnez de Feſtons & de chûtes
de fleurs , dont le principal noeud étoit en
bouquet , placé au- deffus du Luftre du
milieu ;
2072 MERCURE DE FRANCE.
milieu ; & au-deffous des Luftres d'autres
Feftons & chûtes de Fleurs.
Les ceintres des croifées du premier étage
portoient auffi des Luftres de Cristal
en bougies , & accompagnez de Feftons
& chutes de fleurs. Les Colomnes étoient
chargées de 42. flambeaux de cire blanche
, portez par des bras rehauffez d'or
& placez par groupes de Piramides. Il y
avoit des Falots fur la Corniche de la
Porté d'entrée , avec des Feftons & chutes
de fleurs au- deffous , fufpendus par des
fleurs de Lys dorées .
Au-deffous de l'Encorbellement des Pavillons
en faillie , on avoit placé un Luftre
de Cristal garni de bougies & accompagné
de Feftons & chutes de fleurs . Une
fuite de Falots fur la Corniche terminoit
ce er ordre .
Le fecond ordre n'étoit pas moins richement
décoré. Il y avoit 16. Genies de
Rondeboffe , peinte de coloris , & drapez
differemment & dans des attitudes variées
& agréables , placez au - deffous des Niches,
tenant des Feftons de fleurs . 16. Gi
randoles de Criftal , garnies de bougies ,
étoient placées dans les Niches , au - deffus
des Génies , dont ils fembloient être les
fuports. Cet ordre étoit encore enrichi
par 39. Luftres de Criftal , en bougies ,
fufpendus par des cordons dorez , devant
les
SEPTEMBRE. 1729. 2073
les croilées , trois à chacune , dans le même
ordre des fleurs de Lys de l'Ecuffon
des Armes de France. Une fuite de Falots
, fur la Corniche de l'Entablement
terminoit cet ordre . Il y avoit auffi une
pareille fuite de Falots fur la Balustrade
au bas du comble. Les deux Lucarnes
au- deffus de la Balustrade , avoient chas
cune un Luftre de Cristal garni de bou
gies , fufpendus au ceintre de leur baye ,
accompagné de noeuds , feftons & chutes
de fleurs , & des Falots fur leurs Corniches.
Au milieu du comble , entre les deux
Lucarnes , étoit un Cartouche chantourné
, avec l'Ecuffon de France couronné
le tout deffiné par un très grand nombre
de lumieres. Les rampans & le faifte du
comble , étoient illuminez par des Falots
& deux Piramides comme les jours prés
cedens , ainfi que la Lanterne .
Aux côtez du comble , devant chacun
des deux Pavillons , étoient quatre Luftres
de Criftal , garnis de bouquets , accompagnez
de noeuds , feftons & chutes
de fleurs : chacun de ces Luftres étoit entre
quatre flambeaux de cire blanche
des bras rehauffez d'or.
portez par
Interieur de l'Hôtel de Ville.
Le dedans de la Porte d'entrée , étoit
3
-éclairé
2074 MERCURE DE FRANCE .
éclairé en bougies par un Luftre de Criftal
, & par cinq Girandoles de même
pofées au deffus du Luftre fur des Gradins
, & au- deffous de ces Girandoles
étoient des Feftons & chutes de fleurs.
Au Pourtour du rez de- chauffée , dans
la cour , étoit un cours de Falots , régnant
audevant des Arcades & des Pieds
d'Eftaux des colomnes ; il y avoit de pareils
Falots fur la Corniche des Piedsd'Eftaux
, Les colomnes étoient ornées
chacune de trois Médaillons , dont les
bordures étoient de fleurs , fe tenant les
uns & les autres par des chutes ; les deux
Médaillons fuperieur & inferieur repre
fentoient le Chiffre du Roi peint fur un
fond d'azure rehauffé d'or , & celui du
milieu repréfentoit le Chiffre de la Reine ,
rehauffé d'or fur un fond de gueule ; tous
ces ornemens étoient agraphés au Chapiteau
des colomnes par une fleur de Lys
dorée. 25. Luftres de Criſtal étoient au
Pourtour de la cour , fufpendus à l'aplomb
des ceintres de chacune des Arcades
, par des cordons dorez , accompagnez
de Feftons & chutes de fleurs , &
agraphez par des noeuds peints en bleu &
en rouge , placez alternativement . Il y
avoit auffi so. Girandoles de fer blanc
doré fur leurs confoles , à feuilles de Refuns
, placées dans les Arcades au devant
des
SEPTEMBRE. 1729. 1075
des Pieds- droits , pour accompagner les
Luftres .
Au devant de l'archi-volte , au- deffus
des Luftres , étoient des Groupes de Dauphins
rehauffés d'or.
L'Arcade qui renferme la Statue en
pied de Louis XIV . étoit feulement garnie
de Feftons & de Chutes de fleurs, fuf,
pendus au ceintre : les Marbres & les
Bronzes dorez , fourniffant des ornemens
affez riches. Il y avoit deux Guéridons
dorez au dedans de la Grille fur cha
cun defquels étoit une Girandole de Criftal
, pour accompagner la Statue de
Louis XIV. Le fond des Arcades étoit
tapiffé de belles verdures uniformes , pour
donner plus de relief & d'éclat à la décoration.
La Saillie de l'Architrave étoit
garnie d'un fil de Lampions , & la Corniche
du premier ordre d'un cours de Falots
; le tout en cuivre.
Au- deffus de la Statuë de Louis XIV .
étoit exposé un grand Tableau peint
tranfparant , repréfentant les armes du
Roi , avec les attributs convenables , &
accompagné de chaque côté d'un autre
Tableau , repréfentant un Dauphin & un
Génie affis deffus. On lifoit au bas PRESIDIUM
ET DE CUS . Elles font l'appui
& la gloire de la Nation. Au- deffus de la
principale Arcade , vis - à- vis la Statuë
H étoit
1076 MERCURE DE FRANCE .
étoit un autre Tableau tranfparent , re
préfentant les Armes de la Ville avec divers
attributs , accompagné de chaque
côté d'un autre Tableau repréfentant une
Sirene . On lifoit deffous IMMERSABILIS
UNDIS , Elle ne peut plus être fubmergée.
Les' Efcaliers & Coridors étoient
éclairez par des Luftres de Cristal .
"
La Grande- Salle étoit préparée & dif
pofée pour le Roi Il y avoit un Throne
dreffé & adoffé à la Cheminée , du côté
du S. Elprit , avec un Dais au- deſſus ;
audevant des trois croifées du milieu de
la grande Salle étoit formée une Eſtrade
& une Enceinte à hauteur d'appui , où
Sa Majesté le plaça pour voir tirer le Feu
d'artifice au-deffus de cette croiſée étoit un
Dais en dedans , & un autre en dehors ;
toute la Salle étoit ornée de riches Tapif
feries ; fur les Trémeaux étoient des Girandoles
portant nombre de bougies , indépendamment
de 18. Luftres de Cristal
qui étoient dans la Salle,
L'appartement du Greffier de la Ville ,
destiné pour le Roi , étoit fuperbement
meublé & éclairé par un grand nombre
de Luftres & de Girandoles de Cristal,
Dans la Salle des Gouverneurs étoit la
Table pour le fouper du Roi.
=
FEU
SEPTEMBRE. 1729. 2077
FEU D'ARTIFICE.
E Corps de l'Edifice étoit élevé audeffus
du pavé de quatre Gradins , 3
avoit quatre faces d'Ordre Dorique ; quatre
Pieds d'Eftaux aux quatre Angles
fur lefquels étoient des Poupes de Vaiffeaux
de relief peints en Bronze , rehauffez
d'or , accompagnez de Tritons de relief
feinr en marbre blanc ; les agrez de
ces Poupes étoient rehauffez d'or. Sur le
devant , des Génies de relief préfentoient
un Dauphin rehauffé d'or dans un Cartouches
des Guirlandes de fleurs paffoient
à l'entour des agrez qui tomboient fur les
Génies & fur les Tritons ; fur chaque face
étoient des Groupes de colomnes , élevées
fur une Eftrade , & des Pieds - d'Eftaux ,
dont le Plan étoit circulaire . Du milieu
du Portique , faiſant face à l'Hôtel de
Ville , s'élevoit un Autel fervant de bafe
au fujet Allégorique , & au - deffus des
colomnes étoient des Groupes de Génies
de relief , joüans avec un Dauphin , &
portans differens attributs comme le
Sceptre , la main de Juftice , & le Cordon
de l'Ordre : ces Génies étoient en Marbre
blanc rehauffez d'or .
Le milieu du Feu étoit fommé par un
Hij Pied2078
MERCURE DE FRANCE
Pied - d'Eftal pyramidal , qui étoit termi .
né par le Globe de la France , avec une
Renommée au deffus . Ce Pied - d'Eftal
étoit chargé fur fes faces de differens ornemens
de relief ; rehauffez d'or , accom
pagnez de Feftons &Chutes de fleurs.
