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MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
MAR S. 1727.
SPARGIT
QUE
COLLIG
Chez <
A PARIS ,
K
CLA VEUVE CAVELIER , au Palais.
GUILLAUME CAVELIER , fils , rue
S. Jacques , au Lys d'Or..
N. PISSOT, Quay de Conti, à la defcente
du Pont- Neuf , au coin de la ruë de
Nevers , à la Croix d'Or.A
M. DC C. XXVII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
L
chofes
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU ,
Commis Mercure , vis -à- vis la Comedie
Françoise à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
eachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toujours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui tes envoyent ,
celui , non feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
воріє.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , on les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement,
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau, qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Mef
fageries qu'on lui indiquera.
Le prix eft de 3o. fo's.
MERCURE
.DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
MARS. 1727.
of.d
XXXXXXX ***************
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LE ROY ,
GOUVERNANT PAR LUI MESME ,
ODE.
Aint Vallon , facré Permeffe ,
S
Préfidez à mes accords ;
Epris d'une jufte yvreffe
Je me livre à mes tranfports ,
Divinife mon delire ,
Apollon , monte ma Lirejor slalom
sb mickbu to
•
A ij Je
416 MERCURE DE FRANCE .
Je t'invoque : infpire moi ;
Simon fujet eft fublime ,
Mon audace eft legitime ,
Puifque je chante mon Roy.
Je vais d'un effor rapide ..
Refpectez tous mes accens
C'en eft fait le Dieu me guide :
Echo ! réponds à mes chants.
Orphée , autrefois celebre
Attendrit les bords de l'Hébré ,
Au récit de fes malheurs
Par un femblable miracle :
Pour un plus charmant fpectacle ,
Mortels , je ravis vos coeurs.
Quelle trace lumineufe
Frape mes yeux éblouis ! ...
De fa clarté radieufe
Tous mes fens font réjouis.
Quel Mortel ! Quelle Déeffe !
C'eſt LOUIS; c'eſt la Sageffe ;
Qui prend foin de l'enfeigners
Et de la celeste roûte¿ã
Elle
MAR S. 1727. 417
Elle vient marquer la route
Qu'il doit tenir pour regner.
Déja l'Olimpe s'apprête ,
A celebrer ces beaux jours :
En faveur de cette Fête ,
Phoebus ranime fon cours.
Jupiter contre la terre ,
N'eft plus armé du Tonnerre :
Non , ce Souverain des Dieux
- Pardonne au Titan rebelle ,
Sa révolte criminelle ,
Et fes deffeins odieux.
Tout brille dans ces Campagnes ,
Flore embellit nos Côteaux :
Et les Nymphes fes Compagnes ,
Danfent deffous les ormeaux .
Que de riantes images !
Zéphir chaffe les nuages ;
Et par fes douces chaleurs ,
L'hyver fuit avec fes glaces :
Nous marchons , & fur nos traces ,
#y
T
07
Nous voions naître les fleurs.
A iij
Au
418 MERCURE DE FRANC
Au milieu de nos Bocages ,
Le murmure des Ruiffeaux
Se joint au bruit des feuillages ,
Aux doux concerts des Oiſeaux.
Déja les Troupeaux d'Annette ,
Bondiffent de flus l'herbette .
J'entens au fond de nos Bois ,
Pan , Faune , Silvain , Satire ,
Pouffer des éclats de rire ,
En accordant leurs Hauts- Bois.
Je cede à l'ardeur lyrique ,
Dont mes feux font enchantez ,
De ma Mufe Prophetique ,
Tous les accèns font dictez .
Où fuis-je ?... Nouvel Icare ! ...
C'eft Apollon qui m'égare ;
Je perce dans l'avenir ! …….
Par l'éclat de mes paroles
Je veux porter aux deux Poles ,
Ce que j'y peux découvrir.
Quel Peuple orgueilleux s'obſtine
A braver nos Etendarts ?
11
MARS. 1727 . 419
Il avance fa ruine ,
En approchant nos Remparts.
Pour LOUIS que de conquêtes !
Que de Palmes toutes prêtes !
Je le vois dans les Combats
Commander à la Victoire :
Et Mars foigneux de fa gloire ,
Par tout préceder fes pas.
Mais non ... cruelle Bellonne ,
Loin tes fureurs à jamais :
Le Laurier de ta Couronne ,
Cede à l'Olivier , de Paix .
Livre Hifpaham aux allarmes ,
Qu'Amurat prenne les armes ,
Qu'il fonde de grands projets.
Sur une injufte Victoire :
LOUIS veut faire fa gloire ,
Du repos de fes Sujets .
Que les ris viennent par bandes ,
Chaffer les triftes douleurs :
Qu'on fe pare de Guirlandes ;
Qu'on fe couronne de fleurs.
A iiij Qu'on
420 MERCURE DE FRANCE .
Qu'on mêle aux fruits Pomonne ,
Le jus que Bacchus nous donne :
Qu'il coule fur nos Ramparts.
Que l'enfance & la vieilleffe
Se livrent à l'allegreffe ,
Qui brillent de toutes parts .
Bergers dedans nos Prairies ,
Faites retentir les airs :
Et fur nos Rives fleuries ,
Formez d'éclattans Concerts.
Dans vos ruftiques retraites ,
Celebrant fur vos Mufettes
Les objets de vos defirs ;
Chantez votre augufte Maître :
Puifque c'est lui qui fait naitre
Et vos jeux & vos plaifirs.
Deformais , le brigandage,
Fuira loin de ma maiſon ;
Je ne crains plus ni pillage ,
Ni fraude , ni trahifon.
Dans le fein de l'indolence ,
Dans une pleine affurances
af. I
MARS. 1727 . 421
Je verrai couler mes jours :
Plus heureux que mes Ancêtres :
Sous le plus jufte des Maîtres ,
J'en veux terminer le cours.
Déja triomphe du vice ,
L'aimable & fimple verta ;
Sous les loix de la Juſtice ,
Gémit le crime abbatu..
Le Trône devient l'azile
De la Veuve & du Pupille :
Fuyez , lâche adulateur ,
Peuple vil & mercenaire ,
Loin du Monarque fevere :
Fuyez , calomniateur.
Des climats les plus fauvages ,
On arrive dans nos Ports ;
Le Maure avec fes hommages ,
Nous vient offrir fes tréfors .
La rapide Renommée ,
Du nom de LOUIS charmée ,,
Le fait voler jufqu'aux cieux.
Regne augufte ! Empire aimable!'
T
Ay Puiffe422
MERCURE DE FRANCE.
Puiffe-t- il être durable ,
Plus encor que glorieux ?
Vacuum duellis
Janum Quirini claufis , & ordinem
Rectum evaganti frana licentia
Injecit , emovitque culpas. Horat. Carm. Lib.
IV. Ode XV.
Le Chevalier de Mautador.
Cette Ode peut fe chanter fur l'Air :
noté au bas de la Chanfon , Affreux Hyver
, page ..
.. ·
Maabaaaaa
DESCRIPTION d'une Horloge aftronomique
, inventée par Mathieu Kriegfeiffen
, & approuvée par l'Académie.
Royale des Sciences.
C
' Eft une horloge qui marche de fon
mouvement , & exprime dans le
terme de 24 heures le circuit journalier
du premier mobile d'Orient par Midi
en Occident , tant au Ciel des Etoiles
fixes , qu'à ceux du Soleil & de la
Lune , comme auffi le mouvement an -1
PA
nuel
MARS. 1727. 423
fuel du Soleil , & les revolutions de la
Lune , tant periodiques, que finodiques ;
enfuit la difpofition du Globe lunaire ,
par rapport aux differens afpects que cet
Aftre reçoit de la lumiere du Soleil dans
la Sphere naturelle ; & enfin la fituation
des quatre Elemens , le tout felon l'hypothèle
de Ptolomée.
Pour en donner plus d'intelligence ,
on fera remarquer qu'on a mis au milieu
de la face de cette Machine , le Globe
de la terre , fur lequel on a gravé en
abregé les quatre parties du monde. Ce
petit Globe demeure toujours fixe &
immobile au centre , quoique les Cieux
faffent tous les jours autour de lui , une
revolution entiere d'Orient en Occident,
& enfuite l'Element de l'air qui le circule
, & puis le feu élementaire qui l'environne.
L'Orbite , ou Ciel de la Lunè , au
milieu duquel la face de cet Aftre eft
blanche , fe fait continellement voir dans
tous les differens temps de fes retrogradations
, fous toutes les differentes phafes
qu'elle apparoît dans la Sphere
naturelle , à mesure qu'elle s'éloigne ,
ou fe rapproche du Soleil .
L'Orbite , ou Ciel du Soleil , au milieu
duquel le Globe de cet Aftre eft
placé , de même que les quatre ( princi-
A vj paux
424 MERCURE DE FRANCE.
paux afpects de la Lune , également diftant
des uns & des autres , afin de pouvoir
juger avec plus de certitude , de fes
quartiers croiflans & prifans , & de
combien elle en fera éloignée , ou parvenuë.
La voute ou lambris du Ciel étoilé ,
au milieu de fon plan , font rangez tour
à tour , en diftances inégales , fuivant en
degrez aftronomiques , les douze Signes
du Zodiaque , avec les trois cens foixante
degrez du Ciel , marquez à fa cir
conference convexe , & à fa concavité,
les douze mois de l'année , avec les quatre
faifons , & le précis , lever & coucher
du Soleil , pour tous les differens
temps.
Au - delà de tous ces Orbes , ou Cieux
mouvans , font marquez tout autour en
diſtance égale , les chiffres des 24 heu
res qui tournent avec le Soleil en 24 .
heures de temps .
Au - delà de la face de cette Machine
eft un cercle , fur lequel font gravez
tout autour , diviſez également en 48 .
-parties , les noms des principales Villes
du monde , pour fçavoir à tout moment
quelle heure il eft dans chacune des Villes
& des Ifles qui font gravées fur
cette plaque immobile , la vraie heure
de ces lieux répond toujours vis- à-vis de
leur degré.
MARS. 1717. 425
Par ce mouvement journalier du premier
mobile , tous les corps de cette Machine
, à la réferve de ce cercle , & la
terre , fait chaque jour une révolution
entiere dans le terme de 24. heures , &
le mouvement retrograde du fecond mobile
, la Lune accomplit fa periode , ou
le contour du Zodiaque dans le terme
de 27. jours , 7. heures , 43. minutes ,
& acheve fa révolution finodique , fur
l'espace de 29. jours , 12. heures , 44 .
minutes.
Par la vertu de ce mouvement , le
Soleil employe un an tout entier à par
courir les 12. Maifons celeftes . Il y a un
rayon de cet Aftre en forme d'aiguille
pofé fur fon fommet , qui fe termine
au chiffre du Midi , & qui tournent toujours
enfemble.
Il eft neceffaire de fçavoir fous quel
Signe & degré du Ciel , & le jour auquel
il entre dans un des Signes , & lorfqu'une
des quatre faifons finit , les mois
de Mars , Juin , Septembre & Decembre
, par où l'on voit que le Soleil reſte
dans les Signes Septentrionaux fept jours
& plus que dans les Meridionaux , qui
font deffinez dans la Sphere. Le milieu
du corps du Soleil marque préci
fément le lever de cet Aftre ; de même
que l'afpect de la pleine Lune , qui
Ini
426 MERCURE DE FRANCE ,
lui eft diametralement oppofé , hors duquel
fort une aiguille qui fe terminė
dans le plan du Ciel étoilé , & au chiffre
de minuit , marque fon coucher.
A côté gauche du Soleil , eft une petite
aiguille qui marque le mois courant.
Dans le plan du Ciel étoilé , au Signe
du Belier , au mois de Mars , hors duquel
fort une aiguille qui fe termine au
chiffre de 24. heures ; c'eft pour marquer
l'heure & la minute du premier
point du Signe du Belier , quand il paffe
tous les jours par le Meridien de Paris ,
82 par toutes les Villes de la terre qui
font gravées fur le cercle .
Le premier point du Belier , dans fa
révolution journaliere du Ciel , précede
toujours le Soleil , depuis le commencement
du Printemps , jufqu'au commen
cement de l'Automne , c'eft à - dire , qu'il
arrive au Meridien plutôt que le Soleil ,
& depuis le commencement de l'Automne
jufqu'au Printemps , le Soleil précede
toujours le premier point du Belier,
& artive plutôt que lui au Meridien ,
c'eft- à - dire , depuis l'Equinoxe du Printemps
jufqu'à l'Automne. Le premier
point du Belier paffe par toutes les Villes
, avec les heures du matin , & depuis
l'Equnoxe d'Automne , jufqu'à celui du
PrinMARS.
1727. 427
Printemps , il paffe avec les heures du
foir à tout different temps , & par d'autres
aiguilles , dont les afpects lunaires
font munis , ce qui convient à la Lune.
De toutes ces chofes s'obferveront
auffi avec la même facilité , entr'autres
fes paffages dans le Meridien , fous quel
Signe & degré du Ciel elle correfpond,
& fes levers & couchers de chaque jour,
fi la Lune eft en nouvelle conjonction
avec le Soleil , elle fe trouve entre la
terre & le Soleil , elle va en croiſſant ,
& l'aiguille qui va avec la Lune , marque
les heures du foir pour Paris &
pour tous les endroits de la terre , qui
font gravez fur ledit cercle , excepté
après onze heures du foir ; la veille de
l'oppofition , pour faire voir qu'au jour
de l'oppofition , il n'y a point de paffage
par le Meridien de Paris , & la plenitude
de la Lune , la terre fe trouve entre
le Soleil & la Lune ; cette aiguillemarque
les heures du matin par toutes
les Villes qui font gravées fur le cercle
, en tout different temps jufqu'à nouvelle
conjonction .
Si on fe rend familiere la latitude qu'elle
a de part & d'autre de l'Ecliptique ,
la marée , ou flux & reflux de la Mer ,
s'y marqueront auffi très exactement",
428 MERCURE DE FRANCE .
7
& même pour tels endroits & lieux que
l'on fouhaitera.
Sur le même grand cercle , où font
gravez les noms des principales Villes
du monde , il y a gravé une fleur - delys
fous Paris qui eft immobile ; par -là
on peut fçavoir à tout moment l'heure
qu'il eft du jour & de la nuit, dans tous les
endroits principaux du monde , par le
moyen du cercle de 24 heures , qui tourne
journellement , l'heure , ou la demie ,
ou la minute qui coule , fe trouve toujours
fous la fleur - de - lys .
Par exemple , le Soleil avec fon aiguille
, qui fe termine toujours au chiffre
de Midi , s'il fe trouve fous la fleurde-
lys , il eft midi à Paris , 7. heures du
foir à Batavia , & 7. heures du matin à
Quebec & à Jerufalem , 2. heures & demie
après midi & à S. Pierre en deçà
de l'Equateur minuit comme marque
l'aiguille qui fort de la face de la
pleine Lune oppofée du Soleil , & les
autres heures fuivantes toutes du même
cercle pour chacune des Villes & des
Ifles qui correfpondent aux heures , pour
fçavoir à tout moment quelle heure il
eft fuivant le temps moyen.
,
Et à côté droit de la fleur- de- lys , il
ya un petit Soleil mouvant
mouvement inégal , c'eft pour marquer
,
avec un
le
MARS. 1727.
4.2.9
le temps vrai à toutes les heures & les
minutes du jour & de la nuit pour Paris
, & pour tous les endroits de la terre,
qui font gravez fur le cercle.
J'ai commencé par le premier jour
de Novembre , à pofer le Soleil deffus
la fleur-de- lys , parce qu'au commencement
de ce mois , le mouvement moyen
eft égal au mouvement vrai , c'eſt - àdire
, quand il eft midi au temps moyen ,
il eft auffi midi au temps vrai.
&
Après le Soleil commencera à quitter
la fleur - de - lys en allant du côté
droit , où font marquées les 60. minutes
, tantôt plus , tantôt moins , fuivant
que l'équation augmente jufqu'au onziéme
de Fevrier , le Soleil fera éloigué
de 31. minutes 5. fecondes ,
après l'équation il va en diminuant juf
qu'au 15. du mois de Mai , & le Soleil
fera rapproché de la fleur - de- lys de 12 .
minutes 8. fecondes , & depuis le 15. de
Mai jufqu'au 26. Juillet l'équation và
en augmentant , & le Soleil s'éloigners
de la fleur-de-lys de 22. minutes 16 .
fecondes , & depuis le 26. Juillet juſ
qu'au premier jour de Novembre , l'équation
va en diminuant , & le Soleil
s'approchera de la fleur-de- lys tout- àfait
, ayant fait fon cours de l'année.
Le Soleil s'éloigne & s'approche de
{
12
430 MERCURE DE FRANCE.
-la fleur -de - lys , fuivant l'équation !
augmente & diminuë , c'eſt- à - dire , quand
l'équation va en augmentant , le Soleil
s'éloigne de la fleur- de- lys ; & quand
l'équation va en diminuant le Soleil
s'approche de la fleur - de-lys , à meſure
que l'équation augmente ou diminue tous
les jours ; de même le Soleil s'éloigne
ou fe rapproche de la fleur- de - lys tous les
jours.
"
.
Par exemple au premier jour de
Janvier , ce Soleil fe trouvera éloigné
de la fleur - de-lys de 20. minutes 32
fecondes à midi , & le Soleil continuera
toujours de s'éloigner ,, mais imperceptiblement
d'une heure vraie à l'autre ;
mais bien perceptiblement
, d'un midi
vrai à l'autre , du premier Janvier juf
qu'au 2. l'équation augmente de 28 .
fecondes ainfi au 2. Janvier le Soleil
fe trouvera éloigné de la fleur -de- lys de
21. minutes .
Comme le cercle des chiffres de 24.
heures tourne journellement , quand le
chiffre du midi fe trouve fous la fleurde-
lys , il eft midi à Paris , au temps
moyen , & il n'eft qu'onze heures 39 .
minutes au temps vrai , il faut que le
chiffre du midi parcoure les 21. minutes
pour trouver le Soleil fur la minute,
pour faire midi au temps vrai à Paris
lorf
MARS. 1727. 4.3 %
lorfqu'il eft midi au temps vrai , il eft
déja midy , 21. minutes au temps moyen
au deuxième jour de Janvier.
Pour fçavoir l'heure qu'il eft dans
toutes les Villes & dans toutes les Ifles
qui font gravées fur le cercle , fuivant
le temps vrai , il faut obferver au 2. Janvier
que l'équation eft de 21. minutes ,
comme le Soleil le marque , étant éloigné
de la Fleur de Lys , qui marque le
tems moyen , de même l'équation eft
éloignée auffi de 21. minutes aux Villes
qui font gravées autour du cercle.
Par exemple , le chiffre du Midi fe
trouvant au deffous du Soleil , il eft midi
au temps vrai à Paris , & 7. heures du
foir à Batavia , & 7. heures à Quebec du
matin , & à Jerufalem 2. heures & demie
après midi , & à Saint Pierre deçà
l'équateur minuit .
Au temps moyen , il eft déja midi 2 F.
minutes à Paris , & à Batavia 7. heures
21. minutes du foir , & à Quebec 7.
heures 21. minutes du matin , & à Jerufalem
2. heures 51. minutes après midi
, & à Saint Pierre deçà l'Equateur minuit
21. minutes , comme auffi autour
des Villes & des Ifles qui font gravées
fur le cercle , pour fçavoir quelle heure
il eft à tout moment au tems moyen &
au temps vrai ; mais au temps vrai , il
ef
1
432 MERCURE DE FRANCE . 1
eft tantôt plus , tantôt moins fuivant
que l'équation augmente , ou diminuë.
Et au deffus du cercle , où font gravées
les Villes , eft pofé un demi cercle
, où font gravez les quantièmes du
mois de 31. jours , & l'aiguille qui marque
les jours courans avec leur inégalité
, & tantôt 3 1. & une fois 28. jours
il acheve chaque mois fans y toucher la
même.
>
Et au- delà du demi cercle , eft placé
un Cadran de 12. heures , avec les minutes
à l'ordinaire , qui marque le temps
moyen au midi vrai pour le Meridien
de Paris ; c'eft- à-dire , qu'il fe rencontre
quatre fois par an avec le Soleil qui
marque
le
temps vrai , c'eft au 15. d'Avril
, au 16. Juin , 31. Août , & 24. Decembre
; mais tous les autres temps differens
, comme on voit au deffus dudit au
2. Janvier , que le Soleil qui marque le
temps vrai à midi pour Paris , & les Cadrans
avec leurs aiguilles , marqueront
midi & 5. minutes , & la Fleur de Lys
marquera midi 21. minutes au 2. jour
de Janvier.
Entre le grand cercle, & le demi cercle
font placez deux petits Cadrans ; celui
à gauche marque le Nombre d'Or ,
& l'Epacte de chaque année courante ;
& celui à droite marque le Cycle Solaire
MARS. 1727:
433
laire , la Lettre Dominicale qui convient
au Dimanche , pendant le cours de
chaque année , & recommencera toûjours
avec le même ordre.
TABLE.
1. Le mouvement journalier du Zodiac
, ou Ciel des Etoiles.
2. Le mouvement journalier du Soleil.
3. Le mouvement journalier de la Lune,
4. La révolution annuelle du Soleil.
5. La révolution periodique de la Lune.
6. La révolution finodique de la Lune.
7. Les differentes phafes & afpects de la
Lune.
8. Les jours de la finodique.
9. Les fituations figurées des quatre Elemens.
10. Sous quel figne & degré du Ciel le
Soleil & la Lune correfpondent.
1. Les précis lever & coucher du Soleil
& de la Lune.
12. Pendant tous les temps.
13. Les paffages précis de ces deux
Aftres dans toutes les principales Villes
du Monde.
14. Les mois courans de l'année , & les
jours précis de l'entrée du Soleil dans
ces fignes .
15. Pour fçavoir à tout moment l'heure
qu'il
434 MERCURE DE FRANCE.
qu'il eft dans toutes les principales
Villes du Monde
fuivant le temps
moyen .
›
16. Et pour fçavoir à tout moment
l'heure qu'il eft dans toutes les principalesVilles
du Monde, fuivant le temps
vrai.
17. Un Cadran de 12. heures , avec les
minutes à l'ordinaire.
18. Un demi Cadran , qui marque les
jours du mois.
19. La révolution du Cycle Solaire , &
le nombre de l'année courante .
20. La révolution du Nombre d'Or , &
le nombre de l'année courante.
21. Les révolutions des Lettres Dominicales
, & le nombre des années bifextilles.
22. La révolution des Epactes , & le
nombre des années courantes .
le
EXTRAIT des Regiftres de l'Academie
Royale des Sciences , du 10. Juillet
1726. Meffieurs de Reaumur & du Fay ,
qui avoient été nomme pour examiner
une Horloge inventée & conftruite par
fieur Mathieu Kriegſeißen , qni eft à Rochet
à Pendule à l'ordinaire ; mais qui
par le moyen de plufieurs cadrans & aiguilles
marque un grand nombre de differentes
chofes , le mouvement diurne du
Soleil
MARS. 1727 :
435
>
Soleil , fon lever & fon coucher pour Pavis
l'heure des principales Villes du
Monde , tout ce qui appartient au mouve
ment de la Lune , le quantième du mois
avec la difference de ceux qui ont plus , ou
moins de jours , fans qu'il fuit befoin de
toucher à ce Cadran , que dans les années
bifextilles , le Cicle Solaire , le Nombre
d'Or , & l'Epacte , & furtout la difference
du temps moyen du vrai pour tous les &
lieux marquez dans l'Horloge , laquelle
difference eft reprefentée & executée par celle
de deux mouvemens qui donnent l'équation
, conformément aux deux Tables de la
connoiffance des Temps ; en ayant fait leur
rapport, la Compagnie a jugé que cette
Pendule étoit très - ingenieufement imagi
née ; & que quoique la quadrature foit
affez composée par la quantité de choſes.
qu'elle marque , les mouvemens étoient difpofez
avec beaucoup d'ordre & d'intelligence,
& autant de fimplicité qu'il étoit
poffible. En foi de quoi j'ai figné le préfent
Certificat , à Paris ce 14 Juillet
1726 .
Signe , FONTENELLE , Secretaire
perpetuel de l'Acad.Royale des Sciences,
EPITRE
436 MERCURE DE FRANCE .
茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶
EPITRE
A M. de B. enforme d'Epitalame.
Left un temps où l'Amour , quoiqu'on
1½
dife ,
Avec l'Hymen fe familiarife :
Il eſt un temps où l'Amour plus liant ,
Flatte le Dieu qui de nopce eft friand ,
Et c'eft raifon , car de ce maître Sire , >
De Cupidon, inince feroit l'Empire ,
Si profcrivant & Notaire & Contrat ,
Il ne regnoit que fur le celibat .
Trop mieux connoît où s'étend fon Domaine
,
Et quand le drôle ici bas fe promene ,
Ne veut qu'un coeur puiffe lui réfifter :
Si , qu'où fa main manqueroit d'ajuſter ,
Pour mieux vifer par un trait de fageffe ,
Du Dieu fon frere il emprunte l'adreffe.
L'Hymen fait breche , & l'Amour eft cone
tent.
Bien reconnois , & le fait eft conftant ,
Que fans l'aveu de l'Enfant de Cythere ,
Ec
MARS. 1727 .
437
Et muguettant les ducats d'un beau - pere ,
Ce Dieu fe prend à l'appas d'une dot ;
Four s'en venger l'Amour n'eft pas mane
chot.
Suffit enfin, partageant fa conquête ,
Qu'avec Hymen il eft fouvent de fête.
Pour le prouver , il n'eft ici befoin
D'aller tirer nos exemples de loin.
Sans de Paphos feüilleter les Archives ,
Compter fes droits ni fes prérogatives ;
Sans parcourir ces temps , ces heureux
temps ,
Où les Epoux ne ceffoient d'être Amans ,
Ami , pour vous Hymenée en campagne ,
Publie affez que l'Amour l'accompagne ,
Dont bien l'en prend ; car fans ce compagnon
,
N'euffiez de l'autre allumé le brandon.
» Loin , difiez - vous , tout bizarre Hymenée ,
» Dont Plutus feul regle la deftinée .
Et toi qui fçais affortiffant les coeurs ,
L'art d'allumer d'éternelles ardeurs ,
» Amour ! Sans toi , ne permets , & pour
caufe,
Que de mon fort un jour l'Hymen diſpoſe.
B Mais
438 MERCURE
DE FRANCE,
» Mais choifi-moi pour former ce lien ,
>> Gente pucelle , & d'aimable maintien ;
Vole en fon coeur,
auffi - tôt qu'en mon ame
» Et de ta main la recevrai pour femme,
»Prétends de plus , & j'en jure par toi,
>> Vivre avec elle affervi fous ta loi;
» Et , plus unis que bouquets de guirlande ,
» De nos deux coeurs toûjours te faire of
frande.
Ainfi parlant à Meffer Cupidon ,?
Sçûtes très- bien faire votre oraifon .
Le Peuple Amour qui reconnut fa langue ,
Battit des mains , applaudit la Harangue ;
Et fur l'Autel recueillant vos préfens ,
Lui- même offrit vos voeux & votre encens,
Lors Cupidon prend fon vol vers Lutecę ,
Bande fon arc , ajuſte , tire & bleſſe
Certain objet de graces bien doté ,
Et tel enfin que l'aviez ſouhaité.
Puis retournant fur la youte azurée ,
Trouve l'Hymen dans la bande facrée.
sa Ami , dit-il , la victoire eft à nous.
» Viens prendre part à l'honneur de mes coups,
Atteints d'un trait à qui Jupiter cede ,
Deux
MARS .
432
1727.
» Deux jeunes coeurs ont befoin de ton aide.
» En ce moment ils t'adreffent leurs voeux ,
Cours , vole , Hymen , & couronne leurs
feux.
Le Dieu deux fois ne fe le fit pas dire ,
Ravi qu'Amour à fon heureux Empire ,
Par fois voulut ainfi l'affocier ;
Donc près de vous fe rend le Dieu nopcier ,
Plus fait encor le fils de Cytherée ,
S'en va briguer la faveur adorée
Du Dieu Plutus , & ja pour main ducat ,
Vous fait au long coucher fur fon Etat.
Ce qui n'eft pas , foit dit fans vous déplaire ,
En fait d'Hymen choſe furnumeraire.
Or , tout ainfi s'intriguant à propos ,
Vous prononcez les énergiques mots ;
En dits plaifans , en danfe façonnée ,
Paffez , joyeux , la benigne journée :
Puis , vous rendez à l'amoureux réduit ,
Où je vous dis bon foir & bonne nuit.
TANEVO T.
Bij LET440
MERCURE DE FRANCE.
*kakakakakaka
LETTRE écrite le 20. Decembre
1726. par D. B. à . D. Valentin ,
Chartreux , fur l'état de faint Bruno
avant fa retraite .
que
E n'ai pas lû , M. R. P. les Antiquitez
Jde l'Eglife de Valence par M. de Catelan
, Evêque de cette Ville ; mais j'ai
trouvé ce que vous me faites l'honneur
de me propofer , dans le Journal hiftoride
Verdun , du mois de Septembre
dernier , p. 164. Vous me demandez ,
fi votre glorieux Pere faint Bruno eſt
forti de la Congregation de faint Ruf ,
comme l'affure M. de Valence dans fon
Ouvrage pofthume . Il faudroit avoir vû
les preuves qu'il en rapporte , pour pouvoir
répondre plus exactement à votre
demande ; mais en attendant que je
puiffe avoir ce Livre , voici ce que j'en
penſe.
Saint Bruno étoit Chanoine de faint Cu
nibert , à Cologne , fa patrie ; d'où étant
venu à Reims , fous le Pontificat de Gervais
de Château - du -Loir , Chancelier de
France , & Archevêque de cette Ville , il
fut fait Chanoine de l'Eglife Metropolitaine
, & Chancelier , ou , pour me fervir
des
MARS. 1717 44
des termes de Guibert , Abbé de Nogent ,
Magnorum Studiorum Rector. Ce docte
Chanoine foufcrivit en qualité de Chancelier
l'an 1073. à la fondation de l'Abbaye
de faint Martin aux - Jumeaux , à
Amiens , dont la manfe a été unie depuis
à l'Evêché de cette Ville , & l'Eglife
donnée aux Celeftins par le Roi Louis
XIII. Bruno , Cancellarius , ſubſcripfit.
Trois ans après , il prit la même qualité
en fignant le Privilege de Manaffes , Archevêque
de Reims , pour l'Abbaye de
faint Bâle. Vous trouverez les preuves
de ce que j'ai l'honneur de vous dire ,
dans le fecond tome de l'Hiftoire de
Reims par Marlot , pag. 135. 154. 171 .
dans le quatrième volume de la France
Chrétienne de MM. de Sainte - Marthe,
pag. 623. Dans les deux Préfaces de D.
Mabillon, au fixième fiecle des Actes des
Saints de l'Ordre de faint Benoît , dans
fon Museum Italicum , dans la Differtation
du P. Jean Columbi fur l'Origine
de l'Ordre des Chartreux , & c. Vous
pourrez trouver des preuves plus fortes
dans les Ouvrages des Ecrivains de votre
Ordre , & je fuis furpris que vous ayez
voulu vous adreffer à moi , qui fuis peu
verfé dans la lecture de vos Annales ,
c'eft un pur effet de votre modeftie . Vous
êtes mieux au fait que moi de ces Hif-
B iij toires
,
442 MERCURE DE FRANCE .
toires domeſtiques , & c'eft de vous que
j'aurois dû apprendre fi faint Bruno eft
forti de la Congregation de faint Ruf.
Ce qui a pû donner occafion au fentiment
de M. de Catelan , c'eft qu'effectivement
il y a eu deux Chanoines de faint
Ruf, qui ont été du nombre des fix premiers
Compagnons de votre Fondateur
faint Bruno. Ils portoient tous deux le
nom d'Etienne ; l'un étoit de Die en
Dauphiné , & l'autre du Bourg - Saint-
Andeol , en Vivarais ; mais il ne s'enfuit
pas de - là que faint Bruno ait été Chanoine
Regulier de faint Ruf , il l'a été
feulement des Eglifes de Notre - Dame
de Reims , & de faint Cunibert de Cologne
, qui très certainement n'ont jamais
été de la Congregation de faint Ruf.
Ce qui m'éloigne du fentiment du
fçavant Evêque de Valence , c'est que
je vois dans la page déja citée du Journal
Hiftorique , que les Memoires que
l'on a fournis à ce Prélat , font fufpects.
Cet Ordre de S. Ruf ( y dit - on ) a la
gloire d'avoir produit trois dignes fujets ,
qui ont été placez en qualité de Papes , fur
la Chaire de S. Pierre , fçavoir , Anaf
rafe IV. en 1153. Adrien IV. en 1154.
& Jules II. en 1503. Je n'aurois jamais
crû qu'on pût être placé fur la Chaire
de S. Pierre , qu'en qualité de Pape
1
mais
MARS. 1727. 443
mais je crois que des trois Papes que
l'Ordre de S. Ruf a la gloire d'avoir
produit, il y en a deux empruntez .
Anaftafe IV. naquit à Rome , & nous
ne lifons pas qu'il en foit forti pour
venir prendre l'habit de Chanoine Régulier
à S. Ruf. Othon , Evêque de
Frifingen , infinue le contraire , lorsqu'il
allure que Conrard ( c'étoit le nom du
Pape Anaftafe , avant fon élevation au
Pontificat ) avoit vieilli par un long exercice
dans la pratique du Droit Romain.
Homo veteranus , & in confuetudine Romana
Curia exercitatus. Il eft vrai qu'il
a été Abbé de S. Ruf ; mais c'eft de
S. Ruf au Diocèfe de Vellebri , Abbaye
de l'Ordre de S. Benoît , felon le témoignage
de Ferdinand Ughel , Auteur
très-verfé dans l'Hiftoire de fa Patrie.
Le R. P. Labbe convient que ce Monaf
tere eft fitué dans le Diocèfe de Vellebris
mais au lieu de S. Ruf, il le nomme de
S. Anaftafe. Je m'en rapporterois plutôt
à l'Auteur Italien , qu'au François , qui
avoit peut-être l'imagination remplie du
nom du Pape Anaftafe , lorfqu'il écrivoit
fa vie dans la collection des Conciles .
Quoiqu'il en foit , les Benedictins font
en droit de difputer ce Pape aux Cha
noines Réguliers.
Les Cifterciens leur difputent , à moins
B iiij jufte
444 MERCURE DE FRANCE.
jufte titre , Adrien IV. Vous n'avez qu'à
confulter D. Chryfoftome Henriquez ,
dans fon Phoenix revivifcens . p. 68.
Quelques Auteurs affurent auffi que Nicolas
Breakfpeare , né dans la ferme de
Langley , dépendante de l'Abbaye de Saint
Alban , étoit Moine de l'Ordre de Cîteaux
, lorsqu'il fut créé Pape fous le
nom d'Adrien IV . mais le feul témoignage
de ce Pape l'emporte fur l'autorité
de tous ces Ecrivains intereflez . Il n'y a
qu'à lire la Bulle que Meffieurs de Sainte
Marthe ont inferée au long dans le IV.
Tome de la Gaule Chrétienne , p . 803.
Pour ce qui eft de Jules II, connu
auparavant fous le nom de Julien de la
Ruvere , je conviens qu'il a été Abbé
Commandataire de S. Ruf ; mais il ne
s'enfuit pas que cet Ordre ait la gloire de
l'avoir produit. Il n'avoit que 29. ans
lorfqu'il fut fait Evêque de Carpentras ,
& il avoit paflé fa jeuneffe dans la Cour
du Pape Sixte IV. fon oncle. Cependant
fi l'on donne de bonnes preuves que ce
Pape Jules & Anaftafe IV. ayent fait
profeffion dans la Congrégation de faint
Ruf , de même que S. Bruno , je cederai
avec plaifir aux charmes & à la force
de la verité. Je fuis , & c.
MAR S. 1727 . * 445
******************
A Madame de Rochechouart , Abbelfe
de Beaumont , fur l'éducation qu'elle
a donnée à Mademoiselle de Vermandois.
O D E.
I Lluftre Abbeffe , dont le zele ,
L'honneur , la régularité ,
La juftice & la charité ,
De tes filles font le modele ,
Souffre que j'éleve ma voix ,
Pour chanter tes pieux exploits ;
Et qu'interprete de la France ,
J'expofe l'obligation ,
Et la jufte reconnoiffance ,
Qu'on doit à ta Religion.
Confacrée à la folitude ,
>
Nonobftant tes rares talens ,
Tu voulus dès tes premiers ans ,
En faire une folide étude.
Pour accomplir ce grand deffein i
FONTEVRAU LT t'ouvrit dans fon fein ,
B v Une
445 MERCURE DE FRANCE :
Une retraite édifiante.
Ta foeur , de concert avec toi ,
Sous les yeux d'une aimable tante,
S'exerçoit dans la fainte Loy.
Eprouvée en toute maniere ,
Comme l'or au fond du creufet ,
Tu fortis de ce lieu fecret ,
Pour répandre ailleurs ta lumiere.
BEAUMONT fut le champ fortuné , ·
Que le Ciel avoit deſtiné ,
Pour y voir briller ton mérite ,
Et pour remplir de ton eſprit ,
Toute la fleur , toute l'élite ,
Des Epoufes de Jefus Chriſt.
諾
Sous tes favorables aufpices "
BEAUMONT devient un Mont facré ,
Un Ciel éclatant , azuré ,
Un vrai Paradis de délices.
Tous les biens y font réunis ,
Tous les monftres en font bannis ,
L'erreur , le trouble , la difcorde ;
A
MARS. 1727 .
447
15
A leur place on y voit regner ,
La Foy , la Paix & la Concorde ,
Sans que rien les puiffe éloigner.
SY
Déja ton nom recommandable ,
Vole & s'étend juſqu'à la Cour;
Il y paroît dans tout fon jour ,
Et rend ta vertu memorable.
En public , en particulier ,
On parle de l'art fingulier ,
Qui brille en toi pour la jeuneſſes
C'eft- là ce qui porte BOURBON ,
A te charger d'une PRINCESSE ,
Et de fon Sang & de fon nom.
On la ravit à fa Nourrice ,
Pour la remettre entre tes mains ,
Et par des fecrets plus qu'humains
Tu la préſerves de tout vice ;
L'amour que tu fens pour le bien ,
Coule de ton coeur dans le fien ,
Et la brûle d'un feu celefte ;
Par tes foins elle eft fans aigreur
B vj
Hum448
A
MERCURE DE FRANCE .
Humble , charitable , modefte ,
Et prête à fuivre le Seigneur.
C'eſt par toi qu'elle a l'avantage ,
De s'unir au celeſte Epoux ,
De fentir combien il eft doux
De le poffeder fans partage.
Elle prend les engagemens ,
Conformes à fes fentimens ,
Pour s'attacher à ta perfonne ;
Fidelle à marcher fur tes pas ,
Elle verroit une Couronne ,
Qu'elle ne l'accepteroit pas.
C'eſt à toi feule , fage Abbeffe ,
C'eft à ton éducation ,
Qu'elle doit fa vocation ;
Fais-en une digne Profeffe.
Ta gloire eft de mettre le fceau ,
A ce chef-d'oeuvre , à ce vaiffeau ,
Qui renferme en foi tant de graces ;
L'Ouvrage alors fera parfait ,
Et
MARS. 1727.
449
Et par mille actions de graces ,
Nous celebrerons ce bienfait.
Par le Pere Jerôme de Saint Michel
Prieur des Carmes de Tours.
>
SECONDE LETTRE contenant unė
Methode pour conduire avec fruit la
Jeuneffe dans l'étude des Lettres .
Quoiqu'on
le foit reſtraint aux troisquatre
Auteurs , dont on a parlé
ci- devant > on pourra neanmoins faire.
apprendre par coeur aux enfans , & traduire
quelques- uns des plus beaux endroits
des Hiftoriens , comme de Quint-
Curce , Velleius Paterculus , Tite- Live
, Sallufte . Mais il eft bon de ne le
faire qu'aprés qu'ils auront formé , & affuré
leur ftile fur ces premiers Auteurs
de la plus pure Latinité. On peut commencer
un peu plutôt à les leur faire lite
, obfervant de les lire entiers , & tout
de fuite , & non pas de fe contenter ,
comme on fait dans les Claffes , d'en
prendre un livre détaché , à l'exception
-de Tite- Live , qui eft un peu trop long ,
& duquel on pourroit leur faire lire
trois
450 MERCURE DE FRANCE:
trois ou quatre livres , ou davantage
jufqu'à ce qu'ils foient affez accoûtumez
à fon ftile , pour l'entendre très - bien
par eux -mêmes , & pouvoir le lire tout
feuls ; on pourra alors s'arrêter , & remettre
à le lire de fuite en étudiant la
Rhetorique , parce que la lecture en fe
ra pour lors plus utile.
>
La Poëfie Latine doit tenir fon rang
dans l'étude de cette Langue ; mais il
faut d'abord , auffi-bien que dans la Profe
, s'attacher aux meilleurs Auteurs
& ne faire faire des Vers aux enfans ,
qu'après qu'ils auront beaucoup lû cês
Auteurs ,& que leur efprit fe fera rempli
des tours & des phraſes poëtiques , qu'ils
y auront trouvées .
Ces Auteurs font Ovide , Virgile , &
les Odes d'Horace , qu'on ne sçauroit
trop lire & relire , & apprendre par
coeur.
Il fuffit pour la Quantité d'en fçavoir
les regles generales , ce qui demande
très - peu de temps ; il faut que
l'ufage apprenne le refte , & que les
Vers de ces Poëtes foient fi prefensa
l'efprit , qu'on trouve toujours à point
nommé celui où eft le mot de la Quantité
duquel on eft en peine ; on fera peut - être
quelques fautes dans les commencemens ,
mais cela fe rectifiera en peu de temps .
Rien
MAR S. 1727% 4st
Rien n'eft meilleur que d'exercer les
enfans à faire des Vers , ils y acquiérent
de la vivacité , & de la fecondité ; mais
il faut qu'ils y ayent quelque difpofition
naturelle , fans quoi il vaut mieux
n'en pas exiger d'eux , que de leur caffer
la tête inutilement , & les rendre
par là moins propres aux autres études .
Il y a au contraire des efprits qui n'y
ont que trop de difpofition , & qui ont
befoin d'être retenus ; mais en general ,
& à un petit nombre de cette qualité
près , il eft très- utile de faire des Vers,
en obfervant , comme il a déja été dit
de ne commencer cet exercice que lorfqu'on
s'eft mis en état par la lecture frequente
de ces Poëtes , d'en produire
de fon crû fans avoir befoin des recueils
&
tréfors poëtiques
, & autres livres femblables
, qui doivent
être abfolument
re- jettez .
La meilleure methode pour faire faire
des Vers , eft après avoir exercé les
enfans à les tourner , comme on fait
ordinairement , de leur donner des matieres
tirées de ces mêmes Poëtes , ou
des Traductions Françoifes qu'ils en auront
faites , ou de celles qui font im
primées , ou qu'on leur fera , afin qu'ils
les mettent en Vers Latins , après quoi
on leur en fera faire la comparaiſon avec
ceux
452 MERCURE DE FRANCE:
ceux du Poëte , en fuivant ce qui a été
dit pour la Profe ; & lorfqu'on les jugera
affez forts pour voler par leurs propres
aîles , on leur fera faire de petites
Pieces de leur invention .
Quand ils feront en cet état , ils pourront
lire furement les autres Poëtes ,
condition de ne les pas imiter. Il y a même
des modernes qui font très bons , &
qu'on leur peut donner à lire , & même
quelquefois à imiter .
On ne parle point encore de la Poëtique
, ni des differens genres de Poëmes
, & de leurs regles qu'il faudra qu'ils
étudient , lorfqu'ils feront un peu avant
dans la Rhetorique.
Avant que de finir , ce qui regarde
les Langues , il faut dire un mot de la
Françoiſe . Il y en a qui font commencer
les enfans par la lecture des Remarques
qui ont été faites fur la Langue. Il
eft vrai qu'il n'y a pas d'inconvenient à
lire une fois feulement , par amuſement ,
& à des heures perduës , ces fortes de
Remarques , mais il eft bon de ne s'en
pas occuper férieufement , parce que rien.
ne refferre davantage l'efprit , & n'énerve
plus le ftile qu'une trop fcrupuleufe
occupation à ces Obfervations grammai
riennes.
D'autres les mettent d'abord dans la
com
MARS. 1727.
45%
,
compofition , ce qui eft un peu prématuré
; car, premierement, avant que des enfans
puillent compofer , il faut que leur
efprit fe foit rempli de chofes , autrement
ils s'accoûtumeront à n'écrire que
des paroles ; fecondement , outre les chofes
, il y a l'art de les dire , la maniere
de développer les peníées , le tour qu'il
leur faut donner . C'eft ce qui fait tout
l'agrément de l'élocution : or à moins que
d'être nez parfaits , ils ne trouvent pas
cela d'eux- mêmes , il faut qu'ils l'érudient
dans les meilleurs Auteurs Grecs
& Latins. C'eft donc en les lifant &
encore plus en les traduifant , qu'ils doivent
fe perfectionner dans la Langue
Françoife. Ainfi les Traductions qu'on
a marquées ci- devant , qu'il leur falloit
faire faire , ferviront à leur apprendre
deux Langues . Pour y réüffir il eft neceffaire
d'avoir les meilleures Traductions
qui ayent été faites en François de
ces Auteurs ; & comme on a dit qu'il
falloit. comparer leur Latin avec celui de
1'Auteur , il faut auffi comparer leur
François avec celui du Traducteur ; enforte
qu'ils s'accoutument non feulement
à rendre le fens des Auteurs qu'ils traduiſent
, mais encore à le rendre bien
avec élegance , & d'une maniere qui approche
, le plus qu'il fe pourra , de l'original
454 MERCURE DE FRANCE.
ginal en pratiquant cette methode , ils
fe rempliront par la lecture , & par ces
Traductions des mêmes endroits de Latin
en François , & de François en La.
tin d'une infinité de chofes , d'idées &
de penfées , ils fe formeront fur les plus
excellens Maîtres , ils apprendront peu
à peu à s'expliquer comme eux , ils fe
rendront leur tour propre , ils auront enfin
dans les Traducteurs François les
meilleurs modeles qu'ils puiffent trouver
pour notre Langue. Cet exercice les
conduira jufqu'à la Rhetorique , & ils
feront alors en état de commencer à compofer
dans les deux Langues .
11 ne reste plus qu'à parler de l'Hiftoire
, fur laquelle il y a peu de chofes
à dire , quant à prefent ; car on peut regarder
deux chofes dans l'Hiftoire , l'une
eft la maniere de l'écrire , les regles
qu'on en a données , les caracteres des
Hiſtoriens , la beauté des Defcriptions &
des Harangues , & autres Obfervations
femblables , qui ne regardent , pour
ainfi
dire , que la , forme & qui n'ont rapport
qu'à l'Eloquence. Cela fera une partie
confiderable de l'étude de la Rhetorique.
L'autre eft l'Hiftoire même , & les
faits qui en font comme la matiere , l'Hiftoire
prife en ce fens a rapport , ou à la
Morale , ou à la Politique , ou à la Ju.
rifMARS.
1727: 455
rifprudence Romaine , Françoife & Ecclefiaftique
: elle peut auffi avoir fon rapport
à la Religion . Les enfans ne font
pas encore capables d'entrer dans toutes
čes vûës , ni de travailler fur celles qui
conviendront le plus à la profeffion qu'ils
embrafferont ; il eft vrai que la premiere
eft de toutes les profeffions , & de toute
la vie , mais il faut que les enfans ayent
acquis certaines connoiffances avant que
d'en pouvoir tirer ce profit il fuffit
donc de leur donner des fondemens qui
dépendent beaucoup de la memoire , &
qui leur feront dans la fuite d'un grand
fecours pour l'Hiftoire.
Ces fondemens font la Géographie &
la Chronologies on ne leur fçauroit apprendre
trop exactement la Géographie,
mais il faudroit , pour bien faire , joindre
l'ancienne avec la nouvelle , & liertellement
les idées de l'une avec l'autre , en
les comparant toujours enfemble , qu'ils
les ayent prefentes à l'efprit en même
temps. 11 eft aifé d'apprendre la Géographie
, mais il eft difficile de la retenir ;
trois chofes contribueront extrêmement
à lever cette difficulté ; la premiere eft
d'attacher toujours autant qu'il le pourra
, de certaines idées propres aux Royaumes,
Provinces , Villes , Rivieres qui
fervent à les fixer dans l'efprit , & à
faire
456 MERCURE DE FRANCE.
,
faire une espece de memoire locale . Ces
idées peuvent être tirées de la Nature ,
ou de la Phyfique ; de l'Hiftoire , de la
Fable & c. La feconde , eft d'obferver
dans toutes les lectures qu'ils feront , où
il fe rencontrera des noms de Villes &
de Provinces , de leur en demander la
fituation , & toutes les autres chofes
qu'ils ont apprifes à l'occafion de cette
Ville , ou Province , afin de leur en faire
conferver les efpeces en les renouvellant
fouvent. La troifiéme, eft de leur
donner à lire des Livres de Voyages , en
choififfant ceux qui font les mieux faits ,
& les plus exacts , & en prenant foin de
leur faire fuivre le Voyageur la Carte à
la main. Cette petite application les inf
truira en les divertiffant.
Pour la Chronologie , on n'entend pas
une étude profonde de cette Science , dont
les enfans ne font pas encore capables ,
& qui ne leur conviendra peut -être pas
de toute leur vie , mais feulement une
idée fort courte , & fort fuperficielle de
l'ordre des temps , depuis le commencement
du monde jufqu'à prefent , avec
diſtinction de quelques Epoques les plus
generales , & des principales Monarchies.
Cette idée le fixera dans leur efprit par
petites Tables nettes & methodiques , &
par l'attention qu'il faudra avoir en lifant
MARS. 1727.
457
funt avec eux les Auteurs , à leur faire
placer les évenemens dans les temps où
ils font arrivez , par rapport aux Epoques
qu'on leur aura marquées . Il femble
qu'il ne leur en faille pas demander
davantage , jufqu'à ce qu'ils foient
en état de le faire eux mêmes une fuite
d'Hiftoire des principales Monarchies ,
ou Républiques , dont ils auront - befoin
de s'inftruire dans un âge plus avancé ,
par rapport aux autres études qu'ils fe
ront.
On ajoûtera feulement trois avis generaux.
Le premier eft , que le but principal
de l'éducation des enfans doit être
de leur rendre le coeur droit , & l'efprit
jufte , rien n'y contribuera davantage
que la Religion , & les vertus chrétiennes
qu'il faut demander à Dieu pour
eux , & tâcher de les leur infpirer autant
que l'on peut doucement , & fans
les rebuter , mais il faut encore travailler
par tous les moyens exterieurs que
la prudence & l'adreffe peuvent fournir
à les rendre juftes , équitables , bons
tendres , compatiffans , reconnoiffans
charitables , officieux , prompts à faire
plaifir en tout ce qui ne bleffe point la
juftice , veritables , & éloignez de tout
déguisement , les remplir de l'amour de
leurs devoirs , les accoûtumer à fe conduire
458 MERCURE DE FRANCE.
duire par reflexion , à n'être point précipitez
dans leurs jugemens , ni opiniâtres
& entêtez , à écouter toûjours la
raifon & à s'y rendre ; ce font- là les
qualitez effentielles ; la lecture des Auteurs
, même Payens , les exemples des
vices & des vertus qui s'y trouvent , la
converfation , toutes les actions de la vie
peuvent fervir de leçons pour cette forte
d'étude , qui fe doit faire fans peine
& fans travail .
Le fecond eft , que dans ce qu'on aps
pelle proprement étude , il ne s'agit pas
tant de les rendre fçavans , que de leur
donner du goût & de l'amour pour la
fcience , de leur en faire connoître le
prix & la neceffité , de la leur faire defirer
, & de les accoûtumer à aimer le
travail & application . Tout ce qu'on
peut apprendre aux enfans jufqu'à l'âge
de feize ou de dix - fept ans ,eft très - peu de
chofe , & fe réduit prefque à leur -donner
de bons fondemens & de bonnes difpofitions
; mais s'ils ne bâtiffent enfuite
eux-mêmes fur ces fondemens , & s'ils
ne cultivent ces difpofitions , il faut compter
prefque pour rien tout ce qu'ils ont
fait dans leur premiere jeuneffe ; ainfi
le point le plus effentiel eft de prévenir
& de gagner leur coeur en faveur
des Lettres, & de faire que le plaifir
qu'ils
MAR S. 1727. 459
qu'ils y prendront , les rende attentifs ,
appliquez & laborieux . Si on eft affez
heureux pour venir à bout de tourner
leur pente de ce côté - là , on leur aura
procuré des avantages folides & durables
pour tout le temps de leur vie. Car cette
inclination pour l'étude , fera un grand
préfervatif contre les vains amuſemens ,
la moleffe , l'oifiveté & les autres fources
de la corruption de la plupart des jeu
nes gens ; elle les occupera agréablement
en toute forte d'âge , & les mettra en
état de fe rendre habiles & de fe diftinguer
dans l'état qu'ils embrafferont ; &
leur efprit qui aura fait une habitude
de l'application , fournira fans peine à
celle qui eft néceffaire pour fe mettre
au deffus des affaires les plus difficiles
la peine eft de leur infpirer cet amour
de l'étude & du travail.
C'eſt le chef- d'oeuvre de la prudence
& de l'adreffe de ceux qui les conduifent
, il faut pour cela ufer avec eux
d'une grande douceur , tâcher de gagner
leur affection , étudier leurs inclinations
naturelles , pour les prendre par ce qui
eft le plus capable de les toucher , leur
faire fentir les bons endroits des Auteurs ,
les exciter par l'émulation , leur donner
des livres pour prix & pour récompenſe,
leur en laiffer defirer plus qu'ils n'en
ont
460 MERCURE DE FRANCE,
ont , & leur en donner de temps en temps
de ceux qu'ils fouhaitent le plus pour
entretenir leur curiofité , fans la raffafier,
les porter à prendre un temps dans la
journée où ils feront des lectures à choix,
c'est - à-dire , où ils liront en leur particulier
, tels livres qu'ils voudront , obfervant
néanmoins qu'ils n'en lifent que
de bons , & les conduifant enforte qu'il
paroiffe qu'on ne faffe que les leur propofer,
& qu'ils ayent la liberté & le
plaifir de choifir ; ils pourront de cette
maniere repaffer les Auteurs qu'on aura
lus avec eux ; mais s'ils aiment mieux
en lire d'autres , il faut les laiffer faire .
Ces fortes de lectures feront un profit
merveilleux pour la fin qu'on cherche
en cet endroit ; il eft bon même dans les
études reglées de déferer à leur goût
& de s'écarter quelquefois des plans
qu'on aura faits pour s'appliquer aux
Auteurs & aux exercices qui leur plaifent
le plus. Il y a des Sciences & des
Arts qui contribueront auffi extrémement
à les rendre curieux , & à leur faire aimer
le cabinet & le travail ; & par cette
raifon il est très - utile de leur faire apprendre
à deffiner ; on y peut joindre
les Eftampes , les Médailles , les Livres
d'Antiquité Romaine avec les figures ,
des fecrets de Phyſique , des inventions
de
MARS . 1727. 460
de Mathématiques , la pratique de cer-.
taines parties de cette fcience , & la
Théorie même , lorfque leur efprit fera
affez formé & affez fort pour s'y appli
quer ; mais l'ufage de ces chofes demande
beaucoup de prudence pour n'aller
que jufqu'où il faut , par rapport au caractere
d'efprit à qui on a affaire ; car il
y en a qu'il feroit dangereux de faire
entrer trop avant dans ces fortes d'études
, qui pourroient les rendre moins
propres à la vie civile & à l'ufage du
monde , qu'il ne convient à des perfonnes
qui y font deſtinées.
Le troifiéme , eft qu'il faut fe deffendre
d'une chofe qui flatte ordinairement .
L'amour des Peres & la gloire des Précepteurs
, c'eft de vouloir trop avancer
les enfans , & faire que ce cours d'étude
qu'on a accoûtumé de leur faire faire
foit achevé de bonne heure ; on croit
avoir gagné beaucoup de temps quand on
peut les mettre bien- tôt dans le monde
& les faire entrer fort jeunes dans les
Charges . Mais il n'y a rien de fi pernicieux,
& c'eft les perdre que de tenir cette
conduite ; il y a une certaine maturité
d'efprit & de jugement, où on ne parvient
qu'à un certain âge , & qui eft abfolument
neceffaire pour les études , pour
le nonde
& pour les Charges ; étudier les four-
C ces
462 MERCURE DE FRANCE.
ces & les regles de l'Eloquence , difcerner
la faufle d'avec la veritable , connoître
ce qui eft capable de toucher , d'émouvoir,
de plaire, de perfuader , fentir la
difference des ftiles , en faire la comparaifon
, en juger , fçavoir en quoi confifte
l'art de dire la verité dans les Hiftoriens
& Fagrément des fictions dans les Poëtes,
apprendre à faire des définitions juftes
& des divifions exactes , à fe former des
idées nettes , à les confiderer en ellesmêmes
& avec abftraction de la matiere ,
à connoître & à démêler le vrai d'avec
le faux dans les raifonnemens , à arranger
fes penfées avec l'ordre neceffaire
pour penetrer, concevoir & faire entendre
les veritez : toutes ces chofes &
une infinité d'autres qu'on doit tâcher
d'acquerir dans l'étude de la Rhétorique ,
de la Philofophie , de la Géometrie , &c.
demandent non pas pour atteindre à la
perfection , mais pour les poffeder en
un certain degré fuffifant à rendre l'efprit
jufte , droit & capable de travailler
par lui-même utilement , & de faire du
progrès ; ces chofes demandent , dis je ,
une raifon formée & un jugement ferme
& folide , & veulent qu'on y donne le
temps & l'application neceffaire , fans
quoi il eft impoffible de les comprendre ,
de les manier , de fe les approprier , &
d'en
MARS. 1727. 463
d'en tirer l'ufage dont on a befoin : aufli
voit-on très - peu de gens à qui ces for
tes d'études , quelques excellentes qu'elles
foient par elles - mêmes , ayent été
utiles , parce qu'on les leur a fait faire
prématurément ou imparfaitement.
Il eft encore plus dangereux d'entrer
trop tôt dans le monde , par les écueils
inévitables , où une raifon encore foible,
& des moeurs qui ne font point, affermies
par beaucoup de préceptes de reflexions,
d'exemples & de bonnes habitudes déja
contractées ne manquent gueres de faire
naufrage. C'eft de cette fource que
naiffent l'ignorance , la vanité , la préfomption
, l'inutilité , la moleffe , l'attachement
aux bagatelles , le défaut de
folidité d'efprit , l'inapplication à fes devoirs
, & une infinité de déreglemens ,
qui ne font que trop communs en toutes
fortes d'états , mais qui font bien moins
excufables dans la Magiftrature.
C Plus on fera durer les études , & plus
le jugement ſe meurira par l'âge & par
les études même , fi elles font bien fai
tes ; enforte qu'on portera dans le monde
une conduite déja reglée & à l'épreuve
dune infinité de travers & de fauffes
idées qui gâtent tant de jeunes gens .
Enfin la confcience , eft terriblement
engagée à mettre le bien , l'honneur &
Cij la
464 MERCURE
DE FRANCE.
la vie des peuples entre les mains de
perfonnes qui n'ont ni la raiſon formée
, ni la connoiffance ,'ni l'experience ,
ni l'application, & qui fe croyent au-deffus
de toutes ces qualitez , qu'ils ne veulent
& ne peuvent prefque pas fe donner la
peine d'acquerir ; car outre la diffipation
qui les en empêche , les principes leur
manquent. Ces principes ne fe peuvent
prendre que dans des études bien réglées
& dans un âge qui en foit capable ; &
lorfqu'on ne les a pas pris dans la jeuneffe
, on ne les acquiert preſque jamais,
les occupations & les engagemens de la
vie qui augmentent avec les années „ n'en
laiffent pas le temps , & l'on demeure
ainfi condamné à une ignorance perpetuelle
, dont on n'eft bien convaincu que
quand elle est tout -à fait irréparable .
On ne fçauroit donc faire un plus grand
tort aux enfans que de prévenir & d'anticiper
en eux la maturité de l'âge &
du jugement , foit en les appliquant trop
tôt à de certaines études , dont leur ef
prit n'eft
pas encore capable , foit en les
leur faifant faire fuperficiellement
&
avec trop de rapidité ; comme , au contraire
, on ne fçauroit rien faire de plus
utile pour eux que de ne pas plaindre
de fuivre en eux pas à pas temps ,
Nature & le progrès de leur raiſon , &
da
le
la
MARS. 1727.- 465
de les
accoûtumer peu à peu à étudier
folidement & à fond , à ne fe pas payer
de mots ni de premieres apparences ,
approfondir
les chofes , à faire ufage de
leur raifon , à s'inftruire par l'application
, par la méditation , par la compofition
& les autres exercices , fans fe fervir
du fecours des Maîtres & gens habiles
, que pour apprendre l'ordre & la
méthode de leur travail & pour le leur
communiquer
& le rectifier par leurs
avis , après qu'ils auront fait ce qui eft
en eux tout cela neanmoins a beſoin de
difcretion pour n'aller pas au- delà de leur
portée , ni jufqu'à les dégoûter. Il faut
tâcher de les foûtenir en faifant fucceder
diverfes occupations les unes aux autres,
leur faiſant éviter les compagnies qui
pourroient
leur gâter l'efprit , & ufant
adroitement de tous les autres moyens
que la prudence & l'attention infpireront
; mais il eft certain qu'en tenant cette
conduite , fi le genie des enfans & la
force de leur efprit y répond , quoiqu'il
femble qu'on les recule en apparence , on
les avancera en effet , ils gagneront bientôt
avec avantage le temps qu'il femble
qu'on leur aura fait perdre, & que s'ils entrentun
peu plus tard que d'autres dans la
carriere , ils les devanceront de beaucoup
dans la courfe par la diftinction qu'ils
Ciij RE
y acquerront.
466 MERCURE DE FRANCE.
4
REMERCIEMENT
Préfenté à la Reine par un Enfant de
Vo
cinq ans.
Oilà ce que vous offre une Mufe
hardie ,
Vous feule de fes voeux, PRINCESSE,
êtes l'objet :
Il eft trop vrai qu'au gré de ſon envie,
Elle n'a pas accompli fon projet ;
Mais doit - on l'en blâmer ? Le Dieu de
l'Harmonie
Eût-il à ce devoir dignement fatisfait ?
Dans telle occafion , quelque foit fon genie
Un Poëte elt toûjours au deffous du Sujet.
Si pourtant quelque efprit ennemi du Permeffe
,
D'un enfant d'Apollon blâmoit la hardieffe ,
Qui fouvent à vos yeux , dans fes foibles
effais ,
Ofe faire éclater fes tranfports indifcrets ,
Il n'en doit accufer que votre bienveillance ,
Propice à mes travaux , fi vous n'avez jamais
Nulles
MAR S. 1727. 469
Nulles bornes dans vos bienfaits ,
Dois -je en avoir dans ma reconnoiffance?
Jean Celier , de Paris , âgé de cinq ans .
En Janvier 1727 .
LA POESIE
A LA PEINTURE ,
Aufujet d'un Tableau de M.de Largiliere.
Ay crû, ma chere Soeur , qu'il feroit
honteux & pour vous & pour mois
de laiffer à la feule Profe la gloire de
celebrer un des plus beaux Ouvrages qui
de nos jours foit forti de vos Atteliers ;
j'ay donc affemblé tous les meilleurs Poëtes
de ce temps ; & après leur avoir re
proché leur pareffe & leur peu d'émulation
, je leur ai propofé le Chrift mou
rant de M. de Largiliere , comme un
fujet digne & capable de les réveiller
de leur affoupiffement : mais ma propo
fition n'a pas été reçûë felon mes defirs ;
les vieux fe font excufez fur leur âge
qui ne leur promettoit plus la vivacité
que demanderoit cette Copie , & les jeu
nes fur leur peu d'experience & fur la
C iiij teme468
MERCURE DE FRANCE
témerité qu'il y auroit pour eux à vouloir
s'élever fi haut ; tous , en un mot ,
ont conclu qu'il valoit mieux garder le
filence , que de vous fournir dans une
Piece fort au - deffous de l'Original , un
titre capable de décider le grand procès
que nous avons , à qui doit l'emporter
de la Peinture , ou de la Poëfie. Frappée
de ces fortes de raifons , j'étois prête
d'abandonner mon deffein & de rompre
l'Ailemblée , lorfqu'un Inconnu , qui ne
s'étoit point mêlé avec la troupe des
Poëtes , & qui comme par une fimple
curiofité , s'étoit toûjours tenu prefqu'à
la porte , m'a demandé la permiffion de
parler : Je fçai , m'a - t-il dit , Divine
Poëfie , le moyen de vous fatisfaire fans
compromettre votre honneur ; permettez-
moi d'entreprendre ce que tous ces
Mrs vous refufent ; les mêmes raiſons
qu'ils alleguent pour s'en deffendre , me
font prefque de fûrs garands que je réüſfirai
la nouveauté , la grandeur , l'élevation
, l'ordre , l'expreffion , le feu , &
toutes les autres beautez qui regnent
dans ce Tableau , m'ouvrent un chemin
facile ; & pour faire du beau , je n'ai qu'à
rendre fidellement ce qui m'eft fi bien
repreſenté ; il ne faut ici que des expreffions
, & notre Langue eft affez riche
pour pouvoir me fournir tout ce qui me
fera
MARS. 1727. 469
Tera néceffaire ; après tout , fi , faute de
force , je demeure en chemin que je & ne
puiffe m'élever au fublime de mon Original
, quelle gloire votre foeur la Peinture
urra
-t'elle
juftement
tirer
, de
voir
un
homme
tel tel
que
moi
, qui
n'a
pas
feulement
le
nom
de
Poëte
, furpaffé
par
l'un
de
fes
plus
fameux
Peintres
? A
ce
difcours
toute
l'Aflemblée
fe
mit
à rire
&
à fe
plaindre
qu'un
profane
eût
ofé
s'introduire
ainfi
parmi
eux
: je
vis
même
le
moment
, car
la
Gent
Poëtique
eft
colere
,
qu'une
grêle
de
coups
alloit
contraindre
ce
témeraire
à fe
retirer
promptements
mais
le
prenant
fous
ma
protection
, je
fis
ceffer
tous
les
murmures
, &
je
lui
permis
de
travailler
fous
mes
aufpices
.
Je
vous
envoye
donc
, ma
chere
Soeur
,
ce
qu'il
a fait
, recevez
- le
avec
bonté
& confiderez
moins
l'Ouvrage
, que
les
fentimens
qui
l'ont
produit
. Vous
me
ferez
plaifir
de
faire
paffer
à M.
de
Largiliere
cette
Piece
. Adieu
, Chere
Soeur
,
malgré
tous
nos
débats
, vous
n'en
êtes
pas
moins
aimée
de
votre
Soeur
.
C
470 MERCURE DE FRANCE
XXXXXXXXXX : XX
A MONSIEUR
DE LARGILIERE ,
Recteur de l'Académie Royalle de Peinturé
& de Sculpture.
Copie de fon Chrift mourant.
PEintre fameux , moderne Apelle ,
Largiliere , dont le Pinceau ,
Prefente une route nouvelle,
A ceux qui cherchent le vrai Beau :
Malgré le récit magnifique ,
Que l'eftime & la voix publique ,
M'ont fait cent fois de ton Tableau ,
En voyant ce rare morceau ,
Par une ſurpriſe inconnue ,
Je demeure fans mouvement ;
Et fi ma langue retenuë ,
N'exprime que confufément ,
Ce que m'infpire cette vûë ,
Pardonne à mes fens interdits ,
L'obftacle que toy-même as mis ,
A la loüange qui t'eſt dûë.
ᏚᎥ
MARS. 1727. 4.7
Si con Ouvrage moins charmant ,
M'offroit des graces ordinaires ,
Par mille Eloges plagiaires ,
Je te louërois facilement ;
Mais pour tes beautez toutes neuves ,
Ces vieux & communs complimens
De l'heureux trouble que je fens ,
Ne feroient que de foibles preuves.
Quel grand fujet ! Quel noble choix
C'eſt le Maître abfolu du Monde ,
Par une charité profonde ,
Expirant pour nous fur la Croix :
Myſtere à jamais adorable ,
Myſtere également aimable ,
Où l'homme ingrat & criminel ,
Retrouve un bonheur éternel.
Non, non , ton fertile génie
N'en mérite pas feul l'honneur
Et de cette digne faillie ,
La fource eft plutôt dans ton coeur ;
Tu connois par experience ,
Les plus doux fruits de ce bienfait ,
C vj
Ton
472 MERCURE DE FRANCE.
Ton amour , ta reconnoiffance ,
Ont fçû t'inſpirer ce projets
Et la fuprême Intelligence ,
Approuvant ce pieux deffein ,
Pour compoſer ton Ordonnance ,
Elle- même a conduit ta main.
A ce Pinceau fage & terrible ,
Je reconnois l'Eſprit divin ,
Par lui ta foi vive & fenfible ,
A mis ce beau feu dans ton fein ,
Qui te raviffant au Calvaire ,
T'a par fa celefte lumjere ,
Fait voir encor , comme préfent ,
Tout cet augufte évenement ;
Par la force de ta Peinture ,
Moi-même j'y fuis tranfporté ,
Labe auté de chaque figure ,
M'en fait une réalité.
2
Malgré l'opprobre & la mifere ,
De cet hommé mortifié ,
Dans fon humble & grand caractere ,
Je vois un Dieu crucifié ;
La
MAR S. 1727 : 473
La Majefté de fon viſage ,
Sa douceur , fa tranquillité ,
Sa douleur même & fon courage
Tout marque la Divinité.
De fa lumineufe prefence ,
Jufqu'au fond du coeur éclairé ,
D'une fincere pénitence ,
Ce Larron paroît pénetré ,
Et dans fes yeux pleins d'efperance ,
Je lis fa ferme confiance ,
Aux promeffes de ce Mortel ,
Qu'il croit le Fils de l'Eternel..
Dans l'autre quelle difference !
Le defefpoir & la fureur ,
Ont peint fur fon front fon malheur
Et fa funefte impenitence.
Au pied de la Croix du Sauveur ,
Que je plains S. Jean & Marie
La fageffe & la modeſtie ,
Caracterifent leur douleur
Et leur refpectable filence ,
D
Mieux
474 MERCURE DE FRANCE.
Mieux que des pleurs & que des cris ,
Fait concevoir à nos efprits ,
L'excès de leur jufte fouffrance.
Que vois-je ? D'un objet nouveau ,
Je fens le pouvoir & le charme ;
A fon gré ton fçavant Pinceau ,
Me furprend , me touche , m'allarme.
Quelle inexprimable couleur !
Que ce Ciel paroît redoutable !
Je tremble ; un orage effroyable ,
Va de la mort du Créateur
Rendre à l'Univers témoignage :
Caché fous un épais nuage ,
Le Soleil pâle , à peine luit ,
Déja fa mourante lumiere ,
Laifferoit la Nature entiere ,
Dans une affreufe & fombre nuit ;
Mais un éclair épouventable ,
Rempliffant la terre & les Cieux ,
Vient encor offrir à mes yeux ,
Un fpectacle plus formidable :
A fa furprenante lueur ?
D'un
MAR S. 1727 : 475
D'un côté les morts reffufcitent :
De l'autre , faifis de frayeur ,
Hommes , Chevaux fe précipitents
Quel fracas ! quelle verité !
