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Nom du fichier
1722, 01-02, 03, vol. 1-2
Taille
32.80 Mo
Format
Nombre de pages
897
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Texte
Presentedby
John
Bigelow
to the
Century
Association
DM
Mercure





LE
MERCURE
DE JANVIER 1722.
Le prix eft de 30 fols.
QUA COLLIGIT COLLIGIT SPARGIT,
A PARIS ,
Chez GUILLAUME CAVELIER > au Palais.
La Veuve de PIERRE RIBOU, Quay des
Auguftins , à l'Image S. Louis.
GUILLAUME CAVELIER , Fils , rue
S. Jacques , à la Fleur-de- Lys d'Or.
ANDRE CAILLEAU , à l'Image Saint
André , Place de Sorbonne.
M DC C. XXL.
Avec Approbation & Privilege du Roy
1
THE NEW YOR!
PUBLIC LIBRARY
335133
ASTOR,
TILDEN
1905
AVERTISSEMENT
.
NOUS
de
yous nous croyons obligez au commencement
de cette nouvelle année ,
rendre graces à nos Lecteurs de l'accueil
favorable qu'ils ont fait à nos precedens Mercures
, nous efperons leur en marquer notre
reconnoiffance , en redoublant nos foins
pour rendre ce Livre encore plus digne
de leur attention dans le cours de l'année
1722.
L'adreffe generale pour toutes chofes ,fera
toujours à M. MOREAU , Commis au Mer- rsà
cure, chez Monfieur le Commiffaire le Comte,
vis-à- vis la Comedie Françoife , à Paris.
Ceux qui pour leur commodité voudront
remettre leurs Paquets cachetez aux Libraires
qui vendent le Mercure à Paris , pourront
fe fervir de cette voye pour nous les
faire tenir.
On prie tres -inflamment , quand on adreffera
des Lettres on Paquets par la Pofte ,
d'avoir foin d'en affranchir le port , comme
cela s'eft tonjours pratiqué , à fin d'épargner,
à nous le déplaifir de les rebuter , & à ceux
qui lès envoyent be defagrément non feulement
de nepas voir paroître leurs Ouvrages,
mais de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
-one copie.
Nous
AVERTISSEMENT.
Nous prions encore, qu'on écrive les noms
propres bien lisiblement , à fin qu'on foir
moins fujet à s'y tromper ; car on eft tresfonvent
embarrallé à cet égard.
Nous prions auffi ceux qui nous adreſſent›
plufieurs Pieces & Memoires , de vouloir
les faire tranſcrire chacune fur un papier
feparé , & de prendre foin qu'il n'y ait
point de grifonnage ; car il nons eft déja
arrivé plufieurs fois de rebater des Pieces
qui nous ont paru bonnes , par la difficulté
qu'il y avoit à les déchiffrer.
Ceux qui ne trouvent point leurs Ou¬
vrages dans le Mercure , ne fe doivent
pas croire oubliez pour cela ; chacun aura
fon tour, & les premiers envoyez feront
Les premiers employez : à la verité les nouvelles
matieres qui ſe preſentent quelque
fois , font tellement du tems , qu'on ne peut
pas leur refufer la preference , d'autant plus
qu'elles n'auroient pas les mêmes agrémens.
& ne feroient pas le même plaifir , fi none
Les differions.
Nous aurons toujours une prédilection
particuliere pour les Relations qui nous
viendront des Pays étrangers , foit que cela
regarde la Politique , les Sciences , les
Arts , &'c..
Nous demandons publiquement excuſe à
plufieurs perfonnes de merite qui nous on
envoyé diverfes Picces , & qui nous ont
A ij fait
4 AVERTISSEMENT
.
fait l'honneur de nous écrire , à qui nous
bien exactement fait réponse ,
n'avons pas
faute de temps.
Nous avons dé a averti que nous ne
ferions aucun ufage des Pieces & Memoires
qui peuvent bleſſer la pudeur , on defobliger
par quelques traits de Satyres trop
mordans ; Nous prions encore d'y faire
attention , à fin qu'on ne fe donne pas une
peine inutile.
Nous prions ceux qui nous envoyent des
Enigmes , des Chansons , & autres Pieces
femblables , de ne les pas publier , ni de
Les communiquer à perfonne , avant qu'elles
ayent paru dans le Mercure , fans quoy
on ne les employera point ; car il n'eft pas
raiſonnable de tromper le Public , en luy
donnant pour nouvelles des chofes qui ne
le font pas.
Pour les Thefes qui peuvent trouver place ·
dans le Mercure , & qui piquent la curiofité
de quelques Lecteurs , nous prions
les perfonnes intereffées de nous les envoyer
le plutôt qu'ils pourront , à fin que le Public
n'entende pas parler d'une méme chofe plufreurs
fois , on trop long- temps après qu'elle
fera arrivée.
Nous savons qu'à beaucoup d'égards
nous sommes prévenus par la voix publique,
fur quantité de faits que nous rapportons ,
mais nous avons toujours l'avantage d'apprendre
AVERTISSEMENT. S
prendre des circonstances qu ne ſont ſçûës
que de tres-peu de gens , on qui ne le font
que confufément .
Outre la mort des Seigneurs & des gens
de confideration , par leur naiſſance ou par
leurs emplois , que nous annonçons au Public
, nous voudrions bien annoncer auffi
avec les Eloges convenables, celle des perfonnes
qui fe font diftinguées par leurfçavoir ,
ou par leurs talens , de quelque profeſſion
qu'ils foient , même d'un Artifan , d'un
Ouvrier qui fe fera rendu celebre . Ce genre
de merite faifoit chez les Anciens , d'un
homme du commun un grand Perfonnage ,
& l'égaloit même à ce qu'il y avoit de plus
noble & de plus important dans un Etat.
Nous ferons méme graver les portraits de
ces Virtuofi , quand on nous en fournira
les moyens , & nous prions avec inftance
les parens & les amis de ceux qu'on regrette
, de vouloir nous procurer les inftrutions
neceffaires pour pouvoir rendre juſtice
à leur merite , en conferver la memoire ,
& confoler ainfi en quelque maniere le
Public de leur perte.
Les Medailles & les Jettons qu'on frappe
tous les ans aux Galleries du Louvre , font
des Monumens tout à fait du reſort de
notre Mercure , tous les curieux ne peuvent
pas poffeder ni avoir les originaux.
Le Public en verra du moins , avec plaisir ,
A iij
les
6 AVERTISSEMENT.
les deffeins à mesure que ces Monument
paroîtront. Feu Mr de vifé , ancien Anteur
du Mercure , ne manquoit guere de
donner non feulement les Medailles &
les fettons qu'on frappe aux Galleries du
Louvre , mais même des Pays étrangers.
Nous l'imiterons en cela le plus exactement
que nous pourrons ; il ne nous tombera
point de Medailles entre les mains dès
Princes de l'Europe , & autres Perfonne's
illuftres , dont nous ne fallions part an
Public , qui fçaura fans doute bon gré
ceux qui en poffedent , de vouloir nons
les communiquer.
On trouve le preſent Mercure à Lyon , che
Plaignard .
A Nantes , chez Julien Maillard , dans la
grande rue.
A Tours , chez Gripon.
Amiens , chez le François.
Bordeaux , chez la veuve Labottiere , & Fils.
Châlons , chez Seneufe.
Bayonne , chez Etienne Labottiere.
Rennes , chez Vattar , près la Pompe.
Montpellier , chez les freres Faures
Lille , chez Danel.
Touloufe , chez Tene.
Angers , chés Fourreau .
De l'Imprimerie de C, L. THIBOUST ,
Place de Cambray.
LE
LE
MERCURE
DE
JANVIER 1722 .
PIECES FUGITIVES.
}
SUITE de la Relation de la Cavalcade &
des ceremonies faites à Rome le Dimanche
16 Novembre , au fujet de la prise de
poffeffion de l'Eglife de faint Jean de
Latran , par Innocent XIII. qui occupe
aujourd'huy La Chaire de Saint Pierre.
A coutume de dreffer des
Arcs de Triomphe le jour
des principales calvacades
des Papes , eft trés ancienne
, ainfi que celle qui
eft obfervée par les Juifs
de decorer les rues qui leur font defgnées
, de paffages de l'Ancien Teftament,
lors que le Saint Pere prend poffeffion de
A inj P'Eglife
8 LE MERCURE
l'Eglife de Saint Jean de Latran , & du
Souverain Pontificat . Il eft fait mention
de ces deux ufages dans les vieux ceremoniaux
de l'Eglife Romaine. Ils font plus
expreffément circonftanciés dans le Recueil
des Ceremonies antiques du Cardinal
Cencio de Sanelli , qui fut Camerlingue
de la fainte Eglife fous Celeftin 111. &
enfuite Pape nommé Honorius III . &
fucceffeur immédiat d'Innocent III. un
des douze Papes précédens de la Mailon
Conti. Le celebre Pere Mabillon a publié
le premier ce Rituel fous ce titre Ordo
Romanus XII. Autore Cencio Camerario.
On en avoit auparavant donné un extrait
fait par le docte Panninius. Voici ce qui
fe lit à ce fujet dans ce Rituel écrit il y a
plus de cinq cens ans, feff. 16. num.38 . Notandum
quod à Sancto Petro ufque ad Palatium
domini Papa . ( Le Pape habitoit alors
le Palais de Latran , ) fiunt arcus à Romanis
honorabiles in via per quam tranfit ,& Clerici
omnes Romani occurrunt eidem induti undecumque
poffunt cum thuribulo ; in remunerationem
cujus honoris Pomanis pro arcubus
datur Presbyterium triginta - quinque librarum
provefinarum & dimidia. Clericis
vero pro thuribulis triginta trium librarum
provefinarum , ut in fequentibus pleniùs
apparebit. L'Auteur continue le même
fujet feff. 17. num . 39. & détaille la répartition
DE JANVIER 1722. 9
partition de la fomme fixée pour la dépenfe
des Arcs de Triomphe , affigne les
lieux qu'ils doivent embellir , & enfin
diftribue les poftes des Cominunautés ,
Arts & Métiers , comme le font aujour,
d'huy les Ordonnances des Magiftrats
Romains . Cette pompe qui renouvelle
aux yeux des fpectateurs les fêtes magni
fiques de Rome payenne , n'a cependant
qu'un objet tout chretien. Les Empereurs
Romains ne cherchoient qu'à fatisfaire
leur ambition dans leurs triomphes , &
les Papes dans les leurs ne cherchent qu'à
augmenter la gloire de JESUS- CHRIST
Ils dreffent fur la cime du Capitole des
trophées à la Croix , qui honorent plus ce
mont fameux que les dépouilles des ennemis
de Romulus , fondateur de cette illuftre
Ville , & cela fe pratique fuivant la penfée
de faint Leon le grand , qui dit en
parlant du Prince des Apôtres , & du premier
de tous les Papes , Tropheum Crucis
Chrifti Romanis arcibus inferebas . L'érection
de ces Arcs de triomphes , monumens des
victoires que remporte la foy fur l'erreur ,
eft une coutume dont on peut datter l'origine
dès l'approbation donnée par le Grand
Conftantin , au culte de la Religion chretienne
Il en eft aufli fait mention dans
la Lettre d'Adrien I. à Charlemagne , inferée
par le R. P. Labbe , de la Compagnie
Av de
10 LE MERCURE

de Jefus , tome 7 des Conciles generaux ,
col. 955. on voit une idée de ces triomphes.
dans la Mofaique de fainte Sabine , ouvrage
le plus ancien qui foit Rome dans
ce goût ayant été fait lous faint Celeftin I.
qui fut declaré dans cette Bafilique chef
de l'Eglife univerfelle. Deux figures humaines
repréfentent dans cette peinture la
Vocation des Juifs & des Gentils , avec
chacune leur infcription : Ecclefia ex Gentibus
, Ecclefia ex Circumcifione . A l'égard
des paffages de l'Ecriture expofez par les
Juifs dans les lieux qui leur font confignés 3.
cette Loy leur fur donnée d'abord par
Innocent III. qui leur commanda de
porter au Souverain Pontife le jour de fa
prife de poffeffion , le texte de l'Ancien
Teftament. Le Cardinal Cencio n'oublie
pas cette circonftance qui marque l'aurorité
du S, Siege . Il explique clairement
Seff. XVI . num. 38. Sciendum tamen quod
Domino Papa ante turrim primò dictam ,
Judæi occurrunt & ei Legem fuam præſentant
, faciuntque landes . Aujourd'huy ils
font obligés d'orner les rues voisines de
P'Arc de Titus , pour leur renouveller l'eccompliffement
des Propheties qu'ils peu
vent reconnoître dans les bas reliefs même
de cet Arc de Triomphe , où la ruine de
leur Ville & de leur Temple feroit parmi
les exploirs du plus jufte & du plus gena-
ICHX
DE JANVIER 1722.
reux des Empereurs Romains. Il eft temps
de reprendre la narration de la fête dont
Ja pompe demandoit un éclairciffement.
la
Les ceremonies les plus auguftes perdent
de leur merite, quand on ignore les motifs.
Le 13 Novembre M. Falconieri Gouverneur
de Rome , le Vice- Camerlingue
& les Auditeurs de Rote , avoient par
differentes Ordonnances enjoint à toutes
perfonnes de quelque condition qu'elles
fuffent , de ne fe point prefenter à cheval ,
en caleche ou en carroffe dans toute la
Route qui conduit de faint Pierre à faint
Jean de Latran , où devoit paffer la cavalcade
, fous peine de confiſcation des chevaux
& équipages pour les Maîtres , &
de punition corporelle executée fur le
champ pour les Cochers.
Les Confervateurs du peuple Romain
avoient envoyé des Imprimés circulaires
à tous les Officiers & Quarteniers de la
Ville, portant injonction de fe trouver
au Capitole , pour de là accompagner le
Senat Romain au Vatican , & de faite
affembler dans la Place de faint Pierre
leurs chevaux parés de rubans noirs.
M. Gamberneshi , Grand Maître des
Ceremonies , avoit de fon côté fait averfir
les Cardinaux , les Princes du Soglio
les Confervateurs du Peuple Romain
les Miniftres étrangers , les Prelats , &
A vj
IOUS
12 LE MERCURE
4
tous les Officiers du cortege de Sa Sain
teté , de fe trouver au Vatican ..
1
Le Pape fé rendit à faint Pierre avec
fa fuite ordinaire , il étoit dans fon carroffe
avec les Cardinaux de fainte Agnès
& Conti ; tout fe trouva difpofé dans ce
moment pour l'augufte ceremonie du jour.
Il eft impoffible de détailler toutes les
magnificences qui furent étalées par les
Particuliers dans cette occafion .
M. Falconieri Gouverneur de Rome ,
fit diftinguer fon Palais par des ornemens ,
preuves de fon zele ; on y remarqua les
Armes de Sa Sainteté , foutenues par
la
Jultice & la Charité , vertus favorites du
Saint Pere. M. Andrea de Mello é Caftro ,
Ambaffadeur du Roy de Portugal , fit
décorer fuperboment tout fon Palais juſqu'aux
murs les plus reculez . La maifon
Profeffe des Jefuites fe fignala par des.
Infcriptions Latines & Siriaques , où l'érudition
de cette celebre Compagnie fút
reconnue par les Savans.
1
Toutes les perfonnes mandées pour la
cavalcade s'étant affemblées au Palais du
Vatican , fur les dix heures du matin , on
partit dans l'ordre fuivant de l'Eglife de
faint Pierre. L'avant garde compofée d'un
Corps de Cavalerie , orné de cafaques
rouges galonnées d'or, & de pluinets
Louges & blancs..
Quatre Cavaliers de la Garde de Sa
DE JANVIER 1722. 13
Sainteté , destinés pour agir fous les or
dres du Maître des Ceremonies , & les
aider dans la marche ; ils étoient couverts
d'armures blanches . Don Jerôme Colonne,
Fourier Major & Camerier fecret de Sa
Sainteté , monté fur un cheval paré de
harnois magnifiques. Les Gensilshommes
& Barons Romains , accompagnés fur les
aîles de leurs gens de livrée . Vingt quatre
Domestiques des Cardinaux à cheval ,
portans fur le devant de la felle une valife
aux Armes de leurs Maîtres . Les Matliers
des Cardinaux avec leurs maffes d'argent.
Les Gentilshommes des Cardinaux entourés
chacun des domestiques de leur Maifon
, avec des livrées magnifiques . Les
quatre porte-valides du Pape , avec leurs
valifes de velours rouge galonées d'or .
Les Ecuyers ordinaires vêtus d'écarlatte ;
douze haquenées blanches avec des capara
çons de brocard d'argent , ornés de l'écuffon
brodé des armes de Sa Sainteté , &
conduits par autant de fes domestiques :
la litiere ordinaire du Pape de velours
cramoifi , avec galons & franges d'or ;
le Maître des Ecuries , les Cameriers
d'hors les murs en habits rouges ; les
-Ajudans de laChambre en chappe rouge &
en capuces bordés d'hermine. M. Stricala
Jacomacco, Fitcal de Rome; avec M. Carla
Piancaftelli , Commiffaire de la Chambre
Apoftolique


10 1 LE MERCURE
de Jefus , tome 7 des Conciles generaux,
col. 955. on voit une idée de ces triomphes ,
dans la Mofaique de fainte Sabine , ouvrage
le plus ancien qui foit Rome dans
ce goût ayant été fait lous faint Celeſtin I.
qui fut declaré dans cette Bafilique chef
de l'Eglife univerfelle. Deux figures humaines
repréfentent dans cette peinture la
Vocation des Juifs & des Gentils , avec
chacune leur infcription : Ecclefia ex Gentibus
, Ecclefia ex Circumcifione . A l'égard
des paffages de l'Ecriture expofez par les
Juifs dans les lieux qui leur font confignés 3.
cette Loy leur fut donnée d'abord par
Innocent III. qui leur commanda de
porter au Souverain Pontife le jour de fa
prife de poffeffion , le texte de l'Ancien
Teftament. Le Cardinal Cencio n'oublie
pas cette circonftance qui marque l'aurorité
du S, Siege. Il explique clairement
Self. XVI. num. 38. Sciendum tamen quod
Domino Papa ante turrim primò dictam ,
Judæi occurrunt & ei Legem fuam præſentant
, faciuntque laudes . Aujourd'huy ils
font obligés d'orner les ruës voifines de
P'Arc de Titus , pour leur renouveller l'ac
compliffement des Propheties qu'ils peu
vent reconnoître dans les bas reliefs même
de cet Arc de Triomphe , où la suine de
leur Ville & de leur Temple feroit parmi
les exploits du plus jufte & du plus gene-
ICNX
DE JANVIER 1722. 18
reux des Empereurs Romains. Il est temps
de reprendre la narration de la fête dont
la pompe demandoit un éclairciffement .
Les ceremonies les plus auguftes perdent
de leur merite, quand on ignore les motifs.
Le 13 Novembre M. Falconieri Gouverneur
de Rome , le Vice- Camerlingue
& les Auditeurs de Rote , avoient par
differentes Ordonnances enjoint à toutes
perfonnes de quelque condition qu'elles
fuffent , de ne fe point prefenter à cheval ,
en caleche ou en carroffe dans toute la
Route qui conduit de faint Pierre à faint
Jean de Latran , où devoit paffer la cavalcade
, fous peine de confiſcation des chevaux
& équipages pour les Maîtres , &
de punition corporelle executée fur le
champ pour les Cochers.
Les Confervateurs du peuple Romain
avoient envoyé des Imprimés circulaires
à tous les Officiers & Quarteniers de la
Ville , portant injonction de fe trouver
au Capitole , pour de là accompagner le
Senat Romain au Vatican , & de faite
affembler dans la Place de faint Pierre
leurs chevaux parés de rubans noirs.
M. Gamberneshi , Grand Maître des
Ceremonies , avoit de fon côté fait avertir
les Cardinaux , les Princes du Soglio ,
les Confervateurs du Peuple Romain ,
les Miniftres étrangers , les Prelats , &
A vj
IOUS
12
LE
MERCURE
tous les Officiers du cortege de Sa Sain
teté , de fe trouver au Vatican ..
Le Pape fé rendit à faint Pierre avec
fa fuite ordinaire , il étoit dans fon carroffe
avec les Cardinaux de fainte Agnès
& Conti ; tout fe trouva difpofé dans ce
moment pour l'augufte ceremonie du jour.
Il eft impoffible de détailler toutes les
magnificences qui furent étalées par
Particuliers dans cette occafion....
les
la
M. Falconieri Gouverneur de Rome ,
fit diftinguer fon Palais par des ornemens ,
preuves de fon zele , on y remarqua les
Armes de Sa Sainteté ,
foutenues par
Justice & la Charité , vertus favorites du
Saint Pere. M. Andrea de Mello é Caftro ,
Ambaffadeur du Roy de Portugal , fit
décorer fuperboment tout fon Palais jufqu'aux
murs les plus reculez . La maifon
Profeffe des Jefuites fe fignala par des.
Infcriptions Latines & Siriaques , où l'érudition
de cette celebre Compagnie fút
reconnue par les Savans.
Toutes les perfonnes mandées pour
la
cavalcade s'étant affemblées au Palais du
Vatican , fur les dix heures du matin , on.
partit dans l'ordre fuivant de l'Eglife de
faint Pierre. L'avant garde compofée d'un
Corps de Cavalerie , orné de cafaques
rouges galonnées d'or, & de pluimers
Louges & blancs..
Quatre Cavaliers de la Garde de Sa
DE JANVIER 1722 . 13
Sainteté , deftinés pour agir fous les ordres
du Maître des Ceremonies , & les
aider dans la marche ; ils étoient couverts
d'armures blanches . Don Jerôme Colonne,
Fourier Major & Camerier fecret de Sa
Sainteté , monté fur un cheval paré de
harnois magnifiques. Les Gensilshommes
& Barons Romains , accompagnés fur les
aîles de leurs gens de livrée. Vingt quatre
Domestiques des Cardinaux à cheval
portans fur le devant de la felle une valife
aux Armes de leurs Maîtres . Les Maffiers
des Cardinaux avec leurs maffes d'argent.
Les Gentilshommes des Cardinaux entourés
chacun des domestiques de leur Maifon
, avec des livrées magnifiques . Les
quatre porte- valides du Pape , avec leurs
valifes de velours rouge galonées d'or.
Les Ecuyers ordinaires vêtus d'écarlatte ;
douze haquenées blanches avec des capara
çons de brocard d'argent , ornés de l'écuffon
brodé des armes de Sa Sainteté , &
conduits par autant de fes domeftiques :
la litiere ordinaire du Pape de velours
cramoifi , avec galons & franges d'or ;
le Maître des Ecuries , les Cameriers
d'hors les murs en habits rouges ; les
-Ajudans de laChambre en chappe rouge &
en capuces bordés d'hermine. M. Stricala
Facomacco, Fitcat de Rome ; avec M. Carla
Piancaftelli, Commiffaire de la Chambre
Apoftolique
14 LE MERCURE
Apoſtolique , en chape violette & en hermine.
Les Avocats confiftoriaux vêtus de
même , les Chapelains ordinaires vétus
de rouge & en hermine. Les quatre Docseurs
de Loy , Domenico , Milani , Pietro
Paolo Quinzi , Pietro Galeaffi , & Giufeppe
Beki ; les Chapelains fecrets. M. Percuti
porte- croix ; M. Domenico Pizzi
M. Mariano , les Cameriers d'honneur de
cape & d'épée ; douze Cameriers d'honneur
Ecclefiaftiques , en mantelet & capuce
d'écarlatte , & en hermine. M. Felingeri
Sicilien , M. Valentini de Mantouë,
M. Forcada , Efpagnol ; M. Liberati , M.
Bottini , de Luques , M. Stoppano , de
Milan, M. Buſſi, de Viterbe, M. Sacripanti
de Narui M. Luccherini , de Luques , M.
Mattei,de Rome, M. Caffarelli , auffi de Rome,
& M. Degl. Aki. Deux Cameriers ſecrets
de cape & d'épée ; M. le Marquis Mar
dalchini, & .M le Marquis del Buffalo; huit
Cameriers fecrets Ecclefiaftiques , auffi vêrus
d'écarlatte & en hermine. M. de Pagnis
M. Alcoramboni , fous dataire ; M. Emiliani
; M. Ceri ; M. Bandini , Secretaire
des Ambaffades ; M. Ferranci , Aumônier
fecret , M.Scaglioni , Secretaire des Brefs
M. Lafaa , Maître de la Garderobbe ; quatre
des plus anciens de ces Officiers tenoient
fur des bâtons couverts de velours
les Pontificaux de velours rouge qui le
portent
DE JANVIER 1722. 15
portent toujours devant le Pape dans les
ceremonies publiques. Les Officiers du
Peuple Romam vétus de velours noir
avec des toques de la même étoffe ; M.
Randanini , Agent ; M. Tanffo , Notaire
de la Chambre du Capitole ; M. Pellegri
mi , chargé des compres du Peuple Romain
M. Papetti, Fifcal ; M. Andrea Randanini,
Profcripteur ; M. Bartolomik, Secretaire
du Senat Romain ; & M. Afcolano , Avocat
du Peuple Romain , fuivis de cinquante
Nobles du Confeil , députez par le peuple
pour faire cortege à Sa Sainteté , avec de
longues robes Senatoriales de velours
noir , montés fur des chevaux de prix
-couverts de houffes auffi de velours noir
garnies de plaques cizelées & dorées .
Deux Chefs de Juftice , vétus auffi en
Senateurs ; M. Saffateli , & M. Perinki's
M. Phiffer d'Altishoffen , Capitaine de la
Garde Suiffe , la hallebarde en main au
milieu de quatre de fes Soldats. M. les
Abbreviateurs , M. les Votans de la figna
ture , au nombre de douze.
Les dix Clercs de la Chambre , tous em
Rochet , Mantelet , Camail & Chapeau
Pontifical ; M. Ottoboni Préſident de la
Chambre , le R. P. Sellari Maitre du Palais
, avec l'habit de fon Ordre , & la Chappe
Pontificale , ayant à fadroite les Auditeurs
de Rote vêtus comme les précedens
Officiers
16 LE MERCURE
Officiers voici leurs noms , M. Cerri
Romain , M. Lofcari Venitien , M l'Abbé
de Gamache François , M. Herrera Elpagnol
, M Coyre de Milan , M. Crifpoldi de
Peroufe ; huit Tambours du Peuple Romain
avec leurs cafaques rouges galonées
d'or , les Armes de la Ville brodées fur les
manchestreize Capitaines de Quartiers en
Robes de velours cramoifi defcendantes à
mi -jambe avec des partemens or & argent,
couverts de taques à l'Eſpagnole avec des
bouquets de Plumes de Heron , & montez
fur des chevaux Napolitains. M. le Marquis
Francefco Serlupi , & le Comte Cefare Fenretti
, Chancelier du Peuple Romain , vêtus
de demi Robes de velours violet , &: de vel
tes de brocard d'or , M. Vittelleschi Prieur
del Rione de Monti , & le grand Gonfalo - ¨¨
nier du Peuple #omain , vêtus de pourpre,
montez fur des chevaux couverts de grandes
houffes de velours. noir garnis de franges
d'or. M. le Marquis Camillo Maſſimi ,
& M. le Marquis Profpero Minutillo Cafferelli
, Confervateurs du Peuple Romain ,
fuivis des douze Eftafiers du Peuple Romain
, habillez de drap cramoifi galonné
d'or , excepté leur Doyen , qui étoit habillé
de velours noir . M. le Marquis Serlupi premier
Confervateur fut difpenfé à caufe de
fon grand âge , de monter à cheval , & fe
rendit en Carroffe à S. Jeande Latran, M.
Falconierž
DE JANVIER 1722. 17
Falconieri Gouverneur de Rome parut au
milieu des Gardes , monté fur un cheval
blanc ; M. Guifeppe Loftario Conti Duc de-
Poli , frere de Sa Sainteté, & nommé Prince
du Soglio ; Mellieurs Pierfanti , Bolza &
Chefi , Maîtres des Ceremonies Pontificales
; M. Carlo Calcagnini , dernier Auditeur
de Rote ; Ferrarois , & Soûdiacre Apoftolique
, portant la Croix , précedoit immediatement
la litiere découverte du Pape ,
toute couverte de velours cramoifi galoné
d'or, & portée par deux beaux chevaux
blancs parez de houffes de velours cramoifi
garnies de franges & de houpes d'or, Le
Saint Pere étoit vétu de fes habits Pontifi❤
caux de velours cramoifi brodé d'or , il
avoit une étole garnie de diamans , & fur
la tête la Thiare refervée pour les grandes
Ceremonies. Meffieurs Capranica , Sanelli,
Piccolomini & Diatableni , Intendans des
Chemins , accompagnoient à pied la litiere
de Sa Sainteté , fuivis de fix Cavaliers de
la Garde ordinaire , en cuiraffes d'acier ;
quarante Eftaffiers vétus de damas à fleurs
cramoifi , avec leurs Doyen & Sous- Doyen
vétus de velours noir , & portant deux
Parafols . La Garde Suiffe avec la hallebarde
fur l'épaule. M. le Marquis Oltieri , grand
Ecuyer du Pape , marchoit à côté de la
litiere , fuivi des Maffiers & de cinquante
Pages nommez pour le Cortege , tant par

le
18 T
LE MERCURE
le Cardinal Camelingue , que par les trois
Confervateurs du Peuple. Ces Pages
étoient tout couvers de ruban
ponceau &
blanc ;ils avoient des aigrettes de plumes
de Heron. Après la litiere de Sa Sainteté
marchoit immédiatement. M. Sinibaldo
Doria Archevêque de Patras , Maître de
Chambre , orné pontificalement en violet ,
au milieu de deux Cameriers Secrets , M.
Meniconi & M. Magnoni . Enfuite M. Michel-
Angeli Medecin fecret , entre M. Borroni
premier Chapelain Secret & Bibliorequaire
de Sa Sainteté , & M. Ronſpollini
Maître de la Garderobe ; deux Officiers du
Palais . Le cheval qu'auroit monté le Pape
dans la marche , files Medecins n'euffent
pas décidé
que
cela
pourroit
intereffer
La Tanté
, était
mené
par un Eftaffier
, & couvert
d'une
houffe
magnifiquement
brodée
;
une Litiere
& une Chaiſe
portative
ornées
de clouds
cramoifi
, & galonées
d'or. Les
Cardinaux
precedez
, chacun
de deux
Eftafiers
portants
des bâtons
dorés
chargés
de
leurs
Armoiries
, montez
fur leurs
Mules
caparaffonnées
de rouge
avec des galons
d'or,
& revétus
de leurs
habits
Pontificaux
. Le
Cardinal
Barberin
Evêque
de Paleftrine
;
les Cardinaux
Prêtres
, Boncompagna
, Acquaviva
, Gualtieri
, Priuli
, Zondodari
,
Buffi
, de Roban
, d'Acunha
, Scotto
, spinola
, de Sainte
-Agnés
, de Boſſu
d'Alface
,
Belluga
DE JANVIER 1722.
Belluga , Pereira , d'Althan , Salerno , Cinfuegos
, Conti ; les Cardinaux Diacres , Altieri
, Colonne, Annibal Albani , Orighi &
Alexandre Albari . Les Patriarches , Archevêques
& Evêques affiftans vétus pontificalement
en violet ; ils étoient plus de
trente : voici quelques uns de ces Prélats.
Meffieurs Mattei Archevêque de Fermo ,
Petra Archevêque de Damas , Caraffa
Archevêque de Lariffe , Maretofchi Archevêque
de Cefarée , & Auditeur du Pape ,
Sermattei Evêque de Viterbe , Piacontino
Evêque de Parme , Colonna Sonin Auditeur
General de la Religion C. A. Colligota
Treforier General de la Religion C. A.
Giudice Majordome du Pape , & Protonotaire
Apoftolique , Banchieri & Farfetti ,
anciens Protonotaires, fuivis de leurs Collegues
, Oddi , spada , Cena , Ferroni,
Bologneti , Rufpoli , Bichi , & Valignani
Commandeur du Saint- Elprit. Les Officiers
de la Chambre Apoftolique , & les
Prelats fans fonction. Le Carroffe du Pape
attellé de fix chevaux blancs avec des harnois
de velours cramoifi , M. le Marquis
Aftalli , l'un des Capitaines des Gardes à
cheval , le piſtoler à la main , entouré des
Pages portants fa lance & fon portemanteau ,
marchoit à la tête des Chevaux- legers ; &
M. le Marquis de Cavalieri commandoit
les Cuiraffiers. La marche étoit fermée par
huit
20
LE MERCURE
huit Compagnies d'Infanterie. Le Pape
étant arrivé près l'Arc du Triomphe érigé
au Capitole par le Senat Romain , il fut
falué par toute l'Artillerie du Château
Saint Ange , & par le concert des cloches
de la Ville. Là Sa Sainteté fut complimentée
au nom du Senat par M. le Marquis
Francipani Senateur ; & voci fon diſcours.
Votre Sainteté en montant au Capitole avec
tant de pompe , nous fait admirer en Elle
toutes les vertus que nous voyons ici tracées
dans les Monumens celebres qui nous environnent
: forti d'une tige illuftre par fa
nobleffe & par fes dignitez , vous effacex
'à nos yeux l'éclat de vos Ancêtres ; Rome
comblée de joye aplaudit à votre felicité ,
qui fait la fienne . Pouvoit- elle rien attendre
de plus heureux , que de trouver dans
un feul de fes Citoiens un Prince digne
d'être obéi , un Pere digne d'eftre aimé , &
un Paſteur digne d'eftre fuivi ? Le feul
fouhait qui lui reste à faire , ou plutôt à
remplir , c'est une longue fuite d'années à
votre augufte Pontificat ; quant à moi , je
commence à jouir de ce bonheur que je
defire au Peuple Romain , en lui fervant
auprés de Votre Sainteté d'Interprete de
fes plus chers fentimens , & de ſes voeux
les plus finceres. Après cette courte Harangue
, la Cavalcade continua fa route vers
Saint Jean de Latran , & rencontra près
ن م
de
DE JANVIER 1722.
21
de la Scala fanta tout le Chapitre de Saint-
Jean de Latran qui venoit proceffionellement
audevant de Sa Sainteté , ayant le
Cardinal Pamphile Archiprêtre de cette
Eglife à la tête , il préfenta au Souverain
Pontife deux Clefs , l'une d'or , l'autre '
d'argent , pofées en croix dans un baffin
d'or porté par le Doyen des Chanoines ,
M. Annibal de Molara : après un difcours
élegant du Cardinal Pamphile , il fut admis
au baifer du pied , de la main & de
joue , ainfi que les autres Cardinaux , qui'
alors quitterent leurs chappes , & prirent'
leurs ornemens Pontificaux . Tout le
Clergé de Saint Jean de Latran baifa les
pieds de Sa Sainteté , & fon Treforier leur
donna à chacun une Medaille d'argent.
Enfuite le Saint Pere entra par la principale
porte de l'Eglife , qui étoit ornée´
d'Infcriptions Latines convenables à la
fainteté du fujet, En entrant il reçut l'afperfoir
des mains du Cardinal Archiprê,
tre , & jetta de l'eau- benie au Sacré College
& aux Prelats aſſiſtans ; enſuite il fur
encenfé trois fois par le même Cardinal. De'
là il fut porté dans fa chaire par les Cha-`
noines fuivans , Meffieurs Molara Doyen ,'
Graff, Colonna , Testa , Sala , Alamanni ,
Valenti, Cenci ; précedés de la Croix por-.
tée par M. Calcagnini' , dernier Auditteur
de Rote & Soudiacre Apoftolique , entre'
deux
2.2. LE T MERCURE
deux Acolythes Votans de la Signature ,
portants des Chandeliers avec de grands
cierges allumez. Sa Sainteté fe rendit au
pied de l'Autel du Saint Sacrement , où
elle demeura à genoux pendant qu'on
chanta le Te Deum. Dès qu'il fut achevé ,
le Pape fut porté dans le même ordre au
grand Autel , où repofent les Chefs des
Apôtres S. Pierre & S. Paul , & après y
avoit fait la prière , Sa Sainteté alla fe
placer fur fon Thrône ; elle y reçut les
Cardinaux au baifer de la main , & leur
mit à chacun dans leur Mitre deux Medailles
, l'une d'or , & l'autre d'argent
ayant d'un côté le portrait du Saint Pere
la Thiare en tête , & fur la broderie de
fa Chappe l'augufte ceremonie du jour s'y
trouvoit artiftement dépeinte ; & au revers
l'Archange S. Michel tenant d'une
main une épée flamboyante , & gardant
de l'autre la Chaire Pontificale , ayant les .
yeux levez en haut vers le Saint Efprit fi-.
guré par une Colombe , & terraflant les
Demons fous la forme du Dragon à ſept
têtes de l'Apocalypfe , avec ce mot , Renavabis
faciem terra , & l'époque de l'année
1721. Le nom de Sa Sainteté étoit du
côté de fon portrait. Sur la porte de Saint
Jean de Latran qui régarde Sainte Marie
Majeure , on voioit l'étendart naval en,
voyé à Sa Sainteté par le grand Maitre
x
de
DE JANVIER 1722. 23
de l'Ordre de Malte , & pris fur les Turcs
la même année. Les Cardinaux furent admis
au fecond baifer de la main , & don
nerent à Sa Sainteté par des chants & des
acclamations de vives marques de leur zele.
Ufage encore cité dans le Cardinal Cencia
Savelli. Après cette ceremonie , le Pape.
fur enfin porté à la Loge Pontificale , où il
donna la benediction au peuple , qui la
reçur avec des demonftrations de joye vives.
& réiterées. Sa Sainteté laiffa fur l'Autel
felon la coutume une bourſe de velours
cramoifi brodée d'or , contenant 150 Ecus.
monnoye blanche & neuve aux Armes de
fa Maiſon . Pendant la benediction on tira
des boëtes , les trompettes fonnerent , &
les cloches de toute la Ville accompagne
rent les acclamations du peuple accouru à
cette pompeufe fefte. Voici les noms des
Cardinaux qui fe trouverent à toutes les
ceremonies de ce grand jour , fans pouvoir
affifter à la Cavalcale, Le Cardinal Tanara
Evêque d'Albane , le Cardinal Ginduce
Evêque de Frefcati , les Cardinaux Prêtres®
Corfini , Vallemanni , Fabroni , Pico , Cor
radini, Scrottembach , Tolomei & Spinola ;
les Cardinaux Diacres , Pamfilio , Ottoboni ,
Imperiali. Sa Sainteté s'étant enfin rendue
dans la Salle des ' Paremens , elle y quitta.
Les habits pontificaux , remercia les Cardimaux
, & remonta en caroffe avec le Cardinal
24
LE MERCURE
dinal Conti fon frere , avec le Cardinal
de Sainte Agnès , & retourna au Quirinal.
Le Connétable Colonne & le Duc de Gra- :
vina ne parurent point à cette fefte , à cauſe
de leurs prétentions pour le rang. Le Prince
Hereditaire de Modene , & la Princeffe
fon époule virent paffer la Cavalcade des
fenêtres du Capitolin , & le foir reçurent
de la part du Pape deux Medailles femblables
à celles des Cardinaux , qui leur fu
rent préfentées par le Cardinal de Rohan.
JbdbdbdbdbdbdbdbdbJbJbJbtb
LETTRE DE M. DE BEAUMONT ,
à M ***
V
par
Oici , MONSIEUR , le précis de la
nouvelle methode dont vous avez vû
l'annonce dans le Mercure du mois de Novembre
dernier. J'enfeigne par principes ,
& non par routine , moins encore par les
voyes *inconnuës , comme étoient celles
où Jean Defpautere conduifoit la Jeuneffe
de fon teins. Ce celebre Grammairien
prétendoit avoir trouvé la clef naturelle
des Elemens du Latin , par ce qu'il avoit
le fecret d'apprendre aux enfans que les
noms d'homme font du genre maſculin
par la Regle Omne viro foli ; que l'adjectif
s'accorde avec le ſubſtantif , par la Regle
Mobile cum fixo. Ces Regles Latines me
...
paroiffent
DE JANVIER 1722 . 25.
paroiffent très ingenieufement exprimées
en Vers ; mais elles n'en font pas pour cela
plus utiles aux jeunes Etudians , qui yeulent
qu'on leur parle François , ou que
l'on fe ferve d'une Langue connue , pour
leur en apprendre une inconnue. Sur ce
principe fondé en raifon , j'ay reduir en
abregé toutes les regles des genres , celle
des declinaiſons , des conjugaifons , & de
la fintaxe , croyant qu'un tel racourci de
Regles conviendroit beaucoup mieux à
des commençans-
Mon deffein eft de conduire les jeunes
gens toujours par raiſon ; c'eft pour cela
que je leur fais d'abord remarquer que le
fecret de la Langue Latine confifte tout
entier dans la connoiffance de huit mots ;
& pas davantage ; que ces huit termes fe
reduiſent encore à deux , au nom qui fe
decline , & au verbe qui fe conjugue. Les
noms ont leurs regles , & les verbes auffi ;
il ne s'agit donc que de bien apprendre
ces Regles, pour obferver la pureté & l'arrangement
des termes dont la Grammaire
donne une connoiffance très - jufte &
très-exacte .
Je commence par demander en François
, & je réponds de même , rendant
mes queſtions & mes réponſes claires &
intelligibles par des exemples fort fenfibles
& très naturels : Qu'eft- ce que le nom ?
B c'eft
26 .LE MERCURE
c'eſt un mot qui fert à nommer une choſe.
Qu'est- ce qu'un animal ? c'eſt tout ce qui
eft animé. Combien y a- t'il de fortes de
noms ? il y a le nom fubftantif , qui fignifie
une chofe , & le nom adjectif qui fignifie
la qualité de la chofe. Combien y a- t'il de
fortes d'animaux ? il y a l'animal raiſonnable
& irraifonnable . Puis je demande
combien de nombres ont les noms ? deux .
Combien de cas ? fix : Combien de genres ?
. trois : Combien de declinaifons ? cinq ?
De quelle declinaifon eft Mufa , Dominus,
Pater , fructus , & dies ? quand un enfant
a toutes ces notions bien inculquées dans
F'efprit , je lui fais decliner un nom feulement
de chaque declinaiton ; voila la premiere
partie du Rudiment en forme de
Catechifime , que l'on peut apprendre en
moins de huit jours , quand on a un certain
difcernement : enfuite je continue à
demander , qu'est- ce que le verbe ? combien
il y a de fortes de verbes ? combien
de perfonnes ont les verbes ? combien de
nombres ? combien de modes ? combien de
temps ? combien de conjugaifons ? & de
quelle conjugaifon eft chaque verbe ? De
là je paffe à des exercices plus élevés ,
comme font les thêmes , les verfions , les
explications des Auteurs , parce qu'alors
les Ecoliers commencent à fe fervir du
Dictionnaire , apprenant par ordre alphabetique
DE
JANVIER 1722. 27.
betique à chercher les huit parties d'oraifon
comme elles font écrites. Vous trouverés
tout cela , MONSIEUR , plus amplement
détaillé dans le cours de la methode ,
& vous verrés que la feule route par où
je marche , font l'ufage , la pratique des
regles , & l'écriture , c'eft-à- dire qu'il
faut toujours des choſes fenfibles qui entrent
par les yeux pour en aller former
l'idée dans l'efprit , qui a beaucoup moins
de peine à comprendre ce dont il s'agit ,
quand il fe trouve aidé de ce nouveau
fecours.
Si j'avois trouvé quelque chofe de meilleur
, je l'aurois également donné , & avec
un plus grand plaifir ; mais cette idée qui
regne dans toute la methode m'a paru la
plus fimple , quoi que d'autres prétendent
le contraire. S'ils ont des fecrets particuliers
dans ce gente , ils font grand tort au
Public de l'en priver plus long temps.
L'Auteur de la nouvelle Methode ,
comme on le peut voir , ne fepare jamais
la clarté des principes de l'habileté du
Maître , ni des bonnes difpofitions qu'il
fouhaitte dans un fujet .
Ous avons donné dans le mois de Novembre
dernier un Memoire au fujer
de l'Eglife de faint Martin de Tours ,
Bij
qui a
les
28
LE MERCURE
+
les Rois de France pour Abbés perpetuels.
On peut ajouter à ce Memoire
l'extrait fuivant du Livre des Statuts &
Coutumes de cette noble Abbaye , redigés
par Jean Gastineau , Chanoine de cette
Eglife , environ l'an 1200 , par ordre du
Chapitre , & en confequence de l'Ordonnance
des Réformateurs Apoftoliques. Ces
Statuts font écrits en Langue Latine ,
voici l'extrait traduit.
&
De l'autorité & puiffance de l'Abbé de
l'Eglife de faint Martin de Tours , le Roy
de France , & c .
L'Abbé de faint Martin de Tours , qui
eft toujours le Roy de France , eft auffi
par une ancienne Coutume Chanoine de
cette Eglife , & cela depuis Hugues Capet
. Les revenus de fa Prébende font concedés
par nos Rois Abbés au Chapitre de
faint Venant. Lors que le nouveau Roy
& Abbé eft inftallé au Choeur de fon Eglife
, il fe place dans le ftal du Treforier ,
( c'est la premiere forme du côté gauche
en entrant au Choeur ) on doit faire pour
lui l'Office d'Incepteur dans la femaine ,
& dire les Meffes agendes , ( ce font les
Meffes pour les défunts , & autres de
fondation. ) Lors que le Roy , ou ļa Reine
fon épouſe viennent à Tours , on ſonne
les deux groffes cloches , & lors que leurs
Majeftez vont à l'Eglife , tout le Clergé
V3
DE JANVIER 1722 . 29
va proceffionellement au devant d'Elles ,
& elles y font reçûës au fon de toutes les
cloches & du Sing . Le fon du ſing eſt une
petite cloche dont le fon eft très agreable ;
elle precede la fonnerie des Offices , &
fonne très long- temps. On chante même
le Te Deum , quand leurs Majeftez le fouhaittent.
Pendant tout le temps que le Roy
demeure à Tours ; on fonne l'Office &
on le celebre comme au jour de l'Octave
de la fête de Saint Martin , qui est une
fête de cinq chandeliers . Le premier jour
le Treforier de l'Eglife a l'honneur de
donner à manger à Sa Majefté , lors qu'Elle
veut bien prendre ce repas dans les maifons
du Cloître, le deuxième jour le Doyen
reçoit le même honneur ; le troifiéme
jour , c'eft M. l'Archevêque de Tours
qui regale le Roy. Lors que le Treforier
ou Doyen viennent à deceder ; fi c'eft le
Doyen , le Roy peut faifir les revenus de
Ligeuil , mais il ne peut rien faifir dans
l'Eglife ni dans le Cloître , parce que la
Juftice , les Prébendes , & les autres droits
que le Doyen y a , ne font pas tenus du
Roy immédiatement , mais du Chapitre ,
à qui le Roy Saint Louis a ajugé la Juſtice
du Cloître par la Sentence renduë de fa
propre bouche à Paris au mois de Novembre
de l'an 1263. Si les Prevôtés &
autres Honneurs & Benefices qui font à la
B iij difpofition
30 LE MERCURE
difpofition du Doyen viennent alors à
vaquer , de quelque maniere que ce foit ,
Sa Majefté en difpofe , & peut les donner
aux Chanoines , & ceux qu'il y pourvoit
lui rendent l'hommage tel qu'ils le doivent
au Doyen. Sa Majesté joüit pareillement
des fruits & revenus de tous ces Offices
& Benefices vacans , comme feroit le
Doyen , ainfi qu'il eft dit cy- après. De
même fi le Treforier vient à mourir , Sa
Majefté peut faifir la Juftice & les revenus
dont le Treforier joüit tant à Tours
qu'à Dannemarie , & difpofer des honneurs
& Benefices qui font à la nomination du
Treforier , & ceux qu'elle en pourvoit lui
doivent l'hommage tels qu'ils le rendoient
an Trelorier.
Le Roy doit donner le Doyenné & la
Treforerie dans l'an de leur vacance , à un
Chanoine de Stal , & non pas de Terre ,
& doit le prefenter au Chapitre par fes
Lettres Patentes , le Doyen doit d'abord
faire hommage à Sa Majesté. ( Remarqués
que le Roy une fois en fa vie a procuration
ou hebe gement à Ligeuil & à Suevre
pendant que le Roy tient en fa main &
jouit des revenus du Doyenné ou de la
Treforerie , le Chapitre jouit de leurs Prébendes
& de leur gros , & fait exercer la
Juftice du Cloître . Il eft bon d'obſerver
au fujet de la diftinction entre les Chanoines
DE JANVIER 1722. 31
nes de Stal & de Terre , qu'anciennement
il y avoit trois Ordres de Chanoines à Saint
Martin ; le premier , des Chanoines dans
les Ordres facrés , Prêtres & Diacres , qui
tenoient les plus hauts fieges ; le deuxième ,
des Chanoines Sous- Diacres & dans les
Ordres Mineurs , qui rempliffoient les
Stals inferieurs ; le troifiéme , des Enfants
Chanoines , fimples Clercs , qui étoient
fans Stals au Choeur fur de petits bancs ,
à la place où font les Enfants de Chour
aujourd'huy. Parmi ces jeunes Clercs il y
avoit encore plufieurs autres Stations ,
c'eft-à-dire de differens Ordres . Chaque
Station avoit les emplois differens . On
appelloit tous ces jeunes Clercs- là , Clerici
de Terra.
M. l'Abbé Gervaife , connu dans la
Litterature par fon Hiftoire de Boëce , eft
Chanoine de cette illuftre Eglife , & Prevôt
de Suevre , une des premieres Dignités
du Chapitre de Saint Martin de Tours.
La petite Ville de Suevre eft fituée fur
les bords de la Loire , vis-à- vis Chambor.
C'eft-là que M. l'Abbé Gervaile a ſignalé
fon zele pour le Roy fon Abbé , le jour
de la faint Louis , en celebrant à la fois
la fête de cet aimable Monarque , & fon
heureuſe convalefcence. On voudroit bien
donner ici le détail de cette ceremonie ,
où M. le Prevôt de Suevre fit briller éga
B iiij
lement
32
MERCURE
LE
lement fa liberalité & fon éloquence. Le
Panegyrique de Saint Louis qu'il prononça
& qu'il termina par des voeux finceres
pour la confervation de la fanté du Roy ,
charma l'efprit & toucha le coeur . On
peut rapporter ici le compliment que M.
l'Abbé Gervaife fit au Roy lors qu'il lui
prefenta fon hiftoire de Boëce . C'eſt le
premier hommage que la Republique des
Lettres , a rendu à Sa Majefté au commencement
de fon Regne . Il eft glorieux
pour M. l'Abbé Gervaife , d'avoir ouvert
cette noble carriere: Voici fon compliment.
SIRE ,
Cet Ouvrage que j'ay l'honneur de préa
Senter à votre Majesté eft le dernier monument
du zele que j'ay eu pour la gloire
du Roy votre Bifayeul , il devient aujour
'd'huy le premier de l' hommage que je viens
rendre à Vôtre Majeflé , comme à mon Roy
à mon Seigneur particulier , & à mon abbé.
Cette petite harangue fut très bien reçûë
du Roy , & furprit ceux qui n'étoient pas
au fait de la qualité d'Abbé de faint Martin.
de Tours , appartenante à nos Rois , & qui
ne fçavoient pas que la Ville de Suevre ,
dont M. l'Abbé Gervaiſe ett Prevôt , eft
un des plus confiderables arriere- Fiefs dépendans
de la Couronne.
LETTRE
DE JANVIER 1722. 33
AAAAAAAAAAN
LETTRE DE M. FARCY ,
M. Chirurgien à la Fleche , écrite
à M. Duverney le neveu , Chirurgien
à Paris , au fujet d'une playe de tête .
MONSIEUR
,
Le 24 Août 1721 on m'apporta une
fille âgée de dix ans , qui étoit venue à
la Ville pour voir le feu de joye que l'on
Y
faifoit à caufe du rétabliffement de la
fanté du Roy. Cet enfant étoit à une
fenêtre d'un premier étage ( fur la Place , )
lors qu'un Particulier ayant oublié la baguette
de fon fufil dans le canon , le
déchargea malheureufement du côté de
la fille , le coup lui porta fur la partie
fuperieure du coronat , & la baguette s'y
brifa en plufieurs morceaux , après avoir
déchiré les tégumens & l'aponevroze des
muſcles fronteaux . jufqu'à la fontenelle .
De toutes ces pieces , une fe gliffa le
long de la partie laterale du coronal , lacera
une partie du crotaphite , & fut ſe
perdre derrière la conque de l'oreille ;
une portion même de cette piece , qui
n'étoit pas entierement feparée , le jotta
en devant proche la pophile zigomatique,
Bv
toutes
94 LE MERCURE
toutes ces pieces étant ôtées , la playe
eut environ un empan de longueur , c'étoit
du côté gauche. Le coup ne fe termina
pas là , un autre morceau de la baguette
brifa le crâne , perça la dure & la
pie mere , & avança jufqu'à deux travers
de doigt dans la fubftance du cerveau ,'
dont il fortit plufieurs petites portions
avec le fang. Je tirai ce fragment ; il
fallut auffi ôter fix efquilles qu'il avoit
entraîné avec lui , ou jetté de côté fous
le crâné. Tous ces corps étrangers tirés
F'ouverture du crâne parut large d'un tra
vers de doigt , & longue de deux .
Je pofai mon appareil , & fis emporter
l'enfant chés fon pere , nommé Beleuvre
qui demeure à un lieu appellé Boucheverau
, diftant de la Viile d'environ un
quart de lieuë.
Le lendemain je fus lever mon appareil
; la playe me donna beaucoup de fang,
& il parut plufieurs grumeaux de la fub
tance grifâtre du cerveau , qui coulerent
dans les premiers penfemens ..
Le deuxième jour j'apperçus que l'ouverture
de la dure mere ne répondoit pas
à celle du crâne , je l'ouvris de la même
longueur , ce qui donna iffue au fang re
tenu , & au pus qui fe fit dans la fuite.
Pendant dix jours l'enfant eur une fiél
wre fort violente , paffa les deux premiers
fans
DE JANVIER 1722. 35
fans vouloir prendre aucune nourriture ,
perdit une quantité prodigieufe de fang
par la playe , ce qui me força de ne point
la faigner ; & malgré tout cela fes forces
fe foutinrent.
Qutre toutes les pieces , tant d'os que
de la baguette que j'ay marqué cy - deffus
avoir ôté de la playe du cerveau ; le treiziéme
jour j'en apperçû encore plufieurs
que je tirai au nombre de fept à huit ; elles
étoient dans le fonds ; j'en euffe découvert
davantage , fi les mouvemens de la
dure mere & du cerveau n'avoient recou
vert mon inftrument , & ôté la liberté de
penetrer plus avant ; joint aux cris de
l'enfant qui étoient continuels & violens ,
ce qui m'obligea de panfer la playe du
cerveau , fans aller plus loin.
Ce panfement ne fut pas plutôt fait
que la malade par fes cris redoublés donna
occafion à la rupture de l'artére temporale
, qui êtoit déja toute découverte par
le plus grand morceau de la baguette qui
avoit gliffé fous les tégumens , jufqu'à la
conque de l'oreille ( comme je l'ay marqué
d'abord,)je fus obligé d'y faire une ligature,
ce fut le parti que je crus le plus prompt
& le plus affuré pour arrêter le fang.
Le quinziéme jour le cerveau fe trouvant
aplani & reduit dans fes juftes limi
es, j'examinay la playe plus facilement ,
B vj j'apperçus
36 LE MERCURE
j'apperçus encore dans le fonds trois pe
tites pointes de la baguette , longues environ
de trois lignes , je les tirai comme
auparavant.
Le dix-huitiéme jour j'eus la même faveur
du cerveau , & je tirai un morceau
de baguette de deux lignes de large , &
d'une de long , avec deux petits fragmens
d'os à peu près de la même figure & de
la même longueur.
Le 21 j'en tirai pour la derniere fois
une piece d'os à peu près de forme triangulaire
; fes pointes étoient engagées dans
la fubftance cendrée , & étoient fanguinolantes.
Cette piece peut être large moitié
de l'ongle du petit doigt.
L'on voit que toutes les pieces , tant
du crâne que de la baguette , qui ont été
tirées du cerveau même , vont au moins
à 15 ou 18 , & quand elles furent toutes
ôtées , on auroit placé une noix ſeiche
dans le vuide qu'avoit laiffé la fubftance
corticale par fa déperdition.
La fupuration pendant tout le cours de
la maladie a été abondante & fort louable
l'exfoliation a été faite au bout de trentecinq
jours , & toute la playe , tant du
dehors que du dedans , a été cicatrifée le
-31 Octobre dernier.
L'on peut remarquer par Pexpofé que
je viens de faire , que de tous les accidents
qui
DE JANVIER 1722. 37
qui d'ordinaire accompagnent une playe
de cette nature , ( tels que font le délire ,
l'affoupiffement , le vomiffement , & c. )
il n'y a eu que la fiévre qui a été violente
pendant les dix premiers jours.
L'on fera même furpris d'apprendre que
cet enfant ( quelque violence qu'on lui
ait faite ) ne s'eſt nourrie que de fruits &
de laitages ; elle s'est trouvée parfaitement
guerie au bout de deux mois & quelques
jours , & fut à la Meffe le jour de la
Touffaint ; tant il eft vrai qu'il fe trouve
des fujets d'une complexion & d'un temperamment
fi heureux , qu'on ne peut
manquer d'avoir un heureux fuccès dans
des cas qui paroiffent les plus fâcheux.
Comme on aura peine à croire qu'on
ait tirétant de corps étrangers du cerveau
même , fans que le fujet ait péri , je vous
envoye , MONSIEUR , toutes les pieces ,
avec leurs étiquettes ; vous les montrerés
à ceux qui feront curieux de les voir.
Outre cela j'ay pour témoins oculaires
de cette playe , Meffieurs Galois le jeune ,
La Touche , & Cofnier , tous Docteurs en
Medecine , & M. Perrotin , Maître Chirurgien
de la Ville de la Fleche. Je fuis ,
&c. A. FARCY.
A la Fleche le 18 Novembre 1721 .
POESIES
38 LE MERCURE
Danam
POESIES , ENIGMES , CHANSONS.
ETRENNES AU ROY,
Par M. DE LA MOTTE , de l'Academie
Françoife.
PRINCE cheri ,
Diſciple auguſte
De la Sageffe & de la Pieté ,
Qui promets aux mortels le regne le plus juſte ,
Que le Monde ait jamais goûté ;
Je t'aporte aujourd'hui les fouhaits de la France
Eh ! quel autre preſent feroit- elle à fon Roy ?
Mais déja fa vive efperance
Lui répond des defirs qu'elle forme pour Toy.´
Elle Te fouhaite une gloire
Jufqu'ici refervée à l'heureux Salomen
Qui fans l'aide de la victoire
A la tête des Rois mette à jamais ton Nom.
Déja , fruit précieux de la faveur divine ,
D'une profonde paix nous goûtons la douceur ↓
Le faint Himen que le Ciel te deftine ,
Eft le lien de tous les coeurs.
PRINCE , puiffe ton Regne ennemi de la guerre ,
Inftruire tous les Potentats
Afaire comme Toy , le bonheur de la terre ,
A compter des bienfaits , & non pas des combats.
De ce facré devoir puiffe-tu les convaincre.
Que
!
DE JANVIER 1722. ぢの
Que le Monde charmé de l'un à l'autre bout ,
Dife de Toy :LOUIS n'a pas befoin de vaincre,
Et fa vertu lui foumet tout.
ETRENNES AU ROY ,
O DE
Par M.DE BE A UPR E ', Muſicien ordinaire
de la Chapelle Chambre de S. M.
E
MBRASE moy, Mufe héroïque ,
Cede à ma noble ambition ;
Prête à mes ' Vers le magnifique ,
Les images , la fiction :
Je veux leur confier mon zele
Et par cette route nouvelle
Donner de l'ame à mes fouhaits :
Mais déja ta fureur m'infpire ,
Je me fens frappé d'un délire ,
Dont j'augure d'heureux effets.
1
Je fuis fur la voûte étoilée ,
J'aperçois la celefte Cour ;
Des Dieux la pompenfe Affemblée
A mes yeux éclate en ce jour.
Le Deftin en maître y préfide ,
Et pour le Petit-fils d'Alcide ,
Il fait au loin tonner fa voix
Ce Prince , dit- il , m'a fçu plaires
Pas
40 LE MERCURE
Par vos foins je prétends en faire
Le plus parfait de tous les Rois.
Que chacun de vous fe prépare
A l'orner de ces dons divins ,
Dont le Ciel fagement avare ,
Avec choix fait part aux humains.
Sur le premier Trône du Monde
Qu'il regne en une paix profonde ,
Craint des méchans , chéri des bons ;
Et qu'il foit enfin digne d'être
Du Monde & l'Arbitre & le Maître ,
Par le fage employ de vos dons.
Quel mouvement dans l'Empirée ! ]
Deftin , & quel eft ton pouvoir ?
Quoy ! de ta volonté facrée
Tous les Dieux fe font un devoir ,
Pour illuftrer le Diadême
Du jeune Prince qui vous aime.
Sagefle , Prudence , Equité ,
Vous l'avez formé les premieres ;
Et de vos divines lumieres ,
Il répand déja la clarté.
Le Dieu qui lance le Tonnerre ,
Répond au Deftin en ces mots :
Je laiffe le foin de la Terre
A ce jeune & fage Héros ,
Surpris
DE JANVIER 1722 . 41
Surpris , je verrai fans envie
Briller tous les jours de fa vie
En évenemens glorieux ;
Récompenfant , ou faifant grace ,
Y tenant la fuprême place ,
Que Jupiter tient dans les Cieux.
Aprés lui le fils de Latône
Fixe mes avides regards :
Il vient offrir une Couronne ,
Préfage heureux pour les beaux Arts.
Du prix brillant qu'il vous deftine ,
Doctes Filles de Mnemofine,
Je vois la glorieufe fin ;
Le Prince que Minerve éclaire
S'en rendra le Dépofitaire ,
Pour vous couronner de fa main .
Rapidement Saturne avance ,
Le voici ... Mais il eft paffé .
Pour marque de fa dépendance ,
Quel préfent a t- il donc laiffé ?
Lachelis nous l'annonce en joye ,
Filant des jours d'or & de foye ,
Exprès pour ce nouveau Neftor .
Le Temps prendra foin de fa gloire ,
embelir fon Hiftoire
Et
pour
Il lui prépare un Siecle d'or.

Je
42 LE MERCURE
Je n'ai point de don à lui faire ,
Deftin , mais n'en fois point furpris ;
La valeur eft hereditaire
Chez le Prince que tu chéris :
Ainfi parle le Dieu des Armes ,
Qu'interrompt , d'un air plein de charmes ,
Venus , par ce tendre difcours :
Le plus beau Prince de la Terre
Seroit-il donc né pour la guerre ?
Quelle perte pour les Amours !
Confolez- vous , belle Déeffe ,
Lui dit l'Himen ( un peu de loin ; )
Je lui deftine une Princeſſe ,
Dont les Graces vont prendre foin ;
Du jour celebre qu'on m'aprête ,
Ces Dieux animeront la fefte ;
Non ceux qui s'envolent d'abord ;
Mais les Amours nés de l'Eftime ,
Source folide & legitime ,
Avec qui l'Himen eft d'accord.
Quoy le Ciel fe voile à ma vûe !
Tu fuis , charmante vifion ,
Et mon ame demeure émûe
Du charme de l'illufion :
Que dis- je ce n'en eft point une ;
De Vous , du Tems , de la Fortune ,
La France attend ces grands effets :
Quy
DE JANVIER 1722. 43
Ouy, je verrai , jeune MONARQUE ,
Avant que je cede à la Parque ,
Le Ciel accomplir mes fouhaits.
A.MADEMOISELLE DE S. D *
ETRENNES.
LE vif Amour ,& le doux Himenée ,
Pour vous offrir mon coeur qu'ils enflamment *
tous deux ,
Ont commencé cette nouvelle Année ,
Par finir les Procez qu'ils ont fouvent entr'eux.
Si vous daignez , jeune Silvie ,
Recevoir de leurs mains ce gage de ma foy ;
Ces deux Rivaux en paix le refte de ma vie ,
Avec vous regneront fur moy.
Mais fi vous refufez cet amoureux homage ,
(On rejette toujours fes fautes fur autrui )
L'Amour voudra charger l'Himen de cet outrage,
L'Himen de fon côté voudra s'en prendre à lui :
Je leur reprocherai fans ceffe mon ennui ,
Et nous ferons tous trois en fort mauvais ménage .
A MADAME D ....
Pour Our la naiffances d'Ariftie
Et devant qu'elle fut fortie
da
44
MERCURE LE
Du fein même de la Vertu ,
Dans la celefte Cour on s'étoit debattu
Sur l'efpece des dons qu'on prétendoit lui faire.
Venus opina la premiere ,
Et fignala fon traitement :
Qu'aux traits de la beauté l'on joigne l'enjoû
ment S
Dit - elle alors , & que les Graces
Accompagnant par tout fes , traces ,
Reglent fes moindres mouvemens.
Moy je veux lui donner les plus hauts fentimens
Dit Minerve. Plutus lur garda la richeffe ,
Et pour toujours de la jeuneffe.
Bientôt fur elle Hebé verfa les dons charmans .
Apollon lui donna la beauté du langage ,
Mêla la politeffe avec la verité.
Junon que fon orgueil à rencherir engage ,
Lui promit de fon port toute la majeſté.
Enfin à peines mains chaque Divinité
De fes tréiors fur elle épanchoit l'abondance ;
Quand du Deftin l'éternelle prudence
S'écria : Songez- vous , dignes Hôtes des Cieux ,
Que de vos interefts c'eft perdre la mémoire ,
Par des dons fi brillans vous l'égalez aux Dieux ;
Ah ! du moins balançons fon pouvoir & fa gloire,
Tout mortel doit payer des biens fi précieux .
Ainfi de vos faveurs corrigeant l'injuſtice ,
Je
DE JANVIER 1722 . 45.
Je prétends , & tels font mes ordres abfolus ,
Que fur tant de beautés & fur tant de vertus
Regne en Souverain le Caprice.
A Mr D.
TOY qui dans tes Ecrits imitant la nature ,
Fais renaître Marot , & revivre Voiture ,
Arbitre des Plaifirs amis de la beauté ,
Tu fais l'amufement d'un fejour enchanté ,
L'allegreffe te fuit , & ta Mufe enjouée ,
Par l'Amour , par Bacchus tour à tour avouée
Sans jamais entre eux deux prétendre decider ,
En faveur des mortels cherche à les accorder,
Pour répondre à tes vers , fouffre que je te dife
Que de leurs fons flateurs j'évite la ſurpriſe ,
Et quand de plus d'attraits tu me verrois jouir ,
Sur un frivole éclat je ſçai peu m'éblouir.
Quelque foible beauté que ta Mufe enviſage ,
J'eftime péu des biens dont je craindrois l'ufage.
Et par mille taifons pouvant les attaquer ,
C'est d'un coeur pur & droit que je veux me piquer.
Dans ton zele pour moi fi bientôttu ne changes
C'est par là queje veux meriter tes louanges ,
Et cultivant des biens entre nos mains remis ,
Attacher près de moi de précieux amis,
Auffi dans les devoirs qu'impoſe la naiſſance ,
Je
45
MERCURE
LE
Je fuis mon prope goût moins que la bienfeance
A la folle grandeur loin de facrifier ,
Si je revois la Cour , je fçai m'en défier :
De tant de paffions le mouvement m'étonne ,
Et quoique la Vertu s'y trouve fur le Trône ;
C'est là qu'environné de perils plus preffans ,
Tous les momens font vifs , & tous les pas gliffans
Heureux qui mille fois plus libre , & plus tranquille
Dans les murs refferrez d'un innocent azile ,
Par les plus doux devoirs uniquement lié ,
Goûte tous les plaifirs de la tendre amitié ;
Qu qui s'y retrouvant foi-même fans obſtacle ,
Peut de fon propre coeur foutenir le fpectacle .
(
LE SOLITAIRE ET LA FORTUNE

FABLE.
N Solitaire ennemi de la gêne ,
Et fectateur de toute volupté ,
-Qui repetée , après elle n'entraîne
Ni les remors , ni la fatieté,
Vivoit en paix , fans embaras ni crainte ,
Avec un livre , un verre , & fon Aminte..
Avint un foir qu'il entend un grand bruit ,
Gros équipage , & tout le train qui fuit.
Dame Fortune elle- même en perfonne
Vint
DE JANVIER 1722. 47
vint à la porte , & crie : Ouvrez , c'eſt moy.
C'est vous? Qui vous ? Comment, dit elle , Quoi?
Vous n'ouvrez pas ? Vous refuſez un gîte
A la Fortune , & n'acourez pas vite
La recevoir ? Je ne vous connois pas
Répondit il , allez frapper plus bas ;
Je n'aurois pas où coucher tant de monde,
Hé , legez en feulement la moitié ;
Vous êtes fourd ? de grace , ayez pitié ,
Mon cher ami , de la Magnificence ,
Qui fe morfond ; la Grandeur , l'Opulence ,
La Dignité , la Gloire font ici ,
Réduites , helas ! à vous crier merci....
J'en fuis fâche , mais je n'y puis que faire.
Vous logerez tout au moins le Defir ?
Je ne fçaurois , répond le Solitaire ,
Je n'ai qu'un lit , je le garde au Plaifir.
Traduction de la premiere Epigramme Lar
tine inferée dans le Mercure de Novembre
du Sig. Maria della Volpe au Cardinal
Pereira,
O
Rnement de ces lieux où dans le fein de
l'onde
Le Soleil fatigué va chercher le repos ,
Iffû d'une famille en demi-Dieux féconde ,
Héros
48 MERCURE LE
Héros dont la vertu connue à tout le monde ,
T'a justement acquis ce titre de Héros ,
Nous t'avons regardé toujours comme un grand
Homme s
Tu caufois éloigné notre admiration' :
Aujourd'hui dans ces lieux , au jugement de
Rome ,
Tu furpaffes préfent ta reputation.
Le Tibre fut témoin de ta rare éloquence ,
Et parmi les Prelats tu fçûs bien faire voir
Sur les dogmes facrez exerçant ta fcience ,
De tes difcours Latins quel étoit le pouvoir.
De toutes les vertus, un charmant aſſemblage ,
Eft de ta pieté le merveilleux effet ; '
Et c'est trop peu pour Toy que les tréfors duTage,
Quand une fois Tu veux faire quelque bienfait.
Nous fçavons dans l'Algarve au Roy qui t'en fit
Maître ,
Que le Sceptre affuré fut le prix de tes foins ,
Tes brillans Vers Latins te font affez connoître ;
Et l'on fçait de tes airs quels font les doux té
moins.
C'eft pourquoi nous voulons , Habitans du Parnafle
,
Pour Guide t'obtenir par nos vives clameurs.
Dans nos livres déja ton Nom a trouvé place ,
Le refte par l'amour eft gravé dans nos coeurs.
Extrait
DE JANVIER 1722 . 49
Extrait d'une Lettre écrite d'Evreux aux
Auteurs du Mercure.
N voit icy , MESSIEURS , avec plaifir
votre Journal , & on s'exerce
quelquefois à deviner les Enigmes que
vous propofez. Je croy que le mot de la
premiere de votre mois de Decembre , eſt
un Confeffional , & celui de la feconde ,
une Selle de cheval , elles font toutes deux
fort fpirituellement tournées. Permettésmoi
de vous propofer à mon tour une
Enigme , qui fe trouve dans les Archives
de notre Eglife Cathedrale , de l'explication
de laquelle dépend un point d'Hiſtoire
& de Chronologie qui nous intereffe.
Voici l'Enigme.
Prens la tête d'un Maquerel ,
D'un Chien , d'un Congre , & d'un Carpel ,
De fix Vivres , & de quatre Iftres . C
Si trouveras fans autres titres
Quand Geufrey Faë fe démit ,
Abbé du Bec , & Euvreves prit ,
Le premier jour d'Avril fans doute ,
Dieu gard l'Hôtel & l'ordre toute .
Ce Geufrey Fae étoit un Moine Benedictin
, Abbé de l'Abbaye du Bec en Normandie
; il fut fait Evêque d'Evreux , &
quitta alors fon Abbaye . Pour apprendre
C cette
१० LE MERCURE
cette tranflation à la pofterité, avec la datte
précife , il a plû à l'Auteur de la Chronique
manufcrite du Bec , d'employer les
Vers que vous venés de lire . C'étoit apparemment
l'ufage du temps de l'Auteur , &
cela paffoit pour un trait d'efprit. Comme
il s'agit de placer exactement cet Abbé ,
devenu Evêque d'Evreux , dans le Catalogue
de nos Prélats , & que nous n'avons
pour le faire que l'autorité de cette Enigme ,
Yous nous ferez plaifir , MESSIEURS , de
vouloir bien nous aider à la déchiffrer , &
de la mettre dans votre Journal.
PREMIERE ENIGME.
Dans les champs & dans les hameaux
J'occupe la fimple Bergere ;
Et dans les Palais les plus beaux
J'amufe quelquefois la Reine la plus fiere :
Je pare le plus faint Prelat ,
Et la fille la plus coquette ,
Tantôt on me voit en cornette ,
Tantôt je paroîs en rabat ,
Je fuis toujours admis aux tables ,
Où l'on reçoit les plus Notables .
Quoi que je ne fois pas malin ,
Je fuis cependant aflés fin
Pour me glifler à la toilette ,
Même au coucher , au lit enfin ,
De la Dame la plus difcrete .
SECONDE

THE
NEW
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ASTOR
, LENOX
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!
TILDEN
FOUNDATIONS
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WW TORE
PUBLIC
LIBRARY
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, LENEX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
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DE JANVIER 1722 . St
LES
SECONDE ENIGM E.
Es raions du Soleil me donnent la naiffance
Dans l'humble pauvreté des champs ;
Et mon trepas fert l'opulence :
J'occupe les artiſans ,
Et j'amufe les enfans .
1
Refervé par mon fort à la magnificence ,
Je fuis pourtant frugal , & ne ruine pas
Ceux qui me donnent mes repas :
On me voit lentement marcher dans ma jeuneſſe,
Et je vole dans la vieilleffe .
IL
TROISIEME ENIGME.
Left peu fans moy de bon plat
Je farpaffe le goût des plus fines épices a
Je fais en cent lieux les delices
Du plus fale mangeur , & du plus délicar
LE
CHANSON
E premier jour de l'an , Venus à Cupidon
Envoya des fleches nouvelles.
Ah ! dit le petit Dieu , quel inutile don !
A prefent qu'on ne voit que des coeurs infideles,
Ma Mere a tort de remplir mon Carquois;
Pour enchanter ceux qui fuivent mes loix ,
Je n'ai befoin que de mes aîles .
Cij
NOUVELLES
LE MERCURE
NOUVELLES DE LITERATURE ,
DES BEAUX ARTS ,
& autres Curioſitez .
DISSERTATION SUR LES TRIREMES
on Vailleaux de guerre des Anciens :
Par le P. de Languedoc de la Compagnie
de Jelus. A Paris , 1721. in 12
pag. 63 ..
E point d'antiquité eft un des
plus obfcurs que les Sçavans
ayent tâché d'éclaircir , ce qu'ils
en ont dit jufqu'à prefent fe réduità
deux opinions . 1.Les uns ont enten❤
du par Uniremes , Biremes , Triremes , &c.
des Vaiffeaux à un , deux & trois étages
de Rameurs ; jufques - là tout iroit bien ,
s'il ne s'agiffoit que de leur donner trois
étages au plus mais lors que plufieurs
paffages d'anciens Auteurs nous obligent
à les multiplier iufqu'à vingt , trente ,
quarante & cinquante étages ; on décou
vre aifément l'impoffibilité de cette hypothefe
, tant à cauſe de la hauteur exceffive
qu'il faudroit fuppofer à ces efpeces de
galeres , qu'à caufe de l'énorme longueu
dc
DE JANVIER 1722 . 53
des rames & de la difficulté de les manier.
2º. Les autres qui ont fenti ces inconvenients
, fe font imaginez que par Biremes
il falloit entendre une Galere fur laquelle
il y avoit deux hommes à chaque rame ;
par Triremes celle où il y en avoit trois , &'
ainfi des autres ; mais ce fentiment n'eft'
pas mieux fondé , puis qu'il y a tels Vaiffeaux
fur lefquels il faudroit mettre trente ,
quarante , & même cinquante hommes fur
chaque rame.
Le P. de Languedoc , après avoir détruit -
ces conjectures peu vrai femblables , propoſe
la fienne avec cette modeftie qui ſied
fi bien aux vrais Sçavans ; il diftingue
d'abord , fuivant le fcholiafte d'Ariftopha.. "
ne , trois ordres de Rameurs fur le même'
Vaiffeau , les Thranites , les Zygites , &
les Thalamites ; les premiers à la poupe ,
plus élevez que les deux autres , les Zygites
au milieu , & les Thalamites à la prouë ,
& les plus bas de tous .
C'est ce partage qui a fourni à notre
Auteur la nouvelle maniere d'expliquer
ce que c'étoit que les Uniremes , Biremes ,
&c. felon lui les Anciens defignoient leurs
Vaiffeaux de guerre par le nombre de ra
mes de ces trois ordres differents de Rameurs
; ils appelloient par exemple Uniremes
, les Vaiffeaux qui avoient de chaque
côté une rame pour les Thranites , une an-
C iij tre
54
LE MERCURE
tre pour les Zygites , & une troifiéme pour
les Thalamites : Biremes , ceux qui en
avoient deux pour chaque ordre de Rameurs
; Triremes , ceux qui en avoient
trois ; Quadriremes , ceux qui en avoient
quatre , &c. & pour répondre à l'objection
qu'on pourroit lui faire de ce grand nombre
de Rameurs fur un feul Vaiffeau ,
dont parlent les Anciens , il ajoute que
rien n'empêchoit de mettre cinq & fix.
hommes , & même davantage fur chaque
rame ; & de plus que fous le nom de Rameurs
on comprenoit tous les Matelots ,
tant ceux qui ramnoient , que ceux qui fervoient
à la manoeuvre du Vaiffeau . Nous .
nous contenterons d'avoir rapporté en peu
de mots le fentiment du P. de Languedoc ;
ceux qui voudront fçavoir fur quelles autoritez
il l'appuye , & comment il répondi
à quelques paffages qui lui font moins favorables,
pourront confulter le Livre même.
qui eft fort court , quoique rempli de recherches
curieufes.
LA MANIERE DE RECITER L'ORAISON
DOMINICALE dans les divers états & felon
les diverfes fituations de la vie. A Paris
chez André Cailleau , & Charles Huart .
PRIERES ET INSTRUCTIONS CHRE
TIENNES , &c. 1721. A Paris , chez Lottin
, ruë faint Jacques...

TRAITE
DE JANVIER 1722 , 35
TRAITE COMPLET DE CHIRURGIE,
contenant des obfervations & des reflexions
fur toutes les maladies Chirurgicales
, avec la maniere de les traiter. Dedié
à M. Chirac , premier Medecin de S. A.
R. M. le Duc d'Orleans : Par Mc Guillaume
Mauqueft , Sieur de la Motte , Chirur
gien Juré à Valognes , &c . 3. vol . in 12 .
7 liv. 10 fols . A Paris , 1722. chez Cavelier
fils , rue faint Jacques , & chez Huart
l'aîné , au Palais .
CHIMIE FACILE ET CHARITABLE, en
faveur des Dames , derniere Edition . A Pa
ris , chez L. d'Houry , ruë de la Harpe.
HISTOIRE NATURELLE DU CAÇAO ,
& du Sucre , avec figures , chez le même .
in 12 .
IDE'E PARFAITE DE LA PHILOSOPHIE
HERMETIQUE , ParColleffon , troifiémo
Edition , in 12. chez le même.
REMEDES CONTRE LA PESTE , Par M.
Helvetius. A Paris , chez le Mercier , ruë
faint Jacques , 1721 , in 12 , pages 109.
Le premier des Remedes que l'Auteur
donne dans ce Livre , eft une teinture
d'or qui fe fait avec une demi once d'or ,
dix onces d'eau regale , douze onces d'huile
de camphre , 66 onces d'efprit de vin
rectifié , & deux onces d'huile de gerofle.
C iiij L'ulage
56 LE MERCURE
L'ufage decette teinture eft d'en donner d'abord
huit goutes mêlées dans fix cuillerées
d'eau de fcorfonaire ou de chardon benit ,
fucrée & chaude ; de réïterer ces goutes
de deux en deux heures jour & nuit ,
jufqu'à ce que le malade foit revenu de
fon extrême abattement , puis de lui en
faire prendre de trois heures en trois heures
, ou de quatre en quatre heures ; &
fi on eft affez heureux de le tirer de fon
premier danger , il faut continuer le remede
nuit & jour , de fix heures en fix heures
, jufqu'à parfaite guerifon , obfervant
de diminuer les dofes à l'égard des enfans .
Le fecond remede eft une effence émetique
preparée avec une once de verre
d'antimoine , deux onces de tartre de
Montpellier , demi gros d'ambre gris , autant
de myrrhe , fix onces d'efprit de foufre
où de vitriol.
Le troifiéme , une potion cordiale , compofée
avec l'eau theriacale , l'eau du fureau,
la confection d'Alkerme , un firop de vie
cordial , dont M. Helvetius donne la compofition
l'effence émetique , & le Lilium
de Paracelfe.
Le quatrième , des pillules purgatives ,
faites avec les racines de contrayerva , de
petafite , de carline , de dictamne , d'angelique
, de calamus , d'enula campana ,
de zodoire , de feuilles de fcordium fechées,
de
DE JANVIER 1722. 57
de petite centaurée , d'abfinthe & de ruë ,
de chardon beni , de roſes rouges , l'aloës ,
la myrrhe , la rhubarbe , la teinture d'or ,
dont nous avons parlé , la poudre de regliffe
, & quelquefois le diagrede , felon
Poccafion.
Le cinquiéme eft un fudorifique qui fe
prépare avec le fiel de porc , la theriaque
fans opium , la poudre de la Comteffe de
Kent, ou celle de vipere , & au defaut de
P'une & de l'autre , le diaphoretique mineral
nouvellement fait. L'Auteur regarde
ce remede comme un des plus fouverains
fudorifiques ; cependant fi le malade ne
fuë pas ailément , dit- il, on lui donnera une
feconde prife du même fudorifique, deux
ou trois heures après la premiere , & pour
lors on lui appliquera en même temps
fous les aiffelles & aux pieds des bouteil
les de grais plattes , remplies d'eau chaude ,
bouchées de bouchons & d'un parchemin
mouillé , & enveloppées de ferviettes : on
aura foin d'entretenir la fueur & la tranfpiration
, au moins pendant 12 , 15 , 20, &
24 heures , & plus long- temps même , fi
le malade fe trouve foulagé par la fueur.
On réiterera ce fudorifique de huit heures
en huit heures , jufqu'à ce qu'on voye
que le venin fort abondamment ; alors il
fuffira de foutenir le malade par l'ufage
de la teinture d'or donnée de quatre heu-
Cv res
5.8 LE MERCURE
res en quatre heures , ou de fix en fix
heures. Pendant que le malade ufera de›
cette préparation de fel de porc , il pourral
prendre de temps en temps dans la jour
née un verre d'une décoction fudorifique
alexitere .
M. Helvetius donne enfuite la maniere
de faire cette décoction fudorifique , &
après les remedes propres pour la curation
des bubons , charbons & anthrax pefti
lentiels. Le premier de ces remedes eft un
cataplâme anodin, le fecond, un cataplâme
maturâtif; le troifiéme, un cataplâme plus
maturatif; le quatrième , un digeftif; le
cinquième , l'onguent dit , anguent de la
Mere , dont il donne la defcription &
Tufage , comme des autres.remedes dont
il confeille de fe fervir ; entre autres un
digeftif , dont il enſeigne l'ufage , & une
décoction pour la gangrene ; le digeftif fe
fait avec une once de graiffe d'oye ou de canard,
fix gros de fuïe de cheminée, une once
de terebenthine , deux jaunes d'oeufs ,
trois gros de theriaque, une fuffifante quantité
d'huile de fcorpion; le tout exactement
incorporé. La décoction pour la gangrene fe
fait avec une poignée de têtes de chardon
beni fechées à l'ombre, & coupées par morceaux,
puis cuites dans trois demi- feptiers
d'eaude riviere , que l'on paffe enfuite par
unlinge , pour étuver de cette décoction
chaude
DE JANVIER 1722. 39
chaude la partie gangrenée. Si la gangrene
eſt conſiderable , il faut faire prendre en
même-tems au malade pendant trois jours,
le matin à jeun , deux ou trois onces d'efprit
de vin rectifié , en y ajoûtant une once
de firop de vin , ou au lieu d'efprit de vin ,
un bon verre d'eau de -vie. L'Auteur ajoûte
que ce remede fera critiqué , mais qu'il
n'en eft pas moins bon.
Il dit que pour prévenir les attaques de
cette maladie , il faut le faire faigner une
fois ou deux , laiffant entre les deux fois
un ou deux jours d'intervalle ; fe purger
deux jours après la faignée avec les pilules
purgatives cy-deffus ; réiterer cette
pur
gation au bout de quelques jours , fi on
abonde en humeurs dans les premieres
voyes , & le lendemain de la purgation ,'
commencer à prendre d'une compofition
de Mars , dont l'Auteur donne la Recette,
& enfeigne l'ufage. Il confeille auffi la
theriaque preparée fans opium ; la teinture
d'or , la racine ou la graine d'angelique ,
quelques grains de geniévre il confeille
encore de fumer matin & foir quelques
pipes de tabac , d'avaler quelques côtes
d'ail , de porter fur foy un citron piqué
de cloux de gerofle , ou un petit facher
rempli de parties égales de noix mufcades,
de cloux de gerofle , de femence de cumin
, aveg camphre & fel commun , grof-
Cvj fiere
60 LE MERCURE
fierement concaffez enfemble , de brûler
de la poudre à canon , avec la fixiéme
partie de gomme anime ou autre femblable'
, d'entretenir dans les chambres du feu
dans un réchaut , fur lequel on entretiendra
une quantité de fort vinaigre , où l'on
aura jetté de la mufcade , du clou de gero-
Ale , & quelques écorces d'oranges ameres.
SANCTI ANSELMI ex Beccenfi Abbate
Cantuarienfis Archiepifcopi opera , & c.
Les auvres de faint Anfelme & d'Eadmer,
par Dom Gerberon de la Congregation de
faint Maur , deuxiéine Edition , corrigée
& augmentée. A Paris , chez Montalant ,
Quay des Auguftins , in folio , 1721 .
SANCTI BASILII Opera , &c. Les
ouvrages de faint Bafile Archevêque de
Cefarée en Cappadoce ; par Dom Julien
Garnier , Religieux Benedictin de la Congregation
de faint, Maur , tom. 1. A Paris ,
chez J. B. Coignard , 1721. in folio.
ENTRETIENS DE CICERON fur les
vrais biens & les vrais maux ;traduits par
fen M. Abbé Regnier des Marais , Secre→
aire de Academie Françoife . A Paris ,
chez François Barrois , ruë de la Harpe
1721 in 12. Po 443.
LE SPECTATEUR FRANÇOIS , eſt une
petite Brochure de 15 pages , qui parut:
au
DE JANVIER 1722. Gr

au mois de Juillet dernier ; nous en avons
parlé en ce temps - là . On devoit en donner
une feuille toutes les femaines , mais
cela n'a pas eu de fuite jufqu'à prefent ,
que cet ouvrage va recommencer. On er
debitera une feuille tous les quinze jours ,
qu'on vendra dix fols.
Il paroift depuis quelques mois une
nouvelle Interpretation des OEUVRES
D'HORACE , avec les variantes leçons
& des notes , imprimée chez les freres Barbou
; rue S. Jacques à Paris . L'Auteur
ayant remarqué auffi-bien que le celebre
M. Bentley , que les Argumens que les
Scholiaftes avoient mis à la tête des Odes
& des Entretiens poëtiques d'Horace , rendoient
ces Ouvrages puerils , infipides ,
ridicules , & fouvent inintelligibles , n'a
cherché qu'à remedier à ce defaut . Le celebre
M. Bentley croioit y avoir affez remedié
, en rétranchant ces fortes d'Argu
mens. Mais l'Auteur moderne n'a pas cru
devoir en demeurer là : s'étant imaginé
qu'il avoit trouvé le veritable point de:
vue où il falloit les mettre , il ne s'eft pas
contenté de fubftituer de nouveaux Argu->
mens à chacune de ces Pieces , il a encore
ajouté à la fin de chaque Ode le temps )
qu'elle a été écrite , l'occafion pour laquelle,
elle a été faite , & le caractere des perfon
nes
6 $ LE MERCURE
nes à qui Horace adreffoit ces Ouvrages
Par ce moyen il fait découvrir dans cet
excellent original une infinité de beautez
que l'on avoit ignorées jufquà prefent. Ce
qu'il n'a pu faire fans une recherche extraordinaire
des moeurs de la plupart des
Seigneurs qui compofoient la Cour d'Augufte.
La geographie , l'hiftoire , la chronologie
, & les faits de l'antiquité y font
obfervez avec toute l'exactitude poffible. I
Le Sieur Mirabeau de Nifmes a fait imprimer
à Touloufe fon ARITHMETIQUE
PAR TARIF en deux volumes in 4° de
320 pages chacun. Elle contient les Compres
faits de toutes fortes de liquidations
d'interefts , dagio & defcomptes , de reductions
des unes aux autres des Monnoies ,
tant réelles que de Change , du prix courant
des Changes ; du prix des Efpeces , &
en quelles monnoies on tient les Ecritures
aux Places les plus confiderables de l'Europe
: les reductions des Poids & Mefures
de tous les Pays ; les calculs des ventes de
toutes fortes de marchandiſes & denrées ;)
les divifions ou partitions tant des Entiers ,
que des Fractions : les calculs des rentes ,
penfions & gages ; les calculs des legitimes !
dans les Pays de Droit écrit ; les calculs des
canes , pans , menus carrez & cubes . Les
calculs des toiles , pieds & lignes quarrées
&
DE JANVIER 1722 .
& cubes. Les contributions , repartitions
impofitions & departemens au fol la livre,
&c. Pour les compris , cadaftres , allivremens
ou livres livrantes des biens & fonds
de terre ; avec plufieurs autres Tables &
Tarifs , au moyen defquels on fait par la
feule Addition en differentes manieres ,
tous les calculs qui peuvent generalement
tomber dans le Commerce & dans la fo
tieté ; en forte qu'on fait très- aifément
tous les calculs les plus difficiles , & qu'on
les verifie avec la même facilité par leur
contraire ; & par là on a la fatisfaction de
voir qu'on ne s'eft point trompé ; ce qui
eft une preuve certaine , & qu'on n'a pas
encore vue dans aucun livre. Ónvrage trèsutile
à toutes fortes de perfonnes , & particulierement
aux Banquiers , Négocians
& Marchands , aux Gens d'Affaires , Teneurs
de Livres , Ingenieurs , Architectes ,
& c.
Sonfcription pour les Voyages de
Corneille LEBRUN.
Parmi les Voyageurs modernes il y en
a peu qui foient auffi curieux & auffi exacts
que Corneille Lebrun : comme il eft Deffinateur
, Peintre & Antiquaire , après avoir
remarqué ce que la nature & Pantiquité
fourniffent de curieux dans tous les lieux
où il a paffé , il n'a point été obligé de
de
64
LE
MERCURE
de s'en raporter à une main étrangere ,
pour le communiquer au Public. Il a mar
qué aufi avec la même exactitude les routes
qu'il a fuivies , & on en trouve quelques-
unes dans fes Voyages , qui étoient
peu connues avant lui ; telle qu'eft celle
de M. Isbranes Ambaffadeur de Mofcovie,
qui a découvert le chemin qui conduit par
terre à la Chine.
Ces avantages , joints au grand nombre
de monumens anciens qu'on trouve
dans les Voyages de cet Auteur , les ont
fait rechercher par les Curieux ; mais le
prix exceffif où les a fait monter le Change
avec la Hollande , les a rendus fi rares
en France , que peu de perfonnes ont été
en état de les avoir . C'eft ce qui oblige à
les reimprimer dans une forme moins incommode
, & à un prix beaucoup plus
modique. On joint enfemble les deux
Voyages , celui du Levant , & celui du
Nord ; ce qui fera cinq Volumes in 4°.
Celui qui prend foin de cette édition , a
retouché le ftile pour adoucir ce qu'il avoit
de trop dur , & il a ajouté des Remarques
fur les monumens découverts par l'Auteur,
fur la Geographie tant ancienne que mo
derne , & plufieurs autres éclairciffemens ,
qui rendront ces Voyages & plus utiles,
& plus agréables.
Les Eftampes , dont on fait que ces
* Voyages
DE JANVIER 1722. 65
Voyages font remplis , ont été réduites à
une forme plus commode pour les Lecteurs
, fouvent embaraffez d'un Deffein
qui contient plufieurs feuilles ; & on peut
affurer que ces réductions ont été faites
avec exactitude par Scotin Graveur ordinaire
du Roy , connu par ces fortes d'Ouvrages.
La beauté du papier égalera celle
des Figures , & on n'épargnera rien pour
rendre cette édition auffi parfaite qu'elle
puiffe être .
On vendra cet Ouvrage par Soufcrip
tions , qui feront de zo livres pour le petit
Papier , & de 30 l . pour le grand , avec
une pareille fomme , lorfqu'on retirera les
Exemplaires. On le vendra un tiers de plus
à ceux qui n'auront pas foufcrit , c'eſt- àdire
, foixante livres en petit papier , &
quatre-vingt- dix liv. en grand. Comme
l'Ouvrage eft fort avancé , & qu'on peut
affurer qu'il fera achevé avant la fin de
Pannée , les Soufcriptions re feront ouvertes
que jufqu'au premier Avril prochain.
Ceux qui voudront prendre des Soufcriptions
, s'adrefferont à Paris chez Bauche
le fils , à l'Image Saint Jean dans le Defert ,
fur le Quay des Auguſtins.
On imprime actuellement par Soufcriptions
à Amfterdam chez Brunel , &c. Le
Corps univerfel Diplomatique du Droit des
Gena
66 LE MERCURE
Gens , ou Recueil des Traitez de Paix ,
Alliance , &c. en 12 vol. in fol.
L'HISTOIRE DES ORDRES MILITAIRES
, ou des Chevaliers des Milices Seculieres
& Regulieres de l'un & de l'autre
Sexe , qui ont été établies juſqu'à preſent
avec des Figures qui reprefentent les differens
habillemens de ces Ordres ; & leurs
Armes , &c. 4 Vol . in 89. Amſterdam, chez
- P. Bruncl .
LE DICTIONAIRE CRITIQUE de Bayle
, nouvelle édition , 4 vol. in folio , chez
le même .
Honoré & Chaſtelein , Libraires à Amfterdam
, vont mettre fous preffe une nou,
velle édition des OEUVRES de Meffieurs
CORNEILLE , en 10 vol. in 1 2 .
RECUEIL de Pieces Serieufes , Comi--
ques & Burlesques ; les Trois Juftaucorps ,
Conte bleu , tiréde l'Anglois du R. M. Jo ,
nathan Swifs , Miniftre de l'Eglife Anglicane
& c. avec les trois Anneaux . Nouvelle
tirée de Bocace, à Dublin 1721.vol. in 12 .
pag. 88 .
RECUEIL de Pieces Serieufes , Comiques
& Burlefques. Le Conte du Tonneau ,
contenant tout ce que les Arts & les Sien
ces
DE JANVIER 1722. 67
ces ont de plus fublime & de plus miſterieux
, avec plufieurs autres Pieces trescurieufes.
Par le fameux D. Swifs , traduit
de l'Anglois. A la Haye, chez Henry Sheurleer,
1721.2 vol. in 12 .
On imprime à Londres l'ARCHITECTURE
de M. Jones , in fol. Les Infcriptions
Grecques de M. Chishull , in fol. L'Etat
preſent de l'Egliſe Grecque , de M: Covel,
& c.
La Compagnie des Libraires à la Haye a
donné au Public , LES SOUVERAINS DU
MONDE , contenant l'état prefent de toutes
les Maifons Souveraines , leurs Genealogies
& Alliances , l'étendue & le gouvernement
de leurs Etats , leur Religion , leurs
revenus , leurs forces , leurs titres , leurs
prétentions , leurs armoiries, leurs refidences
, &c. avec un catalogue des principaux
Auteurs qui en ont écrit , en 4 vol. in 8º,
Ouvrage tres- utile & tres neceffaire à toutes
fortes de perfonnes qui veulent avoir
une idée generale des affaires du Monde.
Cette édition a été faite fur celle de Paris .
Nouveaux Entretiens des Ombres aux
Champs Elifees , ur divers fujets d'Hiftoire
, de Politique & de Morále. Hermant
Vitvverf, Libraire à Amfterdam , donnera
tous
68 LE MERCURE
tous les mois un de ces Entretiens , à com¬
mencer par ce mois de Janvier 1722. dont
le fujet eft l'Arrivée de Cartouche aux Enfers.
Le même Libraire a fous preffe les Penfées
fur les Cometes , de M. Bayle , en 4
vol. in 12.
Etienne Valat , Libraire à Amfterdam ,
vient d'imprimer les OEUVRES de M. CAPISTRON,
en 2 vol. in 12 .
On mande de Lisbonne que dans les
Affemblées de l'Academie Royale de l'Hiftoire
des 24 Septembre, 9 & 22 Octobre,
& 6 Novembre derniers , les Academi
ciens reçurent les Memoires qui venoient
d'arriver des Provinces pour l'éclairciffement
des differents points d'riiftoire dont
chacun d'eux eft chargé. La Differtation
Portugaife du Pere Don Louis de Lima
& la Differtation Latine du Pere Jerôme
Godinho de Nifa , fur la veritable fignification
de quelques mots de l'ancienne &
de la baffe Latinité , furent examinées
fcrupuleufement ; mais leur avis fut fuivi,
& on convint que dans les Hiftoires que
les Academiciens pourroient donner dans
la fuite , il leur fera plus fûr de fe fervir
des mots propres à chaque Charge ou
Dignité des ficcles reculez , que de les
vouloir
DE JANVIER 1722, 69
vouloit rendre en Portugais , fans en connoître
les fonctions ; & lors qu'il s'agira
des Dignitez modernes ; il leur conviendra
mieux quand ils écriront en Latin , de
faire des mots nouveaux pour les defigner ,
que de fe fervir des anciens , - qui ne rendoient
pas le veritable fens .

Les deux Differtations de Jean Alvares
de Cofta , & de Manuel d'Azevedo Suarez
, l'une en Latin , & l'autre en Portugais
, occuperent la feance entiere du 9
Octobre dernier elles regardoient le doute
fur lequel les Juifs fe confulterent dans
les premiers fiecles de l'Eglife , pour ſçavoir
s'ils pourroient avoir des Efclaves
Chretiens , & s'ils pourroient les châtier
jufqu'à les faire mourir.
La Conference du z 2 fe tint en preſence
du Roy & de la Reine de Portugal , & de
toute la famille Royale. Après que le Marquis
d'Abrantes eut prononcé la harangue
à laquelle l'anniverfaire de la naiffance du
Roy donnoit occafion , il prefenta à S. M,
au nom de l'Academie , une Medaille à
peu près ſemblable à celle que le Senat
Romain fit frapper à la mort de l'Empereur
Vefpafien . Cette Medaille a d'un côté
le bufte du Roy , avec cette Legende ,
Jean V. Roy de Portugal. Le revers reprefente
le Roy dans fes habits Royaux , tenant
le fceptre de la main gauche , & prefentant
70
I
LE MERCURE
fentant l'Hiftoire de la màin droite , avec
ces inots : Il fait revivre l'Hiftoire ; &
dans l'Exergue l'Infcription fuivante :
Academie Royale de l'Hiftoire de Portugal
instituée le vi. jour avant les Ides de Decembre
M. DCCXX .
Après qu'on eut diftribué dans la féance
du mois de Novembre le Refultat imprimé
des precedentes Conferences , le Pere Don
Antoine Caetano de Soufa , le Pere Dom
Antoine Dos Réys , le Pere Antoine Simoens
, & le Pere Bernard de Caſtello
Branco , rendirent compte de leurs Ou
vrages. Le premier promit de donner inceffamment
le Catalogue hiftorique de tous
les Evêques d'Angra : Le fecond declara
qu'il ne pouvoit fournir la liſte complette
des Evêques de Lamego , parce qu'il trouvoit
dans la fuite de leur Hiſtoire , une
interruption de dix années dans le qua
torziéme fiecle , &c. Le Directeur ou Prefident
de jour finit la feance en nommant
le Pere Puire d'Acunha de Souto- Mayor ,
& le Pere Don Jerôme Cantador de Argote
, pour Academiciens de Province.
Le Directeur & les Cenfeurs ayant fait
attention que les nouveaux membres de
cette Academie ne manqueroient pas de
chercher les preuves des faits de leurs
Hiftoires dans les Auteurs ordinaires qui
Le rencontrent dans les Bibliotheques de
Lisbonne
DE JANVIER 1722 . 71
Lisbonne , ce qui ne feroit pas conforme à
l'intention du Roy qui veut que tout ce qui
s'écrira par les Academiciens fur l'hiftoire
de fon Royaume , foit du moins d'une probabilité
raisonnable . Ils avoient nommé un
ertain nombre d'Academiciens pour dreffer
un Catalogue de tous les Livres qui font
regardez comme apocriphes par les gens
éclairez : Auffi tôt que ce Catalogue a été
en état , on l'a fait imprimer , & on l'a
rendu public , afin que les Sçavans puiffent
diftinguer les Auteurs reprouvez d'avec
ceux qui meritent leur attention & leur
confiance. Du nombre des premiers font
les oeuvres de faint Athanafe de Sarragoffe, .
& les autres écrits du Mont faint de Gre
nade , qui font reconnus pour faux & de
nulle autorité , ainſi que les Auteurs ſui↓
vans Aulo-Halo , Berofe le Caldéen ,
Braulio qui a continué Maxime , Caledonio
Evêque de Braga , dans la Vie de faint
Pierre ; Gregoire Bethico , dans fon Cata
logue des Martyrs d'Epagne ; Haubert
Hifpalenfe , Hefeca , Julian Peres , Liberato
, Lucco Flavio- Dextro , Luit- Prando,
Marc-Maxime , Megaſtenes - Perfa , & les
autres Auteurs qui ont été publiez par
Jean Amo de Viterbe , excepté les fragmens
originaux qu'on en a conſervez
Pedro Sequino , & avec ceux- ci tous les
Auteurs qu'ils ont citez , lefquels pour la
plupart
72 LE MERCURE
plûpart n'ont jamais exiſté.
-
Le P. Manuel de Sa , Religieux de l'Ordre
du Mont Carmel , Definiteur de la
Province , & cy devant Prieur des Convents
de Colares & de Setubal , qui fut
nommé Academicien Provincial dans l'Affemblée
du 28 Avril dernier , vient de
remettre à l'Academie un Livre qu'il a
compofé fur les Memoires de fon Couvent
de Lisbonne : il continue un Abregé de la
vie de Don Jean Manuel , Evêque de
Ceuta & de Guarda , un Catalogue des
Couvents de la Province , un autre des
Evêchez qu'elle renferme ; la vie de 19
des Evêques qui les ont gouvernez , &
un Memoire des Vicaireries de l'Ordre de
Mont- Carmel , qui font dans la Baye de
tous les Saints , au Rio de Janeïro , & à
Maranhaon.
On nous mande de Venife , qu'on expofa
le mois dernier dans l'Eglife Ducale de
Saint Marc , une ftatuë de marbre reprefentant
la Religion que le Comte de Sava
a fait faire pour le Czar par Antoine Coradini
, fameux Sculpteur Venitien. Cette
Piece eft regardée comme un chef- d'oeu
vre par les meilleurs connoiffeurs : elle
reftera expofée à la curiofité du Public ,
jufqu'à ce que la faifon permette de la
transporter à Petersbourg,
On
DE JANVIER 1722. 73
Les Beaux Arts viennent de faire une
grande perte en la perfonne d'Antoine
Coypel , premier Peintre du Roy , & de
S. A. R. Monfieur le Duc d'Orleans , Directeur
& Recteur de l'Academie Royale
de Peinture & Sculpture , mort à Paris le
7 de ce mois , dans la foixante - uniéme
année de fon âge. La Gallerie du Palais
Royal , & fes autres ouvrages , ont affez
fait connoître fon genie , & combien il a
excellé dans la Peinture. Nous donnerons
le mois prochain , d'une maniere plus
étendue , les juftes éloges qu'on doit à fon
merite & à fes talens , fur les Memoires
& inftructions que nous attendons.
Mr Boulogne remplit à l'Academie fa
place de Directeur, 31.
Nous efperons que l'article fuivant fera
plaifir à nos Lecteurs. Ce font les Medailles
du Roy , promiſes dans le dernier Mercure
que nous avons fait graver par les
meilleurs Maîtres. Elles ont été deffinées
avec grand foin fur les originaux frappez
en or , en argent , ou en bronze , & copiées
fi fidelement & avec tant d'exactitude
, qu'on ofe dire qu'il n'y a rien d'alteré
dans les copies , qui font de la même
deur que les originaux.
gran-
Nous mettrons ici une petite explica-
D tion
74
LE MERCURE
tion des ſujets avec les Legendes en françois
, en faveur des Dames. On les lira en
latin dans la planche cy- contre .
MEDAILLES FR APPE'ES à la Monnoye
des Medailles fous la direction de M. de
Launay , à l'honneur du Roy Lour XV.
Premiere Medaille,
LOUIS XIV & LOUIS XV.
On voit d'un côté la tête de Louis
XIV . avec cette Legende ou Infcription.
LOUIS LE GRAND ROY TRES-CHRETIEN ,
Reversi
La tête de Louis XV. avec cette Infcription
: Louis XV . par la grace de Dieu ,-
Roy de France & de Navarre.
Deuxième Medaille
LA DECLARATION DE LA REGENCE .
D'un côté la tête de LOUIS XV.
avec l'Infcription ordinaire,
Revers .
-La FRANCE prefente au REGENT Un
gouvernail . Legende. Philippe Duc d'Orleans
, declaré Regent . Exergue, Le 2 Septembre
1715.
SPECTACLES.
Medailles
DE LOUIS XV.
CHRISTIAN
VICUS
COREX
C
Flange
ISSIMUS
US
XV
ICUS
G.FR.ET
J.C.
Rottiersf
NAV
.
REX
ENS.REGEN
II .
AURELIANE
FRET
F.
Rochiers
f
NAV
REX.
1.Septembre
1725.
ATUS
PaillyF.

DE JANVIER 1722. 75
SPECTACLES.
Ous annonçâmes le mois
paffé une nouvelle Tragedie
d'Oedipe , qui fait beaucoup
de bruit , & qui merite fort
la curiofité du Public. En le relifant
pour
le reduire en extrait , nous avons été agréa
blement furpris de l'enchaînement de ce
Poëme : Un évenement produit le fuivant
avec autant de neceffité que de vrai femblance.
Il y a peu de pieces qu'il foit plus
aifé d'analyfer. Mais comme l'Auteur penſe,
à ce qu'on dit , à la faire imprimer , &
que d'ailleurs il nous a fait témoigner
qu'il verroit avec peine paroître le long
extrait que nous avons promis d'en donner
, nous avons trop d'égards pour fes
repugnances , pour n'y pas déferer. Mais
il ne trouvera pas mauvais que pour nous
acquitter en quelque maniere de notre
promeffe , nous donnions ici la petite anaÎyfe
qu'une perfonne de diftinction , qui
l'a entendue de la bouche de l'Auteur
nous a recitée.
La pefte caufe la demande de l'Oracle ,
L'Oracle caufe le foupçon contre Creon ,
Dij
Le
76 LE MERCURE
Le foupçon contre Creon caufe fon danger.
Le danger de Creon caufe le dévouement de
Ménécée ;
Le devouement de Ménécée cauſe la liberté de
Phorbas ,
La liberté de Phorbas caufe les deux reconnoiffances
,
Les deux reconnoiffances caufent la catastrophe .
Rien n'eft plus jufte , ni plus conforme
à toute la Piece que cette économie abregée
; & il feroit peut- être bien dangereux
de mettre à pareille épreuve toute autre
Piece de Theatre. Nous donnons ici quel
ques fragmens des Vers fans les choifir
avec affectation .
Le Poëte ouvre fa Scene comme Scphocle.
Il eft étonnant que l'Auteur d'un
troifiéme Oedipe foit le premier à employer
la plus magnifique ouverture que l'antiquité
nous ait laiffée. Le Sacrificateur à
la tête du peuple , & environné de jeunes
enfans Thebains fondans en larmes harangue
le Roy. Dans ce difcours eft cette
defcription de la Pefte.
Ouy, c'en eft fait , Seigneur , le jour qui
vient de luire ,
Des horreurs de la nuit a trop fçû nous inftruire :
Tifiphone en fureur a verfé dans les airs
L'homicide poifon qu'elle exhale aux Eufers .
Chaque instant voit partir pour l'infernale rive
D'infortunés
DE JANVIER 1722. 77 ་
D'infortunés Thebains une foule plaintive ,
Après des cris amèrs , & mille vains efforts ,
Les meres aux abois n'enfantent que des morts.
L'époux en embraffant fon époufe éperdüe ,
Lui foufle dans le fein le poifon qui lá tüe ,
Et le fils fecourant les Auteurs de fes jours ,
Tombe ; & meurt à leurs pieds pour prix de fon
fecours .
Tu péris , tu n'es plus, ô ma triſte Patrie !
Sous des monceaux de mortsThebes eft en fevelic.
Les Dieux font fourds pour nous ; nos voeux font
fuperfius ,
Et les tombeaux ouverts ne fe referment plus .
Il y a dans le premier Acte , Scene troifiéme
, un fonge d'Oedipe , qui eft un
morceau imaginé avec force , exprimé
• avec énergie , & verfifié avec beaucoup
d'art & de naturel . Itamale confident
d'Oedipe , étonné de voir fon Maître plus
devoré que jamais par fes remords , lui demande
la railon de ce trouble extraordinaire.
Oedipe lui répond :
Non , non , cher Itamale ,
J'écarte en vain de moy cette image fatale ;
En vain pendant le jour tu r'affures mon coeur ;
Mille fonges la nuit me rempliffent d'horreur ,
Cette nuit même , helas ! ( a ce recit fincere
Juge fi ma frayeur eft jufte ou téméraire )
D iij A
78 LE MERCURE !
Un fonge s'élevant du fejour tenebreux
A mes fens éperdus offre un fpectacle affreux.
D'abord j'ai vu fans ordre un tas confus d'images,
Mille ſpectres affreux , mille monftres fauvages ;
Puis tout a disparu. Quand pour comble d'effroy
Jay crû rentrer encore à Delphes avec toy.
Là de nouveau j'ay vû, trifte effet de mes crimes !
Tarir fous le couteau le fang de mes victimes
Et l'encens que ma main répandoit fur les feux
Secher , & fous fa cendre enfevelir mes voeux.
Jay crû revoir encore à mon afpect horrible
La Prêtreffe s'enfuir , l'air , le regard terrible,
Et l'antre prophetique au defaut de ſa voix
-M'anoncer mes destins comme il fit autrefois.
Ya ,fui loin de ces lieux, affaffin de ton pere, -
Effoi de la nature , oe mari de ta mere ;
Fuy , te dis je. A ces mots de l'aptre qui mugit
Un nuage embrazé , fort , creve , retentit ;
Mille éclairs élancés brillent avec la foudre ,
Du Temple émû du coup les murs tombent en
poudre ;
La terre fous mes pas rremble, s'entr'ouvre , fond,
Et je defcends vivant au Tartare profond.
Je m'éveille à l'inftant... ouy , fidele Itamale ,
Je le jure , j'ay vû la demeure infernale ;
Jay fenti de fes feux les mortelles ardeurs ,
Des fameux fcelerats j'ay vû couler les pleurs.
Mais parmi les tourmens de ces triſtes victimes
Kien
DE JANVIER 1722. 79
Rien n'approche des maux d'un coeur noirci de
crimes ;
C'eſt- là le vrai Tartare , & cent fois plus cruel,
Le crime fçait lui feul punir le criminel .
Voici quelques Vers dogmatiques qu'Oedipe
dit au fecond Acte , en parlant à
Itamale , qui lui reprefentoit que
L'aveu libre du coeur feul confomme le crime ,
Le bras le fait en vain, fi le coeur ne l'anime .
OEDIPE.
Et je me dis fans ceffe , en un fatal moment ,
La verrà quelquefois s'oublie & ſe dément ;
Et fans que du deftin l'afcendant nous y force ,
Le coeur va de lui même au plaifir qui l'amorce.
Toute notre malice , Itamale , n'eft pas
Dans l'aftre imperieux qu'on croit regler nos pás .
Quand le Dieu qui voit tout prédit notre ruine ,
C'estparce qu'en nos coeurs il en voit l'origine's
C'eft dans nous qu'il prévoit les maux qu'il nous
prédit ,
Et notre vrai deftin dans nos coeurs eſt écrit.
L'Aureur de cette Piece eft le P. Folard,
Jefuite de la Province de Lyon , frere de
M. Folard Chevalier de Saint Louis , Colonel
d'Infanterie : Le premier eft Profeffeur
d'Eloquence au grand College de
Lyon , College celebre par plufieurs ex-
D iiij cellens
8,0 LE MERCURE
excellens Profeffeurs de Rhetorique , conrme
les P. P. Menetrier , Colonia , du
Bois , Valoris , &c.
LES ELEMENS , troifiéme Ballet danſé
par le Roy dans fon Palais des Tuilleries le
Mercredi 31 Decembre 172 1. Les paroles
font du fieur Roy , la Mufique des fieurs de
Lalande & Leftouches , Sur- Intendans de
la Mufique du Roy ; le Ballet du fieur
Balon , Maître de Danfe de Sa Majesté , &
Compofiteur de les Ballets , imprimé à Paris
in 4 ° , chez Ballard .
On a choifi les Elemens comme un fujet
capable de varier le Spectacle & la Mufique,
dit l'Auteur des paroles , dans une efpece
de préface où il rend compte de fon idée ,
& l'on a conçu que des intrigues feparées
devoient moins fatiguer l'attention , qu'une
Piece de plufieurs Actes , & qu'elles amenoient
les Divertiffemens avec plus de facilité.
On a preferé aux Genies Elementaires
des Perfonnages plus connus.
L'Air offre l'évenement tragique d'Ixion,
& fon amour pour Junon , qui préfide à
cet Element.
L'Eau eft caracterifée par le naufrage
d'Arion *, par fa reception chez Neptune ,
pareille à celle de Thefée chez Achelous ,
fon mariage avec une Sirene union
&
par
* Ovid. Metam. liv. 9.
conve
DE JANVIER 1722 .
81
convenable à leurs talens & au lieu où la
Scene fe paffe.
Le Feu Elementaire ne pouvoit être que.
celui des Veſtales , qui s'allumoir'aux raions
du Soleil ; car Vulcain ne defigneroit que
le feu terreftre. Le Trait d'hiftoire qu'on a
adopté eft celebre : le peril d'Emilie intereffant
, & l'action eſt dénouée par un
prodige afforti à la fuperftition des Romains.
*
La Terre raffemble tous les Dieux qui
l'habitent , ou qui la cultivent , & l'on a
choifi l'avanture de Vertumne & de Pomone
, qui n'avoit point encore été mife au
Theâtre , telle qu'Ovide nous l'a laiffée .
Ce Ballet , pourfuit le Poëte , donne de
foi-même l'idée du Prologue. Les Elemens
font nez du Cahos ; on a faifi le moment
de leur naiffance , & à l'exemple de * Virgile
, on a cru pouvoir annoncer dès le
commencement du Monde les deftinées
d'un Prince , qui en doit faire le bonheur.
Au Prologue , le Theâtre reprefente le
Cahos. C'eſt un amas de nuages , de rochers
, d'eaux immobiles & fufpendues , de
feux qui s'échapent par des Volcans.
Le Deftin placé au milieu du Theâtre ou
yre la Scene par ces vers.
Val. Max. c. 3 .
Eclog. 4. Æneid. 6.
DV DESTIN
82 LE MERCURE

DESTIN Le fieur Thevenard.
Les Tems font arrivez . ¿Ceſſez triſte Cahos :
Paroiffez Elemens ; Dieux , allez leur preſcrire
Le mouvement & le repos :
Tenez - les renfermez chacun dans fon Empire.
Coulez , Ondes , coulez ; volez rapides Feux ;;
Voile azuré des airs , embraffez la nature :
Terre , enfante des fruits , couvre- toi de verdure :
Naiffez Mortels , pour obéir aux Dieux.
Le Feu monte à fa fphere , les nuages
´s'étendent , les arbres couverts de fleurs &
de fruits , fortent de terre , & les deux aîles
du Theâtre découvrent les Divinitez
qui préfident aux divers Elemens.
Venus commence la feconde Scene de
cette maniere :
Tandis qu'entre les Dieux le Monde fe partage,.
Qu'aux divers Elemens ils doivent préfider
L'Amour eft oublié : c'eft l'Amour qu'on outrage,
Sans lui tant d'interefts peuvent - ils s'accorder ?
&C...
LE DESTIN .
Raffure-toi , Venus , à ces Dieux j'ai foumis
La terre , le feu , l'air & l'onde ;
Mais que fert de marquer un Empire à ton Fils
Ce feroit le borner ,n'a t-il pas tout le Monde af
VENUS. Mlle Lizarde.
Combien verrai - je , helas durer tous ces honmeurs.
2
S'il
DE JANVIER 172 * .
83
S'il eft vrai qu'un Mortel doit naître ,
Qui des autres paifible Maître ,
Doit un jour à mon Fils difputer tous les coeurs ?
LE DESTIN.
Après cent Rois celebres dans l'Hiftoire ,
Il viendra des Mortels accomplir les deurs ;
Mais il doit des Héros rapeller la memoire ,
Et laiffant à ton Fils l'Empire des plaifir's
Il ne voudra que celui de la gloire.
Venus fur cette affurance témoigne n'avoir
plus d'inquietude , & le Deftin continue
,
Voi quels Sujets pour lui je ferai naître ,I
Et fans te le nommer , tu connoîtras leur Maître,
Le fond du Theatre s'ouvre ; le Roy' paroît
avec fa Cour.
VENUS & LES CHOEURS , qui font d'un
côté des Mariniers , & de l'autre des Moiffoneurs.
Trompettes , éclatez , frappez , percez les airs ,
Eclatez , annoncez un Maître à l'Univers .
Tous les coeurs volent fur les traces
C'eft de lui que dépend notre felicité ;
Sur fon augufte front brille la majefté ;
Dans fes yeux regnent les Graces , &c.
Le Roy danfe.
Trompe de Héros de la fuite de S. M.
Le Duc de la Tremoille , le Chevalier de
Maulevrier
D vj
84 LE MERCURE
Maulevrier , le Prince de Tonnay - Charente,
les Comtes de la Sufe , de Saint- Florentin
, de Ligny , de Salles ; les Marquis de
Gondrin , de Rupermonde , de Brancas , de
Livry , de la. Chaife.
VENUS.
Que l'Air forme pour lui de douces influences..
LE DESTIN.
Que la Terre pour lui produife des lauriers.
ENSEMBLE
Que le Feu prompt pour fes vengeances
De cent foudres mortels arme fes fiers Guerriers.
Que fes Vaiffeaux maîtres des Ondes ,
Lui portent les tréförs & les voeux des deux
Mondes.
Le Prologue finit par le Choeur fuivant .
Qu'il regne , qu'il triomphe , & que les Elemens:
Soient tributaires de fa gloire :
Que tout le cours de fes ans
Ne foit qu'une longue victoire.
I
Dans la premiere Entrée de l'Air , le
Theâtre repréfente le Palais de Junon . Les
Perfonages font Ixion , Junon , Mercure
Jupiter.
Choeurs d'Aquilons & de Zephirs. Les
Heures du jour & de la nuit , & c.
Dans la feconde Scene , Mercure qui fe
doute de l'amour d'Ixion pour Junon cherche
DE JANVIER 1722 .
85
che à arracher fon fecret ; il lui nomme
une partie des autres Déeffes aufquelles
'il pourroit s'engager , en difant ,
De l'ennui d'un vieil Epoux ,
Confolez la jeune Aurore ,
A Zephire difputez Flore ;
Quel triomphe fera plus-doux ?
L'un & l'autre vous implore
Contre l'Amour volage , & le Mari jaloux.
Ixion a trop d'intereſt à n'être pas
vert ; il lui répond :
décou
Non , non , à ces beautez je ne rends point les
armes.
L'Aurore avec Cephale oublira fes malheurs ;
Il fçait l'art de tarir fes pleurs ;
Et Flore connoît peu les charmes
Des fidelles ardeurs.
A la troifiéme Scene , le Palais de Junon
s'ouvre , elle paroît fur fon thrône , les
Heures à côté d'elle avec les Aquilons &
les Zephirs : Iris eft derriere le trône fur fon'
Arc. Cette décoration eft des plus galantes;..
elle eft formée par des colonnes de nuées ,
autour defquelles voltigent toutes fortes"
doifeaux peints par M. Oudry de l'Acade
mie Royale de Peinture.
Dans la penultiéme Scene , Ixion declare
fon amour à Junon en cestermes :
Def
86 LE MERCURE
Des feux les plus ardens je me fens devorers
Jugez quelle eft leur violence ,
Si malgré le danger de rompre le filence ,
Un mortel à Junon ofe les declarer. &C.
Jupiter foudroye Ixion , & le fait tomber
au fond du Tartare.
La deuxième Entrée , c'eft l'Eau. Le
Theâtre reprefente le Palais de Neptune.
Ce Palais eft compofé de grandes colomnes
de joncs marins retenus d'efpaces en eſpaees
pat , des ceintures de coquillages . Les
còtez & la voûte font fuppofez , & foutenus
par des eaux congelées & tranfparentes..
La décoration fait un bel effet ; elle eſt
de M. Perault , qui les à toutes composées,
& peintes avec les fieurs Dieu & Oudry.
Les Perfonnages font Leucofie l'une des Sirenes
, & Doris fa Confidente , Triton ,
Arion , Neptune. Choeurs de Tritons & de
Sirenes. Dans le Divertiffement de cette
Entrée danfent Meffieurs le Marquis de
Villeroy , de Coigni , de Befons , de Renel
de Croiffy. La Dile Prevolt , & c.
A la troifiéme Scene , on voit au fond du
Theâtre un Vaiffeau qui s'abîme , Arion,
paroît fur un Dauphin , & raconte fon
avanture à Leucofie , qui le reconnoît à
cette charmante voix , dont elle avoit efté,
attendrie. Il est épris de fa beauté , mais
la Sirene lui dit :
LEUCOSIE
DE JANVIER 1712. 87
LEUCOSI 5 . Mlle. Tulou.
Vous ignorez encor ce qu'une Cour fi belle
A de Divinitez dignes de vous chatmer :
Un coeur fi prompt à s'enflammer
Pourroit devenir infidelle.
1
ARION. Le Sr. Boutelou .
. Infenfible jufqu'à ce jour ,
Fignorois les tranfports dont j'oſe vous inftruires
C'eſt un miracle de l'Amour
Et trop cher à ce Dieu pour vouloir le détruire ,,
& c.
Neptune paroît dans la Scene fuivante:
avec les Dieux & Déeffes de la Mer. Il reconnoît
Arion pour fon fils & l'unità
Leucofie.

Duo d'Arion & de Leucofie.
Soupirons à jamais dans une Paix profonde :
Les Eleuves cefferont de couler dans les Mers .
Le Soleil ceffera de fe coucher dans l'onde
Quand nos coeurs briferont leurs fers.
Vers la fin de cette feconde Entrée il y a
un Choeur qu'on a trouvé d'un goût neuf
& d'une grande beauté ; le voicy :
Cheur.
Qu'à nos fons éclatans les ondes aplaudiffent ,
Tuyez fiers Aquilons , valez tendres Zephirs ,
QUE
LE MERCURE
Que ces beaux lieux , & ces Amans jouiffent
Du plus profond repos & des plus doux plaifirs
On danfe , c.
Leucofie finit l'Acte par ces paroles ,
Les Fleuves après un long cours ,
A Neptune viennent fe rendre :
Les coeurs aprés mille détours ,
Vont payer à l'Amour le tribut qu'il veut pren
dre.
9
Dans la troifiéme Entrée du Feu, le Theâ
tre reprefente le vestibule du Temple de
Vefta , & au fonds , le Sanctuaire où eft le
Feu Sacré. Les Perfonnages font Emilie,va
lere , l'Amour , Choeurs de Prêtreffes de
Vesta Cheurs de Chevaliers Romains.
Danfent dans le Divertiffement les Ducs
de Bouflers & de Montmorenci , les Marquis
d'Alincourt , de Tonnerre , de Coffé ,
de Villars . Les Dlles . Guyot , Emilie, Ifec,
de Lifle , la Ferriere , Dupré , Lantier, &c .
les Srs. Blondi , Marcel , Dupré , en Efclaves.
Emilie , trop occupée de fon amour pour
Valere , laiffe éteindre le feu facré. Le
Theâtre s'obfcurcit , & la Prêtreffe fe prepare
à une mort , qu'elle croit inévitable.
Les deux Amans expriment leur deſeſpoir
d'une maniere touchante , ils veulent mouxir
l'un pour l'autre. Mais l'Amour defcend
DE JANVIER 1722. ૪ .
cend fur un nuage , un flambeau à la main,
& calme leur trouble,
L'AMOUR.
Mlle. Lemaure.
Mon flambeau fur l'autel fait revivre la flame ;
Les maux que fait l'Amour il fçait les reparer ,
Vivez , belle Emilie , & raffurez votre ame ; !
C'est votre Hymen que je viens éclairer.
Valere invite les Romains à celebrer la
gloire que l'Amour vient de lui affurer
& s'adreffe à Emilie.
VALERE à Emilie.
Le Sr Thevenard.
Le feu qu'en ce Temple on adore ,
Languit , s'éteint, s'il manque de fecours ?
Le feu qui pour vous me devore ,
A pris dans vos beauxyeux de quoi durer toujours,
Aux Choeurs.
Que de vos chants retentiffent les airs ,
Je triomphe du fort qui nous faifoit la guerre ;
L'Amour commande au Ciel , à la Terre , aux
Enfers
Et dans la main des Dieux il éteint le Tonnerre.
La Terre eft le ſujet de la quatriéme Entrée.
Le Theâtre reprefente les jardins de
Pomonc
90 MERCURE LE
3
Pomone. Les Perfonnages font Pomone ,
Vertumne , Pan. Choeurs de Chaffeurs de
Bergers & de Bergeres. Dans le Divertiffement
danfent le Sr Balon , Mrs. de Langede
Mirepoix , de Coigny & de Rénel
en Chaffeurs. En Bergers Mrs. de Cham
bonne , d'Hoftager , de Francines , Balon
fils ; & les Srs. Dumoulin en Payfans Comiques.
ron ,
Vertumne , un mafque de femme à la
main , fe plaint des rigueurs de Pomone
qui l'ont réduit à fe déguifer fous la forme
& le nom de Nérine , Confidente & Nourrice
de cette Déeffe.
IV. Scene de Pomone & de Vertumne
.
VERTUMNE.
Le Sr Boutelou.
Ces champs fi fertiles, fi beaux ,
Cette terre docile à vos heureux travaux
Ces fruits dont elle fe couronne ,
Tout prefente aux yeux de Pomone
Des triomphes toujours nouveaux.
POMONE.
Mlle. Antier.
J'aime ce féjour folitaire ;
Des Amans importuns je fuis l'empreffement.
VERTUMNE.
DE JANVIER 1722 . 91
VERTUMNE.
Si quelque Amant pouvoit vous plaire ,
Il vous rendroit ce fejour plus charmant ,
L'Amour fçaitembellir tous les lieux qu'il éclaire,
La folitude plaît avec un tendre Amant.
Nos Dieur , de vos rigueurs ne ceffent de fe
plaindre ;
Quoy!ferez-vous toujours en guerre avec l'A
mour ?
POMONE.
Je lui pardonnerai peut être dès ce jour.
VERTUMNE à pare.
3
Ciel ! quel nouveau Rival aurai - je encore
craindre ?
On entend des Cors de Chaffe : Pan ,
fuivi de Chaffeurs , &c, vient avec grand
bruit prefenter à Pomone la dépoüille d'un
monftre qu'il a abatu ; il fe retire aux inftances
de la Déeffe , qui femble preferer
une fête de Bergers & de Bergeres , dont
elle entend la douce harmonie.
Dans la derniere Scene Pomone s'abandonne
aux confeils de fa Confidente ; &
Vertumne lui parle ainſi :
Tout ce que vous voyez vous parle mieux que
moi ;
Voycz
92 MERCURE LE
Voyez dans nos vergers la fource, qui ferpente
Elle embraffe cent fois les jeunes arbriffeaux.
Unie avec l'ormeau , cette vigne abondante
S'éleve & croît für fes rameaux ,
Cette autre fans appuy demeure languiffante .
Ces palmiers amoureux s'uniffent en berceau ,
C'eft le plaifir d'aimer que le Roffignol chante.
Ces ondes & ces bois , ces fruits & ces oiſeaux ,
Tout vous eft de l'amour une leçon vivante,&c .
La fuite de la Scene eft une imitation
d'Ovide. Pomone s'y laiffe attendrir , &
declare enfin que Vertumne a touché fon
coeur. Il profite de cet aveu pour paroître
fous fa forme naturelle , & la quatriéme
Entrée finit par ce Duo.
Vole Amour , jouy de ta gloire ,
Triomphe , c'eft à toy que nos plaifirs font dus
Repare les momens que mon coeur a perdus
A te difputer la victoire .
Dans l'Epilogue qui termine le Baller,
le Roy , reprefentant le Soleil , paroît fur
fon char , environné des Signes du Zodiaque
, & fuivi des quatre parties du
Monde.
POMONE chante.
Vivante image des Dieux ,
De quels biens ta gloire eſt ſuivic !
A tes
DE JANVIER 1722 . 93
A tés regards precieux
Tout doit la vie ,
Et l'arbre voifin des Cieux ,
Et l'humble fleur de la prairie.
Les Choeurs terminent le Ballet par
ces Vers ,
Soleil commence ta carriere ,
Tes regards font des bienfaits ;
Pourfuis ton cours fans t'égarer jamais ;
Tout languit loin de ta lumiere ,
Tout brille par tes attraits,
Ce Ballet , avec tous les Divertiffemens,
le Theatre & les Decorations a été fait fous
les ordres de M. le Duc de Mortemar ,
Premier Gentilhomme de la Chambre du
Roy , & par les foins de M. le Fevre , Intendant
des menus Plaiſirs de Sa Majeſté.
Ce Theatre eft trés- ingenieuſement.
conftruit & decoré , ceux qui ne font pas.
à portée de le voir, feront fans doute bien
aife d'en trouver icy une petite deſcription .
Le Sr de Vacé qui en a donné les Def
Leins a été affujetti à 25 pieds pour la
largeur & la hauteur. La profondeur eſt
de 45 pieds, Le frontifpice eft orné de
deux pilaftres en arc de triomphe & de
Cariatides qui portent les encognures de la
corniche d'un plan trés- riche , fur laquelle
prend naiffance un cintre en archivolte
accompagné
94
LE MERCURE
accompagné d'enroulemens , &c. Les Génies
de la Poëfie & de la Mufique , de
ronde baffe, & dorez , font affis fur de
grandes parties d'Architecture , cintrées
fur le plan de l'élevation , avec leurs attributs
, & c. On voit au milieu le chiffre
du Roy , foutenu par deux Génies , accompagné
de feftons de fleurs & de palmes.
Le Profcenium , ou avant theâtre eft
auffi fort orné & enrichi de quantité de
dorures , on voit fur les pieds droits & les
encognures les Medailles des anciens Poëtes
Dramatiques , fçavoir , Echyle , So.
phocle , Euripide , Ariftophane , Menan
dre , Seneque le Tragique , Plaute & Terence.
Le plafond du Profceniam , enfermé
entre deux archivoltes , & peint par
Mr Bertin , reprefente Apollon au milieu
de la Poëfie & de la Mufique. De chaque
côté on a ménagé deux balcons , l'un audeffus
de l'autre pour les Choeurs ; les
femmes en bas , les hommes au- deffus .
L'orcheftre pour les Inftrumens eft tout
à fait hors d'oeuvre , mais attenant le Theâtre.
Le Trône du Roy eft placé un peu
en-deçà avec des fiéges autour pour les
Princeffes & les Dames de la Cour , le
reſte de la Salle eft en gradins pour les
Spectateurs.
Les aîles du Theâtre font fermées par
fix tiers points de chaque côté , chargez
chacun
DE JANVIER 1722. 25
chacun de trois feuilles de decorations
dont une feule face paroit aux yeux des
Spectateurs. Ces figures triangulaires
tournent fur des pivots , & les changemens
fe font d'une maniere trés-fubite par
le moyen d'un treuil , ou moulinet , placé
au-delà de la derniere ferme , qu'on fait,
tourner par le moyen d'une manivelle , &
fur lequel viennent fe tortiller les cordes
qui répondent à chacun des tiers points ,
les faire tourner d'un mouvement,
pour
proint & égal aux changemens des décorations.
Le Soleil qui paroît dans le fond du
Theatre à la fin de la derniere Entrée eft,
très -ingenieufement compofé , le difque
en est très-lumineux , & les rayons bien
imitez par le moyen d'une eau fafranée
dans des tuyaux de verre , par des cristaux
brillans , & c,
LE THEATRE FRANCOIS.
Na remis au Theâtre le 27 de
l'autre mois le Comedie du Cuieux
impertinent , qui a été très
bien reprefentée & très bien
reçue du Public, C'eft la premiere Piece
de M. Nericaut Deftouches , Auteur de
P'Irrefolu,
96 MERCURE LE
Pirrefolu , de l'ingrat , & de l'Obstacle imprévû.
Le 8 Janvier ROMULUS , Tragedie
nouvelle de M. de la Motte , de l'Academie
Françoife , Auteur de la Tragedie des
Machabées , qui fut reprefentée avec fuccès
il y a un an , fort connu dans le monde
litteraire par quantité d'autres ouvrages
en Profe & en Vers. Ce nouveau Poëme
eft extrémement goûté du Public , & attire
un grand concours au Theâtre François.
Il a été auffi fort aplaudi à la Cour , lors
de la repreſentation qu'on en a donnée
devant le Roy le 24 de ce mois . L'Auteur ,
eut l'honneur de faire la reverence à S. M.
prefenté par M. le Maréchal de Villeroy.
C'est une conduite fage & mefurée , des
ſituations menagées avec art , des penfées
neuves & brillantes , un ftile noble , élevé ,
foutenu.
Les principaux Perfonnages de cette ,
Piece font , Romulus , Tatius , Erfilie ,
Proculus Gouverneur de Rome , Murena,
Grand Prêtre , & c. Ils font remplis par les
Sieurs Q. Du Frefne , Baron , Poiffon fils,
Le Grand , & par la Dile. Duclos .
Comme cette Tragedie n'eft pas imprimée
, on ne doit pas s'attendre à un extrait
bien regulier. Nous tâcherons d'en donner
une idée la plus claire que nous pourrons:
fur les reprefentations que nous en avons
vûës.
DE JANVIER 1722 . 97
vues. Commençons par le fujet.
Romulus , fils du Dieu Mars & de la
Veftale Rhea Sylvia ; fille de Numitor
Roy d'Albe , pour échapper à la pourſuite
de fon beau -pere , fut contraint de fe
mettre avec Remus fon frere , à la tête
d'une troupe de Brigands , dont ils firent
le peuple le plus belliqueux qui fut jamais .
L'ambition divila bientôt les deux freres ;
Romulus ne pouvant fe refoudre à partager
le pouvoir fuprême avec fon frere , le
tua lui -même , & par là il devint le feul
fondateur de l'Empire des Romains . Le
fecond crime qu'il commit fut l'enleve
ment des filles des Sabins , fous pretexte .
d'hofpitalité : Tatius Roy des Sabins en
voulut tirer vangeance ; il redemanda à
main armée fa fille Herfilie, qui étoit échûë
en partage à Romulus. Voilà ce qui donné
lieu à l'action theatrale ; en voici la difpofition.
b ning
Dans la premiere Scene Herfilie fe plaint
de la violence de Romulus , qui veut la
contraindre à l'époufer ; Sabine lui répond
que fon coeur pardonne en fecret la violence
dont elle fe plaint . Herfilie ne peut
fouffrir ce reproche ; elle éclate en invectives
contre fon fuperbe vainqueur , ce qui
donné lieu à l'expofition de tout ce qui
s'eft déja paffé entre les Romains & les
Sabins. Sabine s'obſtine à lui dire qu'elle
E aime
28
LE MERCURE
aime Romulus , & lui arrache enfin l'aveu
de la foibleffe.
Deuxième Scene . Romulus declare à
Herfilie que fon parti eft pris ; que puis
qu'elle eft infenfible à fon amour , il veut
ufer du droit que la victoire lui a donné
fur elle , & la conduire à l'Autel , perfuadé
que fon devoir lui tiendra lieu d'amour,
Herfilie s'emporte contre Romulus , & le
quitte après lui avoir protefté qu'elle ne
fera jamais à lui par des voyes fi tiranniques.
Proculus fait tous les efforts pour combattre
l'amour de Romulus pour Herfilie
mais inutilement.
Dans la quatriéme Scene Proculus fait
connoître à Albin que Romulus eſt ſon
rival ; il lui fait confidence des trahifons
qu'il trame en fecret contre lui , & des intelligences
qu'il entretient avec Tatius , à
qui il doit ouvrir les portes de Rome , ſe
Hattant que pour prix de ce fervice il lui
donnera Herfilie.
Dans la derniere Scene de cet Acte , on
vient avertir Proculus que tout eft perdu ,
& que Tatius vient d'entrer dans Rome.
Proculus feint d'être furpris d'une trahiſon
dont il eft l'Auteur ; il va en apparence au
fecours de Romulus.
Au commencement du deuxième Acte
Herfilie eft troublée du péril de fon amant ;
Sabine fait de vains efforts pour la porter à
ne
' DE JANVIER 1722. 99
ne prendre plus d'autre parti que celui d'un
pere qui vient brifer fes fers. Romulus en
vironné de perfides affaffins l'occupe route
entiere , & elle donne un libre cours à
l'amour qu'elle a fi long-temps renfermé
dans fon coeur.
A la feconde Scene Tatius paroît defarmé
, il apprend à fa fille que Romulus
eft vainqueur , & fait une belle defcription
du combat qui s'eft donné dans Rome mê
me, où quelques Sabins ont vû , ou ont
cru voir le Dieu Mars combattre à côté
de Romulus.
Scene troifiéme. Romulus renonce aux
droits de fa victoire , & offre la paix à
Tatius , pourvû qu'il lui accorde Herfilie.
Tatius répond fierement à Romulus qu'il
ne veut rien faire par contrainte ; que
s'il veut meriter Herfilie , il doit commen
cer par le mettre en état de la lui donner
librement , & qu'alors il verra ce qu'il
doit faire. Cette fierté irrite Romulus ; il
protefte à Tatius qu'il a ordonner du
fort de la fille en vainqueur. Tatius lui
répond qu'il n'a rien à craindre d'Herfilie ,
puis qu'elle le peut donner la mort pour
s'affranchir de la honte où il la referve.
Herfilie affure fon pere qu'elle mourra plutôt
que de trahir la vertu . Romulus effrayé
de fa refolution , lui reproche fa cruauté ,
qui la porte à preferer la mort à fon hymen.
E ij
3301
Il
100
LE MERCURE
il la laiffe avec fon pere , à qui il dit de
donner un confeil falutaire à fa fille , s'il ne
veut le porter aux dernieres extremitez .
Un Garde vient dire à Tatius dans la
Scene fuivante , qu'il ne tient qu'à lui de
fe fauver , que le même fecours qui lui a
ouvert les portes de Rome , lui ouvre le
chemin de la fuite ; mais qu'Herfilie eft
obfervée de trop près pour pouvoir ſe ſauver
avec lui . Tatius accepte la liberté
qu'on lui offre , & s'en va .
Le même Garde qui a fait fauver Tatius ,
apprend à Herfilie qu'elle ne gemira pas
longtems dans les fers . de Romulus , &
qu'il eft preft de périr par une conjuration
qui doit bientôt éclorre . Herfilie eft
frappée de cette nouvelle comme d'un
coup de foudre , & s'en va pour prevenir
un fi cruel affaffinat.
a
Dans la premiere Scene du troifiéme
Acte , Romulus tenant une lettre à la main
dit à Proculus , qu'il auroit pu s'oppoſer
la fuite de Tatius ; mais qu'il a défendų
qu'on courut après lui , parce que fa préfence
lui étoit funefte auprès d'Herfilie . Il
ajoute que ce qui l'occupe entierement`,
c'eft l'ingratitude des Romains , qui pour
prix de tout ce qu'il a fait pour eux , lui
veulent donner lamort ; ce qu'il vient d'apprendre
par cette lettre qu'on lui a fait
tenir. Proculus paroît furpris de cette trahiſon
,
DE JANVIER 1722. $101
hifon , il en accufe Herfilie , & continue
à vouloir le guérir de fon amour pour
une fi ingrate & fi perfide Princeffe . Romulus
lui répond qu'il aime trop Herfilie ,
pour la perdre ; mais que cependant il
veut fonder fon coeur.
Proculus fe retire ; Herfilie vient ; elle
fait connoître en entrant , dans un à parte,
que c'est elle qui a fait avertir Romulus
du peril qui le menaçoit. Romulus lui
donne à lire la lettre où on l'avertit d'une
conjuration contre fa perfonne , & l'accufe
d'en être le chef Herfilie vivement piquée
d'un foupçonfi injufte & fi injurieux, lui reproche
l'outrage qu'il lui fait : voilà ce que
produit cette Lettre. Herfilie a toujours
intereft à taire fon amour , & continue à
fe faire violence . On vient avertir Romulus
que Tatius s'avance à la tête de fon
armée ; il quitte bruiquement Herfilie , en
lui difant que puifqu'il y eft forcé , il va
la conquerir
.
Herfilie tremble pour fon pere & pour
fon amant ; elle dit à Sabine que l'outrage
que Romulus vient de lui faire , dans le
tems que c'eſt elle-même qui l'a inftruit
par une lettre de la conjuration qui fe
trame contre la vie , a penſé lui faire rompre
le filence ; & qu'en le gardant elle a
plus fait que fe donner la mort.
Scene IV. Un Romain vient apprendre
E iij
102 LE MERCURE
à Herfilie , que dans le moment que les
deux armées alloient en venir aux mains ,
les Sabines devenues Romaines par leur
hymen , qui avoit fuivi leur enlevement
ont préſenté leurs enfans aux Sabins , & fe
font mifes entre leurs époux & leurs peres ;
ce qui a fait tomber les armes des mains
aux uns & aux autres. Il ajoute que Tatius
touché d'un fi tendre fpectacle , avoit
fufpendu le combat , & propofé à Romulus.
de décider leur querele particuliere feul à
feul , puifqu'il ne regnoit plus aucune ini
mitié entre leurs Sujets ; que cette propos
fition avoit été acceptée par Romulus , de
l'aveu des deux armées. Cette funefte re
folution met Herfilie dans une fituation
plus violente. Elle detefte ce nouveau
combat , où elle doit perdre fon Amant
par fon Pere , ou fon pere par fon Amant.
Elle fe retire fans fçavoir quel parti pren
dre , mais toujours réfolue à fe donner la
mort , quel que foit l'evenement. Le trois
fiéme Acte finit par là.
Au quatriéme Acte , le Theatre reprefente
le Champ de Mars , où l'on a dreffé
un Autel. Proculus exhorte Murena à le
fervir contre Romulus , fuppofé qu'il forte
vainqueur du combat . Il lui apprend que
les Senateurs qui doivent accompagnet
leur ennemi commun , lui ont promis de
l'immoler à fa vangeance , & à leur liberté.
Murena
DE JANVIER 1722. 103
Murena lui répond que ce Tyran de Kome
n'a que trop vécu , & qu'il eft d'autant
plus intereffé à fa mort , qu'il l'a cent fois
menacé de lui ravis fon rang , & fe faire
declarer Souverain Pontife.
A la feconde Scene , Romulus paroît à
la tête des Romains , & Tatius à la tête
des Sabins ; Murena , Proculus. Romulus
commence le ferment , & ordonne aux
Romains d'obeir à Tarius , & de le reconnoître
pour Roy , fi les Dieux le declarent
plus digne de regner par la voix de
la Victoire . Tatius fait fon ferment à ſon
tour , & commande aux Sabins non feulement
d'obeïr à Romulus vainqueur , mais
de lui donner fa fille Herfilie ; il prie Mu
rena d'attefter pour cet Hymen Paveu des
Manes paternels. Après ce combat de generofité
, Romulus dit: ›
Commençons un combat , où fi j'en croi mon
coeur ,
Le Vaincu coûtera des larmes au Vainqueur.
Dans la Scene fuivante Herfilie arrive
& fufpend le combat fatal ; elle declare à
Tatius fon amour pour Romulus ; elle
ajoûte que les Oracles des Dieux font jufti
fiez , & qu'en promettant l'Empire de la
terre aux Romains & aux Sabins , ils ont
entendu que ces deux l'euples n'en feroient
plus qu'un. Ces paroles qui paroiffent
E iiij
d'une
104 LE MERCURE
d'une perfonne infpirée , defarment Tatius
& Romulus ; le premier confent à l'hymen
de fa fille , qu'on veut jurer fur le même
Autel où l'on vient de jurer un combat fi
funefte. Murena s'oppofe à cet hymen ,
qu'il dit être reprouvé des Dieux ; il menace
Romulus d'une mort certaine , s'il
époufe la fille de fon ennemi. Romulus
traite la prédiction d'impofture , & veut
paffer outre , mais Herfilie s'oppofe à fon
deffein › par rapport au peril dont Murena
le menace. Romulus dit à Tatius , qu'il
va affembler le Senat , pour deliberer fur
la nouvelle alliance des deux Peuples , &
qu'après cette deliberation , ce fera à lui à
parler à fa fille en Pere & en Roy.
Dans la premiere Scene du cinquiéme
Acte , Tatius demande à Proculus , fi c'eſt
par amitié pour lui , ou par haine contre
Romulus , qu'il a trahi en fa faveur les
interefts de fa patrie. Il lui dit que la pue →
miere recompenfe qu'il lui promet pour
cet important fervice , eft un fecret profond
; mais que comme Romulus & lui
ne font plus qu'un même Chef de deux..
Peuples differens , il doit s'attendre à périr
, s'il fe rend fufpect de quelque nouvelle
trahifon contre Romulus . Proculus
veut prendre le Ciel à témoin de la droiture
de fes intentions : Tatius l'interrompt
par ces vers :
Laiffe
DE JANVIER 1722 . 105
Laiffe là les fermens .
S'ils faifoient dans les coeurs naître les fentimens,
Je t'en demanderois mais quelle eft leur puiffance
?
Le crime les trahit , la vertu s'en offenſe .
Il s'agit entre nous de ton devoir , du mien :
Voila le vrai ferment , les autres ne font rien.
A la feconde Scene , Herfilie vient annoncer
à Tatius qu'on va affaffiner Romulas
, & que Proculus eft le Chef de la
conjuration. Tatius vole au fecours de Ro
mulus ; Proculus veut le fuivre , mais Herfilie
s'y oppoſe , & Tatius ordonne à fes
Gardes de lui répondre de ce perfide .
Dans la Scene fuivante , Proculus au
defeſpoir declare tour à Herfilie , & lui
dit que le fecours de Tatius arrivera trop
rard.
Scene IV. Tatius apprend à Herfilie que
Romulus triomphe , & qu'il vient de tuer
de fa propre main Murena qui étoit à la
tête du Peuple. Il ajoute que Romulus .
après avoir immolé ce perfide Pontife
avoit pardonné au Peuple , qui étoit foudain
rentré dans fon devoir , attendri de la
generofité de fon Roy.
Scene V. Proculus voyant appro
cher Romulus , fe tue , & lui declare
tous les crimes avant que d'expirer. Romulus
fe confole de la mort d'un infidele
Ey ami
106 LE MERCURE.
ami , & d'an perfide Sujet. La Tragedie
finit par la conclufion du mariage de ce
Prince avec Herfilie.
Le jour qu'on a reprefenté cette Piéce
pour la premiere fois , on a joué enfuite
la petite Comedie Du Mariage forcé de
Moliere , ce qui eft une choſe trés - finguliere
, la coutume ayant toujours été de
reprefenter les Piéces nouvelles toutes
feules. On n'a recours ordinairement aux
petites Pieces , qu'après les huit ou dix
premieres repreſentations , pour ranimer
les Spectateurs qui commencent à avoir ,
moins d'ardeur , felon que la Piéce a plus
ou moins de fuccès. Cela fait connoître
que la Piéce commence à tomber du
moins c'eft ce qu'on fe perfuade . Pour
prevenir ces mauvais bruits , quelquefois
bien , quelquefois mal fondez , Mr de la
Motte a fair joüer une petite Comedie
après fa Tragedie dès le premier jour , &
on ne doute pas que cet exemple ne foit
fuivi par les Auteurs qui fouhaittoient
tous que cet ufage fut établi ; mais perfonne
ne vouloit commencer , crainte de
donner une mauvaiſe idée de leurs Piéces
dès le premier jour de leur repreſentation.
Le 16 de ce mois on a remis au Theatre
, la Famille extravagante , petite Comedie
du Sr le Grand , mêlée de chants .
& de Danfes , qui a fait beaucoup de
plaifir L'OPERA
DE JANVIER 1722. 167
4
L'OPER A.
N continue toujours les reprefentations
de Phaeton avec beaucoup
de fuccès. La Dlle. Lemaure a doublé le
de ce mois le rôle de Libye que chantoit
la Dlle. Tulou . Cette derniere Actrice,
qui eft fort goûtée du Public , a chanté
le rôle de Theone avec beaucoup d'applaudiffement.
Nous apprenons de Venife qu'on y a
reprefenté fur le Theatre de S. Ange pour
la premiere fois l'Opera intitulé , les excez
de la faloufie . On nous fait eſperer un détail
de tous les Spectacles , Bals , Jeux ,
&c. qu'il y aura eu dans cette Ville pendant
ce Carnaval , dont nous pourrons
faire part à nos Lecteurs le mois prochain.
THEATRE ITALIEN.
E de ce mois les Comediens Ita-
Lliens ont reprefenté fur le Theatre du
Palais des Thuilleries la Parodie de Phaëton
, dont nous avons parlé le mois paffé,precedée
d'une petite Comedie Italienne d'un
Afte intitulés le Pere de bonne foy, qui a fort
E vi divesti
FOX LE MERCURE
diverti le Roy. C'eft une Piéce toute de jeu
& pleine de lazzi fort plaifants ; en voici un
petit Extrait .
Flaminia & Silvia , qui fe font retiréess
depuis peu à la Campagne avec Pantalon
leur pere , ont beaucoup d'impatience de
voir Lelio & Mario qu'elles aiment à
l'infçû du bon homme. Celui- cy rencon
tre Lelio qui fe promene un Livre à la
main , & qui après l'avoir embraffé, feint
beaucoup de furprife de le voir à la Cams
pagne ; & d'apprendre que ce font les
banqueroutes qu'on lui a faites qui Font
obligé de s'y retirer ; il ajoûte que pour
lui c'eſt le plaifir de la Solitude qui l'y
attire , l'invite à le venir voir le plus fou--
vent qu'il pourra ; mais en même tems les
prie de le difpenfer de lui rendre fes vifites
parce que cela lui déroberoit des
momens qu'il a refolu de confacrer à l'étude
& à la retraite. Pantalon charmé de
la rencontre de cet ami , en témoigne
beaucoup de joye à fes filles , qui de leur
côté feignent d'en avoir du chagrin , craignant
, difent-elles , que ce voyage ne
trouble la liberté qu'elles efperoient goûter
à la Campagne ; elles portent la feinte:
jufqu'à vouloir refufer les rafraîchiffemens:
que Lelio leur envoye , & que. Pantalon
accepte malgré les belles moralitez qu'il
venoit de debiter un moment auparavant .
contre
DE JANVIER 1722 .
9
contre ceux qui recevoient des prefens
Ces Amantes diffimulées propofent à leur
pere de jouer à quelque jeu pour paffer
le tems ; mais au fond pour avoir la li
berté de parler à leurs Amants. Aprés
avoir nommé plufieurs jeux , elles s'arrê
tent à celui de Colin- Maillard , le fort
tombe fur Sylvia , elle prend Mario qui
furvient avec Lelio comme par hazard
& l'embraffe tendrement en criant je tiens
mon pere ; mais ayant ôté fon bandeau
elle affecte beaucoup de confufion , &
s'enfuit avec precipitation ; Lelio & Mas
rio font femblant de vouloir fe retirer ,
Pantalon les prie inftamment de refter
ce qu'ils font comme par complaifance ;
le jeu continue , le Vieillard eft pris , &
pendant qu'il cherche inutilement à prendre
quelqu'un , les Amans ont tout le
tems de s'entretenir , ayant feulement attention
de fe retirer à l'autre côlé du
Theâtre toutes les fois que Pantalon õte
fon bandeau , le bon homme les voyant
alors fi éloignés de fes filles eft charmné
de leur retenue. Arlequin fait jouer enfuite
à un autre jeu de fa façon pour
amufer encore plus le bon homme ; enfire
après plufieurs incidens , qui ne font pas
les meilleurs de la Piece Lelio & Mario
épouſent leurs Maîtreffes.
Cette petite Comedie a été jouée pour
14
110 LE MERCUREU
la premiere fois à l'hôtel de Bourgogne
le 14 Septembre 1719 .
Le 23 de ce mois les mêmes Come
diens ont donné la premiere repreferita
tion d'une Comedie Italienne , tirée de
l'Eſpagnol , intitulée les Mariages entre les
morts les vivans. Nous en parlerons
plus au long.
Nous ne pourrons donner l'Extrait, de
la Comedie de Timon le Misantrope qu'à
la fin du Livre..
NOUVELLES E'TRANGERES .
EXTRAIT D'UNE LETTRE
écrite de Conftantinople , le 30
Ottobre 1721.
L
Es Vaiffeaux le Mercure & le
Protée , commandez par le Che
valier de Camilly , Capitaine de
Vaiffeau , que le Roy avoit fair
armer pour repaffer à Conftantinople Mehemet
Effendi , Ambaffadeur du Grand
Seigneur , y arriverent le 8 Octobre , à
onze heures du matin , & faluerent en
arrivant le Serail du G. S. & le Palais de
France.
Le Capitan Pacha zevenoit de la mer ,
&
DE JANVIER 1722.
TIN
& fe trouvoit mouillé par leur travers
avec 15 Galeres ; il envoya fa Felouque
à bord pour prendre Mehemet Effendi ,
dont il eft ami particulier , & le falua de
21 coups de canon : Les deux Vaiffeaux
du Roy répondirent par un même nombre
de coups.
M. le Marquis de Bonnac , Ambaffadeur
de France à la Porte , demanda une
audience au Grand Vifir pour le 21 du
même mois , & lui fit dire par fon Drogman
que les Officiers des Vaiffeaux du
Roy affifteroient à cette Audience , & que
s'il l'avoit agréable , il les lui prefenteroit .
Le Vifir répondit qu'ils feroient les bien
venus , & que contre l'ufage ordinaire , il
leur envoieroit vingt chevaux, au lieu d'un
feul qu'on n'accorde qu'à la perfonne de
l'Ambaffadeur. Ce Miniftre raffemble en
fa perfonne tous les talents qui font les
grands Miniftres. Le gouvernement n'a
jamais été plus doux ; il eft poli , liberal ,
bien- faifant , & les Sentences qu'il prononce
dans le Divan font citées comme
des Oracles. Il s'étoit attaché dans la jeu
neffe au Cadifler Agafi , Chef des Eunu
ques noirs , qui lui ayant trouvé beaucoup
d'efprit & de talent pour bien écrire , le
prefenta au Grand Seigneur , dont il devint
en peu de temps le favori. Il fut d'abord
Kaimacam de l'Eurier ; le G. S. luż
donna
11 LE MERCURE
donna enfuite une de fes filles en mariage,
& il fut enfin nommé Vifir en la place
d'Ali Pacha , tué à la bataille de Petter-
Varadin . M. le Marquis de Bonnac & les
Officiers des deux Vaiffeaux allerent àl'Audience
en cet ordre : Un Aga à cheval
étoit à la tête du cortege , faifant les fon--
ctions de Maître des ceremonies ; après
lui marchoient douze Valets de pied de la
livrée de M. le Marquis de Bonnac ; qua- -
tre Janiffaires à fa folde , fuivoient fa Livrée
; quatre Drogmans , plufieurs Ne- !
gociants François , & quelques autres Domeftiques
, au nombre de plus de 40 perfonnes
, precédoient M. de Bonnac. M. le
Chevalier de Camilly marchoit à ſes côrez
. M le Chevalier de Nangis qui commande
le Protée , & les autres Officiers
ayec les Gardes de la Marine , fuivoient
deux à deux , & fermoient la marche .
Ils arriverent au Palais du Grand Vifir , à
travers une foule prodigieufe de peuple ,
que la curiofité avoit attiré , & s'arrêterent
au pied d'un grand perron dans le
fond de la cour ; M. le Marquis de Bon--
uac fut enlevé par deux Chiaoux , qui le
foutinrent fous les bras pour monter . Lors
qu'ils furent à la premiere anti -chambre ,
deux Valets de pied du Vifir vinient effuyer
leurs fouliers , après quoy ils entrerent
dans la Sale d'Audience , où ils fe range-

FCRE
1
DE JANVIER 1722. 113
rent fur une ligne , fuivant l'ordre du
Tableau . Les Turcs formoient une ligne
parallele vis- à- vis , & le Grand Viûr paffa
au milieu pour venir prendre la place,
M. de Bonnac s'affit vis - à vis de lui , &
avant qu'on entamât la converfation , un
Heraut d'armes cria de toute fa force, Que
Dieu comble de benedictions le Grand Seigneur
&fon premier Miniftre Ibrahim Pa¬.
cha. Après les premiers compliments le
Vifir ayant fait figne de l'oeil qu'on le re fe
tirât , toute la foule difparut. Mrs. de Ca
milly & de Nangis alloient fe retirer com
me les autres , lors que le Vifir les fit
rappeller pour leur faire donner à chacun
un tabouret. Il ne refta dans la chambre que
le Kiaia qui étoit debout à la droite du
Vifir , & fon Vice- Chancelier à fa gauche.
Le fieur Fornetti premier. Interprete du
Roy étoit auprès de M. de Bonnac , & Mef
fieurs de Camilly & de Nangis vis - à- vis
du Vifir, un peu au deffous de M. de Bon
nac , qui parla le premier à peu près en
ces termes. L'ancienne alliance qui ſe maintient
depuis fi long- temps entre les deux
Empires , vient d'être cimentée aujourd'hui
bien authentiquement par la magnifique
Ambaffade que fa Hauteffe a envoyée à
l'Empereur mon Maître ; & comme elle a
été imaginée par ſon premier Miniftre Ibrai
him Pacha , c'est àlui que j'en attribuë tont
la
114 LE MERCURE
le fuccès. Le choix qu'il avoit fait de Mehemet
Effendi , ne pouvoit tømber ſur un fujet
plus digne , & je puis affurer qu'en rempliffant
parfaitement fon devoir , il a remporté
l'estime generale de la Nation . Vous
avez pû voir dans les Gazettes , qu'on s eft
pen arrêté pour lui au ceremonial , & qu'on
a paffé par deffus la forme ordinaire , pour
faire voir qu'on ne veut pas compter avec
fes amis. Deux Vaiſſeaux de guerre armez
dans l'Ocean , commandez par deux Officiers
non moins diſtinguez par leur merite que
par leur naiſſance , uniquement destineż
pour le renvoyer avec plus de décence
d'appareil , font affez voir combien l'Emper
reur mon Maitre a été fatisfait... En cet
endroit le Vifir Pinterrompit pour lui dire,
que s'il n'avoit pas été le premier Miniftre,
il auroit brigué la place de Mehemet Ef
fendi , & répondit enfuite avec beaucoup
de politeffe au difcours de M. de Bonnac,
qui l'entretint enfuite des Troupes Fran
çoiſes , & d'un Corps de Milice inconnu
en Turquie. De quelle Milice me parlezvous
, dit le Vifir ? des Amazones Françoi
fes , répondit M. de Bonnac , qui courent
le cerf, & qui manient un cheval avec la
même adreffe que vos meilleurs Cavaliers.
Mehemet Effendi m'en a parlé , repliqua
le Vifit , mais doit- on l'en croire fur fa
parole. Rien n'eſt plus vray , dit M. de Bons
nac
DE JANVIER 1722 . 113
nac , mais ce qu'il y a de plus extraordimaire
, c'est que celles qui s'adonnent à cet
exercice , font tout ce qu'il y a de plus beau,
de plus jeune & de plus aimable à la Cour.
Les nôtres ont une éducation bien differente,
dit le Vifir , à peine ſortent- elles une fois
en leur vie de leur Haram .
Le Vifir parla enfuite de la beauté du
Royaume , du nombre de fes Habitans , de
l'affection qu'ils ont pour leur Roy : Du
canal de Languedoc , qu'il appelle le Pays
des merveilles. Il paffa à l'augufte Maiſon
de Bourbon , & parla du Roy en termes
qui marquoient fon relpect . Enfin après
plufieurs autres difcours on fit rentrer tous
les Officiers à qui les Turcs avoient déja
donné le caffé , les confitures & le forbec.
Quand on eut apporté le parfum , deux
Officiers vêtirent M. de Bonnac d'une
peliffe d'hermine , & donnerent aux neuf
principaux Officiers des Vaiffeaux du Roy
des Kereguers ; ce font des veſtes de camelot
d'Angora , doublées d'un fatin de
la Chine , beaucoup plus honnêtes que les
caffetans. Cette galanterie avoit été imaginée
par le Vifit , & n'avoit point encore
été pratiquée. Le Vifir fe leva , & ils fe
retirerent tous dans le méme ordre qu'ils
étoient venus , avec cette difference qu'ils
avoient gardé leurs Kereguets.
Officiers
116
LE MERCURE
Officiers embarquez sur le Vaiffean le
• Mercure.
M. le Chevalier de Camilly , Capitainė
de Vaiffeau , Commandant .
M. de Gencien , Capitaine de Vaiffeau
en fecond .
M. de Vieuxchamps , Capitaine de Vaiffeau
en troifiéme .
Mrs Daunay , de la Thuilerie , & Panetié
, Lieutenants de Vaiffeau .
Mrs de Banely & de Foligny , Enfeignes
de Vaiffeau .
M. de Vieuxchâtel , Aide d'Artillerie.
Trois cens hommes d'équipage , quatre
Gardes du Pavillon Amiral , & fix Gardes
de la Marine.
Officiers embarquez fur le Vaiffeau le
Protée.
M. le Chevalier de Nangis , Capitaine
de Vaiffeau , Commandant.
M. le Chevalier d'Epinay , Capitaine
de Fregate , Capitaine en fecond.
M. de Joganville , Lieutenant de Vaiſfeau
.
M. de Coatudavel, Capitaine de Brulot .
Mrs de Fromentieres & Boisjollan , Enfeignes
de Vaiffeau .
Cent quatre vingts hommes d'équipage ,
deux
DE JANVIER 1722. 117
deux Gardes du Pavillon Amiral , & quatre
Gardes de la Marine.
Voici une autre Lettre qui contiens
encore quelques particularitez curieufes.
A Conftantinople , le &c .
Es deux Vaiffeaux le Mercure & le
Protée , &c, mouillerent dans le Port
de Conftantinople au milieu du Canal
le. 8 Octobre à onze heures du matin ,
& c.
Le Grand Seigneur étoit dans l'un de
fes Kiofques avec toute la Cour , au milieu
de fes Ichoglans ; de fes Boftangis ,
Soulaks , Janiffaires & Eunuques , tous
vêtus de couleurs parantes , avec des habillemens
de tête qui diftinguoient leurs
conditions. On voyoit de l'autre côté la
prodigieufe quantité de maifons , de Mof
quées & de Minarets , qui étant bâties
fur un terrain inégal forment un magnifique
Amphitheâtre , & tout ce que les Relations
apprennent de la beauté du Port
de Conftantinople , toujours couvert de
Bâtimens & de Gondoles fort proprement
conftruites , n'approche point de ce qu'on
voit. Les Vaiffeaux n'étoient pas fort loin
du Kiofque , & on voyoit diftinctement
avec des lunettes tout ce qui s'y paffoit.
-Le G. S. étoit feul affis à la mode des
Orientaux
118 LE MERCURE
-
Orientaux fur un Sopha . Tous ceux qui
l'environnoient étoient immobiles. Ces
Kiofques font des Pavillons ifolez à la
Chinoife , dont les toits à double retour
font obtus & faillants , avec un dôme couvert
de plomb dans leur milieu. Toute
cette charpente elt foutenue par des colonnes
de marbre , & quand il fait chaud
le vent paffe de tous les côtez , on ferme
celui qui incommode avec des paillaſſons
& des toiles qui fe roulent comme des
ftores. Le G. Vifir qui parut fe retirer
après avoir pris les ordres du G. S. s'embarqua
fur la Galiote qui le mena à bord
du Capitan Pacha. Toutes les Galeres abbatirent
leurs tentes , mirent leurs flames
& banderoles , & la Reale s'étant approchée
du Kiofque falua le G. S. de fon canon
& de la moufquetterie , toutes les
autres en firent autant . Le Vifir donna au
Capitan Pacha de la part du G. S. la vefte
qui lui eft duë toutes les fois qu'il revient
de la Mer. Les Galeres menerent leur General
à fon Hôtel qui eft au fond du Port
prés de l'Arfenal .
D
De Petersbourg ce 23 Decembre.
Es difficultez nouvelles qui naiſſent
tous les jours à l'occaſion du tran{-
port du Commerce d'Archangel, retardent
le
DE JANVIER 1722. 119
le départ du Czar pour Mofcow. Ce Prince
tient avec les Miniftres de frequens Confeils
pour trouver le moyen d'engager les
Moscovites à executer les Lettres Patentes
du 28 Octobre dernier, qui leur enjoignent
d'établir à Petersbourg le Negoce qui les
raffembloit à Archangel , dont la fituation
eft moins avantageule pour le Commerce
general de la Ruffie. M. Weftphalen Mi ,
niltre du Roy de Danemark auprès de Sa
M. Czarienne , a reçu depuis peu un Exprès
de Coppenhague , qui a occafionné
diverfes Conferences avec nos Miniftres.
On mande de Conftantinople que M. Daf,
chof Envoyé Extraordinaire du Czar , eut
le 28 Octobre fon audience de congé du
Grand Seigneur. Ce Miniftre étoit accomə
pagné de M. Neplief nouveau Refident
de Sa M. Czarience . On fit prefent d'uni
très beau cheval richement harnaché à
l'Envoyé Extraordinaire , qui le premier
de Novembre eut fon audience de congé
du Grand Vifir , & doit revenir inceffam
ment à Petersbourg , fort content du fuc
cès de fa negociation,
Les eaux aprés s'être tenues hautes affez
long tems , font enfin baiffées , & actuelle,
ment la Riviere eft gelée .
Enfin les équipages de la Cour partent
pour Mofcou. Le Duc d'Holstein fera du
voyage. Le Prince Menzicof n'en fera
pas ,
120 LE MERCURE
il paffera en Livonie dès que Sa M.
Czarienne fortira de Petersbourg.
pas ,
On apprend par un Exprès de Conftantinople
que le Grand Seigneur avoit nommé
le Bacha de Nizza pour aller à Moſcou
avec le caractere d'Envoyé Extraordinaire .
Le 6 Decembre , jour de Sainte Caterine
fuivant l'ancien Calendrier , & jour
de la fête de la Czarine , elle reçut les
compliments des Seigneurs de la Cour ,
& des Miniftres étrangers. Le foir de cette
journée finit par un feſtin ſuperbe , avec
fimphonie ; ily eut auffi des illuminations
& un feu d'artifice . Cinq jours après cette
fête les Chevaliers de POrdre de Saint
André , inftitué par le Czar en 1698 ,
celebrerent celle de leur Patron . M. le
Comte Golofkin , grand Chancelier , le
Prince Menzikof, & trois Confeillers du
Confeil Privé , doivent avoir en l'abſence
du Czar la principale adminiftration de
fes affaires ; les Miniftres Etrangers doivent
fe rendre à Mofcou. On efpere que
ce voyage ne fera que de deux mois.