L'Edifice avoit 24. pieds de face en
quarré , fans y comprendre les Gradins :
au Pourtour , fur environ 60. pieds de
haut . A 9. pieds de diftance des Gradins ,
étoient placez des Ifs à 8. pans , garnis
de Falots ; ces Ifs formoient un octogone
autour du Feu , & l'éclairoient de prèsde
zooo . lumieres . Il y avoit auffi grand
nombre de Falots fur les Gradins & fur le
Pailler au bas du Feu . Aux quatre coins
du Feu , au deffus de la Corniche de l'Entablement
, étoient placez 4. gros Falots
à cinq méches portez fur des Vaſes , entre
les Groupes de Génies , & grand nom
bre de Falots fur le plancher , au bas du
Pied d'Eftal pyramidal , couronnant le
Feu .
Face , on côté de l'Hôtel de Ville.
Au-deffus de l'Hôtel , au milieu du
Portique , paroiffoit le Génie de la France
, defcendant fur un nuage , & tenant
entre festbras le jeune DAUPHIN , qu'il .
remettoit au Soin & à la Vigilance ; lei
Soin
SEPTEMBRE. 1729. 2079
Soin étoit repreſenté par une figure qui
tenoit une Lampe , & la Vigilance par
une figure aiflée. Au- deffous de ce Grou
pe , on voyoit la France tranfportée de
joye , qui tendoit les bras pour recevoir
le Prince. Près d'elle étoit reprefentée la
Ville de Paris , qui marquoit auffi fon
allegreffe en préfentant une Nef d'argent ,
qui eft fon fymbole . Ce Groupe étoit ac-
-compagné de quelqu'autres figures qui
défignoient le Peuple . Quelques -unes paroiffoient
faire des voeux , & d'autres répandre-
leurs Tréfors . On lifoit fur le devant
de cet Autel l'Infcription fuivante
PERENNITATIS DOMUS AUGUSTE
POPULORUM VOTIS .
CONCESSUM PIGNUS
PREFECTUS ET ÆDILES
INEFFABILE OMNIUM ORDINUM PLAUSU
CELEBRANT
„Die feptima Septembris M. DCC . xxix .
Sur deux Pied- d'Eftaux , aux deux côtez
du Portique , & au devant des Colomnes
, il y avoit divers Groupes de Genies
avec deux Cartouches de chaque côté. Le.
premier reprefentoit le Vaiffeau qui forme
les armes de la Ville , voguant à pleines
voiles au-deffous de la conftellation
du Dauphin , avec ces mots pour ame ,
H iij
SIDERE
1080 MERCURE DE FRANCE .
SIDERE LÆTA NOVO . Quelle joye n'inf
pire point la vie de ce nouvel Aftre. Le
fecond , le même Vaiffeau au-deffous de
P'Etoile du Nord , par allufion à la Reine ,
avec ces mots , NEC VOTA FEPELLIT.
Elle n'a point trompé notre esperance &
nos veux. Le troifiéme , un Aigle qui
plane dans les airs au-deffous d'un Ciel
ferein . SE DES JOVE DIGNA. Une Ville
fi beureufe ne fut jamais plus digne de fixer
la demeure de fon Roi. Le quatriéme
une Rofe qui s'épanouit aux rayons du
Soleil Levant PULCHRIOR EVENIT.
Les rayons de cet Aftre lui donnent une
nouvelle beauté. Le ceintre du Portique
étoit fermé par les Armes du Roi & de
la Reine , avec leurs fupports , & c . Audeffus
de l'entablement , & audevant du
Socle , des Groupes d'enfans, on lifoit ces
FECUNDITAS AUGUSTA FE
LICITAS IMPERII , alternativement fur
quatre faces de la Décoration du Feu
mots
Jes
Face ou côté de la Riviere.
"
Au- deffus de l'Autel , on voyoit Minerve
qui préfide aux Arts & aux Sciences
; & près d'elle le jeune Prince , accompagné
de plufieurs Génies , & environné
des differens attributs & inftrumens
des Arts . Sur l'Autel brûloit un feu
de
SEPTEMBRE . 1729. 2081
de bois de Cédre , & au-deffus de Minerve
, au- devant du ceintre du Portique ,
un Soleil Levant perçant un nuage, portoit
trois fleurs de Lys au faifte de la Gloire.
Ce nuage laiffoit entrevoir un nombre
de mauvais Génies qui tomboient
dans l'abyfme. Sur le fuft de l'Autel de
Minerve , on lifoit : TALI SE DEA JAGTAT
ALUMNO. Que Minerve fe glorifie
un jour d'avoir fait un tel Eleve.
Sur les deux Pieds - d'Eftaux , & au -bas
des Colomnes , étoient élevez deux Guéridons
portans des Lampes ardentes ; &
au- deffus étoient encore quatre Cartou
ches dont l'un reprefentoit le Dieu de
la Seine , appuyé fur fon Urne , fur le
rebord de laquelle on lifoit SE QUANA ,
épandoit fes eaux prêtes à entrer dans la
Ville ; ces mots pour ame : AURIFERO
FELICIOR AMNE. Fleuve plus heureux
que le Pactole.
L'autre , le même Dieu de la Seine &
la Déeffe de la Marne dont on lifoic
auffi le nom fur le rebord de l'Urne :
MATRONA , mêloient leurs eaux avanc
que d'arriver à la Ville avec ces mots :
HOC ERAT IN VOTIS . Cet évenement
étoit auffi Pobjet de leurs voeux..
と
Le troifiéme , une Source qui formoit
prefqu'en naiffant une Riviere confiderable.
QUID NON SPONDET BUNDO.
Que
H iiij
2082 MERCURE DE FRANCE .
Que ne doit-on pas attendre d'un plus long
cours .
Le quatrième , une Anchre à l'antique ,
autour de laquelle étoit un Dauphin ,
ce qui étoit chez les Anciens un fymbole
de prudence & de tranquillité , avec ces
mots : TUTUM PRÆSTABIT ITER.
Elle nous promet une navigation sûre &
beureuse.
Troifiéme Face.
Au deffus de l'Autel on voyoit la Reli
gion qui préfentoit le DAUPHIN à la
Juftice , & une Gloire au- deffus ; aux
pieds de ces deux Divinitez étoient leurs
Génies & leurs Attributs . Sur. l'Autel
étoit un Lit de Juftice avec les Attributs
convenables , & fur le fuft de l'Autel
REDDAT PIETATE PARENTES . Qu'a
wec leurs fecours , on retrouve en lui toute
la vertu defes Ancêtres.
Sur les deux Pieds d'Eftaux , au devant
des Colomnes , étoient deux Grou
pes de figures dans des attitudes de refpects
& d'admiration ; & au- deffus quatre
nouveaux Cartouches , dont le premier
reprefentoit Minerves, qui d'un
coup de fa Pique fait fortir de terre un
Olivier , avec ces mots MUNERI BUS
PRETIOSA SUIS. Que le Préfent qu'elle
nousfait eft précieux. wa
&
"
Le
SEPTEMBRE . 1729. 2083
Le fecond, une Grenade couronnée , qui
étant entr'ouverte , laiffoit voir fon fruit
vermeil , NON SOLO GRATA DECORE .
Elle n'eft pas recommandable par fa feule
beauté.
Le troifiéme , deux Palmiers qui s'élevoient
à la même hauteur , & dont les
branches rapprochées formoient un Berceau.
UNA CRESCIT HONOs. Ils vɔyent
croître également leur bonheur & leur
gloire.
Le quatrième , un Lys épanoui avec un
rejetton qui commençoit à pouffer , PROLES
GEMINA BIT ODOREM C'est ainsi
qu'augmentefa force , fon éclat , nos hom-
·mages , &c.
Au- deffus du ceintre du Portique étoient
les Armes de la Ville , ayant pour fuports
la Marne & la . Seine .
Quatrième Fase.
1
Au-deffus de l'Autel étoit reprefenté
Mars , Dieu de la Guerre & de la Valeur,
tenant le DAUPHIN , au-deffus paroiffoit
une figure fur un nuage , reprefentant la
Force ; elle portoit d'une main une pyra
myde ; & de l'autre une Couronne d'immortelle
pour le jeune Prince ; aux pieds
de la Divinité étoient divers Génies effayant
des Armes. Mars étoit appuyé con
HY LEG
2084 MERCURE DE FRANCE .
tre un Palmier dont les branches le cou
vroient , & fur le Fuft de l'Autel étoient
écrits ces mots : VICTOREM DILIGAT
ORBIS. Que l'Univers entier l'adore
lors même qu'il fera obligé de prendre les
Armes , & de remporter des Victoires .
Sur les deux Pieds - d'Eftaux des Colom
nes , on voyoit d'un côté un Groupe d'en-
'fants , tenant differens inftrumens de
Guerre , & de l'autre une figure repréſentant
la Terre , fortant d'un antre , & fe
réveillant à l'afpect du Dieu Mars & de
fon Augufte Eleve. Au - deffus de ces
Groupes , & au - devant des Colomnes
étoient quatre Cartouches , dont le premier
repréfentoit l'Ancile , ou Bouclier
facré, fur lequel on lifoit ANCILE, tombant
du Ciel , avec ces mots : COELO
DEMITTITUR ALTO . Ce Gage facré
nous eft envoyé du haut des Cieux.