Ah ! j'entends gronder le tonnerre
Fuyons ; la celefte colere
Va vanger la Divinité.
Mais au milieu de ce defordre ,
Malgré tant de confufion ,
Ta fage compofition ,
Sçait conferver le plus bel ordre ,
Et ta fidelle expreffion ,
Ates differens perfonnages ,
Selon les fexes & les âges ,
Donne differente action ;
Tout y garde fon caractere .
Tout y montre un Peintre excellent ;
Faut- il qu'un fi parfait talent ,
Se borne au feul art de portraire !
Permets à de juftes ' tranſports ,
Un reproche qu'on peut te faire ;
Tu voles trop bas , Largiliere ,
: )
.1
Capable
476 MERCURE DE FRANCE:
Capable de plus grands efforts ,
Laiffe à des hommes ordinaires ,
Le foin de ces travaux vulgaires.
Jaloux de l'immortalité ,
Que te promettent nos fuffrages
Tranfmets à la pofterité,
"
Dans de plus précieux Ouvrages
Les grands fentimens de ton coeur ;
Et confacre ton beau genie,
A relever un jour l'honneur
De ton fiecle & de ta Patrie .
Nous fommes perfuadez que le Lecteur
jugera qu'on ne peut faire une plus
juſte copie d'un excellent Original , &
que c'eft précisément ici le cas où l'on
ne fçauroit mieux appliquer ces mots
d'Horace , ut Pictura Poefis erit.
Outre ce magnifique Tableau du
Confummatum eft , dont on vient d'entendre
chanter les merveilles & les juftes
Eloges , le celebre Peintre a auffi
executé trois autres Tableaux de la même
beauté , dont la compofition , la lumiere
, la couleur & les expreffions ,
ne laiffent rien à defirer . 1 ° . l'Entrée
de Notre Seigneur dans Jerufalem. 29. Le
Portement
MARS . 1727. 477
Portement de Croix . 3 ° . L'Elevation de
la Croix où le Chrift eft attaché . Ces
Tableaux ont cinq pieds & demi de large
fur quatre de hauteur.
Nicolas de Largilliere , quoique Parifien
, eft Eleve du Goubeau , excellent
Peintre Flamand , qui peignoit dans le
goût de Jean Miel , excellent Colorifte.
XXX:XXXXXXXXX :X***
NOUVEAUX ECLAIRCISSEMENS
fur l'Epitaphe de Poiffy . Lettre écrite
de Paris aux Auteurs du Mercure de
France.
L'e
'Auteur de la Lettre , Meffieurs , inferée
dans votre Journal du mois de
Novembre 1725. page 258 2. paroiffant
fouhaiter avec empreffement qu'on lui
donne une conftruction litterale de l'Epitaphe
( a ) qui fe trouve dans l'Eglife
Collegiale de Poiffy , & demandant que
les Auteurs des deux Réponfes fuccinctes
( inferées dans le Mercure du mois
d'Août 1725. pag. 1748. & fuiv. ) faf
fent regulierement les parties du thême
pour ce qui regarde les deux premiers
Vers , il faut tâcher de le fatisfaire.
( a ) Cette Epitaphe eft dans le Mercure dé
Juin, p. 1194.
Je
478" MERCURE DE FRANCE.
Je conviens d'abord que ces deux Vers
he font
pas fort intelligibles ; mais pour
peu que l'on ait vû des Epitaphes des XI .
XII. & XIII. fiecles , on y reconnoît
fur tout dans celles qui font en Vers ,
que ceux qui les compofoient , y affec
toient fouvent un ftyle de rebus , ou énig
matique , comme pour donner à deviner
à la Pofterité , &
Par leurs expreffions barbares & obfcures
Aux Saumaifes futurs préparer des tortures.
la cadence des Vers leur faifoit ſouvent
fupprimer quelques mots , qui auroient
fait tout le dénouement de leur Enigme .
J'en remarque deux dans les Vers dont il
eft queftion. Je les placerai ici en parenthefe
.
Il eft conftant que cette Epitaphe regarde
Philippe & Jean , fils du Roi Louis,
VIII. & de Blanche de Caftille , Blanca
nati & Ludovico. Les noms de ces deux
Princes ne font exprimez qu'en mots
couverts. Il eft certain qu'ils furent enterrez
dans un même tombeau. C'eſt ce
que veulent dire ces deux mots , Bufto
rum Comitum , des perfonnes enterrées en
un même lieu. Bustare , dans la baſſe latinité
, fignifie , felon du Cange , humo condere.
Le premier de ces deux freres, qua
triémé
MARS. 1927: 479
triéme fils de Louis VIII . mourut fort
jeune il portoit le nom de Philippe 11.
fon ayeul , furnommé Augufte. Cujufdam
nomen ( eft ) avitum. Son frere , qui le
fuivoit , s'appelloit Jean. Il naquit en
1219 , & fut Comte d'Anjou & du Maine.
On l'accorda au mois de Mars 1227.
à Ioland de Bretagne , fille de Pierré de
Dreux , Duc de Bretagne ; mais il mou
rut avant l'accompliffement du mariage,
& fut enterré dans le tombeau de fon
frere. L'Auteur de l'Epitaphe n'a donné
le nom de ce Prince qu'en énigme , gratia
dat ( nomen ) reliquo . Ce mot , reli
quo , exprime celui que fon frere Philippe
avoit laiffé après lui , & je croi
entrevoir le nom de Jean dans celui de
gratia.
Que l'on confulte les Dictionaires de
la Bible , foit de M. Simon , foit du P.
Calmet , ou le Dictionnaire Univerfel
imprimé à Trevoux, on y trouvera que le
mot Johannes , comme on écrivoit anciennement
, vient du mot HebreuJebobhannan,
ou Johakanan , comme écrit M. Simon
, ou Jochanan , comme le met Dom
Calmet. Il étoit compofé de Jehova ,
qui eft le nom propre de Dieu , & de
Hhanan , qui fignifie gracieux , agréable
, gratifié : ainfi , felon ces Auteurs , le
nom de Jehon banan , d'où eſt venu le
nom
480 MERCURE DE FRANCE :
nom de Jean , fignifioit agréable à Dieu ,
gratiofus Deo , gratifié de Dieu , gratifi
catus Dei , comme s'expriment les Dictionnaires
Latins de la Bible , & ſouvent
même la grace de Dieu , gratia Dei . Voilà
donc l'énigme de gratia dat ( nomen )
reliquo expliquée , à ce que je croi .
Je ne donne cependant cette explica
tion que comme une conjecture qui paroît
avoir de la vraisemblance . Peut - être
quelqu'autre aura - t - il plus d'habileté
que moi , pour découvrir le vrai ſens de
cette Epitaphe , qui a toûjours paflé pour
celle des Princes Philippe & Jean , freres
puînez de faint Louis.
Au furplus , Meffieurs , quelque confideration
que j'aye pour l'Auteur de la
Lettre d'Evreux , il aura de la peine à me
perfuader que le P. Daniel ait ignoré
cette Epitaphe , lui qui , fans doute , a
confulté l'Hiftoire de la Maifon de France
de M M. de Sainte - Marthe , où elle
eft rapportée en entier . Il n'en a point
fait mention , j'ai donc pû conclure de
fon filence , fans avancer de paradoxe ,
qu'il n'a pas crû y être obligé par fon
projet. Nous ne voyons pas que nos
grands Hiftoriens fe foient aftraints à
marquer exactement la fepulture des enfans
de nos Rois , fur tout quand ces
Princes font morts dans leur bas âge. Ils
ont
MARS. 1727. 48
ont abandonné ces petites difcuffions aux
Généalogiftes , comme étant entierement
de leur reffort. Je fuis , Meffieurs , &c.
COMPLIMENT
Prefente à Madame la Maréchale d'Eftrées
à Nantes , par M. des Forges
Maillard , A. A. P. D. B.
CHarme des coeurs , illuftre Maréchale
Sur qui tes Dieux juftes & bienfaiſans ,
Semblent avoir d'une main liberale ,
Verfé les flots de leurs riches preſens.
C'esttrop tardé ; j'ai tort , je le confeffe
Et j'aurois dû , vîte comme le vent,
Courir d'abord , voler , fendre la preffe ,
Pour vous venir faluer humblement.
Mais penfez -vous que ce foit par pareffe ,
Ou par oubli ? Non , non certainement ,
Il n'en eft rien : défaut de hardieffe ,
M'a retenu . Car du Dieu du Permeffe ,
Jeune Ecolier , encor fur Rudiment ,
J'aurois voulu vous faire un Compliment
En Vers nombreux & peignez gentiment,
Mais
482 MERCURE DE FRANCE.
Mais en tout point mon ame étoit perplexes
Embarraffé , Ciel ! difois- je , comment
De fon efprit au- deffus de fon fexe ,
Solide , vif , délicat , relevé ,
Faire un Portrait ? point ne dis achevé ,
Noble & brillant , conforme à l'Exemplaire ;
Il n'eft Rimeur ( fût-il tout plein du feu
Du Dieu des Vers ) qui pareil coup fçut faire ,
Ni feulement approcher tant foit peu.
Mais fuppofons qu'à finir cette affaire
Rimeur parvint , comment en verité ,
Tirer au vif, peindre d'après Nature,,
Grace naive , & douce Majesté ,
Honnête accueil , obligeante bonté »,
Attraits gentils , fi gentils , je l'affure ,
Et par aucun ce fait n'eft conteſté ,
Qu'on peut juger , & fans témerité,
Que de Venus poffedez la Ceinture .
Donc à l'aspect de tant d'heureux Talens ,
Mon Apollon qui du fien fe défie ,
Ne peut écrire, il a les doigts tremblans ,
Tel Opera ſurpaſſe fon génie..
Ce nonobftant , Maréchale , infinie ,
Tant en efprit , quien attraits excellents ,
Permeta
1
MARS. 1727 .
483
Permettez-moi de dire , je vous prie ,
Qu'en ce pays fujet à votre loi ,
Il n'eft mortel qui vous ſoit , ſur ma vie ,
Plus dévoué , ni plus foumis que moi,
REMARQUES fur quelques Pieces
curieufes des Mercures de l'année 1726,
adreffées aux Auteurs de ceJournal .
E reconnois , Meffieurs , que pour
la premiere fois que j'ai l'honneur
de vous écrire en cette nouvelle année
je vous dois quelques Etrennes cela eft
trop jufte mais j'ai crû que vous agree
riez que ces Etrennes confiftaffent fimplement
en des Remarques que j'ai fạites
fur quelques endroits de vos Journaux
de l'année derniere . La premiere
qui m'eft venue eft à l'occafion de ce
que j'ai dit dans une Lettre imprimée
au premier Volume , en parlant des Va
fes profanes dont les anciens Evêques
faifoient quelquefois hommage à Dieu,
J'y marque en faifant le détail de ceux
que notre Evêque S. Didier , parent de
la Reine Brunehaud , offrit à la Bafili
que de S. Germain , qu'il y en avoit un de
confequence , fur lequel l'Auteur de l'In,
ventaire
484 MERCURE DE FRANCE:
ventaire fait au IX . fiecle , dit qu'on
lifoit ce mot , Torjomodus. La premiere
penfée qui s'étoit prefentée à moi , eſt que
ce mot pouvoit defigner le nom de l'Or
févre qui avoit fabriqué ce Miſſorium ,
c'est -à-dire , cette Table d'argent. Mais
ce que d'anciens Hiftoriens de France rapportent
de Thorifmode , Roy des Goths
m'a fait changer de fentiment , ou plutôt
m'a fait douter de la validité de ma
premiere conjecture. Aimoin , qui n'eſt
fouvent qu'un Compilateur de ceux qui
l'avoient précedé , marque Lib . 4. c. 2 S.
que lorfque Sifenande eut pris le parti
de chaffer Suintila du Trône d'Efpagne ,
il vint trouver Dagobert , Roy de France,
le pria de l'aider de fes Troupes & lui
promit de lui donner en reconnoiffance
une Table d'or du Tréfor des Goths .
L'Hiftorien appelle cette Table Mifforium,
de même quell'Inventaire du Tréfor de
l'Evêque Didier. Sifenand qui étoit venu
à bout de fon entreprife , par le fecours
de Dagobert , fut femmé de tenir fa pa
role : il la tint en effet , & fit remettre
la Table d'or aux Ambaffadeurs ; mais
ils n'eurent pas le bonheur de l'apporter
au Roy. Leur chemin ayant été de paffer
par le Pays des Goths , ce riche meuble
leur fut enlevé. Sifenand , pour dédommager
le Roy de France de cette
perte
1.
MARS . 172 7. 4.85
perte , lui envoya une fom me de deux
cens mille fols , dont ce Prince fit prefent
à l'Eglife de S. Denis. Aimoin dit
que cette Table d'or étoit celle- là même
que Thorifmode , Roy des Goths avoit
reçûë d'Aëtius , Patrice des Romains.
C'étoit , fans doute , une piece de grande
confideration. Quoiqu'elle vint des liberalitez
d'Actius , qui vivoit environ deux
cens ans auparavant , il fe pouvoit faire
que cet Officier Romain la tenoit de
quelque Prince encore plus ancien , ou
qu'elle eût été tirée du Tréfor de l'Empire
Romain . J'avoue que celle de l'Inventaire
de notre Evêque n'en approchoit
pas pour le prix & la valeur. Je
ne vous cite , au refte , cet exemple , que
pour avoir occafion de vous témoigner
ma penfée fçavoir , qu'il y a grande ape
parence que la Table d'argent fur laquélle
étoit reprefentée l'Hiftoire d'Enée .
avec des Caracteres Grees , & où le nom
de Torfomodus étoit lifible , pouvoit avoir
appartenu à cet ancien Roy des Goths.
Du côté du nom , on ne doit point regarder
à la difference d'une lettre sou
deux, parce que les anciens Ecrivains qui
ont parlé de ce Roy , l'ont nommé , tantôt
Thorifmodus , comme S. Gregoire de
Tours , lib. 2. n. 7. tantôt Thurfemodus
comme Fredegaire à l'an 630. n . 73 .
D Dane
486 MERCURE DE FRANCE :
Dans d'autres fragmens du même Hiflosien
, puifez dans la Chronique d'Idace , if
eft appellé Thorefmodus , Thurefmodus
& Thurfimodus ; & enfin , comme vous
pouvez voir dans Aimoin , de l'Edition de
1567. Torfimodus , C'eft pourquoi, quand
même il feroit certain que notre Manuf
crit du XII. fiecle feroit exact , & conforme
à celui du IX. en mettant Torfamedus
, pour une fi legere difference je ne
voudrois pas nier que cette Table, où une
partie de l'Eneide de Virgile étoit reprefentée
, n'eût appartenu au Roy Thorif,
mode , & que d'Efpagne elle ne foit
paffée à la Reine Brunehaud , qui en avoit
gratifié notre Evêque , fon parent . Les
goûts des Evêques étoient alors bien differens
fur les prefens qu'ils faifoient aux
Eglifes qu'ils rebâtiffoient & qu'ils dotoient.
Didier de Cahors qui rebâtit fa
Cathedrale ( que quelque-uns croyent
être en partie le même édifice qui ſubfifte
aujourd'hui ) y fit une oblation d'un
grand nombre de Vafes d'argent mais
on neilifoit fur ces Vafes que de pisufes
Sentences , telles que celles - cy : Defiderii
vita Chriftus . Defideris , tu pius Chrif
te fufcipe munus. Accipe, Chrifte, munera
de tuis tibi bonis oblatu , fufcipe , fanita
Deus , quodfert Defiderius munus : ut ma
jora ferat, viribus adde fuis. Hac eft
fapientia
MAR S. 1727. 487
fapientia fapientium profundi fenfus. Si
piens verbis innotefcit paucis. Didier
d'Auxerre n'offrit en pareille circonftan
ce que des Vafes où l'on ne voyoit pref
que aucunes Infcriptions Chrétiennes , mais
prefque toûjours des Hiftoires du Paganil
me, des figures de fauffes Divinitez , des
reprefentations de Gladiateurs , de Centaures
, des combats d'animaux & fort
peu où il y eût des Croix , ou des hie
roglyphes du Chriftianifme. Cette diffe
rence a pû , à la verité , provenir de ce
que l'Evêque de Cahors fit faire de fon
temps lesVafes qu'il avoit deffein d'offrir,
au lieu que ceux de notre Evêque lui
étoient échûs par des donations de fes
Ancêtres qui étoient de Sang Royal , &
qui pouvoient les avoir eu de quelques
Princes Payens . Mais de quelque maniere
qu'ils lui fuffent échus , un fecond S. Si
doine, Apollinaire de ce temps là , auroit,
fans doute , donné la préference aux Vafes
de S. Didier de Cahors , ( a) en difant
(a) Ceux qui feroient curieux de verifier ce
que j'ai dit de S. Didier de Cahors , que d'au
tres appellent Gery , & de voir s'il y a appa
ence que l'Eglife de Cahors , aujourd'hui fub
fiftante , foit fon Ouvrage , c'eft à dire , que
ce foit un Bâtiment de plus de 1oro. ans d'antiquité
, peuvent confulter fa Vie écrite par un
Contemporain, au I. Tome de la Bibliotheque
du P. Labbe, & fe précautionnant contre les
Dij comme
488 MERCURE DE FRANCE.
...
comme il fe trouvé dans une des Lettres
de ce fçavant Evêque de Clermont : Non
hic per nudam pictorum corporum pulcrindinem
turpis proftat Hiftoria , qua ficut
ornat artem devenuftat artificem. Abfunt
ridiculi vultu & veftibus hiftriones .
Abfunt lubrici tortuofique pugillatu
nexibus palastrite. ( a ) Ces circonstances
m'ont prefque porté à croire que notre
Evêque feroit cet Evêque des Gaules
du nom de Didier , à qui S. Gregoire
le Grand écrivit cette fameufe Lettre inférée
dans le Droit Canon , ( b ) par laquelle
il le blâme de ce qu'il le mêloit
d'expliquer les Auteurs profanes & la
Grammaire , ce qui l'obligeoit d'annoncer
de la même bouche les louanges de
Jefus- Chrift & celles de Jupiter. Mais
une Epoque qui eft dans la même Lettre
fait tomber communément fur S. Didier ,
Archevêque de Vienne, ces reproches qui
ne regardent pas tant la lecture des Auteurs
Payens , que la maniere de les ex-
Fautes d'impreffion qui y font , comme verficulis
pour vafculis , metras pour metretas ,
& autres femblables . L'exactitude infinie des
fçavans Continuateurs de Bollandus , fait efperer
qu'ils nous donneront un jour toutes ces
corrections du P. Labbe felon la veritable legon
des Manufcrits.
( a ) Sidon. Apoll. lib . 2. Epift . 2 .
2016by Dist. 881 cap. Cum multa .
pliquer
MARS. 1727. 489
pliquer , puifque ce Saint Pape releve
ailleurs (a ) la fcience de la Grammaire,
& des autres Arts liberaux , comme étant
très utile pour l'intelligence des Livres
facrez. (b )Au refte , je ne prétends point ,
abandonner entierement ma premiere
conjecture fur le mot de Torfomodus , ni
dire qu'il foit impoffible qu'un Orfévre
ait porté le même nom que le Roi des
Goths . Les Orfévres gravoient fouvent
leur nom fur leurs Ouvrages . On vit ici
au X. fiecle des Colliers & Joyaux d'or
que la Reine Emme , Epoufe du Roy
Raoul , attacha au Tombeau de S. Germain
, fur lefquels on lifoit encore le
nom d'Eloy qui les avoit autrefois fabri
(a) In 1. Reg. lib. 5. num. 3.
(b ) Si j'étois d'humeur à m'attacher feulement
à tous les faits qu'écrivoient les Hiftoriens
du IX, fiecle , en parlant des fiecles qui
les avoient précedez , je perfifterois à faire
tomber fur notre S. Didier la Lettre de faint
Gregoire , fans préjudicier à fa fainteté , puifque
les Ecrivains de fes actions croyoient dèslors
que la Lettre fur le Pallium , demandé
à ce faint Pape par un Evêque de France appellé
Didier , regardoit l'Evêque d'Auxerre, &
qu'ils en étoient fi perfuadez, qu'ils l'infererent
en entier dans fa Vie , ainfi qu'on le peut voir
dans le P. Labbe, T.I. Bibl.p.423 . mettant hardiment
, Defiderio Epifcopo Autiffiodorenfi , tandis
que les Manufcrits des Epitres de S. Gregoire
mettent fimplement Defiderio Epiſcop
Galliarum.
Diij quez
490 MERCURE DE FRANCE.
quez , & qui n'étoit autre que celui qui
devint dans la fuite Evêque de Noyon ,
& un des plus grands Saints de la France.
Je m'étois propofé de vous parler à
cette occafion de la celebre Table d'or
de l'Eglife de Sens , dont le fond reprefente
, a la verité , quelques endroits de
PHiftoire Sainte , mais dont les accompignemens
confiftent fouvent en figures
profanes prefque imperceptibles , gra.
vées fur des Pierres précieuſes . Quelque
Antiquaire de la Ville de Sens ne
manquera pas , avant que cette Table foit
changée de nature , de rendre compte au
Public de fon antiquité & de toutes les
Infcriptions qui s'y lifent , auffi -bien
du jugement qu'en a porté le plus grand
connoiffeur du Royaume , c'eft-à -dire ,
le P. Mabillon. M. le Doyen de Sens ,
qui a compofé une Hiftoire exacte & détaillée
de l'Eglife Métropolitaine , n'y
a pas oublié la Defcription de cette piece
curieufe.
que
Une feconde remarque qu'on a faite
ici , regarde ce que vous avez publié
touchant une ancienne ceremonie d'Evreux.
On trouve que la coutume de
couper des arbres vers la fin du mois
d'Avril ou au commencement de Mai ne
doit pas paffer pour finguliere à cette
Ville. On a vû en ce pays - ci . de même
qu'à
MARS. 1727.
491
qu'à Evreux de ces fortes de Forêts ambulantes
, fur tout à des Proceffions fo
lemnelles . Je n'entends point parler ici
de celle des Rameaux , mais de certaines
autres , qui , felon la loüable coutume de
plufieurs Pays de vignobles, fe font tous les
matins des jours non-chommez , qui font
entre Pâques & l'Afcenfion , où l'on a
vû , & l'on voit encore fouvent la jeuneffe
préceder le retour de la Proceffion ,
àà--peu près comme le marque la relation
d'Evreux. Tout le monde. fçait que
porter en cette occafion des branches
d'arbres , cela s'appelle porter un Mai.
C'eft auffi une chofe très commune , de
planter le Mai le jour de faint Philippe
& faint Jacques. Couper & planter des
arbres le premier jour du mois de Mai ,
étoit une coutume fi univerfelle dans le
Milanès,du temps deS . Charles Borromée,
que le cinquiéme Concile de Milan , part.
1. num. 3. fit un Reglement à ce fujet. La
chofe fe pratiquoit avec grande ceremonie
, fuivant qu'on l'apprend par le Statut
du faint Evêque. L'artillerie étoit de
la partie , & il y avoit de fomptueux repas
attachez à la ceremonie. Saint Charles
' fit tous les efforts pour abolir
cette coutume qu'il difoit être un refte
des fuperftitions du Paganifme , tanquam
Gentilitia fuperftitionis fpeciem quandam
D iiij
>
ex492
MERCURE DE FRANCE.
exhibet : & il ordonna quà la place on
arborât des Croix , & qu'à toutes les
grandes Fêtes , fans excepter celles de
I'hiver , on ornât de verdure les portes
des Eglifes , felon l'ancien ufage : quemadmo
lum veteris Inftituti eft ufuque Romeno
comprobati , & à Beato Hieronyme
laudati. On voit par- là que les Lauriers ,
le Buis , le Philarea , & autres arbriffeaux
qui confervent leur verdure pendant les
plus grands froids , n'auroient pas trop
bon - temps dans la Province de Milan , li
l'hiver y eut été tel qu'il eft dans ces
Pays -ci. Cet ufage , qui étoit ancien , &
peut -être autrefois univerfel , fubfifte
encore dans nos Cantons , au moins aux
Fêtes Patronales , & aux Dédicaces des
Eglifes , qui n'arrivent point en hiver ;
& j'ai des preuves qu'il n'y a pas cent
ans que notre Egliſe Cathedrale étoit
pa
rée de verdure à la grande Fête particuliere
ou patronale d'Eté. Je ne dis point
de verdures reprefentées fur la toile , ni
de verdures en tapifferies , mais des verdures
réelles , formées par des branches
d'ormes , de chênes , & de vernes : ce
qu'on appelloit de la Ramée. Vous n'i
gnorez pis , Meffieurs , la furprife qu'af
fecta autrefois un Gafcon qui entra dans
une Egliſe ainfi ornée de tous côtez le
jour qu'on y folemnifoit la fête de faint
Yves
MARS. 1727. 493
Yves , ni la naïveté qui lui échappa lorf
qu'il prit le parti d'en fortir promptement.
Ce n'eft qu'à caufe de certains inconveniens
, & parce que l'ufage des tapifferies
eft devenu commun , qu'on a
ceffé dans les Eglifes ces fortes de décorations
, & l'on fe contente maintenant
d'orner de branchages les frontifpices des
Eglifes , de même que faint Charles l'or
donnoit , ou bien le faîte des Tours & des
Clochers , ou tout au plus d'arborer le
Mai devant la porte de l'Eglife . Permettez
que je vous marque en finiflant cet
article , que le Dictionnaire de Furetiere
n'eft pas exact , lorfqu'il dit , en parlant
des Mays , qu'il n'y a que les petitesgens
à qui on en préfente . J'ai vû bien
des grandes Villes où l'on en offre aux
principaux du lieu en grande ceremonie ;
& pour peu qu'on voyage , on apperçoit
encore ces Mays à leur porte , où ils reftent
durant tout le cours de l'année. Cela
fe pratique auffi à l'égard des premiers
dans plufieurs petites Villes ; & fouvent
comme les bâtimens n'y.font pas fort exhauffez
, on reconnoît , fans entrer dans
ces Villes , que la ceremonie y eft en vigueur
, parce que l'ufage y eft de choifir
les Vernes les plus élevez qui foient
dans le Pays , & qu'il n'eft pas rare d'en
trouver qui furpaffent la hauteur ordi-
Dy naire
494 MERCURE DE FRANCE.
naire des maifons de Province .
...
Vous m'avez fait plaifir de me témoi
gner que l'Hiftoire de la Pelotte d'Auxerre
, publiée dans le Mercure de ..
avoit été trouvée fort divertiflante . J'ai
bien eu raifon de dire que cette ridicule
ceremonie n'avoit pas été particuliere
à notre Eglife , mais qu'il paroiffoit
feulement qu'Auxerre avoit été
la derniere Eglife qui l'eut confervée
avec opiniâtreté. On m'a écrit qu'autre
fois à Vienne en Dauphiné , le jet de la
Pelotte étoit ufité pendant les Fêtes de
Pâques mais ce n'étoit point à l'Eglife
que cela fe faifoit , c'étoit dans une Šalle
de l'Archevêché que tout le Clergé de
la Cathedrale s'affembloit le Lundi de
Pâques , pendant qu'on fonnoit les Vêpres.
La fonnerie n'étoit pas de peu de
durée à ces jours de folemnité & le
temps qui y étoit employé fixoit l'efpace
pendant lequel on prenoit la collation
dans la maifon de l'Archevêque après
quoi le Prelat s'amufoit à jetter la Pe
lotte. Un Manufcrit de cinq cens ans , à
Fufage de cette Eglife , renferme cette
Rubrique au Lundi de Pâques . Ad Vefperas
dum figna pulfantur , totus Conventus
conveniat in domo Archiepifcopi ; ibi debentur
menfe apponi , & Miniftri Archiepifcopi
debeni apponere pigmentum cum
aliis ,
MARS 1727. 495
aliis & pofteà vinum. Pofteà Archiepif
copus jacket Pelotam . Il paroît que ce jeu
de la Pelotte a fubfifté à Vienne au moins
durant trois fiecles , puifqu'on lit en
marge de ce Manufcrit , d'une écriture
de deux cens ans , ce qui fuit : Et eft
fciendum quod Mistralis debet providere
de Pelota , & debet eam jactare Doming
Archiepifcopo abfente. On croit que par
Miftralis , il faut entendre un Officier de
l'Evêque , ou peut - être fon Maîtred'Hôtel
, que Jean le Lievre appelle
Miftral dans fes Antiquitez de Vienne.
Au refte , ce mot paroît avoir été employé
par contraction pour Miniftralis
ou Minifterialis . L'Ordinaire de l'Eglife
de Nevers , de trois cens ans , ne parlé aucunement
de Pelotte ; mais il n'oublie
pas la digreffion que faifoit la Proceffion
des Chanoines , pour aller fe rafraîchir
au Chapitre au fortir des Fonts. Feria fecunda
Pafche ad Vefperas prout in die
Pafche. In reditu Proceffionis , ad Fontes
cantatur Profa , Dic nobis Maria. Et fi fint
Canonici ftagiarii , debent vinum bonun ,
& chenetellos in Capitulo omnibus de choro
, & tunc vadit ibi Proceffio . Ce mot
chenetellos , eft pour le moins d'auffi baffe
latinité que Mistralis. Il a autant de droit
que l'autre de faire figure dans le Gloffaire
qu'on attend depuis tant d'années.
D vj - J'en
496 MERCURE DE FRANCE .
J'entrevois qu'il s'agit là de quelques
friandifes , comme des oublies , ou des
gaufres qui avoient la forme de ces gou- >
tieres , qu'en plufieurs endroits on appelle
des Echenots , ou Echenez. Les Statuts
du Chapitre de Toul , qui font une
énumeration des Collations , que les Chanoines
prenoient encore en commun au
quinziéme fiecle , n'en marquent aucune
aux Fêtes de Pâques , mais en rapportant
celle qu'on prenoit à l'Evêché le jour de
l'Afcenfion , ils ajoûtent : Ibi olim bibebatur
infcyphis madrinis , & comedebantur
hoftia magnæ ,
chenetrelli & poma:
Vous avez dû remarquer la difference
qu'il y avoit entre ce qui fe pratiquoit à
Vienne , & ce qui fe faifoit chez nous :
differences de lieu & de jour , & outre
cela , qu'il n'y avoit aucunes danſes dans
cette premiere Eglife. C'eft ainfi qu'on
refpectoit le faint jour de Pâques , & les
Temples du Seigneur , en certains Pays
plus qu'en d'autres . On eft maintenant
affez uniforme en France fur le retranchement
de ces anciennes manieres Gothiques
. On n'y prend plus l'Exultemus
& latemur de l'Hec dies dans un fens fi
groffier , & il n'y a pas lieu de craindre
que jamais en ce Royaume, la mode s'introduife
que la Prédication ferve ce jourlà
de fpectacle , comme en Catalogne , où
celuiMARS.
1727 497
celui- là eft cenfé avoir prêché le mieux ,
qui a fait le plus rire fon Auditoire,
Quant au jeu de la paume , c'étoit de
toute la ceremonie ce qu'il y avoit de
moins indigne des Ecclefiaftiques , pourvû
que cet exercice fut fait dans un autre
jour que dans celui de Pâques , & non en
public. On remarque que le Chapitre
Clerici du Droit Canon ne le défend pas.
C'eft , dit - on , d'ailleurs un exercice
corporel qui peut fervir de récréation
innocente , lorfqu'il eft pris dans un
temps & un lieu convenables , & avec
moderation. Ce qui paroît reffembler de
nos jours à ces anciens jeux de paume , &
le jeu du ballon , auquel les Etudians fe
divertiffent dans les Colleges de Paris .
11 femble , en le voyant , qu'on apperçoive
ces balles ou boules enflées , dont
Martial , & d'autres Anciens font mention
; & par confequent , que ce foit le
même jeu auquel des Empereurs trèsgraves
, tels qu'Augufte & Antonin le
Philofophe , le délafloient j'ajoûterait
même , & des Magiftrats du premier
rang parmi les Chrétiens. Je trouve , en
effet , dans la même Lettre que je vous ai
déja citée de faint Sidoine , qu'étant fils,
des Préfets du Prétoire , & de rang à devenir
Patrice , ainfi qu'il le fut avant fon
élevation à l'Epifcopat , il fe retiroit fou
;
yent
498 MERCURE DE FRANCE .
vent à fa maiſon de campagne , qui lui
étoit échûë du côté de Papianille ſa femme
, fille d'Avit , depuis fait Empereur
& là il fe divertiffoit avec Ecdice ,
que
fon beau - frere , à jouer à la paume dans
une allée de tilleuls , jufqu'à ce que la
Pelotte fut ufée & hors d'état de fervir.
Ingentes tilie... unam umbram non una
radice conficiunt : in cujus opacitate cum
me meus Hecdicius illuftrat , pila vacamus
, fed hoc eo ufque donec arborum imago
contractior... illic aleatorium laffis confumpto
fphærifterio faciat.
Je vous réſerve pour un autre envoi
ce qui m'a été communiqué fur les Fêtages
d'Angers , en vous priant de vous
informer en particulier , ou par la voye
du Mercure , d'une efpece de Phenomene
, qui a quelque reffemblance avec cclui
du Port de Marfeille , dont tous les,
Journaux ont tant parlé. Je fuis , Meſheurs
, & c.
A Auxerre , ce 2. Janvier 1727.
Les deux Enigmes da mois dernier
doivent s'expliquer par les Vergettes &
Les Enfeignes de Paris.
PREMARS.
1727. 499
*************
!
PREMIERE ENIG ME.
N ne devroit point m'approcher ,
ON
Je fuis de diverſe nature ,
On veut me voir & me cacher.
Chez le fexe furtout je cours mainte avanture,´
Sans être un corps , je pefe , & cependant je
voi ,
Qu'à me poursuivre l'on s'attaches
Mais j'en fuis bien vengé ; l'importun qui
m'arrache ,
Prend fouvent mon ombre pour moy.
L'obſcurité m'eft neceffaire ,
Elle fait mon mérite & furtout en amour ;
Eh n'ay-je pas raiſon de chercher le myftere ?
Je meurs dès que je vois le jour.
DEUXIE ME ENIGME.
FIlle de l'avarice & de la pauvreté ,
Ce n'eft qu'aux Souverains que je dois ma
naiffance
Je compte cent fois plus d'adorateurs en
France ,
Que n'en pourroit avoir la plus rare Beauté
De
*500 MERCURE DE FRANCE.
De l'un & l'autre fexe également cherie ,
J'ay vu plus d'un Iris à me ſuivre appauvrie.
Mortels qui vous plaignez de mes charmes
trompeurs ,
Rendez- vous à vous- même un peu plus de
justice ,
L'interêt feul vers moi fait pancher tous les
coeurs :
Si votre bourſe eft vuide , en fuis- je donc complice
,
TROISIE' ME ENIG ME.
·MΜ
On fecours eft utile & quelquefois fatal ;
Ghez de certaines gens je fuis beaucoup
à craindre ;
Si je défends les Loix , je fers à les enfraindre ;
Et fi je fais du bien , je fais auffi du mal.
Je tiens en mon pouvoir le Sceptre de nos
Rois ;
L'on me voit même quelquefois ,
Porter le poids de leur Couronne ;
C'eft peu d'en conferver les droits ;
C'eſt moi même qui la leur donne.
21
Seule je ne puis tien , mais le pourriez - vous
croire ?
Avec
MARS. 50x 1729.
Avec moi l'on a tout tenté ,
Des plus grands Rois je couronne l'Hiftoire ,
Et les Heros fans moi ne l'auroient pas été.
Je fuis de tout métier , je fers en Ville , en
Cour,
C En paix , en guerre, & même dans l'amour,
Lecteur, j'en dis affez pour me faire connoîtres
Si fur moi cependant quelque doute peur
naître ,
Voici pour l'éclaircir . Apprends donc que fans
moi ,
Aut
L'Enigme que tu vois paroître ,
Ne parviendroit pas jufqu'à toi.
Mak
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BE AUX ARTS , & c.
ISSERTATIONS Théologiques & dog
Dmatiques, Ns. les Exorcifmes
& les autres ceremonies du Baptême .
2. Sur l'Euchariftie. 3 ° . Sur l'Uſure .
A Paris , rue S. Jacques , chez Etienne
Babuti & Labottiere , 1727. in 12 .
50. fols.
SEN
for MERCURE DE FRANCE.
SENTIMENS CHRETIENS , propres aux
perfonnes malades & infirmes , pour fe
fanct fier dans leurs maux , & fe préparer
à une bonne mort , exprimez par les
paroles de l'Ecriture & des Peres ; avec
l'abregé des dix fentimens & des prieres
de l'Eglife pour les Agonifans , feconde
édition , revûë & corrigée. A Paris , du
Puits - Certain , chez la Venue Dumefnil ,
1726.
RECUEIL DE PANEGYRIQUES & autres
Difcours de pieté . Dédié à S. A. S. Madame
Loüife- Adelaide d'Orleans , Abbeffe
de Chelles . Par Louis - Benigne
Bouru , Curé de Grury , en Bourgogne.
A Paris au Palais , chez Paulus - Dumefnil
, 1726 .
T
LA CONVERSION DE L'HOMME , avec
le fecours de Dieu. A Paris , rue faint
Jacques , chez Moreau , 1726. in 12. 50 ር.
LES NATIONS , Sonate , & fuites de
Symphonies en Trio : 4. Livres féparez
pour la commodité des Académies de
Mufique & des Concerts particuliers .
Sçavoir , premiere & feconde deffus de
Violon , Baffe- d'Archet & Baffe - Chiffrée .
Par M. Couperin , Organifte de la Cha
pelle du Roy ; Ordinaire de la Mufique
de
MARS. 1727.
503
de la Chambre de S. M. pour le Clavecin
. A Paris , chez l'Auteur , au coin de
la rue neuve des Bons - Enfans , & chez
Boivin , rue S. Honoré , 1726. in fol.
prix 10. liv, en blanc pour les 4. parties.
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'de S. Jean de Jerufalem , appellcz depuis
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Chevaliers de Malthe ; avec les Portraits
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tes & les plans neceffaires pour l'intelligence
de l'Hiftoire. Par M. l'Abbé deverde
l'Académie des Belles - Lettres . A
Paris , chezRollin , Quillau & Deffain
Quai des Auguftins , rue Galande & ruë
S. Jean de Beauvais , 1726. 4. vol . in 4 .
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annuelles & folemnelles , les Landes,
Primes , Tierces , Meffes , Sextes , None,
Vêpres & Complies des Dimanches &
Fêtes de l'année , avec les Meffes dès
Feries de chaque ſemaine, A Paris , ruë
neuve N. D. chez Heriffant , 1726. Tept
volumes in 12 .
L'OFFICE DIVIN pour les Dimanches
& les Fêtes de l'année , à l'ufage des
Laïques
04 MERCURE DE FRANCE.
Laïques qui fréquentent leur Paroifle
A Paris , chez Quillan , fils , ruë Galande
& Deffain , rue S. Jean de Beauvais ,
1726.
MOTETS à une , à deux & à trois voix ,
avec la Baffe continue , compofez par
M. Laloйete , Maître de Mufique & Beneficier
de N. D. de Paris , Livre premier.
A Paris , chez l'Auteur , Cloître N. Dame
, & chez Boivin , ruë S. Honoré ,
1726. in fol. prix 7. liv. 10. fols.
L'ECOLIER CHRESTIEN , ou la Jeunefle
Sanctifiée dans fes Etudes par d'illuftres
& faints exemples , dédié à Mrs les Congréganiftes
des Colleges de la Compagnie
de Jefus. A Paris , rue S. Etienne
d'Egrès , chez Deluſſeux , 1727.
MEMOIRES pour fervir à l'Hiftoire
des Hommes Illuftres dans la République
des Lettres , avec un Catalogne raifonné de
leurs Ouvrages . A Paris, ruë S. Jacques ,
chez Briaffon , 1727 .
DICTIONNAIRE DES ARRESTS , OU
Jurifprudence Univerfelle des Parlemens
de France , & autres Tribunaux , contenant,
par ordre alphabetique , les Matieres
Beneficiales , Civiles & Criminelles
:
MARS. 1727: 505
fes les Maximes du Droit Romain , du
Droit Public , des Coûtumes , Ordonnances
, Edits & Déclarations. Par P. J.
Brillon , Ecuyer , ancien Avocat au Par-
1ement , Confeiller au Confeil Souverain
de Dombes. Nouvelle Edition , revûë corrigée
& augmentée. A Paris , au Palais
chez la veuve Cavelier , M. Brunet , N.
Goffelin & G. Cavelier , rue S. Jacques ,
1727.6 . vol . in fol .
TRAITE' de la vente des Immeubles par
Decret, avec un Recueil des Edits ,Déclarations
& des Reglemens des Cours Sou
veraines fur ce fujet . Par M. d'Hericourt,
Avocat au Parlement. A Paris , chez la
veuve Cavelier au Palais , & rue S. Jac.
ques , chez Cavelier fils , 1727. 2. vol .
in 4. prix 10. livres 10. fols .
PSEAUTIER diftribué felon la Semaine
, avec les Hymnes , les Verfets & les
Profes qui fe chantent à l'Eglife pendant
toute l'année, & à l'Ordinaire de la Meffe
Latin & François. A Paris , rue S. Vic
tor , chez Berton , 1726. in 24. & in 16.
en faveur des Ecoles.
CANTIQUES SPIRITUELS d'un Soli
taire , compofez fur divers Chants , &
Airs nouveaux , à l'ufage des Miffions
506 MERCURE DE FRANCE.
& Cathechifmes. 1726. Chez le même ;
in 1-2.
LES AMOURS de Theagene & de Chagiclée
, Hiftoire Ethiopique , traduite du
Grec d'Héliodore. A Paris , rue S. Jacques
, chez Briaffon , 1727. 2. vol . in 12.
LETTRE CRITIQUE de M. Valifnieri
Premier Profeffeur de Medecine en l'Univerfité
de Padoüe , à l'Auteur du Livre
de la Generation des Vers dans le Corps
de l'homme , traduit de l'Italien . A Pa
ris , Quai des Auguftins , chez Bienvenu ,
1727. prix 15. fals.
LA FEMME JALOUSE , par M. Folly :
réprefentée pour la premiere fois fur le
Théatre de l'Hôtel de Bourgogne , par
les Comédiens Italiens , le 11. Décembre
1726. A Paris , chez Piffat , Quai de
Conty , & la veuve Guillaume , Quai des
Auguſtins , 1727. in 8. de 89. pages ,
fans l'Avertillement..
L'Extrait circonftancié que nous avons
donné de cette Piece dans le temps des
premieres réprefentations , nous difpenfe
d'entrer ici dans aucun détail. La lecture
en fait beaucoup de plaifir .
L NOUVEAU VOYAGE AUTOUR DU MONDE
par
MARS. 1727 .
507
par M.le Gentil enrichi de plufieurs Flans,
Vues & Perspectives des principales Villes
& Ports du Perou , Chily , Brefil & de
la Chine ; avec une Defcription de l'Empire
de la Chine , beaucoup plus ample
& plus circonstanciée que celles qui ont
paru jufqu'à prefent , où il eft traité des
Moeurs , Religion , Politique , Education
& Commerce des Peuples de cet Empire.
A Paris , Quay des Auguftins , chez Fla
bault , 1727. 3. vol. in 12 .
HISTOIRE DE L'EGLISE , depuis l'an
du Monde I. jufqu'en 1715. par l'Abbé
de Choify , de l'Académie Françoife ,
nouvelle édition. A Paris , chezC.David,
rue S. Jacques , 1727. in 12 .
LA VIB de S. Jean de la Croix , premier
Carme Déchauffé , & Coadjuteur
de Sainte Therefe , avec une Hiftoire
abregée de ce qui s'eft paffé de plus conf
derable dans la Réforme du Carmel. Par
le R. P. Dofitée de S. Alexis , Carme
Déchauffé. Chez le même Libraire , 1727,
-al volumes in 24 € . Saumel
ABRECE' de la Vie , Vertus & Miracles
de S. Jean de la Croix , premier
Carme Déchauflé , Coadjuteur de fainte
Therefe dans la Réforme de l'Ordre de
34 Notre
308 MERCURE DE FRANCE.
Notre-Dame du Mont Carmel , canonifé
à Rome le 27. Décembre 1726 .
traduit de l'Italien , par le R. P. Amable
de S. Jofeph , ancien Provincial des Carmes
de la Province de Paris. in 12. A
Paris , chez la Melle , rue de la vieille
Bouclerie , & Gonichon , Place du Pont
S. Michel
HISTOIRE ET EXPLICATION du Calendrier
des Hébreux , des Romains & des
François . Dédiée à S. E. Monfeigneur
le Cardinal de Fleury . A Paris , chez
Simon , ruë de la Harpe , 1727. in 12.
1. TRAITEZ de la Reprefentation du dous
ble lien & de la Regle paterna paternis
materna maternis . Par rapport à toutes
les Coûtumes de France. Par M. François
Guyné , Avocat au Parlement nouvelle
Edition , revûë & corrigée. A Paris ,
Quay des Auguftins , chez Montalani ,
1727 in 4 .
HISTOIRE d'Henry VII. Roy d'An
gleterre , furnommé le Sage & le Salamon
d'Angleterre ; par feu M. de Mar ,
folier , Chanoine de l'Eglife Cathédrale
d'Uzez . A Paris , rue S. Jacques , chez
Les freres Barbon , 1726. 2. vol . in 127
HIS
MARS. 17275
509
t
HISTOIRE du Droit Romain , contenant
fon Origine , fes Progrès , comment &
en quel temps les diverfes parties dont
cft compofé le Droit Civil , ont été faites
, Pufage que l'on fait en France du
Droit Romain , fon excellence & la maniere
de l'étudier ; par Me Claude- Jofeph
de Ferriere , Doyen des Docteurs
Regens de la Faculté des Droits de Paris,
& ancien Avocat au Parlement ; feconde
Edition , revûë , corrigée & augmentée
de plus d'un tiers. A Paris , Quay
de Gêvres , chez Prault , 1727. in 12 .
2. liv. 10. fols , relié en veau.
DICTIONNAIRE DES AYDES , ou les
Difpofitions , tant des Ordonnances de
1680. & 81. que des Reglemens rendus
en interpretation jufqu'à prefent ,
diftribuées dans un ordre alphabetique ,
pour la commodité de toutes les perfonnes
qui font obligées de les connoître &
de les executer avec la nouvelle inftruction
, ou le Style general des Employez
aux Fermes & à la perception des Droits
d'Aydes. Par le St Pierre Brunet de Grandmaison
, Employé dans les Aydes , 1727.
in 12. même prix. Chez le même Libraire.
SUPPLEMENT au Dictionnaire Hiftorique
, Critique , Chronologique , Geo-
E graphique
110 MERCURE DE FRANCE .
par
graphique & Litteral de la Bible ,
le R. P. Dom Auguftin Calmet , Religieux
Benedictin de la Congrégation de
S. Vanne & de S. Hydulfe , Prieur Titulaire
de Lay. 2. tom . in fol , enrichis de
150. Planches en taille- douce , propofez
par fouſcription. A Paris , Quay des
Auguftins , chez Emery , Saugrain pere ,
& Martin , 1727 .
CORPS UNIVERSEL , Diplomatique du
Droit des Gens , contenant un Recueil
des Traitez d'Alliance , de Paix , de Tréve ,
de Neutralité , de Commerce , des Changes
, de protection , de garantie , de toutes
les Conventions , Tranfactions , Pactes
, Concordats & autres Contrats qui
ont été faits en Europe , depuis le Regne
de Charlemagne jufqu'à prefent ,
& c. par M. J. Dumont , Ecuyer , Confeiller
& Hiftoriographe de S. M. I. &
Catholique . A Amfterdam , & fe vend
à Paris , Quay des Auguftins , chez Mon-
Balant , 1727. 12. vol . in fol .
LE QUART- D'HEURE AMUSANT , dedié
à M. Aymond . Janvier 1727. A Paris ,
Quay des Auguftins , chez Flahaut, 1727.
prix 12. fols.
SPECULATION fur les Changes Etrangers
MARS. 1727.
511
gers pour la commodité des Banquiers
& autres Négocians , contenant le juſte
rapport des Changes de Paris avec les
principales Places de l'Europe , fuivant
le cours d'Amfterdam . Par les Sr Purry
& Roffelet. A Paris , ruë de la Huchette ,
chez Knapen , 1727.
CRITIQUE ABREGE'E fur un Livre
nouveau , ayant pour titre , Dictionnaire
Univerfel de la France , ancien & moderne,
& de la Nouvelle France . Par C , M.de
l'Aunay. A Paris , chez Piffot & Knapen,
1726 .
APPENDIX de Diis & Heroibus
Poëticis , ou Abregé de l'Hiftoire Poëtique
, qui traite des Dieux & des Héros
de la Fable ; avec des Notes qui fervent
d'Explication au Texte Latin &
aux principales difficultez qui s'y rencontrent
, mifes en françois pour la facilité
des Commençans . A Paris , ruë
S. Jacques , chez les freres Barbou , 1726.
SALLUSTE , de la Conjuration de Catilina
, & de la Guerre de Jugurtha contre
les Romains . Traduction nouvelle
augmentée d'une Préface fur l'Art Hif
torique , & duJugement des Sçavans fur
les Ouvrages de l'Auteur. Chez les mêmes
Libraires , 1726 .
E ij OPES
312 MERCURE DE FRANCE.
ODES tirées des Cantiques de l'Ancien
& du Nouveau Teftament , avec un Argument
court qui en donne l'idée. A
Paris , chez le Clerc , Quay des Auguftins
, Knapen , rue S. André des Arcs ,
1726.
REMONTRANCE des Jefuites à M. l'’Evêque
d'Auxerre , au fujet de fon Ordonnance
& Inftruction Faftorale , por
tant condamnation de plufieurs Propofi
tions extraites des Cahiers dictez au College
d'Auxerre , par le P. le Moine , de
Ja Compagnie de Jefus . Seconde Edition .
A Paris , rue de la Harpe , chez Simon
1726.
MANUEL DE PIETE' , contenant des
Maximes & des Prieres pour la réception
des Sacremens de Pénitence & d'Euchariftie
, pour l'accompliffement des
principaux devoirs du Chriftianiifme. A
Paris , ehez Babuty , ruë S. Jacques , 1726,
HISTOIRE POETIQUE pour l'intelligence
des Poëtes & des Auteurs anciens.
A Paris , rue S. Jacques , chez Barbon ,
1726.
DICTIONNAIRE DES FINANCES , contenant
la définition de tous les termes de
Finances , leur ufage & leur differente appliMAR
S. 1717. sig
plication dans toutes fortes d'affaires, l'explication
de tous les Droits & Impofitions
qui fe levent dans l'étenduë du
Royaume , l'établiffement du Confeil du
Roy , des Chambres des Comptes & des
Cours des Aydes ; la création des Charges
, & generalement tout ce qui regarde
les Finances & la pratique des Bureaux.
A Paris , rue S. Jacques , chez Joffe , le
Gras , Cavelier , & la veuve Saugrain ,
1727. in 12. de 385. pages.
CALENDRIER PERPETUEL , plus exa&
que tous ceux qui ont paru juſqu'à prefent
, dédié à M. de Nefmond , Archevêque
de Touloufe ; feconde Edition
corrigée & augmentée d'une Table de
nouvelles Epactes , avec les Eclipfes qui
nous feront vifibles , depuis la prefente année
1727. jufqu'en 1746. avec une Méthode
pour trouver aifément l'âge de la
Lune par les mêmes Epactes. Par le
P. Emmanuel de Viviers , Prédicateur
Capucin , grande feüille volante. A Tou-
Loufe , de l'Imprimerie de Jean- Jofeph Def
claffan , près le College de Foix , & ſe
vend chez Jean - Pierre Dallais , Libraire
près S. Rome.
DICTIONNAIRE NEOLOGIQUE , à l'ufage
des Beaux Efprits du fiecle , avec l'EÉ
iij loge
514 MERCURE DE FRANCE.
loge Hiftorique de Pantalon - Phebus. Par
un Avocat de Province . Nouvelle Edition
, corrigée & augmentée , 1727. brochure
de 194 pages , fans la Préface ,
& c.
. Guillaume Cavelier , Libraire à Paris ,
ruë S. Jacques, au Lys d'or , avertit le
Public qu'il a imprimé plufieurs Livres
nouveaux , & qu'il en a reçû d'autres des
Pays Etrangers. Voici la Lifte des uns &
des autres.
FREIND ( Jo ) Emmenologia
in
qua
Fluxus Muliebris Menftrui Phænomena
, Periodi , vitia , cum medendi
Methodo , accedunt Prælectiones Chymicæ
, nova Editio aucta vol . in 12 .
Parifiis , 1727.
Ejufd. de Febribus ad Hippocratem de
Morbis popularibus . 8. Amft. 1726 .
2. liv.
Du même. Hiftoire de la Medecine ,
depuis Gallien jufqu'au commencement
du XVI . fiecle , traduite de l'Anglois
de M. Freind , par Goulet. in 4.
Leyde , 1727. 8. liv .
La même Hiftoire en 3. vol . in 12 .
Leyde , 1727. 7. liv.
Vaillant ( Sebaft. ) Difcours fur la ftructure
des Fleurs , leurs differences &
l'ufage de leurs parties , prononcé au
Jardin
MARS. 1727. 515
Jardin Royal à Paris. Lat. Fr. in 4 .
Leyde , 1727.2 . liv. Ce Livre eft d'une
grande curiofité .
Wallis (Jo) Sonorum formatio : ut & Jo.
Amman furdus Loquens , five de Loquela
Differtatio . 8. Lug. Bat. 1727 .
2. liv.
Cheynai ( Georg. ) Tractatus de Infir-.
morum fanitate tuendâ , vitaque producendâ
, Libro ejufdem Argumenti
anglicè edito longè auctior & emendatior.
8. Londini , 172 6. 6. liv .
Boerhaave (Herm . ) Methodus difcendi
Medicinam. in 8. Amft. 1716. 3. liv .
Recueil de Cas de Confcience & de Quef
tions qui concernent les matieres du
Jubilé , par un Religieux Carme Déchauffé.
in 12. Bordeaux , 1726. 2.1 .
Roma Sancta , feu Benedicti XIII . &
Cardinalium qui ultimo Conclavi , anno
1724. interfuêre viva virtutum
Imago , vitæ Familiæ , Legationes , & c.
fol . cum figuris Augufta Vindelicorum
, 1726. charta M. 28. liv .
L'Office de la Quinzaine de lâques ,
felon l'ufage de Rome & de Paris ,
en Latin & en François , traduction
nouvelle , dédiée à la Reine , avec
des Méditations fur les Evangiles &
des Reflexions , &c. in 12. Paris . 1727 .
Theologia Patrum Scholaftico- Dogmati-
E iiij ca,
16 MERCURE DE FRANCE:
ca , fed maximè pofitiva , Auctore P.
Boucat , Ord . Minorum . fol. 6. vol.
Rothomagi & Parifiis , 1726.
Eadem Theologia , 20. vol . in 8 .
Les Oeuvres d'Horace en Latin & en
François , avec des Remarques Critiques
, & Hiftoriques par M. Dacier ,
quatriéme Edition , revûë , corrigée &
augmentée par l'Auteur, 10. vol. in 12 .
Amft. 1727. 20. liv.
Gregorii ( David ) Soc. Reg . Londinenfis
Socii, Aftronomia, Phyficæ & Geometricæ
Elementa , fecunda - Editio
aucta , cum figuris . 2. vol . in 4. Geneva
, 1726. 25. liv.
Muffchenbrock ( Petr. ) Epitome Elementorum
Phyfico - Mathemat . in uſus
Academicos . 8. Lug. Bat. 1726. 3. liv .
Décifions Sommaires du Palais , par or
dre alphabetique , illuftrées de Notes
& d'Arrêts du Parlement de Bordeaux ,
par la Peyrere , cinquième Edition ,
augmentée , vol. in fol . Bordeaux ,
1725 .
Coûtumier General de Picardie , contenant
les Commentaires anciens & modernes
, avec leurs Textes corrigez .
2. vol. in fol. Paris , 1726. On aura
dans trois mois les 3. & 4° Tomes , qui
feront en tout 4. gros volumes in folio.
L'E.
MARS. 1727. 517
dres
L'Edition que l'on a entreprife à Lonpar
voie de Soufcription , des Generalitez
de la France , Extraits des Memoires
des Intendans , par M. le Comte
de Boulainviliers , avec les Memoires
Hiftoriques fur l'ancien Gouvernement
de ce Royaume , par le même Auteur ,
eft fi avancée , qu'on ne recevra plus
de Soufcriptions après le 10. d'Avril
prochain.
On nous écrit de Provence , que l'Armorial
des Confuls de la Ville d'Aix ,
que nous avons annoncé dans un de nos
Journaux , paroît parfaitement bien gravé
par Coelemants , en trois Planches ,
qu'il vend en tout 4. livres 10. fols.
M. de Haitze , qui a dreffé cet Armorial
, vient de publier fur ce fujet ,
un petit Ouvrage qui a pour titre : Dis-
SERTATION fur l'Etat Chronologique &
Heraldique de l'illuftre & fingulier Confulat
de la Ville d'Aix , Capitale de Provence.
Brochure in 12. A Aix , chez
Jofeph David , 1726 .
LE DIABLE BOITEUX , par M. le Sage,
nouvelle Edition , corrigée , refondue ,
ornée de figures , & augmentée d'un volume
, 1727. A Paris , Quay des Auguftins,
ahez la veuve Ribon. 2. vol. in 12.
E v
Le
pre
518 MERCURE DE FRANCE:
•
premier de 324 pages ; le fecond , de
304. fans les Tables & l'Epitre à Louis
Velez de Guevara , prix 5. liv.
L'Auteur a répandu de nouvelles beautez
dans cet Ouvrage , qui font rechercher
cette nouvelle Edition avec autant
d'empreffement que les premieres
qui avoient tant plû par les tours ingénieux
& picquans , la nobleſſe du ſtyle &
la vivacité des Portraits.
Je n'ai pas feulement corrigé l'Ouvrage
, dit M. le Sage dans l'Epitre , en
parlant de cette nouvelle Edition , je l'ai
refondu & augmenté d'un Volume , que
les fottifes humaines m'ont aifément fourni.
C'est une fource de Tomes inépuiſable ,
mais je n'ai point entrepris de l'épuifer .
J'abandonne ce travail immenfe à quelqu'un
de ces Auteurs laborieux, qui veulent
bien employer une longue vie à meriter
d'occuper une toife de place dans les Bibliotheques
. Pour moi , qui borne mon
ambition à égayer pendant quelques heures
mes Lecteurs je me contente de
leur offrir en petit un Tableau des Moeurs
du fiecle.
و
Après avoir fait connoître le deffein
que s'eft propofé M. le Sage , il eft bon de
donner quelques- uns des nouveaux Traits
qu'il a ajoûtez .
TOME I. Venons à ce Bâtiment neuf qui
conMAR
S. 1727. 319
contient deuxCorps de Logis feparez . L'un
eft occupé par le Proprietaire , qui eft ce
vieux Cavalier , qui tantôt fe promene
dans fon Appartement & tantôt fe laiffe
tomber dans un fauteuil . Je juge , dit
Jambullo , qu'il roule dans fa tête quelque
grand projet . Qui eft cet homme - là ?
Si l'on s'en rapporte à la richeffe qui brille
dans fa maifon , ce doit être un Grand de
la premiere Claffe.Ce n'eft pourtant qu'un
Contador, répondit le Démon ; ita vieilli
dans des Emplois très- lucratifs ; il a quatre
millions de bien . Comme il n'eft pas
fans inquietude fur les moyens dont il
s'eft fervi pour les amaffer , & qu'il fe
voit fur le point d'aller rendre fes comptes
dans l'autre monde , il eft devenu
fcrupuleux . Il fonge à bâtir un Monaftere.
I fe flatte qu'après une fi bonne
oeuvre , il aura la confcience en repos.
Il a déja obtenu la permiffion de fonder
un Convent ; mais il n'y veut mettre
que des Religieux qui foient tout enfemble
, chaftes , fobres & d'une extréme
humilité . Il eft fort embarraffé fur le
choix .
Remarquez- vous près de là deux hommes
que l'on ensevelit ? Ce font deux
freres ; ils étoient malades de la même
maladie ; mais ils fe gouvernoient differemment
: l'un avoit une confiance aveu-
E vj gle
520 MERCURE DE FRANCE.
gle en fon Medecin , l'autre a voulu laiffer
agir la Nature. Ils font morts tous
deux celui - là pour avoir pris tous les
remedes de fon Docteur , & celui - cy pour
n'avoir rien voulu prendre. Cela eft fort
embarraffant, dit Leandro.Eh ! que faut- il
donc que faffe un pauvre malade ? C'eft
ce que je ne puis vous apprendre , repondit
le Diable , je fçai bien qu'il y a de
bons remedes ; mais je ne fçai s'il y a de
bons Medecins.
Il a pour voifin un Licencié , qui avoit
tant d'envie d'attraper un Benefice, qu'il a
fait l'hipocrite à la Cour pendant dix ans ,
& le defefpoir de fe voir toûjours oublié
dans les promotions , lui a brouillé la cervelle
; mais ce qu'il y a d'avantageux
pour lui , c'eft qu'il fe croit Archevêque
de Tolede ; s'il ne l'eft pas effectivement,
il a du moins le plaifir de s'imagines
qu'il l'eft , & je le trouve d'autant plus
heureux , que je regarde fa folie comme
un beau fonge qui ne finira qu'avec fa
vie , & qu'il n'aura point de compte à
rendre en l'autre monde de l'ufage de
fes revenus.
Le voifin de ce fou eſt un vieux Seeretaire
qui a le timbre fellé pour n'avoir
pu fupporter l'ingratitude d'un homme
de la Cour qu'il a fervi pendant foixante
ans. On ne peut affez louer le zele
&
MARS. 1727: 525
& la fidelité de ce Serviteur , qui ne demandoit
jamais rien ; il fe contentoit de
faire parler fes fervices & fon affiduité ;
mais fon Maître , bien loin de reflembler
à Archelaus Roy de Macedoine , qui refufoit
lorfqu'on lui demandoit , & donnoit
quand on ne lui demandoit pas , eft
mort fans le récompenfer ; il ne lui a
laiffé que ce qu'il lui faut pour paffer le
refte de les jours dans la mifere & parmi
les foux.
દ
Mais , pourfuit le Diable , après vous
avoir montré des foux qui font enfermez ,
il faut que je vous en faffe voir qui mé▾
riteroient de l'être.
L'autre eft un Peintre étranger qui fait
des Portraits de femme ; il eft habile , il
deffine correctement , il peint à merveille
, & attrape la reffemblance ; mais
il ne flatte point , & il s'imagine qu'il
aura la preffe , inter ftultos referatur. Encore
deux places : l'une pour un vieux
Bourgeois Fleurifte , qui n'ayant pas dequoi
vivre , veut entretenir un Jardinier
& une Jardiniere pour avoir foin d'une
douzaine de fleurs qu'il y a dans fon Jardin.
L'autre pour un Hiftrion , qui plaignant
les defagrémens attachez à la viɛ
Comique , difoit l'autre jour à quelquesuns
de fes camarades : ma foi , mes amis ,
je fuis bien dégoûté de la Profeffion . Oui,
j'ai
522 MER CURE DE FRANCE.
j'aimerois mieux n'être qu'un petit Gentilhomme
de campague de mille ducats
de rente.
TOME II . De mon côté , dit Aſmodée ,
je confidere trois ombres remarquables ,
que je démêle dans la foule . Il faut que je
vous apprenne de quelle façon elles ont été
féparées de leur matiere. Elles animoient
les jolis corps de trois Comedienes qui
faifoient autant de bruit à Madrid dans
leur temps , qu'Origo , Citherio & Arbafcula
, en ont fait à Rome dans le leur ,
& qui poffedoient auffi -bien qu'elles l'art
de divertir les hommes en public , & de
les ruiner en particulier. Voici quelle
fut la fin de ces fameufes Comédiennes
Efpagnoles : l'une créva fubitement d'envie
, au bruit des applaudiffemens du l'arterre
au début d'une Actrice nouvelle.
L'autre trouva dans l'excès de la bonne
chere , l'infaillible mort qui le fuit : &
la troifiéme , venant de s'échauffer fur
la Scene , à jouer le Rôle d'une Veftale ,
mourut d'une fauffe couche derriere le
Theatre .
Trois Libraires foupoient enſemble
au Cabaret ; la converfation tomba fur la
rareté des bons Livres nouveaux . Mes
amis , dit là deffus un des Convives , je
vous dirai confidemment que j'ai fait un
beau coup ces jours paffez . J'ai acheté.
une
MAR S. 1727. 523
une Copie qui me coute un peu cher ,
à la verité ; mais elle eſt d'un Auteur ...
c'eft de l'or en barre . Un autre Libraire
prit alors la parole , & fe vanta pareillement
d'avoir fait une emplette excellente
le jour precedent ; & moi , Meffieurs ,
s'écria le troifiéme à ſon tour , je ne veux
pas demeurer en refte de confiance avec
vous , je vais vous montrer la perle des
Manufcrits , j'en ai fait aujourd'hui l'heureufe
acquifition . En même temps ,
chacun tira de fa poche la précieuſe
Copie , qu'il difoit avoir achetée , & comme
il le trouva que c'étoit une nouvelle
Piece de Theatre , intitulée , le Juif-
Errant , ils furent fort étonnez quand ils
virent que c'étoit le même Ouvrage qui
leur avoit été vendu à tous trois féparément.
·
Démêlez dans ces Corps de Logis , où il
y a de fuperbes Ameublemens , un homme
en Robbe de chambre de brocard rouge
à fleurs d'or. C'eft un bel efprit qui fait
le Seigneur en dépit de fa bafle origine .
Il y a dix ans qu'il n'avoit pas vinge Maravedis
, & il jouit à prefent de dix mille
ducats de rente ; il a un Equipage trèsjoli
, mais il en rabat l'entretien fur fa
table , dont la frugalité eft telle , qu'il
mange ordinairement le petit pouler en
fon particulier. Il ne laiffe pas pourtant
de
$24 MERCURE DE FRANCE.
de régaler quelquefois , par oftentation ,
des perfonnes de qualité. Il donne aujourd'hui
à dîner à des Confeillers d'Etat
; & pour cet effet il vient d'envoyer
chercher un Patiffier & un Rotiffeur ,.
il va marchander avec eux fol- à-fol ;
après quoi il écrira fur des cartes les fervices
dont ils font convenus. Vous me
parlez là d'un grand craffeux , dit Lam- ´
bullo. Eh ! mais , répondit Afmodée , tous
les gueux que la fortune enrichit brufquement
, deviennent avares ou prodigues.
C'eft la regle.
L'Ecolier appercevant des Manoeuvres
qui travailloient à une Porte fort haute
demanda fi c'étoit unPortail d'Eglife qu'ils
faifoient. Non , lui répondit Afmodée ,
c'eft la Porte d'un nouveau Marché ; elle
eft magnifique , comme vous voyez . Cependant
quand ils l'éleveroient jufqu'aux
nuës , jamais elle ne fera digne des deux
Vers latins qu'on doit mettre deffus . Que
me dites - vous , s'écria Leandro ! Quelle
idée vous me donnez de ces deux Vers !
je meurs d'envie de les fçavoir. Les voici
, reprit le Démon , préparez - vous à
les admirer
Quam bene Mercurius nunc merces vendit op
mas ,
Momus ubi fatuo s vendidit ante fales :
N
MAR S. 1727: 525
11 y a dans ces deux Vers un jeu de
mots le plus joli du monde. Je n'en fens
point encore toute la beauté , dit l'Ecolier
, je ne fçai pas bien ce que fignifient
ces fatios fales. Vous ignorez donc , ré .
partit le Diable , que la Place où l'on
bâtit ce Marché pour y vendre des denrées
, fut autrefois un College de Moines
qui enfeignoient à la jounelle les Humanitez
. Les Regens de ce College y fai
foient reprefenter par leurs Ecoliers des
Drames , des Pieces de Theatre fades &
entremêlées de Ballets fi extravagants ,
qu'on y voyoit danfer jufques aux Preterits
& aux Supins. Oh ! ne m'en dites
pas davantage , interrompit Zambullo
! je fçai bien quelle drogue c'eft que
les Pieces de College. l'Infcription me
paroît admirable.
Il y a deux mois que le Licencié qui
eft Academicien de l'Académie de Tolede
, donna au Public un Livre de Morale
qui révolta tous les vieux Auteurs
Caftillans ; ils le trouverent plein d'expreffions
trop hardies & de mots trop
nouveaux. Les voilà qui fe liguent con
tre cette production finguliere : ils s'affemblent
, & dreffent un Placet qu'ils prefentent
au Roy , pour le fupplier de condamner
ce Livre comme contraire à la
pureté & à la netteté de la Langue Eſpaguole
126 MERCURE DE FRANCE.
gnole. Le Placet parut digne d'attention
à Sa Majefté , qui nomma trois Commiffaires
pour examiner l'Ouvrage ; ils efti
merent que le ftile en étoit effectivement
reprehenfible , & d'autant plus dangereux
qu'il étoit plus brillant . Sur leur rapport ,
voici de quelle maniere le Roi a décidé :
il a ordonné , fous peine de defobéiſſance,
que ceux des Académiciens de Tolede qui
écriront dans le goût de ce Licencié , ne
compoferont plus de Livre à l'avenir , &
que même pour mieux conferver la pureté
de la Langue Caftillane , ces Académiciens
ne pourront être remplacez après
leur mort que par des perfonnes de la
premiere qualité. Cette déciſion eſt merveilleufe
, s'écria Zambullo en riant. Les
Partifans du langage ordinaire n'ont plus
rien à craindre . Pardonnez -moi , répartit
le Démon . Les Auteurs ennemis de
cette noble fimplicité , qui fait le charme.
des Lecteurs fenfez , ne font pas tous de
l'Académie de Tolede .
PROJET DE SOUSCRIPTION ,
Pour un nouveau Plan de Paris & de fes Fauxbourgs
, levé Géométriquement
par J. Delagrive , Prétre .
Et Ouvrage eft compofé de fix feuilles, qui
réünies enfemble font une Carte de fix
pieds de longueur fur cinq de hauteur , y com
pris les marges.
AuMARS.
1727. 527
quarrez ,
Autour de ce Plan , dirigé fur la Meridienne
de l'Obfervatoire , font marquées les graduations.
La Carte eft divifée en plufieurs
de fix Secondes chacun , tant en
Longitude qu'en Latitude , par le ſecours defquels
on pourra trouver dans un moment les
Rues, Eglifes , Communautez , Convents , Hôtels
, Hôpitaux , Ponts & Places , dont les
noms font marquez en ordre Alphabetique
aux marges collaterales du Plan.
Outre un toifé exact que l'on a obfervé dans
les longueurs des Rues , Places publiques ,
l'Auteur s'offre de faire connoître à quiconque
en pourroit douter , par les Obfervations
qu'il a faites , qu'il n'y a point d'erreur dans
les pofitions de fes points fixes , tels que font
prefque tous les clochers & d'autres lieux rémarquables.