De Varsovie , ce 31 Decembre 1721.
Ole Tribunal Affefforial que le Grand
N continuera jufqu'aux fêtes de Noël
Chancelier de la Couronne a fait affembler
en cette Ville. Quelques Gentilshommes
du Palatinat de Sirad intereffés
au
DE JANVIER 1722.
121
pour
au retardement de quelques affaires prêtes
à être jugées par les Affeffeurs du Tribunal
de Petrikow , ont obligé d'envoyer
deffendre ce Tribunal contre leurs
entrepriſes , cinquante hommes de la Garnifon
de Pofnanie . Les Moſcovites engagés
de rendre aux Polonois l'Artillerie
qu'ils leur ont enlevée pendant la derniere.
guerre , leur ont voulu donner des canons
de fer pour ceux de bronze , dont ils fe
font emparés ; les Commiffaires de la Republique
qui étoient allés à Kiovie pour
cette reftitution , ont fait leurs proteſtations
, & font revenus à Leopold le 25
Novembre . Les Tartares recommencent
leurs courfes ; l'Hofpodar de Moldavie
a reçu ordre de la Porte de lever des
troupes , & de les tenir prêtes à marcher
au Printemps prochain. La mortalité des
beftiaux augmente dans le Palatinat de
Podolie , & l'on apprend par des Lettres
particulieres qu'on y a remarqué en quelques
lieux des veftiges de contagion.
Le Roy a écrit aux Senateurs qui font
en cette Ville pour demander leurs refolutions
fur les conteftations qui restent à
regler avec la Suede. Le Czar qui s'en
eft rendu le Mediateur demande pareillement
à la Republique un tems limité
pour entrer en negociation . Le Roy promet
de quitter l'Allemagne & toutes les
affaires F
122 LE MERCURE
affaires qui l'y retiennent , dès qu'il apprendra
que les Senateurs fe feront ferieument
déterminés à travailler ; cependant
on n'eft pas encore perfuadé de la certitude
des refolutions qu'ils pourroient prendre
cette année , on croit qu'ils font balancez
, foit que les uns ne foient pas contents
du Traité , foit que d'autres apprehendent
que les refolutions qu'ils pourroient
prendre cette année ne foient pas
approuvées par la Diette generale qui
doit fe tenir l'année prochaine. Les efperances
des ennemis de la République fe
raniment par ces irrefolutions .
Le Secretaire de Sa M. Czarienne
après avoir Lendu auComte deSieniawscki
Grand General de l'Armée de la Cou
ronne la Lettre de fon Maître , qui lui no
tifie la fignature du Traité de Nyſtadt
& avoir reçu dans Olefick la réponſe de
ce Grand General , en eft parti , & doit
arriver ici inceffamment pour faire la
même notification aux Senateurs affemblés
en cette Ville.
On mande du Palatinat de Podolie
que
la mortalité des beftiaux diminue confiderablement
, & qu'on efpere au Printers
prochain le rétabliffement parfait de la
fanté dans ce Pays , les maladies qui l'af-
Aligent n'étant pas contagieuſes , ainſi que
la crainte les avoit nommées d'abord.
De
DE JANVIER 1722. 123
De Stokholm , ce premier Janvier 1722 .
Na entierement congedié les troupes
Etrangeres qui fervoient dans ce
Etrangeres
Royaume , quant aux Nationales reformées
depuis la Paix , elles feront entretenues
chez les Payfans jufqu'à ce qu'on
ait fait des fonds pour les payer de tout
ce qui leur eft dû. On a arrêté plufieurs
Particuliers fufpects & qui paffoient
pour avoir des correfpondances dangereufes
avec les ennemis fecrets de l'Etat ,
& on recherche exactement leurs com
plices. On prétend que plufieurs Seigneurs
Suedois bien intentionnés pour le bien
du Royaume , doivent s'affocier avec
quelques riches Negocians pour fournir
au Roy un don gratuit capable d'acquiter
les dettes de l'Etat . Le Roy touché des
Remontrances qui lui ont été faites par
quelques Seigneurs de Pomeranie , cette
Province fi maltraitée dans la derniere
guerre , a revoqué les ordres qu'il avoit
donnés à deux Regimens de s'y rendre. "
Les troupes Suedoifes font arrivées
dans le Duché de Finlande , le Commandant
de ces Troupes a mandé qu'il avoit
trouvé les Places dépourvues de toutes
fortes de munitions , & que prefque toutes
les fortifications étoient ruinées ; on
Fij doit
124 LE MERCURE
doit y envoyer inceffamment des Ingenieurs
, tant pour les rétablir , que pour
élever une nouvelle Fortereffe qui couvre
la Finlande du côté le plus acceffible aux
troupes de Ruffie.
On a celebré le 15 Decembre la Conclufion
dé la Paix avec le Czar , & on
en a remercié Dieu par de folemnelles
Actions de Graces. Le foir toute la Ville
marqua la joye par des illuminations. M.
de Cromftrom Brigadier au fervice des
Etats Generaux , eft parti pour retourner
en Hollande. On compte que l'Affemblée
des Etats fe fera dans les premiers
jours du mois de Janvier.
On a propofé la reforme d'une partie
des Troupes qui font fur pied , mais cette
propofition a été rejettée en confequence
de la reprefentation d'un des principaux
Generaux de Sa Majefté , qui démontre
que les Troupes étant difpofées avec ordre
dans les Provinces , elles n'étoient
point encore à charge à l'Etat , & qu'ainfi
on ne devoit point precipiter cette Reforme
, & attendre pour l'executer qu'on
vit clairement qu'elle ne feroit point pre
judiciable au Royaume. Le Roy & les
Senateurs goûterent ces objections , &
l'on ne refolut feulement que la reforme
des Matelots qui font aifés à raffembler,
De
DE JANVIER 1722 . 125
De Coppenhague , ce 7 Janvier 1722 .
E 18 de Decembre a été illuftré par
Entrée publique que firent en cette
Ville le Prince Royal de Dannemarck &
la Princeffe fon époule . Cette jeune Princeffe
arriva de Fredericsbourg dans un
Caroffe à huit chevaux , accompagnée de
la Princeffe Charlotte Amelie fa bellefoeur.
Le Caroffe étoit precedé par le
Prince Royal à cheval & fix Gentilshommes
de la Chambre , fuivis de douze
chevaux de main richement harnachés .
Après le Caroffe de la Princeffe marchoient
les équipages des principaux Seigneurs
de la Cour . Leurs Alteffes Royales
trouverent devant l'Hôtel de Ville un Arc
de Triomphe érigé en leur honneur , &
en arrivant au Château elles furent reçuës
au bas de l'Eſcalier par le Comte de Holftein
Grand Maréchal de la Cour , & à
l'entrée de la Salle des Gardes par le Roy
& la Reine , qui les conduisirent par la
main dans l'appartement de Sa Majesté.
Il y eut un repas magnifique & un Opera,
& trois Galeres placées exprès devant le
Château annoncerent par des falves generales
de leur artillerie chaque fois qu'on
but les fantés de leurs Majeftez , de leurs
Alteffes Royales & des Princes de leur
Famille.
Fiij Les
126 LE MERCURE

Les deux Commiffaires nommés pour
examiner les Comptés des Marchands
Hollandois proprietaires de quelques
Vaiffeaux qui leur ont été pris ou endommagez
, ont commencé leur travail
avec M. Opdorp Secretaire de la Repu
blique d'Hollande , & M. Vandeurs Commiffaires
nommés par les Etats Generaux
pour examiner cette conteftation , & regler
les dédommagemens qui doivent
être payés à ces Negocians .
On a commencé à payer une partie de
ce qui eft dû aux Troupes qui font dans
le Holſtein .
La Ville d'Helfimbourg a été choifie
pour tenir les Conferences des Commiffaires
de Sa Majesté Danoiſe & de ceux
du Roy de Suede , nommés pour regler
les differends qui reftent entre les deux
Couronnes.
De Vienne , ce 4 Janvier 1722 .
A Majefté Imperiale a tenu divers
Confeils particuliers fur des dépefches
nouvellement arrivées , qui lui ont été
remifes de la part du Czar par le Colonel
Dohna. On a celebré le premier Decembre
la feſte de S. André Patron de l'Ordie de
la Toifon d'or , qui tomboit le 30 Novembre
, premier Dimanche de l'Avent , ce
qui a occafionné fa remife. Les Chevaliers
DE JANVIER 1724. 127
liers de la nouvelle creation , qui font
actuellement à la Cour , ſe rendirent deux
à deux dans l'Eglife Aulique des Auguftins
Déchauffez ; ils étoient précedez du Heraut
d'Armes & du Secretaire de l'Ordre.
Enfuite marchoient onze Chevaliers an
ciens devant l'Empereur. L'Ambaffadeur
de Venife , les Miniftres & les principaux
Seigneurs de la Cour accompagnerent Sa
Majefté Imperiale , qui étant arrivée dans
l'Eglife fe mit fur fon Trône ; là les nouveaux
Chevaliers s'étant rendus à fes pieds,
lui prêterent le ferment ordinaire , & reçurent
de fa main le grand Collier de l'Ordre.
La Meffe fut après cette ceremonie
celebrée pontificalement par l'Evêque de
Vienne ; l'Empereur alla à l'Offrande ,
fuivi des anciens & des nouveaux Chevaliers.
On retourna au Palais dans le mê
me ordre , après la Meffe. L'Empereur
dîna en public dans le Ritterftuben ( on ap
pelle ainfi la Salle des Chevaliers. ) Sa table
feparée étoit à quelque diftahce de celle
qui fut occupée par les Chevaliers placés
par le Roy d'Armes de l'Ordre. Une belle
Simphonie égaya le Repas . Le 8 , feſte
de la Conception de la Sainte Vierge
l'Empereur entendit la grande Meffe celebrée
pontificalement par l'Evêque de cette
Ville dans l'Eglife Cathedrale de S. Eftienne
; l'Ambaffadeur de Venife , les Cheva-
Fiiij
3
liers
128 LE MERCURE
9
liers de la Toifon d'or , & les principaux
Seigneurs de la Cour accompagnerent Sa
Majefté Imperiale dans cette fainte ceremonie.
Le même jour on celebra au Palais
l'anniverfaire de la naiffance de l'Archiducheffe
Marie - Jofephe , épouse du
Prince Electoral de Saxe , qui entroit ce
même jour -là dans fa vingt- troifiéme année.
le 17 , on celebra le jour de la naiffance
de l'Archiducheffe Marie - Elifabeth
foeur aînée de l'Empereur ; qui entroit
dans fa quarante deuxième année . Le 22 ,
l'Empereur monta à cheval , & fit dans la
place la revûe du Regiment des Cuiraffiers
de Lobcowits , qui étoit arrivé le 21. Depuis
ce Regiment eft parti pour aller prendre
les quartiers d'hivers en Hongrie . Des
Lettres du Meckelbourg aprennent le détaïl
d'une conſpiration contre la perfonne
du Duc. On a trouvé quatre mines toutes
chargées fous le Château Ducal : fept des
Auteurs de cet attentat ont été arrêtez ;
il y en a deux d'executez ; les autres le feront
inceffamment. La Ducheffe a quitté
Domits , & eft allé faire les couches à
Berlin , pour plus grande fureté . Un Bourguemeftre
de la Ville , & fa femme , ſe font
fauvez , & fe chargent . par cette évaſion
d'une complicité criminelle. On foupçonne
auffi quelques Officiers des Troupes du
Duc d'être de la Conjuration.
De
DE JANVIER 1722. 129
De Londres , le 16 Janvier 1722.
E 11 Decembre , fête de S. André , fui-
LEvant le vieux Style , le Roy , le Prince
de Galles , & tous les Seigneurs Efcoffois
obferverent de porter ce jour - là la Croix de
cet Apôtre leur Patron. Le Duc de Portland
va fe tranfporter inceffamment à fon
Gouvernement de la Jamaïque fur un
Vaiffeau de guerre de foixante Pieces de
Canon , que l'on équipe pour ce Voyage.
On dit auffi qu'on va armer use Efcadre
de dix-huit Vaiffeaux de guerre , qui fera
commandée par les Vice-Amiraux Wager
& d'Hofier. Ils ont été à Portſmouth & à
Chatam , pour preffer l'armement , & en
font revenus : le rendez-vous de cette Efcadre
eft à la Buoy de Nord ; elle fera compofée
de deux Vaiffeaux du troifiéme rang ,
de fept du quatrième , de deux du fixiéme ,
de deux Galiotes à Bombes , & de deux
Brulots. On n'eft pas cependant encore
certain fi elle partira : on dit que le Roy de
Portugal confent à un accommodement , &
qu'il promet de rendre la liberté & les
effers faifis au Sieur Windfields & à fes
Affociez. M. le Chevalier Eon , qui doit
demeurer en cette Cour en qualité d'Agent
du Roy d'Espagne a été préſenté au Roy
par M. le Marquis de Pozzobueno Ambaf-
Fv fadeur
130 LE MERCURE
fadeur de Sa Majefté Catholique en Angle
terre . Enfin la Chambre baffe a écouté la
Requefte des Quakers au fujet du retranchement
qu'ils demandent dans leur formule
d'affirmation de certaines paroles.
qu'ils font fcrupule de proferer ; cette grace
cent fois refufée leur a été accordée.
Les brigues pour l'élection des Membres
d'un nouveau Parlement , occupent vivement
les Provinces , & déja il fe debite
des liftes de ceux qui paroiffent y avoir
plus de part foit par leurs démarches , foic
par les voeux des peuples . Les Janvier ,
fête de la nativité de Notre Seigneur felon
le vieux ftile , le Roy ,le Prince & la Princeffe
de Galles fe rendirent avec leur cortege
ordinaire à la Chapelle Royale du Pa-
Lais de Saint - James , où l'Evêque de Glocefter
prêcha ; l'Epée d'Etat fut portée ce
jour là devant Sa Majesté par le Duc de:
Bolton.
On a publié le plan d'une Loterie nouvelle
; le fonds eft de fept cens mille livres
fterlings , & hypotequé fur la taxe impo
fée fur le Malt ou grain germé. Cette Loterie
fera compofée de foixante & dix mille
Billets de dix livres fterlings chacun , qui
feront payez en deux fois dans les termes
qui feront indiquez . Le premier Biller qui
fera tiré gagnera cinq cens livres sterlings ,
& le dernier mille livres. Les Lots ferong
forts
DE •
131 JANVIER 1722.
forts & en grand nombre . Si l'impofition
fur le Malt n'eft pas fuffifante pour les
payer , le Parlement fera garand de ce
qui manquera .
De nouveaux Prophetes > femblables
à ceux qui firent tant de bruit il y a
quelques années , commencent à debiter
ici leurs vifions ; ils ne tiennent plus leurs
affemblées fecretes , & répandent parmi la
populace des rêveries , qui leur attireront
inceffamment les attentions & les ordres
du Gouvernement.
De Lisbone , ce 1 Janvier 1722.
E 12 Novembre on lança à l'eau deux
Vaiffeaux de guerre de cinquante picces
de Canon , qui ont été nouvellement
bâtis dans les Chantiers Royaux : on leur
a donné le nom de la Notre - Dame d'Olivera
& de la Notre - Dame de Nazareth,
On avoit conftruit fur le bord de la Rivière
une Salle magnifique , où leurs Majeſtez
fe rendirent , accompagnées des Infants ,
des Infantes , & des principaux Seigneurs
& Dames de la Cour , pour voir cette ceremonie
marine.
. On a celebré le 4 Decembre la naiffance
de l'Infante Dona Marie- Barbe , fille
du Roy, qui entroit dans fa onziéme année
, étant née à pareil jour de l'année
F vj 1711-
132 LE MERCURE
1711. Les Peres Jean de Prazeres , Jean
de Saint- Gaëtan , & Jean Capistrano , Religieux
de Saint François de la Province de
Portugal , fe font embarquez par ordre du
Pere Jean de Chagas leur Provincial , &
Commiffaire de la Terre Sainte , pour por
ter à Jerufalem les aumônes de ce Royaume.
Le Roy les a chargés d'une lettre qu'il.
écrit au Gardien du Mont-Sidon , où il
Tui marque d'employer à l'entretien du
Saint Sepulere & autres Lieux faints , les
trois mille trois cens trente - trois Moëdores
d'or qu'il lui envoye , & de mettre
cetre fomme dans une caiffe féparée , comme
provenant de la charité de la Couronne
de Portugal.
On apprend par les dernieres lettres du
Brefil , que Don Vafco Fernandés Cefar
de Menezes , Viceroy de ce Pays , avoit
envoyé à Jacolina un Ingenieur chargé
de conftruire un Fort dans un endroit de
la Baye où les Mines font trop expofées.
aux entreprifes des Pirates.
On apprend par les mêmes lettres qu'on
a découvert dans le Gouvernement de
Saint- Paul de nouvelles Mines d'un produit
bien plus fort que celui des anciennes
On affure que les Naturels du Pays donnent
une livre d'or pour une livre de poudre à
tirer , & le même poids pour deux livres
d'autres munitions
DE JANVIER 1722 133
DeMadrid & de Lerma¸ce 9 Janvier 17.22.
E 14 Decembre à midi l'Infante d'Ef-
LEpagne prit congé du Roy , de la Reine,
& du Prince des Afturies à Lerma , &
montant en carroffe prit la Route de France
, la Ducheffe de Montellano Camarera
Major , & Dona Marie de Las Nieves
Angulo , Dame d'honneur de la future
Princeffe des Afturies , étoient à les côtés.
Le fecond carroffe étoit occupé par la
Ducheffe de Liria , la Marquife de Affentar
, & de Torrecofa , & Dona Jofephe de
Ullon , Dames du Palais de la Princeffe
fon grand Ecuyer le Marquis de Caſtel
Rodrigo , le Prince Pio , & quelques autres
Seigneurs qui vont au devant d'elle ,
rempliffoient le troifiéme carroffe , & les
autres carroffes de fuite . Deux cens Gardes
du Corps marchoient fur les aîles & derriere
le carroffe de l'Infante , qui coucha
le même jour à Gogollos , le 15 à Gamonel
, le 16 à Zumicanapalla , où elle fejourna
le 19 , pour celebrer l'anniverſaire
de la naiffance du Roy , qui eft entré ce
jour là dans fa trente-neuvinme année,
Le 20 l'Infante alla coucher à Birbiefca.
Là on fut informé que la petite verole
regnoit dans plufieurs endroits de la Route.
Le Marquis de Santa Crux , Majordome
Major
154
LE MERCURE
Major de la Reine , qui eft chargé de la
conduite de l'Infante , évitera tous les lieux
fufpects , & fera paffer la Princeffe par
une Roure où le mauvais air ne fera point
à craindre. On nous a mandé de la fronriere.
que Mademoiſelle de Montpenfier
en approchoit : L'Infante partit le 22 de
Birbiefca , & alla coucher à Pancorbo , &
le 23 elle arriva de bonne heure a Mirande
fur l'Ebre ; les cinq Députés de la Province
d'Alana l'y complimenterent. Le
24 elle coucha à la Puebla d'Argancos ,
où la fête de Noël l'obligea de fejourner
25. Elle arriva à Echeverri le 26 au ſoir,
& en étant partie le 27 au matin , elle alla
coucher à Urbina.
4
le
Le 29 Janvier le Roy & la Reine allerent
au Château de Ventofilla , où le Prince
des Afturies s'étoit rendu le même jour.:
On'apprend de Madrid que l'Infant Don
Carlos avoit la rougeole , & que les Infants
Don Ferdinand & Don Philippe
étoient allés au Buenretiro . Quant à l'In
fante d'Efpagne elle continue fon voyage
& jouit toujours d'une parfaite fanté. Ses
fejours font plus frequents qu'ils n'avoient
été marqués fur fa Route ; les mauvais
chemins & la rigueur de la faifon cauſent
ses retardemens.
De
DE JANVIER 1722. 13
De Rome , ce premier Janvier 1722 .
LFE
E 22 Novembre le Pape alla vifiter
P'Eglife de fainte Cecile , dont on cefebroit
la fête , le Cardinal de Sainte Agnès
Secretaire d'Etat , le Cardinal Conti , &
le Duc de Poli Prince du Soglio , freres
de Sa Sainteté , l'accompagnerent dans
cette ceremonie . Le Pape fut reçu dans
cette Bafilique par le Cardinal Acquaviva ,
qui en eft Titulaire , & par plufieurs au-
Tres Cardinaux ; le Senat Romain & les
Magiftrats du Peuple ont fini toutes les
folemnités de la prile de poffeffion de Saint
Jean de Latran , par une Meffe qui fut celebrée
pontificalement le 23 dans l'Eglife
*
Ara Cali , elle fut terminée par un Te
Deum en Mufique . Les Cardinaux invités
s'y rendirent au nombre de vingt ſept , &
furent reçûs à porte du Couvent par le
Marquis Francipani Senateur , & par les
Trois Confervateurs, accompagnés de treize
Capitaines des Quartiers , & à l'entrée de
PEglife par le Cardinal Buffy , qui en eſt
Titulaite. Sur les trois heures après midi
du même jour , Sa Sainteté fortit de Monrecavallo
dans fon carroffe , avec le Cardimal
Conti & le Cardinal Olivieri Secretaire
des Brefs , précedés du Duc de Poli,
à la tête de foixante- dix Gentilshommes
Romains ,
7136 LE MERCURE
Romains , tous à cheval ; fur les aîles du
carroffe marchoient deux Compagnies de
Chevaux - Legers de la Garde , & la Compagnie
de Cuiraffiers fuivoit Sa Sainteté.
Un concert magnifique d'inftrumens placés
aux fenêtres du Palais , annonça l'arrivée
du Pape dans la Place du Capitole.
Les huit Tambours du Senat , & les acclamations
du Peuple augmenterent ce bruit
agréable. Le Saint Pere defcendit de carroffe
, & fut reçu au bas de l'Efcalier par
le Senateur , par les Confervateurs , par
le Prieur des Religieux Mineurs Obſervantins
, qui deffervent l'Eglife d'Ara
Cali , & par les Officiers du Senat Romain
: il fut encenfé à la porte de l'Eglife
par le Cardinal Buffy , qui lui preſenta de
l'eau benîte. Sa Sainteté fit fa priere d'abord
à l'Autel du Saint Sacrement , enfuite
au grand Autel , & après le mit dans
fa chaife pontificale pour entendre un
grand Motet , compofé à plufieurs Choeurs
de Mufique , quand il fut fini , le Senateur
, les Confervateurs & le Prieur du
Couvent baiferent les pieds de Sa Sainteté,
qui remonta en carroffe & retourna à
Montecavallo .
Les R. P. Jefuites ont celebré le 3 Decembre
la fête faint François Xavier , &
plufieurs Cardinaux affifterent aux ceremonies
de ce jour dans l'Eglife de Jefus ,
que
DE JANVIER 1722. 137
que deffervent ces dignes fucceffeurs de
l'Apôtre des Indes . M. Laffitau , Evêque
de Sifteron , eft parti de Rome le 6 pour
retourner en France , & M. le Cardinal de
Rohan eft parti le 10 fur les neuf heures .
du matin , il fut accompagné jufqu'à
moitié chemin de la premiere pofte , par
le Cardinal Gualtieri . M. le Cardinal de
Rohan a laiffé à Rome de grandes idées
de la magnificence , de fa politeffe , & de
fon efprit. Il vit avant de partir M. Andrea
Cornaro , Ambaffadeur de la Republique
de Venife.
Le 12 on informa le facré College de
la conclufion du mariage du Duc de Bracciano
Odescalchi , avec Dona Marie Madeleine
Borghese , foeur de fa premiere
femme , & fille du Prince Borgheſe Viceroy
de Naples.
Le 18 Decembre après midi le Cardinal
Acquaviva , chargé des affaires du Roy
d'Efpagne en cette Cour , alla à l'Audience
du Pape , fuivi d'un nombreux cortege ,
& fit part à Sa Sainteté au nom du Roy
Catholique de la convention du Mariage
du Roy Très - Chretien avec l'Infante
d'Espagne , & de la conclufion de celui du
Prince des Afturies avec Mademoiſelle de
Montpenfier. Le 19 ce Cardinal fe rendit
à l'Eglife de Saint Jacques de la Nation
Efpaguole avec les Cardinaux Gualtieri
138
LE
MERCURE
tieri , Belluga , & Ottoboni ; ils y entendirent
la Meffe celebrée pontificalement
par l'Archevêque d'Amafie , après la Meffe
on chanta un Te Deum à plufieurs Choeurs
de Mufique , en actions de graces de la
double alliance contractée avec les Royaumes
de France & d'Efpagne . M. l'Abbé
de Tencin a été admis le zo à l'Audience
du Pape , il fit trois heures après repartir
le Courier qui lui avoit été envoyé au
fujet des difpenfes neceffaires pour le Mariage
du Prince des Afturies & de Mademoifelle
de Montpenfier.
Le Cardinal d'Acunha a donné dans
fon Palais une fête magnifique par la
dépente , & illuftrée par une nombreuſe
affemblée de Cardinaux , de Prelats , de
Seigneurs & Dames de la Ville . Un concert
de voix & d'inftrumens la commença,
il fut fuivi d'un fouper magnifique .
CHARGES, BENEFICES ET DIGNITEZ
des Pays Etrangers.
Mi
DANNEMARK.
. Ofterman Confeiller Privé Plenipotentiaire
du Czar au Congrés de
Nyttadt , a été fait Comte. Il s'appelle
Henry-Jean - Frederic , il avoit été créé Baron
DE JANVIER 1722 . 139
ron le deux Novembre dernier.
M Enten Lieutenant General , a été
nommé Prefident des Commiffaires du
Pays.
M. Efmark , cy- devant Confeiller de
Juftice , a été nommé Confeiller de la
Chancellerie.
Le Prince de Sunderbourg a été fait
Major General d'Infanterie , avec une penfion
de 2000 Risdales.
M. Wieben Chevalier de l'Elephant ,
Confeiller Privé & Premier Secretaire de
la Chancellerie , a obtenu la Viceroyauté
de Norvége. Il conferve fes appointemens
de la Charge de Confeiller Privé .
M. Ruftgaerd le remplace dans celle de
Premier Secretaire de la Chancelierie.
M. de Scefterd , Chevalier de l'Ordre
du Danebrok , Confeiller Privé & Secretaire
des Affaires Etrangeres , a été fait
Grand Bailly de Fucien.
M. de Holften Maître d'Hôtel de la
Reine , a été fait Grand Maréchal de la
Cour.
M, de Holften , fils du Grand Chan
celier a été nommé Grand Maréchal de
la Cour du Prince Royal.
>
M. Municken Grand Maréchal de la
Cour , & Directeur General des Poftes ,
a été fait Grand Bailly de Slefwick .
M.- Gerfdorft , Chambellan du Prince
Royal ,
140 LE MERCURE
Royal , a obtenu un Bailliage dans le Duché
de Slefwick.
M. Morner Lieutenant Major a été fait
General de Cavalerie .
M. Vanhagen eft nommé pour exercer
par interim la Charge de Secretaire d'Etat
des Affaires Etrangeres , fous l'infpection
du Confeil Privé.
L
Vienne.
E Prince Borghefe a reçu de l'Empereur
un Brevet qui le continue tout
l'hyver dans la Viceroyauté de Naples.
M. le Comte Colloredo Ambaffadeur
de l'Empereur auprès de la Republique de
Venife a êté nommé Chambellan fur la
démiffion volontaire du Comte Rodolphe
Sigifmond de Zinzendorf.
M. le Comte d'Alcandette Colonel , a
obtenu le Regiment compofé du Regiment
d'Ahamada & de celui d'Alcandette reduits
en un , & confiftant en trois Bataillons
, compofez de quinze Compagnies
de Fufiliers & de deux de Grenadiers .
M. le Comte de Harrac Chambellan
de l'Empereur , a été nommé pour porter
au Prince Electoral de Saxe le Colier de
la Toifon d'Or , qui lui eft envoyé par
Sa Majesté Imperiale.
Les deux Barons de Pacht de Raygoffen
&
DE JANVIER 1722 , 141
& leurs Coufins du même nom , viennent
d'être honorés du titre de Comtes de l'Empire
, noble recompenfe des fervices que
leur Famille a rendus depuis un grand
nombre d'années à la Mailon d'Autriche.
M. le Comte de Colloredo eft continué
pour trois ans dans fa Charge de Gouverneur
du Milanés .
Le 2 Janvier le Comte Jofeph de Wildenftein
, Confeiller Privé de la Baffe
Autriche , & Grand Chambellan Hereditaire
du Duché de Stirie , prit féance au
Confeil d'Etat .
Le Comte Jofeph Lantieri y prit auſſi
féance le même jour , & fut revêtu de la
Charge de Capitaine Provincial du Comté
de Gorice , & de celle d'Adminiſtrateur
du Comté de Gradifca , vacante par la
démiffion volontaire du Comte Joſeph de
Wildenfteni.
M
,
Londres,
. le Docteur Jurin , fameux Medecin
de cette Ville , a été étû Secretaire
de la Societé Royale de Londres
à la place du Docteur Halley , qui s'eft
démis volontairement de cet Emploi.
Le Lord Guillaume Manner , fils du
Duc de Rutland , a été nommé Gentilhomme
de la Chambre du Prince de
Galles ,
142 LE MERCURE
Galles , à la place du feu Lord Belhaven.
Le Lord Chumley , Grand Ecuyer du
Prince de Galles , fils aîné du Comte de
Scarboroug , mort le 28 Decembre , fuccede
à M. fon pere dans fes biens & dans
la Charge de Lord Lieutenant & Garde
des Archives de la Province de Nortimberland.
A
Le fieur Henry Watkins a obtenu la
place de Secretaire de l'Univerfité d'Oxford
, qui vaquoit par la démillion volontaire
du Doctour Guillaume King , par
la nomination de M. le Comte d'Arran ,
Chancelier de cette celebre Univerſité .
Le Lord Lempfter a été créé Comte de
Pontefract , fitué dans le Comté d'Yorck.
L'Evêque de Durham a obtenu la Charge
de Garde des Archives de la Province de
Durham.
Le Duc de Newcarte & l'Evêque de
Durham ont été élus le premier Janvier
Gouverneurs de l'Hôpital de la Chartreufe
, à la place du dernier Evêque de Winchefter
& du feu Chevalier Nathan Wigt.
D
Lisbonne.
Ona Marie de Tanora , fille aînée de
Don Louis de Almada , Maître de
la Chambre du Roy , a été reçue le 19
Novembre Fille d'Honneur de la Reine.
de Portugal. MADRID
DE JANVIER 1722. ·143
D
Madrid.
On Goncales Chacon , Marquis
d'Orellana Capitaine General de la
Côte de Grenade , a obtenu la Viceroyauté
du Royaume de Navarre.
Le Marquis de Cala Fueltes Capitaine
General a obtenu la Viceroyauté des
Royaumes de la Nouvelle Efpagne.
>
Don Lucas Elpinola , Lieutenant General
, a obtenu le Gouvernement & Commandement
de la Côte de Grenade.
Don Felician de Bracamonte a obtenu le
Commandement de l'Eftramadure.
Don Jofeph de Armendaris , Lieutenant
Colonel du Regiment des Gardes Efpagnoles
Infanterie , a été fait Gouverneur
de la Province de Guipufcoa.
Don Jerôme de Solis y Ganté , Maréchal
de Camp , a été nommé Gouverneur
de Valence .
Don Pierre de Caftro y Figueroa , auſſi
Maréchal de Camp & Sergent Major du
Regiment des Gardes Efpagnoles , a eule
Gouvernement de Villamajor .
Don Julien de Ocalagan , Gouverneur
de Balaguer , a obtenu le Gouvernement
d'Ocano .
Don Daniel Ofulivane Bear a obtenu le
Comté de Bearhaven , l'un des titres de
Caftille ,
144 LE MERCURE

Caſtille , avec les mêmes droits & prérogatives
qui ont été accordés par les Rois
d'Espagne à ceux qui ont été titulaires
avant. La Chambre des Indes a été rétablie
par le Roy d'Efpagne ; elle fera compofée
de Don André de Pés Gouverneur
du Confeil des Indes , du Marquis de Ribas
, de Don Manuel de Silva , de Don
Diego de Zimiga , de Don Goncale Machado
, & des deux Secretaires du Confeil
des Indes .
Rome.
Alexandre Tanara , Votant de la
M Signature de Grace , a été nommé
Vicaire de l'Eglife de Saint Jean de Latran
, à la place de M. Profper Colonne.
M. Profper Colonne a été fait nouvel
Auditeur General de la Chambre Apoftolique.
M. Ricci Clerc de la Chambre lui a
fuccedé dans le Secretariat de la Congrègation
des Eaux.
M. Mario Bologneti , l'un des Clercs
de Chambre , a été nommé aù Vicariat
de la Collegiale de Sainte Marie in Via,
M. Hiacinte Pilaftri a été nommé
Sa Sainteté Gouverneur de Macerata.
M
Hollande.
par
.Gouer de Slingeland , fils du Confeiller
dans la Cour de Hollande
a obtenu
DEJANVIER 1721.
145
a obtenu en Decembre la place de Receveur
des trois Quartiers du Pays d'Outremeule
, qui comprend Maſtrict , au lieu
de M. Fines de Kempenaer , decedé.
M.
Guillaume de
Erpekum , Avocat
Fiſcal du Confeil de Brabant , a été fait
Procureur genéral des Fiefs du Brabant
Hollandois , à la place du fieur Thieren
mort depuis peu, M. de Erpekum a prêté
ferment aux Etats Generaux le 7 Janvier.
(
M. de Langeveld , fils de M. de Norwick
, a obtenu des Etats Generaux la
Charge de Grand Bailly de Hulft , vacante
par la mort de M, de
Duyvenwordo.
BOURGUEMA STREs de la Haye élus
trente-un Decembre dernier ,"
M. Drick Meerman , Seigneur de Mo
lenaars Graaf.
M. François Blyfwick.
M. Ewout-
Vanderduffen , Seigneur de
Zouteven,
M. Triden Van Affendelf.
ECHEVINS de la Haye, élus le même jour,
M. François Nicolas Vanderhorn.
M. Jacob Vanwow.
M. Arent Brumzvender Duffen.
M. Adrien Vredembourg.
2. M. Cornelii de la Faille.
M. Drick- Valencis .
Et M. Guillaume Vanbetkel .
G MORTS
146
LE MERCURE
MORTS
L
ET MARIAGES
des Pays Etrangers .
·
E 8 Decembre on fit à Drefde la Ceremonie
du Batême da jeune Prince
Jofeph - Charles Augufte-Frederic- Guillaume
- François Xavier fils du Prince
Electoral de Saxe , qui lui confera d'abord
fon Ordre de l'Aigle Blanc , inftitué
en 1705 , enfuite on le conduifit proceffionnellement
à l'Eglife le Prince & là
Princeffe Royalle avec leur Cour affiſterent
à la Ceremonie. La Princeffe de
Weiffenfels reprefenta l'Archiducheffe Jofephine
- Amelie comme Maraine , & le
Comte Laguafco l'Electeur de Baviere , &
l'Electeur Palatin comme Parrains .
S
Le R. Pere Jean- Paul Studena de la
Compagnie de Jefus , Confeffeur ordinaire
des Archiducheffes Marie-Elifabeth
& Marie- Madeleine , eft mort à Vienne
en Autriche le 2 Decembre dernier , âgé
de foixante & fept années.
Le 19 Decembre , le Prince Leopold
d'Anhalt Coethe époufa la Princeffe Frederique
Henriette , fille du Prince Charles
Frederic d'Anhalt Bernbourg , née le 24
Janvier 1702,1
Madame
DE JANVIER 1722 . 147
Madame Anne Elifabeth Comteffe de
Sinnich , Epaufe de François - Guillaume
Comte de Prafchma , Baron de Bilchau ,
Confeiller de l'Empereur , fon Chambellan
& Capitaine Provincial de la Principauté
de Wolaw , eft mort à Vienne en
Autriche le 9 Decembre.
M. le Comte de Monthros à épousé à
Londres la fille de M. le Comte de Bradfort.
M. le Chevalier Jean Shaw , Receveur
General des Douannes du Port de Londres
, eft mort le 22 Decembre ; fon
Employ , qui eft de trois mille livres fterlin
de revenu , dépend de M. Walpole.
Le Lord Georges Manner , fecond fils
du Duc de Rutland eft mort à Londres
le 27 Decembre.
Le Comte de Scarbourourg eft auffa
mort le lendenrain dans la même Ville &
dans un âge fort avancé.
Le Comte d'Exceter eft mort le 8 Jan
vier dans la taifon de Campagne.
Le Lord Guillaume Jean Ston , fils du
Marquis d'Annandale , eft mort le
Londres.
à
Suivant les Regiftres des Batêmes &
des Morts de toutes les Paroiffes de la
Ville de Londres , on y a batifé pendant
l'année 1721. dix- huit mille trois cens
foixante & dix enfans , & on y a enterré
Gij vingt148
LE MERCURE
·
vingt- fix mille cent quarante-deux morts
ainfi le nombre des morts furpaffe celui
des enfans nés de fept mille cent foixante
& douze.
, Dona Brites de Vilhena Epoufe de
Don Louis Lopés de Carnalho , eft morte
à Lisbone dans l'operation Cezarienne
l'enfant dont elle étoit enceinte reçut le
Batême.
Madame la Marquife de Crevecoeur
fille du Prince de Santobueno , & Dame
d'Honneur de la Reine d'Efpagne , eft
morte à Madrid dans le mois de Decembre
dernier , & dans fa vingt- cinquième,
Le Prince de Caftiglione de l'ancienne
Maiſon d'Acquino , eft mort à Naples dans
un âge trés - avancé.
Le Prince de Strongoli de la Famille
de Pignatelli , eſt auffi decedé dans une
de fes Terres en Calabre .
Le Prince Don Camille Borghefe époufa
le 10 Decembre à Naples Dona Marie
Madeleine Borghele fa foeur , au nom du
Duc de Bracciano Erba Odefcalchi fon
beau - frere. Le Chapellain Royal fit cette
Ceremonie en prefence du Curé du Châteauneuf.
Le corps de M. Jofeph Barthole Perintii
Maître de Chambre Perpetuel de l'Ambaffadeur
de Portugal , vêtu de blanc , avec la
Croix de S. Jacques de Portugal , l'épée
au
DE JANVIER 1722.
149
au côté , le cafque en tête , botté & éperonné
, fut inhumé à Rome le 28 Novembre
au matin dans l'Eglife de Sainte Marie
in Via , où eft la fepulture de fa Famille.
Le Comte Bernard Georges de Mikoſch
Confeiller au Confeil d'Etat de l'Empereur
& à celui de fes Finances , eft mort
à Vienne en Autriche le 25 Decembre ,
âgé de 41 ans.
M. Martinet , Intendant de Marine en
Efpagne , & gendre de M. Helvetius le
pere, illuftre Medecin de Paris , eft mort
Madrid d'une hidropifie.
Gij JOURNAL
150 LE MERCURE
JOURNAL DE PARIS.
La crainte qu'on a de donner au ľublic
des circonstances fauffes nous empêche quelquefois
de lui preſenter de certaines Relations
dans les temps où elles font attendues
par les Lefleurs avides des nouveautés. Il
doit pardonner des retardemens qui fe font
en faveur de la verité. La féte donnée par
be Prince Doigoronki Ambaſſadeur extraordinaire
du Czar à la Cour de France , an
fujet de la Paix de Nystadt , meritoit fort
une defcription exacte. La voici d'une main
füre.
A fête commença le Dimanche
vingt uniéme du mois de Decembre
au foir , par un feu
d'artifice qui fut tiré d'un magnifique
balcon que M. l'Ambaffadeur avoit
fait conftruire à ce deffein au deffus de la
porte de fon Hôtel. La varieté des pieces ,
dont ce feu étoit compofé , l'ordre & la
promptitude dont elles furent fervies , ont
fait avouer aux fpectateurs que du grand
nombre de feux d'artifice tirés à Paris dans
les réjouiffances publiques fur le rétabliffement
de la fanté du Roy , aucun n'avoit
été executé avec plus de fuccès. Les
dehors
DE JANVIER 1722. 151
dehors & les dedans de l'Hôtel étoient
illuminés , &icette illumination , une des
plus brillantes & des mieux entendues que
l'on ait vu depuis long temps , dura toute
la nuit , pendant laquelle le vin coula
abondamment de quatre fontaines , placées
aux deux côtés de la porte de l'Hôtel .
Auffi- tôt après que le feu d'artifice eut
été tiré , M. le Prince Dolgorouki fit conduire
dans une falle les Dames de la premiere
diftinction qu'il avoit invitées à
fouper. Cette Salle bâtie exprès dans le
jardin , avoit quelque chofe de ces Palais
enchantés fi celebres dans les Romans. Le
lieu où elle avoit été conftruite, la promptitude
avec laquelle elle avoit été élevée , la
magnificence de fa decoration, la firent regarder
de tout le monde , comme un chefd'oeuvre
; elle avoit douze toifes de longueur,
quatre de largeur , & dix-huit pieds
de hauteur. Sous le plafond elle étoit ornée
des plus riches tapifferies des Gobelins , &
éclairée d'un grand nombre de luftres , de
bras & de girandoles ; les Dames y trouverent
une table de cinquante couverts , fervie
avec toute la fomptuofité & la delicateffe
poffible.
Le Bal fuivit le fouper , il fut ouvert
par M. le Chevalier d'Orleans , Grand
Prieur de France ; le nombre de ceux qui
y vinrent furpaffa de beaucoup celui des
Giiij Billets
752 LE
MERCURE
Billets qui avoient été
diftribués ,
comme
fi tout Paris eût voulu être témoin de
cette fuperbe fête.
Malgré ce
concours prodigieux
, tout fe paffa avec
beaucoup d'ordre
, chofe fort rare dans ces
affemblées
nombreuſes , & qui fait l'éloge de l'attention
& de la
prévoyance de M.
l'Ambaffadeur.
Le Bal ne finir
qu'avec la nuit ; tant
qu'il dura , on diftribua avec quelque forte
de
profufion des
rafraîchiffemens de toute
elpece .
Le Lundi dans la même Salle , fur une
table de
foixante à
quatre- vingts
couverts ,
on fervit à dîner aux
Miniftres de la Cour
de
France & des Cours
Etrangeres , aux
Maréchaux de France , & aux Ducs &
Pairs ; tout ce que Paris peut fournir de
rare, de
fplendide & de delicat , fe trouva
dans ce repas. On y admira
principalement
le fruit des plus
magnifiques & des mieux
affortis . On eût dit que toutes les faifons
avoient
raffemblé ce
qu'elles ont de plus
particulier , & de plus exquis. L'art avoit
fi bien imité la nature , que les yeux agréa
blement féduits ne
pouvoient
diftinguer les
fruits
naturels d'avec ceux qui ne
l'étoient
pas . On voyoit en fucre candi des cerifes ,
des prunes , des abricots , des pefches , &
d'autres fruits delicats fi bien
reprefentez ,
même avec toute leur fleur , qu'ils fembloient
avoir la
fraîcheur & le coloris des
fruits
DE JANVIER 1722. 153
fruits nouvellement cueillis . Plufieurs ouvrages
de fucrerie de differentes figures &
differentes grandeurs , reprefentoient les
Armes de Sa Majefté Czarienne , & fervoient
à r'appeller dans l'efprit des Conviés
la memoire de ce grand Prince , qui fembloit
animer ce feftin . On fit entendre à
differentes reptiles le bruit des Trompettes
& des Timbales.
Le Mardi fut deftiné principalement
pour le peuple , M. le Prince Dolgorouki
voulut que le peuple de Paris , qui n'eft
ordinairement que fimple fpectateur des
fêtes & des réjoüiffances que l'on fait dans
cette Capitale , partageât , pour ainfi dire ,
avec les Grands , tous les divertiffemens
de celle qu'il donnoit alors . Il renouvella
ces liberalités fi fameufes dans l'Hiftoire ,
où l'on voit tout le peuple de Rome admis
à des repas publics , aux dépens d'un fimple
Particulier.
A l'heure du dîner on vit fortir de l'Hôtelde
M. l'Ambaffadeur , au fon des Tambours
, des Trompettes , des Hautbois ,
des Violons , & de plufieurs autres inftrumens
, une grande & vafte machine à plufieurs
étagès , portée fur des roulettes , couverte
d'une nappe traînante, à l'étage le plus
élevé paroiffoit un boeuf tout rôti , polé
fur fes pieds , paré de feftons & de guirlandes
, les cornes & les fabots étoient do-
G v rez ,
154
LE MERCURE
rez. Les degrez des quatre côtez de la machine
, étoient chargés d'une prodigieufe
quantité de viandes cuites & entieres.Sur le
premier degré il y avoit un veau de chaque
côté, & quatre moutons aux quatre angles :
les intervalles & l'efpace que laiffoient les
autres degrez étoient couverts de cochons
de lait , de dindons , d'oyes , de chapons ,
de poulets , & d'un millier de pains , par
femés de fleurs ; après une marche reglée
de joueurs d'inftrumens , & de plufieurs
perfonnes qui portoient en main des branches
de laurier , la Mufique & les Trompettes
fe firent entendre tour à tour. On
mit le feu à quelques trompes d'artifice ,
dont on avoit entouré le boeuf. Enfuite on
donna le ſignal , alors le feftin fut abandonné
au peuple , & pillé , mais fans de
fordre & fans accident ; une Compagnie de
Suiffes , de Gardes Françoifes , & le Guet
à cheval , avoient foin de maintenir l'ordre
dans ce repas tumultueux ; cependant
on ouvrit les quatre fontaines, qui ne ceffe
rent de couler jufqu'à minuit.
Cette ceremonie populaire où le trouverent
une infinité de perfonnes du premier
rang , & même des Princes & des
Princeffes du Sang , fut terminée par un
grand repas & un bal , où les chofes fe
pafferent avec la même magnificence que
les jours precedens.
La
DE JANVIER 1722 . 155
La façade de l'Hôtel étoit decorée de
Peinture , l'Architecture qu'on y avoit reprefentée
étoit d'un ordre dorique compofite
, le fond de marbre ramé à grands
panneaux , encadré de marbre blanc veiné ,
étoit accompagné de fix pilaftres de verd
campant , dont les bafes & les chapiteaux
étoient relevés en or , au lieu de triglyphes,
& des metopes qui diftinguent le dorique
des autres ordres ; il y avoit dans la friſe ,
au deffus des chapiteaux de chaque pilaftre,
des confoles relevées en or , qui foutenoient
la corniche. Cette corniche étoit furmontée
d'une balustrade d'or qui regnoit tout le
long de l'entablement au delà duquel étoit
le balcon , dont on a déja parlé à l'occaſion
du feu d'artifice.
Du milieu de la balustrade , au deffus
de la
porte , s'élevoit une pyramide de
marbre , terminée par un aigle à deux têtes
, portant en flanc l'écuffon de l'Empereur
de Ruffie .
Vers la bafe de la pyramide la Déeffe
de la Paix , élevée fur un nuage , tenant
d'une main une corne d'abondance , & de
Fautre une branche d'olivier , couronnoit
les armes de l'Empire de Ruffie , & du
Royaume de Suede , que la Renommée
portoit dans un double Ecuffon.
Aux deux côtez de la porte , dans l'entablement
le long de la frife , étoient deux
G vj grands
1.56 LE MERCURE
grands cartouches rehauffés d'or ; dans
P'un étoit reprefentée la Flotte de Mofcovie
, & dans l'autre la Ville de
Petersbourg .
Un troifiéme cartouche placé immediate-
Iment au deffus de la porte , & entouré de
aurier , contenoit cette Infcription écrite
en lettres d'or.
3
PRO
Gaftis fortiter confectifque feliciter
;
Bellis
Reftituta Militari difciplina
Arcibus regni in Præfidium munîtis
Edificatifque
claffibus
Renovato inftauratoque Commercio
Apertis Publicæ utilitati portubus
Populis , Urbibus ad optimas Leges.
Informatis ;
Admiffis in Patriam decoratifque bonis Artibus,
Abundantiâ pariâ.
Præcipue pro conciliata recens
Cum Rege , ac Regno pace ,
Ac ftabilità amicitiâ :
Jolemnem hunc regalis munificentie
Apparatum ,
Cæfari fuo ,
Totius Ruffie Imperatori ,
Adornavit.
Princeps Dolgerouki ',
Apud
DE JANVIER 1722. 157
Apud Chriftianiffimum Regem
Legatus.
Il est bien difficile de faire fentir dans
le François toute la beauté de ces fortes
d'Infcriptions , le Latin plus ferré , & plus
énergique exprime en un mot ce que plufieurs
mots François peuvent à peine exprimer.
Voici une traduction auffi litterale
que l'a permis le génie des deux Langues .
A PIERRE LEGRAND ,
Empereur de la Grande Ruffie.
Après avoir foutenu avec gloire
Et terminé avec fuccès
De grandes Guerres ,
Rétabli la difcipline Militaire ,
Afluré les Frontieress
Par des Places imprenables ,
Conftruit des Flottes ,
Relevé & fait fleurir le Commerce ,
Ouvert de nouveaux Ports pour la commodité
publique ,
Reglé par de fages Loix
Les moeurs de fes Peuples ,
Et la Police desVilles ,
Introduit dans fes Etats , & enrichi de fes bien.
faits
1
Les beaux Arts ,
Procur
158
MERCURE
LE
7
Procuré par tout l'abondance ,
Conclu la Paix
Avec le Roy & le Royaume de Suede ,
Et établi une parfaite intelligence entre les deux
Etats ,
Le Prince Dolgorouxi ,
Son Ambaffadeur auprès du Roy Très- Chrétien.
Voici une nouvelle Route de la Princeffe
des Afturies , autre que celle que
nous avons déja donnée , laquelle nous
fommes tres- étroitement engagez d'inferer
dans ce Mercure, ainfi que cette Epitre
qui eft à la tête.
A MADAME
LA NOURRICE
DU ROY.
MADAME,
Voila un préfent que j'ay l'honneur de
vous faire , dont je vous fupplie de ne me
point fçavoir de gré ; car premierement il
n'en
DE JANVIER 1722. 199
n'en vant pas la peine ; & en fecond lien ,
je ne prends la liberté de vous l'offrir , que
pour avoir une occafion defaire plaifir aux
bons François , en apprenant à ceux qui
n'ont pas en le bonheur de vous voir , que
nous pouvons tous nous repofer hardiment
fur la bonté & la providence de Dieu , pour
la Santé & longue vie de notre cher Maître
S. M. LOUIS XV. Les perfections du
corps que vous poffedez à un fi haut degré ,
comme la beauté, la santé , l'embonpoint ,
&la belle humeur , nous en font une fure
heureuse Caution . Pour celles de l'Esprit
·
de l'Ame , comme elles importent peu an
Public , je veux bien épargner votre modeftie
, en me taifant , il suffit que vous
faffiez les plaifirs de la Cour , & de ceux
qui ont l'honneur de commercer avec Vous.
On dira que voila une Epitre Dédicatoire
fort originale ; cela ne furprendra point
ceux qui me connoiſſent , puiſque j'ai paſſé
pour tel dans ce Voyage ; Je laifferai dire
tout ce qu'on voudra , je m'en foucie pen ,
pourvû que vous me faſſiez la grace de me
croire avec un trés -profond reſpect ,
MADAME ,
Votre tres humble & tresobéiffant
Serviteur J. F. H.
LA
16ο LE MERCURE
LA ROUTE
Qu'a tenuë S. A. R. MADEMOISELLE
d'ORLEANS MONTPENSIER ,
CE
Princeffe des Afturies.
Ette PRINCESSE eft partie de Paris
le Mardi dix - huitiéme Novembre mil`
fept cent vingt - un , & a paffé par
Jours. Villes & Villages ..
7-8
19
2
Bourg- la-Reine.
Antony.
Long-Jumeau , Bourg. "
Montlhery , Ville.-
Linas.
Châtres , V. Coucher.
La Montagne de Trefou ..
Boëne .
Etrechy.
Eftampes , V. Coucher.
Ville-fauvage.
Mondy.
Monarville . Diner.
Angerville , B.
Champ-pilory.
Toury. Concher.
Château- Gaillard.
Arthenay. B. Dîner.
La Croix-Buquoy.
Lienes.
7
La
DE JANVIER 1722 . 161
Jours. Villes & Villages .
21.2 2 .
La Riviere de Loire.
2
3
Langelery.
Sercotte.
Lienes.
Long Faubourg d'Orleans . Sejour . $
Orleans.
Fauxbourg Saint Marcel.
Saint- Hilaire .
Saint-Memin.
N. D. de Cleri . Dîner.
Lailly.
Baugency , V.
Saint-Laurent des Eaux , Concher.
Noan. Muid.
Saint- Dié , Diner.
Mont Livaux .
Saint-Claude .
Blois , V.
Toury.
Veuvre.
Efcure. Diner.
Concher.
Le Haut- Chantier.
Fauxbourg d'Amboife.
25.26 . Amboife , V.
Bleret.
Riviere de Cher.
'
27.
Saint-Quentin. Dîner.
Loches , V. Coucher.
REMARQUE.
Comme les Lieues vont doubler & tripler
celle de France , je vais continuer fur le
calcul
162
MERCURE LE
calcul des lienes de Paris , & mettre à côté
celles des Pays .
Jours. Villes & Villages .
28
Varennes.
Cyran.
Ligueuil.
La Cicogne .
La Haye . Coucher.
Danger.
Ingrande .
Châtelleraut. Coucher.
La Vienne , Riviere.
Lienes.
ΤΟ
9. 6 .
29
Le Bars de Nintré.
1 La Tricherie . Dîner.
Clan.
10. 7.
30. 1 Poitiers . sejour.
Decem. Le Clan R.
2 , 3. Vieille- Fontaine.
Coulombier.
4
Lufigan , V. Coucher. 7. 5.
S
Chenay. Concher. 7. 5.
Cheie.
Labarre.
Saint- Leger . Diner.
Charfay.
Briou. Concher.
Ville - Dieu .
Aunay. Virolet.
3. 6.
Les
DE JANVIER 1722 . 163
Fours. Villes & Villages.
Les Eglifes d'Argenteuil,
Saint-Julien.
7
Riviere de Boutouſe.
Saint- Eutrope.
Lienes.
9. 6.
Saint Jean d'Angeli , V. Concher.
Anieres.
Saint-Hilaire.
La Roulie
8,9, Xaintes , V.
10. La Charante marée.
Les Arênes.
La Jarte.
II
12
Pont , B. Coucher.
Belle- Huile .
Perou .
Les Bergeries.
Mirabeau. Coucher.
La Baye de Pleine Seve.
Saint- Aubin.
Etolié.
8.
S.
7. 4.
13
Pont-Tête.
Blaye , V. Coucher.
Garonne.
8. 5.
14, 15 , Bordeaux . V. Sejour .
IG , 17,
18 .
19
La Prade.
7
Caftres , Coucher.
6. 4
Pont164
LE MERCURE
Jours. Villes & Villages.
Pont-Tête.
Revenant.
Birelac.
Pondenfac .
Marfac.
Lienes
20
Preugnac.
Langon , V. 9. 5.
21
Bazas , V.
S. 20
Bolac.
Pitec .
242
Captieux, mauvais Coucher. 6. 2.
La Marovaffe.
• Les
Agreaux.
23 Roquefort . V. Concher
7.4%.
34, 25 , Mont- de Marfan , V.
6. 3
26 , 27 , Riviere de Donve
28 , 29. Campagne.
Meillant .
30 , 31. Tartas , V. 9. 40
Ladouze , Riviere.
Ponton , B.
Apoüy.
Janv. Dax , V. Coucher 7.4.
1722. Saint- Georges de Varennes .
2 Saint-Vincent , Coucher. 9. 4.
La
DE
JANVIER 1722. 165
Jours villes & Villages,
La Cabane.
Ondres.
Le Nive.
3 , 4 , 5. Bayonne .
673
&Ia
9
Anglet,
Bidart.
Guetary.
Saint Jean- de- Luz.
Ciboure.
Urrugne,
Hendaye.
Pas de Behovie.
Lienes.
7. За
La Conference .
3 à midy,
Total 233 lieuës,
Comme
A VIS.
Omme il ne m'eft ni permis ni poſſible
' de donner la Relation à tout le monde ,
qui me la demande , voilà pour le contentement
de tout l'Equipage , la Route des Villes
, Bourgs & Villages , par lesquelles nons
fommes paffez , & même les Rivieres , avec
une espece de Journal, & un total des lieues
fupputées fur celles de France , c'est tout ce
que peut faire pour vous , MESSIEURS ,
Votre tres-humble ferviteur J. F. H.
V. fignifie Ville. B, Bourg. R. Riviere ,
M.
866 LE MERCURE
M. le Duc de Saint Simon Ambaffadeur.
extraordinaire de France à la Cour du Roy.
d'Espagne , a été attaqué de la petite verole
à un quart de lieuë de Lerma , dans un
Village appellé Villamanfo. Cette maladie
regne dans quelques lieux fituez fur la
Route de l'Infante , qu'on lui fera éviter.
Sa Majesté Catholique , qui attend à Lerma
Mademoiſelle de Montpenfier , a envoyé
fon premier Medecin à Villamanfo
& s'en privera pendant quarante jours ,
pour lui donner le temps de guerir M. le
Duc de Saint Simon , & enfuite de corriger
le mauvais air qu'il pourroit contracter
auprès du malade.
On a été mal informé quand on a mis
dans le dernier Mercure que M. Philippe
avoit été nommé Caiffier general de tous
les effets Royaux ; c'eſt M. Brehamel qui
a été nommé par Arreft du Confeil Comptable
general des effets du Vifa. Il aura.
fous lui feize Caiffiers , qui feront chargés
de fournir au Public les valeurs de la liquidation
de tous les papiers .
C'est le même M. Brehamel qui a été
chargé par Arreft du Confeil du 2 May
1716 de la reddition des comptes de Pextraordinaire
des Guerres , Artillerie & Fortifications
depuis l'année 1706 , jufques
& compris 1715 , il a êté auffi chargé d'operations
du Vifa , lors de l'établiffement
des Bureaux . On
DE
JANVIER 1722. 167
On dit que M. le Cardinal de Biffy a fait
prefent à la Patroiffe de faint Sulpice d'une
Relique du corps de faint Charles Borro
mée , qu'on lui a donnée en paffant par
Milan , à fon retour de Rome . Cette Relique
eft en dépoft à l'Abbaye de Saint
Germain , & on fera une Proceffion fo
lemnelle pour fa Tranflation.
Le Pape a accordé depuis peu à M. le
Prince Frideric un Indult pareil à celui des
Cardinaux , pour conferer en Commande
les Benefices qui font à fa nomination.
Leri M. l'Abbé de Matignon fut facré
Evêque de Coutances , dans l'Eglife des
Carmes Déchauffés , par M. l'ancien Evêque
de Fréjus , Precepteur du Roy , affifté
de M. l'Evêque de Séés & de M. l'Evêque
d'Avranches
Le 4 M. Dagueffeau Avocat general du
Parlement, & fils de M. le Chancelier,
brilla fort par la folidité & la clarté de
fon ftile dans la premiere caufe du Rolle
qu'il ait plaidée depuis fa reception dans
fa Charge ; c'étoit un procès entre le Cha
pitre de faint Pierre de Roye , & les Marguilliers
de cette Eglife , au fujet du pouvoir
d'en ordonner les reparations. Les
conclufions de M. Dagueffeau tendoient
à ce qu'il fut deffendu aux Marguilliers de S.
Pierre de Roye , de faire aucune réparation
dans cette Eglife fans la permiffion du Chapitre
768
LE MERCURES
pitre & de M. l'Evêque d'Amiens. La
Grand Chambre fuivit ces conclufions
fans y rien changer .
M. le Duc de Chartres a fait trembler
pour la vie prefque au commencement de
ce mois. Il a été attaqué par une fievre.
des plus violentes qui a obligé les perlonnes
chargées de fa confervation de lé
faire faigner plufieurs fois de fuite , tant
au bras qu'au pied ; enfin les fages Ordon
nances de M. Chirac , premier, Medecin de
Monfieur le Regent , les foins & le zelé
de tous ceux qui ont concouru à laguerifon
de ce Prince , l'ont tiré de périt , &
fa convalefcence donne un fut efpoir du
rétabliffement prochain & parfait de fa
Lanté.
M. Arroüet de Voltaire , de qui de pere
eft mort depuis peu , a obtenu dir.Roy, par
la protection de Monfieur le Duc d'Orleans
, une penfion de deux mille livres.
Son Poëme d'Henry IV. paroîtra bien- tôr;
& l'on compte fort qu'ilfoutiendra imprimé
la réputation que lui ont acquife les
lectures des manufcrits.
Le 16 Janvier un Particulier fe difant
de la Gendarmerie , fut arrêté à la porte
de M. le Cardinal du Bois : un Cocher de
place fut caufe de la détention ; il lui avoit
donné une piece de cinquante fols fauſſe ,
& ne vouloit pas la reprendre , le Cocher
le
DE JANVIER 1722. 169
le pourfuivit ; dans ce moment M. le
Blanc Secretaire d'Etat de la Guerre , vint
à paffer , fon attention pour tout ce qui
concerne les Officiers , l'engagea à prendre
connoiffance de ce petit detail ; on
foüilla par fon ordre le pretendu Gendarme
, à qui on trouva de la fauffe monnoye
dans une poche feparée ; il fut auffi -tôt
conduit au Fort- Levefque , & jetté dans
un cachot avec les fers aux pieds.
[
On a fupprimé depuis quelques jours
toutes les Academies de jeux de hazard
qui s'étoient extrémement multipliées , &
qui caufoient des defordres dans les affaires
des Particuliers , qu'on a jugé à propos
d'arrêter.
1
Le 16 de Janvier le Roy alla dîner att
Château de la Muette , accompagné de
M. le Maréchal Duc de Villeroy fon Gouverneur
, & pendant la Meffe qui fut
chantée le 18 par la Mufique , Sa Majeſté
reçut le ferment de fidelité de M. l'Evêque
de Glandeves , & de M. l'Evêque de
Coutances , qu'ils lui prêterent entre fes
mains , en prefence de Monfieur le Duc
d'Orleans.
Le 19 M. le Duc d'Offone a été remercier
le Roy , au fuiet de l'Ordre du Saint
Eſprit , qui lui a été donné
Le-26 M. le Marquis de
par Sa Majesté.
Villeroy a été
H fait
170 ра LE MERCURE
fait Duc & Pair ; il prend le nom de Due
de Rets. M. Fagon a été fait Conſeiller
au Confeil Royal des Finances.
Le 22 M. les Chevaliers des Ordres du
Roy ont tenu Chapitre au Louvre , en
prefence de Sa Majefté ; on y propofa M.
le Duc d'Offone , Ambaffadeur extraordinaire
de Sa Majesté Catholique à la
Cour de France , & Dom Carlo Albani
neveu du feu Pape , pour être reçûs à la
premiere promotion que le Roy fera après
fon Sacre ; cependant il fut decidé qu'en
attendant on leur donneroit des Brevets
pour porter le cordon bleu. Le Chapitre
étoit compofé du Roy , de Monfieur le
Duc d'Orleans , de M. le Maréchal de
Villeroy Gouverneur du Roy ' , de M. le
Maréchal de Talard , de M. le Maréchal
d'Eftrées , de M. le Duc d'Aumont , de
M. le Cardinal de Noailles , de M. de
Beringhen , de M. de la Vrilliere , de M.
l'Abbé de Pompone , de M, de Goebriant,
de deux Officiers de l'Ordre , de M. de
Montargis & M. Crozat , & deux Huiffiers
de l'Ordre.
M. le Duc de Saint Simon a obtenu
de fon côté en Eſpagne la Toifon d'or &
la Grandeffe.
Le 20 Janvier le Roy a figné le Contract
de Mariage de M. le Marquis de Caftries
&
DE JANVIER 1722 . 171
&de Mademoiſelle de Levi ; il fut figné
aprè midi le même jour par Monfieur le
Duc d'Orleans .
Le 21 M. le Comte de Charolois a
donné une fête très galante à Madame la
Ducheffe fa mere , dans une maiſon qu'il
a au Faubourg faint Jacques. Cette fête
a commencé par un feu d'artifice d'un
goût fingulier , tiré dans le Jardin : on a
yu pendant une groffe demi heure une
grande nape de feu imitée des napes d'eau ,
& accompagnée de deux cafcades de feu
de trente pieds de hauteur , qui formoient
un fpectacle tout à fait brillant & inge+
nieux . Au haut de la grande nape on lifoit
ces lettres majufcules & initiales du nom
de Madame la Ducheffe L. F. D. B. Louife
Françoiſe de Bourbon . Cette decoration
ignée fut fuivie d'un grand nombre de
caiffes & pots à feux ; enfuite parut un
foleil éclatant , changeant de couleur ,
jettant des rayons enflammés , & portant
quatre-vingts pieds de diamettre la fête
le termina par une girande de mille fufées
qui partirent enfemble. Cet artifice a été
fait & tiré par le fieur Morel , Artificier
du Roy. On tira du canon à l'arrivée de
Madame la Ducheffe , & elle vit tout le
jardin illuminé. Le chiffre de M. le Comte
de Charolois terminoit une allée lumineufe
, qui avoit entre fes arbres des feftons
Hij
171 LE MERCURE
de lampions ; le parterre étoit auffi decoré
de la méme maniere.
1
Les plaifirs du feu d'artifice & les illumi
nations furent fuivis d'un fouper gras &
maigre , fervi par les Officiers de M. le
Comte de Charolois . La table étoit de feize
couverts ; la chere fut exquife , & partagée
en fix fervices. M. le Duc & Mademoifelle
de Clermont furent du repas , qui fur
couronné par un fruit des plus magnifiques.
Voici la Lettre que le Roy écrivit au
Pape , à l'occafion du refus que fit M.
l'ancien Evêque de Frejus Precepteur du
Roy , de l'Archevêché de Rheims & de
l'Abbaye de Saint Etienne , qui lui fut accordée
par Sa Majefté. Cette Lettre fait
l'éloge de la pieté du Roy , de celle de
M. l'Evêque de Frejus , & fon ftile
répond parfaitement à la dignité de la
mariere.
TRES - SAINT PERE ,
Je me flatte que Votre Sainteté ne
defaprouvera pas que la premiere Lettre
que je lui écris de ma main , foit un effet
de la reconnoiffance que je dois à l'ancien
Evêque de Frejus mon Precepteur : c'eft
lui qui en m'inftruifant des principes de
la Religion , & en me la rendant aufli
aimable
DE JANVIER 1722 . 173
aimable par fon exemple , que refpectable
par vos leçons , m'a appris quel doit être
mon attachement pour le Saint Siege , le
reſpect filial pour celn qui le remplit ,
& quels font les devoirs que m'impofe la
qualité de Roy Très - Chretien , & de Fils
aîné de l'Eglife. Il eft d'autant plus digne
de vos graces, qu'il vient de faire une
action très - vertueufe , & que je ne puis
m'empêcher de louer , aprés m'y eftre oppofé
de tout mon pouvoir. Vous aurez
été informé par votre Nonce , Très Saint
Pere, qu'il a refufé l'Archevêché de Reims ,
la premiere dignité Ecclefiaftique de mon
Royaume , quoi que je l'aye vivement
preffé de l'accepter, & même avec des larmes
, dans l'extrême envie que j'avois
d'être facré par les mains. Il craint de ne
pouvoir pas remplir affez bien les devoirs
d'une fi grande place , à caufe de l'employ
qu'il a auprès de moy , & rien n'a pû furmonter
une crainte fi heroïque & fi chretienne
; j'ay au moins obtenu de lui qu'il
acceptât l'Abbaye de Saint Etienne de
Caën , & je vous prie de lui en accorder
gratuitement les Bulles. Je feray ravi
qu'il tienne ce bien- fait de votre main ,
auffi bien que de la mienne , & je me
feray un plaifir fenfible d'agir de concert
avec vous pour recompenfer la vertu ,
& de vous donner en toute occafion des
H iij
marques
074 LE MERCURE
marques du refpect Filial avec lequel
je fuis ,
TRES - SAINT PERE ,
Votre très-devot Fils
LOUIS.
A Paris ce 23 Octobre 1722.
On a encore arrêté depuis peu , & on
arrête journellement quantité de Voleurs
complices de Cartouche , M. Arnaud de
Bouex, Confeiller au Parlement , continuë
à inftruire cette affaire avec autant de zele
que de capacité. S. E. M. le Cardinal du
Bois , a prefenté ce digne Magiſtrat à
S. A. R. Monfieur le Duc d'Orleans , qui
Jui a témoigné qu'il étoit extremement
fatisfait de fa conduite & de fon applica
tion dans cette penible affaire.
M. Arnaud à été Prefident à Angoulême
pendant dix années ; feu M. d'Argenfon
avoit été Lieutenant General au
même Prefidial.
the
RELATION
DE JANVIER 1722. 175
I
AAAAAAAAAAA
RELATION
De l'Echange de l'INFANTE & de
la Princeffe d'ORLEANS , fait à
l'ifle des Faifans le 9 Janvier 1722 .
E Mariage du Roy Trés - Chrétien
ayant été arrêté avec l'Infante d'Efpagne
, & celui du Prince des Afturies
avec la Princeffe d'Orleans , le Roy nomma
M. le Prince de Rohan pour faire
l'échange des Princeffes , ainfi que M. le
Duc de Guife l'avoit été en 1615 pour
l'Infante d'Efpagne & de Madame Elifabeth
de France ; & depuis en 1679. M.
le Prince d'Harcourt pour remettre aux
Efpagnols la Princeffe Marie-Louiſe d'Orleans
Reine d'Efpagne . Sa Majefté nomma
auffi Madame la Duceffe de Vanta-.
dour fa Gouvernante , & Madame la Princeffe
de Soubize pour aller recevoir l'Infante
à fon arrivée en France , & leur remit
en même tems la Princeffe d'Orleans
pour la conduire fur la Frontiere.
*
M. le Prince de Rohan ſe rendit à
Baïonne trois jours avant l'arrivée de la
Princeffe d'Orleans ; il fut au - devant
d'elle , accompagné d'une fuite nombreuſe,
H iiij
&
176 LE MERCURE
& lui donna la main à la defcente du Catoffe.
%
Le lendemain la Princeffe alla rendre
fes devoirs à la Reine Douairiere d'Efpagne
, qui la traita en Reine , auſſi - bien
que dans la vifite que Sa Majefté lui
rendit le même jour.
A la derniere entrevue la Reine fit des
prefens magnifiques à la Princeffe , aufquels
elle ajoûta une épée & une canne
garnic de diamans pour le Prince des Afturies.
M. le Prince de Rohan en arrivant à
Bayonne avoit dépêché un Courier à M.
le Marquis de Sainte Croix Grand d'Efpagne
& Grand Maître de la Maiſon de
la Reine , chargé de la conduite de l'Infante
, & des Pouvoirs de S. M. Catho
lique pour l'échange , pour fçavoir au jufte
l'arrivée de l'Infante concerter avec lui
le jour de la Ceremonie , & pour parvenir
à des éclairciffemens fur la forme des
Actes , qui puffent prévenir les difficultez
& les longueurs .

M. de la Roche Secretaire de la Chambre
du Roy d'Efpagne fe rendit à Bayonne
le 4 Janvier 1722 , il avoit été choisi pour
affifter aux échanges feulement , & M. du
Bois Secretaire du Cabinet du Roy avoit
été nommé par Sa Majesté pour en figner
les Actes .
Cette
DE JANVIER 1722. 177
C
Cette difference , jointe à celle qui fe
trouva dans la forme des modeles d'Actes,
leur ayant d'abord paru confiderable , te
Prince de Rohan prit le parti d'envoyer
propofer une entrevue au Marquis de Ste.
Croix dans l'Ile des Faifans , & fon Courier
partit avec M. de la Roche qui s'en
retournoit en Espagne .
Le 6. Mademoiſelle d'Orleans arriva à
S. Jean de Luz , & l'Infante arriva le
même jour à Oyatſon .
Le 7. le Duc de Liria vint apporter à
Mademoiſelle un prefent de pierreries de
la part du Roy d'Efpagne . Cette Princeffe
lui donna une épée garnie de diale
même jour le Marquis de Sainte
Croix fit fçavoir au Prince de Rohan qu'il
fe trouveroit à la Conférence le 8 à midi ,
-comme il le defiroit.
mans ;
Ces deux Seigneurs s'y rendirent à l'heure
marquée , après beaucoup de politeffe de
part & d'autre , on lut les Pouvoirs ; le
Marquis de Sainte-Croix prétendit que le
fien l'obligeoit à figner les Actes lui même;
le Prince de Rohan demanda qu'ils fuffent
fignés par les Secretaires , & allegua l'uſage
& la Dignité .
On parla enfuite du modele des Actes,
de Marquis de Sainte- Croix n'en prefenta
'qu'un feul , qui contenoit les deux delivrances
& les deux receptions fort confu-
Hv fément.
.178 LE MERCURE
fément. Le Prince de Rohan en produifit
quatre diftincts & feparés , dont deux de
delivrance , & deux de reception..
Le Prince de Rohan voyant que les
Miniftres d'Espagne demeuroient attachés
à leurs formes , quoiqu'ils approuvaffent
les nôtres , propofa l'expedient qui fuit
pour les déterminer ..
Que Mrs du Bois & de la Roche ,
Commiffaires nommés par les Rois de
France & d'Efpagne , figneroient un Acte
double , par lequel il feroit convenu qu'en
fuivant nos Modeles on s'obligeroit à les
changer ou à les modifier fi Sa Majeſté
Catholique n'en agréoit pas la forme .
M. de Sainte - Croix accepta ce parti. On
regla enfuite tout ce qui pouvoit concerner
l'échange , ou en abreger la Cremonie
, & on prit jour pour le lendemain à
midy.
95 Le 9. la Princeffe d'Orleans partit de
S..Jean de Luz avec la fuite à neuf heures
& demie, & arriva à midi. L'Infante partie
1
Oyarfon avec la fienne , arriva precifement
à la même heure ; tout étoit d'une
très grande magnificence. On avoit conftruit
par ordre du Roy dans l'ifle des Faifans
une Maifon ou Pavillon de charpente,
compofée de deux appartemens égaux ,
ornez de meubles magnifiques ; l'un du
côté de France & l'autre du côté d'Efpagne
DE JANVIER 1722. 179
pagne n'étoient feparés que par un falon
deftiné à l'échange , on y abordoit des
deux côtés par un Pont de Bateaux fort
fpacieux ; toute la Riviere étoit couverte
de Barques & de petits Bateaux des deux
Nations remplis de monde , & un grand
concours de Peuple fur les rivages.
Les deux Compagnies des Grenadiers
des Regimens de Touraine & de Richelieu
étoient poftées à la droite & à la gauche
de l'entrée du Pont , on en choifit vingt
pour mettre dans l'lfle aux deux côtés de
l'appartement de France .
Les Efpagnols imiterent la même dif
pofition , les Gardes du Corps fe mirent
en bataille vis - à- vis le Pont , ayant à leur
gauche fur le chemin de la Princeffe les
Regimens de Cavalerie de Chartres & de
la Tour ; la Cavalerie Espagnole tint le
même ordre , les Gardes de la Porte & de
la Prevôté étoient poftez à l'entrée duPont,
le Cortege du Prince de Rohan compoſé de
quarante, Gentilshommes , de feize Pages ,
& de cinquante hommes de Livrée , &
celui de Madame de Vantadour, occupoient
une grande partie du Pont , la livrée du
Roi , les Pages & les douze Suiffes tenoient
le côté le plus près du Sallon .
Le Prince de Rohan donna la main à
Mademoiſelle de Montpenfier à la def-
H vj 7 cente
180 LE MERCURE
cente du Caroffe , & la mena dans fon appartement
; l'Infante entroit dans le fien
dans le même moment . Après s'y étre
repolées quelque tems , on ouvrit les portes
du Salon , & les deux Princeffes fuivies
de leur Cour y entrerent chacune de
leur côté , & s'avancerent jufqu'à la table
qui étoit au milieu . Le Prince de Rohan
étoit à la droite de la Princeffe , & la
Ducheffe de Vantadour & la Princeffe de
Soubize à fa gauche ; le Marquis de Sainte
Croix & la Ducheffe de Monteliano , qui
étoit chargée de conduire l'Infante & de
recevoir la Princeffe des Afturies , étoient
placés dans le même ordre ; Mrs. du
Bois & de la Roche occupoient les deux
bouts de la table.
Les Pouvoirs & les Actes ayant été
examinés la veille , on ne jugea pas à
propos de les lire en entier ; ils furent
prefentés & fignés , & les doubles en furent
remis reciproquement ; la table fut
auffi - tôt retirée.
Alors le Prince de Rohan fit les complimens
du Roi fur les deux Mariages ,
& marqua aux Perfonnes chargées de la
conduire & de l'éducation de l'Infante le
gré que S. M. leur fçavoir de leurs foins';
on employa quelques momens à fe faire des
civilités de part & d'autre , les Princeffes
s'embrafferent ; l'Infante paffa enfuite dans
Pappartement
DE
JANVIER 1722. 181
l'appartement des François , conduite pas
M. le Prince de Rohan , qui luidonnoit
la main , & la Princeffe d'Orleans donna
la fienne au Marquis de Sainte - Croix , &
paffa dans l'appartement des Efpagnols.
Les François & les Efpagnols refterent
encore quelque tems dans le Salon pour
diftribuer les preſens , après quoi tout le
monde fe retira. L'Infante prit la route de
S. Jean de Luz , & la Princeffe d'Orleans
celle d'Oyarfon , à travers les troupes
dont on a parlé , & aux acclamations
reïterées des Peuples des deux Nations
qui étoient accourus de toutes parts à
cette augufte Ceremonie.
Le Maréchal de Villars fe porte mieux
de la chûte qu'il avoit faite en tombant für
le genouil auquel il fut bleffé à la bataille
de Malplaquet .
M. le Duc d'Offonne étoit tout prêt à
partir lorſqu'il a reçu un Courier avec des
dépêches du Roy d'Efpagne fon Maître ,
qui l'obligent de refter à Paris avec la
même qualité d'Ambaffadeur Extraordi
maire.
M. Le Cardinal de Rohan eft fi fort
incommodé de la goutte qu'il eft obligé de
garder la chambre ; Monfieur le Duc
d'Orleans a été le voir.
On
182 LE MERCURE
i
On mande d'Efpagne que la Cour fe
prepare à retourner à Madrid auffi - tôt
que la Princeffe d'Orleans fera arrivée .
Le Duc de Liria eft nommé pour lui aller
porter les prefens de Leurs Majeftez .
Le Marquis de Capichelatro , Ambaffadeur
d'Efpagne à Lisbonne , a celebré
pendant trois jours confecutifs l'anniver
faire de la naiffance de S. M. Cath.- & la
conclufion du Mariage du Prince des Afturies
avec la Princeffe d'Orleans , par des
illuminations , des feux d'artifice & des
fimphonies. Il fit reprefenter dans fonHôtel
le 18 de l'autre mois , un Opera intitulé ,
les nouvelles Armes de l'Amour , auquel
les Miniftres Etrangers affifterent , ainfi
qu'un grand nombre de Perfonnes de la
premiere condition qui y avoient été invitées
, à qui il fit diftribuer grande abondance
de toutes fortes de rafraîchiffemens.

On apprend de Turin que le Roy de
Sardaigne a nommé le Comte de Saluces
Capitaine de les Gardes du Corps , pour
caller faire la demande de la Princeffe Palatine
de Salzbach , pour le Prince de Piémont
, & qu'il eft chargé de la conduire
à Turin , où ll''oonn aaffffuurree que le mariage
fera celebré ce Carnaval .
T
L'Envoyé de Tunis , dont nous avons
déja parlé , eft arrivé à Londres le 16 de
ce mois avec trois chevaux Baibes , un
Lion
DE
JANVIER 1722. 183
Lion & plufieurs raretez de fon Pays
dont il doit faire prefent au Roy d'Angleterre.
Les Lettres de Londres ajoûtent ,
qu'on y a fcellé une Patente en faveur du Sr
Newsham , Auteur d'une nouvelle Machine
, qui paroît fort utile dans les Incendies
, fuivant l'experience qu'on en a faite.
Le 26 de ce mois de Janvier S. A. R.
Mademoiſelle de Baujolois , accompagnée
de Mefdame's les Marquifes d'Harmantiere
, de Conflans , & de S. Germain , fit
l'honneur de donner le Voile de Profeffion
, avec toutes les graces qu'on peut
imaginer , à Mile. Ferrand de S. Heand
en Foreſt , Novice au Couvent du S. Sepulcre
de Belchaffe , à qui S. A. R. Mademoiſelle
de Montpenfier avoit fait l'honneur
de donner le Voile de Vêture le 8
Août 1720. M. l'Evêque de Rennes fit
la Ceremonie. Le P. Terraffon prononça
un excellent Sermon .
Nos Plenipotentiaires & tous les Miniftres
Etrangers fe difpofent à partir pour
Cambray , où le Congrez doit bien- tôt
-s'ouvrir.
Les Ducheffes de S. Simon & de Lauzun
ont eu l'honneur de remercier le Roy de
ce que le Roy d'Espagne a donné l'Ordre
deda Toifon d'Or à M. le Vidame, fils aîné
de M. le Duc de S. Simon , & a fait le
cader Grand d'Espagne..
DIGNITEZ
184 LE MERCURE
"
· DIGNITEZ ET COMMANDEMENS.
LE
E Marquis de Saint Germain Beaupré a obtenu
du Roy un Brevet de retenue de cent
mille livres fur fon Gouvernement de la Marche.
Le Marquis de Thouy , Lieutenant General
des Armées du Roy , a obtenu de Sa Majesté le
Gouvernement de Belle- Ifle , vacant par la mort
de M. Desfourneaux .
M. le Chevalier de Marcieu , Brigadier des
Armées du Roy , eft nommé pour commander en
Dauphiné fous M. le Comte de Medavi..
M. Briquet premier Commis de M. le Blanc ,
Secretaire d'Etat de la Guerre , a obtenu du Roy
la Croix de Saint - Michel , pour récompenfe de
fa capacité & de fon travail exact dans les affaires
de la Guerre.va
M. de Segur a obtenu du Roy une augmentation
de 12000 liv. d'appointemens fur fon Gouvernement
de Foix.
M. le Marquis d'Aumont , fils de M. le Duc
de Villequier à obtenu , du Roy la furvivance de
Ja Charge de premier Gentilhomme de la Chambre.
M. le Marquis de Caftres a obtenu du Roy
an Brevet de retenue de cinquante mille écus
fur fon Gouvernement en faveur de fon mariage
avec Mademoiſelle de Levi.
M. le Marquis de Villequier a été fait Duc ,
& a pris Seance au Parlement le 19 Janvier en
qualité de Duc d'Aumont Pair de France.
La Majorité du Havre de Grace a été donnée
à M. de la Vacherie , ci devant Capitaine, au Regiment
du Roy , à la place du ficur Remondel
mort le 20 de ce mois,
M.
DE JANVIER 1722 . 185
M. de Caylus Lieutenant General a été nommé
à une expectative de Grand - Croix de l'Ordre Militaire
de Saint Louis.
Le Gouvernement de Morlaix en Bretagne ,
vacant par la demiffion de M. Parif Fontaine ,
Brigadier d'Iofanterie , & Lieutenant Colonel du
Regiment Royal la Marine a été donné à M. de
Coëtanfao , Brigadier de Cavalerie , & Major de
la Gendarmerie.
Promotion de Chevaliers de Saint- Louis
dans la Marine & dans les Colonies .
du 23 Decembre 1721 .
Capitaines de Vaiſſeaux
Meffieurs
De Longchamp
Montendre.
La Guibourge.
Candé.
Mauclerc du Pere.
Lieutenans de Vaiffeaux
Meffieurs
La Goudiniere.
De Bonneuil.
Capitaines d'Artillerie. De Vergons.
Meffieurs
Benoist.
Dupin de Belugard.
Villars.
Capitaines de Fregates .
Meffieurs
La Baume de Borne.
De Sefmaifons.
Lien tenans des Forts.
Meffieurs
Herpin Defmarais.
Beauffier l'aîné.
Bois de la Ville.
De Ville.
Chevalier Sevins .
D'Ofmont Malicorne,
Du Bezy..
Defcoulon.
Lambourg .
Guergolay.
.De Tilly.
La Fregonnaiere.
Saint- Elteve.
Becheron .
L'Eftang.
Le Jay de Kerdaniel.
Du Lac de Montrért.
De Ploëve.
De Chavey.
Dorves
786 LE MERCURE
Dorves.
Belleville l'Eftendart.
La Filliere .
Gibavel .
De Sannes .
Du Laur.
Bailleuil de Vic .
Guerry.
Jamain.
Bois David.
Joyeux.
Comte des Goutes.
Chevalier de Rochechouart
de Monpipaux.
Comte de Vaudreuil .
Vi Comte de Lautrec.
La Jonquiere de la Pomarede.
Moulineuf.
Defcoyeux Fouras,
Deigua.
Coatudance .
De Lamure.
Theroulde de Belle- De Colombe.
foffe.
De Vifé.
Gouyon de Ravilliers.
De Berey.
Le Meyrat.
La Madelaine Flotte .
Darneuze.
De la Somare de Carmain..
Raguienne de Mareuil .
Da Reveſt.
Gravier.
Baraudin.
De Venier..
Breagnos..
Vicomte de Langle.
Du Buiffon de Varennes
Chevalier du Bourdet.
Robec de Pallieres .
Cleffon du Mene .
Aydes Majors.
Meffieurs
De Beauharnois de Baville.
Defcoufs.
De Lordat.
De Villevielle.
Lieutenans d'Artillerie.
Meffieurs
Helyot.
Givefte.
De Combe.
Capitaines de Brulots.
Meffieurs
Gabaret de la Motte .
Baron de Liffe.
Forant.
Panetié.
Marquifan.
Dargelos.
Keramel de Parcevaux. De Leſcorce.
Dumas.
Comte de Damas,
Du Quefoel .
Enfeigne
DE 187
P
JANVIER 1722.
Enfeigne de Port.
M. Belliveau.
De Clancy.
De Manerbe.
Vachier Defmoulins.
Chevalier de Matha.
Enfeignes des Vaiffeaux . Mandelor de Loffay.
Meffieurs
Du Cenfif.
Du Pleffis Faucherie .
Du Peftrin.
La Haute -maifon.
De Mouffac.
Du Renet.
PPuuydyodraotr. at.3
Thouret de Mahury.
Le Souper de la Boularderie.
Du Boulay.
Charmeneuil.
Saint Amant .
Dains.
Habert.
Belanger de la Renardiere.
Champmorot de Longueville.
De Morainville.
Beaumont le Normand.
Darcy.
Daunay de Savary.
Chevalier de Noé.
Marquis de Puylauress.
La Grandiere.
Des Landes.
Palu de Fontenay.
Fremont de Villeneuve.
De Chateauneuf- Tho- Saint Legier la Sauffaye
: mas.
De Reals.
De Semerville.
De Baudretun .
La Prevalais.
Belle Inle Laqueue.
De Pons.
Des Chancels.
Liefta.
Murat de la Broufte.
Davaleau.
Turle.
De Brouet.
Lionces.
De Saurines.
Du Fay d'Exoudun .
De Raouffer Tournon .
Du Boulay .
De Marfillac Chambon
De Mechin .
Routier de Belle Ife .
D'Hericourt.
De Chaulnes.
Montigny de la Hantiere.
Conrart de Surmont.
Chevalier de Fromen
tieres.
Nou ailles .
Defcoublan de la Rougerie.
Caftelin de la Garde.
De Bonnaire de Souligny
.
Fenis
188 LE MERCURE
Fenis. Lieutenans de Fregates.
De Cucy.
Comte du Guay.
Cefar de Boulainvilliers
Meffieurs MEXI
La Chefnaye.
Pomet.
De Bourges.
Capitaines de Flutes. Sous Lieutenant d'Ar-
-f.
tillerie.
M. de Crefnay.
Meffieurs
Vaudermers .
Perroteau de Boisjulien
OFFICIERS DES COLONIES.
Saint- Domingue.
Officiers Majors,
Meffieurs
D'Heticourt , Lieute
nant de Roy du petit
Goave.
De Cayrolo , Major du
Port de Paix .
De Noliurs , Major du
petit Goave.
De Courpon , Major
de S. Louis .
Officiers des Troupes.
Meffieurs
Moret , Capitaine.
Iles du Vent.
DeLonvilliers de Bellebrune
, Capitaine.
Cayene.
De Charanville , Capitaine
.
De Gabaret , Capitaine
& Ingenieur.
Canada.
M. Defgly , Major de
Quebec.
Officiers des Troupes.
Meffieurs
De Saint- Martin , Capitaine
.
De Lignery, Capitaine.
Ifles Royales.
M. de Bouville , Major
à Louisbourg.
Officiers de: Troupes.
Meffieurs
La Ronde Denis.
Le Comte d'Agrain.
Promotion
DE JANVIER 1722. 189
"
Promotion de Chevaliers de Saint Louis,
dans les Galeres , du 6 Janvier 1722.1
M. de Soiffans , Ayde-
Major.
Premiers Enfeignes,
Meffieurs
Giraudy,
Coufmery.
De Raymondis.
De Cipieres .
De Bernage l'aîné,
De Langerie.
De Gailhac Caumont,
De Saint Ofmane.
De Montavet .
Autres Enfeignes.
Meffieurs
De la Bouvernelle ,
D'Anaſtazy .
De Bernage cadet
Promotion d'Officiers de Galeres , du
6 Janvier 17.22.
Capitaines.
Meffieurs
Le Bailly de Biffy,
Marquis Defpennes.
Chevalier de Levy
Gaudiez .
Capitaines Lieutenans.
Meffieurs
Du Reveft d'Arcuſſia,
Du Laurent de Bruë.
De Barras de Chantercier.
Comte de Neuvy.
Chevalier de la Gratianne.
De Julianis .
Marquis de Caftelane.
Lieutenans,
Meffieurs
De Sidery.
De Gotho,
De la Tour de Ricz.
De Mazan.
De Raymondis .
De Cipieres.
De Bernage l'aîné. `
De Langerie.
De Gailhac Caumont.
De Caftelane Majaſtre.
Chevalier deMontolieu
Enfeignes.
Meffieurs
De Soiffans Soyan.
De Sartous.
1
T
Du Guay.
Marquis
190
'LE MERCURE
Marquis de Blacas .]
De Cambray,
De Tallemant Chaumont
.
Chevalier d'Albert -
Sainte-Hippolyte.
L
De Soiffans - Villars .
ChevalierdeGlandeves .
D'Oraifon.
Chevalier de Raouffet
l'aîné.
Marquis de Levy.
BENEFICES.
E Roy a accordé les Canonicat , Chancelle
rie & Grande Penitencerie de l'Eglife Metrolitaine
de Toulouſe , vacans en Regale par la
démiffion du fieur Michel Jean B. Olier de
Verneuil , au fieur Ant. de Muraffon , Prêtre ,
Chanoine & Scolaftique de l'Eglife de Bayeux ,
Docteur en Theologie.
La Chantrerie de l'Eglife Metropolitaine de
Rheims , vacante en Regale par le decès du
fieur Antoine Lempereur , au fieur René de
Sainte Hermine , Prêtre du Diocefe d'Angoulème.
Le Canonicat de Eglife Metropolitaine de
Rheims , vacant en Regale par le décès du fieur
Ant . Lempereur , au fieur Ch . Guilaume des
Forges , Diacre.
Le Ganonicat de l'Eglife Cathedrale de Laon ,
vacant en Regale par le . decès du ficur: Adrien
Fagart , au fieur Mathurin Guillaume Meur ,
Prêtre.
L'Abbaye de l'Aumône , Ordre de Cireaux ,
Diocefe de Chartres , vacante par le decès du
fieur Martineau , Chantre de l'Eglife de Saint
Maurice d'Angers , en faveur du feur Gilles
Bernard Raguer , Prêtre du Dioceſe de Namur.
L'Abbaye de Bival , Ordre de Citeaux , Diocefe
de Rouen . vacante par le décès de la
Dame Marie Luce de Fouilleufe , derniere Titulaire
, en faveur de la Dame Barbe le Guer
chois ,
"
DE JANVIER 1722. 197
chois , Religieuſe du même Ordre , à l'Abbaye
de Fontaine Guerard .
L'Archidiaconé de Caën dans l'Eglife Cathe
drale de Bayeux , vacant en Regale en faveur
du fieur Guillaume le Rebours , Prêtre dudit
Dioceſe .
La place de Regale à laquelle le Roy a droit
de nommer dans l'Abbaye de Port - Royal , Ordre
de Citeaux , Dioceſe de Paris , en faveur de
Damoifelle Claude Louiſe de Buffeul , fur le
confentement des Dames de Saint Louis établies
à Saint Cyr.
La Cure de Hattenville , Dioceſe de Rouen
vacante gar le decès du fieur Thomas Heudes ,
au fieur Charles Antoine Benard , Prêtre dudit
Dioceſe , Vicaire de la Parroiffe de faint Lau
rent de la Ville de Rouen,
Le Doyenné & Chanoinie de faint Simphorien
de Reims , qui ont vaqué par le decès du
fieur Oudinet , au fieur Abbé Graillet ,
MARIAGES. BAPTEMES.
Jof. Franç. de la Croix , Marquis de
Caftries , Baron des Etats de Languedoc ,
Lieutenant de Roy dans la même Province, Gouverneur
des Ville , Citadelle, & Dioceſe de Montpellier
, Gouverneur de la Ville & Port de Cette
en Languedoc , Maréchal des Camps & Armées
du Roy, Chevalier d'honneur de S. A. R.Madame
la Duchefle d'Orleans , a époufé Damoiselle Marie
Françoife de Levi , fille de Charles Eugene
Marquis de Levi , Comte de Charlu & de Saignes ,
Lieutenant General des Armées du Roy , Gouverneur
des Ville & Citadelle de Mezieres .
M. Louis de Rougé , Marquis du Pleffis
Bellieres , âgé de feize ans , fils de feu René
Gilles de Rouge , Marquis , &c. Colonel du
Regiment
192 LE MERCURE
Regiment d'Angoumois , a époufé Damoiſelle
Marie- Thercle d'Albert , fille de Louis Augufte
Albert Dailly, Duc de Chaulnes , Pair de France
, Lieutenant General des Armées du Roy , Capitaine
Lieutenant des 200 Chevaux Legers de la
Garde ordinaire de Sa Majesté.
Marie - Charles Augufte , fils de Mr Jacques-
François Leonor de Grimaldi , Duc de Valentinois
, Pair de France , & de Dame Louiſe
Hippolyte de Grimaldi de Monaco fon épouſe ,
a été baptifé à faint Sulpice le 2 de ce mois ;
le Parain Mr Augufte de Matignon , Maréchal
de France , grand oncle paternel de l'enfant ;
la Maraine Madame Marie Peline Thereſe dé
Grimaldi de Monaco , fille de Mr Grimaldi ,
Pr. Souverain de Monaco .
MORTS DE FRANCE.
Effire François , Marquis de Kergroades ,
s'étant rendu le jour des Rois à la Congregation
du Noviciat des Jefuites , après s'y
être confeffé & communié , comme il finiffoit
fes prieres , tomba en apoplexie , dont le même
jour il mourut , âgé de 67 ans , à l'Hôtel de
la Communauté des Gentilshommes , où il s'é
toit retiré .
Le 7 Janvier Frere Louis de Faydeau de
Vaugien , Grand Croix de l'Ordre de faint
Jean de Jerufalem , Grand Bailly de la Morée ,
Commandeur de faint Jean de Latran & de
faint Etienne de Renneville .
M. Jofeph des Fourneaux , Lieutenant Ge
ral des Armées du Roy , Gouverneur de Belle-
Iſle en Mer , eft mort à Belle Ifle le 8 de cé
mois , âgé de 74 ans , dont il en a employé 56
au fervice du Roy.
Le , Mellire Jacques Tarcade , Ecuyer , Che
valier
DE JANVIER 1722. 193
valier des Ordres de faint Louis , de Notre-
Dame de Mont - Carmel , de faint Lazare , de
Jerufalem , ancien Directeur des Fertifications
d'Alface , & Major de la Ville de Dole en Fran.
che Comté. Cet employ a été donné à M. Marcelot
, Capitaine au Regiment de Meufe.
Dame Márie Magdelaine Voifin , époufe de
M. le Marquis de Broglio , Lieutenant General
des Armées du Roy , Directeur General de l'Infanterie
, Gouverneur de Gravelines , Seigneur
du Mefnil & autres lieux ' , eſt morte à Paris le
11 Janvier , âgée de trente - deux ans .
4
M. Paul le Pelletier de la Houffaye , neven
de M. le Controlleur General des Finances du ,
Royaume , eft mort à Paris le 18 Janvier , âgé
de dix - neuf ans.
M. Jean de Malon de Bercy , Lieutenant de
Vaiffeau , mort le 20 Janvier , âgé de 43 ans .
Il étoit frere de M. de Bercy , ancien Intendant
des Finances , & Maître des Requêtes de l'Hôtel
du Roy.
Meffire Georges Remond , Chevalier de l'Or
dre Militaire de faint Louis , Meftre de Camp
d'Infanterie , Brigadier des Armées du Roy ,
Seigneur du Cour Saint André du Croncet , decedé
le 21 Janvier , âgé de 75 ans.
M. Colbert de Saint Mars , Chef d'Eſcadre des
Armées Navales , eft mort le 22 de ce mois dans,
une de fes Terres , à deux lieues de la Rochelle,
dans un âge fort avancé. Il s'étoit retiré du
Service depuis quelques mois , avec une penfion
de 6000 livres fur le Trefor Royal .
Mellire Henry Comte de Boulainvilliers &
de faint Saire , Sire de Leon , &c. de la Maiſon
de Crouy , eft mort le 23 Janvier , âgé de 60
ans ; il avoit été marié deux fois , la premiere
avec Dame N. Hurault Du Marais , fille de
M. le Comte Du Marais ; la feconde , avec
I Dame
194 LE MERCURE
Dame N. d'Alegre , fille de Meffire Jean Com
te d'Alegre , Marquis de Beauvais , & de Dame
Marguerite Du Fresnoy.
Meffire François Jauche Bouton , Chevalier
Comte de Chamilly , Seigneur & Baron de
Beaumefnil , & ancien Lieutenant General des
Armées du Roy , Commandant en Chef pour
Sa Majefté dans les Provinces de Poitou , Xaintonge
, Aunis , & lfles adjacences , Gouverneur
du Château de Dijon , cy-devant Ambaffadeur
extraordinaire pour Sa Majefté en Dannemarck ,
decedé le 25 Janvier , âgé de 58 ans . Il ne laiffe
qu'une fille pour heritiere , c'eft Madame la
Marquife de Clare .
Le Chevalier de Villers , Maréchal des Logis
de la premiere Compagnie des Moufquetaires ,
& Meftre de Camp , eft mort fort regretté par
fon rare merite , fon efprit , & fa pieté.
EDITS , ARRESTS , DECLARATIONS,
EDIT du Roy , donné à Paris au mois de Decembre 1721. Portant rétabliſſement des fix
Offices d'Affineurs ; fçavoir , deux à Paris , &
quatre à Lyon. Regiſtré en la Cour des Monnoyes,
ARREST du Confeil du 2 Decembre 1921 .
concernant la jouyflance des Rentes viageres ,
créées par Edit du mois d'Aouſt 1720 , qui
ordonne que ceux qui ont acquis depuis le premier
Novembre 1720 , ou qui acquerront par
la fuite les Rentes Viageres créées par ledit Edit
du mois d'Aouſt 1720 , auront la puiffance des
arrerages d'icelles , à commencer du premier
jour
DE
JANVIER 1722 . 199
jour du Quartier courant , au tems de chacune
defdites acquifitions.
ARREST du Confeil du 4 Janvier 1722
Qui regle la, maniere en laquelle les Effets vifez
feront retirez des mains des Particuliers , pour
leur fournir les valeurs du montant defdits Effets
liquidez , ou reduits.
en
ART. I. Tous les Effets qui ont été reprefentez
, tant à Paris que dans les Provinces ,
execution des Arrefts du Confeil des 26 Janvier
, 16 Fevrier , 18 Mars , 27 Avril , 18 & 20
May 1721. aux Srs . Commiffaires à ce deputez
par Sa Majefté , par eux vifez , & depuis liquidez
en la forme prefcrite par les deux Arrefts du
Confeil du 23 Novembre dernier , & Reglemens
generaux arreftez le même jour , feront remis
par chacun des proprietaires ou porteurs defdits
Effets , ou leurs Procureurs, entre les mains
d'un Notaire , à l'effet de les rapporter au Principal
Commis Comptable qui fera inceffamment
nommé à cet effet par Sa Majeſté , ou à l'un
des feize Procureurs par lui prepofez , & qui
feront auffi nommez par Arreft du Confeil , relativement
aux feize Bureaux des Srs. Commiffaires
du Confeil qui ont été
originairement
formez pour proceder au Vifa ; & pour valeur
de ces Effets ledit Commis principal , ou l'un
des feize Prepofez , remettra aufdits Notaires
fon Certificat de ce qui en fera dû fuivant la
liquidation qui en aura été faite , en tefte duquel
Certificat fera tranfcrite une note qui indiquera
la lettre du Bureau , le numero la
ville de Paris , ou le
Département des Provinces
où les
bordereaux &
declarations auront été
fournis & ledit Certificat portera que la valeur
fera delivrée au Porteur , en
rapportant le
même Certificat qui fera figné dudit Commis
I ij
principal ,
2
196
LE MERCURE
principal , ou de l'un de fes feize Procureurs ,
controllé par le Controlleur en chef, ou par l'un
des feize Controlleurs , qui feront auffi prepofez
& pareillement nommez à cet effet par Arreft da
Confeil , & enfuite vifé par le Sr Commiflaire du
Confeil qui aura fait la Liquidation.
II. Pour prévenir les inconveniens qui pourroient
arriver dans l'envoy qu'il fera indifpenfable
de faire dans les Provinces , d'un grand
nombre de Certificats pour être remis aux Particuliers
qui y font domiciliez , Veut & entend
Sa Majefté que les Certificats qui feront expe--
diez pour valeur des Effets vifez dans les Provinces
feulement , ne puiffent être d'aucune valeur
, bien que fignez par le principal Commis
ou par l'un des feize Procureurs , Controllez
& vifez en la forme prefcrite par l'Article precedent,
qu'aprés que lefdits Certificats auront été
encore datrez& fignés au dos par le Subdelegué, ou
par celui qui fera chargé d'en faire la delivrance
au Porteurd'Effets , ou par le Procureur du Comptable
, dans le cas où ils feront delivrez à Paris .
2
III. Ordonne Sa Majefté , qu'à l'égard des
Contrats qui devront fubfifter fans réduction ,
il- en fera fait mention fur la Groffe defdits Contrats
, par l'un des Srs. Commiflaires du Confeil ,
& en confequence fur la Minute & Quittances
de Finance y jointe , par le Notaire dépofitaire »
de la Minute , qui en delivrera fon Certificat ,
pour eftre rapporté au principal Commis Comptable
ou à l'un de fes feize Procureurs , après
quoy lefdits Contrats feront rendus par les Notaires
qui les auront rapportez aux Particuliers
à qui ils appartiendront ; Quant aux Actions intereffées
de la Compagnie des Indes , Vent &
entend Sa Majefté qu'il foit delivré pour icelles
un Certificat feparẻ , coutenant le nombre des
Nouvelles Actions qui reviendront au Porteur
par
DE JANVIER 1722. 197
par la liquidation qui en aura été faite.
>
IV. A mefure que l'Expedition des liquidations
fera faite , il fera imprimé & publié des
Liftes contenant les noms des Notaires , le numero
des declarations , & la lettre du Bureau
avec un avertiffement au bas qui indiquera aux
Porteurs d'Effets , tant de Paris , que des Provinces
, ce qu'ils devront faire pour retirer &
faire retirer leurs Certificats de liquidation .
reaux ,
V. Ordonne Sa Majesté que pour la diftribution
des Certificats expediez pour raifon des
Effets prefentez au Vifa , dans la ville de Paris
feulement , il fera établi à la Banque huit Buqui
feront relatifs aux huit Bureaux
precedens des Srs . Commiflaires pour la ville de
Paris , & qui répondront au principal Commis
Comptable & à fes huit Procureurs pour la
-même ville de Paris . Ces Bureaux feront ouverts
tous les jours ouvrables depuis neuf heures
du matin jufqu'à midy , & depuis trois heures
iufqu'à fix heures du foir.
VI . On expediera indifferemment dans ces
Bureaux de diftribution les premiers Notaires
qui fe prefenteront , fans diftinction ni preference
, pourvû , & non autrement , que la note
imprimée foit jointe aux effets qu'ils devront
remettre ; & fi le Notaire demande à voir la
feuille , on la lui montrera , & pour valeur des
Effets par lui rapportez , on lui remettra le Certificat
de liquidation .
VII. Ordonne Sa Majesté qu'à l'égard des
parties d'Effers vifez en Province , dans lefquelles
il y a des Contracts , elles feront envoyées
à Paris , & remifes à l'un des Notaires du Châ .
telet , pour retirer les valeurs & Certificats
de liquidation, en faifant les mentions neceffaires "
fur les Minutes defdits Contracts & Quittances
de Finance , comme il eſt porté par l'Article III .
I iij
du
198 LE MERCURE

du prefent Arreft. Et quant à toutes les autres
Parties vifées en Province les Certificats en
feront delivrez & remis en la forme , & ainſi
qu'il fera expliqué par les Avertiffemens qui feront
tranfcrits au bas de chaque Lifte , &c.
ARREST du Confeil du 4 Janvier, qui nomme
un principal Commis Comptable , avec feize
Commis qui lui feront fubordonnez , pour figner
tous les Certificats de Liquidation des Effets
qui ont été vifez , & depuis liquidez. Et commet
auffi un Controlleur en chef , & fejze Controlleurs
pour controller lefdits Certificats.
ARREST du 10 Janvier , qui nomme des
Commiffaires du Confeil , pour proceder à la
verification & reconnoiffance des Extraits &
Etats qui doivent être fournis fuivant ledit Arreft
, par tous les Treforiers , Receveurs , Payeurs
& autres Comptables , de la Recette & dépense
de leur maniment , tant en Billets qu'en Efpeces.
ARREST du 13 Janvier , qui ordonne queles
Certificats de Liquidation , qui ont été ou
feront delivrez par le Sr Brehamel ou fes Procureurs,
controllez & vifez , feront reçus comme
Deniers comptans pour acquifition de Rentes
viageres au Denier Vingt- cinq , jufqu'à concurence
de ce qui refte à remplir des quatre millions
, créez fur les Aydes & Gabelles par Edit
du mois d'Aouſt 1720.
ARREST du 13 Janvier , Qui ordonne que
les Certificats de Liquidation qui ont été ou
feront delivrez par le Sr Brehamel ou fes Procureurs
, controllez & vifez , feront reçus comme
Deniers comptans pour acquifition de Rentes
au Denier Cinquante ; faifant partie des Hujt
Millions
DE JANVIER 1722. 199
Millions alienez par Edit du mois d'Août 1720.
fur les Tailles & autres Impofitions , tant des
Pays d'Elections , que des Pays d'Etats .
ARREST du Confeil du 27 Janvier , Qui
ordonne que dans quinze jours pour tout délay,
à compter du jour de la Publication du prefent
Arreft, lesActionnaires de l'ancienne Compagniet
des Indes , établie par Edit du mois d'Aouft
1661. feront tenus de nommer & indiquer des
Syndics pour former telles demandes qu'ils aviferont
contre la nouvelle Compagnie des Indes ,
réunie à celle d'Occident.
ADDITION.
EXTRAIT DE LA COMEDIE DE TIMON
L
E nouveau Misantrope eft en trois Actes ;
& un avec des Divertiffemens. Timon paroît
dans le Prologue fur une montagne dans
la mifere , où Lucien nous le reprefente ennemi
des hommes , revolté contre les Dieux mêmes ,
à qui il reproche leur infenfibilité pour fes
malheurs. Jupiter touché de fes plaintes lui envoye
Mercure avec le Dieu des Richefles ; mais
Timon refuſe les trefors qu'il lui offre , & il
demande pour toute grace à Mercure de donner
la voye humaine à fon Ane , comme le feul
ami digne de fa confiance & de fon amitié ;
Mercure le lui accorde , & metamorphofe fon
Ane en homme fous le nom d'Arlequin . Timon
charmé de ce nouveau Compagnon jouit de la
furpriſe d'Arlequin , & de fes reflexions fur la
difference
I iiij
200 LE MERCURE
difference de fon nouvel état avec celui qu'il
vient de quitter. Cette Scene offre par tout des
traits de fatyre & de vérité contre la vanité des
hommes . Arlequin y perfuade à Timon de prendre
les tréfors que le Dieu des Richeffes lui
offre , & de retourner à Athenes ; Timon ſe rend
à fes confeils par un efprit . de Mifantropie , fe.
faifant un plaifir de montrer fes richeffès à fes
avides Compatriotes , fans en faire part à perfonne
& de voir comme fon âne ſe tirera
d'affaire parmi les hommes.
Dans le premier Acte , Mercure fous la forme
d'Afpafie , joue par l'ordre de Jupiter un double
rôle auprès d'Eucharis , qui eft devenue
fenible pour Timon & auprés d'Arlequin . Il
apprend à Eucharis que le moyen de plaire à
Timon eft de lui dire fes veritez , ce qui donne
lieu à des Scenes fingulieres entre cette fille &
le Mifantrope . La troifiéme Scene eft entre Timon
& deux de fes anciens amis , qui aprés
Pavoir abandonné dans dans fa nifere , veulent regagner
fon amitié dans fa profperité. Arlequin
marque plaifamment fon caractere de verité.
La quatriéme Scene eft d' Eucharis , de Timon
& d'Arlequin. Eucharis par le confeil de Mercure
y fait la fatyre de Mifantrope , & Timon
celle des femmes & de la fadeur des jeunes gens,
Arleqnm charmé d'entendre les hommes fe dire
leurs verités , fe jouë dans cette Scene par des
reflexions plaifantes , qui font fortir les ridicules
que l'on y veut fatyrifer. La cinquiéme Scene
eft d'Arlequin & de Timon ; Arlequin qui n'a
d'objet que de jouer & de fe divertir , fait un
détail ingenn des chofes qui l'ont touché , &
dans fes naïvetez il fait , fans s'en appercevoir ,
la critique de tout ce qui le charme ; il de-.
mande de l'argent à fon Maître pour faire ufage
de l'état qu'il lui a procuré ; mais Timon refufe
DE JANVIER 1722.
201
fufe de lui en donner ; ce qui met Arlequin
dans une colere extreme , & donne lieu à des
reflexions plaifantes & fatyriques . Dans la derniere
Scene Mercure fous la même forme d'Afpafie
, profitant du chagrin d'Arlequin , cherche
à le feduire par le penchant qu'il a pour
les plaifirs , lui confeille de voler Timon ,
en lui expliquant par des principes naturels
que tout ce qui eft fuperflu , dans la fortune
des hommes , appartient à ceux à qui le neceffaire
manque , & que c'eft un malheur d'avoir
du bien , lorfque l'on n'en fçait pas faire
un bon ufage . Il le fait convenir de tout ce
qu'il veut , parce que les chofes qu'il lui dic
font autant de veritez dans la nature ; mais
malgré cela il ue ' peut le déterminer à voler
Timon , parce que Pamour de la verité fimple
& pur dans fon coeur , l'oppofe naturellement
à l'injuſtice & à la trahifon ; en forte que Mercure
eft obligé de l'abandonner aux Paffions
qui par des chants & un Balet caracterifé l'entrainent
par leurs mouvemens , & le mettent au
point ou Mercure le veut , pour l'inſtruire par
fes fautes , & corriger Timon.
Daus le fecond Acte , Timon découvre fa
paffion à Eucharis ; mais Eucharis continue à
diffimuler la fienne. Le caractere de Timon y
eft bien foutenu , & dans l'Amant on reconnoît
par tout le Mifantrope. Dans la Scene fuivante
Arlequin fier de fa nouvelle fortune par le vol
qu'il vient de faire , cherche fon Maistre ,
pour jouir de fa furprife , lorfqu'il fçaura qu'il
fa dépouillé de tout. La naïveté de ce pauvre
homme fait un contrafte plaifant entre fon
action , & la bonne foy dont il l'a faite . Il
offre de l'argent à fon Maiftre , pour s'aller
divertir , lui voulant faire voir qu'il vaut
mieux que lui . La Scene eft difpofcée de
I v maniere
202 LE MERCURE
maniere que Timon ne peut foupçonner le
vol d'Arlequin fans le fçavoir precifement . I
fort pour s'en éclaircir.
9
& Arlequin fier de fa nouvelle fortune
croyant , comme on le lui a dit , que quiconque
eft riche et tout , veut acheter de l'efprit , des
talens , de la gloire , & enfin de tout ce qui
peut illuftrer les hommes ; il s'adreffe à Socrate
pour faire cette emplette ; cette Scene eft
excellente pour la critique que l'on y fait des vanités
des hommes , & parte Comique qui fort
du contrafte que nos prejugés font avec la
raifon naturelle , il propofe diverfes fortes de
gloire à Arlequin , qui les trouve toutes impertinentes
, en forte que Socrate ne fçachant
que lui dire , lui propofe de faire des Comedies.
ce qui donne occafion à l'Auteur de
faire la critique de fa Piéce , & celle de fes
efprits pointilleux qui font profeffion de tout
cenfurer. Arlepuin ennuyé de fes difcours le
chaffe , ne concevant pas qu'il y ait une plus
grande bête que Socrate. La derniere Scene eft
ontre Arlequin , un Maître à chanter , un Maître
en fait d'Armes & un Maître à Danfer.
Arlequin s'étant fait expliquer les chofes qu'ils.
montrent veut qu'ils lui donnent leçon tous
les trois à la fois , difant qu'il a encore plus
de mille fciences à apprendre avant qu'il foit
nuit cette triple leçon eft un lazzi nouveau
& trés - plaifant , qui caracteriſe la ridicule prefomption
des riches. Ce fecond Acte finit par
un Balet de Flatteurs que Mercure , toujours
fous la forme d'Afpafie , prefente à Arlequin
pour le faire jouir quelque tems des vanités
de la Fortune .
Le troifiéme Acte commence par Timon
feul , inftruit du vol d'Arlequin . Îl anime fa
haine contre les hommes , par la vue des vices
qu'Arlequin
DE JANVIER 1722. 203
qu'Arlequin a contractés avec la nature hu
maine. Il fe confole de la perte de fes trefors ,
par le plaifir de s'éloigner des hommes , pour
ne jouir plus que de lui même. Il ne veut point.
faire punir Arlequin , il lui pardonne , & juge
que les richeffes dont il s'eft chargé , fuffifent
pour fon châtiment. Dans tout ce Monologue
on voit un combat de fageffe , de generofité &
de Miſantropie. Dans la feconde Scene Arlequin
auffi fier de fon opulence que rempli d'amitié
pour Timon , cherche tout à la fois à jouir de
La mortification , & à lui faire plaifir ; la colere
du Philofophe , les difcpurs d'Arlequin , qui
dans fon ingenuité ne répond que par des traits
de fatyre , font un jeu auffi inftructif que
plaifant , dans lequel Timon pouflé à bout ,
faifant voir à Arlequin tout fon chagrin , &
la refolution où il eft de quitter le monde pour
toujours , touche cet homme fimple & qui
aime fincerement fon Maître ; il lui dit que
fon deffein en le volant n'a été que de lui faire
le bien qu'il fe refufoit ; mais que puis qu'il
eft fi fâché , qu'il va lui rendre fes trefors ;
ce que Timon refufe , & veut le quitter , lors
qu'un de ceux qui a flatté Arlequin avec le
plus d'excés , arrive avec une Lettre d'Afpafie ,
qui leur apprend qu'elle emporte les trefors
qu'Arlequin lui avoit confiés . Cette Scene fair
voir en peu de mots que qui eft capable de
louer les hommes dans la profperité , contre
ce qu'il doit à la verité , eft le plus dangereux
de leurs ennemis dans leurs malheurs.
Après le depart de ce flateur , Arlequin &
Timon reftent feuls , & font une Scene où l'on
peut dire fans exageration que l'Auteur a rendu
fenfible ce qu'il y a de plus caché dans le
coeur humain . Timon y jouït d'abord du defefpoir
d'Arlequin , à qui il fait fi bien connoître
I vj la
204 LE MERCURE
la mifere où il s'eft plongé , que ce pauvres
homme s'abandonne à toute fa douleur ; mais -
fon reffentiment retombe tout entier fur fon
Maître qu'il accufe de tous fes malheurs ;
ce trait réjouit d'abord Timon , mais Arlequin
s'emportant contre lui , développe fi bien dans
fes naïvetés & les injures qu'il lui dit , le faux
de la Milantropie & toutes les erreurs de Timon
, qu'il le force d'avouer qu'elles ont caufé
reciproquement tous leurs malheurs , & qu'il
cft feul coupable du vol qui lui a été fait ; il
en demande pardon à Arlequin , & Arlequin
Jui pardonne. On voit la verité fortir de ce
contrafte avec les graces naturelles , & triem,
pher de toutes les erreurs humaines ; & ce
riomphe et d'autant plus beau
qu'il ef
Simple & naturel , & fait l'un des plus grands
Coups de Theatre que l'on ait vu .
Dans le temps que ces deux infortunés font
determinés à retourner fur la montagne , Eu
charis touchée de l'état de Timon , vient lui
offrir la main & fa fortune , pour reparer fes
pertes : fon amour & fa generofité touchent
vivement Timon , mais ne pouvant fe pardon
per à lui - même , après avoir pardonné à tous
les hommes , il refufe les bontés de fon amante,
Jors que Mercure qui a dépouillé la forme
d'Afpafie arrive; il apprend à Timon qu'il a
été le mobile de tout ce qui eft arrivé. 11 lui
send fes trefors , auxquels il joint la poffeffion
d'Eucharis , à qui Timon donne la main .
La Piece finit par un Ballet , dans lequel
les verités viennent par l'ordre de Mercure
seprendre leur empire fur Timon.
L'Auteur n'a pris de Lucien que
l'idée de
Timons l'apostrophe qu'il lui falt faire à Jupiter
, la defcente de Mercure & du Dieu des
micheles fur la montagne , & quelques traits
de
DE JANVIER 1722. 204
de la Scene où les deux anciens amis de Timon
viennent le feliciter de fon bonheur ; la Meramorphofe
, tout ce qui en refulte ; le rôle de
Mercure , celui d'Eucharis , & le changement
de Timon , font de fon invention. Cette Piece
nous fait voir un nouveau genre de Comedie
qui a été inconnu aux anciens & aux modernes
, & qui ne reffemble à rien de ce qu'on a
vu jufqu'à prefent. Tout eft fimple , naïf , &
la Metamorphofe eft employée avec tant d'art ,
qu'elle fait fortir la verité toute nue du fein
de la nature , & le comique de la nature &
de la verité.
Cette Piece fut repreſentée à la Cour le
27 Janvier , avec un fort grand fuccès..

DESCRIPTION HISTORIQUE
Topographique , de quinze pieds de
long , dreffée pour l'ufage du ROY , dans
laquelle on voit tout ce qu'il y a de remarquable
dans tous les endroits qui ſe
trouvent fur la Route de l'INFANTE,
depuis la Frontiere d'Espagne jufqu'à
Paris.
Par M. l'Abbé DE VAYRAC.
' ECHANGE des deux Princeffe ayant
L'ECH NGFidesde la Conference , le ,
de ce mois , MADEMOISELLE DE MONTPENSIER
alla coucher à Tron , & l'INFANTE
à Saint Jean de- Luz.
SAINT-JEAN- DE-LUZ eft le plus grand &
le
206 LE MERCURE
, pour
le plus magnifique Bourg du Royaume. Il ef
fitué fur la petite Riviere d'Urdacuvy , qu'on
palle fur un beau Pont de bois , fe rendre
à Sibourg quieft un autre Bourg à peu près de
la même grandeur , fitué fur l'autre bord de la
Riviere. Audeffus de ce Pont on voit une petite
Ifle , que ces deux Bourgs fe font difputée pendant
longtems , mais qui a été declarée mitoyenne
: On a bâti un beau Couvent de Recolets
au milieu , qui n'eft ni de Saint - Jean- de-
Luz , ni de Sibourg.
Saint - Jean - de- Luz est tout bâti de belles
pierres de taille fort blanches ; fes maiſons font
belles , fes rues larges , droites , & longues. C'eft
là où le Mariage du feu Roy Louis XIV. avec
Dona Marie -Therefe . Infante d'Efpagne , fut fait
& confommé et 1660 .
Les Habitans de Saint-Jean de Luz & de Sibourg,
voyant que leur Rade étoit mauvaiſe ,
& qu'ils étoient obligez de faire hiverner leurs
Vaiffeaux dans les Ports d'Efpagne , pour les
mettre à l'abry des Vents , firent conſtruire un
Port à un quart de lieue de Sibourg , dans un endroit
qu'on appelle Socoa , entre deux Rochers
où les Vaiffeaux peuvent entrer , où ils font en
toute feureté , & pour les mettre à couvert des
infultes des Corfaires & des Ennemis , on y a
bâti un Fort gardé par une Garnifon qu'on tire
de celle de Bayonne. On tient que les Habitans
de Saint-Jean- de- Luz & de Sibourg font les meilleurs
Mariniers qu'il y ait fur tout l'Ocean Occidental
.
du
BAYONNE , où l'Infante coucha , Capitale
pays de Labour ou des Bafques , cft une Ville
d'une mediocre grandeur , mais une des plus importantes
de l'Etat à caufe de fon voisinage de
I'Efpagne , qui la rend une clef de France , &
de fon Port de Mer , dont le Commerce tire de
tres
1
DE JANVIER 1722. 207
tres - grands avantages. Elle eft fituée dans l'angle
que forme le confluent des Rivieres de l'Adour
& de la Nive . La premiere coule du côté
du Nord le long de fes murailles , & la feconde
la traverfe, & la partage en deux parties inégales
Avant que d'arriver à Bayonne du côté de la
France , on trouve le Fauxbourg du Saint - Efprit
, qui a plus de 600 pas de longueur , dont
prefque tous les Habitans font Juifs. Ils y ont
une Synagogue & un Rabin , & vont commercer
à Bayonne pendant le jour , mais il leur est défendu
d'y coucher fur peine de la vie. Quoiqu'ils
contribuent beaucoup aux avantages du
Commerce , ils font fi méprifez par les Bayonnois
qu'un enfant de quinze ans tutoye le plus vieux
Juif du Fauxbourg.
Pour aller à la Ville on paffe la Riviere de l'A
dour fur un fuperbe Pont de bois , dont on leve
la couverture de l'arcade dumilieu , pour faire
paffer les Navires fans abattre les mats. Au bout
de ce Pont on trouve une magnifique Porte baftionnée
, qu'on appelle la Porte de France , ou le
Reduit du Port Saint - Esprit . De là on va au Bourg,
lequel s'étend entre les deux Rivieres du côté du
Levant & du midy. Une grande rue le traverfe
de l'Occident à l'Orient . Du côté du Nord il eft
défendu par un gros Baftion qu'on a bâti fur
l'angle de la muraille qui regne fur le bord meridional
de l'Adour , du côté du Levant par un
Fort qu'on appelle Château neuf, flanqué de fix
groffes Tours , & du côté du Midi par le Reduic
de Sainte-Claire , au bout duquel on a bâti un
Baftion pour défendre la campagne & la defcente
de la Nive. On l'appelle le Baſtion Royal ,
& l'on tient que c'eft le plus grand qu'il y ait
en Europe. Dans ce Bourg font les Couvents des
Jacobins , des Capucins , des Cordeliers , de Religieufes
de la Vifitation , & le College de la
Ville
208 LE MERCURE
Ville , où l'on enfeigne les Humanítez feule .
ment. Pour aller du Bourg à la Ville , on paffe
la Nive fur quatre Ponts.
Au bout du premier Pont on trouve une pe
tite Place qu'on appelle la Place de Gramont ,
où les Marchands de la Ville s'aflemblent pour
y traiter des affaires de leut Commerce . Du
Pont on entre dans une rue qui conduit à une
autre , qui va à la Cathedrale . En entrant dans
cette rue on trouve une porte antique entre
deux groffes tours rondes , au deffus de laqueile
eft l'horloge de la Ville. Quand on eft au bout
on découvre la Place de Notre - Dame , qui environne
les deux tiers de l'Eglife Cathedrale.
Elle eft fpacieufe , mais fort irreguliere , étant
faite en forme de Poterne. C'eſt là où l'on tient
le Marché. De cette Place on entre dans la rue
Saint Antoine , qui conduit à une Porte du
même nom , laquelle comme la plus expofée
aux infultes des Eſpagnois , eft la mieux fortifée
de toutes. Depuis cette Porte en tirant vers
la Riviere , regne un Rempart bien terraffé &
très bien folloyé . Sur ce Rempart on trouve }
le Vieux Château , compofé de quatre groffes
Tours , avec un Pont - levis & de bons foffez.
Il deffend la Ville du côté de l'Occident , &
fert de logement au Gouverneur de la Place .
Prefentement il eft occupé par la Reine doüairiere
d'Espagne. En continuant à fuivre les
mémes Remparts ; on voit au confluent des
deux Rivieres une porte par laquelle on va au
Port , bien fortifié , de forte qu'on entre à
Bayonne par quatre portes . Outre toutes ces fortifications
en deçà de l'Adour , le Roy fit bâtir en
1680 fur une éminence qui eft vis -à-vis de la ville
une Citadelle de quatre gros Baſtions , accompa
gnez de plufieurs autres ouvrages très reguliers.
Il y a dans la Ville an Gouverneur (c'eſt le
to
Duc
DE JANVIER 1722. 209
Duc de Gramont ) un Etat Major , & un Com
mandant dans chaque Château & dans chaque
Reduit. Dans la Citadelle un Gouverneur & un
Etat Major.
Le Port s'étend depuis un gros quart de lieue
au deffous de la jonction des deux Rivieres ,
jufqu'à 400 pas audeffus du Pont Saint - Esprit
fur l'Adour & fur la Nive , jufqu'au Pont Mayon ,
tellement qu'on peut dire que la moitié de ce
Port eft renfermé dans le coeur de la Ville.
Quand les Vaiffeaux y font une fois , ils yfont
en fureté ; mais l'entrée & la fortie en font trésdifficiles
, à caufe de l'agitation de la Mer , &
des Bancs de fable , qu'on trouve fur la Barre.
Il y a un Evêché à Bayonne dont Saint Leon
fut fait Evêque dans le neuviéme fiècle , &
conferva le nom d'Evêché de Lapurdan jufqu'en
4150. auquel tems il prit celui de Bayonne des
mots de Baia & Ona , dont le premier veut dire
en Langue Bafque Baye , ou Port , & le fecond
Bon , c'eft à dire , Bonne Baye , ou Bon Port.
Autrefois il s'étendoit fuz toute la Province de
Guipufcoas mais du tems des guerres des Hu
guenots , les Rois d'Efpagne pour empêcher que
la contagion de l'Herefie ne fe répandit dans
deurs Etats , obtinrent du Pape Pie V. que les
Paroiffes qui étoient fous leur domination fuffent
foumifes provifionellement à l'Evêque de
Pampelune , fous la jurifdiction duquel elles ont
refté jusqu'à prefent , malgré les clameurs &
les reprefentations de celui de Bayonne ; de forte
que prefentement il ne s'étend que fur 72 Paroiffes
, dont 39 font dans le Pays de Labour ,
& 33 dans la Baffe Navarre.
Bayonne avoit autrefois des Seigneurs temporels
fous le nom de Vicomtes. Le premier dont
on ait connoiffance , étoit un nommé Forting
qui vivoit dans le onzième fiécle , & le dernier
fut
210 LE MERCURE
fut Guillaume Remond , après la mort duquel lè
Vicomté fut confondu avec le Duché de Guyenne
en 1205. & réuni à la Couronne de France en
1451 fous le Roy Charles VII.
SAINT VINCENT n'eft qu'un Village compofé
de 40 ou so maifons , où il y a un Relais
de Pofte.
DAX , Ville Epifcopale fort ancienne , que
quelques Auteurs appellent en Latin Civitas
Aquenfis , que quelques autres prennent pour
l'Aqua Augusta de Ptolemée , à caufe des Bains
d'eaux chaudes qu'on y voit , & que le même
Ptolemée confond avec fes anciens Habitans en
l'appellant Dafcios. Quoi qu'il en foit , elle étoit
fi confiderable du tems des Romains qu'elle
Occupoit le fecond rang parmi les fix Villes
de la troifiéme Aquitanique. Elle eft fituée dans
un Pays qu'on appelle Auribat , qui fait la troifiéme
partie de la Gascogne Particuliere , fur le
bord meridional de la Riviere de l'Adour , que
le Poëte Levain appelle Aturus Tarbellicus . Elle
eft bâtie dans un terrein uni & fertile. Sa fituation
eft avantageufe pour le Commerce , & le
voifinage de l'Espagne la rend importante pour
l'Etat. Sa forme eft prefque quarrée : fes rues
font larges , longues , droites , abordées de belles
maifons. Ses murailles font fortes & deffenduës
par un bon Château flanqué de plufieurs tours
rondes , au milieu duquel s'éleve un Donjon
muni d'une bonne artillerie. Dans le milieu de
la Ville paroît une Fontaine qui a quelque chofe
qui tient du prodige. Elle fort d'un gouffre
rond , qui a plus de trente pas de diamettre ,
dont les bords font relevez par une muraille
qui a quatre pieds de haut. L'eau en fort en
bouillonnant avec tant d'impetuofité , que ceux
qui en four proche en font étourdis. Elle exhale
d'épaiffes fumées qui obfcurciffent l'air , & eft
fi
DE JANVIER 1722. 231
chaude qu'on n'y fçauroit tenir la main un
inftant fans fe brûler. Elle a un goût de fouffre,
qui fait qu'on ne peut la mettre à aucun uſage.
A l'occident on paffe la Riviere fur un beau
Pont de Pierre , deffendu par une Tour. On a
faic fur les remparts une très belle promenade ,
où les Habitans de la Ville font à l'abri des
ardeurs du Soleil pendant l'Eté fous des ormeaux
qui forment des allées fort longues & fort larges.
Hors des murailles on trouve une Fontaine
d'eau faléc , & à un quart de lieuë de là , on
découvre un Antre , dans lequel il y a trois
Tombeaux qui fe rempliffent d'eau lorfque la
Lune eft dans fon plein , & qui fe vuident à
mefure qu'elle décroît.
Duchene dit dans fes Defcriptions des Villes
de France , que Dax s'appelloit autrefois la
Cité des Nobles , à caufe qu'avant la réduction
de la Guienne, elle étoit gouvernée par douze
Gentilshommes du Pays , qui y avoient chacun
une Tour , enrichie des Armes & des Titres
de leurs Maiſons.
L'Evêché de Dax eft fort ancien. On prétend
que Vincent de Saintes en fut le premier Eveque
, & qu'il fut martirifé dans un endroit de
la Ville qu'on appelle encore le Puits de Saintes.
Un nommé Carterius lui fucceda , & aſſiſta en
541. au 4e Concile d'Orleans , Gregoire de Tours
s'eft trompé en affurant que cet Evêché étoit
fuffragant de la Metropole de Bordeaux , puisque
tous ceux qui ont traité du Gouvernement
Ecclefiaftique du Royaume , le font fuffragant
de celle d'Auch depuis fa fondation , fans que
jamais les Archevêques de Bordeaux ayent difputé
la Jurifdiction Metropolitaine Son Eglife
eft dediée à Notre- Dame , dont le Chapitre eft
composé de dix Chanoines, fans aucune Dignité.
Le Diocéfe s'étend fur quatre Abbayes & fur
243
212 LE MERCURE
243 Paroiffes diftribuées en 18 Archiprêttez
Parmi ces Paroifles il y en a 66 dans la Baffe
Navarre , & les autres font du Gouvernement
de Guienne.
>
Gregoire de Tours dit que fous la premiere
Race de nos Rois Dax avoit des Seigneurs
fous le nom de Comtes , & fait mention d'un
nommé Nicet. Sous la troifiéme , cette Ville eut
des Vicomes fucceffifs qui fubfifterent jufqu'au
treiziéme fiécle , que le Vicomté pafla dans la
Maiſon des Vicomtes de Tartas par le mariage
de Navarre , fille unique de Pierre dernier
Vicomte de Dax , avec Remond Guillaume Vicomte
de Tartas , dont le dernier defcendant
appellé Armand Remond , vendit les Vicomteg
de Tartas & de Dax à Amanicu d'Albret fon
beau pere , lefquels furent incorporez à la
Couronne de France lorfque Henri IV defcendant
d'Amanieu d'Albret par fa mere en prit pof- -
feffion.
PONTON eft un Bourg qui peut contenir
environ 150 Maifons , & qui n'a rien qui merite
d'être décrit .
TARTAS appellé Tartafium en Latin , eft
une Ville du Duché d'Albret , fituée au bord
feptentrional de la Riviere de Midonze fur le
penchant d'une montagne en forme d'amphi
theatre , dont le haut eft deffendu par un grand
Château à demi ruiné. On palle la Riviere fur
un Pont de Pierre , au delà duquel on trouve
une promenade que forment de belles allées
d'ormeaux le long de la Midouze. Plus avant
on voit un vaſte Pays plein de bois , de landes
& de bruyeres & fort fabloneux. On prétend
que cette Ville ait pris fon nom des anciens
Terufates. Elle eft un des plus anciens Vicomtez
de la Gascogne , puifqu'il paroît par l'Hif
toire qu'un nommé Rex Tortus en étoit Vicomte
DE JANVIER 1722. 213
1
comte dans le dixiéme fiécle , dont un defcendant
nommé Pierre , vendit le Vicomté à
Amanien d'Albret , comme il a été dit à l'article
de Dax . La Ville de Tartas eft honorée d'une
Senechauffée , dont le Duc de Bouillon nomme
les Officiers , en vertu du Traité qui fut fait ,
entre le Roy Louis XIII . à fon grand pere ,
par lequel ce Monarque lui ceda le Duché
d'Albret pour partie du payement de la Principauté
de Sedan. La Ville ne contient qu'environ
200. maiſons. Il y a un Couvent de Re--
colets .
Nous donnerons le mois prochain la
fuite de la defcription hiftorique des
lieux fituex fur la route de l'INFANTE,
quelques autres Pieces qui n'ont pas
pu trouver place dans ce Livre , quifa
tisferont les Antiquaires , les Gens de
Lettres les amateurs de la Peinture.
Nous parlerons d'un homme âgé de 58
ans , atteint d'une hydropifie extraordi
naire , à qui Mr Anel Chirurgien a fair
une opération finguliere , en lui tirant da
Ventre environ 14 pintes de matiere
d'une confiftance de gelée , parmi laquelle
il s'eft trouvé plus de 8000 glandes
globuleuses ou efpeces d'oeufs , &c. Nous
pourrons même donner la repreſentation
en Eftampe de ces corps.
APPROBATION.

