Fichier
Nom du fichier
1719, 09-12 (incomplet)
Taille
33.70 Mo
Format
Nombre de pages
883
Source
Lien vers la source
Année de téléchargement
Texte
Presented by
John
Bigelow
tothe
3,7
Century
Association
Meron
LE
NOUVEAU
MERCURE
Septembre 1719.
Le prix eft de vingt fols.
A PARIS,
Chez
GUILLAUME
GAVELIER , au Palais.
La Veuve de PIERRE RIBOU , Quay des
Augustins , à l'Image S. Louis.
EGUILLAUME CAVELIER , Fils , rue S.
Jacques , à la Fleur - de- Lys d'Or.
M. D CC . XIX.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY
335114
ASTOR , N
AVIS.
TILDENA
prie ceux qui adref
05
ONS
feront des Paquets ou
Lettres à l'Auteur du Mercure ,
d'en affranchir le port ; fans
quoy , ils resteront au rebut .
L'Adreffe de l'Auteur , cft.
A Monfieur BUCHET , Cloitre
S, Germain de l'Auxerrois.
•
On donne avis , qu'on trouve
chez les Libraires ci deffus
nommez , tous les Mercures
de l'année 1718. de même que
l'Abregé de la Vie du CZAR .
De l'Imprimerie de JACQUES CHARDON
au bis de la rue S Jacques , rue du perit - Pont,
prés le petit Chatelet à la Croix d'or.
LE
NOUVEAU
MERCURE
que
Dialogue fur la Volupté.
PAUSANIAS A SON AMI.
N
Os jeunes gens firent hier le
facrifice ordinaire à Mercure.
En verité il eft difficile de
r en voir de plus aimable que
la Jeuneffe d'Athenes . Après
la ceremonie fut achevée ; comme il
faifoit beau , la plupart fortirent de la
Ville pour aller fe divertir hors de l'enceinte
des murs , & joüir du loifir que la
Fête leur donnoit . Ils avoient encore fur la
tête leurs couronnes de fleurs , qu'ils garderent
tout le jour , & s'amufoient à differens
exercices fur le bord d'Iliffus. Les
A ij
LE MERCURE
+
3
plus grands s'étoient fait amener des chevaux
, pour les monter dans la plaine , &
fignaler leur adreffe devant les plus jeunes
Les autres les regardoient faire , en
s'occupant à des jeux convenables à leur
âge. Nos Dames accompagnées de leurs
aimables filles , ne manquerent pas de s'y
trouver , afin de contribuer au plaifir de
la Fête , & plus encore pour faire admirer
leurs charmes . Je ne fçai pourquoy
Agathon arriva plus beau que le jour , accompagné
d'une troupe choifie de jeunes
gens de fon âge. Tous les yeux étoient ar
tachez fur cet aimable garçon ; il repandoit
fur toutes fes actions , une grace &
une douceur qui donnoient aux yeux comme
au coeur de nos belles Grecques , de la
vivacité & de la tendreffe ; & je ne fçai
même , fi je ne puis point le comparer à
l'Helene d'Homere , dont les attraits fe firent
fentir à Priam. Je le fuivis comme les
autres. Lorfque je fus affés prés de lui
j'entendis que quelques jeunes gens de fa
compagnie le prioient de leur redire un
entretien qu'il avoit eu avec Afpafie fur
la Volupté. Il refula quelque tems ; aprés
quoy il fe fit un plaifir de ceder à leurs
inftances. Toute cette troupe s'étant mife
autour de lui , il leur dit avec cet agrement
qui lui eft fi naturel : Je voudrois
bien , mes amis , fatisfaire vôtre curiofité ;
mais je fens bien que je ne le puis faire
DE. SEPTEMBRE.
5
動
1
qu'imparfaitement : Il me faudroit du
tems pour me rappeller l'entretien d'Afpa-,
fie , & vous me prenés au dépourvû ; mais
vous le voulés , fouvenés- vous que je vous
obéis. Vous favés la part qu' Afpafie a dars
nôtre Gouvernement , par l'amour qu'elle
a fçû infpirer à Pericles . Vous fcavés auffi
que la reputation de fon merite & de fon
elprit , a attiré chés elle les plus grands
Philofophes , entr'autres , Anaxagoré , &
Socrate qui ne dit rien ferieufement ; il
affûre neanmoins qu'elle lui a enfeigné la .
Rethorique. Ne vous étonnés point , aprés
cet aveu , fi le difcours de cette femme
admirable répond à fes connoiffances , &
fi ce que je vais dire d'aprés elle , eft audeffus
des raifonnemens que tiennent ordinairement
les femmes.
Un jour donc que j'étois demeuré feul
avec elle , & que je lui parlois de la volupté
, parce qu'elle ne peut qu'en reveiller
les idées , & parce que j'ay apris de
Socrate qu'il faut parler à chacun des chofes
où il excelle : La plupart des hommes ,
me dit elle , font debauchés fans être voluptueux
; & comment , lui dis-je ? la Volupté
eft donc differente de la debauche ?
comme le blanc l'eft du noir , reprit- elle ;
& vous même , Agathon , je vous croy
fort voluptueux , fans vous croire debauché.
Je vous prie donc , belle Afpafie , de
m'apprendre à me connoître , & qu'eft ce
A iij
6 LE MERCURE
que la volupté par oppofition à la débauches
afin que quand Socrate viendra avec
fes queftions pour me vouloir prouver que
je ne me connois pas moy- même , j'aye des
armes pour me deffendre , & que je puiffe
lui faire voir que vous avés û plus d'un
diſciple.
Afpafie ne put s'empêcher de fourire ;
& reprenant la converfation , me dit :
La nature a mis dans toutes les chofes qui
ont vie , un certain defir d'être heureux ;
& c'eft cette inclination qui porte chaque
animal à chercher le plaifir qui lui convient.
L'homme qui participe de l'effence
divine , & pour qui , dit- on , Promethée
a derobé le feu du Ciel , fait feul goûter
le plaifir par l'efprit ; c'eft cette reflexion
qui diftingue la volupté d'avec la débauche.
L'homme parfait eft voluptueux ;
mais celui , qui fe livre à fon temperament,
ne differe des bêtes que par la figure , n'a
de plaifir que ceux
que ceux de la débauche
& la debauche n'eft autre chofe , qu'un
emportement qui vient tout entier de
l'impreffion des fens. La raifon a fa molef
fe , & fait fe plier aux chofes qui conviennent
à la nature d'une ame bien née , &
qui ne tient au corps que par des liens foibles
& delicats. A parler jufte, il n'y a d'aimable
que ces caracteres ; les autres font
durs & fans nulle inclination pour la
vertu ni pour la politeffe ; auffi n'ont- ils
›
>
DE SEPTEMBRÉ .
*7
.
jamais de vrais plaifirs : Mais oferois -je ,
Agathon , parler de chofes encore plus
relevées , & oferois je vous en parler :
je crains bien de m'oublier , mais on me
pardonnera avec Agathon.
Vous connoiffés Anaxagore , il étoit
ici comme nous voilà. La plupart des
jeunes gens étoient à l'armée , & ma chambre
n'étoit remplie que de Philofophes.
La converfation fe tourna fur des chofes
ferieuſes , & Anaxagore prenant la parole,
fe init à dogmatifer ainfi , peut- être contre
fon fentiment .... Avant le commencement
du monde , il prenoit la chofe de
loin , les élemens étoient mêlés , & la
matiere formbit ce que les anciens Poëtes
ont nommé Cabos. Alors la Volupté , &
l'amour y mit une chaleur qui n'eft jamais
fans nouvement , & du mouvement vint
Pordre & l'arrangement de l'Univers.
Chaque partie de la matiere s'uniffant à
celle qui lui convenoit, & demeurant dans
l'équilibre avec les corps voifins , felon la
grandeur de fon Volume , car j'en ai rètenu
les termes ; l'homme , comme le plus
accompli des Etres , ût plus de
part à ce
feu univerfel , qui dans chaque corps en
particulier , comme dans toute la maffe
de la matiere , eft le principe de la vie &
du mouvement. Celui qui en ût davantage ,
fut auffi le plus parfait ,. & reçût avec le
feu plus d'inclination à la volupté. Je me
A iiij
LE MERCURE
?
mêlai , continua Afpafie , dans la converfation
en perfonne capable ; & vraiment,
lui dis je , je vous fay bon gré d'admettre
le feu pour principe de toutes chofes ; auffi
bien n'ai-je jamais rien compris à ceux
qui tiennent pour l'eau , & c'eft par cete
raifon que je n'ai jamais aimé le commencement
d'une Ode de Pindare : En
effet , ajoutai-je , fans parler des Arts , les
agremens , les manieres , la vivacité , tout
cela feroit bien loin , s'il n'y avoit que de
l'eau au monde , & je fuis fûre , me dit- elle,
que l'eau ne vous eût jamais infpiré cette
belle Tragedie que vous lûtes dernierement
ici ; ce qui fait que depuis ce temslà
, on ne parle que de la fleur d'Agathon.
J'étois fi charmé & fi occupé de fon difcours
, que fans trop répondre à fes flateries
; mais , Afpafie , repris -je , en l'interrompant
, n'ai -je pas oui dire à Socrate
que la volupté étoit l'amorce de tous les .
maux , parce que les hommes s'y laiffent
prendre , comme les poiffons à l'appas du
hameçon ?
Il eft vrai , me repondit- elle , que cette
inclination qui nous porte tous au plaifir
a befoin de la Philofophie pour être reglée
; & c'eft à quoy l'on connoît les
honnêtes gens qui par une attention exacte
, reglent toutes les actions de leur vie ,
& favent toûjours ce qu'ils font . Les autres
au contraire , errant à l'avanture , & fans
1
DE SEPTEMBRE.
nul autre guide que l'impreffion de leur temperemment
, fe laiffent toûjours tiranniſer
par quelque action brutalle; c'eft la maxime
d'ufer des plaifirs qui fait la volupté ou
la debauche . La volupté , repris-je , fera '
donc l'art d'ufer des plaifirs avec delicateffe
, & de les goûter avec des fentimens
vertueux. Mais donnés- moi quelque exem
-ple de cela , afin que ne doutant plus du
principe , je fçache en tirer les confequences
: Je le veux bien , répondit Afpafie
, & où le prendrons nous que dans l'amour
, celui de tous les plaifirs le plus ca-
-pable de delicateffe & de groffierete. ?
Quiconque fe livre à l'amour par une
inclination qui ne porte pas fur un goût.
fin & fur des fentimens exquis , n'eft point
un homme voluptueux , c'eft un debauché
; mais celui qui aime les qualités de
l'ame plus que celles du corps , qui tâche
à s'y unir autant qu'il eft poffible , par un
commerce vertueux de fentimens & d'ef
prit , qui fuivant une fine galanterie , prefere
la partie fpirituelle à la corporelle
ou tout au plus ne cherche qu'à partager
un beau corps avec une ame fi parfaite ;
celui-là peut paffer pour avoir le vrai
goût de la vraie volupté. Ce goût adoucit
la raiſon plûtôt qu'il ne l'affoiblit , &
conferve la dignité de la nature de l'homme.
Je voy bien prefentement , lui dis-je,
qu'il ne faut pas écouter nos fages qui
fo LE MERCURE
condamnent indiferemment toute volupté .
J'ofe dire , me répondit-elle , qu'ils n'en ont
point une idée affez diftincte , & qu'ils la
confondent avec la debauche car la verité
n'eft-elle pas en quelque forte la volupté
-de l'entendement ? La Poëfie , la Muſique,
la Peinture , l'Eloquence , la Sculpture ,
ne font-elles pas tous les plaifirs de l'imagination
? Il en eft de même des vins exquis
, des mets delicieux , & de tout ce
qui peut fater le goût , fans alterer le
temperemment . Pourvû que la raifon conferve
fon empire , tout eft permis , &
l'homme ne ceffant point d'être homme
l'action eft jufte & louable , puifque le vice
n'eft que dans le dereglement : Mais
voilà bien de la Philofophie , & je ne comprens
pas pourquoy je fçai tout cela. Il eft
vrai , ajouta-elle , que ce font les galanteries
dont Socrate m'entretient , mais finiffons
: Il n'y a donc plus de fondement
dans cette guerre naturelle qu'ils ont imaginée
entre la Raifon & les Paffions ; elle
doit plûtôt les regler que les combattre ,
& moins travailler au deffein chimerique
de les deraciner de nous-mêmes , qu'à les
affaifonner par le goût de l'efprit & par le
fentiment du coeur. On peut être Philo
fophe & facrifier aux Graces , fans qui
l'amour même ne. fçauroit plaire ; ne peuvent-
elles pas s'accorder avec la fageffe ?
J'ai toujours trouvé que cette inclination
DE SEPTEMBRE. II
,
adoucit les pour les chofes aimables
moeurs , donne de la politeffe & de l'honnêteté
, & prepare à la vertu , laquelle ainfi
que l'amour , ne fcauroit être que dans un
naturel fenfible & tendre.
Voilà , mes amis , quel fut le difcours
d'Afpafie ; elle me perfuada. Depuis ce
jour, je ne fuis plus de l'avis de ces Philofophes
, qui foutiennent que la débauche &
la volupté ne different que du nom. Mais,
ils nous aiment trop & quittent trop
fouvent leur retraite pour nous ; & quelque
chofe qu'ils difent , leurs actions me
font croire que dans le fonds , ils ne font
pas éloignés du fentiment d'Afpafic.
客
Pourquoy , l'on ne voit plus ou presque
plus , de perfonnes poffedées du Demon
comme on en voyoit dans les premiers fiecles
de l'Eglife.
Par M. DE CHANSIERGES .
I
Es Chrétiens de la primitive Eglife
étoient prefque tous des Saints ; ils
ne refpiroient que la ferveur & l'amour de
la penitence. Les Demons confternés de ne
pouvoir poffeder ces ames vraiment chrétiennes
, tâcherent de fe vanger en tourmentant
les corps qu'elles animoient. Ils s'y
72 LE MERCŰRÉ
enfermerent avec elles pour y exercer leurs
fureurs. Auffi- tôt on vit de toutes parts des
Chrétiens poffedés du Demon ; ils paroiffoient
tous agités de mouvemens convulfifs.
De leur bouche fortoit une voix étrangere
qui pouffoit d'effroyables cris . Bientôt
les Temples furent pleins de ces victimes
innocentes de la rage des Démons.
L'Eglife fit des prieres expreffes pour les
chaffer des corps qu'ils tourmentoient ;
elle les forçoit à fubir fes queftions : elle
les interrogeoit au nom du vrai Dieu ; &
l'auteur du menfonge étoit contraint de
rendre témoignage à la Verité , & prefque
toujours de fortir des corps qu'il poffedoit.
Mais dans la fuite , les Démons voyant
qu'ils n'avoient qu'une rage impuiffante ,
commencerent à fe ralentir. Ils laifferent
paffer aux Chrétiens leur premier feu ; &
n'en voulant dans le fonds qu'à leurs ames,
pour s'en rendre les maîtres , ils s'y prirent
d'une façon toute oppofée à la premiere.
Cherchons tout ce qui peut les flatter ,
rent- ils entreux . Il faut que les Demons
de la vanité , de l'avarice , de l'interêt ,
de l'envie , & c . employent tout ce qu'ils
ont d'adreffe , pour poffeder les coeurs de
ces hommes que nous n'avons pu vaincre
par la douleur. Il faut qu'ils s'en faififfent
par les amorces du plaifir . Laiffons les faire
feulement , & les Chrétiens font à nous .
di-
D'abord le Demon de la vanité , fit dif
DE SEPTEMBRE.
13
paroître cette fimplicité aimable qui regnoit
auparavant. L'aveugle opinion corrompit
les efprits ; le fuperflu fut regardé
comme neceffaire ; on méprifa la
mediocrité dans les biens , la pauvreté parut
affreuse ; la vanité fe répandit de
toutes parts. Bientôt on ne refpira plus
qu'elle. Cette contagion infecta les Grands
& le peuple même. Cette fumée obfcurcit
la raifon des plus fages , elle enyvra les
plus fobres ; elle penetra dans les lieux les
plus retirés. Ce Demon fe gliffa comme
un ferpent , fous les habits les plus humilians
de la penitence , & foufla fon venin
dans le fonds des coeurs.
Le Démon de l'envie divifa ces doux
liens par lefquels les Chrétiens étoient fi
étroitement unis enfemble. Loin d'avoir
leurs biens en commun comme auparavant
, ils ne chercherent qu'à fe les ravir
les uns aux autres. Loin de s'affliger fur
les malheurs de fes freres , on reffentit une
maligne joye de leurs difgraces , & l'on
affecta même alors de leur faire voir un
fourire amer. Loin de fe réjouir avec eux
de leur profperité , on ne fongea qu'à pallier
le depit mortel dont on fe fentoit dechiré.
Le Demon de la chicanne prit le nom &
la reffemblance de la juftice. Il reveilla les
efprits les plus tranquiles , il alla troubler
leur repos . Avec lui parurent les confeil
14 LE MERCURE
pernicieux , le prejugé trompeur , l'eſpoir
d'acquerir plus trompeur encore, & l'aveugle
obftination, Compagne prefque infeparable
de la chicanne : On ne parla plus que
d'Arrêts , d'Apels , de Sentences. Les
voifins fe difputerent fur leurs limites.
On vit de pleins facs de papiers , plus
propres à former une chaîne de procés ,
qu'à en terminer un feul . On embroüilla
toutes les loix , les Teftamens les plus
clairs fouffrirent diverfes interpretations ;
& pour intenter unprocès , on ne fongea
bien fouvent qu'à trouver une équivoque.
4
Le Demon du jeu cacha fon funefte poifon
, & ne fut regardé d'abord que comme
un agréable délaffement d'efprit . Tout
paroiffoit innocent en lui , & l'on ne fongeoit
point à s'en défier ; mais il fit fi
bien , que l'interêt fut enfin de la partie.
On s'ennuyoit fans lui. Il fut regardé
comme un doux éguillon qui reveille &
l'attention & le plaifir . Chacun fe laiffa
piquer à un trait d'autant plus dangereux ,
que l'on en prevoyoit point les fuites,
Bientôt on vit fe former des Affemblées
où les Chrétiens alloient facrifier leur ar
gent au Demon du jeu . Là il les remplif
foit de fa fureur & de fa rage . On voyoit
de toutes parts des troupes de ces Poffedés,
que la perte de leurs biens & de leur fanté
ne pouvoit retenir , paffer les jours & les
nuits dans ces maifons qu'on a qualifié du
DE SEPTEMBRE.
IS
nom d'Academies , mot auparavant confacré
pour fignificr ces lieux où l'on n'aprenoit
que la vertu & la fageffe. Oh que de
contorfions effroyables le Demon du jeu
leur fit faire ceux dont ils poffederent les
corps , ne firent jamais tant de mouvemens
convulfifs .
Enfin mille autres Demons que je ne
nomme point , poffederent les coeurs des
Chrétiens , & les ont toujours poffedés de
plus en plus jufqu'à prefent. Voilà la raifon
pourquoy ils ne poffedent gueres aujourd'hui
leurs corps , ils n'en veulent qu'à
leurs ames ; ils ont ce qu'ils fouhaitent.
ils n'en demandent pas davantage. Mais il
faut avouer que fi l'on ne voit plus ou pref
que plus de poffedés comme autrefois , on
en voit d'une autre efpece un bien plus
grand nombre .
Suite & fin des Memoires de M. de ..
Ous n'êtiez qu'un enfant ,lorfque Madame
Defchaffours mourut. Vous
per dites en elle une merè tendre , apliquée
à fes devoirs ; & moy , une épouse fidele
que j'aimois paffionnément. Vous me
confolates de cette perte ; & l'amour quej'avois
partagé entre vous & elle , vous le réu
nites fur vous feule. Je vous aimay , non feu16
LE MERCURE
lement parce que vous êtiez ma fille ; mais ,
parce que je découvrois en vous toutes les
qualitez qui peuvent rendre aimable. La
nature & l'age ont perfectionné vôtre beauté.
Mesfoins fecondés de vos heureuſes difpofitions
, vous ont renduë telle , que j'ofe
dire que fi vous n'êtes pas accomplie , c'eft
qu'il n'eft pas donné à une Mortelle de l'être.
Je ne parle point en pere prévenu ; je parle
en homme in different , Juge équitable des
chofes . Ces charmes & ce mérite , loin de
vous rendre heureufe , pourroient un jour
vous être funeftes. La nature & la fortune
font rarement d'accord , pour combler de
leurs graces un même sujet , & il femble que
P'une ne travaille qu'à détruire ou à perfecuter
les ouvrages de l'autre . Cependant,
Placidie , quoiqu'on nous dife de l'étoile &
de la deftinée , nous sommes en quelque maniere
les artifans de notre bonheur ou de nôtre
malheur. J'avoue que la prudence humaimaine
a des bornes , & qu'il arrive fouvent
des revers inopine dont toute nôtre prudence
ne peut détourner la malignité ; mais
elle peut y remedier. La patience & lafermeté
nous foûtiennent dans les difgraces . J'ai
tâché de fortifier vôtre ame , & de la rendre
inébranlable dans ces événemens affreux
qui dérangent la raifon la plus forte : Mais,
commej'ay mieux auguré du fort qui vous
attend , j'ay moins travaillé à vous armer
contre la mauvaife fortune , qu'à vous rendre
DE SEPTEMBRE 17
dre digne de la bonne . Vous avez dans vousmême
de quoi la meriter. Mes confeils vous
fourniront les moïens de vous y maintenir.
Pour cela , Placidie , il ne faut vous en
écarter jamais , y joindre dans l'occaſion ce
que l'experience & vos propres lumieres vous
Suggereront , reflechir dans les chofes fur
lefquelles le temps vous permettra de le faire,
& prendre fur le champ vôtre party dans
celles qui ne demanderons point de remifes.
Mais , comme ce que je vous dis ici , eft trop
Dague , & que j'ay defcendu avec vous dans
des détails plus circonftanciés , la peur que
j'ay qu'ils n'échapent à vôtre mémoire ,
m'engage à vous les donner par écrit.
» Vous fçavez , Placidic , que dès quie
» vous avez' cu l'ufage de raifon , j'ay tâ-
» ché de vous faire comprendre qu'il n'y a
» rien de fi élevé , où une fille qui a de
as l'efprit & de la beauté , ne puiffe afpirer.
Je voyois avec plaifir que les idées de
grandeur faifoient une agreable impref-
≫lion fur vous : Que fufceptible d'une noble
ambition , vous defiriez avidement
» les plaifirs & les honneurs que je vous
faifois entrevoir. Vous écoutiez mes con-
»feils avec docilité , & vous preveniez par
» vos queſtions les chofes que je ne voulois
vous apprendre que fucceffivement . Une
a mémoire merveilleufe vous faifoit retenir
» lés évenemens & les exemples . Une conception
plus meveilleufe encore ,
B
18 LE MERCURE
»
faifoit reduire les preceptes en pratique.
» La Philofophie , la Fable , l'Hiftoire
»quoique je ne vous la montraffe qu'en paffant
, n'avoient rien d'inacceffible à votre
penetration. C'étoit uniquement l'art de
plaire que je voulois vous montrer , &
»vous y avez fait des progrés qui ont paf-
» fé toutes mes efperances. Je vous dis tou-
» tes ces chofes , Placidie , non pour vous
» donner de la vanité , mais pour vous fai-
» re voir combien vous ferez blamable', fi
» votre conduite ne répond pas à vos lu-
» mieres.
Les hommes vécurent d'abord dans une
égalité de condition , que je ne crains pas
d'appeller stupide. En effet , à qui étoitelle
favorable cette égalité ? A ceux qui n'avoient
ni l'efprit ni le courage de s'élever .
Les ames baffes & communes, y trouvoient
leur compte. Elles jouiffoient tranquillement
d'un bien qui fe prefentoit à elles de
lui-même , qu'elles n'avoient pas la peine
de fe procurer par leur industrie, qui ne demandoit
ni mérite ni fentiment.
Cet état étoit fi peu de la nature de l'homme
, qu'il n'a duré qu'autant que la groffiereté
des premiers tems l'a fait fubfifter .
Le joug de l'égalité parut odieux aux efprits
bien faits, aux coeurs nobles ; ils le fecoüerent.
De-là fe font formés les Royaumes ;
de-là eft venu l'émulation . Les Sciences &
les Arts jufqu'alors inconnus , aquirent >
DE SEPTEMBRE. 19
en ſe perfectionnant , la fplendeur où nous
les voyons aujourd'huy. La fuperiorité du
génie fit celle des conditions. Alors on fongea
à polir les moeurs ; alors on commença
a penfer , à reflechir. La magnificence des
édifices & des habillemens fucceda aux vétemens
de peaux d'animaux & aux cavernes.
Alors les plaifirs délicats & rafinez prirent
la place de la groffiereté . Ces mêmes
hommes qui ne differoient , pour ainſi dire ,
des bêtes que par la figure , devinrent veritablement
des hommes fpirituels, épurez .
Le goût , la politeffe , la circonfpection ,
la déference ,les vertus civiles & morales ,
les raprocherent de cette Divinité, dont ils
avoient à peine confervé les idées . Alors
ils s'apperçûrent qu'ils avoient une amerai-.
fonnable & capable de deffeins immortels ;
alors enfin la beauté commença à joüir de
fes droits. Ils en connurent l'excellence , ils
en fentirent le pouvoir . Elle devint le charme
des yeux , l'enchantement des lens , &
la felicité de l'ame.
Que vous auriez été malheureufe , Placidie
, fi vous étiez née dans la barbarie de
ces premiers tems ! Devenue le partage du
premier Pafire , ou du premier Chaffeur
fous la main duquel vous feriez tombée ; reduite
à travailler de vos mains ; à vivre dans
une trifte campagne ; chargée des détails
d'un ménage delagreable & embaraffint ;
à quoy vous eût fervi vôtre beauté ? De
Bij
·20 LE MERCURE
quel ávantage vous euffent été les qualitez
brillantes que vous poffedez ? Obfcurcies ,
confondues dans l'ignorance generale , elles
n'euffent contribué ni à vôtre fatisfaction ,
ni à vôtre gloire. Graces au Ciel , Placidie ,
-vous êtes née dans le plus éclairé de tous les
fiecles , parmi la Nation la plus civilifée de
l'Univers , Françoiſe en un mot.
La tendreffe que j'ay pour vous , génée
dans les bornes étroites des tendreffes ordinaires
, me donne des vûës bien plus vaftes
& plus relevées fur vôtre fujet , que n'en
ont la plupart des peres pour leurs enfans .
Je veux que vôtre fortune faffe autant de
bruit que vôtre beauté ; & comme l'une eft
merveilleufe , je veux que l'autre le foit auffi
: Faite comme vous êtes , vous pouriez
choifir dans tout ce qu'il y a de meilleur parmi
tous les Particuliers du Royaume; mais,
Placidie , vous nêtes point née pour être la
femme d'un fimple Gentil-homme , ou d'un
riche Traitant. C'eft encore peu pour vous
d'arrêter vos efperances au frivole avantage
d'avoir un *** Quand vous vous en
tienderiez là les perfonnes qui vous rechercheroient
, ne font point en état de confulter
leurs coeurs & leurs yeux fur leurs mariages.
M. de ✶ ✶ ✶ yous en fournitun aſfez
bel exemple. Outre cela , l'efprit de débauche
& de diffipation , regne fouverainement
parmi la plupart des jeunes gens .
Ils n'ont ni conduite ni jugement. HebeDE
SEPTEMBRE. 26
tez ou Libertins , ils partagent leur vie en¬
tre le jeu , les femmes & le Traiteur. Libre
des préjugez d'une éducation populaire,
vous devez prétendre , Placidie, à quelque
chofe de plus. Le Prince de ** qui eft à
.... eft le feul digne de vous ; & dès que
j'auray terminé quelques affaires effentielles
qui m'arrêtent ici malgré moy , je veux
Vous y conduire. Cependant , comme vous
aurez à vivre & à vous accommoder aux
coutumes & aux moeurs d'une Cour que
vous ne connoiffez pas , jay jugé à propos
de vous laiffer par écrit ce que je penfe làdeffus.
Imaginez- vous donc que fortis de
France l'un & l'autre fous quelques pretextes
fpecieux, j'auray trouvé le moyen de me
prefenter au Prince de ** & de vous y
prefenter vous-même : Qu'aprés lui avoir
demandéfa protection & pour vous & pour
moy , nous nous établiffons à ..... & que
le Prince frapé de vôtre vûë comme
il le fera indubitablement , fentira naî
tre dans fon coeur les premieres impreſfions
d'une tendre furpriſe ; fçaura vous
diftinguer dans tous les endroits où
il fera, & où j'auray foin de vous faire trouver
adroitement ; qu'enfin vous lui aurez
plû . Alors , je folliciteray de l'Employ dans
fes Troupes ; il ne manquera pas de me demander
ce que vous deviendrez pendant
mon abfence : Je lui répondrai que je me difpole
à vous mettre dansun Couvent, & que
>
22 LE MERCURE
·
fi je n'avois crains le Prince de ... je
l'aurois prié de vous mettre auprés de la
Princeffe. Le Prince charmé de cette ouvertute
, faifira l'occafion de vous mettre
à portée de recevoir ſes voeux , & voici de
quelle maniere il faudra alors que vous vous
conduifiez .
Attachez-vous à la perfonne de la Princeffe
; étudiez fon humeur ; menagez les
perfonnes que vous connoîtrez poffeder fa
confiance ; faites fervir leur faveur à procurer
la vôtre ; & fi vous en venez jufq'uà
gagner fes bonnes graces , n'oubliez rien
pour les conferver. Soins affidus , fervices
empreffez, refpects infinis , obéillance aveugle
, fecret inviolable , attentions circonfpectes
, louanges fines , flateries délicates ,
mettez tout en ufage. Enjoüée ou ferieufe ,
fuivant l'occafion ; trifte ou gaye felon les
évenemens , faites - vous toute à tout . Evitez
les intrigues & les cabales. Ne tâchez
de nuire à perfonne , ou du moins , ne le
faites qu'à coup iûr, & fi adroitement , que
le foupçon n'en tombe point fur vous . Paroiffez
du dernier définterefferent ; fuyez
la médifance ouverte , l'efprit de haine &
de party , ayez avec vos Compagnes , de la
modeftic , de la douceur ; que les avantages
que vous avez fur elles , ne vous donnent
ni froideur ni mepris ; gagnez les fieres
par vos déferences. Aprenez l'art de fe
bien mettre à celles qui ne feront entétées
DE SEPTEMBRE.
23
que de leur beauté : Admirez celles qui
voudront paffer pour fpirituelles ; relevez
leurs bons mots pour leur applaudir ; joués
avec les joueuses ; parlez de galanterie avec
les coquétes ; de pieté avec les prudes ;
de fcience avec les fçavantes ; d'ajustemens
avec celles qui ne fcavent parler que d'écharpes
& de garnitures . Complaifante
avec les difficiles ; liberale avec les avares ;
refervée avec toutes en general . Répondez à
F'amitié de celles qui vous en témoigneront
;
entrez dans les chofes qui leur feront plaifir
; compatiffez à leurs peines , à leurs chagrins
, à leurs degoûts . Ecoutés , dérobés
mefme finement leurs fecrets , fans paroître
curieuſe ; mais ne dites jamais les vôtres.
Qu'on ne découvre en vous , ni orgueil , ni
inégalité , ni tracafferies : Qu'on ne vous
trouve ni mittericufe , ni évaporée. Obfervez
une jufte mediocrité qui ne tienne
ni du faftueux , ni du rampant. Marquez
du goût & du difcernement , mais n'affetez
point d'en montrer . Convenez plûtôt
d'un fentiment ridicule , que de contefter
opiniatrément. Simple , mais propre dans
vôtre parure ; ne vous diftinguez que par
vôtre beauté , que par votre bonne grace.
Donnez un libre accès à vôtre toilette ;
laiffez-vous voir en cornettes de nuit , & en
robe de chambre , afin que l'on connoiſſe
qu'il n'y a rien de mandié , ni d'étranger
dans vos charmes. Surtout ayez dans toute
24 LE MERCURE
vêtre conduite une circonfpection qui def
cende jufqu'au fcrupule. Vous ferez éclai
rée , vous aurez des envieufes , des jalouſes,
des ennemies. Ne donnez de priſe à perfonne
, & que l'attention la plus opiniâtre
à examiner vos actions , foit inutile pour
celles qui vous examineront , & glorieufe
pour vous.
A peine paroîtrez - vous à la Cour , que
tous les jeunes gens , enpreffez autour de
vous, combatteront entr'cux à qui vous paroîtra
le plus paffionné . Ce ne feront que
louanges , qu'affiduitez , que foins , que regards
; mais , Placidie , c'eftici que je vous
demande une pratique rigoureufe des confeils
que je vais vous donner .
Les Italiens naturellement galants , pouffent
volontiers la paffion jufqu'à l'idolatrie.
Ainfi n'efperez pas que vôtre indifference ,
vôtre fierté , vos mépris , le tems , où les
reflexions , gueriffent ceux que vous avez
bleffe. Non , Placidie , ils vous aimeront
jufqu'à la mort. De tous les adorateurs que
vous fufcitera vôtre beauté , regardez comme
les plus dangereux , non pas les plus qualifez
, non pas les plús riches , mais les
mieux faits , mais ceux pour qui vôtre
coeur auroit du penchant à s'intereffer,
Vous êres fille , Placidie ; & dans les premieres
ardeurs d'une jeuneffe inconfiderée
à vôtre âge, on eft fufceptible ; on fe laiffe
afément entraîner , firon au plaifir d'aimer
DE SEPTEMBRE. 41
convenoit de fatisfaire la curiofité de ce
Seigneur , étoit dans un embarras étrange.
De dire que c'étoit fa fille , il n'y avoit
point d'aparence. Il étoit connu de la plupart
de ceux qui étoient avec le Duc , qui
favoient bien qu'il n'en avoit pas. De dire
que c'étoit la fille de Deschauffours , c'étoit
trahir fon ami ; enfin , prenant fon partis
fur le Champ , il dit à ce Prince qu'elle.
étoit la femme du Gentilhomme que S. A..
voyoit dans le Jardin , & qu'ils étoient ver
nus tous deux lui rendre viſite . Je fus fur
le point de le dementir , tant je voyois
d'inconveniens dans le perfonnage que j'allois
être obligé de jouer : Mais, ayant fait re-
Alexion que fi Placidie n'étoit pas ma femme
, elle pourroit bien la devenir ; & tirant
un bon augure de ce que Cariere venoit
de dire, je m'avançai ju qu'au bord du
mur , & fis une profonde reverence au
Duc de...qui ne s'en aperçût pas , tant
il étoit occupé de Placidie. Mais ayant
jetté les yeux fur moi : Quai d'Armentiers,
me dit-il , c'est toi ! Je ne te croiois pas
marié , & moins encore poff ffeur de la p'us
belle forme de France. Je t'en fais compli
mint , & prends part à ton bonheur . Là
deffus il defcendit de cheval. La terrafle
donnoit fur la campagne. Cariere ouvrit
une porte qui y donnoit auffi , & le Duc
entra. J'étois dans des tranfes mortelles
que j'étois contraint de renfermer au fonds
D
LE MERCURE
de mon coeur. Placidie me raffûra . Elle
fé demêla de toutes fes douceurs , & de toutes
fes cajolleries avec un efprit & une modeftie
qui me charmerent & qui me rendirent
la vie. Cariere étoit le Gentilhomme
de la Province qui avoit le meilleur vin. Il
pria le Duc de lui faire l'honneur de fe ra
fraîchir dans fa maifon. Il fut exaucé fur
le champ ; & ce Seigneur , aprés être refté
plus d'une heure à table , & s'être rempli
le coeur de tous les charmes de Placidie
qu'il combla de louanges , remercia Cariere
de fa bonne reception , monta à cheval
& m'ordonna de l'aller voir à ... avant
mon depart.
J'en reviendrai toute ma vie à dire qu'on
ne peut aller contre l'étoile . Ce fut cette
étoile qui me conduifit chés Deschauffours,
& qui , malgré toutes fes precautions , me
fit voir fa fille . Ce fut elle qui detruifit fes
vaftes defleins en la rendant fenfible à mon
amour. Ce fut elle qui fit venir le Duc de
... chés Cariere ; elle en un mot, qui fut
caufe de tous les evenemens qui me reftent
à conter.
Defchauffours fcur que le Duc de ...
avoit vû Placidie , & il le fcût prefque auffitôt
qu'il fut arrivé chés Cariere . Jamais
douleur n'a été plus forte . Jamais frayeur
n'a été plus vive que la fienne. Il fut plus
d'une heure fans pouvoir parler ; enfin
prenant fon parti , il refolut de la venir reDE
SEPTEMBRE. 43
chercher , de la mettre dans un Couvent
afqu'à ce qu'il pût partir , d'avancer fon
depart le plus qu'il pourroit , & de me
prier de me rendre à mon Regiment dés
le lendemain .
Dans cette refolution , il fit feller un
cheval . Par malheur il avoit oublié quelque
chofe dans la chambre de Placidie . Il
y alla. Le premier objet qui le frapa en
entrants fut la clef de fon bureau. La precipitation
avec laquelle elle étoit partie le
matin , la lui avoit fait oublier. Deschauffours
toûjours defiant , voulut en parcourir
tous les tiroirs. Il n'alla pas loin fans
être payé de fa curiofité , & fans trouver
ce qu'il ne cherchoit pas. C'étoit une lettre
que j'avois écrite à Placidie ; elle fervoit
de réponſe à une des fiennes : Elle
étoit intelligible , & n'avoit pas befoin de
Commentaire. Je la remerciois de la bonté
qu'elle avoit eu de répondre à mes fentimens.
Je l'exhortois à perfeverer dans le
deffein où elle étoit de me rendre heureux ,
& à conſentir à tout ce qui ne blefferoit
point fa vertu pour fe donner à moi . Je la
felicitois de n'avoir point adopté les idées
de fon pere , & de ne plus fentir de repugnance
à le tromper ; je me felicitois moimême
du bonheur de lui plaire : Je finiffois
en l'affûrant que puifqu'elle partageoit
mon impatience , j'efperois que nous la
verrions bientôt ceffer. Quel coup de fou-
Dij.
44 L.E MERCURE
1
dre pour Defchauffours ! Il ne pouvoit en
croire à fes yeux. Une autre réponſe ne lui
donna plus lieu de douter que je n'aimaſſe
La fille , que je n'en fuffe aimé , & que je
fçuffe tous fes fecrets . Il éprouva qu'il
n'arrive jamais un malheur fans un autre ;
mais ce dernier lui fit oublier le premier.
Aprés s'être bien emporté contre Placidie
& contre moi , aprés m'avoir donné tous
les noms que mon procedé lui parut meriter
il forma la refolution de tirer vengeance
de l'injure que je lui avois faite ,
quelque peu d'égalité qu'il y eût entre un
homme de 55 ans , & un autre qui n'en :
avoit pas encore 3o.. A toute cette colere
fucceda une trifteffe & un accablement
qui le rendit immobile.. Il fit neanmoins
un effort fur lui-même , & monta à cheval
. Nous le vîmes arriver pâle comme la
mort. Nous crûmes Placidie & moi que
l'avanture du Duc de ... en étoit la caufe,
& nous n'eûmes garde de foupçonner que
nous y cullions part. Defchauffours incapable
de fe contraindre , me regarda d'un
air irrité que j'attribuai encore uniquement
à fon chagrin. Il me dit fechement
qu'il fe trouvoit mal , & qu'il me prioit
de lui ceder ma place dans fa chaife . La
demande étoit jufte ; je montai fur fon
cheval , & nous partîmes tous trois fort
intrigués. Defchauffours , qui étoit deſeſperé
de ce qu'il venoit d'aprendre de nos
DE SEPTEMBRĖ
.
45
affaires , foupiroit à tout moment. Placidie
qui craignoit que fon pere ne lui fît
un crime de ce que le Duc de ... Pavoit
vûë,gardoit un profond filence , & n'oſoit
le regarder . Moi qui me voyoit loin de
mon compte , flaté m'êtant que je pourois
prendre avec elle des mefures juftes , pour
faire confentir Defchauffours à nôtre mariage
, ou pour nous marier fans fa participation
, je n'étois pas moins agité. Nous
arrivâmes ; Defchauffours fe mit au lit
avec une groffe fievre. Le lendemain fon
mal devint plus violent , & enfin on deſefpera
de fa vie. Il demanda Cariere qu'on
alla chercher fur le champ , & qui arriva
le foir même. Le Curé par l'avis du Medecin
, lui dit de fe preparer à la mort ,
qu'il n'avoit plus que quelques heures à
vivre. Il en reçut l'arrêt fans murmurer
Il nous fit venir Placidic & moy auprés
fon lit , & aprés que tout le monde , hors
Cariere , fut forti de la chambre , il nous
parla de la forte ... Monfieur , me dit- il ,
d'une voix mourante en s'adreſſant à moi.
Vous avés abufé de ma confiance & de mon
amitié. Dans un autre tems je n'euffe pas
borné mon reffentiment à de fimples reproches
; mais aujourd'hui que je regarde les
chofes d'un autre il que je ne le faifois il
y a trois jours ; loin de m'emporter contre
vous , je vous fais mille remercimens de
m'avoir empêché d'executer les coupables def-
&
46
LE MERCURE
,
feins que j'avois fur Placidie ; vous lesfçavés
fans doute ; c'est pourquoy je ne vous en
parle pas. Je vais rendre compte à Dieu de
mes actions. Je ne dois plus fonger qu'à lui
demander pardon de mes egaremens
&
qu'à le flechir. Vous avés plû à ma fille ;
vôtre merite & vôtrefageffe me font efperer
qu'elle fera heureuse avec vous ; je vous la
donne ... & vous ma fille , poursuivit- il
en fe tournant de fon côté , pardonnés à un
pere que fon amour pour vous avoit avenglé.
Je detefte les pernicieux confeils
que j'avois en l'imprudence de vous donner
; & je mourrois inconfolable , fi je
croyois qu'ils euffent fait la moindre impreffion
fur votre coeur Effacés- les de vôtre memoire
& qu'il n'en foit plus parlé . Reparés
par vôtre vertu , par vôtre modeftie , &
par votre fidelité , les idées ambitieufes &
prophanes que j'avois voulu vous inspirer.
Faites plussenfeveliffés dans un filence éternel
ces funeftes circonstances de ma vie. Epargnés
à la memoire de vôtre pere les erreurs
où il s'étoit abandonné ... Mon fils ,
reprit il , en me prenant la main ; car je
ne dois plus vous traiter autrement . Je vous
-fais un prefent en vous donnant Placidie
dont j'efpere que vous me benirés le reste de
vos jours . Aimés - là & pour elle & pour
moi : Elle le merite par fa beauté . Elle le
meritera par fa conduite ; je le merite
moi-même par tout ce que j'aifait pour elle,
DE SEPTEMBRE. 47
fi vous en excepiés des extravagances , qui
graces au Ciel , n'ont point en de fuites , &
pour lesquelles vous me voyés penetré du
plus vif repentir. Je fens que la mort s'apro¬
che ; laiffés-moi donner ces derniers momens
aux penfées de l'éternité . Embraffes moi
mes enfans. Cariere vous fervira de pere.
C'est un amifidele & genereux . Il fcait tous
mes fecrets & vous les aprendra . Adieux
foyés heureux , recevés ma benediction .
Nous fondions en pleurs Placidie , Cariere
& moy , & nous ne pûmes proferer
une feule parole , tant nous étions faifis .
Defchauffours fe fentant affoibli , & voyant
que nos larmes l'attendriffoient , il nous fit
figne de fortir. Le Curé rentra , & il rendit
l'ame entre fes mains. Placidie accablée
de la plus vive douleur , fe jetta fur le
corps de fon pere. On cut toutes les peines
du monde à l'arracher de fa chambre.
Loin de pouvoir la conſoler , j'avois moimême
befoin de confolation. Je la remis
entre les mains de Cariere qui l'emmena
chés lui. Je fis enterrer Défchauffours ,
& fus les rejoindre le lendemain.
Cariere commençant à ufer des droits
de pere , que Defchauffours lui avoit laiſfés
en mourant , me dit qu'il ne croyoit
pas que je fongeaffe à époufer Placidie
avant la fin de la campagne : Que je ne
pouvois pas lui moins donner que quatre
ou cinq mois pour pleurer fon pere :
48 LE MERCURE
Qu'elle- même avoit trop de naturel , pour
donner les mains à un engagement avant
ce tems- là qu'ainfi il me confeilloit de
partir au plûtôt Qu'à l'égard de nos affaires
, il en auroit autant de foin que des
fiennes propres : Que la Terre où Defchauffours
étoit mort , n'étoit plus à lui :
Que meditant un voyage en Italie , il
la lui avoit venduë ; mais que fi nous voulions
y rentrer il étoit prêt à nous
la ceder ; finon , que le prix de cette
Terre êtant encore en fen entier , nous
en ferions tel ufage que bon nous fembleroit.
Il finit , en me preffant de partir ;
qu'autrement je courois rifque d'étre arrêré
ou de perdre ma Compagnie.
•
Si j'avois confulté , mon coeur , j'aurois
eu bien des chofes à répondre à ces raifons;
mais enfin , quelque fût ma paffion pour
Placidie , il falloit accorder fon devoir &
le mien avec cette paffion. Je dis à Cariere
que je lui obéïrois , & que j'allois me
difpofer à partir. Pendant que je preparois
mon équipage , mon valet vint me dire
qu'un homme demandoit à me parler . Je
donnai ordre qu'on le fît entrer. Aprés
m'avoir demandé deux ou trois fois , fi
c'étoit moi qui fe nommoit M. d'Armentiers
, il me dit que fon Maître l'avoit
chargé de me rendre cette lettre en main
propre, & qu'il me prioit de lui faire réponte
fur le champ. Elle étoit d'un de
mes
DE SEPTEMBRE. 25
mer , du moins à celuy d'être aimée. Quel
charme plus féduifant pour une jeune perfonne
, que de voir à les genoux un cavalier
aimable , exprimant par toutes les actions
, par toutes les paroles , l'amour dont
ileft veritablement penetré ! Comment fe,
défendre de ces douces langueurs , de ces ,
tendres proteftations , de ces fermens paffionnez
, de ces expreffions flateuſes & infinuantes
de ces larmes attendriffantes !
Comment refifter à ces mouvemens vifs &
tumultueux qui s'élevent dans nôtre ame ,
cette douce revolte de tous les fens , à ces
tranfports feditieux qu'excite la prefence
d'un objet aimé ! Tout eft contagieux dans
ces occafions ; tout-nous féduit & nous perd ;,
un regard , un gefte , un rien , porte le poifon
dans le coeur.
"
C'est donc uniquement de vous - même
qu'il faut vous défier. Regnez fur vôtre
coeur , & perfonne ne s'en rendra maître,
N'aidez point vous- même à vous vaincre ,
& vous ferez invincible . Apellez vôtre raifon
au fecours de vôtre coeur , & l'ambition
au fecours de votre raifon . L'un & l'autre
vous garantiront d'un peril d'autant plus
à craindre , qu'on s'y laiffe entraîner avec
moins de repugnance .
En vain vous promettriez- vous de tenir
fecret un engagement que vous auriez pris
avec quelqu'un. Croyez-moy , Placidie
tout devient public. Le Prince de..
Septembre 17190
C
26 LE MERCURE
l'apprendroit infailliblement , & ne voudroit
point d'un coeur dont un autre auroit
eu les prémices. Vous verriez en un moment
toutes vos efperances anéanties. Le Prince
de ..... vous abandonneroit par mépris,
& votre amant par crainte. Plus le Prince
vous aimeroit , plus il feroit fenfible à l'injure
que vous lui feriez . La moindre jaloufie
eft une offenſe mortelle pour un amant
puiffant. J'avoue qu'il y a des occafions ,
où pour reveiller une tendreffe affoupic
dans un coeur qui n'a ni défiances , ni foupçons
, ni difficultez à combattre , on peut
verfer dans ce coeur une ombre de jaloufie ,
feindre une apparence d'infidelité ; mais
ces démarches font fi délicates , & demandent
tant de ménagemens , que je ne vous
confeilleray jamais d'y avoir recours . Il faut
connoître à fond le caractere , la délicateffe
& les fentimens de celuy qu'on veut feindre
tromper, & plus que tout cela , être fûr
du pouvoir de fes propres charmes . Il y a fi
peu de difference entre allarmer un amant
& l'offenfer , que fouvent au lieu de ranimer
fa paffion , on le revolte , on le met en
fureur.
de
Je fais tant de fonds fur votre conduite,
que je me perfuade aifément que vous éviterez
tous ces écueils , ou que vous vous en
débarafferez avec efprit. Jufqu'icyje vous
ay parlé de la maniere dont vous devez vi-
• vre à cette Cour , il eft tems de vous prefDE
SEPTEMBRE. 27
crire ce que vous devez faire avec le Prince
de .....
N'allez point à la premiere ouverture dé
clarée en fouverain ; c'eſt -à- dire , en homme
qui ne veut point languir , & qui n'aime
que pour être heureux ; n'allez point ,
diſ-je , vous rendre précipitamment . Une
conquête qui coute peu à faire , coute peu
à abandonner. N'allez pas non plus par une
refiftance trop foutenue donner à fes defirs
le tems de s'émouffer. Ménagez votre coeur
& le fien. Comme nous ne fommes pas maîtres
de nos fentimens , je n'exige pas de vous
que vous l'aimiez dans l'inftant qu'il vous
declarera fon amour : Ce feroit peut-être
T'exiger inutilement. Je fouhaite que vous
éprouviez le pouvoir de cette heureuſe ſym
pathie qui fe trouve entre deux coeurs faits
P'un pour l'autre ; mais , fi c'eft trop fouhaiter
, agiffez du moins avec luy de forte
qu'il puiffe croire que vous êtes ſenſible ,
& qu'il foit content de vous . L'eftime & la
reconnoiffance éblouiffent une ame prévenuë
, & paffent fouvent à fes yeux pour un
veritable amour. Le tems,fon mérite,fa perfonne,
fa tendreffe, fa puiffance, votre ambition
, votre propre interêt , votre raison ,
votre coeur , tout contribuëra à vous le faire
aimer. Alors , fervez - vous de tous vos
charmes , de toute la délicateffe de votre
efprit , & de toute la fenfibilité de votre
ame. Oubliez le Prince de ..... dans les
Cij
28 LE MERCURE
momens où il s'oubliera luy-même , pour ne
paroître qu'amant .
- Recevez fes bienfaits avec plaifir , mais
fans empreflemens & fans avidité . Ne les
excitez point par des tours artificieux . Les.
grands feigneurs aiment à donner ; mais ils
veulent être maîtres de leurs graces. Une
aparence d'avarice ou d'interêt , revolte
leur délicateffe. Ne fonger qu'à s'enrichir
ce n'eft pas aimer , c'eft trafiquer honteufement.
Ce n'est pas fe donner , c'eft fe vendre.
Ainfi , quelques foient fes bienfaits ,
paroiffez toûjours faire plus de cas de la
main dont ils viennent , que du prefent
même. Tâchez cependant de vous procurer
un nom & un établiffement. L'un & l'autre
eft une reffource contre l'inconftance
ou contre la mort d'un amant .
Sur toutes chofes , faites un bon ufage
de votre faveur & de vos biens. Ne tom
bez ni dans des profufions extravagantes ,
ni dans des épargnes indignes ; ne foyez ni
prodigue ni avare. Ne le difputez point à
la Princeffe de.. . . . . même fur la magni
ficence des meubles , des équipages & des
habillemens. Un trop grand fafte attire
l'envie & da haine : Fuyez auffi l'autre
extrémité , elle avilit , elle rend méprifable.
Menagez- vous des creatures , rendez
aux uns de bons offices auprès du Prince
par le moyen du Favory ; mais en ce qui
DE SEPTEMBRE. 29
ne regardera point les affaires de l'Etat ,
don't , fi vous voulez m'en croire , vous ne
vous mêlerez jamais , obligez les autres par
vous même. Jouez peu , plûtôt encore par
complaifance que par goût. Une joüeuſe
s'expofe à de terribles inconveniens . Une
groffe perte dérange l'efprit & la fanté.
Quelles démarches ne fait- on pas quelquefois
pour la reparer ? On n'a plus d'argent;
on veut en recouvrer à toute force ; on
fçait le befoin où nous fommes ; on nous
en offre , Et qui fouvent Croyez-moy ,
Placidie , ce ne font point des gens défintereffez.
La reconnoiffance qu'ils éxigent
de vous , eft toûjours infiniment au- deffus
du plaifir qu'ils vous ont fait , & voilà le
vrai moyen de fe perdre.
Si la fortune vous fufcite quelque Rivale
, tâchez d'abord de la faire fervir de
triomphe à vos charmes . Employez - les ces
charmes à retenir le Prince de ..... ou à
le ramener , s'il vous échape. Malgré tout
ce que vous aurez pû faire , cédez au tems
avec fageffe , ce ne fera peut- être qu'un feu
paffager. Surtout ne l'aigriffez point par
des reproches amers , par des hauteurs
par des fiertez exceffives , par une jaloufic
emportée & furieufe . Ne recourez ni aux
injures , ni aux menaces . Employez la douceur
, la complaifance . Que vos yeux couverts
de pleurs jettent fur luy des regards
mêlez de douleur & de tendreffe. Que
•
>
C lij
30 LE MERCURE
vôtre langueur & vôtre abattement foient
les feuls interprétes de vôtre defefpoir . Ne
demandez pas inconfiderément à vous retirer
dans les premiers tranfports d'une paſfion
naiffante. Un facrifice ne coute gueres
à faire aux perfonnes qu'on commence d'aimer,
& vous feriez peut- être prife au mot .
Armez -vous de force & de patience. Le
Prince de . qui ne trouvera nulle
part ce qu'il aura trouvé en vous , reviendra
de lui-même ; & vôtre gloire en fera
d'autant plus brillante & vos plaifirs
d'autant plus purs , que vous ne devrez fon
retour qu'à votre beauté , qu'à votre me
rite , & qu'à vos bonnes manieres .
•
›
Dans le calme heureux d'une tranquile
intelligence , ne chicanez point le Prince
de ..... par des délicateffes mal entenduës,
par des raffinemens outrez. Un amour
qu'on veut trop fubtilifer , s'évapore . S'il
arrive entre vous de ces refroidiffemens
de ces langueurs , ou de ces broüilleries ,
infeparables de l'amour , produites plûtoſt
par le défaut du temperament , que par cefui
du coeur ; ne les regardez point comme
un fujet de plainte , comme un crime.
Travaillez à les étouffer par votre prudence
, plûtoft qu'à les entretenir par votre alteration.
N'en accufez point le Prince de ..
On ne peut pas toûjours être dans la même
égalité d'efprit . Nous avons nos momens
d'impatience & de chagrins.
DE SEPTEMBRE. 31
.
Si la Guerre ou quelque autre raifon , l'oblige
à fe féparer de vous ; lorfque vous lui
direz adieu , fuivez les feuls mouvemens
de votre coeur. C'eft connoître peu l'amour
, que d'employer de belles paroles
pour dire adieu tendrement. De la douleur
dans les yeux , des difcours fans ordre
& fans fuite, de triftes regards fans affectation
, de la fincerité dans la douleur comme
dans les paroles , en un mot , un je ne
fçay quoy de doux & d'amer tout enfemble
, qui paffe cent fois d'un coeur dans un
autre , prouve mieux que ne pourroient
faire les difcours les plus éloquens , ce qui
fe paffe dans une ame tendre , accablée des
frayeurs de la féparation & des horreurs de
l'abfence.
Si vous avez des enfans , apliquez-vous
toute entiere à leur éducation . Que l'amour
que j'ay pour vous , foit la regle de
celui que vous aurez pour eux, Infpirezleur
des fentimens dignes de leur naiſſance.
N'épargnez - rien pour leur procurer
les meilleurs Maîtres . Faites- en venir de
France , fi l'Italie ne vous en fournit pas
d'affez illuftres .
Si vous obfervez exactement tout ce que
je viens de vous prefcrire , affurez-vous ,
Placidie, que vous ferez la plus heureufe
& la plus illuftre perfonne de vôtre Sexe.
Peut- être vivrai-je affez long - tems pour
ajoûter aux confeils que je vous donne au-
Ciiij
32
LE MERCURE
jourd'huy , ceux qu'exigeront les conjonctures
differentes où vous vous trouverez ,
& pour vous voir joüir de votre bonheur.
Si je meurs auparavant , j'emporteray du
moins en mourant , la confolante fatisfation
, que je n'auray rien oublié de tout
ce qui pourroit contribuer à votre élevation
, & de tout ce qui pouroit la rendre
agreable & folide.
Il y avoit paffablement de vifion , &
d'extravagance dans ces merveilleux projets
de Defchauffours. C'étoit veritablement
bâtir des châteaux en Eſpagne . Par
malheur , je vins imprudemment renverfer
tout l'édifice. Cette lecture me furprit. Il
m'avoit toûjours paru homme de bon fens ,
incapable d'imaginations auffi creufes que
celles-là .
Aprés cette lecture , je remis le Manuf
crit à fa place , & la Copie dans ma poche.
Je n'en parlay point à Placidie. J'avois
des chofes plus preffantes à lui dire.
Je ne fongeois qu'à l'avancement de mes
affaires auprès d'elle . Enfin , foit qu'elle
n'eût pas donné dans les grandes idées de
fon pere foit que l'étoile prévalût , Placidie
, telle que je l'ay dépeinte , Placidie
deftinée à la plus haute fortune par le plus
vifionaire de tous les hommes , borna fes
vûës & fon ambition à la conquête de mon
eoeur . Il ne s'agiffoit plus , lorfque nous
fûmes d'accord de nos fentimens , que de
DE SEPTEMBRE. 33
·
trouver le moyen de les conduire à bonne
fin. C'étoit là le point de la difficulté.
Defchauffours plus clairvoyant qu' Argus ,
m'examinoit d'une étrange forte. Sa fille
étoit guérie , je l'étois auffi. Mon congé
renouvellé pour quinze jours , expiroit .
Je n'avois aucun pretexte de refter chez
lui ; ainfi ma prefence commençoit à lui
devenir infuportable. Peut - être qu'il avoit
fini fes affaires ; qu'il fe difpofoit à fon
voyage de Madrid , & qu'il n'attendoit
que mon départ pour le mettre en
chemin.
J'étoisau chevet de Placidie ; je tenois
un Livredans lequel je feignois de lire, tandis
que je n'occupois mes yeux à qu'à la
regarder. Elle étoit plus belle & plus écla
tante qu'avant fa maladie.
Telau milieu de fa carriere ;
D'un nuage profond fortant victorieux j
Plein de grandeur & de lumiere
Le Soleil éclate a nósyeux.
?
La comparaiſon eft un peu ufée ; mais
n'importe , elle paffera en faveur de la ve
rité.
Deſchauffours entra dans la chambre de
fa fille. La poche de mon juftaucorps mal
fermée, lui laiffa entrevoir la fatale Copie ;
tout lui étoit fufpect . Il voulut en badinant
s'en faifir ; j'y portai heureuſement
la main ... Ne peut on fçavoir ce que c'er
34 LE MERCURE
que ce papier , me dit- il , voyant qu'il a
voit manqué fon coup ... Non , lui disje
, en riant , c'eft l'hiftoire de mes amours
... Cela doit être curieux , répondirent en
même tems le pere & la fille : Faites - nous
en part ... Vous n'y trouverez rien , leur
dis -je , digne de vôtre attention . Placidie
infifta , malgré les fignes que je me tuois
de lui faire . Defchauffours me preffoit de
fon côté. Je ne fçavois plus comment me
deffendre. A la fin , je m'armai d'un peu
d'effronterie. Puifque vous voulez abſolument,
leur dis -je, fçavoir ce qui eft dans
ce papier ; je vais vous fatisfaire , quoique
ce foit mettre ma vanité à une terrible épreuve
, & qu'il no me convienne gueres de
m'ériger en Auteur . C'eft une hiftoriette
que j'avois écrite pour amufer Placidie ;
elle n'eft encore qu'ébauchée. Attendez
jufqu'à demain , je la reverrai , & vous la
trouverez moins mauvaiſe qu'aujourd'hui
Telle qu'elle eft , répondit Defchauffours
lifez - la nous. On fçait bien qu'un Cavalier
n'eft pas obligé d'écrire comme un
Academicien. Il n'eft pas tard , la fanté de
Placidie lui permettra de vous écouter
fans en être intereffée. Il fallut obéïr ; un
...
de préſence d'efprit & de mémoire me
furent d'un grand fecours dans cette occafion.
Ainfi donc ,mon Manufcrit à la main,
que je tournois du côté de la muraille ; un
gueridon à mes côtez fur lequel il y avoir
1
DE SEPTEMBRE. 35
un flambeau , j'imaginai fur le champ une
avanture dont le Lecteur fe paffera fort
bien.
Ma mémoire commençoit à pêiner terriblement.
Je difois peu de chofes en beaucoup
de paroles ; en un mot , je batois la
campagne. Cependant Defchauffours &
Placidie , donnerent mille louanges à mon
hiftoriette . Celles du pere m'étoient fufpectes
; mais , celles de la fille m'étoient fi
agréables , que j'aurois bien voulu lui montter
fur le champ de quel effort d'imagination
j'avois été capable. La vanité eft inféparable
de l'amour. Qu'on dife tout ce
qu'on voudra , il n'y a point d'Amant qui
ne foit bien aife que fa maîtreffe lui trouve
autant d'efprit que de tendreffe. On
doit à l'efprit la délicateffe de l'expreffion.
Le coeur penfe , mais l'efprit perfuade . J'avoue
qu'il eft quelquefois dangereux d'af»
fecter d'en avoir. Il y a même des occafions
où il n'en faut point avoir du tout ; mais il
faut le fufpendre , & non pas l'aneantir.
Je mets bien de la difference entre le dérangement
& le trouble d'un amant que
la paffion déconcerte , & le filence ennuyeux
, ou les difcours fatigans d'un ftu
pide. Infenfiblement je tombe dans la dif◄
fertation , à Dieu ne plaiſe que je m'y égare
plus long- tems .
Jeremis mon Manufcrit dans ma poche,
& il n'en fut plus parlé . On fervit , & la
36
LE MERCURE ·
complaifance de Deſchauffours fut au point,
qu'il voulut bien que je foupaffe avec fa
fille . Je devois partir dans deux jours .
Cette démarche lui parut fans confequence.
Nous fumes de la plus belle humeur du
monde . Nous dîmes mille jolies chofes.
Nous chantâmes & je m'enflammay de plus
en plus. Je fus pourtant fi bien le maître
de mes yeux & de ma langue , que Def
chauffours qui examinoit jufqu'à mes geftes
, n'eut lieu de fe mettre aucun foupçon
dans la tête. Charmé de ma difcretion &
du refpect que j'avois pour l'hofpitalité ,
il me reconduifit dans ma chambre , & me
renouvella cent fois les proteftations d'amitié
les plus empreffées. Je lifois dans fes
yeux que fon fecret lui peloit , & qu'il
mouroit d'envie de s'en foulager en m'en
falfant confidence ; mais , j'éludai la chofe
adroitement ... Au nom de Dien , lui disje,
ne me laillez plus voir Placidie. Juf
qu'ici je me fuis défendu de fes charmes en
brave homme ; mais , outré que je ne vous
promets pas d'avoirtoujours la même force &
Le même courage , je veux bien vous avoйer
que je fuis d'une impatience & d'une indif
eretion horrible. Si je venois à l'aimer , je
ne pourrois m'empêcher de le lui dire , même
devant vous , & fi je faifois la moindre impreffion
furelle , on m'écorcheroit plûtôt tout
vif, que d'exiger de moi à ne m'ın pas
glorifier. Cette maudite démangeaison de
DE SEPTEMBRE. 37
parler de mes bonnes fortunes , lorfque j'en
ai eu , m'en a fait perdre plus de mille. Tel
eft mon caractere . Je ne croirois pas être heureux
, fi mes amis ignoroient queje ne le fuſſe;
il fele tint pour dit , & ſe retira en me ſoubaitant
le bon foir.
J'avois mes vues en lui parlant de la forte.
Il étoit bon de lui donner de moi cette
mauvaiſe impreffion , afin que prévenu de
mes étourderies , il ne fut pas fcandaliſé de
quelques traits de vivacité , s'il m'en échapoit
quelques-uns auprès de Placidie , fuppofé
qu'il me la laiffât voir encore une
fois. Quand on veut tromper quelqu'un ,
il faut , autant qu'on peut, le mettre hors de
défiance. Une circonfpection trop foûtenuë
, paroît affectée , & ce n'eft pas toûjours
par les raifons les mieux prifes , qu'on
réüffit.
Dès que je fus feul , je fongeai ferieufement
àce que je devois faire pour me rendre
heureux. Mon imagination fe trouva
courte. Je roulai dans ma tête mille deffeins
dont l'execution étoit impoffible ou
dangereufe. Je voulois une chofe ; j'en voufois
une autre ; je les voulois toutes enfemble
, & à force d'en vouloir , je n'en
choifis
pas une. Le jour vint , & je me
trouvai auffi irrefolu que lorfque je m'étois
couché .
Un moment après , Deſchauffours entra
dans ma chambre tout effaré . •
· M.
38 LE MERCURE
d'Armentiers , me dit - il ; quoique vous
m'ayez donné hier une legere idée de vôtre
indifcretion , je vous crois homme fage ,
& je vais vous donner une marque effentielle
de la confiance que j'ay en vous . M.
le Duc de .... vient aujourd'huy fur ma
Terre. Je n'en fuis pas connu . Peut- être ne
viendra-t'il pas chez moi ? Peut- être même
ne fçait-il pas fi j'ay une fille ? Mais peutêtre
auffi qu'il le fçait , & que cette chaffe
ne s'eft projettée que pour venir dans ma
maifon fous pretexte de s'y délaffer , mais
en effet pour voir Placidie . S'il la voit ,
ileft fufceptible. Infailliblement il en deviendra
amoureux , & je fuis un homme
defefperé. Levez -vous je vous prie , &
vous habillez. J'efpere que vous me ferez
l'amitié de conduire Placidie chez ce vieux
Gentil- homme avec lequel nous avons foupé
ici il y a quelque tems . Je compte fur fa
difcretion & fur celle de fa femme. Sa
maiſon n'eft qu'à 3. petites licies de la
mienne. Ma fille eft prête , & ma chaife
vous attend. Je ne raifonnai pas beaucoup
fur la propofition de Defchauffours . Elle
m'étoit trop agréable pour ne la pas accep
ter. Je lui dis neanmoins en plaifantant ,
qu'en voulant faire éviter un danger à Pladie
, il m'expofoit à un bien plus grand :
Qu'il falloit qu'il fût bien de mes amis pour
que je le rifquaffe ... Depêchons , interrompit
Defchauffours ; il me tarde que vous
DE SEPTEMBRE.
39
ne foyez deja partis. Le Duc de ...
ne fera peut-être que paffer. En ce cas-là
je vous manderai de revenir ce foir , ou
j'irai moi- même vous chercher . Il me faifoit
un double plaifir. J'aimois fa fille . Il
m'étoit doux d'être tête à tête avec elle
pendant trois lieües de chemin. Outre cela,
je commençois à me fentir capable de ja
loufie , & je ffuuss cchhaarrmméé que le Duc de...
ne pût point la voir. Je connoiffois ce
Prince enfin pour parler ingénûment ,
la facilité que j'avois trouvée à me faire
aimer de Placidie , m'effrayoit.
Cette idée s'effaça dès que je fus feul
avec elle. L'occafion étoit favorable. On
croira fans doute que nous en fîmes un bon
ufage ; point du tout . Charmez du plaifir
de nous voir en liberté , nous paffâmes le
tems à nous faire des proteftations de tendreffe
& de fidelité , fans fonger à prendre
des mefures .
Nous fûmes très bien reçûs par Monfieur
& Madame de Carriere. On commença
par nous faire dêjeûner , car on
fçût que nous étions partis à jeun. Enfuite,
M. de .... ...voyant que fa femme s'entretenoit
avec Placidie , il me tira à part ...
Il faut , me dit- il , que vous ayez vous ayez enforcelé
Defchauffours. Sans cela je le connois
, il ne vous eût jamais confié fa fille ,
furtout à vous , M. qui paroiffez un Cavalier
redoutable : Mais , continua-t'il ,
40 LE MERCURE
fans approfondir , d'où vient vôtre bon
heur , je vous en felicite : Vous avez un
coeur & des yeux ; fans doute vous aimez
Placidie. Je ne fuis plus à vôtre âge. Ce-.
pendant , fi je me trouvois tête à tête avec
une auffi belle fille , je ne fçay ce que
je ne ferois pas. Je craignis que ce demi
vieillard ne me dreffât un piege . Je contrefis
le Caton , & lui perfuaday fi bien
que j'étois ferviteur & ami de Deſchauffours
, que j'eftimois Placidie , mais que je
ne fentois rien davantage pour elle , & que
je mourrois plûtôt mille fois , que d'avoir la
lâcheté d'abufer de fa confiance ; je le perfuadai
fi bien , dis -je , qu'il ne m'en parla
plus , & qu'il me regarda comme un
homme formé de quelque glaçon du Mont
Caucafe.
Nous étions au commencement d'Avril
. Il faifoit affés beau ce jour - là . Cariere
nous propofa d'aller faire un tour de
promenade dans fon Jardin. Apeine
etions- nous fur fa terraffe , qu'en entendit
un grand bruit de cors & de chiens
& que nous vêmes paroître M. le Duc
de ...avec toute fa fuite . Madame de Cariere
furpriſe de cette arrivée imprevûë ,
n'eût pas le tems de cacher Placidie ; : &
nous fumes tous fi deconcertés , que ce
Prince avoit déja demandé deux ou trois
fois qui étoit cette belle perfonne , fans
qu'on lui eût répondu . Cariere à qui il
convenoit
DE SEPTEMBRE. 49
mes anciens amis que je n'avois point vû
depuis long tems. Il me mandoit qu'il avoit
des chofes à me dire qui ne s'écrivoient
point , & qu'il m'importoit extremement de
Sçavoir: Que fi je voulois prendre la peine
de monter à cheval , & de venir le tronver
en tel endroit , il me donneroit des marques
effentieles , qu'il étoit autant mon`ami
qu'il tut jamais été. Je montrai la lettre à
Cariere qui me dit que je ne devois pas
hefiter d'aller trouver mon ami . Je montai
fur le champ à cheval , & dis à celui qui
attendoit ma réponſe , que j'allois la porter
moi-même. Courdaval ( c'eft le nom de
mon ami ) m'attendoit au rendés- vous.
Nous nous donnâmes toutes les marques
d'amitié , que peuvent fe donner deux
amis charmés de fe revoir aprés une longue
abfence. Il me dit naturellement qu'il
m'avoit envoyé chercher , pour m'avertir
de prendre garde à moi , parce qu'on en
vouloit à ma liberté. M. le Duc de ...
ajoutatil , eft outré contre vous ; vous l'avés
trompé , vous lui avés menti . Il a fçû
que vous étiés ici fans congé. Il s'eft fait
donner une lettre de cachet pour vous faire
arrêter , & l'on vous cherche de toutes
parts pour vous envoyer à la Baſtille . Je
vous dirai encore qu'il eft paffionnement
amoureux de la belle perfonne que vous
avez fait paffer pour votre femme , & que
dés qu'il aura reçû de la part de nos Pleni-
Septembre 1719.
E
so
LE MERCURE
potentiaires un Courier qu'il attend avec
la derniere impatience , il mettra tout en
ufage pour la deterrer. Je fçai toutes ces
chofes d'un Officier du Duc , qui me les
a dites , ignorant que je vous connuffe.
Un de fes amis demande vôtre Compagnie.
au Bureau , & peut-être la lui a- t'on déja
donnée. Je fuis trés fâché de vous apprendre
de fi mauvaiſes nouvelles . J'ai cru cependant
qu'il étoit de mon amitié de ne
vous rien deguifer dans cette occafion . Je
me fuis informé de l'endroit où vous êtiés ,
& je fuis venu , fans perdre de tems , vous
prier de vous mettre à couvert du reffentiment
de vos ennemis. La Bastille eft un terrible
fejour , & fi vous m'en crayés , vous
vous en éloignerés de 200. lieuës . J'ai quelques
mefures à garder qui m'ont empêché
d'aller chez Cariere , & qui ne me permettent
pas de refter plus long- tems avec vous .
Adieu . Si vous aves befoin d'argent , j'ai
cent piſtoles à vôtre fervice. Les voila.
Outre cela , j'ai un paffeport à vous donner
pour deux perfonnes , dont vous pourés
vous fervir , fi vous vous retirés en
Hollande.
Le confeil étoit falutaire , & ne pouvoit
venir plus à propos. J'embraffai mille fois
Courdával , en le remerciant de fa generofité.
Je refufai fon argent , & je me conentai
d'un paffeport. Je lui dis mes affaies
en deux mots , & je le priai , s'il le
DE SEPTEMBRE..
St
pouvoit , fans fe commettre , de venir confirmer
à Cariere tout ce qu'il m'avoit dit.
J'eu quelque peine à l'y refoudre. Cependant
, je lui fis fi bien voir que Cariere &
Placidie même , pouroient croire que je
leur en impofois , qu'il fe rendit à mes
raifons.
Nous nous mêmes en chemin ; & dés
que
je me fus un peu remis des frayeurs que
m'avoit caufé l'image de la Baftille , je lui
demandai par quel hazard il étoit à la
Cour du Duc de .... lui que je croyois
en Efpagne. Il me repondit que j'avois
raifon d'en paroître furpris , & que fi je
fçavois les avantures , j'avouerois qu'il
étoit encore plus à plaindre que moi
puifque fes maux étoient fans remede . Il
ne tiendra qu'à vous , lui dis -je , que je
ne les fçache. Il y a encore plus d'une
lieuë d'ici chez Cariere , & vous avez du
tems de refte. Courdaval ne fe fit point
preffer , & commença à parler ainfi.
De quatre freres que nous étions , il en
mourut deux à S .... Je le fçai , interrompis-
je , j'étois Moufquetaire avec eux,
J'étois le plus jeune de tous , pourfuivit
Courdaval ; & mon pere aimoit fi paffionément
celui qui reftoit avec moi , que ne
pouvant plus fouffrir toutes les marques de
prédilection qu'il lui donnoit , je pris le
parti d'aller fervir fur Mer. A peine y
avois-je fait deux campagnes , que ce fils
E ij
52 LE MERCURE
bien-aimé mourut de la petite verole. Mon
pere me rapella , n'ayant plus que moi
d'enfans , & ne voulut plus que je ferviffe.
Je revins donc à Paris , où je vécu comme
tous les autres jeunes- gens , donnant dans
les plaifirs tête baiffée. Vous connoiffes
mon humeur. La plus belle femme n'a jamais
pû me fixer deux jours , & fouvent
je m'en dégoute avant qu'elle ait eu le
tems de me rendre heureux. Je ne me donne
point pour un homme à bonnes fortunes
ni pour un homme d'un grand merite ;
mais , comme il faut peu de chofes pour
plaire , & que je fuis d'une figure affez
prevenante , je n'avois pas eu lieu de me
plaindre du fexe , jufqu'à l'avanture que
je vais vous conter.
Madame de ... veuve de M ... a deux
filles. L'ainée commence à s'effacer , quoiqu'elle
n'ait pas encore 25. ans. Elle étoit
fort aimable lorfque je la connus. Aujour
d'hui , elle eft maigre , deffechée , quoiqu'affez
blanche. Ses yeux ont perdu leur
éclat . Ce ne font plus des yeux animez
dont les regards penetroient jufqu'au coeur,
mais des yeux qu'il femble que la Nature
n'a faits précisément que pour voir : Enfin
de tous fes charmes , il ne lui refte plus que
de grands cheveux blonds , qui ne lui font
pas d'un grand ufage. Je ne vous dis rien
de fon humeur ; la fuite de mon difcours
yous la fera connoître. Il eft bon
pourtant
DE SEPTEMBRE.
$3.
que vous fçachiés qu'elle a fouffert la meme
alteration , les mêmes changemens que
fon vifage. Je m'attachai à elle moins par
goût que par habitude. Madame de ....
& mon pere demeuroient dans la même
maifon . J'étois tous les jours chez elle.
Mes affiduitez auprés de fa fille lui faifoier t
plaifir. Elle me regardoit comme un bon
parti . Mon pere de fon côté , qui fçavoit
qu'elle étoit riche , & qui n'avoit rien tant
a coeur que de me voir prendre un engagement
folide , étoit bien aife que je l'ai
maffe.
Autorifée du confentement de fa mere ,
Mademoiſelle de V .... me recevoit parfaitement
bien. Je ne fus pas long - tems à lui
perfuader que je l'aimois , & à l'engager
de me declarer qu'elle m'aimoit auffi. C'étoient
tous les jours des galanteries de ma
part dont elle me teneit un compte infini.
Je lui faifois valoir les moindres chofes,
Manquois -je une partie de fpectacle ou
de fouper je n'avois qu'à lui dire que
c'étoit pour elle . Elle me croyoit ; elle
étoit charmée. Je lui dois cette juftice ,
malgré tous les maux qu'elle m'a faits dans
la fuite , qu'il n'y a point de bonnes manieres
dont elle ne m'ait comblé . Jamais
fille n'a été plus genereufe. Jamais fille
ne m'avoit paru plus digne d'être aimée que
je la trouvois alors. Elle faifoit mille gracfeufetez
à mes amis , lotfque je les menois
E iij
54
LE MERCURE
chez elle . On y jouoit , on y faifoit des
concerts ; & les concerts & le jeu étoient
toûjours fuivis d'une collation . Que vous
dirai-je de plus ; fi j'avois été d'humeur à la
mettre à de certaines épreuves , & que je
n'euffe pas été auffi defintereffé qu'elle étoit
liberale , elle m'auroit dédommagé avec
profufion des dépenfes que je faifois pour
elle . Je connois des gens qui , à ma place ,
auroient cruellement abule de fa facilité.
Pendant que nous vivions dans la meilleure
intelligence du monde , & que fatisfait
de fon coeur , je me croiois revenu
de toutes mes inconftances , Mademoiſelle
de M .... fa cadette , revint du Couvent.
Elle avoit 7. ou 18. an;. C'étoit une
brune piquante , dont les couleurs étoient
les plus vives & les mieux afforties qu'on
ait jamais vûës. Je ne vous en ferai point
un portrait à la Cirus ou à la Clelie ; je
vous dirai feulement qu'elle étoit mille fois
plus belle que fa foeur , quoique fa foeur
fe piquât de beauté , & qu'elle eût raifon
de s'en piquer. Pour l'efprit , je vous
l'avoue , elle ne l'avoit point delié ; mais
auffi , elle ne l'avoit point artificieux.
C'étoit une fincerité & une ingenuité charmante.
La nature dans toute fa fimplicité,
s'exprimoit par fa bouche. Incapable de
feindre , on lifoit dans fes yeux tous les
fentimens de fon coeur. Elle l'avoit droit ,
tendre , conftant ; en un mot du meilleur
DE SEPTEMBRE
55
Caractere du monde. Je la regardai d'abord
comme la foeur de ma Maîtreffe , c'eft- âdre
, que je ne reffentis rien pour elle . Je
m'étois étourdi fur le plaifir de changer.
Content du coeur de Mademoiſelle de V ..
je me bornois à l'aimer & à m'en faire aimer.
Je lui croyois un bon efprit ; & puifque
j'étois deſtiné à me marier , je me
trouvois heureux de pouvoir paffer mes
jours avec elle. Je preffois mon pere de
hâter mon bonheur. Elle partageoit mes
empreffemens ; mais , pourquoi vous arrêter
davantage? Lorfque ma paffion paroiffoit
la plus vive , foit caprice , foit fatalité,
je revins à mon naturel , & je changeai
tout d'un coup. Je me fis quelques reproches
de ma trahifon ; je m'en voulus du
mal ; mais enfin je la trouvai fi agreable ,
que je n'eu pas la force de m'en deffendre.
Je voyois tous les jours Mademoiſelle
de.... Je lui difois des douceurs qui l'embaraffoient
, & aufquelles elle ne répondoit
qu'en rougiffant. Je la louois fur fa beauté :
mes louanges la troubloient , & j'étois charmé
de fon trouble. Enfin , je lui dis que
je l'aimois ; je la priai de me croire : Elle
me répondit ingenument qu'elle ne fcavoit
pas ce que c'étoit qu'aimer ; mais que ft
c'étoit vivre avec quelqu'un , comme je vivois
avec fa foeur ; aimer étoit quelque
chofe de bien doux , qu'elle n'en fcavoit
pas la raifon ; mais qu'elle étoit quelquefois
E iiij
56 LE
MERCURE
jaloufe de nos fentimens & de nos difcours
Helas , continua- t'elle d'un air encore plus
ingenu ! Vous me dites que vous m'aimés,
& je fçai que c'eft ma foeur. Quel plaifir
prenés-vous à me dire des chofes qui ne
font pas vrayes. Je n'ai point d'experience .
Sincere , je croi que tout le monde l'eft
comme moi , & fi j'allois vous croire , je
mourrois de douleur de me voir trompée...
Ah , lui dis-je en me jettant à fes genoux !
vous ne le ferés jamais. Je fens pour vous
mille fois plus d'amour , que je n'en ai
fenti pour vôtre foeur. Je l'ai aimée , il eft
vrai ; mais je ne vous avois point vûë , &
je vous jure que je n'avois pour elle qu'une
paffion languiffante : Vous feule pouviez
remplir tous les vuides de mon coeur. Il
éprouve auprés de vous des tranfports &
des vivacitez qu'il n'éprouvoit point auprés
d'elle. J'étois né pour vous adorer.
Ne craignés rien , ajoutai je , en lui baifant
la main. Le plus inconftant de tous
les hommes cefferoit de l'être pour vous ,
& ma vie vous répondra de ma fidelité ....
Mais, reprit-elle, nous trahiffons ma foeur,
ou du moins vous la trahiffés , & je tremble
que Nous ne me trahiffiés auffi . Si vous
lifés dans mon coeur , vous voyés ce qui
s'y paffe. Je n'en fçai pas bien expliquer
les mouvemens ; mais enfin , je fens pour
yous ce que je n'ai jamais fenti pour per-
Conne. Pourquoi vous dis-je toutes ces
DE SEPTM EBRE . 57
chofes ? Que je ferois malheureuſe ! Que
vous feriés indigne , fi vous abufiés de ma
confiance & de ma bonne foi ! .... Je n'eu
pas le tems de lui répondre; fa foeur entra.
Sa Cadette nous laiffa feuls. Je tâchai de
me contraindre Mais , qu'on eft peu maî
tre de fon coeur ! Elle me trouva rêveur
& diftrait. A peine avois je la force de lui
dire une parole ? Elle m'en fit la guerre.
Je la payai de mauvaiſes excuſes , & je for
tis peu de tems aprés , fans beaucoup m'embaraffer
des reflexions qu'elle pouroit faire.
J'étois trop rempli de mon bonheur , pour
→ détourner ailleurs mes penfées. Je parle à
un Amant. Vous concevés fans doute tout
ce qu'a de doux & de flateur l'état où je
me trouvois. Faire naître de la paffion dans
un jeune coeur qui n'a jamais aimé , qui ne
Içait pas
même ce que c'eft que l'amour
s
non , rien n'approche de cette idée.
Mademoiſelle de V.... fut allarmée de
ma froideur ; mais elle n'en démêla point
la caufe : elle efpera que je ferois plus raifonnable
le lendemain. Cependant je pris
fi peu de peine pour la raffûrer , & fon aimable
four fçut fi peu fe déguifer , que
fon aînée eut de violens fonpçons de mon
infidelité. Loin de les détruire , mes regards
& mes empreffemens les confirme
rent. Je la croyois incapable de jaloufies
mais elle m'en donna les marques les plus
terribles , lorfqu'elle ne put plus douter
58
LE
MERCURE
qu'elle ne fût trahie. Elle commença par
me deffendre d'entrer dans fa chambre ;
elle ne voulut point d'éclairciffement avec
moi ; elle me dit que je n'en méritois pas .
Elle accabla fa foeur d'injures & de reproches.
La timide cadette les fouffrit fans
dire un feul mot , & laiffa prendre à fon
aînée un fi grand empire fur elle , qu'il
n'y a point de mauvais traittemens qu'elle
n'en ait reçû .
Pendant que tout cela fe paffoit , mon
pere qui ne fçavoit rien de ma broüillerie
avec Mademoiſelle de V....... voulant
finir d'affaire , avoit reglé toutes chofos
avec fa mere pour mon mariage ; mais ,
lorfqu'elle lui en parla,elle répondit qu'elle
mourroit plûtôt que d'époufer un Traitre
& un Parjure. Elle fit à fa mere un portrait"
affreux de mon caractere , parce que fa
foeur étant prefente , elle efpera qu'il porteroit
coup. Elle fe trompa , Mademoiſelle
de M..... me manda toutes les noirceurs
dont fa foeur m'avoit défiguré , m'affûra
que loin d'avoir fait la moindre impreffion
fur elle , tout ce qu'on lui avoit dit pour la
dégoûter , ne fervoit qu'à me rendre plus
cher à ſes yeux : Queje fuffe fidele , & que
je comptaffe fur fon coeur : Qu'elle étoit
charmée de toutes les perfecutions qu'elle
effuyoit à mon ſujet ; que c'étoit un merite
pour elle auprès de moi , & que la patience
avec laquelle je les lui verrois fouffrir ,
DE SEPTEMBRE.
39
me convaincroit de fa fidelité.
>
Madame de V ... ... voyant que fa fille
n'avoit point voulu entendre à un engagement
avec moi , lui propofa un autre parti.
Ce n'étoit pas fon compte : Elle m'aimoit
encore , & n'avoit fait ſemblant de
me refuſer
que pour ne pas s'expofer ellemême
à la honte d'un refus . Cependant ,
elle feignit d'entrer dans les vûës de fa mere,
efperant que ma paffion pour elle n'étoit
peut-être pas fi bien éteinte , qu'elle ne fe
rallumât quand je la verrois fur le point de
fe donner à un autre. Il parut dès le lendemain
un Soupirant qui n'eut pas peu à
fouffrir de fes inégalitez & de fes travers ,
quoiqu'au dehors elle affectât de le bien
traiter. Jevoyois tout ce manege fans m'en
inquieter. Comme elle continueit de perfecuter
fa foeur & de la défoler , je com
mençay à la haïr & la méprifer , de maniere
qu'elle put aisément s'en appercevoir.
Je difois hautement que c'étoit une folle
qu'il falloit mettre au Petites - Maiſons .
Elle le fçût , elle en devint furieuſe. Ses
mauvaiſes manieres & fa tyrannie redou
blerent ; & tout le mal qu'elle faifoit à fa
foeur , ne la fatisfaifant pas , elle tourna
fon defefpoir contre elle- même. Elle ne
ne dormoit plus , elle ne voyoit perfonne ;
enfin elle fe tourmenta fi fort , qu'elle en
perdit fa beauté & fa raiſon. Ce n'étoit plus
cette perfonne charmante , douce , polie ,
60 LE MERCURE
& de l'humeur la plus agréable. C'étoit un
fquelet , une harpie . C'eft une chofe terrible
que la jaloufie. Quels défordres , quels
ravages ne fait- elle point !
Mademoiſelle de V . .. . . s'apercevant
qu'elle étoit la premiere victime de fa colere
, changea de conduite en apparence
avec fa foeur. Elle fe radoucit tout d'un
coup , & feignit qu'ayant renoncé au mariage,
elle ne le referveroit qu'une penſion ,
fi fa foeur vouloit époufer un homme qu'elle
lui nomma. Elle fit tous fes efforts pour
l'engager à prendre ce party. Sa mere y
interpofa fon autorité. Le Rival parut ;
j'en fus allarmé . Mademoiſelle de M ....
me fçût mauvais gré de mes inquietudes ...
Je vous les pardonne , m'écrivit - elle , fi
c'eft l'amour feul qui vous les caufe ; mais,
fr c'eft la défiance , j'en fuis inconfolable.
Connoiffez mon coeur , vous l'avez touché
; il vous aime ; rien ne peut le faire
changer. Ne fuis-je pas affez malheureuſe
dans ma fituation , fans que vous travailliez
vous - même à m'accabler par vos foupçons
& par vos craintes ¿ On me tend des
pieges de tous côtez : au lieu de m'aider
de vôtre efprit & de vos confeils; vous vous
déconcertez ; ayez plus de force , & mandez-
moi ce que je dois faire dans cette occafion.
Le Rival dont j'ay parlé , étoit un Maître
des Comptes. Il fit tous les efforts pour
DE SEPTEMBRE. 61
plaire à ma jeune maîtreffe , mais quand
il vit qu'il perdoit fon tems , & qu'il ne
pouvoit s'en faire aimer , il eut recours à
Madame fa mere. Elle aimoit fa fille ;
elle n'eût pas la force de la contraindre à
époufer cet homme, ni la dureté de la mettre
dans un Couvent , & le Maître des
Comptes fut obligé de prendre parti
ailleurs.
Mademoiſelle de V .. ne fçachant donc
plus où donner de la tête , prit une refolution
defefperée , & qui me fait encore fremir
d'horreur quand j'y penſe. Sa laideur
augmentoit tous les jours. Tous les jours
fa jeune foeur embelliffoit. Elle jura la ruine
de fes charmes ... On m'a changée
pour ma foeur , difoit- elle , je la mettrai
dans un état que fûrement on la changera
pour une autre : Je ne fçai pas quelles
pernicieufes drogues elle lui fit prendre ,
ni comment elle les put recouvrer ; mais
enfin cette aimable perfonne tomba dans
une langueur digne de compaffion . Plus de
couleur , plus d'embonpoint ; une pâleur
liyide la rendit méconnoiffable à elle-même.
J'apris cet accident. J'en fus au defefpoir
; mais ne pouvant foupçonner Mademoiſelle
de V .. d'une ft horrible mechanceté
, je crus que le chagrin feul avoit cauſe
ce changement. Je la priay de ne fe point
affliger. Je lui fis dire que fon mal ne venant
que de l'agitation de fon efprit , quel
62 LE MERCURE
ques jours de repos & de tranquilité la
gueriroient. Le Medecin , foit qu'il fût gagné
, foit qu'il n'en fçût pas davantage ,
dit que c'étoient les pâles couleurs . Mademoiſelle
de V. . en fit des railleries
qui me revinrent ; fa cadette les fçut auffi .
Alors , elle ne fut plus maîtreffe de ſa difcretion
; elle m'ouvrit fon coeur fur les
foupçons qu'elle avoit contre fa four :
Nous conclûmes que c'étoit elle qui l'avoit
mife dans ce funefte état. Je la cherchai
pour l'accabler d'injures & de reproches , &
pour l'obliger à m'avouer la verité. J'étois
dans une fi grande fureur , que je ne fçai
pas ce que je n'aurois pas fait , fi je l'euffe
trouvée ; mais elle m'évita fi bien , que je
ne pus la voir ; cependant fa haine n'étoit
fatisfaite. Mademoiſelle de M... n'étoit
pas affés laide à fon gré , puifque je l'almois
encore. J'avois confulté fa maladie ;
on m'avoit donné des remedes qui fembloient
faire un affés bon effet , & l'on
commençoit à ne plus defefperer de fa guerifon.
La jaloufe & barbare V.. entra dans
fa chambre pendant la nuit , & la trouvant
endormie , elle lui cicatrifa le vifage avec
un diamant , & verfa de l'eau forte dans
fes playes . Cette pauvre enfant fe reveilla
en pouffant de grands cris , mais fa foeur
avoit déja difparu . Elle porta fes mains à
fes joies , & les en retira toutes pleines
de fang. Elle fait un effort fur elle-même
pas
DE SEPTEMBRE. 6.8
elle apella du monde à fon fecours ; fa femme
de chambre la crut morte , quand elle
la vit toute enfanglantée , & fans connoifnoiffance.
Sa mere vint au bruit. Sa
Megere de fille eut bien l'effronterie d'y
venir auffi . Figurés- vous quel affreux ſpectacle
ce fut pour une tendre mere qui aimoit
paffionnement fa fille , de la trouver
dans un état fi deplorable . On lui demanda
qui l'avoit traitée de la forte. Soit generofité
, foit qu'elle craignit de fe tromper
, on n'en put tirer aucun éclairciffement.
Elle s'obftina à dire que cela lui
étoit arrivé en dormant , & que lorsqu'el
le s'étoit reveillée , elle n'avoit vû perfonne
dans fa chambre. L'eau forte avoit penetré
jufqu'aux os. Le Chirurgien qu'on
avoit envoyé chercher , fe trouva fort embarraffé.
Il promit neanmoins de lui fauver
la vie ; mais il dit en même tems que
la cure ferait imparfaite , puifque Mademoiſelle
de M.. de la plus jolie perfonne
de Paris alloit devenir la plus laide. Elle
prit fon parti avec un courage heroïque.
& fouffrit les douleurs les plus aiguës avec
une patience de Martyr. L'apartement de
Madame de V.. retentiffoit de cris & de
gemiffemens. Je les entendis , je me levai,
j'y courus. Le Chirurgien mettoit le premier
appareil. Que vis-je ? Que devins je 2
Je n'ai point d'expreffion pour vous dépeindre
mon defefpoir . On ne meurt point
84
LE MERCURE
main
que
de douleur , puifque je n'expirai pas à cette
funefte vûë. Je ne gardai plus de meſures
dans cette affreufe difgrace. Cruelle , m'écriai
je en m'adreffant à Mademoiſelle de
V... Ce font là de vos coups. Quelle autre
celle d'une jaloufe , peut-être sapable
d'une fi notre barbarie ? Achevés , inhumaine
, percés-moi le coeur. C'eft moy qui
vous ai trahi , c'est moi qui vous haïs
c'est moi qui vous detefte . Votre four étoit
innocente. Pourquoy l'avés - vous punie de
mo crime ? C'étoit fur moi que votre fureur
devoit s'exercer : Mais hélas vous vous êtes
vangée bien plus cruellement que fi vous
m'aviés ôté la vie Quelques fenfibles , &
quelques vraisemblables que fuffent mes
reproches , ils ne l'émûrent point ; elle
goûtoit à longs traits le plaifir de la vangeance.
La mere fe livroit à fes triftes reflexions
, & ne difoit mot ... Quoi , Madame
, lui dis-je ! Vous gardés le filence
dans un malheur fi terrible ?. Helas , me
repondit'elle en foupirant ! Que voulésvous
que je dife ? De quelque côté que je
me tourne , je n'entrevoy que des images
douloureufes. Si je vange la cadette , je
perds l'aînée. Eft- ce à moi à être Juge
dans une cauſe où j'ai tant d'interêt ? Ma
fille , continua-t'elle , en s'adreffant à Mademoiſelle
de V .. ferait - il poffible que
vous euffiés fait une auffi indigne action ?
Et vous , ma chere enfant , eft- ce vous que
je
4
DE SEPTEMBRE. 65
je voi dans un état fi funefte ? Ces tendres
regrets furent fuivis de larmes ameres qui
ne changerent , rien aux choſes . L'ainée
coupable ou innocense , ne fut que foupçonnée
; la conviction en eût été trop
odieufe . On affoupit cette avanture ; &
Mademoiſele de M... qui avoit fait væeu
de fe faire Religieufe , fe jetta dans un
Convent dés qu'elle fut guerie. Je fis d'inutils
efforts pour la détourner de cette refolution
. J'eu beau lui jurer que je l'aimoisautant
que lorfqu'elle étoit dans fon plus
grand éclat , que je me tiendrois heureux
de paffer mes jours avec elle , & que.
j'eftimois plus les qualités de fon ame ,
que les charmes de fa perfonne . Elle ne
m'écouta point, & ne voulut plus me voir,
même dans les derniers jours qu'elle refta
dans le monde . Cette avanture me caufa
tant de chagrin & d'horreur pour Mademoifelle
de V... que pour l'éviter , je
priai mon pere de me permettre d'aller en
Efpagne . Il y confentit , & je fis ce voyage
dans la fituation d'efprit la plus violente.
Il y avoit à peine 6. mois que j'étois parti,
lorfque je reçû des lettres de France . On
m'y mandoit qu'une longue maladie dans
Jaquelle Mademoifelle de M... étoit tombée
, l'avoit empêché de faire profeffion
& qu'elle étoit retournée chés fa mere .
Ces nouvelles reveillerent un amour que
l'impoffibilité du fuccés commençoit à af-
F
66 LE MERCURE
elle.
foiblir. Je fentis renaître tous mes tranfports.
Je me reprochai le peu d'empreffe
ment que j'avois marqué pour la retenir.
Je me fatai que je ferois plus heureux , fi
je pouvois encore lui parler. Je pris la
pofte , refolu de la fléchir ou de mourir à±
fes genoux. Elle aprit mon retour
craignit ma vûë , & fe hâta de faire des
voeux. J'arrivai quelques jours aprés cette
cruelle ceremonie. Je fus accablé de ce
nouveau contre- tems . On me donna une
lettre de fa part qui ne fervit qu'à aigrir
ma douleur , & qu'à me faire mieux fentir
la perte que j'avois faite. Là voici ,
tifés-
la , Darmentiers , & voyés fi j'ai tort
de regretter une perfonne qui a de fi beaux
fentimens. Je pris la lettre , & j'y trouvai
ces paroles .
Vous pouffés " trop loin le fouvenir d'une
infortunée qui ne doit plus vous demander
d'autre grace que celle de l'oublier. Je vous
ay toûjours cru genereux , mais je ne croyois
pas que vous le fuſſiés jusqu'à vouloir devenir
la victime de vôtre generofité. Eft- il`
poffible que vous ayés fongé quelquefois que
je ne fuis plus qu'un objet d'horreur , & que
vous n'en ayés point conçu pour moi ? Si
cela eft , je l'avonë , il n'y a que vous an
monde capable d'un fi grand effort ; mais,
Monfieur , ne craignés pas que j'en abuse ;
vous m'avésfait un facrifice , je vous en dois
un autre. Je pris d'abord le parti de me res
DE SEPTEMBE. 67"
tirer ,
par
La crainte que vous ne vous repentiffiés
un jour de la demarche que vous
vouliés faire. Aujourd'huy je me retire par
reconnoiffance. Ce feroit mal répondre à vô
tre amour,que de vous donner une perfonne à
qui fa difformité feroit peur à elle même
fi elle étoit encore fenfible aux chofes de la
terre. Vous êtes digne d'un meilleur fort . Je
ferai toute ma vie des prieres au Ciel , pour
vous le procurer ; c'est tout ce que je vous
prie d'exiger de moi.
Quelques jours après Mademoiſelle de
V .. pourfuivit Courdaval , & me fit
parler
de raccommodement . J'en rejettai bien
loin les propofitions. Avoüez que je fuis
bien malheureux. Auffi charmé de Mademoifeile
de M..... que jamais , je l'adore ;
elle eft Religieufe : Avoüez encore une
fois que je fuis bien malhûreux.
7
Courdaval finit-là fon hiftoire. Je plaignis
la deftinée de Mademoifelle de M ..
& la fienne. Un moment aprés , nous arri
vames chez Cariere à qui ce fidele ami con
firma en prefence de Placidie , tout ce
qu'il m'avoit dit des deffeins du Duc de ..
fur elle & fur ma liberté. Ils en furent ef
frayés , & confentirent que je prife des mefures
pour prevenir ce double malheur.
Courdaval , qui ne pouvoit pas refter davantage
, prit congé de nous , & retourna
à D.
Cariere me dit que je n'avois point de
Eij
168
LF
MERCURE
68
•
tems à perdre ; qu'il falloit que j'époufaffe
Placidie le foir même , & que nous nous
fauvaffions le lendemain . Y confentez- vous,
belle Placidie,lui demandai-je en tremblant ?
Aurez- vous la bonté de fuivre mafortune ?
Oui ... répondit elle ; je vous fuivrai
partout quand vous ferez mon mari .....
Cariere fortit là- deffus , & revint accompagné
d'un Notaire & du Curé. Celui- ci.
avoit fait d'abord beaucoup de difficulté
de nous marier fans ceremonies ; mais il
s'étoit rendu aux raifons & à l'amitié de
Cariere qu'il connoiffoit pour un homme
difcret. Le Notaire dreffa le Contract qui
fut figné par tous ceux qui étoient dans la
chambre , & le Curé nous donna la benediction
Nuptiale. Au lieu de fonger aux
plaifirs qui fuivent ordinairement cette benediction
, nous ne fongeâmes qu'à nôtre
départ. Nous réfolûmes que Placidie prendroit
un habit d'homme , & parce que nous
n'avions pas le tems de lui en faire faire ,
elle mit un des miens . Elle étoit fi charmante
dans ce déguisement , que je craignis
qu'elle n'en pût pas foûtenir le perfonnage.
On la reconnoîtra , difois-je , partout où
nous nous arrêterens. Je fouhaitai preſque
dans ce moment-là qu'elle fût moins belle .
Nous réfolûmes encore que Placidie paffetoit
pour un jeune Seigneur , parent du
Maréchal de .... qui l'alloit trouver , &
qu'elle ne me parleroit , que comme fi j'é
DE SEPTEMBRE. 69
tois fon Valet de chambre . Elle vouloit aller
â cheval , mais je m'y oppofai . Pour lui en
épargner la fatigue , & pour faire plus de
diligence , Cariere avoit une chaife des
pofte.
Je la mis dedans. Il me donna de l'argent
pour fairemon voyage , & pour attendre
les Lettres de change qu'il m'enverroit
en Hollande. Dès que le jour parut , nous
prîmes congé de lui & de fa femme , que
nous regardions Placidie & moi , comme
nôtre pere & nôtre mere. Je pafferai legerement
fur cette féparation ; elle fut trop
tendre & trop douloureuſe , pour m'en retracer
les idées.
>
Nous gagnâmes la Frontiere fans contretemps.
Ma maladie m'avoit fi fort changé
que je ne fus point reconnu de quelques
Officiers que je trouvai dans les Villes par
où nous paffâmes. On nous laiffa fortir du
Royaume à la faveur de nos Paffeports.
Quand je me vis hors de France , je commençai
à refpirer : Enfin nous arrivâmes ,
après mille fatigues , dans le Hameau où
étoient nos Plenipotentiaires. J'allai faluer
M. de ..... avec Placidie ; je lui contai
mes avantures , il nous plaignit , & nous
fit toutes les offres de fervices qui dépendoient
de lui & de fes amis. Nous vîmes
auffi M. de .... qui fut frapé d'admiration
à la vûë de Placidie. Il ne pouvoit ſe
laffer de me dire que j'étois le plus heureux
de tous les hommes d'avoir une fi belle
70 LE MERCURE
femme , & qu'il
& qu'il ne me blâmoit point d'avoir
tout quitté pour elle. Quelques jours
aprés , nous arrivâmes à la Haye. Nous
defcendîmes chez un Marchand pour qui
Courdaval m'avoit donné une Lettre, & qui
nous logea chez lui . Placid. s'y remit de les
fatigues. Le bruit de fa beauté fe répandit
bientôt dans laVille. Il n'y eut perfonne qui
ne s'empreffât pour lavoir. Le Prince de ..
même en eut la curiofité , & m'avoiia qu'il
n'avoit jamais rien vû de fi accompli . Ce
difcours dans la bouche d'un Prince comme
celui- la , donnoit lieu à de grandes reflexions.
Je m'en fufle allarmé , fi je n'euffe
connu la vertu de ma femme , & fi je
n'euffe fçû qu'il devoit partir dans deux
jours pour l'armée. Il m'offrit de l'emploi.
Je le priai de m'en difpenfer pour cette
campagne. Je lui dis qu'on négocioit la
paix , & que fi elle fe faifoit , je m'épargnerois
le regret d'avoir porté les armes
contre ma Patrie & contre mon Roy . Il
approuva ma refolution , & m'affûra que
je pouvois compter fur fa protection .
DE SEPTEMBRE. •
T
Lettre à Monfieur Buchet :
Contenant la Traduction de quelques endroits
d'un Livre Anglois intitulé : Le
Caufeur , ou les Veilles du fieur Ifaac
Bixerstaff.
MONSIEUR ,
Je vous envoye ce que vous m'avez demandé
, mais je crains que vous n'en foyés
pas auffi content que vous avés cru . Vous
allez trouver de longues phrafes , des expreffions
hazardées , & peut-être des Anglicifmes
: Ce n'eft pas tout , la maniere
de penfer vous paroîtra même bizarre.
Vous ferez choqué de l'Original & de la
Traduction , à moins que vous ne vous
prêtiez à tout ce que je m'en vais vous
dire.
L'Auteur, qui eft M. le Chevalier Steele,
celui à qui nous devons le Spectateur ,
fe donne ici pour un vieux Aftrologue
Devin de profeffion , de plus Jurifconfulte,
& Medecin. Un homme de cette espece
doit parler d'une maniere peu commune ;
il eft impoffible de s'éloigner de la façon
de vivre de lá plufpart des hommes , fans
72 LE MERCURE
s'éloigner de leur façon de parler.
Voila pour l'Auteur , voici pour moi :
Le ftile du Caufeur , eft tiffu d'expreffions
fortes & chargées , avec des mots hazardez
même en Anglois , la plus libre de toutes
les Langues. Il ne faut pas auffi vous déguifer
que tout cela a trés-bien réuffi en
Angleterre , & que fi ma Traduction n'eft
pas goûtée en France , ce ne fera pas une
veritable Traduction. Cependant , il a
fallu traduire & non pas compofer. C'eſt
pourquoi j'ai cru devoir prendre un ftile
approchant du fien . A l'égard des Anglicifmes
, s'il y en a , je voudrois qu'ils fuffent
des fautes heureuſes , & qu'on pût
furmonterla mauvaiſe honte qui nous empêche
de prendre chez nos voifins ce qui
nous accommode , dans le tems qu'ils fe
font un merité de s'approprier ce que nous
avons à leur bienféance.
J'ai peut-être imité de certaines negligences
qu'on ne me paffera point;mais je fuis
perfuadé que le fens ne fçauroit être trop à
fon aife dans nos paroles , & que la trop
grande exactitude le gêne fouvent.
C Entrons maintenant dans les vûës de M.
Ifaac Bickerstaff: Vous fçaurez d'abord
qu'il paroiffoit une demie feuille de fes
Veilles , trois fois la femaine , & qu'on les
diftribuoit dans les Caffez comme les Gazettes.
Dés l'entrée de fon Ouvrage , il approuve
DE SEPTEMBRE.
de
ve beaucoup les Gazettes ; mais , ajoutet'il
, comme il y a pluffeurs bons Citoyens.
à qui le zele du bien public fait negliger
leurs affaires, pour aller raifonner fur celles
de l'Etat , il femble que ces Journaux
devroient être faits pour eux preferablement
aux autres. Et d'autant que ces Meffieurs
ont d'ordinaire beaucoup de zele & peu
connoiffance , c'eft une oeuvre également
charitable & neceffaire, que de leur fournir,
de quoi penfer aprés avoir lu . C'eft le deffein
de ce Journal , qui traittera de toutes ,
les matieres qui me tomberont fous la main.
Il promet d'y en inferer pour le beau
Sexe , puifque c'eft en fon honneur qu'il
a pris le titre de Caufeur.
Enfuite il dit , que tous les articles de
Galanterie feront datez du Caffé de White:
Ceux qui regardent la Poëfie , du Caffé
de Will : Ceux d'érudition , du Caffé
Grec : Qu'à l'égard des Nouvelles étran
geres & domeftiques , elles viendront du
Caffé de S. James ; & que tout ce qu'il
aura à dire fur d'autres matieres , fera daté
de fon appartement
.
Il finit en badinant fur les frais qu'il eft,
obligé de faire en liqueurs & en tabac
d'Espagne , pour entretenir de bonnes
correfpondances dans tous ces Caffez ; &
fur le don de prédire les chofes futures
dont il n'ofe faire que trés peu d'ufage ,
peur d'offenfer fes Superieurs.
Septembre 1719.
de
G
$4 LE MERCURE
Aprés cette petite préparation , il ne me
refte qu'une choſe à dire , c'eft que je n'ai
pas prétendu vous donner ici les plus beaux
endroits ; ce font les premiers morceaux
détachez que j'ai trouvé en parcourant le
Livre , & même j'ai été obligé d'y retrancher
bien des chofes. Dans la fuite je
pourrai vous en envoyer d'autres.
Si l'on condamne l'Auteur fur ma Traduction
, on aura tort ; fi l'on approuve
l'un & l'autre , je n'y veux d'autre gloire
que celle de vous avoir fait plaifir , &
d'être reputé , Monfieur , V.T. H. &
T. O. ferviteur L ***
1
Au Caffé de White.
Une Dame inconnuë me fit l'autre jour
l'honneur de me venir voir . Elle paroiffoit
âgée d'environ trente ans ; brune , mais
trés agreable : La fanté brilloit fur fon
vifage , & les yeux avoient une certaine
vivacité qui ne convenoit guéres , felon
moi , au ton plaintif dont elle commençoit
à me parler. Je ne fçai fi elle s'en apperçut
, mais tout à coup elle baiffa la vuë &
me dit , Monfieur Bickerstaff, vous voyez
devant vous la plus malheureufe de toutes
les Femmes . Comme vous avez la reputation
d'être auffi grand Jurifconfulte qu'Aftrologue
ou Medecin , je viens implorer
wos confeils & votre fecours , pour me
DE SEPTEMBRE.
A
faire obtenir la caffation d'un Mariage qui
doit être nul par toutes les loix du monde.
Madame , répondis- je , fi vous attendez
quelque fecours de moi , ayez la bonté de
vous expliquer nettement fur tous vos
griefs. Je ne croyois pas Monfieur , rel
pliqua- t'elle , qu'il fût befom de la moitié
de votre fcience , pour deviner de qui
peut porter une Femme à fe feparer de fon
Mari. Cela eft vrai , Madame , repartisje,
mais il n'eft pas ici queſtion de deviner
on n'établit pas un Procés fur des conjectures
: Quand on fçauroit même tout ce
que vous avez à dire , cela ne vous avavanroit
de rien , à moins que vous ne le difiez
vous- même. Alors , le cachane le vilage
de fon éventail , mon Mari , dit-elle , n'eft
pas plus Mari ( ici elle ne pur retenir fes
larmes que les Italiens qui chantent là
l'Opera.
Madame , lui dis- je , les Loix peuvent
apporter du remede à vôtre affliction' ;
mais envifagez les mortifications que vous
aurez à effuyer , fi vous la rendez publique.
Pourrez-vous foûtenir la rifée de toute
une Cour , les reflexions licentieufes
des Avocats , & før tout les couleurs qu'on
donnera dans le monde à votre conduite/?
Combien peu dira- t'on , cette Dame
fçavoit moderer fes defirs ! J'alloîs conti
mais elle me dit avec quelque émo
tion , Monfieur Bickerstaff , je vous al
nuer ,
Gij
76 LE MERCURE
donné demie Guinée en entrant , afin de
fçavoir vôtre avis fur la maniere dont je
dois m'y prendre, pour obtenir un divorce,
& afin d'apprendre ce qui me doit arrivers
Ceft à vous de voir . Oh , Madame , interrompis-
je ! vous ferez fatisfaite ditesmoi
, s'il vous plaît , quel âge a vôtre Mari
Ila , répondit la belle affligée , cin
quante ans , & il y en a quinze que nous
fommes mariez . Mais , Madame , lui disje
, il auroit fallu vous plaindre plûtôt ,
n'aviez-vous pas des Parens des Amis
aufquels vous puiffiez vous fier ? Helas
répondit-elle , il n'a été ainfi que depuis
quinze jours !
*
Je vous avoue que ma gravité fut démontée
à cette fois , & que je ne pus
m'empêcher de rire. Je lui dis que les
Loix ne pouvoient remedier à de tels malheurs
; mais cela ne la fatisfit point ; elle
fortit en me difant qu'elle s'adrefferoit à
un jeune Legifte d'Oxford , qui a cent fois
plus de fçavoir que moi , & que toute ma
Famille enfemble. C'eft ainfi que j'ai
-perdu ma Cliente . Cependant , fi cette en
nuyeufe narration pouvoit empêcher Paftorella
d'époufer un homme qui eft plus
vieux qu'elle de vingt ans , je confentirois
volontiers , & cela, pour le falut d'une belle
perfonne , que mon fçavoir fût decrié, &
qu'on reliât mes Prédictions avec l'Almaz
nach de Milan."
DE SEPTEMBRE. 77
Au Gaffé de Will
Je me fuis fouvent plaint ici des Lettres
de compliment. Les François ont cette
mauvaife maniere , & qui pis eft , ils rendent
public ce qui ne vaut rien en particu
lier. Ces complimens , qui ont påffe jufques
chez nous par contagions ont rendu
les entrétiens des Amis abfens de fort
peu
de profit & d'inftruction. C'eft pourquoi
j'ai toujours demandé à mes Amis de m'écrire
de maniere à me faire fouhaiter d'ètre
avec eux , plûtôt que de me protefter
qu'ils fouhaitent fort d'être avec moi. Par
ce moyen j'ai un recueil de Lettres , de
la plupart des parties du monde , qui font,
pour ainfi dire , du eru du terroir , autant
que les plantes qui y croiffent. Un de
mes Amis qui voyageoit m'en a écrit
plufieurs de cette elpeces en voici une
entr'autres , qui ne me déplait pas trop
"
Mon cher Monfieur ,
Je croy que voici la premiere fois qu'on
vous écrit de la moyenne Region de l'aire:
pour ne pas vous tenir en ſuſpens , c'est du
Sommet de la plus haute Montagne de Suiffe,
fur laquelle jofriffonne maintenant au milieu
des glaces & des neiges éternelles dont je
fuis environné. J'ai peine à ne pas dater
Giij
78 LE MERCURE
ma Lettre du mois de Decembre , quoiqu'on
veuille me foutenir que c'eft ici le premier
d'Aonft . Mon encre gele au fort de la Canicule.
En recompenfe j'ai le plaifir devoir
divers Paifages de neige , qui font les plus,
jolis du monde. Cette neige est aufi durable.
que le marbre; me voici fur un tas qui
séboula du tems de Charlemagne ou de Pepin
le bref, à ce qu'on dit par tradition.
Les Habitans ne font pas une des moin
dres curiofitez du Païs. Dans leurjeuneſſe,
ils fe louent à leurs Voifins , & ceux qui
font à l'épreuve du mousquet jusqu'à cinquante
ans , reviennent avec l'argent qu'ils
ont gagné & les membres qu'ils ant de refte,
achever tours jours parmi leurs Montagnes
natales. Un des Gentilshommes du lien , quil
en a été quitte pour un oeil , m'a die par
maniere de vanterie, qu'il y avoit à prefent
fept jambes de bois dans fa Famille , &
que depuis fept generations , on n'avoit ens
terré aucun mâle de fa : branche tout à la
fois. Vous trouverez peut -être mon ftile
auffi extraordinaire
tout celang amais
fouvenez- vous qu'il eft dit dans une de nos
Comedies , que les gens qui parlent fur les
nuages , ne doivent pas être affervi à mettre
du fens dans leurs difcours. Je me croi
en droit d'ufer du même privilege , moi qui
voy les nuages an deßous de moi . En quel
que lien que jefois , je ferai toûjours ; &c.
6
que
DE SEPTEMBRE. 79.
Je voudrois que dans un Païs où l'on a
des materiaux fi commodes , on érigeât
des Statues de neige à ces Heros mutilez
qui reviennent de la guerre. Ce feroit des
monumens qui pafferoient jufqu'à la poſte
rité la plus éloignée.
Au Caffé de Will.
2. M. Dactile a déployé fon éloquence ce
foir fur le talent de tourner les chofes en
ridicule. Il difoit trés juftement qu'il s'y
rencontroit d'ordinaire quelque chofe de
trop bas pour la focieté des honnêtes gens ,
à moins qu'on ne le modifiât felon les cir
conftances des perfonnes , du tems & du
hieu. Un honnête homme , continua- til
doit fe fervir de ce talent comme de fon
épée , pour la feule défcufe , & jamais of
fenfivement , à moins que ce ne foit pour
dévoiler l'impofture & l'affectation. Mais
on a fi fort méconnu cette faculté , que le
burlefque dans lequel eft cravefti Virgile
a paffe de nos jours pour de l'efprit , &
que les plus nobles penfées qui foient jamais
entrées dans le coeur de l'homme , ont été
miſes au niveau de la groffiereté & de la
bouffonnerie . Suivant les regles de la justice
aucun homme ne devroit être tourné en ri
dicule à caufe de fes imperfections , s'il
ne veut fe faire valoir par les qualitez qui
lui manquent. C'eft ainfi que les Poltrons
Giiij
80 LE MERCURE
qui fe cachent fous un air fier & infolent,
& les Pedans qui penfent montrer la profondeur
de leur fçavoir par une fombre
gravité , font également les dignes objets.
de nôtre rifée : Non qu'ils foient en euxmêmes
ridicules par leur manque de courage
ou par la foibleffe de leur entendement ,
mais à caufe qu'ils femblent ne pas fentir
le rang qu'ils tiennent dans la vie , & qu'ils
fe placent malheureufement avec ceux dont
le merite répand trop de jour fur leurs défauts.
Il faut obferver d'un autre côté que le rire
êtant l'effet de la raiſon , on devroit chaffer
des honnêtes compagnies ceux qui rient
fans raifon.... Ha , ha , dit Guillaume
Truby , qui étoit auprés de nous , eft- ce
qu'on voudra me faire rire par regle & par
methode ? Voyez-vous , répondit Homphroy
Finet , c'eft que vous êtes grandement
trompé: Vous pouvez à la verité
faire beaucoup de bruit , & perfonne ne
peut empêcher un Gentilhomme Anglois
de mouvoir fon vifage à fa fantaifie ; mais
fur ma parole , ce bruit que vous faites-là
en ouvrant la bouche ; cette agitation d'eſtomac
que vous foulagez en vous tenant les
côtez , tout cela n'eft point rire. Le rire
eft de plus grande importance que vous ne
penfez , & je vous dirai en fecret , que
vous n'avez ri de vôtre vie , que je crains
même que vous ne riez jamais , à moins
DE SEPTEMBRE. of
de vous faire guérir de ces convulfions .
Truby nous quitta , & quand il fut à deux
pas de nous : fort bien , dit-il , vous êtes
d'étranges perfonnes ; en même tems il fit
un autre éclat de rire.
Les Trubys font gens benevoles , its
rient de purc amitié avec autant de plaifir
que ceux qui rient malicieufement
Ainfi quand on les voit prendre la figure
d'un homme qui rit ; cela ne vient que de
cette bienveillance generale qui eft née
avec eux. Les Finets ne font que fourire
des chofes les plus plaifantes , & les fentent
bien plus vivement. Je fçai que La
Hargne enrage quand Truby lui rit au nez;
mais queTruby eclate de rire en me voyant,
je connois que ce rire , ou fi vous voulez
ce bruit inanimé , qui en d'autres feroit
rire , ne vient que de l'abondante joye
qu'il a de me voir. Mais j'examinerai plus .
au long cette matiere dans mon Traité de
ofcitation , du rire & du ridicule.
De mon Apartement.
of
Il m'en a coûté bien des foins , & des
meditations pour ranger les gens fous les
dénominations qui leur font propres , &
felon leurs caracteres refpectifs . Mon travail
, d'un côté , a eu un fuccés inefperé ,
& de l'autre , il a été fort negligé . Car
quoique j'aye beaucoup de Lecteurs , j'ai
$2 LE MERCURE
}
trés peu de Profelytes. Il faut certaine
ment que cela vienne de la fauffe opinion
qu'on a que mes écrits font plûtôt deſtinez
à l'amufement , qu'à l'inftruction du Public.
J'ai commencé mes Effays par décla
rer que je voulois reprefenter le genre humain
tout autrement qu'on n'a fait juſ
qu'ici ; & j'ai avancé que toute vie inutile
ne feroit plus appellée vie dans mes écrits.
Mais de peur que ma doctrine ne paroiffe
frivole & fantafque aux gens non lettrez ,
& que ce ne foit peut-être la caufe du peu
de progrés qu'elle a fait ; qu'on me permet,
te de developer l'antiquité & la fageffe de
ma premiere propofition , à fçavoir , que
tout homme fans merite , eft un homme
mort. Cette notion eft auffi ancienne que
Pitagore. Dés qu'un de fes Difciples fe
laffoit d'étudier l'art de fe rendre utile
aux hommes , & qu'il abandonnoit fon
Ecole , pour aller vivre dans l'oifiveté ,
les autres Difciples le tenoient pour mort ;
on devoit faire fes funerailles, lui élever un
tombeau avec des infcriptions qui fiffent
fouvenir fes compagnons qu'ils étoient
mortels comme lui. Je pourrois appuyer
cette doctrine par l'exemple même des He
breux , & par des autorités facrées que je
laiffe à mediter à mes lecteurs , ils pour
ront voir aisément dans quel fens on appli
que les termes de mort & de vivant aux
hommes,felon qu'ils font bons ou mauvaisə
DE SEPTEMBRE. 83
C'est là-deffus que j'ai dreffé mon fyfte
me de l'exiſtence , que l'on va voir ici , à
Fufage des vivans & des morts ; mais furtout
des derniers que j'exhorte à y faire
toute l'attention poffible , fupófé qu'ils
foient capables d'attention .
que
Au nombre des morts font compriſes
toutes perfonnes de quelque rang ou qualité
qu'elles foient , qui employent la plus
grande partie de leur tems à manger & à
boire , afin d'entretenir cette existence imaginaire
qu'ils nomment leur vie , ou à
decorer ces ombres , ces apparitions que
le vulgaire prend pour des vrais hommes
& de vraies femmes. En un mot quiconrefide
dans ce bas monde fans y avoir
des affaires , & qui ne fonge point à quel
propos il y a été envoyé , eft felon moi ,
bien & dûment trepaffe , & je fouhaite
qu'on l'eftime rel. Les vivans font ceux
feulement qui s'appliquent à fe perfec
tionner l'efprit & le coeur , encore ne leur
compterai-je pour moment de vie que ceux
qu'ils auront employez ainfi .. Par là nous.
trouverons que les plus longues vies ne
confiftent qu'en très peu de mois , & que
la plus grande partie de la Terrelet entie
rement depeuplée. Selon ce Syftême , il y
a des gens qui font nez à l'âge de vingt
ans , d'autres à trente , d'autres à foixante ,
& d'autres environ une heure avant mourir.
Bien plus nous en verrons des multi84
LE MERCURE
tudes qui meurent avant que de naître ›
nous verrons plufieurs morts fe fourer parmi
les vivans, & figurer aux yeux des ignorans
mieux que ceux qui font pleins de
vie & de fanté. Cependant , comme il peut
少avoir beaucoup de bons fujets , payant
les taxes , & vivant: paisiblement chez
eux , qui ne font pas encore nez , ou qui
font morts depuis longtemps , j'exhorte les
premiers à venir au monde , & je laiffe
aux autres la voye de la refurrection . Je
dis ceci en partie pour l'amour d'une per
fonne qui a publié depuis peu un avertif
fement, dans lequel elle fefert de certaines
expreffions qu'il n'eft pas de la bienfeance à
un Mort de proferer , c'eft mon défunt
ami Jean Partridge , quiiconclur Favertiffe
ment de fon Almanac pour l'année pro
thaine par la note fuivante.
T
D'autant qu'il a été induſtrieuſement repandu
dans le Public par le nommé Iſaac】
Bickerstaff , & autres , pour prevenir le
debit de cet Almanac, que Jean Patridge
étoit morti , cecy eft pour informer fes
bons Compatriotes qu'il eft encore en vie
& en fanté, & que ceux qui avoient fait
courir ce bruit, font des Fripons.
▼ R
3
་
126197
с
DE SEPTEMBRE. 3 }
A
EDITS , ARRETS
& Declarations .
Rrêt du Confeil d'Etat du Roy
qui ordonne qu'il fera fabriqué pour
cent vingt millions de livres de Billets de
la Banque , de dix mil livres chacun du
12. Septembre 1719 .
ARREST
Du Confeil d'Etat du Roy ,
Qui permet à la Compagnie des Indes , de
faire pour cinquante millions
de nouvelles Actions .
Ur
Sur ce qui a été reprefenté au Roy
étant en fon Confeil , par les Direc
teurs de la Compagnie des Indes , que
pour remplir les engagemens que ladite
Compagnie a contractez en execution de
l'Arrêt du Confeil du 27. Août dernier
ils ont eftimé neceffaire de faire pour cinquante
millions de nouvelles actions , pour
être delivrées à raifon de mille pour cent:
A quoi ils fuplioient Sa Majefté de vou
doir les authorifer. Oui le rapport , Sa Ma
jefté étant en fon Confeil , de l'avis de M.
le Duc d'Orleans Regent,a ordonné & ot¬
donne ce qui fuit,
85 LE MERCURE
ART. I. Sa Majefté a permis & per
met à la Compagnie des Indes , de faire de
nouvelles Actions jufqu'à concurrence de
la fomme de cinquante millions , lesquelles
feront de même nature & jouiront des
mêmes avantages que celles qui compoſent
les cinquante millions d'anciennes Actions
II. Lefdits cinquante millions de nouvelles
Actions feront faits en cent mille
Billets d'une Action chacun numerotez
depuis le numero cent vingt mille un , juſques
& compris le numero deux cent vingt
mille.
III . Léfdites Actions feront acquifes
par toute forte de perfonnes , fur le pied
de cinq mille livres chaque Action , payables
en dix payemens égaux en efpeces ou
Billets de Banque , dont le premier comptant
, & les autres dans le courant de chacun
des mois fuivans , & faute de faire les
payemens dans lefdits mois indiquez , les
certificats du Caiffier de ladite Compagnie
qui auront efté delivrez pour les nouvelles
Actions ordonnées par le prefent
Arreft , deviendront nuls & de nul effet.
IV. Le Livre pour la delivrance des
Certificats fera ouvert à commencer du 15.
du preſent mois , & lefdits Certificats feront
vifez par un des Directeurs de la
Compagnie des Indes , & figné par le
-Sieur Vernezobre de Laurieux , que
Sa Majefté a commis & commet Caiflier
DE SEPTEMBRE. 87
;
de la Compagnie , pour recevoir les fonds
defdits cinquante millions de nouvelles
Actions. Fait au Confeil d'Etat du Roy,
Sa Majefté y étant , tenu à Paris le treizić,
me jour de Septembre mil fept cent dix
neuf. Signé , FLEURIAU .
EDIT DU ROY ,
Portant fuppreffion de tous les Offices éta
blis fur les Ports , Quays Halles &
Marchez de la Ville de Paris.
Nous avons par nôtre prefent Edit perpe
tuel & irrevocable, éteint & fuprimé, éteignons
& fuprimons tous les Offices établis
fur les Ports, Quays , Halles, & Marchez de
nôtre bonne Ville de Paris. Voulons qu'à
commencer du Lundy 18. du prefent mois,
il ne foit plus levé aucun des droits qui
fe font perçus jufqu'à ce jour au profit deldits
Officiers , à quelque titre & fous quelque
dénomination que ce puiffe être , & en
confequence qu'il foit inceffamment pro
cedé au rembourfement des finances defdits
Offices , tant anciennes que nouvelles , fui
vant la liquidation qui en fera faite par les
Commifaires de nôtre Confeil qui feront
hommez à cet effet ; & voulant maintenir
non feulement l'ordre & la police qui s'ob→
ferve dans lefdits Ports , Quays , Halles &
Marchez , mais auffi faciliter aux Mar
38 LE MERCURE
chands Forains le payement de leurs marchandifes
au moment de leur arrivée; ainfi
qu'il s'eft pratiqué par le paffé , & pourvoir
de plus en plus à la garde , & à la fureté
defdites marchandifes, ordonnons qu'il
fera établi & formé un nombre fuffifant de
Gardes pour veiller à leur confervation
tant de jour que de nuit , qui feront entretenus
, payez & foudoyez à nos frais &
dépens.
ARREST
Du Confcil d'Etat du Roy.
Qui ordonne qu'à la nomination des Sieurs
Lieutenant General de police, Prevoft des
Marchands & Efchevins , il fera établi
des Commiffionnaires & Prepofez fur les
Ports, Quays , Halles & Marche , de
la Ville de Paris.
E Roi ayant par l'Edit du prefent
mois de Septembre , ordonné la fuppreffion
de tous les droits qui ont été perçûs
jufqu'à prefent au profit des Officiers
établis fur les Ports , Quays , Halles &
Marchez de fa bonne Ville de Paris ,
quelque titre & denomination que ce puiffe
être , & pourvû au rembourfement des
finances defdits Offices tant anciennes
que nouvelles , au moyen de quoy les fonctions
qui étoient attribuées à leurs Offices,
>
ceffet
DE SEPTEMBRE
89
•
cefferont entierement à leur égard , & que
pour conferver la même police & fûreté
dans lefdits Ports , Quays, Halles & Marchez
, il feroit prepolé par les Sicurs Lieutenant
General de police , Prevoft des
Marchands & Echevins , chacun en ce
qui le concerne , un nombre fuffifant de
perſonnes pour exercer les fonctions qui
font neceffaires : Sa Majefté defirant en
confequence , qu'il y foit pourvû, par les
Sicurs Lieutenant General de police , Prevoft
des Marchands & Echevins , oui le
raport. Sa Majefté êtant en fon Confcil
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a ordonnéGorodrdoonnne qu'à la
nomination & fur les Commiffions des
Sieurs Lieutenant General de police ,
Prevoft
des Marchands & Echevins , chacun
en ce qui concerne leur Jurifdiction , il
fera établi & prepofé pour la facilité du
Commerce , la police & la fûreté des marchandifes
& denrées fur les Ports , Quays ,
Halles & Marchez de ladite Ville de Paris
, fçavoir , pour les vins && autres Boif
fons , foixante Vendeurs & vingt- quatre
Jaugeurs pour les grains foixante- huit
Melureurs ; ponr le bois quatre - vingt
Mouleurs pour le charbon vingt Melureurs
; pour la chaux deux Melureurs ;
pour le mettage à Port , le retournage ,
Lemontage , la garde , le renvoy des rivie-
Les , & le debaclage des batteaux , la foug
1
Η
le
LE MERCURE
&
no
}
niture des planches , d'hommes & d'équi
pages à ce neceffaires , avec garentie des
batteaux & des marchandifes , comme auf
fi pour le nettoyage des Ports, pavez 80
l'enlèvement des boues fur lefdits Ports ,
douze Merteurs à Port & Debacleurs qui
feront enfemble & conjointement toutes
lefdites fonctions pour les toiles vingt į
Aulneurs ; pour le foin vingt Vendeurs
Courtiers , & pour les Porcs feize Infpecteurs
, Vifiteurs & Langueyeurs de Porcs
vifs ou morts : Tous lefquels Commiffionnaires
ou Prepofez prefteront ferment en
la maniere accoûtumée , pardevant lefdits
Steurs Lieutenant General de police , Prevoft
des Maachands & Echevins chacun
ce qui le concerne , & feront toutes
les mêmes fonctions qui étoient ci - devant
faites par les Officiers titulaires ; & même
les Mefureurs de grains feront faire le bri
fage des farines & l'arrangement des facs
dans les Halles & Marchez. Pourront
neanmoins lefdits Commiffionnaires ou
Prepofez être deftituez , changez ou retablis
dans leurs employs , ainfi que lefdits
Sieurs Lieutenant General de police , Prevoft
des Marchands & Echevins le jugeront
à propos , & jouiront lefdits Conmillionnaires
ou Prepofez pour leurs peines
& fourniture d'hommes , uftanciles ; équi- l
pages & autres chofes neceffaires pour
remplir leurs fonctions , des falaires & é-
Pol
DE SEPTEMBRE. 91
molumens fixez par le Tarif attaché fous
le Contre-fcel de l'Edit du prefent mois.
Enjoint Sa Majefté aufdirs Sieurs Lieute
nant General de police , Prevoft des Marchands
& Echevins de tenir la main à l'execution
du prefent Arrêt . Fait au Confeil
d'Etat du Roy , Sa Majefté y étant , tenu
à Paris le douziéme Septembre mil
fept cent dix-neuf. Signé PHELIPE AU .
ARREST
Du Confeil d'Etat du Roy ,
Qui nomme des Commiffaires pour proceder
à la liquidation des finances , tent an
ciennes que nouvelles , des Offices établis
fur les Ports , Quays , Halles & Marche
de la Ville de Paris.
L
E Roy ayant par fon Edit du prefent
mois , ordonné qu'il fera procedé par
les Commiffaires de fon Confeil qui feront
nommez à cet effet , à la liquidation des
financés , tant anciennes que nouvelles ,
des Offices établis fur les Ports , Quays ,
Halles & Marchez de la Ville de Paris
A quoy Sa Majefté defirant pourvoir &
accelerer le rembourfement de la finance
defdits Offices ; oui le raport. Sa Majef
téêtant en fon Confeil de l'avis de Monfieur
le Duc d'Orleans Regent , a com
mis & commet les Sieurs de la Houffaye
Hij
92 LE MERCURE
Confeiller d'Etat & au Confeil de Regence
pour les Finances , Trudaine auffi Confeiller
d'Etat & Prevoft des Marchands , de
Machault Maiftre des Requeftes & Lieutenant
General de police , d'Ormeffon &
de Gaumont auffi Maiftres des Requeftes ,
& Dodun , Prefident des Enqueftes du
Parlement de Paris , Confeillers au Confeil
de finances , pour proceder conformé
ment à la difpofition dudit Edit à la liqui
dation des finances , tant anciennes que
nouvelles , des Offices fupprimez par icelui
, fur la reprefentation qui fera faite aufdits
Sieurs Commiffaires des quittances
de finances , provifions & autres titres de
proprieté defdits Offices : Ordonne que
les pourvûs & proprietaires defdits Offces
fuprimez, feront tenus de remettre lef
dits titres & pieces juftificatives au Sieur
de Grofmenil , Greffier des Commiffions
extraordinaires du Confeil , que Sa Majefté
a commis pour Greffier de ladite Commiffion
, pour , fur les Ordonnances de liquidation
qui feront faites par lefdits
Sieurs Commiffaires , être lefdits pourvûs
& Proprietaires rembourfez des fommes
portées par lefdites Ordonnances , conformément
audit Edit du prefent mois . Fait
au Confeil d'Etat du Roy , Sa Majeſté y
étant , tenu à Paris le douzième jour de
Septembre mil fept cent dix- neuf.
Signé , PHELIPIAU.
DE SEPTEMBRE. 93
TARIF
Des falaires & emolumens attribuez aux
Commiffionnaires établis pour La police
des Ports , Quays , Halles & Marchez ,
qui doit être attaché fous le contre-fcel
de l'Edit qui fupprime les Offices &
Droits établis fur les Ports Quays
Halles & Marchez de la Ville de Paris.
POUR LE VIN.
Vendeurs de Vin.
11 ne leur eft point fixé de droits par le
prefent Tarif, attendu que l'Edit même
porte ce qui fera payé.
Jaugeurs de Vins & autres Boiffons.
Il leur fera payé pour chaque muid rés
duit de vins , cidres , bierres & autres
boiffons , deux fols , & pour les demis &
quarts à proportion , cy pour le muid rẻ-
duit 2 f.
Plus , pour chaque muid réduit d'eaude-
vie fimple , d'eau-de-vie double &
d'efprit de vin , tant pour la jauge que
pour l'effai , quatre fols , & pour les plus
·
94 LE MERCURES
forts ou plus petits vaiffeaux , le droit fera
augmenté ou réduit à proportion , cy pour.
le muid réduit-
4
f.
POUR LE GRAIN. A
Mefureurs de bleds & farines , & autres
grains.
Il leur fera payé pour chaque muid de
bled , douze fols , qui eft à raifon d'un fol
par feptier , & pour les petites mefures à
proportion , cy pour le muid > 12 f.
Plus , pour chaque muid de farine , une
livre quatre fols , qui eft à raifon de deux
fols par feptier , & pour les petites mefures
à proportion , cy pour le muid , 11, 4 f.
Plus, pour chaque muid d'orge, de veffes
& de grenailles , dix- huit fols , qui eſt a
raifon d'un fol fix deniers par feptier , &
pour les petites mefures à proportion , cy
pour le muid
18 l.
Plus , pour chaque muid d'avoine , une
fivre quatre fols , qui eft à raifon de deux
fols le feptier , & pour les petites mefures
à proportion
, cy pour le muid ,
11. 46.
DE SEPTEMBRE.
21
'
POUR LE BOIS
Mouleurs de Bois.
Il leur fera payé pour chaque voye de
bois neuf & de bois flotté à brufler , foit
de moule ou de corde , cinq fols , cy pour
la
voye
S
£
Plus , pour chaque voye de deux cent
huit fagots , cotterets , bourrées avec paremens
, cinq fols , cy pour la voye 5.fo
Plus , pour chaque voye de deux cent
huit bourrées d'épines , ronces fans paremens
, fouchons & copeaux , deux fols fix
deniers , cy pour la voye z f. 6 d.
Plus , pour chaque voye, de cinquanté
fagots de bois de cordes , menuifes ou bois
blanc flotté de vingt- fix pouces de groffeur,
cinq fols , cy pour la voye 5 ር
Pour chaque voye de cinquante falourdes
de perches , deux fols , cy pour lavoye
21f.
-Plus , pour chaque voye de bois de cru
en buche , fagots , corterets , deux fols ;
cy pour la voye
2 f
POUR LE CHARBON. J
Mefureurs de Charbon :
Il leur fera payé pour chaque voye de
96
LE MERCURE
charbon de bois , compofée de deux minors
, deux fols, & pour les mefures audeffus
& au- deffous à proportion , cy pour
la voye
2 f
Plus , pour chaque voye de charbon de
terre , composée de quinze minots , quinze
fols , & pour les mefures au- deffous à proportion
, cy pour la voye
POUR LA CHAUX,
Mefureurs de Chaux.
15fo
Il leur fera payé pour chaque muid de
chaux , compofe de quarante- huit minots,
quinze fols , & pour les mefures au-deffous
proportion , cy pour le muid
POUR LES BATEAUX.
Il fera payé pour le métage à port , le
fetournage , le remontage, la garde , le
renvoy des rivieres , le débaclage , la fourniture
des planches , d'hommes & d'équipages
à ce neceffaires , le nettoyage, des
Ports , l'enlevement des boues fur lesdits
Ports , à la charge de la garentie defdits
bateaux & des marchandifes
SÇAVOIR,
DE SEPTEMBRE.
SCAVOIR,
Au Port d'enhaut.
Pour chaque couplage de margota , deux
livres , cy
су
21.
Pour chaque tout-bachot , une livre
I l.
Pour chaque bachot , dix fols , cy 10 f.
Pour chaque bateau de fept toifes , chargé
de foin où de charbon , huit livres , cy
8 l.
Pour chacun defdits bateaux de fept toifes
, chargé de toute autre marchandiſe ou
denrée, & pour chaque boutique à poiſſon ,
fix livres , cy
61.
Pour chacun des bouticlars & gondole à
poiffon , trois livres , cy
3 1.
Pour chacun des bateaux de huit toifes
chargé de foin & de charbon , dix livres ,
су
10 l.
Pour
chacun
defdits
bateaux
de huit toifes
, chargé
de toute
autre
marchandiſe
ou
denrée
, huit
livres
, cy
8 1.:
Pour
chacun
des bateaux
de dix toifes
.
& au - deffus
, chargé
de foin
& de charbon
,
douze
livres
, cy
12 1.
Pour chacun defdits bateaux de dix toi
fes , chargé de toute autre marchandiſe
ou
denrée , dix livres , cy • 10 l.
Chaque bateau chargé de pavé pour le
Roy , ne payera que demy droit.
Septembre 1719.
I
98
LE MERCURE
Au Port d'enbas :
Pour les bateaux depuis dix-huit juſqu'à
vingt-huit toifes , payeront par toife dix
fols , cy 10 f.
Pour
les bateaux
au- deffous
de dix-huit
toises
, de quelque
grandeur
que
ce foit.
par toifes
cinq
fols
, cy
S
f.
Et fera payé pour le retournage des bateaux
de foin , lorfque les Commiffionnaires
Debacleurs en feront requis , fix livres ,
су
POUR LES TOILLES.
Aulneurs de Toilles.
61.
Pour chaque aulne de toille , tant groffe
que fine , étrangere ou du Royaume , canevas
, coutils , treillis , coupons, bougrans ,
napes , fervietes , mouffelines , baptifte ,
futaine , bafin , toille de coton , de lin &
autres ouvrages de fil & lingerie , qui feront
amenez dans la Ville & Fauxbourgs
de Paris , même des toilles & autres ouvrages
cy-deffus qui y feront fabriquez , à
l'exception de celles qui feront
pour THôn
tel Royal des Invalides , aux conditions
portées par les Edits qui en accordent l'exemption
, un denier & demy , cy par
auine
1 d . & demy. A
DE SEPTEMBRE .
99
POUR LE FOIN.
Vendeurs , Courtiers , & Debardeurs de
Foin.
Il leur fera payé par chaque cent de foin
entrant , tant par terre , que par eau
les demis & quarts cinq fols , &
pour
proportion , cy par cent
•
sf.
POUR LES PORCS.
Inspecteurs . Vifiteurs & Languayeurs
de Porcs.
Il leur fera payé par chaque porc vif ou
mort , huit fols , cy
8 f.
Et pour les demis & quarts à proportion
FAIT & arrefté au Confeil d'Eftat du
Roy , tenu à Paris le douzième jour de
Septembre mil fept cent dix neuf. Signé ,
PHELYPEAUX.
Registré , ony , & ce requerant le Procureur
General du Roy , pour eftre executé
Selon fa forme & teneur , à la charge que
l'enregistrement du prefent Tarif , fera reiteré
au lendemain de la S. Martin , fuivant
l'Arreft de ce jour. A Paris en Parlement,
en Vacations , le feizième Septembre mil
fept cent dix-neuf. Signé , YS A BE A U.
I'ij
100 LE MERCURE
A
TOUS CEUX QUI CES PRESENTES
LETTRES VERRONT :
Charles Trudaine Chevalier Seigneur de
Montigny & autres lieux , Confeiller
d'Etat , Prevôt des Marchands , & les
Echevins de la Ville de Paris ; SALUT ,
fçavoir faifons. Que fur ce qui nous a été
remontré par le Procureur du Roy & de
la Ville , que Sa Majefté ayant par Edit
du prefent mois fupprimé tous les Officiers
établis fur les Ports & Quais , & dans les
Chantiers de cette Ville , Fauxbourgs &
Banlieuë , enſemble les Droits à eux attribuez
, à commencer du Lundy dix- huit
dudit prefent mois ; il eft neceffaire d'ôter
& retrancher lefdits Droits du prix des
Marchandifes qui font venduës & livrées
fur lefdits Ports , & d'en arrêter & fixer
le prix fuivant ledit retranchement & conformément
audit Edit ; pourquoy requeroit
qu'il Nous plût y pourvoir . Ayant
égard aufdites remontrances & requifitoire
du Procureur du Roy & de la Ville , &
vû ledit Edit enregistré au Parlement ce
jourd'huy
Meffieurs les Prevôt des Marchands &
Echevins de la Ville de Paris , ont ordonné
qu'à commencer Lundy prochain dix- huit
du prefent mois , les Marchandifes pour
la provifion de cette Ville , prifes fur les
DE SEPTEMBRE. ΤΟΥ
Ports & Quais , & dans les Chantiers de
cette Ville , Fauxbourgs & Banlieuë , feront
venduës ,
ŚĆ AVOIR ,
5
Aux Ports de la Greve , aux Mulets &
Arche - Beaufils.
La Voye de Bois de compte neuf, treize
livrés deux fols fix deniers.
La Voye de Bois de corde de quartier ;
douze livres deux fols fix deniers.
La Voye de Bois Taillis , onze livres
deux fols fix deniers .
La Voye de Bois Taillis mêlé de Bois
blanc , dix livres deux fols fix deniers.
La Voye de Bois de Traverſe , douzo
livres fept fols fix deniers.
FAGOTS & COTERETS.
La Voye de Fagots compofée de deux
cent huit , douze livres treize fols neuf
denier's.
La Voye de Cotterets de Marne , auffi
compofée de deux cent huit , douze liv.
treize fols neuf deniers.
La Voye de Coterets d'Yonne , compo
fée de trois cent douze , treize liv.
I iij
102 LE MERCURE
Aux Ports de l'Ecole , Saint Nicolds
& Malaquais .
La Voye de Bois de Moule de compte 3
treize liv. deux fols fix deniers .
La Voye de Bois de corde de quartier
douze liv . deux fols fix den.
La Voye de Bois Taillis , onze liv . deux
fols fix deniers.
La Voye de Bois Taillis mêlé de Bois
blanc , dix livres deux fols fix deniers.
La Voye de Bois d'Andelle , douze liv,
fept fols fix deniers .
FAGOTS & COTERETS.
La Voye de Fagots compofée de deux
cent huit , douze livres treize fols neuf
deniers.
La Voye de Coterets de quartier , compofée
de deux cent huit , quinze liv . dixlept
fols neuf deniers .
La Voye de Coterets de Bois Taillis ,
compofée de deux cent huit , de deux.
pieds de longueur chacun , & de dix- fept
à dix-huit pouces de groffeur , treize liv
douze fols neuf deniers.
BOIS FLOTTE.
La Voye de Bois de Moule de compte
DE SEPTEMBRE. 103
de la Foreft de Montargis , douze livres
quinze fols.
La Voye de Bois de corde de ladite Fo
reft , onze liv. quinze fols .
La Voye de Bois de Moule de compte
des Provinces de Bourgogne & Champagne
, onze liv. quinze fols.
La Voye de Bois de traverſe & de cordo
defdits Provinces , dix liv . quinze fols.
La Voye de Bois flotté de menuife &
bois blanc, dont font compofez les Fagots ,
cordée dans la membrure , neuf liv. cinq
fols.
La Voye de Fagots defdits bois compo
fée de cinquante , douze livres huit fols
fix deniers.
La Voye de Falourdes de perches , compofée
de cinquante , quinze liv . onze fols.
Le tout mis en Charete aux dépens du
Marchand Vendeur , & compris les quatre
fols pour l'Hôpital General fur chacune
Voye.
Que la Mine ou Voye de Charbon de
bois , prife fur le Port , tous Salaires
compris , même le droit pour l'Hôpital
General , fera venduë deux livres quinze
fols fix deniers.
Et que le Muid de Chaux pris fur let
Port , compris le Salaire des Mefureurs
fera vendu quarante trois liv . un fol trois
deniers .
I iiij
$104
LE MERCURE
FAISONS défenfes aux Marchands
de vendre leurfdites Marchandises à plus
hauts prix que ceux par Nous cy- deffus
reglez , à peine de concuffion ;. & enjoignons
aux Commis Mouleurs de Bois ,
Mefureurs de Charbon & de Chaux , de
tenir la main à l'execution des Prefentes ,
& de mettre par chacun jour fur chacune
qualité defdits Bois , Charbon & Chaux ,
la Pancarte du prix d'iceux , à ce que perfonne
n'en ignore. Ce qui fera lû , publié
& affiché par tout où befoin fera , & exccuté
, nonobftant oppofitions ou appellations
quelconques , & fans préjudice d'icelles.
FAIT au Bureau de la Ville , le
feizième jour de Septembre mil ſept cent
dix-neuf. Signé , TAITBOUT.
Départemens de Meffieurs les Directeurs
de la Compagnie des Indes..
POUR LE Соммев С. Б
Les Monnoyes.... Meffieurs Law , Fro
maget & Caftanier.
Les Armemens & defarmemems.... Meffieurs
Law , Mouchard , Berthelot , Piou ,
Morin , le Gendre , Defvieux & Monpellier.
Les Achapts de Marchandifes.... Meffieurs
Fromaget , Caftanier , Morin , De
DE SEPTEMBRE. 10f
La Porte- Chevalier , Villemur , Laugeois.
La Louifiane.... Meffieurs Dartaguiette,
Gilly de Montaud , Corneau , De la Haye,
Perrinet , Savalette , De la Porte- de Fe
raucourt.
Les Indes.... Meffieurs Raudot , Adine,
Hardancourt , Fromaget , Lallemant ,
Tiroux , De la Live.
Le Caftor & la Guinée.... Meffieuss
Mouchard , Piou , Le Gendre , Le Normant.
Le Senegal & la Compagnie d'Affrique .....
Meffieurs Fromaget , Gaftebois , Morin ,
Raudot , Berthelot , De la Porte Cheva
lier.
POUR LES FERMES.
Le foin de la fuite des Regiftres Journaux s
Etats de Produit & Depenfe , les Big
lans & Comptes generaux.
Meffieurs Law , Fromaget , Gaftebois-
Laugeois & De la Porte-de Feraucourt.
Le foin de faire faire les Remifes des Dea
niers des Caiffes de Paris & des Provinces
à la Recette generale , & de fuivre
ordonner les payemens qui doivent
être faits à l'acquittement des charges.
des Etats du Roy.
Meffieurs Law , Dartaguiette , Perrinet3.
106 LL MERCURE
Berthelot , De la Porte , Le Gendre ;
Adine , Defvieux.
La garde des Papiers de la Ferme , & des
Actes déposez aux Armoires de la Compagnie
, & le dépôt des faifies.
Meffieurs Corneau , Piou , Thiroux &
Chevalier.
L'affiftance au Confeil de la Ferme & føllicitations
de Procedures.
Meffieurs Corneau , Raudot , Thiroux,
La Haye , Adine , Monpellier, Savalette .
Le foin de dreffer les Etats au vrai , des
Comptes des Chambres , & ceux d'apurement
& corrections .
Meffieurs Raudot , Gilly , de Mone
taud , Berthelot , De la Porte..
L'examen des Comptes generaux & particuliers
des Gabelles de France,
Meffieurs Chevalier , De la Porte- de
Feraucourt , Savalette , Villemur , Le
Normant.
L'examen des Comptes generaux & parti
culiers , des Gabelles de Lyonnois , DanDE
SEPTEMBRE: 107
phiné , Provence , Languedoc & Rouffillon
, & le foin de faire rendre les
Comptes aux Chambres de Grenoble ,
Aix & Montpellier.
Meffieurs De la Porte , Le Gendre ;
Thiroux , Le Normant , Montpellier &
De la Porte-de Feraucourt.
L'examen des Comptes generaux & particuliers
des cinq groffes Fermes , & la
verification des Paffeports , & Etats des
Marchandifes , entrées & forties en
franchifes
Meffieurs Mouchard , Gaftebois , Morin
, Le Gendre , Delvieux , La Live ,
Lallemant.
Ees Achapts des Sels , Voitures , emplaz
cemens & Compte des Entrepreneurs.
Meffieurs Law , Mouchard , Raudot ,
Rigby , Delvieux , De la Porte , Berthelot
, Le Gendre , Chevalier.
La Regie des Gabelles de France , Lyon
nois , Provence , Dauphiné , Languedoc
& Rouffillon..
Meffieurs De la Porte , Thiroux , Che
valier , Lallemant , Laugeois , De la
108 LE MERCURE
Porte-de-Feraucourt , Villemur , Le Nor
mant.
La Regie des cing groffes Fermes & du
Domaine d'Occident.
Meffieurs Mouchard , Piou , Raudor ,
Morin , Hardancourt , Le Gendre , Ber
thelot , Defvieux , La Live & Lallemant.
La Regie des Aydes , Domaines , Controlle
des Actes , Greffe , amortiſſemens
franc-fiefs le føin d'arrêter les
Comptes .
Meffieurs, Adine , La Haye , Perrinet,
Savalette , Monpellier , Villemur .
La Regie de la Ferme generale du Tabac.
Meffieurs Raudot , Mouchard , Gilly
Gorneau & Berthelot .
Service des Provinces
CORRESPONDANCE ST
Paris.... Pour les Gabelles.
Meffieurs Chevalier , Savalette.
Pour les Aydes.
Meffieurs Adine , Perrinet , La Haye-7
Savalette .
DE SEPTEM BR E. 109
Pour les Gabelles & cinq groffes Fermes.
Rouen.... Meffieurs Morin , Fromaget
Caën .... Meffieurs Gaftebois , Laugeois,
Alençon.... Meffieurs Berthelot , Defvieux,
M. Perrinet pour les grandes Entrées,
Soiffons.... M. Delvieux.
Amiens.... M. Berthelot.
S. Quentin.... M. La Live.
Lille.... M. Lallemant,
Châlons , Langres , Charleville,
Meffieurs Villemur , Chevalier , Le
Normant , Monpellier.
Dijon , Comté de Bourgogne , Lyon,
Meffieurs De la Porte , Monpellier ;
Lallemant.
Valence , Grenoble Marseille,
Meffieurs Monpellier , De la Porte- de
Feraucourt , Le Normant , Villemur.
Montpellier.... M. Gilly de Montaud .
Thouloufe.... M. Thiroux .
Narbonne.... M. De la Porte- de- Ferau
court.
Haute Auvergne.... M. Le Normant .
CIO LE MERCURE
Bordeaux , & Dax .
Meffieurs Dartaguiette , Le Gendrea
La Live.
La Rochelle.
Meffieurs Mouchard , Raudot , Berthelot
, Defvieux , La Live.
Angers , Nantes , Rennes.
Meffieurs Piou , Hardancourt , Cafta
ier , Rigby , Lallemant,
Tours , Le Mans , Laval.
Meffieurs Perrinet , Laugeois , Sava
lene.
Orleans , Bourges , Moulins:
Meffieurs De la Porte- de - Feraucourt 3
Tiroux , Villemur.
DE SEPTEMBRE.
ARREST
Du Confeil d'Etat du Roy,
Qui declare le Prieuré du Monaftere Royal
de S. Louis de Poiffy , perpetuel , & à
la nomination du Roy , & qui maintient
&garde la Dame de Mailly dans le titre
& la qualité de Prieure perpetuelle dudia
Monaftere.
L
AVERTISSEMENT.
E tems qu'on a employé & les foins
qu'on s'eft donné pour examiner à
fond le procés intenté par quelques Religieufes
de la Maifon de faint Louis de
Poifly , Ordre de faint Dominique , par
lequel elles ont voulu contefter au Roy le
droit de nomination au Prieuré perpetuel
de ce Monaftere , laiffent d'autant moins
de doute qu'on a pris toutes les précautions
neceffaires pour rendre juftice , & que les
Religieufes n'ont rien oublié pendant plus
de trois ans , pour inftruire les Juges fur
leur droit prétendu , & qu'elles ont mis
tout en oeuvre pour les prevenir en leur
faveur.
La bonté & l'équité de S. A. R. Monfeigneur
le Duc d'Orleans Regent du
Royaume , leur ayant fait naître l'efperance
de réüffir dans leur entreprife , les porta
72 LE MERCURE
l'éà
prendre la liberté de lui prefenter un
Placet le 7. Avril 17 16. par lequel , aprés
avoir expofé toutes les raifons qui pouvoient
toucher ce Prince , & le rendre
fenfible à leurs interêts , & lui avoir exageré
la prétendue oppreffion qu'elles fouffroient
depuis plus de 55. ans de la part des
Superieures, dont elles fuppofoient que
tabliffement avoit été irregulier , préjudiciable
au bien ſpirituel & temporel de ce
Monaftere , & contraire à la fondation faite
par Philippe le Bel, la poffeffion dans laquelle
elles ont toûjours été d'élire leurs Prieures
, & elles fuplierent trés- humblement S.
A. R. de les délivrer de cette prétenduë
oppreffion, & de permettre que leur caufe
fut portée en Juftice reglée.
Monfeigneur le Duc d'Orleans occupé
des affaires importantes de l'Etat , renvoya
le Placet au Confeil de Confcience , lequel
ayant attentivement examiné l'affaire pendant
un an entier , donna fon avis que les
Religieufes oppofantes , n'étoient pas fondées
dans leurs demandes .
Sur cet avis & fur le raport fait par M.
l'Archevêque de Tours , le Confeil d'Etat
où l'affaire a été portée conformement au
titre de fondation , rendit un Arrêt le 24.
Septembre 1717. par lequel Sa Majesté , de
l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent
prefent , aprés s'être refervé la connoiffance
de toutes les conteftations qui
DE SEPTEMBRE
113
pourront s'élever dans le Monaftere de S.
Louis de Poiffy , & avoir fait défenſes expreffes
aux Religieufes de faire aucune procedure
ailleurs qu'à fon Confeil , & à tou
tes Cours & Juges d'en connoître à peine
de nullité ordonne que dans le dernier
Octobrede la même année 1717. la Prieure
& les Religieufes oppofantes remettront
leurs pieces , Requêtes , Memoires , inftructions
, entre les mains du Sieur de Machault
, Maître des Requeftes , pour aprés
en avoir communiqué aux Sieurs le Pelletier
, de Nointel , l'Abbé Bignon , de
Veaubourg , & de faint Conteft , Confeillers
d'Etat ordinaires , en être par eux
donné avis à fa Majefté , pour icelui vû &
raporté, être fait droit ainfi que de raifon;
& cependant par provifion , maintient &
garde la Dame de Mailly en la poffeffion
& joüiffance dudit Prieuré , avec ordre
aufdites Religieufes de lui rendre toute
obéiffance comme à leur Superieure.
La Dame de Mailly , autorifée par cet :
Arrêt , prefenta à fa Communauté pour la
Profeffion , des Filles qui depuis longtems
avoient achevé l'année de leur Noviciar';.
les Religieufes oppofantes , fans avoir égard
à la teneur de l'Arrêt & aux ordres du
Confeil , s'éleverent contre la Dame de
Mailly , & formerent differentes oppofitions
à cette prefentation , quoy qu'elle n'eût
rien que de trés conforme aux conditions ,
Κ.
714
LE MERCURE
portées par le titre de fondation du Mo
naftere , ce qui obligea le Roy étant en fon
Confeil ,de rendre un fecond Arrêt le 18 .
Octobre 1717. par lequel Sa Majefté de -
fon propre mouvement , ordonna que l'Arrêt
du 24. Septembre de la même année
feroit executé felon fa forme & teneur , &
qu'en confequence il feroit procedé à la
reception defdites Novices , fuivant l'ufage
du Monaftere , aprés quoy , elles feroient.
admifes à faire leurs voeux entre les mains
de la Dame de Mailly , maintenuë par
provifion dans la qualité de Prieure .
Ce nouvel Arrêt fut fignifié le 28. Fe
vrier fuivant au Reverend Pere du Clos
Provincial , étant lors audit Monaftere , à
Madame de Mailly & à toute la Communauté
, avec commandement exprés à cha--
cun de l'executer ou de le faire executer
fans delay.
Tous obéirent , les feules Religieufes oppofantes
fe fouleverent encore & renouvellerent
leurs oppofitions , nonobftant lefquelles
on crut devoir paffer outre , & la*
Dame de Mailly reçut les voeux des.
Novices.
Aprés ce fecond Arrêt les Religieufes
oppofantes redoublerent inutilement tous
leurs efforts : elles ne purent appuyer leurs.
prétentions d'aucune piece ; Meffieurs les
Commiffaires nommez par l'Arrêt du 24-
Septembre 1717. pour mettre fin à une
DE SEPTEMBRE. IIS
conteftation fi animée & ruineufe pour ce
Monaftere , & pour y rétablir la paix
aprés avoir examiné ce procés pendant le
cours d'une année entiere avec toute l'ap
plication que demandoit l'importance de
l'affaire , & avoir entendu les Avocats au
Bureau , donnerent enfin leur avis , fur lequel
, le Roy êtant en fon Confeil , prononça
l'Arrêt definitif du 6. Fevrier 1719.
Par la lecture de cet Arrêt on connoîtra
& l'exactitude des Juges , & combien les
Religieufes oppofantes font blamables
d'avoir protefté entre les mains d'un Notaire
contre une déciſion fi authentique.
La claufe de cet Arrêt qui porte que
Meffieurs de Machault , de Cotte & Ga
briel fe tranfporteront à Poiffy , fut executée
le 26. Fevrier 1719. Ils y drefferent
un procés verbal de la vifite de l'Eglife
& des reparations qui reftent à y faire ,
dont ils redigerent un devis cftimatif ,
montant à la fomme de 47530. livres :
le Roy fur ce Procés verbal a rendu l'Are
rêt du 14 Juillet 1719.
.
་
Les Religieufes oppofantes ,au lieu de déferer
aux ordres de fa Majefté , ont ofé lut:
prefenter une derniere Requefte , par laquelle
elles demandent une feparation dans
la Communauté , la permiffion d'élire entt'elles
une Vicaire triennale , & la moitié
du revenu du Monaftere , pour être ádminiftré
par une Dépofitaire de leur choix ,
Kij
16 LE MERCURE
au deffaut de quoy , elles fuplient Sa Ma
jefté de leur accorder leur fortie avec de
fortes penfions proportionnées au revenu
de la Maifon.
Cette derniere entrepriſe laiffera juger
combien les Religieufes ont tort de fe plaindre
de ce que le Roy , informé de leus
peu de foumiffion à fes ordres & les voyant
difpofées à remüer en toute occafion , leur
a accordé leur fortie du Monaftere , & les
a envoyées dans des Couvents de l'Ordre ,
où , conformément à leur defir , elles pourront
vivre fous la conduite d'une Superieure
triennale.
Ouy le raport , le Roy êtant en fon
Confeil , de l'avis de Monfieur le Due
d'Orleans Regent , faifant droit fur ledit
appel , a declaré qu'il n'y a abus dans l'obtention
de l'indult du s . Juin 1705 ; &
fans s'arrêter aux oppofitions & demandes
defdites Religieufes de Poiffy , dont S. M.
les a deboutées , a ordonné & ordonne que
ledit Indult , les Lettres Patentes du 31 .
Juillet , & l'Arrêt du Parlement de Paris
qui en a ordonné l'enregistrement le. 28 .
Août audit an , feront executées felon leur
forme & teneur : Ce faifant , a declaré le
Prieuré dudit Monaftere de Poifly perpetuel
, & être à la nomination de S. M.
& en confequence a maintenu & gardé ,
maintient & garde ladite Dame de Mailly
dans le titre & dans la qualité de Prieure
DE SEPTEMBRE. 1.17
perpetuelle dudit Monaftere : Fait défenfes
aufdites Religieufes de l'y troubler
& leur enjoint de lui obéir , & porter le
refpect convenable, fous les peines de droit ,
& telles autres qu'il apartiendra.
Le 20. on a publié une Ordonnance de
Monfieur le Lieutenant General de Police,
qui porte qu'il fera permis à tous marchands
& autres qui feront venir des foins
à Paris , par cau ou par terre , de les vendre
, à compter de cejourd'huy 18. Septembre
jufqu'au premier Novembre prochain
, depuis vingt-trois livres jufqu'à
vingt-fix livres ; & depuis le premier Novembre
jufqu'à la recolte prochaine , de.
puis vingt- une livre jufqu'à vingt- quatre
livres le cent , chargé dans la charette , à
proportion de fa qualité & bonté .
On vendoit le foin , avant cette Ordon
nance, depuis vingt- fix livres juſqu'à vingtneuf,
& depuis vingt- quatre jufqu'à vingtfept
livres le cent.
ARREST
De la Cour de Parlement.
Qui ordonne la fuppreffion d'un Decret de
l'inquifition de Roms , du 3. Août 1719.
portant condamnation de l'Inftruction
Paftoralle de M. le Cerdinal de Noailles.
les
E jour
en la Cour
, & Maitre
Guillaume
gens du Roy font entrez
T18 LE MERCURE
de Lamoignon Avocat dudit Seigneur
Roy , portant la parole , ont dit :
Qu'ils apportoient à la Cour un Exem
plaire d'un Decret de l'Inquifition de Rome
, daté du 3. Août dernier , qui condamne
l'Inftruction Paftorale de Monfieur
le Cardinal de Noailles , au fujet de la
Conftitution Unigenitus.
Que fans examiner ce que contient ce
Decret , il leur fuffit qu'il foit émané d'un
Tribunal dont on n'a jamais reconnu l'au
torité dans la Royaume , que ce foit d'ailleurs
une condamnation prononcée à Rome
contre un Evêque de France , pour exciter
leur miniftere & pour en requerir la
fuppreffion.
Que c'eft le fujet des Conclufions qu'ils
ont prifes par écrit , & qu'ils laiffent à la
Cour avec l'Exemplaire du Decret.
Et fe font retirez laiffant fur le Bureau
un Exemplaire imprimé dudit Decret , &
les Conclufions par écrit du Procureur General
du Roy .
Veu par la Cour ledit Decret ( de l'Inquifition
) daté du 3. Août 1719. affiché
& publié à Rome le 12. dudit mois ; en◄
femble les Ordonnances , Edits , Declarations
, & Arrêts de la Cour , les Conclufions
par écrit du Procureur General du
Roy Ouy le raport de Maître Thomas
Dreux , Confeiller. La matiere mife en dé-
Liberations
DE SEPTEMBRE. 119
›
La Cour faifant droit fur les Conclufions>
du Procureur General du Roy , ordonne
que ledit Decret fera & demeurera fupprimé
; enjoint à tous ceux qui en ont des
Exemplaires , de les apporter au Greffe de
ladite Cour pour y être fupprimez . Fait
défenfes à tous Imprimeurs Libraires ,
Colporteurs , & autres , de l'imprimer ,
vendre , debiter , ou autrement diftribuer,
fous les peines portées par les Ordonnances,
Arrêts & Reglemens de la Cour . Permet
au Procureur General du Roy de faire informer
à fa requefte pardevant Maiftre-
Jean- François Chaffepot , Confeiller , contre
ceux qui l'auroient imprimé , vendu ,
debité , ou autrement diftribué , pour l'in
formation faite , rapportée , & à lui com
muniquée , être par la Cour ordonné ce
qu'il appartiendra. Ordonne que le prefent
Arrêt fera envoyé dans les Baillages & Se
nechauffées du Reffort , pour y être lû , pu
blié & enregistré ; enjoint aux Subftituts
du Procureur General du Roy d'y tenir la
main, & d'en certifier la Cour dans le mois .
Fait à Paris en Parlement le fixiéme Septembre
mil fept cent dix neuf. Signé ,
GILBERT..
$120 LE MERCURE
ARREST
Du Confeil d'Etat du Roi ,
Concernant le Payement des Arrerages des
Rentes de l'Hôtel de Ville de Paris juf
qu'à la fin de 1719. Et le remboursement
des Payeurs & Controlleurs defdises rentes.
--
?
que
E Roi s'étant fait reprefenter en fon
Confeil , l'Arrêt du 3r . Août dernier,
portant fuppreffion des rentes perpetuelles
affignées fur les Aydes & Gabelles , Tailles
, Recettes Generalles , Controlle des
Actes & des Exploits , & fur les Poftes , à
compter du premier Janvier 1720. & des
Soixante dix Payeurs & Soixante - dix
Controlleurs defdites Rentes : Sa Majeſté
a été informée que pour le bon ordre des
comptes des Payeurs , & pour la commodité
publique , il étoit convenable
le payement des fix derniers mois d'arrerages
defdites Rentes pour la prefente année
1719. & de ceux des années precedentes ,
fût fait en la maniere ordinaire ; & qu'á
l'égard du rembourſement defdits Payeurs ,
Sa Majesté trouveroit dans la reſerve du
quart du prix de leurs Offices , une fûreté
fuffilante pour les debets de leurs comptes;
& Sa Majesté voulant faire connoître fa
volonté, & ne laiffer aucune difficulté fur
l'execution dudit Arrêt : Oüy le raport ,
Sa Majefté êtant en fon Confeil , de l'avis
DE SEPTEMBRE. I21
vis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent,
a ordonné & ordonne.
ART. I. Que nonobftant la fuppreffion
defdits Offices de Payeurs & Controlleurs.
des rentes de l'Hôtel de Ville de Paris
l'exercice de la prefente année 1719. fera
par eux fini , & que les fonds , tant pour ce
qui refte dû de ladite année , que pour les
arrerages des années precedentes, leur feront
remis en la maniere ordinaire , fuivant les
Etats de diftribution qui feront arrêtez au
Confeil.
II. Veut cependant Sa Majefté que lef
dits Payeurs & Controlleurs faffent inceffamment
proceder à la liquidation de leurs
Offices , pardevant le Sieur de la Houflaye
& les autres Commiffaires du Conſeil , qui
ont été commis pour l'adjudication des
Sousfermes de Sa Majesté.
III. Et attendu que Sa Majefte trouvera
une fûreté fuffifante pour le payement
des debets des Comptes defdits Payeurs
par la referve d'un quart du prix de leurs
Offices , ordonne qu'ils feront rembourfez
des trois quarts fur la reprefentation
de leurs titres & pieces neceffaires aux Gardes
de fon Trefor Royal , & que pour le
quart reftant ils n'en recevront le rembourfement,
qu'aprés l'appurement & la correction
de leurs comptes , & cependant feront
payez des interêts dudit quart , à raifon de
trois pour cent.
Septembre 1719.
L
3
122 LE MERCURE
3.
IV. A l'égard des Soixante dix Control
leurs , Veut Sa Majefté qu'ils foient rembourfez
fur la reprefentation de leurs titres
de proprieté , de l'Ordonnance de liquidation
, de l'Acte de remife à la Chambre
des Comptes, de leur Regiftre de Controlle,
& des autres pieces à ce neceffaires. Er fera
le prefent Arrêt , lû , publié & affiché par
tout où befoin fera , à ce qu'aucun n'en
ignore. Et fur icelui toutes Lettres Patentes
neceffaires feront expediées . Fait au
Confeil d'Etat du Roy Sa Majefte y
êtant , tenu à Paris le cinquiéme jour de
Septembre mil fept cent dix - neuf.
Signé , PHELIPEAUX .
,
EXTRAIT DES REGISTRES
du Confeil d'Etat , concernant le Sel .
SA MAJESTE' ETANT EN SON
CONSEIL , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a ordonné & ordonne
que tous particuliers , Communautez -ſecuculieres
& regulieres , Couvens , Colleges,
Hôpitaux , perfonnes Ecclefiaftiques, Gentilshommes
, & tous autres de quelque
qualité & condition qu'ils foient , tant du
reffort des Greniers de vente volontaire
que d'impoft , qui voudront faire des falaifons
des chairs beures & fromages.
feront tenus de le declarer aux Officiers &
Receveurs des Greniers , & de lever le fel
,
DE
SEPTEMBRE. 123
>
neceffaire pour lefdites falaifons , outre &
pardeffus celui qu'ils doivent prendre pour
le pot & faliere , fans pouvoir le prendre .
ailleurs qu'aux Greniers de leur reffort, pas
même aux regrats . Veut Sa Majefté que
les chairs , beures & ou fromages falez qui
fe trouveront chez les contrevenans , &
dont ils n'auront pas fait declaration
foient & demeurent confifquez au profit
de l'Adjudicataire des Fermes Generales ,
fur les procés verbaux qui en feront faits ,
& que lesdits contrevenans foient condamnez
à la reftitution des droits de Gabelles ,
& en trois cent livres d'Amende , & plus
grandes peines s'il y échéoit. Ordonne aux
Receveurs de chaque Grenier de tenir un
Regiftre particulier cotté & paraphé par
un des Officiers , fans frais , fur lequel ils
porteront les declarations qui leur feront
faites defdites falaifons , & en feront mention
fur les bulletins qu'ils delivreront à
ceux qui auront levé le fel , lefquels feront
tenus de les reprefenter aux Commis , Gardes
des Fermes , à toutes requifitions Enjoint
Sa Majesté à tous Afféeurs , Collecteurs
des Tailles , & Syndics des Paroifles
taillables ; comme auffi aux Maires , Efche
vins & Syndics des Villes franches , abone
nées ou tarifées , de fournir aux Receveurs
des Greniers où ils reffortiffent , des copies
exactes & par ordre alphabetique ; fçavoir
les Afféeurs , Collecteurs & Syndics des
Lij
124 LE MERCURE
>
Paroiffes taillables , copie des Rolles qui
feront arrêtez pour la taille ou pour l'impoft
du fel , & par les Maires , Efchevins
& Syndics des Villes franches , abonrées
ou tarifées , copie des Rolles de la
Capitation , dans lefquels les uns & les auties
feront tenus de marquer , chacun à
leur égard , les noms , furnoms , qualitez
& emplois des habitans de chacune defdites
Villes ou Paroiffes , les fommes pour.
lefquelles ils feront impofez à la Taille ou
Cap tation , le nombre & l'âge des perfon
es dont chaque famille eft compofée, y
compris les enfans au- deffus de huit ans
anfi que les domeftiques , & d'y compren--
dre auffi le nombre & la nature des beftiaux
qui appartiennent , ou font dans les maifons
& fermes de chaque particulier ;
cmme auffi les noms & furnoms des Ecclefiaftiques
, Nobles , & autres exempts ,
le nombre & l'âge des perfonnes dont leurs
familles , ménages & domeftiques font .
compofez ; & pareillement le nombre &
la qualité des beftiaux ; le tout à peine contre
lesdits Maires , Efchevins & Syndics
des Villes franches , abonnées ou tarifées ,
de cent livre d'amende folidaire , & contre
lefdits Afféeurs , Collecteurs & Syndics
des Paroiffes taillables , de cinquante livres
auffi d'amende folidaire ; faute par eux de
fournir copie fignée d'eux,des Rolles , dans
le courant du mois de Fevrier de chacune
DE SEPTEMBRE. 123
année ; & en cas d'obmiffion dans lefdits
Rolles, entend Sa Majefté que lefdits Mai-
Efchevins & Syndics des Villes franches
, abonnées ou tarifées , foient condamnez
folidairement en quinze livres
d'amende pour chaque obmiffion , & les
Afféeurs , Collecteurs & Syndics des Pa
roiffes taillables , en dix livres d'amende
auffi folidaire pour chaque obmiffion . Ordonne
pareillement à tous Superieurs des
Communautez regulieres & feculieres
Couvens & Colleges , & aux Adminiftrateurs
des Hôpitaux , de fournir auffi an
plus tard dans le mois de Fevrier de chacune
année aux Receveurs des Greniers
d'où ils reffortiffent , de pareils etats qui
conftatent le nombre des perfonnes domeftiques
, & beftiaux , dont leurs maiſons
font compofées , aux peines des amendes
cy- deffus ordonnées contre les Maires
Efchevins & Syndics des Villes franches ;
& feront au payement des amendes prononcées
par
le prefent Arrêt , tous parti,
culiers , même les Nobles , les Maires &
Efchevins , & Syndics des Villes franches,
abonnées , ou tarifées , & les Afféeurs &
Collecteurs des Tailles , ainfi que les Syn
dics des Paroiffes taillables contraints
par corps & faifie de leurs biens , & les Ecclefiaftiques
, & Superieurs des Couvens ,
Communautez ou Hôpitaux , par faifie de
leur temporel ; & ne pourront lefdites
>
Liij
126 LE MERCURE
amendes être reduites ni moderées fous
quelque pretexte que ce foit ; & défend
Sa Majefté aux Officiers des Cours des
Aydes & autres , de recevoir aucun appel
des Sentences & Jugemens qui auront été
rendus par lefdits Officiers , qu'aprés que
les amendes auront été confignées és mains
des Commis dudit Adjudicataire , & lef
dites Sentences, foit qu'il y en ait appel où
non , pafferont en force de chofe jugée ,
& feront executées fi les fommes ne font
pas payées ou confignées dans le mois du
jour de la fignification . Enjoint Sa Majefté
aux Officiers des Cours des Aydes &
Greniers à Sel , de tenir la main à l'execution
du prefent Arrêt qui fera lû publié
& affiché par tout où befoin fera , & fur
lequel toutes Lettres neceffaires feront expedièes.
Fait au Confeil d'Etat du Roy
Sa Majesté y étant , tenu à Paris le vingt
cinquième Juillet mil fept cent.dix- neuf.
Signé , PHELIPE AUX .
Edit du Roi , portant que les deux Treforiers
des Troupes de la Maifon du Roi ,
payeront chacun deux cent mille livres pour
fuplement de finance.
Edit du Roi , portant rétabliffement
d'un des deux Offices de Treforiers Payeurs
des gratifications des Officiers des Troupes
, affignées fur le fonds du quatrième
denier , fous le titre de Treforier General
DE SEPTEMBRE. 127
Payeur des gratifications des Officiers ces
Troupes.
Edit du Roi , portant retabliſſement des
Offices de Treforiers des menus plaifirs.
Lettres Patentes fur Arrêt , concernant
l'Hôtel à bâtir pour la premiere Compagnie
des Moufquetaires .
LE ROY ESTANT EN SON CONSEIL
, de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a ordonné & ordonne
que le Plan de l'Hôtel à conftruire pour
la premiere Compagnie des Moufquetaires
de fa Garde , arrêté le 16. Juillet dernier,
fera executé ; à l'effet dequoy fa Majesté
a approuvé & homologué l'échange reglé
par le procez verbal des ficurs de Cofte &
Beaufire , fes Architectes , en prefence
du fieur Aubert prepofé par Madame la
Ducheffe doüairiere , le 14. Aouft & jours
fuivans , en execution de l'Atreft du 10 .
dudit mois en confequence Madame la
Ducheffe fera & demeurera proprietaire
de la Place defignée par le Plan attaché audit
procez verbal , contenant trois mille
trois cent douze toifes , de laquelle il lui
fera permis de difpofer & d'y bâtir , ainfi
qu'elle avifera bon être , en demeurant redevable
de la fomme de quarante- fix mille
fept cent quatre- vingt- deux livres , qu'elle
fera tenuë de payer à l'acquit de fà Majefté
pour les chofes plus convenables audit Hôtel
, ainfi que par fa Majefté il fera ordon-
L- iiij
128 LE MERCURE
né ; ce faifant , Madame la Ducheffe en
demeurera bien & valablement quitte &
déchargée. Ordonne fa Majefté que le
Plan dudit Hoftel , le procez verbal des
fieurs de Cofte & Beaufire , & le Plan defdites
places y attaché , feront annexez à la
minute du prefent Arreft ; pour l'execution
duquel toutes Lettres neceffaires feront
expedices. FALT au Confeil d'Etat
du Roy , fa Majefté y eftant , tenu à Pa--
ris le premier jour de Septembre mil fept
sent dix-neuf. Signé , PHELYPEAUX .
DECLARATION DU ROY..
Pourfaire jouir des Privileges , les Officiers
de fenë Madame la Ducheffe
LOUIS
de Berry.
par la grace de Dieu Roi de
France & de Navarre : A tous ceux
qui ces prefentes Lettres verront , Salut.
Noftre tres- chere & tres-amée Tante la
Ducheffe de Berry , Nous ayant été enlevée
par une mort prématurée , Nous voulons
faire reffentir les Officiers qui ont
eu l'honneur de la fervir , de l'amitié que
Nous avions pour elle , en leur confervant
pendant leur vie , & à leurs veuves pendant
leur viduité , les privileges que Nous
avons attribuez à leurs Charges . A CES
CAUSES , & autres à ce Nous mouvans ,
DE SEPTEMBRE. 129
و
de l'avis de noftre tres- cher & tres -amé
Oncle le Duc d'Orleans Petit- Fils de
France Regent , & c. Nous avons dit &
declaré , & par ces Prefentes fignées de
noftre main , difons , declarons & ordonnons
voulons & Nous plaift , que les .
Officiers , Domeftiques & Commenfeaux
de la Maifon de noftre tres-chere & tresamée
Tante- la Ducheffe de Berry , qui ont
reçû des gages employez & paffez dans lès
comptes de fon Treforier , & qui font
compris dans l'eftat cy-attaché fous le
contre-fcel de noftre Chancelerie , joüiffent
leur vie durant , de tels & femblables
privileges , franchiſes & exemptions ,
dont jouiffent nos Officiers , Domestiques
& Commenfeaux , fuivant nos Edits &
Ordonnances & tout ainfi qu'ils en
joüiffoient du vivant de noftedite Tante ;
enfemble les veuves de ceux qui font dècedez
, & de ceux qui decederont cyaprés,
tant qu'elles demeureront en viduité,
nonobftant que lefd. privileges , franchifes
& exemptions,ne foient ici declarés & fpecifiez..
130 LE MERCURE
ARREST DU CONSEIL
d'Etat du Roy ,
Qui recoit les Offres de la Compagnie des
Indes pour le Remboursement des quatre
millions de Rentes conftituées au profit de
ladite Compagnie fur la Ferme du Tabac.
Supprime les Droits établis fur les Suifs ,
Hailes & Cartes.
Et les Vingt- quatre deniers pour livre fur
le Poiffon.
SA MAJESTE' ESTANT EN SON
CONSEIL , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a accepté & accepte
les offres faites par ladite Compagnie des
Indes , de prefter à Sa Majefté cent millions
de livres pour le Remboursement des
quatre millions de Rentes conftituées auprofit
de ladite Compagnie fur la Ferme
du Tabac : Ordonne Sa Majefté que pour
la valeur defdits cent millions , il fera conftitué
au profit de la Compagnie des Indes
par les Commiffaires qui feront nommez
par Sa Majefté , un ou plufieurs
Contrats de Rentes perpetuelles à raiſon
de trois pour cent , pour le montant &
jufqu'à la valeur defdits cent millions : Leſ
quelles Rentes feront & continueront d'être
affignées fur la Ferme du Tabac &
commenceront à courir du 1. Janv. 1720.
à cet effet
›
DE SEPTEMBRE.. 131
·
>
Que la Compagnie retiendra à cet effet, annuellement
par fes mains lad. fomme de 3 .
millions pendant le cours de fon Bail , aprés
l'expiration duquel les Fermiers du Tabac
en feront chargez , au cas que la Compa
gnie n'en foit pas Adjudicataire dans les
Baux fuivans , & payeront à la Compagnie
lefdits trois millions par chacun an
de mois en mois , à raifon de deux cent
cinquante mille livres . OR DONNE Sa Ma
jefté que les Droits de trois deniers pour
livre pefant fur les Huiles de Rabette &
autres Graines ; fix deniers pour livre fur
les Huilles d'Olive , Amande douce ,
Noix & Poiffon ; un fol pour livre pefant
für les Huiles de plus grande valeur ; &
trente fols par quintal de Savon ; lefquels
Droits compofoient le produit de la Ferme
des Huiles ; enfemble les Droits de deux
fols pour livre pefant fur les Suifs; & ceux
de dix- huit deniers par Jeux de Cartes ,
demeureront éteins & fupprimez à com--
mencer du premier Octobre prochain ,
paffé lequel tems , Fait Sa Majefté défenfes
aux Fermiers defdits Droits de les
percevoir ; Ordonne que leurs Baux &
les fous- Baux faits en confequence, demeuréront
refiliez , à compter dudit jour premier
Octobre prochain ; au moyen de
quoy ils demeureront déchargez de ce qui
refte à exploiter de leur Bail , à compter
dudit jour. ORDONNE Sa Majefté con132
LE MERCURE
formement aux offres de ladite Compagnie
des Indes , que les vingt - quatre deniers
pour livre fur le Poiffon ,,
qui faifoient partie
des Droits de la Ferme Generale , demeureront
pareillement éteints & fupprimez
en faveur du Public , à compter dud.
jour premier Octobre prochain , & fans
aucune indemnité pour raiſon de ce ; &
feront fur le prefent Arreft toutes Lettres
neceffaires expediées. FAIT au Confeil
d'Etat du Roy , Sa Majefté y eftant , te
nu à Paris le dix-neuvième jour de Septembre
mil fept cent dix neuf. Signé ,
PHELY PEAUX
ARREST
Du Confeil d'Etat du Roy .
Qui augmente le nombre des Commißaires
pour la liquidation de la Finance des Officiers
fupprimez fur les Ports , Halles &
Marchez dela Ville de Paris.
-
SA MAJESTE ESTANT EN SON
CONSEIL , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a commis & commer
les Sieurs Orry , Bertin , Parifot , de
Voyer d'Argenfon , Pajot & Midorge
Maiftres des Requeftes., pour conjointement
avec les autres Commiffaires proceder
à la liquidation des Finances , tant anciennes
que nouvelles , des Offices fupriDE
SEPTEMBRE. 733
mez par ledit Edit du prefent mois. FAIT
au Confeil d'Eftat du Roy , Sa Majesté y
eftant , tenu à Paris le dix- neuviéme jour
de Septembre mil fept cent dix- neuf. Si
gné , PHELYPEAUX.
ARREST
Du Confeil d'Etat du Roi.
Oni ordonne une Diminution fur les nou
velles Efpeces & les Matieres d'Or &.
d'Argent ; du 23. Septembre 1719.
E ROY s'êtant fait reprefenter en
LE
fur la neceffité de diminuer encore le prix
de l'Or , même de pourvoir promptement
à la reduction de celui de l'Argent : Ouy
le rapport. SA MAJESTE ESTANT
EN SON CONSEIL , de l'avis de Monfieur
le Duc d'Orleans Regent , a ordonné
& ordonne qu'à commencer du jour de
la publication du prefent Arteft , les Louis
d'Or de la nouvelle Fabrication fe trouveront
reduits dans le Commerce & par tout
ailleurs à Trente- trois livres piece , les demis
à proportion , & les Ecus à Cinq liv.
feize fols , les demis & quarts à proportion
,
134
LE MERCURE
No
à Cambrai le 16. Aoust 1719.
Otre Proceffion s'eft faite le 15. avec
toute la pompe qu'on pouvoit attendre.
Le cortege , l'ordre & le ipectacle, tout
en étoit magnifique. On a compté icy 35 .
mil Etrangers que la curiofité y a attiré;
& on peut dire que tout le monde a eu une
entiere fatisfaction . Voici l'ordre qu'on a
obfervé dans la marche.
Premierement un détachement de la Garnifon
precedoit pour faire ranger le monde,
& pour empêcher le tumulte.
Enfuite les vingt- quatre Maffiers des
Chapitres en Robes de ceremonie.
Les douze Croix des Chapitres & Paroiffes
, portées par leurs Clercs.
Les Capucins au nombre de 40.
Les Recolets au nombre de so.
Les Benedictins.
Les quatre Chapitres accompagnez de
leurs Vicaires , Chapelains & Mufique.
Les Dignitez & Officians en Chapes ,
enrichies de perles & pierreries.
Deux Chanoines fuivoient , portant fur
leurs épaules l'Image miraculeufe de la
Sainte Vierge , fous un dais relevé en
broderie d'or : Ils étoient affiftez de quatre
Ecclefiaftiques en Dalmatiques trés riches
, & dignes de la magnificence de ce
celebre & illuftre Chapitre .
DE SEPTEMBR E. 135
M. le Commandant de la Place avec les
Gardes , le moufqueton fur l'épaule , fúivoit
immediatement avec l'Etat- major , &
les perfonnes les plus qualifiées de la Ville
& des Provinces Voifines .
Le Magiftrat marchoit enfuite en Robe
de ceremonie , & efcorté des Officiers &
Sergens de la Ville.
Les trois Compagnies de Bourgeois fuivoient
, mais environ à deux cent pas ,
pour témoigner plus de reſpect .
Ces Compagnies étoient en habits uniformes
, avec les Drapeaux & Tambours
le tout d'une magnificence furprenante.
> Les Arbaleſtriers en habit d'écarlatte
galonné d'or , & des veftes & paremens
de tiffu d'or.
Les Canoniers & Archers en habit bleu
auffi galoné d'or.
On voyoit enfuite trois cent jeunes gens
à cheval , habillez à la Romaine , armez
d'un cafque , d'une cuiraffe & d'un bouclier.
Ils avoient à leur tête un Timbalier
⚫ & quatre Trompettes.
Dix-neuf jeunes filles fuivoient toutes à
cheval ; les fept premieres reprefentant les
Femmes fortes , habillées à la Romaine
trés-magnifiquement : Les douze autres
reprefentoient les douze Sibilles , habillées
à la Grecque , fuperbement vêtues , montées
fur des chevaux d'Efpagne richement
harnachez. Quatre Chariots de triomphe
terminoient ce pompeux cortege.
136 LE MERCURE
Le premier reprefentant l'Affomption de
N. D. étoit tiré de fix chevaux , precedez
de douze hommes vêtus en Sauvages. Sur
le haut du char qui reprefentoit une gloire,
étoit une jeune fille avec une couronne d'argent
& un habit couvert de pierreries re
prefentant la Sainte Vierge.
A fes pieds , étoient en cercle les douze
Apôtres , reprefentez avec les fimboles de
leur Martyre , & tous fi bien choifis , qu'il
fuffifoit d'avoir vû la Cene du Carache
pour les reconnoître.
Le refte du Chariot étoit rempli de jeunes
filles , reprefentant le peuple , toutes vêtues
fort galamment , & recitant avec
grace des vers qui rempliffoient d'admira
tion tous les fpectateurs.
Le fecond Chariot , auffi precedé de
douze Sauvages , reprefentoit la Montagne
fur laquelle S. Gery , Apôtre de la
Flandre , a prêché l'Evangile. On voyoit
dans la gloire S. Gery en Habits Pontifi--
caux , & l'Herefie à fes pieds .
Cent jeunes gens reprefentant les uns les
vertus , les autres les vices , étoient dans
le même Chariot, & fe battoientau fon des
inftrumens . Les filles reprefentoient les
vertus , & les vices étoient fous la forme
des parcons.
Le troifiéme Chariot reprefentoit la Tour
de Babel. C'étoit une efpece de Cône tronqué
à fix étagès , chacun de hauteur d'homme
3
DE SEPTEMBRE . 137.
me. Chaque étage avoit une baluftrade
remplie de jeunes gens , reprefentant les
differentes Nations , tous habillez differemment
, & parlant diverſes fortes de
Langues . Le Chariot étoit conduit par des
Sauvages , qui menoient des chevaux de
different poil , enforte qu'on peut dire que
jamais la confufion n'a été mieux imitée .
Le quatrieme & dernier Chariot repre
fentoit le Benfroy de l'Hôtel de Ville
& fi bien, que tout le monde y a été trompé.
Martin & Martine y fonnoient l'heu
re , comme ils le font à l'horloge , fur une
cloche veritable de trois pieds de diamêtre .
Il y avoit un vrai carillon , qui fonnoit
tout le long du chemin . Ce Chariot étoit
rempli de plus de 200. jeunes filles & garçons
habillez à la Romaine , & qui avoient
épuisé pour embellir la Fête , tout ce qu'il
y a dans le pays de magnificence & de
richeffe.
Le Chariot de la Tour de Babel , du
rets de chauffée à la cîme , avoit cinquante
pieds de hauteur ; & celui de la flèche du
Beufroy , foixante & douze pieds , com²
pris l'aigle qui tient len de girouette.
i
Ce cortege a fait plufieurs tours dans la
Ville , pour fatisfaire la curiofité des
Etrangers ; enfuite les Chariots ont été
menez fur la grande Place qui eft , fanscontredit,
une des plus vaftes du Royaume .
On les a remplis d'artifice, compofé par
M.
£38
LE MERCURE
le fieur Baas Suedois , Artificier à la fuite
de l'Artillerie. Ce fpectacle joint à une
belle nuit , a couronné cette grande jour--
née avec les acclamations & les applaudiffemens
de tout le monde.. Meffieurs les
Magiftrats toujours attentifs à l'exacte police
, & allant au- devant de tous les de--
fordres , avoient ordonné d'allumer dans
toutes les rues des fanaux d'artifice , pour
éclairer la Villé pendant toute la nuit.
Les trompettes & les timbales d'un côté,
& les hautbois de l'autre , égayoient la
nombreuſe aſſemblée , & le bruit perpetuel
de la moufqueterie contribuoit à rendre la
Fête complette..
NOUVELLES ETRANGERES.
Quoiqu'il ait déja paru dans la Gazette
de Hollande une Traduction du Manifefte
du Czar contre la Suede , on a jugé à pro-·
pos
d'en donner ici une feconde , la premiere
êtant peu fidele & exacte.
P
IERRE premier , par lá grace de
Dieu , Czar & Authocrateur de toute.
la Ruffie , &c..
Nous faifons fçavoir par celle - cy , nôtre
fincere intention à tous ceux qu'il appartiendra
, mais fur tout à tous les Etats de
Couronne de Suede , tant Ecclefiaftiques
que Seculiers,.
DE SEPTEMBRE .. 139
Il eft notoire que les Sujets des deux
Couronnes de la grande Ruffie & de Suede ,
ont été affligez pendant plufieurs années
par une longue & langlante guerre.
Nous avons été informé de bonne part ,
que du Regne de Sa Majefté le feu Roi
Charle douze , de glorieufe memoire , &
même de celui de Sa Majefté la Reine
d'aujourd'hui , on a tâché d'imprimer dans
l'efprit du Peuple , & fur tout de ceux
qui n'étoient pas bien inftruits des veritables
circonftances , que Nous étions feul ,
caufe d'une fi longue & funefte guerre.
On leur a fait infinuer que Nous étions
d'une humeur irreconciliable ; que Nous
n'avions aucune inclination pour la Paix ;
que Nous avions rejetté toutes les propofitions
qu'on Nous avoit fait de la part de
la Suede , & que nôtre unique vûë étoit , -
ou de renverfer entierement la Couronne
de Suede , & de lá conquerir , ou du moins
d'en démembrer encore quelques Provinces, ›
& de Nous en emparer.
Toutes ces railons fufdites Nous one"
obligé de faire voir par le prelent Manifefte
à toute l'Europe , nôtre jufte caufe & nôtre
inclination pour la Paix , dans le deffein
de détromper tous ceux fur l'efprit
defquels de pareilles faufferez pourroient
avoir fait quelques impreffions.
Quoique Nous n'ayons à rendre compte
à perfonne des premiers motifs qui Nou
Mij
740
LE MERCURE
ont porté à déclarer la guerre à la Couron
ne de Suede , Nous croyons cependant à
tre obligé d'en faire ici quelque mention.
*
Nôtre intention n'a jamais éte de faire la
guerre à la Suede , quoique cette Couronne
Nous en eût donné affez de fujet , par
le tort qu'elle a fait à nos Etats , & par
des procedez tout- à - fait contraires aux derniers
Traitez de Paix & Alliances faites →→
entre Nous ; s'êtant emparée dans le dernier
fiecle de plufieurs Païs & Provinces
appartenant de tems-immemorial à nôtre
Empire. Malgré tous ces procedez tout- à--
fait injuftes , Nous avons bien voulu paffer
par-deffus toutes ces confiderations ,
pour l'amour de la Paix , & pour ne point
troubler le repos & la tranquilité de l'Europe.
Ce ne fat qu'aprés l'affront & attentat
énorme , commis envers nôtre propre
Perfonne par le Comte de Dahlberg, pour
lors Gouverneur de Riga , qui , contre
tout le droit des gens , Nous dreffa des
embuches dangereufes , dans le deffein de
Nous y faire perir , dans le tems même que
Nous paffâmes par cette Ville avec nôtre
grande Ambaffade , deftinée pour les Païs
Etrangers , que Nous Nous refolumes ,
malgré Nous , de déclarer la guerre à la
Couronne de Suede , pour tirer raiſon
d'un tel affront & attentat.
Ce ne tut pas,fans en avoir préalablement
DE
SEPTEMBRE. 141
demandé fatisfaction à la Couronne de
Suede , par le moyen de fes Ambaffadeurs,
qui fe trouverent pour lors en nôtre Cour,
& par la voyé de la médiation de plufieurs
autres Puiffances de l'Europe ', qui firent
-tous leurs efforts pour Nous faire rendreraifon
d'un telaffront & attentat , commis
envers nôtre propre perfonne ; mais toutes
ces démarches furent inutiles & fans effet.
La Suede , au lieu de Nous accorder la
jufte fatisfaction queNous avions demandée,
Nous la fit refufer dans les formes ; & pour
rendre cet affront d'autant plus fenfible ,
cette Couronne Nous fit donner par fon
Refident le fieur de Knipercrona , un démenti
public , difant que tout cecy n'étoit
que des calomnies inventées à plaifir
fans aucun fondement , quoique Nous en
euffions donné aux Ambaffadeurs de Suede ,
pour en faire rapport au Roi leur Maître,
des preuves trés-convaincantes & effentielles
, tant de vive voix que par écrit.
2
Malgré tout cela , Nous avons toûjours
fait paroître dés le commencement de la
guerre jufques au tems prefent , une grande
inclination & amour pour la Paix , & cela
, au plus fort de la guerre , non feulement
dans un tems où le fort affl geoit nos
Armes , mais auffi au milieu du cours de
nos plus grandes profperitez.
On aura pû remarquer nôtre moderation
par les conditions de Paix équitables ,. &
142
LE MERCURE
toûjours proportionnées aux conjonctures
que Nous avons fait propofer en plufieurs
tems differens à la Suede,
Nous n'avons pû parvenir à aucune negotiation
de Paix , & par confequent à aucun
Traitté avec la Suede , que vers l'année
paffée , à cauſe du peu d'inclination
que Sa Majefté le feu Roi de Suede avoit
jufques-là fait paroître pour la Paix .
Mais , dés que Sa Majefté , le Roi de
Suede , dans l'année 1717. dans le tems
que Nous étoions en Hollande , Nous cut
fait affûrer de fes intentions finceres
pour
parvenir à une Paix folide , par plufieurs
de fes Miniftres , fçavoir premierement à
la Haye , par fon Secretaire d'Ambaffade
le fieur Preus , & puis par le General Comte
de Welling , & enfin par le Baron de
Gortz qui Nous propofa les Ifles d'Aland ,
pour y établir un Congrés , Nous y avons
auffitôt donné les mains , & Nous y avons
auffi difpofé Sá Majefté le Roi de Pruffe ,
nôtre bon & fidele Allié , d'y conſentir.
De plus , Nous avons invité tous nos
autres autres Alliez d'y envoyer leurs Miniftres
; ce qu'ils ont refufé de faire , principalement
Sa Majefté le Roi de la Grande
Bretagne , qui par averfion pour la Paix ,
pour des vues & raifons particulieres
n'a jamais voulu y confentir .
& ›
Nonobftant toutes ces difficultez , Nous
avons envoyé nos Miniftres dés le commenDE
SEPTEMBRE.
143
cément de l'année 1718. fur l'Ifle d'A
land , pour entrer en negotiations avec les
Plenipotentiaires de Suede , & l'on a continué
les Conferences jufques à la mort de
Sa Majesté le feu Roi de Suede.
Les conditions que Nous avons accordées
à la Couron. de Suede pendant le cours des
Negotiations , étoient fi avantageufes , que
le Roi lui -même , quoique d'une humeur
trés- guerriere , comme chacun fçait , n'a
pas laiffe que de les goûter , & felon toutes
les apparences , dans quelques femaines
de- là , on feroit parvenu à établir nonfeulement
une paix folide , mais même une
étroite union entre les deux Couronnes , fi
ces Negociations n'euffent été rompuës par
la mort inopinée & malheureufe de Sa
Majefté le Roi de Suede.
3
Pour donner à connoître de plus en
plus à la Couronne de Suede nôtre fincere
intention , de traiter avec elle d'une Paix
folide , Nous avons jufqu'ici differé toutes
les operations de guerre contre cette Couronne
, quoique Nous n'y fuffions engagé
en aucune maniere , n'ayant fait avec elle
aucune Treve d'armes , ou autre Traité
qui Nous eût pû empêcher de continuer
nos operations.
Ce n'a point été manque de forces fuffifantes
, que Nous avons differé ce deffein :
chacun fçait que dés l'efté paffé , Nous
étions en état d'embarquer une Armée de
144
LE MERCURE plus
de 30000 hommes fur nos Galleres
qui étoient toutes prêtes à mettre à la voile.
Il Nous auroit été facile de penetrer avec
de fi grandes forces jufques au coeur de la
Suede , & peut-être même jufqu'à la Capitale
de ce Royaume , & Nous aurions
eu la plus belle occafion du monde de le
faire , puifque Nous avions des avis aſſez
fûrs , que la Suede n'avoit fait aucuns
preparatifs ny par Terre ny par Mer ,
pour s'oppofer à nos deſſeins .
Malgré tous ces avantages apparens ,
Nous avons toûjours differé jufqu'ici nos
operations de guerre contre l'interieur de
ce Royaume , pour ne point donner lieu
à la Nation Suedoife de croire que Nous
méditions fa ruine , fous pretexte & fous
apparence d'une negociation de Paix.
-
Nous avons toûjours été dans le deffein >
de traiter fincerement d'une Paix avec la
Suede , & de vivre non feulement avec
cette Couronne en alliance & amitié , mais
auffi de lui procurer dans le commerce
& autres occafions , des avantages trésconfiderables
& folides , & de traiter cette
Nation en tout ce qui pourroit lui être
utile comme la nôtre même.
-
Nous avons été informé affez à tems
des defordres furvenus en Suede , à l'occafion
de la mort du Roi , & de l'élection
de la Reine d'aujourd'hui . -
Nous avons aufli eu des avis certains de
la
DE SEPTEMBRE. 145
la perte que l'Armée Suedoife avoit faite
en fe retirant de la Norwege , & qu'on
n'avoit fait aucuns preparatifs , pour s'oppofer
à l'invafion de nos Troupes dans le
coeur de la Suede.
Cette invaſion auroit été trés-facile ;
nôtre Armée étoit campée du côté d'Abo
& toute prête à marcher , êtant pourvûë
d'artillerie & de toutes fortes de munitions
de guerre , pour executer un fi grand deffein
; de plus , les glaces entre la Finlande
& la Suede, êtoient durant le dernier hiver
fi fortes , que Nous y aurions pû paffer en
toute feureté avec toute l'Armée, & l'Artillerie
neceffaire pour l'execution de ce
projet.
Quoique, Nous euffions pû profiter de
ces difpofitions favorables , & des troubles
inteftins furvenus en Suede , Nous avons
cependant pour les raifons fufdites , donné
des ordres trés- précis à nos Troupes de ne
commettre aucun acte d'hoftilité contre
l'interieur de la Suede . Ces ordres ont été
ponctuellement fuivis , & toutes les operations
de guerre ont été jufqu'ici fufpenduës
, excepté quelques petits Partis que
l'on a envoyé faire quelques courfes en Suede
;
; pour être inftruit par ce moyen de
l'état prefent de ce Royaume.
Voyant que la forme du gouvernement
étoit reglée en Suede , & que les affaires
ne dépendoient plus prefentement , comme
Septembre 1719.
N
146 LE •
MERCURE
autrefois , de la volonté d'un feul , mais
que tout le Peuple étoit intereffé au falut
de fa Patrie , Nous efperions avec raifon ,
qu'on reprendroit au plûtôt avec Nous les
Negociations d'Aland , pour parvenir
à une prompte & folide Paix.
Encore , avant que la Reine nous eût
fait
part
de la mort du Roi fon Frere , &
de fon élevation au Throne , Nous avons
fait affûrer Sa Majefté la Reine & les
Etats de Suede , de nôtre fincere intention
pour la Paix , & Nous avons fait declarer
par nos Miniftres au Plenipetentiaire Suedois
à Aland , le Comte de Gillemborg ,
que Nous êtions prêt à renouer les Negociations
; fur quoi la Reine Nous a fait
répondre & affûrer de vive voix par ledit
Miniftre , & par écrit , dans fa lettre de
notification de la mort du Roi, & de fon
avenement à la Couronne , qu'on enverroit
au premier jour à Aland à la place du
Baron de Gortz , le Baron de Lilienftad ,
en qualité de premier Plenipotentiaire , à
quoi le Comte de Gillemborg ajoûta pour
furplus , avec plufieurs proteftations de
fincerité , que le Baron de Lilienftadt feroit
infailliblement à Aland vers le commencement
du mois d'Avril , & qu'il porteroit
avec lui des ordres & des inftructions.
fuffifantes , non feulement pour renoüer
les Negociations , mais même pour figner
le Traité de Paix.
DE SEPTEMBRE. 147
Nous avons eu d'autant moins lieu de
douter de la fincerité de fes promeffes , que
la plufpart des conditions les plus difficiles
& les plus épineufes , avoient été debatuës
entre Nous du tems du feu Roi Charle
douze , de glorieufe memoire , & qu'il
avoit confenti à la Paix , malgré fon inclination
& fon humeur guerriere .
Les conditions que Nous avons accordées
à la Suede , ne pouvoient être que trésavantageufes
à ce Royaume , vûle fuccés.
de nos Armes & l'état des conjonctures
prefentes des affaires ; puifque cette Couronne
recouvroit par cette Paix , non feulement
plufieurs Provinces & Villes qu'elle
avoit perdu , mais elle y auroit trouvé encore
plufieurs autres avantages.
Nous avons attendu le Baron de Lilienf
tadt à Aland jufqu'au mois de Juin , fans.
commettre aucun acte d'hoftilité contre la
Suede ; mais au lieu de voir l'effet des promeffes
du Comte de Gillenborg , ce Mi.
niftre a donné à nos Plenipotentiaires à
Aland fur les ordres précis de la Reine ,
une declaration par écrit , par laquelle on
voit affez clairement que l'intention de
la Suede n'a jamais été de faire la Paix ,
mais au contraire de continuer la
avec Nous.
guerre
On demande par cet écrit , fans autre
forme de Negotiations , la reſtitution abfoluë
de toutes nos Provinces conquiſes fur
Nij
148 LE MERCURE
la Suede , & en cas de refus , on Nous
menace de ne point envoyer le Baron de
Lilienſtadt à Aland , & même de rompre .
le Congrés & de continuer la guerre contre
Nous.
De plus, on Nous fait plufieurs chicanes,
& on refufe fous de vains pretextes , d'admettre
aux Conferences publiques , le Miniftre
de nôtre bon & fidele Allié le Roi
de Pruffe quoique ce Miniftre y foit venu
fous les affùrances réïterées & pofitives:
du feu Roi de Suede , de glorieufe memoire
, qu'il feroit receu & admis aux
Conferences publiques.
Nous avons auffi été informé de bonne
part , que la Suede eft entrée fans nôtre
participation , en des Negociations particulieres
avec quelques autres Puiflances
dont elle n'a rien à craindre en tems de
Guerre , & pas grande utilité à eſperer en
tems de Paix : Elle Nous menace même de
prendre avec ces Puiffances des mesures
violentes contre Nous & contre nos Etats ,
& finalement la Suede n'a cherché qu'à
Nous amufer , en prolongeant les Conferences
& Negociations d'Aland , fans en
venir jamais à aucun Traité
Pour rompre toutes ces mefures , Nous
nous voyons obligé de recourir de nouveau
aux armes , & d'ordonner à nos Troupes
de faire , avec l'aide de Dieu , une defcente
dans l'interieur du Royaume de Suede, ron
DE SEPTEMBRE. 149
pas dans le deffein d'en conquerir encore
quelques Provinces , mais uniquement en
vue d'obtenir par là la Paix que Nous
fouhaitons ardemment , & que Nous
fommes prêt de figner aux mêmes conditions
que Nous avons cy-devant accordées
à la Couronne de Suede : & non feulement
Nous ne prétendons rien garder des autres
Provinces du Royaume de Suede , mais
auffi Nous fommes prêt de rendre une
grande partie des Pays conquis , & qui
font actuellement en nôtre pouvoir.
Si , contre toute raiſon , la Couronne
de Suede s'opiniatroit à n'écouter aucune
propofition de Paix , & qu'elle voulût
continuer la guerre contre Nous , Nous
declarons par ces Prefentes , qu'en ce cas ,
Nous ferons obligé de tourner toutes nos
forces contre l'interieur de ce Royaume ,
& de contininer nos operations de guerre
avec l'affiftance divine , & avec toute la vigueur
imaginable
Aprés avoir publié nôtre fincere intention
› pour parvenir
à une Paix folide
Nous croyons être excufé devant Dieu &
les Hommes
, de tous les malheurs
qui en
pourront
arriver aux Sujets de la Couronne
de Suede ; & Nous atteftons
ici le Dieu
tout-puiffant
, que Nous ne fommes point
refponfable
de l'effufion
de tant de fang
humain , & de la mort de tant d'hommes
innocens
, qui périront
par cette fanglante
&
funefte guerre.
Niij
250
LE MERCURE
7
C'eft à ceux qui pour des intérêts , des
paffions & des vûës particulieres , ont empéché
la conclufion de cette Paix, à rendre
compte un jour devant Dieu de tout le
fang innocent qui fera verfé.
Nous implorons l'affiftance du Dieu toutpuiffant
, de benir nos armes , comme il a
fait jufqu'ici , & de ne Nous point abandonner
dans une fi jufte & bonne caufe:
Nous avons donné des ordres fuffifants ,
pour que tous les Sujets de la Courenne de
Suede foient informez de nos volontez
pour qu'ils puiffent prendre à tems les confeils
, & les mefures neceffaires & capables.
de prévenir leur perte.
Il n'y a point d'autre moyen de Nous
détourner de nos deffeins , que de conve
nir d'une Paix folide , que Nous ferons.
toûjours prêt de figner , comme il eft dit
cy- deffus , à des conditions juftes & équi
tables ; en ce cas , Nous mettrons auffitôt
bas les Armes , & Nous ferons ceffer
toutes les hoftilitez..
·Donné fur nôtre Flote ce mois de Juin
1719.
DE SEPTEMBRE . IST
Nouvelles du Nord , contenant celles .
de Suede , de Dannemarc
& de Hambourg ."
à Hambourg le Septembre 1719 .
N confequence des raifons alleguées
dans ce Manifefte , qui a été répandu
en Suede', le Czar a mis une Flotte nombreuſe
en Mer , avec laquelle il a fait dans
ce Royaume beaucoup d'executions militaires
. En effet , le 23. Juillet , un grand
nombre de Galeres Ruffiennes fe firent
voir du côté Romaufen , à la hauteur de
Noorder-Talge. Le 24. les Mofcovites
ayant debarqué quelque monde dans l'Ifle
de Stoksund à une demie-lieuë de Sto-
Kholm , ils en enleverent le betail, en brulerent
la maifon Seigneuriale , & en uferent
de même à Grifel- Haven. Le 25. its
parurent prés de Ofter Kanmingen , à trois
lieues de la Capitale , & brulerent la maifon
de M. Hopke , Secretaire d'Etat . Le
26. l'Amiral Apraxin ayant partagé fes
Galeres en trois Efcadres ; fa premiere divifion
penetra entre Noord & Suder- Talge
; la feconde du côté de Geefle , & l'autre
vers Nyкopping. Le 27. les troupes
debarquées pillerent & brulerent la maifon
, & les terres du Comte Teffon , à
'un quart de lieuë de Stokholm. On a
N iiij
282 LE MERCURE
apris depuis , qu'ils avoient brûlé les Ville .
Oofthammar & d'Oregrund , l'Ile d'In
deroom , & plufieurs Villages. La Terre
de Therao , qui apartient à M. Rumpi
Refident des Etats Generaux , a eu le même
fort. Ils font auffi entrés dans la Ville
de Suder-Talge , où ils font reftés fort
peu de tems , n'ayant que celui de mettre
le feu à l'Eglife & à une partie des
maiſons . Les Villes de Nykopping, Noord,
Kopping , n'ont pas été mieux traitées . Ils
ont ruiné plufieurs mines de fer , de fel &
de cuivre , dont les Ouvriers ont été emmenés
fur leur Flotte , pour les tranfpor
ter de-là en Mofcovie , où ils travailleront
aux Mines du Czar , qui y font fort
abondantes. Ils fe font jettés du côté de
Weftwyk , pour continuer leurs ravages
dans le Pays. Pendant toutes ces operations
, M. Ofterman , Miniftre du Czar ,
arriva à Tuna , & y eut audience du Prince
hereditaire de Heffe-Caffel , en preſence
des Senateurs & Comtes , Ducker , de
la Gardie , & Taube. Le 29. de Juillet .
il fut admis à l'audience de la Reine , &
remit à S. M. fes lettres de creance. Le 10.
d'Août , ce Miniftre eut fon audience de
congé. Il eft certain que pendant le fejour
qu'il a fait à Stokholm , il a fortement
follicité la Reine à accepter les conditions
offertes ci-devant par le Czar pour la paix,
comme l'unique moyen de faire ceffer les
.
DE SEPTEMBRE.
153
hoftilités des troupes du Czar fon Mattres
cependant , la Reine de Suede & le Senat ,
les ont rejettées avec hauteur, dans l'efperance
qu'ils feroient inceffamment fecou
rus par l'Efcadre Angloife , & pourroient
peut- être obliger le Czar à leur tour, à recevoir
celles qu'ils lui prefenteroient. S.
M. Cz . s'eft toûjours tenue prés d'Hangoé·
avec fes gros Vaiffeaux de Guerre , & ce
Monarque recevoit de 6. heures en 6. heures
, des avis de ce qui fe paffoit en Suede .
Les Suedois , quoique au nombre de 14 .
mil Fantaffins, & de 6000. Cavaliers , n'ont
pas été en état de s'oppofer à ces entrepri
fes , par la difficulté de fe tranfporter affés
promptement d'un lieu à un autre. De plus
la défunion qui continue entre le Clergé
& la Nobleffe de ce Royaume , a auffi empêché
les troupes Credoifes d'agir avec fuccés
contre leurs ennemis . On fut informé que
le 25.
Août
l'Efcadre
Angloiſe
, com- mandée par l'Amiral Norris, avoit reçu un
renfort de 6 Vaiffeaux de guerre & 2.
Brulots , & que le 26. elle avoit mis à la
voille , pour joindre à Carlefcroon 15.
Vaiffeaux de lignes Suedois , & aller enfuite
chercher les Mofcovites , afin d'en
obtenir de gré ou de force une paix honorable.
Le 31. du même mois , cet Amiral ,
joignit la Flotte Suedoife qu'il comman
dera en chef conjointement avec la fienne.
On aprend même que fur la nouvelle de
754 LE MERCURE
l'approche de la Flotte combinée , l'Amiral
Apraxin avoit fait rembarquer toutes
les troupes de debarquement fur les Galeres
, avec quantité de beftiaux & des prifonniers,
& qu'il avoit pris la route de l'Ifle
d'Aland . Depuis la retraite des Ruffic
une Fregatte dépêchée par l'Amiral No
ris , a debarqué un exprés à Roftock av
l'avis que ce dernier avoit coupé le paſſa
à 50.Galeres Mofcovites dans les Scheever
& qu'il s'en étoit rendu maître avec toute
les troupes & les equipages qui y étoient
à bord ; mais cette nouvelle a encore beſoin
de confirmation .
On fait monter les troupes du Czar qui
ont debarqué en Suede , à plus de 35. mil
hommes , en y comprenant 2. mil Tartares
Kalmouques , qui mettoient le feu dans
toutes les Fermes & les maifons de Campagne.
Milord Carteret , Ambaffadeur d'Angleterre
, a prefenté un Memoire à la Reine
de Suede dans lequel il fupplie S. M.
de donner aux Anglois , fatisfaction des
pertes qu'ils ont fouffertes par la confifcation
d'un grand nombre de leurs Vaiffeaux,
pris dans la Mer Baltique même dans les
Ports de Suede. La R. a répondu qu'elle
étoit difpofée à nommer des Commiff. qui
avec ceux qui feroient nommés par le R.de
la grande Bretagne , examineroient cette
affaire , & rendroient juftice aux Parties
DE SEPTEMBRE.
ISS
intereffées : qu'en attendant , elle donnera
les ordres , afin que les Anglois ne foient
pas inquietés ni troublés , êtant perfuadée
que le Roy d'Angleterre ne permettra pas
qu'ils en abufent au préjudice des interêts
de la Suede.
D'un autre côté , les Danois n'ont pris
dans l'irruption qu'ils ont faite en Suede
que Maertrand ; car , par tout ailleurs
ils ont été repouffés par les Suedois , &
fur tout du Château d'Elbourg , & aprés
y avoir jetté plus de 300. bombes , ils ont
été obligés de ſe retirer avec perte du canon
& des mortiers , & leur Flotte fort
maltraitée ; mais il n'eft pas vrai qu'ils y
ayent perdu sooo. hommes , comme quel
ques Relations l'avoient avancé , puifqu'ils
n'avoient debarqué que 6. à 700. hommes.
L'Amiral Tordenfchild , que ces mêmes
avis avoient dit bleffé & même mort de
fes bleffures , s'en eft tiré fain & fauve. Le
Roy de Dannemarex , aprés cette expedition
, a fait rafer Stromftard & Sunsbourg,
avant fon depart de Norwege ; & les habitans
de ces 2. Places ont eu ordre de s'aller
établir avec leurs familles & leurs effets
à Friderichall où l'on s'eft engagé de leur
fournir toutes les chofes neceffaires pour
ce nouvel établiffement..
On a recu par les Danois un détail de ce
qui eft arrivé à l'Eſcadre Suedoife , qui a
éré detruite à la prife de Maertrand par la
LE MERCURE
2.
Flotte de Dannemarck. On compte
Vailleaux coulés à fonds , dont 3. de quarante-
quatre canons , 2. de 3. un de 44.
& le dernier de 40. outre un Yacht
de quatre canons & deux Brulots. Les
Vaiffeaux Suedois pris , ne confiftent qu'en
quatre , fçavoir un de 53. canons , un
autre de 44. & 2. de 18. avec une Galere
fur laquelle il y avoit 5. canons. De
plus , les Danois fe font emparés dans la
Ville de 20. canons avec leurs affuts , &
de 20. autres fans affuts . En tout 15. pris,
ou coulés à fonds, & quatre cent 90. pieces
de canons.
Le Traité de paix entre S. M. Britannique
& S. M. Suedoife , a été figné &
ratifié. Il porte entr'autres que les Duchés
de Bremen & de Verden, refteront à perpetuité
au Roy de la Grande Bretagne en
qualité d'Electeur de Brunfwick - Lunebourg'
, à condition que Sa Majefté Britannique
fera compter d'abord à la Suede un
million d'écus. A l'égard du Traité entre
la Suede & la Pruffe , la ratification s'en
fit le 30. du paffe . La Couronne de Suede
cede à celle de Pruffe la Ville de Stetin
avec fon diftrict , l'Ile d'Ufedum , & celle
Wollin , moyennant quoi S. M. Pruffienne
fe defifte de la femme de 400. mil écus
que la Suede lui devoit avec les interêts
depuis l'année 1679. L'on pretend qu'elle
eft convenue outre cela de donner à la
DE SEPTEMBRE. 197
Reine de Suede 2. millions d'écus, & de lui
fournir 900. mil livres , tant que la guerre
durera avec le Czar.
On avoit cru que le Roy de Dannemarck
le conformeroit à ces alliances . Le
retour inopiné de ce Prince dans fa.Capitale
, & le rapel de fes troupes hors du
Royaume de Suede , ne laiffoient prefque
plus lieu de douter qu'il n'y eût quelque
negotiation de paix fort avancée entre la
Suede & le Dannemarck ; mais , depuis
la declaration que ce Monarque a fait
publier à Coppenhague , on a changé
d'opinion : Elle contient en fubftance
qu'ayant été informé des faux bruits que
des efprits pernicieux avoient affecté de
repandre dans l'Europe , qu'il étoit fur
le point de conclure une paix feparée , à
l'exclufion du Czar fon bon ami & allié
il declaroit par les prefentes que ce bruit
n'avoit aucun fondement , puifqu'il n'avoit
jamais été dans de pareils fentimens,
& moins encore dans ceux de fe departir
des alliances , engagemens, & liaiſons qu'il
avoit contractées avec S. M. Czarienne .
Le 10. de ce mois , un jeune Lutherien ,
& un Catholique Romain , ayant pris querelle
dant le Cimetiere de S Michel , qui
eft une Eglife Lutherienne de la Ville de
Hambourg , le Catholique jetta impru
demment une pierre à travers les vitres de
cette Eglife. Etant tombée malheureufe
$58 LE MERCURE
ment à côté du Miniftre dans le tems qu'il
adminiftroit la Cene , cet incident anima
fi fort quelques Jeunes gens de cette affemblée
, qu'ils fortirent tumultueufement de
ce Temple , & coururent à la Chapelle des
Catholiques , attenant ce Cimetiere, dans
laquelle fe faifoit alors le fervice. Aprés
avoir brifé les vitres à coup de pierres , ils
en enfoncerent les portes ; & comme ils
fe trouverent les plus forts , ils demolirent
la Chapelle jufqu'aux fondemens , en dechirerent
les ornemens , & même ceux du
Prêtre. La populace s'êtant jointe à cette
Jeuneffe effrenée , fe tranfporta enfuite à
la maiſon Imperialle ; & aprés avoir pillé
les meubles , elle detruifit entierement
l'Hôtel & les beaux Jardins. Le 11. le Magiftrat
envoya des Deputés au Refident
Imperial , pour excufer cet attentat , mais
il répondit qu'il en informeroit fon Maître
exactement. Le Magiftrat , non content
de cette demarche , fit publier à fon de
trompes , des mandemens par lefquels on
promettoit 100. écus de recompenfe à quiconque
pourra découvrir les Auteurs de
ces defordres ; enjoignant à ceux qui ont
eu part au pillage , de raporter le tout à la
Juſtice , fuivant l'exigence du cas.
1
DE SEPTEMBRE.
à Vienne le
Septembre 1719.
Ate de Renonciation , faite par la Sereniffime
Archiducheffe Marie - Jofeph
en qualité d'Epouse , & d'adhesion par
le Comte de Flemming , au nom du Roi
de Pologne & du Prince Electoral fon
fils , en qualité d'Epoux.
L
E 19. du mois d'Aouft 1719. l'Empereux
fit notifier à tous fes Miniftres ,
au grand Chancelier & aux Officiers de la
Chancellerie de tous les Pays hereditaires
de fe trouver au Château de la Favorite à
11. heures du matin du même jour . Le
Comte de Femming y fut mandé , & fon
Excellence s'y rendit avec une fuite fort
nombreufe & trés- magnifique. L'Empereur
& l'Imperatrice Regnante , L'Imperatrice
Douairiere Amelie , mere de
Archiducheffe Marie- Jofeph , & cette
derniere Princeffe , entrerent dans la Sale
des ceremonies. S'êtant tous affis fous un
dais devant lequel on avoit dreffe un Autel
fur lequel il y avoit un Crucifix & le Livre
des Evangiles , S. M I. fit entrer tous
fes Miniftres ; & aprés s'être placez chacun
fuivant leur rang , ce Monarque leur
fit un trés-beau difcours , par lequel il les
éclaircit des raifons de cet Acte de Renonciation.
Le General Comte de Flemming ,
160 LE MERCURE
>
い
fut enfuite appellé ; & êtant entré dans
la Sale , il montra d'abord fon plein- pouvoir.
Aprés qu'on lui eut fait lecture de
l'Acte de Renonciation des nouveaux Ma
riez S. Ex. le figna & en prêta les fermens
, au nom du Roi de Pologne Electeur
de Saxe , & du Prince Electoral fon fils.
Le Comte de Zinzendorff , Chancelier de
la Cour , fit de nouveau lecture de cet
Acte à Madame Electorale qui le figna
aprés en avoir prêté les fermens fur les
Saints Evangiles. Le Comte de Flemming
en fit enfuite autant , au nom du Roi de
Pologne & du Prince Electoral fon fils .
Le 18. du mois paffé , le Sereniffime
Prince Electoral de Saxe , arriva à Biffemberg
avec une fuite trés - belle & trés-nombreufe.
Le 20. ce Prince fe rendit ici en
pofte , & alla defcendre au Palais de la
Favorite , où il reçût les complimens de
toutes les Cours Imperiales , des Miniftres
& de la premiere Nobleffe , qui parurent
tous avec des habits magnifiques.
Aprés une entrevûë que ce Prince eut
avec la Sereniffime Archiducheffe , ils furent
mariez le même jour par M. Spinola
Nonce du Pape enfuite leurs M. Î . fcgnantes
leur donnerent un repas où il n'y
avoit rien à defirer. Il y eut une trés-belle
mufique , accompagnée d'une décharge
continuelle des canons de la Ville. Ibrahim
Bacha , Ambaffadeur de la Porte Ottomane
,
DE SEPTEMBRE. 161
mane , qui fit ſon entrée publique le 14.
du même mois dans cette Capitale , fe
trouva prefent à ce fuperbe feftin . On lui
avoit fait pour cela un logement dans la
grande Sale. Il a fort admiré la magnifi
cence , l'ordre & la belle cimetrie des confitures
de toutes efpeces , qu'on y fervit
en piramides & avec profufion . Le 22. le
Prince Electoral de Saxe & fon Epoufe ,
ayant pris congé de leurs M. I. des Im
peratrices Douairieres & des Archiducheffes
, partirent pour Saxe. Le 27. le Prince
& la Princeffe arriverent à Prague an
bruit de tous les canons des remparts , &
defcendirent au Palais Royal . Le 29. le
Prince Electoral ayant pris les devans , la
Princeffe fe mit en marche pour continuer
fon voyage à Drefde , où l'on fait de trés--
grands preparatifs pour leur reception .
Le 2. Septembre le Prince Royal - Electoral
de Saxe , & la Princeffe fon Epoufe',
firent leur entrée à Drefde. On fit à leur
arrivée une triple décharge de l'artillerie
& de la moufqueterie . Le Roi vint recévoir
la Princeffe au Pónt ; elle mit un ge--
nouil en terre, & baifa la main du Roi qui
la releva d'abord , l'embraffa tendrement ,
la baifa au front & la conduifit à la Tenté ,
où S. M: eut un quart d'heure d'entretien
avec le Prince & la Princeffe. Aprés cette
. entrevûë , elle monta à cheval , fuivie
d'une Cour magnifique. Jamais entrée n'a ·
1
162 LE MERCURE
éte plus brillante. L. A. R. êtant arrivées ›
au Château , fe rendirent à l'apartement
de la Reine qui conduifit la Princeffe:
dans fon cabinet , & la prefenta enfuite aux
Dames , qui furent admifes à lui baifer la
main ; aprés quoi L A. R. fe retirerent
dans leur palais , & le Roi dans fon appartement.
Le 4. l'Ambaffadeur extraordinaire de
la Porte , fuivi d'une trés - belle cavalcade
eut fa premiere audience publique de l'Em--
pereur au Palais de la Favorite. Il remit à
S. M. I. les lettres du G. S. fon Maître ,
dont le contenu roule fur l'exacte obferva--
tion de la paix de Paffarowitz ,, & fur des
proteftations d'une veritable amitié de la
part du Sultan. Aprés quoi cet Ambaffadeur
offrit à S. M. I. les prefens qué le
G. S. lui envoye , confiftant 10. en une
riche & fuperbe Tente , portée par 12.
Chameaux. 20. En quelques Mulets chargés
de Tapis de Turquie & de Tapifferies..
3. Une Littiere couverte de velours cramoifi
avec un careau brodé & galonné
d'or , fur lequel étoit pofée une pannache
d'Heron garnie de diamans. 4. Deux
Chevaux avec leurs harnois enrichis de diamans
, rubis & émeraudes , & 4 autres
Chevaux d'Arabie des plus beaux de ce
pays. so. Plufieurs autres raretez Orientales.
On eftime le tout deux millions.
Aprés l'audience , cet Ambaffadeur fut.
>
DE SEPTEMBRE. 163
reconduit à fon logement dans le même
ordre qu'il étoit venu.
.
Le7. cet Ambaffadeur eut audience du
Prince Eugene à qui il prefenta une lettre
du Sultan & une autre du G. V. Aprés un
petit difcours au fujet de la paix prefente ,
il lui remit les prefens de S. H. & du G.
V. fçavoir un Cheval Turc , dont le poitrail
& la bride étoient d'argent doré, garnie
de corail ; la felle de damas rouge brodé
, & les étriers d'argent doré : un Cou--
teau dont le manche eft garni de diamans ,
& la guêne d'or enrichie auffi de diamans
& de rubis : 50. Mifcales d'Ambre : plufieurs
Etoffes des Indes : 3. Ceintures
magnifiques quatre pieces de drap d'or
de Conftantinople , dont une brodée ::
un grand Tapis de foye de Perfe à fleurs
d'argent 10. beaux Turbans : Une Cou--
verture de lit de foye : 3. Tapis blancs de
foye. Les Jouailliers eftiment plus ces ,
prefens que ceux de l'Empereur , à caufe
de la groffeur des diamans .
:
On écrit de Conftantinople du 12. Aout
que M. le Comte de Virmond , Ambaff..
Ext. de l'Empereur à la Porte , arriva le
dernier Juillet à trois quarts de lieuës
hors des murailles de Conftantinople , ou
la Porte avoit fait preparer deux Serails
Turcs , & cela , pour jouir d'un air moins
contagieux , que celui du Fauxbourg de
Pera , Quartier qui lui avoit été affigné
O ij
164 LL MERCURE
par la Porte. Auffi- tôt aprés fon arrivée ,
un Aga Turc alla complimenter Son Ex.
qu'il accompagna d'un magnifique regal
de confitures , de fruits & de fleurs . Le
3. S. Ex. fit fon entrée folennelle dans .
Conftantinople. Le 5. l'Ambaff, êtant
monté fur un fort beau Cheval que le G.V.
lui avoit envoyé , defcendit au pied de
l'efcalier de ce premier Miniftre , qui re--
gala S. Ex. d'une Vefte de Zibeline , &
fit donner des Caffetans àરે ceux de fa fuite..
Le Comte Batiani lui délivra la lettre que:
l'Empereur adreffoit à ce Vifir , & le Ĉa--
pitaine Obfchlevz lui prefenta celle du
Prince Eugene. Le 8. jour deftiné pour
l'audience du G. S.. M. l'Ambaffadeur
tant monté à cheval , fut mené au Se--
rail , où il mit pied à terre. S. Ex..
fut conduite dans une chambre où elle mit :
fa Vefte de Zibeline , & ceux de fa fuite ,,
leurs Cafetans. Cet Ainbaffadeur fut in--
troduit par le Chiaus- Baffa & le Capicilar-
Chiaia , devant le trône du G. S. auquel
il fit une harangue en Langue Latine , qui
fut rendue en Langue Turque par Mauro-
Cordato, que quelques avis avoient fait
mourir de pefte. Pendant cette audience ,
les prefens de l'Empereur farent portez
dans une Salle , pour y être expofez en
vûë. Aprés beaucoup de ceremonies & de
grandes civilitez reaproques , M. l'Amb,
retourna à fon quartier dans le même ordre
qu'il étoit venu
DE SEPTEMBRE. 165
La Ville de Nicolfpourg a été prefqu'en
tierement confommée par le feu , ainfi que
le magnifique Palais du Prince de Dietrichftein..
M. le Comte Wentzeld d'Atheim s'eft
rendu à Wirtzbourg , pour y affifter en
qualité de Commiffaire de S. M. I. à
Félection d'un nouvel Evêque. C'eſt un
des plus richés Evêchez de l'Empire , & le
feul Benefice qui ne foit pas forti des
mains de la Nobleffe : la raifon de leur
dégoût eft fondée fur un ancien ufage dont
le formulaire eft tel , que qui que ce foit
n'eft reçû dans le Chapitre, qu'il n'ait paffe
au milieu des Chanoines rangez en
haye
de chaque côté , pour en être fouetté
ce qu'aucun Prince n'a voulu fubir juſqu'à
prefent.
Londres le 26. Septembre 1719°
E 18. un Courier depêché d'Hanover
aporta la ratification du Traité entre
le Roy d'Angieterre & la Reine de
Suede & le 19. les Seigneurs Jufticiers
le renvoyerent à Sa Majefté Britannique.
Le 20. les ouvriers de Spithlefields s'êtant
partagés en plufieurs bandes , commirent
encore de nouvelles violences , en dechirant
les habits des femmes qui étoient de
toilles peintes . On en a arrêté quelquesuns
qui ont été mis en prifon. La Flote
.
166
LE
MERCURE
"
avec les troupes deftinées pour l'expedition
ſecrette , eft toûjours retenue à Spitheald
par les vents contraires. On confirme que
l'on travaille à un plan , pour décharger
cntierement la Nation de fes dettes. Pour
cet effet , les trois grandes Compagnies de
la Banque , des Indes Orientales , & de
la Mer du Sud , fe chargeront du foin de
les acquitter , en imitant en cela le projet
qu'on a executé en France. On y eft d'autant
plus porté , que la Compagnie des Indes
de France fait prefentement l'attention
& l'admiration publique ; car on regarde
fon établi ffement & fes heureux fuccés
comme des prodiges , furtout quand on
confidere le grand credit qu'elle s'eft fait
en. fi peu de tems dans toute l'Europe ;
credit qui la met en état de décharger le
Royaume de plus de 15. cent millions de
dettes. Il eft fi bien appuyé par les lumieres
& la prevoyante adminiftration de
celui qui eft à la tête de cette Compagnie,
que toutes les bourfes du Royaume auparavant
fermées fe font ouvertes tout à
coup ; & cette émulation à acquerir des
actions, les a fait fi confiderablement hauf
fer de prix , qu'elles ont tiré du neant un
grand nombre de particuliers , par les profits
décuplés qu'ils y ont fait en moins de
fix mois de temns : il eft même hors de doute
qu'elle iront beaucoup au - delà . Comme
cette Compagnie eft foûtenue des forces &
•
›
DE SEPTEMBRE. 167
revenus de l'Etat fi fagement employés , il
eft à croire que cet établiffement fubfiftera
autant que la Monarchie , & procurera
un bien univerfel dans toutes les parties du
Royaume ; les Chefs & les membres y
concourant avec une parfaite harmonie.
Tant d'impofts retranchés en fi peu de
tems , & fi onereux au Public , font d'un
heureux augure pour l'avenir ; & les Nations
voisines , bien loin d'en être jalouſes ,
fe feront plaifir d'imiter ces fages difpofitions,
La Ville d'Edimbourg a conferé au fameux
M. Law qui eft en France , la fredenisation
, ou franchiſe de cette Ville dont
il eft natif. Les lettres lui en ont été envoyées
dans une boëte d'or de la valeur de
300. livres fterlins avec cette infcription
qui eft des plus honorables ... La Corporation
d'Edimbourg s'étant donnée elle -même
l'honneur d'enroller dans fes libertés Jean
Law , Comte de Tancarville , & c . Gentil-
•homme agréable , le premier de tous les Ban
quiers en Europe ; heureux Inventeur des
Societés de Commerce dans les parties du
monde les plus éloignées , & qui a fi bien
merité de fa Nation ; c'eft le témoignage publc
nous donnons avec plaisir par
Lettres ci- clofes .
que
les
On prepare toutes les chofes neceffaires
à la Maifon de Ville , pour tirer inceffamment
les deux Lotteries d'Angleterre. On
LE MERCURE
a avis que les Vaiffeaux le Roy George , le
Harcourt & le Smirne , venant de Turquie
, font arrivés aux Dunes , les 2. premiers
étant richement chargés .
*2 Parmi les Bills qu'on a envoyé d'Irlande
ici , il s'en trouve un qquuii aa ppoouurr titre
Alte pour prevenir l'accroiffement du Papifme
en Irlande : Il contient entr'autres, que
fi à l'avenir aucun Evêque ou Prêtre Pá- .
pifte , paffe en Irlande , les Scherifs feront
obligés de les faire mettre en prifon , &
de faire inftruire leur Procés. S'ils font
convaincus d'être Prêtres' , ils feront condamnés
à être Eunuqués . On, nommera
pour cette operation un Chirurgien qui les
fera tranfporter dans les Pays étrangers ,.
auffi- tôt qu'ils feront gueris , avec deffenfes
de ne jamais plus reparoître en Irlande
fous peine de la corde , ainfi qu'il fe pratique
en Suede. Ce Bill porte encore que
sil eft prouvé que quelque Papifte ait donné
retraite à aucun Prêtre , tous fes biens
meubles & immeubles , feront faifis & remis
entre les mains d'un Proteftant , pour ,
être confifqués à la Couronne : Et comme
ci-devant il falloit fommer les Papiftes
en perfonne , pour venir prêter les ferniens
, il fuffira dorénavant de faire la fourmation
à leur domicile ; & au cas qu'ils ne
comparent pas dans le tems qui leur fera
marqué , leurs biens feront confifqués
pareillement fans autre forme de procés..
Plufieurs
"
"
DE SEPTEMBRE. 169
Plufieurs Catholiques Romains de diftinc
tion ont prefenté Requefte aux Seigneurs
Jufticiers contre ce Bill ; mais cette affai
re n'a pas encore été decidée.
M. Wefeloufky , Refident du Czar en
cette Cour , prefenta au commencement
de ce mois un memoire à M. Craggs , Secretaire
d'Etat. Il portoit que S. M. Cz.
ayant permis par fa declaration un libre
commerce à toutes les Puiffances Neutres
dans la Mer Baltique , le Roy de la Gran
de Bretagne ne laiffoit pas cependant d'envoyer
un grand nombre de Vaiffeaux de
guerre dans ces Mers ; ce qui obligeoit le
Czar fon Maître de demander à quelle occafion
Sa Majesté Britannique y envoyoit
tant de forces , attendu qu'il n'y avoit aune
neceffité pour cela. M. Craggs lui fit
réponse que le Roy fon Maître ayant été
informé que le Czar avoit fait dire au Che
valier Jean Norris , que s'il reftoit avea
fon Efcadre dans la Baltique, cela ne pourroit
que lui être fort defagréable : Qu'en
confequence de cette réponte , il lui decla
roit de la part du Roy fon Maître , que
S. M. vouloit & pretendoit envoyer fa
Flotte en telle Mer qu'il lui plairoit , fans
qu'il fût tenu pour cela d'en rendre
compte à aucune Puiffance . Tous les fujets
du Roy de la Grande Bretagne qui
font paffés au fervice duCzar de Mofcovie,
ont eu ordre de revenir en Angleterre.
Septembre 1719.
P
ац
170
LE MERCURE
Le Sieur Bladen , un des Commiſſaires du
Commerce , eft parti pour France , afin
de regler avec ceux de cette Couronne
les limites & les differends qui fe
font élevés entre les Habitans de l'Annapolis
Royale , & les François du Cap
Bretón.
Quelques-uns de nos Marchands ont reçu
avis que la Flotte des Galionsd'Espagne
venant d'Amerique , étoit arrivée à Riba-
Dios dans le Royaume de Galice , fous le
Convoi de plufieurs Vaiffeaux de guerre ,
commandés par le Sieur Martinet. Suivant
ces avis , il y a à bord en efpeces ou lingots
pour 25. millions de piaftres & beaucoup
d'autres riches marchandifes. On a apris
d'Oftende qu'il étoit arrivé des ordres
d'Angleterre , pour foufcrire à la nouvelle
Compagnie des Indes Orientales de Flandre,
dont les Entrepreneurs ont obtenu une
Chartre de l'Empereur qui a fixé les droits
de toutes les marchandiles à deux & demi
pour cent. La Compagnie des Indes
Orientales a eu avis de l'arrivée de trois de
leurs Vaiffeaux aux Dunes , fçavoir le
Maurice & le Stanhope , venant de Bombay,
& le Grantham venant de Bengall .
Les dernieres Lettres de la Jamaïque portent
que le Vaiffeau le Sunderland y avoit
été brûlé par accident , ayant à bord 238 .
balots de fucre , 150. facqs de Ginjambre ,
8. facqs d'indigots , &c. Un armateur Ef
DE SEPTEMBRE.
171
pagnol a pris un Vaiffeau François venant
de la Martinique , richement chargé , qui
a été mené à Cadix. Le Vaiffeau le Prince"
George , commandé par le Capitaine Turner
, a été enlevé à la hauteur d'Hambourg
par un Armateur Efp. & a été conduit
à la Corogne. Le Capitaine Wamburg ,
qui commandoit le Barfort , Vaiffeau de
guerre de S. M. & qui a fait nauffrage
dernierement fur les côtes de Sicile , a été
dechargé & remercié de fa bonne conduite.
Le Vaiffeau l'Aigle , chargé à Madere
pour la Jamaïque , a été pris par un
Pirate , & le Succés Brigantin chargé
pour Gibraltar , a été forcé de fe rendre.
par une Tartane Efpagnole.
יכ
En creufant dans le Cimetiere d'un
Village , prés la Plaine de Saliſbwri , on a
trouvé un fquelette entier d'une Creature
humaine , très rare par fa grandeur extraordinaire
, puifqu'il a 9. pieds 4. pouces
long.
de
La mortalité a été fi grande durant les
grandes chaleurs , qu'il y a eu des femaines
où il eft mort prés de 800. perfonnes dans
Londres..
L
à Rome Le 12. Septembre.
E Cardinal Scrottembach , qui a été
nommé par la Cour de Vienne pour
la
Vice- royauté de Naplespar interim , alla le
16. à l'audience du Pape . Sa Sainteté lui
Pij
172 LE MERCURE
fouhaita un bon voyage , le regala d'un
trés-beau lit de campagne, & lui offrit deux
Galeres pour le tranfporter à Naples . Cette
Eminence , aprés avoir fait notifier à toutes
les Cours fon départ , fut accompagnée
par le Cardinal Del- Giudice à Nettune ,
jufqu'à bord des deux Galeres qui devoient
la conduire dans cette Capitale , où elle
arriva le 24. du mois paffé . Elle fut reçûë
au débarquement par leCollateral & par les
principaux Officiers , au bruit du canon
de tous les Châteaux. Le Cardinal Del-
Giudice qui avoit été chargé par commiſfion
du foin des affaires Imperiales , a receu
depuis , fes lettres de creance de Vienne
, qui lui donnent le caractere de Minif
tre de l'Empereur. Il est allé en cette qualité
à l'audience du Pape , & en a donné
part à tout le facré College .
Le General Caraffa a paffé icy venant
de Naples & allant à Vienne , pour s'yjuftifier
de quelques demêlez qu'il a û avec
le Confeil Collateral & le . Caftellan . On
pretend qu'il ne lui a pas été permis de
differer d'un moment fon départ , s'êtant
trop ingeré dans les affaires du Gouvernement
, depuis la mort du Comte de Gallafch
.
Le Chevalier de S. Georges êtant repaffé
d'Efpagne en Italie , s'eft rendu à
Suriano , Château appartenant au Cardinal
Albani. La Princeffe Clementine Sobief
DE SEPTEMBRE. 173
t
ka fa future, l'eft allée trouver pour y confommer
leur mariage .
Voici les particularitez que nous avons
reçûës de la prife de Meffine par les Allemans.
Le General Mercy s'êtant rendu maître
le 7. de Juillet du Château Gonzague , & en
ayant fait la Garnifon prifonniere de guerre
, fit jetter quelques bombes dans Meffine,
& fommer cete Ville d'ouvrir fes portes
dans 24. h. faute de quoi , il l'abandon
neroit au pillage. Sur ces menaces les Bourgeois
députerent le 9. deux Chanoines pour
traiter avec ce General , & convenir des
articles de la Capitulation . M. de Mercy
leur répondit que l'Empereur qui étoit leur
Souverain ,ne capituloit point avec fes Su
jets , qu'ainfi ils devoient , en cette quahité
, lui ouvrir leurs portes ; cependant
il proniit aux Habitans la confervation de
leurs privileges. Cette propofition fut acceptée
, & le jour même 9. 800. Grenadiers
Imperiaux occuperent les poftes les
plus importans de la Place , fans qu'il y arrivât
prefqu'aucun defordre de la part des
Troupes . Dom Luca Spinola qui en étoit
Gouverneur , s'eft retiré dans la Citadelle,
dont la Garnifon eft d'environ 3 à 4000.
kommes. On prefume qu'il n'y a de vivres
que pour quatre mois. On affûreque
les 7. Galeres Siciliennes & quelques au❤
tres Bâtimens Efpagnols , étoient fortis
Piij
174 LE MERCURE
heureuſement du Port de Meffine à la faveur
de la nuit. Il paroît que le Marquis
de Lede eft dans le deffein de quitter
fon Camp de Francavilla , & d'aller fe cam-
'per fous le canon de Palerme. On dit qu'il
a été renforcé par un corps de 3000. hom
mes & de 2. Regimens de Cavalerie . Depuis
la prife de la Ville , les Efpagnolsayant
jugé à propos d'abandonner la Tour
du Fare, les Anglois en ont pris poffeffion,
ce qui rend libre le Port du Paradis . Le
14. le Fort de Caftellaccio fut obligé de fe
rendre à difcretion au Baron de Wachtendonck
Lieutenant General , ainfi que celui
de Matagrifoné au Comte Wallis . Les
deux Baſtions de Sainte Claire & de S..
Blaife, & tous les retranchemens de Terranova
on été pareillement abandonnez . Lat
nuit du 15. au 16. Aouft, les Allemans ouvrirent
la tranchée devant la Citadelle. Ils
ont en batterie 63. pieces de canon & plufieurs
mortiers. Cependant les dernieres
lettres de Naples du 9. portent que
quoiqu'elle fut attaquée fort vivement, elle
fe deffendoit de même.
M. le Marquis de Lede retient en prifon
plufieurs Seigneurs Siciliens qui le
trahiffoient , entr'autres le Prince de la
Scaletta. Ce General a repris fur les Allemans
le Fort de San- Alleffio qui lui a couté
plus de 200. hommes.
La Comteffe de Gallafch cy devant -
DE SEPTEMBRE. 175
Vice- Reine , fe trouvant groffe , eft dans
la refolution de féjourner à Naples jufqu'à
fes couches . L'Amiral Bing êtant revenu
à Baïa avec quelques Vaiffeaux de fon Efcadre,
pour tranfporter des provifions & de
la groffe artillerie pour le Siege de la Cita
delle de Meffine , a tout obtenu du Cardi
nal de Schrottenbach nouveau Viceroi
& il a remis à la voile pour Sicile .
Le Pape continue à donner fes audiences
& à s'occuper aux affaires courantes ,
quoiqu'avec quelque referve , à caufe des
maux de tête aufquels il eft fujet ; fa ref
piration eft même un peu embaraffée, & les
jambes ne fuppurent plus, ce que l'on attribue
aux fueurs univerfelles du corps , produites
par les chaleurs exceffives de cer
efté.
Les differens furvenus entre la Cour de
Rome & le Roi de Sardaigne , ne font
pas encore terminez . Cependant les Evêchez
de Piedmont font prefque tous fans
Paſteurs. On ne fçait pas encore quelle fera
l'iffuë de ces negociations ; mais on croit
qu'il ne fera pas aifé de les conduire à une
bonne fin.
M. le Cardinal de la Tremoille dépêcha
la nuit du 28: au 29. du paffé un Courier
qui porte les Bulles du Grand Prieuré de
France, en faveur de M. le Chevalier d'Orleans
, par la demiffion volontaire de M. le
Grand Prieur de Vendôme, acceptée par le
Piiij
76 LE MERCURE
Pape . On eft perfuadé que S. S. eft dans
l'intention de faire pendant ce mois une
promotion de Cardin. il y a même apparence
que S. S. tiendra un Confiftoire ,
avant que d'aller à Caftel - Gandolfe où elle
doir paffer la faifon d'automne .
On fait le Procés à l'Abbé Vulpini qui .
s'eft avifé de tourner en ridicule les Homelies
du Pape .
On écrit de Milan que , quoique l'argent
foit fort rare dans tout ce Duché , la Cour
de Vienne avoit fait cependant une nouvelle
demande de quatre millions pour pouffer
la guerre en Sicile. Elle a auffi impofé
le dixième fur tous les revenus & les fonds
du Royaume de Naples. La levée de ces
deniers trouvera de grandes difficultez ;
ces Pays êtant entierement épuifez d'ar
gent.
Les lettres de Genes du 18. portent que
les Troupes Imperiales s'étoient embarquées
au nombre de 6. à 7000. hommes à
Vado pour paffer en Sicile , afin d'en pouvoir
achever la conquête. On fe flatte
même qu'aprés cette expedition ,
il
reftera encore un tems fuffilant pour conquerir
la Sardaigne.
Les lettres de Bayonne du 20. portent
que l'on travailloit à miner les Forts &
Châteaux de Fontarabie & de S. Sebaftien ,
pour les faire fauter. M. le Marq. de Cilly,
Lieutenant General , qui a fous les ordres
DE SEPTEMBRE 177
5. Bataillons & quelques Efcadrons , eft
pofté entre Iron & S. Eftevan , d'où il fait
escorter la groffe artillerie que l'on fait
tranfporter à S. Jean- pied -de-port , pendant
que les chemins font beaux , ce qui
n'eft point praticable dans toute autre faifon.
On écrit de Mont-louis , frontiere de
Cerdaigne , que la tête de nos Troupes
qui confifte en cinq Regimens , y arriva
le 20. & qu'elle feroit fuivie de jour à autre
du refte de l'Armée . M. le Marquis de
Bonas Lieutenant General , fait contribuer
, depuis la prife d'Urgel , tout le
Pays qui paroît très-bien difpofé ea nôtre
faveur. Les Miquelets Catalans ne nous
feront pas grand mal , êtant du moins au
tant amis des François que des Caftillans
U
Le Peroquet & le Pigeon
Par JEAN LE POIL.
N Peroquet enflé de vaine gloire
Parfon caquet , étaloit fa memoire
Et l'emportait avec fa forte voix
Sur les Oifeaux de la Ville & des Bois.
Un Pigeon vint , Auditeur benevolle ,
Mais peu touché de mainte faribolle
Que l'Orateur recommencoit toûjours.·
Quand il eut donc fini tous fes difcours
Il commenca d'attaquer de parole
198 LE MERCURE
L'humble animal , & lui dit fierement
Ab que la langue est un bel inftrument
Et Binheureux qui fcait en faire uſage !
Que de plaifirs procure le langage !
Pauvre Pigeon , d'où vient que comme un
fot ,
Tu reftes là fans nous dire un ſeul mot ?
Courage , allons , debite ta harangue ,
Ou fur le champ on coupera ta langue
Comme inutile ; inutile ? non pas,
Répondit il , faites-en plus de cas ,
Redonnés moi ma compagn : fidelle ,
Et j'en ferai bon ufage avec elle.
UN
Le Cheval & le Chien.
> Par LE MESME."
N bean Cheval , qu'avoit Dame
Nature
Fait à plaifir , vantoit fon encolure,
Tête , Poitrail , Croupe & jambes furtour :
Il fe lonoit enfin de bout en bout ;
Sans oublier fon admirable adreffe
Dans le manege , encor moins fa viteße ;
Puis dit au chien ; petit , regarde- moi ,
Des animaux ne fuis- je pas le Roy?
Quel, air ? quel port ? je fuis le vrai modelle
Du noble orgueil pour moi je fuis fidele
Répond le Chien, je me borne là .
C'est fort bienfait , mais c'est peu que cela;
DE SEPTEMBRE. 179
片
De tes talens la lifte n'eft pas ample
Je le fcai bien , mais je vois maint exemple
Chés les humains de ta grande fierté ,
Tu n'en vois point de ma fidelité.
EPITRE
Du Docteur Jeannot à Mle Comte de ....
A
Voués-le , Monfieur le Comte ;
Mais avonés le à vôtre honte ;
Chés vous loin des
yeux,
loin du coeur
Témoin moi , le pauvre Docteur ,
Pauvre Docteur , vôtre Confrere ,
A qui vous ne penses plus guere :
Helas ! Quand vous étiés ici
Les chofes n'alloient pas ainfi
C'étoient amitiés & careffes
Bonsbons de toutes les especes.
Qu'il vous en vint de quelque part ,
Le Docteur en avoit fa part ;
Car dans nos petites affaires
Nous en ufions comme bons freres ,
Quoique tous deux un peu gourmans 3
( Mais laiffons là les complimens. )
Qu'au retour du Jen , de la Chaffe
Vous me vifiés l'oreille baffe ;
L'allarme , comme de raifon
Etoit d'abord àla maifon.
Singe
9
480 LE MERCURE
Dienfait le trouble & le tumulte !
L'on examine , l'on confulte ,
Qu'a le Docteur ? Il n'eft pas bien ;
Le plus fouvent ce n'étoit rien ;
Ce rien jufque dans votre Etude
Alloit porter l'inquietude.
Ces foins , que font - ils devenus ?
Helas , il ne s'en parle plus !
Vous paffes le tems en campagne ,
Heureux comme un Roi de Cocagne ,
Et vous vous embarraſſès peu
A Navarre dans ce beau lieu ,
Où tout bien , tout plaifir abonde
S'il eft quelque Jeannot au monde.
Paffe , que , felon vos defirs ,
Vous goûties la millë plaifirs !
Du moins , comme un ami fidele ,
M'en deviés - vous quelque nouvelle ;
Mais ,pas le moindre petit mot
A ce pauvre Docteur Jeannot.
Jeannot , qui cloné furfon fiege
Maudit , chaquejour , le College
Où , contre fes voeux arrêté,
Pour les gages il eft refté.
Cependant , en bonne police ,
Si l'on m'avoit rendu Juſtice ,
Je meritois bien , entre nous
Des vacances autant que vous.
Vous faves bien en conscience
Jufqu'où j'ai porté la fcience.
En dépit de tous les Pedans .
Je fuis favant jufques aux dents ;
›
DE SEPTEMBRE . 185
C'est un point que je juftifie
Par plus d'une Geographie ,
D'un Apparat , d'un Ŕudiment
Que j'ay devoré do &tement ;
Et qui m'eût voulu laifferfaire ,
Il n'eut été Dictionnaire ,
Ni Virgile , ni Ciceron ,
Qui n'eût paẞé comme un ciron ?
Qu'arrive til au bout du compte ?
Tandis que vous , Monfieur le Comte ,
Vous en alles vous ébaudir
On me laiffe pour reverdir !
Etoit-ce-la ma recompenfe
Mais cher Comte , mon grand ami ,
Laiffons venir la faint Remi.
C'est à ce jour , fans plus long terme ,
Que je vous attends de piedferme :
Tous deux plantés au coin du feu ,
Nous nous verrons à deux de jeu,
A propos , que je ne l'oublie ,
Aportés nous , je vous fuplie ,
En revenant , quelques marons
Qu'auprés du feu nous rôtirons.
Vous Scaves avec quelle grace
Je les attrape , & les reffaffe,
Foi de Jeannot , tout ira bien ,
Et le Pater n'en verrà rien ,
Si vous n'en rempliffés vos poches
Attendés-vous à cent reproches ;
Surtout , n'allés pas , par hazard ,
Cheminfaifant , croquer ma part ;
Car ,fur pareille tricherie.
18.2
LE MERCURE
>
Jeannot n'entend pas raillerie .
Bien lefaves : En attendant
Tenés- vous joyeux & content s
Et faites fur cette femonce,
Quelque petit mot de réponfe
A votre Zeléferviteur
Jeannot , furnommé le Docteur.
EPITR F
Par M. A ... à MADAME ***
Be rimer icy quelque chose.
Elle Philis , je me propofe
Je dis quelque chofe , & c'est tout ;
Car , fans mentir , je fuis au bout
De mon latin , & puis ma place
Eft vacante fur le Parnaffe
Dés
que
la vôtre l'eft ici.
Objet de crainte & de foucy
Je ne fens plus ce beau delire
Qu'il faut pour bien toucher la Lyre ,
Et ce Diable de la •
M'a ja rendu tout hebeté.
Mais après tout , que vous importe
Que ma Mufe foit vive on morte ?
Aujourd'huy mil'e amuſemens
S'emparent de tous vos momens.
D'Amours , une troupe fertille ,
Les charmes qu'offrent une Ville
Où le plaifir eft enchaîné ,
د
DE SEPTEMBRE
.