Le fecond , Un Arc- en -Ciel , qui percé
des rayons du Soleil , rend une pluye douce
; JUBET ESSE QUIETOS . Ce Symbole
de Alliance Divine rend la paix
·la Terre.
Le troifiéme , un Caducée , qui dans le
Ciel & fur la Terre , eft fymbole de la
Paix & du Repos , SUPERIS ACCEP
TUS ET IMIS. Il est également cheri des
hommes & des Dieux .
Le quatrième , la Lune en fon plein
R2-
SEPTEMBRE. 1729. 285
REPARATO GRATIOR ORBE. Qu'elle
a bien avantageufement recouvré fon état.
Autour de l'Edifice du Feu , étoit le
Parc de l'Artifice & les Caiffes de Fufées .
Sur le Port au Charbon & en retour fur
le Quay , étoient placez les Poteaux pour
tirer les Fulées volantes.
Quatre Fontaines de vin étoient diftribuées
aux quatre coins de la Place , dont
les Théatres , qui étoient garnis de feuillages
, formoient des Berceaux à 4. faces.
Le Duc de Gefvres , Premier Gentilhomme
de la Chambre du Roi , & Gouverneur
de Paris , s'eft fort diftingué par
la beauté des illuminations & des Feux
à fes Hôtels , rue neuve S. Auguſtin &
ruë des Petits- Champs . Il fit couler des
Fontaines de vin pour le peuple , dès le
matin que cette grande nouvelle fut fçûë
à Paris , & elles ont continué pendant les
quatre jours confecutifs des Réjoüiffances
publiques .
L'Illumination de la face exterieure de
l'Hôtel de Trêmes , avoit pour bafe un
cours de Falots fur la Saillie de la retraite.
La Porte d'entrée étoit illuminée par une
forme de Chanbranle chantourné avec des
lumieres ; au deffous du Linteau étoit fufpendu
un Luftre de cristal , garni de
bougies,accompagné de Feftons & Chutes .
de fleurs. Quatre Chiffres du Roi étoient
2086 MERCURE DE FRANCE .
placez fur deux corps de Refand , à côté
de la Porte , deffinez par des lumieres ,
entre lefquelles étoient placez auffi des
Coeurs , & c.
Sur l'Appui de la Baluffrade , au-deffus
de la Porte, étoit un Tableau tranſparent
où l'on voyoit un Soleil levant & un jeune
Dauphin naiffant fur les Ondes. Deux
Génies aux côtez tenoient l'un le Collier
de l'Ordre , & de l'autre le Cartouche des
Armes de France , & au - deffus étoit une
Couronne foutenue par 2. autres Génies.
Ce Tableau étoit accompagné de chaque
côté d'un Piedouche de lumieres , directement
au- deffus des corps du Refand fur
l'Appui de la Balustrade ,portant une Fleur:
de Lys , deffinez par des lumieres & deux
gros Falots. Le furplus de la face entre .
les Pavillons , étoit illuminé de chaque
côté de la Porte par des formes de lumieres
chantournées , dans lesquelles étoient
des Trophées de relief rehauffez d'or , réprefentant
des Brandons & des Carquois;
fur les corps de Refand à côté , étoient les
Chiffres de la Reine , entre lefquels étoient
des Coeurs , & c. Au deffus des Trophées,
des Girandoles de fer - blanc doré fur leurs
Confolles garnies de bougies en forme de
Piramides.
Les deux Pavillons en aîle , étoient illuminez
par d'autres formes de lumieres,.
an
SEPTEMBRE . 1729. 2087
au milieu defquelles étoient des Groupes
de Dauphins de relief , rehauffez d'or , accompagnés
des. Chiffres du Roi , fur les
corps de Refand , au - deffus des Dauphins,
des Girandoles de fer-blanc doré & bou.
gies , fur leurs Confoles en Piramides ,,
accompagnées de Piedouches , portans des
Etoiles, des Fleurs de Lys & de gros Falots.
La Corniche qui féparoit l'Illumination .
inferieure de lafuperieure étoit profilée de
gros Falots ; il y en avoit auffi fur la Core
niche de l'Entablement des . Pavillons.
La face exterieure de la baffe - cour , étoit
illuminée au rez - de - chauffée & fur la
Saillie de la premiere Plainte , ainfi que
fur les Appuis des Croifées , par des Falots
; fur les corps ddee RReeffaanndd , & fur les
Trumeaux entre les Croifées du rez - dechauffée
, étoient les Chiffres du Koi &
de la Reine , tracez par des lumières, ainfi
que les Coeurs & les Trophées qui les féparoient.
Le corps de logis de la baffecour
, étoit illuminé au rez - de chauffée
par une forme de lumieres devant la porte
d'entrée. Il y avoit des Falots fur la Saillie
de la retraite & fur celle de la Corniche
de la Porte. Au premier étage étoient
deux Piramides de lumieres avec Soleils .
à leurs pointes, & à leurs bafes des Falots;
il y en avoit auffi fur l'appui des Croilées.
du deuxième & troifiéme étage..
La
2088 MERCURE DE FRANCE:
La face du Bâtiment au fond de la
cour , étoit illuminée d'un cours de Falots
fur le pavé. Au milieu , entre les Co
lomnes , on voyoit un grand Tableau
tranfparent avec les Armes du Roi , des
Anges pour fupports & dans le Piedouche
au-deffous , étoient les Armes du Duc
de Gêvres . Ces Colomnes étoient illuminées
par des tambours de lumieres ; les
Pilaftres à côté étoient décorez en haut
& en bas par des Groupes de Dauphins
de relief, rehauffez d'or ; entre ces Groupes
étoient les Chiffres de M. le Gouverneur
, peints & rehauffez d'or , avec des
Bordures de fleurs ; le refte de cette face au
rez - de -chauffée , étoit illuminée par deux
flambeaux de cire blanche , portez par des
Bras rehauffez d'or , & fur la Corniche du
premier ordre étoit un cours de Falots.
Le ſecond ordre étoit illuminé par une
forme de lumieres , placée fur la Croifée
du milieu , au- deffus des Armes du Roi ,
& fur les Pilaftres à côté étoient d'autres
formes de lumieres chantournées , avec
des Soleils au- deffas . Le refte de cet or--
dre étoit illuminé par deux flambeaux de
cire blanche , portez par des Bras rehauffez
d'or ; & fur la Corniche de l'entablement
, ainfi que fur la Balustrade au - deffous
du Cadran étoit un cours de Falots.
Les deux aîles étoient illuminées par
des
SEPTEMBRE. 1729 2089
des Falots fur le pavé , au - devant des
Pilaftres ; par d'autres Falots fur l'appui
des Croisées & par des flambeaux de cire
blanche , portez par des Bras , accompagnans
ces Croifées , & fur la Saillie de la
premiere Plainte , étoit un cours de Falots
, ainfi que fur la Corniche du premier
ordre.
Cette illuminarion fut répetée pendant
quatre jours , pendant lefquels il y eut ,
outre des Fontaines de vin , du pain , de
la viande & de l'argent diftribué au Peuple
, & on tira tous les jours un grand
nombre de Fufées volantes.
La face exterieure de l'Hôtel de Gefvres
étoit illuminée par une forme de Chanbranle
chantourné & par une autre forme
entre la Corniche & ce Chanbranle. Sur
les Pilaftres à côté de la porte , en haut
& en bas , étoient les Chiffres du Roy
& de la Reine. Deux Groupes de Dauphins
de relief rehauffez d'or , accompagnoient
la Porte , un de chaque côté , lefquels
étoient entre trois Fleurs de Lys
deffinées par des lumières. Sur la Corniche
de la Porte & fur la Saillie de la
Plainte , êtoit un cours de Falots . A chaque
Croifée du premier étage , étoit fufpendu
un Luftre de cristal garni de bougies
; au - deffous de celui de celle du mi
lieu étoient des Feftons & chutes de fleurs,
82
7090 MERCURE DE FRANCE .
& à côté de cette Croisée , deux Pirami
des , formées par des Falots pofez fur
Appui du Balcon ; & fur les Trumeaux
à côté des Piramides , on voyoit des Médaillons
avec Bordures & chutes de fleurs
réprefentans le Chiffre de la Reine rehauffé
d'or , dont les attaches étoient mardes
noeuds dorez.
quées par
La façade interieure de l'Hôtel , étoit
auffi décorée au milieu par une grande Pi
ramide de lumieres , au deffus de laquelle
étoit un Groupe de Dauphins de relief ,
rehauffez d'or , & au deffus une Fleur de
Lys de lumieres ; fur l'Appui des Croilées
à côté de la Piramide , étoient des Falots .
Il y avoit auffi des Luftres de cristal garnis
de bougies , fufpendus dans ces Croi
fées , au -deffous defquels étoient des Feftons
& chutes de fleurs qui fe terminoient
vers la Piramide ; Deux Chiffres du Duc
de Gefvre , tracez de lumieres , étoient
fur les Trumeaux du rez de chauffée &
deux Fleurs de Lys , auff de lumieres ,
fur les Trumeaux au- deffus des Chiffres.