APPROBATION.
'AY lû par ordre de Monfeigneur le Chancelier
Le Mercure pour le mois de Janvier , &.
j'ay crû qu'on pouvoit en permettre l'impreffion.
A Paris le 7 Fevrier 1722.0
HARDIO N.
TABLE.
Uite de la Relation de la cavalcade du Pape ,
Stricte
page 4
& C.
Lettre
de M. de Beaumont
fur
la Grammaire
, 24
Memoire
fur
l'Eglife
de faint
Martin
de Tours
,
dont
le Roy
eft
Abbé
.
27
Fête donnée par M. l'Abbé Gervaile , fon
Hiftoire de Boëce , & c. 3x
Lettre de M. Farcy Maître Chirurgien à la
Fleche , au fujet d'une playe de tête.
Poëfies , Etrennes au Roy.
33
3
Etrennes à Mademoiſelle de S. D. & à Madame
D.
A Monfieur
Le Solitaire & la Fortune , Fable.
43
45.
46
Traduction de l'Epigramme Latine au Cardinal
Pereira.
47
Enigmes,
49
Chanfon.
SI
Differtation fur les Triremes , & c. . 522
Remedes contre la Pefte , par M. Helvetius . ss
L'Arithmetique par Tarif , de M. de Mirabeau.
62
Voyages de Corneille le Brun , foufcription . (63
Livres Etrangers , & c,
Academie de Lisbonne.
Medailles du Roy. "
Nouvelle Tragedie d'Oedipe ,.
Balet des Elemens , &c.
65
68
74
75
$80
La Tragedie de Romulus .
+
(96
L'Opera , &c .
107
La Comedie Italienne . Le Pere de bonne
foy .
ibid.
Nouvelles Etrangeres. Relation de Conftantinople
, où il eft parlé de l'arrivée de l'Ambaffadeur
Mehemet Effendi , du Marquis de
Bonnac , & des Officiers de Marine qui ont
conduit l'Ambaffadeur de la Porte.
Morts & Mariages.
110
146
Journal de Paris. Fête donnée par le Prince
Dolhorouki ; Boeuf rôty , & Infcriptions ,
150
158
& c.
Lettre écrite à Madame la Nourrice du Roy ,
& Route de la Princeffe d'Orleans.
Fête donnée par M. le Comte de Charolois . 171
Lettre du Roy au Pape,
Relation de l'échange de l'Infante & de la
Princefle d'Orleans.
372
175
Promotion dans la Marine &les Colonies. 185
Edits , Arreſts , Declarations. 194
Addition. Extrait de la Comedie de Timon. 199
Suite de la Defcription hiftorique des lieux
fituez fur la Route de l'Infante.
205
P
Errata du mois de Novembre .
Age 26 ligne 15 & main , life & fa main .
Page 56 ligne 6 triple , lifez double.
Page 124 lig. 2 Bidaſtoa , lifez Bidaffoa.
Ligne même page , idem.
Page 134 lig. 14. quadres , lifez tableaux .
Page 209. lig. 13. on déterre , lifez on en
déterre.
La Chanfon doit regarder la page jk
La Planche des Medailles du Roy doit regarder
la page 74.
LE
MERCURE
DE
FEVRIER
1722 .
QVÆ
QUE
COLLIGIT
A
PARIS ,
SPARGIT.
>
Chez
GUILLAUME
CAVELIER au Palais.
GUILLAUME
CAVELIER , Fils , ruë
S. Jacques , à la Fleur-de- Lys d'Or.
ANDRE
CAILLEAU , à l'Image Saint
André , Place de Sorbonne.
NOEL PISSOT , Quay des Auguftins, à la
defcente du Pont-Neut ,à la Croix d'Or ,
M DCC. XXII.
Avec
Approbation & Privilege du Roy.

L
A VIS.
ADRESSE generale pour
toutes chofes eft à M.Moreau ,
Commis au Mercure , chez M.
le Commiffaire le Comte , visà
- vis la Comedie Françoiſe à Paris.
Ceux qui pour leur commodité voudront
remettre leurs Paquets cachetez aux
Libraires qui vendent le Mercure à
Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très - inflamment quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la
Pofte , d'avoir foin d'en affranchir le
Port , comme cela s'eft toujours pratiqué
, afin d'épargner , à nous le déplaifir
de les rebuter, & à ceux qui les
envoyent celui , non feulement de ne
pas voir paroître leurs ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas
gardé de copie.
LISTE DES LIBRAIRES QUI DEBITENT
le Mercure dans les Provinces , &c.
Lyon , chez Plaignard , Libraire.
Montpellier , chez lesfreres Faures.
A ij
Toulouse , che la Veuve Tene.
Bayonne , chez Etienne Labottiere.
Bordeaux , chez la veuve Labottiere , &
Charles Labottiere,
Renses , chez Vattar.
Nantes , chez Julien Maillard,
Saint Malo , chez la Mare.
Poitiers , chez Faucon .
Xaintes , chez Delpech.
Blois , chez Maffon .
Orleans , chez Rouzeau.
La Rochelle , chez Desbordes,
Angers , chez Fourreau.
Tours , chez Gripon.
Caen , chez Cavelier.
Rouen , chez P. le Boucher,
Le Mans , chez Pequineau.
Chartres , chez Feltil.
Châlons , chez Seneufe.
Troye , chez Bouillerör.
Rheims , chez Godard .
Beauvais , chez le Courtois..
Abbeville , chez Dumefnil.
Soiffons , chez Courtois.
Amiens , chez le François , & chez Godard.
Sedan , chez Renaud,
: Metz , chez Colignon .
Strasbourg , chez Doulfeker,
Lille , chez Danel .
Bruxelles , chez Tferftevens
Anvers , chez Verduffen .
La Haye , chez Rogillard.
Londres , chez du Noyer.
Le prix eft 30 fols.
De l'Imprimerie de C, L. THIBOUST
Place de Cambray.
Le
LE
MERCURE
DE
FEVRIER 1722 .
PIECES FUGITIVES
en Vers en Profe.
ODE SUR L'INCONSTANCE
de l'homme :
A M. L'EPICIE , Par M ***
MOUR ne touché plus ma
lire,
Mon coeur refifte à tes accords ,
Loin de moi, prophane delire +
Raifon feconde mes tranfports.
Je dépeins cet homme rebelle ,
Qu'une inconftance criminelle
Promene d'erreur en erreur ,
Déments fa vanité credule ,
Et luy fais voir le ridicule
Des biens dont il fait fon bonheur.
A.iij
Mais
LE MERCURE
Mais quel foufle divin m'enflame',
D'où naît ce fecret mouvement
Que d'illufions dans mon ame
Se diffipent en ce moment ;
Je vois , la cruauté farouche ,
La fourberie , au regard louche ,
A travers leur voile odieux ,
Voile qui les fait méconnoître ,
Et qui n'offre à nos yeux le traître ,
Que fous les traits du vertueux.
En quoi differe de la brutte ,
L'homme , que la raifon conduit ,
S'il fe trouve fans ceffe en butte
Au vertige qui le féduit ;
Vil efclave de l'inconftance ,
En vain fe fait - il reſiſtance ;*
Tous les efforts font impuiffants ,
De la vertu , comme du crime,
Il eft , tour à tour la victime,
Selon le caprice des fens.
Où font ces temps que l'innocence
Regnoit à la place des Loix ,
Où Themis étant fans balance ,
Ignoroit le Code , & fes Droits ,
La Candeur croiffoit avec l'âge ,
Chacun content de fon partage
Vivoit
DE FEVRIER 1722 .
´
Vivoit fans crainte , & fans defirs ;
Les Parjures , les Adulteres ,
Etoient des crimes pour nos peres ,
Nos moeurs en ont fait des plaifirs,
1
Ce temps n'eft plus , l'homme indocile
Ne fe meut qu'au gré de fes fens ,
Auffi coupable que fragile ,
Frefle Vaiffeau battu des vents ,
Vous paroît- il dans l'athéifine ,
Faifant gloire de fon fophifme,
Attendés le declin du jour ,
Preffé d'une fiévre brûlante ,
Sa vanité foible & mourante,
Malgré lui l'entraîne au retour.
Telle eft une glace infenfible
Sujette à mille impreſſions ,
Chaque objet la rend fufceptible
De differentes paffions :
De l'infenfé , comme du fage,
Elle fçait nous tracer l'image
Sans volonté ni fentiment ,
Libre en fa muette peinture ,
Chaque portrait , chaque figure:
tes voeux & tes plaintes
Se détruit fucceffivement.
Infenfé
Se contredifent tour à tour ,
A iiij
BienLE
MERCURE
Bien tôt le fujet de tes craintes
Devient celui de ton amour ;
Efclave d'une fauffe gloire
Tu demandes que la victoire
Eternife ta vanité , ·
Mais prompt à changer de foibleffe
Tu vas condamner cette yvreffe
Dans les bras de la volupté.
A tort vous caufez nos allarmes
Fortune , Amour , Ambition ,
Si l'Inconftance ôte les charmes ,
Que prête chaque affection :
On fe rebute de fa chaîne ,
Ce que l'on peut goûter fans peine ,
Ceffe de flater nos defirs ;
L'homme fuit un frein legitime ,
Ce n'eft qu'en variant le crimej
Qu'il peut fe faire des plaifirs.
Mais quoi changeant dans fa creance
Chacun veut commenter la Loi ,
Funefte fruit de la fcience ,
Qui raifonne , n'a plus de Foy ;
Sçavants ? qu'aurez - vous à répondre ,
Votre Dieu fçaura vous confondre ,
Oferez vous l'interroger ?
Renoncez plutôt à cet Etre ,
II
DE FEVRIER 1722.
I vaudroit mieux n'en point connoître ,
Que d'en croire un , & l'outrager.
Ainfi , foit raifon , foit caprice ,
Le coeur fans ceffe eft combattu ,
La vertu fuit de près le vice ,
Le vice de près la vertu ,
Telle une maifon chancelante ,
Qu'on voit fur l'arêne mouvante
Livrée aux coups des Aquilons ,
A l'orage toujours en butte ,
Le moindre torrent par fa chutte
Peut l'entraîner dans les vallons.
Mais malgré ce penchant funefte
Qui nous mene à de faux objets ,
Toujours quelque rayon celefte
Nous porte
Sorti de l'effence
fuprême
,
Honneur
, volupté
, diadême
,
Laffent un coeur ambitieux
,
Créé pour un bonheur
folide ,
Les vanités
laiffent
un vuide
Qui le fait afpirer
aux Cieux.
à de plus hauts projets ,
Détruis , grand Dieu , ce gout coupable
Qui regne , qui domine en nous ,
Que toujours ta main fecourable
Prévienne ton jufte couroux.
A▾ Privé
10 MERCURE LE
Privé de tes dons falutaires ,
Salomon n'eft plus que miferes ,
Lâche artifan de fon malheur ,
Et méprifant cet heureux guide ,
David adultere , homicide ,
Se livre au comble de l'horreur.
Que l'envie aux regards avides ,
Contre moi décoche fes traits ;
Que la fortune aux dons perfides ,
M'arrache à jamais fes bienfaits :
Je feray le foible Lierre ,
Qui brave les vents , le tonnerre ,
A l'abry du folide ormeau :
Ouy, Seigneur , plein de confiance
J'implorerai ton affiftance
Dans l'horreur même du tombeau.
O toy dont l'amitié conſtante ,
Eft à l'épreuve des revers,
Souffre que ma Mufe naiffante
Te confacre aujourd'huy ces Vers ,
Au Port , comme dans la tempête ,
Toujours égal , rien ne t'arrête ,
La fagefle fait ton bonheur :
Heureux de trouver dans un frere,
Ce qui combat le caractere
Dont je viens de tracer l'erreur.
SUITE
DE FE VRIER 4722 11
SUITE DE L'EXPLICATION
Hiftorique & Topographique des lieux
fituezfurla Route de L'INFANTE .
L
E. MONT DE MARSAN eft une Ville
fituée au confluant des Rivieres de la
Douze & du Midou. On l'appelle Mont de
Marfan , à caufe qu'elle eft bâtie en partie fur
une éminence , & qu'elle eft Chef lieu d'un Vicomté
connu depuis plufieurs fieeles fous le nomi
de Marfan , dont le premier Vicomte étoit un
nommé Pierre , qui vivoit l'an 1140. Son file
unique , nommé Candale , ne laiffa qu'une fille,
qui porta le Vicomté dans la Maifon de Com
minges , d'où il paffa dans celle de Foix , enfuite
dans celle de Cerdaigne , puis dans celle
de Montfort , de aquelle il fortit pour entrer
dans celle de Cognac , & peu de temps après il
retomba dans celle de Foix , d'où il paffa dans
celle de Navarre , par le mariage que Gafton IV.
Comte de Foix , contracta avec Eleonore Reine
de Navarre en 1425 , de laquelle il eut une fille
appellée Catherine de Foix Reine de Navarre
qui fut mariée en 1484 avec Jean II . du nom
Sire d'Albret , dont la pofterité ayant manqué ,
le Roy Henry IV. fucceda à tous leurs biens
& par là le Vicomté de Marfan fut incorporé à
la Couronne de France .
Le Mont de Marfan fut bâti en 1441 par le
Vicomte Pierre dont on vient de parler. A l'entrée
de la Ville on voit un vieux Château deffendu
par plufieurs tours quarrées. Plus avant fe prefente
une belle Place où l'on tient le Marché
deux fois la fenaine , La Riviere de Midon par-
A vi tage
12
LE
MERCURE
tage la Ville en deux parties prefque égales ,
dont la communication fe fait par un beau pont
de pierre. Non loin de ce Pont , du côté du
Midi , on trouve une très belle fontaine , dont
l'eau fort d'un baffin de pierre que le Fondateur
de la Ville fit faire la même année qu'il ch
jetta les fondemens. La Maifon de Lorraine de
la Branche d'Armagnac , poffede aujourd'huy
cette Terre à titre de Comté , dont le Pere du
Prince de Pons portoit le nom. Il eſt composé
de 31 Parroiffes , & de 66 Hameaux , qu'on
appelle Bastilles ou Baftides.
II. y a au Mont de Marfan un College de Bar
nabites , un Gouvent de Cordeliers . & un
Monaftere de Religieufes de Sainte Claire , que
le Roy François I , dotta richement lors qu'il y
paffa avec la Reine Eleonore fa feconde femme.
Catherine de Foix Reine de Navarre , y mourut
le 12 Fevrier 1517. Il y a un Senéchal qu'on
appelle le Senéchal des Lanes , dont les Sentences
vont par appel au Prefidial de Dax:
ROQUEFORT eft une petite Ville fituée fur
le penchant d'une colline enclavée entre les
deux petites Rivieres d'Eftapon & de la Douze,
ayant la premiere au Nord , & la feconde au
Midi ; l'une & l'autre ont un Pont de pierre.
On prétend que la Maifon de Mefmes eft originaire
de cette Ville , & que les Ancêtres du
Premier Preſident de Paris en ont été Seigneurs.
Elle ne contient qu'environ zoo familles , &
l'on n'en peut rien dire , fi ce n'eft qu'on y fait
fort bonne chere , & qu'entre autres chofes on
y mange quantité d'ortolans.
CAPTIEUX eft un Bourg fitué dans un pays
fablonneux , couvert de pins fauvages & de
bruyeres à l'entrée des Petites Landes. On les
appelle Petites , pour les diftinguer des Grandes,
Landes, qui font à l'Occident de la Guyenne ,
fur
DE FEVRIER 1722
Far la côte de l'Ocean de Gascogne . Cette diftinction
de nom, vient de ce que les Landes dont
nous parlons , ne font ni fi longues, ni fi larges ,
ni fi convertes de pins , ni méme fi fauvages
que les Grandes , d'autant que dans les petites
on trouve de diftance en diftance des Bourgs
confiderables & de petites Villes , au lieu que
dans les Grandes on n'y voit que de méchants
Hameaux. Caprieux ne contient que 176 feux
& un Couvent de Cordeliers.
:
la*
BAZAS , Ville Epifcopale , ancienne & capitale
d'un petit pays appellé Bazadois , habité
autrefois par les anciens Vafates , c'est pourquoi
elle s'appelloit en Latin Coffio Vafatarum , out
Vafatum ; mais depuis plufieurs fiecles le nom
de Coffto a difparu , & celui de Civitas Vafatenfus
a été mis en ufage. Elle eft fituée à une
lieue du bord Meridional de la Garonne , fur un
rocher dont le pied eft arrofé d'un côté par
petite Riviere de Boure , & des autres côtez il
eft environné d'un pays fec , aride , fablonneux ,
couvert de bruyeres & de broffailles ; c'eft ce
que Paulin exprime fi bien en écrivant à fon
ncle Aufone , lors qu'il dit , Conful arenofas
non dedignare Vafatas. Sidoine Apollinaire raille
encore plus agréablement fur la fituation de
cette Ville , en difant qu'elle n'eft pas fituée fur
des gazons de terre , mais fur une pouffiere mouvante
, que le vent agite & fait voltiger en l'air
au travers d'un pays inculte & defert : Civitas
Vafatum non cefpiti impofita , fed pulveri tan
tùm fyrticius ager , ac vagum folum volatiles
ventis alternantibus arena fibi poffident . Cependant
malgré une fituation fi peu avantageufe ,
Aufone & Paulin font gloire d'en tirer leur origine
, & en parlent comme d'une Ville impor
sante , auffi bien que Gregoire de Tours , &
tous les anciens Hiftoriens , à la referve de
Ptolemée,
14 LE MERCURE
#
Prolemée , qui femble ne l'avoir jamais, affés
bien connue pour en faire une defcription exacte.
Scaliger , Merula , & le Pere Monet , fe font
trompez en parlant du Bazadois , car s'il eft
vrai , comme le docte Mr de Marca , Sanfon
& plufieurs autres fçavans Geographes l'affu
rent , que les anciens Vafates fuffent enclavez
entre les Nitiobriges & les Bituriges Vibifciens ,
il faut de toute neceflité qu'ils fuffent les mêmes
que les Confates dont Cefar & Pline font mention
, & qui au rapport d'Amien Marcellin ( quí
avoit une connoiffance exacte de toute l'Aqui
taine) occupoient cette partie de la Novempopulanie
qui eft fituée vers les bords de la Garonne
fous le nom de Vafates , & dont la Ville
capitale étoit reputée pour la fixiéme de celles
qui compofoient la troifiéme Aquitanique , dont
Auch étoit la Metropole , Novempopulos Auſci
commendant& Vafatos.
L'Evêché de Bazas eft fuffragant d'Auch , &
eft fort ancien , car l'Hiftoire Ecclefiaftique
nous apprend que Sextiltus fon premier Evêque ,
affifta en 506 an Concile d'Agde , & en 11 au
premier qui fut tenu à Orleans Son Diocéfe
s'étend fur 234 Paroiffes & fur 37 Annexes.
Son Chapitre eft compofé de quatre Dignitez
& de douze Chanoines . On compte Bazas
299 feux , une Prevôté , une Senechauffée , un
Prefidial, & une JusticeRoyale non reffortiflantes
?
à
LANGON eft une petite Ville fituée fur
un côteau , dont le pied eft arrofé par le bord
meridional de la Garenae. Elle a au Nord un
des plus agreables Pays de toute la Guienne ;
appellé la Benauge ; au Levant , au Midy & à
l'Occident elle eft environnée de vignobles fer
tiles en vins blancs excellens , & de quelques
terres labourablés. La Ville ne renferme que
300 feux , un Couvent de Capucins 88 -un-aw•
LIC
DE FEVRIER 1722
F

tre de Religieufes Urfelines.
CASTRES eſt un Bourg fitué à une licuë
du bord Occidental de la Garonne dans un pays
marécageux & aquatique.
BORDEAUX, Capitale de la Province.
de Guienne , & non pas de la Gascogne , comme
la pomme trés- improprement l'Auteur de la Def .
cription de la France , eft une des plus belles ,
des plus anciennes & des plus celebres Villes
du Royaume. Du tems des Romains elle avoit
un fi grand avantage fur toutes celles de la
feconde Aquitanique , qu'elle cue l'honneur d'en
être la Metropolitaine.
Il y a long tems que les Sçavans difputent
fur la fondation & fur l'étymologie de fon nom,
Les uns pretendent que les Habitans de Bourges
en jetterent les fondemens , à caufe que les an- ,
ciens Hiftoriens appellent Bituriges les Borde-
Lois , auffi- bien que les Habitans du Berry , &
comme ces Peuples font feparez les uns des
autres par de groffes Rivieres , & par de grandes
Provinces les Geographes & les Hiftoriens ..
tant Grecs que Latins , ont été obligés de leur
donner divers noms pour ne les pas confondre ,
appellant ceux qui font vers la Loire & dans le
Berry Bituriges Cubi , & ceux qui habitent les
bords de la Garonne , Bituriges Jofci , felon Strabon
, Bituriges bifci felon Pline , Bituriges Vibifci ,
felon Ptolemée , & Bituriges Vivifci felon Aufone
, lequel affure avoir pris naiffance parmi
la Nation appellée vivifque , comme il paroît
par ce Vers ,
Hae ego Vivifea ducens ab origine gentem.
Ce qui eft autorisé par des Pierres antiques qui
ont été trouvées dans les ruines d'un édifice , qu'on
conferve precieufeme nt dans la Maifon deVille,
fur l'une defquelles on lit- cctte inſcription,Augu
fto
16 LE MERCURE
ftofacrum à genio Civitatis Biturigum Vivifcorum.
A l'égard de l'époque de fa fondation , perfonne
ne l'a pu marquer jufqu'à prefent , fi ce
n'eft quelques Auteurs chimeriques , qui ont
crû l'avoir trouvée à la faveur de quelque combinaiſon
de faits hiftoriques , qui ne difent rien
de pofitif, & aufquels on ne doit ajoûter aucune
croyance. Tout ce qu'on peut dire de plus
certain , c'eft quet felon toutes les apparences ,
elle eft plus ancienne que le nom de la Province
dans laquelle elle eft fituée , d'autant qu'elle
tire fon nom du mot Aquita , qui eft le nom
que les anciens Geographes donnent à Bordeaux,
étant conftant que celui de Burdegala ne lui
fut donné que fort long- tems après , fans qu'on
Fuiffe dire pofitivement d'où vient l'étymologie
de ce dernier nom . Car les uns pretendent qu'il
vient du mot Grec Bygdiyaλa qu'on trouve dans
Strabon , lequel felon eux, exprime d'une maniere
fenfible , la fituation de la Ville de Bordeaux.`
D'autres foutiennent qu'il vient du mot Latin
Burdeacum , qu'on lit dans les Antiquités de l'Eglife
d'Angleterre d'autres croyent que Bor
deaux eft ainfi appellé à cauſe qu'il eft bâti fur
le bord de la Garonne , & qu'il eft environné
d'eaux d'autres enfin croyent avoir rencontré
jufte, en difant que c'est parce qu'il eft renfermé
entre deux Ruiffeaux , dont l'un s'apelle Bourde,
& l'autre Yala ; mais après tout , ce ne font
que de foibles conjectures , fur lesquelles on ne
peut faire aucun fonds , & qu'on livre à la dife
pute des Etymologiftes , pendant que nous trai I
terons des beautez de la Ville Bordeaux.
Bordeaux a toutes les qualitez qu'Ariftore
demande dans fes Politiques pour rendre une
Ville recommandable : c'eft- à- dire , que du côté
du Midi & de l'Occident elle eft bâtie fur un ,
Brain uni & fextile , & que du côté de l'O -1
Liene
DE FEVRIER 1722. 17
rient & du Nord elle a la Riviere de Ga
ronne , qui deux fois le jour baigne fes mu
railles , & lui porte le tribut de toutes les Nations
de l'Univers par le moyen d'un Port , qui
à tous égards peut être regardé comme un des
plus vaftes , des plus beaux , des plus commodes
& des plus fûrs de l'Europe. Il a une grande
lieae de longueur fur prés de demi - lieuë de
largeur , fa figure eft femblable à un Croiflant ,
& c'eft peut- être pour cela qu'on l'appelle Port
de la Lune , Portus Luna. Mais le docte Fonteneil
dans fon Hiftoire des Mouvemens arrivez à Bordeaux
pendant la Minorité du feu Roy Louis
XIV , refute vivement cette opinion , & pretend
que ce nom lui a été donné à caufe de la conformité
qui fe rencontre entre le flor de la
Garonne , & le cours de la Lune fur l'an &
fur l'autre horifon. Car , dit il , la Lune venant
à s'approcher de fon lever , le flux commence
à monter & continue cinq heures , dont le plus
haut flot qu'on appelle Pleine- Mer , finit au
point que la Lune s'approche , ou qu'elle paffe
le Midi pour s'incliner vers le Couchant , dont
le reflux fuit la courfe pour defcendre durant
fept heures , & pendant que la Lune parcourt
la ligne de minuit , le flux reprend fon cours ,
afin que defcendant aprés , jufqu'à ce qu'elle
s'approche de fon fecond lever , le flot fe trouve
en état de reprendre fon montant : & comme
la Lune retarde chaque jour d'environ trois
quarts d'heure à fe lever fur nous le flux
fuit conftamment le même retardement , fi bien ,
que dans les mêmes vingt quatre heures que
la Lune employe pour monter fur nous defcendre
fous nous & revenir à nous , le Aux &
le reflux de cette Riviere monte & defcend deux
fois pendant un tems égal ; & c'est pour cette
xaifon que le Port de Bordeaux s'apelle le Port
"
de
18
LE
MERCURE
de la Lune , comme il paroît fimboliquement
par les Armes de la Ville , qui font un Croiffant
, la Riviere de Garonne , la Maifon de Ville
& le Leopard de Guienne au chef de France.
Il pourroit bien être que ce nom lui a été donné
à caufe que durant les tenebres du Paganifme
la Lune y étoit adotée comme une Divinité
& dont le culte fuperftitieux avoit jetté de fi
profondes racines dans tout le voisinage de Bor-.
deaux , qu'il n'y a pas foixante & dix ans qu'on
faifoit à Bazas , qui n'en eft éloigné que de
neuf lieues , des Courfes de Taureaux , dans
lefquelles celui qui étoit le Chef de ceux qui
entroient en lice avec ces animaux , étoit appellé
le Prince de la Lune : marque certaine que
c'étoit un refte des anciens Jeux ou Courſes
que les Payens faifoient à l'honneur de la Lune
& des Divinitez Nocturnes & Infernales , que
la pieté des Evêques & du Parlement ont enfin
entierement détruit.
Quoi qu'il en fait , le bout de ce Croiffant
du côté du Nord,s'étend un gros quart de lieue
au deffus du Fauxbourg des Chartrons , dont
nous parlerons bientôt , & celui qui eft du côté
du Midi termine la Ville , dont les murailles du
centre font arrofées par les eaux que ce Croiffant
renferme dans fon fein ; de forte que lors
qu'on l'apperçoit à une lieuë de diftance , il
femble que c'eft une Ville flotante. Entre le bout
feptentrional & le milieu du Croiffant , s'éleve
le Fauxbourg des Chartrens dont on vient de
parler , qui eft fans contredit un des plus grands
& des plus magnifiques qu'on puiffe voir. Il a
plus d'un quart de lieuë de longueur , bâti de
très belles pierres de taille. Toutes fes maifons
pourroient paffer à Paris pour de beaux Hôtels.
C'est là où habitent quantité de riches Bourgeois
, & une/infinité de gros Negocians étran
gers ,
DE FEVRIER 1722. 19.
gers , & ou font les Magazins des Vins & des.
Baux de-Vie , qui font la partie la plus effentielle
du Commerce de Guyenne . Entre les Maiſons &
le bord de la Riviere ,on a pratiqué un fuperbe
Quay qui a plus de so pas de largeur , dont
la moitié eft payée de larges pierres quarrées , &
feparée du refte par des bornes , pour empêcher.
que les carroffes n'y entrent , & l'autre moitié
forme un cours fablé , où l'on voit continuellement
une multitude , prodigieufe de monde ,
dont les uns s'y promenent en carroffe ou à pied,
& les autres y traitent des affaires de leur Commerce.
Entre ce Fauxbourg & la Ville , eft le
Château Trompette , dont le glacis fert de
Pallage pour continuer à marcher le long du
Quay qui s'étend jufqu'à l'extremité Meridionale
de Bordeaux , où fe termine le Port . La Ville
eft environnée de bonnes mnrailles , flanquées :
de plufieurs tours , foffoyées en dehors , & terraffées
en dedans , à l'exception de celles qui
regnent fur le Port , fur lefquelles on a bâti des
maifons . On y entre par douze portes , auxquel-,
les les principales rues vont aboutir. On remar
que en divers endroits des édifices anciens &
modernes , dignes de l'attention des connoiffeurs..
Le plus ancien de tous eft le Palais Galliane...
C'eſt un vafte bâtiment ovale , dont le par-.
terre eft renfermé à droit & à gauche
par douze
murailles , diftinguées par deux pas d'intervalle
les unes des autres, Celles du dehors font les
plus élevées & les plus épaifles , & à mefare,
qu'elles approchent du parterre , elles s'abaif- .
fent & s'affoibliffent , ce qui fait conjecturer
que c'étoient autant de galleries , ou de loges,
d'où les fpectateurs pouvoient voir commodément
les jeux & les combats des Gladiateurs ,
qui fe faifoient au milieu. Il eft ouvert par
douze petites portes; fçavoir , fix du côté de
l'Orient,
10 LE MERCURE
F'Orient , & autant du côté de l'Occident.”
A compter la longueur par la diftance qu'il y a
des unes aux autres , on y trouve 370 pieds , &
pour la largeur 230,fans compter que par les fondemens
qu'on découvre encore dans les vignes
voifines , il eft croyable qu'il portoit fa longueur
& fa largeur beaucoup plus loin.
Quelques Hiftorieus pretendent que Pompée
le fit bâtir ; d'autres croyent que les habitans
de la Ville ou de la Province le firent élever à
l'honneur de ce grand homme , pendant qu'il
y fejourna dans le temps qu'il faifoit la guerre
à Sertorius. Mais M. l'Abbé de Vayrac trouve
ces deux opinions fi mal fondées , qu'il les rejette
abfolument , parce , dit- il , que Pompée fit
fort peu de conquêtes dans l'Aquitaine , où il
ne fit , pour ainfi dire , que paffer pour porter
fes armes dans les Pyrenées , & que d'ailleurs
Bordeaux, ni le refte de la Province , ne furent
jamais entierement foumis aux Romains , que
fous l'Empire d'Augufte . Il tient pour une fable
celle de quelques Hiftoriens Efpagnols , qui
ont avancé que Charlemagne ayant été exilé en
Efpagne par Pepin fon Pere , fut fi reconnoiffant
des honnêtez dont le combla une prétendue Princeffe
nommée Gallienne , qu'il érigea cet édifice
à fa gloire ; car , dit il , jamais aucun Hiſtorien
François n'a dit que ce Prince ait été exilé em
Efpagne par fon pere , fans compter que la forme
de ce fuperbe bâtiment eſt toute Romaine ,
& incomparablement plus ancienne quele fiecle
auquel vivoit Charlemagne . Enfuite i propofe
la fienne , & croit que les Bordelos voulant
témoigner quelque fentiment d'affection pour
F'Empereur Gallien , qui occupoit l'Empire de
Rome l'an 257 de Notre Seigneur &
auquel la Province d'Aquitaine étoit parfaitement
foumife , firent conftruire ce Palais à fon
honneur ,
>
DE FEVRIER 1722. 21
honneur , & lui donnerent fon nom ,
qu'il porte
encore. A cinq cens pas de là on voyoit un autre
édifice incomparablement plus fuperbe & plus
magnifique que le Palais - Galliane , qu'on appelloit
le Palais de Tutelle , que le feu Roy fit
abbattre eu 1675 avec le tiers de la Ville , pour
faire l'Efplanade du Château Trompette . C'étoit
un quarré long de 87 pieds de long fur 36 de
large , tout couvert par le haut , & voûté par
le bas d'une façon platte à l'antique , ayant fur
le bord de la voûte 24 colomnes ou pilliers
d'une groffeur fi extraordinaire , qu'il y a dequoi
s'étonner comment les Ouvriers trouverent le
moyen d'élever fi haut & fur le bord d'une
voûte, de fi lourdes maffes embellies de plufieurs
Statues dont on n'a jamais pû deviner la reprefentation
, non plus que rendre raifon de l'ufage
auquel ce bâtiment étoit deftiné.
Bouchet , Auteur des Annales d'Aquitaine ,
dit que quelques uns affurent que c'étoit le
Pretoire dans lequel les Preteurs ou les Lieute
nans de l'Empire tenoient leurs Audiences du
temps que les Bordelois étoient fous la domination
Romaine : Que d'autres tirant une conjecture
de l'étymologie du nom même du Palais ,
ont cru qu'à caufe qu'il s'appelloit le Palais de
Tutelle , il devoit être confacré aux Dieux Tutelaires
de la Ville , dont la fomptuofité marque
le profond refpect & la veneration que les
Peuples avoient pour eux . Mais ce même refpect
détermine M. l'Abbé de Vayrac à ne pas croire
que ce Temple fut dedié aux Dieux Tutelaires ,
l'autant , dit- il , que l'Hiftoire du Paganifme
nous apprend que les Payens avoient tant d'inquietude
, & des foins fi empreffez pour conferver
leurs Dieux Tutelaires , que non feulement
ils ne vouloient pas les garder enfermez dans
J'enceinte de leurs murailles , ni fous terre ,
( témoin
22 LE MERCURE
( témoin la conduite des Romains à l'égard de
leur Dieu Confus ; ) mais que même il n'y avoit
que les Magiftrats qui fçuflent où ils étoient ,
& qu'ils traitoient comme criminels d'Etat ceux
qui en avoient revelé le nom , de crainte que
les Ennemis , quand ils les affiegeoient , ne
les évocaffent à eux par des charmes & des
conjurations , qui forçant ces faufles Divinitez
d'aller à cux , ouvriroient par leur deſertion les
portes aux Affiegeans. Pour autoriſer ſon ſentiment
, il rapporte l'exemple des Tyriens , qui
craignant qu'Hercule , qui étoit leur Dieu Tutelaire
, ne fut évoqué par leurs Ennemis , &
qu'il ne leur joüiât quelque mauvais tour , enchaînerent
fa ftatue avec des chaînes d'or.
Mais comme ces matieres font très difficiles à
mettre dans une entiere évidence , il a recours
à des conjectures qui paroiffent fort naturelles
& trés probables , & croit que c'étoit un Temple
que les Habitans des environs de la Ville
dedierent à Venus & à ſon Adonis , Divinitez
Tutelaires des Jardins & des Vergers , ou bien
à la Déeffe Tutelina , dont parle faint Auguſtin
dans la Cité de Dieu , que les Laboureurs adoroient
avec de très - grands refpects , pour obtenir
d'elle que leurs grains fuffent en affurance
dans leurs Greniers , & hors d'atteinte des voleurs
& de la corrupcion des vers.
3
Non loin de l'endroit où étoit fitué ce Palais
, s'éleve le Château de Puypaulin , dans
lequel l'Intendant de la Province fait fa refidence
. Il eft bâti fur l'ancienne muraille de la
Ville , du côté du Nord. C'eft un grand Corps
de logis de figure oblongue , flanqué de deux
groffes Tours rondes. Il a pris fon nom de
Ponce-Paulin , Difciple d'Aufone , de l'illuftre
Maifon des Leontiens , auquel Sidonius Apollinaire
Evêque de Clermont addrefle fon Poëme
de Barge. Dans
DE
FEVRIER 1722.
123
Dans le coeur de la Ville , près d'une Place ,
paroît un Arc de Triomphe qu'on appelle la
Porte Baffe. Il est bâti de groffes pierres de
taille fans ciment , & dont la conftruction fo-
Aide & reguliere reffent le fiecle d'Auguste ,
fous lequel on bâriffoit pour l'éternité. Les
Gots , les Vendales , les Sarafins , ni les Normands
, lors qu'ils defolerent Bordeaux par le
fer & par le feu , n'endommagerent point ce
bel ouvrage, dont te celebre Spond qui le vic
à fon retour du voyage de Grece & "d'Italie ,
ne put fe laffer d'admirer la fimetrie & l'ordonnance
.
L'Eglife Metropolitaine eft auffi très ancienne ,
& une des plus grandes & des plus belles du
Royaume; Elle eft fans pilliers , extremément longue
, large , élevée, & fa voûte fort hardie. Son
Choeur eft magnifique & feparé de laNef par une
voûte incomparablement plus exhauffée que celle
de la Nef, laquelle venant à s'allonger à droit &
à gauche, donne à toute l'Eglife la forme regulière
d'une Croix, dont elle fait les deux bras. On
entre par deux portesd'une grandeur & d'une
fimetrie admirable . Sur celle qui eft du côté du
Nord, s'élevent 2. clochers de forme piramidale,
d'une hauteur furprenante. On ne peut rien
voir de plus majestueux que les galeries qui
regnent tout autour de ce Temple par dehors.
Derriere le Choeur , à vingt pas de diftance du
côté du Levant, on voit un autre fuperbe Clocher
en forme de Tour quarrée. Les Actes de cette
Eglife la font prefque auffi ancienne que le
Chriftianifme , & affurent que faint Gilbert en
fut fait Evêque dans le premier ficcle ; mais
ces Actes font apocriphes , & tout ce qu'on peut
dire avec certitude , c'eſt qu'en 314 Auriontal
Evêque de Bordeaux , affifta à un Concile tenu
à Arles , contre les Donatiftes. Dans la fuite
cet .
24 LE MERCURE
cet Evêché fut érigé en Archevêché , fans qu'on
puiffe dire pofitivement en quel temps cette
érection fut faite . L'Archevêque prend la qualité
de Primat d'Aquitaine , laquelle celui de
Bourges lui a conteftée pendant long temps ; mais
le Pape Clement V. decida ce procès en faveur
du premier. Cependant celui de Bourges prend
toujours le titre de Primat d'Aquitaine , & en
fait les fonctions lors qu'on appelle à lui des
refus de celui de Bordeaux , ce qui arrive rarement
, parce que pour éviter ce conflict , celuicy
pe refufe que ce qu'il ne peut pas accorder
fans trahir fon miniftere. L'Eglife eft dediée à
faint André. Son Chapitre eft un des plus celebres
du Royaume : Il eſt compoſé d'un Doyen,
de trois Archidiacres , d'un Chantre , d'un Treforier
, d'un Sacriftain , d'un Ecolâtre , d'un
Sous Doyen , d'un Sous - Chantre , & de vingtquatre
Chanoines Le Dioceſe s'étend fur 600
Parroiffes. Cette Eglife a toujours brillé par
le merite des Prelats qui l'ont occupée , &
par leur zele à combattre les erreurs. Saint
Delfin y convoqua un Concile en 385 , dans
lequel Prifcilien fut condamné. Amé y prefida
à deux , dont le premier fut convoqué en 1093 .
& le fecond en 1098. Pierre de Sanfac y en
affembla un en 1582 , pour rétablir la Difcipline
Ecclefiaftique qui commençoit à fe relâcher.
Le Cardinal de Sourdis y en affembla un
autre en 1624 pour le même fujet. L'Arche
・vêque de Bordeaux a pour Suffragans les Evêques
de Condom , d'Agen , de Sarlat , de Perigueux
, d'Angoulême , de Saintes , de la Rochelle
, de Lugon , & de Poitiers .
L'Eglife de Saint Michel eft tres- belle , & fon
Clocher en forme d'aiguille peut paffer pour
un chef-d'oeuvre , pour la fimetrie & pour la
grandeur. Le College des Jefuites & le Couvent
des
DE FEVRIER 1722 . 28
des Jacobins nouvellement bâtis fe font admirer
par leur magnificence , auffi-bien que les
Hôtels d Pontac, de Civrac & de Laugnac. Le
Château Trompette qui eft fitué fur le bord de
la Riviere entre la Ville & le Fauxbourg des
Chartrons, eft une des plus belles Citadelles qu'il
y ait en France. Il y a des Auteurs qui pretendent
qu'il eft auffi ancien que le Château de
Puypaulin, mais ils font dans l'erreur , car il ne fut
fondé qu'en 1454 fous le Regne de Charles VII.
Les Habitans de Bordeaux s'étant mutinez l'an
1675 , le feu Roy le fit tellement augmenter &
fortifier , qu'on peut dire que c'eſt une Place
d'une trés-grande importance . Il eft compofé
de fix gros Baftions , de deux Cavaliers , de
deux. Demi- lunes , avec d'autres ouvrages exterieurs
, & de larges & profonds foffés , toujours
remplis d'eau qui vient de la Riviere . Il eſt de
groffes pierres de taille & bâti fur des pilotis
de bois . Entre fes murailles & la Garonne
il y a un trés - beau Glacis , & du côté de la'
Ville une vafte Efplanade , qui met à décou
vert tout le flanc de la Ville du côté du Nord,
de forte que le canon de la Place la peut re
duire en cendres dans. fix heures de tems. Il y a
un Gouverneur Particulier fubordonné au Gouverneur
& au Commandant de la Province .
A l'autre extremité de la Ville du côté du'
Midi , eft le Fort Sainte - Croix , ou de Saint
Louis , qui fut bâti la même année 1675 , avec
une Garnifon qu'on détache de celle du Château
Trompette.
Du côté de l'Occident, la Ville eft flanquée.
par le Château du Ha , qu'on appelle en Latin
Caftellum Phari , à caufe qu'il eft bâti fur une
éminence d'où l'on peut obferver ce qui entre
dans le Port & ce qui en fort . Il fut bati en
1454 de même que le Château Trompette. >
B C'eſt
26 LE MERCURE
G'eft un gros édifice, quarré un peu plus long
que large , flanqué aux quatre angles de Tours
rondes à l'antique , fans parler de deux autres
groffes Tours quarrées , qui donnent du côté
de la Campagne pour deffendre la Porte du
Secours , qui eft couverte par un ouvrage fair
en forme de fer à cheval ; non plus que d'une
autre Tour ronde , dans laquelle on va dans
le Château du côté de la Ville. Du côté du
Midi, il eſt deffendu par une Eſplanade en forme
de Terraffe qu'on appelle l'Ormiere , celebre par
fes affemblées qui s'y faifoient par les Mutins
du tems des foulevemens de Bordeaux. Il y a
ordinairement deux Compagnies d'Infanterie de
garnifon qu'on tire de celle du Château Trompette
, & un Commandant qu'on releve tous les
mois. Il eft aifé de voir que le Château Trompette
bridant le Port du côté du Nord , le Fort Saint
Louis du côté du Midi , & le Château du Ha
Aanquant la Ville du côté de la terre , elle doit
être dans un grand respect.
>
On compte à Bordeaux 5000 maiſons , 7800
feux, 43000 Habitans diftribuez en 12 Paroiffes,
13 Couvens de Religieux , 6 de Religieufes
deux fameux Colleges , un riche Hôpital , une
magnifique Manufacture , où une quantité prodigieufe
d'Orphelins & d'Orphelines font élevez
avec grand foin , un Parlement , une Cour
des Aides,uneGeneralité , un Bureau des Finances,
un Hôtel de Monnoye , une Senechauflée Prefidiale
, une Jurifdiction Confulaire ' , une Amirauté
, une Connétablie une Maréchauffée
un Bureau des Cinq Groffes Fermes & une
Maifon de Ville compofée d'un Maire & d'un
Soû Maire de fix Jurats , dont deux font
Gentilshommes, deux Avocats , & les deux derniers
Bourgeois , d'un Procureur Sindic & d'un
Secretaire. Les Maire & Sou- Maire , qui font.
>
?
>
des
DE FEVRIER 1722. 1 27
des gens d'une grofle diftinction , font perpetuels
, auffi bien que le Procureur- Sindic & le
Secretaire , & les Jurats font deux ans dans
l'exercice de leurs Charges. Ils prennent la
qualité de Gouverneurs de la Ville , &font Juges
de la Police.
Hors de la Ville , entre le Nord & l'Occident
, eft le Faubourg Saint Saurin , qui eſt'-
compofé de plus de 700 Maifons. Il y a un
Chapitre Collegial tres- celebre & tres -ancien
& dont la Mufique étoit autrefois incompara
blement plus eftimée que celle de la Metropolitaine.
Le Commerce de Bordeaux eſt trés floriſſant
& trés étendu . On y voit en tout tems un nombre
infini de Navires de prefque toutes les parties
du monde , principalement d'Angleterre ,
d'Hollande , de Hambourg , de Suede & de Danemark,
fur tout pendant les deux Foires qui s'y
tiennent , dont l'une commence le 15 Octobre &
finit le 29, l'autre le premier Mars , & finit le 15.
En 1687 on compta dans le Port 1200 Voiles,
à celle d'Octobre , & lorfque Madame la Princeffe
des Asturies y paffa , il y en avoit prés de foo . Les
Vins , les Eaux- de- vie , le fel , le poiffon falé ,
les pruneaux , les chanvres , les lins font les
principaux objets de ce Commerce .
Le fejour de cette Ville eft un des plus agreables
de l'Univers , tant par rapport à la douceur
de fon clímat , qu'à la fertilité du Pays
pour tout ce qui peut contribuer aux commoditez
& aux agrémens de la vie , ce qui a fait
que de tout tems elle a excité dans le coeur
de toutes les Nations le defir de la poffeder fous
differens titres .
Laffée du Commandement des Gaulois , elle
fe foumit à l'Empereur Augufte fous les ordres
d'Agrippa , auquel on fubftitua des Prefidens
Bij qui
28 LE MERCURE
qui gouvernerent Bordeaux & la Province. Sous
Tibere , un nommé Leocadius y fut envoyé en
qualité de Cenfeur , & quelque tems aprés il
prit celle de Gouverneur fous l'Empire de Galba.
En 257 , un nommé Tetricus Gouverneur de
Guienne fous Gallien , fe fit proclamer Empereur
, & reçut le Manteau Imperial dans Bordeaux
, dequoi les Romains furent fi piquez ,
qu'aprés avoir porté le fer & le feu contre cette
Ville rebelle , ils infpirerent tant de terreur à
fes Habitans & à l'Ufurpateur qu'ils avoient
élevé à l'Empire , que lui & les fauteurs de
fa revolte , furent contraints de reconnoître
leurs Maitres , & de remettre le Gouvernement
entre les mains de Claude fucceffeur de Gallien. ·
Les Goths profitant de la foibleffe des Empereurs
, aprés avoir defolé l'Italie , fondirent dans
les Gaules ca 403 , où s'étant joints aux Lionnois
& aux Bourguignons fous la conduite d'Alaric
& de Radagefe, ils ravagerent le Limofin & le
Perigord , & fe rendirent Maitres de Bordeaux,
où ils établirent leur tyrannie fous le titre
majestueux de Royauté , qui fut long - tems poffedée
par Vvalla , continuée par Theodoric , qui
la tranfmit à Thorifmond fon fils , aprés la mort
duquel Theodoric II . s'en faifit , & la laiffa en
mourant à Evric ou Evaric , & ainfi fucceffivement
jufqu'à ce que Clovis premier Roy de
France Chrétien en fit la conquêté , de forte
que cette Ville aprés avoir demeuré 450 ans
fous la domination des Romains , & 92 fous
celle des Goths , fut unie à la Couronne de
France , & donnée à Clodomir , quatrième fils
de Clovis , auquel fucceda Clodoald fon fils ,
lequel s'étant fait Moine , Clotaire I. devenu
Roy de France par la mort de Clovis fon pere,
s'en mit en poffeffion comme plus proche de
Clodoald, & le donna à Sigibert ſon quatrième fils
à
DE FEVRIER 1722. 29
à titre de Roy de Bordeaux & d'Aquitaine.Mais il
lui fut contefté par Clovis , fils de Chilperic , lequel
affiegea Bordeaux avec fi peu de fuccés ,
que les Habitans combattant vaillamment pour
l'intereft de leur Souverain , l'obligerent de
lever honteufement le Siége. Ce titre augufte
de Royauté rayonna fur la tête de ceux qui le
prirent jufqu'en 516 , felon quelques Hiftoriens ,
ou jufqu'en 19 felon quelques autres , auquel
tems cette Monarchie dechirée par de longues
& fanglantes guerres , fut réunie à la Couronne
de France fous Clotaire II . qui pour obliger
Sadregefile à avoir plus de foin de l'éducation
de fon fils Dagobert, lui donna Bordeaux & tout
le pays qui en dépendoit fous le nom de Duché.
Mais cet ambitieux ne fe contentant pas de la
qualité de Duc , voulut s'ériger en Roy , ce que
Clotaire ne pouvant fouffrir , lui fit couper la
barbe pour marque d'ignominie. Cependant
par une generofité extraordinaire il lui laiffa
jouir fa vie durant du don qu'il lui avoit fait,
Aprés la mort de Sadregefile fes enfans fucceffeurs
de fon ambition & de fon audace , entreprirent
de fe maintenir dans la poffeffion du
Duché , mais ayant été declarés indignes d'en
joüir à caufe de leur felonie , Dagobert le donna
en apanage à Aribert fon frere à titre de Royaume
; mais étant mort bien - tôt aprés & Chilperic
fon fils ne lui ayant pas furvécu longtems
, Dagobert en redevint le Maitre , auquel
Clovis II. fucceda , & fut preclamé Roy de
Paris & de Bordeaux. Clotaire III prit les mêmes
titres . Odon ou Eudes, profitant de la foibleffe des
Rois Fainean , fe fit élire Duc de Guienne fous
Charles le Simple , qui fe contentant de paffer
la Loire pour l'aller dépoffeder , referva cette
glaire pour Charles Martel.
En 730, les Sarafins qui habitoient l'Espagne,
Bij affiegerent
¡
30 LE MERCURE
afficgerent Bordeaux , le prirent d'affaut , pillerent
fes Habitans , & ravagerent l'Eglife de
Saint André, ce qui intrigua fi fort CharlesMartel,
que ne fe fentant pas affez fort pour s'oppofer
à ce torrent il fit un Traité avec Eudes
unit fes troupes aux fiennes & pourfuivit ces
Barbares jufqu'à Tours , où il feur livra une
Langlante bataille , dans laquelle ils perdirent
trois cens quatre- vingts cinq mille hommes.
,
>
Malgré la foy de ce Traité , Eudes confervoit
toujours le defir de recouvrer le Duché dont il
avoit été dépouillé , & ayant trouvé une conjoncture
favorable pour cela , il communiqua.
fon deffein à Gaifer & à Hunalde ſes enfans ,
lefquels ayant levé de grofles troupes en Guienne,
fe mirent en devoir de s'opposer à celles de
Charles Martel : mais ils furent défaits par ce
Prince , & forcez d'abandonner Bordeaux , qu'ils
recouvrerent bien tôt aprés par les menées de
Hunalde , dont ils furent chaffez très peu de
tems aprés par Pepin & Carloman , enfans de
Charles. Cependant les Bordelois ne pouvant pas
étouffer l'amour qu'ils avoient pour la memoire
d'Eudes proclamerent fon fils Gaifer pour leur
Duc , & le maintintent fi puiſſamment dans fa
Dignité , que quoique Pepin fit neuf voyages en
Guienne avec toutes fes forces , il ne put jamais
l'en dépouiller , & n'en feroit jamais venu à
bout fans la trahifon d'un Confident de Gaifer,
qui pour meriter les faveurs de Pepin , plongea
le poignard dans le fein de celui qui l'honoroic
de toute fa confiance. Par la mort de Gaifer,
il fembloit que Charlemagne fi´s de Pepin devoit
être tranquille , mais comme fi fes cendres fe
fuffent ranimées pour la venger , Hunant Comte
de Provence fon fils , prit les armes pour ravoir
le Duché de fon pere ; mais ayant été fait prifonnier
dans une bataille , il ne put obtenir fa
liberté
DE FEVRIER 1722. 31
liberté qu'en renonçant à toutes les prétentions
qu'il pouvoit avoir fur Bordeaux & fur tout ce
qui en dépendoit , dont Charlemagne fit don à
Ranulphe ou Raoul Duc de Bourgogne , en confideration
de ce que Sansom fon frere avoit
perdu la vie pour fon fervice. Et comme cette
donation n'avoit été faite que pour un certain
tems , Ranulphe remit le Duché à fon bienfaiteur,
qui le donna à Louis fon fils à titre de Royaume ,
qui le tranfporta à Pepin fon fils , lequel étant
mort avant fon pere , ce funefte retour lui donna
lieu d'en gratifier Charles le Chauve fon autre
fils , auquel il demeura pour partie de fon lot
dans le partage qui fut fait entre lui , Louis &
Lotaire fes freres , après la mort de Louis le Debonnaire
leur pere.
Comme dans le Ciel il n'y a qu'un Soleil ,
la France ne peut fouffrir qu'un Roy , & par ce
principe d'unité , le Roy Charles dépouilla la
Guienne de la dignité de Royaume , & la donna
à Guillaume dit le Devot à titre de Duché pour
fa vie feulement , & après fa mort il en gratifia
Elbe fils de Girard Comte de Poitiers , qui le
tranfmit à Guillaume- Hugues fon fits , auquel
fucceda Guillaume furnommé Tête d'Etoupes
qui eut pour heritier fon fils Guillaume , duquel
defcendit encore un cinquième Guillaume , dont
la fille nommée Leonor épousa Louis VII. dit le
Jeune ; mais ce mariage ayant été caffé par un
Concile tenu à Beaugency cette Princeffe fe
maria avec Henry II . Roy d'Angleterre , auquel
elle apporta le Duché de Guienne , & eut de lui
quatre enfans , dont le dernier-fut l'infortuné
Jean-Sans-Terre, lequel ayant fait affaffiner Artus
fon neveu & ufurpé fa Couronne , fut cité
par Philippe Auguste à la Cour des Pairs pour le
fait du meurtre commis en la perfonne de fon
Vaffal , & ne s'étant pas prefenté , il y fut con-
Biiij damné
>
·
32 LE MERCURE
damné, & perdit tous les Etats qu'il poffedoit en
France. Henry III . fils de Jean Sans -Terre ayant
recouvré du confentement de Louis VIII. qui
avoit été proclamé Roy d'Angleterre , le Trône
que fon pere avoit acquis par un crime deteftable
, fut fi ingrat envers ce genereux Monarque
, qu'il le traverfa dans toutes les occafions
qui fe prefenterent , fous pretexte de fes
pretentions fur la Guienne , ce qui n'empêcha
pas le Roy Louis de lui remettre ce Duché en
1255 , & à tous fes Defcendans , pour être poffedé
par eux à foy & hommage lige des Rois
de France › ce qui fut executé par le même
Henry III. par Edouard I. II . III. & par Richard
dit de Bordeaux . Les chofes demeurerent en cet
état jufqu'en 1451. que la Guienne fut réunie
à la Couronne de France par le Traité qui fut
fait entre Charles VII . & Henry V. Roy d'Angleterre.
Bordeaux ayant fuivi la destinée de
toute la Province , Charles VII . Y établit un
Parlement dès qu'il en fut en poffeffion ; mais
cette Ville s'étant revoltée cu faveur des Anglois
, il fut fupprimé , & ne fut rétabli qu'en
1462. par Louis XI .

En 1548. la Ville de Bordeaux fe revolta
encore au fujet de la Gabelle dont elle fut
feverement punie par le Duc de Montmorency.
Dans la fuite elle eut beaucoup de part aux
malheurs de Guerres des Religionnaires , & il
fallut toute la conduite du Maréchal de Matignon
pour la conferver au Roy contre la Ligue.
En 1620 , elle fut agitée de nouveaux troubles.
Sous la Minorité du feu Roy , elle fe fignala par
un nouveau foulevement , & en 1675 elle fe revolta
pour la derniere fois , ce qui obligea le
Roy d'y envoyer des troupes , qui y refterent
long tems à difcretion . Témoin de ces executions
Militaires , je ne rapelle jamais ce que
fouffrirent
DE FEVRIER 1722. 33
fouffrirent les Bordelois , que je ne me confirme
de plus en plus dans le principe où j'ay toujours
été , que le dernier des malheurs eft de
perdre de vue la foumiffion qui eft due au legitime
Souverain. Il me femble que je vois encore
ces riches Boutiques & Magafins de Marchands,
fervants d'Ecuries aux chevaux des Dragons &
des Cavaliers , qui faifoient litiere de pieces
d'Etoffes . Le Parlement fut exilé à Marmande
& de-là à la Reolle , où il demeura jufqu'en
1689 , qu'il fut rétabli à Bordeaux. Mais tirons
le rideau fur des objets fi triftes , & après avoir
vû les réjouiffances qu'on a faites à l'arrivée de
'Infante & pendant le fejour qu'elle a fait à
Bordeaux , voyons - la embarquer pour se rendre
à Blaye , où nous l'irons reprendre au mois
prochain pour continuer notre Route jufqu'à
Paris.
EPITRE
MR L'EVEQUE DE NANTES,
Premier Aumônier de fon Alteße Royale
MONSIEUR le Duc d'Orleans.
A
RBITRE expert de ma Mufe tragique ,
Et maintenant fon Patron généreux,
Digne Prelat , fouffre que je t'explique
En Vers naïfs mon refpect & mes voeux.
Bv Sans
34
LE MERCURE
Sans compofer mes yeux ni mon vifage .
Maſquer mon front , ni farder mon langage ,
Et tel qu'enfin me fit la main des Dieux ,
J'ofay te voir & paroître à tes yeux.
Quoi qu'habitant d'un païs où tout maſque ,
Tant le porteur du Rabat , que du Cafque ,
Tu me fis voir en toy cet air naïf ,
Chés gens de Cour étranger ou captif :
Je t'apperçus fans faſte ni baffeffe s
Et même plus , fans cette politeffe ,
Detour cruel du Courtifan malin ,
Et de l'orgueil l'elixir le plus fin .
Tout refpiroit cette candeur qui touche ;
Ton coeur fentoit ce qu'exprimoit ta bouche :
Et je ne vis ta faveur , ton credit
Qu'en tes vertus , tes talens , ton efprit.
Qu'ainfi ne foit , j'en ai bon témoignage ,
Dés qu'un inſtant j'eus paru devant toy ,
Je me fentis, renaître le courage ;
Et me trouvai tel que je fuis ches moys
J'eûs mon efprit , mon humeur fimple & franche,
Du compliment les grands mots agences
Deffus ma langue expirerent glacés ;
Tandis qu'au coeur grande eftime en revanche ,
Penchant fecret que je ne nomme pas ,
Et zele ardent pour toy naiſſoient tout bas.
Je me difois , ô la famille aimable !
Comme la foar , tout eft bon , doux , affable ,
Et
DE FEVRIER 1722 .
35
Et le Prélat eft comme le Marquis ;
J'irois plus loin fi j'avois vû le fils ...
Fils malheureux ! je plains ton infortune ;
Mais , cher enfant , ta difgrace eft commune ,
Malheur toujours fut le lot des bons Vers ,
Mais le talent confole des revers.
L'efprit te vient avant l'âge ordinaire ,
C'est de ton fang le vice hereditaire ,
Et ton Papa qui clabaude fi haut ,
Dés fon Printemps lui même eut će defaur .
Mais le chat dort , qui l'éveille l'offenfe ,
Je difois donc , Prélat , qu'à ton aſpect
Se diffipa la gène du reſpect ;
J'allay plus loin , ma modefte affurance
Paffa dans peu jufqu'à la confiance ;
D'un autre Oe.... Auteur audacieux ,
J'ofay fans peur l'expoſer à tes yeux ;
O de combien de fanglots & de farmes
Ton coeur bien fait honnora fes allarines !
Que ta pitié pour les affreux revers
Excufoit bien l'audace de mes Vers !
Je vis couler fur ta face attendrie ,
Avec tes pleurs ma jufte apologies
Et Melpomene attentive à ces pleurs ,
Les recueilloit fur fa plume tragique ,
Puis en traçoit lettre apologetique ,
Pour faire un jour taire tous mes Cenfeurs
Même Aroüet ce mignon d'Uranie ,
Bvj Plus
36 LE MERCURE
-Plus plein de moeurs encor que de genie ,
Confentira de cherir un Rival ,
Que fon exemple a rendu fon égal.
Je ne dis point ici quelle furpriſe
Jetta dans moy ton aimable franchife ,
Quand prodiguant l'éloge avec les pleurs
En les fechant tu me dis cent douceurs.
Quoi qu'un Poëte avec fureur les aime ,
Je ne les pris cependant pour moy-même ;
J'entrevoyois dans ton coeur généreux
Ces fentimens nobles & vertueux ,
Dont nuit & jour le travail de la lime
A moins orné mon ame que ma rime.
Rien n'échapoit à ton coeur attendri ...
Dieux quelles moeurs ! quelle ame fortunée ,
Tu laiffas voir à la mienne étonnée !
Quel fond d'honneur & de vertu nourri !
Quel goût du vrai ! ... confus de ton fuffrage ,
Bien plus alors j'admirois mon lecteur ,
Que je n'étois fatisfait de l'Auteur.
Je me difois tout bas dans mon langage ,
Je rime moy , Treffan fait beaucoup plus ,
Au fond du coeur il a par fes vertus
Realife celle de mon ouvrage.
Tordant mes doigts, les rongeant juſqu'au vif,
Frapant du pied , me donnant la torture
J'ay fçu tirer de mon efprit retif ,
Ce qu'en fon coeur a mis mere nature.
DE FEVRIEK 1722.
37
O que pour lors ton jufte admirateur,
Je fentis bien le neant d'Hippocrene ,
J'eufle donné pour un coin de ton coeur
Tous les Lauriers que promet Melpomene.
Mais finiffons , Vis , digne favori ,
Tant des fujets que du PRINCE cheri ,
Auprès de lui fers l'Etat & l'Eglife ,
Que ne peut pas ton utile entremiſe
Près d'un Heros , en qui plus qu'en aucun,
Du vrai merite eft le goût peu commun.
Mais cependant parmi ces foins fublimes
In temps & lieux à l'Auteur de ces rimes ,
Daigne , PRELAT , accorder ton appui ,
Je l'ofe dire , ( & le dis à bon titre)
Nul des mortels n'eft pour toy plus que luy
Ce qu'on fe dit tout au bas d'une Epitre.'
>
RELATION
38 LE MERCURE
RELATION
D'une hydropifie extraordinairefurvenuë
à un cocher de M le Baron de Penterrider
, Miniftre Plenipotentiaire de
Sa M. I. en la Cour de France , & de
l'operation faite par le sr Anel , Docteur
en Chirurgie , &c. par le moyen.
de laquelle ilfut tiré du ventre de cet
homme environ quatorze pintes de
matiere , enſemble plus de huit mille
globules ou efpeces d'oeufs de differente
groffeur , auffi blancs que l'albâtre.
P
IERRE CUL , dit Picard , âgé
de $ 8 ans , d'un affés bon temperamment
, de taille mediocre ,
fort & robufte , châtain , bazané ,
d'une humeur gaye & enjouée ; affure
avoir toujours joui d'une fanté affés parfaite
, fans autre précaution que celle de
boire ordinairement trois pintes de vin par
jour , fans jamais fe grifer ; on l'appelloit
auffi le fage biberon. Il a été neanmoins
atteint pendant vingt ans d'un flux hemorroïdal
, dont les periodes étoient reglés
, qui dusoit cinq ou fix jours conſecutifs
DE FEVRIER 1722 39.
cutifs & fans interruption . Ces hemorroïdes
Auoient abondamment tous les
mois , d'un fang vif, rouge & vermeil ,
lequel jailliffoit par intervalles.
Quelques années avant la ceffation de
ce flux il coula abondamment au lieu de
fang , toujours periodiquement par les mêmes
hemorroïdes, une matiere blanchâtre .
Ce flux changea de nouveau , recoula à
P'ordinaire par un fang bien coloré.
Lors que cette crife naturelle l'abandonna
, il s'apperçut bien- tôt par une tenfion
du ventre que fa fanté le dérangeoit.
Ce fut vers la fin du mois de Juillet der-:
nier qu'il fit cette fatale obfervation ; ili
eella fon regime ordinaire pour prendre
des remedes à bon marché d'un jeune Me
decin , dont l'operation fut violente , &
dont il ne reffentit d'autres effets que ceux
d'avoir été beaucoup fecoüé & tourmenté
à peu de frais ce qui le détermina de recourir
à la doze ordinaire de fes trois pintes
de vin; mais voyant que fon ventre con-.
tinuoit à fe gonfler de plus en plus , &
craignant avec fondement que ce vin ne
fe tournât en eau , il s'adreffa à un Medeein
experimenté ; qui le traita methodiquement
par des remedes qui n'opererent
pas au gré du malade affés promptement
il eut recours à M. Vinache , dont le réputation
40 LE MERCURE
putation faifoit dans ce temps- là beaucoup
de bruit : Il prit de fes remedes , & les
effets qu'il reffentit furent des plus violents
, fans pourtant produire aucune évacuation.
Fort affligé de voir fa maladie
augmenter , les parties externes de la generation
devinrent enflées , ce qui difparut
pourtant en ceffant l'ufage de ces remedes.
Dans cet état on lui indiqua un Religieux
Apotiquaire des Peres de Nazareth , qui
lui fit prendre durant plufieurs mois quantité
de remedes , qui ne lui firent ni bien
ni mal , mais feulement retarder l'ope
ration pendant plufieurs mois , tandis que
les matieres acquirent de plus en plus du
volume & de la confiftance , && que la ma
ladie devint par confequent plus grave.
L'enflure du ventre fe manifefta , s'entretint
, & augmenta , fans être accompagnée
d'aucun autre accident , fans fiévre ,
fans douleur , fans enflure de jambes , lefquelles
n'ont enflé que peu de jours avanc
l'operation. Dans tout le cours de cette
maladie la poitrine a été libre, fans oppreffion
ni toux , & fes urines ont toujours
bien coulé : ce malade n'a pas non plus
fouffert la foif, qui tourmente ordinairement
les hydropiques ; il n'a jamais manqué
d'appetit , pas même le jour de l'operation
ni les fuivans ; cependant il a maigri
confiderablement , quoi qu'il ait été
toujours
DE FEVRIER 1722. 41
toujours bien mourri , même d'aliments
choifis & de facile digeftion. Il eft fort extenué
fans être abbattu , & fans qu'il paroiffe
que fes forces ayent de beaucoup diminué
, pas même depuis l'operation faite ,
nonobſtant des évacuations auffi copicules
& auffi abondantes.
En examinant le ventre de cet homme
pour la premiere fois au mois d'Octobre
dernier , je diftinguay l'ondulation &
la fluctuation des matieres , cc qui me détermina
à lui propofer l'operation de la
parafenteze , quoi que ceux qui l'avoient
vûavant moi lui euffent affuré que fa maladie
étoit une timpanite , perfuadé du contraire
, j'inſiſtay toujours pour l'operation
que j'executay le 14 Janvier 1722 , ayant
été mandé la veille , conjointement avec
M. Enhornen Medecin Suiffe , très- experimenté.
Le ventre de ce Cocher étoit
tendu & gros comme un tambour ; l'on
diftinguoit pourtant une espece de fluctuation
beaucoup moindre que celle que j'a
vois obfervée quelques mois auparavant ,
& les jambes étoient enflées. Toutes ces
circonftances nous déterminerent à faire
l'operation fans differer davantage.
Après avoir enfoncé mon troiquart dans
le lieu convenable , il ne fortit d'abord
aucune matiere par la canule : quelque
temps après nous en vines paroître un
peu
42 . LE MERCURE
peu de confiſtance gelatineufe , de couleur
ambrée , laquelle bien loin de jaillir , tomboit
perpendiculairement par intervalle &
en filant.
M'appercevant que la vifcofité s'oppo❤
foit à fon évacuation , je fis plufieurs tentatives
avec un ftilet pour déboucher la
canulle , & en procurer par là une iffuë
plus prompte , il ne fortit par ce moyen
qu'environ une livre de matiere dans l'efpace
d'un quart d'heure , reffemblante par
la confiftance à la gelée ou à la marmelade
.
dans
Le caractere de cette matiere me détermina
, de concert avec M. Enhornen , à
prendre un nouveau parti ; j'ôtay la canule ,
& je plongeay ma lancette à abfcès dans
le ventre horizontalement en fuivant le
même trajet du troiquart. Je fis une incifion
de bas en haut d'un pouce de diame
tre , pénetrante jufqu'à la matiere ;
l'inftant je vis jaillir abondamment les
matieres , & couler fans interruption juſqu'à
la quantité de fix à fept pintes , que
nous recueillîmes en fort peu de temps.
Tout à coup elles cefferent de couler ,
quoi que la capacité qui les contenoit ne
parut pas être vuidée à moitié , ce que
nous jugeâmes par le volume du ventre ;
nous aperçûmes auffi que le volume &
la confiftance de certaines portions de matiere
¡DE
FEVRIER 1722.
43.
tiere coagulée s'oppofoient à leur iffuë ;
nonobftant les tentatives que je fis avec
ma fonde pour les écarter du paffage.
Sans nous opiniâtrer davantage à procurer
pour lors une évacuation plus abondante,
nous prîmes le parti d'attendre au lendemain
, afin de ne pas fatiguer davantage
le malade , quoi que les forces , le courage,
& la refolution ne lui manquaffent pas.
Je le paníay promptement , j'appliquay
la ventriere & le bandage convenable aux
playes de l'abdomen.
Lors que le malade fut en repos dans
fon lit , nous paffâmes auffi- tôt à l'examen
des matieres , dont la forme & la
diverfité des couleurs nous produifit un
fpectacle nouveau & furprenant . Nous en
diftinguâmes d'abord de trois efpeces , en
confiſtance , en couleur , & même en figure
, ce que le peu de fang qui avoit coulé
par l'incifion , & qui s'étoit mêlé avec
elles , ne nous empêcha pas de difcerner
très- diftinctement la moins épaiffe de ces
matieres étoit comme de confiftance de
gelée de couleur ambrée , vifqueufe fans
être gluante. La deuxième efpece confiſtoit
en des lambeaux ou appendices de differents
volumes de confiftance , quafi polipeufe,
d'une tranſparence obfcure, de couleur
grilâtre , tirant un peu fur le verd.
La troifiéme efpece de ces matieres me
parut
44 'LE MERCURE
Parut être la plus finguliere & la plus remarquable
; elle confiftoit en un nombre
infini de portions globuleufes de differentes
groffeurs , de couleur blanche , & même
d'un très- beau blanc ; plufieurs de ces globules
étoient oblongs , & reffembloient
par leurs figures & leur volume aux oeufs
de certains oifeaux . J'en remarquay pluhieurs
autres de figure parfaitement fpherique
, lefquels avoient un grand rapport
aux oeufs que l'on trouve attachez aux
ovaires des volatiles, differents de ceux- là
en couleur , & en ce que ceux-cy avoient
un peu plus de confiftance ; ils reffembloient
encore mieux à ceux que l'on rencontre
quelque fois par un heureux hazard ,
après être fecondez , prêts à le détacher
des ovaires des femmes , ounouvellement
tombez dans les trompes de faloppe. Si ces
efpeces d'oeufs que je puis affurer exceder
le nombre de plus de fept mille , en ayant
compté dans une pinte de ces matieres jufqu'à
cinq cens cinquante , tant petits que
grands , s'étoient trouvés contenusdans le
ventre de quelque animal femelle , certains
Ovariſtes auroient pû fans beaucoup
de peine fe déterminer à croire que ces
globules étoient de veritables oeufs, reffemblants
fi fort à ceux que l'on reconnoît
pour tels , & fuivant leur fiftême , qu'ils
auroient été capables de peupler un nouveau
DE FEVRIER 1722. 45
veau monde , & d'exalter ainfi la vertu
prolifique qui les auroit fecondés. J'en ay
déja rencontré qui penfent que cet homme
eft interieurement hermaphrodite. J'examinay
en detail plufieurs de ces oeufs ou
globules , & je m'aperçus que les uns
avoient plus de confiftance , & les autres
moins tantôt c'étoit les plus petits qui
étoient les plus folides ; tantôt c'étoit de
plus grands qui l'étoient le moins . Chacun
de ces globules étoit enkifté , revêtu
d'une membrane ou pellicule liffe & polie,
laquelle refiftoir avant de fe rompre , ou
divifer , à une affés forte impreffion , même
à celle des inftruments tranchants.
La matiere contenue dans ces globules
vefficulaires étoit opaque , blanche comme
du lait , en partie fluide , & de la confiftance
d'un chyle très épais , & en partie
infiltrée ou figée dans une espece de tiffu
membraneux ou filamenteux , lequel tiffu
formoit partie de l'épaiffeur du fac vefficu
laire.
Les plus folides de ces globules avoient
moins de matiere fluide , & les plus moûs
en avoient davantage & moins d'infiltrées.
Parmi ces globules j'en trouvay quelques ..
uns de jumeaux , même de quadrijumeaux.
Quelques uns avoient un pedicule très
diftinct & apparent , & certaines portions
de matiere de même nature , dont il y en
avoit
46 LE
MERCURE
avoit de figure olivaire , triangulaire ,
vermiculaire , & de figure irreguliere.
Chacune de ces portions étoit revêtuë
d'une membrane ou pellicule , & remplie
d'une matiere blanchâtre de même confiftance
, ne differant en rien des globules
les plus reguliers , excepté en figure.
..Toutes ces matieres n'avoient enſemble
ni feparément aucune odeur , fenteur , ni
fetidité ; fur le total de ces matieres nous
n'aperçûmes aucune forte d'eau ni de ferofité,
& ce qui me paroît remarquable, c'eſt
qu'après trente lotions d'eau fraîche , chacune
de ces matieres a gardé fa conſiſtance, ſa
couleur & fon volume , hors quelques globules
dont la membrane s'étoit percée en les
remuant ou en les comprimant trop fortement
dans l'eau avec une écumoire à grands
trous , au travers defquels la gelée n'a
point paffé , pas même après les dernieres
lotions & après les avoir fi fouvent agitées.
Voilà les obfervations faites fur la premiere
évacuation des matieres . Le lende
main après l'appareil levé il ne fortit aucune
matiere par l'ouverture que j'avois
faite le jour precedent , & que je trouvai
bouchée d'un tampon de gelée , ce qui
m'obligea d'introduire une canulle d'argent
penetrant jufqu'au foyer des matieres,
lefquelles ne firent que couler en fi petite
quantité par cette canalle
› que je fus
obligé
DE FEVRIER 1722. 47
obligé , voyant le ventre encore plein &
tendu , pourtant moins que le jour prece
dent , à dilater l'incifion , jugeant que les
matieres s'oppofoient elles-mêmes à leur
paffage par leur volume. Pour leur procu
rer une iffue fuffifante j'introduifis mon biftouri
enfuivant le trajet que j'avois fait la
veille , je le plongeai jufqu'aux matieres, en
incifant enfuite du haut en bas je divifai les
parties jufqu'à l'iffue de ces mêmes matieres
qui fe prefentoient au paffage & qui le bouchoient
auparavant , lans pouvoir fortir.
Lorfque je les vis couler abondament, je jugeai
mon operation ſuffifante. En effet nous
tirâmes par ce moyen , fans abbatre ni les forces
ni le courage de notre intrepide Picard ,
& fans même l'impatienter,jufqu'à environ
fix à fept pintes de matiere à peu prés
comme celle du jour precedent , mais les
matieres gelatineufes avoient plus de con
fiftance & de vifcofité , les polipeutes
plus de volume & de confiftance , & les
matieres globuleuses étoient d'un plus
grand volume ; jufques- là que nous obfervâmes
de ces efpeces d'oeufs auffi gros
pour le moins que ceux de pigeon,
Il fortit par cettte derniere incifion avec
peine & difficulté un gros flocon ou piece
de matiere , lequel étant étendu excedoit
la grandeur de la main , épais d'un pouce
en certains endroits , revêtu d'un côté
d'unc
48 LE MERCURE
d'une efpece de membrane polie & unie,
transparente & trés-forte par rapport à fon
épaiffeur , laquelle foutenoit & lioit enfemble
plufieurs corps globuleux de differens
volumes entaffés quafi en forme de grapes
, & plufieurs appendices de la groffeur
d'un tuyau de plume de deux pouces de
longueur, de figure vermiculaire , & comme
entrecoupés en certains endroits par des
digitations ou efpeces de noeuds fort peu
apparents , reffemblants affez à des vaiffeaux
limphatiques , gonflés & dilatés
au bout defquels fe trouvoient attachés
de ces efpeces d'oeufs . Ce corps étoit
d'ailleurs dechiqueté & irregulier dans fa
circonference , de nature & de confiftance
femblable à celle des globules détachés ,
dont il paroiffoit être l'ovaire. Je ne diftinguai
dans toute fa maffe aucune apparence
de vaiffeaux fanguins ; il fortit en
même tems deux autres appendices détachés
de forme vermiculaire , tenans à des
globules , & reffemblants à ceux qui y
étoient adherans.
Ce même lambeau penfa nous effrayer
en fortant ; nous crimes d'abord qu'il parut
que c'étoit une partie de l'épiploon.
A fon premier afpect il étoit difficile d'en
juger autrement une femblable meta->
morphofe étant un fait des plus finguliers,
du moins l'eft- il pour moy , & s'il s'en eft
>
paffé
DE FEVRIER 1722 : 79
l'on
paffé jamais quelqu'un de femblable , il
faut qu'il ait été mal obfervé , ou que
fe foit épargné la peine de nous le com
muniquer.
Je fis il y a environ vingt- ans l'operation
de la parafenteze à une pauvre
femme à l'occafion d'une hydropifie particuliere
je tirai plufieurs pintes d'eau ,
M. Jean Louis Perit prefent , M. Lam
bert & plufieurs autres Chirurgiens ; M.
Tibaut avoit fait à cette même femme
avant moy la même operation , & la lui
fit encore aprés ; à la fin elle mourut , j'en
fus averti. Je fis l'ouverture du cadavre
avec M. Dorfimont Chirurgien , parent
de M. Maréchal. Cette hidropifie étoit
enkiſtée , les eaux étoient contenues dans
la duplicature du peritoine , fa furface in
terne à celle des inteftins & des autres
vifceres de l'abdomen , lefquels fe trouvoient
tous defigurés & déplacez , & adherans
enfemble par des fortes adherances
tous ces dérangemens étoient furvenus
par la compreffion du grand volume des
eaux.
Nous paffames la nuit avec le même
M. Petit à démêler cette efpece de cahos ,
nous rencontrames encore en differens endroits
plufieurs idatides toujours attachées
à la furface de quelque vifcere , dans lef
quelles l'eau étoit fi comprimée, qu'elle jail-
C liffoit
LE MERCURE
liffoit très-haut en fortant-lorfque l'on ouvroit
leur vefficule ; mais nous ne trouvâmes
dans le fac hidropique aucune idatide
ni apparence d'idatide , lefquelles n'avoient
aucun rapport avec les globules ni
les matieres dont il s'agit aujourd'hui ;
j'ai fouvent fait & vû faire l'operation
de la parafenteze , j'ai encore plus fouvent
ouvert des hidropiques aprés leur mort
& j'en ai vû un très - grand nombre en
France , en Eſpagne , en Italie & en Allemagne
, fur-tout dans les Hopitaux que
j'ay frequentés avec grand foing fans ja.
mais avoir rencontré rien qui approche
de ce que je raporte de ce Cocher , quoique
j'aye vû des idatides un nombre infini
de fois. Les idatides contiennent toujours
une eau claire & limpide , & les globules
du elpeces d'oeufs , dont il s'agit , contiennent
au contraire une matiere liée
opaque & trés-reffemblante à la matiere
feminale , & produifent une odeur femblable
.
Aprés cette feconde operation le ventre
du malade s'applatit égalemeut par tout ,
& fe reduifit prefque à fon volume na-
,turel ; il eft à remarquer que cet homme ,
quoique âgé de 58 ans , a fupporté ces
operations & ces évacuations fans avoir
été ni fatigué ni abbatu en aucune maniere
au contraire il a paru fort foulagé
DE FEVRIER 1722 .
sr
lagé & avoir plus de force qu'auparavant ,
& que les dernieres matieres , non plus
que les premieres , n'ont fait fentir aucune
efpece d'odeur hors celle qui étoit contenue
dans les globules,
Le troifiéme jour nous obfervames en
levant Papàreil , ' qu'il s'étoit évacué d'un
panfement à l'autre beaucoup de matiere
gelatineule , toujours de couleur ambrée ,
dont le bandage fe trouva trempé , la
tente étant ôtée il s'évacua par l'incifion
environ une livre de matiere congelée ,
& toujours de la même couleur & confiftance.
Ce même jour le malade fut un peu
plus agité de tranchées , dont il avoit déja
fouffert depuis l'évacuation de ces matieres
; ces agitations lui occafionnerent
un peu de fievre , nous trouvâmes le
moyen par le fecours des lavemens de moderer
les tranchées , fon pouls fe rétablit
dans un meilleur état , quelque précaution
que nous puiffions prendre , tant par
le regime de vie bien établi , que par des
panfemens bien reguliers , fes tranchées
P'inquietent , & pour lors fon pouls en eft
ému davantage.
@
D'un panfement à l'autre nous remarquons
qu'il le fait des évacuations copieufes
qui trempent l'appareil , le bandage
, fa chemife , & même jufqu'à fon
C ij lit.
LE MERCURE
lit. A chaque panfement il s'évacuë en
comprimant fon ventre en differens fens
un peu de cette gelée couleur d'ambre ,
mêlée depuis trois jours feulement de
quelques cueillerées de ferofité , laquelle
s'épaiffit fur le feu & dans l'eau bouillante,
de même que le blanc d'oeufs. Il ne paroît
plus dans le panfement depuis la
feconde évacuation aucune matiere globuleufe
ni polipeufe ; la playe s'entretient
fraîche & vermeille , les tegumens & les
muſcles de l'abdomen paroiffent être dans
un bon état & fi le ventre le trouve
quelquefois un peu plus étendu , nous
remarquons que c'eft en confequence des
effervefcences caufées par les vents ou
par les matieres vifqueules contenues dans
les inteftins .
?
En dilatant la playe j'ay vû à trois
pouces de profondeur un corps blanchâtre
que j'avois déja reconnu au moyen de
la fonde de poitrine , lequel eft fixe , attaché
, & paroît être d'un volume fort
confiderable. Je l'ai même touché avec
le doigt , il m'a parut avoir beaucoup de
confiftence. Je ne le crois pourtant pas
fquireux , du moins en fa furface , parce
qu'il cede à l'impreffion; il a, ce me femble,
du rapport aux excroiffances fongueufes;
en promenant ma fonde dans la capacité
qui contenoit les matieres , j'ai trouvé des
embarras
DE FEVRIER 1722. 53
embarras en differens endroits , qui femblent
être caufés par des corps folides de
la même efpece que celui que j'ai découvert
au doigt & à l'oeil ; ils font tous immobiles
, je les crois d'autant plus tels, qu'il
ne s'en préſente aucun à l'ouverture de la
playe : ce qui ne manqueroit pas d'arriver
de quelque volume qu'ils foient , s'ils étoientdétachés
& flotans ; dans un tel cas , j'en
ferai quitte pour en faire l'extraction , en
dilatant davantage l'incifion , ou en les
divifant par morceaux pour procurer par
l'un de ces moyens leur expulfion .
Le courage & les forces du malade fe
foutiennent toujours affez bien , il fe leve
tous les matins pour le faire panfer , tandis
qu'on fait fon lit , il marche feul jufques
auprès du feu , & ne veut pas même qu'on
le foutienne . Voilà la fituation où le trouve
à prefent le malade ; quoi qu'il en arrive ,
foit qu'il en meure , ou qu'il en rechape ,
on inftruira le Public des circonftances
dignes de fon attention.
J'ai recueilli de toutes ces efpeces de
matieres, ( c'est toujours M. Anel qui parle )
lefquelles m'ont fervi à faire les experiences
que je vais rapporter. Nous les avons
faites chez moy avec M. Enhornen Medecin
, & M. Dubois fameux Apotiquaire
de Paris.
Ciij Rapport
54
LE MERCURE
Rapport des Experiences.
Nous primes une portion d'environ une
once de cette gelée ambrée, nous la mîmes
fans addition dans une petite terrine fur:
le feu ,à mesure que la chaleur la penetroit :
cette gelée de diaphane devint opaque ,
acquit en même tems beaucoup de confiftance
en blanchiffant peu à peu à meſure
qu'elle s'évaporoit , & que la chaleur la:
penetroit davantage. Etant refroidie elle
refta d'une folidité mediocre & d'un blanc ,
un peu obfcur.
Nous primes enfuite la même quantité
de cette gelée que nous arrolâmes d'eau
chaude , & que nous confervâmes dans ſa
chaleur au moyen d'un réchaut , la broyant
avec un pilon pour la diffoudre , fans en
pouvoir venir à bout , au contraire il fe
forma des pellicules tres - coriaces › qui
avoient une parfaite reffe nblance à des
lambeaux de membranes. Cette matiere
qui ne nous avoit produit jufqu'alors aucune
odeur ni fenteur ainfi mêlée , broyée
& échauffée , exhala une odeur tout à-fait
femblable à celle que produit le lait pendant
fon ébullition.
Le vinaigre que nous employâmes auffi
pour faire des effais fur cette matiere ,
augmenta la confiftance , la rendit un peu
opaque & blanchâtre.
L'efprit
{
DE FEVRIER 1722
55
L'efprit volatile de fel armoniac fit un
moindre effet fur elle , quoiqu'il y caufât
à peu près le même changement.
L'efprit de vitriol au contraire parut
lui donner un peu plus de confiftance que
le vinaigre , & la blanchit davantage.
L'agent qui nous parut avoir le plus
d'action fur elle fut l'efprit de vin , lequel
la rendit en fort peu de tems plus folide ,
tres- opaque & fort blanche ; pendant toutes
ces épreuves , il ne nous a point paru
qu'il fe foit paffé aucune fermentation
fenfible ni effervefcence , quoique nous
fuffions tres attentifs à examiner tout ce
qui fe paffoit à l'occafion de ce mêlange .
Par tous ces moyens il ne nous a pas été
poffible de fondre ni diffoudre ces matieres
en aucune façon. Nous fimes les mêmes
épreuves fur les matieres polipeufes &
globuleufes , & nous obfervâmes à peu
prés les mêmes effets ; l'huile de tartre
par defaillance n'a rien operé fur toutes
ces matieres .
Quoique je fois perfuadé que les Sçavans
& les Curieux s'attacheront à donner
l'explication de ce phenomene , je ne laifferai
pas de propofer en paffant mes pre
mieres conjectures.
La nature pendant un long cours d'années
s'étoit fait & avoit fuivi une route
qui dépuroît tous les mois la maffe du
C iiij fang
3.6 LE MERCURE
:
fang de ce qui fe rencontroit en elle de
fuperflu & d'heterogene. Elle ceffa tout
à coup d'operer de même , foit parce que .
le tiffu des parties étoit devenu plus ferré
& plus compacte dans l'endroit des hemorroïdes
, ou parce que le fang s'eſt
trouvé énervé par la défaillance des efprits ,
ou parce qu'il avoit acquis d'ailleurs trop
de confiftance. Enfin devenu incapable de
faire une impulfion fuffifante pour rompre
le tiffu des veines hemorroidales & des
parties qui les envelopent , il refta contenu
dans les vaiffeaux fans fe purifier à l'ordinaire
chargé de ces matieres héterogenes
, & roulant de tous côtés fuivant
les loix de la circulation , il fe dépota à
la fin des matieres furabondantes qui fe
rencontrerent dans fa maffe dans le lieu
où il trouva le moins de refiftance , &
pour lors le dépôt, foit par infiltration ou
par épanchement , commença à fe former ;
les vaiffeaux limphatiques plus foibles que
les autres plus pleins & plus chargés
d'une humeur capable de produire ces
effets ont été ceux qui fe font reffentis
de cette atteinte. Voilà ce qui s'eſt paffé
fans doute en ceux qui font renfermés
dans la capacité de l'abdomen
ou dans
la duplicature du peritoine , fi toutefois
cette hidropifie eft enkiftée , ce qu'on ne
fçauroit au vray diftinguer à prefent . C'eft
>
>
ainfi
DE FEVRIER 1722 . 57
ainfi que cette maladie me paroît avoir .
pris fon origine.
Je crois que toutes ces configuratious
differentes ne fe font produites que par
un épanchement fucceffif de la limphe dans
la capacité qui les contenoit , joint à l'effet
de la chaleur naturelle.
,
-
La portion de cette limphe qui s'eſt
d'abord épanchée , eft celle qui a commencé
la premiere à prendre de la confftance
, pour lois flottant & étant agitée
dans celle qui s'eft depoſée enfuite , & qui
étoit plus fluide , elle a roulé de même
tant par les vents qui agitent les inteftins ,
que par le mouvement perpetuel du diaphragme
& par celui des mufcles de l'abdomen.
Ces trois fortes de mouvemens
ont été plus que fuffifans pour agiter ces
matieres. C'eft ainfi que les portions de
la limphe en premier lieu dépofée , ſe ſont
modifiées & ont acquis cette figure fpherique
, vermiculaire , irreguliere ou forme
d'oeufs . Les changemens que ces matieres
gelatineufes reçoivent par les experiences ,
fuivant le degré de chaleur , l'action des
agens , ou les mouvemens avec lefquels
on les agite , démontrent affez que toutes
les modifications que nous avons obfervées
dans ces differentes matieres ont pu
fe produire de même ou à peu prés
comme je viens de l'expliquer , fans avoir
Cy recours

58
LE
MERCURE
recours au gonflement ni à l'exfoliation
des grains glanduleux , ni d'aucune por- .
tion ni particule des vaiffeaux limphatiques.
Ainfi je ne penfe point que ces
cfpeces d'oeufs tiennent leur origine , ou
pour mieux dire , leur forme de quelques
parties folides du corps humain déja déliené
, enfuite accru & dilaté à un tel
point par accident ; je fuis au contraire
porté à croire que toutes les configurations
variées que nous avons remarquées
en ces matieres , ne dépendent que d'une
fimple concretion de la limphe mêlée
dufuc nourricier, peut être même du chile,
lefquelles ont été modifiées ainfi par les
differens mouvemens qui les ont agitées ,
joint aux differens degrés de chaleur naturelle
qui ont fucceffivement agi fur elle,
& formé de cette façon ces efpeces de
pellicules globuleufes , ou aparences trom →
peufes de membranes d'aufs ou d'ovaires.
t
Les avantages qu'on pourra retirer de
cette Obfervation ne fe borneront pas
feulement à mieux connoître l'hidropifie
dans toutes les complications , ils ferviront
encore à nous faire mieux comprendre les
ravages que la coagulation ou la concretion
de la limphe infiltrée ou depofée en
quelque partie du corps que ce puiffe être,
font capables de produire en un nombre
infini de cas , & à faire remarquer combien
DE FEVRIER 1722 .
bien il est difficile de pouvoir diffoudre
ou liquifier tant par les remedes generaux
que topiques , une humeur dont les parties
fe trouvent fi intimement liées &
unies enſemble , peut être que portés par
ces reflexions à la recherche d'un vehicule
analogue , capable de liquifier la limphe
dans les plus fortes coagulations , beaucoup
mieux que tous ceux aufquels on
attribue une telle puiffance , parviendrons-
nous à la fin à en trouver un plus
Specifique.
Cette Relation fut luc à l'Academie
Royale des Sciences le 24 du mois dernier
par M. Anel , qui fait voir aux
Curieux chez lui ces matieres & éſpeces
d'oeufs , qu'il conferve dans de l'eau -devie
, fa demeure eft rue du Four , près
S. Euſtache.
I
A Mademoiſelle
Ris , vous aimerez un jour ,
Vout efperez en vain refter indifferente.
Ah ! fur votre beauté naiſſante
Vous ignorés encor les defleins de l'Amour ;
Vous vous flattés d'avoir la raiſon en partage,
Mais , aimable Iris , qu'à votre âge
L'Amour eneſt bien tôt vainqueur !
Cvj &Quil
60.
LE
MERCURE
Qu'il la fçait promptement bannir d'un jeune
coeur !
11 eft un autre Amour au monde
Encor plus dangereux que lui ,
Dont la malignité feconde ,
De tout tems & même aujourd'hui ,
Et tant que durera la terre ,
Doit faire à votre fexe une fatale guerres
Seducteur affidu qui farde vos defauts ,
Il fçait par un doux ftratagême
Sous des biens apparens vous déguifer-les maux
C'eft l'amour propre enfin, c'eft l'amour de vousmême
C'eſt cet amour victorieux
Qui ne trouve point de rebelle ,
C'est lui qui fafcine les yeux ,!
Qui fait de laide une belle
Et qui toujours flatteur , n'eft jamais ennuyeux :
Il amufe , il enchante une jeune Coquette ,
Il place fes rubans , & lui choifit des fleurs,
C'est lui qui pare fa toilette ,
C'est lui qui fur fon fein arrange fa Folette ,
*
Elle approuve fes foins , fe livre à fes douceurs
Quand l'autre Amour Dieu de Cithere
Aux genoux de la Belle amene en ce moment
Un jeune Amant
Formé pour plaire.
Sorte de Fichu à la mode,
DE FEVRIER 1722 . 61
De cet Amant d'abord les voeux font rejettés ,
Ce n'eft qu'un étourdi , ce n'eft qu'un temeraire...
Cependant s'il étoit fincere !
Car c'eft là le refrain de toutes nos Beautés ;
Leurs coeurs fe fentent- t'ils flattés
D'une victoire imaginaire ,
Adieu les conſeils de la mere
Voila fes projets avortés. ·
On fçait bien affez qu'on eſt belle ,
On l'entend fi fouvent,on n'en peut point douter :
Mais , Iris , qu'un Berger qui nous paroît fidele,
A de grace à le repeter :
Confultés un miroir , fouvent il vous déguife ,
Miroir à votre avis n'eut jamais de franchiſe ,
Heft muet d'ailleurs , & n'a pas l'agrément
Qu'a le langage d'un Amant :
Cependant Iris on écoute ,
On répond , on voudroit bien voir
Jufqu'où peur aller le pouvoir
De ces attraits que foi même on adore.
Belles , vous payés cher la curiofité ,
Et vos deux feducteurs flattans votre beauté ,
Par des détours qu'un jeune coeur ignore
Vous enlevent la liberté
Dont vous penfiés joüir encore +
En vain contre l'Amour vous armés la raifon
Son fecours n'eft plus de faifon ,
Bien
Bz LE MERCURE
Bien loin de l'abbaiffer vous augmentés fa gloire,
Pour le vaincre il faut l'éviter ,
Le fuivre pour lui refifter ,
C'eft l'affurer de la victoire.
AKAKAAAAAAAA
RELATION ABREGE'E
de ce qui s'eft paffé en la Ville
d'Arles en Provence pendant la
Contagion : Par une Dame de la
même ville.
P
Erfonne n'ignore qu'un Vaiffeau
venu de Seyde en Syrie , a apporté
la pefte à Marfeille , que la communication
l'a introduite à Aix & dans prefque
toutes les Villes & Villages de cette
malheureuſe Province. Je n'ay pas deffein
de faire la relation de tous les maux que
cette terrible maladie caufés dans ces
grandes Villes , ie me contenteray de parler
des ravages qu'elle a faits dans la Ville
d'Arles , qui font fi affreux , qu'il n'eſt pas
poffible de ramaffer toutes ces triftes.cir.
conftances fans fremir.
On s'étoit gardé avec grand foin , &
avec un heureux fuccès jufques au mois .
de Decembre 1720. Nos voifins avoient
caché par des raiſons de politique le mal
contagieux ,
DE FEVRIER 1722. 63
contagieux , & donnoient des Patentes de
fanté pour faire recevoir ce qui venoit
d'eux , fans repugnance ; nous avions échapé
à tous ces périls , & la confiance que
l'on avoit à leur fincerité , ne nous avoit
pas été funefte , quand un Pourvoyeur
abuſant de fa commiſſion , porta dū Martigue
des marchandiſes fufpectes en Crau
dans la mazure de Poncet Meron , qui fans
doute étoit de moitié dans ce funefte commerce.
Une vieille femme en fut la premiere
victime , on trouva des pretextes fur fa
mort , on en parla confufément dans la
Ville ; ce bruit que l'on crut être fans
fondement , fe diffipa de lui - même , & on
étoit tranquille fur ce qui te paffoit près
de nous, quand on étoit très - allarmé des
nouvelles que l'on recevoit d'ailleurs.
le con-
Les portes étoient gardées avec grand
foin , & on examinoit fcrupuleuſement
les billets de Santé ; cependant Poncet
Meron fe trouvant malade , il jugea à prode
venir dans la Ville pos , & par
feil de fa mere , prit la contenance d'un
homme qui fe porte bien , ayant laiffé
fon cheval à quelque diftance de la Ville ;
ceux qui étoient de garde à la porte le
laifferent paffer fans autre information : il
ne fut pas plutôt arrivé chés lui , qu'il fe
preffa de demander des fecours ; les Medecins
64
LE MERCURE
cins y accoururent , fans avoir beaucoup
de connoiffance de fon mal , les fimptomes
en firent mal augurer : il mourut quand
on s'y attendoit le moins ; on dit tout bas
qu'il étoit mort de la pefte ; les fentimens
étoient encore partagés , quand ceux qui
P'avoient approché ayant été mis en quarantaine
, eurent le même fort que lui ,
ainſi que ceux qui avoient eu quelque
part à fes liberalités.
A ces nouvelles , l'épouvante, s'empara
des coeurs , on tint une conduite differente
& plus fincere ; on fe declara fuſpect ,
& nos voifins n'eurent plus avec nous de
commerce qu'avec précaution ; chacun
precipita fa fuite , les campagnes furent
bien-tôt remplies de gens de tous les états ,
& il ne refta dans la Ville que des citoyens
affés genereux pour le dévouer pour
leur Patrie ; de ce nombre furent M. de
Beaumont Commandant , M. de Boucher
Major , les quatre Confuls , Mrs Gleife
de Fourchon , Groffy Avocat , Brunet &
Chartroux Bourgeois , les Intendans de
fanté les plus zelés furent Meffieurs de
Cais , trois freres , Mrs de Gravefon , de
Piquet , de Sabatier , du Baron , l'Abbé
Pazeri , le Commandeur de Romieu , &
beaucoup d'autres de tous les états , qui ſe
font fignalez par leur continuelle vigilance.
La Ville étoit reſtéc fi dépeuplée , on prenoig
DE FEVRIER 1722. 65
noit de fi grands foins pour ne laiffer
point de malades dans les maiſons , & on
mettoit avec tant de regularité les fufpects
en quarantaine , que le mal contagieux ne
fortit point du Quartier des Arenes , qui
étoit celui où Poncet Meron avoit habité ;
il tomboit toujours quelque nouveau malade
qui avoit relation au principe de ce mal ;
on refolut pour le faire entierement ceffer
de mettre les Arenes en quarantaine, ce peuple
ennuyé & chagrin d'être en prifon , joud
dans ce Quartier des Comedies , où il tournoit
en ridicule ceux qui les gouvernoient :
Au milieu de leurs divertiffemens , il y eut
des Acteurs atteints du mal contagieux , la
peur fucceda à la joie , & leTheâtre comique
fut abbatu; cependant on s'étoit familiarifé
avec les bubons & les charbons ; tout le
monde ſe communiquoit fansrien craindre,
& peu de gens s'en trouvoient punis; beaucoup
de ceux qui étoient portés aux Infirmeries
échapoient , & c'étoit pour ainfi
dire une très-douce pefte : il y eut des
incredules qui femerent parmy le peuple
(naturellement porté à fe flater ) que la
pefte avoit accoutumé de faire plus de
progrès, & que ce nétoit point le même
mal qui regnoit avec tant de force , dans
les autres Villes , tout concourut à les laiffer
dans cette préjudiciable erreur , il y
eut un temps où les Infirmeries furent.
fermées ,
66 LE MERCURE
fermées , & le nombre des convalefcents
paffoit de beaucoup celui des morts .
On croyoit en être quitte pour un auſſi
petit tribut , quand on fut obligé de faire.
une leffive aux Infirmeries , ceux qui
toucherent ce linge peftiferé furent atteints
du mal que l'on croyoit fini fans retour,
& un Chirurgien mourut dans ce tempslà
pour avoir communiqué avec une blanchiffeufe
, les Infirmeries furent r'ouvertes
, & la Ville & la Campagne fournirent .
quelques nouveaux malades , mais le Public
n'étoit pas perfuadé que la maladie
fut contagieufe.
Les choſes étoient dans cet état quand
le vingt - cinquième jour de Mars arriva
qui eft le temps où l'on a accoutumé
d'élire de nouveaux Confuls , les prétendans
au Confulat ne furent point arrêtés
par la crainte de la contagion , ils fe rendirent
de tous les côtez pour former leurs
brigues , mais la Cour dont les vûës étoient
differentes , jugea à propos pour conferver
la Ville de laiffer en place les anciens
Confuls , ce qui ne plût pas à ceux qui
avoient bravé le danger pour venir en
faire de nouveaux ; ils publierent hautement
qur nos Magiftrats avoient mandié
cette confirmation ; ils éclaterent de diverfes
façons , & entreprirent de perfuader
qu'on fe fervoit du pretexte fpecieux
de
DE FEVRIER 1722. 67
de la peste pour ufurper une domination
qui eft ordinairement bornée à une année ;
les mécontents écrivirent par tout , que
nous n'avions pas la pefte , on le foutenoit
publiquement ; en vain demandoit- on
des fecours , ils étoient refufés des propres
Citoyens , & par confequent de ceux qui
les n'étant pas témoins de nos befoins ,
croyoient encore moins ferieux .. Un Medecin
peu fatisfait de la caffation d'un Contract
onereux à la Communauté, augmenta
le nombre des incredules , les Bureaux de
fanté devinrent des rendez - vous de difpute
, ou ne fervitent qu'à former des
projets qui reftoient fans execution , faute
d'argent & de bonne volonté . Par cette
difcorde tout fut negligé , & le bon ordre
renverſé, en vain faifoit -on des deffenfes de
frequenter les lieux où la communication
eft inévitable ; perfonne ne croyoit ces
précautions neceffaires : on prêcha même
fur la fin du Carême dans la Cathedrale.
Le mal contagieux fe répandoit fourdement
, le Printems qui met les humeus
en mouvement produifit quelques morts
fubites ; on raifonna pour trouver les caufes
de ces trepas imprévûs.
Cependant il arriva une avanture , qui
commença à deciller les yeux aux plus
opiniâtres ; une Demoiſelle demanda la
permiflion au Commandant de quitter le
quartier
68 LE MERCURE
quartier des Arênes , pour aller loger au
Plan de la Cour , qui eft l'endroit de la
Ville le plus frequenté , alleguant qu'elle
craignoit la pefte : elle obtint cette grace ,
& tout le monde alloit dans fa maiſon
avec une confiance infinie , quand on apprit
certainement qu'elle étoit atteinte du
mal qu'elle fembloit vouloir éviter ; l'alarme
fut generale & bien fondée ; car cette
maifon fervoit de retraite à tous les jeunes
gens de notre Ville. On fut alors obligé
de fermer les Eglifes , de dire la Meffe dans
les Places publiques : le Palais où le rend
la Justice fut auffi fermé. Pour garantir
les Quartiers qui étoient encore fains , on
barricada les Arênes , & les rues de la Major
qui étoient infectées , on mit enfin tous
les gens fufpects en quarantaine : il tomba
tant de malades , que les Infirmeries ordinaires
ne purent les contenir ; ils refterent
donc dans leurs maiſons , où ils infecterent
Ceux qui peut- être auroient été préfervez . Il
'y avoit point de tombereaux , & fort peu
de Corbeaux ; encore étoienr- ils de mauvaiſe
volonté : on cria au fecours vainement
, tout celui qu'on nous donna , fut
de nous bloquer de tous côtez , &de nous
refferrer par des lignes , qui nous empêchoient
même d'en recevoir de notre territoire.
Les Païfans accoutumez de jouir
de la liberté , cominencerent à murmurer ;
on
DE FEVRIER 1722 . 69
on tâchoit de les appaifer , en leur difant
qu'on avoir fait des Remontrances à M. le
Marquis de Caylus Lieutenant General ,
pour faire reculer les lignes.
Le mal contagieux avoit attaqué la plus
grande partie de ces Païfans , & la mort
les enlevoit avec une rapidité étonnante ;
il mouroit par jour plus de cent cinquante
perfonnes , la Ville étoit dans une confternation
& dans une confufion inexprimable,
les morts ne pouvoient être enterrés
on n'avoit pas affez de tombereaux pour
les enlever , & les Confuls même étoient
obligez de fuivre ces lugubres équigages
pour les faire agir ; on avoit bien de
la peine à empêcher ces malheureux
corbeaux de piller tout ce qu'ils trouvoient
dans les maifons où les familles
étoient détruites : les parens fervoient leurs
parens , & les amis le facrifioient avec
joye pour donner des marques fenfibles
de leur amitié. Il y a peu de Villes où le
peuple ait montré plus de courage , & fi
des gens font morts fans fecours , c'eſt
qu'il ne leur reftoit ni parens , ni amis ,
ni voiſins.
Ce terrible fleau n'épargnant perfonne,
le Roy touché de nos malheurs nous envoya
M. de Joffaud , qui fe livra avec
une intrepidité peu commune à toutes les
horreurs
70 LE MERCURE
horreurs qui regnoient dans notre déplorable
Ville ; fon premier foin quand il fut
arrivé , fut de raffembler le Bureau de
Santé , qui n'étoit compofé que de gens
qui commençoient d'éprouver le venin
fubtil qui étoit répandu par rout ; ce fut
dans cette trifte affemblée que notre Commandant
fçut le pitoyable détail de l'état
affreux où nous nous trouvions. Les premieres
Infirmeries qui étoient S. Roch ,
S. Lazare , les Minimes & les Carmes Déchauffés
étoient remplies , & il y avoit
bien des malades qui n'avoient pour toute
demeure que nos antiques Tombeaux, qui
font auprès des Minimes ; on en voyoit
expirer fous des arbres , & un monceau
de morts fermoit le paffage de toutes ces
maiſons peftiferées , les Confeffeurs , les
Medecins , nos Chirurgiens , & tous ceux
que la pieté avoit portés à fervir dans les
Infirmeries , avoient augmenté la nombre
des malades & des morts ; la Cour nous
envoya de l'argent , des Medecins & des
Chirurgiens , qui ne pouvoient fuffire à
foulager le nombre infini des malades
qui fe prefentoient à eux , l'on formoit
par le confeil de M. de Joffaud de fages.
refolutions dans les Bureaux , & l'execution
en étoit arrêtée par la mort de ceux
qui avoient été nommés pour agir ; de ce
nombre fut M. de Beaumont , qui commandoit
DE FEVRIER 1722. 71
mandoit avant M. de Joffaud, de Mrs. de
Fourchon , de Sabatier & de Gravezon
qui fe fuccederent dans la Charge de premier
Conful , M. Groffi qui avoit le fecond
Chaperon , & les autres étoient atteints
de ce terrible mal ; prefque tous les
Intendans de Santé qui fervoient utilement
leur patrie , tous ceux qui vivoient encore,
avoient chez eux le mal contagieux , &
étoient obligés de fe fervir , leurs Domeftiques
étant tous morts ; enfin tout le
poids des affaires tomba für M. de Joffaud,
qui a fait des chofes plus qu'humaines,
il bravoit tous les dangers pour tâcher
de mettre quelque ordre , malgré le peu
de monde qui pouvoit l'aider , il fit
preparer en moins d'un mois deux Infirmeries
, fçavoir , la Charité & les Recolets
, qui devoient contenir plus de mille
malades ; il faifoit des Etabliffemens qui
fe détruifoient par la mort de ceux qu'il
avoit mis en place ; quelques cadavres
reftoient dans les maifons , n'y ayant plus
de Corbeaux pour les enterrer ; enfin Mrs.
de Toulon nous envoyerent des Infirmiers,
des Parfumeurs & des Corbeaux , qui furent
employez à enlever des morts , qui
étoient depuis quinze jours dans leurs
maiſons ou dans les rues , ils en enleverent
fept cens dans trois jours , & il y avoit
beaucoup de ces cadavres que l'on tiroit
par
72 LE MERCURE
par morceaux , l'infection étoit horrible ;
il y avoit pourtant des Intendans de Santé
qui étoient prefens quand on les enlevoit.
M. de Piquet , qui eft à prefent Conful,
y refta un jour jufqu'à minuit ; notre Cité
n'étoit prefque plus habitée que par des
mourans & des morts , on voyoit dans les
ruës des gens qui étoient en freneſie , &
qui venoient chercher à finir leurs peines
en fe noyant dans notre Fleuve , d'autres
qui hurloient d'une maniere épouvantable ;
ceux qu'un venin plus paiſible confumoit,
portoient fur leurs vifages des marques de
leur mort prochaine , il y en avoit beaucoup
qui mouroient fans fecours dans
leurs maiſons , ayant vû perir toute
leur famille ; on trouvoit beaucoup de
petits enfans à la mamelle , dont on ne
connoiffoit les
pas
de deux cens
qu'il y en avoit , il n'en refte à prefent que
trente ; cette cruelle maladie n'épargnoit
perfonne , toutes les Communautés font
reduites à deux ou trois Religieux , tous
les Curés font prefque morts ; il y a eu des
jours où il mouroit près de deux cens perfonnes
, tout le monde defefperoit de voir
calmer un fi funefte fleau; maisDieu fe laiffa
flechir aux prietes , & l'on fit une Proceffion,
où les Reliques de S. Roch furent
portées ; M. de Joffaud qui n'avoit pas perdu
un moment, fit ôter tous les malades de
parens ;
la
DE FEVRIER 1722. 73
la Ville , on prit pour cela toutes les voitures
publiques ; & M. l'Abbé d'Icard
Cabifcol de la Cathedrale fe chargea de
ce foin, qui lui coûta la vie ; la prévoyance
de M. le Commandant ne nous a laiffé
manquer de rien , il avoit fait des Traités
avec Beaucaire & avec Tarafcon , ces deux
Villes nous ont fourni du pain & de la
viande ; il n'y avoit plus dans la nôtre ni
Boucher ni Boulanger , & ceux qui auroient
échapé à la Pefte feroient morts de
faim fans la vigilance de M. de Joffaud.
On compte que nous avons perdu tant
à la Ville qu'à la Campagne plus de neuf
mille perſonnes ; la Crau a été très-maltraitée
, il y a eu quatre-vingts dix-fept Mas
ou maifons de Campagne attaquées , la
Camargue n'a pas été exemte de ce dangereux
mal , mais il n'y a pas fait de grands
progrès ; d'abord que l'on put faire la
Quarantaine on la commença , & ce fut
le 4. d'Août , elle a été faite avec grand
loin , & il a regné un ordre admirable dans
la diftribution que l'on faifoit au Peuple
des vivres qu'on lui portoit ; ceux qui
ont rompu cette Quarantaine ont été
punis feverement , on caffa la tête à quelques
malfaiteurs qui avoient caché des
hardes fufpectes , & il y eut des femmes
fuftigées ; c'est à l'attention & à l'activité
de M. de Joffaud & des Confuls que nous
Ꭰ devons
74
LE MERCURE
devons la ceffation de ce terrible mal : la
Quarantaine fut prolongée jufqu'au 26 de
Septembre pour plus grande fûreté , &
l'on fit une vifite exacte de tous ceux qui
avoient eu le mal chez eux , avant que de
les faire fortir de Quarantaine ; ceux qui
ne fe trouverent pas entierement gueris
ont été portés aux Infirmeries , ou renfermés
dans leurs maifons , & le Commiffaire
du Quartier en avoit là clef pour
empêcher la communication ; toutes les
maiſons ont été parfumées , & l'on a brûlé
ou jetté dans le Rhône tous les matelats,
& toutes les nipes peftiferées ; la Patrouille
fe promenoit dans toutes les rues pendant
la Quarantaine , M. de Joffaud faifoit fa
ronde le matin , & le foir il remedioit
par fa prefence à tous les inconveniens
qui arrivoient ; cette Quarantaine a été
fuivie d'un très heureux fuccès , elle fut
terminée par une Proceffion generale en
Action de graces , quatre Intendans de
Santé portoient les Reliques de S. Roch ,
M. l'Archevêque & ce qui refte de fon
Clergé , étoient fuivis de M. le Commandant
, de Mrs les Confuls, & du peu de Nobleffe
échapée de cet horrible naufrage.
SUR
DE
FEVRIER 1722. 75
※ 粥:粥粥粥粥粥粥米粥※
SUR L'YVRESSE .
Par M. * D ....
EVENEZ , puiffante Raifon ,
Roue j'ai fifouvent outragée :
N'êtes-vous point affez vengee ?
J'ofe prononcer votre nom .
Hier , par la fougueufe Yvreffe
Tous mes fens furent abbatus :
Je fais l'aveu de ma foibleffe ,
Raifon , que vous faut - il de plus ?
Il est vrai que dès mon enfance
Senfible à de plus doux plaifirs ,
Aux devoirs de la bienfeance
Je mefurois tous mes defirs.
Jamais la Débauche égarée ,
De pampre & de lierre parée ,
Ne m'a vû marcher fur fes pas :
Une oifive & facile étude
M'infpiroit dans la folitude
Des fentimens plus delicats .
Mais que mon fort eft déplorable !
Au vice le moins agréable
J'ai livé mes foibles efprits .
Dieux ! quelle humiliante image ,
Dij
Offrent
Autour d'une table peu fage ,
76 MERCURE LE
Offrent des Buveurs interdits.
Dans leurs yeux l'yvreffe eft écrite ,
Tout leur corps eft en mouvemens :
Aux difcours fans ordre & fans fuite
Succedent d'effroyables chants .
Ils fe parlent , fans fe répondre ;
Mille voix femblent fe confondre ,
Et leur bouche demande en vain
Cette liqueur enchantereffe ,
Que ne peut plus porter leur main,
Tel eft le tableau que l'Yvreffe
Prefente aux yeux de la Raiſon :
Et je pourrois de ce poifon
Ne point quitter le fol ufage !
Quoi qu'il coûte pour être ſage ,
On eft affez dédommagé ,
Quand de fes erreurs dégagé ,
L'efprit rompt la chaîne qu'il aime ,
Se fent , & jouit de lui -même.
Heureux , qui le long d'un ruiffeau
S'offre à de douces rêveries ,
Qui foulant fes rives fleuries ,
S'enyvre au courant de fon eau !
Rien ne l'abbat , ni l'inquiete ,
Rien ne retarde fon fommeil ,
Et le matin , à fon réveil ,
Il peut répondre de fa tête.
Helas de nos rapides jours
Nous
DE FEVRIER 1722 . 77
Nous abregeons encor le cours .
Non contents que la mort fatale
Au tombeau nous mene à grands pas ,
Nous lui donnons une rivale ,
Qui nous retrace le trepas .
Cruels Bûveurs , penfez - vous vivre ? .
Cette liqueur qui vous enyvre ,
Qui tient tous vos fens fufpendus ,
Nous fait douter fi la lumiere
Anime cacor votre paupiere ,
Ou fi vous ne refpirez plus.
O Raifon ! o fage Déeffe !
Rendez moy vos puiffaus fecours :
En fuiant l'imprudente Yvreffe ,
Je prolongerai mes beaux jours.
Les Auteurs des Enigmes propofées
dans le dernier Mercure , n'ont pas fans
doute prétendu
Aux Saumaifes futurs préparer des tortures.
car en voici les petits myfteres aisément
developez .
Ouvert étoit d'un froc noirâtre
CoDa Au mil trois cent trente quatre ,
Quand Geufrey Faé fe demit
Abbé du Bec , & Evreux prit ;
Diij
Le
78 MERCURE LE
Le premier jour d'Avril fans doute.
Voilà l'explication toute
Du vieux Logogryphe du Bec ,
Dont l'Auteur n'étoit pas trop Gree.
M. C C C. VV VVV V. IIII.
Les fajets des trois autres Enigmes font
le Lin , le Ver à Soye , & la Truffe .
PREMIERE ENIGME.
UN Aveugle jamais ne me met en ufage
Auffi m'a t'il aucun befoin de moy ;
Quand il me tiendroit , fur ma foy >
Il n'en verroit pas davantage.
Par fois on m'ouvre au Cabinet du Roy :
J'y rends plus vive la lumiere :
Mais l'habitant d'une fimple Chaumiere
S'en paffe , & fait toujours mes fonctions par foy
Et felon que je fuis ou bien ou mal tenue
>
J'éteints d'abord la flamme , ou je la diminue.
SECONDE ENIG ME.
Omme fi j'avois fait un crime
Com
A meriter toutes les cruautez ,
D'un nombre d'ennemis éternelle victime ,
Ils me percent de tous côtez :
Je fuis affez fouvent vagabonde ou pendue ;
Chez le pauvre je fuis tres- nue ,
Au lieu qu'ailleurs par mon ajuſtement
Je
THE
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ASTOR, LENOX AND
TILDEN
FOUNDATIONS.
THE
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.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATION
&
DE FEVRIER 1722. 79
Je réjouis affez la vûe ,
Je fers même d'amufement
Au fot & langoureux Amant ,
A qui fa Belle fait faire le pied de Grue ;
Mais il m'en fait fouffrir encor plus de tourment.
JE
TROISIEME ENIGME.
E fuis un compofé de plus d'une figure ,
Qui fait ou bien ou mal à celui qui la fuit ,
Et varié dans ma parure ,
Je mêle la fleur & le fruit.
On me défend par tout , mais malgré la défenfe ,
Hommes , femmes , animaux ,
Canons , & Ponts , & Vaiffeaux .
Servent tous à ma puiſſance ,
Et font rangez fous mes loix :
Je porte dans mon feia les Armes de nos Rois '
Quoiqu'ils combatent ma licence.
AIR A BOIRE.
TEmps humide , Temps pluvieux ,
·
Ne cefferez vous pas de nous livrer la guerre ?
L'eau jour & nuit tombe des Cieux ,
Et coule fur la terre.
Bacchus , pour la dompter redouble tes efforts
Ne manque pas ce triomphe en Automne ;
Verſe plus de Vin dans la Tonne ,
Que l'Hiver n'a verfé de torrens fur nos bords '
NOUVELLES
D iiij
LE MERCURE
NOUVELLES DE LITERATURE ,
DES BEAUX ARTS ,
& autres Curioſitez.
V
OYAGE DE SYRIE ET DU MONT
LIBAN , contenant la defcription de
tout le Pays compris fous le nom de Liban
& d'Anti -Liban , Kefroan , &c . Ce qui
concerne l'origine , la Créance , & les
Moeurs des Peuples qui habitent ce Pays :
la deſcription des ruines d'Heliopolis , aujourd'huy
Balbec , & uneDiffertation hiſtorique
fur cette Ville ; avec un abregé de la
Vie de M. Chafteuil , Gentilhomme de
Provence , Solitaire du Mont Liban , &
l'hiftoire du Prince Junés , Maronite , mort
pour la Religion dans ces derniers temps
Par M.dela Roque l'aîné. 2 vol . in 1 2. avec
des figures . A Paris chez André Cailleau
Place Sorbonne , au coin de la rue des Maçons
, à Saint André , 1722 .
L'Auteur de ce Voyage expofe dans une
courte Preface, qu'après tant de Relations
du Levant & de la Terre Sainte , nous n'étions
point encore inftruits à fonds de tout
ce qui regarde le vafte Pays du Liban
l'une des plus belles Contrées de l'Orient ,
&
DE FEVRIER 1722. 81
& refpectable dans notre Religion par tant
d'endroits differens . Le P. Dandini de la
Compagnie de Jefus , y fut envoyé par le
Pape Clement VIII . en l'année 1599. en
qualité de Nonce Apoftolique ; & nous
avons de lui un Voyage du Mont Liban ,
écrit en Italien , traduit en François avec
des Remarques par M. Simon ; mais la
Relation de ce Pere eft un Ouvrage prefque
dogmatique , dans lequel l'Auteur ne
parle que fort fuccinctement du Pays qui
étoit l'objet de fa Miffion . Pour ce qui
eft de la Defcription abregée de la fainte
Montagne du Liban & des Maronites qui
P'habitent , petit volume in 12. imprimé à
Paris en 1671 , c'eft un ouvrage trop fuperficiel
, pour fuppléer au defaut dont on
a parlé au commencement ; le Pays qui eſt
décrit dans cet abregé ne failant pas la dixiéme
partie du Mont Liban ; outre que
l'Auteur ne fait qu'effleurer la matiere qui
regarde les Maronites. Ainfi on peut préfumer
que le Public ayant déja yû avec
quelque fatisfaction les Voyages de l'Arabie
Heureufe , & de la Paleftine , recevra
favorablement de la même main encore
un Ouvrage qui ne laiffe rien à defirer
fur une Region celebre , dont il femble
qu'on n'a pas affez de connoiffance , la matiere
en ayant été negligée jufqu'à prefent ,
ou trop confondue dans des Relations geperales
Dy Nous
82 LE MERCURE
Nous ne fuivrons point l'Auteur dans
les differentes parties qui compofent for
Ouvrage. Tout nous y paroît curieux ,
nouveau & recherché. Nous en laiffons
l'Extrait à Meffieurs les Journaliſtes
crainte de tomber dans une longueur qui
ne fçauroit convenir au plan de notre
Journal. Nous remarquerons feulement
que toute la Nobleffe de Provence , &
tous les gens de pieté , doivent fçavoir
gré à notre Voyageur , d'avoir tiré de
Pobfcurité la Vie toute fainte & pénitente
de M. de Chafteuil , Gentilhomme de
cecte Province , qui a vécu plufieurs années
, & qui eft mort parmi les Solitaires
du Mont Liban , vers le milieu du Siecle
paffé.
DISSERTATION fur la nature & la
caufe de la Pefte , avec un Traité de fa
curation , dans lequel on trouve tous les
moyens de précautions , & les remedes
pour s'en préferver . La methode la plus
feure pour guerir les Bubons , Charbons &
Puftules malignes , & la maniere de compofer
les remedes . Par M. And. J. Lorin ,
Docteur en Medecine de la Faculté de
Montpellier , aggregé au College de Dijon.
A Dijon , chez Arnaud J. B. Augé 1721 .
124 pages , fans l'Epître à M. de Berbifey,
Premier Prefident au Parlement de Bourgogne,
DE FEVRIER 1722. 83
gogne , l'Avis au Lecteur , & la Table.
Cet Ouvrage a deux parties ; dans la
premiere Auteur explique dans une Differtation
la nature & les caufes de la Pelte,
fuivant les obfervations des Medecins anciens
& modernes. La feconde eſt un petit
Traité de la maniere de travailler à la
cure de cette maladie , &c . N. Lorin a mis
à la fin un Corollaire differtatif fur . la
nature , la caufe & les remedes d'une
Puftule maligne , que le vulgaire appelle
Puce maligne , maladie propre & familiere
à certains Vallons & Côteaux de l'Auxois ,
pendant les chaleurs . Nul Auteur n'a encore
écrit fur cette petite tumeur.
L'Auteur pretend que les corpufcules
antimoniaux modifiez fous la forme d'un
corps heriffé , font la caufe de la Peſte ,
puifqu'ils peuvent s'élever dans l'air , paffer
dans le fang des animaux , y mettre la
corruption fans s'alterer , & fe peuvent
communiquer d'un corps à un autre , en
s'exhalant par la tranfpiration . Ne foions
donc point furpris , dit- il , fi la pefte a fait
tant de ravages en France dans les quatre
derniers ficcles , puifqu'outre que ces corpufcules
peftilentiels pourroient nous être
aportez des Pays étrangers , nous en avons
la matiere & la fource dans le nôtre .
ERITRE AUX MUSES par M. T. Bro
D vj
chure
84
LE MERCURE
chure in 4°. de 10 pages , imprimée à Pa
ris chez Huguier , rue Saint Jacques , &
Piffot , Quay des Auguftins , 1722 .
Nous allons donner quelques fragmens
de cette Epitre , pour en faire connoître
l'efprit & la verfification .
Grace à nos Ecrivains , le titre de Poëte ,
Noble autrefois , n'eft plus qu'une vile épitete
Sans culte , fans autel , oifif , abandonné ,
Apollon parmi nous eft un Dieu furanné .
Faut il des fales vers , dont la France pullule ,
Et qu'on voit tous les jours éclorre dans Paris,
Infecter ma penfèe , & fouiller mes écrits ?
Faudra-t’il , fi je veux qu'à les lire on s'amufe ,
D'une rime inmodefte effaroucher ma Muſe :
Et d'un Chantre de Place allant prendre leçon ,
De cent obfcenitez y couler le poiſon .
C'eft aiufi toutefois , c'eft par de tels Ouvrages,
Quel'on peut aujourd'huy captiver les fuffrages,;
Un couplet effronté , fleau de la pudeur ,
Fait fortune , & chacun applaudir à l'Auteur ,
L'on veut fçavoir fon nom avec ſes chanfonetes,
Et le Lecteur charmé , l'écrit fur fes tablettes.
Contre ce vain éclat fagement prévenu,
Dût mon nom pour jamais demeurer inconnu ,`
On ne me verra point groffiffant un volume,
Deshonorer
DE FEVRIER 1722 . 85
Deshonorer ainfi ni votre art , ni ma plume ,
Et fuçant le venin d'un goût faux & pervers ,
D'une élegante ordure affaifonner mes vers .
Autrefois les Mortels , vagabons dans les bois ,
Vivoient, indépendans , n'écoutoient point de
loix ,
Le crime avec audace exerçoit fa puiffance ,
A fes pieds gemiffoit la timide Innocence ,
Et dans fes noirs complots le Ciel même infulté ,
Ne fut point à l'abri de fa temerité.
Mais d'Apollon bientôt la ſcience feconde ,
Au joug de la Raifon vint foumettre le Monde :
Et fa douce rofée inondant tous les coeurs
De l'Homme né farouche elle adoucit les moeurs
A la Divinité on éleva des Temples ,
De toutes les vertus la Terre eut des exemples
Et l'ordre enfin qu'on voit regner dans l'Univers »
Fut dans ces temps obfcurs le triomphe des Vers.
& c.
ABREGE DE CHRONOLOGIE , ou Introduction
à l'Hiftoire , tres- utile à toutes
les familles , dédié au Roy . Par M. Beaumont,
Prêtre , Bachelier de Sorbonne . A Paris
chez la Veuve le Fevre , rue S, Severin ,
1722. in 4. On debite chez les Libraires
qui vendent ce Livre , la Nouvelle Grammaire
Françoiſe & Latine , dédiée au Roy ,
par le même Auteur , qui continuera
donner
86 LE MERCURE
donner fon Traité des Arts & des Sciences.
Le commencement de ce Livre eft orné
d'un beau portrait du Roy : on lit ces
quatre Vers au bas.
Ces traits que l'oeil avide avec plaifir obferve ,
Ne font pas dans LOUIS ce qui touche le plus :
C'eft fon coeur qui docile, aux leçons de
MINERVE ,
Dèja de fes Ayeux nous promet les vertus,
>
L'OCCUPATION des Fideles durant le
Saint Sacrifice de la Meffe , dédiée à
S. A. R. Madame d'Orleans Abeffe
de Chelles. Par le R. P. Charles de Saint-
Benoift , ancien Profeffeur en Theologie , &
afilié au grand Couvent des Carmes de Paris.
A Paris chez Simart , rue S. Jacques ,
1721. in 16. pag . 159 .
TRAITE DE LA PESTE , où en répondant
aux questions d'un Medecin de Provence
, fur les moyens de s'en preferver
ou d'en guerir , on fait voir le danger des
Barraques & des Infirmeries forcées , avec
un problême fur la Pefte, par M. Hecquer .
A Paris rue Saint Jacques , chez Guillaume
Cavelier fils an coin de la ruë de la Parcheminerie
, à la Fleur de Lys 1720. pages
301 , fans l'Epitre dedicatoire adreffée
à M. Dodart premier Medecin du Roy.
M
DE FEVRIER 1722. 87
M. Hecquet croit qu'il ne faut point
chercher d'autre fource de la Pefte que
dans les échapées de feu qui fortent de la
terre par les tremblemens , & c. il foutient
que cette maladie attaque le fang ; & que
fon caractere eft d'être contagieufe , contre
le nouveau fentiment de quelques Medecins.
Pour la guerir il confeille de frequentes
& copieules faignées , ou des fudorifiques
corrigez & dirigez felon la methode
qu'il en donne : Il n'eft pas pour
les Barraques , Infirmeries , & autres ufages
qui ne fervent , dit- il , qu'à augmenter
la contagion , faire périr les malades
& épouventer les fains . Il propofe une nouvelle
Police qu'il croit preferable à celle
qu'on obferve ordinairement en temps de
peſte.
LE SPECTATEUR FRANÇOIS , petite
Brochure de treize pages , en y comprenant
un Avis du Libraire au Lecteur , par
lequel on voit que l'Auteur a pris des
arrangemens pour que cet Ouvrage paroiffe
à l'avenir tous les 15 jours fans interruption
. La forme fous laquelle il paroît,
dit-il , femble n'anoncer que du badinage ;
en effet il y en aura fouvent , mais un
badinage de reflexion , que l'on a tâché
de rendre auffi inftructif, que pourroit
l'être le ferieux le plus demafqué.
Cet
88 LE MERCURE Cu
""
Cet ouvrage commence par une propo
fition en ces termes. » Les aufteritez des
» fameux Anachorettes de la Thebaïde , les
fupplices ingenieux qu'ils inventoient
» contre eux - mêmes , pour tourmenter la
» nature : cette mort toujours nouvelle ,
» toujours douloureufe , qu'ils donnoient
à leurs fens ; tout cela joint à l'horreur
» de leurs deferts , ne compofoit peut-être
pas la valeur des peines que peut éprou
» ver une femme du monde , jeune , aima-
» ble , aimée , & qui veut être vertueuſe.
""
י ל כ
Les Argumens fur ce parallele font contenus
dans une Lettre très - vive , qu'une
femme foible , mais vertueuſe , écrit
un aimable Cavalier.