183
7
Tout cela bien examiné
Vaut fur mafoi mieux que ma rime ,
Surtout quand le chagrin la prime.
A nous les pleurs , à vous les Ris ,
A Venus vous les avés pris ,
Pour accompagnerfur vos traces
Les Jeux folaftres & les graces.
C'eft bien fait , mais de notre lot
Corrigez le deftin fallot :
Plaignez nôtre trifte avanture ,
Et par quelque peu d'écriture
Dites- nous que vous voulez bien
Que nous ne jouiffions de rien ,
Tant que durera vôtre abfence
Et que bien tôt vôtre prefence
Chaffera l'ennuy qui nous fuit
Comme le foleil fait la nuit .
Du refte , enjoie & en ieffe
Paffez votre aimable jeuneffe.
Pour moi , plongé dans mon chagrin,
A cette Epitre je mets fin.
Jamais l'eau du facré Permeffe
Narrofe un coeur plein de trifteffe ,
Et c'est la caufe encore un coup ,
Pourquoy je finis tout d'un coup.
#84 LE MERCURE
Le mot de la premiere Enigme du mois
paffé , étoit la Barbe ; & la feconde , Les
Dents.
D
ENIGM E.
E mille vaftes corps infailliblefecours,
J'affûre leur repos & les nuits & les
jours :
Je conduis les Mortels dans la paix , dans
la guerre;
Et quoique fille de la Terre ;
Sans mes admirables refforts
Bien fouvent ils feroient d'inutils efforts i
Mais cependant, mon miniftere
N'eft pas toujours , ny partout neceffaire.
Mon corps d'un autre corps emprunte Sa
vertů ,
Ce dernier aux Humains fi long-tems inconnu.
Luy-même digne objet des plus fcavantes
eilles ,
D'une Secte au Levant fait , dit- on , les
merveilles .
Pour moi faite au danger, fur les plus vaftes.
Mers ,
J'affronte fans dégoût , l'Onde & les flots
amers.
Yous , qui pour m'expliquer par des raisons
fondées ,
Sondez
DE SEPTEMBRE. 185
Sondez le creux de vos idées ,
Qui pretendez tirer la verité des puits ,
Philofophes rêveurs , devinez qui je fuis.
M
AUTR E..
On corps est fort folide, ainfi qu'on
le peut voir ;
·
Mais mon chef eft leger & facile à mous
voir
Je n'habite jamais aucun lieu bas ny for
bre ,
Ne pouvant pas fervir fi l'on me met
l'ombre ;
Je fers pourtant fouvent de retraite anx
Voleurs ;
Et du refté du vol j'en fais vivre plufieursa-
Nie
Ous donnâmes, l'année derniere dans
le Mercure de Septembre 1718 ,
un Menuet de Mademoiſelle Antier qui eft :
devenu par la fuite un Vaudeville ; ce qui
eft la marque la plus certaine qu'un air
plaît. Voici aujourd'huy deux autres Me--
nuets faits pour la fête d'Autcüil par la
même Demoifelle. On me fçaura peut--
tre gré de parler en peu de mots de l'éta--
bliffement de cette fête , qui fuivant tou--
tes les apparences , continuera tous les ans.
Mademoiſelle Antier , fameufe Actrice
Q
186 LE MERCURE
de l'Opera , a une Maifon de campagne
à Auteuil fur le bord de la Seine . Il y a
trois ans que le fieur Marcel , celebre
Danfeur de la même Academie , s'avifa de
donner le jour de la N. D. d'Aouft à
cette Actrice un Bal dont elle fut la Reine,
& lui le Roi. Il s'y trouva beaucoup de
Maſques qui y vinrent en caroffes , & qui
s'en retournerent trés- contens . L'année :
fuivante , M. le Prince de Conti ordonna
au fieur Thevenard , premier Acteur
de l'Opera , de continuer le même Bal &
d'en être le Roi avec la même Demoiſelle.
Il y eut une affluence prodigieufe de
Malques de toutes fortes de conditions
, un concert d'inftrumens de Mufique
dans des bateaux fur la Riviere , &
un feu d'artifice , avec des lampions.
fur tous les arbres de la Prairie : Cette
fête fut des plus galantes & dura jufqu'au
lendemain. Ce fut M. le Prince de Conti
qui fournit à toutes les dépenfes de ce fecond
Bal . La même fête s'eft renouvellée
cette année aux frais des fieurs Thevenard
& Marcel ; Mademeiſelle Antier ayant
encore été la Reine avec ce dernier .
cores vn coup а
re Regne encor dansmon
X
livre à toi .
raison :
on :
: Elle m'aban..
X
achus rend les armes:
DE
SEPTEMBRE 187.
CHANSON.
Premier Menuet .
A
ز
Cheve ta victoire 3
Verſe ton jus
Divin Bachus ;
Encore un coup à boire ,
Et je n'aime plus.
Quoi ! l'amoureuse flamme
Regne encor dans mon ame !!
Verfe , verfe , enyore moi ,
Bachus , je me livre à toi.
Second Menuet..
LE jús de la Tonne
Commence en vain à troubler ma raifon
Elle m'abandonne ;
L'Amour tient toûjours bon
Afes charmes
Bachus rend les armes :
Non , cefatal vainqueur
Ne peut fortir de mon coeur.
Qij
188 LE MERCURE
***********************客 *
JOURNAL DE PARIS.
E premier de Septembre , jour de
l'Anniverfaire du Roy Louis XIV..
Sa Majefté entendit dans la Chapelle des
Tuilleries , la Melle de Réquiem chantée:
par la Mufique ; & le 5 : on celebra dans .
Î'Eglife de l'Abbaye Royale de Saint De
nis , un Service pour le repos.de fan Ame
où l'Evêque de Dol officia. Le Comte de
Toulouze , plufieurs Prelats , Seigneurs :
& Dames de la Cour , s'y trouverent , de :
même que la plupart des Officiers du feu
Roy.
Le 2. on fit à Saint Denis un Service:
folennel pour feue Madame la Ducheffe de:
Berri : Tous les Officiers de fa Maifon ,
ainfi que. les Dames du Palais , s'y rendirent
la veille , pour affifter aux Vêpres
qui furent chantées par la Mufique du
Roy , & où officia M. l'Archevêque de
Toulouze , affifté de Mrs les Evêques de
Sées & d'Alais. Le lendemain , le même
Archevêque celebra la Grande Meffe avec
les ceremonies ordinaires . On avoit dreffé
au milieu du Choeur unfuperbe Catafalque,
qui étoit couvert d'un drap noir , parfemé
d'hermines & de fleurs de Lys d'or. On
voïoit de diftance en diftance les Armes &
DE SEPTEMBRE 189
les Chifres de la Princeffe, avec un Luminaire
des plus nombreux & des mieux ordonnés.
Le pavé du Choeur, toute l'Eglife
& le devant de la porte , étoient tendus de
noir , & chargés d'Ecuffons aux Armes
de Berri & d'Orleans.. Aux quatre coins
du Catafalque étoient affis quatre Heraults
d'armes avec leurs Kabits de ceremonie , &.
leurs bâtons fleurdelifés , le Roy d'armes
êtant à la tête , vêtu de même. Au- deffus
du Catafalque étoient placés Mrs les Ab
Bez de Rouget , d'Avejan &.du Tremblai,
Aumôniers de la Princeffe , tous en Rochet.
Au tour , étoient Madame la Du--
cheffe de Saint Simon, Dame d'Honneur,
Madame la Marquise de Pons , Dame d'Atours
, Mefdames les Marquifes d'Armentiers
, de Braflac , de Laval & d'Arpajon
, Dames du Palais . M. le Marquis de
Coëtenfao Chevalier d'Honneur , M. le
* Chevalier de Hautefort premier Ecuyer ,
M. le Comte d'Uzés Capitaine des Gardes,
& M. le Comté de Saumery premier Maître
d'Hôtel , y étoient tous en manteau
long , ainfique les autres Officiers . A l'Offrande
, le Roy d'Armes , avant que d'approcher
de l'Autel , fit une profonde reverence
; il en fit une enfuite au Mauſolée
du feu Roy , & une autre au Clergé qui
étoit compofé de plus de trente Evêques.
En revenant , il en fit une au Catafalque ,
une à M. le Duc de Chartres , à Made
192 LE MER CURE
M. le Duc de Nevers & M. le Marquis
de Mancini fon frere , ont vendu au Roy
moyennant la fomme de 300. mille livres ,
le Palais Mancini qui eft à Rome, & qu'on
appellera dorefnavant le Palais de France::
Il eft destiné pour loger nos ! Ambaffadeurs
. On eft en marche pour acheter celui
de Chigi , & fi on le conclut , on n'en fera
qu'un des deux.
M. Lavy êtant allé dîner avec toute fa
famille à l'Hôpital general , remit entre les
mains de Madame Pataclin Superieure de
cette Maiſon , une cedule , par laquelle il
donnoit so. mille livres à cet Hôpital . II
avança la premiere année.
.deBeauveau , qui a époufé Mademoiſelle
de Fefnes , a eu la Lieutenance
des Gardes de M. le Duc de Chartres.
་
Depuis que M. Fagon n'eft plus chargé
de la Direction des Fermes , il occupe pour
M. de la Houffaye dans toutes les affaires
qui rouloient fur ce dernier .
M. de Ricouart d'Erouville , Maître
d'Hôtel du Roy , & M. fon fils , Brigadier
des Armées de Sa Majefté , reçû en
furvivance de Maître d'Hôtel , ont vendu
à M. Ourfin de Poligny , fils de M. Ourfin
Receveur General des Finances , cette
Charge qui étoit depuis plus de cent ans
dans leur Famille .
M. de Maffol de Colonges , Gentilhomme
Ordinaire du Roy , a vendu fa
Charge
DE SEPTEMBRE. 193
Charge à M. de la Baune , fils de M. de
la Baune Maître des Comptes , & ci-devant
Secretaire de l'Ambaffade de Portugal
prés M. l'Abbé de Mornay.
M. l'Abbé de la Croix , Chapelain da
Roy , Abbé de Saint Julien de Tours ,
Obeancier & Chef du Chapitre de l'Eglife
Collegialle de Saint Juft de Lyon , &
Grand Vicaire de M. l'Archevêque de
cette Ville , a vendu fa Charge de Chape→
lain du Roy , à M. l'Abbé Chatelain fils
de feu M. Chatelain , Ecuyer - bouche du
Roy , frere du Controlleur de ce nom .
Le Roy d'Efpagne a fait prefent au Cardinal
Alberoni d'une Terre de 100 ,
mille écus de rentes.
Les fonds des Terres font portez fi
haut , que
celles de 15. & 20. mille livres
de rentes, font venduës jufqu'à un million)
& 1200. cent mille livres.
M. Bogue , Lieutenant des Cent- Suiffes
, qui a fervi long-tems avec diftinction
dans les Armées du Roy , a obtenu une
penfion de 1200. liv. il en avoit déja une
de 800. livres.
M. le Comte de Vertus , a vendu fon
Enfeigne des Gendarmes du Roy à M. le
Marquis de Valbelles ; & quoique M. le
Comte de Vertus n'eût que 21. ans de fervice
, M. le Regent a bien voulu lui accorder
la difpenfe de 4. ans , pour avoir fon
rang de Veterand.
Septembre 1719.
1
196 LE MERCURE
voit faire la Ceremonie.
Les chofes ainfi difpofées , les Gardes du
Corps de S. A. R. la Compagnie des
Cent- Suiffes , avec une autre Compagnie
des Gardes- Suiffes , tous commandez par
leurs Officiers , êtant chacun dans leurs
poftes , pour garder les dedans & les dehors
, tant de l'Eglife que de l'Abbaye ,
Madame , Monfeigneur le Duc d'Orleans,
M. le Duc de Chartres , & Mademoiselle,
arriverent. La Ceremonie commença fur
les dix heures & demie. Le Clergé en Surplis
, & les Benedictins de la Congregation
de Saint Maur,qui devoient fervir à l'Autel
, êtant revêtus de leurs Aubes , allerent
prendre S. E. à fon Apartement ,
tandis que les premiers Officiers de Madame
& de S, A. R. conduifoient les Princes
& Princeffes à l'Eftrade qu'on leur
avoit préparé ; Madame à fon Prie Dieu
& à fon Fauteuil , M. le Regent , M. le
Duc de Chartre , Mademoiselle , & Mademoiſelle
de Soiffons , fur leurs plians,
Les Religieufes de l'Abbaye , les Abbeffes
& les Religieufes étrangeres , précederent
deux à deux Madame d'Orleans pour fon
entrée au Cheeur. La Princeffe êtant placée
fur fon Prie Dieu , S. E. commença la
la Meffe , pendant laquelle la Mufique du
Roy chanta un Motet qui dura jufqu'à l'Épître.
Alors , Dom Silveftre de la Brouë,
Grand- Maître des Ceremonies de l'AbDE
SEPTEMBRE. 197
"
Toutes
ا
Baye de Saint Denis , fut inviter Madame
de venir à l'Autel : Elle y vint , fuiv e'
de fes deux Chapelines , Madame de Fretreville
, & Madame de Marans , ainfi que
de fa Porte-Croffe , Madame de Labar.
La Princeffe avoit à fa droite pour premie
re Affiftante , Madame d'Auvergne , Abbeffe
de Saint Remy de Villerscotteret
fuivie de fes deux Chapelines , Mefdames
de la Foffe & de Lagonné ; & pour fe
conde Affiftante , Madame Perault , Abbeffe
du Val de Grace, fuivie pareillement
de fes deux Chapelines , Mefdames de
Breauté & d'Artagnani
arrivées à l'Autel, aprés les faluts marqués,
chacune placée dans l'ordre qui lui étoit
preferit , Madame d'Orleans fit le Serment
accoutumé en pareille Ceremonie ,
aprés lequel elle fe profterna du côté de l'Evangile
pendant que l'on chantoit les Litanies.
Cela fait , S. E. ayant recité les
Oraifons fur la Princeffe , les deux Dames
Affiftantes la releverent ; après quoi , s'êtant
remiſe à genoux au milieu de l'Autel ,
M. le Cardinal affis dans fon Fauteuil ,
mit entre les mains de Madame d'Orleans
la Regle de Saint Benoit , & lui donna le
Voile , puis la Croffe , enfin l'Anneau. Le
tout fut preſenté à S. E. par les Chape
lains de la Princeffe dans des plats-baffins
de vermeil. Auffitôt , toutes les Dames
précedées par le Maître des Ceremonies
Riij
198 LE MERCURE
s'en retournerent au Prie- Dieu de Mada
me d'Orleans , dans le même ordre qu'elles
étoient venuës , faiſant chacune , en paſfant,
une profonde inclination à Madame.
A l'Offrande , Madame d'Orleans retourna
à l'Autel avec les mêmes ceremonies ,
& offrit à Son Eminence deux cierges ,
deux pains & deux barils , qui lui furent
prefentés par fix Religieux revêtus en Aubes
& Tuniques . La Princeffe revenue à
fon Prie- Dieu avec toute fa fuite , y refta
à genoux jufqu'aux Agnus de la Meffe.
Alors , le Maître des Ceremonies vint
pour la conduire à la Communion . La Princeffe
ne fut précedée que de fes deux Chapelines
pour tenir la nape . Madame l'Abbeffe
ayant communié avec une pieté , &
un recueillement , qui tirerent les larmes -
des Affiftans , elle revint avec la même modeftie
qu'elle étoit allée ; & arrivée à fon.
Prie- Dieu , elle y demeura profternée jufqu'à
la fin de la Meffe , pendant laquelle
y ût une grande & belle Mufique .
La Meffe finie , Son Eminence précedée
de fon Clergé , & de douze Officiers Religieux
en Tuniques , vint prendre Madame
d'Orleans à fon Prie- Dieu , la conduifit
à fon Siege Abbatial , l'y intrônifa , &
entonna le Te Deum qui fut chanté par la
Mufique. La Princeffe s'êtant affife dans
fon Fauteuil , M. le Cardinal retourna à
l'Autel , précedé defes Officiers , comme
DE SEPTEMBRE. 199
en venant. Alors , Madame d'Auvergne
premiere Affiftante , & Madame Perrault
qui étoit la feconde , baiferent la main de
Madame l'Abbeffe qui les embraffa comme
toutes les fuivantes , qui furent 1c.
Madame de Grancey , Abbeffe du Parc
aux Dames , & Madame de Montpipeau
Abbeffe de Montmartre ; enfuite Madame
de Rouffi de Roye , Abbeffe de Saint
Pierre de Rheims , & Madame de Roucille
Abbeffe de Nôtre- Dame des Prez ,
Madame de Moucy , Abbeffe de Mondenis
, & Madame de Meneftrel , Abbeffe de
Saint Corentin . Suivit Madame de Brion ,
Coadjutrice de Saintes avec la Prieure de
l'Abbaye de Chelles : Toutes les Religieufes
, tant de la Maifon que les étrangeres ,
vinrent deux à deux faire le même falut à
Madame l'Abbeffe ; elles furent fuivies des
Penfionnaires & des Soeurs Converſes. Le
Te Deum finit avec la Ceremonie . Les
Princes & Princeffes fe retirerent dans le
grand Appartement , & Son Eminence dans
le fien. Les Abbeffes & les Religieufes
conduifirent Madame d'Orleans chez elle .
Jamais Ceremonie ne s'eft faite avec plus
d'ordre , jamais auffi Princeffe n'a - t'elle
plus édifié, ni plus touché le coeur des Affiftans
, que Madame l'Abbeffe . Elle a fait
toutes fes fonctions avec une pieté , une
grace , une majefté , & un recueillement
qui ont charmé toute l'Affemblée , à la-
Riiij
200 LE MERCURE
quelle , outre Son Eminence , fe trouve
rent M. de Matignon , ancien Evêque dè
Condom ,& M. l'Abbé de Caftries , nommé
à l'Archevêché de Tours , qui étoient
dans le Sanctuaire. M. de Treffan , Evêque
'de Nantes , étoit fur l'Eftrade , à côté de
S. A. R. en qualité de fon premier Aumônier.
Tous les Seigneurs & Dames de la
Cour de Madame & de Monfeigneur le
Regent , ont efté prefents à cette augufte
Ceremonie. Le Repas fut des plus fuperbes
, par l'abondance , la délicateffe , la
propreté , & le grand ordre avec lequel
tous les mets furent fervis fur chaque Table
differente. Celles , tant du dehors que
du dedans , comprenoient plus de 600.
couverts. Madame mangea avec S. A. R' .
M. le Duc de Chartres , Mademoiſelle , &
Mademoiſelle de Soiffons. Madáme d'Orleans
, par politeffe pour les Etrangeres ,
fe mit à la Table des Abbeffes & Religieufes
du dehors , qui toutes avec quelques
Religieufes de la Maifon , compofoient une
Table de 40. couverts . Madame d'Orleans
a fait des Prefens magnifiques aux Abbeſſes
qui font venues à la Ceremonie de fa Benediction.
A celles dont les Maiſons font
pauvres , la Princeffe à donné de l'argent :
Aux autres
des Bagues & des Bijoux de
prix.
On augmente de 6000. livres le Gou
vernement d'Aunis en faveur de M. le MaDE
SEPTEMBRE. 20%
réchal de Matignon , & ces 6000. livres -
pafferont aprés la mort à M. le Chevalier
de Matignon fon fils Cadet.
Le 17. M. le Duc de Chartres prêta ferment
entre les mains du Roy , en preſence
de Mgr le Duc d'Orl . pour le Gouvern
de Dauphiné.
Madame la Ducheffe du Maine a
quitté la maiſon de campagne de l'Ab . de
Citeaux , pour aller dans le Château de
Chanlay ou cette Princeffe fera beaucoup
plus commodement .
Le Prieuré de Monoyes D. d'Angers
O de Grammont , vacque par la mort de
M. l'Abbé Chartan. L'Abbé de Grammont
, aprés fon Election , a droit de
nommer aux quatre premiers Prieurés va
cans.
M. d'Entredeuxmons , Prêtre , ci-dea
vant Maître des Comptes à Dijon , a été
poftulé pour être General du Val des
Choux , O. de C. D. de Langres.
•
M. de Berulle , Maître des Requeftes,
fils du premier Prefident du Parlement
de Grenoble , a été reçû en furvivance
pour exercer la charge de M. de Berulle
fon pere aprés fa mort.
M. le Duc d'Eftrées a vendu 320. mil
190 MERCURE LE
moiſelle de Valois , à M. le Duc , à Mademoiſelle
de Charolois , à M. le Comte de´
Clermont , à Mlle de Clermont , au Parlement,
à la Chambre des Comptes , à la Cour
des Aydes , à la Cour des Monnoyes , à
l'Univerfité & à la Ville . Enſuite le Roy
d'Armes alla fe placer au coin de l'Epître...
M. des Granges , Maître des Ceremonies ,
alla prendre M. le Duc de Chartres , qui
conduifit à l'Offrande Mademoiſelle de
Valois , dont la queue de la Mante étoit
portée par M. le Marquis de Conflans &
par M. le Marquis de Sabran , en faisant
les reverences ordinaires . Un autre Maître
des Ceremonies alla prendre M. le Duc qui
donna la main à Mademoiſelle de Charolois
, dont la queue de la Mante étoit por
tée par M. le Marquis de Laigle , & par
M. le Chevalier de Fimmarcon. M. le
Comte de Clermont donna la main à Mademoiſelle
de Clermont , dont la queuë de
la Mante étoit portée par M. le Marquis
de Jars , & par M. le Comte de Pons . La
Meffe finie , la Mufique du Roy chanta
un De profundis . M. l'Archevêque de
Toulouze , Mrs les Evêques de Sées , d'Alais
, de Lavaur & de Xaintes , firent chacun
à leur tour les abfoutes & encenfemensau
tour du Catafalque. Dés le même jour
la Maifon de feuë Madame la Ducheffe de
Berri , qui étoit compofée de plus de 800
Officiers , fut caffée.
DE SEPTEMBRE. 191
Le 3. les
Bateliers
vêtus
d'habits
uniformes
, allerent
au
nombre
de
plus
de
cinquante
, au
Palais
des
Tuilleries
d'où
le Roy
les vit
défiler
. L'aprés
midi
, ils joûterent
& tirerent
l'Oye
en prefence
de
Sa
Majefté
, qui
prit
beaucoup
de
plaifir
à
cette
petite
fête
.
Outre le Marquifat de Senonches qui revient
à Madaine la Princeffe de Conti feconde
Douairiere , par l'accommodement
fait entre la Maifon & celle de Condé ,
elle a encore eu 100. mil livres comptant ,
& une augmentation de ze. mille écus de
Penfion , & non 200. mille livres comme
en l'avoit fauffement avancé. M. le Duc a
rendu vifite à cette Princeffe , pour lui
témoigner la fatisfaction qu'il avoit de la
conclufion de cet accommodement .
Le 6. le Roy quitta le deuil de feue
Madame la Ducheffe de Berri ; fa Maiſon
continuera cependant à le porter encore fix
femaines.
Le grand Procés , qui duroit depuis
103. ans entre M. le Duc de Luxembourg,
& M. le Marquis de Beon , fut jugé le 6.
au Parlement à l'avantage du premier ; M.
de Beon ayant été débouté de toutes fes
demandes , prétentions , &c. & condanné
aux frais. Cet Arreft notable affûre à
perpetuité à M. le Duc de Luxembourg
& à fes Defcendans , les belles Terres de
Ligny, & de Piney,fituées dans le Duché
de Bar
192. LE MERCURE
M. le Duc de Nevers & M. le Marquis
de Mancini fon frere , ont vendu au Roy
moyennant la fomme de 300 mille livres ,
le Palais Mancini qui eft à Rome , & qu'on
appellera dorefnavantle Palais de France::
Il eft deftiné pour loger nos Ambaffadeurs.
On eft en marche pour acheter celui
de Chigi , & fi on le conclut , on n'en fera ·
qu'un des deux.
M. Lavy êtant allé dîner avec toute fa
famille à l'Hôpital general , remit entre les
mains de Madame Pataclin Superieure de
cette Maiſon , une cedule , par laquelle il
donnoit so. mille livres à cet Hôpital . 11 *
avança la premiere année.
.deBeauveau , qui a époufé Mademoiſelle
de Fefnes , a eu la Lieutenance
des Gardes de M: le Duc de Chartres.
Depuis que M. Fagon n'eft plus chargé
de la Direction des Fermes , il occupe pour
M. de la Houffaye dans toutes les affaires
qui rouloient fur ce dernier.
M. de Ricoüart d'Erouville , Maître
d'Hôtel du Roy , & M. fon fils , Brigadier
des Armées de Sa Majefté , reçû en
furvivance de Maître d'Hôtel , ont vendu
à M. Ourfin de Poligny , fils de M. Ourfin
Receveur General des Finances , cette
Charge qui étoit depuis plus de cent ans
dans leur Famille .
M. de Maffol de Colonges , Gentilhomme
Ordinaire du Roy , a vendu fa
Charge
DE SEPTEMBRE. 193
Charge à M. de la Baune , fils de M. de
la Baune Maître des Comptes , & ci-devant
Secretaire de l'Ambaffade de Portugal
prés M. l'Abbé de Mornay.
M. l'Abbé de la Croix , Chapelain da
Roy , Abbé de Saint Julien de Tours ,
Obeancier & Chef du Chapitre de l'Eglife
Collegialle de Saint Juft de Lyon , &
Grand Vicaire de M. l'Archevêque de
cette Ville , a vendu fa Charge de Chapelain
du Roy , à M. l'Abbé Chatelain fils
de feu M. Chatelain , Ecuyer-bouche du
Roy , frere du Controlleur de ce nom .
Le Roy d'Efpagne a fait prefent au Cardinal
Alberoni d'une Terre de 100,
mille écus de rentes.
Les fonds des Terres font portez fi
haut , que celles de 15. & 20. mille livres
de rentes, font venduës jufqu'à un million
& 1200. cent mille livres .
M. Bogue , Lieutenant des Cent- Suiffes
, qui a fervi long- tems avec diftinction
dans les Armées du Roy , a obtenu une
penfion de 1200. liv. il en avoit déja une.
de 800. livres.
?
M. le Comte de Vertus , a vendu fon
Enfeigne des Gendarmes du Roy à M. le
Marquis de Valbelles ; & quoique M. le
Comte de Vertus n'eût que 21. ans de fervice
, M. le Regent a bien voulu lui accorder
la difpenfe de 4. ans , pour avoir fon
rang de Veterand.
Septembre 1719.
1
194 LE MERCURE
Le 11. M. le Prince de Conti arriva en
fon Hôtel de l'Armée de Navarre..
On travaille à la Vie du P. Malbranche ,
à laquelle on joindra l'Analife de fes Ou
vrages in-quarto.
On donne à M. le Grand Prieur de
Vendofme , 9000. livres de penfion par
mois & fon logement au Temple , fa vie
durant , pour la ceffion qu'il a faite du
Grand Prieuré de France à M. le Chevalier
d'Orleans.
M. de Cereft , frere de M. le Marquis
de Brancas , a obtenu une penfion de 4000 .
livres de rentes.
>
.Le Roy a créé en faveur de M. le Marquis
de Lambert un Gouvernement à
Auxerre , qui lui rapportera 8000. livres
d'apointemens ; & les 4000. livres de perfion
qu'il avoit , ne fubfifteront plus par
cette nouvelle gratification .
M. de Pleneuf , beau- pere de M. le masquis
de Prié , eft de retour de Turin. Il
eft prefentement occupé à s'accommoder
avec fes Créanciers.
&
On incorpore le Regiment des Bombardiers
dans celui de Royal Artillerie ;
pour dédommager M. Deftouches qui
eft Lieutenant Colonel de ce Regiment ,
la Cour lui a accordé 1000, livres de
penfion.
La Benediction de Madame d'Orleans
'Abbeffe de Chelles , ayant été fixée au 14.
4
DE
SEPTEMBRE .
195
de ce mois , jour de l'Exaltation de Sainte
Croix , S. A. R. Monieigneur le Duc
d'Orleans , donna les ordres neceffaires
pour que tout le paffât avec une magnificence
qui ne laiffat rien à defirer .
La décoration de l'Eglife a été des plus
belles & des mieux entenduës. Tout ce
qu'on peut voir de plus riche & de plus
magnifique , en Tapifleries & en Tapis ,
s'y faifoit voir . Les murs de l'Eglife & les
chaifes du Choeur , étoient ornées de Tapifferies
; le pavé , depuis le bas du Choeur
jufqu'au Maître Autel , étoit couvert de
Tapis , & la grille , qui fépare du dehors ,
le Choeur des Dames de l'Eglife , étoit pareillement
ornée de Tapifferies . Au bas du
Choeur , on voyoit la Place de Madame
l'Abbeffe . C'étoit un Dais de velours violet
, des plus riches , relevé d'une broderie
d'or la plus belle , avec un grand Tapis &
un fauteuil , dont S. A. R avoit fait prefent
à la Princeffe fa fille . Au haut du
Choeur , étoit un Prie Dieu pour Madame
l'Abbeffe pendant l'Office . Auprés
des baluftres de marbre qui ferment le
Sanctuaire , étoit élevée du côté de l'Epître
une grande eftrade , couverte d'un
grand Tapis de velours rouge , pour les
Princes & les Princeffes qui devoient fe
trouver à Chelles; enfin dans le Sanctuaire ,
du même côté de l'Epître, étoit le Trône de
S. E. M. le Cardinal de Noailles qui de-
-
Rij
186 LE MERCURE
de l'Opera , a une Maifon de campagne
à Auteuil fur le bord de la Seine. Il y a
trois ans que le fieur Marcel , celebre
Danfeur de la même Academie , s'avifa de
donner le jour de la N. D. d'Aouſt à
cette Actrice un Bal dont elle fut la Reine,
& lui le Roi. Il s'y trouva beaucoup de
Mafques qui y vinrent en caroffes , & qui
s'en retournerent trés- contens . L'année :
fuivante , M. le Prince de Conti ordonna
au fieur Thevenard , premier Acteur
de l'Opera , de continuer le même Bal &
d'en être le Roi avec la même Demoiselle .
Il y eut une affluence prodigieufe de
Malques de toutes fortes de condi--
tions , un concert d'inftrumens de Mu-.
fique dans des bateaux fur la Riviere , &
un feu d'artifice , avec des lampions
fur tous les arbres de la Prairie : Cette
fête fut des plus galantes & dura jufqu'au
lendemain. Ce fut M. le Prince de Conti
qui fournit à toutes les dépenfes de ce fecond
Bal. La même fête s'eft renouvellée
cette année aux frais des fieurs Thevenard
& Marcel ; Mademeifelle Antier ayant
encore été la Reine avec ce dernier.
I
ncore un coup a
re Regne encor dans mon
X
a
livre à toi .
raison : Elle m'aban..-
X
achus rend les armes:
YORK
SARY
ASTOR
VENCK
AND TILDEN
PONDATIONS
1
DE
SEPTEMBRE 187.
CHANSON.
Premier Menuet.
A
Cheve ta victoire
ز
Verſe ton jus
Divin Bachus ;
d
Encore un coup à boire ,
Et je n'aimeplus.
Quoi ! l'amoureufe flamme
Regne encor dans mon ame!
Verfe , verfe , enyore moi ,
Bachus , je me livre à toi..
Second Menuet..
LE jús de la Tonne
Commence en vain à troubler ma raison :
Elle m'abandonne ;.
L'Amour tient toûjours bone
Afes charmes
Bachus rend les armes :
Non , cefatal vainqueur
Ne peutfortir de mon coeur. »
Qiji
188 LE MERCURE
20********* **00100000⠀⠀
JOURNAL DE PARIS.
LE premier de- Septembre , jour de
l'Anniverfaire du Roy Louis XIV..
Sa Majefté entendit dans la Chapelle des
Tuilleries , la Melle de Réquiem chantée:
par la Mufique ; & le 5 : on celebra dans .
Î'Eglife de l'Abbaye Royale de Saint De
nis , un Service pour le repos de fon Ame
où l'Evêque de Dol officia. Le Comte de
Toulouze , plufieurs Prelats , Seigneurs:
& Dames de la Cour , s'y trouverent , de:
même que la plupart des Officiers du feus
Roy.
Le 2. on fit à Saint Denis un Servicefolennel
pour feuë Madame la Ducheffe de
Berri : Tous les Officiers de fa Maiſon
ainfi que les Dames du Palais , s'y rendirent
la veille , pour affifter aux Vêpres
qui furent chantées par la Mufique du
Roy , & où officia M. l'Archevêque de
Toulouze , affifté de Mrs les Evêques de
Sées & d'Alais. Le lendemain , le même
Archevêque celebra la Grande Meffe avec
les ceremonies ordinaires . On avoit dreflé
au milieu du Choeur un fuperbe Catafalque,
qui étoit couvert d'un drap noir , parfemé
d'hermines & de fleurs de Lys d'or. On
voïoit de diftance en diftance les Armes &
DE SEPTEMBRE 189
les Chifres de la Princeffe,avec un Luminaire
des plus nombreux & des mieux ordonnés.
Le pavé du Chour, toute l'Eglife
& le devant de la porte , étoient tendus de
noir , & chargés d'Ecuffons aux Armes
de Berri & d'Orleans .. Aux quatre coins
du Catafalque étoient affis quatre Heraults
d'armes avec leurs Kabits deceremonie , &
leurs bâtons fleurdelifés , le Roy d'armes
êtant à la têtes, vêtu de même. Au- deffus
du Catafalque étoient placés Mrs les Ab
bez de Rouget , d'Avejan &.du Tremblai,
Aumôniers de la Princeffe , tous en Rochet.
Au tour , étoient Madame la Du--
cheffe de Saint Simon , Dame d'Honneur,
Madame la Marquife de Pons , Dame d'Atours
, Mefdames les Marquifes d'Armentiers
, de Braffac , de Laval & d'Arpajon
, Dames du Palais . M. le Marquis de
Coëtenfao Chevalier d'Honneur , M. le
Chevalier de Hautefort premier Ecuyer
M. le Comte d'Uzés Capitaine des Gardes,
& M. le Comté de Saumery premier Maî
tre d'Hôtel , y étoient tous en manteau
long , ainfi que les autres Officiers . A l'Offrande
, le Roy d'Armes , avant que d'approcher
de l'Autel , fit une profonde reverence
; il en fit une enfuite au Mauſolée
du feu Roy, & une autre au Clergé qui
étoit compofé de plus de trente Evêques.
En revenant , il en fit une au Catafalque ,
une à M. le Duc de Chartres , à Made-
>
190 LE MERCURE
moiſelle de Valois , à M. le Duc , à Mademoifelle
de Charolois , à M. le Comte de
Clermont , à Mlle de Clermont , au Parlement,
à la Chambre des Comptes , à la Cour
des Aydes , à la Cour des Monnoyes , à
l'Univerfité & à la Ville . Enſuite le Roy
d'Armes alla fe placer au coin de l'Epître.
M. des Granges , Maître des Ceremonies,
alla prendre M. le Duc de Chartres , qui
conduifit à l'Offrande Mademoiſelle de
Valois , dont la queuë de la Mante étoit
portée par M. le Marquis de Conflans &
par M. le Marquis de Sabran , en faifant
les reverences ordinaires . Un autre Maître
des Ceremonies alla prendre M. le Duc qui
donna la main à Mademoiſelle de Charolois
, dont la queuë de la Mante étoit por
tée par M. le Marquis de Laigle , & par
M. le Chevalier de Fimmarcon. M. le
Comte de Clermont donna la main à Mademoiſelle
de Clermont , dont la queuë de
la Mante étoit portée par M. le Marquis
de Jars , & par M. le Comte de Pons . La
Meffe finie , la Mufique du Roy chanta
un De profundis . M. l'Archevêque de
Toulouze , Mrs les Evêques de Sées , d'Alais
, de Lavaur & de Xaintes , firent chacun
à leur tour les abfoutes & encenfemens
au tour du Catafalque. Dés le même jour
la Maifon de feue Madame la Ducheffe de
Berri , qui étoit compofée de plus de 800.
Officiers , fut caffée.
:
DE SEPTEMBRE. 191
"
Le 3* les
Bateliers
vêtus
d'habits
uniformes
, allerent
au
nombre
de
plus
de
cinquante
, au
Palais
des
Tuilleries
d'où
le Roy
les
vit
défiler
. L'aprés
midi
, ils
joûterent
&
tirerent
l'Oye
en
prefence
de
Sa
Majefté
, qui
prit
beaucoup
de
plaifir
à
cette
petite
fête
..
Outre le Marquifat de Senonches qui revient
à Madame la Princeffe de Conti feconde
Douairiere , par l'accommodement
fait entre la Maifon & celle de Condé
elle a encore eu 100. mil livres comptant ,
& une augmentation de ze . mille écus de
Penfion , & non 200. mille livres comme
on l'avoit fauffement avancé. M. le Duc a
rendu vifite à cette Princeffe , pour lui
témoigner la fatisfaction qu'il avoit de la
conclufion de cet accommodement.
Le 6. le Roy quitta le deuil de feuë
Madame la Ducheffe de Berri ; fa Maiſon
continuera cependant à le porter encore fix
femaines.
M.
Le grand Procés , qui duroit depuis
103. ans entre M. le Duc de Luxembourg,
& M. le Marquis de Beon , fut jugé le 6.
au Parlement à l'avantage du premier ;
de Beon ayant été débouté de toutes fes
demandes , prétentions , &c. & condanné
aux frais. Cet -Arreft notable affûre à
perpetuité à M. le Duc de Luxembourg
& à fes Defcendans , les belles Terres de
Ligny, & de Piney, fituées dans le Duché
de Bar
192 LE MER CURE
M. le Duc de Nevers & M. le Marquis
de Mancini fon frere , ont vendu au Roy
moyennant la fomme de 300 mille livres ,
le Palais Mancini qui eft à Rome , & qu'on
appellera dorefnavant le Palais de France :
Il eft deftiné pour loger nos Ambaffadeurs.
On eft en marché pour acheter celui
-de Chigi , & fi on le conclut , on n'en fera
qu'un des deux.
M. Lavy êtant allé dîner avec toute fa :
famille à l'Hôpital general , remit entre les
mains de Madame Patacin Superieure de
cette Maiſon , une cedule , par laquelle il
donnoit fo. mille livres à cet Hôpital . II
avança la premiere année.
.de Beauveru , qui a époufé Mademoiſelle
de Fefnes , a eu la Lieutenance
des Gardes de M. le Duc de Chartres.
Depuis que M. Fagon n'eft plus chargé
de la Direction des Fermes , il occupe pour
M. de la Houffaye dans toutes les affaires
qui rouloient fur ce dernier.
M. de Ricoüart d'Erouville , Maître
d'Hôtel du Roy , & M. fon fils , Brigadier
des Armées de Sa Majefté , reçû en
furvivance de Maître d'Hôtel , ont vendu
à M. Ourfin de Poligny , fils de M. Ourfin
Receveur General des Finances , cette
Charge qui étoit depuis plus de cent ans
dans leur Famille .
M. de Maffol de Colonges , Gentilhomme
Ordinaire du Roy , a vendu fa
Charge
4
DE SEPTEMBRE. 193
Charge à M. de la Baune , fils de M. de
la Baune Maître des Comptes , & ci-devant
Secretaire de l'Ambaffade de Portugal
prés M. l'Abbé de Mornay.
M. l'Abbé de la Croix , Chapelain da
Roy , Abbé de Saint Julien de Tours.
Obeancier & Chef du Chapitre de l'Eglife
Collegialle de Saint Juft de Lyon , &
Grand Vicaire de M. l'Archevêque de
cette Ville , a vendu fa Charge de Chape→
lain du Roy , à M. l'Abbé Chatelain fils
de feu M. Chatelain , Ecuyer -bouche du
Roy , frere du Controlleur de ce nom .
Le Roy d'Espagne a fait prefent au Cardinal
Alberoni d'une Terre de 100 ,
mille écus de rentes.
Les fonds des Terres font portez fi
haut , que celles de 15. & 20. mille livres
de rentes, font venduës jufqu'à un million
& 1200. cent mille livres.
M. Bogue , Lieutenant des Cent- Suiffes
, qui a fervi long-tems avec diſtinction
dans les Armées du Roy , a obtenu une
penfion de 1200. liv. il en avoit déja une.
de 800. livres.
M. le Comte de Vertus , a vendu fon
Enfeigne des Gendarmes du Roy à M. le
Marquis de Valbelles ; & quoique M. le
Comte de Vertus n'eût que 21. ans de fervice
, M. le Regent a bien voulu lui accorder
la difpenfe de 4. ans, pour avoir fon
rang de Veterand.
Septembre 1719.
R
194
LE MERCURE
Le 11. M. le Prince de Conti arriva en
fon Hôtel de l'Armée de Navarre ..
On travaille à la Vie du P. Malbranche,
à laquelle on joindra l'Analife de fes Ou
vrages in- quarto.
On donne à M. le Grand Prieur de
Vendofme , 9000. livres de penſion par
mois & fon logement au Temple , fa vie
durant , pour la ceffion qu'il a faite dụ
Grand Prieuré de France à M. le Chevalier
d'Orleans.
M. de Cereft , frere de M. le Marquis
de Brancas , a obtenu une penſion de 4000.
livres de rentes.
.Le Roy acréé en faveur de M. le Marquis
de Lambert , un Gouvernement à
Auxerre , qui lui rapportera 8000. livres
d'apointemens ; & les 4000. livres de perfion
qu'il avoit , ne fubfifteront plus par
cette nouvelle gratification .
M. de Pleneuf , beau-pere de M. le Marquis
de Prié , eft de retour de Turin . Il
eft prefentement occupé à s'accommoder
avec fes Créanciers.
On incorpore le Regiment des Bombardiers
dans celui de Royal Artillerie ;
& pour dédommager M. Deftouches qui
eft Lieutenant Colonel de ce Regiment,
la Cour lui a accordé 1 : 000 , livres de
penfion.
La Benediction de Madame d'Orleans
'Abbeffe de Chelles , ayant été fixée au 14.
2,
DE SEPTEMBRE.
195
de ce mois , jour de l'Exaltation de Sainte
Croix , S. A. R. Monleigneur le Duc
d'Orleans , donna les ordres neceffaires
pour que tout le paffât avec une magnificence
qui ne laiffât rien à defirer.
La décoration de l'Eglife a été des plus
belles & des mieux entendues . Tout ce
qu'on peut voir de plus riche & de plus
magnifique , en Tapifferies & en Tapis
s'y faifoit voir . Les murs de l'Eglife & les
chaifes du Choeur , étoient ornées de Tapifferies
; le pavé , depuis le bas du Choeur
jufqu'au Maître Autel , étoit couvert de
Tapis , & la grille , qui fépare du dehors ,
le Choeur des Dames de l'Eglife , étoit pareillement
ornée de Tapifferies . Au bas du
Choeur , on voyoit la Place de Madame
l'Abbeffe . C'étoit un Dais de velours vio-
·
let , des plus riches , relevé d'une broderie
d'or la plus belle , avec un grand Tapis &
un fauteuil , dont S. A. R avoit fait prefent
à la Princeffe fa fille. Au haut du
Choeur , étoit un Prie Dieu pour Ma
dame l'Abbeffe pendant l'Office . Auprés
des baluftres de marbre qui ferment le
Sanctuaire , étoit élevée du côté de l'Epître
une grande eftrade , couverte d'un
grand Tapis de velours rouge , pour les
Princes & les Princeffes qui devoient fe
trouver à Chelles ; enfin dans le Sanctuaire,
du même côté de l'Epître, étoit le Trône de
S. E. M. le Cardinal de Noailles qui de-
Rij
196 LE MERCURE
voit faire la Ceremonie.
Les chofes ainfi difpofées , les Gardes du
Corps de S. A. R. la Compagnie des
Cent- Suiffes , avec une autre Compagnie
des Gardes- Suiffes , tous commandez par
leurs Officiers , êtant chacun dans leurs
poftes , pour garder les dedans & les dehors
, tant de l'Eglife que de l'Abbaye
Madame , Monfeigneur le Duc d'Orleans,
M. le Duc de Chartres , & Mademoiſelle,
arriverent. La Ceremonie commença fur
les dix heures & demie. Le Clergé en Surplis
, & les Benedictins de la Congregation
de Saint Maur, qui devoient fervir à l'Autel
, êtant revêtus de leurs Aubes , allerent
prendre S. E. à fon Apartement ,
tandis que les premiers Officiers de Madame
& de S, A. R. conduifoient les Princes
& Princeffes à l'Eftrade qu'on leur
avoit préparé ; Madame à fon Prie Dieu
& à fon Fauteuil ; M. le Regent , M. le
Duc de Chartre , Mademoiselle , & Mademoiſelle
de Soiffons , fur leurs plians ,
Les Religieufes de l'Abbaye , les Abbeffes
& les Religieufes étrangeres , précederent
deux à deux Madame d'Orleans pour fon
entrée au Cheur. La Princeffe êtant pla
cée fur fon Prie Dieu , S. E. commença la
la Meffe , pendant laquelle la Mufique du
Roy chanta un Motet qui dura jufqu'à l'Épître.
Alors , Dom Silveftre de la Broue,
Grand- Maître des Ceremonies de l'AbDE
SEPTEMBRE. 197
·
!
baye de Saint Denis , fut inviter Madame
de venir à l'Autel : Elle y vint , fuiv'e'
de fes deux Chapelines , Madame de Fretreville
, & Madame de Marans , ainfi que
de fa Porte-Croffe , Madame de Labat.
La Princeffe avoit à fa droite pour premie
re Affiftante , Madame d'Auvergne , Abbeffe
de Saint Remy de Villerscotteret ,
fuivie de fes deux Chapelines , Mefdames
de la Foffe & de Lagonné ; & pour feconde
Affiftante , Madame Perault , Abbeffe
du Val de Grace , fuivie pareillement
de fes deux Chapelines , Mefdames de
Breauté & d'Artagnani ... Toutes
arrivées à l'Autel, aprés les faluts marqués,
chacune placée dans l'ordre qui lui étoit
preferit , Madame d'Orleans fit le Serment
accoutumé en pareille Ceremonie ,
aprés lequel elle fe profterna du côté de l'Evangile
pendant que l'on chantoit les Litanies.
Cela fait , S. E. ayant recité les
Oraifons fur lá Princeffe , les deux Dames
Affiftantes la releverent ; après quoi , s'êtant
remiſe à genoux au milieu de l'Autel ,
M. le Cardinal affis dans fon Fauteuil ,
mit entre les mains de Madame d'Orleans
la Regle de Saint Benoît , & lui donna le
Voile , puis la Croffe , enfin l' Anneau. Le
tout fut prefenté à S. E. par les Chape
lains de la Princeffe dans des plats - baffins
de vermeil. Auffitôt , toutes les Dames
précedées par le Maître des Ceremonies
Riij
198 LE MERCURE
s'en retournerent au Prie- Dieu de Mada
me d'Orleans , dans le même ordre qu'elles
étoient venuës , faifant chacune , en paffant,
une profonde inclination à Madame.
A l'Offrande , Madame d'Orleans retourna
à l'Autel avec les mêmes ceremonies
& offrit à Son Eminence deux cierges
deux pains & deux barils , qui lui furent
prefentés par fix Religieux revêtus en Aubes
& Tuniques. La Princeffe revenuë à
fon Prie- Dieu avec toute fa fuite , y refta
genoux jufqu'aux Agnus de la Meffe .
Alors , le Maître des Ceremonies vint
pour la conduire à la Communion. La Princeffe
ne fut précédée que de fes deux Chapelines
pour tenir la nape. Madame l'Abbeffe
ayant communié avec une pieté , &
un recueillement , qui tirerent les larmes
des Affiftans , elle revint avec la même modeftie
qu'elle étoit allée ; & arrivée à ſon
Prie- Dieu , elle y demeura profternée jufqu'à
la fin de la Meffe , pendant laquelle
ily ût une grande & belle Mufique.
La Meffe finie , Son Eminence précedée
de fon Clergé , & de douze Officiers Religieux
en Tuniques , vint prendre Madame
d'Orleans à fon Prie- Dieu , la conduifit
à fon Siege Abbatial , l'y intrônifa , &
entonna le Te Deum qui fut chanté par la
Mufique. La Princeffe s'êtant affife dans
fon Fauteuil , M. le Cardinal retourna à
l'Autel , précedé de fes Officiers , comme
DE SEPTEMBRE.
en venant. Alors , Madame d'Auvergne
premiere Affiftante , & Madanie Perrault
qui étoit la feconde , baiferent la main de
Madame l'Abbeffe qui les embraffa comme
toutes les fuivantes , qui furent 1c .
Madame de Grancey , Abbeffe du Parc
aux Dames , & Madame de Montpipeau
Abbeffe de Montmartre ; enfuite Madame
de Rouffi de Roye , Abbeffe de Saint
Pierre de Rheims , & Madame de Roucille
Abbeffe de Nôtre- Dame des Prez ,
Madame de Moucy , Abbeffe de Mondenis
, & Madame de Meneftrel , Abbeffe de
Saint Corentin. Suivit Madame de Brion ,
Coadjutrice de Saintes avec la Prieure de
l'Abbaye de Chelles : Toutes les Religieufes
, tant de la Maifon que les étrangeres ,
vinrent deux à deux faire le même falut à
Madame l'Abbeffe ; elles furent fuivies des
Penfionnaires & des Soeurs Converſes . Le
Te Deum finit avec la Ceremonie . Les
Princes & Princeffes fe retirerent dans le
grand Appartement , & Son Eminence dans
le fien. Les Abbeffes & les Religieufes
conduifirent Madame d'Orleans chez elle.
Jamais Ceremonie ne s'eft faite avec plus
d'ordre , jamais auffi Princeffe n'a- t'elle
plus édifié, ni plus touché le coeur des Aſfiftans
, que Madame l'Abbeffe . Elle a fait
toutes les fonctions avec une pieté , une
grace , une majefté , & un recueillement
qui ont charmé toute l'Affemblée , à la-
Riiij
200 LE MERCURE
quelle , outre Son Eminence , fe trouve
rent M. de Matignon , ancien Evêque de
Condom ,& M. l'Abbé de Caftries, nommé
à l'Archevêché de Tours , qui étoient
dans le Sanctuaire. M. de Treffan , Evêque
de Nantes , étoit fur l'Eftrade , à côté de
S. A. R. en qualité de fon premier Aumônier.
Tous les Seigneurs & Dames de la
Cour de Madame & de Monfeigneur le
Regent , ont efté prefents à cette augufte
Ceremonie. Le Repas fut des plus fuperbes
, par l'abondance , la délicateffe , la
propreté , & le grand ordre avec lequel
tous les mets furent fervis fur chaque Table
differente . Celles , tant du dehors que
du dedans , comprenoient plus de 600.
couverts. Madame mangea avec S., A. R.
M. le Duc de Chartres , Mademoiſelle , &
Mademoiſelle de Soiffons. Madame d'Orleans
, par politeffe pour les Etrangeres ,
fe mit à la Table des Abbeffes & Religieufes
du dehors , qui toutes avec quelques
Religieufes de la Maifon , compofoient une
Table de 40. couverts . Madame d'Orleans
a fait des Prefens magnifiques aux Abbeffes
qui font venues à la Ceremonie de fa Benediction.
A celles dont les Maiſons font
pauvres , la Princeffe a donné de l'argent :
Aux autres , des Bagues & des Bijoux de
prix.
On augmente de 6000. livres le Gou
vernement d'Aunis en faveur de M. le Ma
DE SEPTEMBRE. 201
rêchal de Matignon , & ces 6000. livres
pafferont aprés la mort à M. le Chevalier
de Matignon fon fils Cadet.
L'e 17. M. le Duc de Chartres prêta ferment
entre les mains du Roy , en prefence
de Mgr le Duc d'Orl. pour le Gouvern
de Dauphiné.
Madame la Ducheffe du Maine a
quitté la maiſon de campagne de l'Ab . de
Citeaux , pour aller dans le Château de
Chanlay ou cette Princeffe fera beaucoup
plus commodement.
Le Prieuré de Monoyes D. d'Angers
O de Grammont , vacque par la mort de
M. l'Abbé Chartan . L'Abbé de Grammont
aprés fon Election , a droit de
nommer aux quatre premiers Prieurés va
cans .
M. d'Entredeuxmons , Prêtre , ci-dea
vant Maître des Comptes à Dijon , a été
poftulé pour être General du Val des
Choux , O. de C. D. de Langres.
M. de Berulle , Maître des Requeftes,
fils du premier Prefident du Parlement
de Grenoble , a été reçû en furvivance
pour exercer la charge de M. de Berulle
fon pere aprés fa mort .
M. le Duc d'Eftrées a vendu 320. mil
202 LE MERCURE
livres fon Gouvernement de l'Ile de France
à M. le Comte d'Evreux . Le Marché
en fut fignéle 21. de ce mois . Le Roy donne
fur ce Gouvern . un brevet de retenuë de
200. mil liv. à M. le Comte d'Evreux
qui de fon côté fera tenu de faire une penfion
de 3000. liv. à M. Alexandre , premier
Commis dans l'un des Bureaux de la
guerre. Le Gouvernement de l'Ile de
France raporte 22. mil livres de revenu .
M. le Comte d'Evreux , outre la nouvelle
acquifition du Gouvernement de l'Ifle de
France , a encore acheté 700 mil livres le
Marquifat d'Eft.
On fe propofe de faire difparoître tous
les pauvres qui font en France. Pour cet
effet on fera arrêter ceux qui feront propres
à travailler aux Manufactures ; les ef
tropiés n'en feront pas même exempts ; &
ceux qui font hors d'état de rendre aucun
fervice,feront enfermés dans les Hôpitaux.
On a delivré des brevets à plufieurs Of
ficiers pour lever des Regimens de Dragons
; & l'on parle de reimettre les Batail-"
lons fur le pied de 800. hommes , au lieu
de
500 .
,
Comme le Mififfipi n'avoit aucun Port
dont l'entrée fût facile, & qu'il étoit cependant
trés important d'en avoir un qui fût
fûr & bon ; M. le Maréchal d'Eftrées vint
annoncer le 24. à M. le Regent , que l'Armement
que la Compagnie des Indes avoit
DE SEPTEMBRE. zo
fait pour attaquer celui de Panfa- Cola
dont les Espagnols font les Maîtres
avoit été fi bien conduit , que l'on avoit
forcé la Garniſon Eſpagnole qui étoit dans
ce fameux Port , à fe rendre. Le Port appartient
de droit à la France ; M. de la
Salle qui a decouvert en 1684. l'embou
chure des Fleuves de Mififfipi , en ayant
pris poffeffion au nom du Roy.
Il fe forme tous les jours à Paris des Societés
,qui obtiennent de M. Law des conceffions
de terre au Mififfipi . Les Grands
Seigneurs , comme les riches particuliers ,
engagent journellement des Ouvriers de
differens Mêtiers , pour les faire paffer
dans ce Pays , où ils defricheront les Ter
res qui leur ont été accordées. La conceffion
eft ordinairement de quatre lieuës enquarré.
La Compagnie des Indes , pour
encourager cet établiffement , tranſporte
gratis tous les Colones , Negres & Uſtenciles
neceffaires pour l'execution de ce
deffein
Le mardi 26. Septembre M. Cornelio.
Bentivoglio , Nonce ordinaire du Pape
eut audience de congé du Roi. Il fut conduit
au Palais des Tuilleries avec fa fuite
dans les caroffes de S. M. qui étoient allé
le prendre à fon Hôtel. Il étoit accompa
gné de M. le Prince de Guife-Harcourt de
la Maifon de Lorraine , & de M. de Saintot
Introducteur des Ambaffadeurs. Il
204 LE MERCURE
trouva en haye à la Place du Caroufel , les
Compagnies desGardes Françoifes & Suiffes,
tambours appellans , Enfeignes déployees
& leurs Officiers à leur tête. En dedans
de la grande Cour , les Gardes de la Porte
en haye & fous les armes , leur Lieutenant
à leur tête. Sur l'efcalier les Cent- Suiffes ,
la hallebarde à la main , ainfi que dans leur
Salle , leurs Officiers auffi à leur tête , &
Gardes-du - Corps auffi fous leurs armes
en haye dans leur Salle. M. de Bentivoglio
fit fa harangue au Roi en Italien , &
S. M. lui répondit en peu de mots . Aprés
les ceremonies ordinaires , il s'en retourna
à fon Hôtel dans les mêmes caroffes & dans
le même ordre qu'il étoit venu .
les
La Cour de Madrid a pris le deüil de
Madame la Ducheffe de Berri , par ordre
de S. M. Catholique ; & l'on a fçu à
l'arrivée de EM, Cà Madrid , que la
Reine étoit groffe de 3. mois.
Le 18. le Roi s'eft rendu für les trois
heures du foir en calêche dans la Plaine
des Sablons , où il a fait la revûë des Gardes-
du-Corps , des deux Compagnies des
Moufquetaires gris & noirs , & des Grenadiers
à cheval , dont il a paru trés-content.
M. le Regent avoit precedé S. M : deux
beures auparavant pour donner fes ordres.
S. A. R. a accompagné à cheval S. M.
pendant toute la revûë.
M. le Comte de Salviatico eft arrivé ici
DE SEPTEMBRE. 205
en qualité d'Envoyé de Modene . On ne
fçait pas encore quand M. le Marquis de
Scotti , qui par ordre de la Cour de Madrid,
eft venu en celle de France pour quel-
' que negociation , s'en retournera en Efpagne.
M. de la Motte a été nommé par ·la
Cour pour Colonel d'un Regiment nouveau
d'Infanterie qu'on forme à Toulon :
il fera compofé de deux Bataillons de deferteurs
; il s'en eft déja rendu plus de 600.
Ce Regiment eft deftiné pour le Miffiffipi,
on doit auffi y faire paffer so . Compagnies
de nouvelle levée .
MORT 8.
E Perele Tellier , de la Compagnie
de Jefus , & Confeffeur du feu Roi
Louis XIV . eft mort à la Fleche le 2. Sept ..
Meffire N. Martel , Chevalier de S.
Jean de Jerufalem , & Commandeur
de Saint Jean en l'Ifle , lés - Corbeil ,
eft mort le .... On a donné fa Commanderie
au Bailli de Sémaifon ; mais ce der
nier êtant mort 15. jours aprés , M. le
Chevalier de Mareuil , Grand Prieur d'Aquitaine
, l'a obtenuë.
Meffire N. Froulé de Teffé , Commandeur
d'Ivry-le -Temple , du Vicariat de
Pontoife , eft mort le .... Sa Commanderie
a été donnée au Chevalier de Ponfe
Motte de Graville.
206 LE MERCURE
M. de Cromstrom , Envoyé Extraordinaire
de Suede , mourut ici le 10. de ce
mois.
Le 13. M. de Marillac , Doyen des
Confeillers d'Etat , mourut en cette Ville,
& M. Defmaretz de Vaubourg , plus ancien
Confeiller d'Etat de femeftre , eft
monté à la place vacante de Confeiller
d'Etat ordinaire. Par la mort de M. de
Marillac , M. le Pelletier de Souzy devient
Doyen des Confe : llers d'Etat .
Le 17. Dame Françoiſe Beraud , veuve
de Meffire Charle Colbert de Croiffy ,
Miniftre & Secretaire d'Etat , Commandeur
& Grand Treforier des Ordres du Roi ,
mourut en cette Ville aprés une longue
maladie.
Le même jour , Meffire André de Colbert
, Meftre de Camp de Cavalerie , &
Sous- Lieutenant des Chevaux - Legers de
Ja Garde , mourut en cette Ville. La Charge
de M de Colbert a été donnée au Marquis
de Pourpry Cornette de la Compagnie
des Chevaux Legers .
M. Robert , Chanoine de N. D. de
Paris , & frere de M. Robert Procureur
du Roi au Châtelet de la même Ville ,
mourut le 19 .
Meffire Philippe Egon , Marquis de
Courcillon de Dangeau , Brigadier des
Armées du Roi , Chevalier de l'Ordre
de S. Lazare , Colonel d'un Regiment
DE SEPTEMBRE. 207
de Cavalerie de fon nom , & Gouverneur
de Touraine , mourut le 21. Septembre
Le Reg. de M. le Marquis de Courcillon
a été conferé à M. de Gontaut.
Le Roi a donné à M. le Comte de Charollois
le Gouvernement de Touraine ,
vacant par la mort de M. le Marquis de
Courcillon , en ſurvivance de M. le Marquis
de Dangeau fon pere , qui le confervera
durant la vie.
M. le Nain , Doyen du Parlement , auffi
recommandable par fa probité , que par
fa capacité , mourut le 20. Septembre à
l'âge de 86. ans . Par la mort de M. le
Nain , M. le Chevalier devient Doyen de
la Grand'Chambre.
Meffire Jean- François- Michel le Tellier,
Marquis de Louvois , Meftre de Camp du
Regiment d'Anjou , Capitaine des Cent
Suiffes de la garde du Roy , mourut le 25.
Septembre au Château de Rambouillet.
Il avoit époufé le 11. Mars 1716. Anne-
Louïfe de Noailles , fille d'Anne - Julie
Duc de Noailles , Pair & Marêchal de
France , &c. & de Marie- Françoiſe de
Bournonville.
M. le Marquis de Courtanvaux , pere
de féu M. le Marquis de Louvois , qui
aprés s'être demis en fa faveur de la
charge de Capitaine des cent Suiffes , en
avoit obtenu la furvivance , en redevient
208 LE MERCURE
titulaire par fa mort , & la furvivance luf
en a été accordée pour M. le Marquis de
Montmirel , fils unique du defunt , âgé
de 15. mois au plus. La Marquife de Louvois
eft encore prête d'accoucher. M. Le
Marquis de Bethune , Neveu de la feue
Reine de Pologne , a obtenu le Regiment
d'Anjou , vacant par la mort de M. le
Marquis de Louvois.
M. le Marquis de Surville , Colonel -
Lieutenant du Regiment de Condé , Infanterie
, & Fils du Marquis de ce nom , eſt
mort le... Septembre à l'âge de 17. ans.
Son Regiment a été donné au Chevalier
de Surville fon frere.
M. le Comte du Trevoux , Colonel reformé
à la fuite du Regiment d Orleans
eft mort au Camp devant S. Sebaftien : 11
avoit une penfion de 2000. 1vres qui a été
continuée à fa veuve.
M. le Duc de Bifache , Pere de Madame
la Comteffe d'Egmont , mourut le ..
Septembre.
M. le Comte de Requem , Chanaine de
Strafbourg & de Cologne , cft mort à
Strafbourgle .. Septembre. Il étoit Abbé
de Barbeaux, D. de Sens , O. de Citeaux,
& de S. Evroult , Diocefe de Lifieux ,
Congregation de S. Maur. Il a fait M. le
le Cardinal de Rohan fon legataire univerfel.
Le Prince Louis- Charles - Guillaume
fecond
DE 1 205 SEPTEMBRE.
fecond fils du Roy de Pruffe , eft mort
le 31. Août,âgé de 2. ans 3. mois moins
3.jours.
************************
UN
DIVERSITE Z.
N Homme condamné pour vol do
meftique , à être pendu dans le Vil
lage de la Marche , du reffort de Bar - fur-
Aube , eft remis entre les mains de quatre
Archers , pour être conduit à Paris par appel
de fon jugement. Au Village de Guine
la- Putain , le condamné trouva le moyen
dé fe derober à la vigilance de fes gardiens,
qui , quelques recherches qu'ils fiffent , ne
purent découvrir le lieu de fa etraite . Les
Archers arrivez à Paris fans leur Prifonnier
, font écrouez à la requête de M. le
Procureur General qui les en rendoit ref
ponfables Le Criminel ne pouvant fe
rendre maître des remords dé fa confcience
, fe détermine , aux dépens de fa vie ,
à fe venir conftituer dans les Prifons de
Paris. Eftant à la Porte S. Antoine , if
demande le chemin de la Conciergerie ; if
fe prefente enfin au Guichetier pour être
écroüé . Le Guichetier lui refufe l'entrée ,
& le traitte d'infenfé , attend qu'il n'y
avoit point de jugement rendu contre lui .
Nôtre homme infifte , & lui déclare la na
ture de fon crime , & la maniere dont`if
210 LE MERCURE
s'eft tiré des mains de fes Archers . Sur cette
dépofition , & fur la preuve parlante de
fon evafion , on lui fait la grace de l'incar
cerer ; & les Archers lui ayant éte confrontez
, il avoue tout fon délit , & eft
reconnu pour l'homme qui leur avoit échapé.
On l'a interrogé plufieurs fois fans qu'il
ait paru qu'il y eû aucun dérangement dans.
fon efprit. On ne fçait pas encore ſi ſa
fentence fera cor firmée.
Le fait que je vais rapporter , a été mandé:
de Londres ; il eft de fraiche datte.
Un Milord Anglois ordonne à un de fes
Gens que l'on mette les chevaux à fon caroffe
. Le Laquais avertit le Cocher qu'il
trouve fur fon lit dans une fituation trésfouffrante
, & par confequent hors d'état
de monter fur fon ficge. Le Maître in--
formé de la maladie de fon Cocher , va
lui- même à l'écurie , & l'oblige à le conduire
, malgré la col que dont ce malheu
reux fe plaignoit. A deux rues de la maifon
, les douleurs redoublent , le Cocher
devient noir & tombe en pamoifon . Le
Milord defcend , & aidant lui-mème à
foutenir ce pauvre miferable , on le fait entrer
dans le caroffe. A peine fut- il affis que
l'on apperçut que fa culotte étoit toute
teinte de fang. On défait : qui trouve-
'on un enfant dont il venoit d'acoucher,
DE SEPTEMBRE. 218-
Jamais furprife plus grande ; on le rameine
chez le Milord . On le couche dans fon lit,
& par une metamorphofe étrange , d'homme
il devient femme. Aprés qu'il eut repris
fes fens , il conta fon avanture , & declara
qu'il avoit jufqu'à lors deguifé fon .
fexe ; parce qu'il failoit mieux fes petites
affaires fous l'Habit de garçon que fous
celui de fille . Que cependant il n'avoit jamais
eu de foibleffe pour aucun homme
que pour le beau Poftillon du Milord ,
lequel êtant jeune & bien- fait , avoit fait
faire naufrage à fa vertu. Auffi- tôt que le
pretendu Cocher a été fur pied , on les a
mariez ; & le Seigneur Anglois a fait les
frais de la nôce & les a garde chez lui ..
Voicy un Placet prefenté au Regent par
M. Dufrefny , qui quoique court , en vaut
bien un plus long.
Pour votre gloire , Monfeigneur , Il faut
laiffer Dufresny dans fon extrême pauvreté,
afin qu'il reste au moins un feul homme dans
une fituation qui faffe fouvenir , que tour
le Royaume étoit auffi pauvre que Dufresnys
avant que vous y enffiez mis la main.
Nous infererons en même tems , fur la
même matiere , une Piece en vers prefentée
à S. A. R.
Sij
208 LE MERCURE
.
J
AU REGENT.
Par M. le Grand.
›
En aurois mis ma main au feu
Que vous êtiez un maître Drille ;
Que d'icy vous feriez dans pen
Sortir Befoins & fa quadrille.
N'ofant plus nous chercher caftille
Ils font allez , je ne fcai où ;
Chagrin eft rentré dans fon tron ,
Plaifir eft hors de fa coquille
C'est à qui rira comme un fou.
On ne voit chez Gautier , Guarguille,
Que chere lie & volatillě ;
Toujours Bouteille fait glon glon ,
Maris & Femmes font joujou ;
Ensemble Amour les entortille
Violon jonë, & pied fautille:
C'eft Foire ici comme à BeZon ,
De jeux , de ris , d'humeur gentilles
Chacuny court car c'eft raison .
Qu'on mette ici tout par écuelle ;
L'argent fe remue à la pelle ,
Ny plus ny moins que chez Linden.
Ja l'on fait la nique au Perou :
Pour fes trefors nôtre Nacelle
Ne fendra plus l'onde cruelle ;
Sur Mer n'ira que pour le clou
Pour chercher l'Ambre & la Canelle
Ou pour de vous porter nouvelle ,
Apprendre jufqu'au Marabou ,
Qu'aprés vous faut tirer l'échelle, .
2
DE SEPTEMBRE. 21 ;
La Province de Quimquempoix eſt un
beau champ de bataille , fur lequel je pourrois
m'arrêter. Il s'y eft livré un affes grand
nombre d'actions , pour en faire le détail :
mais , comnie la matiere eft trop ample , je
laiffe aux Ecrivains qui s'amufent à faire
des in folio , de fe charger de cet employ.
Je paffe à un autre Theatre ; c'eft à celui
des François qui repreſenterent le 26. de
ce mois pour la premiere fois, une piece en
un Acte , qui a pour titre , Momus fabulifte.
Le fuccés de cette piece eft moins in◄
certain que le nom de l'Auteur. On regarde
comme un Phenomene auffi rare que
fingulier , qu'un Ecrivain ait pu refifter à
la tentation de reveler fon nom ( fur tout
lorfqu'on ne court aucun rifque à fe deceler)
aprés les applaudiffemens que le Public lut
a prodigué : On n'auroit jamais cru que
l'amour propre d'un Poëte eût pu tenir
contre. Cependant , on ignore encore fon
nom , & ce n'eft que par conjecture que
l'on fait tomber fes loupçons für tel & tel ..
Nous voudrions avoir le tems d'en donner
un extrait raisonné. Cette piece en merite
un affûrement ; auffi nous propofonsnous
de le faire , le mois prochain. En attendant
, nous nous contenterons d'en donner
un leger crayon . . . Le fujet eft fort
fimple ; il eft cependant plus ingenieufement
imaginé qu'il ne le paroît d'abord
C'eft Venus que Jupiter a deffein de ma
214 LE MERCURE
rier au plûtôt à quelque Dieu , garçon de
POlimpe. Mars , Apollon , Neptune ,
Vulcain , Plutus , Mercure , &c. font les
afpirans. Jupiter a rendu la Déeffe maitreffe
de fa main . Venus par un rafinement
de coquetterie , prefere Vulcain à
tous les autres par la raifon que fi elle devenoit
femme de Mars l'intrepide , ou d'Appollon
le blondin , ce choix pourroit éloigner
fes amans.
Pendant que tous les Dieux concurrens ,
s'empreffent à faire pancher la Déeffe de la
Beauté de leur côté , Momus à qui le
grand Jupiter avoit defféndu de medire
des habitans du Ciel fous peine d'en
te chaffe , s'avife de degorger 18. fables ,
fous l'enveloppe defquelles , fe trouve la
fatyre la plus maligne . Junon n'y eft pas
plus épargnée que les autres. Chaque Apo--
logue eft une critique d'autres Apologues
qui meriteroient certainement plus de refèrve
de la part de l'Auteur de la piece.
Cette Comedie finit par autant de petites
fables , reduites en un couplet de chanfon ,
dans lequel il n'y a pas moins de fel que
dans les precedentes. Quoique elle foit
pleine de faillies & d'étincelles d'efprit ,
je ne craindrai point d'avancer que le Sieur ,
Quinault Comedien , anime les fables qu'il
recite avec tant de vivacité , de naturel , &
de bienveillance , qu'il enchante les fpectateurs
jufqu'au point de croire que cette
DE SEPTEMBRE. 215
piece eft fans defauts : mais qui peut ſe dire
fans defauts ? témoins 2. Soldats aux
Gardes Françoifes qui en font une preuve
bien évidente. A propos ne trouvera t'on
pas en même tems ma tranfition vicieufe a
Tans doute ; revenons à nos deux foldats . On
les avoit pofté en fentinelles dans une des
Cours du Palais des Tuillerles à la porte
des Princes . Comme l'un & l'autre avoient
bu , ils prirent querelle. Un deux s'oublia
au point de mettre en joue fon compagnon ,
& de vouloir le tirer ; le coup partit en
effet , mais fans bleffer fon homme. Les
balles allerent donner contre le mur de
l'Antichambre du Roy : fur le champ on
les arrêta & on les mit en prifon . Le
Confeil de guerre s'étant affemblé ; celui
qui avoit tiré , fut condamné à être palle
par les Armes le 30. de ce mois . Ce malheureux
ayant été conduit à l'Eftrapade où
fe font ces fortes d'executions , alloit
avoir la tête caffée , lorque l'on vint
crier grace ; le Roy par bonté , ayant plus
d'égard au vin , qu'à fon action & au lieu
inviolable où la choſe s'eft paffée.
J
AP PROBATION.
Ay lu par l'ordre de Monfeigneur le
Garde des Sceaux le Mercure de Sept,
Fait à Paris ce 30. Septembre 1719 .
BLANCHARD.
LE MERCURE
TABLE.
D Ialogue fur la Volupté.
3.
II
Pourquoi l'on ne voit plus , on préfque plus,
de perfonnes poffedées du Demon , comme
en en voyoit dans les premiers fiecles de
l'Eglife.
Suite & fin des Memoires de M. De …,..
FS
Lettre à M. Buchet , contenant la Traduction
de quelques endroits d'un livre Anglois
intitulé : Le Caufeur , ou les Veilles
du fieur Ifaac Bikerftaff.
Arrefts notables du mois.
Proceffion magnifique , faite à Cambrai.
71
85
134
Manifefte du Czar , contenant les raisons
qui l'ont porté à déclarer la guerre à la
Suede. 138
Nouvelles du Nord , contenant celles de
Suede , de Dannemark , & de Ham-
•bourg.
De Vienne , less. Septembre.
De Londre le 26.
156
158
16 S
De Rome.
171
Poëfies.
177
Enigmes.
187
Chanson.
188
Journal de Paris. 189
Mort
205
Diverfitez 209
LE
NOUVEAU
MERCURE.
Octobre 1719.
Le prix eft de vingt fol
A PARIS ,
Chez GUILLAUME CAVELIER , au Palais.
La Veuve de PIERRE RIBOU , Quay des
Auguftins , à l'Image S. Iouis.
Et GUILLAUME CAVELIER , Fils , rue S.
Jacques , à la Fleur - de-Lys d'Or.
M. D CC. XIX .
Avec Approbation & Privilege du Roy.
PUBLIC LIBRARY
335115 AVIS.
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
O
prie ceux qui adref- ONferont des Paquets ou
Lettres à l'Auteur du Mercure,
d'en affranchir le port ; fans
quoy , ils refteront au rebut.
L'Adreffe de l'Auteur , eft.
A Monfieur BUCHET , Cloître
S. Germain de l'Auxerrois.
On donne avis , qu'on trouve
chez les Libraires ci- deffus
nommez , tous les Mercures
de l'année 1718. de même que
l'Abregé de la Vie du CZAR .
De l'Imprimerie de JACQUES CHARDON ,
au bas de la rue S Jacques , rue du petit - Pont,
piés le petit Chafteler , à la Croix d'or.
AVANT - PROPOS .
ES Amateurs de nôtre Hiftoire, ont é. é
Lecomtens de laDiffertation qui aparu
dans les Mercures de Juillet & d'Aouft de
cette année , touchant la Garde des Rois de
France , que j'ai cru les obliger de nouveau ,
en leur donnant dans celui- ci un autre Mor
ceau particulier du même Auteur : Ce n'eft,
à proprement parler , que l'Avant- Propos
d'un Ouvrage plus confiderable , annoncé
dans la Biblioteque Hiftorique de la France
du P. Lelong de l'Oratoire p . 698 .... Cet
Auteur, à qui le Public eft redevable d'un
Ouvrage fi plein de recherches, d'érudition,
d'une connoiffance fi exacte de tous nos
Ecrivains fur l'Hiftoire de France , cite
fous le numero 13718. cette Hiftoire manufcrite
, depuis le commencement de la
Monarchie jufqu'à prefent , avec les Lettres
de convocation du Ban & de l'Arriere-
Ban , & les Rolles des montres &
revûës , contenant les noms des Grands
& autres Nobles qui y ont affifté , par M.
de Camps , Abbé de Signy , quatre volumes
in folio.
Il feroit à fouhaiter pour l'utilité de chas
cun , qu'il me tombât de tems en tems de
pareilles Pieces , qui en même tems qu'elles
parent mon Recueil , ornent l'efprit de mon
Letteur. Comme un heureux hazard m'a
procuré celle- ci , j'efpere que le même hazard
m'en fera recouvrer d'autres..
Je le repete encore : Combien d'excellentes
recherches perdues , on égarées dans la pouffiere
des Cabinets ! Je ne fcaurois donc trop
inviter ceux qui ont quelque bienveillance
pour mon Livre , de vouloir bien m'en don
nerla communications je me ferai toûjours
bonneur de les inferer fuivant leur date , &
dy ajoûter leur nom , s'ils le jugent à propos.
LE
NOUVEAU
MERCURE
i
HISTOIRE
De la Guerre & de la levée des Troupes ,
pour les Armées de terre & de mer , de
pues le commencement de la Monarchie ,
jufqu'à prefent.
Avant- Propos
ES François ont toujours
paffé pour une des plus braves
Nations de l'Europe , &
pour une de celles , qui s'accommodoit
le moins de la
paix. C'est pour cela que Germanicus difoit
d'eux , qu'il falloit les paffer tous au fil de
l'épée , fi l'on vouloit voir finir la Guerre
qu'il leur faifoit ; perfuadé qu'ils aime-
Octobre 1719.
A j
6 MERCURE LELE
roient mieux périr tous que de fe foumettre
. a
Les Romains n'eurent pas d'ennemis
plus terribles , ni qui les fatiguaffent plus ,
que leurs courfes. Les François porterent
leurs armes & leurs conquêtes dans la Grece
, dans l'Afie , dans l'Afrique & dans la “
Sicile b ; mais leurs efforts les plus grands,
tomberent fur les Gaules. Ce fut là qu'ils
fe jetterent le plus fouvent ; & leurs courfes
y furent fi frequentes , qu'un Ancien
les compare aux flots d'une Mer agitće ,
dont l'un ne s'eft pas plûtôt brifé contre
un Rocher du voifinage , qu'un autre vient
fraper avec plus de violence contre ce même
Rocher . c
Rome , toute-puffante qu'elle étoit
n'a pû les arrêter que par des Traitez de
Paix ; & ils n'en faifoient jamais, qu'aprés
avoir été bien battus , ou qu'ils n'y trouvaffent
de grands avantages : car c'étoit
pour eux une fervitude affreuſe , de n'être
plus dans la liberté de faire des courſes . d
a Tacit . Ann. lib . 2. cap. 2 .
Eumen Paneg. ad Conft. Cæf. cap . 18.
Zozim pag 94.
Oroz . lib. 7. cap . 42.
Naz. Paneg ad Conft. pag 163.
c Liban. Sophuta Paneg . ad Conftantium &
Conft. Cæf incriptus Bafilicus.
Chen . T. 1. p. 121.
a Ibidem.
D'OCTOBRE.
Un Empereur a avoue que les François
étoient une des plus braves Nations
du monde ; & ils infpirerent pour eux à
Conftantin le Grand tant d'eftime où tant
de crainte , que ce Prince défendit à fes
Succeffeurs , de faire aucune alliance avec
les Nations Barbares , excepté avec les
François b : Et on croïoit du tems de ce
Prince , qu'il étoit fi difficile de les battre,
les Francois , qu'un Sçavant s'écrie en lui
parlant : Ab , que c'est une grande affaire
de vaincre les Francois ! c
Ce Peuple , que la grandeur de fon courage
emportoit au delà des bornes de l'O
cean d , ne put être retenu par le Rhin ::
H1 le paffa vers l'an 418. & commença de
s'établir folidement dans les Gaules . Ce
fut prés d'un demi fiecle aprés ce paffage ,
que Sidonius Apollinaris , charmé ou fur
pris de leur bravoure , nous en fait une
defcription fi naïve .
Les François ( dit-il ) fe font un jeu
» d'apprendre à donner de grands coups ,
à les porter à propos , à lancer adroitement
Julian Oratio prima in laudem Conflant
imper.
Epift. Conftantin . Porphiro geniti ad filium
cujus fragm : extat apud Chen T. 1. p 119. &
220.
Francos quantæ molis fit fuperare vel capere .
Auth . incert. Paneg ad Conft, Mag. pag 17.
Nazar . Paneg. ad Conft . Mag. n . 17 .
•
A iiij
LE MERCURE
23
"
» un javelot , & à fe jetter courageuſement
»au milieu de leurs ennemis . Ils naiffent
avec un amour extrême pour la guerre
.
→ Ils font élevez dans cette paffion , & ne
» fçavent ce que c'eft que de reculer dans
» un combat. S'ils ont du pis , foit qu'ils
foient accablez par le nombre de leurs
» ennemis , ou que le terrain leur foit déf-
» avantageux , ce n'eft point la crainte
» mais la mort qui les accable : ils meurent
, fans être vaincus , fur le champ
» de bataille qu'ils avoient choifi pour com-
အ battre , & fubfiftent par leur courage ,
» au delà même de la vie , s'il cft permis
» de parler de la forte. a
Cette Delcription eft d'autant plus finccre
& moins flattée , que tout ce que je
viens de raporter , part d'un ennemi
des François , d'un Seigneur qui avoit
rempli les premieres Charges de l'Empire ,
& qui en prévoyoit la prochaine chute par
les armes de cette Nation belliqueufe.
Rien ne fait mieux voir la grandeur du
courage de la Nation Françoife , & fon
intrepidité , que ce qui fe paffa fous le
regne du grand Clovis. Pour le mieux
connoître , il faut obferver que ce Prince
Sidon Apollinar.
Si fortè premantur , feu numero , feu fortè loci,
nors obruit , illos non timor : Invici perftant ,
pimoque fuperfunt , jam propè poft an mam,
D'O CTO, BRE.
n'avoit , s'il faut ainfi dire , qu'une poignée
de François : Car , fi nous en croions
Hincmar , il ne fut bâtilé qu'avec_trois
mille François a : Et Gregoire de Tours
nous apprend qu'il receut le bâtême avec
tout fon Peuple . Il faut donc conclure
que Clovis n'étoit à la tête que de trois
mille François naturels ; néantmoins avec
cette petite Troupe , il bat Sagre , Roi
des Romains , dans les Gaules ; lui enleve
de grandes Villes , & des Provinces
entieres ; fait trembler les Vifigots c
rend les Turingiens 2. tributaires d';
force Gondebaud Roi de Bourgogne , de
fe faire for Vaffal e, bat les Allemans &
les Bavarois à la celebre journée de Tolbiac
, 3. & les oblige de le reconnoître
pout Roi , & de fe foûmettre à la domination
françoiſe f. Tous ces exploits ont
précédé le bâtême de Clovis . Enfuite on
le voit foûmettre les Bretons , 4. & leur
Baluz. cap .... T. 2. p . 219. & 110.
b Greg Tur. lib. 2. cap. 39.
* en 486.
Id. lib. 2. cap 27
2. en 491 .
d Id . lib. 2. cap. 28.
>
e Epit. S Aviti Vienn: Epifc. ad Clodov. apud
Sirm. Concil . Gall . T. 1. p . 155. & apud Ruin
append. ad Greg p . 1322.
3. donnée en 469 .
f Greg. Tur. cap. 30. lib . 2.-
4 en soz
LE MERCURE
ôter leurs Rois a , battre les Gots , 1. &
conquerir prefque tout ce qu'ils avoient
tenu dans les Gaules b' , & cela , avec le
peu de François qu'il commandoit , &
peut- être avec quelques Troupes auxiliaires
des autres Rois François , & quelque ?
milice des Gaulois ou Romains ; car il ne
fe rendit 2. feul Roi des François c , que
peu avant fa mort.
Je ne parle point des conquêtes de fes
fils. Je ne dis point que Theodebert fon
petit-fils , remporta quantité de victoires
fur les Romains , leur enleva l'Italie ', foûmit
la Sicile , & y leva des Impôts d. Je
ne dis point que fous Charles Martel
Maire du Palais , la bravoure des François
remit au devoir plufieurs Peuples
revoltez e & empêcha l'Europe entiere
de tomber fous le joug des Sarrazins que
ce Maire défit en plufieurs grandes batailles
: Que fous Charlemagne , elle
a. Greg. Tur . lib . 4. cap . 4
1 en 508.
b Greg. Tur. lib. 2. c. 37%
2. en 509.
c Id: ibid. cap. 40. 41 & 42 .
d Greg. Tur . lib. 3. cap 32. & ejufdem Hift™
epift. c . 45: & 88.
e Fred. cap . 108. 109 .
* Sec. bened. 3. T. 16 p. 422. 525. 526. &
$78.
Fred. c. 110. Bedal . 5. C: 24.
Cron Befu. ad an . 731 .
Roder Talet . hut . Saracen. C. 13.
D'OCTOBRE. IT
devint l'effroi & l'admiration de l'Europe
& de l'Afic entière a Que de grands
Rois * vinrent apprendre fous cet Empereur
l'art de regner , & celui de vaincre
les François êtant alors le premier Peuple
du monde , en ce qui regardoit la guerre,
la politique & la politeffe des moeurs b.
Je ne parle point des victoires de ce grand.
Roy , qui lui rendirent la meilleure partie '
de la Germánie , lui foûmirent le refte
avec toute la Hongrie , une bonne partie
de la Pologne & de l'Efpagne , & prefque
toute l'Italie . Je ne dis rien de ce qui fe
paffa fous les petits - fils ; mais il eft bon
de remarquer que la bravoure françoiſe
étoit alors fimple , fans oftentation , & de
la derniere intrepidité. Bazile , Empereur
de Conftantinople , témoignoit quelque
mépris pour les François , de ce qu'au
point de livrer une bataille, ils s'amufoient
à fe donner des repas les uns aux autres ,
fans penfer aux périls aufquels ils alloient.
s'expofer.
a Monac. S. Gall.
Egbert Koi d'Angleterre .
Alber. Cron. ad an. 799.
Egbertus autem Rex Cantuariorum in Franciam
venit ad Carolum , ut difciplinam regnandi à
Francis acciperet . Eft enim Gens illa in exercitatione
Vitium & comitate morum , omnium Occidentalium
facile princeps.
Eginh. in vita Carol . apud Chen. T. 2. p.
12 LE
MERCURE
L'Empereur Louis II . Prince François,
& Roi des François dans l'Italie , l'ayant
appris par la Lettre que Bazile lui en écri
vit , lui fit cette réponſe : Mon frere ,
s ne vous raillez point des François , de ce
» qu'au moment d'attaquer l'ennemi , ils
>> le donnent à manger les uns aux autres
» & toutes les autres marques d'une amitie.
fincere ; car fçachez que pour cela , ils
»ne changent point de deffein ; cela ne leur
fait point differer ce qu'ils avoient refolu
, & ils n'en font pas moins braves dans
l'action . Ils font de ceux de qui S. Paul
» dit : qu'ils fçavent fe raffafier & fouffrir
» la faim ; & pour vous dire tout en un
mot , ils peuvent & font propres à tout.
» par la grace de celui qui les fortifie a .
"
"
»
Nous voyons , au tems des Croisades ,
la Nation Françoife conquerir l'Empire
d'Orient , enlever aux Mahometans la
meilleure partie de l'Afic , les battre dans
Afrique , & les terraffer par tout. A la
verite l'on peut dire qu'on y voyoit des
■ Epiſt: Lud. II. fcript . ad Baz. Imp. Græc
añ. 871. Gold. Conft. Imp. tom. 1. p. 198 cap .
16.
ta-
Ergo Frater , noi de cætero Francos ridere ,
qui étiam inter montis vicina ftudent , & prandia"
& omnia caritatis indicia proximis exhibere ;
men à propofito non latefcunt , quoniam fecundum
Apoftolum faturari & efurire , & ut omnia
iu compendio dicamus , omnia poffint in co quit
es conferták.
D'OCTOBRE. 14
braves de quelques autres Païs ; mais le
nombre en étoit fi petit , par rapport aux
François , que Baudouin I. Roi de Jerufalem
, prit fujet de fe dire Roi des Francois
a , & cela , non feulement parce que
les François avoient conquis ce Royaume,
mais parce que la meilleure partie d'entr'eux
y étoit restée pour le deffendre & le peupler
, & que prefque tous les Sujets de ce
Roi étoient François d'origine.
Je paffe tout ce que les François ont fait
depuis ce tems- là. Il fuffit de dire que
toute l'Europe a continué , & continue de
les reconnoître pour la Nation la plus
brave de l'Europe , la plus fimple & la
moins affectée dans fa bravoure , & la
plus moderée dans les avantages que fa .yaleur
lui procure .
Les François ont eu des Loix & des
Conftitutions pour la guerre , & punif
foient ceux qui les violoient.
I. Tous les Libres étoient obligez d'aller
à la guerre , à moins qu'ils ne fuffent
employez à la garde du Pays , aux fortifications
des Places , ou bien aux réparations
des chemins , Ports & Chauffées b.
a Dins la Charte pour la fondation de l'Evéché
de Bethleem en Iros .
Guill . Tirienf. Geft Dei per Franc. lib. XI .
cap. 12.
6 Concil. Gall. T. 2. p. 464. & cap. Carol .
Cale. tit. 36. C. 17.
Fred. c. 73.
V
44 LE MERCURE
Lorfqu'on faifoit la guerre d'un côté , off
obligeoit tous les Libres de s'y rendre .
Dagobert voulant aller au fecours de
Sifenand Roi des Gots I , ordonna à fes
Sujets du Royaume de Bourgogne , de fe
mettre en campagne a : & Sigebert allant
2. faire la guerre à Raoul Duc de Turinge
, qui s'étoit revolté contre lui , convoqua
l'Arriereban de tous les Grands
d'Auftrafic ; & tous les Peuples Sujets de
la France , delà le Rhin , fe joignirent à
Jui b. Chilperic ayant à faire la guerre.
aux Bretons , envoya 3. contr'eux les
Peuples des Comtez de Tours, de Poitiers,
du Mans , d'Anjou , de Bayeux, & quelques
autres. c
Quelquefois néantmoins ces Monarques
levoient leurs armées dans toute l'étendue
de leur Monarchie. Nous voyons 4. des
Neuftriens , des Bourguignons & des
Auftrafiens , dans l'armée de Dagobert
contre les Venedes ou Sclaves. d
Je croi même que ce fut l'ufage dans les
commencemens de la Monarchie , & j'ai
I. en 630.
a Fred . c. 73.
2. en 640.
Idem c. 87.
3- en 578 .
Greg. Tur. L. s . cap . 27.
4. en 631 .
A Fred. c. 74.
D'OCTOBRE.
IS
lieu de le croire à caufe du peu d'étendue
des Etats qui la compofoient .
II. Lorfque les Rois faifoient la guerre ,
ils ordonnoient aux Peuples foumis ou tributaires
, de marcher à l'ennemi avec leurs
Troupes. Thieri fit venir les Saxons a contre
les Turingiens b . Dagobert fit attaquer
les Sclaves par les Allemans c & par
les Saxons d. Nous voyons de même les
Bavarois , les Venedes & les Frifons e au
fecours de Pepin. Les Rois des Lombards
vinrent au fecours de Dagobertf: & quantité
de Nations paroiffent dans les armées
de Charlemagne.
III. Tous les Libres êtant obligez à l'armée
, il ne leur étoit pas permis d'embraffer
l'Etat Ecclefiaftique , fans permiffion
du Roig. On chagrina S. Vandrille , &
même on l'obligea de venir devant Dagobert
, parce qu'il avoit pris l'habit de Religieux
, fans permiffion de ce Roi , qui
ordonna qu'on ne l'inquietât plus là -deſfus
h. De tout tems , les Libres étoient
obligez d'aller à la guerre. Les Romains
a Vitix. Ann . Sixon . p . 5 .
Fred. c . 68.
Id. C. 74.
d Frel. c. r21.
e Fred. c. 117.
fid. c 68.
* Vita S. Mauri c. 49.
Sæc. Bened. 2. p. 539,
16 LE MERCURE
faifoient couper les pouces à ceux des Che
valiers qui s'en difpenfoient. Les Loix des
Empereurs Romains ordonnoient qu'un
Soldat ne pourroit le faire d'Eglife , qu'aprés
un certain tems ; ce que S. Gregoire
avoit condamné. dans un Concile : Néantmoins
, Charlemagne renouvelle cette dé-.
fenfe , de s'engager dans les Ordres facrez
4 , fans la permiffion du Prince
qu de fes Officiers ; mais il le revoque
dans la fuiteb cependant il fut retabli
par Charles le chauve. M. Bignon , fait
voir que cet ordre n'étoit que pour l'Etat
Monaftique ; & il paroît par le premier ,
Concile d'Orleans que les Clercs n'avoient
pas befoin de cette permiſſion d.
Quoi qu'il en foit , lorfque Charlemagne
défend de s'engager dans l'Etat Monaftique,
il en allegue la raiſon , qui eft , que la plûpart
ne le font pas tant par dévotion , que
pour fe difpenfer d'aller à la guerre , & de
s'acquitter des autres devoirs publics e.
Si dans la fuite les Libres eurent le droit
de s'engager d'eux -mêmes , dans l'Etat
que bon leur fembla , les Serfs & les
*
Capit. lib 1. c. 120.
¿ Ibid c. 143.
Spicil . T. 2. p . 823. & 824.
Not. ad Form. 19. lib . 1. Manul .
tenu en sir.
d Canon. 6.
Capit lib. 1. c. 120,
Paylans
D'OCTOBRE .· 17
yfans n'ont eu cette liberté que plus de
arois cent ans aprés.
IV. Nous avons quantité d'Ordonnances
dans les Capitulaires au fujet de la
guerre .
Si les Ennemis attaquoient une Province,
il étoit ordonné à tous fes Sujets de s'af
fembler. Les Evêques , les Abbez
les
>
·&
Abbeffes , envoyoient leurs Vaffaux . Les
Comtes , les Vaffi Regii ou Grands Seigueurs,
& les autres Libres , s'affembloient
pour arrêter l'Ennemi. S'ils étoient trop
foibles , il leur étoit ordonné d'en informer
la Province voifine , où tout le mondeétoit
obligé de fe mettre de même fous les
armes , & de fe joindre à eux pour repouffer
l'Ennemi . Si les Troupes de ces deux .
Provinces affemblées , ne fuffifoient pas , "
il étoit ordonné d'en avertir le Roy , leplûtôt
qu'il étoit poffible , afin d'empêcher
la défolation de la Province . a
Les Particuliers qui avoient des chevaux,
fervoient à cheval , du moins autant que jele
conjecture d'une Ordonnance de Charles
le chauve , par laquelle il ordonne que
ceux de la Campagne qui peuvent avoir des
chevaux , fervent à la guerre à cheval , &
y fervent leur Comte ; & il ajoute , que
fi quelqu'un ôte à ces Chevaliers lears
chevaux & leurs autres effets , le Comte
Capit. Carol. Calv. tit. 37. cap. 13.
78 LE MERCURE .
les leur faffe rendre , afin qu'ils foient toujours
en état de fervir . a
V. Afin de fçavoir le nombre de Trou--
pes que chaque Pays pourroit fournir , les
Mifi ou Intendans , avoient ordre d'informer
combien il y avoit de perfonnes-
Libres dans chaque Comté , qui pouvoient
aller à la guerre , & fervir par eux- mémes ;
- combien il y en avoit qui devoient contri--
buer à l'entretien d'un autre , & le nombre
de ceux qui devoient à deux , en entretenir
un troiliéme . bi
part
me ,
•
Il faut remarquer à ce fujet , que la plû
des Terres étoient alors du Domaine,
& divifées en Fiefs . Tous ces Fiefs étoient
donnez par les Rois , à condition d'entretenir
un certain nombre de Troupes . Les
uns n'obligeoient qu'à l'entretien d'un homles
autres n'étant pas affez forts
deux en entretenoient un feul , c'est- à- dire
que le poffeffeur d'un des Fiefs alloit à la
guerre , & que l'autre contribuoit à fon
entretien . Cet ufage fubfifte encore en
Allemagne , & dans les Provinces du
Nord. Le dénombrement étant fait , les
Intendans en informoient leurs Majeftez .
Il ne faut pas fe perfuader qu'il n'y eût
que ceux qui avoient des Fiefs , engagez au
a Capit : Carol . Calv. tit . 36 , cap . 26 .
Capit . Carol. Calv . tit . 36. & Concil . tit .
2. p. 464. & 473 .
D'OCTOBRE. 19
férvice. Les mêmes Ordonnances nous apprennent
, que ceux qui vouloient vendre
leurs Fiefs , pouvoient fe retirer dans leurs
biens libres , fans qu'il fûe permis à perfonne
de les inquieter , pourvû qu'ils allaffent
à la guerre pour la défenfe de leur Patrie ,
& qu'ils contribuaffent aux autres charges
de l'Etat. a
Ceux qui ne pouvoient aller à là guerre,
étoient employez , felon l'ancienne coutume
de la Nation Françoife , & même felon
celle des autres ( difent les Capitulaires )
à bâtir de nouvelles Fortereffes , à reparer
les autres , à faire ou reparer des Ponts ,
& à pratiquer des paffages au travers des
marais , ou à faire la garde & le guet
pour la confervation de la Patrie. b
Non feulement les Seculiers étoient obligez
à ce devoir , mais aufli les Evêques ,
les Abbez & les Abbeffes , qui devoientenvoyer
leurs Troupes au rendez-vous ,
conduites par leur Gonfanonier ou Enfeigne,
qui étoit obligé de rendre bon compte
de fa Compagnie. Ces mêmes Ecclefiaftiques
devoient fournir tout l'équipage
même celui de guerre , dont leurs Troupes
pouvoient avoir befoin. c
VI . Tout le monde êtant obligé d'aller
Capit. Carol. Calv. T. 53. c. 14.
bid. tit . 36 C. 27.
e Ibid. tit.·´37. 13.
Bij
LO LE MERCURE
à la guerre , on marchoit aux. Ennemis ,
és le moment même qu'ils paroiffoient ,
ans attendre l'ordre du Roi ; ce qui paoît
par le Capitulaire de Charles le chauve
, qui n'ordonne d'informer Sa Majeſté,
que quand les Ennemis feront trop puiffans
pour que les Troupes d'une feule
Province puiffent les repouffer : Cet ufage
me paroit dés la premiere Race. Quelques
Comtes , Sujets de Thieri , marcherent
contre les Allemans dés le moment qu'ils
parurent , & les défirent a. Il étoit mê
me neceffaire que les chofes fe fiffent de
cette maniere dans ce tems-là , puifque la
guerre fe commençoit fans la déclarer , &
lorfqu'on trouvoit quelque occafion favorable
de la faire avec fuccés.
VII. Tout le monde devoit être prêt
pour attaquer l'Ennemi , lorfqu'il paroiffoit
, afin que la Cour n'en fût douter.
L'on faifoit dé tems en tems des. Revûës
où tous les Libres étoient obligez de fe
trouver. Il s'en faifoit de generales ,
telle qu'étoit celle , où Clovis tua le Soldat
qui avoit manqué de refpect pour lui l'année
precedente b. Ce Monarque n'avoit
ordonné cette Revûë que pour être informé
, fi tous les Soldats avoient des armes
propres & nettes , & fi leur équipage
a Fred. c: 37.
Greg. Tur. 1. a . Cî 270-
D'OCTOBRE.
étoit tel qu'il devoit être a. Les Rois
Carliens ordonnerent ces Revûës dans les
Capitulaires fous le nom de Placitum exer
citale , Affemblée ponr faire l'exercice. b
VIII. Les Ducs & les Comtes avoient
tout le détail de la guerre dans l'étendue
de leurs Gouvernemens : Ce fut le Patrice
Amatus , qui fit tête aux Lombards , dés
le moment qu'ils parurent c . Le Duc Gondebaud
défit Theodebert fils de Chilperic
d. Raoul , Duc des Turingiens , rem
porta plufieurs victoites fur les Sclaves e.
C'eft aux Comtes & aux Ducs que Chilperic
ordonne de fortifier les Villes de leur
Gouvernement , d'y faire retirer les perfonnes
de la Campagne avec leurs effets ,
de pourvoir à la feureté de ces Places
& de refifter courageufement à fes Ennemis.
f. Le Comte de Chateaudun prend
trois cent hommes dans fon Comté , & les
donne à Claude , que le Roi Gontran envoyoit
àTours g: C'eft auxComtes que les
Capitulaires donnent la difpofition des
Troupes dans leur Gouvernement , l'ordre
a Idem.
1
Capit . I ad An. 8oz. c. 40. & Capit. Ik ad
eumd. An. cap. 20.
Greg Tur. 1. 4. C. 4. -
d lbid. 1. 4. c. 48. *
e Fred . c.
f Greg. Tur. 1.7 . c. 41.
Greg Tur. 1. 7. c. 29 .
221 LE MERCURE
de le deffendre : C'eft à eux qu'ils commin
dent d'obliger les Habitans de faire la garde,
& de fe trouver fous les armes quand il
en fera befoina. C'est encore eux qui ont la
garde des Frontieres & celle des Côtes b.
Nous voyons fous Charles le chauve , des
Troupes dans les Pays expofez , commandées
par des Generaux , qui ne font pas.
les Comtes de la Province. Nous apprenons
de la vingt-huitiéme Lettre de Loup
Abbé de Ferrieres , que l'Armée deſtinée
pour la défenfe de l'Aquitaine , étoit divi-
Tée en trois Corps ; que le premier étoit à
Clermont , commandé par Modoin Evê
que d'Autun , & Aubert Comte d'Avalon
: Que le fecond étoit à Limoges fous
les ordres du Prince Gerard & de fes compagnons
, propres au commandement des
Armées. Le troifieme proche d'Angoulême
fous le Gomte Reinold .
IX. Lorfque les Rois formoient de
grandes Armées , ils affembloient les-
Troupes de plufieurs Comtez , & leur donnoient
tel General que bon leur fembloit .
L'Armée que Dagobert envoya contre les
Gafcous , étoit commandée par Chadoin
fon Referendaire , fous lequel étoient dix-
Ducs avec leurs Armées , & plufieurs
Comtes qui n'avoient point de Ducs au
a Capit . Lud Pii ad An . 815 ch . 1,
Annal . Egich an. 786.790. &c.
D'OCTOBRE. 23
deffus d'eux a . Ces Ducs & ces Comtes
commandoient chacun les Troupes de
leur Duché ou Comté . C'eft du moins ce
qu'on doit inferer des termes de Fredegaire,
quand il met dix Ducs avec leurs Armées .
Dans le même Chapitre , il diftingue en
core les Troupes d'Arembert , l'un des
dix Ducs , qui ( dit il ) fut défait dans
la Vallée de Soule par les Gafcons , & y
perdit les plus Grands Seigneurs de fon
Armée. Sous Charlemagne , nous trou
vons Guy Comte & Gouverneur des Frontieres
de Bretagne , qui fait la guerre dans
cette Province contre les Comtes fes com- ·
pagnons & fes égaux b. Comme il eft
nommé feul , & qu'on fait rouler fur lui
toute cette action , je ne doute point qu'il ne
commendât en chef : Ainfi je croi qu'on
peut comparer les Armées des François de
ce tems-là , à celles de l'Empire ; chaque
Prince ayant fes Troupes particulieres
qu'il commande , ou fait commander
par
fon General , & toutes êtant commandées
en chef, ou plutôt conduites par un Generaliffime.
X. Souvent les Rois envoyoient des
Troupes de plufieurs Duchez , comman
dées chacune par ces Ducs , indépendemment
les unes des autres , & qui d'ordinai
a Hed . c . 88.
▲ Annal. Eginh. ad an. 791.
24 LE MERCURE
te ne faifoient rien qui väille par jalousie.
Les Ducs que Gontran envoya contre les
Gots , ne firent que peu ou point de mal à
ces Peuples , & ruinerent entierement les
Provinces du Royaume , par lefquelles ils
påfferent. a
Le même Gontran avoit envoyé une
Armée en Bretagne , commandée par les
Ducs Beppolene & Ebracaire. Ces Ducs"
jaloux l'un de T'autre , refuferent de join-1
dre leurs Troupes enfemble. Beppolene
marcha feul contre les Bretons , & fut défiit
& tué apres un combat de trois heures.
Ebracaire demeura immobile jufqu'à ce
qu'il fût informé de la mort de ce Duc ,
puis fe retira , rendant la paix aux Bre
tons b : Et fous la feconde Race , Louis
le débonnaire fit marcher une Armée vers
les Frontieres d'Espagne , pour empêcher
les Sarazins d'entrer dans les Etats . 11 en
fit Generaliffime , Pepin fon fils ; néantmoins
cette Armée ne fit rien ; la jaloufie
des Chefs l'ayant retardée ; de maniere
que ces Peuples eurent le loifir de ravager
Le Pays & de fe retirer c. Ces mefintelligences
des Chefs augmenterent fort dans
la fuite, & ces mêmes Chefs devinrent bien
plus niaîtres de feurs Troupes particulieres ,
a Greg. Tur. lib . 8. c. 30.
Greg. Tur. Ib. 10. c 9.
Annal. Bert. ad An . 8175
qu'ils
W
D'OCTOBRE. 25
qu'ils n'avoient été jufqu'alors , parce que
la fucceffion du pere au fils n'établiffant
point dans les Comtez , ces Comtes regardoient
les Troupes , comme êtant à eux ,
& comme un bien propre qu'ils devoient
reſerver à la défenſe particuliere de leurs
interêts & de leur Comté.
XI. Les Rois puniffoient les défobéïſfances
, & la méfintelligence des Ducs ,
lorfqu'elles avoient fait quelque tort au bien
public. Gontran maltraite les Ducs qui
avoient fi mal fait dans le Languedoc a.
Il bannit le Duc Ebracaire b , & Louis le
débonnaire priva de leur dignité & de leurs
fiefs , les Chef qui avoient agi fous fon
fils , & en même tems priva Baudri du
Duché de Frioul , parce qu'il avoit laiffé
ravager les Frontieres de la Hongrie par fa
feule lâcheté.
XII. C'étoit peut- être pour empêcher
ces défordres ,autant que pour encourager
les Troupes , que les Rois mettoient leurs
fils à la tête des Armées , quoique ces
Princes ne fuffent pas toûjours en âge de
commander. Car nous voyons d'ordinaire
les fils de Rois à la tête des Armées de
leurs peres , fous la premiere & fous la
feconde Race. Thieri commanda les Armées
de Clovis fon pere contre les Gots e.
a Greg. Tur. lib, 9. c. 30.
b Annal. Bert. ad an. 829.
Greg. Tur. lib. 2. c. 37.
Octobre 1719 .
16 LE MERCURE
Theodebert fe trouve avec le même Thieri
fon pere , à la guerre coutre les Turin-.
giens a , & commande les Armées du Roi
Ton
on pere contre les. Gots b . Clotaire I. envoye
le Prince Gonthier fon fils contre les
mêmes Gotsc , & fit marcher Gontran &
Sigebert auffi fes enfans , contre Chrame
leur frere qui s'étoit revolté . d
Chilperic mit fes fils Theodebert e ,
& Merouée f, à la tête de fes Armées.
Rien n'eft plus commun que ces exemples
fous les premiers Carliens.
Les fils de Charlemagne commanderent
fes Armées g. Louis le débonnaire met fes
fils à la tête des fiennes h , & Louis le
Germanique fuit ces exemples . i
XIII. Les Troupes paroiffent fort mal
difciplinées fous la premiere & la feconde
Race. L'Armée du Roy Sigebert , prefque
toute compofée des Peuples de delà
le Rhin , ravageoit tout , fans qu'il pût
l'en'empêcher , comme il le proteftoit luimême
. Chilperic ne pouvant empêcher
a Greg. Tur. lib . 3. c. 7.
ร
Ibid. c . 11.
c lbid.
d Greg. Tur. lib. 4. c . 16 .
e Greg. lib. c. 49 lib. 5. c. 4 ?. &c 51.
Idem lib. 5. c. 2 .
Annal. Bert . ad an 827. & 828 .
Annal. Bert ad an . 875 .
i Greg Tur. lib 4, c. So.
Idem lib. 6. c. 36.
D'O CT OBRE. 27
fon Armée de piller , tua le Comte de
Rouen a, qui apparament étoit un de ceux
qui contribuoient le plus à ce désordre.
Les Troupes pilloient indifferemment amis
& ennemis , & des & faifoient ravages fi furieux
fur leurs Cumpatriotes , qu'on abandonnoit
les maifons fituées le long de leur
route b , & les Peuples les chargeoient
comme des ennemis. Ceux de Touloufe
attaquerent l'Armée que Gontran leur Roi
avoit envoyée contre les Cots, parce qu'elle
ravageoit tout. L'Armée que le même Roi
avoit envoyée en Bretagne , n'ofoit repaffer
par où elle étoit venue , crainte que
les Habitans ne fe vengeaffent du mal
qu'elle leur avoit fait fouffrir ; ce qui arriva
c.
Les mêmes défordres parurent fous la
feconde Race , ce qui fe prouve principalement
par les Ordonnances que les Rois
firent pour les arrêter .
Les Troupes allerent jufqu'à cet excez
d'infolence , que de forcer les Rois.à combattre.
Clotaire attaqua les Saxons , malgré
qu'il en eut , & fut entierement défait
par les Peuples , qui lui demandoient la
paix , & fe foumettoient à tout ce qu'il
fouhaitoit d. L'Armée du Roi Sigebert
a Lib. 8.c. 30.
blem lib. 10. C. 9.
c Greg lib. 4, c. 14 °
Id Lib. 4 c. so.
Cij
28 LE MERCURE
leur
voulut de même le forcer de la mener au
combat ; mais ce Prince , qui étoit intrepide,
monte à cheval , arrête la fedition
Far fon éloquence, puis fait lapider les plus
mutins a. Les François menacerent Thieri
de le tuer, s'il ne les menoit à la guerre b :
Ces Peuples y etoient entraînez par
penchant naturel pour les armes , & par le parle
defir de piller ; auffi Thieri ne les apaifet'il
, qu'en leur promettant qu'il les alloit
mener dans un Pays , où ils trouveroient
de l'or , de l'argent , des meubles & du
bétail , autant qu'ils en pourroient fouhaiter
c. L'amour du butin exciteit donc en
partie ces Peuples à faire la guerre . Or
ce butin fe parrageoit entre tous. Le Roi
lui - même n'avoit que ce que le fort lui
donnoit , & rien de plus : Ce qui paroît
par la priere de Clovis à fon Armée , de
lui donner au delà fa part , le Vafe que
S. Remi lui faifoit demander ; & par la
réponſe infolente d'un François , qui dit
à ce Monarque , qu'il n'auroit que ce qui
lui feroit échû par le fort , & riende plus . d.
L'ufage de partager également les dépouilles
de l'ennemi , & cette violence des
Soldats contre leurs Rois mêmes , ne fuba
Ib'd lib. 3. C. II.
b . bid
Greg. Tur. lib 2, c. 27
d Greg. Hut Epit e 16.
·
D'OCTOBRE. +29
fifta pas fous la feconde Race.
XIV. Les Rois firent ce qui leur fut
poffible pour arrêter les pillages de l'Armée.
Ils donnerent aux Soldats de quoi fe
nourrir , & ordonnerent qu'on fît des magafins
de vivres le long des Routes, & fur .
les Frontieres des Pays où la guerre fe
faifoit , afin que le Soldat trouvant ce dont
il avoit befoin , n'eût pas lieu de piller a .
Cette précaution étoit accompagnée de
quantité d'Ordonnances feveres .
د
Clóvis défendit à fes Soldats de rien
prendre fur les terres des Ecclefiaftiques b
& en particulier , fur celles de l'Eglife de
Saint Martin , quoi qu'elles fuffent fituées
en Pays ennemi . Un Soldat ayant
contrevenu à cet ordre , prenant une botte
de foin , le Roi le tua , & cet exemple
fuffit , ajoute Gregoire de Tours , pour
empêcher l'Armée de piller d . Thieri défend
à fes Troupes de piller , & pour
leur en ôter tout fujet , pourvoit à leur
fubfiftance e. Les Loix données par les
Rois Thieri , Childebert & Dagobert
défendent ce pillage fous des peines affez
Epit Theoder, Reg . apud Chen. T. 1. p.
842. & feqq.
Apend ad Greg Tur . col. 1327,
Greg. Tur. lib. 2. c. 37;
dlbiu.
Chen. p. 842, & futiv.
>
Ciij
30
LE MERCURE
fortes a. Sous la feconde Race , les Rois
défendoient qu'on prît dans le Royaume
du foin , des grains , du bétail ; qu'on
forçât les maifons , ni qu'on y mît le feu
fans leur permiffion expreffe b . Les Capitaines
étoient refponfables par eux-mêmes
de ces défordres . Ils en étoient punis ;
mais en même tems on puniffoit ceux qui
les avoient commisc . On forçoit les Trou-
Fes à payer le dommage qu'elles avoient
fait , même l'annee precedente d.
XV. J'ai fait voir que tous les Libres
étoient obligez d'aller à la guerre. Ceux
qui manquoient de s'y trouver , étoient
condamnez à une amende qu'on appelloit
le Ban & l'Arriereban , & que nous trouvons
établie fous la premiere Race. Gontran
ordonna , que ceux qui n'étoient pas
allez à la guerre contre Gondebaud , comme
il l'avoit ordorné , payeroient le Bane..
On trouve encore de pareils exemples .
Afin que perfonne n'eut lieu de s'excufer
fur ce qu'il n'avoit pas eu les ordres du Roi.
pour la convocation des Troupesf , leurs
Majeftez envoyoient des Amoniteurs par.
a Leg. Bav.
b Capit . lib. 5. c. 189.
e Sirm Concil . Gall . tit. 2. p. 454. & capit. -
lib.2... C, 15.
d Capit lib . 2 C. 14.
e Greg lib. 7 C. 42.
f Greg lib. 5 G 27.
D'OCTOBRE. 31
toutes les Provinces , pour fignifier cette
convocation a , comme nous l'apprenons
de Fredegaire , & comme de Valois l'a
prouvé dans fa Preface du fecond Tome
de fon Hiftoire des François.
Le Ban étoit moindre que l'Arriereban ,
du moins à ce que je croi. On exigeoit
l'Arriereban de ceux qui avoient quitté
l'Armée lorsqu'elle étoit proche des Ennemis
, ou qui n'avoient pas contribué à la
défenfe de la Patrie b . Celui , qui pouvant
aller à la guerre , ne l'avoit pas fait , étoit
obligé de payer le Ban c. Le Vaffal , qui
pouvant fuivre fon Seigneur à la guerre ,
ne l'avoit pas fait , étoit obligé de payer
l'Arriereban entier. Les Seigneurs étoient
de même obligez de payer autant d'Arrierebans
, qu'ils avoient laiffé de leurs Vaffaux
fans les conduire à la guerre d : Néantmoins
les Rois permettoient quelque
fois à leurs grands Vaffaux , de laiffer à la
garde de leurs maifóns , quelques- uns de
ces Vaffaux , qu'ils étoient obligez de
reprefenter aux Intendans à la fin de la
campagne e.
Le Ban & l'Arriereban ne fe payoient
ni en Terres , ni en Efclaves , mais en ara
Fred c 40.
b Capit Carol . Calv . tit . 36 c. 27.
Capit lib 4. c. 70,
d Apend 2 adlib 4 Capit. c. 35•
e Ibid.
63.363
C. iiij
32 LE MERCURE
1
gent , draps , armes , bétail , grains &
autres denrées d'ufage pour les Armées a
Si l'on payoit l'Arriereban pour avoir manqué
de le trouver à l'Armée , le Comte
en faiioit auffi payer un fecond pour le
guet & garde qu'on faifoit dans le Comté;
mais , celui-ci ne devoit être pris qu'aprés
le premier , dont ce même Comte avoit
la troifiéme partie b. Il étoit ordonné de
faire payer exactement l'Arriereban , fans
égard pour qui que ce fût c ; néantmoins
ils ne le faifoient pas fi exactement , qu'ils
ne laiffaffent quelquefois paffer les Vaffaux
de quelques-uns de leurs amis d .
Ces moyens , dont les Rois fe fervoient
pour obliger tous leurs Sujets à concourir
également à défendre l'Etat , & à faire de
nouvelles conquêtes , fut dans la fuite def
avantageux à leurs Majeftez & au Peuple ,
par
par la malice des Comtes , qui ruinoient
le Peuple par ces Bans & Arrierebans ,
fans lui permettre de rendre fervice en
perfonne ce qui diminua les Armées
Royales de plus de la moitié , comme- nous
l'apprenons de Hincmar.
XVI. Les Rois envoyoient des Intendans
dans les Armées. Ce font eux que
l'Empereur Lambert appelle Miffi Exer
Capit , Carol, M , lib , 3, €, 68,
b Ibid,
e Capit, Carol, M , lib , 3 , C, 14
d Eginh, Epift, 33 , Chen, tom, a
D'OCTOBRE 33
etus , les Intendans de l'Armée a. Bien
que par tous les endroits des Capitulaires
que j'ai citez , il paroiffe que les Intendans
des Provinces avoient infpection fur
les Troupes , & que les Rois leur commandoient
de tenir la main à ce que les
Ordonnances de leurs Majeftez fuffent executées
, je ne doute pas néantmoins qu'il
n'y eût des- Intendans particuliers pour
l'Armée ; ce que prouve l'Ordonnance de
Lambert que je viens de cîter ; & une
Ordonnance de Louis le débonnaire , qui
veut , qu'on remette une copie des Privileges
qu'il avoit accordez aux Efpagnols
entre les mains des Intendans qu'on mettroit
dans les Armées . Tertium ( exemplar)
babeant Miffi noftri , qui fupra Exercitum
conftituendifunt b.
XVII. Les Evêques & les autres Ecclefiaftiques
, ne pouvoient aller à la guerre ,
ni pour commander , ni pour combattre.
Les Canons le leur défendoient ; néantmoins
je croi que quelques-uns fe difpenferent
fouvent de cette obligation. On voit
fous les premiers jours 1. du regne de
Thieri III. un Archevêque de Lion , qui
a des Troupes nombreuſes c ; & long-tems
a Capit. Lamb ad An · 904. cap. 4. ap. Baron
ad An. 904.
Capit. Lud. Pii . ad An 919. c. 8.
en 673.
a Vita S. Leodeg. Sæc. Bened. 2. p. 681. &
feqq.
34 LE MERCURE
་
auparavant , des Evêques s'étoient trouvez
dans l'Armée que le Patrice Villebaud
oppofoit à Flachoate Maire du
Palais de Bourgogne , qui cherchoit fa
perte a. Sous Charles Martel , il étoit or
dinaire de voir des Evêques & des Clercs
porter les armes . Il cft vrai qu'alors la
Difcipline Ecclefiaftique étoit fort negli
gée b . Les fils de Charles Martel & principalement
Pepin , commencerent à rétablir
la Difcipline Ecclefiaftique dans les
Gaules . Charlemagne fils de Pepin , lui
fucceda dans ce pieux deffein , ainfi qu'à
fa Couronne. Louis le débonnaire continua
, & tous enfemble réformerent en
quelque façon l'Eglife des Gaules , qui
défendoient aux Evêques & aux autres
Ecclefiaftiques de porter les armes ; mais
il leur fut ordonné d'envoyer les Troupes
qu'ils étoient obligez de fournir , par leur
Avoué ou Gonfanonier , comme je l'ai déja
remarqué. Sous Charles le chauve , les
Prelats reprirent les Armes , pour arrêter
les courfes des Normands , Peuples Payens,
& qui fe faifoient une Religion de ruiner
les lieux facrez , de profaner les chofes les
plus faintes , & d'exterminer tous les
* Il y en avoit un de Gap, & un d'Ambrum.
1. en 641
a Fred , c 90.
Concil, Gall Trp . 530. & feqq . Src. Bened
3 præf. &... P. 563. & alib paff
pall
D'OCTOBRE.
35
Chrétiens , & principalement les Ecclefiaftiques.
Medoin Evêque d'Autun, .com .
manda une des Armées qu'on lui oppofa
dans l'Aquitaine. Gauzelin Evêque de
Paris , fignala 1. fa bravoure pendant le
fiege de Paris par les Normans a. Angefile
Evêque de Troyes , défendit courageufement
cette Ville contre les mêmes Normands
qui furent obligez de lever le fiege.
Il s'en fit enfuite Souverain , & en fut
chaffe par le Comte Robert de la Maifon
de Vermandois b.
Je paffe les autres exemples qui font en
trés grand nombre.
Aprés le démembrement de la Monarchie
, arrivé en 888. plufieurs Evêques
s'affûrerent de leurs Villes Epifcopales ,
& y ufurperent les Droits Regaliens. Ils
s'en emparerent auffi dans les Terres qui
apartenoient de droit à leurs Eglifes : Et
depuis ce tems jufqu'au quatorziéme fiecle,
il n'eft plus rare de voir les Evêques à la
tête de leurs Troupes, combattre leurs ennemis
ou ceux de l'Etat.
Les autres Ecclefiaftiques fe laifferent
auffi aller à ces défordres , & il n'y eut
que ceux qui avoient de la pieté & du zele
I. en 880.
a Abbo. Monae Carm . de Obfid. Parif.
Bouchet prev. de l'orig de la Maif. de France
b Gron. S. Petr. Vivi . Senon p 714. & feqq...
36 LE MERCURE
pour l'ancienne Difcipline qui ne s'y précipiterent
point .
XVIII. Si les Canon's défendoient aux
Évêques d'aller à 1 : guerre pour attaquer
l'ennemi , ils leur permettoient d'y ſuivre
le Roi; & même le Concile de Francfort a
défendant aux Evêques d'aller à la guerre ,
confent & pernier , que le Prince en ait un
ou deux avec des Chapelains & des Prêtres
, pour faire l'Office Divin , & ordonne
que chaque Chef ait un Aumonier ,
pour confeffer les Soldats & adminiftrer
Tes Sacremens .
Sous toute la premiere Race , il falloit
de neceffité qu'il y eût un Evêque à l'Armée
, lorfque le Roi la commandoit en
perfonne ; ce qui arrivoit pour l'ordinaire
parce que le Grand Aumonier ou Apocri.
laire , étoit toûjours Evêque , & que les
Evêques rempliffoient alors tour à tour
cette dignité, qui n'étoit point une Charge
attachée à un feul Evêque , mais à tous
les Evêques. Il étoit de toute neceffité que
cet Apocrifaire fuivît la Cour , parce qu'il
étoit en même tems le Juge de tous les
Ecclefiaftiques de la fuite du Roi : Qu'il
connoiffoit des affaires du Roi , & qu'il
étoit le Raporteur des grandes auprés de la
Majefté b.
C * A Concil Francof. ad An.
Hift de la Chapelle du Roi p. 555
Hucm. Epift. 3. ad Epifc.c, 14.
D'OCTOBRE.
37
Sous la feconde Race , cette grande di
gnité devint une charge attachée à une
feule perfonne qui n'étoit pas toujours prife
dans l'ordre des Evêques , mais quelquefois
dans celui des Abbez , dans celui des
Prêtres , & quelquefois même dans celui
des Diacres 4,
Idem ibid.
J
Ai crû devoir preferer , pour la curiofité
du Lecteur , le Memoire fuivant ,
à l'Hiftoriete ordinaire. La matiere qui y
entre , eft trop interressante , & la maniere
dont il eft écrit , trop amusante , pour n'être
pas approuvé dans mon choix. On m'a pro-.
mis la réponse à ce Memoire : fi l'on m'en
donne communication , je ne manquerai pas
d'en faire part au Public.
MEMOIRE
POUR Dame ... Accufée d'adultere
& d'avoir fait apparoître des Elprits.
Centre
Meffire , ...
M
On Mari , dans les agitations
d'une jaloufie auffi cruelle qu'injufte
, m'a fait des crimes de tous les phan38.
LE MERCURE
tômes qu'elle lui prefentoit : je me fuis
vuë long temps en proye
à ce que l'autorité
domeftique peut permettre de violences
à un homme naturelement inquiet , fans
que j'aye neanmoins opofé à fes outrages ,
que des fentimens paisibles.
La patience & la douceur , qui dans notre
fexe agiffent avec tant de force & de
fuccés , n'ont pû ranimer fon affection ni
calmer fes fureurs .
Il a pris les voyes honteufes de la procedure
; il a porté au Tribunal même , où
il prefide , l'humiliante hiftoire de fes foupçons
; il a attaqué ma conduite par des
écrits injurieux dont l'opprobre rejallit fur
lui car fuppofant veritables les fautes énormes
dont il m'accufe , peut-il nier qu'il
n'eût autant d'interrêt à les tenir fecretes
qu'à y remedier ? n'auroit- il pas dû fentir
que les coups qu'il me portoit , pour établir
contre moy dans le monde un prejugé
d'adultere & de diffolution tomboient
d'abord fur lui- même ?
›
Un procedé fi furieux n'avoit point encore
jufqu'à prefent déconcerté ma pa
tience pour ramener mon mari à des fentimens
raiſonnables , pour l'attendrir fur
Les propres interêts , j'ay employé le minif
tere de plufieurs perfonncs , dont les con
feils & les demarches devoient lui infpirerde
la confiance & du refpect ; leur fecours
n'a pas eû plus de fuccés que na foumil
fion.
D'OCTOBRE.
39
Enfin , aprés avoir inutilement mis en
uvre tout ce que j'ai cru capable de le
Youcher , je fuis contrainte de deffendre ma
reputation par les voyes d'éclat qu'il a pri-
Les pour l'attaquer .
Avant que d'entrer en matiere , je voudrois
regler avec moy même deux chofes
delicates , qui font , les égards que je dois
conferver encore pour mon mari , & la maniere
de traiter des faits , ou ridicules ou
fcandaleux , dont il faut que je parle. Si
je prens le ton ferieux , je paroîtrai de
mauvaiſe humeur , on dira que je traite
impitoyablement Monfieur de ... fi j'écris
avec quelque forte de gayeté , on me reprochera
que je raille , & que cela n'est
point en place : mais enfin , comme l'embarras
eft égal des deux côtés , je croy que
je prendrai ce dernier parti ; à coup fur
il ennuyera moins , & j'ai interêt qu'on life
mon Memoire-
FAIT .
Je n'avois que feize ans lorfque j'époufay
Monfieur de ... âgé de foixante- cinq , &
qui étoit aveugle.
Ses rich fles , fa dignité de ... éblouirent
ma famille , qui , fans entrer dans les
autres confiderations,détermina mon obéiffance.
Je ne trouvai point dans les chaînes ho40
LE MERCURE
norables de ce mariage , ce qu'on m'y
avoit fait imaginer de douceurs & de tranquilité.
L'humeur ombrageuse de mon mari éclata
dés les premiers jours que nous fûmes enfemble
, & j'eus la mortification de ne pas
joüir un feul moment des prerogatives de
la nouvauté , qui affujetiffent les hommes
les plus farouches à quelque complaifance.
Monfieur de ... me mit d'abord fous
l'infpection d'un vieux laquals , auquel il
confia les delicates fonctions de Douëgne,
Picard ( c'eft le nom de ma gouvernante )
donna à fes devoirs plus d'étenduë que n'en
permet la bienfeance ; il ne fe contentoit
pas de m'accompagner hors du logis , il
me fuivoit d'une chambre à l'autre , fans
égard même pour les momens de liberté
les plus indifpenfables,
Des défiances fi outrées , & aufquelles
je n'avois pas eu le tems de preparer ma
foumiffion , me plongerent dans une melancolie
affreuſe ; mon mari m'en fit galament
la guerre , & me reprocha le
peu de
goût que je prenois à des preuves fi fenf
bles de fon amour.
Jufques là , je ne me ferois point imaginée
qu'un aveugle pût être épris d'une
femme qu'il n'a jamais vuë.
Une paffioni étrangere à la nature ,
m'infpira de l'indulgence pour le ridicule
& la ferocité des fentimens qu'elle operoit
i
D'OCTOBRE . 41
roit ; je prevoyois d'ailleurs que ce frivole
Ouvrage d'une imagination échauffée , par
le portrait Aateur qu'on lui avoit fait de
ma perfonne , s'évanouiroit en même tems
que les illufions de la fenfualité .
Je ne me trompay pas ; l'amour échapa
Bientôt des foibles liens qui le retenoient ,
mon mari perdit , avec les premieres amor
ces de la poffeffion , toute l'impatience &
la fureur de fes empreffenrens ; mais la jaloufie
n'eut pas les aîles fi fortes que
l'amour ; aprés un effor de quelques jours',
elle revint au gîte.
Les inquietudes de Monfieur de... ne'cefferent
point avec fa paffion ; il fe figura
que les ennuys du Celibat alloient me li
vrer une farieufe guerre , & il craignit que:
preffée par des corrupteurs fi dangereux ,
je ne cedaffe enfin aux irruptions du tem--
perament qu'il croyoit infeparables de mon
âge.
Le peril lui parut évident , il redoubla:
de vigilance ; je ne pouvois faire un pas
dans la maifon , dans mon apartement.
même, dont il ne falut lui rendre compte:::
il examioit mes moindres paroles , & jufqu'à
mon filence tout lui faifoit ombrage
Ses heritiers collateraux , qui ne le
voyoient plus depuis nôtre mariage , fe reconcilierent
avec lui dans ces circonftances
; ils fe fervirent , pour l'irriter contre
moi , de tout ce que la haine & l'interêt
D.
4412 LE MERCURE
peuvent fuggerer d'impoftures
& de perfidies
cependant
, comme l'averfion
entre
les Epoux n'opere pas toujours la continence
qu'ils auroient
fort fouhaité
pouvoir
infpirer à Monfieur
de ... ils craignirent
que quelque brufquerie
de temperament
ne le raprochât
de moy . Trop habiles pour commettre
ainfi leur fortune au hazard de
voir naître un fucceffeur
, ils firent entrer
dans le lit de mon mari une fervante dont
il avoit eu trois enfans , & qui étoit d'une
trempe à ne rien laiffer à faire à l'Hymen
de tout ce que pourroit exécuter l'amour .
Quoy que les fatigues du libertinage
euffent
fait de grands defordres
fur la perfonne
de cette fille , la paffion de Monfieur
de ...fe raluma pour elle avec beaucoup
.de violence.
Il l'avoit aimée avant qu'il fût aveugle ,
& le fouvenir de ce qu'alors il lui avoit
trouvé de charmes , lui rendit fa poffeffion
auffi aimable qu'elle avoit pû l'être , ſenblable
à ceux , qui parmi les ruines de l'antiquité,
admirent tout ce qu'ils n'y voyent
point.
Je voudrois épargner au lecteur le fcandale
de certains faits , dans la difcuffion
defquels il faut que j'entre à prefent , mais ,
comme je ne pourois les fuprimer fans défervir
ma caule ; je ne refte comptable au
Public que de la maniere de les traiter ;
& s'il paroît que j'aye fait mes efforts pour
D'OCTOBRE..
43 *
couvrir par le tour & le choix des expreffions
, ce que la verité a de trop libre , je
croiray n'avoir aucuns reproches à me faire
ni à effuyer.
Peu de jours aprés que Monfieur de ...
eût rendu fes criminels embraffemens à
Marianne , je m'apperçus qu'it recevoit .
myfterieuſement matin & foir la vifite
d'un baigneur . Je trouvois fort plaifant
qu'il prît un foin fi particulier de fa perfonne
, pour plaire à une Créature que les »
ravages du tems & de la debauche avoient :
entierement flétrie ; mais je ne demeuray .
gueres dans cette erreur ; il parut inquiet ,
& les inquietudes allerent bientôt juſqu'à
l'impatience la plus outrée ; tout fon corps
étoit dans un mouvement , dans une agitation
continuelle . Ce que je foupçonnai de
plus honnête , füt que Marianne lui avoir
donné la Gale ; je ne me trompois pas.
Cette faveur avoit été accompagnée d'une
autre ; il étoit affailli par un nombre prodigieux
de ces petits Infectes , qui feuls
parmi les plus viles , portent un nom que
l'on a honte de prononcer ; ils lui faifoient
une guerre fi cruelle , qu'avoir l'activité
de fes mains à fournir par tout du fecours ,
on eût cru qu'il avoit un morceau dù linge
fatal qui embrafa Hercule.
Monfieur de ... defefperé d'une avanture
fi désagréable , s'en expliqua avec
Marianne , & il eut avec elle une longue
Dji
44
LE MERCURE
:
Scene qui fe denoua par la Catastrophe or
dinaire : le crime fut chaftié ; il paffa du
reproche à l'invective & des injures aux
coups la pauvre fille , qui ne pouvoit
concevoir qu'elle eût fait un fi grand mal
d'avoir par de telles faveurs deshonnoré,
Monfieur de ... ne reçut pas la correction
avec le refpect & la docilité convenable ;
elle fe mit fur la defenfive ; & l'action s'échauffant
toûjours , chacun de fon côté
crie au meurtre ; tout le domeftique accourt
, j'arrive , on les fepare.
M. de ... envoya chercher la Garde
refolu de faire emprifonner Marianne; mais
je crus devoir empêcher qu'il ne donnât
ce fpectacle au Public ; je la fis évader par
une fenêtre , à l'aide d'une échelle qu'une
bonne voifine nous tendit : Aprés cette
charitable expedition , je retournay fur le
champ de bataille pour voir fi mon mari
n'étoit point bleffé , je lui trouvai le vifage
enfanglanté , mais mes allarmes cefferent
bientôt , & je n'eus befoin que de ma boëte
à mouches , pour mettre un appareil à
fes bleffures. Il s'étoit attendu aux criailleries
& au fracas , qu'une femme offenſée
pouvoit faire dans une occafion fi propre
à mettre la raifon du côté de l'emportement
; la douceur de mon procedé le furprit
& le toucha ; il voulut me donner
des marques diftinguées de fa reconnoiffance
; & il me dit , mais de l'air & du
D'OCTOBRE.
45
vous
fon qui conviennent au Seigneur & Maî-
» tre « ma femme embraffés- moi ,
» pouvés dés aujourd'hui rentrer dans mon
» lit » Les fruits de la reconciliation ne me
tenterent point , je ne voulois pas me fervir
de la femme du baigneur je temoignay
donc à mon mari le plus civilement
qu'il me fut poffible , que j'attendrois fans
impatience qu'il eût renvoyé les Etrangers
qui couchoient avec lui , & dont il avoit
tant de peine à fe défaire ; il s'offenfa de
mon refus , comme fi j'euffe été dans l'obligation
d'héberger fes hôtes nous voilà
brouillés fur nouveaux frais .
Ses parens , que la difgrace de Marianne
replongeoient dans les inquietudes de l'avenir
, fe prefferent , fans qu'il en fût befoin
, d'empêcher que la paix ne fe conclût
entre lui & moi . Ils aigrirent fa mauvaiſe
humeur ; ils exciterent fes foupçons par
la malignité de leurs conjectures fur mes
actions les plus indifferentes ; ils lui firent
entendre que ma conduite refervée avoit
au fonds fa politique & fes interêts ; que
mes foins à vouloir paroître fage , étoient
plûtôt un voile dont je couvrois des affaires
de coeur , qu'une certitude de ma vertu ;
que jeune & belle , ( ce font mes ennemis
qui parlent ) je me trouvofs expofée fans
ceffe aux attaques des foupirans , & qu'il
étoit bien difficile que , dans un âge où la
raiſon eft encore en enfance , je fortiffe
45. LE MERCURE
innocemment de tant de perils agréabies :
c'eft ainfi qu'aprés avoir paré la victime ,
ils l'égorgeoient enfin ils prefenterent à
à la jalousie tous les objets capables de la
remuer violemment .
La perfecution devint fi cruelle , on me
rendit fi malheureufe , que je crus la fureur
dé mes ennemis épuifée ; mais un accident
imprevû les mit en état de travailler
à me rendre mon Mari irreconciliable ;
c'étoit le comble de mes infortunes , & où
fé terminoit toute l'étendue de leurs defféins
.
Il eut en huit jours deux attaques d'apoplexie
, qui fournirent à fes heritiers une
occafion fort naturelle de ne point défemparer
la maifon : La Dame fa four,arriva
de la campagne , & prit un apartement au
logis pour être plus à portée de fecourir
le malade : les foins , les veilles , les inquietudes
, les larmes , toutes ces fauffes demonftrations
de douleur furent employées
avec fuccés : Monfieur de... convaincu du
tendre & fincere attachement de fes
parens
éplorés , oublia qu'ils étoient fes heritiers ;
il reçut , comme des témoignages de leur
zele , toutes les calomnies qu'ils lui debiterent
für mon compte ; ils avoient dreffé
entr'eux le tiffu d'une intrigue qu'ils fuppoloient
que j'euffe avec un jeune homme ;
ce jeune homme étoit un de ces petits
Maîtres évaporés , fur lefquels on ne laiſ
&
D'OCTOBRE. 47
feroit pas tomber un regard , fans le ridicu
le de leurs manieres qui excite quelquefois
la curiofité : On ne pouvoit choifir plus
mal le Heros du Roman ; les avantures
n'étoient pas mieux imaginées : Nulles
preuves ni vrayfemblance même dans une ,
accufation fi grave ; & ce qu'on alleguoit
de plus decifif pour me convaincre d'adultere
, eft que le Cavalier avoit envoyé à
neuf heures du matin rechercher fon manteau
dans mon antichambre , d'çú il refultoit
que nous avions paffé la nuit enfemble
: Si un foupçon de cette nåture trbuvoir
grace dans le monde , la reputation
des femmes dependroit de la pluye & du
beau tems. Ce fait , loin de montrer les
apparences du crime , ne prefente rien à
quoy la medifance la plus déchaînée puiffe
donner un mauvais tour ; cependant Monfieur
de ... but à longs traits un poifon fi
mal preparé. Je voudrois qu'on pût croire
pour fon honneur , que l'apoplexie avoit
un peu dérangé les operations du jugement;
ce qui va fuivre , le perfuadera peut être.
Il s'imagina , ou feignit de croire , qu'il
Jui étoit furvenu une de ces maladies cruelles
que le venin de la prostitution communique
Un Medecin qu'il confulta , ne
lui trouvant , aprés un examen en forme ,
aucun indice qui pût caracterifer les apparences
mêmes de cette maladie , -jugea fort
roifonnablement qu'il falloit traiter Mon48
LE MERCURE
·
•
fieur de . .. en malade imaginaire ; il luf
fit prendre fous le nom de fudorifique
une tizanne legere , propre à rafraîchir les
entrailles de Monfieur , trop abreuvées de
liqueurs & de vin ; ce qui pouvoit bien
avoir part au delire.
Mon mari perfuadé qu'on travailloit ferieufement
à le guérir du pretendu mal
dont il fe plaignoit , voulus joindre aux
avis du Docteur , ceux d'un Chirurgien .
Celui qui fut appellé , traita tout net de
vifions ou d'impoftures les douleurs du
malade , & ne fçachant pas dans quelles
vuës on lui donnoit des remedes qu'il ne
croyoit pas indifferens , il blâma la conduite
du Medecin , & alla lui en faire des
reproches chez lui - même . Le Medecin le
mit au fait , & lui expliqua les raifons
qu'il avoit euës ; la tizanne fut approuvée.
Monfieur de .. revint à la charge
pour convaincre Fincredule Chirurgien
aprés un recit infidele de fa maladie ; il ofa
me l'imputer ; il affura que j'étois moimême
dans les remedes , & il voulut que
fur le champ je fuffe vifitée. La honte
d'un foupçon fi outrageux m'accabla ; ce
que l'on exigeoit de moy,fit gemir ma pùdeur
; mais enfin , les interêts de mon innocence
prevalurent , & me determinerent.
•
Le Chirurgien attefta qu'il ne m'avoit
trouvé que de legeres marques d'une indifpofition
trés ordinaire aux femmes , &
dont
D'OCTOBRE. 49
dont on ne pouvoit rien conclure de defa- *
vantageux à leur conduite.
Ce que je viens de raporter , prouve combien
l'apoplexie avoit mis en defordre le
jugement Monfieur de ... Ce que j'ai encore
à dire fur les déreglemens de fon imagination
, n'eft pas moins decifif. On verra
bientôt de quelle autorité pour ma caufe
, font ces faits qui ne paroiffent actuellement
d'aucune confequence.
Mon mari a toûjours craint les efprits ,
& il s'étoit forgé fur cela bien des chimeres
; mais depuis l'apoplexie , fes terreurs
paniques avoient augmenté. Les vieux Con
tes que les nourrices employent au lieu de
verges , lui faifoient impreffion , le dirayje
enfin il craignoit , le loup garou , le
Juif errant.
Je fuis perfuadée que le Lecteur s'arrête
ici , & me blame d'avoir mis en oeuvre ces
puerilités , qui loin de paroître utiles à ma
caufe , femblent marquer une difette affreufe
de raifons & de moyens : Pourquoy
dira t'on , s'accrocher au ridicule dans un
point de fait où il ne faut que des preuves ?
mais ce ridicule eft par luimême une
preuve évidente de mon innocence & de
l'imbecillité de l'accufation ; c'eft ce que la
fuite va developer.
Un jour que m'amufant à vifiter dans le
grenier ma provifion de fruits , je jettois
par la fenêtre des pommes pouries
Octobre 1719.
E
une
50
LE MERCURE
de ces pommes tomba fur une fonette qui
fervoit pour l'appartement de M. de ... Le
fil d'archal ébranlé , fit mouvoir dans la
Chambre les anneaux à travers defquels il
paffoit mon mari qui étoit alors avec un
Pere Auguftin & un de nos laquais , leur
demande qui.fonne ? l'un & l'autre difent
n'avoir touché à rien ; le voilà faifi
de frayeur , & fur le champ il refoud de
quitter une maifon où les efprits reviennent
Bientôt aprés cette fcene que j'avois preparée
fans le fçavoir , j'entre dans fa cham
bre , il me fait une longue hiftoire du prodige
arrivé , & me declare qu'il veut aller
demeurer ailleurs
- La maifon étoit fi incommode & fi trif
te , que je ne pûs me fçavoir mauvais gré
d'avoir fourni les incidens qui obligoient
Monfieur de ... de la quitter ; mais
comme les efprits ne remuoient plus , l'empreffement
de deloger , diminua ; ma femme
de chambre me fit louvenir dans ces circonftances
qu'il y avoit encore au Grenier
du fruit pouri j'avouerai de bonne foy
que je vifay à la fonette , le charme reüffit,
nous délogeâmes .
La Dame fa foeur moins credule par
malheur que Monfieur fon frere , s'avifa
deux mois aprés de vouloir examiner par
elle-même s'il y avoit dans l'avanture
quelque chofe d'extraordinaire , & coura÷
geufement elle s'offrit d'aller paffer une
nuit dans la maifon.
D'OCTOBRE.
ST
De mon côté je tins confeil avec ma femme
de chambre ; nous ne doutions point
que ma belle.four ne regardât comme une
fupercherie , l'avanture de la fonette ; &
que prefumant que c'étoit mon ouvrage ,
elle ne cherchât à s'en éclaircir pour m'en
faire un crime prés de Monfieur de ...
L'expedient le plus naturel pour détourner
ce coup , étoit de l'effrayer elle même par
une apparition concertée , & c'est à quoy
nous nous déterminâmes. Ma femme de
chambre fe chargea de trouver des Acteurs;
elle diftribua les premiers roles à deux
laquais du logis ; nous leur fournîmes les
decorations & autres chofes neceffaires ;
des draps , une citroüille vuidée , la chaîne
du puits , des flambeaux & du vin pour
les entre- Actes .
>
Tandis que nous dreffions fecretement
l'apareil de ce fpectacle comique la
Dame fa fæeur que les approches du
peril rendoient plus timide , fe faifoit
du courage par raifon , raffembloit toutes
fes forces , & preparoit fa conftance aux
plus rudes épreuves ; enfin elle prit jour
pour cette fameufe cxpedition ; & s'appuyant
de l'intrepidité de Monfieur fon
fils , ils fe tranfporterent enfenible fur les
Heux , accompagnés feulement de notre
cocher, & d'un gros chien de baffe cour .
On leur lailla tout le tems de vifiter la
maiſon & de fatiguer leur vigilance par
E
ij
52 LE MERCURE
•
2
des rondes inutiles ; mais , quand nous
jugeâmes qu'ils pouvoient être affoupis
mes gens entrerent par une fauſſe porte
dont je leur donnai la clef que mon mari
m'avoit laiflée en garde : La piece fut mal
jouée , les fpectres firent leurs roles avec
fi peu de precaution , qu'à peine donnerent
-ils un moment le change : Le chien
aboye , le cocher fe leve , court , crie au
voleur. Les deux phantômes déconcertés ,
cherchent à s'évanouir , le cocher les fuit,
le chien les galope ; ils échapent cependant
malgré la fourche & le mâtin : Mais à
quatre pas du logis , la patrouille les rencontre
, s'en faifit & les mene au Corps de
Garde.
Dans ce defordre , la clef dont j'étois
feule depofitaire . refta à la fauffe porte .
ce qui dénoua toute l'intrigue , & fit voir
que la piece étoit de ma façon.
La Dame fa four donna à cette avanture
la plus mauvaife explication qu'elle pût
imaginer ; elle fe recria beaucoup fur l'infolence
& la hardieffe de l'entreprife ; elle
fit entendre à mon mari qu'il devoit regar
der cette fcene nocturne , comme un cffay
que j'avois pretendu faire de la complai
fance de mes domeftiques , pour les porter
enfuite à des temerités plus grandes contre
fes interêts, peut être même à des attentats
Aur fa vie . Monfieur de . faifi tout ensmble
de crainte & de fureur , laiffa éD'OCTOBRE.
$3
chaper des paroles menaçantes qui me furent
raportées. Je me retiray chez un de
mes parens , pour y attendre en fureté la
fin de l'orage..
Mon mari , dés le lendemain , envoya
chercher ce parent , & lui dit que j'avois
eû tort de prendre fi chaudement l'allarme
; qu'il ne penfoir plus à ce qui s'étoit
paffé ; que je pouvois revenir , qu'il m'en
prioit même de tout fon coeur . Cette nou
velle me fit un plaifir inexprimable ; mais
ma joye s'évanouit comme un éclair Je
me preparois à fortir pour retourner chés
Monfieut de ... lorfque notre cuifiniero
entra dans la chambre , hors d'haleine &
toute effrayée , » Où allés vous , Mada-
» me me dit-elle ? fi vous revenés à la
» maiſon , vous êtes morte , j'entendis hier
au foir une converfation que M. le ...
» & Madame fa fæeur eurent enfemble fur
»vôtre compte. Elle lui demanda pour-
"
quoy , aprés les tours que vous lui aviés
» faits , il vouloit encore vous recevoir ;
» que vous le haïffiez à la mort & que vous
» feriés capable de l'empoifonner , à quoy
» Monfieur le ... répondit , je ne lui en
»donneray pas le tems; j'affecte de la dou-
» ceur pour mieux jouer mon rôle quand
je devrois mourir fur un échafaut ,"je la
» tuerai ; je ne me foucie point de ce qui
m'en arrivera , pourvû qu'elle meure ,
» & que ce foit moi qui aye le plaifir de
:
E iij
14.
LE MERCURE
ر ک
la faire expirer ; mais comment ferés
,, vous , lui dit la Seur vous êtes avcugle
: Je ne ferai femblant de rien ; je la
prierai de me mener dans mon Cabinet ;
,, je fermerai la porte comme à l'ordinaire ,
je la tiendrai fous le bras, & je ne la manquerai
pas.
ود
32
د ر
On ne me blamera point de n'avoir ofé
dans ces circonftances retourner chés mon
mari ; je demeurai où j'étois , fort embarraffée
du parti que je devois prendre. Aprés
y avoir donné quelques momens de reflexion
, je fentis combien il m'importoit que
cette depofition fut faite en prefence de
quelqu'un dont le temoignage eût de l'autorité
: Dans ce deffein j'envoyay prier M.
de ... Gouverneur de C. de me venir voir
pour chofes qui preffoient. Il vint & la
fervante lui repeta dans les termes que j'ai
employés, le recit de ce complotexecrable.
Il me confeilla de ne point rentrer chés
mon mary. Je voulus me jetter dans un
Couvent jufqu'à ce qu'on trouvât l'occafion
de nous réunir , ou dé nous feparer à l'a
miable; mais , comme toutes les routes qui
conduifent au fuccés & au repos , étoient
fermées pour moy , les Religieufes de ...
à qui les regles defendent de prendre des.
Penfionnaires , ne purent me recevoir ; ce
qui porta Monfieur de ... à prefenter requefte
au Confeil , pour faire ordonner que
F'on m'y reçût. La refolution qu'il prenoit
D'OCTOBRE. 35
de proceder juridiquement , fournit à la
Dame fa foeur & aux autres heritiers les
moyens de confommer leur ouvrage , & de
nous rendre irreconciliables mon Mari &z
moy , par une affaire d'éclat qui mit aux
prifes entre nous les délicateffès du point
d'honneur & de la reputation : Pour parvenir
à leurs fins , ils lui firent entendre
qu'il n'obtiendroit point que je fulle fe
queftrée dans un Couvent , files Juges
n'étoient pas inftruits dans les formes par
une procedure extraordinaire ainfi , fans fe
mettre en peine que l'accufation fût aprés
coup reconnue injufte , ils le poufferent à
employer dans fa Requefte , comme des
crimes averés , toutes les calomnies qu'euxmêmes
avoient forgées.
Ils me font parler à leur gré dans cette
Requefte , mais ce qu'ils voudroient perfuader
que j'ay dit , prouve évidemment
que ce qu'ils avancent , eft faux . Monfieur
de ... expoſe en termes dont il ne me convient
pas de me fervir , que je lui ai communiqué
une de ces maladies que produit
le meflange des amours ; il en allegue pour
preuve inconteftable , que m'ayant dit
que je n'avois gueres d'obligation à celui
qui m'avoit fait ce fatal prefent , puiſque
convaincue d'adultere , j'allais être voilée ;
je lui avois répondu , qu'il falloit que
ce fut un Capitaine de la garnifon . Je demande
s'il eft vrai -femblable qu'une femme
>
E iiij
36 LE MERCURE
innocente , ou criminelle , s'avoue coupa
ble d'une indignité fi monftrueufe , à
moins que d'avoir le poignardfur la gorge.
Il étale d'une maniere auffi chocquante
fes autres griefs ; il reclame l'autorité des
Loix , la feverité des Ordonnances , contre
moi & mes domeftiques , pour lui avoir
fait peur des Elprits . Je voudrois fçavoir
files Loix & les Ordonnances ont prevû
un cas fi fingulier , & quelles peines elles
prononcent contre une femme de dix huit
ans , atteinte & convaincuë d'un attentat
fi noir.
Monfieur de ... conclut , 10. A ce que
la Cour lui permette de faire informer du
contenu dans la Requefte .
2º. Qu'elle ordonne que je ferai vûë &
vifitée inceffamment par trois Chirurgiens
qu'il nomme , fçavoir , Marquis , Michel,
& Vergues
.
30. Que par provifion , je fois enfermée
dans un Couvent , de crainte , dit il , que
je n'abuſe de mon corps , & qu'au grand
mécontentement du Supliant , & au préjudice
de fes heritiers legitimes , je ne donne
un heritier faux & fupofé. On voit bien
que c'eft la Dame fa four elle- même
& les autres parens de mon mari , qui par.
lent ; ce dernier trait les caracterife. Mon
Mari dans le defordre d'une colere violen
te , n'étoit pas capable de s'occuper d'au
que des fiens
ici
tres interêts
propres ; il s'ap-
"
D'OCTOBRE. 37
puye fans befoin de ceux de ces heritiers ;
n'eft-ce pas une preuve certaine que la requefte
eft leur ouvrage ? Quel ouvrage
Il n'y a pas un mot qui ne decéle leurs
vues les plus fecretes , qui ne dévoile leur
impatience à s'affurer par anticipation
l'heredité.
Il requiert enfin que mes deux laquais ,
pour avoir prêté leur miniftere à l'apparition
des Efprits , foient arrêtez & con
duits à la Conciergerie du Palais .
Sur cette requefte , preſentée à la Chambre
où mon Mari prefide ( circonftance à
remarquer ) il y fut le même jour rendu
un Arrêt qui en adjuge toutes les conclufions.
Il faut avouer que la Juftice fi
lente à prononcer fes oracles , a eu bientôt
mis en cette occaſion le poids dans fes
balances.
Le Confeil permet d'informer Cela
me paroît regulier : On m'accufe : Il eft
dans l'ordre de chercher des preuves &
des témoins pour éclaircir le fait ; mais on
devoit en demeurer lâ : Cependant tout
de fuite , on fulmine ma condamnation .
Je ne voudrois pas fur une querelle domestique
la plus legere , & où il ne s'agi
roit que de donner le foüet à un enfant ,
avoir jugé avec tant de precipitation. Voi
ey le prononcé de l'Arrêt.
Tout confideré , nôtredit Confeil , faiſant
droit fur ladite requeſte , a permis & peré
58
'
LE
MERCURE
que
و ت
ladite Gomé
,
ن م
met au Supliant de faire informer pardes
vant les Confeillers Raporteurs des faits
contenus en ladite Requefte , circonstances
& dépendances Ordonne
fera vue & vifitée par trois Chirurgiens
fçavoir les nommez Marquis , Michel , &
Vergues , & fequeftrée dans le Couvent Inderlinden
, ad interim feulement ; à charge
par le Supliant de leur payer la penfion ; à
elles enjoint de la nourrir fans retard ni delay
, à peine de faifie de leur temporel , fur
Lefdits faits : ordonne en outre que les nommez
la Noix, Imhoff,feront pris & aprehendez
au corps , & conduits és prifons de la
Conciergerie du Palais , pour être leur procés
fait & parfait , fuivant la rigueur des
Ordonnances , &c.
Je fuis bienheureufe de cece que Monfieur
le Prefident ne s'avifa point d'articuler
dans fa plainte quelque crime capital , je
crois qu'il auroit demandé que l'on me
coupât le cou par provifion . Ce peril
tout imaginaire qu'il eft , me fait trembler .
>
L'information faite en confequence de
l'Arrêt , n'eft compofée que de témoins
que mon Mari a tous corrompus par des
bienfaits , ou intimidés par des menaces .
Je vais mettre le public en état de n'en
pas douter.
Les feuls qui dépofent avoir vû des in
dices d'adultere , font ces mêmes laquais
pourfuivis criminelement par M. de ...
D'OCTOBRE. 59
pour avoir contrefait les Efprits . On fe
fouvient qu'ils furent arrêtés par la Patrouille
& conduits au Corps de Garde .
les ar- Comme ils étoient propres à porter
mes , quelqu'un profita de l'occafion pour
les engager . On leur dit qu'il n'y avoit
que ce moyen d'éviter les fuites fâcheufes
du procés. Ils s'enrollerent , on les mena
à B ....
Mon Mari , lorfqu'il eut commencé la
procedure , tefolut de faire prendre ces
deux hommes à quelque prix que ce fût
perfuadé que fous promeffe de les remettre
en liberté , il les engageroit à dépofer
contre moi. Nétoit queftion de s'affûrer
deux à B .... la chofe n'étoit pas facile
: Il eut recours à l'autorité du Gouver-
& lui neur , qui lui accorda cette grace ,
écrivit à ce fujet la lettre fuivante , dont
j'ai en main le précieux original.
901
LETTRE DE MONSIEUR DE ..
Gouverneur de ....
"A Monfieur le Prefident de ...
b.w3
A B. le 2. Fevrier 17.11.
Je vous envoye , Monfieur , les deux de
les
mestiques qui font neceffaires pour procedures
que vous faites faire contre Madame:
vôtre époufe ; l'Officier prefent porteur qui·
eft chargé de les conduire à C.....
30 LE MERCURE
mais
ordre de les remettre à ceux qui viendront
tes recevoir de vôtre part à l'endroit que
vous m'avez indiqué. J'ay joué le rolle qui
a été convenable pour intimider ces jeunes
gens , afin qu'ils declarent ce qu'ils fcavent,
en leur promettant que pourvû qu'ils ne cachent
rien , je tâcherai de les tirer d'affaire;
que s'ils veulent biaifer dans les interrogatoires
qu'on leur fera , je les aban
donneray à leur mauvaiſe deſtinée . Aw refte
, Monfieur , fi j'en avois cru tous les
mauvais difcours qui fe font tenus & ce
qu'on m'a mandé de C..... je n'aurois ja- "
mais entré dans la negociation , où je me fuis
engagé pour votre fervice . Et les Officiers.
plus credules, ont été à même de ne point fe
point fier à votre parole ni à la mienne
perfuadés qu'on les vouloit tromper. Enfin
j'ai levé toutes difficultés , & l'on m'a reprefenté
ces domeftiques ; je fais pour vous
en cette occafion ce que je ne ferai plus pour
perfonne. Mais, les gens d'honneur doivent
contribuer à la fatisfaction de ceux qui fe
trouvent dans le cas où vous êtes. Je fuis
Monfieur trés- effentiellement , & c.
Monfieur le Gouverneur de B. a raifon
d'affurer Monfieur de ... qu'il eft trés ef
fentiellement fon ferviteur. On ne peut
porter plus loin qu'il le fait , la complai
fance pour un ami : Il paroît même dans
fa lettre qu'il repugne à en donner des
marques fi fingulieres..
D'OCTOBRE.
J'admire le facrifice , & il n'y a perfonne
avec de la delicateffe fur la reputation ,
qui ne le trouve extraordinaire .
Je ne m'arrête point à difcuter les endroits
de cette lettre qui me fourniffent
des reproches invincibles contre les deux
témoins , il fuffit de la fimple lecture pour
fentir qu'ils ont été intimidés ; & ce qui
acheve d'établir cette verité importante ,
c'eft que peu aprés l'Interrogatoire , mon
Mari ceffa fes pourfuites & les mit en liberté.
Ne voit-on pas bien clairement
que tant d'indulgence aprés tant de bruit
& de fracas , eft le prix qu'il avoit mis â
leurs dépofitions-?
Mon Mari & fa famille , malgré le ſuccés
de leurs temerités , ne goûtoient pas
fans inquietude le plaifir de la vengeance ;
ils craignoient que je ne trouvaffe quelque
reffource imprevûë pour me juftifier , &
qu'ils ne fuffent contraints de reparer l'oppreffion
, quand mon innocence fe feroit
jour.
Pour s'affurer à tout hazard , l'impunité ,
ils propoferent à mon pere de paffer une
tranfaction qui me feparât de corps & de
biens , au moyen de laquelle la procedure
extraordinaire commencée contre moy ,
demeureroit nulle & fans effet,
Mon pere , qui connoiffoit combien eft
fatiguante & perilleufe une guerre de
chicanaes & de procedures dans un Tri62
MERCURE LE
bunal où la partie prefide , regarda comme
un avantage les propofitions de paix que
l'on me faifoit.
Lorfque les préliminaires furent reglés ,
c'eft-à-dire la feparation de corps & de
biens , & le défiftement du procés crimi
nel , l'on convint des autres articles. Mon
Pere confentit pour moi , attendu que
que j'étois mineure , ure renonciation à
tous les avantages portés par mon Contrat
de Mariage jufqu'aux prefens de nôces
qui m'avoient été donnés. Il s'obligea
de me tenir dans un Couvent , & d'y
payer ma penfion pendant la vie de mon
Mari ; il fut encore ft pulé qu'au cas que
mon pere mourût , fes heritiers feroient
chargés de la même claufe ; il s'obligea de
me faire agréer & ratifier la Tranfaction
dans trois femaines , à faute de quoi elle
feroit nulle.
Mon Pere qui craignoit l'éclat & les cmbarras
du procés , autant que le credit
de Monfieur de ... crut ne pouvoir rien
faire de plus utile pour moi , que de facrifier
ma fortune àmon repos ; il me força
de ratifier la Tranfaction. Je n'avois que
dix-huit ans , je n'étois pas en droit de
difcuter mes interêts.
Mais , comme la violence emporte avec
foi la nullité des conventions qu'elle
exigées , & que l'on n'eft obligé à la fervitude
, qu'autant que dure la contrainte :
D'OCTOBRE. 63
jourd'hui que je fuis majeure , je me crois
bien fondée à me pourvoir contre cette
Tranfaction extorquée.
Les fimples lumieres du bon fens me
dictent qu'un Acte fi monftrueux ne peut
trouver grace dans aucun Tribunal.
Separer de corps & de biens une femme
mineure , la faire renoncer à toutes fes
conventions matrimoniales , la forcer de
confentir à être renfermée à fes dépens
dans un Couvent qu'aurois -je pû atten
dre de plus fevere & de plus ignominieux
de la conviction du crime dont je fuis
fauffement accusée ?
Tout prouve la nullité de cette Tranfaction
deteftable , ouvrage des Parens de
mon Mari ; mais où me pourvoir ? doisje
attendre du Confeil fouverain d'A ...
la Justice qui m'eft dûë ? Les Parens de
mon Mari intereffés à ma perte , y rem
pliffent les premieres Charges , lui-même
y prefide , que n'ay-je point à craindre de
feur credit & de fon autorité particuliere ,
aprés la condannation que , fur un fimple
allegué , ils ont obtenue contre moi , aprés
qu'ils ont fait prononcer une feparation de
corps & de biens par un Notaire , fans
que le Confeil ait puni une licence fi perni
cieuſe .
Je ne pourois reparoître dans la Province
, qu'on ne me traînât indignement
dans le Couvent où toute communication
64 LE MERCURE
de confeils feroit interdite ; privée d'ail
leurs de mes conventions matrimoniales qui
feroient toute ma reffource , je fuis hors
d'état d'y aller vivre.
La faveur de ces circonstances & de mes
droits , le caractere de l'Accufée , l'irregu
larité des procedures , la violence de l'Arreft
, me font efperer de la bonté du Roy
que SA MAJESTE' me donnera pour
Juge le Parlement de Paris , où je fuis
actuellement chez une patente , unique
afile que je puiffe trouver.
N
L. C. DE SAINT JORY .
********
Ous avons été les premiers à annoncer
dans nos Mercures , la découte
fi inefperée de rendre l'eau de la Mer
potable. Les autres Journaux n'ont fait
que nous copier fort imparfaitement ; &
aucun des Journaliſtes n'a fuivi les progrés
de cette heureuſe découverte . On peuc
voir dans les Mercures d'Aouft , Septembre
, Octobre 1717, & Mars 1-718 . tous
les Procez verbaux , Memoires , experiences
, & c. que nous y avons inferez , pour
en être convaincu . Toute l'Europe attendoit
de nous que nous confirmaffions ce que
nous avions avancé precedemment. On
aura fans doute remarqué dans le Reccüil
de Janvier 1719. une Lettre de M. Gan
tier écrite d'Alexandrie , dans laquelle il
donnoit
D'OCTOBRE. 65
>
donnoit quelques éclairciffemens fur fa Machine
, fur la qualité & quantité d'eau qui
en provenoit ; aujourd'huy c'eft en quelque
maniere la confommation de fon Ouvrage .
Mais , avant que de donner au Public le
progrés des experiences que M. Gautier a
Faites en Mer & à Toulon , pour rendre
praticable fur la Mer la Machine qu'il a
inventée , il eſt à propos d'avertir que
nous avons remarqué que plufieurs perfonnes
n'étoient pas encore au fait de lon fecret;
puifque la potabilité de l'eau de Mcr
qui fait le fujet de leurs reflexions , eft une
des plus petites circonftances de la décou◄
verte. Les Procez verbaux & les épreuves
réïterées ne laiffent aucun lieu d'en douter.
Le point le plus difficile confiftoit à conſtruire
une Machine fimple, folidé, qui occupât
peu d'efpace dans un Vaiffeau ; qui
produifit une grande quantité d'eau avec
peu de matiere combustible ; qui fûr à
l'épreuve des agitations de la Mcr , & •qui
pût être placée dans plufieurs endroits d'un
Vaiffeau , fans gêner la manoeuvre.
L'Auteur a fatisfait à toutes ces difficultez
, dont quelques- unes lai étoient écha
pées au Port-Louis , aufquelles il a remedié
dans fon voyage qu'il a fait par Mer à
Alexandrie , & qu'il a levées dans les experiences
qui en ont été faites à fon retour:
à Toulon.
Si l'Auteur , aprés avoir établi ſa MaLE
MERCURE
#
a
chine dans un Vaiffeau au Port Louis ,
n'avoit pas obfervé certaines imperfections,
c'eftqu'elles ne regardoient pas directement
les operations qui furent pour lors complettes
, quant à la potabilité & à la quan
tité de l'eau , la difference d'un Vaiffeau
armé à un Vaiffeau défarmé , ne pouvant
être connue que par pratique. C'eft ce qui
engagea l'Auteur à demander à la Cour
de faire un voyage dans la Mediterrannée ,
afin qu'il pût mieux fe mettre au fait de
l'application de fa Machine fur un Vaiffeau
fous voile. Son voyage n'a pas été infiuctueux
, puifqu'il a obvié à tous les inconveniens
qui font furvenus pendant le cours
de fon voyage. Il ne s'agit plus à prefent
que de former des hommes dans chaque
Port de Mer , pour executer ce qu'il a fi
heureuſement imaginé, & porté , en quelque
forte à fon point de perfection .
L'apprentiffage n'en fera pas long. On
ne peut rien de plus fimple que fa Machine
, & par confequent la manoeuvre
en devient par- là fort aifée. Il ne faut
plus maintenant qu'inventer une autre
Machine , pour trouver les longitudes :
Alors la Mer deviendroit autant l'element
des hommes, que la Terre. Les voyages de
long cours fe feroient beaucoup plus commodément,
plus utilement, plus agréablement
, & fans prefque aucuns rifques . Ne
pourroit - on pas foupçonner M. Gautier
d'y travailer
D'OCTOBRE
67
Procés verbal fur l'Eau de Mer
rendne potable.
OUS Ginefte & d'Orgnon Terras
, Capitaines de Fregates , Chevaliers
de l'Ordre Militaire de S. Louis ,
Hocquart fils , petit Commiffaire de la
Marine , & Royer , Ecrivain du Roi ,
foufignez , commis par M. le Bailli de-
Belle-fontaine Commandant , & par M.
Hocquart Intendant en ce Port , pour
examiner & faire un rapport de l'épreuve
de la Machine à deffaler l'eau de la Mer du
fieur Gautier Medecin , en confequence
de la lettre du Confeil de Marine à mond . -
fieur Hocquart Intendant du 26. Avril
1719. portant que l'intention de S. A. R
étoit , que ledit fieur Gautier reſtât à
Toulon pour faire un nouveau voyage &
une feconde épreuve , aprés le rétabliffement
de la Machine , de la maniere dont
il eftime qu'elle doit être faite , nous nous •
ferions transportez le 31. jour du mois
d'Aouft de la prefente année à 9.h.& demie
du matin, à bord du Vaiffeau du Roi PEntreprenant
, où nous aurions trouvé ladite
Machine établie dans le fonds de calle , en
avant de l'archipompe dudit Vaiffeau ,
pour examiner fi ledit fieur Gautier avoit
remedié aux inconveniens qu'il y avoit
remarqué dans la derniere campagne qu'il
a faite fur le Toulouse , & en même tems ,
juger de la quantité & de la qualité de
Fij
68 LE MERCURE
ཟ
l'eau douce qui en proviendroit , & de la
matiere combuftile qui s'y confommeroit ;
nous aurions trouvé la caiffe remplie d'eau
de Mer , & le feu allumé dans le tambour
de cuivre de ladite Machine , & que l'eau
douce diftilloit du chapiteau : & led. fieur
Gautier nous ayant demandé de faire une
. épreuve de 24. h. nous aurions fait mefurer
deux pieds cnbes de charbon de terre,
& environ trois pieds cubes de bois , provenant
de la démolition des Vaiffeaux du
Roi , que nous aurions deftinez pour en
tretenir le feu dans ladite Machine , def
quels cinq pieds cubes , tant dudit bois
que dudit charbon , il n'eft refté le lendemain
premier Septembre à 9. h . & demie
du matin , terme defdites 24. h . qu'un
demie pied cube de charbon de terre ; les
quatre pieds cubes & demi de matiere qui
ont été confommez , ayant produit dans
tout ledit intervale de 24. h. dix-huit
pieds cubes d'eau dift'llée , faifant 648 .
pintes de Paris , à raiſon de 36. pintes par
pied cube , ou deux bariques trois quarts,
environ de 120. pots par barique : Nous
aurions de plus obfervé que l'eau diftillée
nous avoit paru au goût dépourvûë de ſel ,
mais qu'elle avoit un goût étranger , que
nous avons cru pouvoir venir de ce que
toilles qui compofent le chapiteau de cetre
Machine, étoient peintes à l'huile de noix ,
avec du rouge brun , dont l'eau diſtillée
prend l'impreffion.
les
D'OCTOBRE.
•
Et fur ce que nous aurions demandé audit
fieur Gautier fur une copie d'un Procés
verbal fait au Port- Louis , au fujet de
fes experiences ; pourquoi il ne s'étoit pas
fervi uniquement de charbon de terre &
de bois , il nous auroit répondu qu'il avoit
effayé ce mélange qui n'avoit point réuffi
à Toulon , parce que le charbon de terre
n'y eft pas d'une af bonne qualité qu'au
Port- Louis.
, Io
A l'égard des défauts que ledit fieur
Gautier avoit remarqué dans la conſtruction
de fa Machine il nous a paru ,
›
Qu'il n'y a point à apprehender que le
tambour de cuivre donne un goût de fuye
à l'eau , parce qu'il eft tout environné
d'eau dans la caiffe où il eft renfermé.
20. Le tambour de ladire Machine a été
retaillé & refait au retour de la derniere
campagne , & on a mis de la foudure en
beaucoup d'endroits cependant il n'a
point fait d'eau pendant le tems que la Machine
a travaillé .
30. Il fuffit dans la reforme que ledit
fieur Gautier a faite de fon tambour , d'une
Mouffe , pour virer le tourniquet deſtiné
à battre l'eau , pour procurer une plus
grande évaporation.
4. On ferme la bouche du tambour
avec une porte de cuivre , & le feu s'é
tendra facilement & fans danger.
so. Ledit fieur Gautier a établi fon cha
70 LE MERCURE
piteau , de maniere qu'il y en a une partie
qui s'éleve entre les deux échelles en avant
du grand mât , & ainfi la chaleur fera
moins fenfible au fonds de calle .
Fait à Toulon le 2. Septembre 1719. Signé
, le Chevalier Ginefte , d'Orgnon-
Terras , Hocquart fils , & Royer : Vù
par nous Intendant de la Marine Hocquart ;
& vû par nous Chef dfcadre des Armées
Navales du Roi , le Chevalier Dalli,
*
Et le cinquiéme Septembre fuivant ,
le Commandeur Dalli , commandant par
occafion de la maladie de M. de Belle-fontaine
, ayant donné ordre à nous Bandeville
S. Perier , Capitaine de Fregatte ,
& M. Hocquart , Intendant , à nous
Hocquart fils , petit Commiffaire , de
faire les épreuves de ladite eau , en faifant
cuire des légumes & viandes falées , telles
qu'on les embarque fur les Vaiffeaux du
Roi , les mettant dans l'eau froide fur le
feu , nous aurions remarqué que le Ris de
Levant s'eft trouvé cuit & prefque réduit
en bouillie dans une heure & demie de
téms.
Les Pois gris , en deux heures un quart.
Le Lard falé , en deux heures & demie.
Les Haricots , en deux heures & demie..
Les groffes Féves , en quatre heures &
demie.
Et le Bauf falé , en quatre heures &
demie de tems .
1
D'OCTOBRE. 71
►
Fait à Toulon le 6. Septembre 1719 .
Signé , Bandeville de S. Perier & Hocquart
fils : Vu par nous Intendant de la
Marine , Hocquart ; & vû par nous Chef
d'Efcadre des Armées Navales du Roi , le
Chevalier Dalli.
Extrait des Registres du Contrôle de la
Marine , à Toulon le 12. Septembre 1719.
Signé , Gadroy. V par nous Intendant
de la Marine à Toulon , Hocquart.
,
Memoire des Obfervations particulieres ,
faites par le fieur Gautier , Medecin
concernant la Machine à rendre l'eau de
Mer potable.
Le fieur Gautier a l'honneur de reprefenter
, qu'il ne s'eft fervi de toilles imprimées
à l'huile de noix , qui ont donné
un goût étranger à l'eau , que pour faire
plus facilement & avec moins de dépenfes,
differentes experiences pendant lefquelles
il a obfervé.
Qu'il fera facile d'établir la Machine en
plufieurs endroits du Vaiffeau , comme à
l'entrepont , fous le gaillard de l'avant ,
& c.
Que la Machine reformée occupé la moitié
moins d'efpace que celle qui avoit été
faite au Port- Louis , & qu'elle produit
une fois plus d'eau dans le même efpace de
tems.
72 LE MERCURE
Que le chapiteau peut être conftruit de
bois Ce qui en faciliteroit la fabrique ,
feroit de peu de dépenfe , & ne donneroit
aucune qualité à l'eau , qu'on pût foupçonner
d'être nuifible par le frequent
ufage.
A l'égard des Obfervations qu'on avoit
faites pendant le voyage , le Procés verbal
fait foi que l'Auteur a obvié à tous les inconveniens
, fans tomber dans de nou
veaux.
Extrait d'une Lettre écrite par J. le Poil
à M .....
C fort plaifant . J'ai la plume en main ',
' Eft affarément quelque chofe de
& je ne fçai que vous écrire. Toutes mes
idées fe difputent le pas , & chacune veut
avoir la preference.
Tel qu'on voit de jeunes Moutons
Impatiens du pâturage ,
Vouloir à la fois , trop gloutons ,
Paffer de l'Etable au fourage ;
L'un fur l'autre , comme en feftons
Eux memes bouchent leur paffage :
A la porte par pelotons
Demeure l'ardent assemblage
De ces affamez pietons
C'eft
D'OCTOBRE
73
C'eft , Monfieur , le cas où je me trou
ve. Si faut- il , felon la raiſon & la juſtice ,
que vous ayez les premices de mon ftile
epiftolaire. A propos , j'ai un pardon à
demander , & qui plus eft , à obtenir.
L'homme fait des fautes ; l'honnête homme
les reconnoît , les repare , & follicite
fa grace le plûtôt qu'il peut. Je vous fupplie
donc , Monfieur , d'excufer un oubli
Bachique qui m'a dérobé la partie de vôtre
campagne de V. Je m'en faifois un
plaifir infini ; mais la veille je foupai avec
cinq ou fix Yvrognes .
Et cette Scene fut fi vive ,
Que le matin rentrant chez moi ;
Mon eftomac fit la leffive ;
Avanture , qui , fur ma foi ,
Jamais , non , jamais ne m'arrive:
Dans mon liet donc je me tiens coi ,
Et la cervelle en défaroi ;
Jufqu'à tems qu'on criât , qui vive 7.
Lors crachotant blanche ſalive,
Et le teint tout couleur d'olive ,
L'Torogne fe dit à part foi :
Mais , n'as-tu pas recû miſſive ?
J'en conviens , & je fcai pourquoi ?
Mais l'heure eft un peu trop tardives
Lefommeil eft fourd à la Loi.
Ainfi , ne fois plus en émoi ,
Si ma memoire laxative
Octobre
1719.
74
LE MERCURE
Ne m'a point fait penser à toi ;
Mon idée en ce tems rétive
M'auroitfait oublier le Roi.
Voila le fait ; certes il n'eft pas à mon
honneur & gloire : Néantmons , fi vous
êtes de même caractere que moi , vous accorderez
bientôt remiffion au crime de leze-
parole dont je fuis atteint & convaincu .
Je prens la liberté de faluer Madame de....
La Providence qui fe fert de toutes fortes
de voyes pour fauver fes Elus , a peut-être
permis un petit mal pour en empêcher un
plus grand .
C'est pour mon falut que les Dieux ,
Qui ne m'ont donné coeur de roche ,
M'ont fait fuir ces champêtres lieux
Où mon ame eût reçû taloche :
Quand d'un minois fi gracieux
Trop imprudemment on s'approche.
Maint atome victorieux
En rejaillit , & vous acroche :
Pour refifter à fes beaux yeux ,
Faudroit avoir la Grace in poche.
Salut trés- humble & trés - cordial à tous
les aimables Convives . Je fuis , M. & c.
D'OCTOBRE
75
L'
Ode fuivante a été compofée pour le
Prix de Poëfie , propofé par Meffieurs
de l'Academic Françoife. Dans l'examen
qu'elle a faite des Pieces en vers qui lui
ont été envoyées , cette Ode avoit été decidée
une des meilleures qui y pouvoient
prétendre. L'Academie n'a cependant pas
jugé à propos de la couronner , ayant remis
la diftribution de ce Prix à l'année
prochaine.
Sujet donné par Meffieurs de l'Academie
Francoife.
Que jamais fimple Particulier n'eut tant
de bonté pour fes Domestiques , que
LOUIS LE GRAND en avoit pour
ceux qui avoient l'honneur de le fervir.
O D E.
Par M. l'Abbé Pellegrin.
Grand Roi qu'en tous lieux on rez
nomme ,
Pardonne de trop foibles vers :
De toi , je ne chante que l'Homme ;
Le Heros remplit l'Univers .
Gij
76
LE MERCURE
Tel qu'aujourd'hui je t'envisage ,
Tu ne t'offres que fous l'image
Du plus aimable des Vainqueurs :
Quel nouveaugenre de victoire !
Tu ne fais confifter ta gloire
Qu'à triompher de tous les cours.
Vertu , dont lesplus nobles têtes
Daignent rarement fe parer:
Bonté , quifais tant de conquêtes ,
C'est toi que je vais celebrer.
Qu'unfeul de tes regards nous touche !
Turadoucis l'orgueil farouche ,
Enfant du pouvoir fouverain.
Eh ! ne faut-il pas que l'on t'aime,
Lors qu'au travers d'un diadême
Tu laiffes voir un front ferein ?
Rois , que la terreur environne ,
Difparoiffez devant mon Roi :
L'éclat , dont brilloit fa couronne
N'alloit qu'au loin porter l'effroi.
Souverain , plus digne de l'être ,
Sous le Pere , il cachoit le Maîtres
Fondantfes droits fur notre amour.
Loin de nous grondoit fon tonnere ;
Et l'étonnement de la terre
Fut les délices de fa Cour.
D'OCTUBRE: 17
Trop heureux ceux qu'un tendre hommage
Attachoit à lui de plus prés !
Dans un fi glorieux partage ,
Qu'ils trouvoient de nouveaux attraits !
Beaux foins ! récompenfes plus belles !
Jamais lesfervices fidelles
N'étoient reconnus à demi :
Les bienfaits prêts à fe répandre ,
Etoient tels , qu'on auroit pû prendre
Le Bienfaiteur pour un Ami.
Cette image vous importune j
Tyrans du merite abbatu ;
Qui du poids de vôtre fortune
Accablezjufqu'à la vertu !
Des rangs vantez moins la diftance
Neuffiez- vous fous votre puissance
Qu'un vain tas d'efclaves abjets .
A quelque point qu'on les ravale ,
Combien plus vafte eft l'intervalle
Entre les Roys & les Sujets !
Louis eft le fuprême arbitre
Du fort d'un Peuple floriffant
Le thrône lui donne ce titre ;
Mais quelquefois il en difcend.
Ilfait plus. Dans un lieu champêtres
Dépofant jufqu'au nom de Maître ;
D'Amis il fait un jufte choix :
Au milien d'une paix profonde ,
Giij
78. LE MERCURE
Il fe remer du foin du monde
Sur lafageffe de fes Loix.
Il n'eft plus. Sort que je déplore !
Mais , o preftige de l'amour !
Marly , in crois le voir encore ;
Et je croi le voir à mon tour.
Là , voilant l'éclat dont il brille
Le Roi n'est qu'un Chef defamille ,
De fon Domeftique entouré:
Son Augufte front fe déride ,
Et l'Efclave le plus timide
D'un regard feroit raffûré.
Beaux lieux la Naïade attentive
A vous arrofer de fes flots ,
Retient fon onde fugitive ,
Pour mieux contempler fon Heros.
Prête à fuivre fes nobles traces ,
Qu'elle aime à voir couler les graces
Que Louis verfe à pleines mains !
»C'eft , dit- elle , un Dieu falutaire ,
Qui prend une forme étrangere ,
» Et commerce avec les Humains .
>>
Tel , aux Champs de la Theffalie ,
Apollon fous des traits nouveaux ,
A defimples Pafteurs s'allie ,
Rend heureux Bergers & Troupeaux.
D'OCTOBRE. 79
Quel rapport de Fable & d'Hiftoire !
Apollon tout brillant de gloire ,
Reprend sa place entre les Dieux :
Louis , nôtre Dieu tutelaire ,
Aftre nouveau qui nous éclaire ',
Ne brille plus que dans les Cieux.
Que nos coeurs foient autant de Temples
D'où l'amour exhale l'encens :
Puiffent former de tels exemples ,
Des Louis toujours renaiffans.
O toi , d'un fi parfait modele.
Imitateur tendre & fidele ;
Cher refte d'un fang pretieux,
Pourfui ! Que ta vertu rapide.
Ne prenne jamais d'autre guide
Que le plus grand de tes yeux .
Omnes Domeſtici ejus veftiti funt dus
plicibus. Prov. 31 .
Priere
pour
le Roi:
Grand Dieu , qui veilles fur la France ,
Conferve lui fon jeune Roi :
S'il répond à nôtre efperance
Tu l'auras confervé pour
toi.
Giiij
30 LE MERCURE
Edits , Arrefts & Déclarations.
& Arreft du Confeil d'Etat du Roi ,
du 29. Aouft 1719..en faveur de la Communauté
des Marchands Drapiers , Chauffetiers
, Merciers , Jouailliers & Quincailliers
de la Ville de Mantes.
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du 9.
Septembre 1719. portant Reglement pour
le choix , la vifite & la marque des laines
qui doivent entrer dans la fabrique des
Draps d'Elbeuf.
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du
9. Septembre 1919. qui ordonne le payement
des Billets des Courtiers-Jaugeurs
faits par Jacque l'Heritier , Fermier General
defdits Droits , pour le quartier
écheu au premier Janvier 1717.
Arreft du Confeil d'Etat du Roy' , du
18. Septembre 1719. qui proroge jufqu'au
premier Octobre 1720. le pouvoir
accordé à Meffieurs les Intendans par L'Edit
du mois d'Aouft 1715. de faire proceder
en leur preſence , ou de ceux qu'ils
commettront , à la confection des Rolles
des Tailles des Villes , Bourgs & Paroiffes
taillables , dans lefquelles ile le jugeront à
D'OCTOBRE. 37
'Arreft du Confeil d'Etat du Roy , du
18. Septembre 1719. concernant la no
mination des Collecteurs pour l'année pro
chaine 1720.
Arreft du Confeil d'Estat du Roy , du
18. Septembre 1719. concernant les Taxes
d'Office.
Arreft du Confeil d'Etat du Roi , du
19. Septembre 1719. portant diminution
de droits fur les Beures & Fromages, tant
des Pays Etrangers que du Royaume.
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du
22. Septembre 1719. qui proroge juf
qu'au premier Janvier 1720. le délai
porté par l'Arreft du 28. May 1718. pour
l'appurement des Comptes des Receveurs
des Fermes , fupprimez.
Arreft du Confeit d'Eftat du Roy , du
23. Septembre 1719. pour la prise de
poffeffion du Bail de la Ferme des Gabelles
des Evêchez , Salines de Moyenvic , Gabelles
& Domaines de Franche-Comté &
Domaines d'Alface , par la Compagnie des
Indes , fous le nom d'Armand Pillavoine ,
pour neuf années , qui commenceront pour
les Gabelles des Evêchez , Salines de
Moyenvic Gabelles & Domaines de
Franche- Comté , au premier Octobre
1719. & pour les Domaines d'Alface ,
au premier Janvier 1720.
>
Arteft du Confeil d'Eftat du Roy , du
24. Septembre 1719. qui accorde aux Of
82 LE MERCURE
ficiers fuprimez fur les Ports , Quays3
Halles & Marchez de la Ville de Paris
terme & délay de trois mois , pour payer
leurs Creanciers .
Arreft du Confeil du 24. Septembre qui
ordonne que l'Officier , prétendu Procureur
General de la Marée , fera tenu de
reprefenter les Titres de fon Office pardevant
les Commiffaires du Confeil nommez
à cet Office .
Cependant , deffenfes d'en faire aucunes
fonctions ni d'en percevoir aucuns
droits.
Arreft du Confeil d'Etat du Roy , du
27. Septembre 1719. qui renouvelle les
deffenfes d'introduire dans le Royaume ,
ou faire aucun commerce ni ufage de Toiles
peintes , ou Etoffes des Indes , de la Chine
ou du Levant , même de Toiles de coton
blanches & Mouffelines , autres que
les Mouffelines & Toiles de coton blanches
, provenant des ventes faites par les
Directeurs de la Compagnie des Indes.
Autre Arreft du Confeil du 27. Septembre
, qui ordonne que les Proprietaires
des Rentes perpetuelles , dont le rembourfement
eft ordonné , demeureront difpenfez
de rapporter aucuns Certificats des
Payeurs defdites Rentes.
Autre Arreft du 27. Septembre , qui
ordonne que les Quittances , décharges &
cations neceffaires , pour parvenir au
D'OCTOBRE. 83
remboursement des Rentes fupprimées ,
feront faites par les Notaires du Chaftelet,
S. M. fe refervant de les pourvoir d'un
falaire raifonnable.
Autre Arreft du Confeil du 27. Septembre
, qui ordonne que les pourvûs ou
Proprietaires des Offices fupprimez fur les
Ports , Quays , Halles & Marchez de la
Ville de Paris , feront payez avec les
principaux de leur finance des interêts qui
en feront dûs à raifon de trois pour cent
par an , à compter du 18. Septembre
1719.
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du
deux Octobre mil fept cent dix- neuf , qui
permet à la Compagnie des Indes de faire
pour cinquante millions de nouvelles ac
tions , aux mêmes charges & conditions
portées par l'Arreft du 26. Septembre
dernier.
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du
cinq Octobre mil fept cent dix - neuf , qui
ordonne que les Recepiffez du fieur Hal
lée , tirez fur le Caiffier de la Compagnie
des Indes , feront coupez par le fieur Riviere.
de
Arreft du Confeil d'eftat' du Roy , du
10. Octobre 1719. qui fupprime les droits
gros
& de huitième , fur tous les Vins
& autres Boiffons qui feront amenez , vendus
& confommez dans l'interieur de la
Ville de Paris , même le droit annuel au$
4
LE MERCURE
quel étoient affujettis tous les Vendans
Vins , tant en gros qu'en détail.
Et ordonne que les droits pour l'interieur
de Paris , feront réduits à un feul droit
d'entrée , à raiſon de 23. liv. par muid
par cau , & 20. liv. par terre.
Autre Arreft du Confeil
du fo. Octobre
, qui commet
les fieurs de Lorangeré
& de Montaran
, pour conjointement
avec le fieur Renaut
, Commis
du grandcomp→
tant du Trefor Royal , figner & délivrer
leurs Recipiffez
fur le Caiffier de la Compagnie
des Indes , pour les rembourfemens
ordonnez
par l'Arreſt
du 31. Aouſt dernier.
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du
12. Octobre 1719. pour faire ceffer les
fonctions des Receveurs Generaux des
Finances .
Et ordonne qu'il fera pourvû au rembourfement
de leurs Offices.
Autre Arreft du 12. qui accepte les of
fres de la Compagnie des Indes , de prêter
à S. M. au lieu de la forme de douze
cent miliions , mentionnée en l'Arreft du
27. Aouft dernier , celle de quinze cent
millions.
Et déclare qu'il ne fera fait aucunes autres
actions , ni en vieilles efpeces , ni de quelque
autre forte & maniere que ce puiffe
être.
Autre Arreft du Confeil du 12. Octo
D'OCTOBRE. 85
bre , qui ordonne que les Certificats dé
livrez en execution des Arrefts du Confeil
des 13. & 28. Septembre dernier , & 2,
du prefent mois d'Octobre , feront coupez
en autant d'autres certificats que les Porteurs
voudront,
ARREST
Du Confeil d'Eftat du Roy ..
Qui regle le payement des Soufcriptions de
la Compagnie des Indes , pendant les
mois de Decembre , Mars & Juin prochains,
SUR
UR ce qui a été repreſenté au Roy ,
étant en fon Confeil par les Direc .
teurs de la Compagnie des Indes : Que
l'augmentation quia été faite des nouvelles
Actions jufqu'à 150. millions , & les differentes
occupations dont ils font chargez ,
les ont obligé de chercher des arrangemens.
pour procurer la facilité & l'expedition du
payement du fonds defdits cent cinquante
millions , fans que les autres affaires de la
Compagnie qui leur ont été confiées ,
fouffrent du retardement & du préjudice ;
Que le payement defdites Actions en neuf
termes de mois en mois , les expofant à une
repetition de fignatures pour le vifa des
Certificats , & à un concours réïteré de
la multitude des Actionnaires pour les
86 LE MERCURE
1
payemens , ils ont crû devoir chercher
une operation plus fimple : Que dans cette
veuë ils ont eftimé qu'il convenoit de faire
figner par
les mêmes Commis nommez par
l'Arreft du Confeil du 12. du preſent mois
d'Octobre, de feconds Certificats de Soufcriptions
viſez par un des Directeurs pour
quatre payemens , qui feront delivrez dans
tout le courant du mois de Decembre aux
Porteurs des premiers , lefquels feront rendus
: Que les mêmes Commis fignent de
troifiemes Certificats pareillement viſez
pour fept payemens , qui feront delivrez
dans tout le courant du mois de Mars 1720,
aux Porteurs des feconds Certificats ,
lefquels feront auffi rendus & resteront
nuls ; Et qu'au mois de Juin fuivant où
fe trouvera l'écheance du dernier payement
il foit delivré des Actions aux Porteurs
des troifiémes Certificats qui feront pareillement
rapportez , & demeureront nuls ,
enforte que par ce moyen & les Directeurs
& les Actionnaires fe trouveront expoſez
à moins d'embarras & de foins : Mais que
cet ordre projetté par les Directeurs de
ladite Compagnie ne peut s'executer à
moins qu'il n'ayt plû au Roi de l'autorifer;
Surquoy étant neceffaire de pourvoir ;
Ouy le Raport. SA MAJESTE ESTANT
EN SON CONSEIL , de l'avis de Monfieur
le Duc d'Orleans Regent , a ordonné
& ordonne , Que par les fieurs Guyot ,
D'OCTOBRE. 87
>
Cauvin , Motte & Maricourt , Commis
par Arreft du Confeil du 12. du prefent
mois,pour figner pour le fieur Vernezobre
de Laurieux , les Certificats coupez , il
fera figné des certificats de Soufcriptions
portant Quittance de 4. Payemens , lefquels
feront vifez par l'un des Directeurs
de la Compagnie des Indes , fcellez du
Sceau de ladite Compagnie , & delivrez
dans tout le courant au mois de Decembre
prochain aux Porteurs des premiers Certificats,
en remettant lefd. premiers Certifi-
& faifant les trois payemens des mois
d'Oct. Novembre & Decembre : Ordonne
pareillement Sa Majefté que par les
mêmes Commis , il fera figné de troifiéines
Certificats portant Quittance de fept
payemens , qui feront auffi vifez par l'un
des Directeurs , fcellez du Sceau de la
Compagnie , & delivrez dans tout le courant
du mois de Mars 17207 aux Porteurs
des Certificats expedież au mois de Decembre
precedent , en remettant lefdits
Certificats , & faifant les trois payemens
des mois de Janvier , Fevrier & Mars ;
& pour les trois autres payemens , Veut
Sa Majefté qu'ils foient faits dans tout le
courant du mois de Juin de la même année,
par les Porteurs des Certificats expediez
au mois de Mars precedent ; moyennant
quoy, & en rapportant & rendant lefdits
Certificats , il leur fera delivré des AcLE
MERCURE
les
tions de la Compagnie des Indes à proportion
du montant de leurs Soufcriptions.
Déclare Sa Majesté , que faute par
Porteurs des Certificats de Soufcriptions
de fatisfaire aux payemens dans les termes
portez par le prefent Arreft , lefdits Certificats
feront & demeureront nuls , & les
fommes portées par iceux , acquifes au
profit de ladite Compagnie. FAIT au
Confeil d'Etat du Roy , Sa Majesté y
étant , tenu à Paris le vingtième jour
d'Octobre mil fept cent dix-neuf. Signé
PHELYPEAUX.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roy du 21.
Octobre 1719. qui ordonne que les Recepiffez
du Sieur Hallée expediez & à
expedier pour les arrerages des Penfions
dues par Sa Majefte , feront reçûs dans
les payemens des cent cinquante millions
de nouvelles Actions , en la même maniere
que les autres effets mentionnez en l'Arrêt
du 26. Septembre dernier,
LIVRES,
M. de Vallange toûjours occupé du
defir de perfectionner les fciences , a fait
fucceder à fon plan general des Methodes
fur les langues , fur les fciences , fur les
arts
D'OCTOBRE. 89
arts , & fur les exercices du corps , le nouveau
fyftême d'une Grammaire françoiſe.
L'Auteur commence cet ouvrage par l'art
qui enfeigne à lire. Ce petit Traité eſt
fuivi d'une Grammaire françoiſe par le
moyen de laquelle on peut apprendre aifément
l'ortographe , le latin ,le grec , l'Italien
& les autres langues , fans le fecours
d'aucun Maître' : Voilà au moins ce que
promet le titre de ce Livre. On trouvera
que c'eft peut-être trop avancer ; mais je
demande , dit M. de Vallange , où eft le
mal de promettre beaucoup , quand on a
deffein de furpaffer fes promeffes , & que
Pon eft en état d'y fatisfaire. Cet aveu eſt
fincere; il part d'un homme de bonne foy ,
& qui fe croit incapable de vouloir tromper
perfonne.
Il ne reste plus au Lecteur qu'à examiner
fes principes , & à voir s'ils conduisent à
la fin qu'il fe propofe . Cet Auteur diviſe
fon nouveau fiftême d'alphabet en 3. parties
. La premiere eft intitulée Ortolexie
titre qu'il donnne à la fcience qui enfeigne
à lire. Il commence fon traité par les denominations
generales des lettres de l'alphabet.
On y trouvera quantité de recherches
qui ne font affurément pas dans les
autres Methodes. Il fuit toutes les lettres
de l'alphabet les unes aprés les autres , &
fait des reflexions fur chacune qui paroî
Front nouvelles . Je fouhaiterois , pour la
H
90 LE MERCURE
curiofité du lecteur , pouvoir m'étendre
fur chacune ; mais , comme les bornes de
mon livre ne me le permettent pas, je me
contenterai de rapporter la remarque fuivante
: On verra juſqu'où va ſon fcrupule.
La lettre Q. ( c'eft l'Auteur qui parle )
dans fa prononciation , prefente à l'efprit
une idée obfcene , qui fait de la peine à tou
tes les perfonnes qui ont de la delicateffe ,
comme aux Religieuſes qui font profeſſion
d'une pureté parfaite , même dans les moindres
paroles. Elles font fcandalifées , quand
elles font obligées de prononcer la lettre Q...
Rien n'empêche que nous ne l'appellions que,
emme dans quenoüille .... Il faut joindre
à ce Q la lettre u , parce que l'on ne s'en
fert que dans les mots cinq coq , que
l'on mettra par exception : ainfi on mettra
qua , que , qui , quo , quu , &c. Les obfervations
qu'il fait furles lettres voyelle,
& j confonne , les u voyels & les v confones
, ne paroîtront pas moins curieufes .
Il eft certain que le caractere de ces lettres
y eft parfaitement differencié ; & fi les.
Etrangers fçavent en profiter , comme la
chofe eft facile , ils ne prononceront plus
maison à lover , pour maison à louer. M.
de Vallange paffe enfuite aux dénominations
des lettres dans les langues étrangeres.
J'admire , dit- il , qu'une Nation auffi
fpirituelle qu'étoit la Greque , foit tombée
dans la faute fuivante. Pourquoy avir apD'OCTO
BR E. 191
pellé alpha , ce qu'ils pouvoient appeller A
beta la lettre B : Eft il neceffaire de
deux fillabes où il ne faut que le moindre
de tous lesfons ? C'étoit bien pis, ajoûte- t'il ,
quand les fillabes étoient compofées de trois
on quatre lettres . Comment affembler les
Aleph , les Gimel , & les Jod des Hebreux.
Si ces Nations vivoient encore , je
prendrois la liberté de leur faire voir les
inconveniens de ces prononciations , & je
fuis bien für qu'elles me fcauroient gré de l'avis
que je leur donnerois .
Les voyelles unifonnes ou folifonnes
viennent aprés . M. de Vallange fe fert du
terme de unifonne , parce qu'une feule produit
un fon. Il a confervé le mot de confonnes
, parce qu'on n'a pas de peine à faire
entendre à l'enfant , que les confonnes font
des lettres qui ont un fon avec une autre
lettre. L'Auteur continuant toujours à
s'en tenir aux principes de fa Methode
donne à l'enfant chaque lettre féparement
en forme d'images ; & à mesure qu'elles
lui font prefentées , l'enfant en fait less
figures lui- même fur le fable ou devant le
feu , fur de la cendre . Il fuit la mêine Methode
, pour aprendre les principe de
Geometrie , d'Aritmetique , & le Deffing
Il eft perfuadé que fi l'on étoit bien atten
tif à ce qui regarde le progrés des enfans,
Leurs petits pains feroient en forme de lettres
, ainfi les les biscuits
que gateaux ,
1
Hij
92 LE MERCURE
& maffepains. Nôtre Auteur a imaginé
de plus un alphabet hierogliphique , pour
faciliter la lecture aux enfans , & aux
perfonnes avancées en âge . Pour donner
quelques idées fenfibles de ces caracteres ,
voici ce qui lui eft venu dans l'eſprit. Il a
éprouvé qu'en reprefentant une Allouette ,
l'enfant feroit ravi de voir ce petit animal
... 14 dit à cet enfant que ce petit oifeau
s'appelle Allouette. Sur la tête de cet
oiſeau eft un a. M. de Vallange , non content
de ce nouveau moyen , en découvre
un autre qu'il nomme alphabet enfantin
pour les enfans qui font au berceau. Quand
un enfant , fuivant fa Methode , n'auroit
que fix mois , fa nourrice pourroit communiquer
à fon nouriçon cet art qui enfeigne
à parler aux enfans ; ce qu'il intitule
Eulalie enfantine.
Pour cet effet , elle n'auroit qu'à lui
donner des joujoux qui reprefentaffent des
lettres , & à mesure qu'on lui en promettroit
un , on appelleroit ce joujoux du
nom de la lettre qu'on lui montreroit.
La feconde partie de l'Ortolexie aprend
à lire le latin par principes & par regles,
facilement & en peu de tems . La troifiéme
enfeigne également à lire le françois correctement
, poliment , & avec grace , par
principes , avec les regles de la belle prononciation
dans le difcours . A ces promeffes
fuccede le nouveau, Plan d'une Gram
D'OCTOBRE. 9$
maire françoife. Je laiffé à Meffieurs les
Journalistes le foin de donner des extraits
détaillés de chacune de ces parties. Il leur
fera facile de faire fentir l'utilité ou l'inutilité
de ces differentes Methodes. En attendant
, je ne craindrai point d'avancer
que fi on reconnoît par la fuite que ces.
nouveaux Plans abregent le cours des étu
des , on ne sçauroit trop remercier un Auteur
qui a employé fon tenis & fes veillles
pour l'inftruction de la Jeuneffe.
Ce Livre fe vend chés Jombert , ruë S.
Jacques, à l'image N. D. & chés Lameſle;
Fuë de la Huchette , à la Minerve.
Traité des Penfions Royales, où il eftpronvé
que le Roy peut donner des Penfions fur
tous les Benefices de fa nomination & de
fa collation , même à des Laïques , dedié
à Monfeigneur le Garde des Sceaux.
Ce Livre eft important par les matieres
qui y font agitées. L'Auteur y etablit let
pouvoir des Rois de France fur le temporel
des Benefices de fon Royaume; & pour
le prouver , il remonte à l'origine du parrage
des biens que les Fidelles donnoient à
FEglife dans la naiffance du Chriftianiſme ,
& de ceux que les Empereurs leur permirent
d'acquerir & de poffeder en fonds.
Il fait l'hiftoire des Benefices , & de la
maniere dont les Ecclefiaftiques les poffe
doient , & les faifoient paffer à d'autres
en fe refervant des Penfions ; & c'eſt-là
94 LE MERCURE
qu'il entre en matiere , & qu'il établit des
Penfions pour caufe de permutation
, pour
caufe de refignation , pour le bien de la
paix . Il parle auffi des Penfions que donne
le Clergé ; & aprés avoir rapporté les
regles qu'il faut obferver , pour créer &
poffeder des Penfions , il vient à la Penfion
Royale , qui eft le principal objet de
la ferieufe étude qu'il faut avoir faite
pour traiter des queftions auffi épineuſes.
M. l'Abbé Richard appelle Penfions
Royales , toutes celles que le Roy crée fur
les Benefices de fa nomination & de fa
collation.
Il a puifé dans toute l'Antiquité , pour
y trouver les preuves folides des fiftêmes
qu'il s'eft propofé .
Mais , ce qu'il y a de plus férieux , c'eft
qu'il avance , comme une verité inconteltable
, que cette prérogative , qui eft le
plus beau fleuron de la Couronne de nos
Rois , s'étend juſqu'à pouvoir donner des
Penfions fur les Benefices Confiftoriaux ,
même à des Laïques qui ont fervi l'Eglife
& l'Etat. Il ef vrai qu'il veut que ce foit
toûjours du confentement & de l'autorité
Papale , afin que ces Penfionnaires foient
en feureté de confcience , quand ces deux
Puiffances concourent & font unies pour
les donner. L'Hiftoire Ecclefiaftique de
la primitive Eglife , lui fournit des exemples
merveilleux de ce qu'il avance. L'ufage
prefent , celui des ficcles paffez , la Jus
D'OCTOBRE
95
rifprudence des Arrefts , viennent encore
au fecours pour autorifer ces Penfions à des
Laïques.
Au nombre des Penfions Royales , M.
Abbé Richard met celles dont joüiffent
les Chevaliers de S. Lazare ; il fait un
abregé hiſtorique de la naiffance , du progrés
& des prérogatives de cet Ordre ; &
il tombe infenfiblement fur les Penfions
des Oblats. Perfonne ne s'eft encore avifé
d'en donner une Relation particuliere ; on
la trouve dans ce Livre , où l'Auteur rappelle
le changement qu'a fait Louis 14. en
1670. & 1674. en impofant pour l'Hôtel
Royal des Invalides , au lieu d'un Oblat ,
une Penfion de 150 liv. fur tous les
Benefices de fa nomination & de fa collation
, dont le revenu eft au deffus de
1000 liv. & une de 75 liv . fur les Benefices
au deffous de 1000 liv.
Mais , comme M. l'Abbé Richard eft
accoutumé à faire des paralelles , il compare
l'Ordre de S. Lazare avec celui de S.
Louis , & il trouve mauvais que les Chevaliers
de S. Lazare , qui n'ont point rëndu
fervice à l'Eglife ou à l'Etat , & qui
ne font honorez de la qualité de Cheva-
-lier que par argent ou par faveur, jouiffent
du privilege de pouvoir poffeder & retenir
quoique mariez , jufqu'à fix mil livres de
Penfion fur des Benefices. Il prétend que
les Chevaliers de l'Ordre Militaire de
36
LE MERCURE
S. Louis merirent bien mieux cette faveur,
puifqu'ils ne font Chevaliers , qu'aprés
avoir fervi dix ans , & s'être diftinguez
dans les armes. El pouffe la chofe plus loin:
Il fouhaite que la grande Maîtrife de S.
Lazare foit réunie à la Couronne , & que
le Roy demande aux Papes pour les Chevaliers
de S. Louis , la même grace qu'ils
ont accordée à la priere de nos Rois , aux
Chevaliers de S. Lazare : & il affure que
cette extention de l'autorité Royale fur
les biens Ecclefiaftiques , feroit plus agréa
ble au Beneficier , qui payeroit avec moins
de peine ces Penfions à ces braves Atheleres
qui ont défendu l'Eglife & l'Etat ,
qu'à ces Chevaliers de S. Lazare , dont la
plupart faits par faveur ou par argent' ,
ne le font diftinguez par aucuns fervices.
M. l'Abbé Richard ne defefpere pas que
S. A. R. qui vient d'illuftrer l'Ordre de
S. Louis par une augmentation de biens
& d'honneurs , ne lui procure encore celui-
cy.
Enfin , M. l'Abbé Richard conclut fon
Ouvrage par ces paroles , qui finiront
auffi mon Extrait. Je n'y changerai rien :
aprés avoir protefté qu'il n'a point hazardé
d'opinions nouvelles dont il fe declare ennemi
& qu'il eft convaincu que le droit du
Roi fur les biens Ecclefiaftiques , eft , comme
la Regale , auffi ancien que la Couronne
il ajoute J'en fuis fi perfuadé , que je
fervis
D'OCTOBRE. 97
ferois prêt de faire ici comme Heliodore, qui
aima mieux perdre fon Evêché que fon Lir
vre ; mais avec cerre difference pourtant
que mon Traité des Penfions Royales , peut
& doit être défen lu par un Prêtre dévoué.
au S. Siege , & par un fidele Sujet , attaché
à fon Prince , au lieu que l'Hiftoire
des Amours de Theagene & de Cariclée ,
devoit être ou fupprimée ou defavouée par
Heliodore.
Ce Livre le vend à Paris chez Cavelier
& le Gras au Palais
Eftienne , & fur le
chez Cailleau.
ruë S. Jacques chez
Quay des Auguftins
,
On vend dans la Grand'Salle du Palais.
chez Guillaume Cavelier , un nouveau Livre
qui a pour titre,le Voiage & les Avantures
des trois Princes de Sarendip traduit
du Perfan. Le Roman eft un de ces
Ouvrages , qui , fuivant l'approbation
qu'en a donné M. Danchet , eft auffi digne
de l'impreffion , que plufieurs autres ,
qui ont été faits dans le même goût , &
que le Public a reçû .
Le Voyage du fieur Paul Lucas , fait en
1714. par ordre de Louis XIV. dans la
Turquie, l'Afie , Sourie , Paleſtine , haute
& baffe Egipte , vient d'être donné au
Public. Il contient trois volumes in - 12 .
& fe vend à Rouen chez Robert Machuel
le jeune 1719.
Octobre 1719.
I
*
98 LE MERCURE
L'on trouvera dans cet Ouvrage des res
marques trés-curieufes , comparées à ce
qu'ont dit les Anciens fur le Labirinthe
d'Egipte ; un grand nombre d'autres monumens
de l'Antiquité , dont il a fait la
découverte ; une defcription du Gouver
nement , des forces , de la Religion , de
la Politique & de l'état prefent des Turcs ;.
une Relation de leurs préparatifs , faits
pour la derniere guerre contre l'Empereur
& c. Ce Livre eft dedié à S. A. R. Monfeigneur
le Duc d'Orleans Regent du
Royaume . Il est enrichi de quantité de
planches , qui mettent fous les yeux tout
ce que l'Auteur a remarqué de plus fingulier
dans le cours de fon voyage.
Cette Relation eft divifée en fix livres..
Le premier renferme ce qui regarde l'Europe
, c'eft-à-dire le voyage de l'Auteur à
Conftantinople , dans la Macedoine &
dans une partie de la Grece. On trouvera
dans le 2º . la deſcription de l'Afie mineure,
depuis Apamée juſqu'à Smirne , & de là
jufqu'à Alep. La Sirie, la Paleſtine & une
partie de l'Arabie , font la matiere du 3e,
Il a renfermé dans le 4. & 5e . tout ce
qui regarde l'Egipte depuis Alexandrie
& Rofette jufqu'au deffus d'Her-
Le fixiéme contient une def
cription particuliere de ce Royaume , un
parallele des anciennes Coûtumes avec celles
qui s'y pratiquent aujourd'hui , & un
mant.
D'OCTOBRE.
abregé de l'Hiftoire de fon commerce depuis
le tems des Pharaons jufqu'à prefent.
L'Auteur a û foin de répandre en plufieurs
endroits quelques morceaux d'Hiftoire qui
lui ont paru intereffans ; tels font , par
exemple , ce qui regarde le fejour du feu
Roi de Suede à Bender, l'Hiftoire des deux
Princes Drufes , celles des Maronites du
Mont- Liban : Deux Relations ; dont
l'une fait le détail d'une fedition arrivée
au Caire ; & l'autre parle de quelques
Miffionnaires qui ont fouffert le Martire
en Ethiopie : Deux Lettres qui fervent à
éclaircir les Antiquitez d'Egipte , & à
confirmer une partie des choles contenues
dans le dernier livre , & un Catalogue des
principales curiofitez qu'il a rapportées
dans fon troifiéme Voyage , comme Medailles
, Pierres gravées & autres Pierres ,
Manufcrits , Infcriptions , &c. Plantes ,
Graines & autres raretez de toutes efpeces.
M. Lucas , pour fatisfaire fes Lecteurs
leur rend compte des Monumens les plus
finguliers de l'Afic & d'Egipte , qu'il a
fait deffiner avec foin , & parmi lesquels
il y en avoit quelques-uns dont on n'avoit
jufqu'à prefent qu'une connoiffance affez
confufe ; tels font le Labirinthe , le Lac
Maris , le Temple de Jupiter Armant
celui d'Andera & plufieurs autres . Il a fait
deffiner deux Cartes , l'une de la Macedoine
, d'une partie de la Grece , de l'A,
I ij
3351
100 LE MERCURE
fie mineure , de la Sirie & de la Paleſtine:
L'autre de l'Egipte , depuis Alexandrie
& Rolette jufqu'au deffus d'Hermant, Il
a joint l'ancienne Geographie avec la moderne
, & il a tâché de déterminer quelles
étoient les Villes dont on ne voit plus aujourd'hui
que les ruines, Cet Ouvrage
nous a paru auffi judicieux qu'agreable ,
ment écrit,
L'art de préluder fur la Flute traverſiere,
fur la Flute à bec , fur le Hautbois & au
tres Inftrumens de deffus , avec des Préludes
tout faits , fur tous les tons , dans
differens mouvemens & differens caracteres
, accompagnez de leurs agrémens & de
plufieurs difficultez propres à exercer & à
fortifier. Enſemble des principes de modu
lation & de tranfpofition ; en outre , une
differtation inftructive fur toutes les differentes
efpeces de mefures , &c. Par M.
Hotteterre le Romain , Flute de la Chambre
du Roi. Oeuvre v11 . gravée. On
le trouve à Paris chez l'Auteur ruë Dauphine
, au coin de la rue Contrefcarpe ,
& chez Foucaut rue S. Honoré à la règle
d'or,
D'OCTOBRE. 161
V
Oicy une Hifforiete de contrebande
que j'avois deffein de renvoyer au
mois prochain.J'ai cru cependant que l'on ne
feroit pas fâché de la voir à la fuite des Arrêts
qui ne font pas une matiere fort diverti
Sante pour la plupart des Lecteurs Parifiens.
Mais, commele Mercure paffe auffi dans
les Provinces & dans les Pays Etrange's ,
ce n'eft pas ordinairement l'article le moins
lu , fur tout dans les conjonctures prefentes.
L
I y
Avanture nouvelle.
de la deftinée dans les Mariages,
& il s'en fait tous les jours par des
Voyes fi peu communes , qu'il y a lieu de
penfer qu'ils font arrêtez dans un Confeil
Souverain , dont les Arrefts font irrevocables.
Un jeune Cavalier paffant par une Ville
de Province , apprit qu'une jeune Demoifelle
y prenoit l'habit de Religieufe. La
neceffité où il ſe trouvoit d'y attendre un
Parent , lui fit naître le defir de voir la
ceremonie. Il fe rendit dans l'Eglife ent
habit de Voyageur , & fe mêlant dans la
foule , il examina toutes les femmes que
1
I iij
102 LE MERCURE
cette prife d'habit y avoit attiré en grand
nombre. En parcourant des yeux toute
Faffemblée , il apperçût une Brune de 15 .
à 16. ans , qu'une aimable modeftie ne diſtinguoit
pas moins que l'éclat de fa beauté.
Il la trouva fi fort à fon gré , qu'il ne la
perdit point de vue , tant que dura la ceremonie
, & emporta dans fon Auberge
une vive image de cette aimable perfonne.
Nôtre jeune Cavalier que nous nommerons
Renardet , devenu
devenu amoureux par im .
promptu , ne manqua pas de s'informer
adroitement du nom de cette belle pertonne
, de fa condition , & de l'endroit où
elle demeuroit on le fatisfit fur le champ,
& on lui apprit qu'elle s'appelloit Poulette,
qu'elle étoit fille unique d'une veuve trésriche
qui faifoit fon fejour ordinaire dans
Ja Capitale de la même Province : Que
cette Veuve qui fe piquoit d'une vertu
trés- rigide , ne recevoit chez elle que des.
perfonnes qui fe conformoient à fa morale
& à fes maximes. Ce recit l'étonna , &
peu s'en fallut qu'il ne facrifiât fur le
champ fa paffion naiffante à la nouvelle impreffion
que ce portrait défagréable venoit
de faire fur fon efprit. Cependant , aprés
quelques momens de reflexions , Renardet
fe détermina tout à coup à fuivre fon penchant
; & un mouvement preffant auquel
il ne put refifter , le fit refoudre à mettre
D'OCTOBRE.
103
tout en ufage pour avoir accés dans cette
maiſon, & connoître de plus prés l'aimable
Poulette. Il fe confulta long- tems fur les
moyens d'y parvenirs il lui parut enfin que
l'habit d'Abbé étoit le paffeport le plus fûr
pour y être admis . Comme nôtre Cavalier
étoit le maître de ſes actions , il donna bientôt
les ordres neceffaires pour cette métamorphofe
, en faisant partir en pofte pour
Paris un Valet de Chambre , qui quelques
jours aprés , lui apporta tout l'équipage
convenable à fon déguiſement .
Le Parent qu'il attendoit , l'étant venu
joindre , fut fort furpris de le trouver en
petit colet ; il lui en demanda la taifon .
Renarder qui n'avoit rien de caché pour
cet Ami , lui en découvrit tout le miftere.
Il entra dans fes vûës , & voulut même
Faccompagner jufqu'à la Ville où Renardet .
devoit jouer ce nouveau rôle d'Abbé.
Entre plufieurs connoiffances que ce
Parent y avoit , il étoit intime ami du
Lieutenant General . Il lui prefenta nôtre
Abbé. Le Magiftrat non feulement fit
tout l'accueil imaginable à l'un & à l'autre
, mais il obligea encore M. l'Abbé
à prendre un appartement dans fa maifon .
Ses manieres douces & prévenantes lui ac-
'quirent bientôt l'eftime de tout ce qu'il y
avoit de perfonnes confiderables dans cette
Capitale . Comme il ne s'étoit ainfi mafqué,
que pour avoir une entrée libre chez
I iiij
504 LE MERCURE
1
La Veuve , fa principale attention fut de
gagner principalement la confiance de quatre
ou cinq des Amies de cette Dame, qui
lui donnerent une extrême envie de le connoître
par le portrait avantageux qu'elles
Jui firent de la prud'hommie . Enfin , il
fut introduit naturellement chez elle . Cette
Veuve découvrit en lui encore plus de
politeffe , de fageffe & d'efprit , que ce
qu'on lui en avoit dit. Elle en fut fi contente
, qu'elle le pria qu'à fes heures perdues
, il lui fit l'honneur de la venir voir
fans façon. M. l'Abbé Renardet accepta
l'offre par une profonde inclination , qu'il
accompagna d'un remerciment fi Aateur
pour la Veuve , que fon empreffement à le
revoir , égaloit prefque le fien. Pendant
cette premiere vifite , i ménagea fi bien
fes regards , qu'il ne lui en échapa que
quelques-uns à la derobée fur la belle Pou-
Jette. A peine fut- il forti que la Mere
ne tarit point fur le merite de l'Abbé . Et
fe tournant du côté de fa fille ; eh bien ,
Mademoiselle , que penfez-vous de cette
nouvelle connoiffance ? counoiffez- vous un
homme plus accompli quel air de fincerité
, de candeur & de modeftie ! & tout
cela réuni dans un jeune Abbé de 25. ans ,
beau & bienfait en verité , ma fille
c'eft un modele de vertu à propofer à tous
nos jeunes Ecclefiaftiques. Je vous avouë
franchement , ma Bonne , reprit l'aimable
>
D'OCTOBRE.
105
Poulette , que l'on ne fçauroit lui refufer
une partie des louanges que vous lui donnez
; mais permettez -moi de vous reprefenter
que c'eft par ces qualitez même qu'il
faut le plus s'en défier. Vous êtes une
fotte , ma mie , repliqua brufquement la
mere ; fçachez qu'à vôtre âge , il ne vous
eft pas permis de hazarder vôtre jugement
après le mien. Je vous prie feulement
Mademoiselle , que vous ayez de bonnes
manieres pour lui & que vous profitiez de
fes confeils. On peut juger que cette
Mere prévenue fi favorablement
pour nőtre
Abbé , feroit charmée de toutes les
vifites qu'il lui feroit . En effet il s'infinua
par la fuite , fi bien dans fes bonnes graces ,
que tout fe decidoit dans la maifon par fes
Confeils. La politique de Renardet fut
telle pendant plus d'un mois , qu'il n'adreffoit
le difcours qu'à la mere, & il s'obfervoit
fi exactement , que fes yeux ne le
trahirent dans aucune rencontre. Comme
il avoit la voix fort belle , & qu'il jouoit
parfaitement de la Fute Allemande , it
s'offrit d'accompagner Mademoiſelle Poulette
. La Mere commanda imperieuſement
à fa fille de ne fe point faire prier.
Les tendres accords de la Mufique ne
firent qu'augmenter le feu de Renardet.
Il admiroit les charmes de cet Art , qui
permet de foupirer fans indifcretion . Ce
doux amufement amenoit quelque fois des
106 LE MERCURE
converfations fur l'amour ; Renardet en par
loit avec la même legereté, que fi fon coeur
n'en eût point été fufceptible. Il étoit
charmé d'entendre avec quel efprit & quelle
jufteffe Poulette traitoit une paffion ſi dangereufe.
Non , difoit - elle quelquefois ; . Je
ne comprens point la plupart des inclinations
du tems ; on s'aime fans fe connoître :
Sur la foi d'une vive ardeur, on fe livre à
fes defirs ; on fe déclare fes fentimens ;
l'amour fe forme; mais le voile vient- il à fe
rompre on fe connoît enfin ; l'homme
refte & l'amant difparoît : Voilà la caufe
la plus generale de tant de mariages malheureux
. Je vous avoue que je plains fort
les victimes de cette forte de paffion ; ce
pendant je m'imagine qu'il y a un peu de
leur faute . Pour moi , fi jamais je me ma
tie , je veux m'appliquer à connoître le
caractere de ceux qui peuvent fonger à
moi , & je veux trouver des vertus , afin
de paffer de l'eftime à la tendreffe.
•
Des deffeins fi raifonnables ne pouvoient
être qu'applaudis par Renardet. Il y joi
gnoit encore de petites reflexions , capables
de rendre Poulette difficile fur le
choix. A ne juger que fur les apparences ,
on pourroit l'accufer ou d'imprudence our
de prefomption . Mais , comme les Amans
font de l'excés de leur tendreffe , leur premier
merite , on leur permet volontiers de
fe flater , & l'amour propre en cette occaD'OCTOBRE.
107
fion , eft du goût de toutes les femmes . II
ne s'agiffoit alors que d'écarter les Prétendans.
Comme rien ne fe faifoit plus chez
la mere de Poulette , fans le confeil
de Renardet , il avoit eu foin d'établir des
maximes feveres , par rapport au choix
d'un mari , pour en faire l'application qu'il
méditoit en tems & lieu..
Effectivement de tous ceux qui fe prefenterent
, aucun n'avoit toutes les qualitez
requiſes , felon Renardet ; il faifoit
des remarques avec tant de jufteffe , & fi
peu de partialité en apparence , qu'il n'étoit
pas poffible de foupçonner la veritable
raifon qui le rendoit fi difficile. Celle qui
fe prefentoit naturellement , ne pouvoit
être que le defir qu'il avoit que Mademoifelle
Poulette fît un mariage convenable ;
auffi la Mere en étoit- elle fi perfuadée , que
ce n'étoient que remercimens à M. l'Abbé
Renardet , fur les foins qu'il fe donnoit
pour la félicité de fa fille . Poulette de fon
côté n'étoit pas infenfible ; & par l'approbation
qu'elle donoit aux bons avis qui lui
venoient de fa part , elle lui faifoit comprendre
combien elle eftimoit fon goût &
fon difcernement.
Renardet voyoit avec fatisfaction que
Poulette n'avoit aucun attachement . Docile
aux impreffions qu'il lui donnoit contre
fes foupirans , il fe formoit peu à peu
une espece de mifantropie dans ſon coeur
168 LE MERCURE
qui ne leur étoit point favorable. Ils s'er
apperçurent & confpirerent contre lui ;
mais tous leurs projets furent inutiles.
Quand une heureufe prévention combat
pour nous auprés des Dames , nos Rivaux
font bien foibles . Tout le mal qu'ils veulent
nous faire , nous devient avantageux.
La mere de Poulette n'en eut que plus de
confiancé en l'Abbé Renardet , & Poulette
, que plus d'éloignément pour ceux
qui la recherchoient.
Les chofes en étoient là , quand Renardet
croyant avoir fait affés de chemin dans
l'efprit de Poulette , jugea qu'il étoit tems
d'en faire un peu dans fon coeur. Ilý vint
par des routes détournées . De l'eftime generale
qu'on ne peut refuſer à la probité
il l'amena à l'eftime particuliere qu'on
doit à ceux qui s'interreffent parfaitement
à nous . It la conduifit enfuite jufqu'à la
confiance.
Quelque lecteur critique m'objectera
peut être que cela n'étoit pas difficile alors,
puifqu'elle s'en étoit déja raportée à lui
fur le choix d'un mari Marque fûre
d'une grande confiance . Je lui réponds que
la derniere confiance dont j'ai parlé , eft
d'une espece differente , & bien plus parfaite.
La premiere ne venoit pas d'un principe
affés pur , pour fatisfaire un coeur de
licat comme celui de nôtre Abbé . Le refpect
& l'obéiffance que Poulete devoit à
D'OCTOBRE, 10
fa mere , y avoient alors beaucoup de part;
mais la confiance dont je parle , n'a plus
d'autre fource que le coeur de Poulette. Il
n'y a pas loin de-là à l'amitié ; auffi Poulette
& Renardet y arriverent-ils bientôt,
Ce n'étoit encore qu'une tendreffe metaphifique
, degagée de toute expreffion prophane.
Si le mot d'amour , étoit employé
dans la converfation , on lui donnoit une
certaine étenduë convenable au rôle
d'Abbé que Renardet étoit obligé de jouer
encore quelque tems. Quand il crut avoir
affes bien difpofé les chofes pour parvenir
à fon but , il conta fon deffein à un de fes
amis ; & aprés lui avoir expliqué la fituation
où il fe trouvoit , voici ce qu'il
le chargea de faire. Vous connoiffés , lui
dit-il , mon nom , ma famille , & mes facultés.
Je vous prie d'en faire un recit
à la mere de Poulette , & de lui demander
fon aimable fille en mariage pour un
Cavalier de vôtre connoiffance . Quant à
ce qu'il faudra dire de ma perfonne , je
m'en raporte à vôtre prudence . Tout s'exe
cuta avec exactitude. L'ami de Renardet
s'acquita en homme d'efprit de la commif
fion, La mere de Poulette reçut avec politeffe
les offres qu'on lui fit , & demanda
quelques jours pour répondre. On ne man,
qua point à l'ordinaire de confulter l'Ora
cle. M. Renardet profita de l'occafion . Il
fir l'éloge du Cavalier propofé . Il avoü?
LE MERCURE
pour cette fois que l'aimable Brune ne
pouvoit , fans une espece d'injuftice , refufer
le nouveau Pretendant ; qu'il le connoiffoit
parfaitement , & qu'il avoit toutes
les vertus neceffaires pour faire le bonheur
d'une femme. L'aimable Poulette
fut bientôt inftruite de l'approbation de
Renardet ; mais il fut bien furpris de voir
fa refiftance . Comme il n'ofoit le flater encore
d'en connoître la veritable caufe , il
oppofa aux deffeins de Poulette tout ce
que peut infpirer l'éloquence la plus feduifante.
Songés , lui difoit-il , Mademoiſelle
, que fi le Cavalier qu'on vous propofe
aujourd'hui , ne m'étoit pas auffi connu
que je me connois moi- même , je ne hazarderois
point mon jugement. Quelque bien
que j'en cuffe apris indirectement , j'aurois
toujours crains de vous facrifier , fi je
n'étois pas inftruit par moi-même : Mais
ici , Mademoifelle , rien n'eft à craindre.
Je connois jufqu'aux plus fecrets mouvemens
de fon coeur . Il vous aime avec une
ardeur digne de vous ; il vous fera fidele :
& quoique fa femme , il cherchera toûjours
à vous plaire par les mêmes moyens
qu'on cherche à toucher fa Maîtrefle ...
Tout ce que vous me dites , auroit pu me
feduire autrefois , lui répondit Poulette ;
mais vous m'avés accoûtumée à penfer fi
jufte fur les hommes, que je tremble quand
on m'en parle. Je les vois prefque tous parD'OCTOBRE.
III
jurés; & l'amour me caufe tant d'allarmes,
que j'ai refolu de m'en tenir à la fimple
amitié que vous m'avés infpirée. Je la fens
à tel point , qu'elle eft caule que j'abhorre
toute autre liaiſon , furtout de celles qui
pourroient en interrompre le cours ..
C'en fut affés : l'Abbé Renarder comprit
bien vite que fon bonheur aprochoit ; &
voyant qu'il étoit le feul obftacle à fa fclicité
... Eh bien , reprit'il , aimable Pouletre
, je me foumets à tout ce que vous
voudrés ; mais du moins , permettés que
ce Cavalier ait l'honneur de vous voir une
fois. S'il n'eft pas de vôtre goût , & s'il ne
détruit pas toutes vos preventions , je confens
de ne vous en jamais parler . Poulette
voyant qu'elle s'engageoit peu , accorda làdeffus
ce qu'on lui demanda. La mere fut
d'intelligence ; mais elle exigea que l'Abbé
Renardet s'y trouveroit . Il s'en excufa
fur la liberté qu'il falloit laiffer à un amant
dans ces fortes d'occafions . Une heure
aprés ,Monfieur l'Abbé Renarder ayant repris
fes habits de Cavalier , fe fit annon
cer à la mere de Poulette fous le nom de
celui qu'on attendoit. On l'introduifit
on ne le reconuut pas du premier coup
d'oeil , mais , à peine eut- il parlé , qu'elles
fe recrierent toutes deux , & parurent fort
furpriſes. Il les faffura , en leur aprenant"
l'hiftoire de fes Metamorpholes. L'habit
de Cavalier ne fit qu'augmenter les char
II2 LE MERCURE
mes de l'Abbé . L'un ne fut plus obftacle
au bonheur de l'autre , puifqu'ils étoient
le même. On admira combien l'amour étoit
ingenieux. On prit jour pour les nôces , &
Poulette éprouva combien elle auroit perdu
, fi elle s'étoit obftinée à s'en tenir à la
fimple amitié , & fi le Cavalier n'avoit
perfectionné les fentimens de l'Abbé.
pas
NOUVELLES ETRANGERES .
POLOGNE.
à Varsovie le io. Oftobre 17194
Es Palatins de la grande Pologne ont
refolu de prier le Roy de faire diftribuer
les Univerfaux pour la Diette generale
du Royaume , limitée dans la tenuë
de fes premieres conferences . Les petites
Diettes commenceront bien-tôt à s'affembler
, afin de proceder à la nomination
des Deputez de la Nation . Les Moſcovites
commettent depuis quelque tems de
grands defordres en Curlande , la Nobleſſe
furtout en eft fort inquiettée , 10. parce
qu'elle a refufé de donner fon confentement
aux demandes de la Ducheffe Douairiere
, niece du Czar. 2o . parce qu'elle
s'oppose à ce que ce Duché foit divifé en
differens Palatinats ; & enfin , parce qu'elle
D'OCT.O BRE. 813
a tequis le Roy & la Republique de Pologne
, que la fucceffion de ce Duché tombât
entre les mains du Prince Ferdinand
•
defaut de la Race mafculine . On pretend
que ces refolutions prifes par cette Nobleſfe
, ne tendent qu'au maintien du Lutheranifme
dans cette Province . It s'eft formé
en Lithuanie une confederation contre le
Roy. Les Confederés ont commencé par
enlever de quelques Starofties plufieurs
Officiers de Sa Majefté. Toutes les petites
Diettes fe font rompuës , à la referve de
cel'es de B.lski & Sandomir, La Nobleffe
de ce dernier Palatinat a eu fi peu d'égard
pour le Palatin , que nen contente
de le menacer , elle l'a reaverfé de fa chaife
au milieu de la Diette . Le Tribunal de fa
Treforcrie a fait l'ouverture de fes féances
à Grodno , fous la direction du Palatin de
Vilda. Il paroît ici une lettre du Roy de
Pruffe par laquelle ce Monarque affare de
fa bienveillance cette Republique. Plu--
fieurs Cavaliers arrivés de Saxe nous
font efperer que le Roy devoit fe rendre
le mois prochain dans ce Royaume , afin
y convoquer la Diette generale qui doiť
être la continuation de celle de Grodno .
On ne fait pas encore au vrai où elle fe
tiendra , par raport à la contagion qui emporte
quantité de monde dans la Podulie
& la Ruffie: On s'apperçoit cependant , que
depuis que le grandes chaleurs font paffeos,
a
K
,
114 LE MERCURE
elle fait moins de ravages ; la Nobleffe
a même choifi des Deputés, pour aller en
Saxe prier le Roy de fixer le jour & le
lieu , afin de reprendre la grande Diette.
La fortie des Mofcovites , hors du Royuume
& du grand Duché de Lithuanie , a
caulé ici une grande joye ; mais les Pala- ·
tinats , où les troupes du Czar ont fait un
plus long fejour , pretendent qu'à cette occafion
ils doivent être foulages des contributions
ordinaires & de celles qui ont
été propofées pour payer ce qui étoit dû
aux Armées de la Couronne & du grand
Duché , loriqu'elles furent congediées
aprés le traité de pacification .
L
SUEDE.
à Stokholm le 12. Octobre 1719-
Es Ruffiens , aprés avoir fait de
grands ravages jufqu'aux Portes de
certe Capitale , ont pris le parti de fe retirer
à l'approche de la Flote combinée
des Anglois & des Suedois . On a publić .
à Petersbourg une ample relation des de- .
fordres qu'ont commis les Mofcovites
dans ce Royaume . Le Czar fit voile de
l'Ameland le 31. d'Août avec fes Vailfeaux
de guerre , fes Fregates & quelques
Galeres , & il arriva le 3. de Septembre
à Réuel d'où il partit pour Cronflot , &.
D'OCTOBRE.
is
و
✰ debarqua le 8. Efcadre Angloife ,
commandée par le Chevalier Jean Norris ,
qui a été en rade devant cette Ville depuis
la retraite de la Flotte Ruffienne , l'a
quittée avec les Vaiffeaux Suedois qui
l'avoient joint , & il y a toute apparence
qu'elle repaffera bientôt dans le Sund
pour aller hyverner dans les Ports d'Angleterre.
La Reine , par le confeil des Senateurs
, a fait publier des ordres , four
faire revenir dans les Bourgs , & dans les
Villages qui ont été ravagés par les Mofcovites
, les habitans qui les avoient abandonnés
. On a même pris des mesures pour
pourvoir à leur fubfiſtance , en leur faifant
diftribuer des bleds qui ont été amenés
des Provinces & des Pays étrangers. Outre
les vivres , on leur fournit toutes les
chofes neceffaires pour rebâtir leurs maifons
; afin d'apaifer par ce bienfait le grand
nombre de Payfans ruinés par les Ruf
fiens. On efpere dans peu reparer le dommage
que les troupes Ruffiennes ont fait
aux Mines de fer , de cuivre , de fel , &
aux forges , qui font un des principaux revenus
de ce Royaume Pour cet effet
plufieurs Seigneurs & autres riches particuliers
, ont contribué par des fommes
confiderables
à les retablir dans leur premier
état. M. de Slipenback , Confeiller
du Confeil privé du Roy de Pruffe , arriva
le 16. de Septembre à Revel , pour
Kij
716
LE MERCURE
informer le Czar du Traité de paix qui
s'étoit negotié à Berlin avec M. de Withworth
Miniftre du Roy de la grande
Bretagne. On eft encore incertain fi ce
Miniftre fe rendra à Petersbourg auprés
de S , M, Cz . Ce qui fonde ce doute , c'eft
que ce Monarque a envoyé ordre au Gouverneur
de Rével de ne pas permettre à
M. de Slipenback de paffer plus avant ,
qu'il n'eût recû fa reponfe avec de nouveaux
ordres . Une Fregatte Angloife a
fait voile de Lubeck vers Ifted en Suede ,
,
ayant à bord 200. mit écus que le Roy
de la grande Bretagne envoye à la Reine
de Suede , en vertu des Traitez qu'il a
conclus avec S. M. Suedoife comme
Electeur de Brunswick : M. de Campredon
, ci- devant Refident de France en
Suede , s'eft embarqué fur cette Fregatte ;
pour y retourner en qualité d'Envoyé Extraordinaire.
Le bruit court que le Roy
de la grande Bretagne a fait fcavoir au
Czar , qu'il avoit renouvellé fes anciens
Traités avec la Suede , & qu'il lui a fait en
même tems offrir fa mediation , pout
moyenner fa paix avec cette derniere couronne
, à des conditions raifonnables . On
aprend de Harrbourg qu'on y a tranſporté
600. mil francs qui doivent être remis
à M. le Confeiller Grave. On dit qu'ils
font deftinés pour le Duc de Holftein , à
qui S. M. Brit , avance cette ſomme fur
1
D'OCTOBRE.
117
les Terres de Trittau & de Rynhek , où
quelques troupes de Hannover doivent fe
rendre pour en prendre poffeffion .
On a rendu public par ordre de la Reine
de Suede le Contre- Manifefte qui refute
celui du Czar. Nous l'avons donné le mois
palé dans notre Recueil. Celui de la Reine
contient en fubftance.
✔
Que les troupes du Czar qui ont fait
une invafiion dans le Royaume , y ont difperfé
( en mettant tout à feu & à fang, )
un Manifefte , par lequel on attribue la
guerre & les obftacles qui empêchent la
paix , à des caufes qui ne font pas conformes
a la verité que S. M. ne doute pas
que fes Sujets n'aperçoivent , que ce manifefte
, qui vient de la part de fon ennemi
declaré , eft dreffé avec beaucoup de rufe
pour donner de fauffes impreflions
&
émouvoir la defiance & la diforde ; pufque
S. M. a eu deffein de procurer la
tranquilité & la fureté du Royaume , par
une paix convenable , & que fuivant les
propofitions offertes , qu'on veut faire paffer
pour avantageufes , le Czar veut conferver
tout ce qu'il a pris fur la Suede pendant
cette guerre , excepté la Finlandes
offrant fur ce pied- là , fôn amitié à S. M.
après avoir entrepris une guerre contre la
teneur des Traités , & contre fa parolle
donnée , laquelle il a continuée depuis le
commencement avec les derniers excés ;
118 LE MERCURE
>
& aprés avoir fait brûler , faccager , &c.
pendant les negotiations de paix , tant
avant qu'aprés l'arrivée de Monfieur le
Plenipotentiaire Ofterman , afin d'abattre
par là le courage des fujets de Sa Majefté
de lui prefcrire des loix , & de l'obliger
s'y foumettre : Qu'ainfi S. M. declare à la
face de toute la Terre, qu'elle eft innocen
te du fang repandu ; efperant que chacun
fera convaincu de fes difpofitions à la paix :
Qu'Elle laiffe à juger à fes fujets , ce qu'il
ya à attendre de la proximité d'un voilm
qui eft en état de penetrer , felon fon bon
plaifir , jufqu'au coeur du Royaume avec
les armes furieufes ; & s'il ne leur convient
pas mieux de fuivre comme de braves Patriotes
, les traces de leurs vaillans ancêtres,
que de fe laiffer amufer par les vaines
promeffes des ennemis, & s'attirer un joug ,
qui dans la fuite leur feroit plus infuportable
, que la mort- même : Qu'ainfi on ne
doit pas fe laiffer abattre , mais fe revêtir
de courage ,, ppoouurr aaggiirr ddee concert , & avec
vigueur pour le bien de la Patrie , &c .
On ne fait pas encore fi S. M. Suedoife
convoquera les Etats du Royaume.
lé Chevalier Norris & l'Amiral Suedois
accompagnés des principaux Officiers de
Marine , arriverent le 11. de Septembre en
cette Ville . Le 12. au matin , on tint un
grand Confeil chez le Prince Hereditaire
de Heffe - Caffel. L'Amiral Norris , le
D'OCTOBRE. Fro
Colonel Baffewitz , & M. Campredon
Refident de France , y affifterent . Le même
jour , les Amiraux eurent l'honneur
de dîner avec la Reine , & le 14. S. M.
alla dîner à bord de l'Amiral Norris , &.
paffa enfuite fur le Vaiffeau de fon Amiral
. On a appris par le retour du fils de
Milord Berkley dans cette Capitale , qui
avoit été dépêché à Aland par le Lord
Carteret , pour offrir aux Plenipotentiaires
du Czar la médiation de la G. B. qu'il
n'y avoit preſque plus à efperer , que l'on
pût rien terminer au Congrés d'Aland.
La Reine en a même rappellé M. Lilienf
ted fon Plenipotentiaire. On ne croit pas
non plus que fes conferences , qui devoient
fe tenir à Brunſwick pour la paix du
Nord , ayent lieu . On continue les levées
dans tout ce Royaume avec beaucoup de
fuccés , pour recruter & augmenter nos
Troupes. On fe flate ici que nous ferons
en état la campagne prochaine , d'aller attaquer
à nôtre tour les Mofcovites dans la
Livonie , & de reprendre cette Province.
M.Dankert Commandant deMaelftrand,
--, ayant été convaincu d'avoir livré cette Place
aux Danois , a été condamné à avoir la tête
tranchée. Cette execution a été faite à
Gottembourg, mais il n'a été decapité
qu'au troifiéme coup ; le Boureau a été
mis aux arrêts pour l'avoir manqué . Les
Vailleaux neutres ont la liberté d'entrer
120 LE MERCURE
dans ce Port & d'en fortir. La Reine a
nommé le Comte de Spaar , pour aller
en qualité de fon Ambaffadeur Extraordinaire
, à la Cour du Roi de la G. B. Le
Duc de Holftein a fait des remontrances
à cette Cour , pour obtenir le titre d'Alteffe
Royale que la Reine n'a pas voulu luiaccorder
jufqu'à preſent.
LE
DANNEMARCK.
à Copp.nhague le 18. Octobre 1719.
E Baron de Bothmar , Envoyé cxtraordinaire
de S. M. Britannique en
qualité d'Electeur de Brunswick , reçût le
9. de Stokholm un Courier , qui fut dépêché
fur le champ pour la Cour d'Hanver.
On ignore le contenu de fes dépêches
. On a commencé à défarmer trois
Vaiffeaux de guerre qui étoient de retour
de Norwege , & on en va faire autant de
I'Efcadre du Contr' Amiral Tordenfchild,
qui eft rentrée dans ce Port , à la referve
de trois Galeres qu'il a laiffées à Maelſtrand.
Ceux de l'Amiral Paulfen , qui font revenus
ici de la Mer de l'Eft , doivent être
pareillement défarmez. Quoiqu'il air paru
un Corps de Suedois de 3 à 400 hommes
du côté de Sw nefund , ces Troupes n'ont
commis aucunes hoftilitez , s'êtant retirées
deux jours aprés , du côté de Bahus , aprés
avoir acheté argent comptant des provifions
D'OCTOBRE. 120
fions . Milord Polworth , Envoyé extraordinaire
du Roi de la G. Brt. a reçû de
nouveaux ordres , pour preffer la Cour de
Dannemarck à fe déclarer , au fujet d'une
fufpenfion d'armes avec la Suede , & de la
médiation offerte de la part du Roi fon
Maître. La Charge de Gouverneur Gene- ,
ral de la Pomeranie & de l'Ile de Rugen ,
vacante par la mort du General Dewitz ,
a été conferée au General Scholten . Six
Bâtimens Suedois , fortis de Gottembourg,
ayant furpris pendant la nuit, à 2. lieuës de
Maelstrand , plufieurs de nos Vaiffeaux ,
en ont enlevé quelques- uns , entr'autres ,
un Bâtiment plat , deux Galeres & quatre
Vaiffeaux Marchands. Nous avons cu
quelques jours aprés , nôtre revanche , en
leur reprenant ces Vaiffeaux , qui étoient
dans le Port de Gottembourg , & en mettant
même le feu à deux de leurs Bâtimens
; les Danois ayant trouvé le moyen
de s'y gliffer de nuit , & de furprendre
la garde. Le 4. il arriva ici un Exprés
d'Hannover , allant en Suede , avec la ratification
des Traitez des Rois de la G.
Bretagne , & de Pruffe avec la Reine de
Suede. On ne paroît pas fort content ici
des propofitions de cette derniere Couronne
, qui demande qu'on lui reftituë cette
partie de la Pomeranie & de l'Ile de
Rugen , dont S. M..Danoiſe eſt en poffeffion
.
Octobre 1719.
L
122 LE MERCURE
à Hambourg le 20. Octobre 1719 .
*
"
N celebra ici le 14. Septembre un
jour folennel de Jeune & de prieres.
Tous les Predicateurs fe récrierent avec
vehemence dans leurs Sermons , contre les
défordres & le tumulte arrivé quatre jours
auparavant en cette Ville. Ils reprefenterent
entr'autres chofes , que l'infulte
faite à l'Hôtel de l'Empereur en le pillant,
étoit une infraction contre les droits des
gens ; ce qui pourroit avoir des fuites trés
fâcheufes. Mais , quant à la démolition de
la nouvelle Chapelle des Catholiques Romains
, ce n'étoit qu'une execution necef
faire des Mandemens , ajoûtant que fi ces
Mandemens euffent été executez auparavant
, ce malheur ne feroit pas arrivé.
Nôtre Magiftrat & les autres Colleges de
cette Ville , ont envoyé des Deputez avec
un Notaire , pour vifiter cette Chapelle
démolie. Dans le rapport qu'ils en ont
fait , ils ont déclaré que c'étoit un double
bâtiment , ayant trouvé des voutes
pratiquées deffous. Ces Deputez pretendent
que ces foûterains ont été faits à
l'infçû du Magiftrat , & qu'il paroiffoit
par-là que les Catholiques Romains y vou-
* Voyez le Mercure de Septembre 1719 .
p. 157.
D'OCTOBRE. 123
loient établir une efpece de Couvent ou
de Seminaire. Le procés verbal a été envoyé
à Meffieurs les Directeurs du Cercle
de la Baffe- Saxe , qui font le Roi de la
G. Bretagne , comme Electeur d'Hannover
, le Duc de Wolfembutel , & le Duc
de Blankenberg. Le Magiftrat les prie de
vouloir bien interceder auprés de l'Empereur
; afin que la violence commife par la
canaille contre cette Chapelle , & le Palais
Imperial , ne foit point imputée au
College de cette Ville , ni au Confeil de
Commerce . Le Baron de Kurts - Rock
Miniftre de l'Empereur en cette Ville ,
reçût le premier de ce mois le Courier
qu'il avoit envoyé à Vienne , pour informer
S. M. I. de cet attentat. Il fit venir
chez lui les Deputez du Magiftrat , pour
leur communiquer les ordres de l'Empereur
, qui regarde ce delict , comme un
crime de leze- Majesté . S. M. I. demande
1. Qu'on fera une entiere reſtitution
de tout ce qui a été pillé & enlevé dans.
la Chapelle & dans le Palais Imperial :
20. Que ces deux édifices detruits , feront
rebâtis : 30. Qu'on reftituera au Confeiller
Lenbкe tous fes meubles & effets :.
4°. Que le Magiftrat repondra de la feureté
des Ecclefiaftiques Catholiques : 5 :
Que fi le Baron de Kurts - Rock ne fe
croyoit pas en feureté dans cette Ville
il fe retireroit , & que l'on ne donnoit
Lij
124 LE MERCURE
a
que deux fois 24. heures pour repondre
fur
ces griefs ; mais le Magift . ayant demandé
un plus long delai à ce Miniftre
, il y a con- fenti . Le s . la Bourgeoisie
fut convoquée
confequence
de ces propofitions
à l'Hô- tel de Ville,mais cette affemblée
fut infruc
tueufe , ne s'êtant pas trouvé un nombre fuffifant
de perfonnes
, qui doit être au moins de 196. pour pouvoir
prendre
une refolution
. Les Magiftrats
ont donné des ordres , pour ne plus perfecuter
les Pro- teftans de cette Ville , qui avoient
été citez à comparoître
, pour avoir affifté au Ser- vice chez M. Van -den- Bosch , Reſident des Provinces
-Unies. On attribuë
cette in- dulgence
aux Lettres
du Roi de Pruffe
& à celles des Etats Generaux
, écrites à cetre
occafion
; on prétend
même que les ve- xations
qu'on leur avoit faites , devoient
être regardées
comme
un trait de politi- que , pour mieux couvrir
ce qui s'eſt pallé à l'égard
du Refident
de l'Empereur
. Ce- pendant
, comme
S. M. I. infifte fur une
ample fatisfaction
, nos Magiftrats
paroif- fent être auffi irrefolus
que confternez
fur les moyens
d'apaifer
cette affaire. Le 12 . la Bourgcoifie
s'affembla
de nouveau
: mais , comme
elle ne fe trouva
pas plus complette
que la premiere
fois , elle fe fepara fans avoir rien conclu .
Suivant les derniers avis de Stoxholm
ily a grande apparence à une prochaine
D'OCTOBRE. 125
paix , entre la Suede & le Dannemarck
le Roi de Pologne n'en paroît pas auffi
fort éloigné ; mais , d'un autre côté , malgré
les difpofitions pacifiques de ces deux
dernieres Puiffances , & les bons offices
de S. M. B. on ne voit pas encore que
le Czar témoigne aucun penchant pour la
paix , quoi qu'abandonné de tous les Alliez
. On dit qu'il refufe abfolument de
reftituer Revel , ce qu'on lui propoſe ,
comme un point préliminaire de la paix.
Le Czar a fait publier un Manifefte contre
la Ville de Dantzik , pour avoir tranſporté
des munitions de guerre & de bouche
en Suede. Cet écrit contient les raifons
qui ont engagé S. M. Cz. à prendro
& à confifquer les Vaiffeaux Dantzicois
qui y paffoient, declarant qu'à l'avenir les
équipages qui auront été faits prifonniers
de guerre , feront condamnez à fervir ſur
fes Galeres pendant toute leur vie!
Plufieurs Vaiffeaux Moſcovites ſe font
venus pofter auprés de la Munde , d'où ils
enlevent tous les Bâtimens fans diftinction
.
Le nommé Dippelius , que l'on avoit
transferé d'ici à Altena , fut condamné le
28. du mois paffé à une prifon perpetuelles
au pain & à l'eau : fes Ecrits ont été
brulez par la main du Boureau en Place
publique ; aprés quoi il a été conduit far
quatre Dragons , les fers aux mains & aux ,
Liij
126 LE MERCURE
pieds , à Bremerfholm , lieu deftiné pour
fa prifon.
,
On écrit de Vilda en Pologne , que
plufieurs perfonnes avoient été brulées
eftropiées ou noyées dans le Fleuve de Vilna
, à l'occafion du feu d'artifice que l'on
avoit fait dans cetre Ville en rejouiffance
du mariage du Prince Electoral . Des Lettres
de Pologne du 4. portent que le Prince
Sapichea s'êtant mis à la tête de 21. Drapeaux
Polonois , commettoit de grands
défordres dans tout le Païs. Les avis que
nous recevons de Petersbourg , portent que
le Czar donnoit tous fes foins , pour faire
de nouveaux preparatifs de guerre , & qu'il
avoit deffein de faire augmenter confiderablement
fa Flote. M. de Mardefeld ,
Env . de Pr.ayant été admis à l'Audience de
S. M. Cz . n'en avoit pas eu un accueil favorable.
Le Czar lui a temoigné fon mécontentement
, de ce que le Roi fon maître
avoit conclu à fon infçû , un Traité
d'alliance avec le Roi de la G. Bretagne ,
& un autre avec la Reine de Suede . La
Cour de Stokholm a receu de groffes remifes
d'argent , & on n'épargne rien pour
reparer le dommage caufé par les Ruffiens.
Le Roi de Dannemarck fait marcher
en diligence plufieurs Regimens vers Pinneberg
, & les Baillages que le Duc de
Holftein vouloit hipotêquer au Roi de la
D'OCTOBRE. 127
G. Bretagne. Les Troupes d'Hannover ne
fe mettront en marche pour occuper ces
Baillages , qu'aprés que S. M. Brit. aura
paffé fes Regimens en revûë. Les Commiffaires
Subdeleguez , pour executer le
Mandement Imperial contre le Duc de
Mexelbourg, n'ont pas encore fort avancé
dans l'examen des principaux articles ; de
forte qu'il n'y a pas d'apparence que cette
affaire puiffe être terminée avant la fin de
l'année ; cependant les Troupes du Cercle
de la baffe Saxe , qui font entrées dans le
pays , y vivent aux dépens du Public, qui
en eft fort incommodé.
t
On écrit de Gohr du 15. Octobre
que le Roi de la G. Bretagne avoit envoyé
un Exprés à Londres , avec ordre de
faire partir les Yachts & les Vaiffeaux de
guerre , pour le rendre à Roterdam au
commencement du mois prochain. S. M.
pourra refter dans le Château de Gohr
environ 3. femaines , & 15. jours à Hannover
, avant que de le mettre en chemin
pour retourner en Angleterre.
SAX E.
à Drefde le rs. Octobre 1719.
Epuis que l'Archiducheffe
Marie-
Jofeph , Epoufe du Prince Electoral
, a fait fon entrée dans cette Ville ,
Liiij
123 LE MERCURE
chaque jour a vû des Fêtes enchantées &
des Spectacles nouveaux , qui ont été donnés
par le Roi de Pologne à cette Princeffe.
Le 6. du paffé , on donna dans la
carriere des Chaffeurs , un combat de
bêtes feroces , au nombre defquelles on
voyoit une Lionne , un Taureau fauvage ,
quatre Ours , fix Sangliers , & c. Le 7.
au matin , il y eut un grand Caroufel ,
dans lequel fe trouverent rangez 64. Cava- `
liers , qui coururent & firent avec une
adreffe & une grace admirable , leurs exercices.
Le 8. il y eut courfe de bagues
depuis l'Arfenal jufqu'aux Ecuries du Palais.
Le 9. fut la cloture du Carouſel ,
dans lequel le Comte de Vifthum gagna
le premier prix ; le Roi de Pologne le fecond
; le Prince de Saxe Weiffenfelds le
troifiéme , & le Comte de Haubitz le
quatrième. Il y eut enfuite Comedie Françoife.
Le 10. le Roi & le Prince Royal ,
la Reine & la Sereniffime Archiducheffe ,
accompagnez d'une Cour trés- magnifique ,
allerent au vieux Drefden . On avoit dreffé
dans un des Jardins , un Theatre , fur
lequel on executa un Opera Italien . Aprés
le fouper , on tira à 9. heures un grand
feu d'artifice , preparé fur l'Elbe. Le 12.
il y eut un nouveau Caroufel à cheval &
à pied fur le Marché . Les Champions
étoient divifez en fix Quadrilles , qui fi
nirent leurs exercices avec l'épée , les gree
D'OCTOBRE. 12
nades & la moufqueterie ; ce qui parut un
veritable combat .
,
Le 15. il fe fit ici un grand Carouſel
reprefentant les quatre Elemens, Le Roi
qui reprefentoit le Fen , avoit un habit
de même couleur garni de diamans . Son
plumet étoit attaché avec une agrafe auffi
de diamans d'un grand prix , ainfi que
fon harnois . Ceux de la fuite de S. M.
avoient auffi des habits de couleur de feu
ayant chacun à la main un flambeau ouvragé
. Le Prince Royal & Electoral reprefentant
l'Eau , étoit habillé de bleu
de même que ceux de fa fuite , ayant chacun
un Trident à la main , & un Poiffon
fur la tête. Le Prince de Weiffenfelds
reprefentant la Terre , étoit habillé de
verd , comme ceux de fa fuite , ayant chacun
un Trident à la main , & la tête or
née de fleurs . Le Duc de Wirtemberg
reprefentant l'Air , avoit des aîles fur les
épaules , & des oifeaux fur la tête , de
même que ceux de fa fuite. Chacune de
ces Troupes étoit precedée d'un Herault
d'armes , fuivi de douze Trompettes &
d'un Timballier ; enfuite venoit un Ecuyer
avec 16. chevaux de main , couverts chacun
d'une peau deTigre ,conduits par autant de deTigre,conduits
Valets d'Ecurie , puis feize Chevaliers &
autant de Valets , ayant une lance à la
main , & 16. autres portant un javelot ;
enfin feize Avanturiers , dont le Chef
130 LE MERCURE
marchoit au milieu , fuivi de quatre Va
lets .
Le premier Octobre , le Comte Sbirby,
Miniftre Plenipotentiaire de S. M. Imp .
eut audience publique du Roi , pendant
laquelle le Prince & la Princeffe ( qui a
déja donné des marques de groffeffe ) firent
une renonciation folennelle fur les
Païs hereditaires de l'Empereur . S. M.
Pol. doit fe rendre dans peu à Fraudftat ,
où le Senat doit s'affembler , afin d'y regler
les affaires du Royaume , en attendant
la tenuë de la Diette que l'on a renvoyée
au Printems prochain .
Tous les Grands de Pologne , qui font
en cette Cour , font allez remercier en
Corps le Roi,de toutes les honnetez qu'ils
en ont reçû. Le Chancelier porta la parole.
Po OGNE.
Berlin le 20. Octobre 1719 .
L paroît ici une Lettre du Roi de
Pruffe , adreffée à l'Electeur Palatin , en
date du 16. du mois paffé , portant en
fubftance ce qui fuit : Que S. M. eft ſenfiblement
touchée de l'avis qu'elle a reçû
de ce qu'on inquietoit les Sujets Refor
mez de S. A. E. Palatine à Heidelberg,
dans l'exercice de leur Religion , pendant
qu'on le permettoit aux Juifs : Que S.
D'OCTOBRE.
13P
*
M. aprés avoir fait une ample déduction
des libertez & prerogatives des Proteftans
dans tout l'Empire , reprefente les infractions
qu'on y fait , & de quel oil un tel
procedé doit être regardé par toutes les,
Puiffances Proteftantes : Que fuppofé que
l'on continue d'inquieter les Reformez du
Palatinat dans l'exercice de leur Religion
ou que l'on en exige de l'argent , cette
violence obligera S. M. d'en arrêter le
cours par des voyes juftes & convenables ,
fuivant les Conftitutions de l'Empire :
Que S. M. demande auffi à l'Electeur
qu'il faffe fupprimer les Ecrits du Pere
Ezarni , comme y êtant directement contraires
, & S. M. conclut par demander
à l'Electeur de lui faire une réponſe
prompte & pofitive .