.
Au pourtour de la cour , la premiere
Plainte étoit profilée d'un cours de Falots
pofez fur des Tablertes de Menuiferie.
Cette ilumination a été auffi répetée pendant
quatre jours , avec des Fontaines de
vin , & c ..
La façade de l'Hôtel du Prévôt des Mar
SEPTEMBRE . 1729 2095
ehands étoit illuminée par fix grands Ifs
garnis de Falots à huit pans ; deux de ces
Ifs accompagnoient la Porte d'entrée &
les quatre autres accompagnoient les deux
Pavillons en aîle. La principale Porte étoit
décorée par un Chanbranle dont les refands
étoient de lumieres , & le Ceintre
étoit orné de Feftons & chutes de fleurs ;
il y avoit des Falots fur la Corniche &
fur le Fronton , où l'on voyoit un grand
Piedouche portant trois Fleurs de Lys de
lumieres ; ce Predouche ou petit Piedeſtal
étoit accompagné fur le mur de quatre
Piramides de lumieres , deux de chaque
côté , entre lefquelles étoit un Vale de
lumieres & un Soleil au- deffus.
Entre les Ifs au côté de la Porte , étoient
des Chambranles de lumieres , qui enfer
moient deux Groupes de Dauphins de re.
lief , rehauffez d'or , portez fur des filets,
rehauffezi d'argent ; ces Chambranles
étoient accompagnez de noeuds dorez , de
Feftons & chutes de fleurs , attachez fur
le mur au- deffous des Piramides .
Les Pavillons étoient illuminez au rezde-
chauffée par deux chambranles de lumieres
, dans le vuide defquels on voyoit
les Chiffres de la Reine auffi de lumieres,
& entre ces deux Chambranles, un Luftre
de cristal garni de bougie , fufpendu au
devant de la Croilées au- deffous étoit une
figure
2692 MERCURE DE FRANCE .
figure de Tonneau & une Lofenge de
lumieres.
Au premier étage étoit le Chiffre du
Roy , déffiné par des lumieres , placé au
milieu de la Croiſée. Six Girandoles de
fer-blanc doré , garnies de bougies , por
tées fur leurs Confoles , accompagnoient
ce Chiffte , trois de chaque côté , & audeffus
la Décoration étoit terminée par
trois noeuds , agrafant des Feftons &
Chutes de fleurs.
L'interieur de la Cour étoit éclairé par
grand nombre de Falots , pofez fur le
pavé & fur la Saillie de la premiere
Plainte , tout au pourtour . Auceinrre de
la porte du Veſtibule étoit fufpendu un
Luftre de cristal , garni de bougies , au
deffus duquel étoit un noeud doré , fervant
d'attache à des Feftons & Chures de
fleurs , qui accompagnoient ce Luftre.
Sur la Corniche étoient placées deux Pi
ramides de lumieres.
Le Jardin étoit auffi illuminé par grand
nombre de falots qui deffincient les Al
lées & les Parterres. Cette Illumination
a été repetée quatre jours , avec Fulées
volantes , deux Fontaines de vin , & les
diftributions de pain , de viande , &e.
L'Illumination de M. Remy , premier
Echevin , n'étoit point appliquée fur la
Maifon , elle en étoit éloignée à diſtance
SEPTEMBRE. 1729. 2093
convenable pour éviter l'incendie. Un
grand Portique de lumieres , au ceintre
duquel étoit fufpendu un Luftre de cristal
garni de bougies , accompagné de Feftons
& Chutes de fleurs , étoit le principal objet
dans le vuide du Fronton étoit un
Groupe de Dauphins de relief , rehauffé
d'or , & fur le Fronton , qui étoit chantourné
de lumieres , étoient trois Fleursde-
Lys , l'une au milieu , & les deux autres
au deffus de chaque Pied- droit du
Portique : aux côtez étoient deux Arcades
en aifle , dont les Pieds droits , Ceintres
& Corniches au-deffus , étoient deffinez
par un nombre infini de lumieres
au-deffus des Pieds- droits de ces Arcades
étoient des Urnes de lumieres & des tyramides
le tout porté fur un Piedouche
, regnant fur la Corniche des Arcades
en aifle aux ceintres defquelles
étoient auffi des Feftons & Chutes de
fleurs , quatre Yfs à huit pans , garnis de
lumieres , placez au devant des vuides
defdites Arcades. Il y avoit une fontaine
de vin tous les foirs , pendant quatre
jours ; il a été diftribué du pain & de la .
viande au peuple , & on a tiré des Fulées
volantes , &c.
›
>
La porte d'entrée de M. Le Roy , fecond
Echevin , étoit formée par un Chanbranle
de lumieres chantourné ; au ceintre étoit
fufpendu
1
2094 MERCURE DE FRANCE .
fufpendu un Luftre de criftal , garni de
bougies , accompagné de Feftons & Chutes
de fleurs , avec un cours de falots fur
la premiere Plainte . Le premier étage étoit
décoré par quatre Luftres de cristal , &
quatre Girandoles , avec des bougies ; les
Luftres fufpendus devant les croisées , &
les Girandoles fur l'appay ; & au milieu
étoient deux Coeurs aiflez peints , fur lefquels
étoit le Chiffre de la Reine , rehauffé
d'or ; la flamme des Coeurs étoit formée
par deux Girandoles de fer - blanc doré ,
garnies de bougies ; enfuite on voyoit
deux Dauphins , peints de coloris fur
bois , & aux extrémitez deux vales de lumieres.
Le haut de ce premier étage étoit
encore décoré par un cours de Feftons &
Chutes de fleurs , agrafez par des noeuds
dorez au deffus des Luftres , & deux Médaillons
repréfontans le Chiffre du Roy ,
rehauffez d'or , bordez de fleurs , fufpendus
au deffus des Coeurs , & des Trefles
auffi de fleurs , pour agrafes ' le tout terminé
par un cours de falots fur la feconde
Plainte . On voyoit au fecond étage
huit Girandoles fur l'appui des croifées ,
deux à chacune ; au milieu étoient trois
Fleurs - de - Lys de lumieres ; dans les croifées
étoient quatre Luftres de criſtal ,
garnis de bougies , dont l'attache étoit
marquée par des Trefles ; au- deffous des
Luftres
SEPTEMBRE. 1729. 2095.
Luftres & deux Fleurs- de- Lys fuperieures,
où étoient attachez fur toute la largeur
des Feftons & Chutes de fleurs , & c. Ce
qui a été repeté pendant quatre jours ,
avec fontaine de vin , du pain & de la
viande diftribuez , & grand nombre de
Eulées volantes tirées .
La Maiſon de M. Menil , troifiéme
Echevin , ayant deux faces , a été
illuminée des deux côtés ; à celui qui regarde
les Halles , la premiere Plainte étoit
illuminée par un cours de Falots ; au
milieu étoit une Piramide tronquée , deffinée
par des lumieres , ainfi que fon Piéd'eſtal
& les deux Vafes qui l'accompagnoient
de chaque côté, & en regard deux
Dauphins , peints de coloris fur bois,
Aux Croifées du fecond étage , étoient
deux Luftres , un de chaque côté de la
Piramide ; deux noeuds dorés marquoient,
l'attache des Luftres , & de ces noeuds
pendoient deux Feftons de Fleurs , retenus
par leur extremité à la Piramide , au
deffus de laquelle étoient trois Fleurs de
Lys en lumieres , & au haut un Trefle ,
avec des Feftons , chutes de Fleurs , &
deux noeuds de Carton doré , qui formoient
l'attache des deux Fleurs de Lys
Luperieures.
Le côté de S. Euftache étoit illuminé
par 42. Flambeaux de cire blanche , diftribués
2096 MERCURE DE FRANCE.
tribués par groupes entre les Croifées
devant les Trumeaux des 3. étages
un cours de Falots fur la premiere Plainte
, fervoit de bafe à cette illumination
qui a été repetée comme les autres pendant
4. jours , avec Fontaine de vin , Pain &
Viande diftribués au Peuple , & Fulées
Volantes.
Sur la Retraite de la Maifon de M.
Befnier , quatriéme Echevin , étoit un
Cours de Falots , pofés fur des tablettes
entre les Piéces de décoration , où l'on
voyoit trois Chambranles de lumieres
chantournés , accompagnés chacun de
deux Pilaftres ruftiques de lumieres , portant
des vales auffi de lumieres. Aux côtés
de la principale Porte , entre les Pilaftres
, étoient deux Guênes , dont les
Piéd'eftaux , Corniches , Coquillages &
ornemens étoient deffinées par des lumieres
; ces Guênes portoient le Chiffre de
la Reine , peint fur bois , rehauffé d'or.
Sur la Porte , étoit un Groupe de Dauphins
de relief , rehauffé d'or , & audeffous
un cours de Falots , pofés fur la
Corniche de la Porte. Ce Groupe étoit
accompagné de deux Flambeaux de cireblanche
portés par des bras rehauffés d'or.