La troifiéme feuille du Spectateur com
mence ainfi » Je fortois il y a quelques
» jours de la Comedie , où j'avois été voir
» la Tragedie de Romulus , qui m'avoit
» charmé ; & je difois en møy - même : on
dit communément l'élegant Racine , & le
fublime Corneille . Quelle épithete don-
» nera- t'on à cet homme ci ? Je n'en ſçay
" rien ; mais il eft beau de les avoir meritées
toutes deux .
""
"
3
Un portrait entre autres des jeunes gens
d'aprefent merite d'être rapporté . J'en
» voyois , dit- il , qui ſembloient fe remuer,
» étonnez de la nobleffe de leur figure,
» & qui , certainement , comptoient fur
,
» un
DE FEVRIER 1722. 89
» un égal étonnement dans les autres . Ils
» étoient vains , mais très-ferieufement
vains , & comme chargez de l'obligation
»de l'être : Je les interpretois . Quand on
» eft fait , comme je fuis , penfoit appa-
» remment chacun d'eux ; on laiffe agir
» à l'aiſe le fentiment qu'on a de fes avan-
» tages , en marchant ſuperbement . Moy !
» je vais mon pas ; ma figure eft un far-
» deau de graces nobles , impofantes , &
» qui demande tout le recueillement de
» celui qui la porte. Qu'en dites - vous ,
» hommes étonnez ? Qui de vous , fonge
» à faire quelque chicane à ce maintien :
» qui de vous , n'avoüera pas qu'il me
»fied de me rendre juftice ? N'eft- il pas
» vrai que je vous furprends , & que la
>> critique eft muette à mon afpect ? Garre !
"reculez-vous ! vous empêchez le jeu de
» mes mouvemens ; vous ne voyez mon
" gefte qu'à demi. Place au phenomene
» de la nature ! humiliez-vous , figures
mediocres ou belles , car c'eſt tout un
» & vous êtes toutes au même rang auprès
» de la mienne.
INTRODUCTION A LA PHILOSOPHIE, OU
à la connoiffance de Dieu & de foy-méme.
A Paris , Place Sorbonne , chez André
Cailleau , R. M. d'Expilly , D. Hortemels
, Gab. Amaulry. 1722. in 12. pages
382.
HEURES
༡༠ LE MERCURE
HEURES NOUVELLES , à l'afage de la
Chapelle & Paroiffe du Roy , contenant
les Prieres qui s'y difent le Matin & le
Soir ; & au Salut ; les Prieres de la Meffe >
&c. in 24. chez Collombat ruë S. Jacques.
DEVOTION au facré Coeur de Jefus . 2 .
vol. in 12. troifiéme Edition , chez le
même.
DICTIONAIRE IMPERIAL , ' Latin >
François , Allemand & Italien , par Veneroni
, augmenté par Caſtelli. in 4° . 2 .
vol. idem.
HISTOIRE DES RELIGIONS , ou Ordres
Militaires de l'Eglife . par Hermant. in
12. idem.
HISTOIRE DES PLANTES , de Bauhin ,
avec figures. 2. vol. in 12. idem.
PHARMACOPE'E UNIVERSELLE, Contenant
toutes les compofitions de Pharmacie
qui font en ufage dans la Medecine , par
M. Lemeri. in 4. chez L. d'Houry. Ce
Livre eft en Latin & en François pour la
commodité des perfonnes charitables qui
compófent les Remedes , & pour les Chirurgiens
de Campagne.
DICTIONAIRE ou Traité univerfel
des Drogues fimples , où l'on trouve tout
ce qu'il y a de particulier à fçavoir fur
les animaux , les vegetaux & les mineraux.
Ouvrage dépendant de la Pharmacopée
univerfelle ,
DE FEVRIER 1722 .
91
univerfelle , & du même Auteur , feconde
Edition , enrichie de figures , in 4°. chez
le même.
LES LOIX
ECCLESIASTIQUES DI
FRANCE dans leur ordre naturel , & une
Analyfe des Livres du Droit Canonique ,
conferés avec les ufages de l'Eglife Gallicane,
Nouvelle Edition , corrigée & angmentée
par Me Louis Dehericourt Avocat
au Parlement. A Paris chez Denis Mariette
rue S. Jacques in fo. 1721. pp. 904.
fans les Tables.
>
LES VIES DES PLUS CELEBRES JURIS
CONSULTES de toutes les Nations tant
anciennes que modernes , fçavoir , Latins
ou Romains , François , Efpagnols , Italiens
, Allemans , Anglois , Hollandois ,
& c . tirez des meilleurs Auteurs qui en
ont écrit , & mifes en leur jour par ordre
alphabetique , au nombre de près de 500.
AParis, chez Louis Seveftre rue des Amandiers.
1721. in 4. pp. 582 .
JOURNAL DE LA FRANCE , contenant
par chaque jour des mois ce qui s'eſt paſſé
de plus memorable depuis l'origine de la
Monarchie jufqu'à prefent ; avec une Hiftoire
abregée de la vie des Rois de France ,
leurs Genealogies , & des Remarques fur
les
92 LE MERCURE
les differens Etabliffemens qui fe font faits
fous leurs Regnes. Dedié an Roy . Par M.
l'Abbé Valerot , Troifiéme Edition . Corrigée
par l'Auteur , & augmentée des établiffemens
qui fe font faits en même tems
dans l'Eglife , & c . A Paris , 1721. chez
Louis-Denis de la Tour & Pierre Simon ,
rue de la Harpe , aux trois Rois.
SISTEME DU MOUVEMENT , par M.
de Gamaches , Chanoine Regulier de Ste
Croix de la Bretonnerie , vol . in 12. A
Paris chez Jombert.
L'Auteur connu dans le monde fçavant
par le Sistême du Canr , on la connoiſſance
du coeur humain , & par les agrémens du
Langage reduits à fes principes , entreprend
de prouver dans cet Ouvrage le mouvement
relatif.
PIECES qui ont remporté les deux Prix
de l'Academie Royale des Sciences , propofées
pour l'année 1720 , felon la fondation
faite par M. Rouillé Meflay , ancien
Confeiller au Parlement de Paris. vol. in 4°
de 100. pages . A Paris rue S. Jacques ,
chez Claude Jombert.
La premiere de ces deux Piéces eft une
Differtation fur le principe , la Nature &
la communication du Mouvement ; cette
Piéce qui a remporté le premier Prix eft
de M. de Crouzas , Profeffeur en Philofophic
DE FEVRIER 1722. 93
fophie & en Mathematique dans l'Academie
de Lauzane .
La feconde eft une Differtation fur la
maniere la plus parfaite de conferver fur
Mer l'égalité du mouvement d'une Pendule
, foit par la conftruction de la machine
, foit par la fufpenfion. Cet Ouvrage
, qui a remporté le fecond Prix , eft
de M. Maffy.
REMARQUES du fieur Louis Lantier
de Marſeille , Pilote du Navire François
La Fortune conftante , fur la nouvelle fle
enflamée , fortie de la Mer le 31 Decembre
1720 , par les 38 degrez 24 minutes,
entre l'Ile Tercere & celle de S. Michel
dans les Açores .
Il fe trouva le 18 Juillet 1721 entre
l'Ile de S. Michel & l.fle Tercere , à la
diſtance d'un tiers de lieuë de la nouvelle
Ifle , & defcendit dans la chaloupe pour en
examiner la fituation. Il l'aborda du côté
du Sud à la diſtance de la longueur de
deux cables , & jetta la fonde à la Mer :
ayant filé environ 60. braffes fans trouver
de fond , il côtoya l'Ifle de plus près du
côté de l'Oueft , fondant toujours fans
trouver le fonds. Lorfqu'il eut paffé la
pointe de l'Oüeft l'eau de la Mer lui parut
blanche , bleuâtre & verte pendant lefpace
d'environ deux tiers de lieuë vers
POüeft Nord -Oüeft. Il paffa pardeffus, &
s'approcha
94 LE MERCURE
s'approcha de terre à la portée du piſtolet
au Nord- Oüeft de l'endroit d'où fortoit
de la fumée. 11 fonda & trouva quinze
braffes d'eau au fond de gros fable noir
& s'étant encore approché de la terre , il
y fit jetter une pierre , & vit dans l'inftant
boüillonner l'eau à côté de la chaloupe ',
& s'élancer en l'air avec impetuofité. Il
fonda de nouveau , & trouva quatre braffes
& demie d'eau , & le fond fi chaud que
le fuif qu'on avoit mis au bout de la fonde
fe fondit par deux fois. Il eut bien voulu
defcendre à terre , mais comme la Mer
étoit fort agitée , la crainte de faire nau
frage l'en empêcha. Cependant il refta
devant la nouvelle Me pour en bien confiderer
la fituation , & remarqua que la
fumée fortoit d'une espece d'étang , qui
eft dans un enfoncement , & feparé de la.
Mer par une petite Dune de fable , dans
lequel la Mer entre quand elle eft un peu
agitée du côté du Nord. Il a fait le tour
de l'Ifle , qui lui a paru d'une figure prefque
ronde environnée d'un rivage de
gros fable noir ; le refte de l'Ifle eft d'une
terre grifâtre mediocrement élevée . On
peut la découvrir de 8. ou 10 lieuës en
Mer.
Nous ajoûterons à ces remarques , pour
fatisfaire pleinement la curiofité de nos
Lecteurs , qu'au commencement de l'année
DE FEVRIER 1722. 95
née 1721 M. de Montagnac Conful de
France à Lisbonne écrivit au Confeil de la
Marine à Paris , qu'un petit Bâtiment nouvellement
arrivé de l'Ile de Sainte- Marie
avoir rapporté qu'il y avoit eu un violent
tremblement de terre dans l'Ile de Tercere
, qu'on avoit vû au milieu de la Mer
des torrens de flames qui avoient duré
plufieurs jours , & qu'enfin le 3 Decembre
1720 on avoit vû paroître une Iſle
nouvelle entre l'Ile Tercere & celle de
S. Michel , qui ne font éloignées que de
32 lieuës l'une de l'autre. M. de Montagnac
ordonna depuis au fieur Lantier
de vifiter exactement la nouvelle Ifle ; &
c'eft ce qui a donné lieu aux Remarques
qu'on vient de lire. L'agitation de la Mer
a fans doute empêché ce Pilote de nous
determiner l'étendue de l'Ifle , & de faire
d'autres obfervations , à quoi quelqu'autre
pourra fuppléer dans la fuite.
Le fieur le Prince , Miroitier à S. Germain
en Laye , qui a trouvé le fecret de
circuler ou tourner les glaces fans gâter
leur poli , vient encore d'inventer de nouveaux
Ouvrages . Il promet de faire prendre
aux glaces des Berlines & des Carroffes
telle forme qu'il conviendra.
Une homme d'environ 25 ans , qui
demeure chez les Cordeliers du Grand
Couvent de Paris , dont la Profeffion eſt
d'écrire
96
E MERCURE
d'écrire & de copier pour les Avocats &
autres perſonnes , euc une incommodité il
y a trois ans , qui lui fut fatale , par une
faignée mal faite , dont les accidens l'obligerent
quelque tems après à fe faire
couper le bras au-deffus du coude. Il a
actuellement un bras & une main de bois .
Il s'eft d'abord accoutumé à écrire de lamain
gauche , & ce qu'il y a de fingulier,
c'eft que fon écriture reffemble fort à celle
qu'il faifoit de fa main droite avant fon
accident. Mais ce qu'il y a de plus furprenant
, c'eft qu'il écrit fort bien & affez
vîte avec fon bras de bois , même avec
plus de facilité que de la main gauche
La plume eft placée par le moyen d'un
reffort entre le doigt du milieu & l'index ,
fans aucune flexibilité dans les articles des
doigts , du poignet ni du coude. Tout le
bras agit , pouffé par le moignon qui lui
refte vers l'épaule.
Maximilien Miffon
connu parmi les
gens de Lettres par quelques Ouvrages
bien écrits , & fur- tout par fon Voyage
d'Italie , dont il y a plufieurs Editions
mourut à Londres le 16 du mois de Janvier
dernier. Il étoit François d'origine ,
fort attaché à la Religion Proteftante ;
heureux s'il eût fait un meilleur ufage de
fon eſprit , qui a joué long -tems le rôle
d'efprit fort , & qui s'eft égaré fur la fin
de
DE FEVRIER 1722. 97
de fes jours , jufqu'au point d'entreprendre
la deffente du Fanatifme.
L'Academie Françoife donnera le 25 .
Aouft prochain , fête de S. Louis , le
Prix d'Eloquence , fondé par feu M. de
Balzac , dont le ſujet lera , qu'il vaut mieux
être repris par les fages , que flaté par les
infenfez , felon ces paroles de l'Ecclefiafte
ch. 7. v. 6. Melius est à fapiente corripi,
quàm ftultorum adulatione decipi.
L'Academie Royale de l'Hiftoire à Lif
bone celebra le 8 Decembre dernier
l'Anniverfaire de fon inftitution , & le 9
le Roy honora de fa prefence la derniere
Affemblée de l'année , dans laquelle on
proceda à l'élection par fcrutin des Directeurs
qui doivent prefider aux Conferences
de cette année. Le Marquis d'Alegrette
, le Marquis de Fronteyra , le
Marquis d'Abrantes , le P. Don Manuel
Caetano de Souza & le Comte d'Ericeyra
qui ont prefidé à celles de l'année derniere
, eurent encore tous les fuffrages.
Aprés l'élection , le P. Manuel de Sa remit
au Secretaire de l'Academie un Catalogue
hiftorique de tous les Ecrivains
Portugais de l'Ordre de N. D. de Mont-
Carmel.
On apprend de Mofcovie que le Czar a
donné des ordres pour faire imprimer en
Langue Ruffienne l'Ancien & le Nouveau
E Teftament
98 LE MERCURE
Teftament : l'édition s'en doit faire à Am.
fterdam , & les verfo de chaque page
Leront
laiffez en blanc , afin qu'on y puiffe
inferer les reflexions des Theologiens qui
feront nommez pour en faire le Commentaire.
Chaque famille fera obligée d'acheter
un de ces Exemplaires , qui fera fixé
à un prix modique pour les Pauvres . On
dit qu'aucun Sujet de S. M. Cz . ne pourra
ſe marier , fans prouver qu'il eft en polſeſſion
de ce Livre , qu'il l'entend , & qu'il
eft en état d'inftruire fa famille future .
Le Czar étant dans la refolution de tirer
fes Sujets de l'ignorance dans laquelle ils
vivent depuis plufieurs fiécles , en partie
par la faute de ceux qui font chargez de
les inftruire ; il a expreffément ordonné
au Clergé de fes Etats de prêcher d'orénavant
, comme on eft dans l'ufage de le faire
dans les Etats éclairez de V'Europe , & de
ne rien avancer que de conforme à l'Ecriture-
Sainte , & à la Tradition la plus univerfellement
reçûe.
On mande de Rome que 800. hommes
font employez au Canal de Sainte Felicité
, que le Pape fait faire pour joindre
les eaux de la Mer avec celles du Lac , &
qu'on a trouvé en foüillant trois tuyaux
avec une infcription au nom de l'Empereur
Valerien , & les reftes d'une espece de
Galere , ce qui fait croire que les Romains
avoient autrefois un Port dans cet endroit.
DE FEVRIER 1722 29
LES BEAUX ARTS.
N
OS Lecteus & tous les amateurs
de la Peinture attendent cet article
avec la même impatience que nous avions
à le leur donner. Nous aurions pù les fatisfaire
dès le mois paffé , mais nous n'étions
pas fûrs de diverfes circonstances
que nous avons eu le temps d'éclaircir ,
par le fecours des lumieres de gens inftruits
& intelligens. Cet article contient
un détail exact des Tableaux nouvellement
arrivez de Rome , pour S. A. R.
MONSIEUR le Duc d'Orleans , au nombre
de deux cens cinquante , de toutes grandeurs.
Ces Tableaux compofoient autrefois le
fameux Cabinet de la Reine Chriftine de
Suede , morte à Rome en 1689. Cette
Princeffe en avoit difpofé par Teftament
en faveur du Cardinal Azolini , des heritiers
duquel le feu Prince Don Livio
Odescalchi les avoit achetez . C'eft du Duc
de Bracciano Odefcalchi - Erba Milanois,
neveu de ce Prince , que S. A. R. les a
fait acheter quatre- vingts- dix mille écus
Romains.
Le Cabinet de la Reine Chriſtine a
toujours été en grande reputation parmi
E ij
les
100 LE MERCURE
, par
le
les Curieux du premier ordre
nombre confiderable des Tableaux des
plus grands Maîtres , & remarquable encore
par ceux qui avoient appartenu au
Roy Guftave Adolphe II . fon pere.
La tradition nous apprend une choſe
affez finguliere à l'égard de ceux-cy. On
fçait que Sebaftien Bourdon excellent
Peintre , natif de Montpellier , fut appellé
à Stokolm , pour donner les deffeins de
la pompe funebre du grand Guftave , qui
fe fit avec toute la magnificence poffible.
Les Tableaux dont nous parlons n'avoient
pas vû le jour depuis long - tems , ils étoient
même encore embalez ; lorfque Bourdon
faifant le Portrait de la Reine de Suede ,
cette Princeffe lui en parla , & lui ordonna
de les examiner . Il en rendit compte
à S. M. & loua fi fort ceux du Correge,
que cette genereufe Princeffe qui n'avoir
pas alors le même goût pour la Peinture
qu'elle eut depuis , & qui aimoit à recompenfer
le merite , lui dit , eh bien M.
Bourdon je vous les donne ; mais Bourdon
fe piquant de generofité à fon tour ,
& ne voulant pas abuſer du peu de connoiffance
de la Reine , il lui fit connoître
le rare merite de ces Tableaux , & l'affura
qu'il n'y avoit point de Prince en Europe
qui en eût de fi beaux ni de fi precieux.
La Reine les vit , & comme elle avoit un
génic
DE FEVRIER 1722. 101
génie fuperieur & une penetration admirable
pour les Sciences & pour les Arts ,
elle prit dès ce moment le goût & l'amour
qu'elle eut toujours depuis pour la
Peinture .
Ces Tableaux venoient originairement du
Prince de Mantouë , Louis de Gonzague ,
Duc de Nevers . Colalto,General des Troupes
Imperiales en Italie, les fit enlever lors
du fac de la Capitale des Etats de ce Prince
en 1630, & les envoya à l'Empereur Ferdinand
II , qui les gardoit precieuſement
dans le Château Royal de Prague . C'eſt
de là que le Roy de Suede Guftave Adolphe
les fit porter à Stokolm , après
avoir furpris la petite Ville de Prague en
163 1. lorſqu'il faifoit la guerre aux Allemands.
Après avoir abdiqué la Couronne de
Suede en 1654 , & voulant quitter les
Etats pour fe retirer en Italie , la Reine
Chriſtine y fit transporter tous fes Tableaux;
& dans le long féjour qu'elle fit à
Rome depuis , elle en augmenta le nombre
jufqu'à deux cens cinquante. Cette Princeffe
n'épargnoit ni foin ni dépenfe pour
avoir les morceaux les plus exquis ; on
prétend qu'elle fit acheter les meilleurs
Tableaux du Cabinet du Roy d'Angleterre
Charles I. lors de la vente qui s'en fit à
Londres.
E iij
Ов
ΤΟΣ LE MERCURE
On fe contentera de donner ici la defcription
fuccinte des principaux Tableaux,
& on ne fuivra point l'ordre de l'Inventaire
fait après la mort de la Reine de
Suede , qui nous est tombé entre les mains.
On les rangera felon les diverfes Claffes
des Ecoles de Peinture. Commençons par
celle de Florence , qui eft la plus ancienne .
ECOLE DE FLORENCE.
Un Tableau du vieux Bronzin , un des
meilleurs Peintres de fon temps , & affés
bon Poëte , Eleve de Pontorme , qu'il a
fort imité , & Me, d'Alexandre Allori
de Bte Naldini , & c.
Une Judith , tenant l'épée & la tête
d'Holofernes , demi figures grandes com →
me nature. G. Vafari parle d'un autre
Tableau où le Bronzin a traité le même
Sujet. Judith y met la tête d'Holofernes dans
un panier.
Un Tableau de Jofeph Salviati , ainſi
appellé du nom de fon Me. François Salviati
; car fon vrai nom êtoit Jofeph Porta
Gafagnino de Caftel novo.
L'enlevement des Sabines. Les figures
font moins grandes que nature . Un Ta
bleau d'Horace Gentilefchi de Pile, frere &
Eleve de Aurelio Lomi , mort en Angleterres
âgé de 70 ans . Sa femme nommée
Artemife ,
DE FEVRIER 1722. 103
Artemife , faifoit bien le portrait.
Un homme nud & couché , grand
comme nature , qui badine avec un chat.
De grands connoiffeurs ont pris ce Tableau
pour être un des plus beaux morceaux
de Lanfranc .
ECOLE ROMAINE.
Six Tableaux de RAPHAEL SANSIO ,
natif d'Urbin , Dilciple de Pierre Perugin
, & Maître de Jules Romain , du
Fattore , de Timothée d'Urbin , de Polidore
de Caravage , de Jean da Udine , de
Perin del Vague , &c. mort en 1520 ,
âgé de 37 ans . Dans le peu de temps
qu'il a vêcu il a pourtant fait une fi grande
multiplicité d'excellens ouvrages , qu'on
voit jufqu'à 750 Eftampes gravées d'après
fes ouvrages .
Premier Tableau. La fameufe Vierge ,
en pied , tenant l'Enfant Jefus par le bras.
Saint Jean s'aproche de lui pour le baifer ;
Saint Jofeph eft auprès , tournant un peu
le dos : toutes ces figures font debout &
d'environ 18 pouces de proportion . Le
fond eft un riche païfage , d'une fraîcheur
charmante. Ce Tableau eft peint fur bois,
du meilleur temps & du meilleur coloris
de Raphael , & d'ailleurs parfaitement
confervé ; gravé en Estampes par Jean
Pefne. E iiij M.
104 LE MERCURE
M. l'Abbé Raguenet dit , dans fes
Monumens de Rome , en parlant de
ce Tableau , qu'il eft au jugement de
tous les connoiffeurs le plus beau que
Raphael ait fait de cette efpece , lui
qui a fait une infinité de Vierges d'une
i grande beauté ; car il femble que
ces fortes de Tableaux ayent été fes ouvrages
favoris , & qu'il ait eu un talent
& une inclination particuliere pour les
faire avec les graces naïves qu'on y admire.
Nul Peintre n'en a jamais tant fait , ni
d'une fi excellente beauté , & celle- ci eft
conftamment autant au deffus de les autres
Vierges , qu'elles font toutes au deffus de
eelles des autres Peintres . L'Abbé de Marolles
avoit recueilli jufqu'à 82 Images
de la Vierge en taille douce , gravées d'après
Raphael.
On n'a jamais vû deux corps d'enfans
plus beaux & plus parfaits que ceux- ci , &
il femble qu'on peut douter que la nature
foit auffi belle qu'elle l'eft dans ce Tableau .
Raphael l'a compofé & peint fuivant l'idée
qu'il en avoit , fecouru par la force de
fon heureux genie ; car il n'eft pas croyable
que ce foit d'après de fimples modeles ,
que ce fçavant homme ait tiré ces contours
élegans , & ces excellentes expreffions
, qui paroiffent plus belles & plus
fines que dans la nature même.
La
1.
DE FEVRIER 1722.
105
La Vierge eft grande & Majeftueufe ;
Elle a tout enſemble un air de fimplicité
& de dignité tout- à- fait charmant , quï
eft parfaitement d'accord avec l'innocence
des deux aimables enfans qui font auprès
d'elle..
Le corps du faint Jean n'eft ni moins
beau , ni moins bien proportionné , que
celui du Jefus , mais la carnation en eft
fi differente , qu'il eft aifé de reconnoître
celui du Sauveur , à fes chairs tendres &
delicates .
Quoi que le Jefus fe laiffe approcher
de faint Jean avec cette fimplicité d'enfant
qui ne fçait ce que c'eft que la diſtinction
des qualitez , il conferve neanmoins
dans cette bonté acceffible une forte de
gravité qui le fait veritablement paroître
comme un Souverain qui reçoit l'hommage
d'un de fes Sujets ; & quoique le
petit faint Jean l'aborde avec une action
auffi familiere que celle de le venir baiſer ;
cette démarche eft fi modefte & fi refpectueule,
qu'on voit bien que c'est tout au
plus un favori qui n'en ufe fi librement , que
par la bonté de fon maître qui l'autorife.
Au refte , les couleurs , les carnations ,
les draperies , les attitudes , & le tout enfemble
de ce Tableau , font un tel effet ,
que de filoin qu'on l'apperçoit il charme
les yeux , avant même qu'on en diftingue
encore le fujet.
E v Denxiéme
106 LE MERCURE
Deuxième Tableau . JESUS - CHRIST
portant fa croix ; grande compofition en
forme de frife , d'un très - grand fini . La
Reine de Suede avoit tiré ce Tableau &
les deux fuivans de la Chapelle d'une
Eglife . C'étoient des paneaux enchaſſez
dans la menuiferie d'un lambris .
Troifiéme. JESUS-CHRIST mis au tombeau.
Quatrieme. La priere au Jardin des
Oliviers.
Dans nos recherches * fur les ouvrages
de Raphael , nous avons trouvé qu'il avoit
fait pour les Religieufes de faint Antoine
de Pade de Peroule , une Priere au Jardin
un portement de Croix , & un Chrift
mort. Ces trois fujets pourroient bien
être ceux dont on vient de parler.
Cinquième. Une tête & bufte de femme:
on croit que c'eft le portrait de Beatrix
de Ferrare . *
Sixiéme. Une autre tête , buſte d'un
jeune homme : on croit que c'eft le por
trait de Bindo Altoviti .
Un Tableau de MICHEL ANGE Buonarotti
, né dans le territoire d'Arezzo en
Toſcane , fçavant Deffinateur , & Peintre ,
fameux Sculpteur , & grand Architecte.
Il joignoit à tous fes talens celui de la
Poefie , mort en 1564 , âgé de 90 ans.
Il avoit été Difciple de Bernardin Pinta-
* Vasario
richio,
DE FEVRIER 1722. 107
richio , de l'Ecole de Florence , & Daniel
Ricciarelli de Volterre fut le fien. Son pinceau
étoit fier , fevere , terrible même ,
avec quelque chofe de dur & de fec ; mais
le Tableau dont nous avons à parler n'a
aucune de ces imperfections. Il a cela de
fingulier que tour le fujet en a été deffiné
par Michel Ange , qui pour cette partie
a toujours paffé pour le premier homme
du monde , & qu'il a été peint par Sebaftien
Venitien , Frate del Piombo , mort
en 1547 , âgé de 62 ans , qui avoit travaillé
tous Michel Ange , & qui l'a fort
imité. Il avoit été Difciple de jean Belin
& du Georgeón. On voit un beau Tableau
de lui dans l'Eglife Metropolitaine de Narbonne
, reprefentant la refurrection du
Lazare , qu'il fit en concurrence de Raphael
, lequel peignit le fameux Tableau
de la Transfiguration , qu'on voit à Rome
à Saint Pierre in Montorio.
Le precieux Tableau dont nous parlons
eft affez petit , il reprefente Penlevement
de Ganimede par Jupiter metamorphofé:
en Aigle.
*
Il est bien difficile de comprendre.comment
, felon la Fable , un Aigle a pû
enlever un homme & le porter en volant
au deffus des airs : cependant Michel Ange
a fi bien menagé les fineffes de fon Art ,
* Qvide , Metamorph. 1. 10.
E vj qu'il
f
108
LE MERCURE
.
qu'il a rendu cette action vrai-femblable ,
fans avoir fait l'Aigle trop grand , ni le
Ganimede trop petit , mais en donnant
feulement beaucoup de force au premier
& beaucoup de delicateffe à l'autre.
C'est une chofe merveilleufe que Pattitude
que cet excellent Maître a donnée à
ces deux figures ; il a tellement enlaffé
le Ganimede , par le moyen du cou de
l'Aigle , & d'une de fes ferres ; il le tient
avec une telle force , qu'il eft impoffibleque
fa proye puiffe lui échaper , fans.
neanmoins qu'il puiffe l'empêcher de prendre
fon effort , ayant le mouvement des.
aîles libre .
On admire encore dans cet Ouvrage
un chien qui regarde avec une attention:
pleine de furprife , fon Maître qu'il voit
enlever.
Voilà le merite particulier de Michel
Ange dans cet Ouvrage. Sebaſtien del
Piombo a celui d'avoir peint avec la derniere
force & la derniere delicateffe , le .
plus beau deffein du monde ; on ne vit
jamais un Aigle plus parfait , ni un corps
d'homme plus beau & mieux peint que
celui- ci . On y admire toute la vivacité &
toute la fineffe d'expreffion que cet excellent
Peintre fçavoit donner à tous les objets
de la nature pour les rendre avec leurs
caracteres fpecifiques & dominants , qui
les
DE FEVRIER 1722.
109
les font effentiellement être ce qu'ils font ,
& paroître fenfiblement ce qu'ils reprefentent.
Ce Tableau a été gravé en hauteur par
Nicolas Beatricius. Le même fujet a été
traité par le même Auteur dans un Tableau
qu'on voyoit autrefois dans le Cabinet du
Prince Leopold à Bruxelles , gravé par
L. Boel.
XII . Tableaux de JULES ROMAIN ,
digne Eleve de Raphael , mort en 1546 ,
âgé de 56 ans.
Cinq Cartons ou Tableaux peints à
Guazzo fur du papier , pour fervir de modelle
à des Tapifferies. Ces cinq morceaux
dont les figures font plus grandes que
nature , font deffinés de la plus grande
force de J. Romain , & ne font inferieurs
en rien à Raphael fon Maître. Ils reprefentent
les amours de Jupiter ;
Sçavoir ,
1 Jupiter avec Junon.
2 Danać.
3 Semelé
4 Alcmene .
Slo.
Sixiéme Tableau. Demi figure de femme,
grande comme nature , reprefentant
PHiftoire ou la Renommée , tenant une
plume , & ayant des aîles.
7 Le raviffement des Sabines.
8 Bataille
110 LE MERCURE
8 Bataille & Paix entre les Romains &
les Sabins.
9 Coriolan.
10 La Paix & le tribut qu'on porte
aux Romains .
II Autre fujet de l'Hiftoire Romaine ,
dont le fond eft orné d'une magnifique
Architecture , d'Arcs de triomphes , & c.
12 Un affaut donné à une Place.
Ces fix derniers Tableaux font peints
fur bois , d'une forme comme de friles ,'
& qui peuvent avoir ſervi de ſoubaffemens
à un lit. Ce font de grandes & belles
compofitions , d'un deffein merveilleux ,'
& peintes dans la derniere perfection :
les figures ont fix à fept pouces de haut.
Un Tableau de M. Mc Roux Peintre ,
Sculpteur , Architecte , Miniateur & Graveur
en cuivre & en criſtaùx , de Florence,
grand imitateur de M. Ange , mort en
1541.
Ce Tableau repreſente la femme adultere
du nouveau Teftament.
Un Tableau du Cavalier JOSEPH
CESAR D'ARPIN , connu fous le nom de
Jofeph Pin , Peintre Romain , mort en
1640 à 80 ans .
Ce Tableau reprefente une gloire d'An—
ges.
Nous donnerons le mois prochain la ſuite
de ces Tableaux.
ACADEMIE
DE FEVRIER 1722. III
ACADEMIE ROYALE DE PEINTURE
Sculpture.
par-
Elon les apparences il n'y aura point
de premier Peintre du Roy , à la place
de M. Coypel . Les 6000 livres de penfion
qu'il avoit en cette qualité font
tagées entre plufieurs Peintres. M. Coypel
le fils fera premier Peintre de S. A. R.
MONSIEUR le Duc d'Orleans , & Garde
des Tableaux du Cabinet du Roy, avec
3000 livres de penfion ; Mrs Boulogne &
Rigaud auront chacun mille livres de penfion
, & les mille livres reftantes feront
partagées en deux penfions de soo livres
chacune , pour deux fujets de l'Academie
qui ne font point encore nommez .
I
Extrait du Regiftre des Deliberations
de l'Academie.
Le Samedy 31 Janvier 1722. M. Norbert
Rottiers , natif d'Anvers , Graveur
general des Monnoyes de France , a fait
apporter de fes ouvrages à l'Affemblée
defirant être du Corps de l'Academie
laquelle connoiffant la capacité l'a reçu
Academicien , pour jouir des honneurs &
prérogatives attachez à cette qualité . Il
9
112 LE MERCURE
a prêté ferment entre les mains de M.
Boulogne Directeur , prefidant à l'Affem
blee .
Le même jour Mlle Marguerite Haverman
, âgée de 28 ans , native de Breda
en Brabant , époufe de M. Jacques de
·Mondoteguy , a prefenté à l'Academie un
Tableau de fleurs & de fruits de fa compofition
, pour donner des preuves de fa
capacité. La Compagnie connoiffant en
elle un merite très diftingué , l'a reçûë
Academicienne. Elle a pris feance , & s'eſt
engagée de donner un Tableau dans le
genre de peinture qu'elle a embraffé , fans
tirer à confequence. On ajoute toujours
ces mots ; car l'Academie , par une Deliberation
autentique , avoit refolu de ne plus
recevoir de femmes depuis la reception de
feue Mlle Cheron , époufe de M. le Hay.
La Compagnie derogea cependant à cette
Loy il y a deux ans , en faveur de l'illuftre
Rola-Alba , dont nous parlerons plus bas..
Nous avons vû le Tableau en queftion
& nous en avons été charmez : il eſt peint
fur bois , en hauteur , d'environ trente
pouces , fur vingt de large. Un vaſe orné
de bas reliefs , & affez petit , rempli des
fleurs de toutes les faifons , & pofé fur une
bafe de marbre , avec quelques fruits ,
comme pêches , raifins , &c. répandus en
bas , en font tout le fujet.
Les
DE FEVRIER 1722. 113
Les fleurs font deffinées élegamment ,
& peintes avec un foin , une delicateffe ,
une patience & un art admirable ; les couleurs
font vrayes , brillantes , bien fonduës,
tendres & d'une union parfaite. Les fruits,
& fingulierement les feuilles , font d'une
verité & d'un fini qu'on ne fçauroit expri-.
mer. Entre beaucoup de chofes qu'on admire
dans cet ouvrage , & qu'on ne fe
laffe point de voir , il y en a quelques - unes
de très piquantes , comme certaines goutes
de rofée répandues fur les feuilles , les
fleurs & les fruits , qu'on croit à tout inſtant
devoir tomber . Beaucoup de fourmis , des
colimaçons , des papillons & des mouches
de toute efpece , & placées très- ingenieuſement.
On doit mettre au rang des
chofes ingenieuſemeut penfées , & qui
relevent le merite de cet excellent ouvrage,
une espece de paille ou brin de foin , &
une méchante petite fleur des champs ,
dont la tige eft rompue , qui font contraſte
& qu'une negligence outrée femble laiffer
parmi de fi belles fleurs. Ce Tableau eft
fi terminé & fi admirable , que les gens
du métier & les curieux le mettent au
deffus des ouvrages de Mignon , de Hems ,
&c.
La Dame Mondoteguy reçoit fort poliment
les perfonnes qui vont voir fes ouvrages,
114 LE MERCURE
vrages , dont elle fait fon plus cher amufement
. Elle eft Eleve de Mr. Schoonjans ,
fameux Peintre de l'Empereur Leopold ,
& de Mr. Van Huyfum , excellent Peintre
Payfagifte & Fleurifte d'Amfterdam , chés
lequel elle a travaillé par goût & pour
fon plaifir pendant trois ou quatre ans .
Elle eft fille de feu Mr. Daniel Hæverman,
Gentilhomme Allemand , & de Dame
Marguerite Schellinger , d'une très - bonne
famille d'Amfterdam .
La Signora Rofalba Carriere Venitienne,
vient d'envoyer à l'Academie le Tableau
qu'elle a fait en paſtel pour la reception
dans cette celebre Compagnie. L'Academie
inftruite de fon rare merite par le portrait
du Roy qu'elle preſenta pour étre reçûë,
lui avoit fait expedier gratis des Lettres
de reception , fans qu'elle s'attendît de
recevoir cet honneur : elle y fut très - fenfible
, & prit feance parmi les Academiciens
, le 26 Octobre 1720. Les Academies
de Rome , de Florence , & de Boulogne
lui avoient deferé un pareil honneur,
& le Grand Duc de Tofcane a voulu avoir
fon portrait , qu'on voit à Florence placé
dans la Gallerie des Peintres illuftres ;
peints par eux-mêmes . La Signora Rofalba
s'y eft peinte en paſtel , avec une de ſes
foeurs , qui exerce le mêmé talent.
Le Tableau prefenté à l'Academie eſt
compofé
DE FEVRIER 1722. irs
compofé d'une demi- figure grande comme
nature , reprefentant une Muſe ; c'eft
un précis de toutes les parties de la peinture
, tant pour le deffein que pour le coloris
& pour la fineffe des touches, il contient
toutes les graces & les ornemens
dont une demi- figure eft fufceptible ; on
peur dire en general que la Rofalba donne
à tous fes fujets le caractere de fon efprit ,
la vivacité de fes pensées , & les graces de
Les expreffions.
i
Il faut convenir que cette Damoiſelle a
trouvé l'art de traiter ce genre de Peinture
d'une maniere où perfonne n'étoit arrivé
avant elle ; ce qui a fait dire aux plus habiles
que cette forte de paſtel , avec la
force & la verité des couleurs , conferve
de certaines fraîcheurs & des legeretez
dans les tranfparens , qui font au deffus
de la peinture à huile.
1
Elle vint à Paris au mois de Mars 1720 ,
pour fatisfaire fa curiofité , & profita de
la compagnie du fieur Pellegrini Peintre
Venitien fon beaufrere. Pendant ſon ſejour
d'une année elle a fait plufieurs ouvrages ,
entre autres le portrait en pastel du Roy ,
demi- figure au naturel , qui lui a acquis
beaucoup de reputation par la parfaite
reffemblance , par la nobleffe de l'attitude ,
par la verité des couleurs employées avec
un art qui a fait l'admiration des connoiffeurs
116 LE MERCURE
feurs & de nos Peintres , & un autre en
migniature accompagné d'une Victoire ,
qui femble indiquer au jeune Roy le chemin
de la gloire , deftiné à mettre dans une
tabatiere que Sa Majesté a donnée à Ma
dame la Ducheffe de Vantadour. Les Princes
, Princeffes , & autres Seigneurs &
Dames de la Cour ont voulu avoir auff
leurs portraits , & l'ont vûë partir avec
regret : elle a peint auffi differens fujets
hiftoriez , & groupes de figures en mignature
, &c.
N
MEDAILLES:
paflé
Ous avons omis d'avertir nos Lecteurs
, en donnant le mois paffé les
deux premieres Medailles frappées pour le
Roy , qu'il ne faut pas confondre la Monoye
des Medailles , avec les autres Hôtels
des Monnoyes de France . La Monnoye
des Medailles eft trés - ancienne , & la feule
où il foit permis de fabriquer des Medailles,
des Jettons , & autres Pieces de curiofité.
Elle tient lieu de celle qui étoit autrefois
dans le Palais du Roy. Elle fut transferée
en 1639 du Jardin des Etuves dans l'Iſle
du Palais , aux Galleries du Louvre , par
le Roy Louis XIII , qui en donna la conduite
au fameux Warin , le plus habile
Graveur de fon tems . La direction de cette
Monnoye eft prefentement une Charge
qui


DE FEVRIER 1722. 117
qui eft exercée depuis fa creation en 1696,
par M. de Launay Confeiller & Secretaire
du Roy , qui a auffi la Direction de l'Orfevrerie
de Sa Majefté ; c'est lui qui a dé
coré ce beau lieu de la maniere qu'il eft
aujourd'hui , & qui a formé ce rare Ca- ~
binet , qui expofe à la vue les Poinçons
& les Quarrés du Roy , qui font fans nombre
; en forte que c'eft une des plus fingulieres
curiofités de Paris.
C'eft fous cet habile Directeur , & par
fes foins qu'a été frappée cette magnifique
& nombreufe fuite des Medailles de
LOUIS LE GRAND , ainfi que celle des
Portraits de tous les Rois de France , depuis
l'établiſſement de la Monarchie, dont
les Revers donnent les dattes de leur
naiffance & de leur mort , avec les principales
époques de notre Hiftoire.
Voicy la fuite des Medailles du Roy ,
avec l'explication des types & des legendes.
TROISIE'ME MEDAILLE .
On voit d'un côté la tête de Louis XV..
avec l'inſcription ordinaire .
Revers.
La tête du Regent avec cette infcription,
Philipe Duc d'Orleans declaré Regent.
QUATRIE ME
118 LE MERCURE
QUATRIE ME MEDAILLE .
LA REGENCE.
D'un côté la tête du Regent avec l'infcription
ordinaire .
Revers.
Hercule portant le Ciel , Legende , la
force égale le fardeau . Exergue 1715 .
Il eft bon d'avertir que les noms qu'on
voit dans les Medailles de la Planche cy
à côté , font les noms des Graveurs des
coins des Medailles , & non du Graveur
en taille-douce , dont le nom eft au bas
de la Planche.
C
SPECTACLES.
Extrait d'une Lettre écrite aux Auteurs
du Mercure , par Mr... fur les
Tragedies de Venceflas & d'Heraclius.
'Ay lû , Meffieurs , avec plaifir les
louanges que vous donnés dans le Mercure
du mois de Decembre dernier à la
Tragedie de Venceflas ; je fuis fâché que
ce ne foit pas l'Auteur François qui les
merite , mais un Poëte Efpagnol , le fameux
DE FEVRIER 1722 . 119
meux Don Francifco de Roxas. Il eft le
vetitable Auteur de Venceslas , & Rotrou
n'en eft que le Traducteur. L'Ordonnance
confufe , la Morale & la Politique répanduës
fans affez de ménagement , la multitude
d'incidens , l'intrigue chargée d'épifodes
, le fujet entierement fabuleux , la
Pologne choifie pour Theâtre de la Fable,
auroient pû faire foupçonner d'où venoit
cette Tragedie. La plupart des Tragedies
Efpagnoles font faites fur ce modele ; mais
ce n'eft pas une fimple conjecture , le fait
eft conftant par les dattes & l'on peut
s'en éclaircir dans les Ouvrages de Roxas
qui font dans la Bibliotheque du Roy.
Cette Piéce a de veritables beautés qui
la font goûter depuis plus de 70 ans ,
malgré les défauts ; il ne tenoit qu'à l'Auteur
de prendre un fujet hiftorique. Eacus
Roy d' gine , & fi jufte que la Fable en a
fait un Juge des Enfers , vit Pelée fon
fils aîné tuer Phoque un autre de fes fils ,
& fut obligé de pardonner à Pelée ; j'oubliois
que la Tragedie en Efpagnol a pour
titre , On ne peut être Pere & Roy.
Un homme d'efprit a foupçonné que
Corneille avoit prise Don Pedro Calderon
la plus belle fituation de fon Heraclius
, & ces beaux Vers qui commencent
par
O malheureux Phocas ,
Maurice !
Ô trop heureux
.On
120 LE MERCURE
On lit dans la Tragedie de Calderon
intitulée ; Tout dans la vie eft menfonge
& tout eft verité , ces Vers , & on y trouve
la même fituation . Cette Tragedie eſt
l'hiſtoire d'Heraclius qu'on fait fils de Mau
rice. La Fable eft chargée dans l'Auteur
Efpagnol d'épifodes & dé peripeties les
plus bizarres qu'on puiffe imaginer ; il n'a
pris de Corneille que la fiction principale
& le plus bel endroit ; je dis qu'il l'a pris,
le R. P. Tournemine , zelé pour la gloire
de Corneille , a écrit en Eſpagne & verifié
par les dattes que la Tragedie de Calderon
eft pofterieure à celle de Corneille . Corneille
auffi modefte qu'il étoit grand , n'auroit
pas manqué d'avertir de ce qu'il devoit
à l'Auteur Eſpagnol ; c'eſt ainſi qu'il
en a ufé pour le Menteur la fuite du
Menteur , Don Sanche d'Arragon & le
Cid ; il fut même trop modefte fur le Cid ;
& Scuderi fon Critique , en faiſant imprimer
ce que Corneille avoit traduit de
Guillen de Caftro , fit appercevoir combien
il y avoit dans cette Tragedie de
beautés originales , & qui n'étoient dûës
qu'à Corneille. Je fuis , &c.
>
LE
DE FEVRIER 1722. 121
LE THEATRE FRANCOIS.
3
Es Comediens du Roy ont remis au
Princelle Comedie
Heroïque de Moliere , mêlée de chants
de fymphonies & d'Entrées de Ballets ,
qui n'avoit pas paru fur la Scene depuis
long-tems, & qui a fait beaucoup de plaifir
au Public. Cette Piéce fut reprefentée à
Verſailles pour la premiere fois au mois
de May 1664 , dans les fêtes magnifiques
& galantes que le feu Roy y donna , &
dont on voit le détail dans le 2. vol. des
Oeuvres de Moliere , fous le titre , Des
Plaisirs de l'ifle enchantée . Les principaux
- Rôles de la Princeffe d'Elide , du Prince
d'Itaque & de Moron étoient remplis par la
Dlle . Moliere , par le Sr de la Grange & par
Mr Moliere . Ces trois Rôles viennent
d'être remplis avec un applaudiffement
general par le Sr de la Torilliere , par le
Sr Quinaut & par la Dlle. Quinaut fa
foeur. La Mufique du quatriéme & cinquiéme
intermedes eft du même Sr Quinaut
, qui a été fort goûtée , même à
côté de celle de M. de Lulli , de la compofition
duquel font les chants & la fymphonie
des autres intermedes .
F Cette
*122
LE MERCURE
Cette Piéce peut être regardée comme
une traduction d'une Comedie Efpagnole
en trois Actes d'Augustin Moreto , qui a
pour titre ( a ) El Defden con el Defden.
Moliere en a feulement fuprimé quelques
Scenes qui lui ont paru inutiles , cependant
il y en a une qui ne devoit pas
lui
paroitre telle , & on ne peut concevoir
par quelle raifon il l'a negligée. En voici
le fujet : Moreto feint qu'à Barcelone où
fe paffe la Scene , c'eft l'ufage que pendant
le Carnaval chaque Dame foit conduite
au bal par un Cavalier , & qu'afin
que cette démarche ne faffe aucun tort à
fa reputation , le hazard en decide en cette
maniere : le Cavalier nomme une couleur,
& la Dame , qui fe trouve l'avoir fecretement
fur elle , lui tombe en partage ,
& lui rend des foins comme à fa Maîtreffe
pendant toute la fête.
La Princeffe qui veut triompher de l'indifference
du Prince à quelque prix que ce
foit , ordonne aux Dames de fa fuite de fe
munir en fecret de toute forte de couleurs ,
& elle s'en munit elle même. Ainfi lorſque
le Prince vient exprès des derniers à nommer
une couleur , la Princeffe la lui donne,
& ce qui n'eft qu'adreffe paffe pour un
effet du hazard. Ils fe mafquent , elle lui-
(a) Elle se trouve dans la premiere partie du Recueil
de fes piéces de Theâtre , imprimée à Madrid
pour la premiere fois en 1654.
prefente
DE FEVRIER 1722. 123
prefente la main cette faveur le tranf
porte ; il ne peut plus déguifer fon amour,
il en parle dans les termes les plus vifs .
La Princeffe triomphe , lui demande s'il
fent veritablement ce qu'il exprime ſi bien :
il rencherit fur ce qu'il a dit. Pour lors
elle retire brusquement fa main , ôte fon
mafque , & lui fait fentir toute l'indiffe
rence dont la fierté eft capable. Ce coup
de foudre fait rentrer le Prince en luimême
, il fe démafque à fon tour , &
pour le tirer de l'aveu imprudent que
l'amour lui a fait faire , affure la Princeffe
avec une froideur apparente qu'il n'y a
pas un mot de vray dans ce qu'elle vient
d'entendre , & que tout ce qu'il a dit n'étoit
que pour remplir les obligations de
la fête ; cette réponſe fait un retour de
Scene que le Lecteur comprendra facilement
fans un plus long détail. Cette Scene
eft d'autant plus ingenieufe , que l'on y
voit le Prince declarer fon amour , fans
que cela faffe tort à fes vrais interests .
Voici encore un trait confiderable dont
Moliere ne s'eft pas fervi. Au commencement
du troifiéme Acte , les deux autres
Princes ne fçachant ' plus que que faire pour
vaincre la fierté de la Princeffe , s'avilent
de feindre de l'indifference pour elle , &
de continuer pour la mieux piquer leurs
galanteries auprès des Maîtreffes que le
Fij fort
124
LE MERCURE
fort leur a données . Cet incident eft plein
d'art , puifque par cette feinte ils prepa
rent leurs mariages , fervent leur rival fans
le fçavoir , & precipitent le dénouement ,
Le celebre Moliere a fans doute fait fa
Piéce avec trop de precipitation pour pou.
voir profiter de toutes les fituations heureufes
que Moreto lui offroit ; il avoit
de lui-même affez d'efprit & de génie pour
y fuppléer , & pour les mettre dans un plus
beau jour , s'il en avoit eu le tems . Il
n'y a que le premier Acte & la premiete
Scene du fecond qui foient verfifiez , le
relte eft en profe ; profe qui fe reffent
des ordres preffans que l'Auteur recevoit ,
Cette Piece fut reprefentée devant le
Roy le Samedi 14 de ce mois . Les intermedes
executez pour le chant , la danfe &
la fymphonie par les Officiers de la Mufique
du Roy & par les Acteurs de l'Opera ,
Le Sr d'Angeville , jeune garçon âgé de
neuf ans , y danfe une loure dans le dernier
Divertiffement, qui a été très aplaudie,
Le 7 de ce mois , les Comediens du Roy
ont remis au Theâtre avec fuccès , l'Amour
vangé , Comedie d'un Acte en vers
de M. Delafont , qui n'avoit pas été reprefentée
depuis dix ans. Le fujet en eft
ingenieux ce font deux amans qui non
contens de méprifer l'Amour > veulent
encore
DE FEVRIER 1722. 125
encore badiner avec lui , & qui dans le
deffein de fe mocquer & de s'attraper l'un
l'autre , font attrapez eux-mêmes.
Cette Piece eft parfaitement bien reprefentée.
M. Delafont eft Auteur de
plufieurs Comedies d'un goût affez Thea
tral . Sa premiere Piéce eft Danaé ou J×piter
Crifpin. Il donna enfuite le Naufrage,
l'Amour vangé , & les trois Freres Rivaux.
Il a donné à l'Opera les Fêtes de Thalie
avec la Critique ; Hypermnestre , Tragedie,
& les Amours de Prothée , Ballet.
Le 22 Janvier. La Devinereffe , ou Madame
Jobin. Cette Piece eft remife au
Theâtre , & parfaitement bien reprefentée.
La Dlle. Gautier y joue le principal rôle ,
qu'on a vûjouer à Mlle.Desbroffes il y a fix
ans,leSrHubert l'avoit joué d'original il y a
plus de 40 ans . Cette Comedie eut un prodigieux
fuccès dans la nouveauté ; on n'en
doit pas être furpris, chaque Perfonnage &
chaque Scene même mettoit fous les yeux
des Spectateurs des efpeces de preftiges &
des avantures très fingulieres arrivées en ce
tems-là à des perfonnes de grande confideration.
Elle a toujours paru dans l'impreffion
fans nom d'Auteur ; mais on fçait
qu'elle fut compofée par Mrs. T. Corneille
& Devilé.
On repete actuellement la nouvelle Tragedie
Coriolan , par M. de Plaine , qui fera
ouée au premier jour. Fiij L'OPERA .

126 LE MERCURE
L'OPERA.
HAETON fe foutient toujurs , Le
PS Thevenard , aprés 38 réprefentations
conſecutives , a cedé fon rôle d'Epaphus
au S Chaffé , & au Sr Dubourg.
On repete un Opera nouveau intitulé ,
Renaud , Tragedie . C'eft la fuite d'Armide.
Les paroles font de M. Pelegrin , & la
Mufique de M. Defmarets , Auteur d'lphigenie
en Tauride , d'Enée & Didon , du
Ballet de Momus , & c. 911.
On apprend à Coppenhague , que le
Roy & la Reine de Danemark y tiennent
affemblée de Mufique , & de Jeux tous
les Mercredis & les Jeudis de chaque fe-"
maine , qu'on y a reprefenté plufieurs fois
l'Opera de Cloris , & celui d'Antonin
qu'on vient de mettre fur pied .
A Lisbonne on a repréſenté Acis &
Galatée en Opera , dont le Comte d'Aftorga
eft l'Auteur.
Le 29 de l'autre mois on reprefenta pour
la premiere fois à Vienne , devant leurs
M. I. un Opera qui a pour titre , Archelaus
Roy de Cappadoce.
THEATRE
DE FEVRIER 1722. (127
THEATRE ITALIEN.
LesMariages entre les vivans & les Morts ,
Comedie.
PANTA
EXTRAIT.
ANTALON a depuis long- temps ' contracté
le mariage de Lelio fon fils
avec Flaminia fille du Docteur , Lelio , qui
dans le commencement a paru content de
cette union , devient dans la fuite amoureux
de Silvia , qui aprés la mort de fon
pere avoit paffé dans la maifon , & fous
la tutelle de Pantalon , Celui- ci épris des
charmes de fa pupille , & venant à s'apercevoir
de la paffion de fon fils , écrit au
Docteur , qui eft à Milan , & le prie de
venir au plûtôt avec fa fille , terminer le
mariage contracté.
Il arrive que le jour même que le Do
cteur & Flaminia fe rendent chez Pantalon
, Mario arrive à Venife , & vient loger
chez Lelio fon ami : il apprend pour
lors ce mariage , qui lui ôte une Maîtreffe
dont il eft tendrement aimé . Ainfi les
Amans fe trouvent tous dans la même
maiſon ; Lelio ordonne à Arlequin d'avertir
Silvia de fe rendre la nuit dans la Salle,
pour y pouvoir parler en liberté de leurs
affaires. Arlequin decouvre en bavard ce
F iiij fecret
128 LE MERCURE
fecret à Pantalon , qui pour furprendre
fon fils , & lui faire des reproches , le trouve
au rendez - vous déguifé en femme.Lelio,
Flaminia , Mario & Silvia viennent dans
cette Salle , & chacun d'eux prend Pantalon
pour la perfonne qu'il cherche , & lui
adreffe , l'un des fentimens d'amour , &
l'autre des reproches . Sur ces entrefaites
Arlequin arrive par hazard avec de la lumiere
; ils fe reconnoiffent tous , & fe retirent
furpris & confus .
Pantalon pour venir à bout de fes
deffeins , confie Silvia à Scapin , & lui
ordonne de la tenir enfermée avec fa femme
, jufqu'à ce que Lelio ait épousé Flaminia
; & afin que Mario ne puiffe apor
ter d'obſtacle à ce mariage , il lui fait faire
une infulte par Arlequin travefti en Cavalier
, & dans l'inftant que pour le vanger
il met l'épée à la main , il le fait emprifonner.
Cela fait , il inforine le Docteur
de la paffion de Flaminia , l'anime
contre fa fille , & le preffe de fe fervir
contre elle de toute fon autorité , pour lui
faire époufer Lelio , à qui elle eft deftinée.
Ce dernier averti par Arlequin , tire de
prifon fon ami Mario , & ils vont de
compagnie chez Scapin : celui- ci intimidé
des menaces de Lelio , lui promet de le
fervir dans fes amours . Pendant qu'avec
Silvia ils concertent ce qu'ils doivent faire,
Pantalon
DE FEVRIER 1722. 129
Pantalon fe fait entendre ; ce qui oblige
Scapin à chercher quelque invention pour
les cacher ; il fait mettre Lelio & Mario
par terre , & s'y met auffi lui-même ; ils
étendent fur eux des tapifferies , de façon
qu'on puiffe prendre le tout pour un canapé.
Pantalon entre dans la chambre ,
s'entretient avec Silvia , & s'affied fur le
prétendu canapé. Dans ce moment arrive
Arlequin , qui dit que le Docteur eft entré
en une fi grande colere de ce que fa fille
ne vouloit pas lui obéir , qu'il l'a tuée.
A cette nouvelle Mario fe leve en fureur
fait tomber Pantalon , met l'épée à la main
en jurant qu'il va vanger Flaminia . Pantalon
épouvanté s'enfuit , & Arlequin finit
l'Acte par quelques lazzi avec les debris
du canapé.
Au 3 Acte Arlequin fait peur auDocteur,
& lui reproche d'avoir tué fa fille . Le Do-
&teur s'en défend , dit qu'elle s'eft tuée ellemême
, & s'enfuit tout effrayé. Flaminia
'couverte d'un voile fort de la maiton , &
fait une plaifante fcene avec Arlequin , qui
la prend pour une ombre , elle le laiffe
dans fon erreur , & lui ordonne de dire
à fon pere & à Pantalon , qu'elle les tourmentera
éternellement , pour avoir été
caule de fa mort. Sur ce que Flaminia a
fait entendre à Arlequin , Scapin invente
une fourberie ; il fait croire à Pantalon
Ev que
130 LE MERCURE
que Silvia s'eft jettée par la fenêtre , que
fon ombre lui eft apparue , & qu'elle lui a
juré qu'elle ne ceffera point de le tourmenter.
Arlequin dit la même choſe au
Docteur de celle de Flaminia, Les vieillards
effrayez ont recours à Scapin , qui leur
amene Arlequin deguifé en Magicien. Celui
- ci fait une conjuration , & il a grande
peur en la prononçant ; les Ombres paroiffent
, & difent qu'elles cefferont de
tourmenter Pantalon & le Docteur , pourvû
qu'ils confentent par écrit que Lelio
épouſe Silvia , & Mario Flaminia . Ce confentement
figné par les vieillards , les Qmbres
prétendues fe découvrent , & la Piece
finit par ce double mariage.
Les Comediens Italiens ont repreſenté
devant le Roy le 4 de ce mois une Comedie
qu'ils ont intitulée , Arlequin dans
Rifle enchantée. C'est un affemblage de
plufieurs Scenes prifes dans d'autres Comedies.
Le 18 , ils ont donné fur leur Theâtre
la premiere repréſentation d'Arlequin Romulus
, que le Public n'a point goûtée.
La Comedie de Timon attire toujours
un tres-grand concours au Theâtre Italien.
M. de Lifle , Auteur de cette Piece , en
prépare une autre intitulée , Arlequin an
Banquet des fept Sages..
FOIRE
DE FEVRIER 1722. 131
stttjbjjjttJtbjjjbjbjbjbjj
FOIRE SAINT - GERMAIN.
Ite
3
'L s'en faut bien que les Spectacles de
cette Foire foient auffi courus que ceux
de la Foire S. Laurent derniere. Francifque
ya cependant fait l'ouverture de fonTheâtre
le de ce mois , par un Divertiffement
intitulé , Ourfon & Valentin , précedé des
Fourberies d'Arlequin : mais comme cett
Troupe ne peut chanter ni parler qu'en
monologue , ce paffe- tems n'attire perfonne.
Cependant un Jeu de Marionettes
eft extrémement frequenté. On y joue
Pierrot Romulus. C'eft une critique de la
Tragedie qu'on reprefente au Theâtre
François.
On apprend de Vienne que les mêmes
Gentilshommes qui repréfenterent l'année
paffée la Comedie de Juftine en preſence
de la Cour , reprefenterent celle d'Alvide ,
le 17 de Janvier dernier , chez le Comte
d'Althan , Ecuyer de l'Empereur , & qu'ils
furent fort applaudis par leurs M. I. &
par les Archiducheffes.
Fvi NOUVELLES
32 LE MERCURE
KAAAAAAAAAA
NOUVELLES E'TRANGERES.
L
bre
De Petersbourg.
Ę Czar eft parti le 21 Decem
pour Mofcou , & les Princeffes
Czariennes l'ont fuivi le
lendemain matin. Les Miniftres
du Duc de Holftein ont pris la même
Route le 24 , & le Duc d'Holſtein le 25.
On croit que Sa Majesté Czarienne après
un fejour de quelques journées dans cette
capitale de la Ruffie , ira parcourir le
Royaume d'Aftracan & la Siberie. On
fait ici de grands préparatifs de guerre ,
dont on ignore la deftination . M. Thierholm
Secretaire d'Ambaffade & Conful
de Dannemarck en cette Ville , étant
forti feul le 20 de ce mois , s'alla promener
vers le Port ; depuis ce jour-là on ne
fçait ce qu'il eft devenu : on a appofé le
fcellé fur fes papiers , & on foupçonne
avec probabilité qu'il aura pris une refolution
violente dans le defeſpoir où l'aura
jetté le naufrage d'un Vaiffeau qu'il envoyoit
à Amfterdam , chargé de la plus
grande partie de fon bien. Le Czar a fait
fon entrée à Mofcou le 29 Decembre ;
elle fut magnifique : les deux Regiments,
de
DE FEVRIER 1722 133
de Grenadiers des Generaux Preborentkoy
& Symen Hofscoy , commencerent la
marche , les Soldats avoient des bonnets
garnis de plumes blanches & rouges ;
enfuite marchoient les Regimens d'Ingermanie
, de Batierskoy , d'Aftracan , & de
la Force : le Czar venoit après , monté
fur un très beau cheval ; le Prince Menzicof
l'accompagnoit à fa droite , & le
General Betterling à fa gauche ; le Duc
d'Holstein fuivoit dans un carroffe à fix
chevaux , à la tête des équipages des principaux
Seigneurs de la Cour. Le Clergé
alla au devant de Sa Majefté Czarienne ,
& la complimenta fur la Paix de Nystadt,
& fur fon retour en ce pays . Quarante
jeunes gens habillés de fatin blanc , &
couronnés de lauriers , chanterent des Vers
à fa louange durant toute la marche , qui
paffa à travers de plufieurs Arcs de triomphes.
Il y eut le foir des illuminations
des feftins publics , & des feux. Cette
fête doit continuer pendant huit jours..
O
De Varfovie.
Na depêché au Czar pour le folliciter
à entretenir une bonne corref
pondance avec la Republique. Les Mini-
Ares de ce Prince demandent toujours la
tenuë d'une Diere generale en ce pays ,
tant
134 4 LE MERCURE
tant par rapport aux refolutions que Sa
Majefté Czarienne veut prendre au ſujet
du Duché de Curlande , que fur les autres
differens qu'il a à terminer avec la Republique
; il a nommé le Prince Menzicof
pour regler toutes ces conteftations . On
commence à s'inquieter ici des mouvemens
des Turcs. On a été informé que tous les
Bachas des Places fur le Danube avoient
ordre de fe rendre à Conftantinople , pour
affifter à un grand Divan qui doit s'y tenir
inceffamment. Toutes les lettres qui viennent
de Turquie confirment ces nouvelles .
On a même appris qu'une Troupe de Cofaques
Mofcovites étoit entrée dans la
Staroftie de Bialacerkieu , qui eſt ſituée
fur la Riviere de Roff dans la baffe Volhinie.
Le nombre des mécontens augmente:
confiderablement , & fe manifefte par des
lettres circulaires qu'ils ont écrites aux
Députés de la prochaine Diete , pour les
exhorter à foutenir les Privileges de la
Nation.
Lpour
De Stokholm .
Es Commiffaires qui ont été nommés
pour
la recherche de la conduite du
feu Baron de Gors , ont fait fommer fes
heritiers de leur rendre compte de quelques
deniers de la Couronne dont ce Baron
a eu le maniement , & dont on foup
conne
DE FEVRIER 1722. 135
çonne qu'il a difpofé en leur faveur . Le
Roy a donné ordre de donner gratis aux
habitans de Gottembourg tout le bois dont
ils auront befoin pour rebâtir leur Ville
suinée par le feu de l'année derniere. Les
Etats du Royaume font convoqués pour
le 28 Fevrier . On a fufpendu la reforme
des Troupes jufqu'à l'affemblée des Etats ,
qui regleront celles qui doivent refter fus
pied.
L
De Vienne,
'Empereur a accommodé le differend
furvenu entre le Comte de Torring
Miniftre de l'Electeur de Baviere , & le
Comte de Cinfuegos Grand d'Espagne ,
à l'occafion de quelque infulte faite au
Cocher de ce dernier . Sa Majesté Imperiale
a envoyé ordre à fes Plenipotentiaires
au Congrès de Cambray , de s'y rendre
inceffamment. On apprend par les dernieres
lettres de Conftantinople que le
Grand Seigneur doit mettre en campagne
au Printemps prochain une Armée des
plus nombreuſes. On va conftruire des
Cafernes dans toute l'Autriche & le long
des bords du Danube ; les ordres font déja
donnés pour raffembler les materiaux neceffaires.
De
136 LE MERCURE
L
De Rome.
E premier Janvier il y eut fuivant la
coutume une excellente mufique dans
la Maiſon Profeffe des R. P. Jefuites , qui
y attira un grand concours de connoiffeurs
diftingués. Le Cardinal Acquaviva a donné
le même jour une fête magnifique au fujet
du mariage du Prince des Afturies
avec la Princeffe d'Orleans . Le concours
fut nombreux au Palais d'Efpagne , &
cependant l'abondance & la delicateffe
regnerent également fans confufion , &
prodiguerent les rafraîchiffemens. La Place
d'Espagne fut entierement illuminée ; au
milieu s'élevoit un amphitheâtre , où fur
un Thrône magnifique paroiffoient la
France & l'Espagne que des Genies uniffoient
; des préfens caracterifés leur étoient
offerts par les quatre Parties du Monde.
Il y avoit encore d'autres figures fimboliques
qui templiffoient ce fuperbe amphi
theâtre . L'artifice fut executé fur les neuf
heures du foir , & fut d'une beauté furprenante
; il dura long- temps , & fut vû
des fenêtres du Palais de Propagandâ fide
par le Chevalier de Saint Georges , &
par la Princeffe Clementine Sobieska fon
épouſe.
Le 7 Janvier le Cardinal del Giudicé
fic
DE FEVRIER 1722. 137.
fit ôter de deffus la porte de fon Palais
les Armes d'Efpagne , & y fit mettre celles
de l'Empereur , dans lefquelles on a retranché
les quartiers d'Espagne & de Sardaigne.
Le Chevalier de Saint Georges a été
bleffé par un tableau qui fe détacha de
fa bordure , & lui tomba fur la tête , dans
le temps qu'il levoit la portiere de la
chambre : quoi que la contufion foit confiderable
, les Chirurgiens font efperer
qu'elle n'aura point de mauvaiſes fuites.
LⓇ
De Madrid.
E 19 Janvier M. le Duc de Larco
partit de Lerina pour aller à Cogollos
complimenter la Princeffe d'Orleans de
la part du Roy d'Elpagne ; Sa Majeſté
Catholique . , la Reine , & le Prince
des Afturies monterent incognito dans un
carroffe de la fuite de ce Duc , & arriverent
à Cogollos en même temps que lui. Le
Duc de Larco parut d'abord feul devant
la Princeffe , il lui fit fon compliment , &
enfuite leur prefenta leurs Majeftés Catholiques
& le Prince des Afturies , comme
des perfonnes de fa famille , qui demandoient
à lui faire la reverence ; la Princeffe
s'aperçut bien- tôt de l'innocente
tromperie qu'on lui faifoit ; alors le Duc
de
738
LE
MERCURE
de Larco lui dit que fes Domestiques étoient
devenus fes Maîtres : Elle te jetta auſſtôt
à la main du Roy , qui lui preſenta
le Prince des Afturies. Cette entrevûë fit
connoître à la jeune Princeffe tous les
tendres fentimens de leurs Majeltés Catholiques
pour elle. Le zo elle arriva au
Palais de Lerma fur les deux heures après
midi. Le Roy , la Reine & le Prince des
Afturies dînoient , ils quitterent la table ,
& allerent au devant de la Princeffe jufques
à la porte de la cour du Palais , &
la conduifirent dans l'appartement qui lui
avoit été preparé : elle s'y repofa pendant
quelques heures , & de là fe rendit avec
le Prince des Afturies dans une falle où
l'on avoit dreffé un Autel . Le Cardinal
Borgia leur y donna la benediction
nuptiale , & le foir il y eut un ſouper
fuperbe , fuivi d'un Bal auffi magnifique ;
on avoit placé dans la Salle quatre tabourets
, un pour le Nonce du Pape , un fecond
pour le Duc de Saint Simon , l'autre
pour le Marquis de Maulevrier , & le
dernier pour le Vidame de Chartres , qui
releve de maladie . Après le Bal la Prins
ceffe fut deshabillée dans fa chambre , en
prefence de la Reine , & le Prince des
Afturies le fut à la porte. Lors que la Prin,
ceffe fut au lit , la Reine y conduifit le
Prince des Afturies ; le Duc de Popoli fe
plaça
1
4
DE
FEVRIER 1722. 139
plaça du côté du Prince , & la Ducheffe
de Montellano du côté de la Princeffe ;
on ouvrit les portes de la chambre , & la
Cour eut la permiffion d'y entrer. La ceremonie
de la Vélation (e fit le 21 à midi
par le Cardinal Borgia , dans la même
Salle , où ces auguftes Epoux avoient reçu
la benediction nuptiale. Le 22 leurs Majeftez
Catholiques , le Prince & la Princeffe
des Afturies partirent de Lerma.
Le 26 le Roy , la Reine & le Prince
des Afturies , arriverent à Madrid fur les
cinq heures du foir : la longueur du voyage
a fatigué la Princeffe des Afturies , qui
s'eft trouvée indifpofée à quelques lieuës
de la capitale des Eſpagnes , ce qui détermina
à la faigner au bras le 27 & le 28
pour appailer une inflammation qui lui
étoit furvenuë au vifage . Le 29 la Princeffe
le trouva entierement foulagée , cependant
comme elle a befoin de repos
pour la remettre abfolument du voyage
& de fa maladie , on lui fait encore garder
le lit ; leurs Majeftés & le Prince des
Afturies fon époux , lui font des vifites
rès frequentes. On a fufpendu par ordre
du Roy les réjouiffances publiques jufqu'au
Carnaval , pour attendre le retour de la
parfaite fanté de la Princeffe , & la voir
dans la fituation d'affifter aux fêtes dont
elle eft l'objet.
Le
140 LE MERCURE

Le premier de Fevrier M. le Marquis
de Ruffec , fecond fils de M. le Duc de
Saint Simon , Ambaffadeur du Roy Très-
Chretien , prit poffeffion de la Grandeffe
en prefence de tous les Grands qui avoient
été invités à la ceremonie par M. le Duc
de Larco , qu'il avoit choisi pour fon
parain .
CHARGES ET DIGNITEZ
des Pays Etrangers.
MOSCOVIE.
Bruce General d'Artillerie eft
>
M.Surintendant des travaux qui fe
font à Petersbourg pour reparer les dom
mages caufés par l'inondation ; il y occupe
dix mille hommes tant Soldats que Payfans.
SUEDE.
Le Comte de Dohna a été nommé par
le Roy de Suede Prefident du Conſeil de
Wilmar , & a obtenu là permiffion de ne
s'y rendre que l'Eté prochain,
DANNEMARK.
Le Comte de Holftein a commencé les
fonctions
DE FEVRIER 1722 . 141
fonctions de fa Charge de Grand Marêchal
de la Cour,
Le Major general Lewenohern , nommé
depuis peu Envoyé Extraordinaire à la
Cour de Pruffe , doit aller inceffamment
à Berlin.

M. Thomas Barsholm & M. John
Confeiller de la Chancellerie ont été
nommés Confeillers de la Cour de Juſtice.
Mrs Kafund , Liegand , Frolle, Kenkel,
& Scheker ont été nommés Confeillers
d'Etat.
EMPIRE .
Le 8 Janvier, le Comte Jean- Guillaume
de Trantfon , fils aîné du Prince de Trantfon
, Grand Maître de la Maifon de l'Empereur
, prêta ferment de fidelité entre les
mains du Comte de Zinzendorf Grand
Chambellan , pour la Charge de Chambellan
de la Clef d'Or,
M. Wolfand Weichard de Rani a été
nommé par l'Empereur à l'Evêché dẹ
Triefte en Iftrie,
Le Comte Philippes Charles Gafpard de
Hohenlobé Bartenftein , l'un des Confeillers
au Confeil Privé de l'Empereur , a obtenu
de S. M. I. la Charge de premier Juge
dans la Chambre Imperiale de Wetszlart ,
fur la démiffion volontaire du Prince Antoine-
Egon de Fuftemberg.
Le
842 LE MERCURE
zan
Le Comte Joachim Guillaume de Mal-
Baron de Waftembegt & de Penzelni
, a obtenu de l'Empereur une place
de Confeiller d'Etat , pour recompenfe des
grands fervices que fes ancêtres ont rendus
à la Maifon d'Autriche.
Le Prince Walter de Dietrichften a prêté
le 22 Janvier , ferment de fidelité comme
Confeiller d'Etat.
Marie-Barbe Baronne de Vertema , a été
élue le 23 Janvier Prieure du Monaftere
Royal de Sainte Claire.
PORTUGAL. TU
M. Gautier de Andad Rua Gentilhomme
de la Chambre du Roy , Chevalier de
l'Ordre de Chrift , & Surintendant des
Gabelles de la Ville de Setubal , a obtenu
une place de Confeiller de Cape & d'Epée
dans le Confeil des Finances.
Le Comte d'Olidos , le Conte de S•
Jean , Don Antoine de Silverra de Albuquerque
, & Don Manuel Jofeph de Sampayo
& Mello ont obtenu le Commandement
des quatre Compagnies de Cavalerie
dont on a augmenté la garniſon de
Lisbone.
Le Comte de Soure & Don Diago de
Souſa ont auffi obtenu deux Compagnies
de Cavalerie vacantes.
ESPAGNE .
DE FEVRIER 1722.
143
ESPAGNE.
Don Michel François Guerra , a obtenu
de Sa Majesté Catholique une place de
Confeiller d'Etat.
M. le Comte de Taboada , Brigadier
d'Armée & Colonel d'un Regiment d'Infanterie
, a obtenu la Clef de Gentilhomme
de la Chambre avec exercice.
Don Martin de Madrid , Brigadier , a
obtenu le Gouvernement du Château de
Fraga , près de Lerida.
Don Antoine Clavijo , Colonel , a obtenu
la Lieutenance de Roy de Badajos
dans l'Eftramadoure.
Don Jofeph de Armandaris , Marquis
de Caftel Fueft , a obtenu la permiffion
de garder la Lieutenance Colonelle du
Regiment des Gardes Efpagnoles , avec
la Charge de Capitaine general de la Province
de Guipufcoa.
Le R. P. Jean de Soto a été nommé
Commiffaire General de l'Ordre de Saint-
François dans les Indes .
?
Don Antonio Maldonado nommé
Evêque d'Oviedo , & Chanoine Penitencier
de l'Eglife de Tolede , a été facré
le 18 Janvier dans l'Eglife de S. Martin
de Madrid par l'Archevêque de Tolede ,
affifté des Evêques de Sion & de Laren .
Le
144
LE MERCURE
Le procès qui lui avoit été intenté a été
jugé trés-avantageufement pour lui par la
Congregation des Cardinaux qui en étoit
faifie.
,
Don Mathieu Perés Galefte , Fiſcal du
Confeil de Caſtille a été nommé pour
remplir dans ce Confeil la place vacante
par la mort de Don Pierre Jofeph de la
Grava.
ITALIE.
Le Comte Antoine Soderini , le Marquis
Philipes Patrizi , le Marquis Theodoli
, & le Marquis Crefcenfi , Prieur des
Capitaines de Quartier à Rome , ont été
nommés par le Pape Confervateurs du
Peuple Romain le 31 Decembre.
M. Afcinolino , Orateur celebre , a obtenu
de Sa Sainteté la Charge d'Avocat
Confiftorial , vacante par la mort de M.
Cazali , decedé fubitement à Rome le 30
Decembre dernier.
M. Acoramboni Sous-Dacani , a obtenu
un Canonicat de Saint Pierre .
Les cinquante Pages qui ont fait cortege
à la Cavalcade de la prife de poffeffion
de Saint Jean de Latran , ont été admis le
18 Janvier à l'audience du Pape , qui aprés
leur avoir donné fa benediction , les fit
Comtes Palatins , & les declara capables
de poffeder des Charges de Magiftrature..
ANGL .
DE FEVRIER 1722. 145
ANGLETERRE .
M. Charles Oharx , fils aîné du Lord
Tyranley , a été créé Baron d'Irlande.
Le Docteur Henri Egefton , l'aîné des
freres du Duc de Bridgewater , a été nommé
Chapelain des jeunes Princeffes , à la
place du Docteur Wilcox , qui eft à préfent
Evêque de Glocefter .
Le Docteur Hutchinſon , du Comté de
Derby a été nommé par le Roy au Doyen.
-né de Downe & Conor en Irlande .
Le Docteur Jofas Hort , Doyen de
Ardage , a été nommé à l'Evêché de Leiglin
& de Fernes , auffi en Irlande.
Le Docteur Nicolas Pemi du College
de la Reine dans l'Univerfité de Cambrige,
a été fait Prebendier de Norwich .
M. Guillaume Pulteney a été nommé
Lieutenant de l'Ef- Riding dans le Comté
d'Yorch , de la Ville de Kingſton fur l'Hull ,
& du Comté du même nom .
- Le Lord Polwart a été nommé par
Roy d'Angleterre , fon Plenipotentiaire au
Congrès de Cambray .
le
M. Pierre Widworths , Gilbert Cecil ,
& Alix ont été choifis par Sa Majesté
Britannique pour remplir les places de fes
Chapelains ordinaires qui vaquoient.
Le nouveau Duc de Bolton a obtenu du
G Roy
146 LE MERCURE
7
Roy d'Angleterre la Charge de Lieutenant
Gouverneur des Comtés de Southampton
& de Dorfet , & celle de Garde Royal de
la grande Foreft , qui étoient poffedées par
le feu Duc de Bolton fon pere.
MORTS ET MARIAGES
des Pays Etrangers .
' Evêque de Plosko en Pologne eft
à apres
y avoir été longtems malade. Son corps a
été porté à Pultanfih dans le Palatinat de
Czersko , & inhumé dans une Chapelle
magnifique , que cet Evêque y a fait bâtir
il y a quelques années.
Suivant les Regiftres des morts & des
Baptêmes des Paroiffes de la Ville de Vienne
, Capitale de l'Autriche , il eft mort
pendant le cours de l'année derniere 1721 .
fix mille quatre cens quatre- vingts - dix
perfonnes ; & il y en eft né quatre mille
cent quatre
Marie- Eleonore , Comteffe de Rindsmaul
, Prieure du Monaftere Royal de
Sainte Claire à Vienne en Auftriche , y eft
morte le io Janvier , âgée de foixante
deux ans.
Jean Erneft Comte de Conzni , eft
mort dans la même Ville , âgé de quatre .
vingts ans.
Francois
DE FEVRIER 1722 .
147
François- Guillaume , Comte de Fridagh,
Baron de Godens & de Loppedt , eft mort
à Vienne le 20 Janvier , dans la trentefixiéme
année de fon âge.
Don Antoine- Louis de Souza , fecond
Marquis das Minas , quatriéme Comte de
Prado , & Seigneur de Beringel , eft mort
à Lisbone le 25 Janvier dernier , âgé de
foixante & dix - huit ans . Il étoit Confeiller
au Confeil d'Etat , & à celui de la Guerre ,
Grand Ecuyer de la Reine , & Gouverneur
d'Armes de la Province d'Alentejo.
Il avoit porté les Armes dès l'âge de
treize ans , & s'étoit diftingué dans un
tres - grand nombre d'actions perilleuses ,
tant Sieges que Combats. Il avoit été
nommé , étant encore fort jeune , au Gouvernement
du Brefil ; enfuite il entra au
Confeil d'Etat , & à celui de la Guerre ,
& obtint confecutivement les Gouvernemens
de la Province d'entre Duro & Min .
ho , de celle de Berra , d'où il paffa à
celle d'Alentejo . Il a commandé avec diftinction
aux Sieges d'Alcantara , de Ciudad
Rodrigo , de Salamanque , & de Placenfia.
Il avoit époufé Marie , fille d'Alvarés
Manuel , & foeur de Louis Manuel,
Comte d'Atalaya , qui fut tué au Siege
d'Alcantara ; il en a eu plufieurs enfans ,
entre autres Jean de Souza , Marquis das
Minas , fixiéine Comte de Prado , Grand
Gij
de
148 LE MERCURE
6
de Portugal , & premier Gentilhomme de
la Chambre de Sa Majesté Portugaiſe . Ce
Seigneur époula au mois de Decembre
1688. Madeleine de Neuville Villeroy ,
fille du Marechal Duc de Villeroy , Gou
verneur du Roy Trés Chrétien.
M. Secman , Confeiller d'Etat à Coppenhague
, eft mort le Janvier.
M. Vico , Votant de Signature , & Chanoine
de S. Jean de Latran , eft mort à
Rome dans le mois de Janvier.
M. Innocent Buffi , neveu du Cardinal
de ce nom , époufa le 8 Janvier à Rome
Dona Vicentini , originaire de Rieti. La
ceremonie du mariage ſe fit dans la Chapelle
de S. Philippe de Nery par le Cardinal
de Buffi Evêque d'Ancone.
Le Baron Jean Ferrant Tefta Picolomini
épou a le 11 Janvier à Rome , Dona Anne
Marie Alberici.
Le Marquis Jean- Baptifte Caucci épouſa
le 14 dans la même Ville , Dona Marie.
Anne Carpegne , niece du feu Cardinal de
ce nom .
Dona Caterine Zeffirina Salviati , époufe
du Connétable Colonne , eft accouchée
à Romele 13 Janvier d'un fils , qui fut
baptifé le 14 , & nommé Philippe .
L'Epoufe du Lord Newbourg eft morte
en Angleterre , dans la mailon de Witthale
, le 27 Janvier.
Le
DE FEVRIER 1722. 149
Le Lord Cornwalis , Treforier General
des Troupes de Sa Majeſté , eft mort à
Londres le 31 Janvier ; il laiffe neuf fils
& une fille.
Charle de Montaigu , Duc de Monchefter
, mourut le même jour à Londres.
Le Lord Robert Davey , Comte d'Holderneſs
, eft mort à Bath le Janvier.
Le Lord Effingam Howard a époulé
Madame Nappier l'un des plus riches partis
de la Ville de Londres .
JOURNAL DE PARIS.
M
, le Comte de Saxe , fils naturel du
Roy de Pologne eft parti le premier
Fevrier à quatre heures du matin
pour fe rendre à Drefde.
M. le Chevalier de Refié , Capitaine de
Cavalerie dans le Regiment de S. Simon,
apporta au Roy le 31 Janvier la nouvelle
de la celebration du mariage du Prince
des Afturies avec la Princeffe d'Orleans ,
qui s'étoit faite à Lerma le 21 du même
mois. Ce fut immediatement après cette
augufte Ceremonie que le Roy d'Efpagne
accorda la Grandeffe à M. le Duc de
Saint-Simon , avec le pouvoir d'en difpofer
à fon gré en faveur de fes defcendans,
& ce fut dans le même moment que Sa
Giij Majeſté
150
LE MERCURE
Majefté Catholique donna la Toifon d'Or
à M. le Marquis de la Fare , Capitaine
des Gardes de Monfieur le Duc d'Orleans .
M. Gibert , Recteur de l'Univerfité ,
à la tête des Doyens des Facultez , des
Procureurs des Nations , & des autres
Officiers de fa dépendance , alla le 31
Janvier prefenter au Roy un Cierge , &
fit à Sa Majesté un diſcours fuivant la
coutume ; de là il fut au Palais Royal
accompagné du même cortege prefenter
auffi un Cierge à Monfieur le Duc d'Orleans
Regent du Royaume , qu'il complimenta.
Le jour de la Fête de la Purification 2 .
Fevrier , le Roy affifta à la Proceffion ,
enfuite à la grande Meffe chantée par la
Mufique , & celebrée par M. l'Abbé dit
Bois , Chapelain ordinaire de la Chapelle .
L'après midi Sa Majefté entendit le Sermon
du R. P. Portail Prêtre de l'Oratoire,
& enfuite les Vêpres .
Le 3 Fevrier , les Deputés des Etats de
Bretagne , M. l'Evêque de Vannes pour
le Clergé , M. le Prince de Leon pour
la Nobleffe , & M. de Carnouet pour le
Tiers Etat , prefenterent au Roy le Cahier
de la Province. Ils furent prefentez à cette
Audiance par M. le Comte de Toulouſe
Gouverneur de Bretagne , & M. le Marquis
de la Vrilliere Miniftre & Secretaire
d'Etat ,
DE FEVRIER 1722 .
d'Etat , & conduits par M. le Marquis de
Dreux Grand Maître des Ceremonies , &
de M. Defgranges fils Maître dés Ceremonies
, reçu en furvivance .
> Don François - Hiacinthe de Botloy
Abbé de l'Abbaye Reguliere de N. Daine
d'Afniere- Bellay grandOrdre de S. Benoiſt
Diocéfe d'Angers , fut beni le premier
jour de Fevrier , par M. l'Evêque de Vannes
, dans l'Eglife de l'Abbaye Royale de
S. Victor.
Le 4 , M. le Prince de Rohan eft arrivé
de Bordeaux , & a rendu compte au Roy'
de l'échange des deux Princeffes , fait dans
rifle des Faifans , avec l'applaudiffement
des deux Nations. "
M. le Prince de Conti a eu quelques
accès de fiévre qui n'ont pas duré. On
Pa faigné deux fois au bras & une fois
au pied. Madame la Princeffe de Conti
fon époufe eft accouchée heureuſement
le cinq entre huit & neuf heures du foir
d'un Prince que l'on appellera le Comte
d'Alais.
M. le nouveau Duc de Rets a pris
féance au Parlement le neuf en qualité
de Duc de Villeroy Pair de France . Madame
fon époule avoit pris le tabouret
chez le Roy le troifiéme . Cette jeune Dame
lui avoit été prefentée par Madame la
Ducheffe de Lefdiguieres & Madame la
Ducheffe d'Olone.
Giiij Le
152 LE MERCURE
Le Roy a accordé les entrées du
petit Lever à M. le Duc de Villequier ,
qui exerce cette année pour M. le Duc
d'Aumont fon pere , la Charge de Premier
Gentilhomme de la Chambre , avec
cette diftinction & ces graces qui femblent
hereditaires dans fa mailon .
,
>
M. le Duc d'Offone , honoré par le Roy
de la dignité de Commandeur de fes Ordres
a dépêché à Madrid un Courier
pour obtenir de Sa Majefté Catholique
fon confentement , avant que de porter
cette nouvelle marque d'honneur qui augmentera
fes grandes illuftrations .. Il doit
refter ici en qualité d'Ambaffadeur Extraordinaire
pendant quelques années , &
continuer dans Paris la magnificence qu'il
y a fait éclater en arrivant . Ce Seigneur
a loué l'Hôtel qu'a occupé autrefois le
Prince Ragotzi , fur le Quay , près du
College des Quatre Nations.
M. le Comte d't flex a été nommé par
le Roy d'Angleterre pour aller en Espagne
en qualité de fon Ambaffadeur , relever
M. le Colonel Stanhope .
On mande de la Rochelle que le
premier
de Fevrier M. l'Abbé de Raftignac
y avoit été facré Evêque de Tulles , &
M. l'Abbé de Fondras Coadjuteur de
Poiriers Evêque titulaire de Tloana ou
Tlos. La Ceremonie s'eft faite par M. I'Evêque
DE FEVRIER 1722 . 753
vêque de Luçon , affifté de M. l'Evêque
de Poitiers & de M. l'Evêque de la Rochelle
dans l'Eglife des RR . PP . Jefuites .
Le Dimanche 15 Fevrier le Roy entra
dans fa treiziéme année. Sa Majefté reçut
les complimens des Princes & de
toute la Cour , & après avoir entendu la
Meffe chantée par Sa Mufique , Elle eur
à fon dîner un grand Concert d'inftru
mens . Ce beau jour fut celebré par les
Mules , & l'après - midy le Roy alla fe
promener à la Porte S. Antoine . Le Mercredy
18 M. le Cardinal de Rohan , Grand,
Aumônier de France , donna des Cendres
à Sa Majesté.
On apprend de Turin que la conclu
fion du Mariage du Prince de Piemont
avec la Princeffe Palatine de Sulsbach y a
été publiée par ordre du Roy de Sardaigne.
La demande de cette Princeffe a été commile
à M. le Comte de Saluces , M. le
Comte d'Apremont & M. le Comte de la
Ville. La celebration de ce Mariage fe
prepare avec des foins extraordinaires , &
occupe agreablement la Cour & le Peuple
de Turin.
La nuit du fix au fept , M. le Baron
de Benteriender , Plenipotentiaire de Sa
Majefté Imperiale au Congrès deCambray,
partit de Paris pour s'y rendre diligem
ment.
Gv Monfieur
154
LE MERCURE
Monfieur le Duc d'Orleans a été voir
plufieurs fois M. le Cardinal de Rohan ,
qui a été fort incommodé de la goute depuis
fon retour d'Italie . Cette Eminence
eut l'honneur de faluer le Roy au Louvre
le
4. elle fut reçuë de Sa Majesté avec les
marques de joye les plus particulieres . Sa
maladie l'obligea de fe faire porter dans
une chaife jufqu'à l'antichambre du
Roy , qui en apprenant fon arrivée quitta
le jeu & fut avec empreffement au devantde
cet illuftre Miniftre. Aprés cette gradieufe
audiance M. le Cardinal de Rohan
fut au Palais Royal chez Monfieur le
Duc d'Orleans. On dit que cette Eminence
a rapporté de Rome plufieurs Brefs.
qui ne font pas encore notifiés. Le Roy
lui a accordé une place dans le Confeil
de Regence , dont elle a pris poffeffion le
huit..
M. l'Abbé de Ravannes , qui étoit à
Rome Conclavifte de M. le Cardinal de
Rohan , & qui lui eft extrémement attaché
, a été fait Confeiller d'Etat , fur la
démiffion volontaire de M. le Cardinal
` Dubois.
Le Jeu de Dés qui paroiffoit toleré les
années precedentes à la Foire S. Germain
a fuivi la fortune des Pharaons & des
Lanfquenets qui s'étoient multipliés fubitement
DE FEVRIER 1722. 155
tement dans Paris. On a fait de tres -lerieufes
deffenfes aux Marchands de cette
Foire de donner à jouer , fous peine de
tres - groffes amandes , & ce Reglement
s'obſerve avec une feverité utile à bien des
bourſes.
Le Roy a accordé à M. de Brilhac Capitaine
des Grenadiers dans le Regiment
des Gardes une gratification de vingt - cinq
mille livres . Cet Officier eft frere de M.
de Brilhac Premier Prefident du Parlement
de Bretagne.
M. Pelletier de Soufi , Confeiller au
Confeil de Regence , a renoncé aux honneurs
& aux dignitez qui l'environnoient,
& a choifi une fainte Retraite dans l'Ab .
baye de S. Victor.
M. Saurin Geomettre & Penfionaire ,
diftingué de l'Academie des Sciences , a
obtenu de Sa Majefté la penfion de deux
mille livres que poffedoit feu M. l'Abbé
de Cordemoy ; & celle de neuf cens liv.
qu'avoit M. Saurin , a été donnée à M.
Meyran , qui eft de la même Academie.
On mande des Côtes que deux Barques
chargées à Marseille ont été reçuës dans
le Port de Livourne. Cette nouvelle intereffante
prouve le rétabliffement parfair
de la fanté dans la Provence , & la certitude
de l'opinion qu'on en a,dans les pays
étrangers
Gvj Le
156 LE MERCURE
1
Le 23 Fevrier le Roy accompagné du
Maréchal de Villeroy & de plufieurs Seigneurs
de fa Cour , alla voir les nouveaux
appartemens qu'on a fait au Louvre pour
l'Infante , & au retour il vifita les Plans en
Relief des Places du Royaume ; le fieur
Mazin Ingenieur de Sa Majefté , qui en a
la direction , lui expliqua par parties plufieurs
Places aufquelles Sa Majesté prit
grand plaifir , entr'autres le Plan du Châreau
Trompette de Bordeaux , que cet Ingenieur
a fait nouvellement. Le Roy eut
une vraye fatisfaction de voir cet ouvrage,
qui à la verité furpaffe tout ce qui a été
fait jufques icy, par l'Art & la delicateffe
dont il eft conftruit ; Sa Majefté s'y amufa
long-tems , en faifant des queftions à cet
Ingenieur fur chaque partie de fortification.
Le Roy eut encore beaucoup de plaifir
à voir un autre Plan où tous les fouterrains
font marqués , ce qui fait juger que
Sa Majefté aimera fort le détail de la Fortification
; le fieur Mazin travaille actuel.
lement à un Plan en relief , où toutes les
parties de la Fortification y feront démontrées
tant interieures qu'exterieures
avec tous les dévelopemens, de la charpente
& des logements.
On apprend de Cambray que M. le
Comte de Morville , Ambaffadeur extraordinaire
du Roy au Congrès , a donné
une
DE FEVRIER 1722. 157
une magnifique fête le premier de ce mois
à l'occaſion de la conclufion du mariage
du Roy , & de l'arrivée de l'Infante d'Eſpagne
dans le Royaume.
Toute la façade de l'Hôtel de Ville
étoit illuminée en lampions , qui formoient
differentes figures , dont les principales
étoient deux grandes piramides qui montoient
jufqu'au comble. Les deux chiffres
du Roy & de l'Infante , avec une grande
couronne au deffus , une frife en Mofaique
fervoit de baſe , & tout le tour des
fenêtres étoit pareillement illuminé.
Le Bal commença à huit heures , les
Ambaffadeurs s'y rendirent à cette heure- là,
& la garde qui étoit doublée rendit à
chacun d'eux en arrivant les honneurs qui
lui étoient dûs. A dix heures & demie
l'on ouvrit les portes de trois grandes pieces
, où il y avoit dans chacune des tables
fervies en ambigu , qui furent trouvées
magnifiques & de bon goût. Elles furent
plus que fuffifantes pour huit cens perfonnes
, qui y mangerent fucceffivement toute
la nuit: Une grande quantité d'hommes
& de femmes de la premiere condition s'y
rendirent de Douay , Lille , Valenciennes,
Arras & Bouchain , avec bon nombre
d'Officiers de toutes ces Garniſons : cela
joint avec la Garniſon de Cambray , faifoit
un concours nombreux . Outre la falle
du
158 LE
MERCURE
1
du Bal , qui eſt des plus grandes , il y avoit
d'autres pieces éclairées , où les Dames
pouvoient aller fe repofer & jouer. Le
Premier Preſident de Douay y vint maſ
qué , avec des femmes très - aimables . Mr
& Madame d'Argenfon s'y rendirent auffi .
Sept Officiers de la Garniſon & fix Dlles
de la Ville imaginerent une maſcarade des
plus galantes ; c'étoit le Dieu de l'Eſcaut
qui venoit avec fa fuite prendre part à la
fête : ils étoient tous mafqués de la même
maniere , & leurs habits étoient convenables
à ce que les Perfonnages reprefentoient
. Les violons commencerent à jouer
une marche après laquelle toute la malcarade
forma une danfe très bien imaginée ,
& qui étoit de temps en temps interrompue
par de petits airs compofez exprès
pour caracterifer la fête . Le Bal dura jufqu'à
cinq heures du matin ; il n'y eut
ni defordre ni confuſion . Les Officiers qui
commandoient la garde eurent toutes les
attentions imaginables pour y apporter
l'ordre qui étoit neceffaire , & plufieurs
autres Officiers contribuerent à faire les
honneurs des Tables & du Bal. Enfin l'on
fit couler du Perron de l'Hôtel de Ville ,
pendant toute la fête , deux fontaines de
vin , qui amuferent beaucoup le peuple.
Comme toutes les Pieces de l'Hôtel de
Ville font meublées des meubles de la
Couronne
DE
FEVRIER 1722. 159
Couronne , & qu'elles font toutes de plein
pied , cela donnoit à la fête un grand air
de magnificence.
鮮粥粥粥: 粥粥粥粥粥粥粥粥
BENEFICES.
E Roy a accordé l'Abbaye Commendataire
de Manlieu , Dioceſe de Clermont
, fur la démiffion de M. le Cheva-'
lier de Laval , à qui elle avoit été donnée
à M. l'Abbé de Laval .
Sa Majesté a donné la penfion de 4000
livres qu'elle avoit accordée à M. le Chevalier
de Lorraine , fur l'Evêché de Verdun
, fur la démiffion ; SÇAVOIR ,、、
2000. livres à M. l'Abbé de Loffendiere.
1000. à M. l'Abbé d'Halencourt .
Et 1000. livres à M. le Chevalier d'Halencourt.
L'Abbaye de la Grace Notre- Dame de
Charon , Ordre de Cîteaux , Dioceſe de
Xaintes , vacante par la démiffion pure
& fimple du fieur Gilles Bernard Raguet ,
dernier Titulaire , en faveur du fieur
René Trepagne de Menerville , Prêtre
du Dioceſe de Chartres , & Curé de Surêne.
Le Canonicat de l'Eglife Metropolitaine
de Reims , vacant en Regale par le decès,
du ficut Pierre L'Efpagnol , dernier Ti
tulaire ,
IGO LE MERCURE
tulaire , en faveur du fieur Auguſtin - Armand
Frizon de Blamont , Clerc Tonfuré .
du Dioceſe de Paris.
CHARGES , DIGNITEZ ET EMPLOIS.
O
Na omis dans le Mercure precedent
à l'article de la promotion de Chevaliers
de Saint Louis dans la Marine &
dans les Colonies , du 23 Decembre 1721 ,
la Lifte des Officiers Gardes Côtes , qui
ont été honorez de la Croix de cet Ordre
Militaire Voici leurs noms ,
M. de Boncourt , Capitaine general
Garde Côte de Villers.
M. de Sailly , Capitaine general , Garde
Côte d'Oleron .
M. de Lezieres du Memés , Capitaine
general Garde Côte d'Andierne.
M. d'Aledan de Vaubourg , Capitaine
general Garde Côte de Port- Bail .
M. d'Auvremenil , Capitaine general
Garde Côte de Saint Aubin.
M. de Charmail , Capitaine general
Garde Côte de Bordeaux.
M. de Thimefter , Major de la Capitainerie
generale de Crozon.
M. de Saugeon , Aide- Major des Gardes
du Corps , & Chevalier de Saint Louis,
a obtenu la furvivance du Gouvernement
du Pont de l'Arche , du confentement de
M.
DE FEVRIER 1722. 161
M. d'Avignon , qui en eft Titulaire.
M. le Chavalier de Reizier , qui a ap-.
porté au Roy la nouvelle de la celebration
du Mariage du Prince des Afturies , avec
la Princeffe d'Orleans , a obtenu de Sa
Majeſté un Brevet de Mestre de Camp ,
& Madame la Ducheffe de Saint Simon
lui a fait prefent d'une bague de prix .
MORTS DE FRANCE .
Feydeau de Calande, Confeiller au
Parlement , eft mort à Paris le 2 .
Fevrier.
Melfire Charles de la Baume , Seigneur
d'Eftains & autres lieux , eft mort le 3 de
ce mois , âge de foixante & quinze ans.
M. Pagnon , celebre par fa Manufacture
des beaux draps noirs , Secretaire du Roy,
& Député pour la Ville de Paris au Confeil
Royal deCommerce, y eft mort le 4Fevrier .
Meffire Jacques François de la Mornierre
de la Sauffaye , Gentilhomme de
la Province de Brie , & autrefois Gendarme
de la Garde du Roy , mourut le
6 Fevrier dans fa Terre à une lieue de
Montmireil , âgé de cent cinq ans.
M. Gabaret de la Motte , Capitaine
de Brulot , eft mort à Rochefort le 11 .
Fevrier.
M.
*
162 LE MERCURE
M. Richer Secretaire du Roy , & Greffier
en Chef de la Chambre des Comptes,
cft mort à Paris le 12 Fevrier .
M. Olivier , Commiffaire de la Marine
& premier Medecin du Roy au Port de
Breft , eft mort le 13 Fevrier dans un âge
fort avancé. Il y avoit cinquante & un an
qu'il fervoit dans ce Port avec beaucoup
d'honneur & de diftinction , les talents &
les qualités de fon coeur lui avoient acquis
l'eftine & la confiance de tous les Officiers
dont il eſt extremement regretté.
Dame Charlotte Talbot de Tyrconnell,
Dame d'honneur de la feuë Reine d'Angleterre
Marie Beatrix Eleonore d'Eft
Modene , mourut le 14 Fevrier à S. Germain
en Laye âgée de 46 ans. Elle étoit
fille unique de Mylord Richard Talbot ,
Duc de Tyrconnell , Capitaine general
des Armées de Jacques 11. Roy de la
Grande Bretagne , & elle avoit époufé
Mylord Richard Talbot de Tyrconnell ,
fon coufin iffu de germain , dont elle laiffe
deux enfans , Mylord Richard Talbot , à
prefent Comte de Tyrconnell , & Marie
Talbot.
Charlotte Amelie de Heffe - Rheinfels-
Wanfried , épouſe du Pr . François- Leopold
Ragotzi , mourut en cette Ville le
18 Fevrier , dans la quarante- troifiéme
année de fon âge. Elle étoit fille de Charles.
DE
FEVRIER 1722. 163
les Landgrave de Heffe- Rheinfels Wanfried
, & de Alexandrine- Julienne , Comteffe
de Leningen.
< M. du Bordat de Château -neuf , Enfeigne
de Vaiffeau , eft mort à Calais le
18 Fevrier.
Dame Jeanne Aymée de Rabodanges ,
époufe de M. le Maréchal de Montrevel ,
eft morte à Paris le 25 Fevrier , âgée de
Elle étoit auparavant veuve
de Benedict- François Rouffel , Marquis
de Grancey , Chef d'Eſcadre des Armées
Navales.
M. le Maréchal de Montrevel avoit
époufé en premieres nôces en 1665 Dame
Ifabelle de Vayrat de Paulian , Daine de
Cuifieux , premierement veuve d'Auguftin
de Fourbin , Seigneur dé Souliers , puis
d'Armand de Cruffo!, Comte d'Ufez."
M. Gruyn , Garde du Trefor Royal,
eft mort le 25 , & a été enterré à Saint
Jean fa Parroiffe le 28 .
M. l'Abbé de Cordemoy , Abbé de
Fenieres , qui étoit Penfionnaire de l'Academie
des Sciences , eft mort le
M. l'Abbé Peliffier eft mort ; il avoit
l'Abbaye d'Emaches Fineterre , dans le
Diocefe de Leon en Bretagne .
EDITS ,
164
LE MERCURE
EDITS , ORDONNANCES ,
Declarations
LR
Arrests .
ETTRES Patentes du 11 Fevrier
Regiftrées en Parlement , qui ordonne
qu'il fera fait une Route & un chemin.
dans la Foreft de Villers - Cotterets .
LETTRES Patentes fur Arreft , données.
à Paris le 18 Novembre 1721 , qui
deffendent à tous Juges d'adjuger aucun
franc- falé qu'aux perfonnes compriſes
dans l'état qui fera arrêté au Confeil, &c .
DECLARATION du Roy du 15 Decembre
1721 , qui regle la maniere d'élire
les Tuteurs & les Curateurs aux enfans
dont les peres poffedoient des biens , tant
dans le Royaume que dans les Colonies ,
& qui deffend à ceux qui font émancipés
de vendre leurs Negres.
LETTRES Patentes données à Paris le
28 Janvier 1722 , Regiftrées en Parlement
le 14 Fevrier fuivant , qui ordon-.
nent une coupe extraordinaire de deux
cens quatre-vingts arpens de taillis pendant
trois ans dans la Foreít de Braconne.
LETTRES
DE FEVRIER 1722 . 165
LETTRES Patentes de la inême datte ,
qui ordonnent une coupe de deux cens
arpens de bois de la Foreft de Moliere ,
pour la provifion de la Ville de Poitiers.
ORDONNANCE de fon Eminence
Monfeigneur le Cardinal Du Bois , Grand
Maître & Sur - Intendant General des
Poftes , qui défend aux Maîtres des Poftes
de la Ville de Paris , & des lieux où le
Roy fera fon fejour , même de fix poftes
aux environs , de donner des chevaux fans.
un ordre du Roy , ou une permiffion
du Sur- Intendant General des Poftes.
EDIT du Roy , portant creation d'un
Garde du Trefor Royal Trienal , du mois
de Janvier 1722 ,
ORDONNANCE DE SA MAJESTE' , qui
ordonne que le jour de l'Entrée de l'INFANTE
D'ESPAGNE , toutes les Ruës
& Places y nommées , qui fe trouveront
fur fon paffage , foient ornées , & les Maifons
illuminées, &c. Du 23 Fevrier 1722.
Sa Majesté ayant donné differens
ordres pour que l'Entrée de l'infante
d'Espagne foit accompagnée de toute la
magnificence convenable , Sa Majeſté ,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a ordonné & ordonne , Que le
jour
166 LE MERCURE
jour de fon arrivée , toutes les Rues &
Places qui fe trouveront fur fon paffage
foient ornées , & les Maifons illuminées ;
fçavoir , depuis la Porte Saint Jacques fuivant
la rue jufqu'au petit Chaftelet dudit
lieu , le long des rues de la Lanterne , le
Pont Notre- Dame , Planchemibray , des
Arcis , des Lombards , retournant par la
rue faint Denis , à celles de la Ferronnerie,
de la Chauffeterie , Saint Honoré , jufques
& compris la rue du Chantre , &
julqu'au vieux Louvre ; comme auffi que
ledit jour , toutes les fenêtres des maiſons
de la Ville & Fauxbourgs de Paris , foient
illuminées , & des feux allumés devant
toutes les portes à la maniere accoutumée
dans les occafions de réjouiffances . Mande
Sa Majesté au Sieur de Baudry, Confeiller
en fes Confeils , Maiftre des Requêtes
ordinaires de fon Hôtel , Lieutenant General
de Police , de tenir la main à l'execution
de la prefente Ordonnance , qui
fera publiée & affichée par tout où beſoin
fera , à ce que perfonne n'en ignore.
Deux Ordonnances de Meffieurs les
Prevôt des Marchands & Echevins de la
Ville de Paris , du 27 Fevrier 1722 ,
l'une portant défenſe tres - expreſſe à tous
Seigneurs , Gentilshommes , Bourgeois &
autres perfonnes de quelque qualité &
condition
DE FEVRIER 1722. 167
condition qu'elles foient , de faire paffer
Lundi prochain deuxième Mars , jour de
l'Entrée de l'Infante d'Efpagne , future
Epoufe & Compagne de Sa Majeſté ,
depuis huit heures du matin , jufqu'à - ce'
que la Princeffe foit arrivée au Louvre ,
aucuns Carroffes , Charrettes ou Harnois,
par les rues de Sa marche , à peine de confifcation
defdits Carroffes , Charrettes &
Harnois , au profit de l'Hôpital General.
L'autre , qui enjoint à tous Bourgeois &
Habitans de cette Ville & Fauxbourgs ,
demeurans dans les rues par où paflera
l'Infante d'Espagne , future Epoufe &
Compagne de Sa Majefté , Lundy prochain
, fecond jour du mois de Mars , de
tendre des Tapifferies au devant de leurs
maifons & balcons , depuis neuf heures
du matin jufqu'au foir ; & à tous Bourgeois
& Habitans de cettedite Ville &
Fauxbourgs , de faire ledit jour au foir au
devant de leurs maifons des Feux & des
Illuminations , pour marque de réjouiffance
publique , à caufe de l'Entrée de
cette Princeffe , &c.
Avertiffement pour les maladies de l'oeil.
Monique Anglois , & Oculifte de pere en DE WOOLHOUSE ( Gentilhomme
fils depuis quatre generations ) continue depuis
plus
168 LE MERCURE
plus de trente années fes Cours de Pathologie &
de Chirurgie Oculaire , avec fes revues & démonftrations
generales d'environ 230 diverfes
maladies de l'oeil fur des fujets vivans . Il enfeigne
aux Etrangers plus dess differentes operations
Ophthalmiques , auffi aifées qu'utiles ,
& fûres pour la guerifon radicale des maux
de la vue , aufquels les foi difans Oculiſtes emplayent
mal à propos certaines Eaux , Poudres,
Fumigations & autres petits fecrets hazardez ,
qui minent , fapent , fondent ou corrodent la
tiffure compacte ou ferrée de l'oeil par la fuite
du tems , en penetrant , gonflant , relâchant
& affoibliffant les parties faines de ce tendre
organe , fans difcernement ni diftinction fpecifique
d'avec fes parties déja alterées ; de forte
que ces maladies deviennent incurables à la
fin tant par raport à ces remedes impropres ,
qu'eu égard à la perte irreparable du temps :
mais les inftrumens delicats portez fur la partie
de l'oeil avec l'adreffe & experience d'un
habile Oculifte , ne fçauroient produire femblables
defordres.
,
Mr de Woolhoufe emporte toutes les taches ,
nuages , tayes , perles , toiles , mailles , cicatriçes
, onglets , & le refte des ulceres & d'abfcez
, mauvaiſes empreintes de la petite verole ,
de la rougeole , & d'inflammations inveterées ,
ou des écrouelles , des coups , du feu & des
corps étrangers qui ont bleffé la vifiere , en
quinze jours , pourvû qu'on ne les ait pas abbreuvées
& imbues de liqueurs étrangeres d'une
vertu cauftique & brûlante , ni touché avec le
feu potentiel ; ce qui les rend incurrables à
jamais , en cauterifant la tranfparence du miroir ,
comme on voit ici arriver tous les jours à des
perfonnes mal adreffées.
Mr de Woolhouſe declare à vuë d'oeil la naturc
DE FEVRIER 1722. 169
ture du mal en queftion , & s'il eft gueriffable ,
en combien de tems , & par quels remedes ou
operations. Il entreprend même de les guerir
à forfait par des medicamens prompts , fûrs &
doux , quand la Chirurgie fpecifique n'y eft pas
abfolument neceffaire.
Mais comme la cataracte adherante interieurement
à l'iris , du côté de la temple a toujours
éludé la pointe de l'aiguille qu'on paffe
precifément de ce côté de la prunelle , il a découvert
nouvellement un expedient certain &
aifé pour vaincre cette difficulté , qu'on étoit
obligé ci devant d'abandonner comme infur
montable : en forte qu'en huit jours ledit fieur
de Woolhouſe garantit , fans retour toutes
fortes de cataractes fimples .
1

Et quant à la vraie Fiftule
lacrymale
, avec
carie ou callofité
, qu'il eft impoffible
de guetir
par les injections
ou applications
des medicamens
tepiques
, Mr de Woolhouſe
la guerit
,
fans récidive
, par une methode
à lui particu
here , qui ne lui a jamais
manqué
depuis
plus
de vingt années
qu'il l'a pratiquée
, fans fe fervir
du feu , comme
on a annoncé
dans le Journal
des Savans
du Lundi 22 Fevrier
1712 .
1 Depuis 33 années qu'il pratique dans ce
Royaume , il a porté fes revues generales , fes
recherches & découvertes oculaires à tel point
de perfection , qu'on y peut apprendre de lui
dans une feule journée , plus qu'on ne sçauroit
autrement approfondir pendant le cours ordinaire
de la vie d'un homme.
Les differentes especes de goutes fereines ,
des cataractes , des glaucomes du Cryſtallin
& de la vitrée , des chancres & d'ulceres de la
cornée , des fiftules lacrymales fimples & compliquées
, des obftructions des points lacrymaux,
du conduit nazal & de la hernie du fac , de
H l'onglet
170
LE MERCURE
l'onglet & taye de l'oeil , d'avec l'eucauthis &
la Pannicule , de l'albugo ou perle incurable ,
d'avec les taches , mailles & cicatrices gueriffables
, & beaucoup d'autres maladies qu'aucun .
Auteur n'a pas encore bien démêlées , s'y démontrent
trés évidemment .
Le Grand Duc de Tofcane , les Rois de Pruffe
& d'Angleterre , & bien d'autres Puiffances de
l'Europe ont chargé M. de Woolhoufe de leur
former de fçavans Eleves pour le foulagement
de leurs Peuples ; & S. M. Czarienne lui fic
l'honneur de lui voir faire l'operation de la cataracte
, laquelle maladie a fufcité une vive difpute
parmi les Sçavans depuis l'année 1706 ,
qui n'a été decidée que par la publication ( en
François & en Latin ) d'un Ouvrage de Mr de
Woolhouse fur ce fujet , dont le Journal des
Sçavans , du Lundi 4. Mars 1720 a donné un
Extrait , comme les Ephemerides d'Allemagne
de l'année 1717 , & le Mercure Galant du mois
de Novembre 1718 , ont fait mention des diverfes
operations fubtiles que Mr de Woolhouse
enfeigne & pratique fur les yeux. Les envieux
ont fait courir differens faux bruits touchant
la mort , l'aveuglement & l'abandon prétendu
que Mr de Woolhouse a fait de fa Profeffion
d'Oculifte & ils font même apofter des Gens
pour détourner ( par des fupercheries & des medifances
les Etrangers qui viennent de toutes >
les parties de l'Europe icy à Paris pour le confalter.
>
On le trouvera conftamment dans l'Hôpital
Royal des Quinze Vingts , à la Porte Cochere
de la grande Aumônerie , à côté de Mr Roffignol
Maître Ecrivain, 291
EAU
DE FEVRIER 1722. 171
Q
EAU DE BEAUTE .
UoIQUE cette Eau ayt été inconnuë
jufqu'aujourd'hui dans toute la France
elle a pourtant fait l'admiration de tout ce beau
fexe de l'Angleterre , de la Hollande > & de
toutes les Cours d'Italie ; elle y a été goûtée , &
a merité par fes propres effets d'être appellée
Eau de Beauté. Je ne doute cependant pas qu'en
France il ne fe trouve quelques Seigneurs qui
en ayent dans les Cours Etrangeres connu la
valeur , pour peu qu'ils ayent cu de relations
avec le beau fexe .
Cette Eau quoiquè claire & brillante comme
l'eau de roche , eft cependant graffe , proprieté
extraordinaire d'une feule fimple affez rare
& a une odeur difficile à definir qui fe perd
en féchant ; cette Eau n'eft autre chofe qu'une
compofition de fimples , mais des plus rares &
plus exquis que la nature ait produits.
Voici les proprietez & fes effets. Elle nourrit
la peau & lui donne un éclat de blancheur
parfait , conferve la delicateffe des traits , ranime
toutes les couleurs , & répand fur tous
les teints les plus fecs un air de fraîcheur qui
eft égal & auffi naturel que celui que fait le
fang le plus pur dans un corps le plus fain.
On peut fans lui rien prêter , prouver par cent
exemples , que ceux qui en font ufage , ne s'ap
perçoivent point que le nombre des années puiffe
Aletrir & diminuer la fraîcheur de leurs teints
& de la gorge , puifqu'elle en ôre toutes les
rides , & roufleurs qui proviennent de la fechereffe
du teint. Ce qui prouve que ce n'eft point
du fard , c'eft qu'il faut en faire ufage plu-
Hij fieurs
172 LE MERCURE
Yous
fieurs jours avant d'en connoître aucuns changemens
; mais lorsque vous vous ferez habituez
a vous en fervir de la façon qui fuit ,
connoîtrez bien- tôt que c'eft le feul Secret qui
eft capable d'ajoûter des charmes à la beauté ,
& de la conferver jufqu'à la mort . Celles qui
par un fang âcre & mauvais fe voyent une peau
noire & livide , & un teint couvert de boutons ,
conviendront qu'il n'y a jamais eu de Secret ,
en donnant de la blancheur , en confervant les
traits , & ranimant toutes les couleurs , &
faifant reffentir aux teins & à la gorge un air
de fraîcheur naturel , órant tous les boutons
& les rides , fans qu'il y en refte la moindre
marque il ne faut pas fe figurer que cette
Eau toute merveilleufe qu'elle foit , opere
toutes fes qualitez fur le champ , il faut lui
donner le tems , & fe figurer qu'un Peintre ,
quelque habile qu'il foit , ne rend parfait fon
ouvrage qu'avec le grand nombre de coups de
pinceau qu'il lui donne.
,
Voisy la façon dont il faut s'en fervir ; le
foir en fe couchant , il faut verfer la valeur de
trois cueillieres de bouche de cette Eau dans
un petit vafe , & avec un linge ni trop gros
ni trop fin , c'eft à - dire , comme une grofle
toille d'Hollande ferrée , le tremper dans cette
Eau , s'en bien décraffer le vifage & la gorge,
jufqu'à ce que vous fentiez dans le teint un peu
de chaleur , & alors vous cefferez pour un inftant
, & enfuite avec le même linge retrempé ,
vous vous en redécrafferez de la même façon ,
plus legerement , & vous ne vous fecherez point
d'aucnn linge , car la liqueur fechera un inftant
aprés , & vous vous coucherez ,
Le matin vous vous en décrafferez de la même
façon , à la referve que la feconde fois
aprés que la liqueur aura feché , vous vous
pafferez
DE FEVRIER 1722. 173
pafferez legerement un linge fur le teint , comme
fi vous vouliez vous êter de la poudre.
Les Dames qui portent du rouge , peuvent
tremper le pinceau dans une goutte de cette
Eau , & s'en fervir à leur gré . Le rouge avec
cette Eau ne mange point la couleur naturelle .
Les Dames connoîtront fur le champ l'éclat
qu'elle donne au rouge , puifqu'elle le pâlit
de telle façon qu'elle le rend parfait couleur
de chair. Čet effet fe fait fur le champ , & les
yeux le diftinguent .
Cette Eau peut fe garder auffi long tems que
l'on fouhaite plus vieille elle eft , plus elle
fe purifie; il ne faut point douter qu'au Printems
, Eté & Automne elle n'agile plus puiffarment
, puifque vous remarquerez qu'étant
compofée de Simples , elle aura dans fa fiole la
même agitation qu'ont tous les Simples dans
aces faifons chaudes.
Pour prouver une feconde fois que ce n'eft
point fard , vous n'avez qu'à mettre à la leffive
les linges avec lefquels vous vous ferez décraflé
, vous verrez s'ils font tachez d'aucune
couleur. Les Dames qui portent du blanc , fi
elles veulent fe conferver les dents , & empêcher
la peau de fe rider , en uferont de la mêine
façon , & avant de mettre du b'anc & dans
la fuite elles pourront s'abftenir de mettre du
blanc , puifqu'il n'y a rien de fi pernicieux
pour la peau & les dents .
>
Les Dames qui fe trouvent les yeux battus .
par certaines indifpofitions , même les hommes
qui peuvent avoir reçû quelques coups de ferein
, n'ont qu'à s'en baliner les yeux plufieurs
fois le même jour. Toutes ces épreuves ont été
verifiées pardevant Monfieur Dodart , aprés
une preuve de fix femaines . Je crois que tout
Paris connoît affez les qualitez de ce digne
Docteur ; H iij
174 LE MERCURE
Docteur ; c'est pourquoi je fais mettre au bas
de ce Memoire fon Approbation.
Cette Eau fe vendra chez Mademoiſelle d'Arliac
, demeurant chez Monfieur Rouffelot , Marchand
Gantier Parfumeur du Roy , Privilegié ,
fuivant la Cour , demeurant rue Tirechape , au
Gant de Paris . La grandeur de chaque bouteille
eft d'une demie chopine , & le prix eft de vingt
livres la bouteille..
Approbation de M. lePremier Medecin du Roy.
OUS Confeiller ordinaire du Roy en tous
deci de Sa Majefté , Surintendant general des
Eaux , Bains & Fontaines Minerales & Medeci-.
nales de France , SALUT. Sur les témoignages
de beaucoup de perfonnes de merite des bons.
effers de l'Eau dite de BEAUTÉ , compofée
par le Sieur Lambert , Parfumeur du Roy d'Angleterre
, pour ôter les boutons , rougeurs ,
tenir toujours le teint tres-uni , & blanchir la
peau , Nous confentons que ledit Sieur Lambert,
pour le bien du Public , la vende & diftribue ,
en connoiffant la veritable compofition , aprés
en avoir fait toutes les épreuves. ftipulées dans
ledit Memoire qu'il donne au Public. En foy
de quoy , Nous avons figné ces Prefentes , que
Nous avons fait contrefigner par notre Secretaire
ordinaire , & à icelles fait appofer le
Cachet de nos Armes . Fait à Paris au Château
des Tuilleries , le Roy y étant , ce 12 Fevrier
1722. Signé , DODARŤ.
Par Monfieur le Premier Medecin du
Roy , LA SALLE .
SUPPLEMENT .
DE FEVRIER 1722. 175
SUPPLEMENT.
Vers prononcez
au Roy ,fur le jour
de la naiffance de Sa Majefté :
Par M. Danchet de l'Academie
Françoife , le 15 Fevrier.
RINCE , le jour de ta naiffance
PR
Pour nous fut un jour fortuné :
Déja tes fentimens changent en affurance
L'efpoir qu'il nous avoit donné .
Docile aux leçons les plus fages ,
Tendre , compatiſfant au fort des malheureux ,
Tu fais tes premiers foins de remplir les préfages
Dont le ciel a flatté nos voeux .
Qu'à jamais l'Eternel , à l'ombre de fes aîles ,
Affermiffe ton Trône & protege tes jours ,
Et que des Rois cheris les Compagnes fidelles ,
La Juftice & la Paix en illuftrent le cours .
Que les beaux Arts , au fein de tes Etats tranquilles
,
Meritant cet amour que tu montres pour eux ,
Rendent , par des progrès utiles ,
Tes peuples encor plus heureux.
Hij Les
176 LE MERCURE
Les fameux Conquerants, dont la prompte
Victoire ,
Au bout de l'Univers , couronna les projets ,
N'égalent point un Royqui fait toute la gloire
Du feul bonheur de fes Sujets .
AUROY ,
Le jour de la naißance de sa Majefté.
P
RINCE , c'eft aujourd'huy la fête de
la France ;
Ce jour , de fon bonheur rappelle la naflance.
Ainfi Rome honoroit le retour fouhaité
De l'heure , où les Cefars avoient vu la clarté ;
Ses voeux & fon encens rempliffoient tous les
Temples:
Mais nôtre amour pour Toy n'a pas befoin
d'exemples .
Ta gloire avec les ans augmentée à nos yeux ,
Rend à nos coeurs charmez ce jour plus precieux.
Pourfuy, par Tes vertus annoblis ta Couronne :
Du fruit de fes leçons que VILLEROY s'étonne :
Et fiFLEURY pour Toy leve les mains aux Cieux ,
Que ce foit feulement pour rendre grace aux
Dieux.
Ils n'ont formé tes traits fur le plus beau
modelle ,
Que pour faire à ton ame un féjour digne d'elle.
Le
DE
FEVRIER 1722 . 177
Le temps y doit fans ceffe ajoûtér des trefors .
Aux charmes innocens de l'âge dont Tu fors,
De l'âge qui le fuit Tu joindras la fagefle ,
Et fur tout, pour Ton Peuple une jufte tendreffe.
Ce Peuple dont les Dieux ont exaucé la voix ,
Quand pour luy Tu-nâquis une feconde fois .
Que de joye, & de pleurs ! Leur naïve éloquence,
Avoit prefque reduit Apollon au filence .
Apollon va bien- tôt ranimer fes ardeurs ,
Le Parnaffe s'éclaire & fe couvre de fleurs
A l'afpect d'un Objet , qu'icy la Paix n'attire,
Que pour éternifer le bonheur de l'empire ,
Puiffions nous de l'Hymen chanter bien- tôt
les loix ,
Et puiffent en Vous deux revivre tous nos Rois !
Hv RECEPTION
178 LE MERCURE
RECEPTION
ET ROUTE DE L'INFANTE REINE
depuis Châtre , fon Entréefolemnelle
dans Paris le Lundy 2º Mars 1722.
L
A Sereniffime Infante d'Efpagne
arriva à Châtre ou Arpajou , avec
toute fa fuite le Samedy 28 Fevrier,
où elle coucha.
Un Bataillon du Regiment du Roy
prit les armes à fon arrivée , la garda
pendant la nuit , & jufqu'à fon depart.
L'Infante Reine coucha à Berny le Dimanche
premier Mars, Maiſon de Plaifance
du Cardinal de Biffy , qui parut illuminée
le foir , on tira dés Boëtes , &c. Un
Bataillon du Regiment du Roy prit les
armes à fon arrivée , & fervit à la garde
jufqu'à fon départ. S. A. R. Monfieur le
Duc d'Orleans l'attendoit à Berny pour la
recevoir. Mrs les Cardinaux de Rohan
du Bois , de Biffy , le Prince de Rohan &
autres Seigneurs & Dames de la Cour ,
allerent dès le même jour faluer l'Infante
à Berni , où cette Princeffe étoit arrivée
à deux heures après midi..
>
Madame , Madame la Ducheffe d'Orleans
, & les Princes & Princeffes du Sang
s'y rendirent le lendemain matin pour
L
faluer
DE FEVRIER 1722. 179
faluer l'Infante Reine. Madame , Madame
la Ducheffe d'Orleans, & les Princeffes du
Sang , revinrent dans le Carroffe de l'Infante
, avec Madame la Ducheffe de
Ventadour.
L'Infante partit de Berni immediatement
après fon dîner , qui fut fervi à onze heu--
res. Le Bataillon du Regiment du Roy,qui
avoit fervi à fa Garde bordant le chemin
des deux côtez. Le Bourg - la - Reine étoit
occupé par un autre Bataillon du Regi
ment du Roy.
Le Roy partit de Paris à onze heures,
accompagné de S. A. R. Monfieur le
Duc d'Orleans , de M. le Duc de Chartres
, des autres Princes du Sang , & de
M. le Maréchal de Villeroy fon Gouverneur,
fon Carroffe étoit precedé & fuivi par
un Détachement de Gardes du Corps ,
de Gendarmes avec Timballes & Trompettes
, de Chevaux- Legers , & de Moufquetaires.
S. M. fe rendit à la Maiſon du
fieur Marchais , fituée auprès du Bourg .
la-Reine , gardée par un Bataillon du
Regiment du Roy. Un Détachement des
Gardes du Corps en occupoit l'interieur ,
& le Détachement qui accompagnoit Sa
Majefté étoit en bataille dans l'avantcour.
Le Roy arriva un peu avant l'Infante
Sa Majefté la reçut à la defcente
du Carroffe , & la conduifit dans l'appar-
:
H. vj
tement
180 LE MERCURE
tement qui avoit été preparé dans cette
mailon. L'entrevûë dura environ un quart
d'heure , après quoy le Roy remit l'Infante
dans fon Carroffe , ordonna aux Troupes
de fa Maiſon de l'efcorter , & s'en retourna
à Paris l'attendre au Louvre , accompagné
des mêmes Princes & du même Déra-.
chement.
8 Tous les Détachemens : de la Maifon:
du Roy étoient formez en deça du Bourg
la- Reine , au nombre de 8 Efcadrons ;
fçavoir , quatre des 4 Compagnies des
Gardes du Corps , deux des Gendarmes &
Chevaux Legers de la Garde , & deux des
Moufquetaires gris & noirs , quiſe mitent
en marche à colonnes renverfées , & precederent
le Carroffe de l'Infante.
Les Grenadiers à cheval marchoient à
leur tête .
Un Détachement de cent hommes du
Regiment du Roy , occupoit le Village
de Montrouge , où M. le Duc de Tremes,
Gouverneur de Paris , avec fa Compagnie
des Gardes , habillez de neuf & très richement
, le Prevôt des Marchands &
Echevins , avec une partie de leurs Archers,
attendoient l'Infante Reine dans l'avenuë
qui conduit à la maifon de M. Bontems ,
pour y faire le compliment de la Ville.
La harangue finie , M. le Gouverneur de
Paris , le Prevôt des Marchands , Echevins
DE FEVRIER 1722. 181
vins & a tres Officiers nommez au Reglement
du 25 Septembre 1679 , prirent
les places qu'ils font en droit d'occuper
près le Carroffe de l'Infante .
Entre Montrouge & Paris on trouva la
Compagnie du Prevôt de l'Ile en haye.
Le Guet à cheval étoit le long du mur
de l'Obfervatoire , du côté de la campagne
, il fe mit en marche & fe plaça
immediatement devant les Archers de
Ville.
Les Infpecteurs de Police étoient placez
à l'entrée du Fauxbourg Saint Jacques,
& quand on y fut arrivé , ils fe mirent en
marche pour precèder tout le cortege.
ORDRE DE LA MARCHE,
Es Infpecteurs de Police.
Le Guet à cheval.
Les Archers de Ville.
Les Gardes de M. le Gouverneur.
Officiers Subalternes de Ville .
Confeillers de Ville .
Carroffes des Ecuyers des Princeffes.
Carroffes de la fuite de l'Infante.
Grenadiers à Cheval.
Moufquetaires noirs.
Moufquetaires gris.
Chevaux Legers .
Gendarmes.
Gardes
182 LE MERCURE
Gardes du Corps du Roy.
Premier Carroffe du Corps.
Second Carroffe du Corps , dans lequel
étoit l'Infante Reine.
Détachement des Gardes du Corps ,
commandez par M. de la Billarderie.
Carroffe du Corps de MADAME .
Carroffe du Corps de Madame la
Ducheffe d'Orleans.
Carroffes des Princeffes de Condé &
de Conti.
Carroffe de Madame la Ducheffe de
Vanţadour.
Carroffe de Madame la Princeffe de
Soubife.
Autres Carroffes , & c.
La Fauconnerie du Roy.
La Compagnie de la Connétablie.
La Compagnie du Prevôt de la Gene
ralité.
Difpofition des Troupes dans Paris.
La Barriere Saint Jacques , les Com-
Apagnies du Lieutenant de Robe- courte
& du Prevôt de la Monnoye , bordant
la haye , à commencer depuis la Barriere.
Au Fauxbourg S. Jacques , un Bataillon
du Regiment du Roy en haye jufqu'à l'ancienne
Porte Saint Jacques .
Au Carrefour de l'Eftrapade , les Fufilliers
du Roy.
A
DE FEVRIER 1722. 183
4
A la Porte Saint Jacques , un Arc de
triomphe & fimphonie , gardé par les
Archers de Ville.
Rue Saint Jacques , le Guet à pied à
tous les Carrefours.
Petit Châtelet , un Arc de triomphe ,
gardé par les Archers de Ville. Il y avoit
des Amphitheâtres & grand nombre d'inftrumens
à to les Arcs de Triomphe.
Au petit Pont , la Compagnie du Prevât
de la Monnoye à pied.
Rue de la Lanterne , le Guet à pied.
Pont Notre-Dame , Arc de Triomphe
gardé par les Archers de la Ville.
Carrefour du Pont Notre- Dame & le
Quay Pelletier , la Compagnie du Lieutenant
de Robe- Courte.
Ruë Planche- Mibray , rue des Arfis &
ruë des Lombards , le Guet à pied.
Carrefour en tournant de la rue des
Lombards dans la ruë S. Denis , la Com→
pagnie du Prevôt de l'Ifle à cheval .
Rue S. Denis , le Guet à pied à l'entrée
des rues S. Denis & Trouffe - Vache.
Ruë de la Ferronnerie, un Arc de Triomphe
gardé par les Archers de Ville.
Rue de la Chauffeterie & rue S. Honoré
jufqu'à la Croix du Tirroir , le Guet à
pied.
A la Croix du Tiroir , & Barriere des
Sergens , undétachement des Gardes Francoiles
& Suiffes Rue
1.84
LE MERCURE
Rue S. Honoré , jufqu'à la Place dur
Palais Royal , differens détachemens des
Gardes Françoifes & Suiffes,
Place du Palais Royal , le Guet à cheval
, faifant face à la rue S. Honoré.
Rue du Chantre , Arc de Triomphe
gardé par les Archers de Ville.
Place du vieux Louvre , les Gardes.
Françoiſes & Suiffes en bataille.
Le Roy reçut l'Infante Reine au Louvre
à la defcente de fon caroffe, & la conduifit
dans fon appartement
.
Au paffage de l'Infante devant l'Obfervatoire
cent boëttes tirerent , & auffi -tôt
on entendit le bruit du canon de la Baftille
.
Quand l'Infante paffa fur le Pont No- .
tre. Dame on tira les canons de la Ville
placez à la Gréve.
A fon arrivée au vieux Louvre on a
tiré les canons placez fur le Quay des
Thuilleries & enfuite ceux des Inva
lides.
,
Toutes les rues par où la marche a paffé
étoient tapiffées & ornées de meubles precieux
, & toutes les fenêtres jufqu'au toit
étoient remplies d'une infinité de fpecta .
teurs , ainfi que tous les échafauts , où les
places étoient louées trés- cher. La populace
répandue dans les rues , fur le chemin
& dans la Campagne , formoit une
multitude
DE FEVRIER 1722.
185
multitude qu'on ne fçauroit nombrer.
L'Infante arriva vers les 4 heures au
Louvre au bruit de toutes les fanfarres
des inftrumens de guerre des Troupes qui
l'accompagnoient , & aux acclamations de
tout le Peuple , qui a fait paroître de
grandes démonftrations de joye . A l'entrée
de la nuit tout Paris parut éclatant
de lumiere & de feux d'artifice.
Les Compagnies viendront complimenter
1 Infante. Il y aura un feu d'artifice
dans le Jardin des Thuilleries , un Bal
Royal dans la Salle des Machines , & des
feux dans toutes les rues de la Ville. Le
canon tirera par - tout le matin au point
du jour , & le foir à l'heure du feu d'artifice.
Le Roy & l'Infante iront à l'Hôtel de
Ville ; le Gouverneur de Paris , le Prevôt
des Marchands & les Echevins leur prefenteront
une Collation Royale , qui fera
fuivie d'un Feu d'artifice dans la Place de
Gréve , avec un Bal dans la grande Salle
de l'Hôtel de Ville.
On chantera le Te Deum dans l'Eglife
Notre - Dame , où Sa Majesté veut
affifter , & où toutes les Compagnies
feront appellées . Le même jour le Roy
viendra à l'Opera. Il y aura le foir un Feu
d'artifice dans la Place du Palais Royal ,
& S. A. R. donnera un Bal que Sa Majeſté
186 MERCURE LE
jeftél honorera de fa prefence ; les feux &
illuminations continueront dans toute la
Ville.
Comme il ne nous paroît pas poffible de
pouvoir renfermer dans un feul Mercure
toutes les Fêtes , Bals , Ceremonies & autres
Rejonyflances publiques , à quoi l'arrivée
de l'Infante- Reine donne lieu , nous donnerons
deux Volumes pour le mois de Mars ,
dont le premier paroîtra aprés le 15 , &
le fecond dans les premiers jours du mois
d'Avril , moyennant quoi nous conferverons
la varieté qui a attiré quelques applaudiffemens
à notre Journal , fans faire perdre
au Public aucune des chofes aufquelles il
doit s'attendre.
PARFUM CONTRE LA PESTE.
Our en faire vingt livres prenez d'apour
mêler
avec les drogues fuivantes, fçavoir , iris de
Florence & anis , de chacun une livre un
quart ; encens , lapdanum , mirrhe , de
chacun une livre ; ftorax , canelle , fouffre,
de chacun trois quarterons , benjoin , dix
onces ; gerofle & mufcade , de chacun
demi livre.
Pbord 8ou 9 livres de fon
Autre
DE FEVRIER 1722. 187
AUTRE plus aifé , composé d'herbes fortes ,
de peu de coût.
Prenez de la graine de geniévre , du
thin , du romarin , de la lavande , de la
fauge , de la mente , de la marjolaine , de
l'abfinte , de la Rhuë & autres herbes odoriferantes,
qu'on aura fait fécher à l'ombre.
Quand on voudra s'en fervir , il faut les
piler ou concaffer , en y ajoûtant à difcretion
du foufre & de la poix refine : obfervant
de les faire brûler fur du foin bien
fec , qu'on arrofera avec du vinaigre ;
pour prevenir les accidens du feu il faut
mettre un lit de terre ou de fable fur le ·
plancher.
PRESERVATIF.
de l'abfinthe , garde- robe , ou
Preine des prez, de la rhue , de la mente ,
de l'épine ou lavende , graine de geniévre,
marjolaine fauvage & fauge , de chacun
une poignée ; mettez infufer pendant 15
jours dans trois pintes de bon vinaigre ;
ajoûtez- y racines de nula campana & d'angelique
, deux onces de chacune ; un pareil
poids de romarin & autant de farfara
, avec environ so cloux de gerofle .
Paffez enfuite par un linge , ajoûtez une
once de camphre , & gardez cette liqueur

dans
188 LE MERCURE
dans des bouteilles bien bouchées , pour
s'en frotter les tempes , les oreilles , les
narrines , la bouche & les mains de tems
à autre quand on eft obligé de s'expoſer.
AUTRE.
;
Une once de fleur de foufre , & autant
de fel commun , demi once de mufcade
mettez le tout en poudre fubtile , de laquelle
on prendra le matin à jeun la valeur
de ce qui peut refter fur la pointe
d'un coûteau , dans du vin ou autre liqueur
apropriée.
On vient de Publier un Arreft du Confeil
, du 24 Fevrier 1722 , qui proroge
jufques au 1 Mars , pour les Comptables
qui font à Paris , & jufques au 15 Avril
pour ceux qui font dans les Provinces ,
le delay porté par l'Arreft du 10 Janvier
dernier , concernant les Etats certifiez à
fournir au fujet des Billets de Banque à
remettre au Trefor Royal : Et qui ordonne
qu'il fera fourni de pareils Etats
par les Comptables , de tous les Billets
par eux remis au Trefor Royal depuis
le premier Octobre 1720 .
M. d'Armenonville Secretaire d'Etat
de la Marine, a été fait Garde des Sceaux.
APPROBATION .
DE FEVRIER 1722. 189
APPROBATION.
"' Av lû par ordre de Monfeigneur le Garde des
Sceaux Le Mercure pour le mois de Fevrier , &
j'ay cru qu'on pouvoit en permettre l'impreffion.
A Paris le 6 Mars 1722 .
HARDIO N.
TABLE.
PIECES FUGITIVES en vers & en profe
Ode fur l'inconftance de l'homme , page s
Suite de l'explication hiftorique des lieux fituez
fur la route de l'Infante ,.
Epitre à M. l'Evêque de Nantes ,
Relation d'une hydropifie extraordinaire ,
Vers à Mademoiſelle ****
II
33
38
59
Relation de ce qui s'eft paffé à Arles pendant la
Vers fur l'yvreffe ,
contagion , &c.
Explication des Enigmes ,
Nouvelles Enigmes ,
Air à boire ,
NOUVELLES LITTERAIRES.
Syrie & du Mont Liban ,
62
75
77
79
idem .
Voyage de
80
Differtation fur la nature & la caufe de la Pefte,
&c. par M. Lorin ,
Epitre aux Muſes ,
82
83
Abregé de Chronologie , introduction à l'Hiiftoire
, &c.
85
Autre Traité de la Pefte par M. Hequet , & c. 86
Le Spectateur François , 87
Siftême
Siftême du Mouvement , par M. de Gamache , 92
Pieces qui ont remporté les deux Prix de l'Academie
Royale des Sciences ,
idem .
Remarques du fieur Lotier fur la nouvelle Ifle
enflamée ,
L'Art de circuler & tourner les glaces , 95
Jeune homme qui écrit avec un bras & une main
de bois ,
Mort de M. Miffon ,
93
idem .
96
Prix d'Eloquence de l'Academie Françoise pour
la Fête de S. Louis prochaine , & nouvelles
de l'Academie de Lisbonne , & c.
Antiquitez trouvées à Rome ,
97
98
LES BEAUX ARTS . Tableaux arrivez de Rome
pour Monfieur le Duc d'Orleans , 99
Academie Royale de Peinture , nouveaux fujets
reçus dans ce Corps , &c .
Suite des Medailles du Roy ,
III
116
SPECTACLES. Remarques par Venceflas &
Heraclius
La Princeffe d'Elide
L'Amour vangé ,
La Devinereffe , & c.
118
121
124
125
126 L'Opera ,
Theatre Italien , les Mariages entre les vivans
& les morts ,
Foire S. Germain
Nouvelles Etrangeres ,
Journal de Paris ,
Edits , Arrefts , Ordonnances ,
Avis pour les maladies des yeux ,
Eau de Beauté , ſecond Avis .
127
131
132
149
164
167
171
Suplement. Vers au Roy le jour de fa maiffance
,
Entrée de l'Infante ,
Parfum contre la Pefte ,
175
178
186
Errata du mois de Janvier 1722 .
PA
Age 63 ligne 3. compris , lifez comptes.
Page 94 ligne 3. ronde baffe , lifez ronde
boffe .
Page 101 ligne s . perdre , lifez craindre.
Page 173 ligne 2. vos leuons , lifez ſes leçons.
Page 200 ligne 26. de Miſantrope , liſez du
Mifantrope.
Page 205 ligne 10. metamorphofe , liſeż
metaphore.
Page 210 ligne 21. Levain , lifez Leucain.
Ibid. ligne 26 abordées , lifez & bordées.
Page 212 ligne 8. troifiéme , ajoutez race.
Corrigez au mois de Decembre dernier page.
299. ligne 2. une faute confiderable , où l'on a
mis indifpenfable , pour inépuiſable.
Fautesfurvenues dans cette impreffion .
Page 60. ligne 17. de laide , lifez, d'une laide.
Page 61. lig. 6. du bas , vos deux , lifeg , vos
voeux .
Page 125.ligne 2. du bas , Coriolan , liſez , de
Coriolan.
Page 106. derniere ligne , Bernardin Pintu
ricchio , lifez , Dominique Guirlanday.