-
La joye que l'on a conceuë ici du nouveau
Traité de paix conclu avec la Suede
eft inexprimable , avec d'autant plus de
raifon , que par ce Traité la Fortereffe de
Stettin , & toutes les Places fequeftrées de
la Pomeranie jufqu'à la Pene , font cedées.
à perpetuité au Roi de Pruffe , moyennant
la fomme de 100000 Rifdales que S. M..
s'eft engagée de payer à la Reine de
Suede.
LE MERCURE
à Vienne le 20. Octobre 1,19%
' Affaire du Comte de Nimpfch ,
Chambellan de l'Empereur , Confeilfer
Aulique , frere du Comte d'Altheim ,
accufé d'avoir entretenu une correfpondance
avec le Cardinal Alberoni , devient
plus ferieufe qu'on ne l'avoit cru
d'abord . Le 6. il fut conduit en chaife
au milieu de huit Soldats , devant le Prefident
du Confeil , pour y être examiné
de nouveau. Il fut obligé de fe tenir debout.
On lui a ofté la clef d'or , & la
Comteffe fon Epoufe n'a plus la permiffion
de l'aller voir ; on lui a infinué qu'elle fefoit
bien de fe retirer à la campagne . On
croit que ce Comte fe trouve engagé dans
les intrigues du Sieur Dodefchi , qui avoit
correfpondance avec un certain Abbé Cini ,
prifonnier dans la Citadelle de Milan.
Comme l'Abbé Dodcfchi n'a voulu júf
qu'aprefent rien avouer , on fait venir de
Milan l'Abbé Cini qui a été arrêté , pour
le lui confronter , & l'on parle de le mettre
à la torture , en cas qu'il ne decouvre pas
toute cette intrigue . On affure que le Coníte
de Colloredo , Gouverneur du Mila
nois,eft le premier qui en ait donné avis à la
Cour , & que ces avis ont été confirmés
par l'Amiral Bing , qui avoit intercepté
quelques lettres à ce fujet. On ajoûte que
D'OCTOBRE. 139
le Valet de Chambre du Comte a achevé
de découvrir cette intrigue. Le Marquis
de Ruby , ci devant Vice - Roy de Sardaigne
, partit le 6. pour aller prendre poffef
fion du Gouvernement du Château d'Anvers.
Le Comte de Biexle , Miniftre de
Suede , arrivé depuis peu en cette Cour ,
a de frequentes conferences avec nos principaux
Miniftres . Le Comte de Virmond
fe loue beaucoup des honnêtetés qu'il recoit
tous les jours du grand Vizir , qui
- étoit allé jusqu'à une lieuë de Conftanti
nople , pour lui donner le divertiſſement
d'un combat à la Turque. Il a été obligé
de fe retirer à une licue de cette Capitale
à caufe de la pefte qui emporte beaucoup
de monde dans cette grande Ville. Il a 70,
perfonnes de fa fuite malades . Noftre Ambaffadeur
a vû celebrer la fête du grand
Bayram, ou la Pâque des Turcs, qui dure
jours: Elle commence immediatement aprés
celle du Ramazan , ou jeûne des Turcs au lever
de la Lune. Elle eft annoncée par trois
coups de canon tirés du Serail . Pendant
ces trois jours de fêtes , les femmes ont la
liberté de fortir , de fe vifiter les unes les
autres , & de voir leurs parens ; ce qui ne
leur eft jamais permis que dans cette occafion.
3.
134
LE MERCURE
> Voici l'ordre & la marche du Sultan , à
la grande Mofquée , le jour de la fête du
Bayram , celebrée le 17. Août 1719.
On voyoit d'abord trois Turcs avec trois
Turbans , fix Pages à cheval avec un Cadi
, huit Muffeti depoffedés , trois Kaffaſ-
Kier ou Archevêques Turcs , trois Molla
ou Cardinaux Turcs , le Suraclair des Ja
niffaires , 13. Sorbaffi , le Muffeti des Janiffaires
, quatre Muft-wechi , un Tfcorbachi
, cinq Aga des Janiffaires , quatre
Capigi Baffa à cheval , fept Chioudes , le
Colonel des Janiffaires , quatorze Bachas,
trente-fix Muft-wechi , fix Vizirs à che
val , le Capitaine Baffa , Nuangi Baffa
20. Sorbachi .
Le G V. à cheval , faluoit à droite & à
gauche tous les Janiffaires , en leur faifant
une inclination de tête , & en portant ſa
main fur la poitrine , pour marquer l'eftime
qu'il faifoit d'eux . Suivent 16. Haïduques
, ayant fur leur tête des bonnets d'argent
doré, maffif, & à la main des hallebardes
auffi d'argent maffif.
Le fils du Sultan à cheval , & richement
vêtu , eft fuivi d'un Capigi Baffa , Gouwerneur
des Pages du Sultan.
Kiflar- Aga , qui eft un More châtré ,
& Gouverneur des Dames de la Cour du
Sultan , étoit fuivi de vingt autres Mores
pareillement prepofés pour la garde des
Dames de la Cour.
D'OCTOBRE. 135
Le G. S. étoit monté fur un cheval
blanc , dont les harnois étoient tous garnis
de diamans , avec un plumaçon fur fa
tête en forme d'Alcoran . S. H. étoit precedće
& fuivie de 12. des principaux Janiffaires
Enfuite venoit un Aumônier qui
jettoit de la monnoye au Peuple . Cet Aumônier
étoit fuivi de cent Caifliers , ayant
des bonnets blancs fur leurs têtes , &
d'une troupe nombreuſe de Janiffaires .
Le G. Muffti , qui eft en concurrence
avec le G. V. pour le pas , ne ſe trouva
point à cette ceremonie ; mais , fans ob-
Terver l'ordre de la marche , il fe rendit
feul à la Mofquée avec fa fuite.
Les Janiffaires font rangés en haye depuis
le Palais du Sultan jufqu'à la Mofquée
, fans armes , ni bâtons , en tems de
paix.
Le Sultan êtant arrivé à la Mofquée ,
Liman , autrement le G. Muffti , fit la
priere qui confifte en une lecture d'un
quart d'heure. Le Sultan retourna enfuite
dans fon Palais , & les Turcs vont par
bandes , courant la Ville , annoncer la fête
du Bayram , au fon des trompettes , le
Canon tirant tout le jour.
Repaffons à prefent de Conftantinople à
Vienne.
L'Ambaffadeur de la Porte Ottomane
en cette Cour , paroît avoir grande envie
de retourner dans fon Pays . Le Comte de
536 LE MERCURE
Virmond de fon côté follicite fortement
fon rapel en cette Cour. Le Hallebardier,
qui tua le 24. du mois dernier le Chef de
cuifine de l'Ambaffadeur Turc , eut la tête
tranchée le 3. de ce mois. Il fe trouva à
cette execution plufieurs Turcs à cheval
& à pied.
Le Baron de Bentenrieder eft fur le
point de partir pour Paris , en qualité de
Miniftre Plenipotentiaire. On lui affignera
1000. écus par mois. Il doit être fait
Confeiller privé avant fon départ , & fera
nommé un des Plenipotentiaires , au cas
que la paix fe negotie avec l'Efpagne.
L'Empereur a conferé la charge de Commandant
de la vieille Ville de Prague , au
Comte de Waldftein . Le Comte de Kinigleg
, ci-devant Ambaffadeur en France ,
eft parfaitement bien auprés de l'Empereur.
On a eu nouvelle que le Comte de
Vindifgratz , qui va refider à la Haye en
qualité d'Envoyé extraordinaire de l'Empereur
, avoit eu le malheur de perdre fes
deux fils qui font morts fur la route Ce
Miniftre eft chargé de commiffions importantes.
Il a toute la capacité requise pour
s'en bien acquitter . Le 27. du mois paffé
le R. P. François Caccia , Frere Mineur ,
Commiflaire general de la Terre Sainte
, êtant alle trouver Ibrahim Baffa
pour le prier de recommander auprés du
Sultan les interêts du S. Sepulchre , &.
lui
D'OCTOBRE. 137
lui demander la protection des Peres de
fon Ordre , cet Ambaffadeur le lui pro- ,
mit avec toute la graticufeté poffible . Le
Comte de François- Heari Schlick , fils
du grand Chancelier de Bohême
a été
fait Chambellan de l'Empereur . La Cour
Imperiale a pris le deuil pour 6. femaines
au fujer de la mort de Madame la Ducheffe
de Berri. Le Prince Jacques Sobieski fe
tient incognitò à Augsbourg. L'on eft perfuadé
que la Cour de Vienne lui permettra
de faire ici fon fejour pendant l'hiver . Le
Prince Eugene ne fe mettra en chemin
pour les Pays- bas , qu'aprés qu'on aura
congedié l'Ambaffadeur Turc.
De Caffel le 28. Octobre 1719
E Baron de Hillefheim , Prefident da
Confeil privé, a notifié au Confeil general
des Reformés de Heidelberg , que
comme l'Electeur Palatin avoit deffein de
leur faire bâtir une autre Eglife , ce Confeil
devoit s'expliquer , s'ils vouloient
choifir pour cet effet le Munikenhof ou la
Place des danfes. Mais , comme les Refor
més prétendent qu'en leur enlevant l'Egli
fe du faint Efprít , on n'a pû le faire fans
donner atteinte aux Conftitutions de l'Empire
, leur Confeil general infifte avec fou
miffion für la reftitution de cette Eglife.
Cependant les Reformés ont fait drefter unes
M
138 LE MERCURE
grande tente avec des planches fur le Munikenhof
où ils continuent de faire l'exercice
de leur Religion , malgré la deffenfe
qui leur avoit été faite de s'y affembler ;
& cela, parce qu'ils pretendent qu'il eft impoffible
que la petite Eglife de S. Pierre ,
qui refte aux Reformés de Heidelberg ,
puiffe contenir une fi nombreuſe affemblée ,
& que d'ailleurs cette défenfe eft directement
contraire à la liberté & aux Preroga
tives, des Reformés .
M. Spina , Refident des Etats generaux,
eft parti pour fe rendre à la Cour Palatine ,
avec ordre d'y faire de fortes remontran
ces en faveur des Proteftans ; & de declarer
à fon Alteffe Electoralle que fi elle
perfifte à les opprimer , L. H. P. fe croiront
en droit d'ufer de reprefailles envers
leurs fujets Catholiques Romains , & de
faire fermer leurs Eglifes dans tous les
Etats de leur Domination . L'Electeur Palatin
a recu un exprés du Baron d'Often ,
fon Envoyé à la Cour Britannique , avec
avis que le Roy de la grande Bretagne s'interrefloit
fortement en faveur des Proteftans
, & qu'il demandoit qu'on les retablît
dans tous leurs droits & privileges , conformément
aux Traités de Weftphalic & aux
Conftitutions de l'Empire . Cet Exprés à
d'abord été renvoyé par l'Electeur ,qui prézend
que fes Sujets Proteftans n'ont aucun
licu de fe plaindre de ce qu'on leur a cnle
D'OCTOBRE. 139
vé l'Eglife du faint Efprit , puifqu'il leur
en a fait conftruire une autre à fes depens;
que d'ailleurs le Traité de Veftphalie ni les
Conftitutions de l'Empire , n'empêchoient
pas qu'un Souverain ne gouvernât les Etatsfuivant
fon bon plaifir , furtout lorfque
le Prince n'ufoit de ce droit qu'en fuivant
les regles de l'équité . Outre les Miniftres
de la Grande Bretagne , de Pruffe & des
Etats generaux , le Landgrave de Heffe
Caffel , & le Landgrave de Heffe-Darmf
tatt doivent envoyer chacun un Miniſtre
à S. A. E. pour feconder les follicit
tations des premiers en faveur des Proteftans
du Palatinat. On a même fait desdemarches
auprés des Cantons Suiffes Proteftans
, pour joindre les leurs aux premiers.
Cependant l'Electeur fait travailler ent
diligence à la conftruction de l'Eglife deftinée
pour les Reformés . Comme les Chefs.
du Confiftoire ont toûjours refufé de pofer
la premiere pierre des fondemens de
cette Eglife , elle a été placée par l'Ingenieur
Sardo qui a la direction de cet Edi
fice. Cela fait croire que S. A. E. eft bien
refoluë de ne point rendre l'Eglife du S
Elprit aux Evangeliques.
Les Miniftres Imperiaux à la Diette ,
femblent ne plus s'opiniatrer fi fort pour
Pérection de la charge de grand Ecuyer ,
Mij
140
LE MERCURE
les Miniftres Proteftans ayant declaré
qu'ils ne foufcriroient jamais à cet établiſ
1ement.
L
à Bruxelles le 25 Octobre 1719%
E Procés des cinq Doyens des Corps
de Metiers , ayant été terminé pas
le Confeil de Brabant , on leur prononça
leur Sentence dans la Prifon. On conduifit
le 19. le plus ancien Doyen à la Chancellerie
, où fa Sentence lui fut lûë . A
chaque article il foûtint qu'il étoit innecent
de toutes les accufations portées contre
lui , proteftant qu'il n'avoit aucune part
aux derniers tumultes , qu'il n'avoit pas
même penſé à troubler le repos de fa Patrie.
Sa Sentence lui ayant été prefentée
à figner fuivant la coutume , il refufa de le
faire , difant que comme il n'étoit point
coupable , il ne devoit pas non plus demander
pardon à la Juftice. Il adreffa la
parole au Peuple , fans qu'il parût aucune
alteration fur fon vifage ; mais les cris des
Soldats ayant empêché qu'il ne fût entendu
, il fe mit à genoux , & cut là tête
tranchée. Les Bourgeois fondant en larmes
, enleverent auffi - tôt fon corps que
l'Executeur jetta dans un tombereau plein
de fable , & l'emporterent dans l'Eglife
de Sainte Catherine fa Paroiffe. On lui fir
un Service folennel avec un grand conDOCTOBRE.
147
cours de Peuples . On transfera au Village
d'Etterbeck, à un quart de lieuë de cette
Ville, les quatre autres Doyens condamnez
à être bannis à perpetuité , des Pays de
la domination de l'Empereur. Ils y furent
accompagnez par un nombre prodigieux
de Peuples. On a fçû qu'ils s'étoient retirez
à Liege. On pendit enfuite lept de
ceux qui avoient eu le plus de part au
pillage de la maifon du Chancelier de Brabant
, aprés avoir été auparavant fuftigez .
Le Gouvernement ayant appris que les
quatre Doyens bannis , étoient fur les
Frontieres du pays de Liege , dans un
Couvent de l'Ordre de S. François , prés
de Tirlemond , il doit faire prier l'Electeur
de Cologne de les faire fortir de cette
retraite , & de les éloigner , à caufe des
confequences du voisinage,
Le S. le Marquis de Prié declara à fon
audience publique , le General Major
d'Artiaga , pour Gouverneur de Gand, &
le Brigadier Devenish , Gouverneur de
Courtray. Les Deputez du Chapitre &
de la Nobleffe de Tournay , follicitent fortement
le reglement de leurs limites avec
la France , à caufe des difficultez qui furviennent
tous les jours à cette occafion.
Le Gouvernement doit faire de nouvelles
plaintes aux E. G. au fujet de deux Vaiffeaux
Oftendois qui ont été pris par les
Hollandois fur les côtes d'Affrique . Le
142 LE MERCURE
Prince de Naffau- Siegen eft encore er
cette Ville , pour foûtenir fes pretentions
fur les biens de la fucceffion de
Naffau- Orange en ce pays .
HOLLANDE.
à Amfterdam le 23. Ottobre 1719.-
M
Onfieur Wolfters , Agent de S.
M. Britannique à Rotterdam , fie
arrêter le 20. à la Brille quatre Ecoffois ,
fçavoir les Ss . David Nairne, Jean Hepburn,
Jacques Brown& Archibad Johnſon ,
à bord d'un Bâtiment de Rouen , dans le
tems que ce Bâtiment alloit mettre à la
voile. On leur a donné une garde de 12 .
Soldats & d'un Sergent. Tous leurs papiers
ont été faifis & portez à Milord Cadogan .
On dit qu'il s'agit d'une confpiration contre
la perfonne du Roi de la Grande Bretagne
.
Milord Cadogan fait des preparatifs extraordinaires
pour recevoir le Roi fon
Maître. On prefume que S. M. Britannique
ne fera aucun fejour dans ce Païs ,
à moins que l'affaire de la quadruple alliance
n'ait été terminée à fa fatisfaction.
L'on pretend que M. de Morville doit
declarer de fon côté , que fi l'Etat perfifte
à refufer d'y acceder , la Cour de France
a refolu de faire vifiter tous les Vaiffeaux
D'OCTOBŘE. 143
Hollandois qu'on rencontrera , allant trafiquer
en Efpagne. Le Comte de Cadogan
a fait la même declaration il y a quelque
tems.
On parle diverfement à la Haye du
Voyage du Baron de Capres. Les uns prétendent
qu'il eft encore à Madrid , & que
ce qu'on a publié de fon départ , n'eft
qu'un trait de politique de M. le Marquis
Beretti- Landi , pour gagner du tems ,
& pour amufer l'Etat , dans l'efperance
d'un prochain accommodement entre les
Puiffances en guerre. Il eft certain que
ces bruits ont engagé divers Membres de
la Regence à temporifer , & à entrer
dans les vûës,de ce Miniftre : les autres
difent avec auffi peu de fondement qu'il·
eft actuellement en chemin avec l'Intendant
Patigno.
L'on affeure qu'il y a une grande méfintelligence
entre M. le Marquis Beretti-
Landi & M. de Monteleon , & que ce dernier
ne veut abfolument fe mêler d'aucune
affaire , quoiqu'il ait receu des ordres de
la Cour de Madrid , de travailler de concert
avec l'autre .
M. de Meinertihagen a enfin reçû les
inftructions qu'il attendoit de la Cour de
Berlin , au fujet d'un accommodement
entre le Roi de Pruffe & le jeune Prince
de Naffau- Orange , touchant la fucceffion
du feu Roi Guillaume. Les Miniftres
F44 LE MERCURE
Plenipotentiaires nommez à ce fujet , eu
rent avant-hier une conference d'environ
une heure & demie , avec les Deputez de
L. H P. mais on ignore encore ce qui s'y
eft paffe. Cependant , on affure que le Roi
de Pruffe eft dans des difpofitions fort fa
faciliter la conclufion de vorables pour
cette affaire.
*
L. H. P. ont envoyé aux diverſes
Provinces la copie du Memoire du Prince
Kurakin, pour détourner l'Etat de prêter
à la Reine de Suede un million d'écus ,
qu'elle a fait demander. Milord Cadogan
appuye fortement la demande de S.
M. Suedoife , & il y a apparence que fes
follicitations à cet égard , Femporteront fur
celles du Prince Kurakin .
Les differends entre la Ville de Gronin
gue & les Ommelandes , qu'on avoit die
être prefque terminez , commencent à fe
reveiller . L. H. P. doivent écrire une lettre
à ce fijet aux Etats de cette Province;
cependant on cherche quelques moyens de
pouvoir la foulager , en confideration des
dommages qu'elle a foufferts par la derniere
inondation.
L'Amirauté d'Amfterdam s'eft enfin
conformés , à la refolution de L. H. P. 2.
qui elle a fait fçavoir , qu'elle faifoit équiper
un Vaiffeau de guerre , commandé
par le Capitaine de wilt , qui fera prêt
à mettre à la voile dans dix ou douze
jours
D'OCTOBRE. ·243
jours au plus tard , pour tranfporter en
Suede M. de Burmania ' , nommé à cette
Ambaffade. L. H. P. lui en ont fait donner
avis , afin qu'il fe tienne prêt à partir
vers ce tems-là. Cependant les Deputez
de Hollande dans l'affemblée des Etats
Generaux , ont renouvellé leurs proteftations
au fujet de cette Ambaffade , dont
cette Province prétend toûjours avoir la
nomination ; on croit pourtant que cette
affaire s'accommodera dans cette feance
des Etats de Hollande.
Les conferences , pour le redreffement
des Finances , continuent de fe tenir
mais c'eft une affaire d'une longue haleine,
qui rencontrera de grandes diffidultez ,
qu'on pourroit néantmoins lever, fi l'on
s'y prenoit comme il faut , & qu'on prît
la chofe un peu plus à coeur.
→ M. le Comte de Vindifgratz et attendu
à la Haye avec impatience . Cet Etat paroît
être fort content du choix que l'Empereur
a fait de ce Miniftre dont on parle
fort avantageufement. On dit qu'il a tous
les talens neceffaires pour fe concilier les
efprits de ce Païs- cy.
M. de Colfter , dans fa derniere Lettre
à L. H. P. marque que le Cardinal Alberoni
n'avoit encore pris aucune refolution
touchant la paix , & qu'il ne cherchoit
qu'à pouvoir éviter l'acceptation du Projet
d'accommodement.
Octobre 1719.
N
144
LE MERCURE
On dit que le Roi de Pruffe fait avancer
20. mille hommes vers la Curlande , &
que le Roi de Pologne fera auffi marcher
Sooo . hommes vers la Praße Polonoife.
Les Lettres d'Hambourg du 20. portent
que l'on a appris de Petersbourg que le
Czar a refufé la mediation de S. M. B.
& qu'il a ordonné de conftruire 8. Vaiffeaux
de guerre. Les Ruffiens publient
qu'ils entreprendront cet hiver une nouvelle
invafion en Suede . On n'a point encore
d'avis que l'Amiral Norris foit parti
pour retourner avec fon Eſcadre en Angleterre.
Il est arrivé à Coppenhague un
Exprés de S. M. B. & l'on dit que S. M.
Danoife eft difpoféee à conclure une
Treve avec la Suede. On aprend que le
Duc de Meklenbourg a refule de voir &
même de laiffer entrer à Domits , les Deputez
de la Nobleffe de Meklenbourg ,
qui venoient le prier de convoquer une
Diete du Pays , pour terminer leurs differends
avec S. A. S.
Les Etats de Hollande fe font feparés ,
fans avoir pris aucune refolution fur l'affaire
de la Quadruple Alliance . Le Marquis
de Beretti- Landi a eu à ce fujet depuis peu
diverfes conferences avec les Deputés de
l'Etat.
D'OCTOBRE. 145
O
à Londre le 23. Octobre 1719.
N propoſe un Plan pour ériger une
Compagnie , qui doit faire le commerce
de bois pour la conftruction des
Vaiffeaux . Comme on a deflein de tirer les
bois de la nouvelle Angleterre , on nom
méra cette Compagnie , la Compagnie du
Nord de l'Amerique. On prétend que le
bois fe vendra aux Particuliers à beaucoup
plus bas prix , que fi on le faifoit venir
d'Archangel , de Norwege , ou de la Mer
Baltique. Ce projet doit être mis en exécution
par un nombre confiderable de
perfonnes
de diftinction , & de riches Marchands
qui compoferont cette Compagnie,
& qui ont refolu d'en demander la permif
fion au Roy.
Comme les Intereffés de nos Manufactu
res ne peuvent pas vendre depuis quelque
tems les marchandifes qui en proviennent,
il s'eft formé une affociation pour les maintenir
; on a déja foufcrit pour plus de
mille livres fter.
So.
દ
Le Bill du Parlement d'Irlande , pour
empêcher l'accroiffement du Papifme , e
encore pendant au Confeil . On prétend
que les Seigneurs Jufticiers en ont informé
le Roy , aprés avoir reconnu que les clau-
Les portées contre la Catholicité Romaine
en Irlande , êtant trop dures , produirolent
Nij
146 LE MERCURE
dans la conjoncture prefente un mauvais
efet auprés des Catholiques Romains ; ce
qui pourroir les exciter à moleſter les Proteftans
qui font dans leurs Etats , en leur
refufant la fatisfaction que les Potentats
demandent auffi croit- on que ce Bill fe-
Ja entierement rejetté , ou qu'au moins on
en moderera les claufes.
On a publié que la Patente , pour éta
blir la grande pêche de la Grande Breta
gne , étoit prête à être expediée. Le Duc
d'Athol les Comtes de Clarendon
d'Yarmouth , & de Southerland s qui
font les Chefs de cette entrepriſe, fe flattent
de la faire réüffir ; mais рец de gens font
d'opinion que cette affaire puiffe avoir lieu .
Comme depuis le depart de nôtre Flore
de fainte Helene , le vent a toûjours été
P'Eft , on ne doute pas que cette Efcadre ne
foit prefentement fur les côtes d'Espagne.
On eft perfuadé ici que cet armement n'a
été fait que dans le deffein d'aller attaquer
la Corogne.
Ona donné ordre de preparer les Vaiffeaux
de Guerre & les Yachts , pour al-
Her prendre le Roy que l'on attend dans
cette Capitale les premiers jours du mois
de Novembre.
On écrit de Hannover que le Comte de
Sunderland avoir reçu un accueil trés favorable
du Roy.
On a élevé la Statue en bronze du Roy
2
D'OCTOBRE.-
147
Henry VI. , dans le College de Laton ,
prés de Windfor , pour conferver à la Pofterité
la Memoire de ce Prince qui en eft
le Fondateur .
Le 11. on publia une proclamation de la
part des Seigneurs Jufticiers → par laquelle
le Parlement eft encore prorogé jufqu'au
3. Novembre', n. ſt.
Nos derniers avis de Lisbonne portent ,
qu'un de nos Vaiffeaux qui croife dans ces
Mers pour la fûreté du commerce , a fait
plufieurs prifes fur les ennemis , entr'au
tres celle d'un Armateur Eſpagnol , de 60 .
canons , dont l'équipage étoit preſque
tout compofé de Matelots Anglois. Ĉes
Armateur avoit fait depuis peu deux autres
prifes confiderables.
Les Vaiffeaux de l'Efcadre de l'Am. Bing
qui doivent revenir pour ſe radouber , font
le Kent, l'Effex , le Superbe, & le Charles
Galley , le refte de la Flote doit paffer l'hiver
dans la Mediterannée avec cet Amiral.
Le 14. on lança à Wolwick le Vaiffeau
la Britania de 112. pieces de cañon ; il
doit être conduit inceffamment à Catham
par le Capitaine Sun qui en doit avoir le
commandement . Il ya fur les chantiers à
Wolvvick deux Vaiffeaux de 70. canons
chacun , pour le fervice de la G. Bret .
Les Seigneurs Commiffaires de l'Amirauté
s'affemblerent deux fois la femaine prece
dente , pour examiner l'état de la Marine,
Niij.
148
LE MERCURE
& pour concerter les moyens de la tenir
furun bon pied On a bâti depuis peu deux.
Vaiffeaux de guerre à Depford pour le
compte de la Compagnie des Indes de
France , & il y en encore deux autres
pour la même Compagnie fur les chantiers.
Le 16. on a lancé dans ce dernier Port
un des quatre Vaiffeaux de guerre qui y
font ; fçavoir des Fregates de yo. pieces .
de canon chacune.
Par les Lettres du Cap Coft- Caftu
fur la côte de Guinée , du onze Juillet
dernier , on mande que la Conrade &
la Princeffe , deux Vaiffeaux appartenant
à la Compagnie d'Affrique , avoient été.
pris par un Corſaire , qui ayant mis les
Equipages à terre , en avoit emmené les
Vaiffeaux pour fervir à pirater. La Loyanté
, la Martafonon , & la Biche , trois
autres Bâtimens Anglois , ont été auffi
pillez par le même Corfaire. Le Gouvernement
en ayant été informé , a donné
ordre d'équiper en diligence l'Anne Royale
Galley , & le Lym , Vaiffeaux de guerre ,
pour aller joindre un de nos Vaiffeaux qui
croife fur la côte de Guinée , & donner la
chaffe à ces Pirates qui font en grand
nombre dans ces Mers. Le S. Thomas
qui eft arrivé à Galloüay en Irlande
rapporte qu'un de ces Forbans lui avoit
enlevé tout le Vin & les proviſions de fon
Vaiffeau.
D'OCTOBRE. 149
La faifon ne permettant pas que l ' Amiral
Norris demeure plus long -tems avec fon Efcadre
dans la Mer Baltique , on attend fon
retour inceffamment dans nos Ports.
Le Docteur George Smalridge , Evêque
de Bristol , & Doyen de l'Eglife de
Chrift mourut le 8. de ce mois à
Oxford .
On affure que les Troupes Hollandoifes
, qui font en Ecoffe , y pafferont
l'hiver , pendant lequel on levera dans la
G. Bret. huit Regimens d'Infanterie &
fix de Dragons , tant pour remplacer les
Hollandois que l'on compte de renvoyer
au Printems prochain , que les Troupes
que l'on a embarquées pour l'expedition
fecrette.
:
Un Armateur Elpagnol a enlevé deux
Vaiffeaux de Londre , l'un venant de la
Virginie , & l'autre de Guinée.
:
Un de nos Vaiffeaux a amené à Montbay
un autre Vaiffeau Hollandois , qui
alloit à Bilbao en Eſpagne, porter des Marchandifes
de contrebande.
On eftime 200. mille livres fterlins la
charge des deux Vaiffeaux arrivez depuis
peu de Turquie , fçavoir le S. George ,
& le Hartcour. Ils ont apportez des
Soyes , des Gauls , toute forte de Cotons
filez & non filez , une balle de Cordivan ,
deux caiffes de Rubarbes , & 85. caifles ·
de Savon.
వ
6
F
Niiij
LE MERCURE
Le Lim , Pink chargé pour Oporto
a été pris par un petit Armateur Efpa
gnol de 8. pieces de canon , ainfi que les.
trois Amis de Weymouth par un autre.
Armateur Espagnol de 24. canons , & de
180. hommes d'équipage. Il a été conduit
à la Corogne.
On écrit de Londre , que le Duc de
Neucaftle , Chambelan de la Maison du
Roi , avoit fait fçavoir ux Directeursde
l'Academie Royale de Mu ique , que
le 1. de Novembre , il fe tiendroit uneaffemblée
generale dans la Maifon de l'Opera
, afin de prendre les mefures les plus
juftes , pour commencer à jouer au mois.
de Janvier prochain . M. Hendell qui a
été envoyé dans les Pays Etrangers , pour
enrôler des Acteurs , eft attendu inceffament
ici.. Le Duc de Warton arrivé depuis .
peu d'Italie , a amené 3. Acteurs & une
Actrice pour chanter. Il s'eft engagé de
leur payer 4000. livres fterlins pour un
an.
Les Oftendois ont équipé un Vaiffeau
de guerre pour courir fur ceux de la Compagnie
des Indes..
D'OCTOBRE. I5X
L&
à Madrid le 16. Octobre 1719.
A Cour a reçû deux Exprés du Duc
de Parme dont on ignore le contenu .
Le Cardinal Alberoni êtant retabli d'une
indifpofition , a de frequentes conferences
avec l'Ambaſſadeur de Portugal & celui
des Etats Generaux . Le Gouverneur de
Ceuta follicite fortement la Cour pour
avoir un renfort , fa Garnifon êtant fort:
affoiblic par les maladies & la mortalité.
Le 24 du mois paffé , l'Infant Dom.
Fernando êtant entré dans fa feptiéme
année , la Cour quitta ce jour-là le deuil
qu'elle avoit pris pour Madame la Ducheffe
de Berri. Le Cardinal' Miniftre a ,
dit-on , refolu de lever 24. nouveaux Ba--
taillons , & quatre mille Chevaux , pour:
renforcer notre Armée en Catalogne ;
mais où trouvera- t'on des hommes & de:
l'argent Sur la marche des François en
Catalogne , le Marquis de Caftel Rodrigo
a fait paffer dans cette Province la plus
grande partie de fes Troupes , n'ayant
laiffe que 2000. hommes en Garnifon à
Pampelune. Tous nos avis de Catalogne :
confirment que les Habitans de la campa
gne font fort difpofez à une revolte , & que
les Miquelets y commettent de grands defordres.
On apprehende auffi une def
cente de la Flotte Angloife fur les côtes :
LE MERCURE
de Valence pour favorifer le foulèvement"
des Catalans. Un de nos Armateurs ayant
conduit à Vigo un Bâtiment Hollandois
chargé de fer , qu'il avoit rencontré en
Mer fans Equipage & fans Chaloupe , en
a fait informer la Cour par M. le Marquis
de Rifbourg , Gouverneur general de la
Galice , furquoi le Cardinal Albéroni a
écrit une Lettre à Mi de Colfter Ambaffadeur
des Etats Generaux , pour lui faire
part d'un évenement fi extraordinaire.
Leurs Majeftez , le Prince des Afturies,
les jeunes Infans & le Cardinal Alberoni ,
font partis le 2. pour aller à l'Efcurial
où l'on dit que la Cour reftera un mois .
Aucun des Miniftres Etrangers n'a û la
permiffion de fuivre le Roi , mais ils furent
le premier , admis à l'audience de S.
M. de qui ils prirent congé.
On regarde ici comme un miracle que
la Vifo de la Vera Crux & celui de Cartagene
, ne foient pas tombez entre les
mains des Anglois , qui avoient pour lors
à la vue de Cadix neuf Navires de leur
Nation . La Viffo de Cartagene qui entra
à S. Lucar le 3. paffa heureufement au
milieu de cette Eſcadre.
D'OCTOBRE. 15
Chargement de la Viffo de la Vera-Cruxarrivé
à Cadix le 5. Septembre 1719 .
Piaftres pour le particulier. 42372.
559.
Surons de Cochenille..
149 . Surons d'Indigo..
$ 80.
69.
I.
I.\
.
Cuirs tannez .
Caiffes de Vanille .
Dille avec 21. Arobes Vanille .
Caiffe Rocou & 2. Surons dits
Caiffe argenterie travaillée.
Caiffe contra hierba.
Bales de Jalap.
I.
I.
25
I.
3.
Gaiffes. de Chocolat.
700.
Botiche d'huile Marie.-
Quintaux de Cuivre..
Chargement de la Viffo de Cartagene &
arrivé à S. Lucar le 3. Septembre.
1719.
400.mil Piaftres en or regiftré.
Caiffes de Vanille . 3.
428
. Quintaux , Bois de Brefil.
II. Caifles , Beaume de Peroux
huile Marie.
131.
138.
20.
Surons Cacao ..
Surons Quinquina .
Marcs , Emeraudes brutes,
75454
LE MERCURE
M
à Rome le 10. Octobre 17198
Onfieur le Cardinal de la Tremoille
, informé que le Pape devoit te-
Air Confiftoire , alla le 4. du mois paffé
faire fommation verbale à l'Auditeur ;
afin que S. S. eût à donner des Bulles à
M. l'Abbé de Lorraine & à M. l'Abbé de
Caftries. Le Pape fit pour lors tenir une
Congregation , & remit le Confiftoire
au 11 .
Leg . Monfieur le Cardinal de la Tremoille
retourna faire une pareille fommation
, & le 10. le Pape , aprés la Meffe
envoya les Curfeurs avertir les Cardinaux.
de ne s'y pas rendre. Enfin le 18. le Pape
tint Confiftoire , dans lequel les Eglifes de
France furent propofées , & accorda des
Bulles aux Archevêques de Rouen , de
Tours , aux Evêques de Bayeux & de Ne--
vers. Tout Rome a témoigné une joye extraordinaire
en aprenant cette nouvelles
Dans ce même Confiftoire S.S. y fit un
difcours fort long fur l'expedition à la
Chine de M. Mezabarba , qui fut propofé
Patriarche d'Alex. & Nonce de la Chine":"
Le 21. il fut confacré dans l'Eglife de S.
Charles. Le S. Pere lui donna enfuite un
magnifique dîner, ainfi qu'à un grand nom
bre de Relig . qui vont avec lui dans cette
Miffion , aprés quoi SS . fit une exhorta
D'OCTOBRE.
155
tion trés pathetique , pour les animer aux
travaux Apoftoliques. Comme il eft jeune
& d'un bon temperament, il poura facilement
refifter auxfatigues de ce long voyage.
Elle a chargé ce Nonce d'une caiffe fournie
de lunettes de toute forte de grandeurs ,
& d'une autre caiffe remplie de cristaux
de Venife , pour en faire prefent à l'Empereur
de la Chine. M. de Mezabarba
*informé que cet Empereur aimoit fort la
fymphonie , emmene avec lui fept des plus
excellens Violons d'Italie . Il paffera d'abord
à Lisbonne où un Vaiffeau l'attend ,
pour le tranfporter à la Chine avec fa fuite.
On s'attendoit qu'il y auroit une promotion
de Cardinaux au commencement
du mois ; mais l'on croit aprefent qu'elle
fera au moins differée jufqu'à la fin de ce
mois. Ce delay peut venir de ce que le
nombre des Chapeaux , qui vaquent prefentement
, ne fuffit pas pour fatisfaire les
afpirans ; peut-être que Sa Sainteté veut
attendre que la pluralité augmente . Les
Cardinaux Cornaro , & Zondedari , pouroient
bien fire place à d'autres , l'un êtant
dans un continuel affoupiffement, & l'autre
donnant des fimptômes évidens d'éthific.
L'affaire de la Nonciature de Naples
pouroit encore être un obftacle pour cette
Promotion . En effet , le credit du Collateral
de Naples eft fi puiffant à la Cour de
Vienne , qu'elle ne donne pas toûjours des
856 LE MERCURE
réponſes favorables aux inftances ' que celle
de Rome lui fait, faire. Pendant toutes ces
Negotiations , le Nonce eft comme relegué
dans l'Ile de Procida ; & il y a apparence
que fi les difficultés qu'on rencontre
dans fa réintegration , durent encore quelque
tems , on croit que SS. ne pourra fe
difpenfer de le rappeller.
Dona Maria Pallavicina , Epouſe de M.
Giovani Giacomo Imperiale , fils du Doge
de Genes , a intenté ici un procés à fon
Mari pour caufe d'impuiffance. Il en étoit
d'abord convenu , mais il a changé depuis
de fentiment , en niant le fait . La Congregation
du Concile , compofée de 17.
Cardinaux dont trois opinerent feulement
en faveur du Mari , ordonna qu'ils habiteroient
trois mois enfemble , aprés quoi,
fi l'Epoufe fe plaignoit encore , on en viendroit
à la vifite. Comme elle n'a pas été
contente de ce Jugement , la même Congregation
s'affembla encore le 30. pour
continuer les premieres deliberations fur
la diffolution de fon mariage. La Dame
s'êtant offerte de nouveau à être vifitée
pour prouver que le mariage n'avoit pas
été confommé , les Juges n'ont pû refuſer
fa demande , & fon offre a été acceptée.
Le Decret porte que la Congregation avoit
admis la preuve qui feroit faite par l'infpection
du corps de Dona. M. P. qui fe
feroit fuivant une inftruction particuliere
D' OCTOBRE.
159
que donneroit le Collateral Prefet.
L'Agent de l'Empereur en cette Cour ,
alla ces jours paffés faire inftance au Cardinal
Dataire , pour qu'on eût à fufpendre
à l'avenir les expeditions des Benefices
, concernant la Sicile , & cela jufqu'à
ce que l'Empereur en fût paifible Poffef
feur . Le Collateral refufa abfolument d'admettre
une pareille fufpenfion .
L'Abé Gaëtan Volpini a été condamné à
mort, pour avoir écrit des calomnies atroces
contre une Princeffe auffi diftinguée par
fon rang que par la vertu . On croit cependant
que le Pape fera grace à cet Abbé,
en le puniffant feulement d'une priſon
perpetuelle.
Le Pretendant & la Princeffe fon Epouſe
, n'ont pas encore quitté Montefiafcone.
Le Pape leur avoit deftiné Vrfin pour y
faire leur fejour ; mais ils ont remercié SS .
de cette offre. Ils aiment mieux venir paffer
l'hiver à Rome , où ils fe rendront à
la fin du mois. La Princeffe a déja donné
des marques de groffeffe ; elle a fait prefent
à fon Epoux d'un poignard enrichi
de diamans , que le Roy Sobiefki fon
grand Pere avoit trouvé dans la caffete du
grand Vizir , aprés qu'il eût battu en 683 .
les Turcs , devant Vienne qu'ils affic
geoient. SS. a honoré du titre de Gentilshommes
les 4. Officiers qui ont accompagné
cette Princeffe.
·58 LE MERCURE
La Comteffe Carminat mourut le 17. du
mais paffé dans le tems qu'elle fe difpofoit à
aller faire un voïage en France.
Il eft mort depuis quelque tems à Pife
une Religieufe, qui paffoit dans l'efprit du
Public pour une perfonne doüée du don
des miracles. Cette opinion étoit fondée
fur l'abftinence du boire & du manger ,
ayant perfuadé aux plus credules qu'il y
avoit fept ans qu'elle ne prenoit aucun aliment
, quoique fort replette. Les Chirurgiens
par ordre du grand Duc , ont fait
T'ouverture de fon cadavre auffi-tôt aprés
fon decés : ils ont trouvé dans fon eftomac
de la viande qui n'étoit pas encore digerée ;
& comme fon vifage n'étoit nullement
changé , ils ont decouvert une couche de
cerufe , appliquée avec tant d'art , qu'il
n'étoit prelque pas poffible de s'en apercevoir.
Son Confeffeur accufé de lui avoi
fait jouer ce rôle , a été arrêté & mis en
prifon.
La prétendue Propheteffe qui avoit prédit
que Rome devoit perir un certain
jour , a été auffi enfermée dans les prifons
de l'inquifition.
L'Evêque de Mazzara qui a eté pris fur
un des Bâtimens du Pape en allant en Sicile
, eft toûjours retenu à Naple , fans
qu'on ait pu obtenir fa liberté.
D'OCTOB KE. 159
L
Octobre 17190
à Naples le 3.
E Marquis de Lede eft toûjours
campé avec fon Armée à Rometta &
à Barcelonnette , fitucz à 12. mille de:
Meffine . L'on difoit que ce General avoit
deffein de tenter le fecours de cette Fortereffe
& de livrer combat ; mais , l'on fçavoit
que fon Armée étoit fort affoiblie par
les maladies , & le Camp Allemand eroit
trop bien retranché pour craindre que les
Efpagnols vouluffent tenter ce projet . La
Citadelle de Meffine continue à fe deffendre
avec opiniatteté. Ce qui en retarde la
prife , c'eft qu'elle reçoit de tems en tems
des rafraichiffemens par Mer. On efpere
cépendant ici , malgré ces inconimoditez ,
que la Citadelle fera obligée de fe rendre
inceffamment , les Efpagnols ayant eu une'
de leur principale Citerne gâtée par une
bombe . Le 19. du mois paffé les Impe
riaux s'êtant rendu maîtres de la contref
carpe de lá Citadelle , les Affiegez firent :
jouer une mine qui fit fon effet , ayant en--
levé un logement où il y avoit 30. hommes.
Le Gouverneur fit en même tems
fottir un détachement de ſa Garniſon
qui attaqua les Affiegeans dans leurs tran-·
chées ; mais cette fortie ne fut pas long
tems foutenue ; il y eut peu de perte de
part & d'autre. Cependant les Generaux
1601 LE MERCURE
Wallis , Sechendorf, Wachtendonck , &
Schemettan , ont été bleffez ; & ce dernier
l'eft dangereufement. On ne nomme
d'Officier remarquable du côté des Efpagnols
, que Dom Jofeph Andrada , Brigadier
, qui ait été grievement bleffe .
L'ordre de la Cour de Vienne , pour
l'échange des Prifonniers Eſpagnols , a û
fon execution, ils ont été embarquez aprésque
le Cartel a été reglé.
Le Cardinal de Scrottenbac nôtre Vice-
Roi , travaille avec une application extraordinaire
à feconder les efforts du Comtede
Merci , pour l'entiere reduction de la
Sicile. Il y fait paffer tous les jours une
grande quantité de provifions , dont l'Armée
Imperiale & la Ville de Meffine ont
un extrême befoin . Et comme prefque tout
le Pays, qui eft fous la domination de l'Emperur
, fouffre auffi une grande difette ,
S. Emin. a fait partir plufieurs Bâtimens
François , Anglois & Hollandois , pour.
aller chercher des grains fur les côtes de :
Barbarie , & les tranfporter en Sicile.
Malgré tous ces foins , le Comte de
Merci infifte fortement fur l'envoi de
nouveaux fecours pour renforcer fon Armée,
qui ne laiffe ne laiffe pas de fouffrir par les ma.
ladies & par le manque de provifions .
La balle dont ce General fur bleffe dans
les reins à l'action de Francavilla , n'a été
tiree que le 4 du paffe.
D'OCTOBRE. 161
-
ayant
Le Capitaine Scot, rencontré une
Sattée, autrement une Felouque Efpagnole ,
l'avoit fait attaquer par fa Chaloupe , fur
laquelle il avoit fait paffer une partie de
fon Equipage . Aprés une vigoureufe
défenfe des Efpagnols , fes gens s'en
rendirent les maîtres. Le Maître du
Bâtiment pris , a été tué dans cette action.
Il y avoit deffus un Colonel Aide- de-
Camp du Marquis de Lede , chargé de
plufieurs Lettres de la Cour de Madrid
qu'il ût le tems de jetter en Mer.
2
Le Regiment de Cavalerie de Lobкovvitz
, 300. Huffars d'Eftherafi & 1200.-
hommes d'Infanterie , venant du Milanez ,
font attendus de jour à autre dans cette ?
Ville.
P. S. On apprend dans le moment que
le chemin couvert & la contrefcarpe ,
avoient été emportez par les Allemans.
L
à Genes le zo. Octobre.
Es Troupes Imperiales ayant été tou--
tes embarquées le 28. de Septembre
la Flote mit à la voile de Vado la nuit
même pour la Sicile. Elle eft composée de
80. Vaiffeaux de tranfport & de so . Barques.
Tous ces Bâtimens font chargez de
500, hommes , de 600. chevaux ,
mulets 40. pieces de canon , 20. mor--`
tiers , 300. barils de poudre , 10000..
200
O'Fij
162 LE MERCURE
•
و
boulets, & de beaucoup d'autres provifions
de guerre & de bouche . Ce convoi étoit
efcorté par 8. Vaiffeaux de guerre conduits
par l'Amiral Bing. On n'a pas voulu
permettre que les Femmes Allemandes qui.
étoient au nombre de plus de 900. s'y embarquaffent
, pour éviter la dépenfe &
l'embarras. Le lendemain matin ,
Flotte fut à la vûë de l'Ile de Corfe ;
mais fur le midi , le vent êtant devenu
contraire , elle fut obligée de virer de
bord , & l'aprés midi , on l'apperçût à la
hauteur de ce Port. On a été depuis informé
qu'une partie de ce Convoy ayant
été difperfée , s. Bâtimens s'étoient retirez
dans le Port de Livourne , & d'autres
à la Specié & à Civitta- Vechia.
L'Amiral Bing a laiffé ici un Vaiffeau de
guerre,pour fervir de convoi aux Bâtimens.
qu'on attend de Marfeille & de Toulon
qui font auffi chargez de toute forte de
Provifions de guerre & de bouche pour la
Sicile . On vient d'apprendre que celui de
Marſeille avoit été attaqué par un Vaiff. de
guerre Efpagnol , qui s'étoit emparé d'une
Tartane Françoife chargée de 600. barils.
de poudre. Le Vaiffeau Napolitain qui
efcortoit ce Convoi , n'a pas jugé à propos
de s'y oppofer.
M. de Chavigny Envoyé de France , eft
arrivé ici depuis quelque tems avec des
remifes confiderables..
D'OCTOBRE. 1632
L
Prife dis Fort de Pensacola.
par les François.-
E 20. May dernier M. de Serigny
ayant fait embarquer so . foldats dans
chacun des trois Navires ; fçavoir, le Maréchal
de Villars , le Comte de Touloufe.
( qui étoit parti de France deux moisavant
nous ) & le Philippe, nous partîmesde
l'Ifle Dauphine , pour aller attaquer le
Fort de Penſacola pendant que M. de
Châteauguay , le plus jeune des freres de
M. de Serigny , s'avançoit par terre avec
fco. Sauvages qui arriverent deux jours
trop tard. Nos trois Navires , en paffant'
devant le Fort , qui n'eft qu'à 30. pas
du
bord de la Mer , le faluerent de 150. coups
de canon à boulet , qui ne tuerent aux El-
Bagnols que deux hommes & une femme..
Les ennemis ne nous canonerent pas longtems
, parce qu'ils n'avoient pas beaucoup
de munitions de guerre ,
& que d'ailleurs
ils ne s'attendoient pas à une attaque
vigoureufe. Nous commençâmes à les affieger
le Dimanche des Rogations. Ce
fut pour lors qu'ils aperçûrent que la chofe
devenoit ferieufe. Ils s'en doutoient avec
d'autant plus de raifon ,, qquuee quelques
jours auparavant , nous avions fait prifonniers
plufieurs de leurs gens , entr'autres un
Sergent & 4 , Soldats , qui étoient venus à
fi
164' LE MERCURE
Ifle Dauphine , chercher un Chirurgien
pour la femme d'un Capitaine Efpagnol
qui étoit malade : Au refte leur canon
ne nous fit , pour ainfi dire , aucun tort.
D'abord que nous eûmes ceffé de tirer , &.
que nous eumes mouillé l'ancre , hors de la
portée du canon du Fort , un Officier Ef--
pagnol vint à bord du Navire de M. de :
Serigny , qui envoya dans le Fort M. de :
Richebourg , Lieutenant de Roy de l'Ifle
Dauphine. Les ennemis demanderent auf--
fitôt une fufpenfion d'armes de 3 fois 24+
heures : Leur deffein étoit de faire venirs
des Navires Espagnols de la Baye de S.
Jofeph , qui n'eft éloignée que de 35. à
40. lieuës ; mais M. de Serigny leur fit réponfe
qu'il ne leur en donnoit que 24. &
que fi ce tems expiré , ils ne fe rendoient,
illes mettroit à la difcretion des Soldats
furtout des Indiens qui arriverent deux
heures aprés nous , & qui ont une haine
mortelle pour les Efpagnols , ne fe croyant
jamais mieux vangés , que quand ils peuvent
leur faire du mal. Cette réponſe
épouvanta fi fort les ennemis , qu'ils aimerent
mieux fe rendre aux François , que
fe laiffer maffacrer par les Sauvages . C'eft
pourquoy le lendemain , lundy des Rogations
, ils fortirent du Fort à 4. heures
aprés midy , avec leurs armes , leurs drapeaux
deployez , & leurs tambours qui ne
batirent qu'une fois fous la porte du Fort.
de
D'OCTOBRE 1655
A 300. pas du Fort , ils rapporterent tous
leurs armes , à l'exception des Officiers qui
garderent leurs épées ; aprés quoy nous entrâmes
dedans , & en primes poffeffion . Ce
Fort eft quarré , & a quatre baftions qui i
ne font faits que de gros pieux de 91 à 10
pieds de haut , fichez en terre comme des
paliflades. Il n'y avoit que 30 pieces de
canon , mais aprefent il y en a davantage.
Il y peut loger commodement 300. hom--
mes;& en attendant du monde de France ,..
il n'y en a que la moitié de logez dans les
maifons des Efpagnols , qui , comme toucelles
de ce Pays , ne font faites que de
bois , attendu que l'on n'y trouve aucune
pierre. Il ya entr'autres une affez belle
Eglife , qui a pour plus de cent mil écus
d'argenterie. Le fervice s'y fait auffi exactement
qu'en France. Il y a quelques mai→
fons à 40. pas du Fort où aprés avoir pris
Penſacola , nous mêmes les prifonniers de
guerre , en attendant qu'on les mene en ;
leur Pays. Ils font partis le 19. Juin dans
les Vaiffeaux , le Maréchal de Vilars & lė²
Comte de Toulouſe , qui retournoient en
France , avec ordre de les mettre à terre
à la Havanne. Pendant le tems qu'ils demeurerent
prés du Fort , nous les allions
voir tous les jours. Il y avoit beaucoup de
nos gens qui fcavoient un peu d'Eſpagnol ,
& quelques Efpagnols qui écorchoient le
François. Les Elpagnols nous vendoient
756 LE MERCURE
pour du pain , du chocolat & du fucre
qu'ils avoient en abondance : ce n'eft pasqu'ils
manquaffent de pain ; mais c'est que
le nôtre eft beaucoup meilleur , parce que
leur farine eft melangée avec celle de bled
de Turquie , appellé Maie , que l'on
pille dans des efpeces de mortiers de bois ;
ce qui fait que le fon y demeure. Le Port
de Penſacola eft le plus grand & le plus
beau que l'on puiffe voir dans tout le Golfe
du Mexiqne. Les Vaiffeaux y font à
l'abri de toutes fortes de tempêtes. L'en´
trée de ce Port eft defendue par un autre :
petit Fort fitué vis -à- vis de Penfacola
dont le canon bat à fleur d'eau . Ce petit
Fort fut pris par M. de Bienville , frere :
puîné de M. de Serigny la nuit avant le
jour de nôtre arrivée . Deux' jours aprés la ›
la reddition de Penfacola , nos fauvages ar
riverent , commandez par M. de Château-
Guay , le troifiéme frere de M. de Serigny.
On eut toutes les peines du monde à
leur perfuader que le Fort étoit pris . Ils
vouloient tuer tous les Efpagnols qu'ils
rencontroient, & même plufieurs en faifirent
par les cheveux , & avec leurs haches
ils vouloient leur enlever le crafne , ces
qu'ils appellent lever la chevelure . C'eft- là
le traitement qu'ils font à leurs ennemis,
vaincus . Ils portent cette chevelure à leur
grand Chef , qui leur donne pour recompenfe
une plume qu'ils attachent à leur
cheveux,
D'OCTOBRE. 107
cheveux. On fut contraint de leur faire
entendre que les Efpagnols étoient devenus
nos amis , & qu'on avoit fait la paix
avec eux . Ils ne demeurerent ici que deux
jours , au bout defquels ils fe difperferent ,
& chaque Nation fe retita dans fon Pays,
regretant fort de n'être pas arrivée avant la
paix , & de n'avoir pas tué & exterminé
entierement les Efpagnols , qui de leur
côté furent fort rejcüis ; car , tant que
les Sauvages refterent ici , ils n'oferent
fortir de leurs Tentes , crainte de le voir
enlever la chevelure.
米粥
Q
EPITAPHE
•
De Madame de Bellegarde
Ve le Trés- haut benoîtement regarde
En Paradis , Efprit docte & coeur
beau
De Verthamont , Dame de Bellegarde.
Dont Corps repofe au lit de ce Tombeau.
La Tourterelle & fon pair tant fideles ;
Onc n'eurent coeur fi tendrement égal :
Q'elle & fonipair , veritables modeles
Du fort lien de l'amour conjugal.
Octobre 1719.
P.
168 LE MERCURE
Femmes , venez de fa loyale cendre
Extraire feux d'amour feal & tendre
Dont Ame doit ardre pour ſa Moitié.
Maris, n'allez qu'à fon vingtième luftre ,
Plorer fon pair , & de fa cendre illuflre
Extraire feux d'éternelle amitié.
Le mot de la premiere Enigme du mois
paffé , étoit la Bouffole , & celui de la
Teconde , le Moulin à vent ."
ENIGM E.
Par M. Dumont , de Montbriffon
en Foreft.
J.
Ay , fans avoir de Frere , un grand
nombre de Soeurs ,
De diverfe figure & diverfes couleurs :
De même qu'un Couvent , nous poffedons
des grilles ,
Sans pourtant enfermer jamais aucunes
filles.
J'imite le Moulin , fans meule & fans reffort
D'OCTO BR E. 169
Sans faire tant de bruit , & fans beaucoup
d'effort ,
Plus aisément que lui je feai réduire en
poudre
Un Eftre compofe , qu'il ne pourroit pas
moudre.
Si ce dernier manquoit , je ferois au néant ;
Et cependant je fuis toujours fon monument :
Par mille endroits divers qu'envain fa force
irrite ,
Il fe détruit lui-même & il fe precipite ;
Il me fait quelquefois plier fous fes grands.
coups ;
?
Mais plus il eft violent , & mieux j'en
viens à bout :
Du milieu de mon corps . l'on retire fa cendre.
Une urne la recoit ; mais loin de la deffendre
,
Liberale d'un bien qu'elle tient dans fon
e fein,
Pour la laiffer ravir , elle l'ouvre
à deßein ;
Ayant
ainfi détruit
celui qui m'a fait
naître ,
Trés fouvent en lambeaux , on me fait dif
paroître,
Pij
170 LE MERCURE
AUTR E.
Par le même.
DE l'humide Element je recoi ma
naiffance ;
Le Dieu de la lumiere y a beaucoup de
part.
La Terre me produit quelquefois par
zart :
ha-
L'Epigramme fans moi paroît fans élegance.
J'excitte l'appetit & je forme le goût ;
Et ce dernier fans moi feroit très infipide.
Perfonne ne me hait , je fuis receu partout
;
Certain Peuple pourtant d'une loi trop
gide
ri-
Me chaffe de chez lui , & ſe paſſe de moi .
J'ai des Gardes armez , même plus que le
Roi ,
Des Commis , des Bureaux , des Juges, des
Juftices.
L'on m'empl ye fouvent contre les malefices
,
En me faifant rentrer dans celle d'où je
fors.
Son nom n'est point le mien , ni celui de
mon pere!
Qui comme elle jamais ne me donne la mort.
Ctlun donna trole est elle ob..
NEW YORK
ESC LIBRARY
LENOR
FOUNDATIONS
F
D'OCTOBRE.. 171
BRANLI.
Momus.
N vieux Bichon voulant devenir
UN
Pere ,
Trouva parti , ma'gré fon poil craffeux ;'
Dix jours aprés , fa Bichonne fut mere ,
Et lui donna trois Braques vigoureux.
Mari barbon , ma Fable eft- elle obfcure ?
Lure , lure , lure.
Quelque Cadet l'expliquera.
La , la , la , la , la , la.
II . Venus .
Rien n'eft fi beau qu'un coeur tendre &
fidele ;
L'Oifeau Phanix fut copié d'aprés ;
Il n'en eft qu'un , c'est un rare modelle.
Il n'en eft qu'un , qu'on ne verra jamais.
Cours Papillons , ma Fable eft- elle obfcure
?
Lure , lure , lure.
Votre belle l'expliquera .
La , la , & c.
III . Vulcain.
:
Un gros Baudet , moyennant groffe
ufure
Piij
172 LE MERCURE
3
Prêta du fe à de jeunes Chevaux .
A l'écheance il fit fa procedure
Et ne tira rentes ni capitaux .
Agioteurs , ma Fable eft - elle obfcure &
Lure , lure , lure.
Un Gafcon vous l'expliquera.
La , la , &c.
IV. Eglé.
Une fouris très-jeune & fans fineffe ,
Fut au Confeil fur certain petit Chat
Inftruite alors à fuir avec adreffe ,
Pour la Souris le Minet prit un Rat.
Momus , j'ai vû Zephire , & je vous
jure.
Lure , lure , lure.
La dragée opere déja.
La , la , & c.
V. Mars .
Un Epervier , jaune Penfionnaire
Chez un Corbeau prenoit un fi bon pié ,
Que le Corbeau , mari fexagenaire ,
De fa Moitié n'avoit que la moitié.
Noirs Procureurs , ma Fable eft- elle obf
cure ?
Lure ; lure , lure.
Votre Clerc vous l'expliquera .
La , la , &c.
VI . Une Nymphe.
Un fot Oifon , entêté de Muſiques
D'OCTOBRE.
173
-D'une Fauvette étoit le Pourvoyeur ;
Il fe croyoit chés elle Acteur unique ,
Et cependant il n'y chantoit qu'en coeur.
Quoiqu'en Chanfon , ma Fable eft - elle
obfcure ?
Lure , lure , lure.
Le chant n'obfcurcit point cela.
La , la , &c.
VII . feconde Nymphe.
Un Chat fripon , quoiqu'en bonne cuífine
,
Va derober dans les plats du Voifin.
Morceau de lard qu'il croque à la fourdine
, T
Le pique plus que le rôt le plus fin.
Mari coquet , ma Fable eft- elle obfeure
Lure , lure , Lure.
Votre Femme l'expliquera.
La , la , &c.
VIII . Momus au Partere.
Un Moineau frane chantoit dans un bocage
;
Pour Auditeurs il avoit des Serains
Oifeaux choifis , connoiffeurs en ramage.
Leur a t'il plu ? Moineau pour toi je
crains.
Alieu, Meſſieurs,ma Fable eft- elle obſcure ? ….
Lure , lure , lure.
Le Partere l'expliquera .
La , la, la , la , la , la.
Piiij
174
LE MERCURE
HE
D
BERGERIES.
Par Jean le Poil.
Eux gentilles Bergerettes ,
Defus l'herbe danfant ,
En gardant leurs Brebiettes ,
L'une à l'autre alloit difant ,
Que le joli jeu d'amourette
Eft un doux amusement !
Mais une allarme fecrette
S'empare de leurs fens ;
Quand Tyreis fur ſa Muferte
Exprime en fons languiffans ,
Que lejolijeu &c.
La jaloufie inquiette ,
L'amour même en naiſſant ;
Déja Marotte & Colette
Relifent féparement
Que le joli jeu &c.
se L'une de fa go-gerette
Montre le tour charmant ;
L'autre d'une humeur folette ,
Repete plus vivement
Que le joli jen & c.
>
D'OCTOBRE. 175
De fa victoire complette
Le Berger vit l'inftant ;
Mais la peur d'une Indiſcrette
Leur fait chanter ſeulement :
Que le joli jeu d'amourette
ft un doux amusement !
JOURNAL DE PARIS.
ด่ ว
Nouvelle Manufacture d'Aciers
en Nivernais , auffi fins que
celui de Hongrie.
M
*
Onfieur le Major de Vallaire ,
Allemand de Nation , a établi depuis
peu en Nivernois , une Fabrique
d'Aciers auffi fins , & de la même qua
lité que les plus excellens de Hongrie.
Ils l'emportent même fur ces derniers
en ce qu'ils fouffrent beaucoup moins de
dechet ; puifque fur trois livres d'Acier
de Hongrie que l'on employe , il y a au
moins une demie livre de diminution ;
au lieu que celui du Nivernois rend pref
* Dans la Terre du Marais , appartenant
au Marquis de Bonneval , Lieutenant
General des Armées de l'Empereur.
776 LE MERCURÉ
que le même poids. M. de Vallaire a fait
les épreuves de fon fecret à Paris au mois
de Mars dernier , fous les yeux de. M.
Graffin Directeur General des Monnoyes
de France , qui lui avoit fait fournir des
fers de Suede , de Champagne & de Berri,
qu'il convertit par une operation trés- facile
en Acier qui ne le cede nullement au
meilleur d'Allemagne . Nos Ouvriers de
Paris , Taillandiers , Serruriers & Couteliers
, qui s'en fervent pour les inftru
mens de leur métier , conviennent de ce
fait. Cet établiffement fera d'autant plus
avantageux au Royaume , que les Sujets
du Roi feront difpenfez d'en faire fortir
des fommes confiderables & que les
Etrangers mêmes apporteront leur argent ,
pour enlever ceux de cette Fabrique.
Relation de la prise de poffeffion du Grand
Prieuré de France à Malthe, par Monfieur
le Chevalier d'Orleans , envoyée à
M. de.... par M. de Laval , homme
du Roy à Malthe.
Les
E 21. Septembre 1719. à fept heu
res du matin , Monfieur le Chevalier
de Laval reçût un paquet de Monfieur le
Cardinal de la Tremoille , par lequel ,
felon les intentions de Son Alteffe Royale ,
D'OCTOBRE. 177
il lui adreffoit la demiffion que Monfieur
de Vendofme a faite du Grand Prieuré de
France en faveur de Monfieur le Chevalier
d'Orleans ; le Bref expedié en Cour de
Rome pour confirmer cette demiffion , &
habiliter M. le Chev . d'Orleans à recevoir
le Grand Prieuré ; les Lettres que Sa Ma
jefté & S. A. R. écrivoient à ce fujet au
Grand- Maître & à la Langue de France ,
& celle par laquelle S. A. R. lui ordonnoit
de donner les foins à l'execution de cette
affaire , qui fut promptement terminée
comme on va le voir. A 9. heures Monfieur
de la Figuire Caftellan d'Empofte ,
Monfieur le Vice Chancelier , toûjours
animé du même zele pour le fervice de
M. le Chevalier d'Orleans & le Cheva-
Hier de Laval , allerent au Palais , le premier
pour renoncer comme il en fut prié , au
Grand Prieuré , en vertu de la demiffion
de M. de Vendofme dont il eft Procureur;
le fecond, comme Miniftre de l'Ordre, qui
doit être preſent à de pareils Actes , pour
pouvoir les enregiftrer , faire paffer les
Brefs , & en delivrer les Expeditions ; &
le troifiéme , pour prefenter le tout au
Grand- Maiftre , fuivant l'ordre qu'il en
avoit de S. A. R. M.... le Chevalier
d'Orleans feroit allé lui -même au Palais ,
fi l'état où fe trouvoit le G. M. lui avoit
permis de le recevoir , & il ne s'en difpenque
fur les repreſentations que lui firent
La
Y.
>
178 LE MERCURE
les Officiers de Son Excellence. Le Grand
Maître accepta auffitôt la démiffion , &
paffa le Bref avec l'empreffement qu'il a
toûjours û pour ce qui a pû être agréable
à S. A. R... Ainfi dans ce moment , M. le
Chevalier d'Orleans fut revêtu du Grand
Prieuré de France , à la fatisfaction generale
de toute la Religion , qui alla lui en
faire compliment.
L'intention de Monfieur le Grand-
Prieur êtant de repaffer en France, dés qu'il
auroit terminé fes affaires , il demanda
un des Vaiffeaux de la Religion : l'Eſcadre
étoit en rade prête à partir pour laCourſe,
& M. le Lieutenant du G. M. & le Confeil,
la lui offrirent ; mais il ne voulut pas
l'accepter pour ne point déranger le fervice
de la Religion , & demanda feulement
que le Vaiffeau qu'on lui deftineroit , l'at
tendît : Il refolut de faire fes voeux avant
que de partit ; mais on ne pouvoit pas
efperer que ce fût entre les mains du G.
M. attendu l'état languiffant où il fe trouvoit.
Cela auroit cependant fait grand
plaifir à M. le Chevalier d'Orleans ; & le
Grand- Maître y ayant été également fenfible
, puifque , quand pour ne manquer
à rien , on le fir prévenir fur cette fonction
, il s'exprima en termes qui marquoient
fa vraye douleur de ne pouvoir la
faire , & qui firent connoître l'eftime &
l'amitié qu'il avoit pour M. le Chevalier
D'OCTOBRE 179
,
d'Orleans , & combien il reffen toit l'honneur
que recevo.t fon Ordre, & les bontez
de S. A. R. Monfieur le Grand Prieur
pria le 22. M. le Lieutenant de fupléer au
Grand- Maître ; ce qu'il accepta avec une
joye infinie , & marqua avoir une parfaite
reconnoiffance de l'honneur qu'il lui
faifoit Le jour fut pris au Mardy 26 .
Le 25. M. le Lieutenant en donna part
au Confeil , du confentement de M. le
Chevalier d'Orleans , qui eut lieu d'en
être content tous ceux qui le compofoient
ayant également donné des marques
de leur joyc. Le 26. à fept heures
du matin , M. le Chevalier d'Orleans
fut conduit par plus de 100. Grands-
Croix , Commandeurs & Chevaliers , à.
PEglife de S. Jean , où s'étoit déja renda
M. le Lieutenant avec le refte de la
Religion , independemment des perfonnes
de l'Ordre, L'Eglife, quoi- qu'affez grande,
étoit entierement remplie de Peuple qui :
vint prendre part à la fatisfaction commune
: La ceremonie commença à ſept heures.
& demie , le Sous Prieur de l'Eglife celebrant
la Meffe au grand Autel , deux
coeurs de mufique rempliffant les vuides
de la fonction que M. le Chevalier d'Orleans
fit avec une modeftie , une décence
& une humilité qui pouroient & devroient
fervir d'exemple aux plus aufteres
Religieux Il entendit la Meffe fur le
180 LE MERCURE
propremier
gradin de l'Autel du côté de
T'Epître , où on lui avoit mis un Couffin
vêtu de fa Robbe , & tenant un flambeau:
il communia pendant la Meffe , & quand
elle fut finie , il alla fe mettre à genoux
devant M. le Lieut. qui étoit affis auprés
de l'Autel du côté de l'Evangile ; & là ,
tenant toûjours fon flambeau, il fit fa
feffion avec beaucoup d'édification & une
refignation parfaite Le Chevalier de Laval
eut l'honneur de lui mettre l'Eperon
doré. Le fon des cloches qui annoncent
les plus grandes Fêtes , & le bruit de so .
coups de canon que la Religion fit tirer ,
furent les figues de la rejouiflance publique,
& redoublerent la curiofité du Peuple qui :
accourut en foule dans l'Eglife pour être.
temoin de cette grande action ; La fonction
êtant finie , Meffieurs les Grands-
Croix monterent de leurs places au Sanctuaire
, pour , felon l'uſage felon l'ufage , embraffer le
nouveau Profés , qui receut auffi les complimens
de tous les autres Affiftans ; il alla
enfuite au Palais avec M. le Lieutenant :
& fuivi d'un trés-grand nombre de perfonnes
de l'Ordre , le Grand - Maître le
receut de la maniere du monde la plus gracieuſe
, l'embraffant avec tendreffe &
amitié , fe felicitant fur l'avantage que lui
& fa Religion recevoient dans cette conjoncture
, & marquant le regret qu'il·
voit de n'avoir pu faire cette fonction
D'OCTOBRE. 18#
dui-même. En fortant du Palais , il alla
à l'Auberge de France faire ce qu'on appelle
obedience , c'eft- à- dire manger du
pain avec au fel & boire de l'eau , qui eft
tout ce que promet la Religion à ceux
qui profeffent : Ce repas frugal lui fut
prefenté par les Préeminents des Grands-
Croix qui l'accompagnoient, il fut enfuite
reconduit chez lui par le même cortege. A
l'heure competente , il fe rendit chez M.
le Lieutenant , qui l'avoit prié à diner ,
& en même tems de mener avec lui ceux
qu'il trouveroit bon qui euffent l'honneur
de l'accompagner. 14. Grands- Croix , les
premiers Officiers de la Religion & du
Grand- Maître , & 8. Chevaliers de la
Langue de France , furent de la Fête.
Une table à 30. couverts fut fervie avec
toute la delicateffe & la magnificence que
peut fournir le Pays ; on y but aux fantez
de S. A. R. & du G. M. pour chacune
defquelles on tira 15. coups de canon , &
tout le monde y donna des marques de fa
joye & d'une entiere fatisfaction. A quatre
heures chacun fe retira ; M. le Lieutenant
ayant reconduit M. le Chevalier d'Orleans
jufqu'à la rue , comme il a fait toutes
les fois qu'il eft allé chez lui . Le 27.
matin , la Langue de France s'affembla'
pour lire les Lettres que S. M. & S. A,
R. avoient û la bonté de lui écrire au
fujet de la demiffion fufdite , & pour lui
182 LE MERCURE
demander fon confentement ; M. le Chev .
d'Orl, s'y trouva , & joignit fespriéres aux
demandes de S. M. & de S. A. R. Toute
la Langue y adhera unanimement , & marqua
la joye qu'elle avoit de trouver cette
occafion de faire connoître fa foumiffion
aux volontez de S. M. & de S. A.
R. & de donner à M. le Chevalier d'Orleans
des preuves de l'eftime & de la
confideration qu'elle a pour lui. Le 28 .
M. le Chevalier d'Orleans fit demander
au Confeil aflemblé , qu'en vertu de la
demiffion de M. de Vendofme , du Bref
expedié en fa faveur en Cour de Rome , &
paffé icy par le G. M. & de la deliberation
de la Langue de France , les Bulles
du Grand Prieuré de France lui fuffent
expediées de la Chancellerie , ce qui fut
ordonné tout d'une voix . Quelqu'un reprefenta
au nom du Trefor , que pour le dédommager
des frequens vacants & mortuaires
dont il jouiroit , fi ce Prieuré s'émutiffoit
en Langue en faveur des anciens,
confequemment fort vieux , M, de Vendofme
, aprés qu'il l'eut , s'étoit obligé à
lui payer 6000 livres tous les ans , outre
les charges ordinaires , & qu'il feroit jufte
que M. le Chevalier d'Orleans en ufât de
même ; mais d'autres dirent que le Bref
n'obligeant le Prieur moderne à rien , &
lui donnant le Prieuré en plein comme
l'avoit û M. de Vendofme , on ne pouvoit
exiger
D'OCTOBRE. 183
ger
exiger de lui qu'il payât cette fomme
qu'autant qu'il voudroit en ufer , comme
fit M. de Vendofine , c'eſt - à-dire , s'y oblivolontairement
, & une par convention
pofterieure à l'expedition des Bulles :
Ce dernier fentiment prevalut , & il fur
ordonné que Meffieurs de la Chambre du
Trefor prendroient les mefures qu'ils jugeroient
à propos , pour procurer cet
avantage à la Religion , & qu'ils chargeroient
les Miniftres de l'Ordre à Paris de .
serte negociation.
>
M. le Chevalier d'Orleans prêta ferment
de Grand Croix dans ce même Confeil entre
les mains de M. le Lieutenant, devant
lequel il fe mit à genoux fur un couffin , &
il fut inftallé à la place de Grand Prieur
de France ; il alla enfuite chés le Grand-
Maître qui d'une main déja tremblante
par fa caducité & que l'émotion caufée
par fa joye rendit encore moins fure , lui
attacha la grande Croix , en lui difant tout
ce que la tendreffe , Teftime , & l'amitié
peuvent infpirer. M. le Lieutenant voulut
abfolument affifter à cette ceremonie , aprés
laquelle M. le Chevalier d'Orleans le reconduifit
chez lui . Pendant le peu de tems
que M. le Grand Prieur a demeuré ici ,
depuis , il a affifté à tous les Confeils qui
fe font tenus & aux fonctions de l'Eglife ,
joüiffant des attributs de fa dignité , &
reinplifant la place qu'elle lui donne . I
е
184 LE MERCURE
employa le 29. & le 30. à rendre des vi
fites à toute la Religion . Le premier d'Oc
tobre , il donna un fomptueux repas à toute
la Langue de France ; les mêmes G,
Croix & autres qui avoient dîné avec lui
chés M. le Lieutenant , y furent priés , &
il avoit au moins foixante perfonnes. On
y
but à la fanté de S. A. R. du G. Maître
& de fon Lieutenant , au bruit de 15.
coups de canon pour chacune. La fête fut
fort guaye ; tout le monde parut content ,
& fut charmé des gracieufetés & des attentions
de M. le G. Prieur qu'on peut
dire s'être attiré ici l'eftime & la confideration
de toutes les Nations , fans en excepter
celles qui fimpatifent le moins avec
la françoife , ni même les habitans du Païs.
Le 4. il demanda fon congé au Confeil :
ce que lui dirent tous Meffieurs les
Confeillers, aprés le lui avoir accordé d'un
commun confentement , ne le laiffa pas
douter qu'ils n'uffent facrifié leur inclination
à fa fatisfaction, & qu'ils n'euffent fouhaité
avec paffion le voir ici plus long
tems. Ce même Confeil determina que
quand M. le G. Prieur partiroit , on lui
rendroit , comme General des Galeres de
France , les mêmes honneurs qui lui furent
rendus en arrivant , c'est - à dire, qu'un G.
Croix iroit le complimenter, & lui fouhaiter
un heureux voyage au nom du G. M. &
du Confeil ; qu'il feroit conduit à la MaD'OCTOBRE.
185
tine par le premier Ecuyer du G. M. dans
un de fes Caroffes , & que la Ville le falëroit
de 21. coups de canons en s'embarquant
: Le tout fut executé dans fon tems .
Les trois langues de Provence , Auvergne
& France , deputerent auffi Meffieurs leurs
Procureurs , afin qu'en leurs noms ils
s'acquittaffent de la même commiſſion dont
avoit été chargée le G. Croix par le Confeil.
M. le G. Prieur recut l'un , & fes- autres
, en leur donnant des marques de fa
vraie reconnoiffance , & il alla remercier les
trois langues. Il auroit pu s'embarquer le
f. au matin , fi le Vaiffeau qu'on lui avoit
deſtiné , & qu'on avoit fait fortir pour
aller reconnoître quelques bâtimens qui
avoient été vus fur la Sicile , & dont la manoeuvre
avoit fait croire à ceux qui enapporrerent
la nouvelle qu'ils pouvoient
être barbares,n'avoit pas eu à fon retour be
foin de changer un de fes mats . Le 6. M.G
P. alla prendre congé du G. Maître qui lu
dit tout ce qu'on peut attendre de l'amitié
d'un pere , & le pria de fe fouvenir
de fa Religion & de profiter des occafions
qu'il trouveroit de lui rendre
fervice ; M. le G. Prieur fut penetré des
termes du G. Maître , & ceux dont il fe
fervit pour y répondre ; dûrent perfuader
fon Eminence de l'attention qu'il auroit
toûjours pour ce qui pouroit lui étre agréa
ble , & de fon zele pour la Religion. I
Qij
86 LE MERCURE
fortit aprés en avoir été embraffé tendrement
, & alla prendre auffi congé de M.
le Lieutenant , des bonnes manieres duquel
il a lieu d'être parfaitement content ,
puifque pendant fon féjour ici , il eft toûjours
allé avec empreffement au devant de
ce qui a pu contribuer à fon plaifir & à fa
fatisfaction. Le G. Maître l'envoya complimenter
par fon premier Maître d'Hôtel
, & M. le Lieutenant par ..... enfin
il s'embarqua le fept , ayant été conduit à
la Marine par la plus grande partie de la
Religion , & par un peuple infini .
On écrit de Marfeille que le S. Georges
, Vaiffeau de la Religion , fur lequel
stit embarqué Monfieur le Grand
Prieur , y fut découvert le 18. à trois
heures aprés midi par la Sentinelle qu'on
avoit poftée au Fort N. D. de la Garde.
Elle arbora auffitôt un Pavillon au
Clocher , pour annoncer
l'arrivée
de
ce Vaiffeau. La Reale tira pour lors trois
coups de canon , & l'on fit battre la generale.
Dans l'inftant
tous les Officiers.
Generaux de Galeres s'embarquerent dans
des Chaloupes, pour aller au devant de M.
le G. P. qui ayant fait jetter l'ancre auprés
des Iles du Château d'If, debarqua
pour paffer dans la Stampavia , autrement
Felouque dorée. Il fut d'abord falué de 13 .
coups de canons tirés du Château d'If. Le
fort de N. D. de la Garde , les Citadeles
D'OCTOBRE. 187
& toutes les Galeres firent leur décharge
à fon entrée dans le Port .
Siege & Prife du Château d'Urgel.
Ef. Octobre une batterie de quatre
,
de tirer fur la Tour blanche qui deffend
les approches du Château d'Urgel , du
côté qu'on s'étoit propofé de l'attaquer
on fit feu dés la pointe du jour ; & à dix
heures du matin la Garnifon compo éc
de vingt-cinq foldats & de trois Officers
fe rendit prifonniere de Guerre.
•
On travailla auffi - tôt à établir fur la
hauteur où cette Tour eft fcituée , une batterie
de quatre pieces de 24. & de quatre
de 16. , & une autre batterie de deux
mortiers de neuf pouces , & de deux de 6.
Toutes ces batteries commencerent à
tirer le neuf , & on pouffa une tranchée
audeffous jufqu'au pied de la montagne
du
Château .
Le 11. on capitula , & la Garniſon com
pofée de deux Brigadiers , trois Colonels ,
un Lieutenant Colonel , 13. Capitaines ,
18. Officiers fubalternes , 2. Ingenieurs ,
trois Officiers d'Artillerie , un Conan thi.
re des Guerres , & 180. foldats ou Dra
gons , fe rendit prifonniere de guerre .
188 LE MERCURE
M. le Maréchal de Berwix qui avoit
laiffé la conduite du Siege à M. le Comte
de Coigny , étoit refté au Mont - Louis
pour le foûtenir , & pour difpofer la marche
de l'Armée qui devoit s'affembler au
Boulou pour entrer en Catalogne.
Pendant cette expedition , M. le Marechal
avoit fait avancer M. le Marquis de
Bonas , Marêchal de Camp dans la Conque
de Tremps , où il étoit campé à la Pobla
für la Noguerre Paillarefe , avec les Regi
mens de Piemont , de Flandre , d'Or
Jeans de Bretagne , d'Alface , & de
,
Lencx .
Le P. Pio ayant raffemblé l'Armée
d'Eſpagne à Ager , s'étoit faify dans les
premiers jours d'Octobre du Pont de
Montagnana . M. de Bonas , aprés avoir
jetté dans les montagnes fes fufiliers , pour
couper la retraite aux ennemis , marcha au
detachement qui occupoit ce Pont : il le
defit & le pouffa jufqu'au de là du Mont-
Sec où il établit un Pofte de 100. hommes,
pour mettre l'ennemi hors d'état de penetrer
dans la Conque de Tremps . Les ennemis
ont eu dans cette action 25. foldats &
un Capitaine de tuez , & un Capitaine,
deux Lieutenans & 2. Sergens ou Soldats
, faits prifonniers .
S. A. R. a donné le Gouvernement des
Ville & Château d'Urgel à M. le Guerchois
, Lieutenant general ; la Lieutenan
D'OCTOBRE. 199
C
J
›
te de Roy à M. Menard Lieutenant Colonel
de Limofin la Majorité à M. de
Clerembeaux , Capitaine au Regiment de
Navarre , & l'Ayde- Majorité au Sieur
Defjarres , Lieutenant des Grenadiers au
Regiment de Tourraine .
Etat des Officiers de la Maifon du Roy
& de la Gendarmerie, qui ont été ajoutez à
la promotion des Officiers generaux ,
1. Fevrier 1719 .
du
M. de Lianne Bufca , M. de Vareilles ,
Enfeignes de la Compagnie d'Harcourt.
M. du Crufel , Enfeigne de la premiere
Compagnie des Moufquetaires.
M. de Montellon , premier Cornette
des Chevaux- Legers d'Anjou .
M. de Merey ; Enfeigne des Gendarmes
de la Reyne.
M. le Marquis de Cernay , Sous- Lieutenant
des Chevaux Legers d'Orleans .
M. le Comte de Chatelu , Capitaine-
Lieutenant des Chevaux Legers de Berry.
M. de Nereftang , Enſeigne des Gendarmes
Dauphins .
Le Marq. d'Oyfe , Capitaine Lieute
nant des Gendarmes d'Orleans.
M. de Filtz , Ayde- Major de la Compagnie
des Gendarmes de la Garde .
M. de Fortiffon , Ayde- Major de la
Compagnie des Chevaux Legers de la
Garde.
Le 3. Oct. le Roi alla voir la Duch. de
190 LE MERCURE
Ventadour , lui fit compliment fur fa
convalescence , & foupa chés elle .
Le Roy a donné 6000. livres de penfion
à Madame de Maupertuis , Epoufe de
l'ancien Capitaine - Lieutenant de la premiere
Compagnie des Moufquetaires.
Le même jour , la Cour a quitté le deüil
de Madame la Ducheffe de Berri.
On a donné des Commiffions pour la levée
de 4. Regimens de Cavalerie , & 7
de Dragons.
Au prima menfis de Sorbonne , M. Jollin
, Curé de S. Hilaire , fut élû Syndic
de la Faculté de Théologie , à la place de
M. Hydeux , Curé des Innocens .
Le 6. on fit partir dans plufieurs charettes
300. jeunes filles ou femmes , pour
le Mifilipi.
M. de Creil , Intendant de la Rochelle ,
& M. le Com'e de Châteautiers , ont
reçû ordre de la Cour de continuer dans
cette Generalité , l'établiffement de la Taille
tarifée qu'ils y avoient commencé avec feu
M. Renau.
Le 7. le Roy accompagné du Duc de
Chartre , & du Marêchal Duc de Villeroy
, fit la revue de la Gendarmerie dans
la Plaine de Sablons , en prefence de Monfieur
le Duc d'Orleans . Aprés la revûë ,
S. M. alla fe promener au Château de la
Muette , & y prit le divertiffement de la
Chiffe .
Le
D'OCTOBRE. 191
Le 1o. par la mort de M. de la Hubergais
, Syndic des Etats de Bretagne , le
Roy a accordé une penfion de trois mille
livres à fa veuve , & M. de la Hubergais
fon fils , qui avoit la furvivance de cette
charge, en fait à prefent les fonctions.
Le 12. on mande de Bretagne que l'on y
avoit arrêté quatre Gentilshommes Bre
tons , & il y en a quelques autres en fuite .
Les deux Anglois , dont le Sieur de
Bladen en eft un , eft arrivé ici ,afin de regler
avec nos Commiffaires les limites du
Mififfipi , & les differends qui fe font élevés
entre les Habitans de l'Annapolis
Royale , & les François du Cap Breton !
M. de la Faye , premier Secretaire des
commandemens de M. le Duc , a acheté de
M. de Charmont 230. mil livres une des
Charges de Secretaire du Cabinet .
Commiffaires nommés par la Cour , pour
aller tenir les grands jours en Bretagne,
M. de Chateauneuf, Chef de la Commiſ
fion.
Maitres des Requeftes.
Meffieurs Maboul , Barillon , d'Evry ;
Hebert , Beauffan , S. Aubin , Angrand ,
Poncher , Bertin , Parifot , Midorges
Pajot.
Procureur general de la Commiffion .
M. de Vatand , Maître des Requeftes .
Meffieurs Defcarieres & Barangues
Octobre 1719. R
་
192 LE MERCURE
feront pour
la Confeillers au Châtelet
procedure. Leur commiflion a le titre de
Chambre fouveraine.
Ces Meffieurs qui font partis le 15. de
Paris,doivent être rendus le 24. à Nantes,
La Cour a accordé à chaque Fermier general
reformé , dix mille ecus de gratifi
cation.c
Lers . le Confeil de Regence fe raffembla
, & continuera fes feance .
M. le Prince de Talmont , eft propofe
pour exercer la Charge de premier Gentilhomme
de la Chambre , en attendant que ,
Male Prince de Tarente , fon neveu , &
fils de feu M. le Duc de la Tremoille , foit
ca âge d'en faire la fonction,
M. le Comte d'Evreux a acheté 200 .
mil livres de M. le Duc de Trême , la Ca-'
pitainerie de Monceaux ,
Le Roy a donné 8000. livres de penfion,
à repartir aur Officiers de la premiere
Compagnie des Moufquetaires.
Madame la Comteffe de Parabers a achet
300. mil livres , la Duché de Danville
qui apartenoit à M.le Comte de Toulouze.
jzó .
M. Fargés a acheté 20. mil livres l'Hôtel
de Croiffy.
. Un nommé Philippe de Caravaglia ,
Gentil-homme Milanois , a fait l'épreuve
D'OCTOBRE.
193
dans le Jardin de M. le Grand Prieur de
Vendôme au Temple , d'une Charuë auffi
ingenieufement , qu'utilement imaginée.
Il ne faut qu'un homme pour la conduire:
elle laboure , au raport de l'inventeur , en
une heure de tems 300. pieds de terrein ,
fans fecours de chevaux , ni de voiles . Elle
doit être preſentée à Meffieurs de l'Aca- '
demie des ſciences , dont il faut attendre
le jugement.
Le 16. M. de Bentivoglio , Nonce du
Pape , partit de Paris pour Rome.
On continuë dans nos Ports à conftruire
des Vaiffeaux , fçavoir 5. à Toulon , 5 .
à Breft , & 3. à Rochefort, & on radoube
les vieux qui font en état de l'être. On
remplit tous nos , Magafins de ce qui peut
êMtarreinnecee,fflaaiCreoamupagnement de nôtre
des Indes fourniffant
autant d'argent qu'il en faut , pour
la mettre en état de pouffer fon commerce
fans y être troublée .
M. de Puifegur Lieutenant General
ayant reprefenté à M. le Regent l'avanta
ge qu'il y auroit d'établir des Cazernes
dans tout le Royaume pour le paffage des
Troupes , S. A. R. y a donné fon confentement
. On pretend même qu'il y a
des arrangemens , pour y employer juf
qu'à 14. millions. On en doit édifier 486 .
dont chacune fera capable de contenir
grande quantité d'hommes & de che-
vaux. Rij
194
LE MERCURE
On voit ici le plan d'un magnifique
Edifice , pour en faire une Bourfe plus,
grande encore, & plus commode que celle
d'Amfterdam . On dit qu'on la placera
proche la Banque , pour la commodité du
Public.
Le 20. M. le Marquis de Maumin a été
crée par le Roi Infpecteur de la Gendarmerie.
de Vaucreffon
la Cour pour le
M. Arnoult Intendant de la Marine à
Marſeille êtant mort , M.
fon frere aété nommé par
remplacer.
Les Lettres de Madrid du 15 , de ce
mois , portent que le Cardinal Alberoni a
éré fait Grand d'Efpagne par Sa Majefte
Catholique,
Le 25. le Roi a accordé à tous les Of
ficiers de fa Maifon , à commencer par
ceux de fa Chambre , des Actions de la
Compagnie des Indes. Il y en a û plus
de vingt millions diftribuées. Le Regent
& Madame en ont gratifié pareillement
toute leur Maiſon .
Le 29. M. l'Archevêque de Tours
cy-devant M. l'Abbé de Caftres, fut facré
par M. le Cardinal de Noailles , dans la
Chapelle de l'Archevêché.
M. de Pleneuf , qui eft depuis quelque
tems de retour à Paris , a été nommé
Treforier General de l'Extraordinaire des
Guerres par commiffion .
D'OCTOBRE. 195
M. le Comte de Marigny , outre une
penfion de 2000. écus qu'il a obtenuë , a
été fait Brigadier des Armées du Roi .
M. Paris l'aîné a été choifi par M. le
Regent , pour l'employer, & pour lui rendre
compte des affaires des Finances .
Les 4000. Chevaux que le fieur Perrin
a achetté pour remonter la Cavalerie du
Roi , font actuellement arrivez dans les
trois Evêchez : La revûë s'en fera à
Metz .
*『༄
Le Bal de l'Opera commencera cette
année la veille, de S. Martin .
M. le Marquis de Dangeau ayant donné
fon confentement pour la furvivance du
Gouvernement de Tourainé , en faveur de
M. le Comte de Charolois , qui eft toûjours
à la Cour de Munick , M. le Duc
lui a payé 25o. mille livres de brevet de
retenue , & lui a fait de plus une gratification
de so. mille écus. Ce Gouvernement
a été mis fur le pied de celui de
Dauphiné , qui rapporte 85 , mille livres
par an.
M. de Berulle a obtenu de la Cour un
Brevet de 100. mille livres fur fa Charge
de premier Prefident au Parlement de Grenoble.
M. le Baron de Rendel eft arrivé à
Paris,pour executer quelque commiffion de
la part du Roi Stanillas.
M. le Marquis de Canifi a été gratifié
R iij
.196 LE MERCURE
par la Cour de la Lieutenance de Roi de
Baffe- Normandie . Le 29, il prêta ferment
de fidelité.
Le 30. le fils de M. le Marquis de Brancs
Lieutenant General des Armées du Roi ,
prêta auffi ferment de fidelité de la Grande
Lieutenance de Roi de Provence en furvivance
de M. fon Pere..
Les dernieres Actions ont varié de
jour à autre pendant le cours du mois :
elles font montées jufqu'à 300. audelà du
pair de l'argent ; elles font aujourd'huy à
295. }
La Riviere de Loin dans laquelle fe
jettent les Canaux de Briare & d'Orleans,
n'êtant prefque plus praticable depuis
quelques années , on fe propofe d'y faire
un Canal depuis Montargis jufqu'à la
Seine. On commencera à y travailler
l'Eté prochain.
Le 31. On arrêta par ordre de M. le
Lieutenant de Police , fix ou fept Clercs
de Notaires , parmi un plus grand nombre
, qui s'étoient propofez de faire des
affemblées entr'eux , en faifant par euxmêmes
les profits qu'ils procuroient aux
Notaires , en actionnant dans la rue Quinquempoix.
Ils ont été conduits au Fortl'Evêques
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du
24. O&obre 1719. qui ordonne que les
anciennes efpeces d'or & d'argent , faifies
D'OCTOBRE.
3197
fur le nommé Boucher , Laboureur demeurant
au Village de Lumigny , demeureront
confifquées.
T
"
Et que conformement
à l'Arreft du 25 .
Juillet
dernier
, les profits
& benefices
fur la fabrication
des Monnoyes , appartiendront
à la Compagnie
des Indes ; &
en confequence
, que lefdites
anciennes
efpeces de neureront
acquifes
à fon profit.
Arreft du Confeil
d'Eftar du Roy du
26. Octobre
1719. qui ordonne
qu'à
commencer
du premier
Janvier 17 20. tolltes
les Rentes
affignées
fur la Ferme des
Greffes , autres fonds & revenus de l'Etat ;
les augmentations
de Gages , Gages hereditaires
, Taxations
fixes & hereditaires
,
& generalement
toutes autres parties
em-
-ployées
dans les Etats de S. M: qui ne
font point attachées
au corps des Offices
crées , & établis depuis le premier
Janvier
1689. demeureront
éteintes
& fupprimées
.
Autre Arreft du Confeil
d'Eftat du Roi
- du 26. Octobre
1719. pour le rembourfement
des Rentes du Clergé.
Madame la Princeffe eft partie pour
aller trouver en Bourgogne Madame la
Ducheffe du Maine fa fille qui eft incommodée.
M. de la Faye a remis à M. le Duc le
Secretariat de la Bourgogne , qui rapporte
neuf mille livres par an . S. A. S. en a
gratifié M. Millein fon Secretaire pour
R iiij
198 LE MERCURE
les affaires du Confeil de Regence.
M. le Vicomte de Tavanne , premier
Gentilhomme de la Chambre de M. le
Duc , a acheté la Lieutenance Generale du
Mâconnois ; le Roi lui a accordé an Brevet
de retenuë de 50. mille écus.
Madame de Châteaumorand ayant donné
la demiffion de l'Abbaye de Maubuiffon
dont elle étoit Abbeffe,le Roy y a nommé
Dame Marie- Anne- Gabrielle- Eleonore de
Bourbon- Condé , Religieufe de Fontevraux
, & foeur de M. le Duc. Madame
de Chateaumorand a û une penfion de deux
mille écus.
M. de Chafot , premier Prefident du
Parlement de Metz , a û le Prieuré de
Sainte Catherine de la Couture , qui étoit
vacant depuis la mort de M. l'Abbé Servien
; il vaut 9. à 10. mille livres de
rentes.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de Saint
Aftier , Dioceſe de Perigueux , l'Abbé
de Plancher , Chanoine de l'Eglife Colle
giale de Perigueux.
Differens avis portent que la Flotte Angloife
,partie depuis peu d'Ang.avoit debarqué
à Vigo au nombre de 4sco. hommes.
L'Armiftice entre la Suede & le Roi de
Dannemarcka été reglée le 10. Octobre
à Coppenhague par le Miniftre Anglois
au nom de la Reine de Suede.
L'on ne peut donner l'extrait de Mo-
?
D'OCTOBRE. 199
mus Fabulifte , qu'aprés l'impreffion de
cette Comedie. ,
-
FAITS FUGITIF S.
de Con la
L femble que les Arrêts du Confeil
Il les
Compagnie des Indes , devroient fuffire
pour la fatisfaction des Lecteurs , & plus
encore pour celle d'un fi grand nombre de
perfonnes qui s'y trouvent intereffées.
Cependant on voudroit encore exiger de
moi , que j'y ajoutaſſe un détail de toutes
les fortunes que les Actions de cette Compagnie
occafionnent. Qui ne voit que la
chofe eft impoffible ? Il faudroit pour cela
nommer prefque tout Paris , fans compter
les Regnicols & les Etrangers qui abandonnent
leur Païs , pour venir profiter des
gros benefices qui en proviennent . Tel
qui au commencement de cet établiſſement
y étoit le plus oppofé , en eft aujourd'hui
le plus ardent défenfeur ; la foi a fuccedé
à l'incredulité , & tout bien leur en eft artivé.
Les Gens de Condition' , la Robe , le
Bourgeois , le Peuple , tous les Etats en
un mot , font paffès rapidement de l'indigence
à l'opulence. Le cours d'une année
a fuffi pour operer ces merveilles. Ce ne
font cependant encore, pour ainfi dire , que
200 LE MERCURE
L &
des femences : Quelle recolte n'en doit-.
on pas attendre par la fuite ? La rue
Quinquempoix eft un champ trop fûr
& trop fertile , pour fruftrer les efpefances
de ceux qui , y mettent. A propos
de la rue Quinquempoix , je ne la quitterai
point fans en tifer quelques exemples ,
qui, quo que peu vraisemblables , n'en font
pas moins veritables.
Certain Particulier d'une naiffance obfcure
, ayant pour toute reffource une fomme
de dix mille livres en Billet d'Etat ,
les employa en Actions de la premiere main .
Il les fait travailler avec tant de fuccès ,
qu'en moins de 3 mois , il fe voit en état
d'avoir caroffe . Notre riche Actionnaire
voulant fatisfaire fon envie & fa vanité ,
va chez un fameux Caroffier , pour en commander
un. Le Maître à qui il s'adreffa
lui demande quelle forte d'Equipage il fouhaite
avoir .. une Berlingue des plus belles,
lui repliqua l'Actionnaire..mais encore, dans
quel goût voulez - vous que votre Berline
foit ? La doublera-t- on de velours cramoifi ?
Y mettera- t- on des Crefpines d'or ou d'argent
? ... Oui , de l'or , de l'argent , du vefours
cramoifi; n'importe ... vous ne fçaufiez
la faire trop belle , reprit mon homme
- nouveau , & tirant en même tems quatre
mille liv. en Billets de Banque ... Tenez ,
mon Maître , voila des harres , je m'appelle
un tel je demeure dans la rue de , & c.
D'OC TO BRE. 201
C
2
& je vous recommande de me la faire livrer
le plus promptement que vous pou-
Fez. Ad eu la rue Quinquempoix m'appelle
: Il part en même teins . Le Carol
fier courant aprés lui , lui cria , Monfieur,
Monfieur , quelles Armes voulez - vous
Toutes des plus belles , toutes des plus
belles , mon ami , & pourfuit fon che-
.min .
Un autre Champignon de la Fortune
devenu Millionaire par les mémes voyes ,
invite quinze, ou vingt perfonnes à dîner
chez lui . Etant rentré fur les ro. heures du
matin dans fon nouvel Hoſtel , il dit à la
femme ,. qu'on prépare vingt couverts.
Comment vingt couverts , reprit cette femme
; où voulés-vous que je les prene ?
Vous voilà bien embaraffée , ma mie ; donnés
toûjours vos ordres pour notre diner
& j'aurai foin du refte. Il eft à propos d'avertir
qu'il avoit arrêté un excellent Cuifinier,
& un Officier fort entendu. Tandis
dis que l'on travaille au repas , il monte
dans fon caroffe de nouvelle emplette , &
va chez un Orfevre pour acheter de la vaiffelle
d'argent. L'Orfevre lui ouvre fes armoires
, & le prie de voir ce qui l'accom
modera. Comme il falloir quelque tems
pour lui étaler fa Marchandife , notre homme
s'impatientant , & croyant n'avoir pas
le tems d'examiner piece à piece , lui dit
brufquement ; combien voulez- vous me
202 LE MERCURE
fi
>
vendre toute votre Boutique ? Mais Mon
fieur , reprit le Marchand , vous n'y penfez
pás avec votre pormiffion ; eh morbleu
que de raifonnemens ! En un mot qu'eſt- ce
que tout cela vaut ? L'Orfevre,aprés avoir
vû fon Livre , lui dit en confcience qu'il
ne pouvoit pas la lui donner à moins
de quarante mille écus , & que c'étoit le
dernier mot ... Eh que de façon , Monfieur
, pour peu de chofe ! & tirant en
même tems les cent vingt mille livres en
Billets ; tenez Monfieur , êtes-vous content
? Allons , dépêchons , emballez moi
au plûtoft cette argenterie, & qu'on m'aille
chercher quatre ou cinq Fiacres. Ses ofdres
furent executez fi promptement , qu'à
midi la vaiffelle arriva. On la déballe
l'on met le fervice , & tous les Convives
arrivez , on fe place à Table. Le Maître
ayant apperceu que les Sucriers & les Poivrieres
n'étoient que de fayance , s'emporta
fort contre l'Ordonnateur de fon Repas.
Qu'est- ce que cela fignifie ? Il me femble
que mon Buffet doit être affez bien garni ,
pour que l'on me ferve tout en vaiffelle
d'argent .. . . Eh vraiment , Monfieur
repliqua l'Officier , ce n'eft pas ma faute ;
mais plûtoft la vôtre. Comment la mienne ?
...Eh oui : Monfieur , & que diable voulez-
vous faire des Navettes & Encenſoirs
que vous avez acheté , à moins que vous
n'ayez pris ces derniers pour des Sucriers
D'OCTOBRE. 203
& des Poivrieres ? Qui fut le fot ? Le Maître.
Qui rit beaucoup la Compagnie.
Un Exlaquais , car tout s'en mêle , actionne
fi heureufement , qu'il eft en état
d'acheter le Caroffe du Maître qu'il venoit
de quitter .
Les 2. ou 3. premiers jours furent employés
ployés à courir les rues pour le plaifir de
la nouveauté. Il fe fait conduire enfin
dans la rue Quinquempoix , & ordonne à
fes gens & à fon Cocher de l'attendre
dans la rue de Bour- l'Abbé. Les laquais
entrent dans un cabaret : Pour lui , aprés
avoir acheté ou vendu quelques actions ,
il fe met en chemin pour regagner fon
équipage. La pluye furvenant , il court
comme un bafque ; & oubliant dans l'inf
tant qu'il étoit leMaître du Car. , il monte
par habitude derriere. Son Cocher s'en
étant apperçu, lui criasch , M. à quoi pen
fes vous ? Ne vois tu pas , Maraut , reprit,
le Maître , en defcendant, que je ne l'ai fait
que pour voir par moi-même , combien
ily peut tenir à peu prés de laquais , car
il m'en faut encore au moins deux ?
Un cocher avoit épousé une femme de
chambre fort jolie , qui par vertu s'étoit
fait blanchiffeufe : elle avoit fçû fi bien
mettre à profit fes talens , qu'à force de
travailler , elle avoit engagé , à l'infçu de
fon mari , un Agent de change à lui faire
ayoir des premieres foumiffions , moyen204
LE MERCURE
nant quelque argent qui fut converti pour
lors en billets d'Etat. Ce fond ayant produit
100. mille écus cette femme ne
put taire fa fortune à fon mari . Cet homme
tranfporté de joye , court chés fon
Maître pour lui demander fon congé,
Comme il entroit , un ami du Maître lui
dit , mon pauvre la Tulipe , fais-moi le
plaifir de me chercher un bon cocher... ah
Monfieur , répondit la Tulipe ; je fuis
dans le même embarras que vous , car je
penfe actuellement à en chercher un pour
moi, tel que vous me le demandés; & charité
bien ordonnée commence par foy- même.
Apprenés que je fuis prefentement auffi
gros Monfieur que vous Charlotte ma
femme a gagné plus de 100. mille écus
au Mifilipi je n'en puis douter ; je les
al vu & je venois tout hors d'haleine
prier mon Maître de fe pourvoir ailleurs, "
Je vais lui annoncer cette nouvelle ; adieu
Monfieur.
La Province n'ajoute pas foy ailement
à tout ce qui s'y écrit , & s'y debite , des
4fortunes qui le font journellement à Paris.
Un Parifien écrivit à un de les amis retiré
en Gafcogne , que M. fon frere avoit
gagné des fommes immenfes ... à d'autres
recrivit le Provincial ; quand je le
verrai , je le croirai ; &c. Cet ami êtant.
allé voir le frere de cet incredule , lui
montra la lettre qu'il en avoit reçu : Oh
D'OCTOBRE.
205
parbleu , dit le frere actionnaire , j'ai un
moyen fûr pour le detromper ; je lui enyerrai
par le premier ordinaire 2. ou 3.1
millions en billets de Banque , dont je
ne fcai que faire : & nous verrons qui des
deux a tort ou raiſon I le fit , com-t
me il l'avoit promis , encore a- t'il eu bien
de la peine à faire revenir fon frere de fon
prejugé & on fcait que celui- ci n'a cru la
chofe réelle , quaprés avoir acheté de ce
papier , deux ou trois grandes Seigneuries
qui environnoient une petite Terre dans
faquelle il vivoit.
PROPHETIE DE NOSTRADAMUS
Centurie 14. quatrain60.
2 4.105 50
Par cinquante a cinq cinq lauge fera
profpere
Depuis Paroiffe cinq jufqu'au Pays
lointain .
Commençant Peuple & Roy fans crain
dre la mifere ,
Se payeront l'un & l'autre, & ne devront
plus rien, ne
i- Lin
2 A
3 V
4
V
206 LE MERCURE
5. Gaule
6. Quinquempoix du met latin , quinque
Parrochia.
7 La Louifiane,
La rue Quinquempoix eft de cinq Pa
roiffes.
S. Nicolas des Champs.
S. Leu S. Gilles .
S. Mery .
S. Jacques de la Boucherie.
$. Joffe.
Par Law la France fera profpere depuis
Quinquempoix jufqu'à la Loufianne , ou
Mififfipi , commençant Peuple & Roy;
fans craindre la mifere , fe payeront l'un
& l'autre , & ne devront plus rien .
Enfant cru mort,qui avecu jusqu'à 100. ans .
'André de Bayon , Chanoine Religulier ,
natif de Toul , & ci-devant Prieur Curé
de Boulaincour dans le Comté de Vaudémont
, y eft mort âgé de prés de 100. ans .
Cette longue vie n'eft dûë qu'à la tendreffe
d'une foeur qui la lui fauya de cette
maniere ... Comme on le portoit en
terre, envelopé feulement d'un linge , parce
qu'on l'avoit cru mort à l'âge de 6. mois ,
cette foeur voulut donner le dernier baifer
à cet enfant , avant qu'on le mît dáns :
la foffe. A l'application du baiſer , l'enfant
foûrit à la four. On cria miracle ;
ou
D'OCTOBRE.
(207
on le raporta chèz la mere , où il a continué
depuis à fe bien porter , ayant atteint
un âge fi avancé , fans avoir été jamais
malade ni incommodé .
M
MO'RT S.
Effire Pierre Antoine de Benoist
de S. Port , Avocat General du
Grand Confeil , mourut le 7. Septembre.
Dame Claude de Monceaux , veuve de
Meffire Jean- François Marquis de Bonneval
, mourut le 4. Septembre.
xx
Meffire Louis- Alexandre Croifet
Marquis d'Eftiau , Confeiller au Parlement
, & Commiffaire aux Requeftes du
Palais , mourut le 9 Septembre Il étoit
fils de M. Croiſet , Confeiller d'honneur
an Parlement , & cy- devant Prefident és
Enqueftes.
Meffire Jean- Baptifte Prouft , Seigneur
de Houilles , du Martrait , & c. Lieuterant
particulier du Châtelet , & Garde
des Sceaux de la Chancellerie de Meiz ,
mourut le 11. Septembre..
Meffire François- Leon de Fonlebon ,
Comte de Vitrac , mourut le 11. Sop
tembre.
Le 12. Septembre 1719. mourut à Pa-
S
208 LE MERCURE
ris , Dame Marie- Therefe de Berry d'El
ferreaux , épouse de Meffire Auguſtin-
Jean- Baptifte Choppin , Chevalier Seigneur
de Chaffoy. & de Beauvais , Confeiller
du Roi en fes Confeils , Chevalier
& Capitaine du Guer tant à cheval
qu'à pied , de la Ville & Fauxbourgs de
Paris. M. René Choppin fameux Jurifconfulte
, dont la memoire fera immortelle
parmi les Sçavans , étoit fon Bifayeul .
La Famille de Berry d'Efferreaux eft originaire
du Pays d'Artois , des plus anciennes
& des plus illuftres.
Meffire Briand Marion , Prêtre Docteur
en Theologie de la Maifon & Societé
Royale de Navarre , & Profeffeur émerite
de Theologie en ladite Maifon , mourut
le 21. Septembre.
Meffire Pierre Grüin de la Celle , Confeiller
au Grand Confeil , mourut le... +
Dame Genevieve le Fevre d'Eaubonne ,
époufe de Meffire Maximilian- LouisTiton
de Villegenou , Seigneur de Chasteauneuf,
S. Gervais , la Tourette , &c. Inspecteur
General des Fabriques & du Magafin
Royal des Armes , mourut le ... Sept.
Madame la Comteffe de Murcé , mourut
le 26. Septembre.
..
Meffire Armand François de Querhoent
-de Goëtanfao Evêque d'Avranche ,
mourut le 2. Octobre âgé de 56 : ans. 1
Dame Claude- Françoife Boucot, époufe
D'OCTOBRE. 209
I
de Meffire Nicolas - Jerome de Paris , Seignet
de Brancourt , Confeiller au Parlement
, mourut le 3. Octobre , âgée de
19. ans.
Meffire Guillaume Robert , Seigneur
de Spteuille , &c. Confeiller honoraire.
du Parlement ,
1
#
& cy devant Prefident
de la Chambre des Comptes , mourut le
5. Octobre. 2
,
Germain Guyer , Sieur des Miniers
Chevalier des Ordres de S. Louis & de
S. Lazare , & Ayde de Camp des Armées
du Roi , mourut le 7. Octobre.
7 Meffire Charles- Louis Bretagne , Duc de
la Tremoille , Pair de France , &c. premier
Gentilhomme de la Chambre du Roi ,
mourut le 9. Octobre âgé de 37. ans ,
Dáme Elizabeth- Louife Ballard , veuve
de Meffire Louis de Lapára , Lieutenant
General des Armées du Roi , & Gouverneur
de Mont-Dauphin , mourut le .
Octobre.
Meffire Philippe de Madaillan , Marquis
d'Efparre , mourut le 11. Octobre âge de
89. ans.
Dame N. de Verthamon , fille unique
de Mellfire François de Verthamont , Marquis
de Breau , premier Prefident du Grand
Confeil , qui avoit épousé le 8 , Janvier
1716. Meflire François Baltafar de Pardaillan
de Gondrin , Marquis de Bellegarde
, &c. mourut le 13. Octobre à
Bellegarde.
Sij
210 LE MERCURE
Meffire Bernard Renau , Lieutenant
General des Armées du Roi , Grand-
Croix de l'Ordre Militaire de S. Louis ,
& Confeiller au Confeil de Marine, mourut
le ...de ce mois à Pougues.
M.le Marquis de Cruffol , Colonel du
Regiment de Bearn , mourut ces jours
paffez.
M. le Marqnis de Plemarés de Courcy ,
Sous-Lieutenant des Gendarmes d'Anjou,
mourut en cette Ville le zo. de ce mois.
S. M. a accordé à M. le Marquis de
Valfemé , le Guidon des Gendarmes Flamans
du Roi , vacant par fa mort.
M. l'Abbé d'Eftrades, fils du Comte de
ce nom ,qui a été tué dans la derniere campagne
d'Hongrie , eft mort depuis peu .
M. de Montmor , ce ebre Mathematicien
& de l'Academie des Sciences , eft
mort le Octobre .
›
Meffire Jacques de Bethune , Seigneur
Ecoffois êtant tombé malade à Reims
d'une maladie de langueur , M. l'Archevêque
de Reims lui fit plufieurs vifites
pour tâcher de le convertir . Il l'inftruifit
durant plus d'un mois des principes de la
Religion Catholique , Apoftolique , &
Romaine , & reçût lui - même fon abjuration
, fuivant l'Acte qui en fut dreffé le
Octobre dernier. La maladie augmentant
, M. de Bethune fit une Confellion
generale au Penitencier de l'Eglife
D'OCTOBRE. 218
de Reims. On n'eut pas le tems de lui porter
le Saint Viatique ; mais on lui adıniniftra
l'Extrême- Onction , & il mourut let
18. dudit mois d'Octobre avec des fentimens
d'une veritable converfion.
Le Pere le Fevre de Caumartin , Chanoine
Regulier de la Congregation de
France , & Prieur de Lonjumeau , eft
mort.
Meffire N. de Montmorin , Evêque
de Grenoble , eft mort à Fontainebleau le
Octobre .
Dame Elifabeth de Monchy , Religieufe
de l'Abbaye de Berthaucourt , Ordre de
Saint Benoit , Diocefe d'Amiens , a été
nommée au mois de Septembre 1719. Abbeffe
de ladite Abbaye , vacante par le décés
de Dame de Monchy fa Tante. Ladite
Dame Elifabeth de Monchy eft fille de feu
Meffire George de Monchy , Seigneur de
Talmas , & de Dame Louiſe de Chiftelles.
La Maiſon de Monchy eft une des plus anciennes
de Picardie ; & celle de Chiftelles
eft une des plus anciennes & des mieux alliées
d'Artois & de Flandre. Meffire George
de Monchy étoit frere cadet de Meffire
François de Monchy Baron de Vilmes ,
qui a laiffe plufieurs enfans : Sçavoir , le
Marquis de Monchy Sénéchal d'Abbeville
& du Ponthieu , le Marquis de Senorpont
, la Dame Abbeffe d'Avênes, prés
d'Arras , & autres. Ledit fieur George de
3212. LE
MERCURE
!
Monchy a auffi laiffé plufieurs autres en-
-fans freres de la nouvelle Abbelle de Bertaucourt.
Cette Famille porte pour Arnies
trois maillets comme celle de Mailly &
la Maifon d'Hocquincourt eft auffi uhe
Branche de celle de Monchy. Voyez Morery
au cinquiénie Tome , page 261 .
où il dit , que le Siear George de
Monchy pere de l ' Abbeffe , a épousé en
fecondes nôce , Danie Marguerite de Saint
"Lo qui eft encore vivante. Le fieur Abbé
de Monchy , Prevoft de la Collegiale de
Saint Pierre d'Aire, eft auffi fiere de la nouvelle
Abbeffe de Bertaucourt.
L
Nous avons parlé dans un de nos Mercures
d'un Chariot à aifles , qui va par le
vent , contre le vent-même ; c'eft à - dire ,
dont la route eft directement oppolée au
cours du vent , inventé par M. du Guet
en 1713. qui a fait en même tems une application
ingenieufe du même principe pour
des Charuës , dont il a fait un modele , pour
lefq . Machines il lui a été accordé un Priv .
exclufif: Nous nous croyons obligez d'en avertir
le Public, afin qu'on puiffe juger quel
eft le premier Auteur de cette penfée.
On vend chez le fieur N. de Fer ,
Geographe de S. M. C. une nouvelle CarD'OCTOBRE.
213
·
te du cours du Miffiffipi , aux environs duquel
fe trouve le Païs appellé la Loüifiane ,
&c. On trouve cette Carte chez l'Auteur
--Ifle du Palais , à la Sphere Royale.
La Carte du Royaume d'Arragon, dref
fee fur plufieurs Cartes manufcrites & imprimées
, le tout affujetti à.des obfervations
aftronomiques , vient de paroître.
Le Public en a l'obligation au fieur Bourguignon
d'Anville Geographe du Roy.
-Elle est dédiée au Regent de France . On
n'a encore rien donné fur ce Royaume de fi
parfait , ni de fi exact. Cette Carte eft
parfaitement bien gravée. Nous pourons
en rendre compte plusau long dans quelque
tems.
རྩ་
AP PROBATION.
J
Ay
Ju par l'ordre de Monseigneur le
Garde des Sceaux le Mercure d'Octobre
Fait à Paris ce 3. Novembre 1719.
BLANCHARD
TABLE.
Hiftoire de la Guerre & de la levée
des Troupes , pour les Armés de
Terre & de Mer, depuis le commencement
de la Monarchie jusqu'à preſent.
Memoire pour Madame de .... accusée d'adulter:
& d'avoir fait apparoître des
Efprits , contre M. de....
Eau de Mer renduë potable.
~ 37-
67
Extrait d'une Lettre écrite par J, le Pol,
& Poëfies.
Eits , &c.
Livres.
Avanture nouvelle.
- Nouvelles Etrangeres.
72
80
88
ΙΟΙ
112
Prife du Fort de Pensacola fur les Efpagnols
parles Fran ois . 163
Epitaphe de Madame de Bellegarde. 167
Enigmes
Branle & Bergeries.
Journal de Paris.
168
171 174
175
Prife de poffeffion du Grand Prieuré de
France , par M. le Chevalier d'Orleans.
Sige & prife du Château d'Urgel.
Faits fugitifs.
176
187
199
207 Morts.
Fante notable glißée dans le mois
de Septembre.
Page 14. lig . 6. Tout cet article eft
faux , à l'exception du logement , & de la
dem ffion pure & fimple du Grand Prieuré
de France , faite par M. de Vendo me
faveur de Monfieur le Chevalier
en
d'Orleans.
LE
NOUVEAU
MERCURE
Novembre 1719.
Le prix eft de vingt fols.
A PARIS.
Chez GUILLAUME CAVELIER , au Palais.
La Veuve de PIERRE RIBOU, Quay des
Auguftins , à l'Image S. Louis.
Et GUILLAUME CAVELIER , Fils , ruë
S. Jacques , à la Fleur -de- Lys d'Or.
M DCC. XIX.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
FUBLIC LIBRA
AVIS
.
000116
ASTOR ,
TILDEN
2205
N prie ceux qui adrefferont
des Paquets ou
Lettres à l'Auteur du Mercud'en
affranchir le port ,
ils resteront au rere
fans quoy
but.
L'Adreffe de l'Auteur , eft .
A Monfieur Bu CHET ,
S. Germain l'Auxerrois.
Cloître
On donne avis , qu'on trouve
chez les Libraires ci- deffus
nommez , tous les Mercures
de l'année 1718 , de même que
l'Abregé de la Vie du CZAR .
De l'Imprimerie de C. L. THIBOUST ,
Place de Cambray.
LE
NOUVEAU
MERCURE
1
HISTOIRE
Des Filles de la Maifon de France & au
tres Princeffes , qui ont été données en mariage
à des Princes Heretiques on Payens .
T
OUS les Hiftoriens conviennent
que les anciens Bourguignons
, qui occuperent fur les
Romains la partie des Gaules ,
appellée Bourgogne de leur nom ,
étoient infectez de l'herefie Arienne : néantmoins
, Gondiochus leur Roy , que Gregoire
a de Tours nomme Gandivichus ; &
a Tom . 1. hift. Franc. p. 285. 698. & 718 .
Novembre 17 : 9. A ij
4 LE MERCURE
?
quelques autres Gundeveus , époufa une
Princeffe Catholique & Ortodoxe nommée
Caretene , comme on l'aprend de fòn
Epitaphe que Pon voit dans l'hiftoire de la
Ville de Lyon , où elle fonda une magnifique
Eglife à l'honneur de faint Michel.
Elle eut de fon Epoux quatre Princes, Gordebaud
, Godegifele , Chilperic , & Godemar
, qui , aprés la mort de leur pere , partagerent
entr'eux le Royaume de Bourgogne.
Mais Gondebaud , qui étoit l'aîné ,
fit mourir Chilperic fon frere avec deux
fils qu'il avoit , précipita la Princeffe leur
mere dans le Rhône avec une pierre au col ,
& condamna fes deux filles à un exil
tuel.
:
perpe
L'Aînée , appellée par quelques - uns
Chrone ou Mucirone , par d'autres Sedetenbe
, prit le voile de Religieufe , & fe
retira en la Ville de Geneve la feconde ,
Chrotilde ou Clotilde , fuivit fa foeur en
habit de feculiere ; Mais quelques Auteurs
difent qu'elle fut retenue à la Cour du
Roi Gondebaud fon oncle.
a La Reine Caretene leur ayeule , participa
au gouvernement des affaires & de l'Etat
de Bourgogne , pendant que le Roi .
Gondiochus fon mari vécut. Elle prit un
a Inftruction de la Reine Caretene à fes enfans
& neveux pour les convertir de la fecte Arienne
la Religion Catholique.
DE NOVEMBRE. $
foin très particulier d'inftruire fes enfans ;
elle les follicitoit continuellement d'embraffer
la vraie creance de l'Eglife : Elle y
profit tellement, que fi quelques - uns d'eux
perfifterent encore quelque temps dans l'Arianifme
, il y en eut néantmoins qui fe
convertirent à la foy Catholique , & entr'autres
Chrotilde fils de fon fils Chilpe-
Fic.
La méme Caretene furvecut longtemps
à fon Epoux. Il femble même par les termes
de fon Epitaphe , qu'elle le fit Religieufe
fur les dernieres années de fa vie.
Elle mourut âgée de plus de cinquante ans,
le dix- huitième jour de Septembre , l'année
que Meffala fut Conful , ce qui revient à
l'an fo6. de Jeſus- Chriſt , & fut inhumée
en l'Eglife de faint Michel de Lyon , qu'elle
avoit fait conftruire.
a La Princeffe Chrotilde , fille de Chilperic
, niece de Gondebaud , & petite- fille
de Gondiochus , Rois de Bourgogne` , Ar-
Fiens , fut inſtruite à la foy Catholique par
la Reine Caretene fon ayeule , ainſi qu'il a
été remarqué cy- deffus. Clovis , Roi des
François , êtant encore payen & idolatre ,
ne laiffa pas de la demander , & de l'obtenir
pour Epoufe. Aurelien fon Confeiller &
fon Ambaffadeur , en fit la demande , 1º. à
Tom. 1. Hift. Franc. p. 285. 699. 728 .
A iij
6 LE MERCURE
Clotilde même ; & fi d'abord elle jugea
cette propofition difficile , difant qu'il n'étoit
pas licite à une Chrétienne d'époufer
un Payen , neantmoins elle s'y. refolut , &
elle en remit tout le fuccez à la volonté du
Dieu qu'elle adoroit .
Clovis informé par Aurelien des fentimens
de Clotilde , le renvoya l'année d'aprés
vers le Roi Gondebaud , oncle de cette
Princeffe, pour la lui demander en mariage.
Gondebaud n'ofa pas la lui refufer: ainfi , elle
fut conduite au Roy a Clovis qui l'époufa
dans la Ville de Soiffons ; & Dieu benit tellement
leur union ', qu'elle caufa la converfion
à la foy chrétienne & catholique , nom
feulement de Clovis & de fes fucceffeurs ,
Rois de France ; mais même de toute la
nation françoife : Et par là , ce que faint
Paul a ecrit en termes generaux , falvabitur
vir infidelis per mulierem fi.ielem , s'eſt trouvé
particulierement accompli dans la perfonne
de cette grande Reine.
,
Le Roi Clovis avoit deux foeurs , dont
l'aînée dite Alboflede , vulgairement
Blanchefleur, fut bâtifée avec lui ; elle mou
rut incontinent aprés : L'autre appellée Lantilde
ou Landechilde , étoit tombée dans
l'herefie des Ariens , fi on en croit Gregoire
a Clovis converti à la Foi Chrétienne par le
moyen de Clotilde fon épouse.
DE NOVEMBRE. 7
de Tours a" ; mais elle fe convertit alors à
la foi Catholique : & confeffant le Fils &
le Saint- Efprit égaux au Pere , elle reçût
auffi le faint Chrefme , dont les Ariens rejettoient
l'ufage. D'autres écrivent ſeulement
, qu'elle fut bâtifée avec fa foeur Alboflede
: Quoi qu'il en foit , elle profeffa ,
comme elle , la religion chrétienne & ortodoxe.
Néantmoins , Theodoric , Roi des Gots
en Italie , qui étoit Arrien , ayant demandé
la Princeffe Lantilde b au Roi Clovis fon
frere , ne fit aucune difficulté de la lui donner
en mariage : Ainfi , elle fut la feconde
femme de ce Prince , & elle cut de lui une
fille dont l'hiſtoire ne declare point le nom .
Mais , Gregoire de Tours cenfeigne que
l'ayant inftruite de l'Arianifme auquel elle
étoit retombée depuis fon mariage , la mere
& la fille perirent malheureufement : Car ,
la fille indignée de ce que la Reine Lantilde
fa mere avoit fait tuer Trannilanes qu'elle
avoit époufé contre fon confentement , elle
l'empoifonna elle- même dans la Communion
du Calice ; & Theodat , appellé enfaite
à la Couronne d'Italie pour venger ce
a Tom. 1. hift . Franç . p . 287. 702. 807 ;
808.
b Mariage de Lantilde foeur de Clovis avec
Theodoric Roi d'Italie , Arrien.
c Pag. 304.
A iiij
LE MERCURE
parricide , fit mettre la fille dans un bain
d'eau chaude , où elle fut forcée de rendre
miferablement l'efprit .
Clotilde , vulgairement appellée Clote,
fille du même Roi Clovis , fut auffi mariée
avec un Prince Arrien. Amauri , Roi des
Vifigots d'Efpagne , fils du Roi Alaric , recherchant
l'alliance des Rois de France, demanda
la Princeffe leur foeur en mariage.
Ils la lui donnerent fort volontiers , quoiqu'il
fuivît l'opinion des Arriens . Mais , à
peine fut- elle arrivée en Efpagne , qu'Amauri
commença à la maltraiter à caufe de
la religion Catholique qu'elle profeffoit . Il
ordonna qu'on jettât des faletez & des puanteurs
fur elle , lorfqu'elle pafferoit pour aller
à l'Eglife. Cette Princeffe fouffrit ces outrages
avec beaucoup de conftance & de
vertu , jufqu'à ce qu'Amauri enfin , l'ayant
battue cruellement , elle envoya un linge
plein de fang au Roi Childebert fon frere ,
pour l'avertir des mauvais traitemens qu'el
le recevoit.
Ce Prince en conçût une telle indignation
, qu'il paffa exprés avec une puiffante
armée en Espagne , pour prendre vengeance
de tant d'outrages : Et aprés avoir mis
a Tom . 1. hift. Franc . p . 233. 294. 297.
Clotilde Fille de Clovis , mariée avec Amauri
Roi d'Espagne , Arrien.
DE NOVEMBRE.
à mort le Roi Amauri , Childebert ramenna
la Reine Clotilde fa foeur ; mais elle deceda
en chemin. Son corps fut apporté
dans l'Eglife de fainte Genevieve de Paris ,
où elle eft reverée comme Sainte .
a Theodebert, Roi d'Auftrafie , qui étoit
fils de Thieri , fils aîné de Clovis , eut entr'autres
enfans , une fille qu'Aventin nomme
Ragentrude : Elle époufa Teudon , Duc
de Baviere , qui pour lors étoit idolâtre.
Mais elle s'employa avec tant de zele à lui
faire embraffer la religion chrétienne , que
non feulement il fut le premier des Ducs de
ce Pays qui embraffa le chriftianifme , &
même que toute la Baviere fe convertit à
fon exemple.
b Du Roi Charibert , fils de Clotaire I.
& de la Reine Ingoberge fon épouſe , naquit
une autre fille , comme a remarqué
Gregoire de Tours c qui n'en dit pas le
nom : Mais , le Venerable Bede la nomme.
Berthe au Livre I. de fon hiftoire d'Angleterre
, chap . 25. Quelques autres l'appel
lent Agilberge. Cette Princeffe fut mariée
avec Edelbert Roi de Kent en Angleterre ,
a Ragentrude , Princeffe Françoife , Catholi
que , mariée à Teudon, Duc de Baviere , Payen.
Avent . Annal. Bojor.
Mariage de Berthe , Princeffe de France
avec Edelbert Roi d'Angleterre , Payen .
c Tom. 1. hift. Franc . p. 316. 4240
10 LE MERCURE
•
qui faifoit profeffion du Paganifine , à condition
qu'il la laifferoit vivre libre en l'exercice
de la religion chrétienne ; & on lui
donna un Evêque appellé Luitard , pour lui
adminiftrer les Sacremens , & pour refter
auprés d'elle.
Edilbertus ( dit Bede ) uxorem habebat
chriftianam de gente Francorum Regiâ , nomine
Bertham , quam eâ conditione à parentibus
acceperat , ut ritum fidei ac religionis
fuæ cum Epifcopo , quem ei adjutorem fidei
dederant , nomine Luidhardo inviolatam
fervare , licentiam haberet.
Cette alliance produifit bientôt les mêmes
avantages à la religion chrétienne en
Angleterre, que celle de Clotilde avec Clovis
, en avoit produit au Royaume de France.
Los bons exemples de Berthe , & les
fçavantes prédications d'un faint Prêtre que
le Pape Gregoire le Grand y avoit envoyé ,
engagerent le Roi Edelbert à embraffer le
chriftianifme , & les fujets fuivirent ſon
exemple.
Le mariage d'Ingonde & de Clodofinde,
filles de Sigibert I. Roi d'Auftrafie , & de
la Reine Brunehaut , ne furent pas moins
avantageux à la religion .
Ingonde époula Hermenigilde , fils
a Ingonde , fille du Roi Sigibert , mariée avec
Hermenigilde , Prince d'Espagne , Arrien.
DE NOVEMBRE. 11
aîné de Leunigilde Roi des Gots d'Efpagne
, qui étoient encore Arriens . La a Reine
Gaufuinte , belle-mere d'Ingonde , la
voulant contraindre d'embraffer l'Arrianifme
, lui fit pluſieurs fortes d'indignitez &
d'outrages ; mais la Princeffe les fupporta
avec beaucoup de conftance ; & enfin par
fes remontrances , & par fa vie exemplaire ,
elle convertit même à la religion Catholique
le Prince Hermenigilde fon époux, qui
en recevant le faint Chrefme , changea fon
nom en celui de Jean. Le Roi Leunigilde
en fut tellement irrité contre lui , qu'aprés '
l'avoir perfecuté quelque temps , il le prit
un jour au fortir d'une Eglife où il s'étoit
refugié , & lui fit inhumainement couper
la tête.
Quant à Ingonde , fa veuve , quelques-
uns difent que cherchant à fe retirer
en France avec fon fils , elle tomba entre les
mains d'une Compagnie de Grecs , qui l'emmenerent
en Sicile, où elle acheva fes jours.
D'autres écrivent qu'aprés la mort de fon
mari , elle fut donnée aux Grecs en ôtage ,
& qu'elle deceda en Afrique , comme on la
conduifoit à Conftantinople. Quoi qu'il en
foit , Gontran , Roi d'Orleans , fon oncle ,
& Childebert , Roi d'Auftrafie , frere d'Ingonde
, conçûrent de cette mort une fi
a Tom. 1. hift. Franc. p . 345. 423 , 424.
*2 LE MERCURE
grande haine contre Recarede , frere d'Her
menigilde , qu'ils ne voulurent jamais rece
voir les excuſes , ni lui accorder en mariage
Clodofinde , foeur d'Ingonde , qu'il recherchoit
, qu'il n'eût renoncé lui-même à l'herefie
Arrienne , & qu'il ne fe fùt auffi converti
à la religion Catholique. Ce fut le
fecond fruit de l'alliance de cette Princeffe,
& dont l'odeur fe conferva long- temps
aprés dans la maifon Royale d'Efpagne .
Tous ces exemples fe trouvent dans l'hiftoire
de la premiere Branche de nos Rois . Il
y en a auffi quelques-uns dans la feconde.
Gifele , fille de Lothaire , Roi de Lorrai
ne , qui étoit petit - fils de Louis le Debonmaire
, Empereur & Roi de France , fut mariée
avec Godefroi , Roi des Danois , qui
étoit idolâtre . On lui donna pour dot la
Province de Frife ; mais la premiere condition
du Traité de ce mariage , fut qu'il fe
feroit chrétien : En effet , il fut bâtisé avant
la celebration des Nôces , ainsi que l'a ramarqué
Reginon en fa chronique , fous l'année
883.
Une autre Gifele , fille du Roy Charles
le Simple , & de la Reine Erderune fa premiere
femme , fut donnée pour époule à
Rollon , Duc des Normans , qui étoit idolâtre
; mais avant que le mariage s'accomplît
, non feulement Rollon , mais ceux de
fa fuite , fe firent auffi bâtiſer , & obtinrent
DE NOVEMBRE.
pour demeure , une partie de la Neuftrie
qui de leur nom a été depuis appellée Norinandie.
Enfin , il y eut une troifiéme Gifele de
Baviere , qui fut encore mariée avec Eftienne,
Roi de Hongrie , payen & infidele . Elle
étoit fille de Henri II. Duc de Baviere , &
de Gifele de Bourgogne , fille de Mahaut de
France , foeur du Roi Lothaire . Dieu favorifa
certe alliance de tant de benedictions ,
que non feulement le Roi Eftienne fe convertit
à la foy chrétienne avec tout fon peuple;
mais il vécut depuis fi faintement, qu'aprés
fa mort il a merité d'eftre mis au nombre
des Saints .
Gifila, dit Othon Evêque de Frifinghen,
Stephano Ungarorum Regi in uxorem data ,
tam ipfum quam totum ejus regnum ad fidem
vocavit, Hinc Stephanum Ungari hactenus
fidem chriftianam fervantes , velut principiumfidei
fuæ interfanctos colendum dignum
ducunt.
Eftienne eft confideré. par les Hongrois ,
comme l'Apôtre de leur nation , & encore
aujourd'hui ils donnent à leurs Rois le tître
de Majefté Apoftolique , les confiderant
comme fucceffeurs d'Eftienne.
Quant àla troifiéme Branche de nos Rois,
qui commença à Hugues Capet , l'on y remarque
pareillement des mariages de diverfes
Princeffes du Sang , contractés avec des
14
LE MERCURE
Princes & Seigneurs payens & infideles.
J'en raporterai feulement un ici , pour
fervir d'exemple , & terminer cette petite
Differtation .
Baudouin de Courtenai , Empereur de
Conftantinople , cherchant le moyen d'affoiblir
Waftachius Roi des Bulgares fon ennemi
, il n'en trouva point de plus sûr ,
que de s'allier avec le Souldan d'Icon , le
plus puiffant Prince de tous les Infideles ,
& qui étoit aufli ennemi de Waftachius . A
cet effet,il depêcha un Ambaffadeur à Icon,
qui le reçût fort honorablement ; & aprés
avoir apris de lui la cauſe de ſa venûë , il
renvoya à l'Empereur Baudouin un des
plus grands & des plus riches Admiraux de
fon pays , pour l'affùrer de fon amitié , &
pour contracter avec lui une ferme alliance.
Les conditions du Traité fe trouvent
dans une lettre que Baudouin écrivit à la
Reine Blanche , mere de faint Louis , l'an
1243 .
La principale fut , que pour ferrer davantage
le lien de leur amitié , l'Empereur
donneroit au Souldan une de les nieces en
mariage , à la charge , qu'elle , fes Chapelains
, fes Clercs , & toute fa famille , vivroient
dans la religion chrétienne & catholique
, & qu'ils recevroient tous les deyoirs
& honneurs qui doivent être rendus
à des Chrétiens , tant Ecclefiaftiques que
feculiers. Le
DE IS NOVEMBRE .
2
Le Souldan accorda d'autant plus volontiers
cette condition , que lui- même étoit
fils d'une Dame Grecque chrétienne , à qui
fon pere avoit auffi permis de vivre toute fa
vie dans fa religion , & que plufieurs autres
Seigneurs payens de fa contrée avoient
pour femmes des chrétiennes de Grece
d'Armenie & d'ailleurs. Il promit de plus ,
qu'en confideration de fa future épouſe ,
niece de Baudouin fon allié , non feulement
il feroit bâtir des Eglifes pour les
chrétiens dans toutes fes Villes , qui étoient
en très grand nombre , & qu'il affigneroit
des revenus fuffifans pour l'entretien des
Clercs, & des Ecclefiaftiques qui voudroient
fervir dans ces Eglifes ; mais auffi , qu'il feroit
que tous les Evêchez & Archevêchez
de fes Terres demeureroient fujets & obéiffans
au Patriarche de Conftantinople. Sur
cela , l'Empereur écrivit à la Reine Blanche
, qu'attendu les grandes utilités qui en
reviendroient à tout le Chriftianifme , il
lui plût d'exhorter & de porter Elifabeth de
Courtenai , Dame de Montaigu fa foeur , &
le Seigneur du lieu fon mari , à lui envoyer
une de fes filles, pour la marier avec le Souldan
d'Icon.L'Original de cette lettre, qui eft
fort belle , fe garde dans le Tréfor des Chartes
du Roi ; & j'en ai inferé une copie dans
le Cartulaire hiftorique de faint Louis .
16 LE MERCURE
AMEYAYAUQUQU DU DU QUOYAYAYAYny
EXTRAIT D'UNE D'UNE LETTRE
de M. le Comte de Saüillac , à Monfieur
l'Abbé de.... contenant quelques remarques
& des éclairciffemens , que l'on croit
qu'ilferoit neceffaire defaire pour l'hiftoire
de France.
UOIQUE ce qui a parû juſques icy fur
l'hiftoire de France , & les éditions.
que l'on a données de plufieurs Autheurs
qui traitent de chofes qui y ont rapport ,
donnent de grandes lumieres , ils faiffent
à defirer plufieurs éclairciffemens qui font
néceffaires , pour en avoir une connoiffance
exacte , & pour le former une idée jufte de
ce qui s'eft paffé , qui ne fe peut acquerir
que par un nombre de remarques , & par
des differtations faites avec precifion &
avec une critiquejudicieufe , qui établiffant
des principes fur des faits certains , donnera
les moyens de démefler encore beaucoup
mieux le vrai d'avec le faux : Pour cela
il faut purger les Autheurs de ce qui s'y
trouve de fabuleux ; les comparer les uns
avec les autres , pour connoiftre les contradictions
les plus évidentes, & en concilier
ce qui tend à en démontrer la verité. Il faut
examiner leur caractere , les motifs qui paroiffent
DE NOVEMBRE. 17
roiffent les avoir obligés d'écrire; la force de
leurs expreffions, & voir ce que les Auteurs
de nations differentes ont dit fur le même
fujet: Si les hiftoires particulieres y font conformes,
& fi les Titres , qui ont les marques
d'être authentiques , & qui fe font confervez
, s'y accordent ; faire , autant qu'il
fe. peut , connoiftre le caractere des principales
perfonnes dont il eft parlé, afin de voir
les motifs qui peuvent les avoir portés à fai
re ce que l'on trouve qui s'eft fait, & chercher
ce qui peut avoir fait des liaiſons que
l'on trouve qui fe font formées . Ce qui peut
donner une idée des moeurs , paroift neceffaire
, & l'on doit mettre dans un jour favorable
, tout ce qui peut porter aux bonnes
moeurs & à l'amour de la patrie , & infpirer
des fentimens convenables à la conftitution
de l'Etat & du Gouvernement , & faire
connoiftre quel en a été l'efprit felon les >
temps differens ; enfin rendre , le plus évident
qu'il fe pourra , tout ce qui peut
contribuer à reprefenter le temps dans lequel
les chofes fe font paffées , où il fauttranfporter
le Lecteur , c'est- à- dire , luy
donner une idée claire & diftincte des chofes
, & éviter que l'on ne s'y méprenne .
La connoiffance de ce qui regarde la
troifiéme Race , eft ce qui intereffe le plus
& dont on a le plus de befoin : mais , pours
18 LE MERCURE
fe conduire plus furement , & pouvoir
bien juger de ce qui en regarde les premiers
Rois , il faut rappeller des chofes qui regardent
des tems qui ont precedé .
Je croy que comme il s'agit de faire
l'histoire des Rois de France , il fera à propos
de faire voir que leur état , c'est -à- dire
celuy des François , a toûjours été Monarchique
, & que depuis qu'on trouve qu'il y
a eu des Rois des François , la Royauté
s'eft toûjours continuée ; pour cela , il faut
examiner comment il faut entendre ce que
Gregoire de Tours rapporte , qui donne
lieu de dire que ceux qui ont gouverné les
François , n'ont pas eû tous la qualité de
Roy , & qu'il y en a qui n'ont eu que la
qualité de Duc. Cela paroît meriter une
differtation , les Nations connuës fous le
nom de François , ayant eû une fois des
Roys , & leur coûtume étant de continuer
la Royauté dans la même Maifon. Ceux
que l'on trouve feulement comme Ducs ,
n'étant connus qu'à l'occafion des guerres ,
il fe peut qu'ils n'étoient que les Generaux
& les Commandans des Armées , en l'abfence
des Rois , qui par l'incapacité de l'âge
ou des infirmités , ou pour d'autres raiſons,
ne fe font point trouvés à la tête de la Nation
armée dans les occafions qui ont donné
fujet d'en parler. On voit que dans la revolution
qui arriva , par les avantages que
DE NOVEMBRE. 19
remporta Stilicon fur les François , ils eurent
des Rois ; & qu'après que ceux- cy furent
morts , ils en eurent de la même Maifon
que ceux qu'ils avoient eûs avant . Ce
qui fait voir que s'il y eut quelque chofe
d'alteré dans la fucceffion , il n'y en eut point
dans la forme du Gouvernement , & cela
peut s'accorder avec Gregoire de Tours.
Sur ce qu'il rapporte on verra ce qui regarde
l'interregne du temps de Charles Martel ,
& comme il faut l'entendre.
Il eft à propos de donner une idée de la
maniere dont les Rois ont gouverné juſques
à l'époque de la grande autorité des Maires
du Palais ; de voir ce qui pouvoit don
ner ce grand credit à des Seigneurs parmi
la Nation , dans un temps où perfonne n'avoit
jurifdiction que comme Officier du
Prince ; & que ce qui faifoit les rangs differens
dans l'ordre de la Nobleffe , ne venoit
que des charges qu'ils avoient par le bienfait
du Roy , & que la confideration ne venoit
que de la grandeur de l'origine , & de
la diftinction où les anceftres avoient été
parmi la Nation , & par les biens qu'ils
avoient en alloeux ; ce qui ne leur donnoit
point de jurifdiction . Mais comme le plus
fouvent , ceux qu'on envoyoit pour gou
verner les Provinces avec la qualité de
Comte & celle de Duc , étoient fils de
Meftre ; c'est-à- dire , que leurs peres l'a
Bij
20 LE MERCURE
voient ene dans d'autres Provinces , cela
leur pouvoit établir une confideration qui
fervoit à entraîner dans le party qu'ils embraffoient.
L'on voit que l'on a reproché ,
& même remarqué les Comtes qui n'étoient
pas nés d'une condition à être honorés de
cette qualité.
L'avenement de Pepin à la Couronne ,
eft une époque : mais il faut éclaircir auffi
ce qui regarde les Partis puiffans qui ſubſifterent
jufques vers la fin de fon regne , fur
tout ce qui fe paffa en Aquitaine du temps
de Waïfer.
La magnificence du regne de Charlemagne
engage que l'on s'y arrête , & à ce
qui regarde les Papes & l'Italie..
Depuis le partage des enfans de Louis le
Debonnaire , il faut avoir plus d'attention à
ce qui s'eftpaffé dans la partie de la Monarchie
Françoife que Charles le Chauve eut en
partage ; le commencement de la fucceffion
dans les Comtés , par un ufage qui fit de fi
grands progrès , qu'il n'étoit plus facile aux
derniers Rois de difpofer des Gouvernemens
des Provinces. Il faut reprefenter ce
qui a donné occafion à cela , afin de venir
à l'état où étoient à cet égard les choſes ,
Ravenement de Hugues Capet ; diftinguer
la difference des anciens Parlemens fous la
premiere & deuxième race ; des affemblées
des Barons, & des Etats generaux fous les
à
DE NOVEMBRE. 27
Rois de la troifiéme , & marquer les differences
qu'il y a ; diftinguer dequoy les premiers
Rois , defcendus de Hugues Capet ,
fe mêloient , comme Rois , du détail dans
lequel ils entroient dans le diſtrict de ce qui
étoit du Domaine de leur Maifon avant
qu'ils fuffent Rois. Les droits que les Seineurs
fe font apropriés, doivent le diftinguer
de ceux qui ne tirent leur origine que de la
proprieté qu'ils avoient des allaux.
Le changement arrivé dans l'autorité &
la puiffance de la Maifon regnante , depuis
Philippe Augufte ; les relations qu'ont les
affaires avec celles d'Angleterre , obligent
de repreſenter l'état où étoit l'Angleterre ,
les Albigeois : & les derniers Comtes de.
Touloufe engagent à voir ce qui s'eft paffé.
en Eſpagne de leur temps.
Enfin , étant parvenu à Philippe le Bel ,
on apperçoit aisément le rapport qu'il a
aujourd'huy à ce qui s'eft paffé dans les
Regnes derniers. On voit les finances , les
affaires avec la Cour de Rome , & des guerres
dans des pays où l'on en a prefque toûjours
eû. C'eft depuis ce temps- là qu'il faut
bien s'attacher à fuire le fil de ce qui s'eft
paffé ; les Regences après la mort des fils
de Philippe le Bel : ce qui fe paffa pour Philippe
de Valois ; combien cela fortifia la
confideration pour ceux de la Maifon Royale
; comme des particuliers commencerent
22 LE MERCURE
1
à pouvoir s'élever ; fuivre les progrès de la
fortune de quelques Maifons qui ont parû ,
& qui ont eû part aux affaires. Depuis ce
temps-là , on doit faire remarquer combien
il étoit difficile avant, de pouvoir s'élever, à
moins d'avoir des fucceffions .
Remarquer ce qui s'eft paffé depuis le
regne de Philippe Augufte , fur le fujet des
pariages des Terres , des Eglifes , où les
Rois ont été affociez : Remarquer à quoy
cela a fervi. Les guerres des Anglois doivent
être bien examinées , & ce qui arriva fous
Charles VI : la fucceffion des Ducs de Bourgogne
dans la Maifon d'Autriche , fait un
fyfteme de politique & d'interefts de la
Maifon de France & de celle d'Autriche .
Il eft neceffaire de reprefenter l'état où
étoit l'Italie dans le temps de Charles VIII
& de Loiris XII , qui ont commencé d'y
faire la guerre. Le Regne de François pre-
. mier a produit bien des chofes dans le
Royaume , & a donné origine à la grandeur
des particuliers , qui ont fait ce que l'on a
vû dans les Regnes fuivans . Il faut pour cela
voir les hiftoires des Manufcrits , même des
Titres. Il y a beaucoup de noms eftropicz ;
ainfi il faut corriger beaucoup de fautes d'ortographe
, & confulter pour cela des gens
des Provinces , & faire des remarques fur
ce qui peut y avoir rapport , en détaillant
plufieurs de ces articles ; le changement dans
DE NOVEMBRE. 23
lé Ceremonial, la multiplication des Titres,
eft une choſe qui merite quelque attention :
les ufages que l'on a pris des Etrangers , &
ce qui fait voir la maniere de vivre , n'eſt
pas à negliger : Un journal de chaque Roy
pour les lieux où ils ont demeuré , autant
qu'on peut le trouver, peut fervir beaucoup.
pour remarquer plus facilement les faux
Titres , par le vice qui peut fe trouver dans
la datte à l'égard du lieu où l'on dit qu'ils
font donnés.
Il feroit à propos de remarquer de quelle
maniere on paffoit à la condition de Noble
avant que les annobliffemens par lettres fuffent
en ufage , & de faire voir combien il
eft plus glorieux pour les Maifons qui ont
poffedé des Provinces , de defcendre de ceux
qui
s'en rendirent les maîtres fous les derniers
Rois iffus de Charlemagne , que de
venir de ceux qui ne font devenus Comtes
que par fucceffion ,
depuis que l'heredité
fut établie. En effet , l'on trouve que ceuxcy
ont été foumis aux premiers , qui ne tenoient
leur fortune que des Rois ; au lieu
que les autres la tenoient de ceux qui
F'avoient des Rois , par confequent nés dans
un état fubalterne dès leur origine . Par la
fuite les puifnés des defcendans des anciens
Comtes , après que l'heredité a été établie
dans les Comtés , ont été reduits à la qualité
de Vaffaux des defcendans de leurs
24 LE MERCURE
aînés , de leurs reprefentans , & même ar
riere- vaffaux , par les partages qui fe font
faits. On voit par là qu'il y a des Maiſons
qui ne paroiffent avoir jamais été que dans
un état infericur dès leur origine ; & d'autres
qui le font devenues ; ce qui fait une
difference dont on peut fe former une idée
pour ce qui regarde leur origine , par la difference
que. l'on fait aujourd'huy en Allemagne
, des Maifons immediates de l'Empire
, de celles qui font fujettes des Vaffaux
& Sujets de l'Empire.
Voilà des fujets fur lefquels je croy que
l'on doit faire des obfervations & des remarques
fur ce qui peut y avoir rapport.
Les fecours que des Gens de Lettres pourroient
fe donner reciproquement , & les
idées qui viendroient encore par la communication
de plufieurs pieces relatives au
fujet que l'on traiteroit , rectifieroient ce
qui fe trouve d'imparfait dans plufieurs endroits
de ce qui a parù , & feroit voir la
verité dans une évidence dont on pourroit
plus facilement profiter. Les ouvrages qui
vont paroître , & que le public attend avec
impatience , par la reputation & le merite
de ceux qui en font les auteurs , éclairciront
des faits par les details qu'ils rapportent
, qui font tres intereffans , & qui non
feulentent fatisferont la curiofité ; mais qui
feront très infructifs & très utiles ; puifqu'on
DE NOVEMBRE. 25
qu'on y verra les changemens arrivés dans
la poffeffion des Provinces de France avec la
maniere dont les François ont fait la guerre
dans tous les temps , & dont leurs armées
étoient formées : connoiffances avantageufes
pour le gouvernement & pour l'armée ,
& utiles à l'Etat . Il feroit à fouhaiter que
Pon entreprit à cet exemple des traités fur
d'autres fujets ; & que les bons ouvriers
qui ont commencé continuaffent , & que
ceux que l'on a propofé de faire travailler ,
executaffent un deffein dont l'idée marque
l'amour pour la verité & pour la patrie , &
auquel tous les honneftes gens doivent fe
faire un plaifir & un honneur de concourir.
On le doit à la verité à la gloire de la
Nation , & à l'utilité qui en peut revenir au
Public.
-Les fçavans Religieux , qui ont donné un
fi grand nombre de pieces , & dont on a tiré
tant de lumieres pour l'hiftoire , & pour la
connoiffance des murs & des ufages ,
continuant , comme ils font , donnent fujet
de croire que par les anciens titres qui font
dans les Abbayes de leur Ordre , on verra
dans leurs ouvrages des particularités qui
regardent les Maifons du Royaume , qui
enrichiront l'hiftoire des Provinces . Il feroit
à fouhaiter qu'un Autheur qui eft auffi
diftingué par fon merite , qu'il l'eft par fa
naiffance , dont l'érudition eft connue par
C
26
LE
MERCURE
plufieurs ouvrages , & qui poffede parfaitement
l'antiquité , voulut donner quelquesremarques
; perfonne n'eft plus capable
d'en faire le choix , & ne peut les traiter
plus noblement. On peut en juger par tout
ce que l'on a vu de luy. L'ouvrage qui indique
les fources où l'on pourra trouver ce
qui regarde la connoiffance de l'hiftoire de
France , fera d'un fi grand fecours , que
le
Public doit en être infiniment obligé à
P'Autheur ; Il le fera beaucoup à celuy qui
continue le deffein du Pere Anfelme Auguftin
Déchauffé , de donner l'hiftoire des
anciens Ducs , Comtes , Barons de France ,
fes additions aux grands Officiers de la
Couronne ; & toutes fes remarques apprendront
un grand nombre de particularités
qui feront connoître ceux qui ont poffedé
les Charges , & dont il eft parlé dans l'hiftoire
; il en reviendra une grande utilité &
une grande fatisfaction : il a un voifin qui
poffede une infinité de particularités qui regardent
l'hiſtoire de France ; le goût qu'il a
toûjours eu pour cette litterature , & fa
Charge , luy ont donné occafion d'acquerir
de grandes connoiffances de ce qui peut y
avoir rapport, qu'il joint à un merite qui le
rend très eftimable. L'Autheur de quelques
differtations qui ont paru , parmi lesquelles
il y en aune für P'origine des Rois de la troifiéme
Race , a de fi grandes lumieres fur
DE NOVEMBRE. 27
P'hiſtoire de France , que ce feroit un grand
bonheur le Public d'avoir de les oupour
vrages. Ce que Monfieur de Gagnieres &
M' . d'Hozier ont affemblé &donné auRoy,
peut fournir des connoiffances très utiles , de
même que ce que Mr Rouffeau a remarqué
de la Chambre des Comptes . Ceux quifont
defignés dans cette Lettre par des traits qui
les caratterifent , font M. l'Abbé de Longueruë
, M.ľ Abbé de Camps , le P. Daniel Jefuite
, les PP. Benedictins de la Congregation
de faint Maur , le P. Tournemine Jefuite ,
le P. le Long de l'Oratoire , le P. Ange Augustin
Déchauffé , M. de Clerambaud , M.
PAbbé des Thuleries.
L
Adéconverte des caufes generales d'un effet
excite plus la curiofité d'un Philofophe,
qu'elle ne la fatisfait. La connoiſſance qu'il
croit avoir acquife l'engage à obferver plus:
exactement cet effet , & il y remarque fouvent
des varietez qui l'obligent à de nouvelles recherches
; elles font même douter de la verité
de ce qu'il croyoit avoir trouvé. C'est ce qui
arriva à ceux qui connurent les premiers ,
que la pefanteur de l'eau étoit la caufe des
effets qu'on attribuoit à l'horreur du vuide.
Ayant obfervé avec exactitude les changemens
du Baromêtre , ils furent ſurpris de voir
que le vif-argent y étoit moins hau dans les
tempspluvieux, que lors que l'air étoit ferein.
Cij
28 LE MERCURE
Cette obfervation les embarraſſa ; car accoutumez
à juger de la pesanteur de l'air par
leurs fens , ils ne pouvoient croire qu'il fût
plus pefant lorfqu'il étoit moins fenfible . Cependant
comme leur découverte étoit prouvée
par une infinité d'experiences , ils ne purent
Je refoudre à l'abandonner. On s'appliqua
avecsoin à chercher ce qui pouvoit diminser
la pefanteur de l'air , lorfqu'il paroiffoit le
plus chargé de nuages , & toutes les recherches
fe terminerent à des conjectures fort incertaines
. Ily a quelques années que M. Leibnitz
propofa une explication nouvelle de ce
Phenomene : Elle parut fort ingenienſe aux
plus habiles Phyficiens ; mais M. Defaguilliers
de la focieté Royale de Londres , l'ayant
examinée avecfoin , crut en avoir découvert·
le foible. Ces objections ayant été vûës par
un Philofophe , il m'a communiqué fes reflexions.
Fefpere que le Public me fçauragréde
luy en faire part.
Des caufes qui peuvent diminuer lapesanteur
de l'air , lorsqu'il paroît le plus chargé
de nuages.
Ue l'air foit pefant , que par fa pefan-
QUEteur il foutienne le vif- argent dans le
Barometre , & que la hauteur du vif-argent
fuive les changemens qui arrivent à la pefanteur
de l'air ; qu'elle foit plus grande ,
lorfque Pair eft plus pefant ; qu'elle foir
DE NOVEMBRE. 29
moindre , lorfque fon poids eft diminué , ce
font des faits dont aucun Philofophe ne
doute Mais , pourquoi l'air eft- il moins
pelant lorfqu'il eft chargé de vapeurs , qui
font prêtes de produire une pluie abondante
, que lorfqu'il eft ferein ? c'eft un effet
dont la caufe ne paroît pas encore bien
connue .
Le celebre M. Leibnitz entreprit , il y a
quelques années , d'en donner la raifon :
voici quelles furent fes conjectures.
Lorfqu'un poids foutenu par un liquide ,
ceffe de l'être , & tombe par la force de fa
pefanteur , il preffe moins l'apui du liquide
, que lorsqu'il y étoit foutenu .
Pour le prouver il propofa cette experience.
Que l'on attache avec un fil deux corps,
dont la pefanteur fpecifique de l'un foit
moindre , & celle de l'autre plus grande que
la pefanteur fpecifique de l'eau: Que le poids
de ces deux corps unis enfemble , foit à peu
près égal à celui d'un pareil volume d'eau ;
fi on les met dans l'eau , ils s'y enfonceront
prefque entierement . Que l'on attache le
tuyau qui contient l'eau dans laquelle ils
font à l'un des bras d'une balance , & que
l'on charge l'autre bras de la balance d'un
poids qui faffe équilibre avec le tuyau , & ce
qu'il contient; filorfque l'équilibre fera parfait
, on coupe le fil qui unit ces deux corps,
Ciij
30 LE MERCURE
le liege , par exemple , & l'antimoine , le
lege montera , & fera moins enfoncé dans
l'eau qu'auparavant, & l'antimoine tombera
au fonds du vaiffeau. Pendant fa chute l'équilibre
ceffera , & le bras de la balance auquel
le tuyau eft attaché , s'élevera.
Cette experience a été confirmée par
Mellieurs Ramaffini Profeffeur à Padouë ,
& de Reaumur de l'Academie Royale des
Sciences .
Il en fait ainfi l'application à la queſtion
qu'il avoit entrepris de refoudre.
Lorsque l'air eft ferein , les vapeurs y font
foutenues ; lorfqu'il eft nebuleux & que la
pluie fe forme , elles defcendent ; elles doivent
donc moins preffer la furface de la terre
& le poids de l'air affoibli par leur chute, ſoûtenir
le vif-argent à une moindre hauteur.
M. Defaguilliers avoue que l'experience
de M. Leibnitz eft veritable; mais il prétend
que ce n'eft point , parce qu'un corps plongé
dans un liquide , agit moins fur le fonds.
d'un vaiffeau pendan: fa chute , que lorfqu'il
y eft foutenu : car , ajoute- t- il , fi on
tient une boule d'antimoine fufpenduë avec
un fil au milieu de l'eau contenue dans un
vaiffeau, que l'on mette ce vaiffeau en équi-
79.
Hiftoire de l'Academie , de 1711 page 4.
Experiences Phyfico Mathematiques , pag.
DE NOVEMBRE .
•
libre , comme dans l'experience de M. Leibnitz
, foit que l'on éleve la boule d'antimoi
ne , foit qu'on la laiffe defcendre plus bas ,
l'équilibre fubfiftera , jufqu'à ce qu'elle touche
le fonds du vaiffeau ; fi l'on coupe le fil,
l'antimoine tombera , & pendant la chute,
le bras de la balance auquel le tuyau eft attaché,
s'abbaiffera plutôt qu'il ne s'élevera .
Quant à l'experience de M. Leibnitz ,
voici la raifon qu'il en donne.
Lorfque le liege & l'antimoine étoient
attachés enſemble , ils formoient un tout
qui étoit de même pefanteur fpécifique que
Feau ; & ils y étoient tellement enfoncés
que leur furface fuperieure étoit de niveau
avec celle de l'eau. Lorfqu'on a coupé le fil
qui les uniffoit , le liege monte, & n'eft plus
enfoncé qu'en partie : l'eau devient donc
moins haute qu'auparavant . Or , les li
queurs pelent fuivant leur hauteur , lorfque
-la bafe eft la même ; le fonds du vaiffeau
fera donc moins preffé pendant la chute de
3
*
l'antimoine.
Quoique les fentimens de ces Autheurs
paroiffent oppofés , il me femble qu'il y a
du vrai dans l'un & dans l'autre , & que l'on
peut dire, qu'un corps plongé dans un liquide
, preffe moins , & ne preffe pas moins le
fonds du vaiffeau pendant fa chute, que lors
qu'il y eft foûtenu.
Il n'y en a que le quart.
Bij
132 LE MERCURE
Car , lorfqu'un corps plongé dans un liquide
, eft foutenu par une force qui n'agit
point fur le vaiffeau , & qui n'eſt point foùtenuë
par le liquide , il ne peſe pas meins
fur le fond du vaiffeau pendant fa chute ,
que lorfqu'il y eft foûtenu . Ainfi , quand je
tiens une boule d'antimoine fufpenduë avec
un fil au milieu de l'eau , fon action fur le
fond du vaiffeau est la même , & lorfque je
l'empêche de tomber , & lorfqu'elle tombe,
le fil étant coupé.
Mais , lorfqu'un corps eft foûtenu dans
un liquide par une force qui agit fur le liquide
, & qui en eft elle- même foûtenuë.
il agit plus fortement fur le fond du vaiffeau
, que lorfqu'il tombe .
Airfi , dans l'experience de M. Leibnitz ,
l'antimoine ne demeurant au milieu de l'eau,
que parce que le liege auquel il eft attaché ,
l'empêche de tomber , & le liege étant ſoûtenu
par l'eau, l'antimoine doit moins preffer
le fonds du vaiffeau pendant fa chute ,
que lorfqu'il ne pouvoit defcendre.
La preuve de ces deux propofitions dépend
de ce principe : lorfqu'un corps eft
plongé dans un liquide , dans l'eau par
exemple, il perd autant de fon poids , que
pefe un volume d'eau qui lui eſt égal ; il le
perd entierement , s'il eft de même pefanteur;
en partie feulement , s'il eft plus pefant
que ce volume d'eau. Lorfqu'on dit
DE NOVEMBRE. 33
qu'un corps entierement plongé dans l'eau,
perd autant de fon poids , que pefe ce volume
d'eau qui lui eft égal , on ne prétend pas
qu'il foit réellement moins pefant ; mais
que celui qui le foûtient , fans agir fur le
vaiffeau dans lequel eft l'eau , fent feulement
autant de pefanteur , que le poids de
ce corps furpaffe celui de ce volume d'eau.
On ne s'arrêtera point à prouver la ve
rité de ce principe : elle a été demontrée par
tous ceux qui ont traité des folides plongés
dans les liquides .
De ce principe il ſuit.
ro. Que lorfque je tiens une boule d'antimoine
fufpendue avec un fil au milieu de
l'eau , je ne dois fentir que l'excès du poids
de l'antimoine pardeffus celui d'un volume
d'eau qui lui eft égal. L'antimoine eft quatre
fois plus pefant que l'eau : Je ne fentirai
donc que la pefanteur de trois onces ,
s'il en pele quatre.
2°. Que la preffion de l'antimoine fur le
fonds du vaiffeau ne fera que d'une once ';
car , le fonds du vafe foûtenant l'eau , laquelle
outient l'antimoine , il ne doit agir
fur le fond du vaiffeau , qu'autant qu'il cft
foûtenu par l'eau ; fa preffion ne pouvant
être communiquée au fonds du vaiffeau que
par l'entremife de l'eau. Or l'eau ne feutient
qu'une once de fon poids.
3º. Si l'on coupe le fil avec lequel je le
34 LE MERCURE
foutenois ( l'antimoine ) il tombera ; & pendant
fa chute , il agira fur le fonds du vaiffeau
avec la même force qu'auparavant ; car
il n'agira fur le fonds du vaiffeau , qu'autant
que l'eau le foutient , & qu'elle refifte
à fa chute. Or , elle ne le foutient qu'avec
la force d'une once , puifqu'elle ne lui fait
perdre que cette partie de fon poids, comme
l'experience le prouve.
*
4. Lorfque Pantimoine & le liege attachés
l'un à l'autre , formeront une maffe de
même pefanteur fpecifique que l'eau , ils
s'y enfonceront entierement , & le fonds du
vaiffeau portera tout le poids de l'un & de
Pautre ; car alors ils font foutenus par l'eau
feule , & le fonds du vaiffeau foûtient
P'eau .
le
Mais , fi-tôt qu'on aura coupé le fil qui
les uniffoit , l'antimoine tombera ; l'eau ne
foutiendra donc plus tout fon poids , mais
quart feulement il n'agira donc plus fur
le fond du vaiffeau avec toute fa pefanteur,
mais feulement avec le quart qui eft la parrie
que l'eau foutient : il pefera donc moins
fur le fonds du vafe , que lorfqu'il étoit
joint avec le liege.
Ces principes pofés , il eft aifé d'appliquer
l'experience de M. Leibnitz à l'effet
dont il s'eft propofé de faire connoître la
Cauſe .
* M. Defaguilliers. 161
DE NOVEMBRE . 35
Dans un temps ferein les vapeurs font
foutenues dans l'air . Suppofons qu'elles n'y
foient en équilibre que parce qu'elles font
unics avec un corps plus leger qu'elles , de
la méme maniere que l'antimoine ne reftoit
dans l'eau fans aller au fonds , que parce
qu'il étoit joint au liege. Comme Pantimoine
attaché au liege agiffoit avec tout fon
poids fur le fonds du vaiffeau , les vapeurs
jointes avec ce corps plus leger qui les met
en état d'étre en équilibre dans l'air , prefferont
la furface de la terre avec toute leur
pefanteur. L'antimoine détaché du liege
tombe ; & pendant fa chute il n'agit plus
avec tout fon poids fur le fonds du vaſe :
les vapeurs degagées du corps plus leger ,
auquel elles étoient unies , doivent defcendre
, & n'agir plus avec tout leur poids fur
la furface de la terre . Comme donc l'eau
preffe moins le fonds du vaiffeau pendant la
chute de l'antimoine , que lorfqu'elle le
foûtenoit , Pair par la même raifon , agira
avec moins de force contre la furface de la
terre pendant la chute des vapeurs , que
lorfqu'elles y étoient en équilibre , & par
confequent il foutiendra le vif argent à une
moindre hauteur.
On me dira peut- être que je fuppofe ,
fans le prouver , que les vapeurs font
unies avec un corps plus leger , & que je
a'explique point comment il s'en fepare
3.6
LE
MERCURE
•
La premiere queſtion paroît aisée à refoudre.
Les vapeurs , qui font dans l'air
lorfqu'il eft ferein , ne font que des petites
parties d'eau glacées ; car , elles font alors
autant éloignées de la furface de la terre ,
que le fommet des montagnes fur qui la
neige fe conferve même dans les plus grandes
chaleurs de l'été . D'ailleurs l'experience
nous apprend tous les jours que les vapeurs
qui tombent en pluie au pied des montagnes
, ne donnent fur leurs cimes que
de la neige ou des frimats. Ces petites
parties font donc roides & inflexibles ;
elles ne peuvent donc s'unir fi étroitement
les unes avec les autres , qu'elles ne laiffent
entr'elles plufieurs efpaces qui feront neceffairement
remplis d'une matiere plus
fubtile . S'il reftoit encore quelque doute ,
F'infpection feule de la neige pourroit le
refoudre ; car les parties qui en compofent
les floccons , font toûjours fort écartées les
unes des autres .
Il n'eft pas plus difficile d'expliquer conïment
ce corps plus leger que les vapeurs ,
les quitte.
Lorfque la chaleur agit fur un corps compolé
de parties de differentes groffeurs ,
& plus aifées à mettre en mouvement les
unes que
les autres , les plus fubtiles reçoivent
plus d'agitation que les autres , & s'en
dégagent.
DE NOVEMBRE.
37
>
Lorfqu'on fait la diftillation du vin , les
parties fpititeufes qui forment l'eau de vic,
s'élevent & montent au haut du chapiteau ,
pendant que l'eau , les fels , & les huiles
groffieres , demeurent au fonds du vaiffeau,
Dans la partie Septentrionale de la terre
la pluïe eft ordinairement precedée , & accompagnée
d'un vent du Sud ou Sud-Ouest.
Ces vents font ici plus chauds , que ceux
du Nord qui glacent les vapeurs dans l'air :
ils doivent donc rarefier l'air contenu entre
les parties des vapeurs , & lui donner
une agitation confiderable , pendant que
les parties des vapeurs commenceront à
peine d'être ébranlées . Cet air rarefié &
agité quittera donc les vapeurs , de la même
maniere que l'eau de vie fe dégage des
autres parties du vin. Ces vents chauds continuant
, redonneront enfin la liquidité aux
parties des vapeurs , les raprocheront les
unes des autres , & aideront encore par ce
mouvement communiqué aux vapeurs , les
corps plus legers qui étoient entr'elles , à
s'en dégager ; car leur effet fera femblable
à celui du feu fur la neige , lequel en la
fondant , unit fes parties plus étroitement
& chaffe l'air qui étoit entr'elles.
୧୬
38
LE
MERCURE
La magnificence des Fêtes qui fe font données
à Drefden , à l'occafion du Mariage da
Prince Electoral avec l'Archiducheffe Fo-
Sephine , demande au moins un Chapitre
particulier du Mercure. C'eſt ce qui nous
engage à en donner une defcription plus
exacte & mieux détaillée , que ce que l'on
a vûfi imparfaitement dans les Gazettes
ordinaires. Nous en avons même parléfi
legerement dans notre Recueil d'Ottobre
que le lecteur me fçaura peut- être gré de
le faire jouir du Spectacle de ces Fêtes , depuis
leur commencement , jusqu'à la fin .
JOURNAL
Des Fêtes données à Drefden , depuis le 2
Septembre 1719.
E
Tant arrivés à Drefden le 2 Septembre , environ
à huit heures du matin , nous trouvâmes
l'Infanterie rangée en haïe par toutes les
rues & les grandes Places par où l'Archidu
cheffe devoit paffer. Une heure aprés , le Roy
à cheval entouré de 4 Turcs à pied , trésmagnifiquement
habillé , & faivi d'un grand
nombre de Seigneurs & de Courtifans , alla audevant
de l'Archiducheffe qui arriva à un quart
de lieuë de la Ville , fur un Bucentaure tous
>
DE NOVEMBRE. E
brillant de dorure : La Princeffe y mit pied à
terre fous des tentes Turques richement brodées.
S. M. aprés l'avoir reçûe , revint au Chateau
; mais l'Archiducheffe déjeuna fous les tentes
, aprés quoi l'entrée fe fit dans l'ordre , tel
que nous le marquerons par dattes .
Avant que d'entrer dans le détail de ces circonftances
, l'on ne craindra point d'avancer
que tout fe paffa , non feulement avec la derniere
magnificence , mais encore avec un ordre
furprenant , & fi peu attendu dans ces fortes
de rencontres . Toutes les portes de la Ville
furent fermées dés les 4 heures , & perfonne
n'ofa paroître dans les rues par où l'on devoir
faire l'entrée , de maniere que les Peuples eurent
le plaifir d'en voir à leur aife tout l'éclat .
On ne dira rien non plus de la magnificence
des Equipages & Livrées ; on fe contentera feulement
, pour en donner une legere idée , de
dire que le Caroffe , dans lequel étoit l'Archiducheffe
, a coûté à Paris , avec les harnois des
chevaux , cent mille écus : Que l'habit pourpre
que portoit le Roi , a été eftimé un million &
demi d'écus , à caufe des boutons de diamans
& que tout le refte répondoit parfaitement a la
grandeur de la Fête.
>
L'Archiduchefſe , en arrivant au Chateau ,
fut reçue par le Roi , qui étoit entouré de Princes
Etrangers , du Confeil , & des principaux
Seigneurs . S. M. mena la Princeffe dans l'apartement
de la Reine à qui elle baifa la main
aprés quoi chacun fe retira chés foi ; ainfi fe
paffa la premiere journée .
Le 3 Septembre fut un jour de ceremonie ,
le Roi ayant dîné en public à une table magnifiquement
fervie avec la Reine feule . Lt
Prince Electoral & l'Archiducheffe , étoient
placés aux deux bouts de la table ; le Roi &
,
40 LE MERCURE
la Reine au milieu. Les Princes Etrangers retournerent
' au Palais , où le Roi leur fit fervir
à chacun une table par fes Officiers . Nous allâmes
à la Cour environ à 11 heures , avec le
Prince de Heffe & le Comte de Flodroff , qui
nous prefenterent à tous les premiers Miniftres
& Seigneurs de la Cour : Nous en fumes
reçûs avec beaucoup de politefle . Une heure
aprés , le Roi étant forti de fa chambre , Monfieur
le Comte deVitzduhm, Grand Chambellan ,.
nous prefenta à Sa Majefté qui nous fit un accueil
très gracieux , & qui nous parla prés d'un
quart d'heure. Quelque temps aprés , la Reine
& l'Archiduchelle étant venues on fe mit à
table , de la maniere dont on l'a déja dit , & il
y eut pendant le dîner une trés belle Mufique.
Outre la table du Roi , il y en avoit encore 7 ou
8 autres à la premiere defquelles étoient les
Dames de la Cour , avec le Comte de Dietrichſtein
& deux Seigneurs Autrichiens . A la
feconde , qui étoit celle du Maréchal de la
Couronne , etoient tous les Evêques & Seigneurs
Polonois , avec le Feld- Marêchal Flemming.
A la troifiéme , qui étoit celle du grand
Maréchal Lefvendohl , fe trouverent Milord
Wincheſter & moi avec plufieurs Miniftres
Etrangers & autres : Enfin , il y eut un grand
nombre de gens de Cour & d'Etrangers à la
table du Comte de Vitzduhm , Grand- Chambellan
, comme à celle du Maréchal Bar de
Coole . Aprés le diner , chacun fe retira jufqu'à
7 heures du foir , qu'il y eut une paftorale ,
dans laquelle la Lotti Berecelli , mais furtout
Cenefino , fe firent admirer par la beauté de leurs
voix. Nous foupâmes le foir à la grande Treforerie
de la Couronne , Madame Brebendowſki ,
avec le Feld - Maréchal Comte de Flemming ,
Madame la grande Generale Poccy , le Prince
Lubomirski , & c.
›
,
Le
DE NOVEMBRE. 41
Le 4 Septembre nous montâmes à cheval à
6 heures du matin avec le Comte de Flemming,
le General Bauditz , &c. pour voir 5 à 6000
hommes d'Infanterie , & environ 1500 chevaux
, qu'on avoit fait venir ici pour la ceremonie
, & qui retournerent à leurs quartiers.
Nous dinâmes chez le Feld - Marêchal , & l'on
fe rendit enfuite à la Cour , pour voir le grand
Bal qui commença environ à 9 heures , & qui
dura jufqu'à deux heures aprés minuit . Le Bal
fe donna dans une grande fale trés - bien illuminée.
Le Roi , la Reine , le Prince & la Princeffe
étoient affis fur le Trône fous un Dais . A la
droite , à côté du Trône , étoient rangés plu
fieurs Princes A la gauche , la Princeffe de
Weiffenfels & de Gumbach , avec les Seigneurs
Polonnois. Environ 130 Dames en Robes, étoient
affifes des deux côtés le long de la fale où l'on
danfoit. On voyoit derriere elles , fur des bancs
en forme d'amphitheatre , un grand nombre d'Etrangers
, & de Dames de la Ville ..
:
> Le Roi commença le Bal avec la Reine
précedé de 20 Chambellans , & d'un pareil nombre
de Seigneurs de la Cour , qui danſoient deux
à deux avec beaucoup de gravité . Tous ces Meffieurs
étoient fuivis d'autant de Dames . Le Roi
danfa enfuite avec le Prince & l'Archiducheffe :
la Reine en fit autant , aprés quoi le Prince &
la Princeffe danfelent le menuet. Quelques
Princes Allemands & les deux Princeffes , firent
de même ; aprés cela on danfa les Polonnoifes ,
& à la fin du Bal un grand nombre de Dames
& Seigneurs , les contred anfes Angloifes .
La Reine fe retira de bonne heure , mais le
Roi refta prefque jufqu'à la fin du Bal .
Le 5 Septembre nous rendimes & reçûmes
quelques vifites ; & aprés avoir refté un mo
ment à la Cour nous allâmes dîner chez Is
D
42 LE MERCURE
Comte Vitzduhm , avec quelques Seigneurs Au
trichiens & quelques Princes Polonnois. Ce
Seigneur nous fit faire grande chere , & nous
fit boire de l'excellent.vin d'Hongrie , mais modevément
, le Roi n'ayant permis de s'enyvrer
qu'au 29. Ce foir , il n'y aura point d'autres
plaifir à la Cour , qu'une Tragedie nommée
Arrira , avec un Ballet .
où Le 6 Septembre on fe rendit à l'endroit ,
devoit fe faire le combat des bêtes Sauvages.
Le Roi , le Prince , & la Princeflc , s'y trou
verent dans une grande fal'e , où il y avoit
plufieurs Tables remplies de confitures & de
rafraichiffemens . Nous eumes peine à trouver
place dans cette falle , tant il y avoit de monde.
Les Dames de la Ville , & grand nombre.
d'Etrangers , étoient rangés fur des balcons à
3 étages , qui entouroient toute la Place . Nous
y trouvâmes 3 Taureaux , & un autre appellé
Auru Ochb , d'une prodigieufe grandeur & figure.
Ces Taureaux s'entre regardoient affez.
pailiblement , mais ils ne laifferent pas de renverier
deux figures d'hommes , faites de carton..
Quelques temps aptés , on fit entrer un beau
Cheval entier , qui alla droit au grand Taureau:
pour l'attaquer , mais d'un feul coup de corne ,
il fut mis hors de combat pour le refte du jour.
1 parut enfuite une Lionne , un Tigre & un
Lion ; mais tout cela ne fit pas grand mal . Les
deux premiers couroient de ça & de - là , paroiffant
avoir peur , & le Lion , pendant ce manege,
fe couchoit tranquillement . On auroit dit qu'il
n'étoit que fpectateur & Juge du combat.
" On tâcha , aprés cela ju'qu'à 6. Ours , qui
pour fe difputer un petit bafin d'eau qui étoit
au milieu de la Place , fe firent entr'eux le plus
grand mal. Ils ne laifferent pas de combattre
encore plufieurs fois contre un des Taureaux
DE NOVEMBRE. 43
ordinaires , qui étoit furieux , & qui les renverfa
l'un aprés l'autre . Il parut enfuite un
Singe des plus gros & des plus laids que j'aye
jamais vû , qui effaya plufieurs fois , mais envain
, de monter le balcon . Il attaqua un des
Ours , & le renverfa , chaffa le Tigre tout à
l'entour de la Place , & combattit avec avantage
un des Sangliers , de 7 ou 8 que l'on fir
entrer pour la conclufion de la Fête. Le Roi
les tua tous à coup de balles , à l'exceptiond'un
que le Lion étrangla en paffant , & d'un autre
qui fut bleflé à mort puis entraîné dans
le baffin d'eau par un des Ours . Ainfi finit cette
Fête , d'où l'on alla à la Comedie Italienne. Un
fort bon Arlequin & un excellent Pantalon
s'y firent admirer.
>
Le 7 Septembre on joüa la même Paftorale:
qui avoit efté reprefentée le 3 .
>
&
Le 8 on fit une courfe de Bague au Chateau
dans une Cour trés -fpacieufe , & trés ppropre à
cette execution. Il y avoit un grand nombre
de Dames , rangées dans la gallerie , & les maifons
qui donnent fur cette Place . A une heure ,
le Roi habillé de drap d'or brodé d'or , & monte
fur un très beau Cheval , precedé d'un Heraule
d'Armes , & entouré d'une grande quantité de
Mores & de Janiffaires , entra dans la lice ,
fit le tour de toute la Place faivi du Prince
Electoral , du Prince de Veiffenfels , d'un Prince:
de Barby , & de leurs Chevaux de main trésrichement
caparaçonnés . Ces 4 Princes étoient
les 4 foûtencurs . Une demi - heure aprés , arri
verent les 48 Chevaliers avanturiers , conduits
par les Princes de Heffe- Caffel & Wirtemberg.
Les principaux des Chevaliers , étoient less
Comtes de Vitzduḥm , Watzdorff , Bauditza /
Rakenitz, Frieffe , avec quelques jeunes Seigneurs
Polonnois , & plufieurs jeunes gens de la Cours
Dij
144 LE MERCURE
1
Tous ces Chevaliers firent pareillement le
tour de la Place avec leurs Chevaux de main ,
menés par les Palfreniers ; le tout , de la derniere
magnificence.
Chacun des Chevaliers ayant été rangé en fon
ordre le Roi & le Prince commencerent à
courir la Bague . Ces 2 Princes furent ſuivis de
ceux de Weiffenfels & de Barby , & par les
Princes de Heffe & de Wirtemberg , enfuite de
tous les autres Seigneurs , deux à deux , jufqu'à
ce que le tour fut fait. Aprés quoi les Chevaliers
avanturiers coururent l'un aprés l'autre
contre les 4 fouteneurs . La courfe ne finit qu'à
prés de 7 heures du foir ; mais , comme les
Chevaliers n'ont pas encore tous couru , on l'a
remife à demain 9 heures du matin . En attens
dant , on dira que le Roi , le Prince , le Comte
de Vitzduhm & le jeune Comte de Watzdorff ,
font ceux qui ont couru avec le plus de fuccès .
A huit heures , on alla à la Comedie Italienne.
Aprés cela, nous foupâmes chez le Comte Las
gnafque avec le Prince Guillaume , & autres
Seigneurs. Le Roy y vinr , comme par hazard ,
& l'on y but copieufement jufqu'à deux heures
aprés minuit .
Le 9. Septembre nous fûmes éveillés à neuf
heures du matin par le Prince de Heffe & le
Comte Maurice de Saxe , que le Roy avoit fais
lever à cinq pour une repetition du Carouſel .
La courfe de Bague , que l'on n'avoit pû finir le
jour precedent , recommença de la même maniere
, & continua jufqu'à deux heures après
midy. Le Feld Marêchal Flemming , le Grand
Marechal Lowendahl , le Comte Manteufel , &
un autre Confeiller privé , étoient les Juges . Le
Comte de Vitzduhm remp rta le premier prix ;
le Roy , le fecond ; le Prince de Veiffenfels , le
aroifieme ; & le Marêchal Raczenitz , le quar
DE NOVEMBRE.
45
triéme ; ainſi finit cette fête. On reprefenta enfuite
l'inconnu , Comedie de M. des Touches ,
avec plufieurs Ballets.
Le 10 , Septembre , qui étoit le grand jour de
Gula , & le commencement des grandes fêtes ,
les precedentes n'ayant été que des préliminai
res , il y eut à la Cour un concours prodigieux
de Seigneurs & d'Etrangers qui parurent avec
des habits brodés de pied en cap , & tous dorés.
On alla dîner à la falle , & entre 2 & 3 cha
cun fe rendit à la maifon des Indes , fituée dans
le vieux Drefden . Cette maifon étoit très magnifiquement
meublée à la Chinoife , & l'on y
voyoit tout ce qu'il y a de plus beau en porcelaines
. Le Palais , le jardin qui donne fur le bord
de l'Elbe , & les maifons voifines , étoient remplis
de mondejufqu'aux toits . Cinq heures après-
L. M. & L. A. R. s'étant placées fur des fauteuils
fous un dais , & les perfonnes de la premiere
qualité des deux fexes , fur des bancs ,
à côté dans le jardin , l'on vit defcendre Jupiter
avec Diane , Mars & Mercure à fa droite , Venus
, Saturne , & Apollon à fa gauche , qui furent
reprefentés par les meilleurs chanteurs &
cantatrices , pour annoncer la fête que chacun
devoit donner pour les divertiff ments de la Princeffe
; comme le Soleil on Apollon , le feu d'artifice
; Diane , une chaffe de cerfs qui feront
forcés & tués à coups de fufil dans l'Elbe ; Mars ,
le grand Tournois ; Mercure , une Foire , où l'on
fera marqué , & où l'on achetera fans argent ;
Jupiter , un Carouſel , ou combat des quatre Elemens
: Venus , une fète de Dames qui courront
La bague en chariot , accompagnées de deux Chevaliers
; & Saturne , la fête des Mineurs , qui ila
au nombre de douze cens , reduiront dans un
moment en jardin la place où fera fait le Caroufel.
Après le concert , le Roy fuivi de toute la
46 LE MERCURE
Cour , alla jouer à nne espece de Mail ou à Trow,
& fur la fin du jour on entra dans le Palais . Le
Roy , la Reine , le Prince , & l'Archiducheffe ,
fouperent feuls en ceremonie à une grande table
magnifiquement fervie. Outre celle là , il y eh
eut encore 7 ou 8 autres de 20 couverts chacune
, pour les Seigneurs & Dames de la Cour.
Le fouper fini , le Comte de Wackerbarth ,
Grand Maître de l'Artillerie , ayant donné le
fignal , le feu d'artifice s'executa avec le plus
grand fuccès , & la plus grande magnificence du
monde. (Ce feu a couté 15000 écus . ) Le Châ
teau étoit illuminé de tous les côtez , & les deux
flotilles faifoient un très bel effet . Quoique ce
feu ait duré près de deux heures , il n'y a prefque
eu aucun vuide. A minuit , chacun fe retira.
Le Septembre on reprefenta une Comedie
intitulée Hypermneftre. Les Heraults d'armes publierent
ce jour là l'appel & le reglement du
Tournois par les rues , pour la fête qui doit
commencer deinain à midi dans la grande Place ',
fur laquelle il y a plufieurs loges bâties pour
les fpectateurs.
Le 12 Septembre étant le jour du grand Carou
fel , fête que le Dieu Mars donnoit pour le divertiffement
de la Princeffe : tout le monde déjeuna
de bonne heure , pour pouvoir fe rendre
à midy fur la grande Place , où devoit fe faire
le Caroufel. C'étoit un grand marché , quarré ,
environné de bâtimens . Quatre grandes portes
de triomphe avec des ftatues dorées , avoient été
érigées aux quatre coins , & entre deux portes
fe trouvoit une loge magnifique , dans l'une defquelles
le Roy & toute fa Cour avoit pris place :
Dans la feconde ,le Nonce , les Princes & les
Seigneurs Polonois : Dans la troifiéme , les Dames
de qualité ; & dans la quatrième , les Miniftres
& Seigneurs Etrangers..
DE NOVEMBRE. 47
L'on avoit depavé la Place , pour en couvrir
de planches- le milieu qui étoit feparé par une
petite barriere , pour le combat où tournois à
pied. Le long de ces planches fe trouvoient
deux carrieres feparées par une muraille aflez
haute , afin d'ôter à un Chevalier la facilité de
voir la tête d'un autre. Le Roy , la Reine , le
Prince & la. Princeffe , s'étant rendus entre deux
& trois heures fur la Place dans des chaifes à
porteurs , l'entrée le fit de la maniere fuivante .
Après un fignal de trois coups de canon , on
vit entrer par une des portes de Triomphe , à
peu près vis- à - vis du Roy , un Herault d'armes
à cheval , tout armé , avec un grand nombre.
de trompettes & timballes , fuivi de la premierequadrille
qui étoit rouge & argent , dont le
chef étoit le Prince de Weiffenfels , armé de
pied en cap , ayec fon cheval richement harnache
, & un plumet fur la tête de dix pieds de
hauteur pour le moins . Il étoit fuivi de quatre
Pages à cheval , habillés à peu près dans le même
goût , de deux hommes à pied qui portoient
la lance , & de fept autres Chevaliers , dont
chacun étoit habillé & monté de même , au:
grand plumet près , & ayant la même ſuite.
La feconde Quadrille , qui étoit jaune &
argent , & dont le Chef étoit le Comte de
Vitzduhm , fuivoit la premiere , precedée
pareillement de trompettes & de tymbales . Il y
avoit dans celle - ci un égal nombre de Chevaliers
habillés comme le Chef qui étoit ſuivi
d'autant de gens à cheval & à pied , tous armés ,
avec des lances à la main . Chacun des feize
Chevaliers qui étoient tous d'une Compagnie de
Cadets , ainfi que les autres Chevaliers , avoient
été obligés de faire preuve de nobleffe . Ils étoient
fuivis de plufieurs Compagnies de Piquiers ,.
Grenadiers & Soldats tous armés. Cette Troupe
40 LE MERCURE
à pied avoit au milieu d'elle un grand char de
triomphe , tiré par quatre chevaux caparaçonnés
de fer , & attelés de front , dans lequel étoit
le Dieu Mars , armé de pied en cap .
La troifiéme Quadrille bleue & argent , &
dont le General Baudy étoit le Chef , avec fes
Chevaliers de même que les precedents , fuivoit
cette Infanterie : enfuite là quatrième qui
étoit verte & argent , & dont le Maréchal Racknitz
étoit le Chef , finit la marche . La Qu
drille rouge fe rangea à la gauche du Roy , le
long de la moitié de la Barriere : la Bleue , à fa
droite , le long de l'autre moitié . La Jaune ,
vis - à -vis de la Rouge , & la Verte , vis à- vis de la
Bleue , le long de l'autre Barriere . Au milieu
de ces deux Quadrilles , par confequent , vis- àvis
de la Loge du Roi , étoit le Dieu Mars dans
fon Char. Les Quadrilles des Chevaliers à
pied s'étoient avancées jufques fur les planches
trois contre trois , & le long des deux autres
côtés du quarré , depuis la Quadrille rouge ,
jufqu'à la jaune , & depuis la bleue , jufqu'à la
verte , les Grenadiers au milieu , & les Soldats
fur les deux aîles , étoient rangés vis - à - vis l'une
de l'autre. La marche , ainfi que l'arrangement ,
fe fit avec beaucoup d'ordre , & fit un trés -bel
effet. Aprés que Mars eut lû l'appel , les trois
Meftres de Camp menerent un des Chevaliers
aprés l'autre à la Barriere. D'un côté les deux
Chefs de la Quadrille rouge & bleuë couroient
P'un contre l'autre ; & ceux de la jaune & de .
la verte , de l'autre ; enſuite , tous les Chevaliers
, deux à deux , jufqu'à 4 courfes. Il n'y
eut gueres de lances rompues ; cependant le
Prince de Weiffenfels remporta le premier prix.
Pendant qu'on fe battoit ainfi à Cheval , les Ca
ders à pied , trois contre trois combattoient à
coup de langes & de fabres. Le tour fait ( ce
qui
DE NOVEMBRE. 41
qui dura juſqu'à fix heures du foir ) les Cadets
avancerent tous en même temps ; & aprés
avoir rompu une lance , ils combatirent à Coup
de fabres . Pendant que les Chevaliers faifoient
la même manoeuvre , les Grenadiers jetterent
des grenades , & l'Infanterie chargea par pelo
tons , ce qui dura prés d'une demi - heure , au
grand divertiffement de tous les fpectateurs .
Ainfi finit cette grande Féte , fans autre accident
fâcheux , que la chute d'un des Chevaliers
nommé Breitenbach , de deffus fon Cheval , &
qui fe bleffa un peu . Le foir , on joiia Cinna
avec affez de fuccès.
Le 13 Septembre on reprefenta un grand
Opera , nommé Theophane , magnifique par les
decorations , les voix , & le fujet de la piece. Le
Roy y foupa avec le Prince & la Princeffe.
Le 14 Septembre étoit deftiné pour le Caroufel
; mais il fut differé à caufe du mauvais tems.
Le foir on joüa Tartuffe,
Le 1s Septembre à une heure après midi ,
nous nous rendîmes au petit jardin , proche du
Château , & nous nous plaçâmes dans un des
Pavillons , proche du Balcon du Roy , ou
fe trouverent toutes les femmes de la premiere
qualité. Le peuple étoit placé en forme d'amphitheatre
, fur des bancs , depuis ces Pavillons
jufqu'à terre ce qui produifit un très bel
effet . On avoit comblé tout ce Jardin ; & au
lieu d'arbres , l'on ; y voyoit des barrieres avec
des fontaines & feize piramides , rangées par quacomme
un jeu de quilles par trois . D'abord
il y parut une efpece de globe , qui re
prefenta le char dans lequel plufieurs Muficiens
& Chanteurs firent un concert . Cette machine
été détruite ayant , les quatre Elemens pa u
rent en forme de quatre Quadrilles . La premier
étoit le feu , dont le Roy même fut le Chef
tre ,
E
50
LE MERCURE
S. M. portoit un habit couleur de feu & or
& avoit pour plus de deux millions de pierreries
fur fon corps . Son cheval étoit harnaché
de la même couleur , & richement caparaçonné
à proportion. Devant le Roy marchoient les
Heraults d'armes , plufieurs Trompettes & Timbaliers
, grand nombre de gens à cheval & à
pied , tous habillés couleur de feu & or , avec
des torches à la main , & des efpeces de bonnets
en forme de feu , plufieurs chevaux de
main , & huit Chevaliers deux à deux , à peu
près habillés comine le Roy . Huit autres Chevaliers
fuivoient avec une fuite pareille à celle
qui précedoit. Cet Element fit plufieurs fois le
tour de la Place , après quoi il fe rangea à la
droite de la Loge, où fe trouvoient la Reine & la
Princeffe avec la Cour ; le Roy d'un côté de la
barriere... Le fecond Element étoit l'Eau , qui
avoit pour Chef le Prince Electoral , habillé de
bleu & argent , avec des poiffons brodés fur fon
habit , & un grand poiffon en forme de bonnet.
Huit Chevaliers le précedoient , huit autres le
fuivoient avec les Heraults , les Trompettes ,
chevaux de main , & c . ainfi qu'à la Quadrille du
Roy. Ils portoient de grands filets bleus & argent
à la main ; les houffes & couvertures des
chevaux étoient faites en forme de filets . Cet
Element fe rangea fous le Balcon du Roy , le
long de la Barriere .
Le troifiéme Element étoit la Terre , habillé
de brún & de verd. Plufieurs animaux portoient
des habits & des houffes brodées , & toute la
fuite portoit de petits paniers remplis de fruits,
en forme de bonnets fur la tête. Le Prince de
Weiffenfels en étoit le Chef , avec un pareil nombre
de Chevaliers & de gens à pied & à cheval.
Cet Element , après quelques tours , fe rangea
le long de la barriere a la gauche du Balcon du
DE NOVEMBRE.
SK
Roy , par confequent vis à vis du Feu.
Le quatriéme Element étoit l'Air : Il avoit un
nombre de figures d'oiſeaux à la main , fur les
habits & fur les houffes , & avoit pour Chef le
Prince de Wirtemberg. Entre feize Chevaliers
& une fuite pareille aux precedentes , cet Element
fe rangea , après quelques tours , vis -à- vis
de l'Eau , ainfi piés du Balcon où étoit la Cour.
Tout étant rangé & le fignal donné , les quatre
Chefs commencerent à courir dans la lice , où
les feize Piramides étoient rangées . On courut
1. la Bague ; enfuite on jetta deux carelots , &
à la fin on leva une boule de la terre avec l'épée .
Après les quatre Chefs , coururent quatre autres
Chevaliers , un de chaque Quadrille . Le tout fair
on en recommença une autre, & ainfi jufqu'à trois
fois après quoi le Roy , fans contredit le plus
adroit de fa Cour , alla recevoir trois prix de
Madame la Princeffe ; le Con feiller Bunaw , un ;
& M. Lowen , Gentilhomme de la Cour , un autre.
Enfuite le Feu courut contre la Terre , &
l'Eau contre l'Air , à coups de boules de terre
qu'on fe caffa l'un l'autre fur le dos . A la fin du
Caroufel , les 64 Chevaliers avec leurs quatre
Chefs à la tête , formoient des marches & contre
marches , en faifant des figures qui ne reflembloient
pas mal à une efpece de Ballet à cheval .
Les quatre Chefs mirent après cela pied à terre
avec leurs Chevaliers , & vinrent faluer la Princeffe
& les Dames dans les Pavillons. Toute la
fuite fe retira en ordre. On joua le foir la Comedie
Italienne , où les Chevaliers parurent avec
leurs habits d'Elemens , & où Arlequin ne les
tourna pas mal en ridicule .
Le 16 Septembre le Roy alla à la chaffe à
tirer , avec le Prince & la Princeffe . Il n'y eut
point d'autre divertiffement public ce jour - là .
Le 17 Septembre chacun fe rendit à une heure
Eij
52
LE MERCURE
dans un Jardin qui eft à un mille de la Ville,
& dont la maiſon étoit très magnifiquement meublée
à la Turque . Plufieurs Compagnies de Janniffaires
étoient rangées en haie , & tous les Domeftiques
en grand nombre , habillés à la Turque.
Après l'arrivée de la Reine & de la Princeffe ,
on alla voir fur un Theatre dans le Jardin ,
les forces d'Hercules , imitées par des gens que
l'on avoit fait venir de Venife pour cet effet ,
moyennant dix mille écus . Après fouper , on tira
´áu blanc ; & une fuſée s'éleyoit toutes les fois
qu'on avoit touché le noir . Il y eut un Bal en
attendant , mais fans aucune ceremonie .
Le 18 Septembre après dîner , S. M. donna
une grande chaffe fur l'Elbe . La fête commença
par un fort beau concert de mufique , au chant
de Diane & de quatre Nymphes , qui affifes fur
une Barque reprefentant leur char , traîné par
des chevaux marins , & non pas par des biches,
s'étoient
comme quelques imprimés l'ont dit ,
approchées de la grande Tente , fous laquelle
le Roy, le Prince , la Princeffe , & leur Cour fe
trouvoient , au bord de la Riviere , du côté de
la vieille Ville ; la Reine regardant ce divertiffement
de chaffe vis -à vis du Baſtion nommé
la Vierge . On avoit tendu fur l'eau & fur les
prairies , à côté de la Tente du Roy , des panneaux
tout autour de l'efpace affigné pour la Chaffe . Alors les Déeffes ayant ceffé leurs chants,
on vit defcendre dans l'Elbe , à la nage , quantité
de cerfs , de biches & de fangliers , qu'on
prit plaifir de tuer , peu à peu à coups de fufil, tant
de la Tente que des Barques , fur lesquelles le
Roy , le Prince , & les Principaux de leur Cour
fe promenoient. S. M. tua plufieurs de ces animaux
à coups de piftolet : Ceux qui voulurent
gagner la terre , y furent reçûs , pourfuivis &
DE NOVEMBRE.
53
percés de lances par des Cavaliers & des Chaffeurs
à cheval ; de forte qu'en moins de trois
heures il ne reſta aucune de ces bêtes en vie. Ce
divertiſſement finit affez heureuſement , fi l'on
excepte l'imprudence d'un des gens du Roy .
qui avoit ordre de décharger les fufils , & qui
en le faifant fur la brune , bleffa mortellement
un des Rameurs . Le foir on reprefenta la Princeffe
d'Elide , Comedie Françoife.
Le 19 chacun fe repofa generalement , & il
n'y eut point de divertiffement public ce jour - là.
Le zo la plupart des Seigneurs de la Cour ,
& quelques Etrangers de diftinction qui y
étoient invités , fe rendirent au Château fur
les trois heures après midi , tous mafquez differemment
, même le Roy , la Reine , le Prince &
la Princeffe ; faifant en tout douze bandes de
vingt perfonnes , & chaque Cavalier étant afſocié
à la Dame que le fort lui avoit donnée. Le
Roy ayant difpofé cette mafquarade , leurs M.
voulurent bien en être l'hôte & l'hôteffe , & di .
vertir la Compagnie par toutes fortes de plaifirs
compatibles avec la Foire ou Mercerie , Fête
principale que Mercure avoit fixée à ce jour- ci.
L'Elbe fe jettoit dans un petit Jardin gardé par
des Janniffaires , & dans les falons & galleries
qui l'entouroient , où les Cadets & les Suifles
faifient fentinelle . La Compagnie mafquée s'y
étant rendue à quatre heures , on vit au milieu
du Jardin cinquante-fix boutiques érigées en
quarré , qui furent fermées jufqu'au foir : Aux
côtés plufieurs Theatres de Charlatans , Danfeurs
de corde , des Sauteurs , avec des combats de
Cocqs. Le Roy , après avoir fait voir tout cela
à fes hôtes , les mena tous autour des quatre
Pavillons du bâtiment ; & les fpectateurs ,
outre l'orangerie rangée le long des galeries ,
eurent encore des Pavillons , le divertiſſement
E iij
54
LE MERCURE
d'une Comedie Italienne , jouée par des hommes ,
& d'une autre par les Marionnettes . Outre cela ,
on voyoit le Sultan reprefenté dans fon ſerail ;
enfin il y avoit une Loterie de toutes fortes de
galanteries fort précieufes. S. M. invita les Dames
à tirer au fort , & comme il n'y avoit point
de billets blancs , elles eurent en cette occafion
une preuve fenfible de la generosité du Roy .
Pendant ce temps là , on allumoit les lampes ,
dont tous les bâtimens du jardin , ainfi que les
boutiques , avec feize Piramides au milieu de
la Place , étoient abondamment garnis . On
affure qu'il y avoit plus de trente mille lampes ;
quelque deicription qu'on pût donner ici de
l'effet que produifoit cette illumination , & let
jeu continuel des fontaines & des cafcades , onne
la feroit qu'impa faitement il faudroit pour
cela marquer diftinctement le bel ordre & le
jufte arrangement de toutes ces lampes . Le tour
de promenade fini , le Roy invita la compagnie.
au magn fique fouper que S. M. avoit fait preparer
dans les falons , grottes , & autres appartemens
des corps de bâtimens . On comptoit à
ce fouper plus de 500 perfoones , y compris les
mafques , Seigneurs de la Cour , & plufieurs
Etrangers qui furent traitez fplendidement & en
mets trés exquis. Le refte des confitures & du vin
fut prefenté aux fpecta eurs . Après le fouper le
Roy & les hôtes defcen firent au Jardin , pour
y , voir les boutiques ouvertes , fur l'invitation
folemnelle de Mercure , qui leur fit une harangue
en François , fort plaifante . La Compagnie
ayant acheté en partie des marchandifes qui lui
plurent , on fe retira chacun chés foy à deux
heures après minuit.
" Le 21 on reprefenta pour la feconde fois le
nouvel Opera de Theophane.
Les Dames & les Cavaliers nommés pour la
DE NOVEMBRE.
55
courſe , s'étant aſſemblés avant - hier au Château
fur les dix heures du matin , elles fe rendirent
de là hors de la Ville , au grand Jardin Royal ,
dans l'ordre fuivant .
Un Fourier de la Cour , fuivi d'un Timballier
& de douze Trompettes , douze Mestres de
Camp , étant Generaux , Colonels , & Lieutenans
Colonels . Les quatre bandes de Dames &
de Cavaliers , en habits fort riches & façonnés
pour la courfe , fe diftinguoient par les differentes
couleurs de leurs habillemens & équipages
. La premiere , dont le Roy , le Prince , &
la Princeffe conduite par fon grand Maître ,
éto ent les Chefs , portoit des habits couleur de
rofe avec de l'argent . La feconde , à la tête de
laquelle étoient les Princes de Barby & de Wirremberg
, avec la Princeffe de Weißenfels , menée
par le Feld Márêchal , avoit du bleu mourant
& or. La troifiéme , dont le Prince Guil
laume de Caffel , & le Prince de Holft in ,
avec la grande Generale de la Couronne , étoient
les Chefs , portoit verdor. La quatrieme
enfin , ayant à fa tête le Prince Jean Adolphe
de Weiffenfels , & le jeune Prince de Barby
avec la Princeffe de Culmbach , portoit des habits
couleur de Jonquille & argent. A chaque
bande il y avoit hut Dames affifes fur des
chars de Triomphe à deux chevaux , portant
des harnois à fonettes : elles étoient menées par
des Cavaliers les plus diftingués de la Cour
& precedées de deux autres Cavaliers à cheval.
Chaque Dame avoit deux Coureurs , le Cocher
trois , & chaque Cavalier deux pour lui -même ,
un pour fa Nymphe , & un autre pour mener
fon cheval de main : il y avoit par confequent
feize de ces chevaux de main aux trouffes de
chaque bande. Derriere les quatre Bandes fuivoient
quatre Chars , tirés par fix chevaux ,
P
E iiij
36 LE MERCURE
fur lefquels on voyoit les Nymphes des quaire
bandes , fçavoir feize Nymphes fur chacun.
Tous les Chars , Chariots , habits & ornemens
de chevaux , étoient conformes à la coup
leur de la Bande dont ils étoient. Les gens de
qualité pour l'Opera François , finiffoient ce
beau train , lequel arrivé au Jardin , la courte
de Bague fe fir dans les Carrieres ; de forte
que de chaque Bande , il couroit en même tems
une Dame fur fon Char , avec fes deux Cavaliers
, dont les coups d'adreffe furent comptés
au profit de la Dame ; ce qui donnoit beaucoup
d'émulation à tous ces Chevaliers .
,
La Reine regarda cetre courfe d'une fenêtre
de la Maifon Royale du jardin ; & les 12 courfes
étant finies , on decida pour les prix. Aprés
la diftribution on fe rendit à l'Opera repré-·
fenté par des gens de Qualité , fur un trés beau
Theatre dreffé exprés dans le jardin . L'Opera
fini , on fe mit à table , mais la Reine fe rezira.
Pendant le fouper on alluma des Lampions
& des Flambeaux tout le long du jardin ,
quoi qu'il foit d'une fort grande étendue. Le
fouper fini , on defcendit dans le beau falon ,
bâti tout recemment exprés , derriere un grand
canal , fur lequel il y eut Bal jufqu'à prés de
minuit.
Le 23 Septembre qui étoit le grand jour de
Fête favorite du Roi , appellée la Fefte des Dames
, l'on ne vit depuis cinq heures du matin
jufqu'à prés de midi , que des courfiers de
chevaux harnachez , des gens qui portoient des
cafques , des plumers , des habits dorés , &
des lances , trotter dans les rues de Drefden.
La Place où la courfe de Bague devoit fe faire ,
& qui étoit devant le Palais du jardin , étoit
ornée d'un grand nombre de Pyramides avec des
Orangers entre deux ; ce qui formoit affez d'efpaDE
NOVEMBRE. $7
ce , pour que 4 Dames dans leur Char , chacune
avec 2 Chevaliers , puffent courir la Bague de
front en même temps. Outre le Palais & plufeurs
Pavillons , l'on avoit dreffé des échaffauts
autour de toute la Place pour une infinite
de fpectareurs.
L'on vit paroître à perte de vûë , vis à- vis
du balcon où étoit la Reine , au bout d'une
grande allée , les 4 Quadrilles avec toute la
fuite .
1. Un Herault d'Armes magnifiquement ha
billé , fuivi de 12 Trompettes , & un Timbalfier.
2. Un autre Herault , fuivi de 24 chevaux
de main , menés par des Polonois à pied .
3. 8 Meftres de Camp' , qui étoient de vieux
Generaux , chacun avec 2 Coureurs .
4. La Quadrille , couleur de Rofe & argent
, dans laquelle il y avoit neuf Chars de
la même couleur , avec deux chevaux à gran
des couvertes couleur de Rofe , & galonnés
d'argent avec les clochettes. Il y avoit dans
chacun de ces Chars une Dame magnifiquement
habillée en Amazone , avec un Parafol à
la main. Un Cocher de Qualité qui la menoit ,
& deux Chevaliers fur de beaux chevaux , habillés
& caparaçonnés , couleur de Rofe & argent
, avec des Cafques & des Plumets , la précedoient
avec 8 Coureurs de la même livrée ,
à côté du Char & d. s Chevaliers qui portoient
les lances . Le Chef de cette Quadrille étoit la
Frinceffe Electorale : les 2 Chevaliers , le Roi
& le Prince , dont les Cafques étoient garnis
de diamans qu'on avoit peine à regarder en face
, & le Cocher , le Comte de Diedrichſtein ,
qui mirent tous pied à terre , & monterent chez
la Reine , pour y voir l'entrée.
s. 18 chevaux de main richement harnaLE
MERCURE
chés , qui appartenoient aux Chevaliers.
6. La Quadrille Verte & or , avec autant
de Chats de Dames ' , de Chevaliers , de Cochers
& de Coureurs , comme la precedente : les Chefs
en étoient la Grande Generale Potfcheg ; le
Cocher , le Prince de Spremberg , & les Chevaliers
, le Prince Guillaume de Caffel , & un
jeune Prince d'Holflein - Beck , fils du Gouverneur
de Konigsberg.
7. Les chevaux de main de cette Quadrille ,
caparaçonnés de Verd & d'or .
J 8. La Quadrille Bleue mourante & or de
la même maniere que les deux autres . Les
Chefs étoient la Princeffe de Weiffenfels ; le
Cocher , le Feld Marechal Comte de Flemming
; & les Chevaliers , le Duc de Barby ,
& le Prince de Wittemberg.
>
9. 18 chevaux de main de cette Quadrille
Bleue mourante & or.
10. La Quadrille Jaune & argent , comme
les autres , dont les Chefs étoient la Princeffe
de Culmbach ; le Cocher , 1 : Baron de Stein ,
Grand Maître de la Reine ; & les . Chevaliers ,
le Prince de Weißenfels & le Prince de Barby
le fils .
11. Les 18 chevaux de main de cette Quadrille
, Jaune & argent .
12. Un grand Char atrelé de 6 chevaux ,
avec des barnois , couleur de Rofe & argent .
fur lequel étoient 12 Nymphes habillées de la
même couleur , pour les 12 Chevaliers de la
premiere Quadrille.
13. Un autre Char à 6 chevaux , couleur
Verte & or , avec les 18 Nymphes pour la ſeconde
Quadrille.
14. Un troifiéme Char , couleur Bleuë mourante
& or , avec les 18 Nymphes de cette Quadrille.
DE
$9
NOVEMBRE.
rs. Un quatriéme Char , couleur Jaune &
argent , avec les 18 Nymphes de cette quatriéme
Quadrille.,
16. Un cinquiéme Char à 6 chevaux , avec
les Chanteurs & Cantatrices du petit Opera
François , qui étoient tous gens de Qualité.
17. Un fixiéme Char de même , avec les
Danfeurs & Danfeufes de cet Opera.
18. Un feptiéme Char rempli de Danfeurs &
de Danfeufes de Qualité .
190. Un huitiéme Char à 6 chevaux , avec
Jes Filles & Danfeufes de la Comedie Françoife ,
pour former le Chorus de l'Opera,
Aprés qu'on cut fait le tour des 4 bariieres
en ferpentant , & aprés avoir paffé devant le
Palais , & dans le jardin , les Nymphes & les
Actrices mirent pied à terre , pour le ranger fur
des bancs le long de la barriere , pendant que
les 4 Quadrilles fe placerent à l'autre bout des
barrieres fous les fenêtres de la Reine . Les Juges
s'étoient ranges fous 4 patites Tentes , chacune
pour une Quadrille. Aprés que les Mestres
de Camp eurent donné un certain fignal , on
commença à courir la Bague ; les Dames dans
leurs Chars , avec leurs Chevaliers à côté. Les
4 Chefs commencerent , enfuite 4 autres Dames
, une de chaque Quadrille . Le tour fait
on recommença , de maniere que chaque Dame
avec les Chevalies , fit 12 courfes : la Princeffe
Electorale & de Veiffenfels , la Generale
Poftfchey , les Comtes de Bofc & Schafftemberg
, remporterent les cinq premiers prix qui
étoient des Poinçons de Diamans , de Rubis ou
d'Emeraudes . Plufieurs autres Dames eurent des
Montres à repetition , des Tabatieres d'or , ou
quelqu'autre nippe de prix .
Aprés la courfe , on fe rendit fur un Theatre
fait exprés , & fort artiftement dreſſé dans
60 LE MERCURE
le jardin , à peu prés dans le goût de celui de
Herrenhaufen. L'Amphitheatre fut très bien garni.
Toutes les Dames , Chevaliers & Nymphes,
étoient rangés felon leurs Quadrilles dans le
Parterre ; les autres perfonnes de Qualité qui
n'étoient pas mafquées , fur des bancs qui entouroient
ce Parterre . L'on executa l'Operette ,
avec plus de fuccès qu'on n'en devoit attendre
des perfonnes qui n'en faifoient pas profeffion .
Monfieur de Lovendahl , qui reprefentoit Venus,
& le Prince Lubomirfky , beau fils du Comte
Vitzdum , y brillerent par leur chant , & lajeu
ne Comteffe de Flemming , niece du Feld - Marêchal
, par fa Danfe. A heures du foir ,
toutes les Dames , Chevaliers , & Nymphes , fe
rendirent par une haye des 4 faifons qui reprefentoient
chacune leurs fruits , dans la grande
Sale , au milieu de laquelle on avoit trés magnifiquement
, & mieux que jamais , fervi une
grande table quarrée de so couverts . Les Princes
, les Primats de Pologne , & la premiere
Quadrille , couleur de Rofe & argent , fe trouverent
à cette table . Il y avoit dans les Pavilfons
3 autres tables pour les trois autres Quadrilles
; une autre pour les Nymphes , & quelques
unes pour les Dames & les Seigneurs . Om
avoit en attendant illuminé tout le jardin , la
grande piece d'eau , toutes les Piramides & barrieres
. Aprés fouper , on fe rendit dans un
grand Salon en forme de Pantheon , magnifiquement
illuminé , & tout entouré d'une espece
d'Amphitheatre pour les fpectateurs , où toutes
les perfonnes du Caroufel & de l'Operette danferent
des danfes Polonnoifes & des menuets .
aprés quoi on fe retira , fans obferver ni ordre
ni rang. La Fête dura jufqu'à 2 heures aprés
minuit , les convives étant raffafiés de plaiſirs, de
mufique , de danfes , & de fpectacles.
DE NOVEMBRE. Gr
Le 26 étoit deftiné pour la Fête des Mineurs
on avoit choisi pour cela à une bonne lieuë de
France , de la Ville , un endroit extraordinaire
par fa fituation , dans une petite plaine fort
étroite , & traversée par une Riviere au milieu
de rochers fort efcarpés . Depuis le defilé de ces
rochers , l'on avoit tendu des toiles de diftance
en diftance, pour faire une espece de Ploys Jenft.
Le Roi , le Prince , & la Princeffe y étant arrivés
en caroffe à une heure , les Païfans commencerent
à faire grand bruit ; un moment
aprés , on vit paroître un affez grand nombre
de Cerfs & de Biches au fommet de la montagne.
On en tira plufieurs , mais la plus grande
partie fe lauva à travers les Païfans , ou fe cacha
dans les buiffons. Aprés avoir pratiqué la
même chofe en cinq ou fix enclos , & avoir tué
à coups de fufils 175 Lievres & 65 , tant Cerfs
que Biches , on fe rendit dans la Tente où étoit
la Reine , au pied du plus haur & du plus efcarpé
rocher , au fommet duquel on avoir fait
une efpece d'attrape , d'où l'on força 4 Cerfs
ou Biches à fe jetter du haut en bas dans la
Riviere ; mais avant que d'y parvenir , ils furent
écrafés en tombant dans les rochers , Sur
la fin on fit faire la même chofe à un Ours
qu'on y avoit mené ; mais , quoiqu'il vînt
heurter , comme le Cerf & les Riches , contre
un rocher de la même hauteur , il ne laiffa pas
de tomber vivant dans la Riviere , & de venir
nâger droit à nous. Le Roi le tua dans l'eau ,
& les chiens qu'on avoit fait mettre fur le bord
de la Riviere , au lieu d'attaquer l'Ours , fe
jetterent l'un fur l'autre. De là on fut à la Comedie
Italienne qu'on reprefenta fur un Theatre
fait de fapins & de jets d'eau , au pied du
rocher & de la Riviere ; ce qui dura jufqu'an
foir. Pendant ce tems-là on avoit illuminé ,
62 LE MERCURE
une grande Grotte , dans laquelle il Y avoit
efpeces de chambres , une grande ronde au milicu
, & une longue à chaque côté. Vis à vis ,
il y avoit 3 tables fervies dans cette Grotte ,
qui contenoient , non compris les Princes , 100
perfonnes, tant Seigneurs que Dames qui avoient
tiré des billets . Grand nombre de gens de Qualité
, & de Dames , fouperent fous des Tentes
derriere cette Grotte. Aprés le fouper , commença
la marche des 2000 Mineurs qui defcendirent
de la montagne en proceffion > tenant
chacun une lampe à la main . Ils firent
leur marche & contrematche devant la Grotte,
Cette proceffion fit un affez bel effet de loins
mais de prés , elle reffembloit tout - à- fait à un
enterrement , fur tout par le chant lugubre des
Mineurs. Aprés cette ceremonie , le Bal commença
, & dura jufqu'à 6 heures du matin . La
plus grande partie du monde , fe retira cependant
à minuit , mais avec peine , tant à caufe
de l'embarras des caroffes , que du defilé : bien
des gens furent même obligés de revenir
pied.
Lettre de M. de M** contenant une avan-
Ji
ture.
Ay reçû votre lettre , mon cher amy,
L'avanture dont vous m'y faites le recit,
eft particuliere , & vous avez , dites-vous ,
de l'admiration pour une femme qui meurt
de douleur. Aprés avoir apris l'irreparable
infidelité de fon amant , un fi prodigieux
DE NOVEMBRE . 65
163
excés d'amour vous penetra de reſpect
pour elle , & je n'en fuis point furpris ;
car vous aimez . Cette tragique hiftoire
fait un exemple du caractere d'amour
que vous fouhaitteriez pour vous à votre
Maitreffe ; mais , cruel , fongez - vous aux
confequences. Je la garantis morte , fi
vous êtes exaucé , & morte peut-être dans
huit jours : peut- être le hazard va- t- il vous
prefenter un vifage aimable , dont la
dont la proprietaire
armera toute la coquetterie contre
vous. Vous aurez des yeux , un coeur &
de l'amour propre ; vous vous amuferez
à regarder avec plaifir ; vous aimerez à
plaire ; voilà votre Maîtreffe à fon dernier
foupir ; vous acheverez de vous gâter la
nuit par de flatteufes & de reconnoiffantes
réflexions ; la voila morte. Où eft - il le
coeur de tout fexe , dont la loyauté ne periffe
dans les dangers dont je parle ? Et
que deviendroient les amans , fi l'inconf
tance de l'un étoit un arrêt de mort contre
l'autre les hommes & les femmes tomberoient
autour de nous par pelottons ; on
ne pouroit compter fur la vie de perfonne,
& je conçois qu'il ne refteroit plus fur
terre que quelques gens , qui par cas forruit
, fe feroient mutuellement portés un
coup fourré d'inconftance. Jufte Ciel ! que
de trepas indifcrets & fcandaleux ne ver
Toit- on pas ? que de devots reconnus pour
64
LE MERCURE
pas
?
hypocrites aprés leur mort ! eux , dont la
bonne odeur ne fubfifte que par le myftere
de leurs foibleffes . Que de meres détrompées
de l'innocence de leurs filles !
que de maris credules , & qui ne pourroient
plus l'être ! que de vieilles femmes
ridiculifées , en ceffant de vivre ! mais graces
à Dieu , nous n'avons rien à craindre de
tout cela, La nature plus fage que vous
mon ami , ne donne à l'amour un fi
grand crédit fur les coeurs le pouvoir
qu'elle lui laiffe , va tout à l'avantage du
genre humain ; & loin d'être homicide ,
il n'eft dangereux que par le contraire. On
pleure l'inconftance de fon amant ou de fa
maîtreffe ; on la foupire ; voilà le plus
grand inconvenient d'un amour trahi ;encore
ne voit- on paffer par ces peines que
ceux dont la nature a manqué de coeur ,
je veux dire , que c'eft un vice dans fon
ouvrage , que cet excés de fenfibilitê qu'elle
y laiffe . Sa regle generale eft plus douce,
& les amans abandonnés en font quittes
pour quelques chagrins que le moindre amufement
écarte ; & qui ne s'apperçoit que
dans ceux qui ne veulent pas fe gêner ,
je ne fçai même fi le plus grand nombre
n'en eft pas quitte à moins. Quoy qu'il
en foit , pour payer votre petite hiftoire
par une autre , je vais vous raporter un
exemple , fur qui vous pouvez , prefqu'à
coup
DE NOVEMBRE.
65
%
coup sûr , tirer l'horofcope de votre Maitreffe
, en cas que vous deveniez infidele.
J'étois , il y a quelques jours , à la
Campagne , chez un de mes amis : nombre
de Dames & de Cavaliers s'y étoient
raffemblés. Il me prit fantaiſie , un matin
, d'aller me promener feul dans le bois
de la maison : Je m'enfonçois déja dans
les routes les plus obfcures , quand la
pluye me furprit . Pour l'éviter , je courus
vers un cabinet que je vis affez prés de
moy. J'allois y entrer , quand j'entendis
parler ; je prêtai l'oreille ; c'étoit deux Dames
de notre compagnie , qui s'y étoient
apparemment refugiées avant moi. L'une
d'elles , un moment aprés , pouffa quelques
foupirs qui me donnerent la curio
fité d'en apprendre la cauſe. Je fuis jeune :
ces foupirs me prefageoient de l'amour ;
je crus qu'il feroit bon de voir comme
ces deux femmes en traitteroient à coeur
ouvert. J'en pouvois tirer des confequenees
generalles , & m'inftruire moi- même ,
en cas d'accident , du plus ou moins de
sûreté qui fe trouvoit dans les petites façons
exterieures du fexe. Helas ! ma chere,
dit la Dame , qui me fembloit avoir foupiré
, ne me reprochez point ma melancolie
: ne fçais-tu pas que Pyrame eft abfent
, & que je ne le verray de fix mois ;
Ah ! répondit l'autre , en éclattant de ri-
F
66 LE MERCURE
re ; gageons que ton coeur a pillé ce.ton
là dans Cleopatre. Que tu es folle à contre-
temps , dit l'affligée ! fi tu étois à ma
place , tu n'aurois pas le mot pour rire.
Ne te fache pas , ma bonne , repliqua
l'autre , je t'avoue que j'ay rî d'étonnement
tu ne dois voir ton amant de fix
mois ; tu te prépares , ce me femble , à
gémir autant de temps. Il n'eft pas juſ
qu'au fon de ta voix que tu n'ayes mis en
deuil. Cela m'a paru fingulier. Je connois
bien cette efpece d'amour languiffant
& tous les devoirs : mais franchement
je n'ay pas crû que ce fût celuy dont
le coeur fe fervit dans l'occafion. Je l'ay
pris pour cet amour qu'on imprime , &
dont on remplit de gros volumes de Roman
: Et tu joues à mourir de fatigue , fi
tu veux imiter ces amantes que ce foux
de la Calprenede a faites avec une plume
& de l'ancre. Il faut s'imaginer , ma
chere , qu'un coeur romanefque fournit
plus d'amour lui tout feul , que n'en fourniroit
tout Paris enfemble. Ne prens pas
ee que je te dis pour un manque d'experience
; nous fommes feules , au moment où
je te parle. J'aime ; mon amant eft abfent ,
non pas abfent comme le tien , qui n'eft
allé que chez fon pere. Il eft à l'Armée :
le voilà bien en rifque . Il pleuroit en me
quittant. Je pleurai de même , & les larDE
NOVEMBRE. 67
"
mes m'en viennent encore aux yeux. Tout
cela eft à fa place ; mais , ajoûta -t elle ,
en riant je veux dire en mariant une
folie plaifante avec fes pleurs , je verſe
des larmes , & n'en fuis pas plus trifte ;
bien au contraire , ma chere , je ne pleure
que parce que je m'attendris : mon attendriffement
me fait plaifir , & les larmes
qu'il amene , font en verité des larmes
que je répands avec goût. Je ne fçai pas
fi tu comprends comment cela s'ajuste : je
fuis tendre autant qu'on peut l'être. Je
tremble pour mon amant fans inquietude ;
je le defire ardemment fans impatience
je gémis même fans être affligée , & tous
ces mouvemens ne me font point à charge
; fouvent je les reveille , de peur d'être
oifive ; ils me fuivent où je vais ; ils
fe mêlent à mes plaifirs ; ils ne les rendent
que plus touchans ; c'eft comme une
provifion toute faite de réflexions douces,
qui ne m'en tiennent que plus difpofée à
la joye. Quand j'en trouve , je me dis à
moi- même : je fais la paffion d'un homme
' aimable ; cette idée me flatte , c'eft une
preuve de merite ; je m'en eftime avec
plus de sûreté de conſcience , & je ne fuis
pas fâchée de trouver alors fur mon che
min un hommage de petits foins. Je m'em
amufe fans fcrupule ; ils me repetent ce
que je vaux : je les encourage quelquefoiss
Fij
78 MERCURE LE
par un coup d'oeil , un gefte , un fouris ;
& je te jure enfin , que mon amant ne m'eſt
jamais plus cher , que quand je me fuis
prouvé , qu'il ne tient qu'à moy de lui
donner des rivaux . A leur égard , je ne
les aime point , ce me femble ; cependant
ils me plaifent ; mon amour propre a de
P'inclination pour eux ; mais je fens bien
confufément qu'eux & mon coeur n'ont
rien à demêler enfemble : voilà tout ce que
Jen puis dire , & voilà comme on aime ,
ma chere. Crois-moy ; regle- toy la - deſſus.
Eh , que deviendrois-tu donc , fi ton amant
venoit à changer ? Ah , de quoy parles- tu
là , s'écria l'autre ? Ah , mon Dicu , tout
me fremit ! lui , changer : toy qui aimes fr
fort à ton aife ; comment te fauverois - tu
de la douleur la plus vive , & peut être du
defeſpoir , s'il t'arrivoit ce que tu me fais
craindre ? Eh , que me dis- tu , répondit
l'autre , avec la douleur la plus vive ? Et
ron defefpoir , du dépit encore paffe : du
dépit , jufte Ciel , du dépit pour une perfidie
, dit l'autre Dame ? Oh , je n'en fçai
pas davantage , reprit fon amic ! Et je n'ai
jamais connu d'autre accident en pareil
cas. Je te parle bien naturellement comme
tu vois ; mais je t'aime , & tu as befoin
d'inftruction .
Et je vais , pour te la donner plus ample
, te faire un abregé fuccint de mes petites
avantures.
DE NOVEMBRE. 69
"
>
A neuf ans on me mit dans un Couvent
avec intention de m'engager à des
voeux. J'avois une foeur aînée à qui mes
parens deftinoient leur heritage : ils crurent
devoir commencer de bonne heure à
me fouftraire du monde , afin que l'ignorance
de fes plaifirs , m'empêchât de les
regretter , & que la victime , dans un âge
plus avancé , ne connût pas du moins les
difficultés de la fuite de fon facrifice ; j'y
reſtay trois ans avec tranquilité , & j'y
reçûs une education devote, qui porta plus
fur mes manieres , que fur mon coeur ; je
veux dire , qui ne m'inſpira point de vocation
, mais qui.m'en donna l'air. Je promis
tout autant qu'on voulut que je ferois
Religieufe ; mais je le promis fans envie
de le devenir , & fans deffein de ne pas
F'être. Je vivois fans reflexion ; je m'occu
pois de mon propre feu ; j'étois étourdie
& badine ; je joüiffois de ma premiere jeuneffe
, & je m'amufois de tout cela , fans
en defirer davantage.
Heft vrai que ce coeur vuide de goût
la clôture , & qu'on n'avoit pù tourpour
ner à l'amour de la Regle , quoiqu'il ne
fouhaitât rien encore , fembloit deviner
par fon agitation folâtre , qu'il étoit
d'agreables mouvemens qui lui convenoient
, & qu'il attendoit qu'une vocation
inconnue fe declareroit en moy ; & l'ac70
LE MERCURE
cident que je te vais dire , me la debrouilla.
Une de nos petites Penfionnaires tomba
malade : fa mere qui l'aimoit beaucoup,
ne voulut point la confier aux foins du
Monaſtere ; elle vint la chercher , & demanda
à me voir , parce que mes parens
l'en avoient priée . Je fus done au parloir ;
j'y perdis fur le champ mon ignorance ,"
& mon coeur eut fon compte. J'y vis un
Cavalier ; c'étoit le fils de la Dame en
queſtion : nos yeux fe rencontrerent ; je
fentis ce qu'ils fe dirent , fans être étonnée
de la nouveauté du goût que j'avois
à le voir , & la converfation que mes
yeux eurent avec les fiens , n'eut de ma
part aucun air d'apprentiffage . Si je pechai
, ce fut par un excés d'éloquence ,
dont à prefent je retranche un peu dans
l'occafion ; je n'ai point appris à mieux
dire que j'aime , j'ai feulement appris à le
dire un peu moins.
La Dame , qni emmenoit fa fille , ne parla
conformément aux inftructions que mes
parens lui avoient données ; me vanta les
charmes du Cloiftre , & mit fa main dans
fa poche , pour chercher des Lettres qu'elle
devoit me rendre de la part de ma mere.
Heureufement elle les avoit oubliées ; fon
fils s'offrit fur le champ de me les apporter ;
& avant qu'il eût parlé , j'avois déja comDE
NOVEMBRE. 71
pris & fouhaitté ce qu'il devoit dire. Je l'en
remerciai par un regard , dont je vis bien
qu'à fon tour il avoit fenti la neceflité , puiſque
je lui trouvai déja les yeux fur moy.
Enfin , ma chere, après quelques difcours
fatiguans , fa mere fortit , avec promeffe de
renvoyer fon fils me porter mes Lettres ; &
de mon côté, je m'en allai dans ma chambre
donner du progrès à mes fentimens , les
goûter à l'aife , & contempler l'image de
mon vainqueur. Au retour de ma meditation
, on ne me vit plus , ni fi badine , ni
fi vive ; mais en revanche , j'étois negli
gente & diftraite ; non que j'euffe perdu
ma gayeté , mais elle fe répandoit moins au
dehors. Je jouiffois d'un plaifir fecret qui
m'occupoit tant qu'il arrêtoit ma diffipation
; & pour vacquer à mes petites refle
xions , j'oubliois tout le refte.
Cependant , le jeune homme revint ; il
me demande ; une Religieufe me fuit au
parloir. Que je la haïffois là ! mais le ha
zard m'a toûjours fervi affez fidelement :
une Soeur converfe vint pour parler à ma
Religieufe ; cela nous fit un moment de
liberté , dont le Cavalier & moy profitâmes,
parce que nous en étions tous deux également
avides ; il me gliffa adroitement avec
mes Lettres , un billet qu'un ferrement de
main m'avertit être myfterieux ; ma main
lui redit aufli-tôt que j'entendois la fienne.
72 LE MERCURE
Je rougis pourtant de ce gefte mis en repli
que ; il le vit , & pour m'enhardir , le petit
fripon me baifa la main. Ce qui eft de plaifant
, c'eft qu'effectivement j'en devins
moins honteule ; mais mon importune compagne
la Religieufe retourna la tête à l'inftant
le plus intereffant de notre action ;
elle en furprit toute l'ardeur fur le vifage
du jeune homme , & tout le confentement
fur le mien ; & la Nonne commença à rougir
, où j'achevois de le faire.
Monfieur, dit-elle au jeune homme , en me
retirant de la grille , Madame votre mere ne
vous a point donné cette commiffion . Il eft
vray , Madame , répondit-il ; mais une fi
belle main , & mon âge me l'ont donnée ;
& je n'ay pas crû que ce fut un mal que de
les en croire. Pour moy , ma Mere , répondis-
je , je n'ay pas eu le tems d'arrêter Monfieur.
Allés vous- en , Mademoiſelle, me repartit-
elle , Vêpres fonnent , vous ferés
mieux de vous y rendre.
Je fis alors une réverence , où , à travers
beaucoup de modeftie , j'enveloppay je ne
fçai quel air content de mon amant , qu'il
dût comprendre , & je me retiray plus curieufe
qu'inquiette des fuites de l'avanture ;
& dans une impatience extrême de lire mon
billet , il me parut charmant ; peut-être
Pétoit-il je le garday comme un trefor ;
où je puifois dans mille momens du jour
une
DE NOVEMBRE. 73
une agreable vanité : je me regardois comme
une perfonne importante ; je n'avois
befoin que de le toucher pour m'eftimer ,
& pour treffaillir de joye . On veilla deflors
mes actions de plus près ; mais au bout de
quelque tems je me vis libre par la mort de
ma foeur. On me vint reprendre au Cou
vent : mon amant eut la liberté de me voir ;
ma nouvelle fituation me ravit au point
que j'en étois comme étourdie : les moindres
vifites étoient pour moy des plaifirs
ferieux ; un rien m'étoit beaucoup , ou quel
que chofe ; mon amour même augmenta à
proportion ; la journée ne fuffifoit pas à fentir
ma fatisfaction .
Voilà quelle j'étois , quand les empreffemens
de mon amant baifferent , & quand
enfin j'appris qu'il les portoit ailleurs . Je te
l'avoue , ma chere ; le jour où l'on m'en
confirma la nouvelle , je fus bien une bonne
heure où il me fembla que tout étoit defert
dans le monde , & que tout m'avoit abandonné.
Dans cette detreffe , il me vint com
pagnie ; le monde à mes yeux fe repeupla 3 .
mon chagrin s'affoiblit ; je me crûs moins
delaiffée ; deux jeunes gens me firent des
mines que je trouvay finceres ; je me fentis
reconfortée , & je pris tant de courage
dans cette foirée , que lorfque la compagnie
fortit , je me felicitay de mes nouvelles conquêtes
, fans me reffouvenir que trois heu
G
74 LE MERCURE
..
res avant je regrettois la perte d'une .
Cette Dame en étoit là de fon difcours
quand je fis par mégarde un petit bruit qui
la fit taire . Remettons le refte , dit - elle , à
une autre fois , il te divertira. Je me fauvay
là deffus , avec deffein de guetter l'occafion
de fçavoir la fuite de l'hiftoire , je l'ay
fçûë ; & comme cette lettre eft déja très
longue ; ce que j'ay appris fera le fujet d'une
autre. Bon jour.
Lettre de l'Auteur de la Carte d'Aragon
annoncée dans le dernier Mercure.
V
MONSIEUR ,
Ous vous êtes intereffé pour l'Auteur
de la Carte du Royaume d'Aragon.
Cette raiſon , & plus encore votre
experience en Geographic , exigent ce que
vous lui demandez. N'attendés pas ce
pendant une Differtation circonftanciée
dans les termes d'une Lettre que vous
recevrés demain . Je m'en tiens ici aux
faits capitaux : vous êtes affez connoiffeur,
pour fuppléer le détail des operations qui
font des confequences.
Il y a un peu plus de deux ans que
l'interêt de la Geographie me lia avec
Monfieur l'Abbé de Vairac. Il a traverfé
P'Espagne plufieurs fois , il en écrivoip
DE NOVEMBRE
75
alors , & j'avois reconnu , combien font
peu exactes les Cartes qu'on nous a don
nées de ce Pays , en France , en Hollande ,
& en Italie. Je n'en fçai que cinq ou fix
de la façon des Eſpagnols : elles ne figu
rent pas la quatrième partie de l'Eſpagne ,
& leur détail eft beaucoup moins riche
que celui de nos Cartes Topographiques.
Mais on a dû , pendant la derniere Guerre,
deffigner un Pays , couru & habité par
des Armées victorieuſes ou fagitives. J'a
pris , en effet , que le Roi d'Efpagne avoir
quantité de Cartes manuſcrites , principa
lement d'un nommé Pallota , Ingenieur
Italien , que vous avez pû connoître dans
le Milanez. Monfieur PeAbbé de Vairac
m'affûra même , que fa Majefté Catholi
que ne les refuferoit pas pour un bon ufage.
Sur cela , je fis un Projet de Cartes :
entre les Cartes générales , je n'oubliai
point celles qui pouroient éclairer l'Hiftoire
de l'Espagne. Ce Projet plut au Prince
de Chelamar , & fut envoyé au Roi d'Efgagne
: on lui annonça même un echantil
lon qui feroit encore mieux juger de ce
deffein. Que vous dirai-je ? il me tardoit
que je ne fuffe à Madrid , pour recueillir
les Memoires neceffaires à fon execution.
J'avois remarqué dans le Daviti de
Blaen , des Cartes de chacun des Diocefes ,
qui entrent dans l'étendue du Royaume
>
G ij
76 LE MERCURE
d'Aragon . Monfieur Guion premier Secre
taire de Monfieur Amelot Ambaffadeur en
Efpagne , me communiqua obligeament
l'orignal de ces Cartes acheté à Saragoce .
C'eſt une Carte en fix feüilles , d'un nomé
Jean Baptifte Labana , dediée aux Députés
des Etats d'Aragon , & qui eft trés eſtimée
dans le Pays . Je l'examinai : le détail
me parut travaillé avec foin , mais je trouvai
des deffauts dans le général. Le terrain
ocupé par les Vallées , qui font fur le pen
chant des Pirénées , y eft rétreffi de l'Oc
cident à l'Orient ; ce que m'indiquerent la
Longitude de Baïonne , & deux Pofitions ,
dont j'étois affùré en conféquence , celle de
fainte Chriftine en Aragon , & celle de
Viella dans la Vallée d'Aran. La Latitude
de Baïonne , & les diftances éxactes de
Pampelune & de Tudela furent une preuve,
que la frontiére de la Navarre y êtoit
trop méridionale . Ces Obſervations &
quelques autres , que me fournirent la fituation
& l'êtenduë des Pays voiſins , ont
influé néceffairement fur ce qui êtoit contigu
aux Parties vicieuſes , & la Carte n'a
plus êté éxactement orientée. Je n'eus donc
aucun égard aux Dégrés & Minutes de
Lat tude & Longitude , qui divifoient la
berdure de cette Carte , & je traçai des
Lignes horisontales & perpendiculaires ,
conféquament à ce que j'avois obſervé.
DE NOVEMBRE ラブ
Les circonstances des Operations , qui
m'ont fucceffivement conduit à mon opinion
, font exprimées par des Figures , que
vous verrés quand il vous plaira , & que
je ne déveloperois pas comodément ici . -
Monfieur Det'Ifle me fit don alors d'une
nouvelle Carte d'Aragon , gravée à Paris
en 1713 , fans cependant y devenir publique.
L'Auteur eft un nomé Jean Seyra &
Ferrer Docteur & c. à Saragoce , & elle fe
vend maintenant chez Monfleur de Fer:
Cete Carte eft une copie de celle de Labana,
fur une Echelle moins étendue , & à peu de
chofes prés. Les Rivieres n'y font pas , ce
me ſemble , auffi exactement deilignées
que dans la prémiére , & elle ne contient
ni les noms des Vallées , ni les limites des
Dioceſes mais , j'y trouvai de plus les
noms des Plaines voifines de Saragoce , de
plufieurs Sierres ou Cantons de pays couverts
de Montagnes , & quelques pofitions,
ce que je n'ai pas ômis dans mon Ouvrage.
Il n'êtoit pas encore tems de mettre la
main au crayon. Monfieur l'Abbé de Vairac
voulut bien contribuer au travail de toutes
les Remarques qu'il a faites dans le Pays.
J'y joignis bien- tôt des Mémoires & Plans
particuliers , pour ce qui confine avec la
Catalogne. Mais , il falloit encore jouir de
tout le profit , que je pouvois tirer de la
-
G iij
78 LE MERCURE
lecture des Auteurs Efpagnols & autres,
qui ont parlé de l'Aragon. Voici ceux , dont
il m'eſt reſté des extraits. Rodrigo Mendez-
Silva , Poblacion de Efpina ; Gonçalez de
Avila , Grandezas de Madrid ; Martin
Carillo , Obispos y Abades de Aragon ; Francifco
de Rades y Andrada , Ordenes fant
Iago Calatrava y Alcantara ; Martinez
del Villar , Patronado de Calataiud ; N.
de Gracia , Valle de Aran ; Juan de Arruego
, Hiftoria de Zaragoza ; Diego de
Ainfa , Grandezas de Huesca ; Ambrofius
de Salazar , Almoneda generalis & c ; Mar
tinus Zeillerus , Itinerarium Hifpania.
3
Vous vous fouvenés peut-être , Monfieur,
que j'ai réndu compte à un grand- Seigneur
de l'utilité de cete êtude. Par ce moien ,
j'ai juſtifié & j'ai acquis des Faits . J'ai conu
la confidération des Killes , par raport au
nombre de leurs Habitans , & par- raport
à leurs prérogatives ; j'ai conu des circonftances
de leur fituation , & celles qui ont
des Châteaux , ou , pour mieux dire , à
quelques- uns prés , des Fortereffes antiques
& en mauvais êtat. C'eft auffi à l'ufage
d'une Carte particuliere , que ces Livres
m'ont fait conoitre les Terres tîtrées ; Grandffes
, Duchés , Marquifats , Comtés , Vi-
Comtés , Baronies ; les principales Comande.
ries des Ordres de faint Jaque de Calatrava
& de Malte ; car celui d'Alcantara n'en
DE NOVEMBRE. 72
poffede point en Aragon ; & pour l'Etat
Ecclefiaftique , les Abbayes de divers Or
dres , les Prieurés , les Eglifes Collegiales
& ces Chapelles ou Hermitages dédiées à
Notre Dame , que les Aragonois apellent
Santuarios de Imagena parecida , & qui font
un grand objet de leur dévotion. J'en ai
marqué prés de quatre- vingts , c'est- à- dire
les plus fréquentés. Gonçalez de Avila
compte 1267 Hermitages dans les Diocefes
de Huefca de Balbaftro de Jaca de
Tervel & d'Albarracin , qui n'occupent
gueres que la quatrième partie de l'Aragon ;
& aux portes de la feule petite Ville de
Tamarité , il y en a huit , dont je n'ai pû
nommer les Patrons faute de place .
Un Itinéraire défigne ordinairement la
qualité des Lieux , qui fe rencontrent fur
les Routes , ainfi que la diftance qui eft
entr'eux. J'en ai de plus recouvré plufieurs ,
échapés aux Cartes gravées , fur tout de
ces Hotelleries folitaires , qui en Eſpagne
font fouvent auffi comodes que les Caravanferas
du Levant , je veux dire fans hôte &
fans meubles , & où le voiageur fous un
toît n'eft pas toûjours à l'abri : c'est ce qui
s'apelle Venta. Mais , ce qu'alors il me
fallut d'intelligence de la Langue Efpagnole,
n'a pas peu contribué à l'integrité de l'ouvrage.
Car on comet ordinairement des
fautes d'Orthographe en écrivant une Lan-
G iiij
80% LE MERCURE
gue tout-à- fait ignorée , & qui emploic'
plufieurs Lettres à des ufages différens de
ceux que nous leur attribuons. J'ai même
êté à portée de faire plufieurs corrections ;
& dans les Noms précédez d'un Article ,
je l'ai fouvent dés- uni ; lorfqu'il êtoit allié
mal- à- propos au mot principal.
Il manqueroit quelque chofe à l'exactitude
du compte que je rends , fi j'oubliois
de vous dire , que je confultai Monfieur
l'Abbé de Longueruë . Sa bien- veillance me
fait trop d'honeur , pour que je ne doive
pas en rapeller ici la prémiere époque.
J'aurois fouhaité joindre à la divifion des
Diocefes , celle des Jurifdictions nomées
Baylias : mais , leur grand nombre , dont je
fùs informé , me fit juger , qu'à peine il me
feroit poffible de m'inftruire für ce fujet
dans le Pays même .
Ce travail fut fuivi du Deffein de la Carte.
Mais , la partie Septentrionale demeura
imparfaite car je crus devoir figurer les
Pirénées avec plus de circonftances , que
je ne pouvois le faire alors. Ce deffaut cependant
ne deroba pas entierement cet Ouvrage
à quelques- uns de mes amis , & vous
l'auriés fans doute conu dés - lors , fi l'amitié
que vous voulés bien me porter êtoit
auffi ancienne. Je me fouviens qu'un Homme
de réputation en Geographie , avec lequel
j'êtois en liaifon, la vit avec éloge , &
DE NOVEMBRE.
que ceux , qui ne pouvoient en juger que
par goût , trouverent de la vérité dans la
repreſentation d'un Pays , ce qui ne dépend
pas toûjours de l'élégance de l'éxécution.
Plus d'une année d'obſcurité me l'avoit
prefque fait oublier , lorfqu'au mois de
Mars dernier , Monfieur l'Abbé de Vairac
fe chargea de la faire voir à Monfeigneur le
Regent. Vous fçavés , Monfieur , que je
n'ai pas gardere fur un fuffrage auffi
glorieux pour moi , que celui de ce Prince
éclairé, & qui a fait des Conquêtes dans le
- Pays que j'ai décrit. Si- tôt qu'il eut ordoné
la gravure de la Carte du Royaume d'Aragon,
je ne fongeai qu'au vuide qui me
reftoit à remplir. Je l'ai fait d'aprés les Def
feins Topographiques de Monfieur Rouſſel
Ingenieur du Roi , qui a levé avec autant
d'éxactitude que de détail cete partie des
Frontieres de France . La Carte a même
acru d'ailleurs , par tout ce que m'ont apris
plufieurs Officiers , qui ont fervi en Aragon
& en Catalogne ; & c'eft avec beaucoup
de fatisfaction pour moi , que leurs
lumiéres ont plus-tôt êté des richeffes à
aquerir , que des fautes à corriger.
Elle n'étoit pas encore gravée entierement
, que plufieurs Exemplaires furent
envoiés à des Officiers , qui comandent en
Efpagne & fur la Frontiere . Cet ufage , auquel
elle eft deftinée , n'empêche pas que
82 LE MERCURE
je ne foufcrive à la critique du tître , im
propre jufqu'ici , de Theatre de la Guerre
d'Espagne. Onne fçauroit cependant m'accufer
d'avoir voulu impofer fur le fujet ,
puifqu'il ne m'en revient aucun profit , la
Carte ne devant point être débitée . Il n'eft
pas même de ma façon : mais , il eſt employé
dans le Marché , contracté avec le
Sieur Pierre Stark- man Graveur par ordre
exprés de Monfieur , & qui eft
figné de lui ; ce qu'il a fallu adopter.
Vous aurés bien- tôt , Monfieur , la preuve
de la plufpart de ces faits , c'est- à- dire
' la Carte elle - même. Ce ne fera cependant
qu'aprés la correction des épreuves. Car
c'eft avec chagrin , que j'en ai vu plufieurs
exemplaires deja diftribués .
: Quant au fecond article de vôtre demande
, je n'y fatisferai préfentement que par
un Vers d'Horace :
Nullius additus jurare in verba
Magiftri:
Vous fçavez mes fentimens , Monfieur ,
& combien j'ai l'honneur d'être ,
Vôtre & c.
BOURGUIGNON D'ANVILLE
Geographe du Roi.
Du 20 septembre 1719 .
DE NOVEMBRE 83
Edits , Arrefts , & Declarations."
I TARIF
Des Droits d'Entrées par Terre , à commencer
du 12 Octobre 1719 .
UN MUID DE VIN FRANCOIS.
ENtrée par Muid
Quatrefols pour livre
Pauvres
a Octrois
Doublement
20 1. f.
41.
241 .
21. ff.
310f.
101.
1f.
10 f.
1 f.
Deux fols pour livre du Donblement
Controlleurs Jaugeurs par
Muids ou Demy - Queues
Deux fols pour livre
Nota. Lors que le Vinfera pour
un Tavernier , il doit encore être
payé pour l'Ancien Octroy de la
Ville 2 f. 9 d. parMuid de Vin .
b Jaugeurs
Papier
2 f.
I f. 9 d.
281. , d .
a Droits de la Ville.
b Nota. Faire payer la Jauge & Courtage , lors que
le Vin viendra d'un lieu oùle Gros n'a point cours 15 f.
4C. pour liv. 3 fe
$4
LE
MERCURE
Une Pinte de Vin commun.
a Entrée
Quatre fols pour livre
Pauvres à 2 liv. S f.
Octrois &Control .Jaug. à 1 1.12 f.
Par Pinte
1 f. 4 d.
3
3 d.d.
3
1 d.
7
1 d .
If. 11 d. 2
4
&
E
Nirée
VIN DE LIQUEUR.
421 Quatre fols pour livre .
81. 8 f..
sol. 8f.
Pauvres 21. sf.
• Octrois 10 f.
Petits Octrois
ou Demy - Queues
Doublement
Deux fols pour livre da
Doublement
Control. Jaug. par Muids ou
Demy -Quenës
Deux fols pour livre
, par Muids
Deux fols pour livre
d Jaugeurs
Papier
10 f.
rf.
10 f.
I f.
2 f. 6 d.
3 d .
2 f.
I f. 9 d.
541. II . 6d .
a La Pirte de Vin commun :
b Nota. Que le Vin de Liqueur qui entrera par terre,
doit être conduit au Eureau General pour y payer les
Droits.
Droits de la Vill .
Nota. Faire payer la Jauge & Courtage de 19 f.
4 f. pour liv.
3.0
- 85 DE NOVEMBRE.
Une Pinte de Vin de Liqueur.
a Entrée
Quatre fols pour livre
Pauvres
Octrois , Control . Jaug. à 1
liv. 12 f.
21. 11 f.
7 1.
I f.
If.
31. f. 5
EAU DE VIE SIMPLE
Qui doit être envoyée au Bureau General,
poury Payer les Droits.
E Nerée par Muid sol. 8 f. d,
Quatre fols pour livre 10 i. I f. 8 d.
60 l . 9 f. 8 d,
b Octrois Il. 10 f.
Doublement
Deux fols pour livre du Doublement
Controlleurs Jaugeurs par ·
Muids ou Deny - Queues
Deux fols pour livre
Jaugeurs
Papier
Ilaof.
3 f.
Io f.
a Pinte de Vin de Liqueur.
I f.
4f.
I f. 9 d.
64 1. 9 f. 5 d
Nota A l'égard des Petits Otrois , evaluer les
Pintes à proportion de 2. f. 9. d. par muid.
b Drois de la Ville.
c Nota. Faire payer la Jauge & Courtage lorfque
L'an ne juftifiera point de Quittance.
86 LE MERCURE
a Entrée
La Pinte d'Ean - de - vie.
Quatre fols pour livre
Octrois, Controlleurs-
Jaugeurs
3 f. 6 d.
8 d.
3 d. zal
f
4 f. 6 d.
CIDRE.
E
Nirée par Muid
Quatre fols pour livre
b Octroy
41.
16 f.
4. 16 f.
sf.
sf.
Doublement
Deux fols pour livre du
Doublement
Controlleurs - Jaugeurs par
Muids ou demy -Queues
Deux fols pour livre
sf.
6 d.
Jaugeurs
Papier
6 d.
2 f.
1 f. 9 d.
sl. 15 f. 9. d.
3 d. x
d Entrée
La Pinte de Cidre.
Quatre fols pour livre
Octrois , &c.
31
4 d. 21
a La Pinte d'Eau - de - Vie
b Droits de la Ville.
f
Nota. Faire payer la Jauge & Courtage de 9 f.
pour 1.
d La pinte de Cidre.
1. 10 d.
DE NOVEMBRE. 87
POIRE .
Ntrée Muid
par
Quatre fols pour livre
a Otroy
Doublement
Deux fols pour livre du
Doublement
Controlleurs - Jaugeurs - par
Muid ou Demy - Queuë
Deux fols
pour livre
Jaugeurs
Papier
21.
8 f.
21. 8 f.
2 f. 6 d.
2 f. 6 d .
3 d.
5 f.
6 d.
z f.
If. 9 d.
31. 2 f. 6 d.
a Droits de la Ville.
Nota. Faire payer la Jauge & Courtage de 9 fols,
1 f. 10 d. 14f. pour 1 .
Arreft du Confeil d'Etat du Roy du 10
-Janvier 1718 , qui difpenfe les Vaiffeaux
armés par la Compagnie d'Occident
pour la Louifianne , d'y porter les engagés
& fufils , à quoi font affujettis les Vaiffeaux
deſtinés pour les Colonies , par
› le
Reglement du 16 Novembre 1716.
Arreft de la Cour du Parlement du 29
Avril 1719 , qui a jugé 3 Queſtions.
La premiere , qu'un Pere qui fe remarie,
peut , fans offenfer l'Edit des fecondes Nôces
, inſtituer heritier par fon fecond Con88
LE MERCURE
trat de Mariage , un enfant à naître de fon
fecond lit.
La deuxième , que dans la Coutume de
la Marche , la fucceffion mobiliaire de la
mere comprend indiftinctement tous les
meubles de l'enfant prédécedé , fans diftinction
de ceux qui lui ont été acquis par
fucceffion ou autrement.
La troifiéme , que les deniers ftipulés
propres à un mari par un premier Contrat
de mariage , ont repris aprés la mort de fa
femme; la même qualité de deniers , & qu'il
en a pû difpofer comme meubles.
Arreft du Confeil d'Etat privé du Roy ,
du-28-Aouft-1719 , qui maintient tous les
Marchands & Artifans des Communautés
de la Ville & Fauxbourgs de Paris , dans le
Privilege de pouvoir s'établir dans toutes
les Villes & Bourgs du Royaume , en faifant
enregiftrer leurs Lettres de Maitrife au
Greffe de la Jurifdiction ordinaire du lieu
où ils s'établiront.
Arreft du Confeil d'Etat du Roy du 24
Octobre 1719 , qui nomme des Commiffaires
pour la liquidation des Offices de
Commiffaires -Verificateurs Particuliers des
Rolles pour la diftribution du fel : & le
fieur Gromefnik , pour Greffier de la Commiffion
, demeurant ruë neuve des Petits-
Champs.
Arreft du Confeil du 26 , qui ordonne
que
DE1 NOVEMBRE. ૪૩
que les effets provenans des 30 millions
d'Actions des Fermes , remifes aux Receveurs-
Generaux des Finances , & qui compofent
leur Caiffe particuliere , leur feront
délivrés : Au moyen de quoi S. M. leveles
furléances à eux accordées , & veut qu'ils
payent comptant leurs Billets , Lettres de
change & Refcriptions.
Autre du 26 , qui ordonne que tous Com
mis , Capitaines , Gardes , & autres Employés
par la Compagnie des Indes , pour les
Gabelles , cinq groffes Fermes , Tabac ,
Aydes , papier & parchemin timbré , Controlle
des Actes, Greffes, Domaines , amortiffemens
& francfiefs , veilleront à la confervation
des differens droits de toutes lef
dites Fermes , indiſtinctement , & drefferont
leurs Procés-verbaux des contraven
tions & fraudes qui feront faites à tous lef
dits droits , &c.
: Ordonnance de Police du 27 Octobre
1719 , qui réduit la livre de chandelle
loyale & marchande , à 3 f. 6 d.
Arreft du Confeil du 28 Octobre , qui
ordonne que les droits refervés par les Edits
des mois de Juin & Aouft 1716 , demeure-
Font totalement éteints & fuprimés , à commencer
du 1 Decembre 1719.
Arreft du Confeil du 28 , portant mode
ration de droits fur le charbon de terre ve
nant d'Angleterre.
H
90 LE MERCURE
Arreft du Confeil du 29 , portant Reglement
fur la vente de la volaille & gibier.
Arreft du Confeil du 7 Novembre 1719,
qui ordonne que les droits qui étoient cydevant
attribués aux Offices de Subftituts-
Adjoints , & qui ont été refervés par l'Edit
du mois de Novembre 1717 , demeureront
totalement éteints & fuprimés , à commen
cer du 1 Decembre 1719 .
Arreft du Confeil du 9 , qui ordonne
que les Proprietaires des Rentes fuprimées
par les Arrefts des 31 Aouft & 26 Octobre
dernier , feront rembourfés fur leurs anciens
Contrats , quoique non convertis en
Rentes au denier 25 , conformément aux
Edits de Decembre 1713 & 1715.
Autre Arreft du 9, qui ordonne que toutes
les parties de Rentès ordonnées être
remboursées par les Arrêts des 31 Aouſt
& 26 Octobre derniers , qui ne fe trouve
ront pas libres & fujettes à remploy , feront
& demeureront exceptées de la fupreffion
portée par lefdits Arrefts.
-Arreft du Confeil du 1o , qui permet aux
Directeurs de la Compagnie des Indes
d'employer telle partie des fonds qu'ils ju
geront convenable pour l'accroiffement du
Commerce de la Pêche , & l'établiffement
des Manufactures , fans qu'il puiffe être fait
de nouvelles Actions fur ladite Compagnie
des Indes,
DE NOVEMBRE. 91
Arreft du Confeil du 11 , pour le rem→
bourfement des creanciers des Etats de Bre
tagne.