On ne fe contente pas d'indiquer feulement
comme l'on a fait dans tous les Plans qui ont
paru , les endroits où font fituées les Eglifes
les Communautez , Hôtels & autres lieux . On
en marque les dimenfions de telle forte que
chacun pourra les reconnoître. On verra dans
les Eglifes les bas - côtez , le nombre des piliers
& des Chapelles ; dans les Communautez &
Hôtels , la difpofition des Bâtimens , Cours
& Jardins. On y ajoûte avec le même détail
un nombre infini de maifons celebres , foit
par leur grandeur , foit par le nom des perfonnes
qui les habitent. On obferve même
dans le Boulevart , aux Champs Elizées
, aux Tuilleries & ailleurs , les diftances
& l'arrangement des arbres que l'on a
examiné avec foin.
On y voit grand nombre de ruës nouvellement
conftruites , plufieurs rues anciennes &
paffages publics , omis dans les autres Plans a
lcs
· 28 MERCURE DE FRANCE.
les noms de plufieurs autres que peu de perfonnes
connoiffent & qu'aucun Plan n'a marqué ;
les projets nouvellement executez ou réfolus
pour l'embelliffement & la commodité de la
ville.
On pourra par ce Plan verifier exactement
les obfervations par lefquelles feu M. de l'ifle,
a démontré de combien la grandeur du Sol
de la ville de Paris eft plus grand que celui de
Londres.
Ce Plan eſt enrichi de deux grands Cartouches
fymboliques , dont l'idée & la gravure
fatisferont les curieux.Dans un espace de trois
pouces qui regne autour de la Carte , on voit
les élevations des plus beaux édifices de Paris ,
d'une grandeur telle que chacun y pourra remarquer
les ordres & les regles d'Architecture
qui y font obfervés .
L'Ouvrage , qui eft depuis plufieurs mois
entre les mains du Graveur , paroîtra dans le
Public en 1728.
La Soufcription fera de dix livres ; fçavoir ,
cinq livres en ſouſcrivant , dont le fieur Borde
, Graveur , donnera une reconnoiffance imprimée
, & fignée de l'Auteur ; on payera les
cinq livres reftans lorfqu'on retirera la Carte ,
qui fe débitera chez ledit Graveur .
On recevra les Soufcriptions depuis le premier
jour de Fevrier de la prefente année 1727.
jufqu'au 31. Août de la même année. Ceux
qui n'auront pas foufcrit ,payeront feize livres
pour chaque exemplaire , fans aucune diminution.
Ledit fieur Borde demeure au bas de la ruë
des Sept Veyes , devant le Puits- Certain , an
Roy Henry.
M. Bolduc , Apoticaire du Roy , &
Adjoint
MARS. 1727. 529
'Adjoint Chimifte de l'Académie Royale
des Sciences , eft monté à la place d'Affocié
, qui vaquoit depuis long-temps
& M. Bourdelin , Docteur en Medecine,
a été élu Adjoint Chimifte , à la place
que M. Bolduc laiſſe vacante .
On a fait depuis peu des épreuves
réïterées fur la Graine que produit un
Arbre de la Loüifiane , dont on tire par
l'ébulition , quatre onces de Cire par livre
de Graine. Cette efpece de Cire eft d'abord
d'un gris obfcur , tirant fur le vert ;
mais on efpere trouver le moyen de la
blanchir à l'égal de la Bougie ordinaire
& d'en tirer autant d'utilité. On dit que
les Anglois de la Caroline , n'en bulent
point d'autre , & qu'elle ne leur coute
que peu de chofe.
Un Serrurier Provençal , a inventé de
puis peu une nouvelle efpece de Pont fort
commode pour les Troupes , & l'Artillerie
par le moyen de Tonneaux armez de cercles
de fer en dedans , & qu'on peut facilement
tranfporter fur des Mulets . On en
doit faire des épreuves , dont nous rendrons
compte , fi elles réüffiffent,
On mande de Petersbourg , que les
Ingenieurs & Géographes , envoyez dès
J'ane
530 MERCURE DE FRANCE.
l'année 1715. dans toutes les Provinces
de Ruffie , pour les mefurer & compofer
des Cartes: exactes , ayant executé leur
Commiffion & fait remettre leurs Plans
au Haut - Senat , la Czarine a chargé
M. Makoroff , Confeiller Privé , de les
donner à examiner à l'Académie des
Sciences , pour en dreffer une Carte generale
de tous les Etats de Ruffie. Par
déliberation de l'Académie , cette Commiffion
a été donnée à M. de Lifle , Af
tronome & Géographe de l'Académie
Rovale des Sciences de Paris & de Petersbourg
, qui a commencé à y travailler
, affifté par M. Ivan Kiriloff , Secretaire
du Haut- Confeil , qui eft fort verfé
dans la Géographie du Pays.
On mande de Rome , que le Cardinal
Alberoni a acheté d'une Communauté de
Religieux de cette Ville pour 15000.
écus de Médailles antiques & très -rares ,
dans le deffein d'en faire prefent à l'Empereur
qui avoit chargé le P. Pauli de
Luque , de les examiner & de convenir
de prix avec ces Religieux .
Muce
Risiging
AIR.
MARS. 1727. 531
MERCURE DE FRAN
dir de M. Mou
X
Affreux Hyver
Hyver tu ure Tu
AIR
MARS. 1727. 531
AFfreux
AIR,
Ffreux Hyver , tu bannis de ces lieux ,
L'Email des fleurs & l'aimable verdure ,
Tu viens dépouiller la Nature
De fes ornemens précieux.
Mais c'eft un changement qui ne fçauroit me
nuire ,
Puifque le teint de ma Philis ,
Fait voir des Rofes & des Lys ,
Que ta rigueur ne peut détruire.
SPECTACLES.
E Mardi 4. de ce mois , les Come-
Ldiens
diens François repreſenterent à la
Cour la Tragedie d'Andromaque , & la
petite Comedie du Baron de la Craße.
Le 6. la Comedie nouvelle du Philofophe
marié , qui fut auffi generalement applaudie
à la Cour qu'à la Ville.
Le 11. la Tragedie de Mythridate , &
les Précieufes ridicules .
Le
332 MERCURE DE FRANCE.
Le 13. le Philofophe marié.
Le 18. Alcibiade , & le Bon Soldat.
Le 20. Penelope & George Dandin.
Le 22. Pourceaugnac & Scapin.
Le 7. les Comediens Italiens joüerent
une Piece nouvelle en trois Actes , avee
un Divertiffement de Chants & de Danfes
, qui a pour titre , le Contrafte de l'Amour,
& de l'Hymen. Nous en parlerons
plus au long dans le prochain Mercure.
Le 8. les mêmes Comediens Italiens
joüerent à la Cour le premier Acte des
Comediens Efclaves , la Parodie de Pirame
& Thifté, & le Portrait. Cette derniere
Piece fit beaucoup de plaifir , & fut
très -applaudie. Tout le monde fçait que
Mile Silvia y joue à ravir.
螽Le 15. les mêmes Comediens y jouerent
le Dédain affecté , & la Veuve Coquette.
EXTRAIT de la Comedie du Berger
d'Amprife.
C
Ette Piece eft de M. de Lifle , Auteur
d'Arlequin Sauvage , de Timon
le Mifantrope , d'Arlequin au Banquet des
fapt Sages , & du Faucon. L'honneur que
la plupart de fes Pieces lui ont fait , doit
le confoler de celles qui n'ont pas tout- à-
Cait répondu à l'attente que le nom d'un
fi
MAR S. 1727. 535
fi bon Auteur en avoit donnée au Public.
Comme il ne s'eft point proposé d'autre
but que celui de corriger les moeurs en
riant pour remplir un projet fi raiſonnable
, il a voulu en dernier lieu tourner
en ridicule , ceux qui prétendent fe faire
un nom par une maniere d'écrire & de
parler trop finguliere ; il n'a crû pouvoir
mieux y réüffir , qu'en mettant au
Theatre Apollon même , fous le nom du
Berger d'Amphrife , donnant les veritables
regles de l'art de bien dire. Les Metamorphofes
d'Ovide lui ont fourni le
fujet. Il eft vrai qu'il ne s'eft pas attaché
fcrupuleufement à fuivre la Fable ; Midas
ne fut point Juge entre Apollon &
Marfias , comme il l'eft dans la Comedie
du Berger d'Amphrife. De deux Fables
differentes l'Auteur n'en a fait qu'une ,
comme on le va voir dans l'Extrait que
nous nous fommes engagez d'en donner .
ACTEURS.
Apollon , fous le nom de Delius. Le fieur
Riccoboni , fils.
Momus , fous le nom d'Arlequin. Lefieur
Thomaffini.
Midas , Roi de Phrygie. Le fieur Riccoboni
,
pere,
Dircé. La Dle Silvia.
F Marfias
534 MERCURE DE FRANCE.
Marfias.
Mercure .
Le fieur Romagneſi.
Le fieur Mario.
La Scene eft dans les Campagnes
d'Amphrife.
ACTE I.
Delius commence la Piece. Il paroît
affis fur le gazon, jouant de la Flutte
Arlequin reconnoît Delius pour Apollon
, au fon charmant de fa Flutte. Ils
s'embraffent , & expofent pour quel crime
Jupiter les a exilez fur la terre. Ils
fe propofent tous deux de fe rendre utiles
aux hommes , Apollon en les inftruiſant ,
& Momus en les corrigeant. Apollon
fait entendre à Momus qu'il eft devenu
éperdument amoureux d'une Nymphe ,
qui fe cache fous le nom de Dircé , parce
qu'elle eft aimée du Satyre Marías , fous
le nom de Lycoris , & qu'elle fuït fes
perfecutions. Momus fe retire à l'arrivée
de Dircé , & fait entendre , en fortant
qu'il va fe cacher , pour ne rien perdre
de la converfation de ces deux Amans.
Dircé apprend à Delius que Marfias
vient d'arriver à Amphrife , où il la
foupçonne de fe tenir cachée. Delius lui
dit qu'il efpere par fes talens gagner la
faveur de Midas , Roi de Phrygie , &
LupMARS.
1727.
535
fupplanter Marfias , qui a trouvé le lecret
de fe rendre tout - puiffant auprès de
lui , par une maniere de parler qui ne
paroit belle , que parce qu'elle n'a rien
de naturel ; il promet à Dircé qu'après
qu'il aura chaflé fon Rival , il obtiendra
de Midas toute la protection dont ils ont
befoin dans leurs amours.
Marfias.
Dircé lui répond que Midas eft bien
plus à craindre lui
pour que
Elle lui apprend pour la premiere fois ,
qu'elle eft fille de Neptune & de la
Nymphe Erotas , que Midas l'a aimée
fous le nom d'Evadné , qu'elle s'eft fouf
traite à fes yeux en prenant le nom de
Lycoris , que c'eft fous ce dernier nom
que Marfias la fait chercher , fans croire
avoir Midas pour Rival , & qu'elle n'a
pas moins d'interêt à fe cacher au Maître
qu'au Favori. Dircé fe retire à l'approche
Favou
de Marfias .
Delius flatte Marfias ; il admire fon
langage empoulé & obfcur , il affecte
même de le parler. La fin qu'il fe propofe
, eft de parvenir par fon canal auk
bonnes graces de Midas , pour détruire
cet indigne Concurrent ; mais le malin
Momus , qui s'eft caché pour écouter
leur converfation , détruit ce beau projet.
A peine Delius a-t- il quitté Marfias ,
que Momus vient fe préfenter à ce der-
Fij nier
336 MERCURE DE FRANCE:
nier , & lui apprendre que ce mêine Delius
, à qui il vient de parler , & dont il
paroît fi fatisfait , eft un éleve d'Apol-
Ion , qui ne ceffe de tourner en ridicule
fon nouveau jargon . Marfias jure la perte
de Delius , & promet toute fa faveur &
celle de Midas à Momus ,
ACTE I I.
Momus commence ce fecond Acte ;
vêtu fuperbement . Il refléchit fur la maniere
dont il a fait fortune , c'eft- à- dire .
en trahiffant fon ami , & de- là il conclut
que les Grands accordent plutôt leur
protection à ceux dont le crime leur eft
utile , qu'à la probité , qui ne leur fert à
rien. Un Courtifan flatteur vient faire fa
cour à Momus , qui a pris le nom d'Arlequin
. Momus lui fait entendre qu'il a
delfein de perdre ce même Marfias , à
qui il a l'obligation de fa nouvelle fortune.
Ce Courtiſan , qui s'appelle Lychas
, approuve tout ce qu'il lui propofe;
& ayant appris de lui que Lycoris eft
cachée fous le nom de Dircé , & que
cette même Lycoris eft aimée de Midas ,
fous le nom d'Evadné , il fait connoître ,
par un à parte , qu'il profitera de cette
découverte , pour perdre Marfias & Arlequin
, l'un par l'autre. Lychas fe retire.
Delius
MARS. 1727. 537
*
C
Delius vient ; Momus lui déclare qu'il
l'a trahi. Delius lui reproche cette perfidie
, & lui dit qu'il s'en vengera . Momus
ne fait que rire de fa colere , & lui
répond qu'il n'a fait le mal que pour le
réparer. Midas vient.
Momus , fous le nom d'Arlequin , préfente
Delius à Midas , comme un bon fujet.
Midas lui demande à quoi il peut
être bon. Momus lui répond qu'il a un
efprit au deflus du commun , & qu'il eſt
un des plus dignes éleves d'Apollon .
Midas ne compte pour rien tous ces talens
, dont Momus lui fait un fi grand
étalage ; & pour toute faveur , il propoſe
à Delius une place parmi fes Comediens .
Delius eft outré de la propofition , mais il
diffimule fa colere. Marfias vient. Midas
le confulte fur la place qu'il deftine à
Delius. Marfias lui répond que Delius
s'acquittera parfaitement bien de fon
nouvel emploi , & qu'il excellera , fur
tout dans le rôle de fourbe. Ces dernieres.
paroles de Marfias font entenduës du
feul Delius. Ce dernier , dans le premier
Acte , a confeillé à Marfias d'affecter de
l'indifference pour Lycoris , & s'eft offert
lui-même à le fervir dans ce nouveau
deffein de fe faire aimer. Marfias a donné
dans le piege , c'eft ce qui donne occafion
à Delius de dire à Midas , qu'il
Fiij jouë
538 MERCURE DE FRANCE.
joue affez bien le rôle de fourbe ; mais
que Marfias joue encore mieux le rôle de
dupe. Cette fcene , entre Delius & Marfias,
eft une énigme pour Midas. Il en demande
le mot à Delius , qui lui apprend
ce qui s'eft paflé entre Mathias & lui au
fujet de Lycoris . Midas en rit aux dépens
de Marfias , qui devore fon chagrin
, pour mieux faire éclatter fa vengeance
en fon temps. Delius prie Midas
de vouloir bien être arbitre de leurs differends
. Il défie Marfias à un combat d'efprit
entre leurs Eleves. Marfias accepte
le deffi . Midas confent à être le juge de
cette brillante difpute , & ordonne que
Lycoris foit le prix de celui dont le parti
qura triomphe.
ACTE III.
Dircé plaint le fort de Delius , qu'elle
eroit être devenu fou , parce qu'il lui a
déclaré qu'il eft Apollon. Elle veut éviter
Marfias , qu'elle voit approcher ; mais
ne pouvant échapper à fa pourfuite , elle
prend le parti de le tromper. Elle lui reproche
fon indifference , dont Delius l'a
inftruite de fa part , & s'y prend avec
tant d'adreffe , que Marfias devient fa
dupe , comme il l'a été de Delius . Il fe
eroit aimé de Dircé. Il lui parle du deffi
que
MARS. 1727. 539
pas
que Delius a ofé lui faire. Elle affecte
une tendre frayeur fur l'évenement , &
le prie d'obtenir de Midas qu'elle n'appartienne
au Vainqueur , qu'autant qu'elle
le voudra bien . Marfias , tranfporté de
plaifir , la remercie d'une précaution
dont il croit n'avoir befoin , par la
certitude où il eft de la victoire. que fes
Eleves doivent remporter fur ceux de
Delius. Dircé lui dit tendrement qu'elle
va fe cacher , de peur d'être à un autre
qu'à lui. Elle lui promet de reparoître à
Les yeux auffi - tôt qu'elle aura appris
fon triomphe , dont elle n'ofe encore fe
flatter .
Midas vient . Marfias propofe à Delius
, de ne point forcer les inclinations
de Lycoris ou de Dircé , quelque foit
l'évenement du combat entre leurs Eleves
. Delius eft trop perfuadé de tous fes
avantages , pour n'y pas confentir.
Les Eleves chantent de part & d'autre.
Midas juge en faveur de ceux de Marfias..
Delius en eft furpris & indigné. Lychas ,
qui dans le fecond Acte a fait entendre
qu'il vouloit perdre Marfias & Arlequin ,
l'un par l'autre , commence par le premier.
Il amene Dircé , qu'il fçait être
Evadné , dont Midas eft amoureux . Dircé
cache fes traits fous un voile , & ne fe
montre qu'après que Midas lui a juré
Fiiij qu'elle
540 MERCURE DE FRANCE.
qu'elle ne fera qu'à celui des deux Ri
vaux dont elle fera choix , puifqu'ils en
font convenus eux - mêmes . Elle choisit
Delius. Midas la prie de fe montrer . Elle
découvre fon vifage , & le fait connoître
à fon premier Amant pour cette même
Evadné, qu'il fait chercher par tout. Marfias
eft doublement accablé de le voir
préferer Delius , & de fe trouver Rival
de fon Maître. Midas jette un regard de
colere fur Marfias ; & prêt à rétracter fa
parole , il ordonne qu'on arrête Delius.
Apollon implore le fecours de Jupiter ,
fon pere. Le Tonnerre gronde ; Mercure
defcend des Cieux. Il annonce à Apollon
que Jupiter , touché de ſes malheurs , le
rappelle de fon long exil , & confent
qu'il vienne reprendre fa place auprès
de lui dans l'Olympe.Il change Marfias en
Fleuve. Momus veut qu'on donne des
oreilles d'âne à Midas , en punition du
jugement qu'il vient de porter entre les
Eleves de Marfias & ceux de Delius ;
mais Apollon eft plus genereux , & pour
confondre Midas , il promet de lui donner
les lumieres qui lui ' manquent ,
à
condition qu'il en fera part à fes fujets.
Mercure annonce à Momus, que fon exil
n'eft pas encore fini , & que Jupiter veut
qu'il demeure fur la terre fous le nom
d'Arlequin , pour corriger les moeurs des
homMARS.
1727.
541
hommes ce qui donne lieu à Momus
d'inviter le Parterre à venir tous les jours
à fon Ecole .
La difpute entre les Eleves de Delius
& ceux de Marfias , qui eft le principal
objet de la Piece , en fournit la Fête. La
Mufique eft de M. Mouret , & le Ballet
de M. Marcel . Ils y foutiennent tous
deux la réputation qu'ils ont fi juſtement
acquife , chacun dans fon talent. Voici
quelques Couplets de la Fête en queſtion.
Une Bergere.
Nous venons pour offrir notre plus tendre
hommage ,
Au charmant Dieu de l'Amour ;
Il regne dans ce féjour ,
Et c'eft dans fes douceurs qu'eft tout notre he
ritage.
Satisfaits de nos voeux ,
Pour affurer chez nous fa fuprême puiffance ,
Les doux plaifirs & l'innocence
Sont toûjours de concert dans nos coeurs
amoureux.
Un Satyre.
Amour, n'attends pas d'un Satyre ,
Quelque fade compliment ;
Tout ce que nous voulons dire,
F v Nous
$42 MERCURE DE FRANCE.
Nous le difons finement.
La fimplicité nous glace ,
Nous voulons abfolument ,
Que l'on foit ruftique avec grace ,
Et populaire élegamment.
Une Bergere.
· En vain la brillante Aurore,
S'éleve d'un vol leger ,
Si je ne voi mon Berger,
Je croi qu'il eft nuit encore.
C'est l'aftre de mon amour ,
Lorfque ce Berger fommeille ,
Mon Soleil a fait fon tour ;
Et le moment qu'il s'éveille ,
Pour moi c'eſt le point du jour.
Vaudeville.
Premier Couplet.
Quand l'Aurore matiniere ,
.Sort du lit du vieux Titon ,
L'Amour me donne le ton ;
Et je réduis la plus fiere,
A repeter ma Chanfon ,
A
MARS . 1727. 543
A l'uniffon ,
Sur le gazon.
Que fi quelqu'un en murmure
La Belle foudain répond ,
La bonne aventure , ô gué !
O gué ! la bonne aventure.
LETTRE écrite à M *** au fujet de
la Piece dont on vient de lire l'Extrait ,
& qu'on nous prie de publier.
J >
E ne pûs pas profiter hier au foir ,
Monfieur de votre converſation ,
touchant le fuccés de la Comedie du Berger
d'Amphrife. Il me prend envie de vous
écrire , pour vous demander excufe de la
mauvaiſe compagnie que je vous fis , &
pour continuer les reflexions que nous
avions entammées fur la Piece. Vous
vous êtes étonné , Monfieur , qu'elle n'ait
pas été goûtée du Public , & qu'après la
lecture que vous en avez faite deux fois ,
elle ne vous ait pas affecté vous - même.
Je penfe , Monfieur , en fçavoir la raiſon.
Je ne vous dirai point ce que quelques
perfonnes d'efprit & de goût en ont penfe
, parce que leur décifion feroit trop
dure & trop contraire au fentiment general
, & qu'au furplus elle ne prouveroit
F vj
rien.
544 MERCURE DE FRANCE.
•
rien. Je puis convenir avec les Sçavans
& les Gens de moeurs , que le fiecle eſt
corrompu , & ignorant même ; mais de
bonne foi , Monfieur , croyez - vous que
tous les fiecles ne fe reffemblent pas ?
Croyez-vous que les fiecles d'Athénes &
de Rome , dans le temps où les fciences ,
le bon goût & les moeurs formoient de fi
excellens Citoyens : croyez - vous , dis- je >
que ces fiecles - là ne fuflent pas appellez
des fiecles ignorans & corrompus ? Je
croi que le monde a toûjours été le même
, & que dans les Etats les mieux policez
, les Sçavans , les gens d'efprit &
de bon goût ont toûjours fait un petit
corps à part , & que le grand nombre
qu'on pouvoit leur oppofer laiffoit le
champ libre à quiconque eût voulu, pour
appeller un fiecle d'ignorance & de corruption
celui où il vivoit . Si c'eft à cette
balance qu'on veut pefer aujourd'hui
l'efprit & les moeurs , nous fçavons fort
bien de quel côté elle doit pencher ; mais,
Monfieur , il ne faut point produire de
telles raifons,pour aller, tête baiffée , contre
le jugement que le Public a porté du
Berger d'Amphrife. Je conviens qu'il
peut avoir tort d'un côté , mais laiffezmoi
croire que il d'un autre peut avoir
raifon . Ne croyez pas , Monfieur , que
ma modeftie & mon fentiment en faveur
du
MARS. 1727: $45
du Public , viennent du deffein de le flatter
? Lorfque j'en parle , je dis ce que
j'en penfe , fans affectation , comme fans
interêt. Si je dis qu'il peut avoir raifon ,
s'il n'a pas goûté la Comedie du Berger
d'Amphrife , ce n'eft point pour lui faire
ma cour : voilà comme je raifonne.
Je ne doute point qu'un homme d'ef
prit , qui lira cette Comedie , ne la trouve
excellente , & que les faifeurs de Pieces
de Théatre n'en foient charmez & étonnez
en mêmê - temps . Vous , qui la connoiffez
à fond , m'en avez dit autant ;
mais malgré tout cela , elle ne vous à pas
affecté : ce font vos propres mots. Pourquoi
donc cela ? Le voici. L'Auteur du
Berger d'Amphrife , que tout le monde
connoît , étoit propre pour écrire dans les
temps floriffans de la Comedie des Grecs.
& des Romains ; auffi le Peuple de ces
temps - là avoit deux objets en allant au
Theatre. Aujourd'hui il n'en a qu'un
feul. Dans ce temps - là il vouloit s'inf
truire par la correction des moeurs , & fe
réjouir par la plaifanterie ; aujourd'hui il
ne veut que fe réjouir , & il a raiſon . Les
Grecs & les Romains avoient une bonne
morale , que les Ecoles apprenoient à
ceux qui vouloient s'en inftruire . Le refte
du Peuple , qui ne fçavoit autre chofe
que la Guerre , vivoit dans une parfaite
igno
$46 MERCURE DE FRANCE.
ignorance , & avoit befoin de fréquenter
le Théatre pour apprendre à fe conduire
dans le monde. Préfentement notre Religion
fait ce que le Théatre faifoit dans
ce temps - là : les enfans même de la lie
du Peuple apprennent le Catechifme , ils
vont au Prône , & les voilà inftruits de
ce qui regarde les bonnes moeurs , & la
focieté. Notre Auteur , qui eft fçavant &
très - Philofophe , s'eft appliqué à corriger
les moeurs & le goût des Belles - Lettres
, dans fa Comedie du Berger d'Amphrife.
Le plaifant de fa Piece eft très fin
& très -picquant , & je ne m'étonne point
qu'il n'ait point fait d'impreffion . Le Public
, qui , comme je l'ai dit , ne veut que
fe réjouir aujourd'hui , ne peut rire à la
repreſentation du Berger d'Amphrife ,
parce que la plaifanterie fort d'une reflexion
qui lui fait de la peine , ou le
fait rougir.
Par exemple , dans la derniere Scene
du premier Acte , après que Momus , fous
le nom d'Arlequin , a découvert à Marfias
, que Delius ( qui eft Apollon ) l'a
trompé , & qu'il eft l'Amant de fa Maîtreffe
, Marfias lui dit qu'il veut le préfenter
au Roi pour faire fa fortune . Arlequin
refte feul un moment , & avant de
le fuivre, il finit le premier Acte par ces
paroles.
>>Je
MAR S. 1727. 547
» Je croyois que la faveur des hommes
» étoit quelque chofe de fort difficile à
» acquerir , mais ce n'eft qu'une bagatelle.
Faire une petite trahifon qui leur
» foit utile , les Hatter , & être propre
» quelqu'intrigue
amoureufe : voilà tout
» ce qu'il faut pour donner du deffous à
» tous fes Concurrens , &c.
à
Il faut convenir que voilà du plaifant ,
& du plus beau : cependant perfonne n'a
fourcillé , & le pauvre Momus-Arlequin
a fini l'Acte très froidement. Si vous n'aviez
pas affifté à la reprefentation , vous
ne le croiriez pas ; c'eft pourtant la verité
: comment donc cela ? Suppofons une
impertinence , & vous trouverez , Monfieur
, que le Public ne pouvoit pas rire.
La moitié du Spectacle étoit compofé de
gens , qui pour gagner la faveur ne font
pas fcrupuleux , & l'autre moitié de gens
qui ont été la dupe des manoeuvres de ces
premiers. La chofe étant ainfi , n'eft - il
pas vrai que Momus fait rougir la moitié
des Spectateurs , & fait une peine cruelle
à l'autre moitié , & vous voulez que ces
gens -là rient de cette plaifanterie ? Oh ,
Monfieur , ce feroit trop prétendre ! ils
n'ont pas ri , & ils ne riront point ; par
malheur la Pięce eft toute du même
ton .
›
Notre Auteur écrit dans le goût &
dans
48 MERCURE DE FRANCE.
fe
dans le caractere des Comedies d'Ariftophane
, mais les temps ont bien changé.
Dans le fiecle où nous fommes , il ne faut
point couper l'arbre par le tronc ; il fuffit
de broulailler dans les branches , & c'eft
là encore un des défauts de cette Comedie
: défaut qui ne fait point de tort à
' Auteur , mais qui en fait aux Comediens
, & au Public même , qui ne peut
réjouir. Ariftophane voulut faire rire le
Public aux dépens de Socrate : malgré la
licence du Théatre de fon fiecle , ce n'étoit
pas là une matiere qui dût faire rire ,
& elle le feroit encore moins de notre
temps cependant , dira-t'on , Ariſtophane
plut infiniment. Ainfi en fauvant tous
les égards que notre Religion & nos
Loix nous ordonnent , on pourroit faire
rire encore aujourd'hui dans un ſemblable
fujet. Je foutiens que non : la croyance
des Grecs , & le goût de leurs Specta
cles donnoit un champ libre aux Auteurs
pour tirer parti de tout. Ariftophane fait
toute fa Comedie dans la moyenne région
de l'air , & l'intitule les Nuées. Si aujourd'hui
un Auteur s'avifoit de toucher
ces cordes en aucune façon , il entendroit
ane harmonie très - dégoutante , dont le
Parterre le regaleroit.
Il faut donc , lorfqu'on entreprend de
corriger les moeurs avec la Satyre , tirer
le
MARS. 17277 549
>
le plaifant des reflexions que l'on fait fur
les défauts des hommes ; & le plaifant de
cette nature eft plus difficile à trouver ,
pour faire rire des gens à qui vous donnez
des foufflets , en leur difant : riez donc.
Les Auteurs qui ne veulent point courir
de rifques , mettent fur le Théatre des
Petits Maîtres , des Marquis , des Financiers
, des Femmes du bel air , & c. mais
vous conviendrez avec moi , Monfieur
que la plus grande partie des Pieces qui
font conftruites avec ces materiaux - là ,
ne peuvent pas s'appeller bonnes Comedies
. Je le répete encore , il ne faut pas
toucher dans le tronc de l'arbre , mais délicatement
aux branches . De cette façon
vous ne picquez pas tous les Spectateurs ,
mais quelqu'un qui ne fait pas femblant
de s'en appercevoir ; car fi un Petit- Maî
tre ou un fat , s'avifoient de fe lever en
colere , & de s'en aller en peftant contre
l'Auteur , cela ne feroit que du bien à fa
Piece , les Spectateurs le trouveroient
excellent , & ils courroient en foule à la
Comedie . Il n'en eft pas de même lorfque
l'Auteur veut corriger tous les hommes
, ils fe révoltent tous à la fois pour
témoins , fi la Piece ne mérite pas d'être
fifflée , on dit qu'elle ne vaut rien , &
l'on n'y revient plus . Vous direz , Monfieur
,
, que je me mocque de vous , chargé
.
o MERCURE DE FRANCE .
gé , comme vous êtes , d'affaires , de vous
adreffer une Lettre qui vous fait perdre
votre temps ; ce feroit bien autre chofe fi
je vous difois tout ce que je penſe fur
notre Théatre Moderne . J'efpere en peu
de temps de vous en donner un échantillon
en parlant de la Tragedie , pour venir
enfuite à la Comedie . Je me flatte , Monfieur
, que votre furpriſe fur la réception
que le Public a faite à la Comedie du
Berger d'Amphrife , ne fera plus fi grande
, fi vous me faites l'honneur d'approuver
mes idées , & que vous conviendrez
avec moi qu'une Comedie peut être
bonne , excellente même , & ne point
plaire. Les moeurs , les temps & le goût
font des chofes qu'un Auteur doit étudier
long - temps , avant que de commencer
une Comedie. Je fuis bien perfuadé que
d'ici à dix ans , fi l'on imprime la Piece ,
quelqu'un pourroit bien porter un jugement
tout- à-fait different de celui qu'on
en a fait à la premiere reprefentation. La
jeuneffe , qui ne cherche que le plaifir ,
lorfqu'elle s'ennuye , décide quelquefois
fans reflexion ; le temps la ramene , &
l'on parle d'un autre ton après voilà
encore un article qui n'eft pas à négliger
pour l'étude d'un Auteur Dramatique .
C'eft la jeuneffe qui fait le plus grand
nombre dans un Théatre , & il faut que
l'AuMARS.
1727. 55
Auteur tâche de concilier fes idées avec
le goût des jeunes gens , de qui les Comediens
, auffi- bien que les Auteurs , ont
grand befoin . S'il ne s'agiffoit que de divertir
des gens fexagenaires , la chofe ne
feroit pas peut - être fi difficile ; mais ces
bonnes gens- là ne paroiffent que trèsrarement
au Spectacle : ainfi les Auteurs
& les Comediens doivent les ménager .
Je ne finirois jamais ; vous êtes ennuyé
de la lecture de ma Lettre , & il me femble
de vous entendre dire , ménagez- moi
auffi. Je finis donc , & j'ai l'honneur d'etre
, Monfieur , très- parfaitement , & c.
La Décoration que le fieur Clarici a
faite pour le Berger d'Amphrife , reprefentoit
le Palais d'Apollon , d'ordre Corinthien
, dans le brillant & le lumineux
que les Poëtes lui attribuent , par le
moyen des tranſparents, qui faifoient tout
F'effet qu'on pouvoit defirer ; mais dont
l'éclat ne peut cependant jamais égaler la
verité & le relief qu'on trouve dans la fimple
couleur de la Peinture , qui par le fecours
de laPerfpective,trompe bien mieux
les yeux par la grandeur & l'éloignement
qu'elle fait paroître. Le Peintre a été
fort gêné par la petite ffe du lieu , n'ayant
eu que 18. pieds de profondeur , fur 20.
de large & 20. de haut.
EX$
52 MERCURE DE FRANCE.
EXTRAIT de la Comedie du Fils
Indocile.
L
E 19. de Février , cette Piece Conique
du P. de la Sante , Jefuite ,
fut reprefentée par les Réthoriciens du
College de Louis le Grand. Avant que
d'en donner une idée , le Public nous
fçaura , fans doute , bon gré de lui faire
part d'un Prologue Heroïque qui la précedoit
& qui eft une efpece de remerciment
public de la faveur fignalée que
le Prince & la Princeffe de Conty , ont
faite aux Jefuites , en leur confiant l'éducation
du Comte de la Marche , leur
fils . Leurs Alteffes Sereniffimes , qui
voulurent bien animer les jeunes Acteurs
par leur prefence , parurent trèscontentes
des chofes finies & ingénieuſes
qui compofoient ce Prologue , & de la
maniere noble & gracieuse avec laquelle
ceux qui en étoient chargez le déclamérent.
M. de Novion reprefentoit Apol .
lon , M. le Bourfier , Mars , & M. Gau¬
dion de la Grange , Minerve.
PROLOGUE.
SCENE I. Mars feul.
Quoi , Mars ? Peux - tu fouffrir un fi fanglant
outrage ?
Ton
MARS. 1727:
553
Ton ennemi triomphe & fe rit de ta rage !
Apollon te ravit un dépôt précieux ,
Un Eleve formé du fang des demi-Dieux !
Aux armes . Vange - toi ; fait fentir au Parnafle
Ce qu'on gagne à braver le grand Dieu de la
Thrace.
SCENE II.
Apollon.
Mars .
Apollon , du fond du Theatre .
Quelle voix menaçante ! ... ah ! je reconnois
Mars ...
il s'approche.
D'un frere, d'un ami , font-ce là les regards ?
Mars.
Ofez-vous prononcer le nom d'ami , de frere ,
Quand par mille attentats vous armez ma colere
?
Apollon.
De grace , dites-moi quels font ces attentats ;
Si je les ai commis , je ne les connois pas.
Mars.
N'étoit-ce pas affez d'avoir fur le Permeffe ,
Réüni fous vos loix la fleur de ma Nobleffe ?
J'y
554 MERCURE DE FRANCE.
J'y laiffois en repos ces tendres nourriflons ,
De ines fameux guerriers illuftres rejettons
Bien sûr qu'au premier bruit que faifoit mon
tonnerre ,
Ils viendroient fur mes pas faire trembler la
terre .
Mais en vous confiant ces Eleves de choix ,
Je métois réfervé les defcendans des Rois.
Vous , fans avoir égard à ce traité ſi juſte ,
Enviez à mes foins le Sang le plus Auguſte.
.
Eh qui m'enlevez - vous ! le dirai - je ? un
Bourbon.
Je meſure ma perte au poids d'un fi grând
nom .
Apollon.
Mon frere , un coeur aigri fait quelquefois un
crime ,
De ce que la raiſon croit juſte & legitime.
Il faut , pour décider d'un fi grand interêt,
Un Juge impartial , dont nous fuivons l'Arrêt,
Pallas vient à propos.
SCENE 111.
Minerve
Apollon
. Mars.
Minerve.
Quel trouble ! quelle allarme ,
Dans
MARS. 1727 .
555
Dans ces aimables lieux dont la paix fut le
charme !
Apollon.
C'eſt Mars dont la fureur y vient jetter l'effroi
Mars .
L'audace d'Apollon m'y force malgré moi,
Minerve.
Il eft vrai qu'Apollon a fait une conquête ,
Dont le Pinde à jamais doit celebrer la fête.
Mais d'où vient qu'irrité d'un bienfait fi chars
mant ,
Mars du bonheur d'autrui fe fait un yain sour
ment ?
Mars.
Votre langage fent l'arbitre partiale .
Minerve.
Non , ma main entre vous tient la balance
égale.
Déeffe des combats , Déeffe des beaux Arts ,
Je prétens être neutre entre Apollon & Mars.
Sans craindre pour vos droits , vous pouvez
ce titre ,
De votre differend me prendre pour arbitre.
Mars.
Sur ce pied j'y confens , pour la premiere fois ,
Mars
$ 56 MERCURE DE FRANCE.
Mars renonce à la force & fe foumet aux loix:
Apollon.
Ce feroit beaucoup moins courage que foibleffe
,
Que de ne pas fubir la loi de la fageffe .
montrant Pallas..
Minerve.
Parlez ; on vous écoute , illuftres Concurrens
Puiffe cet heureux jour finir vos differens .
Mars.
Je me plains,eft- ce à tort que le Parnaffe enleve
Un Prince , qui de Mars devoit être l'Eleve .
Son nom fon Sang , fon coeur , en lui tout eft
guerrier.
Au pere des Heros pourquoi donc l'envier
Apollon.
Que l'Heroïsme un jour doive être fon par
tage ,
Dans fes yeux , dans fon air , on en lit le préfage
;
Mais fçachez qu'après tout , chaque chofe a
fon temps.
Peut- on être Heros à l'âge des enfans ?
Minerve.
Des leçons d'Heroilme un coeur eft fufcep
Quand
ible ,
MAR S. 1727.
557
Quand il eft dès l'enfance à la gloire fenfible.
Pour nourrir un attrait digne de tant d'égards,
On place auprès du Prince un Subſtitut de
Mars. *
Mars.
Mais outre les leçons , il faut de l'exercice ;
Au Parnaffe fçait- on ce que c'eft que Milice !
Tout Soldat de Phebus , ennemi du danger ,
çait chanter nos périls , fçait- il les partager▸
Apollon.
Le péril eft- il donc du feul camp le partage ?
Le Pinde a fes combats , du camp il eft l'image.
Et d'ailleurs vous fçavez que fans notre ſecours
,
La gloire des Guerriers n'auroit pas un long
cours .
Mars.
Pallas ne fçait pas moins que nos rares merveilles
,
Fourniffent un beau champ à vos fçavantes
veilles ;
Et que fil'Helicon ne chantoit nos exploits ,
Bien-tôt tout l'Univers feroit fourd à fa voix.
Minerve.
Phebus doit convenir que la valeur guerriere.
* M. le Gonverzeur du Prince,
G Анк
558 MERCURE DE FRANCE .
Aux Chantres du Parnaffe offre une ample
matiere ;
Mais il faut avouer que Mars & ſes Guerriers,
Ont befoin que Phebus arrofe leurs Lauriers.
Apollon.
Nous en avons fans eux ; tout le Pinde s'ap◄
prête ,
A voir du jeune Prince en couronner la tête.
Nos Lauriers , par avance , au monde annons
ceront ,
Ceux dont à l'avenir Mars lui ceindra le front.
Mars.
Vos Lauriers les plus beaux font - ils donc comparables
,
A ceux qu'on moiſſonna dans ces jours me
morables ,
Où fon Ayeul rompant les bataillons épars ,
Fit dire aux combattans , c'eft Conty; non
c'eft Mars.
Minerve.
Dans ces jours de triomphe où j'ay vá la
Victoire ,
Graver tant de hauts faits au Temple de
Memoire ,
Me démente Apollon , fi de fa propre main ,
Il ne les traça pas fur le bronze & l'airain.
2
Apollon
MARS. 1727. 55.97
Apollonară
a
Il est vrai , mais Pallas , en citant cet exemple ,
Avez -vous oublié que l'on voit dans mon
Temple ,
Du premier des Contys le reſpectable nom
Joint à la qualité d'Eleve d'Apollon .
Lifez -le , il eft écrit d'une plume immortelle .
Que Pegafe do cile a fourni de fon aîle.
Mais le beau nom d'Armand qui me fit tant
d'honneur >
Bien mieux que dans mon Temple , eft écrit
dans mon coeur.
C'est ce grand Bifayeul que mon Prince remplace
;
Souffrez, Mars , qu'on l'infcrive aux Faftes du
Parnaffe ;
1..
Je vous y ferai lire avant lui trois Bourbons
Dont un marbre éternel, conferve ici les noms.
Minerve.
Ces rares Monumens , ces titres honorables ,
Fondent pour Apollon des droits incónteſtables.
Ainfi , Mars , confentez que le Prince en ces
lieux ,
Anime les beaux Arts , comme ont fait fes
Ayeux.
Gij Vous
360 MERCURE DE FRANCE.
Vous fçavez qu'ils font chers à fon augufte
pere ;
Et quand de fon côté la Princeffe fa mere ,
Se privant d'un objet fi tendrement aimé ,
Veut qu'il foit aux vertus par les Mufes formés
Quand fon coeur maternel permet qu'il entre
en lice ;
Ne vous prefcrit - il pas un pareil Sacrifice ?
Un Prince , pour les Arts doit fignaler fon
goût :
1
Un Prince eft adoré , quand il eft Prince en
tout.
Livrez donc ce cher Prince aux Mufes fortu
-nées :
Elles vous le rendront après quelques années .
Inftruit à bien parler la Langue des Cefars ,
Vous le verrez comme eux , affronter les ha
zards.
Vous verrez Apollon fe plaindre que fa Lyre ,
A chanter tant d'exploits , ne pourra plus fuf
fire.
Mars.
A ce prix je le livre à vos doctes travaux ;
Fuifqu'un Heros fçavant , n'en eſt que plus
Heros ,
Je me rends.Mais qu'ici les exploits militaires,
Deviennent de vos chants les fujets ordinaires ;
Qu'on
MÁRS .
561 1727.
Qu'on poliffe l'efprit , fans énerver le coeur
Et que l'étude ferve à nourrir la valeur.
Minerve.
Ratifiez tous deux ce traité d'alliance.
J'y foufcris .
Mars.
Apollon.
Cet aveu comble mon efperance.
Venez , Muſes ; chantez ce traité glorieux ,
Reçûtes- vous jamais un don plus précieux ?
SCENE IV.
Minerve , Apollon , Mars .
Concert des Mufes qui viennent celebrev
la victoire d'Apollon.
Nous ne rapporterons point ici les Vers
qui furent chantez , parce qu'ils font
affez publics , ayant été imprimez dans le
Placard .
Après les Vers chantez , Apollon dit ce
qui fuit.
Apollon.
Les Mufes ont chanté. Vous , aimable jeu
neffe , *
* Aux Adeurs.
Giij
Qui
$ 62 MERCURE DE FRANCE .
Qui vous formez la voix aux concerts du Permeffe
,
Donnez à votre tour un fpectacle amuſant ,
Dont l'utile fujet inftruiſe en badinant .
Apollon , en faveur d'une fête fi belle ,
Vous permet de parler une langue nouvelle.
Bientôt mon Prince entrant dans le Pays
Latin ,
Aura , comme le coeur , le langage Romain :
Bornons- nous à celui qui convient à ſon âge ,
Attendons que du nôtre il ait acquis l'ufage ;
J'augure du beau feu , qu'en lui je reconnois ,
Qu'il doit à plus d'un Peuple apprendre le
François.
Après ce Prologue héroïque , fuivoit le
Prologue même de la Piece , qui ne fut
pas moins goûté que le premier. Le
Voici.
Prologue de la Piece intitulée ,
le Fils indocile.
Un bon pere à l'amour doit joindre la pru
dence !
Jamais trop de rigueur , jamais trop d'indulgence
;
Pour bien élever un enfant ,
Qu'on
MAR S. 1727. 563
Qu'on prenne la raison pour guide .
Trop de rigueur le rend ſtupide ,
Et trop de douceur infolent.
Prend-t'il un air altier ? prenez un ton fevere ;
Alors être trop bon , c'eft être mauvais pere.
Pour peu qu'un enfant foit flatté ,
Ses défauts croiffent avec l'âge :
Bien-tôt l'excès de liberté
Dégenere en libertinage.
Ignorez-vous quel eft le prix ,
D'une fi molle complaifance
Toûjours peu de reconnoiffance,
Et fouvent beaucoup de mépris.
Un fils que vos folles tendreffes ,
Auront rendu fier & hautain ,
Ne vous rendra pour vos careffes
Qu'ingratitude & que dédain.
Idolâtre de fes caprices .
Vous aimez juſqu'à fes défauts.
Giiij
§64 MERCURE DE FRANCE,
Il est l'objet de vos délices ,
Il fera l'auteur de vos maux.
Nous allons mettre fur la fcene ,
Un de ces peres indulgens ,
Dont l'amour payé par la haine ,
Nous peint le fort de bien des gens.
De l'autorité paternelle ,
En vain reclame- t'il les droits :
Il ne trouve qu'un fils rebelle ,
Toûjours prêt à braver ſes loix .
Une épreuve fi déplorable .
Fait voir à ce pere allarmé ,
Qu'un enfant devient moins aimable ,
A force d'être trop aimé.
Ce Prologue donne déja affez d'idée du
deffein & de la beauté de la Piece. Nous
ferions trop longs , fi nous voulions en
donner un Plan détaillé . Nous nous contenterons
de dire que l'action parut vive
& animée , la morale folide & agréable ,
la verfification aifée & coulante . Les Acteurs
méritoient les applaudiffemens
qu'on
MARS. 1727. 565
qu'on leur donna. Voici leurs noms . Meffieurs
Gimat , Mouffl: -de- Georville , Baudard
, Dunoyer , Rochard , du Tillot ; &
les trois du Prologue heroïque , qui
avoient encore des rôles dans la Piece
Comique. A la fin M. d'Ufez, de Florenfac
& M. Bochart de Champigny compli
menterent avec beaucoup de grace ; le
premier , Madame la Princeffe de Conti ;
Te fecond, M. le Prince de Conti & M. le
Comte de la Marche . Nous citerons le
dernier Compliment , parce qu'il a rapport
avec la Piece , & qu'il en fut la conclufion
.
Compliment à Monseigneur le Comte
de la Marche.
Pour la fin de la Piece Comique, intitulée,
le Fils indocile.
MONSEIGNEUR .
Le pere fur la Scene ici repreſenté ,
Propofe aux jeunes gens fon cadet pour mo
dele ;
Prince , en vous nous avons un miroir plus
fidele
,
De parfaite docilité.
G -V Cé
566 MERCURE DE FRANCE.
Ce cadet bien aimé borne fa dépendance ,
Aux loix d'un tendre pere , & les reſpecte en
fils .
Mais , Prince , c'eft en vous noble condefcendance
,
Quand vous vous foumettez à qui vous eſt
foumis.
Quel exemple pour nous qu'un procedé fi
fage !
A l'ordre , à la raiſon qu'il eſt beau de ceder !
Par là vous méritez ce glorieux préfage ,
Qui fçait bien obéir , fçaura bien commander.
On chanta dans le quatriéme Acte un
Vaudeville fur l'envie de voyager. Il fut
fort applaudi ; l'air , auffi- bien que la
Mufique du Prologue héroïque eft de M.
Campra , qui foutint dans cette occafion
la grande réputation qu'il s'eft acquife
depuis long - temps d'un des plus grands
Maîtres de l'Art . Pour que ce Vaudeville
ne perde rien de fon agrément ,
nous avons fait graver l'air nouveau fur
lequel il fut chanté. On le trouvera au
bas de la Chanfon du Mois , page 531.
M
VAU
MARS. 1727. 567
VAUDEVILLE NOUVEAU
fur l'envie de voyager.
Un Voyageur qui court le Monde,
Eft un peu foible de cerveau ,
S'il croit dans la machine ronde,
Voir quelque chofe de nouveau :
Qu'il parcoure la Terre & l'Onde ,
Après mille tours il dira ,
C'est ici tout comme là.
Que verra-t-il en Angleterre?
De jeunes gens fous du plaifir ;
Entre hommes-faits chicanne & guerre ,
Nul vieillard qui veüille mourir :
L'homme eft homme par toute terre ,
Valons-nous mieux qu'en Canada a
C'ek ici tout comme là.
En Allemagne on boit , on mange ,
En France on boit , on mange auffi .
A Liſbone un devot ſe venge ,
Plus d'un devot fe venge ici .
Que cent fois de climat on change ,
Cent
G VJ
368 MERCURE DE FRANCE:
Cent fois cet aveu l'on fera ,
C'est ici tout comme là.
Qu'un homme paffe en Italie ,
Pour y faire fon Carnaval :
Qu'y verra- t-il ! mainte folie ,
Jeu, feftins , maſcarade & bal.
Pourquoi fortir de ſa patrie?
A Paris on voit tout cela ,
C'eſt ici tout comme là.
On voit dans la nouvelle Eſpagne ,
L'heritier d'un riche Commis ,
Au cortege qui l'accompagne ,
Paffer pour Baron , pour Marquis.
De ce beau pays de Cocagne ,
Qu'on vienne en France , on s'écrîra
C'est ici tout comme là.
En tout Pays lePetit-Maître ,
Du feul caprice fuit la loi ,
Et faute de fe bien connoître,
Il n'eftime & n'aime que foi.
A la Cour il voudra paroître,
De
MARS.
169
77277
De fes grands airs ony rira,
C'eft ici tout comme là .
Au Perou fans ceffe on travaille ,
A chercher des veines d'argent ;
Pour moi dans quelque endroit que j'aille
Je vois qu'on en fait tout autant,
Tel qui de l'interêt ſe raille ,
S'il fonde fon coeur , fe dira ,
C'est ici tout comme là.
Si l'Inde adore des Pagodes ,
On en adore bien ailleurs ;
Pourquoi tant de fard , tant de modes >
On cherche des adorateurs.
Sans courir jufqu'aux Antipodes ,
Mainte & mainte Idole on verra ,
C'est ici tout comme là. ·
C'eſt donc follement qu'on s'engage :
Dans des voyages dangereux ,
Puifqu'on n'en revient ni plus fage ,
Ni plus fçavant , ai plus heureux.
Qu'on
370 MERCURE DE FRANCE
Qu'on rapproche uſagè d'uſage ,
A ce refrein l'on fe tiendra ,
C'est ici tout comme là.
LE PHILOSOPHE MARIÉ.
Comedie en cinq Actes , en Vers.
E fuccès de cette Piece a déja été.
Lannonce dans le Mercure précedent :
très
peu de
nous avons differé d'en donner un Extrait
pour nous mieux mettre au fait de l'Ouvrage
par les repreſentations , & pour
pouvoir rendre un compte plus exact des
fentimens du Public bien informé. Le Philofophe
Marié n'a éprouvé que trèscontradictions
, tous les fuffrages le font
reünis pour les beautez frappantes qui y
brillent de toutes parts ; & fi la critique
s'eft attachée à des minuties, c'eft qu'elle a
crû qu'un Ouvrage fi beau , ne devoit
point admettre de deffauts. En effet dans
la premiere reprefentation on a relevé
des bagatelles qu'on auroit paffées dans
une Piece d'un merite ordinaire . Ce
qui a été le plus generalement agité , c'eſt
la convenance du titre. Chacun en a parlé
felon l'idée qu'il s'eft faite du nom de
Philofophe, L'Auteur avoit preffenti ce
petit orage qui s'eft élevé contre faPiece ,
& il n'y a pas à douter que ce ne foit
pour
MARS. 1727 57F
pour aller audevant de la fevere critique,
qu'il a fait deux portraits du Philofophe
dans fon quatriéme Acte , dont il a prétendu
adopter le dernier , avec cette reftriction
, que s'il n'eft pas tel , il aſpire
à l'être . Nous donnerons ces deux portraits
à la fin de cet Extrait. Il ne refte
plus qu'à examiner ce qui a empêché
notre Philofophe de parvenir à ce degré
de perfection. L'Auteur l'explique dans
le titre ; ce n'eft pas ici un caractere de
Philofophe qu'il prétend donner , c'eſt
un Philofophe marié qu'il veut peindre
cette atteinte qu'il a portée à fa liberté en
fe foumettant au joug de l'hymen , l'a
rendu tout autre qu'il n'étoit avant fon
engagement ; & s'il n'a pas ceflé d'être
Philofophe en fe mariant, du moins ne l'at-
il pas. été tel qu'il auroit voulu ; deforte
qu'il a été réduit à la triſte neceffité
de n'avoir plus qu'un caractere mixte ,
& de s'appliquer ces deux Vers de fa
Piece :
Me voici juſtement , c'eſt la vive peinture
D'un fage defarmé , dompté par la Nature.
Pour ce qui concerne les autres carac
teres , on en a été generalement fatisfait ,
& ceux qui les ont trouvez un peu chargez
, ne doivent pas ignorer que le trop
fimple & le trop uni ne convient pas
20
372 MERCURE DE FRANCE.
au Theatre. Voilà ce que nous avons
recueilli des divers fentimens des Spectateurs
; paffons à l'Extrait que les Lecteurs
attendent de nous .
ACTE 1.
Le Theatre reprefente le Cabinet d'Arifte
, c'est le nom du Philofophe marié ,
il y paroît en robe de chambre , affis
auprès d'une table , les yeux attachez fur
un livre. De la lecture il paffe à la reflexion
; il s'examine lui- même ; & après
s'être applaudi du genre de vie dont il
a fait choix , pour être heureux , il avouë
qu'il ne l'eft pas , par la feule raifon qu'il
s'eft marié ; voici comme il s'explique ,
en regardant fa Bibliotheque .
J'ay mille Courtifans rangez autour de moi ;
Ma retraite eft mon Louvre & j'y commande
en Roy
Mais je n'ufe qu'ici de ce pouvoir fuprême ;
Dans l'autre Appartement je ne fuis pas le
même ;
Du matin juſqu'au foir j'y fuis contrarié ;
Ici je fuis garçon , là je ſuis marić.
Il impute cette difgrace au pouvoir que
Le beau fexe prend fur tous les coeurs
qu'il vient captiver dans le fein même
de
MAR S. 1729. 573
de la fageffe ; il en accufe auffi fon ami.
Damon , dont les confeils l'ont déterminé
à échouër contre l'écueil qu'il avoit
toûjours évité , c'eſt- à - dire , en le faifant.
réfoudre à fe marier. Damon fe trouve
juſtement à portée d'entendre cette apoftrophe
peu obligeante. Il lui reprefente.
qu'il a tort de mettre fon mariage au rang
des malheurs , & que Melite a toutes les
qualitez qu'on peut fouhaiter dans une
Epoufe j'en conviens , répond Ariſte
elle a mille vertus ; mais pour mon malheur
elle eft ma femme. Il lui reproche,
fur tout l'indifcretion fi naturelle à fon
fexe , & fe plaint qu'un mariage fur lequel
elle lui avoit promis un fecret in
violable , eft foupçonné de bien des gens.
La principale raiſon qu'il donne du fecret
qu'il a exigé , c'eft qu'il s'eft marié à
l'infçû d'un pere , dont il craint plus la
douleur que le courroux , parce qu'il a
pour lui , non une crainte fervile , mais
une tendreffe veritablement filiale. A
cette premiere raiſon , Damon en ajoûte
une feconde , qui ne conviendroit pas
un Philofophe tel qu'Arifte , c'eft une
raifon d'intérêt. Arifte attend de grands
biens d'un oncle d'une humeur bruſque
& difficile ; il court rifque de perdre fa
fucceffion , fi le bruit de fon mariage clandeftin
perce jufqu'à lui , comme on le
verra
574 MERCURE DE FRANCE
verra dans la fuite de la Piece. Damon
fe retire. Arifte fe remet fur fes Livres :
Finette vient troubler la lecture , pour lui
dire que fa Maîtreffe demande s'il eft
vifible. Le nom de Madame , qu'elle donne
à Melite , fait treffaillir Arifte , il dit
à Finette , qu'elle ne fçauroit ignorer les
deffenfes qu'il a faites de l'appeller d'un
nom qui pût faire foupçonner fon mariage.
Finette plaifante fur les foins éternels
qu'il prend de cacher cet hymen ,
& le pouffe jufqu'à fe faire menacer d'un
congé; mais elle fe rit d'une menace fi
peu fage,attendu qu'un Maître bien fenfé,
dit-elle , ne doit jamais en venir juſqueslà
avec des domeftiques inftruits de fes
fecrets , furtout quand ils font d'un fexe
enclin à l'indifcretion & à la vangeance.
Arifte convient qu'elle a raiſon, & achete
fon filence avec quelque argent qu'il lui
donne. Finette lui répond de fa difcretion
à ce prix , & le quitte pour lui fauver
la vifite de fa femme.
Melite , quoique Finette ait pû dire ;
ne laiffa pas de venir relancer Arifte dans
fon Cabinet. La raifon qui l'y porte , c'eft
que le Marquis de Loret , ami de fon
Époux , s'eft avifé de devenir amoureux
d'elle , & qu'elle ne peut fe fouftraire à
fes importunitez qu'en lui revelant le
fecret de fon mariage. Arifte fe trouve
par
MARS. 1727.
574
D
par là dans une alternative affez embar
aflante; il faut qu'il mette dans fa confidence
, homme du monde qu'il en
voudroit le plus éloigner , ou qu'il
fouffre qu'il en conte à fa femme. Il
aime mieux courir ce dernier riſque
perfuadé de la vertu de Melite , & finit
I'Acte en difant qu'il verra quel parti il
faudra prendre dans la fuite. Comme ce
premier Acte contient une expofition neceffaire
à l'intelligence de la Piece , nous
nous y fommes plus étendus que nous
ne ferons dans les autres.
ACTE II.
Celiante ,foeur de Melite , commence
ce fecond Acte avec Finette. Son carac
tere dominant , c'eft d'être capricieufe.
Elle n'eft jamais plus plaifante que lorfqu'elle
eft plus déraisonnable. Sans être
mauvaiſe foeur , elle porte envie au bonheur
de fa cadette. Elle voudroit haïr
Damon , fans fçavoir pourquoi ; elle fouhaiteroit
être aimée du Marquis du Loret
pour avoir le plaifir de le voir à fes genoux
, accablé de mépris . Finette , qui fe
réjouit de fes écarts , lui propofe cette
nouvelle conquête ; Céliante l'entreprend,
& veut commencer par quelqu'outrage
fait à Damon , qui puiffe l'en débarrafer
376 MERCURE DE FRANCE :
barraffer. Damon arrive tout à propos
Céliante fe jette dans un fauteuil , & lui
dit qu'elle le trouve bien hardi de venir
l'importuner, quand elle veut être feule.
Cette Scene a parû très - divertiflante &
remplie de traits . Damon , qui connoît
l'humeur de fa Maîtreffe , prend le parti
de filer doux , en attendant que l'orage
foit paffé , il veut fe retirer par déference
pour les ordres , & le fait avec un regret
fi tendre , qu'elle en eft touchée ; elle le
rappelle. Ils font un portrait l'un de l'au
tre , qui produit une nouvelle rupture .
Céliante dit à Damon qu'un homme qui
la connoît fi bien , ne fera jamais fon
Epoux ; elle lui défend de la voir jamais ,
& lui ordonne de fortir ; il obéit. Etant
feule , elle paffe en revûë tous les défauts
que Damon lui a reprochez , & trouve
fi bien l'art de les ériger en vertus
qu'elle en conclut qu'il a menti & qu'elle
eft parfaite. Melite , qui arrive , & qui a
entendu ces derniers mots , la raille fur
la bonne opinion qu'elle a d'elle même :
autre fujet de querelle entre les deux
fours. Melite , qui entre , les traite de
folles , elles fe réuniffent toutes deux
contre lui & fe racommodent pour lui
faire dépit ; il les prie de s'embraffer pour
achever de le faire enrager ; elles fe baifent;
il en eft fi peu fàché , qu'il les baiſe
toutes
MARS. 1727 . 599
toutes deux . Appuyez , mon neven , die
fón oncle en entrant ; les deux foeurs fe
retirent. L'oncle de Melite les prend
pour des créatures & preffe fon neveu de
lui apprendre qui elles font. Arifte fe
tire d'embarras , en difant que ce font deux
Dames de Bretagne prêtes à partir , &
qu'elles font venues prendre congé de
fui. L'oncle n'eft pas trop perfuadé de ce
qu'il lui dit ; mais pour changer de dif
cours , il lui annonce qu'il l'a marié avec
la fille de feuë fa femme. C'eft- là un
coup de foudre pour Arifte, Son oncle
le quitte pour s'aller repofer . Cet Acte
finit par la nouvelle Finette lui vient
donner de l'arrivée du Marquis du Loret
; cela acheve de le déconcerter &
l'oblige à l'aller recevoir, en difant :
Bi je n'en deviens fol , je l'échapperai belle,
que
ACTE III.
Arifte ouvre la Scene en fe plaignant
de l'incartade que fon oncle a faite au
Marquis du Loret , ce dernier entre &
reçoit en galant homme les excufes que
fon ami lui fait ; ils reprennent leurs an
ciennes converfations au fujet du mariage:
Arifte en parle avec tant de circonf
pection , que le Marquis lui demande s'il
feroit aflez malheureux pour être marié ,
Arifte
$ 78 MERCURE DE FRANCE.
Arifte lui protefte que non . Tu es plus
ferme que moi dans tes réfolutions , lui
répond le Marquis ; j'aime & mon amour
cft fi fort , que je veux brufquer le mariage.
Il lui apprend en mêine- temps
que c'eft Melite qu'il aime , & qu'il efpere
qu'il le fervira dans le dèffein qu'il
a de l'époufer. Arifte eft trop intereffé
dans cette nouvelle réfolution du Marquis
, pour ne l'en pas détourner . Melite
vient & donne lieu à une Scene des
plus comiques. L'embarras d'Arifte augmente
à chaque mot que dit le Marquis ,
pour prouver que Melite doit recevoir
fa main. Melite dit enfin qu'elle ne fçauroit
l'aimer , ce qui raffure Arifte . Il fe
retire & les laiffe finir leur débat . Le
Marquis n'eft pas plus heureux au têteà
- tête. Melite lui &te toute efperance, en
lui difant , non-feulement qu'elle ne l'aime
pas , mais qu'elle aime ailleurs . Le
Marquis foupçonne Arifte d'être l'heureux
Rival qu'elle lui prefere ; elle lui
laiffe la liberté de le penfer & fe retire .
Le Marquis forme le deffein d'en compter
à fa foeur , pour la picquer. La four
vient à propos ; elle rend feinte pour
feinte Damon qui furvient , n'en fait
que rire , loin d'en être jaloux. Le Marquis
le laiffe avec Celiante , qui trouve
fort mauvais qu'il vienne l'efpier , après
la
MARS. 1727. 579
la deffenfe qu'elle lui a faite de fe prefenter
devant elle , le raccommodement
fuit de près la broüillerie. Arifte vient
avec Melite , qui le preffe de faire connoître
fon mariage , pour ſe débarraſſer
de celui que fon oncle lui propofe ; Arifte
eft toûjours ferme dans le deffein de le
tenir fecret. L'oncle furvient & eft fort
furpris de trouver encore ces Dames
qu'il croyoit parties pour la Bretagne s
Melite fe retire fans dire mot ; mais il
n'en eft pas de même de Celiante ; elle
décoche un de fes Traits ordinaires . Ce
troifiéme Acte finit par l'arrivée de Lifimon
, pere d'Arifte ; c'eft un pauvre
Gentilhomme , qui pour foutenir la Nobleffe
, n'a point voulu prendre le chemin
que la fortune auroit pû lui ouvrir
comme à fon frere , qui eft entré dans
des Fermes pour fe garantir de l'indigence
qu'il reproche à Lifimon. Arifte le prie
de confiderer que Lifimon eft un Pere
qu'il aime & qu'il refpecte. L'oncle lui
répond brufquement que le pere qu'il
aime & qu'il refpecte , ne lui laiffera pas
un fol , au lieu que fon oncle l'enrichira
s'il accepte le parti qu'il lui prefente.
Lifimon répond à fon frere , qu'un fi
beau procedé lui rend la nobleffe & le
réconcilie avec lui . Ils rentrent tous trois
pour prendre les mesures qu'il faut pour
ce
580 MERCURE DE FRANCE.
ce mariage , auquel Arifte fe refuſe toti
jours.
ACTE I V.
Lifimon allarmé du chagrin qui dévore
en fecret fon fils , le preffe de lui
ouvrir fon coeur. Arifte fe jette à fes
pieds , & lui avoue qu'il a eû le malheur
de fe marier fans fon confentement. Lifimon
, après quelques tendres reproches ,
approuve fon mariage ; mais comme il
eft à craindre que fon frere , qui a une
autre alliance en tête , ne desherite un
neveu qui a ofé fe marier fans le confulter
, il dit à Arifte qu'il faut tout promettre
& cependant demander du temps.
L'oncle vient fort irrité de ce qu'on l'a
laiffé tout feul à table , il infifte plus que
jamais à conclure le mariage qu'il a pro
pofé : Arifte demande du temps pour ſe
réfoudre ; l'oncle trouve fort étrange
qu'on puiffe differer quand il s'agit d'un
mariage , auquel il attache une donnation
de tous fes biens . Lifimon lui ré
pond qu'un Philoſophe ne fait rien à la
hâte ; cela donne lieu à l'oncle de faire
une définition du Philofophe tel qu'il ſe
l'imagine. Arifte indigné , lui répond
qu'il peint un Pédan . & non un Philo
fophe ; ne font-ils pas tous deux , répond
l'oncle , d'une même étoffe , cette
réponse
MAR S.
1727. 581
·
→
réponſe oblige Arifte à définir le vrai
Philofophe ; ce Portrait eft un morceau
des plus faillants de la Piece. L'oncle
accorde enfin un délai de huit jours ,
après lequel terme il jure de donner fa
belle fille à un autre , avec tout fon
bien , s'il n'eft pas mieux obéï. Dans le
refte de cet Acte , il y a des Scenes entre
les Perfonnages épifodiques qui font
une agréable diverfion à l'action principale
, fans l'empêcher de s'acheminer à
fa fin. Le Marquis du Loret , également
maltraité de Melite & de Celiante , dit
à Arifte qui le plaint , que, pour lui , il
a pris fon parti en galant homme, & qu'il
vient de donner les mains à un mariage
que fes parens lui ont ménagé à fon infçû.
Par la maniere dont il en parle , Árifte
reconnoît qu'on propofe à fon ami le
même parti que fon oncle a fi fort à
coeur. Tu l'as deviné , lui répond le
Marquis , je vais époufer la belle fille de
ton oncle , je ne fais que fuivre ton exemple
, puifque tu t'es marié. Moi marié !
lui dit Arifte d'un ton mocqueur. Ami,
lui répond le Marquis , puifque tu ne
me juges pas digne d'entrer dans ta confidence
, je m'en vangerai ; prépare - toi à
voir fondre fur toi un orage de brocards:
à ces mots il le quitte. Arifte , épouvanté
de fa menace , finit ce quatrième Acte ,
H Ca
382 MERCURE DE FRANCE.
1
en faifant entendre qu'il préviendra le
fort qu'on lui annonce.
ACTE V.
Quoiqu'il y ait de grandes beautez dans
chaque Acte de cette Piece , le dernier
a été trouvé fuperieur à tous les autres..
Reprenons le fil de l'action .
Arifte & Damon font la premiere Scene.
Arifte eft extrémement agité, & Damon
a beaucoup de peine à calmer le
trouble de fon coeur . Arifte montre à
fon ami des Vers qu'on vient de lui envoyer
au fujet de fon mariage , fur lequel
on le raille cruellement ; il lui dit qu'il
n'y peut plus tenir , & qu'il veut abfolument
fe retirer à la campagne ; il le prie
d'y faire confentir fon pere. Damon le
quitte & cede la place à Melite , qui eſt
fuivie de Celiante & de Finette . Arifte
leur reproche leur indifcretion ; il dit à
Melite qu'il quitte la Ville pour toûjours ,
& qu'il lui laiffe la liberté de refter , ou
de le fuivre ; Melite lui dit avec beaucoup
de tendreffe , qu'elle s'attachera à
fon fort jufqu'à fon dernier foupir , au
grand étonnement de Celiante , qui ne
peut comprendre qu'une jeune perſonne
puiffe fe réfoudre à quitter la Ville pour
la campagne. Damon vient annoncer à
Arifte
MARS. 1727. 583
•
Arifte que fon oncle , inftruit de fon mariage
, le veut faire caffer. A cette terrible
nouvelle , Melite , en pleurs , demande
à fon mari , s'il l'abandonnera à
fon mauvais fort . Non , lui répond Arifte,
ne le craignez pas , tout ce qui m'a allarmé
jufqu'à ce jour , ne m'effraye plus,
je reprends cette noble fermeté qui fait
le parfait bonheur des coeurs vertueux
je vais faire tête à l'orage ; je ferai voir
qu'il n'eft rien de plus cruel pour moi
que d'être féparé de vous, & que Melite
eft le plus cher de tous mes biens . Ce
genereux retour d'Arifte a juftifié l'Auteur
de la foibleffe qu'il lui a donnée ;
s'il avoit moins craint les brocards que
fon mariage pouvoit lui attirer , il auroit
eû moins de merite à triompher de fa
foibleffe. Cette genereuſe réfolution étant
prife , Arifte dit à Melite de fe retirer
dans fon Appartement , & de n'en point
fortir qu'il n'ait parlé à fon oncle ; il
fort pour l'aller chercher . La Scene qui
précede celle du dénouement eft plaifante
; elle eft entre Damon , Celiante &
Finette. Damon lui apprend qu'il eft
homme de condition , que la neceffité de
fes affaires l'avoit obligé à lui cacher la
naiffance. Celiante ne l'en croit qu'à demi
; & fans lui promettre la main , lui
Laille entrevoir quelque rayon d'efperan-
Hij
ce.
384 MERCURE DE FRANCE.
ce. Lifimon vient avec fon frere , dont
la colere ne peut plus fe contenir ; il
veut abfolument faire cafler le mariage
d'Arifte ; il apperçoit Cèliante , qu'il
prend pour
celle que fon neveu a époulée.
Celiante picquée de fes injures , s'avance
malgré Damon & Finette ; elle
repouffe l'outrage par l'outrage , & le
fait d'une maniere fi vive & fi peu mefurée
, que Lifimon , qui prend le change
comme fon frere , confent à faire caffer
un mariage qu'il avoit d'abord approuvé
fur le rapport que fon fils lui
avoit fait ; c'eft donc là , dit l'oncle irrité ,
c'eft donc- là cette femme fi douce . Damon
à beau le vouloir defabufer , il ne veut
rien entendre . Arifte vient enfin , & Melite
quelque temps après lui ; l'oncle eft
tiré d'erreur ; la foumiffion de Melite
qui fe jette à fes pieds , fondant en larmes
, le defarme ; il n'en eft pourtant pas
moins embarraflé , il a promis de laiffer
tout fon bien à celui qui époufera fa bellefille.
Le Marquis du Loret vient lever
ce dernier obftacle , & protefte qu'il ne
confentira jamais à s'enrichir aux dépens
de fon ami , & qu'il a affez de bien d'ailleurs
, pour ne pas envier celui des autres.
La Piece finit par un triple mariage ,
& Celiante fe détermine à époufer Damon
par un trait de fes caprices ordii
naires .
MAR S. 1727. 585
aires. Outre qu'on a trouvé cette Comedie
très belle , elle a parû parfaitement
jouée. Le fieur Quinaul , la Dile du Frefne
& le fieur Duchemin font ceux
qui s'y font le plus diftinguez.
pere ,
Voici les Portraits que nous avons promis
; ils font tels qu'on les a retenus .