LE
MERCURE
DE
MARS
1722 .
PREMIER VOLUME.
QUÆ COLLIGIT SPARGIT. (
A PARIS ,
Chez GUILLAUME CAVELIER , au Palais.
GUILLAUME CAVELIER , Fils , ruë
S. Jacques , à la Fleur-de- Lys d'Or.
ANDRE CAILLEAU , à l'Image Saint
André , Place de Sorbonne.
NOEL PISSOT , Quay des Auguftins, à la
defcente du Pont-Neut, à la Croix d'Or.
M DCC. XXII.
Avec Approbation & Privilege du Royi
)
L
A V I S.
'ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M.
MOREAU ,
Commis au Mercure , chez Mile
Commiffaire le Comte , vis-à-vis
la Comedie Françoiſe à Paris. Ceux qui
pour leur commodité voudront remettre
leurs Paquets cachetez aux Libraires qui
vendent le Mercure à Paris , peupent fe
fervir de cette voye pour les faire tenir.
On prie très-inflamment quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofle,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toujours pratiqué , afin
d'épargner, à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent
celui , non feulement de ne pas voir
paroître leurs ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
*

LISTE DES LIBRARES QUI DEBITENT
-le Mercure dans les Provinces , &c.
Lyon , chez Plaignard , Libraire.
Montpellier , chez les freres Faures.
A ij
Toulouſe , chez la Veuve Tene,
Bayonne , chez Etienne Labottiere,
Bordeaux , chez la veuve Labottiere , &
Charles Labottiere,
"
Rennes , chez Vattar.
Nantes , chez Julien Maillard.
Saint Malo , chez la Mare.
Poitiers , chez Faucon .
Xaintes , chez Delpech.
Blois , chez Maffon .
Orleans , chez Rouzeau.
La Rochelle , chez Desbordes.
Angers , chez Fourreau .
Tours , chez Gripon.
Caen , chez Cavelier.
Rouen , chez P. le Boucher.
Le Mans , chez Pequineau.
Chartres , chez Feltil .
Châlons , chez Seneufe.
Troye , chez Bouilleror.
Rheims , chez Godard.
Beauvais , chez le Courtois.
Abbeville , chez Dumefail.
Soiffons , chez Courtois.
Amiens , chez le François , & chez Godard-
Sedan , chez Renaud .
Metz , chez Colignon. 2
Strasbourg , chez Doulfeker.
Lille , chez Danel .
Bruxelles , chez Tferſtevens.
Anvers , chez Verduffen.
La Haye , chez Rogiffard.
Londres , chez du Noyer.
Le prix eft 30 fols.
De l'Imprimerie de C. L. THIBOUST ,
Place de Cambray.
A
LE
LE
MERCURE
DE
MARS 1722 .
PIECES FUGITIVES.
en Vers & en Profe .
ODE
SUR LE JUGEMENT DERNIER.
UEL bruit terrible m'épouvante
!
La foudre gronde dans les airs ,
Des vapeurs que la terre enfante
Se forment de fombres éclairs ;
Tout fe confond , l'effroy redouble
Le foleil s'arrête & fe trouble ,
La Lune paroît chanceler ;
La voûte de l'Olympe tremble ,
Et tous les Elemens enfemble
Confpirent pour nous accabler.
>
A iij J'entends
LE MERCURE
J'entends la trompette bruyante ,
Dont le fon menaçant , affreux ,
Porte le trouble & l'épouvente ,
Jufques au fejour tenebreux :
L'Ange déja fe fait entendre ,
Mortels , venés ici vous rendre ;
Venés au dernier Jugement ;
Un Dieu jufte vangeur des crimes ,
Va choisir enfin les victimes ,
Qu'il doit à fon reffentiment.
A ces mots , de cris effroyables
S'élevènt du fonds des Enfers ,
Et les infortunés coupables
Se hâtent de brifer leurs fers :
Déja les tombeaux fe découvrent ,
Les Temples , les rochers s'entr'ouvrent ,
Les abimes pouffent des feux ,
Et du fonds des demeures fombres,
Les Enfers vomiffant les ombres
(
Prefentent des fpectres hideux.
Je vois fur ces fatales rives
Se rouler de vieux offements ,
Et j'entends mille voix plaintives
Pouffer de long gemiffemens ;
Par l'effet d'un pouvoir fupréme
La cendre s'anime elle-même ,
E
DE MARS 1722.
1
Et l'on voit enfin tous les morts
Du fonds d'une noire pouffiere ,
Reprendre leur forme premiere ,
Et fe revétir de leurs corps.
A peine ils font rendus au monde ,
Dans l'effroy dont ils font faifis ,
Qu'ils regrettent la nuit profonde
Des tombeaux dont ils font fortis :
La mort leur parut moins cruelle
Que la vie affreufe & nouvelle ,
Dont Dieu commence à les punir 3
Tant de troubles dans la nature
Leur offrent la triste peinture
D'un épouventable avenir.
Cependant la voûte celefte
S'ouvre du côté du Levant ,
Je vois dans cet inftant funefte
La Majesté du Dieu vivant ;
Le Ciel brille de feux horribles ,
Et par trois fecouffes terribles ,
La terre marque fa frayeur :
Mais foudain le bruit du tonnerre ,
La Mer , & les Vents , & la Terre ,
Tout fe tait devant le Seigneur.
"
Le Dieu de l'Univers s'avance ,
Il tient la foudre dans fes mains ;
A iiij
La
LE MERCURE
La noire terreur le devance ,
Et va faifir tous les humains :
Il vient comme un Juge implacable ,
Devant fa face redoutable
Tous les Anges font confternés ;
Sur fon pouvoir , fur fa Juſtice ,
Ils mefurent tout le fupplice
Des mortels qu'il a condamnés.
Terrible au milieu de la gloire ,
Affis fur un throne d'airain ,
D'un feul trait il trace l'histoire
Et les crimes du genre humain ;
Dans ce grand jour de fes vangeances
Il veut publier les offenfes ,
Qui font éclater fa fureur ;
Et l'afpect d'un Juge fevere
Auffi jufte qu'il fut bon pere
En redouble toute l'horreur.
Frapés de cette horrible image ,
On voit les humains malheureux
Pouffer vers Dieu des cris deurage,
Pour les traits qu'il lance ſur eux :
Forcés d'avouer fa Juftice ,"
Ils ajoûtent même au fupplice ,
Que leur prépare fon courroux :
La terre s'ouvre , & les abîmes
Reçoivent
DE MAR S 1722.
Keçoivent les triftes victimes
De la fureur d'un Dieu jaloux.
Enfin la vangeance eft remplie ,
Et le Maître de l'Univers
Pour ne plus écouter l'impie ,
Scelle les portes des Enfers :

Il monte au Ciel , la Troupe fainte
Que ne doit plus troubler la crainte
Va jouir d'un fort glorieux ;
La terre trifte & defolée ,
Par fon propre poids accablée ,
Retombe en un cahos affreux.
Extrait de la declaration faite par le
fieur le Mayer, Capitaine en fecond
d'un vaiffeau Marchand Portugais ,fur
la nouvelle ifle qui s'eft formée entre
2 life Tercere & l'Ile de Saint Michel.
E Sieur le Mayer de Breft , revenant
L&de la Chine à Lisbonne fur un Vaiffeau
Marchand Portugais , nommé le Saint
François Xavier , dont il étoit Capitaine
en fecond , & faifant route pour l'Ifle
Saint Michel leers Septembre 1721 , fut
furpris d'appercevoir une Ifle d'environ
sing quarts de lieuë de circuit , dont il
Av n'avoit
LE MERCURE
n'avoit aucune connoiffance il y prit haur
teur , fe faifant Nord & Sud à une lieue
& demie de cette Ifle , & obferva qu'elle
étoit par les 38 degrez 8 minutes de latitude
Nord, & par 3.51 degrez 10 minutes de
longitude , le premier Meridien à Tene
riffe. Il releva enfuite la pointe du Nord-
Ouest de Saint Michel , & obferva que
cette nouvelle Ile giffoir Eft Sud- Est,
& Oneft - Nord - Ouest , à fix lieues &
demie Françoifes de la pointe du Nord-
Ouest de l'Ile de Saint Michel , où il
fe rendit , & il demanda en arrivant
aux Pilotes & autres Navigateurs de
PIfle , ce que c'étoit que ce nouvel écueil
qu'il ne connoiffoit point : Ils lui répon
dirent qu'il s'étoit formé vers le moisd'Aouft
1720 , qu'ils avoient fenti un
grand tremblement de terre , & qu'ils
avoient été informez enfuite par un Vaiffeau
Anglois de la naiffance de la nouvelle
Ifle , ce qui engagea les Pilotes que,
le Roy de Portugal entretient dans l'ifle
de Saint Michel , & autres anciens Navigateurs,
à y aller faire leurs obfervations,
qui fe font trouvées conformes à celle
du Sieur le Mayer.
DE MARS 1721. 7
AAAAAAAAAAA
A M. DE SAULX
DE TAVANES ,
EVEQUE COMTE DE CHAALONS,
PAIR DE FRANCE.
T
EP ITR E.
ANDIS qu'à votre aſpect , tranfporté
d'allegreffe ,
Autour de vous , SEIGNEUR , tout un
Peuple s'empreffe ;
Et que nos Citoiens dans l'ardeur de vous vois
Au delà de nos Murs courent vous recevoir ;
De vos vertus auffi tributaire fidele ,
Notre Apollon pour vous veut fignaler fon zele
Infenfible aux appas qu'offre la vanité ,
Il s'étoit jufqu'icy plû dans l'obfcurité.
Soigneux d'entretenir un commerce facile ,
Nous y medions fans bruit l'agréable à l'utiles
Et goûtant en fecret les fruits de nos tráv áux ,
Nous immolions l'éclat aux douceurs du repos
Mais aujourd'huy , SEIGNEUR , feurs de votre
fuffrage ,
Nous bravons le grand jour pour vous rendre
un hommage ,
A vj
Le
8 LE MERCURE
Le defir de vous plaire échaufant nas efprits
De nos veilles dans peu relevera le prix ;
Depuis l'heureux inftant, où de votre prefence.
Vous avez daigné même honorer la féance ,
Par l'Amour des beaux Arts nouveaux affociés
Nous fçavons à quel point vous les aprêtiés.
Cette infigne faveur bien tôt , fur votre trace ,
Va de doctes Sujets peupler notre Parnaſſe:
Bien tôt les Arts par vous protegésy floriffans ,
Vous devront en ces lieux de nombreux partifans.
La jaloufe ignorance au mépris expofée ,
Du fçavoir en credit deviendra la rifée :
Nous y verrons fleurir Poëtes , Orateurs ,
Et quelque jour peut - être éclore des Auteurs.
Alors, SEIGNEUR , alors les Filles de mémoire
Pourront avec fuccès annoncer votre gloire ,,
Et de votre . vertu fixant le fouvenir ,

Au profit de ce fiecle en charmer l'avenir.
Puis au gré du tranfport qui déja les domine
Raconter noblement votre Illuftre Origine ,
De vos fameux Ayeux celebrer les exploits ,
Et leurs Lauriers conquis fous plufieurs de
nos Rois ,
Quelque Mufe laiffant les Combats & les Armes,
Ložera. votre douceur , en publîra les charmes ;
Et n'attachant qu'à vous fon efprit & fes yeux ,
Puifèra même en vous l'oubli de vos Ayeux..
Envain
DE MARS 1722 .
Eavain nous prêtons-nous à de telles amorces ,
Nous fentons l'entreprise au deffus de nos forces s
Mais quoy I n'oferons -nous exprimer en ce jour,
De tous nos Habitans le refpect & l'amour ,
N'oferons - nous vanter cet efprit pacifique ,
Par qui vient d'expirer la querelle publique
Déja pâle d'effroy , fuïant loin de vos yeux,
La Diſcorde à jamais abandonne ces lieux ,
La Paix à votre voix d'un vol doux & tranquille ,
Deſcend du haut des Cieux pour regner fur la
Ville.
Vous regnés avec elle , & fes attraits vainqueurs,
En calmant les efprits , vous foumettent les
coeurs.
A tous troubles contraire , aux Mufes favorable,
Qui connoît mieux que vous la grandeur
veritable ?
Suivez toujours , SEIGNEUR , ces nobles .
mouvemens ,
Du Regne d'un Prélat , heureux commencemens,
Content d'un foible effay tenté fous vos aufpices
Des fruits de notre zele agréés ces premices,
Un jour notre Apollon par des Vers moins hâtez
Dira mieux les vertus que vous nous prefentez .
LA SOCIETE LITTERAIRE DE CHAALONS. ›
* Procès quefeu M. l'Evêque de Châlons avoit
entrepris, & que M. de Tavannes n'a pas jugé
À propos de poursuivre.
LETTRE
20 LE MERCURE
LETTRE DE M. DE BEAUMONT
V
à M *** fur l'Education , c .
Ous voulez fçavoir , MONSIEUR ,
quel est mon fentiment touchant le
lieu qui peut le mieux convenir pour
l'éducation des enfans : vous ne delibe
rerez pas un moment à mettre les vôtres
au College , fi vous avés quelque égard &
quelque déférence pour moi. Le queſtion
que vous me propofez n'est point nouvelle,
elle a été faite autrefois par des perfonnes
qui avoient les mêmes raifons & les mê
mes interêts que vous avez aujourd'hui.
Dès la premiere inftitution des Colleges
on doutoit s'il valoit mieux mettre les
enfans dans ces nouveaux Colleges , ou
les garder dans les maifons. Ce doute
étoit affez bien fondé pour ce tems-là , &
je vous avouerai fort ingenûment que j'au
reis été moi même affez embaraffé fi l'on
m'eut confulté ; mais comme nous ne nous
fommes point trouvez dans ces premieres
conjonctures , & qu'à prefent il eft plus
qu'évident que les Colleges font plus
propres pour l'éducation de la Jeuneffe
il n'y a point à hefter de les tirer au
plutôt de chés foy pour les mettre avec
seur
DE MARS 1722.
seux qui font des grands progrès en tout
genre.
On fait que vous aimez beaucoup
vos enfans Vous me fçauriez
mieux leur témoigner votre amour , ni
leur donner des marques plus finceres de
votre affection , qu'en leur procurant le
meilleur de tous les biens , qui eft celui
d'une bonne éducation. Il ne vous fera
pas bien difficile d'y réuffir , votre intension
, je la fçay, eft qu'on leur infpire les
mêmes fentimens que vous avez, & qu'outre
la politeffe & les belles Lettres , ont
leur apprenne par deffus toutes chofes ce
qu'ils doivent à leur Souverain , au Chef
de l'Eglife , & à Dieu , à qui nous fommes
redevables de tout ce que nous
fommes.
Ileft hors de doute que de tous les fe
cours dont les enfans ont befoin pour fe
perfectionner , les meilleurs font l'ordre &
la regle, ce qui fe trouve toujours dans les
bons Colleges , & ce qui eft très rare dans
les maiſons , même dans celles qui font
les mieux gouvernées , où il y a à la verité
une heure fixe pour le coucher, pour le
lever , & pour les repas ; mais cela ne
fuffit point pour bien élever des enfans :
c'eft une des conditions neceffaires , j'en
conviens , & c'est beaucoup qu'elle fe
[EQUYS
12 LE MERCURE
trouve chez vous , il faut encore de l'ému
lation , un commerce d'efprit , des exem
ples: on voit tout cela dans les Colleges ,
mais c'eſt ce qui fe rencontre bien rarement
dans les maifons des Particuliers.
Je fçai que l'exemple d'un pere & d'une
mere font d'un grand poids , & qu'ils peu
vent faire une grande impreffon fur les
enfans. Je craindrois meanmoins que ce
ne fût un vrai obftacle à leur avancement
d'être continuellement fous les yeux des
parents ou d'un Precepteur qui ne les
quitteroit ni jour ni nuit , & qui feroit
toujours avec eux aux repas ,
à l'étude
aux promenades , & aux vifites .
La varieté des objets & le changement
des lieux ont un grand attrait pour les hom
mes , qui font tous naturellement volages ,
foibles & inconftans. Les enfans donc qui
aiment à changer fouvent, ne font jamais
plus charmez que quand ils fe voyent conduire
par les voyes ordinaires , & c'eft par
là même qu'ils fe trouvent pris , & qu'ils
n'ont nulle replique à faire quands ils remarquent
qu'on ne fait aucune diſtinction
dans les leçons que l'on donne , & qu'ainfi
les orgueilleux ont un frein qui les retient,
& les timides un exemple qui les fortifie
& qui les encourage.
Si les fciences ont au commencement
quelque degoût , & s'il y a une certaine
peine
DE MAR S 1722. 13
peine à les apprendre , les enfans fe confolent
aifément en travaillant un peu chaquejour
, comme ils voyent les autres trayailler
; & s'ils ont un peu de coeur &
d'efprit , ils tâchent d'imiter ceux qui font
le mieux , & même de les furpaffer. Des
mains d'un Precepteur ils paffent à celles
d'un Regent , du Regent ils retournent au
Precepteur , puis à d'autres Maîtres , enfuite
au Regent, & cela deux fois par jour;
c'est là ce qui me paroît un vrai moyen
pour donner à des jeunes branches la liberté
de s'étendre , au lieu qu'elles demeurent
prefque toujours refferrées , & pren
nent un très mauvais pli lors qu'elles font
dans les lieux où l'on moifit , & où l'on
n'amaffe que des humeurs très mauvaifes,
parce que l'on ny refpire jamais le bon
air , & que l'on y eft dans l'inaction ; &
ce qu'il y a encore de plus fâcheux pour
les pauvres enfans , c'eft que femblables
aux eſclaves , ils font fans ceffe à la gêne ;
ils voyént qu'on renverſe tout chez eux ,
que du jour l'on en fait la nuit , & de la
nuit le jour ; que le jeu , la bonne chere ,
des mauvais difcours affez ordinaires dans
bien des maifons ; que les frequentes vifites
& mille autres chofes incompatibles
avec les livres , les empêchent de parvenir
ainfi que l'on parvient dans les Colle
ges , d'où l'on voit fortir des jeunes Magiftrats
1 LE MERCURE 14
giftrats , pour ainfi dire , déja tout formez,
& bién differens de ces Magiſtrats de
maiſon , qui n'ont d'autre fcience que le
rare fçavoir de la toilette. Je fuis , &c.
F
ODE
Sur l'Arrivée de MARIE - ANNE
VICTOIRE , Infante d'Efpagne ,
Reine de France.
Ú
Prefentée par l'Auteur àleurs Majeſtez , & àSe
A R. Monfeigneur le Duc d'Orleans.
O
U fuis-je donc quel feu m'inſpire ,
Phoebus , éleve mes accens :
Arrache de mes mains ta lire ,
Ou r'anime au plutôt mes chants :
Fils de Latone , le tems preffe ,
Le Ciel nous donne une Déeffe ,
VICTOIRE approche , ah quel Enfant !
Vois tu les Amours & les Graces
Semer des Rofes fur les traces ',
Qu'imprime fon char triomphant.
• Même la Sibylle de Cumes
Ici fait entendre fa voix ;
Elle ouvre les obfcurs volumes ,
Et les interprete aux François .
"
C'eft
DE MARS 1722.
7
+30 C'eft fous LOUIS , non fous Auguſte ,
» Que va paroître un Siécle jufte :
"
"
Je vois Aftrée avec Themis ,
Elles defcendent fur la terre ;
,,Retirez vous , troupe vulgaire ,
33 Ce noble Enfant leur eft commis.
Je vois dans l'air la Renommée ,
Qui ne fe repofe jamais ,
Les yeux fixez , l'ame étonnée
De voir l'éclat de nos Palais ;
Nos cris , la foule , nos trophées
Sont à fes yeux Regne de Fées ;
Alors la Déeffe defcend ;
Ce vaſte & ce pompeux ſpectacle
Lui devient un nouveau miracle ,
Elle s'envole en l'admirant.
Hâtez vous donc , & pour laR EINE,
Nymphes , abandonnez vos eaux ;
Imitez le Dieu de la Seine ,
Qui s'éleve fur les rofeaux :
Il parle , & d'un ton énergique ,
VICTOIRE l'écoute , il s'explique :
Retenez , Mules , ce qu'il dit :
Le fang des BOURBONS fympathiſé ,
.. C'eſt la Gloire qui le divife ,
C'est l'Amour qui le séunit.
Quoy!
LE MERCURE
Quoy ! même le fils de Semele
Prodigue (4) par- tout fa liqueur ,
Aux caux de la Seine il fe mêle ,
Pour en augmenter la douceur.
Le Fleuve voit rougir fon onde ,
D'où fort cette fource féconde ,
Qui nous enyvre de nouveau ?
Du doux nectar qui nous entraîne
&
L Efpagne en vit boire à la REINE ,
Beaune en a fcellé le Tonneau-.
Rome , tes Fêtes folennelles
Montroient par d'horribles efforts
Dans des luttes les plus cruelles ,
L'Arene couverte de morts.
Ici c'est l'Art & la Nature ,
Là le Pinceau , l'Architectute ,
Les Danfes , les Feftins , les Feux ;
Là chacun à l'envy déploye
Tout ce qui peut prouver la joye ,
Quelle difference de Jeux !
D'où fort cette troupe importune
D'efprits envieux & jaloux ?
Contre le Ciel & la fortune ,
Pourquoy déja vous plaignés vous ?
(a) M. Maigret Marchand de Vin du Roy d'Eſpagne
envoye à S. M. C. du vin de Beaune pour fa boiffon
& le jour de l'entrée de la Reine il a fait couler une
profufion de vin de Bourgogne,
Soyés
DE MARS 1722.! 17
Soyés tranquilles , l'Hymenée
Qui triomphe en cette journée ,
De l'Europe fait le repos :
Ne craignés rien , quoique la France
Déja voye , en cette Alliance ,
Sortir un peuple de Héros.
t
C'est à tes foins , c'eſt à tes veilles ,
Que nous devons tant de plaifirs :
PHILIPPE , (a) Auteur de ces merveilles ,
Tu viens de remplir nos defirs.
J'entends ce que dit ton hiftoire ,
En publiant par- tout ta gloire ,
Ton Efprit , tes Vertus , tes Loix :
Quand de l'Empire il tint les rênes ,
A l'Europe il donna deux Reines ,
Et (6 ) LOUIS lui donna deux Rois.
Voi ce que le Ciel te prefente ,
VANTADOUR , puis qu'entre tes mains
PHILIPPE aujourd'hui met l'INFANTE ,
Tu tiens de Salut des humains.
Quelle plus belle recompenfe
Auroit pû te donner la France ,
Pour avoir élevé LOUIS ?
Ouy de tes foins elle eft jaloufe ,
Si tu ne formois fon Epoufe ,
Tes talens feroient enfoüis,
[a ] Monfeigneur le Duc d'Orleans , Regenti
[6] Louis XIV.
De
18 LE MERCURE
De l'incomparable NaurVILLE,
O Parques , qui filés les jours ,
Faites que de ce jeune Achille
Il voye les fruits des Amours :
Et que , cet Ennèmi du vice ,
FREjus fous la pourpre vieilliffe ,
Pour leur faire admirer Pallas !
Ici ma Mufe me décéle ;
LOUIS des Rois eft le modele ,
Ils ont tous deux guidé fes pas.
ARNOUX , Prêtre du Diocéfe d'Autun.
Difcours prononcé le 30 Fanvier dernier,
E P. de la Sante Jefuite , l'un des Pro-:
feffeurs de Rhetorique du College de
Louis le Grand , prononça un Difcours
Latin qui fut univerfellement applaudi.
Les Cardinaux de Biffy , du Bois , de Po
lignac , plufieurs Prelats , & autres perfonnes
de diftinction y affifterent . Le fujet
étoit l'amour que les François ont toujours
eu pour leurs Rois , &les prenves éclatan……
tes qu'ils en ont données l'année derniere .
L'Orateur l'a traité avec cette éloquence
qu'il fit paroître il y a deux ans , en celebrant
les trois Academies Royales établies
DE MARS 1722. 19
blies à Paris. L'Exorde étoit appuyé fur
les belles paroles du Teftament de François
premier , que le peuple de France eſt le
meilleur de tous les peuples , & merite
d'autant plus l'affection de fes Rois ,
qu'il leur eft plus inviolablement attaché.
L'Orateur avance que les tems n'ont fait
que donner de l'éclat à cette verité , & il
le prouve avec fuccès par la joye univerfelle
qui parut à la convalefcence du Roy.
I failit cet endroit avec avantage , & ilen
tire même la divifion , en faisant fentir
que l'amour des François pour leur Roy
n'ajamais été plus marqué & mieux fondé
que l'année derniere ; ainſi ſon ſujet réunit
heureufement la gloire de la Nation & la
gloire du Prince.
Puifque les Rois , dit l'Auteur , font
les plus vives images de Dieu fur la terre ,
ils meritent les hommages de notre coeur.
Cet amour est toujours le même dans fon
principe; mais il paroît different felon les
differens objets qu'on lui prefente. Il eſt
plein d'une inquietude agiffante , lor(que
la vie des Rois eft en danger ; & d'une
noble & genereufe émulation , quand il i
s'agit de leur gloire. Ces deux reflexions /
partagent la premiere partie du difcours ,:
& donnent carriere à l'imagination de
l'Auteur , qui peint d'une maniere également
vive & touchante , la trifte fituation
des
}
20 LE MERCURE :
des François , leur larmes , leurs voeux ,
& les divers moyens qu'inventa leur amour
pour foulager & fauver le Roy.
pour
Cet endroit prouve notre zele avec
éclat , mais il ne nous affure pas la victoire:
fur nos predeceffeurs. L'Orateur le comprend
, & plein de la bonté de fa cauſe ,
il fe jette dans les tems les plus reculez
de l'hiftoire de France ; il fe mesure aveci
nos ancêtres , il ne diffimule rien , il expoſe
les faits les plus éclatans de leur amour
le falut des Rois . Tantôt c'eft la
jeune Nobleffe qui paroît fur la Scene ,
& qui dans la bataille de Bouvines court.
au devant de Philippe Augufte , renversé
de fon cheval , & forme de fon corps un!
bouclier au Roy contre les traits qui pleuvoient
de toutes parts ; tantôt c'eſt une
troupe de François , qui à travers une
grefle de fleches va delivrer Saint Louis :
arrivant à Damiete , que fon intrepidité
avoit également expofé à la fureur des
flots & aux coups des Sarrafins : tantôt
c'est l'amour même qui devient induſtrieux
à Fornoue , & qui fe couvre d'habits ſemblables
à ceux de Charles VIII . pour rece- :
voir les coups que la conjuration des en- :
nemis preparoit à ce Prince.
3
L'Orateur convient que les traits font
éclatans , mais ils ne font pas les feuls qui
prouvent l'amour , il faut en juger par le .
fentiment
DE MARS 1722 . 21
fentiment , & non par les effets exterieurs :
nos ancêtres ont été jufqu'ici plus heureux
que nous , mais autant qu'ils l'emportent
par l'occafion , autant nous l'emportons
du côté de l'affection . Notre douleur étoit
d'autant plus vive , que la maladie du Roy
étoit un ennemi caché qui échapoit à notre
valeur. Pour y fuppléer , l'Orateur imagine
des ennemis terribles , des obſtacles pref
que invincibles à furmonter. Bien feur
d'une réponſe qui ne peut que lui être favorable
, il interroge fes auditeurs ; il en
appelle à leur zele dans une occafion où
le falut du Roy ſeroit à ce prix , & auffitôt
il entend fremir de toutes parts l'ardeur
& le courage.
Cette tranfition conduit fans effort l'ef
prit à la feconde reflexion qui regarde le
zele de la Nation Françoiſe pour la gloire
de fon Roy. Excité par l'avantage qu'il
vient de remporter fur nos ancêtres ; il
fe hâte de les appeller à un nouveau combat.
Avec la fincerité ordinaire , il celebre
la noble ardeur des premiers François
qui les a rendu prodigues de leurs biens ,
de leur liberté & de leur fang , pour étendre
la gloire de Clovis & de Charlemagne
par les conquêtes , ou pour rétablir celle
de Saint Louis & de François premier.
» Ce zele , dit-il , a fait des efpeces de mi-
» racles , & a transformé en heros des ames
1. Vol. B naturellement
22 LE MERCURE
» naturellement lâches & timides. Quel
و ر
"
» exemple ne nous en fournit pas l'illuftre
Jeanne d'Arcq , cette jeune perfonne qui
» lous l'habit d'une femme avoit le courage
d'un homme , la valeur d'un fol
dat , la prudence d'un General ; plus
» genereuſe qu'une Amazone , plus terri-
» ble qu'un Heros , elle prend une épée
» de la main dont elle rouloit le fufeau ,
le cafque pour coëffure , l'étendart au
» lieu de fa houlette , elle marche prefque
» feule contre les Anglois , leur arrache
» la victoire , rétablit Charles VII. fur le .
" thrône , & releve avec éclat fa gloire
» opprimée. Cet endroit a toute fa beauté
dans le tour latin , & doit effrayer l'Orateur
pour la caufe : auffi s'en apperçoit- il
bien- tôt . » Où m'emporte , dit - il, le ſpecta-
» cle d'une agreable image , les miracles
» d'amour & de zele ne fe tournent- ils
» aujourd'hui contre moy... Non, illuftres
» Auditeurs , leur comparaifon ne fait que
» donner de l'éclat à mon fujet , je le dis ,
pas
avec d'autant plus de confiance , que vo-
» tre amour pour la gloire du Roy n'a paru
» ni moins genereux ni moins prodigue
» dans le temps de fa convalefcence.
"
Ici l'Orateur fait une ingenieufe defcription
de la vive joie que reffentit la
France lors que le Ciel rendit le Roy à fes
voeux & à fes larmes , des differens fpecta
cles ,
DE MARS 1722. 23
cles , des liberalités , des feftins , du doux
fon des inftruments qui rendoit infenfible
à tout autre bruit , des feux d'artifices qui
fembloient multiplier les aftres & rendre
la nuit femblable au jour , de la noble
émulation qui regnoit parmi tous les Corps
du Royaume ; l'amour rendant hardi les
plus petits , jufqu'à difputer d'affection
avec les plus grands , & à porter julques
aux pieds du Thrône leur allegreffe , leur
felicitation & leurs pretens , l'amour prévenant
l'âge le plus tendre & le rendant
plus fenfible au bonheur & à la gloire de
la France , comme il parut à la magnifique
fête que donnerent les Penfionnaires du
College de Louis le Grand , & qui fit
preffentir ce qu'on doit un jour attendre
du zele de cette jeune Nobleffe pour la
gloire du Roy. Et afin de remporter une
victoire complette , l'Auteur ajoute que
fans vouloir donner atteinte au zele de nos
Ancêtres , on doit convenir qu'il pouvoit
être quelquefois foupçonné d'interêt , d'ef
poir , de retour , de vanité , felon la differente
fituation où fe trouvoient les affaires
du Roy & de l'Etat ; qu'il étoit même.
quelquefois forcé & ordonné par des Arrêts
fuperieurs , au lieu que celui ci étant.
libre & defintereffé , ne devoit fa naiffance
& les progrès qu'au feul amour des peuples
pour la gloire & la perfonne du Roy ,
Bij
&
24 LE MERCURE
& meritoit par confequent d'avoir l'avan
tage pardeffus tous les autres.
L'ordre amene naturellement la feconde
partie où l'Auteur juftifie parfaitement
l'ardeur & l'amour François pour l'excellence
du jeune Heros fur lequel il s'eſt
exercé , elle eft prife des qualités perfonnelles
& du merite de ceux qui les ont cultivées.
L'Orateur fait d'abord remarquer
que le Ciel pour confoler la France a
raffemblé dans le refte precieux de tant de
Heros les éminentes vertus qu'ils poffedoient
, & que dans fa maladie il a donné
des marques éclatantes de la pieté de fon
Pere , de la douleur de fon Ayeul , & de
la magnanimité de fon Bifayeul. Cet endroit
lui donne occafion de faire un portrait
achevé de ces trois grands Princes.
» Dans le premier , dit- il , on auroit trouvé
le modele des Rois , un Pere dans un
» Maître , un Protecteur dans un Prince ;
» mais , lors que nous le croyons meur
»pour le Thrône , Dieu l'a trouvé meur
» pour le Ciel ; nous l'avons invoqué ,
» lors que nous l'avons perdu , & nous ne
»nous fommes confolés que par l'efperance
» d'avoir pour protecteur dans le Ciel
» celui qui auroit été notre pere fur la terre.
La popularité du Roy comparée à celle de
fon Ayeul , a les rapports les plus juftes ,
& eft décrite avec beaucoup d'aménité ;
>
mais
DE MAR S 1722%
25
mais on ne fçauroit affés admirer la force
& l'intrepidité que le Roy puifa au lit
de Louis XIV. mourant , & qui ont rendu
le jeune Heros fuperieur à Alexandre frappé
du coup mortel . Les beautés de cet
endroit dépendent en partie du tour & du
génie de la Langue Latine , & ne peuvent
que perdre à la traduction .
L'Orateur commence à traiter l'éduca
tion du Roy par une espece de paradoxe
que fon éloquence rend neanmoins vrai
femblable ; il prétend que les Princes font
plus fufceptibles d'une belle éducation
lors qu'ils font déja Rois , que lors qu'ils
ne font encore que Princes Particuliers
parce que leur dignité rend les Maîtres
plus attentifs à corriger leurs defauts & à
fortifier leur vertus naiffantes ; mais la
docilité de Louis XV, & fon application
à fes devoirs particuliers parmi tant de
fujets de diftraction , ont fans doute fait
difparoître à fes yeux les folides objections
qu'on auroit pû former , & les exemples
éclatans de Louis XII , d'Henry IV , & de
plufieurs autres grands Princes qui ont
été élevés à la Royauté dans un âge avancé.
Après que l'Orateur a fait remarquer
dans le Roy la naiffance de toutes les
vertus dont l'éclat s'eft déja répandu audelà
de l'Europe , & a infpiré au Fils aîné
de l'Empereur Ottoman , le defir de venir
B iij
les
26 LE MERCURE
les voir & les admirer de près ; 11 fait
l'éloge des excellens Maîtres & des Princes
qui ont contribué à l'éducation du
Roy ; cet endroit eft touché avec beaucoup
de delicateffe . On faifit parfaitement
le caractere de tous ces grands hommes, &
parmi tant d'autres qualitez on voit pa
roître tour à tour la douceur & la modeftie
de M. l'ancien Evêque de Frejus ;
le zele & la fageffe de M. le Maréchal de
Villeroy ; la tendreffe & l'affection de
Madame la Ducheffe de Ventadour ; la
droiture d'efprit & la grandeur d'ame de
M. le Duc ; la fageffe profonde de Mgr.
le Regent , qui femblable à Philippe II,
Roy d'Espagne , gouverne l'Europe de fon
cbinet , & dont les deffeins n'éclatent que
par les tuccès. Le Difcours finit par des
vaux pour la profperité du koy , & par
des felicitations communes à la France &
à P'Efpagne , pour les prefens mutuels des
Princeffes que les deux Nations fe font
fats , & qui doivent avec d'autant plus
de fondement attendre leur bonheur de
P'union de quatre Bourbons , qu'un feul
eft capable de rendre à la fois plufieurs
peuples heureux . Nous nous fommes un
peu étendus fur ce fu et pour uppléer à
un difcours fi intereffant que la modeftié
de l'Auteur dérobé au Public.
ت ن ا
PORTRAIT
DE MARS 1722. 27
JbbbjbJJJbbutbJJJbjbJEJBJJ
PORTRAIT DE SON EMINENCE
Mr le Cardinal de Rohan .
Quoique forti d'un fang fécond en demy-
Dieux ,
Avoir encor le coeur plus grand que la naiffance,
Aux talens de l'efprit allier l'éloquence ,
Unir à tous les deux
Une profonde & fublime feience ,
Un air infinuant , noble , majestueux ,
Qui des plus fiers efprits dompte la reſiſtance.
Par fes vertus plutôt que par fon
rang
S'attirer en tous lieux de finceres hommages ,
Ne rien devoir à la fplendeur du fang,
Par fon merite feul , entraîner les fuffrages .
Non content de les fuivre effacer fes Ayeux ,
Ne fe fervir de fes richefles
Que pour en faire des largeffes ,
Que pour aider les malheureux.
Au fein de la grandeur écueil fi dangereux ,
Conferver fon coeur libre ,
Comblé d'honneurs , fuivi de mille voeux ,
Abandonner les rivages du Tibre ,
Et des peuples charmez fixer fur foy les yeux.
B iiij
Illuftre
28 LE MERCURE
Illuftre Cardinal , que le Ciel a fait naître
Pour être l'ornement de ces climats heureux ,
Ades traits fi marquez qui peut te méconnoître !
I'
Par le P. de P. Jefuite.
RELATION
De la Route que l'INFANTE a tenuë depuis
Bayonnejufqu'à Bordeaux , &
defon Entrée folemnelle en cette ville.
'INFANTE partit de Bayonne le
13 de Janvier , & elle alla coucher
à Saint Vincent , dont elle partit le 14
pour aller coucher à Dax , où elle fejourna
deux jours , tant pour faire repofer fes
équipages , qu'à la confideration de Madame
de la Lande , Sous- Gouvernante de
cette Princeffe , qui eft de cette Ville . Le
17 elle alla coucher à Tartas le 18 au
Mont de Marfan , le 19 à Roquefort de
Marfan , le 20 à Captieux , dont elle partit
le 21 pour fe rendre à Bafas , où elle ſéjournale
22 , le 23 à Langon , le 24 étant
arrivée à Caftres , petit Bourg fitué à trois
lieuës de cette Ville, les Jurats de Bordeaux
Deputez par le Corps des Magiſtrats
l'allerent haranguer fuivant l'ulage , prefentez
DE MARS 1722. 29
fentez par M. des Granges Maistre des
Ceremonies .
Certe Princeffe arriva à Bordeaux le 25.
vers les trois heures aprés midi. Les Magiftrats
ayant remarqué que le côté de leur
Ville par où l'INFANTE devoit arriver ,
n'offroit à la vue rien de gracieux , fupléérent
à ce deffaut , en plaçant trois
magnifiques Arcs de Triomphe depuis la
Porte Saint Julien , jufqu'à l'Hôtel de
Ville où l'on avoit preparé fon logement.
pa-
Sur le premier de ces Arcs qui étoit
dreffé à la Porte Saint Julien , on avoit
peint au- deffus de l'Arceau la reprefentation
du Temple de Janus. Ce Dieu
roiffoit au deffus du Temple fur un piédeftal
, portant une clef à une main , pour
faire connoître qu'il vient à bout de tout ,
une verge de l'autre , pour fignifier qu'il
prefide aux chemins.
Cette figure avoit quatre faces , pour
marquer qu'il yoit dans les quatre Parties
du Monde , le Prefent , le Paffé &
l'Avenir.
"
Sur l'un des côtés des pilaftres qui fou
tenoient l'Arceau la Paix étoit reprefentée
, & fur l'autre l'Himenée . Au bas
du piédeftal où étoit affis le Dieu , on lifoit
cette infcription :
BY JANUS
30
LE MERCURE
JANUS
PRÆVIDENS ET PROVIDENS .
Janus qui prevoit tout & qui pourvoir
à tout.
Au tour de l'Arceau on lifoit ces Vers :
Afpera tum pofitis mitefcunt
fæcula Bellis .
Le tems heureux revient , il n'eft plus
question de guerre.
Sous le cintre de l'Arceau étoit fufpendu
te Tableau de la Confecration entre un
Cedre & un Olivier , pour donner une idée
de la Paix & de fa durée . On y lifoit ,
PHILIPPO AURELIANENSI
REGNI RECTORI PROVIDENTISSIMO
REGNUM INTER UTRUMQUE
ÆTERNAM CONNUBIIS PACEM
PROCURANTI.
La Ville dédie cet Arc de Triomphe à
Philippe Duc d'Orleans , Regent de France ,
qui procure entre les deux Royaumes une
Paix éternelle par les deux Mariages qu'il
vient de faire...
Entre les deux pilaftres , au-deffus de la
corniche , on avoit placé deux Deviſes ,
dont l'une avoit pour corps un Olivier
auquel on avoit attaché deux couronnes
de Pervenches pour fervir de but à une
fléche
DE MAR S 1722, 31
fléche qui paroiffoit avoir paffé par les
couronnes , & s'être arrêtée à l'arbre avec
des mots ,
HUC TENDEBAT ET HÆRET .
Elle s'eft arrétée à l'arbre de la Paix
qui étoit fon unique but .
L'autre corps de Devife reprefentoit une
couronne d'une branche d'Olivier liée par
deux noeuds de ruban couleur de feu , &
ces mots étoient au -deffus ,
FIRMIOR EX VINCLIS .
· · Par ces liens elle deviendra plus folide.
En cet endroit Mrs. les Jurats , au nom
bre de neuf , prefentez par M. des Granges
Maître des Ceremonies , eurent l'honneur
de haranguer l'INFANTE. Le fieur
de Segur , Sou - Maire , revêtu d'une robe
de brocard or & argent , porta la parole
en l'abſence du Marquis d'Eftrades Maire
Perpetuel de Bordeaux . Les Jurats étoient
vêtus d'une robe de velours cramoifi &
blanc , & fuivis par toute la Compagnie
du Guet, compofée de cent trente hommes.
Cette Princeffe fut faluée à cette Porte
d'une triple décharge d'artillerie de la Ville,
de la Citadelle & des Forts.
La Bourgeoifie fous les armes formoit
une double haye depuis l'entrée dụ fauxbourg
jufqu'à l'Hôtel de Ville , les tambourgs
battans aux champs.
B vj Les
32 LE MERCURE
Les rues par où l'INFANTE paffoir,
étoient toutes ornées de riches tapifferies.
En arrivant au bout de la ruë Bonhant
du côté des Foffez , elle trouva un ſecond
Arc de Triomphe , dont la décoration
étoit trés - bien imaginée. Unjeune Apollon
étoit reprefenté au - deffus de l'arceau ,
affis fur un globe terreftre , accordant fa
Lyre. On voyoit d'un côté l'Eſpagne , qui
lui offroit une corde de Lyre ; un Lion
porté fur des nues , fembloit fe ranger
prés de lui.
De l'autre côté la France lui offroitun
archet , & il y avoit un Coq , qui voloit
vers lui. Voyant qu'il faifoit les delices
des Cieux , tous paroiffoient vouloir entrer
dans ce nouvel accord qu'ils preparoit,
L'on fçait affés qu'Apollon ou le Soleil
eft la Devife du Roy ; que le Coq eft le fimbole
de la France, comme leLion l'eft de l'Ef
pagne ; que ces deux fiers animaux font jaloux
l'un de l'autre, mais que lalyre d'Apol
lon qui accorde les Cieux , avoit les mêmes
dons entre fes mains > qu'entre celles
d'Orphée , puifqu'elle raviffoit les bêtes
les plus feroces , & les entraînoit même
après lui. C'eft dans ce fens qu'on avoit
mis fur ce globe cette infcription
APPOLLO
QMNIUM ORBIS RERUM
CONCILIATOR.
Apollon
DE MARS 1722 .
33
Apollon Conciliateur de l'Univers.
Au tour de l'Arceau on lifoit ces Vers ,
Regis conjugio concordant foedera
mundi.
Tous les traits & alliances du monde s'nniffent
aux accords du Mariage du Roy.
Comme le Roy étoit reprefenté fous
Ja figure d'Apollon , on avoit mis au bas
des pilaftres , d'un côté la Vertu , figurée
par une venerable Dame Romaine , qui
repreſentoit Madame la Ducheffe de Vanradour
, indiquant d'une main l'Apollon ,
& avançant Pautre à la Princeffe , qui
paffoit en lui difant ces mots ,
TIBI NUTRIVI.
Je l'ai élevé pour vous.
De l'autre côté un Mentor , tel qu'il eft
repreſenté dans le Roman de Telemaque,
reprefentoit le Maréchal de Villeroy , indiquant
du doigt l'Apollon avec ces mots,
TIBI PERFECI.
Je l'ay perfectionné pour vous.
Sur le haut de ces ftatues on avoit placé
deux Devifes de chaque côté. La premiere
étoit un Soleil , qui s'élevoit fur un
hémifphere. Un Globe terreftre & une
nouvelle
34
LE MERCURE
'nouvelle Lune étoient à une diſtance pro
portionnée, avec ces mots ,
ORIENTIA GAUDIA MUNDO .
Ces deux Aftres naiffans font les delices
du Monde.
Dans l'autre étoit un Soleil plus avancé
avec un Globe terreftre , & une Lune prés
de fa conjonction avec le Soleil , & ces
mots ,
ERIT ORBI JUNCTIO FELIX.
Leur union fera le bonheur de l'Univers,
La confecration étoit fufpendue fous le
cintre de l'Arcade , & on y lifoit ,
JUVENI LUDOVICO
PACIFICATORI
CONJUGALI CONCORDIA
VICTIS UTRIUSQUE REGNI ODIIS
SUAM
GALLIE ET HISPANIE
TOTIUS DENIQUE OR BIS FELICITATEM
AUSPICANTI.
Un jeune Roy pacificateur , qui aprés
avoir terminé les anciens differens des deux
Nations , donne par fon Mariage des prefages
favorables pour le bonheur de la France,
de l'Espagne & de tout l'Univers.
La Princeffe continuant fa marche vers
le Pont de l'Hôtel de Ville qu'on avoit
fair
DE MAR S 1722. 35
fait conftruire exprès pour fon entrée ,
paffa fous un Portique dreffé à la tête du
Pont , foutenu par des pilaftres . Ce portique
formoit trois arceaux en face ; une
Gallerie regnoit au- deffus , d'où s'élevoit
une eftrade & au deffus un Das fleurdelife
, foutenu par quatre Amours ,
Amours , portant
en bandouliere les cordons du Saint Efprit
& de la Toijon d'Or , & au - deffous du Dais
étoit placée une jeune Themis , deſtinée
pour Epoule à Jupiter , d'où nâquirent les
Loix, la Juftice & la Paix. Au coin d'une
des marches de l'Eſtrade paroiffoit un Mercure
, fon Caducée à une main , offrant de
l'autre une Couronne de France.
Au coin de l'Eftrade oppofé, le Génie de
Bordeaux étoit reprefenté en habit bleu
partemé de Croifans , prefentant les clefs
de l'Hôtel de Ville dans un baffin. De chaqué
côté les Jeux , les Amours & les Plaifits
paroiffoient folâtrer fur la gallerie , &
& au- deffous de Themis on lifoit cette
infcription ,
INFANS THEMIS HOSPES
JOVI RATA CONJUX.
La jeune Themis destinée pour Epouse à
Jupiter fait fon fejour en ce Palais.
Autour de l'Arceau du milieu on lifoit
ze Vers ,
Hæc
36 LE MERCURE
Hæc ædes Themidis Lodoïco eft
Regia Sponfæ.
Ce Temple de Themis eft le Palais de l'Eponſe
du Roy.
Au- deffous de l'Arceau du cintre , pa
roiffoient les trois Graces , celle du milieu
portoit les Armes de France & d'Espagne
accollées. Celle qui étoit à la droite portoit
celles du Maréchal de Bervvick Commandant
dans la Province , & la troifiéme à
la gauche , celles de la Ville de Bordeaux.
Elles foutenoient enfemble le Tableau de
la Confecration , où on lifoit ,
INFANTI
SERENISSIMÆ HISPANIARUM PRINCIPI
IN
URBANA BURDEGALENSIUM DOMO
NUNC HOSPITI OLIM DOMINÆ
FUTURÆ GALLORUM
DIGNISSIMÆ.
REGINE
,
1
A Madame l'Infante d'Epagne qui à
prefent fait fon fejour dans l'Hôtel de Ville
de Bordeaux, dont elle fera un jour la Reine,
comme de tout le reste du Royaume.
Au haut des deux Arceaux on avoit
placé des deux côtez deux grands Cadres,
dans lefquels il y avoit deux Tableaux
en bas- relief. L'un étoit consacré à
Efpagne ,
DE MARS 1722. 37
P'Efpagne , & l'autre à la France. On y
voyoit en bas le Cahos reprefenté , &
au- deffus s'élevoit l'Honneur & la Veneration
, affis fur cette maffe confuſe , où
les Elemens , qui jufqu'alors s'étoient combattus
, commençoient à s'accorder. Iis
s'entre-donnoient une main pour figne de
fidelité dans leur legitime Mariage , & de
l'autre , ils envoyoient vers l'Olimpe une
jeune Majefté , leur Fille , qui dès les premiers
jours de fa naiffance fut grande.
Elle paroiffoit avec éclat dans le milieu
des airs. Aun coin de ce Tableau , Jupiter
s'avançoit vers elle , fon foudre baiffé dans
une main , & lui tendant l'autre pour la
recevoir , l'affocier à fon Trône , & ne
faire deformais avec elle qu'une même
perfonne. Son Aigle femblant fe conformer
à l'Amour & aux deffeins de fon Maître
pour cette Divinité naiffante , étendoit
une aîle , comme pour lui faire place à
côté du Pere des Dieux & du Roy des
hommes. Le Ciel paroiffoit ferein & dénotoit
affez que l'arrivée de cette jeune
Majeſté apportoit la Paix , l'ordre & le
rang qui convenoient aux Divinitez de
toute la Cour Celeſte . On n'avoit pas de
peine à comprendre que fous la figure de
I'Honneur & de la Veneration on repre
fentoit le Roy & la Reine d'Espagne.
Sous celle de la Majefté & de Jupiter
PINFANTE
38 LE MERCURE
P'INFANTE & le ROY. C'eft auffi dans
ce fens qu'on avoit mis ce diftique Latin
au-deffus de ce Tableau ,
ASSESSURA JOVI MAJESTAS REGIA
PRODIT ,
HISPANIS NATAM SIC LODOICUS
HABET.
La jeune Majesté paroît icy pour ſe placer
auprés de Jupiter : c'est ainsi que LOUIS
regarde Madame INFANTE .
La confecration étoit conçue en ces termes
, & placée au - deffous de ce Tableau ,
HISPANIÆ
ASSESSURAM LUDOVICO PRINCIPEM
FILIAM
BENIGNE MITTENTI .
Bordeaux confacre ce Tableau à l'Espagne
pour la remercier d'avoir envoyé en France
Madame PINFANTE pour l'affocier au
Trône de LEVIS XV.
Le fecond Tableau reprefentoit l'Oracle
d'Apollon confulté fur le bonheur de la
France . On y voyoit fur un Aurella ſtatuë
de ce Dieu. La Pithoniffe fur fon Trépié
Convert de la courtine . Un Prêtre de ce
Dieu y paroiffoit d'un côté l'encenfoir à la
ma n , offrant fon encens & fa priere pour
rendre Apollo propice à fes voeux , & de
Pautre un Interprete , qui expliquoit la
réponſe
DE
MARS 1722 .
39
réponſe de l'Oracle , fur un panneau près
du Prêtre de ce Dieu , on lifoit cette
queſtion ,
TEMPORE QUO GALLIS FELICIA
REGNA VIGEBUNT ?
TEMPORE QUO MIHI ERIT FELIX
VICTORIA * CONJUX .
Et fur un panneau près de l'Interprete ,
T
EST LODOICUS APOLLO : INFANS
VICTORIA CONJUX .
Le Prêtre ... Quand jouira -t'on en
France d'un Regne heureux & plein de
gloire ?
L'Oracle. ... Quand je ferai l'Epox
de la Victoire.
L'Interprete.... PINFANTE eft la Victoire
, LOUIS Apollon.
Sur l'affurance & la verité de l'Oracle
on avoit écrit ce diftique au- deffus du Tableau
,
VICTOR ERIT LODOIX , RATA CUI
VICTORIA CONȚUX, !
HEROES FIENT QUEIS ERIT ILLA
PARENS .
LOUIS Vi&orieux aura la Victoire pour
Epone qui lui eft destinée , & leurs Enfans
feront des Heros.
L'Infante s'appelle Victoire.
La
40 LE MERCURE
La confecration de ce dernier Tableau
étoit en ces termes ,
GALLIE
DE FELICISSIMO SUI REGIS CONJUGIO
OPTIME PRÆSAGIENTI .
Bordeaux confacre ce Tableau à la France
pour lafelicité des bons prefages qu'elle tire
de l'heureux Mariage de fon Roy.
L'INFANTE étant entrée dans l'Hôtel
de Ville , elle trouva dans une des falles
richement ornée , un Dais de velours cramoifi
garni de galon & de frange d'or :
le fauteuil & le carreau de même. Audeffous
du Dais , les Armes de France &
d'Espagne accollées étoient repreſentées
en broderie , avec cette infcription ,
GEMINI CONCORDIA REGNI.
L'union & l'accord des deux Royaumes .
Le reste de l'Appartement de la Princeffe
étoit meublé à peu près de cette
même magnificence,
Les Troupes Bourgeoifes , felon leurs
anciens Privileges , eurent l'honneur de
garder l'INFANTE , & les Jurats choifirent
pour fa garde l'élite des fix Regimens
dont ils font Colonels.
Le foir il y eut des feux de joye devant
toutes les portes. & des illuminations par
toute la Ville , qui furent réiterées pendant
los
DE MARS 1722 . 41
les deux nuits fuivantes. Les trois premiers
jours les Boutiques furent fermées
& le Peuple joignit à toutes ces réjouïlfances
beaucoup d'acclamations de Vivent
le Roy & la Reine.
Le lendemain 26. les Officiers du Guet
de la Ville , en Corps , allerent prefenter
à l'INFANTE les prefens ordinaires de la
Ville , confiftant en quatre ou cinq cens
livres de Bougies , environ trois cens flambeaux
de Cire blanche , beaucoup de
Confitures , & une grande quantité de
differentes fortes de Vins.
Le même jour l'INFANTE fut complimentée
par le Corps des Officiers du
fecond Bataillon de fon Regiment , à la
tête duquel étoit le Colonel , qui eut
P'honneur de lui porter la parole en ces
termes :
MADAME , voici les Officiers du ſecond
Bataillon de votre Regiment en Corps ,
qui viennent avec empreſſement vous rendre
leurs hommages. Les momens que vous voulez
bien nous accorder , font trop courts pour
nous exprimer fur les rares qualitez du Roy
notre Maître , dont vous allez faire le
bonheur , nous les employons , M ADAME,
à vous affurer de notre zéle , de notre attachement
, & de notre fidelité inviolables
pour votre ſervice.
Après ce compliment le Colonel eut
l'honneur
42 - LE MERCURE
l'honneur de baifer la main de l'INFANTE,
& tous les Officiers le bas de la robe.
Madame la Ducheffe de Vantadour
toujours pleine d'attention & gracieuſe à
fon ordinaire , n'omit aucune occafion de
diftinguer & d'obliger tous les Officiers
de ce Regiment , en leur procurant tous
les agrémens qu'ils pouvoient attend re de
PINFANTE & de fon âge.
Sur le foir il y eut un très beau feù
d'artifice , qui fut tiré devant les fenêtres
de l'INFANTE , où cette jeune Princeffe
parut prendre beaucoup de plaifir.
Le 27 fur les onze heures du matin , le
Clergé de Bordeaux eut l'honneur de complimenter
PINFANTE , le Doyen du Chapitre
de Saint André étant à la tête , fuivant
l'ufage ordinaire. Enfuite le Premier
Prefident du Parlement à la tête d'une
députation , alla complimenter cette Princeffe
, de même que la Cour des Aydes ,
qui fut fuivie fur les trois heures après
midi du Chapitre de Saint Seurin , du Prefidial
, de l'Univerſité , & de l'Election .
Les Treforiers de France ayant eu quelques
difficultez avec le Prefidial pour la
préféance , ils furent les derniers à aller
faire leurs complimens.
Tous ces Corps furent introduits & prefentez
par M. des Granges , Maître des
ceremonies .
Madame
DE MARS 1722. 43
Madame la Ducheffe de Vantadour répondit
aux complimens & harangues des
Cours Superieures & Inferieures , au nom
de la jeune Princeffe , avec beaucoup de
politeffe & dans les termes qu'il convenoit.
Le même jour le Premier Prefident
traita fplendidement Madame la Ducheffe
de Vantadour , M. le Prince de Roban
& la Princeffe de Soubife , aufli bien que
Meldames de Vilfort & de la Lande.
Le loir M. Boucher , Intendant de la
Province , dopna un fuperbe feſtin, accom
pagné d'illuminations , à M. le Prince de
Rokan & à Madame de Soubife , où toutes
les perfonnes de confideration de la fuite
de l'INFANTE furent invitées . Ce repas
fut fuivi d'un Bal en mafque , il y eut un
grand concours de monde & un très gros
jeu aux trois dez , qui eft le jeu ordinaire
& le plus ufité en cette Ville pendant le
temps de Carnaval.
- Le 28 Madame la Ducheffe de Vantadour
voyant que malgré la bonté & l'attention
qu'elle avoit euë de prefenter fouvent
aux fenêtres l'INFANTE , pour la faire
voir au Peuple , le concours n'en diminuoit
point à l'Hôtel de Ville , pour contenter
l'empreffement extrême des Bourgeois
, profita du beau temps qu'il fit ce
jour là , & mena promener cette Princeſſe
au Fauxbourg des Chartrons , qui eft proprement
44 LE MERCURE
prement le Cours de la Ville , & la plus
belle promenade qu'il y ait à Bordeaux.
Ce lieu eft fitué le long de la Riviere qui
forme le Port , & eft orné d'un grand
nombre de maifons , qui pourroient paffer
à Paris pour de magnifiques Hôtels , ainfi
qu'il a été dit le mois paffé dans la Deſcription
que nous en avons faite.
L'INFANTE partant de l'Hôtel de
Ville avec toute la Cour , pour ſe rendre
aux Chartrons , après avoir traversé plufieurs
rues , où les Troupes des Bourgeois
étoient fous les armes , paffa par la Porte
Medoc, & continuant fa marche par la
rue du Chapeau-rouge , elle trouva fur
l'Eſplanade du Château Trompette , le ſecond
Bataillon de fon Regiment rangé en
bataille à quatre hommes de hauteur , les
armes prefentées , le Colonel étant à la
tête , & les Officiers dans l'ordre de leurs
divifions , lui rendirent les honneurs Militaites
fuivant l'ufage ordinaire.
Quoi que l'INFANTE paffât bien près
du Château Trompette , elle ne fut point
faluée du canon de la Place , Madame la
Ducheffe de Vantadour ayant apprehendé
que le bruit de l'Artillerie n'épouventât
les chevaux .
Pendant toute la marche de l'INFANTE
les Bordelois , dont on ne peut affès louer
le zele , ne cefferent de témoigner leur
affection
DE
MARS
17227
45
affection & leur amour par des acclainations
continuelles de Vivent le Roy & la
Reine.
Madame la Ducheffe de Vantadour.
après avoir ramené l'INFANTE à l'Hôtel
de Ville , fut dîner avec M. le Prince de
Rohan & Madame de Soubife , chez M.
Bouchet Intendant , qui les regala fomptueufement.
Le 29 M. Bouchet continuant fa magnificence
, donna un grand fouper , qui fut
fuivi d'un Bal en mafque ,
accompagné
d'illuminations.
Le 30 M. le Prince de Rohan , qui après
avoir fait l'échange des deux Princeffes ,
avoit accompagné l'INFANTE juſqu'à
Bordeaux , où il s'étoit arrêté , en partit
pour retourner à Paris. L'on peut dire que
dans le peu de fejour qu'il fit à Bordeaux,
il y acquit par les manieres nobles , gracieuſes
, prevenantes , le refpect , l'eftime
& l'amitié de tout le monde.
L'Infante Reine partit de Bordeaux le
4 du mois paffé ; & en fortant de la Ville
elle trouva à la Porte des Salinieres un
nouvel Arc de Triomphe , qui reprefentoit
la Déeffe Thetis , ayant à fes
côtez deux Fleuves pofez fur deux Rochers
, tenant leurs Urnes entre leurs bras ,
d'où couloient des eaux en abondance devant
elle , & au- deffus étoit écrit ,
1. Vol. C ALTERA
46
LE
MERCURE
ALTERA THETIS JOCEANI AÐ
NUPTIAS CONTENDENS.
Comme une autre Thetis elle court s'unir
à POcean,
Au-deffous de la jonction des eaux on
lifoit ce vers ,
VENTURÆ JUNCTAS DOMINÆ
SUBMITTIMUS UNDAS.
A notre Déeffefuture nous foumettons nos
Eaux unies .
Pour la Confecration on avoit mis fur le
cintre cette infcription ,
INFANTI LUDOVICO NUPTURÆ
PARISIIS AD NUPTIAS
APPRECATUR ITER BURDEGALA.
Bordeaux fouhaite à l'INFANTE qui doit
épouser LOVIS une heureuſe arrivée
Paris.
A un côté de la Porte on voyoit la
Paix , & de l'autre l'Himenée ; auprès de
la premiere couloit un Fleuve qui fe divi-.
foit & fe réuniffoit , avec ces mots ,
RECURRIT BODEM .
Il prend le même conrș.
A l'autre on voyoit un fecond Fleuve,
qui fe divifant arrofoit deux Pays , &
lame de cet emblême étoit exprimée par
ces
DE MARS 1722.
ses paroles ,
BINAS FELIX ALLUIT ORAS.
Il arrofe & rend heureux deux Royaumes.
On avoit mis à flot fur le bord de la
Garonne un magnifique Batteau ingenieufement
peint , decoré en dehors , fuperbement
tapiffé en dedans , & vitré . Il étoit
remorqué par deux autres Bateaux , fur
lefquels il y avoit foixante - dix Rameurs
, qui uniffant leurs forces & leur
adreffe , à la beauté de la Marée , &
glorieux de conduire la premiere Princeffe
du monde , partirent comme un trait au
milieu des acclamations publiques , &.
dans moins de deux heures ils eurent paffé
le redoutable Bec - d'Amber , dont nous
allons faire une courte defcription avant
que d'arriver à Blaye , en faveur de ceux
qui pourront dans la fuite être obligez
de franchir ce dangereux trajet , dont la
feule idée épouvente par les frequens naufrages
que plufieurs perfonnes y ont fait.
Cij SUITE
48
LE
MERCURE
SUITE de l'Explication Hiftorique &
Topographique de la Carte , qui marque
tous les endroits
par où l'INFANTE
- REINE a paſſé pour ſe ren-,
dre de la Frontiere à Paris . Par M
l'Abbé de Vayrac .
CE.
E qu'on appelle le Bec-d'Ambez , eft
une langue de terre, qui va fe terminer
angulairement au confluant des Rivieres
de Garonne & de Dordogne vis-à- vis
d'une Ifle , ayant la premiere au Midy &
la feconde au Nord , Ces deux grands
Fleuves venant à fe joindre à la pointe du
Bec , le choc de leurs eaux eft fi impetueux
, que pour peu de vent qu'il faffe ,
les flots s'élevent prodigieufement , &
caufent aux Bâtimens un mouvement fi
violent , que ceux qui n'y font pas accoutumez
, croyent être fur le point de fe
voir engloutis. Cependant ce n'eft pas là
le danger qu'il y a à craindre , car pourvû
que les Pilotes foient attentifs à prévenir
ces deux coups de Mer , dont l'un s'appelle
Grain en termes de Marine , & l'autre
Alife, on ne court aucun rifque . Legrand
peril confifte , en ce que les Courans des
eaux refferrez entre l'Ile qui eft vis-à-
>
1
1
vis
DE MARS 1722. 49
"
vis du Bec , & le continent dont il fait la
pointe , changent fi fouvent & fi fubitement
le cours des deux Rivieres , qu'aujourd'hui
on trouve un profond abîme
dans l'endroit où l'on avoit remarqué hier
un banc de fable , & un banc de fable
où l'on avoit jetté l'anchre fur fix braffes
d'eau. De forte , que les Pilotes qui ne
font pas inftruits de ces promts changemens
, ne peuvent pas manquer d'échouer,
& voilà au jufte ce qui a donné au Becd'Ambez
la reputation d'un paffage fi dangereux
, qu'autrefois les Saintongeois qui
étoient obligés de faire le trajet de Blaye
à Bordeaux , fe confeffoient & faifoient
leur Teſtament avant que de s'embarquer .
Mais depuis que les Pilotes ont découvert
la caufe du danger , ils l'évitent fans
peine. Aprés que les deux Rivieres ont
été jointes , elles perdent leur nom , & ne
font plus qu'un canal , qui depuis leur jonction
jufqu'à l'embouchure s'appelle Gironde.
A deux lieues au deffous du Bec- d'Ambez
paroît la Ville de Blaye , Capitale d'un
Pays qui contient vingt- deux groffes Paroiffes
, & une des plus importantes Places
du Royaume. Elle eft fituée fur le bord
Oriental de la Gironde. On l'appelle en
Latin Blavia , Blavut um , ou Blavium .
Cij Duchefne

30 LE MERCURE
Duchefne & quelques autres Hiftoriens la
prennent pour le Promontorium Santonicum
de Prolemée , en quoi ils font dans l'erreur
, d'autant que cette Ville n'a jamais
été mife au nombre de celles de Saintonge
, & que tous les Sçavans conviennent
que Brouage eft le fameux Promontorium
Santonicum.
Cette Ville eft fi ancienne & fi confiderable
, qu'Aufone , qui vivoit il y a
1400. ans en parle avec diftinction , &
lui donne le glorieux titre de Ville de
Guerre , Blaviam Militarem , ce qui détruit
démonſtrativement l'opinion de quelques
Modernes qui ont pretendu que
Charlemagne en fut le Fondateur , fans
autres preuves que quelques Armes que
les Habitans difent être celles du fameux
Roland neveu de cet Empereur. Mais
quand Aufone ne parleroit pas de Blaye
dans le quatriéme fiécle , comment Charlemagne
pourroit-il en être le Fondateur ,
puifque l'Hiftoire de France fait foy que
le Roy Charibert fils de Clotaire I. y fut
enterré , & que fon corps y a été confervé
jufqu'en 1568. que les Huguenots furprirent
la Ville , la faccagerent , ruinerent
toutes les Eglifes , fans épargner les offemens
de ce Roy , qui repofoient dans celle
de Saint Romain.
La Ville eft diviſée par un petit ruiffeau
qui
DE MARS 1722 .
SI
.
qui coule du Nord au Midi en deux parties
inégales . Celle qui eft du côté de
P'Occident s'appelle la Haute ville , &
celle du côté de l'Orient la Baffe. La premiere
eft fort peu confiderable , ne contenant
que la Citadelle & quelques maifons
au bout du glacis , au lieu que l'autre
eft grande , bien peuplée & habitée par
quantité de riches Marchands , qui font
un grand Commerce tant par Mer que par
Terre , en grains , en vins & en eau- devie.
La Citadelle eft bâtie dans la haute
Ville fur un rocher efcarpé , qui domine
perpendiculairement fur la Riviere du côté
de l'Occident , & du côté de l'Orient il
va en s'abaiffant par une pente affez rude
jufqu'au ruiffeau qui fepare les deux Villes :
tout ce terrain forme le glacis de la Place ,
laquelle eft composée de quatre baftions
feulement , & de quelques ouvrages exterieurs
, n'y en ayant pas pû faire davantage
, à caufe de la difpofition du lieu , qui
fc retrecit en s'élevant. Tout contribue
à la rendre une des plus fortes Places du
Royaume car du côté de l'Occident &
du Midi , elle a une Riviere qui a 3000
toiles de largeur , & du côté de l'Orient,
& du Nord , fes foffez font taillez dans le
roc , qui s'étendant , comme il a été dit ,
jufqu'auRuiffeau qui fepare les deux Villes ,
rend les approches du corps de la Place
C iiij
très52
LE MERCURE
très-difficiles . Comme elle a été bâtie pour
fervir de rampart à toute la partie Septentrionale
de la Province , & pour faire la
fûreté de la Capitale , en empêchant que
les Flotes des Ennemis n'y puiffent pas
aller ; le feu Roy, n'a rien negligé de tout
ce qui pouvoit la mettre en état d'une
vive refiftance , tant par Mer que par
Terre. Car en 1689. craignant que les
Anglois ne tentaffent quelque defcente
fur les Côtes de Guienne , il fit conſtruire
un Fort dans une Ifle qui eft vis à - vis de
Blaye , prefqu'au milieu de la Riviere , laquelle
a 700 toiles de circuit. Il y a toujours
une garnifon de Troupes détachées
de celles de la Citadelle , & une bonne
Artillerie qui peut foudroyer à fleur d'eau
les Navires qui ne peuvent paffer qu'entre
le feu du Fort & celui de la Citadelle du
côté du Levant , ou entre celui du même
Fort & celui du Fort de Medoc , qui eſt
conftruit fur le bord de la Riviere du côté
de l'Occident.
Le Gouvernement de Blaye eft fur le
pied des grands Gouvernemens du Royaume
, avec un Etat Major. Le Duc de
Saint-Simon Ambaffadeur Extraordinaire
en Eſpagne , en eft Gouverneur.
Blaye eft un ancien Comté qui appar
tenoit autrefois aux cadets de la Maiſon
d'Angoulême. Du tems de la Ligue les Religionnaires
DE MARS 1722. 53
ligionnaires s'en rendirent les maîtres pour
la feconde fois , ce qui obligea le Roy de
la faire affieger en 1593 par le Maréchal
de Matignon , mais il ne put pas la prendre
, de forte qu'elle demeura au pouvoir
des Ligueurs , jufqu'à ce que tous les
troubles du Royaume furent pacifiez par
un accommodement. Pendant toutes ces
guerres , la Ville fut expofée à toutes les
calamitez imaginables & entiérement ruinée.
Mais à la faveur de la bonté de fon
Territoire , qui eft fans contredit un des
plus fertiles de toute la Guienne , & de
fon heureufe fituation pour le Commerce,
elle s'eft fi bien rétablie , qu'aujourd'hui
elle eft une des plus riches Villes de la
Province.
*
MIRAMBEAU eft un Bourg à titre de
Marquifat , appartenant au Prince de Pons,
qui y a un trés- beau Château . Cet endroit
n'a rien qui merite d'être décrit . De Mirambeau
à Pons.
PONS eft une Ville affez confiderable a
quatre lieuës au midy de Saintes , avcc
titre de Sirauté , dont la Jurifdiction s'étend
fur 52 Parroiffes & fur 200. Fiefs .
Elle eft fituée fur une colline , dont elle
occupe le fommet & les pentès. On la
divife en haute & en baffe. La premiere
s'appelle Saint Vivien , & la feconde les
Ayres , ou Saint Martin. Saint Vivien .
n'eft
Cv
$4
LE MERCURE
n'est pas fort peuplé depuis que les Juifs
qui l'occupoient autrefois en furent chafez
, & leurs maifons démolies pour avoir
pendu un Maine. Saint Martin eft au bas
de la colline , & dominé par un magnifique
Château, entouré de hautes murailles,
& qui marque parfaitement qu'il a été
bâti pour être le fejour d'un grand Seigneur.
Au-deffus de ce Château la petite
Riviere de Seugne fe divife en trois branches
, dont l'une en arrofe les murailles
auffi -bien que celles de la Ville ; l'autre
fepare des terres labourables d'avec de
trés -belles prairies , & va traverſer la
baffe Ville qu'elle partage en deux parties
prefqu'égales , & la troifiéme paffe au travers
des prairies dont on vient de parler,
enfuite toutes les trois venant à ſe joindre
au-deffous de la Ville , elles ne font plus
qu'un canal. On communique d'une partie
de la Ville à l'autre par quantité de
Ponts. Du côté de la plaine en tirant vers.
le Midy , la Ville eft fortifiée par une double
enceinte de murailles & par de profonds
foffés. Du côté de la montagne ,
elle eft bordée par des bois qui forment
un très - beau païfage. La Ville eſt ancienne,
& Robert du Mont, celebre Antiquaire
en parle avec éloge , auffi - bien
que Mathieu de Paris. Le premier dir
qu'en 1179. Richard , furnommé Caur
de
DE MARS 1722. 13
Caur de Lion Duc d'Aquitaine , la fit
démolir à caufe que le Sire de Pons
étoit entré dans l'alliance & dans les interefts
de Geoffroy de Rancon Seigneur de
Taillebourg fon implacable ennemi : fimiliter
fecit Domino de Pons , deftruendo fcilicet
Caftrum fuum Pons , quia erat confaderatus
ipfi Gaufrido. Le fecond affure que
vers l'an 1242 , elle étoit une Ville noble
& poffedée par Reginard de Pons , qu'il
met au rang des plus grands Seigneurs dé
la Province de Saintonge : inde venit ad
Pontem nobilem Civitatem , occurrente Domino
Civitatis ejuſdem , fcilicet Reginaldo
de Pontibus cum aliis Magnatibus Xantungie.
Les Hiftoriens ne font pas d'accord touchant
l'origine du nom de cette Ville ; car
les uns prétendent qu'elle tire fon nom de
cette quantité de Ponts qu'on y voit
d'autres ſoutiennent , qu'un nommé Ælius
Pontius neveu de Pompée en jetta les premiers
fondemens dans un voyage qu'il fit
dans les Gaules , & que pour éternifer fa
memoire , il lui impofa fon nom. Ils fondent
leur fentimeft fur quelques Medailles
qu'ils difent avoir été trouvées fous les
ruines d'un pillier qui foutenoit cette partie
du Château , qui eft du côté de la Place ,
où étoit anciennement la rue des Juifs ,
fur lefquelles on lit deux infcriptions ,
Cvj
dont
16 LE MERCURE
dont l'une eft conçue en ces termes , Ælius
Pontius. Nepos. Pomp. Magn. Tumul , &
l'autre en ceux- ci , Divus Caius Julius Ca-
Sar Imperator ; à quoi ils ajoutent encore
quelques témoignages tirez de certaines
Chartes qu'on conferve dans la Maiſon de
Ville , pour prouver que cet Ælius- Pontius
non feulement eft le Fondateur de la Ville,
mais même , le glorieux tronc d'où les Seigneurs
de Pons defcendent . Nous nous
difpenfons de raporter ce qui eft contenu
dans ces Chartes , d'autant que nous les
tenons pour tellement apocriphes , qu'à la
fimple lecture on s'aperçoit aifément qu'elles
ne peuvent être autre chofe que l'ouvrage
de quelque flatteur , qui a voulu
faire un faux honneur à l'illuftre Maiſon
de Pons , n'y ayant dans toute l'Antiquité
aucun veftige qui puiffe faire préfumer
qu'elle defcende d'un parent de Pompée.
D'autres, moins adulateurs en apparence ,
mais dans le fond auffi impofteurs , ne le
Contentant pas de produire une fuite non
interrompue de grands perfonnages qui
depuis 750 ans ont vecu avec éclat , &
ont pris alliance avec les plus illuftres.
Maiſons de France & d'Angleterre, s'efforcent
de perfuader qu'ils doivent leur origine
aux anciens Comtes d'Angoulême , quoiqu'ils
n'ayent pas plus de preuves pour jutifier
cette deſcendance , que ceux qui
leur
DE MARS 1722 . 57
leur donnent pour premier Auteur Alins-
Pontins neveu de Pompée.
que
Quoi qu'il en foit , fans avoir recours aux
chimeres ni aux fables , nous pouvons dire
que l'Hiftoire ne nous fournit gueres de familles
plus anciennes , ni plus diftinguées
celle de Pons , ni de Terres plus confiderables
que celle de ce nom : mais malheureuſement
elle fut éteinte le fiecle dernicr
par la mort de Renand de Pons , fans
laiffer- qu'une fille appellée Antoinette de
Pons , qui fut mariée avec Antoine d'Albret
Comte de Mioffans , Maréchal de
France ; & enfuite avec le feu Comte de
Marfan de la Maifon de Lorraine , & pere
du Prince de Pons d'aujourd'hui .
Les enfans des Principaux de la ville de
Pons , dont le plus âgé n'avoit pas dix
ans , repréſenterent devant l'Infante Reine
une petite Comedie , qui divertit beaucoup
cette Princeffe.
SAINTES , capitale de la Province de
Saintonge , eft fituée dans un des plus beaux
& des meilleurs, pays du Royaume , fur
une colline qui s'étend jufqu'au bord meridional
de la Riviere de Cherante , qui
baigne fes murailles du Levant à l'Occident.
On la paffe fur un très beau Pont
de pierre que les Romains y firent conftruire
, à l'entrée duquel s'éleve la Tour
de Montrole , qui eft auffi un ouvrage
des
LE MERCURE
des Romains , bâtie de grandes pierres
femblables à celles des Arenes de Nifmes.
Une bonne partie des Fiefs & des Seigneuries
de Saintonge releve de cette Tour.
Au milieu de ce Pont paroît un magnifique
Arc de Triomphe à deux Portiques
de grandes pierres , entre lefquelles on
n'apperçoit aucun ciment , felon l'uſage
des Romains. On y a gravé des Infcriptions
en Lettres Romaines , que le temps qui
confume toutes choſes, n'a pas entieremeut
effacées , puis qu'on ylit encore ces mots :
Sacerdos Rome & Augufto , & plus bas ,
Cafari Nep. Divi Julii Pont. Aug. ce qui
donne lieu à plufieurs Antiquaires de croire
que cet Arc fut érigé à la gloire de Tibere,
qui fe difoit neveu de Jules Cefar. Au revers
paroiffent ces lettres , dont les unes
forment quelques mots entiers qui n'ont
aucune fuire : C. Julius 1. jeuner..
Rufus. If. Nepos. E. Jovis. Sacerdos . Romana...
Luentem . ... Præfectu... P. Ro .
On voit encore hors de la Ville , ſur le
chemin de Saint Jean d'Angely , les ruines
de quelques Acqueducs & canaux de fontaines
, les reftes d'un amphiteâtre , & la
place d'un Cirque du côté de l'Occident ,
près de l'Eglife de faint Eutrope , & plufieurs
autres veftiges qui marquent la gran→
deur & la magnificence de cette Ville .
Mais ce qui la rendoit encore bien plus
confiderable ,
DE MARS 1722.
confiderable , c'étoit un Capitole bâti dans
Penceinte d'un Château très fort que
Charles Comte d'Anjou frere du Roy Phi-
Lippe de Valois fit abattre en 1319 , après
l'avoir pris fur les Anglois , ainfi qu'il eft
rapporté par Du Tillet. Aimar de Chabar
wois parle de ce fameux Capitole dans fon
Hiftoire , & Befli en fait auſſi mention dans
dans la vie de Guillaume V. dit le Gras ,
Comte de Poiton & d'Aquitaine , où il dit
en propres termes , que Fonques Neve
furnommé le Palmier , Comte d'Anjon &
de Saintes , étant d'une humeur fort ambitieuſe
, avoit deffein de s'emparer du
Comté du Maine ; mais que ne l'ofant
entreprendre à main armée contre Herbert,
furnommé Eveille - Chien, il joignit la fourberie
à la force , en feignant de vouloir
infeoder Saintes à Herbert , & que pour cet
effet il lui affigna jour dans cette Ville
même , où le Manceau & fa femme fe
rendirent , fous la bonne foy de l'Angevin z
mais qu'à peine il eût mis le pied dans le
Capitole ,
', que ce traître le faifit de lui le
premier Dimanche de Carême de l'année
103 De
Ce Capitole étoit fi fuperbe & fi magnifique
, que quoi qu'il ait été entierement
détruit il y a déja plus de trois fiecles ;
cependant fa magnificence n'a pas été rout
à fait effacée , puis qu'on en a vû de nos
jours
LE MERCURE

jours d'illuftres Monumens dans la découverte
de fes ruines : car en 1609 le Gouverneur
de la Ville ayant eu ordre du Roy
Henry IV. de bâtir quelques Bastions , il
fit abattre une vieille Tour qui étoit à
l'entrée de la Citadelle pour en avoir les
materiaux , autour des fondemens de laquelle
on trouva en bêchant une grande
quantité de pierres en un monceau , dont
les unes marquoient avoir fervi à quelque
fuperbe édifice , comme pourroit être un
Temple , & les autres fembloient être les
debris de quelques monumens fepulcraux,
Entr'autres chofes il y avoit quantité de
pieces de grandes colonnes canelées &
redentées , garnies de leurs bafes , chapiteaux
, architraves , friſes , corniches , &
moulieres , avec quelques autres morceaux
d'Architecture qui reprefentoient une
forme d'Autel à l'antique , ornés de diverfes
figures & Infcriptions , dont les
unes reprefentoient des Prêtres Flamines ,
qui facrifioient à Jupiter Capitolin , avec
des inftrumens de Religion comme , Pateres
, Sympules , Litues & Difques , & autres
de cette nature , ce qui eft d'autant
plus remarquable , qu'il n'y avoit que trois
autres Villes dans les Gaules , où il fût
permis d'avoir des Capitoles , fçavoir , Nifmes
, Autun , & Toulouse.
Il y a long-temps qu'on difpute pour:
fçavoir
DE MARS 1722 . 61
fçavoir quels Peuples ont été les Fondateurs
de la Ville de Xaintes ou Saintes ;
car les uns l'écrivent avec un X. & les
autres avec un S. Les uns attribuent cette
gloire à une Colonie de Troyens appellés
Xantones , à caufe qu'ils venoient des
bords de la celebre Riviere de Xantes en
Phrygie , qui felon eux , pafferent dans les
Gaules après la deftruction de la fameufe
Ville de Troyes , lefquels pour éternifer
leur nom & leur gloire lui donnerent le
nom de Xaintes. Les autres foutiennent
au contraire , que les Celtes Gaulois jetterent
les fondemens de cette Ville , & qu'ils
prirent le nom de Santores , & non pas
Xantones , & pour autorifer leur opinion ,
ils ont recours à Cefar , à Strabon , à Aufone
, à Lucain , à Amien Marcellin , à
Gregoire de Tours , à Aimoin , & à tous
les anciens Hiftoriens , qui d'une commune
voix les appellent Santones ou Santoni
& non pas Xantones ni Xantoni ; ce qui
femble détruire le fentiment de leurs adverfaires.
Quoi qu'il en foit, Cefar dans le troifiéme
Livre de fes Commentaires fait un
éloge magnifique de ces Peuples en difant,
qu'après qu'ils eurent fait la Paix avec les
Romains , & qu'ils leur eurent promis l'o⚫
béiffance , lui fournirent un grand nombre
deVaiffeauxpour faire la guerre auxVannes,
&
LE MERCURE
& dans le feptiéme il ajoute qu'ils étoient
fi confiderés dans les Gaules , que s'étant
revoltés dans la fuite , ils furent appellés
dans une Affemblée generale , où il fut
deliberé qu'on declareroit la guerre aux
Romains. Pline dans le Chapitre xix. du
IV. Livre de fon Hiftoire Naturelle , dir
la même choſe. Mais rien ne marque tant
la haute reputation de ces Peuples , que
P'honneur que leur font de graves Hiftoriens
, en faifant defcendre d'eux nos Rois
de la troifiéme Race.
Belleforest dans fes Annales , tient que
Robert le Fort Due des François , que le
Roy Charles le Chauve oppoſa aux Danois
ou Normands , étoit Saintongeois d'origine,
& par confequent François naturel , & non
pas Saxon , comme quelques Auteurs l'ont
écrit. Il fonde fon fentiment fur les erreurs
, qu'il pretend qui fe trouvent dans
les anciens Manufcrits , & s'explique ainfi :
les abreviations qui fe rencontrent dans les
anciens Manufcrits , ont caufé de l'erreur
touchant l'origine de Robert le Fort ; car
comme dans les uns il est écrit de cette
forte , Saonici generis vir , & dans les autres
de cette maniere , vir Xnici generis ,
on s'eft trompé dans l'explication de ces
mots , on a cru qu'il falloit lire Saxonici
au lieu de Santonici ou Xantonici avec un
x. comme les Auteurs du moyen âge ont
⚫ écrit
DE MARS 1722 . 6.3
écrit contre l'uſage & la pratique des Anciens.
Il faut demeurer d'accord que l'opinion
de cet Hiftorien eft fort finguliere ; mais
dans fa fingularité elle ne laiffe pas d'avoir
de la probabilité , étant beaucoup plus
naturel de faire defcendre Robert le Fort
des Santons qui devoient leur origine aux
anciens Gaulois , que des Saxons . Car enfin
quelle neceffité y a - t'il d'aller chercher
parmi les Etrangers un fujet pour lui faire
occuper la premiere Dignité de l'Etat ,
tandis que les plus Nobles & les plus
Belliqueux Peuples de l'Univers regnent
en France ? N'eft - ce pas aller contre
toutes les regles de la raifon ? Auffi aprenons-
nous dans l'Hiftoire que Reginon
Adan de Vienne , & Othon de Frigingen ,
quoiqu'intereffés dans ce fait , ne qualifient
nullement ce grand Prince de Saxon
ni d'Etranger. Outre cela , eft-il croyable
que le Roy Charles le Chauve ait voulu
oppoſer aux Danois un Prince Saxon de la
Race de Wdikind , irreconciliable ennemi
de ce Monarque , qui avoit toujours trouvé
fon refuge, & un azile affuré en Dannemarcè
Mais comme cette matiere eft d'une trop
longue difcuffion , & qu'il faudroit une
Differtation en forme pour en traiter à
fonds , nous n'en ditons pas davantage
& nous nous attacherons à faire voir la
diverfité
64 LE MERCURE
diverfité des Seigneurs auxquels la Ville
de Saintes a été affujetie .
Gregoire de Tours dans le fixiéme Livre
de fon Hiſtoire , parle d'un grand Seigneur
nommé Guaddon , qu'il qualifie de
Comte de Saintes , qui vivoit fous le
Regne de Chilperic , & qui fut deputé par
ce Monarque pour aller conduire fa
fille en Espagne. Dans le huitiéme il fait
mention d'un certain Gundefifil furnommé
Dodon , que le Roy Gontrand fit Comte
de Saintes , & enfuite Evêque de Bordeaux.
Aimoin dans le cinquiéme Livre de fon
Hiftoire de France , dit que Charlemagne
fit un nommé Seguin Comte du Bordelois,
& quelques- uns ont penfé qu'il étoit aufli
Comte de la Saintonge , & pere de cer
Huon de Bordeaux dont il eft tant parlé
dans les Romans. Mais l'Hiftoire ne fourait
aucune preuve folide pour appuyer
cette opinion. On trouve feulement que.
fous le Regne des Enfans de Louis le Debonnaire
, il y eut un Seguin qui fut veritablement
Comte du Bordelois & de Saintes
, lequel fut tué par les Danois ou Normands
, qui prirent cette Ville d'affaut l'an
850. la pillerent & la brulérent , comme
nous le dirons bien-tôt.
Aprés la mort de Seguin un nommé
Landry fut Comte de Saintes ; mais il ne
jouit pas long tems de fon Comté ; car il
fut
DE MARS 1722.
65
fut tué en 866. par Emmon Comte d'Angoulême.
Icy les Hiftoriens tombent en
defaut , & n'aflignent aucun fucceffeur à
Landry.
Comme le Duché d'Aquitaine avoit
appartenu à Guillaume Duc de cette Province
, & enfuite à Eleonore fa fille , qui
avoit épousé en premieres nôces le Roy
Louis le Jeune, & en fecondes nôces Henry
II. Roy d'Angleterre , auquel elle porta le
Duché , elle & les Rois d'Angleterre fuivans
, prirent dans les Actes publics la
qualité de Seigneurs de Saintes , comme
faifant partie du Duché d'Aquitaine . ›
Le Roy d'Angleterre furnommé Jeanfans
-Terre en époufant fabeau fille d'Aymar
Comte d'Angoulême lui affigna fon
Douaire fut le Comté de Saintes. Cette
Reine fe maria en fecondes nôces avec
Hugues Comte de la Marche , lequel
abandonna le parti des Anglois , & traita
en 1224. avec le Roy Louis VIII. & dans
le Traité il fut convenu que pour le recompenſer
du Douaire que fa femme avoit
du Roy d'Angleterre fon premier mari ,
qu'il perdoit en embraffant les intereſts de
la France , Sa Majeſté lui Jaifferoit le
le Comté de Saintes qu'il occupoit pour
ledit Douaire.
En 1241. Hugues de Luzignan , fit Foy
& Hommage lige pour le Comté de Saintes
68 LE MERCURE
fa fuperbe Cathedrale qu'ils abbatirent , &
qui depuis ce tems -là n'ont pû être rétablies .
Cependant , quoique faccagée & détruite
tant de fois , elle ne laiffe pas d'être
une des plus jolies villes du Royaume. On
ne peut rien voir de plus beau que fa fituation
. Adoffée à la colline dont il a été
parlé au commencement , elle s'étend en
forme d'amphitheatre jufqu'au bord de la
Riviere de Charente , qui coule majestueufement
entre les murailles & le fauxbourg
appellé des Dames , fitué entre le Nord &
POrient . Au Midi eft celui de Saint Eutrope
, incomparablement plus grand , où
l'on voit une Eglife antique que ce Saint
y fonda , dont la nef eft d'une conftru-
&tion toute finguliere , auffi - bien que fon
clocher , lequel eft bâti de petites pierres
diftinguées par plufieurs branchages , à la
faveur defquels on voit par tout le jour à
à travers. Celui de Saint Vivien eft au
Nord fur un Promontoire , dont le pied
eft arrofé par la Riviere. Le corps de la
Ville n'eft pas grand , & il n'y a rien de
fort remarquable que l'Eglife Cathedrale ,
dont la fondation eft dûe à Charlemagne ;
elle eft une des plus belles du Royaume.
On voit à fon frontifpice une Tour d'une
groffeur immenſe , à laquelle on monte
par deux degrez , dont l'un eſt ancien , &
Pautre moderne ; le premier ne conduit
que
DE MARS 1722.
que jufqu'à la voute de l'Eglife , mais le
fecond va jufqu'au fommet de la Tour par
246 marches. L'Eglife eft dédiée à Saint
Pierre . Son Chapitre eft un des plus celebres
de la Chrétienté ; car outre qu'il
releve immediatement du Saint Siege ,
fans que l'Evêque ait aucune inſpection
directe ni indirecte fur lui , il prend dans
les Actes publics le titre honorable de
Coëpifcopal , en confequence duquel il
donne des Demiffoires , aux Sujets qui le
compofent , pour aller prendre les Ordres
là où il leur plaît , & convoque un Synɔde
tous les ans , pour faire tous les Reglemens
qu'il juge neceffaires touchant la
difcipline ecclefiafti que qui doit êrre obfervée
dans les Eglifes qui font de fa nomination
. Il est composé d'un Doyen , d'un
Archidiacre, d'un Chantre , d'un Ecolâtre,
de vingt- quatre Chanoines , d'onze Vicai
res , & de deux Sous - Chantres du bas
Choeur. L'Evêque pourvoit aux quatre
Dignitez , & le Chapitre aux Canonicats
aux Vicariats & aux Sous - Chantreries .
On ne peut pas parler avec certitude
de l'état ancien de l'Eglite de Saintes , à
cauſe que les Titres furent autrefois enlevez
par les Anglois , ou brulez par les Huguenots
; de forte que par Arreft du Parlement
de Bordeaux , il a été ftatué que
la poffeffion des Ecclefiaftiques leur fervira
1 Vol. Ꭰ de
70 LE MERCURE
de Titres. Malgré cet enlevement & cet
incendie de Titres juftificatifs , pour prouver
l'ancienne fplendeur de cette Eglife ,
.il eft aifé de comprendre qu'il faut qu'elle
ait été très illuftre anciennement , puifque
nonobftant toutes les calamirez qu'elle a
fouffertes , fon Chapitre s'eft maintenu
dans un éclat qui le diftingue fi fort parmi
tous ceux de la Province de Guyenne , &
que l'Evêque jouit actuellement de quantité
de Privileges qui tiennent en quelque
maniere de la Souveraineté ; car outre
qu'il a la Juftice haute , moyenne & baffe
dans les trois quarts de la Ville , & qu'il y
établit un Bailly , il eft auffi en droit de
faire exercer la Jurifdiction Prevôtale ,
tant civile que criminelle fur les Tenanciers
du Roy Couchans & Levans en fon
Chef de la Ville , depuis le jour de faint
Vivien , qui eft le 28. Aouſt , juſqu'au 28
Septembre. Il eft auffi en droit & en poſfeffion
de percevoir fur la vente des Marchandifes
qui le fait dans le diſtrict de Sa
Majefté , pendant les mois d'Aouft & de-
Septembre , les mêmes Impôts que les
Fermiers du Domaine ont accoutumé de
lever pendant les autres dix mois de
l'année.
SAINT JEAN D'ANGELY , appellé
en Latin dans les Chartes Angeriacum ,
Ingeriacum , & Engeriacum , eft une Ville
fort
DE MARS 1722. 71
fort moderne de la Province de Saintonge ,
mais confiderable par fa grandeur , par
fon commerce , & par la richeffe de fes
habitans. Elle eft fituée dans un païs fertile
, & diverfifié en plaines , en côteaux,
en praities , en vignobles , & en terres
labourables , fur la Riviere de Betonme, que
le Prefident de Thon appelle Betona , contre
l'ufage des anciens qui la nomment
Valtona , ou Vultanus. Cette Riviere fe
partage en trois branches , dont l'une paffe
dans le foffé de la Ville , l'autre coule
entre la Ville & le Fauxbourg de Taillebourg
, & fait tourner plufieurs moulins à
poudre , & la troifiéme , qui eft la plus
grande , paffe au bout du Fauxbourg qui
vient d'être nommé , qui eft une Ifle dans
le milieu de la Riviere à laquelle on va
par cinq beaux Ponts de pierre.
Saint Jean d'Angely étoit autrefois un
grand & magnifique Palais , bâti au milieu
d'une vafte foreft nommée Angery , où les
anciens Rois & Ducs d'Aquitaine faifoient
leur fejour ordinaire , comme dans un lieu
très-propre pour la chaffe & pour tous les
agrémens de la vie. Dans ce Palais étoit
une Eglife dediée à Notre - Dame , qui dans
la fuite fut deffervie fous l'invocation de
faint Jean , dont le nom a été communiqué
à la Ville , felon le fentiment du Prefident
de l'Estang , dans fon Hiftoire des
Dij Gaules ,
72
LE
MERCURE

Gaules , & de plufieurs autres Hiftoriens
Pour autorifer leur fentiment ils difent
que l'Empereur Conftantin Copronyme ,
ayant envoyé à Pepin le Bref le chef de
Saint Jean- Baptifte , ce Monarque fit bâti
un celebre Monaftere de l'Ordre de faint
Benoist à Angery , dans lequel il dépo
cette précieuſe Relique , & que depuis ce
temps-là, le lieu d'Angery a été appellé
Saint Jean d'Angery , & par corruption
d'Angely , en changeant une R en L.
Bien des gens ne pouvant le perfuader
qu'un Empereur , qui étoit ennemi declaré
des Reliques des Saints , ait jamais envoyé
le chefde faint Jean au Roy Pepin , nient
cette tradition comme fauffe & apocriphe
A la verité, ils conviennent que Conftantin
Copronyme , au defefpoir de ce que
Pepin avoit donné l'Exarchat de Ravenna
à l'Eglife de Rome , lui envoya des Ambaffadeurs
chargez de riches prefens , pour
le prier de le lui rendre , mais ils nient
formellement que le Chef de Saint Jean fit
partie de ces prefens , en quoi ils paroiffent
être bien fondez , d'autant qu'Aventin
qni dans le troifiéme Livre de fes Annales ,
fait mention de l'Ambaffade que Conftan
tin envoya à Pepin , ne dit pas qu'il lu
envoyât des Reliques , & de ce filence il
concluent que la tradition eft fauffe ; car
difent-ils , fi le Chef de faint Jean eu
fai
DE MARS 1722 . 73
ait partie des prefens que cet Empereur
Grec envoya à Pepin , l'Hiftorien Aventin
l'auroit pas manqué d'en parler , puis qu'en
aifant l'énumeration de ces prefens , il n'oulie
pas de dire qu'il y avoit des Orgnes &
les Inftrumens de Mufique. Ils appellent
ncore à leur fecours Reginon , Sigebert , &
* fçavant Annaliſte Baronius , lefquels en
arlant des évenemens de l'année 766 ,
apportent que Conftantin envoya à Pepin
les prefens dignes de la Majefté Royale ,
armi lefquels ils parlent des Orgues en
tes termes : inter quæ fuit Muficum Orgasum
recens inventum , & gardent un proond
filence fur la précieufe Relique , ce
qui leur donne lieu de nier le fait , ne
leur paroiffant pas probable qu'ils euffent
oublié un prefent de ce prix & fi agreable
au Roy Pepin car encore une fois , dient-
ils , quelle proportion y a - t'il entre
an Inftrument de Mufique & le Chef du
Precurfeur du Sauveur du Monde ? Y a-t'il
a moindre apparence que de fi grands
Auteurs euffent affecté un fi coupable
ilence fur un fujet fi augufte & fi venetable
?
Cependant toutes ces raifons pour fortes
qu'elles foient , n'ont jamais pû détruire
les fentimens ni les fuftrages de l'Antiquité,
qui s'eft expliquée en faveur de l'envoy
du Chef de faint Jean , par la bouche des
Diij Prelats ,
74 LE MERCURE
Prelats , des Princes & des Peuples , qui
ont toujours prononcé des Arrefts favorables
aux Religieux de faint Jean d'Angely,
qu'ils ont regardé comme les dépofitaires
du Chef du Precurfeur du Meffie , & l'Hiftoire
fait foy que le Roy Robert , la Reine
Conftance la femme , Guillaume - Sanche
Roy de Navarre , Sanche Duc de Gafcogne
, Endes II . Comte de Champagne ,
une grande quantité de Princes & de Prelats
, fuivis d'une foule innombrable de
Peuples de France ', d'Efpagne & d'Italie ,
ont été en pelerinage à faint Jean d'Angely
pour y reverer le précieux Chef du
Saint Precurfeur ; ce qui paroît d'un très
grand poids pour impofer filence à ceux
qui combattent les témoignages refpectables
de la venerable Antiquité , dont la
pieufe croyance eft autorifée par la fondation
d'une Eglife que pepin Roy d'Aquitaine
dedia en 837 à la gloire de faint
Jean , avec un celebre Monaftere pour y
entretenir 75 Religieux ; tellement que
s'il n'eft pas prouvé démonſtrativement
que la Ville de faint Jean d'Angely tire
fon nom de l'Eglife qui fut érigée à la
gloire de ce Saint , du moins eft - il d'autant
plus probable qu'elle ne le peut tirer
que de là , qu'aucun Hiftorien n'a pû julqu'à
prefent nous indiquer fon étymologie.
Paffons à l'établiffement & aux progrès
de cette Ville. Saint
"
DE MARS 1722. 75
Saint Jean d'Angely , ainfi qu'il a été
dit , n'étoit dans fon principe qu'un Châreau
ou Palais des Rois d'Aquitaine , autour
duquel on bâtit des maifons , qui formerent
bien- tôt un Bourg , qui fucceffivement
devint une Ville , foit à caufe des
calamitez dont celle de Saintes fut affligée
par la fureur des Sarazins , qui la faccagerent
du temps de Charles Martel , par
les armes victorieufes de Pepin le Bref,
qui la prit du temps de Gaifer , & par les
Normands , qui la pillerent & la brûlerene
en 850 , foit enfin par les frequens miracles
qui s'operoient dans l'Eglife de faint
Jean , qui y attiroient de toutes parts un
nombre incroyable de perfonnes de l'un &
de l'autre fexe.
Il n'eft pas ailé de dire en quel remps
ce lieu prit le titre de Ville , mais il eft
conftant que du temps de Fhilippe Auguſte
il étoit puiffant & confiderable , puis qu'en
1204 ce grand Monarque y établir un
Maire & des Echevins pour y exercer la
Police , & leur accorda les mêmes honneurs
& privileges dont jouiffoient alors
les Magiftrats de la Maifon de Ville de
Rouen.
Pour l'adminiftration de la Juſtice , on
y vit établir un Siege Royal plutôt qu'en
aucune autre Ville de la Province de Saintonge,,
ce qui marque que cette Ville étoit
Diiij d'une
76
LE
MERCURE
-d'une grande confequence lors que nos
Rois commencerent à chaffer les Anglois
de l'Aquitaine ; & l'on ne fçauroit difconvenir
que dès que Philippe Auguſte n'établit
la Senéchauffée de la Province de
Saintonge à faint Jean d'Angely , en l'an
1190 , qui eft le temps auquel il rendit
fedentaires les Baillifs , au lieu qu'auparavant
ils étoient Ambulatoires . Par le Traité
qui fut fait entre faint Louis & Heny III .
Roy d'Angleterre , le Siege de la Juftice
demeura à Saint Jean d'Angely , & la Jurifdiction
de la Ville de Saintes lui fut foumife
, ce qui prouve que pour lors le titre
de Capitale de la Saintonge lui fut accordé ,
c'est pourquoi en 1331 le Roy Philippe'
de Valois unit & annexa inféparablement
cette Ville à la Couronne , avec toutes les
appartenances , dépendances , dépendances , droit de
Juftice & Reffort , fans qu'elle en pût
jamais être feparée ni tranſportée à d'autre
fous quelque pretexte & raifon que ce
pût être , comme il paroît par de nouvelles
Lettres Patentes qu'il fit expedier
dix ans après. Il eft vrai que les affaires
du Royaume ayant été reduites à un état
déplorable , par la prife du Roy Jean , les
Anglois s'emparerent de faint ean d Angely
, en confequence du Traité fait à Calais
le 24 Octobre 1360 ; mais comme
leur domination étoit injufte & tyrannique
DE MARS 1722 . 77
que , un Gentilhomme nommé Cumont ,
fe mit à la tête des principaux Habitans
& en chaffa les Anglois en 1372 , après
un rude & fanglant combat , dont le Roy
Charles V. futfi reconnoiffant , qu'il accorda
à ces illuftres Habitans les mêmes
Droits & Privileges de Nobleffe , qu'avoient
ceux de la Ville d'Abbeville , comme
il paroît par fes Lettres Patentes expediées
au Château du Louvre le 9 Novem
bre de la même année . Ces beaux Privileges
furent confirmez par Charles VI ,
Charles VII , & Louis XI.
Pendant les guerres civiles qui déchirerent
la France après la mort d'Henri III .
cette Ville fut donnée pour fureté aux Religionaires
, dont elle devint le plus fort
rempart. C'est là qu'ils établirent une
Chambre de Justice pour y décider leurs
plus importantes affaires. Le fecond Prince
de Condé y mourut , & fon fils y nâquit ,
& y fut élevé. L'irreligion & la revolte s'y
unirent de concert , pour faire tête au Prince
, qui par les loix de la nature & de
P'Etat étoit appellé à la fucceffion de la
Couronne. L'independance y regna avec
tant d'obſtination , que fi le Ciel ne fe
fût pas declaré pour les armes d'Henri
IV, ce grand Roy auroit bien eu de la peine
à en triompher. Dix ans après la mort de
ce Monarque, les Calviniftes fe revolterent
Dy de
LE MERCURE
& dans le feptiéme il ajoute qu'ils étoient
fi confiderés dans les Gaules , que s'étant
revoltés dans la fuite , ils furent appellés
dans une Affemblée generale , où il fut
deliberé qu'on declareroit la guerre aux
Romains. Pline dans le Chapitre xix. du
IV. Livre de fon Hiftoire Naturelle , dit
la même choſe. Mais rien ne marque tant
la haute reputation de ces Peuples , que
P'honneur que leur font de graves Hiftoriens
, en faiſant defcendre d'eux nos Rois
de la troifiéme Race.
Belleforest dans fes Annales , tient que
Robert le Fort Due des François , que le
Roy Charles le Chauve oppofa aux Danois
ou Normands , étoit Saintongeois d'origine,
& par confequent François naturel , & non
pas Saxon , comme quelques Auteurs l'ont
écrit . Il fonde fon fentiment fur les erreurs
, qu'il pretend qui fe trouvent dans
les anciens Manufcrits , & s'explique ainfi :
les abreviations qui fe rencontrent dans les
anciens Manufcrits , ont caufé de l'erreur
touchant l'origine de Robert le Fort ; car
comme dans les ans il est écrit de cette
forte , Saonici generis vir , & dans les autres
de cette maniere , vir Xnici generis ,
on s'eft trompé dans l'explication de ces
mots , on a cru qu'il falloit lire Saxonici
au lieu de Santonici ou Xantonici avec un
x. comme les Auteurs du moyen âge ont
• écrit
DE MARS 1722. 6.3
écrit contre l'ufage & la pratique des Anciens.
Il faut demeurer d'accord que l'opinion
de cet Hiftorien eft ført finguliere ; mais
dans fa fingularité elle ne laiffe pas d'avoir
de la probabilité , étant beaucoup plus
maturel de faire defcendre Robert le Fort
des Santons qui devoient leur origine aux
anciens Gaulois , que des Saxons . Car enfin
quelle neceffité y a - t'il d'aller chercher
parmi les Etrangers un fujet pour lui faire
occuper la premiere Dignité de l'Etat
tandis que les plus Nobles & les plus
Belliqueux Peuples de l'Univers regnent
en France ? N'est - ce pas aller contre
toutes les regles de la raifon ? Auffi aprenons-
nous dans l'Hiftoire que Reginon ,
Adan de Vienne , & Othon de Frigingen ,
quoiqu'intereffés dans ce fait , ne qualifient
nullement ce grand Prince de Saxon
ni d'Etranger. Outre cela , eft- il croyable
que le Roy Charles le Chauve ait voulu
oppofer aux Danois un Prince Saxon de la
Race de Wdikind , irreconciliable ennemi
de ce Monarque , qui avoit toujours trouvé
fon refuge, & un azile affuré en Dannemarcè
Mais comme cette matiere eft d'une trop
longue difcuffion , & qu'il faudroit une
Differtation en forme pour en traiter à
fonds , nous n'en ditons pas davantage ,
& nous nous attacherons à faire voir la
diverfité
64 LE MERCURE
diverfité des Seigneurs auxquels la Ville
de Saintes a été affujetie.
Gregoire de Tours dans le fixiéme Livre
de fon Hiſtoire , parle d'un grand Seigneur
nommé Guaddon , qu'il qualifie de
Comte de Saintes , qui vivoit fous le
Regne de Chilperic , & qui fut deputé par
ce Monarque pour aller conduire fa
fille en Espagne . Dans le huitiéme il fait
mention d'un certain Gundefifil furnommé
Dodon , que le Roy Gontrand fit Comte
de Saintes , & enſuite Evêque de Bordeaux.
Aimoin dans le cinquiéme Livre de fon
Hiftoire de France , dit que Charlemagne
fit un nommé Seguin Comte du Bordelois,
& quelques-uns ont penfé qu'il étoit aufli
Comte de la Saintonge , & pere de cer
Huon de Bordeaux dont il eft tant parlé
dans les Romans. Mais l'Hiftoire ne fourait
aucune preuve folide pour appuyer
cette opinion. On trouve feulement que.
fous le Regne des Enfans de Louis le Debonnaire
, il y eut un Seguin qui fut veritablement
Comte du Bordelois & de Saintes
, lequel fut tué par les Danois ou Normands
, qui prirent cette Ville d'affaut l'an
850. la pillerent & la brulérent , comme
nous le dirons bien-tôt.
Aprés la mort de Seguin un nommé
Landry fut Comte de Saintes ; mais il ne
jouit pas long tems de fon Comté ; car il
fuc
DE MARS 1722.
65
fut tué en 866. par Emmon Comte d'Angoulême.
Icy les Hiftoriens tombent en
defaut , & n'affignent aucun fucceffeur à
Landry.
Comme le Duché d'Aquitaine avoit
appartenu à Guillaume Duc de cette Province
, & enfuite à Eleonore fa fille , qui
avoit épousé en premieres nôces le Roy
Louis le Jeune, & en fecondes nôces Henry
II. Roy d'Angleterre , auquel elle porta le
Duché , elle & les Rois d'Angleterre fuivans
, prirent dans les Actes publics la
qualité de Seigneurs de Saintes , comme
faifant partie du Duché d'Aquitaine.
7
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Le Roy d'Angleterre furnonimé Jeanfans
-Terre en époufant fabeau fille d'Aymar
Comte d'Angoulême lui affigna fon
Douaire fut le Comté de Saintes. Cette
Reine fe maria en fecondes nôces avec
Hugues Comte de la Marche , lequel
abandonna le parti des Anglois , & traita
en 1224. avec le Roy Louis VIII . & dans
le Traité il fut convenu que pour le recompenfer
du Douaire que fa femme avoit
du Roy d'Angleterre fon premier mari ,
qu'il perdoit en embraffant les intereſts de
la France , Sa Majesté lui laifferoit le
le Comté de Saintes qu'il occupoit pour
ledit Douaire.
En 1241. Hugues de Luzignan , fit Foy
& Hommage lige pour le Comté de Saintes
46 MERCURE LE
ses à Alfonfe Comte de Poitiers & fere
du Roy Saint Louis.
L'année fuivante il fut fait un Traité
entre le Roy Saint Louis , ledit Alfonfe
fon frere , Hugues de Luzignan , & ladite
Isabeau la femme , par lequel il eft dit expreffément
que toutes les Terres conquiles
par le Roy fur Hugues , feroient acquifes
à la Couronne dans l'énumeration de ces
፡፡
terres il eft fait mention de la Ville de
Saintes.
Dans la fuite, aprés plufieurs revolutions,
elle fut cedée aux Anglois par le Traité qui
fut conclu à Bretigny en 1360. Charles V
donna cette Ville à Jean Duc de Berry fon
frere , & Charles VI confirma cette donation
, à condition qu'aprés que ce Prince
l'auroit conquife , & qu'il en feroit paifible
poffeffeur , il rendroit à Sa Majesté le
Comté de Macon avec 4000 livres de rente
fur le Comté d'Angoulême , ce qui fut executé.
Mais quelque tems aprés , ce Monarque
la retira des mains du Duc , & la
réunit au Domaine Royal le 8 Septembre
de l'année 1374 , moyennant 40000 liv.
qu'il lui donna : mais comme ce que le
Duc cedoit au Roy fut évalué 200000 liv.
Sa Majesté lui paya 80000 liv. en argent ,
& lui ceda les Hôtels de Mefle & du Val
de la Reine.
En 1428 Charles VII donna la Ville de
Saintes
DE MARS 1722. 67
Saintes àJacques Roy d'Ecoffe , en Pairie
de France en faveur de ce Prince.
Enfin , le dernier qui a porté la qualité
de Comte de Saintes fat Charles de France,
auquel le Roy Louis XI fon frere donna en
1460 le Duché de Guyenne & le Comté
de Saintes pour fon appanage ; mais ce
Prince étant mort fans pofterité , cette Ville
fut réunie à la Couronne , & depuis ce
tems- là elle n'en a pas été feparée.
Saintes a perdu beaucoup de fon ancienne
fplendeur à caufe des divers maux ,
qu'elle a foufferts en differens temps. En
premier lieu , l'Armée de Clovis y fit de
grands ravages , après que ce vaillant Monarque
cut vaincu les Goths. En fecond
lieu , les Sarrazins établis en Espagne y
laifferent des marques horribles de leur fureur
& de leur impieté à deux repriſes. En
760 , le Roy Pepin l'accabla en pourſuivant
Gaifer & toute la famille , de la
quelle il avoit été cruellement infulté ,
comme il a été dit dans l'article de Bordeaux
. Mais la plus grande calamité à laquelle
elle ait été expofée , c'eſt celle
qu'elle fouffrit de la part des Normands ,
qui en 850 la pillerent , la brulerent &
la détruifirent de fond en comble , & pour
comble de difgrace dans le XVIe fiecle ,
les Religionaires y firent des defordres
inouis , comme il paroît par les voutes de
12
68 LE MERCURE
fa fuperbe Cathedrale qu'ils abbatirent , &
qui depuis ce tems- là n'ont pû être rétablies .
Cependant , quoique faccagée & détruite
tant de fois , elle ne laiffe pas d'être
une des plus jolies villes du Royaume. On
ne peut rien voir de plus beau que fa fituation
. Adoffée à la colline dont il a été
parlé au commencement , elle s'étend en
forme d'amphitheatre jufqu'au bord de la
Riviere de Charente , qui coule majestueufement
entre les murailles & le fauxbourg
appellé des Dames , fitué entre le Nord &
POrient. Au Midi eft celui de Saint Eu-'
trope , incomparablement plus grand, où
l'on voit une Eglife antique que ce Saint
y fonda , dont la nef eft d'une conftru-
&tion toute finguliere , auffi - bien que fon
clocher , lequel eft bâti de petites pierres.
diftinguées par plufieurs branchages , à la
faveur defquels on voit par tout le jour à
à travers. Celui de Saint Vivien et au
Nord fur un Promontoire , dont le pied
eft arrofé par la Riviere. Le corps de la
Ville n'eft pas grand , & il n'y a rien de
fort remarquable que l'Eglife Cathedrale
dont la fondation eft dûe à Charlemagne ;
elle eft une des plus belles du Royaume.
On voit à fon frontifpice une Tour d'une
groffeur immenfe , à laquelle on monte
par deux degrez , dont l'un eft ancien , &
Pautre moderne ; le premier ne conduit
que
1
1
1
DE MARS 1722 . 29
"
que jufqu'à la voute de l'Eglife , mais le
fecond va jufqu'au fommet de la Tour par
246 marches. L'Eglife eft dédiée à Saint
Pierre. Son Chapitre eft un des plus celebres
de la Chrétienté ; car outre qu'il
releve immediatement du Saint Siege ,
fans que l'Evêque ait aucune infpection
directe ni indirecte fur lui , il prend dans
les Actes publics le titre honorable de
Coëpifcopal , en confequence duquel il
donne des Demiffoires , aux Sujets qui le
compofent , pour aller prendre les Ordres
là où il leur plaît , & convoque un Syno
de tous les ans , pour faire tous les Reglemens
qu'il juge neceffaires touchant la
difcipline eccléfiaftique qui doit êrre obfervée
dans les Eglifes qui font de fa nomination.
Il est compofé d'un Doyen , d'un
Archidiacre, d'un Chantre , d'un Ecolâtre,
de vingt - quatre Chanoines , d'onze Vicai
res , & de deux Sous- Chantres du bas
Choeur. L'Evêque pourvoit aux quatre
Dignitez , & le Chapitre aux Canonicats
aux Vicariats & aux Sous- Chantreries.
On ne peut pas parler avec certitude
de l'état ancien de l'Eglife de Saintes , à
cauſe que les Titres furent autrefois enlevez
par les Anglois , ou brulez par les Hu
guenots ; de forte que par Arreft du Parlement
de Bordeaux , il a été ftatué que
La poffeffion des Ecclefiaftiques leur fervira
1 Vol. D de
70 LE MERCURE
de Titres. Malgré cet enlevement & cet
incendie de Titres juftificatifs , pour prouver
l'ancienne fplendeur de cette Eglife ,
.il eft ailé de comprendre qu'il faut qu'elle
ait été très illuftre anciennement , puifque
nonobſtant toutes les calamirez qu'elle a
fouffertes , fon Chapitre s'eft maintenu
dans un éclat qui le diftingue fi fort parmi
tous ceux de la Province de Guyenne , &
que l'Evêque jouit actuellement de quantité
de Privileges qui tiennent en quelque
maniere de la Souveraineté ; car outre
qu'il a la Juftice haute , moyenne & baffe
dans les trois quarts de la Ville , & qu'il y
établit un Bailly , il eft auffi en droit de
faire exercer la Jurifdiction Prevêtale ,
tant civile que criminelle fur les Tenanciers
du Roy Couchans & Levans en fon
Chef de la Ville , depuis le jour de faint
Vivien , qui eft le 28 Aouft , jufqu'au 28
Septembre. Il eft auffi en droit & en poffeffion
de percevoir fur la vente des Marchandifes
qui fe fait dans le diſtrict de Sa
Majeſté , pendant les mois d'Aouft & de
Septembre , les mêmes Impôts que les
Fermiers du Domaine ont accoutumé de
lever pendant les autres dix mois de
l'année .
SAINT JEAN D'ANGELY , appellé
en Latin dans les Chartes Angeriacum ,
Ingeriacum , & Engeriacum , eft une Ville
fort

DE MARS 1722. 71'
fort moderne de la Province de Saintonge ,
mais confiderable par fa grandeur , par
fon commerce , & par la richeffe de fes
habitans. Elle eft fituée dans un païs fertile
, & diverfifié en plaines , en côteaux ,
en prairies , en vignobles , & en terres
labourables , fur la Riviere de Betonne, que
le Prefident de Thou appelle Betona , contre
l'ufage des anciens qui la nomment
Vultona , ou Vultanus . Cette Riviere fe
partage en trois branches , dont l'une paffe
dans le foffé de la Ville , l'autre coule
entre la Ville & le Fauxbourg de Taillebourg
, & fait tourner plufieurs moulins à
poudre , & la troifiéme , qui eft la plus
grande , paffe au bout du Fauxbourg qui
vient d'être nommé , qui eſt une Ifle dans
le milieu de la Riviere à laquelle on va
par cinq beaux Ponts de pierre.
Saint fean d'Angely étoit autrefois un
grand & magnifique Palais , bâti au milieu
d'une vaste foreft nommée Angery , où les
anciens Rois & Ducs d'Aquitaine faifoient
leur fejour ordinaire , comme dans un lieu
très-propre pour la chaffe & pour tous les
agrémens de la vie . Dans ce Palais étoit
une Eglife dediée à Notre- Dame , qui dans
la fuite fut deffervie fous l'invocation de
faint Jean , dont le nom a été communiqué
à la Ville , felon le fentiment du Prefident
de l'Estang , dans fon Hiftoire des
Dij Gaules
72 . LE
MERCURE
Gaules , & de plufieurs autres Hiftoriens.
Pour autorifer leur fentiment ils difent
que l'Empereur Conftantin Copronyme ,
ayant envoyé à Pepin le Bref le chef de
Saint Jean- Baptifte , ce Monarque fit bâtir
un celebre Monaftere de l'Ordre de faint
Benoit à Angery , dans lequel il dépofa
cette précieuſe Relique , & que depuis ce
temps-là, le lieu d'Angery a été appellé
Saint Jean d'Angery , & par corruption
d'Angely , en changeant une R en L.
Bien des gens ne pouvant fe perfuader
qu'un Empereur , qui étoit ennemi declaré
des Reliques des Saints , ait jamais envoyé
le chefde faint Jean au Roy Pepin , nient
cette tradition comme fauffe & apocriphe
A la verité, ils conviennent que Conftantin
Copronyme , au defefpoir de ce que
Pepin avoit donné l'Exarchat de Ravenner
à l'Eglife de Rome , lui envoya des Ambaffadeurs
chargez de riches prefens , pour
le prier de le lui rendre , mais ils nient
formellement que le Chef de faint Jean fit
partie de ces prefens , en quoi ils paroiffent
être bien fondez , d'autant qu'Aventin ,
qni dans le troifiéme Livre de les Annales ,
fait mention de l'Ambaffade que Conftantin
envoya à Pepin , ne dit pas qu'il lui
envoyât des Reliques , & de ce filence ils
concluent que la tradition eft fauffe ; car
difent-ils , fi le Chef de faint Jean eût
fait
DE MARS 1722 . 73
fait partie des prefens que cet Empereur
Grec envoya à Pepin , l'Hiftorien Aventin
'auroit pas manqué d'en parler , puis qu'en
faifant l'énumeration de ces prefens, il n'oublie
pas de dire qu'il y avoit des Orgues &
des Inftrumens de Mufique . Ils appellent
encore à leur fecours Reginon , Sigebert , &
le fçavant Annaliſte Baronius , lefquels en
parlant des évenemens de l'année 766 ,,
rapportent que Conftantin envoya à Pepin
des prefens dignes de la Majefté Royale ,
parmi lefquels ils parlent des Orgues en
ces termes inter que fuit Muficum Orga-
Anum recens inventum , & gardent un profond
filence fur la précieufe Relique , ce
qui leur donne lieu de nier le fait , ne
leur paroiffant pas probable qu'ils euffent
oublié un prefent de ce prix & fi agreable
au Roy Pepin car encore une fois ,
fent- ils , quelle proportion y a- t'il entre
un Inftrument de Mufique & le Chef du
Precurfeur du Sauveur du Monde ? Y a-t'il
la moindre apparence que de fi grands
Auteurs euffent affecté un fi coupable
filence fur un fujet fi augufte & fi vene-
'rable ?
di-
Cependant toutes ces raifons pour fortes
qu'elles foient , n'ont jamais pû détruire
' les fentimens ni les fuffrages de l'Antiquité,
qui s'eft expliquée en faveur de l'envoy
du Chef de faint Jean , par la bouche des
Diij Prelats ,
74 LE MERCURE
Prelats , des Princes & des Peuples , qui
ont toujours prononcé des Arrefts favorables
aux Religieux de faint Jean d'Angely,
qu'ils ont regardé comme les dépofitaires
du Chef du Precurfeur du Meffie , & l'Hiftoire
fait foy que le Roy Robert , la Reine
Conftance la femme , Guillaume - Sanche
Roy de Navarre , Sanche Duc de Gafcogne
, Endes II . Comte de Champagne ,
une grande quantité de Princes & de Prelats
, fuivis d'une foule innombrable de
Peuples de France', d'Efpagne & d'Italie ,
ont été en pelerinage à faint Jean d'Angely
pour y reverer le précieux Chef du
Saint Precurfeur ; ce qui paroît d'un très
grand poids pour impofer filence à ceux
qui combattent les témoignages refpecta
bles de la venerable Antiquité , dont la
pieuſe croyance eft autorifée par la fondation
d'une Eglife que pepin Roy d'Aquitaine
dedia en 837 à la gloire de faint
Jean , avec un celebre Monaftere pour y
entretenir 75 Religieux ; tellement que
s'il n'eft pas prouvé démonftrativement
que la Ville de faint Jean d'Angely tire
fon nom de l'Eglife qui fut érigée à la
gloire de ce Saint , du moins eft- il d'au
tant plus probable qu'elle ne le peut tirer
que de là , qu'aucun Hiſtorien n'a pû julqu'à
prefent nous indiquer fon étymologie.
Paffons à l'établiffement & aux progrès
de cette Ville. Saint
DE MARS 1722. 75
Saint Jean d'Angely , ainfi qu'il a été
dit , n'étoit dans fon principe qu'un Château
ou Palais des Rois d'Aquitaine , autour
duquel on bâtit des maifons , qui formerent
bien-tôt un Bourg , qui fucceffivement
devint une Ville , foit à caufe des
calamitez dont celle de Saintes fut affligée
par la fureur des Sarazins , qui la faccagerent
du temps de Charles Martel , par
les armes victorieufes de Pepin le Bref,
qui la prit du temps de Gaifer , & par les
Normands , qui la pillerent & la brûlerene
en 850 , foit enfin par les frequens miracles
qui s'operoient dans l'Eglife de faint
Jean , qui y attiroient de toutes parts un
nombre incroyable de perfonnes de l'un &
de l'autre fexe.
Il n'eft pas ailé de dire en quel temps
ce lieu prit le titre de Ville , mais il eſt
conftant que du temps de Fhilippe Auguſte
il étoit puiffant & confiderable , puis qu'en
1204 ce grand Monarque y établir un
Maire & des Echevins pour y exercer la
Police , & leur accorda les mêines honneurs
& privileges dont jouiffoient alors
les Magiſtrats de la Maifon de Ville de
Rouen.
Pour l'adminiſtration de la Juſtice , on
y vit établir un Siege Royal plutôt qu'en
aucune autre Ville de la Province de Saintonge,,
ce qui marque que cette Ville étoit
Diiij d'une
76 LE MERCURE
d'une grande confequence lors que nos
Rois commencerent à chaffer les Anglois
de l'Aquitaine ; & l'on ne fçauroit difconvenir
que dès que Philippe Augufte n'établit
la Senéchauffée de la Province de
Saintonge à Saint Jean d'Angely , en l'an
1190 , qui eft le temps auquel il rendit
fedentaires les Baillifs , au lieu qu'auparavant
ils étoient Ambulatoires . Par le Traité
qui fut fait entre faint Louis & Heny III.
Roy d'Angleterre , le Siege de la Juſtice
demeura à faint Jean d'Angely , & la Jurifdiction
de la Ville de Saintes lui fut foumife
, ce qui prouve que pour lors le titre
de Capitale de la Saintonge lui fut accordé ,
c'est pourquoi en 1331 le Roy Philippe
de Valois unit & annexa inféparablement
cette Ville à la Couronne , avec toutes les
appartenances , dépendances , droit de
Juftice & Reffort , fans qu'elle en pût
jamais être feparée ni tranſportée à d'autre
fous quelque pretexte & raiſon que ce
pût être , comme il paroît par de nouvelles
Lettres Patentes qu'il fit expedier
dix ans après . Il eft vrai que les affaires
du Royaume ayant été reduites à un état
déplorable , par la prife du Roy Jean , les
Anglois s'emparerent de faint ean d'Angely
, en confequence du Traité fait à Ca--
lais le 24 Octobre 1360 ; mais comme
leur domination étoit injufte & tyrannique
DE MARS 1722. 77
que , un Gentilhomme nommé Cumont ,
fe mit à la tête des principaux Habitans
& en chaffa les Anglois en 1372 , après
un rude & fanglant combat , dont le Roy
Charles V. fut fi reconnoiffant , qu'il accorda
à ces illuftres Habitans les mêmes
Droits & Privileges de Nobleffe , qu'avoient
ceux de la Ville d'Abbeville , comme
il paroît par fes Lettres Patentes expediées
au Château du Louvre le 9 Novem
bre de la même année . Ces beaux Privileges
furent confirmez par Charles VI ,
Charles VI , & Louis XI.
-
Pendant les guerres civiles qui déchirerent
la France après la mort d'Henri III .
cette Ville fut donnée pour fureté aux Religionaires
, dont elle devint le plus fort
rempart. C'est là qu'ils établirent une
Chambre de Juſtice pour y décider leurs
plus importantes affaires. Le fecond Prince
de Condé y mourut , & fon fils y nâquit ,
& y fut élevé. L'irreligion & la revolte s'y
unirent de concert , pour faire tête au Prince
, qui par les loix de la nature & de
P'Etat étoit appellé à la fucceffion de la
Couronne. L'independance y regna avec
tant d'obftination , que fi le Ciel ne fe
fût pas declaré pour les armes d'Henri
IV, ce grand Roy auroit bien eu de la peine
à en triompher. Dix ans après la mort de
ce Monarque, les Calviniftes fe revolterent
Dy de
78 LE MERCURE
de nouveau , & le rendirent maîtres de
cette Place , & Benjamin de Soubise en fat
fait Gouverneur ; de forte que le Roy
Louis XIIIfut obligé de l'affieger , & de la
reduire à fon obéiffance le jour de la Saint-
Jean-Baptifte de l'année 1611 , après fig
femaines de tranchée ouverte. Il en fit rafer -
les fortifications , & voulut qu'à l'avenie -
elle fût privée du titre de Ville , en puni
tion de fa defobéiffance , & qu'elle fût
appellée Bourg - Louis ; neanmoins comme
il n'y a jamais eu de Declaration dans les
formes qui ordonnât cette degradation , ni
cette tranfmutation de nom , elle a toujours
porté celui de Saint- Jean d'Angely
mais elle a efté déchue de fes privileges .
·
Elle jouit d'une Coutume particuliere
redigée en forme de Loi par l'autorité du
Prince ; en quoy elle eft plus privilegiée
que la Ville de Saintes , qui n'a qu'une
Ufance de tolerance fujette à un cahos de
difficultez & d'explications.
2
Par ce qui a été dit au commencement
left aifé de comprendre que Saint Jean
d'Angely ne peut être qu'une Ville trèsagreable
, quoiqu'il ne refte de fon ancien
He fplendeur que quatre piliers de fort
Eglife primitive , capables de demontrer
aux connoiffeurs qu'avant fa deftruction ,
ellé a dû eftre une des plus grandes & des
plus fuperbes Eglifes du Royaume. L'Abª ·
baye
DE MARS 1722 . 79
baye eft prefentement en Commande , &
eft poffedée actuellement par l'Evêque de
Bayonne. Il y a une Communauté de Moines
de la Congregation de Saint Maur, qui
font au nombre de cinquante .
C'eſt une des meilleurs Villes de la Province
de Guyenne , à caufe du commerce
qui s'y fait par le moyen de la Riviere
de Boutonne , qui commence à être navigable
en cet endroit - là , & y forme un bon
Port , où on charge fur de grands Bateaux
les denrées de la Province , qui conſiſtent
en bleds , vins & eaux- de - vie , qui de là
font portez dans la Charante, & de la Cha
rante à la Mer.
Lettre écrite d'Amiens le 18 Fevrier 1712 .
J
E ne fçai , Meffieurs , fi c'eſt un tour
du Pays que Meffieurs d'Evreux veulent
jouer au public , en nous fervant un plat
de poiffon durant le Carnaval ; en tout
cas , puifque nous voici en Carême , je
fais droit avec plaifir fur celui qu'ils nous
ont prefenté , & foit qu'ils prient de bonne
foy le public d'expliquer l'Enigme qu'ils
trouvent dans la Chronique manufcrite du
Bec, ou non, j'auray le plaifir de vous
marquer ici ce que j'en penſe ; auffi bien
les Picards ont été de tout tems dans le
goût de parcils rébus , & le ftile eft de no-
D vj the
80.. LE MERCURE
tre competence. Mon opinion eft que la
date en queftion eft l'année mil trois cent
trente quatre ; & voici mon explication .
Prends la tête d'un Maquerel.
La tête d'un Maquerel eft la lettre M ,
parce que c'eft la lettre initiale de ce mot.
Voici d'abord un mille de trouvé ; par
la
même raiſon , Chien , Congre & Carpel
me donnent trois fois la lettre C , lefquelles.
lettres font en Chiffre Romain trois cens :
les fix Vives valent fix V , faifant trente ,.
& les quatre Iftres , quatre I , valeur de
quatre. Ainfi en joignant les lettres je
trouve MCCCVVVVVVIII , ou fi vous
voulez , MCCCXXXIIII , en joignant
les V par la pointe . J'aurois bien du plaifir
, fi j'étois affez heureux pour avoir appris
à compter à Meffieurs les Normands..
Je fuis , Meffieurs , &c..
Extrait d'une Lettre écrite aux Auteurs:
du Mercure , fur l'origne des Chiffres.
Romains.
E fuis perfuadé , Meffieurs , que Meffieurs
les Chanoines d'Evreux n'ont pas
eu de peine à déchifrer l'Enigme qu'ils
vous propofent , & qu'ils ne vous l'ont
envoyée que pour embaraffer quelquesuns
de vos Lecteurs . J'ai trop bonne opinion
de leur capacité , pour croire qu'un
jeu
DE MARS 1722. 81
"
jeu de lettres ou de mots les ait arrêtez
& qu'ils n'ayent pas d'abord connu que
Geufrey Faë devoit avoir quitté l'Abbaye
du Bec, pour être Evêque d'Evreux , le premier
Avril de l'année M. CCCXXXIIII ,
qui et l'époque que l'on demande , &
que je fuis für que vous avez connue du
premier coup d'oeil .
Permettez-moi , Meffieurs , de faire fur
ce fujet une legere differtation touchant
l'origine du Chifre Romain , en faveur de
ceux qui l'ignorent. On met I pour un ;
II pour 2 ; III pour trois ; & IIII pour
quatre parce que cela reprefente les
quatre doigts de la main , fur lefquels on
a coutume de compter : 'V , qui vaut 5 ,
eft marqué par le cinquiéme doigt , qui
eft le pouce , lequel étant ouvert avec le
doigt index , forme un V. Deux V joints
par la pointe font un X , c'eft pourquoi
I'x vaut dix. Il y a une autre raiſon pour
laquelle on met un D pour foo ; une L
pour so ; un C pour 100 , & une M pour
1000 , comme auffi cio pour 1000 ,
I pour 500.
&
Cela vient de ce qu'anciennement on
formoit une M * comme fi un I avoit une
anfe de chaque côté , ce qui a été feparé ·
avec le tems en trois parties en cette forte
co, de maniere que c'est toujours l'M
* Ainfi Cl
qui
82 LE MERCURE
i
qui fignifie 1000 , parce que c'eft la pre
miere lettre du mot latin Mille , & le Dou
1 vaur foo , parce qu'il eft la moitié de
cio ancienne . L vaut fo, étant la moitié…
du C ancien qui valoit 100 , à caufe que
c'eft la premiere lettre de Centum , & que
les Anciens faifoient leur C comme un E ,
qui n'avoit pas de barre au milieu , & le
formoient ainfi E ; de forte que le coupant
en deux , la moitié forme une L , qui
vaut fo.
Voila , Meffieurs , ce que j'ai lû dans le
Trefor des Recherches & Antiquitez Gau-
Joifes & Françoifes de P. Borel , Confeiller
& Medecin ordinaire du Roy , imprimé à
Paris en 1655 , vol. in 4°, page 9f .
Les Continuateurs de Moreri , qui ne
s'expliquent pas auffi clairement que Borel
fur le Chifre c1o , ajoutent que l'on croit
qu'on a commencé à compter par cesfigures
du tems des Sarrazins , que Planude qui
vivoit fur la fin du douziéme fiecle , eft le
prémier des Chrétiens qui fe foit fervi de
chiffre , & qu'il y a apparence felon Laurent
Valle , que les chiffres ont été inventez
par les Orientaux , parce que dans les
Chiffres on commence à fupputer du côté
droit , en tirant vers la gauche , ce qui
étoit en ufage dans tout l'Orient , parmi
les Hebreux , les Caldeens , Syriens ,
Egyptiens , &c. Outre que les Indiens fe
fervent
DE MARS 1722.
83
fervent encore des mêmes caracteres qu'on
fait ici , pour marquer les Chiffres . Nicod
derive ce mot de l'Hebreu sephira ,
qui fignifie Nombre , ou de Saphar , numeravit
, & croit que par raifon de l'étymologie
, il faudroit écrire Sifre. Je fuis ,
& c.
Ce dernier article pris du Dictionnaire
Hiftorique , ne nous paroît pas exact , fur
tout pour ce qui regarde les Indiens , lefquels
ont en general des caracteres bien
differens de ceux que nous emploions ,
pour marquer les chiffes ordinaires.
Les Mouchettes , la Pelote & le Biribi ,
font les mots des Enigmes du dernier
Mercure.
R? *粥粥光: 粥諾諾粥粥粥粥粥業
CB
PREMIERE ENIGME.
E n'eſt pas la grandeur qui me donne un
merité ,
Car ma naiffance eft vile & ma taille petites
Je prêche une utile leçon
A l'homme qui me mépriſe ,
Sans avoir d'un Docteur ni la voix nile ton ,
Cependant je lui fuis foumife.
SECONDE
84
LE MERCURE
SECONDE ENIGM E.
J'Ay grand ou petit oeil ,
J'enfle fans nul orgueil ;
Je rends ce qu'on me donne , & ne fuis pas
ingrate ,
Il eft vray qu'il faut me preffer.
Lorfque prés d'une Belle on me voit m'avancer
Je fais bien du chemin & n'ay ni pied ni patte
Maris jaloux ,
Tirans des Dames ,
J'ay profqu'autant de droit que vous ,
Vous me fouffrez cependant fans couroux
A la toilette de vos femmes .
AIR
Sur le futur Mariage du Roy de
l'infante d'Espagne.
CHantés , Bergers , chantés , celebrés ce
beau jour ,
L'Himen à fon pouvoir va foumettre l'Amour.
Un jeune Lys né fur les bords du Tage
Vient de la Seine embellir le rivage.
Hebé dans fes jardins fleuris
N'a jamais vû de fleur fi belle ,
Sans ceffe les Jeux & les Ris
Enchantés volent autour d'elle.
Chantés , Bergers , &c .
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L'EGLISE ET LE COLLEGE DE LA
SAPIENCE DE ROME , celcbre Ouvrage
d'Architecture du Cavalier Francesco Boramino
, avec les vûës en perfpective , lest
proportions Géometriques , Plans , Elevations
& coupes , gravez fur les originaux
de l'Auteur , & dédiez au Pape Clement
XI. A Rome 1720. chez Sebaſtien Giannini
, dans la Place Navonne.
Tout cet ouvrage confifte en so Planches
, gravées partie à l'eau forte , & retouchées
au burin , & partie au burin ſeul .
On y a auffi gravé les explications du
commencement du progrès & de l'achevement
de cet édifice , une ample Table des
Eftampes , le portrait du Card. Boromino,
&c. & une maniere de raffembler dix de
ces Eftampes pour en former en grand la
façade de l'Eglife depuis la croix juſqu'au
rez de chauffée , & neuf autres qui en
reprefentent la coupe. Le prix fera toujours
fixe. Tout l'ouvrage fans être relié
coutera quatre ecus , & les Eftampes qu'on
peut joindre un écu , cinquante bajocs de
monnoye Romaine. Ce Livre fe vend à
Paris chez Mr. Mariette , aux Colonnes
d'Hercule , ruë faint Jacques.
Bauche le fis , Libraire fur le Quay
des Auguſtins , à l'Image faint Jean dans
le defert , commence à debiter les Soulcriptions
88 LE MERCURE
criptions pour les voyages de Corneille
le Bruyn , & le Public fera bien aiſe d'être
ayerti que celui qui prend foin de cette
Edition & des remarques , y ajoutera des
morceaux curieux qui n'ont point encore
été imprimez , & qu'il fera graver la nou
velle Carte de la Mer Cafpienne que Sa
Majefté Czarienne a envoyée à l'Academie
des Sciences , & à laquelle il ajoutera des
obfervations fur les nouvelles découvertes
qu'on a faites fur cette Mer , qui n'avoit
pas bien été connuë jufqu'à preſent .
Le Comte de Boulainvilliers , dont
nous avons annoncé la mort , avoit fait
l'Histoire des deux premieres Races de nos
Rois ; la Vie d'Henry IV ; un Traité de
l'Ame ; la Vie de Mahomet ; P'Apogée
du Soleil; plufieurs Traitez d'Aftronomie ,
& la plupart des Etats des Provinces ,
envoyez par les Intendans.
Le Sieur Daudet , de Nifmes , a compofé
un Flan de 30 pieds de long , qui
represente avec une grande précifion , la
Route de tout le Cortege de l'Infante
Reine, depuis le Village du Bourg - la- Reine
jufques au Louvre , le jour de fon Entrée
folemnelle à Paris avec l'ordre de la
marche de toutes les Troupes , & des
Détachemens poftez fur fon paffage : celles
de
DE MARS 1722. 89
de la Maifon du Roy y font diftinguées
-les unes des autres , par leurs differens .
habits. Le Roy a accordé au Sr Daudet
up Brevet de Geographe ordinaire pour
les Camps & Armées de S. M. qui a pris
plaifir à voir fon ouvrage . Il fut preſenté
par M. le Blanc,
·
On apprend de Berne que le 19 Fevrier
dernier , entre deux & trois heures du
matin on vit un gros globe de feu qui
tomba du Ciel du côté de la Montagne :
l'éclat qu'il fit fut terrible , & l'on fentit
en même temps une legere fecouffe
de tremblement de terre. Ce Phenomene
avoit été precedé de quelques coups de
tonnerre & d'éclairs. Ceux qui Pont vũ
affurent que le Ciel étoit tout en feu.
On a remarqué que quelques jours aupa
ravant on en avoit vû 4 ou 5 du côté de
Signaw , qui furent comme abforbez par
le plus gros ; qui fe diffipa enfuite peu
à peu.
Le 18 Decembre dernier , l'Academie
Royale de l'Hiftoire à Lisbonne commença
la feconde année de fes Conferences
en prefence de S. M. & de l'Infant
D. Antoine, Le Marquis d'Alegrete y
prefida , & fit l'ouverture de la Conference
par un éloquent Difcours ; enfuite
comme
90 LE MERCURE
comme Academicien il rendit compte de
Les études fur les vies de quelques Evêques
d'Elvas , qu'il avoit compofées depuis
la precedente. Le Marquis de Fronteyra
dit qu'il avoit achevé de parcourir l'ancienne
Geographie d'Efpagne , & qu'il alloit
commencer à écrire , étant preſentement
occupé à la confronter avec la Moderne.
François Denis Dalmeyda Daſylva &
Oliveyra dit qu'il avoit beaucoup aug.
menté le fecond Livre de fes Memoires
pour la vie du Roy Don Manuel , dans
lequel fuivant les regles du fiftême il
traitoit des Vies des Reines Dona Ifabelle
, D. Marie & Dona Leonore femmes
de ce Monarque , & enfuite, des deux
Princes fes enfans , fuivant l'ordre Chronologique
de leur naiffance ; il dit auffi
entre autres chofes qu'il avoit fait un Ca- ·
talogue de tous les Ambaffadears que le
Roy avoit envoyés en diverfes Cours , &
qui étoient au nombre de 16 , & de ceux
qu'il avoit reçus de divers Princes , qui
étoient au nombre de 19 , pour diverfes
negociations qui furent traitées par des
Miniftres du fecond caractere , & qu'il
falloit appliquer à la recherche de ce que
les uns & les autres avoient traité.
Le Beneficier François Leyraon Fereyra
dit que fon principal foin étoit de mettre
au
DE MARS 1722. 91
au jour le Catalogue des Evêques de
Coimbra plus correct & plus ample que
ceux qui ont paru jufqu'à prefent , & pour
cela qu'il commenceroit par l'Evêque Elipando
, duquel il eft fait mention dans le
Concile Bracarerfe , que le Docteur Bernard
Brito fit imprimer dans la feconde
Partie de la Monarchie Portugaile , pretendant
le convaincre de faux & d'apocriphe
, chargé d'un grand nombre de
doutes ; mais que lui étoit refolu de faire
une Apologie fommaire pour répondre
aux objections oppolées , & défendre la
verité dudit Concile , lequel avec le même
Catalogue il offrira dans peu à la cenfure
de l'Academie.
Le Comte d'Ericeyra après avoir dit
que les Reflexions qu'il avoit écrites fur
les Etudes des Academiciens , les Panegiriques
qu'il avoit faits à l'égard du Souverain
Pontife & de la Reine , la part
qu'il avoit eue dans la compofition des
Statuts & du fyftême & dans la centure
des autres , y juftifioient le zéle avec lequel
il fouhaitoit les progrès de l'Academie
& qu'il le continuoit en communiquant
aux autres Academiciens tous les
Livres imprimez & Manufcrits de la belle
Bibliotheque , ( qui eft des plus nombreufes
& des mieux choifies du Royaume )
mais auffi les Traités qu'il a compofés fur
divers
92 LE MERCURE
divers points de l'Hiftoire Portúgaife , &
par rapport aux Memoires de l'Evêché
d'Evora , dont il étoit chargé , il travailloit
après , & qu'il avoit refolu de commencer
le Catalogue des Prelats de ce Diocéſe
par S. Maurice , étant certain qu'il eft le
premier qui a planté la Foy Chrétienne ;
mais qu'entre lui & S. Briffot il y a une
interruption de plus de 200. ans , fans qu'il
foit fait aucune mention des Prelats d'Evora
; enfuite il fit un difcours très - élegant
fur la naiffance & exiftance de Saint
Briffot , affurant qu'il fut Evêque & natif
de la Ville de Mertota dans le même
Diocéfe d'Evora , & qu'ainfi il n'avoit jamais
été Eyêque de cette Ville.
L'Academicien Antoine Rodrigues de
Cofta offrit à la cenfure de l'Academie
un Tomé divifé en deux Livres , contenant
la Vie & les actions du grand Coneftable
de Portugal D. Nuno Alvarez
Pereyra , élegament écrits en Langue Latine
, difant par une Lettre qu'il avoit
écrite en mêmê Langue au Secretaire de
l'Academie , que fi fon Ouvrage avoit
Papprobation des Cenfeurs & des Acade
miciens , cela l'animeroit à écrire dans la
même Langue un Abregé de l'Histoire de
cè Royaume.
Le fecond Janvier la même Academie
tint la feconde Conference , que S. M.
honora
DE MARS 1722. 93
le
honora de fa prefence , dans laquelle rendirent
compte de leurs Etudes le P. Je
rôme Contador d'Argoté , Jerôme Godinho
de Niza , Ignace Carvalho de Souſa ,
Jean Couleyro de Obren & Caftro ,
P.Jean Colt , & le P. D. Jofeph Barbaza
, expofant tous les difficultés qu'ils
rencontrent dans la compofition de leurs
Memoires , & fe plaignant en même tems:
du manque des inftructions neceffaires
pour leurs Ouvrages ; le premier preſenta
quatre Cahiers de la feconde Partie de
fon Ouvrage , qui contient dé a plus de
100. feuilles , dans lesquelles il traite des
fuccès de l'Eglife de Braga , promettant
donner à l'Academie la Geographie ancienne
du même Diocéfe , de laquelle il a
déja écrit 10. Cahiers , & une Critique
qui fera la baſe & le fondement de tout
ce qu'il doit traiter dans fes Memoires ,
faifant enfuite efperer , fi fes infirmités, le
lui permettent , d'achever la Vie du Comte
D. Henrique
Le 15 Janvier dernier , Don François
Denis d'Almeyda de Sylva & Oliviera ,
neveu du Cardinal Pereyra , & fils de Don
Louis Cid d'Almeyda , membre de l'Academie
Royale , mourut à Lisbonne après
is jours de maladie , âgé de 26 ans . Dans
la Conference du 19 du même mois le
Comte d'Ericeyra fit un éloge trèséloquent
1. Vol. E fur
94 LE MERCURE
fur les belles qualitez de ce jeune Seigneur
, qui s'étoit chargé du foin d'écrire
L'Histoire du Roy Don Manuel. On procedera
inceffamment à l'élection d'un fujet
pour remplir fa place , qui fera chargé de
continuer l'Ouvrage commencé par le défunt
Academicien.
Le 25 Janvier , les Anonimes ouvrirent
leur Academie par un Difcours fore
éloquent que prononça Jerôme Godinho
de Niza qui en eſt Secretaire , & qui fut
fuivi d'une Differtation très - fçavante, dont
le Docteur Manuel Dias de Leina fit la
lecture : la plupart des membres de cette
Academie font auffi de l'Academie Royale
de l'Hiftoire.
SUITE des Tableaux qui ont appar
tenu à la Reine de Suede , qu'on voir
dans le Cabinet de MONSIEUR le Duc
d'Orleans.
S
ECOLE DE LOMBARDIE.
ea
Ix Tableaux d'André MAUTEGNE ,
Peintre & Graveur en cuivre & en
bois , natifde Mantouë , Difciple de Jean
Belin & du Squarcione, mort en 1517 , âgé
de 66 ans. Ces fix Tableaux peints fur
bois repreſentent la Vie de S. Sebaſtien .
Onze
DE MARS 1722. 98
Onze Tableaux d'Antoine CORREGE ,
natif d'une petite Ville de ce nom dans
le Modenois , mort en 1513 , âgé de 40.
ans . Il n'eut point d'autre Maître que la
Nature , & ne fit point d'Eleves. La force
de fon heureux genie lé conduifit & le fit
penetrer jufques dans les plus fublimes
parties de fon Art.
Premier Tableau , Noli me tangere. Le
Correge a fait voir la rapidité de fon génie
dans ce Tableau . Le payſage qui fort de
fond est traité d'une maniere finguliere.
II. Gloire d'Anges : Etude pour la
grande Coupole de Parme , où cet excellent
Maître a peint l'Affomption de la
Vierge.
III. Sainte Madelaine , demi figure.
IV. La Sainte Vierge portant le petit
Jefus , accompagné de S. Jofeph. Le
fond eft un beau payfage. Petit Tablean
peint fur bois.
V. Le Portrait du Duc Valentin, ayant
fon chapeau fur la tête & portant les
deux mains fur la garde de fon épée .
VI. Autre Portrait du même Duc étant
plus jeune. !
VII. Mercure qui montre à lire à l'Amour.
VIII. Payfage , où fur le devant eft
un muler chargé conduit par deux hom
mes ; ce Tableau eft vulgairement ap-
Eij pellé
.96
LE
MERCURE
pellé l'Enfeigne du Mulet ; mais mal à
propos , car étant peint fur toile , il n'a
jamais pû fervir à cet ufage.
IX. LA DANAE' . On peut dire que
c'eft ici un des plus beaux morceaux qui
foient fortis du pinceau du Corrége.
Danaé eft reprefentée dans fon lit ; elle
fe découvre prefque tout le corps pour
arranger un de fes draps d'une maniere
propre à recevoir la pluye precieufe d'une
nuée, jaune & brillante qui fe refoût en
goutes d'or , & qui tombe dans le creux
qu'elle a formé de ce drap .
&
Sa beauté rehauffée de tous les agrémens
de la jeuneffe la fait paroître digne
de la paffion du Maître des Dieux ,
fon air, accompagné de tous les charmes
de l'innocence , femble meriter que Jupiter
, fans ufer de fa toute puiffance , mépageât
fa conquête par un artifice auffi fe
duifant que celui de la nouvelle metamorphofe
qu'il employe pour s'en rendre
le maître.
;
Le coloris de cette nuée groffe d'une
pluye d'or eft d'une entente merveilleufe
mais le génie du Peintre eft encore plus
admirable dans l'air dont il fait recevoir
à Danaé les precieufes goutes de cet or
liquide. On remarque bien en elle une
furprife agreable , mais innocente , & fans
l'expreffion baffe d'avarice & d'avidité
que
DE MARS 1721. 97.
que les Peintres ordinaires affectent en
traitant ce fujet.
Le Cupidon qui aide Danaé à recevoir
la pluye d'or eft d'une beauté parfaite ,
& les petits Amours qui frottent fur la
pierre de touche une fleche qu'ils ont
faite de l'or qui tombe en playe , pour
éprouver s'il eft de bon alloy , font d'un
goût exquis , & leur action eft d'un naturel
admirable .
>
En general on ne peut rien voir de
plus fublime que les expreffions de ce
Tableau , de plus delicat pour la fonte des
couleurs & de plus charmant pour le
pinceau . Les contours y font tendres &
coulans ; le racourci merveilleux ; enfin
toutes les penfées en font ingenieuſes
les airs de tête nobles & gracieux , la
beauté & la grace. fe trouvent par tout.
Ce Tableau fe voit en Eftampe , gravé par
les feurs Duchange & des Rochers.
X. LEDA. Ce Tableau & le fuivant
ont été mis en Eſtampe par les mêmes
Graveurs ; ils ont le même éclat de beauté
que le precedent , & meritent les mêmes
louanges. On peut même dire qu'ils ont
quelque chofe de plus par rapport à l'expreffion.
XI. IO .
Trois Tableaux de François Mazzuoli ,
dit le PARMESAN , Peintre & Graveur à
E ij
l'eau
LE MERCURE
l'eau forte , mort en 1542 , âgé de 36 ans.
Il excelloit dans les airs de tête des fem
mes & des enfans , qu'il faifoit avec des
graces & dans des attitudes trés - piquantes.
I. Tableau : La Sainte Vierge avec
le petit Jefus , S. Jofeph & S. François ;
petit Tableau peint fur bois. Ce fameux
Peintre , auffi- bien que Raphaël , a fait
une trés- grande quantité de Vierges.
L'Abbé de Marolles en avoit amaffé jufqu'à
87. en Eftampe , gravées d'après les
Tableaux.
II. Trois Portraits au naturel des Ducs
de Ferrare ; ils font à genoux fur un Prié-
Dieu , couvert d'un tapis de Turquie , &
accompagnez de deux autres hommes auffi
à genoux ; le fond eft orné d'une belle
architecture. Ce Tableau eft peint à
Guazza, d'une fi grande force qu'il paroît
avoir encore plus d'éclat que la peinture
à huile. Quoique cet ouvrage foit , du
Parmelan , felon l'inventaire de la Reine
de Suede , beaucoup de connoiffeurs l'ont
cru du Tintoret , fameux Peintre Venitien
, dont nous aurons occafion de parler.
*
· La peinture à gazza eſt une espece de
détrempe , ce font des couleurs broyées
avec de la rofée , & employées avec une
forte de colle. Cette maniere de peindre
a de grands avantages , dure trés -longtems.
DE MARS 1722 . 99
tems;, & d'une fraîcheur admirable. On
croit que les fameux Tableaux d'Apelles
& des autres grands Peintres de l'antiquité
étoient peints de cette maniere . Le
fecret de la peinture à huile ne fut trouvé
qu'au commencement du quatorziéme
fiécle par un Peintre Flamant nommé
Jean Van-Eyck de Bruges. La peinture à
guazza a encore cet avantage qu'elle eft à
Pabri des vernis , des frottemens & des
autres fupercheries des Brocanteurs.
III. L'Amour en pied fabriquant ſon
arc , monté fur une table , fur laquelle il
y a des Livres ; on voit à fes pieds deux
enfans dont l'un pleure & l'autre rit : ce
Tableau peut paffer pour un des plus merveilleux
ouvrages du Parmefan.
Un Tableau de Frederic Baroche Pein .
tre & Graveur à l'eau forte , natif d'Urbin
, grand imitateur du Correge. On
voit de lui de beaux Portraits en paſtel ,
mort en 1612 , âgé de 34 ans.
L'Embraſement de Troye : on voit Enée
qui fauve fon père Anchife , Alcagne
Creufe , &c. Les figures font grandes
comme nature. Ce Tableau gravé pár
Auguftin Carrache , eft d'autant plus eftimable
que le Baroche n'a guere traité
que des fujets de devotion.
Onze petits Tableaux de Scorza Peintre
Genois. Ce font des payfages & vues de
E iiij
maiſons
100 MERCURE LE
1
maifons de Campagne , dans le goût de
Jean Miel.
Deux Tableaux du Cavalier Mathieu
Preti furnommé le Calabrefe , Peintre &
Graveur.
I. Le Crucifiement de S. Pierre ; figures
grandes comme nature .
II. Un faint Hermite. Figure plus grande
que nature.
Un Tableau de Lucas Cangiati Peintre
de Genes , grand Deffinateur. C'eft
un Cupidon endormi , & un enfant qui
veut lui dérober fon carquois . On voit
des ouvrages de cet Auteur à Rome , à
Naples , à Boulogne , &c. Corneille Bloëmart
a gravé une très belle Vierge d'après
lui.
Un Tableau de Bonatti. C'eſt le Martire
de fainte Chriftine , dont les figures
font grandes comme nature.
Un Tableau de Girardi. C'eft l'aumône
de fainte Chriftine : les figures comme
nature.
Un Tableau de Fabritio Chiari, Peintre
Romain .
Sainte Chriftine enlevée au Ciel par
les Anges. Figures comme nature .
Un Tableau de Me . Augufto de Bonis ,
de Sienne.
La Cene de Notre - Seigneur. Tableau
travaillé en foye à l'éguille , fait en 1609 .
Les
DE MARS 1722 . ΤΟΥ
Les figures font grandes comme nature.
' Deux Tableaux d'André del Sarte
Peintre de l'Ecole de Florence ; mort en
1530. âgé de 42 ans .
I. Une Leda en pied avec des Amours,
&c. Tableau fur bois.
H. Demi figure d'homme , appuyé fur
fa main .
E'COLE DE.BOLOGNE.
Cinq Tableaux de Michel Ange de Ca
Pavage , mort en 1609 , âgé de 40 ans .
Son coloris eft agreable & vrai , & fes
compofitions fieres & terribles ; mais il ng
faifoit pas un beau choix de la Nature ;
il la peignoit telle qu'il la voyoit avec fes
défauts & les perfections.
I. Tableau. La Transfiguration de N. S.
figures grandes comme nature. La Reine.
de Suede avoit tiré ce Tableau de l'Eglife
de S. Sauveur in Lauro à Rome , par le
moyen du Cardinal Azolini.
II. L'Ange qui retient le bras à Abraham
, dans le moment qu'il va facrifier
fon fils Ifaac.
III. Un Saint martyr qui dort environné
de tous les inftrumens de fon fuplice,
IV. Un jeune homme qui tient une
Aute .
V. Un Philofophe fort delabré , demi
figure , grande comme nature.
Ev
102
LE MERCURE
Trois Tableaux de Jofeph Ribera dit
l'Espagnolet , Difciple du Caravage.
I. Democrite.
II. Heraclite.
III. Autre Heraclite.
*
Six Tableaux d'Annibal Carrache
Peintre renommé de Boulogne , frere
d'Auguftin Carrache , coufin & Eleve de
Louis Carrache ; mort à l'âge de 49 ans
en 1609. Il a fort imité Michel Ange ,
le Correge & le Parmefan.
·
I. Tableau. La fainte Face de Notre-
Seigneur , avec la Couronne d'épine
grand comme nature. Merveilleux Tableaux.
II. La Sainte Vierge portant l'Enfant
Jefus S. Jean & S. Jofeph. Petit Tableau
fur cuivre.
;
III. Saint Etienne en habit de Diacre ,
demi figure.
IV. Saint Roch avec un Ange. Demi
figure comme nature.
V. La Sainte Vierge avee P'Enfant
Jefus la Madelaine , & S. Jerôme , avec
plufieurs Anges. Annibal fit cette precieufe
copie d'aprés le Tableau du Correge
, qui eft dans l'Eglife de S. Antoine
à Parme.
VI. Danać. Figure grande comme na
ture .
Deux Tableaux de Guide Renioni , communément
DE MARS 1722.
903
munément appellé le Guide , Peintre
Sculpteur & Graveur , Difciple des Car
raches , mort en 1642. âgé de 67. ans.
I. Tableau. Saint Bonaventure en ha
bit de Cardinal , affis , étudiant . Un Ange
lui tient l'Ecritoire. Figure grande comme
nature.
II. Saint Sebaftien nud , lié à un arbre.
Figure plus grande que nature. Ce Tableau
eft de la plus grande maniere de
deffein & de peindre du Guide.
Un Tableau du Cavalier Jean Lanfranc,
excellent Peintre & Graveur de Parme
Eleve des Carraches , mort en 1647. âgé
de 66 ans. Ses compofitions portent cet
aimable caractere brillant , gracieux , élegant
, que le goût fait fentir .
L'Annonciation de l'Ange à la fainte
Vierge , de grandeur naturelle .
Un Tableau de François l'Albane , difciple
des Carraches , mort en 1660 ; âgé
de 82 ans.
Le Bienheureux Laurent Juftinien qui
écrit , entouré d'Anges ; la Sapience celefte
lui apparoît fous la figure d'une belle
femme. Ce Tableau eft fait du tems que
l'Albane travailloit avec Annibal Carrache,
& de fa plus grande maniere . Les figures
font plus grande que nature. Ce grand Tableau
a auffi été tiré de l'Eglife de Saint
Sauveur in Lauro à Rome.
E vj Um
104 LE MERCURE
C Un Tableau de Pierre- François Mola",
difciple de l'Albane.
Ce Tableau reprefente Archimede tenant
fa main fur un Globe , & un Soldat
Romain preft à le tuer.
Un Tableau d'André Sacchi , Peintre
Romain , difciple de l'Albane. Il repréſen
te Adam qui fe lamente de la mort d'Abel.
Les figures font comme demi nature.
Le refte de ces Tableaux pour le mois
prochain.
DEPUIS le nouveau Regne on avoit été
peu exact à frapper au commencement de
l'année les Jettons accoutumez. Ils furent
rétablis en 1720 , à l'exception de ceux
de l'Artillerie & de la Ville. Nous ne remonterons
pas plus haut que l'année 1720,
qui fait à cet égard une efpece d'époque.
Ón fuivra le même ufage déja établi pour
les Medailles , qui eft de donner l'explication
des Types & des Legendes en Latin
& en François. Nous reprendrons dans
les mois fuivans la fuite des Médailles.
Fettons frappez à la Monnoye des
Medailles au premier Janvier 17 2 2.
I.
La tête du Roy Louis XV avec l'infcrip
tion ordinaire. Revers, Une Corne d'abon
dance. Legende , Copia non deeris : l'abon
dance
103
Trefor
es Mcnd
des
ies Cae
corne
thangée
.damno
.Exer
trium-
• Exeregende
,
' eftpas
-dinaire
In voir
Archi
>endiffe
zergue
grand
ne cou
Fonnée

DE MARS 1722 . 109
dance ne manquera pas . Exergue , Trefor
Royal 1722.
II.
Une caffolette fumante. Legende , Meritos
diffundit honores , Elle répand des
bonneurs meritez. Exergue , Parties Cafuelles
1722.
III.
La Chevre Amalthée avec une corne
fur la tête , & l'autre à terre , changée
en corne d'abondance . Legende , Ex damno
copia : Sa perte produit l'abondance . Exergue
, Chambre aux Deniers 1722,
IV.
Un beau Laurier. Legende , Nata triumphis
; Il estfait pour les triomphes . Exergue
, Ordinaire des Guerres 1722 .
V.
Hercule dormant & defarmé. Legende ,
Non minor eft virtus : Sa vertu n'eft pas
moins grande. Exergue , Extraordinaire
des Guerres 1722.
VI.
Minerve tenant une équerre , on voit
à côté d'elle quelques inftrumens d'Archi
tecture. Legende , Sic pacem impendiffe
juvat : Fruits heureux de la paix. Exergue ,
Bâtimens du Roy 1722 .
4
VIL
La tête du Comte Toulouze , grand
Amiral de France. Revers , La Lune cou
ronnée
7
106 LE MERCURE
ronnée de nuages , audeffus d'une mer agi»
tée. Legende , Manet integra virtus : Sa
puffance eft la même. Exergue , Marine
1722.
VII.
Les Armes du Chevalier d'Orleans grand
Prieur de France. Revers , Hercule couché
fur les armes , & endormi . Legende , Nec
fopor extinxit vires. Le fommeil ne lui ôte
pas fa force. Exergue , Galeres 1722.
SPECTACLES.
LE THEATRE FRANCOIS.
Na reprefenté Samedy 28 Fevrier,
pour la premiere & la derniere
fois la Tragedie nouvelle
de CORIOLAN. Ce fujet n'eft
pas heureux au Theâtre. L'Abbé Abeille
de l'Academie Françoife l'avoit traité il y a
plus de 35 ans , fans beaucoup de fuccès.
Nous connoiffons d'ailleurs trois autres
Tragedies de Coriolan , ppaarr Chevreau
par Alexandre Hardi , & par Chapoton ,
qui n'ont pas fait fortune.
On avoit annoncé une petite Piece en
Vers , intitulée Les trois Domino. de M.
Du Frefni , mais elle a été remife après
Pâques,
Le
DE MARS 1722. 107
Le Samedy 7 Mars on a repris la Tragedie
d'Oedipe de M. de Voltaire , qui
attire encore un fort grand concours. La
Dile le Couvreur y joue le rôle de Jocafte,
& le S Q. Du Frefne celui d'Oedipe,
Le Mardi o les Comediens.du Roy
ont donné le Spectacle gratis pour celebrer
l'heureufe arrivée de l'Infante Reine.
On a reprefenté la Devinereffe ou Madame
Jobin , au grand contentement de
l'affemblée , qui étoit extraordinairement
nombreufe.
L'Opera nouveau de Renand fur reprefenté
Samedy 14 de ce mois pour la fois.
Cette reprefentation fur honorée de la prefence
du Roy , de l'Infante Reine , & de
toute la Cour . Nous parlerons plus au long
de cet Opera dans le fecond volume de ce
mois ; en l'annonçant dans notre dernier
Journal nous avons dit que l'Auteur de
La Mufique étoit auffi Auteur de l'Opera d'-
phigenie , qui a eu un fiprodigieux fuccès,
& cela eft vrai , puis qu'il en a fait la plus
grande partie ; mais nous aurions dû ajouter
que le cinquiéme Acte ett prefque tout
entier de M. Campra , qui a auffi travaillé
aux plus beaux endroits de la Piéce,
comme on le peut voir dans le Livre imprimé.
Les Comediens Italiens continuent encore
les reprefentations de Timon. Ils ont
donné
108 LE MERCURE
2
donné le même jour 14 Mars fur leur
Theâtre , la Comedie de la Foire faint.
Germain gratis.
Les deux Tragedies de M. de la Motte,
des Machabées & de Romulus , paroiffent.
imprimées chez Dupuis, rue faint Jacques.
La premiere dediée au Roy , & la feconde
à S. A. R. MONSIEUR le Duc d'Orleans.
La Comedie de Timon le Mifantrope
paroît auffi imprimée chez Hochereau .
Les Marionettes Etrangeres repreſentent
toujours Pierrot Romulus , à qui on a
ajouté un Acte intitulé , Le Remouleur
d'Amour..
>
Francifque donna le 25 de l'autre mois
une Piece en trois Actes , intitulée A lequin
Deucalion , dont le fujet a paru ingenieux
& propre à ce Theâtre , où iln'y a
qu'un Acteur qui puiffe faire des Mono
logues.
AAAAAAAAAA A
NOUVELLES E'TRANGERES.
De Conftantinople , ce 14 Janvier 1722.
I
ON apprend par des Lettres du Caire,
que les Habitans de cette grande
Ville le font revoltez; ils ont déposé le
Seraskier Mehemet Pafcia , cy -devant
grand
DE MARS 1722. 109
grand Vifir , accufé d'avoir voulu donner
atteine à leurs Privileges.
Les Arabes ont attaqué la grande Caravane
qui va tous les ans à la Meque
vifiter le Tombeau de Mahomet ; c'eft à
fon retour que l'action s'eft paffée : elle
a été mal foutenue par les Turcs de l'efcorte
, qui ont pris la faite ; les Pelerins ont
été obligés à fe racheter par de groffes
fommes d'argent.
Le 24 Janvier l'Ambaffadeur du Roy
de Perfe a fait fon entrée publique à Con
ftantinople , il apporte au Grand Seigneur
des prefens confiderables , & vient le feliciter
fur la Circoncifion de fon fils .
: Le Grand Seigneur n'a pû fe difpenſer
de convoquer un Divan , pour contenter
les Janiffaires , qui demandent la Guerrei
la prévoyant favorable à l'Empire Ottoman
dans la difpofition des affaires de
l'Europe.
M. Neplief, Refident du Czar en cette
Cour , a eu une audience particuliere du
Grand Vifir , il lui notifia que Sa Majesté
Czarienne avoit pris le titre d'Empereur
de Ruffie , & le Grand Seigneur eſt convenu
de traiter dorenavant avec lui en
cette qualité.
On preffent que les preparatifs de guerre
de l'Empire Ottoman regardent la Republique
de Venife , les Lettres qu'elle avoit
envoyées
110 LE MERCURE
envoyées ici au fujet de l'affaire des Dul
cignotes , ont été rendues au Baile Emo ,
fans avoir été decachetées. On lui a même
fait dire que les Venitiens devoient traiter
avec le Bacha de Napoli , qui fçavoit les
intentions de fa Hauteffe.
De Petersbourg, ce 3 Fevrier 1722 .
Ous les Regimens tirés du Duché de
partent de jour en jour pour aller à Moſcow.
On penfe que de là ils continuëront
leur route du côté des frontieres de la
Perfe. Il est arrivé des ordres du Czar
pour faire conftruire un grand nombre de
traîneaux , qui enfuite tranſporteront à
Moſcow les Matelors & les Charpentiers
de Vaiffeaux neceffaires pour la con❤
ftruction des Bâtimens legers que Sa Ma
jefté Czarienne veut affembler fur le Volga,
dans le deffein de les faire après defcendre
dans la Mer Cafpienne. On penſe fort
ferieufement à reparer les Villes de Nerva
& de Cronflot, que la derniere inondation
a fort endommagées , & pour prévenir de
pareils accidens , on fait un canal pour
conduire les eaux de la Mer dans le Lac de
Ladoga , la Riviere de Nye n'étant pas
affés large pour les recevoir , lors qu'une
trop haute marée dans le Golfe de Finlande
les
1
DE MARS 1722. III
les force à fe déborder. On mande de
Moſcow que le Czar doit bien - tôt partir
pour Aftracan ; mais fuivant les dernieres
Lettres on apprend que Sa Majesté Czarienne
doit après le jour de l'action de
graces qui fera celebré pour la Paix de
Nyftadt , aller prendre les eaux à Olonits.
O
De Stokolm , ce 13 Fevrier 1722 .
N mande de Coppenhague que le
Confeil Royal de Dannemarck avoit
refufé au Miniftre du Czar le paffage libre
du détroit du Sund , qu'il avoit demandé
au Roy pour les Vaiffeaux Moscovites.
Les Officiers du Regiment des Gardes à
pied , qui avoient été faits prifonniers en
1709 à la bataille de Pultowa , font arrivés
dans certe Ville , dans l'efperance que
le Roy à fon retour aura la bonté de leur
rendre leurs anciens emplois , ou de leur
en donner d'équivalents. On debite depuis
peu que les Senateurs ont enfin terminé
les principales difficultés des affaires qui
doivent être examinées dans les Etats
qu'on va tenir , & qu'il a été reglé qu'on
n'y parleroit point de la fucceffion à la
Couronne.
De
1125 LE MERCURE
De Varfovie , ce 10 Fevrier 1722.
Lals le
E Roy de Pologne accompagné de fon
fils le Prince Electoral , doit fe rendre
en cette Ville après la Foire de Leipfik.
Le retour prochain de SaMajefté Polonoife
augmente l'inquietude des Grands , qui fe
hâtent d'augmenter le nombre de leurs Partifans;
on commence à juger que ceux d'entr'eux
qui époulent les interefts du Czar
primeront par le nombre & le credit. Leur
confiance redouble par le voisinage des
Troupes Molcovites , qui doivent approcher
de la Pruffe Polonoife. On conjecture
que la Diete pourra fe. feparer fans rien
conclure, fi le Roy veut y propofer l'affaire
de la fucceffion : le Grand Chancelier de
la Couronne continue cependant les foins
qu'il fe donne pour reunir les Senateurs
du Royaume. Les Seigneurs Polonois qui
doivent fe trouver à la Diete prochaine ,
font très- mal fatisfaits de la longue abfence
du Roy , qui n'a pas encore notifié le jour
qu'il partira de Drefde pour fe rendre en
cette Ville. Des Lettres de Smolensko ,
de Kiovie , & de Riga , inftruifent des
mouvemens des Troupes du Czar qui ont
été jointes par fix mille Co aques , & s'ap
prochent des frontieres de Curlande. Ces
nouvelles ont effrayé les Provinces voiſines
DE MARS 1722. 113
nes de ce Duché , & tellement confterné
leurs Habitans , qu'ils le fauvent de tous
côtés avec leurs meilleurs effets .
On écrit de Dantzik qu'on y fait tou
jours des achats confiderables de grains
pour le Czar , & qu'on en a déja fait
transporter une grande quantité à Riga .
Les Turcs ont pris ombrage des nouvelles
fortifications que le Grand General de
l'Armée de la Couronne fait conftruire
près de Kaminiek , & le Bacha
de Chocfin lui a écrit qu'il lui confeilloit
de fufpendre ces travaux , attendu que le
Grand Seigneur n'a rien fait qui préfage
une rupture avec la Republique . On mande
de Drefde que 6 Fevrier on y a fait
l'ouverture de l'Affemblée generale des
Etats de l'Electorat de Saxe. Le Comre
de Bentiendorf , Lieutenant General , a
été nommé par le Roy pour y préfider ,
attendu que la Charge de Maréchal here
ditaire eft vacante .
De Vienne , ce 16 Fevrier 1722 .
L'Empereur 'Empereur a donné ordre au Comte
Kinski fón Ambaffadeur auprès du
Czar , d'aller à Mofcou joindre la Cour
de Sa Majesté Czarienne. On mande d'Erzeron
, Ville fituée vers la fource de l'Euphrate
dans l'Armenie, qu'au mois d'Octo-,
bre
114 LE MERCURE
bre dernier les Laskis , peuple qui habite
les bords de la Mer Calpienne , avoient
fait une vive irruption dans les Etats du
Roy de Perfe , & qu'y étant entrés au
nombre de vingt mille hommes , ils s'étoient
emparés de la Ville de Chamagni
dont ils avoient maffacré la Garniſon &
le Gouverneur. On dit que le feul motif
de certe violence eft la mort du Vifir que
le Roy de Perfe ordonna l'année derniere
, fous pretexte d'infidelité . Ce Vifir
étoit compatriote de ces Laskis , qui l'aimoient
affés fortement pour entreprendre
de le vanger d'une maniere fi éclatante.
Le Marquis Don Charles Spinola eft arrivé
à Vienne le 10 Fevrier , après avoir été
volé pendant la route par fon Valet de
Chambre , & s'être démis un bras & une
jambe dans les Montagnes du Tirol , où
La chaile de Pofte s'eft rompuë. Le Bourg
de Schenchirken , fitué de l'autre côté du
Danube , à la vûë de cette Ville , a été
entierement confumé par un incendie arrivé
le 8 Fevrier .
De Londres , ce 27 Fevrier 1722 .
PAY
Ar l'Etat de la Marine prefenté au
Roy , il paroît que l'Angleterre a prefentement
dans fes Ports fept Vaiffeaux
de guerre du premier rang , 13 du fecond
;
DE MARS 17 : 2 .
115
cond , 39 du troifiémé , 66 du quatrième ,
33 du cinquième , 22 du fixiéme , 4 Brulats
, 4 Galiotes à bombes , 14 yachts , fix
chaloupes armées , un bâtiment de provifion
, un autre pour les malades , un hoy,
un fmaque , & cinq oncres , qui font des
bâtimens mâtés & appareillés comme les
heu d'Hollande,
Le 22 Fevrier la Cour prit le deuil pour
la mort de la Ducheffe doüairiere de Zell,
L'Etat des Troupes que Sa Majeſté
Britanique a prefentement fur pied , eft
de quatorze mille deux cens cinquante
huit hommes , fçavoir deux mille foixante
& onze de Cavalerie , y compris les Gardes
du Corps , feize cens cinquante fix.
Dragons , huit mille fept cent fantaffins ,
& dix- huit cens vingt quatre Invalides .
Mylord Polwart eft parti pour Paris ,
d'où il doit fe rendre à Cambray pour
l'ouverture du Congrès.
De Rome,ce 10 Fevrier 1722 .
E Comte de Cubernatis , Miniftre du
LRoy de Sardaigne , fit part à Sa Sainteté
le 24 Janvier de la conclufion du
mariage du Prince de Piémont avec la
Princeffe Palatine de Sultzback.Le 30 l'Ab .
bé Ratto , nommé par le Roy d'Espagne.
Auditeur de Rotte pour la Couronne d'Arragon
,
116 2 LE MERCURE
#1
pas
ragon, fut conduit à ce Tribunal par l'Abbé
Lancetta , Doyen des Auditeurs , après
avoir rempli toutes les formalitez requifes
en cas pareil , avant d'y prendre fa
premiere féance ; il comptoit d'être inſtallé
áprès le jugement des affaires ordinaires ,
lorfque les Auditeurs en confequence d'un
ordre fecret du Pape , délibererent s'il
pouvoit être reçu , parce qu'il n'avoit
fait porter chez le Cardinal d'Althan , autrefois
Auditeur de Rotte , le prefent ufité
de deux bonnets , quatre bouteilles de
vin , & d'un gâteau que chaque Recipiendaire
après fon Acte public eft obligé d'envoyer
à chacun des Auditeurs , ainfi
qu'aux Cardinaux qui l'ont été. Le Tri- ›
bunal entier , à la referve de l'Abbé Herrera
, decida pour l'exclufion de l'Abbé
Ratto. Le Cardinal Acquaviva informé
de ce procedé , fit dire à l'Abbé Herrera
de s'abfenter , & écrivit enſuite au Cardi-.
nal de Saint Agnès Secretaire d'Etat , &
lui manda qu'il ne pouvoit fe difpénter
de regarder cet incident comme une offenſe
faite à Sa Majefté Catholique ; que ce
n'étoit que par reprefailles qu'elle avoit
deffendu à fes Sujets de communiquer
avec ceux de l'Empereur , qui avoit le premier
publié une femblable deffenfe . Cette
affaire importante par les confequences a
Bété
DE MARS 1722. 117
été bien-tôt terminée. Le Pape inftruit
des mouvemens du Cardinal Acquaviva,
& du Miniftre deFrance , pour demander
Laiſon de cette injuſtice , a nommé lær
Fevrier une Congrégation particuliere
pour l'examen de la conduite du Tribunal
de la Rotte , & fur le Jugement rendu
par cette Congrégation , Sa Sainteté ordonna
que l'Abbé Ratto feroit reçu ,
fauf à lui à envoyer enfuite au Cardinal
d'Althan le prefent ordinaire. En execution
de cet ordre le Recipiendaire prit
féance le 4 Fevrier dans le Tribunal de la
Rotte. On dit que le Pape a declaré qu'A
donneroit lui- même la benediction nuptiale
à Don Marc Antonio Conti for
neveu , qui doit inceffamment époufer
la fille du Duc de Paganica . On n'a
point vu de femblable ceremonie depuis
Clement X.
On dit ici que le Roy de Pologne doit
venit faire un tour en Italie , & que quel
ques Cardinaux de la Romagne & de la
Lombardie ont écrit en cette Cour , pour
concerter la maniere dont ce Prince doit
être reçû.
On apprend de Venife que Mrs Tiepolo
& Fofcarini , nommez Ambaffadeurs extraordinaires
à la Cour de France , font
travailler en diligence à leurs Equipages ,
dans le deffein de partir inceffamment
1. vol. F pour
1187
LE
MERCURE
pour Paris , d'où ils fe flatent de recevoir
bientôt des Paffeports.
Lisbonne , ce 30 Janvier 1722 .
E. Roy a envoyé à Londres un Exprès
Leharge d'un plein pouvoir pour fon Miniftre
, qui lui ordonne de négotier un
nouveau Traité de Commerce , & de convenir
d'un Reglement qui empêche doréna
vant le tranfport hors du Royaume des
matieres d'or & d'argent.
Chrétien Wagenor , natif de Duffeldorp
en Allemagne , & Julien Struiff , Hollandois
natif d'Amfterdam ; le premier âgé
de trente ans , profeffant le Lutheranisme ;
& le fecond profeffant le Calvinifme , firent
le premier jour de l'année abjuration
de leurs erreurs . & furent baptifez fous
condition dans l'Eglife de S. Dominique
par le R. Pere Dominique , Religieux de
Î'Ordre des Prêcheurs , & Chapelain de la
Nation Flamande.
Suivant le calcul des liftes qu'on imprime
ici toutes les femaines des Vaiffeauxtant
étrangers que nationaux qui entrent
& fortent du Port de certe Ville , il paroît
que l'année derniere 1721 , il est entré
à Lisbone 329 Bâtimens Anglois , fans y
comprendre les Vaiffeaux de guerre , &
18 Paquebots ; 72 Hollandois , outre les
47
DE MARS 1722. 119
47 qui entrerent dans le port de Sétubal
le 19 Mars , 71 François , 22 Efpagnols ,
outre une Prife de la même Nation , 13
Hambourgeois , 7 Danois , 7 Genois , 2
Suedois , un Maltois & 159 Portugais de
differens ports , y compris les Flottes du
Bréfil. Il eft parti de cette Ville pendant
le courant de la même année , chargés de
divers fruits & marchandifes du Royaume
301 Bâtimens Anglois , outre deux Vaif
feaux de guerre , 19 Paquebots , 69 Hol
landois , 63 François , 24 Eſpagnols , troik
Hambourgeois , & Genois , 6 Danois , ▲
Suedois , un Maltois , & 116 Portugais
y compris les Flottes. Il y a actuellement
dans la Riviere de Lisbone 34 Bâtimens
Anglois , is François , 4 Efpagnols , 4
Hollandois , Danois , & un Hambourgeois
. Cet état marque tous les ans la
difference des entrées & forties du Port.
De Madrid ce 7 Fevrier 1 22 .
Une
·N Bâtiment d'avis arrivé la femaine
derniere à Murc en Galice , a
aporté la nouvelle de l'arrivée des Galions
à Cartagene le 3 Aouft dernier ; ils étoient
partis de Cadix le 21 Juin auffi dernier .
L'Infant Don Ferdinand & l'Infant Don
Carlos font entierement rétablis de leur
derniere maladie ; le premier revint le 7
Fij Fevrier
120 LE MERCURE
Fevrier du Pardo au Buenretiro , & le fecond
arriva à la Cour le 8 au foir. Le
même jour la Princeffe des Afturies , de
qui la fanté commençoit à le rétablir par-.
faitement , fe promena dans fes apparte
mens. Les Villes d'Espagne celebrent par
des magnificences extraordinaires le mariage
du Prince des Afturies avec la Princeffe
d'Orleans, Le Baron de Huart , Lieutenant
General des Armées de Sa Majesté
Catholique , & Gouverneur de Girone , y
a diftingué fon zele le 7 Fevrier par un
Concert de voix & d'Inftrumens,fuivi d'un
repas fuperbe & d'un Bal ; les Officiers de.
la Garnifon , & les Dames de la Ville y
ayoient été invitées .
Le 15 , la Princeffe des Afturies qui
n'a plus aucun refte de fievre , parut fur le
balcon de fon apartement entre le Roy &
la Reine ; là elle vit tirer un feu d'artifice
dreffé dans la Place du Palais. Le 16 ,
toutes les rues & maifons de Madrid furent
illuminées ; ces réjouiffances ne font
que le prélude de la fefte publique qui fe
prépare avec foin . Leurs Majeftez allerent
le même jour à l'Eglife de Notre - Dame
d'Attocha , & revenant par la grande
Place , elles en virent les décorations , &
tout ce qu'on y difpofe pour le jour des
réjouiffances publiques.
DIGNITEZ,
DE MARS 1722. 121
JejbjbJkjbJb:JbjbjbJbdbdbbb
DIGNITEZ , CHARGES ET EMPLOIS
L
des Pays étrangers.
la
Es Capucins de la Province de Pieté
dans le Royaume de Portugal ont le
10 Janvier renù leur Chapitre dans leur
Couvent de Villaviciofa , & élu pour leur
Provincial le Pere François de Sérubad ,
qui étoit ci- devant Definiteur de leur Or
dre , & Secretaire Gardien de leur Couvent
d'Evota .
M. le Duc de Bolton a été nommé par
le Roy de la Grande Bretagne grand Senechal
de la Ville de Wincheſter , à la
place du feu Duc de Bolton fon pere.
M. le Duc de Mancheſter a obtenu du
même Roy la Charge de premier Gentilhomme
de la Chambre qu'avoit le feu Duc
fon pere.
Et celle qui eft vacante par la mort du
Comte de Holderneff a été donnée au
Comte de Suflex.
- Le Lord Hinchink Brooght a été fait
Lieutenant de Roy du Comté de Huntington.
Le Docteur Trimnell a été nommé par
le Roy d'Angleterre Doyen de la Cathe .
drale de Wincheſter..
Le Colonel Pierre Laffels a obtenu la
Fiij Charge
122 LE MERCURE
Charge d'Ingenieur en Chef de la grande
Bretagne.
Le Colonel Jean Armstrong qui la poffedoit
, vient d'être nommé Infpecteur General
de l'artillerie de la Tour de Londres,
de celle de la Grande Bretagne & du
Royaume d'Irlande.
M. Hawley fils aîné du Lord Hawley
a été nommé Page d'honneur du Prince
de Galles , à la place de M. Panton , que
S. A. R. a choifi pour être un de fes
Ecuyers.
Le Comte d'Angleſey a été élû tout
d'une voix le 20 Fevrier pour remplir la
Charge de Grand Senechal de l'Univerfité
de Cambridge, vacante par la mort du Duc
de Mancheſter.
M. Guillaume Harel a été nommé par
les Etats Generaux Auditeur de la Chambre
des Comptes du feu Roy Guillaume.
M. Adrien d'Alderwerelt a été nommé
par l'Empereur fon Confeiller & Agent
à Amfterdam. 1 .
Le Roy de Sardaigne a nommé Madame
la Marquife de Pianezze pour premiere
Dame d'honneur de la Reine.
Madame la Marquise de Saint - Marfan
pour fa Dame d'Atour.
Madame la Marquife de Garets & Mefdames
les Comteffes de Prouana , del
Borgo & de Maffel pour Dames du Palais .
Madame
DE MAR S 1722. 123
Madame la Marquife de Saint-Thomas
pour premiere Dame d'honneur de la Princeffe
de Sulzback .
Madame la Comteffe de Saint- Sebaſtien
pour Dame d'Atour ; & Mefdames les
Comteffes de Leyny & de Sablafque , &
Meldames les Baronnes de Valife & de
Prou pour Dames du Palais ,
BAPTESMES , MARIAGES ET MORTS
La
des Pays Etrangers.
E Comte de Reinfchild Felt Maréchal
des Armées du Roy de Suede ,
eft mort à Stokolm d'une hemoragie , âgé
73 ans. de
Madame la Ducheffe Douairiere de Zell
eft morte à Zell les de Fevrier âgée de
84 ans: elle étoit née le 7 Janvier 1639:
elle fe nommoit Eleonore d'Efmiers , elle
étoit fille d'Alexandre Seigneur d'Olbreuſe
en Poitou , & de Jaqueline Pouffarr.
Georges- Guillaume de Brunfwik - Lunebourg
Duc de Zell en l'époufant la fir
nommer Comteffe de Harbourg , & quelques
années après l'Empereur la fit Princeffe
de l'Empire.
Madame la Ducheffe de Meckelbourg-
Swerin eft accouchée à Dantzık d'un
Prince la nuit, du 17 au 18 Janvier.
Fij Madame
1
124 LE MERCURE
Madame Louife de Silva Ducheffe de
Medina Sidonia eft morte à Madrid le
Fevrier.
Madame la Marquiſe d'Ariza eft morte
à Madrid le Fevrier.
Le R. P. Mathieu de Jefus Maria cydevant
General de l'Ordre des Carmes
Déchauffés eft mort à Madrid le
Fevrier.
M. Jean Emblanifi Evêque de Belcaftro
dans le Royaume de Naples , eft mort dans
fon Evêché le Fevrier , âgé de 85 ans.
M. Charles Howard Comte de Duffolck
& de Bindon Lieutenant Gouverneur du
Comté d'Effex eft mort à Londres le 20
Fevrier âgé de 16 ans.
Le Comte Charles Howard fon frere
puîné , l'un des Gentilshommes de la
Chambre du Roy, lui fuccede dans fes
Terres & dans fes Titres .
M. le Prince Frederic, Guillaume Adolphe
de Naffau Liegen de la branche Proteftante
eft mort le 23 Fevrier dans fa
quarante -deuxième année. Le Prince Fre
deric Guillaume fon fils né le 11 Novembre
1706. de Julienne Françoiſe de Hoa.
tombourg fa premiere femme lui fuccede
dans tous fes Fiefs.
Le Prince Palatin Jean Chriftian de
Sultzbach a époufé le 15 Fevrier à Berghopfoom
la Princeffe Henriette d'Auvergne
DE MAR S 1722. 1258
vergne Marquile de Berghoploom ; cette
augufté Ceremonié a été celebrée en prefence
de Madame la Ducheffe Douairiered'Aremberg
, de M. l'Abbé d'Auvergne
nommé à l'Archevêché de Vienne , de M..
le Prince Frederic fon frere , de M. le
Prince de Rubenpré Chevalier de la Toifon
d'Or & Confeiller d'Etat de l'Empe
feur , de M. le Comte de Maldeghem
& de plusieurs autres perfonnes de grande
confideration ; le 16 , le nouveau Marquis
de Berghopfoom fe rendit avec un nombreux
cortege à l'Hôtel de Ville , où il
reçut le ferment ordinaire de fidelite dur
Bourguemeftre , des Echevins & des Magiftrats.