Arreft du Confeil du 14, qui nomme des
Commiffaires , pour juger les differens mûs
& à mouvoir fur les oppofitions formées &
à former , aux differens rembourfemens or
donnés par S. M. pour le prompt payement
des dettes de l'Etat.
Arreft du Confeil d'Etat du Roi du 12
Novembre 1719 , portant Réunion au Do
maine de fa Majefté , de tous les Bois qui em
ont été jufqu'à preſent diftraits par differens
Engagemens. Sa Majesté étant informée
qu'encore que le feu Roy ait eu en vûë de
réunir à fon Domaine tous les droits qui en
avoient été diftraits , S. M. étant en fon Confeil,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a Réuni à fon Domaine tous les
Bois alienés ou engagés en execution des
Edits des années 1601 , 1645 , 1652 &
autres : en confequence , ordonne que les
Engagiftes defdits Bois , reprefenteront in
ceffamment pardevant les Sieurs Fagon
Confeiller d'Etat & au Confeil Royal de
Regence pour les Finances , d'Ormeffon
d'Amboile , de Gaumont & Tachereau de
Baudry Maîtres des Requeſtes & Confeil,
lers au Confeil de Finance , que fa Majeſté a
commis à cet effet , leurs Quittances de Fi-
>
Hij
91 LE MERCURE
nances , Contrats & autres Titres d'enga
gemens defdits Bois , pour fur la liquida
tion qui en fera faite par lefdits Sieurs Commiffaires
, être lesdits Engagiftes rembourfés
du montant defdites Finances fur les
Quinze cens Millions preftez à fa Majefté
par la Compagnie des Indes . Fait fa Majefté
trés-expreffes inhibitions & défenfes
aufdits Engagiftes de faire ou continuer , à
compter du jour de la publication du prefent
Arreſt , aucunes Coupes dans Teſdits
Bois , & à tous Marchands & autres parti
culiers de s'immifcer aufdites Coupes , fous
les peines portées par l'Ordonnance des
Eaux & Forefts du mois d'Aouft 1669 .
Enjoint fa Majefté aux Grands - Maîtres
des Eaux & Forefts de fe tranfporter inceffamment
dans lefdits Bois fitués dans l'étenduë
de leurs départemens , à l'effet d'en
faire une vifite exacte & dreffer Procésverbaux
de leur état , confiftance , âge , nature
& qualité , & de proceder au Reglement
des Coupes fuivant leur poffibilité ;
pour fur lefdits Procés -verbaux & leurs
avis , étre par fa Majefté ordonné ce qu'il
appartiendra. Et fera le prefent Arreſt enregiftré
, lû , publié & affiché par tout où il
appartiendra , & executé nonobftant oppo
fitions , recufations , prifes à partie ou au
tres empêchemens quelconques , pour leG
quels ne fera differé , & dont fi aucuns in
DE NOVEMBRE.- 93
serviennent , fa Majefté fe referve la connoiffance
& à fon Confeil , & icelle interdit
àtoutes les Cours & Juges ; & pour l'exe
cution du preſent Arreft feront toutes Lettres
neceffaires expediées. FAIT au Confeil
d'Etar du Roy , fa Majefté y étant , tenu à
Paris le douzième jour de Novembre mil
fept cent dix-neuf. Signé PHELYPEAUX.
Arreft du Confeil d'Etat du Roy du 16.
Novembre 1719 , qui ordonne la maniere
dont les Saifies doivent être faites entre les
mains des Receveurs & Syndics Diocefains
du Clergé. SA MAJESTE ESTANT EN SON
CONSEIL , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a ordonné & ordonne
que dans quinzaine pour tout delay,a'compter
du jour de la publication du prefent Arreft
, toutes les Saifies , Arrefts , oppofi
tions & autres empêchemens generalement
quelconques , qui ont été cy- devant faits
entre les mains des Receveurs particuliers
des Diocefes , foit en exercice ou hors d'exercice
, pour quelque caufe que ce foit ,
foient denoncez aux Syndics defdits Dioce
Les par lefdits Receveurs Diocefains , les
Originaux defquels Exploits de denoncia
tion , enſemble les copies defdites Saifies ,
Arrefts , Oppofitions ou autres empêchemens
faits entre les mains defdits Receyeurs
Diocefains , feront visés par lefdits
Syndics. Yeut & entend fa Majeſté , que
94 LE MERCURE
faute par lefdits Receveurs Diocefains , tant
anciens , qu'alternatifs & triennaux , d'a
voir denoncé aufdits Syndics dans ledit dé
lay de quinzaine lefdits Arrefts , Saifies ,
Oppofitions ou autres empêchemens , lef-
S
dits Receveurs Diocefains en foient & demeurent
garands & refponfables en leurs
propres & privez noms ; & feront lefdits
Syndics des Dioceſes tenus d'envoyer aux
fieurs Agens du Clergé , en execution dudit
Arreft du 26 Octobre dernier , des états
par eux certifiez veritables, defdites Saifies,
Arrefts & autres empêchemens . ENJOINT
Sa Majesté aux Sieurs Agens Generaux du
Clergé , de tenir la main à l'execution du
prefent Arreft qui fera lû , publié & affiché
par tout où befoin féra , & executé nonob
ftant oppofitions & empêchemens quelconques
, pour lesquels ne fera differé , & dont
faucuns interviennent , Sa Majefté s'eft
refervé la connoiffance & l'interdit à
toutes fes Cours & Juges. FAIT au Confeil
d'Etat du Roy , Sa Majesté y étant , tenu
à Paris le feizième jour de Novembre
mil fept cent dix - neuf. Signé PHELYPEAUX.
Arreft du Confeil d'Etat du Roy du 16
Novembre 1719 , qui commer le Sieur
Charles Geoffroy pour payer les Rembour
femens aux differens Rentiers du Clergé.
SA MAJESTE ESTANT EN SON CONSEIL ,
DE NOVEMBRE.
99
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans Re
gent , a commis & commet le Sieur Char
les Geoffroy pour payer toutes les fommes
qui fe trouveront dues aux Rentiers & Proprietaires
defdits Offices & autres creanciers
, dont le rembourſement a été ordonné
par ledit Arreft du Confeil d'Etat du 26
Octobre 1719 , foit en deniers qui lui feront
fournis par lleeddiitt DDuubbrreeuuiill , foit en
Recepiffez dudit Sieur Geoffroy payables
au Porteur au premier Janvier 1710 , par
le fieur Deshayes Caiflier de la Compa
gnie des Indes , au choix & option deſdits
Rentiers & Proprietaires deſdits Offices ;
lefquels recepiffez dudit Sieur Geoffroy feront
reçûs dans les Payemens des cent cin
quante Millions de nouvelles Actions de la
Compagnie des Indes , en la même forte
& maniere que les autres Effets mentionnez
dans lefdits Arrefts des 26 Septembre
& 21 Octobre 1719 , & jouiront les Por
teurs defdits Recepiffez , des mêmes avantages
que les Porteurs de ceux delivrés
par les fieurs Hallée & Renaut. FAIT aut
Confeil d'Etat du Roy , fa Majefté y étant ,
tenu à Paris le feizième jour de Novembre
mil fept cent dix- neuf. Signé PHELYPEAUX.
Arreft du Confeil d'Etat du Roy , du 21
Novembre 1719, qui ordonne la réunion
generale des Domaines . Le Roy ayant fait
examiner en fon Confeil les differens Edits
96
LE MERCURE
en vertu defquels il a été aliené un fi gránd
nombre de Domaines , que le produit de ce
qui refte ne fuffit pas pour acquitter les
Charges dont la Majefté eft tenuë. Et fa
Majesté ayant d'ailleurs depuis fon avene.
ment à la Couronne fupprimé quantité de
droits onereux à fes Sujets , ce qui diminuë
confiderablement fes revenus , Elle a jugé à
propos de rentrer dans fes Domaines , &
d'employer pour le rembourſement des En
gagiftes une partie des quinze cens Millions
que la Compagnie des Indes s'eft engagée
de lui prefter pour payer les dettes de l'Etat,
& dont fa Majefté a eftimé ne pouvoir fai.
re un emploi plus jufte & plus favorable
que de retirer le patrimoine de la Couron
ne : A quoy étant neceffaire de pourvoir ,
Ouy le Rapport. SA MAJESTE' ETANT
EN SON CONSEIL , de l'avis de Monfieur
le Duc d'Orleans Regent , a ordonné &
ordonne ce qui fuit.
ART. 1. Que tous les Domaines , Juſtices,
Seigneuries & autres droits domaniaux,
de quelque qualité qu'ils foient ou puiffent
être alienez , foit par engagement à
faculté de rachapt perpetuel , ou à titre de
proprieté incommutable , infeodation , don,
conceffion ou autrement , à quelques perfonnes
, pour quelques cauſes , & depuis
quelque temps que ce foit , feront & demeureront
pour toujours réïnis à la Cou
Lonne
DE NOVEMBRE.
37
ronne , nonobftant
toute prétention de
preſcription
& efpace de temps , pendant
lequel les Domaines & droits en pourroient
avoir été feparez , fans qu'ils en puiffent
étre cy- aprés diftraits ni alienez en tout ou
partie , pour quelque caufe que ce puiffe
être , à l'exception
néantmoins
des dons
faits aux Eglifes , Doüaires , Appanages
& Echanges
faits fans fraude ni fiction ,
en vertu d'Edits bien & dûemen: verifiés ,
de même que les parts & portions de pe-.
tits Domaines
qui ont été alienés à vic , en
execution
de la Declaration
du Mars
1718 , & qui doivent revenir à fa Majefté
aprés le decés des Ufufruitiers
.
II. Veut & ordonne fa Majefté que tous
les detempteurs des Domaines , Juftices &
droits , à quelque titre que ce puiffe être ,
foient tenus de rapporter avant le premier
Mars prochain , pardevant les Commiffaires
qui feront deputez pour l'execution du
prefent Arreft , les Contrats & autres Titres
, en vertu defquels ils joüiffent , & les
Quittances de la Finance qui aura été par
eux payée , même celles des deux fols pour
livre , pour aprés que le tout aura été communiqué
aux Infpecteurs Generaux des
Domaines , être pourvû à leur rembourſement
, ainfi qu'il appartiendra : & que lef
dits Sieurs Commiffaires en procedant à la
Liquidation de la Finance des Engagiſtes ,
I
98 LE MERCURE
n'ayent aucun égard aux dons & conceffions
defdits Domaines , pour quelque cau
fe & pretexte qu'ils ayent été faits , ni aux
Arrefts qui pourroient en avoir accordé la
jouïffance , lefquels fa Majefté a caffez ,
revoqués & annulés , conformément aux
anciennes Ordonnances .
III . Ordonne fa Majefté , que ceux qui
auront continué la jouïffance des Domaines
au-delà du temps porté par leurs dons &
conceffions , foient condamnés à la reftitution
des fruits & interefts d'iceux , à compter
du jour que la conceffion aura expiré ,
fuivant l'eftimation qui en fera faite.
IV. Et que les Detempteurs defdits Domaines
, qui ne rapporteront aucuns Titres
de leurs engagemens , ou n'en rapporteront
point de valables , foient tenus de reftituer
les fruits qu'ils en auront perçûs pendant
leur jouïffance , & celle de leurs predeceffeurs
, fans
que la poffeffion , quelque longue
qu'elle foit , puiffe fuppléer au Titre ,
ou couvrir le vice d'icelui , ni empêcher la
reftitution entiere des fruits.
V. Comme auffi qu'il n'entrera en liqui
dation de Finance que les fommes qui fe
trouveront être réellement entrées dans les
coffres de fa Majefté , ainſi que les deux fols
pour livre d'icelles , même les frais &
loyaux coûts , les impenfes & ameliorations
utiles & neceffaires , lorfqu'elles au
DE NOVEMBRE. 99
ront été faites par autorité de Juftice.
VI. Et feront les Engagiftes remboursés
fur les Ordonnances de liquidation defdits
Sieurs Commiffaires , & fur les Arrêts
particuliers de réunion qui feront expediés
en confequence , en remettant les Titres &
Pieces juftificatives de leur engagement au
Garde dur for Royal , lequel leur delivrera
pour la valeur fes Recepiffés fur le
Caiffier de la Compagnie des Indes, à compte
des quinze cens Millions qu'elle s'eft engagée
de prêter.
VII . Ordonne au furplus fa Majefté que
PEdit du mois d'Avril 1667 , portant reünion
des Domaines , foit executé felon fa
forme & teneur en ce qui ne fe trouvera
point contraire au preſent Arreft, fur lequel
toutes Lettres neceffaires feront expediées.
FAIT au Confeil d'Etat du Roy , fa Majeſté
y étant , tenu à Paris le vingt uniéme jour
de Novembre mil ſept cens dix-neuf. Signé,
PHELYPEAUX.
Arreft du Conſeil d'Etat du Roy , portant
fuppreffion des Offices de Gardes en
Titre des Bois , Eaux & Forefts de Sa Majefté.
LE ROY ESTANT EN SON CONSEIL ,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent
, a fupprimé & fupprime tous les Offices
de Gardes de fes Bois, Eaux & Foreſts,
créez par ledit Edit du mois de Novembre
1689. En confequence , ordonne que les
Iij .
535116
100 LE MERCURE
Proprietaires defdits Offices feront tenus de
reprefenter dans fix mois ,à compter du jour
de la publication du prefent Arreft , leurs
Quittances de Finance & Titres de proprie
té defdits Offices , avec les Procès - verbaux
de l'état des Bois commis à leur garde
dreffez par les Grands Maitres , ou par les
Officiers qu'ils fubdelegueront cet effet ,
pardevant les Sieurs Intendans & Commiſfaires
départis dans les Provinces & Generalités
du Royaume , dans l'étenduë defquelles
lefdits Offices font établis , pour en
eftre par chacun defdits Sieurs Commiffaires
, que Sa Majesté a commis à cet effet ,
dreffé un état de Liquidation , & leldits
états remis entre les mains du Sieur Fagon
Confeiller d'Etat , être pourvû au rembourfement
de la finance deſdits Offices fur les
quinze cens Millions prêtés au Roy par la
Compagnie des Indes. Enjoint Sa Majesté
aux Grands Maîtres des Eaux & Forests , de
commettre chacun dans fon département à
la garde defdits Bois, conformément à l'Ordonnance
des Eaux & Forefts du mois
d'Aouft 1669 , & aux Reglemens du Confeil
intervenus en execution d'icelle , & feront
lefdites Commiffions de Gardes exer
cées par ceux qui feront commis par lefdits
Grands Maîtres , aprés qu'ils auront
prêté le ferment en tel cas requis , jufqu'à
ce qu'il fait pourvû par Sa Majefté par des
DE NOVEMBRE. 101
Lettres du grand Sċeau aufdites Commiſfions
; & pour l'execution du prefent Arreft
, qui fera regiftré , lù , publié & affiché
par tout où befoin fera , & executé nonobftant
oppofitions ou autres empêchemens
quelconques , toutes Lettres neceffaires feront
expédiées. FAIT au Confeil d'Etat du
Roy , Sa Majefté y étant , Monfieur le Duc
d'Orleans Regent prefent , tenu à Paris le
douzième jour de Novembre mil fept cens
dix-neuf. Signé PHELYPEAUX .
Arreft du Confeil d'Etat der Roy , qui
nomme des Commiffaires pour proceder à
la Liquidation de la Finance des Offices de
Payeurs & de Controlleurs des augmentations
de Gages. SA MAJESTE ESTANT EN
SON CONSEIL , de l'avis de Monfieur le
Duc d'Orleans Regent , a ordonné & ordonne
que les Proprietaires des Offices de
Payeurs & de Controlleurs des Payeurs
des augmentations de gages creées & établies
depuis le premier Janvier 1689 , reprefenteront
pardevant les Sieurs le Pelletier
de la Houffaye , Confeiller d'Etat
ordinaire , d'Ormeffon , d'Evry ; de Crouy,
de Gaumont , Hebert , Amelot , de la
Grandville , Orry , Bertin , Parizot , de
Voyer d'Argenſon , Pajot , Midorge , Regnault
, le Pelletier de Signy & d'Argenfon
Maîtres des Requêtes , que Sa Majesté
a commis & commer,leurs Quittances de fi
Iiij
102 LE MERCURE
nance , Proviſions & autres Titres de proprieté
, ponr être procedé à la Liquidation
de la Finance de leurs Offices ; & qu'à cer
effet ils les remettront entre les mains du
fieur de Gromefnil Greffier des Commiffions
extraordinaires du Confeil . FAIT au
Confeil d'Etat du Roy , Sa Majesté y étant ,
tenu à Paris le dix- huitième jour de Novembre
mil fept cens dix neuf. signé PHELYPEAUX
.
Lettre écrite à l'Auteur du Mercure , au ſujet
de l'extrait qui a été donné dans le mois
d'Ottobre , fur le Traité des Penfions
Royales.
E n'eft pas fans étonnement , Monfeur
,que pay lù dans l'extrait que
vous avez fait du Traité des Penfions Royales
, ce que l'Auteur avance contre l'Ordre
de S. Lazare . A l'entendre , on croiroit que
cet Ordre n'eft rempli que de gens fans
naiffance & fans merite , qui n'y ont été reçûs
que par faveur ou par argent. Il ignore
apparemment , ou il fait femblant d'ignorer
que parmi ceux dont il eft compofé , il y a
plufieurs perfonnes des plus illuftres Maifons
du Royaume , comme des Montinorency
, des Laval , des la Rochefoucault .
des Bethune , des la Marck , des RocheDE
NOVEMBRE. 103
chouart , des Simianes , des Brancas , des
Conflans , &c. Que de trois cens Chevaliers
ou environ , qu'on y compte à prefent,
le plus grand nombre eft celui des Chevaliers
de Juftice , qui ont fait trés regulierement
les preuves de Nobleffe : Qu'il s'y
trouve quantité d'anciens Officiers , Marêchaux
de Camp , Brigadiers , Colonels
Lieutenans - Colonels , & Chevaliers de S
Louis : Que de ceux qui ont été faits Chevaliers
de Grace ( c'est - à-dire qu'on a dif
penfés des preuves deNobleffe, en partie ou
en tout ) il y en a plufieurs qui ont fondé
des Commanderies : Que d'autres ont obtenu
la Croix , à caufe de leurs fervices à la
Guerre ; & que d'autres enfin ont été reçus
pour quelque merite particulier ; mais
qu'il n'y en a aucun qui ne foit de bonne famille.
Quand le Roy Henry IV. inftitua l'Ordre
de Notre Dame du Mont Carmel , au
quel il unit celui de S. Lazare de Jerufa
łem , le plus ancien de la Chrétienté , ce fut
pour le remplir feulement de Gentils- hommes
, comme on le voit dans la Bulle que le
Pape Paul V. donna pour cette Inſtitution
au mois de Mars 1607 , & ailleurs . Cette
Bulle permet aux Chevaliers , quoique mariés
, de poffeder des Penfions fur les Benefices.
L'Ordre de S. Lazare jouïffoit aupa
ravant de ce droit qui lui avoit été confirm
I iiij
104 LE MERCURE
par quantité de Bulles de differens Papesy
Ainfi , fans examiner la grande queſtion de
P'Auteur du Traité , on peut dire que le
droit des Chevaliers de S. Lazare eft bien ,
& incontestablement établi ; qu'il n'y a
aucune difficulté à les en faire jouir , &
que fi l'Ordre de S. Louis a été inftitué
pour être le prix des fervices militaires
fans avoir égard à la naiffance , celui de S.
Lazare eft une voye aifée , pour recompenfer
le merite & la valeur des Gentils-hommes.
A la verité, fon inftitution eft de combattre
les Infidelles ; mais , fi elle n'eſt
point ſuivie , ce n'eſt pas la faute des Chevaliers.
Cependant , foit qu'on leur en
donne les occafions , ou qu'on les employe
ailleurs , ce fera toujours un moyen sûr de
procurer quelqu'avantage à la Nobleffe
qui ayant fi fouvent prodigué fon fang pour
fes Rois & pour fa Patrie , merite bien une
diftinction particuliere . Auf toute autre
que M. l'Abbé Richard ne fe feroit jamais
avifé de former , & encore moins de propo
fer le projet d'union qu'il a imaginé.
Je fais Monfieur , &c.
DE NOVEMBRE.
JOS
Les mauvais Prefages .
OCTAVE ,
CTAVE , ce bon Gentil - homme ,
Qui dit que des Romains il tire extraction ;
(Quoiqu'il n'ayt de la vieille Rome
Qu'un peu de fuperstition :)
Sortit un jour de fon village ,
Et voulut bien faire un excés ,
Pour folliciter un procès
Qu'il avoit dans fon Bailliage.
Au milieu de fon parc , fur un gros arbre fec ,
Il vit un vieux corbeau perché fur fon paffage
Qui de croafferfaifoit rage.
Voici qui ne vaut rien , dit- il , c'est un échec ,
Oifeau malencontreux , que ton chant me préfaga?
Dubois fon valet l'encourage ,
Il s'efforce , il poursuit , & le nobie Romain
Plein du fouci qui l'inquiete ,
Amille pas plus loin rencontre une Belette
Qui luy traverse le chemin.
Cédons , s'écria- t- il , c'eft trop faire le brave ,
Je fens mon coeur glacé d'effroi :
Si ce jour , fans malheur , fe termine pour
Je ne fuis plus Octave.
A ces mots , il donne des deux ,
Regagne fon logis ; & le trouble dans l'ame
Il court dire à fa chere femme ,
Sur tous ces préfages hideux ,
sa prévoyance fans feconde :
Iltireles rideaux ;
moi
trouve; Hé bien donc ! Quoy?
Ce que jadis trouva Joconde ,
Et ce qu'on n'aime pas à rencontrer chezSay
Aprés une telle avanture ,
A-t-il tort , s'il croit à l'augure3
тоб LE MERCURE
D
L'heure de boire.
Ante nous a rimé l'histoire
De l'Enfer du Purgatore ,
Où le profond vltramontain
S'embrouille de tant de mysteres ,
Qu'à la barbe des Commentaires ,
Un grand Clerc y perd fon latin.
Là , fa cauftique médifance
Verfant des flors d'ancre malin
Il daube fur les Rois de France
En déterminé Gibellin.
Dans fes jours moins vifionnaires
Derogeant à fa gravité ;
Ce Sphynx des bons mots populaires
Adoptoit la naïveté :
Sur Pipophtegme& la Sentence
Il n'était pas toujours guinde
Et prenoit joyeuse licence
De montrer fon front deridé.
Un foir que dans fon héritage ,
En revant , il fe promenoit ,
A fon Fermier , qui revenoit
Tout éclopé du labourage ,
Il demanda : Quelle heure eft - il ?
Gros- Jean , pou faire le fubtil ,
Et répondre en termes honnêtes ,
Fichant gros jeux de boeuf en haut ,
Où Laboureurs font leurs enquêtes .
Dir , Monfieur , c'est l'heure qu'il faut
Aller mener boire les bétes .
Dante fourit ; grand merci ,
Mon bon-homme : Veux- tu m'en croire ?
Hâte-toi ; puifqu'il est ainsi ,
De chercher qui te mene boire.
DE NOVEMBRE. 107
A
Sur une vielle Coquette.
Ngelique avec fes fontanges ,
Ses mouches & fes affiquets
•
A receu jusqu'ici cinquante cinq bouquets
En cinquante cinq fois Notre- Dame des Anges,
Si l'infulte des ans fignale leurs efforts
Sur fa fanté , fur fon vifage :
Son efprit refte jeune , en dépit de fon â ,
Et paroit l'enfant de fon corps .
P
Sur un Magiftrat Préfomptueux
Rémont , que fa Charge a gâté,
Aujourd'huyfe trouve entité ,
Qu'il est un homme d'importance ,
De merite de Qualité.
Il n'en est rien mais il le penfe.
O'quelle heureufe extravagance !
Ꮴ
A Nanon.
Ous vous colez inceffamment
Des mouches fur votre visage ,
Croyant que cet ajustement
Est , pour plaire , un grand avantage.
Point du tout , Nanon , il faudroit
Que vous euffiez le corps plus droit ;
Le nez plus long , les yeux moins loûches
Plus de grace plus d'embonpoint :
Sans quoy , c'est en vain tant de mouches :
Ces mouches là ne piquent point.
Lorsque
Penfée de Montagne.
Orfque l'orgueilleux Dorante
Des vers que je lui préſente »
LE MERCURE
Eft ardent à s'empreffer ;
Il ne fent point l'ironie ,
Et croit que tout beau genie ,
N'est né que pour l'encenfer.
Mais que fçait - on , dit Montagne
Quand avec fon chat d'Espagne
Un homme prend ses ébats ;
Si le chat n'a pas en tête
Que l'homme n'est qu'une bête
Propre à divertir les chats ?
Sur la mort de Monfieur Ferrand Confeiller
à la Cour des Aydes.
Qvel
Vel mortel aujourd'huyrepose en ce tombeau !
Le Parnaffe eft en deüil; l'amour verſe des larmes,
Et veut éteindre fon flambeau.
Themire fous un voile enfevelit fes charmes s
Themisfous fon bandeau laiffe couler des pleurs":
La France , enfoupirant , demande fon Catulle
Apollon regrette un Emule.
Parunfeulde tes traits, ô Mort , que de malheurs !
Moerens pofuit
de Bonneval Amicus , Autor.
Alla Virtuofiffima Signora d'Argenon ,
Homaggio debito ."
I
Ncomparable d'Argenon !"
Qui peut vous voir , vous entendre,'
Eut-il le coeur cent fois moins tendre ,
A vos attraits touchans eft forcé de se rendre.
Quel mortel, ou plutôt , quel Dieu vous diroit neng
La douceur , les graces naïves
A vous fuivre font attentives ,
DE NOVEMBRE.
Et les Amours à vos côtez
Sont furs des coups que vous portez.
Nous fentons leurs vives atteintes ;
Cependant quand vos yeux vainqueurs
De defirs rempliffent nos coeurs ,
Nous étouffons nos foupirs nos plaintes .
De peur d'exciter vos rigueurs.
Mais ne deviez vous pas , contente de ces charmes
Dont la nature vous combla >
D'Argenon ! en demeurer là ,
Sans chercher encor d'autres armes .
Non contente de plaire aux yeux
Vous voulez charmer les oreilles ,
>
Et donner dans vos chants un effay de merveilles.
Qu'on nousfait efperer d'entendre dans les Cieux ,
En vain nous parle - t -on duChantre de la Thrace
S'il étoit encor parmi nous
Il vous demanderoit pour grace ,
De voir fa Lyre à vos genoux.
Que diroient Amphion , Terpaudre ,
Linus , Thamiras , Arion ,
S'ils pouvoient venir vous entendre ?
Vous les verriez ſurpris , & leur confufion
Nous feroit aifement comprendre
Que leur merite , qu'a vanté
Toute la fage antiquité ,
Tiroit fon plus grand avantage
De ce que d'Argenon n'étoit pas de leur age .
Vous voir, & vous entendre , enfin, font des plaifirs
Dont nous voudrions jouir fans ceffe ;
Mais , que votre delicateſſe
Nous paffe encor quelques defirs
?
Nous vous les cacherons pour eftre moins coupables,
Convenez feulement qu'ils font inévitables
Vous aurez nous les pardonner.
A cela près , vous pouvez ordonner ·
Chacun de nous à vos ordres fidelle ,
Yous affure d'un tendre zele ,
110 LE MERCURE
Et nous jurons par le facré vallon ,
Par les Mufes , par Apollon ,
Par Pegaze , par Hippocréne ,
Par vous enfin , divine d'Argenon !
Que nous vous chaififfons pour notre fouveraine ,
Et que pour vous fervir,, falut- il perdre baleine
Nous ne vous dirons jamais , non.
T
OD E.
Oy , qu'une mort prompte & barbare
Arrache à tes vastes projets !
Mortels quel doux charme t'egare ?
Que fais-tu ! quels font tes progrès !
Hureux objet de fa puissance ,
L'Eternel comble ta naissance
Des plus favorables prefens :
Mais ce magnifique affemblage ,
Efclave d'un coeur trop volage ,
Cede à tes malheureux penchans.
Ainfi dans ces tems , où le monde,
Chef d'oeuvre de fon Createur ,
Naiffoit dans une paix profonde ,
N'ayant qu'un feul admirateur
On a vú rougir la nature
Dans la plus noble creature ,
L'Image du Maître des Cieux :
De là fa race malhúreuſe
Pleure la pente ruineuse
Du premier de tous fes Ayeux.
Quelque éclat qui vous environne ,
Craignez , mortels , d'y trop compter :
Il n'eft ni Sceptre , ni Couronne ,
Qui vous exempte de trembler.
Trifte dangereux appanage ,
3
DE NOVEMBRE . LIE
C'est peu pour conjurer l'orage ,
Que l'impuiffante Humanité:
Fadis , comptant trop fur fes forces,
Le premier Ange à ces amorces
A du fon orgueil terraffé .
Helas ! parmi tant de tempêtes ,
Dont les flots battent la raison ;
Combien de fourcillenfes têtes
Victimes de l'ambition ,
N'ont pas pour une vaine gloire
Cedé lâchement la victoire
Aux efforts de la vanité?
Combien n'ont pas fur l'apparence
Par une indigne preference
Hazardé la réalité?
En vain l'un & l'autre Neptune
Gémit , affervi-fous vos loix :
Vous les renez de la fortune
Ces grands thréfors , que je vous vois
La cruelle à vos voeux propice ,
Semble éloigner le précipice ,
Qu'elle ne fait que derober :
Tel eft le bonheur qui vous joue ,
Qu'au haut de fa fatale role
Vous ne montiez , que pour tomber.
&
Pleins de chimeriques idées ,
Mortels , pour un fort plus heureux
Vous allez chercher les contrées ,
Qu'arrofent ces fleuves fameux:
Mais tout l'or , que roule leur fable
Nez pour un objet plus durable ,
N'a pas dequoy vous arrêter.
Ouy : parcourant la terre & l'onde
Vous nous apprenez que le monde
N'eft pas fait pour nous contenter.
112 LE MERCURE
Mais vous , que la pourpre & l'hermine
Etale à l'univers jaloux ;
Vous nous vantez votre origine ,
Et vous finiffez comme nous:
Maitres fur l'onde , fur la terre ,
Vous tremblez au bruit du tonnerre ,
Le moindre revers vous abbat :
Vos flateurs nombreux corteges
Ne vous font-ils des privileges
Que pour tomber avec éclat.
En vain pour vous en faire accroire
On vante vos titres pompeux :
Tout au plus l'éclat de la gloirè
Vous rend d'illuftres malhúreux
Egalez dans la même boue ,
Votre fang qui nous defavoüe
N'a pas dequoy vous élever s
Et d'ailleurs votre independance
Met entre nous la difference
De vous rendre aisez à tromper,
Jamais l'Auteur de la nature
N'a dans l'ordre de fes deffeins ,
Pour enrichir fa créature ,
Frustré l'ouvrage de fes mains :
Ouy. Du Sceptre de la Couronne
Le chagrin , qui vous fuit au thrône ,
Dégouteroit bien des mortels :
Plus hûreux , fi dans leur mifere
Leur malheur fert à les fouftraire
A des abîmes éternels .
Requête prefentée par M. de Bonneval â M. de...
ADmirateur constant de Virgile & d'Horace ,
Seduit par les honneurs que Rome leur rendoit ,
Jay
DE NOVEMBRE. 113
J'ai voulu fur leurs pas m'élever au Parnaffe.
Le zele qui me poffedoit ,
Parut à mon efprit l'influence fecrette
Que le Ciel répandoit pour me former Poëte :
Je n'attendis done point un autre aveu des Pienx.
Pour la premiere fois je parlai leur langage ,
Sujets badins & ferieux ;
Ma Muſe mit tout en usage.
Toucher le coeur d'Iris , fut mon apprentissage :
Sur les plus tendres tons, je chantai fes beaux yeuxs
Mais bientoft fon humeur volage
Me vendit cherement quelque inftant précieux.
Sur les traces de Melpomene
J'ai fouvent celebré les favoris de Mars ;
J'ai vu des Scipions , j'ai connu des Cefars ;
Et je cherche encore un Mecene.
Apollon , eft ce là tout leprix de mes vers ?
Apeine , ai -je cueilli quelque Laurier fteriles .
Vain travail , projet inutile ,
Je laisse à qui voudra vos caprices divers .
De dépit je voulois abandonner fa lire
Lorfque le divin 'Apollon
M'a flatté par un doux foûrire ;
Et m'ayant ramené fur le facré vallon
M'a dit en quatre vers ce que vous allez lire:
Par mes divins confeils je viens t'encourager';
Ecris , compofe Jans murmure :
> L'Auteur comme l'Amant , fe paye avec ufure's·
Heftpour tous les deux une heure du Berger..
K
114 LE MERCURE
Le mot de la premiere Enigme du mois paflé ,
étoit la Rape , & celui de ta feconde , le Sel.
Voici l'explication en Vers de l'une & de l'autre.
1,
I.
L faut par bleu que je m'en donne
Je veux , & ab hoc & ab hac ,
Aujourd hus prendre du Tabac.
Je ne fuis ici pour perfonne .
Ma Râpe ma foi , la voilà ;
La grille s'affoiblit & plie ;
Mais que m'importe de cela ,
Pour dix fols on y remedie.
A
I I.
Vous le fils du Dieu qui porte la lumiere
Si l'humide Element eft auffi votre mere ,
Jamais il n'en fut un pareil ,
Fils de la Mer du soleil .
"
Vous entendant ainfi vanter votre nature
Je croiois voir au moins d'un Geant la figure ,
Et je voulois déja vous dreſſer un Autel ;
Mais les gens de grande naiffance ,
Ne font pas toujours ce qu'on penfe ,
Et vous n'êtes qu'un grain de Sel.
7
ENIGM' E.
E ne fuis , ni corps , ni matiere ;
Je ne fuis efprit , ni lumiere .
Que fuis-je donc ? je ne [çai pas.
Si quelqu'un pouvoit me l'apprendre ,
DE NOVEMBRE.
715
J'aurois des graces à lui rendre ;
Il me tireroit d'embaras.
Eh ! comment me pouvoir connoistre ž
Puifque celui qui me fait maitre
Sans aucun fentiment d'amour ,
Dans l'instant me ravit le jour.
Je fuis rien , comme on dit , ou du moins peu de
chofe ,
Et je ne puis le contefter :
Cependant , fouvent , pour cause ,
Les plus habiles gens viennent me conſulter«
V
AUTRE.
Ous , qui meprifés mafigure ,
Et qui de me plonger dans un fleuve de feu,
Par la téte & les pieds ne vous faites qu'unjeu
Apprenés quelle eft ma nature.
Mon origine eft noble & belle :
Dans fa demeure naturelle ,
Mon pere menaçoit jadis le Firmament :
De la terre & des airs il faifoit l'ornement
Et d'une verdure immortelle
Il portoit dans l'hyver le brillant vêtement.
Telfuton premier (ort : quand une main cruelle
Vint l'arracher impitoi ablement
Du fein d'une mere fidele ,
Pour le faire fervir fur un autre élement.
Aprés avoir brillé fur la terre & fur l'onde ,
On déchira fon corps pour me donner lejour :
Vil objet du mepris du monde
Souvent le plus fçavant vient mefaire la Cour.
Lefoir le matin je fuis aux gens d'affaire ,
D'un fecours nompareil ;
>
Par l'un & l'autre bout je chaje les tenebres ,
Comme un fecond soleil.
Ainfi Lecteur , finit mon fort ;
Tous les quatre Elemens entrent dans morbifolres
Kij
116 LE MERCURE
Mais malgré mon éclat, magrandeur & magloire,
Je ne fuis que cendre à ma mort.
V
VAUDEVILLE.
N Gafcon , rufé matois ,
Mais mince actionnaire ,
Par fes feuls galans exploits.
Connu dans cette Terre ,
D'un tendron friand y fit choix
Avant le terme des dix mois.
La fille fera mere.
Vive , vive , vive le Quinquempoix.
C'est une autre Cithere.
D'une attentive maman
La fille trop gênée :
Efperoit innocemment
Se joindre à la mêlée.
Elle y rencontra maints grivois:
Gare: le produit des dix mois.
La Belle y fut vifée. C
Vive , vive , vive le Quinquempoix.
Oh! l'aimable contrée.
On minois de foixante ans
Laffé d'un long veuvage ,
Fit choix pour fon paſſe temps.
D'un Muficien fage.
Il fe fit avancer les mois ,
Agiota; puis au minois ,
Chanta pour tout ramage :"
Vive , vive , vive le Quinquempoix ;
F'y gagne un Equipage..
La fille d'un Procureur ,
D'humeur un peu coquette &
Par un jeune agioteur
DE NOVEMBRE. TIZ
Se fit conter fleurette.
Il raconta pour les exploits
Combien il gagnoit chaque mois.
Elle en fut fatisfaite.
Vive , vive , vive le Quinquempoix ,
Pour faire une amourette.
Un Abbé de ces cantons
Cherchant quelques novices,
Trocqua pour avoir des fonds
Un de fes Benefices.
Il enfit d'utiles emplois ;
Avant le terme des dix meis
Il en vit les premices.
Vive , vive , vive le Quinquempoix ',
Les fonds y font propices.
Un Laquais d'Agioteur ,
En moins d'une journée ,;
Scut par un coup de bonheur
Changer fa destinée.
Aujourd'huyfier de fes exploits ,
Il éclabouffe le Bourgeois
Qu'il fervoit l'autre année.-
Vive , vive, vive le Quinquempoix
Pour les gens de livrée.
Nous nous croyons trap heureux ,
Quand nous pouvons vous plaire s
Lorfque vous fortez joyeux ,
Rien ne nous est contraire.
La troupe chante à haute võix z
Fay pare au produit des dix mois
Sans être actionnaire.
Five , vive , vive le Quinquempoix
Et vive le Parterre.
Itg
LE MERCURE
NOUVELLES ETRANGERES.
POLOGNE.
A Varfovie le 10 Novembre 1719.
LE
E Roy de Pologne qui devoit revenir
dans cette capitale , n'a pas voulu rifquer
ce voyage à caufe des maladies contagieufes
qui augmentent aux environs de
Leopold . S. M. s'eft rendue le 28 du mois
paffé à Frauſtad , afin de contenter les aſpirans
aux charges vacantes , dont Elle ne
peut difpofer qu'en perfonne dans ce Royaume.
Le Roy declarera dans peu les raifons
qui l'empêchent de reaffumer les féances
de la Diete generale dans le cours de cette
.année , comme on en étoit convenu à
Grodno fur la fin de la precedente.
On écrit de Pofnanie , que l'Evêque de
cette Ville a laiffé des ordres avant que de
fe rendre à Cujavie , pour faire démolir
foixante Eglifes Reformées. Il eft à craindre
qu'il ne furvienne , à cette occafion ,
de grands defordres de la part des Religionnaires
qui commencent même à eſtre
renforcés par ceux de leur Communion :
ils font déja au nombre de plus de huit
mille hommes , la plûpart Silefiens .
4
DE NOVEMBRE. 119
Sur le bruit qui s'étoit répandu en Ukrainç,
que le Czar avoit été enlevé fur mer par
les Suedois , le Peuple s'y étoit foulevé contre
les troupes Moſcovites qui ſe trouvoient
dans ce Païs ; mais cette émeute n'a pas eu
de fuites fâcheufes , les Ruffiens s'étant contentés
de s'affembler en Corps pour tenir
ce Peuple en refpect,
On mande de Cracovie , que le Czar
voulant prévenir les ravages que la conta
gion caufe fur les frontieres de fes Etats ,
y avoit fait dreffer des potences , afin de
détourner par la peine de la corde , ceux
qui , pour s'en délivrer , auroient deffein
de penetrer dans fon Païs.
Le 15 de Septembre on vit à Rahaczovv,
peu éloigné de Vilna , un phenomene en
l'air , qui furprit tous les fpectateurs : il
parut une figure de maiſon embraféé , de
laquelle partoient comme d'un feu d'artifice
, des efpeces de fuſées à peu près femblables
à celles que l'on tire ordinairement
ce qui dura un quart d'heure , après lequel
il s'évanouit , en finiffant par un fracas fi
terrible , qu'il fembloit à une décharge de
cent pieces de canon tirées en même tems ;
& l'air en fut fi agité , que l'on crut reffen
tir un tremblement de terre.
120 LE MERCURE
INGERMANIE.
A Peterbourg le premier Novembre 17196
Out l'arinement du Czar le trouve en
Topartie dans ce Port & à Revel , avec
le gros de fes Galeres qui font entrées fans
aucune perte à Abo. Les dommages que
les Suedois ont foufferts de notre expedition
dans leur Païs , fe montent à huit
grandes Villes faccagées & brûlées , cent
quarante-une maifons de campagne , 1363
Bourgs ou Villages , 21 Forges de, cuivre
& de fer , 43 Moulins , & 26 Magazins.
Les feules Eglifes ont été épargnées , &
l'on n'a fait aucun mal aux Habitans qui
ne fe font pas mis en deffenfe. On a enlevé
ou tué tout le betail. Tous les meubles &
autres effets ont été la proye de nos Troupes
, qui en ont brifé , brûlé , ou jetté la
plus grande partie dans la mer.
La detention des Negocians Anglois par
ordre de S. M. Cz. dans cette Ville , n'a
fubfifté que 24 heures ; le Confeil des Finances
s'étant contenté que chacun d'eux .
donnât caution pour lui-même. On les
avoit arrêtés, fous pretexte qu'ils refufoient
de donner des affurances les uns pour les
autres , & qu'ils cherchoient à ſe retirer de
ce pays , fans avoir préalablement acquitté
toutes
DE NOVEMBRE. 121
toutes leurs dettes , tant par rapport au
Public , qu'à l'égard des habitans.
Depuis que les Conferences d'Abland
font rompues , & que Meffieurs Bruffe &
Ofterman font de retour dans cette Ville ;
on paroît fort irrité contre la Nation Angloife
; & difpofé à pourfuivre fans relâche
la guerre contre la Suede. Cependant la
plupart des Vaiffeaux Marchands Anglois
ont cu la permiffion de fortir de ce Port.
S. M. Čz. a abfolument rejetté la mediation
du Roy de la Grande Bretagne pour
fa Paix avec la Suede ; Elle a fait dire à
l'Envoyé de Pruffe , de fe retirer de fes
Etats , & a donné ordre à celui qu'elle
tenoit auprès de S. M. Pr. de revenir fans
prendre audience de congé. Le Miniſtre
que notre Souverain avoit envoyé à la
Porte , n'a pû réuffir dans fa negociation ,
quelques propofitions avantageules qu'il
ait offertes pour arriver à fes fins .
Le Czar a ordonné au College de l'Amirauté
de faire conftruire dix Vaiffeaux
de guerre , qui doivent être prêts à mettre
en mer , auffi- tôt que la faifon le permettra .
Comme S. M. paroît être dans la refolution
de ne point rendre Revel , Elle a envoyé
des ordres en Ukraine , pour en faire
venir cinquante mille hommes en Livonie
& en Finlande . Elle fait travailler d'ailleurs
dans la vafte étendue de fes Etats à
L
122 LE MERCURE
des preparatifs extraordinaires de guerre ,
tant par mer que par terre. Ce Monarque
compte par ces difpofitions de le mettre
en état de faire téte à la Suede , ainſi qu'aux
Alliez qui l'ont abandonné .
S. M. Cz, a interdit , fous de rigoureufes
peines, tout commerce avec les pays Etrangers.
Le Major Gener. Gunter, Gouverneur
de Revel , n'eft occupé prefentement qu'à
faire perfectionner les nouvelles fortifica
tions de cette Place , auxquelles deux mille
ouvriers travailloient depuis deux ans , Un
des deux nouveaux Forts ordonnés pour
couvrir le Port , eft entierement conftruit ,
& l'autre , fort avancé ; on les doit garnir
de deux cens pieces de canon , pour en
défendre l'entrée aux Vaiffeaux Ennemis
qui tenteront de s'en approcher .
Le Czar a refufé de donner audience au
Miniftré du Roy de Pruffe. Cet Envoyé
devoit informer S. M. Cz. des raifons qui
avoient obligé le Roy fon maître à conclure
le Traité dont on a cy-devant parlé ,
avec le Roy de la Grande Bretagne.
Le Czar a de nouveau deffendu à fes
Sujets & aux Negocians Etrangers établis
dans fes Etats , de fe donner bien de garde
d'écrire à leurs Correfpondans aucune nouvelle
fur la fituation des affaires du Pays.
S. M. eft fi fevere fur cet article , que plufieurs
perfonnes de diftinction ont été reDE
NOVEMBRE. 123
leguées en Siberie , & d'autres renfermé es
pour avoir entretenu une fimple correlpondance
de lettres avec quelques - uns de
leurs amis qui fe trouvoient dans d'autres
Cours.
I
SUEDE .
A Stokolm le 8 Novembre 1719.
Life tient à la Cour de frequens Confeils
fur la fituation prefente des affaires,
& particulierement fur les moyens de parer
la nouvelle irruption dont le Royaume
eft menacé par les Mofcovites , à la faveur
de la premiere gelée . Ainfi , on fait toutes
les difpofitions neceffaires , pour être en état
de faire une Campagne d'hyver, en cas qu'il
prenne envie aux Ruffiens de vouloir infulter
nos Côtes , ou d'y faire une defcente.
On travaille avec empreffement à des nouvelles
levées , pour augmenter nos Troupes
de 10000 hommes , fans compter celles
du Landgrave de Heffe Caffel , & d'autres
Princes de l'Empire , qui doivent paffer
dans ce Pays au Printemps prochain .
Les Rulliens publient qu'ils vont faire
conftruire des baraques en Finlande pour
leurs Troupes , afin de tenir en alarmes celles
de Suede perdant cet hyver.
Les points préliminaires de paix propofés
par M. le General Poniatowski ,,
pour
Lij
124 LE MERCURE
êtablir une folide Paix entre S. M. le Roy
de Pologne Augufte II , Electeur de Saxe ,
& S. M. la Reine de Suede , ont été rendus
Publics , avec la réponſe donnée de la part
de S. M. la Reine de Suede , aux Propofitions
de ce General. Suivant toutes les
apparences , ces deux Couronnes feront
bientôt d'accord .
On a découvert une confpiration formée
par les Païfans d'Ofter Gothland , qui ont
voulu reconnoître le Czar pour Souverain,
quelque temps avant l'évacuation de fes
Troupes de la Suede. Pour cet effet , ils
s'étoient retirez au nombre de 4 à 500
dans la petite Ville de Suder- Coping , avec
offre de fournir à ce Prince 4000 chevaux ,
à condition qu'il les prendroit fous fa
protection. Les Chefs de cette conjuration
ont été arrêtés par ordre du Gouvernement.
M. Eckebladt , Confeiller du Royaume ,
& M. Stiernkorn , Chancelier de la Cour
ont été nommés Commiffaires , pour inftruire
& faire le Procés de ces Païfans. On
prétend que quelques Gentils- hommes ont
eu part à cette confpiration.
Les fourages font d'un prix fi exceflif
dans le Royaume , que ce qui coûtoit aufois
cinq écus , en vaut à preſent 60 .
On a appris ici avec toute la joye imaginable
, que l'Armistice pour 6 mois , entre
la Reine de Suede & le Roy de Danemarc
DE NOVEMBRE. 725
avoit été fignée le 30 Octobre à Copenha→
gue par Milord Polworth iniftre Anglois,
au nom de la Reine de Suede. Cette Treve
aura lieu des le 8 de ce mois dans la Mer
Baltique , & 10 jours aprés dans la Mer
du Nord. Il reviendra à la Suede par ce
Traité , Stralfund , Malcftrand , l'ile de
Kugen avec fon Diſtric , juqu'à la Riviere
de Pene , &c. La Reine de fon côté ,
cede à S. M. D. Wilmar , à condition que
cette Place ne pourra être vendue , hypotequée
, ni fortifiée .
บ
Le teu a confumé le ro d'Octobre dans
le Fauxbourg Septentrional de cette Ville
2 à 300 Mailons . Le Prince , Epoux de la
Reine , quoiqu'indifpofé , y courut à cheval
dés la pointe du jour , afin d'y donner
les ordres convenables . Mellieurs Rumpf
& de Bie , Miniftres des Etats Generaux ,
ayant prefenté un Memoire à la Reine ,
pour obtenir la reftitution des Vaiffeaux
Hollandois , S. M. leur a fait une réponſe
favorable, avec promeffe de faire relâcher
tous les Vaiffeaux qui leur ont été enlevés
pendant le cours de cette Guerre , autant
qu'ils pourront être dêcouverts , & fuivant
ce qui fera déterminé par des Commiffaires
nommés de part & d'autre .
Le Congrès de l'Iſle d'Ahland étant entierement
rompu , le Baron de Lilienftedt &
le Chevalier Berkeley , revinrent le deux
Liij
126
LE MERCURE
d'Octobre de cette Ifle dans cette Capitale ,
fans avoir pû executer la Commiſſion dont
ils étoient chargés .
Monfieur de Campredon , Miniftre de
France , prefenta ces jours paffés un Memoire
, pour offrir la mediation du Roy fon
Maître , afin de contribuer au rétabliffement
de la Paix dans le Nord . La Reine a
accepté cette offre.
M. le Comte de Sparre , qui a été fait
Velt-Marêchal, & qui étoit parti pour aller
à la Cour de France , en qualité de Plenipotentiaire
a eû ordre par un Exprès que
la Cour lui depêcha le 9 du paffé , de fufpendre
ce voyage , & de revenir ici . Le
bruit s'eft répandu depuis , qu'il fera chargé
de quelqu'autre Commiffion , & que
M. Charles Bielke , Gencral-Major , fe
rendra à la Cour de France.
On continue de travailler avec fuccès au
rétabliffement des Mines qui ont été détruites
, ou fort endommagées par les Mof
covites.
La Reine a fait un prefent de dix mille
écus à l'Amiral Noris , qui retourna le 20
du paffé à bord de fon Eſcadre , pour repaffer
en Angleterre.
M
DE
NOVEMBRE.
DANEMARck.
A Copenhague le 15 Novembre 17,19 .
Ccès de l'expedition de l'Amiral Tor-
Ette Cour a appris avec plaifir le fucdenſchild
, contre les Suedois , dans le Port
d'Elsbourg. La Lettre de cet Amiral écrite
à S. M. eft datée du 9 Octobre , du Vaiſ
feau de Laaland, prés de Marftrad : en voici
la fubftance.
Les Suedois s'étant rendus Maîtres d'une
partie de mon Armement , que le General Severin
& Amiral Ehrenfeld avoient crû
mettre en sûreté dans le Port d'El, bourg , je
formai le deffein de les ſurprendre . Dans cette
vië , je m'avançai le 8 fur les 9 heures du
foir , avec 3 Chaloupes doubles , & s fime
ples , à l'entrée de ce Port . Je me gliſſai avec
tant de filence , entre deux nouvelles batteries
de 24 Canons , qui étoient placées prés
de la Fortereffe de Neusbourg , que je furpris
la fentinelle , composée de deux Enfeignes , 12
Soldats , & de quelques hommes qui devoient
fervir Artillerie. Mon premier foin fut de
faire enclouer les Canons des Ennemis ; aprés
quoi ilfut facile de m'emparer des Vaiſſeaux
Galeres qui étoient dans le Port . J'ai
donc en le bonheur de ramener le Prince
Charles , Galere montée de 36 Canons , la-
Lij
*28
LE MERCURE
quelle m'avoit été enlevée par les Suedois
j'ai pris auffi le Comte Morner , Fregate de
pareil nombre de Canons ; le Langefunt ,
Vaiffean Marchand, & la Galiotte S. Jean,
les 2 Machines flottantes , fçavoir la Lange-
Maren & le Spytftauge , que les Ennemis
m'avoient enlevées précedemment auprés de
Gottembourg , ont été brûlées , parce quel
les étoient fans voiles.
L'Efcadre commandée par l'Amiral Norris
, venant des côtes de Suede , a paru devant
Copenhague , & a mis enfuite à la
voile pour s'en retourner dans les Ports
d'Angleterre. Cet Amiral a laiffé feulement
à Carelícroon quelques Fregattes qui doivent
hiverner en Suede.
M. d'Ahlefeld a été nommé par S. M.
pour affifter de fa part au Congrès de
Brunſwicx , où l'on doit traiter d'abord ,
de l'affaire de Stralfund & de Rugen . L'Amirauté
a envoyé ordre aux Armateurs de
rentrer dans nos Ports ,
Le Roy , à la requifition de l'Empereur
& du Roy de la Grande Bretagne , a donné
fes ordres pour faire retirer la Fregate qui
bloquoit depuis fi long- temps le Port de
Travemunde , à condition cependant que
les Negocians de Lubec n'envoïeroient plus
dorénavant aucune marchandiſe de contrebande
en Suede.
Le 6 on publia dans cette Ville la DeDE
NOVEMBRE. 129
claration , pour une fufpenfion d'armes
entre cette Couronne & celle de Suede .
L'Amiral Judiker a remis pat fes foins
à flot 4 Fregates Suedoifes qui avoient été
enfoncées cy- devant par les Suedois , prés
de Maſtrand , dans la crainte qu'elles ne
tombaffent en notre pouvoir. On les at
tend inceffamment , pour les radouber
dans notre Port . On a auffi repêché les Canon's
que les Suedois avoient jettés à la
mer près de Stromſtadt.
. A Hambourg le 18 Novembre 1719%
M
Onfieur Schmid , Agent de Hano
vre , a reçû de cette derniere Cour
33 barils en efpeces d'or & d'argent ; il y
avoit dans un de ces Barils , cent mille Rif
dales qui doivent être inceffament remifes
à la Reine de Suede . Le tout fe monte à
cent mille marcs d'argent.
Le 26 du mois paffé , M. le Syndie Anderfon
, & Monfieur le Confeiller Peli , furent
envoyés en qualité de Deputez à Hanovre
, pour prier le Roy d'Angleterre de
vouloir employer fes bons offices auprés
de l'Empereur , afin de faire leur Paix avec
S. M. I. qui a lieu d'être mécontente des
defordres que la populace de cette Ville
commit dernierement à l'Hôtel de fon Miniftre
, & à la Chapelle des Catholiques.
130 LE MERCURE
Des Lettres de Roftock portent que la
Commiffion Imperiale a enfin prefcrit un
certain terme au Duc de Mekelbourg, pour
répondre aux demandes & prétentions de
fa Nobleffe ; faute de quoy elle fera obligée
de condamner S. A. S. par contumace.
On apprend que plufieurs Marchands Anglois
ont paffé de Riga à Dantzig avec leurs
meilleurs effets , dans la crainte d'une rupture
prochaine entre S. M. B. & S. M. Č.
Le Czar demande de nouveau 2 millions
à la Regence de cette derniere Ville.
Elle a lieu de craindre que faute de protection,
elle ne foit encore expofée à quelques
nouveaux malheurs . D'un autre côté, la Nobleffe
de Curlande eft fort tourmentée par
les exactions continuelles que les Ruffiens.
font dans leur Pays , parce qu'elle refufe
conftament d'entrer dans aucune negocia
tion , au fujet de la Succeffion provifionelle
de ce Duché.
M. Franz , Capitaine de Vaiffeau Mofcovite
, fe tient toujours avec les trois Frcgates
dans le Port de Dantzik , pour éviter
de tomber entre les mains de deux Vaiffaux
Suedois qui croifent depuis plus d'un mois
devant la Rade de cette Ville. Le Czar a
mandé à ce Capitaine de fe défendre jufqu'à
l'extremité ; & il a fait de plus entendre
aux Magiftrats , que s'ils ne le protegeoient,
DE NOVEMBRE. 137
au cas d'infulte de la part des Suedois , il
fauroit bien fe faire juftice. Ces menaces
e les intriguent pas peu , apprehendant de
s'attirer à dos , quelques précautions qu'ils
prennent , l'une de ces deux Puiffances . Ce
qu'il y a de fâcheux , eft qu'aucun Bâtiment
n'a la liberté d'entrer , ni de fortir de ce
Port.
On écrit de Frauftad du 7 Novembre ,
qu'il y avoit été refolu le s dans le Confeil ,
que le Roy expedieroit des Univerfaux
pour convoquer la Diette generale à Varfovie
au 30 de Decembre , & non au Prin
temps prochain , comme on l'avoit `crû ;
les affaires du Royaume ne pouvant s'ac➡
commoder d'un fi long délai.
Le Duc de Holſtein Gottorp a jugé à propos
de prendre le nom du Comte Reyn
becq , pendant le ſejour qu'il fera dans les
Cours de Hanovre , de Berlin , & de Vienne
, où il va pour engager les Puiffances à
fon rétabliſſement dans la poffeffion de fes
Duchez de Gottorp & de Sleyfeuis.
Le Roy de Pruffe arriva le 1 1 à Hanovre,
pour y voir le Roy de la Grande Bretagne .
L. M. s'embrafferent fort tendrement . On
fe fçait pas encore fi S. M. P. reftera à
cette Cour jufqu'au départ du Roy.
On vient de recevoir avis que le Czar
étoit difpofé à accepter la mediation de
S. M. B.
132 LE MERCURE
En confideration des Ambaffadeurs des
Rois de France & de Sardaigne , les Cha
pelles Catholiques Romaines n'ont pas encore
été fermées à Hanovre , on n'attend
que leur départ pour les interdire. Elles font
actuellement fermées dans le Pays de Cell .
M. de Tolstoy , Miniftre du Czar à la
Cour de Pruffe , aprés avoir eu le 27 Octobre
Audiance de Congé de S. M. Pa partit
le jour fuivant de Berlin , pour retourner à
Petersbourg.
P. S. Il arriva jei le 10 un Exprés des
Deputez de cette Ville à Hanovre, avec avis
que les Troupes du Cercle de la Bafle Saxe
avoient ordre d'entrer dans le Territoire de
cette Ville , fi les Magiftrats ne donnoient
pas une prompte fatisfaction à l'Empereur ,
au fujet du dernier tumulte. Sur cet avis le
Senat convint avec le College de 180 , &
celui de Go , que la Ville feroit rebâtir l'Hồ-
tel du Reſident de l'Empereur ; qu'elle feroit
tirer à fes frais des copies des papiers
perdus , dont les Originaux fe trouveront
dans les Archives de la Cour Imperialle ; &
qu'elle dédommageroit le Refident de tou
tes les pertes qu'il avoit fouffertes à cette
occafion. Il n'y a point d'exemple d'une pareille
refolution , fans une conclufion for
melle de la Bourgeoifie ; mais comme l'affaire
preffoit , on a jugé à propos de ne pas
s'arrêter à cette formalité.
DE NOVEMBRE
135
A Vienne le
LE
15
Novembre 1719:
E 4 M. le Comte de Ligneville , Licutenant
Colonel du Regiment du Prince
Charles de Loraine , arriva ici de Sicile ,
precedé par quatre Poftillons fonnant du
corps , avec la nouvelle de la reduction
de la Citadelle de Mefline par l'armée Imperiale.
Cette importante fortereffe demanda
à capituler le 18 Octobre , & le
19 la capitulation fut arrêtée. La Garnifon
après avoir obtenu tous les honneurs de
la guerre , en fortit le 20 ; Dom Lucas,
Spinola ayant laiffé dans la place 140 picces
de canon , & les Vaiffeaux qui étoient
dans le port de Meffine. Le lendemain s
leurs Majeftez Imperiales fe rendirent dans
P'Eglife Cathedrale de faint Etienne , où
elles affifterent au Te eum qui fut chanté
en action de graces , pour cette nouvelle
conquête , que l'on efpere devoir être bientôt
fuivie de celle de la Sicile entiere .
On continue à interroger les perfonnes
qui ont été arrêtées ici ; jufqu'à prefent
on n'en a pù rien apprendre de politif.
On affûre cependant que l'on rendra bientôt
public un Faftum ou Memoire touchant
cette affaire , dans lequel on fera apparemment
inftruit des railons qui ont engagé
cette Cour à proceder contre les accufés.
234
LE MERCURE
On ne dit plus aujourd'huy que M. le
Comte de Nimpfch foit aufli coupable
qu'on l'avoit foupçonné lors de fa detention
; il eft même faux qu'on lui ait ôté la
clef de Chambellan de S. M. I. & qu'il
foit resté debout lorfqu'il a été interrogé
par le Prefident du Confeil Aulique. On
l'accufe feulement d'avoir eu un peu trop
de liaison avec l'Abbé Tedeſchy, qui faifoit
partir & recevoit fes lettres fous l'enveloppe
de ce Seigneur , que l'on dit devoir être
relegué au Château de Roshenberg , où le
Comte Sereni a été détenu priſonnier pendant
fort long- tems. On prétend que l'Abbé
Tedeſchy a été convaincu d'avoir fervi le
Roy d'Espagne en qualité d'efpion dans
cette Cour.
Ibrahim Bacha , Ambaffadeur de la Porte
en cette Cour , celebra le 24 du mois paffé
dans fon Palais la fête du grand Baïram ,
ou fête du facrifice ; une grande muſique
dans le goût des Orientaux , fe fit entendre
d'abord à huit heures du matin. Cette Ex- .
cellence ayant tenu le Divan fous une tente,
égorgea de fa propre main un mouton :
Après cette ceremonie , les principaux
Officiers de fa Maifon lui firent compliment
, & Paccompagnerent jufques dans
fon appartement qui étoit magnifiquement
paré. Cet Aimbaffadeur tint table enfuite
fous une autre tente avec tous les Officiers
DE NOVEMBRE.
135-
& Domestiques. Le refte des viandes fut
diftribué par fon ordre aux Pauvres . Après
le dîner , il y eut un nouveau concert , ainfi
qu'à 4 heures du foir ; ce qui a été pratiqué
de la même maniere jufqu'au 26 inclufivement.
Le Comte de Diederichstein a été fait Prefident
de la Chambre Aulique.
On celebra le 20 d'Octobre dans la Chapelle
du Palais , un fervice folemnel pour
le repos de l'ame de Madame la Ducheffe .
de Berry : toute la Maifon Imperiale y
affifta. L'Evêque de Vienne y officia au fon
de toutes les cloches de cette Ville & des
Fauxbourgs.
M. Bruynings , Envoyé extraordinaire
des Etats Generaux , a eu plufieurs conferences
avec le Comte de Zinzendorf, au
fujet de la derniere convention de la Bariere
dans les Païs-bas , dont l'execution
a été retardée par quelques nouvelles difficultés.
Ce même Envoyé a auffi fait de fortes
repréſentations fur l'établiffement d'une
Compagnie des Indes à Oftende , & fur
le Vaiffeau Hollandois pris & arrêté à
Oftende .
L'Electeur Palatin a écrit à l'Empereur,
pour lui reprefenter les raifons qu'il a cu
d'oter la Nef du faint Efprit aux Proteftans
d'Heidelberg , & pour l'engager à foûtenir
les interêts de la Religion Catholique ;
136 LE MERCURE
mais il paroît que S. M. pour arrêter
les nouveaux troubles que cette affaire
peut exciter dans l'Empire , ne permettra
aucune innovation , avec d'autant
plus d'apparence , que les Proteftans font
fondés fur les conftitutions de l'Empire ,
fur la Paix de la Religion faite en 1555, &
fur les Traités de Weftphalie.
Le bruit fe rêpand que les Venitiens
ayant brûlé à la portée du canon de Trieſte
un Vaiffeau Imperial , l'Empereur avoit
donné ordre d'arrêter tous les Bâtimens
Venitiens qui fe trouveroient dans les Ports
de fa domination ,
La Cour Imperiale a fait des nouvelles
plaintes à M. Bruynin , Envoyé de Hollande
en cette Cour , au fujet du retardement
que les Etats Generaux apportoient à l'entiere
execution de la nouvelle convention
touchant la Barriere , fur tout par rapport
aux difficultés que les Etats Generaux faifoient
de permettre que S. M. I. prît pol
feffion des Places qui lui ont été cedées
par ce Traité. Les Etats Generaux ont écrit
fur cela à leur Miniftre à Vienne , avec
ordre de faire de nouvelles remontrances
à cette Cour , & d'y reprefenter que la
cauſe de ces retardemens dont on ſe plạignoit
, ne dévoit nullement être attribuée
aux Etats Generaux , puifque l'execution
de ce Traité ne dépendoit que de S. M. I.
Que
DE NOVEMBRE. 137
-
Que bien plus , on ne devoit nullement
prendre en mauvaife part qu'ils employaſfent
les mefures convenables pour ſe maintenir
dans la poffeffion des Païs qui leur
avoient été accordés par la fufdite con
vention , avant que de mettre S. M. I. en
poffeffion de ce qui lui a été cedé par la
même Traité.
AFFAIRES DU PALATINAT
LES
Es Gazettes de differens Pays , depuis
cinq mois , ne font remplies que des
plaintes ameres que continuënt de faire les
Sujets Reformés du Palatinat , tant à l'égard
de ce qui a été fait contre leur Catechisme
qu'à celui de l'enlevement de la Nef du faint
Efprit à Heydelberg , dont ils étoient en
poffeffion. C'est ce que l'on a pû voir fort an
long dans ces mêmes Gazettes.
J'ay crû que le Public n'ayant encore entendu
jusqu'à prefent qu'une partie , ne fe
roit pas fâché d'entendre l'autre.
Je fatisferay done avec d'autant plus de
plaifir à la curiofité de ceux qui prennent
quelque part dans ces demeflés , qu'il m'eft
tombé fur cette matiere deux Ecrits entre les
mains , traduits de l'Allemand en François,
qui font des plus inftru&tifs .
Le premier de ces I crits eft une réponſe
de S. A. E. Monfeigneur l'Electeur Palatin
M
138
LE
MERCURE
du 7 Octobre , adreffée à S. M. R. de
Pruffe , & à S. A. S. M. le Prince de Heffe
Caffel , touchant le Catechifine de Heydelberg.
Le fecond , eft une réponse qui refute
tous les bruits & les foupçons , qui s'étoient
répandus d'une innovation en matiere de
Religion , lorfque S. A. E. a jugé à propos
de reprendre à fes Sujets reformés la
Nef de la fufdite Eglife du faint Elprit.
De Francfort le 1. Novembre 1719 .
L paroît une réponſe imprimée en date du
d'Oct . de la part de fon Alteffe Electotale
Palatine , addreffée à fa Majefté Royale
de Pruffe, & à fon Alteffe le Prince de Heffe-
Caffel , touchant un Livre intitulé : Catéshifme
de Heidelberg. Cette réponſe contient
en ſubſtance , qu'on n'avoit point eû
deffein de faire aucun changement dans
ce Catéchisme , en tout ce qui regarde les
Symboles , & les Dogmes de la Religion
reformée , ni d'empêcher les Sujets qui font
profeffion de cette Religion d'en faire librement
tous les exercices ; ou donner aucune
atteinte à la liberté de confcience, & encore
moins d'agir contre les Traités de Paix & les
Conftitutions de l'Empire, auxquelles on eft
réfolu de fe conformer en tout : mais qu'on
avoit feulement été obligé , pour des raifons
importantes , d'óter l'abus qu'on avoit
DE NOVEMBRE. 139
fait des Armes de fon Alteffe Electorale ,
én les mettant à la tête dudit Catéchisme ,
& de changer la réponſe odieufe à la 80e
Demande , & d'autres expreffions outrageantes
, qui ne font point d'ailleurs effentielles
à la Doctrine que profeffent les
Reformés. A cette réponíe , on a joint
un écrit dans lequel on expofe les raifons
folides , pour lesquelles les Catholiques ont
pris poffeffion de l'autre moitié de l'Eglife
du Saint Efprit ; & on y démontre la fauffeté
de la plupart des nouvelles qu'on avoit
debitées en differents endroits , à l'occafion
de cette prife de poffeffion , tant dans les
Gazettes que dans d'autres imprimez &
même à la très- louable Diette de l'Empire;
on en démontre , dis - je , la fauffeté , puifque
la Gazette de Leide du 6 & du 10
de ce mois , a defavoüé ce qu'elle avoit
fauffement avancé , entre autres , touchant
la Maifon de l'Univerfité ; les Reformez
même de Heidelberg ont refuté par écrit
cette nouvelle , & plufieurs femblables .
Le Bâtiment de la nouvelle Eglife qu'on
a offert aux Reformez , en échange , pour
la moitié de l'Eglife du Saint Efprit , avance
beaucoup , on y travaille avec tant de diligence
( autant que la faifon prefente le
permet ) qu'elle pourra être en état de fervic
au commencement de l'été prochain . De
tout ce-cy pourront être témoins oculaires
M ij
140 LE MERCURE
MM . les Envoyez de leurs Majeftez Royales
, Britannique , & Pruffienne , qui font
arrivez à Heidelberg ; & ils trouveront par
eux- mêmes qu'on n'a rien fait de contraire
à l'équité , & que les Reformez du Palatinar
n'ont reçû aucun tort , comme on l'avoit
mal à propos debité .
Du Palatinat le 7 Novembre 1719.
O
Na envoyé de Heidelberg à differentes
Villes Imperialles autres , les répon→
fes fuivantes , touchant les affaires de
Religion ; fçavoir , pourquoi on ne pouvoit
approuver fous la domination d'un Prince
Catholique , la réponse à la 80e Demande ,
autres expreffions outrageantes qui fe
trouvent dans un Livre intitulé Catechifme
des Reformés de Heidelberg ; c'est ce qui a
donné occafion à fon Alteffe Electorale pala
tine de faire là deffus une Ordonnance gemerale
.
No
•
COPI
P. P.
OSTRE, & C: Nous avons lû l'écrit
qu'il a plû à Vôtre Majefté Royale
de nous adreffer , en datte du 27 May dernier
, à l'occafion de l'Ordonnance genevale
que nous avons faite dans nos Pro
DE NOVEMBRE. r4r
vinces Electorales touchant le Catechifme
reformé. Je répondray fur cela à Vôtre
Majefté Royale , amiablement , & comme
il convient de le faire à un bon Oncle ,
que notre deffein n'eft pas de mettre en
queftion , fi ledit Catechifme a été reçû
depuis plufieurs années dans l'Eglife reformée
, comme un Livre fymbolique , ni s'il
a été reconnu pour tel à Dortrechs : mais
V. M. R. nous rendra auffi la juſtice de
croire , que notre deffein ne fut jamais , &
n'eſt point de donner , ni de laiffer donner
aucune atteinte aux articles de paix fa--
vorables à nos fujets de la Religion Refor
mée , ni de reftraindre ou laiffer reftrain--
dre la liberté de confcience qui leur eft
accordée par les Conftitutions de l'Empi
re ; comme le demontrent affés les préeminences
& privileges fans nombre , dont
jouiffent fi authentiquement les Reformés ,
qui demeurent dans nos Provinces Electorales
préeminences & privileges , tels
qu'il eft inoui que les Catholiques en aient
de femblables dans aucun Etat de l'Empire
, dont le Souverain fait profeffion de
La Religion Reformée ou Lutherienne.
} V. M. R. étant auffi éclairée qu'elle
Keft , jugera aisément que les injures & les
maledictions , qui font contenues dans la
Soe Demande , & en plufieurs autres en
droits dudit Catechifine , n'apportent au
142 LE MERCURE
cun avantage à la Religion reformée , &
que la liberté de confcience accordée par
les traités de Paix , ne peut aucunnement ,
de quelque façon qu'on l'interprete , favorifer
une maniere d'enfeigner la jeuneffe
fi irreguliere , & fi contraire même aux
principes de la Religion reformée , & qui
dans un Pais où il y a diverfité de Religions
, n'engendre que des haines inveterées
qu'on fuce avec le lait , des inimitiés
& des troubles ; & caule aux Princes chargés
du gouvernement des Peuples , mille
chagrins & fàcheufes affaires , comme nous
ne l'avons , helas ! que trop experimenté ;
funeftes effers ! qu'un Prince eft obligé
en confcience d'empêcher de tout fon pouvoir
, tant en vertu defdites pacifications ,
que par l'obligation que lui impoſent ſa
Charge & fa Dignité . Mais ce qui nous a
été le plus fenfible dans cette affaire , c'eſt
de voir que , fuivant l'inſtruction dudit
Catechisme , on accufe publiquement tant
dans les Chaires que dans les Ecoles la
Religion Catholique , d'une idolatrie deteftable
, & qui n'eft jamais venue en penfée
à aucun Chrétien ; & qu'ainfi Nous ,
qui par la grace de Dicu faifons profeffion
de cette Keligion , nous avons été indirectement
&par une confequence infaillible,
accufé du même crime par nos Sujets , à
qui cependant la perfonne de leur SouveDE
NOVEMBRE. 143
rain doit être en tout facrée & refpectable
; & que de cette forte ils nous ont
deshonnoré , fans fe fouvenir de leur devoir
, & du refpect qui nous eft dû ; &
que nonobftant tout cela on prétend que
nous fouffrions qu'un tel Livre foit imprimé
, fous le faux prétexte d'un privilege
par nous accordé , & d'une expreffe Ordonnance
de notre part. De tout cela V.M.
R. fuivant la droiture naturelle , peut aifément
conclure que la fuppreffion que nous
faifons defdits Catechifines , qui ont été
imprimés fous notre ſceau , & avec un
privilege fuppofé , ne doit en aucune façon
être regardée comme une atteinte donnée
à la liberté de confcience de nos Sujets
de la Religion Reformée. Nous n'avons
garde de vouloir rien ôter ou ajoûter au
dit Catechifme dans tous les articles , où
il ne s'échape point au delà des principes
de fa Religion ; car nous ne fongeons pas
à ôter à nos fujets la liberté de confcience
que les loix de l'Empire accordent à chacun .
Mais que nous fouffrions , fans témoigner
notre jufte reffentiment , les fauffetés infuportables
que nous avons remarqué cy
devant dans ce Livre , & qu'on y impute
à notre Religion ; que nous fouffrions que
nos fujets nous accufent tous les jours publiquement
, & dans leur Catechifine , &
dans le Service Divin , de commettre une
3 LE MERCURE
744
idolatrie ; c'eft , à quoi , ni la prétenduë
acceptation fymbolique de ce Catechifme ,
ni le monde équitable , ne peuvent nous
obliger.
Pour ce qui eft des expreffions & claufes
dont fe fert le Concile de Trente , & qui
paroiffent dures à ceux de la Religion reformée
, nous ne fommes pas en pouvoir
de les changer : mais il confte auffi , que
le Concile de Trente n'accufe point d'idolatrie
les Religions qui le contredifent , &
qu'on n'enfeigne point cela aux enfans dans
le Catechifme , comme un article de Foi
tiré de ce Concile. Et puifque nous fommes
obligez d'emploier tous les moyens
poffibles pour ôter par nôtre pouvoir fouverain
, conformément aux Conftitutions
de l'Empire, le ſcandale & le trouble qu'ont
caufé dans nos Provinces la 80e demande.
& autres expreffions qui fe trouvent dans
ledit Catechifme , en laiffant cependant à
chacun la liberté de confcience , pour notre
repos & celui de nos Sujets , & que d'ailleurs
on s'eft donné la licence de faire imprimer
de pareils livres dans le lieu même
de notre refidence , fous pretexte d'un privilege
par nous accordé , & d'un ordre
émané de nous à ce fuet ; entrepriſe qui
certainement ne s'eft faite qu'au fçû & du
confentement du Confeil Ecclefiaftique Reformé,
puifqu'il eft , dis- je , notoire que
ledit
DE NOVEMBRE. X45
ledit Confeil a obligé l'Imprimeur Catholique
de ce temps-là , de faire cette impreffion
, en le menaçant , en cas de refus , de
mettre un autre en fa place , auquel il feroit
imprimer ce Catechifme : tout cela nous
donne yn juſte ſujet de fupprimer ce Livre .
C'est pourquoi , mon Oncle, j'efpere que
V. M. R. dans ces conjonctures fi preffantes
, écoutera la juftice qui parle d'ellemême
, & que non feulement elle approu
vera la fuppreffion defdits Catechifmes ;
mais encore , qu'elle interpofera fes bons
offices , pour que nos Sujets de la Religion
Reformée ne fe fervent dorefnavant de leur
Catechifime , qu'avec la fuppreffion de la
Soe demande, & des autres expreffions ou
trageantes : Au refte nous fommes & c .
A Heydelberg le 14 Aouft 1719.
A Sa Majeſté Royale de Pruffe
& M. M.
HESSE CASSEL.
En réponſe à leur Ecrit du 15 Juins
N
746
LE MERCURE
Réponse à un Ecrit , au fujet du bruit qui
s'étoit rêpandu qu'on vouloit innover , en
matiere de Religion, &en particulier, touchant
la partie que les Reformes ont euë
depuis quelques années dans l'Eglife du
Saint Efprit dans lequel Ecrit on fe plaint
qu'en leur affignant un équivalent , on
enfreint le Traité de Paix de Veftphalie,
Mon très - honoré Monfieur ,
Omme vous êtes fort verfé dans la
Cconnoiffance des affaires publiques , il
ne fe peut que vous ne fçachiez les difpofitions
que le Traité de Paix de Weftphalie
a faites touchant la Religion dans le Palati .
nat , & quels droits ont poffedés & exercés
les Electeurs Palatins avant les mouvemens
de Boheme , & comine leurs fucceffeurs ont
été remis par ledit Traité de Paix , & par
l'inveftiture Imperiale dans les mêmes droits
dont ils joüiffoient avant. Ainfi il n'eſt pas
neceffaire queje m'étende fur cette matiere,
d'autant plus que fois la prefente très glorieufe
domination de fon Alteffe Electorale
Palatine , on ne donne pas le moindre fujet
aux Reformés de faire aucune jufte plainte
à cet égard. Mon deffein n'eft que de vous
marquer en peu de mots , que non feulement
l'an 170s , en l'abfence de la Cour
DE NOVEMBRE.
on a accordé aux Reformés pour l'exercice
de leur Religion , par une Declaration ad
interim , une partie de l'Eglife du faint Ef.
prit , qui a êté fondée par Rupert , Roy des
Romains , & deftinée à l'ufage de la Cour ,
&pour fervir de fepulture aux Princes de
fa Maiſon , & dotée à cette fin par fes fucceffeurs.
En effet , depuis ce temps , les
Princes & Comtes Palatins fes fucceffeurs ,
y ont été enterrés : mais outre cela , on leur
a cedé privativement & en entier , P'Eglife
de faint Pierre , qui n'eft pas d'une moindre
étendue que la premiere. Or , le Sereniffime
Electeur Jean Wilhelm , de très heureufe
memoire , frere du Prince aujourd'hui regnant
, n'ayant jamais refidé à Heydelberg,
n'a pas eu befoin dans cette Ville d'une
Eglife à l'ufage de la Cour , pour y affifter
au Service Divin , & aux autres folemnitez,
où le Prince fe trouve avec toute fa Cour :
mais ledit Electeur étant mort à Duffeldorff,
comme il fallut faire les obfeques folem
nelles, felon la coutume generalement reçûë
de tous les païs Catholiques , & comme
il fe pratique à la mort des perfonnes du
premier rang , on trouva que la partie que
les Catholiques avoient dans ladite Eglife ,
étoit trop petite pour y faire lefdites ceremonies.
C'eft pourquoy , le Prince aujour
d'huy regnant , à fon entrée dans le lieu de
fa refidence , trouvant qu'il avoit befoin de
Nij
143
LE MERCURE
ladite Eglife , tant pour les raifons alle
guées , qu'à caufe que fa Cour eft fort nombreufe
, & qu'il y a tous les jours un grand
concours d'Etrangers, a fait fçavoir très gracieuſement
, directement & indirectement
aux Confeils Ecclefiaftiques Reformés ,
qu'il vouloit leur faire bâtir une nouvelle
Eglife , en équivalent , pour la partie qu'ils
avoient dans l'Eglife du faint Elprit , à quoi
ils n'ont jamais donné aucune réponse ;
quoiqu'on ne puiffe contefter à un Souverain
le pouvoir de transferer les édifices
publics d'un lieu à un autre , quand il le
juge à propos.
Madame la Sereniffime Princeffe , &
Comteffe Palatine de Sultzbach , fille de
nôtre Electeur, accoucha au printemps d'un
jeune Prince , qui mourut après avoir reçû
le faint Baptême ; on fut obligé de laiffer le
corps de ce jeune Prince fans fepulture , à
caufe de la feparation qui étoit dans l'Eglife
du faint Efprit , où les Princes & les Comtes
Palatins ont leur fepulture : c'eſt ce
qui donna à S. A. E. une nouvelle occafion
de faire aux Reformés les mêmes offres
de leur faire bâtir une nouvelle Eglife , en
équivalent , pour la partie qu'ils avoient
dans ladite Eglife du faint Eſprit , à quoy
les Reformés ont fait entendre qu'ils ne
vouloient ni ne pouvoient accepter ces offres,
Surquoy S. A. E. a demandé le 7,
DE NOVEMBRE. 149
Septembre paffé , les clefs de cette Eglife ,
& en a fait prendre poffeffion aux Catholiques
, & renverser le mur de feparation
qui y étoit , ce qui s'eft paffé fans aucun
trouble : elle a aufli commencé à faire travailler
à une nouvelle Eglife . Or , quoique
les Reformés ayent eu jufques ici affez de
place dans la vafte Eglife de faint Pierre ,
pour y faire leurs prefches & leur fervice
à differentes heures ; cependant ils le font
fait ériger une Eglife de planches , en attendant
que la nouvelle fut achevée ; & cela ,
à deffein feulement de faire fans fujet ni
neceffité , du bruit dans les Cours mal informées
, & de leur caufer des frais inutiles
à l'occafion des Ambaffades qu'on y envoyera.
Cependant , en tout cas , les Cours
Etrangeres trouveront qu'aucun Gentilhomme
, ni Particulier non Catholique ,
ne garde fi exactement les Traités de Paix
à l'égard de fes Vaffaux Catholiques , que
S. A. E. les obferve à l'égard de fes Sujets
Reformés , les prévenant de fon amour paternel
& de fes faveurs , leur laiffant l'exercice
libre de leur Religion & la liberté de
confcience ; quoiqu'elle ait fouvent juſte
fujet de prendre en mauvaiſe part leur maniere
d'agir infupportable , & les paroles
fcandaleufes avec lesquelles ils attaquent la
Religion Catholique & dans leurs Prêches
N iij
150- LE MERCURE
publics , & dans les converfations privées
Puifque donc que la clemence de notre
Electeur Sereniffime , à l'égard de tous les
Sujets vous eft affés connue , Monfieur
& que tout le monde en peut rendre témoignage
; qu'il fait fentir les effets de cette
clemence à tous , fans avoir égard de quelle
Religion ils font , donnant les Charges tant
civiles que militaires, les recompenfes & les
graces indiftinctement , à tous : & même
quelques Reformés aiant obtenu de lui
jufques à deux , trois , & plufieurs Charges
differentes , vous pouvez ailément juger
, мonfieur , que les Reformés n'ont nul
fujet de fe plaindre , & que le bruit qu'ils
ont fait , au fujet du prétendu tort qu'on
leur faifoit , fe détruit par lui-même , &
qu'au contraire on peut ici dire tout court
>
Hoc non eft verum quòd non ex ordine rerum
Templum fit captam , vel contra foedera raptum ♬
Nam redit ad Dominum quod fuit, ante ſuum.
Je fuis avec reſpect ,
Mon trés - honoré monſieur ,
Votre Serviteur
& ami connu.
DE NOVEMBRE. ISE
A Bruxelles le 28 Novembre 1719.
Onheur Pelters , Refident de L. H.
M
P. dans cette Ville , depêcha le 26
du mois paffé un Exprés à la Haye , pour
donner avis qu'un Armateur d'Oftende s'étoit
faifi dans la Manche à la hauteur de
Douvre , d'un Vaiffeau * Hollandois , &
avoit repris en même temps dans laManche
un des deux Vaiffeaux Oftendois, enlevé par
les Croifeurs de la Compagnie des Indes
Occi lentales de Hollande fur les Côtes de
Guinée. L. H. P. renvoyerent fur le champ.
le même Exprés à M. Pefters , avec ordre
de reclamer ce Vaiſſeau , & de faire fur
cela les remontrances convenables au Marquis
de Prié. Ce Miniftre ne fit point d'au
tre réponſe à M. Pefters , finon qu'il en
avoit donné avis à la Cour Imperiale , &
qu'il en attendoit des ordres pour s'y conformer.
L'Equipage a cependant été mis en
liberté.
Les , le Capitaine Winter , qui a pris
le Vaiffeau Hollandois , eut une longue
Audience du Marquis de Prié , à qui il fic
rapport de ſon expedition , & qui le reçut
trés- gracieufement. On paroît trés-fatis-
* Ce Vaiſſeau a été conduit le 24 Octobre à
Ostende.
Niiij
252 LE MERCURE
fait de la conduite de ce Capitaine. Il paroît
une Declaration de la Regence , contenant
en fubftance : que la prife du Vaiffeau
Hollandois ne doit pas être regardée
comme une reprefaille , puifque c'eſt le
même Vaiffeau que l'Oftendois avoit pris
& conduit à Del- Mina ; & que fuivant
les Commiflions de l'Empereur , il eſt permis
à nos Vaiffeaux de tirer raifon de ceux
qui ont commis quelques hoftilités à leur
égard. On apprend que l'autre Vaiffeau
Oftendois , qui a été enlevé par ceux de la
Compagnie des Indes occidentales de Hollande
, appartient principalement à un fameux
Banquier de Hollande. M. Leathés ,
Refident de S. M. Br. ici , a fait de nouvelles
inftances , conjointement avec M.
Peſters au Marquis de Prié , pour le relâchement
de ce Vaiffeau ; mais S. Exc. s'en
eft exculée fur ce qu'elle n'avoit pas encore
reçû des ordres de l'Empereur à ce ſujet :
qu'en les attendant , elle pouvoit bien
defavouer que les Vaiffeaux Öftendois euffent
jamais eu commiffion du Gouvernement
, ni de la Cour de Vienne , pour
ufer de reprefailles contre les Vaiffeaux
Hollandois, mais qu'il étoit bien vrai qu'on
leur avoit donné la permiffion de fe défendre
en cas qu'ils fuffent attaqués .
D'un autre côté , on écrit de Hollande
que la Compagnie des Indes occidentales
DE NOVEMBRE.
153
en avoit porté fes plaintes aux E. G. qui
ont nommé des Commiffaires à cet effet.
La Province de Zéelande eft celle qui paroît
la plus irritée fur cela ; elle a propofé
méme des moyens un peu trop violens pour
en avoir fatisfaction . De plus , les Deputés
de l'Etat ont eu une conference à la Haye
fur cette affaire avec Milord Cadogan .
M. Pefters fit ces jours paffés avec le
Marquis de Prié l'échange des Actes pour
mettre l'Empereur en poffeffion des Villes
& Chatellenies de la Bariere , afin de décharger
les Magiftrats du Serment de fidelité
qu'ils avoient prêté aux E. G. Le
Marquis de Prié donna réciproquement
les ordres neceffaires , pour mettre L. H. P
en poffeffion de l'extenfion des limites de
Flandres. Le Prince Claude de Ligne a été
nommé pour aller , au nom de l'Empereur,
prendre poffeffion des Pays qui viennent
de lui être cedés , & y recevoir le Serment
de fidelité. Les Etats de Flandre ne paroif
fort difpofés à accorder le fubfide
fent
pas
qui leur a été demandé.
Les Oftendois, avec quelques Negocians
d'Anvers & d'autres Villes , ont deffein d'équiper
encore 6 Vaiffeaux pour les envoyer
le Printemps prochain , aux Indes orientales
& occidentales, fous Pavillon Imperial.
On arefolu de former dans ce Pays une
Compagnie des Indes , à l'imitation de
254 LE
MERCURE
celle de Flandres , quelques obftacles qu'on
puiffe y rencontrer.
On va travailler en même temps à la re
paration du Port d'Oftende , quoiqu'il ne
foit pas facile de le rendre praticable pour
de gros Vaiffeaux.
Le Confeil de Brabant avoit bien voulu
permettre à la veuve & aux enfans du
Doyen decapité , de prendre le deuil , mais
le 10 de ce mois , un Huiffier du Conſeil , à
la requifition du Procureur General , fit
arreft fur tous les biens de ce défunt Doyen ,
quoique fa Sentence n'ait pas encore été ininuée
à fes heritiers. Les Sentences des
Doyens condamnés devoient être effectivement
publiées ; mais tout à coup , il eſt furvenu
un contr'ordre , & l'on a enlevé zoo
des exemplaires , jufqu'aux maculatures .
On a même tiré ferment de l'Imprimeur &
des ouvriers , pour fçavoir s'ils n'en avoient
retenu aucuns , avec defenſe d'en faire pa-
-roître un feul , fous peine de la vie & de
confifcation des biens. Il fe retire tous les
jours un grand nombre de Bourgeois de
cette Ville , qui vont fe refugier à S. Tron .
Le 4 , Fête de S. Charles Borromée
dont l'Empereur porte le nom , on fit les
Ceremonies accoutumées en pareil cas
CE 22
$
DE NOVEMBRE. 135
HOLLANDEW
A Amfterdam le 25 Novembre 1719.
La
A Ville d'Amfterdam a fait declarer
qu'elle confentoit à l'acceffion de la
quadruple Alliance. Le Marquis de Beretti
a donné un nouveau Memoire à leurs
Hautes Puiffances , pour leur repreſenter
les raifons qui doivent les porter à rejetter
cette alliance.
M. Robethon , Secretaire du cabinet de
S. M. B. eft entré plufieurs fois en confe
rence avec les Députés de l'Etat , fur les
affaires de la Religion dans le Palatinat. Ib
a affuré l'Etat que le Roy fon maître n'abandonneroit
point cette caufe , que l'Electeur
Palatin n'eût rendu juftice à fes Sujets
Proteftans ; il ajouta qu'au cas que
S. A. E. ne s'y déterminât pas
ment , S. M. fe flattoir que L. H. P. fuivroient
fon exemple , & uferoient de reprefailles
envers les Catholiques Romains de
ce Pays- cy.
inceffam-
L'affaire de la fucceffion du feu Roy
Guillaume , eft toujours dans le même état .
M. de Meinerthagen a envoyé à Berlin un
érat au vrai des dettes dont cette fucceffion
eft chargée . Milord Cadogan fait efperer
à cet Etat que le Roy fon maître tâchera
t
156
LE MERCURE
de difpofer le Roy de Pruffe à entrer dans
des voies d'un accommodement juſte &
raiſonnable . C'est ce que les Provinces
Unies fouhaitent ardemment .
On ne doute pas que M. de Burmania ne
foit prefentement arrivé en Suede. Ses inf
tructions portent entre autres, de renouveller
le Traité de Commerce conclu à Nimegue
entre la Suede & cette Republique ,
étant expiré depuis long- temps . Cependant
les Etats de Hollande font toûjours dans
les mêmes difpofitions touchant cet Ainbaffadeur
, ils ont même donné à entendre
à M. Preis , Refident de Suede à la Haye ,
que la Province de Hollande n'aura aucun
égard à tout ce qui pourra être conclu à
Stokolm par le miniftere de eet Ambaffadeur
; & que comme cette Province eſt la
plus intereffée dans le commerce de la mer
Baltique , elle étoit refoluë d'envoyer à Sto
kolm une perfonne de credit de leur Corps,
pour traiter de cette affaire . On prétend
que M. Preis a promis d'en donner avis à
la Cour de Suede.
M. le Comte de Windifgratz Miniftre de
F'Empereur , avoit fait naître quelques difficultés
au fujet de la prefentation de fes Lettres
de creance à l'Etat , qu'il vouloit faire
remettre par fon Secretaire contre l'ufage
ordinaire en pareil cas ; mais il s'eft enfin
determiné par l'entremife des Comtes de
DE NOVEMBRE. 457
Morville & Cadogan , à les prefenter luimême
au Prefident de femaine des Etats
Generaux.
Dans la premiere Conference qu'il eut
avec les Deputés de l'Etat , il donna des
affûrances de la part de l'Empereur touchant
les difpofitions de S. M. I. à entretenir
une bonne intelligence avec cet Etat ;
il leur recommanda enfuite l'affaire de la
quadruple Alliance , fe flattant qu'il auroit
l'honneur de figner inceffamment cette
acceffion de l'Etat. Les Deputés lui témoignerent
qu'il y avoit lieu de croire que
tout fe termineroit à la fatisfaction de
S. M: I. & de fes Alliés . Ils fe fervirent
de cette occafion , pour lui recommander
l'affaire de la Barriere , le priant d'en écrire
à la Cour Imperiale pour en procurer une
prompte & entiere execution . Ils pafferent
enfuite à l'affaire du Vaiffeau Hollandois ,
pris par les Offendois , à quoi le Comte
de Windifgratz répondit qu'il n'avoit aucu
ne inftruction fur ce fujer ; mais on fçait
que ce Comte a ordre de la Cour Imperiale
d'être ferme fur cela , & de ne point
confentir au relâchement de ce Vaiffeau ,
que préalablement l'Etat n'ait fait donner
une entiere fatisfaction aux Intereffés dans
les deux Vaiffeaux Oftendois pris par ceux
de la Compagnie Occidentale dans ce Païs,
On continue à faire les difpofitions pour
158 LE MERCURE
recevoir S. M. B. à Helvoetsluys , & les pre
paratifs pour fon embarquement.
M. de Marfey Refident de S. M. B. à
Geneve , a reçû ordre du Roy fon maître
de demander aux Magiftrats de cette derniere
Ville , que le Lord Marr fut refferré
-plus étroitement , à caufe de quelques nouvelles
intrigues qu'on avoit découvertes.
Il paroît à la Haye ene Relation contemant
les motifs du retour de la flotte Ruffienne
dans les Ports de Revel& de Cronflot,
pour détruire les bruits qu'on avoit répan
dus , qu'elle s'étoit retirée fur les avis de la
jonction de la Flotte Angloife avec celle de
Suede. On y a joint une Lettre de S. M. Cz.
écrite à l'Amiral Norris , à bord de l'Ingermanie
le 18 Juin nouveau ſtyle , avec deux
antres Lettres de l'Amiral Norris an Czar,
P'une du 11 Juillet , l'autré du 12 Septembre,
& une de Monfieur Bruffſe General ·
de l'Artillerie , au Lord Carteret, du 22 Septembre
nouveau style.
P. S. le Comte Cadogan ayant eu avis
par un Exprès , que le Roy de la Grande
Bretagne devoit arriver le 22 au foir à
Schoonhouen , partit pour aller à la rencontre
de S. M. Le Comte de Sunderland
a dû s'y rendre le lendemain. "
DE NOVEMBRE. 159
GRANDE- BRETAGNE.
De Londres le 23 Novembre 1719.
Le
E premier de ce mois , le Major Deviffcher
, Aide de Camp du Lord Vicomte
Cobham , arriva de Vigo , avec la Relation
fuivante .
Son Excellence le Lord Vicomte Cobham,
avec les Vaiffeaux de guerre , commandés
par le Vice -Amiral Mighels , & les Troupes
à bord des Vaiffeaux de tranfport , étant arrivé
fur les Côtes de Galice , il reſta à croifer
pendant 3 jours à la hauteur , où l'on
avoit ordonné au Capitaine Johnfon de vevir
joindre la Flotte ; mais n'en ayant aucunes
nouvelles , & le danger qu'il y avoit
de refter dans cette faifon fur la Côte avec
les Bâtimens de tranſport, demandant qu'on
prit des mefures pour agir fans lui , & le
Vent étant favorable pour Vigo , S. Excel.
prit la réfolution de faire voile vers cet endroit.
Le 10 Octobre , nous entrâmes dans le
Port de Vigo , & les Grenadiers ayant été
d'abord mis à terre , environ à 3 milles de
la ville , ils avancerent le long de la Côte,
Quelques Païfans tirerent fur eux du haut
des Montagnes , mais à une trop grande diftance
, & fans aucun effet. Le Lord Cobham
1260 LE MERCURE
Le fit mettre à terre avec les Grenadiers , &
le refte des troupes le joignirent auffi promtement
que les chaloupes purent les y tranfporter,
Cette nuit & le jour fuivant , jufqu'au
lendemain , les troupes refterent fous
les armes. Cependant , on envoya à terre
des proviſions pour 4 jours , & l'on poſta
des Gardes fur diverfes avenues , jufqu'à un
mille environ dans le Païs.
Le 12 le Lord Cobham s'approcha plus
prés de la Ville avec les troupes , & fe campa
dans un pofte avantageux, la gauche s'étendant
vers la Mer prés du Village de Boas,
& la droite vers les montagnes. Ce mouvement
de nos troupes , & quelques détachemens
qui avoient été envoyés pour reconnoître
la Ville & la Citadelle , firent juger
aux Ennemis qu'on fe préparoit à les aller
attaquer. Sur quoi ils mirent le feu aux
affuts des canons de la Ville , encloüerent
cès canons , & firent connoître par tous
leurs mouvemens , qu'ils avoient deffein
d'abandonner la Ville aux foins des Magiftrats
& des Habitans , & de fe retirer dans
la Citadelle avec les troupes reglées . Sur
cela le Lord Cobham fit fommer la Ville de
fe rendre , ce que les Magiftrats firent fans
aucune difficulté, Sur le foir , le General
envoya le Brigadier Honyvvood avec 800
hommes , pour prendre pofte dans la Ville,
& dans le Fort S. Sebaftien que les Ennemis
avoient
DE
NOVEMBRE. 161
avoient auffi abandonné.
Le 14 , une Galiote à bombes commença
à bombarder la Citadelle , mais avec peu
d'effet , à cauſe de la trop grande diſtance. :
Le foir , les gros Mortiers & ceux à la Cohorne
ayant éte tranſportés dans la Ville ,.au
nombre de 40 à 5o grands & petits , & placés
fur une Batterie à couvert du Fort S. Se
baftien , ils commençerent dans la nuit à
jouer fur la Citadelle , & continuerent pen
dant 4 jours avec beaucoup de fuccés. Le
quatrième jour , le General fit debarquer du
gros canon,& le fit placer avec quelques au
tres pieces qu'on avoit trouvées dans la Ville
, fur une Batterie du Fort s. Sebaftien.
Dans le même temps , il fit fommer le Gouverneur
de fe rendre , lui declarant que s'il
attendoit jufqu'à ce que notre Batterie fût
prête , il n'auroit aucun quartier. Le Colo
nel Ligonier fut chargé de cette commiffion,
mais il trouva que le Gouverneur Don Jo-
Seph de los Cereros , ayant été bleffé , avoit
été tranfporté hors du Château. Le Lieute
nant Colonel qui commandoit en fon abfence
, demanda du temps pour envoyer fur
cela des avis au Marquis de Risbourg, & re
cevoir les ordres ; mais comme on lui dit
que les hoftilitez continueroient , s'il n'en
voyoit pas fur le champ fes articles de Ca
pitulation , ily confentit bientôt.
Conditions fous lefquelles le Colonel
Ο
"
162 LE MERCURE
Don Gonzales de Sotto , Commandant en
Chef de Caftro , offre de rendre le Château
de Caftro à fon Exc. le Lord Cobham , Generaliffime
des Troupes du Roy de la Grande-
Bretagne.
· I. Que la Garniſon de Troupes reglées
qui eft prefentement dans le Château, ſortira
aved armes & bagages , tambour battant ,
drapeaux deployer , leurs cartouches & fournimens
remplis de poudre , & des balles à
proportion ... Accordé.
II. Qu'on accordera des voitures pour les
tentes & les bagages des Officiers... La Garmifon
n'a qu'à les trouver.
III . Que la Garniſon fortira , pour ſe rendre
par terre , par le plus court chemin , au
Pont de S. Payo , en toute sûreté & avec des
provifions pour 4 jours ... Accordé.
IV. Qu'on accordera 6 pieces de Canon de
fonte, & Mortiers , avec 12 charges de ponare
& de boulets , & leurs affuts ; & s'ils ne
peuvent pas être transportez par terre , ils
pourront l'être par can juſques à Ullo ; &
que de là ils pourront être chariez pendant 6
jours , & la Garniſon 'marcher , pour aller où
etle le jugera àpropos ... Refufé.
V. Qu'on accordera des voitures pour les
Bleffés , tant Soldats que Païfans ; & cenx
qui neferont pas en état d'être tranfportez ,
refleront dans Vigo jufqu'à ce qu'ils foient
gueris,aux dépens de Roy Catholique .. AcDE
NOVEMBRE. 163
cordé , pourvû que la Garnifon trouve les
moyens de les tranſporter .
VI. Que les Milices , qui font prefentement
dans le Château , en pourront fortir ,
avec armes & bagages,fans être moleftées, &
retourner dans leurs diverfes demeures , on là
où ils le trouveront à propos... Accordé fans
armes.
VII. Que s'il fe trouve quelque Etranger
dans l'Artillerie , ou dans quelqu'autre emploi,
il ne fera point molefté ... Accordé, excepté
les Deferteurs.
VIII. Que les Officiers & les Soldats de la
Garnison auront la liberté de prendre avec
eux les habits & le linge qu'ils ont laiſsé dans
Vigo ... On les leur portera dans le Château
& il fera permis à un Officier de la Garnifon
d'aller dans la Ville , pour montrer
où ils font.
IX. Cette Capitulation étant accordér, tous
les magasins de munitions & de proviſions ſeront
fidelement remis à la perfonne , que S,
Exc.le Lord Cobham nommera pour cet effet,
la porte de S. Philippe fera auffi remiſe.
X. Que la Capitulation étant accordée, on
donnera 4jours pour l'évacuation de la Place
, le Lord Cobham en fignera une copie
Pen ferai de même... Accordé z jours.
COBHAM.
DON GONZALES DE SOTTO
Le 21 au matin la Garnifon fortit , com
O ij
164 LE MERCURE
fiftant en 7 Compagnies du Regiment d'Ef
pagne , & 4 du Regiment de Valence , faifant
en tout 469 hommes , aprés en avoir
eu 300 de tués ou bleffés par nos bombes.
Cette Place ne nous coûte que z Officiers
& 3 ou 4 Soldats de tués ; Elle étoit certainement
affez forte , pour nous donner beaucoup
plus de peine.
On n'avoit pas encore fait un état exact
de toutes les munitions de guerre qu'on a
trouvées dans la Ville & dans la Citadelle ;
mais lorsqu'il aura été achevé , il ſe trouvera
fort confiderable . Il y avoit dans la
Ville 60 pieces de gros Canons de fer qu'ils
avoient encloüées & endommagées , autant
que le tems le leur avoit permis , en les
abandonnant. Et dans la Citadelle il y
avoit 43 pieces de Canon, dont 15 êtoient
de fonte , & 2 grands Mortiers ; outre z
mille barils de poudre , & diverfes caiffes
remplies d'environ 8 mille fufils. Toutes
ces munitions & ces Canons de fonte y avoient
été debarqués des Vaiffeaux , qui au
Printemps dernier devoient venir faire une
defcente dans la Grande - Bretagne ; & les
Troupes qui ont rendu cette Place , étoient
de cette expedition: Le Lord Cobham a fait
fommer tout le Pays des environs de fourmir
des vivres , & de payer des contributions
, fous peine d'execution militaire.
Cette partie de la Province étoit dans
DE NOVEMBRE.
165
que
2
une fi grande confternation , qu'on croyoir
la moitié des habitans s'étoient enfuis
en Portugal. Il y avoit fort peu de Troupes
reglées , que le Marquis de Risbourg avoit
raffemblées , autant qu'il avoit pû , prés de
Tuy, qui eft à 3 ou 4 licues de Vigo. IL
avoit beaucoup plu pendant 3 jours. Quelques-
uns de nos Officiers , qui s'entretin
rent avec des Efpagnols , avant qu'ils fortiffent
de Vigo , leur ont oir dire , que le
Colonel Ovven avoit été dans cette Place ,
& que le ci- devant Duc d'Ormond levoit un
Regiment d'Anglois à Valladolid. Le Lord
Cobham prenoit toutes les mefures neceffaires
, pour avoir une parfaite connoiffance
des autres endroits de cette Côte. On a
pris 7 Vaiffeaux dans le Port de Vigo : On
en équipoit 3 pour aller en courfe , dont
un étoit de 24 pieces de Canon ; les autres
étoient des Vaiffeaux Marchands.
Quelques lettres particulieres de la Flotte,
difent , que les habitans de Vigo avoient eu
le temps de fe retirer avec leurs meilleurs
effets; de forte qu'on avoit trouvé la plupart
des maifons vuides , & les caves inondées
de vin , dont on avoit rempli une quantité
de tonneaux à bord de la Flotte. On igno
re fi elle fera reftée dans ce Port , ou fi elle
aura fait voile pour quelque autre entrepri
fe. Les 2 Officiers de nos Troupes qui ont
été tués dans cette attaque , font M. Mack
166 EE MERCURE -
norton , Lieutenant aux Gardes Ecoffoifes, &
M. Samprey , Capitaine des Grenadiers du
Regiment de Barvels. Les Lords Regens
ont fait compter 300 guinées au Major
Deviffecher.
On fit partir , ces jours paffés , deux
Vaiffeaux chargés de proviſions , pour
nos Troupes qui font fous le commandement
du Lord Cobham à Vigo. Le Major
Deviffecher a rapporté que l'on n'avoit
trouvé aucunes provifions dans la Ville ,
& qu'il y en avoit très - peu dans la Citadelle
parce que les Habitans qui avoienț
été avertis de notre deffein , les avoient
tranfportées dans les Montagnes. Les ordres
ont été réiterés à ce General de les faire
rembarquer , pour les ramener dans nos
Ports. On a cependant appris par un Vailfeau
arrivé depuis peu de Port à Port , que,
ce Lord s'étoit mis en marche avec un gros
détachement , pour aller attaquer Puente-
Vedra & Tuy, fur les frontieres de Portugal.
On ne fcait point encore quel fera
l'evenement de cette expedition . Ce
qui eft de certain , c'eft qu'il arriva le 20
au matin un Exprès du Lord Cobham ,
pour donner avis qu'il fe preparât à faire,
embarquer ces Troupes .
Le 9 la Cour reçût un Exprés de France ,
ayeć avis que le Duc d'Ormond , s'étoit
embarqué au Port de Saint André en BifDE
NOVEMBRE. 167
"
caye avec fept ou huit Vaiffeaux de guerre
ou Fregattes , fur lefquels il y avoit deux
mille hommes la plupart Irlandois , à deſfein
de faire une invafion dans un des trois
Royaumes de la G. Br . Sur cette nouvelle
, les Seigneurs Jufticiers dépêcherent
un Exprès à Plymouth , à Briſtol , & autres
lieux dans l'Oüeft. Le foir même le General
Carpenter reçût ordre de partir pour
l'Ecoffe ; & le le General Macarteney
fe mit en chemin pour fe rendre en Irlande.
Le General Evans eft allé à l'Oueft d'Angleterre
, afin de mettre les Troupes en état
de s'opposer aux ennemis. On ordonna en
même tems à tous les Officiers qui font
dans cette Capitale , de fe rendre chacun
à fon pofte.
Le cette nouvelle fut confirmée par
un autre Exprés dépêché par le Comte
de Stairs , qui donnoit avis que la Cour
de France avoit été informée qu'une Fregatte
Efpagnole avoit débarqué quelques
Officiers à Ovalé , petit Port fitué entre
Vannes & Port- Louis en Bretagne : que ces
Officiers avoient propofé à un Gentilhomme
dequoy armer quatorze ou quinze mille
hommes , au cas que cette Province fût
difpofée à prendre le parti de l'Efpagne ;
qu'ils joignirent à cela de grandes promeffes,
& des avantages confiderables à cette condition
; mais que ce Gentilhomme avoit
168.
LE MERCURE
répondu qu'il ne reconnoiffoit que Louis
XV. & le Regent. Que peu de tems aprés,
ces Meffieurs avoient jugé à propos
de fe
retirer fur leur Fregatte qui alla regagner
quelques autres Vaiffeaux. Sur ces nouveaux
avis , on reitera les ordres donnés
le foir précedent , afin d'être en état de
bien recevoir les ennemis , fuppofé qu'ils
vouluffent tenter une defcente. Le Duc de
Roxborough , Secretaire d'Etat pour l'Ecoffe
, & un des Seigneurs Jufticiers , allerent
trouyer le Baron de Bothmart avec qui
ils eurent une conference de deux heures
pour concerter les mesures neceffaires pour
faire échouer l'entrepriſe des Espagnols.
On a ordonné à deux Fregattes d'aller
joindre à Plymouth le Commandant Jonhfon
, qui doit aller croifer fur les côtes
d'Irlande avec les deux autresFregattes qu'ils
a rainenées d'Espagne. On n'a pu appren->
dre jufques à ce jour ce qu'eftoit devenuë
P'Efcadre Efpagnole. Comme on eft generalement
perfuadé que cette expedition
regarde l'Ecoffe , on ne pourra pas encore
en avoir de nouvelles de quelques jours. ).
M. Pultrey , un des Commiffaires nommés
pour regler les differens furvenus entre
les Anglois de l'Annapolis Royale , & ›
les François du Cap Breton , doit partir
inceffamment la Cour de France ,
pour
afin d'y relever le Colonel Bladen , & l'au
tre
DE NOVEMBRE. 169
tre Commiffaire , qui a commencé à travailler
à cette affaire avec les Commiffaires
de France.
Le 17 le jeune Mattheus , Imprimeur ,
fut pendu à Tiburn pour avoir imprimé un
Libelle, fous le titre, Vox Populi , Vox Dei. Il
y affirmoit & concluoit aprés plufieurs raifonnemens
, que le Prétendant avoit le droit
hereditaire à la Couronne de ces Royaumes,
& que tout concouroit en fa faveur ; aprés
quoy , il tâchoit par toutes fortes de raifons
d'émouvoir le Peuple à la fedition ,
&c. Sa Sentence portoit , outre le fuplice
de mort , que fon corps feroit de--
chiré en quartiers , & que fes entrailles feroient
jettées au feu . En effet , on le conduifit
fur un Traîneau au Gibet avec la Hache
les Couteaux & le bois , pour mettre en execution
l'Arreft dans fon entier prononcé
contre lui . Mais , comme il approchoit de
*
* On fçait qu'il y a un Acte paffé la quatrième
année du Regne de la Reine Anne , pour confirmer
l'Acte de la fucceffion de la Trés Illustre
Maifon d'Hanovre , qui déclare coupable de
haute trahison , celui qui affirmera par écrit ,
ou imprimera que le Prétendant , ou aucun autre
que ce puiffe être , ait aucun droit ou titre à la
Couronne de ces Royaumes. C'eft en consequence
de cet Afte , que le jeune Mattheus a fubi ce
fuplice . Il est à remarquer qu'il est le premier
qui ait jamais été condamné à mort pour crime
de haute trabifon , au sujet de la publication
aun Libelle feditieux.
P
170 LE MERCURElieu
du fuplice , il reçût grace pour la dernie
re partie. Aprés qu'il eut été étranglé , on
livra fon corps à fon frere par ordre des
Seigneurs Jufticiers pour être enterré . Le
18 au matin on diftribua par toute la Ville
une elegie fur la mort de ce malheureux,
Deux jours avant cette execution , on publia
un Libelle intitulé l'Etabliffment. M,
Lewis Miniftre , qui en eſt l'Auteur , en
promettoit un femblable toutes les femaines;
mais le lendemain 16 ce Miniftre fut arrefté
& mis à la garde d'un Meffager.
La Cour de l'Amirauté s'étant affemblée
à Old- Baily pour juger fix perfonnes
accufées de piraterie , prononça Sentence de
mort contre le nommé Guillaume Terry ,
qui fur trouvé feul coupable . Les cinq
autres furent déchargés , fuivant la Proclamation
de S. M.
Les Marchands & Trafiquans de la Religion
Romaine,preſenterent le 29uneRequê
te à la Chambre des Communes du Parlement
d'Irlande, contre leBil intitulé: ¿ &epour
affurer l'interêt Proteftant dans ce Royaume ,
& pourfaire quelques changemens aux Altes
contre les Papiftes , & pour prévenir l'accroiffement
du Papifme . Lecture en ayant
été faite , on en renvoya la confideration
au grand Comité de toute la Chambre ,
auquel le Bil eft conmmis ; & on ordonna
que les Requerans feroient ouis par leur
DE NOVEMBRE. 473
Confeil devant ledit Comité , s'il étoit
trouvé à propos.
On veut ici que la reconciliation du
Prince de Galles avec le Roy fon Pere ,
foit faite par l'entremife de la Reine de
Pruffe , & que ce qui n'en doit pas faire
douter , c'eft que S. A. R. fe propfe d'aller
à la rencontre de S. M. à fon retour
d'Allemagne.
On a reçû avis que le Vaiffeau , le Roy
George eft arrivé à Port- Mahon , venant
de Livourne. Il y a fur fon bord 400
bales de foyes que l'on eftime avec le refte
de la charge ; 92400 livres sterlin. Un
Vaiffean d'Oftende , nommé le Marquis
del Campo , a été pris par les Pirates qui
font en grand nombre fur la côte de Guinée.
Depuis quelque tems , ces Forbans ont
enlevé 30 Vaiffeaux de toutes Nations
trés richement chargés. On prétend qu'outre
les deux Vaiffeaux que l'on envoye
d'icy pour détruire ces Corfaires , la France
y enjoindra encore deux autres pour agir
de concert contre ces brigands.
Le Vaiffeau de guerre le sherness , arrivé
du Détroit, a brûlé dans une petite Baye prés
de Malaga un Armateur Efpagnol de
12 canons, nommé la Britannia. Le Headfwoft
a été pris par un Armateur Eſpagnol
& mené à Villa Nova. Un Pirate de l'Ifle
de la Providence s'eft emparé d'un Vaif-
Pij
172
LE MERCURE
feau Efpagnol dans le Golfe de Mexique
chargé de Coco & autres Marchandiſes. Les
Corfaires nous ont pris pendant cette année
1719 dans la Riviere de Gamboa 9 Vailfeaux.
On a avis que les Vaiffeaux , le
Weymouth , le winchester & le Dursley
étoient arrivés à Plymouth , venant de
croifer fur la côte de Corogne : Ils ont
détruit le 17 Septembre dans le Havre de
Ribadeus , à 16 lieues du Cap Ortegal ,
deux Vaiffeaux de guerre Efpagnols , dont
P'un nommé la Levrette , qu'ils avoient
enlevé fur nous , & l'autre de 26 canons :
ils fe font auffi rendu maîtres d'un Vailfeau
Marchand Eſpagnol de 300 tonneaux,
& on rafé un petit Fort qui défendoit ce
Havre , dans lequel il y avoit 8 canons,
Les livres pour recevoir les foufcriptions
, afin d'encourager la péche de la
Gr. Br . ont été fermés , dès qu'il y a cu
un million de foufcrit. On n'apprend pas
cependant que la Patente , pour établir cette
Compagnie , ait été encore accordée.
Les fortunes immenfes , que plufieurs
particuliers de ce païs ont faites dans le
commerce des Actions de la Compagnie
Françoife des Indes , ont déterminé un
grand nombre de perfonnes de cette Ville
à fe rendre à Paris , tant pour y achetter
des Actions , que pour prêter de l'argent
fur ces effets , en quoi ils fe propofent
DE NOVEMBRE. 17.5
de faire un profit confiderable .
On écrit de Glocester du 6 de ce mois
que dans un verger appartenant au Clerc
de l'Eglife de Saint Sauveur , plufieurs cérifiers
y portoient de nouvelles cerifes d'Au
tomne , auffi belles & auffi bonnes que
celles qu'ils avoient produites au Prin
tems dernier.
PS. Le Major Robertz arriva ici le
20 , aiant été dépêché le 29 du paffé par
le Vicomte de Cobham , pour donner avis
que le 12 du même mois le General Wad
avoit été détaché avec un corps de 1000
hommes , pour aller attaquer Pont-Vedra.
Les Espagnols qui étoient dans cette Place
en garnifon , l'abandonnerent à fon approche.
Le General Wad y étant entré , fit
brûler l'arfenal avec scoo armes , & autres
provifions de guerre ; ils enclouerent
80 canons de fer. I fe contenta de mettre
à part plufieurs canons de bronze qu'il
fit tranfporter à Vigo. Le 24 & le 25 furent
employés à faire embarquer les mor
tiers , munitions , & canons de bronze , pris
tant à Vigo qu'à Pont- vedra. Nôtre Flote
pour
lors fous le commandement du Vice
Amiral Michel , mit à la voile le 27 pour
revenir dans nos Ports. On s'attend à tout
moment d'apprendre que cette Flote fera
arrivée à Spithead où eft le rendez - vous .
M. le Comte de Stairs , Ambaffadeur
Piij
174 LE MERCURE
à la Cour de France , a été nommé Com
iffaire pour travailler avec le Colonel
Bladen & M. Pulteney , à regler certains
differens furvenus entre les Anglois & les
François dans le Nord de l'Amerique.
L
ESPAGNE.
A Madrid le 13 Novembre 1719%
E Roy n'a pas encore difpofé des Charges
du Duc de Popoli qui a été relegué
fur les terres , fans qu'on fçache encore ce
qui lai a attiré cette difgrace. Le Marquis
Scotti , qui , par ordre de cette Cour , s'étoit
rendu à celle de France pour paffer
en Hollande , eft depuis quelques jours
de retour en cette Ville . On affure qu'il
pourroit bien recevoir de nouveaux ordres
pour aller à la Haye , afin d'y executer
quelques negociations importantes. Les
efpeces d'or & d'argent deviennent de jour
en jour plus rares : il n'en faut point être
furpris , puifqu'elles fortent prefque toutes.
hors du Royaume , tant à caufe que l'on
eft obligé d'envoyer de tems en tems
de groffes fommes fur nos frontieres ,
qu'en Sicile & en d'autres Cours . Nous
recevons beaucoup de deferteurs de Portugal
, qui prenent parti dans nos Troupes.
La Cour n'a pu apprendre qu'avec
DE NOVEMBRE. 175
eplaifir , que les François s'étoient rendus
maîtres de la Cen d'Urgel , & de plu
heurs autres poftes importans en Catalo
gne ; & qu'ils fe difpofoient à pouffer la
guerre plus vigoureufement au Printems
prochain. On a été auffi informé par un
autre exprès du débarquement des Anglois
à Vigo , qui s'étoient emparés de ce Port
& de la Ville par la lacheté du Gouverneur .
Toutes ces nouvelles , jointes à ce que l'on
a appris de la fituation fâcheufe de nos affaires
en Sicile , caufent de grands mouve.
mens parmis nos Miniftres , dont plufieurs
paroiffent fort portés pour l'acceptation du
projet d'accommodement . Le Cardinal Alberoni
ne fe trouve pas peu embaraffé dans
des conjonctures fi épineufes. Ses Partifans
efperent cependant beaucoup du fuecés
d'une Efcadre Efpagnole qui eft partie
de nos Ports , pour tenter quelque entreprife
fur les côtes de Bretagne , où ils publient
qu'il y a beaucoup de mécontens qui
n'attendent que ce fecours pour fe déclarer
contre le Gouvernement prefent , mais les
plus fenfés regardent toutes ces tentatives ,
comme chimeriques . Malgré ces contretems
, la Cour a cependant donné des ordres
pour la levée de 12 Regimens de Dragons
de trois efcadrons chacun , & de 12
Bataillons , outre les autres levées ordonnées
quelque tems auparavant. On prévoit
P iiij
176 LE MERCURE
que la remonte de notre Cavalerie qui eſt
en trés-mauvais état , fe fera difficilement à
caufe de la rareté des chevaux. Sur les preffantes
inftances du Prince Pio qui commande
nos Troupes en Catalogne , on a
expedié des ordres pour faire marcher de
ce côté - là quelques Regimens , afin de
le mettre en état de s'oppofer au progrés
des ennemis , & de tenir en reſpect les Catalans
, dont on a tout lieu de fe défier ,
par rapport aux privileges de cette Province
qu'on leur a ôtés. Le Cardinal Alberoni
continue d'avoir de frequentes conferences
avec M. de Colfter Ambaffadeur
des Etats Generaux. Comme on fouhaite
fort la paix , on dit que la Cour paroît
difpofée à accepter les conditions du traité
de la Quadruple Alliance , non comme
des conditions abfoluës , mais comme des
préliminaires. Le Roy , la Reine , & toute
la Famille Royale ont toûjours joüi d'une
parfaite fanté à l'Eſcurial , où elle a fait
un fejour de plufieurs femaines.
L
ITALIE.
A Naples le 7 Novembre 1719.
E 21 du mois paffé , il arriva ici un
Exprés du Camp Imperial devant
Melline , avec avis que la Citadelle avoit
DE NOVEMBRE. 177
enfin battu la Chamade le 18. & que le
Comte de Merci avoit accordé au Gouverneur
Don Luca Spinola , en confideration
de fa bravoure & de fa belle défenſe , une
Capitulation honorable , fuivant laquelle
la Garniſon fortit le 20 avec tous les honneurs
de la Guerre , excepté le Canon
pour être tranfportée à la place la plus voir
fine , occupée par les Efpagnols .
-I.
Articles de la Capitulation de la Citadelle
de Meffine.
LA
A Garniſon fortira de la Citadelle ,
avec toutes les marques d'honneur
fes Armes , Drapeaux déployés , Tambour
battant , 2 Canons de fonte, & 16 boulets,
avec tous fes Equipages & Chevaux , pour
aller , fans aucun empêchement , au Camp
des Espagnols : que les Affiegeans fourni
ront aux Affiegés les Bâtimens & Voitures,
& qu'il fera permis à chaque Soldat d'emporter
du bifcuit & autres vivres pour 4
jours .
Accor lé de fortir avec toutes les marques
d'honneur , mais fans canon ; on fournira
pareillement les Bâtimens & Voitures à ſes
dépensfeulement , pour le tranfport des effets
appartenants à la Garnison.
II. Que les Malades & bleffés , tant Officiers
que Soldats, refteront dans le Lazares,
178 MERCURE LE
jufqu'à leur convalefcence , qu'ils feront
enfuite conduits à l'Armée Espagnole , en
leur fourniffant les Voitures .
Accordé mais à leurs dépens.
III. Qu'il fera permis d'envoyer des
Courriers au Marquis de Lede.
Accordé , mais feulement , aprés que les
Imperiaux auront pris poffeffion de tous les
Pofles de la Citadelle.
IV. Les Affiegeans ne retiendront perſon
dettes .
ne pour
(
Bien entendu qu'on laiffera des Otages, on
des bonnes cautions pour les acquiter.
V.Qu'on ne fubornera aucun Soldat de
la Garnifon , & qu'on ne retiendra , ni mnalades
, ni bleffés.
Accordé , à l'exception de ceux qui voudront
prendre parti volontairement ; mais
qu'on rendra nos Deferteurs & Prifonniers
VI. Qu'il fera permis aux Hauts Officiers
, Soldats & Valets Siciliens de fe rendre
à l'Armée.
Accordé , feulement pour les Valets qui
voudront fuivre leurs Maîtres.
VII. Auffi long- temps que les Efpagnols
feront dans la Citadelle , il ne fera
permis à perfonne d'y entrer , à l'exception
des Generaux .
Accordé.
VIII . Il ne fera non plus permis à aucun
de la Garnifon , d'entrer dans la Ville , fans
DE NOVEMBRE 179
être muni d'un Paffeport du Commandant
General. Mais on accordera la permiffion
à ceux qui voudront y aller pour leurs affaimême
aux Valets.
res ,
Accordé , à l'exception des derniers .
IX. La Garnifon emportera tous les vivres
qui fe trouvent dans la Citadelle , pour
les vendre & en faire de l'argent pour affifter
les Troupes.
Refusé , tous les vivres devant être fidelement
livrés à nos Commiſſaires.
X. Qu'il fera permis à chaque Regiment
d'envoyer des Officiers dans la Ville , pour
y regler les affaires , & qu'ils y pourront
refter 8 jours
--
Accordé , pour les petites affaires des
Hants- Officiers , lesquelles étant reglées , lefdits
Officiers feront embarqués à leurs dépens,
pour aller à leur Armée .
XI. On livrera aux Affiegeans les Portes
de l'Eſplanade de la Citadelle , avec tous les
Ouvrages desdites Portes.
Les Affiegés livreront immediatement
aprés la fignature de la Capitulation , les
Portes & tous les Ouvrages qui font devant
Don Blaſcho , de même que les deux Coupures
de la Mer , à main gauche , avec toutes
les Portes du dedans de la Citadele : permis
de plus aux Affiegés de feparer nos Sentinelles
qui entreront dans la Citadelle d'avec les
leurs.
180 LE MERCURE
XII. Aprés la fignature de la Capitulation
, on indiquera tous les Magafins , &
les Affiegés donneront un état à nos Commiffaires
de tous les Canons & Mortiers qui
s'y trouveront
Accordé,mais on indiquera les mines & tout
ee qu'on ajetté dans lesfoffés , ou dans laMer.
XIII. On livrera , outre cela , le Château
de S. Sauveur , avec toute fon Artillerie &
fes munitions , tant de guerte que de bouche;
mais les Portes n'en feront livrées qu'aprés
l'évacuation de la Citadelle , & cela
pour éviter tout defordre , aprés quoi on remettra
aux Imperiaux tous les Bâtimens
Palandres , Petaches & Galeres qui ont été
coulés à fond.
Accorde , à condition que les Affiegés
donneront un état de tout ce qui je trouvoit
fur ces Bâtimens , & fur ceux qui feront retenus
, & que le 19 à 3 heures aprés midi , on
livrera les Portes ſtipulées dans ces Articles ,
que la fortie dela Garnison fe fera le 20 ,
pour être d'abord embarquée & transportée
à l'Armée Espagnole.
Accordé.
Fait à Meffine le 18 Octobre 1719.
Le Comte de MERCY.
DON LUCAS SPINOLA
Cette Garnifon , au fortir de la Place ,
s'eft trouvée réduite à r200 hommes , &
soo bleffés ou malades ; elle a été conduite
DE NOVEMBRE. 185-
fous une Eſcorte de Troupes Imperiales ,
jufqu'au Camp du Marquis de Lede. Les
Imperiaux fe font emparés de 5 Vaiffeaux
de guerre ou Fregattes qui étoient dans le
Port , & en ont coulé 5 autres à fond qui
auroient pû s'échaper.
M. le Marquis de Lede s'eft retiré dans
l'interieur de la Sicile , aprés avoir laiſſé
des Garniſons à Rometta , Barcelonnette ,
Augufte , &c. il a fait filer du côté de Palerme
une partie de fa Cavalerie. On fait état
qu'il reste encore à ce General 12000 hommes
d'Infanterie , & environ 4000 chevaux.
Les Imperiaux ont perdu à ce Siege
4à 5000 hommes , tant tués que bleffés
& plufieurs Hauts- Officiers : mais cette
perte a été remplacée par l'arrivée de M.
le Comte de Bonneval , qui debarqua le 9 .
& le 10 d'Octobre , avec un Corps de 6
on 7000 Allemans au PPaarraaddiiffoo ,, à peude
diftance de Melazzo. La difette a été fort
grande dans cette derniere Place ; mais elle
eft diminuée confiderablement depuis l'arrivée
du grand Convoi parti de Vado , qui
a apporté quantité de provifions & de ra
fraichiffemens .
On écrit de Milan que l'on interrogeoit
prefque tous les jours M. Cinni , rrêté
dans cette Ville pour affaires d'Etat, & l'on
envoye fes dépofitions à Vienne. Les Mi
niftres de la Cour de Vienne preffent fort
# 82 LE MERCURE
le Duc de Modene , afin de payer les 150
mille livres du refte de fon contingent pour
les quartiers d'hyver. On croit que les
Princes feudataires d'Italie fourniront aufli
leur quotte part en argent.
A Rome be 14 Novembre 1719 .
E Pretendant arriva de Montefiafcone ,
Lie ze le 29 Octobre en cette Ville , avec la
Princeffe fon époufe , qui a déja donné des
indices de groffeffe. Il alla loger au Palais
qu'on lui a meublé dans la Place des Apôtres.
On voit depuis peu des medailles que
le Pretendant fait frapper ici ; un des côtez,
reprefente fa figure avec cette inféription ,
Jacobus III. Rex Anglia ; & le revers celle
de la Princeffe avec cette autre inſcription ,
Clementina Regina Angl . Tous les Cardinaux
neutres leur ont rendu vifite , & S. S.
a fait prefent au Chevalier de faint Georges
de tous les meubles & tapifferies quife trouvent
dans le Palais , qui lui étoit deſtiné :
elle a ajoûté à cette liberalité un attelage
de fix beaux chevaux pomelés. Le Pape a
été un peu incommodé ; fes deux neveux
qui étoient pour lors à la campagne , ayant
appris cette nouvelle , revinrent en pofte ,
mais actuellement le Saint Pere eft fans
fievre.
Il y a plus d'un mois que la Ducheffe de
DE NOVEMBRE. 183
Marr et partie d'ici , pour fe rendre auprès
du Duc de Marr fon époux , qui y eft
toûjours en arreft , & même plus étroitement
gardé qu'auparavant . On arrête journellement
par ordre de S. S. tous les foldais
que l'on découvre s'eftre enrôlés pour
le fervice d'Efpagne , dont le rendez - vous
étoit à Porto-Longone , où ils devoient s'embarquer
pour paffer en Sicile. La foudre
étant tombée le mois paffé fur le Palais de
Caftel- Gandolfe , y a tué fept perfonnes.
Le Pape paroît fort irrité des contributions
que le Roy de Sardaigne a exigées dans
quelques endroits de Piémont , qui appar
tiennent au faint Siege. Quelques differens
furvenus entre cette Cour & celle de Madrid,
ont engagé S. S. à faire imprimer
fecretement quelques Decrets , portant,
fuppreffion des Decimes qui ont été exigées
en Espagne , malgré les Brefs expediés à
ce fujet.
Le procès entre la Maifon de Colone´ &
la Maiſon Conti , ont été terminés par l'entremife
des Cardinaux de la Tremoille &
Albani . Par la tranfaction qui a été faite ,
les Colones , dont les prétentions montoient
à neuf cens mille écus , fe font contentés de
cent cinquante mille qui leur feront donnés
en lieux de Monts , ou en d'autres biens en
fonds . On a tenu plufieurs Congregations
pour regler les Etapes de la Cavalerie Alle184
LE MERCURE
mande , qui paffe dans le Royaume de Naples
par l'Etat Ecclefiaftique. Elle marche
fur deux colonnes . M. Mezzabarba qui eft
parti pour la Chine , & à qui le Pape a donné
une Abbaye de trois mile écus par an
dans le Milanez, a reçû des inftructions fort
amples de S. S. pour ramener à leur devoir
les Miffionnaires qui refuferoient de lui
obéir. M. Ruffo a été nommé Inquifiteur
de Malte ; mais comme il n'eft pas fort
agreable à l'Ordre de Saint Jean ; on croit
qu'il aura befoin de l'agrément du Grand
Maître, avant que de pouvoir fe rendre à
Malte. M. Maffei partit le 11 d'Octobre
pour fe rendre à Paris , où il va relever M.
Bentivoglio, il aura la qualité d'Agent Apoftolique
, jufqu'à ce qu'il plaife à S. S.
de le revêtir d'un caractere plus confiderable.
M. Cornaro Ambaffadeur de Venife ,
eft arrivé en cette Ville avec un équipage
magnifique. On apprend de Vienne que la
Cour Imperiale avoit approuvé l'avis du
Confeil Collateral de Naples , touchant la
reception de M. Aldobrandini , nommé à
la Nonciature de ce Royaume. On affùre
que l'avis de ce Confeil eft , que ce Nonce
ne pouvoit pas y être reçû , avant qu'on
eût limité les prétentions de cette Cour- ci ,
par rapport à la Jurifdiction de cette Nonciature
, lefquelles paroiffent préjudiciables
aux droits de la Couronne & aux ufages de
се
DE NOVEMBRE. 185
ce Royaume. Auffi- tôt que la nouvelle de la
reduction de la Citadelle de Meffine eût été
annoncée , on vit les gens du Cardinal del
Giudice courir par toute la Ville , pour la
rendre publique.
Le Cardinal Aquaviva a reçû par la voye
d'Avignon , une dépêche de la Cour de Madrid
, avec une remife de quarante mille
piſtoles pour l'armée d'Efpagne en Sicile.
Il y a apparence que la promotion des Cardinaux
ne fe fera pas encore fi- tôt.
Depuis la prife de la Citadelle de Meffine,
le Marquis de Lede a fait partir trois Officiers
, pour aller à Madrid rendre compte
à S. M. C. de la fituation des affaires de
Sicile.
*
1
SUISSE.
A Schafonſe le 15 Novembre 17197
Left furvenu de grands differens à Bienne
entre le Maire qui reprefente le Prince
de Porentru , Evêque titulaire de Bafle , &
le Bourguemeftre appuyé de la plus grande:
partie de la Bourgeoisie. Elle s'eft adreffée:
au Canton de Berne , pour le prier , en qual
lité d'Allié , de la maintenir dans la joiiif→
fance de ſes anciens privileges , & particu
lierement ppaarr rraappppoorrtt à la Religion contre
les attaques du Prince de Porentruy Com
186 LE MERCURE
me on leur a declaré que ce different ne paroiffoit
pas affez important pour demander
une mediation , une partie de Bourgeois
de Bienne n'étant pas contente de cette réponſe
, a jugé à propos de prendre les armes
contre la faction du Prince leur Souverain
& de piller la maifon du Maire.LePrince de
Porentru qui fe trouve très grievement offenfé
, par rapport à l'infulte que l'on a faite
au Maire qui le reprefente , en a demandé
fur le champ une promte & ample fatisfaction
au Confeil de Berne. Cependant ,
comme il a l'efprit pacifique on apprend
qu'il eft difpofé à terminer ce differend à
Pamiable , en dédommageant fon. Officier
des pertes qu'il a fouffertes à cette occafion.
C'eft ce qui a fait prendre la refolution à
Meffieurs de Berne d'engager les Habitans
de Glaris à envoyer des Deputés à Rapperfvveyl
, pour y traiter d'un accommodeinent
avec leurs Sujets de VVardenberg , à
quoi ceux- ci ont auffi donné leur confentement.
Les Cantons Proteftans ont écrit au
Roy de la Grande Bretagne , pour prier
S. M. de vouloir bien accorder fa protection
à ceux de leur Communion ; contre les attaques
de ceux qui cherchent à les opprimer.
DE NOVEMBRE. 187
MORTS.
Effire Pierre Arnoul , Seigneur de
MRochegude , Ecly , &c . Intendant de
Juftice , Police & Finances des Galeres de
France , Fortifications du département de
Marſeille , & du Commerce du Levant , &
Confeiller d'honneur au Parlement de Provence
, mourut le 18 Octobre 1719 .
Meffire André Hanicle , Curé de fainte
Marine en la Cité , mourut le 22 Octobre.
Meffire Jean Louis Braille , Prefident de
la Cour des Monnoyes , mourut le ....
Octobre.
Meffire Ennemond Allemand de Montmartin,
Evêque & Prince de Grenoble , moutut
le 28 Octobre à Fontainebleau , en venant
à Paris. Il étoit de la Maifon des Allemand
, l'une des plus anciennes du Dauphiné
, alliée à la Maifon de Savoye , dont
étoit le Cardinal Louis Allemand , Archevêque
d'Arles , mort en 1450 , qui foutine
le Concile de Bafle contre le Pape Eugene
IV. Le Prelat qui vient de mourir , étoit
le quatriéme Evêque de Grenoble de fa
Maiſon , dont les armes qui font de gueulle,
femées de fleurs de lys d'or , à la bande d'argent
brochante fur le tout , marquent la no.
bleffe. Qij
188 LE MERCURE
Meffire Charles le Bourg de Montmorel,
Aumônier de feuë Madame la Dauphine ,
& Abbé de Nôtre-Dame de Lannoy , mourut
le 30 Octobre.
Dame Claude de l'Ile , veuve de Meffire
Nicolas de Sainctor , Introducteur des Ambaffadeurs
, mourut le 30 Octobre.
Meffire Jean- Louis de Maffuau , Marquis
d'Arcèlot ; Gournay , &c. Confeiller au
Grand Confeil , mourut le 1 Novembre.
Meffire Michel Tambonneau , ancien
Prefident de la Chambre des Comptes , &
cy-devant Ambaffadeur en Suiffe , mourut
le 3 Novembre..
I
Frere Alexandre le Barbier,Prêtre, Docteur
de la Maifon de Sorbonne, Chapelain Conventuel
de l'Ordre de Malthe, Commandeur
du Sauffoy & de Biche,Prieur de S. Jean en
l'Ile de Corbeil , Vicaire general de M. le
Prieur de l'Eglife deMalthe, & Agent general
dudit Ordre enFrance, mourut le ... Nov.
Dame Michelle Aubry , veuve de Meffire
Charles de Rochechouart , Marquis de
Monpipeau , Baron du Cherer , mourut
le... Novembre .
Dame Marie- Anne Françoife Commeau,
veuve de Meffire Charles Nicolas Foulle
de Prunevaux,Conſeiller au grand Conſeil,
mourut le 6 Novembre.
Meffire Antoine Ferrand , Confeiller de
la Cour des Aydes, mourut le 6 Novembre.
DE NOVEMBRE. 189
Meffire Charles Felix Hyacinthe des
Yffars , Marquis de Caftelet , Brigadier des
armées du Roy , mourut le 10 Novembre.
Meffire François Gilbert Colbert , Marquis
de Chabanois , Saint Pouange , &c..
mourut le 11 Novembre , laiffant pofterité
de Dame Angelique d'Efcoubleau , fille
unique de Meffire François , Comte de
Sourdis , Chevalier des Ordres du Roy.
Meffire Jean le Picart, Chevalier Seigneur
de la Boiffiere , mourut le 12 Novembre.
Meffire Guillaume Euftache de Montboiffier
- Beaufort- Canillac , Seigneur de
Saunade &c.ancien Exempt des Gardes du
Corps du Roy , mourut le 16 Novembre.
Dame Anne Chevalier , veuve de Meffire
Antoine Geofroy de Coiffy , Seigneur de
Nozey , Saint Etienne & c. mourut le 17
Novembre .
Meffire Charles Claude Geneft , Abbé
de faint Willemer de Boulogne , l'un des
Quarante de l'Academie Françoife , & pre .
mier Aumônier de S. A. R. Madame la
Ducheffe d'Orleans , mourut le 19 Novem→
bre , âgé de 82 ans .
Meffire Jean Orry , Seigneur de Vignory,
de Fuluy , la Chapelle , & c . Prefident à
Mortier au Parlement de Metz , mourut
. le...Novembre.
Dom Jofeph Caron , Abbé de Pontigny,
feconde fille de l'Ordre de C. eft mort le
1 90 . LE MERCURE
... Novembre dans fon Abbaye.
M. Bignon , Intendant de Paris , doit fe
rendre le 15 du mois prochain à Pontigny ,
pour affifter à l'élection d'un nouvel Abbé.
Meffire François Sabot de Luzan , Seigneur
de Plainville , Prefident au Grand
Confeil , mourut ces jours paffés dans fon
Château de Plainville.
MORTS ETRANGERE S.
M
Adelaine Sibille , fille de Frederic
Duc de Holftein Gottorp & de
Slefwic , qui avoit épouté le 28 Novembre
1654. Guftave Adolphe Duc de Mekelbourg
Guftraw , mourut le 20 Septembre
, âgée de 88 ans , aprés 24 ans de viduité
, ne laiffant que des filles.
Jofephe de Capous , epoufe de Roch
Comte de Stella & de Sainte Croix , Lieutenant
Maréchal General de Camp de
l'Empereur , Confeiller d'Etat , & Confeiller
Aulique d'Efpagne , mourut à Vienne
le 21 Septembre âgée de 35 ans.
Jean-Baptifte Marquis Strozzi , mourut
à Rome le 24 Septembre âgé de 74 ans .
Jean - Jofeph Comte de Huyen , Con
feiller Imperial de guerre , Feldt Maréchal-
& Commandant de la Fortereffe de Sigeth
, y mourut le is Septembre âgé de
80 ans.
DE NOVEMBRE. 191
Georges Leopol Comte d'Averfperg
Maréchal hereditaire du Carniole , Chambellan
, Confeiller du Confeil de guerre ,
& General de Bataille des Armées de l'Empereur
, mourut le 30 Septembre en fa 53
année.
Georges-Adam-François Comte de Gafefin
, Confeiller d'Etat & Chambellan de
l'Empereur , & Capitaine Provincial d'Oypeln
& de Ratibor , mourut à Breſlau le 7
Octobre.
Jean- Adam Grundeman , Comte de Falckenberg
, Baron de Waldenfels , mourut à
Vienne le 27 Octobre âgé de 25 ans.
Le Baron de Vaffenaer , Gouverneur de
Bergopfom , mourut le 4 Novembre. Ce
Gouvernement fut donné au Comte de
Groveftein , & celui de Furnes & de Dixmude
fut donné au fieur de Cronftrom ,
Brigadier , frere de celui qui eft mort en
France , Envoyé Extraordinaire de Suede.
L
MARIAGES.
E Jeune Prince Guillaume Landgrave
de Heffe- Rhinfels époufa le 19 Septembre
Erneftine- Elizabeth de Pfals Sulzbach
.
Quelques jours auparavant Simon Henry-
Adolphe Comte de Lippe époufa Jeanne
Villelmine de Naffau- Idftein .
LE MERCURE
François Comte de Gondola , Chambellan
de l'Empereur , & Confeiller d'Etat de
la Haute Auftriche , époufa le 28 Seprembre
Marie- Anne Comteffe de Permerberg
, Dame de l'Imperatrice Mere .
CHARGES
Le Comte François Henry Schlick , fils
du Grand Chancelier de Boheme , fut nommé
le ... Septembre , Chambellan de
l'Empereur.
Le ... Octobre le Marquis de Rubi ,
General de l'Artillerie , cy-devant Viceroy
de Majorque , puis de Sardaigne , fut
nommé par l'Empereur Gouverneur &
Chatelain de la Citadelle d'Anvers.
Le ... Octobre , l'Empereur accorda à
N. de Lannoy , Comte de Clervaux , la
Patente de Gouverneur Capitaine General
du Pays & Comté , Ville & Citadelle de
Namur , & celle de Lieutenant Maréchal
General de Camp.
Charles-Ambroife Mezzabarba , Referendaire
des deux fignatures , aïant été nommé
par le Pape Patriarche d'Alexandrie &
Vifiteur Apoftolique , avec la faculté de
Legat à latere dans la Chine & autres
Royaumes des Indes Orientales , fut facré
à Rome le 2-1 Septembre Patriarche
d'Alexandrie , en l'Eglife de Saint Charles
Boromée , par le Cardinal Paulucci.
JOURNAL
DE NOVEMBRE. 193
JOURNAL DE PARIS.
Sacres d'Evêques.
MEffire Armand- Pierre de la Croix de
Caftries , Premier Aumônier de feuë Madame
la Ducheffe de Berry , fut facré Archevêque
de Tours le 29 Octobre dans la
Chapelle de l'Archevêché , par M. le Cardinal
de . Noailles , Archevêque de Paris ,
qui avoit pour Affiftant l'Evêque d'Alais ,
& l'Evêque de Vannes , nommé à l'Evêché
de Blois.
S
Le Prince François- Armand de Lorraine
Armagnac , fut facré Evêque de Bayeux le
5 Novembre dans l'Eglife de Paris , par le
Cardinal de Noailles , affifté de l'Evêque
& Comte de Chaalons , & de l'Evêque de
Blois.
< Meffire Charles Fontaine , Confeiller .
au Parlement , & Doyen de l'Eglife d'Orleans
, qui avoit êté proposé par le Pape
dans le Confiftoire du 18 Septembre dernier,
pour l'Evêché de Nevers , en fut facré
Evêque le , 12 Novembre en l'Eglife des
Carmes Dechauffés ,
par l'ancien Evêque
de Troyes , affifté des Evêques de Nantes
& de Clermont.
R
194
LE MERCURE
Promotion d'Archevêques & Evêques.
En Novembre. Le Roy nomma à l'Archevêché
de Narbonne , vacant par la mort
de M. le Goux de la Berchere , M. de
Beauvau , Archevêque de Tolofe.
A l'Archevêché de Tolofe , M. de Nefmond
, Archevêque d'Alby.
A l'Archevêché d'Alby , M- de la Croix
de Caftries , Archevêque de Tours.
A l'Archevêché de Tours , M. l'Abbé de
la Tour d'Auvergne.
A l'Archevêché d'Ambrun , vacant par
la promotion de M. de Voyer de Paulmy
d'Argenfon à l'Archevêché de Bordeaux ,
M. de Henin Lietard , Evêque d'Alais .
A PEvêché d'Avranches , vacant par la
mort de M. de Querhoent de Coëtanfao ,
M. le Blanc, frere de M. le Blanc, Secretaire
d'Etat.
A l'Evêché de Sifteron , vacant par la
mort de M. deThomaffin, le Pere Laffiteau,
de la Compagnie de Jefus.
Et à l'Evêché de Vannes , M. Fagon
Evêque de Lombez.
Abbayes & Benefices.
L de C. D. de S. Omer , a été donnée
'Abbaye reguliere de Clairmarets , O.
DE NOVEMBRE. 195
4
Dom Brianville , Prieur de l'Abbaye de
Cercamp en Artois.
L'Abbaye de Maurigny, Diocele de Sens ,
prés d'Etampes , a été donnée à M. l'Abbé
Malet , Aumonier du Regent.
Le Roy a nommé à l'Abbaye de Nid-
Oiſeau , vacante par la mort de Madame
de Rafilli , Madame du Cambout , Religieufe
du même Ordre.
L'Abbaye de Claire- Fontaine a été donnée
au fils de M. Camus de Filain , Prefidént
à Mortier au Parlement de B. -
L'Abbaye de S. Maur D. d'Angers , &
celle du petit Citeaux, vaquent par la mort
de M. Martinot de Princé , Chanoine de
PEglife Cathedrale d'Angers.
L'Abbaye de S. Wlemer dans la Ville de
Boulogne , eft auffi vacante par la mort de
M. l'Abbé Geneft , l'un des 40 de l'Academie
Françoiſe.
Le Roy a gratifié M. l'Abbé Bridou du
Prieuré de Sales , ou les Sales , D. de Limoges
, vacant par la mortde M. le Gras, Curé
de Chatoux.
Promotions.
M. le Chevalier de Montmain , Marêchal
de Camp , & Capitaine des Chevaux-
Legers d'Orleans , a été nommé Inſpecteur
de la Gendarmerie , avec 8000 livres d'ap
pointemens. M. le Marquis de Coëtanfao,
Rij
156 LE MERCURE
qui étoit Aide- Major , a été fait Major , &
l'Aide-Majorité a été donnée à M. le Chevalier
de S. Jal qui étoit Guidon des Gendarmes
Dauphins , dont le Guidon à paffé à
M. le Ch . de la Vieuville .
Meftres de Camp qui furent faits à la Promotion
de la Revûë du Roy , le 7 Octobre
dernier.
M. le Marquis de Benouville , M. le
Comte de Marcouville , M. le Marquis de
Saulx , M. le Marquis de Courtebonne ,
M. de Chamboy , M. le Marquis d'Atis
M. de Marivaux , M. de Magnane , M. de
Tournebu , M. le Comte de Brion , M.
de Bregis , M. le Comte de Claire , M. le
Chevalier de Martel , M. le Chevalier de
Caux.
Maréchal des Logis Ecoffois
M. de Payfas.
Le 17 de Novembre Monfieur de
Cliffon fut reçû Capitaine de Grenadiers
des Gardes Françoifes. M. Lambreval ,
Major de Bourbonois , && MM.. Chaulieu ,
furent faits Lieutenans de la même Compagnie
; Meffieurs Lanta & Montegu ,
Sous- Lieutenans , M. Fenelon & d'Antilly,
Enfeignes.
M. du Ret a eu la Compagnie de ClifDE
NOVEMBRE. 197
fon ; & M. Boiffon , l'Aide- Majorité de du
Ret, Meffieurs la Comble & Gravelles font
montés à la Lieutenance, & M. la Vilozern,
Vitermon & Prefle à la Sous- Lieutenance.
Meffieurs Peletier , Davefoles font paffés
à la Sous- Lieutenance de Grenadiers
dans la Compagnie de Brilhac ; & M. Daldar,
Capitaine de Grenadiers dans la Reine,
a eu une des fous-Lieutenances. M. Bruffe
eft monté à celle de Grenadiers dans la
Compagnie de Montgon , & M. Mouchi ,
à l'Enfeigne des Grenadiers dans la même
Compagnie. On a donné des Enteignes hors
du Corps à M. Durtubi , à M. le Comte de
Vance de Villeneuvre , à Monfieur Vizé ,
& à Meffieurs les Chevaliers de Brouffin
& Boisdavid.
M. de Diesbach de Belleroche , Lieute
nant Suiffe de la Compagnie des cent Suif
fes du Roy , a obtenu la furvivance de cette
Charge pour M. fon fils .
Difcours prononcé par M. Vattand , Procu
reur - General de la Chambre Royale de
Bretagne établie à Nantes.
MESSIEURS ,
J'apporte les Lettres Patentes d'établiffe
ment d'une Chambre Royale en cette Ville ,
R iij
198 LE MERCURE
par lesquelles il a plû à Sa Majesté vous
commettre pour la tenir . L'objet en eſt également
important , & au maintien de l'au
torité du Roy , & au falut d'une des principales
Provinces du Royaume. Vous n'y
pourrez lice fans étonnement les motifs confiderables
qui arment aujourd'hui le bras de
la Justice ; des complots contre le Gouvernement
; des attroupemens des Gentilshommes
des affociations entr'eux ; des
projets de Traités avec une Puiffance Etrangere
; des apofitions à mains armées à la
perception des deniersRoyaux: toutes pratiques
injurieules au Prince; pernicieuſes aux
Auteurs même de tels attentats , & abfolument
contraires aux veritables interêts de
leurs Concitoyens. Envain , l'auguſte &
fage depofitaire de l'abfolu pouvoir , vouloit
fignaler fa Regence par la manfuetude
& la bonté ; étouffer les premieres femences
des troubles & de la divifion , par l'indulgence
& la mifericorde ; & gagner par
une effufion abondante de graces & de faveurs
, des fujets indociles qu'il étoit en
droit de foûmettre par l'autorité & par la
force. Il s'eft trouvé , Meffieurs , dans cette
Province & dans quelques lieux circonvoifins
, des efprits inquiets , amateurs de nouveautés
, & peu jaloux de partager avec le
refte des Membres de ce grand Etat , le paifible
bonheur que les foins éclairés , & les
DE NOVEMBRE. 199
travaux infatigables du Prince Regent ,
nous affurent de plus en plus : Exemple
connu de tous les temps & de toutes les
Nations , & que nous voyons avec une douleur
amere fe renouveller de nos jours , que
les bienfaits n'ont de pouvoir que fur les
coeurs droits , fur les ames vraiment vertueufes
, & qu'ils ne font , au contraire ,
qu'ajoûter à la temerité des gens mal- intentionnés
les caracteres odieux d'ingratitude'
& de noirceur.
En fe repofant neantmoins fur vous
Meffieurs du foin de vanger fon autorité
bleffée , le Prince fait affez voir qu'il a plus
en vûë l'interêt public que fon propre ref
fentiment ; & les Lettres de Commiffion
que j'apporte , feront un monument éternel
de la fageffe & de la moderation de M.
le Regent , qui toujours lent à punir , &
lors même que tout femble crier vengeance
; ne veut point de ces châtimens d'éclat,
inftrumens d'un pouvoir arbitraire, & dont
les fuites ne peuvent être que funeftes à l'innocence
même ; il veut que la conviction
du crime precede la punition qu'il en doit
faire ; en livrant quelques coupables aux
rigueurs d'un fort qu'ils n'ont que trop merité
: il cherche à couper racine à des maux
dont la contagion pouvoit gâter un peuple
entier : en un mot , Meffieurs , s'il faut
des Exemples , il n'en demande que de juf-
Riiij
· 200 LE MERCURE
tes & d'utiles ; mais qui pourra jamais dou..
ter de la droiture & de la pureté de les intentions
? Quand on fçaura qu'il a fait choix de
Magiftrats fi dignes de lui être comme affociez
pour l'execution d'une grande entre
prife , & d'en partager avec lui la gloire ;
Que dis-je , il meritera encore l'approbation
& les applaudiffemens des Nations Etrangeres
les plus éloignées , qui ne connoiffent
pas moins que nous , les éminentes qualités
du Chef qui vous prefide , & qui ont payé
tant de fois à fes vertus le juite tribut de leur
admiration & de leurs louanges.
Animés tous du même efprit , & fingulie
rement engagés par votre état à travailler
pour la gloire du Roy , & pour le bien du
Royaume qui en eft infeparable, Vous allez,
Meffieurs , faire regner la Juſtice dans cette
Province , & par elle le Prince y regnera .
Vous allez y faire connoître , & apprendre
à refpecter fon autorité ; & en même temps
que vous repandrez le trouble & la terreur
parmi quelques Gentils - hommes feditieux
& rebelles , vous affurerez le repos & la
tranquilité des Peuples , dont , graces au
Ciel , la fidelité eft fans atteinte , & à cou
vert de toute fufpicion.
M. de Creil , Intendant de la Rochelle
& M. le Comte de Châteautiers , ont reçû
ordre de la Cour de continuer dans cette
Generalité l'établiffement de la Taille tari
DE NOVEMBRE. 201
fée qu'ils y avoient commencée avec feu
M. Renau
Le 13 l'Academie des Sciences ouvrit fes
feances. M. de Fontenelle y fit l'éloge de
feu M. l'Abbé de Louvois . M. Helvetius
le fils y lut une Differtation fur la ftructure
des fibres de l'eftomac , dans laquelle il
prétendit prouver que la Trituration ne
pouvoit le faire , comme l'ont avancé quelques
Medecins modernes . M. de Juffieux
en lut une autre fur les mines d'Ef
pagne , d'où on tire le vif- argent ; enfin
M. de Reaumur finit la feance par une Differtation
fur le travail des mouches - guêpes,
dans laquelle il fit voir le même art & la
même induftrie qu'employent les abeilles
dans la fabrique de leurs ruches.
Le 14 l'Academie des Infcriptions &
belles Lettres , fit l'ouverture de les Affemblées
. M. de Boze , Secretaire de cette
Academie , y fit l'éloge du Pere le Tellier
M. l'Abbé Anfelme lut enfuite une Differtation
fur les Livres des Sibylles , qui fur
fuivie d'une autre fur les Poemes en Profe ,
par M. l'Abbé Fraguier. Le P. Montfaucon
celebre Benedictin , finit enfin cette ſeance
par une très favante & très curieufe Differ
tation fur le papier.
Le 17 M. le Baron de Penterrider , Con
feiller du Confeil Aulique , Affeffeur du
202 LE MERCURE
Confeil des Païs- Bas , & Miniftre Plenipo
tentiaire de l'Empereur , eut Audience parriculiere
du Roy.
On affùre que M. Froulet de Martangis
quitte l'Intendance de Berry , & que M.
Amelot de Chaillou , Maître des Requêtes,
à été nommé pour le remplacer.
Le 19 M. le Vicomte de Tavannes prêta
ferment de fidelité entre les mains du Roy ,
pour la Charge de Lieutenant General du
Mâconnois , qu'il a achetée de M. le Marquis
d'Entragues.
M. le Comte du Perou , ( Aymé Marie
Gontier ) prêta auffi ferment de fidelité
pour la premiere Lieutenance de Roy de
Bourgogne, que les heritiers de M. le Comte
de la Riviere lui ont venduë.
Madame de Parabere a acheté onze cens
mille livres la Terre du Blanc en Berry ,
qui rapporte 27 à 28 mille livres de rente.
M. Law a acheté un million de M. le
Marquis de la Carte , la Terre de Roiffy.
Le Prince Emanuel de Lorraine`, qui depuis
quelques années étoit paffé au fervice
de l'Empereur , s'eft rendu ici pour prendre
des Lettres d'abolition.
Madame la Princeffe , qui étoit allée à
Chanlai , proche Auxerre , pour y voir Madame
la Ducheffe du Maine fa fille , eſt de
retour du 8 à Paris .
Le Contrat de vente de la Terre de Ligny,
DE NOVEMBRE. 203
faite par M. le Duc de Luxembourg , fut
figné le 6 de ce mois , moyennant deux millions
fix cens mille livres efpeces de France.
M. le Prince de Conty retire le Duché de
Mercoeur de M. le Marquis de Laffey qui
l'avoit acheté. M. de la Chapelle Secretaire
de ce Prince , & de l'Academie Françoife
, eft de retour ; il a été fort bien reçû
de S. A. S.
M. Hubinot de Montbrun de Reigné ,
Ecuyer du Roy , du Quartier de Janvier ,
a vendu fa Charge à M. du Chatelet , neveu
de M. le Marquis du Chatelet , Gou
verneur du Château de Vincennes.
. M. Reymond de la Renouilliere , Maître
d'Hôtel du Roy , a vendu cette Charge
180000 livres à M. Pautras.
M. de la Fare- Lopis , a obtenu du Roy
une penfion de 8000 livres. M. Miſtouflet,
Secretaire general de la Cavalerie , a été
gratifié d'un Brevet de quatre mille livres
de penfion .
M. Meffier , cy - devant Gentilhomme
ordinaire , & aujourd'huy Maître d'Hôtel
du Roy, a eu une penfion de deux mille
livres.
Le 26 M. le Grand Prieur d'Orleans fur
declaré du Confeil de Marine , comme General
des Galeres ...
Le 27 au matin il y fut admis.
L'exprès que le Regent avoit depêché à
204 LE MERCURE
Modene , avec les articles du Contrat de
Mademoiſelle de Valois & du Prince de
Modene , en arriva le 26 avec la fignature
de ces Articles. Madame la Ducheffe d'Orleans
alla l'après midy à faint Clou , an
noncer cette nouvelle à Madame.
Le 28 le Regent vint donner part au Roy
de la conclufion de ce mariage.
Le 29 deux jeunes Princes de Saxe- Gotha
ayant été prefentés par M. le Maréchal de
Villeroy à S. M. le Roy les gracieuſa.
M. de Chaſeron , ancien Lieutenant des
Gardes du Corps , & Gouverneur de Breft,
a eu la permiffion de donner fa Brigade à
fon fils aîné , Enfeigne des Moufquetaires.
Le Duc d'Ormont après avoir fait le tour
de l'Ecoffe avec fon Eſcadre , eft retourné
au Port de faint Ander en Bifcaye.
Le Roy de la Grande Bretagne arriva le
fur les trois heures après midi , à Margatte
en Angleterre.
25
Le Roy a accordé à M. l'Evêque de Clermont
une penfion de dix mille livres.
M. Panier a acheté la Charge d'Avocat
General du Grand Confeil , vacante par la
mort de M. Benoift de faint Pore . M. Panier
eft le même qui a remporté cette année
le prix en profe propofé par l'Academie
Françoife , dont nous avons donné l'extrait
dans le Mercure d'Aouft dernier. A juger
par le merite de ce diſcours , on doit s'atDE
NOVEMBRE. 205
tendre que ce nouveau Magiftrat remplira
dignement la place de fon predeceffeur.
La Chambre Royale de Bretagne , établie
à Nantes , continue fes procedures contre
les accufés. Elle a déja rendu plufieurs
Arrefts , en execution defquels on a arrêté
un grand nombre de perfonnes mal- inten
tionnées au fervice de Sa Majefté,
La
ROSES.
>
vint
E 22 Octobre l'armée du Roy étant
partie du Camp du Boulou
camper à la Jonquiere en Lampourda.
Le 23 M. le Maréchal de Berwick s'avança
fur le ruiffeau de la Mougue , &
campa fa gauche à Caftiglion , où il établit
le Quartier General , & la droite à Peralade,
Le 26 il détacha les Brigades de Poiton ,
de la Couronne , & de Caftelas , fous les
ordres de M. de Guerchy Lieutenant General
, & de M. de Lambert Marêchal de
Camp , pour venir camper devant Rofes ,
Le même jour ces Brigades furent jointes
par celle d'Alface , qui étoit venue la veille ,
fous les ordres de M. de Ceberet , de Collioure
à Cariguelle.
Le 27 Monſieur le Marêchal vint pren
dre fon Quartier à la Cafa Carbonnella
, avec l'Etat Major . Meffieurs de Cay
206
my
LE MERCURE
lus , de Maulevrier , & de Belleifle , eurent
ordre de le ſuivre avec les Brigades de Picardie
, Navarre , & Royal des Vaiffeaux : la
Brigade d'Auvergne doit être aufli de ce
Camp.
Les quinze Bataillons qui forment le refte
de l'armée , font reftez avec la Cavalerie
dans la ligne fur la Mougue .
Les vents ont été fi violents & fi contraires
, que les Tartanes & les Barques
chargées de vivres , de munitions
de Guerre & d'Artillerie , qui étoient depuis
long- tems à la plage de Rouffillon ,
n'ont pu arriver à portée de Rofes que dans
les premiers jours de Novembre. On commença
le 4 à faire le débarquement ; mais
les la mer fut fi groffe que le débarquement
ne put pas fe continuer , & le 6 le
vent augmenta à un tel point , que toutes
des Tartanes au nombre de 28 échouerent,
une partie a été brifée , & le refte fubmergé,
On a fauvé une partie des effets , & tous
les équipages , à la referve de 24 Matelots,
& une Pinque armée que commandoit le
Chevalier de Bernage , a auffi échoué , mais
il s'eft fauvé.
La Mougue s'étoit fi fort enflée par les
pluyes continuelles , que les Quartiers de
l'Armée étoient fans communication.
Les ponts de Perpignan & du Boulou ,
avoient été emportez par la rapidité & le
débordement du Tech.
DE NOVEMBRE. 207
Dans ces circonftances M. le Maréchal
de Berwick n'a pas jugé à propos d'entreprendre
le fiege de Rofes , & il a repaffé
avec l'Armée en Rouffillon les 17 & 18
de ce mois , après avoir fait rembarquer
tout ce qui avoit 5 42. été déchargé à la côte,
LE
7:
FAITS FUGITIFS.
ES Actions que nous avions anoncées
au 31 Octobre dernier , dans le précedent
Mercure à trois cens , font montées
à mille depuis le premier Novembre fufqu'au
30 inclufivement. Cette rapidité imprévue
ne peut avoir manqué de produire
une infinité de fortunes prodigieufes ; puif
que chaque Action de soo livres , en la laiffant
tranquillement dans fon Portefeuille
a donné de profit 5000 livres à l'Acquereur
de la premiere main. Suppofant donc
qu'un Particulier en ait pris pour cent mille
livres , voilà un million de profit. Combien
de gens fe trouvent dans le cas , &
combien d'autres vont ils au delà ? On
connoît plufieurs de ces Meffieurs , qui
ne comptant pas fur des gains fi peu atrendus
, ne peuvent point fe familiarifer
avec leurs millions. Quelques- uns en font
morts de furpriſe , d'autres de joye , &
plufieurs autres à force de chifrer & de
calculer , en ont perdu la tête : les femmes
-
208 LE MERCURE
fur- tout d'un certain étage , l'ont tout à
fait dérangée. Comme elles font perfuadées
que le bien feul fait profque la difference
des conditions , elles ont crû qu'avec
un équipage à la Ducheffe & un certain
air de confiance , on devenoit tout à
coup femme de qualité. Je n'en rapporteray
qu'un exemple , entre mille autres .
Une de ces Dames de nouvelle création
qui n'avoit jamais été qu'à l'amphitheatre,
fous le fauf-conduit de quelques billets de
Comediens , voulut fe dépaïfer : elle s'imagina
qu'il étoit du bel air d'aller aux
premieres Loges ; en effet , elle contenta
fon envie. S'y étant nichée , avec d'autres
petites figures que l'on foupçonna être fes
filles , elle attira bien-tôt les regards de
tout le Parterre ; elles en furent fort examinées
, parce que fous des houffes fort
riches , on y remarqua que des phifionomies
baffes & des façons contraintes . Cependant
, on étoit fort en peine de les
connoître , & de fçavoir depuis quand elles
étoient au monde . On eut beau s'en informer
; on ne put découvrir ni leur nom
ni leur origine . Pendant qu'elles fe donnoient
ainfi en fpectacle , & qu'elles faifoient
porter differens jugemens fur leurs
manieres d'être , la Comedie finit , elles attendirent
patiemment que la foule fût écoulée
; aprés quoy elles quitterent la Loge ,
pour
DE NOVEMBRE. 209
be
pour aller regagner leur équipage. Quelques
reftes de petits Maîtres fe tenoient
à la defcente de l'efcallier , pour les confiderer
de plus prés ; & les ayant fuivies
jufqu'à la porte , la plus apparente de la
compagnie prenant un ton aigu , fe mic
à appeller fes Gens qui fe trouverent dans
l'inftant fous fa main. Elle ne fut pas plustôt
montée dans une berline , aufli fuperque
celle d'un Ambaffadeur qui fait fon
entrée , qu'un des Laquais de fa fuite lui
demanda , où Madame fouhaite- elle qu'on
la conduife ...? cheus nous , répondit -elle ,
cheus nous ... A ce mot toute la Livrée
étrangere repeta comme par écho , cheus
nous , cheus nous ..• Quelqu'un de vous
autres , dit.un des petits Maîtres , connoitil
cette Madame ? ... Comment fi nous
la connoiffons ! C'eft , M. reprit un de la
troupe , une Blanchiffenfe en linge fin qui
s'eft laiffée tomber du quatrième étage dans
un caroffe , fans fe bleffer. Mais cela n'eft
spas poffible , me dira un Lecteur incredule
pourquoi non! Faut- il un exemple pour
le confirmer ? En voicy un qui n'eft pas
moins fingulier.
Lettre contenant un fait fort extraordinaire,
écrite de Meffine par l'officier même
à qui la chofe eft arrivée .
Ous fçaurés , M. que pendant le fiege
de la Citadelle de Meffine , j'obs
S
210 LE MERCURE
"
fervois avec trois de nos Generaux , des
bombes que les ennemis nous jettoient
d'un des ouvrages de cette Fortereffe.
Nous en remarquâmes une qui venoit droit
à nous ; chacun tâcha de l'éviter en prenant
un côté oppofé. Pour moi , croyant de
mieux faire , je reftay à ma place ; mais
apparemment , je n'avois pas fi bien
jugé que ces Meffieurs , de la direction &
de la chûte de cette bombe : car dans un
inftant , cette machine infernale venant
droit à moi , tomba fur mon épée qu'elle
fracaffa à mon cóté , & me jetta par terre .
M'étant relevé trop tôt , dans le moment ,
les Generaux qui me confideroient atten
tivement , me virent enveloppé tout à la
fois de flamme , de fumée & de pouffiere ,
& par confequent me perdirent de vûë .
Cet accident ne m'arriva que parce que
cette bombe s'étant crevée entre mes cuifles
, dans le tems que j'étois fur mes jambes
, me renverfa une feconde fois , & me
couvrit entierement de terre . Ce fut alors
que les Officiers dont j'ai parlé , & plu
feurs autres , regardoient de quel côté les
pieces de mon corps feroient emportées.
A la verité , ils ne furent pas peu furpris
de me voir relever & fecouer la terre dans
laquelle j'avois été comme cnfeveli . Ils
vinrent tous à moi , avec un étonnement
qui ne fe peut exprimer , pour me demanDE
NOVEMBRE. 211
der fi effectivement je n'étois pas mort...
Je leur répondis en riant , que je n'étois
pas même bleffé ; à peine s'en raportoientils
à leurs yeux ; tous me manioient , &
vouloient s'affùrer de ma refurrection .
Alors me trouvant bien vivant , ils fe re
crierent qu'il y avoit de l'enchantement
dans mon fait ; que de vingt mille hom
mes auxquels pareille aventure feroit arrivée
, il n'en feroit pas réchapé un feul.
Si vous me demandés comment cela s'eft
pû faire , c'est ce qui me paffe ; il n'y a
que Dieu feul qui en ait connoiffance
mais abandonnerai- je la rue Quincampoix,
fans en raporter quelque trait qui caracte
rife un de fes heureux habitans ? Il s'en
prefente un dans le moment fous ma plume...
Un Monfieur de la Verdure , qui
avoit troqué fa livrée pour un habit en
broderie , jugea à propos d'emballer fa Seigneurie
dans un caroffe qu'il avoit acheté
depuis peu. Il étoit devenu riche Actionnaire
; cette circonſtance fuffit, pour ne point
chicaner fur fon équipage. Il avoit pris à fon
fervice un Cocher de bonne mine , & deux
grands Laquais fort bien faits ; car il s'y
connoiffoit : ce Cocher , auffi infolent que
celui de quelque Grand Seigneur , vou
lut couper la file d'une fuite de caroffes ;
mais n'ayant pû gagner la tête des autres
chevaux par l'adreffe du Cocher à qui il
Sij
212 LE MERCURE
vouloit faire cet affront , ils prirent bientôt
querelle enſemble , ce qui fut accompagné
de part & d'autre de coups de fouëts
redoublés.
Le Maître Actionifte , ou Actionaire
n'importe ) mettant la tête hors de la
portiere : Coquin , cria- t'il au Cocher adverfaire
; veux - tu me donner la peine de
defcendre , pour t'appliquer vingt coups de
canne ? A peine eut-il prononcé le mot
de canne , qu'un Officier qui avoit été juſqu'alors
tranquille fpectateur du different ,
faute de fon caroffe , & oblige le menaçant
de mettre pied à terre. Celui- cy fit
d'abord bonne contenance ; mais , quand
il vit fon homme mettre l'épée à la main ,
il fut fi épouvanté , qu'il gagna au pied ;
& croyant avoir l'épée dans les reins , il
fe mit à crier de toute fa force : à moy
la Livrée , à moy la Livrée ! Que ne fait
pas l'habitude !
•
Croiroit-on bien qu'un boffu a trouvé
le fecret de gagner une fomme confiderable
avec fa boffe qui alloit en pente douce ,..
à peu prés comme un pupitre. On fçait
que dans la ruë , car on n'adjoûte plus de
Quincampoix , & cela à l'imitation des
Latins qui difoient Urbs par excellence ,
pour défigner la Ville de Rome ; on fçait
dis-je , qu'il s'y fait des petites fortunes ,
& même des groffes , par quantité de ftraDE
NOVEMBRE. 213
tagemes que l'avidité du gain fuggere.
Notre boffu , aprés avoir long tems medité
à quoi fa boffe pouvoit lui être bonne
, s'avifa de la faire fervir en guiſe de
bureau portatif : en effet , il l'offroit de
fi bonne grace à ceux qui cherchoient quelque
lieu propre pour écrire ou pour figner,
que l'on n'en fit point de façon . On affure
que fa boffe lui a déja raporté plus de
20000 livres. Ne pourroit -on pas lui appliquer
ce paffage ? Supra dorfum meum
fabricaverunt peccatores..
*
On écrit de Silefie du premier Novembre
, que dans le Jardin de la Comteffe
Zierottin , on y voyoit avec admiration un
arbre qui ne croît ordinairement qu'en Armenie
, appellé Alloe aculeata . Cet arbre
a pouffé en 24 heures à la hauteur defept
aulnes. On y a compté jufqu'à 25 branches
toutes garnies de fleurs , d'où découloit un
baume blanc fort doux , & fort agreable au
gout ; & du tronc de l'arbre , il en fortoit
une gomme blanchâtre . La premiere fleur
a éclos le 28 Septembre dernier. On a remarqué
que lorfque cet arbre fut prêt à
percer la fuperficie de la terre , on entendit
un bruit femblable à celui d'un coup de
canon . On ne ſe fouvient point par qui il
a été planté , ni comment il eft venu dans
* Ces arbres font cependant fort communs en
Languedoc,
214
LE MERCURE
une terre tout à fait étrangère à ces fortes
d'arbres qui ne croiffent que dans les païs
chauds . Les Naturaliftès disent qu'il faut
un fiecle entier , avant que cet arbre forte
hors du fein de la terre.
P.-S. Le 4 Decembre on publia un Arreft
du Confeil d'Etat du Roy, qui ordonne,
qu'à commencèr du jour de la publication
du prefent Arreft , les Louis d'or feront réduits
à 32 livres piece , & les écus às livres
12 fols . Au premier Janvier prochain
les Louis d'or à 31 livres , les écus à 5 livres
8 fols. Et au premier Fevrier ſuivant,
les Louis d'or à 30 livres , & les écus à 5 li S
vres 4 fols , les demis & quarts à proportion
. Fait au Confeil le 3 Decembre 1719%
Signé PHELYPEAUX .
Le même jour , on publia un Edit du
Roy , qui ordonne la fabrication de nouvelles
efpeces d'or & d'argent fin. Regiſtré
en la Cour des Monnoyes le 2 Decembre
1719. Signé GUEUDRE'.
J'a
APPROBATIO N.
Ay lù par ordre de Monfeigneur le
Garde des Sceaux , le Mercure de Novembre.
A Paris le 3 Decembre 1719.
BLANCHARD.
DE NOVEMBRE. 215
TABLE.
Hiftoire des Filles de la Maifon de France &
autres Princeffes , qui ont été données en mariage
à des Princes Heretiques ou Payens , Par
M. l'Abbé de Camps .
་
31
Des caufes qui peuvent diminuer la pesanteur de
l'air , lorfqu'il paroît le plus chargé de nua-
28
ges.
Journal des Fétes données à Dresden par le Roy
de Pologne, 38
Lettre de M. de Marivaux , contenant une avanture
.
Lettre de l'Auteur de la Carte d'Aragon ,
cée dans le dernier Mercure.
Edits , Arrefts & Déclarations.
62
annon-
74
83
Lettre écrite à l'Auteur du Mercure , au fujet de
l'extrait qui a été donné dans le mois d'Octobre
, furle Traité des Penfions Royales. 102
Poëftes. Ιός
Alla virtuofiffima Signora d'Argenen , Homma
gio debito , par M. Boucon,
Enigmes
Vaudeville.
Nouvelles étrangeres.
708
114 115
116
Affaires du Palatinat.
137
Morts Mariages . 187 & 191
Journal de Paris.
193
Fatts fugitifs.
207
Errata d'Ottobre.
Pase12 lignes PAS ,ce fait eft faux,
Age 190 lig. 9. On a donné , &c. Retran
chez ces trois ;
216 LE MERCURE
Pag. 191 lig. 1. M. de la Hubergaís , liſez
de la Guibourgere .
Pag. 191 lig . 31 Meffieurs D. & B. &c ... it's
font reftés à Paris.
Pag. 194 lig. 27 M. de Pleneuf, &c. il n'y a
rien de changé fur le compte de Meffieurs
de Sauroy & de la Jonchere , & ils continueront
à faire leurs Charges.
Pag. 211 lig. 10 N... de Monmorin , lifez
Montmartin .
AVIS.
LEViebenen Beauce,proche Toury , route
E Sieur Foufladier , Chirurgien , demeurant
de Paris à Orleans , guerit plufieurs maladies ,
tant internes , qu'ex ternes, comme les Veneriennes
, Apoplexie , mal Caduc , Vertige , Paralifie
, Rhumatifme , Migrainne , l'Afme , Hydropifie,
Diffenterie , les Retentions , Vapeurs , Jau
niffe , Fievre intermittente. Le Sieur Fouffadier
donne encore plufieurs autres Remedes ſpecifiques.
Il continue depuis 14 à 15 ans , fes cures des
Cancers occultes & ouverts , Loupes , Nodus ,
Exortofe , Ganglions , Ulceres de Matrice , de
la veffie , & ceux qui reftent aux yeux aprés la
petite verole , de même que les taches.
Il guerit les marques que l'on apporte du
ventre de la mere , les Sxirres du foye , de la
ratte , de la matrice , & des mamelles , les UL
ceres de l'Aaus , les Fiftules fans le fer , les Hemoroides
, & les Ulceres des autres parties du
corps.
LE
NOUVEAU
MERCURE
.
Decembre 17 19.
Le prix eft de vingt fols
A PARIS.
Chez GUILLAUME CAVELIER , au Palais:
La Veuve de PIERRE RIBOU, Quay des
Auguftins , à l'Image S. Louis.
Et GUILLAUME CAVELIER , Fils , ruë
S. Jacques , à la Fleur -de- Lys d'Or .
M DCC. XIX.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
THE NEW , YORK
PUBLIC LIBRARY
335117
ABTOR, LENOX AND
TILDEN' FOUNDATIONS
1990
AVIS.
prie ceux qui adrefferont
des Paquets ou
Lettres à l'Auteur du Mercud'en
affranchir le port ,
re
fans quoy
but .
ils refteront au re-
L'Adreffe de l'Auteur , eft.
A Monfieur Bu CHET , Cloître
S. Germain l'Auxerrois.
On donne avis , qu'on trouve
chez les Libraires ci - deſſus
nommez , tous les Mercures
de l'année 1718 , de même que
l'Abregé de la Vie du CZAR .
De l'Imprimerie de C. L- THIBOUST ,
Place de Cambray.
1
LE
NOUVEAU
MERCURE
Lettre de M. N. à M. de N. fur
Hiftoire de France ,fous le Regne
de Louis XIV. Par Larrey.
MONSIEUR;
Ce que j'avois vû des autres Ouvrages de
Larrey , m'avoit fi fort degoûté , que je n'euffe
jamais rien lû de ceux qu'il auroit pu donner
au Public , fi vous ne m'aviez engagé à lire fon
Hiftoire de Louis XIV. comme vous l'avez fait,
c'eft à dire , avec ces manieres . aufquelles on ne
fçauroit refifter. Je m'armaj donc d'une patience
A ij
LE MERCURE
à toute épreuve , pour aller jufqu'au bout de ce
gros volume in quarto à deux colonnes , & d'un
caractere trés menu ; je vous en fis mon rapport ;
vous me preflâtes , Monfieur , de publier par
l'impreffion ce que j'avois eu l'honneur de vous
lire en particuliers je m'en défendis fur la répu
guance que j'avois à caufer du chagrin au pauvre
Larrey qui étoit fur la fin de fa carriere ;
en effet , il eft mort peu de mois aprés ; & com- .
me tout ce qu'on fçauroit dire de fes Ouvrages
ne peut plus lui faire de peine , je veux bien ,
pour vous faire plaifir , vous donner ce que je lus
alors , afin que vous le rendiez public , fi vous le
jugez à propos.
J'ai eu l'honneur de vous le dire , Monfieur ,
je ne croi pas qu'il fe foit jamais fait aucun Ou⚫ -
vrage aufli miferable dans fon genre , que l'eft
Hiftoire de Louis XIV . par Larrey. On y trouve
des fautes enormes contre la verité de l'Hiftoire ;
des fautes de jugement monftrueufes ; des contradictions
pitoyables ; des tranfitions chétives ;
des mots forgés , des expreffions baffles , romanefques
, & même grotesques ; des pauvretés ,
& dų galimatias : c'est ce queje vais faire toucher
au doigt & à l'oeil , par des exemples : Et,
pour mettre tout cela en ordre , autant que cela
fe peut , je vous dirai , Monfieur , que deux chofes
font abfolument neceflaires pour faire une
bonne Hiftoire. La premiere , eft de fçavoir bien
les faits hiftoriques ; & la feconde , de fçavoir
l'art de les écrire : Or , Larrey ne fçait point
les faits hiftoriques de la vie de Louis XIV ; &
quand il les fçauroit bien , il ne fait point
: écrire ; ainfi , il n'a aucune des qualités qui font
neceflaires pour bien faire l'Hiftoire de Louis
XIV . J'efpere donc vous faire voir avec évidence
, que de tous les écrivains connus , nul Hifgorien
n'a été fi mal informé de ce qu'il a epDE
DECEMBRE.
trepris d'écrire , que Larrey l'a été de la vie de
Louis XIV. & que nul Ecrivain n'a jamais été
plus ignorant dans l'art d'écrire , que lui.
Je n'entreprendrai pas de difcuter ici generalement
tous les faits hiftoriques contenus
dans l'ouvrage de Larrey ; il faudroit pour cela
faire un volume aufli gros que fon Livre : Je
me contenterai de rapporter quelques uns des
plus confiderables de ces faits ; ce qui fuffira
pour former le jugement qu'on doit faire des
autres .
Le Prince de Condé , dit - il , page 19 , fi connu
par ja naiffance qui lui fut difputée , parco.
qu'il étoit né 13 mois aprés la mort de fon pere,
mais qui lui fut confirmée par Arreſt du Parlement
, & c.
>
Combien de fauffetés en quatre lignes ! Quelle
audace de publier de pareilles calomnies contre
un Prince d'une fi haute naiffance ? Qui ne fait
pas que Henri de Bourbon I. du nom , mourut
les Mars 1588 ; & que la Princeffe fa femme
qu'il laiffa groffe , accoucha le premier
Septembre de laditte année 1588 , d'un fils
nommé Henri de Bourbon II . du nom , qui eft
'celui dont parle Larrey ? Il naquit done s mois
& 25 jours aprés la mort de fon pere ! Nul fait
hiftorique n'eft plus conftant & plus notoire que
celui- là ; Eft - il donc permis à un Hiſtorien de
l'ignorer ? Et s'il ne le fçait pas , fon ignorance
lui donne-t- elle droit de deshonorer ainfi un
Prince du Sang de France ? Car , dire qu'il eft
né 13 mois aprés la mort de fon pere , c'est
dire nettement qu'il eft bâtard ; c'eft lui faire
l'outrage le plus ignominieux dont la naiffance
d'un homme puiffe être flétrie . Quoi ! parce que
Larrey eft affez ignorant pour ne pas fçavoir que
le Prince de Condé cft né s mois aprés la mort
du Prince fon pere , il pourra avancer impune-
A iij
LE MERCURE
ment qu'il n'eft né que 13 mois aprés ! il infultera
ainfi toute une branche de la Maifon
de France un fimple particulier ne demanderoit-
il pas juftice d'une injure auffi atroce fi on
Ja lui faifoit ? Qui eft ce qui a jamais difpuré à
ce Prince fa naiffance , comme le dit Larrey, au
même endroit ? Qui eft - ce qui a jamais entendu
parler del'Arrest par lequel il ajoûte qu'elle
lui fut confirmée ? Qu'il rapporte donc ce: Arreft
! Qu'il en cite donc feulement la date
Qu'il dile feulement le nom de celui qu'il prétend
lui avoir difputé fa naiffance ! Un Arrest
en confequence d'un fait qui ne fut jamais !
C'eft de cette maniete , Monfieur , que dans un
cerveau creux , comme l'eft celui de Larrey ,
& où les vifions font au même rang que les
verités , une illufion engendre une chimere !
Pour prouver une premiere faulleté , on en avance
ane feconde d'un caractere à écarter toutes fortes
de défiances ; car qui eft- ce qui pourroit
revoquer en doute un fait , pour la preuve duquel
on cite un Arreft du Parlement ? Et qui
eft ce qui pourroit croire qu'un Arreft qu'on
cire , n'eût jamais été rendu ? Ce qu'un premier
fauffaire a une fois publié dans un Livre ,
tous les Auteurs fuivans le tranfcrivent fans
fcrupule ; ils debitent fans examen ce qu'ils ont
receu fans foupçon : De là naiffent ces erreurs
populaires qu'on fe donne de main en main ,
qui paffent d'âge en âge , & fe perpétuent quelque
fois de cette forte dans la fuite de plufieurs
hecles : & c'eft ainfi que s'eft répandue une impofture
fi injurieufe à la Maifon de Condé , qui,
sûre de la verité , a dedaigné de combattre cette
calomnie , peut- être parce qu'il étoit trop aifé
de la détruire ; mais qui ne laifferoit pas de
continuer à fe tranfmettre à la pofterité , fi l'ou
ne prenoit foin d'en relancer , comme il faut ,
DE 7 DECEMBRE
les Auteurs & les complices , & de les flétrir com
me ils meritent de Pêtre .
Je ne vous dirai rien , Monfieur , de quantité
de bevûës particulieres où Larrey donne de fauffes
dates aux faits ; de faux noms & de fauffes
qualités aux lieux & aux perfonnes : tout en
et plein , & il n'y a pas de page où il n'y en
ait plufieurs ; je ne vous parlerai que des Evenemens
les plus confiderables & les plus connus
, & que par confequent il auroit dû fçavoir
le mieux ,
C'eft une Hiftoire generale de France qu'il
écrit la Bataille de Mariendal fait certainement
partie des évenemens de l'année 1649 ,
qui doivent entrer dans l'Hiftoire de France .
Cependant Larrey ne raconte point cette Bataille
, il n'en rapporte pas une feule circonftance
; il tranche l'affaire en deux mots , com .
me un homme qui n'en fçait rien ( page 1 )
Eft- ce-là écrire l'Hiftoire de France , fous le Regne
de Louis XIV ?
Il ne parle pas d'une autre maniere de la
fameufe Bataille de Norlingue qui fe donna la
même année ; il n'en dit rien qu'en termes vagues
& generaux ; il n'en fçait pas une feule
circonftance : il fait tuer le General Merci à
Paile droite de fon Armée , & à la fin de la
Bataille ; & ce fut dés le commencement , qu'il
fut tué au centre. Il dit que toute l'armée de
France étoit commandée par le Duc d'Enguien
& par M. de Turenne feuls ( page 43 ) cependant
le Maréchal de Grammont conftament
y commandoit l'aile droite de notre Armée ; il
n'y a fi perit Ecolier en matiere d'Histoire qui
ne le fache comment un homme d'une ignorance
fi crafle , ofe t- il entreprendre d'écrire
une Hiftoire ? Tout le monde fçait encore que
Jean de Vert commandoit l'aile gauche de l'Ar-
A iiij
LE MERCURE
mée des Ennemis à cette Bataille ; qu'il défit
entierement notre aile droite , & qu'il y prit le:
Maréchal de Grammont prifonnier : cependant
Larrey ne dis pas un mot de Jean de Vert. Toute
1.Armée ennemie , dit - il , p . 42 , étoit commandée
par les Generaux Merci & Gleen ; & , felon
lui , Jean de Vert n'étoit pas à cette Bataille ;
Jean de Vert qui pourtant commanda feul toute
l'Armée ennemie aprés que Merci eut été tué ,
& que Gleen eut été fait prifonnier .
Je paffe , Monfieur , une infinité de faits particuliers
tous pleins de fauffetés , où il prend pour
Suedois un Corps de Troupes tout compofé d'Allemands
; ( p. 99 ) & les Anglois , pour des François
; ( p. 612 ) il donne 78 ans au Duc de Baviere
, qui n'en avoit que 75 ; ( p. 143 ) il met
dix lieues au deffus de Rouen le Pont de l'Arche,
qui n'en eft qu'à trois lieuës ; ( p . 189. ) Il fait
trouver à la Bataille de Réthel l'Archiduc Leopold
, qui étoit alors en Flandre ; ( p . 227. ) Il
marie en 1651 Mademoiſelle de la Force à M. de
Turenne , qui ne l'époufa qu'en 1653 ; ( p. 244)
il ne donne que 40 lieuës à une marche de 80 .
( p. 265. )
Ce ne font là , pour lui , que de legeres fautes ;
& je ne veux appuïer ici , que fur les Evenemens
confiderables de l'hiftoire de France fous le Regne
de Louis XI V. Tel eft , par exemple , le fameux
combat du Pont de Jargeau , donné en 1652 ,
& du fuccès duquel dépendoit le falut du Roy ,
& celui de tout le Royaume : Larrey ne fait pas
feulement mention de ce combat ; il n'en dit pas
un mot ; il n'en a jamais rien fçû il n'en a jamais
oiii parler ; & cependant il fe croit fi favant
dans l'hiftoire de France , qu'il entreprend hardiment
d'en inftruire toutes les Nations , & tous
les ficcles !
Tel eft encore le combat du Fauxbourg d'EDE
DECEMBRE.
tampes , où la même année l'armée des Princes
perdit 4700 hommes , fçavoir 2000 qui furent
tués , & 2700 qui furent faits prisonniers par
l'armée du Roy. Larrey n'a jamais rien fçû de
de cette affaire ! il veut pourtant apprendre aux
autres l'hiftoire de cette année-là !
En 1658 nous attaquâmes le Prince de Ligne
qui menoit 300o hommes à Tournay , defquels
nous fîmes 2500 prifonniers. Larrey n'en dit
pas un mot , il n'en a jamais entendu parler :
Quelle audace d'ofer avec une telle ignorance
s'ériger en Hiftorien !
*
Il ne dit pas non plus un feul mot de l'affaire
de Ladembourg , où , en 1674 , avec 10000 hommes
nous forçâmes 14000 Allemans retranchés.
dans leur Camp au delà du Necker , nous fimes
prifonniers leurs principaux Officiers ; nous prîmes
leur canon & leur bagage ; action vigoureufe
& digne de l'immortalité , au jugement de
la France , qui a fair frapper une medaille pour
en éternifer le fouvenir ! Quant à Larrey , il
fçait peut être parfaitement ce qui fe paffoit il y
a 4000 ans dans la Terre Auftrale ; mais ce qui
fe faifoit en France il y a 45 ans , il n'en fçait
quoi que ce foit ; cependant c'eft de cela même
qu'il a la fureur d'écrire l'hiftoire !
Tout le monde , Monfieur , a oui parler de la
cele' re journée d'Ensheim , arrivée le 4 Octobre
1674. Ce fut une des plus longues & des
plus fanglantes Batailles qui eût été donnée depuis
long- temps : voici comment Larrey la raconte.
Le Vicomte de Turenne tombafur les Ennemis
à l'improvifte le 4 d'Octobre près d'Enfisheim
dans la haute Alface ; & quoique leur armée
fut plus forte de la moitié que la fienne , il
en remporta une pleine victoire. ( p . 621. ) il n'en
dit pas autre chofe . Cette Bataille dura dix heuzes
; elle eft d'un détail infini'; à peine en pou
fo LE MERCURE
*
roit-il rapporter toutes les circonstances en
vingt pages ; cependant il n'y employe que deux
lignes & demie ; & il appelle cela l'hiſtoire de
France !
•
Puifque cet endroit de fon ouvrage en prefente
une occafion naturelle , je vous avertirai ,
Monfieur , que Larrey donne encore ici un faux
nom à l'endroit où fe donna cette fameuse
Bataille il l'appel'e Enfisheim , & le nom de
cet endroit eft Ensheim. Enfisheim eft une ville ,
& Ensheim n'eft qu'un village ! Enfisheim eft
tout à la tête de la haute Alface, par de à Brifach ;
& Ensheim eft prefque tout au bas , près de
Strasbourg !
Le combat de Turckeim , qui fe donna le cin
quiéme Janvier 1675 , n'est pas moins fameux
que la Bataille d'Ensheim ; ce fut un coup decififpour
la France : M. de Turenne avec 20000
hommes chaffa de l'Alface 60000 Allemans , &
les obligea à repaffer le Rhin. Larrey entreprend
de raconter cette grande Bataille à toutes les
Nations & à tous les fecles ; & voici comme
il les en inftruit ( p . 621 ) Le 5 Janvier 1675
le Vicomte de Turenne remporta une troifiéme
victoire à Turckeim , qui contraignit les Allemans
de quitter l'Alface , & de repaffer le Rhin.
Si vous en voulés fçavoir davantage , vous pouvez
, Monfieur , l'aller chercher ailleurs ; car ,
pour l'ouvrage de Larrey vous n'y trouverez
que ces deux lignes : voilà tout ce qu'il en fçait !
ou il ne dit rien du tout des Evenemens les plus
confiderables du Regne de Louis XIV , ou il
les cftropie , ou ce qu'il en dit eft abfolument
faux. N'est- ce pas fe jouer du Public , que de
lui faire acheter une pareille rapfodie fous le
titre d'Hiftoire de France ?
En voilà affez , Monfieur , pour faire voir
que Larrey ne fçait point les faits de l'hiftoire
DE DECEMBRE. IF
qu'il a entrepris d'écrire ; mais quand il fçauroit
ces faits , il ne feroit pas pour cela capable d'écrire
l'hiftoire . Avec de la memoire on peut fçavoir
des faits ; mais la qualité la plus effentielle
à un Hiſtorien , c'eſt le jugement ; & je vais
Vous montrer que Larrey eft auffi peu judieieux
que peu inftruit des chofes qu'il a voulu
écrire .
Il veut raconter la Bataille Navale , donnée
en 1646 devant Orbitelle , entre la flote de
France & la flote d'Espagne : un malheureux
coup , dit- il , (p 86 ) parti de l'Artillerie des Efpagnols
, leur donna la victoire . Peut- on appeller
malheureux , un coup qui leur donne la victoire ?
Eft - il befoin d'un jugement exquis pour ne pas
faire de pareilles fautes ? Le fimple fens commun
ne fuffit il pas pour cela ?
Le Rhône fe deborda cette année, dit-il ( p. 245 )
endommagea les Ponts de Lyon , du Pont S. Efprit
, & d'Avignon . Eftoit -ce un prefage des maux
que caufa la guerre civile ? Quelle chimere !
Quel rapport entre uneRiviere qui ſe déborde par
l'excès des pluïes , & des guerres civiles que produifent
les feules caufes politiques ?
Comme le Prince de Condé fe retiroit de Paris ,
la nuit , dans le temps des guerres civiles , il
entendit un grand bruit d'hommes & de chevaux ;
il eft vrai que c'étoient des Coquetiers ; mais let
Prince de Condé croyant que c'étoient les Gardes
du Roy , quitta la route qu'il tenoit , & en
prit une aucre :fur cela Larrcy fe récrie ( p . 249)
Quel fpectacle de voir le Heros de Rocroy & de
Fribourg , fuir devant les Coquetiers qui venoient
à Paris ! Cette raillerie , Monfieur , n'eſt elle
pas bien judicieufe ? Quand un General auroit
gagné cent Batailles à la tête des Armées , devroit-
il attendre , lorsqu'il eft feul , une troupe
de gens qu'il croit venir pour le prendre & le
11 LE MERCURE
mener en prifon ? N'y a t- il pas bien du jugement
dans une fi fade plaifanterie ?
"
En 1654 le Roy d'Efpagne fit arrêter le Duc
de Lorraine à Bruxelles . Perfonne ne le plaignit
dit Larrey , ( p. 334 ) , ce qui eft fort rare ,
la France & l'Espagne s'aplaudit de fa prifen ,
où chacune vit avec plaifir la punition des fourberies
qu'il luy avoit faites . Il donne , comme une
chofe merveillenfe & rare , que la France &
Efpagne ayent eu une égale joie de voir le Duc
de Lorraine en prifón , dans le temps même qu'il
dit qu'elles en devoient avoir une égale fatisfaction
, puifque c'étoit comme une punition des
fourberies qu'il leur avoit également faites à l'une
& à l'autre. Comment un homme qui a affez
peu de jugement pour fe contredire lui - même
ofe t il entreprendre d'écrire l'histoire , qui eft
l'ouvrage du jugement le plus exquis , & pour
ainfi dire , le chef d'oeuvre de l'efprit humain?
A la marge de la page 377 , Larrey mer :
Mort & Eloge du Duc de Modene. Il n'y a perfonne
qui , fur cela , ne crût qu'il va faire l'éloge
du Duc de Modene ; on lit donc ; & on trouve
qu'il dit que c'étoit un Prince trop ambitieux ,
que fes chagrins le devoroient , &c. On ne
fçauroit dire plus de mal qu'il en dit de ce
Prince dont cependant il annonce l'éloge !
Parlant des Conferences qui fe tenoient en
Veftphalie pour la paix en 1659 : Tant d'habiles
Miniftres , dit il , P. 392 , y avoient travaillé
inutilement , fans avoir pù faire autre chose que
d'accommoder l'Empereur & l'Empire avec la
France la Suede. Eft ce donc avoir travaillé
inutilement , que d'avoir accommodé l'Empereur
& l'Empire avec la France & avec la Suede ?
Si Larrey en penfant de cette maniere a du jugement
, il faut que tous les autres hommes foient
foux !
DE DECEMBRE. 13
Mais voici , Monfieur , quelque chofe qui
vous va bien plus étonner ; c'est au fujet du
fiege de Candie , fait par les Turcs . Le commandast
de l'Efcadre de Malte , dit - il p . 461 ,
refufa de debarquer les Troupes de la Religion
ponr faire la conquéte de Negrepont. Tant il eft
vrai qu'il faut peu compter fur les Troupes auxiliaires
! Auffi la Republique de Venise comptant
plus fur les propres forces que fur celles de fes
Alliez , fit revenir les Troupes qu'elle avoit dans
Mantoüe pour les envoyer en Candies elles étoient
réduites à 150 hommes . S'il y avoit des hommes
affez foux pour écrire exprès , afin de fe rendre
ridicules ' , je dirois que Larrey le fait en cet endroit
; car que penfer autre chofe d'un homme
qui , parlant ferieulement à des efprits aufféclairez
que ceux de notre fiecle , vient leur dire
froidement que la Republique de Venife fe
voyant abandonnée de fes Alliez , & comptant
beaucoup plus fur fes propres forces que fur les
leurs , pour foutenir Candie contre une Armée
de cent mille Tures , y envoye 150 hommes ?
C'est par un femblable defaut de jugement
que voulant faire l'hiftoire des Evenemens de
' année 1664 , il dit que cette année là on danfa
à la Cour un Ballet de douze Entrées ; & il
raconte tout au long les fujets de toutes ces
12 Entrées . Le choix de pareilles matieres n'eftil
pas bien judicieux , & de telles fadaifes ne conviennent
elles pas bien à la gravité d'un ouvrage
auquel on donne le titre d'Hiftoire de France ?
Il veut raconter de quelle maniere M. de
Turenne fut tué : Ce grand Capitaine , dit - il ,
P. 634 , reçut un coup de canon , dont le boulet
emporta le bras de Saint Hilaire , & après doux
eu trois bonds , vintfroiſſer l'estomac du Vicomte
de Turenne. Comment ce Boulet peut- il faire
deux ou trois bonds pour arriver du bras de
Saint Hilaire , à l'eftomac du Vicomte de Tu14
LE MERCURE
renne , qui étoit à côté de lui ? Un homme qui
auroit , je ne dis pas le jugement neceffaire pour
écrire l'hiftoire , mais le fimple fens commun
tomberoit- il dans de pareilles abfurdités ?
Les Confequences qui fe tirent des faits hiftoriques
pour la Morale & la conduite de la vie ,
font encore l'ouvrage du jugement de l'Hiftorien ,
aufi bien que les Sentences dont l'hiftoire eft
quelquefois ornée : ainfi , on doit s'attendre
à en trouver de belles dans le Livre de Larrey !
En voici un Echantillon.
Tant il eft vrai , dit - il , p . 167 , qu'on ne
peut éviterfa destinée ! cela n'eft d'un grand
fens?
pas
Les Princes furent arrêtez & conduits au Cháteau
de Vincennes : Evenement fatal , & qu'on
ne peut affés admirer ! ( p . 218. ) Cela n'eft- il
pas bien admirable en effet , qu'un Miniftre qui
a en fa difpofition la Maifon du Roy , faffe arrêter
trois hommes!
Tant il eft difficile de plaire à même temps au
peuple & à ceux qui gouvernent ! ( p.234 . )
Tant il eft vrai ce que dit le Poëte , que Le
deuil la joie fe touchent ! ( p. 243. )
Tant il eft vrai qu'il n'y a point d'unions que
la Cour nefaffe , & qu'elle ne rompe ! (p . 280. )
Tant il eft vrai que la fortune n'a gueres moins
de part à faire les Heros , que la valeur ! ( p. 332)
Tant il eft rare de trouver des Heros qui ne
Je démentent point ! ( même page. )
Tant il est rare de trouver deux Generaux
n'eftre qu'un coeur & qu'une ame ! ( p . 362)
Tant ily a de jalousie parmi les Courtifans! ·
.(p. 636. )
Tant il eft vrai que les plus grands évenemens
n'ont fouvent que des caufes fort mediocres !
( P 657- )
C'eſt ainfi , Monfieur , que Larrey termine la
narration des faits les plus importans qu'il rapDE
DECEMBRE. IS
porte ; toutes ces belles chofes font la production
des plus grands efforts de fon jugement ; & il
les regarde comme des fentences qui couronnent,
admirablement bien chaque recit qu'il fait !
Un Hiftorien n'en eft pas quitte pour raconter
les faits de l'hiftoire qu'il entreprend , il faut
encore qu'il en fçache trouver les veritables
caufes pour les apprendre aux autres ,
& c'eft en
cela principalement que confifte la folidité de
fon jugement. Larrey, en qui cette folidité de
jugement domine , a trouvé un beau fecret pour
s'épargner la recherche de routes ces cauſes :
Tous les évenemens , felon lui , n'ont qu'une
feule & même caufe , fçavoir l'étoile , & la fatalité
; il n'en connoît point d'autre , il y' rapporte
tout.
L'étoile du Cardinal Mazarin , dit - il , tourna
tout à fon avantage . ( p . 17. )
L'étoile du Duc de Beaufort ne put tenir devant
celle du Cardinal. ( p . 25. }
L'Espague accordoit tour à la Hollande , &
confervoit fa haine contre la France. C'eft
que le periodefatal de la premiere révolutionétoit
arrivé , & que celui de l'autre ne l'étoit pas
encore. (p. 145. )
Il ne réuffit point alors , parce que le temps n'en
étoit point encore venu. ( p . 201. )
Qui l'eût crû ? que les Princes de Condé &
de Conti , & le Duc de Longueville euffent pâ
être amfi imenez en prifon ? C'est qu'il y a un
periode au delà duquel on ne peut aller , un non
plus ultra pour Hercule pour les plus grands
Heros , une révolution à laquelle ils font affujettis
amfi que les moindres hommes. ( p . 218 )
Tant il y eut de bizarrerie dans les troubles
de ce Royaume , que l'étoile de fon Roy diffipa !
(p. 220. )
Le Temps fatal qui devoit troubler toutes les
16
MERCURE LE
joies du Prince , n'étoit pas encore arrivé ; mais
il était à la porte. ( 343⋅ )
Voilà comme nôtre destinée eft inévitable.
( p. 254 )
Il fuffit de dire que l'étoile du Prince de Condé
s'opposa à tout. ( p. 255. ).
Comme fi l'étoile du Cardinal Mazarin eût eu
fur celle du Prince de Condé un afcendant´fatal.
( p. 257. )
Tant il est vrai qu'il y a un temps fatal pour
toutes chofes, & que tous les foins qu'on fe donne
avant qu'il foit arrivé , font inutiles ! (p. 391.)
On eût eu bien de la peine à rompre avec
Cromvel ,fi l'étoile de Louis XIV. n'avoit pas
levé cet obstacle . ( p . 411. )
La fatalité des temps força la France à remettre
Dunkerque à Cromvel. ( p . 45.8.)
Tant il est vrai que toutes chofes ont leur
temps , & qu'ily a unperiodefatal qu'on s'efforce
en vain ou d'avancer ou de reculer . ( p . 538.)
Il falut ceder à la fatale neceffité de la perte
de Candie , dont le Periode étoit arrivé. ( p.
549. )
Mais il en faut toujours revenir à la cause
fecrette de la fatalité des évenemens , dont toute
la prudence humaine ne peut arrêter le cours.
( P. 488. )
Cependant , il n'y a aucun de ces Evénemens
qu'il rapporte , qui n'ait une cauſe naturelle ;
une caufe phyfique ou morale ; & Larrey ne les
attribue à une étoile chimerique , ou à une fatalité
aveugle , que parce qu'il en ignore la veritable
caufe. Cette ignorance va à un tel excès , que
quelque mauvaiſe opinion qu'on ait de lui
On n'auroit jamais foupçonné qu'elle fût aufli
groffiere qu'elle l'eft , fi lui-même ne nous le
difoit. En effet , Monfieur , l'auroit-on jamais
cru , fi on ne le lifoit à la tête de fon livre ,
que
DE DECEMBRE. 17
que lui- même il ne fçait point quelle eft la
caufe qui l'a porté à le faire ? Il ne fçait point
quel eft le motif qui l'a engagé à entreprendre
cette prétendue hiftoire de Louis XIV. II
ne fait point pourquoi il l'a faite ; c'est luimême
qui le déclare . Une fatalité , dit-il , P.
2. qui prêfide aux Evénem ns , eft ce qui a décidé,
ce qui m'a porté à écrire cette histoire.
Qui eft- ce qui croira jamais qu'un homme qui
eft affés ftupide , pour ne pas fçavoir pourquoi
il écrit , & affés fou pour le dire , puifle être
capable d'écrire l'hiftoire , qui de tous les ouvrages
auxquels un homme de Lettres peut
s'appliquer , eft celui qui demande le plus de
lumieres , de fagefle , & de jugement ?
C'est au même défaut de jugement qu'il faut.
imputer toutes les extravagances dont le Livre
de Larrey eft rempli : en voici quelques exem--
ples.
La riviere de Bidasoa a l'honneur de faire
la feparation des Royaumes de France & d'Eſpagne.
( p. 390. ) Quelle pauvreté !
La Minerve de Phidias n'eut ofé fe comparer
au Bufte de marbre du Roi . ( p . 414. )
Le Vaiffeau qui portoit le corps de Deruiter,
ne fut point endommagé ; comme fi ce corps et
été un Talisman qui charmait les Brulots ! ( p.
647. )Quelle vifion ! :
Le Regne de Louis XIV. remplit le Trône plus
de 70 ans ( p . 1. )
Un Regne remplir un Trône ! Se forme-t'on
de pareilles idées , quand on a le jugement
fain Il feroit inutile de relever par des refe .
xions ces fortes de travers ; ils fe font affés featir
d'eux - mêmes ; ainfi je ne contenterai de les
indiquer.
Je n'ai fait connoitre que les bords d'un Re--
gne fi renommé far fon ambition if p.) 26 ); Less
18 LE MERCURE
;
bords d'un Regne ! L'ambition d'un Regne :
Amsterdam voioit fa Ville deferte , fi le part
d'Anvers étoit rétabli ( p . 46. ) Amſterdam a -
t - il une Ville diftincte d'Amſterdam ?
La Princeffe d'Angleterre fut amenée , de Ca-
Lais à Saint Germain , par terre ( p . 60. ) Pouvoit-
on Pamener autrement ? Y peut- on aller
par mer ?
Les Offices de Surintendant & de Controleur
Général , devoient prendre soin des Finances.
(p. 69. ) Des Offices prendre foin de quelque
chofe !
Trois femmes auffi diftinguées par leurs mau-
Taifes qualités que par leur naiẞance. ( p . 74. )
Diftingué , fe dit - il autrement qu'en bonne
*part ?
Ceux de Bordeaux prirent , pour leur devifè,
-des rubans blancs . p. ( 308. ) Comment ofe t'on
entreprendre de faire une hiftoire , quand on
me fçait pas ce que c'est qu'une devife ?
Le Cardinal Mazarin fut investi de l'Evêché
de Metz par la refignation du Titulaire ( p.
318. ) Refigne- t'on des Evêchés en France ? En
donne t'on l'inveftiture ?
Il est l'ame de tous les mouvemens qu'on voit
fe remuer. ( p. 340. ) Qui eft- ce qui a jamais vi
des mouvemens fe remuer ?
Les Ecrits de M. Peliffon font tout brillants
de bon fens. ( p . 443 ) Brillant de bon fens !
Le Roi Don Alphonse avoit repudié la Couronne
de Portugal. ( p. 139. ) Répudier une
Couronne !
On voioit les paliffades replantées un mo
ment aprés que le Canon les avoit faites . ( p .
590 ) Ne faut-il pas avoir tout à fait perdu
le fens , pour dire que le Canon fait des pa-
Laffades ?
Pour louer les Soldats Hollandois qui fe fiDE
DECEMBRE. 19
gnalerent dans la Bataille navale de l'année
1673 Et jufqu'aux Soldats , dit il , tout y
témoigna de la fureur. ( p . 599. ) Ne s'entendil
pas bien a louer les gens ?
Voions la merravagée par le fer & par lefeu..
P. 643. ) Ravager la mer !
Par tous ces endroits de l'hiſtoire de Larrey
on voit bien , Monfieur , qu'il n'a ni jugement,
ni fens commun . Cependant , on entend bien
ce qu'il veut dire ; mais il y en a d'autres totalement
inintelligibles , & où il eft impoffible
de deviner ce qu'il dit : Trois ou quatre de ces
endroits fuffiront pour juftifier ce que j'avance.
Le Duc d'Enguien , dit - il , & le Vicomte de
Turenne , ne fe reffemblorent qu'en une chofe , c'est
qu'ils étoient tous deux braves , froids dans
le commandement , refervant leur feu pour l'exécution.
Cepoint étoit l'effentiel; & la prudence du
Vicomte de Turane eut de la complaisance ou du
Suport pourle Prince dans le refte. (p.37. ) La prudence
du Vicomte de Turenne cut de la complaifance
ou du fuport pour le Prince ! Peut - on
trouver un exemple d'un pareil galimatias ?
Rien n'eft plus connu que l'histoire de Tancrede
de Rohan , ce fils veritable ou prétendu , qui
demeura caché plufieurs années , avant & aprés
la mort dy pere , qui ne parut qu'aprés le
mariage defa fæeur , s'il étoit veritablement fils:
du Duc de Roban qui épousa Chabot contre le
gré de la Ducheße fa mere. ( p . 53. ) Ce galimatias
là ne ren cherit-il pas encore fur l'autre
Le Peuple laiffa remonter à cheval le Cavalier
qui avoit manqué son coup contre Emeri
qui protesta d'y revenir une feconde fois accompagné
d'un fecond , deux conjurez à qui »»
difoit - il , en jurant il n'échaperoit pas . ( p . 126. )
Quand on a reçû , du Ciel , le talent d'écrire
avec une pareille netteté , n'eſt- on pas obligé
Bij
20 LE MERCURE
en confcience de le confacrer à l'iúſtruction
du Public ?
La Reine le Cardinal Mazarin , pouffés à
bout par Brouffel , rejolurent de le faire arrêter.
Le coup étoit hardi , tel qu'il pouvoit êtrefalutaire
s'il reuffiffoit. ( p . 157. ) Autre preuve que
Larrey étoit deftiaé du Ciel à écrire l'hiftoire,
puifqu'elle demande un Ecrivain qui ait pour
principal talent la clarté du ftile !
Comme cet Evenement n'arriva qu'en 1649 ,
nous acheverons , avant que d'en donner la relarion
, de voir ce qui ſe paſſa , celle-cy que je n'ay
pas voulu confondre avec le recit des troubles
qui l'ont occupée , &que j'ai trouvé à propos de
raporter de fuite . ( p . 165 ) . C'est bien tout ce
que peut faire Larrey , que d'entendre lui mês
me ce qu'il veut dire en cet endroit !
Le dernier Acte de la Royauté de la Reine de
Suede , merita l'admiration de tout le monde
s'il n'en remporta pas une generale aprobation .
( p. 338. ) Je ne fuis point furpris , Monfieur,
qu'un homme qui a affés peu de jugement pour
donner dans un pareil galimatias , en ait de
même affés peu pour fe croire capable d'écrire
Phiftoire , & pour l'entreprendre.
Les Exagerations font encore une marque
de
peu de jugement dans un Hiftorien , & y en
eut -il jamais de pareilles à celles qui fe trouvent
dans l'hiftoire de Larrey ? Je me contente
d'en raporter une feule : en parlant du fameux
Siege de Candie , il dir que des gréles de bombes ne
ceffoient point nijour ni nuit . ( p . 551. ) Jamais
exageration fut- elle plus outrée & plus violente:?
Il y a même des chofes veritablement gro
tefques dans l'hiftoire de Larrey , comme quand
it die le vifir étoit beaucoup fuperieur en Cavalerie
en Infanterie. ( p. 472. ) Il l'êtoir
donc en tout ! Pourquoi donc faire la diſtinction
DE DECEMBRE.
de la Cavalerie & de l'Infanterie ?
L'Ambassadeur Espagnol ( 466. ) pour dire
l'Ambasadeur d'Espagne.
Le Roy Anglois ( p. 492. ) pour dire , le
Roy d'Angleterre.
Le Roy Portugais ( p. 394. ) pour dire le
Roy de Portugal.
Mais de toutes les fautes de jugement , la
contradiction eft fans doute la plus grandes
car c'est être abfolument denué de jugement ,
que de fe contredire foi - même , comme le fait
trés-fouvent Larrey. 1
Toutes les liberalités de la France envers les
Barberins , dit-il , ( p. 54. ) ne purent les aliener
du Pape , avec lequel ils fe reconcilierent fur la fin
de l'année par l'entremise de la France. Comment
La France peut - elle vouloir les aliener du Pape ,
& s'entremettre pour les réconcilier avec lui ?
Tout fier qu'étoit le Duc d'Enguien , il fut
obligé de recourir à l'Abbé de la Riviere, Il
eft vrai que ce Duc careffa moins l'Abbé qu'il
ne le menaça . ( p. 77. ) S'il le menaça , il ne
quitta donc pas fon caractere de fierté !
>
Quand ce manque de jugement ne tombe
que fur des matieres de Phyfique , de Politique
ou de Grammaire on fe contente d'avoir
pitié de Larrey ; mais , quand la Religion
s'y trouve intereffée , & qu'on voit renverfer
les maximes les plus purès du Chriftianifme
, on ne peut s'empêcher de fe foulever.
Je fuis même perfuadé qu'il eft trés dangereux
de publier, une feconde fois ces fortes d'impietés
, & qu'on ne peut les repeter , fans fe rendre
complice de Larrey. Je n'en rapporteray
donc point d'exemples ; ceux que j'ay cités ,
fuffifent pour faire voir , independemment de la
Religion , jufqu'à quel excès le manque de juge
ment porte un homme qui veut écrire l'hiftoire.
22 LE MERCURE
Vous voyez prefentement , Monfieur , que
Larrey n'a ni les connoiffances , ni le jugement
neceffaires pour bien écrire l'hiftoire de Louis
XIV: Mais, quand il fçauroit parfaitement bien
les faits qui doivent faire la matiere de cette
hiftoire , & qu'il auroit du jugement , je foutiens
qu'avec cela il feroit incapable de l'écrire ,
parce qu'il eft féloigné de fçavoir l'art d'écrire
T'hiftoire , que quand on aura vû les preuves
que je vais en rapporter , on ne pourra jamais
comprendre comment le deffein de faire un pareil
ouvrage a pû lui venir à l'efprit.
Les Tranfitions qui fervent à lier les faits
hiftoriques , font une des chofes les plus effentielles
de l'hiftoire ; elles doivent être fi naturelles
, qu'on ne les apperçoive point , & que les
faits femblent naître l'un de l'autre ; c'eft la
partie la plus delicate de tout l'ouvrage. Dane
celui de Larrey , c'eft ce qu'il y a de plus groffier
& de plus miferable ; j'en vais rapporter
quelques unes ; vous aurés , Monfieur , de la
peine à vous empêcher de rire en les lifant .
Aprés avoir raconté les conquêtes des François
fous le Regne de Louis XIII , & le mi
niftere du Cardinal de Richelieu , il ne fçait
comment faire pour paffer à la mort de l'un
& de l'autre ; & voici la tranfition fine qu'il y
employe. Tant de profperités ne purent empêcher
la mort du Cardinal de Richelieu , ni celle
de Louis X111. ( p . 9 ) Cette tranfition
n'eft pas bien ingenieufement trouvée ?
Pour paffer de ce qui fe fir dans l'Italie en
1645 , à ce qui fe fit en Efpagne de plus
grands coups , dit-il , fe fraperent en Catalogne.
( P. 47:)
Pour en venir à ce que le Comte de Har
ourt fit cette même année là : Le Comte de
Harcourt , dit- il , ne fe tint pas en repos ( P. 47⋅ )
DE DECEMBRE. 23
Il faut dire quelle étoit cette conspiration ,
qui en étoient les principaux Chefs . ( p . 48. )
Je n'ay point encore nommé les conjurés ; il
eft tems de les faire connoître. ( p. 49. )
Je n'ay point encore dit de quelle maniere
cette conjuration avoit été concertée avec le Duc
de Toralto. Il faut le dire à preſent . ( p . sọ. )
La Cour de France fe remua un peu davantage
pour la guerre qui fe faifoit en Angleterre,
que pour celle de Candie . ( p . 8. ) Voilà com
ment il paffe , du Siege de Candie , à la guerre
d'Angleterre !
Pour paffer des expeditions militaires , aux
negotiations de paix on fir , dit- il , l'année
1645 , de plus grands pas que l'année précedente,
pour parvenir à la paix. ( p . 62. )
Finiffons cette année par ce qui fe paſſa au
Congréz de Munster. ( p. 116. )
Je croi que je puis paffer , de la guerre de la
Grande Bretagne , à celle de Candie. ( p. 116. )
Il y a long tems que nous n'avons parlé du
Duc de Guife ; parlons - en à prefent. ( p. 244. )
Je paffe , des guerres de Catalogne & d'Italie
, à celle de Flandre. ( p. 292. )
Achevons de voir les campagnes de cette année
, par la relation de celles de Catalogne &
d'Italie. ( p. 313. ):
Je paffe au fiege de Candie ( p . 337. ) Il n'y
fait pas plus de façon que cola !
Voyons ce qui fe paßa , cette année , dans le
Gouvernement civil du Royaume . ( p. 343. )
Je commencerai l'année 1657 par le rétabliffement
des Jefuites à Venife . ( p . 3.55 . )
Je ne fçai fi je ne me fuis point un peu trop
écarté de l'hiftoire de France , dont je vais reprendrela
fuite . ( p. 386. )
Je commence l'année 1663 par le mariage da
Duc de Savoye avec Melle de Valoi.. ( P. 461.) -
24 LE MER CURE
Ainfi finit l'année 1663. La fuivante commença
par le Traité de pife . ( p. 468. )
Il faut revenir de l'Afrique en Europe , &
des bords de la Mediterranée fur ceux de la Riviere
de Raab. ( p . 471 )
Finiffons cette année par deux actions de ce
Monarque. ( p. 473. ).
Trouvera- t'on , Monfieur , dans aucun autre
ouvrage , des tranfitions auffi plates , & aufli
grotesques Larrey dira peut - être qu'on va le
rechercher exprés fur les tranfitions , parce que
c'eft ce qu'il y a de plus difficile dans le ftile
hiftorique he bien , examinons fon ouvrage
par quelque chofe de moins difficile.
Il y a une grande difference entre la maniere
dont on doit écrire une hiftoire , & celle
dont on peut fe fervir en écrivant un Roman ;
le difcernement de ces deux fortes de ftiles eft
l'A. B. C. de l'Hiftorica : Larrey , qui pretend
l'être , devroit donc du moins connoître
la nature du ftile hiftorique . Cependant , vous
allés voir , Monfieur , qu'il n'employe que des
expreffions , & des façons de parler purement
Romanefques , pour écrire la prétendue hiftoire
de Louis XIV.
Ce Général avoit deffein de couronner les
triomphes de cette Campagne par la prise de
Dunkerque. ( p . 91. ) Couronner les triomphes !
Quel rapport de cette façon de parler enflée
& empoulée , avec la fimplicité que demande
le ftile hiftorique ?
Ce Prince ravi de porter la branche d'Olive
d'une main , celle de Laurier de l'autre. ( p.
162. ) Ne croiroit on pas entendre une peinture
poetique du Paftor fido , ou de quelque autre
Roman femb'able ? Il ne fe contente pas, de corrompre
l'hiftoire par fes expreffions Romanefques,
il la defigure encore par le fard de la Poëfia!
Cet
DE DECEMBRE. 23
Cet exemple fait voir que le Trône veut un
amour de respect , mais qu'un amour de tendreſſe
Poffenfe ( p. 207. ) Ne s'imagine t'on pas entendre
ici quelque extrait d'Opera , c'eft à
dire de la Poëfie la plus fardée , & la plus effeminée.
Ce Prince en parut pen allarmé; & fon courage
foutint le Heros . ( p . 248. ) Et fon courage
foutint le Heros !
Le Monarque Anglois . ( p . 294. ) Il faut
avo'r l'imagination furieufement portée au
ftile Romanefque , pour ne pouvoir pas dire ,
même dans une hiftoire , d'une maniere fimple,
& naturelle , le Roy d'Angleterre. ?
Le Roy qui , jufque là avoit fufpendu la
foudre , la lança fur la tête du rebelle Prince
de Condé. ( p. 312. )
Il ne faut point de reflexion pour faire
remarquer l'enflure de ces façons de parler Romanefques
.
Le Vicomte de Turenne n'en partit , qu'aprés
avoir fait connoître à la belle Maitreffe de la
Maifon , qu'elle ne lui étoit pas indifferente.
( P. 331. )
La Marquife de Montefpan avoit enlevé à la
Ducheffe de la Valiere le trop tendre coeur du
Roy. ( p. 639. A- t'on jamais rien trouvé de
plus fade que cela , dans le langage le plus
doucereux des faifeurs de Romans ? La belle
Maitreffe de la Maifon , pour dire , la Marquife
d'Humieres .
Les profperités nous vont preſenter des spectacles
, qui réjourront nos yeux las d'être attachés
fur des objets de fang & de carnage , infeparables
de la pompe de la gloire des triomphes.
( p. 386. ) Y a- t'il , Monfieur , dans aucun
Roman , rien de p'us bouffi que ces paroles
creufes & vuides ? Et ne croiroit - on pas en-
C
26 LE MERCURE
tendre le commencement de que qu'un de ces
Poëmes ridicules dont on cite l'Exorde , pour
faire voir jufqu'où le faux efprit de certains
Auteurs a porté l'enflure & l'extravagance ?
La clemence de Charles II . n'eut pu s'étendre
fur les parricides de Charles I. fans boucher
les oreilles à la clemence du fang Royal ( p.
426. ) Sans boucher les oreilles à la clemence du
Sang Royal!
La mort vint le coucher dans le Tombeau.
p. 427. ) Cela eft bien plus beau que de
dire fimplement : il mourut !
Le dedans du Royaume fe rejouiſſoit de la
naiffance du Dauphin. Le dehors qui avoit voulu
faire le fier , s'étoit vu contraint à s'humilier.
( p. 430. ) Le debors qui avoit voulu
faire le fier !
L'Academie de Paris a reçu une plus grande
illustration que celle d'Athenes ; la fille est
plus belle , & plus éclatante , & plus magnifique
que la mere. ( p . 510. )
Don Alfonfe refigna le lit nuptial à Don Pedre
fon frere. ( p. 512. ) .
Cette année ouvrit un theatre de guerre de
tous côtés à la France, ( p . 621. )
Voyons le Temple de Janus ne fe fermer qu'au
commencement de l'année 1679. ( P. 643. )
La mort de Ruiter donne un funeste relief
aux expeditions navales . ( P. 644. )
Le Roy étant un Heros de toutes les faifons.
( p . 660. )
Mais le Démon de la France prévakitfur cëni
du Prince d'Orange. ( 675. ).
Auroit-on jamais cru qu'une hiftoire de France
fût écrite de ce ftyle là , & qu'on cût trouvé
dans les expreffions , & les façons de parler d'un
ouvrage auffi grave , tout ce qu'il y a de plus
fade , de plus doucereux , & de plus extravar
DE DECEMBRE. 20
gant dans les Romans , dans les Opera , & dans
les Livres de Chevalerie ? Le ftyle Romanefque
eft - il donc tellement devenu le ftyle naturel
de Larrey , qu'il ne puiffe s'en défaire même
en écrivant l'hiftoire ? Si c'eft quelque chofe
de fi difficile pour lui , confiderons fon Livre
par quelque endroit qui doive lui eftre plus
aifé. Voyons fa maniere d'écrire par rapport à
la conftruction grammaticale ; il ne peut pas
s'excufer fur ce qu'il ne fçait point conftruire
une phrafe , dès qu'il entreprend d'écrire une
hiftoire ! Cependant , vous allés voir , Monfieur
, que fon Livre n'eft pas moins pitoyable
& moins grotefque par cet endroit que par
les autres .
L'animofité des deux partis étoit fi grande ,
dit- il , (p. 56 ) que fur l'avis donné à Venife
par fon Ambassadeur à Paris , d'un Confeil fecret
tenu entre le Cardinal , le Duc d'Enguien
l'Amiral , où il avoit été refolu de faire une
expedition Navale du côté d'Italie , le Senat
employa tous fes bons offices auprès du Cardinal
auprès du Pape pour les reconcilier , fans y
pouvoir réuffir. Pour fçavoir en quoi cette animofité
étoit fi grande , il faut l'aller chercher
au bout de neuf lignes .
Le peu d'agréemens que Mademoiselle avoit à
la Cour , où la Reine & le Cardinal n'avoient
guere de complaisance pour elle , & dans la maison
paternelle , où elle voyoit diffiper fes revenus par
le Duc d'Orleans fon pere , fans qu'elle eût dequoi
vivre avec un éclat proportionné à la naissance
à fes grands biens , lui faifoient fouhaitter
des fortir de leur dépendance. ( p . 58. ) lepeu
d'agrémens eft le nominatif de cette phrafe ,
& fi l'on veut trouver fon verbe , il faut aller
le chercher huit lignes après , à ces motsa
lui faifoient fouhaiter , &c.
Cij
123 LE MERCURE
Le Cardinal Mazarin s'en expliqua à la Regente
à tout le Confeil avec un tour d'esprit
qui les perfuada , ou qui ne pouvant lui répondre,
fe laifferent entrainer par la force de fon difcours,
( p. 65 ) Quand on ne peut pas conftruire regulierement
une periode de quatre lignes ,
cominent ofe t'on entreprendre d'écrire une
hiftoire ?
Il y avoit plus de fix mois que la tranchée
étoit ouverte , fans qu'on en fut neanmoins encore
fort avancé , pour la raison que je viens
de dire, que le Comte de Harcourt croyoit reduire
la place par la faim à fe rendre à difcretion
lorfque le fecours parut. ( p . 94 ) Pour fçavoir à
quoi fe rapporte ce lorsque le fecours parut , il
faut Faller chercher fix lignes au deffus , & alors
on fçaura que c'eft à ces mots : il y avoitplus
de fix mois que la tranchée étoit ouverte .
Après ane refiftance de quatre jours où le
Général de la Valette fut dangereuſement bleſſé ,
étant mort peu de jours après . ( p . 223. ) Cela
n'eft -il pas joliment conftruit ?
Le Portugal , dont l'Espagne vouloit que la
France ren ngât à l'affifter. ( p . 393. ) Il n'y a
que huit mots à cette phrafe , & il ne fçait pas
arranger feulement ces huit mots .
Le Roy voyoit l'Empereur , l'Espagne , & la
Hollande faire le 26 Janvier une ligue , pour
s'opposer à fes deffeins . ( p . 56. ) Cette conftruction
n'eft elle pas veritablement grotesque ?
Mais peut-être que la conftruction de fix
mots eft quelque chofe de trop difficile encore
pour lui : voyons donc , Monfieur , s'il mettra
bien enfemble feulement deux mots.
Les Batailles quife firent pendant la Regence .
fp. x. ) Quel autre que Larrey a- t - il jamais uni
ces deux mots ? Un François a - t - il jamais dit
ane Bataille s'eft faite , pour , une. Bataille s'efe
donnée ?
DE DECEMBRE. 29
Deux grands Princes arment toutes leurs forces
de mer de terre . ( p.xiv . ) Armer des forces !
Il fuffit d'indiquer de pareilles bévûës pour les
faire fentir.
Les Parlemens exerçoient leurs Charges avec
dignité. (p. 15.)Un Parlement a-t - il une Charge
L'envoi d'Avaux aux Conferences de Munfter .
(p. 20. ) L'envoi aux Conferences !
Les affaires avoient alors pris une pente qu'il
fut impoffible d'arrêter. ( p. 59. ) Arrête t on
une pente ? La pente eft immobile ; c'est ce qui
gliffe fur la pente qu'on peut arrêter !
Ceux du party du Duc d'Orleans ſemblqient
morguer la fierté du Duc d'Enguien . ( P 74. )
A t- on jamais dit , morguer une chofe ?
L'Envoyé de Brandebourg fut reçu avec des
ceremonies & des égards que la France n'avoit
jufques- là point eu , ¿c . ( p. 80. ) dit- on avoir
des ceremonies ?
La Monarchie commença d'être méprisée par
les difgraces. ( p . 107. ) Les difgraces font - elles
des êtres intelligens qui foient capables d'eftime
& de mépris ?
La continuation des Impôts avoit fermenté ce
levain. ( p . 120. ) Pour fentir le ridicule de ces
deux mots mis enfemble , il faut fçavoir feulement
que c'eft le levain qui fait fermenter toutes
les autres chofes . Quelle extravagance done
dedire qu'une autre chofe fait fermenter le levain
même ? C'eſt comme fi l'on difoit que quelque
chofe remuë le mouvement ! Il faut , Monfieur
que le bon homme Larrey radote , ou qu'il
n'ait jamais eu les premieres notions des chofes
les plus communes du monde !
Nous en fommes demeurez à la faifie des deux
Confeillers que la Cour fit arrêter. ( p . 156. )
Quel autre que Larrey a jamais dt , la faifie
de deux Confeillers ?
Ciij
30. LE MERCURE
Il y avoit eu plus de malice que de malheur
dans les fautes qu'il avoit commifes en la perte
de Lerida. ( p. 171. ) en la perte de Lorida !
La posterité a de la peine à croire un teb
prodige. ( p. 178. ) Il ne fçait pas diftinguer ce
qui doit être mis au futur d'avec ce qui doit
être mis au preſent !
C'est ce que nous verrons après que j'auray
parcouru les autres particularitez de cette année,
foit par rapport à l'Angleterre , & à la guerre
de Candie La France s'intereſſant dans les
troubles de la premiere , & dans le fameux fiege
de l'autre. ( p. 100. ) Il falloit donc dire , la
France s'étant intereffée , il ne fçait pas mieux
diftinguer le paffé du prefent !
La Republique Angloife depêcha une Ambaffade
à l'Espagne. ( p . 210. ) Il croit qu'on dépêche
une ambaffade comme on dépêche un Courier !
Chavigny prit lafievre , & en mourut. (p. 233)
prit la fievre !
Lui prétendoit n'en être obligé à per
fonne. ( p. 244. ) lui prétendoit , pour il prétendoit
.
4
Le Vicomte de Turenne prit l'amour pour
la Ducheffe de Longueville. ( p. 331. ) prit l'a
mour !
Il est ingrat au bienfait qu'il a reçû. ( p. 244. )
Ingrat au bienfair !
Le Prince de Condé fubit la rigueur de fon
Souverain , que fa defobéiſſance avoit meritée.
( p. 284. ) Quel jargon !
Le Prince de Condé fortit du Royaume plein
d'une vengeance qui luy fut funeste . ( p . 285.)
La Royauté du Roy ne pouvoit étre jalouse de
ce témoignage d'affection . ( p . 302. ),
Le Roy encenfa à ces Divinitez. ( p. 3.03.
Quel autre que Larrey a jamais dit encenfer a
quelqu'un ?
DE DECEMBRE.
1
Le te rain étoit mal propre à fuir. ( p . 622 )
Un terrain mal-propre à fuir!
Par tous ces exemples on voit que Larrey ne
fçait pas mettre enfemble feulement deux mots
felon la regularité de la fangue Françoife :
mais il y a bien plus , & je vais vous faire
voir , Monfieur ' , qu'il ne fçait pas employer
feulement un mot tout feul, une fimple expreffion
felon fon fens propre & naturel .
La profcription des Proteftans eft le chef- d'oeu
vre de la Royauté de Louis XIV. ( p. xvI. )
Larrey veut écrire l'hiftoire d'un Roy de Fran
ce, & il ne fçait pas feulement ce que fignifie le
mor de Royauté !
A la mort de Louis XIII . chacun.tacha
de profiter de la nouveauté ( p . 9. ) La nouveauté
au lieu de dire le changement de regne , or
ba minorité du Roy !
Le Comte de Fontaine vint avec fon arm
complette à la rencontre du boüillant Duc d'Enguren.
(p. 29. ) Il veut dire avec toute fon
armée , avec fon armée entiere ; il ne fçait pas
que complette fignifie toute autre choſe !
Ralliant les Bataillons , & les ramenant au
combat. ( p. 30. ) il veut dire , & les remen ant au
combat : Il ne fça't pas que ramener & remener
fignifient des chofes toutes differentes !
La Ducheffe de Rohan foutint la naissance
la legitimation de Tancrede ; la jeune Ducheffe
de Roban contefta la filiation . ( p . 53. )
Larrey ne fçauroit mettre un feul mot felon fa
vraie fignification , legitimation & filiation ne
fignifient point ce qu'il veut dire en cet endroits
il falloit mettre legitimité , mais il ne fçavoit
pas ce mot là .
Il dit par tout Ceremoniel pour Ceremonial.
(p. 59.83. &c. )
Je ne parleray que de la civilité reſpective des
}
C iiij
32
LE MERCURE
deux chefs . ( p. 102. ) Il ne fçait pas que le mot
de refpective ne fignifie point ce qu'il veut
dire là , mais bien celuy de reciproque .
Le Duc fe retira amenant fes Troupes avec
luy. ( p. 105. ) I falloit mettre emmenant les.
Troupes mais il ne fçait pas la difference de
ces deux mots
Tous deux s'accufant respectivement. ( p .
105. ) Refpectivement pour mutuellement ; Ces
differences le paffent , il n'en fait pas tant !
La revolte de la Sicile ne préceda que de peu
de jours. ( p. 106. ) Larrey ne fçait pas feulement
que préceder eft un verbe actif ! I le
met là fans regime , comme fi c'étoit un verbe
neutre !
La Landgrave de H fe entretint quatre mille
hommes de cheval . ( p . 147. ) A t'on jamais
dit des hommes de cheval ? 11 ne fçait pas qu'il
faut dire quatre mille hommes de Cavalerie.
L'Espagne recouvra la Royauté qui lui écha
poit. ( p. 151. )
La Royauté de Naples , pour dire , le Royaume
de Naples . Ce Garçon là ne fçait il pas bien le
François ?
Il fut chercher la veuve dans la Religion
où elle s'étoit retirée . ( p. 274. ) La Religion ,
pour dire le Couvent !
Ils ponerent les ennemis jufques à une efpece
de Ravine. ( p. 429. ) Le pauve Larrey
ne fçait pas qu'il faut dire un Ravin , & non
pas une Ravine ! Ou les mots dont il fe fert
ne fignifient point ce qu'il veut dire ; ou s'ils
le fignifient , ils font fi bas qu'un hiſtorien ne
fçauroit s'en fervir fans fe degrader lui même ,.
& deshonorer celui dont il écrit l'hiftoire : en
effet , je defie que dans aucun autre ouvrage
on trouve des expreffions & des façons de parler
plus grofficres , plus furannées , & plus
DE DECEMBRE.
子岁
baffes que celles que Larrey a employées pour
écrire fa prétendue hiftoire de Louis XIV;en voici,
Monfieur, quelques exemples ; je n'y joindray
point de reflexions; je me contenteray de les indiquer
en les tranfcrivant en caracteres Italiques.
La fortune ne fe laffa point de porter fur fon
dos le Cardinal de Richelieu . ( p . 8. )
Le Cardinal Mazarin mettoit toute la Regence
dans fon parti ; par la part qu'il lui donnoit
au gateau . ( p. 67. )
Le Controlleur General rabrona les Marchands
. ( p. 67. ),
Les criminels fe joignirent à cette racaille
qui leur ouvre les prifons. ( p. 107. )
Le Pape & l'Empereur fe renvoyant la pe
lotte l'un à l'autre. ( p. 120. )
La Cour envoye au Duc d'Orleans fois fur
fois des deputez ; il les rabroue , & leur tourne
le dos . ( p. 174. ) Ne voilà pas un joli ftile
pour une hiftoire . Larrey n'écrit il pas d'une
maniere bien noble ? Louis XIV. n'' eft- il pas
bien heureux , Monfieur , d'avoir trouvé un pareil
hiftorien ?
Il emporta Charenton à la barbe de dix mille
hommes. ( p. 180. )
Il ne crut pas avoir aſſez ſuffiſamment pour
vu à ſa fûreté. ( p . 199. )
L'Envoyé de la Republique Angloiſe n'avoit
confenti à voir la Reine d'Angleterre qu'aus'
moyen qu'elle reconnut fon caractere. ( p . 211. )
Les Ducs de Bouillon & de la Rochefoucault
ne s'étoient pas endormis . ( p . 223. )
Les Romains ne vouloient de paix avec
les Carthaginois , que moiennant qu'ils abandonnaffent
Annibal. ( p . 321. )
On battoit la Ville depuis dix mois , elle
n'en pouvoit plus. ( p. 353. )
Dunkerque étoit entre les mains des An34
LE MERCURE
glois . Le Roi ne pouvoit fouffrir qu'on fi
dangereux voilin portát la clefdu Royaume enfa
ceinture. ( P. 457. )
Cependant la Republique ne s'endormoit pas.
( p. 484. ).
L'yvoire & le marbre brillent dans les pavois
de Verfailles. ( p. 484. ) Bel éloge de
la magnificence de Verfailles !
Les Officiers de judicature aiment à pêcher
en eau trouble. ( p. 133. )
Coprogli pouffa ce fiege avec plus de vigueur
que n'avoient fait les Generaux d'avant
lui. ( p. 546. )
Les Turcs y perdirent plus de feptance mille
hommes. p. sss. )
Tant que le fiege dura il fut debout toute la
muit. p. 591. )
警
Septante ans après cette reunion . ( p. 604. )
Je ne finirois point , Monfieur , fi je vou
lois tranfcrire tous les mots bas & furannés
dont fe fert Larrey. Chacun voit donc clairement
qu'il ne fçait ni le fens , ni la proprie
té des termes nobles qu'il employe ; il n'y a
que les expreffions balles qu'il applique dans
leur veritable fignification ; mais jufques à lui
les avoit-on veuës dans un ouvrage d'un caractere
auffi relevé qu'eft l'histoire ? Et celle de
Louis XIV. fera - t'elle écrite comme les plus
miferables barbouilleurs de papier écrivent les
plus viles avantures des halles ?
Un homme qui ne fait aucun fcrupule de fe
fervir de mots auffi bas que le fait Larrey devroit
, ce femble , n'en point manquer ; cependant
il n'y en a pas encore affez de faits pour lui ,
& il en forge en toute occafion , comme fi
nous n'en avions point dans notre Langue ,
pour exprimer ce qu'il veut dire ; voici , Monfieur
, un échantillon de fes mois forgez ; je
DE DECEMBRE. 35
me contenteray encore de les indiquer en les
écrivant en caracteres Italiques.
Le Duc d'Orleans afpiroit à la Corregence.
( p. 12. )
La Reine fit le Cardinal Mazarin fon Corre
gent. ( p. 11 }
La relegation du Duc de Vendofme. ( p. 74.)
La Toutepuiẞance de l'Abbé de la Riviere
fur l'efprit du Duc d'Orleans. ( P 77. )
On n'entendoit que des difcours qui magnifioient
fon grand coeur. ( p. 113. )
4
Le Violateur du Traité. ( p. 143. ).
Les autres abandonnerent le Parlement pour
fe ratacher à la Cour. ( p. 177⋅ )
Cette fubhaftation des meubles du Cardinal
Mazarin fe fit pendant les conferences. ( P
183. )
On étoit irrité contre les Libellistes , pour
dire les faifeurs de libelles. ( p . 188. ) ·
Le procés de la Ducheffe d'Aiguillon fur
terminé par la caffation des poursuites d'une fi
ardente contredifante . ( p 206-)
On rappella le Surintendant de la relegation.
( p. 209. )
La bibliotheque du Cardinal Mazarin eft
fubhaftée. ( p. 162. )
Le Cardinal Mazarin n'avoit pas moins à
craindre par la retorfion qu'on pouroit faire
contre lui ( p . 398. )·
La Beneficence du Roy. ( p. 451. )
Il mourut malvoulu du peuple. ( p. 534. )
Il avoit paffé du Jefuitifme au Cardinalat
( p. 556. ):
Une procedure fi illegalle. ( p . 605 )
Ils fe l'entredifputoient . ( p. 615. )
L'Electeur de Brandebourg rataché aux Imperiaux
. p. 630. )
Si c'étoit un Etranger qui forgeât tous ces
LE MERCURE
mots , on l'exéuferoit fur ce qu'il ne fçait
pas affez bien la Langue Françoife : mais quand
un François même fçait fi mal fa Langue , comment
fe peut- il flatter jufques au point de prefumer
qu'il eft capable d'écrire pour le Public ,
& de donner à la France l'hiftoire de fes Rois ?
Après tout on ne doit point être furpris à
cet égard au fujet de Larrey ; la vanité eft la
compagne naturelle de l'ignorance ; le plus
ignorant des hommes eft ordinairement le
plus vain & le plus fou fe croit toûjours
le plus fage. Larrey fe croit non feulement
auffi fage que Salomon , mais il s'imagine qu'il
eft lui feul auffi fage que les fept Sages de la.
Grece enfemble , puifqu'il a entrepris de les
faire parler tous fept fe on toute l'étendue de leurs
lumieres & toute la profondeur de leur jugement
dans un livre qu'il a fait imprimer exprès
pour cela ! Que l'on nous promit feule
ment un des fept Sages de la Grece dans une
converſation , on s'attendroit certainement à
un regal charmant : Mais nous promettre que
tous les fept Sages s'y trouveront ,
nous faire efperer le plus grand plaifir que lès
gens d'efprit puiffent jamais gouter ! C'eſt
là l'attente que fait naitre le livre intitulé .
le Banquet des fept Sages de la Grece. Mais
qui eft ce qui pourra jamais remplir cette
attente ? Y a t'il un homme au monde
qui puiffe croire qu'il vaut lui feul les fept
Sages de la Grece , qu'il peut les remplacer
& dire tout ce qu'ils pouroient dire eux mêmes
entre eux s'ils étoient tous enfemble ? Se
peut-il trouver quelqu'un qni foit capable d'une
pareille prefomption ? Oui , Monfieur , il s'en
eft trouvé un de nos jours ; & c'eft Larrey ,
dont l'aveuglement va jufques à cet excès !
Larrey le plus maigre Ecrivain de notre ficcles
·
c'eft
DE DECEMBRE.
37
ce genie le plus pauvre de notre tems ; ce
Compilateur tenebi eux ; ce rapetafleur de faits
hiftoriques ; c'est lui qui a ofé entreprendre de
faire parler dans un livre les fept Sages de la
Grece ! Aufli quand on vient à lire ce livre
, au lieu des fept Sages qu'on croyoit aller
entendre , on ne trouve que le froid & le plat
Larrey avec fes glaces & fa baffeffe : on s'étoit
attendu à des penfées fublimes , à un jugement
exquis , & à une érudition pleine de folidité &
de bon fens ; & l'on n'y trouve ni genie , ni goût ,
ni difcernement ! mais fi fon Banquet des fept
Sages montre l'excès de fa vanité , on peut .
dire , Monfieur , que fa pretenduë hiſtoire de
Louis XI V. fait voir un orgueil fans bornes ,
fans exemple , & qui doit foulever tout le
monde contre lui , puifqu'il traite avec la derniere
indignité , non feulement les Particuliers,
mais les premieres Perfonnes de l'Etat , les
Princes du Sang , les Souverains , les Communautés
Religieuſes , & même les Nations enrieres.
Le Marquis de Louvois étoit , dit- il , le plus
pernicieux des Miniftres de Louis XIV. ( P.
xv. )
Le Chancelier Seguier étoit un voluptueux. ( p.
$87.)
Le Maréchal de la Feuillade êtoit flattenr
jusqu'à l'extravagance. ( p . 641. )
Le Maréchal de la Ferté étoit envieux , ja
Loux , violent ( p. 312. )
Le Duc de la Rochefoucault étoit plus Payen
que Chrétien . ( p. )
• Henry de Bourbon II . du nom Prince de
Condé , étoi non feul ment indifferent pour le bien
public, & tout apliqué à fon intereft particulier ,
mais encore trés avare ; c'étoit une éponge & ung
Sangfue d'une avidité infatiable, ( p. 19. 66 ¢
95. )
38
LE
MERCURE
Louis de Bourbon Frince de Condé ( c'eft le
Grand Condé était trop bruſque , tropfier& trop
violent. Il était colere , opiniatre , defiant,
avide de fang , & d'une avidité infatiable 2
dans fa colere à peine étoit- il un homme. Ses
fervices l'avaient trop enflé; la gloire l'avoit
enorgueilli ; la valeur qui le rendoit fi fier étoit
bien fragile : il entreprit de faire perir l'Etats
il se précipita par des avantures fi ridicu
les , qu'on ne peut affez s'étonner de fon aveus
glement. L'attaque qu'il fit de la Ville de Saint
Denis eft un explait plus digne d'un Cheval
lier errant que d'un General d'Armée. ( pages
37. 165. 215. 218. 219.233.247. 255.614 . )
Il traite le Duc de Lorraine de fourbe ( P.
334. ) Et le Roy d'Efpagne d'imbecile. (P 95. )
Ceux de la focieté des Jefuites , dit - il , fapent
bien fe fervir du couteau , ! p. 235. )
Les Génois la plus avare de toutes les Nations
qui pratique l'ufure avec le plus de
dureté. ( p. 109. )
Les François les Anglois , felon lui , font
des Furieux. Pages 370. & 609. )
On ne peut pas traiter avec plus d'infamie
ce qu'il y a de plus grand & de plus facré !
Pour concevoir jufques à quel excés va , en
cela , l'audace de Larrey , qui enorgueilli de la
prétendue beauté de fon hiftoire Romanesque ,
croit avoir droit de traiter tout le genre humain
comme il fait , il n'y a qu'à fe reprefenter
tout ce qui vient d'être dit de l'ouvrage
& de l'Auteur dans la fuite de cette Lettre.
Vous y avez vu , Monfieur , par des paffages ,
extraits de fon Livre , & rapportés mot à mot
que de tous les Ecrivains nul hiſtorien n'a été
mal informé de ce qu'il a entrepris d'écrire,
que Larrey l'a été de la vie de Louis XI V.
Dans la prétendue hiftoire , ou il ne dit rica
DE DECEMBRE. 39
des principaux faits ; ou ce qu'il en dit , eft
abfolument faux : il y donne de faux noms
& de fauffes qualités aux chofes & aux perfoanes
; on y trouve par tout de faules diftances
& de fauffes dattes. Il ne connoît ni les
Officiers de la Cour , ni la difference des divers
Corps des troupes Françoiſes , ni nos
moeurs , ni nos ufages. It parle d'un Lientenant
de notre introducteur des Ambaſſadeurs 3
d'un Aumonier de l'Ordre du Saint Eſprit , d'un
Bataillon de nos Gardes du Corps , tout fon
Livre eft plein de pareilles bevûës .
Non feulement il n'a pas ce jugement exquis
que doit avoir tour homme qui entreprend
d'écrire l'hiftoire , mais il n'a pas même le
fimple fens commun ; fes exagerations font ou
trées , fes maximes font monftrucufes , & il fe
contredit lui même d'une maniere qui fait
pitié .
D'ailleurs il n'y eut jamais un plus pauvre
Ecrivain ainfi quand il auroit été parfaitement
bien informé de ce qui s'eft paffé fous
le Regne de Louis XIV , il auroit toûjours
été abfolument incapable d'écrire fan hiſtoire :
Par tout enflé & bouffi , il n'employe que des
paroles creufes & vuides ; on trouve dans fon
ouvrage ce qu'il y a de plus fade dans les
Romans , de plus doucereux dans les Opera ,
& de plus extravagant dans les Livres de Che
valerie.
Il defigure l'hiftoire par le fard de la Poëfie
, & par le genre même de Poëfie le plus
effemine. Il ne fait pas conftruire regulierement
une periode de quatre lignes ; il ne fait pas
même mettre bien enfemble feulement deux
mots. On ne peut s'empêcher de rire en lifant
fes Transitions . Tout fon Livre eft plein de
façons de parler romanefques & empoulées , de
40 LE MERCURE ™
galimatias , & de pauvretés ; il ne fe fert que
d'expreffions bafles ou grotefques , de mots furannés
ou forgés . Si l'on vouloit tranfcrire
toutes les Equivoques ; les fens louches , &
toutes les autres fautes contre la Langue
Françoife , " dont fa prétendue hiftoire eft farcie
, cela n'auroit point de fin ; je n'ai rapporté
que quelques exemples de chaque forte
de fautes ; & , fans celles qui me font échapées
, j'y en ai trouvé plus de quatre mille de
compte fait , qui font toutes foulignées dans
l'Exemplaire que j'ai : en forte qu'on peut affûrer
qu'il ne s'eft jamais fait aucun ouvrage auffi
miferable dans fon genre que l'eſt celui - ci ,
& qu'il femble qu'il n'ait été composé que
pour faire voir jufqu'où l'ignorance & le faux
efprit peuvent porter l'extravagance : Cependant
c'est l'Autheur d'un pareil ouvrage , qui
fier de fon prétendu merite , fe croit lui feul
auffi fage , que les fept Sages de la Grece , ofe
infulter à ce qu'il y a de plus refpectable dans
les trois Ordies du Royaume ; & traite avec
la derniere infamie ce qu'il y a de plus grand
& de plus facré dans le monde !
Voilà , Monfieur , ce que vous avez defiré
que je vous donnaffe par écrit ; vous le pouvez
donner au Public , fi vous le fouhaitez ,
puifque cela ne peut plus faire de peine à Larrey
, & que cela peut être de quelque utilité
à ceux qui voudront bien fe donner la peine
de le lire.
નારી
Suite
DE DECEMBRE . 41
Suite de la Lettre de M. de Marivaux.
NOR
'On , mon cher , je ne vous manqueray
point de parole ; je vous ai promis
la fuite de l'hiftoire en queſtion ;
vous fouhaitez que j'entre d'abord en matiere
, & je commence.
Je vous ai dit qu'un petit bruit que je
fis , avoit interrompu la Dame qui parloit ,
& qu'elle étoit fortie du cabinet avec fa
tendre compagne , dans le deffein de con
tinuer une autre fois fon difcours . Le lendemain
je les épiay fi bien toutes deux , que
je les vis fur le foir fe prendre fous le
bras , & fe retirer dans le cabinet , d'où
j'avois tout entendu la veille ; je me glif
fay donc à ma place , & je croi être obli
gé de vous conter la nouvelle converfation
qu'elles eurent enſemble , avant que
la Dame qui avoit commencé ſon hiftoire
la pourfuivît.
Hé bien , ma chere , dit la Dane fo→
lâtre à fon amie ! comment as tu paffé la
nuit ? Mon Dieu , répondit l'autre ! j'ai
honte de te le dire . Ah ! j'entends , reprit
Pamie ; je fçai ta nuit par coeur ; je la lûs
hier en me couchant. Tu l'as lûe ?turêves,
dit Pautre: non , je te dis vrai, repartit- elle
D
42 LE MERCURE
Je lifois hier Caffandre ; l'Auteur fuppofe
fon amant abfent , & j'en étois aux agi
tations qui tourmentoient fon coeur pendant
la nuit ; ainfi tu vois bien que je dois
favoir l'hiftoire du tien ; car apparemment
il n'a pas dérogé , & l'exercice de toutes
ces nuits-là eft uniforme . Tiens , je te
dirois de la tienne le commencement
le milieu , & la fin , par ordre alphabetique :
gageons que c'eft d'abord une reflexion
cruelle qui produit un foupir douloureux ,
ou bien , fi tu le veux , c'eft le foupir qui
précede la reflexion ; car les coeurs de ton
efpece foupirent fouvent d'avance , en atpendant
de favoir pourquoi .
Il en eft d'eux là- deffus , comme de ces
Poëtes qui font la rime avant que d'avoir
trouvé la raifon ; mais d'ordinaire , c'est la
reflexion qui produit le foupir ; le foupir
à fon tour eft le pere d'une apostrophe à
l'amant abfent : cher Pyrame , quand le
ciel permettra- t'il que je te renvoye ? En
yoila Pexorde : après on fe parle à foymême
; ô fille , ou femme infortunée , &c.
enfurte , il y a des pofes , je veux dire ,
en fé taît , on parle , on s'agite ; une famille
de nouveaux foupirs naît encore de
tout cela ; ils ont auffi pour enfans de nouvelles
apoftrophes à la nuit , au lit où l'on
repofe, à la chambre où l'on eft ; car dans.
cet état le coeur fair inventaire de tout
DE DECEMBRE.
43
dis moi la verité ; voilà la genealogie des
actions de ta nuit ; voilà du moins comment
l'original en eft dans Caffandre . A la
pointe du jour tu t'es endormie d'abbatement
, & je gage encore que ton fomeil
étoit orageux , nuifible à l'eftomac par la
quantité des foupirs qui l'ont gonflé.
Après tant de railleries , répondit l'autre
Dame en fouriant , ( car , fans la voir , je
devinois qu'elle foûrioit par fon ton , ) tu
ne merites pas que je te confie ce que j'ai
fenti cette nuit. Ah ! ma-toute bonne , repartit
l'autre , rends - moi compte , je t'en
prie , fi tu n'as pas été fi tourmentée qu'à
Pordinaire'; c'est une fortune que tu me
dois je t'ay donné des remedes qui t'ont
foulagée ; parle.
1
As-tu obfervé , dit l'autre Dame , l'empreffement
que Lifidor marquoit hier aut
foir pour moi ; oui fans doute , dit fa compagne
, & ma vanité commençoit à fouffrir
un peu de voir tes appas preferés aux miens ;
( car tu fçais que voilà la regle entre nous
autres femmes. ) Quand' deux Cavaliers
ont paru fe difputer l'honneur de me plaire ,
leur hommage m'a raccommodée avec toi :
je t'ay pardonné , Lifidor , en leur faveur ;
je t'avoue qu'alors je t'ay perduë de vûë
& que mon acquifition m'a fait oublier la
rienne. Hé bien continue , qu'eft il arrivé
de cet empreffement ? mais , dit l'autre,
Dij
44 LE MERCURE
:
il eft arrivé.... j'ai de la peine à te l'avoüer.
Que fignifie cela , répondit fon amie ? Py-.
rame eft- il forti de ton eſprit ? N'aimes - tu
plus qu'Alidor ? je te loüerois de ce double
impromptu , fi tu n'avois que quatorze.
ans ; je t'ay déja dit qu'à cet âge mon coeur
avoit joué le mêine tour à fa premiere inclination
; mais à vingt- cinq ans , ma chere,
ce n'eft plus là pour nous qu'un tour d- enfant
change , fois volage , quand le coeur
t'en dira ; à la bonne heure : mais tu n'as
pas tant befoin de favoir changer de pcn- .
chant , que tu as befoin de favoir changer
ta façon d'en prendre . Tu aimois. Pyrame ;
il étoit abfent ; tu t'étois enfevelie dans la
douleur : voilà ce qu'on appelle l'amour
pris de travers. Alidor le chaffe fubitement
de ton coeur , c'eft quelque chofe ; & cela
marque qu'on peut te conduire à mieux ;
mais fi tu recommences avec ce dernier un
cours de tendreffe pareil à celui que tu
quittes : fi tu vas avec lui doubler encore .