Au-deffus des deux Pilaftres , à côté de
la Porte , étoient deux Fleurs de Lys de
lumieres , & un autre au-deffus des Dauphins
SEPTEMBRE. 1729. 2049°
la Reine , qui déja mere de trois Princeffes
, vient de combler nos voeux par
l'heureuſe Naiffance de Monfeigneur le
DAUPHIN.
Nous n'entreprendrons pas d'exprimer
ici les tranfports de joye de la Cour , de
la Ville & de toutes les Provinces du
Royaume ; cela feroit trop difficile . Mais
nous tâcherons de n'oublier aucun fait ,
afin qu'on puiffe juger des fentimens tendres
& refpectueux des François pour
leur Roi .
La Reine étant fort avancée dans le
neuvième mois de fa groffeffe , fentit le
3. de ce mois fur les onze heures du foir
quelques douleurs qui firent croire que
S. M. alloit accoucher , mais ces douleurs
ayant difcontinué , les Princes & les Princeffes
du Sang qui s'étoient rendus.
auprès de la Reine , fe retirerent & S ..
M. prit un peu de repos , continuellement
obfervée par tous les Officiers de
fanté & particulierement par M. Payrat ,
qui devoit l'accoucher , & qui avoit déja
eu cet honneur pour la troifiéme fois .
la
Le 4. à deux heures du matin
Reine commença à fouffrir beaucoup ; &
le Roi s'étant levé , on envoya avertir les
Princes & les Princeffes du Sang , le Cardinal
de Fleury , le Chancelier de France
& le Garde des Sceaux , qui fe rendirent
auffi™
2050 MERCURE DE FRANCE.
auffi -tôt dans la Chambre, de la Reine ;
dont l'Appartement fut dans l'inftant rempli
des Seigneurs & des Dames de la Cour,
La Reine fentit de grandes douleurs pendant
une heure & demie , & à trois heures
40. minutes du matin S. M. accoucha
heureufement d'un Prince , dont la
fanté & la force donnent de grandes ef
perances pour de longs jours..
Le Roi qui n'avoit point quitté la Reine
pendant fes douleurs,& qui lui avoit donné
des marques continuelles de fa tendreffe,
parut dans le moment de la Naiffance de
Monfeigneur le DAUPHIN , touché de la
plus vivejoye ; & toutes les perfonnes qui
éroient dans la Chambre ou dans l'Appartement
de la Reine , en apprenant cette
grande nouvelle , firent paroître leur
amour pour le Roi , & la fincerité de
leurs voeux pour la fatisfaction de L. M.
-Auffi -tôt que Monfeigneur le DAUPHIN
fut né , il fut mis dans un Lange.& porté
auprès du feu , enfuite il fut ondoyé par
le
Cardinal de Rohan Grand- Aumônier de
France , en prefence du Curé de la Paroife
de Verfailles ; le Roi affifta à cette
Ceremonie , après laquelle le Prince nouveau
né fut emmaillotté par Made .
Garde de la Reine ; enfuite la Ducheffe
de Ventadour , Gouvernante des Enfans
de France , accompagnée des trois Sous-
GouSEPTEMBRE
1729. 2099
Supports aux Armes du Roi. On voyoit
au deffus trois Fleurs de Lys de lumieres,
portées fur des Piramides auffi de lumieres
. Ces Fleurs de Lys paroiffoient fufpendues
à des noeuds dorés , avec des Feltons
dans les efpaces , & de chaque côté for◄
toit un Fefton de Fleurs qui fe terminoit
au deffus des Fleurs de Lys à un noeud doré,
avec des chutes au- deffous. Toute l'Il
lumination étoit terminée par deux Girandoles
portées fur des Confoles dorées ,
& un Luftre fufpendu entre-deux à un
noeud doré . Du deffous de ce Luftre fortoient
des Feftons de Fleurs , le terminant
à la rencontre des Conſoles qui fer .
voient de pied aux Girandoles.
Cette illumination a été auffi repetée 4 .
fois , avec les mêmes diftributions qu'aux
précedentes.
Au devant de la premiere Plinte de
la Maifon de M. Le Gras , ancien Eche
vin , étoit un cours de Falots , pour fervir
de baſe à toute l'Illumination . Sur la
feconde Plinte , regnoient des Feftons
de Fleurs d'un Trumeau à l'autre , dans
les milieux defquels étoient des noeuds de
rubans dorés & des chutes de fleurs , d'où
pendoient fix Luftres , devant les Croifées
du premier étage . Aux Trumeaux du
milieu , étoient trois Girandoles fur des
Confoles dorées , de même qu'aux Tru-
I meaux
1100 MERCURE DE FRANCE .
meaux des côtés . Aux deux grands Trumeaux
, étoient deux efpeces de Lyre ,
tracées avec des Lampions , dans le fond
defquels étoient des Dauphins de coloris.
Au Trumeau du milieu du fecond érage
, étoit un Cartouche portant le Chiffre
du Roi , rehauffé d'or , accompagné de
trois Fleurs de Lys de lumieres ; une de
chaque côté , & une au- deffus , fupportées
par des noeuds de rubans dorés , &
chutes de fleurs. A chaque Trumeau des
extremités , étoit un Médaillon des Chif-
"fres du Roi & de la Reine , enlaffés &
rehauffés d'or , avec bordure de lumieres.
De chaque côté de la Fleur de Lys du
milieu , fortoient des Feftons de Fleurs ,
qui regnoient le long de la Plinte du
troifiéme étage terminés au milieu de
chaque trumeau , par des noeuds de ruban
, & des chutes de Fleurs aufquelles
les Fleurs de Lys & Médaillons étoient
fufpendus.
J
Cette Illumination a auffi duré 4. jours
avec du vin & du Pain diftribués , Fufées
Volantes & c.
Les deux faces de la Maifon de M.
Maultrot , Ancien Echevin , faifant l'encoignure
des Rues de la Vieille Draperie
& de la Barillerie , étoient illuminées ;
cavoir , celle de la premiere Rue avoit
2012M
au
SEPTEMBRE . 1729. 2000
$
L
au premier étage trois Chambranles de
lumieres , au pourtour des Croifées ; celui
du milieu chantourné en forme de
Confole , & le Ceintre à trois Pans , audeffous
duquel étoit fufpendu un Luftre ,
garni de bougies , accompagné d'une Girandole
de chaque côté , pofées fur l'apui
des Croifées ; au- deffus des Chambranles
, étoient des Feftons de Fleurs ,
avec des chutes & noeuds de ruban , dans
les milieux des Croifées & des Trumeaux.
•
?
Au milieu du fecond étage , étoient
deux Dauphins enlaffés , peints de coloris
, avec un Médaillon au deffus , au
Chiffre du Roi , rehauffé d'or , dont la
bordure étoit de lumieres ; de chaque côté
de ce Groupe , étoit un Cartouche rehauffé
d'or , avec le Chiffre de la Reine.
Ces Cartouches fervoient de Confolesià
des Girandoles placées au- deffus. L'Illumination
étoit couronnée par des Feftons
& chutes de Fleurs retenus par des noeuds
de ruban dorés . S. oftenitoril s379
niv :
Caté
du Palais
. iv
Cette face étoit decorée au premier
étage par un Dauphin peint de coloris ,
placé entre les deux Croifées , avec Guit
landes de fleurs au-deffus & au- deffous ,
attachées avec des nauds dorés. Sur cha
aux côtés
que appui des deux Croifées ,
I ij
du
2102 MERCURE DE FRANCE.
du Dauphin , étoient deux Girandoles ,
garnies de bougies. On voyoit au deuxieme
étage trois Fleurs de Lys de lumieres
, au - deffus du Dauphin , & de chaque
côté , fur les appuis des deux Croifées
, deux Girandoles garnies de bougies.
Cette Illumination etoit auffi couronnée
par des Feftons de Fleurs & chutes
, retenus par des noeuds de rubans dorés.
Dans la Place des Barnabites , il y
eut pendant les quatre jours que cette illumination
a été repetée , les mêmes diftributions
& Fulées & c.
Le lendemain de la naiffance de Monfeigneur
le Dauphin , le Parlement pour en
rendre graces à Dieu , fit chanter dans la
Chapel e du Palais le Te Deum en mufique ,
auquel le Chapitre de la Sainte Chapelle
affifta , & l'Abbé de Champigny , Tréforier,
y officia pontificalement. La Chambre des
Comptes , la Cour des Aydes , la Cour
des Monnoyes , le Châtelet & le Corps
de Ville en ont fait chanter un le même
jour & les jours fuivans ; ainfi que le
Grand- Confeil , les Préfidens- Tréforiers
de France de la Generalité de Paris , l'Académie
Françoife , l'Académie Royale
des Sciences & celle des Infcriptions &
Belles Lettres , l'Académie de Peinture &
Sculpture &c,
LD
Unc
SEPTEMBRE 1729. 2103
V
Une particularité que nous venons
d'apprendre , & que nous ne devons pas
oublier , c'eft que M. Dorceval , premier
Page du Duc de Gefvres , qui apporta de
la part de fon Maître , le premier , la nou
velle de la naiffance du Dauphin , à l'Hô .
tel de Ville , & dont l'arrivée excita fubitement
les acclamations publique's
dans les rues & aux fenêtres , où les
Bourgeois paroiffoient en chemifes
en bonnets de nuit & en cornettes ,
a été gratifié d'une penfion de 15,00 .
livres par la Ville de Paris , & le Duc
de Gêvres dès ce jour là , le fit Exempt
de les Gardes . Une chofe finguliere
& vraye , c'eft que ce Gentil - homme
qui étoit venu de Verfailles en 33. minutes
, paroiffant fatigué en defcendant
de cheval , fut porté par le Peuple juſques
dans la Salle de l'Hôtel de Ville ,
en criant de toute fa force : vive le Roi ,
nous avons un Dauphin.