7
Madame de Slingeland , époufe de M.
le Secretaire du Confeil d'Etat eft morte
à la Haye le dernier jour du mois de Fevrier.
9
Fv JOURNAL
126
LE
MERCURE
JOURNAL
DE PARIS.
-La Relation qu'on va lire de l'Entrée
folemnelle de l'infante Reine à Paris ,
avec la defcription des Arcs de Triomphe
&c . fervira de Suplément à celle qu'on
a donnée avec precipitation dans le dermier
Mercure , & la rectifiera en plu
fieurs endroits.
RELATION
De l'Entrée de l'INFANTE REINE à
Paris le 28 Mars +722.
L
A Sereniffime Infante d'Espagne
entra dans le Royaume le 9 Janvier
dernier , le même jour que
l'échange fe fit dans l'Ifle des
Faifans : Elle vint coucher à Bayonne ,
d'où elle a très - heureuſement continué fa
Route jufqu'à Paris . Cette Princeffe a reçu
dans les Villes & Lieux de fon paffage ,
tous les honneurs dûs à fa haute naiffance ,
& à l'augufte rang auquel elle eft destinée.
Les refpects qui lui ont été rendus , ont
été accompagnez de demonſtrations de
joye les plus vives & les plus éclatantes .
Les Prelats , les Commandans , les Intendans
, les Magiftrats & le Peuple , fe font
également diftinguez dans cette occafion ,
par
DE MARS 1722. 127
par leur magnificence & par leur zele.
Le premier Mars l'Infante Reine vint
coucher à Berni , à deux petites lieuës de
Paris. C'est une Maifon de Campagne de
M. le Cardinal de Biffy , Abbé de Saint
Germain des Prez , qui en fit les hon
neurs avec beaucoup de magnificence. Lo
Princeffe y arriva à deux heures après midi
dans un Carroffe du Roy ; Madame la
'Ducheffe de Vantadour à gauche fur le
derriere , & Madame la Princeffe de Soubife
à droite , tenant l'Infante Reine fur
fes genoux , qui avoit un habit d'étoffe
d'or à fond verd , des rubans de même ,
& une groffe agraffe de diamans au devant
de fa robe. Cette Princeffe eft vive , parlant
fort bien François , & d'une voix affurée
; fon vifage eft très - gracieux" ; tous
fes traits font auffi reguliers que fins & delicats
: Elle est blonde , & extrémement
blanche.
Un Bataillon du Regiment du Roy mon
ta la Garde à Berni , & fervit à la Garde
de l'Infante Reine depuis fon arrivée jufqu'à
fon départ de ce lieu. La Troupe
de M. du Chevron , Prevôt General de la
Conétablie , étoit en bataille à l'entrée &
hors l'avenue du Château , compofée de
3 Lieutenans , 4 Exempts , 2 Trompettes
& 48 Gardes.
Monfieur le Duc d'Orleans , accompagné
F vj
du
128 LE MERCURE
du Duc de Chartres , fe rendit à Berni ,
& après avoir donné les ordres neceffaires
pour la reception de la Princeffe , & être
refté quelque temps auprès d'elle , il revint
coucher à Paris. Madame la Duch.ffe
d'Orleans , accompagnée de Mademoiſelle
de Beaujolois , & de Mademoiſelle de
Chartres , alla le même jour à Berni , &
demeura long-temps auprès de l'Infante
Reine , qui le lendemain 2 de ce mois
reçut la vifite de MADAME & des Princeffes
du Sang .
.
Le Roy partit vers le midi du Château
des Tuilleries , pour aller au devant de
l'Infante Reine. S. M. étoit accompagnée
de Monfieur le Duc d'Orleans , du Duc
de Chartres , du Duc de Fourbon , du
Comte de Charolois , du Comte de Clermont
, du Prince de Conti , du Comte
de Touloule , du Maréchal Duc de Ville-
Loy , des principaux Officiers de fa Maiſon
& des Seigneurs de la Cour . Le Roy qui
étoit fuivi du Guet de les Gardes du
Corps , des Quartiers de fes Gendarmes &
Chevaux- Legers , & d'un Détachement de
Moufquetaires , trouva rangez en bataille
à l'entrée du Bourg- la - Reine , la Compagnie
des Grenadiers à cheval , & les
Détachemens des quatre Compagnies des
Gardes du Corps , les Capitaines à leur
tête ; des Gendarmes & des Chevaux Legers
DE MARS 1722. 129
gers de la Garde ; & des deux Compagnies
des Moufquetaires.
Le Roy alla defcendre au Bourg- la-
Reine dans la maifon du feur Marchais ,
qui avoit été preparée pour l'entrevûë du
Roy & de l'Infante Reine : S. M. y arriva
au travers d'une double haye , formée par
deux Bataillons du Regiment du . Roy ,
qui avoient monté la Garde à cette maifon
, dont l'interieur étoit occupé par un
Détachement des Gardes du Corps.
Lors qu'on fçut à Berni que le Roy
alloit arriver au Bourg-la-Reine , l'Infante
Reine partit pour s'y rendre , étant accompagnée
dans for Carroffe de MADAME
des Princeffes du Sang , & de Madame
la Ducheffe de Vantadour . Dès que la
Princeffe fut entrée dans la Cour de la
Maifon du fieur Marchais , le Roy fortit
pour aller la recevoir à la defcente de fon
Carroffe , où après l'avoir embraffée tendrement
, & lui avoir exprimé la joye
qu'il avoit de fon arrivée , il la conduifit
dans l'appartement . Après y être refté un
peu de tems , le Roy reconduifit l'Infante
Reine , & lui donna la main pour remonter
dans fon Carroffe , dans lequel MADAME
, les Princeffes du Sang , & la Ducheffe
de Vantadour monterent avec Elle.
Avant que l'Infante Reine fe mit en
march , le Roy monta en Carroffe pour
venir
130 LE MERCURE
t
venir la recevoir au Louvre. Les Tronpes
de la Maifon du Roy rangées en bataille
à l'entrée du Bourg- la-Reine , ayant
reçu les ordres de S. M. fe mirent en
marche , & precederent les Carroffes de
l'Infante Reine , qui paffa fur les trois
heures à Mont- rouge , où un Détachement
du Regiment du Roy étoit en haye ;
l'autre côté du chemin étoit garni par la
Compagnie du Prevôt de l'Ile.
...L'Infante Reine trouva au bout d'uné
avenue de Mont - rouge le Duc de Trêmes
Gouverneur de Paris , les Prevôt des
Marchands & Echevins , & le Corps de
Ville , qui lui rendirent leurs refpects , &
la complimenterent au nom de la Ville ;
Mr. de Châteauneuf , Confeiller d'Etat
&Prevôt des Marchands, portant la parole.
Après la Harangue , le Gouverneur de
Paris , les Prevôt des Marchands & Echevins
, le Procureur du Roy , le Greffier
& le Receveur de la Ville ayant pris les
places qu'il leur eft permis d'occuper prés
du Carroffe de l'Infante Reine , on continua
la marche , & l'Infante Reine arriva
vis-à vis de l'Obſervatoire Royal vers les
quatre heures après midi.
Les Troupes commandées pour former
une double haye dans les rues par lefquelles
l'Infante Reine devoit paffer pour arri
ver au vieux Louvre , avoient pris leurs
poftes
DE MARS 1721 . 131
poftés dès le matin. L'entrée du Fauxbourg
S. Jacques étoit occupée par le Guet
à cheval. La Compagnie du Lieutenant
Criminel de Robe courte , & celle du Prevôt
de la Monnoye , formoient une double
haye à la Barriere duFauxbourg S.Jacques.
On voyoit cinq Arcs de Triomphe à
Phonneur de l'Infante Reine , qu'on avoit
élevez fur fon paffage , ordonnez par Mrs
de Ville , & compofez par M. Dumeſnil,
Peintre ordinaire de là Ville. Ces monumens
ont été conçus dans l'idée de rapporter
tout à la joye generale que le peuple
reffent du mariage du Roy avec la
Serchillime Infante d'Efpagne , dont on
celebroit l'Entrée dans Paris , & au bonheur
quil doit attendre des fuites de cette
augufte alliance , en variant cependant les
caracteres des differentes acclamations , &
eu égard aux differens endroits où chacun
de ces Arcs de Triomphe étoit élevé.
L'ancienne Porte faint Jacques , la premiere
fur le paffage de la Princeffe , fembloit
avoir été conftruite par les Habitans
de ce canton , édifice élevé de plus de 45
pieds de haut , d'un ordre fimple , mais
majestueux . Le marbre & le bronze y
étoient employez ; deux matieres folides
qui defignent la fermeté & l'attachement
de cette grande Ville pour fes Souverains.
Les Ecuffons des Armes de France & d'Efpagne
832
LE MERCURE
pagne étoient placez au milieu , & des
deux côtez , deux Camayeux reprefentant
l'Hymen & l'Abondance : On lifoit aut
haut du portique ces mots en lettres d'or.
FELICI ADVENTUI LUTETIÆ.
A l'heureuſe arrivée à Paris.
On fous entend de l'Infante Reine ,
puis qu'elle en fait l'objet,
Cette Infcription toute fimple qu'elle
eft , a paru revolter quelques Grammairiens
: Elle eft neanmoins très conforme
au bon goût des Anciens , & aux Infcriptions
de plufieurs Medailles Romaines ,
entre autres à celles d'Adrien , frappées
dans Rome par ordre du Senat , au fujer
des voyages & de l'arrivée de cet Empe-
Feur dans les Villes ou Provinces de l'Empire
, où l'on trouve , ADVENTUI
GALLIÆ , ADVENTUI HISPANIÆ ,
ADVENTUI ALEXANDRIE,
& ainfi de beaucoup d'autres fur lesquelles
on peut confulter les Recueils du Comte
Mezzabarba , de M. Vaillant , & les
Cabinets des Antiquaires.
Un Bataillon du Regiment du Roy
étoit en haye dans la grande rue du Fauxbourg
S. Jacques jufqu'au Carrefour de
P'Eftrapade , où étoit la Compagnie des
Fufiliers de S. M. Les poftes le long de
la
DE MAR S 1722. 133
la rue S. Jacques jufqu'au Petit Châtelet
étoient occupez par des détachemens du
Guet à pied.
L'Arc de Triomphe appuyé contre la
face du Petit Châtelet étoit comme élevé
par la Juftice & la Sageffe , toujours attentives
à maintenir les Loix Divines &
Humaines. C'étoit une demiRotonde en
forme de Bafilique ou Salle d'Audience,
furmontée d'un obelifque , érigé par les
voeux du Peuple. Au haut de l'obelifque,
fur une espece d'urne , on lifoit ces mots :
VOTA PUBLICA . Pour marquer les
vaux du Public ; formule ufitée fur les
Monumens publics , au fujet des Réjoüiffances
du Peuple Romain , qui faifoit des
voeux pour l'Empereur.
Au - deffous de l'obelifque il y avoit une
Devife qui avoir pour corps l'étoile du matin
dans un ciel ferain , & pour ame ,
VENIT EXPECTATA DIES . Enfis
arrive ce jour tant defiré. La jeune In
fance , figurée par cet Aftre nous amene
elle même par la prefence ce jour fi louhaité
qui fait efperer par fon mariage avec
le Roy le bonheur de la France . Le Public
a fait une are application de cette
Infcription , en la rapportant à la delivrance
des Prifonniers du Petit Châtelet
qui furent élargis ce jour- là ; application
à laquelle on ne peut s'empêcher d'applaudir.
Tous
7134 LE
MERCURE
Tous ces Arcs de Triomphe étoient
gardez par des détachemens de foldats du
Guet , & il y avoit à chacun un amphitheatre
rempli de Symphoniſtes , qui faifant
retentir les airs d'une trés- douce
melodie , n'étoient interrompus que par
les acclamations du Peuple.
La Compagnie du Prevôt de la Monoye
à pied , les Archers de Ville , & la Compagnie
du Lieutenant de Robe - Courte
étoient en haye , & garniffoient tour cet
efpace depuis le Petit Châtelet jufques &
compris le Pont Notre Dame , où le troifiéme
Arc de Triomphe étoit élevé.
Comme tous les états fembloient concourir
à la joye generale , on feignoit que
les Divinitez des Eaux avoient édifié ce
Portique, où l'on avoit reprefenté la Nymphe
de la Seine & quantité de Nayades ,
entre des rochers , des rofeaux & autres ar
bres aquatiques , qui s'empreffent de mar
quer leur zéle à l'Augufte Princeffe qui
attire les voeux & les hommages de tout
le monde. On lifoit ces Vers en haut :
SEQUANA
0
CUM NYMPHIS
VOTIVAS CONSECRAT UNDAS.
La Seine accompagnée de fes Nayades ,
offre& confacre ſes ondes à l'Infante Reino,
pour lui marquer fes vaux.
Depuis le Carrefour du Pont Notre-
Dame
DE MARS 1722. 735
Dame jufqu'à la rue S. Denis , les paffages
étoient gardez par le Guer à pied , & par
la Compagnie du Prevôt de l'Ifle à cheval.
Le quatriéme Arc de Triomphe élevé au
bout de la rue de la Ferronnerie , fe trouvant
en quelque maniere placé au centre
du plus grand commerce de cette grande
Ville , on a choifi le fujet du Commerce
même , que l'on exprime par la compofition
du tout enſemble de çet Are Triomphal
, terminé ppaarr uunnee ppoouuppee de Vaiffeau,
accompagné des differentes parties d'un
Navire qui peuvent avoir quelque raport
aux divers membres d'architecture. Mercure
, comme le Dieu du Commerce , &
le Meffager de la Paix , eftoit placé à la
droite de la Déeffe de la Navigation , defignée
par fes attributs , qui font la Bouffole
& le Gouvernail ; Ce qui annonçoit
aux Peuples de la France & de l'Eſpagne
les biens que la nouvelle alliance des deux
Couronnes doit leur procurer. On lifoit
fur la poupe du Vaiffeau ce Vers Latin ,
EXULTAT GALLUS PARITERQUE
EXULTAT IBERUS.
Le Pemple François & le Peuple Efpagnol
donnent chacun de fon côté des marques
publiques de réjouyſſance.
Au
136 LE MERCURE
Au- deffus de la Déeffe qui prefide à fa
Navigation on lifoit , FELICITAS
UTRIUSQUE IMPER II . Lis
felicité de l'un & de l'autre Empire. Aubas
de la même figure eftoit écrit , NOVA
SPES GALLORUM ORDITUR AB
AUSTRO. Voicy une nouvelle efperance
des François , qui prend ſa fource du côté
du Midi. L'Elpagne eft au midy de la
France. Au-deffus du Mercure on lifoit ,
-PAX FUNDATA. La Paix affurée &
fondée fur les Alliances. Infcription connue
fur les Medailles Romaines , entre
autres de Severe & de Philippe.
S
Au bas du Mercure étoit ce Vers imité
du quatrième Livre de l'Eneide ,
MISCERIQUE JUVAT POPULOS
ET FOEDERA JUNGI
Il est convenable au bien de l'Etat de
mêler deux Nations ensemble , & de les
unir par des Traitez & des Alliances mutuelles.
Aux deux côtez de l'Arc de Triomphe
il y avoit deux Devifes . L'une avost
pour corps une jeune Grenade , non encore
mure & pour ame , GESTAT
NONDUM MATURA CORONAM.
Quoique l'Infante foit encore fort jeune' ,
elle ne laille pas d'être regardée comme
Reine
DE
MARS 1722. 137
Reine , par ſa ñaiſſance & par fa deftina
tion. Quelques Critiques ont remarqué que
cette Devile eft dans le Recueil du P.
Bouhours , mais ils n'ont pas fait attention
à deux chofes : Pune qu'elle n'a jamais
été employée , & qu'elle fait icy une
jufte & heureuſe application ; & l'autre,
que dans la legende ou l'ame de la Devife
du P. Bouhours on lit fert nec , ce
qui eft moins beau que Geftat nondum ma-`
tura Coronam, L'autre Devile avoit pour
corps deux Lys dans un las d'amour , &
pour ame JUNGIT AMOR ,
FIRMABIT HYMEN .. L'Hymen
• fortifiera les liens que l'Amour aura forme
d'un
côté
de l'autre
Toute la rue S. Honoré étoit bordée
par les Gardes Françoiſes , &
par les Gardes Suifles jufqu'à
l'entrée de la rue du Chantre , où l'on
avoit placé le cinquiéme Arc de Triomphe
, dans la compofition duquel on a cru
ne pouvoir donner une plus grande idée
de la joye publique , quen marquant com-
= bien elle eft agreable aux Dieux . C'eſt
ce qui a fourni l'idée qui y eft employée,
où l'on voit Jupiter fous un riche pavillon
ou baldaquin , fortant de l'Olympe , accompagné
des autres Divinitez du ciel
qui fur un tourbillon de nuées , vient recevoir
la Princeffe , & affurer les avantages
138
LE
MERCURE
ges que la France doit attendre de cette
heureuſe Alliance.
La premiere infcription mife au bas de
cette affemblée des Dieux , eft un paffage
imité du neuviéme Livre de l'Eneïde ,
DîS GENITA ET GENITURA DEOS
L'Infante tire fon origine des Dieux , ¿ª
elle est destinée pour engendrer des Dieux.
On içait que les Souverains font regar-/
dez dans la Mythologie & même dans
l'Ecriture comme les Dieux de la Terre.
L'autre Inſcription étoit , FIRMAT
VICTORIA PACEM . Par raport
à l'Infante- Reine qui a nom Vitoire , &
qui confirme la Paix entre la France &
l'Espagne , par fon heureuſe Alliance avec
le koy.
Ces Deviles & ces Infcriptions , aveć
leur explication , font de M. Moreau de
Mantour , qui les a faites en très-peu de
tems & en moins d'un jour , à caufe de la
promte expedition du Peintre , qui avoit
déja executé tous les deffeins des Arcs de
Triomphe.
Un détachement des Regimens des Gardes
Françoifes & Suiffes étoit en bataille
fur la Place du Louvre lorfque l'Infante-
Reine y arriva. Le Roy qui étoit venu
l'attendre fut la recevoir à la defcente de
fon caroffe , & lui donna la main pour la
conduire dans fon appartement , & lorfque
Sa
DE MARS 1722. 139
Sa Majesté fortit pour retourner au Palais
des Thuilleries , l'Infante- Reine voulant
reconduire le Roy jufqu'à fon caroffe ,
S. M. fouhaita qu'elle reftât dans fon appartement.
>
Aux Arcs de Triomphe & autres preparatifs
, les Parifiens avoient ajoûté ce
qui pouvoit dépendre d'eux pour augmenter
la magnificence de l'Entrée , en forte
que les rues étoient non-feulement tapiffées
, mais les façades des maiſons , les
balcons & les fenêtres parez des plus riches
étoffes & autres ornemens.
L'Infante-Reine entra dans Paris au milieu
d'une multitude prodigieufe de Peuple
qui étoit accouru en foule fur fon paffage
, & qui avoit rempli non-feulement
toutes les rues , mais encore tous les chemins
depuis Berni . La marche fe fit à peu
près dans l'ordre (uivant .
La Compagnie des Infpecteurs de Po
lice à cheval , avec trompettes & timbales :
à la diftance de so pas le Guet à cheval ,
avec fes timbales & trompettes. Les trois
magnifiques caroffes du Duc de Trêmes ·
Gouverneur de Paris ; le Colonel & les autres
Officiers de la Ville , dont les Archers
étoient à cheval le moufqueton haut ; deux
Ecuyers du Duc de Trêmes , douze Palefreniers
de fa livrée , menant en main des
chevaux richement caparaçonnez ; fix Pages
140
LE MERCURE
ges à cheval & plufieurs Gentilshommes.
Les Gardes du Duc de Trêmes à cheval
deux à deux & leurs trompettes à leur
tête , les Huiffiers , les Quartiniers & les
Confeillers de la Ville en Robe & à cheval:
les Caroffes qui ont fervi au voyage de
l'Infante-Reine.
A quelque distance les Grenadiers à cheval
,le fabre à la main & tambour battant ;
les deux Compagnies des Moufquetaires ,
avec les tambours & hautbois , les Offi
ciers à leur tête ; les Gendarmes & Che
vaux Legers de la Garde du Roy , avec
timbales & trompettes , leurs Officiers
marchant à la tête ; les détachemens des
quatre Compagnies des Gardes du Corps
avec les Etendarts & lestimbales & trompettes
, les Capitaines à la tête. Toute
corte Cavalerie marchoit l'Epée haute .
Un premier Caroffe du Roy , dans lequel
étoit la Princeffe de Soubife , accompagnée
des Sous - Gouvernantes de l'Infante
Reine : la livrée du Prevôt des Marchands,
celle du Duc de Trêmes , qui étoit auffi
nombreuſe que magnifique : le Caroffe
dans lequel étoit l'Infante Reine , accompagnée
de Madame, des Princeffes du Sang
& de Mad. la Ducheffe de Vantadour. Le
Gouverneur de Paris , les Prevôt des Marchands
& Echevins , le Procureur du Roy,
le Greffier & le Receveur de la Ville ,
marchant
DE MARS 1722. 141
A
inarchant devant & aux côtez du Caroffe ,
& le détachement des Gardes du Corps ,
qui a accompagné cette Princeffe dans fon
voyage. La marche étoit fermée par la
Compagnie de la Conétablie , & par celle
du Prevôt de la Generalité de Paris.
Quoique les boëtes & l'Artillerie placées
à l'Obfervatoire Royal , à la Gréve,
à la Baftille , fur le Quay des Thuilleries
& à l'Hôtel Royal des Invalides ayent
fait
plufieurs déchargès pendant la marche, les
acclamations & les cris de joye du Peuple
furentTi éclatans , qu'on en entendit à peine
le bruit. A peine attendit-on la nuit pour
des feux de joye & les illuminations , tout
Paris parut refplendiffant de lumieres & de
feux , & tous les Habitans firent éclater
leur joye pendant toute la nuit .
En finiffant cette Relation nous apprenons
que l'Academie Royale des Infcriptions
& des Belles Lettres , ayant eu ordre.
de faire une Medaille pour l'arrivée
de l'Infante- Reine à Paris , il a été reglé
& arrêté que la legende du revers de la
Medaille feroit telle , MARIE ANNÆ
VICTORIE FELIX ADVENTUS
LUTETIÆ : ainfi voilà dequoy achever
de fermer la bouche à ceux qui ne fça-
'chant que leur Grammaire & la Syntaxe
ordinaire , fans connoître le ftile lapidaire
ou celui des Infcriptions , ont critiqué
I. Vol G affez
142
LE MERCURE
affez legerement celle dont nous avons
parlé au fujet de la decoration de la Porte
S. Jacques , où l'on lifoit FELICI
ADVENTUI LUTETIE.
M. Gruin le fils Confeiller au Parleinent
fuccede à M. fon pere dans la Charge du
Trefor Royal.
Le Parlement, les Chambres affemblées,
a jugé le fameux procès Criminel intenté
depuis fept années contre les Commiffaires
Generaux des Saifies Réelles
accufés d'avoir diverti de la Caiffe Publique
une fomme de trois millions . M. Monerat
l'un de ces Commiffaires Generaux,
qui étoit détenu dans les Prifons de la
Conciergerie du Palais depuis l'année
1714 , a été renvoyé abſous , ainſi
affociés .
que
les
Le dernier jour du mois de Fevrier le
Roy , accompagné de M. le Maréchal Duc
de Villeroy fon Gouverneur , alla fe promener
au bois de Boulogne .
Le même jour le fils du fieur Paul Lucas
, Antiquaire du Roy, fur tenu fur les
Fonds de Baptême par Madame & M. le
Duc de Chartres ; on connoît fort le fieur
Paul Lucas par les differens Voyages qu'il
a faits dans le Levant & dans l'Egypte par
les ordres du feu Roy Louis XIV. de glorieufe
Memoire.
Le
DE MARS 1722 . 143
Le même jour encore M. d'Armenonville
, Confeiller d'Etat ordinaire & Secretaire
d'Etat , fut nommé par le Roy
Garde des Sceaux de France , & le lende
- main matin il prefta ferment de fidelité en
cette qualité entre les mains de Sa Majeſté,
en preſence de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent du Royaume.
Ce fut ce même jour - là que M. le
Comte Hoyems , Envoyé Extraordinaire
du Roy de Pologne , eut une audience particuliere
du Roy , où il fut conduit par
M. Remond Introducteur des Ambaffadeurs.
Le jour fuivant premier du mois de
Mars , & le fecond Dimanche de Carême,
le Roy entendit le matin la Meffe chantée
par la Mufique , & l'après-midy la Prédication
du R. P. Portail Prêtre de l'Oratoire.
Le trois au matin , le feu prit chez un
Artificier demeurant au Pont aux Choux
près de la Chaffe Royalle ; un enfant couché
dans une petite Chambre voiſine du .
grenier fauta avec le haut de la maiſon &
fur jetté fur le boullevart fans être tué.
Depuis cet incendie il en eft encore arrivé
un autre la nuit du 10 au 11 chez
un Loueur de Caroffes nommé Boulanger
près les grands Degrez de la Place Maubert.
M. le Duc de Villeroy ,dont le Pu
Gij blic
144·
.LE MERCURE
blic connoît & revere la bonté , & M.
-le Prince de Montauban paffant par cette
Rue y furent arrêtés par la charité , & travaillerent
eux-mêmes aux Pompes avec
une activité veritablement heroïque : ces
deux Seigneurs donnerent en cette occafion
un exemple genereux qui n'étoit imité
que lentement par les voifins de l'incendie
, intereffés à fuivre plus efficacement
de fi rares modelles.
Le quatre , M. le Garde des Sceaux
donna la Direction de la Librairie à M.
l'Abbé de Vienne , Confeiller au Parlement
, oncle de Madame de Morville..
Le de ce mois les Deputés du Parlement
, ayant à leur tête M. de Meſmes
Premier Prefident , allerent fuivant les ordres
du Roy, complimenter l'Infante Reine;
le même jour les Deputez de la Chambre
des Compres , ayant M. de Nicolaï leur
Premier Prefident à leur tête ; & les Deputez
de la Cour des Aydes , M. le Camus
Premier Prefident , portant la parole , s'ac-
• quitterent du même devoir. Tous ces Deputez
furent prefentez par M. le Comte
de. Maurepas , Secretaire d'Etat , & conduits
par M, le Marquis de Dreux Grand
Maître des Ceremonies , & M , des Granges
Maître des Ceremonies .
Le lendemain 6. M. de Verthamont ,
Premier Prefident du Grand Confeil , à la
tête
DE MARS 1722. 145
tête de fes Deputez ; & M. Hofdier Premier
Preſident de la Cour des Monnoyes,
auffi à la tête des Deputez de fa Compagnie
, curent l'honneur de complimen
ter l'Infante - Reine .
Le même jour les prefens de la Ville
furent offerts à cette Princeffe par le Corps
de Ville , ayant à fa tête M. le Duc de
Trêmes , Gouverneur de Paris. M. de
Château-neuf , Conſeiller d'Etat & Prevôt
des Marchands porta la parole .
Le 7. l'Infante-Reine fut complimentée
par l'Univerſité , le Recteur portant la
parole ; & par l'Academie Françoiſe , la
harangue fut faite par M. Malet Directeur
de cette Academie . M. le Comte de Maurepas
les prefenta , & ils furent conduits
à Paudiance avec les Ceremonies ufitées en
pareilles occafions par M. le Marquis de
Dreux , Grand Maître des Ceremonies ,
& M. des Granges Maître des Ceremonies.
Le même jour 7 au foir , M. d'Argenfon
Intendant de Touraine , où il a fignalé
fon goût dans les foins qu'il a pris & fa ca-'
pacité dans les ordres qu'il a donnés au
fujet du paffage de l'Infante-Reine , eft
arrivé à Paris.
Le 8. troifiéme Dimanche de Carême ,
le Roy entendit la Meffe dans fa Chapelle
du Palais des Thuilleries ; pendant cette
G iij
Mefe ,
146 LE MERCURE
"
Meffe , le Te Deum fut chanté par la Mu
fique de Sa Majesté en action de graces
de l'heureuſe arrivée de l'Infante- Reine..
L'après - midy le R. P. Portail Prêtre de
l'Oratoire , prêcha devant le Roy,
On a choifi M. l'Abbé Perrot , Inftituteur
du Roy , pour montrer à lire à
P'Infante- Reine ; & M. Marcel , Danfeur
de l'Academie Royale de Mufique , a été
nommé fon' Maître à Danfer.
LETTRE DU ROY ,
Ecrite à Monſeigneur le Cardinal DE
NOAILLES , archevêque de Paris .
M
* QN Coufin , l'Infante d'Espagne
eft arrivée dans ma Cour , & j'en
ay la joye la plus vive que mon coeur ait
encore, reffentie ; mon mariage avec cette
Princefle réunira les deux Branches defcendues
du Roy mon Bilayeul , & par-là
je remplirai les plus doux fouhaits que ce
Monarque eût pû former . Ce qu'il y a de
plus heureux & ce qui me touche le plus
fenfiblement c'est que cette union qui
affermit la puiffance de mon Etat & celle
d'Eſpagne , ne caufe point de ces allarmes
politiques & de ces jaloufies cruelles qui
font répandre tant de fang , & qu'au contraire
toute l'Europe y applaudit fincere

ment
DE MAR S 1722. 147
rent , & ratifie en quelque forte le Traité
e mon mariage ; Tout ce qui s'eft fait
bus man Regne n'a eu pour objet que
e lier tellement les Puiffances entr'elles ,
qu'il en refultât la tranquillité generale ,
& que le bonheur des differens Peuples
fut un bonheur commun dont les uns ne
puffent jouir fans les autres. Comme le
Souverain Maître des Rois n'eft pas moins
appellé le Dieu de la Paix que le Seigneur
des Armées , j'ay cru qu'il étoit neccffaire
de lui rendre graces d'un évenement fi
propre à affurer la tranquillité publique
& je vous fais cette Lettre de l'avis de
mon Oncle le Duc d'Orleans Regent, pour
vous dire de faire chanter le Te Deum dans
PEglife Metropolitaine de ma bonne Ville
de Paris , où mon intention eft d'affifter
en Perfonne le douze de ce mois à l'heure
que le Grand Maître ou le Maître des
Ĉeremonies vous le dira de ma part. Je
lui ordonne d'y convier mes Cours , &
ceux qui ont coutume d'y affifter. Sur ce
je prie Dieu , & c.
Milord Polwart , Plenipotentiaire du
Roy de la Grande Bretagne au Congrès
de Cambray , eft arrivé ici .
Le 15 Mars M. l'Evêque de Sarlat ,
frere de M. le Blanc Miniftre de la Guerre,
a été facré dans l'Eglife des Filles de Saint
Thomas
G iiij
148 LE MERCURE
Thomas , près la rue Vivienne , par M.
l'Evêque d'Avranches fon frere. M. l'Evêque
de Châlons fur Marne & M. l'Evêque
de Coutances , ont affifté M. l'Evêd'Avranches
dans cette fainte ceremonie
, où on a vu une augufte affemblée
de près de trente Prelats , M. le Cardinal
de Rohan , M. le Cardinal de Polignac ,
& M. le Cardinal Du Bois ont illuftré
la fête pas leur prefence.
que
Le même jour M. le Cardinal de Biffi
a celebré à l'Abbaye faint Germain des
Prés l'heureufe arrivée de l'Infante Reine,
par des marques particulieres de réjoüif-
Lances ; il y a eu un feu ; on a tiré quantité
d'artifice , de fufées , & de boëtes ;
le Palais Abbatial , cours & portes ont
été illuminées , & ont attiré un grand concours
de fpectateurs. ab
}
Le 12 le Roy eft parti du Louvre à
trois heures en Carroffe à deux chevaux ,
pour marquer le grand ceremonial , c'étoit
pour aller à l'Eglife Metropolitaine affifter
au Te Deum ordonné en action de graces
pour l'heureufe alliance de la France &
de l'Efpagne , & l'arrivée de l'Infante
Reine. Le Roy étoit fuperbement vetu ,
fon habit étoit de velours lilas , garni de
boutons de diamans , & de boutonnieres
auffi de diamans , difpofez en defferns riches
& de bon goût , les manches du
jufteDE
MARS 1722. 149
Jufte-au- corps étoient couvertes de diamans
auffi rangés en deffein ; le noeud
d'épaule d'or brodé de diamants , & terminé
par une frange de perles , avoit à
fon attache le gros diamant acheté pour
la Couronne par Monfieur le Duc d'Orleans
, deux millons fix cens mille livres ;
ce diamant eft d'une groffeur prodigieufe ,
& le plus beau que l'on connoiffe dans
le monde , en paroiffant il a effacé le
fancy , qui est un diamant de dix -huit
cens mille livres , appartenant au Roy ,
qui le portoit à l'attache de diamans qul
ornoit fon chapeau . Sa croix du faint Ēſprit
toute de diamants répondoit parfaitement
à un ajuſtement fi magnifique &
fi pompeux. Sa Majefté étoit accompagnée
dans fon Carroffe de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent du Royaume , de M. le
Duc de Bourbon , de M. le Comte de
Charolois , de M. le Comte de Clermont ,
de M. le Maréchal Duc de Villeroy fom
Gouverneur , & de M. le Duc de Noailles
Capitaine des Gardes du Corps. Les Gardes
du Corps & les Cent Suiffes fuivoient
le Carroffe du Roy à pied. Au bout du
Pont Notre- Dame , les Gardes Françoifes
& Suiffes étoient en haye jufqu'à la
grande porte de l'Eglife Metropolitaine ,
où le Roy fut reçu par M. le Cardinal de
Noailles , à la tête du Chapître, Son Emi
GY nence
150
LE MERCURE
nence fit un compliment à Sa Majefte , &
enfuite la conduifit dans le Choeur , où
étoient rangés à leurs places ordinaires ,
M. le Garde des Sceaux , le Parlement ,
la Chambre des Compres , & enfin toutes
les perfonnes diftinguées qui doivent ſe
trouver à ces auguftes ceremonies . M. le
Cardinal de Noailles, entonna le Te Deum,
qui fut chanté par la Mufique du Roy
& par celle du Chapitre. Aprés le Te Deum
on chanta la priere pour le Roy , qui enfuite
fut reconduit jufqu'à la porte de
P'Eglife par M. le Cardinal de Noailles.
Le Bal du Roy fur danſé le 8 Mars
1722. S. M. fe rendit à neuf heures du
foir dans certe Salle fuperbement illuminée
malgré fon étenduë. Sa Majesté avoit
un habit d'étoffe de foye rouge à petits car→
reaux d'or én Mofaïque , brodé d'argent en
Cartifane fur toutes les coutures , avec des
boutons de diamans.
L
L'Infante Reine arriva au Bal après le
Roy avec Madame la Ducheffe de Van
tadour & les Dames de fa fuite. Le Bal
commença à neuf heures & demie par un
branle. Voici les noms des illuftres Dan
feurs & Danfeufes qui le compofoient.
LE ROY. M. le Prince de Carignan,
M. le Duc de la Tremoille , M.le Duc de
Briffac , M. le Duc de Boufflers , M. le
Duc de Melun , M. le Duc de Richelieu,
M.
DE MARS 1722. 351
S
M. le Duc d'Olone , M. le Duc de Rers ,
M. le Marquis d'Alincourt , M. le Marquis
de Mirepoix , M. le Comte de Marthon
, M. le Marquis de Croiffy , M. le
Comtede Coigny , M. le Marquis de Refnel
,M. le Marquis de Villars , M. le Marquis
de Gondrin , & M. le Marquis de
Bezons.
Les Dames étoient, Mademoiſelle de Chasolois
, Mademoiſelle de Clermont , Mar
demoiſelle de la Roche- fur- Yon, Madame
Ja Princeffe de Carignan , Madame la Princeffe
de Soubife , Madame la Ducheffe de
Bournonville , Madame la Ducheffe de
Briffac la jeune , Madame la Ducheffe de
Boufflers , Madame la Ducheffe de Rets .
qui fe trouva mal , & qui ne danſa pas ,
Madame la Ducheffe d'Olone , Madame
Ja Marquile de Biron Gontaut , Madame
la Marquile de Villars , Madame la Marquife
de Crevecoeur , Madame la Marquile
d'Arfy , Madame la Marquise de
Trefnel , Madame la Comteffe d'Egmont ,
Madame la Comteffe de Jonfac , & Mademoiſelle
de la Riviere d'Orbec.
Après le branle , le Roy ouvrit le Bal
avec Mademoiſelle de Charolois , qui étoit
habillée avec une magnificence.qui marquoit
tout à la fois fon rang & fon goût.
Cette Princeffe prit enfuite M. le Prince
de Carignan, Madame la Marquile de
Gvj Gontaut
152 LE MERCURE
Gontaut eut l'honneur d'être prife par le
Roy pour fermer le Bal.
*
Outre les Dames qui ont eu l'honneur
de danfer au branle mené par le Roy , il
y en eut encore qui avoient été priées par
fon ordre , dont voicy les noms : Madame
la Ducheffe de Valentinois , Madame la
Comteffe de Sabran , Madame la Marquile
de la Vrilliere , Madame la Marquife
d'Ancenis , Madame la Marquife
d'Arpajou , Madame de Brión , Madame
de Melfort , Madame de Poiffy , & Mar
dame de Combourg ; ce Bal fuperbe &
le mieux illuminé qu'on ait peut être jamais
donné , avoit été arrangé par les or
dres de M. le Duc de Villequier. On fut
auffi charmé de fon goût dans la difpofi
tion des ornemens de la Salle , que de fa
politeffe dans la diftribution des places..
.M . de Saint- Difant & M. le Fevre Intendans
des menus Plalfirs de Sa Majeſté ,
avoient parfaitement répondu à fes intentions
, & les perfonnes qui font les moins
fujettes à l'admiration , n'ont pù s'empêcher
de louer extraordinairement ce ma
gnifique fpectacle.
Ce fuperbe Bal a été donné dans la Salle
du Palais des Thuilleries , qu'on appelle des
Machines , où l'on voit le plus magnifique
Theâtre qui foit en Europe , le plus
richement & le plus ingenieufement dif
polé
DE MARS 1722 . 153
pofé & decoré , fans en excepter même
celui de Parme , dont on fait tant de cas.
Tout ce beau lieu eft peint en marbre
de diverfes couleurs. Les loges en balcon
font foutenues par des colomnes Corin-
Thiennes , dont les chapiteaux & les fou
baffemens font très- richement dorez , ainſi
que les corniches & les baluftrades. Le
plafond eft chargé de Sculptures dorées
& de Peintures faites. fur les cartons de Le
Brun , executées par Noel Coypel. Feu
M. Vigarani , Gentilhomme Italien ,
eftimé pour les Machines & pour les grands
Spectacles , a donné toutes les dimenfions
de ce fuperbe Theâtre , qui peut ailément
contenir jufqu'à fept ou huit mille perfonnes.
"
fort
Pour difpofer ce lieu magnifique en
Salle de Bal , on a élevé un Parquet pour
faire un plain- pied du Theâtre à l'Amphitheâtre
, dont on avoit ôté les gradins .
La partie du Thâtre qui étoit en couliffe
a été revêtue par une decoration en por
tique , dont les impoftes font portez par!
des Termes , & les cintres des parties du
milieu , tant des côtez que du fond , font
Couronnez de groupes d'Anges , foutenant
les Armes de France & les chiffres
du Roy. Le plafond , enrichi d'une architecture
avec des ornemens affortis aux
portiques , renferme un grand fujet allegorique
154
LE MERCURE
gorique de la France & de la Paix , &es .
Ce grand morceau a été peint par M.
Vanlo , Peintre de l'Academie.
Nous n'entreprendrons point de donner
une idée jufte de l'éclat & de la magnificence
de ce fuperbe Bal , où toutes fortes
de rafraîchiffemens ont été fervis dans la
plus grande abondance. Nous n'approcherions
jamais de la verité. Mais nous pouvons
affurer les Lecteurs qu'on étoit éga
lement frapé d'admiration & d'étonnement
au brillant de cette augufte & pompeufe
affemblée , tant par la difpofition &
la richeffe du lieu que par celle des habits
& d'une prodigieuſe quantité de pierreries
dont tous les Princes , les Princeffes,
les Dames & les Seigneurs de la Cour
étoient parez , & dont le brillant fe joignoit
à celui des luftres & des girandoles
de criftal de roche , dont tout le plafond &
le pourtour de la falle étoit orné.
Le Lundi 9 , le Roy celebra lheureuſe
arrivée de l'Infante- Reine , par un trèsbeau
feu d'artifice , & par des illumina→
tions fuperbes & d'un goût nouveau , dans
le Jardin de fon Palais des Thuilleries..
où toute la fplendeur de la magnificence
Royale a veritablement éclaté.
On voyoit l'Element le plus terrible ,
transformé en une infinité d'images les
plus riantes &c les plus fingulieres , qui
formoient
DE MARS` 1722. 159
formoient toutes enſemble le plus brillant
& le plus furprenant ipectacle qu'on ait
encore vû. Le grand corps du feu d'artifice
de 70. pieds de haut fur go . d'empatement
, étoit élevé fur le grand baffin
du Parterre , vis-à-vis le Pavillon du milieu
du Château. Safigure piramidale étoit
octogone , à fix gradins , non compris
le piédeſtal du Cheval Pegaſe , qui furmontoit
tour l'édifice . Tous ces gradins
étoient profilez de gerbes & de lances à"
feu , avec une quantité prodigieufe de gros
lampions ou terrines , qui offroient aux
pectateurs une varieté de couleurs , dont les
yeux étoient enchantez.Ce mont étoit décoré
duhaut en bas d'un ordre ruftique de lar+
mes congelées, feintes en blanc & en rouge.
A droite & à gauche de ce grand corps,
dans les deux allées d'environ cent pas de
long , on avoit formé deux parcs de cinquante
caiffes de fufées chacun , qui produifirent
un effet merveilleux.
Un quatrième corps étoit placé derriere
Je Mont ; c'étoit comme une caiffe de 800
fulées , qui partant toutes à la fois cer
minérent de la maniere du monde la plus
éclatante , ce fuperbe Spectacle.
Hrefte à donner quelque idée de l'’illumination
compofée de plus de sonoo· lu
mieres en terrines, avec de groffes méches,
qui au milieu de la nuit avoient ramené
la
ISG LE
MERCURE
la clarté du plus beau jour.
*
Tous les compartimens , les plates-bandes
, & en un mot les divers deffeins for
mez par les buis du Parterre étoient pro
filez de ces terrines ou lampions , ce qui
compofoit un vray Parterre de lumiere
qui par enchantement fembloit avoir pris
la place de celui qu'on y voyoit pendant
le jour. Les ifs découpez , dont les allées
du Parterre font formées , & qui termiminant
les divers compartimens , étoient
trés- naïvement reprefentez par des piramides
de lumiere de douze pieds de hauteur.
Douze pirarnides plates , prefque de
la hauteur des arbres des allées , terminoient
le Parterre , & faifoient face au
Château, toutes rangées fur la même ligne,
entremêlées d'ifs , femblables à ceux dont
on vient de parler.
2.
Cette magnifique illumination. dura
prefque toute la nuit ; ainfi le vafte Jardin
des Thuilleries fe remplit & fe vuida plu
fieurs fois par une quantité prodigieufe
de Peuple , qu'un Spectacle fi brillant &
fi beau attiroit en foule de tous côtez.
Le Roy & l'Infante - Reine étoient
placez à la terraffe du Château fous un
magnifique Pavillon . Cette Terraffe étoit
éclairée avec des flambeaux de cire blan
che.
DE MARS 1722.
157
·
Le 11 Mars M. Bouchet , cy - devant
Payeur des Rentes , qui a l'honneur de
fournir depuis plufieurs années la Garderobbe
de leurs Majeftez Catholiques ,
donna des témoignages publics de fon
zele pour leurs perfonnes Royales , &
de la joye qu'il reffent avec tous les François
de la conclufion du mariage de Sa
Majefté Très Chretienne avec l'Infante
d'Espagne , & de l'heureuſe arrivée de la
Princeffe en cette Ville . Sa maiſon qui eft
fituée vis- à - vis l'Hôtel de la Monnoye ,"
fut illuminée en dehors & au dedans de
la cour , depuis le plinte du premier étage
jufqu'au toit. A la hauteur du premier
étage il avoit fait placer un cadre de vingt
pieds de haut , où étoient peintes les Armes
de France & d'Efpagne , foutenues
par deux Anges , fupports ordinaires de
celles de France , avec des Infcriptions
convenables au fujet.
C
Dans un Tableau à la droite du grand
cadre , deux lys en fautoir , figurans le
Roy & l'Infante Reine , étoient le ſujet
de l'Infcription qui fuit.
Lilia dum crefcent , & vos crefcetis amores.
· Pendant que les lys croîtront , amours ,
Vous croîtrez auffi .
Le Tableau qui étoit à la gauche avoit
pour emblême un ruban noué , avec ces
paroles :
Felix
158
LE MERCURE
Felix nettitur , quàm felicior fringetur
nodus !
Heureux noeud qui fe noue , plus heureux
quand il fera ferré.
Plufieurs perfonnes de confideration
entr'autres Don Patricio Lawlés, Ambafſadeur
de Sa Majesté Catholique , M. l'Abbé …·
Lanti , Envoyé du Duc de Parme , M. le
Marquis de Monti , & autres Seigneurs ,
lui firent l'honneur de fe trouver à fon
invitation au repas magnifique qu'il donna
chés lui le même jour de l'illumination .
On nous mande de Tours du 26 de l'autre
mois , que la petite Ville de la Haye a
donné des marques éclatantes de la joye
lors du paffage de l'Infante - Reine
par les foins de M. de Parigny Gouverneur
des Ville & Château de Sainte - Maure
dans le Duché de Montbazon en Touraine.
Il forma deux Compagnies , l'une de Cavallerie
& l'autre d'Infanterie , par ordre
de S. A. S. M. le Comte de Charolois ,
Gouverneur de Touraine , fe mit à leur
tête , les fit marcher à la rencontre de
l'Infante Reine , & les pofta fur le chemin
pour former une double haye.
A l'arrivée de la Princeffe à la Haye ,
le jour des Cendres , on fit plufieurs falves
du canon du Château. Au milieu du Pont
on avoit dreffé un Arc de Triomphe de
14 pieds de haut fur 18 de large , orné
de
DE MARS 1722. 159
de feftons & de guirlandes, A la principale
façade on voyoit les Armes de France
& d'Espagne , avec cette Devife Latine ,
Pectora junges amor qui regia femmata
junxit.
A la droite étoit le blazon de M. le
Prince de Guemené , avec cette deviſe :
Et adhuc fpes durat Avorum. A la gauche
étoit celui de Madame la Ducheffe de Van,
tadour , avec cette devife : Eft fidei commilla
tua Spes altera regni. Sur le milieu
du fefton de l'enfoncement pendoit un
Emblême reprefentant une grenade en
fleur , partie des Armes d'Efpagne , avec
cette diviſe tirée du Cantique des Cantiques
: Veni coronaberis . Et dans un cartouche
au deffous étoit l'explication de cette
Devile en ces quatre Vers François :
Venez belle Grenade , avancez prómptement ,
A ce naiffant éclat que l'Efpagne vous donne ,
La France va bien tôt joindre un autre ornement,
Ce n'eft rien moins qu'une couronne.
Dès que la Reine fut entrée dans la
Ville , on recommença une feconde ſalve
des mêmes pieces d'artillerie , la marche
continuant au bruit des acclamations publiques
jufqu'au lieu deftiné pour le Louvre
, dont la rue étoit tendüe de Tapifferies
que M. de Parigny avoit fait apporter
de Tours. La porte du Louvre étoit toure
ornée
160 LE MERCURE
ornée de guirlandes & de feftons de verdure
, qui fembloit annoncer le retour du
Printems. Sur le milieu de la porte étoit
encore le blazon de France & d'Espagne ,
avec cette Deviſe Latine : Et fupebunt
gentes. Sur les deux côtés étoient pareillement
repetés en cartouches differens les
blazons de Mgr. le Prince de Guemené ,
& de Madame la Ducheffe de Vantadour.
Sur les neuf heures du foir on tira un
feu d'artifice , qui furprit d'autant plus
agréablement , qu'on ne devoit pas s'y
attendre dans un pareil endroit , & qui
remplir l'air d'étoiles & d'autres figures ,
pendant ce temps deux grands feux de
joye éclairoient toute la Ville , dans la
quelle on fit couler des picces de vin. &c.
Le lendemain on obferva le même marche
& les mêmes ceremonies pour le départ
de l'Infante , qui au fortir de la Ville
fur faluée d'une nouvelle décharge d'artillerie
.
Le 28 Fevrier l'Infante Reine arriva en
la Ville d'Arpajon fur les trois heures après
midi , elle trouva le deuxième Bataillon du
Regiment du Roy qui bordoit la ruë des
deux côtez , & tenoit depuis la porte
d'Eftampes juſques à la maiſon qu'on lui
avoit préparée.
"
Le Marquis d'Arpajon Lieutenant General
des Armées du Roy , Gouverneur de
la
DE MARS 1722 161
la Province de Berry , Chevalier de la
Toifon d'or , Seigneur de ce lieu , eur
P'honneur de lui baifer la main ; enfuite
M. Humblot Procureur au Châtelet , fon
Bailly , accompagné de tous les Officiers
de la Justice dudit Marquifat , & des
principaux Habitans , eurent l'honneur de
lui faire la reverence , & de l'affurer de
la joye que la Ville reffentoit de la voir
en ces lieux.
Après , le fieur Robine , Docteur en
Theologie , & l'un des Curez dudit Marquifar
d'Arpajon , fuivi de fon Clergé ,
& des Curez de fon voifinage , prefenta
des Vers Latins à la Sereniffime Infante
Reine , à Madame la Ducheffe de Vantadour
, & à toute la Cour : il y eut le foir
une grande illumination au Château , avec
un Soleil lumineux , fous lequel on lifoit
vive l'INFANTE REINE , & des feux
de joye par toute la Ville. Mr. Bignon
Intendant de Paris , donna un magnifique
Louper aux Officiers du Regiment du Roy,
à une partie des principaux Officiers de
l'Infante , & à plufieurs de fes amis qui
l'avoient accompagné dans la journée.
>
Le lendemain premier Mars la Sereniffime
Infante Reine , après avoir entendu
la Meffe , partit fur les dix heures du matin
pour aller coucher à Berni . L'on peut
dire avec verité que jamais peuples n'ont
marqué
162 LE MERCURE
tant de joye & tant d'allegreffe que ceux
de cette Ville , comme les Vers cy- joints
qui furent prefentez le manifeftent.
ARPAJON EXULTANS
IN ADVENTU
SERENISSIME INFANTIS
REGINE GALLIARUM,
UCITE perpetuum mea Carmina , ducite
DU cantum .
Rex Regum Dominus, Cali Dominater & Orbis,
BORBONIUM celebrare Decus , celebrare
Coronas ,
Gallis Hifpanifque fimul dat Foedere facro ,
Quofoecunda Domus, Sanguis, Profapia,Nomen,
Multiplicanda magis Soboles , quò junior Ætas.
Sic Flores tribuust maturo tempore fruges ;
Sic Seges Agricolam lætis ditavit ariftis ;
Sic rerum fpecies paulatim fumere formas ;
Sic quoque nafcentis referunt primordia Mundi .
DucITE perpetuum mea Carmina , ducite
cantum .
Jam recreat Terras jucundo lumine Phoebus ,
Quem modò non perimit nimbofo tegmine
bruma ;
Jam ceffavit Hyems , cellavit frigidus horror ;
Jam Nivis & diræ nog fævit Grandinis ira :
Non
DE MARS 1722.
163
ز ا
Nongelidus Boreas ftridoribus inftat acutis ;
Horrida Fluminibus glacies non afperat undas ;
Diluvium nec aquis pluvialibus obruit arva ,
Nec quatiunt Turres adverfo turbine Venti ,
Nec tenebrofus Aër ftringit caligine Terras.
DUCITE perpetuum mea Carmina , ducite
cantum ,
Apparent Flores , Violas ftudiofa Juventus
Colligit , & Veris paffim munufcula carpit ,
Et ducit Choreas , feltivaque Carmina cantar.
Undique jam refonant Avibus virgulta canoris ;
Jam Philomela canit , demulcet pectora cantu ,
Expellieque graves dulci modulamine curas .
Turturis auditur yox , vox auditur Alaudæ ,
Quæ recreata diu fufpenfis aëra pennis ,
Oblectat mentes , oculos , aurefque videndo.
DUCITE perpetuum mea Carmina , ducite
cantum .
Nunc frondent Sylve , gemmas gratiffima Vitis ,
Et Campis Segetes viridantia gramina promunt':
Florca Prata novo rident depicta colore .
Hinc Terram videas duro qui vertat aratro ;
Illinc qui teneras fubigant in Palmite Vites.
Gaudet ovans Paſtor , gracili modulatur avenâ
Atque Viatorem compellit fiftere greffum ,
Dum Caper & læræ Pecudes , hirtaque Capellæ ,
Et blandi faliunt altis in montibus Agni.
DUCITE
164
LE MERCURE
DuCITE perpetuum mea Carmina , ducite
cantum .
Naiades æquorex celfis in montibus ortæ,
Cum Dryadis feriunt feftivis cantibus Aftra ;
Et Cereri & Baccho non defunt Carmina : Pallas,
Mercurius, Mufæque, fimul venerandus Apollo ,
Pan Ovium cuftos . Sylras , Montefque pererrans,
Jupiter omnipotens, Saturnus, maxima Juno ,
In Coelis Terrifque Choros & ovantia ducunt
Agmina ; fic gaudent rapido penetralia cantu
Implere , & facri flaminis adolere Penates.
DUCITE perpetuum mea Carmina , ducite
cantum .
Plaudite nunc Cives ftudiofi , plaudite Galli
Vos , Proceres , ftimulis haud mollibus æmula
Virtus
Excitat ; & concors Pietas & Gloria poſcunt :
Divitibus cumulas Gallos Hifpania donis ,
Aeceptumque refert munus quo Regia fulget ,
Quove vovum Foedus fancitur nexibus actis.
BORBONIO Genere Hifpanus Gallufque
fuperbit ;
Hoc Genus , hoc noftrum, noftræ quoque gloria
Gentis ,
Hoc Genus implebit Patriis radicibus Orbem .
DucITE perpetuum mea Carmina , ducite
cantum .
Munera pro donis fusè largitur Iberus ;
Acceptare
DE MARS 1722 . 165
Acceptare juvat monimentum & pignus amoris
Nec laudare fatis , gatefque rependere dignas
Sufficimus : memores animos obftringimus omnes.
Advenit hoc Donum , Cives , occurrite , dextrâ
Armati penitùs placet obfervantia Regi.
Vos decet obfequium vultu præftare benigno ,
Chara quibus Patria eft , quibus & chariffimá
Proles ,
Officiis alias Urbes fuperare juvaret.
DuCITE perpetuum mea Carmina , ducite
cantum .
Certatim Gentes celebrârunt gaudia plauſu :
Burdigala ingeniis Hominum, Fluviifque fuperba,
Mercibus infignis , Bello , Procerumque Senatu :
Cordis amor Patriæque decus celeberrima
Regni
>
4.
>
Urbs Aurelia , clara fitu & victrice Puella
Et Stempæ , certamen ubi Bellona gerebat ,
Pugnârunt Urbes animis , ut grata referrent
Obfequia : & ftudiis accenfæ æqualiter omnes.
Quantum quifque poteft , alacri fibi confulit
arte.
DucITE perpetuum mea Carmina , ducite
cantum .
ARPAJON exultat , fummus clatufque Dynaftes.
Exultat fimili Tellus de nomine dicta
ARPAJON , infignità novo , quæ Caſtra ferebat.
Exultans Populus , feftivo Carmine Regem.
1: Vol: H Ardens
166 LE MERCURE
Ardens profequitur votis , Dominamque pototem.
DUCITE perpetuum mea Carmina , ducite
cantum .
Dulcis amor noftri REX & REGINA , Decorum
Præfidium Patriæ , Francorum dulcia cordis
Vota , Salus , Spes & charæ Fiducia Gentis :
Profpera cum Regno florenti cuncta precamur ,
Conjugium felix , multos feliciter annos :
Et Natos videant Natorum , in millia crefcant ,
Multiplicent Superi Nomen , Decus , arque Coronas
,
Pe&toribus noftris Genus hoc , & Lilia cordi.
4
DucTE perpetuum mea Carmina
cantum .
ducite
Quod Natura dedit, coluit Sapientia, ** Mentor
Perficiat : Reges quos aurea Sæcla tulere
Confurgent , totum Soboles optanda per orbem.
Ducite perpetuum méa Carmina, ducite cantum.
* Madame de Ventadour.
** M. de Villeroy.
Cette Piéce Latine paroîtra peut- être
un peu longue , mais elle eft du tems , &
une perfonne de très -grande confideration
s'y intereffe.
BENEFICES.
DE MARS 1722; 167
BENEFICES.
E Roy a accordé l'Abbaye Reguliere
des Pierres , Ordre de Cîteaux , Diocefe
de Bourges , vacante par le decès de
Frere Louis Guibert , dernier Titulaire
en faveur de Frere Silvain Simoner , Prêtre
Religieux dudit Ordre , à la charge
d'une penfion annuelle & viagere de 74
ducats d'or & demy valant 400 livres
monnoye de France , à prendre fur les
fruits & revenus de ladite Abbaye , pour
le Sieut Thomas Efnault , Frere fervant
d'armes de POrdre de Notre- Dame de
Monr-Carmel & de Saint Lazare.
La Coadjutorerie de l'Abbaye de Clavas,
Ordre de Cîteaux , Dioceſe du Puy, dont
la Dame de Montmorin eft Abbeffe, en faveur
de Dame Anne de Montinoriu ,
Religieufe du même Ordre dans ladite
Abbaye.
La Coadjutorerie de l'Abbaye de Villiers ,
Ordre de Cîteaux , Diocefe de Sens , don't
la Dame Paule de Clermont de Rouffillon
eft Abbeffe , en faveur de Dame Catherine
de Bertons de Crillon , Religieufe Profeffe
de l'Ordre de Saint Benoift .
L'Abbaye de Maffey , Ordre de Saint
Benoift , Diocele de Bourges , vacante par
Hij
1 le
108 LE MERCURE
le decès de M. le Cardinal de Mailly, dernier
Titulaire , en faveur du Sr Louis
Alexandre Berthelot , Clerc Tonfuré du
Dioceſe de Paris .
L'Abbaye de Megemont , Ordre de
Citeaux , Dioceſe de Clermont , vacante
par le decès du fieur de Segonzac , dernier
Titulaire , en faveur du fieur Guillaume
Ange de Segonzac , Clerc Tonfuré.
MORTS ET MARIAGES.
Mi
. le Marquis de Pompadour , de
l'illuftre Maifon des Marquis de
Pompadour , établie il y a plus de deux
cens ans en Provence , eft mort depuis
peu .
Meffire Louis-Jofeph Adhemar de Monteil
de Grignan , Evêque de Carcaffonne
depuis le mois de May 1681 , & facré le
11 Decembre de la même année , eeslt mort
dans fon Dioceſe le premier Mars d'une
gangrene au pied : il avoit été nommé à
P'Evêché d'Evreux en Fevrier 1680 , dont
il ne prit point poffeffion.
Le 3 Mars Meffire Charles Comte de
Colbert , Chevalier , Seigneur de la Grimenaudiere
, Cheuffe , Sainte Saoule , la
Suze & autres lieux , cy- devant Cornette
des
DE MARS 1722. 169
des Chevaux- Legers de la Garde ordinaire
du Roy , Meſtre de Camp de Cavalerie
& Colonel de Dragons à la fuite du Regi
ment Royal Dragons , eft mort à Paris.
de la petite verole , âgé de 18 ans.
Le Mars 1722 7 Dame Catherine Perrot
, veuve de Meffire Jeán Gon de Vaffigny
Chevalier , Seigneur d'Argenlieu ,
Cuignieres & Lamecourt , Confeiller du
Roy en la Cour des Aydes.
Le 13 Mars Dame Marie-Thereſe Ber--
ger, épouse de M. Ogier , Grand Audiencier
de France , Receveur General du
Clergé,
Le 13 dudit mois Jofeph Hinfelin ,
Ecuyer , Confeiller du Roy , Correcteur
honoraire en fa Chambre des Comptes.
Le 14 Mre Cæfar- François Fromont
Confeiller du Roy en fa Cour des Monnoyes.
>
Mre Philippe Florimond de Flavigny
Chevalier , Seigneur de Lieffe , Remigny
& autres Lieux , Chevalier de l'Ordre.
Militaire de Saint Louis , & Sous - Lieutenant
de la Compagnie des Grenadiers à
cheval du Roy , a époufé Dlle Suzanne
Eleonore de Villemur, fille de M. le Marquis
de Villemur , Lieutenant General.
des Armées du Roy , Capitaine - Lieutenant
des Grenadiers à cheval du Roy.
Le premier Mars Mre Victor - Pierre-
Hiij François
170
LE MERCURE
"
François de Riquet , Comte de Caramant,
Meftre de Camp du Regiment Royal de
Cavalerie de Berry , a époufé Dlle Louife-
Madelaine Portail , fille de M. le Prefident
Portail , Prefident à Mortier au Parlement
, & de Dame Rofe Madelaine
Rofe.
Du quatre Fevrier , Alexandre - Louis-
Charles Dauger , Seigneur du Tremblay
& autres lieux , a époufé Dlle Helene-
Françoife Rocher , fille de deffunt Mre
François Rocher , Premier Prefident au
Bureau des Treforiers de France à Tours.
Du 9 dudit mois Marc- Ambroife Ancelin
, Chevalier Seigneur de la Forge
Capitaine de la grande Fauconnerie de
France , a époufé Marie- Madelaine- Angelique
le Rat , fille de M. le Rat , Secretaire
du Roy , Maiſon & Couronne de
France & de fes Finances.
EDITS , ARRESTS , DECLARATIONS.
RREST du Confeil d'Etat du Roy , du
7
ticle IV. de l'Arreft du vingt- trois Novembre
1721 , & de l'Inftruction du 7 Decembre
fuivant pour la liquidation des effets
qui ont été prefentez au Vifa. Le Roy
ayant par l'Arreft rendu en fon Confeil le vingttrois
Novembre dernier , prefcrit la forme en
laquelle
DE MAR S 1722. 171
:
laquelle Sa Majesté entend qu'il foit procedé à
l'examen & liquidation des effets qui ont été
prefentez au Vifa ; & par les Articles IV. & VI,
du même Arrest , ordonné que dans les cas qui
exigeront des éclairciffemens , ou des preuves
de la part des Particuliers porteurs d'effets ,
les fieurs Commiffaires de fon Confeil à ce
députez feront expedier un extrait des difficulzez
, lequel fera envoyé à la Partie , qui fera tenue
d'y répondre dans le temps , & en la forme
que lefdits fieurs Commiffaires preferiront ;
fauré de quoy il fera paffé outre au Jugement
définitif , en fe conformant au furplus aux ordres
& inftructions particulieres qui leur feront
données Et Sa Majefté ayant depuis , par l'in
struction du 7 Decembre fuivant , fixé la maniere
d'operer fur le grand nombre & la diver
fité des cas , en execution des Arreſts & Regle
mens du 23 Novembre , qui ont établi la loy
des Liquidations : il a été en confequence d'éfinitivement
ftatué jufqu'à ce jour fur plus de
trois cens mille Parties , dont les valeurs ont
même commencé à eftre delivrées au Public .
Ce premier travail joint aux connoiffances qui
refultent des extraits des Actes qui ont été fournis
par les Notaires , en execution de l'Arreft du
14 Septembre dernier , a prefenté diferens cas
qui n'avoient pû eftre expliquez par lefdits Reglement
& Inftruction : Tels font les cas des Porteurs
d'Effets , qui , fuivant les preuves refultantes
des Actes des Notaires ont fait des acquifitions
confiderables , ou payé un grand
nombre de dettes , avec des fonds que l'on
peut préfumer provenir des mêmes valeurs &
origines qu'ils ont appliqué par leurs declarations
aux effets par eux prefentez au Vifa , ce
qui détruiroit , s'il n'y étoit pourvû , la jufte
proportion que Sa Majefté a voulu établir dans
Hiiij la
>
1721
LE
MERCURE
fa reconnoiffance & le remboursement des dettes
de l'Etat Surquoy Sa Majefté defirant expliquer
fes intentions , en confervant cette même
proportion , eu égard au prix exceffif des acquifitions
, & à la facilité des rembourfemens :
Ouy le Rapport , &c.
ARTICLE PREMIER .
Que le deffaut d'origine des Deniers ou Effets
employez en acquifitions , emportera la nullité
des origines alleguées par les declarations , Tur
les effets reprefentez au Vifa , jufqu'à concurrence
du tiers du montant defdites acquifitions ;
caforte que tout Porteur de cent mille livres
d'effets vifez , qui fera juftifié avoir fait des
acquifitions pour trois cens mille livres , & au
deffus , dont il ne pourra prouver l'origine ,
fera jugé eftre dans le cas de la cinquiéme
Claffe du Reglement general du 23 Novembre
dernier , & comme tel fes effets feront reduits
de dix- neuf vingtiémes , & liquidez à un vingtiéme
feulement , nonobftant toutes origines
par lui alleguées dans fa declaration : Ordonne
Sa Majefté , que lors que le Porteur de cent
mille livres d'effets vifez n'aura fait que pour
cent cinquante mille livres d'acquifitions , dont
il ne pourra autfi prouver l'origine , la reduction
des dix -neuf vingriémes ne fera faite que
fur cinquante mille livres des effets par lui
reprefentez; & fera la même proportion obfervée
dans le cas où les Effets reprefentez au Viſa
feront de plus grande ou moindre fomme.
II. Quant aux deniers & effets ( employez au
rembourfement des dettes. ) dont l'origine ne fera
pas juftifiée ; Ordonne Sa Majefté que ledic
defaut d'origine emportera la nullité de celles
alleguées par les Declarations fur les effets repréfentez
au Vifa , jufqu'à concurrence de moitié
A du
DE MARS 1722. 173
+
du montant defdits rembourfemens , au moyen
de quoy tout porteur de cent mille livres d'effets
vifez, qui fera juftifié avoir fait des rembourfemens
pour deux cens mille livres ou au
deffus, en deniers ou effets , dont il ne pourra
prouver l'origine , fera jugé comme étant dans
la cinquième claffe dudit Reglement general ,
& les effets vifez reduits de dix- neuf vingtiémes ,
& liquidez au vingriéme feulement , nonobftant
toutes origines par lui alleguées dans fa declaration
; & fi le particulier n'avoit fait que pour
cent mille livres de rembourſemens dont il ne
pût auffi prouver l'origine , la reduction de dixneuf
vingtiémes ne fera faite que fur cinquante'
mille livres des effets vifez par lui repréfentez ,
laquelle proportion fera de même obfervée lorsque
les effets repréfentez au Vifa feront de plus
grande ou moindre fomme.
III . Veut Sa Majesté que dans les cas énoncez
dans les deux Articles ci - deſſus , où le defaut
d'origine des deniers ou effets employez
en acquifitions ou en rembourfemens de dettes ,
n'operera que pour partie la nullité des origines
des effets reprefentez au Vifa , cette nullité foit
impurée fur les origines les plus favorables .
IV. Si les origines que les particuliers raporteront
, des effets employez en acquifitions ou
rembourfemens , fe trouvent moins favorables
que celles qu'ils ont alleguées pour les effets
par eux préfentez au Vifa : Ordonne Sa Majesté
que la liquidation defdits effets fera faite fuivant
les origines les moins favorables ; & ce
dans la même proportion énoncée dans les trois
Articles ci deflus .
V. Dans tous les cas qui exigeront des éclaireiffemens
ou des preuves de la part des particaliers
porteurs d'effets , & nommément dans
ceux où il fera juftifié par les Actes des Notaires
174
LE MERCURE
taires , que lesdits Porteurs d'effets auront fair
des acquifitions ou des rembourfemens de dettes,
il fera fait des extraits defdits Actes , pour eftre
envoyez aufdits porteurs d'effets , qui feront
tenus de raporter dans le delai qui leur fera
prefcrit par les avertiflemens joints aufdits extraits
, les preuves des origines des deniers ou
effets par eux emoloyez aufdites acquifitions
ou rembourfemens..
VI. Lorfque le Particulier porteur d'effets
( averti comme en l'article precedent , fur ce
qui refultera des actes des Notaires , de juftifier
de l'origine des deniers ou effets employez
en acquifitions ou rembourfemens de dettes ,)
ne répondrá pas ; ou lorfque par fa réponſe ,
il n'en raportéra aucune origine : Ordonne Sa
Majefté que dans l'un & l'autre de ces deux cas,
la liquidation des effets ne pourra eftre faite que
fur le pied porté par les Articles I. II . & III. du
prefent Arreft , & fuivant les cas y énoncez
VII. Si les origines que le particulier ( averti
comme ci -deffus ) prouvera par fa réponſe , fent
moins favorables que celles qu'il avoit alleguées
par fa declaration : Ordonne Sa Majefté que la
Jiquidation de fes effets fera faite fuivant la dif .
pofition de l'Article IV. du prefent Arreſt.
VIII. N'entend neanmoins Sa Majefté , comprendre
dans les difpofitions portées par le prefent
Arreft , les Actions & dixiémes d'Actions
intereffées de la Comagnie des Indes , dont la
liquidation continuera d'érre faite conformément
au Reglement que Sa Majefté a fait arrê
ter pour cette efpece d'effets ; & feront au furplus
les Arrefts & Reglemens du 23 Novembre
enfemble l'Inftruction du 7 Decembre 1721 .
executez felon leur forme & teneur , en ce qu'il
n'y eft dérogé par le prefent Arreft , à l'execution
duquel , Sa Majesté enjoint aux fieurs
Commiffaires
2
DE MARS 1722. 175.
Commiffaires du Confeil à ce deputez , de tenir
la main , nonobftant toutes oppofitions & autres
empêchemens , dont fi aucuns interviennent
, Sa Majeſté s'en eſt refervé la connoif.
fance & à fon Confeil , & icelle interdit à
toutes les Cours & aures Juges .
ARREST du Confeil d'Etat du Roy , du 14
Mars 1722 , qui ordonne l'execution de celui du
27 Janvier dernier , & que faute par les Actionnaires
de l'ancienne Compagnie des Indes d'avoir
nommé des Syndics en execution dudit
Arreft, il fera procedé par les Commiffaires du
Confeil à ce députez , au Jugement des demandes
& conteftations qui font entre ladite ancienne
Compagnie, & la nouvelle Compagnie des Indes ,
réunie à celle d'Occident.
Avertiffement pour les maladies de l'oeil.
homme Anglois , & Oculifte de pere en
fils depuis quatre generations prefentement Interprete
du Roy dans fa Bibliotheque , & nouvellement
élû Membre de la focieté Royale
d'Angleterre continue depuis plus de 30 années
fes Cours de Pathologie & de Chirurgie
Oculaires , avec fes revûës & démonſtrations
generales d'environ 230 diverfes maladies de
Fil fur des fujets vivans.
Il demeure dans l'Hôpital Royal des Quinze
Vingts , à la Porte Cochere de la grande Aumônerie
, à côté de Mr Roffignol Maître Ecrivain.
Nous
176 LE MERCURE
NOUS
› 2
ovs donnerons dans le fecond
Volume de ce mois , qui paroîtra
dans les premiers jours d'Avril , les
Relations & Defcriptions des Fêtes ,
Bals Feux d'artifices Gautres
Actions & Ceremonies publiques , qui
n'ont pù trouver place dans celuici
; ainfi que diverfes Pieces de Poëfie ,
où on a celebre l'heureuse arrivée de
Infante Reine.
J'
APPROBATION.
'Ax lû par ordre de Monfeigneur le Garde des
Sceaux le premier Volume du Mercure pour le
mois de Mars , & j'ay crû qu'on pouvoit en
permettre l'impreffion. A Paris le 21 Mars 1722 .
HARDIO N.
TABLE.
P
IECES FUGITIVES. Ode fur le Jugement
dernier. Page I
Declaration du fieur le Mayer fur la nouvelle Iſle
qui s'eft formée , &c.
Epîte en vers à M. l'Evêque de Châlons.
Lettre de M. de Beaumont fur l'Education .
$
7.
ΤΟ
Ode
177
14 Ode fur l'Arrivée de l'Infante d'Efpagne.
Difcours prononcé au College de Louis le
Grand.
Portrait de S. E. M. le Cardinal de Rohan.
18
27
Relation de la Route que l'Infante a tenue depuis
Bayonne jufqu'à Bordeaux , & de fon Entrée
folemnelle & féjour en cette Ville. 18
Suite de l'Explication hiftorique des lieux par où
l'Infante a paflé. 48
Lettres écrites aux Auteurs du Mercure fur l'Enigme
chronologique d'Evreux.
Enigmes.
Air fur le futur Mariage du Roy.
NOUVELLES LITTERAIRES,
79
83
84
85
Suite du Catalogue des Tableaux de Monfieur le
Duc d'Orleans. 94
Les Jettons frappés au premier Janvier 1722. 104
SPECTACL B S.
NOUVELLES ETRANGER & S.
106
108
JOURNAL DE PARIS, Relation de l'Entrée
folemnelle à Paris de l'Infante -Reine , avec les
Arcs de Triomphe , & c .
126
Lettre du Roy à M. le Cardinal de Noailles. 146
Te Deum chanté à Nôtre - Dame le 12 .
Le Bal du Roy,
148
150
Feu d'Artifice & Illuminations des Tuilleries
.
Fefte donnée par le ſicur Bouchet.
154
157
Paffage de l'Infante Reine à la Haye en Touraine
.
158
Arrivée
178
Arrivée de l'Infánte Reine à Arpajon.
Benefices.
Morts & Mariages.
Arrests:
160
167
168
170
175
Avertiffement pour les Maladies de l'oeil.
La Chanfon doit regarder la page 84.
La Planche pour les Jettons doit regarder la
page 105.
A
FAUTES A CORRIGER .
la fin du Mercure de Janvier on a mis
Errata du mois de Novembre , lifez Decembre.
Dans le Mercure de Decembré , page 168 ,
ligne 12 , Sarville , lifez Surville.
LE
MERCURE
DE
MARS
1722 .
SECOND VOLUME.
QVÆ
COLLIGIT SPARGIT.
A PARIS ,
Chez GUILLAUME CAVELIER , au Palais.
GUILLAUME CAVELIER , Fils , ruë
S. Jacques , à la Fleur- de- Lys d'Or.
ANDRE CAILLEAU , à l'Image Saint
André , Place de Sorbonne .
NOEL PISSOT , Quay des Auguftins , à la
defcente du Pont - Neuf, à la Croix d'Or.
M DCC. XXII.
Avec Approbation & Privilege du Roy.

L
A VIS.
ADRESSE
generale pour toutes
chofes eft à M.
MOREAU ,
Commis au Mercure , chez M.le
Commiffaire le Comte , vis-à-vis
la Comedie
Françoiſe à Paris . Ceux qui
pour leur commodité
voudront
remettre
leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui
vendent le
Mercure à Paris , peuvent ſe
fervir de cette voye pour les faire tenir.
On prie très-inflamment quand on
adreffe des Lettres ou Paquetspar la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Part ,
comme cela s'est toujours pratiqué , afin
d'épargner, à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent
celui , non feulement de ne pas voir
paroître leurs ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
LISTE DES LIBRAIRES QUI DEBITENT
le Mercure dans les Provinces , &c.
Lyon , chez Plaignard , Libraire.
Montpellier , chez les freres Fauies.
A ij
Touloufe , che la Veuve Tene.
Bayonne , chez Etienne Labottiere .
Bordeaux , chez la veuve Labottiere , &
Charles Labottiere,
Rennes , chez Vattar,
Nantes , chez Julien Maillard.
Saint Malo , chez la Mare,
Poitiers , chez Faucon .
Xaintes , chez Delpech.
Blois , chez Maffon .
Orleans , chez Rouzeau .
La Rochelle , chez Desbordes .
Angers , chez Fourreau .
Tours , chez Gripon .
Caen , chez Cavelier .
Rouen , chez Herault .
Le Mans , chez Pequineau.
Chartres , chez Feltil .
Châlons , chez Seneuze.
Troye , chez Bouilleror.
Rheims , chez Godard .
Beauvais , chez Aleau .
Abbeville , chez Dumefnil .
Soiffons , chez Courtois.
Amiens , chez le François , & chez Godard.
Sedan , chez Renaud .
Metz , chez Colignon.
Strasbourg , chez Doulfeker.
Lille , chez Danel .
Bruxelles , chez Tferftevens.
Anvers , chez Verduffen.
La Haye , chez Rogiffard.
Londres , chez du Noyer.
Le prix eft 30 fols.
De l'Imprimerie de C. L. THIBOUST,
Place de Cambray.
LE
LEA
MERCURE
DE MARS 1722 .
PIECES FUGITIVES
en Vers en Profe.
EGLOGUE.
PALEMON. TITTRE. ACANTE.
D
ANS cet agreable Bocage ,
Qui de la Seine embellit le
rivage ,
Palemon apperçut , éloignez des troupeaux ,
Deux Bergers , de Segrais difciples & rivaux.
Il s'approche , prête l'oreille :
Ils accordoient leurs chalumeaux ,
Le champêtre concert qu'ils avoient fait la veille,
Flatoit fon defir curieux .
Mais dès qu'il entendit que pour chanter
VICTOIRE,
A iij
Cos
LE MERCURE
Ges Bergers invoquoient les Filles de Memoire
Il fe prefenta devant eux ,
Sçavants Bergers , dit- il , accordez à mon zele
D'eftre le fpectateur d'une lutte fi belle.
Volontiers , dit Acante , & jugez nous auffi :
Il s'affit . Les Bergers commencerent ainſi.
TITYRE.
Un nouveau jour éclaire notre France ,
Pour ces champs fortunez quelle douce efperance
!
ACANT E.,
Les Dieux , qui de LOUIS font leurs plus
tendres foins ,
Out voulu qu'il formât l'objet qui doit lui plaire;
LOUIS de la beauté connoît tout le mytere.
Amours , venez être témoins
Qu'on donne une rivale à votre aimable Mere.
TITYR E.
VICTOIRE offre déja mille naiffants attraits
Plus parfaits que l'Amour, plus puiffants que fes
traits.
Si l'enfance les voile encore ,
Les regards de LOUIS fçauront les faire éclore,
ACANT É.
VICTOIRE , dans les yeux de fon Royal Amant,
Reconnoîtra des fiens l'éclat & l'agrément ..
૨ )
TITYRE
DE MARS. 2. Vol. 1722.
1
TITY RE.
LOUIS , dans les attraits de fa chere Princefle ,
Retrouvera des fiens l'éclat & la nobleſſe.
ACANT E.
Que vois-je ? ô ciel ! Quels prodiges nou
veaux !
La Seine à nos chanſons fe rend plus attentive,
Et fur les bords de cette rive ,
Roule plus lentement fes eaux.
TITYRE.
IF eft vrai qu'à fon cours nous formons un
obſtacle ,
Acante , cependant n'en flatte pas nos fons ;
C'eft au nom de LOUIS, non pas à nos chanſons,
Que l'on doit ce miracle.
ACANTE.
Si de ces lys épanouis ,
Si de ces aillets , de ces rofes ,
Nouvellement éclofes ,
Plus que jamais nos yeux font éblouis.
Jardin, tu fais bien voir, par ta richeſſe immenſe,
Qu'en ces lieux, VICTOIRE & LOUIS,
De Flore & de Zephir furpaffent la puiffance.
TITY RE.
Oifeaux, ceffez dans vos tendres ramages,
De chanter du Printemps le pouvoir fans pareil ;
Chantez LOUIS , chantez VICTOIRE en ces
bocages ,
A iiij Oiseaux
LE MERCURE
Oifeaux, ils font pour nous l'Aurore & le Soleil.
ACAN TЕ .
Ce Monarque cheri , ce Prince ce Prince
magnanime ,
LOUIS , furpaffe autant tous les autres humains ,
Que de ces Pins épars la fourcilleuſe cime
Surpaffe les rofeaux de ces marais prochains.
TITYR E.
Les graces fur fon teint modeftement parées ,
Plus belles qu'à Cythere , y font plus admirées .
Quand LOUIS fe prefente en ce champêtre lieu ,
On ne voit point un homme , Acante , on voit
un Dieu .
C
Ce
que
A CANT E.
font à nos champs la Paix & l'abondance,
Ce qu'à ces doux oeillets font les Zephirs cheris ,
que font aux Troupeaux ces Prez tendres ,
fleuris ,
Ce
Telle eft à ces beaux lieux , leur augufte prefence.
t
TLTYRE.
Gravons fur ces ormeaux par
d'habiles contours,
De leurs noms immortels les chiffres adorables :
Puiffent- ils eftré auffi durables ,
Que le feront leur gloire & leurs amours !
ACANT E.
Témoins jufques icy d'une oifive tendreffe ,
Bois , Parteres , Ruiffeaux , confidents de nos
pleurs ,
Vous ne le ferez plus que de chants d'allegreffe,
Que VICTOIRE infpire à nos coeurs .
TITYRE
DE MARS. 2. Vol. 1722. S'
TITY R E.
Au fon des chalumeaux , d'une courfe legere ,
Les Nymphes fe rendront près de cet Oranger .
Eprife de nos chants , l'attentive Bergere ,
En les aimant , bien tôt aimera fon Berger.
ACANT E..
Si du plus grand des Rois notre offrande eft
reçûë ,
Ouy ,nos fieres beautez combleront nos fouhaits ,
Ne vois-tu pas ', déja , dans ces Saules épais ,
Amynte qui fe cache & veut eftre aperçûë ?
TITYRE.
Quel espoir n'eft permis fous ce Roy genereux ?
Le deftin de LOUIS eft de nous rendre
heureux ,
C'est peu , pour ce bienfait , de nos chanfons
nouvelles ,
Je garde à fa Princeffe un nid de Tourterelles.
A CANT E.
Je referve à mon Roy ce fuperbe Taureau
Que le Dieu Pan lui - même a mis dans mon
troupeau.
Puiffent LOUIS , VICTOIRE à nos defirst
propices ,
Agréer des Bergers les humbles facrifices.
Le Soleil de ces lieux retirant ces rayons ,
A ces Vers , des Bergers termina les chansons :
A v Ets
LE MERCURE
Et, des hameaux voifins , les cabanes fumantes
Rappellant des troupeaux , les bandes bondiffantes
,>
Le zelé Palemon , preft à fe retirer ,
Ne put juger ; il ne fçut qu'admirer.
M. Tanevot.
KAAAAAAAARA
ELOGE DE M. COYPEL
premier Peintre du Roy.
NTOINE COYPEL naquit à Pa
ris en 1661 ; il étoit fils deNoël
Coypel , & fut fon difciple . I
n'avoit qu'onze ans lors que le
Roy nommaNoël Coypel Directeur de l'Academie
de Rome . Mr Colbert remarquant
dans le jeune Coypel des difpofitions favorables
pour la peinture , confeilla à fon
pere de l'emmener avec lui en Italie : il y
fit des études au deffus de la portée de fon
âge , fur les ouvrages de Raphaël , de Michel-
Ange , d'Hannibal Carache , & fur
les ftatues antiques . Le Cavalier Bernin ,
qui vivoit encore , conçut pour lui une
forte amitié , & dès ce temps -là préfagea
ce qu'il feroit un jour. Après trois années
de fejour à Rome , il s'arrêta dans la
Lombardie à étudier les divers chefsd'oeuvres
DE MARS. 2. Vol. 1722. 7
d'oeuvres du Corege , du Titien , & de
Paul Veronez. Enfin il revint en France ,
& fit connoître au Public par plufieurs
grands ouvrages , qu'il avoit heureufement
employé fon temps en Italie. Il peignir
le Tableau du May à 19 ans ; l'année
fuivante il fit trois grands morceaux pour
le Couvent de l'Affomption à Paris , unTableau
pour les Chartreux , & peu de temps
après un plafond à Choify. Il étoit fort
jeune encore lors que MONSIEUR , Frere
Unique du Roy , lui accorda l'agrément
de la Charge de fon premier Peintre ; la
vivacité de fon genie & fon amour pour
Pétude, engagerent Mgr le Duc d'Orleans
à lui accorder la protection dont ce genereux
Prince l'a toujours honoré : il lui
fit peindre peu de temps après la mort de
MONSIEUR , la grande Gallerie du Palais
Royal , & l'honora d'une penfion de
500 livres pour entretenir le Carroffe
dont il lui fit prefent en 1709. Il peignit
la voûte de la Chapelle de Verfailles , en
fuite de quoi il fut occupé à une fuite de
grands Tableaux des principaux fujets de
PEcriture fainte , qui ont été executés en
tapifferie aux Gobelins , tels qu'Atalie ,
le facrifice de Jephté , Suzanne accuſée ,
le Jugement de Salomon , Efter , Tobie ,
Jacob, & Laban , &c. L'Academie Royale
de Peinture & Sculpture l'élut Directeur
A vj
GA
8 LE MERCURE
en 1714 ; l'année d'après il fut nommé premier
Peintre du Roy , & fut annobli par Sa
Majefté. Tant d'honneurs dont il fe vit
comblé , femblerent échauffer fon genie
de nouveau , & lui firent entrependre
une nouvelle fuite de grands Tableaux des
plus beaux fujets de l'Iliade , qui eut été
fans doute fon plus bel ouvrage. Il avoit
déja peint la colere d'Achile . & les adieux
d'Hector & d'Andromaque ; mais la douleur
qu'il reffentit de la perte d'une vertueuse
épouſe , & l'épuiſement dans lequel
l'avoient jetté fes prodigieufes études , le
firent tomber dans une langueur qui le
conduifit à une fin auffi chretienne que
fa vie avoit été laborieufe. 17:
De tous les honneurs que lui avoit procurés
fon Art , il n'y en avoit point auquel
il fut plus fenfible qu'à celui qu'il avoit
eu d'être choisi pour donner les deffeins
des Medailles de l'Hiftoire de Louis XIV ,
& à l'avantage qu'il avoit eu d'enſeigner
la Peinture à Mgr le Duc d'Orleans : en
effet quelle gloire pour lui d'avoir contribué
à tranfmettre à la , pofterité les
faits heroïques d'un fi grand Roy ;
quel honneur d'avoir eu ( fi on l'ofe
dire ) pour Eleve un Prince auffi éclairé
que grand ! Coypel avoüoit fouvent qu'il
fortoit des leçons qu'il avoit l'honneur
de donner à Mgr le Duc d'Orleans , plus
inftruie
<
DE MARS. 2. Vol. 1722.
inftruit dans fon propre Art , & que le
bonheur qu'il avoit eu d'être obligé de
répondre aux delicates queftions de ce
Prince , l'avoit engagé de faire des études
plus profondes. C'eft ainfi qu'il s'en explique
lui- même dans fon Epître à Mgr le
Regent , en lui offrant le Livre qu'il a
compofé fur la Peinture , dans lequel on
peut voir que Coypel avoit une érudition
peu commune, & cependant très - neceffaire
à ceux de fa profeffion.
A Monfeigneur l'Evêque d'Angers.
D
Sur la fuite de foi-même.
O D E.
Octe PONCET , plus j'examine
Les noirs replis du coeur humain
Moins j'en découvre l'origine ,
Plus mon effort me paroît vain ;
Soit que j'affirme , ou que je doute
Je n'en puis découvrir la route ,
Que n'ay je icy des yeux de Linx !
Tout le coeur eft un labyrinte ,
Là regnent les détours , la feinte ,
N'eft- il pas l'énigme du Sphinx
Ouy
LE MERCURE
Ouy , l'homme eft un profond myſtere
Que l'efprit ne peut dévoiler s
Il fçait à lui- même contraire
Se découvrir , & fe celer ;
Dans chaque objet qu'il fe propofe »
On ne voit que metamorphofe ;
Du calme il paffe à la fureur
Aveugle il fe hait , il s'adore ,
Et par des caufes qu'il ignore ,
Il cherit jufqu'à fon erreur.
C'eft rarement qu'il s'envelope ,
Son fort eft d'être diffipé ,
Toujours plus ou moins mifantrope ,
Dès qu'il s'enfuit , il s'eft trompé :
L'un à lui-même eft fon fuplice ,
Et l'autre en proye à fon caprice
Ne cherche qu'à s'embarraſſer .
Dans fes defirs c'eft un Prothée ,
L'ame ainfi que l'onde agitée
Ne fçauroit que fe déployer.
Quelle eft cette Charge publique !'
Eft- ce un honneur ! Eft-ce un grand poids !
Qu'on fonde l'homme & qu'il s'explique
Il en défavoura le choix :
Sur fon front fe lit l'efclavage ,
De fon trifte employ qui prefage
Le
DE MARS. z. Vol. 1722.
Le trouble , la crainte & l'ennui ,
Et toujours plein , & toujours vuide
D'un plus haut rang il n'eft avide ,
Que pour ne pas rentrer chez lui .
D'un pofte flateur qui l'occupe
Le faux Courtifan entêté ,
Sera-t'il à jamais la dupe
De fa propre inftabilité !
Qu'il fçache par des fourdes trames
Preparer des chûtes infâmes
A fon rival qu'il fait plier ,
C'eft fon art , mais de fe connoître,
En eft- ce un dont il foit le maître !
Son grand art eft de s'oublier .
Que vois je ! un homme en fa Province
Embarraffé de fon repos ,
La quitte pour la Cour du Prince ,
Et là devient le jeu des flots ;
L'ambition fe fait fon guide
Et lui montre un bien homicide
Pour fa raifon quel trifte fort!
fuit le calme , il fuit l'orage , وأ
Et fe voit plus près du naufrage
Dans le tems qu'il arrive au Port.
Que prétend ce fils de Bellonne
Ce guerrier fier & menaçant !
Dont
12
LE MERCURE ?
Dont le fer en tous lieux moiſſonne
Des lauriers toujours teints de fang ;
Combat-il pour fa feule gloire !
Ne cherche t'il, dans fa victoire.
Que le plaifir d'être vainqueur ?
Non ce n'eft pas ce qui le pique ,
Mais c'eft l'ennemi don.eftique'
Qu'il craint de trouver dans fon coeur.
Le Senateur fçavant & grave ;
Lui-même s'ofe- t'il juger !
1
D'un faux dehors fouvent efclave
Il n'eft chez lui qu'un étranger :
Qu'll débrouille des Loix celebres
Il ne rencontre que tenebres
Si - tôt qu'il veut s'aprofondir
Peur autrui fa raifon t'éclaire
Et fur lui Juge peu fevere
Il ne cherche qu'à s'étourdir.
Que veut le Partifan avide
Brulé de la foif d'amaffer ;
A fe chercher lent & timide
Sur lui- même fçait- il penſer !
Il ne fe voit qu'en perſpective ,
Jamais une lumiere vive
N'éclaira fon obfcurité :
· Au-dedans de lui tout eft fombre ,
Souvent
DE MARS. 2. Vol . 1722. 13 :
Souvent pour le corps il prend l'ombre ,
Et le faux pour la verité.
Quel eft ce ' Docte qui medite
Et fur l'efprit & fur le corps ,
Lui-même il fe fuit , il s'évite ,
Et toujours s'écarte au - dehors ;
Cet autre fe perd & s'égare ,
En voulant d'un regard bizare .
Comprendre & la Terre & les Cieux :
Abftrait il tombe dans l'abîme ,
Et tout femble lui faire un crime ,
De fe dérober à fes yeux.
Le Marchand court à fa fortune ,
Et brave des vents la fureur , C
Il ouvre le fein de Neptune .
Pour fe fermer fon propre coeur ;
Quel eft donc le but qui l'engage
A s'égarer de plage en plage ?
L'or feul en eft il le motif !
inteftine
Non ; mais une guerre
De lui-même qui fe mutine
Le rend lui -même fugitif.
L'Avare qui craint la difette
1 Et l'envifage avec effroy ,
Se fait Argus pour fa caffette ,
Et devient aveugle pour foy,,
"
C'est
14
LE MERCURE
C'eſt en vain qu'un ami fincere
Lui dit en plaignant ſa miſere
Qu'il eft l'horreur du monde entier ;
Sourd à fa voix ; de ce Tantale
La richeffe à lui feul fatale
N'engraifle que fon heritier.
Que fait l'oifif Anachorette !
Plaint-il toujours les fiers mondains !
Non , non , il defire , il projette ,
Ainfi que les autres humains.
De la même gloire il s'enyvre ,
Et ne penfant qu'à fe farvivre
Il change fon Cloître en Palais s
Vit- on jadis ces pieux Moines ,
Les Benoîts , les Pauls , les Antoines ,
S'immortalifer à grands frais.
* Eventard , de ta folitude
J'expofe icy le digne fruit ,
Là , de foi même on fait l'étude ,
Ei l'on y met tout à profit.
C'est là que brille ane lumiere
Qui nous decille la paupiere
Pour nous découvrir tout entiers ;
C'eſt de cette fource profonde
Que fort la verité feconde
Qui foumet les cours les plus fiers.
* Maiſon de Campagne de M. l'Evêque d'Angers.
Prelat
DE MARS. 2. Vol . 1722. 15
Prelat , pour remplir ma carriere
J'ai pris un vol audacieux ,
Fais qu'à l'aide de ta lumiere
Je life en mon coeur par tes yeux !
Eclaire ma Mufe , & la regle !
Pour autruy l'on devient un Aigle
Tandis qu'on s'aveugle fur foy ;
Qu'à ta voix l'erreur fe diffipe !
Sentir le vray dans fon principe ,
Eft un talent digne de Toy.
EXTRAIT d'une Lettre de Mrs
Le Moine & Bailly , Docteurs Regens .
de laFaculté de Medecine de Paris ,
Deputez de la Courpour les Maladies
Peftilencielles du Gévaudan , à Maª
dame la Ducheffe.
MADAME ADAME ,
Nous n'aurions ofé prendre la liberté
de faire à Votre Alteffe Sereniffime une
defcription de la maladie contagieuſe du
Gévaudan , fi nous n'en avions été follicitez
par une perfonne de merite , dont le
jugement folide nous eft un für garantque
16 LE MERCURE
que nous pouvons fans temerité vous en
prefenter une idée legere , mais fincere &-
veritable.
Un Forçat de Marſeille tiré des Galeres
pour fervir de Corbeau dans cette Ville,
jugea à propos , pour mettre à couvert les
effets qu'il s'étoit appropriez , de fe dérober
par la fuite aux juftes recherches qu'on
en auroit pû faire ; & fe trouva le 23
jour de Novembre 1720 à la Foire de
faint Clement dans le village de faint
Laurent de Rivedol , diftant de celui de
Correjac d'une lieuë. Un Payfan de ce
dernier endroit fe trouva être de fes pa
rens ils fe reconnurent , & le Forçar,
fit prefent d'une vefte & d'une paire de
bas à fon coufin , qui retourna dans fon
village où il mourut quelques jours aprés.
Trois de fes enfans gagnerent la maladie,
& eurent le même fort en trés peu de
tems ; la mere les fuivit de près ; & un
autre fils ayant appris que perfonne ne
vouloit l'enterrer , partit de la Canourgue
où il demeuroit , pour lui rendre ce
dernier devoir. Il emprunta de fon beaufrere
auffi de la Canourgue , un manteau
qu'il lui rendit à ſon retour : ce beau -frere
s'en couvrit la nuit , & un petit enfant qui
étoit couché dans fon lit mourut le même
jour , la femme deux jours aprés , à laquelle
il ne furvécut que de huit.
Les
DE MARS. 2. Vol. 1722. 17
Les parens attirez par l'appas de la fucceffion
, emporterent les meubles , & furent
les triftes victimes d'une maladie qui
ne fe communique que trop aifément .
Tous ces exemples firent redoubler les
precautions de ceux qui en avoient été les
témoins ; elles ne furent point inutiles :
la maladie fufpendit fes cruels effets pendant
deux mois entiers. Mais quelques
ames viles fe hafarderent d'aller foüiller
dans une des maiſons infectées , & paye.
rent de leur vie leur temerité.
La maladie le réveilla pour lors avec
plus de fureur , & la communication &
le Commerce l'ont pouffée par fucceffion
dans prefque tout le Gevaudan.
Le Public le forme une idée des effets
de la Pefte , fi differente de ce qu'elle eft
par elle même ( au moins de celle dont
nous fommes continuellement les témoins )
qu'on feroit bien furpris de voir un nombre
confiderable de victimes jouyr dans
cette maladie d'une tranquillité, à l'épreuve
de tous les évenemens , la plupart pleins
d'une connoiffance parfaite jufqu'au dernier
foupir. Il leur paroît prefque auffi
naturel de fe voir détruire en un moment
, qu'il eft ordinaire ailleurs de chercher
avec empreffement les moyens de
prolonger les jours . Nous les voyons quitter
fans regret ce qui nous retient davantage
+8 LE MERCURE
tage fur la terre , & renoncer aux plus
tendres engagemens , fans pouffer le moindre
foupir , & fans paroître touchez de
la plus legere douleur.
Cependant la Pefte faifit indifferemment
les perfonnes de tout âge , de tout
lexe , de toute condition , quand ils y font
également expoſez , la refolution n'en garentit
point ceux qui paroiffent les plus
affurez , comme la crainte n'y precipite
pas un plus grand nombre de ceux qui en
font fufceptibles. Elle fe manifefte d'ordinaire
par des friffons , des maux de
tête plus ou moins confiderables , des
douleurs de reins infuportables , un abattement
fubit , un fommeil léthargique , le
pouls devient dur , profond , quelquefois
fi petit qu'il femble fuir fous le doigt : les
yeux s'éteignent dans les uns , & deviennent
Janguiffans , vifs & très- enflammez dans
les autres : la langue fort chargée & blanche
, & dans quelques- uns aride & noire
dans fon milieu : furviennent les naufées
& les vomiffemens bilieux , fouvent vermineux
; les diarrhées auffi bilieufes &
colliquatives ſuivent de près. Avec la plupart
de ces accidens , les malades periffoient
affez ordinairement en vingt - quatre heures
, quand ils n'étoient point fecourus.
Cependant le plus fouvent les friffons
terminez au bout de quelques heures ;
étoient
DE MARS. 2. Vol. 1722. 19
étoient fuivis d'une chaleur brûlante , &
d'une fiévre trés -allumée , qui les jettoit
dans un délire phrénetique , & occafionnoit
une foif qu'on ne pouvoit éteindre.
A cet état fuccedoit une éruption de pourpre,
tantôt rouge , (& on ne perdoit point
alors efperance d'en guerir quelques - uns)
tantôt noire & livide , à laquelle fe joignoit
une fueur froide , & une difficulté de refpirer
: ces fignes étoient mortels dans
tous ces cas .
Tous les accidens que nous venons de
rapporter étoient prefque toujours accompagnez
de douleurs inquiétantes en diffe
rentes parties du corps, fouvent trés- aiguës
dans les aifnes , fous les aiffelles , derriere
les oreilles , & dans tous les endroits
glandineux , qui annonçoient les éruptions
prochaines des bubons , parotides & charbons
; ce qui caracterife fi bien cette maladie
, qu'on ne peut fans aveuglement
prendre le change. Les urines nous ont
toujours paru , comme il arrive.dans les
fiévres malignes , dans l'état naturel. Les
vomiffemens & les diarrhées bilieuſes ou
fereuſes fatiguoient extrémement les malades
jufqu'à la diminution des autres.accidens
.
Quand la fiévre étoit allumée , le fang
par confequent dans un mouvement plus
rapide & violent , les hemorragies du nez
furvenoient
20
LE MERCURE
·
furvenoient trés fouvent , & leur devenoient
toujours falutaires ; & au contraire
nous n'avons prefque point d'exemples
que les pertes de fang , quoique frequentes
, hors le tems des regles , nous ayent
pû permettre d'efperer d'en voir rechaper
ceux qui en ont été attaqués. ,
A la Canourgue , comme à Marvejols ,
les fueurs copieufes & abondantes ont
toujours tourné à l'avantage des malades.
Les faignées dans toutes les inflammations
, comme maux de tête violens , douleurs
aiguës par tout le corps , les phrénefies
, les delires , les difficultés de refpirer
, non feulement ne nous ont rendu
aucun bon fervice à la Canourgue , mais
même ont toujours occafionné des accidens
plus fâcheux , que ceux que l'on vouloit
combattre. A Marvejols au contraire dans
tous ces cas , elles nous en ont rendu de
fi effentiels , foit celle du bras , du pied ,
de la jugulaire , même réiterées , que nous
pouvons affurer n'en avoir pas fait une
Teule qui n'ait été fuivie de la gueriſon
du malade , ou de quelque changement
avantageux .
Nous étions donc obligez à la Canourgue
, de prendre pour lors une route toute
differente ; nous faifions ufer dans les commencemens
, fur tout quand les naufées
ou les vomiffemens accompagnoient les
inflammations ,
DE MARS. 2. Vol. 1722. 21
inflammations , l'Hipecacuana à la doze de
20 grains , ou le Kermés mineral jufqu'à
8. grains en grand lavage : & le malade
remis de l'agitation & du travail du remede
, pour relever fes forces qu'il eft
effentiel de conferver & de ménager , nous
lui failions donner dans une potion
cordiale legere , avec les eaux appropriées ,
& la confection Alkermes ou Hyacinthe,
& la Poudre de Vipere , jufqu'à 15 ou 20
goutes de Landanum liquide , de Sydenham.
Dans les affoupiffemens léthargiques,
les délires cbfcurs , les abattemens , ou
aneantiffemens , nous avons heureusement
employé dans les potions , les cordiaux
les plus forts , & les volatiles les plus animez
, tels que l'Antimoine Diaphoretique,
le Diafcordium , la Poudre de la Comteffe
de Kent , l'elixir de proprieté , le Baume
du Commandeur de Perne , le Lilium de
Paracelfe , l'efprit volatile aromatique huileux
, l'efprit volatile de Vipere, de Corne.
de Cerf , & le Sel de l'un & de l'autre.
Dans les trémouffemens & mouvemens
convulfifs , nous faifions prendre aux malades
la Poudre de Guttete en doze, reglée
, & fouvent avec diminution des ac
cidens.
Dans les diffenteries , dévoiemens de
quelque nature qu'ils fuffent , nous y re
medions par une prife d'un gros d'élec- 1
B tuaire
22 LE MERCURE
tuaire de Diaſcordium de Fracaftor , & 15
ou 20 grains d'Hipecacuana en bol ; rarement
étions - nous obligez d'en donner
une:feconde.
Les naufées , les vomiffemens fe trouvant
joints aux autres accidens , nous les
combattions par les Emetiques ordinaires,
tel que le tartre ftibié , la poudre d'Al.
gator , le Souffre doré d'Antimoine ; mais
bien plus efficacement avec l'Hipecacuana
& le kermes mineral ; à Marvejols ils
n'ont pas eu le même fuccès .
Pour les bubons , c'eft un prejugé auffi
faux que dangereux de vouloir les extirper
dès le commencement . Le malade accablé
-par les accidens qui les accompagnent toujours
, ou n'a pas la force de fuporter les
operations , ou eft mis en danger de perdre
la vie , par les hemorragies frequentes
qui furviennent , qui par la grande diffolution
du fang , font trés difficiles à arrêter.
Il eft donc plus à propos , & l'experience
réiterée que nous en avons nous le
-confirine , de faire appliquer deffus des
cataplafmes émollians ordinaires , & de les
conduire à parfaite maturité , à moins que
par les fueurs abondantes & confiderables ,
le virus ne fût en partie diffipé ; auquel cas
nous faifions appliquer l'emplâtre d'An-
-gelas Sala pour les refoudre entierement.
Il
DE MARS. 2. Vol. 1722. 2ƒ°
;
Il n'en eft pas de même des charbons
il faut dès le premier moment les fcarifier 3
le peril eft dans le retardement. Nous
en avons vû qui dès le premier jour pour
n'avoir point été fcarifiez & enlevez de fa
largeur d'un denier , occupoient le lendemain
la largeur de la pauline de la main.
Quand il n'y a aucune apprehenfion de
couper quelques vaiffeaux confiderables ,
on ne rifque jamais de faire les incifions
profondes ; on applique enfuite le digeftif
ordinaire , quelquefois animé ; & pardeffus
les plumaceaux une compreffe trempée
dans le vin , preferable à toutes celles
qui font imbibées de liqueurs fpiritueuſes.
On conduit ainfi les charbons à fuppuration
, & la gueriſon fuit de prés.
Quand les hemorragies furvenoient, nous
faifions appliquer le Vitriol fur l'extrémité
des vaiffeaux ; nous trempions des bourdoners
& des plumaceaux dans l'eau Stipa
tique , & par des compreffes graduées nous
remedions à l'épuitement du malade ,
( accident des plus à craindre ) qui auroit
fuccombé par la perte
de tout fon fang.
Nos malades parfaitement guéris , &
leurs bubons cicatrifez , nous les purgions
avec quatre verres de tifanne laxative en
deux jours , ou avec une medecine de
Sené , Manne
fynthe.
Rhubarbe & Sel d'Ab-
Bij
Nous
$24 LE MERCURE
L
·
Nous avons travaillé avec d'autant plus
de confiance fur nos malades , qu'après
avoir été attaquez nous mêmes dés les
premiers jours à la Canourgue , nous nous
fommes parfaitement guéris tous deux en
douze jours , & un de nos domestiqués
qui a été jufqu'à l'extremité.
A Marvejols où nous fommes preſentement
, la maladie n'a changé ni dans fes
accidens , car ils font prefque tous les mêmes
; ni dans fa malignité. La communication
, preuve effentielle de la contagion
, s'eft faite avec une rapidité inconcevable.
Nous en allons raporter un fait
qui le prouvera.
Une fille qui avoit communiqué dans
une maiſon fufpecte , fe trouva le Dimanche
10. d'Août à Vêpres : 60. perfonnes
de ceux qui étoient dans la même
Eglife furent frapez prefque fur l'heure ,
de la contagion , & le lendemain la Ville
fut prife dans tous les quartiers.
Les playes étoient les mêmes qu'à la
Canourgue , & demandoient les mêmes
traitemens .
>
Les Emetiques n'ont pas le même fuc.
cès & nous fubftituons à leur place les
tifannes laxatives , qui nous réuffiffent dans
toutes les inflammations. Les faignées ,
comme nous l'avons dit, font avantageules,
& nous avons beaucoup plus d'occafions
de
4
DE MARS. 2. Vol 1722 .
23
de les placer icy avec fuccès. Les cordiaux
& les volatiles ont fait des effets merveilleux
& furprenans dans certains cas
&c.
※ 粥粥光:粥粥粥粥粥粥粥粥
ODE
Sur le rétabliſſement de lafanté de S. A.
S. M. le Duc DE CHARTRES.
IEN favorable Décffe ,
Toi , qui veilles fur nos jours ,
Qui feule en foutiens le cours ,
Et fais briller la Jeunefle.
Efprit , fçavoir , dignité ,
Grandeur , richeſſe , beauté ,
Rien ne plaît que par tes charmes :
Les plaifirs , dès que tu fuis ,
Cedant la place aux allarmes ,
Livrent nos coeurs aux ennuis ,
Un Prince aimable t'appelle ,
C'est le plus pur fang des Dieux ,
Vien , de fes ans précieux
Sois la Compagne fidelle .
Rends lui fes premiers attraits ,
Ecarte de lui les traits
Dont il a fenti l'atteinte.
La Déeffe de la fanté,
B iij Déja
16 LE MERCURE
Déja ton heureux retour
A diffipé noftre crainte ,
Et raffuré notre amour.
La France n'eft point furprife ,
Que dans un noble loifir ,
Il fe faffe un doux plaifir
Des beaux Arts qu'il favorife.
Minerve qui l'a formé ,
L'a dès l'enfance animé
Du feu divin qu'elle infpire :
N'est- il pas Fils du HEROS
Qui les fait dans cet Empire ,
Regner au sein du repos.
Minerve qui le couronne ,
Voudroit feule l'enflâmer :
Bellonne vient le charmer
Par l'efpoir qu'elle lui donne.
Ce Prince dicte les loix ,
7
Regle les Rangs & les Droits
Des favoris de la Gloire :
Son coeur parmi nos guerriers.
Se formant à la victoire ,
Soupire après les lauriers.
Quelle ardeur impatiente ?
Quels tranfports audacieux ?
Quand de Nervinde à fes yeux
L'image en feu fe prefente !
Quand
DE MARS. 2. Vol . 1722. 17
Quand PHILIPPE à fes regards ,
S'offre brifant des remparts ,
Dont l'orgueil bravoit la fondre ;
Qu'il voit , d'un fort indompté ,
De Lerida mis en poudre
Humilier la fierté .
Que j'aime à voir cette audace !
Mais malgré ta noble ardeur ,
Que Minerve dans ton coeur
Tienne la premiere place ;
Prince , protege les Arts :
Que fert la faveur de Mars ,
S'ils n'affurent notre gloire ?
Un grand Nom fans le fecours .
Des neuf Filles de Memoire ,
S'évanouit pour toûjours .
S. DISDIER , Chevalier de S. Lazare.
Suite de l'Explication Hiftorique &
Topographique de la Carte qui marque
les lieux par où l'INFANTE a
paffé depuis Saint Jean d'Angely
jufqu'à Paris : Par M. l'Abbé de
Vayrat .
Dalla coucher à la Ville Dieu , pre-
E faint Jean d'Ang ly l'INFANTE
miere Bourgade de Poitou , & de là à
Biiij Mefle ,
28 2 LE MERCURE
Mefle , autre Bourgade ; mais comme ces
deux endroits n'ont rien de remarquable ,
nous pafferons tout d'un coup à Luzignan.
LÚZIGNAN eft une petite Ville fituée
à cinq lieuës à l'Occident de Poitiers , dans
un païs agreable par la diverfité d'objets
que produilent quantité de belles fources ,
de riches prairies , & de fertiles côteaux .
Quoy qu'elle ne renferme dans l'enceinte
de fes murailles que 185 familles , elle
ne laiffe pas d'être celebre dans l'Hiftoire.
Elle étoit autrefois du Domaine du Comté
de Poitiers , duquel elle fut détachée en
970 par la ceffion qu'en fit Guillaume ,
furnommé Tefte d'Eftoupes , à Hugues de
Poitou fon frere , pour lui tenir lieu d'Apanage
fous le Titre de Comté , dont il
prit le nom .
Arnaud Maichrin , dit dans fon Hiftoire
de Saintonge & de Poitou , que cet Hugues
fe maria au commencement du dixiéme
fiecle avec Marie Dame de Melle , qui ,
dans la fuite transforma fon nom en celui
de Meluzine , par la jonction de celui de
Melle avec celui de Lignan . Il ajoute que
l'ignorance du fiecle où elle vivoir , la fit*
paffer pour Fée , ou pour Magicienne , à
caufe qu'en fort peu de temps elle fit bâtir
comme par enchantement un Château que
Brantome dans fon Eloge de Louis II . Duc
de Montpenfier, reprefente en fon langage
Gaulois
DE MARS. 2. Vol. 1722. 29
Gaulois comme un édifice fi admirable &
fi ancien , qu'on pourroit dire que c'étoit
la plus belle marque de fortereffe antique ,
la plus noble decoration du Royaume.
Mais tous les Sçavans regardent ce mariage
comme une Fable extraite d'un Roman
qu'un nommé Jean d'Arras compofa
dans le xiv fiecle , fous le nom poftiche
d'Hiftoire de la Maison de Luzignan , dans
Jequel après avoir fait matier Hugues I.
de Luzignan , avec fon heroïne Meluzine ,
il s'étend fort au long fur les enchantemens
& fur le fuperbe Château que cette fameuſe
Magicienne fit conftruire . Tantôt
il la fait paroître fur le bord d'une fontaine
en habit de veuve , ayant la moitié du
corps d'une très - belle femme , & l'autre
moitié d'un horrible ferpent. Tantôt il la
fait monter fur le haut d'une Tour , où
elle pouffe des cris lamentables pour annoncer
quelque remvertement dans l'Etat , ou
la mort de quelqu'un de fes parens . Tantôt
il lui fait fendre les airs avec des heurlemens
épouventables , fur tout dans le
tems qu'on prononce l'Arreft qui ordonne
la démolition de fon magnifique Château .
A la vûë de tant de Fables , je ne fuis
pas furpris qu'un homine qui cherche à
fe divertir , ou à amufer agréablement
ceux qui n'ont rien de mieux à faire qu'à
les lire , ait été capable de les écrire ,
Br puifque
·
30 LE MERCURE
puifque l'Hiftoire nous apprend que les
Grecs & les Romains ont donné au vulgaire
de femblables amufemens. Mais je
ne puis comprendre que ces vifions ayent
pû jetter dans l'efprit de tant de perfonnès
de fi profondes racines, qu'un Moine
connu dans le xv 1 fiecle dans la Republique
des Lettres, fous le nom refpectable
de Frere Eftienne de Luzignan , ait eû la foi
bleffe de les adopter & de les debiter
comme des veritez hiftoriques dans une
Hiftoire de fa Maiſon qu'il mit au jour en
1590 , pour avoir le ridicule plaifir de
faire acroire à la pofterité que des Seigneurs
qui tirent leur origine des anciens
Comtes de Poitou , qui comptent parmi
leurs Alliances tous les Souverains de
P'Europe , & de prefque toute l'Afie , qui
ont poffedé en France des Etats à Titrè
de Souveraineté & au delà des Mers des
Sceptres & des Couronnes , defcendent
d'une Fée , d'une Magicienne , ou pour
mieux dire d'un monftre difforme , moitié
femme & moitié ferpent. Car enfin fi ce
bon Moine eût bien étudié fon illuftre
Genealogie , il fe feroit aifément apperçu
qu'il n'y eut jamais aucune femme dans
la Branche de Luzignan de France , qui
portât le nom de Meluaine , & que lors
que Jean d'Arras compofa fon Roman ,
il cut en vie Melazine fille d'Aymary ↑
de
DE MARS. 2. Vol . 1722.
de Luzignan , Roy de Jerufalem & de
Chypre , laquelle fut mariée avec Raymond
de Poitiers , Prince d" Antioche & de Tripoly
, & dont cet Auteur Romanefque vous
lut reprefenter fimboliquemment les appas
fous la figure d'une belle femme , depuis
la tête jufqu'à la ceinture , & fa prudence
fous celle d'un ferpent. Mais pourquoy
nous amufer à critiquer des Fables qu'un
judicieux Auteur moderne appelle des
blafphêmes hiftoriques , qui bien loin de
relever l'éclat de la Mailon Royale de
Luzignan', lui donnent un ridicule pitoyable
? Ecartons ces idées Romaneiques , &
en nous attachant à la verité de l'Hiftoire,
faifons voir quelle a été la deftinée de la
Ville de Luzignan , & de fon' fameux
Château.
Hugues de Luzignan , furnommé le Brun,
Comte d'Angoulême , de la Marche , & de
Luzignan , fit plufieurs Teftamens , parmi
lefquels il y en a un de l'an 1283 , par
lequel il inftitue fon heritier univerfel
Guy de Luzigran fon frere . En 1297 il en
fit un fecond , par lequel il declara fon
heritier Geoffroy de Lazignan fon coufin',
& en cas qu'il ne puiffe pas l'être , il veut
qu'il ait le Comté d'Angoulême , avec -les
Terres de Cognac , de Merpin & de Lupignan
; excluant Guy de Luzignan lon
frere de tous les biens , attendu qu'il avo't
B vj toujou's
32 LE MERCURE
toujours embraffé les interefts de fes enneinis
capitaux , après quoi il établit divers
degrez de fubftitutions , qu il étendit jufqu'à
Renaud de Pons fon neveu .
En 1302 Guy de Luzignan , dont il
vient d'être fait mention , fit un Codicile,
par lequel en ajoutant des claufes à un
Teftament qu'il avoit fait auparavant , il
ordonna que Folande de la Marche fa foeur,
& Dame de Pons , auroit aux biens paternels
telle portion que la Coutume lui accordoit.
Un an après il fit un Acte , par
lequel , après avoir parlé contre le Teltament
de Hugues fon frere , qui le desheritoit
pour caufes injuftes , il inftitua fon
heritier univerfel Renaud de Pons fon neyeu.
L'année fuivante il fit un autre Teſta-`
ment en faveur de Yolande Dame de Pons
fa foeur: & lui fubftitua Renaud de Pons
fon fils.
Après la mort de Guy , le Roy pleinement
informé de fes droits fur les Comtez
d'Angoulême de la Marché, & de Luzignan,
en prit poffeffion , à laquelle ceux qui font
nommez dans les Teftamens ci - deffus
s'oppoferent dans toutes les formes ; mais
par de fi foibles moyens , que voyant
qu'ils ne pouvoient manquer d'être deboutez
de leurs prétentions , ils furent obligez
de recourir à la clemence du Roy , &
s'eftimerent trop heureux de le trouver
difpolé
DE MARS . 2. Vol. 1722 .
33
difpofé à un accommodement , de forte
qu'en 1308 Philippe le Bel tranfigea avec
Marie de la Marche , Comteffe de Sancerre
, & foeur de Hugues & de Guy de
Luzignan , laquelle pretendoit aux Comrez
de la Marche , d'Angoulême , & à la
Seigneurie de Fougeres. Le Roy lui oppofoit
que ces Terres lui appartenoient par
confilcation , à caufe que, Guy de Luzignan,
fon Vaffal , avoit brulé le Teftament &
le Codicile de Hugues , dit le Brun , fon
frere , par lefquels il avoit fait de grands
avantages à Sa Majefté , & que de plus il
avoit confpiré contre l'Etat , en donnant
au Roy d'Angleterre les Terres de Cognac
& de Merpin, pour railon de quoy il
avoit été pourfuivi & condamné en 120000
livres ; & qu'enfin par la diſpoſition Teſtamentaire
de Hugues de Luzignan , frere de
ladite Marie , les Terres qui étoient en
litige appartenoient à la Couronne : Sug
quoy Marie tranfporta au Roy tous les
droits & pretentions qu'elle pouvoit avoir
fur les Comtez de la Marche, d" Angoulême,
de Luzignan , & fur toutes les autres Terres
poffedées par Hugues & par Guy de
Luzignan fes freres , moyennant mille liyres
de rente en fonds de Terre , & un
Château que le Roy lui affigna.
En la même année Aimar de Valence,
Comte de Pembroc, Sr de Montignac, traita
aufh
34 LE MERCURE
auffi avec le Roy pour raifon des mêmes
pretentions , à la charge que Sa Majeſté
lui donneroit mille livres de rente affifes ,
fur les Terres cedées , ou bien 1600 li
vres fur d'autres fonds à pacte de rever
fion à la Couronne , en cas que ledit Ai
mar mourut fans enfans.
14
י
Peu de temps après Yolande de la Mar
che , foeur aînée de Hugues & de Guy de
Luzignan , & mere de Renaud de Pons ,
tranfigea auffi avec le Roy pour les pretentions
qu'elle avoit fur les Comtez de
la Marche , d'Angoulême & de Luzignan¸
que Sa Majefté foutenoit lui appartenir en
vertu de plufieurs Titres , & particuliere
ment pour avoir prêté à Hugues & à Guy
de Luzignan fur ces Terres la fomme de
300000 livres , pour les affaires de la
Terre- Sainte ; fur quoi Yolande fe contenta
de l'ufufruit defdites Terres fa vie durant
& en abandonna la proprieté au Roy.
En 1309 Jeanne de la Marche , feconde
foeur de Hugues & de Guy de Lazignan ,
ceda au Roy tout ce qu'elle pouvoit prés
tendre aufdites Terres, moyennant la joüif
fance des Seigneuries de Couhé & de Pey
Fac , fa vie durant , que Sa Majesté lui
accorda par pitié , comme il eft formellement
porté par l'Acte de Tranfaction qui
fut paffe à ce fujet.
En 1328 Renaud de Pont, furnommé
Helie
DE MARS . z. Vol. 1722 .
35
Helie Rudel tranligea avec le Roy Philippe
de Valois pour le droit fucceffif qu'il pre-'
tendoit avoir fur les Comtez de la Marche,
d'Angoulême & de Luzignan , moyennant
mille livres de rente que ce Monarque lui
affigna fur certaines Terres ; tellement que
par tous ces accommodemens le Comté
de Luzignan fut uni au Domaine de la
Couronne , & depuis quelque temps il a'
été engagé au Comte de Chamerand.
Autrefois Luzignan étoit une Place de
grande confequence , à caufe de fon Château
que Hugues , dit le Grand , fit bâtir
en 1180 , fous le Regne de Philippe Au
gufte , & non pas la pretenduë Meluzine ,
quoi qu'en dife Brantome , après plusieurs
Auteurs Romanefques. Il étoit fitué fur
une large & haute cime de montagne , entourée
d'autres montagnes , difpofées de
telle forte , qu'elles fembloient être faites
plûtôt pour le deffendre que pour le commander.
Du côté de la campagne, il étoit environné
d'une double enceinte de murailles ; dit
côté de la Ville il en avoit une triple , &
toutes étoient faites d'un grais extrêmement
dur & fi bien lié que tout ce grand
Bâtiment n'étoit proprement qu'un rocher
gros & mallif, contre la dureté duquel les
têtes de Belier & les autres Inftrumens
avec lefquels on battoit anciennement les
Places
36 LE MERCURE
Places , ne pouvoient rien faire ; de forte
qu'il étoit toujours demeuré imprenable ,
& même il avoit paru l'être encore depuis
qu'on avoit trouvé l'ufage du Canon , à
caufe que du côté de la Ville il étoit environné
d'un double foffé extraordinairement
large & profond , & que du côté
de la campagne , quand on avoit fait bréche
, il étoit prefque impoffible d'aller à
l'affaut , à caule que , comme il étoit d'une
grande hauteur , le talus qui fortoit de la
muraille laiffoit une pente fi rude , qu'on
n'y pouvoit monter que par efcalade . En
un mot , pour me fervir encore une fois
des termes Gaulois de Brantome , on peut
dire que c'étoit la plus belle marque de
fortereffe antique,& la plus noble decoration
vieille de toute la France , & les ruines laiffent
voir encore des veftiges qui marquent
que c'étoit quelque chofe de fort grand.
Il auroit été à fouhaiter que ce redoutable
Château eût duré jufqu'à la confommation
des fiecles ; mais étant devenu
l'azile de tous les Revoltez durant les premieres
guertes civiles que la Religion
Proteftante excita dans le Royaume , Teligny
, Chef du parti des Huguenots , s'en
rendit le maître en 1569 , & s'y fortifia
tellement , que pendant près de cinq ans
il mit à contribution toutes les Villes, &
les Villages des environs , ce qui détermina
DE MARS . 2. Vol . 1722. 37
mina Henry III . de s'en faifir à quelque
prix que ce fût ; tellement que Louis II .
de Bourbon Duc de Montpenfier , le prit ,
après un fiege de quatre mois , durant lequel
les Affiegez donnerent toutes les marques
de valeur , de conftance & d'intrepi
dité qu'une Religion fauffe & feduifante
eft capable d'infpirer à des hommes , qui
par la perte de cette Place , n'avoient d'autre
reffource que la clemence du Roy.
Luzignan eft fitué dans un pays fertile
en bled , en fruits , en bois & en pâturages
. Il y a un fiege Royal pour l'admini-
Itration de la Justice , & un Gouverneur
particulier. De Lufignan à Poitiers .
POITIERS , Ville capitale de la Province
de Poiton , & l'une des plus grandes
& des plus anciennes du Royaume. Elle
eft fituée fur une platte- forme entre la Riviere
de Clain & une autre plus petite ,
qui tire fa fource d'un grand Etang. Ces
deux Rivieres fe vont joindre au Nord de
la Ville entre la Porte de faint Lazare , &
un vieux Château bâti fur une éminence ,
dont il ne refte que quelques Tours &
d'épaiffes murailles que cette petite Riviere
arrofe , ainfi que celles de la Ville , qui
étendent depuis cette Porte jufqu'à celle
de la Tranchée.
. Outre le Château dont on vient de
parler , qu'on affure avoir été bâti par les
Komains
38 LE MERCURE
Romains , on voit encore à Poitiers des
Monuments antiques parmi lefquels l'Amé
phitheatre eft le plus remarquable , quoi
qu'il foit tellement endommagé , qu'on a
bien de la peine à reconnoître fa grandeur
& fa figure , y ayant au dedans plufieurs
maifons qui en cachent les murailles , lef
quelles font conftruites de petites pierres
tellement adherentes au ciment , qu'il eft
plus aifé de les brifer , que de les én déta
cher. Un peu au deffus s'éleve un Arc
bâti de groffes pierres de taille , que les
Antiquaires pretendent avoir été un Arc
de Triomphe. Il fert prefentement de porte
à une grande rue qui va au Pont & à là
Porte de faint Cyprien. Mais ce qu'il y a
de plus digne de la grandeur Romaine
c'eft le Palais de l'Empereur Galien , près
duquel on voit encore des veftiges d'un
grand Cirque qu'on appelle les Arenes ,
dont les Gavernes ou Prifons fouterraines
qui fervoient pour enfermer les bêtes feroces
deftinées aux combats , fubfiftent
malgré les injures du temps , auffi bien qué
de grandes arcades qui s'étendent depuis
le Palais jufques dans les champs voiſins ,
qui felon toutes les apparences foutenoient
un Aqueduc.
Au milieu de la Ville on voit une groffe
Tour ronde fort ancienne , conftruite de
grandes pierres de taille , & enrichie pat
dehors
>
DE MARS. 2. Vol. 1722. 39
dehors de quantité de figures. Quelques
Antiquaires pretendent que c'étoit le Palais
d'un homme d'une trés- grande confideration
appellé Maubergeon , fans qu'on
puiffe fçavoir en quel fiecle il vivoit. Cependant
la plus commune opinion eft
que Jean Duc de Berri, d'Auvergne, Comte
de Poiton , & frere du Roy Charles V.le
fit conftruire , & qu'il fit reprefenter tout
autour les fept vicomtes de Poiton , qui'
font Thouars ; Châthelerand, Rochechouard,
Broffe , Bridiers , Monbas & Aunay.
Ceux qui font de cette opinion croyent
que certe Tour a pris fon nom d'Atilde
furnommée Maubergionne , femme d'Abor
ou Albon II. Comte de Poitiers. Mais
Befly , Auteur de l'Hiftoire des Comtes de
Poitiers eft d'un fentiment contraire, & prétend
que l'étymologie du nom de cetteTour
derive du mot Latin Mallobergum , qui dans
le ftile de la baffe latinité , fignifie Palais,
ou Auditoire public où laJuftice le rendoit
& de-là il conclud que Tour de Maubergeon
ne veut dire autre chofe fi ce n'eft Liew
convert , felon l'ufage de l'ancienne Jurif
prudence de France , qui dans les Titres
26 & 59 ta premier Paragraphe de la Loy
Salique , veur que les Maifons dans lef
quelles s'affembloient les Juges pour y décider
les affaires des Peuples , foient couvertes
40% LE MERCURE
vertes & à l'abri des ardeurs du Soleil
pendant l'Eté , & de la pluye & des autres
injures du tems pendant l'hyver.
On prétend que Poitiers n'a pas toujours
été fitué dans l'endroit où il eft prefentement
, & il y a des Auteurs qui foutiennent
que fa premiere fondation fut dans
un lieu à une lieuë de Chatellerand , appellé
le vieux Poitiers. Ils fondent leur
opinion fur ce qu'on y voit encore de
vieilles murailles , qui felon eux , ne peuvent
avoir été bâties que pour environner
une grande Ville ; & ce qui donne encore
plus de force à leurs conjectures, c'eft qu'en
creufant la terre , on découvre de tems
en tems des veftiges qui marquent être
des fondemens de quantité de fuperbes
édifices, qui s'étendoient jufqu'à la Riviere
du Clain. Ces mêmes Auteurs ajoutent
qu'un nommé Archade , auquel ils donnent
le nom de Comte , eut permiffion de
l'Empereur Claude de faire reédifier cette
Ville dans l'endroit où eft Poitiers preſentement.
Mais comme ils ne rapportent aucune
preuve de cette tranflation , on peut
la revoquer en doute , & croire qu'il pouvoit
y avoir en cet endroit-là une grande
Ville appellée Poitiers , differente de celle
qui existe encore , d'autant que l'experience
nous apprend que dans une même
Province il y a quelquefois trois ou quatre
DE MARS. 2. Vol . 1722 . 41
tre Villes du même nom , qui fe, diſtinguent
les unes des autres par des épithetes,
ou par les noms des Rivieres ou des Montagnes
fur lesquelles elles font fituées .
Ces mêmes Auteurs ne conviennent pas
mieux du nom des Fondateurs de Poitiers
que du lieu de fa premiere fondation ; car
les uns attribuent cet honneur à un nommé
Groffarius , furnommé Fictus , à caufe
qu'il commandoit à des Peuples appellez
Pictes , & marquent l'époque de fon Com--
mandement à un tems qui n'eft pas fort
éloigné de la deftruction de Troye , duquel
( s'il faut les en croire ) il fut dépouillé par
Turnus , Chef d'une troupe de Troyens ,
qui l'alla attaquer dans fa Capitale , &
remporta fur lui une victoire complette.
D'autres croyent qu'il fut bâti par une ancienne
Colonie de peuples de la scythie ,
appellez Agathyrfes , dont parle Virgile
dans fon Eneïde , lefquels ne pouvant refifter
aux tumultes domeftiques qui agitoient
leur patrie , en fortirent avec leurs
femmes & leurs enfans , & allerent s'établir
dans la Grande Bretagne , d'oùals fon.
dirent fur la Gaule Aquitanique , & jetterent
les fondemens de la Ville de Poitiers,
comme il paroît par une Epigrame que
Nicolas Petit , Poëte Normand , compofa à
= la gloire de ces Peuples , aufquels il donne
le nom de Piti , à caufe qu'ils fe peignoient
le
44 LE MERCURE
l'embellir au lieu qu'Amien - Marcelin
affure lui- même que Poitiers étoit une des
plus grandes & des plus nobles Villes de
toute l'Aquitaine. Prima Provincia eft
Aquitania amplitudine Civitatum , admodum
culta , omiffis aliis multis , Burdegala ,
Arverni , Santones & Pilavi excellunt .
Aimoin dans le quatriéme Livre de fon
Hiftoire de France en parle de même.
Fulbert Evêque de Chartres tient le même
langage en parlant de faint Achard , en
difant que parmi les plus celebres Villes
d'Aquitaine celle de Poitiers étoit celle qui
brilloit le plus par le nombre de fes Soldats,
par l'opulence de fes Habitans , & par la
terreur qu'elle infpiroit à fes ennemis :
Inter nobiliffimas Aquitaniæ urbes Pictonis .
Civitas caput tollit , quæ in murali ambitu
circumfcripta,hinc copiis militaribus fuffulta,
fuos Cives fovet interius & hoftiles pro•
cul pellit incultus ..
La grandeur & la magnificence de cette
Ville ont fait que nos Rois l'ont toujours
regardée avec diftinction , & nous lifons
dans l'Hiftoire de Charlemagne & de Louis
le Debonnaire fon fils , qu'elle étoit fi confiderable
, qu'on y envoyoit des Comtes
pour l'adminiftration de la Justice . Sous
Philippe- Auguste on y envoya des Senechaux.
Gregoire de Tours dit que Chilperic
y envoya les Maires de fon Palais & un
Comte
DE MARS . 2. Vol. 17 22.
45
Comte nommé Ranulphe pour lever les
Deniers Royaux. Mais ce qu'il y a de plus
honorable pour cette Ville , c'est qu'au raport
de Pafquier & de du Chefne , en 1420
Charles VII. ayant recueilli fes forces pour,
faire tête aux Anglois , n'étant encore que
Dauphin de France, y établit un Parlement
du vivant de Charles VI. fon pere , pour.
occuper la place de celuy de Paris , qui
alors étoit dans la dépendance duRoy d'Angleterre.
Ce n'eft pas feulement durant
les troubles qui dechiroient le coeur du
Royaume , que cette Ville a été choilie
pour être le Siege de la fuprême Juftice ,
puifque Louis XI. n'eut pas cu plutôt
donné le Duché de Gyenne à Charles fon
frere pour fon Apanage , que ce Prince y
transfera le Parlement de Bordeaux . On
pourroit rapporter une infinité de traits.
que l'Histoire nous fournit pour juſtifier
que depuis le commencement de la Monarchie
, Poitiers a toujours été mis au rang
des premieres Villes du Royaume , mais il
eft tems de faire voir à quel titre elle a
été réunie au Domaine de la Couronne ,
qui eft ce qui femble intereffer davantage
la curiofité du Public.
L'Hiftoire nous apprend que Henry II .
Roy d'Angleterre par fon mariage avec ,
Eleonor fille de Guillaume IX. fut Duc
d'Aquitaine & Comte de Poitou , & ¸eut
C pour
46
LE
MERCURE
pour fucceffeur Richard I. dit l'Orgueilleux,
ou Coeur de Lion , fon fils aîné , auquel
. fucceda Jean , furnommé Sans -Terre , fon
frere , lequel étant paffé en Angleterre
s'y fit couronner au prejudice d'Artus de
Bretagne , fils de Richard , dans le parti
duquel Philippe- Auguste Roy de France
étoit entré. Jean prevoyant que pour fe
maintenir dans fon ufurpation , il étoit abfolument
neceffaire qu'il fit perir Artus ,
le fit , affaffiner en 1202 felon quelques
Hiſtoriens , ou mourir en prifon dans le
Château de Mirebean felon quelques autres
, ce qui obligea la Reine Conftance
mere de ce jeune Prince , de preffer Philippe-
Auguste de lui faire raifon d'un affaffinat
commis en la perfonne d'un de fes
Vaffaux furquoi Jean fut cité à la Cour
des Pairs , où n'ayant pas comparu , il y
fut condamné par contumace , comme at»
teint & convaincu des crimes de meurtre
& de felonie , & à perdre toutes les Terres
qu'il avoit en France. Dans la fuite
ayant été excommunié par le Pape Innocent
III. à caufe des perfecutions qu'il faifoit
aux Prelats & aux Ecclefiaftiques d'Angleterre
, & fes Sujets ne pouvant plus fupporter
les cruautez , appellerent Louis fils
de Philippe-Auguste , & le couronnerent à
Londres le 20 May 1206 , tellement que
toutes les Seigneuries que Jean poffedoit