Caffandre ou Cleopârre ; plus de commerce
entre nous , je me retire ; auffi bien je
m'imagine que tu as des devoirs folitaires
à remplir , des reflexions à faire fur la
honte de ton amour naiffant : tu n'as qu'à
dire , & je te laiffe fur le champ la liberté
d'être honteuse à ton aife : mais fi tu veux
être raisonnable , faire le profit de ton .
amour propre & de ton coeur , aimer LifiDE
DECEMBRE.
45
dor , parce qu'il te plaît , en te confervant
Pyrame , parce qu'il t'aime : oh , tu feras
de ce monde ! je fuis toute à toy , & je te
continue mes confeils pour ta converfion .
En verité , tu n'es qu'une étourdie , repondit
alors l'autre Dame ; tu ne m'as pas
donné le tems de m'expliquer , & depuis
que tu taules , tu n'as combattu que tes
chimeres , & point du tout mes idées : &
qu'importe , reprit l'autre ? J'y ay toûjours
gagné , puifque je fuis femme , & que j'ai
parlé long temps ; mais quelle eſt , donc
ta penſée ? La voilà , repartit fon amie ;
c'eft que , Dieu me pardonne , il me fembloit
cette nuit , que j'aimois Pyrame fans
douleur , tout abfent qu'il eft , & qu'Alidor
me plaifoit encore , fans que je l'ai
maffe . D'abord , cela m'a fait peur à caufe
de ce pauvre garçon qui eft éloigné de
moi je craignois de lui faire tort ; mais,
autant qu'il m'en fouvient , cela faifoit'
dans mon coeur un mélange d'amour &
de vanité , qui reffembloit affés à ce que
tu m'en enſeignes. J'ai perdu quelque
tems à m'examiner , par fcrupule pour
l'abfent ; mais j'ai vu qu'il n'entroit rien
là dedans contre les interêts : en effet , le
chagrin que j'avois en l'aimant , ne lui
rapportoit rien. Oh ! fr fait , fi fait ; il lui
rapportoit , reprit fon amie , en fouriant ;.
& qui déveloperoit ce chagrin , y trou
46 LE MERCURE
veroit un furieux aliage d'amour ; & voilà,
juftement la zizanie qui étouffoit la joye :
laiffe la hardiment mourir ; il n'y a que les
duppes qui fe chicannent là- deffus ; je fuis
trés- contente de toi ; à tes fcrupules prés ,
tu marches à pas de geant dans la bonne
voye ; avance , & ferme les yeux.
Tu as beau dire , reprit l'autre , je me
reproche encore quelque chofe ; mais , fi
Alidor continue à m'en vouloir , j'espere.
que cela fe paffera. Bon ! dit fon amie ;
puifque tu vas jufqu'à l'efperer , cela vaut
fait ; jamais ces efperances là ne trompent.
As-tu vu ce matin Alidor ? Je le quitte
il n'y a qu'un moment , dit-elle ; il eft
venu favoir tantôt fi j'étois levée . Tu l'é-.
tois fans doute , reprit fa compagne. Point,
du tout , repartit - elle comme je n'ai
point fermé l'ail de toute la nuit , j'ai
tâché de m'affoupir ce matin ; car tu fçais
qu'on eft à faire peur , quand on n'a pointdormy.
Comment s'écria l'autre ; tu crains.
déja de faire peur. Oh ! mon enfant , ton
coeur a fait un coup de maître ; le mien
ne fait rien de plus fin. N'importe , reprit
la convertie ; tu feras bien de m'achever
ta vie , cela me fortifiera . J'y coniens , dit
fon amie ; aufli bien l'habitude d'aimer
languiffamment , t'a laiffé je ne fai quelle
bigoterie de langage dont je veux te dé--
faire. Cela me fortifiera , dis-tu . A t'en
DE DECEMBRE. 47
tendre , on diroit d'une devote qui fait une
action libertine . Tu ris , mais je veux mou
rir fi cela ne reffemble. A propos de ma
vie , où en étois-je ? Aux conquêtes que
tu fis un foir , lui dit l'autre Dame , & qui
te firent oublier fubitement l'inconftance
de ton premier amant : nous y voila
prit l'autre.
re-.
Je fus le refte de la foirée dans une fi
tuation de coeur , qui par intervalle , me
fourniffoit des fécouffes de joye. Les deux
jeunes gens , qui s'étoient déclarez pour
moi , me revenoient dans l'efprit avec leurs
petites façons à cela , fe joignoit une apparition
fubite des plaifirs de coqueterie
que me vaudroit leur amour. Quelle vûë ,
ma chere , pour une fille , & pour une fille
de mon âge Auffi je n'y pouvois tenir, & je
treffaillois entre cuir & chair , tout autant
de fois que cela me paffoit dans l'efprit.
Cela ne m'y paffoit cependant que d'une
façon trés- confule , parce que la prefence
de mon pere & de ma mere me gênoit ; »
j'en refervay donc l'examen , & j'en fis ma
tâche pour la nuit.
Quand il fut l'heure de fe coucher , je
volai dans ma chambre pourme deshabiller,
& pour me voir : oui , pour me voir ,
car j'étois preffée d'une nouvelle eſtime
pour mon viſage , & je brûlois d'envie de
me prouver que j'avois railon.. Tu penfes
48
LE
MERCURE
bien que mon miroir ne me mit pas dans
mon tort ; je n'y fis point de mine , qui ne
me parut meurtriere ; & la contenance la
moins façonnée de mes charmes , pouvoit ,
à mon goût , achever mes deux amans.
Te ferai- je le détail de mes petites grimaces
? Nous fommes toutes deux du même
fexe , & je ne t'apprendrai rien de
nouveau : tantôt c'eſt un mixte de langueur
& d'indolence , dont on attendrit
negligemment une phyfionomie ; c'eft un
air de vivacité dont on l'anime ; d'uſage
& d'éducation dont on la diftingue ; enfin,
ce font des yeux qui jouent toutes fortes
de mouvemens ; qui fe fâchent , qui fe
radouciffent , qui feignent de ne pas entendre
ce qu'on voit bien qu'ils comprennent
; des yeux hipocrites , qui ajuftent
habilement une réponſe tendre ; à qui cette
réponſe échappe , & qui la confirment par
la confufion qu'ils ont de l'avoir faite.
Voilà en gros les afpects fous lefquels je
m'admirai pendant un quart d'heure : je me
retouchay cependant fous quelques- uns
non que je ne fuffe bien , mais pour être
nieux ; après quoi , je me couchay remplie
de fecurité fur l'avenir ; mais je me couchay
fans envie de dormir : j'avois trop
bonne compagnie d'idées ; les deux jeunes
gens , leurs tendres difpofitions , ma gloire
prefente & avenir , la bonne opinion de
-
..
moiDE
DECEMBRE. 49
moy-même , tout cela me fuivit au lit.
Je me mis donc à rêver , & à faire mille
projets de conduite : j'arrangeois les phrafes
futures de mes amans & les miennes ;
j'imaginois des incidens , je troublois leur
repos , je les calmois , j'inventois des caprices
dont je me divertiffois de les voir
dépendre ; & toute jeune que j'étois , je
commençois à comprendre la valeur de nos
inégalités d'humeur avec les hommes : je
jugeois qu'elles nous varioient à leurs yeux,
& nous expofoient fous differentes formes,
dont l'inconftance les obftinoit à nous fixer
dans la bonne ; mais qu'il ne falloit pas
qu'ils puffent s'en affûrer , & qu'ainfi leur
temps fe paffoit à nous chercher , & à ne
nous trouver , comme ils fouhaittoient
qu'à la traverfe.
Voilà , ma chere , jufqu'où portoient alors
mes lumieres naturelles : enfin , mon enfant,
de fomeil me prit au milieu de toutes ces
‹idées , & je m'endormis fans m'en appercevoir.
Le jour vint ; je ne m'étois pas trompées
nos deux jeunes gens étoient bleffés . A mon
égard , j'étois faine & fauve , & je n'avois
encore que ma vanité d'intriguée .
Mais l'amour eft comme un mauvais air
que nous portent les amans qui nous approchent.
Un des miens fut deux jours fans
venir au logis ; mon coeur s'avifa naïve-
E
LE MERCURE
ment de s'en appercevoir ; je ne m'amufay
point à me le vouloir cacher ; ç'eût été trop
de peine , & je hais l'embarras qui ne mene
à rien. Je pris la choſe tout comme mon
coeur me la donnoit ; je vis qu'il avoit de
P'amour , j'y acquiefçay.
Tu ne le croiras peut-être pas ; mais rien
ne nuit tant à l'amour que de s'y rendre
fans façon, Bien fouvent il vit de la refiftance
qu'on lui fait , & ne devient plus
qu'une bagatelle quand on le laiffe en repos.
Telle que tu me vois , je fuis un peu Philofophe
moi. Tiens , j'ay trouvé que la rai
fon nous rend nos plaifirs plus chers en
les condamnant. Si l'on s'en abftient , on
en fauffre , & j'aimerois autant rien ; le
plus court pour en perdre le goût , c'eſt de
fe les permettre , je dis , quand ils ne choquent
pas abfolument les moeurs que doit
avoir une honnête femme du monde ; car
je ne fuis pas une libertine au moins ; mais
fe pardonner quelqu'amour dans le coeur
n'eft pas un fi grand crime ; & je t'avoie
d'ailleurs que je n'efpererois rien de bon de
la conduite à venir d'une femme qui combattroit
un grand penchant dont elle feroit
prévenue. Si le penchant l'entraîne , garre
qu'il n'en faffe cequ'il veut; car elle eft bien
fatiguée , & ne peut gueres ménager de
conditions avec fon vainqueur . Il n'est
point de gens plus extrêmes dans leurs
DE DECEMBRE.
excès , que ceux qui Pétoient dans leurs
fcrupules. Ils vont toûjours plus loin que
la tentation ne leur propofoit ; elle n'a du
moins qu'à fe prefenter pour être obéie .
Voilà un échantillon de ma philofophie ,
& je te le donne pour excufer ma façon
d'agir avec cet amour naiffant dont je m'apperçus.
Celui de qui je le tenois , vint le lendemain
; il entra dans le moment que je
m'occupois à le fouhaiter. Comme il me
furprit , je n'eus pas le temps de m'empêcher
d'être ingenuë , je defirois de le voir ;
je le reçûs en conformité ; en un mot il
connut qu'il me faifoit plaifir ; il en devint
plus aimable ; car en amour , pareille découverte
donnera toû ours de nouvelles
graces à l'homine d'efprit qui la fait : &
generalement parlant , nos talens augmentent
toujours à proportion qu'on nous
eftime.
Le nouvel agrément qu'il prit , ne m'échappa
pas ; mon coeur n'en perdit rien ; il
lui en tint compte , & je ne vis qu'avec plus
de complaifance une paffion qui s'augmentoit
des faveurs qu'on lui faifoit .
Quelques vifites qui vinrent alors , abregerent
le bon accueil qu'il recevoit de moi ;
non que je lui euffe dit que je l'aimois :
j'avois été plus modefte , fans être pourtant
moins claire , & j'en avois gliffé l'aven
E ij
57 LE MERCURE
fous des plaintes affés empreffées de fon
abfence .
On nous interrompit donc ; j'allay recevoir
la compagnie qui venoit , & avec laquelle
il fortit trois heures après.
J'oubliois à te dire que fon rival en étoit,
de cette compagnie; fa prefence écarta fans
les renvoyer ,les fentimens de preference que
j'avois pour le premier de deux adorateurs.
Rifquer d'en perdre un , pas trop de naïyeté
pour l'autre , c'étoit jouer trop gros
jeu; & je n'étois pas d'humeur à ruiner les
plaifirs de ma vanité , en faveur de ceux de
mon amour.
D'ailleurs , j'étois un peu fâchée que
le jeune homme preferé m'eût fait un larcin
de mon fecret , quand il m'avoit furprife
, & comme iln'entroit pas dans mes
petites maximes , que fa certitude lui durât
long- temps , je me determinay tout d'un
coup à le dérouter , en fêtant fon rival .
Trois ou quatre minauderies , tant en
gettes , qu'en paroles , corrigerent le premier
de la fecurité , & firent germer l'efpoir
dans le coeur du fecond : de là , je
vis naitre des nuages fur le vifage de l'un
& la ferenité fur le vifage de l'autre .
La paix en fouffrit ; le favorifé railloir
le malheureux ; il abufoit infolemment de
fa fortune , & le malheureux repandoit
un efprit d'envie fur tout ce qu'il répon
DE DECEMBRE.
doit , mais d'une envie doulourcufe , plus
plus humiliée que brufque.
Cela me toucha , l'amour dans mon
coeur plaida fa cauſe , & la gagna , mais
fi adroitement , que j'avois déja foulagé
la douleur de ce pauvre garçon , quand
je croiois en être encore à décider du par
ti que je devois prendre.
·
Voilà les furpriſes de l'amour , mais
t'avouerai je toutes mes folies ? Ce foir
là , je fis & defis plufieurs fois la même
chofe , tombant tour à tour d'un acte de
pur amour , dans un acte de vanité ; je
ne croi pas qu'il y ait rien de fi divertiffant.
: Cependant , l'heure de fe retirer vint
& mes deux amans fortirent plus piqués ,
& plus incertains que jamais de leur deftinée.
Quand je les vis partir , j'étois bien
tentée de finir la fcene à la fatisfaction
de mon amour ; il n'étoit queſtion que
d'un petit tour de gibeciere , du moindre
petit clin d'oeil , fait en cachette & reçû de
même. Je ne fçais pas comment je m'en
abſtins , en voiant l'air mortifié de celui que
j'aimois ; mais je regardai ailleurs par un
efprit de menage fur mes plaifirs. Je me
dis qu'il falloit en referver pour le lendemain
, & que fi mon amant partoit confolé
, je m'ôtois la douceur de jouir plus
au long de fon inquietude , & de l'effet
de mes bontez .
E iij
54 LE MERCURE
Je paffai la nuit à merveille ; il y avoit
long tems que je ne m'occupois plus à rêver
éveillée , j'avois pris de cet amufement
là , jufqu'à farieté , & je n'y trouvois plus
rien de piquant , en effet , il n'eft bon qu'à
des filles novices . Devine qui me rendic
vifite le lendemain ? L'amant de Couvent,
mon infidele ! Devine encore ce qu'il m'ariva
quand on me l'annonça t'y attendrois
tu ? le coeur me battit.
Mais , mon enfant , je fonge qu'il fe fait
tard , dit elle , en s'interrompant ; on peut
nous attendre pour dîner; remettons le refte
- à tantôt.
Et vous , mon cher , vous voulez bien
que je m'interrompe auffi, avec promeffe de
Vous dire la fuite , à condition que je l'apprendrai.
Edits , Arrêts & Déclarations.
RREST du Confeil du 21 Novembre
1719 , par lequel Sa Majesté
étant en fon Confeil , de l'avis de
Monfieur le Duc d'Orleans Regent , a Ordonné
& Ordonne que nonobſtant la fuppreffion
des Offices de Paycurs & de Controlleurs
des Payeurs des Augmentations
de Gages créés depuis le premier Janvier
DE DECEMBRE.
55
1719. le payement des arrerages defdites
Augmentations de Gages , jufques & compris
la preſente ' année 1719. fera fait par
leidits Payeurs ; A l'effet de quoi les fonds
neceffaires leur feront remis fur les Etats
de Diftribution qui feront arrêtez au Confeil
. Fait au Confeil d'Etat du Roy , Sa
Majesté y étant , tenu à Paris le vingtuniéme
jour de Novembre mil fept cent
dix- neuf. signé , PHELYPEAUX .
ARREST du Confeil du 21 Novembre
1719 , par lequel Sa Majesté étant en fon
Confeil , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a Evoqué à foi & à
fon Confeil les differens mûs & à mouvoir
au fujet des Negociations des Actions
de la Compagnie des Indes ; les a revoyez-&
renvoye pardevant les S.rs de la
Houffaye Confeiller d'Etat ordinaire , d'Or
meffon , de Gaumond , de Baudry , de Pomereu
, de la Grandville , Orry , Regnault,
le Pelletier de Signy & d'Argenfon Maîtres
des Requêtes , que Sa Majeſté a commis
& commet pour être par Eux jugez
fommairement & en dernier Reffort , au
nombre de fept au moins, leur en attribuant
à cet effet toute Jurifdiction & connoiffance
, & icelle interdifant à fes Cours &
Juges Fait défenfes aux Parties de fe
pourvoir ailleurs , à peine de nullité , caffation
de procedures , dommages & interêts,
E iiij
5.6 LE MERCURE
& de trois mille liv. d'amende . Fait au Confeil
d'Etat du Roy, Sa Majefté y êtant,tenu à
Paris le vingt uniéme jour deNovembre mil
fept cent dix - neuf. Signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Confeil du 21 Novembre 1719,
par lequel Sa Majefté étant en fon Confeil,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent
, a Ordonné & Ordonne , Que tant à
Paris que dans les autres Villes du Royaume
où il a été & fera Etabli des Bureaux de
Banque , les Receveurs des Confignations ,
Commiffaires aux Saifies réelles & autres
Depofitaires publics , fous quelque Titre
& denomination que ce puiffe être , ne
pourront faire fupporter aux Parties intereffées
aucunes diminutions fur les Efpeces
qui leur ont été ou feront confignées.
Veut Sa Majefté qu'à Paris & dans les
autres Villes du Royaume où il y a des
Bureaux de Banque établis , le prefent Arrêt
ayt lieu du jour de fa Publication , Et
dans les Villes où les Bureaux n'ont pas encore
été établis,du jour de l'ouverture & Etabliffement
defdits Bureaux feulement , Et
qu'il foit executé nonobftant oppofitions
& autres empêchemens quelconques , dontfi
aucuns interviennent , Sa Majesté s'en
eft refervé & à fon Confeil la connoiſſance,
& l'a interdite à toutes fes Cours & Juges ;
Et fur le prefent Arrêt toutes Lettres neceffaires
feront expediées, Fait au Confeil
DE DECEMBRE: ST
d'Etat du Roy , Sa Majefté y étant , tenu
Paris le vingt- uniéme jour de Novembre
mil fept cent dix - neuf. Signé , PHELYPEAUXCollationné
à l'Original.
ARREST duConfeil du 2-3 Novembre 1719,
par lequel Sa Majesté étant en fon Confeil ,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent
, à commis & commet les S.rs le
Peletier Doyen du Confeil & Confeiller
au Confeil de Regence , de Caumartin
Confeiller d'Etat , d'Armenonville Confeiller-
Secretaire d'Etat , le Peletier Desforts
, de la Houffaye , & Fagon Confeil-,
lers d'Etat & au Confeil de Regence pour
les Finances , de Saint Conteft , & Ferrand
Confeillers d'Etat , d'Ormeflon d'Amboile,
de Gaumond , Tachereau de Baudry Maîtres
des Requêtes & Confeillers au Confeil
des Finances , de la Grandville , Orry
le Pelletier de Signy , Bignon de Blanzy ,
& d'Argenfon Maîtres des Requêtes , pour,
proceder à la Liquidation des Finances
payées par les Engagiftes des Domaines
fur les Contrats , Quittances de Finance ,
& autres Titres de proprieté qui en feront
rapportez , Et en même temps juger en
dernier Reffort toutes les Conteſtations qui
pourtont furvenir à l'occafion de ladite réünion
, pourveû que lefdits Srs Commiffaires.
foient au nombre de fept au moins , le tout
conformément audit Arrreft du 21 du pre
و ا
$8
LE
MERCURE
lent mois. Fait au Confeil d'Etat du Roy ,
Sa Majesté y étant , tenu à Paris le vingttroifiéme
jour de Novembre mil fept cent
dix neuf. Signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Confeil duz4Novembre 1719,
Par lequel Sa Majesté étant en fon Confeil
, de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a fupprimé & fupprime tous
lefdits Offices de Grands Maîtres Alternatifs
& Mitriennaux , créez par lefdits - Edits
des mois de Septembre & Novembre 1706
qui font poffedez feparément defdits Offices
de Grands Maitres anciens.Veut Sa Majefté
que lefdits Offices Alternatifs & Mitriennaux
poffedez par un feul Grand Maître,
ou réunis aux anciens , ne faffent à l'avenir
qu'un même Corps d'Office , fans qu'ils
puiffent être divifez : Que les fommes financées
par les Titulaires pour l'acquifition
defdits Offices , tiennent lieu aux pourvûs
d'augmentation de Finance defdits Offices
anciens. Et attendu que l'Office de Grand
Maître ancien des Eaux & Forefts du Departement
de Caën eft vacant par la mort,
du Sieur Ferrand Grand Maître ; Ordonne
Sa Majefté que ledit Office refterá fupprimé
, & que celui de Grand Maitre Alternatif
dudit Departement de Caen fera reputé
ancien & fubfiftera en cette qualité.
Veut Sa Majefté que les Pourvûs & Proprietaires
defdits Offices fupprimez foient
DE DECEMBRE.
ر و
renus de reprefenter pardevant les Sieurs
Fagon Confeiller d'Etat , d'Ormeffon , de
Gaumond & de Baudry , Maitres des Requêtes
, tous Confeillers au Confeil de
Finance & Commiffaires de fon Confeil ,
qu'Elle a Commis à cet effet , leurs Quittances
de Finance & autres Titres de Pro
prieté , pour être procedé à la Liquidation
des fommes qui leur feront deües pour les
Finances defdits Offices , & enfuite pourvû
au Remboursement defdites Finances , fur
les Quinze cens millions que la Compa
gnie des Indes doit prêter à Sa Majesté
N'entend Sa Majefté comprendre dans la
dite fuppreffion l'Office de Grand Maître
Alternatif des Eaux & Forefts du Depar
tement d'Orleans ; & pour l'execution du
prefent Arreſt toutes Lettres neceffaires feront
expediées . Fait au Confeil d'Etat du
Roy, Sa Majesté y étant , tenu à Paris le
vingt -quatrième jour de Novembre mil
fept cent dix neuf. signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Confeil du 24Novembre 1719%
par lequel Sa Majefté étant en fon Con
feil , de l'avis de Monfieur le Duc d'Or
leans Regent , a ordonné & ordonne , Que
les Engagiftes des Bois alienez en execution
des Edits des années 1601 , 1645 , 16.5.2,
& autres réunis au Domaine de Sa Majefté
par ledit Arrêt du 12 Novembre du
prefent mois , feront tenus conformément
во LE MERCURE
à icelui , de remettre inceffamment entra
les mains du Sieur Paffelaigue Greffier des
Commiffions extraordinaires du Confeil ,
que Sa Majesté a commis à cet effet , leurs
Quittances de Finance , Contrats , & autres
Titres d'engagemens défaits Bois réunis
, pour être par lefdits Sts Commiffaires
nommez par ledit Arrêt , procedé à la Liquidation
des Finances payées par lefdits
Engagiſtes à cauſe defdits engagemens , fuivant
& en la maniere portée audit Arrêt.
Fait au Confeil d'Etat du Roy , Sa Majesté
y étant , Monfieur le Duc d'Orleans Regent
prefent , tenu à Paris le vingt - qua •
triéme jour de Novembre mil fept cent
dix- neuf. Signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Confeildu 25 Novembre 1719,
par lequel le Roy étant en fon Confeil ,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a Ordonné & ordonne , Que le
Remboursement des Principaux des Rentes
de l'Hôtel de Ville de Paris & de Teu .
loufe , dont les arrerages font affignez fur
le Clergé , fera fait fur le pied du denier
douze , quoique par les Partages & autres
Titres aucuns defdits Rentiers en foient
Proprietaires fur le pied d'un denier plus
foible ; & pour ce qui concerne le paye .
ment des atrerages , Veut & entend Sa
Majefté qu'en payant aufdits Rentiers
Payeurs & Controlleurs l'année qu'ils com
"
BE DECEMBRE.
ptent 1679 , & qui au moyen du retranchement
anciennement fait d'un quartier &
demi , eft réellement & de fait l'année
1719 , les Payeurs defdites Rentes, le Clergé
& tous autres en demeurent quittes &
valablement déchargez. Enjoint Sa Majeſté
aux Agents Generaux du Clergé , de tenir
la main à l'execution du prefent Arreft , qui
fera executé nonobftant toutes oppofitions
& tous autres empêchemens quelconques,
dont fi aucuns interviennent , Sa Majesté
s'en referve à foi & à fon Confeil la con
noiffance , & l'interdit à toutes les Cours
& autres Juges . Fait au Confeil d'Etat du
Roy , Sa Majesté y étant , tenu à Paris le
vingt - cinquième jour de Novembre mil
fept cent dix- neuf. Signé , PHELYPEAUX.
Collationné à l'Original.
ARREST du Confeil du 26 Novembre
1719 , par lequel Sa Majefté étant en fon
Confeil , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a permis & permet aux
Proprietaires des Augmentations de gages ,
gages hereditaires , taxations fixes & hereditaires
, fommes annuelles employées dans
les états de Sa Majefté fous le titre de rentes
, d'interefts ou de joüiffances en attendant
le remboursement , ou pour tenir lieu
d'indemnité , & generalement de toutes autres
parties employées dans les états de Sa
Majefté , fous quelque dénomination & à
LE MERCURE
re que ce foit , qui ne font point
Corps des Offices , & qui font
les fonds & revenus de Sa
1 recevoir le rembourfement ;
tes augmentations de gages &
Les parties ayent été créées & établies
avant le premier Janvier 1689 ; à l'effet de
quoi lesdits Proprietaires rapporteront au
Garde du Trefor Royal leurs quittances de
finance , titres de proprieté, & autres pieces
neceffaires, fur lesquelles il leur fera delivré
des recepiffez du montant de leurs quittances
de finance , payables au porteur fur le
Caiffier de la Compagnie des Indes , à va
loir fur les quinze céns millions que ladite
Compagnie s'eft engagée de prefter à Sa
Majefté. Et pour l'execution du prefent
Arreft feront toures Lettres neceffaires expediées.
Fait au Confeil d'Etat du Roy , Sa
Majefté y êtant , tenu à Paris le vingt -fixié
me jour de Novembre mil fept cent dixneuf.
Signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Conſeil d'Etat du Roy , du
premier Decembre 1719 , qui ordonne :
Article I. Qu'à commencer du jour de
la publication du prefent Arreft , il ne fera
reçû au Bureau general de la Banque à Paris
aucunes efpeces d'or ou d'argent pour eftre
converties en Billets de Banque.
II. Veut cependant Sa Majefté , conformément
à l'Article V. de l'Arreſt de fon
DE DECEMBRE. 63
Confeil du 25 Juillet dernier , que tant à
Paris que dans les Villes où il y a des Bu
reaux de Banque établis , il foit permis aux
Creanciers d'exiger de leurs Debiteurs leurs
payemens en Billets de Banque, même dans
le cas où lefdits Billets gagneroient fur les
efpeces , & fans qu'ils puiffent eftre obligez
d'en recevoir aucunes parties en efpeces
d'or ou d'argent , fi ce n'eft pour les appoints
.
III. Declare Sa Majesté nulles & de nul
effet les offres judiciaires de payement pour
caufe de Retrait , & autres judiciaires & extrajudiciaires
, de quelque nature qu'elles
puiffent eftre , qui ne feront pas faites en
Billers de Banque , fans neanmoins déroger
aux formalitez prefcrites par les Coûtumes
du Royaume en ce qui n'eft pas contraire
à la difpofition du prefent Article , & ce à
commencer du jour de la publication du
prefent Arreft , tant à Paris que dans les
Provinces.
IV. Entend Sa Majefté que les Porteurs
des Recepiffez tirez fur le Caiffier de la
Compagnie des Indes , en confequence des
differens Arrefts de for Confeil , jouiffent
de la même faculté portée en l'Article 11 .
& qu'ils puiffent exiger leurs payemens en
Billets de Banque. Veut auffi que les fommes
qui refteront dues à Sa Majefté par ladite
Compagnie fur les quinze cens millions
24
LE MERCURE
qu'Elle s'eft engagée de lui prefter , même
celles provenantes des differens recouvremens
dont Elle eft chargée , foient pareillement
acquittées en femblables Billets ; à
P'effet de quoi & à commencer à Paris &
dans les Villes où il y a des Bureaux de Banque
établis , huit jours aprés la publication
du prefent Arreft , & dans les autres Villes
& lieuxdu Royaume,au premier Avril prochain
, la Compagnie pourra exiger des
contribuables & debiteurs des droits & impofitions
le payement dans les mêmes Billets
de Banque.
V. Ordonne cependant Sa Majefté qu'à
l'échéance des delais portez en l'Article
precedent , il fera fait par les Sieurs Intendans
& Commiffaires départis à Paris &
dans les Provinces , des procès verbaux des
fommes qui fe trouveront en efpeces d'or
& d'argent dans les Caiffes de tous les Receveurs
de la Compagnie des Indes , lefquelles
feront reçues par Sa Majeſté en
payement , & fans qu'après lefdits procès
verbaux , ladite Compagnie puiffe faire fes
payemens d'autre maniere qu'en Billets de
Banque.
VI. Et pour la commodité du Public , les
Billets endoffez & ceux que l'on voudra
convertir en d'autres Billets de moindres
fommes , feront reçûs & convertis en Billets
au choix & à la volonté des Porteurs.
VII.
DE DECEMBRE. 65
VII . Ordonne Sa Majefté que le prefent
Arreft fera executé nonobftant oppofitions
ou autres empêchemens quelconques , dont
fi aucuns interviennent , Sa Majesté s'en
reſerve & à fon Confeil la connoiffance , &
icelle interdit à toutes fes Cours & Juges :
Et pour l'execution du prefent Arreft , toutes
Lettres neceffaires feront expediées . Fait
au Confeil d'Etat du Roy , Sa Majefté y
étant , tenu à Paris le premier jour de Decembre
1719. Signé , PHELYPEAUX.
EDIT du Roy donné à Paris au mois de
Decembre 1719 , qui ordonne :
Article 1. Qu'il fera inceffamment fabriqué
dans l'Hoftel de ladite Monnoye de
Paris des Quinzains d'Or , du titre de vingt--
quatre Karats , au remede d'un quart de
Karat , à la taillé de 65 au remede de
6
I I
de pieces par Marc , qui auront cours
dans tous les Païs , Terres & Seigneuries
de notre obéiffance pour quinze liv . piece.
II. Et des livres d'argent du titre dè douze
deniers de fin , à la même taille de foixantecinq
par Marc , au remede de fix grains
pour le fin , & de dix- fept onzièmes de piece
pour le poids , lefquelles livres d'argent
auront cours pour vingt fols chacune ,
demies à proportion.
dess
III. Lefquelles efpeces d'or & d'argent
porteront les empreintes figurées dans le
E
66
MERCURE LE
cahier attaché fous le contre- fcel du prefent
Edit .
IV. Le travail de laquelle fabrication fera
jugé en nos Cours des Monnoyes en la maniere
accoûtumée ; mais comme Nous fommes
informez que fur le pied qu'il Nous eft
compté de la regie des Monnoyes , les foiblages
& écharcetez tournent naturellement
à notre profit , & que s'il ne paroît
quelquefois pas y tourner entierement , la
difference provient plutôt des incertitudes
des effais , ou du fray des efpeces , que
d'une fraude faite de concert entre tous les
Officiers de chaque Monnoye , laquelle
n'eft pas à prefumer ; Nous voulons bien ,
pour mettre les Directeurs des Monnoyes
à couvert des pertes que leur cauferoient les
condamnations fr elles s'executoient à la
lettre , ordonner ainfi que Nous ordonnons
par le prefent Edit , qu'en juftifiant par les
Certificats du Directeur general des Monnoyes
que Nous avons profité des foiblages.
& écharcerez énoncez par les Jugemens à
an quart des remedes près , leídits. Directeurs
en foient déchargez. Voulons qu'au
cas que par lefdits Certificats la difference
d'entre les comptes & les Jugemens ſe trou,
ve Nous caufer un préjudice de plus d'un
quart des remedes , lefdits Directeurs foient
tenus de payer l'excedent entre les mains.
du Receveur des Boëtes de la Cour des
DE DECEMBRE. 67
Monnoyes , lequel en comptera : & pour
empêcher que lesdits Directeurs ne puiflent.
même profiter dudit quart des remedes ,
Nous enjoignons aux Officiers defdites.
Monnoyes d'exercer leurs Offices avec tant.
d'exactitude chacun à leur égard , que toutes
les matieres mifes en fontes foient regulierement
regitrées , & les elpeces délivrées
, employées fur le papier des delivrances
précitément comme elles fe trouveront
par le compte & les pefées qui en feront:
faites en leur prefence.
Défendons à toutes perfonnes , telles
qu'elles puiffent eftre , de contrefaire ou alterer
lefdites efpeces , d'en apporter aucunes
du païs étranger , ou d'en expofer de
contrefaites , à peine d'être punis comme:
faux Monnoyeurs , & de conafcation de lat
valeur defdites efpeces au profit des faififfans
ou dénonciateurs , enfemble des chevaux
, charrettes , ou autres voitures fur:
lefquelles feront lefdites efpeces , même:
des marchandifes avec letquelles elles fe:
trouveront emballées .
SI DONNONS EN MANDEMENT , & co
Car tel eft notre plaifir. Et afin que ce:
foit chofe ferme & ftable à tout ours , Nous
y avons fait mettre notre Sccl. DONNE
à Paris au mois de Decembre , l'an de grace
mil fept cent dix- neuf , & de neure Regne
le cinquième. Signé ,, LOUIS. Et pluss
- Fiji
68 LE MERCURE
bas , Par le Roy , le Duc d'ORLEANS ,
Regent prefent. PHELYPEAUX. Vifa Dɛ. :
VOYER D'ARGENSON . Et fcellé du grand
Sceau de cire verte .
Lû , publié & registré , oũy & ce requerant
le Procureur General du Roy , pour
eftre executé felon fa forme & tenear , fui-;
vant l'Arreft de cejour. Fait en la Cour des
Monnoyes , les Semeftres affemblez le deuxiéme
jour de Decembre mil fept.cent dix- neuf.
Signé , GUEUDRE' ..
ARREST du Confeil du 2 Decembre 1719,
par lequel Sa Majefté étant en fon Confeil
, de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a commis &. cominet les
Sieurs Bidé de la Grandville , Orry de Vig-
Hory , Doublet de Perfan , Ollier de Touquin,
& d'Argenfon Maiftres des Requêtes,
pour conjointement avec lefdits Sieurs le
Peletier , de Caumartin , le Peletier Desforts
, de la Houffaye & Fagon Confeillers
d'Etat , & ledit fieur de Pomereu Maiftre
des Requeftes , proceder à la liquidation
des rembourfemens reftans à faire des Offices
fupprimez par lefdits Edits des mois de
May , Juin Juillet & Aouft 17 15. , & des
finances payées par les affranchiffemens perfonnels
de Tailles , revoquez par ledit Edit
du mois d'Octobre 1713. Fait au Confeil.
d'Etat du Roy , Sa Majefté y étant , tenu à
Paris le deuxième jour deDecembre mil ſept
sent dix-neuf. signé , PHELYPEAUX.
DE DECEMBRE. 69
ARREST du Confeil du 3 Decembre 1719,
par lequel LE ROY ESTANT
• que
3
EN SON
CONSEIL , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a ordonné & ordonne
que les Particuliers domiciliez en Bretagne
, qui ont des Contracts de conftitution
fur lefdits états, auront l'option d'accepter
leur rembourſement aux conditions.
portées par l'Arreft du 11. Nembre 1719,
it
ou de reduire volontairent leurs rentes
à trois pour cent par an , à compter du premier
Janvier 1720 , & faute par eux dans
ledit temps d'avoir confenti volontairement
la reduction de leurs Contracts à trois pour
cent , à compter dudit jour premier Janvier
1720 ils en feront déchûs , & tenus de recevoir
leur remboursement , conformément
andit Arrest du 11 Novembre dernier.
Ordonne Sa Majefté qu'en reduifant volon
tairement par les Particuliers de ladite Province,
creanciers des Etats , les rentes qu'ils ›
ont fur lesdits Etats de Bretagne , à raiſon
de trois pour cent par an ,
les arrerages
.
feront payez à commencer du premier Janvier
1720 , des fonds que lefdits Etats feront
enrre les mains de leur Treforier. Ordonne
en outre . Sa Majefté que les fonds.
qui feront faits entre les mains dudit Treforier
des Etats pour payer leídits arrerages,
ne feront point fujets aux taxations attribuées
audit Treforier pour la recette-
2
70 LE MERCURE
actuelle. Fait au Confeil d'Etat du Roy,
Sa Majesté y étant , tenu à Paris le troifiémet
jour de Decembre mil fept cent dix- neuf.
Signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Confeil du 3 Decembre 1719,
qui ordonne ,
Article I. Que les Creanciers des Etats
de Bretagne, porteurs de quittances d'avance
delivrées le feu fieur d'Harroüys
A
leur Trelorier , fur le prix de la Ferme des
devoirs de 1697 & 1688 , au payement
defquelles lefdits Etats ont efté condamnez
par Arreft du Confeil du 29 Mars 1689 , reprefenteront
inceffamment dans la Ville de
Paris , pardevant les fieurs Evêques de
Nantes , Duc de Lorges , Dondel , & de la
Guibourgere , députez par lefdits Etats à la
Cour , les originaux defdites quittances
d'avance , & les pieces fervant à juftifier
leurs qualitez , pour eftre procedé à la li
quidation desdites quittances d'avanće , tant
en principal qu'interefts , jufqu'au premier
Janvier 1720 , fur lefquelles liquidations
& autres pieces qui feront par eux remifes
au fieur de Montaran Treforiers defdits
Etats , ils recevront leurs rembourfemens
en Recepiffez dudit fieur de Montarân , vifez
defdits fieurs députez , ou de deux d'éntre
eux , payables au porteur le premier
Janvir 120 , fur le Caiffier de la Compagnie
des Indes , qui les acquittera à
DE DECEMBRE.
71
compte des quinze cens millions que ladite
Compagnie s'eft obligée de prester à Sa
Majefté , & jouiront les Porteurs deſdits
Recepiffez des mêmes avantages que les
Porreurs de ceux délivrez
Hallée & Renault.
par les fieurs
II. Veut Sa Majesté qu'après ledit jour
premier Janvier 1720 les interefts defdites:
quittances d'avance ceffent , & qu'ils commencent
à courir du même jour au profit
de Sa Majefté , à raiſon de trois pour cent
des fommes à quoy monteront lefdits rembourfemens
; à l'effet dequoy Sa Majesté
demeurera fubrogée à tous les droits des
Creanciers rembourfez ; & en confequence :
en fera paffé Contract à fon profit par lefdits
Etats.
HI. Permet neanmoins Sa Majefté aux:
Particuliers domiciliez dans ladite Provinçe
, Creanciers & Porteurs defdites quittances
d'avance de reduire les intereſts
deſdites quittances d'avance à trois
pour cent , à compter du premier Janvier
*720 , ce qu'ils feront tenus de faire avant
le premier Fevrier de ladite année 1720 ,.
paffé lequel temps ils en demeureront déchûs
, & feront tenus de recevoir leurs
rembourfemens , ainfi & de la maniere
qu'il eft ordonné par le prefent Arreft.
IV. Ordonne Sa Majesté que ceux def72
LE
MERCURE
dits Creanciers domiciliez dans ladite Province
, qui reduiront volontairement les
interefts de leurfdites quittances d'avance
à trois pour cent devant le premier Fevrier
1720 , feront payez des interefts
defdites Quittances d'avance à la fufdite
raifon de trois pour cent par an en la maniere
accoutumée , des fonds qui feront
faits par lefdits Etats entre les mains de
leur Treforier , lefquels fonds ne feront
point fujets aux taxations attribuées au
Treforier defdits Etats pour fa recette
actuelle. Fait au Confeil d'Etat du Roy ,
Sa Majesté y étant , tenu à Paris le troifiéme
jour de Decembre mil fept cent dixneut.
Signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Confeil du3 Decembre 1719,
par lequel le Roy étant en fon Confeil , de
Pavis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent,
a ordonné & ordonne , Que l'Edit de 1669 ;
la Déclaration de 1711 , & les Arrêts da
Confeil rendus pofterieurement , feront executez
felon leur forme & teneur en ce qui
regarde l'extinction & la fuppreffion de tous
les Billets & Effets y mentionnez. Fait Sa
Majefté trés expreffes inhibitions & défenfes
à toutes perfonnes , de quelque qualité
& condition qu'elles foient , d'expofer dans
le Commerce , ni de nogocier ou donner en
payement lefdits Billets & Effets éreints &
Supprimez, à peine contre les contrevenans
de
DE DECEMBRE. 73
de trois mille livres d'amende , dont un
tiers applicable au profit de Sa Majefté , &
les deux autres tiers aux denonciateurs , fans
que ladite peine puiffe être reputée comminatoire.
Défend Sa Majeſté à tous Juges
d'avoir égard aux negociations qui pourroient
avoir été faites ou ftipulées pour raifon
defdits papiers & effets , leur enjoignant
de les declarer nuls. Et fera le prefent Arreft
executé, nonobftant oppofitions & autres
empêchemens quelconques , pour lesquels
ne fera differé , & dont fi aucuns interviennent
, Sa Majesté s'eft refervé & à fon Confeil
la connoiffance. Ordonne Sa Majefté
que le preſent Arreſt ſera publié & affiché à
ce que perfonne n'en ignore. Fait au Confeil
d'Etat du Roy , Sa Majeſté y étant , tenu
à Paris le troifiéme jour de Decembre mil
fept cent dix-neuf. Signé , PHELÝ PEAUX .
ARREST du Confeil du7 Decembre 1719,
par lequel Sa Majeſté étant en fon Confeil
, de l'avis de Monfieur le Duc d'Or
leans Regent , a commis & commet les
Sieurs Baron , Poftel , Ravoifié , & Lauriau
, pour viſer pour les Directeurs de la
Compagnie des Indes , les Certificats qui
feront delivrez à l'avenir aux Porteurs des
Soulcriptions de ladite Compagnie. Fait au
Confeil d'Etat du Roy , Sa Majesté y étant ,
tenu à Paris le feptième jour de Decembre mil
fept cent dix- neuf. Signé , PHELY PEAUX.
G
74 MERCURE LE
ARREST du Confeil du9 Decembre 1719,
par lequel Sa Majefté étant en fon Confeil
, de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent, a commis & commet les Sieurs
Vedier, Saubion, Dupuis , Olivet , Fremyet,
& Renaud , pour figner concurremment
avec ceux qui ont été nommez par les précedens
Arrefts , les Billets de Banque de
mille livres , cent livres , & dix livres , pour
les Sieurs Bourgeois , Fenelon , & du Reveft
, Officiers de la Banque. Fait au Con
feil d'Etat du Roy , Sa Majeſté y étant , tenu
à Paris le neufviéme jour de Decembre mil
fept cent dix- neuf. Signé , PHELY PEAUX.
ARREST du Confeil dug Decembre 1719 ,
par lequel Sa Majesté étant en fon Confeil ,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent
, a déclaré & déclare , qu'Elle n'entend
pas que l'Edit du prefent mois change rien
à la difpofition de l'Arreft du 25 Juiller
dernier , conformément auquel la Compa
gnie des Indes continuera de jouir de tout
le Benefice de la Fabrication qui fe fera dans
les Monoyes , jufqu'au premier Aouſt 1728,
à quelques fommes qu'ils puiffent monter ,
enfemble des droits & émolumens attribuez
pour les affinages & départs d'or & d'ar
gent aux Maîtres Affineurs par la Déclara
tion du 25 Octobre 1689 , de la maniere
qu'en ont joui jufqu'à prefent les Pourvûs
des Offices d'Affineurs créez par Edits des
4
DE DECEMBRE. 75
mois de Decembre 1692 & Novembre
1693. Et ce à commencer du premier Janvier
1720. Lefquels Offices Sa Majesté a
éteints & fupprimez par le prefent Arreſt ,
ainfi que celui d'Infpecteur des affinages à
Paris , & les droits d'Infpecteur Effayeur
& Syndics des affinages de Lyon , réunis
aufdits Offices d'Affineurs par Edits des
mois de Septembre 1705 , & May 1706 .
Veut Sa Majefté que les Proprietaires defdits
Offices & droits foient inceffamment
rembourfez de toutes leurs Finances par l'un
des Gardes du Trefor Royal , en affignations
fur la Compagnie des Indes , à compte
des quinze cens millions qu'Elle s'eſt engagée
de prêter à Sa Majefté , fuivant les
Quittances de Finance que lefdits Proprietaires
rapporteront dans un mois pardevant
le Sieur le Peletier Desforts Confeiller d'Etat
& au Confeil de Regence pour les Finances.
Veut encore Sa Majefté que ladite Compagnie
joüiffe de tous les Affinoits , Fourbeaux
& autres lieux deftinez pour les affi
nages , ainfi que de toutes les Matieres d'Or
& d'Argent , Outils , Machines , Uftenciles
& provifions de Plomb , Bois , Charbon ,
& autres qui fe trouveront dans les Hôtels
des Monnoyes de Paris & de Lyon , appartenans
aufdits Afhaeurs , conformément
aux inventaires qui en feront faits par
les Commiffaires defdites Monnoyes , à la
Gij
76 LE MERCURE
charge par ladite Compagnie d'en rembourfer
comptant le prix auxdits Affineurs , fui .
vant l'eftimation : Permet Sa Majeſté à ¦adite
Compagnie des Indes d'établir des Laboratoires
d'affinages dans les lieux qu'Elle
jugera les plus convenables , même hors
les Hôtels des Monnoyes , & d'y faire fondre
toutes fortes de matieres & efpeces d'or
& d'argent , nonobftant les Ordonnances
contraires aufquelles Sa Majefté a dérogé
& déroge par le prefent Atreft , à condition
toutesfois que les Lingots qu'Elle livrera aux
Marchands Negocians & Ouvriers , foient
au moins au Titre de vingt- trois Karats
26 .
32.
pour l'or , & de onze deniers dix -huit
Grains pour l'argent. Défend Sa Majeſté à
toutes autres perfonnes , de quelque qualité
qu'elles foient , d'affiner & départir aucunes
matieres d'or & d'argent , ou d'avoir aucuns
outils & uftenciles fervant à cet uſage ,
fous quelque pretexte & occafion que ce
puiffe être , à peine de trois mille livres
d'amende , & d'être procedé extraordinairement
envers les contrevenans , même à
peine contre les Maîtres Orfevres , Tireurs
d'or & autres , d'être déchus de leur Maî
trife , & contre les Compagnons d'incapacité
d'y parvenir . Enjoint Sa Majesté aux
Officiers des Cours des Monnoyes de Paris
& de Lyon , de tenir la main à l'execution.
du prefent Arreft , fur lequel toutes Lettres
DE DECEMBRE 77
neceffaires feront expediées. Fait au Confeil
d'Etat du Roy , Sa Majefté y étant ,
tenu à Paris le neufviéme jour de Decembre
mil fept cent dix- neuf. Signé , PHELY
PEAUX .
Registré en la Cour des Monnoyes . Signé,
GUEUDRE'.
>
ARREST duConfeil duroDecembre 1719,
par lequel Sa Majesté étant en fon Conſeil
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a ordonné & ordonne ; Qu'à commencer
au premier Janvier prochain , les
Pieces de vingt fols de la fabrication de
1718 n'auront cours dans le Commerce que
pour dix- huit fols , & les pieces de dix fols
pour neuf ; Et qu'au premier Fevrier ſuivant
, lefdites pieces demeureront reduites
fçavoir , celles de vingt fols à dix- fept fols,
& les Pieces de dix fols à huit fols fix deniers
, fur lequel pied elles auront cours
dans le Commerce & par tout ailleurs , jufqu'à
ce qu'autrement il en ait été ordonné.
Enjoint Sa Majesté aux Officiers des Cours
des Monnoyes , & aux Sieurs Intendans &
Commiffaires departis dans les Provinces
& Generalitez du Royaume , de tenir
la main à l'execution du prefent Arreft
qui fera lû , publié & affiché par tout où
befoin fera . Fait au Confeil d'Etat du Roy ,
Sa Majesté y étant , tenu à Paris le dixiéme
jour de Decembre mil fept cent
G iij
78
ހ
LE MERCURE
dix - neuf. Signé , PHELY PEAUX.
ARREST du Confeil d'Etat du Roy , du
douze Decembre 1719 , qui ordonne ,
Article I. Les Receveurs generaux des
Finances des vingt Generalitez des païs
d'election , & ceux des Provinces d'Alface,
Metz , Franche - Comté , Flandres , Haynaut
& Rouffillon , & les Receveurs des Tailles
& Particuliers des mêmes Païs & Provinces,
drefferont inceffamment , chacun en ce qui
les concerne , des états des Reſtes de toutes
les impofitions & réimpofitions dues par les
contribuables au 15 Octobre dernier fur les
années 1719 & precedentes : lefquels états
feront diftinguez par année d'exercice &
nature d'impofitions , & certifiez par lefdits
Receveurs , à peine du quadruple.
H. Seront compris dans les états que
fourniront les Receveurs des Tailles , les
reftes des impofitions dont le recouvrement
fe fait par des Prepofez à la nomination des
fieurs Intendans & Commiffiires départis i
dans les Provinces & Generalitez ; à l'effet
dequoy lefdits Prepofez leur en fourniront
des états certifiez veritables , à peine du quadruple
; & feront lefdits états annexez à ceux
des Receveurs des Tailles , pour leur fervit
de décharge en cette partie feulement.
III. Les états des Reftes feront vifez par
les fieurs Intendans , & il en fera fait trois
expeditions , l'une pour la Compagnie des
DE DECEMBRE. 79
Indes, l'autre pour les Receveurs Generaux ,
& la troifiéme pour les Receveurs des
Tailles.
IV. Le recouvrement des Reftes fera fait
par les Receveurs des Tailles , & par ceux
qui feront Prepofez aux Recettes generales
fur la nomination & prefentation de la Compagnie
des Indes , chacun en ce qui les concerne
, pour en compter à ladite Compagnie
en deniers , décharges , moderations , nonvaleurs
& cottes inexigibles .
V. Et attendu que les Receveurs generaux
des Finances , les Receveurs des Tailles &
autres Receveurs particuliers , compteront
en la forme ordinaire de toutes les impofitions
dont lefdits Reftes font partie , & des
charges affignées fur icelles , la Compagnie
des Indes comptera feulement au Confeil du
montant des Reftes : la recette de fon compte
fera établie fur les états des Reftes ; la dépense
fera compofée des fommes payées au Trefor
Royal fur le recouvrement defdits Reſtes ,
& il fera paffé en reprife les décharges
moderations , non - valeurs fur la Capitation
& Dixiéme , même les cottes inexigibles fur
la Taille , & ce fuivant les états qui en le
ront arrêtez par les fieurs Intendans & Commiffaires
départis. Ne pourra neanmoins ladite
Compagnie employer en dépenfes les
remifes & taxations qui lui feront dûës pour
le recouvrement des Reftes , dont il luy fera
G iiij
80 LE MERCURE
fait raison par les Receveurs generaux & particuliers
, lefquels en feront dépenfes dans
leurs comptes.
VI. Les fonds neceffaires aux Receveurs
generaux & particuliers pour acquitter les
charges affignées fur les Recettes generales,
& particulieres , même pour les parties revenantes
au Trefor Royal pour la prefente
année & les precedentes , feront pris fur les
deniers que lefdits Receveurs generaux &
particuliers fe trouveront avoir entre leurs
mains , provenans de leurs recouvremens ,
enfuite fur ceux des Reftes que la Compagnie
des Indes aura perçûs , & en cas d'infuftifance
fur les quinze cens millions que ladite Compagnie
s'eft engagée de prêter à Sa Majeſté.
VII. Il fera arrêté inceffamment au Confeil
des Eftats de finance pour toutes les années
où il n'en aura point été fait , jufques
& compris la preſente ; en conſequence def
quels les charges affignées fur les recettes
generales & particulieres feront acquittées ,
& neanmoins les parties prenantes qui auront
des railons pour eftre payées avant la
confection defdits états , fe pourvoiront pardevant
les fieurs le Pelletier de la Houffaye
Confeiller d'Etat ordinaire & au Confeil
Royal de Regence , d'Ormeffon , de Gaumont
& de Baudry Maîtres des Requêtes ,
& Dodun Prefident aux Enqueftes , tous
Confeillers au Confeil de Finances , que Sa
4
DE DECEMBRE. 81
Majefté a commis , pour eftre comprifes en
des états de diftribution provifionnels , fur
lefquels lefdites parties prenantes recevront
leur remboursement par les mains des Receveurs
generaux & particuliers , des deniers
qu'ils auront entre leurs mains provenans
des recouvremens par eux faits jufqu'au
15 Octobre dernier ; & après que les deniers
provenans defdits recouvremens auront
efté confommez, lefdits Receveurs generaux
& particuliers fourniront leurs recepiffez
fur le Caiffier de la Compagnie des Indes ,
lefquels feront vifez à Paris par l'un desdits
fieurs Commiffaires , & dans les Provinces
par les fieurs Intendans ou leurs Subdeleguez
, & payez comptant par les Commis
à ce prepofez par ladite Compagnie dans les
Chefs- lieux des Generalitez & Provinces.
VIII. Ordonne Sa Majesté que dans un
mois pour tout delay , du jour de la publi
cation du prefent Arreft , ceux qui auront
obtenu des décharges ou moderations de
Capitation , ou du Dixiéme , feront tenus
d'en rapporter les Ordonnances aux Receveurs
des Tailles & autres Prepofez aux recouvremens
defdites impofitions : faute de
quoy , & fans que la prefente difpofition
puiffe eftre reputée comminatoire , lesdites
Ordonnances feront de nul effet , & les rede--
vables contraints en vertu du prefent Arreſt,
au payement de la fomme totale à laquelle
82 LE MERCURE
ils auront efté impofez dans les rôles & états
de repartition contre lefquels ils s'étoient
pourvûs.
IX . Pour mettre les Receveurs generaux
en état d'acquitter la partie du Trefor Royal ,
& de fournir aux Receveurs particuliers leurs
quittances comptables pour la partie revenante
à la recette generale , lefdits Receveurs
generaux remettront à la Compagnie
des Indes leurs Recepiffez vilez de l'un deſdits
fieurs Commiffaires nommez par le pre
fent Arreft , jufqu'à concurrence du montant
des Reſtes dûs au 15 Octobre dernier ,
déduction faite des fommes qui auront eſté
tirées , tant par eux que par les Reveveurs
des Tailles pour le payement des Charges
affignées fur les recettes generales & particulieres
, fur lefquels Recepiffez la Compagnie
des Indes leur en fournira du Trefor
Royal à leur décharge , pour le parfait payement
de la partie qui y doit eftre remife ,
& en confequence les Receveurs generaux
délivreront aux Receveurs particuliers les
quittances comptables qui leur feront neceffaires
pour la partie de la recerte generale
, fur les reconnoiffances que les Receveurs
particuliers leur en donneront au
pied des copies des quittances comptal les.
X. Pour ce qui concerne les impofitions
dont les recouvremens auront été faits di
rectement par les Receveurs generaux,il leur
DE DECEMBRE. 83
fera delivré des Recepiffez du Trefor Royal
à leur décharge , jufqu'à concurrence des
Reftes qui en feront dûs , defquels Recepiffez
ils fourniront à la Compagnie des
Indes leurs reconnoiffances vifées par les
fieurs Intendans ; & à l'égard des impofitions
dont les receveurs des Tailles ne remettront
point les fonds aux recettes generales
, les Fermiers , Traitans , ou autres ayant
droit de les recevoir , feront tenus de rapporter
aux fieurs Commiffaires nommez par
le Prefent Arreft , leurs pieces & titres ,
pour eftre employés dans un état de diftribution
, en execution duquel ils feront payez
par les Receveurs des Tailles , ainſi qu'il a
été expliqué dans l'Article VII , du preſent
Arreft pour les parties prenantes.
XI. Les avances faites par la Compagnie
des Indes aux Receveurs generaux & particuliers
, outre & pardeffus les reftes dont
ladite Compagnie aura fait le recouvrement,
lui feront remboursées en Ordonnances de
comptant , pour valeur des Recepiffez donnez
par lefdits Receveurs generaux & particuliers
; & feront lefdites Ordonnances.
reçues au Trefor Royal , à valoir fur les
quinze cens millions que ladite Compagnie
s'eft engagée de prefer à Sa Majefté : &
pour l'execution au prefent Arreft feront
toutes Lettres neceffaires expediées. Fait
au Confeil d'Etat du Roy , Sa Majeſté y
1
$4
LE MERCURE
étant , tenu à Paris le douzième jour de
Decembre mil fept cent dix - neuf.
Signé , PHELYPEAUX .
ARREST du Confeil du 14 Decembre
1719 , par lequel Sa Majefté étant en fon
Confeil , de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a ordonné & ordonne , que les
Rentiers de l'Hôtel de Ville de Paris feront
tenus de recevoir avant le premier Janvier
1720 les fonds qui ont été remis aux Payeurs
depuis le premier Janvier dernier , pour
payer les rentes pendant la prefente année
1719 , faute de quoy & ledit temps paffé ,
fans efperance d'autre delay , tous les deniers
qui referont entre les mains defdits Payeurs ;
feront par eux portez au Trefor Royal , pour
eftre enfuite delivrez aux Rentiers, ainſi qu'il
fera ordonné par Sa Majefté : Et fera le
prefent Arrest lû , publié & affiché par tour
où befoin fera . Fait au Confeil d'Etat du
Roy , Sa Majefté y étant , tenu à Paris le
quatorziéme jour de Decembre mil fept cent
dix-neuf. Signé , PHELYPEAUX ,
ARREST du Confeil d'Etat du Roy ,
qui porte:
Article I. Que l'argent de Banque, fera
& demeurera fixé à cinq pour cent au deſſus
de la valeur de l'argent courant , auquel
prix il fera delivré des Billets de Banque ,
tant au Bureau general de Paris , que
dans les Bureaux particuliers établis dans
les Provinces , fauf aux Porteurs defdits
DE
85
DECEMBRE.
Billets , après que ceux de la Banque auront
efté diftribuez , à les negocier à tel plus
haut prix qu'ils jugeront à propos.
11. Veut Sa Majefté qu'à commencer du
jour de la publication du preſent Arreſt dans
la Ville de Paris , au premier Mars prochain
dans celles où il y a Hôtel des Monnoyes ,
& au premier Avril fuivant dans les autres
Villes & lieux de fon Royaume , les efpeces
d'Or & d'Argent , tant de la fabricatio.n
ordonnée par Edit du mois de May 1718 ,
que de celles du prefent mois de Decembre ,
ne puiffent eftre offertes ni reçûës dans les
payemens ; fçavoir , les efpeces d'Argent ,
que pour ceux au- deffous de dix livres , &
celles d'or que pour les payemens audeffous
de 300 liv. & que les payemens audeffus
defdites fommes foient faits en Billers
de Banque, à peine de confifcation du montant
des payemens , & de trois cens livres
d'amende contre les contrevenans.
III. Entend Sa Majefté que la Compagnie
des Indes payé en Billets de Banque le montant
des impofitions & droits dont elle
aura fait le recouvrement , & que pour les
payemens qu'elle fera en argent , & qui
proviendront des parties au- deffous de dix
livres en Argent , & de trois cens liv. en Or,
que les Commis & Prepofez auront reçûës ,
elle paye les cinq pour cent d'augmentation ;
Sa Majesté l'autorifant à recevoir les mêmes
cinq pour cent des debiteurs & contribuables,
86 LE MERCURE
fur les payemens au- deffous de dix livres
en Argent , & de trois cens livres en Or.
IV. Veut auffi Sa Majefté qu'à compter
du jour de la publication du preſent Arreft ,
les payemens des Lettres étrangeres foient
faits en Billets de Banque , & ce nonobſtant
l'Arreft du 27 May dernier , auquel Sa
Majefté a dérogé : Et pour l'execution du
prefent Arreft feront toutes Lettres neceffaires
expediées. Fait au Confeil d'Etat du
Roy , Sa Majefté y étant , tenu à Paris le
vingt- uniéme jour de Decembre mil fept
cent dix-neuf. Signé , PHELY PEAUX ,
•
AUTRE ARREST , par lequel Sa Majefté
étant en fon Confeil , de l'avis de
Monfieur le Duc d'Orleans Regent , a remis
& remet à fes Sujets des vingt Generalitez
des Pays d'Election , & des Provinces
d'Alface , Metz , Franche-Comté , Flandres
, Haynaut , & Rouffillon , les reftes des
impofitions de quelque nature qu'elles puif
fent efire , même de la Capitation & du
Dixième , anterieures à la prefente année
1719 , & pour leur procurer les moyens
d'acquitter leurs dettes , & de s'attacher de
de plus en plus à la culture des terres , Sa
Majefté declare qu'à commencer au premier
Juillet prochain , Elle leur prêtera fur les
biens- fonds qu'ils poffedent , à raifon de
deux pour cent par an , les fommes dont ils
auront befoin , par proportion à la valeur
DE DECEMBRE. 87
d'iceux ; à l'effet de quoy , & pour connoître
les hypoteques & affectations defdits
biens - fonds , il fera établi des Regiftres des
hypoteques dans les lieux & en la forme qui
feront expliquez par un Reglement particulier.
Et pour l'execution du preſent Arrest
feront toutes Lettres neceffaires expediées.
Fait au Confeil d'Etat du Roy , Sa Majeſté
y étant , tenu à Paris le vingt- uniéme jour
de Decembre 1719. Signé , PHELY PEAUX ,
L'ACTIONNAIRE BIGAME.
UN
AVANTURE.
Ne jeune Dame , veuve depuis deux
ans d'un homme d'épée , qui lui avoit
laiffé pour toute dot un nom fort connu
& beaucoup d'affaires , fut obligée d'abandonner
la Province & de venir à Paris ,
pour prevenir les pourfuites d'un procès dont
elle étoit menacée. Ce n'étoit pas une de
ces femmes qu'on pût dire regulierement
belle ; mais il y avoit & dans fon viſage &
dans les manieres , quelque chofe de ſi vif
& de fi piquant , que ces agrémens foûtenus
de beaucoup d'efprit , avoient de quoi
engager les plus infenfibles. Son , merite fit
bien- tôt l'effet qu'elle en avoit attendu,
On lui fit la cour avec empreffement ; &
ceux dont elle voulut bien recevoir les foins,
cherchoient avec plaifir les occafions de
88 LE MERCURE
·
l'obliger. Un jeune Marquis d'une Maifon
illuftre , fe diftingua entre tous les autres ,
par l'ardeur qu'il fit paroître à lui prouver
qu'il étoit véritablement dans fes interefts
. Comme il avoit de fort grandes Alliances
qui augmentoient encore fon credit ,
la jeune veuve fut bien aife de le menager.
Le Marquis étoit d'une figure à plaire
par-tout , & fe diftinguoit par une conduite
fi fage , & fi pleine de refpect , qu'on
ne pouvoit lui refufer fon eftime. Notre
veuve avoit trop d'efprit pour ne pas s'appercevoir
que les fentimens alloient à l'amour
, & qu'il feroit aifé de s'en faire aimer
avec excès , pour peu qu'elle voulût
y répondre ; mais le Marquis dépendoit
d'un pere fort riche , encore affez jeune ,
& en même temps fi avare , qu'à peine
pouvoit-il en tirer dequoi paroître dans le
monde fuivant fa condition . D'ailleurs , ce
pere étoit fi abfolu & fi entier dans fes
fentimens , que s'il l'avoit foupçonné de
penfer à difpofer de lui- même , il n'y a
point d'extremité à laquelle il ne fe fût
porté contre fon fils. La connoiffance que
la veuve eut de toutes ces circonſtances ,
l'obligea de refifter au penchant qui l'entraînoit
infenfiblement vers le Marquis.
·
Ainfi, dés que ce jeune Cavalier cornmençoit
à l'entretenir de ce qui fe pafloit dans
fon coeur , elle le prioit d'ouvrir les yeux
far
DE DECEMBRE. 89
fur l'inutilité de l'engagement qu'il vouloir
prendre , fans lequel il ne la trouveroit jamais
difpofée à l'écouter favorablement :
qu'il fit reflexion que dans la dépendance où
il vivoit , il ne pouvoit lui être permis
de s'abandonner à des fentimens qui convinffent
à une perfonne de fon caractere ;
& que de toutes les confiderations qui
pouvoient occafionner des liaiſons , aucune
ne pouvoit la faire manquer à tout ce qu'elle
fe devoit. Quelque plaifir même qu'elle eût
à le voir , elle pouffa fi loin fes fcrupules ,
qu'elle s'obftina à lui défendre des vifites
affidues , qui pouvoient porter atteinte à fa
reputation. Ce n'étoit pas fans fe faire violence
qu'elle lui faifoit cet aveu ; mais tout
ce que lui dictoit fon coeur , en s'y oppofant
, lui étoit fufpect , & le Marquis fur
enfin contraint de le foûmettre à un confeil
qui lui parut un commandement ; cependant
cet obftacle ne fit qu'irriter ſa paffa
fion. Comme elle lui avoit en quelque maniere
promis de la voir de tems en tems , it
ne reffentit de joye, que dans les heures qu'il
paffoit chez elle ; & comme il ne voyoit
aucun jour à obtenir de fon pere ce qu'il
en fouhaittoit fi ardemment , il fe contentoit
de l'affurer d'une amitié conftante &
éternelle , puifqu'il étoit affez malhûreux
de n'être point maître de fa deftinée . Cette
Veuve , qui fe felicitoit d'avoir amené le
H
90 LE MERCURE
"Marquis à fon but , fans l'avoir aliené d'elle,
ne fit point difficulté d'employer le credit
du Marquis , pour avoir un accés plus libre
auprés de fon Raporteur dont il étoit
proche parent : l'affaire dont il s'agiffoit étant
fort délicate , avoit befoin d'un homme vif,
judicieux & entendu , & qui fournît même
un peu aux frais du Palais. Or , ce point
étoit le plus effentiel. Notre Veuve ne fçavoit
à qui s'adreffer pour cela , lorfque le hazard
lui procura chez une de les amies la connoiffance
d'un Actionnaire, qui avoit fait une
trés groffe fortune dans l'Occident. La con
verfation roula à l'ordinaire fur les Actions, &
la Veuve parla enfuite de fon Procès . Nôtre
Miffiffipien parut s'y intereffer & lui fit offre
de fervice. La Dame de la maifon y joignit
encore fa recommandation qui étoit de trop;
car la Veuve avoit celle de fa beauté & de
fon merite ; ce qui fuffifoit pour l'Actionnaire.
Ayant obtenu permiffion de lui rendre
vifite , il en profita , & fous pretexte de
lui demander certains éclairciffemens , il fe
paffoit peu de jours , qu'il ne la vît ; & à
force de la voir , il en devint éperdument
amoureux. Le Solhciteur étoit un de ces
hommes polis , & aimables dont la converfation
étoit enjouée & amusante ; & elle
le devint encore dans la fuite bien davantage
pour la belle Plaideufe , par les douceurs
dont il affaifonnoit auprès d'elle fes
DE DECEMBRE. 91
difcours. Le befoin caufe fouvent de grandes
revolutions dans le coeur d'une jeune Veuve.
Les fecours obligeans qu'elle en recevoit
continûment , l'engagerent peu à peu à correfpondre
à un procedé fi noble & fi galant
, par tous les retours de complaifance ,
& par tous les égards qui ne commettoient
point fa vertu. Avec des manieres fi feduifantes
, elle ne fit qu'augmenter la palfion
de cet homme pour elle , & celle de
la fervir fans referve auprés de fes Juges :
en effet , il foûtint fi bien le droit de la
Veuve , malgré fon penchant pour la Ruë
Quincampoix , qu'il eut le plaifir de venir
lui annoncer
au moment qu'elle s'y at
tendoit le moins , le gain de fon Procès.
A peine fut- elle hors d'embaras , que le jeune
Marquis qui avoit joint fes follicitations
à celles de fon Rival , fans cependant le
croire tel , pria la Veuve de lui permettre
de faire un voyage auprés de fon pere ,
qui le preffoit depuis long - tems de fe rendre
auprés de lui . A cette déclaration , elle
parut d'abord émuë ; mais aprés un effort
qu'elle fit fur fon efprit , elle lui dit froidement
, qu'elle fouhaitoit pour fon repos &
fa tranquilité , que l'éloignement qu'il recherchait
, produisit l'effet qu'il en devoit
efperer. Ce reproche donna lieu au Marquis
de faire à la Veuve les plus tendres
& les plus fortes proteftations , en l'affûrant
Hij
92 LE MERCURE
d'une conftance à toute épreuve. ERfin
le Marquis partit , & fon départ apprit
à la Veuve qu'elle aimoit beaucoup
plus qu'elle ne fe l'étoit imaginée. Quoi
qu'un doux penchant l'entraînât vers le
Marquis , & que fon coeur en fouffrît de
l'alteration , elle crut comprendre que ne
pouvant en faire fon mari , cette feparation
lui rendroit dans peu fa première tranquilité.
Pour plus grande précaution , elle
avoit défendu au Marquis de lui écrire ,
aprehendant le poiſon caché que ces fortes
de billets infinuent ordinairement dans un
coeur que l'amour a commencé de bleffer.
Nôtre riche Miffiffipien , qui continuoit
d'avoir un libre accés chez la Veuve , &
qui en étoit toûjours bien reçû , découvroit
de jour en jour de nouveaux charmes en
elle : ils furent fi puiffans , que ne pouvant
plus y refifter , il refolut de lui faire une
déclaration de mariage. Avant que d'en venir
à cette démarche , il auroit bien voulu
tenter la Dame par quelque autre endroit ;
mais la fageffe de cette aimable Veuve lui
étoit trop connuë ,, ppoouurr ofer rien rifquer.
Aprés bien des détours en pareille occafion,
nôtre Millionaire lui propofa de l'époufer.
Cette propofition la jetta d'abord dans
quelque embaras, D'un côté , elle confideroit
que cet homme , outre fes grands biens ,
étoit d'un caractere qui convenoit affez au
DE DECEMBRE. 93
fien , ce qui ne fe trouvoit que trés rarement
reüni dans les mariages : d'une autre
côté , être la femme d'un Roturier aptés
avoir été celle d'un Officier diftingué , qui
lui avoit laiffé un rang dans le monde , cette
feconde reflexion étoit accablante .
Combattuë par ces divers intereſts , elle
demanda un peu de tems pour reflechir ,
& pour fe determiner fur une affaire qui
devoit influer fi fort fur le bonheur ou le
malheur defa vie. L'incertitude où elle mit
nôtre Actionnaire , ne fervit qu'à l'enflamer
davantage , & à la preffer de plus en plus
de lui dire fans feinte quelle pouvoit être
la caufe de fon irrefolution. Après bien des
inftances , elle lui avoua ingenûment , que
portant un nom rendu illuftre par un grand
nombre d'actions éclatantes , elle avoit
peine à y renoncer pour prendre le fien.
Le Miffiffipien qui ne s'attendoit pas à cette
forte de delicateffe , en fut allarmé. Il ne
voulut pas cependant donner le tems à eetre
chimere de fe fortifier ; il chercha à l'eluder
en homme d'efprit, en convenant qu'elle
pouvoit avoir raifon à cet égard , mais que ce
motifpouvoit aufli être balancé par tant d'autres
confiderations , qu'il la croyoit trop raifonnable
, pour ne pas autorifer fa recherche
fur les avantages réels qu'elle trouveroit en
lui donnant la main . Que d'ailleurs , comme
il ne vouloit la defobliger en rien , elle
24 LE MERCURE
étoit la maîtreffe de garder un nom qui
lui étoit fi cher ; que pour cet effet il n'y
avoit qu'à tenir dans le fecret leur mariage :
qu'il ne feroit pas même difficulté de lui
avouer qu'il avoit des raiſons d'intereſts ,
pour fouhaiter qu'il ne fût pas revelé fitôt ,
à ciufe d'une groffe fucceffion dont il feroit
fruftré fi on le fçavoit engagé. Il adjouta
à ces raifons qu'ils n'en vivroient que plus
heureux & plus contens ; puifque leur amour
ayant toûjours un air de miſtere , n'en auroit
que plus d'agrément dans la fuite.
Aprés quelques autres raifonnemens de la
forte , la Veuve s'accommoda du parti.
L'abſence du Marquis dont elle n'avoit plus
rien à eſperer , ne contribua pas peu à la
determiner , & fon coeur lui parut affez
libre , pour ne plus differer à partager la
fortune du Miffiffipien en lui donnant la
main. Il fut enfin conclu ce mariage , mais
fi fecretement , qu'exceptez les témoins neceffaires
, perfonne n'en eut le moindre foupçon.
Nos nouveaux mariez étoient même
convenus de retrancher les vifites frequentes
qu'ils fe rendoient avant leur union . ils
étoient contens. L'amour étoit genereufement
payé . Ils fe mettoient à couvert de
tous les contes aufquels ils feroient expofez
fans cette précaution , & ils évitoient
les dégoûts que ne manque jamais de
caufer aux gens mariez la neceffité de fe
voir fans ceffe. Deux mois fe pafferent de
DE DECEMb'r e . 99
la forte avec une égale fatisfaction de part
& d'autre. A peine ce terme fut - il expiré ,
que nôtre Merle commença à devenir rêyeur
& chagrin. Un changement fi prompt
engagea la Dame à lui en faire quelques re
proches elle lui fit entendre qu'elle apprehendoit
que ce ne fût un effet du mariage
, qui occafionne fouvent à ne pas
eftimer , autant qu'on le devroit , ce qu'on
eft affùré de ne point perdre. L'Actionnaire
feignant d'avoir des fentimens plus nobles
& plus relevés , rejettoit fa revêrie fur les
variations du papier , qui l'inquiettoient plus
par rapport à elle , que par rapport à luimême.
Il eut beau s'étudier pour fe contenir
, fon vifage , fa démarche , & fa diftraction
, furent des preuves plus que fuffifantes
de la melancolie qui lui rongeoit le
coeur. Dans une fituation fi peu attendue ,
la Dame commença à fe chagriner de fon
côté , & à regretter fon état de Veuve , quel
que avantage qui lui en revînt par le mariage
qu'elle venoit de contracter. De plus ,
un relte de tendreffe pour le jeune Marquis
, achevoit de la deconcerter : mais, ſi jamais
elle eut fujet d'en concevoir un veritable
repentir , ce fut un jour , qu'abandonnée
feule dans fa chambre aux fuites fâcheufes
d'un pareil hymenée elle vit tout à
coup,fans en avoir été avertie , entrer le jeune
Marquis avec une joye inexprimable de la
96 LE MERCURE
revoir. Son habillement la frapa d'abord ;
il portoit le deuil de fon pere qui étoit mort
en quatre jours ; & il n'étoit revenu que
pour lui offrir fa fortune qui étoit trés - confiderable.
Quel étrange contre- temps pour
une perfonne mécontente ! Heureufe qu'elle
auroit été toute la vie , en époufant le Marquis
, elle fe voyoit au contraire condamnée
à couler fes jours avec un homme qui fe
croyoit malheureux. Comme elle n'avoit
aucune bonne raiſon qui pût juftifier le refus
qu'elle venoit de faire en quelque maniere
du Marquis , elle fe contenta de lui
reprefenter que le mariage étoit une affaire
trop delicate , pour s'y engager fi legerement::
qu'il agiffoit en jeune homme rempli d'une
paffion aveugle : qu'il etoit bon qu'il examinât
mûrement cet engagement, avant que
de s'y embaquer : qu'il falloit prévenir tous
les fujets de repentir que caufe fouvent un
mariage prematuré qu'enfin , pour lui
prouver combien elle l'eftimoit & l'aimoit
elle ne pouvoit lui en donner des marques
plus certaines , qu'en lui conſeillant
de s'éprouver encore quelques mois fur l'amour
qu'il difoit reffentir pour elle : que
s'il fubfiftoit pour lors , elle feroit plus
hardie à fe déterminer. Le Marquis
aprés l'avoir écoutée avec émotion , entrè
prit de lui perfuader qu'il étoit incapable
de changement ; que fon amour ne finiroie
:
qu'aveci
DE DECEMBRE. 97
qu'avec la vie ; que tout autre que lui regarderoit
ce delai comme une injure, & qu'il
ne pouvoit s'imaginer qu'elle lui parlât fincerement.
En vain la tenta- t- il par toutes
fortes d'endroits , pour avancer fon bonheur
, il ne lui fut pas poffible de la faire
changer de fentiment : il fe fepara d'elle , &
après bien des larmes répandues , il courut
en amant defefperé chez l'Actionnaire qu'il
fçavoit être toûjours des amis de la Dame
depuis le jugement du procès. Il lui fit part
de l'arreft cruel qu'elle venoit de prononcer
contre lui ; qu'il avoit recours à fes bontés
pour le conjurer de fléchir la veuve en fa
faveur , & d'avoir pitié de l'état violent
dans lequel elle l'avoit réduit. Notre
homme parut entrer dans fes peines
& Paffûra dans des termes les plus polis &.
les plus gracieux , que rien au monde ne
le touchoit plus fenfiblement , que de le
voir dans de pareils fentimens , & qu'il
appuyeroit volontiers fa recherche auprèsde
la belle veuve . Au milieu de ces agitations
, la Dame reffentoit une double affli-
&tion , foit par le refroidiffement qu'elle
éprouvoit de plus en plus de la part de fon
mary , foit par l'impoflibilité où elle fe
trouvoit de pouvoir remplir les voeux ardens
du Marquis & les fiens : Il n'en étoit
pas cependant moins affidu chez elle ; &
comme les vies de ce jeune Cavalier ne
I
,
98 LE MERCURE
tendoient qu'au mariage , il n'en faifoit .
aucun fecret à fes amis , fans taire toutes
les difficultez que prétextoit la veuve pour
en éloigner la conclufion. Tous ceux de la
Dame qui connoiffoient le merite & le
bien du jeune Cavalier, condamnoient hautement
fa refiſtance à refufer un parti fi
avantageux : ils la blâmoient mal à propos,
puifqu'ils ignoroient les refforts fecrets qui
la faifoient agir fi fort , en apparence , contre
fes veritables interefts . Il étoit de la prudence
de la Dame de les écouter , fans ofer
fe deffendre ; mais , ce n'étoit pas là fon
moindre embarras. Ce qui excitoit davan
tage fa furpriſe, c'eft lorfqu'elle fe plaignoit
par bienfeance à fon mari des affiduités trop
frequentes du Marquis, & qu'elle lui témoignoit
que ce feroit lui faire plaifir de les interrompre
; il la prioit avec inftance de ne
s'en point allarmer , que fa vertu la garantiffoit
de tout foupçon injurieux , & que fi
c'étoit par confideration pour lui qu'elle prît
ces précautions , il pouvoit l'affurer qu'elle.
n'avoit point à apprehender qu'il en conçût
jamais aucune jaloufie , & qu'il lui confeilloit
même de recevoir le Marquis chez
elle à fon ordinaire . Les chofes étoient en
cet état , lorfqu'un mary fi complaifant fur;
attaqué d'une petite verole, Les accès en
furent très violens , & le reduifirent bientôt
à l'extremité , les Medecins même en
DE DECEMBRE.' 29
defefpererent. Dès qu'il fe fentit malade ,
il écrivit un billet à la Dame , par lequel il
lui enjoignoit expreffément de s'abstenir
de le venir voir , à cauſe du rifque qu'il y
avoit pour fa fanté. Elle fut docile les 4 ou
5 premiers jours ; mais fitoft qu'elle fçut
qu'il y avoit du danger , elle ne balança pás
à fe rendre chez fon époux pour s'enfermer
avec lui . On l'annonça au malade , qui défendit
abfolument qu'on la laiffât entrer :
elle infifta fortement , & voulant uſer des
droits qu'elle prétendoit avoir ; elle menaça
ceux qui avoient la garde du malade d'appeller
un Commiffaire pour les forcer à oùvrir.
Peu s'en fallut que dans ce premier
moment de vivacité , elle ne gardât plus de
mefure , & ne fit plus de miftere de fon
mariage. Ce fecret fi important alloit même
lui échaper , lorfqu'au vacarme qu'elle caufoit
, un ami du Miffiffipien qui s'étoit enfermé
avec lui , fortit heureufement pour
tâcher de la calmer.Cette Dame le reconnut
auffi-tôt , pour avoir été un des témoins de
leur union : & fe récriant fur l'injuſtice
qu'on lui faifoit , elle s'emporta en femme
irritée contre lui , de ce qu'on vouloit l'empêcher
de voir fon mary , & de l'affifter de
fes foins. Le pauvre homme eut beau lui
reprefenter que l'on ne s'étoit oppofé à fes
volontés que par le vif intereft que l'on
prenoit à la fanté , & pour la preferver d'un
I ij
335117
100 LE MERCURE
mauvais air qui pouvoit lui être contagieux ,
& que d'ailleurs on avoit eu toute l'attention
poffible à lui procurer toutes fortes de
fecours. Malgré ces raifons , elle perfifta
dans fon premier fentiment. Cette opiniâtreté
de la part de la Dame jetta notre homme
dans un extrême embarras . D'un côté
il avoit des ordres précis & abfolus de ne
la point introduire . De l'autre , il craignoit
l'éclat qui s'enfuivroit s'il ne la fatisfaifoit
promtement. Lui ſeul étoit inftruit à fonds
des motifs preffans qui obligeoient l'Actionnaire
à éviter ces deux extremités ; comment
cependant fe tirer d'un pas fi gliffant ?
l'expedient qui lui fembla le plus fûr, fut
de fupplier la Dame de lui permettre de
rentrer pour un moment , & qu'il eſperoit
qu'elle auroit bientoft fatisfaction entiere.
Notre confident après avoir confulté quelque
temps avec le malade , revint trouver
la Dame avec un porte-feüille à la main .
Il lui dit que fon mary perfeveroit conftamment
dans la reſolution de ne la point expofer
à une vûë fi defagreable que la fienne,
ni au péril de lui communiquer fon mal ..
Et une preuve , Madame , ajoûta cet ami ,
de toute la confideration & de la fincere
amitié qu'il a pour vous ; voilà cent mille
écus en Billets de Banque , qu'il m'a remis
pour vous confirmer l'une & l'autre . A cette
vue la Dame je radoucit , car il eſt à pré
DE DECEMBRE. 101
pour celle du
fumer qu'elle apprehendoit du moins autant
pour la perte du porte- feuille , que
celle du mary. Elle joüa encore quel
que inftant le rôle de femme fâchée &
affligée : quelques foupirs accompagnés de
larmes , finirent enfin cette 1cene. Elle fit
promettre au confident de lui envoyer fouvent
des nouvelles de l'état de la fanté de
fon époux ; après quoy elle retourna chez
elle fort confolée.
La poffeffion de ces Billets ne laiffa que
de la reconnoiffance dans fon coeur ; toute
fa tendreffe fut pour eux & non pour le
mary. De plus , on fçait qu'elle n'avoit
pas lieu d'être contente de fes manieres ;
mais ce qui acheva de lui effuyer fes pleurs,.
c'eft que ne doutant nullement que mort
ne s'enfuivit dans peu , fur le rapport d'un
tres-habile Medecin qui le traitoit , elle fe
voyoit en état par là de tenir fa parole au
jeune Marquis : Elle fçut même fi bien fe
déguiſer à fes yeux , qu'il ne s'apperçut
d'aucune alteration dans fon vilage ; il
crut même y remarquer une certaine ferenité
qu'il regardoit comme un heureux
préfage pour lui. En effet , depuis ce jour
les égards de la veuve pour ce Cavalier
augmenterent à proportion qu'elle appre
noit que fon malade baiffoit : & elle douta
fi peu qu'il n'en mourût , que fans attendre
le decès elle prefcrivit au Marquis le terme
I iij
102 LE MERCURE
d'un mois pour s'époufer. Après ces affurances
, nos deux futurs ne penferent plus
qu'aux préparatifs pour ce jour bienheu
reux ; toilettes , habits , caroffes , enfin tout
l'équipage des nôces furent commandés .
Mais, projets conçus anffi- tôt qu'évanouis !
L'Actionnaire en rapella contre la décifion
des Medecins. Quel contre-temps fâcheux
! Et dans quelles nouvelles agitations
fon ame ne fut - elle pas replongée ? par
ce contre- coup , elle le voioit reduite non
feulement dans l'impoffibilité de pouvoir
tenir la parole qu'elle avoit donnée au Mar
quis , qu'elle aimoit ; mais obligée de traîner
une vie languiffante & pleine d'amertume
avec un homme qu'elle ne pouvoit
plus eftimer. Elle fe livra pour lors à la
plus vive douleur... Dans une fituation fi
trifte , & dechirée par les remords les plus
cuifans , fon defefpoir la confeilla tout à
coup de déceler au Marquis l'état déploplorable
dans lequel elle s'étoit jettée en
époufant l'Actionaire ; & après cet aveu, de
fe retirer dans une retraite éternelle . Si fon
amant fût furvenu dans ces circonstances ,
tout étoit dévoilé , & ils fe rendoient malheureux
pour toûjours. Heureufement pour
l'un & pour l'autre , la fortune repara en
un moment tout le défordre que le rétabliffement
de la fanté du . Miffiffipien avoit
DE DECEMBRE. 103
caufé ; & ce rétabliffement que cette Dame
enviſageoit , comme le plus affreux des
malheurs , contribua au contraire à mettre
le comble à fes defirs & à ceux du Marquis.
L'heure approchoit que ce dernier venoit
regulierement voir fa charmante veave,
qui étoit , comme nous l'avons dit , dans
la refolution de ne lui rien cacher de fon
mariage avec l'Actionnaire ; lorfque le même
homme qui lui avoit donné le portefeuille,
fe fit anoncer , & entra avec un air
fombre , embaraffé & chagrin .... Quelle
nouvelle m'apportez - vous , Monfieur , dit
la Dame ? à juger par l'abbatement de vôtre
vifage , il fembleroit que mon mari eſt
retombé. Qu'en est - il ? tirés - moi , je vous
prie , au plûtôt d'inquietude.... Non ,
Madame , reprit le Confident ; il eft parfaitement
gueri : mais , quoique fa fanté me
touche autant qu'à vous , je vous avouerai
neanmoins que la mort lui auroit peutêtre
fait plus de plaifir que la vie.....
Oui , Madame , aprés ce qu'il m'a revelé,
il doit s'eftimer l'homme du monde le
plus à plaindre..... Par ce debut la Dame
fe perfuadant qu'il avoit apparemment
decouvert toute fon intrigue avec le
Marquis , l'interrompit brufquement....
Eh bien, Monfieur , puifque vous me forcez
à parler fur une matiere fi delicatte & fi trifte
pour moi , ne dois - je pas me conſiderer
I iiij
104 LE MERCURE
comme la plus infortunée des femmes ? Aprés
ce qui s'eft paffé , je croiois rencontrer , en
époufant vôtre ami , un homme qui devoit
au moins reparer par fes bonnes manieres
en mon endroit , le defaut de fa naiffance
: je trouve au contraire un mari froid ,
réveur , & fur la phifionomie duquel étoit
peint le repentir de m'avoir choifi pour fa
femme. Apprennez , Monfieur , que c'eft la
gratitude feule,& non aucune tendreffe pour
lui , qui m'a engagé à lui donner la main .
Il m'a fait à la verité quelque avantage
par fon Contrat de mariage , en ai -je joui ?
Vous le fçavez , quelle vie obfcure & con.
trainte n'ai- je pas menée depuis fix mois que
nous fommes enfemble , ou plûtôt que nous
n'y fommes pas ? Aprés une telle conduite
de la part , qu'a- t-il à me reprocher ? Eh
bien ! quand fur la foy des Médecins & des
fujets fans nombre de mécontentemens , qu'il
eft inutile de retracer , j'aurois .... Elle alloit
trancher le mot , été tentée d'époufer le
Marquis , lorfque notre confident lui coupa
Ja parole , & ne lui donna pas le tems d'achever.
Je conviens , Madame , qu'il eſt
plus encore dans fon tort que vous ne vous
l'imaginez J'entre infiniment plus que
vous ne penfez dans toutes vos peines , &
je voudrois pouvoir vous les rendre plus
fuportables ; il ne tiendroit cependant qu'à
vous de faire changer votre fort ... Eh.
la
DE DECEMBRE. 105
comment ce miracle eft- il-faiſable , repliqua
la Dame ? En reprenant votre titre de veuve
, ajouta le confident ; je fuis le maître
de vous le rendre ce titre avec fes droits :
en un mot , vous pouvez aujourd'huy devenir
votre maîtreffe , & n'être plus la
femme de mon amy... Volontiers , reprit
la Dame , parlez fans crainte , M. développez
moy, fans me faire languir, cet énigme,
& comptez fur une docilité parfaite de ma
párt... Après cette affurance , Madame ,
je ne dois plus apprehender d'éclaircir ce
furprenant myftere. Scachez que celui que
vous avez regardé jufqu'à preſent fur le
pied d'époux , ne l'eft pas , & n'a pû le
devenir , puifqu'un autre mariage a precedé
le vôtre , & que la femme eft vivante....
Que m'apprenez- vous Monfieur ?
s'écria-t-elle , quelle affreufe & quelle infigne
perfidie ! j'en mourrai ! puis - je furvivre
après ce cruel affront ! Grand Dieu !
c'eft trop me punir à la fois. Eft-il poffible
M. que vous ayez eu la barbarie de me
tirer de mon erreur ? Mais , que dis- je, vous
êtes encore cent fois plus fcelerat que lui.
Quoi ! vous le fçaviés marié , & vous avés
eu la noirceur de prêter votre lâche miniftere
pour lui fervir de témoin à me tromper
& a me deshonorer .... Vous ne vous
en tenez pas , Madame , à ce que vous
m'aviez promis , reprit froidement le confi
706 LE MERCURE
.
dent , j'excufe neanmoins vos juſtes tranfports
; & vos reproches ne font que trop
bien fondez à l'égard de votre prétendu
mary ; mais ne m'imputez pas un crime
que j'aurois été incapable de partager . Il
ne m'a fait confidence de fon indigne procedé,
que depuis le jour qu'il s'eft crû en
danger. J'ignorois entierement fon premier
engagement : Ceci doit me juftifier dans votre
elprit , & m'épargner des epithetes qui
ne me conviennent pas. Je ne remplis ici que
le devoir de mediateur . Je veux empêcher
un éclat qui , en perdant cet homme , retomberoit
cruellement fur vous... & comment
, ajoûta-t-il, pouvois- je être inſtruit
qu'il eût époufé precedemment une autre
-femme que vous ? il eft né dans une des extremitez
du Royaume ; je ne le connois que
depuis qu'il eft à Paris . Ce n'eft qu'à la vûë
du péril éminent qui le menaçoit, que fa confcience
l'a forcé de me faire le dépofitaire de
la trahifon qu'il a commife envers uneDamet
qui ne meritoit pas d'être la victime de fa
criminelle paffion. Vous ferez peut être curieufe
de fçavoir les motifs qui l'ont obligé
d'abandonner la Province & fa femme :
voilà en peu de mots ce qu'il m'en a appris ...
Mon premier malheur , me dit-il , vient de
mon ambition : comme j'étois fans naiffance
, quoi qu'avec une fortune affez paffable
pour la Province , je me mis en tête de
'illuftrer en époufant une jeune DemoiDE
DECEMBRE. 107
felle , fille d'un Gentilhomme de Bearn :
elle avoit de la beauté , de l'agrément , &
ce fut là toute fa dot ; elle m'avoit féduit
enfin , & j'ofai l'époufer avec de fi mauvais
garants Je ne fus pas long- temps fans me
repentir de mon imprudence : coquette ,
joueule , diffipatrice , emportée , capricieufe
; & pire que tout cela , me reprochant
fans ceffe l'obfcurité du lieu d'où je fortois
& ne me citant telle étoit
que fes ayeux :
ma femme. Avec un caractere fi oppofé au
mien , je prévis qu'il ne me feroit pas poffible
de continuer à vivre avec une pareille
furie. Je ne penfay plus alors qu'à m'en feparer
, & à m'éloigner d'une demeure fi
empoifonnée pour moy. J'avois eu ſoin de
ramaffer un nombre de Billets d'Etat que
j'avois acheté au tiers de la fomme qu'ils
portoient. Avec ces papiers & quelque argent
comptant , je partis à l'infçu de mon
époufe : je n'avois fait part de mon deffein
qu'à deux intimes amis , fur la difcretion
defquels je pouvois compter. Je les avois
même prié de répandre dans la Ville que
j'étois paffé en Efpagne ; & pour mieux.
confirmer ce bruit , je leur avois laiffé plufieurs
lettres dattées de Madrid , qu'ils montrerent
un mois après mon départ, & quand
ils le jugerent à propos. Cette précaution
m'étoit neceffaire pour donner le change à
mon demon domestique , qui n'auroit pas
108 LE MERCURE
manqué de me venir trouver en quelque
lieu de France que je me fuffe retiré , fi elle
n'avoit été perfuadée que j'étois dans un
Pais étranger. J'arrivay à bon port à Paris ,
& fous un autre nom que le mien , précifément
dans le temps que la Compagnie du
Milliffipi , aujourd'hui la Compagnie des
Indes , recevoit des foufcriptions en Billets
d'Etat. J'y plaçay tous ceux que j'avois ap
portés, qui m'ont produit par la fuite quelques
millions. Voilà au jufte , Madame , ce
qu'il m'a confié. Vous fçavez le refte ; il
vous vit ; il vous adora , & perdant alors
toute efperance de vous poffeder autrement
que par le Sacrement , il en a fait le mauvais
ufage qui eft la fource aujourd'hui des
malheurs de l'un & de l'autre . Convenés
cependant , Madame , que fon fort eſt encore
plus déplorable que le vôtre. Il n'eft
pas le maître de fe défaire de fa femme ,
comme il vous cft libre de n'être plus la fienne.
Cependant il vous craint encore plus que
la premiere. Si, pour vous pacifier il ne faut
que de l'argent , il facrifiera tout pour y
parvenir. Vous avez entre les mains cent
mille écus , il vous en offre encore autant ,
à condition que vous garderez un profond
filence fur cet évenement. Parlez, Madame,
de votre decifion dèpend votre bonheur ou
votre malheur commun ; car demain matin
il ne fera peut- être plus tems , puifqu'il
DE DECEMBRE. 109
eft dans la refolution de fortir de France
avec tous les effets .
La Dame , qui pendant tout ce recit avoit
feint une veritable douleur , accompagnée
de larmes & de fanglots , fembla reprendre
fes efprits : une joie fecrete qu'elle éprouvoit
dans l'ame , ne lui permit pas de s'évaporer
en nouvelles injures. Les deux cens
mille écus qu'elle gagnoit par là , avec fon
cher Marquis , & plus que tout cela , le
plaifir de le voir délivrée des chaînes in-
Lupportables qui la lioient à l'Actionnaire,
lui firent prendre un ton plus humain . Elle
auroit pu à la verité exiger encore une
fomme plus confiderable que celle qu'on
lui prefentoit , & ç'avoit été , d'abord
fon intention ; mais ce que venoit de
lui dire le confident des mefures concertées
par le Bigâme , pour le mettre à couvert
des pourfuites de la Juftice , la détourna
de ce deffein. Elle accepta en femme
adroite le parti avantageux qu'on lui
offroit. L'ami auffi charmé que la veuve du
fuccès de la negociation , lui- compta les
trois cens mille livres dont on etoit convenu
; après quoi on fe fepara avec un
ègal contentement,
A peine une affaire fi épineuſe étoit elle
terminée , que le jeune Marquis entra ; il
fut reçu encore mieux qu'il ne l'avoit été
auparavant . La Dame qui s'étoit défendue
710 LE MERCURE
jufqu'à lors d'en recevoir aucun falut , ne
fut pas fachée qu'il ufât de cette liberté.:
Comme tous les empêchemens ceffoient
par l'accord qui venoit d'être cimenté ;
elle fut la premiere à preffer fon futur de
faire dreffer leur Contract ; elle avoit plus
d'une raiſon pour ne plus differer . Les
articles furent fignez le foir même , & trois
jours après , le mariage qui avoit toûjours
été le terme de leurs defirs , fut accompli
P. S. On apprend dans le moment que
la femme de Bearn ayant deterré fon mary,
eſt venue ſe camper chez lui pour l'enterrer
tout à fait.
177
Souhait d'un Poëte pour avoir des Actions.
Nouveau papier de l'Occident ,
Enfant d'unfago miniftere ,
Venés au jour ; on vous attend
Comme notre Ange tutelaire.
Heureux , ainfi que vôtre frere ,
Voas faites fortune en naiſſant s
Vous gagnerez mille pour cent ,
Au gré de vôtre illuftre pere :
Auprés de vous plein de talens ,
Merite n'est plus que chimere ,
Et ne gagneroit pas en mille ans
Ainfi que vous l'ailez faire .
Efprit , fçavoir , bon jugement ,
Comme on fait , ne rapporte gueres. ;
Il n'eft qu'être Adionaire;
1
DE DECEMBRE. 141
On yfait fortune en dormant ,
Sans être propre qu'à rien faire ,
On s'agrandit , & l'on profpere.
Les ris , les jeux à tout moment
Bercent votre Proprietaire .
Pour lui Venus & fon Enfant
N'ont point de trait qui foit fevere.
Que vous feriés bien mon affaire ,
Nouveau papier de l'Occident !
Pour vous acquerir , comment faire ?
N'est-ce point en me foumettant.
A ce prix venez à l'instant.
De Soumiffions je fais lutiere;
Mais , s'il faut de l'argent comptant ',
Adieu papier de l'Occident :
·2
Qu'un autre que moy vous acquiere i
Car je n'ai pas denier vaillant.
Sur mon pupitre rimaillant ,
Je n'ai gagné rente , ni terre ;
A rimer le profit n'est grand,
Témoin mon corps , comme le verre
Devenu frefle transparent.
Devant moi fo tune legere
Fuit auffi vite que le vent.
Ce feroit un beau coup à faire
Que vùider nôtre different ;
Mais belas je le defefpere ,
Si Lavu un jour ne l'entreprend.
Stances Bachiques.
DEsplus riantesfleurs venez ceindre ma tête ,
Hola ! qu'on m'apporte du Vin !
De l'aimable Cloris je célebre la Fête ,
búvons , amis , buvons fans fin.
Faifons , le verre en main , un éloge fincére
Defes charmes , de fes attraits !
La verite toujoursfe trouve aufond du verre ;
112 LE MERCURE
Les Búveurs ne mententjamais .
Que lefeul Dieu du vin échauffe nôtre veine !
Les Vers que dictent fes fureurs`,
N'en cedent rien à ceux qu'aux bords de l'Hippocréne
Apollon infpire aux neuf Soeurs.
Quelle Bachique ardeur en ce moment mefreſſe !
Un délire heureux me féduit ;
Cloris vient , je la vois ; qu'une agréab e`yvreſſe
Célébre le jour qui nous luit !
4
Confiderés , amis , à travers ce Bourgogne
Cet air, ce regard gratieux !
Qu'ony boive, verfez; qu'il eft doux d'etre yvrogne
Quand on boit à de fi beaux yeux !
Leur éclat à l'égal de la liqueur divine
Sçait trouver le chemin du coeur :
Si le vin peut chaffer l'ennuy qui le domine ,
Ses yeux en chaffent la froideur.
Qu'on ornefon bouquet de pampre & de lierre ,
Arbres confacrés à Bacchus !
Qu'on y méle le mirthe & l'utilefougere
Aux bons Bûveurs comme à Venus !
Bûvons à fes appas ; que le Dieu de la treille
Fafle couler fes jours heureux !
Dans cent ans , chers amis , qu'en vuidant la
bouteille
Elle aitencore part à nos voeux .
EPITRE
DE DECEMBRE.
113
EPITRE
à Mademoiselle Chaftean , Peintre de
Portraits en Mignature .
Et
Par M. le Camus.
ftimable Chasteau , rare & parfaite amie,
Vous feule réveillés une Mufe endormie ;
De ma Lyre aujourd'hui vous ranimés les fons.
Mais je ne fisjamais que de foibles chansons ;
Et d'Auteur déclaré redoutant le vain titre ,
Mon orgueil a'alla'pas jufqu'àfaire une Epitre:
Foferai cependant , quelque foit mafrayeur ,
Rendre hommage au talent dont vous faites l'honneur.
Chafteau , qui , miexx que vous, en connoît l'excellence
?
On fait que vous joignés l'exacte reſſemblance
A l'art ingenieux du plus docte pinceau ,
Et que cet Art en vous formé dés le berceau ,
Fut le don prérieux d'une merefçavante ,
Qui l'emporta toujoursfur tout ce qu'on nous vante.
Verries- vous les travaux avec des yeux jaloux ?
Vous , dont la main centfois les a furpaffés tous
De tant d'amans, heureux les vivantes images
Ont en votrefaveur emporté les fuffrages .
Je vous vois de l'amour partager les autels ;
Vous faites avec lui le bonheur aes mortels ;
Votre aimable fecours , votre fçavoir fuprême ,
Fait que l'on eft fans ceffe avec l'objet qu'on aime
Parlés ! combien de fois de l'empire amoureux
Avés- vous adouci les tourmens rigoureux ?
Et corrigeant l'horreur d'une trop longue abfence
Soutenu dans un coeur l'amour & la conftance ?
Combien defois auffi par un crime innocent ,
K
114 MERCURE LE
•
Avés-vous d'un Iphis fçu faire un inconftant ?
Damon qui croit qu'Iris n'aura point de pareille ,
Dans un Portrait fini trouve une autre merveille ;
· Etfes regards féduits par des traits imités ,
Lui font , pour l'aimer trop , mille infidelités.
Il y voit cet air doux , ce tendre caractere ,
Cefront poli , ce nés , & ces yeux faitspour plaire ;
Cette bouche où l'amour fe trouve refferré ,
Ces cheveux d'un beau noir ajuftés àſon gré,
Ce coloris charmant , cette blancheur parfaite ;
Enfin , tel eft l'excés oùfon erreur lejette ,
Quepour trop s'occuper d'un spectacle fi doux ,
Il ne fe fouvient plus d'un tendre rendés -vous :
Ce bien trompeur nourrit & fatisfait fa flamme ;
lly voit de l'efprit , ily trouve de l'ame :
Cette Iris à fesyeux n'a rien de different.
Tel eft le rare effet de vôtre heureux talent ,
Chafteau ; mais en loüant vôtre Pinceau fidelle ,
Puis -je , fans trop ofer , porter plus loin mon zele ,
Et célébrant ici vos rares qualités ,
Vous dire , malgré vous d'aimables verités ?
Depuis l'instant heureux que l'amitié nous lie ,
Cette fage union ne s'est point affoible ;
Et mes efprits pour vous juftement prévenus ,
M'ontfait depuis long temps admirer vos vertus :
Il n'en eft point, Chafteau , dont le Ciel ne vous pare,
Ce n'eft point de l'encens qu'icije vous prépare ;
On fait affez ,fans moy , quelle eft vôtre douceurs
Quels noblesfentimens regnent dans vôtre coeur.
Vous obfervés en tout l'exade politeffe ,
Vous nepenfès jamais qu'avec délicateffe ,
Et voire efprit egal , gracieux , complaisant ,
Pour les fenfibles coeurs n'est que trop féduiſant :
Mais en vain de l'amour vous allumés la flamme ,
Les voeux les plus foumis bleffent toujours vôtre
ame
Cependant, quelmortel peut vous voir fans danger?
Le plus indifferent est prest à s'engager ,
Quand, pour bien imiter les traits qu'il vous préfente
,
Y
DE DECEMBRE. 217
> par
>
Prouvez , amans des effets ,
Le doux pouvoir de nos atraits
Et non par des paroles s
Vos complimens les plus parfaits
Ne font que fariboles :
Faites-nous de plus doux billets ,
Non des écrits frivoles.
Suprimez votre paffion ,
Je veux de la foumiffion
Et non de la conftance ,
Pour peindre votre affection
Avec plus d'éloquence ;
Amans , parlez-nous d'Actions ;
Ou gardez le filence.
J'aime à prefent mieux mille fois
Le doux fejour de Quinquempoix ,
Que l'Ile de Cythere :
On y fait d'aimables emplois
Sans Contrat , ni Nótaire ; ·
L'amour a vendu fon carquois
Pour être Actionnaire .
Il tient là fon petit comptoir ,
Et fait fort bien faire valoir ,
Ses effects fur la Place :
>
A chaque instant croift fon pouvoir ;
Des trefors il entaffe :
Auprés de lui qu'il fait beau voir
Agroter les Graces !
Fr8
LE MERCURE
NOUVELLES ETRANGERES.
PERSE.
D'IS PAHAN le 30 Juin 1719
ON
Na reçu ici un Exprès de l'Inde , avec
avis d'une confpiration qui avoit été
executée contre le Grand Mogol , à l'occafion
de fon mariage avec une Princeffe
Payenne , fille d'un Prince voifin de fes
Etats. Ce mariage déplaifant infiniment à
fes Sujets , à caufe de la difference extréme
entre la Religion Mahometane & celle des
Payens , fes Miniftres lui avoient fait fouvent
de tres fortes remontrances , pour le
porter à repudier cette Princeffe. Bien loin
d'écouter leurs confeils , il avoit laiffé prendre
à cette Princeffe un fi grand empire far
fon efprit, qu'elle étoit devenue la maîtreffe
abfolue non feulement de fa perfonne , mais
auffi du Gouvernement, jufques - là qu'ayant
attiré un grand nombre de Payens dans
la Capitale , ils y étoient devenus fi puiffans
, qu'on craignoit qu'il ne fe laiſſat
perfuader à embraffer & à introduire la Religion
Payenne dans fes Etats . Cette crainte
détermina tous les principaux Seigneurs de
fa Cour , non feulement à la détrôner , mais
DE DECEMBRE. 119
mêmeà le faire mourir par le poifon , après
lui avoir crevé les yeux ; & l'on mit d'abord
fur le trône un autre Prince , fils de fon predeceffeur
, âgé de douze ans . Cette revolution
s'eft faite en cinq heures de temps , fans
avoir caufé aucune émotion ni à la Cour ,
ni parmi le Peuple ; & la tranquilité a été
affermie par la fuite des Payens, qui s'étoient
trop ingerés dans les affaires d'Etat . La guerre
continue toûjours dans ce Royaume- ci ,
fans que le Sophi ni le rebelle Mervehis
ayent encore entrepris rien de confiderable
P'un contre l'autre , & leurs armées font fort
tranquilles de part & d'autre.
POLOGNE.
A Varfovie le 8 Decembre 1719.
Munch , Commandant de cette
Mville , arriva ici de Frauftadt le 15
du mois dernier avec les Univerfaux du
Roy, pour la convocation de la Diete ge
nerale du Royaume, dont l'ouverture ſe fera
le premier Janvier prochain. Le Roy qui eft
retourné le 10. de Frauftadt à Drefde , doit
fe rendre dans cette Capitale fur la fin de
Decembre. Le Fourier de la Cour eft actuellement
occupé à retenir les logemens pour
les Miniftres & Officiers de la Maifon du
Roy. Il a été ordonné qu'on feroit une viIZO
LE MERCURE
fite exacte dans toutes les maiſons de cette
Ville , afin de reconnoître s'il n'y avoit aucun
refte de mal contagieux . Il a été refolu
de placer en même temps des gardes à toutes
les portes & fur les avenuës , afin d'empêcher
qu'il ne s'y gliffât des Vagabonds des
pais infectez. Le Palatin de Matovie , nommé
par le Roy Ambaffadeur vers le Czar ,
eft fur fon départ pour fe rendre à Petersbourg.
Comme le grand Treforier n'a pû
lui délivrer les cinquante mille Timfes poar
les frais de fon voyage , le Prelat nommé
à l'Evêché de Cracovie , a fait compter à ce
Palatin cette fomme. Ce dernier a été obligé
d'hypotequer à cet Evêque pour fureté
de cet argent une de fes Tetres. Le Roy ne
fut pas plûtôt de retour à Drefde , qu'il y
donna ordre d'augmenter tous fes Regimens
, & de remettre fur pied la Milice qui
avoit été congediée ; ce qui fait préfumer
que cette armée pourroit bien être deſtinée
pour la défente de la Pologne. Nos avis de
Mofcou & de Petersbourg conviennent
tous unanimement des grands preparatifs de
guerre qui fe font dans toute l'étendue des
Etats du Czar , tant par terre que par mer.
On mande de Lithuanie que les Troupes
Mofcovites qui avoient campé fous le canon
de Riga , s'étoient miles en marche
pour fe rendre en Finlande , afin d'y former
une armée de cinquante mille hommes ,
Sa
DE DECEMBRE.
12r
Sa Majesté Czarienne prétend faire agir fes
Troupes cet hiver contre la Suede , dans le
deffein d'obliger par la force des armes cette
Couronne à faire la paix,avant qu'elle puiffe,
être fecourue au printems prochain par
quelques Puiffances. Ce même Monarque.
a auffi refolu de faire avancer vers la Curlande
un autre gros Corps de Troupes , &
il a en même temps donné d'autres ordres
pour affembler un Camp volant de trente
mille hommes , tout compofé de Cofaques
`& de Kalmonques qui camperont auprès de
Kiovie , afin d'être prêts à tout évenement.
Le Roy à fon arrivée à Drefde , regala
la Princeffe fa belle fille , d'un collier de
perles , eftimé cinq cens mille florins , &
d'une peau de Sobole du prix de cinq cens
ducats. M. Bentkowsky ayant enlevé dernierement
la femme de M. Gorreky , celuicy
monta d'abord à cheval, & trouva le Raviffeur
dans une Hôtellerie avec ſon Epoufe.
Ces deux Gentils- hommes en vinrent
bien- tôt aux mains : ils
commencerent d'abord
leur combat par le fabre , & le finirent
à coups de piftolet ; mais le pauvre
Gorreky eut le malheur d'être tué. M. Bentkowsky
fut arrêté fur le champ avec la
femme du mort, & les deux Coupables ont
eſté conduits dans les prifons de Lublin , où
l'on inftruit leur procès , On continuë toû-,
jours à dire que la Porte refufe de renou-
L
122 LE MERCURE
veller la tréve avec le Czar ; ce qui pourroit
bien être ſuivi d'une rupture entre ceș
deux Puiffances.
INGERMANIE.
A Peterbourg le premier Decembre 1719.
Lazac & autres
E. Czar a envoyé plufieurs Officiers à
Dantzic & autres Ports, avec ordre d'y
énrôller tous les Matelots qui voudront
entrer à fon fervice ; d'augmenter les gages
ordinaires , & de ne rien épargner pour engager
ceux qui font experimentés dans la
navigation . On a publié ici , de même qu'à
Riga , Rével , & autres Ports , une Ordonnance
de Sa Majefté Czarienne , par laquelle
il eft expreffément enjoint à fes Fregates
& Armateurs , de traverfer , autant
qu'il fera poffible , la navigation des autres
Nations avec la Suede , fous promeffe de
donner à chaque Matelot une recompenſe
au delà du butin qu'il pourra faire.
Le Czar , qui partit de cette Ville au commencement
de l'autre mois , pour aller à
Ivanogrod , n'eft pas encore de retour ; il
eft allé vifiter le canal de communication
que l'on a fait entre les lacs de Lonega & de
Ladoga. On a retiré depuis deux ans par
ce dernier lac, des materiaux fuffifans pour
conftruire cinquante Vaiffeaux de Guerre ,
DE DECEMBRE. 123
que
outre les Galeres & autres petits bâtimens.
Sa Majesté fe flatte que ces travaux feront
achevez dans deux ans. Comme il y aura
une communication de ces Canaux dans le
Volga , Elle efpere attirer par là le commerce
de la Perfe dans fes Etats , & c'eft dans
cette vûë que ce Monarque fit partir le printems
dernier un Miniftre chargé de riches
prefens pour le Roy de Perfe. On travaille
ici fans relâche à la conftruction des Vaiffeaux
; & Sa Majefté Czarienne a fi fort à
coeur cet ouvrage , que pour animer davantage
les ouvriers , elle leur fait donner double
paye. A juger par les autres preparatifs
de guerre extraordinaires l'on fait ici ,
il paroît que Sa Majefté veut agir avec
de grandes forces. Ce Prince a confié
âu General Amiral Apraxin le commandement
en chef de toutes les forces , tant
navales que militaires fur la frontiere de
-Finlande . Plufieurs Ingenieurs font paffez
dans cette Province , pour y fortifier les
Villes d'Abo & celle d'Heifinguos. Le Colonel
du Regiment de Mekelbourg a eu la
tête tranchée par ordre de ce Monarque , &
le Lieutenant Colonel a été empalé. M. Jef
freys, qui a été Miniftre du Roi de la Grande
Bretagne auprès de Sa Majefté Czarienne,
a quitté cette Cour, & s'en eſt retourné
en Angleterre.
Lij
ཱ་ མ
824
LE MERCURE
SUEDE .
A Stokolm le 6 Decembre 1719.
E Traité entre le Roy de la Grande
Bretagne & cette Cour, fut figné le
20 du mois paffé par les Miniftres Plenipotentiaires
des deux Courones : ils font
occupez prefentement à l'Acte de renou
yellement de l'Alliance entre S. M. Britanique
& Suedoife . Depuis la publication
de l'armistice , ou fupenfion d'armes entre
cette Couronne & celle de Danemarc , la
joye s'eft generalement repandue dans toutes
les parties de ce Royaume.
Les Etats du Royaume , compofés des
Députés du Clergé , de la Nobleffe , des
Bourgeois, & des Payfans , s'affemblerent
le 25 de ce mois , fuivant les Lettres patentes
que la Reine fit publier le 12 du
mois paffé.
Milord Carteret , Ambaffadeur du Roy
de la Grande Bretagne , a été difpenfé par la
Reine de faire fon entrée publique dans cette
Capitale , fuivant la coutume . Sa M , Suedoife
n'en a ufé ainfi , qu'afin qu'il n'interrompît
point fes conferences avec les Commiffaires
de cette Cour : elles roulent fur la
reftitution des Vaiffeaux Anglois qui ont été
cy- devant confifqués , Les affaires, touchant
DE DECEMBRE.
cette commiffion , font tellement avancées,
que l'on fe flate qu'à l'ouverture du Congrés
de Brunfwik , toutes les parties intereffées
feront pour lors d'acord. M. Burmania
, Ambaſſadeur Extraordinaire des
Etats Generaux , arriva le 25 de l'autre
mois en cette Ville.
M. Rantzau, Envoyé du Duc de Holſtein,
a reçû ordre de fe retirer inceffamment du
Roïaume, n'ayant pû être admis à l'audience
de S. M. ni obtenir la permiffion de delivrer
les lettres dont il étoit chargé , tant
pour la Reine , que pour les Senateurs &
les Etats du Royaume. On fçait que ces
lettres tendoient , non feulement à juſtifier
les raifons qui ont engagé le Duc fon
Maître à prendre le titre d'Alteffe Royale ;
mais encore à prouver fon droit inconteftable
à la fucceffion de la Couronne , en
qualité du plus proche heritier , après la
mort de la Reine. Comme ces pretentions
font directement oppofées aux refolutions
prifes par les Etats du Royaume , fçavoir,
qu'aprés le decés de S. M. la Couronne fera
déclarée élective , la Reine a jugé à propos
de faire retirer cet Envoyé , pour prevenir
les divifions que ce MMiinniiffttrree aauurrooiitt pu femer
dans l'Affemblée des Etats du Royaume.
LaReine ayant touché des fommes confiderables
de plufieurs Cours, a ordonné que l'on
recruteroit les troupes , ce qui poura fe faire
Liij
126 LE MERCURE T
facilement dans quelques Cantons , & trés
difficilement dans quelques autres. Le tour
doit monter à quatorze mille cinq cens
hommes. La Reine & le Senat ont fi fort in
fifté auprés du Roy de la Grande Bretagne ,
pour faire reftituer la Pomeranie à cette
Couronne , qu'ils en ont reçû une réponſe
favorable.
Il a été réfolu dans le Confeil d'Etat de
congedier tous les Officiers Allemans qui
font à notre ſervice , excepté le Colonel
Durin qui confervera fon Regiment Allemand
compofé de quinze cens hommes..
Le Baron de Knyphaufen , Miniftre Ple
nipotentiaire du Roy de Pruffe , eft arrivé
depuis un mois en cette Cour , & a eu
un accueil favorable de la Reine & du
Prince hereditaire . Milord Carteret
doit fe rendre au Congrés de Brunſwik ,
en qualité de Miniftre Plenipotentiaire de
S. M. Britannique , dés que les Traités auront
été mis en état d'être conclus &
fignés. M. Withwort y aura la même
qualité de Plenipotentiaire. Ce dernier fera
chargé de dreffer lefdits Traités avec les
Plenipotentiaires des autres Puiffances intereffées
à la paix du Nord.
A Hambourg le 18 Decembre 1719.
E Syndic Anderſon , & le Conſeiller
Fell,qui étoient allés à Hanover de la
DE DECEMBRE. 127
part du Magiftrat, en revinrent le 3 en cette
Ville. Suivant leur rapport , le Miniftre de
l'Empereur ne veut entrer dans aucune ne
gociation , au fujer de la Maifon Imperiale
& de la Chapelle qui ont été pillées . Surquoy
nôtre Magiftrat a écrit une Lettre fort
foumife à S. M. I. pour la prier de vou→
loir bien moderer les demandes de M. Lemcke
ſon Reſident : Que pour preuve de
la droiture de fes intentions , il étoit prêt
d'executer les 4 points fuivans. 1o. De rendre
, ou de faire bons tous les effets enle
vés à fon Refident . 20. D'acheter la Place
de la Chapelle , & celle de la Mailon de cet
Envoyé. 30. De payer tous les Ornemens ,
Vafes facrés, & effets pillez dans le dernier
tumulte , & de donner enfin audit Refident
un logement pour cent perfonnes : cependant
, nous fommes menacés d'être bientôt
vifités par deux Regimens Imperiaux , au
cas qu'on differe plus long-temps à donner
une prompte & entiere fatisfaction à Sa
M. I.
On eft fort impatient d'apprendre de
quelle maniere tourneront les affaires du
Duc de Mekelbourg - Swerin , avec d'autant
plus de raiſon que le dernier terme
prefcrit à ce Prince , va expirer. Comme il
refufe toûjours de liquider fes droits avec
la Nobleffe de fon païs , devant les Commiffaires
établis par l'Empereur, cette Nobleffe
Liiij
128 LE MERCURE
a fupplié très inftamment S. M. Imperiale
de donner un nouveau Mandement pour
ôter à ce Prince tout pretexte d'exception
contre fes Commiffaires .
On mande de Drefde que pendant les
fêtes qui s'y font données à l'occaſion du
mariage du Prince Electoral & de l'Archiducheffe
, il y eft arrivé un Evenement affez
fingulier... On portoit en terre une femme
que l'on croyoit morte ; on étoit prét de la
mettre dans la foffe , lorfque cette femme
faifant effort , enleva le couvercle du cercueil
, & fe mit fur fon feant , en criant de
toute la force & d'une voix lugubre. Tous
les affiftans en furent fi fort effrayez , qu'ils
prirent la fuite. Le mary qui fe trouva prefent
à une apparition fi extraordinaire, en
fut fifaifi lui même , qu'il tomba mort fur la
place. Quelques perfonnes s'étant raſſurées ,
revinrent fur leurs pas , & furent fort furprifes
de trouver lafemme en vie , & Son
époux veritablement mort . On remmena cette
femme chez elle , & on remit dans le même
cercueil ce pauvre homme. * Cette femme
eft actuellement en parfaite fanté.
Le Czar eft fort irrité de ce que le Capi-
* Ce fait n'eft pas récent , & il y a un anacronifme
de 20 ans , puifque ce fut en 1 680 que cet
évenement arriva. Il est bien vrai que cette femme
eft morte , & a été enterrée au mois de Septembre
dernier , âgée de 82 ans.
DE DECEMBRE. 729
aine France a été obligé de brûler * fes
trois fregates qui étoient bloquées depuis
long-temps par les Vaiffeaux Suedeis , auprés
de Dantzic. Ce Capitaine qui avoit refolu
de fe retirer avec les équipages de fes
Fregates , par terre en Mofcovie , a changé
de deffein ; il veut auparavant attendre les
ordres du Czar fon maître. L'ordonnance
pour la fufpenfion d'armes & la ceffation
de toutes hoftilitez par terre & par mer durant
fix mois , entre le Dannemarc & la
Suede, a été publiée à Coppenhague & dans
toute la Norwege , & s'obferve exactement
de part & d'autre.
Le Vaiffeau fur lequel s'étoit embarqué
à Stokholm le Sieur de Bie , cy- devant Miniftre
des Etats Generaux à la Cour de Suede
, pour retourner en Hollande, eft péri le
14 du mois paffé fur les côtes de Jutlande,
avec tout l'équipage , dont il ne s'eft fauvé
que neuf Matelots . Ce Miniftre eſt un de
ceux qui a eu le malheur de périr , de même
que fon Epoufe , dont les corps ont été
pêchez & tranfportés dans la maifon du
Miniftre de cette Ifle.
Le Vice-Amiral Tordenfchild eft rentré
dans le Port de Coppenhague. Le Roy de
la Grande Bretagne a declaré le Baron de
* D'autres Lettres portent qu'il s'eft contenté
d'en faire defarmer deux,
130 LE MERCURE
Bulow Gouverneur des Duchez de Bremen
& de Ferden. On croit que S. M. Britanique
conferera le commandement general
de fes Troupes Hanovriennes , au Comte
de Schulembourg , qui eft actuellement au
ſervice de la Republique de Venife.
Le Roy de Dannemarc fait recruter fes
Troupes , & prétend que la remonte de fa
Cavalerie fera entierement finie au premier
Mars prochain.
A Vienne le 15 Decembre 1719 .
Ldition de la Citadelle de Meffine , eft
A joie que l'on a conçûë ici de la redinexprimable.
On ne doute plus à prefent
que le reste de la Sicile ne foit enfin forcé
de fe foumettre à la domination de Sa Ma
jesté Imperiale. Cette Cour paroit fort irritée
contre les Païfans de cette Ifle , qui
n'ont fait aucun quartier à tous les Imperiaux
qui leur tomboient entre les mains ;
ils avoient même eu l'infolence de inertre
Tur leurs Drapeaux , cette devile, Sepulchram
Germanorum , autrement le tombeau des
Allemans. Leurs Majeftez Imperiales étant
allées prendre le divertiffement de la chaffe
auprès de Lintz , y inviterent l'Ambaſſadeur
de la Porte pour s'y trouver. On le plaça
dans un des meilleurs endroits , pour tirer
avec des fleches fur les bêtes fauves qui y
DE ** 13 % DECEMBRE.
pafferoient. Ce Miniftre dans fon compliment
de remerciement , dit , entr'autres
qu'il ne meritoit point tous les honneurs
dont il étoit comblé par S. M. I. ne les
attribuant qu'à fon feul caractere d'Ambaffadeur
, & non à fa perfonne , & qu'il ne
manqueroit pas d'en faire fon rapport au
Grand Seigneur fon maître.
Nos dernieres Lettres de Conftantinople
portent que le Comte de Virmond , Ambaf
fadeur extraordinaire de l'Empereur à la
Porte , étoit venu prendre un logement au
Fauxbourg de Pera , attendant toujours fon
audience de congé . Il y avoit plus de deux
mois qu'il campoit fous des tentes , à caufe
de la pefte qui faifoit de grands ravages
dans la Ville : Elle eft à prefent confidera
blement diminuée . Les Turcs continuent
à établir plufieurs ponts fur le Danube , &
à faire défiler des Troupes vers les frontie
res de Mofcovie : Pour plus grande précau
tion, la Cour a ordonné que l'on envoyeroit
plufieurs Barques chargées de provifions de
guerre & de bouche , pour en pourvoir les
principales Places qui font fur le Danube .
Le 22 du mois paffé , l'ouverture de la
Diete des Etats de la Baffe Autriche fe fir
avec les ceremonies ordinaires. L'Empereur
s'étant affis fur fon Trône dans la grande
Salle où le tient cette Affemblée , le Comte
Philippes-Louis de Sinzendorf, Chancelier
132
LE MERCURE
Aulique , declara aux Prelats , Seigneurs ,
Nobles, & Deputez des Villes & des Bourgs,
les intentions de S. M. I. par un difcours
qu'il leur adreffa , par lequel il conclur
que S. M. I. attendoit de la fidelité & de
F'obéiffance des Etats , qu'ils lui accorderoient
un fecours promt & fuffifant pour
pouvoir contribuer au bien public , & au
fuccès de fes intentions, L'Empereur ayant
enfuite parlé fur le même fujet , le Comte
Louis-Thomas Remond de Harrach , Marêchat
Provincial & Colonel General de la
Baffe Autriche , répondit que les Etats recevoient
avec reconnoiffance les témoignages
de bonté, & les foins paternels de S.M.I.
Qu'ils examineroient avec foin leurs forces
qui étoient fort diminuées par les grands
fubfides accordés depuis plufieurs années ,
afin d'executer , autant qu'il leur feroit
poffible , ce qu'Elle leur faifoit propoſer ;
& foutenir les juftes entreprifes pour parvenir
au promt rétabliffement du repos public
, à l'augmentation de la gloire immortelle
de S. M. I. lui fouhaittant en même
tems une nombreuſe pofterité. Le Refultat
des Deputez des Etats d'Autriche a été enfin
d'accorder à l'Empereur neuf cens deux
mille florins , & deux mille trois cens quatorze
hommes de recrûë , outre les chevaux
de remonte , la farine & le fourage. D'un
autre côté le ſubſide accordé par les Etats
DE 133
DECEMBRE.
de Flandre à l'Empereur , monte à huit
cens trente mille florins.
Le 29 du mois dernier la Cour reçut un
Exprès de la Haye , depêché par le Comte
de Windifgratz , notre Miniftre auprès des
Etats Generaux , avec la convention conclue
le 14 du même mois entre l'Empereur,
le Roy Tres-Chrétien , & le Roy de la
Grande Bretagne , au fujet d'un nouveau
terme de trois mois accordé à l'Eſpagne
pour accepter les conditions ftipulées par
fe Traité de la quadruple alliance . S. M.I.
doit envoyer dans peu un Miniftre à Stokholm
, & le Comte Conrad de Staremberg
fe difpofe à partir pour Londres , en
qualité d'Envoyé extraordinaire & Plenipotentiaire
de S. M. I.
On mande de Suiffe que les differends
furvenus entre le Canton de Glaris & les
Habitans d'Ovvartemberg , & le Prince de
Porentru , Evêque Titulaire de Bâle , & la
Bourgeoisie de Bienne , ont été terminés à
l'amiable .
L'affaire du Palatinat eft toûjours fur le
même pied. Toutes les inftances des Miniftres
des Puiffances Proteftantes ont été
inutiles jufqu'à prefent. L'Empereur qui
en prévoit les fuites , a ordonné au Comte
de Schonborn Chancelier de l'Empire , de
fe rendre à Heildelberg , pour tâcher de
terminer ce differend. On ne voit que nou£
34 LE MERCURE
veaux Memoires de part & d'autre fur cette
affaire. I eft certain que le Roy de la
Grande Bretagne a ufé de reprefailles dans
fes Etats d'Hannover ; en faifant fermer
plufieurs Chapelles de Catholiques Romains.
De plus , le Miniftre du Roy de
Pruffe , qui eft en cette Cour , a declaré à
P'Empereur que le Roy fon maître étoit
dans la refolution de mettre en poffeffion
fes Sujets Reformés , de l'Eglife Cathedrale
de Minden , & du Couvent Hamersleben
occupés par les Catholiques Romains.
Le jeune Duc de Holftein- Gottorp arriva
en cette Cour le 15 du mois paffé ,
avec une fuite peu nombreuſe.
Le 12 on envoya de Hambourg à Coppenhague
& à Stokholm , les Lettres Imperiales
, pour exhorter le Roi de Danemarc
& la Reine de Suéde , à envoyer inceffamment
leurs Plenipotentiaires au Congrés de
Brunſwik ; & l'on mande de Vienne que
de pareilles Lettres avoient été envoyées au
Czar de la part de S. M. I. Quelques avis
de Petersbourg , portent que le Czar avoit
dépêché un Lieutenant General , pour prier
l'Empereur de vouloir être Mediateur entre
S. M. Czarienne & la Reine de Suede.
On parle d'établir ici un Confeil pour
les affaires du Commerce d'Orient. L'Empereur
doit fournir pour la côte- part cent
mille florins. A fon exemple , plufieurs MiDE
139
DECEMBRE.
niftres & autres Seigneurs de la Cour y
emploieront de groffes fommes , pour faire
Heurir ce Commerce.
GRANDE- BRETAGNE.
A Londres le 25 Decembre 1719.
.
E Roy ayant mis à la voile de Helvoeftluys
le 24 du mois paffé , arriva
le 25 à Gravefend . S. M. étant montée
en caroffe , vint defcendre fur les fept heures
du foir au Palais de Saint James , au bruit
du canon du Parc & de la Tour , & aux acclamations
des Peuples. Il y eut des illu
minations de feu , & des rejoüiffances par
toute la Ville. Le 26 la Nobleffe , les Miniftres
Etrangers , fe rendirent au Palais ,
où ils eurent l'honneur de faluer S. M. &
de la feliciter fur fon heureux retour,
Me. La Ducheffe de Kendalle & les autres
Dames , qui avoient accompagné le Roi
dans fon voyage , debarquerent en même
tems que S. M, & la fuivirent au Palais .
Le 27 le Lord Maire , accompagné des Aldermans
de cette Ville , alla faluer le Roi
à Saint James , qui le recut trés-gratieufement.
S. M. honora du titre de Chévaliers
, le Sieur Jean Tash un des Scherifs ,
& le Sieur George Ludland , Chambellan
de cette Ville .
136 LE MERCURE
Il s'éleva la nuit du 25 au 26 , le lendemain
de l'arrivée du Roi , un orage fi
violent , qu'une barque Flamande venant
de Lisbonne , fit naufrage prés de Gravefend
; un brigantin fila fur fes anchres dans
les Dunes , & alla échouer dans la Baye de
de Sandwich , & cinq Vaiffeaux firent naufrage
fur la côte de Hollande .
Le 3 il fe tint une Affemblée de plus
de foixante des principaux Membres de la
Chambre Baffe , du parti de la Cour , dans
le Bureau de M. Craggs , & le même.
foir il y eut un grand Confeil à S. James.
Le 4 le Roi fe rendit dans la Chambre
des Pairs avec les ceremonies accoûtumées .
S. M. ayant mandé les Communes , donna
fon diſcours par écrit , qui fut lu par le
Lord Parcker Chancelier.
MYLORDS ET MESSIEURS.
LASatisfaction avec laquelle j'ai accoûtnmé
de me trouver avec vous , eft confiderablement
augmentée dans cette conjoncture
; puifqu'il a plu à Dieu de favorifer
les armes de la Grande Bretagne & celles
de nos Alliés , & de faire tellement profperer
nos diverfes Negociations , que par la
benediction qu'il a repanduë fur nos travaux ,
nous pouvons raiſonablement nous promettre
de recueillir bien- tôt les fruits de nosfuccés .Je
fuis
DE DECEMBRE. Y37
10
fuis perfuadé que tous mes bons Sujets conviendront
, que c'est un dédommagement ſuffifant
pour quelques depenfes extraordinaires
qu'il a fallu fatre , puifque toute l'Europe
eft fur le point d'être delivrée des calamités de
la guerre , par l'influence des Armes & des
Confeils de la Grande Bretagne . Un Royaume
Proteftant a déja été ſauvé par l'interpofition
que Nous y avons employée fi à propos ,
& nos derniers Traités ont posé un fondement
& une union entre les plus conſiderables
Puiffances , qui contribuera trés - efficacement
à la fûreté de notre fainte Religion.
Je croy que vous ne pouvez qu'être fort
furpris de la continuation d'une guerre dans
laquelle nos Ennemis ont tout à craindre
rien à efperer ; il feroit en effet fort
difficile de former aucun jugement des Confeils
qui ont éclaté , depuis quelques tems ,
par des mesures fi temeraires , & fi mal
concertées. S'ils comptent far nos divifions
domestiques , je ne doute pas qu'en fort pen
de tems les efperancès que cette attente leur
a données, ne foient auſſi vaines, & auſſi mali
fondées , qu'aucuns ' de leurs precedens projets.
En me rejoüiffant avec vous de cette heureufe
fituation des affaires, Je dois vous dire que
comme j'ai rempli de mon côté avec beaucoup
defidelité & d'exactitude , mes divers engagemens
avec mes Alliez, auſſi j'ai reçû de
M
138
LE
MERCURE
lear part des retours d'aſſiſtances ſi fincèrès
¿ſi puiſſans , que Je ne doute pas qu'ils
·´n'établiſſent une amitié durable entre Nous.
Malicuts de la Chambre des
Communes.
a
Vous verrez par les comptes que fai or
donné que Pon vous remit , avec quelle
moderation Je me fuis fervi du pouvoir que
vous m'avez donné a'augmenter més forces
de Mer& de Terre. Je me repoſe ſur cette
affection & fidelité éclatante que vous avez
toûjours fait paroître pour ma Perſonne ¿ª
mon Gouvernement ; m'affûrant que vous
montrerez toute la vigueur requife en accor
dant les fubfides de cette année. Pour cet
effet , J'ai ordonné qu'on vous preſentât les
eftimations neceffaires ; Je dois en mêmetems
vous recommander de rechercher les moyens
les plus propres à diminuer les dettes de la
Nation.
Mylords & Meffieurs.
Vous ne pouvez qu'être fenfibles à tant
de troubles peu meritez & denaturez ›
que J'ai éprouvés pendant le cours de mon
Regue : Nos diviſions domeftiques , exageréès
d'ici an dehors , en infpirant à quelques
Puiffances Etrangeres une fauffe opinion de
nos forces , les ont engagés à Nous traiter
>
DE DECEMBRE
139
d'une maniere, que la Couronne de la Grande
Bretagne ne fouffrira jamais , tant que Je la
porterai. Les difficultés & les dépenſes que
ces Puiſſances nous ont cauſées , ont été le ſujet
des plaintes ¿& des clameurs de ceux qui
y avoient donné lieu : mais , comme J'ai combattu
jufqu'ici ces mêmes difficultés par votre
affistance , F'espere par cette même affiftance
les furmonter dans peu entierement ; la main
de Dieu nous ayant fi favorablement protegés
dans toutes nos entreprises.
Si les neceffités de mon Gouvernement ont
excité quelquefois votre fidelité & votre affection
pour Moi , jufques à me confier un
pouvoir que vous devez toûjours être foi
gneux d'empêcher qu'on n'y donne atteinte,
vous devez reconnoître que ces occafions ont
été autant de preuves de l'entiere confiance
que vous pouvez toûjours prendre en moy : ¿
comme Je puis affirmer avec verité que jamais
aucun Prince n'a été plus appliqué à
étendresa propre autor té, que fe le fuis, à proteger
la liberté de mon Peuple , J'espere que
vous penſerez aux moyens les plus convenables,
pour fixer & tranſmettre à votre poſterité, la
liberté de notre heureuſe Constitution ,&particulierement
pour prendre soin de cette partie
dent on peut le plus abufer. Je mefçai bon
gré d'être le premier qui aie donné occaſion
de la mettre en fûreté ; & Je dois vous recommander
d'amener à leur perfection les me-
Mij
140
LE MERCURE
fures qui font demeurées imparfaites dans la
derniere Seance : autant que la prudence
•·humaine en peut juger , l'unanimité de cette
Seance doit établir avec la paix de l'Europe ,
la gloire & le commerce de ces Royaumes , fur
un fondement folide. Je croy que chacun
peut voir que Nous touchons à la fin de nos
travaux, tout ce que J'ay à vous recommander
, c'eft de vouloir confentir à être un
Peuple grand & floriſſant , puisque c'est par
ce feul moyen que Je defire de devenir un
Roi heureux.
Ce même jour les Seigneurs & les Communes
ayant refolu de prefenter leurs Adreffes
au Roi pour le remercier de fa Harangue
, prirent jour pour le 7. Voici celledes
Seigneurs.
TRES- GRACIEUX SOUVERAIN.
Nous , les Trés-humbles &trés-fideles Sujets
de V. M. les Seigneurs Spirituels
Temporels affemblés en Parlement , demandons
permiffion de feliciter V. M. de fon
beureux retour dans ce Royaume, &fur les
grands fuccés dont il a plu à Dieu de benir les
fages mefures que V. M. a prifes pourprocurer
la paix en Europe.
C'est avec une joye & une fatisfaction
inexprimable , que nous voyons la preſente
DE DECEMBRE. 141
heureuſe union entre S. M. & les autres
grandes Puiffances Proteflantes, laquëlle
tend fi vifiblement à la fûreté de notreſainte
Religion. Nous souhaiterions pouvoir exprimer
notre profonde reconnoiffance de l'interpofition
que V. M. a faite fi à propos pour
les pauvres Proteftans , perfecutés dans les
Pays étrangers , & nous fuplions trés - humblement
V. M. de vouloir bien leur continuer
votre puiffante protection , & vos bons
offices.
Nous demandons auſſi permiſſion d'aſſirer
V. M. que nous employerons tout notre
pouvoir , pour affifter & foutenir V. M.
dans toutes les autres mesures qu'Elle jugera
neceſſaires par la fuite pour parvenir au
grand point de vûë qu'elle se propoſe ; ſçavoir
, la fûreté du Commerce , la gloiré de
ces Royaumes , & la tranquilité generale de
toute l'Europe ; & nous nous promettons que
toute la Terre fera dans peu convaincuë“ ,
avec combien peu de fondement les ennemis
de V. M. de vos Royaumes fe font flattez
de retirer quelque avantage de nos divifions
domestiques.
Nous manquerions à notre devoir envers
V. M.& notre Patrie, fi nous ne rendions pas
à V. M. nos plus finceres remerciemens pour
ce tendre foin, & cette affection fans exemple,
qu'il a plu à v. M. de nous témoigner
dans fa trés gracieufe Harangue , pour les li
342 LE MERCURE
celles de notre
heureufe Conftitution ; ce qui doit neceſſairement
attirer à V. M. une trés profonde
reconnoiſſance de tous fes fideles Sujets , qui
estiment fincerement un bonheur fi prebertés
de votre Peuple ,
cieux.
M
Rêponſe du Roy.
YLORDS, La reconnoiſſance que
vous metémoignez dans cette Adreffe
au fujet des efforts que fai faits pour le
bien commun , m'eft fort agreable ; les affùrances
de votre affistance contribueront beau
coup à parvenir à ces grandes & bonnes fins
que nous nous propoſons , ¿ vous pouvez
compter fur la continuation de mes meilleurs
offices en quelque occafion que ce foit en fa
veur du parti Proteftant.
Adreffe des Communes prefentée au Roy
le même jour.
Nous les tres humbles & fideles Sujets
de V. M. les Communes de la Grande
Bretagne , affemblés en Parlement , rendons
de trés finceres actions de graces à V. M.
pour votre trés gracieux difcours émané de
fon Trone , & affûrons V. M. que nes
caurs font remplis d'une joye inexprimable
pour fon heureux retour dans ces Royaumes,
d'une jufle reconnoiffamce pour les tra
DE DECEMBRE. 145
Daux infatigables de V. M. pour le bien
¿ la fûreté de la Religion Proteftante,
Nous nous rejouiſſons avec V. M. dufuccés
de nos Armes , & la remercions trés -humblement
de ces meſures priſes par l'influence des
Confeils de la Grande Bretagne,lefquelles nous
donnent une apparence fort prochaine d'une
paix generale au dehors , & de jouir avec
gloire des avantages du Commerce & de la
tranquilité.
Nous demandons permiffion d'affûrer V.
·M. que de notre côté , par la vigueur de
nos refolutions à foutenir votre Gouverne
ment , & par la diligence que nous ferons
à trouver les fubfides neceffaires, nous convaincrons
toute la Terre que fi nos ennemis
ont conceu quelquè esperance de nos divifions
domeftiques, jamais projet n'a été plus vain ,
& nous mettrons en état V. M. de concert
avec vos bons Alliez , de foutenir & d'accomplir
efficacement ces juftes & équitables
meſures qui ont été priſes pour établir une
paix generale.
Et nous affûrons deplus V.M. que nous NOUS
attacherons à trouver les moyens les plus propres
pour diminuer les dettes de la Nation,
pour foutenir le credit public , & que
nous concourrons de la maniere la plus propre
& la plus efficace , pour établir & con-
Server la liberté de notre heureuſe Conftitution
, pour laquelle Votre facrée Majesté a
144 LE MERCURE
donné tant de preuves cordiales de fes foins
de fon affection .
Le 6 les Seigneurs porterent un Bill , pour
regler le nombre des Pairs dans la Grande
Bretagne . Le même jour on propofa dans
la Chambre des Communes d'accorder un
fubfide au Roi , & le 11 les Communes
ayant travaillé en grand Comité , il fut
refolu d'accorder à S. M. 13500 hommes
pour le fervice de la Marine de l'année
1720 , à raifon de 4 liv. fterlin par mois
pour chaque tête , & cela pendant i ; mois ;
ce qui fe monte à la fomme de 702000
liv. fterlin , y compris l'ordonnance. Le
même jour les Seigneurs pafferent le Bill ,
pour regler le nombre des Pairs de la
Grande Bretagne , & l'envoyerent aux
Communes.
Le 12 la Chambre Baffe fit la premiere
lecture du Bil de la Pairie , & il fut refolu
à la pluralité de 208 voix contre 150 ,
qu'il feroit leu pour la feconde fois le Mar
di fuivant 19 .... La feconde lecture en
aiant été faite à ce jour marqué , il s'éleva
de grands débats de part & d'autre ; &
aprés plufieurs difcours faits pour & contre
, la Chambre s'étant divifée , la pluralité
des voix l'emporta pour la negative ,
fçavoir , 269 contre 177 , ainfi ce Bill fut
rejetté. On remarque que tous les Torris
& les riches Wighs voterent contre.
Le
DE DECEMBRE. 145:
Le
25 les Communes en grand Comité
fur le fubfide, refolurent d'accorder 120000-
livres sterlin , pour faire bon ce qui manque
de l'impofition fur le Mal, &c. 8590
livres 16 fols 8 den. pour ce qui manque
fur l'houbion. 88849 livres pour ce qui
manque fur le fond general. 20530 liv..
18 fols 10 den. pour l'extraordinaire dépenſe
pour le tranfport . 16331 livres 10
fols pour les Penfionnaires qui font hors:
de l'Hôpital de Chelsea pour 1720 .....
99768 livres & fols 1 den. pour les dé
penfes extrordinaires pour les Troupes de
terre pour 1719 auxquelles le Parlement
n'avoit pas pourvû. On n'a fait le raport
du Bill pour lever la taxe fur les terres ,
& on l'a renvoyé à demain 26 .
I
Les Actions de la Compagnie de la Mer
du Sud font montées ces jours cy à 120
& ainfi des autres fonds publics à proportion.
Le Change au contraire pour la France
a baiffé jufqu'à 25. Ce qui l'a fait
diminuer fi confiderablement c'eſt
,
nos Banquiers ne trouvent que fort peu
d'argent à remettre en France.
que
On fit partir au commencement du mois
fous une eſcorte de Grenadiers à cheval
une groffe fomme d'argent pour Porfmouth'
afin de payer les troupes qui ont fervi à
l'expedition de Vigo. M. Nolleray Canitaine
de Vaiffeaux , qui a acccn.pagné My
146
LE MERCURE
lord Cobham dans cette expedition , de la
part du Regent de France , a été gratifié
de 200 livres sterlin , & les deux Ingenieurs
François que le Duc de Berwick avoit envoyés
à ce Lord , ont reçû chacun une
pareille gratification . Lorfque Mylord Cobham
eut l'honneur de faluer le Roi , S. M.
lui témoigna qu'elle étoit fort contente de
fa conduite. On fait monter à 60 mille
livres fterlin le dommage caufé aux Efpagnols
dans cette occafion , foit à la prife
de Vigo , foit à celle de Ponte -Vedra .
Un grand nombre de nos plus confiderables
Negocians , a fait un projet pour
établir une deuxième Compagnie d'Affurance
pour les Vaiffeaux & les Marchandifes
qu'on tranfporte par Mer. A cet effet
ils ont nommé le fieur Rams Banquier ,
pour recevoir des foufcriptions jufqu'à la
fomme de 140 mille livres sterlin. Ces
Meffieurs ont vu plufieurs fois le Lord
Chancellier , pour le prier de leur en faire
expedier une Patente.
Il y a fous preffe une relation de tout
ce qui s'eſt paflé de remarquable dans la
Marine , tant ancienne que moderne ; &
principalement depuis l'avenement du Roi
Jacques I. à la Couronne. L'Auteur dedie
fon ouvrage au Roi.
Le Roi a envoyé M. Cook fon Chambellan
, à la Princeffe de Galles , pour luy
DE DECEMBRE .
147
"
fignifier qu'elle ne vint qu'une fois par temaine
voir les Princeffes fes filles à Saint
James , aprés en avoir même obtenu la permiffion
de S. M. En confequence de cet
ordre , la Princeffe de Galles s'eft adreffée
au Capitaine de la garde , pour le prier de
faire fçavoir au Roi , s'il plaifoit à S. M.
de lui accorder cette permiffion , ce qu'elle
obtint fur le champ. Le Prince ayant envoyé
au Roi le Comte de Grantham ſon
Chambellan , pour faluer S. M. de fa part
ce Comte s'adreffa pour cela au Gentilhomme
de la Chambre , qui en donna auffitôt
avis au Roi. S. M. ordonna au dernier,
que fi ce Comte apportoit une lettre au nom
du Prince , il eût à la prendre ; ou que fi
c'étoit quelque commiffion verbale, il eût à
P'entendre , pour lui en faire enfuite le raport
, finon de faire retirer le Chambellan
du Prince. Comme le Comte de Grantham
répondit qu'il n'avoit point de lettres à remettre
à S. M. mais qu'il venoit pour lui
communiquer une affaire de grande importance
fur cela le Gentilhomme de la
Chambre lui ordonna de la part du Roi
de s'en retourner.
,
M. Scot a été nommé Envoyé auprés du
Roi de Pologne. Le Colonel Bladen eft ici de
retour de France , où il étoit allé en qualité
de Commiffaire , pour regler les differens
furvenus entre les Anglois de PAnnapolis
Nij
148 LE MERCURE
Royale & les François du Cap- Breton. Le
Colonel Stanhope eft auffi arrivé de l'armée
du Rouffillon , commandée par le Maréchal
de Berwick.
On confirme que le Comte de Cadogan
doit aller au commencement du nouvel an
à la Cour de Vienne en qualité d'Ambaſſadeur.
On dit , 1o. Qu'entre autres inftructions
, ce Seigneur eft chargé de folliciter
fortement S. M. 1. d'interpofer fon autorité
, pour obliger l'Electeur Palatin à donner
une fatisfaction convenable à fes Sujets
reformés , afin d'éteindre par là ce feu naiffant
, qui pouroit allumer une guerre de Rcligion
, & rompre toutes les mesures prifes
pour le repos general en Europe . 20. De
concerter avec la Cour Imperiale fur les
mefures neceffaires , pour pouffer vigoureufement
la guerre au Printems prochain contre
l'Espagne , au cas que cette Couronne
n'acceptât pas la paix avant ce tems là .
De fe joindre à M. de Saphorin & au
Miniftre de Hanover , pour faire regler l'affaire
de la dignité qui doit être annexée
à l'Electorat de Brunswick. 4°. De prendre
des mesures avec la Cour Imperiale ,
pour obliger le Czar à prendre des fentimens
de paix, & à moderer les pretentions,
De regler quelques points preliminaires
touchant la paix du Nord qu'on doit trairer
dans le Congrés de Brunfwick. 6° . De
5°.
DE DECEMBRE. 149
refferer encore plus étroitement les noeuds
de l'alliance entre L. M. Imperiale & Britannique.
Il y a encore quelques autrēš
points que l'on ignore.
Les auteurs des feuilles du Poftboy , du
faint James , & du Daily- Poft , ont été arrêtés
, pour avoir inferé dans leurs imprimez
qu'on alloit faire des changemens à
la Cour.
Les Troupes Hollandoifes font en pleine
marche , pour venir s'embarquer à Harrwichc
, & à Graveſcend , d'où elles repafferont
en Hollande.
P• ས་
Le 19 , le nommé Henri Mills , Ecoffois
, fut arrêté , comme il éroir prêt de
s'embarquer avec plufieurs Ouvriers qu'il
avoit engagés pour travailler aux Manufac
tures de France. Il a été conduit dans la
prifon de Newgatt .
L'Envoyé du Roi de Pruffe eft arrivé
dans cette Capitale ; il a apporté des lete
tres de revocation pour M. Bonnet , ancien
Miniftre de S. M. Pruffienne en cette Cour.
Le 17 le Marquis de Courranfes , Envoyé
extraordinaire du Roi de Sardaigne , eut
fa premiere audience particuliere du Roi.
La nouvelle apportée le 21 , par un Exprès
depêché de France en cette Cour , a
caufé un joye univerfelle . L'on a fçu par
cette voye que le Roi d'r fpagne avoit envoyé
une lettre de Cachet , ou Decret
Nij
150 LE MERCURE
au Cardinal Alberoni , avec ordre à cette
Eminence de quitter Madrid en huit jours ,
& de fe retirer , dans l'efpace d'un mois ,
de la dépendance des Etats de S. M. C.
On efpere que cet évenement imprévû ſera
fuivi d'une paix fort prochaine.... La femaine
paffée , on lança à Linnehouſe , un
Vaiffeau de fix cens tonneaux , pour la
Compagnie des Indes France , qu'on nomma
le Saint André ; on en doit lancer un
autre inceffamment dans le même chantier
pour la même Compagnie.
L'Efcadre du Chevalier Jean Norris ,
venant de la Mer Baltique , eft arrivée
heureuſement dans nos Ports , à la referve
du Vaiffeau de guerre le Worchester qui en
a été feparé par la tempête ; on efpere qu'il
fe fera retiré dans quelque Port du Nord.
A la Haye le 26 Decembre 1719.
E les Etats de Hollande fe raffem-
Lerene atalujet
blerent au fujet de la continuation du
centiéme denier. Comme il n'y ont traité
d'aucune autre affaire , cette féance a été
fort courte.
Le Marquis Beretti- Landi defavouë le
Memoire qui a été imprimé fous fon nom ,
& infcré dans les Gazettes de ce païs. Il
s'en eft plaint à L. H. Puiffances , qui font
rechercher l'Imprimeur.
DE DECEMBRE.
151
Le Major General Groveftin a ' refuté le
Gouvernement de Bergopfom , à caufe qu'il
rapporte quatre mille florins de moins que
celui de Furnes & de Dixmude , dans lequel
il prétend rentrer . Cette affaire intrigue
L. H. P. par rapport à M. de Cronſtrom à
qui ce dernier gouvernement a été donné.
·
Quelques Villes de la Nort- Hollande
ont fait des reprefentations aux Etats fur
la décadence de la Marine de cette Repu¬
blique. Elles fe plaignent entr'autres que
la puiffance maritime des Provinces Unies
eft negligée d'une maniere inexcuſable ,
quoique la confervation de ces mêmes Provinces
, & de celles de Hollande en particulier
, en dépende entierement . Toutes nos
Amirautez font accablées de dettes , & ne
payent ni capital ni intereſts. Les Magazins
font dépourvûs de tout ce qui eft neceſſaire ,
les Vaiffeaux pourris , ou hors d'état de
fervir les Ouvriers & les Matelots mal
payés ; de forte que tous les Colleges des
Amirautez de ce païs feroient fort embaraffez
pour mettre dix Vaiffeaux de guerre en
mer en trois mois de tems ; au lieu qu'autrefois
dans un eſpace beaucoup plus court ,
ils auroient pû en équiper cinquante . Les
autres Villes de Hollande ont pris fes reprefentations
ad referendum : il n'en fera parlé
que dans l'Affemblée de Janvier prochain .
Le Comte de Tarrouca Ambaffadeur de
N iiij
752
LE MERCURE
Portugal , qui avoit reçu des ordres pofitifs
de la Cour de retourner inceffamment à
Lisbonne , en a reçu de nouveaux qui lui
permettent de differer fon départ autant de
tems qu'il le jugera à propos.
M. de Meineftshagen a eu depuis un
mois plufieurs Conferences avec les Dépu.
rés de l'Etat , fur les affaires de la Religion
dans le Palatinat. Il follicite fortement
L. H. P. à prendre une refolution vigoureufe
contre les Catholiques Romains répandus
dans les Provinces-Unies . Il y a
apparence que l'Etat fe contentera des démarches
qui ont déja été faites dans les Provinces
de Gueldre , Overiffel & Gronningue
, où l'on a interdit quelques Chapelles
de Catholiques Romains.
Depuis le départ de M. de Burmania pour
Stokholm , L.H. P. ont fuſpendu leurs dé
liberations fur leurs affaires de Suede , fur
tout par rapport au Commerce de la Mer
Baltique. M. Preis leur ayant demandé une
réponſe fur l'emprunt d'un million d'écus ,
que la Cour de Suede follicite depuis quelques
mois auprès des Etats Generaux ; ce
Miniftre a été renvoyé jufqu'à l'arrivée de
M. de Burmania à Stokholm , qui a reçû
des inftructions fur cette affaire .
Le Pere Quefnel , Prêtre de l'Oratoire
de France , qui s'étoit retiré à Amfterdam
en 1704 , y mourut le 2 de ce mois , âgé
DE DECEMBRE.
Ist
de 85 ans , après avoir reçû les Sacremens
de l'Eglife Romaine .
On mande de Bruxelles qu'il y avoit eu
de frequentes conferences entre le Marquis
de Prié , les Miniftres de Sa Majefté Britanique
, & ceux des Etats Generaux. On
affure que ce n'eft pas tant fur la reftitution
du Vaiffeau Hollandois arrefté à Oftende
, que fur l'entiere execution du Traité
de la Barriere ; fuivant la nouvelle convention.
O
A Naples le 12 Decembre 1719.
le
N preffe fort ici l'embarquement des
Troupes , & des munitions de guerre
& de bouche que l'on doit envoyer en Sicile.
Le General Mercy a été obligé par
defaut des fourages d'envoyer une partie
de fa . Cavalerie en quartier d'hyver dans la
Calabre. Le Marquis de Lede a mis fes
Troupes en quartier dans le plus fertile
canton de la Sicile , fçavoir depuis Paterno
juſqu'à Polliki, Calafcibetta , & Caftro- Giovanne
, places très fortes , fituées dans le
milieu de la Sicile . M. de Lede établit fes.
magazins à Caftro- Giovanne. Il paroît que
M. le Comte de Mercy a deffein de laiffer
de bonnes garaifons dans la Ville & Cita
delle de Meffine , ainfi qu'à Melazzo , &
autres poftes voifins , & fe faire tranfpor154
LE MERCURE
ter enfuite par mer à Siracufe avec fon armée.
Il y a eu pour cela plufieurs Conferences
avec le Chevalier Bing , à bord du
Barfleur.
Le Duc de Monteleon , qui a été pourvû
par la Cour Imperiale de la Viceroyauté de
Sicile , fit le 12 du mois paffé fon entrée
à Meffine. Il fut falué de trois décharges
de l'Artillerie de la Place , & de celle des
Vaiffeaux Anglois.
Plufieurs Batimens de charge font prêts
à mettre à la voile , pour porter en Sicile
des recrûës arrivées d'Allemagne avec des
chevaux de remonte ; on en fait même
partir à mesure que le temps le permet :
& comme le Commiffaire des Guerres qui
eft à Reggio arrête tous les Bâtimens & les
Tartannes qui apportent des bleds & de la
farine en cette Ville , la cherté y eft fort
augmentée. Un Vaiffeau Anglois qui tranfportoit
300 foldats de la garniſon Eſpagnole
, fortie de la Citadelle de Meffine , a fait
naufrage dans le Fare , ne s'en étant ſauvé
que 30 hommes. Un autre Bâtiment Anglois
de 36 pieces de canon , prêt à partir
pour Meffine , a été brûlé par accident dans
notre Port , mais tout l'équipage a eu le
bonheur de fe fauver.
P. S. Le convoy qui étoit parti d'ici pour
la Sicile , a été obligé par le mauvais temps
de rentrer dans ce Port , en attendant un
DE DECEMBRE
.
155
vent favorable , pour faire voile avec un
fecond convoi qui eft prêt. On prétend que
les 8000 homines qui avoient été embarquez
fur les Vaiffeaux de l'Amiral Bing , &
dont une partie devoit être portée à Siracufe
, & l'autre à Trapani , ont fait leur defcente
à Solento , à huit milles de Palerme ,
où on croit qu'ils ont des intelligences , &
qu'ils feront reçûs en arrivant ,
La réintegration de Vicentini à Naples ,
n'eſt pas encore une affaire fi parfaitement
reglée , qu'elle ne puiffe être fujette à quelques
nouvelles brouilleries : en effet , le
Collateral s'oppofe toujours à la collecte de
la dépouille des Eglifes vacantes , & de
celle de la Fabrique de faint Pierre .
L'Amiral Bing a detaché de ſon eſcadre
deux Vaiffeaux pour aller à Malthe reclamer
les prifes que les Armateurs Maltois
avoient faites fur les Anglois , avec pavillon
Efpagnol . Sur cette requifition le grand
Maître a fait arrêter ces Armateurs avec
leurs affociez .
Le Cardinal Scrottenback notre Viceroy,
défendit le 2 de ce mois par un Placard
affiché , tout commerce avec la Republique
de Venife . Sur cette défenſe les Negocians
de cette Ville ayant repreſenté que
Ï'Empereur couroit rifque de ne pouvoir
plus faire tenir d'argent de Naples à Vienne
, ni de cette derniere Ville à la premiere,
156 LE MERCURE
& que d'ailleurs leur commerce en fouffriroit
beaucoup ; ces raifons ont été cauſe
que l'on en a fufpendu l'execution , en
attendant de nouveaux ordres de Vienne.
Cependant , on a commencé par faifir &
fequeftrer les effets des Venitiens , que l'on
a pû découvrir dans ce Royaume ; on a
même arrêté quatre Marfilianes à Manfredonia
, quoique munies de paffeports du
Viceroy , & tous les équipages ont été
emprifonnez. C'eft en reprefailles de ce que
Fon a arrêté à Venife une Barque avec pavillon
de l'Empereur , & de ce que l'on
vifitoit les Bâtimens Imperiaux , quoi qu'ils
prétendent être exempts de toutes recherchec
faur la hanniere de SMI
- VHO je vanlive U • NAV20 28
A Rome le
1.3
Decembre 1719.
L'
E 23 Novembre Fête de Saint Clement
, jour de l'anniverfaire de la
creation du Saint Pere , il y eut , fuivant
la coutume , Chapelle au Quirinal. S. S.
contre l'attente de toute la Cour , voulut
y affifter. Elle donna le Pallium à M. le
Cardinal de la Tremoille , comme Archèvêque
de Cambray. Elle reçut , au retour
de la Chapelle , les complimens ordinaires
du Cardinal Aftalli , Doyen , ad multos an-
Bos. S. S. étant entrée ce jour- là dans la
DE DECEMBRE. 157
vingtième année * de fon Pontificat , elle
fit dans cette occafion une réponse au Doyen
qui dura prés d'une demi - heure.
Le 29 S. S. tint Confiftoire , dans lequel
elle fit une promotion de neuf Cardinaux,&
en referva un dixiéme in petto. Les
Promûs font M. de Gefures Archevêque,
de Bourges. M. l'Archevêque de Reims ,
M. Spinola Nonce auprés de l'Empereur.
D. Bentivoglio , cy-devant Nonce à la Cour
de France. M. Boffu Archevêque de Malines
. M. Belluga Evêque de Cartagene &
de Murcie. M. Pereira de Lacerda Evêque
de Faros dans les Algarves . M Altam
Evêque de Vaccia en Hongrie , & le Pere
Salerno Jefuite qui a fi fort contribué à
la converfion du Prince Electoral de Saxe.
Les Cardinaux de la Tremoille , Delgiudice
, Acquaviva , & Gualterio n'ont point
jugé à propos d'affifter à ce Confiftoire , &
n'ont donné aucunes des demonſtrations de
joye accoutumées en pareille occafion.
Il paroît que la Cour de Rome n'eft point
11
. י
On peutremarquer en paffant, qu'entre 242
Papes qui l'ont precedé depuis Saint Pierre , on
a'en trouve que 4 qui ayent gouverné l'Eglife
plus long tems que Clement XI . Sçavoir
Adrien 1. qui mourat en 795 , aprés 23 ans
de Pontificat. Leon III en 816 , aprés l'avoir
tenu 20 ans & 6 mois, Alexandre III mort en
1181 , aprés 22 ans ; & Urbain VIII décédéen
1644 , aprés 22 ans de Pontificat.
158 LE MERCURE
contente de cette nomination , ſe plaignant
de ce qu'il ne fe trouve dans le Decret de
creation aucun Romain.
On croyoit que M. Barbarige Evêque
de Breffe , feroit compris dans cette promotion
; mais comme la Republique de
Venife a perfité dans le refus d'accorder la
main levée du fequeftre des Abbayes du
Cardinal Orthoboni , S. S. qui ne vouloit
le faire Cardinal qu'à cette condition , l'en
a exclus. Dans les audiences que le S. Pere
a données à fes Miniftres , il a eu la complaifance
de lire à quelques- uns d'etre eux
le difcours qu'il avoit fait dans le dernier
Confiftoire , au Sacré College. Le Duc
de Mondragone , actuellement priſonnier
au Château Saint Ange pour fait d'Inquifition
, a été condamné à dix années de
prifon dans le même Château , quoi qu'il
ait fait abjuration de fes erreurs . M. Paffionei
eft arrivé de Foffombrone en cette
Ville. On a été un peu furpris du retour
de cet Abbé , attendu qu'il s'étoit retiré
depuis quelque tems de cette Cour , aprés
avoir refufé l'Inquifitorat de Malte. Il a eu
deux audiences du Pape ; & l'on ne doute
pas qu'il ne foit bien-tôt pourvû de quelques
places confiderables. L'affaire de la
Nonciature de Naples a été enfin terminée
à Vienne , à la fatisfaction du Pape ; Cette
Cour ayant appris avec plaifir le retour à
DE DECEMBRE. 159
Naples de M. Vicentini fon Nonce , de ſa
reintegration dans cette Nonciature &
dans tous les droits & privileges attachés
à fa Dignité.
›
Le procés que les Jefuites avoient intenté
aux Dominicains pour le bâtiment
dé la Bibliotêque de la Minerve fondé par
le Cardinal Cazanat , a été terminé à l'amiable.
Ces deux Ordres Religieux preparent
un magnifique prefent de peinture
& de ftatuës , pour Don Alexandre Albani
, en reconnoiffance de fa mediation , pour
terminer le different qu'ils avoient entre
eux. Le General Marcilli ayant employé
tout fon bien à fonder une Academie des
Sciences dans la Ville de Bologne fa patrie
, a obtenu de S. S. une penfion de
300 écus fur le revenu du Fort Urbin.
Le Chevalier de Saint George , & la
Princeffe fon Epoufe , rendent de tems en
tems vifite au Pape , qui continuë de les
recevoir avec bonté. Le Cardinal Acquaviva
a fait preſent , de la part du Roi d'Ef
pagne , à ces deux nouveaux Epoux , de
30 gros balots de tapifferie , d'étoffe d'or ,
de damas , de draps & plufieurs autres ráretés
d'Eſpagne & des Indes .
Le Pere Mikylius Jefuite , arrivé depuis
peu de la Chine , a été chargé par le Roi
de ce pays de deux lettres , l'une adreffée
à l'Empereur , & l'autre au Pape,
160 LE MERCURE
Le Saint Pere fit partir la femaine paffée
M. Ralponi , pour porter le bonnet au nouveau
Cardinal Bentivoglio qui eft de retour
de fa Nonciature de France à Ferrare . S. S.
ne l'envoyera aux autres nouveaux Cardinaux
, qu'après le retour des Couriers
qui ont été dépêchez en France , en Alle.
magne & en Espagne :cependant M. Spinelli
, neveu du Cardinal Imperiali , eſt
destiné pour le porter au Cardinal Spinola
à Vienne. L'Empereur a nommé pour Commiffaire
le General Lauternati , qui ſe rendra
avec les Commiffaires du Pape à Pavie,
pour y terminer ce qui regarde l'affaire de
l'écoulement des eaux du petir Ren dans
le Po , à laquelle les Venitiens s'opposent
de toutes leurs forces ; plufieurs Nobles
Venitiens qui ont des terres dans les Polefines
, apprehendant que le Po groffi par
ces nouvelles eaux ne ravage leurs terres.
C
A Madrid le 15 Decembre 1719.
de ce mois , le Roy envoya au
LCardinal Alberoni par Don Miguel
Duran , Secretaire d'Etat , un Decret écrit
de fa main , portant défente à cette Eminence
de fe méler du Miniftere , & paroître
au Palais ni ailleurs devant leurs Majeftés
Catholiques , ni deyant aucun Prince
de la Mailon Royale , ni de parler à aucun
Miniftre avec ordre de fortir de cette Ville,
dans
X
7
DE DECEMBRE. 161
dans huitjours, & des Terres de la domination
d'Eſpagne dans trois femaines . Sa Majefté
a marqué dans fon Decret qu'elle avoit
pris cette refolution, pour ôter tout obſtacle
à la paix.
Le Marquis Scotti , Miniftre du Duc de
Parme , continuë à refiler ici , fans qu'on
fçache encore pofitivement s'il fe rendra en
Hollande , ainfi que le bruit en avoit couru.
M. de Seiffan qui étoit cy- devant au
fervice du Roi de Pologne , en qualité de
Major General , eft arrivé en cette Ville.
Le Duc d'Ormond qui eft revenu des côres
de Bretagne au Port de Saint André,
n'a pas remis à la voile , comme on l'avoit
cru , pour aller tenter un débarquement en
Angleterre ou en Ecoffe , avec un détachement
de 1500 hommes. Ce fut le 24 du
mois dernier que la Cour arrva de l'Efcurial
au Pardo. Les Manufactures établies en
ce pays fous la direction du Baron de Riperda
, n'ont pas eû le fuccés qu'on s'en
étoit promis. La Cour a donné cette direction
à un François qui prétend les rétablir.
On écrit de Cadix , qu'il en étoit
parti un Vaiffeau de Regiftres pour Caraqués
, & que deux autres Vaiffeaux deftinez
pour l'Amerique , avoient mis à la
voile pour ce pays , & y donner avis en
même tems que la Cour y envoyeroit les
gallions au Printems prochain.
162 LE MERCURE
P. S. Voici la Sentence rendue à Vienne
contre le Comte Jean Frederic de Nimſch
detenu depuis quatre à cinq mois dans ſa
maiſon.
S. M. I. notre trés clement Seigneur
ayant fur les plaintes de S. A. Monfeigneur
le Prince Eugene de Savoye , Lieutenant General
de S. M. ordonné une députation pour
examiner Jean Frederic Comte de Nimſch ;
S. M. a réfolu fur le trés humble raportfait
à ce sujet , que ledit Jean- Frederic Conte
de Nimfch à cause de ſes offenſes commiſes ,
feroit privé de la Clefd'or , & de la Charge
de Confeiller Imperial Anlique ; qu'il
demanderoit pardon à S. A. Monfeigneur
Le Prince Eugene de Savoye , & à S. Ex. M.
Le Comte d'Althangrand Ecuyer de l'Empereurfuivant
le Formulaire preferit ; & qu'il
feroit conduit à la Fortereffe de Gratz , pour
y refter pendant deux ans , & s'abſenter à
perpetuité de la Cour Imperiale , en quelque
endroit qu'elle puiffe fe trouver , de même
que de fa refidence de Vienne . Donné à
Vienne le 7 Decembre 1719.
On écrit de Drefde du 20 , que le Roi
aprés avoir tenu un Confeil fecret , étoit
parti la veille pour Varfovie.
Le Prince Clement Augufte de Baviere,
Evêque de Munfter , fit le 14 fon entrée
publique dans cette derniere Ville , avec un
ortege de 64 Caroffes à fix Chevaux.
DE DECEMBRE. 163
T
་
ODE AU REGENT.
El qu'un Pilote téméraire ,
Fol ennemi de fon repos ,
Ofe défier la colere
De l'intraitable Dieu des Flots ;
De rochers fa routé est couverte ,
Les vents fe difputent fa perte ,
Et d'effroi les Astrés ont fui :
Au feu de la foudre qui gronde ,
Il court chercher un nouveau monde
Que les Dieux n'ont pas fait pour lui.
Tel & plus téméraire encore
Moy-même , où vais -je m'embarquer ?
Tu vois , Dieu des vers , que j'implore ›
Quel naufrage j'ofe rifquer.
Mon projet veut ton art fuprême ;-
Daigne l'executer toi- même ;
Ce feroit peu de l'agréer :
Je chante une France nouvelle
Que l'Intelligence & le Zele
Viennent à l'envi de créer.
Dans ces jours où d'un deuil fincere
Se couvrit l'Empire François ,
La Defiance & la Mifere
L'accableient fous un double poids
Le fardeau des dettes immenfes.
Chaffoit jufques aux espérances
D'y revoir un âge plus doux .
Nous demandions cette Patrie ,
Fadis fi riche fi fleurie
Qui fembloit avoir fui de nous .
164 LE MERCURE
Pour comble , ure jalouſe haine ,
Agitoit encor nos voïfinsi ,
A notre ruine prochaine
Tout follicitoit les Destins
La peur d'une ligue funefte
Est alors tout ce qui nous reste
Des exploits heureux d'un grand Roy ;
Et farte de notre impuiſſance ,
L'Europe irritoit fa vengeance
Du fouvenir de fon effroy.
PHILIPPE , ježi de la gloire
De réparer tant de malheurs ;
Goûte ta plus douce victoire ,
Tu vas concilier les coeurs.
Ta foi, ta droiture héroïque ,
Sainte & puifante politique ,
Diffipe les inimitieų :
La Difcorde dont tu te vanges
Voit , en frémiffant , que tu changes
Nos Ennemis en Alliez.
Mais quoi , la Paix fans l'Abondance
N'est qu'un des fruits de ta veris ;
Il faut encor que en prudence
Ranime l'Etat abatu.
Sur cette campagne épuisée
Qui fera tomber la rofée
Que bui refuſe un ciel d'airain ?
Pour nous faire dublier la guerre ,
Qui retirera de la serre
Nos trésors ventrés dans fon fein ?
Attendrons-nous qu'un nouveau Lulle ,'
Fier de fes chimiques travaux ,
* Celebre Chimifte qui paffe pour avoir trouvé
La pierre Philofophale.
"
1
DE DECEMBRE. 165
Promette à nôtre espoir crédule
L'art de commander aux métaux é
Qu'il nous vante dans fon délire
Ce fable fouvera n qu'il tire
D'unfeu fçavament méſuré ;
Qu'il ordonne à fa vaine poudre
De tout changer , de tout diffoudre` ,
Et d'enfanier l'or à fan gré?
Non , le Ciel nous offre un Genie
De qui les talens bienfaiteurs
Vont réaliser la manie
De ces prétendus Créateurs.
Plus hardi que nôtre eſpérance ,
Dans le fein même de la France
Il ouvre un nouveau Potofi s
Son Siftime plus efficace.
Semble par fa fublime audace ,
Plûtôt révélé que choisi.
>
Ce Sisteme tu fçais l'entendre .
PHILIPPE , tu fçais le goûter 3.
Mais le goûter le comprendre
En efprit né pour l'inventer :
Ses fuittes à tes yeux tracées ,
Te montrent tes propres pensées
Diftraites par mille autres foins ;
Et tu découvres dans fa caufe
Cette heureuse métamorphofe ,
Dont nous ne sommes que témoins..
Loin de nousy Préjugé timide
Qui crains tout ce qui te furprend 5
De ce que PHILIPPE décide
La Sagesse même eft garand :
" In vain s'éleve maint obſtacle ,
La plus riche mine du Perou.
166 LE MERCURE
Il fçaura båter ce miracle
Par un courage intelligent ;
Pour chaffer le Befoin finistre ,
Il auroit été le Miniftre ;
S'il n'avoit été le Regent.
vous , croiffez , jeune Monarque ,
Pour un bonheur qui croit toûjours ;
PHILIPPE fournit à la Parque
L'or dont elle file vos jours :
Heureux qu'en vous tout nous prépare
Un Roy qui jamais ne sépare
Ses devoirs & les volontés ;
Un Roy que l'Equité dirige ,
Dont la vertu foit un prodige
Egal à nos profperités.
Qu'une bienfaifante Puiffance ,
Modefte arbitre des Deftins ,
Soit le fecours & l'espérance ,
Non la terreur de nos voisins.
Devenons l'amour de la Terre ,
Paifibles Juges de la Guerre ,
Et Protecteurs de tous les droits.
Allez , partez Ode immortelle ;
Marquez cette époque nouvelle
Dans l'hiftoire du Nom François.
A MONSIEUR LAW.
Avec
Deffy.
Vec cing petits pains & trois petits poiffons
Dieu nourrit autrefois une troupe innombrable :
Lavu parfon genie admirable
Subftante ainfi fes heureux nourriffons i
Les petits cinq.cent francs , prodige inconcevable !
Multipliés en cent façons
Ont affouvilafaim la plus infatiable.
<
DE DECEMBRE. 167
Un miracle moins éclattant ,
Auffi difficile pourtant ,
C'étoit jufqu'à ce jour d'enrichir un Poëte ;
Malgré le proverbe commun
N'en doutons plus , la chofe est faite
Lavv en a mis à ſon aiſe plus d'un.
> Pouffer enfin le miracle à l'extrême
C'est faire d'un Peintre un Créfus ;
Coppel en devient un , il pourra là-deffus
Nous attefter de Lavu la puiſſance fuprême ;
Et ce miracle , aſſurément ,
On fait que le Seigneur lui- même
Ne l'a fait que trés- rarement.
O Vous , le Jofeph de la France
Qui de lointain Pais en ces lieux transporté,
Du fein de la fterilité
r faites naître l'abondance ,
9
*
Aprés tant de hauts faits , qui pourra concevoir
Une borne à votre pouvoir ?
Qui?moypeut- être encor, quifuis Peintre & Poëte.
Contre ces tîtres reünis ,
Ouy, votre puissance est parfaite ,
Et vos miracles font finis.
L'affreux Befoin , hydre plein de furie
Entré chez moi par deux endroits
En a fait fa chere Patrie ,
Et là , sûr de fon fort , il defie à la fois
Votre force & vôtre induftrie.
Comme Hercule , dit -on , vous avez ſçû dompter
Le fier dragon des Hefperides :
Nous le croyons ; le moyen d'en douter ,
Vous en donnés des preuves fi folides ;
Mais l'hydve, au double chef que je viens de citer ,
Effle nec plus ultra qui doit nous arrêter.
-168
LE MERCURE
Coypel pourtant , allez- vous me répondre ,
Eroit Poete Peintre en même temps :
Par là vius croyés me confondre ,
Et c'est là queje vous attends.
Cet exploit qu'aujourd'huy vôtre valeuracheve
LE REGENTfon illustre Eleve
L'avoit jadis fort avancé :
Son merite récompensé
Vous avoit levé maint obſtacle :
Pour empêcherun homme en tel cas d'être gueux ,
Et de tout point accomplir le miracle ,
Il vousfallut au moins tous deux.
kem , & cet item nus fort à vôtre gloire ,
Coypel,foit à rimer ,foit à peindre l'histoire ,
Eft par tout un homme excellent
Et fon fçavoir en ce double talent
Facilitoit votre victoire ,
L'effort enfut moins violent :
2
Or moins je fais bien l'un & l'autre ,
Et plus mon afcendant eft au - deffus du vôtre ,
Plus je vous défie hardiment
De mettre à fin l'enchantement.
Si cependant vous vouliez l'entreprendre ;
Il me vient dans l'esprit , Seigneur ,
Certain moyen qui vousfsferoit honneur ,
Et pour l'amour de vous je veux bien vous
prendre;
Carj'ayfort votre gloire à coeur
Et fuis bien votre ferviteur.
Lap-
Par Drammes & Tableaux , par lyriques parolles
Que l'Opera d'avance a ſçû récompenfer ,
A la finj'ay pu ramaffer
Cent prodigieufes pistoles ,
Et vouspourriez je crois , affez bien les plater.
1
Voicy
DE DECEMBRE. 169
Voicy done comme ilfaudroitfaire,
De petits cinq cens francs recevoir une paire ,
Et m'en don ser aprés doublefoufcription .
Quel peché , feries - vous en cette occafion,
Qu'un charitable & juste Anacronisme
Dont je vous garanijs pleine abſolution
Par un fuppoft même du F...
Que ne pouvois-je helas ! fuivre l'intention
De la Faye , amy plein de zele ,
Lorfque gonflé d'eſpoir , rouge d'émotion ,
D'un heureux avenir m'annonçant la nouvelle
Il m'auroit déja par confolation
De mon petit pecule ample augmentation.
Mais l'artifice noir d'une famille ingratte
Et digne de punition
L'avoit fait mettre en fubftitution ,
Et ma bourfe alors étoir platte .
C'est là quej'ai fenti le plus coupable effort
Du couroux enragé de mon barbare fort.
Ciel !fans cela , quelle étoit ma fortune !
Que j'aurois d' Actions ! il ne m'enfaudroit qu'une
Pour être plus heureux qu'un Roy i
Ouy , je dis plus ; car Dieu merci chez moy
Il n'est ambition aucune ;
Au contraire , amour du travail;
Avoir pour mon métier un commode atsirail ,
Rimer la nuit , le jour peindre juſqu'à la brune ,
Voilà mes vrays , mesfolides plaifirs ,
Et le terme de mes defirs .
Car , on le fait , je vis en veritable hermite ,
Solitaire,frugal , je puis m'en faire honneur ,
Et par ma foy j'ay du malheur
Beaucoupplus que je ne merite.
P
ן י
170
LE MERCURE
Vous me connoiffés , me voilà.
Vous donc , quoyque vainqueur , auffi - tôt qu'edverfaire
De notre fortune contraire ,
Oferies-vous à mon fort dire hola ?
Quoy moy , Peintre & Poëte, & heros en mifere ,
Depuis long-temps três - illustre par là ,
Vous m'attaqueriez vous ? Voyons un jeu cela,
EPIGRAMME.
DAmonfervoit gentille Toulouzaine,
Et s'y trouvoit bien domicilié.
Mais , coeurs conftans ne font à la douzaine ,
Il s'éloigna feulement pour quinzaine
Un autrey vint, Damonfut oublié.
<
A fon retour de bien jurer contr'elle ;
Quoy, ce dit-il, femme ingrate , infidelle ,
Faire tel cas de mon fincere amour!
Grand Chevalier j'ay tort , repartit- elle ,
Livre ton coeur au transport qui te prend ,
Fure, tempête, & finiffons querelle ,
Car , entre nous , l'autre est là qui m'attend,
DE
DECEMBRE.
171
JOURNAL DE PARIS .
Etat des Officiers Generaux qui doivent être
employez pendant l'hyver fous les ordres
de M. le Maréchal de Bervvick :
SCAVOIR ,
En Rouffillon & Cerdagne Espagnole ,
MⓇ
Onfieur de Fimarcon Lieutenant goneral.
Monfieur de Rooth Maréchal
de Camp . M. Phelippe, & M. Dantremaux,
Brigadiers.
Conque de Tremps Vrgel.
M. de Bonas Marêchal de Camp . M. de
Mizon, & M.de la
Villemeneve, Brigadiers.
Haut Languedoc, Pays de Foix & Conferans.
" Monfieur de Cailus Lieutenant General.
M. de Damas Marêchal de Camp . M. de
Leuville , & M. de Lenck , Brigadiers .
Bigorre , Armagnac , Comminge , & Vallée
d'Arran.
M. le Guerchois Lieutenant General.
Pij
172
LE MERCURE
M. de Cadrieu Marêchal de Camp , &
M. de Bettens , Brigadier.
Bearn , Navarre , Pays de Labour , &
Guypuzcoa .
Monfieur de Cilly , Lieutenant General
M. de Puynormand . M. de Belrieu . M. le
Chevalier de Givry , & M. Dauzeville ,
Marêchaux de Camp . M. de Rambion
l'aîné , & M. de la Motte , Brigadiers.
Baffe Navarre.
M. de Danois , Brigadier,
Guyenne,
M. le Chevalier de Pezeux ', Lieutenant
General . M. de Tarneau , & M. le Duc de
Duras , Marêchaux de Camp. M. de Bulkeley
Brigadier .
Le premier Decembre M. de la Grandville,
gendre de M. Pinçonneau Maiſtre des
Requêtes, a été admis au Confeil de Marine .
Le 2 Decembre le Roy ayant fçu que
Madame êtoit de retour de Saint Cloud ,
alla rendre vifite à cette Princeffe.
Le 3 la Charge de premier Gentilhomme
de la Chambre de S. A. R. vacante par la
mort de M. de Conflans , eft paffée à
M. d'Armentiers fon neveu , qui en avoit
DE DECEMBRE. 173
la furvivance, M. le Chevalier de Conflans
a eu la permiffion de l'exercer , jufqu'à ce
que M. d'Armentiers foit en âge d'en faire
les fonctions.
Le Roy a gratifié Madame de Châteautiers
, Dame d'honneur de Madame , d'un
don de Soo mille livres.
Le 4 le Regent pofa la premiere pierre
du nouveau bâtiment de l'Eglife de Saint
Sulpice. On a jetté dans les fondemens de
cet édifice plufieurs medailles avec cette
infcription : Philippus Aurelianus , Regni
Moderator , Aras Deo , opes Populo , Regi
Sua jura ftabilivit anno 1719 .
La furvivance de M. Biet Apoticaire du
Roy , a été donnée au fils de M. Imbert
Apoticaire de S. A. R.
Les M. le Duc de Villars- Brancas pere,
a obtenu une penfion de douze mille livres.
Le Regent a fait prefent d'un million à
l'Hôtel-Dieu , à l'Hôpital General , & aux
Enfans Trouvez , pour les employer au befoin
de ces Maifons .
Le 6 on a appris par les Lettres de Marfeille
que Madame du Borg , femme du
Chevalier de ce nom , s'étant embarquée
dans ce Port fur un Vaiffeau Genois , pour
aller joindre fon mary en Espagne , avoit
eu le malheur d'être enlevée par un Corfaire
Algerien. Ce Pirate après la prife de
ceVaiffeau, fur lequel étoit cette Dame avec
Piij
174 LE MERCURE
fon fils , fes deux filles , un précepteur &
une femme de chambre , les a emmenés
en captivité en Barbarie.
M. le Marquis de Senneterre , Ambaffadeur
extraordinaire de France à la Cour
d'Angleterre , & qui avoit fuivi le Roy à
Hannover, en eft de retour depuis quelques
jours.
›
Le 7 la Tournelle criminelle a rendu un
Arreft notable contre un Gentilhomme ,
convaincu d'avoir abufé de fa propre fille' ,
d'en avoir eu deux enfans & d'avoir
debité des maximes impies & fcandaleufes
contre la Religion . Pour reparation
de ces délits , il a été condamné à avoir
la langue percée , & enfuite à être conduit
aux Galeres.
Le 8 M. Law a fait fon abjuration * à
Melun , entre les mains de M. Tancin ,
Abbé de Vezelay , & grand Vicaire de
Sens.
Le 9 M. le Maréchal de Berwick eut
l'honneur de faluer le Roy , à qui il rendit
compte de toutes les operations de la campagne.
Le 10 M. l'Archevêque de Bourges vint
faluer le Roy , & preſenta à Sa Majeſté la
calotte que le Pape lui avoit envoyée , &
cette Eminence eut la permiffion de s'en
*
Cette abjuration a été faite dans le mois
de Septembre 1719.
DE DECEMBRE. 175
1
Couvrir . Le même jour M. de Bezons , Archevêque
de Rouen , prêta ferment entre
les mains de S. M. en preſence de Monfieur
le Duc d'Orleans .
Le 11 M. l'Abbé de Seve , Docteur de
la Maiſon & Societé de Sorbonne , &
Grand Vicaire d'Arras , fut nommé Coadjuteur
de M. l'Evêque d'Arras .
Le même jour M. le Duc s'eft chargé du
détail des Officiers de la Maifon du Roy ,
qui doivent fervir & accompagner jufqu'à
Antibes Mademoiſelle de Valois , en qualité
de Princeffe de Modene , & cela ad
inftar du même traitement qui fut fait par
le feu Roy , à l'égard હૈ de Mademoiſelle
d'Orleans , quand elle paffa en Lorraine
pour y époufer le Duc de ce nom.
Voici ceux qui ont été choifis pour ce voyage.
M. Bontems fils , premier Valet de
Chambre du Roy. M. Quentin Maiftre
d'Hôtel. M. Affelin Controlleur . Meffieurs
de la Beauvoifiere pere & fils Ecuyers ;
l'un commandera à l'Ecurie , & l'autre pour
la main. M. des Aubierz , & M. Colin de
Varenne , Huiffiers de la Chambre. M. de
Chareau Maréchal des Logis . M. Courteil
& M. le Moine Valets de Chambre du Roy.
M. Julienne & M. Berteville , Valets de
Chambre Tapifliers du Roy ; trois Fouriers
, fix Pages de la petite Ecurie , huit
Valets de pied ; fçavoir , quatre de la
P iiij
176 LE MERCURE
grande , & quatre de la petite.
M. de la Grange le fils a vendu 82 mille
livres fa Charge de Garçon ordinaire de
la Chambre, du Roy , à M. Benvilé. Ce
dernier a obtenu un Brevet de quarante
mille livres.
Le 12 qui étoit le jour d'audience des
Ambaffadeurs , le Roy les fit remercier , &
alla dîner au Château de la Muette.
Le 13 M. de Louvin , Ecuyer de Quartier
du Roy , & Ecuyer Cavalcadour de la perite
Ecurie , à qui le Roy avoit donné l'agrément
de difpofer de la Charge d'Ecuyer de
Quartier , vacante par la mort de M. Feydeau
, a vendu cette Charge à M. de Chambor.
Le 14 M. Law fut reçu Academicien
honoraire à l'Academie des Sciences , à la
place de M. le Chevalier Renau.
Le 15 M. le Duc de Richelieu ayant eu
la permiflion de revenir à la Cour , a vendu
à vie 80000 liv. à Madame la grande
Ducheffe de Tolcane l'Hôtel de Richelieu.
Le 16 un jeune Seigneur Etranger , devenu
éperdument amoureux de Madame
la D.... a eu la folie de fe tuer , fans
avoir jamais ofé declarer auparavant fon
amour à cette Dame . Ce n'eft que par un
Billet écrit de fa main , que l'on a été informé
du motif qui l'avoit engagé à s'ôter
la vie . -
DE DECEMBRE. 177
Le 17 Madame Colbert de Croiffy , Ab
beffe de Panthemont , a été nommée à
l'Abbaye Royale de Maubuiffon , Ordre
de Citeaux ; Madame de Bourbon , Religieufe
de Fontevrault ne l'ayant pas acceptée
.
Le 19 , M. Rollin , ancien Recteur de
l'Univerfité , & Profeffeur Royal en Eloquence
, prononça dans la Salle des Ecoles
exterieures de Sorbonne , un fort beau difcours
Larin , en actions de graces au Roy,
pour la fondation qu'il a faite de l'Inftruction
gratuite dans les Colleges qui la compofent.
Le Cardinal de Noailles y aſſiſta ,
avec plufieurs Prelats , & un grand nombre
de perfonnes de diftinction.
Le 21 , le Pere de la Sante , Jefuite, un
des Profeffeurs de Rhetorique au College
de Louis le Grand , en prononça un autre
fort éloquent , fur l'établiffement des trois
Academies de Litterature en cette Capitale,
le fiecle paffé . L'Affemblée fut des plus
belles & des plus nombreuſes ; les Cardinaux
de Rohan & de Biffy s'y étant trouvés
avec plufieurs Prélats .
Le même jour , M. le Marquis de Nangis
a vendu 40 mille écus le Regiment du Roy
Infanterie , à M. le Chevalier de Pezé , Capitaine
aux Gardes. Le premier s'eft confervé
la penfion de 8000 livres , attachée à ce
Regiment ; & a été en même temps pourvû
178 LE MERCURE
du Gouvernement de Salces en Rouſſillon,
fur la demiffion de M. de S. Abre qui en a
touché 40 mille livres , & les apointemens
de ce Gouvernement ont été augmentés en
faveur de M. de Nangis de 8ooo livres . Le
Roy a accordé 4000 livres de Penfion à M.
'de S. Abre.
Le 10 , Meffire Denis de Blecourt , Lieutenant-
General & Gouverneur du Navarrin,
étant mort , le Roy a accordé ce Gouvernement
à M. de Rouville Lieutenant Colonel
du Regiment de Normandie.
Le 21 M. Coëpel le fils a obtenu du Roy
la furvivance de la garde des Deffeins & Tableaux
de S. M. La Charge de Garde des
Medailles du Roy , vacante par la mort de
M. Simon , a été donnée à M. de Boze de
l'Academie Françoife , & Secretaire de
l'Academie des Infcriptions & Belles Lettres
.
Le 22 M. le Duc de Chatillon retire de
M. le Duc de Lorraine , la Terre de Ligny
en Barrois ; & M. le Prince de Tingry rentre
par droit lignager dans l'Hôtel de Luxembourg
, proche la Place de Louis te
Grand , que M. le Duc de Luxembourg
avoit vendu depuis quelque tems.
Le 23 M. l'Abbé Bignon a vendu à M.
Law fa belle Biblioteque 180000 liv.
M. l'Abbé Dubos , connu par plufieurs
Ouvrages de Litterature , fur êlû d'une voix
DE DECEMBRE. 179
ananime à l'Academie Françoife , à la place
de feu M. l'Abbé Geneft.
Le 24 l'on prepare pour le Carnaval prochain
le Theatre de l'Antichambre , fur lequel
on reprefentera devant le Roy la Comedie
de l'Inconnu , de feu Thomas Corneille.
Le Sieur de la Lande Surintendant de la Mufique
de S. M. a compofé des Intermedes
<nouveaux pour cette piece , & le Sieur Balon
Maître à danfer, & compofiteur des Balets
du Roy , fera execurer le Balet .
Le 25 , Fête de Noël , le Roy fe confeffa
à M. l'Abbé Fleury fon Confeffeur , & enfuite
S. M. entendit la grande Meffe célébrée
pontificalement par le même Evêque ,
& chantée par la Mufique. L'aprés midi , le
Roy entendit le Sermon de M. l'Abbé de
Barcos , & enfuite S. M. affifta à Vêpres ,
où le mêine M. l'Evêque de Tarbes officia.
M. Law a fait un don de roo mille écus ,
pour achever l'Eglife de S. Roch , & a été
fait Marguillier d'honneur de cette Paroiffe,
à la place de M. le Duc de Noailles . Il a fait
auffi diftribuer 100 mille écus aux Anglois
de S. Germain en Laye , dont les Penfions
ont été fupprimées.
Le 26 , l'Abbaye de Malnouë a été donnée
à Madame de Breauté , celle de Panthemont
, à Madame de Rohan, Religieufe de
l'Abbaye de S. Antoine , & fille de la feuë
180 LE MERCURE
Princeffe de Guimenée ; & l'Abbaye de Villiers
, à Madame de Clermont de Chate.
Les Lettres de Madrid portent , que par
la retraite du Cardinal Alberoni , M. le
Comte d'Aguilard avoit été choifi par la
Cour pour être premier Miniftre d'Eſpagne.
Le 27 M. le Prince d'Auvergne , connu
ci devant fous le nom de M. le Chevalier de
Bouillon , époufe Mademoiſelle de Trente,
Angloife , qui poffede de trés gros biens.
Le 28 , M. de Saintot , Introducteur
des Ambaffadeurs , a obtenu une Penfion de
Gooo livres.
Le 30 , M. de Marcieux , Colonel du
Regiment de la Couronne , arrivé depuis
peu d'Espagne , a eu ordre d'aller attendre
en Rouffillon le Cardinal Alberoni qui a
obtenu un Paffeport de la Cour. Cet Offi
cier eft chargé de conduire cette Eminence
jufqu'à Antibes.
* Le même jour , l'Affemblée de la Compagnie
des Indes fe tint à 10 heures & demie
du matin , dans la grande gallerie neuve
de l'Hôtel de la Banque , où l'on avoit
dreffé un Dais pour le Roy. Le Regent qui
y préfidoit , avoit à fa droite M. le Duc de
Chartres,& M. le Duc : A fa gauche étoient
* L'on n'entroit à cette Aſſemblée , qu'en vertu
d'un Certificat , que le Porteur étoit Proprietaire
de so Actions , pour avoir une voix. Il y avait
environ 1000 personnes.
DE DECEMBRE. 181
M. le Duc de Chaulnès , & autres Seigneurs
à droite & à gauche , fans diftinction . Visà
vis M. le Regent , M. Law qui avoit à les
côtés Meffieurs les Directeurs , affis fur des'
Tabourets. M. Corneau , Avocat ès Con
feils du Roy , l'un defdits Directeurs , fit
um difcours préliminaire , élegant par fa
précifion. Il reprit l'état où fe trouvoit la
Compagnie lors de la derniere Affemblée,"
H y détailla les differentes operations qu'elle
a faites depuis les engagemens dans lefquels
elle est entrée pour le Roy , & cxpofa
tous les moyens qu'elle avoit employés
pour y fatisfaire. Il fit enfuite fa propofition
generale à toute la Compagnie , pour
ky faire ratifier ces mêmes operations ;
aprés quoi il leut un état contenant 30 articles
, à chacun defquels le Regent demandoit
à Meffieurs les Directeurs les explications
qu'ils jugeoient neceffaires , S. A. R.
ordonna en même temps de faire lecture des
Arrêts , en vertu defquels la Compagnie a
été autorisée , au nom du Roy , à ces opera.
tions ; elle eut même la bonté , fur les plus
importans articles , de ne rien ftatuer , fans
le confentement libre de la Compagnie
affemblée , qui approuva par des battemens
de mains ces divers Reglemens . Cette feance
finit à midi & demi. On donnera le mois
prochain an Extrait des 30 Articles qui ont
été lûs.
182 LE MERCURE
Par le dernier refultat de l'Affemblée
la Compagnie des Indes s'eft trouvée en
état de donner aux Porteurs d'Actions
remplies , un dividande , ou revena de 40
pour cent par Action , c'eft-à- dire , 2001.
de rente pour la prefente année 1720 ; de
forte que ceux qui ont des Actions d'Occident
de la premiere main , & qui ne leur
coutent que soo livres , ont par Action
200 livres . Les Porteurs des nouvelles Soumiffions
qui voudront faire à la fois les 9
payemens , auront les mêmes 200 livres
pour leurs 5000 livres ; & ceux qui ont
acheté à mille , & qui voudront auſſi remplir
, auront les mêmes 200 livres. Outre
cela , ils jouiront encore des 4 premieres
repartitions de 1718 & 1719 , qui montent
en tout à 40 livres .... Pour les premiers
, c'eft 40 pour cent. Pour les feconds.
c'eft 4 pour cent , outre les 40 livres . Et
pour les derniers , c'eft 2 pour 100 , outre
lefdits 40 livres .
La Compagnie des Indes ayant établi des
Bureaux pour vendre & tacheter des Actions
; le 2 de Janvier , elle les acheta 900
liv. & les vendit 910 ; le 4 , elle les prit à
910 , & les donna à 920 ; le 5 , elle les
acheta 930 , & les revendit à 940.
M. l'Archevêque de Rheims , qui s'étoit
rendu depuis quelque temps à Paris , retourna
le 31 de ce mois dans fon Diocele.
DE DECEMBRE. 183
Ce Prelat a eu permiffion du Regent de
figner le Cardinal de Mailly , en écrivant
au Pape , aux Cardinaux , & dans les Païs
étrangers , & non en France.
M. le Prince de Bournonville a vendu
40 mille écus le Regiment de Condé Cavalerie
, au fils de M. le Comte d'Uzez.
M. de Montgomery ancien Marêchal
de Camp , a eu une penfion de trois mille
livres , & Madame la Ducheffe d'Eftrées la
jeune , une de quatre mille livres.
Le Contrat de vente du Comté de Clermont
, vendu par M. le Comte de Guife , à
M. le Duc , fut figné le 31 de ce mois.
Le Roi a fait deux Grands- Croix de l'Ordre
de Saint Louis ; fçavoir , M. de Bruffac
Major des Gardes du Corps , & M. de
Segur le Pere ; S. M. a donné en même
tems le Grand Cordon Rouge du même
Ordre à Meffieurs de Villars Ayde- Major
des Gardes , de Nocé Lieutenant Colonel
de Vermandois , à M. le Camus des Touches
Lieutenant General d'Artillerie , à M.
Trudaine Commandant de la Gendarmerie:
à M. de la Fare , & à M. de la Billarderie
Lieutenant des Gardes du Corps.
P.S. On écrit de Nancy que le feu
s'étant pris dans un tuyau de cheminée ,
qui faifoit craindre pour la maiſon entiere ,
quelques Gardes par ordre de S. A. R.
le Duc de Lorraine , y accoururent pour
184 LE MERCURE
en empêcher l'effet ; & fur le refus qu'on
leur fit d'en ouvrir les portes , ils furent
obligez de les enfoncer. Aprés avoir parcouru
toutes les chambres , ils reconnurent
que ce feu prenoit fon origine dans les caves
qu'ils vifiterent exactement. Ces Gardes
furent fort furpris d'y voir un balancier
, des fourneaux , creufets , & matiere
d'or & d'argent preparée. Ils en firent auffitôt
avertir S. A. R. qui donna ordre qu'on
arrêtât le fieur .... qui étoit allé fouper
en Ville. Son autre affocié fut d'abord affés
heureux pour ſe fauver ; mais on a fçû depuis
, que l'on s'étoit faifi de lui fur les
frontieres de la Franche- Comté. Toutes les
efpeces que l'on a trouvées , tant d'or que
d'argent , étoient au même titre , poids , &
karat , que celles de France, & l'empreinte
toute femblable à nos nouveaux Louis &
Ecus. On a découvert que ces deux affociez
tiroient , tant de France , que des Païs
étrangers , tout autant de vieilles efpeces
qu'ils pouvoient , pour en fabriquer de
neuves fur lesquelles ils faifoient un profit
exorbitant. On a pareillement arrêté
à Paris la femme d'un de ces Meffieurs ,
laquelle y faifoit de frequens voyages , pour
fe défaire de cette nouvelle monnoye , &
en rapporter en échange d'ancienne.
Le Public a eu enfin la fatisfaction de
voir ce mois - cy , la repreſentation de deux
nouvelles
DE DECEMBRE. 185
V
nouvelles Pieces de Theatre. La premiere
eft une Tragedie intitulée les Heraclides,
dont M. Danchet eft l'Auteur ; & l'autre ,
une Comedie Françoile en Profe & en
trois Actes pour le Theatre Italien , ſous
le titre de Melufine de la compofition de
M. Fuzelier , Auteur de Momus Fabulifte ,
qui fe vend chez la Veuve Ribou Quay
des Auguftins à l'Image Saint Louis.
M. Fremy va donner au Public l'Effay
d'un nouveau Syfteme , pour l'explication
des Auteurs en Latin , & en toutes autres
Langues , ainfi que pour la compofition .
Cet Auteur prétend par l'ufage d'une feule
regle Monofyllabique , fuppléer au nombre
prodigieux des regles ordinaires : il y joindra
quelques Hieroglifes fecourables à la
memoire. Le tout par une efpece de Démonftration
proportionnée à la capacité des
moins intelligens ; il en fera une application
fur Phedre & fur Perfe , pour rendre
fa regle plus fenfible .
MORTS ETRANGERES.
A Princeffe hereditaire Palatine de
Sultzbach , accoucha le 8 Novembre
1719 d'un Prince , qui n'avoit été porté
que fix mois , lequel fut baptifé , & mourut
peu aprés. C'étoit le fecond Prince dont
elle étoit accouchée avant terme.
Rofine - Apollonie Comteffe de Geyerf
perg & Ofterberg , Epoufe de François186
LE MERCURE
Antoine Comte de Walfeg , de Stupach ,
Clam , &c. Conſeiller d'Etat de l'Empereur
, & au Confeil des Finances , & Pre.
fident de la Chambre Aulique , mourut le
16 Novembre , âgé de 47 ans.
François Louis Baron de Rofenbach ,
Confeiller d'Etat de l'Evêque de Wirtzbourg,
mourut à Paris le 24 Novembre.
Jean- Philippe- Charles Baron d'Honſtein,
Chanoine de Treves & de Liege , mourut
à Paris le 8 Decembre.
CHARGES ET DIGNITEZ.
E Comte de Walfeg , dont il eft par-
Lié dans cette lettre en vous apprennant
la mort de fa femme , s'étant demis à caufe
de fes infirmités , de la Charge de Prefident
de la Chambre Aulique , S. M. Imperiale
l'a conferée à Jean-François - Gode
froy Comte de Dietrichftein , qui étoit
Prefident de la Banque.
Et donné celle de Prefident de la Banque
à Ferdinand Crackowski , Comte de
Colowart.
Bernard Georges de Mikos , Confeiller
de la Chambre Aulique de l'Empereur , a
été nommé en Novembre, Confeiller d'Etat
& de la Conference fecrette des Finances ,
& Baron du Saint Empire.
Le... Novembre le Roi d'Efpagne a
nommé à l'Evêché de Nicaragua dans la
Nouvelle Efpagne le Pere Jofeph Giron ,
DE DECEMBRE. 187
de l'Ordre de Saint Dominique , & Provincial
de la Province de Saint Vincent ,
de Chiapa , & de Guatemala.
Et a donné un titre de Marquis en Cafille
à Don Miguel Fernandez Duran , Secretaire
d'Etat pour la Guerre , la Marine &
les Indes.
Le 2 Decembre le Roi d'Angleterre a
donné l'Ordre de la Jarretiere , à N. Spencer
, Comte de Sunderland .
M
MORTS DE PARIS.
Effire Charles le Tonnelier- Breteuil,
Baron d'Ecouché , &c. mourut fansalliance
le premier Decembre. Il étoit fils
unique de Mre Claude le Tonnelier - Breteuil
, Baron d'Écouché , Confeiller de la
Grande Chambre , & de Dame Marie-Therefe
de Froulay , à prefent Veuve de Mre
René François Marquis de la Vieuville.
Mte Philippe Alexandre de Conflans ,
Marquis de Saint Remy , &c. Premier
Gentilhomme de la Chambre de S. A. R.
Monfeigneur le Duc d'Orleans , Regent ,
mourut le 2 Decembre.
Mre Baltafar de Pardailhan de Gondrin ,
Marquis de Bellegarde , Chevalier de l'Ordre
de Saint Louis , Capitaine de Vaiffeau
de S. M. & Surintendant des bâtimens en
furvivance de M. le Duc d'Antin fon pere,.
mourut les Décembre , âgé de 30 ans.
M. Simon , Garde des Medailles de S..
Qij
188 LE MERCURE .
M. & l'un de Meffieurs de l'Academie
Royale des Inſcriptions & Medailles , mourut
le 11 Decembre.
Mre Jean Morel , Confeiller Honoraire
de la Grande Chambre du Parlement , &
Abbé de Saint Arnoul de Metz , mourut
le 17 Décembre.
Mre Nicolas de Creil , Seigneur de Bazoches
, Confeiller de la Grande Chambre,
mourut le 18 Decembre.
Dame Anne-Henriette de Cordouan de
Langey , Epoufe de Mre Charles Hoüel ,
Marquis de Gadeloupe , Hoüelbourg , Seigneur
de la Roche- Bernard , Varenne , &c.
Maréchal des Camps & Armées du Roy,
& Capitaine au Regiment des Gardes de
Sa Majefté , mourut le 20 Decembre.
Mre N. Marquis de Vivans , Lieutenant
General des Armées du Roi , mourut le 7
Novembre 1719. Il avoit été nommé Maréchal
de Camp en Decembre 1702 , &
Lieutenant General en Octobre 1704. Servit
en cette qualité à la prife des Lignes de
Stholhoffen en May 1707. Défit peu de
jours aprés un Corps de quatre à cinq cens
Cuiraffiers Allemans prés de Phortzheim :
commanda la même année un Corps de
ooo hommes du côté de Lutterbourg &
du Fort-Louis , & fervit au fiege de Landau
& de Fribourg en 1713. Le Roy a
accordé une penfion de deux mille francs
La Veuve
DE DECEMBRE. 189
Dame Marguerite le Cordier du Tronc ,
Abbeffe de l'Abbaye Royale de Villiers
O. de C. proche la Ferté Aleps , mourut
le 6 Decembre. Madame du Tronc étoit
foeur de M. le Marquis de la Londe , de
M. le Marquis du Tronc , Maréchal des
Camps & Armées du Roi , & de Madame
dè Savari , dont le mari eft Grand Maître
des Eaux & Forefts de Normandie : elle
étoit auffi niece de feu M. Bontems premier
Valet de Chambre du Roi.
Dame Marie Senteüille , Veuve de Mre
Jacques Defita , Confeiller du Roi, Lieute
nant Criminel en fon Châtelet de Paris ,
mourut ici le 23 Decembre en odeur d'une
grande pieté.
Madame Charlotte Elizabeth de Cochefilet
, de Vauvineux , Epoufe de Charles
de Rohan Prince du Guemené , Duc de
Montbazon , &c. mourut fubitement le 24
Decembre âgée de 57 ans : elle étoit fille
unique de Mre Charles de Cochefilet ,
Comte de Vauvineux , &c. & petite fille
de Mre André de Cochefilet , Baron de
Vaucelas , &c. Chevalier des Ordres du
Roi , & Ambaffadeur en Efpagne & en Savoye.
Mre Jean- Baptifte Hüe , Marquis de Miromenil
, Maréchal des Camps & Armées
du Roi , mourut le 27 Decembre en fa 53
année , ne laiffant que deux filles de Dame
190
LE MERCURE
N. Hebert , fille de feu M. Hebert , Seigneur
du Buc , Maître des Requêtes , &
Dame N. le Gendre.
Mre François Amable de Moneftay, Marquis
de Chaferon , Lieutenant General des
Armées du Roi , & Gouverneur de Breft ,
mourut le 28 Decembre , âgé de 61 ans.
Il étoit fils de Mre François de Moneſtay ,
Marquis de Chaferon , &c. Chevalier des
Ordres du Roi , Lieutenant General de
fes Armées , & de la Province de Rouſſillon
, & Gouverneur de Breft , mort en
1697.
Mre René Merault, Seigneur de Villeron ,
Confeiller au Parlement , mourut le 28
Decembre..
Mre Eftienne Jacques de Guillerault , Seigneur
de Bleré, Baron de la Croix , & c . auli
Confeiller au Parlement , mourut le 30
Decembre.
Mre Jean Yves , Seigneur de Saint Preft,
Secretaire des Commandemens de S.
A. R. M. la Ducheffe d'Orleans , & Directeur
de l'Academie des affaires étrangeres
, auffi recommandable par fes bonnes
moeurs , que par fon érudition , mourut à
Paris le 31 Decembre.
DE DECEMBRE. 192
Compliment fait au Roy le premier jour
de l'an , par M. de la Motte ,
de l'Academie Françoiſe.
LE Pere des faifons recommence fon cours 3
Mais il ne fournira que la même cariere
Etfans accroiffement , c'est la même lumiere
Qui nous va difpenfer les jours.
Il n'en est pas ainfi du cours de tes années ;
Cher Prince !fous tes pas ta cariere s'étend ;
Ilfaut que pour remplir tes hautes deftinees ,
Tous tes jours foient marqués d'un progrés éclatant.
Tu n'as point jufqu'ici trompé nôtre eſperance ; :
Unjournous tient ce qu'un autre promet
Et tandis que le temps s'avance ,
Où toi-même tu dois exercer ta puissance ,
Le jour au jour fuivant te Laiffe plus parfait.
Heureux tes refpectables Maitres ,
De voir de leurs leçons multiplier les fruits
Heureux tes Auguftes Ancêtres ,
De fe voir en tot feul chaque jour reproduits.
Heureux tout un Peuple qui t'aime ,
De te voir croitre ainfi pour combler tous fes voeux,
Mais encore plus heureux toi- même
De croitré pour nous rendre heureux.
Avis de l'Auteur du Mercare , an Public
I Es frais pour la compofition du Mercure
plufieurs mois , tant par la cherré du Papier ,
que par celle de l'Impreffion &c . l'Auteur fe voit
obligé d'en augmenter le prix de cinq fols : de
forte qu'à commencer par le Recueil de Janvier
prochain 1710 , ce Livre fe vendra à l'avenir
vingt cinq fols chez les mêmes Libraires qui
le debitent.
APPROBATION .
J'
'Ay lû par ordre de Monfeigneur le
Garde des Sceaux , le Mercure de Decembre
1719. A Paris le s Janvier 1720.
BLANCHARD.
TABLE.
LEttre de M. N. à M. N. fur Phiftoire de
France , fous le Regne de Louis XIV. par
Larrey. 3
Suite de la Lettre de M. de Marivaux. 41
Edits , Arrefts , & Declarations.
L'A&ionnaire Bigame , Avanture.
Poëfies.
Enigmes.
Vaudeville.
54
$7
115
115
116
118 Nouvelles Etrangeres.
Ouverture du Parlement d'Angleterre 136
Ode au Regent.
Deffy à M. Lavupar M. Hauterot.
Journal de Paris.
Morts Etrangeres.
Charges Dignitez.
163
166
171
185
186
Morts de Paris. 187
Compliment fait au Roy le premier jour de
l'an , par M. de la Motte.
Avis neceffaire.
191
191
CR
!
FEB 19 1931
Presented by
the Century Associations
to the
New York
Public
Library
John
Bigelow
tothe
3,7
Century
Association
Meron
LE
NOUVEAU
MERCURE
Septembre 1719.
Le prix eft de vingt fols.
A PARIS,
Chez
GUILLAUME
GAVELIER , au Palais.
La Veuve de PIERRE RIBOU , Quay des
Augustins , à l'Image S. Louis.
EGUILLAUME CAVELIER , Fils , rue S.
Jacques , à la Fleur - de- Lys d'Or.
M. D CC . XIX.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY
335114
ASTOR , N
AVIS.
TILDENA
prie ceux qui adref
05
ONS
feront des Paquets ou
Lettres à l'Auteur du Mercure ,
d'en affranchir le port ; fans
quoy , ils resteront au rebut .
L'Adreffe de l'Auteur , cft.
A Monfieur BUCHET , Cloitre
S, Germain de l'Auxerrois.
•
On donne avis , qu'on trouve
chez les Libraires ci deffus
nommez , tous les Mercures
de l'année 1718. de même que
l'Abregé de la Vie du CZAR .
De l'Imprimerie de JACQUES CHARDON
au bis de la rue S Jacques , rue du perit - Pont,
prés le petit Chatelet à la Croix d'or.
LE
NOUVEAU
MERCURE
que
Dialogue fur la Volupté.
PAUSANIAS A SON AMI.
N
Os jeunes gens firent hier le
facrifice ordinaire à Mercure.
En verité il eft difficile de
r en voir de plus aimable que
la Jeuneffe d'Athenes . Après
la ceremonie fut achevée ; comme il
faifoit beau , la plupart fortirent de la
Ville pour aller fe divertir hors de l'enceinte
des murs , & joüir du loifir que la
Fête leur donnoit . Ils avoient encore fur la
tête leurs couronnes de fleurs , qu'ils garderent
tout le jour , & s'amufoient à differens
exercices fur le bord d'Iliffus. Les
A ij
LE MERCURE
+
3
plus grands s'étoient fait amener des chevaux
, pour les monter dans la plaine , &
fignaler leur adreffe devant les plus jeunes
Les autres les regardoient faire , en
s'occupant à des jeux convenables à leur
âge. Nos Dames accompagnées de leurs
aimables filles , ne manquerent pas de s'y
trouver , afin de contribuer au plaifir de
la Fête , & plus encore pour faire admirer
leurs charmes . Je ne fçai pourquoy
Agathon arriva plus beau que le jour , accompagné
d'une troupe choifie de jeunes
gens de fon âge. Tous les yeux étoient ar
tachez fur cet aimable garçon ; il repandoit
fur toutes fes actions , une grace &
une douceur qui donnoient aux yeux comme
au coeur de nos belles Grecques , de la
vivacité & de la tendreffe ; & je ne fçai
même , fi je ne puis point le comparer à
l'Helene d'Homere , dont les attraits fe firent
fentir à Priam. Je le fuivis comme les
autres. Lorfque je fus affés prés de lui
j'entendis que quelques jeunes gens de fa
compagnie le prioient de leur redire un
entretien qu'il avoit eu avec Afpafie fur
la Volupté. Il refula quelque tems ; aprés
quoy il fe fit un plaifir de ceder à leurs
inftances. Toute cette troupe s'étant mife
autour de lui , il leur dit avec cet agrement
qui lui eft fi naturel : Je voudrois
bien , mes amis , fatisfaire vôtre curiofité ;
mais je fens bien que je ne le puis faire
DE. SEPTEMBRE.
5
動
1
qu'imparfaitement : Il me faudroit du
tems pour me rappeller l'entretien d'Afpa-,
fie , & vous me prenés au dépourvû ; mais
vous le voulés , fouvenés- vous que je vous
obéis. Vous favés la part qu' Afpafie a dars
nôtre Gouvernement , par l'amour qu'elle
a fçû infpirer à Pericles . Vous fcavés auffi
que la reputation de fon merite & de fon
elprit , a attiré chés elle les plus grands
Philofophes , entr'autres , Anaxagoré , &
Socrate qui ne dit rien ferieufement ; il
affûre neanmoins qu'elle lui a enfeigné la .
Rethorique. Ne vous étonnés point , aprés
cet aveu , fi le difcours de cette femme
admirable répond à fes connoiffances , &
fi ce que je vais dire d'aprés elle , eft audeffus
des raifonnemens que tiennent ordinairement
les femmes.
Un jour donc que j'étois demeuré feul
avec elle , & que je lui parlois de la volupté
, parce qu'elle ne peut qu'en reveiller
les idées , & parce que j'ay apris de
Socrate qu'il faut parler à chacun des chofes
où il excelle : La plupart des hommes ,
me dit elle , font debauchés fans être voluptueux
; & comment , lui dis-je ? la Volupté
eft donc differente de la debauche ?
comme le blanc l'eft du noir , reprit- elle ;
& vous même , Agathon , je vous croy
fort voluptueux , fans vous croire debauché.
Je vous prie donc , belle Afpafie , de
m'apprendre à me connoître , & qu'eft ce
A iij
6 LE MERCURE
que la volupté par oppofition à la débauches
afin que quand Socrate viendra avec
fes queftions pour me vouloir prouver que
je ne me connois pas moy- même , j'aye des
armes pour me deffendre , & que je puiffe
lui faire voir que vous avés û plus d'un
diſciple.
Afpafie ne put s'empêcher de fourire ;
& reprenant la converfation , me dit :
La nature a mis dans toutes les chofes qui
ont vie , un certain defir d'être heureux ;
& c'eft cette inclination qui porte chaque
animal à chercher le plaifir qui lui convient.
L'homme qui participe de l'effence
divine , & pour qui , dit- on , Promethée
a derobé le feu du Ciel , fait feul goûter
le plaifir par l'efprit ; c'eft cette reflexion
qui diftingue la volupté d'avec la débauche.
L'homme parfait eft voluptueux ;
mais celui , qui fe livre à fon temperament,
ne differe des bêtes que par la figure , n'a
de plaifir que ceux
que ceux de la débauche
& la debauche n'eft autre chofe , qu'un
emportement qui vient tout entier de
l'impreffion des fens. La raifon a fa molef
fe , & fait fe plier aux chofes qui conviennent
à la nature d'une ame bien née , &
qui ne tient au corps que par des liens foibles
& delicats. A parler jufte, il n'y a d'aimable
que ces caracteres ; les autres font
durs & fans nulle inclination pour la
vertu ni pour la politeffe ; auffi n'ont- ils
›
>
DE SEPTEMBRÉ .
*7
.
jamais de vrais plaifirs : Mais oferois -je ,
Agathon , parler de chofes encore plus
relevées , & oferois je vous en parler :
je crains bien de m'oublier , mais on me
pardonnera avec Agathon.
Vous connoiffés Anaxagore , il étoit
ici comme nous voilà. La plupart des
jeunes gens étoient à l'armée , & ma chambre
n'étoit remplie que de Philofophes.
La converfation fe tourna fur des chofes
ferieuſes , & Anaxagore prenant la parole,
fe init à dogmatifer ainfi , peut- être contre
fon fentiment .... Avant le commencement
du monde , il prenoit la chofe de
loin , les élemens étoient mêlés , & la
matiere formbit ce que les anciens Poëtes
ont nommé Cabos. Alors la Volupté , &
l'amour y mit une chaleur qui n'eft jamais
fans nouvement , & du mouvement vint
Pordre & l'arrangement de l'Univers.
Chaque partie de la matiere s'uniffant à
celle qui lui convenoit, & demeurant dans
l'équilibre avec les corps voifins , felon la
grandeur de fon Volume , car j'en ai rètenu
les termes ; l'homme , comme le plus
accompli des Etres , ût plus de
part à ce
feu univerfel , qui dans chaque corps en
particulier , comme dans toute la maffe
de la matiere , eft le principe de la vie &
du mouvement. Celui qui en ût davantage ,
fut auffi le plus parfait ,. & reçût avec le
feu plus d'inclination à la volupté. Je me
A iiij
LE MERCURE
?
mêlai , continua Afpafie , dans la converfation
en perfonne capable ; & vraiment,
lui dis je , je vous fay bon gré d'admettre
le feu pour principe de toutes chofes ; auffi
bien n'ai-je jamais rien compris à ceux
qui tiennent pour l'eau , & c'eft par cete
raifon que je n'ai jamais aimé le commencement
d'une Ode de Pindare : En
effet , ajoutai-je , fans parler des Arts , les
agremens , les manieres , la vivacité , tout
cela feroit bien loin , s'il n'y avoit que de
l'eau au monde , & je fuis fûre , me dit- elle,
que l'eau ne vous eût jamais infpiré cette
belle Tragedie que vous lûtes dernierement
ici ; ce qui fait que depuis ce temslà
, on ne parle que de la fleur d'Agathon.
J'étois fi charmé & fi occupé de fon difcours
, que fans trop répondre à fes flateries
; mais , Afpafie , repris -je , en l'interrompant
, n'ai -je pas oui dire à Socrate
que la volupté étoit l'amorce de tous les .
maux , parce que les hommes s'y laiffent
prendre , comme les poiffons à l'appas du
hameçon ?
Il eft vrai , me repondit- elle , que cette
inclination qui nous porte tous au plaifir
a befoin de la Philofophie pour être reglée
; & c'eft à quoy l'on connoît les
honnêtes gens qui par une attention exacte
, reglent toutes les actions de leur vie ,
& favent toûjours ce qu'ils font . Les autres
au contraire , errant à l'avanture , & fans
1
DE SEPTEMBRE.
nul autre guide que l'impreffion de leur temperemment
, fe laiffent toûjours tiranniſer
par quelque action brutalle; c'eft la maxime
d'ufer des plaifirs qui fait la volupté ou
la debauche . La volupté , repris-je , fera '
donc l'art d'ufer des plaifirs avec delicateffe
, & de les goûter avec des fentimens
vertueux. Mais donnés- moi quelque exem
-ple de cela , afin que ne doutant plus du
principe , je fçache en tirer les confequences
: Je le veux bien , répondit Afpafie
, & où le prendrons nous que dans l'amour
, celui de tous les plaifirs le plus ca-
-pable de delicateffe & de groffierete. ?
Quiconque fe livre à l'amour par une
inclination qui ne porte pas fur un goût.
fin & fur des fentimens exquis , n'eft point
un homme voluptueux , c'eft un debauché
; mais celui qui aime les qualités de
l'ame plus que celles du corps , qui tâche
à s'y unir autant qu'il eft poffible , par un
commerce vertueux de fentimens & d'ef
prit , qui fuivant une fine galanterie , prefere
la partie fpirituelle à la corporelle
ou tout au plus ne cherche qu'à partager
un beau corps avec une ame fi parfaite ;
celui-là peut paffer pour avoir le vrai
goût de la vraie volupté. Ce goût adoucit
la raiſon plûtôt qu'il ne l'affoiblit , &
conferve la dignité de la nature de l'homme.
Je voy bien prefentement , lui dis-je,
qu'il ne faut pas écouter nos fages qui
fo LE MERCURE
condamnent indiferemment toute volupté .
J'ofe dire , me répondit-elle , qu'ils n'en ont
point une idée affez diftincte , & qu'ils la
confondent avec la debauche car la verité
n'eft-elle pas en quelque forte la volupté
-de l'entendement ? La Poëfie , la Muſique,
la Peinture , l'Eloquence , la Sculpture ,
ne font-elles pas tous les plaifirs de l'imagination
? Il en eft de même des vins exquis
, des mets delicieux , & de tout ce
qui peut fater le goût , fans alterer le
temperemment . Pourvû que la raifon conferve
fon empire , tout eft permis , &
l'homme ne ceffant point d'être homme
l'action eft jufte & louable , puifque le vice
n'eft que dans le dereglement : Mais
voilà bien de la Philofophie , & je ne comprens
pas pourquoy je fçai tout cela. Il eft
vrai , ajouta-elle , que ce font les galanteries
dont Socrate m'entretient , mais finiffons
: Il n'y a donc plus de fondement
dans cette guerre naturelle qu'ils ont imaginée
entre la Raifon & les Paffions ; elle
doit plûtôt les regler que les combattre ,
& moins travailler au deffein chimerique
de les deraciner de nous-mêmes , qu'à les
affaifonner par le goût de l'efprit & par le
fentiment du coeur. On peut être Philo
fophe & facrifier aux Graces , fans qui
l'amour même ne. fçauroit plaire ; ne peuvent-
elles pas s'accorder avec la fageffe ?
J'ai toujours trouvé que cette inclination
DE SEPTEMBRE. II
,
adoucit les pour les chofes aimables
moeurs , donne de la politeffe & de l'honnêteté
, & prepare à la vertu , laquelle ainfi
que l'amour , ne fcauroit être que dans un
naturel fenfible & tendre.
Voilà , mes amis , quel fut le difcours
d'Afpafie ; elle me perfuada. Depuis ce
jour, je ne fuis plus de l'avis de ces Philofophes
, qui foutiennent que la débauche &
la volupté ne different que du nom. Mais,
ils nous aiment trop & quittent trop
fouvent leur retraite pour nous ; & quelque
chofe qu'ils difent , leurs actions me
font croire que dans le fonds , ils ne font
pas éloignés du fentiment d'Afpafic.
客
Pourquoy , l'on ne voit plus ou presque
plus , de perfonnes poffedées du Demon
comme on en voyoit dans les premiers fiecles
de l'Eglife.
Par M. DE CHANSIERGES .
I
Es Chrétiens de la primitive Eglife
étoient prefque tous des Saints ; ils
ne refpiroient que la ferveur & l'amour de
la penitence. Les Demons confternés de ne
pouvoir poffeder ces ames vraiment chrétiennes
, tâcherent de fe vanger en tourmentant
les corps qu'elles animoient. Ils s'y
72 LE MERCŰRÉ
enfermerent avec elles pour y exercer leurs
fureurs. Auffi- tôt on vit de toutes parts des
Chrétiens poffedés du Demon ; ils paroiffoient
tous agités de mouvemens convulfifs.
De leur bouche fortoit une voix étrangere
qui pouffoit d'effroyables cris . Bientôt
les Temples furent pleins de ces victimes
innocentes de la rage des Démons.
L'Eglife fit des prieres expreffes pour les
chaffer des corps qu'ils tourmentoient ;
elle les forçoit à fubir fes queftions : elle
les interrogeoit au nom du vrai Dieu ; &
l'auteur du menfonge étoit contraint de
rendre témoignage à la Verité , & prefque
toujours de fortir des corps qu'il poffedoit.
Mais dans la fuite , les Démons voyant
qu'ils n'avoient qu'une rage impuiffante ,
commencerent à fe ralentir. Ils laifferent
paffer aux Chrétiens leur premier feu ; &
n'en voulant dans le fonds qu'à leurs ames,
pour s'en rendre les maîtres , ils s'y prirent
d'une façon toute oppofée à la premiere.
Cherchons tout ce qui peut les flatter ,
rent- ils entreux . Il faut que les Demons
de la vanité , de l'avarice , de l'interêt ,
de l'envie , & c . employent tout ce qu'ils
ont d'adreffe , pour poffeder les coeurs de
ces hommes que nous n'avons pu vaincre
par la douleur. Il faut qu'ils s'en faififfent
par les amorces du plaifir . Laiffons les faire
feulement , & les Chrétiens font à nous .
di-
D'abord le Demon de la vanité , fit dif
DE SEPTEMBRE.
13
paroître cette fimplicité aimable qui regnoit
auparavant. L'aveugle opinion corrompit
les efprits ; le fuperflu fut regardé
comme neceffaire ; on méprifa la
mediocrité dans les biens , la pauvreté parut
affreuse ; la vanité fe répandit de
toutes parts. Bientôt on ne refpira plus
qu'elle. Cette contagion infecta les Grands
& le peuple même. Cette fumée obfcurcit
la raifon des plus fages , elle enyvra les
plus fobres ; elle penetra dans les lieux les
plus retirés. Ce Demon fe gliffa comme
un ferpent , fous les habits les plus humilians
de la penitence , & foufla fon venin
dans le fonds des coeurs.
Le Démon de l'envie divifa ces doux
liens par lefquels les Chrétiens étoient fi
étroitement unis enfemble. Loin d'avoir
leurs biens en commun comme auparavant
, ils ne chercherent qu'à fe les ravir
les uns aux autres. Loin de s'affliger fur
les malheurs de fes freres , on reffentit une
maligne joye de leurs difgraces , & l'on
affecta même alors de leur faire voir un
fourire amer. Loin de fe réjouir avec eux
de leur profperité , on ne fongea qu'à pallier
le depit mortel dont on fe fentoit dechiré.
Le Demon de la chicanne prit le nom &
la reffemblance de la juftice. Il reveilla les
efprits les plus tranquiles , il alla troubler
leur repos . Avec lui parurent les confeil
14 LE MERCURE
pernicieux , le prejugé trompeur , l'eſpoir
d'acquerir plus trompeur encore, & l'aveugle
obftination, Compagne prefque infeparable
de la chicanne : On ne parla plus que
d'Arrêts , d'Apels , de Sentences. Les
voifins fe difputerent fur leurs limites.
On vit de pleins facs de papiers , plus
propres à former une chaîne de procés ,
qu'à en terminer un feul . On embroüilla
toutes les loix , les Teftamens les plus
clairs fouffrirent diverfes interpretations ;
& pour intenter unprocès , on ne fongea
bien fouvent qu'à trouver une équivoque.
4
Le Demon du jeu cacha fon funefte poifon
, & ne fut regardé d'abord que comme
un agréable délaffement d'efprit . Tout
paroiffoit innocent en lui , & l'on ne fongeoit
point à s'en défier ; mais il fit fi
bien , que l'interêt fut enfin de la partie.
On s'ennuyoit fans lui. Il fut regardé
comme un doux éguillon qui reveille &
l'attention & le plaifir . Chacun fe laiffa
piquer à un trait d'autant plus dangereux ,
que l'on en prevoyoit point les fuites,
Bientôt on vit fe former des Affemblées
où les Chrétiens alloient facrifier leur ar
gent au Demon du jeu . Là il les remplif
foit de fa fureur & de fa rage . On voyoit
de toutes parts des troupes de ces Poffedés,
que la perte de leurs biens & de leur fanté
ne pouvoit retenir , paffer les jours & les
nuits dans ces maifons qu'on a qualifié du
DE SEPTEMBRE.
IS
nom d'Academies , mot auparavant confacré
pour fignificr ces lieux où l'on n'aprenoit
que la vertu & la fageffe. Oh que de
contorfions effroyables le Demon du jeu
leur fit faire ceux dont ils poffederent les
corps , ne firent jamais tant de mouvemens
convulfifs .
Enfin mille autres Demons que je ne
nomme point , poffederent les coeurs des
Chrétiens , & les ont toujours poffedés de
plus en plus jufqu'à prefent. Voilà la raifon
pourquoy ils ne poffedent gueres aujourd'hui
leurs corps , ils n'en veulent qu'à
leurs ames ; ils ont ce qu'ils fouhaitent.
ils n'en demandent pas davantage. Mais il
faut avouer que fi l'on ne voit plus ou pref
que plus de poffedés comme autrefois , on
en voit d'une autre efpece un bien plus
grand nombre .
Suite & fin des Memoires de M. de ..
Ous n'êtiez qu'un enfant ,lorfque Madame
Defchaffours mourut. Vous
per dites en elle une merè tendre , apliquée
à fes devoirs ; & moy , une épouse fidele
que j'aimois paffionnément. Vous me
confolates de cette perte ; & l'amour quej'avois
partagé entre vous & elle , vous le réu
nites fur vous feule. Je vous aimay , non feu16
LE MERCURE
lement parce que vous êtiez ma fille ; mais ,
parce que je découvrois en vous toutes les
qualitez qui peuvent rendre aimable. La
nature & l'age ont perfectionné vôtre beauté.
Mesfoins fecondés de vos heureuſes difpofitions
, vous ont renduë telle , que j'ofe
dire que fi vous n'êtes pas accomplie , c'eft
qu'il n'eft pas donné à une Mortelle de l'être.
Je ne parle point en pere prévenu ; je parle
en homme in different , Juge équitable des
chofes . Ces charmes & ce mérite , loin de
vous rendre heureufe , pourroient un jour
vous être funeftes. La nature & la fortune
font rarement d'accord , pour combler de
leurs graces un même sujet , & il femble que
P'une ne travaille qu'à détruire ou à perfecuter
les ouvrages de l'autre . Cependant,
Placidie , quoiqu'on nous dife de l'étoile &
de la deftinée , nous sommes en quelque maniere
les artifans de notre bonheur ou de nôtre
malheur. J'avoue que la prudence humaimaine
a des bornes , & qu'il arrive fouvent
des revers inopine dont toute nôtre prudence
ne peut détourner la malignité ; mais
elle peut y remedier. La patience & lafermeté
nous foûtiennent dans les difgraces . J'ai
tâché de fortifier vôtre ame , & de la rendre
inébranlable dans ces événemens affreux
qui dérangent la raifon la plus forte : Mais,
commej'ay mieux auguré du fort qui vous
attend , j'ay moins travaillé à vous armer
contre la mauvaife fortune , qu'à vous rendre
DE SEPTEMBRE 17
dre digne de la bonne . Vous avez dans vousmême
de quoi la meriter. Mes confeils vous
fourniront les moïens de vous y maintenir.
Pour cela , Placidie , il ne faut vous en
écarter jamais , y joindre dans l'occaſion ce
que l'experience & vos propres lumieres vous
Suggereront , reflechir dans les chofes fur
lefquelles le temps vous permettra de le faire,
& prendre fur le champ vôtre party dans
celles qui ne demanderons point de remifes.
Mais , comme ce que je vous dis ici , eft trop
Dague , & que j'ay defcendu avec vous dans
des détails plus circonftanciés , la peur que
j'ay qu'ils n'échapent à vôtre mémoire ,
m'engage à vous les donner par écrit.
» Vous fçavez , Placidic , que dès quie
» vous avez' cu l'ufage de raifon , j'ay tâ-
» ché de vous faire comprendre qu'il n'y a
» rien de fi élevé , où une fille qui a de
as l'efprit & de la beauté , ne puiffe afpirer.
Je voyois avec plaifir que les idées de
grandeur faifoient une agreable impref-
≫lion fur vous : Que fufceptible d'une noble
ambition , vous defiriez avidement
» les plaifirs & les honneurs que je vous
faifois entrevoir. Vous écoutiez mes con-
»feils avec docilité , & vous preveniez par
» vos queſtions les chofes que je ne voulois
vous apprendre que fucceffivement . Une
a mémoire merveilleufe vous faifoit retenir
» lés évenemens & les exemples . Une conception
plus meveilleufe encore ,
B
18 LE MERCURE
»
faifoit reduire les preceptes en pratique.
» La Philofophie , la Fable , l'Hiftoire
»quoique je ne vous la montraffe qu'en paffant
, n'avoient rien d'inacceffible à votre
penetration. C'étoit uniquement l'art de
plaire que je voulois vous montrer , &
»vous y avez fait des progrés qui ont paf-
» fé toutes mes efperances. Je vous dis tou-
» tes ces chofes , Placidie , non pour vous
» donner de la vanité , mais pour vous fai-
» re voir combien vous ferez blamable', fi
» votre conduite ne répond pas à vos lu-
» mieres.
Les hommes vécurent d'abord dans une
égalité de condition , que je ne crains pas
d'appeller stupide. En effet , à qui étoitelle
favorable cette égalité ? A ceux qui n'avoient
ni l'efprit ni le courage de s'élever .
Les ames baffes & communes, y trouvoient
leur compte. Elles jouiffoient tranquillement
d'un bien qui fe prefentoit à elles de
lui-même , qu'elles n'avoient pas la peine
de fe procurer par leur industrie, qui ne demandoit
ni mérite ni fentiment.
Cet état étoit fi peu de la nature de l'homme
, qu'il n'a duré qu'autant que la groffiereté
des premiers tems l'a fait fubfifter .
Le joug de l'égalité parut odieux aux efprits
bien faits, aux coeurs nobles ; ils le fecoüerent.
De-là fe font formés les Royaumes ;
de-là eft venu l'émulation . Les Sciences &
les Arts jufqu'alors inconnus , aquirent >
DE SEPTEMBRE. 19
en ſe perfectionnant , la fplendeur où nous
les voyons aujourd'huy. La fuperiorité du
génie fit celle des conditions. Alors on fongea
à polir les moeurs ; alors on commença
a penfer , à reflechir. La magnificence des
édifices & des habillemens fucceda aux vétemens
de peaux d'animaux & aux cavernes.
Alors les plaifirs délicats & rafinez prirent
la place de la groffiereté . Ces mêmes
hommes qui ne differoient , pour ainſi dire ,
des bêtes que par la figure , devinrent veritablement
des hommes fpirituels, épurez .
Le goût , la politeffe , la circonfpection ,
la déference ,les vertus civiles & morales ,
les raprocherent de cette Divinité, dont ils
avoient à peine confervé les idées . Alors
ils s'apperçûrent qu'ils avoient une amerai-.
fonnable & capable de deffeins immortels ;
alors enfin la beauté commença à joüir de
fes droits. Ils en connurent l'excellence , ils
en fentirent le pouvoir . Elle devint le charme
des yeux , l'enchantement des lens , &
la felicité de l'ame.
Que vous auriez été malheureufe , Placidie
, fi vous étiez née dans la barbarie de
ces premiers tems ! Devenue le partage du
premier Pafire , ou du premier Chaffeur
fous la main duquel vous feriez tombée ; reduite
à travailler de vos mains ; à vivre dans
une trifte campagne ; chargée des détails
d'un ménage delagreable & embaraffint ;
à quoy vous eût fervi vôtre beauté ? De
Bij
·20 LE MERCURE
quel ávantage vous euffent été les qualitez
brillantes que vous poffedez ? Obfcurcies ,
confondues dans l'ignorance generale , elles
n'euffent contribué ni à vôtre fatisfaction ,
ni à vôtre gloire. Graces au Ciel , Placidie ,
-vous êtes née dans le plus éclairé de tous les
fiecles , parmi la Nation la plus civilifée de
l'Univers , Françoiſe en un mot.
La tendreffe que j'ay pour vous , génée
dans les bornes étroites des tendreffes ordinaires
, me donne des vûës bien plus vaftes
& plus relevées fur vôtre fujet , que n'en
ont la plupart des peres pour leurs enfans .
Je veux que vôtre fortune faffe autant de
bruit que vôtre beauté ; & comme l'une eft
merveilleufe , je veux que l'autre le foit auffi
: Faite comme vous êtes , vous pouriez
choifir dans tout ce qu'il y a de meilleur parmi
tous les Particuliers du Royaume; mais,
Placidie , vous nêtes point née pour être la
femme d'un fimple Gentil-homme , ou d'un
riche Traitant. C'eft encore peu pour vous
d'arrêter vos efperances au frivole avantage
d'avoir un *** Quand vous vous en
tienderiez là les perfonnes qui vous rechercheroient
, ne font point en état de confulter
leurs coeurs & leurs yeux fur leurs mariages.
M. de ✶ ✶ ✶ yous en fournitun aſfez
bel exemple. Outre cela , l'efprit de débauche
& de diffipation , regne fouverainement
parmi la plupart des jeunes gens .
Ils n'ont ni conduite ni jugement. HebeDE
SEPTEMBRE. 26
tez ou Libertins , ils partagent leur vie en¬
tre le jeu , les femmes & le Traiteur. Libre
des préjugez d'une éducation populaire,
vous devez prétendre , Placidie, à quelque
chofe de plus. Le Prince de ** qui eft à
.... eft le feul digne de vous ; & dès que
j'auray terminé quelques affaires effentielles
qui m'arrêtent ici malgré moy , je veux
Vous y conduire. Cependant , comme vous
aurez à vivre & à vous accommoder aux
coutumes & aux moeurs d'une Cour que
vous ne connoiffez pas , jay jugé à propos
de vous laiffer par écrit ce que je penfe làdeffus.
Imaginez- vous donc que fortis de
France l'un & l'autre fous quelques pretextes
fpecieux, j'auray trouvé le moyen de me
prefenter au Prince de ** & de vous y
prefenter vous-même : Qu'aprés lui avoir
demandéfa protection & pour vous & pour
moy , nous nous établiffons à ..... & que
le Prince frapé de vôtre vûë comme
il le fera indubitablement , fentira naî
tre dans fon coeur les premieres impreſfions
d'une tendre furpriſe ; fçaura vous
diftinguer dans tous les endroits où
il fera, & où j'auray foin de vous faire trouver
adroitement ; qu'enfin vous lui aurez
plû . Alors , je folliciteray de l'Employ dans
fes Troupes ; il ne manquera pas de me demander
ce que vous deviendrez pendant
mon abfence : Je lui répondrai que je me difpole
à vous mettre dansun Couvent, & que
>
22 LE MERCURE
·
fi je n'avois crains le Prince de ... je
l'aurois prié de vous mettre auprés de la
Princeffe. Le Prince charmé de cette ouvertute
, faifira l'occafion de vous mettre
à portée de recevoir ſes voeux , & voici de
quelle maniere il faudra alors que vous vous
conduifiez .
Attachez-vous à la perfonne de la Princeffe
; étudiez fon humeur ; menagez les
perfonnes que vous connoîtrez poffeder fa
confiance ; faites fervir leur faveur à procurer
la vôtre ; & fi vous en venez jufq'uà
gagner fes bonnes graces , n'oubliez rien
pour les conferver. Soins affidus , fervices
empreffez, refpects infinis , obéillance aveugle
, fecret inviolable , attentions circonfpectes
, louanges fines , flateries délicates ,
mettez tout en ufage. Enjoüée ou ferieufe ,
fuivant l'occafion ; trifte ou gaye felon les
évenemens , faites - vous toute à tout . Evitez
les intrigues & les cabales. Ne tâchez
de nuire à perfonne , ou du moins , ne le
faites qu'à coup iûr, & fi adroitement , que
le foupçon n'en tombe point fur vous . Paroiffez
du dernier définterefferent ; fuyez
la médifance ouverte , l'efprit de haine &
de party , ayez avec vos Compagnes , de la
modeftic , de la douceur ; que les avantages
que vous avez fur elles , ne vous donnent
ni froideur ni mepris ; gagnez les fieres
par vos déferences. Aprenez l'art de fe
bien mettre à celles qui ne feront entétées
DE SEPTEMBRE.
23
que de leur beauté : Admirez celles qui
voudront paffer pour fpirituelles ; relevez
leurs bons mots pour leur applaudir ; joués
avec les joueuses ; parlez de galanterie avec
les coquétes ; de pieté avec les prudes ;
de fcience avec les fçavantes ; d'ajustemens
avec celles qui ne fcavent parler que d'écharpes
& de garnitures . Complaifante
avec les difficiles ; liberale avec les avares ;
refervée avec toutes en general . Répondez à
F'amitié de celles qui vous en témoigneront
;
entrez dans les chofes qui leur feront plaifir
; compatiffez à leurs peines , à leurs chagrins
, à leurs degoûts . Ecoutés , dérobés
mefme finement leurs fecrets , fans paroître
curieuſe ; mais ne dites jamais les vôtres.
Qu'on ne découvre en vous , ni orgueil , ni
inégalité , ni tracafferies : Qu'on ne vous
trouve ni mittericufe , ni évaporée. Obfervez
une jufte mediocrité qui ne tienne
ni du faftueux , ni du rampant. Marquez
du goût & du difcernement , mais n'affetez
point d'en montrer . Convenez plûtôt
d'un fentiment ridicule , que de contefter
opiniatrément. Simple , mais propre dans
vôtre parure ; ne vous diftinguez que par
vôtre beauté , que par votre bonne grace.
Donnez un libre accès à vôtre toilette ;
laiffez-vous voir en cornettes de nuit , & en
robe de chambre , afin que l'on connoiſſe
qu'il n'y a rien de mandié , ni d'étranger
dans vos charmes. Surtout ayez dans toute
24 LE MERCURE
vêtre conduite une circonfpection qui def
cende jufqu'au fcrupule. Vous ferez éclai
rée , vous aurez des envieufes , des jalouſes,
des ennemies. Ne donnez de priſe à perfonne
, & que l'attention la plus opiniâtre
à examiner vos actions , foit inutile pour
celles qui vous examineront , & glorieufe
pour vous.
A peine paroîtrez - vous à la Cour , que
tous les jeunes gens , enpreffez autour de
vous, combatteront entr'cux à qui vous paroîtra
le plus paffionné . Ce ne feront que
louanges , qu'affiduitez , que foins , que regards
; mais , Placidie , c'eftici que je vous
demande une pratique rigoureufe des confeils
que je vais vous donner .
Les Italiens naturellement galants , pouffent
volontiers la paffion jufqu'à l'idolatrie.
Ainfi n'efperez pas que vôtre indifference ,
vôtre fierté , vos mépris , le tems , où les
reflexions , gueriffent ceux que vous avez
bleffe. Non , Placidie , ils vous aimeront
jufqu'à la mort. De tous les adorateurs que
vous fufcitera vôtre beauté , regardez comme
les plus dangereux , non pas les plus qualifez
, non pas les plús riches , mais les
mieux faits , mais ceux pour qui vôtre
coeur auroit du penchant à s'intereffer,
Vous êres fille , Placidie ; & dans les premieres
ardeurs d'une jeuneffe inconfiderée
à vôtre âge, on eft fufceptible ; on fe laiffe
afément entraîner , firon au plaifir d'aimer
DE SEPTEMBRE. 41
convenoit de fatisfaire la curiofité de ce
Seigneur , étoit dans un embarras étrange.
De dire que c'étoit fa fille , il n'y avoit
point d'aparence. Il étoit connu de la plupart
de ceux qui étoient avec le Duc , qui
favoient bien qu'il n'en avoit pas. De dire
que c'étoit la fille de Deschauffours , c'étoit
trahir fon ami ; enfin , prenant fon partis
fur le Champ , il dit à ce Prince qu'elle.
étoit la femme du Gentilhomme que S. A..
voyoit dans le Jardin , & qu'ils étoient ver
nus tous deux lui rendre viſite . Je fus fur
le point de le dementir , tant je voyois
d'inconveniens dans le perfonnage que j'allois
être obligé de jouer : Mais, ayant fait re-
Alexion que fi Placidie n'étoit pas ma femme
, elle pourroit bien la devenir ; & tirant
un bon augure de ce que Cariere venoit
de dire, je m'avançai ju qu'au bord du
mur , & fis une profonde reverence au
Duc de...qui ne s'en aperçût pas , tant
il étoit occupé de Placidie. Mais ayant
jetté les yeux fur moi : Quai d'Armentiers,
me dit-il , c'est toi ! Je ne te croiois pas
marié , & moins encore poff ffeur de la p'us
belle forme de France. Je t'en fais compli
mint , & prends part à ton bonheur . Là
deffus il defcendit de cheval. La terrafle
donnoit fur la campagne. Cariere ouvrit
une porte qui y donnoit auffi , & le Duc
entra. J'étois dans des tranfes mortelles
que j'étois contraint de renfermer au fonds
D
LE MERCURE
de mon coeur. Placidie me raffûra . Elle
fé demêla de toutes fes douceurs , & de toutes
fes cajolleries avec un efprit & une modeftie
qui me charmerent & qui me rendirent
la vie. Cariere étoit le Gentilhomme
de la Province qui avoit le meilleur vin. Il
pria le Duc de lui faire l'honneur de fe ra
fraîchir dans fa maifon. Il fut exaucé fur
le champ ; & ce Seigneur , aprés être refté
plus d'une heure à table , & s'être rempli
le coeur de tous les charmes de Placidie
qu'il combla de louanges , remercia Cariere
de fa bonne reception , monta à cheval
& m'ordonna de l'aller voir à ... avant
mon depart.
J'en reviendrai toute ma vie à dire qu'on
ne peut aller contre l'étoile . Ce fut cette
étoile qui me conduifit chés Deschauffours,
& qui , malgré toutes fes precautions , me
fit voir fa fille . Ce fut elle qui detruifit fes
vaftes defleins en la rendant fenfible à mon
amour. Ce fut elle qui fit venir le Duc de
... chés Cariere ; elle en un mot, qui fut
caufe de tous les evenemens qui me reftent
à conter.
Defchauffours fcur que le Duc de ...
avoit vû Placidie , & il le fcût prefque auffitôt
qu'il fut arrivé chés Cariere . Jamais
douleur n'a été plus forte . Jamais frayeur
n'a été plus vive que la fienne. Il fut plus
d'une heure fans pouvoir parler ; enfin
prenant fon parti , il refolut de la venir reDE
SEPTEMBRE. 43
chercher , de la mettre dans un Couvent
afqu'à ce qu'il pût partir , d'avancer fon
depart le plus qu'il pourroit , & de me
prier de me rendre à mon Regiment dés
le lendemain .
Dans cette refolution , il fit feller un
cheval . Par malheur il avoit oublié quelque
chofe dans la chambre de Placidie . Il
y alla. Le premier objet qui le frapa en
entrants fut la clef de fon bureau. La precipitation
avec laquelle elle étoit partie le
matin , la lui avoit fait oublier. Deschauffours
toûjours defiant , voulut en parcourir
tous les tiroirs. Il n'alla pas loin fans
être payé de fa curiofité , & fans trouver
ce qu'il ne cherchoit pas. C'étoit une lettre
que j'avois écrite à Placidie ; elle fervoit
de réponſe à une des fiennes : Elle
étoit intelligible , & n'avoit pas befoin de
Commentaire. Je la remerciois de la bonté
qu'elle avoit eu de répondre à mes fentimens.
Je l'exhortois à perfeverer dans le
deffein où elle étoit de me rendre heureux ,
& à conſentir à tout ce qui ne blefferoit
point fa vertu pour fe donner à moi . Je la
felicitois de n'avoir point adopté les idées
de fon pere , & de ne plus fentir de repugnance
à le tromper ; je me felicitois moimême
du bonheur de lui plaire : Je finiffois
en l'affûrant que puifqu'elle partageoit
mon impatience , j'efperois que nous la
verrions bientôt ceffer. Quel coup de fou-
Dij.
44 L.E MERCURE
1
dre pour Defchauffours ! Il ne pouvoit en
croire à fes yeux. Une autre réponſe ne lui
donna plus lieu de douter que je n'aimaſſe
La fille , que je n'en fuffe aimé , & que je
fçuffe tous fes fecrets . Il éprouva qu'il
n'arrive jamais un malheur fans un autre ;
mais ce dernier lui fit oublier le premier.
Aprés s'être bien emporté contre Placidie
& contre moi , aprés m'avoir donné tous
les noms que mon procedé lui parut meriter
il forma la refolution de tirer vengeance
de l'injure que je lui avois faite ,
quelque peu d'égalité qu'il y eût entre un
homme de 55 ans , & un autre qui n'en :
avoit pas encore 3o.. A toute cette colere
fucceda une trifteffe & un accablement
qui le rendit immobile.. Il fit neanmoins
un effort fur lui-même , & monta à cheval
. Nous le vîmes arriver pâle comme la
mort. Nous crûmes Placidie & moi que
l'avanture du Duc de ... en étoit la caufe,
& nous n'eûmes garde de foupçonner que
nous y cullions part. Defchauffours incapable
de fe contraindre , me regarda d'un
air irrité que j'attribuai encore uniquement
à fon chagrin. Il me dit fechement
qu'il fe trouvoit mal , & qu'il me prioit
de lui ceder ma place dans fa chaife . La
demande étoit jufte ; je montai fur fon
cheval , & nous partîmes tous trois fort
intrigués. Defchauffours , qui étoit deſeſperé
de ce qu'il venoit d'aprendre de nos
DE SEPTEMBRĖ
.
45
affaires , foupiroit à tout moment. Placidie
qui craignoit que fon pere ne lui fît
un crime de ce que le Duc de ... Pavoit
vûë,gardoit un profond filence , & n'oſoit
le regarder . Moi qui me voyoit loin de
mon compte , flaté m'êtant que je pourois
prendre avec elle des mefures juftes , pour
faire confentir Defchauffours à nôtre mariage
, ou pour nous marier fans fa participation
, je n'étois pas moins agité. Nous
arrivâmes ; Defchauffours fe mit au lit
avec une groffe fievre. Le lendemain fon
mal devint plus violent , & enfin on deſefpera
de fa vie. Il demanda Cariere qu'on
alla chercher fur le champ , & qui arriva
le foir même. Le Curé par l'avis du Medecin
, lui dit de fe preparer à la mort ,
qu'il n'avoit plus que quelques heures à
vivre. Il en reçut l'arrêt fans murmurer
Il nous fit venir Placidic & moy auprés
fon lit , & aprés que tout le monde , hors
Cariere , fut forti de la chambre , il nous
parla de la forte ... Monfieur , me dit- il ,
d'une voix mourante en s'adreſſant à moi.
Vous avés abufé de ma confiance & de mon
amitié. Dans un autre tems je n'euffe pas
borné mon reffentiment à de fimples reproches
; mais aujourd'hui que je regarde les
chofes d'un autre il que je ne le faifois il
y a trois jours ; loin de m'emporter contre
vous , je vous fais mille remercimens de
m'avoir empêché d'executer les coupables def-
&
46
LE MERCURE
,
feins que j'avois fur Placidie ; vous lesfçavés
fans doute ; c'est pourquoy je ne vous en
parle pas. Je vais rendre compte à Dieu de
mes actions. Je ne dois plus fonger qu'à lui
demander pardon de mes egaremens
&
qu'à le flechir. Vous avés plû à ma fille ;
vôtre merite & vôtrefageffe me font efperer
qu'elle fera heureuse avec vous ; je vous la
donne ... & vous ma fille , poursuivit- il
en fe tournant de fon côté , pardonnés à un
pere que fon amour pour vous avoit avenglé.
Je detefte les pernicieux confeils
que j'avois en l'imprudence de vous donner
; & je mourrois inconfolable , fi je
croyois qu'ils euffent fait la moindre impreffion
fur votre coeur Effacés- les de vôtre memoire
& qu'il n'en foit plus parlé . Reparés
par vôtre vertu , par vôtre modeftie , &
par votre fidelité , les idées ambitieufes &
prophanes que j'avois voulu vous inspirer.
Faites plussenfeveliffés dans un filence éternel
ces funeftes circonstances de ma vie. Epargnés
à la memoire de vôtre pere les erreurs
où il s'étoit abandonné ... Mon fils ,
reprit il , en me prenant la main ; car je
ne dois plus vous traiter autrement . Je vous
-fais un prefent en vous donnant Placidie
dont j'efpere que vous me benirés le reste de
vos jours . Aimés - là & pour elle & pour
moi : Elle le merite par fa beauté . Elle le
meritera par fa conduite ; je le merite
moi-même par tout ce que j'aifait pour elle,
DE SEPTEMBRE. 47
fi vous en excepiés des extravagances , qui
graces au Ciel , n'ont point en de fuites , &
pour lesquelles vous me voyés penetré du
plus vif repentir. Je fens que la mort s'apro¬
che ; laiffés-moi donner ces derniers momens
aux penfées de l'éternité . Embraffes moi
mes enfans. Cariere vous fervira de pere.
C'est un amifidele & genereux . Il fcait tous
mes fecrets & vous les aprendra . Adieux
foyés heureux , recevés ma benediction .
Nous fondions en pleurs Placidie , Cariere
& moy , & nous ne pûmes proferer
une feule parole , tant nous étions faifis .
Defchauffours fe fentant affoibli , & voyant
que nos larmes l'attendriffoient , il nous fit
figne de fortir. Le Curé rentra , & il rendit
l'ame entre fes mains. Placidie accablée
de la plus vive douleur , fe jetta fur le
corps de fon pere. On cut toutes les peines
du monde à l'arracher de fa chambre.
Loin de pouvoir la conſoler , j'avois moimême
befoin de confolation. Je la remis
entre les mains de Cariere qui l'emmena
chés lui. Je fis enterrer Défchauffours ,
& fus les rejoindre le lendemain.
Cariere commençant à ufer des droits
de pere , que Defchauffours lui avoit laiſfés
en mourant , me dit qu'il ne croyoit
pas que je fongeaffe à époufer Placidie
avant la fin de la campagne : Que je ne
pouvois pas lui moins donner que quatre
ou cinq mois pour pleurer fon pere :
48 LE MERCURE
Qu'elle- même avoit trop de naturel , pour
donner les mains à un engagement avant
ce tems- là qu'ainfi il me confeilloit de
partir au plûtôt Qu'à l'égard de nos affaires
, il en auroit autant de foin que des
fiennes propres : Que la Terre où Defchauffours
étoit mort , n'étoit plus à lui :
Que meditant un voyage en Italie , il
la lui avoit venduë ; mais que fi nous voulions
y rentrer il étoit prêt à nous
la ceder ; finon , que le prix de cette
Terre êtant encore en fen entier , nous
en ferions tel ufage que bon nous fembleroit.
Il finit , en me preffant de partir ;
qu'autrement je courois rifque d'étre arrêré
ou de perdre ma Compagnie.