Q
Le Financier.
U'eft - ce qu'un Philofophe ? Un fou , dont
le langage
N'eft qu'un tiffu confus de faux raiſonnemens;
Un efprit de travers , qui par les argumens ,
Prétend en plein midi faire voir des Etoiles;
Toûjours après l'erreur courant à pleines
voiles ,
Quand il croit follement fuivre la verité;
Un bavard inutile à la Societé ,
Coëffé d'opinions , & rempli d'hyperboles ,
Et qui vuide de fens , n'abonde qu'en paroles.
Arifte.
Non , la Philofophie eft fobre en fes difcours
Et croit que les meilleurs font toûjours les
plus courts ;
Que de la verité l'on atteint l'excellence
Par la reflexion & le profond filence.
H iij Le
386 MERCURE DE FRANCE:
Le but d'un Philofophe eft de fi bien agir
Que de fes actions il n'ait point à rougir.
Il ne tend qu'à pouvoir fe maîtriſer foi - mêmes
C'est là qu'il met fa gloire & fon bonheur fuprême
.
Sans vouloir impofer par fes opinions ;
Il ne parle jamais que par fes actions.
Loin qu'en fyftêmes vains , fon efprit s'allam-
: bique ,
Eftre vrai, jufte, bon , c'eſt ſon ſyſtème unique :
Humble dans le malheur , grand dans l'adverfité
,
Dans la feule vertu , trouvant la volupté ;
Faifant d'un doux loifir fes plus chers délices
Plaignant les vicieux , & déteftant les vices ;
Voilà le Philofophe , & s'il n'eft ainfi fait ,
Il ufurpe le nom , fans en avoir l'effet,
On a déja parlé de quelques Seigneurs
& de quelques Dames de la Cour de la
Reine , qui fe font un plaifir de jouer la
Comedie. Les mêmes perfonnes reprefenterent
devant Sa Majeſté , le 26. de
l'autre mois , le Misantrope & le Florentin
, & le 12. de ce mois , le Jaloux defabufé
& les Folies Amoureuses . MileDefmarres
, excellente Actrice du Theatre
FranMAR
S. 1727. 587
François , qui a quitté la Comedie depuis
quelques années , & que le Public
ne ceffe de regretter , joiia le Rôle d'Eliante
, dans la premiere de ces Pieces ,
& la Suivante dans les trois autres.
On écrit de Rouen , qu'il y a paru
une nouvelle Comedie , reprefentée ce
Carnaval dernier,intitulée : Les Intrigues
d'Arlequin , qui a été fort applaudie .
On écrit de Vienne , que le 9. du mois
dernier , les Pages de la Cour reprefenterent
une Comedie Italienne , en preſenće
de L. M. Im . & des Archiducheffes $
que le 11. l'Empereur vit la feconde reprefentation
d'un Opera intitulé : Dom
Quichotte à la Cour de la Ducheffe , que
le 12. au foir & le 19. il y eut Bal dang
l'Appartement des Archiducheffes : le
20. Jeudi Gras , les Seigneurs & Dames
de la Cour , parurent au Palais avec di
vers habillemens étrangers , & le 25 il
y eut auffi à la Cour un Feftin , où l'Empereur
& l'Imperatrice , les Archidu
cheffes , les Seigneurs & les Dames de la
Cour , revêtus des habits qui leur étoient
échûs par le fort , affifterent . Ce repas fut
fuivi d'un Bal , & toute la Fête qu'on
homme , Fête- d'Hôte, finit par un grand
fouper , dont les Tables furent levées à
minuit.
Hiiij On
388 MERCURE DE FRANCE: '
On apprend de Bruxelles , que le 10
du mois dernier , il y eut un Bal magnifique
au Palais , dont l'Archiducheffe Gouvernante
des Pays - Bas , fit l'ouverture
avec le Comte de Vifconti , Grand - Maître
de fa Maifon , & que toutes les fois
que cette Princeffe danfa , la Symphonie
ordinaire fut accompagnée du fon des
Timbales & des Trompettes . Toute la
Nobleffe eut la liberté de fe déguifer &
d'entrer Maſquée à ce Bal .
NOUVELLES DU TEMPS,
TURQUIE.
A derniere contagion de Conftanti-
Lnople ayant fait peir environ 18000.
perfonnes , le Grand-Vizir a envoyé des
ordres dans l'Albanie , la Valachie, & autres
Provinces de la domination du G. S.
pour faire venir à Andrinople & dans lá
Capitale de l'Empire , tous ceux qui feront
en état de porter les Armes.
SUITE des Nouvelles de Perfe : Extrait
d'une Lettre écrite de Conftantinople ,
à M... le 28. Janvier 1727 .
Voici, Monfieur, ce que nous avons de
plus nouveau & de plus certain fur les
affaires de Perfe.
Le
MARS. 1727. 589
་
- Le Seraskier Ahcmet-Kupruli , Bacha de
Bagdat ou Babilonne , marchoit pour aller affieger
Ifpaham avec une armée de 70000. hom
mes , compofée pour la plupart de Curdes ,
Nation qui habite le Pays appellé Curdistan ,
fitué en partie fur le Tigre, entre l'Armenie &
Bagdat. Il étoit déja affez près d'Ifpaham , lorf- .
que Efcheref , ou Afcheraf Kan , Succeffeur &
parent de Miri-Mahmoud , fe mit en mouvement
pour aller à fa rencontre avec 40000
hommes , prefque toutes Troupes ramallées.
Les deux armées fe camperent à une médiocre
diftance l'une de l'autre , & Efcheref , par une
politique convenable à la fituation de fes affaires
, prit le parti, avant que d'en venir au combat
, d'envoyer une Ambaffade à Achmet Bacha.
Il choifit pour cette Ambaffade , quatre
Effendis ou Docteurs de la Loi Mahometane ;
il leur ordonna de s'habiller de blanc , qui eſt
parmi les Mufulmans , la couleur des Imams.
& des Prédicateurs , & de prendre des Botines
noires. Ils n'avoient point d'armes , portant
feulement à la main de longs Chapelets , fur
lefquels ils récitoient leurs Prieres.
99
30 toi
Le Seraskier les reçut avec honneur dans fon
Divan public , & après le falut ordinaire , l'un
d'entre eux prenant la parole, lui dit : Echeref
Kan , notre Empereur , nous envoye vers
pour te dire qu'il a conquis la Perfe pour
y établir la veritable Religion avec d'autant
plus de fondement , que cet Empire lui appartient
de droit , faifant profeffion de la ve-
»ritable Religion Mufulmane , & defcendant
d'ailleurs du fameux Coraix , auquel ce
အ
* C'eft le Prince que nous connoiffons dans
nos Hiftoires, fous le nom de Cofroes , qui vi
voit du temps de l'Empereur Heraclius.
Hr Royaume
590 MERCURE DE FRANCE:
"
ןכ
Royaume appartenoit légitimement . Il igno
»re pour quelle raifon l'Empereur Ottoman le
traite en ennemi , & ce qui eft encore plus
fcandaleux , fe ligue avec les Infideles , Îça-
» voir , les Mofcovites , pour chaffer un' Mu-
» fulman à qui la naiffance , la Religion , &
» les armes , donnent de fi juftes droits . Nous
→venons ici pour te prier de fa part , de ne
point tirer le fabre contre un Prince de ta même
Religion & de t'en retourner à Bagdat
avec ton armée , nous laiffant établir tranquil-
» lement dans la Perfe le vrai culte du Tout-
» Puiffant .
ל כ
.
Le Seraskier fe trouva fort embarraffé par la
qualité , par la contenance & encore plus par
le difcours des Ambaffadeurs ; & voyant que
ces marques exterieures de Religion faifoient
beaucoup d'impreffion fur l'efprit fuperftitieux
des Chefs de fon armée , préfens à cette Audiance
, il fe hâta de répondre qu'il venoit dans
la Perfe pour obéir aux ordres du Grand- Seigneur
fon Maître , & pour les faire executers
que ces ordres étoient , que la Religion Mufulmane
, ne pouvant avoir qu'unſeul Chef, & le
G.S.étant en poffeffion de ce Titre, comme ayant
fuccedé aux Califes, Echeref- Kaneût à le reconnoître
pour fon Superieur & le feul Empereur
ou Chefdes Musulmans ; & que s'il réfiftoit à
une demande fi jufte , il n'avoit qu'à se préparer
à éprouver la force du fabre des Ottomans.
C'étoit environ à l'heurede midi qu'Achmet
Pacha donna cette Audiance aux Ambaffadeurs
d'Efcheref A peine eut il achevé de parler ,
que fans lui répliquer les quatre Ambaffadeurs
prirent ce temps - là pour faire tout- à-la fois
leur priere de midi , & ils affecterent encore
une plus grande dévotion.
A peine les Ambaffadeurs s'étoient retirez
qu'un
MAR S. 1727. 591
qu'un Prince Curde paffa à l'armée d'Efcheref
avec sooo. hommes , plus de 20000 autres de
la même Nation fuivirent cet exemple. Il eft
bon, Monfieur, de vous faire fouvenir ici ,
qu'il y a dans la Religion Mahometane deux
Sectes principales . Celle d'Omar , fecond Calife
& fucceffeur de Mahomet , que fuivent les
Turcs , & celle d'Ali , gendre du faux Prophete,
que fuivent les Perfans ; mais les Docteurs
de la Secte d'Omar font de differentes opinions
entre eux .
Les Curdes & les Arabes fuivent les mêmes
opinions qu'Efcheref, ainfi que les Peuples du
Candahar , dont il eft le Chef; ce qui étoit un
grand motif pour les porter à favorifer ce
Prince.
Cependant Achmet Pacha , malgré la défertion
de tant de Troupes , fe difpofa à livrer la
bataille, mais il ne fut pas long-temps à éprouver
que les bras ne fervent de rien quand ils ne
font pas foûtenus & animez par le courage ;
car à l'approche des deux armées il fe trouva
tellement abandonné de ce qui lui reftoit de
Troupes , qu'il fut obligé de fe retirer avec un
petit nombre de Turcs , laiffant aux Ennemis
tous les Bagages & l'Artillerie.
Le Victorieux Efcheref n'abufa pas de fon
bonheur , il envoya au contraire des nouveaux
Ambaffadeurs à Achmet Pacha pour lui dire
qu'il pouvoit faire retirer tout ce qu'il avoit
abandonné dans fon Camp , parce que tout
cela appartenant à des Muſulmans , il ne croioit
pas qu'il lui fût permis d'en rien prendre, ajoutant
qu'il ne vouloit pas être regardé comme
un voleur qui venoit enlever le bien d'autrui ;
mais comme un Monarque qui venoit prendre
poffeffion de fa Couronne .
Efcheref , après avoir établi fa réputation
H vj par
{
192 MERCURE DE FRANCE:
par un acte fi nouveau de fa generofité , ne
s'en tint pas là ; il continua fa marche vers
Camadan; & accompagnant plutôt que pourfuivant
Acmet Pacha fur les frontieres de Babylone
, il l'obligea de fe retirer à Chermanfchah
, d'où le Seraskier envoya ces triſtes nouvelles
au Grand Vifir.
On a tenu ici depuis divers Confeils fur cet
évenement . On met en mer fix Vaiffeaux de
Guerre pour transporter à Seide des Troupes
qui fe doivent joindre à celles d'Egypte ,
pour renforcer l'Armée Ottomane.
•
On a envoyé de tous côtez des ordres pour
lever des Troupes . On tire , entr'autres , de la
Bofnie , 20000. hommes ; enfin on ſe diſpoſe .
à former une puiffante armée , le Grand Seigneur
ayant ouvert en cette occafion importante
tous fes tréſors .
RUSSIE.
A Czarine fait embarquer fur les
Vaiffeaux de la Flotte foixante pieces
de canon de gros calibre , vingt mortiers ,
& une très - grande quantité de bombes ,
de boulets de canon , de grenades , &
d'autres munitions .
On attend à Petersbourg le Comte.
Maurice de Saxe. S. M. Cz. continuant
à lui accorder fa protection , paroît vouloir
prendre avec lui les mesures neceffaires
pour la validité de fon Election
à la fucceffion éventuelle du Duché de
Curlande.
La Czarine a écrit au Roi de Pologne ,
pour
MARS. 1727: 595
pour le complimenter fur le rétabliffement
de fa fanté , & pour lui recommander
les interêts du Comte de Saxe.
On embarqua au commencement du
mois dernier à Petersbourg un grand
nombre de Travailleurs pour Revel , qui
feront employez , avec quelques bataillons
de la garnifon de la même Ville
aux Ouvrages que S. M. Cz . a résolu de
faire conftruire dans l'Ile de Nargin ,
fous la direction de trois Ingenieurs. On
affure que la Flotte ira fe mettre à l'ancre
fous cette Ifle , pour empêcher les Efcadres
d'Angleterre & de Dannemarc de
prendre ce pofte , comme l'année derniere
.
Le bruit court que les 12000. hommes
de troupes Mofcovites qui doivent entrer
au fervice de l'Empereur , en cas qu'il y
ait guerre , font actuellement à la folde du
Roi d'Espagne .
Le Comte de Matoukin , commandant
en Chef les troupes Mofcovites fur les
frontieres de Perfe , confirme les avantages
remportez fur lesTurcs par Efcheref-
Kan , & ajoûte que le Pacha de Babylone
avoit retiré de la Georgie les troupes
du Gr. S. qui y étoient en quartier
pour renforcer l'armée de S. H. qui s'eft
affemblée près de Madam depuis la déroute
.
Po594
MERCURE DE FRANCE.
Leur
POLOGNE .
E 11. du mois dernier , vers les cinq
heures du foir , le Roi arriva de
Bialfſtock à Varfovié en parfaite fanté . Le
lendemain on chanta un Te Deum folemnel
, pour rendre graces à Dieu du rétabliffement
de S. M. Les Peuples des
principales Villes de Pologne ont marqué
beaucoup de joye à cette occafion, &
les Seigneurs de ce Royaume arrivent en
foule pour faire leur cour . Une troupe de
Comediens arrivez depuis peu d'Italie ,
doivent jouer pendant le refte du Carnaval
.
Les Senateurs ont obtenu un ordre du
Roi , pour faire revenir à Varfovie tous
les Gentilshommes Polonois qui ont accompagné
le Comte Maurice de Saxe , &
on affure que S. M. aux preflantes follicitations
des Miniftres Polonois , a envoyé
de nouveaux ordres à ce Comte de
fe retirer de la Curlande .
Le Comte de Branicki , Enfeigne de la
Couronne , & Seigneur du Château de
Bialftock , où le Roi a féjourné pendant
fa maladie , s'eft rendu à Varfovie pour
y faire fa cour. S. M. qui lui avoit déja
fait des préfens confiderables , ayant fçû
qu'il logeoit chez un Senateur de fes
amis , parce que fa maifon n'étoit pas
meuMARS:
1727: 395
meublée ,, y fit porter fecrettement pour
plus de 45000. liv . de meubles , fans
vouloir permettre qu'il l'en remerciât .
Ο
SUEDE.
Na affiché depuis peu à Stockolm ,
P'Edit du Roi contre les Duels ,
qui porte punition de mort contre ceux
qui y contreviendront .
L
DANNEMARC.
'Eſcadre de ce Royaume fera compofée
cette année de treize Vaiffeaux de
Guerre , fans les Fregates , & autres Bâtimens.
Le Camp qu'on doit former dans
le Holſtein au Printemps prochain , fera
de 18000. hommes , & il y aura un train
d'artillerie de vingt - quatre pieces de
canon.
L
ALLEMAGNE .
E bruit court que l'Electeur Palatin
s'eft défifté de fes prétentions à la
fucceffion du Duché de Deux - Ponts , en
faveur du Prince de Biskenfeldt.
Le Comte de Kinski eft encore à Manheim
, d'où l'on croit qu'il retournera dans
peu à Vienne , pour fe rendre enfuite à la
Cour du Roy de France.
Les
396 MERCURE DE FRANCE.
Les Païs héreditaires en Allemagne ;
ont accordé à l'Empereur 8. millions en
argent , & 200oo . hommes de recruës.
Les Troupes Imperiales qui marchent
vers Mayence , font compofées de 12.
Bataillons & de 14. Eſcadrons .
On écrit de Berlin que le Roy de
Pruffe ayant été informé des bruits qui
s'étoient répandus par rapport au Traité
conditionel que fon Miniftre a figné à
Vienne , il avoit fait déclarer aux Miniftres
des Rois de France & d'Angleterre
, que ce Traité n'ayant été fait que
pour quelque interêt particulier , il étoit
toûjours dans la réfolution de ne rien faire
qui put porter préjudice au Traité d'Hanover.
L'Empereur a fait publier à Vienne le
Traité d'amitié qui fut conclu le 30 .
Avril 1725. entre S. M. I. & le Roy
d'Efpagne. Ce Traité eft imprimé en Latin
, & contient fix articles.
Par le premier , l'Empereur & le Roy
d'Espagne fe promettent une amitié réciproque
, fincere && durable.
Par le fecond , S. M. I. promet de ne fe
point oppofer à la reftitution de Gibraltar
qui a été promife à S. M. C. à condition
qu'elle fe faffe à l'amiable : Elle offre même,
s'il eft neceffaire , d'y employer fes
bons offices & fa médiation.
Dans
MARS. 1727. ·597
Dans le troifiéme , le Roy d'Efpagna
promet l'entrée libre des Ports du Continent
d'Espagne à tous les vaiffeaux de l'Empereur
& de fes fujets , de quelque nation
qu'ils foyent , une liberté entiere de commerce
dans toute l'étendue de jon Royaume ,
avec la jouiffance des Privileges accordés
jufqu'à prefent aux nations les plus amies
de S. M. C.
Il eft ftipulé dans le quatrième , que fi les
Vaiffeaux des fujets de S. M. 1. eroient
attaquez ou inquietez , tant en deçà qu'au
delà de la ligne , le Roy d'Espagne en fera
caufe commune avec l'Empereur , qui
promet la même chofe de ja part par rapport
aux Vaiffeaux de S. M. C.
la .
Le cinquiéme , regle les fecours que ces
deux Puiffances doiventfe fournir pour
garantie de leurs Domaines & poffeffions :
ceux du Roy d'Espagne envers S. M. I.
font de 15. Vaiffeaux de ligne , de 15000 ,
hommes d'Infanterie , & de 5000. de
Cavalerie : ceux de l'Empereur envers
S. M. C. font de 20000. hommes d'Infanterie
, & de 10000. de Cavalerie.
Le fixième & dernier article , ne regarde
que le terme dont les Plenipotentiaires
étoient convenus pour la ratification de ce
Traité.
On a reçû avis que le Cercle de Suabe
avoit refufé d'acceder au Traité de Vienne
a
598 MERCURE DE FRANCE:
ne , & qu'il avoit pris le parti de reftet
neutre , ce qui fait craindre que fon exemple
ne foit fuivi par tous les autres Cercles
de l'Empire , d'autant plus qu'on leur a
fait connoître qu'on n'avoit rien ftipulé
dans le Traité d'Hanover qui pût intereffer
l'Empire directement ou indirectement
; que ce Traité étoit purement défenfif
, & qu'il n'avoit d'autre but que la
confervation de la paix de l'Europe. On
a fçû d'ailleurs que le Roy de France
avoit fait déclarer par M. de Chavigny ,
fon Miniftre à Ratifbone, aux Electeurs ,
Princes & Etats de l'Empire , que bien
Join que S. M. T. Ch . penſat à enfraindre
le Territoire de l'Allemagne , elle
employeroit au contraire tous les foins
& toute fon attention à empêcher qu'on
n'y caufe aucun dommage , & qu'on ne
porte aucune atteinte aux Droits , aux
Privileges , & à la tranquillité des Mem
bres de l'Empire.
Le Quartier general d'affemblée des
Troupes Imperiales eft à Oppenheim ;
où elles doivent fe rendre le 22. de ce
mois , & l'on affûre qu'une partie paffera
enfuite le Rhin à Cologne , pour aller
couvrir Mayence & Luxembourg, & pour
renforcer les Garniſons de ces deux Places.
ITALIE.
MARS 1727. 595
ITALI E.
,
Na reçû avis de Sicile , que le 5 .
Janvier dernier , vers les deux heures
après minuit on avoit reffenti à
Noto , dans la partie la plus meridionale
de l'Ifle , deux fecouffes très- violentes de
tremblement de terre , qui avoient caufé
un effroi general ; que le 6. Fête de l'Epiphanie
, il en étoit furvenu cinq autres
confécutives , qui avoient obligé les ha
bitans à fuir de leurs maifons , & à fe
raffembler dans les Places Publiques ; &
le 8. une neuviéme auffi violente que
celle qui détruifit la même Ville le 11 .
Janvier 1693. Ces neuf fecouffes ont renverfé
le mur de l'ancienne Eglife des
Francifcains de fainte Agathe , la grande
arcade de la nouvelle Eglife des Benedictins
de faint Sauveur , & toute la Tribune
du dedans ; l'arcade de la vieille
Eglife des Freres Mineurs Obfervantins ,
une partie de l'Eglife & du Convent des
Mineurs , & un très- grand nombre de
bâtimens moins élevés . La belle Eglife de
faint Michel a été entr'ouverte depuis le
haut jufqu'en bas , mais heureuſement il
n'eft peri aucun habitant dans toutes les
ruines : & il n'y a eu que deux perfonnes
bleffées. La neuviéme fecouffe a été très
ſecouſſe
fenfible
600 MERCURE DE FRANCE.
fenfible dans tout le Val de Noto , fur la
côte & dans le Territoire de Catana , à
Palerme , dans le Golfe de Caftel - à - mare ,
dans d'autres lieux du Val de Mezzara ,
& preſque dans tout le Royaume , mais
elle n'y a caufé aucun dommage.
On mande de Malte qu'il y avoit actuellement
fur les Chantiers de cette
Ville trois Vaiffeaux de Guerre pour le
compte du Roy d'Efpagne ; que le Grand-
Maître avoit envoyé en courſe fix Vaiffeaux
de Guerre de la Religion , & qu'on
reffentoit de temps en temps dans l'Iſle
quelque fecouffe de Tremblement de
terre .
Sur la fin du mois dernier , les Sbires
arrêterent à Rome dans l'Eglife de faint
Roch deux affaffins qui s'y étoient refugiés
, & deux autres dans celle de fainte
Marie des Boulangers . Le Pape a déclaré
que pour les aflaffinats & autres crimes
énormes , il ne vouloit pas qu'on eut aucun
égard aux Immunités & Privileges
des Eglifes , & il a livré ceux qui feront
prévenus de tel crime , au bras feculier
par un Decret du 12. Février.
ESPAGNE.
Lia moitié des 18000. piftoles qu'il
E Roy a fait payer au Duc de Leria
lui a accordées pour les frais extraordinaires
MARS. 1727. 601
aaires de fon Ambaffade à Peterſbourg.
On a reçû avis de Cadiz , que le 10 .
du mois dernier , la N. D. de Mont-
Carmel , Vaiffeau commandé par le Capitaine
Dom Alphonfe Ruis Colorado , y
étoit arrivé de la Côte des Caraques ,
avec une charge de 262 3 1. Pezos , &
fept Réaux en Eſpeces d'or & d'argent
de 5564. Bales de Cacao , du poids de
110. livres chacune , de deux Barils de
Vanille & d'une Caiffe de baume du
Perou .
Le Vice- Amiral Wager eft arrivé devant
Gibraltar avec neuf Vaiffeaux de
Guerre Anglois ; & après avoir débarqué
les Troupes qu'il a amené d'Angleterre
pour augmenter la Garniſon de cette
Place , il a jetté l'ancre à la pointe Occidentale
des rochers qui forment la Baye ,
ce qui a empêché jufqu'à préfent l'approche
de trois vaifleaux de Guerre Efpagnols
, de plufieurs Galeres & de quelques
Brulots qui étoient partis de Cadiz
dans le deffein de faire quelque entrepriſe
du côté de la Mer.
Les fix groffes pieces de canon de fonte
tirées des fortifications de Cadiz étant arrivées
avec des peines & des frais extraor
dinaires devant Gibraltar , on en a formé
une Batterie qui rendra l'entrée du Port
très-dangereufe. Du côté de la terre il y
Go2 MERCURE DE FRANCE.
a trois autres Batteries de Canons de fer
deffendues contre les forties par des retranchemens
paralleles affez profonds .
GRANDE- BRITAGNE .
Es Lettres de la Jamaïque , du 10.
Decembre dernier , portent que l'Amiral
d'Hozier y étoit revenu avec fon
Efcadre , à la réſerve de trois Vaiffeaux
qu'il avoit laiffé devant Porto - Bello ,
dont le Gouverneur retenoit dans le
Port deux Chaloupes chargées de Marchandifes
appartenantes à la Compagnie
de la Mer du Sud .
1
す
Les Communes ont approuvé le Bill
de la Taxe des Terres , & elles l'ont ens
voyé à la Chambre des Pairs . Elles ont
réfolu d'accorder au Roi 60000. livres
fterling pour les Officiers de terre & de
mer qui font à la demie-paye ; 4847. liv .
fterling pour les Penfionnaires Invalides
qui font hors du College de Chelfcas
50000. liv . fterling pour achever de
payer ce qui eft dû au Landgrave de
Heffe Caffel , fuivant l'Acte paffé entre
S. M. & ce Prince le 12. Mars 1726 .
pour les 12000. hommes qu'il fournit au
Rois 170000. liv . fterling pour le ſubfide
particulier promis à ce Prince pour la
folde de fes Troupes , & 160306. liv.
Aterling
MARS. 603 1727 .
Aerling pour les non -valeurs des fubfides
accordez en 1726 ,
W
Dans le magnifique repas que le Roi
donna au Lord- Maire , & à toute la Magiftrature
de Londres , il y avoit fix tables
de foixante & douze couverts , chacune
fervie d'environ mille plats ; enforte que
depuis Charles II. il n'y a pas eu un pareil
feftin à la Cour. Le Lord-Maire dîna
avec le Duc de Dorfet , Grand Maîtred'Hôtel
; la Cour des Aldermans à la table
de Mylord Finch , Contrôleur de la
Maifon de S. M. le Confeil Commun à
la table des Contrôleurs de la Table Ver
te , & c.
Les Grands Officiers de la Couronne
& autres perfonnes de diftinction affifterent
à ce fomptueux feftin , dans lequel
on but environ 1500. bouteilles de vin
& on cafla so. douzaines de verres ; on
prétend qu'il a couté 1500. liv . fterling.
Le 3. de ce mois , le Roi donna fon
confentement Royal à l'Acte paffé par les
deux Chambres , pour la levée de la taxe
par livre fur toutes les quatre Chelins
terres , maiſons , & autres biens -fonds.
Les Lettres du Vice- Amiral d'Hofier ,
du 25. Decembre dernier , portent que
le grand nombre de malades qu'il avoit
dans fes Vaiffeaux , l'avoit déterminé à fe
retirer à la Jamaïque , pour les mettre à
de
gerre
604 MERCURE DE FRANCE .
terre ; que par les foins du Prefident &
des Membres du Confeil de cette Ifle ,
fon Efcadre avoit préfentement des équipages
nombreux & en bonne fanté ¸¨ &
qu'il étoit en état de profiter du premier
vent favorable , pour retourner devant
Porto - Bello.s
Plufieurs perfonnes nous ont dit , que
les termes de Bill & de Comité , dont il
eft fi fouvent parlé dans l'Article des
nouvelles de Londres , ne font pas entendas
de tout le monde. En voici une
petite explication .
On appelle Bill toute affaire qu'on
propofe , fans qu'elle foit rédigée . On
ordonne que des Commiflaires l'examiperont
, & ces Commiffaires fe nomment
le petit Comité. Lorfqu'ils ont examiné
l'affaire , & qu'elle eft rédigée par écrit ,
on dit alors que le Bill eft formé , & il ne
paffe dans la Chambre où il a été propofé
, qu'après qu'on l'a lû trois fois . La
premiere des deux Chambres qui a mis
le Bill en cet état , l'envoye dire à l'autre
Chambre , & c'eft toûjours celle des
Communes qui fe rend dans la Chambre
Haute , qu'on appelle des Seigneurs , ou
la Chambre Peinte. Quoique le Bill ait
été approuvé par les deux Chambres , il
ne pale point fi le Roi ne vient en Habits
Royaux , & ne le touche avec fon Sceptre
:
MAR S. 1727.. 605
tre; ce qu'il fait en difant , le Roi y confent.
Lorfqu'il dit , le Roi s'avifera , cela
fait entendre qu'il ne veut pas le paffer ,
& alors le Bill n'a aucun effet.
Ce qu'on appelle le Grand Comité ,
c'est lors qu'après avoir proposé une
affaire , l'Orateur defcend de fa Chaire
pour laiffer chacun dans la liberté de fe
parler , non pas en demeurant en fa place
, mais en fe promenant avec ceux dont
on veut prendre l'avis . Après qu'on s'eft
ainfi confulté les uns les autres , pendant
quelque- temps , l'Orateur remonte dans
fa Chaire , & tout le monde reprend fa
premiere place . Il fe fait un filence , &
cela veut dire , être en Farlement. Chacun
peut alors parler à fon tour fur la
chofe propofée , & auffi long- temps qu'il
veut , mais feulement une fois .
Le Roi d'Angleterre ne peut faire aucunes
levées , ni paffer de nouveaux Ac◄
tes fans le Parlement , qui pourtant n'a
point de pouvoir par lui - même , & où
tout ce qu'on réfout , ne fçauroit avoir de
force que par l'autorité que le Roi lui
donne. Il y a plufieurs affaires que chaque
Chambre traite par Comité , c'eft - àdire
, qu'elle choifit des Commiffaires
pour les réfoudre. Quelquefois la Cham.
bre haute & la Chambre baffe en nonment
pour la même affaire , & cela s'a-
I
pella
606 MERCURE DE FRANCE .
pelle grand Comité. On dit que la
Chambre fe met en Comité , ce qui eft
plus ordinaire à la Chambre baffe , quand
il eft permis à chacun de dire ce qu'il
penſe d'une affaire , fans que ce foit opiner.
Alors la même perfonne peut demander
à parler plus d'une fois , & on
Pécoute ; mais lorsqu'on opine , après.
que l'on a parlé une fois , on n'a plus la
liberté de rien dire.
L
HOLLANDE , PAYS- BAS.
E bruit court que les Etats Generaux
ont réſolu de lever vingt - deux
nouvelles Compagnies de Suiffes : fçavoir
, huit dans le Canton de Berne , cinq
dans celui de Zurich , cinq dans les Cantons
de Gloris & d'Appenzel , & quatre
chez les Grifons.
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
3
Dona Sebaftienne de Mendozza , foeur de Dom Garcias de Mello , autrefois Grand
Veneur de Portugal , mourut vers la fin du
mois de Janvier dernier à Lifbonne , dans le
Monaftere de l'Efperance , âgée de 99. ans.
Dom Duno Álvarez - Pereira de Mello ,
Premier Duc de Cadaval , quatriéme Marquis
de
MARS. 1727. 607
de Ferreira , cinquième Comte de Tentugal
Confeiller au Confeil d'Etat , & au Conteil
de Guerre , Prefident du Tribunal du Defembargo
du Palais , Mayordome-Mayor des trois
dernieres Reines de Portugal , Meftre de Camp
General auprès de la perfonne du Roi , & General
de la Cavalerie de la Province de l'Etremadoure
, mourut à Lisbonne le 29. du même
mois , âgé de 89. ans . Le Roi , pour donner des
marques particulieres de fa bienveillance envers
cet illuftre mort , qui avoit l'honneur
d'être parent de S. M. a pris le grand deüil , &
a ordonné à toute fa Maifon de le porter. Ce
Seigneur étoit fils de François Pereira de Portugal
de Mello , fecond du nom , Marquis de
Fereira , Comte de Tentugal , Chevalier de
l'Ordre de Saint Jacques , Grand Veneur de
Portugal , General de la Cavalerie , Grand
Maître- d'Hôtel de la Maifon du RoiJean IV.82
AmbaffadeurExtraordinaire enFrance en 1641 .
Il avoit épousé en premieres nôces Marie de
Faro du Cointe de la Fera ; en fecondes
, Marie- Angelique- Henriette de Lorraine ,
fille aînée de François de Lorraine , Comte ,
d'Harcourt , dont il a eu une fille mariée au
Marquis de Fontes , Comte de Penaguiante ,
morte en Novembre 1699. & qui a laiffé un
fils & trois filles ; & en troifiémes nôces Marguerite
de Lorraine , fille aînée de Louis de
Lorraine , Comte d'Armagnac & de Brionne ,
Grand- Ecuyer de France , & de Catherine de
Neufville- Villeroy dont il a eu Louis de Portugal-
Pereira , Marquis de Fereira , mort de la
petite verole le 13. Novembre 1700. fans
laiffer de pofterité de Loüife de Portugal , fille
legitimée de Pierre , Roi de Portugal , qu'il
avoit épousée en 1695. James de Portugal ,
fecond Duc de Cadaval , qui lui fuccede , &
I ij
> veuve
qui
608 MERCURE DE FRANCE.
1702.
qui a épousé avec difpenfe le 16. Septembre
la veuve de fon frere , & filles ;
quatre
l'une mariée au Comte de Saint Jean , fils aîné
du Comte de Tavora ; la feconde au Comte
deVillar- Mayor ; la troifiéme , au Comte d'Als
bos , & la derniere au Comte d'Alvas.
>
François Farneſe , Duc de Parme , mourut à
Plaifance la nuit du 25. au 26. Fevrier , dans
la 49. année de fon âge , étant né le 19. de
Mai 1678. Il avoit époufé avec difpenfe , le
8. Decembre 1695. Dorothée- Sophie , fille de
Philippes- Guillaume , Electeur Palatin , veuve
d'Odoart Farneſe II. du nom , Duc de Parme ,
fon frere aîné , & mere de la Reine , épouſe
du Roi d'Efpagne. Comme il n'en a point eu
d'enfans , Antoine Farnefe , fon frere puîné ,
lui fuccede. Le corps de ce Prince fut inhumé
le 1. de ce mois dans l'Eglife des Capucins de
Parme , où eft la fepulture de fes Ancêtres,
茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E I. de ce mois , le Roi & la Reine
Levin
revinrent de Marly au Château de
Verſailles .
Le 2. premier Dimanche de Carême ;
le Roi entendit dans la Chapelle du Château
la Meffe chantée par la Mufique ;
& l'après midi S. M. aſſiſta à la Prédication
du P. Surian , Prêtre de l'Oratoire ,
qui prêcha devant le Roi le 5 ,
Le
MARS. 1727. 609
Le 11. le P. Jean - Bernard de Saint
Jerôme , General des Carmes Déchauf
fez , eut audience publique du Roi & de
la Reine , étant conduit par le Comte de
Monconfeil , Introducteur des Ambaſſadeurs
, qui étoit allé le prendre à Paris
dans les Caroffes de L. M. & après avoir
été traité par les Officiers du koi , avec
plufieurs des Religieux qui l'accompa
gnoient , il fut reconduit dans les mêmes
Caroffes avec les ceremonies accoutumées
.
Le 13. le Duc de la Force , Pair de
France , prit féance au Parlement avec
les ceremonies ordinaires.
Le Roi a pris plufieurs fois , à fon ordinaire
, le divertiffement de la Chaffe
pendant le cours de ce mois , celle du
Loup dans la Forêt de Saint Germain ,
celle du Chevreuil dans la Forêt de Marly
, celle du Lievre dans le grand Parc de
Verfailles , & c.
La Reine a été faignée par précaution ,
& a prefque toûjours gardé la chambre
ou le lit depuis fon retour de Marly juf
qu'au 14. de ce mois , que S. M. alla entendre
la Meffe à la Chapelle. Auparavant
on la difoit dans fon appartement.
Le 18. la Reine recommença à fouper à
fon grand couvert avec le Roi.
Le Baron de Châteauneuf , fils de feu
I iij
M.
610 MERCURE DE FRANCE.
M. Definarêts , á vendu ſon Regiment ,
avec l'agrément du Roi , au Duc d'Epernon
, petit - fils.du Duc d'Antin.
Le Regiment de Levi , Cavalerie , vacant
par la mort du Marquis de Levi , a
été donné au Comte de Levi- Château-
Morand.
Le Roi a nommé Lieutenant General
de fes Armées Navales , le Comte de la
Luzerne , Chef d'Efcadre.
Le Duc de Fitzjames , âgé de 18.áns ,
qui avoit été reçû Gouverneur du Haut
& Bas Limofin , en furvivance du Maréchal
-Duc de Barwick , fon pere , eft entré
au Seminaire de Saint Sulpice , où il
a pris l'habit Ecclefiaftique .
Il est arrivé à Paris par la Riviere ,
vingt - huit pieces de Canon de fonte ,
onze Mortiers , & onze Pierriers . Cette
Artillerie vient du Havre- de- Grace par
Rouen . Elle doit remonter par la Marne
juſqu'à Châlons , d'où on la tranſpor
tera à Strasbourg.
PROMARS.
1727.7 GII
PROMOTION d'Officiers de Marine ,
par laquelle le Roi a nommé vingt- cing
Capitaines de Vaiffeaux , cinq Capitaines
de Fregates , quarante Lieute
nans de Vaiffeaux , & quatre- vinge
douze Enfeignes.
Capitaines.
MESSIEURS ,
De Bandeville Saint- Laduz de Vieux-
Perier .
De Sorgues.
De Chaon .
Le Comte Defnos..
De Montlaur.
De Gand.
Le Comte du Ligondez,
Le Marquis de Girenton.
Le Marquis de Champigny.
Le Chevalier de Nefmond.
DeBeauharnois Beaumont
.
Le Chevalier d'Efpinay.
Lamirande,
De Brach,
Jamain.
Chant .
D'Avaugour.
D'Orves.
Le Comte Marquefe.
De Fouilloufe.
De l'Eftenduere.
De l'Ileklot,
De Marandé....
Lajaille.
Le Chevalier de Piofin.
Le Chevalier de Rochouart
Montpipeau.
-
Le Chevalier d'Eftourmelles
.
Le Sieur de Joyeux ,
nonimé Capitaine de
Port , au Havre.
Capitaines de Fregates .
MESSIEURS ,
Defcours.
Du Deffans.
I iiij Lieutenans
612 MERCURE DE FRANCE.
Lieutenans de Vaiffeaux.
Marquifan.
Du Quefnel.
Gaudin .
MESSIEURS ,
De Menneville .
De Pontevez - la - Garde.
DeBelleifle- la Queüe.
Dalbertas- Dauphin.
Le Chevalier de Villages
.
Murat de la Broufte.
De Karo .
De Saurins, Aide-major.
De Manerbe.
Mandelot de- Laucez.
Le Chevalier de Noë.
Fremont de Villeneuve.
▸ -
Le Chevalier de Saint-
Legier la Sauzaye.
mentieres.
De Nouailles .
De Conteneüil .
Le Chevalier Dalbertdu-
Chefne .
Le Chevalier de Trefalgan.
Gautier de Girenton.
Le Chevalier du Boisde
la- Mothe.
De Fenis.
Le Chevalier de Foligny,
Ayde- Major.
De la Bedoyere.
Cefar Boulainvilliers.
Le Comte du Guay.
D'Amblimont.
La Bernardais .
De Boisjollan.
Des Boifclairs.
La Roche- Coëtlogon.
De Marfillac- Cham- Du Quefne. Guitton.
bon.
Barilly.
D'Hericourt.
Le Chevalier de Fro
De Pardaillan.
Le Chevalier de Conflans-
Brienne .
Du Quefne - Monier.
Enfeignes de Vaiffeaux.
De Brefcauvel.
Hector.
DuRouret.
MESSIEURS ,
Audiffredy.
De S. André.
Du Pleffis Parfcant .
TaurinsMARS.
613 1727.
Taurins -Dannat.
De Penhouet duGuermeur.
D'Elbenne.
La Croix -de- Merargues
Penandref de Kanftret.
Du Breüil.
Courtois.
De Verthamont
Tourris.
Damolin.
Kguern de Khuel.
Dalbert .
De Sabran- Salperine.
Laffigny.
Chantaffin.
Le Chevalier d'Aubigny
,
cadet.
Le Chevalier de Saint-
André.
De la Faluere.
Lefquen- Mottais.
Dompart.
De Mariol.
Du Vignau.
Du Poyet.
Poulconq.
Dupuy.
Dinqueville.
Doffeville.
Du Cambout.
Le Tartier.
De Penverne
De Lizardais.
Saint Hypolite.
Du Chaffaut.
De Saint-Maurice.
De Gouyon Miniac.
Macnemara.
Du Guay.
De la Giroüardiere.
Chabot deVilleneuve-
De Cogolin.
De Marquaifac.
De Crenan.
De Sanzay .
La Roche Jaquelin.
Du Quefne - Meneville.
De Boisgeflin.
De Motheux l'aîné .
Dorcize.
Tremigon.
Du Filleul.
Porter.
•
Chafteloger la Cluefabran
Le Chevalier de Mo
reville.
L'Illeau.
Le Chevalier de la
Bretefche,
Des Herbiers.
Delcampe.
Du Reveft.
De Caftillon l'aîné.
De Vic- Pontgibaut.
De Serigny.
De Polignac.
Hocquart.
De Rochechouart
De la Varenne.
Le Chevalier de Vien
ne .
De Sorel.
Ly Le
614 MERCURE DE FRANCE.
Le Chevalier de Bellinguant.
De Caumont.
Dé Charmail.
Dannat de Montmaur.
De Scepeaux de la
Roche- Noyan.
Le Chevalier de Chauvereau.
Le Chevalier de Thivas.
De Thierfanville.
vagnac.
Rozily- deMeros
De Saint Riveu).
Le Chevalier de Cal-:
meil.
Le Chevalier de Kuforet
.
Le Chevalier de Coëtlogon.
Le Chevalier d'Eaux
de Raimondis .
La Valette-Thomas.
Hubert de Lauberdiere. Le Marquis de Cha-
Le Chevalier de Chavagnac.
Le Sieur Laurent Secours , né à Villeneuve-
-les -Geneft , Diocèfe de Sens , âgé de quarante
ans , qui depuis dix-fept années exerce la profeffion
d'Oculifte dans les principales Vi les du
Royaume , a fait le mois dernier à Paris à M.
Delaunay , Directeur de la Monnoye des Medailles
, l'operation de deux Cataractes qu'il
avoit depuis long - temps ; & quoique trèsavancé
en âge , il n'a eu depuis cette operation
aucunes fluxions , ni aucun des accidens
aufquels font ordinairement fujetes ces fortes
d'operations ; en forte que M. Delaunay voit
préfentement très - clair.
Lorfque le Sieur Secours eft à Paris , on a de
fes nouvelles au College de Cluni , Place de
Sorbonne , où il a un appartement.
Le 16. de ce mois , le Comte de Lautrec ,
Brigadier des Armées du Roi , & Meftre de
Camp du Regiment d'Infanterie de la Reine ,
prêta ferment entre les mains du Roi pour la
Charge de Lieutenant General de la Haute
Guyenne , dont Sa Majefté l'avoit honoré fur
la démiffion du Marquis d'Ambres , fon frere.
Sa
MARS. 1727.
615
Sa Majefté accompagna auffi cette grace d'un
Btever de retenue de cent mille livres , en
confideration de fes fervices. Le Marquis
d'Ambres , foa frere , avoit obtenu cette Charge
en 1712. fur la démiflion du Marquis d'Ambres
, fon pere.
Le 23. de ce mois , quatriéme Dimanche de
Carême , le Roi & la Reine entendirent dans
la Chapelle du Château de Verſailles , la Meffe
chantée par la Mufique. Pendant la Meffe du
Roi , l'Evêque de S. Papoul , prêta ferment de
fidelité entre les mains de S. M. L'après midi
L. M. affifterent au Sermon du P. Surian , Prêtre
de l'Oratoire.
Le 25. le Comte de San Severino d'Aragon,
Envoyé extraordinaire de Parme , eut en grand
Manteau de deuil , Audiance publique du Roy
& de la Reine , dans laquelle il donna part à
L. M.de la mort du Duc de Parme , dont on a
déja parlé. Il fut conduit à ces deux Audiances
par le Comte de Monconfeil , Introducteur
des Ambaffadeurs .
Le 29. Mars , jour de la clôture du Theatre,
l'Académie Royale de Mufique donna pour
la troifiéme fois l'Opera de Pirame Tifé
pour les Acteurs , comme cela fe pratique toutes
les années. Cette Piece qui fut excellemment
repreſentée , attira un très - grand concours
: la De Camargo y danfa les Caracteres
de la Danfe avec un applaudiffement general.
On prépare l'Opera de Medée & Jason
pour être donné après Pâques.
Le 25. Fête de l'Annonciation , le Concert
Spirituel recommença au Château des Tuilleries
. On joua d'abord un Concerto de Muzette ,
avec Haut- Bois & accompagnement,qui fit un
fort grand plaifir ; on chanta enfuite le Confite
mini , Motet de feu M. de la Lande ; Me An-
I vj tier
616 MERCURE DE FRANCE.
tier y chanta à fon ordinaire , c'eft- à dire,
avec les applaud ffemens qu'on ne 1çauroit lui
refufer. Le fieur Blavet , dont on a déja eû
occafion de parler plufieurs fois , joua enfuite
un Concert de Flute , avec une jufteffe , une
vivacité & une préciſion admirable. Le Concert
fut terminé par le Te Deum du même M. de la
Lande. Me le Maure qui n'avoit pas encore
paru à ce Concert , y chanta pour la premiere
fois , & fut fort applaudie ; elle chantera dans
les autres Concerts qu'on donnera dans la
Quinzaine de Pâques.
BENEFICES DONNEZ.
L'Abbaye Reguliere de Nôtre Dame de Beaulieu , Ordre de Prémontré , Diocèfe
de Troyes , vacante par la démiffion du Pere
Mathon , a été donnée au Pere Charles le
Blanc de Maifons Davigny , Religieux da
même Ordre.
L'Abbaye Darciffes , Ordre de S Benoist
Diocèse de Chartres , vacante par la démiffion
de la Dame Perfean , en faveur de la
Dame Jeanne Françoife Roffignol , Novice du
même Ordre.
L'Abbaye de Montpeiroux , Ordre de Ci
teaux , Diocèle de Clermont , vacante par le
déceds de M. Deftin , en faveur de M. François
de S. Marfal de Conros , Clerc Tonfuré da
Diocèfe de S Flour.
Le Prieuré de S. Martin de Tauxigny , Or
dre de S. Benoift , Diocèfe de Tours , vacant
en Regale par le déceds de M. Poictevin ,
en faveur de V. Louis de Bras , Superieur du
Séminaire de Tours , auquel Sa Majefté le donne
en continuation de Commande.
L'Abbaye de Saint Vigor de Cerify , Ordre
de
MARS. 1727. 617
de Saint Benoift , Diocèfe de Bayeux , vacante
par le deceds de M. de Vendome , a été
donnée à M. Paul d'Albert , Prêtre du Diocèle
de Paris .
L'Abbaye Commandataire de la Trinité de
Vendome , Diocèfe de Blois , Ordre de faint
Benoit , vacante par le déceds de M. de Vendome,
en faveur de M. de Raftignac , Archevêque
de Tours.
L'Abbaye de S, Clement dans la Ville de
Metz , de l'Ordre de S. Benoist , vacante par
le déceds de M. Beffieres , en faveur de M. de
Seefmaifons , Prêtre , Aumônier de Sa Majefté.
L'Abbaye Dangles , Ordre de S. Benoist
Diocèle de Luçon , vacante par le déceds de
M. de S. Hermine , en faveur de M. l'Abbé
Menou Charnifery , Prêtre , Grand Vicaire
de Chartres.
L'Abbaye de Breuil- Herbaut , Ordre de
S. Benoit , Diocèfe de Luçon , vacante par
le déceds de M. Beffieres , en faveur de M.
l'Abbé du Solier , Prêtre du Diocèse de Limoges.
›
L'Abbaye d'Effey , Ordre de S. Benoift ,
Diocèle d'Agen vacante par le déceds de
M. de la Luftiere , en faveur de M. l'Abbé Salomon
, Prêtre , Chapelain de Sa Majesté.
و ت
L'Abbaye de Pontault , Ordre de Cîteaux
Diocèfe d'Aire , vacante par le déceds de
M. de Poudeux , en faveur de M. de Revol
Evêque d'Oleron.
L'Abbaye d'Yvry , Ordre de S. Benoist
Diocèse d'Evreux , vacante par le déceds de
M. de Vendome , en faveur de M. Aniffon
Prêtre , & Grand Vicaire de l'Archevêché de
Lyon.
L'Abbaye de Longuay , Ordre de Prémon-
LIC»
618 MERCURE DE FRANCE.
tré, Diocéfe de Reims , vacante par le dé
ceds de M. Dautecourt , en faveur de M. l'Ab.
bé Néel , Prêtre , Docteur de Sorbonne.
Siege de Gibraltar.
E Comte de Las Torres , Capitaine
LGeneralde l'Armée d'Andaloufe , it ou
vrir la tranchée devant Gibraltar la nuit du
22. au 23. de Février Le Gouverneur de cette
Place ayant reconnu le. 21. après midy qu'on
travailloit à établir une Batterie près de la
Tour du Moulin , du côté du Ponant , & que
le 22. au matin on continuoit ce travail avec
beaucoup d'ardeur , écrivit au conte de Las-
Torres pour protefter contre ces premiers
actes d'hoftilité. Ce General n'ayant pas fait
une réponfe fatisfaifante , vers les quatre heures
après midy, on tira de la Place un coup de
Canon à boulet fur les travailleurs ; ce qui
fervit de fignal aux autres Canoniers , pour
fairé pendant le refte du jour plufieurs déchar➡
ges de Canons du côté de la Batterie des Efpagnols
, qu'ils continuerent d'établir , malgré
le feu des Anglois , L'ouverture de la tranchée
fut faite par 1500. travailleurs , dirigés
par une Brigade d'Ingenieurs , & foutenus de
5. Bataillons d'Infanterie , commandés par la
Marquis d'Alonche , le plus ancien des Lieutenans
Géneraux , Dom Rodrigue Peralta ,
Maréchal de Camp , le Marquis de Torre-
Mayor , Brigadier , un Colonel & d'autres.
Officiers , à la tête defquels le Comte de Las-
Torres marcha depuis le Camp jufqu'au
pied du Rocher de la Montagne de Gibraltar ,
où les travailleurs commencerent à remuer la
terre. Le 23. à la pointe du jour , les Affiegez
firentun grand feu de moufqueterie du haut
de
MARS. 1727. 619
de ce Rocher , & jetterent en même temps
du haut de la Montagne plufieurs Bombes &
une grande quantité de Grenades & de pierres
fur les Affiégeans , & deux heures après
ils firent approcher de la plage du Levant deux
Vaiffeaux de Guerre & une Balandre , & deux
autres Vaiffeaux , de la plage du Ponant , d'où
ils canonerent & bombarderent les Troupes
Efpagnoles , fecondés par l'Artillerie du vieux
Mole , & par les Moitiers de la Place qui firent
un feu continuel jufqu'au foir. Il y eut
'ce jour- là du côté des Affiégeans , 19. hommes
tuez , entr'autres deux Capitaines & un
Enteigne , & 45. bleffez , dont les principaux
font le Marquis de Torre Mayor , Brigadier ,
qui a été bleffé au bras , deux Capitaines & un
Enfeigne.
Vers le foir il arriva au Camp 30. Bâtimens
chargez de munitions de Guerre . La nuit du
23. au 24. le Marquis de Verboom , Lieutenant
General des Armées du Roy d'Espagne &
Ingenieur Géneral , le Comte de Zueveghen ,
Maréchal de Camp , & le Brigadier Dom - Juan
de Gages , monterent la tranchée avec la ſeconde
Brigade des Ingenieurs , 1000. travailleurs
& un pareil nombre de Troupes que la
nuit précedente , ayant le Comte de Las-
Torres à leur téte. Pendant cette nuit on ſe
mit à couvert de l'Artillerie des Vaiffeaux Anglois
, & l'on ouvrit la communication qui
avoit été commencée la nuit précedente , &
que les Bombes des Affiegés avoient empêché
d'achever. Ils continuerent pendant le jour à
faire un grand feu , mais les Batteries des Efpagnols
ayant commencé vers les dix heures
du matin à tirer fur les Vaiffeaux Anglois , ils
furent obligez de fe retirer : il y eut ce jour- là
4. hommes tués , & 49. bleffés , entr'autres
deux
620 MERCURE DE FRANCE .
deux Capitaines , deux Lieutenans & deux Enfeignes.
Vers le foir , les Anglois canonerent
un petit Batiment Efpagnol , chargé de 6. Ca. -
nons de bronze & de 8. pierriers ; & l'ayant
fait attaquer par des Chaloupes armées dans
le temps qu'il étoit prêt à débarquer , un détachement
des Troupes du Camp alla à fon
fecours , & fit retirer les Chaloupes Angloifes
qui s'emparerent cependant d'une Barque Efpagnole
chargée de Madriers , qui étoit alors
fur la plage , entre Gibraltar & les Algezirs .
La nuit du 24. au 25. la tranchée fut montée
par le Comte de Glimes , Lieutenant General
, Don Jerôme de Solis , Maréchal de
Camp , Dom Gregoire Gual -y - Pueyo , Brigadier
, & par 6. Bataillons de 300. hommes
chacun on perfectionna les travaux , & l'on
acheva la premiere ligne parallele. La même
nuit , la Batterie de 8. Canons de fonte près
de la Tour du Moulin fut mife en état de tirer.
Le feu de la Place fut très - vif le jour fuivant ;
les Affiegeans eurent 4. hommes de tuez
& 16. de bleffez par les Bombes. Les Vaiffeaux
Anglois s'étant retirez , pafferent du côté du
Levant de la Baye pour aller croifer vers fon
Detroit , & les autres canonerent les Bâtimens
Epagnols dans les plages des Algezirs
& du Ponant : vers le foir , il arriva au Camp
Efpagnol 20 Canons de bronze de 24. livres
de Boulet. La nuit du 25. au 26. le Comte de
Montemar
, Lieutenant General , Dom Pierre
de Caftro , Marechal de Camp , & le Chevalier
de Sayve , Brigadier , monterent la tranchée
avec un pareil nombre de Troupes que la
nuit precedente : ils firent ouvrir un boyau
fervant de retranchement du côté de la mer
pour le mettre à l'abry du Canon des Vaiffeaux
de Guerre Anglois : les Affiegez firene
un
MARS. 1727. 627
un grand feu pendant tout le jour , & il y eur
un homme tué & 8. bleflez . La nuit du 26. au
27. la tranchée fut montée par le Lieutenant
General Dom François de Ribadeo , le Marquis
de Montreal , Marechal de Camp , & le
Marquis de Bay , Brigadier : on perfectionna
tous les travaux , & il y eut pendant le jour
2. hommes tuez & 4. bleffez. La Batterie de
10. Canons qu'on avoit élevée le 25. dans la
plage du Levant pour empêcher les Vaiffeaux
Anglois de s'approcher , ayant mis les Troupes
de la tranchée à l'abri de leur feu , on en
dreffa le 27. une autre de pareil nombre de
Canons , à la gauche de celle de 8. qui eft près
de la Tour du Moulin du côté du Ponant ; &
à la gauche de celle - ci , une de Mortiers ; ces
deux Batteries font deſtinées à ruiner les deffenfes
des Fortifications exterieures de la Pla
ce : on a continué d'y travailler pendant la
nuit du 27 au 28. La tranchée fut montée le
28. au foir par le Marquis d'Alonches , Lieutenant
General , le Duc de Caftro- Pinano
Marechal de Camp , & le Brigadier Dom Lu
cas Ferdinand Patinho.
+
Les Chaloupes des Vaiffeaux Anglois s'emparerent
le 28. au matin de 2. Barques char
gées de fafcines ; & deux autres Barques Catalanes
ont donné la chaſſe à deux Barques An
gloifes.
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
E mois dernier mourut à la Fleche , dans
LE mois mourut lancienConfeil
ler , Damoiſelle Loüife Bidault , âgée de
101. an.
622 MERCURE DE FRANCE:
Honoré- François , Marquis de Levi , Meftre
de Camp de Cavalerie , fils unique du Duc de
Levi , Lieutenant General des Armées du Roi,
Commandant pour 'S. M. au Comté de Bourgogne
, Gouverneur des Villes & Citadelles
de Charleville & Mezieres, Lieutenant de Roy
dans le Bourbonnois ; & de Dame Françoiſe
d'Albert de Chevreufe , mourut le 25. Février
agé feulement de 21. an .
Dame Jeanne Chomel , époufe de Jacques-
Louis le Marié , Chevalier , Comte de la Marie ,
& de Terni , titré de Caftille , cy - devant Intendant
de l'Electorat de Tréves , & des Armées
du Roy en Allemagne , en Flandres &
en Espagne , eft morte à Paris le 4. de ce mois,
âgée de 45. ans.
Le P Jean Polinier , Abbé de fainte Geneviéve
& Superieur General des Chanoines Réguliers
de la Congregation de France , mourut
dans cette Abbaye le 6. de ce mois , dans la
81,année de fon âge , après avoir occupé cette
place pendant onze ans & cinq mois ; ayant
été élû quatre fois par les Chapitres Generaux
de fa Congrégation. Le P. Gabriel de Ribe
rolle , fon premier Affiftant & ancien Abbé de
cette Abbaye , lui fuccede .
Jacques Berenger , Cointe du Guaft , Maré,
chal des Camps & Armées de S. M. eft mort
depuis peu dans une de fes Terres en Dauphi
né, âgé de plus de So. ans.
Philippe de la Vieuville , Ecuyer , Seigneur
de Mandi , Arvigni , Villebouvet , & c. Grand-
Audiancier de France , mourut à Paris le 7. de
ce mois , âgé de 65. ans .
Dame Anne-Marie- Geneviève Rouhaut , de
Gamache , veuve d'Antoine Philibert , Marquis
de Torcy , & c. Maréchal de Camp des Armées
du Roy, mourut le 7. de ce mois , âgée
de45. ans.
Jean
MARS. 1727. 622
Jean Baptifte Pignot , Ecuyer , Sieur du
Houffay , Maréchal des Logis de la Maiſon du
Roy, mourut le même jour , âgé d'environ
74. ans.
Le Comte de Boulainvilliers , Commiffaire
General de l'Artillerie de la Marine à Rochefort
, y eft mort le 15. de ce mois , âgé d'environ
5. ans
M. Jacques de Matignon , ancien Evêque
de Condom , Abbé de l'Abbaye de S. Victor
de Marſeille , Ordre de S. Benoît , mourut à
P'Hôtel de Matignon le 1's . du même mois ,
âgé d'environ 84. ans , étant né le 27. Mars
1643. Le 17. au foir il fut porté en grand
Convoi à l'Eglife Paroiffiale de S. Sulpice , &
mis dans le Caveau du Choeur de cette Eglife .
Ce Prélat , recommandable par fa pieté , a
fouhaité d'être tranfporté & inhumé dans fon
Abbaye de S.Victor. Cette celebre Abbaye,prefque
la plus ancienne de l'Occident , & dont
l'origine remonte au fameux Abbé Caffien
renferme , non-feulement dans fon enceinte ,
mais encore dans l'étenduë de fon diftrict , les
Cendres de plufieurs Martyrs , & Saints Confeffeurs
de J. C. enforte que par cette raison
on a donné le nom de Paradis à une grande
portion de ce Diftrict. L'Eglife de S. Victor
contient auffi les Tombeaux de plufieurs Perfonnages
illuftres par leurs Dignitez , par une
éminente vertu & par une fainte érudition.
On y diftingue ft rtout celui du Pape Urbain V.
qui fut d'abord fimple Religieux de S. Victor,
puis Abbé de la même Abbaye , & enfin Chef
de l'Eglife univerfelle , lec uel youlut être inhumé
parmi fes anciens Freres & fes chers
Difciples. Le pieux Prélat , qui a marqué le
même defir par fon Teftament , étoit le 4 des
douze enfans de François de Matignon , Comte
de
624 MERCURE DE FRANCE..
de Torigny , &c. Chevalier des Ordres du Roi ,
Lieutenant General au Gouvernement de Normândie
, & c. & de Dame Anne Malon de
Bercy, Il étoit frere du Comte de Matignon ,
Chevalier des Ordres du Roy , &c. mort depuis
peus du dernier Evêque de Lizieux & de
M. le Maréchal de Matignon , qui eft le dernier
qui refte de la nombreufe & illuftre Famille
dont on vient de parler. Il étoit auffi oncle du
Duc de Valentinois , Pair de France , & c. fils
unique du Comte de Matignon , lequel a époufé
l'Héritiere de la Maiſon de Grimaldi Monaco
, du Comte de Gacé , Chevalier des Ordres
du Roy , de M. l'Evêque de Coutance & du
Marquis de Matignon , tous trois fils de M. le
Maréchal. Matignon porte pour Armes , Ecartelé
au 1. & 4. d'Argent , au Lion de gueulle
armé , lampaffé & couronné d'or , qui eft de
Matignon . Au 2. de France au Lambel de gueule
de 3. pendans , au Bâton peri en abysme, qui
eft d'Orleans Longueville : & au 3. auffi de
France , au Bâton de gueulle , peri en bande ▲
qui eft de Bourbon - Condé.
Dame Charlotte le Prince de la Bretonniere,
Comtefle d'Herouville , Dame de Villeroy ,
veuve de M. Antoine de Ricoüart , Chevalier
Confeiller du Roy , Maître des Requêtes , morte
le 19. de ce mois , dans la 85e année de
fon âge.
·
Anne -Geneviève de Levi-Vantadour , épou
fe d'Hercules Meriadeck de Rohan , Duc de
Rohan Rohan , Pair de France , Lieutenant
General des Armées du Roy , Capitaine - Lieutenant
des Gendarmes de la Garde ordinaire
du Roy , & Gouverneur des Provinces de
Champagne & de Brie , mourut à Paris le 21
de ce mois , dans la sse année de fon âge. Elle
avoit été mariée en premieres Noces au Prince
de
MARS. 1727. 6
de Turenne , qui mourut à Enguyen le 4
Août 1692. des bleffures qu'il avoit reçûës au
Combat de Steenkerk.
M. Jean- Baptifte Robert Auget, Chevalier ,
Seigneur & Baron de Monthion , Joffigny ,
Minerval , & c. Confeiller du Roy en les Confeils
, Maître Ordinaire en fa Chambre des
Comptes , fut marié par M. l'Abbé Payen ,
Chanoine de l'Eglife de Paris , le Mardi 18.
de ce mois , à une heure du matin , en l'Eglife
de S. Paul , avec Demoiſelle Catherine- Marie
Françoiſe Suriret de S. Remy , fille de M. Suriret
, Seigneur de S. Remy, Petit-Val , &c.
Tréforier des Ponts & Chauffées de France ,
& de Dame Marie Vachereau , petite - fille de
M. Suriret de S. Remy , Ecuyer , Commiffaire
d'Artillerie , & de Demoiſelle Henault de Cantorbe
, & arriere- petite- fille de M. Suriret de
S. Remy, Secretaire du Roy. M. de Monthion
eft fils de M. Jean Auget , Chevalier , Seigneur
de Boiffy , Baron de Monthion , & c. Prefident
au Bureau des Finances de Paris , & de Dame
Louiſe Genevieve Coufinet , & petit- fils de
M. Paul Auget , Ecuyer , Seigneur du Soffoy ,
Gentilhomme ordinaire du Roy , & de Dame
Marie le Camus.
Dame Marie- Anne Françoise de Montmorin
, époufe de Pierre de Chambon , Marquis
d'Harbouville , Lieutenant de Roi de l'Orleannois
, & Capitaine au Regiment des Gardes
Françoifes , accoucha le 17. Février d'une fille
qui fut nommée fur les Fonts Marie- Genevieve
, par Alexandre de Chambon , Chevalier
d'Harbouville , Officier Major au même Regiment
, & par Demoiſelle Geneviève de Mont,
morin.
Dame Marie Loüife Chuberé , épouſe de
M. Jean Baptifte - Augufte le Rebours , Confeiller
626 MERCURE DE FRANCE.
*
feiller au Parlement de Paris , accoucha le
vingt du même mois d'une fille , qui fut
nommée Louife- Magdelaine , par Charles-
Pierre Augé , Seigneur de la Jubouere , & par
Dame Magdelaine de Rebours , époufe de
Charles Nicolas Huguet de Semonville ,
Doyen du Parlement.
Dame Marie - Françoife de Levi , époufe de
Jofeph-François de la Croix , Marquis de Caf
tries , Gouverneur de la Ville & Citadelle de
Montpellier , Maréchal des Camps & Armées
du Roy , Chevalier des Ordres de S. M. &
Chevalier d'honneur. de S. A. R. Madame la
Ducheffe d'Orleans , accoucha d'un fils le 25 .
Février, lequel fut nommé Charles - Eugene-
Gabriel , par Charles - Eugene de Levi , Duc
& Pair de France , Lieutenant General des Armées
du Roy , Commandant en Chef en Franche
Comté , & par Dame Gabrielle -Victoire
de Rochechouart, Mortemar, veuve d'Alfonfe
de Crequi , Duc de Lefdiguieres , Pair de
France , & c.
Dame Anne le Clerc de Leffeville , époufe
de Claude- François Bidal , Marquis d'Asfeld ,
Chevalier de la Toifon d'Or , Commandeur
de l'Ordre de S. Louis , Lieutenant General des
Armées du Roy , Gouverneur du Château-
Trompette , & Directeur General des Fortifications
de France , accoucha d'une fille le premier
Mars ; elle fut nommé Françoiſe- Charlotte
,, par Charles Nicolas le Clerc de Leffeville
, Chevalier , Comte de Charbonniere
Baron d'Auton , Maître des Requêtes , Intendant
en Bearn , & par Dame Magdelaine- Charlotte
Françoiſe le Clerc de Leffeville , Com
teffe de Charbonniere ,& c.
•
Addition
MARS . 1727 . 627
Addition aux Nouvelles Litteraires .
On affure que M. l'Abbé D. F. travaille
depuis trois mois à un Ouvrage
én 2. vol . in 12. qui doit paroître vers
Pâques. C'eft , dit -on , là Traduction
d'un Livre Anglois tout nouveau , qui
a cû un fuccès prodigieux à Londres , &
dont l'Auteur eft l'illuftre M. SWIFT , qui
a déja donné au Public plufieurs Ouvrages
très- eftimez , & furtout le Conte du
Tonneau , Livre affez connu en France .
Celui dont il s'agit , eft intitulé : Voiages
du Capitaine Gulliver ; Ouvrage d'imagination
, femblable à celui de Cyrano de
Bergerac , & qui renferme une Satyre generale
contre la Nature Humaine , &
furtout une Critique des moeurs & des
ufages des Anglois . Tout ce qui a paru
jufqu'ici de M. SWIFT eft fi ingenieux ,
qu'on s'attend à trouver dans la Traduction
qui va paroître , de quoi picquer le
goût des Connoiffeurs , c'eft- à- dire , une
Morale très -fine & très- enjoüée . Ce font
differens Voyages , dans l'Ifle des Pigmées
, dans le Royaume des Geans , dans
une Ile Aerienne & volante , dans le
Païs des Chimeres , dans l'Ifle des Enchan
teurs , dans le Royaume des Immortels
enfin dans Ifle des Chevaux , où les
animaux
428 MERCURE DE FRANCE:
animaux ont de la raifon & parlent.
Toutes les fictions font , dit - on , traitées
fort agréablement , & donnent lieu à des
Images riantes & à des Reflexions fenfées,
qui plairont beaucoup , fi elles font bien
exprimées en notre Langue , comme il
y a quelque lieu de l'efperer. Cette Traduction
de l'Ouvrage de M. SWIFT
s'imprime chez Martin , ruë S. Jacques ,
chez Guerin , vis - à - vis S. Yves , & chez
la veuve Coutelier , Quay des Auguſlins,
On imprime chez le Breton , pere &
fils , Quay des Auguftins , outre le Philofophe
Marié de M. Deftouches , le
Philofophe dupe de l'Amour , qui a étê
goûté fur le Théatre Italien , & qui ,
comme tout le monde en eft convenu ,
eft écrit avec beaucoup d'efprit , & de
délicateffe. L'un & l'autre paroîtront
immediatement après les Fêtes de Pâques.
J'AY
APPROBATION.
lû par ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux le Mercure de France du mois
de Mars , & j'ay crû qu'on pouvoit en
permettre l'impreffion. A Paris , le 2. Avril
1727.
HARDION.
TABLE
no
·
629
XX :XXXXXXXXXXXXX
TABLE .
Pieces Fugitives.Le Roy gouvernant par lui- même , Ode ,
415
Defcription d'une nouvelle Horloge Aftronomique
,
Epitre A. M. de B.
422
434 Lettre fur l'état de S. Bruno avant fa Retraite
,
449
Ode fur l'éducation de Mademoiſelle de Ver-
- mandois ,
Seconde Lettre fur l'étude des Enfans ,
Remerciment en Vers , à la Reine ,
445
449
4661
La Poëfie à la Peinture , fur un Tableau , & c
467
470 Epitre en Vers à M. de Largilliere ,
Nouveaux Eclairciffemens fur l'Epitaphe de
Poiffi ,
Compliment en Vers, à la Maréchale d'Eftrées,
477
485
Remarques fur quelques Pieces du Mercure
de France , de l'année 1726.
Enigmes ,
NOUVELLES LITTERAIRES , & c.
Le Diable Boiteux , Extrait ,
488
499
sor
S17
Nouveau Plan de Paris , Soufcription , $ 26
Chanfon notée , & c.
Spectacles ,
S3T
ibid.
Comedie du Berger d'Amphrife , Extrait , 532
Lettre au fujet de cette Piece , 543
Extrait de la Comedie du fils indocile , 552
Le Philofophe Marié , Comedie nouvelle , Extrait,
570
Nouvelles de Turquie & fuite de la Guerre
K &
630
& des révolutions de Perfe ,
De Ruffie ,
De Pologne,
De Suede , Dannemarc & Allemagne ,
588
592
194
195
D'Italie & d'Espagne , Tremblement de terre ,
Grande Bretagne & Pays- Bas ,
599
602
Explication des mots de Pill & Comité , ibid.
Morts des Pais Etrangers ,
Nouvelle de la Cour , de Paris , &c.
Promotion des Officiers de Marine , & c.
Benefices, donnez , --
Siege de Gibraltar ,
Morts , Naiffances & Mariages ,
Errata de Février.
l.
606
608
611
616
·
• 618
621
164 .
364. 1. 12. de pere , lifez de mon pere,
P. 381. 1. 2. qu'il a entrepriſes , . qu'il en
weprit. P. 386. l. 21. du Baftet , 1. du Baffet.
Fantes à corriger dans ce Livre.
Age 502. 1. 4. du bas , premiere & feconde,
lifex , premier & fecond. Page 11. 1. 10.
ancien , l. ancienne . P. 549. l. 28. témoins , l.
le moins. P. 76. 1. 26. Melite , l. Arifte. P. 577.
1.3 . de Melite , l. d'Arifte. P. 586.1. 14. chers ,
1. Cheres. P. 592 1. 3. Camadan , l. Hamadan .
P. 595. 1. 23. Biskenfeldt , l. Birkenfeldt.
Air noté regarde la page 531
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
MAR S. 1727.
SPARGIT
QUE
COLLIG
Chez <
A PARIS ,
K
CLA VEUVE CAVELIER , au Palais.