;
en
DE MARS. 2. Vol. 1722. 47
en France , dèslors furent réunies à la
Couronne par Arreft du Parlement & par
droit de Conquête. Louis VIII . ayant fuccedé
à Philippe-Auguste fon pere , fit un
Teftament , par lequel il donna à Alfonfe
fon quatriéme fils le Comté de Poitou
dont il obtint l'inveftiture du Roy Saint
Louis fon frere aîné . Le même Saint Louis
par un Traité folemnel qu'il fit en 1259
avec Henry III . Roy d'Angleterre , fit de
fi grands avantages à ce Prince , qu'il renonça
pour toujours au Duché de Normandie
& au Comté de Poitou.
Alfonfe Comte de Poitiers , étant mort
fans pofterité en 1270 au retour de la
Terre fainte , le Comté fut reuni à la
Couronne pour la feconde fois par droit
de Réverfion. Le 27 Novembre 1314 ,
le Roi Philippe le Bel fit un partage entre
fes enfans , par lequel il fut ftipulé
que fon fils Philippe auroit le Comté de
Poitiers , & comme par cet acte il n'étoit
pas dit , fi ce Prince pourroit difpofer
ou non du Comté , douze jours après
le Roi fon Pere fit publier des Lettres
Patentes , par lesquelles il declara qu'il
n'avoit jamais prétendu que Philippe fon
fils , ni aucun de fes Succeffeurs , pûffent
difpofer dudit Comté en faveur des filles ,
& qu'en cas que lui & fes Delcendans
vinflent à mourir fans enfans mâles , le
Cij Comté
48 LE MERCURE
Comté feroit réuni à la Couronne , à
condition que le Roi qui regneroit au
temps
de la réunion , doteroit en argent
les filles de Philippe fon fils , ou de fes
Succeffeurs .
L'année fuivant Louis Hutin érigea le
Comté de Poitiers en Pairie en faveur
de Philippe fon frere , lequel étant mort
fans enfans , il fut réuni au Domaine de
la Couronne. Cependant , Endes IV du
nom Duc de Bourgogne , qui avoit époufé
Jeanne de France , veuve de Philippe
le Long , intenta un procès à l'occaſion
de ce Comté , pretendant qu'il lui appartient,
comme plus proche à caufe de
fa femme. Charles le Bel lui foutenoit ,
que quoique Philippe le Long eut été
Comte de Poitiers , fi - tôt qu'il fut fait
Roi de France , il ceffa de poffeder cette
Terre à titre de Comté , & qu'attendu
que lui Charles lui avoit fuccedé au
Royaume & à toutes fes dépendances en
qualité de mâle & de plus proche , il
- devoit être maintenu en la poffeffion de
ce Comté, furquoi il intervint un Arrêt du
Parlement au mois de Feyrier 1322 ,
qui ordonna que le Roi auroit la joüiffance
du Comté , fauf au Duc de Bourgogne
de fe pourvoir pour la proprieté.
Les chofes demeurerent en cet état jufqu'à
la prife du Roi Jean , pour la délivrance
DE MARS.2 . Vol. 1722 . 49
livrance duquel il fut convenu le 8 May
1360 par
le malheureux Traité de Bretigny
, qu'Edouard III Roi d'Angleterre ,
auroit en fouveraineté le Comté de Poitos,
le Perigord & autres Provinces .
Charles V inconfolable de la honteufe
condition que le déplorable état du Roi
fon Pere avoit obligé de faire avec les
Anglois , réfolut de reparer les fautes
de ce malheureux Monarque. Pour cela
il leva de groffes Troupes , & porta la
guerre dans la Guyenne , que le Roi
d'Angleterre poffedoit avec tant d'injuftice.
Le Parlement qui ne pouvoit fouffrir
qu'à regret que la Couronne fut
dépouillée d'une fi noble portion de fon
Domaine , prononça un Arrêt le 14
May 1370 , par lequel il adjugea au
profit du Roi la Province de Gayenne ,
& autres Terres que le Roi d'Angleterre
poffedoit en deçà des Mers , de forte
que le même Charles V donna le Poitou
en 1369 , avec quelques autres Provinces
conquifes fur les Anglois à Jean
Duc de Berry en accroiffement d'Apanage
, tant pour lui , que pour fes defcendans
mâles.
En 1401 Charles VI le donna auffi à
Jean fon fecond fils , & à fes enfans &
fucceffeurs mâles en ligne directe en accroiffement
d'Apanage , à la charge de
Ciij l'Hommage
So LE MERCURE
l'Hommage & du Reffort. Ce Prince
étant mort en 1417 fans enfans , le
Comté de Poitos fut réuni à la Couronne
, & depuis ce temps-là il n'en a pas
été feparé.
> La Ville de Poitiers eft fans difpute
une des plus grandes du Royaume . Ptolemée
& Antonin dans fon Itineraire l'ap-.
pellent Auguftoritum , ce qui a donné.
lieu à quelques Hiftoriens de nier aux
Pites la gloire d'en être les Fondateurs,
à caufe du peu de rapport qu'il y a entre
Auguftoritum & Pictones , mais les
vrais Sçavans fe inocquent de cette difference
de noms , étant de notorieté pu
blique , que par une façon de parler
fort commune dans les Gaules du temps.
des Romains , Cefar s'eft fervi du mor
de Lutetia pour defigner la Ville de
Paris Capitale des Peuples , qu'on appelloit
Parifiens , de celui d'Avaricam
pour dénoter Bourges Capitale des Bituriges
, de celui de Durocottorum pour mar
quer Reims en Champagne. Ainfi , le
nom d'Auguftoritum n'empêche nullement
que Poitiers ne doive fa fondation
aux Pices ou Pitons.
La Ville eft environnée de fortes murailles
, défendues par des Tours en plufieurs
endroits. On y entre par fix Portes
, dont celles de faint Lazare , de Rocheyenl
DE MARS. 2. Vol. 1722. SI
cheyeul , du Pont - Joubert & de faint Cyprien
ont chacune un Pont fur la Riviere
de Clain , qui environne la Ville du
Nord au Midi , & fert de foffez à fes
murailles. Celle du Pont- Achard , qui
eft du côté de l'Etang , dont il a été parlé
au commencement , eft auffi fur le
bord de la petite Riviere qui borde la
Ville du côté du Nord. Il n'y a que
celle qu'on appelle de la Tranchée qui
eft fans eau , c'eft pourquoi on l'a fortifiée
d'autant plus , que c'eft par-là qu'il
eft plus ailé d'infulter la Ville.
>
Ce qu'il y a de plus remarquable à
voir à Poitiers , font les Eglifes de faint
Pierre , de faint Hilaire , de faint Cy
prien , de fainte Croix , de la Trinité , de
Notre-Dame la Grande , le Palais , où le
Préfidial exerce la juftice , & les Places
dans l'une defquelles on a érigé la Statuë
du feu Roi Louis XIV en Bronze. 11
feroit à fouhaiter qu'on put rapporter
dans cer Ouvrage tout ce que M. l'Abbé
de Vayrac a dit dans la Defcription
qu'il a faite de la Ville de Poitiers , mais
cette entrepriſe nous meneroit trop loin.
Il y a à Poitiers un Evêché qui comprend
722 Paroiffes fous 24 Archiprêtres
, 30 Abbayes , 25 Chapitres Collegiaux
, & plufieurs Prieurez fimples. On
dit que faint Martial parent de faint
Ċ iiij
Etienne
521
LE
MERCURE
Etienne fut envoyé en Guyenne par faint
Pierre fous l'Empire de Neron , & qu'il
alla à Poitiers , dont il convertit les Habitans
à la foi de J. C. Cependant , il
n'en fut pas Evêque , & le Siege Epifcopal
n'y fut établi qu'en 279 , à cauſe
de la perfecution. Netorius eft reconnu
pour le premier Evêque de cette Eglife ,
dont les progrès ont été fi grinds , que
dans la feule Ville de Poitiers on compte
quatre Abbayes d'hommes , deux de
filles , cinq Eglifes Collegiales , 22 Paroiffes
, onze Couvens de l'un ou de
l'autre fexe , deux Seminaires & trois
celebres Hôpitaux . Nous n'avons guerre
de Ville en France où l'on ait renu
tant de Conciles ou de Synodes que
dans celle-là , puifqu'on y en compte
jufqu'à fept
1
Le premier fut convoqué en 589
contre des Religieufes qui s'étoient revoltées
contre l'Abbeffe de fainte Croix.
Le fecond en 1002 ou en 1010 felon
quelques Canoniftes , pour le rétablificmente
de la Difcipline Ecclefiaftique . Le
troifiéme en 1025 , felon l'Auteur de la
Cronique de Maillezay , & felon quelques
autres en 1029 , dans lequel on
prononça anathême contre les Ufurpateurs
des biens Ecclefiaftiques. Le quatriéme
en 1074 contre Guy - Geoffroy ,
dic
DE MARS. 2. Vol. 17 22 .
53
dit Guillaume VIII Duc d'Aquitaine ,
qui , contre les Ordonnances de l'Eglife
, avoit épouté Adelaide de Bourgogne.
fa coufine au degré prohibé. Le cinquiéné
en 1075 contre Bèrenger. Le fixićme
en 1078 , dans lequel on fulmina
anathême contre le Roi Philippe I , qui
après avoir fait divorce avec Bertrade de
Montfort , l'avoit rappellée au grand fcandale
de tout le monde , & aux mépris .
des Loix Canoniques. Le feptiéme en
1118 , auquel l'Abbé Suger allifta , comme
il le dit lui- même dans la vie de Lonis
le Gros .
Poitiers n'eft pas moins diftingué dans
le gouvernement Civil , que dans l'Ecclefiaftique
, puifqu'il eft honoré d'une
Generalité , qui s'étend fur 1008 Paroiffes
, & 19841 familles , d'une Senechauffée
, d'un Préfidial , d'un Bureau
general des Finances , d'une Election ,
d'un Hôtel de Monnoye , d'une fameufe
Univerfité , d'une Juftice Royale non
reffortiffante , d'une Maittife particuliere
& d'une Maréchauffée .
La Maifon de Ville eft gouvernée par
un Maire & par 24 Echevins , qui prenent
la qualité de Capitaines Gouverneurs
de la Ville. Titre glorieux ! mais ,
qui n'eft qu'une ombre des Privileges
dont ils jouiffoient autrefois , puifque par
C v des
54
LE MERCURE
>
des Lettres authentiques Leonor Comteffe
de Poitou leur accorda le droit de Nobleffe
en 1199 , dans la joüiffance duquel
Edouard Prince de Galles & Duc d'Aquitaine
, non feulement les confirma en
1369 , mais même il leur accorda celui
de Luftice Haute , Moyenne & Baffe
fur tous les Habitans de la Ville , à la
referve des crimes de Leze- Majeſté , de
fauffe Monnoye , de falfification de Seaux
& du droit de Reffort. Le Roi Charles
V les declara en 1372 capables d'être
admis dans les Ordres Militaires de Chevalerie
, tout ainfi que s'ils étoient ' iffus
de Race Noble , avec pleine exemption
de Francs - Fiefs , & autres Charges roturieres,
Mais des raiſons de Politique
ont obligé les Rois à revoquer tous ces
grands Privileges , à l'exception du droit
d'exercer la Police .
Au refte , quoique l'enceinte de la Ville
de Poitiers foit fans contredit , aprés
Paris , la plus vafte de toutes celles du
Royaume , elle eft fi peu peuplée qu'on
n'y compte que 4000 familles , parmi
lefquelles il y en a plus de zoo de la
Religion Proteftante. Durant les guerres
Civiles du XVI fiecle , caufées par les
Religionnaires , Poitiers fut le Theatre
de plufieurs Scenes tragiques , qui furent
fatales à PEtat , car les Proteftans s'en
étant
DE MARS. 2. Vol. 1722 . SS
étant rendus les maîtres , s'y fortiferent
fi bien , que pendant long- temps il ne
fut pas au pouvoir du Roi de les en
chaffer. Cependant le Maréchal de faint
André , ayant affiegé cette redoutable
Place en 1562 , la prit aprés un Siege
auffi long que meurtrier. Mais en 1569
P'Amiral de Coligny , Chef du parti Proreftant
, l'affiegea , & étoit fur le point
de la prendre , lorfque le Duc de Guife
la fecourut. On voit une Relation circonftanciée
de ce memorable Siege , qui
contient des prodiges de valeur de la part
des Affiegeans , qui éterniferoient leur
memoire , s'ils n'avoient pas combatu contre
l'Eglife & contre l'Etat . De Poitiers à
Chaftelleraud.
CHASTELLERAUD , ( en latin Caftrum
Heraldi ) eft une grande Ville à fept
lieues au Nord de Poitiers dans une belle
Plaine fur le bord de la Riviere de Vienne
qu'on paffe fur un magnifique Pont de
pierre qui a 230 pas de long fur 66 de large.
Autrefois elle jouiffoit du titre de Vicomté
& étoit poffedée par des Seigneurs
particuliers. Le premier dont on ait connoiffance
étoit un nommé Aymary qui vivoit
en 1238 fous le Regne de Philippe-
Augufte , & avoit époufé Alix foeur de Robert
Comte d'Alençon . En 1224 Geoffroy
de Luzignan declara par Acte autentique
C vj qu'il
36
LE
MERCURE
*
qu'il tenoit du Roy à foy & hommage le
Vicomté de Chaftelleraud qu'il avoit acquis
par fon mariage avec Clemence fille de
Hugues Vicomte dudit lieu , & qu'au furplus
, il proteftoit qu'il ne pouvoit fortifier
ni le Chateau ni la Ville , fans une permiffion
expreffe de Sa Majefté. En 1352 Jean
Comte d'Harcourt prenoit le titre de Vicomte
de Chastellerand , duquel il paroiſt
que Louis d'Harcourt eut la jouiffance pendant
les années 1372 , 1374 & 1386 , auquel
Jean Comte d'Harcourt fucceda en,
1413. Charles fils de Louis d'Anjou IF
du nom Roy de sicile , fut Vicomte de
Chaftelleraud ; & un fils qu'il eut d'¡fabean.
de Luxembourg ( a femme , nommé Charles
comme lui , ayant fuccedé au Royaume de
Sicile , au Comté de Provence & au Vicomtéde
Chastellerand, fit donation le 10 Decembre
1482 à Louis XI Roy de France
tant du Comté de Provence que du Vicomté
de Chastelleraud, à la charge & condition,
que le Vicomté feroit uni à la Couronne de
France , fans qu'il en put jamais être feparé,
de forte que par Lettres Patentes enregiſ
trées au Parlement le 6 Fevrier 1.482 il fut
uni à la Couronne , & le Roy y établit un
Siege Royal fous le nom de Gouvernement
de Chaftelleraud. Cependant , malgré cette
union perpetuelle , le même Roy Louis XI
fit donation du Vicomté à pacte de rachape ,
DE MARS 2. Vol. 1722 . $7
à Anne de France fa fille Comteffe de Beanjen
& femme du Prince de Bourbon.
Après la mort de Louis XI , Jean &
Louis d'Armagnac neveux de Charles Roy
de Sicile , demanderent que les Terres dé-
Laiffées par ledit Charles leur oncle maternel
, non tenues en Pairies , ni en Apanage,
ni appartenantes au Domaine Royal , leur
fuffent reftituées , aufquelles eux, Catherine
& Charlotte leurs foeurs devoient fucceder ,
comme enfans de Louise d'Anjou foeur &
feule heritiere dudit Charles Roy de Sicile.
ap-
Sur cette demande le Procureur General
fut appellé , lequel foutint que ces Terres
appartenoient au Roy en vertu du Teftament
fait en fa faveur par le Roy Charles ,
par lequel il l'avoit établi fon heritier uni
verfel en tous fes biens. L'affaire fut
pointée , & cependant il fut ordonné qu'en
attendant la décifion du procès , le Châreau
& la Ville de Chastelleraud feroient
delivrés par provifion aux Demandeurs pour
leur fubfiftance , comme il paroift par les
Lettres Patentes qui furent expediées le´s.
Mars 1483 , dans lefquelles le Vicomté
de Chastelleraud eft notamment énoncé
avec cette circonftance , que tant ledit Vicomté
que les autres Terres qui étoient en
litige , demeureroient fous la main du Roy
juiqu'à ce que le Parlement de Paris eutprononcé
fur le fond du procès. Dans la
fuite
58 LE MERCURE
fuite le Roy par fes Lettres Patentes du 24
May 1491 verifiées au Parlement , délaiffa
aux Demandeurs les Terres contenues dans
leur Requête , de quelque maniere qu'elles
puiffent lui appartenir , caffant & annullant
P'union qui avoit été faite au Domaine de
la Couronne du Vicomté de Chaftelleraud.
René Chopin dit que du temps de Louis
XII , Pierre de Rofan acheta de Charlotte
d'Armagnac fille du Duc de Nevers le droit
qu'elle avoit fur le Vicomté de Chaftellerand
, mais qu'auffitoft la Ducheffe de
Bourbon le retira par Retrait lignager.
Le 15 Fevrier 1514 le Roy François I.
érigea ce Vicomté en Duché Pairie en faveur
de François de Bourbon fils de Gilbert
Comte de Montpenfier , & par les Lettres
d'Erection , il eft dit que ce Vicomté
lui appartenoit à caufe d'Anne de
France Ducheffe de Bourbon & &Anvergne
, à condition que s'il mouroit fans enfans
mâles , la Pairie demeureroit éteinte
, & que le Duché fubfifteroit . Ces
Lettres furent verifiées au Parlement le 4
Avril 15 15.
François de Bourbon premier Duc de
Chaftelleraud , étant mort fans enfans au
mois de Septembre de la même année à
la Bataille de Carignan , Charles fon frere
Connétable de France lui fucceda , & prit le
Titre de Duc de Chaftellerand,dont il jouit -
jufqu'au
DE MARS 2. Vol. 1722. 59
jufqu'au 6 May 1527 , qu'il fut tué devant
Rome , & comme il avoit abandon.
né les interêts du Roi pour embraffer ceux
de l'Empereur Charles V , implacable ennemi
de la France , le 16 Juillet (uivant,
tous les biens Féodaux tenus de la Couronne
mediatement , ou immediatement ,
furent réunis au Domaine Royal par un
Arrêt du Parlement , & tous les autres ,
tant meubles , qu'immeubles , furent confifquez.
Aprés cet Arrêt il y eut plufieurs
Tranfactions entre le Roi François I &
Madame la Regente fa Mere , qui prétendoit
avoir la plus grande partie des
biens de la Maifon de Bourbon .
Dans la fuite , en conſequence du Trai.
té de Cambray , & des fortes inftances de
l'Empereur Charles V , il fut fait un accord
touchant la fucceffion de la Maiſon
de Bourbon , par lequel le Roi François I ,
du confentement de Madame la Mere ,
ceda à Dame Louiſe de Bourbon , Princeffe
de la Roche-fur- I on , le Duché de Chaftellerand
, jufqu'à ce que le paocés qui
étoit pendant au Parlement fut jugé.
L'année fuivante , Madame Lowife de
Savoye Mere du Roi , érant morte le 22
Septembre , ce Monarque caffa par fes
Lettres Patentes l'accord qui avoit fait
avec la Princeffe de la Roche - fur - Yon ,
comme extorqué par l'Empereur , qui retenoit
LE MERCURE
tenoit prifonniers les enfans de France ,
& remit l'affaire au même état où elle
étoit avant cet accord forcé ; & par d'autres
Lettres Patentes , données à Dieppe ,
il réunit à la Couronne le Duché de Chaftelleraud
& plufieurs autres Terres .
Le 3: Avril 1537 les principaux du
Confeil opinerent que tous les biens de
la Maifon de Bourbon , poffedez par Charles
de Bourbon Connétable de France ,
appartenoient au Roi , & que Louiſe de
Bourbon Princeffe de la Roche-fur Yon , &
Louis de Bourbon fon fils en étoient déchûs.
Cependant le Roi par fes Lettres
Patentes expediées à Blois , declara qu'eus
égard à la proximité du fang , il leur cedoit
les Comté , Terres & Seigneuries de
Montpenfier , moyennant quoi ladite Dame
& le Prince fon fils , le départiroient
en faveur du Roi de tout ce qu'ils pouvoient
pretendre fur les biens de la Maifon
de Bourbon , ce qu'ils firent par un
Acte paffé à Champigny le premier Septembre
138 , de forte que par là , le
Duché de Chastellerand fut uni à la Cou
ronne & tous procés furent éteints.
Henry III par les Lettres Patentes du 3
Mars 1584 , engagea ce Duché à François
de Bourbon Duc de Montpenfier pour
la fomme de cent cinquante mille livres
A François de Bourbon fucceda Hen
ry
DE MAR S z . Vol . 1722. 60
ry de Bourbon Duc de Montpenfier fon fils
unique , lequel ne laiffa qu'une fille ap
pellée Marie , qui prit alliance avec Gas
fton de France Duc d'Orleans , frere unique
du Roi Louis XIII , duquel elle cut
une fille unique , connue fous le nom de
Mademoiſelle de Montpenfier , qui ne fur
pas mariée , & qui par fon teftament fit
fon Legataire univertel Philippe de Frace
Duc d'Orleans , frere unique du feu
Roi Louis XIV , lequel vendit le Duché
de Chaftelleraud au Duc de la Tremoille ,
dont les Defcendans joüiffent actuellement.
Ce Duché eft fans contredit un des plus
nobles & des plus confiderables du Royaume,
puifqu'outre qu'il eft d'un grand reve
nu , il a la fuferaineté fur deux Marquilats ,
fur une Châtellenie & fur 25 Seigneuries
très importantes , fans parler de plufieurs
Fiefs qui en relevent .
Chastellerand eft fitué , comme nous
avons déja dit , dans une très belle Plaine
que la Riviere de Vienne traverſe par le
milieu. Du côté de l'Orient , elle eft bordée
par des côteaux plantés de vignobles , &
parfemés de très beaux Villages & des Châteaux
qui s'élevent de diſtance en diſtance ,
& qui forment un point de vue charmant.
On compte à Chastellerand une : Senechauffée,
compofée d'un Senechal de Robe
Courtes
62 LE MERCURE
:
Courte , d'un Prefident , d'un Lieutenant
General & Criminel , de deux Affeffeurs ,
de fix Confeillers , d'un Procureur & d'un
Avocat du Roy , & d'un Greffier : une
Election qui s'étend fur 57 Paroiffes : un
Corps de Ville formé d'un Maire Perpetuel
& de quatre Echevins : une Maitrife Particuliere
des Eaux & Forefts : une Jurif
dittion Confulaire : un Bureau des Traites
Foraines un Dépôt pour le Sel & une
Marechauffée : une Eglife Collegiale , trois
Paroiffes diftribuées en 1564 Familles, un
Couvent de Cordeliers , un de Minimes ,
un de Capucins , un de Religieufes , & un
Hopital. Les Peuples y font ingenieux ,
laborieux & portez au Commerce. Il n'y a
aucune Ville en France où il y ait tant , ni
de fi excellens Ouvriers en Coutellerie
qu'à Chatellerand , de forte que la fertilité
du Pays jointe à l'induftrie & à l'applica
tion de fes Habitans , fait que cette Ville
eft une des plus riches du Poitou . Elle le
feroit encore davantage fi on rendoit navigable
les Rivieres deClain & de la Crenfe,
ce qui pourroit le faire facilement avec un
peu de dépenfe. Chatelleraud s'est toujours
fignalé par fon attachement à la Religion
Proteftante, & il s'y eft paffé des évenemens
celebres dans l'Hiftoire , dont le recit
fcroit trop long à raconter , étant déjá tems
de faire partir l'Infante pour le rendre à
la Haye. LA
DE MARS 2. Vol . 1722. 63
LA HAYE eft une petite Ville de la
Province de Touraine , fituée dans une
Plaine fur le bord Septentrional de la Riviere
de Creuse , un peu au -deffous de fa
jonction au- deffous de la Clife. Elle n'a
rien de confiderable qu'un beau Pont de
pierre , & l'avantage d'être le lieu de la
naiffance de René Descartes , le plus grand
Philofophe qui ait paru encore , & de Jean
de la Haye Sieur des Coreaux , Lieutenant
du Senechal de Portos , qui voulant fe diftinguer
dans les Guerres Civiles qui dechiroient
le Royaume à l'occafion de la
Religion Proteftante , fut tué en 1547.
Les Latins appellent cette Ville Haga Turonica
pour la diftinguer de plufieurs autres
qui portent le même nom. Elle a le
titre de Baronie , & eft poffedée par le Prince
de Guimené. On y compte 153 feux , avec
un Grenier à Sel . De la Haye à Loches.
LOCHES eft une Ville de la Province
de Touraine , fituée fur la Riviere d'Indre,
dans un des plus agreables & des plus fertiles
Pays du Royaume , fur la pente d'une
montagne. Elle eft deffendue par un magnifique
Château bâti fur un roc , dont le
circuit eft de prés de 1 200. pas . Le Mont-
Voifin , qu'on appelle communément Viguemont,
autrefois contigu à la Fortereffe , en
eft feparé par un large & profond foffé.
L'affiete de ce Château eft fi avantageufe ,
qu'on
64
LE MERCURE
qu'on pourroit en faire une des meilleures
Places du Royaume. Ses fortes murailles
& fes hautes Tours n'y laiffent qu'une avenue
du côté de l'Orient , laquelle eſt trèsdifficile
à gagner , d'autant qu'elle eft foffoyée
, retranchée & flanquée avantageufement
. Rien n'eft plus magnifique que for
Portail , non plus que l'appartement qui
eft du côté de l'Orient que Louis XI . fit
bâtir.tour près de celui de la Belle Agnés
Screl , Maitreffe de Charles VII . fon pere.
Aujourd'hui les deux n'en font plus qu'un
feul , difpoté de telle forte , que d'un côté
la vue eit bornée par de rantes prairies ,
& de l'autre par une vaste Foreft , où les
Rois alloient fouvent prendre le divertiffement
de la Chaffe , & où fe voyent en .
core les reftes des Pavillons qu'ils y avoient
fait conftruire exprès pour relayer , ou
pour fervir de rendez- vous aux Chaffeurs .
Du côté de l'Occident on voit une groffe
Tour quarrée très- ancienne , près de laquelle
eft un gros donjon achevé par Louis
XII . qui fert prefentement de Prilon pour
les Criminels d'Etat , ou pour d'autres
Coupables , dont la conduite eft defagreable
ou fufpecte à la Cour . On y voit deux
cages de fer , dont l'une eft appellée la
Cage de Batue , à caufe que Louis XI . y fit
enfermer le Cardinal de Balue Evêque
d'Angers. Chaque Cage eft longue de huis
4
pieds,
DE MARS 2 , Vol . 1722. 65
pieds , large de fix , & environnée de
treillis de bois revêtus de fer , & pour tout
dire en un mot , un Château qui fembloit
n'avoir été bâti que pour faire le plaifir des
Rois , eft devenu un lieu de fouffrance
pour ceux qui font affez malheureux d'irriter
la Majesté Royale. C'est là où Ludovic
Sforce Duc de Milan fut confiné par ordre
de Louis XII , & où il mourut .
On voit dans l'enceinte du Château
l'Eglife Collegiale de Notre - Dame , fondée
par Geoffroy Grifegonnelle Comte d'Anjou,
Seigneur de Loches. Le Voyageurs ne peuvent
fe laffer d'admirer la beauté de cer
édifice. Les voûtes en font grandes , belles,
hardies. Il y a deux Clochers faits en
pointe élevés en l'air par un artifice furprenant
, avec trois fuperbes Pyramides
extremement hautes , l'une fur le Portail
& les deux autres entre les Clochers , le .
le tout de pierre de taille . Ce Comte y fit
placer la Ceinture de la Sainte Vierge ,
tiffuë d'une foye blanche , dont une Reine
de France lui avoit fait prefent.
Dans la même Eglife eft le Tombeau
d'Agnes Sorel , Maitreffe du Roy Charles
VII. dont les Hiftoires ont tant parlé fous
le nom de la Belle Agnés , à caufe, dit Monftrelet
, qu'entre les Belles elle étoit la plus
belle. Il eft de marbre noir cifelé , portant
la figure de marbre blanc. Ce Monarque
lc
66 LE MERCURE
le fit placer dans le Choeur , & ce qu'il
y a de plus furprenant , c'eft que comine
fi elle fut morte en odeur de fainteté , il
permit que deux Anges foutinffent l'oreiller
fur lequel fa tête repofe , & qu'on
plaçât deux Agneaux à fes pieds . On lit
fon Epitaphe , & on voit les Armes fur
une lame de cuivre attachée contre un
pilier. On voit auffi dans la même Eglife
le tombeau de Ludovic Sforce Duc de Milan
, où ce Prince eft reprefenté tenant un
Crucifix entre les mains.
Il y a quelques fiécles qu'on trouva de
grandes marques d'antiquité fous le plinthe
du Château , & entre autres choles une
Porte de fer , à l'ouverture de laquelle
paroift une longue allée taillée dans
le roc , au bout de laquelle on voit
une chambre quarrée. Dans le fond de
cette chambre paroiffoit un homme de plus
de huit pieds de haut , affis fur une grande
pierre , & tenant fa tête appuyée entre fes
deux mains. Si- tôt que l'air eut frappé cet
homme , fon corps s'évanouit en cendres ,
fans qu'il en reftat que la tête & quelques
offemens . Il avoit auprès de lui un petit
coffret de bois , dans lequel on trouva diverfes
piéces de linge fort blanches & fort
bien pliées , qui s'en allerent en fumée dès
qu'on voulut les toucher. La tête & les
offemens ont été long- tems expofez aux
Yeux du Public dans l'Eglife N. Dame.
1
DE MARS 2. Vol . 1722. 67
La Ville de Loches eft honorée du titre
de Comté. Elle eft fort ancienne , & a été
le patrimoine des premiers Duc d'Anjou.
Il y a un Bailliage , une Election compofée
de 76 Paroiffes , un Hôtel de Ville compofée
d'un Maire Perpetuel , d'un Procureur
, de deux Elus , de trois Echevins ,
& d'un Greffier ; une Maitrife Particuliere
des Eaux & Forefts , un Grenier à Sel ,
une Maréchauffée , & 638 feux. De Lo
ches à Amboife.
AMBOISE eft une Ville ancienne
de la Province de Touraine , avec un trèsbeau
Château bâti au pied d'une colline ,
dans une belle plaine , arrofée par le bord
Meridional de la Riviere de Loire qu'on
paffe fur un magnifique Pont de pierre à 14
arches , dans les voûtes defquelles on a
enchâffé des Moulins avec tant d'art qu'on
diroit que c'est une Ifle . Elle jouït du
droit de Franchiſe , & eft honorée du titre
de Baronnie. Quoiqu'elle ne foit compofée
que de 355 feux , elle ne laiffe pas
d'avoir un Gouvernement particulier , un
Bailliage , une Juftice Royale reffortiffante
nuëment , un Hôtel de Ville avec Droit
de Police , une Election , un Grenier à Sel ,
une Maitrife Particuliere des Eaux & Forefts
, & une Maréchauffée. Elle eſt fort
celebre dans l'Hiftoire par les grands évenemens
qui s'y font paffez, & par les frequens
féjours
68 LE MERCURE
"
Lejours que nos Rois y ont faits . Gregoire
de Tours en fait mention comme d'une
Ville importante en parlant de faint Martin
, & il dit ailleurs que Clovis Roy de
France & Alaric Roy des Vifigoths y eurent
une Conference dans une Ifle qui étoit au
bout du Pont , & qui prefentement eſt
enfermée dans l'enceinte de fes murailles.
Dans la fuite les Normands y firent de
frequentes courfes & la ruinerent de fond
en comble. Foulques III . dit Nere Comte
d'Anjou la repara , & y fonda l'Eglife
Collegiale de faint Florentin , felon le fentiment
de plufieurs gravesHiftoriens , quoiqu'il
y en ait plufieurs autres qui attribuent
à un autre la gloire de cette fondation .
Amboife étant paffée dans la Maifon de
la Tremoille , Louis , Sire d'Amboife &
Vicomte de Thouars , efprit inquiet & turbulent
, ayant embraffé le parti des Anglois
contre le Roy Charles VII , ce Monarque
le fit arrêter , & ſaiſir toutes fes
Terres mais quelque tems aprés on lui
en rendit une partie , & dans la fuite
Louis XI. les rendit toutes à Louis II.
Seigneur de la Tremoille fon fils , à la referve
d'Amboife qu'il garda , & donna en
échange d'autres Terres de plus grande
yaleur , mais qui n'étoient pas fi fort à fa
bienséance ; car comme il forma le deffein
de
DE MARS 2. Vol. 1722 . 69
de s'aller enfermer , ou pour mieux dire
de s'enfevelir tout vivant dans le Châteaur
du Pleffis-les-Tours , qui n'est qu'à cinq
lieues d'Amboife , cette Ville l'accommodoit
extrémement. Quand il fortoit de fa
prifon , il faifoit d'Amboife la maiſon de
Plaifance , & c'eft là qu'il fonda l'Ordre
de faint Michel le 12 d'Août de l'année
1469.
Quoi que la Ville d'Amboife foit petite ,
elle eft pourtant une des plus jolies du
Royaume , tant par fa fituation , qui ne
fçauroit être plus avantageufe , que par
l'abondance de tout ce qui peut contribuer
aux co nmoditez de la vie : c'eft pourquoi
nos Rois en ont fait pendant long- temps
le Berceau des Enfans de France . Charles
VIII. y naquit , & pour honorer la naiffance
, il y fit conftruire le magnifique
Château qu'on y voit , dans lequel on remarque
deux chofes fingulieres. La premiere
eft un Bois de Cerf pefant 40 livres
, prodige fi extraordinaire , qu'il a
donné occafion à plufieurs de croire que
c'étoit une invention de l'art & non pas
une production de la nature ; mais quand
on vient à examiner la choſe de près , on
s'apperçoit fans peine que l'Art n'y a aucune
part , & que c'eft réellement une
veritable corne de Cerf. La feconde , eft
la reprefentation d'un homme & de fa
- D femme ,
70 LE MERCURE
femme , qu'on voit fur une cheminée d'une
groffeur qui paffe toute forte de croyance.
On monte à ce Château par un Eſcalier
conftruit avec tant d'art , qu'un carroffe
à fix chevaux le peut monter & defcendre
avec facilité.
A proprement parler il n'y a que deux
rues dans Amboife , qui avec le Château
en font tout le Plan. La plus grande eft
celle qui commence au bord du Quay ,
fur lequel on voit de belles maifons , &
qui traverſe le Marché où il y a une Halle
couverte qu'on appelle le Cavoy. On y voit
un Befroy à la groffe horloge de la Ville ,
fous laquelle il faut paffer pour continuer
à fuivre la rue , qui en cet endroit- là ,
prend le nom de faint Denis , & va juſ
qu'au Fauxbourg. L'autre rue eft celle
qui fe va croifer au Marché, & qui s'étend
jufqu'au Château . On y trouve quantité
d'Ouvriers , qui y font attirez par la commodité
d'une petite Riviere , qui coulant
le long des maifons , leur fert de foffez
pleins d'eau , & au deffus defquels eſt le
Château , qui comme nous avons déja dit ,
fut conftruit par Charles VIII . lequel n'épargna
rien pour faire venir de Naples
les plus habiles Architectes , afin qu'il fût
digne de loger le plus grand Roy du
Monde. Mais à peine l'eût- il fait achever,
qu'en allant voir jouer une partie de paulme
,
DE MARS 2. Vol. 1722. 71
me, il heurta de front contre une cheminée,
dont le choq fut fi violent qu'il tomba en
apoplexie , & mourut le 7 Avril 1498 .
D'Amboife l'INFANTE le rendit à Blois.
cuta
ZEPHYRUS & ROSA.
FLORA
DIALOGUS.
ZEPHYRUS.
LORA Filia candidæ ,
Quæ foles revehis bonos ,
Cùm primùm exoreris , Rofa :
Noftris ah tepidum , precor ,
Expande halitibus finum.
ROSA.
Veris floriferi Parens ,
Qui mundi malè languidam
Flabellis animam cies :
Vitales aliò , licet ,
Convertas , Zephyre , halitus.
ZEPHYRUS.
En flores ftudio æmuli
Horam præcipere ambiunt
Ortûs legitimam , & nimis
Lentas increpitant moras :
Uni cur placeat mora ?
Dij
ROSA .
72 LE MERCURE
ROSA.
Me florum ambitiofius
Haud fallit ftudium ; intimis
Tota & turgeo`lacrymis ,
Quòd flores focios meus
Heu ! nil folliciter dolor.
ZEPHYRUS.
Quid ? dum lætitiam explicat
Noftris quidquid ineft agris ;
HISPANÆque PUELLULA
Adventu oppida geftiunt ;
An non fint lacrymæ nefas ?
ROSA.
Quid ? dum mi penitùs perit
Cantatus toties decor :
Meque HISPANA PUELLULA
Notis fraudat honoribus :
'An non gaudia fint, nefas ?
ZEPHYR US.
Formofum fine te eft nihil .
Per te Aurora micantibus -
Ornatur digitis , Habet
Illum , quo Superi calent ,
Vultum à te rofeum Venus.
ROSA.
Me pulchrum fine nil fuit.
Nunc , quacumquè tulit pedes
·
VIRGO REGIA ; protinus ,
Formå
DE MARS 2. Vol . 1722. 73
Formâ olim Superis prior ,
Dicor cedere VIRGINI.
ZEPHYRUS.
Sed , fi te ambrofiis amet
Illa intexere crinibus !
Si te fceptrigerâ manu
Lectam fòrs gremio ferat
Ipfarum Charitum hofpite !
ROSA.
Spem quantam , ô Zephyre , excitas !
Urge , urge , precor halitus .
Si ceffas ; DOMINÆ tamen
Tactum molliculo gradu
Me Sponte ediderit folum,
Die 14 Martii 1722.
B. GRENAN.
TRADUCTION.
FILL .
PAR M. PIAT.
ZEPY HIRE.
ILLE de la brillante Flore ,
Rofe , avec qui l'on voit éclore
La Saifon des Ris & des Jeux ;
Je viens plein d'une ardeur nouvelle
Te rapporter , Amant fidele ,
Le tribut d'un fouffle amoureux.
Diij LA ROSE.
$
74
LE MERCURE
LA ROSE.
Vainqueur des Frimats & des Glaces ,
Toi qui vois marcher fur tes traces
Le Printems au front gracieux ;
Zephyre , objet de mes tendreffes ,
Difpenfe-moi de tes careffes ,
D'autres en profiteront mieux.
ZEPHYR E.
D'où vient cet accueil trifte & fombre ?
Je vois partout les Fleurs fans nombre
Sortir de leur obfcur féjour ;
1
De toutes parts je les vois maitre :
1
Toi feule digne de paraître ,
Tu refufes de voir le jour.
LA ROSE.
Les autres Fleurs , fans plus attendre .
Peuvent fe håter de reprendre
Leurs plus éclatantes couleurs .
Helas ! contentes & paffibles ,
Les cruelles font infenfibles
A ce qui fait couler mes pleurs .
ZEPHYR E.
Quoy ! lorfqu'une aimable PRINCESSE
Répandant ici l'allegreſſe ,
Fait partout maître les Plaiſirs ;
Que vers le Ciel qui nous l'envoye ,
Chacun poufle des cris de joye ,
Ofes tu pouffer des foupirs ?
LA ROSE.
DE MARS. 2. Vol. 1722 . 75.
LA ROSE.
Lorfque je vois tomber ma gloire ,
Que partout j'entends de VICTOIRE
Vanter les appas enchanteurs ;
Des Fleurs la plus infortunée
Dois -je benir ma deſtinée ?
Puis- je ne pas verfer des pleurs ?
ZEPHYR E
Sans toi , rien n'eft beau dans le Monde.
Par toi l'Aurore à treffe blonde
Fait le plaifir de tous les yeux .
A l'Amante du Dieu des Armes
Tu donnes ce teint plein de charmes ,
Dont l'éclat enflame les Dieux .
LAROS E.
Plus belle que les Immortelles
On me plaçoit au-deffus d'elles ,
Tous leurs appas cédoient aux miens:
Maintenant , fatale difgrace !
Une mortelle a pris ma place ,
Tous mes appas cédent aux fiens .
ZEPHYR E.
Mais fi , par un fort favorable ,
Un jour cette Mortelle aimable
Daignoit emprunter ton fecours !
Si fur fon front , féjour des Graces ,
Elle vouloit que tu brillaſſes
Parmi les Ris & les Amours !
D iiij
LA ROSE.
20 LE MERCURE
furvenoient trés fouvent , & leur devenoient
toujours falutaires ; & au contraire
nous n'avons prefque point d'exemples
que les pertes de fang , quoique frequentes
, hors le tems des regles , nous ayent
pû permettre d'efperer d'en voir rechaper
ceux qui en ont été attaqués.
A la Canourgue , comme à Marvejols ,
les fueurs copieufes & abondantes ont
toujours tourné à l'avantage des malades.
Les faignées dans toutes les inflammations
, comme maux de tête violens , douleurs
aiguës par tout le corps , les phrénefies
,> les delires , les difficultés de refpirer
, non feulement ne nous ont rendu
aucun bon fervice à la Canourgue , mais
même ont toujours occafionné des accidens
plus fâcheux , que ceux que l'on vouloit
combattre. A Marvejols au contraire dans
tous ces cas , elles nous en ont rendu de
fi effentiels , foit celle du bras , du pied ,
de la jugulaire , même réiterées , que nous
pouvons affurer n'en avoir pas fait une
feule qui n'ait été fuivie de la gueriſon
du malade , ou de quelque changement
avantageux.
Nous étions donc obligez à la Canourgue
, de prendre pour lors une route toute
differente ; nous faifions ufer dans les commencemens
, fur tout quand les naufées
ou les vomiffemens accompagnoient les
inflammations ,
DE MARS . 2. Vol . 1722. 21
inflammations , l'Hipecacuana à la doze de
20 grains , ou le Kermés mineral juſqu'à
8. grains en grand lavage : & le malade
remis de l'agitation & du travail du remede
, pour relever les forces qu'il eft
effentiel de conferver & de ménager , nous
lui faifions donner dans une potion
cordiale legere , avec les eaux appropriées,
& la confection Alkermes ou Hyacinthe,
& la Poudre de Vipere , jufqu'à 15 ou 20
goutes de Landanum liquide , de Sydenham.
Dans les affoupiffemens léthargiques,
les délires cbfcurs , les abattemens , ou
aneantiflemens , nous avons heureuſement
employé dans les potions , les cordiaux
les plus forts , & les volatiles les plus animez
, tels que l'Antimoine Diaphoretique,
le Diafcordium , la Poudre de la Comteffe
de Kent , l'elixir de proprieté , le Baume
du Commandeur de Perne , le Lilium de
Paracelfe , l'efprit volatile aromatique huileux
, l'efprit volatile de Vipere , de Corne.
de Cerf , & le Sel de l'un & de l'autre.
Dans les trémouffemens & mouvemens
convulfifs , nous faifions prendre aux malades
la Poudre de Guttete en doze reglée
, & fouvent avec diminution des accidens.
Dans les diffenteries , dévoiemens de
quelque nature qu'ils fuffent , nous y re
inedions par une prife d'un gros d'élec-
1
B tuaire
22 MERCURE LE
tuaire de Diafcordium de Fracaftor , & 1
ou 20 grains d'Hipecacuana en bol ; rarement
étions - nous obligez d'en donner
une: feconde.
Les naufées , les vomiffemens ſe trouvant
joints aux autres accidens , nous les
combattions par les Emetiques ordinaires ,
tel que le tartre ftibié , la poudre d'Algaror
, le Souffre doré d'Antimoine ; mais
bien plus efficacement avec l'Hipecacuana
& le kermes mineral ; à Marvejols ils
n'ont pas eu le même fuccès.
Pour les bubons , c'est un prejugé auffi
faux que dangereux de vouloir les extirper
dès le commencement. Le malade accablé
par les accidens qui les accompagnent toujours
, ou n'a pas la force de fuporter les
operations , ou eft mis en danger de perdre
la vie , par les hemorragies frequentes
qui furviennent , qui par la grande diffolution
du fang , font très difficiles à arrêter
.
Il eft donc plus à propos , & l'experience
réiterée que nous en avons nous le
-confirine , de faire appliquer deffus des
cataplafmes émollians ordinaires , & de les
conduire à parfaite maturité , à moins que
par les fueurs abondantes & confiderables ,
le virus ne fût en partie diffipé ; auquel cas
nous faifions appliquer l'emplâtre d'Anels
Sala pour les refoudre entierement.
Il
DE MARS. 2. Vol. 1722. 2 $
V Il n'en eft pas de même des charbons
il faut dès le premier moment les (carifier ;
le peril eft dans le retardement. Nous
en avons vû qui dès le premier jour pour
n'avoir point été fcarifiez & enlevez de la
largeur d'un denier , occupoient le len-
`demain la largeur de la pauline de la main .
Quand il n'y a aucune apprehenfion de
couper quelques vaiffeaux confiderables ,
on ne rifque jamais de faire les incifions
profondes on applique enfuite le digeftif
ordinaire , quelquefois animé ; & pardeffus
les plumaceaux une compreffe trempée
dans le vin , preferable à toutes celles
qui font imbibées de liqueurs fpiritueufes.
On conduit ainfi les charbons à fuppuration
, & la gueriſon fuit de prés.
Quand les hemorragies furvenoient, nous
faifions appliquer le Vitriol fur l'extrémité
des vaiffeaux ; nous trempions des bourdoners
& des plumaceaux dans l'eau Stip
tique , & par des compreffes graduées nous
remedions à l'épuifement du malade ,
( accident des plus à craindre ) qui auroit
fuccombé par la perte de tout fon fang.
Nos malades parfaitement guèris , &
leurs bubons cicatrifez , nous les purgions
avec quatre verres de tifanne laxative en
deux jours , ou avec une medecine de
Sené , Manne , Rhubarbe & Sel d'Abfynthe.
Bij Nous
+24
LE MERCURE

Nous avons travaillé avec d'autant plus
de confiance fur nos malades , qu'après
avoir été attaquez nous mêmes dés les
premiers jours à la Canourgue , nous nous
fommes parfaitement guéris tous deux en
douze jours , & un de nos domestiqués
qui a été jufqu'à l'extremité.
A Marvejols où nous fommes prefentement
, la maladie n'a changé ni dans fes
accidens , car ils font prefque tous les mêmes
; ni dans fa malignité. La communication
, preuve effentielle de la contagion
, s'eft faite avec une rapidité inconcevable.
Nous en allons raporter un fait
qui le prouvera.
Une fille qui avoit communiqué dans
une maiſon ſuſpecte , fe trouva le Dimanche
10. d'Août à Vêpres : 60. perfonnes
de ceux qui étoient dans la même
Eglife furent frapez prefque fur l'heure ,
de la contagion , & le lendemain la Ville
fut priſe dans tous les quartiers.
Les playes étoient les mêmes qu'à la
Canourgue , & demandoient les mêmes
traitemens.
Les Emetiques n'ont pas le même fuc.
cès , & nous fubftituons à leur place les
tifannes laxatives , qui nous réuffiffent dans
toutes les inflammations. Les faignées ,
comme nous l'avons dit, font avantageufes,
& nous avons beaucoup plus d'occafions
de
DE MARS. 2. Vol 1722. 25
de les placer icy avec fuccès. Les cordiaux
& les volatiles ont fait des effets merveilleux
& furprenans dans certains cas
& c.
粥粥※ 粥粥粥: 粥粥粥粥粥粥粥粥
O DE
Sur le rétabliſſement de lafanté de S. A.
S. M. le Duc DE CHARTRES.
VIEN favorable Déeffe , *
Toi , qui veilles fur nos jours ,
Qui feule en foutiens le cours ,
Et fais briller la Jeuneffe.
Eſprit , fçavoir , dignité ,
Grandeur , richeffe , beauté ,
Rien ne plaît que par tes charmes :
Les plaifirs , dès que tu fuis ,
Cedant la place aux allarmes ,
Livrent nos coeurs aux ennuis .
Un Prince aimable t'appelle ,
C'eft le plus pur fang des Dieux ,
Vien , de fes ans précieux
Sois la Compagne fidelle .
Rends lui fes premiers attraits ,
Ecarte de lui les traits'
Dont il a fenti l'atteinte .
* La Déeffe de la fanté,
B iij Déja
16. LE MERCURE
Déja ton heureux retour
A diffipé noftre crainte ,
Et raffuré notre amour.
La France n'eft point furprife ,
Que dans un noble loifir ,
Il fe faffe un doux plaifir
Des beaux Arts qu'il favorife.
Minerve qui l'a formé ,
L'a dès l'enfance animé
Du feu divin qu'elle infpire :
N'est- il pas Fils du HÉROS
Qui les fait dans cet Empire ,
Regner au sein du répos.
Minerve qui le couronne ,
Youdroit feule l'enflâmer :
Bellonne vient le charmer
Par l'espoir qu'elle lui donne.
Ce Prince dicte les loix ,
Regle les Rangs & les Droits
Des favoris de la Gloire :
Son coeur parmi nos guerriers
Se formant à la victoire ,
Soûpire après les lauriers .
Quelle ardeur impatiente ?
Quels tranfports audacieux ?
Quand de Nervinde à fes yeux
L'image en feu fe prefente !
Quand
DE MARS . 2. Vol . 1722. 17
Quand PHILIPPE à fes regards ,
S'offre brifant des remparts ,
Dont l'orgueil bravoit la foudre ;
Qu'il voit , d'un fort indompté ,
De Lerida mis en poudre
Humilier la fierté .
Que j'aime à voir cette audace !
Mais malgré ta noble ardeur ,
Que Minerve dans ton coeur
Tienne la premiere place ;
Prince , protege les Arts :
Que fert la faveur de Mars ,
S'ils n'affurent notre gloire ?
Un grand Nom fans le fecours .
Des neuf Filles de Memoire ,
S'évanouit pour toûjours .
S. DISDIER , Chevalier de S. Lazare.
Suite de l'Explication Hiftorique &
Topographique de la Carte qui marque
les lieux par où l'INFANTE a
paffé depuis Saint Jean d'Angely
jufqu'à Paris : Par M. l'Abbé de
Vayrac .
D
, pre-
E faint Jean d'Ang ly l'INFANTE
alla coucher à la Ville- Dieu ,
miere Bourgade de Poitou , & de là à
Biiij Mefle ,
28 LE MERCURE
-
Mefle , autre Bourgade ; mais comme ces
deux endroits n'ont rien de remarquable ,
nous pafferons tout d'un coup à Luzignan.
LUZIGNAN eft une petite Ville ſituée
à cinq lieuës à l'Occident de Poitiers , dans
un païs agreable par la diverfité d'objets
que produilent quantité de belles fources ,
de riches prairies , & de fertiles côteaux.
Quoy qu'elle ne renferme dans l'enceinte
de fes murailles que 185 familles , elle
ne laiffe
pas d'être celebre dans l'Hiftoire.
Elle étoit autrefois du Domaine du Comté
de Poitiers , duquel elle fut détachée en
970 par la ceffion qu'en fit Guillaume
furnommé Tefte d'Eftoupes , à Hugues de
Poitou fon frere , pour lui tenir lieu d'Apanage
fous le Titre de Comté , dont il
prit le nom .
,
Arnaud Maichrin , dit dans fon Hiftoire
de Saintonge & de Poitou , que cet Hugues,
fe maria au commencement du dixiéme
fiecle avec Marie Dame de Melle , qui ,
dans la fuite transforma fon nom en celui
de Meluzine , par la jonction de celui de
Melle avec celui de Luzignan . Il ajoute que
l'ignorance du fiecle où elle vivoir , la fit
paffer pour Fée , ou pour Magicienne , à
caufe qu'en fort peu de temps elle fit bâtir
comme par enchantement un Château que
Brantome dans fon Eloge de Louis II . Duc
de Montpenfier, reprefente en fon langage
Gaulois
DE MARS. 2. Vol. 1722. 29
Gaulois comme un édifice fi admirable &
fi ancien , qu'on pourroit dire que c'étoit
la plus belle marque de fortereffe antique ,
la plus noble decoration du Royaume.
Mais tous les Sçavans regardent ce mariage
comme une Fable extraite d'un Roman
qu'un nommé Jean d'Arras compofa
dans le XIV fiecle , fous le nom poftiche
d'Hiftoire de la Maiſon de Luzignan , dans
Jequel après avoir fait matier Hugues I.
de Luzignan , avec fon heroïne Meluzine ,
il s'étend fort au long fur les enchantemens
& fur le fuperbe Château que cette fameuſe
Magicienne fit conftruire . Tantôt
il la fait paroître fur le bord d'une fontaine
en habit de veuve , ayant la moitié du
corps d'une très - belle femme , & l'autre
moitié d'un horrible ferpent. Tantôt il la
fait monter fur le haut d'une Tour , où
elle pouffe des cris lamentables pour annoncer
quelque renverfement dans l'Etat , ou
la mort de quelqu'un de fes parens. Tantôt
il lui fait fendre les airs avec des heurleméns
épouventables , fur tout dans le
tems qu'on prononce l'Arreft qui ordonne
la démolition de fon magnifique Château .
A la vûë de tant de Fables , je ne fuis
pas furpris qu'un homine qui cherche à
fe divertir , ou à amufer agréablement
ceux qui n'ont rien de mieux à faire qu'à
les lire , ait été capable de les écrire ,
Br puifque
·
30 LE MERCURE
puifque l'Hiftoire nous apprend que les
Grecs & les Romains ont donné au vulgaire
de femblables amuſemens . Mais je
ne puis comprendre que ces vifions ayent
pû jetter dans l'efprit de tant de perfonnes
de fi profondes racines, qu'un Moine
connu dans le xv 1 fiecle dans la Republique
des Lettres, fous le nom refpectable
de Frere Eftienne de Luzignan, ait eu la foi
bleffe de les adopter & de les debiter
comme des veritez hiftoriques dans une
Hiftoire de la Maifon qu'il mit au jour en
1590 , pour avoir le ridicule plaifir de
faire acroire à la pofterité que des Seigneurs
qui tirent leur origine des anciens
Comtes de Poitou , qui comptent parmi
leurs Alliances tous les Souverains de
P'Europe , & de prefque toute l'Afie , qui
ont poffedé en France des Etats à Titre
de Souveraineté & au delà des Mers des
Sceptres & des Couronnes , defcendent
d'une Fée , d'une Magicienne , ou pour
mieux dire d'un monftre difforme , moitié
femme & moitié ferpent. Car enfin fi ce
bon Moine eûr bien étudié fon illuftre
Genealogie , il fe feroit aifément apperçu
qu'il n'y eut jamais aucune femme dans
la Branche de Luzignan de France , qui
portât le nom de Melusine , & que lors
que Jean d'Arras compofa fon Roman ,
il cut en vie Melazine fille d'Aymary I
de
DE MARS . 2. Vol. 1722. 31
de Luzignan , Roy de Jerufalem & de
Chypre , laquelle fut mariée avec Raymond
de Poitiers , Prince d" Antioche & de Tripoly
, & dont cet Auteur Romanefque vous
lut reprefenter fimboliquement les appas
fous la figure d'une belle femme , depuis
la tête jufqu'à la ceinture , & fa prudence
fous celle d'un ferpent. Mais pourquoy
nous amufer à critiquer des Fables qu'un
judicieux Auteur moderne appelle des
blafphêmes hiftoriques , qui bien loin de
relever l'éclat de la Mailon Royale de
Luzignan , lui donnent un ridicule pitoyable
? Ecartons ces idées Romanelques , &
en nous attachant à la verité de l'Hiftoire ,
faifons voir quelle a été la deftinée de la
Ville de Luzignan , & de fon´ fameux
Château.
Hugues de Luzignan , furnommé le Brun ,
Comte d'Angoulême , de la Marche , & de
Luzignan , fit plufieurs Teftamens , parmi
lefquels il y en a un de l'an 1283 , par
lequel il inftituë fon heritier univerfel
Guy de Luzigran fon frere. En 1297 il en
fit un fecond , par lequel il declara fon
heritier Geoffroy de Lazignan fon couſin' ,
& en cas qu'il ne puiffe pas l'être , il veut
qu'il ait le Comté d'Angoulême , avec-les
Terres de Cognac , de Merpin & de Lupignan
; excluant Guy de Luzignan ſon
frere de tous fes biens , attendu qu'il avo't
Bvj toujou's
32 LE MERCURE
toujours embraffé les interefts de fes ennemis
capitaux , après quoi il établit divers
degrez de fubftitutions , qu'il étendit juſqu'à
Renaud de Pons fon neveu.
En 1302 Guy de Luzignan , dont il
vient d'être fait mention , fit un Codicile,
par lequel en ajoutant des claufes à un
Teftament qu'il avoit fait auparavant , il
ordonna que Yolande de la Marche fa foeur,
& Dame de Pons , auroit aux biens paternels
telle portion que la Coutume lui accordoit
. Un an après il fit un Acte , par
lequel , après avoir parlé contre le Teltament
de Hugues fon frere , qui le desheritoit
pour caufes injuftes , il inftitua fon
heritier univerfel Renaud de Pons ſon neveu.
L'année fuivante il fit un autre Teſtament
en faveur de Tolande Dame de Pons
fa four : & lui fubftitua Renaud de Pons
fon fils.
Après la mort de Guy , le Roy pleinement
informé de fes droits fur les Comtez
d'Angoulême de la Marche , & de Luzignan ,
en prit poffeffion , à laquelle ceux qui font
nommez dans les Teftamens ci - deffus ,
s'oppoferent dans toutes les formes ; mais
par de fi foibles moyens , que voyant
qu'ils ne pouvoient manquer d'être deboutez
de leurs prétentions , ils furent obligez
de recourir à la clemence du Roy , &
s'eftimerent trop heureux de le trouver
difpofé
DE MARS . 2. Vol. 1722 .
33
difpofé à un accommodement , de forte
qu'en 1308 Philippe le Bel tranfigea avec
Marie de la Marche, Comteffe de Sancerre
, & foeur de Hugues & de Guy de
Luzignan , laquelle pretendoit aux Comrez
de la Marche , d'Angoulême , & à la
Seigneurie de Fougeres. Le Roy lui oppofoit
que ces Terres lui appartenoient par
confilcation , à caufe que Guy de Luzignan ,
fon Vaffal , avoit brûlé le Teftament &
le Codicile de Hugues , dit le Brun , ' ſon
frere , par lefquels il avoit fait de grands
avantages à Sa Majefté , & que de plus il
avoit confpiré contre l'Etat , en donnant
au Roy d'Angleterre les Terres de Cognac
& de Merpin , pour raifon de quoy il
avoit été pourfuivi & condamné en 120000
livres ; & qu'enfin par la diſpoſition Teſtamentaire
de Hugues de Luzignan , frere de
ladite Marie, les Terres qui étoient en
litige appartenoient à la Couronne : Sug
quoy Marie tranfporta au Roy tous les
droits & pretentions qu'elle pouvoit avoir
fur les Comtez de la Marche, d" Angoulême,
de Luzignan , & fur toutes les autres Terres
poffedées par Hugues & par Guy de
Luzignan fes freres , moyennant mille liyres
de rente en fonds de Terre , & un
Château que le Roy lui affigna.
En la même année Aimar de Valence,
Comte de Pembroc, Sı de Montignac, traita
auff
34 LE MERCURE
auffi avec le Roy pour raifon des mêmes
pretentions , à la charge que Sa Majesté
lui donneroit mille livres de rente affifes ,
fur les Terres cedées , ou bien 1600 li
vres fur d'autres fonds à pacte de rever
fion à la Couronne , en cas que ledit Ai
mar mourut fans enfans.
Peu de temps après Yolande de la Mar
che , foeur aînée de Hugues & de Guy de
Luzignan , & mere de Renaud de Pons ,
tranfigea auffi avec le Roy pour les pretentions
qu'elle avoit fur les Comtez de
la Marche , d'Angoulême & de Luzignan ,
que Sa Majefté foutenoit lui appartenir en
vertu de plufieurs Titres , & particuliere
ment pour avoir prêté à Hugues & à Guy.
de Luzignan fur ces Terres la fomme de
300000 livres , pour les affaires de la
Terre- Sainte ; fur quoi Yolande fe contenta
de l'ufufruit defdites Terres fa vie durant ,
& en abandonna la proprieté au Roy.
En 1309 Jeanne de la Marche , feconde
foeur de Hugues & de Guy de Lazignan ,
ceda au Roy tout ce qu'elle pouvoit prés
tendre aufdites Terres, moyennant la joüiffance
des Seigneuries de Conbé & de Peys
rac , fa vie durant , que Sa Majesté lui
accorda par pitié , comme il eft formellement
porté par l'Acte de Tranfaction qui
fut paffé à ce fujet.
En 13:28 Renaud dePont, furnommé
Helie
DE MARS . z. Vol. 1722 . 35
Helie Rudel tranfigea avec le Roy Philippe
de Valois pour le droit fucceffif qu'il pretendoit
avoir fur les Comtez de la Marche,
d'Angoulême & de Luzignan , moyennant
mille livres de rente que ce Monarque lui
affigna fur certaines Terres ; tellement que
par tous ces accommodemens le Comté
de Luzignan fut uni au Domaine de la
Couronne , & depuis quelque temps il a
été engagé au Comte de Chamerand.
Autrefois Lazignan étoit une Place de
grande confequence , à caufe de fon Château
que Hugues , dit le Grand , fit bâtir
en 1180 , fous le Regne de Philippe Augufte
, & non pas la pretenduë Meluzine,
quoi qu'en dife Brantome , après pluſieurs
Auteurs Romanefques . Il étoit fitué fur
une large & haute cime de montagne , entourée
d'autres montagnes , difpofées de
telle forte , qu'elles fembloient être faites
plûtôt pour le deffendre que pour le commander.
<
Du côté de la campagne , il étoit environné
d'une double enceinte de murailles ; du
éôté de la Ville il en avoit une triple , &
toutes étoient faites d'un grais extrêmement
dur & fi bien lié que tout ce grand
Bâtiment n'étoit proprement qu'un rocher
gros & mallif, contre la dureté duquel les
Fêtes de Belier & les autres Inftrumens
avec lefquels on battoit anciennement les
Places
36 LE MERCURE
Places , ne pouvoient rien faire ; de forte
qu'il étoit toujours demeuré imprenable ,
& même il avoit paru l'être encore depuis
qu'on avoit trouvé l'ufage du Canon , à
caufe que du côté de la Ville il étoit environné
d'un double foffé extraordinairement
large & profond , & que du côté
de la campagne , quand on avoit fait bréche
, il étoit prefque impoffible d'aller à
P'affaut , à caule que , comme il étoit d'une
grande hauteur , le talus qui fortoit de la
muraille laiffoit une pente fi rude , qu'on
n'y pouvoit monter que par efcalade. En
un mot , pour me fervir encore une fois
des termes Gaulois de Brantome , on peut
dire que c'étoit la plus belle marque de
fortereffe antique,& la plus noble decoration
vieille de toute la France , & ſes ruines laiffent
voir encore des veftiges qui marquent
que c'étoit quelque chofe de fort grand.
Il auroit été à fouhaiter que ce redoutable
Château eût duré jufqu'à la confommation
des fiecles ; mais étant devenu
l'azile de tous les Revoltez durant les premieres
guertes civiles que la Religion
Proteftante excita dans le Royaume , Teligny
, Chef du parti des Huguenots , s'en
rendit le maître en 1569 , & s'y fortifia
tellement , que pendant près de cinq ans
il mit à contribution toutes les Villes &
les Villages des environs , ce qui détermina
DE MARS. 2. Vol. 1722. 37
mina Henry III . de s'en faifir à quelque
prix que ce fût ; tellement que Louis II .
de Bourbon Duc de Montpenfier , le prit ,
après un fiege de quatre mois , durant lequel
les Affiegez donnerent toutes les marques
de valeur , de conftance & d'intrepi
dité qu'une Religion fauffe & feduifante
eft capable d'infpirer à des hommes , qui
par la perte de cette Place , n'avoient d'au
tre reffource que la clemence du Roy.
Luzignan eft fitué dans un pays fertile
en bled , en fruits , en bois & en pâturages.
Il y a un fiege Royal pour l'adminiftration
de la Juftice , & un Gouverneur
particulier. De Lufignan à Poitiers.
POITIERS , Ville capitale de la Province
de Poitou , & l'une des plus grandes
& des plus anciennes du Royaume. Elle
eft fituée fur une platte- forme entre la Riviere
de Clain & une autre plus petite ,
qui tire fa fource d'un grand Etang. Ces
deux Rivieres fe vont joindre au Nord de
la Ville entre la Porte de faint Lazare , &
un vieux Château bâti fur une éminence ,
dont il ne refte que quelques Tours &
d'épaiffes murailles que cette petite Riviere
arrofe , ainfi que celles de la Ville , qui
Pétendent depuis cette Porte jufqu'à celle
de la Tranchée.
Outre le Château dont on vient de
parler , qu'on affure avoir été bâti par les
Romains
38 LE MERCURE
Romains , on voit encore à Poitiers des
Monuments antiques parmi lefquels l'Amé
phitheatre eft le plus remarquable , quoi
qu'il foit tellement endommagé , qu'on a
bien de la peine à reconnoître fa grandeur
& fa figure , y ayant au dedans plufieurs
maifons qui en cachent les murailles , lef
quelles font conftruites de petites pierres
tellement adherentes au ciment , qu'il eft
plus aifé de les brifer , que de les én déta
cher. Un peu au deffus s'éleve un Arc
bâti de groffes pierres de taille , que les
Antiquaires pretendent avoir été un Arc
de Triomphe. Il fert prefentement de porte
à une grande rue qui va au Pont & à là
Porte defaint Cyprien. Mais ce qu'il y a
de plus digne de la grandeur Romaine ,
c'eft le Palais de l'Empereur Galien , près
duquel on voit encore des veftiges d'un
grand Cirque qu'on appelle les Arenes ',
dont les Gavernes ou Prifons fouterraines
qui fervoient pour enfermer les bêtes feroces
deftinées aux combats , fubfiftent
malgré les injures du temps , auffi bien qué
de grandes arcades qui s'étendent depuis
le Palais jufques dans les champs voisins ,
qui felon toutes les apparences foutenoient
un Aqueduc.
Au milieu de la Ville on voit une groffe
Tour ronde fort ancienne , conftruite de
grandes pierres de taille , & enrichie pat
dehors
DE MARS . 2. Vol. 1722. 39
dehors de quantité de figures . Quelques
Antiquaires pretendent que c'étoit le Palais
d'un homme d'une trés - grande confideration
appellé Maubergeon , fans qu'on
puiffe fçavoir en quel fiecle il vivoit. Cependant
la plus commune opinion eft ,
que Jean Duc de Berri, d'Auvergne, Comte
de Poiton , & frere du Roy Charles V.le
fit conftruire , & qu'il fit reprefenter tout'
autour les fept vicomtes de Poitou , qui
forit Thouars ; Châthelerand, Rochechouard,
Broffe , Bridiers , Monbas & Aunay.
Ceux qui font de cette opinion croyent
que certe Tour a pris fon nom d'Atilde
furnommée Maubergionne , femme d'Abor
ou Albon II. Comte de Poitiers. Mais
Befly , Auteur de l'Hiftoire des Comtes de
Poitiers eft d'un fentiment contraire, & préterid
que l'étymologie du nom de cette Tour
derive du mot Latin Mallobergum, qui dans
le ftile de la baffe latinité , fignifie Palais,
ou Auditoire public où la Juftice fe rendoit ;
& de-là il conclud que Tour de Maubergeon
ne veut dire autre chofe fi ce n'eft Liew
convert , felon l'ufage de l'ancienne Jurif
prudence de France , qui dans les Titres
26 & 59 du premier Paragraphe de la Loy
Salique , veut que les Maifons dans lef
quelles s'affembloient les Juges pour y dé
cider les affaires des Peuples , foient couvertes
40 LE MERCURE
.
vertes & à l'abri des ardeurs du Soleil
pendant l'Eté , & de la pluye & des autres
injures du tems pendant l'hyver.
On prétend que Poitiers n'a pas toujours
été fitué dans l'endroit où il eft preſentement
, & il y a des Auteurs qui foutiennent
que fa premiere fondation fut dans
un lieu à une lieuë de Chatellerand , appellé
le vieux Poitiers. Ils fondent leur
opinion fur ce qu'on y voit encore de
vieilles murailles , qui felon eux , ne peuvent
avoir été
bâties
que pour environner
une grande Ville ; & ce qui donne encore
plus de force à leurs conjectures , c'est qu'en
creufant la terre , on découvre de tems
en tems des veftiges qui marquent être
des fondemens de quantité de fuperbes
édifices, qui s'étendoient jufqu'à la Riviere
du Clain. Ces mêmes Auteurs ajoutent
qu'un nommé Archade , auquel ils donnent
le nom de Comte , eut permiffion de
l'Empereur Claude de faire reédifier cette
Ville dans l'endroit où eft Poitiers preſentement.
Mais comme ils ne rapportent aucune
preuve de cette tranflation , on peut
la revoquer en doute , & croire qu'il pouvoit
y avoir en cet endroit-là une grande
Ville appellée Poitiers , differente de celle
qui exifte encore , d'autant que l'experience
nous apprend que dans une même
Province il y a quelquefois trois ou quatre
DE MARS . 2. Vol . 1722. 41
tre Villes du même nom , qui fe, diſtinguent
les unes des autres par des épithetes,
ou par les noms des Rivieres ou des Montagnes
fur lesquelles elles font fituées.
Ces mêmes Auteurs ne conviennent pas
mieux du nom des Fondateurs de Poitiers
que du lieu de fa premiere fondation ; car
les uns attribuent cet honneur à un nommé
Groffarius , furnommé Fidus , à caufe
qu'il commandoit à des Peuples appellez
Pites , & marquent l'époque de fon Commandement
à un tems qui n'eft pas fort
éloigné de la deſtruction de Troye , duquel
- ( s'il faut les en croire ) il fut dépouillé par
Turnus , Chef d'une troupe de Troyens ,
qui l'alla attaquer dans fa Capitale , &
remporta fur lui une victoire complette.
D'autres croyent qu'il fut bâti par une ancienne
Colonie de peuples de la scythie ,
appellez Agathyrfes , dont parle Virgile
dans fon Eneïde , lefquels ne pouvant refifter
aux tumultes domeftiques qui agitoient
leur patrie , en fortirent avec leurs
femmes & leurs enfans , & allerent s'établir
dans la Grande Bretagne , d'oùls fondirent
fur la Gaule Aquitanique , & jetterent
les fondemens de la Ville de Poitiers,
comme il paroît par une Epigrame que
Nicolas Petit , Poëte Normand , compofa à
la gloire de ces Peuples , aufquels il donne
le nom de Pitti , à caufe qu'ils fe peignoient
le
42
LE MERCURE
le vifage lorfqu'ils alloient combattre, pour
paroître plus redoutables à leurs ennemis ,
Ex Agathyrforum PICTI Regione Britones
,
Infedere Plagis , PICTIA teftis adhuc:
PICTORUM Populus Gallos acceffit in
oras,
Accepere lucem PICTONES unde
genus.
Çe fentiment paroît être affez conforme
a celui de Pline de Pomponius - Mela ,
d'Ammien Marcelin , de Claudien , & de
Sidoine- Apollinaire, qui affurent tous que
ces Peuples fe peignoient le vifage pour
infpirer de la terreur à leurs ennemis , &
après s'être multipliez dans la Grande - Bretagne
, ils envoyerent une Peuplade dans le
Poitou , où ils fonderent Poitiers.
Cependant , quoiqu'en difent ces celebres
Hiftoriens , il faut convenir que leur
opinion n'eft pas foutenable , car outre que
la Langue Latine n'étoit pas en ufage parmi
ces Barbares , il eft conftant que les Agathyrfes
Pitti ne pafferent en Occident que
l'an 87 de Jeſus - Chrift , fous l'Empire de
Domitien , ce qui ne fçauroit s'accorder
avec la verité de l'Hiftoire , qui nous ap
prend que ceux que nous appellons Pictes,
non-feulement étoient établis dans l'Aqui
taine
DE MARS. 2. Vol . 1722 . 43
taine long tems avant J. C. mais que même
on les appelloit Pistones en Latin , & non
pas Pictos , & qu'ils étoient wès puiflans
dans le Pays , comme il paroît par ce qu'en
dit Cefar dans le troifiéme Livre de fes
Commentaires , & qui eft confirmé par ce
Vers de Lucain ,
E
Picones immunes fubigunt fua rura.
De forte qu'il y a lieu de conclure afficmativement
que ces Peuples font originaires
Celtes - Gaulois , & qu'ils ne doivent
en aucune maniere leur origine aux Agathyrfes
- Pidi , conformément au ſentiment
de faint Ifidore , qui dans fes étymologies
affure pofitivement que les Villes d'Arles,
de Poitiers & plufieurs autres , furent fondées
par leurs propres
Habitans .
Mais quand on n'auroit pas toutes les
raifons qu'on vient d'alleguer pour combattre
l'opinion de ceux qui font les Scythes
Fondateurs de Poitiers , on en pourroit
propofer une autre , qui toute feule , feroit
capable de la détruire , qui eft , que felon
eux , ces Peuples ne parurent en Occident
que vers l'an 87 de la Naiffance de J. C. ,
ainfi qu'il a été dir , tellement qu'au commencement
de l'Eglife, la Ville qu'ils auroient
fondée , n'auroit pû être ni fort
grande ni fort illuftre , à caufe qu'ils n'ayroient
pas eu le tems de l'agrandir , ni de
l'embellir ,
44 LE MERCURE
l'embellir , au lieu qu'Amien - Marcelin
affure lui- même que Poitiers étoit une des
plus grandes & des plus nobles Villes de
toute l'Aquitaine . Prima Provincia eft
Aquitania amplitudine Civitatum , admodum
culta , omiffis aliis multis , Burdegala ,
Arverni , Santones & Pidavi excellunt .
Aimoin dans le quatriéme Livre de fon
Hiftoire de France en parle de même.
Fulbert Evêque de Chartres tient le même
langage en parlant de faint Achard , en
difant que parmi les plus celebres Villes
d'Aquitaine celle de Poitiers étoit celle qui
brilloit le plus par le nombre de fes Soldats,
par l'opulence de fes Habitans , & par la
terreur qu'elle infpiroit à fes ennemis :
Inter nobiliffimas Aquitania urbes Pictonis .
Civitas caput tollit , quæ in murali ambitu
circumfcripta, hinc copiis militaribus fuffulta,
fuos Civesfovet interius & hoftiles pro •
cul pellit incultus. ¿
La grandeur & la magnificence de cette
Ville ont fait que nos Rois l'ont toujours
regardée avec diftinction , & nous lifons
dans l'Hiftoire de Charlemagne & de Louis
le Debonnaire fon fils , qu'elle étoit fi confiderable
, qu'on y envoyoit des Comtes
pour l'adminiftration de la Juftice. Sous
Philippe- Augufte on y envoya des Senechaux.
Gregoire de Tours dit que Chilperic
y envoya les Maires de fon Palais & un
Comte
DE MARS. 2. Vol. 1722.
45 .
Comte nommé Ranulphe pour lever les
Deniers Royaux. Mais ce qu'il y a de plus
honorable pour cette Ville , c'est qu'au raport
de Pafquier & de du Chefne , en 1420
Charles VII. ayant recueilli fes forces pour,
faire tête aux Anglois , n'étant encore que
Dauphin de France, y établit un Parlement
du vivant de Charles VI. fon pere , pour
occuper la place de celuy de Paris , qui
alors étoit dans la dépendance duRoy d'Angleterre.
Ce n'eft pas feulement durant
les troubles qui dechiroient le coeur du
Royaume , que cette Ville a été choilie
pour être le Siege de la fuprême Juftice ,
puifque Louis XI. n'eut pas eu plutôt
donné le Duché de Gyenne à Charles fon
frere pour fon Apanage , que ce Prince y
transfera le Parlement de Bordeaux. On
pourroit rapporter une infinité de traits
que l'Histoire nous fournit pour juſtifier
que depuis le commencement de la Monarchie
, Poitiers a toujours été mis au rang
des premieres Villes du Royaume , mais il
eft tems de faire voir à quel titre elle a
été réunie au Domaine de la Couronne ,
qui eft ce qui femble intereffer dayantage
la curiofité du Public .
L'Hiftoire nous apprend que Henry II .
Roy d'Angleterre par fon mariage avec ,
Eleonor fille de Guillaume IX. fut Duc
d'Aquitaine & Comte de Poitou , & eut
C pour
46 LE MERCURE
pour fucceffeur Richard I. dit l'Orgueilleux,
ou Coeur de Lion , fon fils aîné , auquel
fucceda Jean , furnommé Sans-Terre , fon
frere , lequel étant paffé en Angleterre
s'y fit couronner au prejudice d'Artus de
Bretagne , fils de Richard , dans le parti
duquel Philippe- Auguste Roy de France
étoit entré. Jean prevoyant que pour fe
maintenir dans fon ufurpation , il étoit abfolument
neceffaire qu'il fit perir Artus ,
le fit , affaffiner en 1202 felon quelques
Hiftoriens , ou mourir en prifon dans le
Château de Mirebean felon quelques autres
, ce qui obligea la Reine Conftance
mere de ce jeune Prince , de preffer Philippe-
Auguste de lui faire raifon d'un affaffinat
commis en la perfonne d'un de fes
Vaffaux ; furquoi Jean fut cité à la Cour
des Pairs , où n'ayant pas comparu , il y
fut condamné par contumace , comme atteint
& convaincu des crimes de meurtre
& de felonie , & à perdre toutes les Terres
qu'il avoit en France. Dans la fuite
ayant été excommunié par le Pape Innocent
III. à cauſe des perfecutions qu'il - faifoit
aux Prelats & aux Ecclefiaftiques d'Angleterre
, & fes Sujets ne pouvant plus fupporter
les cruautez , appellerent Louis fils
de Philippe-Auguste , & le couronnerent à
Londres le 20 May 1 206 , tellement que
toutes les Seigneuries que Jean poffedoir
en
DE MARS. 2. Vol. 1722. 47

par
en France dèslors furent réunies à la
Couronne par Arreſt du Parlement &
droit de Conquête . Louis VIII . ayant fuccedé
à Philippe -Augufte fon pere , fir un
Teftament , par lequel il donna à Alfonfe
fon quatriéme fils le Comté de Poiton
dont il obtint l'inveftiture
du Roy Saint
Louis fon frere aîné. Le même Saint Louis
par un Traité folemnel qu'il fit en 1259
avec Henry III . Roy d'Angleterre
, fit de
fi grands avantages à ce Prince , qu'il renonça
pour toujours au Duché de Normandie
& au Comté de Poitou .
Alfonfe Comte de Poitiers , étant mort
fans pofterité en 1270 au retour de la
Terre fainte , le Comté fut reuni à la
Couronne pour la feconde fois par droit
de Réverfion. Le 27 Novembre 1314 ,
le Roi Philippe le Bel fit un partage entre
fes enfans , par lequel il fut ftipulé
que fon fils Philippe auroit le Comté de
Poitiers , & comme par cet acte il n'étoit
pas dit , fi ce Prince pourroit difpofer
ou non du Comté , douze jours après
le Roi fon Pere fit publier des Lettres
Patentes , par lefquelles il declara qu'il
n'avoit jamais prétendu que Philippe fon
fils , ni aucun de fes Succeffeurs , pûffent
difpofer dudit Comté en faveur des filles ,
& qu'en cas que lui & fes Delcendans
vinffent à mourir fans enfans mâles , le
Cij Comté
48 LE
MERCURE
Comté feroit réuni à la Couronne ,
condition que le Roi qui regneroit au
temps
de la réunion , doteroit en argent
les filles de Philippe ſon fils , ou de fes
Succeffeurs .
L'année fuivant Louis Hutin érigea le
Comté de Poitiers en Pairie en faveur
de Philippe fon frere , lequel étant mort
fans enfans , il fut réuni au Domaine de
la Couronne. Cependant , Endes IV du
nom Duc de Bourgogne , qui avoit époule
Jeanne de France , veuve de Philippe
le Long , intenta un procès à l'occafion
de ce Comté , pretendant qu'il lui appartient
, comme plus proche à caufe de
fa femme. Charles le Bel lui foutenoit ,
que quoique Philippe le Long eut été
Comte de Poitiers , fi - tôt qu'il fut fait
Roi de France , il ceffa de poffeder cette
Terre à titre de Comté , & qu'attendu
que lui Charles lui avoit fuccedé au
Royaume & à toutes les dépendances en
qualité de mâle & de plus proche , il
devoit être maintenu en la poffeffion de
ce Comté, furquoi il intervint un Arrêt du
Parlement au mois de Feyrier 1322 ,
qui ordonna que le Roi auroit la jouiffance
du Comté , fauf au Duc de Bourgogne
de fe pourvoir pour la proprieté,
Les chofes demeurerent en cet état julqu'à
la prife du Roi Jean , pour la délivrance
DE MARS . 2. Vol. 1722 .
49
livrance duquel il fut convenu le 8 May
1360 par le malheureux Traité de Bretigny
, qu'Edouard III Roi d'Angleterre ,
auroit en fouveraineté le Comté de Poiton
, le Perigord & autres Provinces.
Charles V inconfolable de la honteule
condition que le déplorable état du Roi
fon Pere avoit obligé de faire avec les
Anglois , réfolut de reparer les fautes
de ce malheureux Monarque . Pour cela
il leva de groffes Troupes , & porta la
guerre dans la Guyenne , que le Roi
d'Angleterre poffedoit avec tant d'injuftice.
Le Parlement qui ne pouvoit fouffrir
qu'à regret que la Couronne fut
dépouillée d'une fi noble portion de fon
Domaine , prononça un Arrêt le 14
May 1370 , par lequel il adjugea au
profit du Roi la Province de Guyenne ,
& autres Terres que le Roi d'Angleterre
poffedoit en deçà des Mers , de forte
que le même Charles V donna le Poitou
en 1369 , avec quelques autres Provinces
conquifes fur les Anglois à Jean
Duc de Berry en accroiffement d'Apanage
, tant pour lui , que pour fes defcendans
mâles .
En 1401 Charles VI le donna auffi à
Jean fon fecond fils , & à fes enfans &
fucceffeurs mâles en ligne directe en accroiffement
d'Apanage , à la charge de
Cij l'Hommage
LE MERCURE
,
l'Hommage & du Reffort. Ce Prince
étant mort en 1417 fans enfans le
Comté de Poitos fut réuni à la Couronne
, & depuis ce temps-là il n'en a pas
été feparé .
> La Ville de Poitiers eft fans difpute
une des plus grandes du Royaume . Ptolemée
& Antonin dans fon Itineraire l'ap-.
pellent Auguftoritum , ce qui a donné.
lieu à quelques Hiftoriens de nier aux
Piles la gloire d'en être les Fondateurs,
à caufe du peu de rapport qu'il y a entre
Auguftoritum & Pictones , mais les
vrais Sçavans fe mocquent de cette difference
de noms , étant de notorieté pu
blique , que par une façon de parler
fort commune dans les Gaules du temps
des Romains , Cefar s'eft fervi du mot.
de Lutetia pour defigner la Ville de
Paris Capitale des Peuples , qu'on appelloit
Parifiens , de celui d'Avaricum
pour dénoter Bourges Capitale des Bituriges
, de celui de Durocottorum pour mar
quer Reims en Champagne. Ainfi , le
nom d'Auguftoritum n'empêche nullement
que Poitiers ne doive fa fondation
aux Pites ou Pitons.
La Ville eft environnée de fortes mupar
railles , défenduës des Tours en plafieurs
endroits. On y entre par fix Portes
, dont celles de faint Lazare , de Ro
cheyeul ,
DE MARS. 2. Vol. 1722 .
cheyeul , du Pont- Joubert & de faint Cyprien
ont chacune un Pont fur la Riviere
de Clain , qui environne la Ville du
Nord au Midi , & fert de foffez à fes
murailles. Celle du Pont - Achard , qui
eft du côté de l'Etang , dont il a été parlé
au commencement , eft auffi fur le
bord de la petite Riviere qui borde la
Ville du côté du Nord . Il n'y a que
celle qu'on appelle de la Tranchée qui
eft fans eau , c'eft pourquoi on l'a fortifiée
d'autant plus , que c'eft par-là qu'il
eft plus ailé d'infulter la Ville.
>
Ce qu'il y a de plus remarquable à
voir à Poitiers , font les Eglifes de faint
Pierre , de faint Hilaire , de faint Cy
prien , de fainte Croix , de la Trinité , de
Notre-Dame la Grande , le Palais , où le
Préfidial exerce la juftice , & les Places
dans l'une defquelles on a érigé la Statuë
du feu Roi Louis XIV en Bronze. 11
feroit à fouhaiter qu'on put rapporter
dans cer Ouvrage tout ce que M. l'Abbé
de Vayrac a dit dans la Defcription
qu'il a faite de la Ville de Poitiers , mais
cette entrepriſe nous meneroit trop loin.
Il y a à Poitiers un Evêché qui comprend
722 Paroiffes fous 24 Archiprêtres
, 30 Abbayes , 25 Chapitres Collegiaux
, & plufieurs Prieurez fimples. On
dit que faint Martial parent de faint
Etienne
Ċ iiij
52
LE MERCURE
1
Etienne fut envoyé en Guyenne par faint
Pierre fous l'Empire de Neran , & qu'il
alla à Poitiers , dont il convertit les Habitans
à la foi de J. C. Cependant , il
n'en fut pas Evêque , & le Siege Epifcopal
n'y fut établi qu'en 279 , à cauſe
de la perfecution. Netorius eft reconnu
pour le premier Evêque de cette Eglife,
dont les progrès ont été fi grinds , que
dans la feule Ville de Poitiers on compte
quatre Abbayes d'hommes , deux de
filles , cinq Eglifes Collegiales , 22 Paroiffes
, onze Couvens de l'un ou de
l'autre fexe , deux Seminaires & trois
celebres Hôpitaux . Nous n'avons guerre
de Ville en France où l'on ait tenu
tant de Conciles ou de Synodes que
dans celle - là , puifqu'on y en compte
jufqu'à fept.
Le premier fut convoqué en $ 89
contre des Religieufes qui s'étoient revoltées
contre l'Abbeffe de fainte Croix.
Le fecond en 1002 ou en 1010 felon
quelques Canoniftes , pour le rétabliffement
de la Difcipline Ecclefiaftique. Le
troifiéme en 1025 , felon l'Auteur de la
Cronique de Maillezay , & felon quelques
autres en 1029 , dans lequel on
prononça anathême contre les Ufurpateurs
des biens Ecclefiaftiques . Le quatriéme
en 1074 contre Guy- Geoffroy ,
dic
DE MARS. 2. Vol. 1722.
53
> dir Guillaume VIII Duc d'Aquitaine
qui , contre les Ordonnances de l'Eglife
, avoit épouté Adelaide de Bourgogne.
fa coufine au degré prohibé. Le cinquiénsé
en 1075 contre Bèrenger. Le fixiéme
en 1078 , dans lequel on fulmina
anathême contre le Roi Philippe Iqui
après avoir fait divorce avec Bertrade de
Montfort , l'avoit rappellée au grand fcandale
de tout le monde , & aux mépris
des Loix Canoniques . Le feptiéme en
1118 , auquel l'Abbé Suger allifta , comme
il le dit lui - même dans la vie de Lonis
k Gros.
Poitiers n'eft pas moins diftingué dans
le gouvernement Civil , que dans l'Ecclefiaftique
, puifqu'il eft honoré d'une
Generalité , qui s'étend fur 1008 Paroilfes
, & 19841 familles , d'une Senechauffée
d'un Préfidial , d'un Bureau
general des Finances , d'une Election ,
d'un Hôtel de Monnoye , d'une fameufe
Univerfité , d'une Juftice Royale non
reffortiffante , d'une Maitrife particuliere
& d'une Maréchauffée.
La Maifon de Ville eft gouvernée par
un Maire & par 24 Echevins , qui prenent
la qualité de Capitaines Gouverneurs
de la Ville. Titre glorieux ! mais ,
qui n'eft qu'une ombre des Privileges
dont ils jouiffoient autrefois , puifque par
C v des
34 MERCURE LE
des Lettres authentiques Leonor Comteffe
de Poiton leur accorda le droit, de Nobleffe
en 1199 , dans la joüiffance duquel
Edouard Prince de Galles & Duc d'Aquitaine
, non feulement les confirma en
1369 , mais même il leur accorda celui
de Luftice Haute , Moyenne & Baffe ,
fur tous les Habitans de la Ville , à la
referve des crimes de Leze- Majeſté , de
fauffe Monnoye , de falfification de Seaux
& du droit de Reffort. Le Roi Charles
V les declara en 1372 capables d'être
admis dans les Ordres Militaires de Chevalerie
, tout ainfi que s'ils étoient ' iffus
de Race Noble , avec pleine exemption
de Francs - Fiefs , & autres Charges roturieres,
Mais des raifons de Politique
ont obligé les Rois à revoquer tous ces
grands Privileges , à l'exception du droit
d'exercer la Police.
Au refte , quoique l'enceinte de la Ville
de Poitiers foit fans contredit , aprés
Paris , la plus vafte de toutes celles du
Royaume , elle eft fi peu peuplée qu'on
n'y compte que 4000 familles , parmi
lefquelles il y en a plus de zoo de la
Religion Proteftante. Durant les guerres.
Civiles du XVI fiecle , caufées par les
Religionnaires , Poitiers fut le Theatre
de plufieurs Scenes tragiques , qui furent
fatales à P'Etat , car les Proteftans s'en
étant
DE MARS . 2. Vol. 1722 .
55
étant rendus les maîtres , s'y fortifierent
fi bien , que pendant long- temps il ne
fut pas au pouvoir du Roi de les en
chaffer. Cependant le Maréchal de faint
André , ayant affiegé cette redoutable
Place en 1562 , la prit aprés un Siege
auffi long que meurtrier. Mais en 1569
l'Amiral de Coligny , Chef du parti Proteftant
, l'affiegea , & étoit fur le point
de la prendre , lorfque le Duc de Guife
la fecourut. On voit une Relation circonftanciée
de ce memorable Siege , qui
contient des prodiges de valeur de la part
des Affiegeans , qui éterniferoient leur
memoire , s'ils n'avoient pas combatu contre
l'Eglife & contre l'Etat . De Poitiers à
Chaftelleraud.
CHASTELLERAUD , ( en latin Caftrum
Heraldi ) eft une grande Ville à fept
lieues au Nord de Poitiers dans une belle
Plaine fur le bord de la Riviere de Vienne
qu'on paffe fur un magnifique Pont de
pierre qui a 230 pas de long fur 66 de large
. Autrefois elle jouiffoit du titre de Vicomté
& étoit poffedée par des Seigneurs
particuliers. Le premier dont on ait connoiffance
étoit un nommé Aymary qui vivoit
en 1238 fous le Regne de Philippe-
Augufte , & avoit époufé Alix foeur de Robert
Comte d'Alençon . En 1224 Geoffroy
de Luzignan declara par Acte autentique ,
C vj qu'il
36 LE MERCURE
qu'il tenoit du Roy à foy & hommage le
Vicomté de Chastelleraud qu'il avoit acquis
par fon mariage avec Clemence fille de
Hugues Vicomte dudit lieu , & qu'au furplus
, il proteftoit qu'il ne pouvoit fortifier
ni le Chasteau ni la Ville , fans une permiffion
expreffe de Sa Majefté. En 1352 Jean
Comte d'Harcourt prenoit le titre de Vicomte
de Chaftellerand , duquel il paroiſt
que Louis d'Harcourt eut la jouiffance pendant
les années 1372 , 1374 & 1386 , auquel
Jean Comte d'Harcourt fucceda en
1413. Charles fils de Louis d'Anjou I
du nom Roy de sicile , fut Vicomte de
Chaſtelleraud ; & un fils qu'il eut d'¡fabean.
de Luxembourg (a femme , nommé Charles
comme lui , ayant fuccedé au Royaume de
Sicile , au Comté de Provence & au Vicomtéde
Chastellerand , fit donation le 10 Decembre
1482 à Louis XI Roy de France ,
tant du Comté de Provence que du Vicomté
de Chaftelleraud, à la charge & condition
que le Vicomté feroit uni à la Couronne de
France , fans qu'il en put jamais être ſeparé,
de forte que par Lettres Patentes enregiftrées
au Parlement le 6 Fevrier 1482 il fut
uni à la Couronne , & le Roy y établit un
Siege Royal fous le nom de Gouvernement
de Chaftelleraud. Cependant , malgré cette
union perpetuelle , le même Roy Louis XI
fit donation du Vicomté à pacte de rachapt .
DE MARS 2. Vol. 1722 .
$7
à Annede France fa fille Comteffe de Beaujen
& femme du Prince de Bourbon.
Après la mort de Louis XI , Jean &
Louis d'Armagnac neveux de Charles Roy
de Sicile , demanderent que les Terres dé-
Laiffées par ledit Charles leur oncle maternel
, non tenues en Pairies , ni en Apanage,
ni appartenantes au Domaine Royal , leur
fuffent reftituées , aufquelles eux , Catherine
& Charlotte leurs foeurs devoient fucceder ,
comme enfans de Lowife d'Anjou foeur &
feule heritiere dudit Charles Roy de Sicile.
Sur cette demande le Procureur General
fut appellé , lequel foutint que ces Terres
appartenoient au Roy en vertu du Teltament
fait en fa faveur par le Roy Charles
par lequel il l'avoit établi fon heritier uni
verfel en tous fes biens . L'affaire fut appointée
, & cependant il fut ordonné qu'en
attendant la décifion du procès , le Châreau
& la Ville de Chastelleraud feroient
delivrés par provifion auxDemandeurs pour
leur fubfiftance , comme il paroift par les
Lettres Patentes qui furent expediées le S.
Mars 1483 , dans lefquelles le Vicomté
de Chaftelleraud eft notamment énoncé
avec cette circonftance , que tant ledit Vicomté
que les autres Terres qui étoient en
litige , demeureroient fous la main du Roy
jufqu'à ce que le Parlement de Paris eut
prononcé fur le fond du procès. Dans la..
fuite
38 LE MERCURE
fuite le Roy par fes Lettres Patentes du 24
May 1491 verifiées au Parlement , délaiffa
aux Demandeurs les Terres contenues dans
leur Requête , de quelque maniere qu'elles
puiffent lui appartenir , caffant & annullant
P'union qui avoit été faite au Domaine de
la Couronne du Vicomté de Chastelleraud.
René Chopin dit que du temps de Louis
XII , Pierre de Rofan acheta de Charlotte
d'Armagnac fille du Duc de Nevers le droit
qu'elle avoit fur le Vicomté de Chaftellerand
, mais qu'auffitoft la Ducheffe de
Bourbon le retira par Retrait lignager.
E
Le 15 Fevrier 1514 le Roy François I.
érigea ce Vicomté en Duché Pairie en faveur
de François de Bourbon fils de Gilbert
Comte de Montpenfier , & par les Lettres
d'Erection , il eft dit que ce Vicomté
lui appartenoit à caufe d'Anne de
France Ducheffe de Bourbon & Anvergne
, à condition que s'il mouroit fans enfans
mâles , la Pairie demeureroit éteinte
, & que le Duché fubfifteroit. Ces
Lettres furent verifiées au Parlement le
Avril 1515.
4
François de Bourbon premier Duc de
Chaftelleraud , étant mort fans enfans au
mois de Septembre de la même année à
la Bataille de Carignan , Charles fon frere
Connétable de France lui fucceda, & prit le
Titre de Duc de Chaftellerand,dont il jouit
jufqu'au
DE MARS 2. Vol . 1722. 59
jufqu'au 6 May 1527 , qu'il fut tué devant
Rome , & comme il avoit abandonné
les interêts du Roi pour embraffer ceux
de l'Empereur Charles V , implacable ennemi
de la France , le 26 Juillet fuivant,
tous les biens Féodaux tenus de la Couronne
médiatement , ou immediatement ,
furent réunis au Domaine Royal par un
Arrêt du Parlement , & tous les autres ,
tant meubles , qu'immeubles , furent confifquez.
Aprés cet Arrêt il y eut plufieurs
Tranfactions entre le Roi François I &
Madame la Regente fa Mere , qui prétendoit
avoir la plus grande partie des
biens de la Maiſon de Bourbon.
Dans la fuite , en conſequence du Trai .
té de Cambray , & des fortes inftances de
P'Empereur Charles V , il fut fait un accord
touchant la fucceffion de la Maiſon
de Bourbon , par lequel le Roi François I ,
du confentement de Madame fa Mere ,
ceda à Dame Louife de Bourbon , Princeffe
de la Roche-fur-Ion , le Duché de Chaftellerand
, jufqu'à ce que le paocés qui
étoit pendant au Parlement fut jugé.
L'année fuivante , Madame Louife de
Savoye Mere du Roi , érant morte le 22
Septembre , ce Monarque caffa par fes
Lettres Patentes l'accord qu'il avoit fait
avec la Princeffe de la Roche - fur - Yon ,
comme extorqué par l'Empereur , qui retenoit
LE MERCURE
tenoit prifonniers les enfans de France ,
& remit l'affaire au même état où elle
étoit avant cet accord forcé ; & par d'autres
Lettres Patentes , données à Dieppe ,
il réunit à la Couronne le Duché de Chatelleraud
& plufieurs autres Terres .
Le 3 Avril 1537 ¿ les principaux du
Confeil opinerent que tous les biens de
la Maifon de Bourbon , poffedez par Char
les de Bourbon Connétable de France ,
appartenoient
au Roi , & que Louiſe de
Bourbon Princeffe de la Roche -fur- Yon , &
Louis de Bourbon (on fils en étoient déchûs.
Cependant le Roi par fes Lettres
Patentes expediées à Blois , declara qu'eu
égard à la proximité du fang , il leur cedoit
les Comté , Terres & Seigneuries de
Montpensier , moyennant quoi ladite Dame
& le Prince fon fils , le départiroient
en faveur du Roi de tout ce qu'ils pouvoient
pretendre fur les biens de la Maifon
de Bourbon , ce qu'ils firent par un
Acte paffé à Champigny le premier Septembre
1938 , de forte que par là , le
Duché de Chastellerand
fut uni à la Cou
ronne , & tous procés- furent éteints.
Henry III par les Lettres Patentes du 3.
Mars 1584 , engagea ce Duché à François
de Bourbon Duc de Montpenfier pour
la fomme de cent cinquante mille livres
A François de Bourbon fucceda Hen
Ty
DE MAR S 2. Vol. 1722.
ry de Bourbon Duc de Montpenfier fon fils
unique , lequel ne laiffa qu'une fille ap
pellée Marie , qui prit alliance avec Gas
fton de France Duc d'Orleans , frere unique
du Roi Louis XIII , duquel elle cut
une fille unique , connue fous le nom de
Mademoiselle de Montpenfier , qui ne fur
pas mariée , & qui par fon teftament fit
fon Legataire univerfel Philippe de France
Duc d'Orleans , frere unique du feu
Roi Louis XIV , lequel vendit le Duché
de Chaftelleraud au Duc de la Tremoille ,
dont les Defcendans joüiffent actuellement.
Ce Duché eft fans , contredit un des plus
nobles & des plus confiderables du Royaume,
puifqu'outre qu'il eft d'un grand reve
nu , il a la fuferaineté fur deux Marquifats ,
fur une Châtellenie & fur 25 Seigneuries
très importantes , fans parler de plufieurs
Fiefs qui en relevent .
Chastellerand eft fitué , comme nous
avons déja dit , dans une très belle Plaine
que la Riviere de Vienne traverſe par le
milieu. Du côté de l'Orient , elle eſt bordée
par des côteaux plantés de vignobles , &
parfemés de très beaux Villages & des Châteaux
qui s'élevent de diſtance en diſtance ,
& qui forment un point de vue charmant.
On compte à Chastellerand une : Senechauffée,
compofée d'un Senechal de Robe
Courtes
62 LE MERCURE
Courte , d'un Prefident , d'un Lieutenant
General & Criminel , de deux Affeffeurs ,
de fix Confeillers , d'un Procureur & d'un
Avocat du Roy , & d'un Greffier : une
Election qui s'étend fur 57 Paroiffes : un
Corps de Ville formé d'un Maire Perpetuel
& de quatre Echevins : une Maitrife Particuliere
des Eaux & Forefts : une Jurif
diction Confulaire : un Bureau des Traites
Foraines un Dépôt pour le Sel & une
Marechauffée : une Eglife Collegiale , trois
Paroiffes diftribuées en 1564 Familles, un
Couvent de Cordeliers , un de Minimes ,
un de Capucins , un de Religieufes , & un
Hopital. Les Peuples y font ingenieux ,
laborieux & portez au Commerce. Il n'y a
aucune Ville en France où il y ait tant , ni
de fi excellens Ouvriers en Coutellerie
qu'à Chatellerand , de forte que la fertilité
du Pays jointe à l'induftrie & à l'applica
tion de fes Habitans , fait que cette Ville
eft une des plus riches du Poiton . Elle le
feroit encore davantage fi on rendoit navigable
les Rivieres deClain & de laCrenfe,
ce qui pourroit le faire facilement avec un
peu de dépente. Chatellerand s'eſt toujours
fignalé par fon attachement à la Religion
Proteftante, & il s'y eft paffé des évenemens
celebres dans l'Hiftoire , dont le recit
feroit trop long à raconter , étant déja tems
de faire partir l'Infante pour le rendre à
la Haye. LA
DE MARS 2. Vol. 1722. 63
LA HAYE eft une petite Ville de la
Province de Touraine , fituée dans une
Plaine fur le bord Septentrional de la Riviere
de Creuse , un peu au -deffous de fa
jonction au-deffous de la Clife . Elle n'a
rien de confiderable qu'un beau Pont de
pierre , & l'avantage d'être le lieu de la
naiffance de René Descartes , le plus grand
Philofophe qui ait paru encore , & de Jean
de la Haye Sieur des Coreaux , Lieutenant
du Senechal de Poitos , qui voulant fe diftinguer
dans les Guerres Civiles qui dechiroient
le Royaume à l'occafion de la
Religion Proteftante , fut tué en 1547.
Les Latins appellent cette Ville Haga Turonica
,pour la diftinguer de plufieurs autres
qui portent le même nom. Elle a le
titre de Baronie, & eft poffedée par le Prince
de Guimené. On y compte 153 feux , avec
un Grenier à Sel . De la Haye à Loches.
LOCHES eft une Ville de la Province
de Touraine , fituée fur la Riviere d'Indre,
dans un des plus agreables & des plus fertiles
Pays du Royaume , fur la pente d'une
montagne. Elle eft deffendue par un magnifique
Château bâti fur un roc , dont le
circuit eft de prés de 1200. pas . Le Mont-
Voifin , qu'on appelle communément Vi
guemont,autrefois contigu à la Fortereffe, en
eft feparé par un large & profond foffé.
L'affiete de ce Château eft fi avantageufe ,
qu'on
64
MERCURE LE
qu'on pourroit en faire une des meilleures
Places du Royaume. Ses fortes murailles
& fes hautes Tours n'y laiffent qu'une avenuë
du côté de l'Orient , laquelle eſt trèsdifficile
à gagner , d'autant qu'elle eft folfoyée
, retranchée & flanquée avantageufement.
Rien n'eft plus magnifique que fos
Portail , non plus que l'appartement qui
eft du côté de l'Orient que Louis XI . fit
bâtir.tour près de celui de la Belle Agnés
Screl, Maitreffe de Charles VII . fon pere.
Aujourd'hui les deux n'en font plus qu'un
feul , difpoté de telle forte , que d'un côté
la vue eit bornée par de riantes prairies ,
& de l'autre par une vafte Foreft , où les
Rois alloient fouvent prendre le divertif
fement de la Chaffe , & où le voyent en .
core les reftes des Pavillons qu'ils y avoient
fait conftruire exprès pour relayer , ou
pour fervir de rendez-vous aux Chaffeurs .
Du côté de l'Occident on voit une groffe
Tour quarrée très- ancienne , près de laquelle
eft un gros donjon achevé par Louis
XII . qui fert prefentement de Prilon pour
les Criminels d'Etat , ou pour ou pour d'autres
Coupables , dont la conduite eft defagreable
ou fufpecte à la Cour. On y voit deux
cages de fer , dont l'une eft appellée la
Cage de Batue , à caufe que Louis XI . y fit
enfermer le Cardinal de Balue Evêque
d'Angers. Chaque Cage eft longue de huis
pieds ,
ΠΟΣ
DE MARS 2. Vol. 1722. 65
pieds , large de fix large de fix , & environnée de
treillis de bois revêtus de fer , & pour tout
dire en un mot , un Château qui fembloit
n'avoir été bâti que pour faire le plaifir des
Rois , eft devenu un lieu de fouffrance
pour ceux qui font affez malheureux d'irriter
la Majesté Royale. C'eft là où Ludovic
Sforce Duc de Milan fut confiné par ordre
de Louis XII , & où il mourut.
On voit dans l'enceinte du Château
l'Eglife Collegiale de Notre- Dame , fondée
par Geoffroy Grifegonnelle Comte d'Anjou,
Seigneur de Loches. Le Voyageurs ne peuvent
fe laffer d'admirer la beauté de cer
édifice. Les voûtes en font grandes , belles,
hardies. Il y a deux Clochers faits en
pointe élevés en l'air par un artifice furprenant
, avec trois fuperbes Pyramides
extremement hautes , l'une fur le Portail
& les deux autres entre les Clochers , le.
le tout de pierre de taille . Ce Comte y fit
placer la Ceinture de la Sainte Vierge ,
tiffuë d'une foye blanche , dont une Reine
de France lui avoit fait preſent.
Dans la même Eglife eft le Tombeau
d'Agnes Sorel , Maitreffe du Roy Charles
VII. dont les Hiftoires ont tant parlé fous
le nom de la Belle Agnés , à caufe, dit Monfrelet
, qu'entre les Belles elle étoit la plus
belle. Il eft de marbre noir cifelé , portant
la figure de marbre blanc. Ce Monarque
le
66 .LE MERCURE
le fit placer dans le Choeur , & ce qu'il
y a de plus furprenant , c'eft que comme
fi elle fut morte en odeur de fainteté , il
permit que deux Anges foutinffent l'oreiller
fur lequel fa tête repofe , & qu'on
plaçât deux Agneaux à fes pieds. On lit
fon Epitaphe , & on voit les Armes fur
une lame de cuivre attachée contre un
pilier. On voit auffi dans la même Egliſe
le tombeau de Ludovic Sforce Duc de Milan
, où ce Prince eft reprefenté tenant un
Crucifix entre les mains.
Il y a quelques fiécles qu'on trouva de
grandes marques d'antiquité fous le plinthe
du Château , & entre autres choles une
Porte de fer , à l'ouverture de laquelle
paroift une longue allée taillée dans
le roc , au bout de laquelle on voit
une chambre quarrée. Dans le fond de
cette chambre paroiffoit un homme de plus
de huit pieds de haut , affis fur une grande
pierre , & tenant fa tête appuyée entre fes
deux mains. Si- tôt que l'air cut frappé cet
homme , fon corps s'évanouit en cendres ,
fans qu'il en reftat que la tête & quelques
offemens. Il avoit auprès de lui un petit
coffret de bois , dans lequel on trouva diverfes
piéces de linge fort blanches & fort
bien pliées , qui s'en allerent en fumée dès
qu'on voulut les toucher. La tête & les
offemens ont été long- tems expofez aux
Yeux du Public dans l'Eglife N. Dame.
DE MARS 2. Vol. 1722. 67
La Ville de Loches eft honorée du titre
de Comté. Elle eft fort ancienne , & a été
le patrimoine des premiers Duc d'Anjou.
Il y a un Bailliage , une Election compofée
de 76 Paroiffes , un Hôtel de Ville compofée
d'un Maire Perpetuel , d'un Procu
reur , de deux Elus , de trois Echevins ,
& d'un Greffier ; une Maitrife Particuliere
des Eaux & Forefts , un Grenier à Sel ,
une Maréchauffée , & 638 feux. De Lo
ches à Amboife.
AMBOISE eft une Ville ancienne
de la Province de Touraine , avec un trèsbeau
Château bâti au pied d'une colline
dans une belle plaine , arrofée par le bord
Meridional de la Riviere de Loire qu'on
paffe fur un magnifique Pont de pierre à 14
arches , dans les voûtes defquelles on a
enchâffé des Moulins avec tant d'art qu'on
diroit que c'est une Ifle . Elle jouït du
droit de Franchiſe , & eft honorée du titre
de Baronnie. Quoiqu'elle ne foit compofée
que de 355 feux , elle ne laiffe pas
d'avoir un Gouvernement particulier , un
Bailliage , une Juftice Royale reffortiffante
nuëment , un Hôtel de Ville avec Droit
de Police , une Election , un Grenier à Sel ,
une Maitrife Particuliere des Eaux & Forefts
, & une Maréchauffée. Elle eſt fort
celebre dans l'Hiftoire par les grands évenemens
qui s'y font paffez, & par les frequens
féjours
68 LE MERCURE
Lejours que nos Rois y ont faits . Gregoire
de Tours en fait mention comme d'une
Ville importante en parlant de faint Martin
, & il dit ailleurs que Clovis Roy de
France & Alaric Roy des Vifigoths y eurent
une Conference dans une Ifle qui étoit au
bout du Pont , & qui prefentement eſt
enfermée dans l'enceinte de fes murailles.
Dans la fuite les Normands y firent de.
frequentes courfes & la ruinerent de fond
en comble. Foulques III . dit Nere Comte
d'Anjou la repara , & y fonda l'Eglife
Collegiale de faint Florentin , felon le fentiment
de plufieurs gravesHiftoriens , quoiqu'il
y en ait plufieurs autres qui attribuent
à un autre la gloire de cette fondation.
Amboife étant paffée dans la Maifon de
la Tremoille , Louis , Sire d'Amboife &
Vicomte de Thouars , efprit inquiet & turbulent
‚ ayant embraffé le parti des Anglois
contre le Roy Charles VII , ce Monarque
le fit arrêter , & faifir toutes les
Terress mais quelque tems aprés on lui
en rendit une partie , & dans la fuite
Louis XI. les rendit toutes à Louis II .
Seigneur de la Tremoille fon fils , à la referve
d'Amboife qu'il garda , & donna en
échange d'autres Terres de plus grande
yaleur , mais qui n'étoient pas fi fort à ſa
bienséance , car comme il forma le deffein
de
DE MARS 2. Vol. 1722. 69
de s'aller enfermer , ou pour mieux dire
de s'enfevelir tout vivant dans le Château
du Pleffis-les-Tours , qui n'est qu'à cinq
lieues d'Amboife , cette Ville l'accommodoit
extrémement. Quand il fortoit de fa
priſon , il faifoit d'Amboiſe la maiſon de
Plaifance , & c'est là qu'il fonda l'Ordre
de faint Michel le 12 d'Août de l'année
1469.
Quoi que la Ville d'Amboife foit petite ,
elle eft pourtant une des plus jolies du
Royaume , tant par fa fituation , qui ne
fçauroit être plus avantageule , que par
l'abondance de tout ce qui peut contribuer
aux co nmoditez de la vie : c'eft pourquoi
nos Rois en ont fait pendant long-temps
le Berceau des Enfans de France. Charles
VIII. y naquit , & pour honorer la naiffance
, il y fit conftruire le magnifique
Château qu'on y voit , dans lequel on remarque
deux chofes fingulieres. La premiere
eft un Bois de Cerf pefant 40 livres
, prodige fi extraordinaire , qu'il a
donné occafion à plufieurs de croire que
c'étoit une invention de l'art & non pas
une production de la nature ; mais quand
on vient à examiner la chofe de près , on
s'apperçoit fans peine que l'Art n'y a aucune
part, & que c'eft réellement une
veritable corne de Cerf. La feconde , eft
la reprefentation d'un homme & de fa
- D femme ,
70
LE MERCURE
femme, qu'on voit fur une cheminée
d'une
groffeur qui paffe toute forte de croyance
. On monte à ce Château
par un Eſcalier
conftruit
avec tant d'art , qu'un carroffe
à fix chevaux le peut monter & defcendre
avec facilité.
A proprement
parler il n'y a que deux
rues dans Amboife , qui avec le Château
en font tout le Plan . La plus grande eſt
celle qui commence
au bord du Quay , fur lequel on voit de belles maifons , &
qui traverfe le Marché où il y a une Halle
couverte
qu'on appelle le Cavoy. On y voit
un Befroy à la groffe horloge de la Ville ,
fous laquelle il faut paffer pour continuer
à fuivre la rue , qui en cet endroit- là ,
prend le nom de faint Denis , & va juf- qu'au Fauxbourg
. L'autre rue eft celle
qui fe va croifer au Marché, & qui s'étend
jufqu'au
Château. On y trouve quantité
d'Ouvriers
, qui y font attirez
modité d'une petite Riviere , qui coulant le long des maifons , leur fert de foffez
pleins d'eau , & au deffus defquels
eft le
Château , qui comme nous avons déja dit ,
fut conftruit
par Charles VIII . lequel n'épargna
rien pour faire venir de Naples
les plus habiles Architectes
, afin qu'il fût
digne de loger le plus grand Roy du
Monde. Mais à peine l'eût - il fait achever,
qu'en allant voir jouer une partie de paulpar
la com-
8
me,
DE MARS 2. Vol. 1722. 71
me, il heurta de front contre une cheminée,
dont le choq fut fi violent qu'il tomba en
apoplexie , & mourut le 7 Avril 1498 .
D'Amboife l'INFANTE ſe rendit à Blois.
ZEPHYRUS & ROSA.
FLORE
DIALOGUS.
ZEPHYRUS.
LORA Filia candidæ ,
Quæ foles revehis bonos ,
Cùm primùm exoreris , Rofa :
Noftris ah tepidum , precor ,
Expande halitibus finum .
ROSA.
Veris floriferi Parens ,
Qui mundi malè languidam
Flabellis animam cies :
Vitales aliò , licet ,.
Convertas , Zephyre , halitus .
ZEPHYRUS.
En flores ftudio æmuli
Horam præcipere ambiunt
Ortus legitimam , & nimis
Lentas increpitant moras :
Uni çur placeat mora ?
Dij
ROSA.
72
LE MERCURE
ROSA.
Me florum ambitiofius
Haud fallit ftudium ; intimis
Tota & turgeo` lacrymis ,
Quòd flores focios meus
Heu ! nil follicitet dolor.
ZEPHYRU S.
Quid dum lætitiam explicat
Noftris quidquid ineft agris ;
HISPANÆque PUELLULE
Adventu oppida geftiunt ;
An non fint lacrymæ nefas ?
ROSA.
Quid ? dum mi penitùs peric
Cantatus toties decor :
Meque HISPANA PUELLULA
Notis fraudat honoribus :
'An non gaudia fint, nefas ?
ZEPHYRUS.
Formofum fine te est nihil.
Per te Aurora micantibus-
Ornatur digitis , Habet
Illum , quo Superi calent ,
Vultum à te rofeum Venus .
ROSA.
Me pulchrum fine nil fuit.
Nunc , quacumquè tulit pedes
VIRGO REGIA ; protinus ,
Formå
DE MARS. 2. Vol. 1722. 73
Formâ olim Superis prior ,
Dicor cedere VIRGINI.
ZEPHYRU S.
Sed , fi te ambrofiis amet
Illa intexere crinibus !
Si te fceptrigerâ manu
Lectam fòrs gremio ferat
Ipfarum Charitum hofpite !
ROSA.
Spem quantam , ô Zephyre , excitas !
Urge , urge , precor halitus.
Si ceffas ; DOMINÆ tamen
Tactum molliculo gradu
Me Sponte ediderit folum,
Die 14 Martii 1722.
B. GRENAN.
TRADUCTION.
FILLI
PAR M. PIAT.
ZEPYHIRE.
ILLE de la brillante Flore ,
Rofe , avec qui l'on voit éclore
La Saifon des Ris & des Jeux ;
Je viens plein d'une ardeur nouvelle
Te rapporter , Amant fidele ,
Le tribut d'un fouffle amoureux.
Diij LA ROSE.
74
LE MERCURE
LA ROSE.
Vainqueur des Frimats & des Glaces ,
Toi qui vois marcher fur tes traces
Le Printems au front gracieux ;
Zephyre , objet de mes tendreffes ,
Difpenfe-moi de tes careffes ,
D'autres en profiteront mieux.
ZEPHYR E.
D'où vient cet accueil trifte & fombre?
Je vois partout les Fleurs fans nombre
Sortir de leur obfcur féjour ;
1
De toutes parts je les vois naitre :
Toi feule digne de paraître ,
Tu refufes de voir le jour.
T LA ROSE.
Les autres Fleurs , fans plus attendre ,
Peuvent fe hâter de reprendre
Leurs plus éclatantes couleurs.
Helas ! contentes & paffibles ,
Les cruelles font infenfibles
A ce qui fait couler mes pleurs.
ZEPHYRE.
Quoy ! lorfqu'une aimable PRINCESSE
Répandant ici l'allegreffe ,
Fait partout naître les Plaifirs ;
Que vers le Ciel qui nous l'envoye ,
Chacun poufle des cris de joye ,
Ofes tu pouffer des foupirs ?
LA ROSE.
DE MARS. 2. Vol. 1722 . 7-5.
LA ROSE.
Lorfque je vois tomber ma gloire ,
Que partout j'entends de VICTOIRE
Vanter les appas enchanteurs ;
Des Fleurs la plus infortunée
Dois-je benir ma deſtinée ?
Puis- je ne pas verfer des pleurs ?
ZEPHYR E
Sans toi , rien n'eft beau dans le Monde.
Par toi l'Aurore à treffe blonde
Fait le plaifir de tous les yeux.
A l'Amante du Dieu des Armes
Tu donnes ce teint plein de charmes ,
Dont l'éclat enflame les Dieux .
LAROS E.
Plus belle que les Immortelles
On me plaçoit au-deffus d'elles ,
Tous leurs appas cédoient aux miens :
Maintenant , fatale difgrace !
Une mortelle a pris ma place ,
Tous mes appas cédent aux fiens.
ZEPHYR E.
Mais fi , par un fort favorable ,
Un jour cette Mortelle aimable
Daignoit emprunter ton fecours !
Si fur fon front , féjour des Graces ,
Elle vouloit que tu brillaffes
Parmi les Ris & les Amours !
D iiij
LA ROSE.
76 LE MERCURE
LA ROSE.
Doux efpoir ! que viens - je d'entendre ?
Vien , cher Zephyre , vien me rendre ....
ton foufle eft lent pour moi :
Mais non ,
Elle vient. Je la vois paraître.
Zephyre , pour me faire naître
Ses yeux font plus puiffans que toi.
N. PIAT.
M. le Chevalier de Romieu , l'un des
Commiffaires Generaux qui fe font li
vrez au fecours du Public durant la -
contagion qui a fi cruellement affligé.
la ville d'Arles , ayant été prié deſe
charger d'un compliment à M. de
Foffaud qui y a commandépour le Roy,
lui dit quelque temps avantfon départ.
MoONSIEUR, NSI
Cette Ville que le Roy avoit confiée à
vos foins durant ſon affliction , ne perdra
jamais le fouvenir de ce que vous avez faitpour
fa délivrance dans un temps où la calamité
publique , beaucoup augmentée par
le défordre & la confufion , ne nous laiffoit
plus d'efperance : Vous avez étouffé
l'hydre à têtes renaiffantes qui dévoroit
nas
DE MARS . 2. Vol. 1722. 77
nos habitans : Dans un lieu qui ne prefentoit
que des objets d'horreur , où la pâleur
étoit peinte fur les vifages , où la confternation
regnoit dans les coeurs , lieu qui fut
fi long-temps le féjour de la mort & de
l'épouvante ; dans ce lieu , dis- je , vous
avez rétabli le calme , la fanté , la tranquillité
publique nous devons , il eft vrai ,
tous ces biens à Dieu , mais après lui nous
le devons à votre courage & à votre équité,
à votre exactitude à maintenir le bon ordre
que vous nous avez rendu . Quoique
l'ordre du Roy qui vous appelle ailleurs ,
marque bien la fin de nos befoins , il n'a
pas laiffé de nous affliger fenfiblement ,
parce qu'il est toujours trifte de perdre fon
Liberateur ; l'on peut appeller ainfi ceux
qui comme vous , Monfieur , fe font diftinguez
dans les périls de la guerre & dans
ceux de la contagion ; la fermeté & la pru
dence font également neceffaires dans ces
deux occafions dans l'une & dans l'autre
l'on fauve également des Sujets au Prince
& à la Patrie , & par confequent l'on y
meritè la gratitude des Peuples & les bienfaits
du Souverain ; ceux que vous allez recevoir
, en prouvant l'équité de Sa Majeſté,
vont juftifier notre reconnoiffance envers
vous , & faire voir que nos foibles louanges
ont été le langage de la fincerité & non
celui de l'adulation.
REPONSE D v
78 LE MERCURE
RE'PONSE DE M. DE JOSSAUD.
RM
I E N n'eft plus capable de me flatter
Meffieurs , que le choix que vous
avez fait de M. le Chevalier de Romieu
pour m'expliquer vos fentimens remplis de
bonté ; fon éloquence & fa modeltic me
rendent propres les périls qu'il a 'commé
vous , Meffieurs , partagez avec moi : Je
ne regarde point comme une récompenſe
l'ordre qui va m'éloigner d'une Ville pour
laquelle je conferverai toujours une tendreffe
égale au chagrin que je reffens de la
quitter. Que ne puis- je jouir plus long+
temps , Meffieurs , du repos que nos foins.
nous ont procuré : J'aurois fouhaité vous
donner des marques de mon attachement
dans une occafion moins triſte : je me fuis.
livré avec joye au danger , pour tâcher de
vous fecourir & de diminuer vos maux
j'employerai volontiers tous les jours de ma
vie à vous marquer ma vive reconnoiffance.
Traduction Litterale de l'Epigramme
Latine qui fut faite fur un Homme
que la Foudre avoit frappé fans qu'il
en fût mort.
Affiafti , Deus , innocuo me fulmine , fenfi
Te poffe , & meritum perdere molle caputs.
Foudroye fans périr , Seigneur , je fens ton bras ,
Qui peut perdre un coupable & qui ne le veut pas.
L'ouverture
DE MARS . 2. Vol. 1722. 79
L'ouverture du Jubilé s'eft faire à Paris
le Lundy 23 , en vertu de la Bulle de
N. S. Pere le Pape du 27 May 1721 ,
& du Mandement de fon E. M. le
Cardinal de Noailles , publiez le Dimanche
15 du même mois de Mars
1722.
Voici une Lettre qu'on nous a écrite ſur
cette matiere.
MDCLLVVVVII.
Lettre écrite par M. l'Abbé de B.
De Poligny en Franche -Comté le 16
Mars 1722.
Rouvez bon , s'il vous plaift , Mef-
Tours,qu'au fujet du Jubilé qui doit
s'ouvrir bientoft à Paris , je vous envoye
ce Chronographe faifant allufion aux Armes
de Sa Sainteté , qui font , comme vous
le fçavez , un Aigle efployé.
4D praCeptVM eLeVabltVr aqVILa
L'année courante 1722 fe trouve dans
ee Paffage Prophétique tiré mot à mot de
P'Ecriture. Job. c. 39. v. 30. Cette inétaphore
eft foutenue dans les quatre Vers fui.
vans, qui expliquent le Chronographe, lef
quels conviennent également à l'Aigle en-
Dvj vers
1
80
LE
MERCURE
vers fes petits, & au Pape envers les fideles.
Par un ordre divin je prens mon vol aux Cieux ,
Suivez- moi , fixez y. vos yeux ;
A mes leçons foyez fideles ,
Je vous protegerai fous l'ombre de mes aîles .
Explication critique du mot de laPelotte
de l'Enigme du mois deFevrier 17 22.
LAA Pelotte en tout tems incapable de crime ,
Des épingles quoique victime
Qui la percent de tous côtez
N'en reffent point les cruautez.
Qu'elle foit vagabonde , ou qu'elle foit pendue ,
Bien ajustée ou mal vêtue ,
Elle peut réjouir la vue ,
Même fervir d'amufement
Au for & langoureux Amant ,
A qui l'on fait faire le pié de gruë :
S'il la picotte , alors ce n'eft qu'improprement
Que cela s'appelle tourment.
Explication de l'Enigme d'Evreux , inferée
dans le Mercure du mois de
Fanvier dernier.
P
Rés de la pefte on eft furpris
Qué dans le celebre Pays.
Qu'on appelle de Sapience ,
On
DE MARS 2. Vol. 1722. 81
On foit encor dans l'ignorance
Sur Geoffray Faë Abbé du Bec ,
Qui negligeant Melchifedec ,
Du Parterre vint au Theatre
Eu mil trois cent & trente quatre.
C'eſt au moins ce que nous penfons
De tant de têtes de poiffons ,
Dont un Sçavant de goût antique
Crut devoir orner la Chronique.
A Montpellier , ce 3 Mars 1722.
Réponse à Meffieurs du chapitre d'Evreux
fur l'article qui les regarde dans le
Mercure de Janvier 1722.
E
Z Venerables Chafourez ,
Du grand Moutier en Ville Evreuſe ,
A t- écrit ce que tôt lirez
Ein Grifon de * Verdein fu - Meuze.
Enigne qu'annoncez à tous
Ne l'eft mie , o ' n'eft que frapouille ;
Chronographe eft , affurez- vous :
Or-fus je que le débarbouïlle .
Tête de Maquerel vraiment
Au fin coeur de fubtil Normand
Voyez- la-vous bein figurée ;
Vendon Ville Epifcopale en Lorraine fur la Meufel
M
LE MERCURE

M por mil eft y là chifrée.
Autre chifre eft-il en- fuivant
Que portent ces trois poures bêtes
Chien , Carpel , Congre : à bon efcient
Lettre C coeffe y là leurs têtes
Par centaine ; trois font trois cent.
Puis & feuilletez bein vos Livres ,
Et prenez V por cinq , voirez
Qu'au chef bifcornu de fix Vivres
Trente en compte rond treuverez.
Item s'enfuivent les Chapitres
O'les têtes de vos quatre iftres ,
Qui par chaquein font quatre en tout.
Doncque de l'ein à l'autre bout¸ ·
Recoquillant chifres fans peine
Jouxte la chifraifon Romaine ,
En la Chronique du Moutier
Sans difputer , ne plus debatre ,
Fut l'an Mil trois cent trente quatre
Que Moine , Abbé de fon métier ,
Geufrey Faë en noire jaquette
Fit paffe-paffe valeureux ,
Et fe mit robbe violette
Comme bel Evêque d'Evreux :
Et ly Du- Bec en Normandie
Tant de l'Enfer étoit peureux ! )
Ne voulit plus de l'Abaye ,
Qu'icelle joindre à l'Evêché
Eut
DE MARS 2. Vol. 1722. 87
Eut creu voirement gros peché .
Or tels Rébus & vieux Grimoires ,
Si moult avez en vos Hiftoires ,
A tout les lire aurez grand tems.
Quand n'auriez leu prou la Chronique
N'etes ja moins rufez Normands ,
Et grands Clercs , & fine pratique.
Adieu vous dis , mes bonnes gens.
Nous avons reçû de la Ville & des Provinces
plus de vingt Lettres avec des Explications
de l'Enigme Chronographique
d'Evreux ,toutes ingénieufement tournées,
foit en Vers , foit en Profe ; mais il eft impoffible
de les employer fans paffer nos
bornes, & fans ennuyer bien des Lecteurs .
Nous prions les Auteurs de nous excufer ,
& en particulier celui qui à la fin de fon
Explication Poëtique a bien voulu fe faire
connoiſtre par les deux Vers Latin & par
La date qui fuivent ..
Auctoris nomen forfan te fcire juvabit ;
Nerdual , inverfo nomine , cerne , vocer.
Ex limine Palatii Rhed, dia 27 Feb. an . 1722.
La Fourmie & l'Eponge font les mots
des deux dernieres Enigmes.
Premiere
84
LE MERCURE
PREMIERE ENIGM E.
C
Elui de qui je tiens le jour
Eft fi digne de mòn amour ,
Qu'à lui feul fans façon je parois toute nue ;
Mais pour tout autre auffi, peur d'eftre reconnue ,
D'un voile je couvre mon corps ,
Et pour bien me cacher je fais tous mes efforts :
Pour fçavoir qui je fuis , tout le monde raiſonne ;
L'on me tâte, l'on me chifone ,
On me tourne de tous côtés ,
On me met de la tête aux pieds
L'un me prend , l'autre me quitte ,
Le plus habile auffi quelquefois fe dépite.
A tous les Curieux je fers d'amufement ,
Ils badinent fur moi , & tout en badinant
Ils me trouvent quelque merite ;
Je me crois jufqu'ici paffablement décritte ;
Si pourtant à ces traits tu ne me connois
Leve les yeux , tu me verras.
pas,
SECONDE ENIG ME.
PLusjemords ,& plus je fuis rude ,
on me chérit en tous lieux ;
Je plais en compagnie & dans la folitude :
Je diffipe l'ennui des jeunes & des vicux :
Jc
DE MARS 2. Vol. 1722. 85
Je fuis fi liberale & bonne ,
Que je rends tout ce qu'on me donne ,
Et quand je viens à m'adoucir ,
On me rebutte , on me rejette ,
Et c'eſt à quoi je fuis fujette ,
Lorfque j'ai fait trop de plaiſir.
TROISIEME ENIG ME.
DE
E bien des métiers je me mêle ,
Toujours à couvert de la grêle
Je me cantonne auprés du feu :
Chez le pauvre on me trouve peu ;
Suivant les lieux je change de figure ;
Petit auprès des Grands , & grand chez les petits ;
Mes ornemens font affortis ,
Par fois de galons d'or , & par fois de ferrure ;
Sans connoiftre A- mi-la , D-la-ré , C fol - ut ,
Je fers à compofer de fçavante Mufique ;
Mais quand je fuis fans ame, on me jette au rebuts
Je refte fans panegirique.
NOUVELLES
86 LE MERCURE
NOUVELLES LITERAIRES. ET
DES BEAUX ART S.
T
RAITE DE LA PESTE , ou conjec.
tures Phyfiques fur fa nature & ſes
caufes. Par M. Gavet de Rumilly , Docteur
en Medecine ; in 12. 1721. Lyon ,
chez les Freres Bruyfet.
LE SPECTATEUR FRANÇOIS . Brochu
re in 12 de 15 pages. Le prix eft de fix
fols. A Paris , chez Guillaume Cavelier
pere & fils au Palais & ruë S. Jacques , le
Breton & Piffot Quay des Auguſtins.
1722.
Cette quatriéme feuille contient une
avanture fort intereffante d'une jeune perfonne
de bonne famille , fort aimable .
très-vertueufe , & réduite à la plus affreuſe
miſere qui demande l'aumône pour
faire fubfifter fa mere reftée veuve & infirme
, & deux de fes foeurs dont elle eft l'aînée,
après avoir tout vendu à la pourſuite
d'un procès , fe voyant dans le plus cruel
état d'affliction , & manquant de tout , elle
eft forcée à combattre fon amour & fa
compaffion pour la mere , pour les foeurs
& pour elle-même, ne voulant point écou
T
ter
DE MARS. 2. Vol. 1722. 87
rer les promeffes d'un riche Bourgeois qui
lui offre tous les fecours poffibles . Mais ,
quels fecours , dit-elle , ils fauveroient la
vie à ma mere ; ils deshonnoreroient éter->
nellement la mienne. J'aime ma mere ,
pourfuit- elle , & je lur fuis chere ; elle
meurt , cela me fait trembler pour nous
deux. Dans mon affliction , je lui ay dit
les offres de l'homme dont je parle. A mon
recit , j'ay crû qu'elle alloit expirer entrer
mes bras ; elle m'a baignée de les pleurs ;:
elle a jetté fur moi des yeux tout égarez ,
& s'eft retournée de l'autre côté , fans me:
dire une feule parole. Je ne fçay pourquoi
je ne l'ay point preffée de me parler ; il
femble que cette femme vertueule ait perdu
tout courage , qu'elle fuccombe fous
nôtre malheur ; & moi , je voudrois mourir
pour être délivrée du péril de la voir .
LES ANTIQUITEZ ROMAINES de Denis
d'Halicarnaffe , traduites en François ,
avec des notes Hiftoriques , Geographi
ques , Chronologiques & Critiques , deux
vol. in 4°. enrichis de plufieurs Cartes
Geographiques , de differens plans de Ro-'
me , & c. Par M..... Ouvrage proposé par
Sonfcriptions.Le prix fera pour les Soufcripteurs
de Is liv. pour chaque Exemplaire
de petit papier , & de 20 liv . pour le grand
papier en feuille , dont on payera la moitié
d'abord
88 LE MERCURE
d'abord ; on délivrera les Souſcriptions
chez Philippe - Nicolas Lottin , Libraire
ruë S. Jacques , juſques au dernier d'Avril
de la prefente année.
TRAITE' DE LA PESTE & des moyens
de s'en preſerver , où l'on enſeigne la methode
pour remedier aux grandes miferes
que la Pefte a coûtume de caufer , & les
remedes propres à cette maladie. Ouvrage
propre à tous les Medecins & Chirurgiens
deftinez au fecours des peftiferez , & à
tous ceux qui retirez dans les Campagnes,
feroient privez de confeil & d'aſſiſtance .
Recueilli des meilleurs Auteurs anciens &
modernes & enrichi de Remarques & Ob.
fervations Theoriques & Pratiques. Par
M. Manget , Medecin de la perſonne de S.
M. le Roi de Pruffe , membre de l'Illuftre
Societé des Spenfierati de Roffano. 2 vol.
in 12. 1722. A Lyon , chez les Freres
Bruyfet , & à Paris chez Cailleau , Place
de Sorbonne .
L'ANATOMIE du corps humain , avec
les Maladies , par Saint Hilaire. Troifiéme
édition , 2 vol. in 8. chez d'Houri.
REMEDE S. pour guerir les Maladies ,
du méme Auteur , troifiéme édition , in 8 °.
chez le même.
ANATOMIE de l'Homme , par M. Dionis
,
DE MARS. 2. Vol. 1722. 8,
ais, cinquième édition , avec des Planches
neuves , in octavo , chez le même.
On r'imprime chez le même Libraire , le
Traité des Medicamens & la maniere de
s'en fervir , par M. Tanuri , en 2 vol. in
douze,
JOURNE'E CHRETIENNE , où l'on trou
ve des regles pour vivre faintement dans
tous les états & dans toutes les conditions .
A Paris , chez Guillaume Defprez & Jean
Defeffarts 1721 , in 12 pp. 400.
Le Public eft averti qu'il a été perdu un
paquet de cinquante Soufcriptions des
Voyages de Corneille le Brun , fignées de
R. Machuel & de Charles Ferand Libraire
de Rouen , fans datte ni numero , & que
pour prevenir les fuites de cette perte , on
ne délivrera les Exemplaires qu'à ceux qui
feront les Porteurs de celles qui auront auffi
la fignature de Bauche le fils Libraire à Paris
, comme font toutes celles qui ont été
delivrées jufqu'à ce jour.
On mande de Conftantinople de la fin
du mois de Janvier dernier , que le Grand
Seigneur a donné des ordres pour faire im
primer la Bible en langue Turque , avec
des notes relatives au texte de l'Alcoran ; à
quoi le Mufti ( qui a conçu de grands ombrages
LE MERCURE
brages de cette nouveauté ) s'oppoſe de
toutes les forces , & le donne de grands
mouvemens pour faire changer cette rélolution.
On affure que le Grand Seigneur
a réfolu d'accorder la protection aux Sciences
& aux Arts , & le bruit court que Sa
Hauteffe va fignaler fon Regne par l'établiffement
d'un College particulier à Conftantinople
, où l'on enfeignera les Langues
fçavantes , dont on fait ufage dans
les Etats bien policez de l'Europe , &
qu'elle y entretiendra auffi des Profeffeurs
pour le François , l'Allemand , l'Italien ,
&c. & que les Turcs & les Chretiens auront
également la liberté d'aller entendre
leurs leçons.
Les Religieux de la Trinité qui font venus
à Conftantinople , pour traiter de la
rançon des Eſclaves Chretiens , ont obrenu
la permiffion de faire bâtir une Chapelle
avec quelques Cellules , dans le Fauxbourg
de Pera. Depuis quelque temps les
Chretiens qui y font établis , joüiffent d'une
plus grande liberté qu'ils ne faifoient
cy devant.
On écrit de Petersbourg du 20 de l'autre
mois , que le Czar a pris la réfolution de
diftinguer par de nouvelles marques d'honneur
l'ancienne Nobleffe de fes Etats d'avec
la moderne : ce Prince fait faire des
recherDE
MARS. 2. Vol . 1722 . 91
recherches exactes des anciens titres des
familles , & l'on affure qu'il doit inftituer
un nouvel Ordre de Chevaliers , fous le
nom de S. Alexandre de Neva , dont il
n'honorera que ceux , qui par l'antiquité
de leur origine , ou par de grandes actions,
meriteront cette nouvelle diftinction.
Nous apprenons de Lisbonne , que l'Academie
Royale de l'Hiftoire a nommé
pour Academicien Provincial , Don Pierre
Dacunha de Souto Mayor , Gentilhomme
de la Maiſon du Roi , Alcaïde Mayor
de Braga , Chevalier de l'Ordre de Chrift,
& cy- devant Capitaine de Cavalerie , &
le Pere Manuel de S. Bonaventure , de
l'Ordre de S. François , Lecteur & Exprovincial
de la Province de Portugal , &
Procommiffaire de la Croifade. Le Do-
&eur Manuel Dias de Lima , Provediteur
de Setubal , & cy - devant Academicien
Provincial , a été choisi pour remplir la
place vacante dans l'Academie par la mort
de Don Fran. Denis d'Almeyda & Olivie
ra. Il en prit poffeffion le 31 Janvier dernier.
RTS
EXPLICA92
LE MERCURE
202020202
EXPLICATION DES TYPES
Legendes des Fettons frappez à la
Monnoye des Médailles.
Le premier Janvier 1721.
Le Trefor Royal.
E Portrait du Roi avec la Legende or-
Ldinaire. Revers. Un Laboureur. qui
enfemence fon Champ. Legende. Refert
in melius labor. Le travail le rendra plus
fécond.
La Chambre aux Deniers .
Hebé verfant à boire à Jupiter. Legende.
Coeleftibus illa miniftrat. Deftinée à
fervir les Dieux.
I
Les Parties
Cafuelles.
Un Phare à l'entrée du Port. Legende.
Curæ cafufque levamen . Je delivre de
crainte & de peril.
Les
Bâtimens du Roy.
Le Soleil dans le Signe du Verfeau , &
au- deffous dans le lointain , la façade du
nouveau bâtiment conftruit devant le Palais
Royal . Legende. Domus Hofpite digna
. Maifon digne du Prince qui l'occupe.
L'ordinaire
JETTONS DE LANNEE . 1721 .
GURE
V
I
II
CASUSQUE
MELIUS
ET
IN
REFERET
LEVAMEN
PARTIES CASUELLES
1721.
APTA
TRESOR ROYAL.
1721 .
IV
BELLO
LECTA
LABOR
COELESTIBUS
COHORS
CORONIS
ORDENATREDES GUIRRES
1721.
EXTRAORDINATRY
DES GUTRRES
1721.
VII
INTERMISSA
REDIT
MARINE.
1721.
VIRTUS
CHATEAUN
CADETAT
III
ILLA
MINIST
CHAMBRE AUX DINTERE
1721.
DOMUS
TRAT
HOSPITE
VI
BATIMENS DU ROY.
1721.
LA
PREVOTE
DE
MMP.A.DE
DE
1X
LA VILLE DE PARTS
1721-
DIGNA
VIII
EUNTI
PRÆSTAT
GALERES
1721.