Le 7. Septembre , à trois heures aprèsmidi
, le Roi partit de Verſailles pour fe
rendre à Paris ; S. M. étant accompagnée
dans fon Caroffe du Duc d'Orleans
Premier Prince du Sang , du Comte de
Clermont , du Prince de Conti , du
Prince de Dombes , du Comte d'Eu , &
du Comte de Touloufe . Les trois autres
Garoffes du Roi étoient remplis par les
I iij prin2104
MERCURE DE FRANCE.
principaux Officiers de fa Maiſon , &
par les Seigneurs de la Cour. Les Détachemens
des Gendarmes , des Chevauxlegers
& des deux Compagnies des
Moufquetaires de la Garde du Roi , &
le Détachement des Gardes du Corps
précedoient & fuivoient le Caroffe du
Roi , les Officiers de ces Compagnies
occupant les places qui leur ont été marquées
par le Reglement du 11. Novembre
1724. Le Vol du Cabinet com
mandé par M. Forget , ayant l'honneur
de fuivre S. M. dans les voyages , étoit
immédiatement devant le Caroffe de fuite.
>
Le Roi arriva vers les 5. heures à la
Porte de la Conference au dehors de la
quelle S. M.. trouva le Guet à Cheval ;
& le Roi étant monté dans fon grand
Caroffe de Cerémonie , fe rendit à l'Eglife
Métropolitaine par le Quai des
Thuilleries , celui du Louvre , le Pont-
Neuf, le Quai des Orfevres , la Rue faint.
Louis , & le Marché-Neuf; les Regimens:
des Gardes Françoiles & Suiffes étoient
rángés en haye , & préfentoient leurs armes
dans toutes les. Rues par lefquelles .
S. M. paffa , en allant à l'Eglife Metropolitaine
, à l'Hôtel de Ville , & en retournant
à Verfailles
Le Roi fut reçu à la Porte de l'Eglife
par l'Archevêque de Paris , à la tête de
Lon
SEPTEMBRE. 1729. LOS
fon Chapitre. Ce Prélat complimenta S.
M. & lui prefenta l'Eau benite . Le Roi
entra dans l'Eglife au bruit des trompettes
& hautbois de la Chambre , étant pres
cedé du Grand-Maître & du Maître des
Cerémonies , devant lefquels marchoient
le Roi & les Heraults d'Armes , & S. M.
alla fe placer au milieu du Choeur fuc
un Prie- Dieu , au- deffus duquel étoit un
Dais. Le Duc d'Orleans , le Duc de Bourbon
, le Comte de Clermont , le Prince
de Conti , le Prince de Dombes , le Com .
te d'Eu , & le Comte de Touloufe , le
Cardinal de Rohan , le Cardinal de Biffi
le Cardinal de Fleuri , les Officiers de la
Couronne , les principaux Officiers de
S. M. & les Seigneurs de la Cour , étoient
placés auprès du Roi pendant le Te
Deum , auquel le Chancelier de France
& le Garde des Sceaux affifterent , étant
accompagnés de plufieurs Confeillers d'E
tat & Maitres des Requêtes.
Le Clergé , le Parlement , la Chambre
des Comptes , la Cour des Aides & le
Corps de Ville ayant été invités en la maniere
accoutumée , y affifterent en Robes
de Cerémonie , & à leurs Places ordinaires.
L'Archevêque de Paris officia pon.
tificalement au Te Deum qui fut chanté
par la Mufique , au bruit d'une Salve generale
des Canons de la Baftille , de l'Ar-
Liiij Tenal
1106 MERCURE DE FRANCE.
fenal & de la Ville . Les Regimens des
Gardes Françoifes & Suiffes y répondirent
par trois décharges de leur Moufqueterie.
Après le Te Deum , le Roi vint
faire la priere devant l'Autel de la Vierge
, d'où S. M. fut reconduite jufqu'à la
Porte de l'Eglife , avec les Cerémonies ,
qui avoient été obſervées à ſon arrivée.
Le Roi remonta en Caroffe , & avec fon
fuperbe Cortege , aux acclamations d'un
Peuple infini , aux fenêtres , fur des Echafauts
, & dans la Ruë que les Regimens
des Gardes Françoifes & Suiffes en haye ,
les Officiers à la tête , avoient bien de la
peine à contenir , paffa par la Ruë Notre
Dame , le Pont enfuite , le Quai Pelletier
, & arriva à fept heures vers l'entrée
de la nuit à l'Hôtel de Ville , qui
étoit illuminé de la maniere que nous l'avons
déja dit , ce qui faifoit un coup
d'oeil admirable , & de la plus grande
magnificence. On étoit veritablement
frappé du bon goût , de l'ordre & de l'effect
de ce fpectacle . Ce qu'on remarquera
en paffant , c'eft que par les fages précautions
des Magiftrats , malgré la foule
prodigieufe du Peuple avide de voir le
Roi , malgré l'excès de la joye auquel on
voyoit tout le monde fe livrer , & la
quantité de feux de toute efpece , tout
s'eft paffé dans cette grande Ville >
nonfeule
SEPTEMBRE 1729 2107
feulement fans aucun accident confiderable
, mais fans aucun defordre .
9
Le Roi fut reçû au bas de l'Efcalier del'Hôtel
de Ville par le Duc de Gêvres ,
Gouverneur de Paris , le Prefident Turgot
, Prévôt des Marchands , Mrs Remi
le Roy , Mefnil & Befnier , Echevins
Moriau , Procureur du Roi , Taitbout
Greffier , & Boucot , Receveur de la Ville
, tous en Robbe de cérémonie , & accompagnez
des autres Officiers , qui compofent
le Corps de Ville , lequel après
avoir affifté au Te Deum à Notre - Dame ,
en revint en diligence , pour la réception
de S. M.
L'arrivée du Roi fut précédée d'une décharge
des Canons & des Boetes de la
Ville , & de deux décharges de la Moufqueterie
des Régimens des Gardes Françoifes
& Suiffes. Le Roi étant monté dans
la grande Salle , S. M. fe mit à la fe.
nêtre , d'où elle vit l'affluence & le mouvement
du peuple , dont la Place de Grêve
étoit pleine , & dont les acclamations
de Vive le Roi furent très - vives & con -r
tinuelles .
On diftribua auPeuple par les fenêtres du
pain & de la viande , & il fut auffi ietté des
L'argent . Il y avoit quatre fontaines de vin,
dans la Place comme les jours précedens .
Sur les huit heures on fit une autre
Iv de2108
MERCURÉ DE FRANCE
décharge des Boetes & Canons de la
Ville , & on vit partir enfuite un grand
nombre de fufées.
Dans ce tems - là , on vit entrer dans la
Place de Grêve une Mafcarade , dont l'Arlequin
étoit monté fur un Afne , & leg
autres perfonnages de differens caracteres
du Théatre Italien , étoient à pied , accompagnez
de Timbales & Trompettes..
Cette petite Troupe falua le Roi par des .
acclamations , & fit trois fois le tour de
l'Edifice du Feu , ce qui mit un intervale :
entre la décharge des Canons & les Fufées
volantes. Cette plaifante cérémonie
s'étant faite avec quelque ordre , fut un
amulement agréable pour S. M.
Les Fufées furent d'abord tirées en très .
grand-nombre , & très- belles , étant d'u--
ne groffeur extraire , immédiate.
ment après , c'eft à- dire , à huit heures ,.
on entendit dans le corps de l'Edifice du
Feu , un Tonnere d'Artifice étonnant par
le bruit & par la grande quantité du feu
qui en fortoits, lequel dura pendant tout
le tems que les Parcs d'Artifice & les partemens
des Caiffes , placées autour de
P'Edifice , faifoient leur effet ; de forte que
l'on peut dire qu'il ne s'eft point encore
tiré de Feu où l'on ait vu une fi grandeabondance
d'Artifice , tiré en moins d'une
demie heure.