GUILLAUME CAVELIER , fils , rue
S. Jacques , au Lys d'Or..
N. PISSOT, Quay de Conti, à la defcente
du Pont- Neuf , au coin de la ruë de
Nevers , à la Croix d'Or.A
M. DC C. XXVII.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
L
chofes
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU ,
Commis Mercure , vis -à- vis la Comedie
Françoise à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
eachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toujours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui tes envoyent ,
celui , non feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
воріє.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , on les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement,
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau, qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Mef
fageries qu'on lui indiquera.
Le prix eft de 3o. fo's.
MERCURE
.DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
MARS. 1727.
of.d
XXXXXXX ***************
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LE ROY ,
GOUVERNANT PAR LUI MESME ,
ODE.
Aint Vallon , facré Permeffe ,
S
Préfidez à mes accords ;
Epris d'une jufte yvreffe
Je me livre à mes tranfports ,
Divinife mon delire ,
Apollon , monte ma Lirejor slalom
sb mickbu to
•
A ij Je
416 MERCURE DE FRANCE .
Je t'invoque : infpire moi ;
Simon fujet eft fublime ,
Mon audace eft legitime ,
Puifque je chante mon Roy.
Je vais d'un effor rapide ..
Refpectez tous mes accens
C'en eft fait le Dieu me guide :
Echo ! réponds à mes chants.
Orphée , autrefois celebre
Attendrit les bords de l'Hébré ,
Au récit de fes malheurs
Par un femblable miracle :
Pour un plus charmant fpectacle ,
Mortels , je ravis vos coeurs.
Quelle trace lumineufe
Frape mes yeux éblouis ! ...
De fa clarté radieufe
Tous mes fens font réjouis.
Quel Mortel ! Quelle Déeffe !
C'eſt LOUIS; c'eſt la Sageffe ;
Qui prend foin de l'enfeigners
Et de la celeste roûte¿ã
Elle
MAR S. 1727. 417
Elle vient marquer la route
Qu'il doit tenir pour regner.
Déja l'Olimpe s'apprête ,
A celebrer ces beaux jours :
En faveur de cette Fête ,
Phoebus ranime fon cours.
Jupiter contre la terre ,
N'eft plus armé du Tonnerre :
Non , ce Souverain des Dieux
- Pardonne au Titan rebelle ,
Sa révolte criminelle ,
Et fes deffeins odieux.
Tout brille dans ces Campagnes ,
Flore embellit nos Côteaux :
Et les Nymphes fes Compagnes ,
Danfent deffous les ormeaux .
Que de riantes images !
Zéphir chaffe les nuages ;
Et par fes douces chaleurs ,
L'hyver fuit avec fes glaces :
Nous marchons , & fur nos traces ,
#y
T
07
Nous voions naître les fleurs.
A iij
Au
418 MERCURE DE FRANC
Au milieu de nos Bocages ,
Le murmure des Ruiffeaux
Se joint au bruit des feuillages ,
Aux doux concerts des Oiſeaux.
Déja les Troupeaux d'Annette ,
Bondiffent de flus l'herbette .
J'entens au fond de nos Bois ,
Pan , Faune , Silvain , Satire ,
Pouffer des éclats de rire ,
En accordant leurs Hauts- Bois.
Je cede à l'ardeur lyrique ,
Dont mes feux font enchantez ,
De ma Mufe Prophetique ,
Tous les accèns font dictez .
Où fuis-je ?... Nouvel Icare ! ...
C'eft Apollon qui m'égare ;
Je perce dans l'avenir ! …….
Par l'éclat de mes paroles
Je veux porter aux deux Poles ,
Ce que j'y peux découvrir.
Quel Peuple orgueilleux s'obſtine
A braver nos Etendarts ?
11
MARS. 1727 . 419
Il avance fa ruine ,
En approchant nos Remparts.
Pour LOUIS que de conquêtes !
Que de Palmes toutes prêtes !
Je le vois dans les Combats
Commander à la Victoire :
Et Mars foigneux de fa gloire ,
Par tout préceder fes pas.
Mais non ... cruelle Bellonne ,
Loin tes fureurs à jamais :
Le Laurier de ta Couronne ,
Cede à l'Olivier , de Paix .
Livre Hifpaham aux allarmes ,
Qu'Amurat prenne les armes ,
Qu'il fonde de grands projets.
Sur une injufte Victoire :
LOUIS veut faire fa gloire ,
Du repos de fes Sujets .
Que les ris viennent par bandes ,
Chaffer les triftes douleurs :
Qu'on fe pare de Guirlandes ;
Qu'on fe couronne de fleurs.
A iiij Qu'on
420 MERCURE DE FRANCE .
Qu'on mêle aux fruits Pomonne ,
Le jus que Bacchus nous donne :
Qu'il coule fur nos Ramparts.
Que l'enfance & la vieilleffe
Se livrent à l'allegreffe ,
Qui brillent de toutes parts .
Bergers dedans nos Prairies ,
Faites retentir les airs :
Et fur nos Rives fleuries ,
Formez d'éclattans Concerts.
Dans vos ruftiques retraites ,
Celebrant fur vos Mufettes
Les objets de vos defirs ;
Chantez votre augufte Maître :
Puifque c'est lui qui fait naitre
Et vos jeux & vos plaifirs.
Deformais , le brigandage,
Fuira loin de ma maiſon ;
Je ne crains plus ni pillage ,
Ni fraude , ni trahifon.
Dans le fein de l'indolence ,
Dans une pleine affurances
af. I
MARS. 1727 . 421
Je verrai couler mes jours :
Plus heureux que mes Ancêtres :
Sous le plus jufte des Maîtres ,
J'en veux terminer le cours.
Déja triomphe du vice ,
L'aimable & fimple verta ;
Sous les loix de la Juſtice ,
Gémit le crime abbatu..
Le Trône devient l'azile
De la Veuve & du Pupille :
Fuyez , lâche adulateur ,
Peuple vil & mercenaire ,
Loin du Monarque fevere :
Fuyez , calomniateur.
Des climats les plus fauvages ,
On arrive dans nos Ports ;
Le Maure avec fes hommages ,
Nous vient offrir fes tréfors .
La rapide Renommée ,
Du nom de LOUIS charmée ,,
Le fait voler jufqu'aux cieux.
Regne augufte ! Empire aimable!'
T
Ay Puiffe422
MERCURE DE FRANCE.
Puiffe-t- il être durable ,
Plus encor que glorieux ?
Vacuum duellis
Janum Quirini claufis , & ordinem
Rectum evaganti frana licentia
Injecit , emovitque culpas. Horat. Carm. Lib.
IV. Ode XV.
Le Chevalier de Mautador.
Cette Ode peut fe chanter fur l'Air :
noté au bas de la Chanfon , Affreux Hyver
, page ..
.. ·
Maabaaaaa
DESCRIPTION d'une Horloge aftronomique
, inventée par Mathieu Kriegfeiffen
, & approuvée par l'Académie.
Royale des Sciences.
C
' Eft une horloge qui marche de fon
mouvement , & exprime dans le
terme de 24 heures le circuit journalier
du premier mobile d'Orient par Midi
en Occident , tant au Ciel des Etoiles
fixes , qu'à ceux du Soleil & de la
Lune , comme auffi le mouvement an -1
PA
nuel
MARS. 1727. 423
fuel du Soleil , & les revolutions de la
Lune , tant periodiques, que finodiques ;
enfuit la difpofition du Globe lunaire ,
par rapport aux differens afpects que cet
Aftre reçoit de la lumiere du Soleil dans
la Sphere naturelle ; & enfin la fituation
des quatre Elemens , le tout felon l'hypothèle
de Ptolomée.
Pour en donner plus d'intelligence ,
on fera remarquer qu'on a mis au milieu
de la face de cette Machine , le Globe
de la terre , fur lequel on a gravé en
abregé les quatre parties du monde. Ce
petit Globe demeure toujours fixe &
immobile au centre , quoique les Cieux
faffent tous les jours autour de lui , une
revolution entiere d'Orient en Occident,
& enfuite l'Element de l'air qui le circule
, & puis le feu élementaire qui l'environne.
L'Orbite , ou Ciel de la Lunè , au
milieu duquel la face de cet Aftre eft
blanche , fe fait continellement voir dans
tous les differens temps de fes retrogradations
, fous toutes les differentes phafes
qu'elle apparoît dans la Sphere
naturelle , à mesure qu'elle s'éloigne ,
ou fe rapproche du Soleil .
L'Orbite , ou Ciel du Soleil , au milieu
duquel le Globe de cet Aftre eft
placé , de même que les quatre ( princi-
A vj paux
424 MERCURE DE FRANCE.
paux afpects de la Lune , également diftant
des uns & des autres , afin de pouvoir
juger avec plus de certitude , de fes
quartiers croiflans & prifans , & de
combien elle en fera éloignée , ou parvenuë.
La voute ou lambris du Ciel étoilé ,
au milieu de fon plan , font rangez tour
à tour , en diftances inégales , fuivant en
degrez aftronomiques , les douze Signes
du Zodiaque , avec les trois cens foixante
degrez du Ciel , marquez à fa cir
conference convexe , & à fa concavité,
les douze mois de l'année , avec les quatre
faifons , & le précis , lever & coucher
du Soleil , pour tous les differens
temps.
Au - delà de tous ces Orbes , ou Cieux
mouvans , font marquez tout autour en
diſtance égale , les chiffres des 24 heu
res qui tournent avec le Soleil en 24 .
heures de temps .
Au - delà de la face de cette Machine
eft un cercle , fur lequel font gravez
tout autour , diviſez également en 48 .
-parties , les noms des principales Villes
du monde , pour fçavoir à tout moment
quelle heure il eft dans chacune des Villes
& des Ifles qui font gravées fur
cette plaque immobile , la vraie heure
de ces lieux répond toujours vis- à-vis de
leur degré.
MARS. 1717. 425
Par ce mouvement journalier du premier
mobile , tous les corps de cette Machine
, à la réferve de ce cercle , & la
terre , fait chaque jour une révolution
entiere dans le terme de 24. heures , &
le mouvement retrograde du fecond mobile
, la Lune accomplit fa periode , ou
le contour du Zodiaque dans le terme
de 27. jours , 7. heures , 43. minutes ,
& acheve fa révolution finodique , fur
l'espace de 29. jours , 12. heures , 44 .
minutes.
Par la vertu de ce mouvement , le
Soleil employe un an tout entier à par
courir les 12. Maifons celeftes . Il y a un
rayon de cet Aftre en forme d'aiguille
pofé fur fon fommet , qui fe termine
au chiffre du Midi , & qui tournent toujours
enfemble.
Il eft neceffaire de fçavoir fous quel
Signe & degré du Ciel , & le jour auquel
il entre dans un des Signes , & lorfqu'une
des quatre faifons finit , les mois
de Mars , Juin , Septembre & Decembre
, par où l'on voit que le Soleil reſte
dans les Signes Septentrionaux fept jours
& plus que dans les Meridionaux , qui
font deffinez dans la Sphere. Le milieu
du corps du Soleil marque préci
fément le lever de cet Aftre ; de même
que l'afpect de la pleine Lune , qui
Ini
426 MERCURE DE FRANCE ,
lui eft diametralement oppofé , hors duquel
fort une aiguille qui fe terminė
dans le plan du Ciel étoilé , & au chiffre
de minuit , marque fon coucher.
A côté gauche du Soleil , eft une petite
aiguille qui marque le mois courant.
Dans le plan du Ciel étoilé , au Signe
du Belier , au mois de Mars , hors duquel
fort une aiguille qui fe termine au
chiffre de 24. heures ; c'eft pour marquer
l'heure & la minute du premier
point du Signe du Belier , quand il paffe
tous les jours par le Meridien de Paris ,
82 par toutes les Villes de la terre qui
font gravées fur le cercle .
Le premier point du Belier , dans fa
révolution journaliere du Ciel , précede
toujours le Soleil , depuis le commencement
du Printemps , jufqu'au commen
cement de l'Automne , c'eft à - dire , qu'il
arrive au Meridien plutôt que le Soleil ,
& depuis le commencement de l'Automne
jufqu'au Printemps , le Soleil précede
toujours le premier point du Belier,
& artive plutôt que lui au Meridien ,
c'eft- à - dire , depuis l'Equinoxe du Printemps
jufqu'à l'Automne. Le premier
point du Belier paffe par toutes les Villes
, avec les heures du matin , & depuis
l'Equnoxe d'Automne , jufqu'à celui du
PrinMARS.
1727. 427
Printemps , il paffe avec les heures du
foir à tout different temps , & par d'autres
aiguilles , dont les afpects lunaires
font munis , ce qui convient à la Lune.
De toutes ces chofes s'obferveront
auffi avec la même facilité , entr'autres
fes paffages dans le Meridien , fous quel
Signe & degré du Ciel elle correfpond,
& fes levers & couchers de chaque jour,
fi la Lune eft en nouvelle conjonction
avec le Soleil , elle fe trouve entre la
terre & le Soleil , elle va en croiſſant ,
& l'aiguille qui va avec la Lune , marque
les heures du foir pour Paris &
pour tous les endroits de la terre , qui
font gravez fur ledit cercle , excepté
après onze heures du foir ; la veille de
l'oppofition , pour faire voir qu'au jour
de l'oppofition , il n'y a point de paffage
par le Meridien de Paris , & la plenitude
de la Lune , la terre fe trouve entre
le Soleil & la Lune ; cette aiguillemarque
les heures du matin par toutes
les Villes qui font gravées fur le cercle
, en tout different temps jufqu'à nouvelle
conjonction .
Si on fe rend familiere la latitude qu'elle
a de part & d'autre de l'Ecliptique ,
la marée , ou flux & reflux de la Mer ,
s'y marqueront auffi très exactement",
428 MERCURE DE FRANCE .
7
& même pour tels endroits & lieux que
l'on fouhaitera.
Sur le même grand cercle , où font
gravez les noms des principales Villes
du monde , il y a gravé une fleur - delys
fous Paris qui eft immobile ; par -là
on peut fçavoir à tout moment l'heure
qu'il eft du jour & de la nuit, dans tous les
endroits principaux du monde , par le
moyen du cercle de 24 heures , qui tourne
journellement , l'heure , ou la demie ,
ou la minute qui coule , fe trouve toujours
fous la fleur - de - lys .
Par exemple , le Soleil avec fon aiguille
, qui fe termine toujours au chiffre
de Midi , s'il fe trouve fous la fleurde-
lys , il eft midi à Paris , 7. heures du
foir à Batavia , & 7. heures du matin à
Quebec & à Jerufalem , 2. heures & demie
après midi & à S. Pierre en deçà
de l'Equateur minuit comme marque
l'aiguille qui fort de la face de la
pleine Lune oppofée du Soleil , & les
autres heures fuivantes toutes du même
cercle pour chacune des Villes & des
Ifles qui correfpondent aux heures , pour
fçavoir à tout moment quelle heure il
eft fuivant le temps moyen.
,
Et à côté droit de la fleur- de- lys , il
ya un petit Soleil mouvant
mouvement inégal , c'eft pour marquer
,
avec un
le
MARS. 1727.
4.2.9
le temps vrai à toutes les heures & les
minutes du jour & de la nuit pour Paris
, & pour tous les endroits de la terre,
qui font gravez fur le cercle.
J'ai commencé par le premier jour
de Novembre , à pofer le Soleil deffus
la fleur-de- lys , parce qu'au commencement
de ce mois , le mouvement moyen
eft égal au mouvement vrai , c'eſt - àdire
, quand il eft midi au temps moyen ,
il eft auffi midi au temps vrai.
&
Après le Soleil commencera à quitter
la fleur - de - lys en allant du côté
droit , où font marquées les 60. minutes
, tantôt plus , tantôt moins , fuivant
que l'équation augmente jufqu'au onziéme
de Fevrier , le Soleil fera éloigué
de 31. minutes 5. fecondes ,
après l'équation il va en diminuant juf
qu'au 15. du mois de Mai , & le Soleil
fera rapproché de la fleur - de- lys de 12 .
minutes 8. fecondes , & depuis le 15. de
Mai jufqu'au 26. Juillet l'équation và
en augmentant , & le Soleil s'éloigners
de la fleur-de-lys de 22. minutes 16 .
fecondes , & depuis le 26. Juillet juſ
qu'au premier jour de Novembre , l'équation
va en diminuant , & le Soleil
s'approchera de la fleur-de- lys tout- àfait
, ayant fait fon cours de l'année.
Le Soleil s'éloigne & s'approche de
{
12
430 MERCURE DE FRANCE.
-la fleur -de - lys , fuivant l'équation !
augmente & diminuë , c'eſt- à - dire , quand
l'équation va en augmentant , le Soleil
s'éloigne de la fleur- de- lys ; & quand
l'équation va en diminuant le Soleil
s'approche de la fleur - de-lys , à meſure
que l'équation augmente ou diminue tous
les jours ; de même le Soleil s'éloigne
ou fe rapproche de la fleur- de - lys tous les
jours.
"
.
Par exemple au premier jour de
Janvier , ce Soleil fe trouvera éloigné
de la fleur - de-lys de 20. minutes 32
fecondes à midi , & le Soleil continuera
toujours de s'éloigner ,, mais imperceptiblement
d'une heure vraie à l'autre ;
mais bien perceptiblement
, d'un midi
vrai à l'autre , du premier Janvier juf
qu'au 2. l'équation augmente de 28 .
fecondes ainfi au 2. Janvier le Soleil
fe trouvera éloigné de la fleur -de- lys de
21. minutes .
Comme le cercle des chiffres de 24.
heures tourne journellement , quand le
chiffre du midi fe trouve fous la fleurde-
lys , il eft midi à Paris , au temps
moyen , & il n'eft qu'onze heures 39 .
minutes au temps vrai , il faut que le
chiffre du midi parcoure les 21. minutes
pour trouver le Soleil fur la minute,
pour faire midi au temps vrai à Paris
lorf
MARS. 1727. 4.3 %
lorfqu'il eft midi au temps vrai , il eft
déja midy , 21. minutes au temps moyen
au deuxième jour de Janvier.
Pour fçavoir l'heure qu'il eft dans
toutes les Villes & dans toutes les Ifles
qui font gravées fur le cercle , fuivant
le temps vrai , il faut obferver au 2. Janvier
que l'équation eft de 21. minutes ,
comme le Soleil le marque , étant éloigné
de la Fleur de Lys , qui marque le
tems moyen , de même l'équation eft
éloignée auffi de 21. minutes aux Villes
qui font gravées autour du cercle.
Par exemple , le chiffre du Midi fe
trouvant au deffous du Soleil , il eft midi
au temps vrai à Paris , & 7. heures du
foir à Batavia , & 7. heures à Quebec du
matin , & à Jerufalem 2. heures & demie
après midi , & à Saint Pierre deçà
l'équateur minuit .
Au temps moyen , il eft déja midi 2 F.
minutes à Paris , & à Batavia 7. heures
21. minutes du foir , & à Quebec 7.
heures 21. minutes du matin , & à Jerufalem
2. heures 51. minutes après midi
, & à Saint Pierre deçà l'Equateur minuit
21. minutes , comme auffi autour
des Villes & des Ifles qui font gravées
fur le cercle , pour fçavoir quelle heure
il eft à tout moment au tems moyen &
au temps vrai ; mais au temps vrai , il
ef
1
432 MERCURE DE FRANCE . 1
eft tantôt plus , tantôt moins fuivant
que l'équation augmente , ou diminuë.
Et au deffus du cercle , où font gravées
les Villes , eft pofé un demi cercle
, où font gravez les quantièmes du
mois de 31. jours , & l'aiguille qui marque
les jours courans avec leur inégalité
, & tantôt 3 1. & une fois 28. jours
il acheve chaque mois fans y toucher la
même.
>
Et au- delà du demi cercle , eft placé
un Cadran de 12. heures , avec les minutes
à l'ordinaire , qui marque le temps
moyen au midi vrai pour le Meridien
de Paris ; c'eft- à-dire , qu'il fe rencontre
quatre fois par an avec le Soleil qui
marque
le
temps vrai , c'eft au 15. d'Avril
, au 16. Juin , 31. Août , & 24. Decembre
; mais tous les autres temps differens
, comme on voit au deffus dudit au
2. Janvier , que le Soleil qui marque le
temps vrai à midi pour Paris , & les Cadrans
avec leurs aiguilles , marqueront
midi & 5. minutes , & la Fleur de Lys
marquera midi 21. minutes au 2. jour
de Janvier.
Entre le grand cercle, & le demi cercle
font placez deux petits Cadrans ; celui
à gauche marque le Nombre d'Or ,
& l'Epacte de chaque année courante ;
& celui à droite marque le Cycle Solaire
MARS. 1727:
433
laire , la Lettre Dominicale qui convient
au Dimanche , pendant le cours de
chaque année , & recommencera toûjours
avec le même ordre.
TABLE.
1. Le mouvement journalier du Zodiac
, ou Ciel des Etoiles.
2. Le mouvement journalier du Soleil.
3. Le mouvement journalier de la Lune,
4. La révolution annuelle du Soleil.
5. La révolution periodique de la Lune.
6. La révolution finodique de la Lune.
7. Les differentes phafes & afpects de la
Lune.
8. Les jours de la finodique.
9. Les fituations figurées des quatre Elemens.
10. Sous quel figne & degré du Ciel le
Soleil & la Lune correfpondent.
1. Les précis lever & coucher du Soleil
& de la Lune.
12. Pendant tous les temps.
13. Les paffages précis de ces deux
Aftres dans toutes les principales Villes
du Monde.
14. Les mois courans de l'année , & les
jours précis de l'entrée du Soleil dans
ces fignes .
15. Pour fçavoir à tout moment l'heure
qu'il
434 MERCURE DE FRANCE.
qu'il eft dans toutes les principales
Villes du Monde
fuivant le temps
moyen .
›
16. Et pour fçavoir à tout moment
l'heure qu'il eft dans toutes les principalesVilles
du Monde, fuivant le temps
vrai.
17. Un Cadran de 12. heures , avec les
minutes à l'ordinaire.
18. Un demi Cadran , qui marque les
jours du mois.
19. La révolution du Cycle Solaire , &
le nombre de l'année courante .
20. La révolution du Nombre d'Or , &
le nombre de l'année courante.
21. Les révolutions des Lettres Dominicales
, & le nombre des années bifextilles.
22. La révolution des Epactes , & le
nombre des années courantes .
le
EXTRAIT des Regiftres de l'Academie
Royale des Sciences , du 10. Juillet
1726. Meffieurs de Reaumur & du Fay ,
qui avoient été nomme pour examiner
une Horloge inventée & conftruite par
fieur Mathieu Kriegſeißen , qni eft à Rochet
à Pendule à l'ordinaire ; mais qui
par le moyen de plufieurs cadrans & aiguilles
marque un grand nombre de differentes
chofes , le mouvement diurne du
Soleil
MARS. 1727 :
435
>
Soleil , fon lever & fon coucher pour Pavis
l'heure des principales Villes du
Monde , tout ce qui appartient au mouve
ment de la Lune , le quantième du mois
avec la difference de ceux qui ont plus , ou
moins de jours , fans qu'il fuit befoin de
toucher à ce Cadran , que dans les années
bifextilles , le Cicle Solaire , le Nombre
d'Or , & l'Epacte , & furtout la difference
du temps moyen du vrai pour tous les &
lieux marquez dans l'Horloge , laquelle
difference eft reprefentée & executée par celle
de deux mouvemens qui donnent l'équation
, conformément aux deux Tables de la
connoiffance des Temps ; en ayant fait leur
rapport, la Compagnie a jugé que cette
Pendule étoit très - ingenieufement imagi
née ; & que quoique la quadrature foit
affez composée par la quantité de choſes.
qu'elle marque , les mouvemens étoient difpofez
avec beaucoup d'ordre & d'intelligence,
& autant de fimplicité qu'il étoit
poffible. En foi de quoi j'ai figné le préfent
Certificat , à Paris ce 14 Juillet
1726 .
Signe , FONTENELLE , Secretaire
perpetuel de l'Acad.Royale des Sciences,
EPITRE
436 MERCURE DE FRANCE .
茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶
EPITRE
A M. de B. enforme d'Epitalame.
Left un temps où l'Amour , quoiqu'on
1½
dife ,
Avec l'Hymen fe familiarife :
Il eſt un temps où l'Amour plus liant ,
Flatte le Dieu qui de nopce eft friand ,
Et c'eft raifon , car de ce maître Sire , >
De Cupidon, inince feroit l'Empire ,
Si profcrivant & Notaire & Contrat ,
Il ne regnoit que fur le celibat .
Trop mieux connoît où s'étend fon Domaine
,
Et quand le drôle ici bas fe promene ,
Ne veut qu'un coeur puiffe lui réfifter :
Si , qu'où fa main manqueroit d'ajuſter ,
Pour mieux vifer par un trait de fageffe ,
Du Dieu fon frere il emprunte l'adreffe.
L'Hymen fait breche , & l'Amour eft cone
tent.
Bien reconnois , & le fait eft conftant ,
Que fans l'aveu de l'Enfant de Cythere ,
Ec
MARS. 1727 .
437
Et muguettant les ducats d'un beau - pere ,
Ce Dieu fe prend à l'appas d'une dot ;
Four s'en venger l'Amour n'eft pas mane
chot.
Suffit enfin, partageant fa conquête ,
Qu'avec Hymen il eft fouvent de fête.
Pour le prouver , il n'eft ici befoin
D'aller tirer nos exemples de loin.
Sans de Paphos feüilleter les Archives ,
Compter fes droits ni fes prérogatives ;
Sans parcourir ces temps , ces heureux
temps ,
Où les Epoux ne ceffoient d'être Amans ,
Ami , pour vous Hymenée en campagne ,
Publie affez que l'Amour l'accompagne ,
Dont bien l'en prend ; car fans ce compagnon
,
N'euffiez de l'autre allumé le brandon.
» Loin , difiez - vous , tout bizarre Hymenée ,
» Dont Plutus feul regle la deftinée .
Et toi qui fçais affortiffant les coeurs ,
L'art d'allumer d'éternelles ardeurs ,
» Amour ! Sans toi , ne permets , & pour
caufe,
Que de mon fort un jour l'Hymen diſpoſe.
B Mais
438 MERCURE
DE FRANCE,
» Mais choifi-moi pour former ce lien ,
>> Gente pucelle , & d'aimable maintien ;
Vole en fon coeur,
auffi - tôt qu'en mon ame
» Et de ta main la recevrai pour femme,
»Prétends de plus , & j'en jure par toi,
>> Vivre avec elle affervi fous ta loi;
» Et , plus unis que bouquets de guirlande ,
» De nos deux coeurs toûjours te faire of
frande.
Ainfi parlant à Meffer Cupidon ,?
Sçûtes très- bien faire votre oraifon .
Le Peuple Amour qui reconnut fa langue ,
Battit des mains , applaudit la Harangue ;
Et fur l'Autel recueillant vos préfens ,
Lui- même offrit vos voeux & votre encens,
Lors Cupidon prend fon vol vers Lutecę ,
Bande fon arc , ajuſte , tire & bleſſe
Certain objet de graces bien doté ,
Et tel enfin que l'aviez ſouhaité.
Puis retournant fur la youte azurée ,
Trouve l'Hymen dans la bande facrée.
sa Ami , dit-il , la victoire eft à nous.
» Viens prendre part à l'honneur de mes coups,
Atteints d'un trait à qui Jupiter cede ,
Deux
MARS .
432
1727.
» Deux jeunes coeurs ont befoin de ton aide.
» En ce moment ils t'adreffent leurs voeux ,
Cours , vole , Hymen , & couronne leurs
feux.
Le Dieu deux fois ne fe le fit pas dire ,
Ravi qu'Amour à fon heureux Empire ,
Par fois voulut ainfi l'affocier ;
Donc près de vous fe rend le Dieu nopcier ,
Plus fait encor le fils de Cytherée ,
S'en va briguer la faveur adorée
Du Dieu Plutus , & ja pour main ducat ,
Vous fait au long coucher fur fon Etat.
Ce qui n'eft pas , foit dit fans vous déplaire ,
En fait d'Hymen choſe furnumeraire.
Or , tout ainfi s'intriguant à propos ,
Vous prononcez les énergiques mots ;
En dits plaifans , en danfe façonnée ,
Paffez , joyeux , la benigne journée :
Puis , vous rendez à l'amoureux réduit ,
Où je vous dis bon foir & bonne nuit.
TANEVO T.
Bij LET440
MERCURE DE FRANCE.
*kakakakakaka
LETTRE écrite le 20. Decembre
1726. par D. B. à . D. Valentin ,
Chartreux , fur l'état de faint Bruno
avant fa retraite .
que
E n'ai pas lû , M. R. P. les Antiquitez
Jde l'Eglife de Valence par M. de Catelan
, Evêque de cette Ville ; mais j'ai
trouvé ce que vous me faites l'honneur
de me propofer , dans le Journal hiftoride
Verdun , du mois de Septembre
dernier , p. 164. Vous me demandez ,
fi votre glorieux Pere faint Bruno eſt
forti de la Congregation de faint Ruf ,
comme l'affure M. de Valence dans fon
Ouvrage pofthume . Il faudroit avoir vû
les preuves qu'il en rapporte , pour pouvoir
répondre plus exactement à votre
demande ; mais en attendant que je
puiffe avoir ce Livre , voici ce que j'en
penſe.
Saint Bruno étoit Chanoine de faint Cu
nibert , à Cologne , fa patrie ; d'où étant
venu à Reims , fous le Pontificat de Gervais
de Château - du -Loir , Chancelier de
France , & Archevêque de cette Ville , il
fut fait Chanoine de l'Eglife Metropolitaine
, & Chancelier , ou , pour me fervir
des
MARS. 1717 44
des termes de Guibert , Abbé de Nogent ,
Magnorum Studiorum Rector. Ce docte
Chanoine foufcrivit en qualité de Chancelier
l'an 1073. à la fondation de l'Abbaye
de faint Martin aux - Jumeaux , à
Amiens , dont la manfe a été unie depuis
à l'Evêché de cette Ville , & l'Eglife
donnée aux Celeftins par le Roi Louis
XIII. Bruno , Cancellarius , ſubſcripfit.
Trois ans après , il prit la même qualité
en fignant le Privilege de Manaffes , Archevêque
de Reims , pour l'Abbaye de
faint Bâle. Vous trouverez les preuves
de ce que j'ai l'honneur de vous dire ,
dans le fecond tome de l'Hiftoire de
Reims par Marlot , pag. 135. 154. 171 .
dans le quatrième volume de la France
Chrétienne de MM. de Sainte - Marthe,
pag. 623. Dans les deux Préfaces de D.
Mabillon, au fixième fiecle des Actes des
Saints de l'Ordre de faint Benoît , dans
fon Museum Italicum , dans la Differtation
du P. Jean Columbi fur l'Origine
de l'Ordre des Chartreux , & c. Vous
pourrez trouver des preuves plus fortes
dans les Ouvrages des Ecrivains de votre
Ordre , & je fuis furpris que vous ayez
voulu vous adreffer à moi , qui fuis peu
verfé dans la lecture de vos Annales ,
c'eft un pur effet de votre modeftie . Vous
êtes mieux au fait que moi de ces Hif-
B iij toires
,
442 MERCURE DE FRANCE .
toires domeſtiques , & c'eft de vous que
j'aurois dû apprendre fi faint Bruno eft
forti de la Congregation de faint Ruf.
Ce qui a pû donner occafion au fentiment
de M. de Catelan , c'eft qu'effectivement
il y a eu deux Chanoines de faint
Ruf, qui ont été du nombre des fix premiers
Compagnons de votre Fondateur
faint Bruno. Ils portoient tous deux le
nom d'Etienne ; l'un étoit de Die en
Dauphiné , & l'autre du Bourg - Saint-
Andeol , en Vivarais ; mais il ne s'enfuit
pas de - là que faint Bruno ait été Chanoine
Regulier de faint Ruf , il l'a été
feulement des Eglifes de Notre - Dame
de Reims , & de faint Cunibert de Cologne
, qui très certainement n'ont jamais
été de la Congregation de faint Ruf.
Ce qui m'éloigne du fentiment du
fçavant Evêque de Valence , c'est que
je vois dans la page déja citée du Journal
Hiftorique , que les Memoires que
l'on a fournis à ce Prélat , font fufpects.
Cet Ordre de S. Ruf ( y dit - on ) a la
gloire d'avoir produit trois dignes fujets ,
qui ont été placez en qualité de Papes , fur
la Chaire de S. Pierre , fçavoir , Anaf
rafe IV. en 1153. Adrien IV. en 1154.
& Jules II. en 1503. Je n'aurois jamais
crû qu'on pût être placé fur la Chaire
de S. Pierre , qu'en qualité de Pape
1
mais
MARS. 1727. 443
mais je crois que des trois Papes que
l'Ordre de S. Ruf a la gloire d'avoir
produit, il y en a deux empruntez .
Anaftafe IV. naquit à Rome , & nous
ne lifons pas qu'il en foit forti pour
venir prendre l'habit de Chanoine Régulier
à S. Ruf. Othon , Evêque de
Frifingen , infinue le contraire , lorsqu'il
allure que Conrard ( c'étoit le nom du
Pape Anaftafe , avant fon élevation au
Pontificat ) avoit vieilli par un long exercice
dans la pratique du Droit Romain.
Homo veteranus , & in confuetudine Romana
Curia exercitatus. Il eft vrai qu'il
a été Abbé de S. Ruf ; mais c'eft de
S. Ruf au Diocèfe de Vellebri , Abbaye
de l'Ordre de S. Benoît , felon le témoignage
de Ferdinand Ughel , Auteur
très-verfé dans l'Hiftoire de fa Patrie.
Le R. P. Labbe convient que ce Monaf
tere eft fitué dans le Diocèfe de Vellebris
mais au lieu de S. Ruf, il le nomme de
S. Anaftafe. Je m'en rapporterois plutôt
à l'Auteur Italien , qu'au François , qui
avoit peut-être l'imagination remplie du
nom du Pape Anaftafe , lorfqu'il écrivoit
fa vie dans la collection des Conciles .
Quoiqu'il en foit , les Benedictins font
en droit de difputer ce Pape aux Cha
noines Réguliers.
Les Cifterciens leur difputent , à moins
B iiij jufte
444 MERCURE DE FRANCE.
jufte titre , Adrien IV. Vous n'avez qu'à
confulter D. Chryfoftome Henriquez ,
dans fon Phoenix revivifcens . p. 68.
Quelques Auteurs affurent auffi que Nicolas
Breakfpeare , né dans la ferme de
Langley , dépendante de l'Abbaye de Saint
Alban , étoit Moine de l'Ordre de Cîteaux
, lorsqu'il fut créé Pape fous le
nom d'Adrien IV . mais le feul témoignage
de ce Pape l'emporte fur l'autorité
de tous ces Ecrivains intereflez . Il n'y a
qu'à lire la Bulle que Meffieurs de Sainte
Marthe ont inferée au long dans le IV.
Tome de la Gaule Chrétienne , p . 803.
Pour ce qui eft de Jules II, connu
auparavant fous le nom de Julien de la
Ruvere , je conviens qu'il a été Abbé
Commandataire de S. Ruf ; mais il ne
s'enfuit pas que cet Ordre ait la gloire de
l'avoir produit. Il n'avoit que 29. ans
lorfqu'il fut fait Evêque de Carpentras ,
& il avoit paflé fa jeuneffe dans la Cour
du Pape Sixte IV. fon oncle. Cependant
fi l'on donne de bonnes preuves que ce
Pape Jules & Anaftafe IV. ayent fait
profeffion dans la Congrégation de faint
Ruf , de même que S. Bruno , je cederai
avec plaifir aux charmes & à la force
de la verité. Je fuis , & c.
MAR S. 1727 . * 445
******************
A Madame de Rochechouart , Abbelfe
de Beaumont , fur l'éducation qu'elle
a donnée à Mademoiselle de Vermandois.
O D E.
I Lluftre Abbeffe , dont le zele ,
L'honneur , la régularité ,
La juftice & la charité ,
De tes filles font le modele ,
Souffre que j'éleve ma voix ,
Pour chanter tes pieux exploits ;
Et qu'interprete de la France ,
J'expofe l'obligation ,
Et la jufte reconnoiffance ,
Qu'on doit à ta Religion.
Confacrée à la folitude ,
>
Nonobftant tes rares talens ,
Tu voulus dès tes premiers ans ,
En faire une folide étude.
Pour accomplir ce grand deffein i
FONTEVRAU LT t'ouvrit dans fon fein ,
B v Une
445 MERCURE DE FRANCE :
Une retraite édifiante.
Ta foeur , de concert avec toi ,
Sous les yeux d'une aimable tante,
S'exerçoit dans la fainte Loy.
Eprouvée en toute maniere ,
Comme l'or au fond du creufet ,
Tu fortis de ce lieu fecret ,
Pour répandre ailleurs ta lumiere.
BEAUMONT fut le champ fortuné , ·
Que le Ciel avoit deſtiné ,
Pour y voir briller ton mérite ,
Et pour remplir de ton eſprit ,
Toute la fleur , toute l'élite ,
Des Epoufes de Jefus Chriſt.
諾
Sous tes favorables aufpices "
BEAUMONT devient un Mont facré ,
Un Ciel éclatant , azuré ,
Un vrai Paradis de délices.
Tous les biens y font réunis ,
Tous les monftres en font bannis ,
L'erreur , le trouble , la difcorde ;
A
MARS. 1727 .
447
15
A leur place on y voit regner ,
La Foy , la Paix & la Concorde ,
Sans que rien les puiffe éloigner.
SY
Déja ton nom recommandable ,
Vole & s'étend juſqu'à la Cour;
Il y paroît dans tout fon jour ,
Et rend ta vertu memorable.
En public , en particulier ,
On parle de l'art fingulier ,
Qui brille en toi pour la jeuneſſes
C'eft- là ce qui porte BOURBON ,
A te charger d'une PRINCESSE ,
Et de fon Sang & de fon nom.
On la ravit à fa Nourrice ,
Pour la remettre entre tes mains ,
Et par des fecrets plus qu'humains
Tu la préſerves de tout vice ;
L'amour que tu fens pour le bien ,
Coule de ton coeur dans le fien ,
Et la brûle d'un feu celefte ;
Par tes foins elle eft fans aigreur
B vj
Hum448
A
MERCURE DE FRANCE .
Humble , charitable , modefte ,
Et prête à fuivre le Seigneur.
C'eſt par toi qu'elle a l'avantage ,
De s'unir au celeſte Epoux ,
De fentir combien il eft doux
De le poffeder fans partage.
Elle prend les engagemens ,
Conformes à fes fentimens ,
Pour s'attacher à ta perfonne ;
Fidelle à marcher fur tes pas ,
Elle verroit une Couronne ,
Qu'elle ne l'accepteroit pas.
C'eſt à toi feule , fage Abbeffe ,
C'eft à ton éducation ,
Qu'elle doit fa vocation ;
Fais-en une digne Profeffe.
Ta gloire eft de mettre le fceau ,
A ce chef-d'oeuvre , à ce vaiffeau ,
Qui renferme en foi tant de graces ;
L'Ouvrage alors fera parfait ,
Et
MARS. 1727.
449
Et par mille actions de graces ,
Nous celebrerons ce bienfait.
Par le Pere Jerôme de Saint Michel
Prieur des Carmes de Tours.
>
SECONDE LETTRE contenant unė
Methode pour conduire avec fruit la
Jeuneffe dans l'étude des Lettres .
Quoiqu'on
le foit reſtraint aux troisquatre
Auteurs , dont on a parlé
ci- devant > on pourra neanmoins faire.
apprendre par coeur aux enfans , & traduire
quelques- uns des plus beaux endroits
des Hiftoriens , comme de Quint-
Curce , Velleius Paterculus , Tite- Live
, Sallufte . Mais il eft bon de ne le
faire qu'aprés qu'ils auront formé , & affuré
leur ftile fur ces premiers Auteurs
de la plus pure Latinité. On peut commencer
un peu plutôt à les leur faire lite
, obfervant de les lire entiers , & tout
de fuite , & non pas de fe contenter ,
comme on fait dans les Claffes , d'en
prendre un livre détaché , à l'exception
-de Tite- Live , qui eft un peu trop long ,
& duquel on pourroit leur faire lire
trois
450 MERCURE DE FRANCE:
trois ou quatre livres , ou davantage
jufqu'à ce qu'ils foient affez accoûtumez
à fon ftile , pour l'entendre très - bien
par eux -mêmes , & pouvoir le lire tout
feuls ; on pourra alors s'arrêter , & remettre
à le lire de fuite en étudiant la
Rhetorique , parce que la lecture en fe
ra pour lors plus utile.
>
La Poëfie Latine doit tenir fon rang
dans l'étude de cette Langue ; mais il
faut d'abord , auffi-bien que dans la Profe
, s'attacher aux meilleurs Auteurs
& ne faire faire des Vers aux enfans ,
qu'après qu'ils auront beaucoup lû cês
Auteurs ,& que leur efprit fe fera rempli
des tours & des phraſes poëtiques , qu'ils
y auront trouvées .
Ces Auteurs font Ovide , Virgile , &
les Odes d'Horace , qu'on ne sçauroit
trop lire & relire , & apprendre par
coeur.
Il fuffit pour la Quantité d'en fçavoir
les regles generales , ce qui demande
très - peu de temps ; il faut que
l'ufage apprenne le refte , & que les
Vers de ces Poëtes foient fi prefensa
l'efprit , qu'on trouve toujours à point
nommé celui où eft le mot de la Quantité
duquel on eft en peine ; on fera peut - être
quelques fautes dans les commencemens ,
mais cela fe rectifiera en peu de temps .
Rien
MAR S. 1727% 4st
Rien n'eft meilleur que d'exercer les
enfans à faire des Vers , ils y acquiérent
de la vivacité , & de la fecondité ; mais
il faut qu'ils y ayent quelque difpofition
naturelle , fans quoi il vaut mieux
n'en pas exiger d'eux , que de leur caffer
la tête inutilement , & les rendre
par là moins propres aux autres études .
Il y a au contraire des efprits qui n'y
ont que trop de difpofition , & qui ont
befoin d'être retenus ; mais en general ,
& à un petit nombre de cette qualité
près , il eft très- utile de faire des Vers,
en obfervant , comme il a déja été dit
de ne commencer cet exercice que lorfqu'on
s'eft mis en état par la lecture frequente
de ces Poëtes , d'en produire
de fon crû fans avoir befoin des recueils
&
tréfors poëtiques
, & autres livres femblables
, qui doivent
être abfolument
re- jettez .
La meilleure methode pour faire faire
des Vers , eft après avoir exercé les
enfans à les tourner , comme on fait
ordinairement , de leur donner des matieres
tirées de ces mêmes Poëtes , ou
des Traductions Françoifes qu'ils en auront
faites , ou de celles qui font im
primées , ou qu'on leur fera , afin qu'ils
les mettent en Vers Latins , après quoi
on leur en fera faire la comparaiſon avec
ceux
452 MERCURE DE FRANCE:
ceux du Poëte , en fuivant ce qui a été
dit pour la Profe ; & lorfqu'on les jugera
affez forts pour voler par leurs propres
aîles , on leur fera faire de petites
Pieces de leur invention .
Quand ils feront en cet état , ils pourront
lire furement les autres Poëtes ,
condition de ne les pas imiter. Il y a même
des modernes qui font très bons , &
qu'on leur peut donner à lire , & même
quelquefois à imiter .
On ne parle point encore de la Poëtique
, ni des differens genres de Poëmes
, & de leurs regles qu'il faudra qu'ils
étudient , lorfqu'ils feront un peu avant
dans la Rhetorique.
Avant que de finir , ce qui regarde
les Langues , il faut dire un mot de la
Françoiſe . Il y en a qui font commencer
les enfans par la lecture des Remarques
qui ont été faites fur la Langue. Il
eft vrai qu'il n'y a pas d'inconvenient à
lire une fois feulement , par amuſement ,
& à des heures perduës , ces fortes de
Remarques , mais il eft bon de ne s'en
pas occuper férieufement , parce que rien.
ne refferre davantage l'efprit , & n'énerve
plus le ftile qu'une trop fcrupuleufe
occupation à ces Obfervations grammai
riennes.
D'autres les mettent d'abord dans la
com
MARS. 1727.
45%
,
compofition , ce qui eft un peu prématuré
; car, premierement, avant que des enfans
puillent compofer , il faut que leur
efprit fe foit rempli de chofes , autrement
ils s'accoûtumeront à n'écrire que
des paroles ; fecondement , outre les chofes
, il y a l'art de les dire , la maniere
de développer les peníées , le tour qu'il
leur faut donner . C'eft ce qui fait tout
l'agrément de l'élocution : or à moins que
d'être nez parfaits , ils ne trouvent pas
cela d'eux- mêmes , il faut qu'ils l'érudient
dans les meilleurs Auteurs Grecs
& Latins. C'eft donc en les lifant &
encore plus en les traduifant , qu'ils doivent
fe perfectionner dans la Langue
Françoife. Ainfi les Traductions qu'on
a marquées ci- devant , qu'il leur falloit
faire faire , ferviront à leur apprendre
deux Langues . Pour y réüffir il eft neceffaire
d'avoir les meilleures Traductions
qui ayent été faites en François de
ces Auteurs ; & comme on a dit qu'il
falloit. comparer leur Latin avec celui de
1'Auteur , il faut auffi comparer leur
François avec celui du Traducteur ; enforte
qu'ils s'accoutument non feulement
à rendre le fens des Auteurs qu'ils traduiſent
, mais encore à le rendre bien
avec élegance , & d'une maniere qui approche
, le plus qu'il fe pourra , de l'original
454 MERCURE DE FRANCE.
ginal en pratiquant cette methode , ils
fe rempliront par la lecture , & par ces
Traductions des mêmes endroits de Latin
en François , & de François en La.
tin d'une infinité de chofes , d'idées &
de penfées , ils fe formeront fur les plus
excellens Maîtres , ils apprendront peu
à peu à s'expliquer comme eux , ils fe
rendront leur tour propre , ils auront enfin
dans les Traducteurs François les
meilleurs modeles qu'ils puiffent trouver
pour notre Langue. Cet exercice les
conduira jufqu'à la Rhetorique , & ils
feront alors en état de commencer à compofer
dans les deux Langues .
11 ne reste plus qu'à parler de l'Hiftoire
, fur laquelle il y a peu de chofes
à dire , quant à prefent ; car on peut regarder
deux chofes dans l'Hiftoire , l'une
eft la maniere de l'écrire , les regles
qu'on en a données , les caracteres des
Hiſtoriens , la beauté des Defcriptions &
des Harangues , & autres Obfervations
femblables , qui ne regardent , pour
ainfi
dire , que la , forme & qui n'ont rapport
qu'à l'Eloquence. Cela fera une partie
confiderable de l'étude de la Rhetorique.
L'autre eft l'Hiftoire même , & les
faits qui en font comme la matiere , l'Hiftoire
prife en ce fens a rapport , ou à la
Morale , ou à la Politique , ou à la Ju.
rifMARS.
1727: 455
rifprudence Romaine , Françoife & Ecclefiaftique
: elle peut auffi avoir fon rapport
à la Religion . Les enfans ne font
pas encore capables d'entrer dans toutes
čes vûës , ni de travailler fur celles qui
conviendront le plus à la profeffion qu'ils
embrafferont ; il eft vrai que la premiere
eft de toutes les profeffions , & de toute
la vie , mais il faut que les enfans ayent
acquis certaines connoiffances avant que
d'en pouvoir tirer ce profit il fuffit
donc de leur donner des fondemens qui
dépendent beaucoup de la memoire , &
qui leur feront dans la fuite d'un grand
fecours pour l'Hiftoire.
Ces fondemens font la Géographie &
la Chronologies on ne leur fçauroit apprendre
trop exactement la Géographie,
mais il faudroit , pour bien faire , joindre
l'ancienne avec la nouvelle , & liertellement
les idées de l'une avec l'autre , en
les comparant toujours enfemble , qu'ils
les ayent prefentes à l'efprit en même
temps. 11 eft aifé d'apprendre la Géographie
, mais il eft difficile de la retenir ;
trois chofes contribueront extrêmement
à lever cette difficulté ; la premiere eft
d'attacher toujours autant qu'il le pourra
, de certaines idées propres aux Royaumes,
Provinces , Villes , Rivieres qui
fervent à les fixer dans l'efprit , & à
faire
456 MERCURE DE FRANCE.
,
faire une espece de memoire locale . Ces
idées peuvent être tirées de la Nature ,
ou de la Phyfique ; de l'Hiftoire , de la
Fable & c. La feconde , eft d'obferver
dans toutes les lectures qu'ils feront , où
il fe rencontrera des noms de Villes &
de Provinces , de leur en demander la
fituation , & toutes les autres chofes
qu'ils ont apprifes à l'occafion de cette
Ville , ou Province , afin de leur en faire
conferver les efpeces en les renouvellant
fouvent. La troifiéme, eft de leur
donner à lire des Livres de Voyages , en
choififfant ceux qui font les mieux faits ,
& les plus exacts , & en prenant foin de
leur faire fuivre le Voyageur la Carte à
la main. Cette petite application les inf
truira en les divertiffant.
Pour la Chronologie , on n'entend pas
une étude profonde de cette Science , dont
les enfans ne font pas encore capables ,
& qui ne leur conviendra peut -être pas
de toute leur vie , mais feulement une
idée fort courte , & fort fuperficielle de
l'ordre des temps , depuis le commencement
du monde jufqu'à prefent , avec
diſtinction de quelques Epoques les plus
generales , & des principales Monarchies.
Cette idée le fixera dans leur efprit par
petites Tables nettes & methodiques , &
par l'attention qu'il faudra avoir en lifant
MARS. 1727.
457
funt avec eux les Auteurs , à leur faire
placer les évenemens dans les temps où
ils font arrivez , par rapport aux Epoques
qu'on leur aura marquées . Il femble
qu'il ne leur en faille pas demander
davantage , jufqu'à ce qu'ils foient
en état de le faire eux mêmes une fuite
d'Hiftoire des principales Monarchies ,
ou Républiques , dont ils auront - befoin
de s'inftruire dans un âge plus avancé ,
par rapport aux autres études qu'ils fe
ront.
On ajoûtera feulement trois avis generaux.
Le premier eft , que le but principal
de l'éducation des enfans doit être
de leur rendre le coeur droit , & l'efprit
jufte , rien n'y contribuera davantage
que la Religion , & les vertus chrétiennes
qu'il faut demander à Dieu pour
eux , & tâcher de les leur infpirer autant
que l'on peut doucement , & fans
les rebuter , mais il faut encore travailler
par tous les moyens exterieurs que
la prudence & l'adreffe peuvent fournir
à les rendre juftes , équitables , bons
tendres , compatiffans , reconnoiffans
charitables , officieux , prompts à faire
plaifir en tout ce qui ne bleffe point la
juftice , veritables , & éloignez de tout
déguisement , les remplir de l'amour de
leurs devoirs , les accoûtumer à fe conduire
458 MERCURE DE FRANCE.
duire par reflexion , à n'être point précipitez
dans leurs jugemens , ni opiniâtres
& entêtez , à écouter toûjours la
raifon & à s'y rendre ; ce font- là les
qualitez effentielles ; la lecture des Auteurs
, même Payens , les exemples des
vices & des vertus qui s'y trouvent , la
converfation , toutes les actions de la vie
peuvent fervir de leçons pour cette forte
d'étude , qui fe doit faire fans peine
& fans travail .
Le fecond eft , que dans ce qu'on aps
pelle proprement étude , il ne s'agit pas
tant de les rendre fçavans , que de leur
donner du goût & de l'amour pour la
fcience , de leur en faire connoître le
prix & la neceffité , de la leur faire defirer
, & de les accoûtumer à aimer le
travail & application . Tout ce qu'on
peut apprendre aux enfans jufqu'à l'âge
de feize ou de dix - fept ans ,eft très - peu de
chofe , & fe réduit prefque à leur -donner
de bons fondemens & de bonnes difpofitions
; mais s'ils ne bâtiffent enfuite
eux-mêmes fur ces fondemens , & s'ils
ne cultivent ces difpofitions , il faut compter
prefque pour rien tout ce qu'ils ont
fait dans leur premiere jeuneffe ; ainfi
le point le plus effentiel eft de prévenir
& de gagner leur coeur en faveur
des Lettres, & de faire que le plaifir
qu'ils
MAR S. 1727. 459
qu'ils y prendront , les rende attentifs ,
appliquez & laborieux . Si on eft affez
heureux pour venir à bout de tourner
leur pente de ce côté - là , on leur aura
procuré des avantages folides & durables
pour tout le temps de leur vie. Car cette
inclination pour l'étude , fera un grand
préfervatif contre les vains amuſemens ,
la moleffe , l'oifiveté & les autres fources
de la corruption de la plupart des jeu
nes gens ; elle les occupera agréablement
en toute forte d'âge , & les mettra en
état de fe rendre habiles & de fe diftinguer
dans l'état qu'ils embrafferont ; &
leur efprit qui aura fait une habitude
de l'application , fournira fans peine à
celle qui eft néceffaire pour fe mettre
au deffus des affaires les plus difficiles
la peine eft de leur infpirer cet amour
de l'étude & du travail.
C'eſt le chef- d'oeuvre de la prudence
& de l'adreffe de ceux qui les conduifent
, il faut pour cela ufer avec eux
d'une grande douceur , tâcher de gagner
leur affection , étudier leurs inclinations
naturelles , pour les prendre par ce qui
eft le plus capable de les toucher , leur
faire fentir les bons endroits des Auteurs ,
les exciter par l'émulation , leur donner
des livres pour prix & pour récompenſe,
leur en laiffer defirer plus qu'ils n'en
ont
460 MERCURE DE FRANCE,
ont , & leur en donner de temps en temps
de ceux qu'ils fouhaitent le plus pour
entretenir leur curiofité , fans la raffafier,
les porter à prendre un temps dans la
journée où ils feront des lectures à choix,
c'est - à-dire , où ils liront en leur particulier
, tels livres qu'ils voudront , obfervant
néanmoins qu'ils n'en lifent que
de bons , & les conduifant enforte qu'il
paroiffe qu'on ne faffe que les leur propofer,
& qu'ils ayent la liberté & le
plaifir de choifir ; ils pourront de cette
maniere repaffer les Auteurs qu'on aura
lus avec eux ; mais s'ils aiment mieux
en lire d'autres , il faut les laiffer faire .
Ces fortes de lectures feront un profit
merveilleux pour la fin qu'on cherche
en cet endroit ; il eft bon même dans les
études reglées de déferer à leur goût
& de s'écarter quelquefois des plans
qu'on aura faits pour s'appliquer aux
Auteurs & aux exercices qui leur plaifent
le plus. Il y a des Sciences & des
Arts qui contribueront auffi extrémement
à les rendre curieux , & à leur faire aimer
le cabinet & le travail ; & par cette
raifon il est très - utile de leur faire apprendre
à deffiner ; on y peut joindre
les Eftampes , les Médailles , les Livres
d'Antiquité Romaine avec les figures ,
des fecrets de Phyſique , des inventions
de
MARS . 1727. 460
de Mathématiques , la pratique de cer-.
taines parties de cette fcience , & la
Théorie même , lorfque leur efprit fera
affez formé & affez fort pour s'y appli
quer ; mais l'ufage de ces chofes demande
beaucoup de prudence pour n'aller
que jufqu'où il faut , par rapport au caractere
d'efprit à qui on a affaire ; car il
y en a qu'il feroit dangereux de faire
entrer trop avant dans ces fortes d'études
, qui pourroient les rendre moins
propres à la vie civile & à l'ufage du
monde , qu'il ne convient à des perfonnes
qui y font deſtinées.
Le troifiéme , eft qu'il faut fe deffendre
d'une chofe qui flatte ordinairement .
L'amour des Peres & la gloire des Précepteurs
, c'eft de vouloir trop avancer
les enfans , & faire que ce cours d'étude
qu'on a accoûtumé de leur faire faire
foit achevé de bonne heure ; on croit
avoir gagné beaucoup de temps quand on
peut les mettre bien- tôt dans le monde
& les faire entrer fort jeunes dans les
Charges . Mais il n'y a rien de fi pernicieux,
& c'eft les perdre que de tenir cette
conduite ; il y a une certaine maturité
d'efprit & de jugement, où on ne parvient
qu'à un certain âge , & qui eft abfolument
neceffaire pour les études , pour
le nonde
& pour les Charges ; étudier les four-
C ces
462 MERCURE DE FRANCE.
ces & les regles de l'Eloquence , difcerner
la faufle d'avec la veritable , connoître
ce qui eft capable de toucher , d'émouvoir,
de plaire, de perfuader , fentir la
difference des ftiles , en faire la comparaifon
, en juger , fçavoir en quoi confifte
l'art de dire la verité dans les Hiftoriens
& Fagrément des fictions dans les Poëtes,
apprendre à faire des définitions juftes
& des divifions exactes , à fe former des
idées nettes , à les confiderer en ellesmêmes
& avec abftraction de la matiere ,
à connoître & à démêler le vrai d'avec
le faux dans les raifonnemens , à arranger
fes penfées avec l'ordre neceffaire
pour penetrer, concevoir & faire entendre
les veritez : toutes ces chofes &
une infinité d'autres qu'on doit tâcher
d'acquerir dans l'étude de la Rhétorique ,
de la Philofophie , de la Géometrie , &c.
demandent non pas pour atteindre à la
perfection , mais pour les poffeder en
un certain degré fuffifant à rendre l'efprit
jufte , droit & capable de travailler
par lui-même utilement , & de faire du
progrès ; ces chofes demandent , dis je ,
une raifon formée & un jugement ferme
& folide , & veulent qu'on y donne le
temps & l'application neceffaire , fans
quoi il eft impoffible de les comprendre ,
de les manier , de fe les approprier , &
d'en
MARS. 1727. 463
d'en tirer l'ufage dont on a befoin : aufli
voit-on très - peu de gens à qui ces for
tes d'études , quelques excellentes qu'elles
foient par elles - mêmes , ayent été
utiles , parce qu'on les leur a fait faire
prématurément ou imparfaitement.
Il eft encore plus dangereux d'entrer
trop tôt dans le monde , par les écueils
inévitables , où une raifon encore foible,
& des moeurs qui ne font point, affermies
par beaucoup de préceptes de reflexions,
d'exemples & de bonnes habitudes déja
contractées ne manquent gueres de faire
naufrage. C'eft de cette fource que
naiffent l'ignorance , la vanité , la préfomption
, l'inutilité , la moleffe , l'attachement
aux bagatelles , le défaut de
folidité d'efprit , l'inapplication à fes devoirs
, & une infinité de déreglemens ,
qui ne font que trop communs en toutes
fortes d'états , mais qui font bien moins
excufables dans la Magiftrature.
C Plus on fera durer les études , & plus
le jugement ſe meurira par l'âge & par
les études même , fi elles font bien fai
tes ; enforte qu'on portera dans le monde
une conduite déja reglée & à l'épreuve
dune infinité de travers & de fauffes
idées qui gâtent tant de jeunes gens .
Enfin la confcience , eft terriblement
engagée à mettre le bien , l'honneur &
Cij la
464 MERCURE
DE FRANCE.
la vie des peuples entre les mains de
perfonnes qui n'ont ni la raiſon formée
, ni la connoiffance ,'ni l'experience ,
ni l'application, & qui fe croyent au-deffus
de toutes ces qualitez , qu'ils ne veulent
& ne peuvent prefque pas fe donner la
peine d'acquerir ; car outre la diffipation
qui les en empêche , les principes leur
manquent. Ces principes ne fe peuvent
prendre que dans des études bien réglées
& dans un âge qui en foit capable ; &
lorfqu'on ne les a pas pris dans la jeuneffe
, on ne les acquiert preſque jamais,
les occupations & les engagemens de la
vie qui augmentent avec les années „ n'en
laiffent pas le temps , & l'on demeure
ainfi condamné à une ignorance perpetuelle
, dont on n'eft bien convaincu que
quand elle est tout -à fait irréparable .
On ne fçauroit donc faire un plus grand
tort aux enfans que de prévenir & d'anticiper
en eux la maturité de l'âge &
du jugement , foit en les appliquant trop
tôt à de certaines études , dont leur ef
prit n'eft
pas encore capable , foit en les
leur faifant faire fuperficiellement
&
avec trop de rapidité ; comme , au contraire
, on ne fçauroit rien faire de plus
utile pour eux que de ne pas plaindre
de fuivre en eux pas à pas temps ,
Nature & le progrès de leur raiſon , &
da
le
la
MARS. 1727.- 465
de les
accoûtumer peu à peu à étudier
folidement & à fond , à ne fe pas payer
de mots ni de premieres apparences ,
approfondir
les chofes , à faire ufage de
leur raifon , à s'inftruire par l'application
, par la méditation , par la compofition
& les autres exercices , fans fe fervir
du fecours des Maîtres & gens habiles
, que pour apprendre l'ordre & la
méthode de leur travail & pour le leur
communiquer
& le rectifier par leurs
avis , après qu'ils auront fait ce qui eft
en eux tout cela neanmoins a beſoin de
difcretion pour n'aller pas au- delà de leur
portée , ni jufqu'à les dégoûter. Il faut
tâcher de les foûtenir en faifant fucceder
diverfes occupations les unes aux autres,
leur faiſant éviter les compagnies qui
pourroient
leur gâter l'efprit , & ufant
adroitement de tous les autres moyens
que la prudence & l'attention infpireront
; mais il eft certain qu'en tenant cette
conduite , fi le genie des enfans & la
force de leur efprit y répond , quoiqu'il
femble qu'on les recule en apparence , on
les avancera en effet , ils gagneront bientôt
avec avantage le temps qu'il femble
qu'on leur aura fait perdre, & que s'ils entrentun
peu plus tard que d'autres dans la
carriere , ils les devanceront de beaucoup
dans la courfe par la diftinction qu'ils
Ciij RE
y acquerront.
466 MERCURE DE FRANCE.
4
REMERCIEMENT
Préfenté à la Reine par un Enfant de
Vo
cinq ans.
Oilà ce que vous offre une Mufe
hardie ,
Vous feule de fes voeux, PRINCESSE,
êtes l'objet :
Il eft trop vrai qu'au gré de ſon envie,
Elle n'a pas accompli fon projet ;
Mais doit - on l'en blâmer ? Le Dieu de
l'Harmonie
Eût-il à ce devoir dignement fatisfait ?
Dans telle occafion , quelque foit fon genie
Un Poëte elt toûjours au deffous du Sujet.
Si pourtant quelque efprit ennemi du Permeffe
,
D'un enfant d'Apollon blâmoit la hardieffe ,
Qui fouvent à vos yeux , dans fes foibles
effais ,
Ofe faire éclater fes tranfports indifcrets ,
Il n'en doit accufer que votre bienveillance ,
Propice à mes travaux , fi vous n'avez jamais
Nulles
MAR S. 1727. 469
Nulles bornes dans vos bienfaits ,
Dois -je en avoir dans ma reconnoiffance?
Jean Celier , de Paris , âgé de cinq ans .
En Janvier 1727 .
LA POESIE
A LA PEINTURE ,
Aufujet d'un Tableau de M.de Largiliere.
Ay crû, ma chere Soeur , qu'il feroit
honteux & pour vous & pour mois
de laiffer à la feule Profe la gloire de
celebrer un des plus beaux Ouvrages qui
de nos jours foit forti de vos Atteliers ;
j'ay donc affemblé tous les meilleurs Poëtes
de ce temps ; & après leur avoir re
proché leur pareffe & leur peu d'émulation
, je leur ai propofé le Chrift mou
rant de M. de Largiliere , comme un
fujet digne & capable de les réveiller
de leur affoupiffement : mais ma propo
fition n'a pas été reçûë felon mes defirs ;
les vieux fe font excufez fur leur âge
qui ne leur promettoit plus la vivacité
que demanderoit cette Copie , & les jeu
nes fur leur peu d'experience & fur la
C iiij teme468
MERCURE DE FRANCE
témerité qu'il y auroit pour eux à vouloir
s'élever fi haut ; tous , en un mot ,
ont conclu qu'il valoit mieux garder le
filence , que de vous fournir dans une
Piece fort au - deffous de l'Original , un
titre capable de décider le grand procès
que nous avons , à qui doit l'emporter
de la Peinture , ou de la Poëfie. Frappée
de ces fortes de raifons , j'étois prête
d'abandonner mon deffein & de rompre
l'Ailemblée , lorfqu'un Inconnu , qui ne
s'étoit point mêlé avec la troupe des
Poëtes , & qui comme par une fimple
curiofité , s'étoit toûjours tenu prefqu'à
la porte , m'a demandé la permiffion de
parler : Je fçai , m'a - t-il dit , Divine
Poëfie , le moyen de vous fatisfaire fans
compromettre votre honneur ; permettez-
moi d'entreprendre ce que tous ces
Mrs vous refufent ; les mêmes raiſons
qu'ils alleguent pour s'en deffendre , me
font prefque de fûrs garands que je réüſfirai
la nouveauté , la grandeur , l'élevation
, l'ordre , l'expreffion , le feu , &
toutes les autres beautez qui regnent
dans ce Tableau , m'ouvrent un chemin
facile ; & pour faire du beau , je n'ai qu'à
rendre fidellement ce qui m'eft fi bien
repreſenté ; il ne faut ici que des expreffions
, & notre Langue eft affez riche
pour pouvoir me fournir tout ce qui me
fera
MARS. 1727. 469
Tera néceffaire ; après tout , fi , faute de
force , je demeure en chemin que je & ne
puiffe m'élever au fublime de mon Original
, quelle gloire votre foeur la Peinture
urra
-t'elle
juftement
tirer
, de
voir
un
homme
tel tel
que
moi
, qui
n'a
pas
feulement
le
nom
de
Poëte
, furpaffé
par
l'un
de
fes
plus
fameux
Peintres
? A
ce
difcours
toute
l'Aflemblée
fe
mit
à rire
&
à fe
plaindre
qu'un
profane
eût
ofé
s'introduire
ainfi
parmi
eux
: je
vis
même
le
moment
, car
la
Gent
Poëtique
eft
colere
,
qu'une
grêle
de
coups
alloit
contraindre
ce
témeraire
à fe
retirer
promptements
mais
le
prenant
fous
ma
protection
, je
fis
ceffer
tous
les
murmures
, &
je
lui
permis
de
travailler
fous
mes
aufpices
.
Je
vous
envoye
donc
, ma
chere
Soeur
,
ce
qu'il
a fait
, recevez
- le
avec
bonté
& confiderez
moins
l'Ouvrage
, que
les
fentimens
qui
l'ont
produit
. Vous
me
ferez
plaifir
de
faire
paffer
à M.
de
Largiliere
cette
Piece
. Adieu
, Chere
Soeur
,
malgré
tous
nos
débats
, vous
n'en
êtes
pas
moins
aimée
de
votre
Soeur
.
C
470 MERCURE DE FRANCE
XXXXXXXXXX : XX
A MONSIEUR
DE LARGILIERE ,
Recteur de l'Académie Royalle de Peinturé
& de Sculpture.
Copie de fon Chrift mourant.
PEintre fameux , moderne Apelle ,
Largiliere , dont le Pinceau ,
Prefente une route nouvelle,
A ceux qui cherchent le vrai Beau :
Malgré le récit magnifique ,
Que l'eftime & la voix publique ,
M'ont fait cent fois de ton Tableau ,
En voyant ce rare morceau ,
Par une ſurpriſe inconnue ,
Je demeure fans mouvement ;
Et fi ma langue retenuë ,
N'exprime que confufément ,
Ce que m'infpire cette vûë ,
Pardonne à mes fens interdits ,
L'obftacle que toy-même as mis ,
A la loüange qui t'eſt dûë.
ᏚᎥ
MARS. 1727. 4.7
Si con Ouvrage moins charmant ,
M'offroit des graces ordinaires ,
Par mille Eloges plagiaires ,
Je te louërois facilement ;
Mais pour tes beautez toutes neuves ,
Ces vieux & communs complimens
De l'heureux trouble que je fens ,
Ne feroient que de foibles preuves.
Quel grand fujet ! Quel noble choix
C'eſt le Maître abfolu du Monde ,
Par une charité profonde ,
Expirant pour nous fur la Croix :
Myſtere à jamais adorable ,
Myſtere également aimable ,
Où l'homme ingrat & criminel ,
Retrouve un bonheur éternel.
Non, non , ton fertile génie
N'en mérite pas feul l'honneur
Et de cette digne faillie ,
La fource eft plutôt dans ton coeur ;
Tu connois par experience ,
Les plus doux fruits de ce bienfait ,
C vj
Ton
472 MERCURE DE FRANCE.
Ton amour , ta reconnoiffance ,
Ont fçû t'inſpirer ce projets
Et la fuprême Intelligence ,
Approuvant ce pieux deffein ,
Pour compoſer ton Ordonnance ,
Elle- même a conduit ta main.
A ce Pinceau fage & terrible ,
Je reconnois l'Eſprit divin ,
Par lui ta foi vive & fenfible ,
A mis ce beau feu dans ton fein ,
Qui te raviffant au Calvaire ,
T'a par fa celefte lumjere ,
Fait voir encor , comme préfent ,
Tout cet augufte évenement ;
Par la force de ta Peinture ,
Moi-même j'y fuis tranfporté ,
Labe auté de chaque figure ,
M'en fait une réalité.
2
Malgré l'opprobre & la mifere ,
De cet hommé mortifié ,
Dans fon humble & grand caractere ,
Je vois un Dieu crucifié ;
La
MAR S. 1727 : 473
La Majefté de fon viſage ,
Sa douceur , fa tranquillité ,
Sa douleur même & fon courage
Tout marque la Divinité.
De fa lumineufe prefence ,
Jufqu'au fond du coeur éclairé ,
D'une fincere pénitence ,
Ce Larron paroît pénetré ,
Et dans fes yeux pleins d'efperance ,
Je lis fa ferme confiance ,
Aux promeffes de ce Mortel ,
Qu'il croit le Fils de l'Eternel..
Dans l'autre quelle difference !
Le defefpoir & la fureur ,
Ont peint fur fon front fon malheur
Et fa funefte impenitence.
Au pied de la Croix du Sauveur ,
Que je plains S. Jean & Marie
La fageffe & la modeſtie ,
Caracterifent leur douleur
Et leur refpectable filence ,
D
Mieux
474 MERCURE DE FRANCE.
Mieux que des pleurs & que des cris ,
Fait concevoir à nos efprits ,
L'excès de leur jufte fouffrance.
Que vois-je ? D'un objet nouveau ,
Je fens le pouvoir & le charme ;
A fon gré ton fçavant Pinceau ,
Me furprend , me touche , m'allarme.
Quelle inexprimable couleur !
Que ce Ciel paroît redoutable !
Je tremble ; un orage effroyable ,
Va de la mort du Créateur
Rendre à l'Univers témoignage :
Caché fous un épais nuage ,
Le Soleil pâle , à peine luit ,
Déja fa mourante lumiere ,
Laifferoit la Nature entiere ,
Dans une affreufe & fombre nuit ;
Mais un éclair épouventable ,
Rempliffant la terre & les Cieux ,
Vient encor offrir à mes yeux ,
Un fpectacle plus formidable :
A fa furprenante lueur ?
D'un
MAR S. 1727 : 475
D'un côté les morts reffufcitent :
De l'autre , faifis de frayeur ,
Hommes , Chevaux fe précipitents
Quel fracas ! quelle verité !
Ah ! j'entends gronder le tonnerre
Fuyons ; la celefte colere
Va vanger la Divinité.