DE MAR S. 2. Vol. 1722 93
4
L'ordinaire des Guerres .
Une Troupe de jeunes Lions. Legende.
Bello lecta cohors . Troupe choifie pour la
guerre.
L'Extraordinaire des Guerres .
Un Laurier. Legende. Apta Coronis
Propre àfaire des Couronnes.
La Marine.
Le Portrait du Comte de Toulouſe. Revers.
Des Abeilles qui retournent à leur
ruche. Legende. Intermiffa redit virtus . Re
tour de la vertu interrompuë.
Les Galeres .
Les Armes du Grand Prieur de France.
Revers . La Reale fur la poupe de laquelle
eft l'Amour ou l'Hymenée avec fon flambeau.
Legende. Mare præftat eunti. Il prepare
la Mer à fon paffage.
Les Armes de M. de Caftagnere , Marquis
de Chateauneuf , Confeiller d'Etat ,
Prevôt des Marchands . Revers . Les Armes
de la Ville de Paris.
L'Academio Royale des Infcriptions &
belles Lettres eft en poffeffion depuis fon"
établiffement de faire les Devifes , Legen-.
des & Infcriptions , foit pour les Monumens
publics , Médailles & Jettons , qui
font ordonnées par la Cour.
E Nons
1
24
LE MERCURE
Nous fommes obligez par la grande
abondance des matieres du temps de renvoyer
au Mercure d'April le dernier article
des Tableaux arrivez de Rome ,
ainfi que lafuite des Médailles du Roy.
SPECTACLES.
Lelôture
Es Comediens François ont fait la
clôture de leur Theâtre , qui doit être
fermé pendant trois femaines & ne s'ouvrir
que le lendemain de la Quafimodo ,
par la reprefentation de Polyeute , Trage.
die chretienne du grand Corneille , qui
eft comme confacrée depuis plus de 25.
ans à être donnée au Public ce jour- là.
Elle ne manque jamais d'attirer un trèsgrand
concours par les beautez qui font
ce beau poëme , & par la perfection du
jeu des meilleurs Acteurs , qui fe furpalfent
ordinairement , animez par une affemblée
qui eft toujours très nombreuſe.
L'Auteur de cette Piece, s'étoit attiré
la cenfure des Auteurs graves de fon temps ,
par la liberté qu'il avoit prife de faire
monter les Saints fur le Theâtre. Il a
juftifié fa conduite , non feulement par
l'autorité du critique Minturne , mais encore
DE MARS. 2. Vol. 1722. 95
*
core par les exemples d'Heinfius , de Grotius
, de Buchanan , qui ont compoſé des
Tregedies faintes. Il devoit fuivre un peu
plus religieufement , dit M. Baillet ,
ces modeles fur lefquels il dit qu'il a hazardé
Polyeucte. Quand il auroit pû obtenir
de fon efprit cet affujettiffement , pourfuit
le même Auteur , on doute que les
Critiques euffent voulu lui être auffi favorables
, qu'ils ont paru, l'être à ces Poëtes
Latins , à moins qu'il ne fe fut renfermé
dans les mêmes circonstances.
Il avoue lui-même qu'il s'eft donné des
licences que ces trois Auteurs n'ont pas
prifes , de changer l'Hiftoire en quelque
chofe , & d'y mêler des Epifodes d'inven
tion ; mais il prétend avoir eu plus de
liberté qu'eux , fous pretexte que fon fujet
n'eft pris que de l'Hiftoire Eccleſiaſtique,
qui ne peut être que l'objet d'une
croyance piense ; au lieu que la matiere
choifie par les autres eft tirée de l'Ecriture
Sainte , à laquelle nous devons une foy
Chretienne & indifpenfable , qui ne laiffe
aucune liberté d'y rien changer. Selon
M. Baillet , M. Corneille auroit bien fait
de répondre à ceux qui n'ont pas crû qu'en
qualité de Poëte même il eut le privilege
de corrompre l'efprit de Chriftianifme ,
& d'en alterer les maximes fur (on Theâtre.
* Jugemens des Sçavaus.
E ij Nonobſtant
96 ..LE MERCURE
Nonobftant le tort qu'il a eù d'en
ufer ainfi , ajoûte le même Critique , le
fuccès de la Tragedie de Polyeucte a été
très -heureux pour lui. Le Stile n'en eft
pas fi fort , ni fi majeftueux que celui de
Cinna & de Pompée , mais il a quelque
chofe de plus touchant , & les tendreffes
de l'amour humain y font un fi agréable
mêlange avec la fermeté du divin ( c'eſt
le langage de l'Auteur cité ) que fa reprefentation
fatisfait tout enfemble les devots
à la mode , & les gens du monde.
: M. Corneille dit qu'à fon gré il n'a
point fait de Piece où l'ordre du Theâtre
fut plus beau , & l'enchaînement des
Scenes mieux menagé ; l'unité d'action ,
celle du jour , & celle du lieu y ont leur
justeffe .
L'Academie Royale de Muſique a reprefenté
le Mars pour la premiere fois
la nouvelle Tragedie de Renaud , la Mufique
eft de Mr des Marefts , & le Poëme
de Mr Pellegrin . Ces deux Autheurs
ont donné des Pieces que le Public a reçûës
avec applaudiffement . Mr des Mareſts entre
plufieurs autres Opera qui lui ont fait
un grand nom , a fait la plus grande partie
d'Iphigenie en Tauride , qu'on peut met
tre entre les meilleurs , tant anciens que
modernes , & Mr Pellegrin eft Auteur de
l'Opera de Telemaque , qui ne lui a pas
fait
DE MARS. 2. Vol. 1722 .
92
fait moins d'honneur que Polydore & la
mort d'Ulyffe , que les Comediens du Roy
ont reprefentés avec fuccès.
Renaud n'a pas été auffi heureux : la
premiere reprefentation a été des plus tu
multueufes la feconde obtint beaucoup
plus d'attention & quelques applaudiffe ,
mens , cela faifoit efperer que cette Piece
fe releveroit comine tant d'autres dont les
commencemens ont été auffi équivoques ;
mais les fêtes publiques qu'on a celebrées
au fujer de l'heureufe arrivée de l'Infante
d'Espagne , ayant fait diverfion à tous
les autres Spectacles , les reprefentations
de Renaud fe font mal foutenues dans le
peu de temps qui reftoit jufqu'à la clôture
du Theâtre. Le Roy & l'Infante ont
honoré cet Opera nouveau de leur prefence
; honneur qui a été fuivi d'une
gratification de mille écus que Sa Majeſté
a donnés à l'Auteur de la Mufique . Voilà
tout ce que nous pouvons dire jufqu'à
prefent de Renaud ; c'eft à la reprise à
faire juger s'il n'a pas merité un meilleur
fort. Tout le monde convient qu'il y a
d'excellens morceaux de la part du Muficien
& du Poëte . Tels font un fonge &
une Chaconne chantante dans le fecond
Acte , un Monologue dans le quatrième
& une Paffacaille dans le cinquième . Voici
les Vers du fonge.
E iij ARMIDE .
98 LE MERCURE
ARMIDE.
Aux charmes du fommeil je me livrois à peine ››
Quand du fond des Enfers j'ay vû fortir la Haine,
L'air fombre, l'oeil farouche, elle traîne après foi
L'horreur , le carnage & l'effroy.
Suy moi, m'a t'elle dit,ta vengeance eft certaine ;
Mon flambeau brille devant
toy :
Elle part , je la fuis ; j'aperçois mon perfide :
D'une main que ma rage guide ,
Je lance un trait fatal armé contre fes jours ;
Mais belas ! ô foibleffe extrême !
Plus rapide que le trait même ,
Tout mon coeur vole à fon fecours.
On peut juger par ce morceau de Poëfie
fi l'ouvrage eft bien ou mal écrit , puifque
c'eft à peu près le même ſtyle qui regne
par- tour. Ce longe a été parfaitement bien
exprimé par le Muficien , & excellemment
chanté par Mile Antier.
Comme l'Opera de Renaud eft imprimé
, nous nous contenterons d'en donner
ici un extrait fort fuccint. Le fujer eft pris
du Taffe. Armide abandonnée par Renand
dans l'Ifle deferte où elle l'avoit tranſporté,
vint demander vengeance de cet affront
dans le camp du Soudan d'Egypte ; fa
beauté rangea tous les coeurs de fon parti .
Adrafte Roy des Indiens fut le premier
qui
DE MARS . z . Vol . 1722 . 99
qui jura la mort de Renaud ; & c'eft ce
qui a porté l'Auteur à lui donner le Commandement
de l'Armée du Soudan devant
Afcalon , ville maritime à quelques ftades
de Jerufalem.
On fuppofe qu'Adrafte avoit déja và
Armide lors qu'elle fit fes Captifs des plus
braves Guerriers de l'Armée de Godefroy.
Cela fuppofé , la Tragedie commence par
une plainte d'Adrafte fur l'abfence d Armide
; dans la feconde Scene on expoſe
que Renaud doit venir propofer la Paix à
tous ces Rois qui compofent l'Armée d'Adrafte.
Ces propofitions de Paix occafionnent
la fête du premier Acte entre des
Paftres & des Paftourelles , qui fe flattent
de jouir bien tôt d'une douce tranquillité.
Après la fête Hidraot vient dans un char
enflammé , & annonce à Adraſte qu'Armide
arrivera bien tôt , & qu'elle fecondera
leur vengeance contre leurs communs
Ennemis, & fur- tout contre Renaud , dont
le feul nom a ranimé la colere ; cela donne
lieu à un Duo de fureur entre Adrafte &
Hidraot , qui a été fort applaudi . Armide
arrive dans le fecond Acte ; Adrafte la
voyant approcher dans une espece de gondole
enchantée , traînée par des Demons
transformez en T.itons & en Nereïdes ,
fe cache pour l'entendre fans être vû , &
laiffe aux Matelots d'Afcalon le foin de la
recevoir
E iiij
¡1.00 LE MERCURE
recevoir & de chanter fa gloire dans une
fête marine.
Armide ſe prête aux hommages qu'on
lui rend ; mais ne pouvant plus long- tems
faire violence au trouble dont elle eſt agitée
, elle prie les habitans de ce rivage d'interrompre
des chants qui ne fervent qu'à
augmenter fon inquietude ; elle ordonne
en même temps aux Genies de fa fuite de
fe retirer , & de lui laiffer le foin de fa
vengeance. Elle refte feule avec fa confidente
, avec qui elle fe plaint de Renaud
d'une maniere à faire entendre qu'elle
l'aime autant qu'elle croit le haïr. Adrafte
qui a tout entendu du lieu où il s'étoit
caché , fe montre à fes yeux , il jure la
perte de Renaud , mais plutôt pour punic
Armide , que pour accepter la main de
cette Amante irritée , qui fe propoſe pour
prix à quiconque la vengera de fon infidele.
Adrafte ne peut long- temps foutenir
ce caractere de fierté ; il expoſe toute
fa foibleffe aux yeux d'Armide , qui l'engage
à la venger . Armide , feule , reflechit
fur la fituation de fon coeur ; elle ne fçait,
fi elle hait , ou fi elle aime Renaud , &
c'eft precifément dans ces inftants d'irrefolution
qu'elle voit approcher fon infidele .
Renaud furpris de voir Armide dans un
lieu où il ne s'attendoit pas de la trouver ,
veut fe retirer , Armide l'arrête , lui reproche
DE MARS . 2. Vol . 1722. 101
proche fon manque de foy , & lui declare
qu'elle en tirera raifon . Renaud fait connoître
à Idas fon confident , qu'il aime
toujours Armide . Idas le preffe d'achever
fon Ambaffade , & de partir d'un lieu où
fa gloire court tant de rifque. Renaud le
r'affure , & lui dit que quelque amour
qu'il ait pour Armide , il ne s'y abandonnera
qu'après qu'il n'aura plus rien à craindre
pour Jerufalem , ni pour fa gloire.
Dans le troifiéme Acte , Adrafte affemble
tous les Chefs de fon armée , pour
refoudre la Guerre ou la Paix. Il les invite
tous à regler leurs volontez fur celle
d'Armide , qui habillée en guerriere femble
prefider à ce Confeil. L'obéiffance que
tous ces Guerriers , Amants d'Armide
jurent à cette Princeffe , amene la fête ,
qui eft un triomphe pour la beauté dont
ils fuivent les loix. Après la fête Renaud
vient propofer la paix , Armide voyant
que la juftice des propofitions de Renaud
ébranle tous les efprits , reproche à tous
fes Amants le peu de foin qu'ils prennent
de leur gloire paffée , & le fait avec tant
de fuccès qu'ils ne refpirent plus que vengeance.
Elle profite de ce moment favo
rable pour leur demander la tête de Renaud
, & offre fa main à quiconque la lui
apportera . Renaud indigné de la fureur
d'Armide lui offre fon coeur à percer , elle
Ev en
ΤΟΣ LE MERCURE
en eft troublée , Renaud lui dit que puif
qu'elle veut bien lui laiffer des jours infortunez
, il fçaura les defendre contre
ceux qui oferont les attaquer , & fe retire
en leur difant de . fe tenir prefts pour le
combat. Armide irritée de fon orgueil
anime tous ſes Amans à l'en punir . Elle
les y engage par un ferment folemnel.
Après le ferment on vient annoncer à
Adrafte que l'ennemi s'avance ; on coure
aux armes. Il ne refte fur la Scene qu'Armide
& Hidraot. Armide paroît toure
troublée , Hidraot lui demande la caufe
de fon trouble ; Armide interdite lui dit
qu'elle craint que Renaud n'échape , &
qu'il faut qu'elle aille lui percer le coeur elle-
même; Hidraot fe défiant de la foibleffe
la veut retenir ; mais elle pourſuit ſon deffein,
malgré tout ce qu'il peut lui dire pour
l'en détourner. Renaud & Idas défarmez
commencent le quatrième Acte ; Idas reproche
à Renaud la temerité qu'il a euë de
s'expofer feul à tant d'ennemis. Renaud
lui répond , qu'il a voulu devancer Go
deffroy , & qu'il s'eft laiffé trop emporter
à l'ardeur de fon courage . Il demande à
Idas quel peut être le genereux vainqueur
qui l'a empêché de perir lorfque tant de
bras étoient levez fur lui ; Idas lui répond
que fon cafque l'a empêché de le reconnoî
tre;mais que tous lesRivaux font demeurés
immobiles
DE MARS. 1. Vol. 1722. 103
>
immobiles à fon approche. Renaud ſe perfuade
que c'eft Adrafte même qui lui a
fauvé la vie. Dans ce moment il voit approcher
Arimide , & croyant qu'elle vient
infulter à fon malheur , il lui reproche fa
barbarie ; Armide lui reproche à ſon tour
fon ingratitude , & lui apprend que c'eſt
elle qui lui a fauvé la vie.Cela met Renaud
dans l'état le plus violent où il fe foit encore
trouvé il eſt preſt à ſe jetter aux
pieds d'Armide & à lui declarer for
amour , lorfque Meliffer vient annoncer
à cette Princeffe , que tous les Rivaux de
Renaud s'approchent avec Adrafte , &
viennent lui donner la mort ; Armidepropole
à Renaud de fe fauver avec elle pat
le chemin des airs ; Renaud garde le flence
; Armide indignée veut l'abandonner
à fon mauvais fort , mais fon amour
ne pouvant lui permettre de le laiffer petir
, elle lui fait rendre fes armes & le fait
fauver ; aprés un monologue très-touchant
où Armide le plaint de l'amour qui la rend
toujours malheureufe , Hidraot vient annoncer
à Armide que tout eft perdu , que
Godeffroy vient de les attaquer , que le
Ciel même est du parti de leurs ennemis ,
& que la foudre venge un parjure dont
elle eft fenle coupable. Armide évoque
les demons pour oppofer les Enfers au
Ciel , ce qui fait la fête de ce quatrième
Evi
Acte.
104 LE MERCURE
*
Acte. Armide leur ordonne de faire perir
Renaud ; ils lui répondent qu'ils font enchaînez
par d'invifibles fers , & s'abiment
après lui avoir dit qu'elle doit trembler
à fon tour , & fléchir fous le pouvoir
fuprême qui les fait rentrer dans les Enfers
malgré eux. Hidraot reproche à Armide
fa foibleffe pour Renaud ; il la
quitte en lui declarant qu'il va donner la
mort à ce Prince , ou perir lui- même. Armide
veut l'arrêter , mais inutilement. Le
cinquiéme Acte commence par une espece
d'égarement d'Armide qui ne fçait où aller
, le bruit du tonnerre & les cris des
Sarrafins effrayez redoublent la terreur ;
Adrafte bleffé à mort , vient lui annoncer
que ce même Renaud qui lui a porté un
coup mortel , en deſtine autant à Hidraot
ardent à le venger ; il meurt. Armide fe
reproche tout ce qu'elle a fait en faveur de
Renaud. Elle entend un bruit de victoire ,
elle veut fe tuer , pour ne pas tomber au
pouvoir du vainqueur ; Renaud lui retient
le bras, & lui declare enfin qu'il l'aime. Cette
fin eft précisément traitée comme dans
le Taffe. La Tragedie finit par une fête
éclatante que les Génies d'Armide viennent
celebrer par fes ordres.
Après fept Reprefentations de cet Opera,
on a repris Phaëton , qu'on a joué le 20
& le 21 pour la clôture du Theâtre.
Le
1
DE MARS. 2. Vol. 1722. 109
Le produit de cette derniere Reprefentation
eft donné aux Acteurs pour leur
Capitation , fuivant l'ufage ordinaire.
La vie est un fonge , avec la petite
Comedie d'Edipe travesti , font les Piéces
que les Comediens Italiens ont repreſen
tées pour la clôture de leur Theâtre.
AAAAAAAAAAA
NOUVELLES E'TRANGERES.
De Conftantinople , ce 28 Janvier 17220
Emo Baîle de la République de
M. Venife a obtenu du Grand Seigneur
une Audience favorable : on lui a declaré
qu'on n'avoit aucun deffein de rompre la
Paix , & que le Traité de Paffarowits fe-
Foit toujours obfervé avec exactitude.
Malgré ces affurances , le Miniftre Venitien
n'a pû ſe calmer , il est toujours allarmé
par la démarche du Grand Vifit , qui
par les ordres du Grand Seigneur continue.
les preparatifs de guerre commencés . Divers
corps de Troupes ont déja pris leur
route vers l'Albanie & laDalmatie. La flotte
qui s'affemble dans le Canal fera composée
de trente Sultanes , de quinze Frégates &
de vingt-fix Galeres , fans compter un très
grand nombre de Bâtimens qui ont été le
106 MERCURE LE
vés par deux compagnies de Marchands
établis dans les Illes de l'Archipel.
L
De Mofcon le 17 Fevrier 1722 .
E College des Conſeillers d'Etat a été
entierement fupprimé , & celui des revifions
a été reformé; ce dernier n'aura déſormais
que le nom d'un Bureau , & ne fera
compofé que de cinqDéputés du Sénat; dés
qu'on aura celebré les actions de graces
pour la Paix.fignée à Nyftadt , le Czar ira
prendre les eaux à Olonits , & le jour en
eft fixé au 15 de Fevrier . Sa Majesté Czarienne
toujours attentive à remplir les devoirs
effentiels d'un parfait Monarque , a
fixé un jour d'Audience par femaine qu'Elle
accordera fans préférence à tous fes Sujets
; Elle y écoutera leurs plaintes & leur
fera rendre une exacte juftice . Cette bonté
fi rare dans un Potentat a trouvé dans toute
la Ruffie les applaudiffemens qu'elle me
ritoit. On compte que le Voyage de Sa
Majefté Czarienne dans la Province d'Aftracan
ne fe fera pas cette année . On a pu
blié une Ordonnance qui contient le détail
des titres que le Czar prend aujourd'hui &
dont il veut qu'on fe ferve dorénavant dans
tous les Etats pour intituler les Edits , Declarations
& Ordonnances , les Sentences
des Jurifdictions & les Palleports qui ſeon
expediées en fon nom. De
DE MARS. 2. Vol . 1721. 107
De Stokolm , ce 26 Fevrier 1722.
Na appris par des Lettres de Gottembourg
que le Roi y étoit arrivé ,
& que Sa Majefté devoit bien - tôt paffer
dans la Gothie Meridionale pour vifiter
cette Province. M. de Silnergielm Major
General de fes Troupes, doit lui donner une
Chaffe extraordinaire dans une Terre qu'il
a auprés de Jonckoping. Les maladies que
le vent du Sud a caufées en ce Pays , ne
font pas encore ceffées : des maladies particulieres
aux beftiaux en ont fait mourir
une quantité prodigieufe dans la Scanie
dans le Sconem & dans le Blekin.
Le Major General de Loben Commandant
en Chef dans le Duché de Finlande a
écrit à la Cour qu'il avoit reçû au nom du
Roy le nouveau ferment de fidelité des
Etats affemblés à Abo , & qu'il en avoit'
obtenu une fomme confiderable pour réparer
les Fortifications de la Ville & de la Ci-'
tadelle. On écrit de Vibourg que le Czar
y a fait remettre les cinq cens mille Rifdales
qu'il doit fournir à la Suede pour le
payement des deux millions de Rifdales
mentionnés à l'Article V du Traité de
Nyſtadt.
De
108 LE MERCURE
LE
De Vienne.
E premier Fevrier leurs Majeftés Impériales
tinrentChapelle publique dans
la Maiſon Profeffe des R. Peres Jéluites,où
l'on cominença les Prieres de Quarante
heures. Le 20 l'Empereur tint Conſeil le
matin, & l'après - midi donna audience aux
Miniftres Etrangers. Le 24 l'Empereur accompagné
des Chevaliers de la Toifon d'Or
en habits de cérémonie , fe rendit à la Chapelle
du Palais où il donna le Cordon de
P'Ordre au Comte de Galbes arrivé depuis
peu du Royaume de Naples. Le Reglement
qui a été publié depuis peu pour les poftes
commencera à être executé au 17 Avril
prochain , & perfonne ne fera exempt de
payer les Ports des Lettres que le Chancelier
& les Confeillers d'Etat, on a envoyé
depuis quelques jours de nouveaux ordres
en Hongrie pour y faire des Magaſins , &
on croit que l'Empereur fera obligé d'y faire
paffer encore des Troupes au Printemps.
prochain. On a depêché à tous les Minif
tres de l'Empereur dans les Cours Etrangeres
, des copies des Actes de la Chancellerie
Imperiale qui ont rapport à l'affaire du
Duc de Meckelbourg , pour inftruire les
Puiffances de la conduite de l'Empereur à
l'égard de ce Prince
On
DE MARS . 2. Vol . 1722 . 109
On écrit de Hambourg que le Comte
de Meiſch Miniftre Plenipotentiaire de
l'Empereur auprès des Souverains de la
Baffe Saxe y eft arrivé depuis quelques
jours , & qu'il a fait dire aux Magiftrats
qu'il fe contentoit de l'Hôtel du feu Baron
de Gortz pour la demeure , pour celle des
Miniftres de l'Empereur qui lui fuccederoient
, pourvû que les Magiftrats vouluffent
l'acheter des heritiers du deffunt &
l'affranchir à perpetuité de la Jurifdiction
de la Ville de Hambourg ; on croit que
cette propofition fera acceptée , quoiqu'on
en prévoye la confequence.
L
De Londres le 13 Mars 1722.
E 4 Mars Juf Coggia Envoyé du Roy
de Tunis fut conduit à l'Audience du
Roy par le Lord Carteret Secretaire d'Etat :
trois chevaux barbes richement harnachés
fe faifoient diftinguer parmi les prefens
qu'il prefenta à Sa Majefté ; on les mena
le foir dans les Ecuries de Kinfingthon.
Suivant l'état des Vaiffeaux Anglois que
les Pirates ont pris , brûlés ou coulés à fond
depuis cinq années , tant fur la côte d'Afrique
que dans les Mers de l'Amerique , il
paroift que l'Angleterre en a perdu pendant
ce temps cent trente fix, ce qui a determiné
Sa Majefté Britannique à faire armer fix
Vaiffeaux
110 LE MERCURE
Vaiffeaux de guerre pour donner la chaſſe
aux Forbans , & pour rétablir fur ces côtes
Ja feureté du Commerce que leurs courles
affoibliffent. On dit que les ordres circulaires
pour l'Election d'un nouveau Parlement
feront dattés du 17 Mars , & que le
Royfe rendra le même jour à Weſtminſter
pour caffer l'ancien . La Chambre des
Communes a paffé le Bill pour prévenir le
Commerce clandeftin des Marchandiſes de
contrebande : celui qui regle les précautions
contre le mal contagieux : un autre
pour autorifer les Directeurs de la Compa
gnie de la Mer du Sud a difpofer des Effets
qu'ils ont entre leurs mains par Loterie
ou par Soufcriptions : un quatrième pour
prolonger le terme qui a été donné à cette
Compagnie pour vendre les biens failis &
confifqués fur les anciens Directeurs : tous
les Bills ont été envoyés fuivant la Coutu
me à la Chambre des Pairs qui les doivent
éxaminer avant la diffolution du Parle
ment. On a commencé dans les Bureaux
de Whitehall le payement des fix mois de
paye qui font dûs aux Officiers de terre &
de mer;quant aux autres dettes de l'Etat on
ne parle pas encore de les acquitter.
De Lisbonné , le 14 Fevrier 1722 .
E 2 Fevier , fête de la Purification de
la La fainte Vierge , leurs Majeftez tinrent
Chapelle
DE MARS. 2. Vol . 1722 . III
Chapelle publique dans l'Eglife Patriar
chale , où elles affifterent à la Benediction
des Cierges , à la grande Meffe & à la prédication
: le même jour aprés midy , le Roy
accompagné des Infans Don François &
Don Antoine fes freres , partit de cette
Ville , pour fe rendre à Salvatierra , dont la
Reine prit la route le lendemain avec les
Infans les fils. Sa Majefté Portugaise a eu
dans ce Château une legere indifpofition ,
qui n'a pas duré ; fa fanté eft parfaitement
rétablie , & elle prend chaque jour fur les
montagnes voifines le divertiffement de la
Chaffe.
De Madrid le 4 Mars 1722.
LE
EURS Majeftez Catholiques accompa
gnées dans un même Caroffe du Prince
& de la Princeffe des Afturies , & fuivies
des Gardes du Corps , allerent en cortege
le 17 Fevrier vers les quatre heures aprés
midi à l'Eglife de Notre-Dame d'Atocha
où le Te Deum fut chanté en actions de
graces de l'heureux rétabliſſement de la
fanté de la Princeffe. Tous les Grands du
Royaume , les principaux Officiers des
Mailons Royales , & de celles du Prince
& de la Princeffe des Afturies , fe trouverent
dans cette Marche pompeufe , & y
occuperent les places qui leur font defti
nées
112
LE MERCURE
nées par le Ceremonial. On avoit tapiffé &
ornéextraordinairement toutes les rues qui
conduisent à cette Eglife Gituée prefque hors
de la Ville. On avoit paré de feſtons & de
guirlandes toutes les fontaines & leurs ftaues
de marbre. Rien n'étoit plus fuperbe
que la décoration de la rue des Orfevres ,
dont toutes les maifons étoient couvertes
de brocard & d'étoffes d'or & d'argent , re
hauffées de pierres précieufes & de perles .
LesRégimens des GardesEfpagnoles & Wa-
Jonnes fous les armes , & leurs Officiers à
leur tête , formoient une double haye , qui
retenoit à peine une foule prodigieufe de
peuple empreffé pour voir la Princeffe des
Afturies. Les acclamations redoublées ne
cefferent que quand leurs Majeſtez Catholiques
furent entrées dans l'Eglife ; les
mêmes acclamations les fuivirent dans
leur retour au Palais. On avoit illuminé
avec profufion la grande place & les deux
Pavillons qui terminent le grand corps de
Bâtiment qui fait face à toute fa largeur.
Cette illumination montoit à plus de trois
mille flambeaux de cire blanche. Dès que
leurs Majeftez furent arrivées au Palais ,
elles fe placerent avec le Prince & la Princeffe
des Afturies fur le balcon de leur
grand Apartement. On commença auffitôt
une espece de Caroufel compofé de
quarante-huit Seigneurs Efpagnols montez
DE MARS , 1722. 2 Vol . 113
tez fur des Genets richement harnachez ,
& divifez en trois Quadrilles differenciées
par les couleurs de leurs habits & de leurs
plumes . Leurs Majeftez Catholiques furent
infiniment fatisfaites de l'adreffe & de la
bonne grace de ces Cavaliers, Aprés leurs
courſes on repréfenta un combat naval for
mé par des Galeres , leurs Amirantes &
leurs Capitanes qui étoient des corps d'arti
fice,furent parfaitement executez , ce ſpectacle
ingenieux & magnifique fut terminé par
un artifice également fingulier , c'étoit
deux arbres de feu qui parurent allumez
pendant prés d'un quart d'heure. Toute la
Ville fe fignala par des illuminations , des
feux , des feftins & des danfes qui ne finirent
que le lendemain au jour.
Le 23 Fevrier , les Députez de l'Academie
Royalle Efpagnole allerent au Palais ·
complimenter le Prince & la Princeffe des
Afturies fur leur mariage , & ils eurent
l'honneur de leur baifer la main .
Le 24 , fefte de S. Mathias , on celebra
une grande Meffe folennelle dans la Chapelle
du Palais , où leurs Majeftez Catholiques
, accompagnées du Prince , de la
Princeffe des Afturies & des Infans , affifterent
avec un grand concours de Grands,
& de Seigneurs Eſpagnols.
De
114. LE MERCURE
De Rome , ce 25 Fevrier 1722 .
E Fevrier , le Cardinal Ottoboni
LVice-Chancelier de l'Eglife , tint Cha
pelle dans fon Eglife Titulaire de Saint
Laurent in Damaſo , où il y eut expoſition
du Saint Sacrement ; après le Service il
regala chez lui magnifiquement onze Cardinaux
invités .
L'Ambaſſadeur de Portugal a donné un
bal où il ne ſe trouva que les Princeſſes ;
les autres Dames ne s'y trouverent pas ,
pour fe venger de ce qu'il avoit oublié de
les inviter à la fête qu'il donna il y a quel
ques mois. L'Ambaffadeur de Venife qui
n'a pas manqué de memoire pour elles ,
les a toujours vues accourir avec einpreſfement
à toutes les fêtes qu'il a données,
où le Chevalier de Saint George & la
Princeffe Sobieska fon époufe , ont reçu
des honneurs extraordinaires , quoique
mafqués .
·
Le 17 Fevrier, le Pape envoya à M. le
Duc de Guadagnola fon neveu & à fa nouvelle
époufe un prefent de vingt baffins
garnis de toutes fortes de gibier , de fruits
& de confitures , avec un fervice complet
de porcelaine des Indes. La Ducheffe de
Guadagnola a charmé toutes les Dames
de Rome par l'attention polie qu'elle a
euë
DE MARS . 2. Vol . 1722. ILS
euë de prendre toujours chez elle la der
niere place dans les vifites qu'elle a reçuës.
On pretend que le Pape lui avoit recommandé
ce ceremonial.
De Turin , le 20 Feurier 1722.
N fe prepare icy en diligence pour y
recevoir la Princeffe Palatine de
Sutflback , future époufe du Prince de
Piemont ; elle doit arriver le 15 Mars.
Le Roy de Sardaigne a deſtiné une fomme
de deux millions pour les frais du mariage.
La Cour ira au-devant de la Princeffe jutqu'à
Verceil. Le Marquis de Coudre a été
nommé Grand - Maître de la Maifon du
Prince de Piémont ; le Comte de Borghy
Soû-Gouverneur du Prince , a été declaré
Chevalier d'Honneur de la Princeffe ; &
le Comte de Maffel qui a été nommé fon
premier Ecuyer , aura fous lui deux Sous-
Ecuyers & huit Gentilshommes.
Le 14 Fevrier , M. Molefwroth , Envoyé
Extraordinaire du Roy d'Angleterre
en cette Cour , eut audience publique du
Roy , de la Reine , & de la Ducheffe
Douairiere de Savoye , y ayant été conduit
par le Comte d'Harcourt & le Marquis,
d'Angrome Grand Maître des Ceremonies.
Le lendemain il eut audience du Prince
de Piémont , & l'aprés -midy il alla rendre
vifite
116 LE MERCURE
vifite aux Princeffes de Carignan . La Prin
ceffe Louiſe Philbert de Savoye , foeur du
Prince Eugene , qui s'eft retirée dans un
Convent , à qui cer Envoyé vouloit rendre
une pareille viſite le même jour , le fit
prier de la differer , & de la lui rendre
fans ceremonie.
CHARGES ET DIGNITEZ
des Pays Etrangers.
MOSCO U.
M.Jagofinski a obtenu de S. M. Cz. Mila Charge de Lieutenant General ,
vacante par le decès du Prince Gallicfin .
il a auffi obtenu celle de Fifcal ou Procureur
General du Senat.
VIENNE.
M. le Comte Michel Venceflas d'Althan
, Confeiller au Confeil d'Etat , a obtenu
de l'Empereur la place de Confeiller
au Confeil des Finances , qui vaquoit par
le decés du Comte de Mickofck .
Don Antoine Cartaldi a obtenu del Empereur
le titre de Comte de l'Empire , en
confideration de fes fervices , & de ceux
qui ont été rendus à la Maiſon d'Autriche
par fes ancêtres ; un Jean Cartaldi

étoit
DE MARS . 2. Vol. 1722.
117
étoit General Commandant en Italie , fous
le Regne de l'Empereur Charles -Quint.
M. Jean Ferdinand , Baron de Morell
& de Sonnemberg, Confeiller de la Chambre
Aulique , & Directeur de la Banque
a obtenu de l'Empereur le 24 Fevrier le
Titre de Comte de l'Empire.
M. François-Jofeph Comte de Tfchernin
& de Chicudenitz , l'un des Chambellans
de l'Empereur , Affeffeur Provincial
, Echanfon hereditaire , Lieutenant
Royal & Juge Supreme des Fiefs du
Royaume de Boheme , a obtenu le 25 Fevrier
une place de Confeiller d'Etat.
ROME.
Le R. P. Jean- Baptifte Grimaldi Jeſuite ,
a obtenu la place de Recteur du College
Hongrois , vacante par la mort du R. P.
Spinola.
LONDRES.
Le Docteur Richard Manning , Medecin
celebre de la Ville de Londres , a été
honoré le premier Mars du Titre de Chevalier.
Le Lord Hinkinbrook a été nommé
par le Roy à la Lieutenance de Roy du
Comté de Hintingdon .
M. Coniers d'Arcy a obtenu de Sa
Majefté Britanique la Charge de Lieutenant
Garde des Regiſtres du Nord Riding
F du
118
LE MERCURE
du Comté d'Yorck , qui vaquoit par
mort du Comte d'Holderneff.
M. le Duc de Bolton a été élu unaninement
pour Juge Affeffeur par le Maire
& les Magiftrats de la Communauté de
Saint Yves en Cornuailles.
MORTS , MARIAGES ET BAPTEMES
des Pays Eirangers.
E Prince Gallicfin Lieutenant General
du Senat , & Colonel du Regiment
des Gardes de Simonofski , eſt mort à
Moscou le premier du mois de Fevrier.
M. Emblaniti , Evêque de Belcaftro ,
dans le Royaume de Naples , eft mort
dans fon Evêché au mois de Fevrier , âgé
de quatre- vingt- cinq années .
M. Charles - Jofeph Comte de Limbourg-
Stirum , Sergent Major du Regiment
des Cuiraffiers de Palfi , a épouſé à
Vienne le 22 Fevrier Marie-Thereſe Comteffe
de Klegonits , Dame du Palais de
l'Imperatrice Amelie ; leurs Majeftez Im .
periales , l'Imperatrice Amelie , & les At-.
chiducheffes affifterent à cette ceremonie
qui fut faite par M. l'Evêque de Vienne.'
Madame Anne- Catherine , Baronne de
Loé en Wiffen , Chanoineffe de Neiff &
Dame
DE MARS. 2. Vol. 1722. 119
Dame de l'Ordre de la Croifade , eft morte
à Duffeldorp le 30 Janvier dernier , &
le 26 Fevrier fuivant l'Imperatrice Amelie
, accompagnée de l'Archiduceffe fa fille,
affifla dans la Chapelle du Palais à un
fervice folemnel qui s'y fit pour le repos
de l'ame de cette Chanoineffe.
M. Ignace Bernard de Aldelburg , Confeiller
Imperial , eft mort à Vienne le 22
Fevrier.
M. Georges Mothier , Secretaire d'Ambaffade
d'Angleterre , eft mort à Vienne
en Autriche le 22 Fevrier.
Madame Anne Dorothée Arnoldige ,
époufe de M. Jean Erneft Cranz , Confeiller
de la Regence du Comte de Hanau,
& fon Envoyé à Vienne , y eft morte le
25 Fevrier.
Le premier de Fevrier le Roy & la
Reine de Portugal avec les Infants ,accompagnés
des principaux Seigneurs & Dames
de la Cour , fe rendirent chez Don Diego
Mendoca Cofte Real , Secretaire d'Etat ,
par une porte qu'on avoit ouverte exprès
dans le mur mitoyen du Palais . Leurs
Majeſtez lui firent l'honneur de tenir fa
fille fur les Fonts ; la ceremonie de ce
Baptême fut faite par le Patriarche de
Lisbone , oncle maternel de l'enfant , Leurs
Majeftez après la ceremonie entrerent dans
l'appartement de la Mere, qui fe trouva en
Fij affe's
120 LE MERCURE
aflés bonne fanté pour les recevoir , &
lui laifferent pour la fille un diamant de
grand prix.
Le premier Mars l'Infant d'Efpagne
Don Philippe reçut à Madrid le Sacrement
de Baptême dans la Chapelle du
Palais , par les mains du Cardinal Borgia,
en prefence du Roy , de la Reine ,
du
Prince & de la Princeffe des Afturies .
Le Marquis de Sainte Croix & la Ducheffe
de la Mirandole le tinrent fur les Fonts
au nom du Duc de Baviere & de la Ducheffe
de Parme ; le voile fut foutenu pendant
la ceremonie par le Marquis d'Artorga
, le Duc de Larco , le Duc de Giovenafco
, le Prince Pio , le Duc de Lezera ,
& le Marquis de Laconi. Les Ambaffadeurs
& les Grands , & trois Confeillers
de chaque Confeil ſe trouverent à cette
fête augufte & fainte.
Don François Rodrigués de Mendarofqueta
, Evêque de Siquença , eft mort
dans fon Dioceſe en Eſpagne à la fin de
Fevrier : Il avoit été Chanoine de l'Eglife
de Tolede , Prefident de la Chancellerie
Royale de Valladolid , Prefident de la
Croifade , & Gouverneur du Confeil
Royal de Caftille.
Le R. P. Jean - Baptifte Spinola Jefuite ,
eft mort à Rome le 9 Fevrier : Il étoit
pour la feconde fois Recteur du College
Hongrois ,
4
DE MARS . 2. Vol . 1722 . 121
Hongrois , & du Seminaire Romain. Son
corps fut expofé le jour fuivant dans l'Eglife
de fainte Apollinaire ; le Cardinal
de Saint Agnès , Secretaire d'Etat , frere
du défunt , affiſta dans cette Eglife à l'Office
des Morts qui fut chanté pour ie repos
de fon ame.
Le Duc de Paganica , qui avoit pris
les quatre Mineurs le Dimanche precedent
, fut ordonné Sous- Diacre à Rome
le 15 Fevrier par l'Archevêque de Fermo
fon frere , & le 16 ce Duc conduifit
Dona Fauftini Mathéi fa fille , au Palais
du Quirinal , où il fut introduit par la
porte du Jardin , là elle reçut du Pape
inême la bencdiction nuptiale avec le fils
du Duc de Poli , qui l'époula ; Sa Sainteté
mit au doigt de fa nouvelle niéce un dia
mant de mille piftoles .
JOURNAL DE PARIS.
A Piéce qu'on va lire eft de M.
Racine , fils du celebre Poëte
Tragique de ce nom. Il eft affez
fingulier qu'il fe foit ren.
contré dans la mefure & la combinaiſon
des Vers avec M. Piat , Profeffeur de Rhe-
Forique au College du Pleffis , dont nous
Fij avons
122 LE MERCURE
avons donné la traduction dans ce Volume
page 73 , à la fuite de la Piece Latine
de M. Grenan , Profeffeur de Rhetorique
au College d'Harcour , qui s'eft déja fair
connoître au Public par plufieurs difcours
Latins , & par plufieurs Piéces de Poëfies
qui lui ont acquis à jufte titre la reputation
d'Orateur & de Poëte. On nous affure
que c'eſt
par
l'ordre
de S. A. S. M.
le
Comte
de
Clermont
, que
M.
Racine
a
fait
cette
Traduction
. Le Public
fera
fans
doute
bien
aile
de
comparer
les
deux
Traductions
, qui
quoique
femblables
pour
ła matiere
& pour
la forme
, ne laiffent
pas
pas
d'avoir
leurs
differences
.
LE ZEPHYRE ET LA ROSE.
DIALOGUE.
Traduit du Latin de M. Grenan .
ZEPHYR E.
Ille de Flore , aimable Roſe ,
Qui dans nos champs à peine éclofe ,
Y ramenes le temps ferein ,
Je viens te redonner au monde ,
Reçoi mon haleine féconde ,
Aimable Rofe , ouvre top fein.
DE MARS. 2. Vol. 1722. 123
LA ROSE.
Pere de la faifon chérie ,
Toi dont l'haleine rend la vie
A tout l'Univers languiffant ,
Laiffe- moi , que viens - tu me dire ?
O Zephyre , importun Zephyre ,
Porte ailleurs ton foufle puiſſant.
ZEPHYR E.
Eh quoi tes charmantes compagnes
Hâtent par - tout dans les campagues
L'heureux moment de leur retour :
Déja chaque fleur , qui s'empreffe ,
S'accufe en fecret de pareffe ;
Et toi feule tu crains le jour ?
LA ROSE.
Helas je fçais & je déplore
La folle ambition d'éclore
Qui tourmente déja les fleurs .
Puis-je voir fans verfer des larmes
Celles qui partagent mes charmes
Ne point partager mes douleurs ?
ZEPHYRE.
La Beauté que l'Espagne envoye
Amene avec elle la joye
Que toute la France reffent
Et lorsqu'une jufte allegreſſe
"
Condamne en tous lieux la triftefle ;
Qui pleure , n'eſt point innocent.
Fiiij
LA
124 LE
MERCURE
LA ROSE.
Près de la Beauté qu'on voit croître ,
Je vois la mienne difparoître ,
Et mes honneurs s'évanouir,
Ah ! quand je ceffe d'être belle ,
Ne ferois je pas criminelle ,
Si je pouvois me réjoüir ?
ZEPHYRE.
De tes prefents qui ne s'honore ?
C'est toi qui donnes à l'Aurore
Ces doigts dont elle ouvre les Cieux.
Tes dons font chers à Venus même,
Elle te doit l'éclat fuprême
Qui la rend adorable aux Dieux.
LA ROSE.
Il est vrai que de mes largeſſes
Jadis fe vantoient les Déeffes ,
Mais ces temps heureux font paffezi
Aujourd'hui par une Mortelle
Je fuis vaincuë , & devant elle
Tous mes attraits ſont effacez.
ZEPHYRE.
Mais fi tu fers à ſa parure ?
Si pour orner fa chevelure ,
Elle te cueille de fa main !
Si par elle un jour careffée ,
Et parmi les Graces placée ,
Tu te repoſes dans ſon ſein !
LA
DE MARS. 2. Vol. 1722. 125
LA ROSE.
Quel doux efpoir !. . Oüi je m'y livṛe.
Zephyre , à ce prix je veux vivre.
Redouble ton foufle fur moi.
Mais tes fecours font inutiles ;
Elle arrive , & fes pas fertiles
Me feront éclore fans toi.
La Ville de Paris pour donner des mar
ques particulieres de la part qu'elle prend
à la joye publique , a donné un feu d'arrifice
& un bal , que le Roy a bien voulu
honorer de fa prefence.
Le ro de ce mois , les Prevôt des Marchands
, Eclevins , Procureur du Roy &
Receveur , fe rendirent à l'Hôtel de Ville
environ fur les quatre heures aprés midi ,
& quelque tems aprés M. le Gouverneur de
Paris y arrivant , precedé de fes Gardes &
Gentilshommes , Meffieurs les Prevôt des
Marchands , Echevins , & les autres
Officiers de Ville en Robbes noites
precedez des Huilliers , defcendirent jufques
au bas des degrez en dedans de la
grande Porte , & vis- à - vis le Bureau des
Huilliers , où ils le reçûrent ; après les
complimens reciproques ils l'accompagnerent
( excepté M. le Prevôt des Marchands,
qui à caufe de fes infirmitez rentra dans
le Bureau des Huiffiers ) jufques dans la -
Fv. Chambre
126: LE MERCURE
Chambre dite de la Reine , qui eft deſtinée
pour lui dans de pareilles occafions. Après
quoi ils retournerent au Greffe , où ils re- .
çurent Mrs. les Confeillers & Quartiniers ,
enfuite ils prirent leurs Robes de velours.
Et fur les fix heures du foir , Mrs. les
Magiftrats du Corps de Ville , qui avoient
été la veille inviter le Roy & l'Infante-
Reine , étant avertis que le Roy alloit arriver
, deſcendirent juſqu'au Caroffe du
Roy , ayant à leur tête M. le Gouverneur
de Paris , precedez des Huiffiers , & accompagnez
de Meffieurs les Confeillers &
Quartiniers ; ils eurent l'honneur de complimenter
Sa Majefté , ( Monfieur le
Prevôt des Marchands portant la parole. )
Le Roy étoit accompagné de Monfieur le
Duc d'Orleans Regent du Royaume , de
M. le Duc de Chartres , de M. le Duc
de Bourbon , de M. le Comte de Clermont
, de M. le Prince de Conti , de M.
le Comte de Touloufe , & de M. le Maréchal
Duc de Villeroy , Gouverneur de
Sa Majefté. Le Corps de Ville accompagna
le Roy jufques fur PEftrade devant
les croi ées de la grande Salle fous un dais
qui lui avoit été preparé.
L'Infante- Reine étant arrivée quelques
momens aprés , deux de Mrs. les Echevins
, avec Madame la Comteffe de Bethune
fille de M. le Gouverneur de Paris,
&
DE MARS . 2. Vol. 1722. 127
& Madame de Morangiere fille de M. le
Prevôt des Marchands, la reçurent à la
portiere de fon Cartoffe , Elle étoit accom
pagnée de Madame la Ducheffe de Vantadour,
Madame la Princeffe de Soubife , &
autres Dames de fa Cour. Ils la conduifirent
enfuite jufques fur l'Eftrade devant
les croitées de la grande Salle auprès du
Roy. Certe Salle étoit ornée de riches
Tapifleries très bien illuminée , & les
Vingt - quatre Violons de Sa Majesté y
jouoient les plus beaux airs de Lully.
Peu de temps aprés l'arrivée de l'Infante
Reine , le Roy donna les ordres pour tirer
le feu d'artifice ; dès qu'il fut tiré , S. M ..
fut conduite dans les Appartemens de M.
le Greffier.en chef de la Ville , & l'Infante
Reyne dans celui qui lui avoit été préparé
dans la Salle dite des Capitaines.
Le Roy & l'Infante Reine foupérent
dans leurs Appartemens à leur petit couvert,
& furent fervis par les Officiers de
S. M.
Avant le fouper du Roy , M. le Greffier
en Chef eut l'honneur de lui faire la re- ,
verence , prefenté par M. le Maréchal Duc
de Villeroy.
M. le Gouverneur de Paris & M. lcs
Prevoft des Marchands , Efchevins & autres
Officiers de Ville en robes de velours
accompagnerent toujours le Roy.
F vj Αρχές
28 LE MERCURE
Après le fouper du Roy & de l'Infante
Reine , cette Princeffe revint dans l'Appartement
du Roy , où ils attendirent que l'Eftrade
qui étoit élevée devant les croifées
de la grande Salle fut ôtée . Quand cela fut
achevé , le Roy & l'Infante Reine retournerent
dans la grande Salle , où le Roy
vêtu du même habit qu'il avoit à ſon Bal
du Louvre , ouvrit le Bal avec Mademoifelle
de Charolois , & après avoir danſé
avec Mademoiſelle de Clermont & une
autre Dame , ilfortit de l'Hôtel de Ville &
fut reconduit jufqu'à fon Carroffe par M.
le Gouverneur de Paris & M. les Prevoft
des Marchands , Efchevins , Procureur du
Roy , Greffier & Receveur , &c.
S. M. revint au Palais des Thuilleries au
bruit des acclamations continuelles de tout
le peuple qui étoit en foule dans la Place de
P'Hôtel de Ville dans toutes les rues de fon
paffage.
L'Infante Reyne entra un moment dans
le Bal , & lorfqu'elle partit pour retourner
au Louvre , Elle fut reconduite par les
deux plus anciens Efchevins avec les mêmes
cérémonies qui avoient été observées
à fon arrivée.
Le Bal fut continué fort avant dans la
les Princes , Princeffes , Seigneurs.
nuic par
& Dames qui étoient reftez .
Pendant le Souper du Roy & de l'Infante
DE MARS. 2.Vol. 1722. 129.
te Reine , & pendant le Bal on fervit des
Confitures feches , des fruits & toutes for-'
res de rafraîchiffemens aux perfonnes qui
fe trouverent dans toutes les Salles.
On fit auffs diftribuer des rafraîchiffemens
à tous les Officiers & Gardes du Roy & de
l'Infante. On fit couler fontaines de
vin dans les coins de la Place de Greve, &c.
Le bruit de plufieurs Boëtes , une décharge
des Canons rangez fur le bord de la
riviere , & un grand nombre de fufées precederent
le feu d'artifice , dont la magnificence
& le deffein répondoient parfaitement
à l'objet de cette fêre : on va enjuger.
L'EXPLICATION :
130 LE MERCURE
L'EXPLICATION
DU FEU D'ARTIFICE
Dreffé dans la Place de Grêve par ordre.
de Meffieurs Prevôt des Marchands ,
Echevins, & tiré en prefence du Roy ,
de l'Infante Reine , ☞ de toute la Cour
placée aux fenêtres de l'Hôtel de Ville.
POUR
OUR rendre cette explication plus
exacte & plus fenfible à tout le monde,
il faut fuppofer que les peuples les moins
civilifez ignorant les veritables caufes de
leur exiſtence , ont neanmoins toujours
fenti qu'ils en étoient redevables à un
principe infiniment fuperieur. Ils s'imaginoient
que les vertus , & même les paffions
avoient des Genies particuliers qui préſidoient
fur elles ; ils donnoient à ces Genies
le nom de Divinitez , & ils leur rendoient
differens cultes , pour fe les rendre
favorables. Le progrès de cet ufage a par
fucceffion de tenis introduit des fymboles
qui ont fervi à expliquer les penfées & les
intentions du peuple . C'eft ce même ufage
qui fait encore , pour ainfi dire , le langage
des Edifices publics : les Anciens l'ont
tranfmis aux Modernes , & c'eft fur les
modeles de l'Antiquité , que ceux qui ont
à traiter ces fortes de fujets , tâchent de
regler leurs idées . C'eſt
DE MARS. 2. Vol. 1722. 131
C'est donc fur ce plan confacré & refpectable
, que l'on a conçu l'idée generale
du Feu d'artifice élevé fur neuf piliers,
au fujet de la nouvelle alliance de la France
avec l'Eſpagne , & de l'heureuſe arrivée
/ à Paris de l'Infante Reine.
Tout l'édifice repréfentoit le Temple
de l'Amour heroïque & vertueux , different
de l'Amour profane , fils de Venus
Marine , qui tire fon origine de la Mer ;
c'eft le fils de la Venus Uranie , qu'on croit
être le principe des unions vertueufes , des
grands & heureux évenemens , & qui poffede
toutes les perfections , dont le flambeau
éclaire fans brûler , & dont les fleches
expriment cette éloquence victorieuſe
qui lui eft fi naturelle pour toucher
les coeurs , & les attirer à lui.
On voit cet Amour Celeſte en pied fur
un Autel , avec tous les attributs , qui ſemble
recevoir les voeux & l'encens qu'on
lui offre. C'eſt fous ce fymbole que la Ville
de Paris & toute la France rend graces au
Ciel de la double alliance , qui fait un des
plus grands & des plus heureux évenemens
de notre ficcle. On lit fur le piédeftal
de l'Amour ces mots tirez de Virgile,
OMNIA VINCIT. Il foumet tout .
Les deux devites placées à droite & à
gauche , defignoient les fuites heureufes
qu'on
8.3.2
!
LE MERCURE
qu'on doit attendre de cet Amour heroï
que. La premiere a pour corps un jeune
fep de vigne fans grape , qui entoure un
arbriffeau , & pour ame,
CRESCENT , CRESCET AMOR.
A mesure qu'ils croîtront , l'amour croîtra.
La feconde eft un Soleil qui s'élevant fur
P'horiſon répand fespremiers rayons fur un
jeune Lys-qui eft encore en bouton , avec
ces mots ,
NEC TOTUS ADHUC SE SE EXPLICAT
ARDOR.
Cet Aftre ne répand pas encore ſon ardeur
toute entiere. L'application en paroît jufte.
Pour entrer dans l'idée de la joye generale
, on avoit placé l'Inſcription fuivante
au haut de la calore du Temple ,
HILARITAS PUBLICA.
Allegreffe publique.
Comme on lit dans les Inſcriptions antiques.
On fent affez l'application de la gracieuſe
Hebé , Déeffe de la Jeuneffe , qui
occupoit la partie fuperieure du fromifpice
, fans qu'il foit neceffaire d'en remarquer
la convenance . On lifoit au bas ce
vers tiré du cinquiéme livre de l'Eneïde ,
FORMA INSIGNIS VIRIDIQUE JUVENTA
Elle eft recommandable par fa beauté , &
par la vivacité de fa grande jeuneſſe .
Ces
DE MARS . 2. Vol. 1722. 137
Ces deviles & infcriptions qui ont été
faites dans le même tems que celles des
Arcs de triomphe , font du même Auteur .
Tout l'édifice étoit feint de marbre de
diverfes couleurs , & orné de trophées ga
lans , de lacs d'Amour , de carquois , de
fleches , de guirlandes de fleurs , & de couronnes
de laurier , qui lioient la Vertu
& l'attachoient à cet Amour vertueux .
Toute la façade de l'Hôtel de Ville étoit
magnifiquement illuminée , comme elle le
fut le jour de l'arrivée de l'INFANTE
REINE , de même que les trois jours
ordonnez pour les rejouiffances publiques.
SUITE DU JOURNAL DE PARIS.
E Roy a fait conftruire à Marseille une
Galere Reale neuve , qui fut miſe à
Peau le 28 Fevrier dernier. Elle a été benite
fuivant l'ufage , & M. l'Evêque de
Marſeille en a fait lui- même la ceremonie.
Elle portera le nom de Marie comme l'ancienne
Reale.
M. d'Argenfon , Chancelier , Garde des
Sceaux de l'Ordre Royal & Militaire de
Saint Louis , & Intendant de Touraine ,
a obtenu du Roy la Charge de Lieutenant
General de Police de la Ville de Paris , fur
la démiffion volontaire de M. de Baudry
qni l'occupoit.
L'at endance
134 LE MERCURE
L'Intendance de Touraine a été donnée
par le Roy à M. Herault Maître des
Requêtes & Procureur General du Grand
Confeil, où les Lettres d'Avocat General de
M. Dauby ont été enregistrées le 20 Mars.
M. Aubourg a été rétabli dans fa Charge
de Treforier alternatif des Bâtimens du
Roy, L'Edit en a été enregistré au Parlement
le 13 de ce mois.
Monfieur le Duc d'Orleans eft tombé
malade du quinze au ſeize , & a été faigné
deux fois. Heureufement cette maladie n'a
pas duré long-temps , & la convalefcence
du Prince a calmé les inquietudes de toute
la France.
Le quinze de Mars quatriéme Dimanche
de Carême, le Roy entendit la Meffe chantée
par fa Mufique dans fa Chapelle du
Louvre , & l'après midi le R. Pere Portail
de l'Oratoire prêcha devant Sa Majeſté.
Le 20 Mars le Roy a été dîner à la
Muette , où il a pris le divertiffement de
la Chaffe. L'Infante Reine y alla l'après,
midy avec Madame la Ducheffe de Vantadour.
La Princeffe après s'être repofée fut
an Château de Madrid dans fa Caleche ,
& le Roy y fut à cheval . Une heure aprés
PInfante Reine en partit , & le Roy ne revint
à Paris que fur le foir.
Le vingt- trois Mars on a celebré à l'ordinaire
l'anniverſaire de la Reduction de
1

Paris
DE MARS. 2. Vol: 1722.
135
Paris , & le même jour le Jubilé accordé
par le nouveau Pape à fon avenement au
Pontificat , a commencé dans toutes les
Eglifes de Paris : il doit durer quinze jours,
& finir le lendemain du jour de Pâques ,
qui eft le fixième d'Avril. La Bulle en avoit
été prelentée au Roy le 21 par M. le Cardinal
de Noailles Archevêque de Paris .
Le 22 Dimanche de la Paffion le Roy
entendit la Meffe chantée par fa Mufique
dans fa Chapelle du Louvre ; l'après- midi
Sa Majefté entendit la prédication du R.
P. Portail de l'Oratoire , & fut enfuite le
promener aux Champs Elifées , accompagné
de M. le Maréchal Duc de Villeroy
fon Gouverneur.
Le 24 M. le Duc d'Offone Ambaffa
deur Extraordinaire du Roy d'Eſpagne ,
eut audience particuliere du Roy ; il yfut
conduit par M. Remond Introducteur des
Ambaffadeurs. "
Le même jour le même Introducteur
conduifit à une audience particuliere de Sa
Majefté M. le Bailly de Mefimes , Ambaffadeur
'ordinaire de la Religion de Malthe .
L'après midi le Roy accompagné de
M. le Comte de Clermont , & de M. le
Maréchal Duc de Villeroy fon Gouverneur
alla dans le Parc de Vincennes prendre
le divertiffement de la Chaffe de l'oifeau.
M. le Marquis de la Fare , & M. le
Vidame
136 LE MERCURE
Vidame de Chartres , font revenus de la
Cour d'Espagne . On dit que Sa Majesté
Catholique a demandé une Abbaye en
France pour M. l'Abbé de la Roche , fils
du Secretaire de fa Chambre , qui a figné
avec M. du Bois Secretaire du Cabinet
du Roy , l'Acte de remiſe & de reception
des deux Princeffes échangées,
Le 26 le Roy accompagné de M. le
Duc de Bourbon , & de M. le Maréchal
Duc de Villeroy fon Gouverneur , alla au
Palais Royal vifiter Monfieur le Duc d'Or
leans Regent du Royaume.
Sa Majesté a créé depuis quelques jours
cinq Charges d'Intendant des Finances , en
faveur de M. d'Ormeffon & de M. de Gaumont
Confeillers d'Etat , & Commiffaires
des Finances ; de M. de Baud y , Maitre
des Requeftes , cy- devant Lieutenant General
de Police ; de M. Pelletier de Signy,
& de M. Dodun , auffi Commiffaires des
Finances.
M. l'Abbé de Ravanes a pris féance
au Confeil en qualité de Confeiller d'Etat
d'Eglife , le z Mars.
On mande de Madrid que tous les
Confeils de cette Ville ont été reçus au
Palais le Mars , fuivant leurs rangs , &
que là ils ont eu l'honneur de baifer la
main du Roy , de la Reine , du Prince &
de la Princeffe des Afturies , qu'ils complimenterent
DE MARS 2. Vol . 1722. 137
plimenterent fur leur mariage. Le 7. le
Cardinal de Borgia adminiftra leSacrement
de Confirmation à l'Infant Don Philippes,
qui cut le Prince des Afturies pour Parrein
dans cette fainte ceremonie . Cet Infant
reçut l'habit de l'Ordre de faint Jacques
le 8. des mains de M. le Marquis
de Bedmar , Prefident du Confeil des Ördres.
Il eut pour Parrein M. le Marquis
de Sainte Croix Majordome de la Reine.
M. le Marquis de Montalegre , Sommelier
du Corps , & M. le Duc d'Arco Grand
Ecuyer du Roy , lui mirent les éperons .
Cette ceremonie fe fit dans la Chapelle
Royale , où leurs Majeftez Catholiques &
le Prince & la Princeffe des Afturies s'étoient
rendus , & ce fut en qualité de
Commandant d'Aledo que l'Infant Dom
Philippe reçut l'habit de l'Ordre de Saint
Jacques , en prefence des premiers Chevaliers
de cet Ordre , qui avoient été
avertis de la part du Roy de fe trouver
à la Chapelle Royale.
Les réjouiffances publiques & les fêtes
données à l'occafion de l'heureuſe arrivée
de l'Infante Reine à la Cour de France ,
commencerent le 8 de ce mois par le Bal
de ceremonie fans mafques , que le Roy
donna , & dont nous avons parlé dans le
premier Volume du Mercure de ce mois,
Nous
138 LE MERCURE
4
Nous avons omis de dire , en faifant la
defcription de ce magnifique & brillant
fpectacle , que la fimphonie , auffi nombreufe
qu'excellente , étoit placée dans les
amphitheâtres dreffez aux deux bouts de la
Salle.
Le Roy entra dans cette fuperbe affemblée
vers les huit heures du fair , accompagné
de Monfieur le Duc d'Orleans , du
Duc de Chartres , du Duc de Bourbon , du
Comte de Charolois , du Comte de Clermont
, du Prince de Conti , du Comte de
Toulouſe , du Maréchal Duc de Villeroy,
des principaux Officiers de Sa Maifon &
Seigneurs de fa Cour. Sa Majesté fe plaça
dans fon fauteuil an milieu de la falle : les
Princes & Princeffes du Sang affis fur des
plians , aux deux côtez du Roy , commençoient
le cercle du bal , qui étoit continué
par un très-grand nombre de Dames de la
Cour en robbes d'étoffes d'or & d'argent ,
enrichies de tout ce que la broderie & les
pierreries peuvent y ajoûter de magnificence.
Les grands Officiers de la Couronne .
& les Seigneurs de la Cour très fuperbement
habillez , furent placez fur des formes
derriere le cercle ; & les gradins dreſfez
autour dela fale étoient occupez par des
perfonnes de diftinction, également parées.
L'Infante - Reine arriva un moment
aprés le Roy , & fe plaça à la droite de
Sa
DE MARS. 2. Vol . 1722. 139
Sa Majesté , qui ayant pris Mademoiſelle
de Charolois , commença le bal par un
branle , après lequel le Roy danía plu
fieurs menuets , avec la dignité & la grace
qui accompagnent toutes les actions ; &
lorfque l'Infante- Reine fe retira, S . M. l'ac
compagna juſqu'à la porte de la falle.
Nous avons donné dans ce même premier
Volume de Mars , la defcription de
l'illumination generale des Thuilleries , &
du Feu d'artifice élevé fur le grand baffin,
du parterre , dont la décoration repreſentoit
le Mont Parnaffe , fur lequel Apollon
& les Muſes étoient placées à differentes,
hauteurs . Les deux allées qui traverſent ce,
Parterre , étoient remplies de tout l'artifice
qui devoit accompagner les jets , les
fontaines de feu & les grandes girandes,
dont tout ce grand corps étoit garni .
A fept heures du foir le Roy vint fous
le dais qui avoit été preparé fur la terraffe ;
l'Infante- Reine y accompagna S. M. & fe
plaça à la droite. Dès que le Roy parut,
tout le vafte Jardin des Thuilleries retentit
des acclamations de joye d'une multitude
prodigieufe de Peuple qui étoit ac-.
couru à cette fuperbe fête. Elle commença
par une décharge d'une grande quantité
de boëtes , & de canons placez fur le
quay des Thuilleries : on tira enſuite le
Feu d'artifice , dont l'execution répondit.

40
LE
MERCURE
à la magnificence de l'illumination . Les
cris de joye & les acclamations publiques
recommencerent après le feu , & elles ne
cefferent que lorfque le Roy fut rentré dans
fes appartemens.
&
Au milieu des fêtes qui ont été données
au Public pour celebrer l'heureuſe arrivée
de l'Infante- Reine , la principale attention
du Roy a été de rendre à Dieu de folemmelles
actions de graces de la convention
de fon Mariage avec l'Infante- Reine ,
de fa nouvelle alliance avec l'Eſpagne.
Nous avons donné dans le premier Volume
de ce mois la Lettre du Roy , au Cardinal
de Noailles Archevêque de Paris , pour
faire chanter un Te Deum folemnel dans
fon Eglite Metropolitaine le 12 de ce
mois. Le Roy s'y rendlt fur les quatre
heures après midi , accompagné par Monfieur
le Duc d'Orleans , de tous les Princes
du Sang , du Maréchal de Villeroy fon
Gouverneur , &c. S. M. étoit precedée
pendant la marche des Gardes de la Prevôté
, des Cent Suiffes le Drapeau déployé ;
les Gardes du Corps marchant à pied autour
du Carroffe .
Le Roy alla fe placer au milieu du
Choeur fur un Pric -Dieu , au- deffus duquel
étoit un Dais , après avoir été reçû
à la Porte de l'Eglife par le Chapitre , à la
rête duquel le Cardinal de Noailles le complimenta
DE MARS.2 . Vol . 1722. 141
plimenta. Les Officiers de la Couronne,
les principaux Officiers de S. M. & les
Seigneurs de la Cour s'étoient rendus à
cette augufte Ceremonie , ainfi que M. le
Garde des Sceaux de France , accompagné
de plufieurs Confeillers d'Etat & Maitres
des Requeſtes.
Le Clergé, le Parlement , la Chambre
des Comptes , la Cour des Aydes & le
Corps de Ville qui avoient été invitez de
la part du Roy par M. des Granges
Maitre des Ceremonies , y affifterent en
Robe de ceremonie & à leurs places ordinaires.
Le Cardinal de Noailles officia
Pontificalement au Te Deum qui fut chanté
au bruit d'une falve generale des canons
placez fur le quay des Thuilleries , de
ceux de l'Hôtel de Ville à la Gréve
de la Baftille.
> &
G FESTES
142 LE MERCURE
FESTES DONNE'ES
DANS LE PALAIS ROYAL
au Roy & à l'Infante Reine , par
Monfieur le Duc d'Orleans , Regent
du Royaume , le Jeudy 12 & le
Samedy 14 Mars.
M
ONSIEUR le Duc d'Orleans a
celebré avec pompe la nouvelle
celebré avec pompe
alliance de la France avec l'Eſpagne , &
l'heureufe arrivée de l'Infante Reine à
Paris.
Le Jeudy 12 Mars le Roy aprés fon
fouper le rendit au Palais Royal , pour y
commencer le Bal magnifique qui lui avoit
été preparé par les ordres de Monfieur le
Duc d'Orleans . Toutes les Cours & les
façades' du Palais Royal étoient parfaite-.
ment éclairées par un nombre infini de
flambeaux de cire blanche , de terrines &
de lampions. La façade de la place & la
terraffe fur le jardin étoient entierement illuminées
avec de grands flambeaux de.cire
blanche. Le Bal occupa les appartemens de
Monfieur le Duc d'Orleans , & de M. le
Duc de Chartres , la grande Gallerie &
d'autres pieces très vaftes qui ne pou--
voient
DE MARS . 2. Vol. 1722 . 843
voient contenir la multitude galante de
-maſques qui remplit cette nuit- là le Palais
Royal. Les rafraîchiffemens furent diftribuez
avec une telle proffifion , que l'abondance
& le goût regnerent également dans
toutes les Salles jufqu'au grand jour qui
termina la féte.
Le Roy la commença en danfant le
premier avec Mademoifelle de Charolois.
Sa Majesté avoit un habit d'étoffe d'or ,
garni de boutons de diamant . Les manches
étoient couvertes de dentelles d'or ,
& femées de perles . L'Infante Reine vint
auffi à ce Bal fuperbe. Monfieur le Duc
d'Orleans en fit les honneurs fi noblement
& fi gracieuſement , que certe nombreuſe
affemblée de masques , fouvent renouvellée
pendant cette belle nuit ; fut toujours
fatisfaite de fes manieres & de fa fête.
Le Samedy fuivant quatorze Mars , le
Palais Royal fut encore honoré par la prefence
du Roy , qui vint y voir la feconde
- fête que lui avoit confacrée Monfieur le
Duc d'Orleaus , au fujet de la double
alliance de la France & de l'Espagne . Sa
Majefté le rendit à cinq heures après midi
au Palais Royal , elle fut reçûë au bas du
grand Eſcalier par Monfieur le Duc d'Orleans
, qui la conduifit à la Salle de l'Opera
, dans la loge de Madame . Le Roy
y affifta à la reprefentation de Resand,
Gij Tragedie
$44
LE MERCURE
Tragedie en mufique , & fe plaça entre
Madame & Madame la Ducheſſe de Vantadour
, qui tenoit fur fes genoux l'Infante
Reine. Sur le dertiere de la même
Joge étoient Monſieur le Duc d'Orleans ,
M. le Maréchal Duc de Villeroy Gouverneur
de Sa Majefté , & M. le Duc de
Noailles Capitaine de fes Gardes du Corps,
actuellement de fervice. Dans la Loge
attenant étoient M. le Duc de Chartres ,
M. le Duc de Bourbon , & M. le Comte de
Clermont. Les autres principales Loges
étoient occupées par Mademoiſelle de
Chartres , Mademoiſelle de Beaujolois ,
& par d'autres Princeffes & Dames de la
Cour , toutes en habits de ceremonies.
Enfin la Salle de l'Opera fut remplie de
l'affemblée la plus aimable & la plus brillante
qu'on y ait jamais admirée .
Ce fut le même jour au foir que la fuperbe
illumination du Palais Royal & de
la Place enchapta tour Paris.
M. Openor , Ecuyer , Directeur General
des Bâtimens de Monfieur le Duc d'Orleans
, chargé de la Décoration de la Place
& du Feu d'artifice , s'eft acquité de cet
emploi au goût des connoiffeurs . Tout le
tour de la place du Palais Royal étoit décoré
d'un ordre en Boffages peint en marbre
, profilé d'une quantité prodigieufe
de lampions. On avoit dreffé aux deux -
larges
DE MARS 2. Vol. 1722. 143 *
larges avenues de la Rue S. Honoré deux
grands Arcs de triomphe d'un ordre Do
rique à double face , terminé par un Attique
, couronné des armes de France. Ces
Arcs de Triomphe , outre une infinité de
lampions rangés differemment & toujours
ingenieufement , étoient éclairés fur chacune
de leurs faces par des girandoles &
des luftres magnifiques . Aux deux côtés
de la Place depuis ces Arcs de Triomphe
jufques aux Rues Fromenteau & Saint
Thomas du Louvre , regnoient deux por
tiques foutenant deux Galeries découvertes
, dont la balustrade étoit ornée de tapis
peints en velours brodé d'or , & chargée
d'obelifques & de girandoles , garnies
d'une prodigieufe quantité de lumieres.
Ces deux galeries étoient terminées par
deux Arcs de Triomphe en retour , qui
marquoient l'entrée des rues Fromenteau-
& Saint Thomas , & qui étoient couron
nés de deux Pauillons peints en drap d'or.
Sous ces riches Pavillons on découvroit
en marbre blanc les Portraits du Roy &
de l'Infante-Reine ; le premier à droite &
le fecond à gauche. Tous les deux entourés
de guirlandes de fleurs naturelles , &
éclairés d'une maniere trés-brillante.
Entre ces deux Arcs de Triomphe fe prefentoit
la façade fervant de baze au Feu
d'artifice , du même ordre que le refte de
G iij
la
146 LE MERCURE
4
la place , avec portiques , galeries décou
vertes , tapis peints en velours garnis de
frange d'or , obelifques & girandoles de
lumieres ; le milieu de cette façade étoit
diftingué par une grande arcade foutenuë
de pilaftres , d'arriere- corps & de Caria
tides de bronze doré. Au-deffous du cintre
de l'arcade paroiffoient les armes de
France & d'Espagne accolées dans le même
Cartouche , fupporté par la Renommée
& par la Victoire , fur un fond orné
d'un tapis de velours bleu femé de fleurs
de lys d'or , & cantonné de deux cartouches
ovales , où paroiffoient les chiffres
du Roy & de l'Infante Reine. La baluſtrade
pofée fur le Portique étoit foutenue en
cet endroit par deux Tritons terminés en
gaîne , entourés de coquilles & de plantes
aquatiques.
Pendant que l'on tira le feu , ces ornemens
furent furmontés d'un grand Soleil
d'artifice , environné de rayons les plus lumineux
qui ayent jamais brillé dans de
femblables occafions . Au deffus des Armes
de France & d'Efpagne accolées , & aux
deux côtez de la Couronne Royale voltigeoit
une banderole où on lifoit en gros
caracteres dorés ces mots Latins
NATIVO JUNGUNTUR AMOREIls
font unis par l'amour du fang.
Au
DE MARS 2. Vol. 1722. 147
Au deffus de la même arcade on apper-
Icevoit dans un lointain la cime fumante
du Mont Etna , les Titans fembloient accablés
fous le poids de cette Montagne enflammée
; ce fut de là que partit le gros
artifice. Le Peuple vit couler avec joye
quatre fontaines de vin qui fortoit à gros
bouillons de quatre mafques , dont deux
étoient placez aux deux portiques de la
façade , & les deux autres au milieu des
portiques qui embelliffoient les deux côtés
de la Place.
La façade du Palais Royal étoit entiererement
illuminée par de grands flambeaux
de cire blanche. Entre fept & huit heures
du foir , le Roy après l'Opera qu'il avoit
donné à toute la Cour , fe rendit avec l'Infante
Reine , fous un dais fuperbe qu'on
avoit dreffé exprès au deffus de la grande
porte du Palais Royal ; ce dais en forme de
pavillon brodé d'or & couronné de deux
grandes aigrettes , portoit dans le bas relief
& camayeu cette légende en lettres d'or :
L'alliance de la France avec l'Espagne .
Dans le moment que le Roy parut , les
Trompettes , les Timbales , & les Hautbois
qui le faifoient entendre depuis longtemps
, redoublerent leurs fanfares éclatantes
, qui furent accompagnées des acclamations
des fpectateurs accourus à cette
G iiij
fête
148
LE MERCURE
fête pompeufe. Toute la Place garnie de
lumieres innombrables offroit à Sa Majeſte
un fpectacle des plus finguliers & des plus
brillants . Le feu d'artifice fut fervi avec
une vivacité qui ne laiffa pas linguir l'attention
des curieux. Il eft impoffible d'en
détailler avec exactitude tous les agrémens.
Plus un fpectacle occupe , moins il eft aifé
de le dépeindre . Parmi la quantité confiderable
d'artifice choifi , en remarqua
pourtant une fontaine de feu liquide qui
formoit une cafcade à doubles napes tombantes
dans un baffin en faillie . Cet artifice
extraordinaire & gracieux charma tous les
yeux qui le virent , & l'on fe figura dans
cet inftant que le Château d'eau nouvellement
conftruit dans la place du Palais
Royal , renfermoit des fources de feu .
Le Roy aplaudit fort à la varieté & au
goût du fpectacle , & s'en retourna au
Louvre très fatisfait de la fête & du Prince
qui la lui avoit offerte.
Voici des Vers qu'elle a fait naître , qui
en finiront agréablement la Relation.
Menaçans comme le tonnerre
Des rochers embrafez fe lancent vers les Cieux ,
Des feux fans nombre fur la terre ,
Formant par l'art ingenieux
Arcs triomphaux , Obelifques , Portiques ,
Montrent
DE MARS. 2. Vol. 1722 .
149
Montrent du Dieu du jour le Palais radieux :
Puitfans Dieux ! quels efforts magiques
Changent la face de ces lieux .
Bacchus s'y montre avec largefie ,
J'entends mille cris d'allegreffe.
Couronné par l'Hymen de fleurs & de lauriers ,
Mars yforme des fons auffi doux que guerriers.
Arcs orgueilleux confacrez la memoire.
D'un jour fi beau , fi plein de gloire ,
Vous apprenez à nos yeux éblouis
Que l'augufte Regent celebre cette fête
A l'honneur de VICTOIRE , à l'honneur
de LOUIS ,
Cours , vole , que rien ne t'arrête
Agile Renominée , aprens à l'Univers
Avec quelle magnificence
Le glorieux Regent celebre l'alliance
Et de l'Espagne , & de la France ,
Vite , pars , vole , fend les airs ...
7-
Tous ces jours de fêtes & de réjouiffan
ces publiques , ont été marquez par des
décharges d'artillerie repetées plufieurs
fois chaque jour , & il y a eu le foir des
feux de joye & de grandes illuminations
chez les Miniftres Etrangers , chez les
Seigneurs de la Cour , ainfi qu'à l'Hôtel
de Ville & dans toutes les rues .
G v
Defcription
150
LE MERCURE
*熱粥粥: 粥粥粥光光光弟弟粥
Defcription du Feu d'artifice & des fêtes
données par le Duc d'offone , Ambaſ~
fadeur d'Espagne Extraordinaire.
Depuis l'arrivée de l'Infante- Reine le
d'Offone Ambaffadeur Extraordiniaire
de Sa Majefté Catholique , n'a
laiffé paffer aucun jour fans donner des
marques éclatantes de fon zéle pour le
fervice du Roy fon Maitre par des fêtes
continuelles , dans lesquelles on ne fçauroit
dire fi la varieté l'emportoit fur la
magnificence , ou la magnificence fur la
varieté , à des illuminations fuperbes il a
fait fucceder des feftins , dont la profufion
des mets ne pouvoit être furpaſſée
que par leur delicateffe ; les Concerts " qui
les accompagnoient attiroient la curiofité
du Public , & raviffoient les fens par leur
melodie ; de grandes largeffes répandues.
à fa porte dans le fein des Pauvres qui s'y
prefentoient en foule , ou confiées aux
Prêtres de la Paroiffe pour être diftribuées.
en fecret à ceux qui n'ofoient pas s'y prefenter
, ont fait voir toute l'étenduë de
fa charité , & le Spectacle qu'il donna le
24 de ce mois , eft une preuve évidente
qu il ne reconnoît aucun interêt quand it
s'agit de foutenir la dignité de fon caractere.
Entre
DE MARS. 2. Vol. 1722. ISI
Entre le Pont- Neuf & le Pont - Royal,
vis-à-vis le balcon de l'Infante - Reine ,
s'élevoit du milieu de la Seine un magnifique
Temple confacré au Dieu Hymen .
Cet édifice flotant dont la hauteur approchoit
de quatre - vingts pieds , étoit
de figure quarrée à quatre faces.
dont chacune avoit plus de dix toifes de
large. Chaque face avoit une grande
arcade entre quatre colonnes d'ordre Cofinthien
de marbre bleu , ornée de feftons
de myrthes & de rofes felon l'ufage des
Anciens , qui avoient coutume de les cmployer
dans les feftins & dans les mariages.
Les chapiteaux des colonnes étoient
dorez , de même que les bafes.
Cet édifice flotant étoit élevé fur un
rocher eſcarpé , au pied duquel on appercevoit
des Tritons , des Syrennes , des Chevaux
& plufieurs autres monftres marins,
qui fembloient s'élancer du fond de la Riviere
pour prendre part à la joye publique
Au bas des colonnes regnoit autour du
Temple une balustrade à hauteur d'appui,
bordée de lumieres , ainfi que les corniches.
La plate-forme qui fervoit de toit à
l'édifice étoit furmontée par un Attique de
marbre blanc , orné à chaque face de deux
Cartouches qui renfermoient les chiffres
de l'Infante Reine , ayant fur,les quatre
angles un groupe d'Amours ,dont les uns te-
Gvj noient
152
LE MERCURE
noient des arcs & des fléches, les autres des
carquois & des flambeaux , les autres des
coeurs unis enfemble, pour marquer la parfaite
union du Roy & de l'Infante- Reine.
Au defus de chaque arcade étoit attaché
un Cartouche doré , dans lequel on
avoit mis les Chiffres du Roy & de l'Infante
Reine entrelaffez.
Les murs du Temple , qui étoient tout
tranfparens en découvroient l'interieur ,
qui étoit illuminé comme les dehors , de
forte qu'à la faveur de Fillumination que
produifoit au milieu de la nuit une infinité
de terrines & de lampions , on diſtin
guoit ailément les Figures , les Devifes &
les Infcriptions , & tous les autres ornemens
dont il étoit enrichi.
La principale face du Temple , plus décorée
que les autres , à caufe qu'elle regardoit
le balcon de l'Infante - Reine , portoit
fur le frontifpice cette Infcription Latine
dans un grand Cartouche ,
HYMENÆO VINDICI.
C'eft-à- dire : Au Dien d'Hymenée garans
de la Paix.
Aux deux côtez de cette infcription on
avoit mis dans deux autres Cartouches
deux Deviles fur le Mariage du Roy & de
' Infante- Reine. Dans l'un , c'étoit une
jeune Vigne plantée au pied d'un Ormeau, i
dont
DE MARS. 2. Vol. 1722 . 153
dont elle embraffoit le tronc avec les pampres
, & ces quatre mots pour ame ,
IN PUBLICA COMMODA
CRESCENT.
Qui fignifient que le Prince & la Princeffe
croîtront comme la Vigne & l'Ormeau pour·
le bonheur des Peuples.
Dans l'autre on avoit mis deux Orangers
chargez de feuilles & de fruits , qui entrelaffoient
leurs branches , & pour ame ce
Vers d'Horace ,
UMBRAM HOSPITALEM
CONSOCIARE AMANT.
Pour marquer que ces auguftes Eponx ,
figurez par ces deux Arbres , aſſureront par -
leur Alliance une protection durable à leurs
Sujets.
Sur la meme face l'Hymenée paroiffoir
fous la figure d'un jeune homme dans la
Aeur de fon âge , avec des cheveux blonds
& des aîles , tel qu'on le reprefente en
pareilles occafions. Il avoit près de lui un
Autel orné de fleurs. Il tenoit d'une main
deux Couronnes de myrthe attachées en
femble par deux rubans bleu & rouge ,
qu'il offroit au Roy & à l'Infante- Reine ,
avec ces mots ,
FIRMANTUR DUPLICI NEXU.
Un double rand les affermit.~
De
$54 LE MERCURE
De l'autre main il tenoit fon flambeau
allumé , avec lequel il mettoit le feu à un
monceau d'armes , près duquel la Difcorde
étoit enchaînée à l'affuft d'un canon , &
gemiffoit fous le poids de fes chaînes, pour
faire entendre que la conclufion feule de
ce futur Mariage étouffe la Guerre & affermit
la Paix en l'Europe .
Sur les angles de cette face , près la bafe
des colonnes , paroiffoient les fleuves du
Tage & de la seine , chacun appuyé fur
fon urne , & tous deux fe tendant la main
pour figne de leur reconciliation , qui eft
Peffet de l'augufte Alliance qui vient d'être
formée entre la France & l'Espagne : l'un
couronné d'une branche d'Oranger avoit
près de lui un Ecu aux Armes d'Efpagne ,
l'autre couronné de Lys , tenoit un bouclier
aux Armes de France. L'un & l'autre
étoit environné de fes Naïades.
1 Le Mariage des Rois étant ordinairement
le gage de la felicité publique , &
ayant coutume de répandre parmi les Peuples
la joye avec l'abondance 2
on avoit
rempli les autres trois faces par les figures
de la Paix , de Cerés & de Bacchus , qui en
font les fymboles naturels , & l'Hymenée
à qui ces trois Divinitez tiennent une fi
dele compagnie , n'auroit aucun agré
ment fans elles ; c'est pourquoi fur la
face du Temple qui regardoit l'Hôtel de
M
DE MARS. 2. Vol. 1722. 159
M. le Duc d'Offone , la Déeffe de la Paix
paroiffoit fous la figure d'une femme qui
avoit un air de ferenité. Elle tenoit un
rameau d'Olivier qui defigne le repos public.
A fes pieds on voyoit des petits
Amours , qui tenoient des pinceaux , des
compas , & autres inftrumens des Arts
que la Paix fait toujours fleurir .
A la face qui regardoit le Pont-Neuf,
on voyoit la Déeffe Cerés couronnée
d'épis , & tenant une corne d'Abondance.
Elle répandoit une grande abondance de
fruits que de petits Amours ramaffoient
en badinant.
L'autre face , qui regardoit le Pont
Royal , étoit occupée par le Dieu Bacchus,
dont la tête étoit ornée d'une couronne
de Lierre. D'une main il tenoit fon Thyrfe
entouré de feuilles de Vigne , & de l'autre
une coupe , dans laquelle de jeunes
Amours voltigeant en l'air , verſoient le
jus qu'ils exprimoient d'une grappe de
Raifin , & faifoient des jeux bachiques
autour de lui.
Sur le rocher qui fervoit de fondement
au Temple , paroiffoient les Tritons , dont
il a été parlé au commencement , fonnant
de leurs Conques , les autres monftres ma
rins étoient couronnez de Roſeaux , & des
Amours portez par des Dauphins , jouoient
au milieu des Eaux pour marquer le calme
profond
156 LE MERCURE
profond que l'alliance de la France & de
l'Efpagne va faire regner fur la Terre ,
comme fur les Mers .
Le Temple étoit bloqué d'un Parc for .
mé par cinquante batteaux joists enfemble
, & qui du côté du Louvre s'éten
doit depuis le bout du Jardin de la Reine,
jufqu'au fecond Guicher des Galleries du
Louvre , & du côté de l'Hôtel de M. le
Duc d'Offone , depuis l'Hôtel de Conti
jufqu'à la Ruë des Saints -Peres , de forte .
qu'ils formoient un quarré long de 120
toifes , & large de 60. Ces batteaux
étoient chargez de so Piramides hautes de
15 pieds de differentes figures , & bordez
d'une infinité de terrines , qui rangées fur
une même ligne faifoient un cordon de lumieres
étincellantes qui rendoient la furface
de la Riviere toute rouge.
Entre ce grand Parc & le Temple , il y
avoit vingt Chaloupes ou Gondoles , qui
poltées aux quatre faces de l'édifice , formoient
une espece de petit Parc, d'autant
plus brillant que les unes étoient peintes
en rouge & en jaune , & les autres en
rouge & en bleu. Il y en avait huit cou
vertes d'un Dais cramoifi à fleurs & crê
pines d'or , & femé de Châteaux , de lions
& de flammes d'or. Les autres douze portoient
chacune un maft , difpofé en torme
de piramide, garni de lanternes de verre
&
DE MARS 2. Vol . 1722. 157
& d'autres , & de la cime duquel pendoit
un Pavillon rouge , doré aux Armes d'Efpagne
; leurs poupes & leurs prouës avoient
les mêmes ornemens. Elles étoient pleines
de feux d'artifice d'une nouvelle invention,
qui fe promenoient & fe plongeoient plu
hieurs fois dans la Riviere fans s'éteindre.
On y voyoit des Balons d'eau,des Gerbes fur
des plateaux,des Soleils, de groffes Grenades
& des Fulées Royales , qui traverfant la Riviere
d'un bord du Parc à l'autre , faifoient
des jeux & des figures très -divertiffantės .
Soixante Matelots vêtus de differentes
couleurs , convenables à leur employ , &
avec des hupets faits exprés pour la fête ,
conduifoient ces Chaloupes, guidez par un
Chef qui voguoit à la tête de tous dans
un Batteau feparé. Cent Artificiers habillez
en Cyclopes tiroient de ces Chaloupes le Feu
d'artifice dont elles étoient pleines .
en
Outre l'artifice d'eau , il y avoit encore
de l'artifice d'air , qui confiftoit en Soleils
brillans , Dauphins ou Genouilleres ,
Fufées & Serpenteaux extraordinaires.
Outre les terrines , les lampions & les
pyramides dont le Temple étoit éclairé
il renfermoit une quantité prodigieufe
d'artifice , confiftant en Gerbes , en Lames,
en Pots à Feu , en Lardons , en Sauciffes
en Pluye d'Or , en Soleils tournans & en
Fixes , de forte qu'au premier fignal ' qui
fuc
158
LE MERCURE
>
fut donné , l'édifice parut tout d'un coup
un Rocher tout de feu , tandis que les
illuminations des Batteaux & des Chaloupes
qui l'environnoient
formoient un
corps de lumieres , qui multipliées par la
reverberation de l'eau, répandoient au milieu
de la nuit , un trés- grand jour aux
environs .
Ce fuperbe Spectacle commença par
Pillumination des Batteaux & des Chaloupes
, & enfuite par celle du Temple , ce
qui fut executé dans un inftant . Si - tôt
que tout fut illuminé , on fit partir plufieurs
Fufées d'honneur , qui fervirent de
fignal pour la fête. Dans le même tems
le Concert des Timbales , des Trompettes,
des Hautbois & des Baffons , fe fit entendre
de loin , & ces inftrumens divers formerent
par leurs fons éclatans autant
d'échos fur la Riviere.
Dans cet inftant M. le Duc d'Offone
monta en carroffe pour aller avertir le
Roy que l'on n'attendoit que Sa Majeſté
pour tirer le feu , & pendant ce temps - là
les quatre chaloupes remplies d'inftrumens
partirent pour aller joindre celles
qui étoient chargées de feux d'artifice ,
qu'elles amenerent prés du Temple , &
enfuite elles fe retirerent aux quatre Angles
du grand Parc , où elles refterent pour
continuer leur fimphonie. Dès que ces
Chaloupes
DE MARS 2. Vol. 1722. 159
Chaloupes furent arrivées le Roy parut au
Balcon avec l'Infante Reine , & pour lors
les Cyclopes ' commencerent entre eux uneespece
de combat par des feux d'artifice
qu'ils fe jetterent de part & d'autre , ce
qui fit un jeu très divertiffant fur l'eau.
Ceux de la Baluftrade du Temple voyant
que ces temeraires combattans s'approchoient
trop près d'un lieu confacré à une
Divinité , & craignant qu'ils ne vinffent
pour s'en rendre les maîtres , les repoufferent
vigoureuſement par un deluge de feu
qu'ils lancerent fur eux , ce qui les obligea
à fe retirer promptement. Dans le fort de
la mêlée l'Hymenée impatient de prendre
part à une fête qu'on celebroit à l'honneur
du plus grand Roy & de la plus auguſte
Princeffe de l'Univers , mit le feu avee
fon flambeau aux armes de Bellonne , &
enfuite à l'artifice du Temple , qui fe répandit
dans les airs avec un bruit terrible ,
pour faire éclater la joie jufques dans
I'Olympe .
Il n'eft pas poffible de dire quel fut le
plaifir que goûterent tous les fpectateurs
durant tout le temps de ce fpectacle : les
uns loüoient la magnificence de M. le Duc
d'Offone , les autres l'habileté des Artificiers
, & tous enſemble avoüoient qu'ils
n'avoient jamais rien vû de fi beau. Le Roy
même , quoi qu'accoutumé à ne voir que
de
160 LE MERCURE
de très grandes chofes , ne put fe difpenfer
d'applaudir à une fête fi bien difpolée &
fi bien executée .
Après que le feu du Temple fut tiré ,
la fimphonie finit le fpectacle comme elle
l'avoit commencé , en repetant des airs
à l'honneur de l'Hymenée & de la Paix ,
& le Roy fe retira fort fatisfait. M. le Duc
d'Offone, qui par une diſtinction des plus
fingulieres avoit eu l'honneur de venir
depuis les Thuilleries jufqu'au vieux Louvre
dans le Carroffe de Sa Majesté , eur
encore celui d'occuper la même place depuis
le Louvre jufqu'aux Thuilleries , où
il prit congé du Roy , & s'en retourna à
fon Hôtel , où il donna un magnifique:
fouper à une nombreuſe troupe de Dames
& de Seigneurs que la curiofité du fpectaele
y avoit attirez , & trois jours après
il partit pour Madrid , où il a eu la permiffion
d'aller pour amener Madame la
Ducheffe fa femme à Paris.
CHARGES , EMPLOIS .
M.
Gitard , Ingenieur en chef à Lille,
a été nommé Commandant du Fort
Saint Sauveur de la même place , par la
retraite de M. Bonnet.
Le
DE MARS 2. Vol . 1722. 161
Le Sr du Vignaux , cy-devant Aide-
Major de Fontatabie , a été pourvû de
l'Aide- Majorité de la Ville de Cambray ,
vacante par la mort du Sr du Verger .
Le Sr de Château neuf , Capitaine reformé
au Regiment de la Sarre , a été
pourvû de la Capitainerie des Portes de
la Citadelle de Valenciennes , vacante par
la mort du Sr Gaufy.
M. de Malefre , Lieutenant Colonel du
Regiment d'Infanterie de Conti , a été
pourvû de la Lieutenance de Roy de
Longwy , vacante par la mort de M. de
Libertas.
Le St Dugilas , Lieutenant de Grenadiers
au Regiment d'Anjou , a été pourvû
de la Capitainerie des Portes du neuf
Brifack , vacante par la mort du Sr de
Pons.
Le Sr du Villars , Capitaine reformé d'Infanterie
, a été pourvû de la Capitainerie
des Portes de Mont- Louis , vacante par
la retraite du Sr la Barthe.
Le Commandement du vieux Château
-de Bayonne a été donné à M. de Bonnaire,
Major du Château - neuf de Bayonne ; ladite
Charge vacante par le changement
du Sr Pinfun , qui en étoit pourvû , à la
Lieutenance de Roy de la Citadelle de
Bayonne.
La Majorité du Château - neuf de Bayonne
,
:162 LE MERCURE
ne, à M. Castaing , Capitaine au, Regiment
de Bourbonnois.
2
MORTS DE FRANCE.
Ame Marie - Marguerite Baſins de
DBefons, époufe de Meffire Jean Claude
de Laftie, Marquis de Saint-Jal , Vicomte
de Beaumont , Seigneur de Chamboulive
, Gabriac , & autres lieux , Meſtre de
Camp de Cavalerie , deceda le 22 Mars
âgée de 23 ans.
Meffire Denis de la Haye Vantelay
Chevalier , Seigneur de Saint- Briffon , la
Bouffelle , & autres lieux , eft mort le 2 2
de ce mois , en fon Château à Charly fur
Marne , âgé de quatre- vingts-ſeize ans &
cinq mois. Il avoit fervi en qualité ď’Ambaffadeur
du Roy pendant quarante années.
Il avoit fuccedé à Meffire Jean de la Haye
fon pere , qui avoit été Ambaffadeur à la
Porte pendant vingt - deux ans , où le
défunt avoit été aulli en cette qualité pendant
dix ans. Il fut de là Envoyé extraordinaire
en Baviere , à la place du Duc de
Vitry , où il avoit fervi douze ans. Pendant
qu'il fut à Munick , le mariage de Monfeigneur
le Dauphin avec Madame la Princelle
de Baviere fut conclu . M le Marquis
de Croiffy , frere de M. Colbert , fut envoyé
DE MARS 2. Vol . 1722. 163
voyé pour cet effet à Munick , où M.de
la Haye ne contribua pas peu de fes confeils
à la conclufion de ce mariage . De
Munick , le Roy Louis XIV de glorieuſe
memoire , l'envoya fon Ambaſſadeur à Venife
, & aprés y avoir été dixhuit ans
à caufe de fon grand âge, il fupplia le Roy
de le rappeller ; ce que Sa Majesté lui
accorda : il revint en France. Il s'eft acquité
de tous ces emplois avec beaucoup
de zele , de capacité , d'integrité , & un
tres-grand defintereffement.
Le 23 Mars , Meffire Charles d'Hervilly
, Seigneur de Devife , Lieutenant de
Roy des Ville & Château de Ham , eft
mort au Château de l'Echelle en Picardie,
âgé d'environ 75 ans . Il avoit époulé en
premieres noces Demoiſelle Anne de
Brouilly , & en fecondes noces Demoiſelle
Elifabeth-Françoiſe de Bourgongne , Dame
de Mautour , belle- foeur de M. Moreau
de Mautour , Auditeur des Comptes
Academicien de l'Academie Royale des
Infcriptions & Belles Lettres.
Meffire François Robert , Prêtre , Docteur
de Sorbonne , Sous- Doyen de la
Grand- Chambre , Abbé de Paimpont ,
eft mort à Paris le 26 de ce mois , âgé de
85.ans.
MARIAGES.
164 LE MERCURE
M
MARIAGES.
-
Effire Ifidore Marie Lotin , Chevalier
, Marquis de Charny , Châtelain
de Chauny , &c. a époufé le cinquiéme
de ce mois Marie Olimpe Dubiés.
La Maiſon de Charny eft fort ancienne
& diftinguée, elle compte au nombre de fas
ancêtres Geoffroy de Charny , Gouverneur
de la Ville de Saint Omer , dont les Hiſtoriens
deFrance celebrent les grandes actions
Tous Philippe de Valois en 1340 , qui
étoit frere de Jean de Charny , Chevalier
, & un des quatre Maîtres des Requêtes
de 1 Hôtel du Roy Charles cinquiéme
, en 1364.
Depuis cette Mailon a rempli fucceffivement
& jufqu'à prefent des places
confiderables dans l'épée & dans la robbe,
& s'eft toujours alliée avec diſtinction :
Il eft fils de Meffire Nicolas - François
Lotin , Chevalier , Marquis de Charny ,
& de Saint Pere- avy , Châtelain de Chauny
, & Preſident de la Cour des Aydes ;
& de Louiſe Larcher , dont la Maiſon eſt
affez connue depuis très long-temps.
Mademoiſelle Dubiés eft fille de Meffire
Antoine Oudart , Chevalier , Marquis
Dubiés , de Savigny , Herculés , &c . Maréchal
des Camps & Armées du Roy ; &
de
DE MARS. 2. Vol. 1722. 165
de Charlotte Defmoutiers de Merinville.
On n'ignore pas l'ancienneté & l'illuftration
de la Mailon Dubiés , & qu'Oudart ,
Seigneur Dubiés , Chambellan du Roy-
François premier , Capitaine de la Ville
de Boulogne , Senéchal & Gouverneur du
Boulonnois , & Chevalier de l'Ordre de
Saint Michel , étoit Maréchal de France
en 1543.
La Maiſon Defmoutiers de Merinville
eft auffi très ancienne & illuftre par ellemême
, & par les plus grandes Maiſons
où elle s'eft alliée.
Scipion - Louis - Joſeph de la Garde ,
Marquis de Chambonas , fils unique , par
la mort de fon frere Meftre de Camp
d'un Regiment de Cavalerie , du Comte
de Chambonas , Lieutenant de Roy & Ba
ron des Etats de Languedoc , d'une des
plus illuftres Maifons de cette Province ,
& de Marie-Charlotte de Fontanges , heritiere
de l'illuftre Maifon de Fontanges ,
époufa le 22 de ce mois dans la Chapelle
du Château de l'Arfenal , Claire- Marie ,
née Princeffe de Ligne & du Saint Empire,
fille de Hyacinthe né Prince de Ligne &
du Saint Empire , Marquis de Mouy ,
dont l'illuftre Maiſon eft affés connue dans
toute l'Europe.
H ARRESTS
166 LE MERCURE
ARRESTS , LETTRES PATENTES
Declarations.
RREST du Mars 1722. qui ordonne
Aque les declarations faites par les Receveurs
des Confignations au profit de ceux
aufquels il appartient des fommes dans les
Contrats des rentes conftituées fous les noms
defdits Receveurs fur l'Hôtel de Ville de Paris
, en confequence de la Declaration du 24
Juin 1721. feront controllées au Controlle
des Actes des Notaires , fans que pour raiſon
dudit droit de Controlle il foit perçu aucus
droit.
ARREST du 14 Mars , qui permet aux
Negocians de Marfeille de faire fortir leurs
Vaiffeaux deftinez pour les Ports d'Italie.
Le Ray eftant informé que depuis la ceffation
du mal contagieux à Marſeille , & attendu
le bon eftar des autres lieux de la Provence
qui en ont efte cy devant infectez , où la fanté
acheve de fe rétablir de jour en jour , l'on
eft difpofé dans les differens Ports d'Italie à
recevoir les Bâtimens venans de Marfeille avec
leurs Cargaifons de marchandifes du pays , &
aurres du Commerce de ladite Ville ; Sa Majefté
n'eftimant pas convenable de faire executer
plus long temps l'Arreft de fon Confeil du 22
Fevrier 1721. qui deffend ce Commerce ,
des motifs qui heureuſement ne fubfiftent plus
aujourd'huy ; & ne voulant pas differer plus.
long-temps de procurer , autant qu'il eft en
Elle , le foulagement de fes Sujets de ladite
par
Ville
DE MAR S 2. Vol. 1722. 167
Ville & pays , par le rétabliſſement d'un Commerco
dont ils ont efté privez fi long - temps ;
Oui le Rapport du Sieur Le Pelletier de la
Houffaye , Confeiller d'Eftat ordinaire & au
Confeil de Regence , Controlleur General des
Finances. LE ROY ESTANT EN SON
CONSEIL , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a permis & permet aux
Negocians de ladite Ville de Marfeille , de
charger & faire fortir leurs Vaiffeaux deftinez
pour les Ports d'Italie , comme ils ont fait
cy-devant , en fe conformant aux Ordonnances
& Reglemens rendus fur le fait du Commerce
& Navigation , &c.
DECLARATION du Roy du 14 Mars 1722 ,
Regifrée au Parlement , concernant les Marchandifes
des Celonies Françoifes , qui ordonne
que l'Article XXVI , des Lettres Patentes du
mois d'Avril 1717 , foit executé felon fa forme
& teneur , & en confequence , que les Maitres
des Bâtimens revenans des Ifles & Colonies
Françoifes , foient tenus de reprefenter à leur
arrivée en France un état figné & certifié des
Commis du Domaine d'Occident , des Marchandifes
qu'ils auront chargées aufdites Illes
& colonies. Ordonnons que faute par lefdits
Maistres de remettre dans les vingt - quatre heures
de leur arrivée dans les Ports de France
aux Commis des Bureaux de nos Fermes ledit
état de chargement , ou faute de rapporter les
Marchandifes conformes audit état , fuivant la
verification qui en fera faite par lefdits Commis
, ils foient reputez avoir fait Commerce
des Marchandifes defdites Ifles avec l'Etranger ,
& en confequence que les Vaiffeaux & Marchandifes
foient confifquez , les Proprietaires defdites
Marchandifes & les Capitaines & Maiſtres
Hij defdi.s
168
LE MERCURE
defdits Bâtimens condamnez folidairement ed
l'amende de mille livres , & autres peines portées
par ledit Article XXVI , &c .
ARREST do 17 Mars , qui proroge jufqu'au
de nier Juin prochain le delay posté par
l'Arreft du 9 Decembre dernier , pour la
continuation de la recette des especes & matieres
d'or & d'argent par les Changeurs , fans
déduction d'aucuns droits fur le public .
LETTRES Patentes données à Paris au mois
de Mars 1721 , Regiftrées au Parlement le 21
Mars 1722 , portant don , ceffiou & délaiſſement
aux Prevôt des Marchands & Echevias
de la Ville de Paris , de l'Ifle des Cignes , pour
fervir aux Déchireurs de Batteaux , & de Port
public pour les bois à ouvrer & à brûler.
ARREST de la Cour de Parlement , du 21
Mars , portant deffenfe aux "Clercs des Procureurs
& Huiffiers , de porter dans le Palais &
autres Jurifdictions , des épées , & des cannes
ou bâtons , & de porter des épées & des habits
indécens par tout ailleurs .
ARREST du 24 Mars , qui commet Martin
Girard pour recevoir par forme de regie
& de recouvrement , pendant fix années , à
commencer du premier Avril prochain , les
droits rétablis par les Arrests des 20 & 22
Mars 1722. Ordonne S. M. que le Reſultat du
23 Mars 1722. fera executé felon fa forme
& teneur : ce faifant , que Martin Girard ,
qu'Elle a commis à cet effet , recevra par
forme de regie & de recouvrement pour le
compte de Sa Majefté , pendant fix années , à
commencer du premier Avril prochain , les
droits
DE MARS . 2. Vol. 1722. 169
droits rétablis par les Arrefts des 20 & 22 Mars
1722. fur les Offices de tiers - Referendaires ,
Taxateurs de dépens , Verificateurs & Rapporteurs
des défauts , Receveurs & Controlleurs
des amendes , épices , fabatines & vacations ,
Infpecteurs defdites amendes , Greffiers, Gardes
Confei vateurs des minutes des Arreſts , Sentences
, & Enquefteurs , & Commiffaires Examinateurs
, Controlleurs des declarations de dépens
, Syndics des Communautez des Procureurs,
Huilliers & des Comm flaires au Chatelet de
Paris , Confervateurs des Offices de France ,
Garde des Bannieres & Archives du Chastelet
de Paris , Gardes des Archives des Cours &
Jurifdictions , Confervateurs des decrets volontaires
, & leurs Controlleurs , Treforiers
de France , Confervateurs des gages interme..
diaires , & autres Offices fupprimez par l'Edit
d'Aouft 1716. fur le pied qu'ils eftoient refervez
par ledit Edit , & conformément au Tarif
eftant fous le contre-fcel d'iceluy , les droits
manuels fur le Sel , les droits attribuez aux
Controlleurs des Gardes minutes des Chancelleries
, & ceux des Subftituts Adjoints , fur le
pied qu'ils eftoient refervez , & que la perception
en eftoit ordonnée par les Edits de
Janvier 1715 , Decembre 1716. Janvier & Novembre
1717. les droits de Courtiers - Jaugeurs ,
ceux des Infpecteurs aux Boucheries , & ceux
des Infpecteurs aux Boiflons , fur le pied qu'ils
eftoient perceus par les Fermiers & alienataires
avant les Arrefts du Confeil du 24 Fevrier
1720. & les droits des Quais , Ports , Halles
& Marchez de la Ville de Paris fçavoir ,
ceux créez depuis l'année 1689. fur le pied des
trois quarts refervez par l'Edit de May 1715.
& conformément au Tarif attaché fous le contrefcel
de la Declaration du 6 Aouft audit an
H iij
&
170 LE MERCURE
& ceux creez avant 1689. fur le pied defa
totalité des droits qui leur eftoient attribuez ,
pour eftre lefdits droits levez en la même forme
& maniere qu'ils l'eftoient avant l'Edit du mojs
de Septembre 1719. & conformément aux Tarifs
qui fubfiftoient lors de la fuppreffion or+
donnée par ledit Edit , à l'exception des droits
fur le Bois à brûler Charbon de Bois , Co.
terets & Fagots fur lefquels Sa Majesté a
ordonné qu'il ne fera rien innové à ce qui s'eft
pratiqué depuis ledit Edit du mois de Septembre
1719. Permet Sa Majesté audit Martin Girard
, d'eftablir en vertu de fes fimples procu
rations , pour la Regie & perception deftits
droits , & pour les fonctions d'aucuns des
Offices fupprimez aufquels lefdits droits étoient
attribuez , & dont les fonctions font neceffaires )
les Commis qu'il jugera à propos , qui feront
receus & inftallez fans aucuns frais. Ordonne
Sa Majefté , que les conteftations qui pourront
furvenir fur la perception defdits droits,
feront decidées ; fçavoir , celles qui concernent
les droits fur les Quais , Ports , Halles & Mar
chez de la ville de Paris , par le Sieur Lieutenant
General de Police , & par le Sieur Prevoft
des Marchands , chacun en ce qui les concere
; & pour celles qui peuvent concerner
les autres droits mentionnez audit Arreſt , par
les Sieurs Intendans & Commiffaires départis
dans les Provinces & Generalitez du Royaume ,
fauf l'appel au Confeil : Sa Majesté leur attri
buant à cet effet toutes Cours & Jurifdictions
neceffuires , & icelles interdifant à toutes les
Cours & autres Juges , &c. :
SUPPLEMENT.
DE MARS 1. Vol . 1722 . 171

T.
SUPPLEMEN
Ouis-Jofeph de Rochebonne , Doyen
de l'Eglife & Comte de Lyon , étant
devenu Titulaire de l'Evêché de Carcaffonne
, dont il étoit déja Coadjuteur par
le decès de Louis- Jofeph Adhemar de
Monteil de Grignan fon oncle , le Chapitre
de Lyon a élu pour Doyen Louis- Anne
de la Baume - Suze , Chanoine , Comte &
Maître du Choeur de ladite Eglife , âgé
de 35 ans , dont la perfonne eft auli
recommandable par fes moeurs & la vertu ,
que par fon illuftre naiffance , tant du
côté paternel que de celui de fa mere ,
nommée Marthe d'Albon de Saint Forgeux
, Mailon affez connuë , qui tire fon
origine des Dauphins de Viennois , qui
depuis plus de trois fiecles a donné des
Comtes à l'Eglife de Lyon ; deux Doyens,
un Archevêque , fix Abbés de Savigny ,
& deux Gouverneurs de fuite aux Provinces
de Lyonnois , Bourbonnois , haute
& baffe Marche ; fçavoit , Jean d'Albon ,
Chevalier d'honneur de la Reine Catherine
de Medicis , & Jacques d'Albon fon
fils , connu fous le nom du Maréchal de
Saint André , Chevalier des Ordres de
Hüj Saint
172 LE MERCURE
Saint Michel & de la Jarretiere , premier
Gentilhomme de la Chambre du Roy , &
Maréchal de France .
La Terre de Suze fut portée dans la
Maifon de la Baume , par la Princeſſe de
Saluces , qui époufa Louis de la Baume
en 1426 .
Un des Ayeux du nouveau Doyen ,
époufa Très-haute & Très-illuftre Princeffe
, Dame Henriette de Savoye , Marquife
de Villars & de Mirebel .
La Maifon de la Baume- Suze eft encore
alliée à celles de Levi Vantadour ,
de Breflieux , de Damas , de Lavardin ,
de Rochebonne , de Froulay , d'Arpajon ,
de la Croix Chevrieres , de Saffenage ,
&c.
Cette ancienne Maiſon a donné beaucoup
de Prelats à l'Eglife , entre autres
un Evêque d'Orange , un Evêque de
Viviers , un Evêque de Tarbes , un Archevêque
d'Auch , &c.
Il s'eft gliffé une faute page 85 du
premier Voluine du mois de Mars , en
difant que l'on va imprimer par Soulcription
, La France du P. Ange , Carme
Déchauffé , en G. vol. in folio.
( La verité eft que le P. Ange , Auguftin
Déchauffé de la Place des Victoires à
Paris , travaille à une nouvelle Edition ,
& a prefque refondu l'Hiftoire Genealogigne
DE MARS. 2. Vol. 1722. 173
gique & Chronologique des trois Races
Royales de France , des Grands Officiers
de la Couronne , &c. compofée autrefois
par le feu P. Anfelme fon Confrere ,
& remife au jour dans une feconde
Edition en 1712 , par feu M. du Fourni.
Les grandes augmentations qu'il y fait
pourront conduire l'ouvrage jufqu'à fix
Volumes in fol.
Le P. Ange fe fert de cette occafion
pour prier les perfonnes dont les Genealogies
entrent dans ce grand Ouvrage ,
de lui faire fournir les derniers degrez
& les changemens arrivés dans leur Maifon
depuis environ trente années , auffi
bien que les Titres qu'ils ont pû recouvrer
, & les faits qui ont été inconnus à
fes deux Predeceffeurs.
Il fait actuellement achever l'impreffion
d'un nouvel Etat de laFrance,qu'il a corrigé
& beaucoup augmenté. Il fera en s , Vol.
in 12 , dont le dernier contiendra les
Supplémens , les changemens arrivez durant
l'Edition & les corrections ; avec
une Table generale alphabetique de tous
les noms des Familles , des Seigneuries ,
& des Matieres contenues dans le Corps
de cet Ouvrage , ce qui fera d'une grande
utilité au Public pour trouver ailement
tout ce qui eft contenu dans les differens
Volumes.
Hv Certe
174 LE MERCURE
Cette Edition fera achevée à la fin du
mois d'Avril prochain .
1 Es Lecteurs ont été fi contens de l'Abregé
'que nous avons donné dans quatre de
nos Mercures , de Pexplication de la Carte
qui marque tous les endroits par où les Princeffes
ont paffe , que plufieurs nous ont témoigné
eftre fâchez de ce que dans le premier
Volume de ce mois nous nous arrêtâmes
à Saint Jean d'Angely , & nous nous atten ·
dons à de nouveaux reproches de leur part ,
de ce qu'en celui - ci nous enſommet demeurez
à Amboife , ce qui nous oblige d'avertir
ceux qui font dans l'impatience d'en voirfa
fin , que nous en avons été empêchez pour
deux raifons : La premiere , c'eſt que l'Entrée
de l'Infante Reine à Paris , qui devoit eftre
↑ preferée à tout , nous a fourni tant de matiere
, que nous avons été obligez de n'en
donner qu'une partie . La feconde, & la pins
effentielle , c'est que M. l'Abbé de Vayrac ,
qui nous afait le plaifir de nous communiquer
fon original pour en tirer un extrait ,
s'eft plaint de ce que le Copifte , pour vouloir
trop abreger , s'eſt mépris , en ce qu'il a
mis que l'illuftre Maifon de Pons étoit
éteinte . d'autant que danş l'original cette
etxinition ne tombe que fur la Branche
aînée , qui veritablement fut éteinte dans
(
le
DE MARS. 2. Vol. 1722. 175
le dernier Siecle par la mort d'Antoine de
Pons , qui ne laiffa que des filles s .&que
d'ailleurs ce même Copifte fait un Anacronifme
une fante de Perfonalité , s'il
nous eft permis de nous fervir de ce terme ,
en prenant le Petit - Fils pour le Grand- Pere.
Et comme le Public pourroit attribuer ces
fantes , ou à M. l'Abbé de Vayrac ou à
Nous , nous avons crû eftre obligez de dire
qu'il reste encore une Branche Cadette de
l'ancienne & illuftre Maifon de Pons ,
comme il paroit par la Genealogie qui fuit ,
que nous avons extraite de l'Hiftoire Genealogique
de la Maifon de France , revûë &
augmentée par Scevole & Louis de Sainte
Marthe , Edition de 1628. Tom. 2. Liv.
28. Chap. 1. fol. 776 , & de plufieurs.
autres Monumens authentiques .
SIRES DE PONS , COMTES DE MARENNES.
*22. Ifabelle de Foix , fixiéme fille de Gafton
quatrième du nom , Comte de Foix , &
d'Eleonore d'Arragon Reine de Navarre
fa femme , qu'il époufa , Guy , Sire de
Pons en Saintonge , Comte de Montfort
& de Marennes , fils de Jacques Sire de
Pons , duquel mariage fortirent un fils &
deux filles ;
23. François de Pons , Comte de Montfort.
23. Antoinette de Pons , femme d'Antoinede
la Tour , Vicomteffe de Turenne .
Leurs enfans fe verront cy- après ;
C. 23. Anne de Pons Vicomteffe de Riberac , eut
auffi liguée , qui fera déduite en fon-lieu.
H vj 23
176
LE
MERCURE
23. François de Pons Comte de Montfort,
mourut avant Guy fon pere. Il laiffa de
Marguerite de Cotivy fa femme , qui
étoit fille d'Olivier de Cotivy & de Marie
de Valois fon épouſe , deux fils & une fille
qui fuivent :
24. François Sire de Pons , Comte de Marenes.
24. Jacques de Pons , Baron de Mirebeau ,
laiffa des enfans ;
14. Lucrece de Pons , femme de Charles
d'Efpinay , Seigneur d'Uffé & de Mon.
contour , fils puifné de Richard Sire d'Efpinay.
Il eut pour fils Charles , Seigneur
d'Ullé , duquel font iffus les Seigneurs
de faint Michel fur Loire .
24. François Sire de Pons , Comte de Marennes
, époufa Catherine de Ferrieres
fille de Jean Baron de Ferrieres & d'Anae
Geoffroy , & en eut ,
as . Antoine Sire de Pons , Comte de Ma--
rennes .
25. Jacques de Pons , Baron de Viroul , ne
lailla de Claude de S. Gelais, laquelle étoit
fille d'Alexandre, Seigneur de Laufac, que
25. Jean de Pons , Baron de Nioeil , mort
fans enfans .
15. Charles de Pons , Seigneur d'Arpajon ,
à caufe d'Antoinette d'Arpajon fa premiere
femme ; la feconde fut Bonne Martel
, dont il eut entre autres enfans deux
fils qui fuivent i
A. 26. Charles de Pons ,
26. Fons de Pons , Seigneur de Brofe ,
époufa Françoife de Durefort , fille du
Baron de Cuirac,& en eut une fille, femme
du Baron de Lindois de la Maifon de
Chaftaguer de la Rochepozay.
1
25.
DE MARS . 2. Vol . 1722. 177
25. Louis de Pons , mort aux guerres de
Piémont.
25. Jean de Pons , Chevalier de l'Ordre de
faint Jean de Jerufalem.
25. Claude & François de Pons , furent
d'Eglife.
25. Barbe de Pons , femme de Jean de Montferrand
, Baron de Cancon .
25. Louife & Jeanne de Pons , Religieufes.
25. Antoine Sire de Pons , Comte de Marennes
, Chevalier des deux Ordres du
Roy , & Capitaine des Cent Gentilshommes
de la Maifon de Sa Majefté ,
époufa premierement Anne de Partenay ,
fille de Jeau Larchevêque , Seigneur de
Soubife , dont il eut un fils & deux filles,
26. François de Pons mourut avant fon pere .
B. 26. Anne de Pons femme de François
Martel , Seigneur de Lindebeuf.
26. Jeanne de Pons , Abbeffe de Crifenon .
Le même Antoine ea fecond mariage
eut pour époufe Marie de Monchenu , &
d'elle procréa deux fils & deux filles .
26. Henry & Pontus de Pons , decedez en
jeuneffe ,
26. Antoinete de Pons , Dame de Mioffens ,
eut lignée.
26. Antoinette de Pons , Marquife de Guercheville
, & Dame de Liencourt eut auſſi
lignée.
26. Judith de Pons , Abbeffe d'Evreux en
Normandie.
26. Antoinette de Pons fut conjointe par
mariage avec Henry d'Albret , Baron de
Mioffens , fils de Jean d'Albret , Baron
du même lieu , & de Suzanne de Bourbon
, dont il a eu ,
Albret Mioffens.
27.
178 LE MERCURE
27. Henry d'Albret , Baron de Mioffens &
de Pons , Comte de Marennes , qui at
époufé Anne de Pardaillan , fille d'Autoine
Arnaud de Párdaillan , Seigneur de
Gondrin , & Marquis de Montefpan , &
de Marie Dumaine fa premiere femme ,
dont il a eu fept enfans .
27. Apollo d'Albret fuivit l'Eftat Ecclefiaftique.
6. 26. Antoinette de Pons , Marquife de Guer
cheville , a été mariée deux fois , en premieres
nôcés avec Henry de Silly Comte
de la Roche - Guyon , dont elle a eu des en .
fans ; & en fecondes avec Charles du Plffis
, Seigneur de Liencourt , Comte de
Beaumont , Chevalier des Ordres du Roy,
Premier Ecuyer & Gouverneur de Paris.
Du premier Mariage ,
27. François de Silly Comte de la Roche-
Guyon & Marquis de Guercheville , Chevalier
des deux Ordres du Roy & Grand
Louvetier de France , lequel a époufé Ca.
therine de Matignon , fille de Charles Seigneur
de Matignon & Comte de Torigny,
& d'Eleonore d'Orleans de la Maiſon de
Longueville , fa femme.
Dufecond Mariage ,
27. Roger Dupleffis, Marquis de Lien court,
marié avec Jeanne de Schomberg fille de
Henry de Schomberg,Comte de Nanteuil ,
Maréchal de France, & de Françoife d'Efpinay
fon épouse , dont il eft forti un fils.
* 24 Jacques de Pons premier du nom ,
Baron de Mirebeau & de Plaffac , fils puiné
de François de Pons Comte de Montfort ,
& de Marguerite de Cotivy , cut pour
premiere femme une fille fortje de la Mai-
Pons , Baron de Mirebeau .
for
DE MARS. 2. Vol. 1721. 179.
fon de Belleville , & pour deuxième , Jacquette
de Lanfac , fille & heritiere de Thomas
Seigneur de Lanfac, & de Françoiſe d'Efcars
; laquelleJacquette étoit veuve'd'Alexandre
de Saint - Gelais ; il époufa en troifié--
mes nôces Jeanne de Gontaut fille de Pons
de Gontaut , Baron de Biron , & de Mar.
guerite de Montferrand ; de fa feconde
femme il eut les enfans qui fuivent ,
A. 25. François de Pons , Baron de Mirebeau .
25. Pontus de Pons, Seigneur de la Cafe , la ›
pofterité duquel fe verra cy -après.
25. Jean de Pons , Seigneur de Plaffac ,
époufa N. de Gontant de Biron , fille de
Jean de Gontaut Baron de Biron , &
d'Anne de Bonneval , & foeur d'Armand ,
Baron de Biron , Maréchal de France ; il
eut pour feconde femme Jeanne de
Villiers , fille d'Antoine de Villiers Seigneur
de Villiers - Saint-Paul , & d'Helene
de Belloy , & veuve de Jean Chataignes
Seigneur de Saint- Georges De cette feconde
femme Jean de Pons a eu deux
filles , à fçavoir ,
26. Anne de Pons , femme de Philippes
Seigneur de Pierre- Buffiere, puis d'Abel
de Pierre Buffiere , Seigneur de Chabaret
, dont elle a eu deux fils en troisiémes
nôces ; elle a été mariée à N. Pierre
Buffiere Seigneur de Loftange , qui tous
étoient coufins .
26. Jeanne de Pons , femme d'Henry
Seigneur de Bonneval.
B. 25. François de Pons Baron de Mirebeau ,
ls aîné de Jacques , fut marié quatre fois,
la premiere , avec Françoile Geoffroy de
la Maifon de Dompierre , prés la Rochelle,
dont il eut un fils & une fille ; la feconde,
avec
180 LE MERCURE
C.
*
, avec Madelaine d'Ullon fille aînée de
François d'Uffon , Baron du Crigeau , de
laquelle il eut auffi des enfans ; la troifiéme
, avec Françoiſe de Chabannois Dame
de Bill ; & la quatriéme , à Marguerite de
Pierre Buffiere de la Maiſon de Châteauneuf
; il n'eut point d'enfans des deux dernieres
femmes , de la premiere fortirent ,
26. Jacques de Pons deuxième du nom ,
Baron de Mirebeau .
26. Louiſe de Pons , femme de Jean de
Rabenes , Seigneur d'Uflon .
Enfans du deuxième lit.
26. Gedeon de Pons , Baron de Vigean
en Poitou , ne fut point marié.
26. Efther de Pons , Dame de Vigean
& de Fors ; la pofterité de laquelle ſe
verra cy-après.
26. Jacques de Pons deuxième du nom ,
Baron de Mirebeau, a épousé en premieres
nôces Marie de la Porte de la Maifon de
Champiniere, en Perigord ; & en fecondes ,
Jeanne d'Aubeterre , veuve de Louis de la
Rochefoucault , Seigneur de Roiffac ; de
la premiere font iflus les trois filles qui
fuivent
27. Madelaine de Pons , femme de Gabriel
de Saint - Georges Seigneur de Verac
, & Baron de Coué , puis d'Armand,
d'Efcodeca , Seigneur de Pardaillan .
de Pons , fenume du Seigneur
27.lon , de la Maiſon de la Porte de
en Angoumois.
27. Marie de Pons fut conjointe, par
mariage avec Paul d'Efpagne , Seigneur
de Vernelles.
25. Pontus de Pons , Seigneur de la Cafe ,
Pons , Marquis de la Cafe.
Senéchal
DE MARS. 2. Vol. 1722 . 181
A.
Senechal des Landes & de Marfan , fils
puîné de Jacques premier du nom , Baron
de Mirebeau , & de Jacquette de
Lanfac , époufa Françoife de Marfan , &
en eut ,
26. Jacques de Pons , Seigneur de la
Cafe.
26. Jean de Pons , Baron de Montgaillard.
26. Jacques de Pons Seigneur de la Cafe ,
époufa Judith de Montberon , fille de Jean
de Montberon Seigneur de Thors , & de
Gabrielle de Pierre - Bufferre de la Maiſon
de Châteauneuf , de laquelle il a eu deux
fils & trois filles .
27. Jean-Jacques de Pons , Marquis de
la Cafe.
27. Louis de Pons , Baron de Montgai
lard .
27. Jullie de Pons , femme de Pierre de
la four , Seigneur de Requiais en Languedoc
.
27. Jeanne de Pons , mariée à Ifaac de
la Rochefoucault, Seigneur de Roiflac .
27. Silvie de Pons , femme de François
de Sumel , Baron de Montaigu.
27. Jean -Jacques de Pons , Marquis de la
Cafe , & Baron de Thors , a époufé Charlotte
de Partenay fille d'Artus de Partenay
, Seigneur de Genoilié , & en a eu ,
28. Ifaac Renaud de Pons , Baron de
Thors , Marquis de la Cafe.
28. Pons de Pons , Seigneur de Rocfort.
28. Renaud de Pons.
*
28. Suzanne de Pons , mariée à N. de
* Sainte Marthe finit à Renaud de Pons , le troifiéme
fils de Jean Jacques , n'étant pas né l'aîné de ces
trois enfans , étant le grand pere de M. le Comte de
Pons d'aujourd'huy , & les deux autres étant les grands
encies.
Loubes
182 LE MERCURE
Loubes , Seigneur de la Gadaville .
28. N. de Pons , Fille d'Honneur de
la Reine- mere , morte fans être mariée .
28. Ifaac Renaud de Pons , Baron de Thors ,
Marquis de la Cafe , époufà N. Madelaine
veuve de Mr le Marquis de Cour .
tomer , & a eu trois enfans ,
29. Ifaac Renaud de Pons , Marquis de
la Cafe ; Baron de Thors , mort le 6.
Novembre 1721 .
29. Emard de Pons , Comte d'Aunay ,
Capitaine de Vailleaux , mort fans enfans.
29. Jacques Henry de Pons , Marquis
de la Cafe , Gouverneur de Cognac.
18. Pons de Pons , Seigneur de Rocfort ,
fils puîné d'Ifaac Renaud de Pons premier
du nom , époufa Henriette Vigiere de
Maflac , & en a eu deu enfans ,
31. Mlle. de Pons , morte depuis treize
ou quatorze ans.
2 Pons de Pons , Marquis de Rocfort
qui a épousé Charlote Armande de
Rohan Guimené veuve de Guy Chabot
, Comte de Jarnac il a eu de ce
mariage ,
>
Charles Armand Vicomte de Pons ,
Meftre de Camp de Cavalerie à la
fuite du Regiment de Vilquier.
28 Renaud de Pons , fils d'Ifaac de Pons
premier du nom , époufa Judith de la
Rochefoucault de la branche de Montendre
, dont il a eu plufieurs enfans qui
font prefque tous morts au fervice du
Roy , & il en reſte
Guy de Pons , Marquis de Thors , cydevant
Colonel du Regiment de
Flandres , lequel a époufé Marie
Thomas
DE MARS . 2. Vol. 1722. 183
Thomas de Bois Morin . veuve du
Comte de Lonfac , dont il n'a point
eu d'enfans ; & Mr le Chevalier de
Pons fon frere .
29. Ifaac Renaud de Pons Baron de Thors,
Marquis de la Cafe , fecond du nom ,
aîné de la maifon , mort depuis peu ,
avoit époufé Conftance Foucault de Saint
Germain Beaupré , fille du Maréchal de
Foucault , Vice -Amiral de France ; & a
eu plufieurs enfans , dont il refte
1
Sophie de Pons , veuve de Jean - Louis
de Courbon , Marquis de Blenaci
Et
1
Renaud Conftant de Pons , qui a épousé
Charlotte-Louife de Gadaigne d'Houftun
, veuve de M. le Marquis de la
Beaume ; il eft l'ainé à prefent des
deux autres branches , & feul du nom
qui ait des enfans . Témoins du me.
rite de ce Seigneur , nous aurions
une infinité de chofes à dire à fa
louange , mais nous fommes forcez
d'abreger pour ne pas paffer les
bornes que nous nous fommes pref
crites.
LE
E Roy a donné l'Abbaye de Saint
Benoift , Dioceſe de Montpellier , qui
a vaqué par le decès de la Dame de
Caftries derniere Titulaire , à la Dame de
Caftries fa foeur , Abbeffe de Gigean au
même Dioceſe.
La Coadjutorerie de l'Abbaye Reguliere
de Barbery , Ordre de Citeaux ,
Diocale
184
LE MERCURE
·
Dioceſe de Bayeux , a été accordée au-
Frere Louis Dauderic de Laftours , Religieux
du même Ordre.
Le Canonicat de l'Eglife Cathedrale
d'Alais , de Collation Royale , qui a vaqué
par le decès du Sr Comte Saint Montant
, a été accordé au Sr Charles de
Peruffi , Clerc Tonfuré du Dioceſe d'Avignon.
Lors que l'Academie Françoife alla
complimenter l'Infante Reine , M. Malet,
Chancelier & Directeur élu par le fort ,
porta la parole en ces termes.
MADAME,
Il femble que l'union de la France
de l'Espagne en affure le bonheur
la tranquillité. Les deux dernieres minoritez
furent terminées par le mariage
de nos Rois avec deux Infantes , & la
politique des Regnes precedens jugea ces
alliances avantageuſes aux deux Couronnes
. Depuis que la Maifon de France
regne fur l'une & fur l'autre Monarchie ,
les liens du fang & l'intereft commun
des Peuples demandoient que cette minorité
finit par une double alliance qui
mit
DE MARS. 2. Vol . 1722. 185
mit encore une Infante d'Eſpagne fur le
Trône de France. Nos voeux font remplis
, & fi un Roy jeune , aimable ,
qui fait remarquer en lui la majefté &
les vertus de fon augufte Bifayeul , eft
un préfage certain de votre bonheur &
de votre gloire. Vous êtes auffi pour
nous , MADAME , un gage aſſuré d'une
union folide entre les deux Nations :
Celle fur laquelle vous venez regner
n'a
rien d'étranger pour vous ; ce font ,
pour ainfi dire , vo Sujets naturels ,
vous ne changez de climat que pour
rentrer dans votre Patrie . Puiffiez-vous ,
MADAME , par les fages confeils de
l'illuftre Perfonne accoutumée à former
des ames vraiment Royales , joindre aux
agrémens & aux graces que vous avez
reçûës de la nature , toutes les qualitez
toutes les vertus neceffaires pour
foutenir une grande deftinée ; & puiffe
l'Academie Françoiſe , en les celebrant.
unjour , vous donner de nouvelles marques
de fon zele & de fon profond
respect.
HARANGUE
#8G
LE
MERCURE
HARANGUE DE M. HERAULT
Procureur General du Grand
Confeil , à l'Infante Reine.
MiDADAME ,
Vous ne vous détachez du Trône da
Roy votre Pere , que pour monter fur
celui de vos Ayeuls ; le ciel a prévenu
vos defirs , il remplira toutes nos efperances.
Deftinée à regner avec le plus
puiffant & le plus aimable des Rois fur
le meilleur de tous les Peuples ; déja l'augufte
Sang des Bourbons vous en rend
digne , & bien-tôt , MADAME ,
conduite par les mains mêmes de la sageffe
, en uniffant leurs Couronnes , vous.
raffemblerez leurs vertus .
M. l'Abbé Fleury , qui étoit Confef.
feur du Roy , s'eft retiré à caufe de fon
grand âge , le Pere Talchereau de Ligniere
Jefuite , Confeffeur de MADAME , a
été nommé à la place. Il fut prefenté à
Sa Majesté le 31 Mars par le Duc de
Bourbon & le Maréchal de Villeroy.
M.
1
DE MARS . 2. Vol. 1722. 187
· M. l'Abbé de Vienne , Confeiller- Clerc
en la Grand- Chambre du Parlement de
Paris , a été nommé par M. le Garde des
Sceaux pour avoir la Direction generale
de la Librairie. Les gens ftudieux & tous
les amarcurs des Belles Lettres applaudiſfent
à un fi digne choix.
Dame Marie - Madeleine de Mornay
de Montchevreuil , Abeffe de l'Abbaye
Royale de S. Antoine des Champs , eft
morte le 19 de ce mois , âgée de 86 ans .
M. d'Aube Commiffaire du Vifa , a eu
en don du Roy une Charge de Maître
des Requêtes.
M. le Duc d'Offone , Ambaffadeur Extraordinaire
d'Efpagne , donna un exemple
de pieté dans fon Hôtel le 19 Mars , jour
de S. Jofeph , dont il porte le nom ,
qui
fera-vrai -femblablement plus admiré que
fuivi. Il celebra cette fête d'une maniere
auffi finguliere qu'édifiante . S. Exc. avoit
écrit à M. le Curé de S. Sulpice pour le
prier de lui trouver trois perfonnes dans
le befoin , fçavoir un homme âgé , une
femme d'un âge moyen , & un jeune garçon
qui eût nom Jofeph. Il ne fut pas
difficile de fatisfaire M. le Duc d'Offone ,
qui reçut chez lui ces trois Pauvres avèc
la plus grande affabilité les fit entrer dans
une Salle , où une table étoit dreffée avec
trois couverts , pour leur dîner. S. Exc.
commença
138 LE MERCURE

commença le fervice par leur donner à
laver , ayant un genoux à terre . Pendant
le repas , compofé de trois fervices , de
neuf plats chacun M. le Duc d'Offone
fervit le garçon , âgé d'environ douze ans ,
M. fon frere & fes Gentilshommes fervirent
l'homme & la femme. A la fin du
dîner ce Seigneur donna encore à laver
lui- même aux trois Pauvres , obſervant la
même ceremonie , les chargea enfuite d'autant
& plus d'étoffe qu'il ne falloit pour
les habiller , & leur donna un Louis d'or
à chacun. Ils emporterent auffi dans trois
corbeilles tout ce qui avoit été deffervi de
leur table ; & quelques jours après ils
vinrent remercier M. l'Ambaffadeur avec
leurs habits neufs,
Le Dimanche des Rameaux 29 de ce
mois , le Roy fe rendit à la Chapelle du
Château des Thuilleries , où l'Abbé du
Bois , Chapelain ordinaire de la Chapelle
de Mufique du Roy prefenta une Palme
à Sa Majefté , qui affiſta à la Proceffion,
& après l'Evangile baifa la Croix . Le Roy
entendit enfuite la grand'Meffe chantée
par fa Mufique. S. M. entendit l'aprèsmidi
la Predication du Pere Portail , Prêtre
de l'Oratoire , & les Vêpres chantées
par la Mufique. L'Infante- Reine y a affifté
auffi , accompagnée de Madame la Ducheffe
de Vantadour. Elle étoit placée dans
la
DE MARS. 2. Vol. 1722 . 189
la Tribune , à l'endroit où le Roy'entend
la Meffe les jours ouvrables.
Après le Service le Roy est allé voir
l'Infante-Reine par la Gallerie.
Le premier Avril , le Comte de Vernon
Ambaffadeur ordinaire du Roy de Sardaigne
, eut audience particuliere du Roy,
dans laquelle il donna part à S. M. du
mariage du Prince de Piemont avec la
Princeffe Palatine de Sultzbach , conduit
par M. de Remond Introducteur des Ambaffadeurs.
Le même jour premier Avril , le Roy
accompagné de M. le Duc de Bourbon
de M. le Maréchal de Villeroy , de l'ancien
Evêque de Frejus fon Precepteur
& de M. le Duc de Charoft Capitaine des
Gardes - du- Corps , alla aux Theatins où il
affifta à l'Office des Tenebres chantées par
Jes Chapellains de fa Chapelle , le Pfeaume
, Notus in Judæa Deus , par la Mufique.
'
Le Jeudi- Saint S. M. entendit le Sermon
de la Cene de l'Abbé Huerne , Chanoine
de l'Eglife de Sens , après quoi
l'ancien Evêque de Frejus fit l'Abfoute :
enfuite le Roy lava les pieds à douze
Pauvres , & les fervit à table . Le Duc de
Bourbon Grand Maître de la Maiſon de
S. M. à la tête des Maîtres d'Hôtel precedoit
le fervice. Les plats étoient portez
I
par
190
LE MERCURE
par
le Duc de Chartres , le Comte de Charolois
, le Comte de Clermont , le Prince
de Conti , le Cointe de Touloufe , & les
principaux Officiers de Sa Majefté . En、
fuite le Roy accompagné du Duc de Chartres
, du Duc de Bourbon
"
du Comte de
Clermont , du Prince de Conti , du Comte
ide Toulouſe & du Maréchal Duc de
Villeroy , precedé des Gardes de la Prevôté
, des Ĉent Suiffes , leur Drapeau déployé
, les Gardes-du -Corps marchant au-
Tour du Caroffe , leurs Officiers à cheval
à leur tête , alla à l'Eglife des Feuillans ,
où S. M. entendit la grande Meffe
affifta enfuite à la Proceffion.
&
Le foir , le Roy accompagné de M. le
Maréchal de Villeroy , de M. l'ancien
Evêque de Frejus & du Duc de Charoft ,
alla entendre les Tenebres chantées par la
Mufique aux Capucins de la rue Saint-
Honoré.
Le 3. jour du Vendredi - Saint , le Roy
accompagné
de M. le Duc de Chartres ,
de M. le Prince de Conti , de M. le Comte
de Toulouſe , de M. le Maréchal de Ville- .
roy & de M. l'ancien Evêque de Frejus ,
eft allé aux Feüillans entendre le Service.
L'après midi du même jour à 3 heures ,
le Roy accompagné
de M. le Comte de
Clermont , de M. le Maréchal de Villeroy
& de toute la Cour , a entendu la Paffion
dans
DE M'ARS. 2. Vol. 1722. 191
dans fa Chapelle par le P. Portail , Prêtre
de l'Oratoire , & enfuite les Tenebres.
Le 4. le Roy a entendu à quatre heures
les Complies dans la Chapelle , & le Chant
O filii &filiæ , chanté par fa Muſique.
Le Roy ira faire quelque fejour à Ver
failles ; & on affure que S. M. partira à la
fin d'Avril, ou au commencement de May.
Monfieur le Duc d'Orleans eft parfaitement
rétabli de fa maladie. Voicy un
Diftique qu'on a fait dans le tems qu'on
l'a crû en danger.
VOTUM.
&
Regem pro Populo , Deus , pro Rege
Regentem
Salva , Francorum ſpes in utroque manet.
EXPLICATION . '
Conferve le Roy pour la France ,
Sauve le Regent pour le Roy ,
C'eft fur l'un & l'autre , après toy ,
Grand Dieu , que nous fondons toute notre efperance
.
Les Jefuites du College de Louis le
Grand , toujours attentifs à ce qui peut
- fervir à l'éducation de la Jeuneffe qui leur
eft confiée , font reprefenter par les Ecoliers
de differentes Claffes diverfes Pieces
de Theâtre , foit Comedies ou Tragedies ,.
depuis Noël jufqu'à Pâques. Les Rheto-
I ij riciens
192 LE MERCURE
riciens du même College ont reprefenté
le 20 du mois paffé la Tragedie Latine
d'Agapit Martyr, ouvrage du Pere Porrée :
Voici le fufet de la Piece.
Agapit n'étant âgé que de 15 ans , fit
voir une conftance heroïque dans l'affreux
martyre qu'il fouffrit à Paleſtrine , fous
le Gouverneur Antiochus , par le commandement
de l'Empereur Aurelien , l'an
de J. C. 275. Baron. Ann. tom . 2. Martyrol.
Romain.
ACTEURS.
ANTIOCHUS , Gouverneur de Paleſtrine.
LYSANDRE , Seigneur Romain.
AGAPIT , fils de Lyfandre.
METELLUS , Prêtre d'Hebé , Déeffe de la
Jeuneffe .
La Scene eft à Paleftrine , dans le Palais
du Gouverneur.
Cette Piece eft ornée d'un Prologue
& de quatre Intermedes en Vers , mis en
Mufique par Mr Campra , avec des fimphonies
de la compofition.
Le Genie de la France commence ainfi
le Prologue.
Chers nourriffons de Melpomene ,
Sufpendez les douleurs d'une plaintive Scene :
Vous chantez quelque fois
Le plus jeune des Rois :
Chantez
1
DE MARS. 2. Vol. 1722. 193
Chantez auffi la jeune Reine ,
Que le Tage donne à la Seine.
Philippe réunit le beau Sang des Bourbons
Par une double chaîne :
Commencez dés ce jour à réunir leurs noms
Dans vos innocentes chanfons.
Un François chante au sujet de l'Infante
Reine.
A fes attraits la France rend hommage,
Sur les aîles des Amours
Les Voeux & les Reſpects volent à ſon paſſage i
Jufqu'à fon nom tout nous préfage
Les plus beaux jours.
Autre François .
Trompette chantez la gloire
De l'Empire des lys ;
Chantez l'aimable Victoire ,
Que le Ciel donne à Louis ;
Chantez la gloire immortelle ,
Qui fuivra nos Etendars
Chantez la Compagne fidelle
De notre jeune Mars.
Un autre François.
Paifible mufette ,
Mêlez vos tendres fons au fon de la trompette,
Que la voix des Echos
Aprés vous repete
* Victoire.
I iij
Et
194 LE MERCURE
Et la jeune VICTOIRE , & fon jeune Heros,
L'un par fes armes ,
L'autre par fes charmes ,
Tous deux par leurs vertus
bienfaits ,
> tous deux par leurs
Uniront fur le Trône & la gloire & la paix.
Premier Intermede ; Choeur de
jeunes Idolâtres qui offrent leurs voeux
à la Déeffe Hebé. Vers le milieu de PIntermede
, de jeunes Chretiens viennent
avec Agapit pour renverfer la ftatuë
d'Hebé .
"
Dans le deuxième Intermede , de jeunes
Chretiens s'excitent mutuellement à
l'amour de Dieu.
UN CHRETIEN."
Pour chanter des beautez mortelles ,
l'Amour épuife tous fes fons :
Et nourrit dans les coeurs des flammes criminelles
,
Par de criminelles Chanfons.
Brúlons d'une flame plus pure ,
D'un faint Amour fuivons les loix ;
Chantons l'Auteur de la nature ;
Confacrons lui nos coeurs , confacrons lui nos
voix.
UN AUTRE.
Le Papillon toujours volage ,
Erre,
DE MARS . z . Vol . 1722. 195
Erre , vole de fleurs en fleurs ,
Sans qu'aucune d'elles l'engage
A fixer les folles ardeurs.
Telle est la jeuneffe peu fage ;
Elle vole à tous les plaifirs
Qui fe trouvent fur fon paffage ,
Sans qu'aucun fixe fes defirs..
UN AUTRE CHRETIEN.
Le coeur fuit la nature
De l'objet qui fçut l'engager
Tout paffe & change de figure ,
Comment ne pas changer ?
TOUS DEUX.
Vous feul , mon Dieu , vous feul , beauté toujours
durable ,
Pouvez fixer nos amours :
Eternelle beauté , beauté, toujours aimable ,
Je vous aimerai toujours.
Dans le troifiéme Intermede de jeunes
Chretiens s'animent à fouffrir le martyre.
DEUX CHRETIENS ensemble.
Ah Seigneur quand on vous aime ,
Les plaifirs font amers , les fuplices font doux s
Et s'il eft une peine extreme
C'eft de ne pas fouffrir pour vous.x
Quandon yous aime.lt
Dans
196 LE MERCURE
Dans le dernier Intermede , de jeunes
Chretiens celebrent le martyre d'Agapit.
L'Auteur ſe plaint que quelques - uns des
Vers qu'on recite dans ces Intermedes, ont
été imprimez contre fon aveu , dans divers
Recueils , & avec des noms fuppofez.
C
18
M. Drapier Avocat en Parlement , a
effayé de le rendre utile aux Etudians en
Droit , en mettant les Institutes de Juftinien
dans un nouvel ordre , dont il efpere
qu'on fera content . Quoique plufieurs
perfonnes d'une grande érudition ayent
travaillé avant lui fur cette matiere , &
qu'ils ayent donné au Public des Ouvrages
dont on s'eft fervi avec fuccès , neanmoins
on fe plain que les uns font trop
courts , les autres trop diffus , les autres
enfin trop embrouillez. C'eſt ce qui l'a
engagé à faire fon poffible pour écarter
ces trois inconveniens pour y parvenir
voici comme il s'y eft pris . Il a fait deux
colonnes , il a mis dans la premiere les
chofes qu'il faut fçavoir par coeur , comme
les definitions , & les autres queſtions qui
fe font le plus ordinairement à l'examen,
& cela de la maniere la plus claire & la
plus courte qui lui a été poffible : dans la
feconde colonne , il a mis des remarques
fur chaque mot qui peut faire quelque
difficulté dans la premiere colonne . Ces
1
Remarques
DE MAR S. 2. Vol. 1722. 197
Remarques font affez amples pour ne rien
laiffer à defirer , il s'y est étendu d'autant
plus aifément qu'on n'eft pas obligé de les
mettre dans fa memoire , & qu'une ou
deux lectures attentives fuffifent pour êtré
pleinement inftruit de la difficulté qui fe
prefente. Plusieurs Legiftes à qui il a prêté
les Cahiers fe font mis en état en peu de
tems de paroître aux Examens avec honneur
, & font convenus qu'ils avoient
gagné la moitié du tems qu'on met ordinairement
à cette étude.
Cet Ouvrage qui fera un petit Volume
in 12. lui a fait naître un autre deffein
qu'il a auffi executé. Il eft divifé en cinq
colonnes la premiere contient le texte
de Juftinien ; la feconde & la troifiéme
font les mêmes qui compofent le Volume
qu'il a fait en premier lieu ; la quatrième
& la cinquiéme font en François , l'une
traite du Droit Ecrit , & l'autre du Droit
Coutumier : il a mis d'abord le texte de
Juftinien , parce que ceux qui commencent
à étudier le Droit dans des Cahiers
ou dans des Livres imprimez font ſouvent
leur Droit fans avoir prefque aucune
idée du texte , dont la lecture eft cependant
fi utile. Les deux colonnes,fuivantes
ont été mifes pour les raifons que nous
avons rapportées . Et comme il arrive fouvent
que les nouveaux Etudians fe plaignent
198 LE MERCURE
gnent de ce qu'on leur fait apprendre le
Droit Romain , qu'ils regardent comme
inutile , parce qu'il n'eft pas fuivi dans les
Pays qui font régis par les Coutumes ,
& qu'il ne l'eft pas même entierement
dans les Provinces de Droit Ecrit , fur.
tout dans celles qui font du Reffort du
Parlement de Paris , il a crû qu'il étoit à
propos de les perfuader de la neceffité de
fçavoir les Institutes de Juftinien , en leur
faifant voir le rapport qu'il y a entre le
Droit Ecrit , le Droit Coutumier & les
Inſtitutes , & en même tems en quoi ils
different. Ces cinq colonnes feront la
matiere de deux Volumes in 12.
J'Ax
APPROBATION.
"Ay lû par ordre de Monfeigneur le Garde des
Sceaux le fecond Volume du Mercure pour le
mois de Mars , & j'ay crû qu'on pouvoit en
permettre l'impreffion. A Paris le 8 Avril 1722 .
HARDION.
TABLE.
PIECEES FUGITIVES. Bglogues &c . pag. 1.
Eloge de feu M. Coypel ,
Ode à M. l'Evêque d'Angers fur la fuite de foymême
, 9
Extrait d'une Lettre de Meffieurs le Moyne &
Bailly , au ſujet de la peſte du Gevaudan , Is
Ode
Ode fur le rétabliffement de la fanté de Monfeigneur
le Duc de Chartres , 25
Suite de l'explication hiftorique des lieux fitués
fur la route de l'Infante ,
Zephyrus & Rofa , Dialogus ,
Traduction de M. Piat ,
27
71
73
Difcours du Chevalier de Romieu à M. de Joffaud
, & réponſe ,
76
Traduction literale d'une Epigramme Latine , 78
Chronographe qui fait allufion aux Armes du
Pape ,
79
Explication critique de l'Enigme de la Pelote ,
& de l'Enigme d'Evreux ,
Enigmes ,
80
84
NOUVELLES LITTERAIRES & des beaux
Arts , 86
Nouvelles de Conftantinople , de Petersbourg ,
de Lisbonne , 89
Je tons frappez au mois de Janvier 1721.
SPECTACLE S, Tragedie de Polyeucte , 94
Analyfe de l'Opera de Renaud , &c.
NOUVELLES ETRANGERES ,
96
105
De Conftantinople , de Mofcou , de Stockolm ,
de Vienne , de Londres , de Lisbonne , de Madrid
, de Rome , de Turin , &c. ibid .
Charges & Dignitez des Pays étrangers , 116
Morts , Mariages , & c.
JOURNAL DE PARIS , Dialogue de
Zephire & de la Rofe , par M. Racine , 121
Souper du Roy , & Bal à l'Hôtel de Ville , Feu
d'artifice , explication , & c.
118
125
Suite du Journal de Paris , maladie de Monfeigneur
le Regent ,
Nouvelles de Madrid ,
Bal des Tuilleries , & Feu d'artifice ,
Te Deum , &c.
133
136
137
140
Feftes données au Roy & à l'Infante Reine au
Palais Royal , par Monfeigneur le Duc d'Or
leans , 142
Defcription du Feu d'artifice & des feftes données
par le Duc d'Offone , Ambaſſadeur
d'Espagne ,
Emplois donnez ,
Morts & Mariages ,
150
160
162
Arrefts , Lettres Patentes , & Declarations , 166
Supplément ,
171
M. l'Abbé de la Baume Suze , élu Doyen des
Comtes de Saint Jean de Lyon. 171
Avis fur l'Hiftoire Genealogique de la Maiſon de
France , & nouvel Etat de la France .
Genealogie de la Maifon de Pons ,
Benefices donnez.
173
174
183
184
Compliment fait à l'Infante Reine par M. Malet
, Chancelier & Directeur de l'Academie
Françoife ,
Harangue de M. Herault , Procureur General
du Grand Confeil , à l'Infante Reine , 186
Diftique fur la maladie deMonfeig.le Regent, 191
Tragedie d'Agapit ,
Projet fur le Droit ,
192
196
La Planche des Jettons doit regarder la page 92
ERRATA du premier Volume de Mars.
Age 4 ligne 9. la gloire , lifez fa gloire.
P.93 1. 11 font , lifez fert.
P. 102 ligne derniere Regioni , lifez Reni .
P. 108 derniere ligne Pafcia , lifez Pacha .
P. 142. 1. 6. Charge du , lifez Charge de
Garde du
Fautes furvenues dans l'impreffion de ce Livre.
Page 94 ligne 16 qui font ce , lifez qui font
dans .
P.95
1. 2 du bas , de lifez du Chriſtianiſme.
P. 147 1. 23. & camayeu , lifez en camayeu.
P. 157 1. Is hupets , life habits.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le