•
Si j'avois confulté , mon coeur , j'aurois
eu bien des chofes à répondre à ces raifons;
mais enfin , quelque fût ma paffion pour
Placidie , il falloit accorder fon devoir &
le mien avec cette paffion. Je dis à Cariere
que je lui obéïrois , & que j'allois me
difpofer à partir. Pendant que je preparois
mon équipage , mon valet vint me dire
qu'un homme demandoit à me parler . Je
donnai ordre qu'on le fît entrer. Aprés
m'avoir demandé deux ou trois fois , fi
c'étoit moi qui fe nommoit M. d'Armentiers
, il me dit que fon Maître l'avoit
chargé de me rendre cette lettre en main
propre, & qu'il me prioit de lui faire réponte
fur le champ. Elle étoit d'un de
mes
DE SEPTEMBRE. 25
mer , du moins à celuy d'être aimée. Quel
charme plus féduifant pour une jeune perfonne
, que de voir à les genoux un cavalier
aimable , exprimant par toutes les actions
, par toutes les paroles , l'amour dont
ileft veritablement penetré ! Comment fe,
défendre de ces douces langueurs , de ces ,
tendres proteftations , de ces fermens paffionnez
, de ces expreffions flateuſes & infinuantes
de ces larmes attendriffantes !
Comment refifter à ces mouvemens vifs &
tumultueux qui s'élevent dans nôtre ame ,
cette douce revolte de tous les fens , à ces
tranfports feditieux qu'excite la prefence
d'un objet aimé ! Tout eft contagieux dans
ces occafions ; tout-nous féduit & nous perd ;,
un regard , un gefte , un rien , porte le poifon
dans le coeur.
"
C'est donc uniquement de vous - même
qu'il faut vous défier. Regnez fur vôtre
coeur , & perfonne ne s'en rendra maître,
N'aidez point vous- même à vous vaincre ,
& vous ferez invincible . Apellez vôtre raifon
au fecours de vôtre coeur , & l'ambition
au fecours de votre raifon . L'un & l'autre
vous garantiront d'un peril d'autant plus
à craindre , qu'on s'y laiffe entraîner avec
moins de repugnance .
En vain vous promettriez- vous de tenir
fecret un engagement que vous auriez pris
avec quelqu'un. Croyez-moy , Placidie
tout devient public. Le Prince de..
Septembre 17190
C
26 LE MERCURE
l'apprendroit infailliblement , & ne voudroit
point d'un coeur dont un autre auroit
eu les prémices. Vous verriez en un moment
toutes vos efperances anéanties. Le Prince
de ..... vous abandonneroit par mépris,
& votre amant par crainte. Plus le Prince
vous aimeroit , plus il feroit fenfible à l'injure
que vous lui feriez . La moindre jaloufie
eft une offenſe mortelle pour un amant
puiffant. J'avoue qu'il y a des occafions ,
où pour reveiller une tendreffe affoupic
dans un coeur qui n'a ni défiances , ni foupçons
, ni difficultez à combattre , on peut
verfer dans ce coeur une ombre de jaloufie ,
feindre une apparence d'infidelité ; mais
ces démarches font fi délicates , & demandent
tant de ménagemens , que je ne vous
confeilleray jamais d'y avoir recours . Il faut
connoître à fond le caractere , la délicateffe
& les fentimens de celuy qu'on veut feindre
tromper, & plus que tout cela , être fûr
du pouvoir de fes propres charmes . Il y a fi
peu de difference entre allarmer un amant
& l'offenfer , que fouvent au lieu de ranimer
fa paffion , on le revolte , on le met en
fureur.
de
Je fais tant de fonds fur votre conduite,
que je me perfuade aifément que vous éviterez
tous ces écueils , ou que vous vous en
débarafferez avec efprit. Jufqu'icyje vous
ay parlé de la maniere dont vous devez vi-
• vre à cette Cour , il eft tems de vous prefDE
SEPTEMBRE. 27
crire ce que vous devez faire avec le Prince
de .....
N'allez point à la premiere ouverture dé
clarée en fouverain ; c'eſt -à- dire , en homme
qui ne veut point languir , & qui n'aime
que pour être heureux ; n'allez point ,
diſ-je , vous rendre précipitamment . Une
conquête qui coute peu à faire , coute peu
à abandonner. N'allez pas non plus par une
refiftance trop foutenue donner à fes defirs
le tems de s'émouffer. Ménagez votre coeur
& le fien. Comme nous ne fommes pas maîtres
de nos fentimens , je n'exige pas de vous
que vous l'aimiez dans l'inftant qu'il vous
declarera fon amour : Ce feroit peut-être
T'exiger inutilement. Je fouhaite que vous
éprouviez le pouvoir de cette heureuſe ſym
pathie qui fe trouve entre deux coeurs faits
P'un pour l'autre ; mais , fi c'eft trop fouhaiter
, agiffez du moins avec luy de forte
qu'il puiffe croire que vous êtes ſenſible ,
& qu'il foit content de vous . L'eftime & la
reconnoiffance éblouiffent une ame prévenuë
, & paffent fouvent à fes yeux pour un
veritable amour. Le tems,fon mérite,fa perfonne,
fa tendreffe, fa puiffance, votre ambition
, votre propre interêt , votre raison ,
votre coeur , tout contribuëra à vous le faire
aimer. Alors , fervez - vous de tous vos
charmes , de toute la délicateffe de votre
efprit , & de toute la fenfibilité de votre
ame. Oubliez le Prince de ..... dans les
Cij
28 LE MERCURE
momens où il s'oubliera luy-même , pour ne
paroître qu'amant .
- Recevez fes bienfaits avec plaifir , mais
fans empreflemens & fans avidité . Ne les
excitez point par des tours artificieux . Les.
grands feigneurs aiment à donner ; mais ils
veulent être maîtres de leurs graces. Une
aparence d'avarice ou d'interêt , revolte
leur délicateffe. Ne fonger qu'à s'enrichir
ce n'eft pas aimer , c'eft trafiquer honteufement.
Ce n'est pas fe donner , c'eft fe vendre.
Ainfi , quelques foient fes bienfaits ,
paroiffez toûjours faire plus de cas de la
main dont ils viennent , que du prefent
même. Tâchez cependant de vous procurer
un nom & un établiffement. L'un & l'autre
eft une reffource contre l'inconftance
ou contre la mort d'un amant .
Sur toutes chofes , faites un bon ufage
de votre faveur & de vos biens. Ne tom
bez ni dans des profufions extravagantes ,
ni dans des épargnes indignes ; ne foyez ni
prodigue ni avare. Ne le difputez point à
la Princeffe de.. . . . . même fur la magni
ficence des meubles , des équipages & des
habillemens. Un trop grand fafte attire
l'envie & da haine : Fuyez auffi l'autre
extrémité , elle avilit , elle rend méprifable.
Menagez- vous des creatures , rendez
aux uns de bons offices auprès du Prince
par le moyen du Favory ; mais en ce qui
DE SEPTEMBRE. 29
ne regardera point les affaires de l'Etat ,
don't , fi vous voulez m'en croire , vous ne
vous mêlerez jamais , obligez les autres par
vous même. Jouez peu , plûtôt encore par
complaifance que par goût. Une joüeuſe
s'expofe à de terribles inconveniens . Une
groffe perte dérange l'efprit & la fanté.
Quelles démarches ne fait- on pas quelquefois
pour la reparer ? On n'a plus d'argent;
on veut en recouvrer à toute force ; on
fçait le befoin où nous fommes ; on nous
en offre , Et qui fouvent Croyez-moy ,
Placidie , ce ne font point des gens défintereffez.
La reconnoiffance qu'ils éxigent
de vous , eft toûjours infiniment au- deffus
du plaifir qu'ils vous ont fait , & voilà le
vrai moyen de fe perdre.
Si la fortune vous fufcite quelque Rivale
, tâchez d'abord de la faire fervir de
triomphe à vos charmes . Employez - les ces
charmes à retenir le Prince de ..... ou à
le ramener , s'il vous échape. Malgré tout
ce que vous aurez pû faire , cédez au tems
avec fageffe , ce ne fera peut- être qu'un feu
paffager. Surtout ne l'aigriffez point par
des reproches amers , par des hauteurs
par des fiertez exceffives , par une jaloufic
emportée & furieufe . Ne recourez ni aux
injures , ni aux menaces . Employez la douceur
, la complaifance . Que vos yeux couverts
de pleurs jettent fur luy des regards
mêlez de douleur & de tendreffe. Que
•
>
C lij
30 LE MERCURE
vôtre langueur & vôtre abattement foient
les feuls interprétes de vôtre defefpoir . Ne
demandez pas inconfiderément à vous retirer
dans les premiers tranfports d'une paſfion
naiffante. Un facrifice ne coute gueres
à faire aux perfonnes qu'on commence d'aimer,
& vous feriez peut- être prife au mot .
Armez -vous de force & de patience. Le
Prince de . qui ne trouvera nulle
part ce qu'il aura trouvé en vous , reviendra
de lui-même ; & vôtre gloire en fera
d'autant plus brillante & vos plaifirs
d'autant plus purs , que vous ne devrez fon
retour qu'à votre beauté , qu'à votre me
rite , & qu'à vos bonnes manieres .
•
›
Dans le calme heureux d'une tranquile
intelligence , ne chicanez point le Prince
de ..... par des délicateffes mal entenduës,
par des raffinemens outrez. Un amour
qu'on veut trop fubtilifer , s'évapore . S'il
arrive entre vous de ces refroidiffemens
de ces langueurs , ou de ces broüilleries ,
infeparables de l'amour , produites plûtoſt
par le défaut du temperament , que par cefui
du coeur ; ne les regardez point comme
un fujet de plainte , comme un crime.
Travaillez à les étouffer par votre prudence
, plûtoft qu'à les entretenir par votre alteration.
N'en accufez point le Prince de ..
On ne peut pas toûjours être dans la même
égalité d'efprit . Nous avons nos momens
d'impatience & de chagrins.
DE SEPTEMBRE. 31
.
Si la Guerre ou quelque autre raifon , l'oblige
à fe féparer de vous ; lorfque vous lui
direz adieu , fuivez les feuls mouvemens
de votre coeur. C'eft connoître peu l'amour
, que d'employer de belles paroles
pour dire adieu tendrement. De la douleur
dans les yeux , des difcours fans ordre
& fans fuite, de triftes regards fans affectation
, de la fincerité dans la douleur comme
dans les paroles , en un mot , un je ne
fçay quoy de doux & d'amer tout enfemble
, qui paffe cent fois d'un coeur dans un
autre , prouve mieux que ne pourroient
faire les difcours les plus éloquens , ce qui
fe paffe dans une ame tendre , accablée des
frayeurs de la féparation & des horreurs de
l'abfence.
Si vous avez des enfans , apliquez-vous
toute entiere à leur éducation . Que l'amour
que j'ay pour vous , foit la regle de
celui que vous aurez pour eux, Infpirezleur
des fentimens dignes de leur naiſſance.
N'épargnez - rien pour leur procurer
les meilleurs Maîtres . Faites- en venir de
France , fi l'Italie ne vous en fournit pas
d'affez illuftres .
Si vous obfervez exactement tout ce que
je viens de vous prefcrire , affurez-vous ,
Placidie, que vous ferez la plus heureufe
& la plus illuftre perfonne de vôtre Sexe.
Peut- être vivrai-je affez long - tems pour
ajoûter aux confeils que je vous donne au-
Ciiij
32
LE MERCURE
jourd'huy , ceux qu'exigeront les conjonctures
differentes où vous vous trouverez ,
& pour vous voir joüir de votre bonheur.
Si je meurs auparavant , j'emporteray du
moins en mourant , la confolante fatisfation
, que je n'auray rien oublié de tout
ce qui pourroit contribuer à votre élevation
, & de tout ce qui pouroit la rendre
agreable & folide.
Il y avoit paffablement de vifion , &
d'extravagance dans ces merveilleux projets
de Defchauffours. C'étoit veritablement
bâtir des châteaux en Eſpagne . Par
malheur , je vins imprudemment renverfer
tout l'édifice. Cette lecture me furprit. Il
m'avoit toûjours paru homme de bon fens ,
incapable d'imaginations auffi creufes que
celles-là .
Aprés cette lecture , je remis le Manuf
crit à fa place , & la Copie dans ma poche.
Je n'en parlay point à Placidie. J'avois
des chofes plus preffantes à lui dire.
Je ne fongeois qu'à l'avancement de mes
affaires auprès d'elle . Enfin , foit qu'elle
n'eût pas donné dans les grandes idées de
fon pere foit que l'étoile prévalût , Placidie
, telle que je l'ay dépeinte , Placidie
deftinée à la plus haute fortune par le plus
vifionaire de tous les hommes , borna fes
vûës & fon ambition à la conquête de mon
eoeur . Il ne s'agiffoit plus , lorfque nous
fûmes d'accord de nos fentimens , que de
DE SEPTEMBRE. 33
·
trouver le moyen de les conduire à bonne
fin. C'étoit là le point de la difficulté.
Defchauffours plus clairvoyant qu' Argus ,
m'examinoit d'une étrange forte. Sa fille
étoit guérie , je l'étois auffi. Mon congé
renouvellé pour quinze jours , expiroit .
Je n'avois aucun pretexte de refter chez
lui ; ainfi ma prefence commençoit à lui
devenir infuportable. Peut - être qu'il avoit
fini fes affaires ; qu'il fe difpofoit à fon
voyage de Madrid , & qu'il n'attendoit
que mon départ pour le mettre en
chemin.
J'étoisau chevet de Placidie ; je tenois
un Livredans lequel je feignois de lire, tandis
que je n'occupois mes yeux à qu'à la
regarder. Elle étoit plus belle & plus écla
tante qu'avant fa maladie.
Telau milieu de fa carriere ;
D'un nuage profond fortant victorieux j
Plein de grandeur & de lumiere
Le Soleil éclate a nósyeux.
?
La comparaiſon eft un peu ufée ; mais
n'importe , elle paffera en faveur de la ve
rité.
Deſchauffours entra dans la chambre de
fa fille. La poche de mon juftaucorps mal
fermée, lui laiffa entrevoir la fatale Copie ;
tout lui étoit fufpect . Il voulut en badinant
s'en faifir ; j'y portai heureuſement
la main ... Ne peut on fçavoir ce que c'er
34 LE MERCURE
que ce papier , me dit- il , voyant qu'il a
voit manqué fon coup ... Non , lui disje
, en riant , c'eft l'hiftoire de mes amours
... Cela doit être curieux , répondirent en
même tems le pere & la fille : Faites - nous
en part ... Vous n'y trouverez rien , leur
dis -je , digne de vôtre attention . Placidie
infifta , malgré les fignes que je me tuois
de lui faire . Defchauffours me preffoit de
fon côté. Je ne fçavois plus comment me
deffendre. A la fin , je m'armai d'un peu
d'effronterie. Puifque vous voulez abſolument,
leur dis -je, fçavoir ce qui eft dans
ce papier ; je vais vous fatisfaire , quoique
ce foit mettre ma vanité à une terrible épreuve
, & qu'il no me convienne gueres de
m'ériger en Auteur . C'eft une hiftoriette
que j'avois écrite pour amufer Placidie ;
elle n'eft encore qu'ébauchée. Attendez
jufqu'à demain , je la reverrai , & vous la
trouverez moins mauvaiſe qu'aujourd'hui
Telle qu'elle eft , répondit Defchauffours
lifez - la nous. On fçait bien qu'un Cavalier
n'eft pas obligé d'écrire comme un
Academicien. Il n'eft pas tard , la fanté de
Placidie lui permettra de vous écouter
fans en être intereffée. Il fallut obéïr ; un
...
de préſence d'efprit & de mémoire me
furent d'un grand fecours dans cette occafion.
Ainfi donc ,mon Manufcrit à la main,
que je tournois du côté de la muraille ; un
gueridon à mes côtez fur lequel il y avoir
1
DE SEPTEMBRE. 35
un flambeau , j'imaginai fur le champ une
avanture dont le Lecteur fe paffera fort
bien.
Ma mémoire commençoit à pêiner terriblement.
Je difois peu de chofes en beaucoup
de paroles ; en un mot , je batois la
campagne. Cependant Defchauffours &
Placidie , donnerent mille louanges à mon
hiftoriette . Celles du pere m'étoient fufpectes
; mais , celles de la fille m'étoient fi
agréables , que j'aurois bien voulu lui montter
fur le champ de quel effort d'imagination
j'avois été capable. La vanité eft inféparable
de l'amour. Qu'on dife tout ce
qu'on voudra , il n'y a point d'Amant qui
ne foit bien aife que fa maîtreffe lui trouve
autant d'efprit que de tendreffe. On
doit à l'efprit la délicateffe de l'expreffion.
Le coeur penfe , mais l'efprit perfuade . J'avoue
qu'il eft quelquefois dangereux d'af»
fecter d'en avoir. Il y a même des occafions
où il n'en faut point avoir du tout ; mais il
faut le fufpendre , & non pas l'aneantir.
Je mets bien de la difference entre le dérangement
& le trouble d'un amant que
la paffion déconcerte , & le filence ennuyeux
, ou les difcours fatigans d'un ftu
pide. Infenfiblement je tombe dans la dif◄
fertation , à Dieu ne plaiſe que je m'y égare
plus long- tems .
Jeremis mon Manufcrit dans ma poche,
& il n'en fut plus parlé . On fervit , & la
36
LE MERCURE ·
complaifance de Deſchauffours fut au point,
qu'il voulut bien que je foupaffe avec fa
fille . Je devois partir dans deux jours .
Cette démarche lui parut fans confequence.
Nous fumes de la plus belle humeur du
monde . Nous dîmes mille jolies chofes.
Nous chantâmes & je m'enflammay de plus
en plus. Je fus pourtant fi bien le maître
de mes yeux & de ma langue , que Def
chauffours qui examinoit jufqu'à mes geftes
, n'eut lieu de fe mettre aucun foupçon
dans la tête. Charmé de ma difcretion &
du refpect que j'avois pour l'hofpitalité ,
il me reconduifit dans ma chambre , & me
renouvella cent fois les proteftations d'amitié
les plus empreffées. Je lifois dans fes
yeux que fon fecret lui peloit , & qu'il
mouroit d'envie de s'en foulager en m'en
falfant confidence ; mais , j'éludai la chofe
adroitement ... Au nom de Dien , lui disje,
ne me laillez plus voir Placidie. Juf
qu'ici je me fuis défendu de fes charmes en
brave homme ; mais , outré que je ne vous
promets pas d'avoirtoujours la même force &
Le même courage , je veux bien vous avoйer
que je fuis d'une impatience & d'une indif
eretion horrible. Si je venois à l'aimer , je
ne pourrois m'empêcher de le lui dire , même
devant vous , & fi je faifois la moindre impreffion
furelle , on m'écorcheroit plûtôt tout
vif, que d'exiger de moi à ne m'ın pas
glorifier. Cette maudite démangeaison de
DE SEPTEMBRE. 37
parler de mes bonnes fortunes , lorfque j'en
ai eu , m'en a fait perdre plus de mille. Tel
eft mon caractere . Je ne croirois pas être heureux
, fi mes amis ignoroient queje ne le fuſſe;
il fele tint pour dit , & ſe retira en me ſoubaitant
le bon foir.
J'avois mes vues en lui parlant de la forte.
Il étoit bon de lui donner de moi cette
mauvaiſe impreffion , afin que prévenu de
mes étourderies , il ne fut pas fcandaliſé de
quelques traits de vivacité , s'il m'en échapoit
quelques-uns auprès de Placidie , fuppofé
qu'il me la laiffât voir encore une
fois. Quand on veut tromper quelqu'un ,
il faut , autant qu'on peut, le mettre hors de
défiance. Une circonfpection trop foûtenuë
, paroît affectée , & ce n'eft pas toûjours
par les raifons les mieux prifes , qu'on
réüffit.
Dès que je fus feul , je fongeai ferieufement
àce que je devois faire pour me rendre
heureux. Mon imagination fe trouva
courte. Je roulai dans ma tête mille deffeins
dont l'execution étoit impoffible ou
dangereufe. Je voulois une chofe ; j'en voufois
une autre ; je les voulois toutes enfemble
, & à force d'en vouloir , je n'en
choifis
pas une. Le jour vint , & je me
trouvai auffi irrefolu que lorfque je m'étois
couché .
Un moment après , Deſchauffours entra
dans ma chambre tout effaré . •
· M.
38 LE MERCURE
d'Armentiers , me dit - il ; quoique vous
m'ayez donné hier une legere idée de vôtre
indifcretion , je vous crois homme fage ,
& je vais vous donner une marque effentielle
de la confiance que j'ay en vous . M.
le Duc de .... vient aujourd'huy fur ma
Terre. Je n'en fuis pas connu . Peut- être ne
viendra-t'il pas chez moi ? Peut- être même
ne fçait-il pas fi j'ay une fille ? Mais peutêtre
auffi qu'il le fçait , & que cette chaffe
ne s'eft projettée que pour venir dans ma
maifon fous pretexte de s'y délaffer , mais
en effet pour voir Placidie . S'il la voit ,
ileft fufceptible. Infailliblement il en deviendra
amoureux , & je fuis un homme
defefperé. Levez -vous je vous prie , &
vous habillez. J'efpere que vous me ferez
l'amitié de conduire Placidie chez ce vieux
Gentil- homme avec lequel nous avons foupé
ici il y a quelque tems . Je compte fur fa
difcretion & fur celle de fa femme. Sa
maiſon n'eft qu'à 3. petites licies de la
mienne. Ma fille eft prête , & ma chaife
vous attend. Je ne raifonnai pas beaucoup
fur la propofition de Defchauffours . Elle
m'étoit trop agréable pour ne la pas accep
ter. Je lui dis neanmoins en plaifantant ,
qu'en voulant faire éviter un danger à Pladie
, il m'expofoit à un bien plus grand :
Qu'il falloit qu'il fût bien de mes amis pour
que je le rifquaffe ... Depêchons , interrompit
Defchauffours ; il me tarde que vous
DE SEPTEMBRE.
39
ne foyez deja partis. Le Duc de ...
ne fera peut-être que paffer. En ce cas-là
je vous manderai de revenir ce foir , ou
j'irai moi- même vous chercher . Il me faifoit
un double plaifir. J'aimois fa fille . Il
m'étoit doux d'être tête à tête avec elle
pendant trois lieües de chemin. Outre cela,
je commençois à me fentir capable de ja
loufie , & je ffuuss cchhaarrmméé que le Duc de...
ne pût point la voir. Je connoiffois ce
Prince enfin pour parler ingénûment ,
la facilité que j'avois trouvée à me faire
aimer de Placidie , m'effrayoit.
Cette idée s'effaça dès que je fus feul
avec elle. L'occafion étoit favorable. On
croira fans doute que nous en fîmes un bon
ufage ; point du tout . Charmez du plaifir
de nous voir en liberté , nous paffâmes le
tems à nous faire des proteftations de tendreffe
& de fidelité , fans fonger à prendre
des mefures .
Nous fûmes très bien reçûs par Monfieur
& Madame de Carriere. On commença
par nous faire dêjeûner , car on
fçût que nous étions partis à jeun. Enfuite,
M. de .... ...voyant que fa femme s'entretenoit
avec Placidie , il me tira à part ...
Il faut , me dit- il , que vous ayez vous ayez enforcelé
Defchauffours. Sans cela je le connois
, il ne vous eût jamais confié fa fille ,
furtout à vous , M. qui paroiffez un Cavalier
redoutable : Mais , continua-t'il ,
40 LE MERCURE
fans approfondir , d'où vient vôtre bon
heur , je vous en felicite : Vous avez un
coeur & des yeux ; fans doute vous aimez
Placidie. Je ne fuis plus à vôtre âge. Ce-.
pendant , fi je me trouvois tête à tête avec
une auffi belle fille , je ne fçay ce que
je ne ferois pas. Je craignis que ce demi
vieillard ne me dreffât un piege . Je contrefis
le Caton , & lui perfuaday fi bien
que j'étois ferviteur & ami de Deſchauffours
, que j'eftimois Placidie , mais que je
ne fentois rien davantage pour elle , & que
je mourrois plûtôt mille fois , que d'avoir la
lâcheté d'abufer de fa confiance ; je le perfuadai
fi bien , dis -je , qu'il ne m'en parla
plus , & qu'il me regarda comme un
homme formé de quelque glaçon du Mont
Caucafe.
Nous étions au commencement d'Avril
. Il faifoit affés beau ce jour - là . Cariere
nous propofa d'aller faire un tour de
promenade dans fon Jardin. Apeine
etions- nous fur fa terraffe , qu'en entendit
un grand bruit de cors & de chiens
& que nous vêmes paroître M. le Duc
de ...avec toute fa fuite . Madame de Cariere
furpriſe de cette arrivée imprevûë ,
n'eût pas le tems de cacher Placidie ; : &
nous fumes tous fi deconcertés , que ce
Prince avoit déja demandé deux ou trois
fois qui étoit cette belle perfonne , fans
qu'on lui eût répondu . Cariere à qui il
convenoit
DE SEPTEMBRE. 49
mes anciens amis que je n'avois point vû
depuis long tems. Il me mandoit qu'il avoit
des chofes à me dire qui ne s'écrivoient
point , & qu'il m'importoit extremement de
Sçavoir: Que fi je voulois prendre la peine
de monter à cheval , & de venir le tronver
en tel endroit , il me donneroit des marques
effentieles , qu'il étoit autant mon`ami
qu'il tut jamais été. Je montrai la lettre à
Cariere qui me dit que je ne devois pas
hefiter d'aller trouver mon ami . Je montai
fur le champ à cheval , & dis à celui qui
attendoit ma réponſe , que j'allois la porter
moi-même. Courdaval ( c'eft le nom de
mon ami ) m'attendoit au rendés- vous.
Nous nous donnâmes toutes les marques
d'amitié , que peuvent fe donner deux
amis charmés de fe revoir aprés une longue
abfence. Il me dit naturellement qu'il
m'avoit envoyé chercher , pour m'avertir
de prendre garde à moi , parce qu'on en
vouloit à ma liberté. M. le Duc de ...
ajoutatil , eft outré contre vous ; vous l'avés
trompé , vous lui avés menti . Il a fçû
que vous étiés ici fans congé. Il s'eft fait
donner une lettre de cachet pour vous faire
arrêter , & l'on vous cherche de toutes
parts pour vous envoyer à la Baſtille . Je
vous dirai encore qu'il eft paffionnement
amoureux de la belle perfonne que vous
avez fait paffer pour votre femme , & que
dés qu'il aura reçû de la part de nos Pleni-
Septembre 1719.
E
so
LE MERCURE
potentiaires un Courier qu'il attend avec
la derniere impatience , il mettra tout en
ufage pour la deterrer. Je fçai toutes ces
chofes d'un Officier du Duc , qui me les
a dites , ignorant que je vous connuffe.
Un de fes amis demande vôtre Compagnie.
au Bureau , & peut-être la lui a- t'on déja
donnée. Je fuis trés fâché de vous apprendre
de fi mauvaiſes nouvelles . J'ai cru cependant
qu'il étoit de mon amitié de ne
vous rien deguifer dans cette occafion . Je
me fuis informé de l'endroit où vous êtiés ,
& je fuis venu , fans perdre de tems , vous
prier de vous mettre à couvert du reffentiment
de vos ennemis. La Bastille eft un terrible
fejour , & fi vous m'en crayés , vous
vous en éloignerés de 200. lieuës . J'ai quelques
mefures à garder qui m'ont empêché
d'aller chez Cariere , & qui ne me permettent
pas de refter plus long- tems avec vous .
Adieu . Si vous aves befoin d'argent , j'ai
cent piſtoles à vôtre fervice. Les voila.
Outre cela , j'ai un paffeport à vous donner
pour deux perfonnes , dont vous pourés
vous fervir , fi vous vous retirés en
Hollande.
Le confeil étoit falutaire , & ne pouvoit
venir plus à propos. J'embraffai mille fois
Courdával , en le remerciant de fa generofité.
Je refufai fon argent , & je me conentai
d'un paffeport. Je lui dis mes affaies
en deux mots , & je le priai , s'il le
DE SEPTEMBRE..
St
pouvoit , fans fe commettre , de venir confirmer
à Cariere tout ce qu'il m'avoit dit.
J'eu quelque peine à l'y refoudre. Cependant
, je lui fis fi bien voir que Cariere &
Placidie même , pouroient croire que je
leur en impofois , qu'il fe rendit à mes
raifons.
Nous nous mêmes en chemin ; & dés
que
je me fus un peu remis des frayeurs que
m'avoit caufé l'image de la Baftille , je lui
demandai par quel hazard il étoit à la
Cour du Duc de .... lui que je croyois
en Efpagne. Il me repondit que j'avois
raifon d'en paroître furpris , & que fi je
fçavois les avantures , j'avouerois qu'il
étoit encore plus à plaindre que moi
puifque fes maux étoient fans remede . Il
ne tiendra qu'à vous , lui dis -je , que je
ne les fçache. Il y a encore plus d'une
lieuë d'ici chez Cariere , & vous avez du
tems de refte. Courdaval ne fe fit point
preffer , & commença à parler ainfi.
De quatre freres que nous étions , il en
mourut deux à S .... Je le fçai , interrompis-
je , j'étois Moufquetaire avec eux,
J'étois le plus jeune de tous , pourfuivit
Courdaval ; & mon pere aimoit fi paffionément
celui qui reftoit avec moi , que ne
pouvant plus fouffrir toutes les marques de
prédilection qu'il lui donnoit , je pris le
parti d'aller fervir fur Mer. A peine y
avois-je fait deux campagnes , que ce fils
E ij
52 LE MERCURE
bien-aimé mourut de la petite verole. Mon
pere me rapella , n'ayant plus que moi
d'enfans , & ne voulut plus que je ferviffe.
Je revins donc à Paris , où je vécu comme
tous les autres jeunes- gens , donnant dans
les plaifirs tête baiffée. Vous connoiffes
mon humeur. La plus belle femme n'a jamais
pû me fixer deux jours , & fouvent
je m'en dégoute avant qu'elle ait eu le
tems de me rendre heureux. Je ne me donne
point pour un homme à bonnes fortunes
ni pour un homme d'un grand merite ;
mais , comme il faut peu de chofes pour
plaire , & que je fuis d'une figure affez
prevenante , je n'avois pas eu lieu de me
plaindre du fexe , jufqu'à l'avanture que
je vais vous conter.
Madame de ... veuve de M ... a deux
filles. L'ainée commence à s'effacer , quoiqu'elle
n'ait pas encore 25. ans. Elle étoit
fort aimable lorfque je la connus. Aujour
d'hui , elle eft maigre , deffechée , quoiqu'affez
blanche. Ses yeux ont perdu leur
éclat . Ce ne font plus des yeux animez
dont les regards penetroient jufqu'au coeur,
mais des yeux qu'il femble que la Nature
n'a faits précisément que pour voir : Enfin
de tous fes charmes , il ne lui refte plus que
de grands cheveux blonds , qui ne lui font
pas d'un grand ufage. Je ne vous dis rien
de fon humeur ; la fuite de mon difcours
yous la fera connoître. Il eft bon
pourtant
DE SEPTEMBRE.
$3.
que vous fçachiés qu'elle a fouffert la meme
alteration , les mêmes changemens que
fon vifage. Je m'attachai à elle moins par
goût que par habitude. Madame de ....
& mon pere demeuroient dans la même
maifon . J'étois tous les jours chez elle.
Mes affiduitez auprés de fa fille lui faifoier t
plaifir. Elle me regardoit comme un bon
parti . Mon pere de fon côté , qui fçavoit
qu'elle étoit riche , & qui n'avoit rien tant
a coeur que de me voir prendre un engagement
folide , étoit bien aife que je l'ai
maffe.
Autorifée du confentement de fa mere ,
Mademoiſelle de V .... me recevoit parfaitement
bien. Je ne fus pas long - tems à lui
perfuader que je l'aimois , & à l'engager
de me declarer qu'elle m'aimoit auffi. C'étoient
tous les jours des galanteries de ma
part dont elle me teneit un compte infini.
Je lui faifois valoir les moindres chofes,
Manquois -je une partie de fpectacle ou
de fouper je n'avois qu'à lui dire que
c'étoit pour elle . Elle me croyoit ; elle
étoit charmée. Je lui dois cette juftice ,
malgré tous les maux qu'elle m'a faits dans
la fuite , qu'il n'y a point de bonnes manieres
dont elle ne m'ait comblé . Jamais
fille n'a été plus genereufe. Jamais fille
ne m'avoit paru plus digne d'être aimée que
je la trouvois alors. Elle faifoit mille gracfeufetez
à mes amis , lotfque je les menois
E iij
54
LE MERCURE
chez elle . On y jouoit , on y faifoit des
concerts ; & les concerts & le jeu étoient
toûjours fuivis d'une collation . Que vous
dirai-je de plus ; fi j'avois été d'humeur à la
mettre à de certaines épreuves , & que je
n'euffe pas été auffi defintereffé qu'elle étoit
liberale , elle m'auroit dédommagé avec
profufion des dépenfes que je faifois pour
elle . Je connois des gens qui , à ma place ,
auroient cruellement abule de fa facilité.
Pendant que nous vivions dans la meilleure
intelligence du monde , & que fatisfait
de fon coeur , je me croiois revenu
de toutes mes inconftances , Mademoiſelle
de M .... fa cadette , revint du Couvent.
Elle avoit 7. ou 18. an;. C'étoit une
brune piquante , dont les couleurs étoient
les plus vives & les mieux afforties qu'on
ait jamais vûës. Je ne vous en ferai point
un portrait à la Cirus ou à la Clelie ; je
vous dirai feulement qu'elle étoit mille fois
plus belle que fa foeur , quoique fa foeur
fe piquât de beauté , & qu'elle eût raifon
de s'en piquer. Pour l'efprit , je vous
l'avoue , elle ne l'avoit point delié ; mais
auffi , elle ne l'avoit point artificieux.
C'étoit une fincerité & une ingenuité charmante.
La nature dans toute fa fimplicité,
s'exprimoit par fa bouche. Incapable de
feindre , on lifoit dans fes yeux tous les
fentimens de fon coeur. Elle l'avoit droit ,
tendre , conftant ; en un mot du meilleur
DE SEPTEMBRE
55
Caractere du monde. Je la regardai d'abord
comme la foeur de ma Maîtreffe , c'eft- âdre
, que je ne reffentis rien pour elle . Je
m'étois étourdi fur le plaifir de changer.
Content du coeur de Mademoiſelle de V ..
je me bornois à l'aimer & à m'en faire aimer.
Je lui croyois un bon efprit ; & puifque
j'étois deſtiné à me marier , je me
trouvois heureux de pouvoir paffer mes
jours avec elle. Je preffois mon pere de
hâter mon bonheur. Elle partageoit mes
empreffemens ; mais , pourquoi vous arrêter
davantage? Lorfque ma paffion paroiffoit
la plus vive , foit caprice , foit fatalité,
je revins à mon naturel , & je changeai
tout d'un coup. Je me fis quelques reproches
de ma trahifon ; je m'en voulus du
mal ; mais enfin je la trouvai fi agreable ,
que je n'eu pas la force de m'en deffendre.
Je voyois tous les jours Mademoiſelle
de.... Je lui difois des douceurs qui l'embaraffoient
, & aufquelles elle ne répondoit
qu'en rougiffant. Je la louois fur fa beauté :
mes louanges la troubloient , & j'étois charmé
de fon trouble. Enfin , je lui dis que
je l'aimois ; je la priai de me croire : Elle
me répondit ingenument qu'elle ne fcavoit
pas ce que c'étoit qu'aimer ; mais que ft
c'étoit vivre avec quelqu'un , comme je vivois
avec fa foeur ; aimer étoit quelque
chofe de bien doux , qu'elle n'en fcavoit
pas la raifon ; mais qu'elle étoit quelquefois
E iiij
56 LE
MERCURE
jaloufe de nos fentimens & de nos difcours
Helas , continua- t'elle d'un air encore plus
ingenu ! Vous me dites que vous m'aimés,
& je fçai que c'eft ma foeur. Quel plaifir
prenés-vous à me dire des chofes qui ne
font pas vrayes. Je n'ai point d'experience .
Sincere , je croi que tout le monde l'eft
comme moi , & fi j'allois vous croire , je
mourrois de douleur de me voir trompée...
Ah , lui dis-je en me jettant à fes genoux !
vous ne le ferés jamais. Je fens pour vous
mille fois plus d'amour , que je n'en ai
fenti pour vôtre foeur. Je l'ai aimée , il eft
vrai ; mais je ne vous avois point vûë , &
je vous jure que je n'avois pour elle qu'une
paffion languiffante : Vous feule pouviez
remplir tous les vuides de mon coeur. Il
éprouve auprés de vous des tranfports &
des vivacitez qu'il n'éprouvoit point auprés
d'elle. J'étois né pour vous adorer.
Ne craignés rien , ajoutai je , en lui baifant
la main. Le plus inconftant de tous
les hommes cefferoit de l'être pour vous ,
& ma vie vous répondra de ma fidelité ....
Mais, reprit-elle, nous trahiffons ma foeur,
ou du moins vous la trahiffés , & je tremble
que Nous ne me trahiffiés auffi . Si vous
lifés dans mon coeur , vous voyés ce qui
s'y paffe. Je n'en fçai pas bien expliquer
les mouvemens ; mais enfin , je fens pour
yous ce que je n'ai jamais fenti pour per-
Conne. Pourquoi vous dis-je toutes ces
DE SEPTM EBRE . 57
chofes ? Que je ferois malheureuſe ! Que
vous feriés indigne , fi vous abufiés de ma
confiance & de ma bonne foi ! .... Je n'eu
pas le tems de lui répondre; fa foeur entra.
Sa Cadette nous laiffa feuls. Je tâchai de
me contraindre Mais , qu'on eft peu maî
tre de fon coeur ! Elle me trouva rêveur
& diftrait. A peine avois je la force de lui
dire une parole ? Elle m'en fit la guerre.
Je la payai de mauvaiſes excuſes , & je for
tis peu de tems aprés , fans beaucoup m'embaraffer
des reflexions qu'elle pouroit faire.
J'étois trop rempli de mon bonheur , pour
→ détourner ailleurs mes penfées. Je parle à
un Amant. Vous concevés fans doute tout
ce qu'a de doux & de flateur l'état où je
me trouvois. Faire naître de la paffion dans
un jeune coeur qui n'a jamais aimé , qui ne
Içait pas
même ce que c'eft que l'amour
s
non , rien n'approche de cette idée.
Mademoiſelle de V.... fut allarmée de
ma froideur ; mais elle n'en démêla point
la caufe : elle efpera que je ferois plus raifonnable
le lendemain. Cependant je pris
fi peu de peine pour la raffûrer , & fon aimable
four fçut fi peu fe déguifer , que
fon aînée eut de violens fonpçons de mon
infidelité. Loin de les détruire , mes regards
& mes empreffemens les confirme
rent. Je la croyois incapable de jaloufies
mais elle m'en donna les marques les plus
terribles , lorfqu'elle ne put plus douter
58
LE
MERCURE
qu'elle ne fût trahie. Elle commença par
me deffendre d'entrer dans fa chambre ;
elle ne voulut point d'éclairciffement avec
moi ; elle me dit que je n'en méritois pas .
Elle accabla fa foeur d'injures & de reproches.
La timide cadette les fouffrit fans
dire un feul mot , & laiffa prendre à fon
aînée un fi grand empire fur elle , qu'il
n'y a point de mauvais traittemens qu'elle
n'en ait reçû .
Pendant que tout cela fe paffoit , mon
pere qui ne fçavoit rien de ma broüillerie
avec Mademoiſelle de V....... voulant
finir d'affaire , avoit reglé toutes chofos
avec fa mere pour mon mariage ; mais ,
lorfqu'elle lui en parla,elle répondit qu'elle
mourroit plûtôt que d'époufer un Traitre
& un Parjure. Elle fit à fa mere un portrait"
affreux de mon caractere , parce que fa
foeur étant prefente , elle efpera qu'il porteroit
coup. Elle fe trompa , Mademoiſelle
de M..... me manda toutes les noirceurs
dont fa foeur m'avoit défiguré , m'affûra
que loin d'avoir fait la moindre impreffion
fur elle , tout ce qu'on lui avoit dit pour la
dégoûter , ne fervoit qu'à me rendre plus
cher à ſes yeux : Queje fuffe fidele , & que
je comptaffe fur fon coeur : Qu'elle étoit
charmée de toutes les perfecutions qu'elle
effuyoit à mon ſujet ; que c'étoit un merite
pour elle auprès de moi , & que la patience
avec laquelle je les lui verrois fouffrir ,
DE SEPTEMBRE.
39
me convaincroit de fa fidelité.
>
Madame de V ... ... voyant que fa fille
n'avoit point voulu entendre à un engagement
avec moi , lui propofa un autre parti.
Ce n'étoit pas fon compte : Elle m'aimoit
encore , & n'avoit fait ſemblant de
me refuſer
que pour ne pas s'expofer ellemême
à la honte d'un refus . Cependant ,
elle feignit d'entrer dans les vûës de fa mere,
efperant que ma paffion pour elle n'étoit
peut-être pas fi bien éteinte , qu'elle ne fe
rallumât quand je la verrois fur le point de
fe donner à un autre. Il parut dès le lendemain
un Soupirant qui n'eut pas peu à
fouffrir de fes inégalitez & de fes travers ,
quoiqu'au dehors elle affectât de le bien
traiter. Jevoyois tout ce manege fans m'en
inquieter. Comme elle continueit de perfecuter
fa foeur & de la défoler , je com
mençay à la haïr & la méprifer , de maniere
qu'elle put aisément s'en appercevoir.
Je difois hautement que c'étoit une folle
qu'il falloit mettre au Petites - Maiſons .
Elle le fçût , elle en devint furieuſe. Ses
mauvaiſes manieres & fa tyrannie redou
blerent ; & tout le mal qu'elle faifoit à fa
foeur , ne la fatisfaifant pas , elle tourna
fon defefpoir contre elle- même. Elle ne
ne dormoit plus , elle ne voyoit perfonne ;
enfin elle fe tourmenta fi fort , qu'elle en
perdit fa beauté & fa raiſon. Ce n'étoit plus
cette perfonne charmante , douce , polie ,
60 LE MERCURE
& de l'humeur la plus agréable. C'étoit un
fquelet , une harpie . C'eft une chofe terrible
que la jaloufie. Quels défordres , quels
ravages ne fait- elle point !
Mademoiſelle de V . .. . . s'apercevant
qu'elle étoit la premiere victime de fa colere
, changea de conduite en apparence
avec fa foeur. Elle fe radoucit tout d'un
coup , & feignit qu'ayant renoncé au mariage,
elle ne le referveroit qu'une penſion ,
fi fa foeur vouloit époufer un homme qu'elle
lui nomma. Elle fit tous fes efforts pour
l'engager à prendre ce party. Sa mere y
interpofa fon autorité. Le Rival parut ;
j'en fus allarmé . Mademoiſelle de M ....
me fçût mauvais gré de mes inquietudes ...
Je vous les pardonne , m'écrivit - elle , fi
c'eft l'amour feul qui vous les caufe ; mais,
fr c'eft la défiance , j'en fuis inconfolable.
Connoiffez mon coeur , vous l'avez touché
; il vous aime ; rien ne peut le faire
changer. Ne fuis-je pas affez malheureuſe
dans ma fituation , fans que vous travailliez
vous - même à m'accabler par vos foupçons
& par vos craintes ¿ On me tend des
pieges de tous côtez : au lieu de m'aider
de vôtre efprit & de vos confeils; vous vous
déconcertez ; ayez plus de force , & mandez-
moi ce que je dois faire dans cette occafion.
Le Rival dont j'ay parlé , étoit un Maître
des Comptes. Il fit tous les efforts pour
DE SEPTEMBRE. 61
plaire à ma jeune maîtreffe , mais quand
il vit qu'il perdoit fon tems , & qu'il ne
pouvoit s'en faire aimer , il eut recours à
Madame fa mere. Elle aimoit fa fille ;
elle n'eût pas la force de la contraindre à
époufer cet homme, ni la dureté de la mettre
dans un Couvent , & le Maître des
Comptes fut obligé de prendre parti
ailleurs.
Mademoiſelle de V .. ne fçachant donc
plus où donner de la tête , prit une refolution
defefperée , & qui me fait encore fremir
d'horreur quand j'y penſe. Sa laideur
augmentoit tous les jours. Tous les jours
fa jeune foeur embelliffoit. Elle jura la ruine
de fes charmes ... On m'a changée
pour ma foeur , difoit- elle , je la mettrai
dans un état que fûrement on la changera
pour une autre : Je ne fçai pas quelles
pernicieufes drogues elle lui fit prendre ,
ni comment elle les put recouvrer ; mais
enfin cette aimable perfonne tomba dans
une langueur digne de compaffion . Plus de
couleur , plus d'embonpoint ; une pâleur
liyide la rendit méconnoiffable à elle-même.
J'apris cet accident. J'en fus au defefpoir
; mais ne pouvant foupçonner Mademoiſelle
de V .. d'une ft horrible mechanceté
, je crus que le chagrin feul avoit cauſe
ce changement. Je la priay de ne fe point
affliger. Je lui fis dire que fon mal ne venant
que de l'agitation de fon efprit , quel
62 LE MERCURE
ques jours de repos & de tranquilité la
gueriroient. Le Medecin , foit qu'il fût gagné
, foit qu'il n'en fçût pas davantage ,
dit que c'étoient les pâles couleurs . Mademoiſelle
de V. . en fit des railleries
qui me revinrent ; fa cadette les fçut auffi .
Alors , elle ne fut plus maîtreffe de ſa difcretion
; elle m'ouvrit fon coeur fur les
foupçons qu'elle avoit contre fa four :
Nous conclûmes que c'étoit elle qui l'avoit
mife dans ce funefte état. Je la cherchai
pour l'accabler d'injures & de reproches , &
pour l'obliger à m'avouer la verité. J'étois
dans une fi grande fureur , que je ne fçai
pas ce que je n'aurois pas fait , fi je l'euffe
trouvée ; mais elle m'évita fi bien , que je
ne pus la voir ; cependant fa haine n'étoit
fatisfaite. Mademoiſelle de M... n'étoit
pas affés laide à fon gré , puifque je l'almois
encore. J'avois confulté fa maladie ;
on m'avoit donné des remedes qui fembloient
faire un affés bon effet , & l'on
commençoit à ne plus defefperer de fa guerifon.
La jaloufe & barbare V.. entra dans
fa chambre pendant la nuit , & la trouvant
endormie , elle lui cicatrifa le vifage avec
un diamant , & verfa de l'eau forte dans
fes playes . Cette pauvre enfant fe reveilla
en pouffant de grands cris , mais fa foeur
avoit déja difparu . Elle porta fes mains à
fes joies , & les en retira toutes pleines
de fang. Elle fait un effort fur elle-même
pas
DE SEPTEMBRE. 6.8
elle apella du monde à fon fecours ; fa femme
de chambre la crut morte , quand elle
la vit toute enfanglantée , & fans connoifnoiffance.
Sa mere vint au bruit. Sa
Megere de fille eut bien l'effronterie d'y
venir auffi . Figurés- vous quel affreux ſpectacle
ce fut pour une tendre mere qui aimoit
paffionnement fa fille , de la trouver
dans un état fi deplorable . On lui demanda
qui l'avoit traitée de la forte. Soit generofité
, foit qu'elle craignit de fe tromper
, on n'en put tirer aucun éclairciffement.
Elle s'obftina à dire que cela lui
étoit arrivé en dormant , & que lorsqu'el
le s'étoit reveillée , elle n'avoit vû perfonne
dans fa chambre. L'eau forte avoit penetré
jufqu'aux os. Le Chirurgien qu'on
avoit envoyé chercher , fe trouva fort embarraffé.
Il promit neanmoins de lui fauver
la vie ; mais il dit en même tems que
la cure ferait imparfaite , puifque Mademoiſelle
de M.. de la plus jolie perfonne
de Paris alloit devenir la plus laide. Elle
prit fon parti avec un courage heroïque.
& fouffrit les douleurs les plus aiguës avec
une patience de Martyr. L'apartement de
Madame de V.. retentiffoit de cris & de
gemiffemens. Je les entendis , je me levai,
j'y courus. Le Chirurgien mettoit le premier
appareil. Que vis-je ? Que devins je 2
Je n'ai point d'expreffion pour vous dépeindre
mon defefpoir . On ne meurt point
84
LE MERCURE
main
que
de douleur , puifque je n'expirai pas à cette
funefte vûë. Je ne gardai plus de meſures
dans cette affreufe difgrace. Cruelle , m'écriai
je en m'adreffant à Mademoiſelle de
V... Ce font là de vos coups. Quelle autre
celle d'une jaloufe , peut-être sapable
d'une fi notre barbarie ? Achevés , inhumaine
, percés-moi le coeur. C'eft moy qui
vous ai trahi , c'est moi qui vous haïs
c'est moi qui vous detefte . Votre four étoit
innocente. Pourquoy l'avés - vous punie de
mo crime ? C'étoit fur moi que votre fureur
devoit s'exercer : Mais hélas vous vous êtes
vangée bien plus cruellement que fi vous
m'aviés ôté la vie Quelques fenfibles , &
quelques vraisemblables que fuffent mes
reproches , ils ne l'émûrent point ; elle
goûtoit à longs traits le plaifir de la vangeance.
La mere fe livroit à fes triftes reflexions
, & ne difoit mot ... Quoi , Madame
, lui dis-je ! Vous gardés le filence
dans un malheur fi terrible ?. Helas , me
repondit'elle en foupirant ! Que voulésvous
que je dife ? De quelque côté que je
me tourne , je n'entrevoy que des images
douloureufes. Si je vange la cadette , je
perds l'aînée. Eft- ce à moi à être Juge
dans une cauſe où j'ai tant d'interêt ? Ma
fille , continua-t'elle , en s'adreffant à Mademoiſelle
de V .. ferait - il poffible que
vous euffiés fait une auffi indigne action ?
Et vous , ma chere enfant , eft- ce vous que
je
4
DE SEPTEMBRE. 65
je voi dans un état fi funefte ? Ces tendres
regrets furent fuivis de larmes ameres qui
ne changerent , rien aux choſes . L'ainée
coupable ou innocense , ne fut que foupçonnée
; la conviction en eût été trop
odieufe . On affoupit cette avanture ; &
Mademoiſele de M... qui avoit fait væeu
de fe faire Religieufe , fe jetta dans un
Convent dés qu'elle fut guerie. Je fis d'inutils
efforts pour la détourner de cette refolution
. J'eu beau lui jurer que je l'aimoisautant
que lorfqu'elle étoit dans fon plus
grand éclat , que je me tiendrois heureux
de paffer mes jours avec elle , & que.
j'eftimois plus les qualités de fon ame ,
que les charmes de fa perfonne . Elle ne
m'écouta point, & ne voulut plus me voir,
même dans les derniers jours qu'elle refta
dans le monde . Cette avanture me caufa
tant de chagrin & d'horreur pour Mademoifelle
de V... que pour l'éviter , je
priai mon pere de me permettre d'aller en
Efpagne . Il y confentit , & je fis ce voyage
dans la fituation d'efprit la plus violente.
Il y avoit à peine 6. mois que j'étois parti,
lorfque je reçû des lettres de France . On
m'y mandoit qu'une longue maladie dans
Jaquelle Mademoifelle de M... étoit tombée
, l'avoit empêché de faire profeffion
& qu'elle étoit retournée chés fa mere .
Ces nouvelles reveillerent un amour que
l'impoffibilité du fuccés commençoit à af-
F
66 LE MERCURE
elle.
foiblir. Je fentis renaître tous mes tranfports.
Je me reprochai le peu d'empreffe
ment que j'avois marqué pour la retenir.
Je me fatai que je ferois plus heureux , fi
je pouvois encore lui parler. Je pris la
pofte , refolu de la fléchir ou de mourir à±
fes genoux. Elle aprit mon retour
craignit ma vûë , & fe hâta de faire des
voeux. J'arrivai quelques jours aprés cette
cruelle ceremonie. Je fus accablé de ce
nouveau contre- tems . On me donna une
lettre de fa part qui ne fervit qu'à aigrir
ma douleur , & qu'à me faire mieux fentir
la perte que j'avois faite. Là voici ,
tifés-
la , Darmentiers , & voyés fi j'ai tort
de regretter une perfonne qui a de fi beaux
fentimens. Je pris la lettre , & j'y trouvai
ces paroles .
Vous pouffés " trop loin le fouvenir d'une
infortunée qui ne doit plus vous demander
d'autre grace que celle de l'oublier. Je vous
ay toûjours cru genereux , mais je ne croyois
pas que vous le fuſſiés jusqu'à vouloir devenir
la victime de vôtre generofité. Eft- il`
poffible que vous ayés fongé quelquefois que
je ne fuis plus qu'un objet d'horreur , & que
vous n'en ayés point conçu pour moi ? Si
cela eft , je l'avonë , il n'y a que vous an
monde capable d'un fi grand effort ; mais,
Monfieur , ne craignés pas que j'en abuse ;
vous m'avésfait un facrifice , je vous en dois
un autre. Je pris d'abord le parti de me res
DE SEPTEMBE. 67"
tirer ,
par
La crainte que vous ne vous repentiffiés
un jour de la demarche que vous
vouliés faire. Aujourd'huy je me retire par
reconnoiffance. Ce feroit mal répondre à vô
tre amour,que de vous donner une perfonne à
qui fa difformité feroit peur à elle même
fi elle étoit encore fenfible aux chofes de la
terre. Vous êtes digne d'un meilleur fort . Je
ferai toute ma vie des prieres au Ciel , pour
vous le procurer ; c'est tout ce que je vous
prie d'exiger de moi.
Quelques jours après Mademoiſelle de
V .. pourfuivit Courdaval , & me fit
parler
de raccommodement . J'en rejettai bien
loin les propofitions. Avoüez que je fuis
bien malheureux. Auffi charmé de Mademoifeile
de M..... que jamais , je l'adore ;
elle eft Religieufe : Avoüez encore une
fois que je fuis bien malhûreux.
7
Courdaval finit-là fon hiftoire. Je plaignis
la deftinée de Mademoifelle de M ..
& la fienne. Un moment aprés , nous arri
vames chez Cariere à qui ce fidele ami con
firma en prefence de Placidie , tout ce
qu'il m'avoit dit des deffeins du Duc de ..
fur elle & fur ma liberté. Ils en furent ef
frayés , & confentirent que je prife des mefures
pour prevenir ce double malheur.
Courdaval , qui ne pouvoit pas refter davantage
, prit congé de nous , & retourna
à D.
Cariere me dit que je n'avois point de
Eij
168
LF
MERCURE
68
•
tems à perdre ; qu'il falloit que j'époufaffe
Placidie le foir même , & que nous nous
fauvaffions le lendemain . Y confentez- vous,
belle Placidie,lui demandai-je en tremblant ?
Aurez- vous la bonté de fuivre mafortune ?
Oui ... répondit elle ; je vous fuivrai
partout quand vous ferez mon mari .....
Cariere fortit là- deffus , & revint accompagné
d'un Notaire & du Curé. Celui- ci.
avoit fait d'abord beaucoup de difficulté
de nous marier fans ceremonies ; mais il
s'étoit rendu aux raifons & à l'amitié de
Cariere qu'il connoiffoit pour un homme
difcret. Le Notaire dreffa le Contract qui
fut figné par tous ceux qui étoient dans la
chambre , & le Curé nous donna la benediction
Nuptiale. Au lieu de fonger aux
plaifirs qui fuivent ordinairement cette benediction
, nous ne fongeâmes qu'à nôtre
départ. Nous réfolûmes que Placidie prendroit
un habit d'homme , & parce que nous
n'avions pas le tems de lui en faire faire ,
elle mit un des miens . Elle étoit fi charmante
dans ce déguisement , que je craignis
qu'elle n'en pût pas foûtenir le perfonnage.
On la reconnoîtra , difois-je , partout où
nous nous arrêterens. Je fouhaitai preſque
dans ce moment-là qu'elle fût moins belle .
Nous réfolûmes encore que Placidie paffetoit
pour un jeune Seigneur , parent du
Maréchal de .... qui l'alloit trouver , &
qu'elle ne me parleroit , que comme fi j'é
DE SEPTEMBRE. 69
tois fon Valet de chambre . Elle vouloit aller
â cheval , mais je m'y oppofai . Pour lui en
épargner la fatigue , & pour faire plus de
diligence , Cariere avoit une chaife des
pofte.
Je la mis dedans. Il me donna de l'argent
pour fairemon voyage , & pour attendre
les Lettres de change qu'il m'enverroit
en Hollande. Dès que le jour parut , nous
prîmes congé de lui & de fa femme , que
nous regardions Placidie & moi , comme
nôtre pere & nôtre mere. Je pafferai legerement
fur cette féparation ; elle fut trop
tendre & trop douloureuſe , pour m'en retracer
les idées.
>
Nous gagnâmes la Frontiere fans contretemps.
Ma maladie m'avoit fi fort changé
que je ne fus point reconnu de quelques
Officiers que je trouvai dans les Villes par
où nous paffâmes. On nous laiffa fortir du
Royaume à la faveur de nos Paffeports.
Quand je me vis hors de France , je commençai
à refpirer : Enfin nous arrivâmes ,
après mille fatigues , dans le Hameau où
étoient nos Plenipotentiaires. J'allai faluer
M. de ..... avec Placidie ; je lui contai
mes avantures , il nous plaignit , & nous
fit toutes les offres de fervices qui dépendoient
de lui & de fes amis. Nous vîmes
auffi M. de .... qui fut frapé d'admiration
à la vûë de Placidie. Il ne pouvoit ſe
laffer de me dire que j'étois le plus heureux
de tous les hommes d'avoir une fi belle
70 LE MERCURE
femme , & qu'il
& qu'il ne me blâmoit point d'avoir
tout quitté pour elle. Quelques jours
aprés , nous arrivâmes à la Haye. Nous
defcendîmes chez un Marchand pour qui
Courdaval m'avoit donné une Lettre, & qui
nous logea chez lui . Placid. s'y remit de les
fatigues. Le bruit de fa beauté fe répandit
bientôt dans laVille. Il n'y eut perfonne qui
ne s'empreffât pour lavoir. Le Prince de ..
même en eut la curiofité , & m'avoiia qu'il
n'avoit jamais rien vû de fi accompli . Ce
difcours dans la bouche d'un Prince comme
celui- la , donnoit lieu à de grandes reflexions.
Je m'en fufle allarmé , fi je n'euffe
connu la vertu de ma femme , & fi je
n'euffe fçû qu'il devoit partir dans deux
jours pour l'armée. Il m'offrit de l'emploi.
Je le priai de m'en difpenfer pour cette
campagne. Je lui dis qu'on négocioit la
paix , & que fi elle fe faifoit , je m'épargnerois
le regret d'avoir porté les armes
contre ma Patrie & contre mon Roy . Il
approuva ma refolution , & m'affûra que
je pouvois compter fur fa protection .
DE SEPTEMBRE. •
T
Lettre à Monfieur Buchet :
Contenant la Traduction de quelques endroits
d'un Livre Anglois intitulé : Le
Caufeur , ou les Veilles du fieur Ifaac
Bixerstaff.
MONSIEUR ,
Je vous envoye ce que vous m'avez demandé
, mais je crains que vous n'en foyés
pas auffi content que vous avés cru . Vous
allez trouver de longues phrafes , des expreffions
hazardées , & peut-être des Anglicifmes
: Ce n'eft pas tout , la maniere
de penfer vous paroîtra même bizarre.
Vous ferez choqué de l'Original & de la
Traduction , à moins que vous ne vous
prêtiez à tout ce que je m'en vais vous
dire.
L'Auteur, qui eft M. le Chevalier Steele,
celui à qui nous devons le Spectateur ,
fe donne ici pour un vieux Aftrologue
Devin de profeffion , de plus Jurifconfulte,
& Medecin. Un homme de cette espece
doit parler d'une maniere peu commune ;
il eft impoffible de s'éloigner de la façon
de vivre de lá plufpart des hommes , fans
72 LE MERCURE
s'éloigner de leur façon de parler.
Voila pour l'Auteur , voici pour moi :
Le ftile du Caufeur , eft tiffu d'expreffions
fortes & chargées , avec des mots hazardez
même en Anglois , la plus libre de toutes
les Langues. Il ne faut pas auffi vous déguifer
que tout cela a trés-bien réuffi en
Angleterre , & que fi ma Traduction n'eft
pas goûtée en France , ce ne fera pas une
veritable Traduction. Cependant , il a
fallu traduire & non pas compofer. C'eſt
pourquoi j'ai cru devoir prendre un ftile
approchant du fien . A l'égard des Anglicifmes
, s'il y en a , je voudrois qu'ils fuffent
des fautes heureuſes , & qu'on pût
furmonterla mauvaiſe honte qui nous empêche
de prendre chez nos voifins ce qui
nous accommode , dans le tems qu'ils fe
font un merité de s'approprier ce que nous
avons à leur bienféance.
J'ai peut-être imité de certaines negligences
qu'on ne me paffera point;mais je fuis
perfuadé que le fens ne fçauroit être trop à
fon aife dans nos paroles , & que la trop
grande exactitude le gêne fouvent.
C Entrons maintenant dans les vûës de M.
Ifaac Bickerstaff: Vous fçaurez d'abord
qu'il paroiffoit une demie feuille de fes
Veilles , trois fois la femaine , & qu'on les
diftribuoit dans les Caffez comme les Gazettes.
Dés l'entrée de fon Ouvrage , il approuve
DE SEPTEMBRE.
de
ve beaucoup les Gazettes ; mais , ajoutet'il
, comme il y a pluffeurs bons Citoyens.
à qui le zele du bien public fait negliger
leurs affaires, pour aller raifonner fur celles
de l'Etat , il femble que ces Journaux
devroient être faits pour eux preferablement
aux autres. Et d'autant que ces Meffieurs
ont d'ordinaire beaucoup de zele & peu
connoiffance , c'eft une oeuvre également
charitable & neceffaire, que de leur fournir,
de quoi penfer aprés avoir lu . C'eft le deffein
de ce Journal , qui traittera de toutes ,
les matieres qui me tomberont fous la main.
Il promet d'y en inferer pour le beau
Sexe , puifque c'eft en fon honneur qu'il
a pris le titre de Caufeur.
Enfuite il dit , que tous les articles de
Galanterie feront datez du Caffé de White:
Ceux qui regardent la Poëfie , du Caffé
de Will : Ceux d'érudition , du Caffé
Grec : Qu'à l'égard des Nouvelles étran
geres & domeftiques , elles viendront du
Caffé de S. James ; & que tout ce qu'il
aura à dire fur d'autres matieres , fera daté
de fon appartement
.
Il finit en badinant fur les frais qu'il eft,
obligé de faire en liqueurs & en tabac
d'Espagne , pour entretenir de bonnes
correfpondances dans tous ces Caffez ; &
fur le don de prédire les chofes futures
dont il n'ofe faire que trés peu d'ufage ,
peur d'offenfer fes Superieurs.
Septembre 1719.
de
G
$4 LE MERCURE
Aprés cette petite préparation , il ne me
refte qu'une choſe à dire , c'eft que je n'ai
pas prétendu vous donner ici les plus beaux
endroits ; ce font les premiers morceaux
détachez que j'ai trouvé en parcourant le
Livre , & même j'ai été obligé d'y retrancher
bien des chofes. Dans la fuite je
pourrai vous en envoyer d'autres.
Si l'on condamne l'Auteur fur ma Traduction
, on aura tort ; fi l'on approuve
l'un & l'autre , je n'y veux d'autre gloire
que celle de vous avoir fait plaifir , &
d'être reputé , Monfieur , V.T. H. &
T. O. ferviteur L ***
1
Au Caffé de White.
Une Dame inconnuë me fit l'autre jour
l'honneur de me venir voir . Elle paroiffoit
âgée d'environ trente ans ; brune , mais
trés agreable : La fanté brilloit fur fon
vifage , & les yeux avoient une certaine
vivacité qui ne convenoit guéres , felon
moi , au ton plaintif dont elle commençoit
à me parler. Je ne fçai fi elle s'en apperçut
, mais tout à coup elle baiffa la vuë &
me dit , Monfieur Bickerstaff, vous voyez
devant vous la plus malheureufe de toutes
les Femmes . Comme vous avez la reputation
d'être auffi grand Jurifconfulte qu'Aftrologue
ou Medecin , je viens implorer
wos confeils & votre fecours , pour me
DE SEPTEMBRE.
A
faire obtenir la caffation d'un Mariage qui
doit être nul par toutes les loix du monde.
Madame , répondis- je , fi vous attendez
quelque fecours de moi , ayez la bonté de
vous expliquer nettement fur tous vos
griefs. Je ne croyois pas Monfieur , rel
pliqua- t'elle , qu'il fût befom de la moitié
de votre fcience , pour deviner de qui
peut porter une Femme à fe feparer de fon
Mari. Cela eft vrai , Madame , repartisje,
mais il n'eft pas ici queſtion de deviner
on n'établit pas un Procés fur des conjectures
: Quand on fçauroit même tout ce
que vous avez à dire , cela ne vous avavanroit
de rien , à moins que vous ne le difiez
vous- même. Alors , le cachane le vilage
de fon éventail , mon Mari , dit-elle , n'eft
pas plus Mari ( ici elle ne pur retenir fes
larmes que les Italiens qui chantent là
l'Opera.
Madame , lui dis- je , les Loix peuvent
apporter du remede à vôtre affliction' ;
mais envifagez les mortifications que vous
aurez à effuyer , fi vous la rendez publique.
Pourrez-vous foûtenir la rifée de toute
une Cour , les reflexions licentieufes
des Avocats , & før tout les couleurs qu'on
donnera dans le monde à votre conduite/?
Combien peu dira- t'on , cette Dame
fçavoit moderer fes defirs ! J'alloîs conti
mais elle me dit avec quelque émo
tion , Monfieur Bickerstaff , je vous al
nuer ,
Gij
76 LE MERCURE
donné demie Guinée en entrant , afin de
fçavoir vôtre avis fur la maniere dont je
dois m'y prendre, pour obtenir un divorce,
& afin d'apprendre ce qui me doit arrivers
Ceft à vous de voir . Oh , Madame , interrompis-
je ! vous ferez fatisfaite ditesmoi
, s'il vous plaît , quel âge a vôtre Mari
Ila , répondit la belle affligée , cin
quante ans , & il y en a quinze que nous
fommes mariez . Mais , Madame , lui disje
, il auroit fallu vous plaindre plûtôt ,
n'aviez-vous pas des Parens des Amis
aufquels vous puiffiez vous fier ? Helas
répondit-elle , il n'a été ainfi que depuis
quinze jours !
*
Je vous avoue que ma gravité fut démontée
à cette fois , & que je ne pus
m'empêcher de rire. Je lui dis que les
Loix ne pouvoient remedier à de tels malheurs
; mais cela ne la fatisfit point ; elle
fortit en me difant qu'elle s'adrefferoit à
un jeune Legifte d'Oxford , qui a cent fois
plus de fçavoir que moi , & que toute ma
Famille enfemble. C'eft ainfi que j'ai
-perdu ma Cliente . Cependant , fi cette en
nuyeufe narration pouvoit empêcher Paftorella
d'époufer un homme qui eft plus
vieux qu'elle de vingt ans , je confentirois
volontiers , & cela, pour le falut d'une belle
perfonne , que mon fçavoir fût decrié, &
qu'on reliât mes Prédictions avec l'Almaz
nach de Milan."
DE SEPTEMBRE. 77
Au Gaffé de Will
Je me fuis fouvent plaint ici des Lettres
de compliment. Les François ont cette
mauvaife maniere , & qui pis eft , ils rendent
public ce qui ne vaut rien en particu
lier. Ces complimens , qui ont påffe jufques
chez nous par contagions ont rendu
les entrétiens des Amis abfens de fort
peu
de profit & d'inftruction. C'eft pourquoi
j'ai toujours demandé à mes Amis de m'écrire
de maniere à me faire fouhaiter d'ètre
avec eux , plûtôt que de me protefter
qu'ils fouhaitent fort d'être avec moi. Par
ce moyen j'ai un recueil de Lettres , de
la plupart des parties du monde , qui font,
pour ainfi dire , du eru du terroir , autant
que les plantes qui y croiffent. Un de
mes Amis qui voyageoit m'en a écrit
plufieurs de cette elpeces en voici une
entr'autres , qui ne me déplait pas trop
"
Mon cher Monfieur ,
Je croy que voici la premiere fois qu'on
vous écrit de la moyenne Region de l'aire:
pour ne pas vous tenir en ſuſpens , c'est du
Sommet de la plus haute Montagne de Suiffe,
fur laquelle jofriffonne maintenant au milieu
des glaces & des neiges éternelles dont je
fuis environné. J'ai peine à ne pas dater
Giij
78 LE MERCURE
ma Lettre du mois de Decembre , quoiqu'on
veuille me foutenir que c'eft ici le premier
d'Aonft . Mon encre gele au fort de la Canicule.
En recompenfe j'ai le plaifir devoir
divers Paifages de neige , qui font les plus,
jolis du monde. Cette neige est aufi durable.
que le marbre; me voici fur un tas qui
séboula du tems de Charlemagne ou de Pepin
le bref, à ce qu'on dit par tradition.
Les Habitans ne font pas une des moin
dres curiofitez du Païs. Dans leurjeuneſſe,
ils fe louent à leurs Voifins , & ceux qui
font à l'épreuve du mousquet jusqu'à cinquante
ans , reviennent avec l'argent qu'ils
ont gagné & les membres qu'ils ant de refte,
achever tours jours parmi leurs Montagnes
natales. Un des Gentilshommes du lien , quil
en a été quitte pour un oeil , m'a die par
maniere de vanterie, qu'il y avoit à prefent
fept jambes de bois dans fa Famille , &
que depuis fept generations , on n'avoit ens
terré aucun mâle de fa : branche tout à la
fois. Vous trouverez peut -être mon ftile
auffi extraordinaire
tout celang amais
fouvenez- vous qu'il eft dit dans une de nos
Comedies , que les gens qui parlent fur les
nuages , ne doivent pas être affervi à mettre
du fens dans leurs difcours. Je me croi
en droit d'ufer du même privilege , moi qui
voy les nuages an deßous de moi . En quel
que lien que jefois , je ferai toûjours ; &c.
6
que
DE SEPTEMBRE. 79.
Je voudrois que dans un Païs où l'on a
des materiaux fi commodes , on érigeât
des Statues de neige à ces Heros mutilez
qui reviennent de la guerre. Ce feroit des
monumens qui pafferoient jufqu'à la poſte
rité la plus éloignée.
Au Caffé de Will.
2. M. Dactile a déployé fon éloquence ce
foir fur le talent de tourner les chofes en
ridicule. Il difoit trés juftement qu'il s'y
rencontroit d'ordinaire quelque chofe de
trop bas pour la focieté des honnêtes gens ,
à moins qu'on ne le modifiât felon les cir
conftances des perfonnes , du tems & du
hieu. Un honnête homme , continua- til
doit fe fervir de ce talent comme de fon
épée , pour la feule défcufe , & jamais of
fenfivement , à moins que ce ne foit pour
dévoiler l'impofture & l'affectation. Mais
on a fi fort méconnu cette faculté , que le
burlefque dans lequel eft cravefti Virgile
a paffe de nos jours pour de l'efprit , &
que les plus nobles penfées qui foient jamais
entrées dans le coeur de l'homme , ont été
miſes au niveau de la groffiereté & de la
bouffonnerie . Suivant les regles de la justice
aucun homme ne devroit être tourné en ri
dicule à caufe de fes imperfections , s'il
ne veut fe faire valoir par les qualitez qui
lui manquent. C'eft ainfi que les Poltrons
Giiij
80 LE MERCURE
qui fe cachent fous un air fier & infolent,
& les Pedans qui penfent montrer la profondeur
de leur fçavoir par une fombre
gravité , font également les dignes objets.
de nôtre rifée : Non qu'ils foient en euxmêmes
ridicules par leur manque de courage
ou par la foibleffe de leur entendement ,
mais à caufe qu'ils femblent ne pas fentir
le rang qu'ils tiennent dans la vie , & qu'ils
fe placent malheureufement avec ceux dont
le merite répand trop de jour fur leurs défauts.
Il faut obferver d'un autre côté que le rire
êtant l'effet de la raiſon , on devroit chaffer
des honnêtes compagnies ceux qui rient
fans raifon.... Ha , ha , dit Guillaume
Truby , qui étoit auprés de nous , eft- ce
qu'on voudra me faire rire par regle & par
methode ? Voyez-vous , répondit Homphroy
Finet , c'eft que vous êtes grandement
trompé: Vous pouvez à la verité
faire beaucoup de bruit , & perfonne ne
peut empêcher un Gentilhomme Anglois
de mouvoir fon vifage à fa fantaifie ; mais
fur ma parole , ce bruit que vous faites-là
en ouvrant la bouche ; cette agitation d'eſtomac
que vous foulagez en vous tenant les
côtez , tout cela n'eft point rire. Le rire
eft de plus grande importance que vous ne
penfez , & je vous dirai en fecret , que
vous n'avez ri de vôtre vie , que je crains
même que vous ne riez jamais , à moins
DE SEPTEMBRE. of
de vous faire guérir de ces convulfions .
Truby nous quitta , & quand il fut à deux
pas de nous : fort bien , dit-il , vous êtes
d'étranges perfonnes ; en même tems il fit
un autre éclat de rire.
Les Trubys font gens benevoles , its
rient de purc amitié avec autant de plaifir
que ceux qui rient malicieufement
Ainfi quand on les voit prendre la figure
d'un homme qui rit ; cela ne vient que de
cette bienveillance generale qui eft née
avec eux. Les Finets ne font que fourire
des chofes les plus plaifantes , & les fentent
bien plus vivement. Je fçai que La
Hargne enrage quand Truby lui rit au nez;
mais queTruby eclate de rire en me voyant,
je connois que ce rire , ou fi vous voulez
ce bruit inanimé , qui en d'autres feroit
rire , ne vient que de l'abondante joye
qu'il a de me voir. Mais j'examinerai plus .
au long cette matiere dans mon Traité de
ofcitation , du rire & du ridicule.
De mon Apartement.
of
Il m'en a coûté bien des foins , & des
meditations pour ranger les gens fous les
dénominations qui leur font propres , &
felon leurs caracteres refpectifs . Mon travail
, d'un côté , a eu un fuccés inefperé ,
& de l'autre , il a été fort negligé . Car
quoique j'aye beaucoup de Lecteurs , j'ai
$2 LE MERCURE
}
trés peu de Profelytes. Il faut certaine
ment que cela vienne de la fauffe opinion
qu'on a que mes écrits font plûtôt deſtinez
à l'amufement , qu'à l'inftruction du Public.
J'ai commencé mes Effays par décla
rer que je voulois reprefenter le genre humain
tout autrement qu'on n'a fait juſ
qu'ici ; & j'ai avancé que toute vie inutile
ne feroit plus appellée vie dans mes écrits.
Mais de peur que ma doctrine ne paroiffe
frivole & fantafque aux gens non lettrez ,
& que ce ne foit peut-être la caufe du peu
de progrés qu'elle a fait ; qu'on me permet,
te de developer l'antiquité & la fageffe de
ma premiere propofition , à fçavoir , que
tout homme fans merite , eft un homme
mort. Cette notion eft auffi ancienne que
Pitagore. Dés qu'un de fes Difciples fe
laffoit d'étudier l'art de fe rendre utile
aux hommes , & qu'il abandonnoit fon
Ecole , pour aller vivre dans l'oifiveté ,
les autres Difciples le tenoient pour mort ;
on devoit faire fes funerailles, lui élever un
tombeau avec des infcriptions qui fiffent
fouvenir fes compagnons qu'ils étoient
mortels comme lui. Je pourrois appuyer
cette doctrine par l'exemple même des He
breux , & par des autorités facrées que je
laiffe à mediter à mes lecteurs , ils pour
ront voir aisément dans quel fens on appli
que les termes de mort & de vivant aux
hommes,felon qu'ils font bons ou mauvaisə
DE SEPTEMBRE. 83
C'est là-deffus que j'ai dreffé mon fyfte
me de l'exiſtence , que l'on va voir ici , à
Fufage des vivans & des morts ; mais furtout
des derniers que j'exhorte à y faire
toute l'attention poffible , fupófé qu'ils
foient capables d'attention .
que
Au nombre des morts font compriſes
toutes perfonnes de quelque rang ou qualité
qu'elles foient , qui employent la plus
grande partie de leur tems à manger & à
boire , afin d'entretenir cette existence imaginaire
qu'ils nomment leur vie , ou à
decorer ces ombres , ces apparitions que
le vulgaire prend pour des vrais hommes
& de vraies femmes. En un mot quiconrefide
dans ce bas monde fans y avoir
des affaires , & qui ne fonge point à quel
propos il y a été envoyé , eft felon moi ,
bien & dûment trepaffe , & je fouhaite
qu'on l'eftime rel. Les vivans font ceux
feulement qui s'appliquent à fe perfec
tionner l'efprit & le coeur , encore ne leur
compterai-je pour moment de vie que ceux
qu'ils auront employez ainfi .. Par là nous.
trouverons que les plus longues vies ne
confiftent qu'en très peu de mois , & que
la plus grande partie de la Terrelet entie
rement depeuplée. Selon ce Syftême , il y
a des gens qui font nez à l'âge de vingt
ans , d'autres à trente , d'autres à foixante ,
& d'autres environ une heure avant mourir.
Bien plus nous en verrons des multi84
LE MERCURE
tudes qui meurent avant que de naître ›
nous verrons plufieurs morts fe fourer parmi
les vivans, & figurer aux yeux des ignorans
mieux que ceux qui font pleins de
vie & de fanté. Cependant , comme il peut
少avoir beaucoup de bons fujets , payant
les taxes , & vivant: paisiblement chez
eux , qui ne font pas encore nez , ou qui
font morts depuis longtemps , j'exhorte les
premiers à venir au monde , & je laiffe
aux autres la voye de la refurrection . Je
dis ceci en partie pour l'amour d'une per
fonne qui a publié depuis peu un avertif
fement, dans lequel elle fefert de certaines
expreffions qu'il n'eft pas de la bienfeance à
un Mort de proferer , c'eft mon défunt
ami Jean Partridge , quiiconclur Favertiffe
ment de fon Almanac pour l'année pro
thaine par la note fuivante.
T
D'autant qu'il a été induſtrieuſement repandu
dans le Public par le nommé Iſaac】
Bickerstaff , & autres , pour prevenir le
debit de cet Almanac, que Jean Patridge
étoit morti , cecy eft pour informer fes
bons Compatriotes qu'il eft encore en vie
& en fanté, & que ceux qui avoient fait
courir ce bruit, font des Fripons.
▼ R
3
་
126197
с
DE SEPTEMBRE. 3 }
A
EDITS , ARRETS
& Declarations .
Rrêt du Confeil d'Etat du Roy
qui ordonne qu'il fera fabriqué pour
cent vingt millions de livres de Billets de
la Banque , de dix mil livres chacun du
12. Septembre 1719 .
ARREST
Du Confeil d'Etat du Roy ,
Qui permet à la Compagnie des Indes , de
faire pour cinquante millions
de nouvelles Actions .
Ur
Sur ce qui a été reprefenté au Roy
étant en fon Confeil , par les Direc
teurs de la Compagnie des Indes , que
pour remplir les engagemens que ladite
Compagnie a contractez en execution de
l'Arrêt du Confeil du 27. Août dernier
ils ont eftimé neceffaire de faire pour cinquante
millions de nouvelles actions , pour
être delivrées à raifon de mille pour cent:
A quoi ils fuplioient Sa Majefté de vou
doir les authorifer. Oui le rapport , Sa Ma
jefté étant en fon Confeil , de l'avis de M.
le Duc d'Orleans Regent,a ordonné & ot¬
donne ce qui fuit,
85 LE MERCURE
ART. I. Sa Majefté a permis & per
met à la Compagnie des Indes , de faire de
nouvelles Actions jufqu'à concurrence de
la fomme de cinquante millions , lesquelles
feront de même nature & jouiront des
mêmes avantages que celles qui compoſent
les cinquante millions d'anciennes Actions
II. Lefdits cinquante millions de nouvelles
Actions feront faits en cent mille
Billets d'une Action chacun numerotez
depuis le numero cent vingt mille un , juſques
& compris le numero deux cent vingt
mille.
III . Léfdites Actions feront acquifes
par toute forte de perfonnes , fur le pied
de cinq mille livres chaque Action , payables
en dix payemens égaux en efpeces ou
Billets de Banque , dont le premier comptant
, & les autres dans le courant de chacun
des mois fuivans , & faute de faire les
payemens dans lefdits mois indiquez , les
certificats du Caiffier de ladite Compagnie
qui auront efté delivrez pour les nouvelles
Actions ordonnées par le prefent
Arreft , deviendront nuls & de nul effet.
IV. Le Livre pour la delivrance des
Certificats fera ouvert à commencer du 15.
du preſent mois , & lefdits Certificats feront
vifez par un des Directeurs de la
Compagnie des Indes , & figné par le
-Sieur Vernezobre de Laurieux , que
Sa Majefté a commis & commet Caiflier
DE SEPTEMBRE. 87
;
de la Compagnie , pour recevoir les fonds
defdits cinquante millions de nouvelles
Actions. Fait au Confeil d'Etat du Roy,
Sa Majefté y étant , tenu à Paris le treizić,
me jour de Septembre mil fept cent dix
neuf. Signé , FLEURIAU .
EDIT DU ROY ,
Portant fuppreffion de tous les Offices éta
blis fur les Ports , Quays Halles &
Marchez de la Ville de Paris.
Nous avons par nôtre prefent Edit perpe
tuel & irrevocable, éteint & fuprimé, éteignons
& fuprimons tous les Offices établis
fur les Ports, Quays , Halles, & Marchez de
nôtre bonne Ville de Paris. Voulons qu'à
commencer du Lundy 18. du prefent mois,
il ne foit plus levé aucun des droits qui
fe font perçus jufqu'à ce jour au profit deldits
Officiers , à quelque titre & fous quelque
dénomination que ce puiffe être , & en
confequence qu'il foit inceffamment pro
cedé au rembourfement des finances defdits
Offices , tant anciennes que nouvelles , fui
vant la liquidation qui en fera faite par les
Commifaires de nôtre Confeil qui feront
hommez à cet effet ; & voulant maintenir
non feulement l'ordre & la police qui s'ob→
ferve dans lefdits Ports , Quays , Halles &
Marchez , mais auffi faciliter aux Mar
38 LE MERCURE
chands Forains le payement de leurs marchandifes
au moment de leur arrivée; ainfi
qu'il s'eft pratiqué par le paffé , & pourvoir
de plus en plus à la garde , & à la fureté
defdites marchandifes, ordonnons qu'il
fera établi & formé un nombre fuffifant de
Gardes pour veiller à leur confervation
tant de jour que de nuit , qui feront entretenus
, payez & foudoyez à nos frais &
dépens.
ARREST
Du Confcil d'Etat du Roy.
Qui ordonne qu'à la nomination des Sieurs
Lieutenant General de police, Prevoft des
Marchands & Efchevins , il fera établi
des Commiffionnaires & Prepofez fur les
Ports, Quays , Halles & Marche , de
la Ville de Paris.
E Roi ayant par l'Edit du prefent
mois de Septembre , ordonné la fuppreffion
de tous les droits qui ont été perçûs
jufqu'à prefent au profit des Officiers
établis fur les Ports , Quays , Halles &
Marchez de fa bonne Ville de Paris ,
quelque titre & denomination que ce puiffe
être , & pourvû au rembourfement des
finances defdits Offices tant anciennes
que nouvelles , au moyen de quoy les fonctions
qui étoient attribuées à leurs Offices,
>
ceffet
DE SEPTEMBRE
89
•
cefferont entierement à leur égard , & que
pour conferver la même police & fûreté
dans lefdits Ports , Quays, Halles & Marchez
, il feroit prepolé par les Sicurs Lieutenant
General de police , Prevoft des
Marchands & Echevins , chacun en ce
qui le concerne , un nombre fuffifant de
perſonnes pour exercer les fonctions qui
font neceffaires : Sa Majefté defirant en
confequence , qu'il y foit pourvû, par les
Sicurs Lieutenant General de police , Prevoft
des Marchands & Echevins , oui le
raport. Sa Majefté êtant en fon Confcil
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a ordonnéGorodrdoonnne qu'à la
nomination & fur les Commiffions des
Sieurs Lieutenant General de police ,
Prevoft
des Marchands & Echevins , chacun
en ce qui concerne leur Jurifdiction , il
fera établi & prepofé pour la facilité du
Commerce , la police & la fûreté des marchandifes
& denrées fur les Ports , Quays ,
Halles & Marchez de ladite Ville de Paris
, fçavoir , pour les vins && autres Boif
fons , foixante Vendeurs & vingt- quatre
Jaugeurs pour les grains foixante- huit
Melureurs ; ponr le bois quatre - vingt
Mouleurs pour le charbon vingt Melureurs
; pour la chaux deux Melureurs ;
pour le mettage à Port , le retournage ,
Lemontage , la garde , le renvoy des rivie-
Les , & le debaclage des batteaux , la foug
1
Η
le
LE MERCURE
&
no
}
niture des planches , d'hommes & d'équi
pages à ce neceffaires , avec garentie des
batteaux & des marchandifes , comme auf
fi pour le nettoyage des Ports, pavez 80
l'enlèvement des boues fur lefdits Ports ,
douze Merteurs à Port & Debacleurs qui
feront enfemble & conjointement toutes
lefdites fonctions pour les toiles vingt į
Aulneurs ; pour le foin vingt Vendeurs
Courtiers , & pour les Porcs feize Infpecteurs
, Vifiteurs & Langueyeurs de Porcs
vifs ou morts : Tous lefquels Commiffionnaires
ou Prepofez prefteront ferment en
la maniere accoûtumée , pardevant lefdits
Steurs Lieutenant General de police , Prevoft
des Maachands & Echevins chacun
ce qui le concerne , & feront toutes
les mêmes fonctions qui étoient ci - devant
faites par les Officiers titulaires ; & même
les Mefureurs de grains feront faire le bri
fage des farines & l'arrangement des facs
dans les Halles & Marchez. Pourront
neanmoins lefdits Commiffionnaires ou
Prepofez être deftituez , changez ou retablis
dans leurs employs , ainfi que lefdits
Sieurs Lieutenant General de police , Prevoft
des Marchands & Echevins le jugeront
à propos , & jouiront lefdits Conmillionnaires
ou Prepofez pour leurs peines
& fourniture d'hommes , uftanciles ; équi- l
pages & autres chofes neceffaires pour
remplir leurs fonctions , des falaires & é-
Pol
DE SEPTEMBRE. 91
molumens fixez par le Tarif attaché fous
le Contre-fcel de l'Edit du prefent mois.
Enjoint Sa Majefté aufdirs Sieurs Lieute
nant General de police , Prevoft des Marchands
& Echevins de tenir la main à l'execution
du prefent Arrêt . Fait au Confeil
d'Etat du Roy , Sa Majefté y étant , tenu
à Paris le douziéme Septembre mil
fept cent dix-neuf. Signé PHELIPE AU .
ARREST
Du Confeil d'Etat du Roy ,
Qui nomme des Commiffaires pour proceder
à la liquidation des finances , tent an
ciennes que nouvelles , des Offices établis
fur les Ports , Quays , Halles & Marche
de la Ville de Paris.
L
E Roy ayant par fon Edit du prefent
mois , ordonné qu'il fera procedé par
les Commiffaires de fon Confeil qui feront
nommez à cet effet , à la liquidation des
financés , tant anciennes que nouvelles ,
des Offices établis fur les Ports , Quays ,
Halles & Marchez de la Ville de Paris
A quoy Sa Majefté defirant pourvoir &
accelerer le rembourfement de la finance
defdits Offices ; oui le raport. Sa Majef
téêtant en fon Confeil de l'avis de Monfieur
le Duc d'Orleans Regent , a com
mis & commet les Sieurs de la Houffaye
Hij
92 LE MERCURE
Confeiller d'Etat & au Confeil de Regence
pour les Finances , Trudaine auffi Confeiller
d'Etat & Prevoft des Marchands , de
Machault Maiftre des Requeftes & Lieutenant
General de police , d'Ormeffon &
de Gaumont auffi Maiftres des Requeftes ,
& Dodun , Prefident des Enqueftes du
Parlement de Paris , Confeillers au Confeil
de finances , pour proceder conformé
ment à la difpofition dudit Edit à la liqui
dation des finances , tant anciennes que
nouvelles , des Offices fupprimez par icelui
, fur la reprefentation qui fera faite aufdits
Sieurs Commiffaires des quittances
de finances , provifions & autres titres de
proprieté defdits Offices : Ordonne que
les pourvûs & proprietaires defdits Offces
fuprimez, feront tenus de remettre lef
dits titres & pieces juftificatives au Sieur
de Grofmenil , Greffier des Commiffions
extraordinaires du Confeil , que Sa Majefté
a commis pour Greffier de ladite Commiffion
, pour , fur les Ordonnances de liquidation
qui feront faites par lefdits
Sieurs Commiffaires , être lefdits pourvûs
& Proprietaires rembourfez des fommes
portées par lefdites Ordonnances , conformément
audit Edit du prefent mois . Fait
au Confeil d'Etat du Roy , Sa Majeſté y
étant , tenu à Paris le douzième jour de
Septembre mil fept cent dix- neuf.
Signé , PHELIPIAU.
DE SEPTEMBRE. 93
TARIF
Des falaires & emolumens attribuez aux
Commiffionnaires établis pour La police
des Ports , Quays , Halles & Marchez ,
qui doit être attaché fous le contre-fcel
de l'Edit qui fupprime les Offices &
Droits établis fur les Ports Quays
Halles & Marchez de la Ville de Paris.
POUR LE VIN.
Vendeurs de Vin.
11 ne leur eft point fixé de droits par le
prefent Tarif, attendu que l'Edit même
porte ce qui fera payé.
Jaugeurs de Vins & autres Boiffons.
Il leur fera payé pour chaque muid rés
duit de vins , cidres , bierres & autres
boiffons , deux fols , & pour les demis &
quarts à proportion , cy pour le muid rẻ-
duit 2 f.
Plus , pour chaque muid réduit d'eaude-
vie fimple , d'eau-de-vie double &
d'efprit de vin , tant pour la jauge que
pour l'effai , quatre fols , & pour les plus
·
94 LE MERCURES
forts ou plus petits vaiffeaux , le droit fera
augmenté ou réduit à proportion , cy pour.
le muid réduit-
4
f.
POUR LE GRAIN. A
Mefureurs de bleds & farines , & autres
grains.
Il leur fera payé pour chaque muid de
bled , douze fols , qui eft à raifon d'un fol
par feptier , & pour les petites mefures à
proportion , cy pour le muid > 12 f.
Plus , pour chaque muid de farine , une
livre quatre fols , qui eft à raifon de deux
fols par feptier , & pour les petites mefures
à proportion , cy pour le muid , 11, 4 f.
Plus, pour chaque muid d'orge, de veffes
& de grenailles , dix- huit fols , qui eſt a
raifon d'un fol fix deniers par feptier , &
pour les petites mefures à proportion , cy
pour le muid
18 l.
Plus , pour chaque muid d'avoine , une
fivre quatre fols , qui eft à raifon de deux
fols le feptier , & pour les petites mefures
à proportion
, cy pour le muid ,
11. 46.
DE SEPTEMBRE.
21
'
POUR LE BOIS
Mouleurs de Bois.
Il leur fera payé pour chaque voye de
bois neuf & de bois flotté à brufler , foit
de moule ou de corde , cinq fols , cy pour
la
voye
S
£
Plus , pour chaque voye de deux cent
huit fagots , cotterets , bourrées avec paremens
, cinq fols , cy pour la voye 5.fo
Plus , pour chaque voye de deux cent
huit bourrées d'épines , ronces fans paremens
, fouchons & copeaux , deux fols fix
deniers , cy pour la voye z f. 6 d.
Plus , pour chaque voye, de cinquanté
fagots de bois de cordes , menuifes ou bois
blanc flotté de vingt- fix pouces de groffeur,
cinq fols , cy pour la voye 5 ር
Pour chaque voye de cinquante falourdes
de perches , deux fols , cy pour lavoye
21f.
-Plus , pour chaque voye de bois de cru
en buche , fagots , corterets , deux fols ;
cy pour la voye
2 f
POUR LE CHARBON. J
Mefureurs de Charbon :
Il leur fera payé pour chaque voye de
96
LE MERCURE
charbon de bois , compofée de deux minors
, deux fols, & pour les mefures audeffus
& au- deffous à proportion , cy pour
la voye
2 f
Plus , pour chaque voye de charbon de
terre , composée de quinze minots , quinze
fols , & pour les mefures au- deffous à proportion
, cy pour la voye
POUR LA CHAUX,
Mefureurs de Chaux.
15fo
Il leur fera payé pour chaque muid de
chaux , compofe de quarante- huit minots,
quinze fols , & pour les mefures au-deffous
proportion , cy pour le muid
POUR LES BATEAUX.
Il fera payé pour le métage à port , le
fetournage , le remontage, la garde , le
renvoy des rivieres , le débaclage , la fourniture
des planches , d'hommes & d'équipages
à ce neceffaires , le nettoyage, des
Ports , l'enlevement des boues fur lesdits
Ports , à la charge de la garentie defdits
bateaux & des marchandifes
SÇAVOIR,
DE SEPTEMBRE.
SCAVOIR,
Au Port d'enhaut.
Pour chaque couplage de margota , deux
livres , cy
су
21.
Pour chaque tout-bachot , une livre
I l.
Pour chaque bachot , dix fols , cy 10 f.
Pour chaque bateau de fept toifes , chargé
de foin où de charbon , huit livres , cy
8 l.
Pour chacun defdits bateaux de fept toifes
, chargé de toute autre marchandiſe ou
denrée, & pour chaque boutique à poiſſon ,
fix livres , cy
61.
Pour chacun des bouticlars & gondole à
poiffon , trois livres , cy
3 1.
Pour chacun des bateaux de huit toifes
chargé de foin & de charbon , dix livres ,
су
10 l.
Pour
chacun
defdits
bateaux
de huit toifes
, chargé
de toute
autre
marchandiſe
ou
denrée
, huit
livres
, cy
8 1.:
Pour
chacun
des bateaux
de dix toifes
.
& au - deffus
, chargé
de foin
& de charbon
,
douze
livres
, cy
12 1.
Pour chacun defdits bateaux de dix toi
fes , chargé de toute autre marchandiſe
ou
denrée , dix livres , cy • 10 l.
Chaque bateau chargé de pavé pour le
Roy , ne payera que demy droit.
Septembre 1719.
I
98
LE MERCURE
Au Port d'enbas :
Pour les bateaux depuis dix-huit juſqu'à
vingt-huit toifes , payeront par toife dix
fols , cy 10 f.
Pour
les bateaux
au- deffous
de dix-huit
toises
, de quelque
grandeur
que
ce foit.
par toifes
cinq
fols
, cy
S
f.
Et fera payé pour le retournage des bateaux
de foin , lorfque les Commiffionnaires
Debacleurs en feront requis , fix livres ,
су
POUR LES TOILLES.
Aulneurs de Toilles.
61.
Pour chaque aulne de toille , tant groffe
que fine , étrangere ou du Royaume , canevas
, coutils , treillis , coupons, bougrans ,
napes , fervietes , mouffelines , baptifte ,
futaine , bafin , toille de coton , de lin &
autres ouvrages de fil & lingerie , qui feront
amenez dans la Ville & Fauxbourgs
de Paris , même des toilles & autres ouvrages
cy-deffus qui y feront fabriquez , à
l'exception de celles qui feront
pour THôn
tel Royal des Invalides , aux conditions
portées par les Edits qui en accordent l'exemption
, un denier & demy , cy par
auine
1 d . & demy. A
DE SEPTEMBRE .
99
POUR LE FOIN.
Vendeurs , Courtiers , & Debardeurs de
Foin.
Il leur fera payé par chaque cent de foin
entrant , tant par terre , que par eau
les demis & quarts cinq fols , &
pour
proportion , cy par cent
•
sf.
POUR LES PORCS.
Inspecteurs . Vifiteurs & Languayeurs
de Porcs.
Il leur fera payé par chaque porc vif ou
mort , huit fols , cy
8 f.
Et pour les demis & quarts à proportion
FAIT & arrefté au Confeil d'Eftat du
Roy , tenu à Paris le douzième jour de
Septembre mil fept cent dix neuf. Signé ,
PHELYPEAUX.
Registré , ony , & ce requerant le Procureur
General du Roy , pour eftre executé
Selon fa forme & teneur , à la charge que
l'enregistrement du prefent Tarif , fera reiteré
au lendemain de la S. Martin , fuivant
l'Arreft de ce jour. A Paris en Parlement,
en Vacations , le feizième Septembre mil
fept cent dix-neuf. Signé , YS A BE A U.
I'ij
100 LE MERCURE
A
TOUS CEUX QUI CES PRESENTES
LETTRES VERRONT :
Charles Trudaine Chevalier Seigneur de
Montigny & autres lieux , Confeiller
d'Etat , Prevôt des Marchands , & les
Echevins de la Ville de Paris ; SALUT ,
fçavoir faifons. Que fur ce qui nous a été
remontré par le Procureur du Roy & de
la Ville , que Sa Majefté ayant par Edit
du prefent mois fupprimé tous les Officiers
établis fur les Ports & Quais , & dans les
Chantiers de cette Ville , Fauxbourgs &
Banlieuë , enſemble les Droits à eux attribuez
, à commencer du Lundy dix- huit
dudit prefent mois ; il eft neceffaire d'ôter
& retrancher lefdits Droits du prix des
Marchandifes qui font venduës & livrées
fur lefdits Ports , & d'en arrêter & fixer
le prix fuivant ledit retranchement & conformément
audit Edit ; pourquoy requeroit
qu'il Nous plût y pourvoir . Ayant
égard aufdites remontrances & requifitoire
du Procureur du Roy & de la Ville , &
vû ledit Edit enregistré au Parlement ce
jourd'huy
Meffieurs les Prevôt des Marchands &
Echevins de la Ville de Paris , ont ordonné
qu'à commencer Lundy prochain dix- huit
du prefent mois , les Marchandifes pour
la provifion de cette Ville , prifes fur les
DE SEPTEMBRE. ΤΟΥ
Ports & Quais , & dans les Chantiers de
cette Ville , Fauxbourgs & Banlieuë , feront
venduës ,
ŚĆ AVOIR ,
5
Aux Ports de la Greve , aux Mulets &
Arche - Beaufils.
La Voye de Bois de compte neuf, treize
livrés deux fols fix deniers.
La Voye de Bois de corde de quartier ;
douze livres deux fols fix deniers.
La Voye de Bois Taillis , onze livres
deux fols fix deniers .
La Voye de Bois Taillis mêlé de Bois
blanc , dix livres deux fols fix deniers.
La Voye de Bois de Traverſe , douzo
livres fept fols fix deniers.
FAGOTS & COTERETS.
La Voye de Fagots compofée de deux
cent huit , douze livres treize fols neuf
denier's.
La Voye de Cotterets de Marne , auffi
compofée de deux cent huit , douze liv.
treize fols neuf deniers.
La Voye de Coterets d'Yonne , compo
fée de trois cent douze , treize liv.
I iij
102 LE MERCURE
Aux Ports de l'Ecole , Saint Nicolds
& Malaquais .
La Voye de Bois de Moule de compte 3
treize liv. deux fols fix deniers .
La Voye de Bois de corde de quartier
douze liv . deux fols fix den.
La Voye de Bois Taillis , onze liv . deux
fols fix deniers.
La Voye de Bois Taillis mêlé de Bois
blanc , dix livres deux fols fix deniers.
La Voye de Bois d'Andelle , douze liv,
fept fols fix deniers .
FAGOTS & COTERETS.
La Voye de Fagots compofée de deux
cent huit , douze livres treize fols neuf
deniers.
La Voye de Coterets de quartier , compofée
de deux cent huit , quinze liv . dixlept
fols neuf deniers .
La Voye de Coterets de Bois Taillis ,
compofée de deux cent huit , de deux.
pieds de longueur chacun , & de dix- fept
à dix-huit pouces de groffeur , treize liv
douze fols neuf deniers.
BOIS FLOTTE.
La Voye de Bois de Moule de compte
DE SEPTEMBRE. 103
de la Foreft de Montargis , douze livres
quinze fols.
La Voye de Bois de corde de ladite Fo
reft , onze liv. quinze fols .
La Voye de Bois de Moule de compte
des Provinces de Bourgogne & Champagne
, onze liv. quinze fols.
La Voye de Bois de traverſe & de cordo
defdits Provinces , dix liv . quinze fols.
La Voye de Bois flotté de menuife &
bois blanc, dont font compofez les Fagots ,
cordée dans la membrure , neuf liv. cinq
fols.
La Voye de Fagots defdits bois compo
fée de cinquante , douze livres huit fols
fix deniers.
La Voye de Falourdes de perches , compofée
de cinquante , quinze liv . onze fols.
Le tout mis en Charete aux dépens du
Marchand Vendeur , & compris les quatre
fols pour l'Hôpital General fur chacune
Voye.
Que la Mine ou Voye de Charbon de
bois , prife fur le Port , tous Salaires
compris , même le droit pour l'Hôpital
General , fera venduë deux livres quinze
fols fix deniers.
Et que le Muid de Chaux pris fur let
Port , compris le Salaire des Mefureurs
fera vendu quarante trois liv . un fol trois
deniers .
I iiij
$104
LE MERCURE
FAISONS défenfes aux Marchands
de vendre leurfdites Marchandises à plus
hauts prix que ceux par Nous cy- deffus
reglez , à peine de concuffion ;. & enjoignons
aux Commis Mouleurs de Bois ,
Mefureurs de Charbon & de Chaux , de
tenir la main à l'execution des Prefentes ,
& de mettre par chacun jour fur chacune
qualité defdits Bois , Charbon & Chaux ,
la Pancarte du prix d'iceux , à ce que perfonne
n'en ignore. Ce qui fera lû , publié
& affiché par tout où befoin fera , & exccuté
, nonobftant oppofitions ou appellations
quelconques , & fans préjudice d'icelles.
FAIT au Bureau de la Ville , le
feizième jour de Septembre mil ſept cent
dix-neuf. Signé , TAITBOUT.
Départemens de Meffieurs les Directeurs
de la Compagnie des Indes..
POUR LE Соммев С. Б
Les Monnoyes.... Meffieurs Law , Fro
maget & Caftanier.
Les Armemens & defarmemems.... Meffieurs
Law , Mouchard , Berthelot , Piou ,
Morin , le Gendre , Defvieux & Monpellier.
Les Achapts de Marchandifes.... Meffieurs
Fromaget , Caftanier , Morin , De
DE SEPTEMBRE. 10f
La Porte- Chevalier , Villemur , Laugeois.
La Louifiane.... Meffieurs Dartaguiette,
Gilly de Montaud , Corneau , De la Haye,
Perrinet , Savalette , De la Porte- de Fe
raucourt.
Les Indes.... Meffieurs Raudot , Adine,
Hardancourt , Fromaget , Lallemant ,
Tiroux , De la Live.
Le Caftor & la Guinée.... Meffieuss
Mouchard , Piou , Le Gendre , Le Normant.
Le Senegal & la Compagnie d'Affrique .....
Meffieurs Fromaget , Gaftebois , Morin ,
Raudot , Berthelot , De la Porte Cheva
lier.
POUR LES FERMES.
Le foin de la fuite des Regiftres Journaux s
Etats de Produit & Depenfe , les Big
lans & Comptes generaux.
Meffieurs Law , Fromaget , Gaftebois-
Laugeois & De la Porte-de Feraucourt.
Le foin de faire faire les Remifes des Dea
niers des Caiffes de Paris & des Provinces
à la Recette generale , & de fuivre
ordonner les payemens qui doivent
être faits à l'acquittement des charges.
des Etats du Roy.
Meffieurs Law , Dartaguiette , Perrinet3.
106 LL MERCURE
Berthelot , De la Porte , Le Gendre ;
Adine , Defvieux.
La garde des Papiers de la Ferme , & des
Actes déposez aux Armoires de la Compagnie
, & le dépôt des faifies.
Meffieurs Corneau , Piou , Thiroux &
Chevalier.
L'affiftance au Confeil de la Ferme & føllicitations
de Procedures.
Meffieurs Corneau , Raudot , Thiroux,
La Haye , Adine , Monpellier, Savalette .
Le foin de dreffer les Etats au vrai , des
Comptes des Chambres , & ceux d'apurement
& corrections .
Meffieurs Raudot , Gilly , de Mone
taud , Berthelot , De la Porte..
L'examen des Comptes generaux & particuliers
des Gabelles de France,
Meffieurs Chevalier , De la Porte- de
Feraucourt , Savalette , Villemur , Le
Normant.
L'examen des Comptes generaux & parti
culiers , des Gabelles de Lyonnois , DanDE
SEPTEMBRE: 107
phiné , Provence , Languedoc & Rouffillon
, & le foin de faire rendre les
Comptes aux Chambres de Grenoble ,
Aix & Montpellier.
Meffieurs De la Porte , Le Gendre ;
Thiroux , Le Normant , Montpellier &
De la Porte-de Feraucourt.
L'examen des Comptes generaux & particuliers
des cinq groffes Fermes , & la
verification des Paffeports , & Etats des
Marchandifes , entrées & forties en
franchifes
Meffieurs Mouchard , Gaftebois , Morin
, Le Gendre , Delvieux , La Live ,
Lallemant.
Ees Achapts des Sels , Voitures , emplaz
cemens & Compte des Entrepreneurs.
Meffieurs Law , Mouchard , Raudot ,
Rigby , Delvieux , De la Porte , Berthelot
, Le Gendre , Chevalier.
La Regie des Gabelles de France , Lyon
nois , Provence , Dauphiné , Languedoc
& Rouffillon..
Meffieurs De la Porte , Thiroux , Che
valier , Lallemant , Laugeois , De la
108 LE MERCURE
Porte-de-Feraucourt , Villemur , Le Nor
mant.
La Regie des cing groffes Fermes & du
Domaine d'Occident.
Meffieurs Mouchard , Piou , Raudor ,
Morin , Hardancourt , Le Gendre , Ber
thelot , Defvieux , La Live & Lallemant.
La Regie des Aydes , Domaines , Controlle
des Actes , Greffe , amortiſſemens
franc-fiefs le føin d'arrêter les
Comptes .
Meffieurs, Adine , La Haye , Perrinet,
Savalette , Monpellier , Villemur .
La Regie de la Ferme generale du Tabac.
Meffieurs Raudot , Mouchard , Gilly
Gorneau & Berthelot .
Service des Provinces
CORRESPONDANCE ST
Paris.... Pour les Gabelles.
Meffieurs Chevalier , Savalette.
Pour les Aydes.
Meffieurs Adine , Perrinet , La Haye-7
Savalette .
DE SEPTEM BR E. 109
Pour les Gabelles & cinq groffes Fermes.
Rouen.... Meffieurs Morin , Fromaget
Caën .... Meffieurs Gaftebois , Laugeois,
Alençon.... Meffieurs Berthelot , Defvieux,
M. Perrinet pour les grandes Entrées,
Soiffons.... M. Delvieux.
Amiens.... M. Berthelot.
S. Quentin.... M. La Live.
Lille.... M. Lallemant,
Châlons , Langres , Charleville,
Meffieurs Villemur , Chevalier , Le
Normant , Monpellier.
Dijon , Comté de Bourgogne , Lyon,
Meffieurs De la Porte , Monpellier ;
Lallemant.
Valence , Grenoble Marseille,
Meffieurs Monpellier , De la Porte- de
Feraucourt , Le Normant , Villemur.
Montpellier.... M. Gilly de Montaud .
Thouloufe.... M. Thiroux .
Narbonne.... M. De la Porte- de- Ferau
court.
Haute Auvergne.... M. Le Normant .
CIO LE MERCURE
Bordeaux , & Dax .
Meffieurs Dartaguiette , Le Gendrea
La Live.
La Rochelle.
Meffieurs Mouchard , Raudot , Berthelot
, Defvieux , La Live.
Angers , Nantes , Rennes.
Meffieurs Piou , Hardancourt , Cafta
ier , Rigby , Lallemant,
Tours , Le Mans , Laval.
Meffieurs Perrinet , Laugeois , Sava
lene.
Orleans , Bourges , Moulins:
Meffieurs De la Porte- de - Feraucourt 3
Tiroux , Villemur.
DE SEPTEMBRE.
ARREST
Du Confeil d'Etat du Roy,
Qui declare le Prieuré du Monaftere Royal
de S. Louis de Poiffy , perpetuel , & à
la nomination du Roy , & qui maintient
&garde la Dame de Mailly dans le titre
& la qualité de Prieure perpetuelle dudia
Monaftere.
L
AVERTISSEMENT.
E tems qu'on a employé & les foins
qu'on s'eft donné pour examiner à
fond le procés intenté par quelques Religieufes
de la Maifon de faint Louis de
Poifly , Ordre de faint Dominique , par
lequel elles ont voulu contefter au Roy le
droit de nomination au Prieuré perpetuel
de ce Monaftere , laiffent d'autant moins
de doute qu'on a pris toutes les précautions
neceffaires pour rendre juftice , & que les
Religieufes n'ont rien oublié pendant plus
de trois ans , pour inftruire les Juges fur
leur droit prétendu , & qu'elles ont mis
tout en oeuvre pour les prevenir en leur
faveur.
La bonté & l'équité de S. A. R. Monfeigneur
le Duc d'Orleans Regent du
Royaume , leur ayant fait naître l'efperance
de réüffir dans leur entreprife , les porta
72 LE MERCURE
l'éà
prendre la liberté de lui prefenter un
Placet le 7. Avril 17 16. par lequel , aprés
avoir expofé toutes les raifons qui pouvoient
toucher ce Prince , & le rendre
fenfible à leurs interêts , & lui avoir exageré
la prétendue oppreffion qu'elles fouffroient
depuis plus de 55. ans de la part des
Superieures, dont elles fuppofoient que
tabliffement avoit été irregulier , préjudiciable
au bien ſpirituel & temporel de ce
Monaftere , & contraire à la fondation faite
par Philippe le Bel, la poffeffion dans laquelle
elles ont toûjours été d'élire leurs Prieures
, & elles fuplierent trés- humblement S.
A. R. de les délivrer de cette prétenduë
oppreffion, & de permettre que leur caufe
fut portée en Juftice reglée.
Monfeigneur le Duc d'Orleans occupé
des affaires importantes de l'Etat , renvoya
le Placet au Confeil de Confcience , lequel
ayant attentivement examiné l'affaire pendant
un an entier , donna fon avis que les
Religieufes oppofantes , n'étoient pas fondées
dans leurs demandes .
Sur cet avis & fur le raport fait par M.
l'Archevêque de Tours , le Confeil d'Etat
où l'affaire a été portée conformement au
titre de fondation , rendit un Arrêt le 24.
Septembre 1717. par lequel Sa Majesté , de
l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent
prefent , aprés s'être refervé la connoiffance
de toutes les conteftations qui
DE SEPTEMBRE
113
pourront s'élever dans le Monaftere de S.
Louis de Poiffy , & avoir fait défenſes expreffes
aux Religieufes de faire aucune procedure
ailleurs qu'à fon Confeil , & à tou
tes Cours & Juges d'en connoître à peine
de nullité ordonne que dans le dernier
Octobrede la même année 1717. la Prieure
& les Religieufes oppofantes remettront
leurs pieces , Requêtes , Memoires , inftructions
, entre les mains du Sieur de Machault
, Maître des Requeftes , pour aprés
en avoir communiqué aux Sieurs le Pelletier
, de Nointel , l'Abbé Bignon , de
Veaubourg , & de faint Conteft , Confeillers
d'Etat ordinaires , en être par eux
donné avis à fa Majefté , pour icelui vû &
raporté, être fait droit ainfi que de raifon;
& cependant par provifion , maintient &
garde la Dame de Mailly en la poffeffion
& joüiffance dudit Prieuré , avec ordre
aufdites Religieufes de lui rendre toute
obéiffance comme à leur Superieure.
La Dame de Mailly , autorifée par cet :
Arrêt , prefenta à fa Communauté pour la
Profeffion , des Filles qui depuis longtems
avoient achevé l'année de leur Noviciar';.
les Religieufes oppofantes , fans avoir égard
à la teneur de l'Arrêt & aux ordres du
Confeil , s'éleverent contre la Dame de
Mailly , & formerent differentes oppofitions
à cette prefentation , quoy qu'elle n'eût
rien que de trés conforme aux conditions ,
Κ.
714
LE MERCURE
portées par le titre de fondation du Mo
naftere , ce qui obligea le Roy étant en fon
Confeil ,de rendre un fecond Arrêt le 18 .
Octobre 1717. par lequel Sa Majefté de -
fon propre mouvement , ordonna que l'Arrêt
du 24. Septembre de la même année
feroit executé felon fa forme & teneur , &
qu'en confequence il feroit procedé à la
reception defdites Novices , fuivant l'ufage
du Monaftere , aprés quoy , elles feroient.
admifes à faire leurs voeux entre les mains
de la Dame de Mailly , maintenuë par
provifion dans la qualité de Prieure .
Ce nouvel Arrêt fut fignifié le 28. Fe
vrier fuivant au Reverend Pere du Clos
Provincial , étant lors audit Monaftere , à
Madame de Mailly & à toute la Communauté
, avec commandement exprés à cha--
cun de l'executer ou de le faire executer
fans delay.
Tous obéirent , les feules Religieufes oppofantes
fe fouleverent encore & renouvellerent
leurs oppofitions , nonobftant lefquelles
on crut devoir paffer outre , & la*
Dame de Mailly reçut les voeux des.
Novices.
Aprés ce fecond Arrêt les Religieufes
oppofantes redoublerent inutilement tous
leurs efforts : elles ne purent appuyer leurs.
prétentions d'aucune piece ; Meffieurs les
Commiffaires nommez par l'Arrêt du 24-
Septembre 1717. pour mettre fin à une
DE SEPTEMBRE. IIS
conteftation fi animée & ruineufe pour ce
Monaftere , & pour y rétablir la paix
aprés avoir examiné ce procés pendant le
cours d'une année entiere avec toute l'ap
plication que demandoit l'importance de
l'affaire , & avoir entendu les Avocats au
Bureau , donnerent enfin leur avis , fur lequel
, le Roy êtant en fon Confeil , prononça
l'Arrêt definitif du 6. Fevrier 1719.
Par la lecture de cet Arrêt on connoîtra
& l'exactitude des Juges , & combien les
Religieufes oppofantes font blamables
d'avoir protefté entre les mains d'un Notaire
contre une déciſion fi authentique.
La claufe de cet Arrêt qui porte que
Meffieurs de Machault , de Cotte & Ga
briel fe tranfporteront à Poiffy , fut executée
le 26. Fevrier 1719. Ils y drefferent
un procés verbal de la vifite de l'Eglife
& des reparations qui reftent à y faire ,
dont ils redigerent un devis cftimatif ,
montant à la fomme de 47530. livres :
le Roy fur ce Procés verbal a rendu l'Are
rêt du 14 Juillet 1719.
.
་
Les Religieufes oppofantes ,au lieu de déferer
aux ordres de fa Majefté , ont ofé lut:
prefenter une derniere Requefte , par laquelle
elles demandent une feparation dans
la Communauté , la permiffion d'élire entt'elles
une Vicaire triennale , & la moitié
du revenu du Monaftere , pour être ádminiftré
par une Dépofitaire de leur choix ,
Kij
16 LE MERCURE
au deffaut de quoy , elles fuplient Sa Ma
jefté de leur accorder leur fortie avec de
fortes penfions proportionnées au revenu
de la Maifon.
Cette derniere entrepriſe laiffera juger
combien les Religieufes ont tort de fe plaindre
de ce que le Roy , informé de leus
peu de foumiffion à fes ordres & les voyant
difpofées à remüer en toute occafion , leur
a accordé leur fortie du Monaftere , & les
a envoyées dans des Couvents de l'Ordre ,
où , conformément à leur defir , elles pourront
vivre fous la conduite d'une Superieure
triennale.
Ouy le raport , le Roy êtant en fon
Confeil , de l'avis de Monfieur le Due
d'Orleans Regent , faifant droit fur ledit
appel , a declaré qu'il n'y a abus dans l'obtention
de l'indult du s . Juin 1705 ; &
fans s'arrêter aux oppofitions & demandes
defdites Religieufes de Poiffy , dont S. M.
les a deboutées , a ordonné & ordonne que
ledit Indult , les Lettres Patentes du 31 .
Juillet , & l'Arrêt du Parlement de Paris
qui en a ordonné l'enregistrement le. 28 .
Août audit an , feront executées felon leur
forme & teneur : Ce faifant , a declaré le
Prieuré dudit Monaftere de Poifly perpetuel
, & être à la nomination de S. M.
& en confequence a maintenu & gardé ,
maintient & garde ladite Dame de Mailly
dans le titre & dans la qualité de Prieure
DE SEPTEMBRE. 1.17
perpetuelle dudit Monaftere : Fait défenfes
aufdites Religieufes de l'y troubler
& leur enjoint de lui obéir , & porter le
refpect convenable, fous les peines de droit ,
& telles autres qu'il apartiendra.
Le 20. on a publié une Ordonnance de
Monfieur le Lieutenant General de Police,
qui porte qu'il fera permis à tous marchands
& autres qui feront venir des foins
à Paris , par cau ou par terre , de les vendre
, à compter de cejourd'huy 18. Septembre
jufqu'au premier Novembre prochain
, depuis vingt-trois livres jufqu'à
vingt-fix livres ; & depuis le premier Novembre
jufqu'à la recolte prochaine , de.
puis vingt- une livre jufqu'à vingt- quatre
livres le cent , chargé dans la charette , à
proportion de fa qualité & bonté .
On vendoit le foin , avant cette Ordon
nance, depuis vingt- fix livres juſqu'à vingtneuf,
& depuis vingt- quatre jufqu'à vingtfept
livres le cent.
ARREST
De la Cour de Parlement.
Qui ordonne la fuppreffion d'un Decret de
l'inquifition de Roms , du 3. Août 1719.
portant condamnation de l'Inftruction
Paftoralle de M. le Cerdinal de Noailles.
les
E jour
en la Cour
, & Maitre
Guillaume
gens du Roy font entrez
T18 LE MERCURE
de Lamoignon Avocat dudit Seigneur
Roy , portant la parole , ont dit :
Qu'ils apportoient à la Cour un Exem
plaire d'un Decret de l'Inquifition de Rome
, daté du 3. Août dernier , qui condamne
l'Inftruction Paftorale de Monfieur
le Cardinal de Noailles , au fujet de la
Conftitution Unigenitus.
Que fans examiner ce que contient ce
Decret , il leur fuffit qu'il foit émané d'un
Tribunal dont on n'a jamais reconnu l'au
torité dans la Royaume , que ce foit d'ailleurs
une condamnation prononcée à Rome
contre un Evêque de France , pour exciter
leur miniftere & pour en requerir la
fuppreffion.
Que c'eft le fujet des Conclufions qu'ils
ont prifes par écrit , & qu'ils laiffent à la
Cour avec l'Exemplaire du Decret.
Et fe font retirez laiffant fur le Bureau
un Exemplaire imprimé dudit Decret , &
les Conclufions par écrit du Procureur General
du Roy .
Veu par la Cour ledit Decret ( de l'Inquifition
) daté du 3. Août 1719. affiché
& publié à Rome le 12. dudit mois ; en◄
femble les Ordonnances , Edits , Declarations
, & Arrêts de la Cour , les Conclufions
par écrit du Procureur General du
Roy Ouy le raport de Maître Thomas
Dreux , Confeiller. La matiere mife en dé-
Liberations
DE SEPTEMBRE. 119
›
La Cour faifant droit fur les Conclufions>
du Procureur General du Roy , ordonne
que ledit Decret fera & demeurera fupprimé
; enjoint à tous ceux qui en ont des
Exemplaires , de les apporter au Greffe de
ladite Cour pour y être fupprimez . Fait
défenfes à tous Imprimeurs Libraires ,
Colporteurs , & autres , de l'imprimer ,
vendre , debiter , ou autrement diftribuer,
fous les peines portées par les Ordonnances,
Arrêts & Reglemens de la Cour . Permet
au Procureur General du Roy de faire informer
à fa requefte pardevant Maiftre-
Jean- François Chaffepot , Confeiller , contre
ceux qui l'auroient imprimé , vendu ,
debité , ou autrement diftribué , pour l'in
formation faite , rapportée , & à lui com
muniquée , être par la Cour ordonné ce
qu'il appartiendra. Ordonne que le prefent
Arrêt fera envoyé dans les Baillages & Se
nechauffées du Reffort , pour y être lû , pu
blié & enregistré ; enjoint aux Subftituts
du Procureur General du Roy d'y tenir la
main, & d'en certifier la Cour dans le mois .
Fait à Paris en Parlement le fixiéme Septembre
mil fept cent dix neuf. Signé ,
GILBERT..
$120 LE MERCURE
ARREST
Du Confeil d'Etat du Roi ,
Concernant le Payement des Arrerages des
Rentes de l'Hôtel de Ville de Paris juf
qu'à la fin de 1719. Et le remboursement
des Payeurs & Controlleurs defdises rentes.
--
?
que
E Roi s'étant fait reprefenter en fon
Confeil , l'Arrêt du 3r . Août dernier,
portant fuppreffion des rentes perpetuelles
affignées fur les Aydes & Gabelles , Tailles
, Recettes Generalles , Controlle des
Actes & des Exploits , & fur les Poftes , à
compter du premier Janvier 1720. & des
Soixante dix Payeurs & Soixante - dix
Controlleurs defdites Rentes : Sa Majeſté
a été informée que pour le bon ordre des
comptes des Payeurs , & pour la commodité
publique , il étoit convenable
le payement des fix derniers mois d'arrerages
defdites Rentes pour la prefente année
1719. & de ceux des années precedentes ,
fût fait en la maniere ordinaire ; & qu'á
l'égard du rembourſement defdits Payeurs ,
Sa Majesté trouveroit dans la reſerve du
quart du prix de leurs Offices , une fûreté
fuffilante pour les debets de leurs comptes;
& Sa Majesté voulant faire connoître fa
volonté, & ne laiffer aucune difficulté fur
l'execution dudit Arrêt : Oüy le raport ,
Sa Majefté êtant en fon Confeil , de l'avis
DE SEPTEMBRE. I21
vis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent,
a ordonné & ordonne.
ART. I. Que nonobftant la fuppreffion
defdits Offices de Payeurs & Controlleurs.
des rentes de l'Hôtel de Ville de Paris
l'exercice de la prefente année 1719. fera
par eux fini , & que les fonds , tant pour ce
qui refte dû de ladite année , que pour les
arrerages des années precedentes, leur feront
remis en la maniere ordinaire , fuivant les
Etats de diftribution qui feront arrêtez au
Confeil.
II. Veut cependant Sa Majefté que lef
dits Payeurs & Controlleurs faffent inceffamment
proceder à la liquidation de leurs
Offices , pardevant le Sieur de la Houflaye
& les autres Commiffaires du Conſeil , qui
ont été commis pour l'adjudication des
Sousfermes de Sa Majesté.
III. Et attendu que Sa Majefte trouvera
une fûreté fuffifante pour le payement
des debets des Comptes defdits Payeurs
par la referve d'un quart du prix de leurs
Offices , ordonne qu'ils feront rembourfez
des trois quarts fur la reprefentation
de leurs titres & pieces neceffaires aux Gardes
de fon Trefor Royal , & que pour le
quart reftant ils n'en recevront le rembourfement,
qu'aprés l'appurement & la correction
de leurs comptes , & cependant feront
payez des interêts dudit quart , à raifon de
trois pour cent.
Septembre 1719.
L
3
122 LE MERCURE
3.
IV. A l'égard des Soixante dix Control
leurs , Veut Sa Majefté qu'ils foient rembourfez
fur la reprefentation de leurs titres
de proprieté , de l'Ordonnance de liquidation
, de l'Acte de remife à la Chambre
des Comptes, de leur Regiftre de Controlle,
& des autres pieces à ce neceffaires. Er fera
le prefent Arrêt , lû , publié & affiché par
tout où befoin fera , à ce qu'aucun n'en
ignore. Et fur icelui toutes Lettres Patentes
neceffaires feront expediées . Fait au
Confeil d'Etat du Roy Sa Majefte y
êtant , tenu à Paris le cinquiéme jour de
Septembre mil fept cent dix - neuf.
Signé , PHELIPEAUX .
,
EXTRAIT DES REGISTRES
du Confeil d'Etat , concernant le Sel .
SA MAJESTE' ETANT EN SON
CONSEIL , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a ordonné & ordonne
que tous particuliers , Communautez -ſecuculieres
& regulieres , Couvens , Colleges,
Hôpitaux , perfonnes Ecclefiaftiques, Gentilshommes
, & tous autres de quelque
qualité & condition qu'ils foient , tant du
reffort des Greniers de vente volontaire
que d'impoft , qui voudront faire des falaifons
des chairs beures & fromages.
feront tenus de le declarer aux Officiers &
Receveurs des Greniers , & de lever le fel
,
DE
SEPTEMBRE. 123
>
neceffaire pour lefdites falaifons , outre &
pardeffus celui qu'ils doivent prendre pour
le pot & faliere , fans pouvoir le prendre .
ailleurs qu'aux Greniers de leur reffort, pas
même aux regrats . Veut Sa Majefté que
les chairs , beures & ou fromages falez qui
fe trouveront chez les contrevenans , &
dont ils n'auront pas fait declaration
foient & demeurent confifquez au profit
de l'Adjudicataire des Fermes Generales ,
fur les procés verbaux qui en feront faits ,
& que lesdits contrevenans foient condamnez
à la reftitution des droits de Gabelles ,
& en trois cent livres d'Amende , & plus
grandes peines s'il y échéoit. Ordonne aux
Receveurs de chaque Grenier de tenir un
Regiftre particulier cotté & paraphé par
un des Officiers , fans frais , fur lequel ils
porteront les declarations qui leur feront
faites defdites falaifons , & en feront mention
fur les bulletins qu'ils delivreront à
ceux qui auront levé le fel , lefquels feront
tenus de les reprefenter aux Commis , Gardes
des Fermes , à toutes requifitions Enjoint
Sa Majesté à tous Afféeurs , Collecteurs
des Tailles , & Syndics des Paroifles
taillables ; comme auffi aux Maires , Efche
vins & Syndics des Villes franches , abone
nées ou tarifées , de fournir aux Receveurs
des Greniers où ils reffortiffent , des copies
exactes & par ordre alphabetique ; fçavoir
les Afféeurs , Collecteurs & Syndics des
Lij
124 LE MERCURE
>
Paroiffes taillables , copie des Rolles qui
feront arrêtez pour la taille ou pour l'impoft
du fel , & par les Maires , Efchevins
& Syndics des Villes franches , abonrées
ou tarifées , copie des Rolles de la
Capitation , dans lefquels les uns & les auties
feront tenus de marquer , chacun à
leur égard , les noms , furnoms , qualitez
& emplois des habitans de chacune defdites
Villes ou Paroiffes , les fommes pour.
lefquelles ils feront impofez à la Taille ou
Cap tation , le nombre & l'âge des perfon
es dont chaque famille eft compofée, y
compris les enfans au- deffus de huit ans
anfi que les domeftiques , & d'y compren--
dre auffi le nombre & la nature des beftiaux
qui appartiennent , ou font dans les maifons
& fermes de chaque particulier ;
cmme auffi les noms & furnoms des Ecclefiaftiques
, Nobles , & autres exempts ,
le nombre & l'âge des perfonnes dont leurs
familles , ménages & domeftiques font .
compofez ; & pareillement le nombre &
la qualité des beftiaux ; le tout à peine contre
lesdits Maires , Efchevins & Syndics
des Villes franches , abonnées ou tarifées ,
de cent livre d'amende folidaire , & contre
lefdits Afféeurs , Collecteurs & Syndics
des Paroiffes taillables , de cinquante livres
auffi d'amende folidaire ; faute par eux de
fournir copie fignée d'eux,des Rolles , dans
le courant du mois de Fevrier de chacune
DE SEPTEMBRE. 123
année ; & en cas d'obmiffion dans lefdits
Rolles, entend Sa Majefté que lefdits Mai-
Efchevins & Syndics des Villes franches
, abonnées ou tarifées , foient condamnez
folidairement en quinze livres
d'amende pour chaque obmiffion , & les
Afféeurs , Collecteurs & Syndics des Pa
roiffes taillables , en dix livres d'amende
auffi folidaire pour chaque obmiffion . Ordonne
pareillement à tous Superieurs des
Communautez regulieres & feculieres
Couvens & Colleges , & aux Adminiftrateurs
des Hôpitaux , de fournir auffi an
plus tard dans le mois de Fevrier de chacune
année aux Receveurs des Greniers
d'où ils reffortiffent , de pareils etats qui
conftatent le nombre des perfonnes domeftiques
, & beftiaux , dont leurs maiſons
font compofées , aux peines des amendes
cy- deffus ordonnées contre les Maires
Efchevins & Syndics des Villes franches ;
& feront au payement des amendes prononcées
par
le prefent Arrêt , tous parti,
culiers , même les Nobles , les Maires &
Efchevins , & Syndics des Villes franches,
abonnées , ou tarifées , & les Afféeurs &
Collecteurs des Tailles , ainfi que les Syn
dics des Paroiffes taillables contraints
par corps & faifie de leurs biens , & les Ecclefiaftiques
, & Superieurs des Couvens ,
Communautez ou Hôpitaux , par faifie de
leur temporel ; & ne pourront lefdites
>
Liij
126 LE MERCURE
amendes être reduites ni moderées fous
quelque pretexte que ce foit ; & défend
Sa Majefté aux Officiers des Cours des
Aydes & autres , de recevoir aucun appel
des Sentences & Jugemens qui auront été
rendus par lefdits Officiers , qu'aprés que
les amendes auront été confignées és mains
des Commis dudit Adjudicataire , & lef
dites Sentences, foit qu'il y en ait appel où
non , pafferont en force de chofe jugée ,
& feront executées fi les fommes ne font
pas payées ou confignées dans le mois du
jour de la fignification . Enjoint Sa Majefté
aux Officiers des Cours des Aydes &
Greniers à Sel , de tenir la main à l'execution
du prefent Arrêt qui fera lû publié
& affiché par tout où befoin fera , & fur
lequel toutes Lettres neceffaires feront expedièes.
Fait au Confeil d'Etat du Roy
Sa Majesté y étant , tenu à Paris le vingt
cinquième Juillet mil fept cent.dix- neuf.
Signé , PHELIPE AUX .
Edit du Roi , portant que les deux Treforiers
des Troupes de la Maifon du Roi ,
payeront chacun deux cent mille livres pour
fuplement de finance.
Edit du Roi , portant rétabliffement
d'un des deux Offices de Treforiers Payeurs
des gratifications des Officiers des Troupes
, affignées fur le fonds du quatrième
denier , fous le titre de Treforier General
DE SEPTEMBRE. 127
Payeur des gratifications des Officiers ces
Troupes.
Edit du Roi , portant retabliſſement des
Offices de Treforiers des menus plaifirs.
Lettres Patentes fur Arrêt , concernant
l'Hôtel à bâtir pour la premiere Compagnie
des Moufquetaires .
LE ROY ESTANT EN SON CONSEIL
, de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a ordonné & ordonne
que le Plan de l'Hôtel à conftruire pour
la premiere Compagnie des Moufquetaires
de fa Garde , arrêté le 16. Juillet dernier,
fera executé ; à l'effet dequoy fa Majesté
a approuvé & homologué l'échange reglé
par le procez verbal des ficurs de Cofte &
Beaufire , fes Architectes , en prefence
du fieur Aubert prepofé par Madame la
Ducheffe doüairiere , le 14. Aouft & jours
fuivans , en execution de l'Atreft du 10 .
dudit mois en confequence Madame la
Ducheffe fera & demeurera proprietaire
de la Place defignée par le Plan attaché audit
procez verbal , contenant trois mille
trois cent douze toifes , de laquelle il lui
fera permis de difpofer & d'y bâtir , ainfi
qu'elle avifera bon être , en demeurant redevable
de la fomme de quarante- fix mille
fept cent quatre- vingt- deux livres , qu'elle
fera tenuë de payer à l'acquit de fà Majefté
pour les chofes plus convenables audit Hôtel
, ainfi que par fa Majefté il fera ordon-
L- iiij
128 LE MERCURE
né ; ce faifant , Madame la Ducheffe en
demeurera bien & valablement quitte &
déchargée. Ordonne fa Majefté que le
Plan dudit Hoftel , le procez verbal des
fieurs de Cofte & Beaufire , & le Plan defdites
places y attaché , feront annexez à la
minute du prefent Arreft ; pour l'execution
duquel toutes Lettres neceffaires feront
expedices. FALT au Confeil d'Etat
du Roy , fa Majefté y eftant , tenu à Pa--
ris le premier jour de Septembre mil fept
sent dix-neuf. Signé , PHELYPEAUX .
DECLARATION DU ROY..
Pourfaire jouir des Privileges , les Officiers
de fenë Madame la Ducheffe
LOUIS
de Berry.
par la grace de Dieu Roi de
France & de Navarre : A tous ceux
qui ces prefentes Lettres verront , Salut.
Noftre tres- chere & tres-amée Tante la
Ducheffe de Berry , Nous ayant été enlevée
par une mort prématurée , Nous voulons
faire reffentir les Officiers qui ont
eu l'honneur de la fervir , de l'amitié que
Nous avions pour elle , en leur confervant
pendant leur vie , & à leurs veuves pendant
leur viduité , les privileges que Nous
avons attribuez à leurs Charges . A CES
CAUSES , & autres à ce Nous mouvans ,
DE SEPTEMBRE. 129
و
de l'avis de noftre tres- cher & tres -amé
Oncle le Duc d'Orleans Petit- Fils de
France Regent , & c. Nous avons dit &
declaré , & par ces Prefentes fignées de
noftre main , difons , declarons & ordonnons
voulons & Nous plaift , que les .
Officiers , Domeftiques & Commenfeaux
de la Maifon de noftre tres-chere & tresamée
Tante- la Ducheffe de Berry , qui ont
reçû des gages employez & paffez dans lès
comptes de fon Treforier , & qui font
compris dans l'eftat cy-attaché fous le
contre-fcel de noftre Chancelerie , joüiffent
leur vie durant , de tels & femblables
privileges , franchiſes & exemptions ,
dont jouiffent nos Officiers , Domestiques
& Commenfeaux , fuivant nos Edits &
Ordonnances & tout ainfi qu'ils en
joüiffoient du vivant de noftedite Tante ;
enfemble les veuves de ceux qui font dècedez
, & de ceux qui decederont cyaprés,
tant qu'elles demeureront en viduité,
nonobftant que lefd. privileges , franchifes
& exemptions,ne foient ici declarés & fpecifiez..
130 LE MERCURE
ARREST DU CONSEIL
d'Etat du Roy ,
Qui recoit les Offres de la Compagnie des
Indes pour le Remboursement des quatre
millions de Rentes conftituées au profit de
ladite Compagnie fur la Ferme du Tabac.
Supprime les Droits établis fur les Suifs ,
Hailes & Cartes.
Et les Vingt- quatre deniers pour livre fur
le Poiffon.
SA MAJESTE' ESTANT EN SON
CONSEIL , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a accepté & accepte
les offres faites par ladite Compagnie des
Indes , de prefter à Sa Majefté cent millions
de livres pour le Remboursement des
quatre millions de Rentes conftituées auprofit
de ladite Compagnie fur la Ferme
du Tabac : Ordonne Sa Majefté que pour
la valeur defdits cent millions , il fera conftitué
au profit de la Compagnie des Indes
par les Commiffaires qui feront nommez
par Sa Majefté , un ou plufieurs
Contrats de Rentes perpetuelles à raiſon
de trois pour cent , pour le montant &
jufqu'à la valeur defdits cent millions : Leſ
quelles Rentes feront & continueront d'être
affignées fur la Ferme du Tabac &
commenceront à courir du 1. Janv. 1720.
à cet effet
›
DE SEPTEMBRE.. 131
·
>
Que la Compagnie retiendra à cet effet, annuellement
par fes mains lad. fomme de 3 .
millions pendant le cours de fon Bail , aprés
l'expiration duquel les Fermiers du Tabac
en feront chargez , au cas que la Compa
gnie n'en foit pas Adjudicataire dans les
Baux fuivans , & payeront à la Compagnie
lefdits trois millions par chacun an
de mois en mois , à raifon de deux cent
cinquante mille livres . OR DONNE Sa Ma
jefté que les Droits de trois deniers pour
livre pefant fur les Huiles de Rabette &
autres Graines ; fix deniers pour livre fur
les Huilles d'Olive , Amande douce ,
Noix & Poiffon ; un fol pour livre pefant
für les Huiles de plus grande valeur ; &
trente fols par quintal de Savon ; lefquels
Droits compofoient le produit de la Ferme
des Huiles ; enfemble les Droits de deux
fols pour livre pefant fur les Suifs; & ceux
de dix- huit deniers par Jeux de Cartes ,
demeureront éteins & fupprimez à com--
mencer du premier Octobre prochain ,
paffé lequel tems , Fait Sa Majefté défenfes
aux Fermiers defdits Droits de les
percevoir ; Ordonne que leurs Baux &
les fous- Baux faits en confequence, demeuréront
refiliez , à compter dudit jour premier
Octobre prochain ; au moyen de
quoy ils demeureront déchargez de ce qui
refte à exploiter de leur Bail , à compter
dudit jour. ORDONNE Sa Majefté con132
LE MERCURE
formement aux offres de ladite Compagnie
des Indes , que les vingt - quatre deniers
pour livre fur le Poiffon ,,
qui faifoient partie
des Droits de la Ferme Generale , demeureront
pareillement éteints & fupprimez
en faveur du Public , à compter dud.
jour premier Octobre prochain , & fans
aucune indemnité pour raiſon de ce ; &
feront fur le prefent Arreft toutes Lettres
neceffaires expediées. FAIT au Confeil
d'Etat du Roy , Sa Majefté y eftant , te
nu à Paris le dix-neuvième jour de Septembre
mil fept cent dix neuf. Signé ,
PHELY PEAUX
ARREST
Du Confeil d'Etat du Roy .
Qui augmente le nombre des Commißaires
pour la liquidation de la Finance des Officiers
fupprimez fur les Ports , Halles &
Marchez dela Ville de Paris.
-
SA MAJESTE ESTANT EN SON
CONSEIL , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a commis & commer
les Sieurs Orry , Bertin , Parifot , de
Voyer d'Argenfon , Pajot & Midorge
Maiftres des Requeftes., pour conjointement
avec les autres Commiffaires proceder
à la liquidation des Finances , tant anciennes
que nouvelles , des Offices fupriDE
SEPTEMBRE. 733
mez par ledit Edit du prefent mois. FAIT
au Confeil d'Eftat du Roy , Sa Majesté y
eftant , tenu à Paris le dix- neuviéme jour
de Septembre mil fept cent dix- neuf. Si
gné , PHELYPEAUX.
ARREST
Du Confeil d'Etat du Roi.
Oni ordonne une Diminution fur les nou
velles Efpeces & les Matieres d'Or &.
d'Argent ; du 23. Septembre 1719.
E ROY s'êtant fait reprefenter en
LE
fur la neceffité de diminuer encore le prix
de l'Or , même de pourvoir promptement
à la reduction de celui de l'Argent : Ouy
le rapport. SA MAJESTE ESTANT
EN SON CONSEIL , de l'avis de Monfieur
le Duc d'Orleans Regent , a ordonné
& ordonne qu'à commencer du jour de
la publication du prefent Arteft , les Louis
d'Or de la nouvelle Fabrication fe trouveront
reduits dans le Commerce & par tout
ailleurs à Trente- trois livres piece , les demis
à proportion , & les Ecus à Cinq liv.
feize fols , les demis & quarts à proportion
,
134
LE MERCURE
No
à Cambrai le 16. Aoust 1719.
Otre Proceffion s'eft faite le 15. avec
toute la pompe qu'on pouvoit attendre.
Le cortege , l'ordre & le ipectacle, tout
en étoit magnifique. On a compté icy 35 .
mil Etrangers que la curiofité y a attiré;
& on peut dire que tout le monde a eu une
entiere fatisfaction . Voici l'ordre qu'on a
obfervé dans la marche.
Premierement un détachement de la Garnifon
precedoit pour faire ranger le monde,
& pour empêcher le tumulte.
Enfuite les vingt- quatre Maffiers des
Chapitres en Robes de ceremonie.
Les douze Croix des Chapitres & Paroiffes
, portées par leurs Clercs.
Les Capucins au nombre de 40.
Les Recolets au nombre de so.
Les Benedictins.
Les quatre Chapitres accompagnez de
leurs Vicaires , Chapelains & Mufique.
Les Dignitez & Officians en Chapes ,
enrichies de perles & pierreries.
Deux Chanoines fuivoient , portant fur
leurs épaules l'Image miraculeufe de la
Sainte Vierge , fous un dais relevé en
broderie d'or : Ils étoient affiftez de quatre
Ecclefiaftiques en Dalmatiques trés riches
, & dignes de la magnificence de ce
celebre & illuftre Chapitre .
DE SEPTEMBR E. 135
M. le Commandant de la Place avec les
Gardes , le moufqueton fur l'épaule , fúivoit
immediatement avec l'Etat- major , &
les perfonnes les plus qualifiées de la Ville
& des Provinces Voifines .
Le Magiftrat marchoit enfuite en Robe
de ceremonie , & efcorté des Officiers &
Sergens de la Ville.
Les trois Compagnies de Bourgeois fuivoient
, mais environ à deux cent pas ,
pour témoigner plus de reſpect .
Ces Compagnies étoient en habits uniformes
, avec les Drapeaux & Tambours
le tout d'une magnificence furprenante.
> Les Arbaleſtriers en habit d'écarlatte
galonné d'or , & des veftes & paremens
de tiffu d'or.
Les Canoniers & Archers en habit bleu
auffi galoné d'or.
On voyoit enfuite trois cent jeunes gens
à cheval , habillez à la Romaine , armez
d'un cafque , d'une cuiraffe & d'un bouclier.
Ils avoient à leur tête un Timbalier
⚫ & quatre Trompettes.
Dix-neuf jeunes filles fuivoient toutes à
cheval ; les fept premieres reprefentant les
Femmes fortes , habillées à la Romaine
trés-magnifiquement : Les douze autres
reprefentoient les douze Sibilles , habillées
à la Grecque , fuperbement vêtues , montées
fur des chevaux d'Efpagne richement
harnachez. Quatre Chariots de triomphe
terminoient ce pompeux cortege.
136 LE MERCURE
Le premier reprefentant l'Affomption de
N. D. étoit tiré de fix chevaux , precedez
de douze hommes vêtus en Sauvages. Sur
le haut du char qui reprefentoit une gloire,
étoit une jeune fille avec une couronne d'argent
& un habit couvert de pierreries re
prefentant la Sainte Vierge.
A fes pieds , étoient en cercle les douze
Apôtres , reprefentez avec les fimboles de
leur Martyre , & tous fi bien choifis , qu'il
fuffifoit d'avoir vû la Cene du Carache
pour les reconnoître.
Le refte du Chariot étoit rempli de jeunes
filles , reprefentant le peuple , toutes vêtues
fort galamment , & recitant avec
grace des vers qui rempliffoient d'admira
tion tous les fpectateurs.
Le fecond Chariot , auffi precedé de
douze Sauvages , reprefentoit la Montagne
fur laquelle S. Gery , Apôtre de la
Flandre , a prêché l'Evangile. On voyoit
dans la gloire S. Gery en Habits Pontifi--
caux , & l'Herefie à fes pieds .
Cent jeunes gens reprefentant les uns les
vertus , les autres les vices , étoient dans
le même Chariot, & fe battoientau fon des
inftrumens . Les filles reprefentoient les
vertus , & les vices étoient fous la forme
des parcons.
Le troifiéme Chariot reprefentoit la Tour
de Babel. C'étoit une efpece de Cône tronqué
à fix étagès , chacun de hauteur d'homme
3
DE SEPTEMBRE . 137.
me. Chaque étage avoit une baluftrade
remplie de jeunes gens , reprefentant les
differentes Nations , tous habillez differemment
, & parlant diverſes fortes de
Langues . Le Chariot étoit conduit par des
Sauvages , qui menoient des chevaux de
different poil , enforte qu'on peut dire que
jamais la confufion n'a été mieux imitée .
Le quatrieme & dernier Chariot repre
fentoit le Benfroy de l'Hôtel de Ville
& fi bien, que tout le monde y a été trompé.
Martin & Martine y fonnoient l'heu
re , comme ils le font à l'horloge , fur une
cloche veritable de trois pieds de diamêtre .
Il y avoit un vrai carillon , qui fonnoit
tout le long du chemin . Ce Chariot étoit
rempli de plus de 200. jeunes filles & garçons
habillez à la Romaine , & qui avoient
épuisé pour embellir la Fête , tout ce qu'il
y a dans le pays de magnificence & de
richeffe.
Le Chariot de la Tour de Babel , du
rets de chauffée à la cîme , avoit cinquante
pieds de hauteur ; & celui de la flèche du
Beufroy , foixante & douze pieds , com²
pris l'aigle qui tient len de girouette.
i
Ce cortege a fait plufieurs tours dans la
Ville , pour fatisfaire la curiofité des
Etrangers ; enfuite les Chariots ont été
menez fur la grande Place qui eft , fanscontredit,
une des plus vaftes du Royaume .
On les a remplis d'artifice, compofé par
M.
£38
LE MERCURE
le fieur Baas Suedois , Artificier à la fuite
de l'Artillerie. Ce fpectacle joint à une
belle nuit , a couronné cette grande jour--
née avec les acclamations & les applaudiffemens
de tout le monde.. Meffieurs les
Magiftrats toujours attentifs à l'exacte police
, & allant au- devant de tous les de--
fordres , avoient ordonné d'allumer dans
toutes les rues des fanaux d'artifice , pour
éclairer la Villé pendant toute la nuit.
Les trompettes & les timbales d'un côté,
& les hautbois de l'autre , égayoient la
nombreuſe aſſemblée , & le bruit perpetuel
de la moufqueterie contribuoit à rendre la
Fête complette..
NOUVELLES ETRANGERES.
Quoiqu'il ait déja paru dans la Gazette
de Hollande une Traduction du Manifefte
du Czar contre la Suede , on a jugé à pro-·
pos
d'en donner ici une feconde , la premiere
êtant peu fidele & exacte.
P
IERRE premier , par lá grace de
Dieu , Czar & Authocrateur de toute.
la Ruffie , &c..
Nous faifons fçavoir par celle - cy , nôtre
fincere intention à tous ceux qu'il appartiendra
, mais fur tout à tous les Etats de
Couronne de Suede , tant Ecclefiaftiques
que Seculiers,.
DE SEPTEMBRE .. 139
Il eft notoire que les Sujets des deux
Couronnes de la grande Ruffie & de Suede ,
ont été affligez pendant plufieurs années
par une longue & langlante guerre.
Nous avons été informé de bonne part ,
que du Regne de Sa Majefté le feu Roi
Charle douze , de glorieufe memoire , &
même de celui de Sa Majefté la Reine
d'aujourd'hui , on a tâché d'imprimer dans
l'efprit du Peuple , & fur tout de ceux
qui n'étoient pas bien inftruits des veritables
circonftances , que Nous étions feul ,
caufe d'une fi longue & funefte guerre.
On leur a fait infinuer que Nous étions
d'une humeur irreconciliable ; que Nous
n'avions aucune inclination pour la Paix ;
que Nous avions rejetté toutes les propofitions
qu'on Nous avoit fait de la part de
la Suede , & que nôtre unique vûë étoit , -
ou de renverfer entierement la Couronne
de Suede , & de lá conquerir , ou du moins
d'en démembrer encore quelques Provinces, ›
& de Nous en emparer.
Toutes ces railons fufdites Nous one"
obligé de faire voir par le prelent Manifefte
à toute l'Europe , nôtre jufte caufe & nôtre
inclination pour la Paix , dans le deffein
de détromper tous ceux fur l'efprit
defquels de pareilles faufferez pourroient
avoir fait quelques impreffions.
Quoique Nous n'ayons à rendre compte
à perfonne des premiers motifs qui Nou
Mij
740
LE MERCURE
ont porté à déclarer la guerre à la Couron
ne de Suede , Nous croyons cependant à
tre obligé d'en faire ici quelque mention.
*
Nôtre intention n'a jamais éte de faire la
guerre à la Suede , quoique cette Couronne
Nous en eût donné affez de fujet , par
le tort qu'elle a fait à nos Etats , & par
des procedez tout- à - fait contraires aux derniers
Traitez de Paix & Alliances faites →→
entre Nous ; s'êtant emparée dans le dernier
fiecle de plufieurs Païs & Provinces
appartenant de tems-immemorial à nôtre
Empire. Malgré tous ces procedez tout- à--
fait injuftes , Nous avons bien voulu paffer
par-deffus toutes ces confiderations ,
pour l'amour de la Paix , & pour ne point
troubler le repos & la tranquilité de l'Europe.
Ce ne fat qu'aprés l'affront & attentat
énorme , commis envers nôtre propre
Perfonne par le Comte de Dahlberg, pour
lors Gouverneur de Riga , qui , contre
tout le droit des gens , Nous dreffa des
embuches dangereufes , dans le deffein de
Nous y faire perir , dans le tems même que
Nous paffâmes par cette Ville avec nôtre
grande Ambaffade , deftinée pour les Païs
Etrangers , que Nous Nous refolumes ,
malgré Nous , de déclarer la guerre à la
Couronne de Suede , pour tirer raiſon
d'un tel affront & attentat.
Ce ne tut pas,fans en avoir préalablement
DE
SEPTEMBRE. 141
demandé fatisfaction à la Couronne de
Suede , par le moyen de fes Ambaffadeurs,
qui fe trouverent pour lors en nôtre Cour,
& par la voyé de la médiation de plufieurs
autres Puiffances de l'Europe ', qui firent
-tous leurs efforts pour Nous faire rendreraifon
d'un telaffront & attentat , commis
envers nôtre propre perfonne ; mais toutes
ces démarches furent inutiles & fans effet.
La Suede , au lieu de Nous accorder la
jufte fatisfaction queNous avions demandée,
Nous la fit refufer dans les formes ; & pour
rendre cet affront d'autant plus fenfible ,
cette Couronne Nous fit donner par fon
Refident le fieur de Knipercrona , un démenti
public , difant que tout cecy n'étoit
que des calomnies inventées à plaifir
fans aucun fondement , quoique Nous en
euffions donné aux Ambaffadeurs de Suede ,
pour en faire rapport au Roi leur Maître,
des preuves trés-convaincantes & effentielles
, tant de vive voix que par écrit.
2
Malgré tout cela , Nous avons toûjours
fait paroître dés le commencement de la
guerre jufques au tems prefent , une grande
inclination & amour pour la Paix , & cela
, au plus fort de la guerre , non feulement
dans un tems où le fort affl geoit nos
Armes , mais auffi au milieu du cours de
nos plus grandes profperitez.
On aura pû remarquer nôtre moderation
par les conditions de Paix équitables ,. &
142
LE MERCURE
toûjours proportionnées aux conjonctures
que Nous avons fait propofer en plufieurs
tems differens à la Suede,
Nous n'avons pû parvenir à aucune negotiation
de Paix , & par confequent à aucun
Traitté avec la Suede , que vers l'année
paffée , à cauſe du peu d'inclination
que Sa Majefté le feu Roi de Suede avoit
jufques-là fait paroître pour la Paix .
Mais , dés que Sa Majefté , le Roi de
Suede , dans l'année 1717. dans le tems
que Nous étoions en Hollande , Nous cut
fait affûrer de fes intentions finceres
pour
parvenir à une Paix folide , par plufieurs
de fes Miniftres , fçavoir premierement à
la Haye , par fon Secretaire d'Ambaffade
le fieur Preus , & puis par le General Comte
de Welling , & enfin par le Baron de
Gortz qui Nous propofa les Ifles d'Aland ,
pour y établir un Congrés , Nous y avons
auffitôt donné les mains , & Nous y avons
auffi difpofé Sá Majefté le Roi de Pruffe ,
nôtre bon & fidele Allié , d'y conſentir.
De plus , Nous avons invité tous nos
autres autres Alliez d'y envoyer leurs Miniftres
; ce qu'ils ont refufé de faire , principalement
Sa Majefté le Roi de la Grande
Bretagne , qui par averfion pour la Paix ,
pour des vues & raifons particulieres
n'a jamais voulu y confentir .
& ›
Nonobftant toutes ces difficultez , Nous
avons envoyé nos Miniftres dés le commenDE
SEPTEMBRE.
143
cément de l'année 1718. fur l'Ifle d'A
land , pour entrer en negotiations avec les
Plenipotentiaires de Suede , & l'on a continué
les Conferences jufques à la mort de
Sa Majesté le feu Roi de Suede.
Les conditions que Nous avons accordées
à la Couron. de Suede pendant le cours des
Negotiations , étoient fi avantageufes , que
le Roi lui -même , quoique d'une humeur
trés- guerriere , comme chacun fçait , n'a
pas laiffe que de les goûter , & felon toutes
les apparences , dans quelques femaines
de- là , on feroit parvenu à établir nonfeulement
une paix folide , mais même une
étroite union entre les deux Couronnes , fi
ces Negociations n'euffent été rompuës par
la mort inopinée & malheureufe de Sa
Majefté le Roi de Suede.
3
Pour donner à connoître de plus en
plus à la Couronne de Suede nôtre fincere
intention , de traiter avec elle d'une Paix
folide , Nous avons jufqu'ici differé toutes
les operations de guerre contre cette Couronne
, quoique Nous n'y fuffions engagé
en aucune maniere , n'ayant fait avec elle
aucune Treve d'armes , ou autre Traité
qui Nous eût pû empêcher de continuer
nos operations.
Ce n'a point été manque de forces fuffifantes
, que Nous avons differé ce deffein :
chacun fçait que dés l'efté paffé , Nous
étions en état d'embarquer une Armée de
144
LE MERCURE plus
de 30000 hommes fur nos Galleres
qui étoient toutes prêtes à mettre à la voile.
Il Nous auroit été facile de penetrer avec
de fi grandes forces jufques au coeur de la
Suede , & peut-être même jufqu'à la Capitale
de ce Royaume , & Nous aurions
eu la plus belle occafion du monde de le
faire , puifque Nous avions des avis aſſez
fûrs , que la Suede n'avoit fait aucuns
preparatifs ny par Terre ny par Mer ,
pour s'oppofer à nos deſſeins .
Malgré tous ces avantages apparens ,
Nous avons toûjours differé jufqu'ici nos
operations de guerre contre l'interieur de
ce Royaume , pour ne point donner lieu
à la Nation Suedoife de croire que Nous
méditions fa ruine , fous pretexte & fous
apparence d'une negociation de Paix.
-
Nous avons toûjours été dans le deffein >
de traiter fincerement d'une Paix avec la
Suede , & de vivre non feulement avec
cette Couronne en alliance & amitié , mais
auffi de lui procurer dans le commerce
& autres occafions , des avantages trésconfiderables
& folides , & de traiter cette
Nation en tout ce qui pourroit lui être
utile comme la nôtre même.
-
Nous avons été informé affez à tems
des defordres furvenus en Suede , à l'occafion
de la mort du Roi , & de l'élection
de la Reine d'aujourd'hui . -
Nous avons aufli eu des avis certains de
la
DE SEPTEMBRE. 145
la perte que l'Armée Suedoife avoit faite
en fe retirant de la Norwege , & qu'on
n'avoit fait aucuns preparatifs , pour s'oppofer
à l'invafion de nos Troupes dans le
coeur de la Suede.
Cette invaſion auroit été trés-facile ;
nôtre Armée étoit campée du côté d'Abo
& toute prête à marcher , êtant pourvûë
d'artillerie & de toutes fortes de munitions
de guerre , pour executer un fi grand deffein
; de plus , les glaces entre la Finlande
& la Suede, êtoient durant le dernier hiver
fi fortes , que Nous y aurions pû paffer en
toute feureté avec toute l'Armée, & l'Artillerie
neceffaire pour l'execution de ce
projet.
Quoique, Nous euffions pû profiter de
ces difpofitions favorables , & des troubles
inteftins furvenus en Suede , Nous avons
cependant pour les raifons fufdites , donné
des ordres trés- précis à nos Troupes de ne
commettre aucun acte d'hoftilité contre
l'interieur de la Suede . Ces ordres ont été
ponctuellement fuivis , & toutes les operations
de guerre ont été jufqu'ici fufpenduës
, excepté quelques petits Partis que
l'on a envoyé faire quelques courfes en Suede
;
; pour être inftruit par ce moyen de
l'état prefent de ce Royaume.
Voyant que la forme du gouvernement
étoit reglée en Suede , & que les affaires
ne dépendoient plus prefentement , comme
Septembre 1719.
N
146 LE •
MERCURE
autrefois , de la volonté d'un feul , mais
que tout le Peuple étoit intereffé au falut
de fa Patrie , Nous efperions avec raifon ,
qu'on reprendroit au plûtôt avec Nous les
Negociations d'Aland , pour parvenir
à une prompte & folide Paix.
Encore , avant que la Reine nous eût
fait
part
de la mort du Roi fon Frere , &
de fon élevation au Throne , Nous avons
fait affûrer Sa Majefté la Reine & les
Etats de Suede , de nôtre fincere intention
pour la Paix , & Nous avons fait declarer
par nos Miniftres au Plenipetentiaire Suedois
à Aland , le Comte de Gillemborg ,
que Nous êtions prêt à renouer les Negociations
; fur quoi la Reine Nous a fait
répondre & affûrer de vive voix par ledit
Miniftre , & par écrit , dans fa lettre de
notification de la mort du Roi, & de fon
avenement à la Couronne , qu'on enverroit
au premier jour à Aland à la place du
Baron de Gortz , le Baron de Lilienftad ,
en qualité de premier Plenipotentiaire , à
quoi le Comte de Gillemborg ajoûta pour
furplus , avec plufieurs proteftations de
fincerité , que le Baron de Lilienftadt feroit
infailliblement à Aland vers le commencement
du mois d'Avril , & qu'il porteroit
avec lui des ordres & des inftructions.
fuffifantes , non feulement pour renoüer
les Negociations , mais même pour figner
le Traité de Paix.
DE SEPTEMBRE. 147
Nous avons eu d'autant moins lieu de
douter de la fincerité de fes promeffes , que
la plufpart des conditions les plus difficiles
& les plus épineufes , avoient été debatuës
entre Nous du tems du feu Roi Charle
douze , de glorieufe memoire , & qu'il
avoit confenti à la Paix , malgré fon inclination
& fon humeur guerriere .
Les conditions que Nous avons accordées
à la Suede , ne pouvoient être que trésavantageufes
à ce Royaume , vûle fuccés.
de nos Armes & l'état des conjonctures
prefentes des affaires ; puifque cette Couronne
recouvroit par cette Paix , non feulement
plufieurs Provinces & Villes qu'elle
avoit perdu , mais elle y auroit trouvé encore
plufieurs autres avantages.
Nous avons attendu le Baron de Lilienf
tadt à Aland jufqu'au mois de Juin , fans.
commettre aucun acte d'hoftilité contre la
Suede ; mais au lieu de voir l'effet des promeffes
du Comte de Gillenborg , ce Mi.
niftre a donné à nos Plenipotentiaires à
Aland fur les ordres précis de la Reine ,
une declaration par écrit , par laquelle on
voit affez clairement que l'intention de
la Suede n'a jamais été de faire la Paix ,
mais au contraire de continuer la
avec Nous.
guerre
On demande par cet écrit , fans autre
forme de Negotiations , la reſtitution abfoluë
de toutes nos Provinces conquiſes fur
Nij
148 LE MERCURE
la Suede , & en cas de refus , on Nous
menace de ne point envoyer le Baron de
Lilienſtadt à Aland , & même de rompre .
le Congrés & de continuer la guerre contre
Nous.
De plus, on Nous fait plufieurs chicanes,
& on refufe fous de vains pretextes , d'admettre
aux Conferences publiques , le Miniftre
de nôtre bon & fidele Allié le Roi
de Pruffe quoique ce Miniftre y foit venu
fous les affùrances réïterées & pofitives:
du feu Roi de Suede , de glorieufe memoire
, qu'il feroit receu & admis aux
Conferences publiques.
Nous avons auffi été informé de bonne
part , que la Suede eft entrée fans nôtre
participation , en des Negociations particulieres
avec quelques autres Puiflances
dont elle n'a rien à craindre en tems de
Guerre , & pas grande utilité à eſperer en
tems de Paix : Elle Nous menace même de
prendre avec ces Puiffances des mesures
violentes contre Nous & contre nos Etats ,
& finalement la Suede n'a cherché qu'à
Nous amufer , en prolongeant les Conferences
& Negociations d'Aland , fans en
venir jamais à aucun Traité
Pour rompre toutes ces mefures , Nous
nous voyons obligé de recourir de nouveau
aux armes , & d'ordonner à nos Troupes
de faire , avec l'aide de Dieu , une defcente
dans l'interieur du Royaume de Suede, ron
DE SEPTEMBRE. 149
pas dans le deffein d'en conquerir encore
quelques Provinces , mais uniquement en
vue d'obtenir par là la Paix que Nous
fouhaitons ardemment , & que Nous
fommes prêt de figner aux mêmes conditions
que Nous avons cy-devant accordées
à la Couronne de Suede : & non feulement
Nous ne prétendons rien garder des autres
Provinces du Royaume de Suede , mais
auffi Nous fommes prêt de rendre une
grande partie des Pays conquis , & qui
font actuellement en nôtre pouvoir.
Si , contre toute raiſon , la Couronne
de Suede s'opiniatroit à n'écouter aucune
propofition de Paix , & qu'elle voulût
continuer la guerre contre Nous , Nous
declarons par ces Prefentes , qu'en ce cas ,
Nous ferons obligé de tourner toutes nos
forces contre l'interieur de ce Royaume ,
& de contininer nos operations de guerre
avec l'affiftance divine , & avec toute la vigueur
imaginable
Aprés avoir publié nôtre fincere intention
› pour parvenir
à une Paix folide
Nous croyons être excufé devant Dieu &
les Hommes
, de tous les malheurs
qui en
pourront
arriver aux Sujets de la Couronne
de Suede ; & Nous atteftons
ici le Dieu
tout-puiffant
, que Nous ne fommes point
refponfable
de l'effufion
de tant de fang
humain , & de la mort de tant d'hommes
innocens
, qui périront
par cette fanglante
&
funefte guerre.
Niij
250
LE MERCURE
7
C'eft à ceux qui pour des intérêts , des
paffions & des vûës particulieres , ont empéché
la conclufion de cette Paix, à rendre
compte un jour devant Dieu de tout le
fang innocent qui fera verfé.
Nous implorons l'affiftance du Dieu toutpuiffant
, de benir nos armes , comme il a
fait jufqu'ici , & de ne Nous point abandonner
dans une fi jufte & bonne caufe:
Nous avons donné des ordres fuffifants ,
pour que tous les Sujets de la Courenne de
Suede foient informez de nos volontez
pour qu'ils puiffent prendre à tems les confeils
, & les mefures neceffaires & capables.
de prévenir leur perte.
Il n'y a point d'autre moyen de Nous
détourner de nos deffeins , que de conve
nir d'une Paix folide , que Nous ferons.
toûjours prêt de figner , comme il eft dit
cy- deffus , à des conditions juftes & équi
tables ; en ce cas , Nous mettrons auffitôt
bas les Armes , & Nous ferons ceffer
toutes les hoftilitez..
·Donné fur nôtre Flote ce mois de Juin
1719.
DE SEPTEMBRE . IST
Nouvelles du Nord , contenant celles .
de Suede , de Dannemarc
& de Hambourg ."
à Hambourg le Septembre 1719 .
N confequence des raifons alleguées
dans ce Manifefte , qui a été répandu
en Suede', le Czar a mis une Flotte nombreuſe
en Mer , avec laquelle il a fait dans
ce Royaume beaucoup d'executions militaires
. En effet , le 23. Juillet , un grand
nombre de Galeres Ruffiennes fe firent
voir du côté Romaufen , à la hauteur de
Noorder-Talge. Le 24. les Mofcovites
ayant debarqué quelque monde dans l'Ifle
de Stoksund à une demie-lieuë de Sto-
Kholm , ils en enleverent le betail, en brulerent
la maifon Seigneuriale , & en uferent
de même à Grifel- Haven. Le 25. its
parurent prés de Ofter Kanmingen , à trois
lieues de la Capitale , & brulerent la maifon
de M. Hopke , Secretaire d'Etat . Le
26. l'Amiral Apraxin ayant partagé fes
Galeres en trois Efcadres ; fa premiere divifion
penetra entre Noord & Suder- Talge
; la feconde du côté de Geefle , & l'autre
vers Nyкopping. Le 27. les troupes
debarquées pillerent & brulerent la maifon
, & les terres du Comte Teffon , à
'un quart de lieuë de Stokholm. On a
N iiij
282 LE MERCURE
apris depuis , qu'ils avoient brûlé les Ville .
Oofthammar & d'Oregrund , l'Ile d'In
deroom , & plufieurs Villages. La Terre
de Therao , qui apartient à M. Rumpi
Refident des Etats Generaux , a eu le même
fort. Ils font auffi entrés dans la Ville
de Suder-Talge , où ils font reftés fort
peu de tems , n'ayant que celui de mettre
le feu à l'Eglife & à une partie des
maiſons . Les Villes de Nykopping, Noord,
Kopping , n'ont pas été mieux traitées . Ils
ont ruiné plufieurs mines de fer , de fel &
de cuivre , dont les Ouvriers ont été emmenés
fur leur Flotte , pour les tranfpor
ter de-là en Mofcovie , où ils travailleront
aux Mines du Czar , qui y font fort
abondantes. Ils fe font jettés du côté de
Weftwyk , pour continuer leurs ravages
dans le Pays. Pendant toutes ces operations
, M. Ofterman , Miniftre du Czar ,
arriva à Tuna , & y eut audience du Prince
hereditaire de Heffe-Caffel , en preſence
des Senateurs & Comtes , Ducker , de
la Gardie , & Taube. Le 29. de Juillet .
il fut admis à l'audience de la Reine , &
remit à S. M. fes lettres de creance. Le 10.
d'Août , ce Miniftre eut fon audience de
congé. Il eft certain que pendant le fejour
qu'il a fait à Stokholm , il a fortement
follicité la Reine à accepter les conditions
offertes ci-devant par le Czar pour la paix,
comme l'unique moyen de faire ceffer les
.
DE SEPTEMBRE.
153
hoftilités des troupes du Czar fon Mattres
cependant , la Reine de Suede & le Senat ,
les ont rejettées avec hauteur, dans l'efperance
qu'ils feroient inceffamment fecou
rus par l'Efcadre Angloife , & pourroient
peut- être obliger le Czar à leur tour, à recevoir
celles qu'ils lui prefenteroient. S.
M. Cz . s'eft toûjours tenue prés d'Hangoé·
avec fes gros Vaiffeaux de Guerre , & ce
Monarque recevoit de 6. heures en 6. heures
, des avis de ce qui fe paffoit en Suede .
Les Suedois , quoique au nombre de 14 .
mil Fantaffins, & de 6000. Cavaliers , n'ont
pas été en état de s'oppofer à ces entrepri
fes , par la difficulté de fe tranfporter affés
promptement d'un lieu à un autre. De plus
la défunion qui continue entre le Clergé
& la Nobleffe de ce Royaume , a auffi empêché
les troupes Credoifes d'agir avec fuccés
contre leurs ennemis . On fut informé que
le 25.
Août
l'Efcadre
Angloiſe
, com- mandée par l'Amiral Norris, avoit reçu un
renfort de 6 Vaiffeaux de guerre & 2.
Brulots , & que le 26. elle avoit mis à la
voille , pour joindre à Carlefcroon 15.
Vaiffeaux de lignes Suedois , & aller enfuite
chercher les Mofcovites , afin d'en
obtenir de gré ou de force une paix honorable.
Le 31. du même mois , cet Amiral ,
joignit la Flotte Suedoife qu'il comman
dera en chef conjointement avec la fienne.
On aprend même que fur la nouvelle de
754 LE MERCURE
l'approche de la Flotte combinée , l'Amiral
Apraxin avoit fait rembarquer toutes
les troupes de debarquement fur les Galeres
, avec quantité de beftiaux & des prifonniers,
& qu'il avoit pris la route de l'Ifle
d'Aland . Depuis la retraite des Ruffic
une Fregatte dépêchée par l'Amiral No
ris , a debarqué un exprés à Roftock av
l'avis que ce dernier avoit coupé le paſſa
à 50.Galeres Mofcovites dans les Scheever
& qu'il s'en étoit rendu maître avec toute
les troupes & les equipages qui y étoient
à bord ; mais cette nouvelle a encore beſoin
de confirmation .
On fait monter les troupes du Czar qui
ont debarqué en Suede , à plus de 35. mil
hommes , en y comprenant 2. mil Tartares
Kalmouques , qui mettoient le feu dans
toutes les Fermes & les maifons de Campagne.
Milord Carteret , Ambaffadeur d'Angleterre
, a prefenté un Memoire à la Reine
de Suede dans lequel il fupplie S. M.
de donner aux Anglois , fatisfaction des
pertes qu'ils ont fouffertes par la confifcation
d'un grand nombre de leurs Vaiffeaux,
pris dans la Mer Baltique même dans les
Ports de Suede. La R. a répondu qu'elle
étoit difpofée à nommer des Commiff. qui
avec ceux qui feroient nommés par le R.de
la grande Bretagne , examineroient cette
affaire , & rendroient juftice aux Parties
DE SEPTEMBRE.
ISS
intereffées : qu'en attendant , elle donnera
les ordres , afin que les Anglois ne foient
pas inquietés ni troublés , êtant perfuadée
que le Roy d'Angleterre ne permettra pas
qu'ils en abufent au préjudice des interêts
de la Suede.
D'un autre côté , les Danois n'ont pris
dans l'irruption qu'ils ont faite en Suede
que Maertrand ; car , par tout ailleurs
ils ont été repouffés par les Suedois , &
fur tout du Château d'Elbourg , & aprés
y avoir jetté plus de 300. bombes , ils ont
été obligés de ſe retirer avec perte du canon
& des mortiers , & leur Flotte fort
maltraitée ; mais il n'eft pas vrai qu'ils y
ayent perdu sooo. hommes , comme quel
ques Relations l'avoient avancé , puifqu'ils
n'avoient debarqué que 6. à 700. hommes.
L'Amiral Tordenfchild , que ces mêmes
avis avoient dit bleffé & même mort de
fes bleffures , s'en eft tiré fain & fauve. Le
Roy de Dannemarex , aprés cette expedition
, a fait rafer Stromftard & Sunsbourg,
avant fon depart de Norwege ; & les habitans
de ces 2. Places ont eu ordre de s'aller
établir avec leurs familles & leurs effets
à Friderichall où l'on s'eft engagé de leur
fournir toutes les chofes neceffaires pour
ce nouvel établiffement..
On a recu par les Danois un détail de ce
qui eft arrivé à l'Eſcadre Suedoife , qui a
éré detruite à la prife de Maertrand par la
LE MERCURE
2.
Flotte de Dannemarck. On compte
Vailleaux coulés à fonds , dont 3. de quarante-
quatre canons , 2. de 3. un de 44.
& le dernier de 40. outre un Yacht
de quatre canons & deux Brulots. Les
Vaiffeaux Suedois pris , ne confiftent qu'en
quatre , fçavoir un de 53. canons , un
autre de 44. & 2. de 18. avec une Galere
fur laquelle il y avoit 5. canons. De
plus , les Danois fe font emparés dans la
Ville de 20. canons avec leurs affuts , &
de 20. autres fans affuts . En tout 15. pris,
ou coulés à fonds, & quatre cent 90. pieces
de canons.
Le Traité de paix entre S. M. Britannique
& S. M. Suedoife , a été figné &
ratifié. Il porte entr'autres que les Duchés
de Bremen & de Verden, refteront à perpetuité
au Roy de la Grande Bretagne en
qualité d'Electeur de Brunfwick - Lunebourg'
, à condition que Sa Majefté Britannique
fera compter d'abord à la Suede un
million d'écus. A l'égard du Traité entre
la Suede & la Pruffe , la ratification s'en
fit le 30. du paffe . La Couronne de Suede
cede à celle de Pruffe la Ville de Stetin
avec fon diftrict , l'Ile d'Ufedum , & celle
Wollin , moyennant quoi S. M. Pruffienne
fe defifte de la femme de 400. mil écus
que la Suede lui devoit avec les interêts
depuis l'année 1679. L'on pretend qu'elle
eft convenue outre cela de donner à la
DE SEPTEMBRE. 197
Reine de Suede 2. millions d'écus, & de lui
fournir 900. mil livres , tant que la guerre
durera avec le Czar.
On avoit cru que le Roy de Dannemarck
le conformeroit à ces alliances . Le
retour inopiné de ce Prince dans fa.Capitale
, & le rapel de fes troupes hors du
Royaume de Suede , ne laiffoient prefque
plus lieu de douter qu'il n'y eût quelque
negotiation de paix fort avancée entre la
Suede & le Dannemarck ; mais , depuis
la declaration que ce Monarque a fait
publier à Coppenhague , on a changé
d'opinion : Elle contient en fubftance
qu'ayant été informé des faux bruits que
des efprits pernicieux avoient affecté de
repandre dans l'Europe , qu'il étoit fur
le point de conclure une paix feparée , à
l'exclufion du Czar fon bon ami & allié
il declaroit par les prefentes que ce bruit
n'avoit aucun fondement , puifqu'il n'avoit
jamais été dans de pareils fentimens,
& moins encore dans ceux de fe departir
des alliances , engagemens, & liaiſons qu'il
avoit contractées avec S. M. Czarienne .
Le 10. de ce mois , un jeune Lutherien ,
& un Catholique Romain , ayant pris querelle
dant le Cimetiere de S Michel , qui
eft une Eglife Lutherienne de la Ville de
Hambourg , le Catholique jetta impru
demment une pierre à travers les vitres de
cette Eglife. Etant tombée malheureufe
$58 LE MERCURE
ment à côté du Miniftre dans le tems qu'il
adminiftroit la Cene , cet incident anima
fi fort quelques Jeunes gens de cette affemblée
, qu'ils fortirent tumultueufement de
ce Temple , & coururent à la Chapelle des
Catholiques , attenant ce Cimetiere, dans
laquelle fe faifoit alors le fervice. Aprés
avoir brifé les vitres à coup de pierres , ils
en enfoncerent les portes ; & comme ils
fe trouverent les plus forts , ils demolirent
la Chapelle jufqu'aux fondemens , en dechirerent
les ornemens , & même ceux du
Prêtre. La populace s'êtant jointe à cette
Jeuneffe effrenée , fe tranfporta enfuite à
la maiſon Imperialle ; & aprés avoir pillé
les meubles , elle detruifit entierement
l'Hôtel & les beaux Jardins. Le 11. le Magiftrat
envoya des Deputés au Refident
Imperial , pour excufer cet attentat , mais
il répondit qu'il en informeroit fon Maître
exactement. Le Magiftrat , non content
de cette demarche , fit publier à fon de
trompes , des mandemens par lefquels on
promettoit 100. écus de recompenfe à quiconque
pourra découvrir les Auteurs de
ces defordres ; enjoignant à ceux qui ont
eu part au pillage , de raporter le tout à la
Juſtice , fuivant l'exigence du cas.
1
DE SEPTEMBRE.
à Vienne le
Septembre 1719.
Ate de Renonciation , faite par la Sereniffime
Archiducheffe Marie - Jofeph
en qualité d'Epouse , & d'adhesion par
le Comte de Flemming , au nom du Roi
de Pologne & du Prince Electoral fon
fils , en qualité d'Epoux.
L
E 19. du mois d'Aouft 1719. l'Empereux
fit notifier à tous fes Miniftres ,
au grand Chancelier & aux Officiers de la
Chancellerie de tous les Pays hereditaires
de fe trouver au Château de la Favorite à
11. heures du matin du même jour . Le
Comte de Femming y fut mandé , & fon
Excellence s'y rendit avec une fuite fort
nombreufe & trés- magnifique. L'Empereur
& l'Imperatrice Regnante , L'Imperatrice
Douairiere Amelie , mere de
Archiducheffe Marie- Jofeph , & cette
derniere Princeffe , entrerent dans la Sale
des ceremonies. S'êtant tous affis fous un
dais devant lequel on avoit dreffe un Autel
fur lequel il y avoit un Crucifix & le Livre
des Evangiles , S. M I. fit entrer tous
fes Miniftres ; & aprés s'être placez chacun
fuivant leur rang , ce Monarque leur
fit un trés-beau difcours , par lequel il les
éclaircit des raifons de cet Acte de Renonciation.
Le General Comte de Flemming ,
160 LE MERCURE
>
い
fut enfuite appellé ; & êtant entré dans
la Sale , il montra d'abord fon plein- pouvoir.
Aprés qu'on lui eut fait lecture de
l'Acte de Renonciation des nouveaux Ma
riez S. Ex. le figna & en prêta les fermens
, au nom du Roi de Pologne Electeur
de Saxe , & du Prince Electoral fon fils.
Le Comte de Zinzendorff , Chancelier de
la Cour , fit de nouveau lecture de cet
Acte à Madame Electorale qui le figna
aprés en avoir prêté les fermens fur les
Saints Evangiles. Le Comte de Flemming
en fit enfuite autant , au nom du Roi de
Pologne & du Prince Electoral fon fils .
Le 18. du mois paffé , le Sereniffime
Prince Electoral de Saxe , arriva à Biffemberg
avec une fuite trés - belle & trés-nombreufe.
Le 20. ce Prince fe rendit ici en
pofte , & alla defcendre au Palais de la
Favorite , où il reçût les complimens de
toutes les Cours Imperiales , des Miniftres
& de la premiere Nobleffe , qui parurent
tous avec des habits magnifiques.
Aprés une entrevûë que ce Prince eut
avec la Sereniffime Archiducheffe , ils furent
mariez le même jour par M. Spinola
Nonce du Pape enfuite leurs M. Î . fcgnantes
leur donnerent un repas où il n'y
avoit rien à defirer. Il y eut une trés-belle
mufique , accompagnée d'une décharge
continuelle des canons de la Ville. Ibrahim
Bacha , Ambaffadeur de la Porte Ottomane
,
DE SEPTEMBRE. 161
mane , qui fit ſon entrée publique le 14.
du même mois dans cette Capitale , fe
trouva prefent à ce fuperbe feftin . On lui
avoit fait pour cela un logement dans la
grande Sale. Il a fort admiré la magnifi
cence , l'ordre & la belle cimetrie des confitures
de toutes efpeces , qu'on y fervit
en piramides & avec profufion . Le 22. le
Prince Electoral de Saxe & fon Epoufe ,
ayant pris congé de leurs M. I. des Im
peratrices Douairieres & des Archiducheffes
, partirent pour Saxe. Le 27. le Prince
& la Princeffe arriverent à Prague an
bruit de tous les canons des remparts , &
defcendirent au Palais Royal . Le 29. le
Prince Electoral ayant pris les devans , la
Princeffe fe mit en marche pour continuer
fon voyage à Drefde , où l'on fait de trés--
grands preparatifs pour leur reception .
Le 2. Septembre le Prince Royal - Electoral
de Saxe , & la Princeffe fon Epoufe',
firent leur entrée à Drefde. On fit à leur
arrivée une triple décharge de l'artillerie
& de la moufqueterie . Le Roi vint recévoir
la Princeffe au Pónt ; elle mit un ge--
nouil en terre, & baifa la main du Roi qui
la releva d'abord , l'embraffa tendrement ,
la baifa au front & la conduifit à la Tenté ,
où S. M: eut un quart d'heure d'entretien
avec le Prince & la Princeffe. Aprés cette
. entrevûë , elle monta à cheval , fuivie
d'une Cour magnifique. Jamais entrée n'a ·
1
162 LE MERCURE
éte plus brillante. L. A. R. êtant arrivées ›
au Château , fe rendirent à l'apartement
de la Reine qui conduifit la Princeffe:
dans fon cabinet , & la prefenta enfuite aux
Dames , qui furent admifes à lui baifer la
main ; aprés quoi L A. R. fe retirerent
dans leur palais , & le Roi dans fon appartement.
Le 4. l'Ambaffadeur extraordinaire de
la Porte , fuivi d'une trés - belle cavalcade
eut fa premiere audience publique de l'Em--
pereur au Palais de la Favorite. Il remit à
S. M. I. les lettres du G. S. fon Maître ,
dont le contenu roule fur l'exacte obferva--
tion de la paix de Paffarowitz ,, & fur des
proteftations d'une veritable amitié de la
part du Sultan. Aprés quoi cet Ambaffadeur
offrit à S. M. I. les prefens qué le
G. S. lui envoye , confiftant 10. en une
riche & fuperbe Tente , portée par 12.
Chameaux. 20. En quelques Mulets chargés
de Tapis de Turquie & de Tapifferies..
3. Une Littiere couverte de velours cramoifi
avec un careau brodé & galonné
d'or , fur lequel étoit pofée une pannache
d'Heron garnie de diamans. 4. Deux
Chevaux avec leurs harnois enrichis de diamans
, rubis & émeraudes , & 4 autres
Chevaux d'Arabie des plus beaux de ce
pays. so. Plufieurs autres raretez Orientales.
On eftime le tout deux millions.
Aprés l'audience , cet Ambaffadeur fut.
>
DE SEPTEMBRE. 163
reconduit à fon logement dans le même
ordre qu'il étoit venu.
.
Le7. cet Ambaffadeur eut audience du
Prince Eugene à qui il prefenta une lettre
du Sultan & une autre du G. V. Aprés un
petit difcours au fujet de la paix prefente ,
il lui remit les prefens de S. H. & du G.
V. fçavoir un Cheval Turc , dont le poitrail
& la bride étoient d'argent doré, garnie
de corail ; la felle de damas rouge brodé
, & les étriers d'argent doré : un Cou--
teau dont le manche eft garni de diamans ,
& la guêne d'or enrichie auffi de diamans
& de rubis : 50. Mifcales d'Ambre : plufieurs
Etoffes des Indes : 3. Ceintures
magnifiques quatre pieces de drap d'or
de Conftantinople , dont une brodée ::
un grand Tapis de foye de Perfe à fleurs
d'argent 10. beaux Turbans : Une Cou--
verture de lit de foye : 3. Tapis blancs de
foye. Les Jouailliers eftiment plus ces ,
prefens que ceux de l'Empereur , à caufe
de la groffeur des diamans .
:
On écrit de Conftantinople du 12. Aout
que M. le Comte de Virmond , Ambaff..
Ext. de l'Empereur à la Porte , arriva le
dernier Juillet à trois quarts de lieuës
hors des murailles de Conftantinople , ou
la Porte avoit fait preparer deux Serails
Turcs , & cela , pour jouir d'un air moins
contagieux , que celui du Fauxbourg de
Pera , Quartier qui lui avoit été affigné
O ij
164 LL MERCURE
par la Porte. Auffi- tôt aprés fon arrivée ,
un Aga Turc alla complimenter Son Ex.
qu'il accompagna d'un magnifique regal
de confitures , de fruits & de fleurs . Le
3. S. Ex. fit fon entrée folennelle dans .
Conftantinople. Le 5. l'Ambaff, êtant
monté fur un fort beau Cheval que le G.V.
lui avoit envoyé , defcendit au pied de
l'efcalier de ce premier Miniftre , qui re--
gala S. Ex. d'une Vefte de Zibeline , &
fit donner des Caffetans àરે ceux de fa fuite..
Le Comte Batiani lui délivra la lettre que:
l'Empereur adreffoit à ce Vifir , & le Ĉa--
pitaine Obfchlevz lui prefenta celle du
Prince Eugene. Le 8. jour deftiné pour
l'audience du G. S.. M. l'Ambaffadeur
tant monté à cheval , fut mené au Se--
rail , où il mit pied à terre. S. Ex..
fut conduite dans une chambre où elle mit :
fa Vefte de Zibeline , & ceux de fa fuite ,,
leurs Cafetans. Cet Ainbaffadeur fut in--
troduit par le Chiaus- Baffa & le Capicilar-
Chiaia , devant le trône du G. S. auquel
il fit une harangue en Langue Latine , qui
fut rendue en Langue Turque par Mauro-
Cordato, que quelques avis avoient fait
mourir de pefte. Pendant cette audience ,
les prefens de l'Empereur farent portez
dans une Salle , pour y être expofez en
vûë. Aprés beaucoup de ceremonies & de
grandes civilitez reaproques , M. l'Amb,
retourna à fon quartier dans le même ordre
qu'il étoit venu
DE SEPTEMBRE. 165
La Ville de Nicolfpourg a été prefqu'en
tierement confommée par le feu , ainfi que
le magnifique Palais du Prince de Dietrichftein..
M. le Comte Wentzeld d'Atheim s'eft
rendu à Wirtzbourg , pour y affifter en
qualité de Commiffaire de S. M. I. à
Félection d'un nouvel Evêque. C'eſt un
des plus richés Evêchez de l'Empire , & le
feul Benefice qui ne foit pas forti des
mains de la Nobleffe : la raifon de leur
dégoût eft fondée fur un ancien ufage dont
le formulaire eft tel , que qui que ce foit
n'eft reçû dans le Chapitre, qu'il n'ait paffe
au milieu des Chanoines rangez en
haye
de chaque côté , pour en être fouetté
ce qu'aucun Prince n'a voulu fubir juſqu'à
prefent.
Londres le 26. Septembre 1719°
E 18. un Courier depêché d'Hanover
aporta la ratification du Traité entre
le Roy d'Angieterre & la Reine de
Suede & le 19. les Seigneurs Jufticiers
le renvoyerent à Sa Majefté Britannique.
Le 20. les ouvriers de Spithlefields s'êtant
partagés en plufieurs bandes , commirent
encore de nouvelles violences , en dechirant
les habits des femmes qui étoient de
toilles peintes . On en a arrêté quelquesuns
qui ont été mis en prifon. La Flote
.
166
LE
MERCURE
"
avec les troupes deftinées pour l'expedition
ſecrette , eft toûjours retenue à Spitheald
par les vents contraires. On confirme que
l'on travaille à un plan , pour décharger
cntierement la Nation de fes dettes. Pour
cet effet , les trois grandes Compagnies de
la Banque , des Indes Orientales , & de
la Mer du Sud , fe chargeront du foin de
les acquitter , en imitant en cela le projet
qu'on a executé en France. On y eft d'autant
plus porté , que la Compagnie des Indes
de France fait prefentement l'attention
& l'admiration publique ; car on regarde
fon établi ffement & fes heureux fuccés
comme des prodiges , furtout quand on
confidere le grand credit qu'elle s'eft fait
en. fi peu de tems dans toute l'Europe ;
credit qui la met en état de décharger le
Royaume de plus de 15. cent millions de
dettes. Il eft fi bien appuyé par les lumieres
& la prevoyante adminiftration de
celui qui eft à la tête de cette Compagnie,
que toutes les bourfes du Royaume auparavant
fermées fe font ouvertes tout à
coup ; & cette émulation à acquerir des
actions, les a fait fi confiderablement hauf
fer de prix , qu'elles ont tiré du neant un
grand nombre de particuliers , par les profits
décuplés qu'ils y ont fait en moins de
fix mois de temns : il eft même hors de doute
qu'elle iront beaucoup au - delà . Comme
cette Compagnie eft foûtenue des forces &
•
›
DE SEPTEMBRE. 167
revenus de l'Etat fi fagement employés , il
eft à croire que cet établiffement fubfiftera
autant que la Monarchie , & procurera
un bien univerfel dans toutes les parties du
Royaume ; les Chefs & les membres y
concourant avec une parfaite harmonie.
Tant d'impofts retranchés en fi peu de
tems , & fi onereux au Public , font d'un
heureux augure pour l'avenir ; & les Nations
voisines , bien loin d'en être jalouſes ,
fe feront plaifir d'imiter ces fages difpofitions,
La Ville d'Edimbourg a conferé au fameux
M. Law qui eft en France , la fredenisation
, ou franchiſe de cette Ville dont
il eft natif. Les lettres lui en ont été envoyées
dans une boëte d'or de la valeur de
300. livres fterlins avec cette infcription
qui eft des plus honorables ... La Corporation
d'Edimbourg s'étant donnée elle -même
l'honneur d'enroller dans fes libertés Jean
Law , Comte de Tancarville , & c . Gentil-
•homme agréable , le premier de tous les Ban
quiers en Europe ; heureux Inventeur des
Societés de Commerce dans les parties du
monde les plus éloignées , & qui a fi bien
merité de fa Nation ; c'eft le témoignage publc
nous donnons avec plaisir par
Lettres ci- clofes .
que
les
On prepare toutes les chofes neceffaires
à la Maifon de Ville , pour tirer inceffamment
les deux Lotteries d'Angleterre. On
LE MERCURE
a avis que les Vaiffeaux le Roy George , le
Harcourt & le Smirne , venant de Turquie
, font arrivés aux Dunes , les 2. premiers
étant richement chargés .
*2 Parmi les Bills qu'on a envoyé d'Irlande
ici , il s'en trouve un qquuii aa ppoouurr titre
Alte pour prevenir l'accroiffement du Papifme
en Irlande : Il contient entr'autres, que
fi à l'avenir aucun Evêque ou Prêtre Pá- .
pifte , paffe en Irlande , les Scherifs feront
obligés de les faire mettre en prifon , &
de faire inftruire leur Procés. S'ils font
convaincus d'être Prêtres' , ils feront condamnés
à être Eunuqués . On, nommera
pour cette operation un Chirurgien qui les
fera tranfporter dans les Pays étrangers ,.
auffi- tôt qu'ils feront gueris , avec deffenfes
de ne jamais plus reparoître en Irlande
fous peine de la corde , ainfi qu'il fe pratique
en Suede. Ce Bill porte encore que
sil eft prouvé que quelque Papifte ait donné
retraite à aucun Prêtre , tous fes biens
meubles & immeubles , feront faifis & remis
entre les mains d'un Proteftant , pour ,
être confifqués à la Couronne : Et comme
ci-devant il falloit fommer les Papiftes
en perfonne , pour venir prêter les ferniens
, il fuffira dorénavant de faire la fourmation
à leur domicile ; & au cas qu'ils ne
comparent pas dans le tems qui leur fera
marqué , leurs biens feront confifqués
pareillement fans autre forme de procés..
Plufieurs
"
"
DE SEPTEMBRE. 169
Plufieurs Catholiques Romains de diftinc
tion ont prefenté Requefte aux Seigneurs
Jufticiers contre ce Bill ; mais cette affai
re n'a pas encore été decidée.
M. Wefeloufky , Refident du Czar en
cette Cour , prefenta au commencement
de ce mois un memoire à M. Craggs , Secretaire
d'Etat. Il portoit que S. M. Cz.
ayant permis par fa declaration un libre
commerce à toutes les Puiffances Neutres
dans la Mer Baltique , le Roy de la Gran
de Bretagne ne laiffoit pas cependant d'envoyer
un grand nombre de Vaiffeaux de
guerre dans ces Mers ; ce qui obligeoit le
Czar fon Maître de demander à quelle occafion
Sa Majesté Britannique y envoyoit
tant de forces , attendu qu'il n'y avoit aune
neceffité pour cela. M. Craggs lui fit
réponse que le Roy fon Maître ayant été
informé que le Czar avoit fait dire au Che
valier Jean Norris , que s'il reftoit avea
fon Efcadre dans la Baltique, cela ne pourroit
que lui être fort defagréable : Qu'en
confequence de cette réponte , il lui decla
roit de la part du Roy fon Maître , que
S. M. vouloit & pretendoit envoyer fa
Flotte en telle Mer qu'il lui plairoit , fans
qu'il fût tenu pour cela d'en rendre
compte à aucune Puiffance . Tous les fujets
du Roy de la Grande Bretagne qui
font paffés au fervice duCzar de Mofcovie,
ont eu ordre de revenir en Angleterre.
Septembre 1719.
P
ац
170
LE MERCURE
Le Sieur Bladen , un des Commiſſaires du
Commerce , eft parti pour France , afin
de regler avec ceux de cette Couronne
les limites & les differends qui fe
font élevés entre les Habitans de l'Annapolis
Royale , & les François du Cap
Bretón.
Quelques-uns de nos Marchands ont reçu
avis que la Flotte des Galionsd'Espagne
venant d'Amerique , étoit arrivée à Riba-
Dios dans le Royaume de Galice , fous le
Convoi de plufieurs Vaiffeaux de guerre ,
commandés par le Sieur Martinet. Suivant
ces avis , il y a à bord en efpeces ou lingots
pour 25. millions de piaftres & beaucoup
d'autres riches marchandifes. On a apris
d'Oftende qu'il étoit arrivé des ordres
d'Angleterre , pour foufcrire à la nouvelle
Compagnie des Indes Orientales de Flandre,
dont les Entrepreneurs ont obtenu une
Chartre de l'Empereur qui a fixé les droits
de toutes les marchandiles à deux & demi
pour cent. La Compagnie des Indes
Orientales a eu avis de l'arrivée de trois de
leurs Vaiffeaux aux Dunes , fçavoir le
Maurice & le Stanhope , venant de Bombay,
& le Grantham venant de Bengall .
Les dernieres Lettres de la Jamaïque portent
que le Vaiffeau le Sunderland y avoit
été brûlé par accident , ayant à bord 238 .
balots de fucre , 150. facqs de Ginjambre ,
8. facqs d'indigots , &c. Un armateur Ef
DE SEPTEMBRE.
171
pagnol a pris un Vaiffeau François venant
de la Martinique , richement chargé , qui
a été mené à Cadix. Le Vaiffeau le Prince"
George , commandé par le Capitaine Turner
, a été enlevé à la hauteur d'Hambourg
par un Armateur Efp. & a été conduit
à la Corogne. Le Capitaine Wamburg ,
qui commandoit le Barfort , Vaiffeau de
guerre de S. M. & qui a fait nauffrage
dernierement fur les côtes de Sicile , a été
dechargé & remercié de fa bonne conduite.
Le Vaiffeau l'Aigle , chargé à Madere
pour la Jamaïque , a été pris par un
Pirate , & le Succés Brigantin chargé
pour Gibraltar , a été forcé de fe rendre.
par une Tartane Efpagnole.
יכ
En creufant dans le Cimetiere d'un
Village , prés la Plaine de Saliſbwri , on a
trouvé un fquelette entier d'une Creature
humaine , très rare par fa grandeur extraordinaire
, puifqu'il a 9. pieds 4. pouces
long.
de
La mortalité a été fi grande durant les
grandes chaleurs , qu'il y a eu des femaines
où il eft mort prés de 800. perfonnes dans
Londres..
L
à Rome Le 12. Septembre.
E Cardinal Scrottembach , qui a été
nommé par la Cour de Vienne pour
la
Vice- royauté de Naplespar interim , alla le
16. à l'audience du Pape . Sa Sainteté lui
Pij
172 LE MERCURE
fouhaita un bon voyage , le regala d'un
trés-beau lit de campagne, & lui offrit deux
Galeres pour le tranfporter à Naples . Cette
Eminence , aprés avoir fait notifier à toutes
les Cours fon départ , fut accompagnée
par le Cardinal Del- Giudice à Nettune ,
jufqu'à bord des deux Galeres qui devoient
la conduire dans cette Capitale , où elle
arriva le 24. du mois paffé . Elle fut reçûë
au débarquement par leCollateral & par les
principaux Officiers , au bruit du canon
de tous les Châteaux. Le Cardinal Del-
Giudice qui avoit été chargé par commiſfion
du foin des affaires Imperiales , a receu
depuis , fes lettres de creance de Vienne
, qui lui donnent le caractere de Minif
tre de l'Empereur. Il est allé en cette qualité
à l'audience du Pape , & en a donné
part à tout le facré College .
Le General Caraffa a paffé icy venant
de Naples & allant à Vienne , pour s'yjuftifier
de quelques demêlez qu'il a û avec
le Confeil Collateral & le . Caftellan . On
pretend qu'il ne lui a pas été permis de
differer d'un moment fon départ , s'êtant
trop ingeré dans les affaires du Gouvernement
, depuis la mort du Comte de Gallafch
.
Le Chevalier de S. Georges êtant repaffé
d'Efpagne en Italie , s'eft rendu à
Suriano , Château appartenant au Cardinal
Albani. La Princeffe Clementine Sobief
DE SEPTEMBRE. 173
t
ka fa future, l'eft allée trouver pour y confommer
leur mariage .
Voici les particularitez que nous avons
reçûës de la prife de Meffine par les Allemans.
Le General Mercy s'êtant rendu maître
le 7. de Juillet du Château Gonzague , & en
ayant fait la Garnifon prifonniere de guerre
, fit jetter quelques bombes dans Meffine,
& fommer cete Ville d'ouvrir fes portes
dans 24. h. faute de quoi , il l'abandon
neroit au pillage. Sur ces menaces les Bourgeois
députerent le 9. deux Chanoines pour
traiter avec ce General , & convenir des
articles de la Capitulation . M. de Mercy
leur répondit que l'Empereur qui étoit leur
Souverain ,ne capituloit point avec fes Su
jets , qu'ainfi ils devoient , en cette quahité
, lui ouvrir leurs portes ; cependant
il proniit aux Habitans la confervation de
leurs privileges. Cette propofition fut acceptée
, & le jour même 9. 800. Grenadiers
Imperiaux occuperent les poftes les
plus importans de la Place , fans qu'il y arrivât
prefqu'aucun defordre de la part des
Troupes . Dom Luca Spinola qui en étoit
Gouverneur , s'eft retiré dans la Citadelle,
dont la Garnifon eft d'environ 3 à 4000.
kommes. On prefume qu'il n'y a de vivres
que pour quatre mois. On affûreque
les 7. Galeres Siciliennes & quelques au❤
tres Bâtimens Efpagnols , étoient fortis
Piij
174 LE MERCURE
heureuſement du Port de Meffine à la faveur
de la nuit. Il paroît que le Marquis
de Lede eft dans le deffein de quitter
fon Camp de Francavilla , & d'aller fe cam-
'per fous le canon de Palerme. On dit qu'il
a été renforcé par un corps de 3000. hom
mes & de 2. Regimens de Cavalerie . Depuis
la prife de la Ville , les Efpagnolsayant
jugé à propos d'abandonner la Tour
du Fare, les Anglois en ont pris poffeffion,
ce qui rend libre le Port du Paradis . Le
14. le Fort de Caftellaccio fut obligé de fe
rendre à difcretion au Baron de Wachtendonck
Lieutenant General , ainfi que celui
de Matagrifoné au Comte Wallis . Les
deux Baſtions de Sainte Claire & de S..
Blaife, & tous les retranchemens de Terranova
on été pareillement abandonnez . Lat
nuit du 15. au 16. Aouft, les Allemans ouvrirent
la tranchée devant la Citadelle. Ils
ont en batterie 63. pieces de canon & plufieurs
mortiers. Cependant les dernieres
lettres de Naples du 9. portent que
quoiqu'elle fut attaquée fort vivement, elle
fe deffendoit de même.
M. le Marquis de Lede retient en prifon
plufieurs Seigneurs Siciliens qui le
trahiffoient , entr'autres le Prince de la
Scaletta. Ce General a repris fur les Allemans
le Fort de San- Alleffio qui lui a couté
plus de 200. hommes.
La Comteffe de Gallafch cy devant -
DE SEPTEMBRE. 175
Vice- Reine , fe trouvant groffe , eft dans
la refolution de féjourner à Naples jufqu'à
fes couches . L'Amiral Bing êtant revenu
à Baïa avec quelques Vaiffeaux de fon Efcadre,
pour tranfporter des provifions & de
la groffe artillerie pour le Siege de la Cita
delle de Meffine , a tout obtenu du Cardi
nal de Schrottenbach nouveau Viceroi
& il a remis à la voile pour Sicile .
Le Pape continue à donner fes audiences
& à s'occuper aux affaires courantes ,
quoiqu'avec quelque referve , à caufe des
maux de tête aufquels il eft fujet ; fa ref
piration eft même un peu embaraffée, & les
jambes ne fuppurent plus, ce que l'on attribue
aux fueurs univerfelles du corps , produites
par les chaleurs exceffives de cer
efté.
Les differens furvenus entre la Cour de
Rome & le Roi de Sardaigne , ne font
pas encore terminez . Cependant les Evêchez
de Piedmont font prefque tous fans
Paſteurs. On ne fçait pas encore quelle fera
l'iffuë de ces negociations ; mais on croit
qu'il ne fera pas aifé de les conduire à une
bonne fin.
M. le Cardinal de la Tremoille dépêcha
la nuit du 28: au 29. du paffé un Courier
qui porte les Bulles du Grand Prieuré de
France, en faveur de M. le Chevalier d'Orleans
, par la demiffion volontaire de M. le
Grand Prieur de Vendôme, acceptée par le
Piiij
76 LE MERCURE
Pape . On eft perfuadé que S. S. eft dans
l'intention de faire pendant ce mois une
promotion de Cardin. il y a même apparence
que S. S. tiendra un Confiftoire ,
avant que d'aller à Caftel - Gandolfe où elle
doir paffer la faifon d'automne .
On fait le Procés à l'Abbé Vulpini qui .
s'eft avifé de tourner en ridicule les Homelies
du Pape .
On écrit de Milan que , quoique l'argent
foit fort rare dans tout ce Duché , la Cour
de Vienne avoit fait cependant une nouvelle
demande de quatre millions pour pouffer
la guerre en Sicile. Elle a auffi impofé
le dixième fur tous les revenus & les fonds
du Royaume de Naples. La levée de ces
deniers trouvera de grandes difficultez ;
ces Pays êtant entierement épuifez d'ar
gent.
Les lettres de Genes du 18. portent que
les Troupes Imperiales s'étoient embarquées
au nombre de 6. à 7000. hommes à
Vado pour paffer en Sicile , afin d'en pouvoir
achever la conquête. On fe flatte
même qu'aprés cette expedition ,
il
reftera encore un tems fuffilant pour conquerir
la Sardaigne.
Les lettres de Bayonne du 20. portent
que l'on travailloit à miner les Forts &
Châteaux de Fontarabie & de S. Sebaftien ,
pour les faire fauter. M. le Marq. de Cilly,
Lieutenant General , qui a fous les ordres
DE SEPTEMBRE 177
5. Bataillons & quelques Efcadrons , eft
pofté entre Iron & S. Eftevan , d'où il fait
escorter la groffe artillerie que l'on fait
tranfporter à S. Jean- pied -de-port , pendant
que les chemins font beaux , ce qui
n'eft point praticable dans toute autre faifon.
On écrit de Mont-louis , frontiere de
Cerdaigne , que la tête de nos Troupes
qui confifte en cinq Regimens , y arriva
le 20. & qu'elle feroit fuivie de jour à autre
du refte de l'Armée . M. le Marquis de
Bonas Lieutenant General , fait contribuer
, depuis la prife d'Urgel , tout le
Pays qui paroît très-bien difpofé ea nôtre
faveur. Les Miquelets Catalans ne nous
feront pas grand mal , êtant du moins au
tant amis des François que des Caftillans
U
Le Peroquet & le Pigeon
Par JEAN LE POIL.
N Peroquet enflé de vaine gloire
Parfon caquet , étaloit fa memoire
Et l'emportait avec fa forte voix
Sur les Oifeaux de la Ville & des Bois.
Un Pigeon vint , Auditeur benevolle ,
Mais peu touché de mainte faribolle
Que l'Orateur recommencoit toûjours.·
Quand il eut donc fini tous fes difcours
Il commenca d'attaquer de parole
198 LE MERCURE
L'humble animal , & lui dit fierement
Ab que la langue est un bel inftrument
Et Binheureux qui fcait en faire uſage !
Que de plaifirs procure le langage !
Pauvre Pigeon , d'où vient que comme un
fot ,
Tu reftes là fans nous dire un ſeul mot ?
Courage , allons , debite ta harangue ,
Ou fur le champ on coupera ta langue
Comme inutile ; inutile ? non pas,
Répondit il , faites-en plus de cas ,
Redonnés moi ma compagn : fidelle ,
Et j'en ferai bon ufage avec elle.
UN
Le Cheval & le Chien.
> Par LE MESME."
N bean Cheval , qu'avoit Dame
Nature
Fait à plaifir , vantoit fon encolure,
Tête , Poitrail , Croupe & jambes furtour :
Il fe lonoit enfin de bout en bout ;
Sans oublier fon admirable adreffe
Dans le manege , encor moins fa viteße ;
Puis dit au chien ; petit , regarde- moi ,
Des animaux ne fuis- je pas le Roy?
Quel, air ? quel port ? je fuis le vrai modelle
Du noble orgueil pour moi je fuis fidele
Répond le Chien, je me borne là .
C'est fort bienfait , mais c'est peu que cela;
DE SEPTEMBRE. 179
片
De tes talens la lifte n'eft pas ample
Je le fcai bien , mais je vois maint exemple
Chés les humains de ta grande fierté ,
Tu n'en vois point de ma fidelité.
EPITRE
Du Docteur Jeannot à Mle Comte de ....
A
Voués-le , Monfieur le Comte ;
Mais avonés le à vôtre honte ;
Chés vous loin des
yeux,
loin du coeur
Témoin moi , le pauvre Docteur ,
Pauvre Docteur , vôtre Confrere ,
A qui vous ne penses plus guere :
Helas ! Quand vous étiés ici
Les chofes n'alloient pas ainfi
C'étoient amitiés & careffes
Bonsbons de toutes les especes.
Qu'il vous en vint de quelque part ,
Le Docteur en avoit fa part ;
Car dans nos petites affaires
Nous en ufions comme bons freres ,
Quoique tous deux un peu gourmans 3
( Mais laiffons là les complimens. )
Qu'au retour du Jen , de la Chaffe
Vous me vifiés l'oreille baffe ;
L'allarme , comme de raifon
Etoit d'abord àla maifon.
Singe
9
480 LE MERCURE
Dienfait le trouble & le tumulte !
L'on examine , l'on confulte ,
Qu'a le Docteur ? Il n'eft pas bien ;
Le plus fouvent ce n'étoit rien ;
Ce rien jufque dans votre Etude
Alloit porter l'inquietude.
Ces foins , que font - ils devenus ?
Helas , il ne s'en parle plus !
Vous paffes le tems en campagne ,
Heureux comme un Roi de Cocagne ,
Et vous vous embarraſſès peu
A Navarre dans ce beau lieu ,
Où tout bien , tout plaifir abonde
S'il eft quelque Jeannot au monde.
Paffe , que , felon vos defirs ,
Vous goûties la millë plaifirs !
Du moins , comme un ami fidele ,
M'en deviés - vous quelque nouvelle ;
Mais ,pas le moindre petit mot
A ce pauvre Docteur Jeannot.
Jeannot , qui cloné furfon fiege
Maudit , chaquejour , le College
Où , contre fes voeux arrêté,
Pour les gages il eft refté.
Cependant , en bonne police ,
Si l'on m'avoit rendu Juſtice ,
Je meritois bien , entre nous
Des vacances autant que vous.
Vous faves bien en conscience
Jufqu'où j'ai porté la fcience.
En dépit de tous les Pedans .
Je fuis favant jufques aux dents ;
›
DE SEPTEMBRE . 185
C'est un point que je juftifie
Par plus d'une Geographie ,
D'un Apparat , d'un Ŕudiment
Que j'ay devoré do &tement ;
Et qui m'eût voulu laifferfaire ,
Il n'eut été Dictionnaire ,
Ni Virgile , ni Ciceron ,
Qui n'eût paẞé comme un ciron ?
Qu'arrive til au bout du compte ?
Tandis que vous , Monfieur le Comte ,
Vous en alles vous ébaudir
On me laiffe pour reverdir !
Etoit-ce-la ma recompenfe
Mais cher Comte , mon grand ami ,
Laiffons venir la faint Remi.
C'est à ce jour , fans plus long terme ,
Que je vous attends de piedferme :
Tous deux plantés au coin du feu ,
Nous nous verrons à deux de jeu,
A propos , que je ne l'oublie ,
Aportés nous , je vous fuplie ,
En revenant , quelques marons
Qu'auprés du feu nous rôtirons.
Vous Scaves avec quelle grace
Je les attrape , & les reffaffe,
Foi de Jeannot , tout ira bien ,
Et le Pater n'en verrà rien ,
Si vous n'en rempliffés vos poches
Attendés-vous à cent reproches ;
Surtout , n'allés pas , par hazard ,
Cheminfaifant , croquer ma part ;
Car ,fur pareille tricherie.
18.2
LE MERCURE
>
Jeannot n'entend pas raillerie .
Bien lefaves : En attendant
Tenés- vous joyeux & content s
Et faites fur cette femonce,
Quelque petit mot de réponfe
A votre Zeléferviteur
Jeannot , furnommé le Docteur.
EPITR F
Par M. A ... à MADAME ***
Be rimer icy quelque chose.
Elle Philis , je me propofe
Je dis quelque chofe , & c'est tout ;
Car , fans mentir , je fuis au bout
De mon latin , & puis ma place
Eft vacante fur le Parnaffe
Dés
que
la vôtre l'eft ici.
Objet de crainte & de foucy
Je ne fens plus ce beau delire
Qu'il faut pour bien toucher la Lyre ,
Et ce Diable de la •
M'a ja rendu tout hebeté.
Mais après tout , que vous importe
Que ma Mufe foit vive on morte ?
Aujourd'huy mil'e amuſemens
S'emparent de tous vos momens.
D'Amours , une troupe fertille ,
Les charmes qu'offrent une Ville
Où le plaifir eft enchaîné ,
د
DE SEPTEMBRE
.
183
7
Tout cela bien examiné
Vaut fur mafoi mieux que ma rime ,
Surtout quand le chagrin la prime.
A nous les pleurs , à vous les Ris ,
A Venus vous les avés pris ,
Pour accompagnerfur vos traces
Les Jeux folaftres & les graces.
C'eft bien fait , mais de notre lot
Corrigez le deftin fallot :
Plaignez nôtre trifte avanture ,
Et par quelque peu d'écriture
Dites- nous que vous voulez bien
Que nous ne jouiffions de rien ,
Tant que durera vôtre abfence
Et que bien tôt vôtre prefence
Chaffera l'ennuy qui nous fuit
Comme le foleil fait la nuit .
Du refte , enjoie & en ieffe
Paffez votre aimable jeuneffe.
Pour moi , plongé dans mon chagrin,
A cette Epitre je mets fin.
Jamais l'eau du facré Permeffe
Narrofe un coeur plein de trifteffe ,
Et c'est la caufe encore un coup ,
Pourquoy je finis tout d'un coup.
#84 LE MERCURE
Le mot de la premiere Enigme du mois
paffé , étoit la Barbe ; & la feconde , Les
Dents.
D
ENIGM E.
E mille vaftes corps infailliblefecours,
J'affûre leur repos & les nuits & les
jours :
Je conduis les Mortels dans la paix , dans
la guerre;
Et quoique fille de la Terre ;
Sans mes admirables refforts
Bien fouvent ils feroient d'inutils efforts i
Mais cependant, mon miniftere
N'eft pas toujours , ny partout neceffaire.
Mon corps d'un autre corps emprunte Sa
vertů ,
Ce dernier aux Humains fi long-tems inconnu.
Luy-même digne objet des plus fcavantes
eilles ,
D'une Secte au Levant fait , dit- on , les
merveilles .
Pour moi faite au danger, fur les plus vaftes.
Mers ,
J'affronte fans dégoût , l'Onde & les flots
amers.
Yous , qui pour m'expliquer par des raisons
fondées ,
Sondez
DE SEPTEMBRE. 185
Sondez le creux de vos idées ,
Qui pretendez tirer la verité des puits ,
Philofophes rêveurs , devinez qui je fuis.
M
AUTR E..
On corps est fort folide, ainfi qu'on
le peut voir ;
·
Mais mon chef eft leger & facile à mous
voir
Je n'habite jamais aucun lieu bas ny for
bre ,
Ne pouvant pas fervir fi l'on me met
l'ombre ;
Je fers pourtant fouvent de retraite anx
Voleurs ;
Et du refté du vol j'en fais vivre plufieursa-
Nie
Ous donnâmes, l'année derniere dans
le Mercure de Septembre 1718 ,
un Menuet de Mademoiſelle Antier qui eft :
devenu par la fuite un Vaudeville ; ce qui
eft la marque la plus certaine qu'un air
plaît. Voici aujourd'huy deux autres Me--
nuets faits pour la fête d'Autcüil par la
même Demoifelle. On me fçaura peut--
tre gré de parler en peu de mots de l'éta--
bliffement de cette fête , qui fuivant tou--
tes les apparences , continuera tous les ans.
Mademoiſelle Antier , fameufe Actrice
Q
186 LE MERCURE
de l'Opera , a une Maifon de campagne
à Auteuil fur le bord de la Seine . Il y a
trois ans que le fieur Marcel , celebre
Danfeur de la même Academie , s'avifa de
donner le jour de la N. D. d'Aouft à
cette Actrice un Bal dont elle fut la Reine,
& lui le Roi. Il s'y trouva beaucoup de
Maſques qui y vinrent en caroffes , & qui
s'en retournerent trés- contens . L'année :
fuivante , M. le Prince de Conti ordonna
au fieur Thevenard , premier Acteur
de l'Opera , de continuer le même Bal &
d'en être le Roi avec la même Demoiſelle.
Il y eut une affluence prodigieufe de
Malques de toutes fortes de conditions
, un concert d'inftrumens de Mufique
dans des bateaux fur la Riviere , &
un feu d'artifice , avec des lampions.
fur tous les arbres de la Prairie : Cette
fête fut des plus galantes & dura jufqu'au
lendemain. Ce fut M. le Prince de Conti
qui fournit à toutes les dépenfes de ce fecond
Bal . La même fête s'eft renouvellée
cette année aux frais des fieurs Thevenard
& Marcel ; Mademeiſelle Antier ayant
encore été la Reine avec ce dernier .
cores vn coup а
re Regne encor dansmon
X
livre à toi .
raison :
on :
: Elle m'aban..
X
achus rend les armes:
DE
SEPTEMBRE 187.
CHANSON.
Premier Menuet .
A
ز
Cheve ta victoire 3
Verſe ton jus
Divin Bachus ;
Encore un coup à boire ,
Et je n'aime plus.
Quoi ! l'amoureuse flamme
Regne encor dans mon ame !!
Verfe , verfe , enyore moi ,
Bachus , je me livre à toi.
Second Menuet..
LE jús de la Tonne
Commence en vain à troubler ma raifon
Elle m'abandonne ;
L'Amour tient toûjours bon
Afes charmes
Bachus rend les armes :
Non , cefatal vainqueur
Ne peut fortir de mon coeur.
Qij
188 LE MERCURE
***********************客 *
JOURNAL DE PARIS.
E premier de Septembre , jour de
l'Anniverfaire du Roy Louis XIV..
Sa Majefté entendit dans la Chapelle des
Tuilleries , la Melle de Réquiem chantée:
par la Mufique ; & le 5 : on celebra dans .
Î'Eglife de l'Abbaye Royale de Saint De
nis , un Service pour le repos.de fan Ame
où l'Evêque de Dol officia. Le Comte de
Toulouze , plufieurs Prelats , Seigneurs :
& Dames de la Cour , s'y trouverent , de :
même que la plupart des Officiers du feu
Roy.
Le 2. on fit à Saint Denis un Service:
folennel pour feue Madame la Ducheffe de:
Berri : Tous les Officiers de fa Maifon ,
ainfi que. les Dames du Palais , s'y rendirent
la veille , pour affifter aux Vêpres
qui furent chantées par la Mufique du
Roy , & où officia M. l'Archevêque de
Toulouze , affifté de Mrs les Evêques de
Sées & d'Alais. Le lendemain , le même
Archevêque celebra la Grande Meffe avec
les ceremonies ordinaires . On avoit dreffé
au milieu du Choeur unfuperbe Catafalque,
qui étoit couvert d'un drap noir , parfemé
d'hermines & de fleurs de Lys d'or. On
voïoit de diftance en diftance les Armes &
DE SEPTEMBRE 189
les Chifres de la Princeffe, avec un Luminaire
des plus nombreux & des mieux ordonnés.
Le pavé du Choeur, toute l'Eglife
& le devant de la porte , étoient tendus de
noir , & chargés d'Ecuffons aux Armes
de Berri & d'Orleans.. Aux quatre coins
du Catafalque étoient affis quatre Heraults
d'armes avec leurs Kabits de ceremonie , &.
leurs bâtons fleurdelifés , le Roy d'armes
êtant à la tête , vêtu de même. Au- deffus
du Catafalque étoient placés Mrs les Ab
Bez de Rouget , d'Avejan &.du Tremblai,
Aumôniers de la Princeffe , tous en Rochet.
Au tour , étoient Madame la Du--
cheffe de Saint Simon, Dame d'Honneur,
Madame la Marquise de Pons , Dame d'Atours
, Mefdames les Marquifes d'Armentiers
, de Braflac , de Laval & d'Arpajon
, Dames du Palais . M. le Marquis de
Coëtenfao Chevalier d'Honneur , M. le
* Chevalier de Hautefort premier Ecuyer ,
M. le Comte d'Uzés Capitaine des Gardes,
& M. le Comté de Saumery premier Maître
d'Hôtel , y étoient tous en manteau
long , ainfique les autres Officiers . A l'Offrande
, le Roy d'Armes , avant que d'approcher
de l'Autel , fit une profonde reverence
; il en fit une enfuite au Mauſolée
du feu Roy , & une autre au Clergé qui
étoit compofé de plus de trente Evêques.
En revenant , il en fit une au Catafalque ,
une à M. le Duc de Chartres , à Made
192 LE MER CURE
M. le Duc de Nevers & M. le Marquis
de Mancini fon frere , ont vendu au Roy
moyennant la fomme de 300. mille livres ,
le Palais Mancini qui eft à Rome, & qu'on
appellera dorefnavant le Palais de France::
Il eft destiné pour loger nos ! Ambaffadeurs
. On eft en marche pour acheter celui
de Chigi , & fi on le conclut , on n'en fera
qu'un des deux.
M. Lavy êtant allé dîner avec toute fa
famille à l'Hôpital general , remit entre les
mains de Madame Pataclin Superieure de
cette Maiſon , une cedule , par laquelle il
donnoit so. mille livres à cet Hôpital . II
avança la premiere année.
.deBeauveau , qui a époufé Mademoiſelle
de Fefnes , a eu la Lieutenance
des Gardes de M. le Duc de Chartres.
་
Depuis que M. Fagon n'eft plus chargé
de la Direction des Fermes , il occupe pour
M. de la Houffaye dans toutes les affaires
qui rouloient fur ce dernier .
M. de Ricouart d'Erouville , Maître
d'Hôtel du Roy , & M. fon fils , Brigadier
des Armées de Sa Majefté , reçû en
furvivance de Maître d'Hôtel , ont vendu
à M. Ourfin de Poligny , fils de M. Ourfin
Receveur General des Finances , cette
Charge qui étoit depuis plus de cent ans
dans leur Famille .
M. de Maffol de Colonges , Gentilhomme
Ordinaire du Roy , a vendu fa
Charge
DE SEPTEMBRE. 193
Charge à M. de la Baune , fils de M. de
la Baune Maître des Comptes , & ci-devant
Secretaire de l'Ambaffade de Portugal
prés M. l'Abbé de Mornay.
M. l'Abbé de la Croix , Chapelain da
Roy , Abbé de Saint Julien de Tours ,
Obeancier & Chef du Chapitre de l'Eglife
Collegialle de Saint Juft de Lyon , &
Grand Vicaire de M. l'Archevêque de
cette Ville , a vendu fa Charge de Chape→
lain du Roy , à M. l'Abbé Chatelain fils
de feu M. Chatelain , Ecuyer - bouche du
Roy , frere du Controlleur de ce nom .
Le Roy d'Efpagne a fait prefent au Cardinal
Alberoni d'une Terre de 100 ,
mille écus de rentes.
Les fonds des Terres font portez fi
haut , que
celles de 15. & 20. mille livres
de rentes, font venduës jufqu'à un million)
& 1200. cent mille livres.
M. Bogue , Lieutenant des Cent- Suiffes
, qui a fervi long-tems avec diftinction
dans les Armées du Roy , a obtenu une
penfion de 1200. liv. il en avoit déja une
de 800. livres.
M. le Comte de Vertus , a vendu fon
Enfeigne des Gendarmes du Roy à M. le
Marquis de Valbelles ; & quoique M. le
Comte de Vertus n'eût que 21. ans de fervice
, M. le Regent a bien voulu lui accorder
la difpenfe de 4. ans , pour avoir fon
rang de Veterand.
Septembre 1719.
1
196 LE MERCURE
voit faire la Ceremonie.
Les chofes ainfi difpofées , les Gardes du
Corps de S. A. R. la Compagnie des
Cent- Suiffes , avec une autre Compagnie
des Gardes- Suiffes , tous commandez par
leurs Officiers , êtant chacun dans leurs
poftes , pour garder les dedans & les dehors
, tant de l'Eglife que de l'Abbaye ,
Madame , Monfeigneur le Duc d'Orleans,
M. le Duc de Chartres , & Mademoiselle,
arriverent. La Ceremonie commença fur
les dix heures & demie. Le Clergé en Surplis
, & les Benedictins de la Congregation
de Saint Maur,qui devoient fervir à l'Autel
, êtant revêtus de leurs Aubes , allerent
prendre S. E. à fon Apartement ,
tandis que les premiers Officiers de Madame
& de S, A. R. conduifoient les Princes
& Princeffes à l'Eftrade qu'on leur
avoit préparé ; Madame à fon Prie Dieu
& à fon Fauteuil , M. le Regent , M. le
Duc de Chartre , Mademoiselle , & Mademoiſelle
de Soiffons , fur leurs plians,
Les Religieufes de l'Abbaye , les Abbeffes
& les Religieufes étrangeres , précederent
deux à deux Madame d'Orleans pour fon
entrée au Cheeur. La Princeffe êtant placée
fur fon Prie Dieu , S. E. commença la
la Meffe , pendant laquelle la Mufique du
Roy chanta un Motet qui dura jufqu'à l'Épître.
Alors , Dom Silveftre de la Brouë,
Grand- Maître des Ceremonies de l'AbDE
SEPTEMBRE. 197
"
Toutes
ا
Baye de Saint Denis , fut inviter Madame
de venir à l'Autel : Elle y vint , fuiv e'
de fes deux Chapelines , Madame de Fretreville
, & Madame de Marans , ainfi que
de fa Porte-Croffe , Madame de Labar.
La Princeffe avoit à fa droite pour premie
re Affiftante , Madame d'Auvergne , Abbeffe
de Saint Remy de Villerscotteret
fuivie de fes deux Chapelines , Mefdames
de la Foffe & de Lagonné ; & pour fe
conde Affiftante , Madame Perault , Abbeffe
du Val de Grace, fuivie pareillement
de fes deux Chapelines , Mefdames de
Breauté & d'Artagnani
arrivées à l'Autel, aprés les faluts marqués,
chacune placée dans l'ordre qui lui étoit
preferit , Madame d'Orleans fit le Serment
accoutumé en pareille Ceremonie ,
aprés lequel elle fe profterna du côté de l'Evangile
pendant que l'on chantoit les Litanies.
Cela fait , S. E. ayant recité les
Oraifons fur la Princeffe , les deux Dames
Affiftantes la releverent ; après quoi , s'êtant
remiſe à genoux au milieu de l'Autel ,
M. le Cardinal affis dans fon Fauteuil ,
mit entre les mains de Madame d'Orleans
la Regle de Saint Benoit , & lui donna le
Voile , puis la Croffe , enfin l'Anneau. Le
tout fut preſenté à S. E. par les Chape
lains de la Princeffe dans des plats-baffins
de vermeil. Auffitôt , toutes les Dames
précedées par le Maître des Ceremonies
Riij
198 LE MERCURE
s'en retournerent au Prie- Dieu de Mada
me d'Orleans , dans le même ordre qu'elles
étoient venuës , faiſant chacune , en paſfant,
une profonde inclination à Madame.
A l'Offrande , Madame d'Orleans retourna
à l'Autel avec les mêmes ceremonies ,
& offrit à Son Eminence deux cierges ,
deux pains & deux barils , qui lui furent
prefentés par fix Religieux revêtus en Aubes
& Tuniques . La Princeffe revenue à
fon Prie- Dieu avec toute fa fuite , y refta
à genoux jufqu'aux Agnus de la Meffe.
Alors , le Maître des Ceremonies vint
pour la conduire à la Communion . La Princeffe
ne fut précedée que de fes deux Chapelines
pour tenir la nape . Madame l'Abbeffe
ayant communié avec une pieté , &
un recueillement , qui tirerent les larmes -
des Affiftans , elle revint avec la même modeftie
qu'elle étoit allée ; & arrivée à fon.
Prie- Dieu , elle y demeura profternée jufqu'à
la fin de la Meffe , pendant laquelle
y ût une grande & belle Mufique .
La Meffe finie , Son Eminence précedée
de fon Clergé , & de douze Officiers Religieux
en Tuniques , vint prendre Madame
d'Orleans à fon Prie- Dieu , la conduifit
à fon Siege Abbatial , l'y intrônifa , &
entonna le Te Deum qui fut chanté par la
Mufique. La Princeffe s'êtant affife dans
fon Fauteuil , M. le Cardinal retourna à
l'Autel , précedé defes Officiers , comme
DE SEPTEMBRE. 199
en venant. Alors , Madame d'Auvergne
premiere Affiftante , & Madame Perrault
qui étoit la feconde , baiferent la main de
Madame l'Abbeffe qui les embraffa comme
toutes les fuivantes , qui furent 1c.
Madame de Grancey , Abbeffe du Parc
aux Dames , & Madame de Montpipeau
Abbeffe de Montmartre ; enfuite Madame
de Rouffi de Roye , Abbeffe de Saint
Pierre de Rheims , & Madame de Roucille
Abbeffe de Nôtre- Dame des Prez ,
Madame de Moucy , Abbeffe de Mondenis
, & Madame de Meneftrel , Abbeffe de
Saint Corentin . Suivit Madame de Brion ,
Coadjutrice de Saintes avec la Prieure de
l'Abbaye de Chelles : Toutes les Religieufes
, tant de la Maifon que les étrangeres ,
vinrent deux à deux faire le même falut à
Madame l'Abbeffe ; elles furent fuivies des
Penfionnaires & des Soeurs Converſes. Le
Te Deum finit avec la Ceremonie . Les
Princes & Princeffes fe retirerent dans le
grand Appartement , & Son Eminence dans
le fien. Les Abbeffes & les Religieufes
conduifirent Madame d'Orleans chez elle .
Jamais Ceremonie ne s'eft faite avec plus
d'ordre , jamais auffi Princeffe n'a - t'elle
plus édifié, ni plus touché le coeur des Affiftans
, que Madame l'Abbeffe . Elle a fait
toutes fes fonctions avec une pieté , une
grace , une majefté , & un recueillement
qui ont charmé toute l'Affemblée , à la-
Riiij
200 LE MERCURE
quelle , outre Son Eminence , fe trouve
rent M. de Matignon , ancien Evêque dè
Condom ,& M. l'Abbé de Caftries , nommé
à l'Archevêché de Tours , qui étoient
dans le Sanctuaire. M. de Treffan , Evêque
'de Nantes , étoit fur l'Eftrade , à côté de
S. A. R. en qualité de fon premier Aumônier.
Tous les Seigneurs & Dames de la
Cour de Madame & de Monfeigneur le
Regent , ont efté prefents à cette augufte
Ceremonie. Le Repas fut des plus fuperbes
, par l'abondance , la délicateffe , la
propreté , & le grand ordre avec lequel
tous les mets furent fervis fur chaque Table
differente. Celles , tant du dehors que
du dedans , comprenoient plus de 600.
couverts. Madame mangea avec S. A. R' .
M. le Duc de Chartres , Mademoiſelle , &
Mademoiſelle de Soiffons. Madáme d'Orleans
, par politeffe pour les Etrangeres ,
fe mit à la Table des Abbeffes & Religieufes
du dehors , qui toutes avec quelques
Religieufes de la Maifon , compofoient une
Table de 40. couverts . Madame d'Orleans
a fait des Prefens magnifiques aux Abbeſſes
qui font venues à la Ceremonie de fa Benediction.
A celles dont les Maiſons font
pauvres , la Princeffe à donné de l'argent :
Aux autres
des Bagues & des Bijoux de
prix.
On augmente de 6000. livres le Gou
vernement d'Aunis en faveur de M. le MaDE
SEPTEMBRE. 20%
réchal de Matignon , & ces 6000. livres -
pafferont aprés la mort à M. le Chevalier
de Matignon fon fils Cadet.
Le 17. M. le Duc de Chartres prêta ferment
entre les mains du Roy , en preſence
de Mgr le Duc d'Orl . pour le Gouvern
de Dauphiné.
Madame la Ducheffe du Maine a
quitté la maiſon de campagne de l'Ab . de
Citeaux , pour aller dans le Château de
Chanlay ou cette Princeffe fera beaucoup
plus commodement .
Le Prieuré de Monoyes D. d'Angers
O de Grammont , vacque par la mort de
M. l'Abbé Chartan. L'Abbé de Grammont
, aprés fon Election , a droit de
nommer aux quatre premiers Prieurés va
cans.
M. d'Entredeuxmons , Prêtre , ci-dea
vant Maître des Comptes à Dijon , a été
poftulé pour être General du Val des
Choux , O. de C. D. de Langres.
•
M. de Berulle , Maître des Requeftes,
fils du premier Prefident du Parlement
de Grenoble , a été reçû en furvivance
pour exercer la charge de M. de Berulle
fon pere aprés fa mort.
M. le Duc d'Eftrées a vendu 320. mil
190 MERCURE LE
moiſelle de Valois , à M. le Duc , à Mademoiſelle
de Charolois , à M. le Comte de´
Clermont , à Mlle de Clermont , au Parlement,
à la Chambre des Comptes , à la Cour
des Aydes , à la Cour des Monnoyes , à
l'Univerfité & à la Ville . Enſuite le Roy
d'Armes alla fe placer au coin de l'Epître...
M. des Granges , Maître des Ceremonies ,
alla prendre M. le Duc de Chartres , qui
conduifit à l'Offrande Mademoiſelle de
Valois , dont la queue de la Mante étoit
portée par M. le Marquis de Conflans &
par M. le Marquis de Sabran , en faisant
les reverences ordinaires . Un autre Maître
des Ceremonies alla prendre M. le Duc qui
donna la main à Mademoiſelle de Charolois
, dont la queue de la Mante étoit por
tée par M. le Marquis de Laigle , & par
M. le Chevalier de Fimmarcon. M. le
Comte de Clermont donna la main à Mademoiſelle
de Clermont , dont la queuë de
la Mante étoit portée par M. le Marquis
de Jars , & par M. le Comte de Pons . La
Meffe finie , la Mufique du Roy chanta
un De profundis . M. l'Archevêque de
Toulouze , Mrs les Evêques de Sées , d'Alais
, de Lavaur & de Xaintes , firent chacun
à leur tour les abfoutes & encenfemensau
tour du Catafalque. Dés le même jour
la Maifon de feuë Madame la Ducheffe de
Berri , qui étoit compofée de plus de 800
Officiers , fut caffée.
DE SEPTEMBRE. 191
Le 3. les
Bateliers
vêtus
d'habits
uniformes
, allerent
au
nombre
de
plus
de
cinquante
, au
Palais
des
Tuilleries
d'où
le Roy
les vit
défiler
. L'aprés
midi
, ils joûterent
& tirerent
l'Oye
en prefence
de
Sa
Majefté
, qui
prit
beaucoup
de
plaifir
à
cette
petite
fête
.
Outre le Marquifat de Senonches qui revient
à Madaine la Princeffe de Conti feconde
Douairiere , par l'accommodement
fait entre la Maifon & celle de Condé ,
elle a encore eu 100. mil livres comptant ,
& une augmentation de ze. mille écus de
Penfion , & non 200. mille livres comme
en l'avoit fauffement avancé. M. le Duc a
rendu vifite à cette Princeffe , pour lui
témoigner la fatisfaction qu'il avoit de la
conclufion de cet accommodement .
Le 6. le Roy quitta le deuil de feue
Madame la Ducheffe de Berri ; fa Maiſon
continuera cependant à le porter encore fix
femaines.
Le grand Procés , qui duroit depuis
103. ans entre M. le Duc de Luxembourg,
& M. le Marquis de Beon , fut jugé le 6.
au Parlement à l'avantage du premier ; M.
de Beon ayant été débouté de toutes fes
demandes , prétentions , &c. & condanné
aux frais. Cet Arreft notable affûre à
perpetuité à M. le Duc de Luxembourg
& à fes Defcendans , les belles Terres de
Ligny, & de Piney,fituées dans le Duché
de Bar
192. LE MERCURE
M. le Duc de Nevers & M. le Marquis
de Mancini fon frere , ont vendu au Roy
moyennant la fomme de 300 mille livres ,
le Palais Mancini qui eft à Rome , & qu'on
appellera dorefnavantle Palais de France::
Il eft deftiné pour loger nos Ambaffadeurs.
On eft en marche pour acheter celui
de Chigi , & fi on le conclut , on n'en fera ·
qu'un des deux.
M. Lavy êtant allé dîner avec toute fa
famille à l'Hôpital general , remit entre les
mains de Madame Pataclin Superieure de
cette Maiſon , une cedule , par laquelle il
donnoit so. mille livres à cet Hôpital . 11 *
avança la premiere année.
.deBeauveau , qui a époufé Mademoiſelle
de Fefnes , a eu la Lieutenance
des Gardes de M: le Duc de Chartres.
Depuis que M. Fagon n'eft plus chargé
de la Direction des Fermes , il occupe pour
M. de la Houffaye dans toutes les affaires
qui rouloient fur ce dernier.
M. de Ricoüart d'Erouville , Maître
d'Hôtel du Roy , & M. fon fils , Brigadier
des Armées de Sa Majefté , reçû en
furvivance de Maître d'Hôtel , ont vendu
à M. Ourfin de Poligny , fils de M. Ourfin
Receveur General des Finances , cette
Charge qui étoit depuis plus de cent ans
dans leur Famille .
M. de Maffol de Colonges , Gentilhomme
Ordinaire du Roy , a vendu fa
Charge
DE SEPTEMBRE. 193
Charge à M. de la Baune , fils de M. de
la Baune Maître des Comptes , & ci-devant
Secretaire de l'Ambaffade de Portugal
prés M. l'Abbé de Mornay.
M. l'Abbé de la Croix , Chapelain da
Roy , Abbé de Saint Julien de Tours ,
Obeancier & Chef du Chapitre de l'Eglife
Collegialle de Saint Juft de Lyon , &
Grand Vicaire de M. l'Archevêque de
cette Ville , a vendu fa Charge de Chapelain
du Roy , à M. l'Abbé Chatelain fils
de feu M. Chatelain , Ecuyer-bouche du
Roy , frere du Controlleur de ce nom .
Le Roy d'Efpagne a fait prefent au Cardinal
Alberoni d'une Terre de 100,
mille écus de rentes.
Les fonds des Terres font portez fi
haut , que celles de 15. & 20. mille livres
de rentes, font venduës jufqu'à un million
& 1200. cent mille livres .
M. Bogue , Lieutenant des Cent- Suiffes
, qui a fervi long- tems avec diftinction
dans les Armées du Roy , a obtenu une
penfion de 1200. liv. il en avoit déja une.
de 800. livres.
?
M. le Comte de Vertus , a vendu fon
Enfeigne des Gendarmes du Roy à M. le
Marquis de Valbelles ; & quoique M. le
Comte de Vertus n'eût que 21. ans de fervice
, M. le Regent a bien voulu lui accorder
la difpenfe de 4. ans , pour avoir fon
rang de Veterand.
Septembre 1719.
1
194 LE MERCURE
Le 11. M. le Prince de Conti arriva en
fon Hôtel de l'Armée de Navarre..
On travaille à la Vie du P. Malbranche ,
à laquelle on joindra l'Analife de fes Ou
vrages in-quarto.
On donne à M. le Grand Prieur de
Vendofme , 9000. livres de penfion par
mois & fon logement au Temple , fa vie
durant , pour la ceffion qu'il a faite du
Grand Prieuré de France à M. le Chevalier
d'Orleans.
M. de Cereft , frere de M. le Marquis
de Brancas , a obtenu une penfion de 4000 .
livres de rentes.
>
.Le Roy a créé en faveur de M. le Marquis
de Lambert un Gouvernement à
Auxerre , qui lui rapportera 8000. livres
d'apointemens ; & les 4000. livres de perfion
qu'il avoit , ne fubfifteront plus par
cette nouvelle gratification .
M. de Pleneuf , beau- pere de M. le masquis
de Prié , eft de retour de Turin. Il
eft prefentement occupé à s'accommoder
avec fes Créanciers.
&
On incorpore le Regiment des Bombardiers
dans celui de Royal Artillerie ;
pour dédommager M. Deftouches qui
eft Lieutenant Colonel de ce Regiment ,
la Cour lui a accordé 1000, livres de
penfion.
La Benediction de Madame d'Orleans
'Abbeffe de Chelles , ayant été fixée au 14.
4
DE
SEPTEMBRE .
195
de ce mois , jour de l'Exaltation de Sainte
Croix , S. A. R. Monieigneur le Duc
d'Orleans , donna les ordres neceffaires
pour que tout le paffât avec une magnificence
qui ne laiffat rien à defirer .
La décoration de l'Eglife a été des plus
belles & des mieux entenduës. Tout ce
qu'on peut voir de plus riche & de plus
magnifique , en Tapifleries & en Tapis ,
s'y faifoit voir . Les murs de l'Eglife & les
chaifes du Choeur , étoient ornées de Tapifferies
; le pavé , depuis le bas du Choeur
jufqu'au Maître Autel , étoit couvert de
Tapis , & la grille , qui fépare du dehors ,
le Choeur des Dames de l'Eglife , étoit pareillement
ornée de Tapifferies . Au bas du
Choeur , on voyoit la Place de Madame
l'Abbeffe . C'étoit un Dais de velours violet
, des plus riches , relevé d'une broderie
d'or la plus belle , avec un grand Tapis &
un fauteuil , dont S. A. R avoit fait prefent
à la Princeffe fa fille . Au haut du
Choeur , étoit un Prie Dieu pour Madame
l'Abbeffe pendant l'Office . Auprés
des baluftres de marbre qui ferment le
Sanctuaire , étoit élevée du côté de l'Epître
une grande eftrade , couverte d'un
grand Tapis de velours rouge , pour les
Princes & les Princeffes qui devoient fe
trouver à Chelles; enfin dans le Sanctuaire ,
du même côté de l'Epître, étoit le Trône de
S. E. M. le Cardinal de Noailles qui de-
-
Rij
186 LE MERCURE
de l'Opera , a une Maifon de campagne
à Auteuil fur le bord de la Seine. Il y a
trois ans que le fieur Marcel , celebre
Danfeur de la même Academie , s'avifa de
donner le jour de la N. D. d'Aouſt à
cette Actrice un Bal dont elle fut la Reine,
& lui le Roi. Il s'y trouva beaucoup de
Mafques qui y vinrent en caroffes , & qui
s'en retournerent trés- contens . L'année :
fuivante , M. le Prince de Conti ordonna
au fieur Thevenard , premier Acteur
de l'Opera , de continuer le même Bal &
d'en être le Roi avec la même Demoiselle .
Il y eut une affluence prodigieufe de
Malques de toutes fortes de condi--
tions , un concert d'inftrumens de Mu-.
fique dans des bateaux fur la Riviere , &
un feu d'artifice , avec des lampions
fur tous les arbres de la Prairie : Cette
fête fut des plus galantes & dura jufqu'au
lendemain. Ce fut M. le Prince de Conti
qui fournit à toutes les dépenfes de ce fecond
Bal. La même fête s'eft renouvellée
cette année aux frais des fieurs Thevenard
& Marcel ; Mademeifelle Antier ayant
encore été la Reine avec ce dernier.
I
ncore un coup a
re Regne encor dans mon
X
a
livre à toi .
raison : Elle m'aban..-
X
achus rend les armes:
YORK
SARY
ASTOR
VENCK
AND TILDEN
PONDATIONS
1
DE
SEPTEMBRE 187.
CHANSON.
Premier Menuet.
A
Cheve ta victoire
ز
Verſe ton jus
Divin Bachus ;
d
Encore un coup à boire ,
Et je n'aimeplus.
Quoi ! l'amoureufe flamme
Regne encor dans mon ame!
Verfe , verfe , enyore moi ,
Bachus , je me livre à toi..
Second Menuet..
LE jús de la Tonne
Commence en vain à troubler ma raison :
Elle m'abandonne ;.
L'Amour tient toûjours bone
Afes charmes
Bachus rend les armes :
Non , cefatal vainqueur
Ne peutfortir de mon coeur. »
Qiji
188 LE MERCURE
20********* **00100000⠀⠀
JOURNAL DE PARIS.
LE premier de- Septembre , jour de
l'Anniverfaire du Roy Louis XIV..
Sa Majefté entendit dans la Chapelle des
Tuilleries , la Melle de Réquiem chantée:
par la Mufique ; & le 5 : on celebra dans .
Î'Eglife de l'Abbaye Royale de Saint De
nis , un Service pour le repos de fon Ame
où l'Evêque de Dol officia. Le Comte de
Toulouze , plufieurs Prelats , Seigneurs:
& Dames de la Cour , s'y trouverent , de:
même que la plupart des Officiers du feus
Roy.
Le 2. on fit à Saint Denis un Servicefolennel
pour feuë Madame la Ducheffe de
Berri : Tous les Officiers de fa Maiſon
ainfi que les Dames du Palais , s'y rendirent
la veille , pour affifter aux Vêpres
qui furent chantées par la Mufique du
Roy , & où officia M. l'Archevêque de
Toulouze , affifté de Mrs les Evêques de
Sées & d'Alais. Le lendemain , le même
Archevêque celebra la Grande Meffe avec
les ceremonies ordinaires . On avoit dreflé
au milieu du Choeur un fuperbe Catafalque,
qui étoit couvert d'un drap noir , parfemé
d'hermines & de fleurs de Lys d'or. On
voïoit de diftance en diftance les Armes &
DE SEPTEMBRE 189
les Chifres de la Princeffe,avec un Luminaire
des plus nombreux & des mieux ordonnés.
Le pavé du Chour, toute l'Eglife
& le devant de la porte , étoient tendus de
noir , & chargés d'Ecuffons aux Armes
de Berri & d'Orleans .. Aux quatre coins
du Catafalque étoient affis quatre Heraults
d'armes avec leurs Kabits deceremonie , &
leurs bâtons fleurdelifés , le Roy d'armes
êtant à la têtes, vêtu de même. Au- deffus
du Catafalque étoient placés Mrs les Ab
bez de Rouget , d'Avejan &.du Tremblai,
Aumôniers de la Princeffe , tous en Rochet.
Au tour , étoient Madame la Du--
cheffe de Saint Simon , Dame d'Honneur,
Madame la Marquife de Pons , Dame d'Atours
, Mefdames les Marquifes d'Armentiers
, de Braffac , de Laval & d'Arpajon
, Dames du Palais . M. le Marquis de
Coëtenfao Chevalier d'Honneur , M. le
Chevalier de Hautefort premier Ecuyer
M. le Comte d'Uzés Capitaine des Gardes,
& M. le Comté de Saumery premier Maî
tre d'Hôtel , y étoient tous en manteau
long , ainfi que les autres Officiers . A l'Offrande
, le Roy d'Armes , avant que d'approcher
de l'Autel , fit une profonde reverence
; il en fit une enfuite au Mauſolée
du feu Roy, & une autre au Clergé qui
étoit compofé de plus de trente Evêques.
En revenant , il en fit une au Catafalque ,
une à M. le Duc de Chartres , à Made-
>
190 LE MERCURE
moiſelle de Valois , à M. le Duc , à Mademoifelle
de Charolois , à M. le Comte de
Clermont , à Mlle de Clermont , au Parlement,
à la Chambre des Comptes , à la Cour
des Aydes , à la Cour des Monnoyes , à
l'Univerfité & à la Ville . Enſuite le Roy
d'Armes alla fe placer au coin de l'Epître.
M. des Granges , Maître des Ceremonies,
alla prendre M. le Duc de Chartres , qui
conduifit à l'Offrande Mademoiſelle de
Valois , dont la queuë de la Mante étoit
portée par M. le Marquis de Conflans &
par M. le Marquis de Sabran , en faifant
les reverences ordinaires . Un autre Maître
des Ceremonies alla prendre M. le Duc qui
donna la main à Mademoiſelle de Charolois
, dont la queuë de la Mante étoit por
tée par M. le Marquis de Laigle , & par
M. le Chevalier de Fimmarcon. M. le
Comte de Clermont donna la main à Mademoiſelle
de Clermont , dont la queuë de
la Mante étoit portée par M. le Marquis
de Jars , & par M. le Comte de Pons . La
Meffe finie , la Mufique du Roy chanta
un De profundis . M. l'Archevêque de
Toulouze , Mrs les Evêques de Sées , d'Alais
, de Lavaur & de Xaintes , firent chacun
à leur tour les abfoutes & encenfemens
au tour du Catafalque. Dés le même jour
la Maifon de feue Madame la Ducheffe de
Berri , qui étoit compofée de plus de 800.
Officiers , fut caffée.
:
DE SEPTEMBRE. 191
"
Le 3* les
Bateliers
vêtus
d'habits
uniformes
, allerent
au
nombre
de
plus
de
cinquante
, au
Palais
des
Tuilleries
d'où
le Roy
les
vit
défiler
. L'aprés
midi
, ils
joûterent
&
tirerent
l'Oye
en
prefence
de
Sa
Majefté
, qui
prit
beaucoup
de
plaifir
à
cette
petite
fête
..
Outre le Marquifat de Senonches qui revient
à Madame la Princeffe de Conti feconde
Douairiere , par l'accommodement
fait entre la Maifon & celle de Condé
elle a encore eu 100. mil livres comptant ,
& une augmentation de ze . mille écus de
Penfion , & non 200. mille livres comme
on l'avoit fauffement avancé. M. le Duc a
rendu vifite à cette Princeffe , pour lui
témoigner la fatisfaction qu'il avoit de la
conclufion de cet accommodement.
Le 6. le Roy quitta le deuil de feuë
Madame la Ducheffe de Berri ; fa Maiſon
continuera cependant à le porter encore fix
femaines.
M.
Le grand Procés , qui duroit depuis
103. ans entre M. le Duc de Luxembourg,
& M. le Marquis de Beon , fut jugé le 6.
au Parlement à l'avantage du premier ;
de Beon ayant été débouté de toutes fes
demandes , prétentions , &c. & condanné
aux frais. Cet -Arreft notable affûre à
perpetuité à M. le Duc de Luxembourg
& à fes Defcendans , les belles Terres de
Ligny, & de Piney, fituées dans le Duché
de Bar
192 LE MER CURE
M. le Duc de Nevers & M. le Marquis
de Mancini fon frere , ont vendu au Roy
moyennant la fomme de 300 mille livres ,
le Palais Mancini qui eft à Rome , & qu'on
appellera dorefnavant le Palais de France :
Il eft deftiné pour loger nos Ambaffadeurs.
On eft en marché pour acheter celui
-de Chigi , & fi on le conclut , on n'en fera
qu'un des deux.
M. Lavy êtant allé dîner avec toute fa :
famille à l'Hôpital general , remit entre les
mains de Madame Patacin Superieure de
cette Maiſon , une cedule , par laquelle il
donnoit fo. mille livres à cet Hôpital . II
avança la premiere année.
.de Beauveru , qui a époufé Mademoiſelle
de Fefnes , a eu la Lieutenance
des Gardes de M. le Duc de Chartres.
Depuis que M. Fagon n'eft plus chargé
de la Direction des Fermes , il occupe pour
M. de la Houffaye dans toutes les affaires
qui rouloient fur ce dernier.
M. de Ricoüart d'Erouville , Maître
d'Hôtel du Roy , & M. fon fils , Brigadier
des Armées de Sa Majefté , reçû en
furvivance de Maître d'Hôtel , ont vendu
à M. Ourfin de Poligny , fils de M. Ourfin
Receveur General des Finances , cette
Charge qui étoit depuis plus de cent ans
dans leur Famille .
M. de Maffol de Colonges , Gentilhomme
Ordinaire du Roy , a vendu fa
Charge
4
DE SEPTEMBRE. 193
Charge à M. de la Baune , fils de M. de
la Baune Maître des Comptes , & ci-devant
Secretaire de l'Ambaffade de Portugal
prés M. l'Abbé de Mornay.
M. l'Abbé de la Croix , Chapelain da
Roy , Abbé de Saint Julien de Tours.
Obeancier & Chef du Chapitre de l'Eglife
Collegialle de Saint Juft de Lyon , &
Grand Vicaire de M. l'Archevêque de
cette Ville , a vendu fa Charge de Chape→
lain du Roy , à M. l'Abbé Chatelain fils
de feu M. Chatelain , Ecuyer -bouche du
Roy , frere du Controlleur de ce nom .
Le Roy d'Espagne a fait prefent au Cardinal
Alberoni d'une Terre de 100 ,
mille écus de rentes.
Les fonds des Terres font portez fi
haut , que celles de 15. & 20. mille livres
de rentes, font venduës jufqu'à un million
& 1200. cent mille livres.
M. Bogue , Lieutenant des Cent- Suiffes
, qui a fervi long-tems avec diſtinction
dans les Armées du Roy , a obtenu une
penfion de 1200. liv. il en avoit déja une.
de 800. livres.
M. le Comte de Vertus , a vendu fon
Enfeigne des Gendarmes du Roy à M. le
Marquis de Valbelles ; & quoique M. le
Comte de Vertus n'eût que 21. ans de fervice
, M. le Regent a bien voulu lui accorder
la difpenfe de 4. ans, pour avoir fon
rang de Veterand.
Septembre 1719.
R
194
LE MERCURE
Le 11. M. le Prince de Conti arriva en
fon Hôtel de l'Armée de Navarre ..
On travaille à la Vie du P. Malbranche,
à laquelle on joindra l'Analife de fes Ou
vrages in- quarto.
On donne à M. le Grand Prieur de
Vendofme , 9000. livres de penſion par
mois & fon logement au Temple , fa vie
durant , pour la ceffion qu'il a faite dụ
Grand Prieuré de France à M. le Chevalier
d'Orleans.
M. de Cereft , frere de M. le Marquis
de Brancas , a obtenu une penſion de 4000.
livres de rentes.
.Le Roy acréé en faveur de M. le Marquis
de Lambert , un Gouvernement à
Auxerre , qui lui rapportera 8000. livres
d'apointemens ; & les 4000. livres de perfion
qu'il avoit , ne fubfifteront plus par
cette nouvelle gratification .
M. de Pleneuf , beau-pere de M. le Marquis
de Prié , eft de retour de Turin . Il
eft prefentement occupé à s'accommoder
avec fes Créanciers.
On incorpore le Regiment des Bombardiers
dans celui de Royal Artillerie ;
& pour dédommager M. Deftouches qui
eft Lieutenant Colonel de ce Regiment,
la Cour lui a accordé 1 : 000 , livres de
penfion.
La Benediction de Madame d'Orleans
'Abbeffe de Chelles , ayant été fixée au 14.
2,
DE SEPTEMBRE.
195
de ce mois , jour de l'Exaltation de Sainte
Croix , S. A. R. Monleigneur le Duc
d'Orleans , donna les ordres neceffaires
pour que tout le paffât avec une magnificence
qui ne laiffât rien à defirer.
La décoration de l'Eglife a été des plus
belles & des mieux entendues . Tout ce
qu'on peut voir de plus riche & de plus
magnifique , en Tapifferies & en Tapis
s'y faifoit voir . Les murs de l'Eglife & les
chaifes du Choeur , étoient ornées de Tapifferies
; le pavé , depuis le bas du Choeur
jufqu'au Maître Autel , étoit couvert de
Tapis , & la grille , qui fépare du dehors ,
le Choeur des Dames de l'Eglife , étoit pareillement
ornée de Tapifferies . Au bas du
Choeur , on voyoit la Place de Madame
l'Abbeffe . C'étoit un Dais de velours vio-
·
let , des plus riches , relevé d'une broderie
d'or la plus belle , avec un grand Tapis &
un fauteuil , dont S. A. R avoit fait prefent
à la Princeffe fa fille. Au haut du
Choeur , étoit un Prie Dieu pour Ma
dame l'Abbeffe pendant l'Office . Auprés
des baluftres de marbre qui ferment le
Sanctuaire , étoit élevée du côté de l'Epître
une grande eftrade , couverte d'un
grand Tapis de velours rouge , pour les
Princes & les Princeffes qui devoient fe
trouver à Chelles ; enfin dans le Sanctuaire,
du même côté de l'Epître, étoit le Trône de
S. E. M. le Cardinal de Noailles qui de-
Rij
196 LE MERCURE
voit faire la Ceremonie.
Les chofes ainfi difpofées , les Gardes du
Corps de S. A. R. la Compagnie des
Cent- Suiffes , avec une autre Compagnie
des Gardes- Suiffes , tous commandez par
leurs Officiers , êtant chacun dans leurs
poftes , pour garder les dedans & les dehors
, tant de l'Eglife que de l'Abbaye
Madame , Monfeigneur le Duc d'Orleans,
M. le Duc de Chartres , & Mademoiſelle,
arriverent. La Ceremonie commença fur
les dix heures & demie. Le Clergé en Surplis
, & les Benedictins de la Congregation
de Saint Maur, qui devoient fervir à l'Autel
, êtant revêtus de leurs Aubes , allerent
prendre S. E. à fon Apartement ,
tandis que les premiers Officiers de Madame
& de S, A. R. conduifoient les Princes
& Princeffes à l'Eftrade qu'on leur
avoit préparé ; Madame à fon Prie Dieu
& à fon Fauteuil ; M. le Regent , M. le
Duc de Chartre , Mademoiselle , & Mademoiſelle
de Soiffons , fur leurs plians ,
Les Religieufes de l'Abbaye , les Abbeffes
& les Religieufes étrangeres , précederent
deux à deux Madame d'Orleans pour fon
entrée au Cheur. La Princeffe êtant pla
cée fur fon Prie Dieu , S. E. commença la
la Meffe , pendant laquelle la Mufique du
Roy chanta un Motet qui dura jufqu'à l'Épître.
Alors , Dom Silveftre de la Broue,
Grand- Maître des Ceremonies de l'AbDE
SEPTEMBRE. 197
·
!
baye de Saint Denis , fut inviter Madame
de venir à l'Autel : Elle y vint , fuiv'e'
de fes deux Chapelines , Madame de Fretreville
, & Madame de Marans , ainfi que
de fa Porte-Croffe , Madame de Labat.