Mais au milieu de ce defordre ,
Malgré tant de confufion ,
Ta fage compofition ,
Sçait conferver le plus bel ordre ,
Et ta fidelle expreffion ,
Ates differens perfonnages ,
Selon les fexes & les âges ,
Donne differente action ;
Tout y garde fon caractere .
Tout y montre un Peintre excellent ;
Faut- il qu'un fi parfait talent ,
Se borne au feul art de portraire !
Permets à de juftes ' tranſports ,
Un reproche qu'on peut te faire ;
Tu voles trop bas , Largiliere ,
: )
.1
Capable
476 MERCURE DE FRANCE:
Capable de plus grands efforts ,
Laiffe à des hommes ordinaires ,
Le foin de ces travaux vulgaires.
Jaloux de l'immortalité ,
Que te promettent nos fuffrages
Tranfmets à la pofterité,
"
Dans de plus précieux Ouvrages
Les grands fentimens de ton coeur ;
Et confacre ton beau genie,
A relever un jour l'honneur
De ton fiecle & de ta Patrie .
Nous fommes perfuadez que le Lecteur
jugera qu'on ne peut faire une plus
juſte copie d'un excellent Original , &
que c'eft précisément ici le cas où l'on
ne fçauroit mieux appliquer ces mots
d'Horace , ut Pictura Poefis erit.
Outre ce magnifique Tableau du
Confummatum eft , dont on vient d'entendre
chanter les merveilles & les juftes
Eloges , le celebre Peintre a auffi
executé trois autres Tableaux de la même
beauté , dont la compofition , la lumiere
, la couleur & les expreffions ,
ne laiffent rien à defirer . 1 ° . l'Entrée
de Notre Seigneur dans Jerufalem. 29. Le
Portement
MARS . 1727. 477
Portement de Croix . 3 ° . L'Elevation de
la Croix où le Chrift eft attaché . Ces
Tableaux ont cinq pieds & demi de large
fur quatre de hauteur.
Nicolas de Largilliere , quoique Parifien
, eft Eleve du Goubeau , excellent
Peintre Flamand , qui peignoit dans le
goût de Jean Miel , excellent Colorifte.
XXX:XXXXXXXXX :X***
NOUVEAUX ECLAIRCISSEMENS
fur l'Epitaphe de Poiffy . Lettre écrite
de Paris aux Auteurs du Mercure de
France.
L'e
'Auteur de la Lettre , Meffieurs , inferée
dans votre Journal du mois de
Novembre 1725. page 258 2. paroiffant
fouhaiter avec empreffement qu'on lui
donne une conftruction litterale de l'Epitaphe
( a ) qui fe trouve dans l'Eglife
Collegiale de Poiffy , & demandant que
les Auteurs des deux Réponfes fuccinctes
( inferées dans le Mercure du mois
d'Août 1725. pag. 1748. & fuiv. ) faf
fent regulierement les parties du thême
pour ce qui regarde les deux premiers
Vers , il faut tâcher de le fatisfaire.
( a ) Cette Epitaphe eft dans le Mercure dé
Juin, p. 1194.
Je
478" MERCURE DE FRANCE.
Je conviens d'abord que ces deux Vers
he font
pas fort intelligibles ; mais pour
peu que l'on ait vû des Epitaphes des XI .
XII. & XIII. fiecles , on y reconnoît
fur tout dans celles qui font en Vers ,
que ceux qui les compofoient , y affec
toient fouvent un ftyle de rebus , ou énig
matique , comme pour donner à deviner
à la Pofterité , &
Par leurs expreffions barbares & obfcures
Aux Saumaifes futurs préparer des tortures.
la cadence des Vers leur faifoit ſouvent
fupprimer quelques mots , qui auroient
fait tout le dénouement de leur Enigme .
J'en remarque deux dans les Vers dont il
eft queftion. Je les placerai ici en parenthefe
.
Il eft conftant que cette Epitaphe regarde
Philippe & Jean , fils du Roi Louis,
VIII. & de Blanche de Caftille , Blanca
nati & Ludovico. Les noms de ces deux
Princes ne font exprimez qu'en mots
couverts. Il eft certain qu'ils furent enterrez
dans un même tombeau. C'eſt ce
que veulent dire ces deux mots , Bufto
rum Comitum , des perfonnes enterrées en
un même lieu. Bustare , dans la baſſe latinité
, fignifie , felon du Cange , humo condere.
Le premier de ces deux freres, qua
triémé
MARS. 1927: 479
triéme fils de Louis VIII . mourut fort
jeune il portoit le nom de Philippe 11.
fon ayeul , furnommé Augufte. Cujufdam
nomen ( eft ) avitum. Son frere , qui le
fuivoit , s'appelloit Jean. Il naquit en
1219 , & fut Comte d'Anjou & du Maine.
On l'accorda au mois de Mars 1227.
à Ioland de Bretagne , fille de Pierré de
Dreux , Duc de Bretagne ; mais il mou
rut avant l'accompliffement du mariage,
& fut enterré dans le tombeau de fon
frere. L'Auteur de l'Epitaphe n'a donné
le nom de ce Prince qu'en énigme , gratia
dat ( nomen ) reliquo . Ce mot , reli
quo , exprime celui que fon frere Philippe
avoit laiffé après lui , & je croi
entrevoir le nom de Jean dans celui de
gratia.
Que l'on confulte les Dictionaires de
la Bible , foit de M. Simon , foit du P.
Calmet , ou le Dictionnaire Univerfel
imprimé à Trevoux, on y trouvera que le
mot Johannes , comme on écrivoit anciennement
, vient du mot HebreuJebobhannan,
ou Johakanan , comme écrit M. Simon
, ou Jochanan , comme le met Dom
Calmet. Il étoit compofé de Jehova ,
qui eft le nom propre de Dieu , & de
Hhanan , qui fignifie gracieux , agréable
, gratifié : ainfi , felon ces Auteurs , le
nom de Jehon banan , d'où eſt venu le
nom
480 MERCURE DE FRANCE :
nom de Jean , fignifioit agréable à Dieu ,
gratiofus Deo , gratifié de Dieu , gratifi
catus Dei , comme s'expriment les Dictionnaires
Latins de la Bible , & ſouvent
même la grace de Dieu , gratia Dei . Voilà
donc l'énigme de gratia dat ( nomen )
reliquo expliquée , à ce que je croi .
Je ne donne cependant cette explica
tion que comme une conjecture qui paroît
avoir de la vraisemblance . Peut - être
quelqu'autre aura - t - il plus d'habileté
que moi , pour découvrir le vrai ſens de
cette Epitaphe , qui a toûjours paflé pour
celle des Princes Philippe & Jean , freres
puînez de faint Louis.
Au furplus , Meffieurs , quelque confideration
que j'aye pour l'Auteur de la
Lettre d'Evreux , il aura de la peine à me
perfuader que le P. Daniel ait ignoré
cette Epitaphe , lui qui , fans doute , a
confulté l'Hiftoire de la Maifon de France
de M M. de Sainte - Marthe , où elle
eft rapportée en entier . Il n'en a point
fait mention , j'ai donc pû conclure de
fon filence , fans avancer de paradoxe ,
qu'il n'a pas crû y être obligé par fon
projet. Nous ne voyons pas que nos
grands Hiftoriens fe foient aftraints à
marquer exactement la fepulture des enfans
de nos Rois , fur tout quand ces
Princes font morts dans leur bas âge. Ils
ont
MARS. 1727. 48
ont abandonné ces petites difcuffions aux
Généalogiftes , comme étant entierement
de leur reffort. Je fuis , Meffieurs , &c.
COMPLIMENT
Prefente à Madame la Maréchale d'Eftrées
à Nantes , par M. des Forges
Maillard , A. A. P. D. B.
CHarme des coeurs , illuftre Maréchale
Sur qui tes Dieux juftes & bienfaiſans ,
Semblent avoir d'une main liberale ,
Verfé les flots de leurs riches preſens.
C'esttrop tardé ; j'ai tort , je le confeffe
Et j'aurois dû , vîte comme le vent,
Courir d'abord , voler , fendre la preffe ,
Pour vous venir faluer humblement.
Mais penfez -vous que ce foit par pareffe ,
Ou par oubli ? Non , non certainement ,
Il n'en eft rien : défaut de hardieffe ,
M'a retenu . Car du Dieu du Permeffe ,
Jeune Ecolier , encor fur Rudiment ,
J'aurois voulu vous faire un Compliment
En Vers nombreux & peignez gentiment,
Mais
482 MERCURE DE FRANCE.
Mais en tout point mon ame étoit perplexes
Embarraffé , Ciel ! difois- je , comment
De fon efprit au- deffus de fon fexe ,
Solide , vif , délicat , relevé ,
Faire un Portrait ? point ne dis achevé ,
Noble & brillant , conforme à l'Exemplaire ;
Il n'eft Rimeur ( fût-il tout plein du feu
Du Dieu des Vers ) qui pareil coup fçut faire ,
Ni feulement approcher tant foit peu.
Mais fuppofons qu'à finir cette affaire
Rimeur parvint , comment en verité ,
Tirer au vif, peindre d'après Nature,,
Grace naive , & douce Majesté ,
Honnête accueil , obligeante bonté »,
Attraits gentils , fi gentils , je l'affure ,
Et par aucun ce fait n'eft conteſté ,
Qu'on peut juger , & fans témerité,
Que de Venus poffedez la Ceinture .
Donc à l'aspect de tant d'heureux Talens ,
Mon Apollon qui du fien fe défie ,
Ne peut écrire, il a les doigts tremblans ,
Tel Opera ſurpaſſe fon génie..
Ce nonobftant , Maréchale , infinie ,
Tant en efprit , quien attraits excellents ,
Permeta
1
MARS. 1727 .
483
Permettez-moi de dire , je vous prie ,
Qu'en ce pays fujet à votre loi ,
Il n'eft mortel qui vous ſoit , ſur ma vie ,
Plus dévoué , ni plus foumis que moi,
REMARQUES fur quelques Pieces
curieufes des Mercures de l'année 1726,
adreffées aux Auteurs de ceJournal .
E reconnois , Meffieurs , que pour
la premiere fois que j'ai l'honneur
de vous écrire en cette nouvelle année
je vous dois quelques Etrennes cela eft
trop jufte mais j'ai crû que vous agree
riez que ces Etrennes confiftaffent fimplement
en des Remarques que j'ai fạites
fur quelques endroits de vos Journaux
de l'année derniere . La premiere
qui m'eft venue eft à l'occafion de ce
que j'ai dit dans une Lettre imprimée
au premier Volume , en parlant des Va
fes profanes dont les anciens Evêques
faifoient quelquefois hommage à Dieu,
J'y marque en faifant le détail de ceux
que notre Evêque S. Didier , parent de
la Reine Brunehaud , offrit à la Bafili
que de S. Germain , qu'il y en avoit un de
confequence , fur lequel l'Auteur de l'In,
ventaire
484 MERCURE DE FRANCE:
ventaire fait au IX . fiecle , dit qu'on
lifoit ce mot , Torjomodus. La premiere
penfée qui s'étoit prefentée à moi , eſt que
ce mot pouvoit defigner le nom de l'Or
févre qui avoit fabriqué ce Miſſorium ,
c'est -à-dire , cette Table d'argent. Mais
ce que d'anciens Hiftoriens de France rapportent
de Thorifmode , Roy des Goths
m'a fait changer de fentiment , ou plutôt
m'a fait douter de la validité de ma
premiere conjecture. Aimoin , qui n'eſt
fouvent qu'un Compilateur de ceux qui
l'avoient précedé , marque Lib . 4. c. 2 S.
que lorfque Sifenande eut pris le parti
de chaffer Suintila du Trône d'Efpagne ,
il vint trouver Dagobert , Roy de France,
le pria de l'aider de fes Troupes & lui
promit de lui donner en reconnoiffance
une Table d'or du Tréfor des Goths .
L'Hiftorien appelle cette Table Mifforium,
de même quell'Inventaire du Tréfor de
l'Evêque Didier. Sifenand qui étoit venu
à bout de fon entreprife , par le fecours
de Dagobert , fut femmé de tenir fa pa
role : il la tint en effet , & fit remettre
la Table d'or aux Ambaffadeurs ; mais
ils n'eurent pas le bonheur de l'apporter
au Roy. Leur chemin ayant été de paffer
par le Pays des Goths , ce riche meuble
leur fut enlevé. Sifenand , pour dédommager
le Roy de France de cette
perte
1.
MARS . 172 7. 4.85
perte , lui envoya une fom me de deux
cens mille fols , dont ce Prince fit prefent
à l'Eglife de S. Denis. Aimoin dit
que cette Table d'or étoit celle- là même
que Thorifmode , Roy des Goths avoit
reçûë d'Aëtius , Patrice des Romains.
C'étoit , fans doute , une piece de grande
confideration. Quoiqu'elle vint des liberalitez
d'Actius , qui vivoit environ deux
cens ans auparavant , il fe pouvoit faire
que cet Officier Romain la tenoit de
quelque Prince encore plus ancien , ou
qu'elle eût été tirée du Tréfor de l'Empire
Romain . J'avoue que celle de l'Inventaire
de notre Evêque n'en approchoit
pas pour le prix & la valeur. Je
ne vous cite , au refte , cet exemple , que
pour avoir occafion de vous témoigner
ma penfée fçavoir , qu'il y a grande ape
parence que la Table d'argent fur laquélle
étoit reprefentée l'Hiftoire d'Enée .
avec des Caracteres Grees , & où le nom
de Torfomodus étoit lifible , pouvoit avoir
appartenu à cet ancien Roy des Goths.
Du côté du nom , on ne doit point regarder
à la difference d'une lettre sou
deux, parce que les anciens Ecrivains qui
ont parlé de ce Roy , l'ont nommé , tantôt
Thorifmodus , comme S. Gregoire de
Tours , lib. 2. n. 7. tantôt Thurfemodus
comme Fredegaire à l'an 630. n . 73 .
D Dane
486 MERCURE DE FRANCE :
Dans d'autres fragmens du même Hiflosien
, puifez dans la Chronique d'Idace , if
eft appellé Thorefmodus , Thurefmodus
& Thurfimodus ; & enfin , comme vous
pouvez voir dans Aimoin , de l'Edition de
1567. Torfimodus , C'eft pourquoi, quand
même il feroit certain que notre Manuf
crit du XII. fiecle feroit exact , & conforme
à celui du IX. en mettant Torfamedus
, pour une fi legere difference je ne
voudrois pas nier que cette Table, où une
partie de l'Eneide de Virgile étoit reprefentée
, n'eût appartenu au Roy Thorif,
mode , & que d'Efpagne elle ne foit
paffée à la Reine Brunehaud , qui en avoit
gratifié notre Evêque , fon parent . Les
goûts des Evêques étoient alors bien differens
fur les prefens qu'ils faifoient aux
Eglifes qu'ils rebâtiffoient & qu'ils dotoient.
Didier de Cahors qui rebâtit fa
Cathedrale ( que quelque-uns croyent
être en partie le même édifice qui ſubfifte
aujourd'hui ) y fit une oblation d'un
grand nombre de Vafes d'argent mais
on neilifoit fur ces Vafes que de pisufes
Sentences , telles que celles - cy : Defiderii
vita Chriftus . Defideris , tu pius Chrif
te fufcipe munus. Accipe, Chrifte, munera
de tuis tibi bonis oblatu , fufcipe , fanita
Deus , quodfert Defiderius munus : ut ma
jora ferat, viribus adde fuis. Hac eft
fapientia
MAR S. 1727. 487
fapientia fapientium profundi fenfus. Si
piens verbis innotefcit paucis. Didier
d'Auxerre n'offrit en pareille circonftan
ce que des Vafes où l'on ne voyoit pref
que aucunes Infcriptions Chrétiennes , mais
prefque toûjours des Hiftoires du Paganil
me, des figures de fauffes Divinitez , des
reprefentations de Gladiateurs , de Centaures
, des combats d'animaux & fort
peu où il y eût des Croix , ou des hie
roglyphes du Chriftianifme. Cette diffe
rence a pû , à la verité , provenir de ce
que l'Evêque de Cahors fit faire de fon
temps lesVafes qu'il avoit deffein d'offrir,
au lieu que ceux de notre Evêque lui
étoient échûs par des donations de fes
Ancêtres qui étoient de Sang Royal , &
qui pouvoient les avoir eu de quelques
Princes Payens . Mais de quelque maniere
qu'ils lui fuffent échus , un fecond S. Si
doine, Apollinaire de ce temps là , auroit,
fans doute , donné la préference aux Vafes
de S. Didier de Cahors , ( a) en difant
(a) Ceux qui feroient curieux de verifier ce
que j'ai dit de S. Didier de Cahors , que d'au
tres appellent Gery , & de voir s'il y a appa
ence que l'Eglife de Cahors , aujourd'hui fub
fiftante , foit fon Ouvrage , c'eft à dire , que
ce foit un Bâtiment de plus de 1oro. ans d'antiquité
, peuvent confulter fa Vie écrite par un
Contemporain, au I. Tome de la Bibliotheque
du P. Labbe, & fe précautionnant contre les
Dij comme
488 MERCURE DE FRANCE.
...
comme il fe trouvé dans une des Lettres
de ce fçavant Evêque de Clermont : Non
hic per nudam pictorum corporum pulcrindinem
turpis proftat Hiftoria , qua ficut
ornat artem devenuftat artificem. Abfunt
ridiculi vultu & veftibus hiftriones .
Abfunt lubrici tortuofique pugillatu
nexibus palastrite. ( a ) Ces circonstances
m'ont prefque porté à croire que notre
Evêque feroit cet Evêque des Gaules
du nom de Didier , à qui S. Gregoire
le Grand écrivit cette fameufe Lettre inférée
dans le Droit Canon , ( b ) par laquelle
il le blâme de ce qu'il le mêloit
d'expliquer les Auteurs profanes & la
Grammaire , ce qui l'obligeoit d'annoncer
de la même bouche les louanges de
Jefus- Chrift & celles de Jupiter. Mais
une Epoque qui eft dans la même Lettre
fait tomber communément fur S. Didier ,
Archevêque de Vienne, ces reproches qui
ne regardent pas tant la lecture des Auteurs
Payens , que la maniere de les ex-
Fautes d'impreffion qui y font , comme verficulis
pour vafculis , metras pour metretas ,
& autres femblables . L'exactitude infinie des
fçavans Continuateurs de Bollandus , fait efperer
qu'ils nous donneront un jour toutes ces
corrections du P. Labbe felon la veritable legon
des Manufcrits.
( a ) Sidon. Apoll. lib . 2. Epift . 2 .
2016by Dist. 881 cap. Cum multa .
pliquer
MARS. 1727. 489
pliquer , puifque ce Saint Pape releve
ailleurs (a ) la fcience de la Grammaire,
& des autres Arts liberaux , comme étant
très utile pour l'intelligence des Livres
facrez. (b )Au refte , je ne prétends point ,
abandonner entierement ma premiere
conjecture fur le mot de Torfomodus , ni
dire qu'il foit impoffible qu'un Orfévre
ait porté le même nom que le Roi des
Goths . Les Orfévres gravoient fouvent
leur nom fur leurs Ouvrages . On vit ici
au X. fiecle des Colliers & Joyaux d'or
que la Reine Emme , Epoufe du Roy
Raoul , attacha au Tombeau de S. Germain
, fur lefquels on lifoit encore le
nom d'Eloy qui les avoit autrefois fabri
(a) In 1. Reg. lib. 5. num. 3.
(b ) Si j'étois d'humeur à m'attacher feulement
à tous les faits qu'écrivoient les Hiftoriens
du IX, fiecle , en parlant des fiecles qui
les avoient précedez , je perfifterois à faire
tomber fur notre S. Didier la Lettre de faint
Gregoire , fans préjudicier à fa fainteté , puifque
les Ecrivains de fes actions croyoient dèslors
que la Lettre fur le Pallium , demandé
à ce faint Pape par un Evêque de France appellé
Didier , regardoit l'Evêque d'Auxerre, &
qu'ils en étoient fi perfuadez, qu'ils l'infererent
en entier dans fa Vie , ainfi qu'on le peut voir
dans le P. Labbe, T.I. Bibl.p.423 . mettant hardiment
, Defiderio Epifcopo Autiffiodorenfi , tandis
que les Manufcrits des Epitres de S. Gregoire
mettent fimplement Defiderio Epiſcop
Galliarum.
Diij quez
490 MERCURE DE FRANCE.
quez , & qui n'étoit autre que celui qui
devint dans la fuite Evêque de Noyon ,
& un des plus grands Saints de la France.
Je m'étois propofé de vous parler à
cette occafion de la celebre Table d'or
de l'Eglife de Sens , dont le fond reprefente
, a la verité , quelques endroits de
PHiftoire Sainte , mais dont les accompignemens
confiftent fouvent en figures
profanes prefque imperceptibles , gra.
vées fur des Pierres précieuſes . Quelque
Antiquaire de la Ville de Sens ne
manquera pas , avant que cette Table foit
changée de nature , de rendre compte au
Public de fon antiquité & de toutes les
Infcriptions qui s'y lifent , auffi -bien
du jugement qu'en a porté le plus grand
connoiffeur du Royaume , c'eft-à -dire ,
le P. Mabillon. M. le Doyen de Sens ,
qui a compofé une Hiftoire exacte & détaillée
de l'Eglife Métropolitaine , n'y
a pas oublié la Defcription de cette piece
curieufe.
que
Une feconde remarque qu'on a faite
ici , regarde ce que vous avez publié
touchant une ancienne ceremonie d'Evreux.
On trouve que la coutume de
couper des arbres vers la fin du mois
d'Avril ou au commencement de Mai ne
doit pas paffer pour finguliere à cette
Ville. On a vû en ce pays - ci . de même
qu'à
MARS. 1727.
491
qu'à Evreux de ces fortes de Forêts ambulantes
, fur tout à des Proceffions fo
lemnelles . Je n'entends point parler ici
de celle des Rameaux , mais de certaines
autres , qui , felon la loüable coutume de
plufieurs Pays de vignobles, fe font tous les
matins des jours non-chommez , qui font
entre Pâques & l'Afcenfion , où l'on a
vû , & l'on voit encore fouvent la jeuneffe
préceder le retour de la Proceffion ,
àà--peu près comme le marque la relation
d'Evreux. Tout le monde. fçait que
porter en cette occafion des branches
d'arbres , cela s'appelle porter un Mai.
C'eft auffi une chofe très commune , de
planter le Mai le jour de faint Philippe
& faint Jacques. Couper & planter des
arbres le premier jour du mois de Mai ,
étoit une coutume fi univerfelle dans le
Milanès,du temps deS . Charles Borromée,
que le cinquiéme Concile de Milan , part.
1. num. 3. fit un Reglement à ce fujet. La
chofe fe pratiquoit avec grande ceremonie
, fuivant qu'on l'apprend par le Statut
du faint Evêque. L'artillerie étoit de
la partie , & il y avoit de fomptueux repas
attachez à la ceremonie. Saint Charles
' fit tous les efforts pour abolir
cette coutume qu'il difoit être un refte
des fuperftitions du Paganifme , tanquam
Gentilitia fuperftitionis fpeciem quandam
D iiij
>
ex492
MERCURE DE FRANCE.
exhibet : & il ordonna quà la place on
arborât des Croix , & qu'à toutes les
grandes Fêtes , fans excepter celles de
I'hiver , on ornât de verdure les portes
des Eglifes , felon l'ancien ufage : quemadmo
lum veteris Inftituti eft ufuque Romeno
comprobati , & à Beato Hieronyme
laudati. On voit par- là que les Lauriers ,
le Buis , le Philarea , & autres arbriffeaux
qui confervent leur verdure pendant les
plus grands froids , n'auroient pas trop
bon - temps dans la Province de Milan , li
l'hiver y eut été tel qu'il eft dans ces
Pays -ci. Cet ufage , qui étoit ancien , &
peut -être autrefois univerfel , fubfifte
encore dans nos Cantons , au moins aux
Fêtes Patronales , & aux Dédicaces des
Eglifes , qui n'arrivent point en hiver ;
& j'ai des preuves qu'il n'y a pas cent
ans que notre Egliſe Cathedrale étoit
pa
rée de verdure à la grande Fête particuliere
ou patronale d'Eté. Je ne dis point
de verdures reprefentées fur la toile , ni
de verdures en tapifferies , mais des verdures
réelles , formées par des branches
d'ormes , de chênes , & de vernes : ce
qu'on appelloit de la Ramée. Vous n'i
gnorez pis , Meffieurs , la furprife qu'af
fecta autrefois un Gafcon qui entra dans
une Egliſe ainfi ornée de tous côtez le
jour qu'on y folemnifoit la fête de faint
Yves
MARS. 1727. 493
Yves , ni la naïveté qui lui échappa lorf
qu'il prit le parti d'en fortir promptement.
Ce n'eft qu'à caufe de certains inconveniens
, & parce que l'ufage des tapifferies
eft devenu commun , qu'on a
ceffé dans les Eglifes ces fortes de décorations
, & l'on fe contente maintenant
d'orner de branchages les frontifpices des
Eglifes , de même que faint Charles l'or
donnoit , ou bien le faîte des Tours & des
Clochers , ou tout au plus d'arborer le
Mai devant la porte de l'Eglife . Permettez
que je vous marque en finiflant cet
article , que le Dictionnaire de Furetiere
n'eft pas exact , lorfqu'il dit , en parlant
des Mays , qu'il n'y a que les petitesgens
à qui on en préfente . J'ai vû bien
des grandes Villes où l'on en offre aux
principaux du lieu en grande ceremonie ;
& pour peu qu'on voyage , on apperçoit
encore ces Mays à leur porte , où ils reftent
durant tout le cours de l'année. Cela
fe pratique auffi à l'égard des premiers
dans plufieurs petites Villes ; & fouvent
comme les bâtimens n'y.font pas fort exhauffez
, on reconnoît , fans entrer dans
ces Villes , que la ceremonie y eft en vigueur
, parce que l'ufage y eft de choifir
les Vernes les plus élevez qui foient
dans le Pays , & qu'il n'eft pas rare d'en
trouver qui furpaffent la hauteur ordi-
Dy naire
494 MERCURE DE FRANCE.
naire des maifons de Province .
...
Vous m'avez fait plaifir de me témoi
gner que l'Hiftoire de la Pelotte d'Auxerre
, publiée dans le Mercure de ..
avoit été trouvée fort divertiflante . J'ai
bien eu raifon de dire que cette ridicule
ceremonie n'avoit pas été particuliere
à notre Eglife , mais qu'il paroiffoit
feulement qu'Auxerre avoit été
la derniere Eglife qui l'eut confervée
avec opiniâtreté. On m'a écrit qu'autre
fois à Vienne en Dauphiné , le jet de la
Pelotte étoit ufité pendant les Fêtes de
Pâques mais ce n'étoit point à l'Eglife
que cela fe faifoit , c'étoit dans une Šalle
de l'Archevêché que tout le Clergé de
la Cathedrale s'affembloit le Lundi de
Pâques , pendant qu'on fonnoit les Vêpres.
La fonnerie n'étoit pas de peu de
durée à ces jours de folemnité & le
temps qui y étoit employé fixoit l'efpace
pendant lequel on prenoit la collation
dans la maifon de l'Archevêque après
quoi le Prelat s'amufoit à jetter la Pe
lotte. Un Manufcrit de cinq cens ans , à
Fufage de cette Eglife , renferme cette
Rubrique au Lundi de Pâques . Ad Vefperas
dum figna pulfantur , totus Conventus
conveniat in domo Archiepifcopi ; ibi debentur
menfe apponi , & Miniftri Archiepifcopi
debeni apponere pigmentum cum
aliis ,
MARS 1727. 495
aliis & pofteà vinum. Pofteà Archiepif
copus jacket Pelotam . Il paroît que ce jeu
de la Pelotte a fubfifté à Vienne au moins
durant trois fiecles , puifqu'on lit en
marge de ce Manufcrit , d'une écriture
de deux cens ans , ce qui fuit : Et eft
fciendum quod Mistralis debet providere
de Pelota , & debet eam jactare Doming
Archiepifcopo abfente. On croit que par
Miftralis , il faut entendre un Officier de
l'Evêque , ou peut - être fon Maîtred'Hôtel
, que Jean le Lievre appelle
Miftral dans fes Antiquitez de Vienne.
Au refte , ce mot paroît avoir été employé
par contraction pour Miniftralis
ou Minifterialis . L'Ordinaire de l'Eglife
de Nevers , de trois cens ans , ne parlé aucunement
de Pelotte ; mais il n'oublie
pas la digreffion que faifoit la Proceffion
des Chanoines , pour aller fe rafraîchir
au Chapitre au fortir des Fonts. Feria fecunda
Pafche ad Vefperas prout in die
Pafche. In reditu Proceffionis , ad Fontes
cantatur Profa , Dic nobis Maria. Et fi fint
Canonici ftagiarii , debent vinum bonun ,
& chenetellos in Capitulo omnibus de choro
, & tunc vadit ibi Proceffio . Ce mot
chenetellos , eft pour le moins d'auffi baffe
latinité que Mistralis. Il a autant de droit
que l'autre de faire figure dans le Gloffaire
qu'on attend depuis tant d'années.
D vj - J'en
496 MERCURE DE FRANCE .
J'entrevois qu'il s'agit là de quelques
friandifes , comme des oublies , ou des
gaufres qui avoient la forme de ces gou- >
tieres , qu'en plufieurs endroits on appelle
des Echenots , ou Echenez. Les Statuts
du Chapitre de Toul , qui font une
énumeration des Collations , que les Chanoines
prenoient encore en commun au
quinziéme fiecle , n'en marquent aucune
aux Fêtes de Pâques , mais en rapportant
celle qu'on prenoit à l'Evêché le jour de
l'Afcenfion , ils ajoûtent : Ibi olim bibebatur
infcyphis madrinis , & comedebantur
hoftia magnæ ,
chenetrelli & poma:
Vous avez dû remarquer la difference
qu'il y avoit entre ce qui fe pratiquoit à
Vienne , & ce qui fe faifoit chez nous :
differences de lieu & de jour , & outre
cela , qu'il n'y avoit aucunes danſes dans
cette premiere Eglife. C'eft ainfi qu'on
refpectoit le faint jour de Pâques , & les
Temples du Seigneur , en certains Pays
plus qu'en d'autres . On eft maintenant
affez uniforme en France fur le retranchement
de ces anciennes manieres Gothiques
. On n'y prend plus l'Exultemus
& latemur de l'Hec dies dans un fens fi
groffier , & il n'y a pas lieu de craindre
que jamais en ce Royaume, la mode s'introduife
que la Prédication ferve ce jourlà
de fpectacle , comme en Catalogne , où
celuiMARS.
1727 497
celui- là eft cenfé avoir prêché le mieux ,
qui a fait le plus rire fon Auditoire,
Quant au jeu de la paume , c'étoit de
toute la ceremonie ce qu'il y avoit de
moins indigne des Ecclefiaftiques , pourvû
que cet exercice fut fait dans un autre
jour que dans celui de Pâques , & non en
public. On remarque que le Chapitre
Clerici du Droit Canon ne le défend pas.
C'eft , dit - on , d'ailleurs un exercice
corporel qui peut fervir de récréation
innocente , lorfqu'il eft pris dans un
temps & un lieu convenables , & avec
moderation. Ce qui paroît reffembler de
nos jours à ces anciens jeux de paume , &
le jeu du ballon , auquel les Etudians fe
divertiffent dans les Colleges de Paris .
11 femble , en le voyant , qu'on apperçoive
ces balles ou boules enflées , dont
Martial , & d'autres Anciens font mention
; & par confequent , que ce foit le
même jeu auquel des Empereurs trèsgraves
, tels qu'Augufte & Antonin le
Philofophe , le délafloient j'ajoûterait
même , & des Magiftrats du premier
rang parmi les Chrétiens. Je trouve , en
effet , dans la même Lettre que je vous ai
déja citée de faint Sidoine , qu'étant fils,
des Préfets du Prétoire , & de rang à devenir
Patrice , ainfi qu'il le fut avant fon
élevation à l'Epifcopat , il fe retiroit fou
;
yent
498 MERCURE DE FRANCE .
vent à fa maiſon de campagne , qui lui
étoit échûë du côté de Papianille ſa femme
, fille d'Avit , depuis fait Empereur
& là il fe divertiffoit avec Ecdice ,
que
fon beau - frere , à jouer à la paume dans
une allée de tilleuls , jufqu'à ce que la
Pelotte fut ufée & hors d'état de fervir.
Ingentes tilie... unam umbram non una
radice conficiunt : in cujus opacitate cum
me meus Hecdicius illuftrat , pila vacamus
, fed hoc eo ufque donec arborum imago
contractior... illic aleatorium laffis confumpto
fphærifterio faciat.
Je vous réſerve pour un autre envoi
ce qui m'a été communiqué fur les Fêtages
d'Angers , en vous priant de vous
informer en particulier , ou par la voye
du Mercure , d'une efpece de Phenomene
, qui a quelque reffemblance avec cclui
du Port de Marfeille , dont tous les,
Journaux ont tant parlé. Je fuis , Meſheurs
, & c.
A Auxerre , ce 2. Janvier 1727.
Les deux Enigmes da mois dernier
doivent s'expliquer par les Vergettes &
Les Enfeignes de Paris.
PREMARS.
1727. 499
*************
!
PREMIERE ENIG ME.
N ne devroit point m'approcher ,
ON
Je fuis de diverſe nature ,
On veut me voir & me cacher.
Chez le fexe furtout je cours mainte avanture,´
Sans être un corps , je pefe , & cependant je
voi ,
Qu'à me poursuivre l'on s'attaches
Mais j'en fuis bien vengé ; l'importun qui
m'arrache ,
Prend fouvent mon ombre pour moy.
L'obſcurité m'eft neceffaire ,
Elle fait mon mérite & furtout en amour ;
Eh n'ay-je pas raiſon de chercher le myftere ?
Je meurs dès que je vois le jour.
DEUXIE ME ENIGME.
FIlle de l'avarice & de la pauvreté ,
Ce n'eft qu'aux Souverains que je dois ma
naiffance
Je compte cent fois plus d'adorateurs en
France ,
Que n'en pourroit avoir la plus rare Beauté
De
*500 MERCURE DE FRANCE.
De l'un & l'autre fexe également cherie ,
J'ay vu plus d'un Iris à me ſuivre appauvrie.
Mortels qui vous plaignez de mes charmes
trompeurs ,
Rendez- vous à vous- même un peu plus de
justice ,
L'interêt feul vers moi fait pancher tous les
coeurs :
Si votre bourſe eft vuide , en fuis- je donc complice
,
TROISIE' ME ENIG ME.
·MΜ
On fecours eft utile & quelquefois fatal ;
Ghez de certaines gens je fuis beaucoup
à craindre ;
Si je défends les Loix , je fers à les enfraindre ;
Et fi je fais du bien , je fais auffi du mal.
Je tiens en mon pouvoir le Sceptre de nos
Rois ;
L'on me voit même quelquefois ,
Porter le poids de leur Couronne ;
C'eft peu d'en conferver les droits ;
C'eſt moi même qui la leur donne.
21
Seule je ne puis tien , mais le pourriez - vous
croire ?
Avec
MARS. 50x 1729.
Avec moi l'on a tout tenté ,
Des plus grands Rois je couronne l'Hiftoire ,
Et les Heros fans moi ne l'auroient pas été.
Je fuis de tout métier , je fers en Ville , en
Cour,
C En paix , en guerre, & même dans l'amour,
Lecteur, j'en dis affez pour me faire connoîtres
Si fur moi cependant quelque doute peur
naître ,
Voici pour l'éclaircir . Apprends donc que fans
moi ,
Aut
L'Enigme que tu vois paroître ,
Ne parviendroit pas jufqu'à toi.
Mak
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BE AUX ARTS , & c.
ISSERTATIONS Théologiques & dog
Dmatiques, Ns. les Exorcifmes
& les autres ceremonies du Baptême .
2. Sur l'Euchariftie. 3 ° . Sur l'Uſure .
A Paris , rue S. Jacques , chez Etienne
Babuti & Labottiere , 1727. in 12 .
50. fols.
SEN
for MERCURE DE FRANCE.
SENTIMENS CHRETIENS , propres aux
perfonnes malades & infirmes , pour fe
fanct fier dans leurs maux , & fe préparer
à une bonne mort , exprimez par les
paroles de l'Ecriture & des Peres ; avec
l'abregé des dix fentimens & des prieres
de l'Eglife pour les Agonifans , feconde
édition , revûë & corrigée. A Paris , du
Puits - Certain , chez la Venue Dumefnil ,
1726.
RECUEIL DE PANEGYRIQUES & autres
Difcours de pieté . Dédié à S. A. S. Madame
Loüife- Adelaide d'Orleans , Abbeffe
de Chelles . Par Louis - Benigne
Bouru , Curé de Grury , en Bourgogne.
A Paris au Palais , chez Paulus - Dumefnil
, 1726 .
T
LA CONVERSION DE L'HOMME , avec
le fecours de Dieu. A Paris , rue faint
Jacques , chez Moreau , 1726. in 12. 50 ር.
LES NATIONS , Sonate , & fuites de
Symphonies en Trio : 4. Livres féparez
pour la commodité des Académies de
Mufique & des Concerts particuliers .
Sçavoir , premiere & feconde deffus de
Violon , Baffe- d'Archet & Baffe - Chiffrée .
Par M. Couperin , Organifte de la Cha
pelle du Roy ; Ordinaire de la Mufique
de
MARS. 1727.
503
de la Chambre de S. M. pour le Clavecin
. A Paris , chez l'Auteur , au coin de
la rue neuve des Bons - Enfans , & chez
Boivin , rue S. Honoré , 1726. in fol.
prix 10. liv, en blanc pour les 4. parties.
HISTOIRE des Chevaliers Hofpitaliers
'de S. Jean de Jerufalem , appellcz depuis
Chevaliers de Rhodes , & aujourd'hui ,
Chevaliers de Malthe ; avec les Portraits
des Grands- Maîtres de l'Ordre les Carzot,
tes & les plans neceffaires pour l'intelligence
de l'Hiftoire. Par M. l'Abbé deverde
l'Académie des Belles - Lettres . A
Paris , chezRollin , Quillau & Deffain
Quai des Auguftins , rue Galande & ruë
S. Jean de Beauvais , 1726. 4. vol . in 4 .
OFFICE PAROISSI AL , Latin , François ,
à l'ufage de Rome & de Paris , dédié à
la Reine : contenant les Matines des Fêtes
annuelles & folemnelles , les Landes,
Primes , Tierces , Meffes , Sextes , None,
Vêpres & Complies des Dimanches &
Fêtes de l'année , avec les Meffes dès
Feries de chaque ſemaine, A Paris , ruë
neuve N. D. chez Heriffant , 1726. Tept
volumes in 12 .
L'OFFICE DIVIN pour les Dimanches
& les Fêtes de l'année , à l'ufage des
Laïques
04 MERCURE DE FRANCE.
Laïques qui fréquentent leur Paroifle
A Paris , chez Quillan , fils , ruë Galande
& Deffain , rue S. Jean de Beauvais ,
1726.
MOTETS à une , à deux & à trois voix ,
avec la Baffe continue , compofez par
M. Laloйete , Maître de Mufique & Beneficier
de N. D. de Paris , Livre premier.
A Paris , chez l'Auteur , Cloître N. Dame
, & chez Boivin , ruë S. Honoré ,
1726. in fol. prix 7. liv. 10. fols.
L'ECOLIER CHRESTIEN , ou la Jeunefle
Sanctifiée dans fes Etudes par d'illuftres
& faints exemples , dédié à Mrs les Congréganiftes
des Colleges de la Compagnie
de Jefus. A Paris , rue S. Etienne
d'Egrès , chez Deluſſeux , 1727.
MEMOIRES pour fervir à l'Hiftoire
des Hommes Illuftres dans la République
des Lettres , avec un Catalogne raifonné de
leurs Ouvrages . A Paris, ruë S. Jacques ,
chez Briaffon , 1727 .
DICTIONNAIRE DES ARRESTS , OU
Jurifprudence Univerfelle des Parlemens
de France , & autres Tribunaux , contenant,
par ordre alphabetique , les Matieres
Beneficiales , Civiles & Criminelles
:
MARS. 1727: 505
fes les Maximes du Droit Romain , du
Droit Public , des Coûtumes , Ordonnances
, Edits & Déclarations. Par P. J.
Brillon , Ecuyer , ancien Avocat au Par-
1ement , Confeiller au Confeil Souverain
de Dombes. Nouvelle Edition , revûë corrigée
& augmentée. A Paris , au Palais
chez la veuve Cavelier , M. Brunet , N.
Goffelin & G. Cavelier , rue S. Jacques ,
1727.6 . vol . in fol .
TRAITE' de la vente des Immeubles par
Decret, avec un Recueil des Edits ,Déclarations
& des Reglemens des Cours Sou
veraines fur ce fujet . Par M. d'Hericourt,
Avocat au Parlement. A Paris , chez la
veuve Cavelier au Palais , & rue S. Jac.
ques , chez Cavelier fils , 1727. 2. vol .
in 4. prix 10. livres 10. fols .
PSEAUTIER diftribué felon la Semaine
, avec les Hymnes , les Verfets & les
Profes qui fe chantent à l'Eglife pendant
toute l'année, & à l'Ordinaire de la Meffe
Latin & François. A Paris , rue S. Vic
tor , chez Berton , 1726. in 24. & in 16.
en faveur des Ecoles.
CANTIQUES SPIRITUELS d'un Soli
taire , compofez fur divers Chants , &
Airs nouveaux , à l'ufage des Miffions
506 MERCURE DE FRANCE.
& Cathechifmes. 1726. Chez le même ;
in 1-2.
LES AMOURS de Theagene & de Chagiclée
, Hiftoire Ethiopique , traduite du
Grec d'Héliodore. A Paris , rue S. Jacques
, chez Briaffon , 1727. 2. vol . in 12.
LETTRE CRITIQUE de M. Valifnieri
Premier Profeffeur de Medecine en l'Univerfité
de Padoüe , à l'Auteur du Livre
de la Generation des Vers dans le Corps
de l'homme , traduit de l'Italien . A Pa
ris , Quai des Auguftins , chez Bienvenu ,
1727. prix 15. fals.
LA FEMME JALOUSE , par M. Folly :
réprefentée pour la premiere fois fur le
Théatre de l'Hôtel de Bourgogne , par
les Comédiens Italiens , le 11. Décembre
1726. A Paris , chez Piffat , Quai de
Conty , & la veuve Guillaume , Quai des
Auguſtins , 1727. in 8. de 89. pages ,
fans l'Avertillement..
L'Extrait circonftancié que nous avons
donné de cette Piece dans le temps des
premieres réprefentations , nous difpenfe
d'entrer ici dans aucun détail. La lecture
en fait beaucoup de plaifir .
L NOUVEAU VOYAGE AUTOUR DU MONDE
par
MARS. 1727 .
507
par M.le Gentil enrichi de plufieurs Flans,
Vues & Perspectives des principales Villes
& Ports du Perou , Chily , Brefil & de
la Chine ; avec une Defcription de l'Empire
de la Chine , beaucoup plus ample
& plus circonstanciée que celles qui ont
paru jufqu'à prefent , où il eft traité des
Moeurs , Religion , Politique , Education
& Commerce des Peuples de cet Empire.
A Paris , Quay des Auguftins , chez Fla
bault , 1727. 3. vol. in 12 .
HISTOIRE DE L'EGLISE , depuis l'an
du Monde I. jufqu'en 1715. par l'Abbé
de Choify , de l'Académie Françoife ,
nouvelle édition. A Paris , chezC.David,
rue S. Jacques , 1727. in 12 .
LA VIB de S. Jean de la Croix , premier
Carme Déchauffé , & Coadjuteur
de Sainte Therefe , avec une Hiftoire
abregée de ce qui s'eft paffé de plus conf
derable dans la Réforme du Carmel. Par
le R. P. Dofitée de S. Alexis , Carme
Déchauffé. Chez le même Libraire , 1727,
-al volumes in 24 € . Saumel
ABRECE' de la Vie , Vertus & Miracles
de S. Jean de la Croix , premier
Carme Déchauflé , Coadjuteur de fainte
Therefe dans la Réforme de l'Ordre de
34 Notre
308 MERCURE DE FRANCE.
Notre-Dame du Mont Carmel , canonifé
à Rome le 27. Décembre 1726 .
traduit de l'Italien , par le R. P. Amable
de S. Jofeph , ancien Provincial des Carmes
de la Province de Paris. in 12. A
Paris , chez la Melle , rue de la vieille
Bouclerie , & Gonichon , Place du Pont
S. Michel
HISTOIRE ET EXPLICATION du Calendrier
des Hébreux , des Romains & des
François . Dédiée à S. E. Monfeigneur
le Cardinal de Fleury . A Paris , chez
Simon , ruë de la Harpe , 1727. in 12.
1. TRAITEZ de la Reprefentation du dous
ble lien & de la Regle paterna paternis
materna maternis . Par rapport à toutes
les Coûtumes de France. Par M. François
Guyné , Avocat au Parlement nouvelle
Edition , revûë & corrigée. A Paris ,
Quay des Auguftins , chez Montalani ,
1727 in 4 .
HISTOIRE d'Henry VII. Roy d'An
gleterre , furnommé le Sage & le Salamon
d'Angleterre ; par feu M. de Mar ,
folier , Chanoine de l'Eglife Cathédrale
d'Uzez . A Paris , rue S. Jacques , chez
Les freres Barbon , 1726. 2. vol . in 127
HIS
MARS. 17275
509
t
HISTOIRE du Droit Romain , contenant
fon Origine , fes Progrès , comment &
en quel temps les diverfes parties dont
cft compofé le Droit Civil , ont été faites
, Pufage que l'on fait en France du
Droit Romain , fon excellence & la maniere
de l'étudier ; par Me Claude- Jofeph
de Ferriere , Doyen des Docteurs
Regens de la Faculté des Droits de Paris,
& ancien Avocat au Parlement ; feconde
Edition , revûë , corrigée & augmentée
de plus d'un tiers. A Paris , Quay
de Gêvres , chez Prault , 1727. in 12 .
2. liv. 10. fols , relié en veau.
DICTIONNAIRE DES AYDES , ou les
Difpofitions , tant des Ordonnances de
1680. & 81. que des Reglemens rendus
en interpretation jufqu'à prefent ,
diftribuées dans un ordre alphabetique ,
pour la commodité de toutes les perfonnes
qui font obligées de les connoître &
de les executer avec la nouvelle inftruction
, ou le Style general des Employez
aux Fermes & à la perception des Droits
d'Aydes. Par le St Pierre Brunet de Grandmaison
, Employé dans les Aydes , 1727.
in 12. même prix. Chez le même Libraire.
SUPPLEMENT au Dictionnaire Hiftorique
, Critique , Chronologique , Geo-
E graphique
110 MERCURE DE FRANCE .
par
graphique & Litteral de la Bible ,
le R. P. Dom Auguftin Calmet , Religieux
Benedictin de la Congrégation de
S. Vanne & de S. Hydulfe , Prieur Titulaire
de Lay. 2. tom . in fol , enrichis de
150. Planches en taille- douce , propofez
par fouſcription. A Paris , Quay des
Auguftins , chez Emery , Saugrain pere ,
& Martin , 1727 .
CORPS UNIVERSEL , Diplomatique du
Droit des Gens , contenant un Recueil
des Traitez d'Alliance , de Paix , de Tréve ,
de Neutralité , de Commerce , des Changes
, de protection , de garantie , de toutes
les Conventions , Tranfactions , Pactes
, Concordats & autres Contrats qui
ont été faits en Europe , depuis le Regne
de Charlemagne jufqu'à prefent ,
& c. par M. J. Dumont , Ecuyer , Confeiller
& Hiftoriographe de S. M. I. &
Catholique . A Amfterdam , & fe vend
à Paris , Quay des Auguftins , chez Mon-
Balant , 1727. 12. vol . in fol .
LE QUART- D'HEURE AMUSANT , dedié
à M. Aymond . Janvier 1727. A Paris ,
Quay des Auguftins , chez Flahaut, 1727.
prix 12. fols.
SPECULATION fur les Changes Etrangers
MARS. 1727.
511
gers pour la commodité des Banquiers
& autres Négocians , contenant le juſte
rapport des Changes de Paris avec les
principales Places de l'Europe , fuivant
le cours d'Amfterdam . Par les Sr Purry
& Roffelet. A Paris , ruë de la Huchette ,
chez Knapen , 1727.
CRITIQUE ABREGE'E fur un Livre
nouveau , ayant pour titre , Dictionnaire
Univerfel de la France , ancien & moderne,
& de la Nouvelle France . Par C , M.de
l'Aunay. A Paris , chez Piffot & Knapen,
1726 .
APPENDIX de Diis & Heroibus
Poëticis , ou Abregé de l'Hiftoire Poëtique
, qui traite des Dieux & des Héros
de la Fable ; avec des Notes qui fervent
d'Explication au Texte Latin &
aux principales difficultez qui s'y rencontrent
, mifes en françois pour la facilité
des Commençans . A Paris , ruë
S. Jacques , chez les freres Barbou , 1726.
SALLUSTE , de la Conjuration de Catilina
, & de la Guerre de Jugurtha contre
les Romains . Traduction nouvelle
augmentée d'une Préface fur l'Art Hif
torique , & duJugement des Sçavans fur
les Ouvrages de l'Auteur. Chez les mêmes
Libraires , 1726 .
E ij OPES
312 MERCURE DE FRANCE.
ODES tirées des Cantiques de l'Ancien
& du Nouveau Teftament , avec un Argument
court qui en donne l'idée. A
Paris , chez le Clerc , Quay des Auguftins
, Knapen , rue S. André des Arcs ,
1726.
REMONTRANCE des Jefuites à M. l'’Evêque
d'Auxerre , au fujet de fon Ordonnance
& Inftruction Faftorale , por
tant condamnation de plufieurs Propofi
tions extraites des Cahiers dictez au College
d'Auxerre , par le P. le Moine , de
Ja Compagnie de Jefus . Seconde Edition .
A Paris , rue de la Harpe , chez Simon
1726.
MANUEL DE PIETE' , contenant des
Maximes & des Prieres pour la réception
des Sacremens de Pénitence & d'Euchariftie
, pour l'accompliffement des
principaux devoirs du Chriftianiifme. A
Paris , ehez Babuty , ruë S. Jacques , 1726,
HISTOIRE POETIQUE pour l'intelligence
des Poëtes & des Auteurs anciens.
A Paris , rue S. Jacques , chez Barbon ,
1726.
DICTIONNAIRE DES FINANCES , contenant
la définition de tous les termes de
Finances , leur ufage & leur differente appliMAR
S. 1717. sig
plication dans toutes fortes d'affaires, l'explication
de tous les Droits & Impofitions
qui fe levent dans l'étenduë du
Royaume , l'établiffement du Confeil du
Roy , des Chambres des Comptes & des
Cours des Aydes ; la création des Charges
, & generalement tout ce qui regarde
les Finances & la pratique des Bureaux.
A Paris , rue S. Jacques , chez Joffe , le
Gras , Cavelier , & la veuve Saugrain ,
1727. in 12. de 385. pages.
CALENDRIER PERPETUEL , plus exa&
que tous ceux qui ont paru juſqu'à prefent
, dédié à M. de Nefmond , Archevêque
de Touloufe ; feconde Edition
corrigée & augmentée d'une Table de
nouvelles Epactes , avec les Eclipfes qui
nous feront vifibles , depuis la prefente année
1727. jufqu'en 1746. avec une Méthode
pour trouver aifément l'âge de la
Lune par les mêmes Epactes. Par le
P. Emmanuel de Viviers , Prédicateur
Capucin , grande feüille volante. A Tou-
Loufe , de l'Imprimerie de Jean- Jofeph Def
claffan , près le College de Foix , & ſe
vend chez Jean - Pierre Dallais , Libraire
près S. Rome.
DICTIONNAIRE NEOLOGIQUE , à l'ufage
des Beaux Efprits du fiecle , avec l'EÉ
iij loge
514 MERCURE DE FRANCE.
loge Hiftorique de Pantalon - Phebus. Par
un Avocat de Province . Nouvelle Edition
, corrigée & augmentée , 1727. brochure
de 194 pages , fans la Préface ,
& c.
. Guillaume Cavelier , Libraire à Paris ,
ruë S. Jacques, au Lys d'or , avertit le
Public qu'il a imprimé plufieurs Livres
nouveaux , & qu'il en a reçû d'autres des
Pays Etrangers. Voici la Lifte des uns &
des autres.
FREIND ( Jo ) Emmenologia
in
qua
Fluxus Muliebris Menftrui Phænomena
, Periodi , vitia , cum medendi
Methodo , accedunt Prælectiones Chymicæ
, nova Editio aucta vol . in 12 .
Parifiis , 1727.
Ejufd. de Febribus ad Hippocratem de
Morbis popularibus . 8. Amft. 1726 .
2. liv.
Du même. Hiftoire de la Medecine ,
depuis Gallien jufqu'au commencement
du XVI . fiecle , traduite de l'Anglois
de M. Freind , par Goulet. in 4.
Leyde , 1727. 8. liv .
La même Hiftoire en 3. vol . in 12 .
Leyde , 1727. 7. liv.
Vaillant ( Sebaft. ) Difcours fur la ftructure
des Fleurs , leurs differences &
l'ufage de leurs parties , prononcé au
Jardin
MARS. 1727. 515
Jardin Royal à Paris. Lat. Fr. in 4 .
Leyde , 1727.2 . liv. Ce Livre eft d'une
grande curiofité .
Wallis (Jo) Sonorum formatio : ut & Jo.
Amman furdus Loquens , five de Loquela
Differtatio . 8. Lug. Bat. 1727 .
2. liv.
Cheynai ( Georg. ) Tractatus de Infir-.
morum fanitate tuendâ , vitaque producendâ
, Libro ejufdem Argumenti
anglicè edito longè auctior & emendatior.
8. Londini , 172 6. 6. liv .
Boerhaave (Herm . ) Methodus difcendi
Medicinam. in 8. Amft. 1716. 3. liv .
Recueil de Cas de Confcience & de Quef
tions qui concernent les matieres du
Jubilé , par un Religieux Carme Déchauffé.
in 12. Bordeaux , 1726. 2.1 .
Roma Sancta , feu Benedicti XIII . &
Cardinalium qui ultimo Conclavi , anno
1724. interfuêre viva virtutum
Imago , vitæ Familiæ , Legationes , & c.
fol . cum figuris Augufta Vindelicorum
, 1726. charta M. 28. liv .
L'Office de la Quinzaine de lâques ,
felon l'ufage de Rome & de Paris ,
en Latin & en François , traduction
nouvelle , dédiée à la Reine , avec
des Méditations fur les Evangiles &
des Reflexions , &c. in 12. Paris . 1727 .
Theologia Patrum Scholaftico- Dogmati-
E iiij ca,
16 MERCURE DE FRANCE:
ca , fed maximè pofitiva , Auctore P.
Boucat , Ord . Minorum . fol. 6. vol.
Rothomagi & Parifiis , 1726.
Eadem Theologia , 20. vol . in 8 .
Les Oeuvres d'Horace en Latin & en
François , avec des Remarques Critiques
, & Hiftoriques par M. Dacier ,
quatriéme Edition , revûë , corrigée &
augmentée par l'Auteur, 10. vol. in 12 .
Amft. 1727. 20. liv.
Gregorii ( David ) Soc. Reg . Londinenfis
Socii, Aftronomia, Phyficæ & Geometricæ
Elementa , fecunda - Editio
aucta , cum figuris . 2. vol . in 4. Geneva
, 1726. 25. liv.
Muffchenbrock ( Petr. ) Epitome Elementorum
Phyfico - Mathemat . in uſus
Academicos . 8. Lug. Bat. 1726. 3. liv .
Décifions Sommaires du Palais , par or
dre alphabetique , illuftrées de Notes
& d'Arrêts du Parlement de Bordeaux ,
par la Peyrere , cinquième Edition ,
augmentée , vol. in fol . Bordeaux ,
1725 .
Coûtumier General de Picardie , contenant
les Commentaires anciens & modernes
, avec leurs Textes corrigez .
2. vol. in fol. Paris , 1726. On aura
dans trois mois les 3. & 4° Tomes , qui
feront en tout 4. gros volumes in folio.
L'E.
MARS. 1727. 517
dres
L'Edition que l'on a entreprife à Lonpar
voie de Soufcription , des Generalitez
de la France , Extraits des Memoires
des Intendans , par M. le Comte
de Boulainviliers , avec les Memoires
Hiftoriques fur l'ancien Gouvernement
de ce Royaume , par le même Auteur ,
eft fi avancée , qu'on ne recevra plus
de Soufcriptions après le 10. d'Avril
prochain.
On nous écrit de Provence , que l'Armorial
des Confuls de la Ville d'Aix ,
que nous avons annoncé dans un de nos
Journaux , paroît parfaitement bien gravé
par Coelemants , en trois Planches ,
qu'il vend en tout 4. livres 10. fols.
M. de Haitze , qui a dreffé cet Armorial
, vient de publier fur ce fujet ,
un petit Ouvrage qui a pour titre : Dis-
SERTATION fur l'Etat Chronologique &
Heraldique de l'illuftre & fingulier Confulat
de la Ville d'Aix , Capitale de Provence.
Brochure in 12. A Aix , chez
Jofeph David , 1726 .
LE DIABLE BOITEUX , par M. le Sage,
nouvelle Edition , corrigée , refondue ,
ornée de figures , & augmentée d'un volume
, 1727. A Paris , Quay des Auguftins,
ahez la veuve Ribon. 2. vol. in 12.
E v
Le
pre
518 MERCURE DE FRANCE:
•
premier de 324 pages ; le fecond , de
304. fans les Tables & l'Epitre à Louis
Velez de Guevara , prix 5. liv.
L'Auteur a répandu de nouvelles beautez
dans cet Ouvrage , qui font rechercher
cette nouvelle Edition avec autant
d'empreffement que les premieres
qui avoient tant plû par les tours ingénieux
& picquans , la nobleſſe du ſtyle &
la vivacité des Portraits.
Je n'ai pas feulement corrigé l'Ouvrage
, dit M. le Sage dans l'Epitre , en
parlant de cette nouvelle Edition , je l'ai
refondu & augmenté d'un Volume , que
les fottifes humaines m'ont aifément fourni.
C'est une fource de Tomes inépuiſable ,
mais je n'ai point entrepris de l'épuifer .
J'abandonne ce travail immenfe à quelqu'un
de ces Auteurs laborieux, qui veulent
bien employer une longue vie à meriter
d'occuper une toife de place dans les Bibliotheques
. Pour moi , qui borne mon
ambition à égayer pendant quelques heures
mes Lecteurs je me contente de
leur offrir en petit un Tableau des Moeurs
du fiecle.
و
Après avoir fait connoître le deffein
que s'eft propofé M. le Sage , il eft bon de
donner quelques- uns des nouveaux Traits
qu'il a ajoûtez .
TOME I. Venons à ce Bâtiment neuf qui
conMAR
S. 1727. 319
contient deuxCorps de Logis feparez . L'un
eft occupé par le Proprietaire , qui eft ce
vieux Cavalier , qui tantôt fe promene
dans fon Appartement & tantôt fe laiffe
tomber dans un fauteuil . Je juge , dit
Jambullo , qu'il roule dans fa tête quelque
grand projet . Qui eft cet homme - là ?
Si l'on s'en rapporte à la richeffe qui brille
dans fa maifon , ce doit être un Grand de
la premiere Claffe.Ce n'eft pourtant qu'un
Contador, répondit le Démon ; ita vieilli
dans des Emplois très- lucratifs ; il a quatre
millions de bien . Comme il n'eft pas
fans inquietude fur les moyens dont il
s'eft fervi pour les amaffer , & qu'il fe
voit fur le point d'aller rendre fes comptes
dans l'autre monde , il eft devenu
fcrupuleux . Il fonge à bâtir un Monaftere.
I fe flatte qu'après une fi bonne
oeuvre , il aura la confcience en repos.
Il a déja obtenu la permiffion de fonder
un Convent ; mais il n'y veut mettre
que des Religieux qui foient tout enfemble
, chaftes , fobres & d'une extréme
humilité . Il eft fort embarraffé fur le
choix .
Remarquez- vous près de là deux hommes
que l'on ensevelit ? Ce font deux
freres ; ils étoient malades de la même
maladie ; mais ils fe gouvernoient differemment
: l'un avoit une confiance aveu-
E vj gle
520 MERCURE DE FRANCE.
gle en fon Medecin , l'autre a voulu laiffer
agir la Nature. Ils font morts tous
deux celui - là pour avoir pris tous les
remedes de fon Docteur , & celui - cy pour
n'avoir rien voulu prendre. Cela eft fort
embarraffant, dit Leandro.Eh ! que faut- il
donc que faffe un pauvre malade ? C'eft
ce que je ne puis vous apprendre , repondit
le Diable , je fçai bien qu'il y a de
bons remedes ; mais je ne fçai s'il y a de
bons Medecins.
Il a pour voifin un Licencié , qui avoit
tant d'envie d'attraper un Benefice, qu'il a
fait l'hipocrite à la Cour pendant dix ans ,
& le defefpoir de fe voir toûjours oublié
dans les promotions , lui a brouillé la cervelle
; mais ce qu'il y a d'avantageux
pour lui , c'eft qu'il fe croit Archevêque
de Tolede ; s'il ne l'eft pas effectivement,
il a du moins le plaifir de s'imagines
qu'il l'eft , & je le trouve d'autant plus
heureux , que je regarde fa folie comme
un beau fonge qui ne finira qu'avec fa
vie , & qu'il n'aura point de compte à
rendre en l'autre monde de l'ufage de
fes revenus.
Le voifin de ce fou eſt un vieux Seeretaire
qui a le timbre fellé pour n'avoir
pu fupporter l'ingratitude d'un homme
de la Cour qu'il a fervi pendant foixante
ans. On ne peut affez louer le zele
&
MARS. 1727: 525
& la fidelité de ce Serviteur , qui ne demandoit
jamais rien ; il fe contentoit de
faire parler fes fervices & fon affiduité ;
mais fon Maître , bien loin de reflembler
à Archelaus Roy de Macedoine , qui refufoit
lorfqu'on lui demandoit , & donnoit
quand on ne lui demandoit pas , eft
mort fans le récompenfer ; il ne lui a
laiffé que ce qu'il lui faut pour paffer le
refte de les jours dans la mifere & parmi
les foux.
દ
Mais , pourfuit le Diable , après vous
avoir montré des foux qui font enfermez ,
il faut que je vous en faffe voir qui mé▾
riteroient de l'être.
L'autre eft un Peintre étranger qui fait
des Portraits de femme ; il eft habile , il
deffine correctement , il peint à merveille
, & attrape la reffemblance ; mais
il ne flatte point , & il s'imagine qu'il
aura la preffe , inter ftultos referatur. Encore
deux places : l'une pour un vieux
Bourgeois Fleurifte , qui n'ayant pas dequoi
vivre , veut entretenir un Jardinier
& une Jardiniere pour avoir foin d'une
douzaine de fleurs qu'il y a dans fon Jardin.
L'autre pour un Hiftrion , qui plaignant
les defagrémens attachez à la viɛ
Comique , difoit l'autre jour à quelquesuns
de fes camarades : ma foi , mes amis ,
je fuis bien dégoûté de la Profeffion . Oui,
j'ai
522 MER CURE DE FRANCE.
j'aimerois mieux n'être qu'un petit Gentilhomme
de campague de mille ducats
de rente.
TOME II . De mon côté , dit Aſmodée ,
je confidere trois ombres remarquables ,
que je démêle dans la foule . Il faut que je
vous apprenne de quelle façon elles ont été
féparées de leur matiere. Elles animoient
les jolis corps de trois Comedienes qui
faifoient autant de bruit à Madrid dans
leur temps , qu'Origo , Citherio & Arbafcula
, en ont fait à Rome dans le leur ,
& qui poffedoient auffi -bien qu'elles l'art
de divertir les hommes en public , & de
les ruiner en particulier. Voici quelle
fut la fin de ces fameufes Comédiennes
Efpagnoles : l'une créva fubitement d'envie
, au bruit des applaudiffemens du l'arterre
au début d'une Actrice nouvelle.
L'autre trouva dans l'excès de la bonne
chere , l'infaillible mort qui le fuit : &
la troifiéme , venant de s'échauffer fur
la Scene , à jouer le Rôle d'une Veftale ,
mourut d'une fauffe couche derriere le
Theatre .
Trois Libraires foupoient enſemble
au Cabaret ; la converfation tomba fur la
rareté des bons Livres nouveaux . Mes
amis , dit là deffus un des Convives , je
vous dirai confidemment que j'ai fait un
beau coup ces jours paffez . J'ai acheté.
une
MAR S. 1727. 523
une Copie qui me coute un peu cher ,
à la verité ; mais elle eſt d'un Auteur ...
c'eft de l'or en barre . Un autre Libraire
prit alors la parole , & fe vanta pareillement
d'avoir fait une emplette excellente
le jour precedent ; & moi , Meffieurs ,
s'écria le troifiéme à ſon tour , je ne veux
pas demeurer en refte de confiance avec
vous , je vais vous montrer la perle des
Manufcrits , j'en ai fait aujourd'hui l'heureufe
acquifition . En même temps ,
chacun tira de fa poche la précieuſe
Copie , qu'il difoit avoir achetée , & comme
il le trouva que c'étoit une nouvelle
Piece de Theatre , intitulée , le Juif-
Errant , ils furent fort étonnez quand ils
virent que c'étoit le même Ouvrage qui
leur avoit été vendu à tous trois féparément.
·
Démêlez dans ces Corps de Logis , où il
y a de fuperbes Ameublemens , un homme
en Robbe de chambre de brocard rouge
à fleurs d'or. C'eft un bel efprit qui fait
le Seigneur en dépit de fa bafle origine .
Il y a dix ans qu'il n'avoit pas vinge Maravedis
, & il jouit à prefent de dix mille
ducats de rente ; il a un Equipage trèsjoli
, mais il en rabat l'entretien fur fa
table , dont la frugalité eft telle , qu'il
mange ordinairement le petit pouler en
fon particulier. Il ne laiffe pas pourtant
de
$24 MERCURE DE FRANCE.
de régaler quelquefois , par oftentation ,
des perfonnes de qualité. Il donne aujourd'hui
à dîner à des Confeillers d'Etat
; & pour cet effet il vient d'envoyer
chercher un Patiffier & un Rotiffeur ,.
il va marchander avec eux fol- à-fol ;
après quoi il écrira fur des cartes les fervices
dont ils font convenus. Vous me
parlez là d'un grand craffeux , dit Lam- ´
bullo. Eh ! mais , répondit Afmodée , tous
les gueux que la fortune enrichit brufquement
, deviennent avares ou prodigues.
C'eft la regle.
L'Ecolier appercevant des Manoeuvres
qui travailloient à une Porte fort haute
demanda fi c'étoit unPortail d'Eglife qu'ils
faifoient. Non , lui répondit Afmodée ,
c'eft la Porte d'un nouveau Marché ; elle
eft magnifique , comme vous voyez . Cependant
quand ils l'éleveroient jufqu'aux
nuës , jamais elle ne fera digne des deux
Vers latins qu'on doit mettre deffus . Que
me dites - vous , s'écria Leandro ! Quelle
idée vous me donnez de ces deux Vers !
je meurs d'envie de les fçavoir. Les voici
, reprit le Démon , préparez - vous à
les admirer
Quam bene Mercurius nunc merces vendit op
mas ,
Momus ubi fatuo s vendidit ante fales :
N
MAR S. 1727: 525
11 y a dans ces deux Vers un jeu de
mots le plus joli du monde. Je n'en fens
point encore toute la beauté , dit l'Ecolier
, je ne fçai pas bien ce que fignifient
ces fatios fales. Vous ignorez donc , ré .
partit le Diable , que la Place où l'on
bâtit ce Marché pour y vendre des denrées
, fut autrefois un College de Moines
qui enfeignoient à la jounelle les Humanitez
. Les Regens de ce College y fai
foient reprefenter par leurs Ecoliers des
Drames , des Pieces de Theatre fades &
entremêlées de Ballets fi extravagants ,
qu'on y voyoit danfer jufques aux Preterits
& aux Supins. Oh ! ne m'en dites
pas davantage , interrompit Zambullo
! je fçai bien quelle drogue c'eft que
les Pieces de College. l'Infcription me
paroît admirable.
Il y a deux mois que le Licencié qui
eft Academicien de l'Académie de Tolede
, donna au Public un Livre de Morale
qui révolta tous les vieux Auteurs
Caftillans ; ils le trouverent plein d'expreffions
trop hardies & de mots trop
nouveaux. Les voilà qui fe liguent con
tre cette production finguliere : ils s'affemblent
, & dreffent un Placet qu'ils prefentent
au Roy , pour le fupplier de condamner
ce Livre comme contraire à la
pureté & à la netteté de la Langue Eſpaguole
126 MERCURE DE FRANCE.
gnole. Le Placet parut digne d'attention
à Sa Majefté , qui nomma trois Commiffaires
pour examiner l'Ouvrage ; ils efti
merent que le ftile en étoit effectivement
reprehenfible , & d'autant plus dangereux
qu'il étoit plus brillant . Sur leur rapport ,
voici de quelle maniere le Roi a décidé :
il a ordonné , fous peine de defobéiſſance,
que ceux des Académiciens de Tolede qui
écriront dans le goût de ce Licencié , ne
compoferont plus de Livre à l'avenir , &
que même pour mieux conferver la pureté
de la Langue Caftillane , ces Académiciens
ne pourront être remplacez après
leur mort que par des perfonnes de la
premiere qualité. Cette déciſion eſt merveilleufe
, s'écria Zambullo en riant. Les
Partifans du langage ordinaire n'ont plus
rien à craindre . Pardonnez -moi , répartit
le Démon . Les Auteurs ennemis de
cette noble fimplicité , qui fait le charme.
des Lecteurs fenfez , ne font pas tous de
l'Académie de Tolede .
PROJET DE SOUSCRIPTION ,
Pour un nouveau Plan de Paris & de fes Fauxbourgs
, levé Géométriquement
par J. Delagrive , Prétre .
Et Ouvrage eft compofé de fix feuilles, qui
réünies enfemble font une Carte de fix
pieds de longueur fur cinq de hauteur , y com
pris les marges.
AuMARS.
1727. 527
quarrez ,
Autour de ce Plan , dirigé fur la Meridienne
de l'Obfervatoire , font marquées les graduations.
La Carte eft divifée en plufieurs
de fix Secondes chacun , tant en
Longitude qu'en Latitude , par le ſecours defquels
on pourra trouver dans un moment les
Rues, Eglifes , Communautez , Convents , Hôtels
, Hôpitaux , Ponts & Places , dont les
noms font marquez en ordre Alphabetique
aux marges collaterales du Plan.
Outre un toifé exact que l'on a obfervé dans
les longueurs des Rues , Places publiques ,
l'Auteur s'offre de faire connoître à quiconque
en pourroit douter , par les Obfervations
qu'il a faites , qu'il n'y a point d'erreur dans
les pofitions de fes points fixes , tels que font
prefque tous les clochers & d'autres lieux rémarquables.