Après
SEPTEMBRE . 1729. 2109
Après le Feu d'Artifice , le Roi paffa
dans la Salle , dite des Gouverneurs , &
peu de tems après , S. M. alla fe mettre
à table. Le Duc d'Orleans , le Duc de
Bourbon , le Comte de Clermont , le
Prince de Conty , le Prince de Dombes ,
le Comte d'Eu & le Comte de Toulouſe ,
fe mirent aux deux côtez de S. M. le
Duc de la Rochefoucault , le Duc de
Grammont , le Duc de S. Aignan , le
Duc de Picquigny , le Marquis de Villars
le Marquis d'Alincourt , le Comte de Baviere
, le Comte de la Rochefoucault ,
le
Duc de Charoft , le Duc de Tallard , le
Comte de Grammont , le Prince de Tonnay
Charente , le Marquis de Maillebois ,
le Duc de Mortemart , le Duc de Retz
le Prince Charles de Lorraine , le Marquis
de Courtenvaux , le Duc d'Olonne ,
le Duc de Bethune , le Duc de Noailles ,
le Prince de Bouillon , le Duc de Luxembourg
& le Duc de Richelieu , que le Roi
avoit nommez pour avoir l'honneur de
l'accompagner dans fon Voyage , étoienr
placez à la Table de S. M. dans l'ordre
qu'on vient de rapporter ; le Duc de la
Rochefoucault étant à la droite du Roi
après le Comte de Toulouſe.
Le Prevôt des Marchands eur l'hon--
neur de préfenter la ferviette au Roi , &
de fervir S. M. les Echevins , le Procu
Ivj reup
2110 MERCURE DE FRANCE:
reur du Roi , le Greffier & le Receveur
fervirent les Princes. Le fouper qui a été
très -magnifique , a été préparé par les Officiers
du Roi , & il a été donné par la
Ville , dont les Maîtres - d'Hôtel ont mis
les plats fur la Table ; S. M. ayant voulu
dans cette occafion imiter le feu Roi Louis
XIV. qui voulut être traité par la Ville ;
lorfqu'il y vint dîner le 3 a. du mois de
Janvier 1687.
30
Vers le milieu du Repas , le Duc de
Noailles fe leva , & demanda au Roi la
permiffion de boire à la fanté de Mon-
SEIGNEUR , ce que S. M. ayant permis
avec beaucoup de bonté , tous les Convi
ves burent la fapté de l'Augufte Enfane
très-folemnellement s
Pendant le Repas , M. de Blamont ,
Sur-Intendant de la Mufique du Roi , fis
executer plufieurs Symphonies de M. de
Lully , par Mr de la Mufique de S. M.-
& par Ms les Vingt- quatre. Coupon
Dès que le Roi fut à Table , on fervit
dans les autres Sales plufieurs Tables pour
des Seigneurs & pour des perfonnes de
la fuite du Roi , & on diftribua à tout le
monde une très grande quantité de ra
fraîchiffemens , tout ce qu'il y a de plus
exquis en Vins & en Liqueurs chaudes
& froides y fut prodigué ..
En fortant de Table , le Roi reçûr la
Ler
SEPTEMBRE. 1729. 2111
ferviette des mains du Prévôt des Mar
chands. .9 24 ..
Vers les onze heures & demie , S : M
fortit de l'Hôtel de Ville , & fut reconduite
jufqu'au bas de l'Efcalier par le
Corps de Ville , auquel S. M. eut la bonté
de témoigner qu'elle étoit fatisfaite de
la maniere avec laquelle elle avoit été reçûë
, & le Roi étant remonté en Caroffe,
partit pour retourner à Verfailles avec le
même Cortege qui l'avoit accompagné
en entrant dans cette Ville . Sa Majesté
paffa par le Quai Pelletier , la rue des
Arcis , la rue des Lombards , la rue
S. Denys , la rue de la Feronnerie , la
ruë S. Honoré , & lorfqu'elle fut arrivée
vis -à-vis de la Place de Louis le Grand
elle en fit le tour pour en voir l'illumination
qui étoit très belle. Le Roi avoit or
donné fon Caroffe n'allât qu'au pas ,
que
afin de fatisfaire l'envie que fon peuple
lui marquoit de le voir & de répondre aux
voeux que chacun formoit pour obtenir
du Ciel qu'il continuât de répandre fes
bénedictions fur le Roi , la Reine & Mon
feigneur le DAUPHIN. Pendant la Mar
ehe les Officiers des Gardes du Corps ,
qui étoient autour du Caroffe du Roi ,
jetterent de l'argent au peuple:
9
Le Corps de Ville avoit encore eu foin
de faire illuminer la face de la Porte
Sa
.
#12 MERCURE DE FRANCE.
S Honoré , du côté de la Ville , par un
grand nombre de Falots placez fur les ap
puis des Croifées , fur les Corniches &
fur le Comble , ce qui faifoit un très bel
effet .
Jamais Paris n'a été fi brillant de lumieres
qu'il le fut cette nuit là. Plufieurs volumes
ne fuffiroient pas pour donner le détail
des ingénieuſes , magnifiques & fingu
lieres illuminations qui furent faites dans
toute la Ville & aux environs , furtout dans
les rues où le Roi paffa , & leslieux qui
pouvoient être vûs par S. M. La rue S.Honoré
fembloit formée par deux paliffades
de lumieres , toutes infiniment éclatantes
& prefque toutes variées par les diverſes
formes , par les Luftres , les Girandoles
les bras à plufieurs branches , les flam
beaux , les bougies , les terrines , les lame
pions , & c .
Les Balcons & les fenêtres étoient ornez
de Tapis & de riches Carreaux , &
les Dames qui les occupoient , faifoient
encoré un fpectacle admirable. par l'éclat
de leur beauté , par la magnificence de
leur parure , & par le brillant de leurs
Pierreries , qui à la vive clarté de toutes
ces lumieres faifoient un effet furprenant..
Nous ne difons rien des hommes , le Lecteur
juge ailément que quand les Belles
ont
SEPTEMBRE. 1729. 2113
ont fi grand foin de leur ajustement , les
Cavaliers ne négligent pas le leur . Le Roi
avec toute fa Cour étoit de la derniere
magnificence pour la richeffe & le goût des
habits.
Il y avoit un autre agrément dans toutes;
les rues par où le Roi paffa , c'eft qu'on
n'y voyoit ni Caroffes ni Feux , ni Fufées
incommodes ; en forte qu'on y joüiffoit
de ce que l'éclat de la lumiere a de plus
flatteur dans la plus belle nuit , de voir
l'élite du plus beau monde raffemblé & de
pouvoir le promener à pied prefque auffi
tranquillement que dans les allées des
Tuilleries.
Nous ne difons rien non plus de la mar--
che pompeufe du Roi , précedé & fuivi de
nombreux détachemens des Troupes de fa
Maifon , Gardes du Corps , Gendarmes ,
Chevaux Legers , & Moufquetaires , avec
les Commandans & les Officiers , à la
tête de ces Corps , & aux Places qu'ils :
doivent occuper autour du Caroffe du
Roi. L'air augufte & affable de Sa Majefté
, qui paroiffoit fenfible au zele & ài
l'amour refpectueux de fon peuple , la
bonne mine des Princes & des Seigneurs
qui l'accompagnoient
, celle des
Officiers & des Troupes de la Garde , à:
cheval & à pied , & la richeffe de leurs
habits , dont le brillant des lumieres re
hauffoiti
114 MERCURE DE FRANCE.
hauffoit encore l'éclat , la fomptuofité des
équipages , tout cela animé par les Trompettes
, les Timbales , les Hautbois , les
Tambours & les Fifres , & plus encore par
les cris de joye ; tout cela , dis je , faifoit
un effet admirable , & qu'on ne fçauroit
exprimer , moins encore l'éfufion du
coeur , la joye & le contentement peints
fur tous les vifages à la vûë du Roi . Ceux
qui ne pouvoient pas le voir , fe faiſoient
entendre de l'interieur des maiſons & des
ruës aboutiffantes , par des acclamations
redoublées.
Quel bonheur pour l'Auteur de ce Livre
, fi , fpectateur de ces tranfports , il
pouvoit les rendre fenfibles par la maniere
dont il les décrit , & faire paroître les fiens »
pour la perfonne & la gloire du Roi , pour :
la grandeur de la Maifon Royale & pour
la profperité de l'Etat !
S. M. ayant trouvé dans toutes les ruës
de fon paffage les magnifiques Illuminations
dont on vient de parler , fortit par
la Porte S. Honoré , & il fut reconduit
jufques fur le chemin de Verfailles paɛ
une multitude de peuple , qui ne ceffoit
pas un moment de marquer la joye que la
prefence de S.M.avoit infpirée à tout Paris-
Le foir & pendant la nuit il y eut dans .
la Ville des réjouiffances plus grandes que.
celles des trois jours précedens , qui due
xerent tout le reste de la nuit.
SEPTEMBRE. 1929. 2115
Le Roi fut bien agréablement furpris ,
après tout ce qu'il venoit de voir , en fortant
de Paris , de trouver encore des Feux
& des Illuminations de la derniere magnificence
, dans un goût nouveau & que la
diſtance des lieux & le point de perfpective
dans lequel on les voyoit , rendoient
encore plus agréables ; telle étoit la fuperbe
Illumination de l'Hôtel Royal des Invalides
, qui fit une falve de fon Artillerie.