La Princeffe avoit à fa droite pour premie
re Affiftante , Madame d'Auvergne , Abbeffe
de Saint Remy de Villerscotteret ,
fuivie de fes deux Chapelines , Mefdames
de la Foffe & de Lagonné ; & pour feconde
Affiftante , Madame Perault , Abbeffe
du Val de Grace , fuivie pareillement
de fes deux Chapelines , Mefdames de
Breauté & d'Artagnani ... Toutes
arrivées à l'Autel, aprés les faluts marqués,
chacune placée dans l'ordre qui lui étoit
preferit , Madame d'Orleans fit le Serment
accoutumé en pareille Ceremonie ,
aprés lequel elle fe profterna du côté de l'Evangile
pendant que l'on chantoit les Litanies.
Cela fait , S. E. ayant recité les
Oraifons fur lá Princeffe , les deux Dames
Affiftantes la releverent ; après quoi , s'êtant
remiſe à genoux au milieu de l'Autel ,
M. le Cardinal affis dans fon Fauteuil ,
mit entre les mains de Madame d'Orleans
la Regle de Saint Benoît , & lui donna le
Voile , puis la Croffe , enfin l' Anneau. Le
tout fut prefenté à S. E. par les Chape
lains de la Princeffe dans des plats - baffins
de vermeil. Auffitôt , toutes les Dames
précedées par le Maître des Ceremonies
Riij
198 LE MERCURE
s'en retournerent au Prie- Dieu de Mada
me d'Orleans , dans le même ordre qu'elles
étoient venuës , faifant chacune , en paffant,
une profonde inclination à Madame.
A l'Offrande , Madame d'Orleans retourna
à l'Autel avec les mêmes ceremonies
& offrit à Son Eminence deux cierges
deux pains & deux barils , qui lui furent
prefentés par fix Religieux revêtus en Aubes
& Tuniques. La Princeffe revenuë à
fon Prie- Dieu avec toute fa fuite , y refta
genoux jufqu'aux Agnus de la Meffe .
Alors , le Maître des Ceremonies vint
pour la conduire à la Communion. La Princeffe
ne fut précédée que de fes deux Chapelines
pour tenir la nape. Madame l'Abbeffe
ayant communié avec une pieté , &
un recueillement , qui tirerent les larmes
des Affiftans , elle revint avec la même modeftie
qu'elle étoit allée ; & arrivée à ſon
Prie- Dieu , elle y demeura profternée jufqu'à
la fin de la Meffe , pendant laquelle
ily ût une grande & belle Mufique.
La Meffe finie , Son Eminence précedée
de fon Clergé , & de douze Officiers Religieux
en Tuniques , vint prendre Madame
d'Orleans à fon Prie- Dieu , la conduifit
à fon Siege Abbatial , l'y intrônifa , &
entonna le Te Deum qui fut chanté par la
Mufique. La Princeffe s'êtant affife dans
fon Fauteuil , M. le Cardinal retourna à
l'Autel , précedé de fes Officiers , comme
DE SEPTEMBRE.
en venant. Alors , Madame d'Auvergne
premiere Affiftante , & Madanie Perrault
qui étoit la feconde , baiferent la main de
Madame l'Abbeffe qui les embraffa comme
toutes les fuivantes , qui furent 1c .
Madame de Grancey , Abbeffe du Parc
aux Dames , & Madame de Montpipeau
Abbeffe de Montmartre ; enfuite Madame
de Rouffi de Roye , Abbeffe de Saint
Pierre de Rheims , & Madame de Roucille
Abbeffe de Nôtre- Dame des Prez ,
Madame de Moucy , Abbeffe de Mondenis
, & Madame de Meneftrel , Abbeffe de
Saint Corentin. Suivit Madame de Brion ,
Coadjutrice de Saintes avec la Prieure de
l'Abbaye de Chelles : Toutes les Religieufes
, tant de la Maifon que les étrangeres ,
vinrent deux à deux faire le même falut à
Madame l'Abbeffe ; elles furent fuivies des
Penfionnaires & des Soeurs Converſes . Le
Te Deum finit avec la Ceremonie . Les
Princes & Princeffes fe retirerent dans le
grand Appartement , & Son Eminence dans
le fien. Les Abbeffes & les Religieufes
conduifirent Madame d'Orleans chez elle.
Jamais Ceremonie ne s'eft faite avec plus
d'ordre , jamais auffi Princeffe n'a- t'elle
plus édifié, ni plus touché le coeur des Aſfiftans
, que Madame l'Abbeffe . Elle a fait
toutes les fonctions avec une pieté , une
grace , une majefté , & un recueillement
qui ont charmé toute l'Affemblée , à la-
Riiij
200 LE MERCURE
quelle , outre Son Eminence , fe trouve
rent M. de Matignon , ancien Evêque de
Condom ,& M. l'Abbé de Caftries, nommé
à l'Archevêché de Tours , qui étoient
dans le Sanctuaire. M. de Treffan , Evêque
de Nantes , étoit fur l'Eftrade , à côté de
S. A. R. en qualité de fon premier Aumônier.
Tous les Seigneurs & Dames de la
Cour de Madame & de Monfeigneur le
Regent , ont efté prefents à cette augufte
Ceremonie. Le Repas fut des plus fuperbes
, par l'abondance , la délicateffe , la
propreté , & le grand ordre avec lequel
tous les mets furent fervis fur chaque Table
differente . Celles , tant du dehors que
du dedans , comprenoient plus de 600.
couverts. Madame mangea avec S., A. R.
M. le Duc de Chartres , Mademoiſelle , &
Mademoiſelle de Soiffons. Madame d'Orleans
, par politeffe pour les Etrangeres ,
fe mit à la Table des Abbeffes & Religieufes
du dehors , qui toutes avec quelques
Religieufes de la Maifon , compofoient une
Table de 40. couverts . Madame d'Orleans
a fait des Prefens magnifiques aux Abbeffes
qui font venues à la Ceremonie de fa Benediction.
A celles dont les Maiſons font
pauvres , la Princeffe a donné de l'argent :
Aux autres , des Bagues & des Bijoux de
prix.
On augmente de 6000. livres le Gou
vernement d'Aunis en faveur de M. le Ma
DE SEPTEMBRE. 201
rêchal de Matignon , & ces 6000. livres
pafferont aprés la mort à M. le Chevalier
de Matignon fon fils Cadet.
L'e 17. M. le Duc de Chartres prêta ferment
entre les mains du Roy , en prefence
de Mgr le Duc d'Orl. pour le Gouvern
de Dauphiné.
Madame la Ducheffe du Maine a
quitté la maiſon de campagne de l'Ab . de
Citeaux , pour aller dans le Château de
Chanlay ou cette Princeffe fera beaucoup
plus commodement.
Le Prieuré de Monoyes D. d'Angers
O de Grammont , vacque par la mort de
M. l'Abbé Chartan . L'Abbé de Grammont
aprés fon Election , a droit de
nommer aux quatre premiers Prieurés va
cans .
M. d'Entredeuxmons , Prêtre , ci-dea
vant Maître des Comptes à Dijon , a été
poftulé pour être General du Val des
Choux , O. de C. D. de Langres.
M. de Berulle , Maître des Requeftes,
fils du premier Prefident du Parlement
de Grenoble , a été reçû en furvivance
pour exercer la charge de M. de Berulle
fon pere aprés fa mort .
M. le Duc d'Eftrées a vendu 320. mil
202 LE MERCURE
livres fon Gouvernement de l'Ile de France
à M. le Comte d'Evreux . Le Marché
en fut fignéle 21. de ce mois . Le Roy donne
fur ce Gouvern . un brevet de retenuë de
200. mil liv. à M. le Comte d'Evreux
qui de fon côté fera tenu de faire une penfion
de 3000. liv. à M. Alexandre , premier
Commis dans l'un des Bureaux de la
guerre. Le Gouvernement de l'Ile de
France raporte 22. mil livres de revenu .
M. le Comte d'Evreux , outre la nouvelle
acquifition du Gouvernement de l'Ifle de
France , a encore acheté 700 mil livres le
Marquifat d'Eft.
On fe propofe de faire difparoître tous
les pauvres qui font en France. Pour cet
effet on fera arrêter ceux qui feront propres
à travailler aux Manufactures ; les ef
tropiés n'en feront pas même exempts ; &
ceux qui font hors d'état de rendre aucun
fervice,feront enfermés dans les Hôpitaux.
On a delivré des brevets à plufieurs Of
ficiers pour lever des Regimens de Dragons
; & l'on parle de reimettre les Batail-"
lons fur le pied de 800. hommes , au lieu
de
500 .
,
Comme le Mififfipi n'avoit aucun Port
dont l'entrée fût facile, & qu'il étoit cependant
trés important d'en avoir un qui fût
fûr & bon ; M. le Maréchal d'Eftrées vint
annoncer le 24. à M. le Regent , que l'Armement
que la Compagnie des Indes avoit
DE SEPTEMBRE. zo
fait pour attaquer celui de Panfa- Cola
dont les Espagnols font les Maîtres
avoit été fi bien conduit , que l'on avoit
forcé la Garniſon Eſpagnole qui étoit dans
ce fameux Port , à fe rendre. Le Port appartient
de droit à la France ; M. de la
Salle qui a decouvert en 1684. l'embou
chure des Fleuves de Mififfipi , en ayant
pris poffeffion au nom du Roy.
Il fe forme tous les jours à Paris des Societés
,qui obtiennent de M. Law des conceffions
de terre au Mififfipi . Les Grands
Seigneurs , comme les riches particuliers ,
engagent journellement des Ouvriers de
differens Mêtiers , pour les faire paffer
dans ce Pays , où ils defricheront les Ter
res qui leur ont été accordées. La conceffion
eft ordinairement de quatre lieuës enquarré.
La Compagnie des Indes , pour
encourager cet établiffement , tranſporte
gratis tous les Colones , Negres & Uſtenciles
neceffaires pour l'execution de ce
deffein
Le mardi 26. Septembre M. Cornelio.
Bentivoglio , Nonce ordinaire du Pape
eut audience de congé du Roi. Il fut conduit
au Palais des Tuilleries avec fa fuite
dans les caroffes de S. M. qui étoient allé
le prendre à fon Hôtel. Il étoit accompa
gné de M. le Prince de Guife-Harcourt de
la Maifon de Lorraine , & de M. de Saintot
Introducteur des Ambaffadeurs. Il
204 LE MERCURE
trouva en haye à la Place du Caroufel , les
Compagnies desGardes Françoifes & Suiffes,
tambours appellans , Enfeignes déployees
& leurs Officiers à leur tête. En dedans
de la grande Cour , les Gardes de la Porte
en haye & fous les armes , leur Lieutenant
à leur tête. Sur l'efcalier les Cent- Suiffes ,
la hallebarde à la main , ainfi que dans leur
Salle , leurs Officiers auffi à leur tête , &
Gardes-du - Corps auffi fous leurs armes
en haye dans leur Salle. M. de Bentivoglio
fit fa harangue au Roi en Italien , &
S. M. lui répondit en peu de mots . Aprés
les ceremonies ordinaires , il s'en retourna
à fon Hôtel dans les mêmes caroffes & dans
le même ordre qu'il étoit venu .
les
La Cour de Madrid a pris le deüil de
Madame la Ducheffe de Berri , par ordre
de S. M. Catholique ; & l'on a fçu à
l'arrivée de EM, Cà Madrid , que la
Reine étoit groffe de 3. mois.
Le 18. le Roi s'eft rendu für les trois
heures du foir en calêche dans la Plaine
des Sablons , où il a fait la revûë des Gardes-
du-Corps , des deux Compagnies des
Moufquetaires gris & noirs , & des Grenadiers
à cheval , dont il a paru trés-content.
M. le Regent avoit precedé S. M : deux
beures auparavant pour donner fes ordres.
S. A. R. a accompagné à cheval S. M.
pendant toute la revûë.
M. le Comte de Salviatico eft arrivé ici
DE SEPTEMBRE. 205
en qualité d'Envoyé de Modene . On ne
fçait pas encore quand M. le Marquis de
Scotti , qui par ordre de la Cour de Madrid,
eft venu en celle de France pour quel-
' que negociation , s'en retournera en Efpagne.
M. de la Motte a été nommé par ·la
Cour pour Colonel d'un Regiment nouveau
d'Infanterie qu'on forme à Toulon :
il fera compofé de deux Bataillons de deferteurs
; il s'en eft déja rendu plus de 600.
Ce Regiment eft deftiné pour le Miffiffipi,
on doit auffi y faire paffer so . Compagnies
de nouvelle levée .
MORT 8.
E Perele Tellier , de la Compagnie
de Jefus , & Confeffeur du feu Roi
Louis XIV . eft mort à la Fleche le 2. Sept ..
Meffire N. Martel , Chevalier de S.
Jean de Jerufalem , & Commandeur
de Saint Jean en l'Ifle , lés - Corbeil ,
eft mort le .... On a donné fa Commanderie
au Bailli de Sémaifon ; mais ce der
nier êtant mort 15. jours aprés , M. le
Chevalier de Mareuil , Grand Prieur d'Aquitaine
, l'a obtenuë.
Meffire N. Froulé de Teffé , Commandeur
d'Ivry-le -Temple , du Vicariat de
Pontoife , eft mort le .... Sa Commanderie
a été donnée au Chevalier de Ponfe
Motte de Graville.
206 LE MERCURE
M. de Cromstrom , Envoyé Extraordinaire
de Suede , mourut ici le 10. de ce
mois.
Le 13. M. de Marillac , Doyen des
Confeillers d'Etat , mourut en cette Ville,
& M. Defmaretz de Vaubourg , plus ancien
Confeiller d'Etat de femeftre , eft
monté à la place vacante de Confeiller
d'Etat ordinaire. Par la mort de M. de
Marillac , M. le Pelletier de Souzy devient
Doyen des Confe : llers d'Etat .
Le 17. Dame Françoiſe Beraud , veuve
de Meffire Charle Colbert de Croiffy ,
Miniftre & Secretaire d'Etat , Commandeur
& Grand Treforier des Ordres du Roi ,
mourut en cette Ville aprés une longue
maladie.
Le même jour , Meffire André de Colbert
, Meftre de Camp de Cavalerie , &
Sous- Lieutenant des Chevaux - Legers de
Ja Garde , mourut en cette Ville. La Charge
de M de Colbert a été donnée au Marquis
de Pourpry Cornette de la Compagnie
des Chevaux Legers .
M. Robert , Chanoine de N. D. de
Paris , & frere de M. Robert Procureur
du Roi au Châtelet de la même Ville ,
mourut le 19 .
Meffire Philippe Egon , Marquis de
Courcillon de Dangeau , Brigadier des
Armées du Roi , Chevalier de l'Ordre
de S. Lazare , Colonel d'un Regiment
DE SEPTEMBRE. 207
de Cavalerie de fon nom , & Gouverneur
de Touraine , mourut le 21. Septembre
Le Reg. de M. le Marquis de Courcillon
a été conferé à M. de Gontaut.
Le Roi a donné à M. le Comte de Charollois
le Gouvernement de Touraine ,
vacant par la mort de M. le Marquis de
Courcillon , en ſurvivance de M. le Marquis
de Dangeau fon pere , qui le confervera
durant la vie.
M. le Nain , Doyen du Parlement , auffi
recommandable par fa probité , que par
fa capacité , mourut le 20. Septembre à
l'âge de 86. ans . Par la mort de M. le
Nain , M. le Chevalier devient Doyen de
la Grand'Chambre.
Meffire Jean- François- Michel le Tellier,
Marquis de Louvois , Meftre de Camp du
Regiment d'Anjou , Capitaine des Cent
Suiffes de la garde du Roy , mourut le 25.
Septembre au Château de Rambouillet.
Il avoit époufé le 11. Mars 1716. Anne-
Louïfe de Noailles , fille d'Anne - Julie
Duc de Noailles , Pair & Marêchal de
France , &c. & de Marie- Françoiſe de
Bournonville.
M. le Marquis de Courtanvaux , pere
de féu M. le Marquis de Louvois , qui
aprés s'être demis en fa faveur de la
charge de Capitaine des cent Suiffes , en
avoit obtenu la furvivance , en redevient
208 LE MERCURE
titulaire par fa mort , & la furvivance luf
en a été accordée pour M. le Marquis de
Montmirel , fils unique du defunt , âgé
de 15. mois au plus. La Marquife de Louvois
eft encore prête d'accoucher. M. Le
Marquis de Bethune , Neveu de la feue
Reine de Pologne , a obtenu le Regiment
d'Anjou , vacant par la mort de M. le
Marquis de Louvois.
M. le Marquis de Surville , Colonel -
Lieutenant du Regiment de Condé , Infanterie
, & Fils du Marquis de ce nom , eſt
mort le... Septembre à l'âge de 17. ans.
Son Regiment a été donné au Chevalier
de Surville fon frere.
M. le Comte du Trevoux , Colonel reformé
à la fuite du Regiment d Orleans
eft mort au Camp devant S. Sebaftien : 11
avoit une penfion de 2000. 1vres qui a été
continuée à fa veuve.
M. le Duc de Bifache , Pere de Madame
la Comteffe d'Egmont , mourut le ..
Septembre.
M. le Comte de Requem , Chanaine de
Strafbourg & de Cologne , cft mort à
Strafbourgle .. Septembre. Il étoit Abbé
de Barbeaux, D. de Sens , O. de Citeaux,
& de S. Evroult , Diocefe de Lifieux ,
Congregation de S. Maur. Il a fait M. le
le Cardinal de Rohan fon legataire univerfel.
Le Prince Louis- Charles - Guillaume
fecond
DE 1 205 SEPTEMBRE.
fecond fils du Roy de Pruffe , eft mort
le 31. Août,âgé de 2. ans 3. mois moins
3.jours.
************************
UN
DIVERSITE Z.
N Homme condamné pour vol do
meftique , à être pendu dans le Vil
lage de la Marche , du reffort de Bar - fur-
Aube , eft remis entre les mains de quatre
Archers , pour être conduit à Paris par appel
de fon jugement. Au Village de Guine
la- Putain , le condamné trouva le moyen
dé fe derober à la vigilance de fes gardiens,
qui , quelques recherches qu'ils fiffent , ne
purent découvrir le lieu de fa etraite . Les
Archers arrivez à Paris fans leur Prifonnier
, font écrouez à la requête de M. le
Procureur General qui les en rendoit ref
ponfables Le Criminel ne pouvant fe
rendre maître des remords dé fa confcience
, fe détermine , aux dépens de fa vie ,
à fe venir conftituer dans les Prifons de
Paris. Eftant à la Porte S. Antoine , if
demande le chemin de la Conciergerie ; if
fe prefente enfin au Guichetier pour être
écroüé . Le Guichetier lui refufe l'entrée ,
& le traitte d'infenfé , attend qu'il n'y
avoit point de jugement rendu contre lui .
Nôtre homme infifte , & lui déclare la na
ture de fon crime , & la maniere dont`if
210 LE MERCURE
s'eft tiré des mains de fes Archers . Sur cette
dépofition , & fur la preuve parlante de
fon evafion , on lui fait la grace de l'incar
cerer ; & les Archers lui ayant éte confrontez
, il avoue tout fon délit , & eft
reconnu pour l'homme qui leur avoit échapé.
On l'a interrogé plufieurs fois fans qu'il
ait paru qu'il y eû aucun dérangement dans.
fon efprit. On ne fçait pas encore ſi ſa
fentence fera cor firmée.
Le fait que je vais rapporter , a été mandé:
de Londres ; il eft de fraiche datte.
Un Milord Anglois ordonne à un de fes
Gens que l'on mette les chevaux à fon caroffe
. Le Laquais avertit le Cocher qu'il
trouve fur fon lit dans une fituation trésfouffrante
, & par confequent hors d'état
de monter fur fon ficge. Le Maître in--
formé de la maladie de fon Cocher , va
lui- même à l'écurie , & l'oblige à le conduire
, malgré la col que dont ce malheu
reux fe plaignoit. A deux rues de la maifon
, les douleurs redoublent , le Cocher
devient noir & tombe en pamoifon . Le
Milord defcend , & aidant lui-mème à
foutenir ce pauvre miferable , on le fait entrer
dans le caroffe. A peine fut- il affis que
l'on apperçut que fa culotte étoit toute
teinte de fang. On défait : qui trouve-
'on un enfant dont il venoit d'acoucher,
DE SEPTEMBRE. 218-
Jamais furprife plus grande ; on le rameine
chez le Milord . On le couche dans fon lit,
& par une metamorphofe étrange , d'homme
il devient femme. Aprés qu'il eut repris
fes fens , il conta fon avanture , & declara
qu'il avoit jufqu'à lors deguifé fon .
fexe ; parce qu'il failoit mieux fes petites
affaires fous l'Habit de garçon que fous
celui de fille . Que cependant il n'avoit jamais
eu de foibleffe pour aucun homme
que pour le beau Poftillon du Milord ,
lequel êtant jeune & bien- fait , avoit fait
faire naufrage à fa vertu. Auffi- tôt que le
pretendu Cocher a été fur pied , on les a
mariez ; & le Seigneur Anglois a fait les
frais de la nôce & les a garde chez lui ..
Voicy un Placet prefenté au Regent par
M. Dufrefny , qui quoique court , en vaut
bien un plus long.
Pour votre gloire , Monfeigneur , Il faut
laiffer Dufresny dans fon extrême pauvreté,
afin qu'il reste au moins un feul homme dans
une fituation qui faffe fouvenir , que tour
le Royaume étoit auffi pauvre que Dufresnys
avant que vous y enffiez mis la main.
Nous infererons en même tems , fur la
même matiere , une Piece en vers prefentée
à S. A. R.
Sij
208 LE MERCURE
.
J
AU REGENT.
Par M. le Grand.
›
En aurois mis ma main au feu
Que vous êtiez un maître Drille ;
Que d'icy vous feriez dans pen
Sortir Befoins & fa quadrille.
N'ofant plus nous chercher caftille
Ils font allez , je ne fcai où ;
Chagrin eft rentré dans fon tron ,
Plaifir eft hors de fa coquille
C'est à qui rira comme un fou.
On ne voit chez Gautier , Guarguille,
Que chere lie & volatillě ;
Toujours Bouteille fait glon glon ,
Maris & Femmes font joujou ;
Ensemble Amour les entortille
Violon jonë, & pied fautille:
C'eft Foire ici comme à BeZon ,
De jeux , de ris , d'humeur gentilles
Chacuny court car c'eft raison .
Qu'on mette ici tout par écuelle ;
L'argent fe remue à la pelle ,
Ny plus ny moins que chez Linden.
Ja l'on fait la nique au Perou :
Pour fes trefors nôtre Nacelle
Ne fendra plus l'onde cruelle ;
Sur Mer n'ira que pour le clou
Pour chercher l'Ambre & la Canelle
Ou pour de vous porter nouvelle ,
Apprendre jufqu'au Marabou ,
Qu'aprés vous faut tirer l'échelle, .
2
DE SEPTEMBRE. 21 ;
La Province de Quimquempoix eſt un
beau champ de bataille , fur lequel je pourrois
m'arrêter. Il s'y eft livré un affes grand
nombre d'actions , pour en faire le détail :
mais , comnie la matiere eft trop ample , je
laiffe aux Ecrivains qui s'amufent à faire
des in folio , de fe charger de cet employ.
Je paffe à un autre Theatre ; c'eft à celui
des François qui repreſenterent le 26. de
ce mois pour la premiere fois, une piece en
un Acte , qui a pour titre , Momus fabulifte.
Le fuccés de cette piece eft moins in◄
certain que le nom de l'Auteur. On regarde
comme un Phenomene auffi rare que
fingulier , qu'un Ecrivain ait pu refifter à
la tentation de reveler fon nom ( fur tout
lorfqu'on ne court aucun rifque à fe deceler)
aprés les applaudiffemens que le Public lut
a prodigué : On n'auroit jamais cru que
l'amour propre d'un Poëte eût pu tenir
contre. Cependant , on ignore encore fon
nom , & ce n'eft que par conjecture que
l'on fait tomber fes loupçons für tel & tel ..
Nous voudrions avoir le tems d'en donner
un extrait raisonné. Cette piece en merite
un affûrement ; auffi nous propofonsnous
de le faire , le mois prochain. En attendant
, nous nous contenterons d'en donner
un leger crayon . . . Le fujet eft fort
fimple ; il eft cependant plus ingenieufement
imaginé qu'il ne le paroît d'abord
C'eft Venus que Jupiter a deffein de ma
214 LE MERCURE
rier au plûtôt à quelque Dieu , garçon de
POlimpe. Mars , Apollon , Neptune ,
Vulcain , Plutus , Mercure , &c. font les
afpirans. Jupiter a rendu la Déeffe maitreffe
de fa main . Venus par un rafinement
de coquetterie , prefere Vulcain à
tous les autres par la raifon que fi elle devenoit
femme de Mars l'intrepide , ou d'Appollon
le blondin , ce choix pourroit éloigner
fes amans.
Pendant que tous les Dieux concurrens ,
s'empreffent à faire pancher la Déeffe de la
Beauté de leur côté , Momus à qui le
grand Jupiter avoit defféndu de medire
des habitans du Ciel fous peine d'en
te chaffe , s'avife de degorger 18. fables ,
fous l'enveloppe defquelles , fe trouve la
fatyre la plus maligne . Junon n'y eft pas
plus épargnée que les autres. Chaque Apo--
logue eft une critique d'autres Apologues
qui meriteroient certainement plus de refèrve
de la part de l'Auteur de la piece.
Cette Comedie finit par autant de petites
fables , reduites en un couplet de chanfon ,
dans lequel il n'y a pas moins de fel que
dans les precedentes. Quoique elle foit
pleine de faillies & d'étincelles d'efprit ,
je ne craindrai point d'avancer que le Sieur ,
Quinault Comedien , anime les fables qu'il
recite avec tant de vivacité , de naturel , &
de bienveillance , qu'il enchante les fpectateurs
jufqu'au point de croire que cette
DE SEPTEMBRE. 215
piece eft fans defauts : mais qui peut ſe dire
fans defauts ? témoins 2. Soldats aux
Gardes Françoifes qui en font une preuve
bien évidente. A propos ne trouvera t'on
pas en même tems ma tranfition vicieufe a
Tans doute ; revenons à nos deux foldats . On
les avoit pofté en fentinelles dans une des
Cours du Palais des Tuillerles à la porte
des Princes . Comme l'un & l'autre avoient
bu , ils prirent querelle. Un deux s'oublia
au point de mettre en joue fon compagnon ,
& de vouloir le tirer ; le coup partit en
effet , mais fans bleffer fon homme. Les
balles allerent donner contre le mur de
l'Antichambre du Roy : fur le champ on
les arrêta & on les mit en prifon . Le
Confeil de guerre s'étant affemblé ; celui
qui avoit tiré , fut condamné à être palle
par les Armes le 30. de ce mois . Ce malheureux
ayant été conduit à l'Eftrapade où
fe font ces fortes d'executions , alloit
avoir la tête caffée , lorque l'on vint
crier grace ; le Roy par bonté , ayant plus
d'égard au vin , qu'à fon action & au lieu
inviolable où la choſe s'eft paffée.
J
AP PROBATION.
Ay lu par l'ordre de Monfeigneur le
Garde des Sceaux le Mercure de Sept,
Fait à Paris ce 30. Septembre 1719 .
BLANCHARD.
LE MERCURE
TABLE.
D Ialogue fur la Volupté.
3.
II
Pourquoi l'on ne voit plus , on préfque plus,
de perfonnes poffedées du Demon , comme
en en voyoit dans les premiers fiecles de
l'Eglife.
Suite & fin des Memoires de M. De …,..
FS
Lettre à M. Buchet , contenant la Traduction
de quelques endroits d'un livre Anglois
intitulé : Le Caufeur , ou les Veilles
du fieur Ifaac Bikerftaff.
Arrefts notables du mois.
Proceffion magnifique , faite à Cambrai.
71
85
134
Manifefte du Czar , contenant les raisons
qui l'ont porté à déclarer la guerre à la
Suede. 138
Nouvelles du Nord , contenant celles de
Suede , de Dannemark , & de Ham-
•bourg.
De Vienne , less. Septembre.
De Londre le 26.
156
158
16 S
De Rome.
171
Poëfies.
177
Enigmes.
187
Chanson.
188
Journal de Paris. 189
Mort
205
Diverfitez 209
LE
NOUVEAU
MERCURE.
Octobre 1719.
Le prix eft de vingt fol
A PARIS ,
Chez GUILLAUME CAVELIER , au Palais.
La Veuve de PIERRE RIBOU , Quay des
Auguftins , à l'Image S. Iouis.
Et GUILLAUME CAVELIER , Fils , rue S.
Jacques , à la Fleur - de-Lys d'Or.
M. D CC. XIX .
Avec Approbation & Privilege du Roy.
PUBLIC LIBRARY
335115 AVIS.
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
O
prie ceux qui adref- ONferont des Paquets ou
Lettres à l'Auteur du Mercure,
d'en affranchir le port ; fans
quoy , ils refteront au rebut.
L'Adreffe de l'Auteur , eft.
A Monfieur BUCHET , Cloître
S. Germain de l'Auxerrois.
On donne avis , qu'on trouve
chez les Libraires ci- deffus
nommez , tous les Mercures
de l'année 1718. de même que
l'Abregé de la Vie du CZAR .
De l'Imprimerie de JACQUES CHARDON ,
au bas de la rue S Jacques , rue du petit - Pont,
piés le petit Chafteler , à la Croix d'or.
AVANT - PROPOS .
ES Amateurs de nôtre Hiftoire, ont é. é
Lecomtens de laDiffertation qui aparu
dans les Mercures de Juillet & d'Aouft de
cette année , touchant la Garde des Rois de
France , que j'ai cru les obliger de nouveau ,
en leur donnant dans celui- ci un autre Mor
ceau particulier du même Auteur : Ce n'eft,
à proprement parler , que l'Avant- Propos
d'un Ouvrage plus confiderable , annoncé
dans la Biblioteque Hiftorique de la France
du P. Lelong de l'Oratoire p . 698 .... Cet
Auteur, à qui le Public eft redevable d'un
Ouvrage fi plein de recherches, d'érudition,
d'une connoiffance fi exacte de tous nos
Ecrivains fur l'Hiftoire de France , cite
fous le numero 13718. cette Hiftoire manufcrite
, depuis le commencement de la
Monarchie jufqu'à prefent , avec les Lettres
de convocation du Ban & de l'Arriere-
Ban , & les Rolles des montres &
revûës , contenant les noms des Grands
& autres Nobles qui y ont affifté , par M.
de Camps , Abbé de Signy , quatre volumes
in folio.
Il feroit à fouhaiter pour l'utilité de chas
cun , qu'il me tombât de tems en tems de
pareilles Pieces , qui en même tems qu'elles
parent mon Recueil , ornent l'efprit de mon
Letteur. Comme un heureux hazard m'a
procuré celle- ci , j'efpere que le même hazard
m'en fera recouvrer d'autres..
Je le repete encore : Combien d'excellentes
recherches perdues , on égarées dans la pouffiere
des Cabinets ! Je ne fcaurois donc trop
inviter ceux qui ont quelque bienveillance
pour mon Livre , de vouloir bien m'en don
nerla communications je me ferai toûjours
bonneur de les inferer fuivant leur date , &
dy ajoûter leur nom , s'ils le jugent à propos.
LE
NOUVEAU
MERCURE
i
HISTOIRE
De la Guerre & de la levée des Troupes ,
pour les Armées de terre & de mer , de
pues le commencement de la Monarchie ,
jufqu'à prefent.
Avant- Propos
ES François ont toujours
paffé pour une des plus braves
Nations de l'Europe , &
pour une de celles , qui s'accommodoit
le moins de la
paix. C'est pour cela que Germanicus difoit
d'eux , qu'il falloit les paffer tous au fil de
l'épée , fi l'on vouloit voir finir la Guerre
qu'il leur faifoit ; perfuadé qu'ils aime-
Octobre 1719.
A j
6 MERCURE LELE
roient mieux périr tous que de fe foumettre
. a
Les Romains n'eurent pas d'ennemis
plus terribles , ni qui les fatiguaffent plus ,
que leurs courfes. Les François porterent
leurs armes & leurs conquêtes dans la Grece
, dans l'Afie , dans l'Afrique & dans la “
Sicile b ; mais leurs efforts les plus grands,
tomberent fur les Gaules. Ce fut là qu'ils
fe jetterent le plus fouvent ; & leurs courfes
y furent fi frequentes , qu'un Ancien
les compare aux flots d'une Mer agitće ,
dont l'un ne s'eft pas plûtôt brifé contre
un Rocher du voifinage , qu'un autre vient
fraper avec plus de violence contre ce même
Rocher . c
Rome , toute-puffante qu'elle étoit
n'a pû les arrêter que par des Traitez de
Paix ; & ils n'en faifoient jamais, qu'aprés
avoir été bien battus , ou qu'ils n'y trouvaffent
de grands avantages : car c'étoit
pour eux une fervitude affreuſe , de n'être
plus dans la liberté de faire des courſes . d
a Tacit . Ann. lib . 2. cap. 2 .
Eumen Paneg. ad Conft. Cæf. cap . 18.
Zozim pag 94.
Oroz . lib. 7. cap . 42.
Naz. Paneg ad Conft. pag 163.
c Liban. Sophuta Paneg . ad Conftantium &
Conft. Cæf incriptus Bafilicus.
Chen . T. 1. p. 121.
a Ibidem.
D'OCTOBRE.
Un Empereur a avoue que les François
étoient une des plus braves Nations
du monde ; & ils infpirerent pour eux à
Conftantin le Grand tant d'eftime où tant
de crainte , que ce Prince défendit à fes
Succeffeurs , de faire aucune alliance avec
les Nations Barbares , excepté avec les
François b : Et on croïoit du tems de ce
Prince , qu'il étoit fi difficile de les battre,
les Francois , qu'un Sçavant s'écrie en lui
parlant : Ab , que c'est une grande affaire
de vaincre les Francois ! c
Ce Peuple , que la grandeur de fon courage
emportoit au delà des bornes de l'O
cean d , ne put être retenu par le Rhin ::
H1 le paffa vers l'an 418. & commença de
s'établir folidement dans les Gaules . Ce
fut prés d'un demi fiecle aprés ce paffage ,
que Sidonius Apollinaris , charmé ou fur
pris de leur bravoure , nous en fait une
defcription fi naïve .
Les François ( dit-il ) fe font un jeu
» d'apprendre à donner de grands coups ,
à les porter à propos , à lancer adroitement
Julian Oratio prima in laudem Conflant
imper.
Epift. Conftantin . Porphiro geniti ad filium
cujus fragm : extat apud Chen T. 1. p 119. &
220.
Francos quantæ molis fit fuperare vel capere .
Auth . incert. Paneg ad Conft, Mag. pag 17.
Nazar . Paneg. ad Conft . Mag. n . 17 .
•
A iiij
LE MERCURE
23
"
» un javelot , & à fe jetter courageuſement
»au milieu de leurs ennemis . Ils naiffent
avec un amour extrême pour la guerre
.
→ Ils font élevez dans cette paffion , & ne
» fçavent ce que c'eft que de reculer dans
» un combat. S'ils ont du pis , foit qu'ils
foient accablez par le nombre de leurs
» ennemis , ou que le terrain leur foit déf-
» avantageux , ce n'eft point la crainte
» mais la mort qui les accable : ils meurent
, fans être vaincus , fur le champ
» de bataille qu'ils avoient choifi pour com-
အ battre , & fubfiftent par leur courage ,
» au delà même de la vie , s'il cft permis
» de parler de la forte. a
Cette Delcription eft d'autant plus finccre
& moins flattée , que tout ce que je
viens de raporter , part d'un ennemi
des François , d'un Seigneur qui avoit
rempli les premieres Charges de l'Empire ,
& qui en prévoyoit la prochaine chute par
les armes de cette Nation belliqueufe.
Rien ne fait mieux voir la grandeur du
courage de la Nation Françoife , & fon
intrepidité , que ce qui fe paffa fous le
regne du grand Clovis. Pour le mieux
connoître , il faut obferver que ce Prince
Sidon Apollinar.
Si fortè premantur , feu numero , feu fortè loci,
nors obruit , illos non timor : Invici perftant ,
pimoque fuperfunt , jam propè poft an mam,
D'O CTO, BRE.
n'avoit , s'il faut ainfi dire , qu'une poignée
de François : Car , fi nous en croions
Hincmar , il ne fut bâtilé qu'avec_trois
mille François a : Et Gregoire de Tours
nous apprend qu'il receut le bâtême avec
tout fon Peuple . Il faut donc conclure
que Clovis n'étoit à la tête que de trois
mille François naturels ; néantmoins avec
cette petite Troupe , il bat Sagre , Roi
des Romains , dans les Gaules ; lui enleve
de grandes Villes , & des Provinces
entieres ; fait trembler les Vifigots c
rend les Turingiens 2. tributaires d';
force Gondebaud Roi de Bourgogne , de
fe faire for Vaffal e, bat les Allemans &
les Bavarois à la celebre journée de Tolbiac
, 3. & les oblige de le reconnoître
pout Roi , & de fe foûmettre à la domination
françoiſe f. Tous ces exploits ont
précédé le bâtême de Clovis . Enfuite on
le voit foûmettre les Bretons , 4. & leur
Baluz. cap .... T. 2. p . 219. & 110.
b Greg Tur. lib. 2. cap. 39.
* en 486.
Id. lib. 2. cap 27
2. en 491 .
d Id . lib. 2. cap. 28.
>
e Epit. S Aviti Vienn: Epifc. ad Clodov. apud
Sirm. Concil . Gall . T. 1. p . 155. & apud Ruin
append. ad Greg p . 1322.
3. donnée en 469 .
f Greg. Tur. cap. 30. lib . 2.-
4 en soz
LE MERCURE
ôter leurs Rois a , battre les Gots , 1. &
conquerir prefque tout ce qu'ils avoient
tenu dans les Gaules b' , & cela , avec le
peu de François qu'il commandoit , &
peut- être avec quelques Troupes auxiliaires
des autres Rois François , & quelque ?
milice des Gaulois ou Romains ; car il ne
fe rendit 2. feul Roi des François c , que
peu avant fa mort.
Je ne parle point des conquêtes de fes
fils. Je ne dis point que Theodebert fon
petit-fils , remporta quantité de victoires
fur les Romains , leur enleva l'Italie ', foûmit
la Sicile , & y leva des Impôts d. Je
ne dis point que fous Charles Martel
Maire du Palais , la bravoure des François
remit au devoir plufieurs Peuples
revoltez e & empêcha l'Europe entiere
de tomber fous le joug des Sarrazins que
ce Maire défit en plufieurs grandes batailles
: Que fous Charlemagne , elle
a. Greg. Tur . lib . 4. cap . 4
1 en 508.
b Greg. Tur. lib. 2. c. 37%
2. en 509.
c Id: ibid. cap. 40. 41 & 42 .
d Greg. Tur . lib. 3. cap 32. & ejufdem Hift™
epift. c . 45: & 88.
e Fred. cap . 108. 109 .
* Sec. bened. 3. T. 16 p. 422. 525. 526. &
$78.
Fred. c. 110. Bedal . 5. C: 24.
Cron Befu. ad an . 731 .
Roder Talet . hut . Saracen. C. 13.
D'OCTOBRE. IT
devint l'effroi & l'admiration de l'Europe
& de l'Afic entière a Que de grands
Rois * vinrent apprendre fous cet Empereur
l'art de regner , & celui de vaincre
les François êtant alors le premier Peuple
du monde , en ce qui regardoit la guerre,
la politique & la politeffe des moeurs b.
Je ne parle point des victoires de ce grand.
Roy , qui lui rendirent la meilleure partie '
de la Germánie , lui foûmirent le refte
avec toute la Hongrie , une bonne partie
de la Pologne & de l'Efpagne , & prefque
toute l'Italie . Je ne dis rien de ce qui fe
paffa fous les petits - fils ; mais il eft bon
de remarquer que la bravoure françoiſe
étoit alors fimple , fans oftentation , & de
la derniere intrepidité. Bazile , Empereur
de Conftantinople , témoignoit quelque
mépris pour les François , de ce qu'au
point de livrer une bataille, ils s'amufoient
à fe donner des repas les uns aux autres ,
fans penfer aux périls aufquels ils alloient.
s'expofer.
a Monac. S. Gall.
Egbert Koi d'Angleterre .
Alber. Cron. ad an. 799.
Egbertus autem Rex Cantuariorum in Franciam
venit ad Carolum , ut difciplinam regnandi à
Francis acciperet . Eft enim Gens illa in exercitatione
Vitium & comitate morum , omnium Occidentalium
facile princeps.
Eginh. in vita Carol . apud Chen. T. 2. p.
12 LE
MERCURE
L'Empereur Louis II . Prince François,
& Roi des François dans l'Italie , l'ayant
appris par la Lettre que Bazile lui en écri
vit , lui fit cette réponſe : Mon frere ,
s ne vous raillez point des François , de ce
» qu'au moment d'attaquer l'ennemi , ils
>> le donnent à manger les uns aux autres
» & toutes les autres marques d'une amitie.
fincere ; car fçachez que pour cela , ils
»ne changent point de deffein ; cela ne leur
fait point differer ce qu'ils avoient refolu
, & ils n'en font pas moins braves dans
l'action . Ils font de ceux de qui S. Paul
» dit : qu'ils fçavent fe raffafier & fouffrir
» la faim ; & pour vous dire tout en un
mot , ils peuvent & font propres à tout.
» par la grace de celui qui les fortifie a .
"
"
»
Nous voyons , au tems des Croisades ,
la Nation Françoife conquerir l'Empire
d'Orient , enlever aux Mahometans la
meilleure partie de l'Afic , les battre dans
Afrique , & les terraffer par tout. A la
verite l'on peut dire qu'on y voyoit des
■ Epiſt: Lud. II. fcript . ad Baz. Imp. Græc
añ. 871. Gold. Conft. Imp. tom. 1. p. 198 cap .
16.
ta-
Ergo Frater , noi de cætero Francos ridere ,
qui étiam inter montis vicina ftudent , & prandia"
& omnia caritatis indicia proximis exhibere ;
men à propofito non latefcunt , quoniam fecundum
Apoftolum faturari & efurire , & ut omnia
iu compendio dicamus , omnia poffint in co quit
es conferták.
D'OCTOBRE. 14
braves de quelques autres Païs ; mais le
nombre en étoit fi petit , par rapport aux
François , que Baudouin I. Roi de Jerufalem
, prit fujet de fe dire Roi des Francois
a , & cela , non feulement parce que
les François avoient conquis ce Royaume,
mais parce que la meilleure partie d'entr'eux
y étoit restée pour le deffendre & le peupler
, & que prefque tous les Sujets de ce
Roi étoient François d'origine.
Je paffe tout ce que les François ont fait
depuis ce tems- là. Il fuffit de dire que
toute l'Europe a continué , & continue de
les reconnoître pour la Nation la plus
brave de l'Europe , la plus fimple & la
moins affectée dans fa bravoure , & la
plus moderée dans les avantages que fa .yaleur
lui procure .
Les François ont eu des Loix & des
Conftitutions pour la guerre , & punif
foient ceux qui les violoient.
I. Tous les Libres étoient obligez d'aller
à la guerre , à moins qu'ils ne fuffent
employez à la garde du Pays , aux fortifications
des Places , ou bien aux réparations
des chemins , Ports & Chauffées b.
a Dins la Charte pour la fondation de l'Evéché
de Bethleem en Iros .
Guill . Tirienf. Geft Dei per Franc. lib. XI .
cap. 12.
6 Concil. Gall. T. 2. p. 464. & cap. Carol .
Cale. tit. 36. C. 17.
Fred. c. 73.
V
44 LE MERCURE
Lorfqu'on faifoit la guerre d'un côté , off
obligeoit tous les Libres de s'y rendre .
Dagobert voulant aller au fecours de
Sifenand Roi des Gots I , ordonna à fes
Sujets du Royaume de Bourgogne , de fe
mettre en campagne a : & Sigebert allant
2. faire la guerre à Raoul Duc de Turinge
, qui s'étoit revolté contre lui , convoqua
l'Arriereban de tous les Grands
d'Auftrafic ; & tous les Peuples Sujets de
la France , delà le Rhin , fe joignirent à
Jui b. Chilperic ayant à faire la guerre.
aux Bretons , envoya 3. contr'eux les
Peuples des Comtez de Tours, de Poitiers,
du Mans , d'Anjou , de Bayeux, & quelques
autres. c
Quelquefois néantmoins ces Monarques
levoient leurs armées dans toute l'étendue
de leur Monarchie. Nous voyons 4. des
Neuftriens , des Bourguignons & des
Auftrafiens , dans l'armée de Dagobert
contre les Venedes ou Sclaves. d
Je croi même que ce fut l'ufage dans les
commencemens de la Monarchie , & j'ai
I. en 630.
a Fred . c. 73.
2. en 640.
Idem c. 87.
3- en 578 .
Greg. Tur. L. s . cap . 27.
4. en 631 .
A Fred. c. 74.
D'OCTOBRE.
IS
lieu de le croire à caufe du peu d'étendue
des Etats qui la compofoient .
II. Lorfque les Rois faifoient la guerre ,
ils ordonnoient aux Peuples foumis ou tributaires
, de marcher à l'ennemi avec leurs
Troupes. Thieri fit venir les Saxons a contre
les Turingiens b . Dagobert fit attaquer
les Sclaves par les Allemans c & par
les Saxons d. Nous voyons de même les
Bavarois , les Venedes & les Frifons e au
fecours de Pepin. Les Rois des Lombards
vinrent au fecours de Dagobertf: & quantité
de Nations paroiffent dans les armées
de Charlemagne.
III. Tous les Libres êtant obligez à l'armée
, il ne leur étoit pas permis d'embraffer
l'Etat Ecclefiaftique , fans permiffion
du Roig. On chagrina S. Vandrille , &
même on l'obligea de venir devant Dagobert
, parce qu'il avoit pris l'habit de Religieux
, fans permiffion de ce Roi , qui
ordonna qu'on ne l'inquietât plus là -deſfus
h. De tout tems , les Libres étoient
obligez d'aller à la guerre. Les Romains
a Vitix. Ann . Sixon . p . 5 .
Fred. c . 68.
Id. C. 74.
d Frel. c. r21.
e Fred. c. 117.
fid. c 68.
* Vita S. Mauri c. 49.
Sæc. Bened. 2. p. 539,
16 LE MERCURE
faifoient couper les pouces à ceux des Che
valiers qui s'en difpenfoient. Les Loix des
Empereurs Romains ordonnoient qu'un
Soldat ne pourroit le faire d'Eglife , qu'aprés
un certain tems ; ce que S. Gregoire
avoit condamné. dans un Concile : Néantmoins
, Charlemagne renouvelle cette dé-.
fenfe , de s'engager dans les Ordres facrez
4 , fans la permiffion du Prince
qu de fes Officiers ; mais il le revoque
dans la fuiteb cependant il fut retabli
par Charles le chauve. M. Bignon , fait
voir que cet ordre n'étoit que pour l'Etat
Monaftique ; & il paroît par le premier ,
Concile d'Orleans que les Clercs n'avoient
pas befoin de cette permiſſion d.
Quoi qu'il en foit , lorfque Charlemagne
défend de s'engager dans l'Etat Monaftique,
il en allegue la raiſon , qui eft , que la plûpart
ne le font pas tant par dévotion , que
pour fe difpenfer d'aller à la guerre , & de
s'acquitter des autres devoirs publics e.
Si dans la fuite les Libres eurent le droit
de s'engager d'eux -mêmes , dans l'Etat
que bon leur fembla , les Serfs & les
*
Capit. lib 1. c. 120.
¿ Ibid c. 143.
Spicil . T. 2. p . 823. & 824.
Not. ad Form. 19. lib . 1. Manul .
tenu en sir.
d Canon. 6.
Capit lib. 1. c. 120,
Paylans
D'OCTOBRE .· 17
yfans n'ont eu cette liberté que plus de
arois cent ans aprés.
IV. Nous avons quantité d'Ordonnances
dans les Capitulaires au fujet de la
guerre .
Si les Ennemis attaquoient une Province,
il étoit ordonné à tous fes Sujets de s'af
fembler. Les Evêques , les Abbez
les
>
·&
Abbeffes , envoyoient leurs Vaffaux . Les
Comtes , les Vaffi Regii ou Grands Seigueurs,
& les autres Libres , s'affembloient
pour arrêter l'Ennemi. S'ils étoient trop
foibles , il leur étoit ordonné d'en informer
la Province voifine , où tout le mondeétoit
obligé de fe mettre de même fous les
armes , & de fe joindre à eux pour repouffer
l'Ennemi . Si les Troupes de ces deux .
Provinces affemblées , ne fuffifoient pas , "
il étoit ordonné d'en avertir le Roy , leplûtôt
qu'il étoit poffible , afin d'empêcher
la défolation de la Province . a
Les Particuliers qui avoient des chevaux,
fervoient à cheval , du moins autant que jele
conjecture d'une Ordonnance de Charles
le chauve , par laquelle il ordonne que
ceux de la Campagne qui peuvent avoir des
chevaux , fervent à la guerre à cheval , &
y fervent leur Comte ; & il ajoute , que
fi quelqu'un ôte à ces Chevaliers lears
chevaux & leurs autres effets , le Comte
Capit. Carol. Calv. tit. 37. cap. 13.
78 LE MERCURE .
les leur faffe rendre , afin qu'ils foient toujours
en état de fervir . a
V. Afin de fçavoir le nombre de Trou--
pes que chaque Pays pourroit fournir , les
Mifi ou Intendans , avoient ordre d'informer
combien il y avoit de perfonnes-
Libres dans chaque Comté , qui pouvoient
aller à la guerre , & fervir par eux- mémes ;
- combien il y en avoit qui devoient contri--
buer à l'entretien d'un autre , & le nombre
de ceux qui devoient à deux , en entretenir
un troiliéme . bi
part
me ,
•
Il faut remarquer à ce fujet , que la plû
des Terres étoient alors du Domaine,
& divifées en Fiefs . Tous ces Fiefs étoient
donnez par les Rois , à condition d'entretenir
un certain nombre de Troupes . Les
uns n'obligeoient qu'à l'entretien d'un homles
autres n'étant pas affez forts
deux en entretenoient un feul , c'est- à- dire
que le poffeffeur d'un des Fiefs alloit à la
guerre , & que l'autre contribuoit à fon
entretien . Cet ufage fubfifte encore en
Allemagne , & dans les Provinces du
Nord. Le dénombrement étant fait , les
Intendans en informoient leurs Majeftez .
Il ne faut pas fe perfuader qu'il n'y eût
que ceux qui avoient des Fiefs , engagez au
a Capit : Carol . Calv. tit . 36 , cap . 26 .
Capit . Carol. Calv . tit . 36. & Concil . tit .
2. p. 464. & 473 .
D'OCTOBRE. 19
férvice. Les mêmes Ordonnances nous apprennent
, que ceux qui vouloient vendre
leurs Fiefs , pouvoient fe retirer dans leurs
biens libres , fans qu'il fûe permis à perfonne
de les inquieter , pourvû qu'ils allaffent
à la guerre pour la défenfe de leur Patrie ,
& qu'ils contribuaffent aux autres charges
de l'Etat. a
Ceux qui ne pouvoient aller à là guerre,
étoient employez , felon l'ancienne coutume
de la Nation Françoife , & même felon
celle des autres ( difent les Capitulaires )
à bâtir de nouvelles Fortereffes , à reparer
les autres , à faire ou reparer des Ponts ,
& à pratiquer des paffages au travers des
marais , ou à faire la garde & le guet
pour la confervation de la Patrie. b
Non feulement les Seculiers étoient obligez
à ce devoir , mais aufli les Evêques ,
les Abbez & les Abbeffes , qui devoientenvoyer
leurs Troupes au rendez-vous ,
conduites par leur Gonfanonier ou Enfeigne,
qui étoit obligé de rendre bon compte
de fa Compagnie. Ces mêmes Ecclefiaftiques
devoient fournir tout l'équipage
même celui de guerre , dont leurs Troupes
pouvoient avoir befoin. c
VI . Tout le monde êtant obligé d'aller
Capit. Carol. Calv. T. 53. c. 14.
bid. tit . 36 C. 27.
e Ibid. tit.·´37. 13.
Bij
LO LE MERCURE
à la guerre , on marchoit aux. Ennemis ,
és le moment même qu'ils paroiffoient ,
ans attendre l'ordre du Roi ; ce qui paoît
par le Capitulaire de Charles le chauve
, qui n'ordonne d'informer Sa Majeſté,
que quand les Ennemis feront trop puiffans
pour que les Troupes d'une feule
Province puiffent les repouffer : Cet ufage
me paroit dés la premiere Race. Quelques
Comtes , Sujets de Thieri , marcherent
contre les Allemans dés le moment qu'ils
parurent , & les défirent a. Il étoit mê
me neceffaire que les chofes fe fiffent de
cette maniere dans ce tems-là , puifque la
guerre fe commençoit fans la déclarer , &
lorfqu'on trouvoit quelque occafion favorable
de la faire avec fuccés.
VII. Tout le monde devoit être prêt
pour attaquer l'Ennemi , lorfqu'il paroiffoit
, afin que la Cour n'en fût douter.
L'on faifoit dé tems en tems des. Revûës
où tous les Libres étoient obligez de fe
trouver. Il s'en faifoit de generales ,
telle qu'étoit celle , où Clovis tua le Soldat
qui avoit manqué de refpect pour lui l'année
precedente b. Ce Monarque n'avoit
ordonné cette Revûë que pour être informé
, fi tous les Soldats avoient des armes
propres & nettes , & fi leur équipage
a Fred. c: 37.
Greg. Tur. 1. a . Cî 270-
D'OCTOBRE.
étoit tel qu'il devoit être a. Les Rois
Carliens ordonnerent ces Revûës dans les
Capitulaires fous le nom de Placitum exer
citale , Affemblée ponr faire l'exercice. b
VIII. Les Ducs & les Comtes avoient
tout le détail de la guerre dans l'étendue
de leurs Gouvernemens : Ce fut le Patrice
Amatus , qui fit tête aux Lombards , dés
le moment qu'ils parurent c . Le Duc Gondebaud
défit Theodebert fils de Chilperic
d. Raoul , Duc des Turingiens , rem
porta plufieurs victoites fur les Sclaves e.
C'eft aux Comtes & aux Ducs que Chilperic
ordonne de fortifier les Villes de leur
Gouvernement , d'y faire retirer les perfonnes
de la Campagne avec leurs effets ,
de pourvoir à la feureté de ces Places
& de refifter courageufement à fes Ennemis.
f. Le Comte de Chateaudun prend
trois cent hommes dans fon Comté , & les
donne à Claude , que le Roi Gontran envoyoit
àTours g: C'eft auxComtes que les
Capitulaires donnent la difpofition des
Troupes dans leur Gouvernement , l'ordre
a Idem.
1
Capit . I ad An. 8oz. c. 40. & Capit. Ik ad
eumd. An. cap. 20.
Greg Tur. 1. 4. C. 4. -
d lbid. 1. 4. c. 48. *
e Fred . c.
f Greg. Tur. 1.7 . c. 41.
Greg Tur. 1. 7. c. 29 .
221 LE MERCURE
de le deffendre : C'eft à eux qu'ils commin
dent d'obliger les Habitans de faire la garde,
& de fe trouver fous les armes quand il
en fera befoina. C'est encore eux qui ont la
garde des Frontieres & celle des Côtes b.
Nous voyons fous Charles le chauve , des
Troupes dans les Pays expofez , commandées
par des Generaux , qui ne font pas.
les Comtes de la Province. Nous apprenons
de la vingt-huitiéme Lettre de Loup
Abbé de Ferrieres , que l'Armée deſtinée
pour la défenfe de l'Aquitaine , étoit divi-
Tée en trois Corps ; que le premier étoit à
Clermont , commandé par Modoin Evê
que d'Autun , & Aubert Comte d'Avalon
: Que le fecond étoit à Limoges fous
les ordres du Prince Gerard & de fes compagnons
, propres au commandement des
Armées. Le troifieme proche d'Angoulême
fous le Gomte Reinold .
IX. Lorfque les Rois formoient de
grandes Armées , ils affembloient les-
Troupes de plufieurs Comtez , & leur donnoient
tel General que bon leur fembloit .
L'Armée que Dagobert envoya contre les
Gafcous , étoit commandée par Chadoin
fon Referendaire , fous lequel étoient dix-
Ducs avec leurs Armées , & plufieurs
Comtes qui n'avoient point de Ducs au
a Capit . Lud Pii ad An . 815 ch . 1,
Annal . Egich an. 786.790. &c.
D'OCTOBRE. 23
deffus d'eux a . Ces Ducs & ces Comtes
commandoient chacun les Troupes de
leur Duché ou Comté . C'eft du moins ce
qu'on doit inferer des termes de Fredegaire,
quand il met dix Ducs avec leurs Armées .
Dans le même Chapitre , il diftingue en
core les Troupes d'Arembert , l'un des
dix Ducs , qui ( dit il ) fut défait dans
la Vallée de Soule par les Gafcons , & y
perdit les plus Grands Seigneurs de fon
Armée. Sous Charlemagne , nous trou
vons Guy Comte & Gouverneur des Frontieres
de Bretagne , qui fait la guerre dans
cette Province contre les Comtes fes com- ·
pagnons & fes égaux b. Comme il eft
nommé feul , & qu'on fait rouler fur lui
toute cette action , je ne doute point qu'il ne
commendât en chef : Ainfi je croi qu'on
peut comparer les Armées des François de
ce tems-là , à celles de l'Empire ; chaque
Prince ayant fes Troupes particulieres
qu'il commande , ou fait commander
par
fon General , & toutes êtant commandées
en chef, ou plutôt conduites par un Generaliffime.
X. Souvent les Rois envoyoient des
Troupes de plufieurs Duchez , comman
dées chacune par ces Ducs , indépendemment
les unes des autres , & qui d'ordinai
a Hed . c . 88.
▲ Annal. Eginh. ad an. 791.
24 LE MERCURE
te ne faifoient rien qui väille par jalousie.
Les Ducs que Gontran envoya contre les
Gots , ne firent que peu ou point de mal à
ces Peuples , & ruinerent entierement les
Provinces du Royaume , par lefquelles ils
påfferent. a
Le même Gontran avoit envoyé une
Armée en Bretagne , commandée par les
Ducs Beppolene & Ebracaire. Ces Ducs"
jaloux l'un de T'autre , refuferent de join-1
dre leurs Troupes enfemble. Beppolene
marcha feul contre les Bretons , & fut défiit
& tué apres un combat de trois heures.
Ebracaire demeura immobile jufqu'à ce
qu'il fût informé de la mort de ce Duc ,
puis fe retira , rendant la paix aux Bre
tons b : Et fous la feconde Race , Louis
le débonnaire fit marcher une Armée vers
les Frontieres d'Espagne , pour empêcher
les Sarazins d'entrer dans les Etats . 11 en
fit Generaliffime , Pepin fon fils ; néantmoins
cette Armée ne fit rien ; la jaloufie
des Chefs l'ayant retardée ; de maniere
que ces Peuples eurent le loifir de ravager
Le Pays & de fe retirer c. Ces mefintelligences
des Chefs augmenterent fort dans
la fuite, & ces mêmes Chefs devinrent bien
plus niaîtres de feurs Troupes particulieres ,
a Greg. Tur. lib . 8. c. 30.
Greg. Tur. Ib. 10. c 9.
Annal. Bert. ad An . 8175
qu'ils
W
D'OCTOBRE. 25
qu'ils n'avoient été jufqu'alors , parce que
la fucceffion du pere au fils n'établiffant
point dans les Comtez , ces Comtes regardoient
les Troupes , comme êtant à eux ,
& comme un bien propre qu'ils devoient
reſerver à la défenſe particuliere de leurs
interêts & de leur Comté.
XI. Les Rois puniffoient les défobéïſfances
, & la méfintelligence des Ducs ,
lorfqu'elles avoient fait quelque tort au bien
public. Gontran maltraite les Ducs qui
avoient fi mal fait dans le Languedoc a.
Il bannit le Duc Ebracaire b , & Louis le
débonnaire priva de leur dignité & de leurs
fiefs , les Chef qui avoient agi fous fon
fils , & en même tems priva Baudri du
Duché de Frioul , parce qu'il avoit laiffé
ravager les Frontieres de la Hongrie par fa
feule lâcheté.
XII. C'étoit peut- être pour empêcher
ces défordres ,autant que pour encourager
les Troupes , que les Rois mettoient leurs
fils à la tête des Armées , quoique ces
Princes ne fuffent pas toûjours en âge de
commander. Car nous voyons d'ordinaire
les fils de Rois à la tête des Armées de
leurs peres , fous la premiere & fous la
feconde Race. Thieri commanda les Armées
de Clovis fon pere contre les Gots e.
a Greg. Tur. lib, 9. c. 30.
b Annal. Bert. ad an. 829.
Greg. Tur. lib. 2. c. 37.
Octobre 1719 .
16 LE MERCURE
Theodebert fe trouve avec le même Thieri
fon pere , à la guerre coutre les Turin-.
giens a , & commande les Armées du Roi
Ton
on pere contre les. Gots b . Clotaire I. envoye
le Prince Gonthier fon fils contre les
mêmes Gotsc , & fit marcher Gontran &
Sigebert auffi fes enfans , contre Chrame
leur frere qui s'étoit revolté . d
Chilperic mit fes fils Theodebert e ,
& Merouée f, à la tête de fes Armées.
Rien n'eft plus commun que ces exemples
fous les premiers Carliens.
Les fils de Charlemagne commanderent
fes Armées g. Louis le débonnaire met fes
fils à la tête des fiennes h , & Louis le
Germanique fuit ces exemples . i
XIII. Les Troupes paroiffent fort mal
difciplinées fous la premiere & la feconde
Race. L'Armée du Roy Sigebert , prefque
toute compofée des Peuples de delà
le Rhin , ravageoit tout , fans qu'il pût
l'en'empêcher , comme il le proteftoit luimême
. Chilperic ne pouvant empêcher
a Greg. Tur. lib . 3. c. 7.
ร
Ibid. c . 11.
c lbid.
d Greg. Tur. lib. 4. c . 16 .
e Greg. lib. c. 49 lib. 5. c. 4 ?. &c 51.
Idem lib. 5. c. 2 .
Annal. Bert . ad an 827. & 828 .
Annal. Bert ad an . 875 .
i Greg Tur. lib 4, c. So.
Idem lib. 6. c. 36.
D'O CT OBRE. 27
fon Armée de piller , tua le Comte de
Rouen a, qui apparament étoit un de ceux
qui contribuoient le plus à ce désordre.
Les Troupes pilloient indifferemment amis
& ennemis , & des & faifoient ravages fi furieux
fur leurs Cumpatriotes , qu'on abandonnoit
les maifons fituées le long de leur
route b , & les Peuples les chargeoient
comme des ennemis. Ceux de Touloufe
attaquerent l'Armée que Gontran leur Roi
avoit envoyée contre les Cots, parce qu'elle
ravageoit tout. L'Armée que le même Roi
avoit envoyée en Bretagne , n'ofoit repaffer
par où elle étoit venue , crainte que
les Habitans ne fe vengeaffent du mal
qu'elle leur avoit fait fouffrir ; ce qui arriva
c.
Les mêmes défordres parurent fous la
feconde Race , ce qui fe prouve principalement
par les Ordonnances que les Rois
firent pour les arrêter .
Les Troupes allerent jufqu'à cet excez
d'infolence , que de forcer les Rois.à combattre.
Clotaire attaqua les Saxons , malgré
qu'il en eut , & fut entierement défait
par les Peuples , qui lui demandoient la
paix , & fe foumettoient à tout ce qu'il
fouhaitoit d. L'Armée du Roi Sigebert
a Lib. 8.c. 30.
blem lib. 10. C. 9.
c Greg lib. 4, c. 14 °
Id Lib. 4 c. so.
Cij
28 LE MERCURE
leur
voulut de même le forcer de la mener au
combat ; mais ce Prince , qui étoit intrepide,
monte à cheval , arrête la fedition
Far fon éloquence, puis fait lapider les plus
mutins a. Les François menacerent Thieri
de le tuer, s'il ne les menoit à la guerre b :
Ces Peuples y etoient entraînez par
penchant naturel pour les armes , & par le parle
defir de piller ; auffi Thieri ne les apaifet'il
, qu'en leur promettant qu'il les alloit
mener dans un Pays , où ils trouveroient
de l'or , de l'argent , des meubles & du
bétail , autant qu'ils en pourroient fouhaiter
c. L'amour du butin exciteit donc en
partie ces Peuples à faire la guerre . Or
ce butin fe parrageoit entre tous. Le Roi
lui - même n'avoit que ce que le fort lui
donnoit , & rien de plus : Ce qui paroît
par la priere de Clovis à fon Armée , de
lui donner au delà fa part , le Vafe que
S. Remi lui faifoit demander ; & par la
réponſe infolente d'un François , qui dit
à ce Monarque , qu'il n'auroit que ce qui
lui feroit échû par le fort , & riende plus . d.
L'ufage de partager également les dépouilles
de l'ennemi , & cette violence des
Soldats contre leurs Rois mêmes , ne fuba
Ib'd lib. 3. C. II.
b . bid
Greg. Tur. lib 2, c. 27
d Greg. Hut Epit e 16.
·
D'OCTOBRE. +29
fifta pas fous la feconde Race.
XIV. Les Rois firent ce qui leur fut
poffible pour arrêter les pillages de l'Armée.
Ils donnerent aux Soldats de quoi fe
nourrir , & ordonnerent qu'on fît des magafins
de vivres le long des Routes, & fur .
les Frontieres des Pays où la guerre fe
faifoit , afin que le Soldat trouvant ce dont
il avoit befoin , n'eût pas lieu de piller a .
Cette précaution étoit accompagnée de
quantité d'Ordonnances feveres .
د
Clóvis défendit à fes Soldats de rien
prendre fur les terres des Ecclefiaftiques b
& en particulier , fur celles de l'Eglife de
Saint Martin , quoi qu'elles fuffent fituées
en Pays ennemi . Un Soldat ayant
contrevenu à cet ordre , prenant une botte
de foin , le Roi le tua , & cet exemple
fuffit , ajoute Gregoire de Tours , pour
empêcher l'Armée de piller d . Thieri défend
à fes Troupes de piller , & pour
leur en ôter tout fujet , pourvoit à leur
fubfiftance e. Les Loix données par les
Rois Thieri , Childebert & Dagobert
défendent ce pillage fous des peines affez
Epit Theoder, Reg . apud Chen. T. 1. p.
842. & feqq.
Apend ad Greg Tur . col. 1327,
Greg. Tur. lib. 2. c. 37;
dlbiu.
Chen. p. 842, & futiv.
>
Ciij
30
LE MERCURE
fortes a. Sous la feconde Race , les Rois
défendoient qu'on prît dans le Royaume
du foin , des grains , du bétail ; qu'on
forçât les maifons , ni qu'on y mît le feu
fans leur permiffion expreffe b . Les Capitaines
étoient refponfables par eux-mêmes
de ces défordres . Ils en étoient punis ;
mais en même tems on puniffoit ceux qui
les avoient commisc . On forçoit les Trou-
Fes à payer le dommage qu'elles avoient
fait , même l'annee precedente d.
XV. J'ai fait voir que tous les Libres
étoient obligez d'aller à la guerre. Ceux
qui manquoient de s'y trouver , étoient
condamnez à une amende qu'on appelloit
le Ban & l'Arriereban , & que nous trouvons
établie fous la premiere Race. Gontran
ordonna , que ceux qui n'étoient pas
allez à la guerre contre Gondebaud , comme
il l'avoit ordorné , payeroient le Bane..
On trouve encore de pareils exemples .
Afin que perfonne n'eut lieu de s'excufer
fur ce qu'il n'avoit pas eu les ordres du Roi.
pour la convocation des Troupesf , leurs
Majeftez envoyoient des Amoniteurs par.
a Leg. Bav.
b Capit . lib. 5. c. 189.
e Sirm Concil . Gall . tit. 2. p. 454. & capit. -
lib.2... C, 15.
d Capit lib . 2 C. 14.
e Greg lib. 7 C. 42.
f Greg lib. 5 G 27.
D'OCTOBRE. 31
toutes les Provinces , pour fignifier cette
convocation a , comme nous l'apprenons
de Fredegaire , & comme de Valois l'a
prouvé dans fa Preface du fecond Tome
de fon Hiftoire des François.
Le Ban étoit moindre que l'Arriereban ,
du moins à ce que je croi. On exigeoit
l'Arriereban de ceux qui avoient quitté
l'Armée lorsqu'elle étoit proche des Ennemis
, ou qui n'avoient pas contribué à la
défenfe de la Patrie b . Celui , qui pouvant
aller à la guerre , ne l'avoit pas fait , étoit
obligé de payer le Ban c. Le Vaffal , qui
pouvant fuivre fon Seigneur à la guerre ,
ne l'avoit pas fait , étoit obligé de payer
l'Arriereban entier. Les Seigneurs étoient
de même obligez de payer autant d'Arrierebans
, qu'ils avoient laiffé de leurs Vaffaux
fans les conduire à la guerre d : Néantmoins
les Rois permettoient quelque
fois à leurs grands Vaffaux , de laiffer à la
garde de leurs maifóns , quelques- uns de
ces Vaffaux , qu'ils étoient obligez de
reprefenter aux Intendans à la fin de la
campagne e.
Le Ban & l'Arriereban ne fe payoient
ni en Terres , ni en Efclaves , mais en ara
Fred c 40.
b Capit Carol . Calv . tit . 36 c. 27.
Capit lib 4. c. 70,
d Apend 2 adlib 4 Capit. c. 35•
e Ibid.
63.363
C. iiij
32 LE MERCURE
1
gent , draps , armes , bétail , grains &
autres denrées d'ufage pour les Armées a
Si l'on payoit l'Arriereban pour avoir manqué
de le trouver à l'Armée , le Comte
en faiioit auffi payer un fecond pour le
guet & garde qu'on faifoit dans le Comté;
mais , celui-ci ne devoit être pris qu'aprés
le premier , dont ce même Comte avoit
la troifiéme partie b. Il étoit ordonné de
faire payer exactement l'Arriereban , fans
égard pour qui que ce fût c ; néantmoins
ils ne le faifoient pas fi exactement , qu'ils
ne laiffaffent quelquefois paffer les Vaffaux
de quelques-uns de leurs amis d .
Ces moyens , dont les Rois fe fervoient
pour obliger tous leurs Sujets à concourir
également à défendre l'Etat , & à faire de
nouvelles conquêtes , fut dans la fuite def
avantageux à leurs Majeftez & au Peuple ,
par
par la malice des Comtes , qui ruinoient
le Peuple par ces Bans & Arrierebans ,
fans lui permettre de rendre fervice en
perfonne ce qui diminua les Armées
Royales de plus de la moitié , comme- nous
l'apprenons de Hincmar.
XVI. Les Rois envoyoient des Intendans
dans les Armées. Ce font eux que
l'Empereur Lambert appelle Miffi Exer
Capit , Carol, M , lib , 3, €, 68,
b Ibid,
e Capit, Carol, M , lib , 3 , C, 14
d Eginh, Epift, 33 , Chen, tom, a
D'OCTOBRE 33
etus , les Intendans de l'Armée a. Bien
que par tous les endroits des Capitulaires
que j'ai citez , il paroiffe que les Intendans
des Provinces avoient infpection fur
les Troupes , & que les Rois leur commandoient
de tenir la main à ce que les
Ordonnances de leurs Majeftez fuffent executées
, je ne doute pas néantmoins qu'il
n'y eût des- Intendans particuliers pour
l'Armée ; ce que prouve l'Ordonnance de
Lambert que je viens de cîter ; & une
Ordonnance de Louis le débonnaire , qui
veut , qu'on remette une copie des Privileges
qu'il avoit accordez aux Efpagnols
entre les mains des Intendans qu'on mettroit
dans les Armées . Tertium ( exemplar)
babeant Miffi noftri , qui fupra Exercitum
conftituendifunt b.
XVII. Les Evêques & les autres Ecclefiaftiques
, ne pouvoient aller à la guerre ,
ni pour commander , ni pour combattre.
Les Canons le leur défendoient ; néantmoins
je croi que quelques-uns fe difpenferent
fouvent de cette obligation. On voit
fous les premiers jours 1. du regne de
Thieri III. un Archevêque de Lion , qui
a des Troupes nombreuſes c ; & long-tems
a Capit. Lamb ad An · 904. cap. 4. ap. Baron
ad An. 904.
Capit. Lud. Pii . ad An 919. c. 8.
en 673.
a Vita S. Leodeg. Sæc. Bened. 2. p. 681. &
feqq.
34 LE MERCURE
་
auparavant , des Evêques s'étoient trouvez
dans l'Armée que le Patrice Villebaud
oppofoit à Flachoate Maire du
Palais de Bourgogne , qui cherchoit fa
perte a. Sous Charles Martel , il étoit or
dinaire de voir des Evêques & des Clercs
porter les armes . Il cft vrai qu'alors la
Difcipline Ecclefiaftique étoit fort negli
gée b . Les fils de Charles Martel & principalement
Pepin , commencerent à rétablir
la Difcipline Ecclefiaftique dans les
Gaules . Charlemagne fils de Pepin , lui
fucceda dans ce pieux deffein , ainfi qu'à
fa Couronne. Louis le débonnaire continua
, & tous enfemble réformerent en
quelque façon l'Eglife des Gaules , qui
défendoient aux Evêques & aux autres
Ecclefiaftiques de porter les armes ; mais
il leur fut ordonné d'envoyer les Troupes
qu'ils étoient obligez de fournir , par leur
Avoué ou Gonfanonier , comme je l'ai déja
remarqué. Sous Charles le chauve , les
Prelats reprirent les Armes , pour arrêter
les courfes des Normands , Peuples Payens,
& qui fe faifoient une Religion de ruiner
les lieux facrez , de profaner les chofes les
plus faintes , & d'exterminer tous les
* Il y en avoit un de Gap, & un d'Ambrum.
1. en 641
a Fred , c 90.
Concil, Gall Trp . 530. & feqq . Src. Bened
3 præf. &... P. 563. & alib paff
pall
D'OCTOBRE.
35
Chrétiens , & principalement les Ecclefiaftiques.
Medoin Evêque d'Autun, .com .
manda une des Armées qu'on lui oppofa
dans l'Aquitaine. Gauzelin Evêque de
Paris , fignala 1. fa bravoure pendant le
fiege de Paris par les Normans a. Angefile
Evêque de Troyes , défendit courageufement
cette Ville contre les mêmes Normands
qui furent obligez de lever le fiege.
Il s'en fit enfuite Souverain , & en fut
chaffe par le Comte Robert de la Maifon
de Vermandois b.
Je paffe les autres exemples qui font en
trés grand nombre.
Aprés le démembrement de la Monarchie
, arrivé en 888. plufieurs Evêques
s'affûrerent de leurs Villes Epifcopales ,
& y ufurperent les Droits Regaliens. Ils
s'en emparerent auffi dans les Terres qui
apartenoient de droit à leurs Eglifes : Et
depuis ce tems jufqu'au quatorziéme fiecle,
il n'eft plus rare de voir les Evêques à la
tête de leurs Troupes, combattre leurs ennemis
ou ceux de l'Etat.
Les autres Ecclefiaftiques fe laifferent
auffi aller à ces défordres , & il n'y eut
que ceux qui avoient de la pieté & du zele
I. en 880.
a Abbo. Monae Carm . de Obfid. Parif.
Bouchet prev. de l'orig de la Maif. de France
b Gron. S. Petr. Vivi . Senon p 714. & feqq...
36 LE MERCURE
pour l'ancienne Difcipline qui ne s'y précipiterent
point .
XVIII. Si les Canon's défendoient aux
Évêques d'aller à 1 : guerre pour attaquer
l'ennemi , ils leur permettoient d'y ſuivre
le Roi; & même le Concile de Francfort a
défendant aux Evêques d'aller à la guerre ,
confent & pernier , que le Prince en ait un
ou deux avec des Chapelains & des Prêtres
, pour faire l'Office Divin , & ordonne
que chaque Chef ait un Aumonier ,
pour confeffer les Soldats & adminiftrer
Tes Sacremens .
Sous toute la premiere Race , il falloit
de neceffité qu'il y eût un Evêque à l'Armée
, lorfque le Roi la commandoit en
perfonne ; ce qui arrivoit pour l'ordinaire
parce que le Grand Aumonier ou Apocri.
laire , étoit toûjours Evêque , & que les
Evêques rempliffoient alors tour à tour
cette dignité, qui n'étoit point une Charge
attachée à un feul Evêque , mais à tous
les Evêques. Il étoit de toute neceffité que
cet Apocrifaire fuivît la Cour , parce qu'il
étoit en même tems le Juge de tous les
Ecclefiaftiques de la fuite du Roi : Qu'il
connoiffoit des affaires du Roi , & qu'il
étoit le Raporteur des grandes auprés de la
Majefté b.
C * A Concil Francof. ad An.
Hift de la Chapelle du Roi p. 555
Hucm. Epift. 3. ad Epifc.c, 14.
D'OCTOBRE.
37
Sous la feconde Race , cette grande di
gnité devint une charge attachée à une
feule perfonne qui n'étoit pas toujours prife
dans l'ordre des Evêques , mais quelquefois
dans celui des Abbez , dans celui des
Prêtres , & quelquefois même dans celui
des Diacres 4,
Idem ibid.
J
Ai crû devoir preferer , pour la curiofité
du Lecteur , le Memoire fuivant ,
à l'Hiftoriete ordinaire. La matiere qui y
entre , eft trop interressante , & la maniere
dont il eft écrit , trop amusante , pour n'être
pas approuvé dans mon choix. On m'a pro-.
mis la réponse à ce Memoire : fi l'on m'en
donne communication , je ne manquerai pas
d'en faire part au Public.
MEMOIRE
POUR Dame ... Accufée d'adultere
& d'avoir fait apparoître des Elprits.
Centre
Meffire , ...
M
On Mari , dans les agitations
d'une jaloufie auffi cruelle qu'injufte
, m'a fait des crimes de tous les phan38.
LE MERCURE
tômes qu'elle lui prefentoit : je me fuis
vuë long temps en proye
à ce que l'autorité
domeftique peut permettre de violences
à un homme naturelement inquiet , fans
que j'aye neanmoins opofé à fes outrages ,
que des fentimens paisibles.
La patience & la douceur , qui dans notre
fexe agiffent avec tant de force & de
fuccés , n'ont pû ranimer fon affection ni
calmer fes fureurs .
Il a pris les voyes honteufes de la procedure
; il a porté au Tribunal même , où
il prefide , l'humiliante hiftoire de fes foupçons
; il a attaqué ma conduite par des
écrits injurieux dont l'opprobre rejallit fur
lui car fuppofant veritables les fautes énormes
dont il m'accufe , peut-il nier qu'il
n'eût autant d'interrêt à les tenir fecretes
qu'à y remedier ? n'auroit- il pas dû fentir
que les coups qu'il me portoit , pour établir
contre moy dans le monde un prejugé
d'adultere & de diffolution tomboient
d'abord fur lui- même ?
›
Un procedé fi furieux n'avoit point encore
jufqu'à prefent déconcerté ma pa
tience pour ramener mon mari à des fentimens
raiſonnables , pour l'attendrir fur
Les propres interêts , j'ay employé le minif
tere de plufieurs perfonncs , dont les con
feils & les demarches devoient lui infpirerde
la confiance & du refpect ; leur fecours
n'a pas eû plus de fuccés que na foumil
fion.
D'OCTOBRE.
39
Enfin , aprés avoir inutilement mis en
uvre tout ce que j'ai cru capable de le
Youcher , je fuis contrainte de deffendre ma
reputation par les voyes d'éclat qu'il a pri-
Les pour l'attaquer .
Avant que d'entrer en matiere , je voudrois
regler avec moy même deux chofes
delicates , qui font , les égards que je dois
conferver encore pour mon mari , & la maniere
de traiter des faits , ou ridicules ou
fcandaleux , dont il faut que je parle. Si
je prens le ton ferieux , je paroîtrai de
mauvaiſe humeur , on dira que je traite
impitoyablement Monfieur de ... fi j'écris
avec quelque forte de gayeté , on me reprochera
que je raille , & que cela n'est
point en place : mais enfin , comme l'embarras
eft égal des deux côtés , je croy que
je prendrai ce dernier parti ; à coup fur
il ennuyera moins , & j'ai interêt qu'on life
mon Memoire-
FAIT .
Je n'avois que feize ans lorfque j'époufay
Monfieur de ... âgé de foixante- cinq , &
qui étoit aveugle.
Ses rich fles , fa dignité de ... éblouirent
ma famille , qui , fans entrer dans les
autres confiderations,détermina mon obéiffance.
Je ne trouvai point dans les chaînes ho40
LE MERCURE
norables de ce mariage , ce qu'on m'y
avoit fait imaginer de douceurs & de tranquilité.
L'humeur ombrageuse de mon mari éclata
dés les premiers jours que nous fûmes enfemble
, & j'eus la mortification de ne pas
joüir un feul moment des prerogatives de
la nouvauté , qui affujetiffent les hommes
les plus farouches à quelque complaifance.
Monfieur de ... me mit d'abord fous
l'infpection d'un vieux laquals , auquel il
confia les delicates fonctions de Douëgne,
Picard ( c'eft le nom de ma gouvernante )
donna à fes devoirs plus d'étenduë que n'en
permet la bienfeance ; il ne fe contentoit
pas de m'accompagner hors du logis , il
me fuivoit d'une chambre à l'autre , fans
égard même pour les momens de liberté
les plus indifpenfables,
Des défiances fi outrées , & aufquelles
je n'avois pas eu le tems de preparer ma
foumiffion , me plongerent dans une melancolie
affreuſe ; mon mari m'en fit galament
la guerre , & me reprocha le
peu de
goût que je prenois à des preuves fi fenf
bles de fon amour.
Jufques là , je ne me ferois point imaginée
qu'un aveugle pût être épris d'une
femme qu'il n'a jamais vuë.
Une paffioni étrangere à la nature ,
m'infpira de l'indulgence pour le ridicule
& la ferocité des fentimens qu'elle operoit
i
D'OCTOBRE . 41
roit ; je prevoyois d'ailleurs que ce frivole
Ouvrage d'une imagination échauffée , par
le portrait Aateur qu'on lui avoit fait de
ma perfonne , s'évanouiroit en même tems
que les illufions de la fenfualité .
Je ne me trompay pas ; l'amour échapa
Bientôt des foibles liens qui le retenoient ,
mon mari perdit , avec les premieres amor
ces de la poffeffion , toute l'impatience &
la fureur de fes empreffenrens ; mais la jaloufie
n'eut pas les aîles fi fortes que
l'amour ; aprés un effor de quelques jours',
elle revint au gîte.
Les inquietudes de Monfieur de... ne'cefferent
point avec fa paffion ; il fe figura
que les ennuys du Celibat alloient me li
vrer une farieufe guerre , & il craignit que:
preffée par des corrupteurs fi dangereux ,
je ne cedaffe enfin aux irruptions du tem--
perament qu'il croyoit infeparables de mon
âge.
Le peril lui parut évident , il redoubla:
de vigilance ; je ne pouvois faire un pas
dans la maifon , dans mon apartement.
même, dont il ne falut lui rendre compte:::
il examioit mes moindres paroles , & jufqu'à
mon filence tout lui faifoit ombrage
Ses heritiers collateraux , qui ne le
voyoient plus depuis nôtre mariage , fe reconcilierent
avec lui dans ces circonftances
; ils fe fervirent , pour l'irriter contre
moi , de tout ce que la haine & l'interêt
D.
4412 LE MERCURE
peuvent fuggerer d'impoftures
& de perfidies
cependant
, comme l'averfion
entre
les Epoux n'opere pas toujours la continence
qu'ils auroient
fort fouhaité
pouvoir
infpirer à Monfieur
de ... ils craignirent
que quelque brufquerie
de temperament
ne le raprochât
de moy . Trop habiles pour commettre
ainfi leur fortune au hazard de
voir naître un fucceffeur
, ils firent entrer
dans le lit de mon mari une fervante dont
il avoit eu trois enfans , & qui étoit d'une
trempe à ne rien laiffer à faire à l'Hymen
de tout ce que pourroit exécuter l'amour .
Quoy que les fatigues du libertinage
euffent
fait de grands defordres
fur la perfonne
de cette fille , la paffion de Monfieur
de ...fe raluma pour elle avec beaucoup
.de violence.
Il l'avoit aimée avant qu'il fût aveugle ,
& le fouvenir de ce qu'alors il lui avoit
trouvé de charmes , lui rendit fa poffeffion
auffi aimable qu'elle avoit pû l'être , ſenblable
à ceux , qui parmi les ruines de l'antiquité,
admirent tout ce qu'ils n'y voyent
point.
Je voudrois épargner au lecteur le fcandale
de certains faits , dans la difcuffion
defquels il faut que j'entre à prefent , mais ,
comme je ne pourois les fuprimer fans défervir
ma caule ; je ne refte comptable au
Public que de la maniere de les traiter ;
& s'il paroît que j'aye fait mes efforts pour
D'OCTOBRE..
43 *
couvrir par le tour & le choix des expreffions
, ce que la verité a de trop libre , je
croiray n'avoir aucuns reproches à me faire
ni à effuyer.
Peu de jours aprés que Monfieur de ...
eût rendu fes criminels embraffemens à
Marianne , je m'apperçus qu'it recevoit .
myfterieuſement matin & foir la vifite
d'un baigneur . Je trouvois fort plaifant
qu'il prît un foin fi particulier de fa perfonne
, pour plaire à une Créature que les »
ravages du tems & de la debauche avoient :
entierement flétrie ; mais je ne demeuray .
gueres dans cette erreur ; il parut inquiet ,
& les inquietudes allerent bientôt juſqu'à
l'impatience la plus outrée ; tout fon corps
étoit dans un mouvement , dans une agitation
continuelle . Ce que je foupçonnai de
plus honnête , füt que Marianne lui avoir
donné la Gale ; je ne me trompois pas.
Cette faveur avoit été accompagnée d'une
autre ; il étoit affailli par un nombre prodigieux
de ces petits Infectes , qui feuls
parmi les plus viles , portent un nom que
l'on a honte de prononcer ; ils lui faifoient
une guerre fi cruelle , qu'avoir l'activité
de fes mains à fournir par tout du fecours ,
on eût cru qu'il avoit un morceau dù linge
fatal qui embrafa Hercule.
Monfieur de ... defefperé d'une avanture
fi désagréable , s'en expliqua avec
Marianne , & il eut avec elle une longue
Dji
44
LE MERCURE
:
Scene qui fe denoua par la Catastrophe or
dinaire : le crime fut chaftié ; il paffa du
reproche à l'invective & des injures aux
coups la pauvre fille , qui ne pouvoit
concevoir qu'elle eût fait un fi grand mal
d'avoir par de telles faveurs deshonnoré,
Monfieur de ... ne reçut pas la correction
avec le refpect & la docilité convenable ;
elle fe mit fur la defenfive ; & l'action s'échauffant
toûjours , chacun de fon côté
crie au meurtre ; tout le domeftique accourt
, j'arrive , on les fepare.
M. de ... envoya chercher la Garde
refolu de faire emprifonner Marianne; mais
je crus devoir empêcher qu'il ne donnât
ce fpectacle au Public ; je la fis évader par
une fenêtre , à l'aide d'une échelle qu'une
bonne voifine nous tendit : Aprés cette
charitable expedition , je retournay fur le
champ de bataille pour voir fi mon mari
n'étoit point bleffé , je lui trouvai le vifage
enfanglanté , mais mes allarmes cefferent
bientôt , & je n'eus befoin que de ma boëte
à mouches , pour mettre un appareil à
fes bleffures. Il s'étoit attendu aux criailleries
& au fracas , qu'une femme offenſée
pouvoit faire dans une occafion fi propre
à mettre la raifon du côté de l'emportement
; la douceur de mon procedé le furprit
& le toucha ; il voulut me donner
des marques diftinguées de fa reconnoiffance
; & il me dit , mais de l'air & du
D'OCTOBRE.
45
vous
fon qui conviennent au Seigneur & Maî-
» tre « ma femme embraffés- moi ,
» pouvés dés aujourd'hui rentrer dans mon
» lit » Les fruits de la reconciliation ne me
tenterent point , je ne voulois pas me fervir
de la femme du baigneur je temoignay
donc à mon mari le plus civilement
qu'il me fut poffible , que j'attendrois fans
impatience qu'il eût renvoyé les Etrangers
qui couchoient avec lui , & dont il avoit
tant de peine à fe défaire ; il s'offenfa de
mon refus , comme fi j'euffe été dans l'obligation
d'héberger fes hôtes nous voilà
brouillés fur nouveaux frais .
Ses parens , que la difgrace de Marianne
replongeoient dans les inquietudes de l'avenir
, fe prefferent , fans qu'il en fût befoin
, d'empêcher que la paix ne fe conclût
entre lui & moi . Ils aigrirent fa mauvaiſe
humeur ; ils exciterent fes foupçons par
la malignité de leurs conjectures fur mes
actions les plus indifferentes ; ils lui firent
entendre que ma conduite refervée avoit
au fonds fa politique & fes interêts ; que
mes foins à vouloir paroître fage , étoient
plûtôt un voile dont je couvrois des affaires
de coeur , qu'une certitude de ma vertu ;
que jeune & belle , ( ce font mes ennemis
qui parlent ) je me trouvofs expofée fans
ceffe aux attaques des foupirans , & qu'il
étoit bien difficile que , dans un âge où la
raiſon eft encore en enfance , je fortiffe
45. LE MERCURE
innocemment de tant de perils agréabies :
c'eft ainfi qu'aprés avoir paré la victime ,
ils l'égorgeoient enfin ils prefenterent à
à la jalousie tous les objets capables de la
remuer violemment .
La perfecution devint fi cruelle , on me
rendit fi malheureufe , que je crus la fureur
dé mes ennemis épuifée ; mais un accident
imprevû les mit en état de travailler
à me rendre mon Mari irreconciliable ;
c'étoit le comble de mes infortunes , & où
fé terminoit toute l'étendue de leurs defféins
.
Il eut en huit jours deux attaques d'apoplexie
, qui fournirent à fes heritiers une
occafion fort naturelle de ne point défemparer
la maifon : La Dame fa four,arriva
de la campagne , & prit un apartement au
logis pour être plus à portée de fecourir
le malade : les foins , les veilles , les inquietudes
, les larmes , toutes ces fauffes demonftrations
de douleur furent employées
avec fuccés : Monfieur de... convaincu du
tendre & fincere attachement de fes
parens
éplorés , oublia qu'ils étoient fes heritiers ;
il reçut , comme des témoignages de leur
zele , toutes les calomnies qu'ils lui debiterent
für mon compte ; ils avoient dreffé
entr'eux le tiffu d'une intrigue qu'ils fuppoloient
que j'euffe avec un jeune homme ;
ce jeune homme étoit un de ces petits
Maîtres évaporés , fur lefquels on ne laiſ
&
D'OCTOBRE. 47
feroit pas tomber un regard , fans le ridicu
le de leurs manieres qui excite quelquefois
la curiofité : On ne pouvoit choifir plus
mal le Heros du Roman ; les avantures
n'étoient pas mieux imaginées : Nulles
preuves ni vrayfemblance même dans une ,
accufation fi grave ; & ce qu'on alleguoit
de plus decifif pour me convaincre d'adultere
, eft que le Cavalier avoit envoyé à
neuf heures du matin rechercher fon manteau
dans mon antichambre , d'çú il refultoit
que nous avions paffé la nuit enfemble
: Si un foupçon de cette nåture trbuvoir
grace dans le monde , la reputation
des femmes dependroit de la pluye & du
beau tems. Ce fait , loin de montrer les
apparences du crime , ne prefente rien à
quoy la medifance la plus déchaînée puiffe
donner un mauvais tour ; cependant Monfieur
de ... but à longs traits un poifon fi
mal preparé. Je voudrois qu'on pût croire
pour fon honneur , que l'apoplexie avoit
un peu dérangé les operations du jugement;
ce qui va fuivre , le perfuadera peut être.
Il s'imagina , ou feignit de croire , qu'il
Jui étoit furvenu une de ces maladies cruelles
que le venin de la prostitution communique
Un Medecin qu'il confulta , ne
lui trouvant , aprés un examen en forme ,
aucun indice qui pût caracterifer les apparences
mêmes de cette maladie , -jugea fort
roifonnablement qu'il falloit traiter Mon48
LE MERCURE
·
•
fieur de . .. en malade imaginaire ; il luf
fit prendre fous le nom de fudorifique
une tizanne legere , propre à rafraîchir les
entrailles de Monfieur , trop abreuvées de
liqueurs & de vin ; ce qui pouvoit bien
avoir part au delire.
Mon mari perfuadé qu'on travailloit ferieufement
à le guérir du pretendu mal
dont il fe plaignoit , voulus joindre aux
avis du Docteur , ceux d'un Chirurgien .
Celui qui fut appellé , traita tout net de
vifions ou d'impoftures les douleurs du
malade , & ne fçachant pas dans quelles
vuës on lui donnoit des remedes qu'il ne
croyoit pas indifferens , il blâma la conduite
du Medecin , & alla lui en faire des
reproches chez lui - même . Le Medecin le
mit au fait , & lui expliqua les raifons
qu'il avoit euës ; la tizanne fut approuvée.
Monfieur de .. revint à la charge
pour convaincre Fincredule Chirurgien
aprés un recit infidele de fa maladie ; il ofa
me l'imputer ; il affura que j'étois moimême
dans les remedes , & il voulut que
fur le champ je fuffe vifitée. La honte
d'un foupçon fi outrageux m'accabla ; ce
que l'on exigeoit de moy,fit gemir ma pùdeur
; mais enfin , les interêts de mon innocence
prevalurent , & me determinerent.
•
Le Chirurgien attefta qu'il ne m'avoit
trouvé que de legeres marques d'une indifpofition
trés ordinaire aux femmes , &
dont
D'OCTOBRE. 49
dont on ne pouvoit rien conclure de defa- *
vantageux à leur conduite.
Ce que je viens de raporter , prouve combien
l'apoplexie avoit mis en defordre le
jugement Monfieur de ... Ce que j'ai encore
à dire fur les déreglemens de fon imagination
, n'eft pas moins decifif. On verra
bientôt de quelle autorité pour ma caufe
, font ces faits qui ne paroiffent actuellement
d'aucune confequence.
Mon mari a toûjours craint les efprits ,
& il s'étoit forgé fur cela bien des chimeres
; mais depuis l'apoplexie , fes terreurs
paniques avoient augmenté. Les vieux Con
tes que les nourrices employent au lieu de
verges , lui faifoient impreffion , le dirayje
enfin il craignoit , le loup garou , le
Juif errant.
Je fuis perfuadée que le Lecteur s'arrête
ici , & me blame d'avoir mis en oeuvre ces
puerilités , qui loin de paroître utiles à ma
caufe , femblent marquer une difette affreufe
de raifons & de moyens : Pourquoy
dira t'on , s'accrocher au ridicule dans un
point de fait où il ne faut que des preuves ?
mais ce ridicule eft par luimême une
preuve évidente de mon innocence & de
l'imbecillité de l'accufation ; c'eft ce que la
fuite va developer.
Un jour que m'amufant à vifiter dans le
grenier ma provifion de fruits , je jettois
par la fenêtre des pommes pouries
Octobre 1719.
E
une
50
LE MERCURE
de ces pommes tomba fur une fonette qui
fervoit pour l'appartement de M. de ... Le
fil d'archal ébranlé , fit mouvoir dans la
Chambre les anneaux à travers defquels il
paffoit mon mari qui étoit alors avec un
Pere Auguftin & un de nos laquais , leur
demande qui.fonne ? l'un & l'autre difent
n'avoir touché à rien ; le voilà faifi
de frayeur , & fur le champ il refoud de
quitter une maifon où les efprits reviennent
Bientôt aprés cette fcene que j'avois preparée
fans le fçavoir , j'entre dans fa cham
bre , il me fait une longue hiftoire du prodige
arrivé , & me declare qu'il veut aller
demeurer ailleurs
- La maifon étoit fi incommode & fi trif
te , que je ne pûs me fçavoir mauvais gré
d'avoir fourni les incidens qui obligoient
Monfieur de ... de la quitter ; mais
comme les efprits ne remuoient plus , l'empreffement
de deloger , diminua ; ma femme
de chambre me fit louvenir dans ces circonftances
qu'il y avoit encore au Grenier
du fruit pouri j'avouerai de bonne foy
que je vifay à la fonette , le charme reüffit,
nous délogeâmes .
La Dame fa foeur moins credule par
malheur que Monfieur fon frere , s'avifa
deux mois aprés de vouloir examiner par
elle-même s'il y avoit dans l'avanture
quelque chofe d'extraordinaire , & coura÷
geufement elle s'offrit d'aller paffer une
nuit dans la maifon.
D'OCTOBRE.
ST
De mon côté je tins confeil avec ma femme
de chambre ; nous ne doutions point
que ma belle.four ne regardât comme une
fupercherie , l'avanture de la fonette ; &
que prefumant que c'étoit mon ouvrage ,
elle ne cherchât à s'en éclaircir pour m'en
faire un crime prés de Monfieur de ...
L'expedient le plus naturel pour détourner
ce coup , étoit de l'effrayer elle même par
une apparition concertée , & c'est à quoy
nous nous déterminâmes. Ma femme de
chambre fe chargea de trouver des Acteurs;
elle diftribua les premiers roles à deux
laquais du logis ; nous leur fournîmes les
decorations & autres chofes neceffaires ;
des draps , une citroüille vuidée , la chaîne
du puits , des flambeaux & du vin pour
les entre- Actes .
>
Tandis que nous dreffions fecretement
l'apareil de ce fpectacle comique la
Dame fa fæeur que les approches du
peril rendoient plus timide , fe faifoit
du courage par raifon , raffembloit toutes
fes forces , & preparoit fa conftance aux
plus rudes épreuves ; enfin elle prit jour
pour cette fameufe cxpedition ; & s'appuyant
de l'intrepidité de Monfieur fon
fils , ils fe tranfporterent enfenible fur les
Heux , accompagnés feulement de notre
cocher, & d'un gros chien de baffe cour .
On leur lailla tout le tems de vifiter la
maiſon & de fatiguer leur vigilance par
E
ij
52 LE MERCURE
•
2
des rondes inutiles ; mais , quand nous
jugeâmes qu'ils pouvoient être affoupis
mes gens entrerent par une fauſſe porte
dont je leur donnai la clef que mon mari
m'avoit laiflée en garde : La piece fut mal
jouée , les fpectres firent leurs roles avec
fi peu de precaution , qu'à peine donnerent
-ils un moment le change : Le chien
aboye , le cocher fe leve , court , crie au
voleur. Les deux phantômes déconcertés ,
cherchent à s'évanouir , le cocher les fuit,
le chien les galope ; ils échapent cependant
malgré la fourche & le mâtin : Mais à
quatre pas du logis , la patrouille les rencontre
, s'en faifit & les mene au Corps de
Garde.
Dans ce defordre , la clef dont j'étois
feule depofitaire . refta à la fauffe porte .
ce qui dénoua toute l'intrigue , & fit voir
que la piece étoit de ma façon.
La Dame fa four donna à cette avanture
la plus mauvaife explication qu'elle pût
imaginer ; elle fe recria beaucoup fur l'infolence
& la hardieffe de l'entreprife ; elle
fit entendre à mon mari qu'il devoit regar
der cette fcene nocturne , comme un cffay
que j'avois pretendu faire de la complai
fance de mes domeftiques , pour les porter
enfuite à des temerités plus grandes contre
fes interêts, peut être même à des attentats
Aur fa vie . Monfieur de . faifi tout ensmble
de crainte & de fureur , laiffa éD'OCTOBRE.
$3
chaper des paroles menaçantes qui me furent
raportées. Je me retiray chez un de
mes parens , pour y attendre en fureté la
fin de l'orage..
Mon mari , dés le lendemain , envoya
chercher ce parent , & lui dit que j'avois
eû tort de prendre fi chaudement l'allarme
; qu'il ne penfoir plus à ce qui s'étoit
paffé ; que je pouvois revenir , qu'il m'en
prioit même de tout fon coeur . Cette nou
velle me fit un plaifir inexprimable ; mais
ma joye s'évanouit comme un éclair Je
me preparois à fortir pour retourner chés
Monfieut de ... lorfque notre cuifiniero
entra dans la chambre , hors d'haleine &
toute effrayée , » Où allés vous , Mada-
» me me dit-elle ? fi vous revenés à la
» maiſon , vous êtes morte , j'entendis hier
au foir une converfation que M. le ...
» & Madame fa fæeur eurent enfemble fur
»vôtre compte. Elle lui demanda pour-
"
quoy , aprés les tours que vous lui aviés
» faits , il vouloit encore vous recevoir ;
» que vous le haïffiez à la mort & que vous
» feriés capable de l'empoifonner , à quoy
» Monfieur le ... répondit , je ne lui en
»donneray pas le tems; j'affecte de la dou-
» ceur pour mieux jouer mon rôle quand
je devrois mourir fur un échafaut ,"je la
» tuerai ; je ne me foucie point de ce qui
m'en arrivera , pourvû qu'elle meure ,
» & que ce foit moi qui aye le plaifir de
:
E iij
14.
LE MERCURE
ر ک
la faire expirer ; mais comment ferés
,, vous , lui dit la Seur vous êtes avcugle
: Je ne ferai femblant de rien ; je la
prierai de me mener dans mon Cabinet ;
,, je fermerai la porte comme à l'ordinaire ,
je la tiendrai fous le bras, & je ne la manquerai
pas.
ود
32
د ر
On ne me blamera point de n'avoir ofé
dans ces circonftances retourner chés mon
mari ; je demeurai où j'étois , fort embarraffée
du parti que je devois prendre. Aprés
y avoir donné quelques momens de reflexion
, je fentis combien il m'importoit que
cette depofition fut faite en prefence de
quelqu'un dont le temoignage eût de l'autorité
: Dans ce deffein j'envoyay prier M.
de ... Gouverneur de C. de me venir voir
pour chofes qui preffoient. Il vint & la
fervante lui repeta dans les termes que j'ai
employés, le recit de ce complotexecrable.
Il me confeilla de ne point rentrer chés
mon mary. Je voulus me jetter dans un
Couvent jufqu'à ce qu'on trouvât l'occafion
de nous réunir , ou dé nous feparer à l'a
miable; mais , comme toutes les routes qui
conduifent au fuccés & au repos , étoient
fermées pour moy , les Religieufes de ...
à qui les regles defendent de prendre des.
Penfionnaires , ne purent me recevoir ; ce
qui porta Monfieur de ... à prefenter requefte
au Confeil , pour faire ordonner que
F'on m'y reçût. La refolution qu'il prenoit
D'OCTOBRE. 35
de proceder juridiquement , fournit à la
Dame fa foeur & aux autres heritiers les
moyens de confommer leur ouvrage , & de
nous rendre irreconciliables mon Mari &z
moy , par une affaire d'éclat qui mit aux
prifes entre nous les délicateffès du point
d'honneur & de la reputation : Pour parvenir
à leurs fins , ils lui firent entendre
qu'il n'obtiendroit point que je fulle fe
queftrée dans un Couvent , files Juges
n'étoient pas inftruits dans les formes par
une procedure extraordinaire ainfi , fans fe
mettre en peine que l'accufation fût aprés
coup reconnue injufte , ils le poufferent à
employer dans fa Requefte , comme des
crimes averés , toutes les calomnies qu'euxmêmes
avoient forgées.
Ils me font parler à leur gré dans cette
Requefte , mais ce qu'ils voudroient perfuader
que j'ay dit , prouve évidemment
que ce qu'ils avancent , eft faux . Monfieur
de ... expoſe en termes dont il ne me convient
pas de me fervir , que je lui ai communiqué
une de ces maladies que produit
le meflange des amours ; il en allegue pour
preuve inconteftable , que m'ayant dit
que je n'avois gueres d'obligation à celui
qui m'avoit fait ce fatal prefent , puiſque
convaincue d'adultere , j'allais être voilée ;
je lui avois répondu , qu'il falloit que
ce fut un Capitaine de la garnifon . Je demande
s'il eft vrai -femblable qu'une femme
>
E iiij
36 LE MERCURE
innocente , ou criminelle , s'avoue coupa
ble d'une indignité fi monftrueufe , à
moins que d'avoir le poignardfur la gorge.
Il étale d'une maniere auffi chocquante
fes autres griefs ; il reclame l'autorité des
Loix , la feverité des Ordonnances , contre
moi & mes domeftiques , pour lui avoir
fait peur des Elprits . Je voudrois fçavoir
files Loix & les Ordonnances ont prevû
un cas fi fingulier , & quelles peines elles
prononcent contre une femme de dix huit
ans , atteinte & convaincuë d'un attentat
fi noir.
Monfieur de ... conclut , 10. A ce que
la Cour lui permette de faire informer du
contenu dans la Requefte .
2º. Qu'elle ordonne que je ferai vûë &
vifitée inceffamment par trois Chirurgiens
qu'il nomme , fçavoir , Marquis , Michel,
& Vergues
.
30. Que par provifion , je fois enfermée
dans un Couvent , de crainte , dit il , que
je n'abuſe de mon corps , & qu'au grand
mécontentement du Supliant , & au préjudice
de fes heritiers legitimes , je ne donne
un heritier faux & fupofé. On voit bien
que c'eft la Dame fa four elle- même
& les autres parens de mon mari , qui par.
lent ; ce dernier trait les caracterife. Mon
Mari dans le defordre d'une colere violen
te , n'étoit pas capable de s'occuper d'au
que des fiens
ici
tres interêts
propres ; il s'ap-
"
D'OCTOBRE. 37
puye fans befoin de ceux de ces heritiers ;
n'eft-ce pas une preuve certaine que la requefte
eft leur ouvrage ? Quel ouvrage
Il n'y a pas un mot qui ne decéle leurs
vues les plus fecretes , qui ne dévoile leur
impatience à s'affurer par anticipation
l'heredité.
Il requiert enfin que mes deux laquais ,
pour avoir prêté leur miniftere à l'apparition
des Efprits , foient arrêtez & con
duits à la Conciergerie du Palais .
Sur cette requefte , preſentée à la Chambre
où mon Mari prefide ( circonftance à
remarquer ) il y fut le même jour rendu
un Arrêt qui en adjuge toutes les conclufions.
Il faut avouer que la Juftice fi
lente à prononcer fes oracles , a eu bientôt
mis en cette occaſion le poids dans fes
balances.
Le Confeil permet d'informer Cela
me paroît regulier : On m'accufe : Il eft
dans l'ordre de chercher des preuves &
des témoins pour éclaircir le fait ; mais on
devoit en demeurer lâ : Cependant tout
de fuite , on fulmine ma condamnation .
Je ne voudrois pas fur une querelle domestique
la plus legere , & où il ne s'agi
roit que de donner le foüet à un enfant ,
avoir jugé avec tant de precipitation. Voi
ey le prononcé de l'Arrêt.
Tout confideré , nôtredit Confeil , faiſant
droit fur ladite requeſte , a permis & peré
58
'
LE
MERCURE
que
و ت
ladite Gomé
,
ن م
met au Supliant de faire informer pardes
vant les Confeillers Raporteurs des faits
contenus en ladite Requefte , circonstances
& dépendances Ordonne
fera vue & vifitée par trois Chirurgiens
fçavoir les nommez Marquis , Michel , &
Vergues , & fequeftrée dans le Couvent Inderlinden
, ad interim feulement ; à charge
par le Supliant de leur payer la penfion ; à
elles enjoint de la nourrir fans retard ni delay
, à peine de faifie de leur temporel , fur
Lefdits faits : ordonne en outre que les nommez
la Noix, Imhoff,feront pris & aprehendez
au corps , & conduits és prifons de la
Conciergerie du Palais , pour être leur procés
fait & parfait , fuivant la rigueur des
Ordonnances , &c.
Je fuis bienheureufe de cece que Monfieur
le Prefident ne s'avifa point d'articuler
dans fa plainte quelque crime capital , je
crois qu'il auroit demandé que l'on me
coupât le cou par provifion . Ce peril
tout imaginaire qu'il eft , me fait trembler .
>
L'information faite en confequence de
l'Arrêt , n'eft compofée que de témoins
que mon Mari a tous corrompus par des
bienfaits , ou intimidés par des menaces .
Je vais mettre le public en état de n'en
pas douter.
Les feuls qui dépofent avoir vû des in
dices d'adultere , font ces mêmes laquais
pourfuivis criminelement par M. de ...
D'OCTOBRE. 59
pour avoir contrefait les Efprits . On fe
fouvient qu'ils furent arrêtés par la Patrouille
& conduits au Corps de Garde .
les ar- Comme ils étoient propres à porter
mes , quelqu'un profita de l'occafion pour
les engager . On leur dit qu'il n'y avoit
que ce moyen d'éviter les fuites fâcheufes
du procés. Ils s'enrollerent , on les mena
à B ....
Mon Mari , lorfqu'il eut commencé la
procedure , tefolut de faire prendre ces
deux hommes à quelque prix que ce fût
perfuadé que fous promeffe de les remettre
en liberté , il les engageroit à dépofer
contre moi. Nétoit queftion de s'affûrer
deux à B .... la chofe n'étoit pas facile
: Il eut recours à l'autorité du Gouver-
& lui neur , qui lui accorda cette grace ,
écrivit à ce fujet la lettre fuivante , dont
j'ai en main le précieux original.
901
LETTRE DE MONSIEUR DE ..
Gouverneur de ....
"A Monfieur le Prefident de ...
b.w3
A B. le 2. Fevrier 17.11.
Je vous envoye , Monfieur , les deux de
les
mestiques qui font neceffaires pour procedures
que vous faites faire contre Madame:
vôtre époufe ; l'Officier prefent porteur qui·
eft chargé de les conduire à C.....
30 LE MERCURE
mais
ordre de les remettre à ceux qui viendront
tes recevoir de vôtre part à l'endroit que
vous m'avez indiqué. J'ay joué le rolle qui
a été convenable pour intimider ces jeunes
gens , afin qu'ils declarent ce qu'ils fcavent,
en leur promettant que pourvû qu'ils ne cachent
rien , je tâcherai de les tirer d'affaire;
que s'ils veulent biaifer dans les interrogatoires
qu'on leur fera , je les aban
donneray à leur mauvaiſe deſtinée . Aw refte
, Monfieur , fi j'en avois cru tous les
mauvais difcours qui fe font tenus & ce
qu'on m'a mandé de C..... je n'aurois ja- "
mais entré dans la negociation , où je me fuis
engagé pour votre fervice . Et les Officiers.
plus credules, ont été à même de ne point fe
point fier à votre parole ni à la mienne
perfuadés qu'on les vouloit tromper. Enfin
j'ai levé toutes difficultés , & l'on m'a reprefenté
ces domeftiques ; je fais pour vous
en cette occafion ce que je ne ferai plus pour
perfonne. Mais, les gens d'honneur doivent
contribuer à la fatisfaction de ceux qui fe
trouvent dans le cas où vous êtes. Je fuis
Monfieur trés- effentiellement , & c.
Monfieur le Gouverneur de B. a raifon
d'affurer Monfieur de ... qu'il eft trés ef
fentiellement fon ferviteur. On ne peut
porter plus loin qu'il le fait , la complai
fance pour un ami : Il paroît même dans
fa lettre qu'il repugne à en donner des
marques fi fingulieres..
D'OCTOBRE.
J'admire le facrifice , & il n'y a perfonne
avec de la delicateffe fur la reputation ,
qui ne le trouve extraordinaire .
Je ne m'arrête point à difcuter les endroits
de cette lettre qui me fourniffent
des reproches invincibles contre les deux
témoins , il fuffit de la fimple lecture pour
fentir qu'ils ont été intimidés ; & ce qui
acheve d'établir cette verité importante ,
c'eft que peu aprés l'Interrogatoire , mon
Mari ceffa fes pourfuites & les mit en liberté.
Ne voit-on pas bien clairement
que tant d'indulgence aprés tant de bruit
& de fracas , eft le prix qu'il avoit mis â
leurs dépofitions-?
Mon Mari & fa famille , malgré le ſuccés
de leurs temerités , ne goûtoient pas
fans inquietude le plaifir de la vengeance ;
ils craignoient que je ne trouvaffe quelque
reffource imprevûë pour me juftifier , &
qu'ils ne fuffent contraints de reparer l'oppreffion
, quand mon innocence fe feroit
jour.
Pour s'affurer à tout hazard , l'impunité ,
ils propoferent à mon pere de paffer une
tranfaction qui me feparât de corps & de
biens , au moyen de laquelle la procedure
extraordinaire commencée contre moy ,
demeureroit nulle & fans effet,
Mon pere , qui connoiffoit combien eft
fatiguante & perilleufe une guerre de
chicanaes & de procedures dans un Tri62
MERCURE LE
bunal où la partie prefide , regarda comme
un avantage les propofitions de paix que
l'on me faifoit.
Lorfque les préliminaires furent reglés ,
c'eft-à-dire la feparation de corps & de
biens , & le défiftement du procés crimi
nel , l'on convint des autres articles. Mon
Pere confentit pour moi , attendu que
que j'étois mineure , ure renonciation à
tous les avantages portés par mon Contrat
de Mariage jufqu'aux prefens de nôces
qui m'avoient été donnés. Il s'obligea
de me tenir dans un Couvent , & d'y
payer ma penfion pendant la vie de mon
Mari ; il fut encore ft pulé qu'au cas que
mon pere mourût , fes heritiers feroient
chargés de la même claufe ; il s'obligea de
me faire agréer & ratifier la Tranfaction
dans trois femaines , à faute de quoi elle
feroit nulle.
Mon Pere qui craignoit l'éclat & les cmbarras
du procés , autant que le credit
de Monfieur de ... crut ne pouvoir rien
faire de plus utile pour moi , que de facrifier
ma fortune àmon repos ; il me força
de ratifier la Tranfaction. Je n'avois que
dix-huit ans , je n'étois pas en droit de
difcuter mes interêts.
Mais , comme la violence emporte avec
foi la nullité des conventions qu'elle
exigées , & que l'on n'eft obligé à la fervitude
, qu'autant que dure la contrainte :
D'OCTOBRE. 63
jourd'hui que je fuis majeure , je me crois
bien fondée à me pourvoir contre cette
Tranfaction extorquée.
Les fimples lumieres du bon fens me
dictent qu'un Acte fi monftrueux ne peut
trouver grace dans aucun Tribunal.
Separer de corps & de biens une femme
mineure , la faire renoncer à toutes fes
conventions matrimoniales , la forcer de
confentir à être renfermée à fes dépens
dans un Couvent qu'aurois -je pû atten
dre de plus fevere & de plus ignominieux
de la conviction du crime dont je fuis
fauffement accusée ?
Tout prouve la nullité de cette Tranfaction
deteftable , ouvrage des Parens de
mon Mari ; mais où me pourvoir ? doisje
attendre du Confeil fouverain d'A ...
la Justice qui m'eft dûë ? Les Parens de
mon Mari intereffés à ma perte , y rem
pliffent les premieres Charges , lui-même
y prefide , que n'ay-je point à craindre de
feur credit & de fon autorité particuliere ,
aprés la condannation que , fur un fimple
allegué , ils ont obtenue contre moi , aprés
qu'ils ont fait prononcer une feparation de
corps & de biens par un Notaire , fans
que le Confeil ait puni une licence fi perni
cieuſe .
Je ne pourois reparoître dans la Province
, qu'on ne me traînât indignement
dans le Couvent où toute communication
64 LE MERCURE
de confeils feroit interdite ; privée d'ail
leurs de mes conventions matrimoniales qui
feroient toute ma reffource , je fuis hors
d'état d'y aller vivre.
La faveur de ces circonstances & de mes
droits , le caractere de l'Accufée , l'irregu
larité des procedures , la violence de l'Arreft
, me font efperer de la bonté du Roy
que SA MAJESTE' me donnera pour
Juge le Parlement de Paris , où je fuis
actuellement chez une patente , unique
afile que je puiffe trouver.
N
L. C. DE SAINT JORY .
********
Ous avons été les premiers à annoncer
dans nos Mercures , la découte
fi inefperée de rendre l'eau de la Mer
potable. Les autres Journaux n'ont fait
que nous copier fort imparfaitement ; &
aucun des Journaliſtes n'a fuivi les progrés
de cette heureuſe découverte . On peuc
voir dans les Mercures d'Aouft , Septembre
, Octobre 1717, & Mars 1-718 . tous
les Procez verbaux , Memoires , experiences
, & c. que nous y avons inferez , pour
en être convaincu . Toute l'Europe attendoit
de nous que nous confirmaffions ce que
nous avions avancé precedemment. On
aura fans doute remarqué dans le Reccüil
de Janvier 1719. une Lettre de M. Gan
tier écrite d'Alexandrie , dans laquelle il
donnoit
D'OCTOBRE. 65
>
donnoit quelques éclairciffemens fur fa Machine
, fur la qualité & quantité d'eau qui
en provenoit ; aujourd'huy c'eft en quelque
maniere la confommation de fon Ouvrage .
Mais , avant que de donner au Public le
progrés des experiences que M. Gautier a
Faites en Mer & à Toulon , pour rendre
praticable fur la Mer la Machine qu'il a
inventée , il eſt à propos d'avertir que
nous avons remarqué que plufieurs perfonnes
n'étoient pas encore au fait de lon fecret;
puifque la potabilité de l'eau de Mcr
qui fait le fujet de leurs reflexions , eft une
des plus petites circonftances de la décou◄
verte. Les Procez verbaux & les épreuves
réïterées ne laiffent aucun lieu d'en douter.
Le point le plus difficile confiftoit à conſtruire
une Machine fimple, folidé, qui occupât
peu d'efpace dans un Vaiffeau ; qui
produifit une grande quantité d'eau avec
peu de matiere combustible ; qui fûr à
l'épreuve des agitations de la Mcr , & •qui
pût être placée dans plufieurs endroits d'un
Vaiffeau , fans gêner la manoeuvre.
L'Auteur a fatisfait à toutes ces difficultez
, dont quelques- unes lai étoient écha
pées au Port-Louis , aufquelles il a remedié
dans fon voyage qu'il a fait par Mer à
Alexandrie , & qu'il a levées dans les experiences
qui en ont été faites à fon retour:
à Toulon.
Si l'Auteur , aprés avoir établi ſa MaLE
MERCURE
#
a
chine dans un Vaiffeau au Port Louis ,
n'avoit pas obfervé certaines imperfections,
c'eftqu'elles ne regardoient pas directement
les operations qui furent pour lors complettes
, quant à la potabilité & à la quan
tité de l'eau , la difference d'un Vaiffeau
armé à un Vaiffeau défarmé , ne pouvant
être connue que par pratique. C'eft ce qui
engagea l'Auteur à demander à la Cour
de faire un voyage dans la Mediterrannée ,
afin qu'il pût mieux fe mettre au fait de
l'application de fa Machine fur un Vaiffeau
fous voile. Son voyage n'a pas été infiuctueux
, puifqu'il a obvié à tous les inconveniens
qui font furvenus pendant le cours
de fon voyage. Il ne s'agit plus à prefent
que de former des hommes dans chaque
Port de Mer , pour executer ce qu'il a fi
heureuſement imaginé, & porté , en quelque
forte à fon point de perfection .
L'apprentiffage n'en fera pas long. On
ne peut rien de plus fimple que fa Machine
, & par confequent la manoeuvre
en devient par- là fort aifée. Il ne faut
plus maintenant qu'inventer une autre
Machine , pour trouver les longitudes :
Alors la Mer deviendroit autant l'element
des hommes, que la Terre. Les voyages de
long cours fe feroient beaucoup plus commodément,
plus utilement, plus agréablement
, & fans prefque aucuns rifques . Ne
pourroit - on pas foupçonner M. Gautier
d'y travailer
D'OCTOBRE
67
Procés verbal fur l'Eau de Mer
rendne potable.
OUS Ginefte & d'Orgnon Terras
, Capitaines de Fregates , Chevaliers
de l'Ordre Militaire de S. Louis ,
Hocquart fils , petit Commiffaire de la
Marine , & Royer , Ecrivain du Roi ,
foufignez , commis par M. le Bailli de-
Belle-fontaine Commandant , & par M.
Hocquart Intendant en ce Port , pour
examiner & faire un rapport de l'épreuve
de la Machine à deffaler l'eau de la Mer du
fieur Gautier Medecin , en confequence
de la lettre du Confeil de Marine à mond . -
fieur Hocquart Intendant du 26. Avril
1719. portant que l'intention de S. A. R
étoit , que ledit fieur Gautier reſtât à
Toulon pour faire un nouveau voyage &
une feconde épreuve , aprés le rétabliffement
de la Machine , de la maniere dont
il eftime qu'elle doit être faite , nous nous •
ferions transportez le 31. jour du mois
d'Aouft de la prefente année à 9.h.& demie
du matin, à bord du Vaiffeau du Roi PEntreprenant
, où nous aurions trouvé ladite
Machine établie dans le fonds de calle , en
avant de l'archipompe dudit Vaiffeau ,
pour examiner fi ledit fieur Gautier avoit
remedié aux inconveniens qu'il y avoit
remarqué dans la derniere campagne qu'il
a faite fur le Toulouse , & en même tems ,
juger de la quantité & de la qualité de
Fij
68 LE MERCURE
ཟ
l'eau douce qui en proviendroit , & de la
matiere combuftile qui s'y confommeroit ;
nous aurions trouvé la caiffe remplie d'eau
de Mer , & le feu allumé dans le tambour
de cuivre de ladite Machine , & que l'eau
douce diftilloit du chapiteau : & led. fieur
Gautier nous ayant demandé de faire une
. épreuve de 24. h. nous aurions fait mefurer
deux pieds cnbes de charbon de terre,
& environ trois pieds cubes de bois , provenant
de la démolition des Vaiffeaux du
Roi , que nous aurions deftinez pour en
tretenir le feu dans ladite Machine , def
quels cinq pieds cubes , tant dudit bois
que dudit charbon , il n'eft refté le lendemain
premier Septembre à 9. h . & demie
du matin , terme defdites 24. h . qu'un
demie pied cube de charbon de terre ; les
quatre pieds cubes & demi de matiere qui
ont été confommez , ayant produit dans
tout ledit intervale de 24. h. dix-huit
pieds cubes d'eau dift'llée , faifant 648 .
pintes de Paris , à raiſon de 36. pintes par
pied cube , ou deux bariques trois quarts,
environ de 120. pots par barique : Nous
aurions de plus obfervé que l'eau diftillée
nous avoit paru au goût dépourvûë de ſel ,
mais qu'elle avoit un goût étranger , que
nous avons cru pouvoir venir de ce que
toilles qui compofent le chapiteau de cetre
Machine, étoient peintes à l'huile de noix ,
avec du rouge brun , dont l'eau diſtillée
prend l'impreffion.
les
D'OCTOBRE.
•
Et fur ce que nous aurions demandé audit
fieur Gautier fur une copie d'un Procés
verbal fait au Port- Louis , au fujet de
fes experiences ; pourquoi il ne s'étoit pas
fervi uniquement de charbon de terre &
de bois , il nous auroit répondu qu'il avoit
effayé ce mélange qui n'avoit point réuffi
à Toulon , parce que le charbon de terre
n'y eft pas d'une af bonne qualité qu'au
Port- Louis.
, Io
A l'égard des défauts que ledit fieur
Gautier avoit remarqué dans la conſtruction
de fa Machine il nous a paru ,
›
Qu'il n'y a point à apprehender que le
tambour de cuivre donne un goût de fuye
à l'eau , parce qu'il eft tout environné
d'eau dans la caiffe où il eft renfermé.
20. Le tambour de ladire Machine a été
retaillé & refait au retour de la derniere
campagne , & on a mis de la foudure en
beaucoup d'endroits cependant il n'a
point fait d'eau pendant le tems que la Machine
a travaillé .
30. Il fuffit dans la reforme que ledit
fieur Gautier a faite de fon tambour , d'une
Mouffe , pour virer le tourniquet deſtiné
à battre l'eau , pour procurer une plus
grande évaporation.
4. On ferme la bouche du tambour
avec une porte de cuivre , & le feu s'é
tendra facilement & fans danger.
so. Ledit fieur Gautier a établi fon cha
70 LE MERCURE
piteau , de maniere qu'il y en a une partie
qui s'éleve entre les deux échelles en avant
du grand mât , & ainfi la chaleur fera
moins fenfible au fonds de calle .
Fait à Toulon le 2. Septembre 1719. Signé
, le Chevalier Ginefte , d'Orgnon-
Terras , Hocquart fils , & Royer : Vù
par nous Intendant de la Marine Hocquart ;
& vû par nous Chef dfcadre des Armées
Navales du Roi , le Chevalier Dalli,
*
Et le cinquiéme Septembre fuivant ,
le Commandeur Dalli , commandant par
occafion de la maladie de M. de Belle-fontaine
, ayant donné ordre à nous Bandeville
S. Perier , Capitaine de Fregatte ,
& M. Hocquart , Intendant , à nous
Hocquart fils , petit Commiffaire , de
faire les épreuves de ladite eau , en faifant
cuire des légumes & viandes falées , telles
qu'on les embarque fur les Vaiffeaux du
Roi , les mettant dans l'eau froide fur le
feu , nous aurions remarqué que le Ris de
Levant s'eft trouvé cuit & prefque réduit
en bouillie dans une heure & demie de
téms.
Les Pois gris , en deux heures un quart.
Le Lard falé , en deux heures & demie.
Les Haricots , en deux heures & demie..
Les groffes Féves , en quatre heures &
demie.
Et le Bauf falé , en quatre heures &
demie de tems .
1
D'OCTOBRE. 71
►
Fait à Toulon le 6. Septembre 1719 .
Signé , Bandeville de S. Perier & Hocquart
fils : Vu par nous Intendant de la
Marine , Hocquart ; & vû par nous Chef
d'Efcadre des Armées Navales du Roi , le
Chevalier Dalli.
Extrait des Registres du Contrôle de la
Marine , à Toulon le 12. Septembre 1719.
Signé , Gadroy. V par nous Intendant
de la Marine à Toulon , Hocquart.
,
Memoire des Obfervations particulieres ,
faites par le fieur Gautier , Medecin
concernant la Machine à rendre l'eau de
Mer potable.
Le fieur Gautier a l'honneur de reprefenter
, qu'il ne s'eft fervi de toilles imprimées
à l'huile de noix , qui ont donné
un goût étranger à l'eau , que pour faire
plus facilement & avec moins de dépenfes,
differentes experiences pendant lefquelles
il a obfervé.
Qu'il fera facile d'établir la Machine en
plufieurs endroits du Vaiffeau , comme à
l'entrepont , fous le gaillard de l'avant ,
& c.
Que la Machine reformée occupé la moitié
moins d'efpace que celle qui avoit été
faite au Port- Louis , & qu'elle produit
une fois plus d'eau dans le même efpace de
tems.
72 LE MERCURE
Que le chapiteau peut être conftruit de
bois Ce qui en faciliteroit la fabrique ,
feroit de peu de dépenfe , & ne donneroit
aucune qualité à l'eau , qu'on pût foupçonner
d'être nuifible par le frequent
ufage.
A l'égard des Obfervations qu'on avoit
faites pendant le voyage , le Procés verbal
fait foi que l'Auteur a obvié à tous les inconveniens
, fans tomber dans de nou
veaux.
Extrait d'une Lettre écrite par J. le Poil
à M .....
C fort plaifant . J'ai la plume en main ',
' Eft affarément quelque chofe de
& je ne fçai que vous écrire. Toutes mes
idées fe difputent le pas , & chacune veut
avoir la preference.
Tel qu'on voit de jeunes Moutons
Impatiens du pâturage ,
Vouloir à la fois , trop gloutons ,
Paffer de l'Etable au fourage ;
L'un fur l'autre , comme en feftons
Eux memes bouchent leur paffage :
A la porte par pelotons
Demeure l'ardent assemblage
De ces affamez pietons
C'eft
D'OCTOBRE
73
C'eft , Monfieur , le cas où je me trou
ve. Si faut- il , felon la raiſon & la juſtice ,
que vous ayez les premices de mon ftile
epiftolaire. A propos , j'ai un pardon à
demander , & qui plus eft , à obtenir.
L'homme fait des fautes ; l'honnête homme
les reconnoît , les repare , & follicite
fa grace le plûtôt qu'il peut. Je vous fupplie
donc , Monfieur , d'excufer un oubli
Bachique qui m'a dérobé la partie de vôtre
campagne de V. Je m'en faifois un
plaifir infini ; mais la veille je foupai avec
cinq ou fix Yvrognes .
Et cette Scene fut fi vive ,
Que le matin rentrant chez moi ;
Mon eftomac fit la leffive ;
Avanture , qui , fur ma foi ,
Jamais , non , jamais ne m'arrive:
Dans mon liet donc je me tiens coi ,
Et la cervelle en défaroi ;
Jufqu'à tems qu'on criât , qui vive 7.
Lors crachotant blanche ſalive,
Et le teint tout couleur d'olive ,
L'Torogne fe dit à part foi :
Mais , n'as-tu pas recû miſſive ?
J'en conviens , & je fcai pourquoi ?
Mais l'heure eft un peu trop tardives
Lefommeil eft fourd à la Loi.
Ainfi , ne fois plus en émoi ,
Si ma memoire laxative
Octobre
1719.
74
LE MERCURE
Ne m'a point fait penser à toi ;
Mon idée en ce tems rétive
M'auroitfait oublier le Roi.
Voila le fait ; certes il n'eft pas à mon
honneur & gloire : Néantmons , fi vous
êtes de même caractere que moi , vous accorderez
bientôt remiffion au crime de leze-
parole dont je fuis atteint & convaincu .
Je prens la liberté de faluer Madame de....
La Providence qui fe fert de toutes fortes
de voyes pour fauver fes Elus , a peut-être
permis un petit mal pour en empêcher un
plus grand .
C'est pour mon falut que les Dieux ,
Qui ne m'ont donné coeur de roche ,
M'ont fait fuir ces champêtres lieux
Où mon ame eût reçû taloche :
Quand d'un minois fi gracieux
Trop imprudemment on s'approche.
Maint atome victorieux
En rejaillit , & vous acroche :
Pour refifter à fes beaux yeux ,
Faudroit avoir la Grace in poche.
Salut trés- humble & trés - cordial à tous
les aimables Convives . Je fuis , M. & c.
D'OCTOBRE
75
L'
Ode fuivante a été compofée pour le
Prix de Poëfie , propofé par Meffieurs
de l'Academic Françoife. Dans l'examen
qu'elle a faite des Pieces en vers qui lui
ont été envoyées , cette Ode avoit été decidée
une des meilleures qui y pouvoient
prétendre. L'Academie n'a cependant pas
jugé à propos de la couronner , ayant remis
la diftribution de ce Prix à l'année
prochaine.
Sujet donné par Meffieurs de l'Academie
Francoife.
Que jamais fimple Particulier n'eut tant
de bonté pour fes Domestiques , que
LOUIS LE GRAND en avoit pour
ceux qui avoient l'honneur de le fervir.
O D E.
Par M. l'Abbé Pellegrin.
Grand Roi qu'en tous lieux on rez
nomme ,
Pardonne de trop foibles vers :
De toi , je ne chante que l'Homme ;
Le Heros remplit l'Univers .
Gij
76
LE MERCURE
Tel qu'aujourd'hui je t'envisage ,
Tu ne t'offres que fous l'image
Du plus aimable des Vainqueurs :
Quel nouveaugenre de victoire !
Tu ne fais confifter ta gloire
Qu'à triompher de tous les cours.
Vertu , dont lesplus nobles têtes
Daignent rarement fe parer:
Bonté , quifais tant de conquêtes ,
C'est toi que je vais celebrer.
Qu'unfeul de tes regards nous touche !
Turadoucis l'orgueil farouche ,
Enfant du pouvoir fouverain.
Eh ! ne faut-il pas que l'on t'aime,
Lors qu'au travers d'un diadême
Tu laiffes voir un front ferein ?
Rois , que la terreur environne ,
Difparoiffez devant mon Roi :
L'éclat , dont brilloit fa couronne
N'alloit qu'au loin porter l'effroi.
Souverain , plus digne de l'être ,
Sous le Pere , il cachoit le Maîtres
Fondantfes droits fur notre amour.
Loin de nous grondoit fon tonnere ;
Et l'étonnement de la terre
Fut les délices de fa Cour.
D'OCTUBRE: 17
Trop heureux ceux qu'un tendre hommage
Attachoit à lui de plus prés !
Dans un fi glorieux partage ,
Qu'ils trouvoient de nouveaux attraits !
Beaux foins ! récompenfes plus belles !
Jamais lesfervices fidelles
N'étoient reconnus à demi :
Les bienfaits prêts à fe répandre ,
Etoient tels , qu'on auroit pû prendre
Le Bienfaiteur pour un Ami.
Cette image vous importune j
Tyrans du merite abbatu ;
Qui du poids de vôtre fortune
Accablezjufqu'à la vertu !
Des rangs vantez moins la diftance
Neuffiez- vous fous votre puissance
Qu'un vain tas d'efclaves abjets .
A quelque point qu'on les ravale ,
Combien plus vafte eft l'intervalle
Entre les Roys & les Sujets !
Louis eft le fuprême arbitre
Du fort d'un Peuple floriffant
Le thrône lui donne ce titre ;
Mais quelquefois il en difcend.
Ilfait plus. Dans un lieu champêtres
Dépofant jufqu'au nom de Maître ;
D'Amis il fait un jufte choix :
Au milien d'une paix profonde ,
Giij
78. LE MERCURE
Il fe remer du foin du monde
Sur lafageffe de fes Loix.
Il n'eft plus. Sort que je déplore !
Mais , o preftige de l'amour !
Marly , in crois le voir encore ;
Et je croi le voir à mon tour.
Là , voilant l'éclat dont il brille
Le Roi n'est qu'un Chef defamille ,
De fon Domeftique entouré:
Son Augufte front fe déride ,
Et l'Efclave le plus timide
D'un regard feroit raffûré.
Beaux lieux la Naïade attentive
A vous arrofer de fes flots ,
Retient fon onde fugitive ,
Pour mieux contempler fon Heros.
Prête à fuivre fes nobles traces ,
Qu'elle aime à voir couler les graces
Que Louis verfe à pleines mains !
»C'eft , dit- elle , un Dieu falutaire ,
Qui prend une forme étrangere ,
» Et commerce avec les Humains .
>>
Tel , aux Champs de la Theffalie ,
Apollon fous des traits nouveaux ,
A defimples Pafteurs s'allie ,
Rend heureux Bergers & Troupeaux.
D'OCTOBRE. 79
Quel rapport de Fable & d'Hiftoire !
Apollon tout brillant de gloire ,
Reprend sa place entre les Dieux :
Louis , nôtre Dieu tutelaire ,
Aftre nouveau qui nous éclaire ',
Ne brille plus que dans les Cieux.
Que nos coeurs foient autant de Temples
D'où l'amour exhale l'encens :
Puiffent former de tels exemples ,
Des Louis toujours renaiffans.
O toi , d'un fi parfait modele.
Imitateur tendre & fidele ;
Cher refte d'un fang pretieux,
Pourfui ! Que ta vertu rapide.
Ne prenne jamais d'autre guide
Que le plus grand de tes yeux .
Omnes Domeſtici ejus veftiti funt dus
plicibus. Prov. 31 .
Priere
pour
le Roi:
Grand Dieu , qui veilles fur la France ,
Conferve lui fon jeune Roi :
S'il répond à nôtre efperance
Tu l'auras confervé pour
toi.
Giiij
30 LE MERCURE
Edits , Arrefts & Déclarations.
& Arreft du Confeil d'Etat du Roi ,
du 29. Aouft 1719..en faveur de la Communauté
des Marchands Drapiers , Chauffetiers
, Merciers , Jouailliers & Quincailliers
de la Ville de Mantes.
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du 9.
Septembre 1719. portant Reglement pour
le choix , la vifite & la marque des laines
qui doivent entrer dans la fabrique des
Draps d'Elbeuf.
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du
9. Septembre 1919. qui ordonne le payement
des Billets des Courtiers-Jaugeurs
faits par Jacque l'Heritier , Fermier General
defdits Droits , pour le quartier
écheu au premier Janvier 1717.
Arreft du Confeil d'Etat du Roy' , du
18. Septembre 1719. qui proroge jufqu'au
premier Octobre 1720. le pouvoir
accordé à Meffieurs les Intendans par L'Edit
du mois d'Aouft 1715. de faire proceder
en leur preſence , ou de ceux qu'ils
commettront , à la confection des Rolles
des Tailles des Villes , Bourgs & Paroiffes
taillables , dans lefquelles ile le jugeront à
D'OCTOBRE. 37
'Arreft du Confeil d'Etat du Roy , du
18. Septembre 1719. concernant la no
mination des Collecteurs pour l'année pro
chaine 1720.
Arreft du Confeil d'Estat du Roy , du
18. Septembre 1719. concernant les Taxes
d'Office.
Arreft du Confeil d'Etat du Roi , du
19. Septembre 1719. portant diminution
de droits fur les Beures & Fromages, tant
des Pays Etrangers que du Royaume.
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du
22. Septembre 1719. qui proroge juf
qu'au premier Janvier 1720. le délai
porté par l'Arreft du 28. May 1718. pour
l'appurement des Comptes des Receveurs
des Fermes , fupprimez.
Arreft du Confeit d'Eftat du Roy , du
23. Septembre 1719. pour la prise de
poffeffion du Bail de la Ferme des Gabelles
des Evêchez , Salines de Moyenvic , Gabelles
& Domaines de Franche-Comté &
Domaines d'Alface , par la Compagnie des
Indes , fous le nom d'Armand Pillavoine ,
pour neuf années , qui commenceront pour
les Gabelles des Evêchez , Salines de
Moyenvic Gabelles & Domaines de
Franche- Comté , au premier Octobre
1719. & pour les Domaines d'Alface ,
au premier Janvier 1720.
>
Arteft du Confeil d'Eftat du Roy , du
24. Septembre 1719. qui accorde aux Of
82 LE MERCURE
ficiers fuprimez fur les Ports , Quays3
Halles & Marchez de la Ville de Paris
terme & délay de trois mois , pour payer
leurs Creanciers .
Arreft du Confeil du 24. Septembre qui
ordonne que l'Officier , prétendu Procureur
General de la Marée , fera tenu de
reprefenter les Titres de fon Office pardevant
les Commiffaires du Confeil nommez
à cet Office .
Cependant , deffenfes d'en faire aucunes
fonctions ni d'en percevoir aucuns
droits.
Arreft du Confeil d'Etat du Roy , du
27. Septembre 1719. qui renouvelle les
deffenfes d'introduire dans le Royaume ,
ou faire aucun commerce ni ufage de Toiles
peintes , ou Etoffes des Indes , de la Chine
ou du Levant , même de Toiles de coton
blanches & Mouffelines , autres que
les Mouffelines & Toiles de coton blanches
, provenant des ventes faites par les
Directeurs de la Compagnie des Indes.
Autre Arreft du Confeil du 27. Septembre
, qui ordonne que les Proprietaires
des Rentes perpetuelles , dont le rembourfement
eft ordonné , demeureront difpenfez
de rapporter aucuns Certificats des
Payeurs defdites Rentes.
Autre Arreft du 27. Septembre , qui
ordonne que les Quittances , décharges &
cations neceffaires , pour parvenir au
D'OCTOBRE. 83
remboursement des Rentes fupprimées ,
feront faites par les Notaires du Chaftelet,
S. M. fe refervant de les pourvoir d'un
falaire raifonnable.
Autre Arreft du Confeil du 27. Septembre
, qui ordonne que les pourvûs ou
Proprietaires des Offices fupprimez fur les
Ports , Quays , Halles & Marchez de la
Ville de Paris , feront payez avec les
principaux de leur finance des interêts qui
en feront dûs à raifon de trois pour cent
par an , à compter du 18. Septembre
1719.
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du
deux Octobre mil fept cent dix- neuf , qui
permet à la Compagnie des Indes de faire
pour cinquante millions de nouvelles ac
tions , aux mêmes charges & conditions
portées par l'Arreft du 26. Septembre
dernier.
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du
cinq Octobre mil fept cent dix - neuf , qui
ordonne que les Recepiffez du fieur Hal
lée , tirez fur le Caiffier de la Compagnie
des Indes , feront coupez par le fieur Riviere.
de
Arreft du Confeil d'eftat' du Roy , du
10. Octobre 1719. qui fupprime les droits
gros
& de huitième , fur tous les Vins
& autres Boiffons qui feront amenez , vendus
& confommez dans l'interieur de la
Ville de Paris , même le droit annuel au$
4
LE MERCURE
quel étoient affujettis tous les Vendans
Vins , tant en gros qu'en détail.
Et ordonne que les droits pour l'interieur
de Paris , feront réduits à un feul droit
d'entrée , à raiſon de 23. liv. par muid
par cau , & 20. liv. par terre.
Autre Arreft du Confeil
du fo. Octobre
, qui commet
les fieurs de Lorangeré
& de Montaran
, pour conjointement
avec le fieur Renaut
, Commis
du grandcomp→
tant du Trefor Royal , figner & délivrer
leurs Recipiffez
fur le Caiffier de la Compagnie
des Indes , pour les rembourfemens
ordonnez
par l'Arreſt
du 31. Aouſt dernier.
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du
12. Octobre 1719. pour faire ceffer les
fonctions des Receveurs Generaux des
Finances .
Et ordonne qu'il fera pourvû au rembourfement
de leurs Offices.
Autre Arreft du 12. qui accepte les of
fres de la Compagnie des Indes , de prêter
à S. M. au lieu de la forme de douze
cent miliions , mentionnée en l'Arreft du
27. Aouft dernier , celle de quinze cent
millions.
Et déclare qu'il ne fera fait aucunes autres
actions , ni en vieilles efpeces , ni de quelque
autre forte & maniere que ce puiffe
être.
Autre Arreft du Confeil du 12. Octo
D'OCTOBRE. 85
bre , qui ordonne que les Certificats dé
livrez en execution des Arrefts du Confeil
des 13. & 28. Septembre dernier , & 2,
du prefent mois d'Octobre , feront coupez
en autant d'autres certificats que les Porteurs
voudront,
ARREST
Du Confeil d'Eftat du Roy ..
Qui regle le payement des Soufcriptions de
la Compagnie des Indes , pendant les
mois de Decembre , Mars & Juin prochains,
SUR
UR ce qui a été repreſenté au Roy ,
étant en fon Confeil par les Direc .
teurs de la Compagnie des Indes : Que
l'augmentation quia été faite des nouvelles
Actions jufqu'à 150. millions , & les differentes
occupations dont ils font chargez ,
les ont obligé de chercher des arrangemens.
pour procurer la facilité & l'expedition du
payement du fonds defdits cent cinquante
millions , fans que les autres affaires de la
Compagnie qui leur ont été confiées ,
fouffrent du retardement & du préjudice ;
Que le payement defdites Actions en neuf
termes de mois en mois , les expofant à une
repetition de fignatures pour le vifa des
Certificats , & à un concours réïteré de
la multitude des Actionnaires pour les
86 LE MERCURE
1
payemens , ils ont crû devoir chercher
une operation plus fimple : Que dans cette
veuë ils ont eftimé qu'il convenoit de faire
figner par
les mêmes Commis nommez par
l'Arreft du Confeil du 12. du preſent mois
d'Octobre, de feconds Certificats de Soufcriptions
viſez par un des Directeurs pour
quatre payemens , qui feront delivrez dans
tout le courant du mois de Decembre aux
Porteurs des premiers , lefquels feront rendus
: Que les mêmes Commis fignent de
troifiemes Certificats pareillement viſez
pour fept payemens , qui feront delivrez
dans tout le courant du mois de Mars 1720,
aux Porteurs des feconds Certificats ,
lefquels feront auffi rendus & resteront
nuls ; Et qu'au mois de Juin fuivant où
fe trouvera l'écheance du dernier payement
il foit delivré des Actions aux Porteurs
des troifiémes Certificats qui feront pareillement
rapportez , & demeureront nuls ,
enforte que par ce moyen & les Directeurs
& les Actionnaires fe trouveront expoſez
à moins d'embarras & de foins : Mais que
cet ordre projetté par les Directeurs de
ladite Compagnie ne peut s'executer à
moins qu'il n'ayt plû au Roi de l'autorifer;
Surquoy étant neceffaire de pourvoir ;
Ouy le Raport. SA MAJESTE ESTANT
EN SON CONSEIL , de l'avis de Monfieur
le Duc d'Orleans Regent , a ordonné
& ordonne , Que par les fieurs Guyot ,
D'OCTOBRE. 87
>
Cauvin , Motte & Maricourt , Commis
par Arreft du Confeil du 12. du prefent
mois,pour figner pour le fieur Vernezobre
de Laurieux , les Certificats coupez , il
fera figné des certificats de Soufcriptions
portant Quittance de 4. Payemens , lefquels
feront vifez par l'un des Directeurs
de la Compagnie des Indes , fcellez du
Sceau de ladite Compagnie , & delivrez
dans tout le courant au mois de Decembre
prochain aux Porteurs des premiers Certificats,
en remettant lefd. premiers Certifi-
& faifant les trois payemens des mois
d'Oct. Novembre & Decembre : Ordonne
pareillement Sa Majefté que par les
mêmes Commis , il fera figné de troifiéines
Certificats portant Quittance de fept
payemens , qui feront auffi vifez par l'un
des Directeurs , fcellez du Sceau de la
Compagnie , & delivrez dans tout le courant
du mois de Mars 17207 aux Porteurs
des Certificats expedież au mois de Decembre
precedent , en remettant lefdits
Certificats , & faifant les trois payemens
des mois de Janvier , Fevrier & Mars ;
& pour les trois autres payemens , Veut
Sa Majefté qu'ils foient faits dans tout le
courant du mois de Juin de la même année,
par les Porteurs des Certificats expediez
au mois de Mars precedent ; moyennant
quoy, & en rapportant & rendant lefdits
Certificats , il leur fera delivré des AcLE
MERCURE
les
tions de la Compagnie des Indes à proportion
du montant de leurs Soufcriptions.
Déclare Sa Majesté , que faute par
Porteurs des Certificats de Soufcriptions
de fatisfaire aux payemens dans les termes
portez par le prefent Arreft , lefdits Certificats
feront & demeureront nuls , & les
fommes portées par iceux , acquifes au
profit de ladite Compagnie. FAIT au
Confeil d'Etat du Roy , Sa Majesté y
étant , tenu à Paris le vingtième jour
d'Octobre mil fept cent dix-neuf. Signé
PHELYPEAUX.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roy du 21.
Octobre 1719. qui ordonne que les Recepiffez
du Sieur Hallée expediez & à
expedier pour les arrerages des Penfions
dues par Sa Majefte , feront reçûs dans
les payemens des cent cinquante millions
de nouvelles Actions , en la même maniere
que les autres effets mentionnez en l'Arrêt
du 26. Septembre dernier,
LIVRES,
M. de Vallange toûjours occupé du
defir de perfectionner les fciences , a fait
fucceder à fon plan general des Methodes
fur les langues , fur les fciences , fur les
arts
D'OCTOBRE. 89
arts , & fur les exercices du corps , le nouveau
fyftême d'une Grammaire françoiſe.
L'Auteur commence cet ouvrage par l'art
qui enfeigne à lire. Ce petit Traité eſt
fuivi d'une Grammaire françoiſe par le
moyen de laquelle on peut apprendre aifément
l'ortographe , le latin ,le grec , l'Italien
& les autres langues , fans le fecours
d'aucun Maître' : Voilà au moins ce que
promet le titre de ce Livre. On trouvera
que c'eft peut-être trop avancer ; mais je
demande , dit M. de Vallange , où eft le
mal de promettre beaucoup , quand on a
deffein de furpaffer fes promeffes , & que
Pon eft en état d'y fatisfaire. Cet aveu eſt
fincere; il part d'un homme de bonne foy ,
& qui fe croit incapable de vouloir tromper
perfonne.
Il ne reste plus au Lecteur qu'à examiner
fes principes , & à voir s'ils conduisent à
la fin qu'il fe propofe . Cet Auteur diviſe
fon nouveau fiftême d'alphabet en 3. parties
. La premiere eft intitulée Ortolexie
titre qu'il donnne à la fcience qui enfeigne
à lire. Il commence fon traité par les denominations
generales des lettres de l'alphabet.
On y trouvera quantité de recherches
qui ne font affurément pas dans les
autres Methodes. Il fuit toutes les lettres
de l'alphabet les unes aprés les autres , &
fait des reflexions fur chacune qui paroî
Front nouvelles . Je fouhaiterois , pour la
H
90 LE MERCURE
curiofité du lecteur , pouvoir m'étendre
fur chacune ; mais , comme les bornes de
mon livre ne me le permettent pas, je me
contenterai de rapporter la remarque fuivante
: On verra juſqu'où va ſon fcrupule.
La lettre Q. ( c'eft l'Auteur qui parle )
dans fa prononciation , prefente à l'efprit
une idée obfcene , qui fait de la peine à tou
tes les perfonnes qui ont de la delicateffe ,
comme aux Religieuſes qui font profeſſion
d'une pureté parfaite , même dans les moindres
paroles. Elles font fcandalifées , quand
elles font obligées de prononcer la lettre Q...
Rien n'empêche que nous ne l'appellions que,
emme dans quenoüille .... Il faut joindre
à ce Q la lettre u , parce que l'on ne s'en
fert que dans les mots cinq coq , que
l'on mettra par exception : ainfi on mettra
qua , que , qui , quo , quu , &c. Les obfervations
qu'il fait furles lettres voyelle,
& j confonne , les u voyels & les v confones
, ne paroîtront pas moins curieufes .
Il eft certain que le caractere de ces lettres
y eft parfaitement differencié ; & fi les.
Etrangers fçavent en profiter , comme la
chofe eft facile , ils ne prononceront plus
maison à lover , pour maison à louer. M.
de Vallange paffe enfuite aux dénominations
des lettres dans les langues étrangeres.
J'admire , dit- il , qu'une Nation auffi
fpirituelle qu'étoit la Greque , foit tombée
dans la faute fuivante. Pourquoy avir apD'OCTO
BR E. 191
pellé alpha , ce qu'ils pouvoient appeller A
beta la lettre B : Eft il neceffaire de
deux fillabes où il ne faut que le moindre
de tous lesfons ? C'étoit bien pis, ajoûte- t'il ,
quand les fillabes étoient compofées de trois
on quatre lettres . Comment affembler les
Aleph , les Gimel , & les Jod des Hebreux.
Si ces Nations vivoient encore , je
prendrois la liberté de leur faire voir les
inconveniens de ces prononciations , & je
fuis bien für qu'elles me fcauroient gré de l'avis
que je leur donnerois .
Les voyelles unifonnes ou folifonnes
viennent aprés . M. de Vallange fe fert du
terme de unifonne , parce qu'une feule produit
un fon. Il a confervé le mot de confonnes
, parce qu'on n'a pas de peine à faire
entendre à l'enfant , que les confonnes font
des lettres qui ont un fon avec une autre
lettre. L'Auteur continuant toujours à
s'en tenir aux principes de fa Methode
donne à l'enfant chaque lettre féparement
en forme d'images ; & à mesure qu'elles
lui font prefentées , l'enfant en fait less
figures lui- même fur le fable ou devant le
feu , fur de la cendre . Il fuit la mêine Methode
, pour aprendre les principe de
Geometrie , d'Aritmetique , & le Deffing
Il eft perfuadé que fi l'on étoit bien atten
tif à ce qui regarde le progrés des enfans,
Leurs petits pains feroient en forme de lettres
, ainfi les les biscuits
que gateaux ,
1
Hij
92 LE MERCURE
& maffepains. Nôtre Auteur a imaginé
de plus un alphabet hierogliphique , pour
faciliter la lecture aux enfans , & aux
perfonnes avancées en âge . Pour donner
quelques idées fenfibles de ces caracteres ,
voici ce qui lui eft venu dans l'eſprit. Il a
éprouvé qu'en reprefentant une Allouette ,
l'enfant feroit ravi de voir ce petit animal
... 14 dit à cet enfant que ce petit oifeau
s'appelle Allouette. Sur la tête de cet
oiſeau eft un a. M. de Vallange , non content
de ce nouveau moyen , en découvre
un autre qu'il nomme alphabet enfantin
pour les enfans qui font au berceau. Quand
un enfant , fuivant fa Methode , n'auroit
que fix mois , fa nourrice pourroit communiquer
à fon nouriçon cet art qui enfeigne
à parler aux enfans ; ce qu'il intitule
Eulalie enfantine.
Pour cet effet , elle n'auroit qu'à lui
donner des joujoux qui reprefentaffent des
lettres , & à mesure qu'on lui en promettroit
un , on appelleroit ce joujoux du
nom de la lettre qu'on lui montreroit.
La feconde partie de l'Ortolexie aprend
à lire le latin par principes & par regles,
facilement & en peu de tems . La troifiéme
enfeigne également à lire le françois correctement
, poliment , & avec grace , par
principes , avec les regles de la belle prononciation
dans le difcours . A ces promeffes
fuccede le nouveau, Plan d'une Gram
D'OCTOBRE. 9$
maire françoife. Je laiffé à Meffieurs les
Journalistes le foin de donner des extraits
détaillés de chacune de ces parties. Il leur
fera facile de faire fentir l'utilité ou l'inutilité
de ces differentes Methodes. En attendant
, je ne craindrai point d'avancer
que fi on reconnoît par la fuite que ces.
nouveaux Plans abregent le cours des étu
des , on ne sçauroit trop remercier un Auteur
qui a employé fon tenis & fes veillles
pour l'inftruction de la Jeuneffe.
Ce Livre fe vend chés Jombert , ruë S.
Jacques, à l'image N. D. & chés Lameſle;
Fuë de la Huchette , à la Minerve.
Traité des Penfions Royales, où il eftpronvé
que le Roy peut donner des Penfions fur
tous les Benefices de fa nomination & de
fa collation , même à des Laïques , dedié
à Monfeigneur le Garde des Sceaux.
Ce Livre eft important par les matieres
qui y font agitées. L'Auteur y etablit let
pouvoir des Rois de France fur le temporel
des Benefices de fon Royaume; & pour
le prouver , il remonte à l'origine du parrage
des biens que les Fidelles donnoient à
FEglife dans la naiffance du Chriftianiſme ,
& de ceux que les Empereurs leur permirent
d'acquerir & de poffeder en fonds.
Il fait l'hiftoire des Benefices , & de la
maniere dont les Ecclefiaftiques les poffe
doient , & les faifoient paffer à d'autres
en fe refervant des Penfions ; & c'eſt-là
94 LE MERCURE
qu'il entre en matiere , & qu'il établit des
Penfions pour caufe de permutation
, pour
caufe de refignation , pour le bien de la
paix . Il parle auffi des Penfions que donne
le Clergé ; & aprés avoir rapporté les
regles qu'il faut obferver , pour créer &
poffeder des Penfions , il vient à la Penfion
Royale , qui eft le principal objet de
la ferieufe étude qu'il faut avoir faite
pour traiter des queftions auffi épineuſes.
M. l'Abbé Richard appelle Penfions
Royales , toutes celles que le Roy crée fur
les Benefices de fa nomination & de fa
collation.
Il a puifé dans toute l'Antiquité , pour
y trouver les preuves folides des fiftêmes
qu'il s'eft propofé .
Mais , ce qu'il y a de plus férieux , c'eft
qu'il avance , comme une verité inconteltable
, que cette prérogative , qui eft le
plus beau fleuron de la Couronne de nos
Rois , s'étend juſqu'à pouvoir donner des
Penfions fur les Benefices Confiftoriaux ,
même à des Laïques qui ont fervi l'Eglife
& l'Etat. Il ef vrai qu'il veut que ce foit
toûjours du confentement & de l'autorité
Papale , afin que ces Penfionnaires foient
en feureté de confcience , quand ces deux
Puiffances concourent & font unies pour
les donner. L'Hiftoire Ecclefiaftique de
la primitive Eglife , lui fournit des exemples
merveilleux de ce qu'il avance. L'ufage
prefent , celui des ficcles paffez , la Jus
D'OCTOBRE
95
rifprudence des Arrefts , viennent encore
au fecours pour autorifer ces Penfions à des
Laïques.
Au nombre des Penfions Royales , M.
Abbé Richard met celles dont joüiffent
les Chevaliers de S. Lazare ; il fait un
abregé hiſtorique de la naiffance , du progrés
& des prérogatives de cet Ordre ; &
il tombe infenfiblement fur les Penfions
des Oblats. Perfonne ne s'eft encore avifé
d'en donner une Relation particuliere ; on
la trouve dans ce Livre , où l'Auteur rappelle
le changement qu'a fait Louis 14. en
1670. & 1674. en impofant pour l'Hôtel
Royal des Invalides , au lieu d'un Oblat ,
une Penfion de 150 liv. fur tous les
Benefices de fa nomination & de fa collation
, dont le revenu eft au deffus de
1000 liv. & une de 75 liv . fur les Benefices
au deffous de 1000 liv.
Mais , comme M. l'Abbé Richard eft
accoutumé à faire des paralelles , il compare
l'Ordre de S. Lazare avec celui de S.
Louis , & il trouve mauvais que les Chevaliers
de S. Lazare , qui n'ont point rëndu
fervice à l'Eglife ou à l'Etat , & qui
ne font honorez de la qualité de Cheva-
-lier que par argent ou par faveur, jouiffent
du privilege de pouvoir poffeder & retenir
quoique mariez , jufqu'à fix mil livres de
Penfion fur des Benefices. Il prétend que
les Chevaliers de l'Ordre Militaire de
36
LE MERCURE
S. Louis merirent bien mieux cette faveur,
puifqu'ils ne font Chevaliers , qu'aprés
avoir fervi dix ans , & s'être diftinguez
dans les armes. El pouffe la chofe plus loin:
Il fouhaite que la grande Maîtrife de S.
Lazare foit réunie à la Couronne , & que
le Roy demande aux Papes pour les Chevaliers
de S. Louis , la même grace qu'ils
ont accordée à la priere de nos Rois , aux
Chevaliers de S. Lazare : & il affure que
cette extention de l'autorité Royale fur
les biens Ecclefiaftiques , feroit plus agréa
ble au Beneficier , qui payeroit avec moins
de peine ces Penfions à ces braves Atheleres
qui ont défendu l'Eglife & l'Etat ,
qu'à ces Chevaliers de S. Lazare , dont la
plupart faits par faveur ou par argent' ,
ne le font diftinguez par aucuns fervices.
M. l'Abbé Richard ne defefpere pas que
S. A. R. qui vient d'illuftrer l'Ordre de
S. Louis par une augmentation de biens
& d'honneurs , ne lui procure encore celui-
cy.
Enfin , M. l'Abbé Richard conclut fon
Ouvrage par ces paroles , qui finiront
auffi mon Extrait. Je n'y changerai rien :
aprés avoir protefté qu'il n'a point hazardé
d'opinions nouvelles dont il fe declare ennemi
& qu'il eft convaincu que le droit du
Roi fur les biens Ecclefiaftiques , eft , comme
la Regale , auffi ancien que la Couronne
il ajoute J'en fuis fi perfuadé , que je
fervis
D'OCTOBRE. 97
ferois prêt de faire ici comme Heliodore, qui
aima mieux perdre fon Evêché que fon Lir
vre ; mais avec cerre difference pourtant
que mon Traité des Penfions Royales , peut
& doit être défen lu par un Prêtre dévoué.
au S. Siege , & par un fidele Sujet , attaché
à fon Prince , au lieu que l'Hiftoire
des Amours de Theagene & de Cariclée ,
devoit être ou fupprimée ou defavouée par
Heliodore.
Ce Livre le vend à Paris chez Cavelier
& le Gras au Palais
Eftienne , & fur le
chez Cailleau.
ruë S. Jacques chez
Quay des Auguftins
,
On vend dans la Grand'Salle du Palais.
chez Guillaume Cavelier , un nouveau Livre
qui a pour titre,le Voiage & les Avantures
des trois Princes de Sarendip traduit
du Perfan. Le Roman eft un de ces
Ouvrages , qui , fuivant l'approbation
qu'en a donné M. Danchet , eft auffi digne
de l'impreffion , que plufieurs autres ,
qui ont été faits dans le même goût , &
que le Public a reçû .
Le Voyage du fieur Paul Lucas , fait en
1714. par ordre de Louis XIV. dans la
Turquie, l'Afie , Sourie , Paleſtine , haute
& baffe Egipte , vient d'être donné au
Public. Il contient trois volumes in - 12 .
& fe vend à Rouen chez Robert Machuel
le jeune 1719.
Octobre 1719.
I
*
98 LE MERCURE
L'on trouvera dans cet Ouvrage des res
marques trés-curieufes , comparées à ce
qu'ont dit les Anciens fur le Labirinthe
d'Egipte ; un grand nombre d'autres monumens
de l'Antiquité , dont il a fait la
découverte ; une defcription du Gouver
nement , des forces , de la Religion , de
la Politique & de l'état prefent des Turcs ;.
une Relation de leurs préparatifs , faits
pour la derniere guerre contre l'Empereur
& c. Ce Livre eft dedié à S. A. R. Monfeigneur
le Duc d'Orleans Regent du
Royaume . Il est enrichi de quantité de
planches , qui mettent fous les yeux tout
ce que l'Auteur a remarqué de plus fingulier
dans le cours de fon voyage.
Cette Relation eft divifée en fix livres..
Le premier renferme ce qui regarde l'Europe
, c'eft-à-dire le voyage de l'Auteur à
Conftantinople , dans la Macedoine &
dans une partie de la Grece. On trouvera
dans le 2º . la deſcription de l'Afie mineure,
depuis Apamée juſqu'à Smirne , & de là
jufqu'à Alep. La Sirie, la Paleſtine & une
partie de l'Arabie , font la matiere du 3e,
Il a renfermé dans le 4. & 5e . tout ce
qui regarde l'Egipte depuis Alexandrie
& Rofette jufqu'au deffus d'Her-
Le fixiéme contient une def
cription particuliere de ce Royaume , un
parallele des anciennes Coûtumes avec celles
qui s'y pratiquent aujourd'hui , & un
mant.
D'OCTOBRE.
abregé de l'Hiftoire de fon commerce depuis
le tems des Pharaons jufqu'à prefent.
L'Auteur a û foin de répandre en plufieurs
endroits quelques morceaux d'Hiftoire qui
lui ont paru intereffans ; tels font , par
exemple , ce qui regarde le fejour du feu
Roi de Suede à Bender, l'Hiftoire des deux
Princes Drufes , celles des Maronites du
Mont- Liban : Deux Relations ; dont
l'une fait le détail d'une fedition arrivée
au Caire ; & l'autre parle de quelques
Miffionnaires qui ont fouffert le Martire
en Ethiopie : Deux Lettres qui fervent à
éclaircir les Antiquitez d'Egipte , & à
confirmer une partie des choles contenues
dans le dernier livre , & un Catalogue des
principales curiofitez qu'il a rapportées
dans fon troifiéme Voyage , comme Medailles
, Pierres gravées & autres Pierres ,
Manufcrits , Infcriptions , &c. Plantes ,
Graines & autres raretez de toutes efpeces.
M. Lucas , pour fatisfaire fes Lecteurs
leur rend compte des Monumens les plus
finguliers de l'Afic & d'Egipte , qu'il a
fait deffiner avec foin , & parmi lesquels
il y en avoit quelques-uns dont on n'avoit
jufqu'à prefent qu'une connoiffance affez
confufe ; tels font le Labirinthe , le Lac
Maris , le Temple de Jupiter Armant
celui d'Andera & plufieurs autres . Il a fait
deffiner deux Cartes , l'une de la Macedoine
, d'une partie de la Grece , de l'A,
I ij
3351
100 LE MERCURE
fie mineure , de la Sirie & de la Paleſtine:
L'autre de l'Egipte , depuis Alexandrie
& Rolette jufqu'au deffus d'Hermant, Il
a joint l'ancienne Geographie avec la moderne
, & il a tâché de déterminer quelles
étoient les Villes dont on ne voit plus aujourd'hui
que les ruines, Cet Ouvrage
nous a paru auffi judicieux qu'agreable ,
ment écrit,
L'art de préluder fur la Flute traverſiere,
fur la Flute à bec , fur le Hautbois & au
tres Inftrumens de deffus , avec des Préludes
tout faits , fur tous les tons , dans
differens mouvemens & differens caracteres
, accompagnez de leurs agrémens & de
plufieurs difficultez propres à exercer & à
fortifier. Enſemble des principes de modu
lation & de tranfpofition ; en outre , une
differtation inftructive fur toutes les differentes
efpeces de mefures , &c. Par M.
Hotteterre le Romain , Flute de la Chambre
du Roi. Oeuvre v11 . gravée. On
le trouve à Paris chez l'Auteur ruë Dauphine
, au coin de la rue Contrefcarpe ,
& chez Foucaut rue S. Honoré à la règle
d'or,
D'OCTOBRE. 161
V
Oicy une Hifforiete de contrebande
que j'avois deffein de renvoyer au
mois prochain.J'ai cru cependant que l'on ne
feroit pas fâché de la voir à la fuite des Arrêts
qui ne font pas une matiere fort diverti
Sante pour la plupart des Lecteurs Parifiens.
Mais, commele Mercure paffe auffi dans
les Provinces & dans les Pays Etrange's ,
ce n'eft pas ordinairement l'article le moins
lu , fur tout dans les conjonctures prefentes.
L
I y
Avanture nouvelle.
de la deftinée dans les Mariages,
& il s'en fait tous les jours par des
Voyes fi peu communes , qu'il y a lieu de
penfer qu'ils font arrêtez dans un Confeil
Souverain , dont les Arrefts font irrevocables.
Un jeune Cavalier paffant par une Ville
de Province , apprit qu'une jeune Demoifelle
y prenoit l'habit de Religieufe. La
neceffité où il ſe trouvoit d'y attendre un
Parent , lui fit naître le defir de voir la
ceremonie. Il fe rendit dans l'Eglife ent
habit de Voyageur , & fe mêlant dans la
foule , il examina toutes les femmes que
1
I iij
102 LE MERCURE
cette prife d'habit y avoit attiré en grand
nombre. En parcourant des yeux toute
Faffemblée , il apperçût une Brune de 15 .
à 16. ans , qu'une aimable modeftie ne diſtinguoit
pas moins que l'éclat de fa beauté.
Il la trouva fi fort à fon gré , qu'il ne la
perdit point de vue , tant que dura la ceremonie
, & emporta dans fon Auberge
une vive image de cette aimable perfonne.
Nôtre jeune Cavalier que nous nommerons
Renardet , devenu
devenu amoureux par im .
promptu , ne manqua pas de s'informer
adroitement du nom de cette belle pertonne
, de fa condition , & de l'endroit où
elle demeuroit on le fatisfit fur le champ,
& on lui apprit qu'elle s'appelloit Poulette,
qu'elle étoit fille unique d'une veuve trésriche
qui faifoit fon fejour ordinaire dans
Ja Capitale de la même Province : Que
cette Veuve qui fe piquoit d'une vertu
trés- rigide , ne recevoit chez elle que des.
perfonnes qui fe conformoient à fa morale
& à fes maximes. Ce recit l'étonna , &
peu s'en fallut qu'il ne facrifiât fur le
champ fa paffion naiffante à la nouvelle impreffion
que ce portrait défagréable venoit
de faire fur fon efprit. Cependant , aprés
quelques momens de reflexions , Renardet
fe détermina tout à coup à fuivre fon penchant
; & un mouvement preffant auquel
il ne put refifter , le fit refoudre à mettre
D'OCTOBRE.
103
tout en ufage pour avoir accés dans cette
maiſon, & connoître de plus prés l'aimable
Poulette. Il fe confulta long- tems fur les
moyens d'y parvenirs il lui parut enfin que
l'habit d'Abbé étoit le paffeport le plus fûr
pour y être admis . Comme nôtre Cavalier
étoit le maître de ſes actions , il donna bientôt
les ordres neceffaires pour cette métamorphofe
, en faisant partir en pofte pour
Paris un Valet de Chambre , qui quelques
jours aprés , lui apporta tout l'équipage
convenable à fon déguiſement .
Le Parent qu'il attendoit , l'étant venu
joindre , fut fort furpris de le trouver en
petit colet ; il lui en demanda la taifon .
Renarder qui n'avoit rien de caché pour
cet Ami , lui en découvrit tout le miftere.
Il entra dans fes vûës , & voulut même
Faccompagner jufqu'à la Ville où Renardet .
devoit jouer ce nouveau rôle d'Abbé.
Entre plufieurs connoiffances que ce
Parent y avoit , il étoit intime ami du
Lieutenant General . Il lui prefenta nôtre
Abbé. Le Magiftrat non feulement fit
tout l'accueil imaginable à l'un & à l'autre
, mais il obligea encore M. l'Abbé
à prendre un appartement dans fa maifon .
Ses manieres douces & prévenantes lui ac-
'quirent bientôt l'eftime de tout ce qu'il y
avoit de perfonnes confiderables dans cette
Capitale . Comme il ne s'étoit ainfi mafqué,
que pour avoir une entrée libre chez
I iiij
504 LE MERCURE
1
La Veuve , fa principale attention fut de
gagner principalement la confiance de quatre
ou cinq des Amies de cette Dame, qui
lui donnerent une extrême envie de le connoître
par le portrait avantageux qu'elles
Jui firent de la prud'hommie . Enfin , il
fut introduit naturellement chez elle . Cette
Veuve découvrit en lui encore plus de
politeffe , de fageffe & d'efprit , que ce
qu'on lui en avoit dit. Elle en fut fi contente
, qu'elle le pria qu'à fes heures perdues
, il lui fit l'honneur de la venir voir
fans façon. M. l'Abbé Renardet accepta
l'offre par une profonde inclination , qu'il
accompagna d'un remerciment fi Aateur
pour la Veuve , que fon empreffement à le
revoir , égaloit prefque le fien. Pendant
cette premiere vifite , i ménagea fi bien
fes regards , qu'il ne lui en échapa que
quelques-uns à la derobée fur la belle Pou-
Jette. A peine fut- il forti que la Mere
ne tarit point fur le merite de l'Abbé . Et
fe tournant du côté de fa fille ; eh bien ,
Mademoiselle , que penfez-vous de cette
nouvelle connoiffance ? counoiffez- vous un
homme plus accompli quel air de fincerité
, de candeur & de modeftie ! & tout
cela réuni dans un jeune Abbé de 25. ans ,
beau & bienfait en verité , ma fille
c'eft un modele de vertu à propofer à tous
nos jeunes Ecclefiaftiques. Je vous avouë
franchement , ma Bonne , reprit l'aimable
>
D'OCTOBRE.
105
Poulette , que l'on ne fçauroit lui refufer
une partie des louanges que vous lui donnez
; mais permettez -moi de vous reprefenter
que c'eft par ces qualitez même qu'il
faut le plus s'en défier. Vous êtes une
fotte , ma mie , repliqua brufquement la
mere ; fçachez qu'à vôtre âge , il ne vous
eft pas permis de hazarder vôtre jugement
après le mien. Je vous prie feulement
Mademoiselle , que vous ayez de bonnes
manieres pour lui & que vous profitiez de
fes confeils. On peut juger que cette
Mere prévenue fi favorablement
pour nőtre
Abbé , feroit charmée de toutes les
vifites qu'il lui feroit . En effet il s'infinua
par la fuite , fi bien dans fes bonnes graces ,
que tout fe decidoit dans la maifon par fes
Confeils. La politique de Renardet fut
telle pendant plus d'un mois , qu'il n'adreffoit
le difcours qu'à la mere, & il s'obfervoit
fi exactement , que fes yeux ne le
trahirent dans aucune rencontre. Comme
il avoit la voix fort belle , & qu'il jouoit
parfaitement de la Fute Allemande , it
s'offrit d'accompagner Mademoiſelle Poulette
. La Mere commanda imperieuſement
à fa fille de ne fe point faire prier.
Les tendres accords de la Mufique ne
firent qu'augmenter le feu de Renardet.
Il admiroit les charmes de cet Art , qui
permet de foupirer fans indifcretion . Ce
doux amufement amenoit quelque fois des
106 LE MERCURE
converfations fur l'amour ; Renardet en par
loit avec la même legereté, que fi fon coeur
n'en eût point été fufceptible. Il étoit
charmé d'entendre avec quel efprit & quelle
jufteffe Poulette traitoit une paffion ſi dangereufe.
Non , difoit - elle quelquefois ; . Je
ne comprens point la plupart des inclinations
du tems ; on s'aime fans fe connoître :
Sur la foi d'une vive ardeur, on fe livre à
fes defirs ; on fe déclare fes fentimens ;
l'amour fe forme; mais le voile vient- il à fe
rompre on fe connoît enfin ; l'homme
refte & l'amant difparoît : Voilà la caufe
la plus generale de tant de mariages malheureux
. Je vous avoue que je plains fort
les victimes de cette forte de paffion ; ce
pendant je m'imagine qu'il y a un peu de
leur faute . Pour moi , fi jamais je me ma
tie , je veux m'appliquer à connoître le
caractere de ceux qui peuvent fonger à
moi , & je veux trouver des vertus , afin
de paffer de l'eftime à la tendreffe.
•
Des deffeins fi raifonnables ne pouvoient
être qu'applaudis par Renardet. Il y joi
gnoit encore de petites reflexions , capables
de rendre Poulette difficile fur le
choix. A ne juger que fur les apparences ,
on pourroit l'accufer ou d'imprudence our
de prefomption . Mais , comme les Amans
font de l'excés de leur tendreffe , leur premier
merite , on leur permet volontiers de
fe flater , & l'amour propre en cette occaD'OCTOBRE.
107
fion , eft du goût de toutes les femmes . II
ne s'agiffoit alors que d'écarter les Prétendans.
Comme rien ne fe faifoit plus chez
la mere de Poulette , fans le confeil
de Renardet , il avoit eu foin d'établir des
maximes feveres , par rapport au choix
d'un mari , pour en faire l'application qu'il
méditoit en tems & lieu..
Effectivement de tous ceux qui fe prefenterent
, aucun n'avoit toutes les qualitez
requiſes , felon Renardet ; il faifoit
des remarques avec tant de jufteffe , & fi
peu de partialité en apparence , qu'il n'étoit
pas poffible de foupçonner la veritable
raifon qui le rendoit fi difficile. Celle qui
fe prefentoit naturellement , ne pouvoit
être que le defir qu'il avoit que Mademoifelle
Poulette fît un mariage convenable ;
auffi la Mere en étoit- elle fi perfuadée , que
ce n'étoient que remercimens à M. l'Abbé
Renardet , fur les foins qu'il fe donnoit
pour la félicité de fa fille . Poulette de fon
côté n'étoit pas infenfible ; & par l'approbation
qu'elle donoit aux bons avis qui lui
venoient de fa part , elle lui faifoit comprendre
combien elle eftimoit fon goût &
fon difcernement.
Renardet voyoit avec fatisfaction que
Poulette n'avoit aucun attachement . Docile
aux impreffions qu'il lui donnoit contre
fes foupirans , il fe formoit peu à peu
une espece de mifantropie dans ſon coeur
168 LE MERCURE
qui ne leur étoit point favorable. Ils s'er
apperçurent & confpirerent contre lui ;
mais tous leurs projets furent inutiles.
Quand une heureufe prévention combat
pour nous auprés des Dames , nos Rivaux
font bien foibles . Tout le mal qu'ils veulent
nous faire , nous devient avantageux.
La mere de Poulette n'en eut que plus de
confiancé en l'Abbé Renardet , & Poulette
, que plus d'éloignément pour ceux
qui la recherchoient.
Les chofes en étoient là , quand Renardet
croyant avoir fait affés de chemin dans
l'efprit de Poulette , jugea qu'il étoit tems
d'en faire un peu dans fon coeur. Ilý vint
par des routes détournées . De l'eftime generale
qu'on ne peut refuſer à la probité
il l'amena à l'eftime particuliere qu'on
doit à ceux qui s'interreffent parfaitement
à nous . It la conduifit enfuite jufqu'à la
confiance.
Quelque lecteur critique m'objectera
peut être que cela n'étoit pas difficile alors,
puifqu'elle s'en étoit déja raportée à lui
fur le choix d'un mari Marque fûre
d'une grande confiance . Je lui réponds que
la derniere confiance dont j'ai parlé , eft
d'une espece differente , & bien plus parfaite.
La premiere ne venoit pas d'un principe
affés pur , pour fatisfaire un coeur de
licat comme celui de nôtre Abbé . Le refpect
& l'obéiffance que Poulete devoit à
D'OCTOBRE, 10
fa mere , y avoient alors beaucoup de part;
mais la confiance dont je parle , n'a plus
d'autre fource que le coeur de Poulette. Il
n'y a pas loin de-là à l'amitié ; auffi Poulette
& Renardet y arriverent-ils bientôt,
Ce n'étoit encore qu'une tendreffe metaphifique
, degagée de toute expreffion prophane.
Si le mot d'amour , étoit employé
dans la converfation , on lui donnoit une
certaine étenduë convenable au rôle
d'Abbé que Renardet étoit obligé de jouer
encore quelque tems. Quand il crut avoir
affes bien difpofé les chofes pour parvenir
à fon but , il conta fon deffein à un de fes
amis ; & aprés lui avoir expliqué la fituation
où il fe trouvoit , voici ce qu'il
le chargea de faire. Vous connoiffés , lui
dit-il , mon nom , ma famille , & mes facultés.
Je vous prie d'en faire un recit
à la mere de Poulette , & de lui demander
fon aimable fille en mariage pour un
Cavalier de vôtre connoiffance . Quant à
ce qu'il faudra dire de ma perfonne , je
m'en raporte à vôtre prudence . Tout s'exe
cuta avec exactitude. L'ami de Renardet
s'acquita en homme d'efprit de la commif
fion, La mere de Poulette reçut avec politeffe
les offres qu'on lui fit , & demanda
quelques jours pour répondre. On ne man,
qua point à l'ordinaire de confulter l'Ora
cle. M. Renardet profita de l'occafion . Il
fir l'éloge du Cavalier propofé . Il avoü?
LE MERCURE
pour cette fois que l'aimable Brune ne
pouvoit , fans une espece d'injuftice , refufer
le nouveau Pretendant ; qu'il le connoiffoit
parfaitement , & qu'il avoit toutes
les vertus neceffaires pour faire le bonheur
d'une femme. L'aimable Poulette
fut bientôt inftruite de l'approbation de
Renardet ; mais il fut bien furpris de voir
fa refiftance . Comme il n'ofoit le flater encore
d'en connoître la veritable caufe , il
oppofa aux deffeins de Poulette tout ce
que peut infpirer l'éloquence la plus feduifante.
Songés , lui difoit-il , Mademoiſelle
, que fi le Cavalier qu'on vous propofe
aujourd'hui , ne m'étoit pas auffi connu
que je me connois moi- même , je ne hazarderois
point mon jugement. Quelque bien
que j'en cuffe apris indirectement , j'aurois
toujours crains de vous facrifier , fi je
n'étois pas inftruit par moi-même : Mais
ici , Mademoifelle , rien n'eft à craindre.
Je connois jufqu'aux plus fecrets mouvemens
de fon coeur . Il vous aime avec une
ardeur digne de vous ; il vous fera fidele :
& quoique fa femme , il cherchera toûjours
à vous plaire par les mêmes moyens
qu'on cherche à toucher fa Maîtrefle ...
Tout ce que vous me dites , auroit pu me
feduire autrefois , lui répondit Poulette ;
mais vous m'avés accoûtumée à penfer fi
jufte fur les hommes, que je tremble quand
on m'en parle. Je les vois prefque tous parD'OCTOBRE.
III
jurés; & l'amour me caufe tant d'allarmes,
que j'ai refolu de m'en tenir à la fimple
amitié que vous m'avés infpirée. Je la fens
à tel point , qu'elle eft caule que j'abhorre
toute autre liaiſon , furtout de celles qui
pourroient en interrompre le cours ..
C'en fut affés : l'Abbé Renarder comprit
bien vite que fon bonheur aprochoit ; &
voyant qu'il étoit le feul obftacle à fa fclicité
... Eh bien , reprit'il , aimable Pouletre
, je me foumets à tout ce que vous
voudrés ; mais du moins , permettés que
ce Cavalier ait l'honneur de vous voir une
fois. S'il n'eft pas de vôtre goût , & s'il ne
détruit pas toutes vos preventions , je confens
de ne vous en jamais parler . Poulette
voyant qu'elle s'engageoit peu , accorda làdeffus
ce qu'on lui demanda. La mere fut
d'intelligence ; mais elle exigea que l'Abbé
Renardet s'y trouveroit . Il s'en excufa
fur la liberté qu'il falloit laiffer à un amant
dans ces fortes d'occafions . Une heure
aprés ,Monfieur l'Abbé Renarder ayant repris
fes habits de Cavalier , fe fit annon
cer à la mere de Poulette fous le nom de
celui qu'on attendoit. On l'introduifit
on ne le reconuut pas du premier coup
d'oeil , mais , à peine eut- il parlé , qu'elles
fe recrierent toutes deux , & parurent fort
furpriſes. Il les faffura , en leur aprenant"
l'hiftoire de fes Metamorpholes. L'habit
de Cavalier ne fit qu'augmenter les char
II2 LE MERCURE
mes de l'Abbé . L'un ne fut plus obftacle
au bonheur de l'autre , puifqu'ils étoient
le même. On admira combien l'amour étoit
ingenieux. On prit jour pour les nôces , &
Poulette éprouva combien elle auroit perdu
, fi elle s'étoit obftinée à s'en tenir à la
fimple amitié , & fi le Cavalier n'avoit
perfectionné les fentimens de l'Abbé.
pas
NOUVELLES ETRANGERES .
POLOGNE.
à Varsovie le io. Oftobre 17194
Es Palatins de la grande Pologne ont
refolu de prier le Roy de faire diftribuer
les Univerfaux pour la Diette generale
du Royaume , limitée dans la tenuë
de fes premieres conferences . Les petites
Diettes commenceront bien-tôt à s'affembler
, afin de proceder à la nomination
des Deputez de la Nation . Les Moſcovites
commettent depuis quelque tems de
grands defordres en Curlande , la Nobleſſe
furtout en eft fort inquiettée , 10. parce
qu'elle a refufé de donner fon confentement
aux demandes de la Ducheffe Douairiere
, niece du Czar. 2o . parce qu'elle
s'oppose à ce que ce Duché foit divifé en
differens Palatinats ; & enfin , parce qu'elle
D'OCT.O BRE. 813
a tequis le Roy & la Republique de Pologne
, que la fucceffion de ce Duché tombât
entre les mains du Prince Ferdinand
•
defaut de la Race mafculine . On pretend
que ces refolutions prifes par cette Nobleſfe
, ne tendent qu'au maintien du Lutheranifme
dans cette Province . It s'eft formé
en Lithuanie une confederation contre le
Roy. Les Confederés ont commencé par
enlever de quelques Starofties plufieurs
Officiers de Sa Majefté. Toutes les petites
Diettes fe font rompuës , à la referve de
cel'es de B.lski & Sandomir, La Nobleffe
de ce dernier Palatinat a eu fi peu d'égard
pour le Palatin , que nen contente
de le menacer , elle l'a reaverfé de fa chaife
au milieu de la Diette . Le Tribunal de fa
Treforcrie a fait l'ouverture de fes féances
à Grodno , fous la direction du Palatin de
Vilda. Il paroît ici une lettre du Roy de
Pruffe par laquelle ce Monarque affare de
fa bienveillance cette Republique. Plu--
fieurs Cavaliers arrivés de Saxe nous
font efperer que le Roy devoit fe rendre
le mois prochain dans ce Royaume , afin
y convoquer la Diette generale qui doiť
être la continuation de celle de Grodno .
On ne fait pas encore au vrai où elle fe
tiendra , par raport à la contagion qui emporte
quantité de monde dans la Podulie
& la Ruffie: On s'apperçoit cependant , que
depuis que le grandes chaleurs font paffeos,
a
K
,
114 LE MERCURE
elle fait moins de ravages ; la Nobleffe
a même choifi des Deputés, pour aller en
Saxe prier le Roy de fixer le jour & le
lieu , afin de reprendre la grande Diette.
La fortie des Mofcovites , hors du Royuume
& du grand Duché de Lithuanie , a
caulé ici une grande joye ; mais les Pala- ·
tinats , où les troupes du Czar ont fait un
plus long fejour , pretendent qu'à cette occafion
ils doivent être foulages des contributions
ordinaires & de celles qui ont
été propofées pour payer ce qui étoit dû
aux Armées de la Couronne & du grand
Duché , loriqu'elles furent congediées
aprés le traité de pacification .
L
SUEDE.
à Stokholm le 12. Octobre 1719-
Es Ruffiens , aprés avoir fait de
grands ravages jufqu'aux Portes de
certe Capitale , ont pris le parti de fe retirer
à l'approche de la Flote combinée
des Anglois & des Suedois . On a publić .
à Petersbourg une ample relation des de- .
fordres qu'ont commis les Mofcovites
dans ce Royaume . Le Czar fit voile de
l'Ameland le 31. d'Août avec fes Vailfeaux
de guerre , fes Fregates & quelques
Galeres , & il arriva le 3. de Septembre
à Réuel d'où il partit pour Cronflot , &.
D'OCTOBRE.
is
و
✰ debarqua le 8. Efcadre Angloife ,
commandée par le Chevalier Jean Norris ,
qui a été en rade devant cette Ville depuis
la retraite de la Flotte Ruffienne , l'a
quittée avec les Vaiffeaux Suedois qui
l'avoient joint , & il y a toute apparence
qu'elle repaffera bientôt dans le Sund
pour aller hyverner dans les Ports d'Angleterre.
La Reine , par le confeil des Senateurs
, a fait publier des ordres , four
faire revenir dans les Bourgs , & dans les
Villages qui ont été ravagés par les Mofcovites
, les habitans qui les avoient abandonnés
. On a même pris des mesures pour
pourvoir à leur fubfiſtance , en leur faifant
diftribuer des bleds qui ont été amenés
des Provinces & des Pays étrangers. Outre
les vivres , on leur fournit toutes les
chofes neceffaires pour rebâtir leurs maifons
; afin d'apaifer par ce bienfait le grand
nombre de Payfans ruinés par les Ruf
fiens. On efpere dans peu reparer le dommage
que les troupes Ruffiennes ont fait
aux Mines de fer , de cuivre , de fel , &
aux forges , qui font un des principaux revenus
de ce Royaume Pour cet effet
plufieurs Seigneurs & autres riches particuliers
, ont contribué par des fommes
confiderables
à les retablir dans leur premier
état. M. de Slipenback , Confeiller
du Confeil privé du Roy de Pruffe , arriva
le 16. de Septembre à Revel , pour
Kij
716
LE MERCURE
informer le Czar du Traité de paix qui
s'étoit negotié à Berlin avec M. de Withworth
Miniftre du Roy de la grande
Bretagne. On eft encore incertain fi ce
Miniftre fe rendra à Petersbourg auprés
de S , M, Cz . Ce qui fonde ce doute , c'eft
que ce Monarque a envoyé ordre au Gouverneur
de Rével de ne pas permettre à
M. de Slipenback de paffer plus avant ,
qu'il n'eût recû fa reponfe avec de nouveaux
ordres . Une Fregatte Angloife a
fait voile de Lubeck vers Ifted en Suede ,
,
ayant à bord 200. mit écus que le Roy
de la grande Bretagne envoye à la Reine
de Suede , en vertu des Traitez qu'il a
conclus avec S. M. Suedoife comme
Electeur de Brunswick : M. de Campredon
, ci- devant Refident de France en
Suede , s'eft embarqué fur cette Fregatte ;
pour y retourner en qualité d'Envoyé Extraordinaire.
Le bruit court que le Roy
de la grande Bretagne a fait fcavoir au
Czar , qu'il avoit renouvellé fes anciens
Traités avec la Suede , & qu'il lui a fait en
même tems offrir fa mediation , pout
moyenner fa paix avec cette derniere couronne
, à des conditions raifonnables . On
aprend de Harrbourg qu'on y a tranſporté
600. mil francs qui doivent être remis
à M. le Confeiller Grave. On dit qu'ils
font deftinés pour le Duc de Holftein , à
qui S. M. Brit , avance cette ſomme fur
1
D'OCTOBRE.
117
les Terres de Trittau & de Rynhek , où
quelques troupes de Hannover doivent fe
rendre pour en prendre poffeffion .
On a rendu public par ordre de la Reine
de Suede le Contre- Manifefte qui refute
celui du Czar. Nous l'avons donné le mois
palé dans notre Recueil. Celui de la Reine
contient en fubftance.
✔
Que les troupes du Czar qui ont fait
une invafiion dans le Royaume , y ont difperfé
( en mettant tout à feu & à fang, )
un Manifefte , par lequel on attribue la
guerre & les obftacles qui empêchent la
paix , à des caufes qui ne font pas conformes
a la verité que S. M. ne doute pas
que fes Sujets n'aperçoivent , que ce manifefte
, qui vient de la part de fon ennemi
declaré , eft dreffé avec beaucoup de rufe
pour donner de fauffes impreflions
&
émouvoir la defiance & la diforde ; pufque
S. M. a eu deffein de procurer la
tranquilité & la fureté du Royaume , par
une paix convenable , & que fuivant les
propofitions offertes , qu'on veut faire paffer
pour avantageufes , le Czar veut conferver
tout ce qu'il a pris fur la Suede pendant
cette guerre , excepté la Finlandes
offrant fur ce pied- là , fôn amitié à S. M.
après avoir entrepris une guerre contre la
teneur des Traités , & contre fa parolle
donnée , laquelle il a continuée depuis le
commencement avec les derniers excés ;
118 LE MERCURE
>
& aprés avoir fait brûler , faccager , &c.
pendant les negotiations de paix , tant
avant qu'aprés l'arrivée de Monfieur le
Plenipotentiaire Ofterman , afin d'abattre
par là le courage des fujets de Sa Majefté
de lui prefcrire des loix , & de l'obliger
s'y foumettre : Qu'ainfi S. M. declare à la
face de toute la Terre, qu'elle eft innocen
te du fang repandu ; efperant que chacun
fera convaincu de fes difpofitions à la paix :
Qu'Elle laiffe à juger à fes fujets , ce qu'il
ya à attendre de la proximité d'un voilm
qui eft en état de penetrer , felon fon bon
plaifir , jufqu'au coeur du Royaume avec
les armes furieufes ; & s'il ne leur convient
pas mieux de fuivre comme de braves Patriotes
, les traces de leurs vaillans ancêtres,
que de fe laiffer amufer par les vaines
promeffes des ennemis, & s'attirer un joug ,
qui dans la fuite leur feroit plus infuportable
, que la mort- même : Qu'ainfi on ne
doit pas fe laiffer abattre , mais fe revêtir
de courage ,, ppoouurr aaggiirr ddee concert , & avec
vigueur pour le bien de la Patrie , &c .
On ne fait pas encore fi S. M. Suedoife
convoquera les Etats du Royaume.
lé Chevalier Norris & l'Amiral Suedois
accompagnés des principaux Officiers de
Marine , arriverent le 11. de Septembre en
cette Ville . Le 12. au matin , on tint un
grand Confeil chez le Prince Hereditaire
de Heffe - Caffel. L'Amiral Norris , le
D'OCTOBRE. Fro
Colonel Baffewitz , & M. Campredon
Refident de France , y affifterent . Le même
jour , les Amiraux eurent l'honneur
de dîner avec la Reine , & le 14. S. M.
alla dîner à bord de l'Amiral Norris , &.
paffa enfuite fur le Vaiffeau de fon Amiral
. On a appris par le retour du fils de
Milord Berkley dans cette Capitale , qui
avoit été dépêché à Aland par le Lord
Carteret , pour offrir aux Plenipotentiaires
du Czar la médiation de la G. B. qu'il
n'y avoit preſque plus à efperer , que l'on
pût rien terminer au Congrés d'Aland.
La Reine en a même rappellé M. Lilienf
ted fon Plenipotentiaire. On ne croit pas
non plus que fes conferences , qui devoient
fe tenir à Brunſwick pour la paix du
Nord , ayent lieu . On continue les levées
dans tout ce Royaume avec beaucoup de
fuccés , pour recruter & augmenter nos
Troupes. On fe flate ici que nous ferons
en état la campagne prochaine , d'aller attaquer
à nôtre tour les Mofcovites dans la
Livonie , & de reprendre cette Province.
M.Dankert Commandant deMaelftrand,
--, ayant été convaincu d'avoir livré cette Place
aux Danois , a été condamné à avoir la tête
tranchée. Cette execution a été faite à
Gottembourg, mais il n'a été decapité
qu'au troifiéme coup ; le Boureau a été
mis aux arrêts pour l'avoir manqué . Les
Vailleaux neutres ont la liberté d'entrer
120 LE MERCURE
dans ce Port & d'en fortir. La Reine a
nommé le Comte de Spaar , pour aller
en qualité de fon Ambaffadeur Extraordinaire
, à la Cour du Roi de la G. B. Le
Duc de Holftein a fait des remontrances
à cette Cour , pour obtenir le titre d'Alteffe
Royale que la Reine n'a pas voulu luiaccorder
jufqu'à preſent.
LE
DANNEMARCK.
à Copp.nhague le 18. Octobre 1719.
E Baron de Bothmar , Envoyé cxtraordinaire
de S. M. Britannique en
qualité d'Electeur de Brunswick , reçût le
9. de Stokholm un Courier , qui fut dépêché
fur le champ pour la Cour d'Hanver.
On ignore le contenu de fes dépêches
. On a commencé à défarmer trois
Vaiffeaux de guerre qui étoient de retour
de Norwege , & on en va faire autant de
I'Efcadre du Contr' Amiral Tordenfchild,
qui eft rentrée dans ce Port , à la referve
de trois Galeres qu'il a laiffées à Maelſtrand.
Ceux de l'Amiral Paulfen , qui font revenus
ici de la Mer de l'Eft , doivent être
pareillement défarmez. Quoiqu'il air paru
un Corps de Suedois de 3 à 400 hommes
du côté de Sw nefund , ces Troupes n'ont
commis aucunes hoftilitez , s'êtant retirées
deux jours aprés , du côté de Bahus , aprés
avoir acheté argent comptant des provifions
D'OCTOBRE. 120
fions . Milord Polworth , Envoyé extraordinaire
du Roi de la G. Brt. a reçû de
nouveaux ordres , pour preffer la Cour de
Dannemarck à fe déclarer , au fujet d'une
fufpenfion d'armes avec la Suede , & de la
médiation offerte de la part du Roi fon
Maître. La Charge de Gouverneur Gene- ,
ral de la Pomeranie & de l'Ile de Rugen ,
vacante par la mort du General Dewitz ,
a été conferée au General Scholten . Six
Bâtimens Suedois , fortis de Gottembourg,
ayant furpris pendant la nuit, à 2. lieuës de
Maelstrand , plufieurs de nos Vaiffeaux ,
en ont enlevé quelques- uns , entr'autres ,
un Bâtiment plat , deux Galeres & quatre
Vaiffeaux Marchands. Nous avons cu
quelques jours aprés , nôtre revanche , en
leur reprenant ces Vaiffeaux , qui étoient
dans le Port de Gottembourg , & en mettant
même le feu à deux de leurs Bâtimens
; les Danois ayant trouvé le moyen
de s'y gliffer de nuit , & de furprendre
la garde. Le 4. il arriva ici un Exprés
d'Hannover , allant en Suede , avec la ratification
des Traitez des Rois de la G.
Bretagne , & de Pruffe avec la Reine de
Suede. On ne paroît pas fort content ici
des propofitions de cette derniere Couronne
, qui demande qu'on lui reftituë cette
partie de la Pomeranie & de l'Ile de
Rugen , dont S. M..Danoiſe eſt en poffeffion
.
Octobre 1719.
L
122 LE MERCURE
à Hambourg le 20. Octobre 1719 .
*
"
N celebra ici le 14. Septembre un
jour folennel de Jeune & de prieres.
Tous les Predicateurs fe récrierent avec
vehemence dans leurs Sermons , contre les
défordres & le tumulte arrivé quatre jours
auparavant en cette Ville. Ils reprefenterent
entr'autres chofes , que l'infulte
faite à l'Hôtel de l'Empereur en le pillant,
étoit une infraction contre les droits des
gens ; ce qui pourroit avoir des fuites trés
fâcheufes. Mais , quant à la démolition de
la nouvelle Chapelle des Catholiques Romains
, ce n'étoit qu'une execution necef
faire des Mandemens , ajoûtant que fi ces
Mandemens euffent été executez auparavant
, ce malheur ne feroit pas arrivé.
Nôtre Magiftrat & les autres Colleges de
cette Ville , ont envoyé des Deputez avec
un Notaire , pour vifiter cette Chapelle
démolie. Dans le rapport qu'ils en ont
fait , ils ont déclaré que c'étoit un double
bâtiment , ayant trouvé des voutes
pratiquées deffous. Ces Deputez pretendent
que ces foûterains ont été faits à
l'infçû du Magiftrat , & qu'il paroiffoit
par-là que les Catholiques Romains y vou-
* Voyez le Mercure de Septembre 1719 .
p. 157.
D'OCTOBRE. 123
loient établir une efpece de Couvent ou
de Seminaire. Le procés verbal a été envoyé
à Meffieurs les Directeurs du Cercle
de la Baffe- Saxe , qui font le Roi de la
G. Bretagne , comme Electeur d'Hannover
, le Duc de Wolfembutel , & le Duc
de Blankenberg. Le Magiftrat les prie de
vouloir bien interceder auprés de l'Empereur
; afin que la violence commife par la
canaille contre cette Chapelle , & le Palais
Imperial , ne foit point imputée au
College de cette Ville , ni au Confeil de
Commerce . Le Baron de Kurts - Rock
Miniftre de l'Empereur en cette Ville ,
reçût le premier de ce mois le Courier
qu'il avoit envoyé à Vienne , pour informer
S. M. I. de cet attentat. Il fit venir
chez lui les Deputez du Magiftrat , pour
leur communiquer les ordres de l'Empereur
, qui regarde ce delict , comme un
crime de leze- Majesté . S. M. I. demande
1. Qu'on fera une entiere reſtitution
de tout ce qui a été pillé & enlevé dans.
la Chapelle & dans le Palais Imperial :
20. Que ces deux édifices detruits , feront
rebâtis : 30. Qu'on reftituera au Confeiller
Lenbкe tous fes meubles & effets :.
4°. Que le Magiftrat repondra de la feureté
des Ecclefiaftiques Catholiques : 5 :
Que fi le Baron de Kurts - Rock ne fe
croyoit pas en feureté dans cette Ville
il fe retireroit , & que l'on ne donnoit
Lij
124 LE MERCURE
a
que deux fois 24. heures pour repondre
fur
ces griefs ; mais le Magift . ayant demandé
un plus long delai à ce Miniftre
, il y a con- fenti . Le s . la Bourgeoisie
fut convoquée
confequence
de ces propofitions
à l'Hô- tel de Ville,mais cette affemblée
fut infruc
tueufe , ne s'êtant pas trouvé un nombre fuffifant
de perfonnes
, qui doit être au moins de 196. pour pouvoir
prendre
une refolution
. Les Magiftrats
ont donné des ordres , pour ne plus perfecuter
les Pro- teftans de cette Ville , qui avoient
été citez à comparoître
, pour avoir affifté au Ser- vice chez M. Van -den- Bosch , Reſident des Provinces
-Unies. On attribuë
cette in- dulgence
aux Lettres
du Roi de Pruffe
& à celles des Etats Generaux
, écrites à cetre
occafion
; on prétend
même que les ve- xations
qu'on leur avoit faites , devoient
être regardées
comme
un trait de politi- que , pour mieux couvrir
ce qui s'eſt pallé à l'égard
du Refident
de l'Empereur
. Ce- pendant
, comme
S. M. I. infifte fur une
ample fatisfaction
, nos Magiftrats
paroif- fent être auffi irrefolus
que confternez
fur les moyens
d'apaifer
cette affaire. Le 12 . la Bourgcoifie
s'affembla
de nouveau
: mais , comme
elle ne fe trouva
pas plus complette
que la premiere
fois , elle fe fepara fans avoir rien conclu .
Suivant les derniers avis de Stoxholm
ily a grande apparence à une prochaine
D'OCTOBRE. 125
paix , entre la Suede & le Dannemarck
le Roi de Pologne n'en paroît pas auffi
fort éloigné ; mais , d'un autre côté , malgré
les difpofitions pacifiques de ces deux
dernieres Puiffances , & les bons offices
de S. M. B. on ne voit pas encore que
le Czar témoigne aucun penchant pour la
paix , quoi qu'abandonné de tous les Alliez
. On dit qu'il refufe abfolument de
reftituer Revel , ce qu'on lui propoſe ,
comme un point préliminaire de la paix.
Le Czar a fait publier un Manifefte contre
la Ville de Dantzik , pour avoir tranſporté
des munitions de guerre & de bouche
en Suede. Cet écrit contient les raifons
qui ont engagé S. M. Cz. à prendro
& à confifquer les Vaiffeaux Dantzicois
qui y paffoient, declarant qu'à l'avenir les
équipages qui auront été faits prifonniers
de guerre , feront condamnez à fervir ſur
fes Galeres pendant toute leur vie!
Plufieurs Vaiffeaux Moſcovites ſe font
venus pofter auprés de la Munde , d'où ils
enlevent tous les Bâtimens fans diftinction
.
Le nommé Dippelius , que l'on avoit
transferé d'ici à Altena , fut condamné le
28. du mois paffé à une prifon perpetuelles
au pain & à l'eau : fes Ecrits ont été
brulez par la main du Boureau en Place
publique ; aprés quoi il a été conduit far
quatre Dragons , les fers aux mains & aux ,
Liij
126 LE MERCURE
pieds , à Bremerfholm , lieu deftiné pour
fa prifon.
,
On écrit de Vilda en Pologne , que
plufieurs perfonnes avoient été brulées
eftropiées ou noyées dans le Fleuve de Vilna
, à l'occafion du feu d'artifice que l'on
avoit fait dans cetre Ville en rejouiffance
du mariage du Prince Electoral . Des Lettres
de Pologne du 4. portent que le Prince
Sapichea s'êtant mis à la tête de 21. Drapeaux
Polonois , commettoit de grands
défordres dans tout le Païs. Les avis que
nous recevons de Petersbourg , portent que
le Czar donnoit tous fes foins , pour faire
de nouveaux preparatifs de guerre , & qu'il
avoit deffein de faire augmenter confiderablement
fa Flote. M. de Mardefeld ,
Env . de Pr.ayant été admis à l'Audience de
S. M. Cz . n'en avoit pas eu un accueil favorable.
Le Czar lui a temoigné fon mécontentement
, de ce que le Roi fon maître
avoit conclu à fon infçû , un Traité
d'alliance avec le Roi de la G. Bretagne ,
& un autre avec la Reine de Suede . La
Cour de Stokholm a receu de groffes remifes
d'argent , & on n'épargne rien pour
reparer le dommage caufé par les Ruffiens.
Le Roi de Dannemarck fait marcher
en diligence plufieurs Regimens vers Pinneberg
, & les Baillages que le Duc de
Holftein vouloit hipotêquer au Roi de la
D'OCTOBRE. 127
G. Bretagne. Les Troupes d'Hannover ne
fe mettront en marche pour occuper ces
Baillages , qu'aprés que S. M. Brit. aura
paffé fes Regimens en revûë. Les Commiffaires
Subdeleguez , pour executer le
Mandement Imperial contre le Duc de
Mexelbourg, n'ont pas encore fort avancé
dans l'examen des principaux articles ; de
forte qu'il n'y a pas d'apparence que cette
affaire puiffe être terminée avant la fin de
l'année ; cependant les Troupes du Cercle
de la baffe Saxe , qui font entrées dans le
pays , y vivent aux dépens du Public, qui
en eft fort incommodé.
t
On écrit de Gohr du 15. Octobre
que le Roi de la G. Bretagne avoit envoyé
un Exprés à Londres , avec ordre de
faire partir les Yachts & les Vaiffeaux de
guerre , pour le rendre à Roterdam au
commencement du mois prochain. S. M.
pourra refter dans le Château de Gohr
environ 3. femaines , & 15. jours à Hannover
, avant que de le mettre en chemin
pour retourner en Angleterre.
SAX E.
à Drefde le rs. Octobre 1719.
Epuis que l'Archiducheffe
Marie-
Jofeph , Epoufe du Prince Electoral
, a fait fon entrée dans cette Ville ,
Liiij
123 LE MERCURE
chaque jour a vû des Fêtes enchantées &
des Spectacles nouveaux , qui ont été donnés
par le Roi de Pologne à cette Princeffe.
Le 6. du paffé , on donna dans la
carriere des Chaffeurs , un combat de
bêtes feroces , au nombre defquelles on
voyoit une Lionne , un Taureau fauvage ,
quatre Ours , fix Sangliers , & c. Le 7.
au matin , il y eut un grand Caroufel ,
dans lequel fe trouverent rangez 64. Cava- `
liers , qui coururent & firent avec une
adreffe & une grace admirable , leurs exercices.
Le 8. il y eut courfe de bagues
depuis l'Arfenal jufqu'aux Ecuries du Palais.
Le 9. fut la cloture du Carouſel ,
dans lequel le Comte de Vifthum gagna
le premier prix ; le Roi de Pologne le fecond
; le Prince de Saxe Weiffenfelds le
troifiéme , & le Comte de Haubitz le
quatrième. Il y eut enfuite Comedie Françoife.
Le 10. le Roi & le Prince Royal ,
la Reine & la Sereniffime Archiducheffe ,
accompagnez d'une Cour trés- magnifique ,
allerent au vieux Drefden . On avoit dreffé
dans un des Jardins , un Theatre , fur
lequel on executa un Opera Italien . Aprés
le fouper , on tira à 9. heures un grand
feu d'artifice , preparé fur l'Elbe. Le 12.
il y eut un nouveau Caroufel à cheval &
à pied fur le Marché . Les Champions
étoient divifez en fix Quadrilles , qui fi
nirent leurs exercices avec l'épée , les gree
D'OCTOBRE. 12
nades & la moufqueterie ; ce qui parut un
veritable combat .
,
Le 15. il fe fit ici un grand Carouſel
reprefentant les quatre Elemens, Le Roi
qui reprefentoit le Fen , avoit un habit
de même couleur garni de diamans . Son
plumet étoit attaché avec une agrafe auffi
de diamans d'un grand prix , ainfi que
fon harnois . Ceux de la fuite de S. M.
avoient auffi des habits de couleur de feu
ayant chacun à la main un flambeau ouvragé
. Le Prince Royal & Electoral reprefentant
l'Eau , étoit habillé de bleu
de même que ceux de fa fuite , ayant chacun
un Trident à la main , & un Poiffon
fur la tête. Le Prince de Weiffenfelds
reprefentant la Terre , étoit habillé de
verd , comme ceux de fa fuite , ayant chacun
un Trident à la main , & la tête or
née de fleurs . Le Duc de Wirtemberg
reprefentant l'Air , avoit des aîles fur les
épaules , & des oifeaux fur la tête , de
même que ceux de fa fuite. Chacune de
ces Troupes étoit precedée d'un Herault
d'armes , fuivi de douze Trompettes &
d'un Timballier ; enfuite venoit un Ecuyer
avec 16. chevaux de main , couverts chacun
d'une peau deTigre ,conduits par autant de deTigre,conduits
Valets d'Ecurie , puis feize Chevaliers &
autant de Valets , ayant une lance à la
main , & 16. autres portant un javelot ;
enfin feize Avanturiers , dont le Chef
130 LE MERCURE
marchoit au milieu , fuivi de quatre Va
lets .
Le premier Octobre , le Comte Sbirby,
Miniftre Plenipotentiaire de S. M. Imp .
eut audience publique du Roi , pendant
laquelle le Prince & la Princeffe ( qui a
déja donné des marques de groffeffe ) firent
une renonciation folennelle fur les
Païs hereditaires de l'Empereur . S. M.
Pol. doit fe rendre dans peu à Fraudftat ,
où le Senat doit s'affembler , afin d'y regler
les affaires du Royaume , en attendant
la tenuë de la Diette que l'on a renvoyée
au Printems prochain .
Tous les Grands de Pologne , qui font
en cette Cour , font allez remercier en
Corps le Roi,de toutes les honnetez qu'ils
en ont reçû. Le Chancelier porta la parole.
Po OGNE.
Berlin le 20. Octobre 1719 .
L paroît ici une Lettre du Roi de
Pruffe , adreffée à l'Electeur Palatin , en
date du 16. du mois paffé , portant en
fubftance ce qui fuit : Que S. M. eft ſenfiblement
touchée de l'avis qu'elle a reçû
de ce qu'on inquietoit les Sujets Refor
mez de S. A. E. Palatine à Heidelberg,
dans l'exercice de leur Religion , pendant
qu'on le permettoit aux Juifs : Que S.
D'OCTOBRE.
13P
*
M. aprés avoir fait une ample déduction
des libertez & prerogatives des Proteftans
dans tout l'Empire , reprefente les infractions
qu'on y fait , & de quel oil un tel
procedé doit être regardé par toutes les,
Puiffances Proteftantes : Que fuppofé que
l'on continue d'inquieter les Reformez du
Palatinat dans l'exercice de leur Religion
ou que l'on en exige de l'argent , cette
violence obligera S. M. d'en arrêter le
cours par des voyes juftes & convenables ,
fuivant les Conftitutions de l'Empire :
Que S. M. demande auffi à l'Electeur
qu'il faffe fupprimer les Ecrits du Pere
Ezarni , comme y êtant directement contraires
, & S. M. conclut par demander
à l'Electeur de lui faire une réponſe
prompte & pofitive .
-
La joye que l'on a conceuë ici du nouveau
Traité de paix conclu avec la Suede
eft inexprimable , avec d'autant plus de
raifon , que par ce Traité la Fortereffe de
Stettin , & toutes les Places fequeftrées de
la Pomeranie jufqu'à la Pene , font cedées.
à perpetuité au Roi de Pruffe , moyennant
la fomme de 100000 Rifdales que S. M..
s'eft engagée de payer à la Reine de
Suede.
LE MERCURE
à Vienne le 20. Octobre 1,19%
' Affaire du Comte de Nimpfch ,
Chambellan de l'Empereur , Confeilfer
Aulique , frere du Comte d'Altheim ,
accufé d'avoir entretenu une correfpondance
avec le Cardinal Alberoni , devient
plus ferieufe qu'on ne l'avoit cru
d'abord . Le 6. il fut conduit en chaife
au milieu de huit Soldats , devant le Prefident
du Confeil , pour y être examiné
de nouveau. Il fut obligé de fe tenir debout.
On lui a ofté la clef d'or , & la
Comteffe fon Epoufe n'a plus la permiffion
de l'aller voir ; on lui a infinué qu'elle fefoit
bien de fe retirer à la campagne . On
croit que ce Comte fe trouve engagé dans
les intrigues du Sieur Dodefchi , qui avoit
correfpondance avec un certain Abbé Cini ,
prifonnier dans la Citadelle de Milan.
Comme l'Abbé Dodcfchi n'a voulu júf
qu'aprefent rien avouer , on fait venir de
Milan l'Abbé Cini qui a été arrêté , pour
le lui confronter , & l'on parle de le mettre
à la torture , en cas qu'il ne decouvre pas
toute cette intrigue . On affure que le Coníte
de Colloredo , Gouverneur du Mila
nois,eft le premier qui en ait donné avis à la
Cour , & que ces avis ont été confirmés
par l'Amiral Bing , qui avoit intercepté
quelques lettres à ce fujet. On ajoûte que
D'OCTOBRE. 139
le Valet de Chambre du Comte a achevé
de découvrir cette intrigue. Le Marquis
de Ruby , ci devant Vice - Roy de Sardaigne
, partit le 6. pour aller prendre poffef
fion du Gouvernement du Château d'Anvers.
Le Comte de Biexle , Miniftre de
Suede , arrivé depuis peu en cette Cour ,
a de frequentes conferences avec nos principaux
Miniftres . Le Comte de Virmond
fe loue beaucoup des honnêtetés qu'il recoit
tous les jours du grand Vizir , qui
- étoit allé jusqu'à une lieuë de Conftanti
nople , pour lui donner le divertiſſement
d'un combat à la Turque. Il a été obligé
de fe retirer à une licue de cette Capitale
à caufe de la pefte qui emporte beaucoup
de monde dans cette grande Ville. Il a 70,
perfonnes de fa fuite malades . Noftre Ambaffadeur
a vû celebrer la fête du grand
Bayram, ou la Pâque des Turcs, qui dure
jours: Elle commence immediatement aprés
celle du Ramazan , ou jeûne des Turcs au lever
de la Lune. Elle eft annoncée par trois
coups de canon tirés du Serail . Pendant
ces trois jours de fêtes , les femmes ont la
liberté de fortir , de fe vifiter les unes les
autres , & de voir leurs parens ; ce qui ne
leur eft jamais permis que dans cette occafion.
3.
134
LE MERCURE
> Voici l'ordre & la marche du Sultan , à
la grande Mofquée , le jour de la fête du
Bayram , celebrée le 17. Août 1719.
On voyoit d'abord trois Turcs avec trois
Turbans , fix Pages à cheval avec un Cadi
, huit Muffeti depoffedés , trois Kaffaſ-
Kier ou Archevêques Turcs , trois Molla
ou Cardinaux Turcs , le Suraclair des Ja
niffaires , 13. Sorbaffi , le Muffeti des Janiffaires
, quatre Muft-wechi , un Tfcorbachi
, cinq Aga des Janiffaires , quatre
Capigi Baffa à cheval , fept Chioudes , le
Colonel des Janiffaires , quatorze Bachas,
trente-fix Muft-wechi , fix Vizirs à che
val , le Capitaine Baffa , Nuangi Baffa
20. Sorbachi .
Le G V. à cheval , faluoit à droite & à
gauche tous les Janiffaires , en leur faifant
une inclination de tête , & en portant ſa
main fur la poitrine , pour marquer l'eftime
qu'il faifoit d'eux . Suivent 16. Haïduques
, ayant fur leur tête des bonnets d'argent
doré, maffif, & à la main des hallebardes
auffi d'argent maffif.
Le fils du Sultan à cheval , & richement
vêtu , eft fuivi d'un Capigi Baffa , Gouwerneur
des Pages du Sultan.
Kiflar- Aga , qui eft un More châtré ,
& Gouverneur des Dames de la Cour du
Sultan , étoit fuivi de vingt autres Mores
pareillement prepofés pour la garde des
Dames de la Cour.
D'OCTOBRE. 135
Le G. S. étoit monté fur un cheval
blanc , dont les harnois étoient tous garnis
de diamans , avec un plumaçon fur fa
tête en forme d'Alcoran . S. H. étoit precedće
& fuivie de 12. des principaux Janiffaires
Enfuite venoit un Aumônier qui
jettoit de la monnoye au Peuple . Cet Aumônier
étoit fuivi de cent Caifliers , ayant
des bonnets blancs fur leurs têtes , &
d'une troupe nombreuſe de Janiffaires .
Le G. Muffti , qui eft en concurrence
avec le G. V. pour le pas , ne ſe trouva
point à cette ceremonie ; mais , fans ob-
Terver l'ordre de la marche , il fe rendit
feul à la Mofquée avec fa fuite.
Les Janiffaires font rangés en haye depuis
le Palais du Sultan jufqu'à la Mofquée
, fans armes , ni bâtons , en tems de
paix.
Le Sultan êtant arrivé à la Mofquée ,
Liman , autrement le G. Muffti , fit la
priere qui confifte en une lecture d'un
quart d'heure. Le Sultan retourna enfuite
dans fon Palais , & les Turcs vont par
bandes , courant la Ville , annoncer la fête
du Bayram , au fon des trompettes , le
Canon tirant tout le jour.
Repaffons à prefent de Conftantinople à
Vienne.
L'Ambaffadeur de la Porte Ottomane
en cette Cour , paroît avoir grande envie
de retourner dans fon Pays . Le Comte de
536 LE MERCURE
Virmond de fon côté follicite fortement
fon rapel en cette Cour. Le Hallebardier,
qui tua le 24. du mois dernier le Chef de
cuifine de l'Ambaffadeur Turc , eut la tête
tranchée le 3. de ce mois. Il fe trouva à
cette execution plufieurs Turcs à cheval
& à pied.
Le Baron de Bentenrieder eft fur le
point de partir pour Paris , en qualité de
Miniftre Plenipotentiaire. On lui affignera
1000. écus par mois. Il doit être fait
Confeiller privé avant fon départ , & fera
nommé un des Plenipotentiaires , au cas
que la paix fe negotie avec l'Efpagne.
L'Empereur a conferé la charge de Commandant
de la vieille Ville de Prague , au
Comte de Waldftein . Le Comte de Kinigleg
, ci-devant Ambaffadeur en France ,
eft parfaitement bien auprés de l'Empereur.
On a eu nouvelle que le Comte de
Vindifgratz , qui va refider à la Haye en
qualité d'Envoyé extraordinaire de l'Empereur
, avoit eu le malheur de perdre fes
deux fils qui font morts fur la route Ce
Miniftre eft chargé de commiffions importantes.
Il a toute la capacité requise pour
s'en bien acquitter . Le 27. du mois paffé
le R. P. François Caccia , Frere Mineur ,
Commiflaire general de la Terre Sainte
, êtant alle trouver Ibrahim Baffa
pour le prier de recommander auprés du
Sultan les interêts du S. Sepulchre , &.
lui
D'OCTOBRE. 137
lui demander la protection des Peres de
fon Ordre , cet Ambaffadeur le lui pro- ,
mit avec toute la graticufeté poffible . Le
Comte de François- Heari Schlick , fils
du grand Chancelier de Bohême
a été
fait Chambellan de l'Empereur . La Cour
Imperiale a pris le deuil pour 6. femaines
au fujer de la mort de Madame la Ducheffe
de Berri. Le Prince Jacques Sobieski fe
tient incognitò à Augsbourg. L'on eft perfuadé
que la Cour de Vienne lui permettra
de faire ici fon fejour pendant l'hiver . Le
Prince Eugene ne fe mettra en chemin
pour les Pays- bas , qu'aprés qu'on aura
congedié l'Ambaffadeur Turc.
De Caffel le 28. Octobre 1719
E Baron de Hillefheim , Prefident da
Confeil privé, a notifié au Confeil general
des Reformés de Heidelberg , que
comme l'Electeur Palatin avoit deffein de
leur faire bâtir une autre Eglife , ce Confeil
devoit s'expliquer , s'ils vouloient
choifir pour cet effet le Munikenhof ou la
Place des danfes. Mais , comme les Refor
més prétendent qu'en leur enlevant l'Egli
fe du faint Efprít , on n'a pû le faire fans
donner atteinte aux Conftitutions de l'Empire
, leur Confeil general infifte avec fou
miffion für la reftitution de cette Eglife.
Cependant les Reformés ont fait drefter unes
M
138 LE MERCURE
grande tente avec des planches fur le Munikenhof
où ils continuent de faire l'exercice
de leur Religion , malgré la deffenfe
qui leur avoit été faite de s'y affembler ;
& cela, parce qu'ils pretendent qu'il eft impoffible
que la petite Eglife de S. Pierre ,
qui refte aux Reformés de Heidelberg ,
puiffe contenir une fi nombreuſe affemblée ,
& que d'ailleurs cette défenfe eft directement
contraire à la liberté & aux Preroga
tives, des Reformés .
M. Spina , Refident des Etats generaux,
eft parti pour fe rendre à la Cour Palatine ,
avec ordre d'y faire de fortes remontran
ces en faveur des Proteftans ; & de declarer
à fon Alteffe Electoralle que fi elle
perfifte à les opprimer , L. H. P. fe croiront
en droit d'ufer de reprefailles envers
leurs fujets Catholiques Romains , & de
faire fermer leurs Eglifes dans tous les
Etats de leur Domination . L'Electeur Palatin
a recu un exprés du Baron d'Often ,
fon Envoyé à la Cour Britannique , avec
avis que le Roy de la grande Bretagne s'interrefloit
fortement en faveur des Proteftans
, & qu'il demandoit qu'on les retablît
dans tous leurs droits & privileges , conformément
aux Traités de Weftphalic & aux
Conftitutions de l'Empire . Cet Exprés à
d'abord été renvoyé par l'Electeur ,qui prézend
que fes Sujets Proteftans n'ont aucun
licu de fe plaindre de ce qu'on leur a cnle
D'OCTOBRE. 139
vé l'Eglife du faint Efprit , puifqu'il leur
en a fait conftruire une autre à fes depens;
que d'ailleurs le Traité de Veftphalie ni les
Conftitutions de l'Empire , n'empêchoient
pas qu'un Souverain ne gouvernât les Etatsfuivant
fon bon plaifir , furtout lorfque
le Prince n'ufoit de ce droit qu'en fuivant
les regles de l'équité . Outre les Miniftres
de la Grande Bretagne , de Pruffe & des
Etats generaux , le Landgrave de Heffe
Caffel , & le Landgrave de Heffe-Darmf
tatt doivent envoyer chacun un Miniſtre
à S. A. E. pour feconder les follicit
tations des premiers en faveur des Proteftans
du Palatinat. On a même fait desdemarches
auprés des Cantons Suiffes Proteftans
, pour joindre les leurs aux premiers.
Cependant l'Electeur fait travailler ent
diligence à la conftruction de l'Eglife deftinée
pour les Reformés . Comme les Chefs.
du Confiftoire ont toûjours refufé de pofer
la premiere pierre des fondemens de
cette Eglife , elle a été placée par l'Ingenieur
Sardo qui a la direction de cet Edi
fice. Cela fait croire que S. A. E. eft bien
refoluë de ne point rendre l'Eglife du S
Elprit aux Evangeliques.
Les Miniftres Imperiaux à la Diette ,
femblent ne plus s'opiniatrer fi fort pour
Pérection de la charge de grand Ecuyer ,
Mij
140
LE MERCURE
les Miniftres Proteftans ayant declaré
qu'ils ne foufcriroient jamais à cet établiſ
1ement.
L
à Bruxelles le 25 Octobre 1719%
E Procés des cinq Doyens des Corps
de Metiers , ayant été terminé pas
le Confeil de Brabant , on leur prononça
leur Sentence dans la Prifon. On conduifit
le 19. le plus ancien Doyen à la Chancellerie
, où fa Sentence lui fut lûë . A
chaque article il foûtint qu'il étoit innecent
de toutes les accufations portées contre
lui , proteftant qu'il n'avoit aucune part
aux derniers tumultes , qu'il n'avoit pas
même penſé à troubler le repos de fa Patrie.
Sa Sentence lui ayant été prefentée
à figner fuivant la coutume , il refufa de le
faire , difant que comme il n'étoit point
coupable , il ne devoit pas non plus demander
pardon à la Juftice. Il adreffa la
parole au Peuple , fans qu'il parût aucune
alteration fur fon vifage ; mais les cris des
Soldats ayant empêché qu'il ne fût entendu
, il fe mit à genoux , & cut là tête
tranchée. Les Bourgeois fondant en larmes
, enleverent auffi - tôt fon corps que
l'Executeur jetta dans un tombereau plein
de fable , & l'emporterent dans l'Eglife
de Sainte Catherine fa Paroiffe. On lui fir
un Service folennel avec un grand conDOCTOBRE.
147
cours de Peuples . On transfera au Village
d'Etterbeck, à un quart de lieuë de cette
Ville, les quatre autres Doyens condamnez
à être bannis à perpetuité , des Pays de
la domination de l'Empereur. Ils y furent
accompagnez par un nombre prodigieux
de Peuples. On a fçû qu'ils s'étoient retirez
à Liege. On pendit enfuite lept de
ceux qui avoient eu le plus de part au
pillage de la maifon du Chancelier de Brabant
, aprés avoir été auparavant fuftigez .
Le Gouvernement ayant appris que les
quatre Doyens bannis , étoient fur les
Frontieres du pays de Liege , dans un
Couvent de l'Ordre de S. François , prés
de Tirlemond , il doit faire prier l'Electeur
de Cologne de les faire fortir de cette
retraite , & de les éloigner , à caufe des
confequences du voisinage,
Le S. le Marquis de Prié declara à fon
audience publique , le General Major
d'Artiaga , pour Gouverneur de Gand, &
le Brigadier Devenish , Gouverneur de
Courtray. Les Deputez du Chapitre &
de la Nobleffe de Tournay , follicitent fortement
le reglement de leurs limites avec
la France , à caufe des difficultez qui furviennent
tous les jours à cette occafion.
Le Gouvernement doit faire de nouvelles
plaintes aux E. G. au fujet de deux Vaiffeaux
Oftendois qui ont été pris par les
Hollandois fur les côtes d'Affrique . Le
142 LE MERCURE
Prince de Naffau- Siegen eft encore er
cette Ville , pour foûtenir fes pretentions
fur les biens de la fucceffion de
Naffau- Orange en ce pays .
HOLLANDE.
à Amfterdam le 23. Ottobre 1719.-
M
Onfieur Wolfters , Agent de S.
M. Britannique à Rotterdam , fie
arrêter le 20. à la Brille quatre Ecoffois ,
fçavoir les Ss . David Nairne, Jean Hepburn,
Jacques Brown& Archibad Johnſon ,
à bord d'un Bâtiment de Rouen , dans le
tems que ce Bâtiment alloit mettre à la
voile. On leur a donné une garde de 12 .
Soldats & d'un Sergent. Tous leurs papiers
ont été faifis & portez à Milord Cadogan .
On dit qu'il s'agit d'une confpiration contre
la perfonne du Roi de la Grande Bretagne
.
Milord Cadogan fait des preparatifs extraordinaires
pour recevoir le Roi fon
Maître. On prefume que S. M. Britannique
ne fera aucun fejour dans ce Païs ,
à moins que l'affaire de la quadruple alliance
n'ait été terminée à fa fatisfaction.
L'on pretend que M. de Morville doit
declarer de fon côté , que fi l'Etat perfifte
à refufer d'y acceder , la Cour de France
a refolu de faire vifiter tous les Vaiffeaux
D'OCTOBŘE. 143
Hollandois qu'on rencontrera , allant trafiquer
en Efpagne. Le Comte de Cadogan
a fait la même declaration il y a quelque
tems.
On parle diverfement à la Haye du
Voyage du Baron de Capres. Les uns prétendent
qu'il eft encore à Madrid , & que
ce qu'on a publié de fon départ , n'eft
qu'un trait de politique de M. le Marquis
Beretti- Landi , pour gagner du tems ,
& pour amufer l'Etat , dans l'efperance
d'un prochain accommodement entre les
Puiffances en guerre. Il eft certain que
ces bruits ont engagé divers Membres de
la Regence à temporifer , & à entrer
dans les vûës,de ce Miniftre : les autres
difent avec auffi peu de fondement qu'il·
eft actuellement en chemin avec l'Intendant
Patigno.
L'on affeure qu'il y a une grande méfintelligence
entre M. le Marquis Beretti-
Landi & M. de Monteleon , & que ce dernier
ne veut abfolument fe mêler d'aucune
affaire , quoiqu'il ait receu des ordres de
la Cour de Madrid , de travailler de concert
avec l'autre .
M. de Meinertihagen a enfin reçû les
inftructions qu'il attendoit de la Cour de
Berlin , au fujet d'un accommodement
entre le Roi de Pruffe & le jeune Prince
de Naffau- Orange , touchant la fucceffion
du feu Roi Guillaume. Les Miniftres
F44 LE MERCURE
Plenipotentiaires nommez à ce fujet , eu
rent avant-hier une conference d'environ
une heure & demie , avec les Deputez de
L. H P. mais on ignore encore ce qui s'y
eft paffe. Cependant , on affure que le Roi
de Pruffe eft dans des difpofitions fort fa
faciliter la conclufion de vorables pour
cette affaire.
*
L. H. P. ont envoyé aux diverſes
Provinces la copie du Memoire du Prince
Kurakin, pour détourner l'Etat de prêter
à la Reine de Suede un million d'écus ,
qu'elle a fait demander. Milord Cadogan
appuye fortement la demande de S.
M. Suedoife , & il y a apparence que fes
follicitations à cet égard , Femporteront fur
celles du Prince Kurakin .
Les differends entre la Ville de Gronin
gue & les Ommelandes , qu'on avoit die
être prefque terminez , commencent à fe
reveiller . L. H. P. doivent écrire une lettre
à ce fijet aux Etats de cette Province;
cependant on cherche quelques moyens de
pouvoir la foulager , en confideration des
dommages qu'elle a foufferts par la derniere
inondation.
L'Amirauté d'Amfterdam s'eft enfin
conformés , à la refolution de L. H. P. 2.
qui elle a fait fçavoir , qu'elle faifoit équiper
un Vaiffeau de guerre , commandé
par le Capitaine de wilt , qui fera prêt
à mettre à la voile dans dix ou douze
jours
D'OCTOBRE. ·243
jours au plus tard , pour tranfporter en
Suede M. de Burmania ' , nommé à cette
Ambaffade. L. H. P. lui en ont fait donner
avis , afin qu'il fe tienne prêt à partir
vers ce tems-là. Cependant les Deputez
de Hollande dans l'affemblée des Etats
Generaux , ont renouvellé leurs proteftations
au fujet de cette Ambaffade , dont
cette Province prétend toûjours avoir la
nomination ; on croit pourtant que cette
affaire s'accommodera dans cette feance
des Etats de Hollande.
Les conferences , pour le redreffement
des Finances , continuent de fe tenir
mais c'eft une affaire d'une longue haleine,
qui rencontrera de grandes diffidultez ,
qu'on pourroit néantmoins lever, fi l'on
s'y prenoit comme il faut , & qu'on prît
la chofe un peu plus à coeur.
→ M. le Comte de Vindifgratz et attendu
à la Haye avec impatience . Cet Etat paroît
être fort content du choix que l'Empereur
a fait de ce Miniftre dont on parle
fort avantageufement. On dit qu'il a tous
les talens neceffaires pour fe concilier les
efprits de ce Païs- cy.
M. de Colfter , dans fa derniere Lettre
à L. H. P. marque que le Cardinal Alberoni
n'avoit encore pris aucune refolution
touchant la paix , & qu'il ne cherchoit
qu'à pouvoir éviter l'acceptation du Projet
d'accommodement.
Octobre 1719.
N
144
LE MERCURE
On dit que le Roi de Pruffe fait avancer
20. mille hommes vers la Curlande , &
que le Roi de Pologne fera auffi marcher
Sooo . hommes vers la Praße Polonoife.
Les Lettres d'Hambourg du 20. portent
que l'on a appris de Petersbourg que le
Czar a refufé la mediation de S. M. B.
& qu'il a ordonné de conftruire 8. Vaiffeaux
de guerre. Les Ruffiens publient
qu'ils entreprendront cet hiver une nouvelle
invafion en Suede . On n'a point encore
d'avis que l'Amiral Norris foit parti
pour retourner avec fon Eſcadre en Angleterre.
Il est arrivé à Coppenhague un
Exprés de S. M. B. & l'on dit que S. M.
Danoife eft difpoféee à conclure une
Treve avec la Suede. On aprend que le
Duc de Meklenbourg a refule de voir &
même de laiffer entrer à Domits , les Deputez
de la Nobleffe de Meklenbourg ,
qui venoient le prier de convoquer une
Diete du Pays , pour terminer leurs differends
avec S. A. S.
Les Etats de Hollande fe font feparés ,
fans avoir pris aucune refolution fur l'affaire
de la Quadruple Alliance . Le Marquis
de Beretti- Landi a eu à ce fujet depuis peu
diverfes conferences avec les Deputés de
l'Etat.
D'OCTOBRE. 145
O
à Londre le 23. Octobre 1719.
N propoſe un Plan pour ériger une
Compagnie , qui doit faire le commerce
de bois pour la conftruction des
Vaiffeaux . Comme on a deflein de tirer les
bois de la nouvelle Angleterre , on nom
méra cette Compagnie , la Compagnie du
Nord de l'Amerique. On prétend que le
bois fe vendra aux Particuliers à beaucoup
plus bas prix , que fi on le faifoit venir
d'Archangel , de Norwege , ou de la Mer
Baltique. Ce projet doit être mis en exécution
par un nombre confiderable de
perfonnes
de diftinction , & de riches Marchands
qui compoferont cette Compagnie,
& qui ont refolu d'en demander la permif
fion au Roy.
Comme les Intereffés de nos Manufactu
res ne peuvent pas vendre depuis quelque
tems les marchandifes qui en proviennent,
il s'eft formé une affociation pour les maintenir
; on a déja foufcrit pour plus de
mille livres fter.
So.
દ
Le Bill du Parlement d'Irlande , pour
empêcher l'accroiffement du Papifme , e
encore pendant au Confeil . On prétend
que les Seigneurs Jufticiers en ont informé
le Roy , aprés avoir reconnu que les clau-
Les portées contre la Catholicité Romaine
en Irlande , êtant trop dures , produirolent
Nij
146 LE MERCURE
dans la conjoncture prefente un mauvais
efet auprés des Catholiques Romains ; ce
qui pourroir les exciter à moleſter les Proteftans
qui font dans leurs Etats , en leur
refufant la fatisfaction que les Potentats
demandent auffi croit- on que ce Bill fe-
Ja entierement rejetté , ou qu'au moins on
en moderera les claufes.
On a publié que la Patente , pour éta
blir la grande pêche de la Grande Breta
gne , étoit prête à être expediée. Le Duc
d'Athol les Comtes de Clarendon
d'Yarmouth , & de Southerland s qui
font les Chefs de cette entrepriſe, fe flattent
de la faire réüffir ; mais рец de gens font
d'opinion que cette affaire puiffe avoir lieu .
Comme depuis le depart de nôtre Flore
de fainte Helene , le vent a toûjours été
P'Eft , on ne doute pas que cette Efcadre ne
foit prefentement fur les côtes d'Espagne.
On eft perfuadé ici que cet armement n'a
été fait que dans le deffein d'aller attaquer
la Corogne.
Ona donné ordre de preparer les Vaiffeaux
de Guerre & les Yachts , pour al-
Her prendre le Roy que l'on attend dans
cette Capitale les premiers jours du mois
de Novembre.
On écrit de Hannover que le Comte de
Sunderland avoir reçu un accueil trés favorable
du Roy.
On a élevé la Statue en bronze du Roy
2
D'OCTOBRE.-
147
Henry VI. , dans le College de Laton ,
prés de Windfor , pour conferver à la Pofterité
la Memoire de ce Prince qui en eft
le Fondateur .
Le 11. on publia une proclamation de la
part des Seigneurs Jufticiers → par laquelle
le Parlement eft encore prorogé jufqu'au
3. Novembre', n. ſt.
Nos derniers avis de Lisbonne portent ,
qu'un de nos Vaiffeaux qui croife dans ces
Mers pour la fûreté du commerce , a fait
plufieurs prifes fur les ennemis , entr'au
tres celle d'un Armateur Eſpagnol , de 60 .
canons , dont l'équipage étoit preſque
tout compofé de Matelots Anglois. Ĉes
Armateur avoit fait depuis peu deux autres
prifes confiderables.
Les Vaiffeaux de l'Efcadre de l'Am. Bing
qui doivent revenir pour ſe radouber , font
le Kent, l'Effex , le Superbe, & le Charles
Galley , le refte de la Flote doit paffer l'hiver
dans la Mediterannée avec cet Amiral.
Le 14. on lança à Wolwick le Vaiffeau
la Britania de 112. pieces de cañon ; il
doit être conduit inceffamment à Catham
par le Capitaine Sun qui en doit avoir le
commandement . Il ya fur les chantiers à
Wolvvick deux Vaiffeaux de 70. canons
chacun , pour le fervice de la G. Bret .
Les Seigneurs Commiffaires de l'Amirauté
s'affemblerent deux fois la femaine prece
dente , pour examiner l'état de la Marine,
Niij.
148
LE MERCURE
& pour concerter les moyens de la tenir
furun bon pied On a bâti depuis peu deux.
Vaiffeaux de guerre à Depford pour le
compte de la Compagnie des Indes de
France , & il y en encore deux autres
pour la même Compagnie fur les chantiers.
Le 16. on a lancé dans ce dernier Port
un des quatre Vaiffeaux de guerre qui y
font ; fçavoir des Fregates de yo. pieces .
de canon chacune.
Par les Lettres du Cap Coft- Caftu
fur la côte de Guinée , du onze Juillet
dernier , on mande que la Conrade &
la Princeffe , deux Vaiffeaux appartenant
à la Compagnie d'Affrique , avoient été.
pris par un Corſaire , qui ayant mis les
Equipages à terre , en avoit emmené les
Vaiffeaux pour fervir à pirater. La Loyanté
, la Martafonon , & la Biche , trois
autres Bâtimens Anglois , ont été auffi
pillez par le même Corfaire. Le Gouvernement
en ayant été informé , a donné
ordre d'équiper en diligence l'Anne Royale
Galley , & le Lym , Vaiffeaux de guerre ,
pour aller joindre un de nos Vaiffeaux qui
croife fur la côte de Guinée , & donner la
chaffe à ces Pirates qui font en grand
nombre dans ces Mers. Le S. Thomas
qui eft arrivé à Galloüay en Irlande
rapporte qu'un de ces Forbans lui avoit
enlevé tout le Vin & les proviſions de fon
Vaiffeau.
D'OCTOBRE. 149
La faifon ne permettant pas que l ' Amiral
Norris demeure plus long -tems avec fon Efcadre
dans la Mer Baltique , on attend fon
retour inceffamment dans nos Ports.
Le Docteur George Smalridge , Evêque
de Bristol , & Doyen de l'Eglife de
Chrift mourut le 8. de ce mois à
Oxford .
On affure que les Troupes Hollandoifes
, qui font en Ecoffe , y pafferont
l'hiver , pendant lequel on levera dans la
G. Bret. huit Regimens d'Infanterie &
fix de Dragons , tant pour remplacer les
Hollandois que l'on compte de renvoyer
au Printems prochain , que les Troupes
que l'on a embarquées pour l'expedition
fecrette.
:
Un Armateur Elpagnol a enlevé deux
Vaiffeaux de Londre , l'un venant de la
Virginie , & l'autre de Guinée.
:
Un de nos Vaiffeaux a amené à Montbay
un autre Vaiffeau Hollandois , qui
alloit à Bilbao en Eſpagne, porter des Marchandifes
de contrebande.
On eftime 200. mille livres fterlins la
charge des deux Vaiffeaux arrivez depuis
peu de Turquie , fçavoir le S. George ,
& le Hartcour. Ils ont apportez des
Soyes , des Gauls , toute forte de Cotons
filez & non filez , une balle de Cordivan ,
deux caiffes de Rubarbes , & 85. caifles ·
de Savon.
వ
6
F
Niiij
LE MERCURE
Le Lim , Pink chargé pour Oporto
a été pris par un petit Armateur Efpa
gnol de 8. pieces de canon , ainfi que les.
trois Amis de Weymouth par un autre.
Armateur Espagnol de 24. canons , & de
180. hommes d'équipage. Il a été conduit
à la Corogne.
On écrit de Londre , que le Duc de
Neucaftle , Chambelan de la Maison du
Roi , avoit fait fçavoir ux Directeursde
l'Academie Royale de Mu ique , que
le 1. de Novembre , il fe tiendroit uneaffemblée
generale dans la Maifon de l'Opera
, afin de prendre les mefures les plus
juftes , pour commencer à jouer au mois.
de Janvier prochain . M. Hendell qui a
été envoyé dans les Pays Etrangers , pour
enrôler des Acteurs , eft attendu inceffament
ici.. Le Duc de Warton arrivé depuis .
peu d'Italie , a amené 3. Acteurs & une
Actrice pour chanter. Il s'eft engagé de
leur payer 4000. livres fterlins pour un
an.
Les Oftendois ont équipé un Vaiffeau
de guerre pour courir fur ceux de la Compagnie
des Indes..
D'OCTOBRE. I5X
L&
à Madrid le 16. Octobre 1719.
A Cour a reçû deux Exprés du Duc
de Parme dont on ignore le contenu .
Le Cardinal Alberoni êtant retabli d'une
indifpofition , a de frequentes conferences
avec l'Ambaſſadeur de Portugal & celui
des Etats Generaux . Le Gouverneur de
Ceuta follicite fortement la Cour pour
avoir un renfort , fa Garnifon êtant fort:
affoiblic par les maladies & la mortalité.
Le 24 du mois paffé , l'Infant Dom.
Fernando êtant entré dans fa feptiéme
année , la Cour quitta ce jour-là le deuil
qu'elle avoit pris pour Madame la Ducheffe
de Berri. Le Cardinal' Miniftre a ,
dit-on , refolu de lever 24. nouveaux Ba--
taillons , & quatre mille Chevaux , pour:
renforcer notre Armée en Catalogne ;
mais où trouvera- t'on des hommes & de:
l'argent Sur la marche des François en
Catalogne , le Marquis de Caftel Rodrigo
a fait paffer dans cette Province la plus
grande partie de fes Troupes , n'ayant
laiffe que 2000. hommes en Garnifon à
Pampelune. Tous nos avis de Catalogne :
confirment que les Habitans de la campa
gne font fort difpofez à une revolte , & que
les Miquelets y commettent de grands defordres.
On apprehende auffi une def
cente de la Flotte Angloife fur les côtes :
LE MERCURE
de Valence pour favorifer le foulèvement"
des Catalans. Un de nos Armateurs ayant
conduit à Vigo un Bâtiment Hollandois
chargé de fer , qu'il avoit rencontré en
Mer fans Equipage & fans Chaloupe , en
a fait informer la Cour par M. le Marquis
de Rifbourg , Gouverneur general de la
Galice , furquoi le Cardinal Albéroni a
écrit une Lettre à Mi de Colfter Ambaffadeur
des Etats Generaux , pour lui faire
part d'un évenement fi extraordinaire.
Leurs Majeftez , le Prince des Afturies,
les jeunes Infans & le Cardinal Alberoni ,
font partis le 2. pour aller à l'Efcurial
où l'on dit que la Cour reftera un mois .
Aucun des Miniftres Etrangers n'a û la
permiffion de fuivre le Roi , mais ils furent
le premier , admis à l'audience de S.
M. de qui ils prirent congé.
On regarde ici comme un miracle que
la Vifo de la Vera Crux & celui de Cartagene
, ne foient pas tombez entre les
mains des Anglois , qui avoient pour lors
à la vue de Cadix neuf Navires de leur
Nation . La Viffo de Cartagene qui entra
à S. Lucar le 3. paffa heureufement au
milieu de cette Eſcadre.
D'OCTOBRE. 15
Chargement de la Viffo de la Vera-Cruxarrivé
à Cadix le 5. Septembre 1719 .
Piaftres pour le particulier. 42372.
559.
Surons de Cochenille..
149 . Surons d'Indigo..
$ 80.
69.
I.
I.\
.
Cuirs tannez .
Caiffes de Vanille .
Dille avec 21. Arobes Vanille .
Caiffe Rocou & 2. Surons dits
Caiffe argenterie travaillée.
Caiffe contra hierba.
Bales de Jalap.
I.
I.
25
I.
3.
Gaiffes. de Chocolat.
700.
Botiche d'huile Marie.-
Quintaux de Cuivre..
Chargement de la Viffo de Cartagene &
arrivé à S. Lucar le 3. Septembre.
1719.
400.mil Piaftres en or regiftré.
Caiffes de Vanille . 3.
428
. Quintaux , Bois de Brefil.
II. Caifles , Beaume de Peroux
huile Marie.
131.
138.
20.
Surons Cacao ..
Surons Quinquina .
Marcs , Emeraudes brutes,
75454
LE MERCURE
M
à Rome le 10. Octobre 17198
Onfieur le Cardinal de la Tremoille
, informé que le Pape devoit te-
Air Confiftoire , alla le 4. du mois paffé
faire fommation verbale à l'Auditeur ;
afin que S. S. eût à donner des Bulles à
M. l'Abbé de Lorraine & à M. l'Abbé de
Caftries. Le Pape fit pour lors tenir une
Congregation , & remit le Confiftoire
au 11 .
Leg . Monfieur le Cardinal de la Tremoille
retourna faire une pareille fommation
, & le 10. le Pape , aprés la Meffe
envoya les Curfeurs avertir les Cardinaux.
de ne s'y pas rendre. Enfin le 18. le Pape
tint Confiftoire , dans lequel les Eglifes de
France furent propofées , & accorda des
Bulles aux Archevêques de Rouen , de
Tours , aux Evêques de Bayeux & de Ne--
vers. Tout Rome a témoigné une joye extraordinaire
en aprenant cette nouvelles
Dans ce même Confiftoire S.S. y fit un
difcours fort long fur l'expedition à la
Chine de M. Mezabarba , qui fut propofé
Patriarche d'Alex. & Nonce de la Chine":"
Le 21. il fut confacré dans l'Eglife de S.
Charles. Le S. Pere lui donna enfuite un
magnifique dîner, ainfi qu'à un grand nom
bre de Relig . qui vont avec lui dans cette
Miffion , aprés quoi SS . fit une exhorta
D'OCTOBRE.
155
tion trés pathetique , pour les animer aux
travaux Apoftoliques. Comme il eft jeune
& d'un bon temperament, il poura facilement
refifter auxfatigues de ce long voyage.
Elle a chargé ce Nonce d'une caiffe fournie
de lunettes de toute forte de grandeurs ,
& d'une autre caiffe remplie de cristaux
de Venife , pour en faire prefent à l'Empereur
de la Chine. M. de Mezabarba
*informé que cet Empereur aimoit fort la
fymphonie , emmene avec lui fept des plus
excellens Violons d'Italie . Il paffera d'abord
à Lisbonne où un Vaiffeau l'attend ,
pour le tranfporter à la Chine avec fa fuite.
On s'attendoit qu'il y auroit une promotion
de Cardinaux au commencement
du mois ; mais l'on croit aprefent qu'elle
fera au moins differée jufqu'à la fin de ce
mois. Ce delay peut venir de ce que le
nombre des Chapeaux , qui vaquent prefentement
, ne fuffit pas pour fatisfaire les
afpirans ; peut-être que Sa Sainteté veut
attendre que la pluralité augmente . Les
Cardinaux Cornaro , & Zondedari , pouroient
bien fire place à d'autres , l'un êtant
dans un continuel affoupiffement, & l'autre
donnant des fimptômes évidens d'éthific.
L'affaire de la Nonciature de Naples
pouroit encore être un obftacle pour cette
Promotion . En effet , le credit du Collateral
de Naples eft fi puiffant à la Cour de
Vienne , qu'elle ne donne pas toûjours des
856 LE MERCURE
réponſes favorables aux inftances ' que celle
de Rome lui fait, faire. Pendant toutes ces
Negotiations , le Nonce eft comme relegué
dans l'Ile de Procida ; & il y a apparence
que fi les difficultés qu'on rencontre
dans fa réintegration , durent encore quelque
tems , on croit que SS. ne pourra fe
difpenfer de le rappeller.
Dona Maria Pallavicina , Epouſe de M.
Giovani Giacomo Imperiale , fils du Doge
de Genes , a intenté ici un procés à fon
Mari pour caufe d'impuiffance. Il en étoit
d'abord convenu , mais il a changé depuis
de fentiment , en niant le fait . La Congregation
du Concile , compofée de 17.
Cardinaux dont trois opinerent feulement
en faveur du Mari , ordonna qu'ils habiteroient
trois mois enfemble , aprés quoi,
fi l'Epoufe fe plaignoit encore , on en viendroit
à la vifite. Comme elle n'a pas été
contente de ce Jugement , la même Congregation
s'affembla encore le 30. pour
continuer les premieres deliberations fur
la diffolution de fon mariage. La Dame
s'êtant offerte de nouveau à être vifitée
pour prouver que le mariage n'avoit pas
été confommé , les Juges n'ont pû refuſer
fa demande , & fon offre a été acceptée.
Le Decret porte que la Congregation avoit
admis la preuve qui feroit faite par l'infpection
du corps de Dona. M. P. qui fe
feroit fuivant une inftruction particuliere
D' OCTOBRE.
159
que donneroit le Collateral Prefet.
L'Agent de l'Empereur en cette Cour ,
alla ces jours paffés faire inftance au Cardinal
Dataire , pour qu'on eût à fufpendre
à l'avenir les expeditions des Benefices
, concernant la Sicile , & cela jufqu'à
ce que l'Empereur en fût paifible Poffef
feur . Le Collateral refufa abfolument d'admettre
une pareille fufpenfion .
L'Abé Gaëtan Volpini a été condamné à
mort, pour avoir écrit des calomnies atroces
contre une Princeffe auffi diftinguée par
fon rang que par la vertu . On croit cependant
que le Pape fera grace à cet Abbé,
en le puniffant feulement d'une priſon
perpetuelle.
Le Pretendant & la Princeffe fon Epouſe
, n'ont pas encore quitté Montefiafcone.
Le Pape leur avoit deftiné Vrfin pour y
faire leur fejour ; mais ils ont remercié SS .
de cette offre. Ils aiment mieux venir paffer
l'hiver à Rome , où ils fe rendront à
la fin du mois. La Princeffe a déja donné
des marques de groffeffe ; elle a fait prefent
à fon Epoux d'un poignard enrichi
de diamans , que le Roy Sobiefki fon
grand Pere avoit trouvé dans la caffete du
grand Vizir , aprés qu'il eût battu en 683 .
les Turcs , devant Vienne qu'ils affic
geoient. SS. a honoré du titre de Gentilshommes
les 4. Officiers qui ont accompagné
cette Princeffe.
·58 LE MERCURE
La Comteffe Carminat mourut le 17. du
mais paffé dans le tems qu'elle fe difpofoit à
aller faire un voïage en France.
Il eft mort depuis quelque tems à Pife
une Religieufe, qui paffoit dans l'efprit du
Public pour une perfonne doüée du don
des miracles. Cette opinion étoit fondée
fur l'abftinence du boire & du manger ,
ayant perfuadé aux plus credules qu'il y
avoit fept ans qu'elle ne prenoit aucun aliment
, quoique fort replette. Les Chirurgiens
par ordre du grand Duc , ont fait
T'ouverture de fon cadavre auffi-tôt aprés
fon decés : ils ont trouvé dans fon eftomac
de la viande qui n'étoit pas encore digerée ;
& comme fon vifage n'étoit nullement
changé , ils ont decouvert une couche de
cerufe , appliquée avec tant d'art , qu'il
n'étoit prelque pas poffible de s'en apercevoir.
Son Confeffeur accufé de lui avoi
fait jouer ce rôle , a été arrêté & mis en
prifon.
La prétendue Propheteffe qui avoit prédit
que Rome devoit perir un certain
jour , a été auffi enfermée dans les prifons
de l'inquifition.
L'Evêque de Mazzara qui a eté pris fur
un des Bâtimens du Pape en allant en Sicile
, eft toûjours retenu à Naple , fans
qu'on ait pu obtenir fa liberté.
D'OCTOB KE. 159
L
Octobre 17190
à Naples le 3.
E Marquis de Lede eft toûjours
campé avec fon Armée à Rometta &
à Barcelonnette , fitucz à 12. mille de:
Meffine . L'on difoit que ce General avoit
deffein de tenter le fecours de cette Fortereffe
& de livrer combat ; mais , l'on fçavoit
que fon Armée étoit fort affoiblie par
les maladies , & le Camp Allemand eroit
trop bien retranché pour craindre que les
Efpagnols vouluffent tenter ce projet . La
Citadelle de Meffine continue à fe deffendre
avec opiniatteté. Ce qui en retarde la
prife , c'eft qu'elle reçoit de tems en tems
des rafraichiffemens par Mer. On efpere
cépendant ici , malgré ces inconimoditez ,
que la Citadelle fera obligée de fe rendre
inceffamment , les Efpagnols ayant eu une'
de leur principale Citerne gâtée par une
bombe . Le 19. du mois paffé les Impe
riaux s'êtant rendu maîtres de la contref
carpe de lá Citadelle , les Affiegez firent :
jouer une mine qui fit fon effet , ayant en--
levé un logement où il y avoit 30. hommes.
Le Gouverneur fit en même tems
fottir un détachement de ſa Garniſon
qui attaqua les Affiegeans dans leurs tran-·
chées ; mais cette fortie ne fut pas long
tems foutenue ; il y eut peu de perte de
part & d'autre. Cependant les Generaux
1601 LE MERCURE
Wallis , Sechendorf, Wachtendonck , &
Schemettan , ont été bleffez ; & ce dernier
l'eft dangereufement. On ne nomme
d'Officier remarquable du côté des Efpagnols
, que Dom Jofeph Andrada , Brigadier
, qui ait été grievement bleffe .
L'ordre de la Cour de Vienne , pour
l'échange des Prifonniers Eſpagnols , a û
fon execution, ils ont été embarquez aprésque
le Cartel a été reglé.
Le Cardinal de Scrottenbac nôtre Vice-
Roi , travaille avec une application extraordinaire
à feconder les efforts du Comtede
Merci , pour l'entiere reduction de la
Sicile. Il y fait paffer tous les jours une
grande quantité de provifions , dont l'Armée
Imperiale & la Ville de Meffine ont
un extrême befoin . Et comme prefque tout
le Pays, qui eft fous la domination de l'Emperur
, fouffre auffi une grande difette ,
S. Emin. a fait partir plufieurs Bâtimens
François , Anglois & Hollandois , pour.
aller chercher des grains fur les côtes de :
Barbarie , & les tranfporter en Sicile.
Malgré tous ces foins , le Comte de
Merci infifte fortement fur l'envoi de
nouveaux fecours pour renforcer fon Armée,
qui ne laiffe ne laiffe pas de fouffrir par les ma.
ladies & par le manque de provifions .
La balle dont ce General fur bleffe dans
les reins à l'action de Francavilla , n'a été
tiree que le 4 du paffe.
D'OCTOBRE. 161
-
ayant
Le Capitaine Scot, rencontré une
Sattée, autrement une Felouque Efpagnole ,
l'avoit fait attaquer par fa Chaloupe , fur
laquelle il avoit fait paffer une partie de
fon Equipage . Aprés une vigoureufe
défenfe des Efpagnols , fes gens s'en
rendirent les maîtres. Le Maître du
Bâtiment pris , a été tué dans cette action.
Il y avoit deffus un Colonel Aide- de-
Camp du Marquis de Lede , chargé de
plufieurs Lettres de la Cour de Madrid
qu'il ût le tems de jetter en Mer.
2
Le Regiment de Cavalerie de Lobкovvitz
, 300. Huffars d'Eftherafi & 1200.-
hommes d'Infanterie , venant du Milanez ,
font attendus de jour à autre dans cette ?
Ville.
P. S. On apprend dans le moment que
le chemin couvert & la contrefcarpe ,
avoient été emportez par les Allemans.