On ne fe contente pas d'indiquer feulement
comme l'on a fait dans tous les Plans qui ont
paru , les endroits où font fituées les Eglifes
les Communautez , Hôtels & autres lieux . On
en marque les dimenfions de telle forte que
chacun pourra les reconnoître. On verra dans
les Eglifes les bas - côtez , le nombre des piliers
& des Chapelles ; dans les Communautez &
Hôtels , la difpofition des Bâtimens , Cours
& Jardins. On y ajoûte avec le même détail
un nombre infini de maifons celebres , foit
par leur grandeur , foit par le nom des perfonnes
qui les habitent. On obferve même
dans le Boulevart , aux Champs Elizées
, aux Tuilleries & ailleurs , les diftances
& l'arrangement des arbres que l'on a
examiné avec foin.
On y voit grand nombre de ruës nouvellement
conftruites , plufieurs rues anciennes &
paffages publics , omis dans les autres Plans a
lcs
· 28 MERCURE DE FRANCE.
les noms de plufieurs autres que peu de perfonnes
connoiffent & qu'aucun Plan n'a marqué ;
les projets nouvellement executez ou réfolus
pour l'embelliffement & la commodité de la
ville.
On pourra par ce Plan verifier exactement
les obfervations par lefquelles feu M. de l'ifle,
a démontré de combien la grandeur du Sol
de la ville de Paris eft plus grand que celui de
Londres.
Ce Plan eſt enrichi de deux grands Cartouches
fymboliques , dont l'idée & la gravure
fatisferont les curieux.Dans un espace de trois
pouces qui regne autour de la Carte , on voit
les élevations des plus beaux édifices de Paris ,
d'une grandeur telle que chacun y pourra remarquer
les ordres & les regles d'Architecture
qui y font obfervés .
L'Ouvrage , qui eft depuis plufieurs mois
entre les mains du Graveur , paroîtra dans le
Public en 1728.
La Soufcription fera de dix livres ; fçavoir ,
cinq livres en ſouſcrivant , dont le fieur Borde
, Graveur , donnera une reconnoiffance imprimée
, & fignée de l'Auteur ; on payera les
cinq livres reftans lorfqu'on retirera la Carte ,
qui fe débitera chez ledit Graveur .
On recevra les Soufcriptions depuis le premier
jour de Fevrier de la prefente année 1727.
jufqu'au 31. Août de la même année. Ceux
qui n'auront pas foufcrit ,payeront feize livres
pour chaque exemplaire , fans aucune diminution.
Ledit fieur Borde demeure au bas de la ruë
des Sept Veyes , devant le Puits- Certain , an
Roy Henry.
M. Bolduc , Apoticaire du Roy , &
Adjoint
MARS. 1727. 529
'Adjoint Chimifte de l'Académie Royale
des Sciences , eft monté à la place d'Affocié
, qui vaquoit depuis long-temps
& M. Bourdelin , Docteur en Medecine,
a été élu Adjoint Chimifte , à la place
que M. Bolduc laiſſe vacante .
On a fait depuis peu des épreuves
réïterées fur la Graine que produit un
Arbre de la Loüifiane , dont on tire par
l'ébulition , quatre onces de Cire par livre
de Graine. Cette efpece de Cire eft d'abord
d'un gris obfcur , tirant fur le vert ;
mais on efpere trouver le moyen de la
blanchir à l'égal de la Bougie ordinaire
& d'en tirer autant d'utilité. On dit que
les Anglois de la Caroline , n'en bulent
point d'autre , & qu'elle ne leur coute
que peu de chofe.
Un Serrurier Provençal , a inventé de
puis peu une nouvelle efpece de Pont fort
commode pour les Troupes , & l'Artillerie
par le moyen de Tonneaux armez de cercles
de fer en dedans , & qu'on peut facilement
tranfporter fur des Mulets . On en
doit faire des épreuves , dont nous rendrons
compte , fi elles réüffiffent,
On mande de Petersbourg , que les
Ingenieurs & Géographes , envoyez dès
J'ane
530 MERCURE DE FRANCE.
l'année 1715. dans toutes les Provinces
de Ruffie , pour les mefurer & compofer
des Cartes: exactes , ayant executé leur
Commiffion & fait remettre leurs Plans
au Haut - Senat , la Czarine a chargé
M. Makoroff , Confeiller Privé , de les
donner à examiner à l'Académie des
Sciences , pour en dreffer une Carte generale
de tous les Etats de Ruffie. Par
déliberation de l'Académie , cette Commiffion
a été donnée à M. de Lifle , Af
tronome & Géographe de l'Académie
Rovale des Sciences de Paris & de Petersbourg
, qui a commencé à y travailler
, affifté par M. Ivan Kiriloff , Secretaire
du Haut- Confeil , qui eft fort verfé
dans la Géographie du Pays.
On mande de Rome , que le Cardinal
Alberoni a acheté d'une Communauté de
Religieux de cette Ville pour 15000.
écus de Médailles antiques & très -rares ,
dans le deffein d'en faire prefent à l'Empereur
qui avoit chargé le P. Pauli de
Luque , de les examiner & de convenir
de prix avec ces Religieux .
Muce
Risiging
AIR.
MARS. 1727. 531
MERCURE DE FRAN
dir de M. Mou
X
Affreux Hyver
Hyver tu ure Tu
AIR
MARS. 1727. 531
AFfreux
AIR,
Ffreux Hyver , tu bannis de ces lieux ,
L'Email des fleurs & l'aimable verdure ,
Tu viens dépouiller la Nature
De fes ornemens précieux.
Mais c'eft un changement qui ne fçauroit me
nuire ,
Puifque le teint de ma Philis ,
Fait voir des Rofes & des Lys ,
Que ta rigueur ne peut détruire.
SPECTACLES.
E Mardi 4. de ce mois , les Come-
Ldiens
diens François repreſenterent à la
Cour la Tragedie d'Andromaque , & la
petite Comedie du Baron de la Craße.
Le 6. la Comedie nouvelle du Philofophe
marié , qui fut auffi generalement applaudie
à la Cour qu'à la Ville.
Le 11. la Tragedie de Mythridate , &
les Précieufes ridicules .
Le
332 MERCURE DE FRANCE.
Le 13. le Philofophe marié.
Le 18. Alcibiade , & le Bon Soldat.
Le 20. Penelope & George Dandin.
Le 22. Pourceaugnac & Scapin.
Le 7. les Comediens Italiens joüerent
une Piece nouvelle en trois Actes , avee
un Divertiffement de Chants & de Danfes
, qui a pour titre , le Contrafte de l'Amour,
& de l'Hymen. Nous en parlerons
plus au long dans le prochain Mercure.
Le 8. les mêmes Comediens Italiens
joüerent à la Cour le premier Acte des
Comediens Efclaves , la Parodie de Pirame
& Thifté, & le Portrait. Cette derniere
Piece fit beaucoup de plaifir , & fut
très -applaudie. Tout le monde fçait que
Mile Silvia y joue à ravir.
螽Le 15. les mêmes Comediens y jouerent
le Dédain affecté , & la Veuve Coquette.
EXTRAIT de la Comedie du Berger
d'Amprife.
C
Ette Piece eft de M. de Lifle , Auteur
d'Arlequin Sauvage , de Timon
le Mifantrope , d'Arlequin au Banquet des
fapt Sages , & du Faucon. L'honneur que
la plupart de fes Pieces lui ont fait , doit
le confoler de celles qui n'ont pas tout- à-
Cait répondu à l'attente que le nom d'un
fi
MAR S. 1727. 535
fi bon Auteur en avoit donnée au Public.
Comme il ne s'eft point proposé d'autre
but que celui de corriger les moeurs en
riant pour remplir un projet fi raiſonnable
, il a voulu en dernier lieu tourner
en ridicule , ceux qui prétendent fe faire
un nom par une maniere d'écrire & de
parler trop finguliere ; il n'a crû pouvoir
mieux y réüffir , qu'en mettant au
Theatre Apollon même , fous le nom du
Berger d'Amphrife , donnant les veritables
regles de l'art de bien dire. Les Metamorphofes
d'Ovide lui ont fourni le
fujet. Il eft vrai qu'il ne s'eft pas attaché
fcrupuleufement à fuivre la Fable ; Midas
ne fut point Juge entre Apollon &
Marfias , comme il l'eft dans la Comedie
du Berger d'Amphrife. De deux Fables
differentes l'Auteur n'en a fait qu'une ,
comme on le va voir dans l'Extrait que
nous nous fommes engagez d'en donner .
ACTEURS.
Apollon , fous le nom de Delius. Le fieur
Riccoboni , fils.
Momus , fous le nom d'Arlequin. Lefieur
Thomaffini.
Midas , Roi de Phrygie. Le fieur Riccoboni
,
pere,
Dircé. La Dle Silvia.
F Marfias
534 MERCURE DE FRANCE.
Marfias.
Mercure .
Le fieur Romagneſi.
Le fieur Mario.
La Scene eft dans les Campagnes
d'Amphrife.
ACTE I.
Delius commence la Piece. Il paroît
affis fur le gazon, jouant de la Flutte
Arlequin reconnoît Delius pour Apollon
, au fon charmant de fa Flutte. Ils
s'embraffent , & expofent pour quel crime
Jupiter les a exilez fur la terre. Ils
fe propofent tous deux de fe rendre utiles
aux hommes , Apollon en les inftruiſant ,
& Momus en les corrigeant. Apollon
fait entendre à Momus qu'il eft devenu
éperdument amoureux d'une Nymphe ,
qui fe cache fous le nom de Dircé , parce
qu'elle eft aimée du Satyre Marías , fous
le nom de Lycoris , & qu'elle fuït fes
perfecutions. Momus fe retire à l'arrivée
de Dircé , & fait entendre , en fortant
qu'il va fe cacher , pour ne rien perdre
de la converfation de ces deux Amans.
Dircé apprend à Delius que Marfias
vient d'arriver à Amphrife , où il la
foupçonne de fe tenir cachée. Delius lui
dit qu'il efpere par fes talens gagner la
faveur de Midas , Roi de Phrygie , &
LupMARS.
1727.
535
fupplanter Marfias , qui a trouvé le lecret
de fe rendre tout - puiffant auprès de
lui , par une maniere de parler qui ne
paroit belle , que parce qu'elle n'a rien
de naturel ; il promet à Dircé qu'après
qu'il aura chaflé fon Rival , il obtiendra
de Midas toute la protection dont ils ont
befoin dans leurs amours.
Marfias.
Dircé lui répond que Midas eft bien
plus à craindre lui
pour que
Elle lui apprend pour la premiere fois ,
qu'elle eft fille de Neptune & de la
Nymphe Erotas , que Midas l'a aimée
fous le nom d'Evadné , qu'elle s'eft fouf
traite à fes yeux en prenant le nom de
Lycoris , que c'eft fous ce dernier nom
que Marfias la fait chercher , fans croire
avoir Midas pour Rival , & qu'elle n'a
pas moins d'interêt à fe cacher au Maître
qu'au Favori. Dircé fe retire à l'approche
Favou
de Marfias .
Delius flatte Marfias ; il admire fon
langage empoulé & obfcur , il affecte
même de le parler. La fin qu'il fe propofe
, eft de parvenir par fon canal auk
bonnes graces de Midas , pour détruire
cet indigne Concurrent ; mais le malin
Momus , qui s'eft caché pour écouter
leur converfation , détruit ce beau projet.
A peine Delius a-t- il quitté Marfias ,
que Momus vient fe préfenter à ce der-
Fij nier
336 MERCURE DE FRANCE:
nier , & lui apprendre que ce mêine Delius
, à qui il vient de parler , & dont il
paroît fi fatisfait , eft un éleve d'Apol-
Ion , qui ne ceffe de tourner en ridicule
fon nouveau jargon . Marfias jure la perte
de Delius , & promet toute fa faveur &
celle de Midas à Momus ,
ACTE I I.
Momus commence ce fecond Acte ;
vêtu fuperbement . Il refléchit fur la maniere
dont il a fait fortune , c'eft- à- dire .
en trahiffant fon ami , & de- là il conclut
que les Grands accordent plutôt leur
protection à ceux dont le crime leur eft
utile , qu'à la probité , qui ne leur fert à
rien. Un Courtifan flatteur vient faire fa
cour à Momus , qui a pris le nom d'Arlequin
. Momus lui fait entendre qu'il a
delfein de perdre ce même Marfias , à
qui il a l'obligation de fa nouvelle fortune.
Ce Courtiſan , qui s'appelle Lychas
, approuve tout ce qu'il lui propofe;
& ayant appris de lui que Lycoris eft
cachée fous le nom de Dircé , & que
cette même Lycoris eft aimée de Midas ,
fous le nom d'Evadné , il fait connoître ,
par un à parte , qu'il profitera de cette
découverte , pour perdre Marfias & Arlequin
, l'un par l'autre. Lychas fe retire.
Delius
MARS. 1727. 537
*
C
Delius vient ; Momus lui déclare qu'il
l'a trahi. Delius lui reproche cette perfidie
, & lui dit qu'il s'en vengera . Momus
ne fait que rire de fa colere , & lui
répond qu'il n'a fait le mal que pour le
réparer. Midas vient.
Momus , fous le nom d'Arlequin , préfente
Delius à Midas , comme un bon fujet.
Midas lui demande à quoi il peut
être bon. Momus lui répond qu'il a un
efprit au deflus du commun , & qu'il eſt
un des plus dignes éleves d'Apollon .
Midas ne compte pour rien tous ces talens
, dont Momus lui fait un fi grand
étalage ; & pour toute faveur , il propoſe
à Delius une place parmi fes Comediens .
Delius eft outré de la propofition , mais il
diffimule fa colere. Marfias vient. Midas
le confulte fur la place qu'il deftine à
Delius. Marfias lui répond que Delius
s'acquittera parfaitement bien de fon
nouvel emploi , & qu'il excellera , fur
tout dans le rôle de fourbe. Ces dernieres.
paroles de Marfias font entenduës du
feul Delius. Ce dernier , dans le premier
Acte , a confeillé à Marfias d'affecter de
l'indifference pour Lycoris , & s'eft offert
lui-même à le fervir dans ce nouveau
deffein de fe faire aimer. Marfias a donné
dans le piege , c'eft ce qui donne occafion
à Delius de dire à Midas , qu'il
Fiij jouë
538 MERCURE DE FRANCE.
joue affez bien le rôle de fourbe ; mais
que Marfias joue encore mieux le rôle de
dupe. Cette fcene , entre Delius & Marfias,
eft une énigme pour Midas. Il en demande
le mot à Delius , qui lui apprend
ce qui s'eft paflé entre Mathias & lui au
fujet de Lycoris . Midas en rit aux dépens
de Marfias , qui devore fon chagrin
, pour mieux faire éclatter fa vengeance
en fon temps. Delius prie Midas
de vouloir bien être arbitre de leurs differends
. Il défie Marfias à un combat d'efprit
entre leurs Eleves. Marfias accepte
le deffi . Midas confent à être le juge de
cette brillante difpute , & ordonne que
Lycoris foit le prix de celui dont le parti
qura triomphe.
ACTE III.
Dircé plaint le fort de Delius , qu'elle
eroit être devenu fou , parce qu'il lui a
déclaré qu'il eft Apollon. Elle veut éviter
Marfias , qu'elle voit approcher ; mais
ne pouvant échapper à fa pourfuite , elle
prend le parti de le tromper. Elle lui reproche
fon indifference , dont Delius l'a
inftruite de fa part , & s'y prend avec
tant d'adreffe , que Marfias devient fa
dupe , comme il l'a été de Delius . Il fe
eroit aimé de Dircé. Il lui parle du deffi
que
MARS. 1727. 539
pas
que Delius a ofé lui faire. Elle affecte
une tendre frayeur fur l'évenement , &
le prie d'obtenir de Midas qu'elle n'appartienne
au Vainqueur , qu'autant qu'elle
le voudra bien . Marfias , tranfporté de
plaifir , la remercie d'une précaution
dont il croit n'avoir befoin , par la
certitude où il eft de la victoire. que fes
Eleves doivent remporter fur ceux de
Delius. Dircé lui dit tendrement qu'elle
va fe cacher , de peur d'être à un autre
qu'à lui. Elle lui promet de reparoître à
Les yeux auffi - tôt qu'elle aura appris
fon triomphe , dont elle n'ofe encore fe
flatter .
Midas vient . Marfias propofe à Delius
, de ne point forcer les inclinations
de Lycoris ou de Dircé , quelque foit
l'évenement du combat entre leurs Eleves
. Delius eft trop perfuadé de tous fes
avantages , pour n'y pas confentir.
Les Eleves chantent de part & d'autre.
Midas juge en faveur de ceux de Marfias..
Delius en eft furpris & indigné. Lychas ,
qui dans le fecond Acte a fait entendre
qu'il vouloit perdre Marfias & Arlequin ,
l'un par l'autre , commence par le premier.
Il amene Dircé , qu'il fçait être
Evadné , dont Midas eft amoureux . Dircé
cache fes traits fous un voile , & ne fe
montre qu'après que Midas lui a juré
Fiiij qu'elle
540 MERCURE DE FRANCE.
qu'elle ne fera qu'à celui des deux Ri
vaux dont elle fera choix , puifqu'ils en
font convenus eux - mêmes . Elle choisit
Delius. Midas la prie de fe montrer . Elle
découvre fon vifage , & le fait connoître
à fon premier Amant pour cette même
Evadné, qu'il fait chercher par tout. Marfias
eft doublement accablé de le voir
préferer Delius , & de fe trouver Rival
de fon Maître. Midas jette un regard de
colere fur Marfias ; & prêt à rétracter fa
parole , il ordonne qu'on arrête Delius.
Apollon implore le fecours de Jupiter ,
fon pere. Le Tonnerre gronde ; Mercure
defcend des Cieux. Il annonce à Apollon
que Jupiter , touché de ſes malheurs , le
rappelle de fon long exil , & confent
qu'il vienne reprendre fa place auprès
de lui dans l'Olympe.Il change Marfias en
Fleuve. Momus veut qu'on donne des
oreilles d'âne à Midas , en punition du
jugement qu'il vient de porter entre les
Eleves de Marfias & ceux de Delius ;
mais Apollon eft plus genereux , & pour
confondre Midas , il promet de lui donner
les lumieres qui lui ' manquent ,
à
condition qu'il en fera part à fes fujets.
Mercure annonce à Momus, que fon exil
n'eft pas encore fini , & que Jupiter veut
qu'il demeure fur la terre fous le nom
d'Arlequin , pour corriger les moeurs des
homMARS.
1727.
541
hommes ce qui donne lieu à Momus
d'inviter le Parterre à venir tous les jours
à fon Ecole .
La difpute entre les Eleves de Delius
& ceux de Marfias , qui eft le principal
objet de la Piece , en fournit la Fête. La
Mufique eft de M. Mouret , & le Ballet
de M. Marcel . Ils y foutiennent tous
deux la réputation qu'ils ont fi juſtement
acquife , chacun dans fon talent. Voici
quelques Couplets de la Fête en queſtion.
Une Bergere.
Nous venons pour offrir notre plus tendre
hommage ,
Au charmant Dieu de l'Amour ;
Il regne dans ce féjour ,
Et c'eft dans fes douceurs qu'eft tout notre he
ritage.
Satisfaits de nos voeux ,
Pour affurer chez nous fa fuprême puiffance ,
Les doux plaifirs & l'innocence
Sont toûjours de concert dans nos coeurs
amoureux.
Un Satyre.
Amour, n'attends pas d'un Satyre ,
Quelque fade compliment ;
Tout ce que nous voulons dire,
F v Nous
$42 MERCURE DE FRANCE.
Nous le difons finement.
La fimplicité nous glace ,
Nous voulons abfolument ,
Que l'on foit ruftique avec grace ,
Et populaire élegamment.
Une Bergere.
· En vain la brillante Aurore,
S'éleve d'un vol leger ,
Si je ne voi mon Berger,
Je croi qu'il eft nuit encore.
C'est l'aftre de mon amour ,
Lorfque ce Berger fommeille ,
Mon Soleil a fait fon tour ;
Et le moment qu'il s'éveille ,
Pour moi c'eſt le point du jour.
Vaudeville.
Premier Couplet.
Quand l'Aurore matiniere ,
.Sort du lit du vieux Titon ,
L'Amour me donne le ton ;
Et je réduis la plus fiere,
A repeter ma Chanfon ,
A
MARS . 1727. 543
A l'uniffon ,
Sur le gazon.
Que fi quelqu'un en murmure
La Belle foudain répond ,
La bonne aventure , ô gué !
O gué ! la bonne aventure.
LETTRE écrite à M *** au fujet de
la Piece dont on vient de lire l'Extrait ,
& qu'on nous prie de publier.
J >
E ne pûs pas profiter hier au foir ,
Monfieur de votre converſation ,
touchant le fuccés de la Comedie du Berger
d'Amphrife. Il me prend envie de vous
écrire , pour vous demander excufe de la
mauvaiſe compagnie que je vous fis , &
pour continuer les reflexions que nous
avions entammées fur la Piece. Vous
vous êtes étonné , Monfieur , qu'elle n'ait
pas été goûtée du Public , & qu'après la
lecture que vous en avez faite deux fois ,
elle ne vous ait pas affecté vous - même.
Je penfe , Monfieur , en fçavoir la raiſon.
Je ne vous dirai point ce que quelques
perfonnes d'efprit & de goût en ont penfe
, parce que leur décifion feroit trop
dure & trop contraire au fentiment general
, & qu'au furplus elle ne prouveroit
F vj
rien.
544 MERCURE DE FRANCE.
•
rien. Je puis convenir avec les Sçavans
& les Gens de moeurs , que le fiecle eſt
corrompu , & ignorant même ; mais de
bonne foi , Monfieur , croyez - vous que
tous les fiecles ne fe reffemblent pas ?
Croyez-vous que les fiecles d'Athénes &
de Rome , dans le temps où les fciences ,
le bon goût & les moeurs formoient de fi
excellens Citoyens : croyez - vous , dis- je >
que ces fiecles - là ne fuflent pas appellez
des fiecles ignorans & corrompus ? Je
croi que le monde a toûjours été le même
, & que dans les Etats les mieux policez
, les Sçavans , les gens d'efprit &
de bon goût ont toûjours fait un petit
corps à part , & que le grand nombre
qu'on pouvoit leur oppofer laiffoit le
champ libre à quiconque eût voulu, pour
appeller un fiecle d'ignorance & de corruption
celui où il vivoit . Si c'eft à cette
balance qu'on veut pefer aujourd'hui
l'efprit & les moeurs , nous fçavons fort
bien de quel côté elle doit pencher ; mais,
Monfieur , il ne faut point produire de
telles raifons,pour aller, tête baiffée , contre
le jugement que le Public a porté du
Berger d'Amphrife. Je conviens qu'il
peut avoir tort d'un côté , mais laiffezmoi
croire que il d'un autre peut avoir
raifon . Ne croyez pas , Monfieur , que
ma modeftie & mon fentiment en faveur
du
MARS. 1727: $45
du Public , viennent du deffein de le flatter
? Lorfque j'en parle , je dis ce que
j'en penfe , fans affectation , comme fans
interêt. Si je dis qu'il peut avoir raifon ,
s'il n'a pas goûté la Comedie du Berger
d'Amphrife , ce n'eft point pour lui faire
ma cour : voilà comme je raifonne.
Je ne doute point qu'un homme d'ef
prit , qui lira cette Comedie , ne la trouve
excellente , & que les faifeurs de Pieces
de Théatre n'en foient charmez & étonnez
en mêmê - temps . Vous , qui la connoiffez
à fond , m'en avez dit autant ;
mais malgré tout cela , elle ne vous à pas
affecté : ce font vos propres mots. Pourquoi
donc cela ? Le voici. L'Auteur du
Berger d'Amphrife , que tout le monde
connoît , étoit propre pour écrire dans les
temps floriffans de la Comedie des Grecs.
& des Romains ; auffi le Peuple de ces
temps - là avoit deux objets en allant au
Theatre. Aujourd'hui il n'en a qu'un
feul. Dans ce temps - là il vouloit s'inf
truire par la correction des moeurs , & fe
réjouir par la plaifanterie ; aujourd'hui il
ne veut que fe réjouir , & il a raiſon . Les
Grecs & les Romains avoient une bonne
morale , que les Ecoles apprenoient à
ceux qui vouloient s'en inftruire . Le refte
du Peuple , qui ne fçavoit autre chofe
que la Guerre , vivoit dans une parfaite
igno
$46 MERCURE DE FRANCE.
ignorance , & avoit befoin de fréquenter
le Théatre pour apprendre à fe conduire
dans le monde. Préfentement notre Religion
fait ce que le Théatre faifoit dans
ce temps - là : les enfans même de la lie
du Peuple apprennent le Catechifme , ils
vont au Prône , & les voilà inftruits de
ce qui regarde les bonnes moeurs , & la
focieté. Notre Auteur , qui eft fçavant &
très - Philofophe , s'eft appliqué à corriger
les moeurs & le goût des Belles - Lettres
, dans fa Comedie du Berger d'Amphrife.
Le plaifant de fa Piece eft très fin
& très -picquant , & je ne m'étonne point
qu'il n'ait point fait d'impreffion . Le Public
, qui , comme je l'ai dit , ne veut que
fe réjouir aujourd'hui , ne peut rire à la
repreſentation du Berger d'Amphrife ,
parce que la plaifanterie fort d'une reflexion
qui lui fait de la peine , ou le
fait rougir.
Par exemple , dans la derniere Scene
du premier Acte , après que Momus , fous
le nom d'Arlequin , a découvert à Marfias
, que Delius ( qui eft Apollon ) l'a
trompé , & qu'il eft l'Amant de fa Maîtreffe
, Marfias lui dit qu'il veut le préfenter
au Roi pour faire fa fortune . Arlequin
refte feul un moment , & avant de
le fuivre, il finit le premier Acte par ces
paroles.
>>Je
MAR S. 1727. 547
» Je croyois que la faveur des hommes
» étoit quelque chofe de fort difficile à
» acquerir , mais ce n'eft qu'une bagatelle.
Faire une petite trahifon qui leur
» foit utile , les Hatter , & être propre
» quelqu'intrigue
amoureufe : voilà tout
» ce qu'il faut pour donner du deffous à
» tous fes Concurrens , &c.
à
Il faut convenir que voilà du plaifant ,
& du plus beau : cependant perfonne n'a
fourcillé , & le pauvre Momus-Arlequin
a fini l'Acte très froidement. Si vous n'aviez
pas affifté à la reprefentation , vous
ne le croiriez pas ; c'eft pourtant la verité
: comment donc cela ? Suppofons une
impertinence , & vous trouverez , Monfieur
, que le Public ne pouvoit pas rire.
La moitié du Spectacle étoit compofé de
gens , qui pour gagner la faveur ne font
pas fcrupuleux , & l'autre moitié de gens
qui ont été la dupe des manoeuvres de ces
premiers. La chofe étant ainfi , n'eft - il
pas vrai que Momus fait rougir la moitié
des Spectateurs , & fait une peine cruelle
à l'autre moitié , & vous voulez que ces
gens -là rient de cette plaifanterie ? Oh ,
Monfieur , ce feroit trop prétendre ! ils
n'ont pas ri , & ils ne riront point ; par
malheur la Pięce eft toute du même
ton .
›
Notre Auteur écrit dans le goût &
dans
48 MERCURE DE FRANCE.
fe
dans le caractere des Comedies d'Ariftophane
, mais les temps ont bien changé.
Dans le fiecle où nous fommes , il ne faut
point couper l'arbre par le tronc ; il fuffit
de broulailler dans les branches , & c'eft
là encore un des défauts de cette Comedie
: défaut qui ne fait point de tort à
' Auteur , mais qui en fait aux Comediens
, & au Public même , qui ne peut
réjouir. Ariftophane voulut faire rire le
Public aux dépens de Socrate : malgré la
licence du Théatre de fon fiecle , ce n'étoit
pas là une matiere qui dût faire rire ,
& elle le feroit encore moins de notre
temps cependant , dira-t'on , Ariſtophane
plut infiniment. Ainfi en fauvant tous
les égards que notre Religion & nos
Loix nous ordonnent , on pourroit faire
rire encore aujourd'hui dans un ſemblable
fujet. Je foutiens que non : la croyance
des Grecs , & le goût de leurs Specta
cles donnoit un champ libre aux Auteurs
pour tirer parti de tout. Ariftophane fait
toute fa Comedie dans la moyenne région
de l'air , & l'intitule les Nuées. Si aujourd'hui
un Auteur s'avifoit de toucher
ces cordes en aucune façon , il entendroit
ane harmonie très - dégoutante , dont le
Parterre le regaleroit.
Il faut donc , lorfqu'on entreprend de
corriger les moeurs avec la Satyre , tirer
le
MARS. 17277 549
>
le plaifant des reflexions que l'on fait fur
les défauts des hommes ; & le plaifant de
cette nature eft plus difficile à trouver ,
pour faire rire des gens à qui vous donnez
des foufflets , en leur difant : riez donc.
Les Auteurs qui ne veulent point courir
de rifques , mettent fur le Théatre des
Petits Maîtres , des Marquis , des Financiers
, des Femmes du bel air , & c. mais
vous conviendrez avec moi , Monfieur
que la plus grande partie des Pieces qui
font conftruites avec ces materiaux - là ,
ne peuvent pas s'appeller bonnes Comedies
. Je le répete encore , il ne faut pas
toucher dans le tronc de l'arbre , mais délicatement
aux branches . De cette façon
vous ne picquez pas tous les Spectateurs ,
mais quelqu'un qui ne fait pas femblant
de s'en appercevoir ; car fi un Petit- Maî
tre ou un fat , s'avifoient de fe lever en
colere , & de s'en aller en peftant contre
l'Auteur , cela ne feroit que du bien à fa
Piece , les Spectateurs le trouveroient
excellent , & ils courroient en foule à la
Comedie . Il n'en eft pas de même lorfque
l'Auteur veut corriger tous les hommes
, ils fe révoltent tous à la fois pour
témoins , fi la Piece ne mérite pas d'être
fifflée , on dit qu'elle ne vaut rien , &
l'on n'y revient plus . Vous direz , Monfieur
,
, que je me mocque de vous , chargé
.
o MERCURE DE FRANCE .
gé , comme vous êtes , d'affaires , de vous
adreffer une Lettre qui vous fait perdre
votre temps ; ce feroit bien autre chofe fi
je vous difois tout ce que je penſe fur
notre Théatre Moderne . J'efpere en peu
de temps de vous en donner un échantillon
en parlant de la Tragedie , pour venir
enfuite à la Comedie . Je me flatte , Monfieur
, que votre furpriſe fur la réception
que le Public a faite à la Comedie du
Berger d'Amphrife , ne fera plus fi grande
, fi vous me faites l'honneur d'approuver
mes idées , & que vous conviendrez
avec moi qu'une Comedie peut être
bonne , excellente même , & ne point
plaire. Les moeurs , les temps & le goût
font des chofes qu'un Auteur doit étudier
long - temps , avant que de commencer
une Comedie. Je fuis bien perfuadé que
d'ici à dix ans , fi l'on imprime la Piece ,
quelqu'un pourroit bien porter un jugement
tout- à-fait different de celui qu'on
en a fait à la premiere reprefentation. La
jeuneffe , qui ne cherche que le plaifir ,
lorfqu'elle s'ennuye , décide quelquefois
fans reflexion ; le temps la ramene , &
l'on parle d'un autre ton après voilà
encore un article qui n'eft pas à négliger
pour l'étude d'un Auteur Dramatique .
C'eft la jeuneffe qui fait le plus grand
nombre dans un Théatre , & il faut que
l'AuMARS.
1727. 55
Auteur tâche de concilier fes idées avec
le goût des jeunes gens , de qui les Comediens
, auffi- bien que les Auteurs , ont
grand befoin . S'il ne s'agiffoit que de divertir
des gens fexagenaires , la chofe ne
feroit pas peut - être fi difficile ; mais ces
bonnes gens- là ne paroiffent que trèsrarement
au Spectacle : ainfi les Auteurs
& les Comediens doivent les ménager .
Je ne finirois jamais ; vous êtes ennuyé
de la lecture de ma Lettre , & il me femble
de vous entendre dire , ménagez- moi
auffi. Je finis donc , & j'ai l'honneur d'etre
, Monfieur , très- parfaitement , & c.
La Décoration que le fieur Clarici a
faite pour le Berger d'Amphrife , reprefentoit
le Palais d'Apollon , d'ordre Corinthien
, dans le brillant & le lumineux
que les Poëtes lui attribuent , par le
moyen des tranſparents, qui faifoient tout
F'effet qu'on pouvoit defirer ; mais dont
l'éclat ne peut cependant jamais égaler la
verité & le relief qu'on trouve dans la fimple
couleur de la Peinture , qui par le fecours
de laPerfpective,trompe bien mieux
les yeux par la grandeur & l'éloignement
qu'elle fait paroître. Le Peintre a été
fort gêné par la petite ffe du lieu , n'ayant
eu que 18. pieds de profondeur , fur 20.
de large & 20. de haut.
EX$
52 MERCURE DE FRANCE.
EXTRAIT de la Comedie du Fils
Indocile.
L
E 19. de Février , cette Piece Conique
du P. de la Sante , Jefuite ,
fut reprefentée par les Réthoriciens du
College de Louis le Grand. Avant que
d'en donner une idée , le Public nous
fçaura , fans doute , bon gré de lui faire
part d'un Prologue Heroïque qui la précedoit
& qui eft une efpece de remerciment
public de la faveur fignalée que
le Prince & la Princeffe de Conty , ont
faite aux Jefuites , en leur confiant l'éducation
du Comte de la Marche , leur
fils . Leurs Alteffes Sereniffimes , qui
voulurent bien animer les jeunes Acteurs
par leur prefence , parurent trèscontentes
des chofes finies & ingénieuſes
qui compofoient ce Prologue , & de la
maniere noble & gracieuse avec laquelle
ceux qui en étoient chargez le déclamérent.
M. de Novion reprefentoit Apol .
lon , M. le Bourfier , Mars , & M. Gau¬
dion de la Grange , Minerve.
PROLOGUE.
SCENE I. Mars feul.
Quoi , Mars ? Peux - tu fouffrir un fi fanglant
outrage ?
Ton
MARS. 1727:
553
Ton ennemi triomphe & fe rit de ta rage !
Apollon te ravit un dépôt précieux ,
Un Eleve formé du fang des demi-Dieux !
Aux armes . Vange - toi ; fait fentir au Parnafle
Ce qu'on gagne à braver le grand Dieu de la
Thrace.
SCENE II.
Apollon.
Mars .
Apollon , du fond du Theatre .
Quelle voix menaçante ! ... ah ! je reconnois
Mars ...
il s'approche.
D'un frere, d'un ami , font-ce là les regards ?
Mars.
Ofez-vous prononcer le nom d'ami , de frere ,
Quand par mille attentats vous armez ma colere
?
Apollon.
De grace , dites-moi quels font ces attentats ;
Si je les ai commis , je ne les connois pas.
Mars.
N'étoit-ce pas affez d'avoir fur le Permeffe ,
Réüni fous vos loix la fleur de ma Nobleffe ?
J'y
554 MERCURE DE FRANCE.
J'y laiffois en repos ces tendres nourriflons ,
De ines fameux guerriers illuftres rejettons
Bien sûr qu'au premier bruit que faifoit mon
tonnerre ,
Ils viendroient fur mes pas faire trembler la
terre .
Mais en vous confiant ces Eleves de choix ,
Je métois réfervé les defcendans des Rois.
Vous , fans avoir égard à ce traité ſi juſte ,
Enviez à mes foins le Sang le plus Auguſte.
.
Eh qui m'enlevez - vous ! le dirai - je ? un
Bourbon.
Je meſure ma perte au poids d'un fi grând
nom .
Apollon.
Mon frere , un coeur aigri fait quelquefois un
crime ,
De ce que la raiſon croit juſte & legitime.
Il faut , pour décider d'un fi grand interêt,
Un Juge impartial , dont nous fuivons l'Arrêt,
Pallas vient à propos.
SCENE 111.
Minerve
Apollon
. Mars.
Minerve.
Quel trouble ! quelle allarme ,
Dans
MARS. 1727 .
555
Dans ces aimables lieux dont la paix fut le
charme !
Apollon.
C'eſt Mars dont la fureur y vient jetter l'effroi
Mars .
L'audace d'Apollon m'y force malgré moi,
Minerve.
Il eft vrai qu'Apollon a fait une conquête ,
Dont le Pinde à jamais doit celebrer la fête.
Mais d'où vient qu'irrité d'un bienfait fi chars
mant ,
Mars du bonheur d'autrui fe fait un yain sour
ment ?
Mars.
Votre langage fent l'arbitre partiale .
Minerve.
Non , ma main entre vous tient la balance
égale.
Déeffe des combats , Déeffe des beaux Arts ,
Je prétens être neutre entre Apollon & Mars.
Sans craindre pour vos droits , vous pouvez
ce titre ,
De votre differend me prendre pour arbitre.
Mars.
Sur ce pied j'y confens , pour la premiere fois ,
Mars
$ 56 MERCURE DE FRANCE.
Mars renonce à la force & fe foumet aux loix:
Apollon.
Ce feroit beaucoup moins courage que foibleffe
,
Que de ne pas fubir la loi de la fageffe .
montrant Pallas..
Minerve.
Parlez ; on vous écoute , illuftres Concurrens
Puiffe cet heureux jour finir vos differens .
Mars.
Je me plains,eft- ce à tort que le Parnaffe enleve
Un Prince , qui de Mars devoit être l'Eleve .
Son nom fon Sang , fon coeur , en lui tout eft
guerrier.
Au pere des Heros pourquoi donc l'envier
Apollon.
Que l'Heroïsme un jour doive être fon par
tage ,
Dans fes yeux , dans fon air , on en lit le préfage
;
Mais fçachez qu'après tout , chaque chofe a
fon temps.
Peut- on être Heros à l'âge des enfans ?
Minerve.
Des leçons d'Heroilme un coeur eft fufcep
Quand
ible ,
MAR S. 1727.
557
Quand il eft dès l'enfance à la gloire fenfible.
Pour nourrir un attrait digne de tant d'égards,
On place auprès du Prince un Subſtitut de
Mars. *
Mars.
Mais outre les leçons , il faut de l'exercice ;
Au Parnaffe fçait- on ce que c'eft que Milice !
Tout Soldat de Phebus , ennemi du danger ,
çait chanter nos périls , fçait- il les partager▸
Apollon.
Le péril eft- il donc du feul camp le partage ?
Le Pinde a fes combats , du camp il eft l'image.
Et d'ailleurs vous fçavez que fans notre ſecours
,
La gloire des Guerriers n'auroit pas un long
cours .
Mars.
Pallas ne fçait pas moins que nos rares merveilles
,
Fourniffent un beau champ à vos fçavantes
veilles ;
Et que fil'Helicon ne chantoit nos exploits ,
Bien-tôt tout l'Univers feroit fourd à fa voix.
Minerve.
Phebus doit convenir que la valeur guerriere.
* M. le Gonverzeur du Prince,
G Анк
558 MERCURE DE FRANCE .
Aux Chantres du Parnaffe offre une ample
matiere ;
Mais il faut avouer que Mars & ſes Guerriers,
Ont befoin que Phebus arrofe leurs Lauriers.
Apollon.
Nous en avons fans eux ; tout le Pinde s'ap◄
prête ,
A voir du jeune Prince en couronner la tête.
Nos Lauriers , par avance , au monde annons
ceront ,
Ceux dont à l'avenir Mars lui ceindra le front.
Mars.
Vos Lauriers les plus beaux font - ils donc comparables
,
A ceux qu'on moiſſonna dans ces jours me
morables ,
Où fon Ayeul rompant les bataillons épars ,
Fit dire aux combattans , c'eft Conty; non
c'eft Mars.
Minerve.
Dans ces jours de triomphe où j'ay vá la
Victoire ,
Graver tant de hauts faits au Temple de
Memoire ,
Me démente Apollon , fi de fa propre main ,
Il ne les traça pas fur le bronze & l'airain.
2
Apollon
MARS. 1727. 55.97
Apollonară
a
Il est vrai , mais Pallas , en citant cet exemple ,
Avez -vous oublié que l'on voit dans mon
Temple ,
Du premier des Contys le reſpectable nom
Joint à la qualité d'Eleve d'Apollon .
Lifez -le , il eft écrit d'une plume immortelle .
Que Pegafe do cile a fourni de fon aîle.
Mais le beau nom d'Armand qui me fit tant
d'honneur >
Bien mieux que dans mon Temple , eft écrit
dans mon coeur.
C'est ce grand Bifayeul que mon Prince remplace
;
Souffrez, Mars , qu'on l'infcrive aux Faftes du
Parnaffe ;
1..
Je vous y ferai lire avant lui trois Bourbons
Dont un marbre éternel, conferve ici les noms.
Minerve.
Ces rares Monumens , ces titres honorables ,
Fondent pour Apollon des droits incónteſtables.
Ainfi , Mars , confentez que le Prince en ces
lieux ,
Anime les beaux Arts , comme ont fait fes
Ayeux.
Gij Vous
360 MERCURE DE FRANCE.
Vous fçavez qu'ils font chers à fon augufte
pere ;
Et quand de fon côté la Princeffe fa mere ,
Se privant d'un objet fi tendrement aimé ,
Veut qu'il foit aux vertus par les Mufes formés
Quand fon coeur maternel permet qu'il entre
en lice ;
Ne vous prefcrit - il pas un pareil Sacrifice ?
Un Prince , pour les Arts doit fignaler fon
goût :
1
Un Prince eft adoré , quand il eft Prince en
tout.
Livrez donc ce cher Prince aux Mufes fortu
-nées :
Elles vous le rendront après quelques années .
Inftruit à bien parler la Langue des Cefars ,
Vous le verrez comme eux , affronter les ha
zards.
Vous verrez Apollon fe plaindre que fa Lyre ,
A chanter tant d'exploits , ne pourra plus fuf
fire.
Mars.
A ce prix je le livre à vos doctes travaux ;
Fuifqu'un Heros fçavant , n'en eſt que plus
Heros ,
Je me rends.Mais qu'ici les exploits militaires,
Deviennent de vos chants les fujets ordinaires ;
Qu'on
MÁRS .
561 1727.
Qu'on poliffe l'efprit , fans énerver le coeur
Et que l'étude ferve à nourrir la valeur.
Minerve.
Ratifiez tous deux ce traité d'alliance.
J'y foufcris .
Mars.
Apollon.
Cet aveu comble mon efperance.
Venez , Muſes ; chantez ce traité glorieux ,
Reçûtes- vous jamais un don plus précieux ?
SCENE IV.
Minerve , Apollon , Mars .
Concert des Mufes qui viennent celebrev
la victoire d'Apollon.
Nous ne rapporterons point ici les Vers
qui furent chantez , parce qu'ils font
affez publics , ayant été imprimez dans le
Placard .
Après les Vers chantez , Apollon dit ce
qui fuit.
Apollon.
Les Mufes ont chanté. Vous , aimable jeu
neffe , *
* Aux Adeurs.
Giij
Qui
$ 62 MERCURE DE FRANCE .
Qui vous formez la voix aux concerts du Permeffe
,
Donnez à votre tour un fpectacle amuſant ,
Dont l'utile fujet inftruiſe en badinant .
Apollon , en faveur d'une fête fi belle ,
Vous permet de parler une langue nouvelle.
Bientôt mon Prince entrant dans le Pays
Latin ,
Aura , comme le coeur , le langage Romain :
Bornons- nous à celui qui convient à ſon âge ,
Attendons que du nôtre il ait acquis l'ufage ;
J'augure du beau feu , qu'en lui je reconnois ,
Qu'il doit à plus d'un Peuple apprendre le
François.
Après ce Prologue héroïque , fuivoit le
Prologue même de la Piece , qui ne fut
pas moins goûté que le premier. Le
Voici.
Prologue de la Piece intitulée ,
le Fils indocile.
Un bon pere à l'amour doit joindre la pru
dence !
Jamais trop de rigueur , jamais trop d'indulgence
;
Pour bien élever un enfant ,
Qu'on
MAR S. 1727. 563
Qu'on prenne la raison pour guide .
Trop de rigueur le rend ſtupide ,
Et trop de douceur infolent.
Prend-t'il un air altier ? prenez un ton fevere ;
Alors être trop bon , c'eft être mauvais pere.
Pour peu qu'un enfant foit flatté ,
Ses défauts croiffent avec l'âge :
Bien-tôt l'excès de liberté
Dégenere en libertinage.
Ignorez-vous quel eft le prix ,
D'une fi molle complaifance
Toûjours peu de reconnoiffance,
Et fouvent beaucoup de mépris.
Un fils que vos folles tendreffes ,
Auront rendu fier & hautain ,
Ne vous rendra pour vos careffes
Qu'ingratitude & que dédain.
Idolâtre de fes caprices .
Vous aimez juſqu'à fes défauts.
Giiij
§64 MERCURE DE FRANCE,
Il est l'objet de vos délices ,
Il fera l'auteur de vos maux.
Nous allons mettre fur la fcene ,
Un de ces peres indulgens ,
Dont l'amour payé par la haine ,
Nous peint le fort de bien des gens.
De l'autorité paternelle ,
En vain reclame- t'il les droits :
Il ne trouve qu'un fils rebelle ,
Toûjours prêt à braver ſes loix .
Une épreuve fi déplorable .
Fait voir à ce pere allarmé ,
Qu'un enfant devient moins aimable ,
A force d'être trop aimé.
Ce Prologue donne déja affez d'idée du
deffein & de la beauté de la Piece. Nous
ferions trop longs , fi nous voulions en
donner un Plan détaillé . Nous nous contenterons
de dire que l'action parut vive
& animée , la morale folide & agréable ,
la verfification aifée & coulante . Les Acteurs
méritoient les applaudiffemens
qu'on
MARS. 1727. 565
qu'on leur donna. Voici leurs noms . Meffieurs
Gimat , Mouffl: -de- Georville , Baudard
, Dunoyer , Rochard , du Tillot ; &
les trois du Prologue heroïque , qui
avoient encore des rôles dans la Piece
Comique. A la fin M. d'Ufez, de Florenfac
& M. Bochart de Champigny compli
menterent avec beaucoup de grace ; le
premier , Madame la Princeffe de Conti ;
Te fecond, M. le Prince de Conti & M. le
Comte de la Marche . Nous citerons le
dernier Compliment , parce qu'il a rapport
avec la Piece , & qu'il en fut la conclufion
.
Compliment à Monseigneur le Comte
de la Marche.
Pour la fin de la Piece Comique, intitulée,
le Fils indocile.
MONSEIGNEUR .
Le pere fur la Scene ici repreſenté ,
Propofe aux jeunes gens fon cadet pour mo
dele ;
Prince , en vous nous avons un miroir plus
fidele
,
De parfaite docilité.
G -V Cé
566 MERCURE DE FRANCE.
Ce cadet bien aimé borne fa dépendance ,
Aux loix d'un tendre pere , & les reſpecte en
fils .
Mais , Prince , c'eft en vous noble condefcendance
,
Quand vous vous foumettez à qui vous eſt
foumis.
Quel exemple pour nous qu'un procedé fi
fage !
A l'ordre , à la raiſon qu'il eſt beau de ceder !
Par là vous méritez ce glorieux préfage ,
Qui fçait bien obéir , fçaura bien commander.
On chanta dans le quatriéme Acte un
Vaudeville fur l'envie de voyager. Il fut
fort applaudi ; l'air , auffi- bien que la
Mufique du Prologue héroïque eft de M.
Campra , qui foutint dans cette occafion
la grande réputation qu'il s'eft acquife
depuis long - temps d'un des plus grands
Maîtres de l'Art . Pour que ce Vaudeville
ne perde rien de fon agrément ,
nous avons fait graver l'air nouveau fur
lequel il fut chanté. On le trouvera au
bas de la Chanfon du Mois , page 531.
M
VAU
MARS. 1727. 567
VAUDEVILLE NOUVEAU
fur l'envie de voyager.
Un Voyageur qui court le Monde,
Eft un peu foible de cerveau ,
S'il croit dans la machine ronde,
Voir quelque chofe de nouveau :
Qu'il parcoure la Terre & l'Onde ,
Après mille tours il dira ,
C'est ici tout comme là.
Que verra-t-il en Angleterre?
De jeunes gens fous du plaifir ;
Entre hommes-faits chicanne & guerre ,
Nul vieillard qui veüille mourir :
L'homme eft homme par toute terre ,
Valons-nous mieux qu'en Canada a
C'ek ici tout comme là.
En Allemagne on boit , on mange ,
En France on boit , on mange auffi .
A Liſbone un devot ſe venge ,
Plus d'un devot fe venge ici .
Que cent fois de climat on change ,
Cent
G VJ
368 MERCURE DE FRANCE:
Cent fois cet aveu l'on fera ,
C'est ici tout comme là.
Qu'un homme paffe en Italie ,
Pour y faire fon Carnaval :
Qu'y verra- t-il ! mainte folie ,
Jeu, feftins , maſcarade & bal.
Pourquoi fortir de ſa patrie?
A Paris on voit tout cela ,
C'eſt ici tout comme là.
On voit dans la nouvelle Eſpagne ,
L'heritier d'un riche Commis ,
Au cortege qui l'accompagne ,
Paffer pour Baron , pour Marquis.
De ce beau pays de Cocagne ,
Qu'on vienne en France , on s'écrîra
C'est ici tout comme là.
En tout Pays lePetit-Maître ,
Du feul caprice fuit la loi ,
Et faute de fe bien connoître,
Il n'eftime & n'aime que foi.
A la Cour il voudra paroître,
De
MARS.
169
77277
De fes grands airs ony rira,
C'eft ici tout comme là .
Au Perou fans ceffe on travaille ,
A chercher des veines d'argent ;
Pour moi dans quelque endroit que j'aille
Je vois qu'on en fait tout autant,
Tel qui de l'interêt ſe raille ,
S'il fonde fon coeur , fe dira ,
C'est ici tout comme là.
Si l'Inde adore des Pagodes ,
On en adore bien ailleurs ;
Pourquoi tant de fard , tant de modes >
On cherche des adorateurs.
Sans courir jufqu'aux Antipodes ,
Mainte & mainte Idole on verra ,
C'est ici tout comme là. ·
C'eſt donc follement qu'on s'engage :
Dans des voyages dangereux ,
Puifqu'on n'en revient ni plus fage ,
Ni plus fçavant , ai plus heureux.
Qu'on
370 MERCURE DE FRANCE
Qu'on rapproche uſagè d'uſage ,
A ce refrein l'on fe tiendra ,
C'est ici tout comme là.
LE PHILOSOPHE MARIÉ.
Comedie en cinq Actes , en Vers.
E fuccès de cette Piece a déja été.
Lannonce dans le Mercure précedent :
très
peu de
nous avons differé d'en donner un Extrait
pour nous mieux mettre au fait de l'Ouvrage
par les repreſentations , & pour
pouvoir rendre un compte plus exact des
fentimens du Public bien informé. Le Philofophe
Marié n'a éprouvé que trèscontradictions
, tous les fuffrages le font
reünis pour les beautez frappantes qui y
brillent de toutes parts ; & fi la critique
s'eft attachée à des minuties, c'eft qu'elle a
crû qu'un Ouvrage fi beau , ne devoit
point admettre de deffauts. En effet dans
la premiere reprefentation on a relevé
des bagatelles qu'on auroit paffées dans
une Piece d'un merite ordinaire . Ce
qui a été le plus generalement agité , c'eſt
la convenance du titre. Chacun en a parlé
felon l'idée qu'il s'eft faite du nom de
Philofophe, L'Auteur avoit preffenti ce
petit orage qui s'eft élevé contre faPiece ,
& il n'y a pas à douter que ce ne foit
pour
MARS. 1727 57F
pour aller audevant de la fevere critique,
qu'il a fait deux portraits du Philofophe
dans fon quatriéme Acte , dont il a prétendu
adopter le dernier , avec cette reftriction
, que s'il n'eft pas tel , il aſpire
à l'être . Nous donnerons ces deux portraits
à la fin de cet Extrait. Il ne refte
plus qu'à examiner ce qui a empêché
notre Philofophe de parvenir à ce degré
de perfection. L'Auteur l'explique dans
le titre ; ce n'eft pas ici un caractere de
Philofophe qu'il prétend donner , c'eſt
un Philofophe marié qu'il veut peindre
cette atteinte qu'il a portée à fa liberté en
fe foumettant au joug de l'hymen , l'a
rendu tout autre qu'il n'étoit avant fon
engagement ; & s'il n'a pas ceflé d'être
Philofophe en fe mariant, du moins ne l'at-
il pas. été tel qu'il auroit voulu ; deforte
qu'il a été réduit à la triſte neceffité
de n'avoir plus qu'un caractere mixte ,
& de s'appliquer ces deux Vers de fa
Piece :
Me voici juſtement , c'eſt la vive peinture
D'un fage defarmé , dompté par la Nature.
Pour ce qui concerne les autres carac
teres , on en a été generalement fatisfait ,
& ceux qui les ont trouvez un peu chargez
, ne doivent pas ignorer que le trop
fimple & le trop uni ne convient pas
20
372 MERCURE DE FRANCE.
au Theatre. Voilà ce que nous avons
recueilli des divers fentimens des Spectateurs
; paffons à l'Extrait que les Lecteurs
attendent de nous .
ACTE 1.
Le Theatre reprefente le Cabinet d'Arifte
, c'est le nom du Philofophe marié ,
il y paroît en robe de chambre , affis
auprès d'une table , les yeux attachez fur
un livre. De la lecture il paffe à la reflexion
; il s'examine lui- même ; & après
s'être applaudi du genre de vie dont il
a fait choix , pour être heureux , il avouë
qu'il ne l'eft pas , par la feule raifon qu'il
s'eft marié ; voici comme il s'explique ,
en regardant fa Bibliotheque .
J'ay mille Courtifans rangez autour de moi ;
Ma retraite eft mon Louvre & j'y commande
en Roy
Mais je n'ufe qu'ici de ce pouvoir fuprême ;
Dans l'autre Appartement je ne fuis pas le
même ;
Du matin juſqu'au foir j'y fuis contrarié ;
Ici je fuis garçon , là je ſuis marić.
Il impute cette difgrace au pouvoir que
Le beau fexe prend fur tous les coeurs
qu'il vient captiver dans le fein même
de
MAR S. 1729. 573
de la fageffe ; il en accufe auffi fon ami.
Damon , dont les confeils l'ont déterminé
à échouër contre l'écueil qu'il avoit
toûjours évité , c'eſt- à - dire , en le faifant.
réfoudre à fe marier. Damon fe trouve
juſtement à portée d'entendre cette apoftrophe
peu obligeante. Il lui reprefente.
qu'il a tort de mettre fon mariage au rang
des malheurs , & que Melite a toutes les
qualitez qu'on peut fouhaiter dans une
Epoufe j'en conviens , répond Ariſte
elle a mille vertus ; mais pour mon malheur
elle eft ma femme. Il lui reproche,
fur tout l'indifcretion fi naturelle à fon
fexe , & fe plaint qu'un mariage fur lequel
elle lui avoit promis un fecret in
violable , eft foupçonné de bien des gens.
La principale raiſon qu'il donne du fecret
qu'il a exigé , c'eft qu'il s'eft marié à
l'infçû d'un pere , dont il craint plus la
douleur que le courroux , parce qu'il a
pour lui , non une crainte fervile , mais
une tendreffe veritablement filiale. A
cette premiere raiſon , Damon en ajoûte
une feconde , qui ne conviendroit pas
un Philofophe tel qu'Arifte , c'eft une
raifon d'intérêt. Arifte attend de grands
biens d'un oncle d'une humeur bruſque
& difficile ; il court rifque de perdre fa
fucceffion , fi le bruit de fon mariage clandeftin
perce jufqu'à lui , comme on le
verra
574 MERCURE DE FRANCE
verra dans la fuite de la Piece. Damon
fe retire. Arifte fe remet fur fes Livres :
Finette vient troubler la lecture , pour lui
dire que fa Maîtreffe demande s'il eft
vifible. Le nom de Madame , qu'elle donne
à Melite , fait treffaillir Arifte , il dit
à Finette , qu'elle ne fçauroit ignorer les
deffenfes qu'il a faites de l'appeller d'un
nom qui pût faire foupçonner fon mariage.
Finette plaifante fur les foins éternels
qu'il prend de cacher cet hymen ,
& le pouffe jufqu'à fe faire menacer d'un
congé; mais elle fe rit d'une menace fi
peu fage,attendu qu'un Maître bien fenfé,
dit-elle , ne doit jamais en venir juſqueslà
avec des domeftiques inftruits de fes
fecrets , furtout quand ils font d'un fexe
enclin à l'indifcretion & à la vangeance.
Arifte convient qu'elle a raiſon, & achete
fon filence avec quelque argent qu'il lui
donne. Finette lui répond de fa difcretion
à ce prix , & le quitte pour lui fauver
la vifite de fa femme.
Melite , quoique Finette ait pû dire ;
ne laiffa pas de venir relancer Arifte dans
fon Cabinet. La raifon qui l'y porte , c'eft
que le Marquis de Loret , ami de fon
Époux , s'eft avifé de devenir amoureux
d'elle , & qu'elle ne peut fe fouftraire à
fes importunitez qu'en lui revelant le
fecret de fon mariage. Arifte fe trouve
par
MARS. 1727.
574
D
par là dans une alternative affez embar
aflante; il faut qu'il mette dans fa confidence
, homme du monde qu'il en
voudroit le plus éloigner , ou qu'il
fouffre qu'il en conte à fa femme. Il
aime mieux courir ce dernier riſque
perfuadé de la vertu de Melite , & finit
I'Acte en difant qu'il verra quel parti il
faudra prendre dans la fuite. Comme ce
premier Acte contient une expofition neceffaire
à l'intelligence de la Piece , nous
nous y fommes plus étendus que nous
ne ferons dans les autres.
ACTE II.
Celiante ,foeur de Melite , commence
ce fecond Acte avec Finette. Son carac
tere dominant , c'eft d'être capricieufe.
Elle n'eft jamais plus plaifante que lorfqu'elle
eft plus déraisonnable. Sans être
mauvaiſe foeur , elle porte envie au bonheur
de fa cadette. Elle voudroit haïr
Damon , fans fçavoir pourquoi ; elle fouhaiteroit
être aimée du Marquis du Loret
pour avoir le plaifir de le voir à fes genoux
, accablé de mépris . Finette , qui fe
réjouit de fes écarts , lui propofe cette
nouvelle conquête ; Céliante l'entreprend,
& veut commencer par quelqu'outrage
fait à Damon , qui puiffe l'en débarrafer
376 MERCURE DE FRANCE :
barraffer. Damon arrive tout à propos
Céliante fe jette dans un fauteuil , & lui
dit qu'elle le trouve bien hardi de venir
l'importuner, quand elle veut être feule.
Cette Scene a parû très - divertiflante &
remplie de traits . Damon , qui connoît
l'humeur de fa Maîtreffe , prend le parti
de filer doux , en attendant que l'orage
foit paffé , il veut fe retirer par déference
pour les ordres , & le fait avec un regret
fi tendre , qu'elle en eft touchée ; elle le
rappelle. Ils font un portrait l'un de l'au
tre , qui produit une nouvelle rupture .
Céliante dit à Damon qu'un homme qui
la connoît fi bien , ne fera jamais fon
Epoux ; elle lui défend de la voir jamais ,
& lui ordonne de fortir ; il obéit. Etant
feule , elle paffe en revûë tous les défauts
que Damon lui a reprochez , & trouve
fi bien l'art de les ériger en vertus
qu'elle en conclut qu'il a menti & qu'elle
eft parfaite. Melite , qui arrive , & qui a
entendu ces derniers mots , la raille fur
la bonne opinion qu'elle a d'elle même :
autre fujet de querelle entre les deux
fours. Melite , qui entre , les traite de
folles , elles fe réuniffent toutes deux
contre lui & fe racommodent pour lui
faire dépit ; il les prie de s'embraffer pour
achever de le faire enrager ; elles fe baifent;
il en eft fi peu fàché , qu'il les baiſe
toutes
MARS. 1727 . 599
toutes deux . Appuyez , mon neven , die
fón oncle en entrant ; les deux foeurs fe
retirent. L'oncle de Melite les prend
pour des créatures & preffe fon neveu de
lui apprendre qui elles font. Arifte fe
tire d'embarras , en difant que ce font deux
Dames de Bretagne prêtes à partir , &
qu'elles font venues prendre congé de
fui. L'oncle n'eft pas trop perfuadé de ce
qu'il lui dit ; mais pour changer de dif
cours , il lui annonce qu'il l'a marié avec
la fille de feuë fa femme. C'eft- là un
coup de foudre pour Arifte, Son oncle
le quitte pour s'aller repofer . Cet Acte
finit par la nouvelle Finette lui vient
donner de l'arrivée du Marquis du Loret
; cela acheve de le déconcerter &
l'oblige à l'aller recevoir, en difant :
Bi je n'en deviens fol , je l'échapperai belle,
que
ACTE III.
Arifte ouvre la Scene en fe plaignant
de l'incartade que fon oncle a faite au
Marquis du Loret , ce dernier entre &
reçoit en galant homme les excufes que
fon ami lui fait ; ils reprennent leurs an
ciennes converfations au fujet du mariage:
Arifte en parle avec tant de circonf
pection , que le Marquis lui demande s'il
feroit aflez malheureux pour être marié ,
Arifte
$ 78 MERCURE DE FRANCE.
Arifte lui protefte que non . Tu es plus
ferme que moi dans tes réfolutions , lui
répond le Marquis ; j'aime & mon amour
cft fi fort , que je veux brufquer le mariage.
Il lui apprend en mêine- temps
que c'eft Melite qu'il aime , & qu'il efpere
qu'il le fervira dans le dèffein qu'il
a de l'époufer. Arifte eft trop intereffé
dans cette nouvelle réfolution du Marquis
, pour ne l'en pas détourner . Melite
vient & donne lieu à une Scene des
plus comiques. L'embarras d'Arifte augmente
à chaque mot que dit le Marquis ,
pour prouver que Melite doit recevoir
fa main. Melite dit enfin qu'elle ne fçauroit
l'aimer , ce qui raffure Arifte . Il fe
retire & les laiffe finir leur débat . Le
Marquis n'eft pas plus heureux au têteà
- tête. Melite lui &te toute efperance, en
lui difant , non-feulement qu'elle ne l'aime
pas , mais qu'elle aime ailleurs . Le
Marquis foupçonne Arifte d'être l'heureux
Rival qu'elle lui prefere ; elle lui
laiffe la liberté de le penfer & fe retire .
Le Marquis forme le deffein d'en compter
à fa foeur , pour la picquer. La four
vient à propos ; elle rend feinte pour
feinte Damon qui furvient , n'en fait
que rire , loin d'en être jaloux. Le Marquis
le laiffe avec Celiante , qui trouve
fort mauvais qu'il vienne l'efpier , après
la
MARS. 1727. 579
la deffenfe qu'elle lui a faite de fe prefenter
devant elle , le raccommodement
fuit de près la broüillerie. Arifte vient
avec Melite , qui le preffe de faire connoître
fon mariage , pour ſe débarraſſer
de celui que fon oncle lui propofe ; Arifte
eft toûjours ferme dans le deffein de le
tenir fecret. L'oncle furvient & eft fort
furpris de trouver encore ces Dames
qu'il croyoit parties pour la Bretagne s
Melite fe retire fans dire mot ; mais il
n'en eft pas de même de Celiante ; elle
décoche un de fes Traits ordinaires . Ce
troifiéme Acte finit par l'arrivée de Lifimon
, pere d'Arifte ; c'eft un pauvre
Gentilhomme , qui pour foutenir la Nobleffe
, n'a point voulu prendre le chemin
que la fortune auroit pû lui ouvrir
comme à fon frere , qui eft entré dans
des Fermes pour fe garantir de l'indigence
qu'il reproche à Lifimon. Arifte le prie
de confiderer que Lifimon eft un Pere
qu'il aime & qu'il refpecte. L'oncle lui
répond brufquement que le pere qu'il
aime & qu'il refpecte , ne lui laiffera pas
un fol , au lieu que fon oncle l'enrichira
s'il accepte le parti qu'il lui prefente.
Lifimon répond à fon frere , qu'un fi
beau procedé lui rend la nobleffe & le
réconcilie avec lui . Ils rentrent tous trois
pour prendre les mesures qu'il faut pour
ce
580 MERCURE DE FRANCE.
ce mariage , auquel Arifte fe refuſe toti
jours.
ACTE I V.
Lifimon allarmé du chagrin qui dévore
en fecret fon fils , le preffe de lui
ouvrir fon coeur. Arifte fe jette à fes
pieds , & lui avoue qu'il a eû le malheur
de fe marier fans fon confentement. Lifimon
, après quelques tendres reproches ,
approuve fon mariage ; mais comme il
eft à craindre que fon frere , qui a une
autre alliance en tête , ne desherite un
neveu qui a ofé fe marier fans le confulter
, il dit à Arifte qu'il faut tout promettre
& cependant demander du temps.
L'oncle vient fort irrité de ce qu'on l'a
laiffé tout feul à table , il infifte plus que
jamais à conclure le mariage qu'il a pro
pofé : Arifte demande du temps pour ſe
réfoudre ; l'oncle trouve fort étrange
qu'on puiffe differer quand il s'agit d'un
mariage , auquel il attache une donnation
de tous fes biens . Lifimon lui ré
pond qu'un Philoſophe ne fait rien à la
hâte ; cela donne lieu à l'oncle de faire
une définition du Philofophe tel qu'il ſe
l'imagine. Arifte indigné , lui répond
qu'il peint un Pédan . & non un Philo
fophe ; ne font-ils pas tous deux , répond
l'oncle , d'une même étoffe , cette
réponse
MAR S.
1727. 581
·
→
réponſe oblige Arifte à définir le vrai
Philofophe ; ce Portrait eft un morceau
des plus faillants de la Piece. L'oncle
accorde enfin un délai de huit jours ,
après lequel terme il jure de donner fa
belle fille à un autre , avec tout fon
bien , s'il n'eft pas mieux obéï. Dans le
refte de cet Acte , il y a des Scenes entre
les Perfonnages épifodiques qui font
une agréable diverfion à l'action principale
, fans l'empêcher de s'acheminer à
fa fin. Le Marquis du Loret , également
maltraité de Melite & de Celiante , dit
à Arifte qui le plaint , que, pour lui , il
a pris fon parti en galant homme, & qu'il
vient de donner les mains à un mariage
que fes parens lui ont ménagé à fon infçû.
Par la maniere dont il en parle , Árifte
reconnoît qu'on propofe à fon ami le
même parti que fon oncle a fi fort à
coeur. Tu l'as deviné , lui répond le
Marquis , je vais époufer la belle fille de
ton oncle , je ne fais que fuivre ton exemple
, puifque tu t'es marié. Moi marié !
lui dit Arifte d'un ton mocqueur. Ami,
lui répond le Marquis , puifque tu ne
me juges pas digne d'entrer dans ta confidence
, je m'en vangerai ; prépare - toi à
voir fondre fur toi un orage de brocards:
à ces mots il le quitte. Arifte , épouvanté
de fa menace , finit ce quatrième Acte ,
H Ca
382 MERCURE DE FRANCE.
1
en faifant entendre qu'il préviendra le
fort qu'on lui annonce.
ACTE V.
Quoiqu'il y ait de grandes beautez dans
chaque Acte de cette Piece , le dernier
a été trouvé fuperieur à tous les autres..
Reprenons le fil de l'action .
Arifte & Damon font la premiere Scene.
Arifte eft extrémement agité, & Damon
a beaucoup de peine à calmer le
trouble de fon coeur . Arifte montre à
fon ami des Vers qu'on vient de lui envoyer
au fujet de fon mariage , fur lequel
on le raille cruellement ; il lui dit qu'il
n'y peut plus tenir , & qu'il veut abfolument
fe retirer à la campagne ; il le prie
d'y faire confentir fon pere. Damon le
quitte & cede la place à Melite , qui eſt
fuivie de Celiante & de Finette . Arifte
leur reproche leur indifcretion ; il dit à
Melite qu'il quitte la Ville pour toûjours ,
& qu'il lui laiffe la liberté de refter , ou
de le fuivre ; Melite lui dit avec beaucoup
de tendreffe , qu'elle s'attachera à
fon fort jufqu'à fon dernier foupir , au
grand étonnement de Celiante , qui ne
peut comprendre qu'une jeune perſonne
puiffe fe réfoudre à quitter la Ville pour
la campagne. Damon vient annoncer à
Arifte
MARS. 1727. 583
•
Arifte que fon oncle , inftruit de fon mariage
, le veut faire caffer. A cette terrible
nouvelle , Melite , en pleurs , demande
à fon mari , s'il l'abandonnera à
fon mauvais fort . Non , lui répond Arifte,
ne le craignez pas , tout ce qui m'a allarmé
jufqu'à ce jour , ne m'effraye plus,
je reprends cette noble fermeté qui fait
le parfait bonheur des coeurs vertueux
je vais faire tête à l'orage ; je ferai voir
qu'il n'eft rien de plus cruel pour moi
que d'être féparé de vous, & que Melite
eft le plus cher de tous mes biens . Ce
genereux retour d'Arifte a juftifié l'Auteur
de la foibleffe qu'il lui a donnée ;
s'il avoit moins craint les brocards que
fon mariage pouvoit lui attirer , il auroit
eû moins de merite à triompher de fa
foibleffe. Cette genereuſe réfolution étant
prife , Arifte dit à Melite de fe retirer
dans fon Appartement , & de n'en point
fortir qu'il n'ait parlé à fon oncle ; il
fort pour l'aller chercher . La Scene qui
précede celle du dénouement eft plaifante
; elle eft entre Damon , Celiante &
Finette. Damon lui apprend qu'il eft
homme de condition , que la neceffité de
fes affaires l'avoit obligé à lui cacher la
naiffance. Celiante ne l'en croit qu'à demi
; & fans lui promettre la main , lui
Laille entrevoir quelque rayon d'efperan-
Hij
ce.
384 MERCURE DE FRANCE.
ce. Lifimon vient avec fon frere , dont
la colere ne peut plus fe contenir ; il
veut abfolument faire cafler le mariage
d'Arifte ; il apperçoit Cèliante , qu'il
prend pour
celle que fon neveu a époulée.
Celiante picquée de fes injures , s'avance
malgré Damon & Finette ; elle
repouffe l'outrage par l'outrage , & le
fait d'une maniere fi vive & fi peu mefurée
, que Lifimon , qui prend le change
comme fon frere , confent à faire caffer
un mariage qu'il avoit d'abord approuvé
fur le rapport que fon fils lui
avoit fait ; c'eft donc là , dit l'oncle irrité ,
c'eft donc- là cette femme fi douce . Damon
à beau le vouloir defabufer , il ne veut
rien entendre . Arifte vient enfin , & Melite
quelque temps après lui ; l'oncle eft
tiré d'erreur ; la foumiffion de Melite
qui fe jette à fes pieds , fondant en larmes
, le defarme ; il n'en eft pourtant pas
moins embarraflé , il a promis de laiffer
tout fon bien à celui qui époufera fa bellefille.
Le Marquis du Loret vient lever
ce dernier obftacle , & protefte qu'il ne
confentira jamais à s'enrichir aux dépens
de fon ami , & qu'il a affez de bien d'ailleurs
, pour ne pas envier celui des autres.
La Piece finit par un triple mariage ,
& Celiante fe détermine à époufer Damon
par un trait de fes caprices ordii
naires .