Le Palais de Bourbon , que Madame la
Ducheffe Douairiere a fait bâtir depuis
peu ; la Terraffe , le Perron & toute l'Ar
chitecture de ce bel Edifice , étoit illumi
née en terrines d'une maniere auffi noble
qu'éclatante & ingénieufe. La richeffe de
PArchitecture & l'arrangement des lumieres
fur diversoPlans , fe prêtant un
mutuel fecours , il fembloit aux yeux , que
toutes ces lumieres n'étoient que d'une
feule flamme vive & éclatante , felon les
differentes formes , & les plans droits ou
inclinez le tout faifoit une décoration
admirable. L'artifice qui fut tiré de ce
Palais, lorfque le Roi parut de l'autre côté
de la Riviere , fit un très- bel effet .
L'Hôtel du Maine , fur le même Quay &
prefque fur le même alignement, attira par
fon illumination & fon Feu d'artifice , l'attention
, & fatisfit pleinement la curiofité de
tous les spectateurs . Nous en parlerons.
plus
2116 MERCURE DE FRANCE.
plus au long , pour ne pas interrompre
ici le fil de cette Narration .
Tous les magnifiques Hôtels qui font
fur cet alignement & prefque fur le bord
de la Seine , étoient décorez des plus fuperbes
illuminations , principalement celui
du Marquis de Laffé , du Duc de Saint
Aignan , &c. qui tous ont fait éclatter
leur zele & fair tirer quantité d'artifice ,
Ce beau coup d'oeil étoit encore aug
menté par la vûë des Illuminations gene-
Fales & particulieres de la Campagne ,
car tous ceux qui étoient dans quelque
expolition heureufe à pouvoir être vûs du
Roi , s'étoient efforcez de donner quelque
marque de leur zele ; enforte que S. M.
pouvoit voir les Villages de Vaugirard ,
d'Iffy , de Vanves , de Meudon , dont une
grande partie du Château étoit illuminée ,
& de l'autre côté de la Riviere , S. Cloud ,
Sureine , le Mont Valerien , Boulogne ,
Auteuil , Pacy, Chaillor , ce qui faiſoit divers
Tableaux brillans au milieu de la nuit
& une perfpective charmante .
Le Roi voulant ajoûter aux actions de
graces, qu'il a rendues à Dieu , des marques
de fa compaflion pour les malheureux , à
accordé plufieurs graces , & a donné ordre
au Cardinal de Rohan , Grand- Aumônier
de France , de faire diftribuer de grandes.
aumônes , & de délivrer des prifonniers,
L'Abbaye
SEPTEMBRE. 1729. 2017
L'Abbaye de S. Germain des Prez s'eſt
auffi diftinguée d'une maniere particuliere.
Dès le Dimanche , vers les fix heures du
matin , auffi-tôt que les Religieux fçûrent
la nouvelle de la naiffance de Monfeigneur
le DAUPHIN , ils fe hâterent de
l'annoncer à tout le Faubourg , par le fon
de toutes les Cloches , & par une triple
décharge de Boetes & de Coulevrines.
Sur le foir , il y eut un grand Feu dans la
Cour du Monaftere , accompagné de plufieurs
falves. Ils ont continué ces réjouif--
fances jufqu'au jour de la Nativité de la:
Sainte Vierge , qu'ils chanterent après
les Vêpres le Te Deum , au bruit d'un
grand nombre de Boëtes. Vers le foir il
y eut encore un Feu comme les quatre
jours précedens , pendant lequel on tira
un grand nombre de fufées. La principale
Tour , & toutes les faces des Bâtimens
tant du Dortoir des Religieux , que des
maiſons des Bourgeois qui font dans l'Enclos
de la Cour , étoient illuminées depuis
le haur jufqu'en bas , ce qui faifoit:
un très- bel effet par raport à la régularité
& à l'étendue de ces grands Bâtimens. Il
y eut auffi à la porte du Monaftere deux
Fontaines de Vin , qui coulerent fort
long- tems ; & on peut dire qu'il n'y a
peut-être point eu de Quartier dans Pa
Lis où la joye ait été plus éclatante que
dans l'Enclos de cette Abbaye
2118 MERCURE DE FRANCE.
Le 11. le Cardinal de Biffy , Abbé de
S. Germain , fit tirer dans la Cour de fon
Palais Abbatial un très beau Feu d'Artifice
, qui fut fuivi d'un grand & magnifique
Repas , auquel affifterent le Nonce
du Pape , plufieurs Ambaffadeurs & Miniftres
Etrangers , ainſi qu'un grand nombre
de Prélats & de perfonnes de la premiere
diftinction. Toute la façade de ce
Palais , ainfi que le fond du Jardin & le
Parterre , étoient illuminez d'une maniére
tout -à- fait ingénieufe , ce qui attira l'admiration
& l'applaudiffement de tout le
monde. Plufieurs Muids de Vin coulerent
en faveur du peuple pendant toute la Fête
PRIERE A DIEU pour Monseigneur
le DAUPHIN , fervant d'explication aw
Logogriphe du Mercure du mois d'Aoûts
Rand Dieu , de ce DAUPHIN aimable ,
Dont l'éclat éblouit nos yeux » GR
Daigne d'une main fecourable
Conferver les jours précieux ;
Les Heros dont il tient la vie
Ont fait fleurir par tout tes loix ;
Comme eux , Vainqueur de l'héréfie ,
It fera triompher la Croix .
Par Paparoche de Carpentras .
Le fécond Volume qui est actuellement
fouspreffe paroîtra inceffamment. 2
TABLE.
Leces Fugitives. L'Amour vaincu , No-
1909
P
velle
Suite
des Refléxions
fur la Réponse
de M. Hecquet
à M. Sylva
.
Epitre au Roi
1919
1939
Lettre à l'occafion des deux Bibles , & c 1941
Requeſte d'un jeune Hêtre aux Myrtes des
Jardins de Venus , 1948
Deffenfe de ce qui a été dit de l'impoffibilité
de certains Arts ,
Bouts- Rimez ,
1953
1966
Lettre fur l'art d'orner l'efprit , ou bons mots,
& c.
Ode fur la naiffance du DAUPHIN ,
Lettre en faveur des Epigrammes ,
1967
1978
1981
Lettie fur une Pierre formée dans le corps
humain ,
Logogryphe & Enigmes ,
1983
1921
Nouvelles Litteraires des Beaux Arts , & c. 1992
Les Voyages de Glantzbi , & c.
Nouveau Syftême de Philofophie ,
1991
1998
Lettre fur la Grammaire Italienne à l'ufage
des Dames , 2003
Traduction en Vers Latins des Avantures de
Telemaque ,
Le Serin & le Roffignol , Fable ,
2002
2004
Nouvelle foufcription pour les cérémonies &
coûtumes Religieufes ,
2006
Seconde partie de l'Hiftoire des Infectes de
l'Amerique , & c. 2007
Lettre fur une Edition des Ouvrages de M. de
Thou
2008
Programé de l'Académie de Bordeaux , 2010
Chanfon notée , & Vaudeville fur la naiflance
& c .
2011
"
2011
Spectacles , Melpomene vangée ,
Réjouiffances des Comédiens Italiens , 2017
Réjouiffances au Théâtre François ,
Réjouiffances à l'Opera ,
2019
2021
2024
Atheatus , ou l'Invifible , Comédie ,
Nouvelles du Temps , de Turquie , Ruffie .
Suede & c.
2028
D'Allemagne , Italie , Efpagne , Portugal &
Angleterre , 2031
Nouvelles de France , prife de poffeffion de
l'Archevêché de Paris ,
Morts ,
Naiffance du DAUPHIN , Ode ,
Couches de la Reine ,
2039
2042
2044
2048
Ordonnances de Police, & autres à ce sujet, 2057
Lettre du Roi à l'Archevêque de Paris , 2061
Mandemens , & c. 2062
Illuminations de l'Hôtel de Ville , &c. 2067
Feu d'Artifice , 2077
Illumination des Hôtels de Gêvres , &c. 2085
Celles du Prévôt des Marchands & des Eche.
vins , & c.
Arrivée du Roy , & Te Deum
Feu d'Artifice , & c.
Souper du Roy ,
Marche & Retour de S. M.
Fautes à corriger dans ce Livre.
I.
2091
2103
2108
2109
2111
I.
›
Age 1980. lig. du bas , du , lifez de. P. 2007.
1. 23. on , en. P. 2042. l. 1. livres ,
trouvé monter à la fomme de 1138181. livres ,
Jaquelle. P. 2068. 1. 20. & fur les Remparts ,
1. Tur les rempans . Ibid. l. 23. poinions , 4 pignons.
P. 2069. l. Piramides des Etoiles
1. Piramides terminées par des . P. 2072. 1. 22 .
peinte . peint . P. 2074. l . 17 , d'azure 1. d'a-
Eur. Ibid.. I. dern. Refuns , 1. refends.P . 2675.
7. 21.Cuivre , l. cire. P..2078.1. 5. du bas , l'Hô 1.
tel , 1, l'Autel. P. 2086. l . 10. & de l'autre , 1.
& l'autre, ibid. 1.15 . du Refand , 1.de refend.
Air noté dost rogarder la page
20110
Qualité de la reconnaissance optique de caractères