MAR S. 1727. 585
aires. Outre qu'on a trouvé cette Comedie
très belle , elle a parû parfaitement
jouée. Le fieur Quinaul , la Dile du Frefne
& le fieur Duchemin font ceux
qui s'y font le plus diftinguez.
pere ,
Voici les Portraits que nous avons promis
; ils font tels qu'on les a retenus .
Q
Le Financier.
U'eft - ce qu'un Philofophe ? Un fou , dont
le langage
N'eft qu'un tiffu confus de faux raiſonnemens;
Un efprit de travers , qui par les argumens ,
Prétend en plein midi faire voir des Etoiles;
Toûjours après l'erreur courant à pleines
voiles ,
Quand il croit follement fuivre la verité;
Un bavard inutile à la Societé ,
Coëffé d'opinions , & rempli d'hyperboles ,
Et qui vuide de fens , n'abonde qu'en paroles.
Arifte.
Non , la Philofophie eft fobre en fes difcours
Et croit que les meilleurs font toûjours les
plus courts ;
Que de la verité l'on atteint l'excellence
Par la reflexion & le profond filence.
H iij Le
386 MERCURE DE FRANCE:
Le but d'un Philofophe eft de fi bien agir
Que de fes actions il n'ait point à rougir.
Il ne tend qu'à pouvoir fe maîtriſer foi - mêmes
C'est là qu'il met fa gloire & fon bonheur fuprême
.
Sans vouloir impofer par fes opinions ;
Il ne parle jamais que par fes actions.
Loin qu'en fyftêmes vains , fon efprit s'allam-
: bique ,
Eftre vrai, jufte, bon , c'eſt ſon ſyſtème unique :
Humble dans le malheur , grand dans l'adverfité
,
Dans la feule vertu , trouvant la volupté ;
Faifant d'un doux loifir fes plus chers délices
Plaignant les vicieux , & déteftant les vices ;
Voilà le Philofophe , & s'il n'eft ainfi fait ,
Il ufurpe le nom , fans en avoir l'effet,
On a déja parlé de quelques Seigneurs
& de quelques Dames de la Cour de la
Reine , qui fe font un plaifir de jouer la
Comedie. Les mêmes perfonnes reprefenterent
devant Sa Majeſté , le 26. de
l'autre mois , le Misantrope & le Florentin
, & le 12. de ce mois , le Jaloux defabufé
& les Folies Amoureuses . MileDefmarres
, excellente Actrice du Theatre
FranMAR
S. 1727. 587
François , qui a quitté la Comedie depuis
quelques années , & que le Public
ne ceffe de regretter , joiia le Rôle d'Eliante
, dans la premiere de ces Pieces ,
& la Suivante dans les trois autres.
On écrit de Rouen , qu'il y a paru
une nouvelle Comedie , reprefentée ce
Carnaval dernier,intitulée : Les Intrigues
d'Arlequin , qui a été fort applaudie .
On écrit de Vienne , que le 9. du mois
dernier , les Pages de la Cour reprefenterent
une Comedie Italienne , en preſenće
de L. M. Im . & des Archiducheffes $
que le 11. l'Empereur vit la feconde reprefentation
d'un Opera intitulé : Dom
Quichotte à la Cour de la Ducheffe , que
le 12. au foir & le 19. il y eut Bal dang
l'Appartement des Archiducheffes : le
20. Jeudi Gras , les Seigneurs & Dames
de la Cour , parurent au Palais avec di
vers habillemens étrangers , & le 25 il
y eut auffi à la Cour un Feftin , où l'Empereur
& l'Imperatrice , les Archidu
cheffes , les Seigneurs & les Dames de la
Cour , revêtus des habits qui leur étoient
échûs par le fort , affifterent . Ce repas fut
fuivi d'un Bal , & toute la Fête qu'on
homme , Fête- d'Hôte, finit par un grand
fouper , dont les Tables furent levées à
minuit.
Hiiij On
388 MERCURE DE FRANCE: '
On apprend de Bruxelles , que le 10
du mois dernier , il y eut un Bal magnifique
au Palais , dont l'Archiducheffe Gouvernante
des Pays - Bas , fit l'ouverture
avec le Comte de Vifconti , Grand - Maître
de fa Maifon , & que toutes les fois
que cette Princeffe danfa , la Symphonie
ordinaire fut accompagnée du fon des
Timbales & des Trompettes . Toute la
Nobleffe eut la liberté de fe déguifer &
d'entrer Maſquée à ce Bal .
NOUVELLES DU TEMPS,
TURQUIE.
A derniere contagion de Conftanti-
Lnople ayant fait peir environ 18000.
perfonnes , le Grand-Vizir a envoyé des
ordres dans l'Albanie , la Valachie, & autres
Provinces de la domination du G. S.
pour faire venir à Andrinople & dans lá
Capitale de l'Empire , tous ceux qui feront
en état de porter les Armes.
SUITE des Nouvelles de Perfe : Extrait
d'une Lettre écrite de Conftantinople ,
à M... le 28. Janvier 1727 .
Voici, Monfieur, ce que nous avons de
plus nouveau & de plus certain fur les
affaires de Perfe.
Le
MARS. 1727. 589
་
- Le Seraskier Ahcmet-Kupruli , Bacha de
Bagdat ou Babilonne , marchoit pour aller affieger
Ifpaham avec une armée de 70000. hom
mes , compofée pour la plupart de Curdes ,
Nation qui habite le Pays appellé Curdistan ,
fitué en partie fur le Tigre, entre l'Armenie &
Bagdat. Il étoit déja affez près d'Ifpaham , lorf- .
que Efcheref , ou Afcheraf Kan , Succeffeur &
parent de Miri-Mahmoud , fe mit en mouvement
pour aller à fa rencontre avec 40000
hommes , prefque toutes Troupes ramallées.
Les deux armées fe camperent à une médiocre
diftance l'une de l'autre , & Efcheref , par une
politique convenable à la fituation de fes affaires
, prit le parti, avant que d'en venir au combat
, d'envoyer une Ambaffade à Achmet Bacha.
Il choifit pour cette Ambaffade , quatre
Effendis ou Docteurs de la Loi Mahometane ;
il leur ordonna de s'habiller de blanc , qui eſt
parmi les Mufulmans , la couleur des Imams.
& des Prédicateurs , & de prendre des Botines
noires. Ils n'avoient point d'armes , portant
feulement à la main de longs Chapelets , fur
lefquels ils récitoient leurs Prieres.
99
30 toi
Le Seraskier les reçut avec honneur dans fon
Divan public , & après le falut ordinaire , l'un
d'entre eux prenant la parole, lui dit : Echeref
Kan , notre Empereur , nous envoye vers
pour te dire qu'il a conquis la Perfe pour
y établir la veritable Religion avec d'autant
plus de fondement , que cet Empire lui appartient
de droit , faifant profeffion de la ve-
»ritable Religion Mufulmane , & defcendant
d'ailleurs du fameux Coraix , auquel ce
အ
* C'eft le Prince que nous connoiffons dans
nos Hiftoires, fous le nom de Cofroes , qui vi
voit du temps de l'Empereur Heraclius.
Hr Royaume
590 MERCURE DE FRANCE:
"
ןכ
Royaume appartenoit légitimement . Il igno
»re pour quelle raifon l'Empereur Ottoman le
traite en ennemi , & ce qui eft encore plus
fcandaleux , fe ligue avec les Infideles , Îça-
» voir , les Mofcovites , pour chaffer un' Mu-
» fulman à qui la naiffance , la Religion , &
» les armes , donnent de fi juftes droits . Nous
→venons ici pour te prier de fa part , de ne
point tirer le fabre contre un Prince de ta même
Religion & de t'en retourner à Bagdat
avec ton armée , nous laiffant établir tranquil-
» lement dans la Perfe le vrai culte du Tout-
» Puiffant .
ל כ
.
Le Seraskier fe trouva fort embarraffé par la
qualité , par la contenance & encore plus par
le difcours des Ambaffadeurs ; & voyant que
ces marques exterieures de Religion faifoient
beaucoup d'impreffion fur l'efprit fuperftitieux
des Chefs de fon armée , préfens à cette Audiance
, il fe hâta de répondre qu'il venoit dans
la Perfe pour obéir aux ordres du Grand- Seigneur
fon Maître , & pour les faire executers
que ces ordres étoient , que la Religion Mufulmane
, ne pouvant avoir qu'unſeul Chef, & le
G.S.étant en poffeffion de ce Titre, comme ayant
fuccedé aux Califes, Echeref- Kaneût à le reconnoître
pour fon Superieur & le feul Empereur
ou Chefdes Musulmans ; & que s'il réfiftoit à
une demande fi jufte , il n'avoit qu'à se préparer
à éprouver la force du fabre des Ottomans.
C'étoit environ à l'heurede midi qu'Achmet
Pacha donna cette Audiance aux Ambaffadeurs
d'Efcheref A peine eut il achevé de parler ,
que fans lui répliquer les quatre Ambaffadeurs
prirent ce temps - là pour faire tout- à-la fois
leur priere de midi , & ils affecterent encore
une plus grande dévotion.
A peine les Ambaffadeurs s'étoient retirez
qu'un
MAR S. 1727. 591
qu'un Prince Curde paffa à l'armée d'Efcheref
avec sooo. hommes , plus de 20000 autres de
la même Nation fuivirent cet exemple. Il eft
bon, Monfieur, de vous faire fouvenir ici ,
qu'il y a dans la Religion Mahometane deux
Sectes principales . Celle d'Omar , fecond Calife
& fucceffeur de Mahomet , que fuivent les
Turcs , & celle d'Ali , gendre du faux Prophete,
que fuivent les Perfans ; mais les Docteurs
de la Secte d'Omar font de differentes opinions
entre eux .
Les Curdes & les Arabes fuivent les mêmes
opinions qu'Efcheref, ainfi que les Peuples du
Candahar , dont il eft le Chef; ce qui étoit un
grand motif pour les porter à favorifer ce
Prince.
Cependant Achmet Pacha , malgré la défertion
de tant de Troupes , fe difpofa à livrer la
bataille, mais il ne fut pas long-temps à éprouver
que les bras ne fervent de rien quand ils ne
font pas foûtenus & animez par le courage ;
car à l'approche des deux armées il fe trouva
tellement abandonné de ce qui lui reftoit de
Troupes , qu'il fut obligé de fe retirer avec un
petit nombre de Turcs , laiffant aux Ennemis
tous les Bagages & l'Artillerie.
Le Victorieux Efcheref n'abufa pas de fon
bonheur , il envoya au contraire des nouveaux
Ambaffadeurs à Achmet Pacha pour lui dire
qu'il pouvoit faire retirer tout ce qu'il avoit
abandonné dans fon Camp , parce que tout
cela appartenant à des Muſulmans , il ne croioit
pas qu'il lui fût permis d'en rien prendre, ajoutant
qu'il ne vouloit pas être regardé comme
un voleur qui venoit enlever le bien d'autrui ;
mais comme un Monarque qui venoit prendre
poffeffion de fa Couronne .
Efcheref , après avoir établi fa réputation
H vj par
{
192 MERCURE DE FRANCE:
par un acte fi nouveau de fa generofité , ne
s'en tint pas là ; il continua fa marche vers
Camadan; & accompagnant plutôt que pourfuivant
Acmet Pacha fur les frontieres de Babylone
, il l'obligea de fe retirer à Chermanfchah
, d'où le Seraskier envoya ces triſtes nouvelles
au Grand Vifir.
On a tenu ici depuis divers Confeils fur cet
évenement . On met en mer fix Vaiffeaux de
Guerre pour transporter à Seide des Troupes
qui fe doivent joindre à celles d'Egypte ,
pour renforcer l'Armée Ottomane.
•
On a envoyé de tous côtez des ordres pour
lever des Troupes . On tire , entr'autres , de la
Bofnie , 20000. hommes ; enfin on ſe diſpoſe .
à former une puiffante armée , le Grand Seigneur
ayant ouvert en cette occafion importante
tous fes tréſors .
RUSSIE.
A Czarine fait embarquer fur les
Vaiffeaux de la Flotte foixante pieces
de canon de gros calibre , vingt mortiers ,
& une très - grande quantité de bombes ,
de boulets de canon , de grenades , &
d'autres munitions .
On attend à Petersbourg le Comte.
Maurice de Saxe. S. M. Cz. continuant
à lui accorder fa protection , paroît vouloir
prendre avec lui les mesures neceffaires
pour la validité de fon Election
à la fucceffion éventuelle du Duché de
Curlande.
La Czarine a écrit au Roi de Pologne ,
pour
MARS. 1727: 595
pour le complimenter fur le rétabliffement
de fa fanté , & pour lui recommander
les interêts du Comte de Saxe.
On embarqua au commencement du
mois dernier à Petersbourg un grand
nombre de Travailleurs pour Revel , qui
feront employez , avec quelques bataillons
de la garnifon de la même Ville
aux Ouvrages que S. M. Cz . a résolu de
faire conftruire dans l'Ile de Nargin ,
fous la direction de trois Ingenieurs. On
affure que la Flotte ira fe mettre à l'ancre
fous cette Ifle , pour empêcher les Efcadres
d'Angleterre & de Dannemarc de
prendre ce pofte , comme l'année derniere
.
Le bruit court que les 12000. hommes
de troupes Mofcovites qui doivent entrer
au fervice de l'Empereur , en cas qu'il y
ait guerre , font actuellement à la folde du
Roi d'Espagne .
Le Comte de Matoukin , commandant
en Chef les troupes Mofcovites fur les
frontieres de Perfe , confirme les avantages
remportez fur lesTurcs par Efcheref-
Kan , & ajoûte que le Pacha de Babylone
avoit retiré de la Georgie les troupes
du Gr. S. qui y étoient en quartier
pour renforcer l'armée de S. H. qui s'eft
affemblée près de Madam depuis la déroute
.
Po594
MERCURE DE FRANCE.
Leur
POLOGNE .
E 11. du mois dernier , vers les cinq
heures du foir , le Roi arriva de
Bialfſtock à Varfovié en parfaite fanté . Le
lendemain on chanta un Te Deum folemnel
, pour rendre graces à Dieu du rétabliffement
de S. M. Les Peuples des
principales Villes de Pologne ont marqué
beaucoup de joye à cette occafion, &
les Seigneurs de ce Royaume arrivent en
foule pour faire leur cour . Une troupe de
Comediens arrivez depuis peu d'Italie ,
doivent jouer pendant le refte du Carnaval
.
Les Senateurs ont obtenu un ordre du
Roi , pour faire revenir à Varfovie tous
les Gentilshommes Polonois qui ont accompagné
le Comte Maurice de Saxe , &
on affure que S. M. aux preflantes follicitations
des Miniftres Polonois , a envoyé
de nouveaux ordres à ce Comte de
fe retirer de la Curlande .
Le Comte de Branicki , Enfeigne de la
Couronne , & Seigneur du Château de
Bialftock , où le Roi a féjourné pendant
fa maladie , s'eft rendu à Varfovie pour
y faire fa cour. S. M. qui lui avoit déja
fait des préfens confiderables , ayant fçû
qu'il logeoit chez un Senateur de fes
amis , parce que fa maifon n'étoit pas
meuMARS:
1727: 395
meublée ,, y fit porter fecrettement pour
plus de 45000. liv . de meubles , fans
vouloir permettre qu'il l'en remerciât .
Ο
SUEDE.
Na affiché depuis peu à Stockolm ,
P'Edit du Roi contre les Duels ,
qui porte punition de mort contre ceux
qui y contreviendront .
L
DANNEMARC.
'Eſcadre de ce Royaume fera compofée
cette année de treize Vaiffeaux de
Guerre , fans les Fregates , & autres Bâtimens.
Le Camp qu'on doit former dans
le Holſtein au Printemps prochain , fera
de 18000. hommes , & il y aura un train
d'artillerie de vingt - quatre pieces de
canon.
L
ALLEMAGNE .
E bruit court que l'Electeur Palatin
s'eft défifté de fes prétentions à la
fucceffion du Duché de Deux - Ponts , en
faveur du Prince de Biskenfeldt.
Le Comte de Kinski eft encore à Manheim
, d'où l'on croit qu'il retournera dans
peu à Vienne , pour fe rendre enfuite à la
Cour du Roy de France.
Les
396 MERCURE DE FRANCE.
Les Païs héreditaires en Allemagne ;
ont accordé à l'Empereur 8. millions en
argent , & 200oo . hommes de recruës.
Les Troupes Imperiales qui marchent
vers Mayence , font compofées de 12.
Bataillons & de 14. Eſcadrons .
On écrit de Berlin que le Roy de
Pruffe ayant été informé des bruits qui
s'étoient répandus par rapport au Traité
conditionel que fon Miniftre a figné à
Vienne , il avoit fait déclarer aux Miniftres
des Rois de France & d'Angleterre
, que ce Traité n'ayant été fait que
pour quelque interêt particulier , il étoit
toûjours dans la réfolution de ne rien faire
qui put porter préjudice au Traité d'Hanover.
L'Empereur a fait publier à Vienne le
Traité d'amitié qui fut conclu le 30 .
Avril 1725. entre S. M. I. & le Roy
d'Efpagne. Ce Traité eft imprimé en Latin
, & contient fix articles.
Par le premier , l'Empereur & le Roy
d'Espagne fe promettent une amitié réciproque
, fincere && durable.
Par le fecond , S. M. I. promet de ne fe
point oppofer à la reftitution de Gibraltar
qui a été promife à S. M. C. à condition
qu'elle fe faffe à l'amiable : Elle offre même,
s'il eft neceffaire , d'y employer fes
bons offices & fa médiation.
Dans
MARS. 1727. ·597
Dans le troifiéme , le Roy d'Efpagna
promet l'entrée libre des Ports du Continent
d'Espagne à tous les vaiffeaux de l'Empereur
& de fes fujets , de quelque nation
qu'ils foyent , une liberté entiere de commerce
dans toute l'étendue de jon Royaume ,
avec la jouiffance des Privileges accordés
jufqu'à prefent aux nations les plus amies
de S. M. C.
Il eft ftipulé dans le quatrième , que fi les
Vaiffeaux des fujets de S. M. 1. eroient
attaquez ou inquietez , tant en deçà qu'au
delà de la ligne , le Roy d'Espagne en fera
caufe commune avec l'Empereur , qui
promet la même chofe de ja part par rapport
aux Vaiffeaux de S. M. C.
la .
Le cinquiéme , regle les fecours que ces
deux Puiffances doiventfe fournir pour
garantie de leurs Domaines & poffeffions :
ceux du Roy d'Espagne envers S. M. I.
font de 15. Vaiffeaux de ligne , de 15000 ,
hommes d'Infanterie , & de 5000. de
Cavalerie : ceux de l'Empereur envers
S. M. C. font de 20000. hommes d'Infanterie
, & de 10000. de Cavalerie.
Le fixième & dernier article , ne regarde
que le terme dont les Plenipotentiaires
étoient convenus pour la ratification de ce
Traité.
On a reçû avis que le Cercle de Suabe
avoit refufé d'acceder au Traité de Vienne
a
598 MERCURE DE FRANCE:
ne , & qu'il avoit pris le parti de reftet
neutre , ce qui fait craindre que fon exemple
ne foit fuivi par tous les autres Cercles
de l'Empire , d'autant plus qu'on leur a
fait connoître qu'on n'avoit rien ftipulé
dans le Traité d'Hanover qui pût intereffer
l'Empire directement ou indirectement
; que ce Traité étoit purement défenfif
, & qu'il n'avoit d'autre but que la
confervation de la paix de l'Europe. On
a fçû d'ailleurs que le Roy de France
avoit fait déclarer par M. de Chavigny ,
fon Miniftre à Ratifbone, aux Electeurs ,
Princes & Etats de l'Empire , que bien
Join que S. M. T. Ch . penſat à enfraindre
le Territoire de l'Allemagne , elle
employeroit au contraire tous les foins
& toute fon attention à empêcher qu'on
n'y caufe aucun dommage , & qu'on ne
porte aucune atteinte aux Droits , aux
Privileges , & à la tranquillité des Mem
bres de l'Empire.
Le Quartier general d'affemblée des
Troupes Imperiales eft à Oppenheim ;
où elles doivent fe rendre le 22. de ce
mois , & l'on affûre qu'une partie paffera
enfuite le Rhin à Cologne , pour aller
couvrir Mayence & Luxembourg, & pour
renforcer les Garniſons de ces deux Places.
ITALIE.
MARS 1727. 595
ITALI E.
,
Na reçû avis de Sicile , que le 5 .
Janvier dernier , vers les deux heures
après minuit on avoit reffenti à
Noto , dans la partie la plus meridionale
de l'Ifle , deux fecouffes très- violentes de
tremblement de terre , qui avoient caufé
un effroi general ; que le 6. Fête de l'Epiphanie
, il en étoit furvenu cinq autres
confécutives , qui avoient obligé les ha
bitans à fuir de leurs maifons , & à fe
raffembler dans les Places Publiques ; &
le 8. une neuviéme auffi violente que
celle qui détruifit la même Ville le 11 .
Janvier 1693. Ces neuf fecouffes ont renverfé
le mur de l'ancienne Eglife des
Francifcains de fainte Agathe , la grande
arcade de la nouvelle Eglife des Benedictins
de faint Sauveur , & toute la Tribune
du dedans ; l'arcade de la vieille
Eglife des Freres Mineurs Obfervantins ,
une partie de l'Eglife & du Convent des
Mineurs , & un très- grand nombre de
bâtimens moins élevés . La belle Eglife de
faint Michel a été entr'ouverte depuis le
haut jufqu'en bas , mais heureuſement il
n'eft peri aucun habitant dans toutes les
ruines : & il n'y a eu que deux perfonnes
bleffées. La neuviéme fecouffe a été très
ſecouſſe
fenfible
600 MERCURE DE FRANCE.
fenfible dans tout le Val de Noto , fur la
côte & dans le Territoire de Catana , à
Palerme , dans le Golfe de Caftel - à - mare ,
dans d'autres lieux du Val de Mezzara ,
& preſque dans tout le Royaume , mais
elle n'y a caufé aucun dommage.
On mande de Malte qu'il y avoit actuellement
fur les Chantiers de cette
Ville trois Vaiffeaux de Guerre pour le
compte du Roy d'Efpagne ; que le Grand-
Maître avoit envoyé en courſe fix Vaiffeaux
de Guerre de la Religion , & qu'on
reffentoit de temps en temps dans l'Iſle
quelque fecouffe de Tremblement de
terre .
Sur la fin du mois dernier , les Sbires
arrêterent à Rome dans l'Eglife de faint
Roch deux affaffins qui s'y étoient refugiés
, & deux autres dans celle de fainte
Marie des Boulangers . Le Pape a déclaré
que pour les aflaffinats & autres crimes
énormes , il ne vouloit pas qu'on eut aucun
égard aux Immunités & Privileges
des Eglifes , & il a livré ceux qui feront
prévenus de tel crime , au bras feculier
par un Decret du 12. Février.
ESPAGNE.
Lia moitié des 18000. piftoles qu'il
E Roy a fait payer au Duc de Leria
lui a accordées pour les frais extraordinaires
MARS. 1727. 601
aaires de fon Ambaffade à Peterſbourg.
On a reçû avis de Cadiz , que le 10 .
du mois dernier , la N. D. de Mont-
Carmel , Vaiffeau commandé par le Capitaine
Dom Alphonfe Ruis Colorado , y
étoit arrivé de la Côte des Caraques ,
avec une charge de 262 3 1. Pezos , &
fept Réaux en Eſpeces d'or & d'argent
de 5564. Bales de Cacao , du poids de
110. livres chacune , de deux Barils de
Vanille & d'une Caiffe de baume du
Perou .
Le Vice- Amiral Wager eft arrivé devant
Gibraltar avec neuf Vaiffeaux de
Guerre Anglois ; & après avoir débarqué
les Troupes qu'il a amené d'Angleterre
pour augmenter la Garniſon de cette
Place , il a jetté l'ancre à la pointe Occidentale
des rochers qui forment la Baye ,
ce qui a empêché jufqu'à préfent l'approche
de trois vaifleaux de Guerre Efpagnols
, de plufieurs Galeres & de quelques
Brulots qui étoient partis de Cadiz
dans le deffein de faire quelque entrepriſe
du côté de la Mer.
Les fix groffes pieces de canon de fonte
tirées des fortifications de Cadiz étant arrivées
avec des peines & des frais extraor
dinaires devant Gibraltar , on en a formé
une Batterie qui rendra l'entrée du Port
très-dangereufe. Du côté de la terre il y
Go2 MERCURE DE FRANCE.
a trois autres Batteries de Canons de fer
deffendues contre les forties par des retranchemens
paralleles affez profonds .
GRANDE- BRITAGNE .
Es Lettres de la Jamaïque , du 10.
Decembre dernier , portent que l'Amiral
d'Hozier y étoit revenu avec fon
Efcadre , à la réſerve de trois Vaiffeaux
qu'il avoit laiffé devant Porto - Bello ,
dont le Gouverneur retenoit dans le
Port deux Chaloupes chargées de Marchandifes
appartenantes à la Compagnie
de la Mer du Sud .
1
す
Les Communes ont approuvé le Bill
de la Taxe des Terres , & elles l'ont ens
voyé à la Chambre des Pairs . Elles ont
réfolu d'accorder au Roi 60000. livres
fterling pour les Officiers de terre & de
mer qui font à la demie-paye ; 4847. liv .
fterling pour les Penfionnaires Invalides
qui font hors du College de Chelfcas
50000. liv . fterling pour achever de
payer ce qui eft dû au Landgrave de
Heffe Caffel , fuivant l'Acte paffé entre
S. M. & ce Prince le 12. Mars 1726 .
pour les 12000. hommes qu'il fournit au
Rois 170000. liv . fterling pour le ſubfide
particulier promis à ce Prince pour la
folde de fes Troupes , & 160306. liv.
Aterling
MARS. 603 1727 .
Aerling pour les non -valeurs des fubfides
accordez en 1726 ,
W
Dans le magnifique repas que le Roi
donna au Lord- Maire , & à toute la Magiftrature
de Londres , il y avoit fix tables
de foixante & douze couverts , chacune
fervie d'environ mille plats ; enforte que
depuis Charles II. il n'y a pas eu un pareil
feftin à la Cour. Le Lord-Maire dîna
avec le Duc de Dorfet , Grand Maîtred'Hôtel
; la Cour des Aldermans à la table
de Mylord Finch , Contrôleur de la
Maifon de S. M. le Confeil Commun à
la table des Contrôleurs de la Table Ver
te , & c.
Les Grands Officiers de la Couronne
& autres perfonnes de diftinction affifterent
à ce fomptueux feftin , dans lequel
on but environ 1500. bouteilles de vin
& on cafla so. douzaines de verres ; on
prétend qu'il a couté 1500. liv . fterling.
Le 3. de ce mois , le Roi donna fon
confentement Royal à l'Acte paffé par les
deux Chambres , pour la levée de la taxe
par livre fur toutes les quatre Chelins
terres , maiſons , & autres biens -fonds.
Les Lettres du Vice- Amiral d'Hofier ,
du 25. Decembre dernier , portent que
le grand nombre de malades qu'il avoit
dans fes Vaiffeaux , l'avoit déterminé à fe
retirer à la Jamaïque , pour les mettre à
de
gerre
604 MERCURE DE FRANCE .
terre ; que par les foins du Prefident &
des Membres du Confeil de cette Ifle ,
fon Efcadre avoit préfentement des équipages
nombreux & en bonne fanté ¸¨ &
qu'il étoit en état de profiter du premier
vent favorable , pour retourner devant
Porto - Bello.s
Plufieurs perfonnes nous ont dit , que
les termes de Bill & de Comité , dont il
eft fi fouvent parlé dans l'Article des
nouvelles de Londres , ne font pas entendas
de tout le monde. En voici une
petite explication .
On appelle Bill toute affaire qu'on
propofe , fans qu'elle foit rédigée . On
ordonne que des Commiflaires l'examiperont
, & ces Commiffaires fe nomment
le petit Comité. Lorfqu'ils ont examiné
l'affaire , & qu'elle eft rédigée par écrit ,
on dit alors que le Bill eft formé , & il ne
paffe dans la Chambre où il a été propofé
, qu'après qu'on l'a lû trois fois . La
premiere des deux Chambres qui a mis
le Bill en cet état , l'envoye dire à l'autre
Chambre , & c'eft toûjours celle des
Communes qui fe rend dans la Chambre
Haute , qu'on appelle des Seigneurs , ou
la Chambre Peinte. Quoique le Bill ait
été approuvé par les deux Chambres , il
ne pale point fi le Roi ne vient en Habits
Royaux , & ne le touche avec fon Sceptre
:
MAR S. 1727.. 605
tre; ce qu'il fait en difant , le Roi y confent.
Lorfqu'il dit , le Roi s'avifera , cela
fait entendre qu'il ne veut pas le paffer ,
& alors le Bill n'a aucun effet.
Ce qu'on appelle le Grand Comité ,
c'est lors qu'après avoir proposé une
affaire , l'Orateur defcend de fa Chaire
pour laiffer chacun dans la liberté de fe
parler , non pas en demeurant en fa place
, mais en fe promenant avec ceux dont
on veut prendre l'avis . Après qu'on s'eft
ainfi confulté les uns les autres , pendant
quelque- temps , l'Orateur remonte dans
fa Chaire , & tout le monde reprend fa
premiere place . Il fe fait un filence , &
cela veut dire , être en Farlement. Chacun
peut alors parler à fon tour fur la
chofe propofée , & auffi long- temps qu'il
veut , mais feulement une fois .
Le Roi d'Angleterre ne peut faire aucunes
levées , ni paffer de nouveaux Ac◄
tes fans le Parlement , qui pourtant n'a
point de pouvoir par lui - même , & où
tout ce qu'on réfout , ne fçauroit avoir de
force que par l'autorité que le Roi lui
donne. Il y a plufieurs affaires que chaque
Chambre traite par Comité , c'eft - àdire
, qu'elle choifit des Commiffaires
pour les réfoudre. Quelquefois la Cham.
bre haute & la Chambre baffe en nonment
pour la même affaire , & cela s'a-
I
pella
606 MERCURE DE FRANCE .
pelle grand Comité. On dit que la
Chambre fe met en Comité , ce qui eft
plus ordinaire à la Chambre baffe , quand
il eft permis à chacun de dire ce qu'il
penſe d'une affaire , fans que ce foit opiner.
Alors la même perfonne peut demander
à parler plus d'une fois , & on
Pécoute ; mais lorsqu'on opine , après.
que l'on a parlé une fois , on n'a plus la
liberté de rien dire.
L
HOLLANDE , PAYS- BAS.
E bruit court que les Etats Generaux
ont réſolu de lever vingt - deux
nouvelles Compagnies de Suiffes : fçavoir
, huit dans le Canton de Berne , cinq
dans celui de Zurich , cinq dans les Cantons
de Gloris & d'Appenzel , & quatre
chez les Grifons.
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
3
Dona Sebaftienne de Mendozza , foeur de Dom Garcias de Mello , autrefois Grand
Veneur de Portugal , mourut vers la fin du
mois de Janvier dernier à Lifbonne , dans le
Monaftere de l'Efperance , âgée de 99. ans.
Dom Duno Álvarez - Pereira de Mello ,
Premier Duc de Cadaval , quatriéme Marquis
de
MARS. 1727. 607
de Ferreira , cinquième Comte de Tentugal
Confeiller au Confeil d'Etat , & au Conteil
de Guerre , Prefident du Tribunal du Defembargo
du Palais , Mayordome-Mayor des trois
dernieres Reines de Portugal , Meftre de Camp
General auprès de la perfonne du Roi , & General
de la Cavalerie de la Province de l'Etremadoure
, mourut à Lisbonne le 29. du même
mois , âgé de 89. ans . Le Roi , pour donner des
marques particulieres de fa bienveillance envers
cet illuftre mort , qui avoit l'honneur
d'être parent de S. M. a pris le grand deüil , &
a ordonné à toute fa Maifon de le porter. Ce
Seigneur étoit fils de François Pereira de Portugal
de Mello , fecond du nom , Marquis de
Fereira , Comte de Tentugal , Chevalier de
l'Ordre de Saint Jacques , Grand Veneur de
Portugal , General de la Cavalerie , Grand
Maître- d'Hôtel de la Maifon du RoiJean IV.82
AmbaffadeurExtraordinaire enFrance en 1641 .
Il avoit épousé en premieres nôces Marie de
Faro du Cointe de la Fera ; en fecondes
, Marie- Angelique- Henriette de Lorraine ,
fille aînée de François de Lorraine , Comte ,
d'Harcourt , dont il a eu une fille mariée au
Marquis de Fontes , Comte de Penaguiante ,
morte en Novembre 1699. & qui a laiffé un
fils & trois filles ; & en troifiémes nôces Marguerite
de Lorraine , fille aînée de Louis de
Lorraine , Comte d'Armagnac & de Brionne ,
Grand- Ecuyer de France , & de Catherine de
Neufville- Villeroy dont il a eu Louis de Portugal-
Pereira , Marquis de Fereira , mort de la
petite verole le 13. Novembre 1700. fans
laiffer de pofterité de Loüife de Portugal , fille
legitimée de Pierre , Roi de Portugal , qu'il
avoit épousée en 1695. James de Portugal ,
fecond Duc de Cadaval , qui lui fuccede , &
I ij
> veuve
qui
608 MERCURE DE FRANCE.
1702.
qui a épousé avec difpenfe le 16. Septembre
la veuve de fon frere , & filles ;
quatre
l'une mariée au Comte de Saint Jean , fils aîné
du Comte de Tavora ; la feconde au Comte
deVillar- Mayor ; la troifiéme , au Comte d'Als
bos , & la derniere au Comte d'Alvas.
>
François Farneſe , Duc de Parme , mourut à
Plaifance la nuit du 25. au 26. Fevrier , dans
la 49. année de fon âge , étant né le 19. de
Mai 1678. Il avoit époufé avec difpenfe , le
8. Decembre 1695. Dorothée- Sophie , fille de
Philippes- Guillaume , Electeur Palatin , veuve
d'Odoart Farneſe II. du nom , Duc de Parme ,
fon frere aîné , & mere de la Reine , épouſe
du Roi d'Efpagne. Comme il n'en a point eu
d'enfans , Antoine Farnefe , fon frere puîné ,
lui fuccede. Le corps de ce Prince fut inhumé
le 1. de ce mois dans l'Eglife des Capucins de
Parme , où eft la fepulture de fes Ancêtres,
茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E I. de ce mois , le Roi & la Reine
Levin
revinrent de Marly au Château de
Verſailles .
Le 2. premier Dimanche de Carême ;
le Roi entendit dans la Chapelle du Château
la Meffe chantée par la Mufique ;
& l'après midi S. M. aſſiſta à la Prédication
du P. Surian , Prêtre de l'Oratoire ,
qui prêcha devant le Roi le 5 ,
Le
MARS. 1727. 609
Le 11. le P. Jean - Bernard de Saint
Jerôme , General des Carmes Déchauf
fez , eut audience publique du Roi & de
la Reine , étant conduit par le Comte de
Monconfeil , Introducteur des Ambaſſadeurs
, qui étoit allé le prendre à Paris
dans les Caroffes de L. M. & après avoir
été traité par les Officiers du koi , avec
plufieurs des Religieux qui l'accompa
gnoient , il fut reconduit dans les mêmes
Caroffes avec les ceremonies accoutumées
.
Le 13. le Duc de la Force , Pair de
France , prit féance au Parlement avec
les ceremonies ordinaires.
Le Roi a pris plufieurs fois , à fon ordinaire
, le divertiffement de la Chaffe
pendant le cours de ce mois , celle du
Loup dans la Forêt de Saint Germain ,
celle du Chevreuil dans la Forêt de Marly
, celle du Lievre dans le grand Parc de
Verfailles , & c.
La Reine a été faignée par précaution ,
& a prefque toûjours gardé la chambre
ou le lit depuis fon retour de Marly juf
qu'au 14. de ce mois , que S. M. alla entendre
la Meffe à la Chapelle. Auparavant
on la difoit dans fon appartement.
Le 18. la Reine recommença à fouper à
fon grand couvert avec le Roi.
Le Baron de Châteauneuf , fils de feu
I iij
M.
610 MERCURE DE FRANCE.
M. Definarêts , á vendu ſon Regiment ,
avec l'agrément du Roi , au Duc d'Epernon
, petit - fils.du Duc d'Antin.
Le Regiment de Levi , Cavalerie , vacant
par la mort du Marquis de Levi , a
été donné au Comte de Levi- Château-
Morand.
Le Roi a nommé Lieutenant General
de fes Armées Navales , le Comte de la
Luzerne , Chef d'Efcadre.
Le Duc de Fitzjames , âgé de 18.áns ,
qui avoit été reçû Gouverneur du Haut
& Bas Limofin , en furvivance du Maréchal
-Duc de Barwick , fon pere , eft entré
au Seminaire de Saint Sulpice , où il
a pris l'habit Ecclefiaftique .
Il est arrivé à Paris par la Riviere ,
vingt - huit pieces de Canon de fonte ,
onze Mortiers , & onze Pierriers . Cette
Artillerie vient du Havre- de- Grace par
Rouen . Elle doit remonter par la Marne
juſqu'à Châlons , d'où on la tranſpor
tera à Strasbourg.
PROMARS.
1727.7 GII
PROMOTION d'Officiers de Marine ,
par laquelle le Roi a nommé vingt- cing
Capitaines de Vaiffeaux , cinq Capitaines
de Fregates , quarante Lieute
nans de Vaiffeaux , & quatre- vinge
douze Enfeignes.
Capitaines.
MESSIEURS ,
De Bandeville Saint- Laduz de Vieux-
Perier .
De Sorgues.
De Chaon .
Le Comte Defnos..
De Montlaur.
De Gand.
Le Comte du Ligondez,
Le Marquis de Girenton.
Le Marquis de Champigny.
Le Chevalier de Nefmond.
DeBeauharnois Beaumont
.
Le Chevalier d'Efpinay.
Lamirande,
De Brach,
Jamain.
Chant .
D'Avaugour.
D'Orves.
Le Comte Marquefe.
De Fouilloufe.
De l'Eftenduere.
De l'Ileklot,
De Marandé....
Lajaille.
Le Chevalier de Piofin.
Le Chevalier de Rochouart
Montpipeau.
-
Le Chevalier d'Eftourmelles
.
Le Sieur de Joyeux ,
nonimé Capitaine de
Port , au Havre.
Capitaines de Fregates .
MESSIEURS ,
Defcours.
Du Deffans.
I iiij Lieutenans
612 MERCURE DE FRANCE.
Lieutenans de Vaiffeaux.
Marquifan.
Du Quefnel.
Gaudin .
MESSIEURS ,
De Menneville .
De Pontevez - la - Garde.
DeBelleifle- la Queüe.
Dalbertas- Dauphin.
Le Chevalier de Villages
.
Murat de la Broufte.
De Karo .
De Saurins, Aide-major.
De Manerbe.
Mandelot de- Laucez.
Le Chevalier de Noë.
Fremont de Villeneuve.
▸ -
Le Chevalier de Saint-
Legier la Sauzaye.
mentieres.
De Nouailles .
De Conteneüil .
Le Chevalier Dalbertdu-
Chefne .
Le Chevalier de Trefalgan.
Gautier de Girenton.
Le Chevalier du Boisde
la- Mothe.
De Fenis.
Le Chevalier de Foligny,
Ayde- Major.
De la Bedoyere.
Cefar Boulainvilliers.
Le Comte du Guay.
D'Amblimont.
La Bernardais .
De Boisjollan.
Des Boifclairs.
La Roche- Coëtlogon.
De Marfillac- Cham- Du Quefne. Guitton.
bon.
Barilly.
D'Hericourt.
Le Chevalier de Fro
De Pardaillan.
Le Chevalier de Conflans-
Brienne .
Du Quefne - Monier.
Enfeignes de Vaiffeaux.
De Brefcauvel.
Hector.
DuRouret.
MESSIEURS ,
Audiffredy.
De S. André.
Du Pleffis Parfcant .
TaurinsMARS.
613 1727.
Taurins -Dannat.
De Penhouet duGuermeur.
D'Elbenne.
La Croix -de- Merargues
Penandref de Kanftret.
Du Breüil.
Courtois.
De Verthamont
Tourris.
Damolin.
Kguern de Khuel.
Dalbert .
De Sabran- Salperine.
Laffigny.
Chantaffin.
Le Chevalier d'Aubigny
,
cadet.
Le Chevalier de Saint-
André.
De la Faluere.
Lefquen- Mottais.
Dompart.
De Mariol.
Du Vignau.
Du Poyet.
Poulconq.
Dupuy.
Dinqueville.
Doffeville.
Du Cambout.
Le Tartier.
De Penverne
De Lizardais.
Saint Hypolite.
Du Chaffaut.
De Saint-Maurice.
De Gouyon Miniac.
Macnemara.
Du Guay.
De la Giroüardiere.
Chabot deVilleneuve-
De Cogolin.
De Marquaifac.
De Crenan.
De Sanzay .
La Roche Jaquelin.
Du Quefne - Meneville.
De Boisgeflin.
De Motheux l'aîné .
Dorcize.
Tremigon.
Du Filleul.
Porter.
•
Chafteloger la Cluefabran
Le Chevalier de Mo
reville.
L'Illeau.
Le Chevalier de la
Bretefche,
Des Herbiers.
Delcampe.
Du Reveft.
De Caftillon l'aîné.
De Vic- Pontgibaut.
De Serigny.
De Polignac.
Hocquart.
De Rochechouart
De la Varenne.
Le Chevalier de Vien
ne .
De Sorel.
Ly Le
614 MERCURE DE FRANCE.
Le Chevalier de Bellinguant.
De Caumont.
Dé Charmail.
Dannat de Montmaur.
De Scepeaux de la
Roche- Noyan.
Le Chevalier de Chauvereau.
Le Chevalier de Thivas.
De Thierfanville.
vagnac.
Rozily- deMeros
De Saint Riveu).
Le Chevalier de Cal-:
meil.
Le Chevalier de Kuforet
.
Le Chevalier de Coëtlogon.
Le Chevalier d'Eaux
de Raimondis .
La Valette-Thomas.
Hubert de Lauberdiere. Le Marquis de Cha-
Le Chevalier de Chavagnac.
Le Sieur Laurent Secours , né à Villeneuve-
-les -Geneft , Diocèfe de Sens , âgé de quarante
ans , qui depuis dix-fept années exerce la profeffion
d'Oculifte dans les principales Vi les du
Royaume , a fait le mois dernier à Paris à M.
Delaunay , Directeur de la Monnoye des Medailles
, l'operation de deux Cataractes qu'il
avoit depuis long - temps ; & quoique trèsavancé
en âge , il n'a eu depuis cette operation
aucunes fluxions , ni aucun des accidens
aufquels font ordinairement fujetes ces fortes
d'operations ; en forte que M. Delaunay voit
préfentement très - clair.
Lorfque le Sieur Secours eft à Paris , on a de
fes nouvelles au College de Cluni , Place de
Sorbonne , où il a un appartement.
Le 16. de ce mois , le Comte de Lautrec ,
Brigadier des Armées du Roi , & Meftre de
Camp du Regiment d'Infanterie de la Reine ,
prêta ferment entre les mains du Roi pour la
Charge de Lieutenant General de la Haute
Guyenne , dont Sa Majefté l'avoit honoré fur
la démiffion du Marquis d'Ambres , fon frere.
Sa
MARS. 1727.
615
Sa Majefté accompagna auffi cette grace d'un
Btever de retenue de cent mille livres , en
confideration de fes fervices. Le Marquis
d'Ambres , foa frere , avoit obtenu cette Charge
en 1712. fur la démiflion du Marquis d'Ambres
, fon pere.
Le 23. de ce mois , quatriéme Dimanche de
Carême , le Roi & la Reine entendirent dans
la Chapelle du Château de Verſailles , la Meffe
chantée par la Mufique. Pendant la Meffe du
Roi , l'Evêque de S. Papoul , prêta ferment de
fidelité entre les mains de S. M. L'après midi
L. M. affifterent au Sermon du P. Surian , Prêtre
de l'Oratoire.
Le 25. le Comte de San Severino d'Aragon,
Envoyé extraordinaire de Parme , eut en grand
Manteau de deuil , Audiance publique du Roy
& de la Reine , dans laquelle il donna part à
L. M.de la mort du Duc de Parme , dont on a
déja parlé. Il fut conduit à ces deux Audiances
par le Comte de Monconfeil , Introducteur
des Ambaffadeurs .
Le 29. Mars , jour de la clôture du Theatre,
l'Académie Royale de Mufique donna pour
la troifiéme fois l'Opera de Pirame Tifé
pour les Acteurs , comme cela fe pratique toutes
les années. Cette Piece qui fut excellemment
repreſentée , attira un très - grand concours
: la De Camargo y danfa les Caracteres
de la Danfe avec un applaudiffement general.
On prépare l'Opera de Medée & Jason
pour être donné après Pâques.
Le 25. Fête de l'Annonciation , le Concert
Spirituel recommença au Château des Tuilleries
. On joua d'abord un Concerto de Muzette ,
avec Haut- Bois & accompagnement,qui fit un
fort grand plaifir ; on chanta enfuite le Confite
mini , Motet de feu M. de la Lande ; Me An-
I vj tier
616 MERCURE DE FRANCE.
tier y chanta à fon ordinaire , c'eft- à dire,
avec les applaud ffemens qu'on ne 1çauroit lui
refufer. Le fieur Blavet , dont on a déja eû
occafion de parler plufieurs fois , joua enfuite
un Concert de Flute , avec une jufteffe , une
vivacité & une préciſion admirable. Le Concert
fut terminé par le Te Deum du même M. de la
Lande. Me le Maure qui n'avoit pas encore
paru à ce Concert , y chanta pour la premiere
fois , & fut fort applaudie ; elle chantera dans
les autres Concerts qu'on donnera dans la
Quinzaine de Pâques.
BENEFICES DONNEZ.
L'Abbaye Reguliere de Nôtre Dame de Beaulieu , Ordre de Prémontré , Diocèfe
de Troyes , vacante par la démiffion du Pere
Mathon , a été donnée au Pere Charles le
Blanc de Maifons Davigny , Religieux da
même Ordre.
L'Abbaye Darciffes , Ordre de S Benoist
Diocèse de Chartres , vacante par la démiffion
de la Dame Perfean , en faveur de la
Dame Jeanne Françoife Roffignol , Novice du
même Ordre.
L'Abbaye de Montpeiroux , Ordre de Ci
teaux , Diocèle de Clermont , vacante par le
déceds de M. Deftin , en faveur de M. François
de S. Marfal de Conros , Clerc Tonfuré da
Diocèfe de S Flour.
Le Prieuré de S. Martin de Tauxigny , Or
dre de S. Benoift , Diocèfe de Tours , vacant
en Regale par le déceds de M. Poictevin ,
en faveur de V. Louis de Bras , Superieur du
Séminaire de Tours , auquel Sa Majefté le donne
en continuation de Commande.
L'Abbaye de Saint Vigor de Cerify , Ordre
de
MARS. 1727. 617
de Saint Benoift , Diocèfe de Bayeux , vacante
par le deceds de M. de Vendome , a été
donnée à M. Paul d'Albert , Prêtre du Diocèle
de Paris .
L'Abbaye Commandataire de la Trinité de
Vendome , Diocèfe de Blois , Ordre de faint
Benoit , vacante par le déceds de M. de Vendome,
en faveur de M. de Raftignac , Archevêque
de Tours.
L'Abbaye de S, Clement dans la Ville de
Metz , de l'Ordre de S. Benoist , vacante par
le déceds de M. Beffieres , en faveur de M. de
Seefmaifons , Prêtre , Aumônier de Sa Majefté.
L'Abbaye Dangles , Ordre de S. Benoist
Diocèle de Luçon , vacante par le déceds de
M. de S. Hermine , en faveur de M. l'Abbé
Menou Charnifery , Prêtre , Grand Vicaire
de Chartres.
L'Abbaye de Breuil- Herbaut , Ordre de
S. Benoit , Diocèfe de Luçon , vacante par
le déceds de M. Beffieres , en faveur de M.
l'Abbé du Solier , Prêtre du Diocèse de Limoges.
›
L'Abbaye d'Effey , Ordre de S. Benoift ,
Diocèle d'Agen vacante par le déceds de
M. de la Luftiere , en faveur de M. l'Abbé Salomon
, Prêtre , Chapelain de Sa Majesté.
و ت
L'Abbaye de Pontault , Ordre de Cîteaux
Diocèfe d'Aire , vacante par le déceds de
M. de Poudeux , en faveur de M. de Revol
Evêque d'Oleron.
L'Abbaye d'Yvry , Ordre de S. Benoist
Diocèse d'Evreux , vacante par le déceds de
M. de Vendome , en faveur de M. Aniffon
Prêtre , & Grand Vicaire de l'Archevêché de
Lyon.
L'Abbaye de Longuay , Ordre de Prémon-
LIC»
618 MERCURE DE FRANCE.
tré, Diocéfe de Reims , vacante par le dé
ceds de M. Dautecourt , en faveur de M. l'Ab.
bé Néel , Prêtre , Docteur de Sorbonne.
Siege de Gibraltar.
E Comte de Las Torres , Capitaine
LGeneralde l'Armée d'Andaloufe , it ou
vrir la tranchée devant Gibraltar la nuit du
22. au 23. de Février Le Gouverneur de cette
Place ayant reconnu le. 21. après midy qu'on
travailloit à établir une Batterie près de la
Tour du Moulin , du côté du Ponant , & que
le 22. au matin on continuoit ce travail avec
beaucoup d'ardeur , écrivit au conte de Las-
Torres pour protefter contre ces premiers
actes d'hoftilité. Ce General n'ayant pas fait
une réponfe fatisfaifante , vers les quatre heures
après midy, on tira de la Place un coup de
Canon à boulet fur les travailleurs ; ce qui
fervit de fignal aux autres Canoniers , pour
fairé pendant le refte du jour plufieurs déchar➡
ges de Canons du côté de la Batterie des Efpagnols
, qu'ils continuerent d'établir , malgré
le feu des Anglois , L'ouverture de la tranchée
fut faite par 1500. travailleurs , dirigés
par une Brigade d'Ingenieurs , & foutenus de
5. Bataillons d'Infanterie , commandés par la
Marquis d'Alonche , le plus ancien des Lieutenans
Géneraux , Dom Rodrigue Peralta ,
Maréchal de Camp , le Marquis de Torre-
Mayor , Brigadier , un Colonel & d'autres.
Officiers , à la tête defquels le Comte de Las-
Torres marcha depuis le Camp jufqu'au
pied du Rocher de la Montagne de Gibraltar ,
où les travailleurs commencerent à remuer la
terre. Le 23. à la pointe du jour , les Affiegez
firentun grand feu de moufqueterie du haut
de
MARS. 1727. 619
de ce Rocher , & jetterent en même temps
du haut de la Montagne plufieurs Bombes &
une grande quantité de Grenades & de pierres
fur les Affiégeans , & deux heures après
ils firent approcher de la plage du Levant deux
Vaiffeaux de Guerre & une Balandre , & deux
autres Vaiffeaux , de la plage du Ponant , d'où
ils canonerent & bombarderent les Troupes
Efpagnoles , fecondés par l'Artillerie du vieux
Mole , & par les Moitiers de la Place qui firent
un feu continuel jufqu'au foir. Il y eut
'ce jour- là du côté des Affiégeans , 19. hommes
tuez , entr'autres deux Capitaines & un
Enteigne , & 45. bleffez , dont les principaux
font le Marquis de Torre Mayor , Brigadier ,
qui a été bleffé au bras , deux Capitaines & un
Enfeigne.
Vers le foir il arriva au Camp 30. Bâtimens
chargez de munitions de Guerre . La nuit du
23. au 24. le Marquis de Verboom , Lieutenant
General des Armées du Roy d'Espagne &
Ingenieur Géneral , le Comte de Zueveghen ,
Maréchal de Camp , & le Brigadier Dom - Juan
de Gages , monterent la tranchée avec la ſeconde
Brigade des Ingenieurs , 1000. travailleurs
& un pareil nombre de Troupes que la
nuit précedente , ayant le Comte de Las-
Torres à leur téte. Pendant cette nuit on ſe
mit à couvert de l'Artillerie des Vaiffeaux Anglois
, & l'on ouvrit la communication qui
avoit été commencée la nuit précedente , &
que les Bombes des Affiegés avoient empêché
d'achever. Ils continuerent pendant le jour à
faire un grand feu , mais les Batteries des Efpagnols
ayant commencé vers les dix heures
du matin à tirer fur les Vaiffeaux Anglois , ils
furent obligez de fe retirer : il y eut ce jour- là
4. hommes tués , & 49. bleffés , entr'autres
deux
620 MERCURE DE FRANCE .
deux Capitaines , deux Lieutenans & deux Enfeignes.
Vers le foir , les Anglois canonerent
un petit Batiment Efpagnol , chargé de 6. Ca. -
nons de bronze & de 8. pierriers ; & l'ayant
fait attaquer par des Chaloupes armées dans
le temps qu'il étoit prêt à débarquer , un détachement
des Troupes du Camp alla à fon
fecours , & fit retirer les Chaloupes Angloifes
qui s'emparerent cependant d'une Barque Efpagnole
chargée de Madriers , qui étoit alors
fur la plage , entre Gibraltar & les Algezirs .
La nuit du 24. au 25. la tranchée fut montée
par le Comte de Glimes , Lieutenant General
, Don Jerôme de Solis , Maréchal de
Camp , Dom Gregoire Gual -y - Pueyo , Brigadier
, & par 6. Bataillons de 300. hommes
chacun on perfectionna les travaux , & l'on
acheva la premiere ligne parallele. La même
nuit , la Batterie de 8. Canons de fonte près
de la Tour du Moulin fut mife en état de tirer.
Le feu de la Place fut très - vif le jour fuivant ;
les Affiegeans eurent 4. hommes de tuez
& 16. de bleffez par les Bombes. Les Vaiffeaux
Anglois s'étant retirez , pafferent du côté du
Levant de la Baye pour aller croifer vers fon
Detroit , & les autres canonerent les Bâtimens
Epagnols dans les plages des Algezirs
& du Ponant : vers le foir , il arriva au Camp
Efpagnol 20 Canons de bronze de 24. livres
de Boulet. La nuit du 25. au 26. le Comte de
Montemar
, Lieutenant General , Dom Pierre
de Caftro , Marechal de Camp , & le Chevalier
de Sayve , Brigadier , monterent la tranchée
avec un pareil nombre de Troupes que la
nuit precedente : ils firent ouvrir un boyau
fervant de retranchement du côté de la mer
pour le mettre à l'abry du Canon des Vaiffeaux
de Guerre Anglois : les Affiegez firene
un
MARS. 1727. 627
un grand feu pendant tout le jour , & il y eur
un homme tué & 8. bleflez . La nuit du 26. au
27. la tranchée fut montée par le Lieutenant
General Dom François de Ribadeo , le Marquis
de Montreal , Marechal de Camp , & le
Marquis de Bay , Brigadier : on perfectionna
tous les travaux , & il y eut pendant le jour
2. hommes tuez & 4. bleffez. La Batterie de
10. Canons qu'on avoit élevée le 25. dans la
plage du Levant pour empêcher les Vaiffeaux
Anglois de s'approcher , ayant mis les Troupes
de la tranchée à l'abri de leur feu , on en
dreffa le 27. une autre de pareil nombre de
Canons , à la gauche de celle de 8. qui eft près
de la Tour du Moulin du côté du Ponant ; &
à la gauche de celle - ci , une de Mortiers ; ces
deux Batteries font deſtinées à ruiner les deffenfes
des Fortifications exterieures de la Pla
ce : on a continué d'y travailler pendant la
nuit du 27 au 28. La tranchée fut montée le
28. au foir par le Marquis d'Alonches , Lieutenant
General , le Duc de Caftro- Pinano
Marechal de Camp , & le Brigadier Dom Lu
cas Ferdinand Patinho.
+
Les Chaloupes des Vaiffeaux Anglois s'emparerent
le 28. au matin de 2. Barques char
gées de fafcines ; & deux autres Barques Catalanes
ont donné la chaſſe à deux Barques An
gloifes.
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
E mois dernier mourut à la Fleche , dans
LE mois mourut lancienConfeil
ler , Damoiſelle Loüife Bidault , âgée de
101. an.
622 MERCURE DE FRANCE:
Honoré- François , Marquis de Levi , Meftre
de Camp de Cavalerie , fils unique du Duc de
Levi , Lieutenant General des Armées du Roi,
Commandant pour 'S. M. au Comté de Bourgogne
, Gouverneur des Villes & Citadelles
de Charleville & Mezieres, Lieutenant de Roy
dans le Bourbonnois ; & de Dame Françoiſe
d'Albert de Chevreufe , mourut le 25. Février
agé feulement de 21. an .
Dame Jeanne Chomel , époufe de Jacques-
Louis le Marié , Chevalier , Comte de la Marie ,
& de Terni , titré de Caftille , cy - devant Intendant
de l'Electorat de Tréves , & des Armées
du Roy en Allemagne , en Flandres &
en Espagne , eft morte à Paris le 4. de ce mois,
âgée de 45. ans.
Le P Jean Polinier , Abbé de fainte Geneviéve
& Superieur General des Chanoines Réguliers
de la Congregation de France , mourut
dans cette Abbaye le 6. de ce mois , dans la
81,année de fon âge , après avoir occupé cette
place pendant onze ans & cinq mois ; ayant
été élû quatre fois par les Chapitres Generaux
de fa Congrégation. Le P. Gabriel de Ribe
rolle , fon premier Affiftant & ancien Abbé de
cette Abbaye , lui fuccede .
Jacques Berenger , Cointe du Guaft , Maré,
chal des Camps & Armées de S. M. eft mort
depuis peu dans une de fes Terres en Dauphi
né, âgé de plus de So. ans.
Philippe de la Vieuville , Ecuyer , Seigneur
de Mandi , Arvigni , Villebouvet , & c. Grand-
Audiancier de France , mourut à Paris le 7. de
ce mois , âgé de 65. ans .
Dame Anne-Marie- Geneviève Rouhaut , de
Gamache , veuve d'Antoine Philibert , Marquis
de Torcy , & c. Maréchal de Camp des Armées
du Roy, mourut le 7. de ce mois , âgée
de45. ans.
Jean
MARS. 1727. 622
Jean Baptifte Pignot , Ecuyer , Sieur du
Houffay , Maréchal des Logis de la Maiſon du
Roy, mourut le même jour , âgé d'environ
74. ans.
Le Comte de Boulainvilliers , Commiffaire
General de l'Artillerie de la Marine à Rochefort
, y eft mort le 15. de ce mois , âgé d'environ
5. ans
M. Jacques de Matignon , ancien Evêque
de Condom , Abbé de l'Abbaye de S. Victor
de Marſeille , Ordre de S. Benoît , mourut à
P'Hôtel de Matignon le 1's . du même mois ,
âgé d'environ 84. ans , étant né le 27. Mars
1643. Le 17. au foir il fut porté en grand
Convoi à l'Eglife Paroiffiale de S. Sulpice , &
mis dans le Caveau du Choeur de cette Eglife .
Ce Prélat , recommandable par fa pieté , a
fouhaité d'être tranfporté & inhumé dans fon
Abbaye de S.Victor. Cette celebre Abbaye,prefque
la plus ancienne de l'Occident , & dont
l'origine remonte au fameux Abbé Caffien
renferme , non-feulement dans fon enceinte ,
mais encore dans l'étenduë de fon diftrict , les
Cendres de plufieurs Martyrs , & Saints Confeffeurs
de J. C. enforte que par cette raison
on a donné le nom de Paradis à une grande
portion de ce Diftrict. L'Eglife de S. Victor
contient auffi les Tombeaux de plufieurs Perfonnages
illuftres par leurs Dignitez , par une
éminente vertu & par une fainte érudition.
On y diftingue ft rtout celui du Pape Urbain V.
qui fut d'abord fimple Religieux de S. Victor,
puis Abbé de la même Abbaye , & enfin Chef
de l'Eglife univerfelle , lec uel youlut être inhumé
parmi fes anciens Freres & fes chers
Difciples. Le pieux Prélat , qui a marqué le
même defir par fon Teftament , étoit le 4 des
douze enfans de François de Matignon , Comte
de
624 MERCURE DE FRANCE..
de Torigny , &c. Chevalier des Ordres du Roi ,
Lieutenant General au Gouvernement de Normândie
, & c. & de Dame Anne Malon de
Bercy, Il étoit frere du Comte de Matignon ,
Chevalier des Ordres du Roy , &c. mort depuis
peus du dernier Evêque de Lizieux & de
M. le Maréchal de Matignon , qui eft le dernier
qui refte de la nombreufe & illuftre Famille
dont on vient de parler. Il étoit auffi oncle du
Duc de Valentinois , Pair de France , & c. fils
unique du Comte de Matignon , lequel a époufé
l'Héritiere de la Maiſon de Grimaldi Monaco
, du Comte de Gacé , Chevalier des Ordres
du Roy , de M. l'Evêque de Coutance & du
Marquis de Matignon , tous trois fils de M. le
Maréchal. Matignon porte pour Armes , Ecartelé
au 1. & 4. d'Argent , au Lion de gueulle
armé , lampaffé & couronné d'or , qui eft de
Matignon . Au 2. de France au Lambel de gueule
de 3. pendans , au Bâton peri en abysme, qui
eft d'Orleans Longueville : & au 3. auffi de
France , au Bâton de gueulle , peri en bande ▲
qui eft de Bourbon - Condé.
Dame Charlotte le Prince de la Bretonniere,
Comtefle d'Herouville , Dame de Villeroy ,
veuve de M. Antoine de Ricoüart , Chevalier
Confeiller du Roy , Maître des Requêtes , morte
le 19. de ce mois , dans la 85e année de
fon âge.
·
Anne -Geneviève de Levi-Vantadour , épou
fe d'Hercules Meriadeck de Rohan , Duc de
Rohan Rohan , Pair de France , Lieutenant
General des Armées du Roy , Capitaine - Lieutenant
des Gendarmes de la Garde ordinaire
du Roy , & Gouverneur des Provinces de
Champagne & de Brie , mourut à Paris le 21
de ce mois , dans la sse année de fon âge. Elle
avoit été mariée en premieres Noces au Prince
de
MARS. 1727. 6
de Turenne , qui mourut à Enguyen le 4
Août 1692. des bleffures qu'il avoit reçûës au
Combat de Steenkerk.
M. Jean- Baptifte Robert Auget, Chevalier ,
Seigneur & Baron de Monthion , Joffigny ,
Minerval , & c. Confeiller du Roy en les Confeils
, Maître Ordinaire en fa Chambre des
Comptes , fut marié par M. l'Abbé Payen ,
Chanoine de l'Eglife de Paris , le Mardi 18.
de ce mois , à une heure du matin , en l'Eglife
de S. Paul , avec Demoiſelle Catherine- Marie
Françoiſe Suriret de S. Remy , fille de M. Suriret
, Seigneur de S. Remy, Petit-Val , &c.
Tréforier des Ponts & Chauffées de France ,
& de Dame Marie Vachereau , petite - fille de
M. Suriret de S. Remy , Ecuyer , Commiffaire
d'Artillerie , & de Demoiſelle Henault de Cantorbe
, & arriere- petite- fille de M. Suriret de
S. Remy, Secretaire du Roy. M. de Monthion
eft fils de M. Jean Auget , Chevalier , Seigneur
de Boiffy , Baron de Monthion , & c. Prefident
au Bureau des Finances de Paris , & de Dame
Louiſe Genevieve Coufinet , & petit- fils de
M. Paul Auget , Ecuyer , Seigneur du Soffoy ,
Gentilhomme ordinaire du Roy , & de Dame
Marie le Camus.
Dame Marie- Anne Françoise de Montmorin
, époufe de Pierre de Chambon , Marquis
d'Harbouville , Lieutenant de Roi de l'Orleannois
, & Capitaine au Regiment des Gardes
Françoifes , accoucha le 17. Février d'une fille
qui fut nommée fur les Fonts Marie- Genevieve
, par Alexandre de Chambon , Chevalier
d'Harbouville , Officier Major au même Regiment
, & par Demoiſelle Geneviève de Mont,
morin.
Dame Marie Loüife Chuberé , épouſe de
M. Jean Baptifte - Augufte le Rebours , Confeiller
626 MERCURE DE FRANCE.
*
feiller au Parlement de Paris , accoucha le
vingt du même mois d'une fille , qui fut
nommée Louife- Magdelaine , par Charles-
Pierre Augé , Seigneur de la Jubouere , & par
Dame Magdelaine de Rebours , époufe de
Charles Nicolas Huguet de Semonville ,
Doyen du Parlement.
Dame Marie - Françoife de Levi , époufe de
Jofeph-François de la Croix , Marquis de Caf
tries , Gouverneur de la Ville & Citadelle de
Montpellier , Maréchal des Camps & Armées
du Roy , Chevalier des Ordres de S. M. &
Chevalier d'honneur. de S. A. R. Madame la
Ducheffe d'Orleans , accoucha d'un fils le 25 .
Février, lequel fut nommé Charles - Eugene-
Gabriel , par Charles - Eugene de Levi , Duc
& Pair de France , Lieutenant General des Armées
du Roy , Commandant en Chef en Franche
Comté , & par Dame Gabrielle -Victoire
de Rochechouart, Mortemar, veuve d'Alfonfe
de Crequi , Duc de Lefdiguieres , Pair de
France , & c.
Dame Anne le Clerc de Leffeville , époufe
de Claude- François Bidal , Marquis d'Asfeld ,
Chevalier de la Toifon d'Or , Commandeur
de l'Ordre de S. Louis , Lieutenant General des
Armées du Roy , Gouverneur du Château-
Trompette , & Directeur General des Fortifications
de France , accoucha d'une fille le premier
Mars ; elle fut nommé Françoiſe- Charlotte
,, par Charles Nicolas le Clerc de Leffeville
, Chevalier , Comte de Charbonniere
Baron d'Auton , Maître des Requêtes , Intendant
en Bearn , & par Dame Magdelaine- Charlotte
Françoiſe le Clerc de Leffeville , Com
teffe de Charbonniere ,& c.
•
Addition
MARS . 1727 . 627
Addition aux Nouvelles Litteraires .
On affure que M. l'Abbé D. F. travaille
depuis trois mois à un Ouvrage
én 2. vol . in 12. qui doit paroître vers
Pâques. C'eft , dit -on , là Traduction
d'un Livre Anglois tout nouveau , qui
a cû un fuccès prodigieux à Londres , &
dont l'Auteur eft l'illuftre M. SWIFT , qui
a déja donné au Public plufieurs Ouvrages
très- eftimez , & furtout le Conte du
Tonneau , Livre affez connu en France .
Celui dont il s'agit , eft intitulé : Voiages
du Capitaine Gulliver ; Ouvrage d'imagination
, femblable à celui de Cyrano de
Bergerac , & qui renferme une Satyre generale
contre la Nature Humaine , &
furtout une Critique des moeurs & des
ufages des Anglois . Tout ce qui a paru
jufqu'ici de M. SWIFT eft fi ingenieux ,
qu'on s'attend à trouver dans la Traduction
qui va paroître , de quoi picquer le
goût des Connoiffeurs , c'eft- à- dire , une
Morale très -fine & très- enjoüée . Ce font
differens Voyages , dans l'Ifle des Pigmées
, dans le Royaume des Geans , dans
une Ile Aerienne & volante , dans le
Païs des Chimeres , dans l'Ifle des Enchan
teurs , dans le Royaume des Immortels
enfin dans Ifle des Chevaux , où les
animaux
428 MERCURE DE FRANCE:
animaux ont de la raifon & parlent.
Toutes les fictions font , dit - on , traitées
fort agréablement , & donnent lieu à des
Images riantes & à des Reflexions fenfées,
qui plairont beaucoup , fi elles font bien
exprimées en notre Langue , comme il
y a quelque lieu de l'efperer. Cette Traduction
de l'Ouvrage de M. SWIFT
s'imprime chez Martin , ruë S. Jacques ,
chez Guerin , vis - à - vis S. Yves , & chez
la veuve Coutelier , Quay des Auguſlins,
On imprime chez le Breton , pere &
fils , Quay des Auguftins , outre le Philofophe
Marié de M. Deftouches , le
Philofophe dupe de l'Amour , qui a étê
goûté fur le Théatre Italien , & qui ,
comme tout le monde en eft convenu ,
eft écrit avec beaucoup d'efprit , & de
délicateffe. L'un & l'autre paroîtront
immediatement après les Fêtes de Pâques.
J'AY
APPROBATION.
lû par ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux le Mercure de France du mois
de Mars , & j'ay crû qu'on pouvoit en
permettre l'impreffion. A Paris , le 2. Avril
1727.
HARDION.
TABLE
no
·
629
XX :XXXXXXXXXXXXX
TABLE .
Pieces Fugitives.Le Roy gouvernant par lui- même , Ode ,
415
Defcription d'une nouvelle Horloge Aftronomique
,
Epitre A. M. de B.
422
434 Lettre fur l'état de S. Bruno avant fa Retraite
,
449
Ode fur l'éducation de Mademoiſelle de Ver-
- mandois ,
Seconde Lettre fur l'étude des Enfans ,
Remerciment en Vers , à la Reine ,
445
449
4661
La Poëfie à la Peinture , fur un Tableau , & c
467
470 Epitre en Vers à M. de Largilliere ,
Nouveaux Eclairciffemens fur l'Epitaphe de
Poiffi ,
Compliment en Vers, à la Maréchale d'Eftrées,
477
485
Remarques fur quelques Pieces du Mercure
de France , de l'année 1726.
Enigmes ,
NOUVELLES LITTERAIRES , & c.
Le Diable Boiteux , Extrait ,
488
499
sor
S17
Nouveau Plan de Paris , Soufcription , $ 26
Chanfon notée , & c.
Spectacles ,
S3T
ibid.
Comedie du Berger d'Amphrife , Extrait , 532
Lettre au fujet de cette Piece , 543
Extrait de la Comedie du fils indocile , 552
Le Philofophe Marié , Comedie nouvelle , Extrait,
570
Nouvelles de Turquie & fuite de la Guerre
K &
630
& des révolutions de Perfe ,
De Ruffie ,
De Pologne,
De Suede , Dannemarc & Allemagne ,
588
592
194
195
D'Italie & d'Espagne , Tremblement de terre ,
Grande Bretagne & Pays- Bas ,
599
602
Explication des mots de Pill & Comité , ibid.
Morts des Pais Etrangers ,
Nouvelle de la Cour , de Paris , &c.
Promotion des Officiers de Marine , & c.
Benefices, donnez , --
Siege de Gibraltar ,
Morts , Naiffances & Mariages ,
Errata de Février.
l.
606
608
611
616
·
• 618
621
164 .
364. 1. 12. de pere , lifez de mon pere,
P. 381. 1. 2. qu'il a entrepriſes , . qu'il en
weprit. P. 386. l. 21. du Baftet , 1. du Baffet.
Fantes à corriger dans ce Livre.
Age 502. 1. 4. du bas , premiere & feconde,
lifex , premier & fecond. Page 11. 1. 10.
ancien , l. ancienne . P. 549. l. 28. témoins , l.
le moins. P. 76. 1. 26. Melite , l. Arifte. P. 577.
1.3 . de Melite , l. d'Arifte. P. 586.1. 14. chers ,
1. Cheres. P. 592 1. 3. Camadan , l. Hamadan .
P. 595. 1. 23. Biskenfeldt , l. Birkenfeldt.
Air noté regarde la page 531
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