L
à Genes le zo. Octobre.
Es Troupes Imperiales ayant été tou--
tes embarquées le 28. de Septembre
la Flote mit à la voile de Vado la nuit
même pour la Sicile. Elle eft composée de
80. Vaiffeaux de tranfport & de so . Barques.
Tous ces Bâtimens font chargez de
500, hommes , de 600. chevaux ,
mulets 40. pieces de canon , 20. mor--`
tiers , 300. barils de poudre , 10000..
200
O'Fij
162 LE MERCURE
•
و
boulets, & de beaucoup d'autres provifions
de guerre & de bouche . Ce convoi étoit
efcorté par 8. Vaiffeaux de guerre conduits
par l'Amiral Bing. On n'a pas voulu
permettre que les Femmes Allemandes qui.
étoient au nombre de plus de 900. s'y embarquaffent
, pour éviter la dépenfe &
l'embarras. Le lendemain matin ,
Flotte fut à la vûë de l'Ile de Corfe ;
mais fur le midi , le vent êtant devenu
contraire , elle fut obligée de virer de
bord , & l'aprés midi , on l'apperçût à la
hauteur de ce Port. On a été depuis informé
qu'une partie de ce Convoy ayant
été difperfée , s. Bâtimens s'étoient retirez
dans le Port de Livourne , & d'autres
à la Specié & à Civitta- Vechia.
L'Amiral Bing a laiffé ici un Vaiffeau de
guerre,pour fervir de convoi aux Bâtimens.
qu'on attend de Marfeille & de Toulon
qui font auffi chargez de toute forte de
Provifions de guerre & de bouche pour la
Sicile . On vient d'apprendre que celui de
Marſeille avoit été attaqué par un Vaiff. de
guerre Efpagnol , qui s'étoit emparé d'une
Tartane Françoife chargée de 600. barils.
de poudre. Le Vaiffeau Napolitain qui
efcortoit ce Convoi , n'a pas jugé à propos
de s'y oppofer.
M. de Chavigny Envoyé de France , eft
arrivé ici depuis quelque tems avec des
remifes confiderables..
D'OCTOBRE. 1632
L
Prife dis Fort de Pensacola.
par les François.-
E 20. May dernier M. de Serigny
ayant fait embarquer so . foldats dans
chacun des trois Navires ; fçavoir, le Maréchal
de Villars , le Comte de Touloufe.
( qui étoit parti de France deux moisavant
nous ) & le Philippe, nous partîmesde
l'Ifle Dauphine , pour aller attaquer le
Fort de Penſacola pendant que M. de
Châteauguay , le plus jeune des freres de
M. de Serigny , s'avançoit par terre avec
fco. Sauvages qui arriverent deux jours
trop tard. Nos trois Navires , en paffant'
devant le Fort , qui n'eft qu'à 30. pas
du
bord de la Mer , le faluerent de 150. coups
de canon à boulet , qui ne tuerent aux El-
Bagnols que deux hommes & une femme..
Les ennemis ne nous canonerent pas longtems
, parce qu'ils n'avoient pas beaucoup
de munitions de guerre ,
& que d'ailleurs
ils ne s'attendoient pas à une attaque
vigoureufe. Nous commençâmes à les affieger
le Dimanche des Rogations. Ce
fut pour lors qu'ils aperçûrent que la chofe
devenoit ferieufe. Ils s'en doutoient avec
d'autant plus de raifon ,, qquuee quelques
jours auparavant , nous avions fait prifonniers
plufieurs de leurs gens , entr'autres un
Sergent & 4 , Soldats , qui étoient venus à
fi
164' LE MERCURE
Ifle Dauphine , chercher un Chirurgien
pour la femme d'un Capitaine Efpagnol
qui étoit malade : Au refte leur canon
ne nous fit , pour ainfi dire , aucun tort.
D'abord que nous eûmes ceffé de tirer , &.
que nous eumes mouillé l'ancre , hors de la
portée du canon du Fort , un Officier Ef--
pagnol vint à bord du Navire de M. de :
Serigny , qui envoya dans le Fort M. de :
Richebourg , Lieutenant de Roy de l'Ifle
Dauphine. Les ennemis demanderent auf--
fitôt une fufpenfion d'armes de 3 fois 24+
heures : Leur deffein étoit de faire venirs
des Navires Espagnols de la Baye de S.
Jofeph , qui n'eft éloignée que de 35. à
40. lieuës ; mais M. de Serigny leur fit réponfe
qu'il ne leur en donnoit que 24. &
que fi ce tems expiré , ils ne fe rendoient,
illes mettroit à la difcretion des Soldats
furtout des Indiens qui arriverent deux
heures aprés nous , & qui ont une haine
mortelle pour les Efpagnols , ne fe croyant
jamais mieux vangés , que quand ils peuvent
leur faire du mal. Cette réponſe
épouvanta fi fort les ennemis , qu'ils aimerent
mieux fe rendre aux François , que
fe laiffer maffacrer par les Sauvages . C'eft
pourquoy le lendemain , lundy des Rogations
, ils fortirent du Fort à 4. heures
aprés midy , avec leurs armes , leurs drapeaux
deployez , & leurs tambours qui ne
batirent qu'une fois fous la porte du Fort.
de
D'OCTOBRE 1655
A 300. pas du Fort , ils rapporterent tous
leurs armes , à l'exception des Officiers qui
garderent leurs épées ; aprés quoy nous entrâmes
dedans , & en primes poffeffion . Ce
Fort eft quarré , & a quatre baftions qui i
ne font faits que de gros pieux de 91 à 10
pieds de haut , fichez en terre comme des
paliflades. Il n'y avoit que 30 pieces de
canon , mais aprefent il y en a davantage.
Il y peut loger commodement 300. hom--
mes;& en attendant du monde de France ,..
il n'y en a que la moitié de logez dans les
maifons des Efpagnols , qui , comme toucelles
de ce Pays , ne font faites que de
bois , attendu que l'on n'y trouve aucune
pierre. Il ya entr'autres une affez belle
Eglife , qui a pour plus de cent mil écus
d'argenterie. Le fervice s'y fait auffi exactement
qu'en France. Il y a quelques mai→
fons à 40. pas du Fort où aprés avoir pris
Penſacola , nous mêmes les prifonniers de
guerre , en attendant qu'on les mene en ;
leur Pays. Ils font partis le 19. Juin dans
les Vaiffeaux , le Maréchal de Vilars & lė²
Comte de Toulouſe , qui retournoient en
France , avec ordre de les mettre à terre
à la Havanne. Pendant le tems qu'ils demeurerent
prés du Fort , nous les allions
voir tous les jours. Il y avoit beaucoup de
nos gens qui fcavoient un peu d'Eſpagnol ,
& quelques Efpagnols qui écorchoient le
François. Les Elpagnols nous vendoient
756 LE MERCURE
pour du pain , du chocolat & du fucre
qu'ils avoient en abondance : ce n'eft pasqu'ils
manquaffent de pain ; mais c'est que
le nôtre eft beaucoup meilleur , parce que
leur farine eft melangée avec celle de bled
de Turquie , appellé Maie , que l'on
pille dans des efpeces de mortiers de bois ;
ce qui fait que le fon y demeure. Le Port
de Penſacola eft le plus grand & le plus
beau que l'on puiffe voir dans tout le Golfe
du Mexiqne. Les Vaiffeaux y font à
l'abri de toutes fortes de tempêtes. L'en´
trée de ce Port eft defendue par un autre :
petit Fort fitué vis -à- vis de Penfacola
dont le canon bat à fleur d'eau . Ce petit
Fort fut pris par M. de Bienville , frere :
puîné de M. de Serigny la nuit avant le
jour de nôtre arrivée . Deux' jours aprés la ›
la reddition de Penfacola , nos fauvages ar
riverent , commandez par M. de Château-
Guay , le troifiéme frere de M. de Serigny.
On eut toutes les peines du monde à
leur perfuader que le Fort étoit pris . Ils
vouloient tuer tous les Efpagnols qu'ils
rencontroient, & même plufieurs en faifirent
par les cheveux , & avec leurs haches
ils vouloient leur enlever le crafne , ces
qu'ils appellent lever la chevelure . C'eft- là
le traitement qu'ils font à leurs ennemis,
vaincus . Ils portent cette chevelure à leur
grand Chef , qui leur donne pour recompenfe
une plume qu'ils attachent à leur
cheveux,
D'OCTOBRE. 107
cheveux. On fut contraint de leur faire
entendre que les Efpagnols étoient devenus
nos amis , & qu'on avoit fait la paix
avec eux . Ils ne demeurerent ici que deux
jours , au bout defquels ils fe difperferent ,
& chaque Nation fe retita dans fon Pays,
regretant fort de n'être pas arrivée avant la
paix , & de n'avoir pas tué & exterminé
entierement les Efpagnols , qui de leur
côté furent fort rejcüis ; car , tant que
les Sauvages refterent ici , ils n'oferent
fortir de leurs Tentes , crainte de le voir
enlever la chevelure.
米粥
Q
EPITAPHE
•
De Madame de Bellegarde
Ve le Trés- haut benoîtement regarde
En Paradis , Efprit docte & coeur
beau
De Verthamont , Dame de Bellegarde.
Dont Corps repofe au lit de ce Tombeau.
La Tourterelle & fon pair tant fideles ;
Onc n'eurent coeur fi tendrement égal :
Q'elle & fonipair , veritables modeles
Du fort lien de l'amour conjugal.
Octobre 1719.
P.
168 LE MERCURE
Femmes , venez de fa loyale cendre
Extraire feux d'amour feal & tendre
Dont Ame doit ardre pour ſa Moitié.
Maris, n'allez qu'à fon vingtième luftre ,
Plorer fon pair , & de fa cendre illuflre
Extraire feux d'éternelle amitié.
Le mot de la premiere Enigme du mois
paffé , étoit la Bouffole , & celui de la
Teconde , le Moulin à vent ."
ENIGM E.
Par M. Dumont , de Montbriffon
en Foreft.
J.
Ay , fans avoir de Frere , un grand
nombre de Soeurs ,
De diverfe figure & diverfes couleurs :
De même qu'un Couvent , nous poffedons
des grilles ,
Sans pourtant enfermer jamais aucunes
filles.
J'imite le Moulin , fans meule & fans reffort
D'OCTO BR E. 169
Sans faire tant de bruit , & fans beaucoup
d'effort ,
Plus aisément que lui je feai réduire en
poudre
Un Eftre compofe , qu'il ne pourroit pas
moudre.
Si ce dernier manquoit , je ferois au néant ;
Et cependant je fuis toujours fon monument :
Par mille endroits divers qu'envain fa force
irrite ,
Il fe détruit lui-même & il fe precipite ;
Il me fait quelquefois plier fous fes grands.
coups ;
?
Mais plus il eft violent , & mieux j'en
viens à bout :
Du milieu de mon corps . l'on retire fa cendre.
Une urne la recoit ; mais loin de la deffendre
,
Liberale d'un bien qu'elle tient dans fon
e fein,
Pour la laiffer ravir , elle l'ouvre
à deßein ;
Ayant
ainfi détruit
celui qui m'a fait
naître ,
Trés fouvent en lambeaux , on me fait dif
paroître,
Pij
170 LE MERCURE
AUTR E.
Par le même.
DE l'humide Element je recoi ma
naiffance ;
Le Dieu de la lumiere y a beaucoup de
part.
La Terre me produit quelquefois par
zart :
ha-
L'Epigramme fans moi paroît fans élegance.
J'excitte l'appetit & je forme le goût ;
Et ce dernier fans moi feroit très infipide.
Perfonne ne me hait , je fuis receu partout
;
Certain Peuple pourtant d'une loi trop
gide
ri-
Me chaffe de chez lui , & ſe paſſe de moi .
J'ai des Gardes armez , même plus que le
Roi ,
Des Commis , des Bureaux , des Juges, des
Juftices.
L'on m'empl ye fouvent contre les malefices
,
En me faifant rentrer dans celle d'où je
fors.
Son nom n'est point le mien , ni celui de
mon pere!
Qui comme elle jamais ne me donne la mort.
Ctlun donna trole est elle ob..
NEW YORK
ESC LIBRARY
LENOR
FOUNDATIONS
F
D'OCTOBRE.. 171
BRANLI.
Momus.
N vieux Bichon voulant devenir
UN
Pere ,
Trouva parti , ma'gré fon poil craffeux ;'
Dix jours aprés , fa Bichonne fut mere ,
Et lui donna trois Braques vigoureux.
Mari barbon , ma Fable eft- elle obfcure ?
Lure , lure , lure.
Quelque Cadet l'expliquera.
La , la , la , la , la , la.
II . Venus .
Rien n'eft fi beau qu'un coeur tendre &
fidele ;
L'Oifeau Phanix fut copié d'aprés ;
Il n'en eft qu'un , c'est un rare modelle.
Il n'en eft qu'un , qu'on ne verra jamais.
Cours Papillons , ma Fable eft- elle obfcure
?
Lure , lure , lure.
Votre belle l'expliquera .
La , la , & c.
III . Vulcain.
:
Un gros Baudet , moyennant groffe
ufure
Piij
172 LE MERCURE
3
Prêta du fe à de jeunes Chevaux .
A l'écheance il fit fa procedure
Et ne tira rentes ni capitaux .
Agioteurs , ma Fable eft - elle obfcure &
Lure , lure , lure.
Un Gafcon vous l'expliquera.
La , la , &c.
IV. Eglé.
Une fouris très-jeune & fans fineffe ,
Fut au Confeil fur certain petit Chat
Inftruite alors à fuir avec adreffe ,
Pour la Souris le Minet prit un Rat.
Momus , j'ai vû Zephire , & je vous
jure.
Lure , lure , lure.
La dragée opere déja.
La , la , & c.
V. Mars .
Un Epervier , jaune Penfionnaire
Chez un Corbeau prenoit un fi bon pié ,
Que le Corbeau , mari fexagenaire ,
De fa Moitié n'avoit que la moitié.
Noirs Procureurs , ma Fable eft- elle obf
cure ?
Lure ; lure , lure.
Votre Clerc vous l'expliquera .
La , la , &c.
VI . Une Nymphe.
Un fot Oifon , entêté de Muſiques
D'OCTOBRE.
173
-D'une Fauvette étoit le Pourvoyeur ;
Il fe croyoit chés elle Acteur unique ,
Et cependant il n'y chantoit qu'en coeur.
Quoiqu'en Chanfon , ma Fable eft - elle
obfcure ?
Lure , lure , lure.
Le chant n'obfcurcit point cela.
La , la , &c.
VII . feconde Nymphe.
Un Chat fripon , quoiqu'en bonne cuífine
,
Va derober dans les plats du Voifin.
Morceau de lard qu'il croque à la fourdine
, T
Le pique plus que le rôt le plus fin.
Mari coquet , ma Fable eft- elle obfeure
Lure , lure , Lure.
Votre Femme l'expliquera.
La , la , &c.
VIII . Momus au Partere.
Un Moineau frane chantoit dans un bocage
;
Pour Auditeurs il avoit des Serains
Oifeaux choifis , connoiffeurs en ramage.
Leur a t'il plu ? Moineau pour toi je
crains.
Alieu, Meſſieurs,ma Fable eft- elle obſcure ? ….
Lure , lure , lure.
Le Partere l'expliquera .
La , la, la , la , la , la.
Piiij
174
LE MERCURE
HE
D
BERGERIES.
Par Jean le Poil.
Eux gentilles Bergerettes ,
Defus l'herbe danfant ,
En gardant leurs Brebiettes ,
L'une à l'autre alloit difant ,
Que le joli jeu d'amourette
Eft un doux amusement !
Mais une allarme fecrette
S'empare de leurs fens ;
Quand Tyreis fur ſa Muferte
Exprime en fons languiffans ,
Que lejolijeu &c.
La jaloufie inquiette ,
L'amour même en naiſſant ;
Déja Marotte & Colette
Relifent féparement
Que le joli jeu &c.
se L'une de fa go-gerette
Montre le tour charmant ;
L'autre d'une humeur folette ,
Repete plus vivement
Que le joli jen & c.
>
D'OCTOBRE. 175
De fa victoire complette
Le Berger vit l'inftant ;
Mais la peur d'une Indiſcrette
Leur fait chanter ſeulement :
Que le joli jeu d'amourette
ft un doux amusement !
JOURNAL DE PARIS.
ด่ ว
Nouvelle Manufacture d'Aciers
en Nivernais , auffi fins que
celui de Hongrie.
M
*
Onfieur le Major de Vallaire ,
Allemand de Nation , a établi depuis
peu en Nivernois , une Fabrique
d'Aciers auffi fins , & de la même qua
lité que les plus excellens de Hongrie.
Ils l'emportent même fur ces derniers
en ce qu'ils fouffrent beaucoup moins de
dechet ; puifque fur trois livres d'Acier
de Hongrie que l'on employe , il y a au
moins une demie livre de diminution ;
au lieu que celui du Nivernois rend pref
* Dans la Terre du Marais , appartenant
au Marquis de Bonneval , Lieutenant
General des Armées de l'Empereur.
776 LE MERCURÉ
que le même poids. M. de Vallaire a fait
les épreuves de fon fecret à Paris au mois
de Mars dernier , fous les yeux de. M.
Graffin Directeur General des Monnoyes
de France , qui lui avoit fait fournir des
fers de Suede , de Champagne & de Berri,
qu'il convertit par une operation trés- facile
en Acier qui ne le cede nullement au
meilleur d'Allemagne . Nos Ouvriers de
Paris , Taillandiers , Serruriers & Couteliers
, qui s'en fervent pour les inftru
mens de leur métier , conviennent de ce
fait. Cet établiffement fera d'autant plus
avantageux au Royaume , que les Sujets
du Roi feront difpenfez d'en faire fortir
des fommes confiderables & que les
Etrangers mêmes apporteront leur argent ,
pour enlever ceux de cette Fabrique.
Relation de la prise de poffeffion du Grand
Prieuré de France à Malthe, par Monfieur
le Chevalier d'Orleans , envoyée à
M. de.... par M. de Laval , homme
du Roy à Malthe.
Les
E 21. Septembre 1719. à fept heu
res du matin , Monfieur le Chevalier
de Laval reçût un paquet de Monfieur le
Cardinal de la Tremoille , par lequel ,
felon les intentions de Son Alteffe Royale ,
D'OCTOBRE. 177
il lui adreffoit la demiffion que Monfieur
de Vendofme a faite du Grand Prieuré de
France en faveur de Monfieur le Chevalier
d'Orleans ; le Bref expedié en Cour de
Rome pour confirmer cette demiffion , &
habiliter M. le Chev . d'Orleans à recevoir
le Grand Prieuré ; les Lettres que Sa Ma
jefté & S. A. R. écrivoient à ce fujet au
Grand- Maître & à la Langue de France ,
& celle par laquelle S. A. R. lui ordonnoit
de donner les foins à l'execution de cette
affaire , qui fut promptement terminée
comme on va le voir. A 9. heures Monfieur
de la Figuire Caftellan d'Empofte ,
Monfieur le Vice Chancelier , toûjours
animé du même zele pour le fervice de
M. le Chevalier d'Orleans & le Cheva-
Hier de Laval , allerent au Palais , le premier
pour renoncer comme il en fut prié , au
Grand Prieuré , en vertu de la demiffion
de M. de Vendofme dont il eft Procureur;
le fecond, comme Miniftre de l'Ordre, qui
doit être preſent à de pareils Actes , pour
pouvoir les enregiftrer , faire paffer les
Brefs , & en delivrer les Expeditions ; &
le troifiéme , pour prefenter le tout au
Grand- Maiftre , fuivant l'ordre qu'il en
avoit de S. A. R. M.... le Chevalier
d'Orleans feroit allé lui -même au Palais ,
fi l'état où fe trouvoit le G. M. lui avoit
permis de le recevoir , & il ne s'en difpenque
fur les repreſentations que lui firent
La
Y.
>
178 LE MERCURE
les Officiers de Son Excellence. Le Grand
Maître accepta auffitôt la démiffion , &
paffa le Bref avec l'empreffement qu'il a
toûjours û pour ce qui a pû être agréable
à S. A. R... Ainfi dans ce moment , M. le
Chevalier d'Orleans fut revêtu du Grand
Prieuré de France , à la fatisfaction generale
de toute la Religion , qui alla lui en
faire compliment.
L'intention de Monfieur le Grand-
Prieur êtant de repaffer en France, dés qu'il
auroit terminé fes affaires , il demanda
un des Vaiffeaux de la Religion : l'Eſcadre
étoit en rade prête à partir pour laCourſe,
& M. le Lieutenant du G. M. & le Confeil,
la lui offrirent ; mais il ne voulut pas
l'accepter pour ne point déranger le fervice
de la Religion , & demanda feulement
que le Vaiffeau qu'on lui deftineroit , l'at
tendît : Il refolut de faire fes voeux avant
que de partit ; mais on ne pouvoit pas
efperer que ce fût entre les mains du G.
M. attendu l'état languiffant où il fe trouvoit.
Cela auroit cependant fait grand
plaifir à M. le Chevalier d'Orleans ; & le
Grand- Maître y ayant été également fenfible
, puifque , quand pour ne manquer
à rien , on le fir prévenir fur cette fonction
, il s'exprima en termes qui marquoient
fa vraye douleur de ne pouvoir la
faire , & qui firent connoître l'eftime &
l'amitié qu'il avoit pour M. le Chevalier
D'OCTOBRE 179
,
d'Orleans , & combien il reffen toit l'honneur
que recevo.t fon Ordre, & les bontez
de S. A. R. Monfieur le Grand Prieur
pria le 22. M. le Lieutenant de fupléer au
Grand- Maître ; ce qu'il accepta avec une
joye infinie , & marqua avoir une parfaite
reconnoiffance de l'honneur qu'il lui
faifoit Le jour fut pris au Mardy 26 .
Le 25. M. le Lieutenant en donna part
au Confeil , du confentement de M. le
Chevalier d'Orleans , qui eut lieu d'en
être content tous ceux qui le compofoient
ayant également donné des marques
de leur joyc. Le 26. à fept heures
du matin , M. le Chevalier d'Orleans
fut conduit par plus de 100. Grands-
Croix , Commandeurs & Chevaliers , à.
PEglife de S. Jean , où s'étoit déja renda
M. le Lieutenant avec le refte de la
Religion , independemment des perfonnes
de l'Ordre, L'Eglife, quoi- qu'affez grande,
étoit entierement remplie de Peuple qui :
vint prendre part à la fatisfaction commune
: La ceremonie commença à ſept heures.
& demie , le Sous Prieur de l'Eglife celebrant
la Meffe au grand Autel , deux
coeurs de mufique rempliffant les vuides
de la fonction que M. le Chevalier d'Orleans
fit avec une modeftie , une décence
& une humilité qui pouroient & devroient
fervir d'exemple aux plus aufteres
Religieux Il entendit la Meffe fur le
180 LE MERCURE
propremier
gradin de l'Autel du côté de
T'Epître , où on lui avoit mis un Couffin
vêtu de fa Robbe , & tenant un flambeau:
il communia pendant la Meffe , & quand
elle fut finie , il alla fe mettre à genoux
devant M. le Lieut. qui étoit affis auprés
de l'Autel du côté de l'Evangile ; & là ,
tenant toûjours fon flambeau, il fit fa
feffion avec beaucoup d'édification & une
refignation parfaite Le Chevalier de Laval
eut l'honneur de lui mettre l'Eperon
doré. Le fon des cloches qui annoncent
les plus grandes Fêtes , & le bruit de so .
coups de canon que la Religion fit tirer ,
furent les figues de la rejouiflance publique,
& redoublerent la curiofité du Peuple qui :
accourut en foule dans l'Eglife pour être.
temoin de cette grande action ; La fonction
êtant finie , Meffieurs les Grands-
Croix monterent de leurs places au Sanctuaire
, pour , felon l'uſage felon l'ufage , embraffer le
nouveau Profés , qui receut auffi les complimens
de tous les autres Affiftans ; il alla
enfuite au Palais avec M. le Lieutenant :
& fuivi d'un trés-grand nombre de perfonnes
de l'Ordre , le Grand - Maître le
receut de la maniere du monde la plus gracieuſe
, l'embraffant avec tendreffe &
amitié , fe felicitant fur l'avantage que lui
& fa Religion recevoient dans cette conjoncture
, & marquant le regret qu'il·
voit de n'avoir pu faire cette fonction
D'OCTOBRE. 18#
dui-même. En fortant du Palais , il alla
à l'Auberge de France faire ce qu'on appelle
obedience , c'eft- à- dire manger du
pain avec au fel & boire de l'eau , qui eft
tout ce que promet la Religion à ceux
qui profeffent : Ce repas frugal lui fut
prefenté par les Préeminents des Grands-
Croix qui l'accompagnoient, il fut enfuite
reconduit chez lui par le même cortege. A
l'heure competente , il fe rendit chez M.
le Lieutenant , qui l'avoit prié à diner ,
& en même tems de mener avec lui ceux
qu'il trouveroit bon qui euffent l'honneur
de l'accompagner. 14. Grands- Croix , les
premiers Officiers de la Religion & du
Grand- Maître , & 8. Chevaliers de la
Langue de France , furent de la Fête.
Une table à 30. couverts fut fervie avec
toute la delicateffe & la magnificence que
peut fournir le Pays ; on y but aux fantez
de S. A. R. & du G. M. pour chacune
defquelles on tira 15. coups de canon , &
tout le monde y donna des marques de fa
joye & d'une entiere fatisfaction. A quatre
heures chacun fe retira ; M. le Lieutenant
ayant reconduit M. le Chevalier d'Orleans
jufqu'à la rue , comme il a fait toutes
les fois qu'il eft allé chez lui . Le 27.
matin , la Langue de France s'affembla'
pour lire les Lettres que S. M. & S. A,
R. avoient û la bonté de lui écrire au
fujet de la demiffion fufdite , & pour lui
182 LE MERCURE
demander fon confentement ; M. le Chev .
d'Orl, s'y trouva , & joignit fespriéres aux
demandes de S. M. & de S. A. R. Toute
la Langue y adhera unanimement , & marqua
la joye qu'elle avoit de trouver cette
occafion de faire connoître fa foumiffion
aux volontez de S. M. & de S. A.
R. & de donner à M. le Chevalier d'Orleans
des preuves de l'eftime & de la
confideration qu'elle a pour lui. Le 28 .
M. le Chevalier d'Orleans fit demander
au Confeil aflemblé , qu'en vertu de la
demiffion de M. de Vendofme , du Bref
expedié en fa faveur en Cour de Rome , &
paffé icy par le G. M. & de la deliberation
de la Langue de France , les Bulles
du Grand Prieuré de France lui fuffent
expediées de la Chancellerie , ce qui fut
ordonné tout d'une voix . Quelqu'un reprefenta
au nom du Trefor , que pour le dédommager
des frequens vacants & mortuaires
dont il jouiroit , fi ce Prieuré s'émutiffoit
en Langue en faveur des anciens,
confequemment fort vieux , M, de Vendofme
, aprés qu'il l'eut , s'étoit obligé à
lui payer 6000 livres tous les ans , outre
les charges ordinaires , & qu'il feroit jufte
que M. le Chevalier d'Orleans en ufât de
même ; mais d'autres dirent que le Bref
n'obligeant le Prieur moderne à rien , &
lui donnant le Prieuré en plein comme
l'avoit û M. de Vendofme , on ne pouvoit
exiger
D'OCTOBRE. 183
ger
exiger de lui qu'il payât cette fomme
qu'autant qu'il voudroit en ufer , comme
fit M. de Vendofine , c'eſt - à-dire , s'y oblivolontairement
, & une par convention
pofterieure à l'expedition des Bulles :
Ce dernier fentiment prevalut , & il fur
ordonné que Meffieurs de la Chambre du
Trefor prendroient les mefures qu'ils jugeroient
à propos , pour procurer cet
avantage à la Religion , & qu'ils chargeroient
les Miniftres de l'Ordre à Paris de .
serte negociation.
>
M. le Chevalier d'Orleans prêta ferment
de Grand Croix dans ce même Confeil entre
les mains de M. le Lieutenant, devant
lequel il fe mit à genoux fur un couffin , &
il fut inftallé à la place de Grand Prieur
de France ; il alla enfuite chés le Grand-
Maître qui d'une main déja tremblante
par fa caducité & que l'émotion caufée
par fa joye rendit encore moins fure , lui
attacha la grande Croix , en lui difant tout
ce que la tendreffe , Teftime , & l'amitié
peuvent infpirer. M. le Lieutenant voulut
abfolument affifter à cette ceremonie , aprés
laquelle M. le Chevalier d'Orleans le reconduifit
chez lui . Pendant le peu de tems
que M. le Grand Prieur a demeuré ici ,
depuis , il a affifté à tous les Confeils qui
fe font tenus & aux fonctions de l'Eglife ,
joüiffant des attributs de fa dignité , &
reinplifant la place qu'elle lui donne . I
е
184 LE MERCURE
employa le 29. & le 30. à rendre des vi
fites à toute la Religion . Le premier d'Oc
tobre , il donna un fomptueux repas à toute
la Langue de France ; les mêmes G,
Croix & autres qui avoient dîné avec lui
chés M. le Lieutenant , y furent priés , &
il avoit au moins foixante perfonnes. On
y
but à la fanté de S. A. R. du G. Maître
& de fon Lieutenant , au bruit de 15.
coups de canon pour chacune. La fête fut
fort guaye ; tout le monde parut content ,
& fut charmé des gracieufetés & des attentions
de M. le G. Prieur qu'on peut
dire s'être attiré ici l'eftime & la confideration
de toutes les Nations , fans en excepter
celles qui fimpatifent le moins avec
la françoife , ni même les habitans du Païs.
Le 4. il demanda fon congé au Confeil :
ce que lui dirent tous Meffieurs les
Confeillers, aprés le lui avoir accordé d'un
commun confentement , ne le laiffa pas
douter qu'ils n'uffent facrifié leur inclination
à fa fatisfaction, & qu'ils n'euffent fouhaité
avec paffion le voir ici plus long
tems. Ce même Confeil determina que
quand M. le G. Prieur partiroit , on lui
rendroit , comme General des Galeres de
France , les mêmes honneurs qui lui furent
rendus en arrivant , c'est - à dire, qu'un G.
Croix iroit le complimenter, & lui fouhaiter
un heureux voyage au nom du G. M. &
du Confeil ; qu'il feroit conduit à la MaD'OCTOBRE.
185
tine par le premier Ecuyer du G. M. dans
un de fes Caroffes , & que la Ville le falëroit
de 21. coups de canons en s'embarquant
: Le tout fut executé dans fon tems .
Les trois langues de Provence , Auvergne
& France , deputerent auffi Meffieurs leurs
Procureurs , afin qu'en leurs noms ils
s'acquittaffent de la même commiſſion dont
avoit été chargée le G. Croix par le Confeil.
M. le G. Prieur recut l'un , & fes- autres
, en leur donnant des marques de fa
vraie reconnoiffance , & il alla remercier les
trois langues. Il auroit pu s'embarquer le
f. au matin , fi le Vaiffeau qu'on lui avoit
deſtiné , & qu'on avoit fait fortir pour
aller reconnoître quelques bâtimens qui
avoient été vus fur la Sicile , & dont la manoeuvre
avoit fait croire à ceux qui enapporrerent
la nouvelle qu'ils pouvoient
être barbares,n'avoit pas eu à fon retour be
foin de changer un de fes mats . Le 6. M.G
P. alla prendre congé du G. Maître qui lu
dit tout ce qu'on peut attendre de l'amitié
d'un pere , & le pria de fe fouvenir
de fa Religion & de profiter des occafions
qu'il trouveroit de lui rendre
fervice ; M. le G. Prieur fut penetré des
termes du G. Maître , & ceux dont il fe
fervit pour y répondre ; dûrent perfuader
fon Eminence de l'attention qu'il auroit
toûjours pour ce qui pouroit lui étre agréa
ble , & de fon zele pour la Religion. I
Qij
86 LE MERCURE
fortit aprés en avoir été embraffé tendrement
, & alla prendre auffi congé de M.
le Lieutenant , des bonnes manieres duquel
il a lieu d'être parfaitement content ,
puifque pendant fon féjour ici , il eft toûjours
allé avec empreffement au devant de
ce qui a pu contribuer à fon plaifir & à fa
fatisfaction. Le G. Maître l'envoya complimenter
par fon premier Maître d'Hôtel
, & M. le Lieutenant par ..... enfin
il s'embarqua le fept , ayant été conduit à
la Marine par la plus grande partie de la
Religion , & par un peuple infini .
On écrit de Marfeille que le S. Georges
, Vaiffeau de la Religion , fur lequel
stit embarqué Monfieur le Grand
Prieur , y fut découvert le 18. à trois
heures aprés midi par la Sentinelle qu'on
avoit poftée au Fort N. D. de la Garde.
Elle arbora auffitôt un Pavillon au
Clocher , pour annoncer
l'arrivée
de
ce Vaiffeau. La Reale tira pour lors trois
coups de canon , & l'on fit battre la generale.
Dans l'inftant
tous les Officiers.
Generaux de Galeres s'embarquerent dans
des Chaloupes, pour aller au devant de M.
le G. P. qui ayant fait jetter l'ancre auprés
des Iles du Château d'If, debarqua
pour paffer dans la Stampavia , autrement
Felouque dorée. Il fut d'abord falué de 13 .
coups de canons tirés du Château d'If. Le
fort de N. D. de la Garde , les Citadeles
D'OCTOBRE. 187
& toutes les Galeres firent leur décharge
à fon entrée dans le Port .
Siege & Prife du Château d'Urgel.
Ef. Octobre une batterie de quatre
,
de tirer fur la Tour blanche qui deffend
les approches du Château d'Urgel , du
côté qu'on s'étoit propofé de l'attaquer
on fit feu dés la pointe du jour ; & à dix
heures du matin la Garnifon compo éc
de vingt-cinq foldats & de trois Officers
fe rendit prifonniere de Guerre.
•
On travailla auffi - tôt à établir fur la
hauteur où cette Tour eft fcituée , une batterie
de quatre pieces de 24. & de quatre
de 16. , & une autre batterie de deux
mortiers de neuf pouces , & de deux de 6.
Toutes ces batteries commencerent à
tirer le neuf , & on pouffa une tranchée
audeffous jufqu'au pied de la montagne
du
Château .
Le 11. on capitula , & la Garniſon com
pofée de deux Brigadiers , trois Colonels ,
un Lieutenant Colonel , 13. Capitaines ,
18. Officiers fubalternes , 2. Ingenieurs ,
trois Officiers d'Artillerie , un Conan thi.
re des Guerres , & 180. foldats ou Dra
gons , fe rendit prifonniere de guerre .
188 LE MERCURE
M. le Maréchal de Berwix qui avoit
laiffé la conduite du Siege à M. le Comte
de Coigny , étoit refté au Mont - Louis
pour le foûtenir , & pour difpofer la marche
de l'Armée qui devoit s'affembler au
Boulou pour entrer en Catalogne.
Pendant cette expedition , M. le Marechal
avoit fait avancer M. le Marquis de
Bonas , Marêchal de Camp dans la Conque
de Tremps , où il étoit campé à la Pobla
für la Noguerre Paillarefe , avec les Regi
mens de Piemont , de Flandre , d'Or
Jeans de Bretagne , d'Alface , & de
,
Lencx .
Le P. Pio ayant raffemblé l'Armée
d'Eſpagne à Ager , s'étoit faify dans les
premiers jours d'Octobre du Pont de
Montagnana . M. de Bonas , aprés avoir
jetté dans les montagnes fes fufiliers , pour
couper la retraite aux ennemis , marcha au
detachement qui occupoit ce Pont : il le
defit & le pouffa jufqu'au de là du Mont-
Sec où il établit un Pofte de 100. hommes,
pour mettre l'ennemi hors d'état de penetrer
dans la Conque de Tremps . Les ennemis
ont eu dans cette action 25. foldats &
un Capitaine de tuez , & un Capitaine,
deux Lieutenans & 2. Sergens ou Soldats
, faits prifonniers .
S. A. R. a donné le Gouvernement des
Ville & Château d'Urgel à M. le Guerchois
, Lieutenant general ; la Lieutenan
D'OCTOBRE. 199
C
J
›
te de Roy à M. Menard Lieutenant Colonel
de Limofin la Majorité à M. de
Clerembeaux , Capitaine au Regiment de
Navarre , & l'Ayde- Majorité au Sieur
Defjarres , Lieutenant des Grenadiers au
Regiment de Tourraine .
Etat des Officiers de la Maifon du Roy
& de la Gendarmerie, qui ont été ajoutez à
la promotion des Officiers generaux ,
1. Fevrier 1719 .
du
M. de Lianne Bufca , M. de Vareilles ,
Enfeignes de la Compagnie d'Harcourt.
M. du Crufel , Enfeigne de la premiere
Compagnie des Moufquetaires.
M. de Montellon , premier Cornette
des Chevaux- Legers d'Anjou .
M. de Merey ; Enfeigne des Gendarmes
de la Reyne.
M. le Marquis de Cernay , Sous- Lieutenant
des Chevaux Legers d'Orleans .
M. le Comte de Chatelu , Capitaine-
Lieutenant des Chevaux Legers de Berry.
M. de Nereftang , Enſeigne des Gendarmes
Dauphins .
Le Marq. d'Oyfe , Capitaine Lieute
nant des Gendarmes d'Orleans.
M. de Filtz , Ayde- Major de la Compagnie
des Gendarmes de la Garde .
M. de Fortiffon , Ayde- Major de la
Compagnie des Chevaux Legers de la
Garde.
Le 3. Oct. le Roi alla voir la Duch. de
190 LE MERCURE
Ventadour , lui fit compliment fur fa
convalescence , & foupa chés elle .
Le Roy a donné 6000. livres de penfion
à Madame de Maupertuis , Epoufe de
l'ancien Capitaine - Lieutenant de la premiere
Compagnie des Moufquetaires.
Le même jour , la Cour a quitté le deüil
de Madame la Ducheffe de Berri.
On a donné des Commiffions pour la levée
de 4. Regimens de Cavalerie , & 7
de Dragons.
Au prima menfis de Sorbonne , M. Jollin
, Curé de S. Hilaire , fut élû Syndic
de la Faculté de Théologie , à la place de
M. Hydeux , Curé des Innocens .
Le 6. on fit partir dans plufieurs charettes
300. jeunes filles ou femmes , pour
le Mifilipi.
M. de Creil , Intendant de la Rochelle ,
& M. le Com'e de Châteautiers , ont
reçû ordre de la Cour de continuer dans
cette Generalité , l'établiffement de la Taille
tarifée qu'ils y avoient commencé avec feu
M. Renau.
Le 7. le Roy accompagné du Duc de
Chartre , & du Marêchal Duc de Villeroy
, fit la revue de la Gendarmerie dans
la Plaine de Sablons , en prefence de Monfieur
le Duc d'Orleans . Aprés la revûë ,
S. M. alla fe promener au Château de la
Muette , & y prit le divertiffement de la
Chiffe .
Le
D'OCTOBRE. 191
Le 1o. par la mort de M. de la Hubergais
, Syndic des Etats de Bretagne , le
Roy a accordé une penfion de trois mille
livres à fa veuve , & M. de la Hubergais
fon fils , qui avoit la furvivance de cette
charge, en fait à prefent les fonctions.
Le 12. on mande de Bretagne que l'on y
avoit arrêté quatre Gentilshommes Bre
tons , & il y en a quelques autres en fuite .
Les deux Anglois , dont le Sieur de
Bladen en eft un , eft arrivé ici ,afin de regler
avec nos Commiffaires les limites du
Mififfipi , & les differends qui fe font élevés
entre les Habitans de l'Annapolis
Royale , & les François du Cap Breton !
M. de la Faye , premier Secretaire des
commandemens de M. le Duc , a acheté de
M. de Charmont 230. mil livres une des
Charges de Secretaire du Cabinet .
Commiffaires nommés par la Cour , pour
aller tenir les grands jours en Bretagne,
M. de Chateauneuf, Chef de la Commiſ
fion.
Maitres des Requeftes.
Meffieurs Maboul , Barillon , d'Evry ;
Hebert , Beauffan , S. Aubin , Angrand ,
Poncher , Bertin , Parifot , Midorges
Pajot.
Procureur general de la Commiffion .
M. de Vatand , Maître des Requeftes .
Meffieurs Defcarieres & Barangues
Octobre 1719. R
་
192 LE MERCURE
feront pour
la Confeillers au Châtelet
procedure. Leur commiflion a le titre de
Chambre fouveraine.
Ces Meffieurs qui font partis le 15. de
Paris,doivent être rendus le 24. à Nantes,
La Cour a accordé à chaque Fermier general
reformé , dix mille ecus de gratifi
cation.c
Lers . le Confeil de Regence fe raffembla
, & continuera fes feance .
M. le Prince de Talmont , eft propofe
pour exercer la Charge de premier Gentilhomme
de la Chambre , en attendant que ,
Male Prince de Tarente , fon neveu , &
fils de feu M. le Duc de la Tremoille , foit
ca âge d'en faire la fonction,
M. le Comte d'Evreux a acheté 200 .
mil livres de M. le Duc de Trême , la Ca-'
pitainerie de Monceaux ,
Le Roy a donné 8000. livres de penfion,
à repartir aur Officiers de la premiere
Compagnie des Moufquetaires.
Madame la Comteffe de Parabers a achet
300. mil livres , la Duché de Danville
qui apartenoit à M.le Comte de Toulouze.
jzó .
M. Fargés a acheté 20. mil livres l'Hôtel
de Croiffy.
. Un nommé Philippe de Caravaglia ,
Gentil-homme Milanois , a fait l'épreuve
D'OCTOBRE.
193
dans le Jardin de M. le Grand Prieur de
Vendôme au Temple , d'une Charuë auffi
ingenieufement , qu'utilement imaginée.
Il ne faut qu'un homme pour la conduire:
elle laboure , au raport de l'inventeur , en
une heure de tems 300. pieds de terrein ,
fans fecours de chevaux , ni de voiles . Elle
doit être preſentée à Meffieurs de l'Aca- '
demie des ſciences , dont il faut attendre
le jugement.
Le 16. M. de Bentivoglio , Nonce du
Pape , partit de Paris pour Rome.
On continuë dans nos Ports à conftruire
des Vaiffeaux , fçavoir 5. à Toulon , 5 .
à Breft , & 3. à Rochefort, & on radoube
les vieux qui font en état de l'être. On
remplit tous nos , Magafins de ce qui peut
êMtarreinnecee,fflaaiCreoamupagnement de nôtre
des Indes fourniffant
autant d'argent qu'il en faut , pour
la mettre en état de pouffer fon commerce
fans y être troublée .
M. de Puifegur Lieutenant General
ayant reprefenté à M. le Regent l'avanta
ge qu'il y auroit d'établir des Cazernes
dans tout le Royaume pour le paffage des
Troupes , S. A. R. y a donné fon confentement
. On pretend même qu'il y a
des arrangemens , pour y employer juf
qu'à 14. millions. On en doit édifier 486 .
dont chacune fera capable de contenir
grande quantité d'hommes & de che-
vaux. Rij
194
LE MERCURE
On voit ici le plan d'un magnifique
Edifice , pour en faire une Bourfe plus,
grande encore, & plus commode que celle
d'Amfterdam . On dit qu'on la placera
proche la Banque , pour la commodité du
Public.
Le 20. M. le Marquis de Maumin a été
crée par le Roi Infpecteur de la Gendarmerie.
de Vaucreffon
la Cour pour le
M. Arnoult Intendant de la Marine à
Marſeille êtant mort , M.
fon frere aété nommé par
remplacer.
Les Lettres de Madrid du 15 , de ce
mois , portent que le Cardinal Alberoni a
éré fait Grand d'Efpagne par Sa Majefte
Catholique,
Le 25. le Roi a accordé à tous les Of
ficiers de fa Maifon , à commencer par
ceux de fa Chambre , des Actions de la
Compagnie des Indes. Il y en a û plus
de vingt millions diftribuées. Le Regent
& Madame en ont gratifié pareillement
toute leur Maiſon .
Le 29. M. l'Archevêque de Tours
cy-devant M. l'Abbé de Caftres, fut facré
par M. le Cardinal de Noailles , dans la
Chapelle de l'Archevêché.
M. de Pleneuf , qui eft depuis quelque
tems de retour à Paris , a été nommé
Treforier General de l'Extraordinaire des
Guerres par commiffion .
D'OCTOBRE. 195
M. le Comte de Marigny , outre une
penfion de 2000. écus qu'il a obtenuë , a
été fait Brigadier des Armées du Roi .
M. Paris l'aîné a été choifi par M. le
Regent , pour l'employer, & pour lui rendre
compte des affaires des Finances .
Les 4000. Chevaux que le fieur Perrin
a achetté pour remonter la Cavalerie du
Roi , font actuellement arrivez dans les
trois Evêchez : La revûë s'en fera à
Metz .
*『༄
Le Bal de l'Opera commencera cette
année la veille, de S. Martin .
M. le Marquis de Dangeau ayant donné
fon confentement pour la furvivance du
Gouvernement de Tourainé , en faveur de
M. le Comte de Charolois , qui eft toûjours
à la Cour de Munick , M. le Duc
lui a payé 25o. mille livres de brevet de
retenue , & lui a fait de plus une gratification
de so. mille écus. Ce Gouvernement
a été mis fur le pied de celui de
Dauphiné , qui rapporte 85 , mille livres
par an.
M. de Berulle a obtenu de la Cour un
Brevet de 100. mille livres fur fa Charge
de premier Prefident au Parlement de Grenoble.
M. le Baron de Rendel eft arrivé à
Paris,pour executer quelque commiffion de
la part du Roi Stanillas.
M. le Marquis de Canifi a été gratifié
R iij
.196 LE MERCURE
par la Cour de la Lieutenance de Roi de
Baffe- Normandie . Le 29, il prêta ferment
de fidelité.
Le 30. le fils de M. le Marquis de Brancs
Lieutenant General des Armées du Roi ,
prêta auffi ferment de fidelité de la Grande
Lieutenance de Roi de Provence en furvivance
de M. fon Pere..
Les dernieres Actions ont varié de
jour à autre pendant le cours du mois :
elles font montées jufqu'à 300. audelà du
pair de l'argent ; elles font aujourd'huy à
295. }
La Riviere de Loin dans laquelle fe
jettent les Canaux de Briare & d'Orleans,
n'êtant prefque plus praticable depuis
quelques années , on fe propofe d'y faire
un Canal depuis Montargis jufqu'à la
Seine. On commencera à y travailler
l'Eté prochain.
Le 31. On arrêta par ordre de M. le
Lieutenant de Police , fix ou fept Clercs
de Notaires , parmi un plus grand nombre
, qui s'étoient propofez de faire des
affemblées entr'eux , en faifant par euxmêmes
les profits qu'ils procuroient aux
Notaires , en actionnant dans la rue Quinquempoix.
Ils ont été conduits au Fortl'Evêques
Arreft du Confeil d'Eftat du Roy , du
24. O&obre 1719. qui ordonne que les
anciennes efpeces d'or & d'argent , faifies
D'OCTOBRE.
3197
fur le nommé Boucher , Laboureur demeurant
au Village de Lumigny , demeureront
confifquées.
T
"
Et que conformement
à l'Arreft du 25 .
Juillet
dernier
, les profits
& benefices
fur la fabrication
des Monnoyes , appartiendront
à la Compagnie
des Indes ; &
en confequence
, que lefdites
anciennes
efpeces de neureront
acquifes
à fon profit.
Arreft du Confeil
d'Eftar du Roy du
26. Octobre
1719. qui ordonne
qu'à
commencer
du premier
Janvier 17 20. tolltes
les Rentes
affignées
fur la Ferme des
Greffes , autres fonds & revenus de l'Etat ;
les augmentations
de Gages , Gages hereditaires
, Taxations
fixes & hereditaires
,
& generalement
toutes autres parties
em-
-ployées
dans les Etats de S. M: qui ne
font point attachées
au corps des Offices
crées , & établis depuis le premier
Janvier
1689. demeureront
éteintes
& fupprimées
.
Autre Arreft du Confeil
d'Eftat du Roi
- du 26. Octobre
1719. pour le rembourfement
des Rentes du Clergé.
Madame la Princeffe eft partie pour
aller trouver en Bourgogne Madame la
Ducheffe du Maine fa fille qui eft incommodée.
M. de la Faye a remis à M. le Duc le
Secretariat de la Bourgogne , qui rapporte
neuf mille livres par an . S. A. S. en a
gratifié M. Millein fon Secretaire pour
R iiij
198 LE MERCURE
les affaires du Confeil de Regence.
M. le Vicomte de Tavanne , premier
Gentilhomme de la Chambre de M. le
Duc , a acheté la Lieutenance Generale du
Mâconnois ; le Roi lui a accordé an Brevet
de retenuë de 50. mille écus.
Madame de Châteaumorand ayant donné
la demiffion de l'Abbaye de Maubuiffon
dont elle étoit Abbeffe,le Roy y a nommé
Dame Marie- Anne- Gabrielle- Eleonore de
Bourbon- Condé , Religieufe de Fontevraux
, & foeur de M. le Duc. Madame
de Chateaumorand a û une penfion de deux
mille écus.
M. de Chafot , premier Prefident du
Parlement de Metz , a û le Prieuré de
Sainte Catherine de la Couture , qui étoit
vacant depuis la mort de M. l'Abbé Servien
; il vaut 9. à 10. mille livres de
rentes.
Le Roi a nommé à l'Abbaye de Saint
Aftier , Dioceſe de Perigueux , l'Abbé
de Plancher , Chanoine de l'Eglife Colle
giale de Perigueux.
Differens avis portent que la Flotte Angloife
,partie depuis peu d'Ang.avoit debarqué
à Vigo au nombre de 4sco. hommes.
L'Armiftice entre la Suede & le Roi de
Dannemarcka été reglée le 10. Octobre
à Coppenhague par le Miniftre Anglois
au nom de la Reine de Suede.
L'on ne peut donner l'extrait de Mo-
?
D'OCTOBRE. 199
mus Fabulifte , qu'aprés l'impreffion de
cette Comedie. ,
-
FAITS FUGITIF S.
de Con la
L femble que les Arrêts du Confeil
Il les
Compagnie des Indes , devroient fuffire
pour la fatisfaction des Lecteurs , & plus
encore pour celle d'un fi grand nombre de
perfonnes qui s'y trouvent intereffées.
Cependant on voudroit encore exiger de
moi , que j'y ajoutaſſe un détail de toutes
les fortunes que les Actions de cette Compagnie
occafionnent. Qui ne voit que la
chofe eft impoffible ? Il faudroit pour cela
nommer prefque tout Paris , fans compter
les Regnicols & les Etrangers qui abandonnent
leur Païs , pour venir profiter des
gros benefices qui en proviennent . Tel
qui au commencement de cet établiſſement
y étoit le plus oppofé , en eft aujourd'hui
le plus ardent défenfeur ; la foi a fuccedé
à l'incredulité , & tout bien leur en eft artivé.
Les Gens de Condition' , la Robe , le
Bourgeois , le Peuple , tous les Etats en
un mot , font paffès rapidement de l'indigence
à l'opulence. Le cours d'une année
a fuffi pour operer ces merveilles. Ce ne
font cependant encore, pour ainfi dire , que
200 LE MERCURE
L &
des femences : Quelle recolte n'en doit-.
on pas attendre par la fuite ? La rue
Quinquempoix eft un champ trop fûr
& trop fertile , pour fruftrer les efpefances
de ceux qui , y mettent. A propos
de la rue Quinquempoix , je ne la quitterai
point fans en tifer quelques exemples ,
qui, quo que peu vraisemblables , n'en font
pas moins veritables.
Certain Particulier d'une naiffance obfcure
, ayant pour toute reffource une fomme
de dix mille livres en Billet d'Etat ,
les employa en Actions de la premiere main .
Il les fait travailler avec tant de fuccès ,
qu'en moins de 3 mois , il fe voit en état
d'avoir caroffe . Notre riche Actionnaire
voulant fatisfaire fon envie & fa vanité ,
va chez un fameux Caroffier , pour en commander
un. Le Maître à qui il s'adreffa
lui demande quelle forte d'Equipage il fouhaite
avoir .. une Berlingue des plus belles,
lui repliqua l'Actionnaire..mais encore, dans
quel goût voulez - vous que votre Berline
foit ? La doublera-t- on de velours cramoifi ?
Y mettera- t- on des Crefpines d'or ou d'argent
? ... Oui , de l'or , de l'argent , du vefours
cramoifi; n'importe ... vous ne fçaufiez
la faire trop belle , reprit mon homme
- nouveau , & tirant en même tems quatre
mille liv. en Billets de Banque ... Tenez ,
mon Maître , voila des harres , je m'appelle
un tel je demeure dans la rue de , & c.
D'OC TO BRE. 201
C
2
& je vous recommande de me la faire livrer
le plus promptement que vous pou-
Fez. Ad eu la rue Quinquempoix m'appelle
: Il part en même teins . Le Carol
fier courant aprés lui , lui cria , Monfieur,
Monfieur , quelles Armes voulez - vous
Toutes des plus belles , toutes des plus
belles , mon ami , & pourfuit fon che-
.min .
Un autre Champignon de la Fortune
devenu Millionaire par les mémes voyes ,
invite quinze, ou vingt perfonnes à dîner
chez lui . Etant rentré fur les ro. heures du
matin dans fon nouvel Hoſtel , il dit à la
femme ,. qu'on prépare vingt couverts.
Comment vingt couverts , reprit cette femme
; où voulés-vous que je les prene ?
Vous voilà bien embaraffée , ma mie ; donnés
toûjours vos ordres pour notre diner
& j'aurai foin du refte. Il eft à propos d'avertir
qu'il avoit arrêté un excellent Cuifinier,
& un Officier fort entendu. Tandis
dis que l'on travaille au repas , il monte
dans fon caroffe de nouvelle emplette , &
va chez un Orfevre pour acheter de la vaiffelle
d'argent. L'Orfevre lui ouvre fes armoires
, & le prie de voir ce qui l'accom
modera. Comme il falloir quelque tems
pour lui étaler fa Marchandife , notre homme
s'impatientant , & croyant n'avoir pas
le tems d'examiner piece à piece , lui dit
brufquement ; combien voulez- vous me
202 LE MERCURE
fi
>
vendre toute votre Boutique ? Mais Mon
fieur , reprit le Marchand , vous n'y penfez
pás avec votre pormiffion ; eh morbleu
que de raifonnemens ! En un mot qu'eſt- ce
que tout cela vaut ? L'Orfevre,aprés avoir
vû fon Livre , lui dit en confcience qu'il
ne pouvoit pas la lui donner à moins
de quarante mille écus , & que c'étoit le
dernier mot ... Eh que de façon , Monfieur
, pour peu de chofe ! & tirant en
même tems les cent vingt mille livres en
Billets ; tenez Monfieur , êtes-vous content
? Allons , dépêchons , emballez moi
au plûtoft cette argenterie, & qu'on m'aille
chercher quatre ou cinq Fiacres. Ses ofdres
furent executez fi promptement , qu'à
midi la vaiffelle arriva. On la déballe
l'on met le fervice , & tous les Convives
arrivez , on fe place à Table. Le Maître
ayant apperceu que les Sucriers & les Poivrieres
n'étoient que de fayance , s'emporta
fort contre l'Ordonnateur de fon Repas.
Qu'est- ce que cela fignifie ? Il me femble
que mon Buffet doit être affez bien garni ,
pour que l'on me ferve tout en vaiffelle
d'argent .. . . Eh vraiment , Monfieur
repliqua l'Officier , ce n'eft pas ma faute ;
mais plûtoft la vôtre. Comment la mienne ?
...Eh oui : Monfieur , & que diable voulez-
vous faire des Navettes & Encenſoirs
que vous avez acheté , à moins que vous
n'ayez pris ces derniers pour des Sucriers
D'OCTOBRE. 203
& des Poivrieres ? Qui fut le fot ? Le Maître.
Qui rit beaucoup la Compagnie.
Un Exlaquais , car tout s'en mêle , actionne
fi heureufement , qu'il eft en état
d'acheter le Caroffe du Maître qu'il venoit
de quitter .
Les 2. ou 3. premiers jours furent employés
ployés à courir les rues pour le plaifir de
la nouveauté. Il fe fait conduire enfin
dans la rue Quinquempoix , & ordonne à
fes gens & à fon Cocher de l'attendre
dans la rue de Bour- l'Abbé. Les laquais
entrent dans un cabaret : Pour lui , aprés
avoir acheté ou vendu quelques actions ,
il fe met en chemin pour regagner fon
équipage. La pluye furvenant , il court
comme un bafque ; & oubliant dans l'inf
tant qu'il étoit leMaître du Car. , il monte
par habitude derriere. Son Cocher s'en
étant apperçu, lui criasch , M. à quoi pen
fes vous ? Ne vois tu pas , Maraut , reprit,
le Maître , en defcendant, que je ne l'ai fait
que pour voir par moi-même , combien
ily peut tenir à peu prés de laquais , car
il m'en faut encore au moins deux ?
Un cocher avoit épousé une femme de
chambre fort jolie , qui par vertu s'étoit
fait blanchiffeufe : elle avoit fçû fi bien
mettre à profit fes talens , qu'à force de
travailler , elle avoit engagé , à l'infçu de
fon mari , un Agent de change à lui faire
ayoir des premieres foumiffions , moyen204
LE MERCURE
nant quelque argent qui fut converti pour
lors en billets d'Etat. Ce fond ayant produit
100. mille écus cette femme ne
put taire fa fortune à fon mari . Cet homme
tranfporté de joye , court chés fon
Maître pour lui demander fon congé,
Comme il entroit , un ami du Maître lui
dit , mon pauvre la Tulipe , fais-moi le
plaifir de me chercher un bon cocher... ah
Monfieur , répondit la Tulipe ; je fuis
dans le même embarras que vous , car je
penfe actuellement à en chercher un pour
moi, tel que vous me le demandés; & charité
bien ordonnée commence par foy- même.
Apprenés que je fuis prefentement auffi
gros Monfieur que vous Charlotte ma
femme a gagné plus de 100. mille écus
au Mifilipi je n'en puis douter ; je les
al vu & je venois tout hors d'haleine
prier mon Maître de fe pourvoir ailleurs, "
Je vais lui annoncer cette nouvelle ; adieu
Monfieur.
La Province n'ajoute pas foy ailement
à tout ce qui s'y écrit , & s'y debite , des
4fortunes qui le font journellement à Paris.
Un Parifien écrivit à un de les amis retiré
en Gafcogne , que M. fon frere avoit
gagné des fommes immenfes ... à d'autres
recrivit le Provincial ; quand je le
verrai , je le croirai ; &c. Cet ami êtant.
allé voir le frere de cet incredule , lui
montra la lettre qu'il en avoit reçu : Oh
D'OCTOBRE.
205
parbleu , dit le frere actionnaire , j'ai un
moyen fûr pour le detromper ; je lui enyerrai
par le premier ordinaire 2. ou 3.1
millions en billets de Banque , dont je
ne fcai que faire : & nous verrons qui des
deux a tort ou raiſon I le fit , com-t
me il l'avoit promis , encore a- t'il eu bien
de la peine à faire revenir fon frere de fon
prejugé & on fcait que celui- ci n'a cru la
chofe réelle , quaprés avoir acheté de ce
papier , deux ou trois grandes Seigneuries
qui environnoient une petite Terre dans
faquelle il vivoit.
PROPHETIE DE NOSTRADAMUS
Centurie 14. quatrain60.
2 4.105 50
Par cinquante a cinq cinq lauge fera
profpere
Depuis Paroiffe cinq jufqu'au Pays
lointain .
Commençant Peuple & Roy fans crain
dre la mifere ,
Se payeront l'un & l'autre, & ne devront
plus rien, ne
i- Lin
2 A
3 V
4
V
206 LE MERCURE
5. Gaule
6. Quinquempoix du met latin , quinque
Parrochia.
7 La Louifiane,
La rue Quinquempoix eft de cinq Pa
roiffes.
S. Nicolas des Champs.
S. Leu S. Gilles .
S. Mery .
S. Jacques de la Boucherie.
$. Joffe.
Par Law la France fera profpere depuis
Quinquempoix jufqu'à la Loufianne , ou
Mififfipi , commençant Peuple & Roy;
fans craindre la mifere , fe payeront l'un
& l'autre , & ne devront plus rien .
Enfant cru mort,qui avecu jusqu'à 100. ans .
'André de Bayon , Chanoine Religulier ,
natif de Toul , & ci-devant Prieur Curé
de Boulaincour dans le Comté de Vaudémont
, y eft mort âgé de prés de 100. ans .
Cette longue vie n'eft dûë qu'à la tendreffe
d'une foeur qui la lui fauya de cette
maniere ... Comme on le portoit en
terre, envelopé feulement d'un linge , parce
qu'on l'avoit cru mort à l'âge de 6. mois ,
cette foeur voulut donner le dernier baifer
à cet enfant , avant qu'on le mît dáns :
la foffe. A l'application du baiſer , l'enfant
foûrit à la four. On cria miracle ;
ou
D'OCTOBRE.
(207
on le raporta chèz la mere , où il a continué
depuis à fe bien porter , ayant atteint
un âge fi avancé , fans avoir été jamais
malade ni incommodé .
M
MO'RT S.
Effire Pierre Antoine de Benoist
de S. Port , Avocat General du
Grand Confeil , mourut le 7. Septembre.
Dame Claude de Monceaux , veuve de
Meffire Jean- François Marquis de Bonneval
, mourut le 4. Septembre.
xx
Meffire Louis- Alexandre Croifet
Marquis d'Eftiau , Confeiller au Parlement
, & Commiffaire aux Requeftes du
Palais , mourut le 9 Septembre Il étoit
fils de M. Croiſet , Confeiller d'honneur
an Parlement , & cy- devant Prefident és
Enqueftes.
Meffire Jean- Baptifte Prouft , Seigneur
de Houilles , du Martrait , & c. Lieuterant
particulier du Châtelet , & Garde
des Sceaux de la Chancellerie de Meiz ,
mourut le 11. Septembre..
Meffire François- Leon de Fonlebon ,
Comte de Vitrac , mourut le 11. Sop
tembre.
Le 12. Septembre 1719. mourut à Pa-
S
208 LE MERCURE
ris , Dame Marie- Therefe de Berry d'El
ferreaux , épouse de Meffire Auguſtin-
Jean- Baptifte Choppin , Chevalier Seigneur
de Chaffoy. & de Beauvais , Confeiller
du Roi en fes Confeils , Chevalier
& Capitaine du Guer tant à cheval
qu'à pied , de la Ville & Fauxbourgs de
Paris. M. René Choppin fameux Jurifconfulte
, dont la memoire fera immortelle
parmi les Sçavans , étoit fon Bifayeul .
La Famille de Berry d'Efferreaux eft originaire
du Pays d'Artois , des plus anciennes
& des plus illuftres.
Meffire Briand Marion , Prêtre Docteur
en Theologie de la Maifon & Societé
Royale de Navarre , & Profeffeur émerite
de Theologie en ladite Maifon , mourut
le 21. Septembre.
Meffire Pierre Grüin de la Celle , Confeiller
au Grand Confeil , mourut le... +
Dame Genevieve le Fevre d'Eaubonne ,
époufe de Meffire Maximilian- LouisTiton
de Villegenou , Seigneur de Chasteauneuf,
S. Gervais , la Tourette , &c. Inspecteur
General des Fabriques & du Magafin
Royal des Armes , mourut le ... Sept.
Madame la Comteffe de Murcé , mourut
le 26. Septembre.
..
Meffire Armand François de Querhoent
-de Goëtanfao Evêque d'Avranche ,
mourut le 2. Octobre âgé de 56 : ans. 1
Dame Claude- Françoife Boucot, époufe
D'OCTOBRE. 209
I
de Meffire Nicolas - Jerome de Paris , Seignet
de Brancourt , Confeiller au Parlement
, mourut le 3. Octobre , âgée de
19. ans.
Meffire Guillaume Robert , Seigneur
de Spteuille , &c. Confeiller honoraire.
du Parlement ,
1
#
& cy devant Prefident
de la Chambre des Comptes , mourut le
5. Octobre. 2
,
Germain Guyer , Sieur des Miniers
Chevalier des Ordres de S. Louis & de
S. Lazare , & Ayde de Camp des Armées
du Roi , mourut le 7. Octobre.
7 Meffire Charles- Louis Bretagne , Duc de
la Tremoille , Pair de France , &c. premier
Gentilhomme de la Chambre du Roi ,
mourut le 9. Octobre âgé de 37. ans ,
Dáme Elizabeth- Louife Ballard , veuve
de Meffire Louis de Lapára , Lieutenant
General des Armées du Roi , & Gouverneur
de Mont-Dauphin , mourut le .
Octobre.
Meffire Philippe de Madaillan , Marquis
d'Efparre , mourut le 11. Octobre âge de
89. ans.
Dame N. de Verthamon , fille unique
de Mellfire François de Verthamont , Marquis
de Breau , premier Prefident du Grand
Confeil , qui avoit épousé le 8 , Janvier
1716. Meflire François Baltafar de Pardaillan
de Gondrin , Marquis de Bellegarde
, &c. mourut le 13. Octobre à
Bellegarde.
Sij
210 LE MERCURE
Meffire Bernard Renau , Lieutenant
General des Armées du Roi , Grand-
Croix de l'Ordre Militaire de S. Louis ,
& Confeiller au Confeil de Marine, mourut
le ...de ce mois à Pougues.
M.le Marquis de Cruffol , Colonel du
Regiment de Bearn , mourut ces jours
paffez.
M. le Marqnis de Plemarés de Courcy ,
Sous-Lieutenant des Gendarmes d'Anjou,
mourut en cette Ville le zo. de ce mois.
S. M. a accordé à M. le Marquis de
Valfemé , le Guidon des Gendarmes Flamans
du Roi , vacant par fa mort.
M. l'Abbé d'Eftrades, fils du Comte de
ce nom ,qui a été tué dans la derniere campagne
d'Hongrie , eft mort depuis peu .
M. de Montmor , ce ebre Mathematicien
& de l'Academie des Sciences , eft
mort le Octobre .
›
Meffire Jacques de Bethune , Seigneur
Ecoffois êtant tombé malade à Reims
d'une maladie de langueur , M. l'Archevêque
de Reims lui fit plufieurs vifites
pour tâcher de le convertir . Il l'inftruifit
durant plus d'un mois des principes de la
Religion Catholique , Apoftolique , &
Romaine , & reçût lui - même fon abjuration
, fuivant l'Acte qui en fut dreffé le
Octobre dernier. La maladie augmentant
, M. de Bethune fit une Confellion
generale au Penitencier de l'Eglife
D'OCTOBRE. 218
de Reims. On n'eut pas le tems de lui porter
le Saint Viatique ; mais on lui adıniniftra
l'Extrême- Onction , & il mourut let
18. dudit mois d'Octobre avec des fentimens
d'une veritable converfion.
Le Pere le Fevre de Caumartin , Chanoine
Regulier de la Congregation de
France , & Prieur de Lonjumeau , eft
mort.
Meffire N. de Montmorin , Evêque
de Grenoble , eft mort à Fontainebleau le
Octobre .
Dame Elifabeth de Monchy , Religieufe
de l'Abbaye de Berthaucourt , Ordre de
Saint Benoit , Diocefe d'Amiens , a été
nommée au mois de Septembre 1719. Abbeffe
de ladite Abbaye , vacante par le décés
de Dame de Monchy fa Tante. Ladite
Dame Elifabeth de Monchy eft fille de feu
Meffire George de Monchy , Seigneur de
Talmas , & de Dame Louiſe de Chiftelles.
La Maiſon de Monchy eft une des plus anciennes
de Picardie ; & celle de Chiftelles
eft une des plus anciennes & des mieux alliées
d'Artois & de Flandre. Meffire George
de Monchy étoit frere cadet de Meffire
François de Monchy Baron de Vilmes ,
qui a laiffe plufieurs enfans : Sçavoir , le
Marquis de Monchy Sénéchal d'Abbeville
& du Ponthieu , le Marquis de Senorpont
, la Dame Abbeffe d'Avênes, prés
d'Arras , & autres. Ledit fieur George de
3212. LE
MERCURE
!
Monchy a auffi laiffé plufieurs autres en-
-fans freres de la nouvelle Abbelle de Bertaucourt.
Cette Famille porte pour Arnies
trois maillets comme celle de Mailly &
la Maifon d'Hocquincourt eft auffi uhe
Branche de celle de Monchy. Voyez Morery
au cinquiénie Tome , page 261 .
où il dit , que le Siear George de
Monchy pere de l ' Abbeffe , a épousé en
fecondes nôce , Danie Marguerite de Saint
"Lo qui eft encore vivante. Le fieur Abbé
de Monchy , Prevoft de la Collegiale de
Saint Pierre d'Aire, eft auffi fiere de la nouvelle
Abbeffe de Bertaucourt.
L
Nous avons parlé dans un de nos Mercures
d'un Chariot à aifles , qui va par le
vent , contre le vent-même ; c'eft à - dire ,
dont la route eft directement oppolée au
cours du vent , inventé par M. du Guet
en 1713. qui a fait en même tems une application
ingenieufe du même principe pour
des Charuës , dont il a fait un modele , pour
lefq . Machines il lui a été accordé un Priv .
exclufif: Nous nous croyons obligez d'en avertir
le Public, afin qu'on puiffe juger quel
eft le premier Auteur de cette penfée.
On vend chez le fieur N. de Fer ,
Geographe de S. M. C. une nouvelle CarD'OCTOBRE.
213
·
te du cours du Miffiffipi , aux environs duquel
fe trouve le Païs appellé la Loüifiane ,
&c. On trouve cette Carte chez l'Auteur
--Ifle du Palais , à la Sphere Royale.
La Carte du Royaume d'Arragon, dref
fee fur plufieurs Cartes manufcrites & imprimées
, le tout affujetti à.des obfervations
aftronomiques , vient de paroître.
Le Public en a l'obligation au fieur Bourguignon
d'Anville Geographe du Roy.
-Elle est dédiée au Regent de France . On
n'a encore rien donné fur ce Royaume de fi
parfait , ni de fi exact. Cette Carte eft
parfaitement bien gravée. Nous pourons
en rendre compte plusau long dans quelque
tems.
རྩ་
AP PROBATION.
J
Ay
Ju par l'ordre de Monseigneur le
Garde des Sceaux le Mercure d'Octobre
Fait à Paris ce 3. Novembre 1719.
BLANCHARD
TABLE.
Hiftoire de la Guerre & de la levée
des Troupes , pour les Armés de
Terre & de Mer, depuis le commencement
de la Monarchie jusqu'à preſent.
Memoire pour Madame de .... accusée d'adulter:
& d'avoir fait apparoître des
Efprits , contre M. de....
Eau de Mer renduë potable.
~ 37-
67
Extrait d'une Lettre écrite par J, le Pol,
& Poëfies.
Eits , &c.
Livres.
Avanture nouvelle.
- Nouvelles Etrangeres.
72
80
88
ΙΟΙ
112
Prife du Fort de Pensacola fur les Efpagnols
parles Fran ois . 163
Epitaphe de Madame de Bellegarde. 167
Enigmes
Branle & Bergeries.
Journal de Paris.
168
171 174
175
Prife de poffeffion du Grand Prieuré de
France , par M. le Chevalier d'Orleans.
Sige & prife du Château d'Urgel.
Faits fugitifs.
176
187
199
207 Morts.
Fante notable glißée dans le mois
de Septembre.
Page 14. lig . 6. Tout cet article eft
faux , à l'exception du logement , & de la
dem ffion pure & fimple du Grand Prieuré
de France , faite par M. de Vendo me
faveur de Monfieur le Chevalier
en
d'Orleans.
LE
NOUVEAU
MERCURE
Novembre 1719.
Le prix eft de vingt fols.
A PARIS.
Chez GUILLAUME CAVELIER , au Palais.
La Veuve de PIERRE RIBOU, Quay des
Auguftins , à l'Image S. Louis.
Et GUILLAUME CAVELIER , Fils , ruë
S. Jacques , à la Fleur -de- Lys d'Or.
M DCC. XIX.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
FUBLIC LIBRA
AVIS
.
000116
ASTOR ,
TILDEN
2205
N prie ceux qui adrefferont
des Paquets ou
Lettres à l'Auteur du Mercud'en
affranchir le port ,
ils resteront au rere
fans quoy
but.
L'Adreffe de l'Auteur , eft .
A Monfieur Bu CHET ,
S. Germain l'Auxerrois.
Cloître
On donne avis , qu'on trouve
chez les Libraires ci- deffus
nommez , tous les Mercures
de l'année 1718 , de même que
l'Abregé de la Vie du CZAR .
De l'Imprimerie de C. L. THIBOUST ,
Place de Cambray.
LE
NOUVEAU
MERCURE
1
HISTOIRE
Des Filles de la Maifon de France & au
tres Princeffes , qui ont été données en mariage
à des Princes Heretiques on Payens .
T
OUS les Hiftoriens conviennent
que les anciens Bourguignons
, qui occuperent fur les
Romains la partie des Gaules ,
appellée Bourgogne de leur nom ,
étoient infectez de l'herefie Arienne : néantmoins
, Gondiochus leur Roy , que Gregoire
a de Tours nomme Gandivichus ; &
a Tom . 1. hift. Franc. p. 285. 698. & 718 .
Novembre 17 : 9. A ij
4 LE MERCURE
?
quelques autres Gundeveus , époufa une
Princeffe Catholique & Ortodoxe nommée
Caretene , comme on l'aprend de fòn
Epitaphe que Pon voit dans l'hiftoire de la
Ville de Lyon , où elle fonda une magnifique
Eglife à l'honneur de faint Michel.
Elle eut de fon Epoux quatre Princes, Gordebaud
, Godegifele , Chilperic , & Godemar
, qui , aprés la mort de leur pere , partagerent
entr'eux le Royaume de Bourgogne.
Mais Gondebaud , qui étoit l'aîné ,
fit mourir Chilperic fon frere avec deux
fils qu'il avoit , précipita la Princeffe leur
mere dans le Rhône avec une pierre au col ,
& condamna fes deux filles à un exil
tuel.
:
perpe
L'Aînée , appellée par quelques - uns
Chrone ou Mucirone , par d'autres Sedetenbe
, prit le voile de Religieufe , & fe
retira en la Ville de Geneve la feconde ,
Chrotilde ou Clotilde , fuivit fa foeur en
habit de feculiere ; Mais quelques Auteurs
difent qu'elle fut retenue à la Cour du
Roi Gondebaud fon oncle.
a La Reine Caretene leur ayeule , participa
au gouvernement des affaires & de l'Etat
de Bourgogne , pendant que le Roi .
Gondiochus fon mari vécut. Elle prit un
a Inftruction de la Reine Caretene à fes enfans
& neveux pour les convertir de la fecte Arienne
la Religion Catholique.
DE NOVEMBRE. $
foin très particulier d'inftruire fes enfans ;
elle les follicitoit continuellement d'embraffer
la vraie creance de l'Eglife : Elle y
profit tellement, que fi quelques - uns d'eux
perfifterent encore quelque temps dans l'Arianifme
, il y en eut néantmoins qui fe
convertirent à la foy Catholique , & entr'autres
Chrotilde fils de fon fils Chilpe-
Fic.
La méme Caretene furvecut longtemps
à fon Epoux. Il femble même par les termes
de fon Epitaphe , qu'elle le fit Religieufe
fur les dernieres années de fa vie.
Elle mourut âgée de plus de cinquante ans,
le dix- huitième jour de Septembre , l'année
que Meffala fut Conful , ce qui revient à
l'an fo6. de Jeſus- Chriſt , & fut inhumée
en l'Eglife de faint Michel de Lyon , qu'elle
avoit fait conftruire.
a La Princeffe Chrotilde , fille de Chilperic
, niece de Gondebaud , & petite- fille
de Gondiochus , Rois de Bourgogne` , Ar-
Fiens , fut inſtruite à la foy Catholique par
la Reine Caretene fon ayeule , ainſi qu'il a
été remarqué cy- deffus. Clovis , Roi des
François , êtant encore payen & idolatre ,
ne laiffa pas de la demander , & de l'obtenir
pour Epoufe. Aurelien fon Confeiller &
fon Ambaffadeur , en fit la demande , 1º. à
Tom. 1. Hift. Franc. p. 285. 699. 728 .
A iij
6 LE MERCURE
Clotilde même ; & fi d'abord elle jugea
cette propofition difficile , difant qu'il n'étoit
pas licite à une Chrétienne d'époufer
un Payen , neantmoins elle s'y. refolut , &
elle en remit tout le fuccez à la volonté du
Dieu qu'elle adoroit .
Clovis informé par Aurelien des fentimens
de Clotilde , le renvoya l'année d'aprés
vers le Roi Gondebaud , oncle de cette
Princeffe, pour la lui demander en mariage.
Gondebaud n'ofa pas la lui refufer: ainfi , elle
fut conduite au Roy a Clovis qui l'époufa
dans la Ville de Soiffons ; & Dieu benit tellement
leur union ', qu'elle caufa la converfion
à la foy chrétienne & catholique , nom
feulement de Clovis & de fes fucceffeurs ,
Rois de France ; mais même de toute la
nation françoife : Et par là , ce que faint
Paul a ecrit en termes generaux , falvabitur
vir infidelis per mulierem fi.ielem , s'eſt trouvé
particulierement accompli dans la perfonne
de cette grande Reine.
,
Le Roi Clovis avoit deux foeurs , dont
l'aînée dite Alboflede , vulgairement
Blanchefleur, fut bâtifée avec lui ; elle mou
rut incontinent aprés : L'autre appellée Lantilde
ou Landechilde , étoit tombée dans
l'herefie des Ariens , fi on en croit Gregoire
a Clovis converti à la Foi Chrétienne par le
moyen de Clotilde fon épouse.
DE NOVEMBRE. 7
de Tours a" ; mais elle fe convertit alors à
la foi Catholique : & confeffant le Fils &
le Saint- Efprit égaux au Pere , elle reçût
auffi le faint Chrefme , dont les Ariens rejettoient
l'ufage. D'autres écrivent ſeulement
, qu'elle fut bâtifée avec fa foeur Alboflede
: Quoi qu'il en foit , elle profeffa ,
comme elle , la religion chrétienne & ortodoxe.
Néantmoins , Theodoric , Roi des Gots
en Italie , qui étoit Arrien , ayant demandé
la Princeffe Lantilde b au Roi Clovis fon
frere , ne fit aucune difficulté de la lui donner
en mariage : Ainfi , elle fut la feconde
femme de ce Prince , & elle cut de lui une
fille dont l'hiſtoire ne declare point le nom .
Mais , Gregoire de Tours cenfeigne que
l'ayant inftruite de l'Arianifme auquel elle
étoit retombée depuis fon mariage , la mere
& la fille perirent malheureufement : Car ,
la fille indignée de ce que la Reine Lantilde
fa mere avoit fait tuer Trannilanes qu'elle
avoit époufé contre fon confentement , elle
l'empoifonna elle- même dans la Communion
du Calice ; & Theodat , appellé enfaite
à la Couronne d'Italie pour venger ce
a Tom. 1. hift . Franç . p . 287. 702. 807 ;
808.
b Mariage de Lantilde foeur de Clovis avec
Theodoric Roi d'Italie , Arrien.
c Pag. 304.
A iiij
LE MERCURE
parricide , fit mettre la fille dans un bain
d'eau chaude , où elle fut forcée de rendre
miferablement l'efprit .
Clotilde , vulgairement appellée Clote,
fille du même Roi Clovis , fut auffi mariée
avec un Prince Arrien. Amauri , Roi des
Vifigots d'Efpagne , fils du Roi Alaric , recherchant
l'alliance des Rois de France, demanda
la Princeffe leur foeur en mariage.
Ils la lui donnerent fort volontiers , quoiqu'il
fuivît l'opinion des Arriens . Mais , à
peine fut- elle arrivée en Efpagne , qu'Amauri
commença à la maltraiter à caufe de
la religion Catholique qu'elle profeffoit . Il
ordonna qu'on jettât des faletez & des puanteurs
fur elle , lorfqu'elle pafferoit pour aller
à l'Eglife. Cette Princeffe fouffrit ces outrages
avec beaucoup de conftance & de
vertu , jufqu'à ce qu'Amauri enfin , l'ayant
battue cruellement , elle envoya un linge
plein de fang au Roi Childebert fon frere ,
pour l'avertir des mauvais traitemens qu'el
le recevoit.
Ce Prince en conçût une telle indignation
, qu'il paffa exprés avec une puiffante
armée en Espagne , pour prendre vengeance
de tant d'outrages : Et aprés avoir mis
a Tom . 1. hift. Franc . p . 233. 294. 297.
Clotilde Fille de Clovis , mariée avec Amauri
Roi d'Espagne , Arrien.
DE NOVEMBRE.
à mort le Roi Amauri , Childebert ramenna
la Reine Clotilde fa foeur ; mais elle deceda
en chemin. Son corps fut apporté
dans l'Eglife de fainte Genevieve de Paris ,
où elle eft reverée comme Sainte .
a Theodebert, Roi d'Auftrafie , qui étoit
fils de Thieri , fils aîné de Clovis , eut entr'autres
enfans , une fille qu'Aventin nomme
Ragentrude : Elle époufa Teudon , Duc
de Baviere , qui pour lors étoit idolâtre.
Mais elle s'employa avec tant de zele à lui
faire embraffer la religion chrétienne , que
non feulement il fut le premier des Ducs de
ce Pays qui embraffa le chriftianifme , &
même que toute la Baviere fe convertit à
fon exemple.
b Du Roi Charibert , fils de Clotaire I.
& de la Reine Ingoberge fon épouſe , naquit
une autre fille , comme a remarqué
Gregoire de Tours c qui n'en dit pas le
nom : Mais , le Venerable Bede la nomme.
Berthe au Livre I. de fon hiftoire d'Angleterre
, chap . 25. Quelques autres l'appel
lent Agilberge. Cette Princeffe fut mariée
avec Edelbert Roi de Kent en Angleterre ,
a Ragentrude , Princeffe Françoife , Catholi
que , mariée à Teudon, Duc de Baviere , Payen.
Avent . Annal. Bojor.
Mariage de Berthe , Princeffe de France
avec Edelbert Roi d'Angleterre , Payen .
c Tom. 1. hift. Franc . p. 316. 4240
10 LE MERCURE
•
qui faifoit profeffion du Paganifine , à condition
qu'il la laifferoit vivre libre en l'exercice
de la religion chrétienne ; & on lui
donna un Evêque appellé Luitard , pour lui
adminiftrer les Sacremens , & pour refter
auprés d'elle.
Edilbertus ( dit Bede ) uxorem habebat
chriftianam de gente Francorum Regiâ , nomine
Bertham , quam eâ conditione à parentibus
acceperat , ut ritum fidei ac religionis
fuæ cum Epifcopo , quem ei adjutorem fidei
dederant , nomine Luidhardo inviolatam
fervare , licentiam haberet.
Cette alliance produifit bientôt les mêmes
avantages à la religion chrétienne en
Angleterre, que celle de Clotilde avec Clovis
, en avoit produit au Royaume de France.
Los bons exemples de Berthe , & les
fçavantes prédications d'un faint Prêtre que
le Pape Gregoire le Grand y avoit envoyé ,
engagerent le Roi Edelbert à embraffer le
chriftianifme , & les fujets fuivirent ſon
exemple.
Le mariage d'Ingonde & de Clodofinde,
filles de Sigibert I. Roi d'Auftrafie , & de
la Reine Brunehaut , ne furent pas moins
avantageux à la religion .
Ingonde époula Hermenigilde , fils
a Ingonde , fille du Roi Sigibert , mariée avec
Hermenigilde , Prince d'Espagne , Arrien.
DE NOVEMBRE. 11
aîné de Leunigilde Roi des Gots d'Efpagne
, qui étoient encore Arriens . La a Reine
Gaufuinte , belle-mere d'Ingonde , la
voulant contraindre d'embraffer l'Arrianifme
, lui fit pluſieurs fortes d'indignitez &
d'outrages ; mais la Princeffe les fupporta
avec beaucoup de conftance ; & enfin par
fes remontrances , & par fa vie exemplaire ,
elle convertit même à la religion Catholique
le Prince Hermenigilde fon époux, qui
en recevant le faint Chrefme , changea fon
nom en celui de Jean. Le Roi Leunigilde
en fut tellement irrité contre lui , qu'aprés '
l'avoir perfecuté quelque temps , il le prit
un jour au fortir d'une Eglife où il s'étoit
refugié , & lui fit inhumainement couper
la tête.
Quant à Ingonde , fa veuve , quelques-
uns difent que cherchant à fe retirer
en France avec fon fils , elle tomba entre les
mains d'une Compagnie de Grecs , qui l'emmenerent
en Sicile, où elle acheva fes jours.
D'autres écrivent qu'aprés la mort de fon
mari , elle fut donnée aux Grecs en ôtage ,
& qu'elle deceda en Afrique , comme on la
conduifoit à Conftantinople. Quoi qu'il en
foit , Gontran , Roi d'Orleans , fon oncle ,
& Childebert , Roi d'Auftrafie , frere d'Ingonde
, conçûrent de cette mort une fi
a Tom. 1. hift. Franc. p . 345. 423 , 424.
*2 LE MERCURE
grande haine contre Recarede , frere d'Her
menigilde , qu'ils ne voulurent jamais rece
voir les excuſes , ni lui accorder en mariage
Clodofinde , foeur d'Ingonde , qu'il recherchoit
, qu'il n'eût renoncé lui-même à l'herefie
Arrienne , & qu'il ne fe fùt auffi converti
à la religion Catholique. Ce fut le
fecond fruit de l'alliance de cette Princeffe,
& dont l'odeur fe conferva long- temps
aprés dans la maifon Royale d'Efpagne .
Tous ces exemples fe trouvent dans l'hiftoire
de la premiere Branche de nos Rois . Il
y en a auffi quelques-uns dans la feconde.
Gifele , fille de Lothaire , Roi de Lorrai
ne , qui étoit petit - fils de Louis le Debonmaire
, Empereur & Roi de France , fut mariée
avec Godefroi , Roi des Danois , qui
étoit idolâtre . On lui donna pour dot la
Province de Frife ; mais la premiere condition
du Traité de ce mariage , fut qu'il fe
feroit chrétien : En effet , il fut bâtisé avant
la celebration des Nôces , ainsi que l'a ramarqué
Reginon en fa chronique , fous l'année
883.
Une autre Gifele , fille du Roy Charles
le Simple , & de la Reine Erderune fa premiere
femme , fut donnée pour époule à
Rollon , Duc des Normans , qui étoit idolâtre
; mais avant que le mariage s'accomplît
, non feulement Rollon , mais ceux de
fa fuite , fe firent auffi bâtiſer , & obtinrent
DE NOVEMBRE.
pour demeure , une partie de la Neuftrie
qui de leur nom a été depuis appellée Norinandie.
Enfin , il y eut une troifiéme Gifele de
Baviere , qui fut encore mariée avec Eftienne,
Roi de Hongrie , payen & infidele . Elle
étoit fille de Henri II. Duc de Baviere , &
de Gifele de Bourgogne , fille de Mahaut de
France , foeur du Roi Lothaire . Dieu favorifa
certe alliance de tant de benedictions ,
que non feulement le Roi Eftienne fe convertit
à la foy chrétienne avec tout fon peuple;
mais il vécut depuis fi faintement, qu'aprés
fa mort il a merité d'eftre mis au nombre
des Saints .
Gifila, dit Othon Evêque de Frifinghen,
Stephano Ungarorum Regi in uxorem data ,
tam ipfum quam totum ejus regnum ad fidem
vocavit, Hinc Stephanum Ungari hactenus
fidem chriftianam fervantes , velut principiumfidei
fuæ interfanctos colendum dignum
ducunt.
Eftienne eft confideré. par les Hongrois ,
comme l'Apôtre de leur nation , & encore
aujourd'hui ils donnent à leurs Rois le tître
de Majefté Apoftolique , les confiderant
comme fucceffeurs d'Eftienne.
Quant àla troifiéme Branche de nos Rois,
qui commença à Hugues Capet , l'on y remarque
pareillement des mariages de diverfes
Princeffes du Sang , contractés avec des
14
LE MERCURE
Princes & Seigneurs payens & infideles.
J'en raporterai feulement un ici , pour
fervir d'exemple , & terminer cette petite
Differtation .
Baudouin de Courtenai , Empereur de
Conftantinople , cherchant le moyen d'affoiblir
Waftachius Roi des Bulgares fon ennemi
, il n'en trouva point de plus sûr ,
que de s'allier avec le Souldan d'Icon , le
plus puiffant Prince de tous les Infideles ,
& qui étoit aufli ennemi de Waftachius . A
cet effet,il depêcha un Ambaffadeur à Icon,
qui le reçût fort honorablement ; & aprés
avoir apris de lui la cauſe de ſa venûë , il
renvoya à l'Empereur Baudouin un des
plus grands & des plus riches Admiraux de
fon pays , pour l'affùrer de fon amitié , &
pour contracter avec lui une ferme alliance.
Les conditions du Traité fe trouvent
dans une lettre que Baudouin écrivit à la
Reine Blanche , mere de faint Louis , l'an
1243 .
La principale fut , que pour ferrer davantage
le lien de leur amitié , l'Empereur
donneroit au Souldan une de les nieces en
mariage , à la charge , qu'elle , fes Chapelains
, fes Clercs , & toute fa famille , vivroient
dans la religion chrétienne & catholique
, & qu'ils recevroient tous les deyoirs
& honneurs qui doivent être rendus
à des Chrétiens , tant Ecclefiaftiques que
feculiers. Le
DE IS NOVEMBRE .
2
Le Souldan accorda d'autant plus volontiers
cette condition , que lui- même étoit
fils d'une Dame Grecque chrétienne , à qui
fon pere avoit auffi permis de vivre toute fa
vie dans fa religion , & que plufieurs autres
Seigneurs payens de fa contrée avoient
pour femmes des chrétiennes de Grece
d'Armenie & d'ailleurs. Il promit de plus ,
qu'en confideration de fa future épouſe ,
niece de Baudouin fon allié , non feulement
il feroit bâtir des Eglifes pour les
chrétiens dans toutes fes Villes , qui étoient
en très grand nombre , & qu'il affigneroit
des revenus fuffifans pour l'entretien des
Clercs, & des Ecclefiaftiques qui voudroient
fervir dans ces Eglifes ; mais auffi , qu'il feroit
que tous les Evêchez & Archevêchez
de fes Terres demeureroient fujets & obéiffans
au Patriarche de Conftantinople. Sur
cela , l'Empereur écrivit à la Reine Blanche
, qu'attendu les grandes utilités qui en
reviendroient à tout le Chriftianifme , il
lui plût d'exhorter & de porter Elifabeth de
Courtenai , Dame de Montaigu fa foeur , &
le Seigneur du lieu fon mari , à lui envoyer
une de fes filles, pour la marier avec le Souldan
d'Icon.L'Original de cette lettre, qui eft
fort belle , fe garde dans le Tréfor des Chartes
du Roi ; & j'en ai inferé une copie dans
le Cartulaire hiftorique de faint Louis .
16 LE MERCURE
AMEYAYAUQUQU DU DU QUOYAYAYAYny
EXTRAIT D'UNE D'UNE LETTRE
de M. le Comte de Saüillac , à Monfieur
l'Abbé de.... contenant quelques remarques
& des éclairciffemens , que l'on croit
qu'ilferoit neceffaire defaire pour l'hiftoire
de France.
UOIQUE ce qui a parû juſques icy fur
l'hiftoire de France , & les éditions.
que l'on a données de plufieurs Autheurs
qui traitent de chofes qui y ont rapport ,
donnent de grandes lumieres , ils faiffent
à defirer plufieurs éclairciffemens qui font
néceffaires , pour en avoir une connoiffance
exacte , & pour le former une idée jufte de
ce qui s'eft paffé , qui ne fe peut acquerir
que par un nombre de remarques , & par
des differtations faites avec precifion &
avec une critiquejudicieufe , qui établiffant
des principes fur des faits certains , donnera
les moyens de démefler encore beaucoup
mieux le vrai d'avec le faux : Pour cela
il faut purger les Autheurs de ce qui s'y
trouve de fabuleux ; les comparer les uns
avec les autres , pour connoiftre les contradictions
les plus évidentes, & en concilier
ce qui tend à en démontrer la verité. Il faut
examiner leur caractere , les motifs qui paroiffent
DE NOVEMBRE. 17
roiffent les avoir obligés d'écrire; la force de
leurs expreffions, & voir ce que les Auteurs
de nations differentes ont dit fur le même
fujet: Si les hiftoires particulieres y font conformes,
& fi les Titres , qui ont les marques
d'être authentiques , & qui fe font confervez
, s'y accordent ; faire , autant qu'il
fe. peut , connoiftre le caractere des principales
perfonnes dont il eft parlé, afin de voir
les motifs qui peuvent les avoir portés à fai
re ce que l'on trouve qui s'eft fait, & chercher
ce qui peut avoir fait des liaiſons que
l'on trouve qui fe font formées . Ce qui peut
donner une idée des moeurs , paroift neceffaire
, & l'on doit mettre dans un jour favorable
, tout ce qui peut porter aux bonnes
moeurs & à l'amour de la patrie , & infpirer
des fentimens convenables à la conftitution
de l'Etat & du Gouvernement , & faire
connoiftre quel en a été l'efprit felon les >
temps differens ; enfin rendre , le plus évident
qu'il fe pourra , tout ce qui peut
contribuer à reprefenter le temps dans lequel
les chofes fe font paffées , où il fauttranfporter
le Lecteur , c'est- à- dire , luy
donner une idée claire & diftincte des chofes
, & éviter que l'on ne s'y méprenne .
La connoiffance de ce qui regarde la
troifiéme Race , eft ce qui intereffe le plus
& dont on a le plus de befoin : mais , pours
18 LE MERCURE
fe conduire plus furement , & pouvoir
bien juger de ce qui en regarde les premiers
Rois , il faut rappeller des chofes qui regardent
des tems qui ont precedé .
Je croy que comme il s'agit de faire
l'histoire des Rois de France , il fera à propos
de faire voir que leur état , c'est -à- dire
celuy des François , a toûjours été Monarchique
, & que depuis qu'on trouve qu'il y
a eu des Rois des François , la Royauté
s'eft toûjours continuée ; pour cela , il faut
examiner comment il faut entendre ce que
Gregoire de Tours rapporte , qui donne
lieu de dire que ceux qui ont gouverné les
François , n'ont pas eû tous la qualité de
Roy , & qu'il y en a qui n'ont eu que la
qualité de Duc. Cela paroît meriter une
differtation , les Nations connuës fous le
nom de François , ayant eû une fois des
Roys , & leur coûtume étant de continuer
la Royauté dans la même Maifon. Ceux
que l'on trouve feulement comme Ducs ,
n'étant connus qu'à l'occafion des guerres ,
il fe peut qu'ils n'étoient que les Generaux
& les Commandans des Armées , en l'abfence
des Rois , qui par l'incapacité de l'âge
ou des infirmités , ou pour d'autres raiſons,
ne fe font point trouvés à la tête de la Nation
armée dans les occafions qui ont donné
fujet d'en parler. On voit que dans la revolution
qui arriva , par les avantages que
DE NOVEMBRE. 19
remporta Stilicon fur les François , ils eurent
des Rois ; & qu'après que ceux- cy furent
morts , ils en eurent de la même Maifon
que ceux qu'ils avoient eûs avant . Ce
qui fait voir que s'il y eut quelque chofe
d'alteré dans la fucceffion , il n'y en eut point
dans la forme du Gouvernement , & cela
peut s'accorder avec Gregoire de Tours.
Sur ce qu'il rapporte on verra ce qui regarde
l'interregne du temps de Charles Martel ,
& comme il faut l'entendre.
Il eft à propos de donner une idée de la
maniere dont les Rois ont gouverné juſques
à l'époque de la grande autorité des Maires
du Palais ; de voir ce qui pouvoit don
ner ce grand credit à des Seigneurs parmi
la Nation , dans un temps où perfonne n'avoit
jurifdiction que comme Officier du
Prince ; & que ce qui faifoit les rangs differens
dans l'ordre de la Nobleffe , ne venoit
que des charges qu'ils avoient par le bienfait
du Roy , & que la confideration ne venoit
que de la grandeur de l'origine , & de
la diftinction où les anceftres avoient été
parmi la Nation , & par les biens qu'ils
avoient en alloeux ; ce qui ne leur donnoit
point de jurifdiction . Mais comme le plus
fouvent , ceux qu'on envoyoit pour gou
verner les Provinces avec la qualité de
Comte & celle de Duc , étoient fils de
Meftre ; c'est-à- dire , que leurs peres l'a
Bij
20 LE MERCURE
voient ene dans d'autres Provinces , cela
leur pouvoit établir une confideration qui
fervoit à entraîner dans le party qu'ils embraffoient.
L'on voit que l'on a reproché ,
& même remarqué les Comtes qui n'étoient
pas nés d'une condition à être honorés de
cette qualité.
L'avenement de Pepin à la Couronne ,
eft une époque : mais il faut éclaircir auffi
ce qui regarde les Partis puiffans qui ſubſifterent
jufques vers la fin de fon regne , fur
tout ce qui fe paffa en Aquitaine du temps
de Waïfer.
La magnificence du regne de Charlemagne
engage que l'on s'y arrête , & à ce
qui regarde les Papes & l'Italie..
Depuis le partage des enfans de Louis le
Debonnaire , il faut avoir plus d'attention à
ce qui s'eftpaffé dans la partie de la Monarchie
Françoife que Charles le Chauve eut en
partage ; le commencement de la fucceffion
dans les Comtés , par un ufage qui fit de fi
grands progrès , qu'il n'étoit plus facile aux
derniers Rois de difpofer des Gouvernemens
des Provinces. Il faut reprefenter ce
qui a donné occafion à cela , afin de venir
à l'état où étoient à cet égard les choſes ,
Ravenement de Hugues Capet ; diftinguer
la difference des anciens Parlemens fous la
premiere & deuxième race ; des affemblées
des Barons, & des Etats generaux fous les
à
DE NOVEMBRE. 27
Rois de la troifiéme , & marquer les differences
qu'il y a ; diftinguer dequoy les premiers
Rois , defcendus de Hugues Capet ,
fe mêloient , comme Rois , du détail dans
lequel ils entroient dans le diſtrict de ce qui
étoit du Domaine de leur Maifon avant
qu'ils fuffent Rois. Les droits que les Seineurs
fe font apropriés, doivent le diftinguer
de ceux qui ne tirent leur origine que de la
proprieté qu'ils avoient des allaux.
Le changement arrivé dans l'autorité &
la puiffance de la Maifon regnante , depuis
Philippe Augufte ; les relations qu'ont les
affaires avec celles d'Angleterre , obligent
de repreſenter l'état où étoit l'Angleterre ,
les Albigeois : & les derniers Comtes de.
Touloufe engagent à voir ce qui s'eft paffé.
en Eſpagne de leur temps.
Enfin , étant parvenu à Philippe le Bel ,
on apperçoit aisément le rapport qu'il a
aujourd'huy à ce qui s'eft paffé dans les
Regnes derniers. On voit les finances , les
affaires avec la Cour de Rome , & des guerres
dans des pays où l'on en a prefque toûjours
eû. C'eft depuis ce temps- là qu'il faut
bien s'attacher à fuire le fil de ce qui s'eft
paffé ; les Regences après la mort des fils
de Philippe le Bel : ce qui fe paffa pour Philippe
de Valois ; combien cela fortifia la
confideration pour ceux de la Maifon Royale
; comme des particuliers commencerent
22 LE MERCURE
1
à pouvoir s'élever ; fuivre les progrès de la
fortune de quelques Maifons qui ont parû ,
& qui ont eû part aux affaires. Depuis ce
temps-là , on doit faire remarquer combien
il étoit difficile avant, de pouvoir s'élever, à
moins d'avoir des fucceffions .
Remarquer ce qui s'eft paffé depuis le
regne de Philippe Augufte , fur le fujet des
pariages des Terres , des Eglifes , où les
Rois ont été affociez : Remarquer à quoy
cela a fervi. Les guerres des Anglois doivent
être bien examinées , & ce qui arriva fous
Charles VI : la fucceffion des Ducs de Bourgogne
dans la Maifon d'Autriche , fait un
fyfteme de politique & d'interefts de la
Maifon de France & de celle d'Autriche .
Il eft neceffaire de reprefenter l'état où
étoit l'Italie dans le temps de Charles VIII
& de Loiris XII , qui ont commencé d'y
faire la guerre. Le Regne de François pre-
. mier a produit bien des chofes dans le
Royaume , & a donné origine à la grandeur
des particuliers , qui ont fait ce que l'on a
vû dans les Regnes fuivans . Il faut pour cela
voir les hiftoires des Manufcrits , même des
Titres. Il y a beaucoup de noms eftropicz ;
ainfi il faut corriger beaucoup de fautes d'ortographe
, & confulter pour cela des gens
des Provinces , & faire des remarques fur
ce qui peut y avoir rapport , en détaillant
plufieurs de ces articles ; le changement dans
DE NOVEMBRE. 23
lé Ceremonial, la multiplication des Titres,
eft une choſe qui merite quelque attention :
les ufages que l'on a pris des Etrangers , &
ce qui fait voir la maniere de vivre , n'eſt
pas à negliger : Un journal de chaque Roy
pour les lieux où ils ont demeuré , autant
qu'on peut le trouver, peut fervir beaucoup.
pour remarquer plus facilement les faux
Titres , par le vice qui peut fe trouver dans
la datte à l'égard du lieu où l'on dit qu'ils
font donnés.
Il feroit à propos de remarquer de quelle
maniere on paffoit à la condition de Noble
avant que les annobliffemens par lettres fuffent
en ufage , & de faire voir combien il
eft plus glorieux pour les Maifons qui ont
poffedé des Provinces , de defcendre de ceux
qui
s'en rendirent les maîtres fous les derniers
Rois iffus de Charlemagne , que de
venir de ceux qui ne font devenus Comtes
que par fucceffion ,
depuis que l'heredité
fut établie. En effet , l'on trouve que ceuxcy
ont été foumis aux premiers , qui ne tenoient
leur fortune que des Rois ; au lieu
que les autres la tenoient de ceux qui
F'avoient des Rois , par confequent nés dans
un état fubalterne dès leur origine . Par la
fuite les puifnés des defcendans des anciens
Comtes , après que l'heredité a été établie
dans les Comtés , ont été reduits à la qualité
de Vaffaux des defcendans de leurs
24 LE MERCURE
aînés , de leurs reprefentans , & même ar
riere- vaffaux , par les partages qui fe font
faits. On voit par là qu'il y a des Maiſons
qui ne paroiffent avoir jamais été que dans
un état infericur dès leur origine ; & d'autres
qui le font devenues ; ce qui fait une
difference dont on peut fe former une idée
pour ce qui regarde leur origine , par la difference
que. l'on fait aujourd'huy en Allemagne
, des Maifons immediates de l'Empire
, de celles qui font fujettes des Vaffaux
& Sujets de l'Empire.
Voilà des fujets fur lefquels je croy que
l'on doit faire des obfervations & des remarques
fur ce qui peut y avoir rapport.
Les fecours que des Gens de Lettres pourroient
fe donner reciproquement , & les
idées qui viendroient encore par la communication
de plufieurs pieces relatives au
fujet que l'on traiteroit , rectifieroient ce
qui fe trouve d'imparfait dans plufieurs endroits
de ce qui a parù , & feroit voir la
verité dans une évidence dont on pourroit
plus facilement profiter. Les ouvrages qui
vont paroître , & que le public attend avec
impatience , par la reputation & le merite
de ceux qui en font les auteurs , éclairciront
des faits par les details qu'ils rapportent
, qui font tres intereffans , & qui non
feulentent fatisferont la curiofité ; mais qui
feront très infructifs & très utiles ; puifqu'on
DE NOVEMBRE. 25
qu'on y verra les changemens arrivés dans
la poffeffion des Provinces de France avec la
maniere dont les François ont fait la guerre
dans tous les temps , & dont leurs armées
étoient formées : connoiffances avantageufes
pour le gouvernement & pour l'armée ,
& utiles à l'Etat . Il feroit à fouhaiter que
Pon entreprit à cet exemple des traités fur
d'autres fujets ; & que les bons ouvriers
qui ont commencé continuaffent , & que
ceux que l'on a propofé de faire travailler ,
executaffent un deffein dont l'idée marque
l'amour pour la verité & pour la patrie , &
auquel tous les honneftes gens doivent fe
faire un plaifir & un honneur de concourir.
On le doit à la verité à la gloire de la
Nation , & à l'utilité qui en peut revenir au
Public.
-Les fçavans Religieux , qui ont donné un
fi grand nombre de pieces , & dont on a tiré
tant de lumieres pour l'hiftoire , & pour la
connoiffance des murs & des ufages ,
continuant , comme ils font , donnent fujet
de croire que par les anciens titres qui font
dans les Abbayes de leur Ordre , on verra
dans leurs ouvrages des particularités qui
regardent les Maifons du Royaume , qui
enrichiront l'hiftoire des Provinces . Il feroit
à fouhaiter qu'un Autheur qui eft auffi
diftingué par fon merite , qu'il l'eft par fa
naiffance , dont l'érudition eft connue par
C
26
LE
MERCURE
plufieurs ouvrages , & qui poffede parfaitement
l'antiquité , voulut donner quelquesremarques
; perfonne n'eft plus capable
d'en faire le choix , & ne peut les traiter
plus noblement. On peut en juger par tout
ce que l'on a vu de luy. L'ouvrage qui indique
les fources où l'on pourra trouver ce
qui regarde la connoiffance de l'hiftoire de
France , fera d'un fi grand fecours , que
le
Public doit en être infiniment obligé à
P'Autheur ; Il le fera beaucoup à celuy qui
continue le deffein du Pere Anfelme Auguftin
Déchauffé , de donner l'hiftoire des
anciens Ducs , Comtes , Barons de France ,
fes additions aux grands Officiers de la
Couronne ; & toutes fes remarques apprendront
un grand nombre de particularités
qui feront connoître ceux qui ont poffedé
les Charges , & dont il eft parlé dans l'hiftoire
; il en reviendra une grande utilité &
une grande fatisfaction : il a un voifin qui
poffede une infinité de particularités qui regardent
l'hiſtoire de France ; le goût qu'il a
toûjours eu pour cette litterature , & fa
Charge , luy ont donné occafion d'acquerir
de grandes connoiffances de ce qui peut y
avoir rapport, qu'il joint à un merite qui le
rend très eftimable. L'Autheur de quelques
differtations qui ont paru , parmi lesquelles
il y en aune für P'origine des Rois de la troifiéme
Race , a de fi grandes lumieres fur
DE NOVEMBRE. 27
P'hiſtoire de France , que ce feroit un grand
bonheur le Public d'avoir de les oupour
vrages. Ce que Monfieur de Gagnieres &
M' . d'Hozier ont affemblé &donné auRoy,
peut fournir des connoiffances très utiles , de
même que ce que Mr Rouffeau a remarqué
de la Chambre des Comptes . Ceux quifont
defignés dans cette Lettre par des traits qui
les caratterifent , font M. l'Abbé de Longueruë
, M.ľ Abbé de Camps , le P. Daniel Jefuite
, les PP. Benedictins de la Congregation
de faint Maur , le P. Tournemine Jefuite ,
le P. le Long de l'Oratoire , le P. Ange Augustin
Déchauffé , M. de Clerambaud , M.
PAbbé des Thuleries.
L
Adéconverte des caufes generales d'un effet
excite plus la curiofité d'un Philofophe,
qu'elle ne la fatisfait. La connoiſſance qu'il
croit avoir acquife l'engage à obferver plus:
exactement cet effet , & il y remarque fouvent
des varietez qui l'obligent à de nouvelles recherches
; elles font même douter de la verité
de ce qu'il croyoit avoir trouvé. C'est ce qui
arriva à ceux qui connurent les premiers ,
que la pefanteur de l'eau étoit la caufe des
effets qu'on attribuoit à l'horreur du vuide.
Ayant obfervé avec exactitude les changemens
du Baromêtre , ils furent ſurpris de voir
que le vif-argent y étoit moins hau dans les
tempspluvieux, que lors que l'air étoit ferein.
Cij
28 LE MERCURE
Cette obfervation les embarraſſa ; car accoutumez
à juger de la pesanteur de l'air par
leurs fens , ils ne pouvoient croire qu'il fût
plus pefant lorfqu'il étoit moins fenfible . Cependant
comme leur découverte étoit prouvée
par une infinité d'experiences , ils ne purent
Je refoudre à l'abandonner. On s'appliqua
avecsoin à chercher ce qui pouvoit diminser
la pefanteur de l'air , lorfqu'il paroiffoit le
plus chargé de nuages , & toutes les recherches
fe terminerent à des conjectures fort incertaines
. Ily a quelques années que M. Leibnitz
propofa une explication nouvelle de ce
Phenomene : Elle parut fort ingenienſe aux
plus habiles Phyficiens ; mais M. Defaguilliers
de la focieté Royale de Londres , l'ayant
examinée avecfoin , crut en avoir découvert·
le foible. Ces objections ayant été vûës par
un Philofophe , il m'a communiqué fes reflexions.
Fefpere que le Public me fçauragréde
luy en faire part.
Des caufes qui peuvent diminuer lapesanteur
de l'air , lorsqu'il paroît le plus chargé
de nuages.
Ue l'air foit pefant , que par fa pefan-
QUEteur il foutienne le vif- argent dans le
Barometre , & que la hauteur du vif-argent
fuive les changemens qui arrivent à la pefanteur
de l'air ; qu'elle foit plus grande ,
lorfque Pair eft plus pefant ; qu'elle foir
DE NOVEMBRE. 29
moindre , lorfque fon poids eft diminué , ce
font des faits dont aucun Philofophe ne
doute Mais , pourquoi l'air eft- il moins
pelant lorfqu'il eft chargé de vapeurs , qui
font prêtes de produire une pluie abondante
, que lorfqu'il eft ferein ? c'eft un effet
dont la caufe ne paroît pas encore bien
connue .
Le celebre M. Leibnitz entreprit , il y a
quelques années , d'en donner la raifon :
voici quelles furent fes conjectures.
Lorfqu'un poids foutenu par un liquide ,
ceffe de l'être , & tombe par la force de fa
pefanteur , il preffe moins l'apui du liquide
, que lorsqu'il y étoit foutenu .
Pour le prouver il propofa cette experience.
Que l'on attache avec un fil deux corps,
dont la pefanteur fpecifique de l'un foit
moindre , & celle de l'autre plus grande que
la pefanteur fpecifique de l'eau: Que le poids
de ces deux corps unis enfemble , foit à peu
près égal à celui d'un pareil volume d'eau ;
fi on les met dans l'eau , ils s'y enfonceront
prefque entierement . Que l'on attache le
tuyau qui contient l'eau dans laquelle ils
font à l'un des bras d'une balance , & que
l'on charge l'autre bras de la balance d'un
poids qui faffe équilibre avec le tuyau , & ce
qu'il contient; filorfque l'équilibre fera parfait
, on coupe le fil qui unit ces deux corps,
Ciij
30 LE MERCURE
le liege , par exemple , & l'antimoine , le
lege montera , & fera moins enfoncé dans
l'eau qu'auparavant, & l'antimoine tombera
au fonds du vaiffeau. Pendant fa chute l'équilibre
ceffera , & le bras de la balance auquel
le tuyau eft attaché , s'élevera.
Cette experience a été confirmée par
Mellieurs Ramaffini Profeffeur à Padouë ,
& de Reaumur de l'Academie Royale des
Sciences .
Il en fait ainfi l'application à la queſtion
qu'il avoit entrepris de refoudre.
Lorsque l'air eft ferein , les vapeurs y font
foutenues ; lorfqu'il eft nebuleux & que la
pluie fe forme , elles defcendent ; elles doivent
donc moins preffer la furface de la terre
& le poids de l'air affoibli par leur chute, ſoûtenir
le vif-argent à une moindre hauteur.
M. Defaguilliers avoue que l'experience
de M. Leibnitz eft veritable; mais il prétend
que ce n'eft point , parce qu'un corps plongé
dans un liquide , agit moins fur le fonds.
d'un vaiffeau pendan: fa chute , que lorfqu'il
y eft foutenu : car , ajoute- t- il , fi on
tient une boule d'antimoine fufpenduë avec
un fil au milieu de l'eau contenue dans un
vaiffeau, que l'on mette ce vaiffeau en équi-
79.
Hiftoire de l'Academie , de 1711 page 4.
Experiences Phyfico Mathematiques , pag.
DE NOVEMBRE .
•
libre , comme dans l'experience de M. Leibnitz
, foit que l'on éleve la boule d'antimoi
ne , foit qu'on la laiffe defcendre plus bas ,
l'équilibre fubfiftera , jufqu'à ce qu'elle touche
le fonds du vaiffeau ; fi l'on coupe le fil,
l'antimoine tombera , & pendant la chute,
le bras de la balance auquel le tuyau eft attaché,
s'abbaiffera plutôt qu'il ne s'élevera .
Quant à l'experience de M. Leibnitz ,
voici la raifon qu'il en donne.
Lorfque le liege & l'antimoine étoient
attachés enſemble , ils formoient un tout
qui étoit de même pefanteur fpécifique que
Feau ; & ils y étoient tellement enfoncés
que leur furface fuperieure étoit de niveau
avec celle de l'eau. Lorfqu'on a coupé le fil
qui les uniffoit , le liege monte, & n'eft plus
enfoncé qu'en partie : l'eau devient donc
moins haute qu'auparavant . Or , les li
queurs pelent fuivant leur hauteur , lorfque
-la bafe eft la même ; le fonds du vaiffeau
fera donc moins preffé pendant la chute de
3
*
l'antimoine.
Quoique les fentimens de ces Autheurs
paroiffent oppofés , il me femble qu'il y a
du vrai dans l'un & dans l'autre , & que l'on
peut dire, qu'un corps plongé dans un liquide
, preffe moins , & ne preffe pas moins le
fonds du vaiffeau pendant fa chute, que lors
qu'il y eft foûtenu.
Il n'y en a que le quart.
Bij
132 LE MERCURE
Car , lorfqu'un corps plongé dans un liquide
, eft foutenu par une force qui n'agit
point fur le vaiffeau , & qui n'eſt point foùtenuë
par le liquide , il ne peſe pas meins
fur le fond du vaiffeau pendant fa chute ,
que lorfqu'il y eft foûtenu . Ainfi , quand je
tiens une boule d'antimoine fufpenduë avec
un fil au milieu de l'eau , fon action fur le
fond du vaiffeau est la même , & lorfque je
l'empêche de tomber , & lorfqu'elle tombe,
le fil étant coupé.
Mais , lorfqu'un corps eft foûtenu dans
un liquide par une force qui agit fur le liquide
, & qui en eft elle- même foûtenuë.
il agit plus fortement fur le fond du vaiffeau
, que lorfqu'il tombe .
Airfi , dans l'experience de M. Leibnitz ,
l'antimoine ne demeurant au milieu de l'eau,
que parce que le liege auquel il eft attaché ,
l'empêche de tomber , & le liege étant ſoûtenu
par l'eau, l'antimoine doit moins preffer
le fonds du vaiffeau pendant fa chute ,
que lorfqu'il ne pouvoit defcendre.
La preuve de ces deux propofitions dépend
de ce principe : lorfqu'un corps eft
plongé dans un liquide , dans l'eau par
exemple, il perd autant de fon poids , que
pefe un volume d'eau qui lui eſt égal ; il le
perd entierement , s'il eft de même pefanteur;
en partie feulement , s'il eft plus pefant
que ce volume d'eau. Lorfqu'on dit
DE NOVEMBRE. 33
qu'un corps entierement plongé dans l'eau,
perd autant de fon poids , que pefe ce volume
d'eau qui lui eft égal , on ne prétend pas
qu'il foit réellement moins pefant ; mais
que celui qui le foûtient , fans agir fur le
vaiffeau dans lequel eft l'eau , fent feulement
autant de pefanteur , que le poids de
ce corps furpaffe celui de ce volume d'eau.
On ne s'arrêtera point à prouver la ve
rité de ce principe : elle a été demontrée par
tous ceux qui ont traité des folides plongés
dans les liquides .
De ce principe il ſuit.
ro. Que lorfque je tiens une boule d'antimoine
fufpendue avec un fil au milieu de
l'eau , je ne dois fentir que l'excès du poids
de l'antimoine pardeffus celui d'un volume
d'eau qui lui eft égal. L'antimoine eft quatre
fois plus pefant que l'eau : Je ne fentirai
donc que la pefanteur de trois onces ,
s'il en pele quatre.
2°. Que la preffion de l'antimoine fur le
fonds du vaiffeau ne fera que d'une once ';
car , le fonds du vafe foûtenant l'eau , laquelle
outient l'antimoine , il ne doit agir
fur le fond du vaiffeau , qu'autant qu'il cft
foûtenu par l'eau ; fa preffion ne pouvant
être communiquée au fonds du vaiffeau que
par l'entremife de l'eau. Or l'eau ne feutient
qu'une once de fon poids.
3º. Si l'on coupe le fil avec lequel je le
34 LE MERCURE
foutenois ( l'antimoine ) il tombera ; & pendant
fa chute , il agira fur le fonds du vaiffeau
avec la même force qu'auparavant ; car
il n'agira fur le fonds du vaiffeau , qu'autant
que l'eau le foutient , & qu'elle refifte
à fa chute. Or , elle ne le foutient qu'avec
la force d'une once , puifqu'elle ne lui fait
perdre que cette partie de fon poids, comme
l'experience le prouve.
*
4. Lorfque Pantimoine & le liege attachés
l'un à l'autre , formeront une maffe de
même pefanteur fpecifique que l'eau , ils
s'y enfonceront entierement , & le fonds du
vaiffeau portera tout le poids de l'un & de
Pautre ; car alors ils font foutenus par l'eau
feule , & le fonds du vaiffeau foûtient
P'eau .
le
Mais , fi-tôt qu'on aura coupé le fil qui
les uniffoit , l'antimoine tombera ; l'eau ne
foutiendra donc plus tout fon poids , mais
quart feulement il n'agira donc plus fur
le fond du vaiffeau avec toute fa pefanteur,
mais feulement avec le quart qui eft la parrie
que l'eau foutient : il pefera donc moins
fur le fonds du vafe , que lorfqu'il étoit
joint avec le liege.
Ces principes pofés , il eft aifé d'appliquer
l'experience de M. Leibnitz à l'effet
dont il s'eft propofé de faire connoître la
Cauſe .
* M. Defaguilliers. 161
DE NOVEMBRE . 35
Dans un temps ferein les vapeurs font
foutenues dans l'air . Suppofons qu'elles n'y
foient en équilibre que parce qu'elles font
unics avec un corps plus leger qu'elles , de
la méme maniere que l'antimoine ne reftoit
dans l'eau fans aller au fonds , que parce
qu'il étoit joint au liege. Comme Pantimoine
attaché au liege agiffoit avec tout fon
poids fur le fonds du vaiffeau , les vapeurs
jointes avec ce corps plus leger qui les met
en état d'étre en équilibre dans l'air , prefferont
la furface de la terre avec toute leur
pefanteur. L'antimoine détaché du liege
tombe ; & pendant fa chute il n'agit plus
avec tout fon poids fur le fonds du vaſe :
les vapeurs degagées du corps plus leger ,
auquel elles étoient unies , doivent defcendre
, & n'agir plus avec tout leur poids fur
la furface de la terre . Comme donc l'eau
preffe moins le fonds du vaiffeau pendant la
chute de l'antimoine , que lorfqu'elle le
foûtenoit , Pair par la même raifon , agira
avec moins de force contre la furface de la
terre pendant la chute des vapeurs , que
lorfqu'elles y étoient en équilibre , & par
confequent il foutiendra le vif argent à une
moindre hauteur.
On me dira peut- être que je fuppofe ,
fans le prouver , que les vapeurs font
unies avec un corps plus leger , & que je
a'explique point comment il s'en fepare
3.6
LE
MERCURE
•
La premiere queſtion paroît aisée à refoudre.
Les vapeurs , qui font dans l'air
lorfqu'il eft ferein , ne font que des petites
parties d'eau glacées ; car , elles font alors
autant éloignées de la furface de la terre ,
que le fommet des montagnes fur qui la
neige fe conferve même dans les plus grandes
chaleurs de l'été . D'ailleurs l'experience
nous apprend tous les jours que les vapeurs
qui tombent en pluie au pied des montagnes
, ne donnent fur leurs cimes que
de la neige ou des frimats. Ces petites
parties font donc roides & inflexibles ;
elles ne peuvent donc s'unir fi étroitement
les unes avec les autres , qu'elles ne laiffent
entr'elles plufieurs efpaces qui feront neceffairement
remplis d'une matiere plus
fubtile . S'il reftoit encore quelque doute ,
F'infpection feule de la neige pourroit le
refoudre ; car les parties qui en compofent
les floccons , font toûjours fort écartées les
unes des autres .
Il n'eft pas plus difficile d'expliquer conïment
ce corps plus leger que les vapeurs ,
les quitte.
Lorfque la chaleur agit fur un corps compolé
de parties de differentes groffeurs ,
& plus aifées à mettre en mouvement les
unes que
les autres , les plus fubtiles reçoivent
plus d'agitation que les autres , & s'en
dégagent.
DE NOVEMBRE.
37
>
Lorfqu'on fait la diftillation du vin , les
parties fpititeufes qui forment l'eau de vic,
s'élevent & montent au haut du chapiteau ,
pendant que l'eau , les fels , & les huiles
groffieres , demeurent au fonds du vaiffeau,
Dans la partie Septentrionale de la terre
la pluïe eft ordinairement precedée , & accompagnée
d'un vent du Sud ou Sud-Ouest.
Ces vents font ici plus chauds , que ceux
du Nord qui glacent les vapeurs dans l'air :
ils doivent donc rarefier l'air contenu entre
les parties des vapeurs , & lui donner
une agitation confiderable , pendant que
les parties des vapeurs commenceront à
peine d'être ébranlées . Cet air rarefié &
agité quittera donc les vapeurs , de la même
maniere que l'eau de vie fe dégage des
autres parties du vin. Ces vents chauds continuant
, redonneront enfin la liquidité aux
parties des vapeurs , les raprocheront les
unes des autres , & aideront encore par ce
mouvement communiqué aux vapeurs , les
corps plus legers qui étoient entr'elles , à
s'en dégager ; car leur effet fera femblable
à celui du feu fur la neige , lequel en la
fondant , unit fes parties plus étroitement
& chaffe l'air qui étoit entr'elles.
୧୬
38
LE
MERCURE
La magnificence des Fêtes qui fe font données
à Drefden , à l'occafion du Mariage da
Prince Electoral avec l'Archiducheffe Fo-
Sephine , demande au moins un Chapitre
particulier du Mercure. C'eſt ce qui nous
engage à en donner une defcription plus
exacte & mieux détaillée , que ce que l'on
a vûfi imparfaitement dans les Gazettes
ordinaires. Nous en avons même parléfi
legerement dans notre Recueil d'Ottobre
que le lecteur me fçaura peut- être gré de
le faire jouir du Spectacle de ces Fêtes , depuis
leur commencement , jusqu'à la fin .
JOURNAL
Des Fêtes données à Drefden , depuis le 2
Septembre 1719.
E
Tant arrivés à Drefden le 2 Septembre , environ
à huit heures du matin , nous trouvâmes
l'Infanterie rangée en haïe par toutes les
rues & les grandes Places par où l'Archidu
cheffe devoit paffer. Une heure aprés , le Roy
à cheval entouré de 4 Turcs à pied , trésmagnifiquement
habillé , & faivi d'un grand
nombre de Seigneurs & de Courtifans , alla audevant
de l'Archiducheffe qui arriva à un quart
de lieuë de la Ville , fur un Bucentaure tous
>
DE NOVEMBRE. E
brillant de dorure : La Princeffe y mit pied à
terre fous des tentes Turques richement brodées.
S. M. aprés l'avoir reçûe , revint au Chateau
; mais l'Archiducheffe déjeuna fous les tentes
, aprés quoi l'entrée fe fit dans l'ordre , tel
que nous le marquerons par dattes .
Avant que d'entrer dans le détail de ces circonftances
, l'on ne craindra point d'avancer
que tout fe paffa , non feulement avec la derniere
magnificence , mais encore avec un ordre
furprenant , & fi peu attendu dans ces fortes
de rencontres . Toutes les portes de la Ville
furent fermées dés les 4 heures , & perfonne
n'ofa paroître dans les rues par où l'on devoir
faire l'entrée , de maniere que les Peuples eurent
le plaifir d'en voir à leur aife tout l'éclat .
On ne dira rien non plus de la magnificence
des Equipages & Livrées ; on fe contentera feulement
, pour en donner une legere idée , de
dire que le Caroffe , dans lequel étoit l'Archiducheffe
, a coûté à Paris , avec les harnois des
chevaux , cent mille écus : Que l'habit pourpre
que portoit le Roi , a été eftimé un million &
demi d'écus , à caufe des boutons de diamans
& que tout le refte répondoit parfaitement a la
grandeur de la Fête.
>
L'Archiduchefſe , en arrivant au Chateau ,
fut reçue par le Roi , qui étoit entouré de Princes
Etrangers , du Confeil , & des principaux
Seigneurs . S. M. mena la Princeffe dans l'apartement
de la Reine à qui elle baifa la main
aprés quoi chacun fe retira chés foi ; ainfi fe
paffa la premiere journée .
Le 3 Septembre fut un jour de ceremonie ,
le Roi ayant dîné en public à une table magnifiquement
fervie avec la Reine feule . Lt
Prince Electoral & l'Archiducheffe , étoient
placés aux deux bouts de la table ; le Roi &
,
40 LE MERCURE
la Reine au milieu. Les Princes Etrangers retournerent
' au Palais , où le Roi leur fit fervir
à chacun une table par fes Officiers . Nous allâmes
à la Cour environ à 11 heures , avec le
Prince de Heffe & le Comte de Flodroff , qui
nous prefenterent à tous les premiers Miniftres
& Seigneurs de la Cour : Nous en fumes
reçûs avec beaucoup de politefle . Une heure
aprés , le Roi étant forti de fa chambre , Monfieur
le Comte deVitzduhm, Grand Chambellan ,.
nous prefenta à Sa Majefté qui nous fit un accueil
très gracieux , & qui nous parla prés d'un
quart d'heure. Quelque temps aprés , la Reine
& l'Archiduchelle étant venues on fe mit à
table , de la maniere dont on l'a déja dit , & il
y eut pendant le dîner une trés belle Mufique.
Outre la table du Roi , il y en avoit encore 7 ou
8 autres à la premiere defquelles étoient les
Dames de la Cour , avec le Comte de Dietrichſtein
& deux Seigneurs Autrichiens . A la
feconde , qui étoit celle du Maréchal de la
Couronne , etoient tous les Evêques & Seigneurs
Polonois , avec le Feld- Marêchal Flemming.
A la troifiéme , qui étoit celle du grand
Maréchal Lefvendohl , fe trouverent Milord
Wincheſter & moi avec plufieurs Miniftres
Etrangers & autres : Enfin , il y eut un grand
nombre de gens de Cour & d'Etrangers à la
table du Comte de Vitzduhm , Grand- Chambellan
, comme à celle du Maréchal Bar de
Coole . Aprés le diner , chacun fe retira jufqu'à
7 heures du foir , qu'il y eut une paftorale ,
dans laquelle la Lotti Berecelli , mais furtout
Cenefino , fe firent admirer par la beauté de leurs
voix. Nous foupâmes le foir à la grande Treforerie
de la Couronne , Madame Brebendowſki ,
avec le Feld - Maréchal Comte de Flemming ,
Madame la grande Generale Poccy , le Prince
Lubomirski , & c.
›
,
Le
DE NOVEMBRE. 41
Le 4 Septembre nous montâmes à cheval à
6 heures du matin avec le Comte de Flemming,
le General Bauditz , &c. pour voir 5 à 6000
hommes d'Infanterie , & environ 1500 chevaux
, qu'on avoit fait venir ici pour la ceremonie
, & qui retournerent à leurs quartiers.
Nous dinâmes chez le Feld - Marêchal , & l'on
fe rendit enfuite à la Cour , pour voir le grand
Bal qui commença environ à 9 heures , & qui
dura jufqu'à deux heures aprés minuit . Le Bal
fe donna dans une grande fale trés - bien illuminée.
Le Roi , la Reine , le Prince & la Princeffe
étoient affis fur le Trône fous un Dais . A la
droite , à côté du Trône , étoient rangés plu
fieurs Princes A la gauche , la Princeffe de
Weiffenfels & de Gumbach , avec les Seigneurs
Polonnois. Environ 130 Dames en Robes, étoient
affifes des deux côtés le long de la fale où l'on
danfoit. On voyoit derriere elles , fur des bancs
en forme d'amphitheatre , un grand nombre d'Etrangers
, & de Dames de la Ville ..
:
> Le Roi commença le Bal avec la Reine
précedé de 20 Chambellans , & d'un pareil nombre
de Seigneurs de la Cour , qui danſoient deux
à deux avec beaucoup de gravité . Tous ces Meffieurs
étoient fuivis d'autant de Dames . Le Roi
danfa enfuite avec le Prince & l'Archiducheffe :
la Reine en fit autant , aprés quoi le Prince &
la Princeffe danfelent le menuet. Quelques
Princes Allemands & les deux Princeffes , firent
de même ; aprés cela on danfa les Polonnoifes ,
& à la fin du Bal un grand nombre de Dames
& Seigneurs , les contred anfes Angloifes .
La Reine fe retira de bonne heure , mais le
Roi refta prefque jufqu'à la fin du Bal .
Le 5 Septembre nous rendimes & reçûmes
quelques vifites ; & aprés avoir refté un mo
ment à la Cour nous allâmes dîner chez Is
D
42 LE MERCURE
Comte Vitzduhm , avec quelques Seigneurs Au
trichiens & quelques Princes Polonnois. Ce
Seigneur nous fit faire grande chere , & nous
fit boire de l'excellent.vin d'Hongrie , mais modevément
, le Roi n'ayant permis de s'enyvrer
qu'au 29. Ce foir , il n'y aura point d'autres
plaifir à la Cour , qu'une Tragedie nommée
Arrira , avec un Ballet .
où Le 6 Septembre on fe rendit à l'endroit ,
devoit fe faire le combat des bêtes Sauvages.
Le Roi , le Prince , & la Princeflc , s'y trou
verent dans une grande fal'e , où il y avoit
plufieurs Tables remplies de confitures & de
rafraichiffemens . Nous eumes peine à trouver
place dans cette falle , tant il y avoit de monde.
Les Dames de la Ville , & grand nombre.
d'Etrangers , étoient rangés fur des balcons à
3 étages , qui entouroient toute la Place . Nous
y trouvâmes 3 Taureaux , & un autre appellé
Auru Ochb , d'une prodigieufe grandeur & figure.
Ces Taureaux s'entre regardoient affez.
pailiblement , mais ils ne laifferent pas de renverier
deux figures d'hommes , faites de carton..
Quelques temps aptés , on fit entrer un beau
Cheval entier , qui alla droit au grand Taureau:
pour l'attaquer , mais d'un feul coup de corne ,
il fut mis hors de combat pour le refte du jour.
1 parut enfuite une Lionne , un Tigre & un
Lion ; mais tout cela ne fit pas grand mal . Les
deux premiers couroient de ça & de - là , paroiffant
avoir peur , & le Lion , pendant ce manege,
fe couchoit tranquillement . On auroit dit qu'il
n'étoit que fpectateur & Juge du combat.
" On tâcha , aprés cela ju'qu'à 6. Ours , qui
pour fe difputer un petit bafin d'eau qui étoit
au milieu de la Place , fe firent entr'eux le plus
grand mal. Ils ne laifferent pas de combattre
encore plufieurs fois contre un des Taureaux
DE NOVEMBRE. 43
ordinaires , qui étoit furieux , & qui les renverfa
l'un aprés l'autre . Il parut enfuite un
Singe des plus gros & des plus laids que j'aye
jamais vû , qui effaya plufieurs fois , mais envain
, de monter le balcon . Il attaqua un des
Ours , & le renverfa , chaffa le Tigre tout à
l'entour de la Place , & combattit avec avantage
un des Sangliers , de 7 ou 8 que l'on fir
entrer pour la conclufion de la Fête. Le Roi
les tua tous à coup de balles , à l'exceptiond'un
que le Lion étrangla en paffant , & d'un autre
qui fut bleflé à mort puis entraîné dans
le baffin d'eau par un des Ours . Ainfi finit cette
Fête , d'où l'on alla à la Comedie Italienne. Un
fort bon Arlequin & un excellent Pantalon
s'y firent admirer.
>
Le 7 Septembre on joüa la même Paftorale:
qui avoit efté reprefentée le 3 .
>
&
Le 8 on fit une courfe de Bague au Chateau
dans une Cour trés -fpacieufe , & trés ppropre à
cette execution. Il y avoit un grand nombre
de Dames , rangées dans la gallerie , & les maifons
qui donnent fur cette Place . A une heure ,
le Roi habillé de drap d'or brodé d'or , & monte
fur un très beau Cheval , precedé d'un Heraule
d'Armes , & entouré d'une grande quantité de
Mores & de Janiffaires , entra dans la lice ,
fit le tour de toute la Place faivi du Prince
Electoral , du Prince de Veiffenfels , d'un Prince:
de Barby , & de leurs Chevaux de main trésrichement
caparaçonnés . Ces 4 Princes étoient
les 4 foûtencurs . Une demi - heure aprés , arri
verent les 48 Chevaliers avanturiers , conduits
par les Princes de Heffe- Caffel & Wirtemberg.
Les principaux des Chevaliers , étoient less
Comtes de Vitzduḥm , Watzdorff , Bauditza /
Rakenitz, Frieffe , avec quelques jeunes Seigneurs
Polonnois , & plufieurs jeunes gens de la Cours
Dij
144 LE MERCURE
1
Tous ces Chevaliers firent pareillement le
tour de la Place avec leurs Chevaux de main ,
menés par les Palfreniers ; le tout , de la derniere
magnificence.
Chacun des Chevaliers ayant été rangé en fon
ordre le Roi & le Prince commencerent à
courir la Bague . Ces 2 Princes furent ſuivis de
ceux de Weiffenfels & de Barby , & par les
Princes de Heffe & de Wirtemberg , enfuite de
tous les autres Seigneurs , deux à deux , jufqu'à
ce que le tour fut fait. Aprés quoi les Chevaliers
avanturiers coururent l'un aprés l'autre
contre les 4 fouteneurs . La courfe ne finit qu'à
prés de 7 heures du foir ; mais , comme les
Chevaliers n'ont pas encore tous couru , on l'a
remife à demain 9 heures du matin . En attens
dant , on dira que le Roi , le Prince , le Comte
de Vitzduhm & le jeune Comte de Watzdorff ,
font ceux qui ont couru avec le plus de fuccès .
A huit heures , on alla à la Comedie Italienne.
Aprés cela, nous foupâmes chez le Comte Las
gnafque avec le Prince Guillaume , & autres
Seigneurs. Le Roy y vinr , comme par hazard ,
& l'on y but copieufement jufqu'à deux heures
aprés minuit .
Le 9. Septembre nous fûmes éveillés à neuf
heures du matin par le Prince de Heffe & le
Comte Maurice de Saxe , que le Roy avoit fais
lever à cinq pour une repetition du Carouſel .
La courfe de Bague , que l'on n'avoit pû finir le
jour precedent , recommença de la même maniere
, & continua jufqu'à deux heures après
midy. Le Feld Marêchal Flemming , le Grand
Marechal Lowendahl , le Comte Manteufel , &
un autre Confeiller privé , étoient les Juges . Le
Comte de Vitzduhm remp rta le premier prix ;
le Roy , le fecond ; le Prince de Veiffenfels , le
aroifieme ; & le Marêchal Raczenitz , le quar
DE NOVEMBRE.
45
triéme ; ainſi finit cette fête. On reprefenta enfuite
l'inconnu , Comedie de M. des Touches ,
avec plufieurs Ballets.
Le 10 , Septembre , qui étoit le grand jour de
Gula , & le commencement des grandes fêtes ,
les precedentes n'ayant été que des préliminai
res , il y eut à la Cour un concours prodigieux
de Seigneurs & d'Etrangers qui parurent avec
des habits brodés de pied en cap , & tous dorés.
On alla dîner à la falle , & entre 2 & 3 cha
cun fe rendit à la maifon des Indes , fituée dans
le vieux Drefden . Cette maifon étoit très magnifiquement
meublée à la Chinoife , & l'on y
voyoit tout ce qu'il y a de plus beau en porcelaines
. Le Palais , le jardin qui donne fur le bord
de l'Elbe , & les maifons voifines , étoient remplis
de mondejufqu'aux toits . Cinq heures après-
L. M. & L. A. R. s'étant placées fur des fauteuils
fous un dais , & les perfonnes de la premiere
qualité des deux fexes , fur des bancs ,
à côté dans le jardin , l'on vit defcendre Jupiter
avec Diane , Mars & Mercure à fa droite , Venus
, Saturne , & Apollon à fa gauche , qui furent
reprefentés par les meilleurs chanteurs &
cantatrices , pour annoncer la fête que chacun
devoit donner pour les divertiff ments de la Princeffe
; comme le Soleil on Apollon , le feu d'artifice
; Diane , une chaffe de cerfs qui feront
forcés & tués à coups de fufil dans l'Elbe ; Mars ,
le grand Tournois ; Mercure , une Foire , où l'on
fera marqué , & où l'on achetera fans argent ;
Jupiter , un Carouſel , ou combat des quatre Elemens
: Venus , une fète de Dames qui courront
La bague en chariot , accompagnées de deux Chevaliers
; & Saturne , la fête des Mineurs , qui ila
au nombre de douze cens , reduiront dans un
moment en jardin la place où fera fait le Caroufel.
Après le concert , le Roy fuivi de toute la
46 LE MERCURE
Cour , alla jouer à nne espece de Mail ou à Trow,
& fur la fin du jour on entra dans le Palais . Le
Roy , la Reine , le Prince , & l'Archiducheffe ,
fouperent feuls en ceremonie à une grande table
magnifiquement fervie. Outre celle là , il y eh
eut encore 7 ou 8 autres de 20 couverts chacune
, pour les Seigneurs & Dames de la Cour.
Le fouper fini , le Comte de Wackerbarth ,
Grand Maître de l'Artillerie , ayant donné le
fignal , le feu d'artifice s'executa avec le plus
grand fuccès , & la plus grande magnificence du
monde. (Ce feu a couté 15000 écus . ) Le Châ
teau étoit illuminé de tous les côtez , & les deux
flotilles faifoient un très bel effet . Quoique ce
feu ait duré près de deux heures , il n'y a prefque
eu aucun vuide. A minuit , chacun fe retira.
Le Septembre on reprefenta une Comedie
intitulée Hypermneftre. Les Heraults d'armes publierent
ce jour là l'appel & le reglement du
Tournois par les rues , pour la fête qui doit
commencer deinain à midi dans la grande Place ',
fur laquelle il y a plufieurs loges bâties pour
les fpectateurs.
Le 12 Septembre étant le jour du grand Carou
fel , fête que le Dieu Mars donnoit pour le divertiffement
de la Princeffe : tout le monde déjeuna
de bonne heure , pour pouvoir fe rendre
à midy fur la grande Place , où devoit fe faire
le Caroufel. C'étoit un grand marché , quarré ,
environné de bâtimens . Quatre grandes portes
de triomphe avec des ftatues dorées , avoient été
érigées aux quatre coins , & entre deux portes
fe trouvoit une loge magnifique , dans l'une defquelles
le Roy & toute fa Cour avoit pris place :
Dans la feconde ,le Nonce , les Princes & les
Seigneurs Polonois : Dans la troifiéme , les Dames
de qualité ; & dans la quatrième , les Miniftres
& Seigneurs Etrangers..
DE NOVEMBRE. 47
L'on avoit depavé la Place , pour en couvrir
de planches- le milieu qui étoit feparé par une
petite barriere , pour le combat où tournois à
pied. Le long de ces planches fe trouvoient
deux carrieres feparées par une muraille aflez
haute , afin d'ôter à un Chevalier la facilité de
voir la tête d'un autre. Le Roy , la Reine , le
Prince & la. Princeffe , s'étant rendus entre deux
& trois heures fur la Place dans des chaifes à
porteurs , l'entrée le fit de la maniere fuivante .
Après un fignal de trois coups de canon , on
vit entrer par une des portes de Triomphe , à
peu près vis- à - vis du Roy , un Herault d'armes
à cheval , tout armé , avec un grand nombre.
de trompettes & timballes , fuivi de la premierequadrille
qui étoit rouge & argent , dont le
chef étoit le Prince de Weiffenfels , armé de
pied en cap , ayec fon cheval richement harnache
, & un plumet fur la tête de dix pieds de
hauteur pour le moins . Il étoit fuivi de quatre
Pages à cheval , habillés à peu près dans le même
goût , de deux hommes à pied qui portoient
la lance , & de fept autres Chevaliers , dont
chacun étoit habillé & monté de même , au:
grand plumet près , & ayant la même ſuite.
La feconde Quadrille , qui étoit jaune &
argent , & dont le Chef étoit le Comte de
Vitzduhm , fuivoit la premiere , precedée
pareillement de trompettes & de tymbales . Il y
avoit dans celle - ci un égal nombre de Chevaliers
habillés comme le Chef qui étoit ſuivi
d'autant de gens à cheval & à pied , tous armés ,
avec des lances à la main . Chacun des feize
Chevaliers qui étoient tous d'une Compagnie de
Cadets , ainfi que les autres Chevaliers , avoient
été obligés de faire preuve de nobleffe . Ils étoient
fuivis de plufieurs Compagnies de Piquiers ,.
Grenadiers & Soldats tous armés. Cette Troupe
40 LE MERCURE
à pied avoit au milieu d'elle un grand char de
triomphe , tiré par quatre chevaux caparaçonnés
de fer , & attelés de front , dans lequel étoit
le Dieu Mars , armé de pied en cap .
La troifiéme Quadrille bleue & argent , &
dont le General Baudy étoit le Chef , avec fes
Chevaliers de même que les precedents , fuivoit
cette Infanterie : enfuite là quatrième qui
étoit verte & argent , & dont le Maréchal Racknitz
étoit le Chef , finit la marche . La Qu
drille rouge fe rangea à la gauche du Roy , le
long de la moitié de la Barriere : la Bleue , à fa
droite , le long de l'autre moitié . La Jaune ,
vis - à -vis de la Rouge , & la Verte , vis à- vis de la
Bleue , le long de l'autre Barriere . Au milieu
de ces deux Quadrilles , par confequent , vis- àvis
de la Loge du Roi , étoit le Dieu Mars dans
fon Char. Les Quadrilles des Chevaliers à
pied s'étoient avancées jufques fur les planches
trois contre trois , & le long des deux autres
côtés du quarré , depuis la Quadrille rouge ,
jufqu'à la jaune , & depuis la bleue , jufqu'à la
verte , les Grenadiers au milieu , & les Soldats
fur les deux aîles , étoient rangés vis - à - vis l'une
de l'autre. La marche , ainfi que l'arrangement ,
fe fit avec beaucoup d'ordre , & fit un trés -bel
effet. Aprés que Mars eut lû l'appel , les trois
Meftres de Camp menerent un des Chevaliers
aprés l'autre à la Barriere. D'un côté les deux
Chefs de la Quadrille rouge & bleuë couroient
P'un contre l'autre ; & ceux de la jaune & de .
la verte , de l'autre ; enſuite , tous les Chevaliers
, deux à deux , jufqu'à 4 courfes. Il n'y
eut gueres de lances rompues ; cependant le
Prince de Weiffenfels remporta le premier prix.
Pendant qu'on fe battoit ainfi à Cheval , les Ca
ders à pied , trois contre trois combattoient à
coup de langes & de fabres. Le tour fait ( ce
qui
DE NOVEMBRE. 41
qui dura juſqu'à fix heures du foir ) les Cadets
avancerent tous en même temps ; & aprés
avoir rompu une lance , ils combatirent à Coup
de fabres . Pendant que les Chevaliers faifoient
la même manoeuvre , les Grenadiers jetterent
des grenades , & l'Infanterie chargea par pelo
tons , ce qui dura prés d'une demi - heure , au
grand divertiffement de tous les fpectateurs .
Ainfi finit cette grande Féte , fans autre accident
fâcheux , que la chute d'un des Chevaliers
nommé Breitenbach , de deffus fon Cheval , &
qui fe bleffa un peu . Le foir , on joiia Cinna
avec affez de fuccès.
Le 13 Septembre on reprefenta un grand
Opera , nommé Theophane , magnifique par les
decorations , les voix , & le fujet de la piece. Le
Roy y foupa avec le Prince & la Princeffe.
Le 14 Septembre étoit deftiné pour le Caroufel
; mais il fut differé à caufe du mauvais tems.
Le foir on joüa Tartuffe,
Le 1s Septembre à une heure après midi ,
nous nous rendîmes au petit jardin , proche du
Château , & nous nous plaçâmes dans un des
Pavillons , proche du Balcon du Roy , ou
fe trouverent toutes les femmes de la premiere
qualité. Le peuple étoit placé en forme d'amphitheatre
, fur des bancs , depuis ces Pavillons
jufqu'à terre ce qui produifit un très bel
effet . On avoit comblé tout ce Jardin ; & au
lieu d'arbres , l'on ; y voyoit des barrieres avec
des fontaines & feize piramides , rangées par quacomme
un jeu de quilles par trois . D'abord
il y parut une efpece de globe , qui re
prefenta le char dans lequel plufieurs Muficiens
& Chanteurs firent un concert . Cette machine
été détruite ayant , les quatre Elemens pa u
rent en forme de quatre Quadrilles . La premier
étoit le feu , dont le Roy même fut le Chef
tre ,
E
50
LE MERCURE
S. M. portoit un habit couleur de feu & or
& avoit pour plus de deux millions de pierreries
fur fon corps . Son cheval étoit harnaché
de la même couleur , & richement caparaçonné
à proportion. Devant le Roy marchoient les
Heraults d'armes , plufieurs Trompettes & Timbaliers
, grand nombre de gens à cheval & à
pied , tous habillés couleur de feu & or , avec
des torches à la main , & des efpeces de bonnets
en forme de feu , plufieurs chevaux de
main , & huit Chevaliers deux à deux , à peu
près habillés comine le Roy . Huit autres Chevaliers
fuivoient avec une fuite pareille à celle
qui précedoit. Cet Element fit plufieurs fois le
tour de la Place , après quoi il fe rangea à la
droite de la Loge, où fe trouvoient la Reine & la
Princeffe avec la Cour ; le Roy d'un côté de la
barriere... Le fecond Element étoit l'Eau , qui
avoit pour Chef le Prince Electoral , habillé de
bleu & argent , avec des poiffons brodés fur fon
habit , & un grand poiffon en forme de bonnet.
Huit Chevaliers le précedoient , huit autres le
fuivoient avec les Heraults , les Trompettes ,
chevaux de main , & c . ainfi qu'à la Quadrille du
Roy. Ils portoient de grands filets bleus & argent
à la main ; les houffes & couvertures des
chevaux étoient faites en forme de filets . Cet
Element fe rangea fous le Balcon du Roy , le
long de la Barriere .
Le troifiéme Element étoit la Terre , habillé
de brún & de verd. Plufieurs animaux portoient
des habits & des houffes brodées , & toute la
fuite portoit de petits paniers remplis de fruits,
en forme de bonnets fur la tête. Le Prince de
Weiffenfels en étoit le Chef , avec un pareil nombre
de Chevaliers & de gens à pied & à cheval.
Cet Element , après quelques tours , fe rangea
le long de la barriere a la gauche du Balcon du
DE NOVEMBRE.
SK
Roy , par confequent vis à vis du Feu.
Le quatriéme Element étoit l'Air : Il avoit un
nombre de figures d'oiſeaux à la main , fur les
habits & fur les houffes , & avoit pour Chef le
Prince de Wirtemberg. Entre feize Chevaliers
& une fuite pareille aux precedentes , cet Element
fe rangea , après quelques tours , vis -à- vis
de l'Eau , ainfi piés du Balcon où étoit la Cour.
Tout étant rangé & le fignal donné , les quatre
Chefs commencerent à courir dans la lice , où
les feize Piramides étoient rangées . On courut
1. la Bague ; enfuite on jetta deux carelots , &
à la fin on leva une boule de la terre avec l'épée .
Après les quatre Chefs , coururent quatre autres
Chevaliers , un de chaque Quadrille . Le tout fair
on en recommença une autre, & ainfi jufqu'à trois
fois après quoi le Roy , fans contredit le plus
adroit de fa Cour , alla recevoir trois prix de
Madame la Princeffe ; le Con feiller Bunaw , un ;
& M. Lowen , Gentilhomme de la Cour , un autre.
Enfuite le Feu courut contre la Terre , &
l'Eau contre l'Air , à coups de boules de terre
qu'on fe caffa l'un l'autre fur le dos . A la fin du
Caroufel , les 64 Chevaliers avec leurs quatre
Chefs à la tête , formoient des marches & contre
marches , en faifant des figures qui ne reflembloient
pas mal à une efpece de Ballet à cheval .
Les quatre Chefs mirent après cela pied à terre
avec leurs Chevaliers , & vinrent faluer la Princeffe
& les Dames dans les Pavillons. Toute la
fuite fe retira en ordre. On joua le foir la Comedie
Italienne , où les Chevaliers parurent avec
leurs habits d'Elemens , & où Arlequin ne les
tourna pas mal en ridicule .
Le 16 Septembre le Roy alla à la chaffe à
tirer , avec le Prince & la Princeffe . Il n'y eut
point d'autre divertiffement public ce jour - là .
Le 17 Septembre chacun fe rendit à une heure
Eij
52
LE MERCURE
dans un Jardin qui eft à un mille de la Ville,
& dont la maiſon étoit très magnifiquement meublée
à la Turque . Plufieurs Compagnies de Janniffaires
étoient rangées en haie , & tous les Domeftiques
en grand nombre , habillés à la Turque.
Après l'arrivée de la Reine & de la Princeffe ,
on alla voir fur un Theatre dans le Jardin ,
les forces d'Hercules , imitées par des gens que
l'on avoit fait venir de Venife pour cet effet ,
moyennant dix mille écus . Après fouper , on tira
´áu blanc ; & une fuſée s'éleyoit toutes les fois
qu'on avoit touché le noir . Il y eut un Bal en
attendant , mais fans aucune ceremonie .
Le 18 Septembre après dîner , S. M. donna
une grande chaffe fur l'Elbe . La fête commença
par un fort beau concert de mufique , au chant
de Diane & de quatre Nymphes , qui affifes fur
une Barque reprefentant leur char , traîné par
des chevaux marins , & non pas par des biches,
s'étoient
comme quelques imprimés l'ont dit ,
approchées de la grande Tente , fous laquelle
le Roy, le Prince , la Princeffe , & leur Cour fe
trouvoient , au bord de la Riviere , du côté de
la vieille Ville ; la Reine regardant ce divertiffement
de chaffe vis -à vis du Baſtion nommé
la Vierge . On avoit tendu fur l'eau & fur les
prairies , à côté de la Tente du Roy , des panneaux
tout autour de l'efpace affigné pour la Chaffe . Alors les Déeffes ayant ceffé leurs chants,
on vit defcendre dans l'Elbe , à la nage , quantité
de cerfs , de biches & de fangliers , qu'on
prit plaifir de tuer , peu à peu à coups de fufil, tant
de la Tente que des Barques , fur lesquelles le
Roy , le Prince , & les Principaux de leur Cour
fe promenoient. S. M. tua plufieurs de ces animaux
à coups de piftolet : Ceux qui voulurent
gagner la terre , y furent reçûs , pourfuivis &
DE NOVEMBRE.
53
percés de lances par des Cavaliers & des Chaffeurs
à cheval ; de forte qu'en moins de trois
heures il ne reſta aucune de ces bêtes en vie. Ce
divertiſſement finit affez heureuſement , fi l'on
excepte l'imprudence d'un des gens du Roy .
qui avoit ordre de décharger les fufils , & qui
en le faifant fur la brune , bleffa mortellement
un des Rameurs . Le foir on reprefenta la Princeffe
d'Elide , Comedie Françoife.
Le 19 chacun fe repofa generalement , & il
n'y eut point de divertiffement public ce jour - là.
Le zo la plupart des Seigneurs de la Cour ,
& quelques Etrangers de diftinction qui y
étoient invités , fe rendirent au Château fur
les trois heures après midi , tous mafquez differemment
, même le Roy , la Reine , le Prince &
la Princeffe ; faifant en tout douze bandes de
vingt perfonnes , & chaque Cavalier étant afſocié
à la Dame que le fort lui avoit donnée. Le
Roy ayant difpofé cette mafquarade , leurs M.
voulurent bien en être l'hôte & l'hôteffe , & di .
vertir la Compagnie par toutes fortes de plaifirs
compatibles avec la Foire ou Mercerie , Fête
principale que Mercure avoit fixée à ce jour- ci.
L'Elbe fe jettoit dans un petit Jardin gardé par
des Janniffaires , & dans les falons & galleries
qui l'entouroient , où les Cadets & les Suifles
faifient fentinelle . La Compagnie mafquée s'y
étant rendue à quatre heures , on vit au milieu
du Jardin cinquante-fix boutiques érigées en
quarré , qui furent fermées jufqu'au foir : Aux
côtés plufieurs Theatres de Charlatans , Danfeurs
de corde , des Sauteurs , avec des combats de
Cocqs. Le Roy , après avoir fait voir tout cela
à fes hôtes , les mena tous autour des quatre
Pavillons du bâtiment ; & les fpectateurs ,
outre l'orangerie rangée le long des galeries ,
eurent encore des Pavillons , le divertiſſement
E iij
54
LE MERCURE
d'une Comedie Italienne , jouée par des hommes ,
& d'une autre par les Marionnettes . Outre cela ,
on voyoit le Sultan reprefenté dans fon ſerail ;
enfin il y avoit une Loterie de toutes fortes de
galanteries fort précieufes. S. M. invita les Dames
à tirer au fort , & comme il n'y avoit point
de billets blancs , elles eurent en cette occafion
une preuve fenfible de la generosité du Roy .
Pendant ce temps là , on allumoit les lampes ,
dont tous les bâtimens du jardin , ainfi que les
boutiques , avec feize Piramides au milieu de
la Place , étoient abondamment garnis . On
affure qu'il y avoit plus de trente mille lampes ;
quelque deicription qu'on pût donner ici de
l'effet que produifoit cette illumination , & let
jeu continuel des fontaines & des cafcades , onne
la feroit qu'impa faitement il faudroit pour
cela marquer diftinctement le bel ordre & le
jufte arrangement de toutes ces lampes . Le tour
de promenade fini , le Roy invita la compagnie.
au magn fique fouper que S. M. avoit fait preparer
dans les falons , grottes , & autres appartemens
des corps de bâtimens . On comptoit à
ce fouper plus de 500 perfoones , y compris les
mafques , Seigneurs de la Cour , & plufieurs
Etrangers qui furent traitez fplendidement & en
mets trés exquis. Le refte des confitures & du vin
fut prefenté aux fpecta eurs . Après le fouper le
Roy & les hôtes defcen firent au Jardin , pour
y , voir les boutiques ouvertes , fur l'invitation
folemnelle de Mercure , qui leur fit une harangue
en François , fort plaifante . La Compagnie
ayant acheté en partie des marchandifes qui lui
plurent , on fe retira chacun chés foy à deux
heures après minuit.
" Le 21 on reprefenta pour la feconde fois le
nouvel Opera de Theophane.
Les Dames & les Cavaliers nommés pour la
DE NOVEMBRE.
55
courſe , s'étant aſſemblés avant - hier au Château
fur les dix heures du matin , elles fe rendirent
de là hors de la Ville , au grand Jardin Royal ,
dans l'ordre fuivant .
Un Fourier de la Cour , fuivi d'un Timballier
& de douze Trompettes , douze Mestres de
Camp , étant Generaux , Colonels , & Lieutenans
Colonels . Les quatre bandes de Dames &
de Cavaliers , en habits fort riches & façonnés
pour la courfe , fe diftinguoient par les differentes
couleurs de leurs habillemens & équipages
. La premiere , dont le Roy , le Prince , &
la Princeffe conduite par fon grand Maître ,
éto ent les Chefs , portoit des habits couleur de
rofe avec de l'argent . La feconde , à la tête de
laquelle étoient les Princes de Barby & de Wirremberg
, avec la Princeffe de Weißenfels , menée
par le Feld Márêchal , avoit du bleu mourant
& or. La troifiéme , dont le Prince Guil
laume de Caffel , & le Prince de Holft in ,
avec la grande Generale de la Couronne , étoient
les Chefs , portoit verdor. La quatrieme
enfin , ayant à fa tête le Prince Jean Adolphe
de Weiffenfels , & le jeune Prince de Barby
avec la Princeffe de Culmbach , portoit des habits
couleur de Jonquille & argent. A chaque
bande il y avoit hut Dames affifes fur des
chars de Triomphe à deux chevaux , portant
des harnois à fonettes : elles étoient menées par
des Cavaliers les plus diftingués de la Cour
& precedées de deux autres Cavaliers à cheval.
Chaque Dame avoit deux Coureurs , le Cocher
trois , & chaque Cavalier deux pour lui -même ,
un pour fa Nymphe , & un autre pour mener
fon cheval de main : il y avoit par confequent
feize de ces chevaux de main aux trouffes de
chaque bande. Derriere les quatre Bandes fuivoient
quatre Chars , tirés par fix chevaux ,
P
E iiij
36 LE MERCURE
fur lefquels on voyoit les Nymphes des quaire
bandes , fçavoir feize Nymphes fur chacun.
Tous les Chars , Chariots , habits & ornemens
de chevaux , étoient conformes à la coup
leur de la Bande dont ils étoient. Les gens de
qualité pour l'Opera François , finiffoient ce
beau train , lequel arrivé au Jardin , la courte
de Bague fe fir dans les Carrieres ; de forte
que de chaque Bande , il couroit en même tems
une Dame fur fon Char , avec fes deux Cavaliers
, dont les coups d'adreffe furent comptés
au profit de la Dame ; ce qui donnoit beaucoup
d'émulation à tous ces Chevaliers .
,
La Reine regarda cetre courfe d'une fenêtre
de la Maifon Royale du jardin ; & les 12 courfes
étant finies , on decida pour les prix. Aprés
la diftribution on fe rendit à l'Opera repré-·
fenté par des gens de Qualité , fur un trés beau
Theatre dreffé exprés dans le jardin . L'Opera
fini , on fe mit à table , mais la Reine fe rezira.
Pendant le fouper on alluma des Lampions
& des Flambeaux tout le long du jardin ,
quoi qu'il foit d'une fort grande étendue. Le
fouper fini , on defcendit dans le beau falon ,
bâti tout recemment exprés , derriere un grand
canal , fur lequel il y eut Bal jufqu'à prés de
minuit.
Le 23 Septembre qui étoit le grand jour de
Fête favorite du Roi , appellée la Fefte des Dames
, l'on ne vit depuis cinq heures du matin
jufqu'à prés de midi , que des courfiers de
chevaux harnachez , des gens qui portoient des
cafques , des plumers , des habits dorés , &
des lances , trotter dans les rues de Drefden.
La Place où la courfe de Bague devoit fe faire ,
& qui étoit devant le Palais du jardin , étoit
ornée d'un grand nombre de Pyramides avec des
Orangers entre deux ; ce qui formoit affez d'efpaDE
NOVEMBRE. $7
ce , pour que 4 Dames dans leur Char , chacune
avec 2 Chevaliers , puffent courir la Bague de
front en même temps. Outre le Palais & plufeurs
Pavillons , l'on avoit dreffé des échaffauts
autour de toute la Place pour une infinite
de fpectareurs.
L'on vit paroître à perte de vûë , vis à- vis
du balcon où étoit la Reine , au bout d'une
grande allée , les 4 Quadrilles avec toute la
fuite .
1. Un Herault d'Armes magnifiquement ha
billé , fuivi de 12 Trompettes , & un Timbalfier.
2. Un autre Herault , fuivi de 24 chevaux
de main , menés par des Polonois à pied .
3. 8 Meftres de Camp' , qui étoient de vieux
Generaux , chacun avec 2 Coureurs .
4. La Quadrille , couleur de Rofe & argent
, dans laquelle il y avoit neuf Chars de
la même couleur , avec deux chevaux à gran
des couvertes couleur de Rofe , & galonnés
d'argent avec les clochettes. Il y avoit dans
chacun de ces Chars une Dame magnifiquement
habillée en Amazone , avec un Parafol à
la main. Un Cocher de Qualité qui la menoit ,
& deux Chevaliers fur de beaux chevaux , habillés
& caparaçonnés , couleur de Rofe & argent
, avec des Cafques & des Plumets , la précedoient
avec 8 Coureurs de la même livrée ,
à côté du Char & d. s Chevaliers qui portoient
les lances . Le Chef de cette Quadrille étoit la
Frinceffe Electorale : les 2 Chevaliers , le Roi
& le Prince , dont les Cafques étoient garnis
de diamans qu'on avoit peine à regarder en face
, & le Cocher , le Comte de Diedrichſtein ,
qui mirent tous pied à terre , & monterent chez
la Reine , pour y voir l'entrée.
s. 18 chevaux de main richement harnaLE
MERCURE
chés , qui appartenoient aux Chevaliers.
6. La Quadrille Verte & or , avec autant
de Chats de Dames ' , de Chevaliers , de Cochers
& de Coureurs , comme la precedente : les Chefs
en étoient la Grande Generale Potfcheg ; le
Cocher , le Prince de Spremberg , & les Chevaliers
, le Prince Guillaume de Caffel , & un
jeune Prince d'Holflein - Beck , fils du Gouverneur
de Konigsberg.
7. Les chevaux de main de cette Quadrille ,
caparaçonnés de Verd & d'or .
J 8. La Quadrille Bleue mourante & or de
la même maniere que les deux autres . Les
Chefs étoient la Princeffe de Weiffenfels ; le
Cocher , le Feld Marechal Comte de Flemming
; & les Chevaliers , le Duc de Barby ,
& le Prince de Wittemberg.
>
9. 18 chevaux de main de cette Quadrille
Bleue mourante & or.
10. La Quadrille Jaune & argent , comme
les autres , dont les Chefs étoient la Princeffe
de Culmbach ; le Cocher , 1 : Baron de Stein ,
Grand Maître de la Reine ; & les . Chevaliers ,
le Prince de Weißenfels & le Prince de Barby
le fils .
11. Les 18 chevaux de main de cette Quadrille
, Jaune & argent .
12. Un grand Char atrelé de 6 chevaux ,
avec des barnois , couleur de Rofe & argent .
fur lequel étoient 12 Nymphes habillées de la
même couleur , pour les 12 Chevaliers de la
premiere Quadrille.
13. Un autre Char à 6 chevaux , couleur
Verte & or , avec les 18 Nymphes pour la ſeconde
Quadrille.
14. Un troifiéme Char , couleur Bleuë mourante
& or , avec les 18 Nymphes de cette Quadrille.
DE
$9
NOVEMBRE.
rs. Un quatriéme Char , couleur Jaune &
argent , avec les 18 Nymphes de cette quatriéme
Quadrille.,
16. Un cinquiéme Char à 6 chevaux , avec
les Chanteurs & Cantatrices du petit Opera
François , qui étoient tous gens de Qualité.
17. Un fixiéme Char de même , avec les
Danfeurs & Danfeufes de cet Opera.
18. Un feptiéme Char rempli de Danfeurs &
de Danfeufes de Qualité .
190. Un huitiéme Char à 6 chevaux , avec
Jes Filles & Danfeufes de la Comedie Françoife ,
pour former le Chorus de l'Opera,
Aprés qu'on cut fait le tour des 4 bariieres
en ferpentant , & aprés avoir paffé devant le
Palais , & dans le jardin , les Nymphes & les
Actrices mirent pied à terre , pour le ranger fur
des bancs le long de la barriere , pendant que
les 4 Quadrilles fe placerent à l'autre bout des
barrieres fous les fenêtres de la Reine . Les Juges
s'étoient ranges fous 4 patites Tentes , chacune
pour une Quadrille. Aprés que les Mestres
de Camp eurent donné un certain fignal , on
commença à courir la Bague ; les Dames dans
leurs Chars , avec leurs Chevaliers à côté. Les
4 Chefs commencerent , enfuite 4 autres Dames
, une de chaque Quadrille . Le tour fait
on recommença , de maniere que chaque Dame
avec les Chevalies , fit 12 courfes : la Princeffe
Electorale & de Veiffenfels , la Generale
Poftfchey , les Comtes de Bofc & Schafftemberg
, remporterent les cinq premiers prix qui
étoient des Poinçons de Diamans , de Rubis ou
d'Emeraudes . Plufieurs autres Dames eurent des
Montres à repetition , des Tabatieres d'or , ou
quelqu'autre nippe de prix .
Aprés la courfe , on fe rendit fur un Theatre
fait exprés , & fort artiftement dreſſé dans
60 LE MERCURE
le jardin , à peu prés dans le goût de celui de
Herrenhaufen. L'Amphitheatre fut très bien garni.
Toutes les Dames , Chevaliers & Nymphes,
étoient rangés felon leurs Quadrilles dans le
Parterre ; les autres perfonnes de Qualité qui
n'étoient pas mafquées , fur des bancs qui entouroient
ce Parterre . L'on executa l'Operette ,
avec plus de fuccès qu'on n'en devoit attendre
des perfonnes qui n'en faifoient pas profeffion .
Monfieur de Lovendahl , qui reprefentoit Venus,
& le Prince Lubomirfky , beau fils du Comte
Vitzdum , y brillerent par leur chant , & lajeu
ne Comteffe de Flemming , niece du Feld - Marêchal
, par fa Danfe. A heures du foir ,
toutes les Dames , Chevaliers , & Nymphes , fe
rendirent par une haye des 4 faifons qui reprefentoient
chacune leurs fruits , dans la grande
Sale , au milieu de laquelle on avoit trés magnifiquement
, & mieux que jamais , fervi une
grande table quarrée de so couverts . Les Princes
, les Primats de Pologne , & la premiere
Quadrille , couleur de Rofe & argent , fe trouverent
à cette table . Il y avoit dans les Pavilfons
3 autres tables pour les trois autres Quadrilles
; une autre pour les Nymphes , & quelques
unes pour les Dames & les Seigneurs . Om
avoit en attendant illuminé tout le jardin , la
grande piece d'eau , toutes les Piramides & barrieres
. Aprés fouper , on fe rendit dans un
grand Salon en forme de Pantheon , magnifiquement
illuminé , & tout entouré d'une espece
d'Amphitheatre pour les fpectateurs , où toutes
les perfonnes du Caroufel & de l'Operette danferent
des danfes Polonnoifes & des menuets .
aprés quoi on fe retira , fans obferver ni ordre
ni rang. La Fête dura jufqu'à 2 heures aprés
minuit , les convives étant raffafiés de plaiſirs, de
mufique , de danfes , & de fpectacles.
DE NOVEMBRE. Gr
Le 26 étoit deftiné pour la Fête des Mineurs
on avoit choisi pour cela à une bonne lieuë de
France , de la Ville , un endroit extraordinaire
par fa fituation , dans une petite plaine fort
étroite , & traversée par une Riviere au milieu
de rochers fort efcarpés . Depuis le defilé de ces
rochers , l'on avoit tendu des toiles de diftance
en diftance, pour faire une espece de Ploys Jenft.
Le Roi , le Prince , & la Princeffe y étant arrivés
en caroffe à une heure , les Païfans commencerent
à faire grand bruit ; un moment
aprés , on vit paroître un affez grand nombre
de Cerfs & de Biches au fommet de la montagne.
On en tira plufieurs , mais la plus grande
partie fe lauva à travers les Païfans , ou fe cacha
dans les buiffons. Aprés avoir pratiqué la
même chofe en cinq ou fix enclos , & avoir tué
à coups de fufils 175 Lievres & 65 , tant Cerfs
que Biches , on fe rendit dans la Tente où étoit
la Reine , au pied du plus haur & du plus efcarpé
rocher , au fommet duquel on avoir fait
une efpece d'attrape , d'où l'on força 4 Cerfs
ou Biches à fe jetter du haut en bas dans la
Riviere ; mais avant que d'y parvenir , ils furent
écrafés en tombant dans les rochers , Sur
la fin on fit faire la même chofe à un Ours
qu'on y avoit mené ; mais , quoiqu'il vînt
heurter , comme le Cerf & les Riches , contre
un rocher de la même hauteur , il ne laiffa pas
de tomber vivant dans la Riviere , & de venir
nâger droit à nous. Le Roi le tua dans l'eau ,
& les chiens qu'on avoit fait mettre fur le bord
de la Riviere , au lieu d'attaquer l'Ours , fe
jetterent l'un fur l'autre. De là on fut à la Comedie
Italienne qu'on reprefenta fur un Theatre
fait de fapins & de jets d'eau , au pied du
rocher & de la Riviere ; ce qui dura jufqu'an
foir. Pendant ce tems-là on avoit illuminé ,
62 LE MERCURE
une grande Grotte , dans laquelle il Y avoit
efpeces de chambres , une grande ronde au milicu
, & une longue à chaque côté. Vis à vis ,
il y avoit 3 tables fervies dans cette Grotte ,
qui contenoient , non compris les Princes , 100
perfonnes, tant Seigneurs que Dames qui avoient
tiré des billets . Grand nombre de gens de Qualité
, & de Dames , fouperent fous des Tentes
derriere cette Grotte. Aprés le fouper , commença
la marche des 2000 Mineurs qui defcendirent
de la montagne en proceffion > tenant
chacun une lampe à la main . Ils firent
leur marche & contrematche devant la Grotte,
Cette proceffion fit un affez bel effet de loins
mais de prés , elle reffembloit tout - à- fait à un
enterrement , fur tout par le chant lugubre des
Mineurs. Aprés cette ceremonie , le Bal commença
, & dura jufqu'à 6 heures du matin . La
plus grande partie du monde , fe retira cependant
à minuit , mais avec peine , tant à caufe
de l'embarras des caroffes , que du defilé : bien
des gens furent même obligés de revenir
pied.
Lettre de M. de M** contenant une avan-
Ji
ture.
Ay reçû votre lettre , mon cher amy,
L'avanture dont vous m'y faites le recit,
eft particuliere , & vous avez , dites-vous ,
de l'admiration pour une femme qui meurt
de douleur. Aprés avoir apris l'irreparable
infidelité de fon amant , un fi prodigieux
DE NOVEMBRE . 65
163
excés d'amour vous penetra de reſpect
pour elle , & je n'en fuis point furpris ;
car vous aimez . Cette tragique hiftoire
fait un exemple du caractere d'amour
que vous fouhaitteriez pour vous à votre
Maitreffe ; mais , cruel , fongez - vous aux
confequences. Je la garantis morte , fi
vous êtes exaucé , & morte peut-être dans
huit jours : peut- être le hazard va- t- il vous
prefenter un vifage aimable , dont la
dont la proprietaire
armera toute la coquetterie contre
vous. Vous aurez des yeux , un coeur &
de l'amour propre ; vous vous amuferez
à regarder avec plaifir ; vous aimerez à
plaire ; voilà votre Maîtreffe à fon dernier
foupir ; vous acheverez de vous gâter la
nuit par de flatteufes & de reconnoiffantes
réflexions ; la voila morte. Où eft - il le
coeur de tout fexe , dont la loyauté ne periffe
dans les dangers dont je parle ? Et
que deviendroient les amans , fi l'inconf
tance de l'un étoit un arrêt de mort contre
l'autre les hommes & les femmes tomberoient
autour de nous par pelottons ; on
ne pouroit compter fur la vie de perfonne,
& je conçois qu'il ne refteroit plus fur
terre que quelques gens , qui par cas forruit
, fe feroient mutuellement portés un
coup fourré d'inconftance. Jufte Ciel ! que
de trepas indifcrets & fcandaleux ne ver
Toit- on pas ? que de devots reconnus pour
64
LE MERCURE
pas
?
hypocrites aprés leur mort ! eux , dont la
bonne odeur ne fubfifte que par le myftere
de leurs foibleffes . Que de meres détrompées
de l'innocence de leurs filles !
que de maris credules , & qui ne pourroient
plus l'être ! que de vieilles femmes
ridiculifées , en ceffant de vivre ! mais graces
à Dieu , nous n'avons rien à craindre de
tout cela, La nature plus fage que vous
mon ami , ne donne à l'amour un fi
grand crédit fur les coeurs le pouvoir
qu'elle lui laiffe , va tout à l'avantage du
genre humain ; & loin d'être homicide ,
il n'eft dangereux que par le contraire. On
pleure l'inconftance de fon amant ou de fa
maîtreffe ; on la foupire ; voilà le plus
grand inconvenient d'un amour trahi ;encore
ne voit- on paffer par ces peines que
ceux dont la nature a manqué de coeur ,
je veux dire , que c'eft un vice dans fon
ouvrage , que cet excés de fenfibilitê qu'elle
y laiffe . Sa regle generale eft plus douce,
& les amans abandonnés en font quittes
pour quelques chagrins que le moindre amufement
écarte ; & qui ne s'apperçoit que
dans ceux qui ne veulent pas fe gêner ,
je ne fçai même fi le plus grand nombre
n'en eft pas quitte à moins. Quoy qu'il
en foit , pour payer votre petite hiftoire
par une autre , je vais vous raporter un
exemple , fur qui vous pouvez , prefqu'à
coup
DE NOVEMBRE.
65
%
coup sûr , tirer l'horofcope de votre Maitreffe
, en cas que vous deveniez infidele.
J'étois , il y a quelques jours , à la
Campagne , chez un de mes amis : nombre
de Dames & de Cavaliers s'y étoient
raffemblés. Il me prit fantaiſie , un matin
, d'aller me promener feul dans le bois
de la maison : Je m'enfonçois déja dans
les routes les plus obfcures , quand la
pluye me furprit . Pour l'éviter , je courus
vers un cabinet que je vis affez prés de
moy. J'allois y entrer , quand j'entendis
parler ; je prêtai l'oreille ; c'étoit deux Dames
de notre compagnie , qui s'y étoient
apparemment refugiées avant moi. L'une
d'elles , un moment aprés , pouffa quelques
foupirs qui me donnerent la curio
fité d'en apprendre la cauſe. Je fuis jeune :
ces foupirs me prefageoient de l'amour ;
je crus qu'il feroit bon de voir comme
ces deux femmes en traitteroient à coeur
ouvert. J'en pouvois tirer des confequenees
generalles , & m'inftruire moi- même ,
en cas d'accident , du plus ou moins de
sûreté qui fe trouvoit dans les petites façons
exterieures du fexe. Helas ! ma chere,
dit la Dame , qui me fembloit avoir foupiré
, ne me reprochez point ma melancolie
: ne fçais-tu pas que Pyrame eft abfent
, & que je ne le verray de fix mois ;
Ah ! répondit l'autre , en éclattant de ri-
F
66 LE MERCURE
re ; gageons que ton coeur a pillé ce.ton
là dans Cleopatre. Que tu es folle à contre-
temps , dit l'affligée ! fi tu étois à ma
place , tu n'aurois pas le mot pour rire.
Ne te fache pas , ma bonne , repliqua
l'autre , je t'avoue que j'ay rî d'étonnement
tu ne dois voir ton amant de fix
mois ; tu te prépares , ce me femble , à
gémir autant de temps. Il n'eft pas juſ
qu'au fon de ta voix que tu n'ayes mis en
deuil. Cela m'a paru fingulier. Je connois
bien cette efpece d'amour languiffant
& tous les devoirs : mais franchement
je n'ay pas crû que ce fût celuy dont
le coeur fe fervit dans l'occafion. Je l'ay
pris pour cet amour qu'on imprime , &
dont on remplit de gros volumes de Roman
: Et tu joues à mourir de fatigue , fi
tu veux imiter ces amantes que ce foux
de la Calprenede a faites avec une plume
& de l'ancre. Il faut s'imaginer , ma
chere , qu'un coeur romanefque fournit
plus d'amour lui tout feul , que n'en fourniroit
tout Paris enfemble. Ne prens pas
ee que je te dis pour un manque d'experience
; nous fommes feules , au moment où
je te parle. J'aime ; mon amant eft abfent ,
non pas abfent comme le tien , qui n'eft
allé que chez fon pere. Il eft à l'Armée :
le voilà bien en rifque . Il pleuroit en me
quittant. Je pleurai de même , & les larDE
NOVEMBRE. 67
"
mes m'en viennent encore aux yeux. Tout
cela eft à fa place ; mais , ajoûta -t elle ,
en riant je veux dire en mariant une
folie plaifante avec fes pleurs , je verſe
des larmes , & n'en fuis pas plus trifte ;
bien au contraire , ma chere , je ne pleure
que parce que je m'attendris : mon attendriffement
me fait plaifir , & les larmes
qu'il amene , font en verité des larmes
que je répands avec goût. Je ne fçai pas
fi tu comprends comment cela s'ajuste : je
fuis tendre autant qu'on peut l'être. Je
tremble pour mon amant fans inquietude ;
je le defire ardemment fans impatience
je gémis même fans être affligée , & tous
ces mouvemens ne me font point à charge
; fouvent je les reveille , de peur d'être
oifive ; ils me fuivent où je vais ; ils
fe mêlent à mes plaifirs ; ils ne les rendent
que plus touchans ; c'eft comme une
provifion toute faite de réflexions douces,
qui ne m'en tiennent que plus difpofée à
la joye. Quand j'en trouve , je me dis à
moi- même : je fais la paffion d'un homme
' aimable ; cette idée me flatte , c'eft une
preuve de merite ; je m'en eftime avec
plus de sûreté de conſcience , & je ne fuis
pas fâchée de trouver alors fur mon che
min un hommage de petits foins. Je m'em
amufe fans fcrupule ; ils me repetent ce
que je vaux : je les encourage quelquefoiss
Fij
78 MERCURE LE
par un coup d'oeil , un gefte , un fouris ;
& je te jure enfin , que mon amant ne m'eſt
jamais plus cher , que quand je me fuis
prouvé , qu'il ne tient qu'à moy de lui
donner des rivaux . A leur égard , je ne
les aime point , ce me femble ; cependant
ils me plaifent ; mon amour propre a de
P'inclination pour eux ; mais je fens bien
confufément qu'eux & mon coeur n'ont
rien à demêler enfemble : voilà tout ce que
Jen puis dire , & voilà comme on aime ,
ma chere. Crois-moy ; regle- toy la - deſſus.
Eh , que deviendrois-tu donc , fi ton amant
venoit à changer ? Ah , de quoy parles- tu
là , s'écria l'autre ? Ah , mon Dicu , tout
me fremit ! lui , changer : toy qui aimes fr
fort à ton aife ; comment te fauverois - tu
de la douleur la plus vive , & peut être du
defeſpoir , s'il t'arrivoit ce que tu me fais
craindre ? Eh , que me dis- tu , répondit
l'autre , avec la douleur la plus vive ? Et
ron defefpoir , du dépit encore paffe : du
dépit , jufte Ciel , du dépit pour une perfidie
, dit l'autre Dame ? Oh , je n'en fçai
pas davantage , reprit fon amic ! Et je n'ai
jamais connu d'autre accident en pareil
cas. Je te parle bien naturellement comme
tu vois ; mais je t'aime , & tu as befoin
d'inftruction .
Et je vais , pour te la donner plus ample
, te faire un abregé fuccint de mes petites
avantures.
DE NOVEMBRE. 69
"
>
A neuf ans on me mit dans un Couvent
avec intention de m'engager à des
voeux. J'avois une foeur aînée à qui mes
parens deftinoient leur heritage : ils crurent
devoir commencer de bonne heure à
me fouftraire du monde , afin que l'ignorance
de fes plaifirs , m'empêchât de les
regretter , & que la victime , dans un âge
plus avancé , ne connût pas du moins les
difficultés de la fuite de fon facrifice ; j'y
reſtay trois ans avec tranquilité , & j'y
reçûs une education devote, qui porta plus
fur mes manieres , que fur mon coeur ; je
veux dire , qui ne m'inſpira point de vocation
, mais qui.m'en donna l'air. Je promis
tout autant qu'on voulut que je ferois
Religieufe ; mais je le promis fans envie
de le devenir , & fans deffein de ne pas
F'être. Je vivois fans reflexion ; je m'occu
pois de mon propre feu ; j'étois étourdie
& badine ; je joüiffois de ma premiere jeuneffe
, & je m'amufois de tout cela , fans
en defirer davantage.
Heft vrai que ce coeur vuide de goût
la clôture , & qu'on n'avoit pù tourpour
ner à l'amour de la Regle , quoiqu'il ne
fouhaitât rien encore , fembloit deviner
par fon agitation folâtre , qu'il étoit
d'agreables mouvemens qui lui convenoient
, & qu'il attendoit qu'une vocation
inconnue fe declareroit en moy ; & l'ac70
LE MERCURE
cident que je te vais dire , me la debrouilla.
Une de nos petites Penfionnaires tomba
malade : fa mere qui l'aimoit beaucoup,
ne voulut point la confier aux foins du
Monaſtere ; elle vint la chercher , & demanda
à me voir , parce que mes parens
l'en avoient priée . Je fus done au parloir ;
j'y perdis fur le champ mon ignorance ,"
& mon coeur eut fon compte. J'y vis un
Cavalier ; c'étoit le fils de la Dame en
queſtion : nos yeux fe rencontrerent ; je
fentis ce qu'ils fe dirent , fans être étonnée
de la nouveauté du goût que j'avois
à le voir , & la converfation que mes
yeux eurent avec les fiens , n'eut de ma
part aucun air d'apprentiffage . Si je pechai
, ce fut par un excés d'éloquence ,
dont à prefent je retranche un peu dans
l'occafion ; je n'ai point appris à mieux
dire que j'aime , j'ai feulement appris à le
dire un peu moins.
La Dame , qni emmenoit fa fille , ne parla
conformément aux inftructions que mes
parens lui avoient données ; me vanta les
charmes du Cloiftre , & mit fa main dans
fa poche , pour chercher des Lettres qu'elle
devoit me rendre de la part de ma mere.
Heureufement elle les avoit oubliées ; fon
fils s'offrit fur le champ de me les apporter ;
& avant qu'il eût parlé , j'avois déja comDE
NOVEMBRE. 71
pris & fouhaitté ce qu'il devoit dire. Je l'en
remerciai par un regard , dont je vis bien
qu'à fon tour il avoit fenti la neceflité , puiſque
je lui trouvai déja les yeux fur moy.
Enfin , ma chere, après quelques difcours
fatiguans , fa mere fortit , avec promeffe de
renvoyer fon fils me porter mes Lettres ; &
de mon côté, je m'en allai dans ma chambre
donner du progrès à mes fentimens , les
goûter à l'aife , & contempler l'image de
mon vainqueur. Au retour de ma meditation
, on ne me vit plus , ni fi badine , ni
fi vive ; mais en revanche , j'étois negli
gente & diftraite ; non que j'euffe perdu
ma gayeté , mais elle fe répandoit moins au
dehors. Je jouiffois d'un plaifir fecret qui
m'occupoit tant qu'il arrêtoit ma diffipation
; & pour vacquer à mes petites refle
xions , j'oubliois tout le refte.
Cependant , le jeune homme revint ; il
me demande ; une Religieufe me fuit au
parloir. Que je la haïffois là ! mais le ha
zard m'a toûjours fervi affez fidelement :
une Soeur converfe vint pour parler à ma
Religieufe ; cela nous fit un moment de
liberté , dont le Cavalier & moy profitâmes,
parce que nous en étions tous deux également
avides ; il me gliffa adroitement avec
mes Lettres , un billet qu'un ferrement de
main m'avertit être myfterieux ; ma main
lui redit aufli-tôt que j'entendois la fienne.
72 LE MERCURE
Je rougis pourtant de ce gefte mis en repli
que ; il le vit , & pour m'enhardir , le petit
fripon me baifa la main. Ce qui eft de plaifant
, c'eft qu'effectivement j'en devins
moins honteule ; mais mon importune compagne
la Religieufe retourna la tête à l'inftant
le plus intereffant de notre action ;
elle en furprit toute l'ardeur fur le vifage
du jeune homme , & tout le confentement
fur le mien ; & la Nonne commença à rougir
, où j'achevois de le faire.
Monfieur, dit-elle au jeune homme , en me
retirant de la grille , Madame votre mere ne
vous a point donné cette commiffion . Il eft
vray , Madame , répondit-il ; mais une fi
belle main , & mon âge me l'ont donnée ;
& je n'ay pas crû que ce fut un mal que de
les en croire. Pour moy , ma Mere , répondis-
je , je n'ay pas eu le tems d'arrêter Monfieur.
Allés vous- en , Mademoiſelle, me repartit-
elle , Vêpres fonnent , vous ferés
mieux de vous y rendre.
Je fis alors une réverence , où , à travers
beaucoup de modeftie , j'enveloppay je ne
fçai quel air content de mon amant , qu'il
dût comprendre , & je me retiray plus curieufe
qu'inquiette des fuites de l'avanture ;
& dans une impatience extrême de lire mon
billet , il me parut charmant ; peut-être
Pétoit-il je le garday comme un trefor ;
où je puifois dans mille momens du jour
une
DE NOVEMBRE. 73
une agreable vanité : je me regardois comme
une perfonne importante ; je n'avois
befoin que de le toucher pour m'eftimer ,
& pour treffaillir de joye . On veilla deflors
mes actions de plus près ; mais au bout de
quelque tems je me vis libre par la mort de
ma foeur. On me vint reprendre au Cou
vent : mon amant eut la liberté de me voir ;
ma nouvelle fituation me ravit au point
que j'en étois comme étourdie : les moindres
vifites étoient pour moy des plaifirs
ferieux ; un rien m'étoit beaucoup , ou quel
que chofe ; mon amour même augmenta à
proportion ; la journée ne fuffifoit pas à fentir
ma fatisfaction .
Voilà quelle j'étois , quand les empreffemens
de mon amant baifferent , & quand
enfin j'appris qu'il les portoit ailleurs . Je te
l'avoue , ma chere ; le jour où l'on m'en
confirma la nouvelle , je fus bien une bonne
heure où il me fembla que tout étoit defert
dans le monde , & que tout m'avoit abandonné.
Dans cette detreffe , il me vint com
pagnie ; le monde à mes yeux fe repeupla 3 .
mon chagrin s'affoiblit ; je me crûs moins
delaiffée ; deux jeunes gens me firent des
mines que je trouvay finceres ; je me fentis
reconfortée , & je pris tant de courage
dans cette foirée , que lorfque la compagnie
fortit , je me felicitay de mes nouvelles conquêtes
, fans me reffouvenir que trois heu
G
74 LE MERCURE
..
res avant je regrettois la perte d'une .
Cette Dame en étoit là de fon difcours
quand je fis par mégarde un petit bruit qui
la fit taire . Remettons le refte , dit - elle , à
une autre fois , il te divertira. Je me fauvay
là deffus , avec deffein de guetter l'occafion
de fçavoir la fuite de l'hiftoire , je l'ay
fçûë ; & comme cette lettre eft déja très
longue ; ce que j'ay appris fera le fujet d'une
autre. Bon jour.
Lettre de l'Auteur de la Carte d'Aragon
annoncée dans le dernier Mercure.
V
MONSIEUR ,
Ous vous êtes intereffé pour l'Auteur
de la Carte du Royaume d'Aragon.
Cette raiſon , & plus encore votre
experience en Geographic , exigent ce que
vous lui demandez. N'attendés pas ce
pendant une Differtation circonftanciée
dans les termes d'une Lettre que vous
recevrés demain . Je m'en tiens ici aux
faits capitaux : vous êtes affez connoiffeur,
pour fuppléer le détail des operations qui
font des confequences.
Il y a un peu plus de deux ans que
l'interêt de la Geographie me lia avec
Monfieur l'Abbé de Vairac. Il a traverfé
P'Espagne plufieurs fois , il en écrivoip
DE NOVEMBRE
75
alors , & j'avois reconnu , combien font
peu exactes les Cartes qu'on nous a don
nées de ce Pays , en France , en Hollande ,
& en Italie. Je n'en fçai que cinq ou fix
de la façon des Eſpagnols : elles ne figu
rent pas la quatrième partie de l'Eſpagne ,
& leur détail eft beaucoup moins riche
que celui de nos Cartes Topographiques.
Mais on a dû , pendant la derniere Guerre,
deffigner un Pays , couru & habité par
des Armées victorieuſes ou fagitives. J'a
pris , en effet , que le Roi d'Efpagne avoir
quantité de Cartes manuſcrites , principa
lement d'un nommé Pallota , Ingenieur
Italien , que vous avez pû connoître dans
le Milanez. Monfieur PeAbbé de Vairac
m'affûra même , que fa Majefté Catholi
que ne les refuferoit pas pour un bon ufage.
Sur cela , je fis un Projet de Cartes :
entre les Cartes générales , je n'oubliai
point celles qui pouroient éclairer l'Hiftoire
de l'Espagne. Ce Projet plut au Prince
de Chelamar , & fut envoyé au Roi d'Efgagne
: on lui annonça même un echantil
lon qui feroit encore mieux juger de ce
deffein. Que vous dirai-je ? il me tardoit
que je ne fuffe à Madrid , pour recueillir
les Memoires neceffaires à fon execution.
J'avois remarqué dans le Daviti de
Blaen , des Cartes de chacun des Diocefes ,
qui entrent dans l'étendue du Royaume
>
G ij
76 LE MERCURE
d'Aragon . Monfieur Guion premier Secre
taire de Monfieur Amelot Ambaffadeur en
Efpagne , me communiqua obligeament
l'orignal de ces Cartes acheté à Saragoce .
C'eſt une Carte en fix feüilles , d'un nomé
Jean Baptifte Labana , dediée aux Députés
des Etats d'Aragon , & qui eft trés eſtimée
dans le Pays . Je l'examinai : le détail
me parut travaillé avec foin , mais je trouvai
des deffauts dans le général. Le terrain
ocupé par les Vallées , qui font fur le pen
chant des Pirénées , y eft rétreffi de l'Oc
cident à l'Orient ; ce que m'indiquerent la
Longitude de Baïonne , & deux Pofitions ,
dont j'étois affùré en conféquence , celle de
fainte Chriftine en Aragon , & celle de
Viella dans la Vallée d'Aran. La Latitude
de Baïonne , & les diftances éxactes de
Pampelune & de Tudela furent une preuve,
que la frontiére de la Navarre y êtoit
trop méridionale . Ces Obſervations &
quelques autres , que me fournirent la fituation
& l'êtenduë des Pays voiſins , ont
influé néceffairement fur ce qui êtoit contigu
aux Parties vicieuſes , & la Carte n'a
plus êté éxactement orientée. Je n'eus donc
aucun égard aux Dégrés & Minutes de
Lat tude & Longitude , qui divifoient la
berdure de cette Carte , & je traçai des
Lignes horisontales & perpendiculaires ,
conféquament à ce que j'avois obſervé.
DE NOVEMBRE ラブ
Les circonstances des Operations , qui
m'ont fucceffivement conduit à mon opinion
, font exprimées par des Figures , que
vous verrés quand il vous plaira , & que
je ne déveloperois pas comodément ici . -
Monfieur Det'Ifle me fit don alors d'une
nouvelle Carte d'Aragon , gravée à Paris
en 1713 , fans cependant y devenir publique.
L'Auteur eft un nomé Jean Seyra &
Ferrer Docteur & c. à Saragoce , & elle fe
vend maintenant chez Monfleur de Fer:
Cete Carte eft une copie de celle de Labana,
fur une Echelle moins étendue , & à peu de
chofes prés. Les Rivieres n'y font pas , ce
me ſemble , auffi exactement deilignées
que dans la prémiére , & elle ne contient
ni les noms des Vallées , ni les limites des
Dioceſes mais , j'y trouvai de plus les
noms des Plaines voifines de Saragoce , de
plufieurs Sierres ou Cantons de pays couverts
de Montagnes , & quelques pofitions,
ce que je n'ai pas ômis dans mon Ouvrage.
Il n'êtoit pas encore tems de mettre la
main au crayon. Monfieur l'Abbé de Vairac
voulut bien contribuer au travail de toutes
les Remarques qu'il a faites dans le Pays.
J'y joignis bien- tôt des Mémoires & Plans
particuliers , pour ce qui confine avec la
Catalogne. Mais , il falloit encore jouir de
tout le profit , que je pouvois tirer de la
-
G iij
78 LE MERCURE
lecture des Auteurs Efpagnols & autres,
qui ont parlé de l'Aragon. Voici ceux , dont
il m'eſt reſté des extraits. Rodrigo Mendez-
Silva , Poblacion de Efpina ; Gonçalez de
Avila , Grandezas de Madrid ; Martin
Carillo , Obispos y Abades de Aragon ; Francifco
de Rades y Andrada , Ordenes fant
Iago Calatrava y Alcantara ; Martinez
del Villar , Patronado de Calataiud ; N.
de Gracia , Valle de Aran ; Juan de Arruego
, Hiftoria de Zaragoza ; Diego de
Ainfa , Grandezas de Huesca ; Ambrofius
de Salazar , Almoneda generalis & c ; Mar
tinus Zeillerus , Itinerarium Hifpania.
3
Vous vous fouvenés peut-être , Monfieur,
que j'ai réndu compte à un grand- Seigneur
de l'utilité de cete êtude. Par ce moien ,
j'ai juſtifié & j'ai acquis des Faits . J'ai conu
la confidération des Killes , par raport au
nombre de leurs Habitans , & par- raport
à leurs prérogatives ; j'ai conu des circonftances
de leur fituation , & celles qui ont
des Châteaux , ou , pour mieux dire , à
quelques- uns prés , des Fortereffes antiques
& en mauvais êtat. C'eft auffi à l'ufage
d'une Carte particuliere , que ces Livres
m'ont fait conoitre les Terres tîtrées ; Grandffes
, Duchés , Marquifats , Comtés , Vi-
Comtés , Baronies ; les principales Comande.
ries des Ordres de faint Jaque de Calatrava
& de Malte ; car celui d'Alcantara n'en
DE NOVEMBRE. 72
poffede point en Aragon ; & pour l'Etat
Ecclefiaftique , les Abbayes de divers Or
dres , les Prieurés , les Eglifes Collegiales
& ces Chapelles ou Hermitages dédiées à
Notre Dame , que les Aragonois apellent
Santuarios de Imagena parecida , & qui font
un grand objet de leur dévotion. J'en ai
marqué prés de quatre- vingts , c'est- à- dire
les plus fréquentés. Gonçalez de Avila
compte 1267 Hermitages dans les Diocefes
de Huefca de Balbaftro de Jaca de
Tervel & d'Albarracin , qui n'occupent
gueres que la quatrième partie de l'Aragon ;
& aux portes de la feule petite Ville de
Tamarité , il y en a huit , dont je n'ai pû
nommer les Patrons faute de place .
Un Itinéraire défigne ordinairement la
qualité des Lieux , qui fe rencontrent fur
les Routes , ainfi que la diftance qui eft
entr'eux. J'en ai de plus recouvré plufieurs ,
échapés aux Cartes gravées , fur tout de
ces Hotelleries folitaires , qui en Eſpagne
font fouvent auffi comodes que les Caravanferas
du Levant , je veux dire fans hôte &
fans meubles , & où le voiageur fous un
toît n'eft pas toûjours à l'abri : c'est ce qui
s'apelle Venta. Mais , ce qu'alors il me
fallut d'intelligence de la Langue Efpagnole,
n'a pas peu contribué à l'integrité de l'ouvrage.
Car on comet ordinairement des
fautes d'Orthographe en écrivant une Lan-
G iiij
80% LE MERCURE
gue tout-à- fait ignorée , & qui emploic'
plufieurs Lettres à des ufages différens de
ceux que nous leur attribuons. J'ai même
êté à portée de faire plufieurs corrections ;
& dans les Noms précédez d'un Article ,
je l'ai fouvent dés- uni ; lorfqu'il êtoit allié
mal- à- propos au mot principal.
Il manqueroit quelque chofe à l'exactitude
du compte que je rends , fi j'oubliois
de vous dire , que je confultai Monfieur
l'Abbé de Longueruë . Sa bien- veillance me
fait trop d'honeur , pour que je ne doive
pas en rapeller ici la prémiere époque.
J'aurois fouhaité joindre à la divifion des
Diocefes , celle des Jurifdictions nomées
Baylias : mais , leur grand nombre , dont je
fùs informé , me fit juger , qu'à peine il me
feroit poffible de m'inftruire für ce fujet
dans le Pays même .
Ce travail fut fuivi du Deffein de la Carte.
Mais , la partie Septentrionale demeura
imparfaite car je crus devoir figurer les
Pirénées avec plus de circonftances , que
je ne pouvois le faire alors. Ce deffaut cependant
ne deroba pas entierement cet Ouvrage
à quelques- uns de mes amis , & vous
l'auriés fans doute conu dés - lors , fi l'amitié
que vous voulés bien me porter êtoit
auffi ancienne. Je me fouviens qu'un Homme
de réputation en Geographie , avec lequel
j'êtois en liaifon, la vit avec éloge , &
DE NOVEMBRE.
que ceux , qui ne pouvoient en juger que
par goût , trouverent de la vérité dans la
repreſentation d'un Pays , ce qui ne dépend
pas toûjours de l'élégance de l'éxécution.
Plus d'une année d'obſcurité me l'avoit
prefque fait oublier , lorfqu'au mois de
Mars dernier , Monfieur l'Abbé de Vairac
fe chargea de la faire voir à Monfeigneur le
Regent. Vous fçavés , Monfieur , que je
n'ai pas gardere fur un fuffrage auffi
glorieux pour moi , que celui de ce Prince
éclairé, & qui a fait des Conquêtes dans le
- Pays que j'ai décrit. Si- tôt qu'il eut ordoné
la gravure de la Carte du Royaume d'Aragon,
je ne fongeai qu'au vuide qui me
reftoit à remplir. Je l'ai fait d'aprés les Def
feins Topographiques de Monfieur Rouſſel
Ingenieur du Roi , qui a levé avec autant
d'éxactitude que de détail cete partie des
Frontieres de France . La Carte a même
acru d'ailleurs , par tout ce que m'ont apris
plufieurs Officiers , qui ont fervi en Aragon
& en Catalogne ; & c'eft avec beaucoup
de fatisfaction pour moi , que leurs
lumiéres ont plus-tôt êté des richeffes à
aquerir , que des fautes à corriger.
Elle n'étoit pas encore gravée entierement
, que plufieurs Exemplaires furent
envoiés à des Officiers , qui comandent en
Efpagne & fur la Frontiere . Cet ufage , auquel
elle eft deftinée , n'empêche pas que
82 LE MERCURE
je ne foufcrive à la critique du tître , im
propre jufqu'ici , de Theatre de la Guerre
d'Espagne. Onne fçauroit cependant m'accufer
d'avoir voulu impofer fur le fujet ,
puifqu'il ne m'en revient aucun profit , la
Carte ne devant point être débitée . Il n'eft
pas même de ma façon : mais , il eſt employé
dans le Marché , contracté avec le
Sieur Pierre Stark- man Graveur par ordre
exprés de Monfieur , & qui eft
figné de lui ; ce qu'il a fallu adopter.
Vous aurés bien- tôt , Monfieur , la preuve
de la plufpart de ces faits , c'est- à- dire
' la Carte elle - même. Ce ne fera cependant
qu'aprés la correction des épreuves. Car
c'eft avec chagrin , que j'en ai vu plufieurs
exemplaires deja diftribués .
: Quant au fecond article de vôtre demande
, je n'y fatisferai préfentement que par
un Vers d'Horace :
Nullius additus jurare in verba
Magiftri:
Vous fçavez mes fentimens , Monfieur ,
& combien j'ai l'honneur d'être ,
Vôtre & c.
BOURGUIGNON D'ANVILLE
Geographe du Roi.
Du 20 septembre 1719 .
DE NOVEMBRE 83
Edits , Arrefts , & Declarations."
I TARIF
Des Droits d'Entrées par Terre , à commencer
du 12 Octobre 1719 .
UN MUID DE VIN FRANCOIS.
ENtrée par Muid
Quatrefols pour livre
Pauvres
a Octrois
Doublement
20 1. f.
41.
241 .
21. ff.
310f.
101.
1f.
10 f.
1 f.
Deux fols pour livre du Donblement
Controlleurs Jaugeurs par
Muids ou Demy - Queues
Deux fols pour livre
Nota. Lors que le Vinfera pour
un Tavernier , il doit encore être
payé pour l'Ancien Octroy de la
Ville 2 f. 9 d. parMuid de Vin .
b Jaugeurs
Papier
2 f.
I f. 9 d.
281. , d .
a Droits de la Ville.
b Nota. Faire payer la Jauge & Courtage , lors que
le Vin viendra d'un lieu oùle Gros n'a point cours 15 f.
4C. pour liv. 3 fe
$4
LE
MERCURE
Une Pinte de Vin commun.
a Entrée
Quatre fols pour livre
Pauvres à 2 liv. S f.
Octrois &Control .Jaug. à 1 1.12 f.
Par Pinte
1 f. 4 d.
3
3 d.d.
3
1 d.
7
1 d .
If. 11 d. 2
4
&
E
Nirée
VIN DE LIQUEUR.
421 Quatre fols pour livre .
81. 8 f..
sol. 8f.
Pauvres 21. sf.
• Octrois 10 f.
Petits Octrois
ou Demy - Queues
Doublement
Deux fols pour livre da
Doublement
Control. Jaug. par Muids ou
Demy -Quenës
Deux fols pour livre
, par Muids
Deux fols pour livre
d Jaugeurs
Papier
10 f.
rf.
10 f.
I f.
2 f. 6 d.
3 d .
2 f.
I f. 9 d.
541. II . 6d .
a La Pirte de Vin commun :
b Nota. Que le Vin de Liqueur qui entrera par terre,
doit être conduit au Eureau General pour y payer les
Droits.
Droits de la Vill .
Nota. Faire payer la Jauge & Courtage de 19 f.
4 f. pour liv.
3.0
- 85 DE NOVEMBRE.
Une Pinte de Vin de Liqueur.
a Entrée
Quatre fols pour livre
Pauvres
Octrois , Control . Jaug. à 1
liv. 12 f.
21. 11 f.
7 1.
I f.
If.
31. f. 5
EAU DE VIE SIMPLE
Qui doit être envoyée au Bureau General,
poury Payer les Droits.
E Nerée par Muid sol. 8 f. d,
Quatre fols pour livre 10 i. I f. 8 d.
60 l . 9 f. 8 d,
b Octrois Il. 10 f.
Doublement
Deux fols pour livre du Doublement
Controlleurs Jaugeurs par ·
Muids ou Deny - Queues
Deux fols pour livre
Jaugeurs
Papier
Ilaof.
3 f.
Io f.
a Pinte de Vin de Liqueur.
I f.
4f.
I f. 9 d.
64 1. 9 f. 5 d
Nota A l'égard des Petits Otrois , evaluer les
Pintes à proportion de 2. f. 9. d. par muid.
b Drois de la Ville.
c Nota. Faire payer la Jauge & Courtage lorfque
L'an ne juftifiera point de Quittance.
86 LE MERCURE
a Entrée
La Pinte d'Ean - de - vie.
Quatre fols pour livre
Octrois, Controlleurs-
Jaugeurs
3 f. 6 d.
8 d.
3 d. zal
f
4 f. 6 d.
CIDRE.
E
Nirée par Muid
Quatre fols pour livre
b Octroy
41.
16 f.
4. 16 f.
sf.
sf.
Doublement
Deux fols pour livre du
Doublement
Controlleurs - Jaugeurs par
Muids ou demy -Queues
Deux fols pour livre
sf.
6 d.
Jaugeurs
Papier
6 d.
2 f.
1 f. 9 d.
sl. 15 f. 9. d.
3 d. x
d Entrée
La Pinte de Cidre.
Quatre fols pour livre
Octrois , &c.
31
4 d. 21
a La Pinte d'Eau - de - Vie
b Droits de la Ville.
f
Nota. Faire payer la Jauge & Courtage de 9 f.
pour 1.
d La pinte de Cidre.
1. 10 d.
DE NOVEMBRE. 87
POIRE .
Ntrée Muid
par
Quatre fols pour livre
a Otroy
Doublement
Deux fols pour livre du
Doublement
Controlleurs - Jaugeurs - par
Muid ou Demy - Queuë
Deux fols
pour livre
Jaugeurs
Papier
21.
8 f.
21. 8 f.
2 f. 6 d.
2 f. 6 d .
3 d.
5 f.
6 d.
z f.
If. 9 d.
31. 2 f. 6 d.
a Droits de la Ville.
Nota. Faire payer la Jauge & Courtage de 9 fols,
1 f. 10 d. 14f. pour 1 .
Arreft du Confeil d'Etat du Roy du 10
-Janvier 1718 , qui difpenfe les Vaiffeaux
armés par la Compagnie d'Occident
pour la Louifianne , d'y porter les engagés
& fufils , à quoi font affujettis les Vaiffeaux
deſtinés pour les Colonies , par
› le
Reglement du 16 Novembre 1716.
Arreft de la Cour du Parlement du 29
Avril 1719 , qui a jugé 3 Queſtions.
La premiere , qu'un Pere qui fe remarie,
peut , fans offenfer l'Edit des fecondes Nôces
, inſtituer heritier par fon fecond Con88
LE MERCURE
trat de Mariage , un enfant à naître de fon
fecond lit.
La deuxième , que dans la Coutume de
la Marche , la fucceffion mobiliaire de la
mere comprend indiftinctement tous les
meubles de l'enfant prédécedé , fans diftinction
de ceux qui lui ont été acquis par
fucceffion ou autrement.
La troifiéme , que les deniers ftipulés
propres à un mari par un premier Contrat
de mariage , ont repris aprés la mort de fa
femme; la même qualité de deniers , & qu'il
en a pû difpofer comme meubles.
Arreft du Confeil d'Etat privé du Roy ,
du-28-Aouft-1719 , qui maintient tous les
Marchands & Artifans des Communautés
de la Ville & Fauxbourgs de Paris , dans le
Privilege de pouvoir s'établir dans toutes
les Villes & Bourgs du Royaume , en faifant
enregiftrer leurs Lettres de Maitrife au
Greffe de la Jurifdiction ordinaire du lieu
où ils s'établiront.
Arreft du Confeil d'Etat du Roy du 24
Octobre 1719 , qui nomme des Commiffaires
pour la liquidation des Offices de
Commiffaires -Verificateurs Particuliers des
Rolles pour la diftribution du fel : & le
fieur Gromefnik , pour Greffier de la Commiffion
, demeurant ruë neuve des Petits-
Champs.
Arreft du Confeil du 26 , qui ordonne
que
DE1 NOVEMBRE. ૪૩
que les effets provenans des 30 millions
d'Actions des Fermes , remifes aux Receveurs-
Generaux des Finances , & qui compofent
leur Caiffe particuliere , leur feront
délivrés : Au moyen de quoi S. M. leveles
furléances à eux accordées , & veut qu'ils
payent comptant leurs Billets , Lettres de
change & Refcriptions.
Autre du 26 , qui ordonne que tous Com
mis , Capitaines , Gardes , & autres Employés
par la Compagnie des Indes , pour les
Gabelles , cinq groffes Fermes , Tabac ,
Aydes , papier & parchemin timbré , Controlle
des Actes, Greffes, Domaines , amortiffemens
& francfiefs , veilleront à la confervation
des differens droits de toutes lef
dites Fermes , indiſtinctement , & drefferont
leurs Procés-verbaux des contraven
tions & fraudes qui feront faites à tous lef
dits droits , &c.
: Ordonnance de Police du 27 Octobre
1719 , qui réduit la livre de chandelle
loyale & marchande , à 3 f. 6 d.
Arreft du Confeil du 28 Octobre , qui
ordonne que les droits refervés par les Edits
des mois de Juin & Aouft 1716 , demeure-
Font totalement éteints & fuprimés , à commencer
du 1 Decembre 1719.
Arreft du Confeil du 28 , portant mode
ration de droits fur le charbon de terre ve
nant d'Angleterre.
H
90 LE MERCURE
Arreft du Confeil du 29 , portant Reglement
fur la vente de la volaille & gibier.
Arreft du Confeil du 7 Novembre 1719,
qui ordonne que les droits qui étoient cydevant
attribués aux Offices de Subftituts-
Adjoints , & qui ont été refervés par l'Edit
du mois de Novembre 1717 , demeureront
totalement éteints & fuprimés , à commen
cer du 1 Decembre 1719 .
Arreft du Confeil du 9 , qui ordonne
que les Proprietaires des Rentes fuprimées
par les Arrefts des 31 Aouft & 26 Octobre
dernier , feront rembourfés fur leurs anciens
Contrats , quoique non convertis en
Rentes au denier 25 , conformément aux
Edits de Decembre 1713 & 1715.
Autre Arreft du 9, qui ordonne que toutes
les parties de Rentès ordonnées être
remboursées par les Arrêts des 31 Aouſt
& 26 Octobre derniers , qui ne fe trouve
ront pas libres & fujettes à remploy , feront
& demeureront exceptées de la fupreffion
portée par lefdits Arrefts.
-Arreft du Confeil du 1o , qui permet aux
Directeurs de la Compagnie des Indes
d'employer telle partie des fonds qu'ils ju
geront convenable pour l'accroiffement du
Commerce de la Pêche , & l'établiffement
des Manufactures , fans qu'il puiffe être fait
de nouvelles Actions fur ladite Compagnie
des Indes,
DE NOVEMBRE. 91
Arreft du Confeil du 11 , pour le rem→
bourfement des creanciers des Etats de Bre
tagne.
Arreft du Confeil du 14, qui nomme des
Commiffaires , pour juger les differens mûs
& à mouvoir fur les oppofitions formées &
à former , aux differens rembourfemens or
donnés par S. M. pour le prompt payement
des dettes de l'Etat.
Arreft du Confeil d'Etat du Roi du 12
Novembre 1719 , portant Réunion au Do
maine de fa Majefté , de tous les Bois qui em
ont été jufqu'à preſent diftraits par differens
Engagemens. Sa Majesté étant informée
qu'encore que le feu Roy ait eu en vûë de
réunir à fon Domaine tous les droits qui en
avoient été diftraits , S. M. étant en fon Confeil,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a Réuni à fon Domaine tous les
Bois alienés ou engagés en execution des
Edits des années 1601 , 1645 , 1652 &
autres : en confequence , ordonne que les
Engagiftes defdits Bois , reprefenteront in
ceffamment pardevant les Sieurs Fagon
Confeiller d'Etat & au Confeil Royal de
Regence pour les Finances , d'Ormeffon
d'Amboile , de Gaumont & Tachereau de
Baudry Maîtres des Requeſtes & Confeil,
lers au Confeil de Finance , que fa Majeſté a
commis à cet effet , leurs Quittances de Fi-
>
Hij
91 LE MERCURE
nances , Contrats & autres Titres d'enga
gemens defdits Bois , pour fur la liquida
tion qui en fera faite par lefdits Sieurs Commiffaires
, être lesdits Engagiftes rembourfés
du montant defdites Finances fur les
Quinze cens Millions preftez à fa Majefté
par la Compagnie des Indes . Fait fa Majefté
trés-expreffes inhibitions & défenfes
aufdits Engagiftes de faire ou continuer , à
compter du jour de la publication du prefent
Arreſt , aucunes Coupes dans Teſdits
Bois , & à tous Marchands & autres parti
culiers de s'immifcer aufdites Coupes , fous
les peines portées par l'Ordonnance des
Eaux & Forefts du mois d'Aouft 1669 .
Enjoint fa Majefté aux Grands - Maîtres
des Eaux & Forefts de fe tranfporter inceffamment
dans lefdits Bois fitués dans l'étenduë
de leurs départemens , à l'effet d'en
faire une vifite exacte & dreffer Procésverbaux
de leur état , confiftance , âge , nature
& qualité , & de proceder au Reglement
des Coupes fuivant leur poffibilité ;
pour fur lefdits Procés -verbaux & leurs
avis , étre par fa Majefté ordonné ce qu'il
appartiendra. Et fera le prefent Arreſt enregiftré
, lû , publié & affiché par tout où il
appartiendra , & executé nonobftant oppo
fitions , recufations , prifes à partie ou au
tres empêchemens quelconques , pour leG
quels ne fera differé , & dont fi aucuns in
DE NOVEMBRE.- 93
serviennent , fa Majefté fe referve la connoiffance
& à fon Confeil , & icelle interdit
àtoutes les Cours & Juges ; & pour l'exe
cution du preſent Arreft feront toutes Lettres
neceffaires expediées. FAIT au Confeil
d'Etar du Roy , fa Majefté y étant , tenu à
Paris le douzième jour de Novembre mil
fept cent dix-neuf. Signé PHELYPEAUX.
Arreft du Confeil d'Etat du Roy du 16.
Novembre 1719 , qui ordonne la maniere
dont les Saifies doivent être faites entre les
mains des Receveurs & Syndics Diocefains
du Clergé. SA MAJESTE ESTANT EN SON
CONSEIL , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a ordonné & ordonne
que dans quinzaine pour tout delay,a'compter
du jour de la publication du prefent Arreft
, toutes les Saifies , Arrefts , oppofi
tions & autres empêchemens generalement
quelconques , qui ont été cy- devant faits
entre les mains des Receveurs particuliers
des Diocefes , foit en exercice ou hors d'exercice
, pour quelque caufe que ce foit ,
foient denoncez aux Syndics defdits Dioce
Les par lefdits Receveurs Diocefains , les
Originaux defquels Exploits de denoncia
tion , enſemble les copies defdites Saifies ,
Arrefts , Oppofitions ou autres empêchemens
faits entre les mains defdits Receyeurs
Diocefains , feront visés par lefdits
Syndics. Yeut & entend fa Majeſté , que
94 LE MERCURE
faute par lefdits Receveurs Diocefains , tant
anciens , qu'alternatifs & triennaux , d'a
voir denoncé aufdits Syndics dans ledit dé
lay de quinzaine lefdits Arrefts , Saifies ,
Oppofitions ou autres empêchemens , lef-
S
dits Receveurs Diocefains en foient & demeurent
garands & refponfables en leurs
propres & privez noms ; & feront lefdits
Syndics des Dioceſes tenus d'envoyer aux
fieurs Agens du Clergé , en execution dudit
Arreft du 26 Octobre dernier , des états
par eux certifiez veritables, defdites Saifies,
Arrefts & autres empêchemens . ENJOINT
Sa Majesté aux Sieurs Agens Generaux du
Clergé , de tenir la main à l'execution du
prefent Arreft qui fera lû , publié & affiché
par tout où befoin féra , & executé nonob
ftant oppofitions & empêchemens quelconques
, pour lesquels ne fera differé , & dont
faucuns interviennent , Sa Majefté s'eft
refervé la connoiffance & l'interdit à
toutes fes Cours & Juges. FAIT au Confeil
d'Etat du Roy , Sa Majesté y étant , tenu
à Paris le feizième jour de Novembre
mil fept cent dix - neuf. Signé PHELYPEAUX.
Arreft du Confeil d'Etat du Roy du 16
Novembre 1719 , qui commer le Sieur
Charles Geoffroy pour payer les Rembour
femens aux differens Rentiers du Clergé.
SA MAJESTE ESTANT EN SON CONSEIL ,
DE NOVEMBRE.
99
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans Re
gent , a commis & commet le Sieur Char
les Geoffroy pour payer toutes les fommes
qui fe trouveront dues aux Rentiers & Proprietaires
defdits Offices & autres creanciers
, dont le rembourſement a été ordonné
par ledit Arreft du Confeil d'Etat du 26
Octobre 1719 , foit en deniers qui lui feront
fournis par lleeddiitt DDuubbrreeuuiill , foit en
Recepiffez dudit Sieur Geoffroy payables
au Porteur au premier Janvier 1710 , par
le fieur Deshayes Caiflier de la Compa
gnie des Indes , au choix & option deſdits
Rentiers & Proprietaires deſdits Offices ;
lefquels recepiffez dudit Sieur Geoffroy feront
reçûs dans les Payemens des cent cin
quante Millions de nouvelles Actions de la
Compagnie des Indes , en la même forte
& maniere que les autres Effets mentionnez
dans lefdits Arrefts des 26 Septembre
& 21 Octobre 1719 , & jouiront les Por
teurs defdits Recepiffez , des mêmes avantages
que les Porteurs de ceux delivrés
par les fieurs Hallée & Renaut. FAIT aut
Confeil d'Etat du Roy , fa Majefté y étant ,
tenu à Paris le feizième jour de Novembre
mil fept cent dix- neuf. Signé PHELYPEAUX.
Arreft du Confeil d'Etat du Roy , du 21
Novembre 1719, qui ordonne la réunion
generale des Domaines . Le Roy ayant fait
examiner en fon Confeil les differens Edits
96
LE MERCURE
en vertu defquels il a été aliené un fi gránd
nombre de Domaines , que le produit de ce
qui refte ne fuffit pas pour acquitter les
Charges dont la Majefté eft tenuë. Et fa
Majesté ayant d'ailleurs depuis fon avene.
ment à la Couronne fupprimé quantité de
droits onereux à fes Sujets , ce qui diminuë
confiderablement fes revenus , Elle a jugé à
propos de rentrer dans fes Domaines , &
d'employer pour le rembourſement des En
gagiftes une partie des quinze cens Millions
que la Compagnie des Indes s'eft engagée
de lui prefter pour payer les dettes de l'Etat,
& dont fa Majefté a eftimé ne pouvoir fai.
re un emploi plus jufte & plus favorable
que de retirer le patrimoine de la Couron
ne : A quoy étant neceffaire de pourvoir ,
Ouy le Rapport. SA MAJESTE' ETANT
EN SON CONSEIL , de l'avis de Monfieur
le Duc d'Orleans Regent , a ordonné &
ordonne ce qui fuit.
ART. 1. Que tous les Domaines , Juſtices,
Seigneuries & autres droits domaniaux,
de quelque qualité qu'ils foient ou puiffent
être alienez , foit par engagement à
faculté de rachapt perpetuel , ou à titre de
proprieté incommutable , infeodation , don,
conceffion ou autrement , à quelques perfonnes
, pour quelques cauſes , & depuis
quelque temps que ce foit , feront & demeureront
pour toujours réïnis à la Cou
Lonne
DE NOVEMBRE.
37
ronne , nonobftant
toute prétention de
preſcription
& efpace de temps , pendant
lequel les Domaines & droits en pourroient
avoir été feparez , fans qu'ils en puiffent
étre cy- aprés diftraits ni alienez en tout ou
partie , pour quelque caufe que ce puiffe
être , à l'exception
néantmoins
des dons
faits aux Eglifes , Doüaires , Appanages
& Echanges
faits fans fraude ni fiction ,
en vertu d'Edits bien & dûemen: verifiés ,
de même que les parts & portions de pe-.
tits Domaines
qui ont été alienés à vic , en
execution
de la Declaration
du Mars
1718 , & qui doivent revenir à fa Majefté
aprés le decés des Ufufruitiers
.
II. Veut & ordonne fa Majefté que tous
les detempteurs des Domaines , Juftices &
droits , à quelque titre que ce puiffe être ,
foient tenus de rapporter avant le premier
Mars prochain , pardevant les Commiffaires
qui feront deputez pour l'execution du
prefent Arreft , les Contrats & autres Titres
, en vertu defquels ils joüiffent , & les
Quittances de la Finance qui aura été par
eux payée , même celles des deux fols pour
livre , pour aprés que le tout aura été communiqué
aux Infpecteurs Generaux des
Domaines , être pourvû à leur rembourſement
, ainfi qu'il appartiendra : & que lef
dits Sieurs Commiffaires en procedant à la
Liquidation de la Finance des Engagiſtes ,
I
98 LE MERCURE
n'ayent aucun égard aux dons & conceffions
defdits Domaines , pour quelque cau
fe & pretexte qu'ils ayent été faits , ni aux
Arrefts qui pourroient en avoir accordé la
jouïffance , lefquels fa Majefté a caffez ,
revoqués & annulés , conformément aux
anciennes Ordonnances .
III . Ordonne fa Majefté , que ceux qui
auront continué la jouïffance des Domaines
au-delà du temps porté par leurs dons &
conceffions , foient condamnés à la reftitution
des fruits & interefts d'iceux , à compter
du jour que la conceffion aura expiré ,
fuivant l'eftimation qui en fera faite.
IV. Et que les Detempteurs defdits Domaines
, qui ne rapporteront aucuns Titres
de leurs engagemens , ou n'en rapporteront
point de valables , foient tenus de reftituer
les fruits qu'ils en auront perçûs pendant
leur jouïffance , & celle de leurs predeceffeurs
, fans
que la poffeffion , quelque longue
qu'elle foit , puiffe fuppléer au Titre ,
ou couvrir le vice d'icelui , ni empêcher la
reftitution entiere des fruits.
V. Comme auffi qu'il n'entrera en liqui
dation de Finance que les fommes qui fe
trouveront être réellement entrées dans les
coffres de fa Majefté , ainſi que les deux fols
pour livre d'icelles , même les frais &
loyaux coûts , les impenfes & ameliorations
utiles & neceffaires , lorfqu'elles au
DE NOVEMBRE. 99
ront été faites par autorité de Juftice.
VI. Et feront les Engagiftes remboursés
fur les Ordonnances de liquidation defdits
Sieurs Commiffaires , & fur les Arrêts
particuliers de réunion qui feront expediés
en confequence , en remettant les Titres &
Pieces juftificatives de leur engagement au
Garde dur for Royal , lequel leur delivrera
pour la valeur fes Recepiffés fur le
Caiffier de la Compagnie des Indes, à compte
des quinze cens Millions qu'elle s'eft engagée
de prêter.
VII . Ordonne au furplus fa Majefté que
PEdit du mois d'Avril 1667 , portant reünion
des Domaines , foit executé felon fa
forme & teneur en ce qui ne fe trouvera
point contraire au preſent Arreft, fur lequel
toutes Lettres neceffaires feront expediées.
FAIT au Confeil d'Etat du Roy , fa Majeſté
y étant , tenu à Paris le vingt uniéme jour
de Novembre mil ſept cens dix-neuf. Signé,
PHELYPEAUX.
Arreft du Conſeil d'Etat du Roy , portant
fuppreffion des Offices de Gardes en
Titre des Bois , Eaux & Forefts de Sa Majefté.
LE ROY ESTANT EN SON CONSEIL ,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent
, a fupprimé & fupprime tous les Offices
de Gardes de fes Bois, Eaux & Foreſts,
créez par ledit Edit du mois de Novembre
1689. En confequence , ordonne que les
Iij .
535116
100 LE MERCURE
Proprietaires defdits Offices feront tenus de
reprefenter dans fix mois ,à compter du jour
de la publication du prefent Arreft , leurs
Quittances de Finance & Titres de proprie
té defdits Offices , avec les Procès - verbaux
de l'état des Bois commis à leur garde
dreffez par les Grands Maitres , ou par les
Officiers qu'ils fubdelegueront cet effet ,
pardevant les Sieurs Intendans & Commiſfaires
départis dans les Provinces & Generalités
du Royaume , dans l'étenduë defquelles
lefdits Offices font établis , pour en
eftre par chacun defdits Sieurs Commiffaires
, que Sa Majesté a commis à cet effet ,
dreffé un état de Liquidation , & leldits
états remis entre les mains du Sieur Fagon
Confeiller d'Etat , être pourvû au rembourfement
de la finance deſdits Offices fur les
quinze cens Millions prêtés au Roy par la
Compagnie des Indes. Enjoint Sa Majesté
aux Grands Maîtres des Eaux & Forests , de
commettre chacun dans fon département à
la garde defdits Bois, conformément à l'Ordonnance
des Eaux & Forefts du mois
d'Aouft 1669 , & aux Reglemens du Confeil
intervenus en execution d'icelle , & feront
lefdites Commiffions de Gardes exer
cées par ceux qui feront commis par lefdits
Grands Maîtres , aprés qu'ils auront
prêté le ferment en tel cas requis , jufqu'à
ce qu'il fait pourvû par Sa Majefté par des
DE NOVEMBRE. 101
Lettres du grand Sċeau aufdites Commiſfions
; & pour l'execution du prefent Arreft
, qui fera regiftré , lù , publié & affiché
par tout où befoin fera , & executé nonobftant
oppofitions ou autres empêchemens
quelconques , toutes Lettres neceffaires feront
expédiées. FAIT au Confeil d'Etat du
Roy , Sa Majefté y étant , Monfieur le Duc
d'Orleans Regent prefent , tenu à Paris le
douzième jour de Novembre mil fept cens
dix-neuf. Signé PHELYPEAUX .
Arreft du Confeil d'Etat der Roy , qui
nomme des Commiffaires pour proceder à
la Liquidation de la Finance des Offices de
Payeurs & de Controlleurs des augmentations
de Gages. SA MAJESTE ESTANT EN
SON CONSEIL , de l'avis de Monfieur le
Duc d'Orleans Regent , a ordonné & ordonne
que les Proprietaires des Offices de
Payeurs & de Controlleurs des Payeurs
des augmentations de gages creées & établies
depuis le premier Janvier 1689 , reprefenteront
pardevant les Sieurs le Pelletier
de la Houffaye , Confeiller d'Etat
ordinaire , d'Ormeffon , d'Evry ; de Crouy,
de Gaumont , Hebert , Amelot , de la
Grandville , Orry , Bertin , Parizot , de
Voyer d'Argenſon , Pajot , Midorge , Regnault
, le Pelletier de Signy & d'Argenfon
Maîtres des Requêtes , que Sa Majesté
a commis & commer,leurs Quittances de fi
Iiij
102 LE MERCURE
nance , Proviſions & autres Titres de proprieté
, ponr être procedé à la Liquidation
de la Finance de leurs Offices ; & qu'à cer
effet ils les remettront entre les mains du
fieur de Gromefnil Greffier des Commiffions
extraordinaires du Confeil . FAIT au
Confeil d'Etat du Roy , Sa Majesté y étant ,
tenu à Paris le dix- huitième jour de Novembre
mil fept cens dix neuf. signé PHELYPEAUX
.
Lettre écrite à l'Auteur du Mercure , au ſujet
de l'extrait qui a été donné dans le mois
d'Ottobre , fur le Traité des Penfions
Royales.
E n'eft pas fans étonnement , Monfeur
,que pay lù dans l'extrait que
vous avez fait du Traité des Penfions Royales
, ce que l'Auteur avance contre l'Ordre
de S. Lazare . A l'entendre , on croiroit que
cet Ordre n'eft rempli que de gens fans
naiffance & fans merite , qui n'y ont été reçûs
que par faveur ou par argent. Il ignore
apparemment , ou il fait femblant d'ignorer
que parmi ceux dont il eft compofé , il y a
plufieurs perfonnes des plus illuftres Maifons
du Royaume , comme des Montinorency
, des Laval , des la Rochefoucault .
des Bethune , des la Marck , des RocheDE
NOVEMBRE. 103
chouart , des Simianes , des Brancas , des
Conflans , &c. Que de trois cens Chevaliers
ou environ , qu'on y compte à prefent,
le plus grand nombre eft celui des Chevaliers
de Juftice , qui ont fait trés regulierement
les preuves de Nobleffe : Qu'il s'y
trouve quantité d'anciens Officiers , Marêchaux
de Camp , Brigadiers , Colonels
Lieutenans - Colonels , & Chevaliers de S
Louis : Que de ceux qui ont été faits Chevaliers
de Grace ( c'est - à-dire qu'on a dif
penfés des preuves deNobleffe, en partie ou
en tout ) il y en a plufieurs qui ont fondé
des Commanderies : Que d'autres ont obtenu
la Croix , à caufe de leurs fervices à la
Guerre ; & que d'autres enfin ont été reçus
pour quelque merite particulier ; mais
qu'il n'y en a aucun qui ne foit de bonne famille.
Quand le Roy Henry IV. inftitua l'Ordre
de Notre Dame du Mont Carmel , au
quel il unit celui de S. Lazare de Jerufa
łem , le plus ancien de la Chrétienté , ce fut
pour le remplir feulement de Gentils- hommes
, comme on le voit dans la Bulle que le
Pape Paul V. donna pour cette Inſtitution
au mois de Mars 1607 , & ailleurs . Cette
Bulle permet aux Chevaliers , quoique mariés
, de poffeder des Penfions fur les Benefices.
L'Ordre de S. Lazare jouïffoit aupa
ravant de ce droit qui lui avoit été confirm
I iiij
104 LE MERCURE
par quantité de Bulles de differens Papesy
Ainfi , fans examiner la grande queſtion de
P'Auteur du Traité , on peut dire que le
droit des Chevaliers de S. Lazare eft bien ,
& incontestablement établi ; qu'il n'y a
aucune difficulté à les en faire jouir , &
que fi l'Ordre de S. Louis a été inftitué
pour être le prix des fervices militaires
fans avoir égard à la naiffance , celui de S.
Lazare eft une voye aifée , pour recompenfer
le merite & la valeur des Gentils-hommes.
A la verité, fon inftitution eft de combattre
les Infidelles ; mais , fi elle n'eſt
point ſuivie , ce n'eſt pas la faute des Chevaliers.
Cependant , foit qu'on leur en
donne les occafions , ou qu'on les employe
ailleurs , ce fera toujours un moyen sûr de
procurer quelqu'avantage à la Nobleffe
qui ayant fi fouvent prodigué fon fang pour
fes Rois & pour fa Patrie , merite bien une
diftinction particuliere . Auf toute autre
que M. l'Abbé Richard ne fe feroit jamais
avifé de former , & encore moins de propo
fer le projet d'union qu'il a imaginé.
Je fais Monfieur , &c.
DE NOVEMBRE.
JOS
Les mauvais Prefages .
OCTAVE ,
CTAVE , ce bon Gentil - homme ,
Qui dit que des Romains il tire extraction ;
(Quoiqu'il n'ayt de la vieille Rome
Qu'un peu de fuperstition :)
Sortit un jour de fon village ,
Et voulut bien faire un excés ,
Pour folliciter un procès
Qu'il avoit dans fon Bailliage.
Au milieu de fon parc , fur un gros arbre fec ,
Il vit un vieux corbeau perché fur fon paffage
Qui de croafferfaifoit rage.
Voici qui ne vaut rien , dit- il , c'est un échec ,
Oifeau malencontreux , que ton chant me préfaga?
Dubois fon valet l'encourage ,
Il s'efforce , il poursuit , & le nobie Romain
Plein du fouci qui l'inquiete ,
Amille pas plus loin rencontre une Belette
Qui luy traverse le chemin.
Cédons , s'écria- t- il , c'eft trop faire le brave ,
Je fens mon coeur glacé d'effroi :
Si ce jour , fans malheur , fe termine pour
Je ne fuis plus Octave.
A ces mots , il donne des deux ,
Regagne fon logis ; & le trouble dans l'ame
Il court dire à fa chere femme ,
Sur tous ces préfages hideux ,
sa prévoyance fans feconde :
Iltireles rideaux ;
moi
trouve; Hé bien donc ! Quoy?
Ce que jadis trouva Joconde ,
Et ce qu'on n'aime pas à rencontrer chezSay
Aprés une telle avanture ,
A-t-il tort , s'il croit à l'augure3
тоб LE MERCURE
D
L'heure de boire.
Ante nous a rimé l'histoire
De l'Enfer du Purgatore ,
Où le profond vltramontain
S'embrouille de tant de mysteres ,
Qu'à la barbe des Commentaires ,
Un grand Clerc y perd fon latin.
Là , fa cauftique médifance
Verfant des flors d'ancre malin
Il daube fur les Rois de France
En déterminé Gibellin.
Dans fes jours moins vifionnaires
Derogeant à fa gravité ;
Ce Sphynx des bons mots populaires
Adoptoit la naïveté :
Sur Pipophtegme& la Sentence
Il n'était pas toujours guinde
Et prenoit joyeuse licence
De montrer fon front deridé.
Un foir que dans fon héritage ,
En revant , il fe promenoit ,
A fon Fermier , qui revenoit
Tout éclopé du labourage ,
Il demanda : Quelle heure eft - il ?
Gros- Jean , pou faire le fubtil ,
Et répondre en termes honnêtes ,
Fichant gros jeux de boeuf en haut ,
Où Laboureurs font leurs enquêtes .
Dir , Monfieur , c'est l'heure qu'il faut
Aller mener boire les bétes .
Dante fourit ; grand merci ,
Mon bon-homme : Veux- tu m'en croire ?
Hâte-toi ; puifqu'il est ainsi ,
De chercher qui te mene boire.
DE NOVEMBRE. 107
A
Sur une vielle Coquette.
Ngelique avec fes fontanges ,
Ses mouches & fes affiquets
•
A receu jusqu'ici cinquante cinq bouquets
En cinquante cinq fois Notre- Dame des Anges,
Si l'infulte des ans fignale leurs efforts
Sur fa fanté , fur fon vifage :
Son efprit refte jeune , en dépit de fon â ,
Et paroit l'enfant de fon corps .
P
Sur un Magiftrat Préfomptueux
Rémont , que fa Charge a gâté,
Aujourd'huyfe trouve entité ,
Qu'il est un homme d'importance ,
De merite de Qualité.
Il n'en est rien mais il le penfe.
O'quelle heureufe extravagance !
Ꮴ
A Nanon.
Ous vous colez inceffamment
Des mouches fur votre visage ,
Croyant que cet ajustement
Est , pour plaire , un grand avantage.
Point du tout , Nanon , il faudroit
Que vous euffiez le corps plus droit ;
Le nez plus long , les yeux moins loûches
Plus de grace plus d'embonpoint :
Sans quoy , c'est en vain tant de mouches :
Ces mouches là ne piquent point.
Lorsque
Penfée de Montagne.
Orfque l'orgueilleux Dorante
Des vers que je lui préſente »
LE MERCURE
Eft ardent à s'empreffer ;
Il ne fent point l'ironie ,
Et croit que tout beau genie ,
N'est né que pour l'encenfer.
Mais que fçait - on , dit Montagne
Quand avec fon chat d'Espagne
Un homme prend ses ébats ;
Si le chat n'a pas en tête
Que l'homme n'est qu'une bête
Propre à divertir les chats ?
Sur la mort de Monfieur Ferrand Confeiller
à la Cour des Aydes.
Qvel
Vel mortel aujourd'huyrepose en ce tombeau !
Le Parnaffe eft en deüil; l'amour verſe des larmes,
Et veut éteindre fon flambeau.
Themire fous un voile enfevelit fes charmes s
Themisfous fon bandeau laiffe couler des pleurs":
La France , enfoupirant , demande fon Catulle
Apollon regrette un Emule.
Parunfeulde tes traits, ô Mort , que de malheurs !
Moerens pofuit
de Bonneval Amicus , Autor.
Alla Virtuofiffima Signora d'Argenon ,
Homaggio debito ."
I
Ncomparable d'Argenon !"
Qui peut vous voir , vous entendre,'
Eut-il le coeur cent fois moins tendre ,
A vos attraits touchans eft forcé de se rendre.
Quel mortel, ou plutôt , quel Dieu vous diroit neng
La douceur , les graces naïves
A vous fuivre font attentives ,
DE NOVEMBRE.
Et les Amours à vos côtez
Sont furs des coups que vous portez.
Nous fentons leurs vives atteintes ;
Cependant quand vos yeux vainqueurs
De defirs rempliffent nos coeurs ,
Nous étouffons nos foupirs nos plaintes .
De peur d'exciter vos rigueurs.
Mais ne deviez vous pas , contente de ces charmes
Dont la nature vous combla >
D'Argenon ! en demeurer là ,
Sans chercher encor d'autres armes .
Non contente de plaire aux yeux
Vous voulez charmer les oreilles ,
>
Et donner dans vos chants un effay de merveilles.
Qu'on nousfait efperer d'entendre dans les Cieux ,
En vain nous parle - t -on duChantre de la Thrace
S'il étoit encor parmi nous
Il vous demanderoit pour grace ,
De voir fa Lyre à vos genoux.
Que diroient Amphion , Terpaudre ,
Linus , Thamiras , Arion ,
S'ils pouvoient venir vous entendre ?
Vous les verriez ſurpris , & leur confufion
Nous feroit aifement comprendre
Que leur merite , qu'a vanté
Toute la fage antiquité ,
Tiroit fon plus grand avantage
De ce que d'Argenon n'étoit pas de leur age .
Vous voir, & vous entendre , enfin, font des plaifirs
Dont nous voudrions jouir fans ceffe ;
Mais , que votre delicateſſe
Nous paffe encor quelques defirs
?
Nous vous les cacherons pour eftre moins coupables,
Convenez feulement qu'ils font inévitables
Vous aurez nous les pardonner.
A cela près , vous pouvez ordonner ·
Chacun de nous à vos ordres fidelle ,
Yous affure d'un tendre zele ,
110 LE MERCURE
Et nous jurons par le facré vallon ,
Par les Mufes , par Apollon ,
Par Pegaze , par Hippocréne ,
Par vous enfin , divine d'Argenon !
Que nous vous chaififfons pour notre fouveraine ,
Et que pour vous fervir,, falut- il perdre baleine
Nous ne vous dirons jamais , non.
T
OD E.
Oy , qu'une mort prompte & barbare
Arrache à tes vastes projets !
Mortels quel doux charme t'egare ?
Que fais-tu ! quels font tes progrès !
Hureux objet de fa puissance ,
L'Eternel comble ta naissance
Des plus favorables prefens :
Mais ce magnifique affemblage ,
Efclave d'un coeur trop volage ,
Cede à tes malheureux penchans.
Ainfi dans ces tems , où le monde,
Chef d'oeuvre de fon Createur ,
Naiffoit dans une paix profonde ,
N'ayant qu'un feul admirateur
On a vú rougir la nature
Dans la plus noble creature ,
L'Image du Maître des Cieux :
De là fa race malhúreuſe
Pleure la pente ruineuse
Du premier de tous fes Ayeux.
Quelque éclat qui vous environne ,
Craignez , mortels , d'y trop compter :
Il n'eft ni Sceptre , ni Couronne ,
Qui vous exempte de trembler.
Trifte dangereux appanage ,
3
DE NOVEMBRE . LIE
C'est peu pour conjurer l'orage ,
Que l'impuiffante Humanité:
Fadis , comptant trop fur fes forces,
Le premier Ange à ces amorces
A du fon orgueil terraffé .
Helas ! parmi tant de tempêtes ,
Dont les flots battent la raison ;
Combien de fourcillenfes têtes
Victimes de l'ambition ,
N'ont pas pour une vaine gloire
Cedé lâchement la victoire
Aux efforts de la vanité?
Combien n'ont pas fur l'apparence
Par une indigne preference
Hazardé la réalité?
En vain l'un & l'autre Neptune
Gémit , affervi-fous vos loix :
Vous les renez de la fortune
Ces grands thréfors , que je vous vois
La cruelle à vos voeux propice ,
Semble éloigner le précipice ,
Qu'elle ne fait que derober :
Tel eft le bonheur qui vous joue ,
Qu'au haut de fa fatale role
Vous ne montiez , que pour tomber.
&
Pleins de chimeriques idées ,
Mortels , pour un fort plus heureux
Vous allez chercher les contrées ,
Qu'arrofent ces fleuves fameux:
Mais tout l'or , que roule leur fable
Nez pour un objet plus durable ,
N'a pas dequoy vous arrêter.
Ouy : parcourant la terre & l'onde
Vous nous apprenez que le monde
N'eft pas fait pour nous contenter.
112 LE MERCURE
Mais vous , que la pourpre & l'hermine
Etale à l'univers jaloux ;
Vous nous vantez votre origine ,
Et vous finiffez comme nous:
Maitres fur l'onde , fur la terre ,
Vous tremblez au bruit du tonnerre ,
Le moindre revers vous abbat :
Vos flateurs nombreux corteges
Ne vous font-ils des privileges
Que pour tomber avec éclat.
En vain pour vous en faire accroire
On vante vos titres pompeux :
Tout au plus l'éclat de la gloirè
Vous rend d'illuftres malhúreux
Egalez dans la même boue ,
Votre fang qui nous defavoüe
N'a pas dequoy vous élever s
Et d'ailleurs votre independance
Met entre nous la difference
De vous rendre aisez à tromper,
Jamais l'Auteur de la nature
N'a dans l'ordre de fes deffeins ,
Pour enrichir fa créature ,
Frustré l'ouvrage de fes mains :
Ouy. Du Sceptre de la Couronne
Le chagrin , qui vous fuit au thrône ,
Dégouteroit bien des mortels :
Plus hûreux , fi dans leur mifere
Leur malheur fert à les fouftraire
A des abîmes éternels .
Requête prefentée par M. de Bonneval â M. de...
ADmirateur constant de Virgile & d'Horace ,
Seduit par les honneurs que Rome leur rendoit ,
Jay
DE NOVEMBRE. 113
J'ai voulu fur leurs pas m'élever au Parnaffe.
Le zele qui me poffedoit ,
Parut à mon efprit l'influence fecrette
Que le Ciel répandoit pour me former Poëte :
Je n'attendis done point un autre aveu des Pienx.
Pour la premiere fois je parlai leur langage ,
Sujets badins & ferieux ;
Ma Muſe mit tout en usage.
Toucher le coeur d'Iris , fut mon apprentissage :
Sur les plus tendres tons, je chantai fes beaux yeuxs
Mais bientoft fon humeur volage
Me vendit cherement quelque inftant précieux.
Sur les traces de Melpomene
J'ai fouvent celebré les favoris de Mars ;
J'ai vu des Scipions , j'ai connu des Cefars ;
Et je cherche encore un Mecene.
Apollon , eft ce là tout leprix de mes vers ?
Apeine , ai -je cueilli quelque Laurier fteriles .
Vain travail , projet inutile ,
Je laisse à qui voudra vos caprices divers .
De dépit je voulois abandonner fa lire
Lorfque le divin 'Apollon
M'a flatté par un doux foûrire ;
Et m'ayant ramené fur le facré vallon
M'a dit en quatre vers ce que vous allez lire:
Par mes divins confeils je viens t'encourager';
Ecris , compofe Jans murmure :
> L'Auteur comme l'Amant , fe paye avec ufure's·
Heftpour tous les deux une heure du Berger..
K
114 LE MERCURE
Le mot de la premiere Enigme du mois paflé ,
étoit la Rape , & celui de ta feconde , le Sel.
Voici l'explication en Vers de l'une & de l'autre.
1,
I.
L faut par bleu que je m'en donne
Je veux , & ab hoc & ab hac ,
Aujourd hus prendre du Tabac.
Je ne fuis ici pour perfonne .
Ma Râpe ma foi , la voilà ;
La grille s'affoiblit & plie ;
Mais que m'importe de cela ,
Pour dix fols on y remedie.
A
I I.
Vous le fils du Dieu qui porte la lumiere
Si l'humide Element eft auffi votre mere ,
Jamais il n'en fut un pareil ,
Fils de la Mer du soleil .
"
Vous entendant ainfi vanter votre nature
Je croiois voir au moins d'un Geant la figure ,
Et je voulois déja vous dreſſer un Autel ;
Mais les gens de grande naiffance ,
Ne font pas toujours ce qu'on penfe ,
Et vous n'êtes qu'un grain de Sel.
7
ENIGM' E.
E ne fuis , ni corps , ni matiere ;
Je ne fuis efprit , ni lumiere .
Que fuis-je donc ? je ne [çai pas.
Si quelqu'un pouvoit me l'apprendre ,
DE NOVEMBRE.
715
J'aurois des graces à lui rendre ;
Il me tireroit d'embaras.
Eh ! comment me pouvoir connoistre ž
Puifque celui qui me fait maitre
Sans aucun fentiment d'amour ,
Dans l'instant me ravit le jour.
Je fuis rien , comme on dit , ou du moins peu de
chofe ,
Et je ne puis le contefter :
Cependant , fouvent , pour cause ,
Les plus habiles gens viennent me conſulter«
V
AUTRE.
Ous , qui meprifés mafigure ,
Et qui de me plonger dans un fleuve de feu,
Par la téte & les pieds ne vous faites qu'unjeu
Apprenés quelle eft ma nature.
Mon origine eft noble & belle :
Dans fa demeure naturelle ,
Mon pere menaçoit jadis le Firmament :
De la terre & des airs il faifoit l'ornement
Et d'une verdure immortelle
Il portoit dans l'hyver le brillant vêtement.
Telfuton premier (ort : quand une main cruelle
Vint l'arracher impitoi ablement
Du fein d'une mere fidele ,
Pour le faire fervir fur un autre élement.
Aprés avoir brillé fur la terre & fur l'onde ,
On déchira fon corps pour me donner lejour :
Vil objet du mepris du monde
Souvent le plus fçavant vient mefaire la Cour.
Lefoir le matin je fuis aux gens d'affaire ,
D'un fecours nompareil ;
>
Par l'un & l'autre bout je chaje les tenebres ,
Comme un fecond soleil.
Ainfi Lecteur , finit mon fort ;
Tous les quatre Elemens entrent dans morbifolres
Kij
116 LE MERCURE
Mais malgré mon éclat, magrandeur & magloire,
Je ne fuis que cendre à ma mort.
V
VAUDEVILLE.
N Gafcon , rufé matois ,
Mais mince actionnaire ,
Par fes feuls galans exploits.
Connu dans cette Terre ,
D'un tendron friand y fit choix
Avant le terme des dix mois.
La fille fera mere.
Vive , vive , vive le Quinquempoix.
C'est une autre Cithere.
D'une attentive maman
La fille trop gênée :
Efperoit innocemment
Se joindre à la mêlée.
Elle y rencontra maints grivois:
Gare: le produit des dix mois.
La Belle y fut vifée. C
Vive , vive , vive le Quinquempoix.
Oh! l'aimable contrée.
On minois de foixante ans
Laffé d'un long veuvage ,
Fit choix pour fon paſſe temps.
D'un Muficien fage.
Il fe fit avancer les mois ,
Agiota; puis au minois ,
Chanta pour tout ramage :"
Vive , vive , vive le Quinquempoix ;
F'y gagne un Equipage..
La fille d'un Procureur ,
D'humeur un peu coquette &
Par un jeune agioteur
DE NOVEMBRE. TIZ
Se fit conter fleurette.
Il raconta pour les exploits
Combien il gagnoit chaque mois.
Elle en fut fatisfaite.
Vive , vive , vive le Quinquempoix ,
Pour faire une amourette.
Un Abbé de ces cantons
Cherchant quelques novices,
Trocqua pour avoir des fonds
Un de fes Benefices.
Il enfit d'utiles emplois ;
Avant le terme des dix meis
Il en vit les premices.
Vive , vive , vive le Quinquempoix ',
Les fonds y font propices.
Un Laquais d'Agioteur ,
En moins d'une journée ,;
Scut par un coup de bonheur
Changer fa destinée.
Aujourd'huyfier de fes exploits ,
Il éclabouffe le Bourgeois
Qu'il fervoit l'autre année.-
Vive , vive, vive le Quinquempoix
Pour les gens de livrée.
Nous nous croyons trap heureux ,
Quand nous pouvons vous plaire s
Lorfque vous fortez joyeux ,
Rien ne nous est contraire.
La troupe chante à haute võix z
Fay pare au produit des dix mois
Sans être actionnaire.
Five , vive , vive le Quinquempoix
Et vive le Parterre.
Itg
LE MERCURE
NOUVELLES ETRANGERES.
POLOGNE.
A Varfovie le 10 Novembre 1719.
LE
E Roy de Pologne qui devoit revenir
dans cette capitale , n'a pas voulu rifquer
ce voyage à caufe des maladies contagieufes
qui augmentent aux environs de
Leopold . S. M. s'eft rendue le 28 du mois
paffé à Frauſtad , afin de contenter les aſpirans
aux charges vacantes , dont Elle ne
peut difpofer qu'en perfonne dans ce Royaume.
Le Roy declarera dans peu les raifons
qui l'empêchent de reaffumer les féances
de la Diete generale dans le cours de cette
.année , comme on en étoit convenu à
Grodno fur la fin de la precedente.
On écrit de Pofnanie , que l'Evêque de
cette Ville a laiffé des ordres avant que de
fe rendre à Cujavie , pour faire démolir
foixante Eglifes Reformées. Il eft à craindre
qu'il ne furvienne , à cette occafion ,
de grands defordres de la part des Religionnaires
qui commencent même à eſtre
renforcés par ceux de leur Communion :
ils font déja au nombre de plus de huit
mille hommes , la plûpart Silefiens .
4
DE NOVEMBRE. 119
Sur le bruit qui s'étoit répandu en Ukrainç,
que le Czar avoit été enlevé fur mer par
les Suedois , le Peuple s'y étoit foulevé contre
les troupes Moſcovites qui ſe trouvoient
dans ce Païs ; mais cette émeute n'a pas eu
de fuites fâcheufes , les Ruffiens s'étant contentés
de s'affembler en Corps pour tenir
ce Peuple en refpect,
On mande de Cracovie , que le Czar
voulant prévenir les ravages que la conta
gion caufe fur les frontieres de fes Etats ,
y avoit fait dreffer des potences , afin de
détourner par la peine de la corde , ceux
qui , pour s'en délivrer , auroient deffein
de penetrer dans fon Païs.
Le 15 de Septembre on vit à Rahaczovv,
peu éloigné de Vilna , un phenomene en
l'air , qui furprit tous les fpectateurs : il
parut une figure de maiſon embraféé , de
laquelle partoient comme d'un feu d'artifice
, des efpeces de fuſées à peu près femblables
à celles que l'on tire ordinairement
ce qui dura un quart d'heure , après lequel
il s'évanouit , en finiffant par un fracas fi
terrible , qu'il fembloit à une décharge de
cent pieces de canon tirées en même tems ;
& l'air en fut fi agité , que l'on crut reffen
tir un tremblement de terre.
120 LE MERCURE
INGERMANIE.
A Peterbourg le premier Novembre 17196
Out l'arinement du Czar le trouve en
Topartie dans ce Port & à Revel , avec
le gros de fes Galeres qui font entrées fans
aucune perte à Abo. Les dommages que
les Suedois ont foufferts de notre expedition
dans leur Païs , fe montent à huit
grandes Villes faccagées & brûlées , cent
quarante-une maifons de campagne , 1363
Bourgs ou Villages , 21 Forges de, cuivre
& de fer , 43 Moulins , & 26 Magazins.
Les feules Eglifes ont été épargnées , &
l'on n'a fait aucun mal aux Habitans qui
ne fe font pas mis en deffenfe. On a enlevé
ou tué tout le betail. Tous les meubles &
autres effets ont été la proye de nos Troupes
, qui en ont brifé , brûlé , ou jetté la
plus grande partie dans la mer.
La detention des Negocians Anglois par
ordre de S. M. Cz. dans cette Ville , n'a
fubfifté que 24 heures ; le Confeil des Finances
s'étant contenté que chacun d'eux .
donnât caution pour lui-même. On les
avoit arrêtés, fous pretexte qu'ils refufoient
de donner des affurances les uns pour les
autres , & qu'ils cherchoient à ſe retirer de
ce pays , fans avoir préalablement acquitté
toutes
DE NOVEMBRE. 121
toutes leurs dettes , tant par rapport au
Public , qu'à l'égard des habitans.
Depuis que les Conferences d'Abland
font rompues , & que Meffieurs Bruffe &
Ofterman font de retour dans cette Ville ;
on paroît fort irrité contre la Nation Angloife
; & difpofé à pourfuivre fans relâche
la guerre contre la Suede. Cependant la
plupart des Vaiffeaux Marchands Anglois
ont cu la permiffion de fortir de ce Port.
S. M. Čz. a abfolument rejetté la mediation
du Roy de la Grande Bretagne pour
fa Paix avec la Suede ; Elle a fait dire à
l'Envoyé de Pruffe , de fe retirer de fes
Etats , & a donné ordre à celui qu'elle
tenoit auprès de S. M. Pr. de revenir fans
prendre audience de congé. Le Miniſtre
que notre Souverain avoit envoyé à la
Porte , n'a pû réuffir dans fa negociation ,
quelques propofitions avantageules qu'il
ait offertes pour arriver à fes fins .
Le Czar a ordonné au College de l'Amirauté
de faire conftruire dix Vaiffeaux
de guerre , qui doivent être prêts à mettre
en mer , auffi- tôt que la faifon le permettra .
Comme S. M. paroît être dans la refolution
de ne point rendre Revel , Elle a envoyé
des ordres en Ukraine , pour en faire
venir cinquante mille hommes en Livonie
& en Finlande . Elle fait travailler d'ailleurs
dans la vafte étendue de fes Etats à
L
122 LE MERCURE
des preparatifs extraordinaires de guerre ,
tant par mer que par terre. Ce Monarque
compte par ces difpofitions de le mettre
en état de faire téte à la Suede , ainſi qu'aux
Alliez qui l'ont abandonné .
S. M. Cz, a interdit , fous de rigoureufes
peines, tout commerce avec les pays Etrangers.
Le Major Gener. Gunter, Gouverneur
de Revel , n'eft occupé prefentement qu'à
faire perfectionner les nouvelles fortifica
tions de cette Place , auxquelles deux mille
ouvriers travailloient depuis deux ans , Un
des deux nouveaux Forts ordonnés pour
couvrir le Port , eft entierement conftruit ,
& l'autre , fort avancé ; on les doit garnir
de deux cens pieces de canon , pour en
défendre l'entrée aux Vaiffeaux Ennemis
qui tenteront de s'en approcher .
Le Czar a refufé de donner audience au
Miniftré du Roy de Pruffe. Cet Envoyé
devoit informer S. M. Cz. des raifons qui
avoient obligé le Roy fon maître à conclure
le Traité dont on a cy-devant parlé ,
avec le Roy de la Grande Bretagne.
Le Czar a de nouveau deffendu à fes
Sujets & aux Negocians Etrangers établis
dans fes Etats , de fe donner bien de garde
d'écrire à leurs Correfpondans aucune nouvelle
fur la fituation des affaires du Pays.
S. M. eft fi fevere fur cet article , que plufieurs
perfonnes de diftinction ont été reDE
NOVEMBRE. 123
leguées en Siberie , & d'autres renfermé es
pour avoir entretenu une fimple correlpondance
de lettres avec quelques - uns de
leurs amis qui fe trouvoient dans d'autres
Cours.
I
SUEDE .
A Stokolm le 8 Novembre 1719.
Life tient à la Cour de frequens Confeils
fur la fituation prefente des affaires,
& particulierement fur les moyens de parer
la nouvelle irruption dont le Royaume
eft menacé par les Mofcovites , à la faveur
de la premiere gelée . Ainfi , on fait toutes
les difpofitions neceffaires , pour être en état
de faire une Campagne d'hyver, en cas qu'il
prenne envie aux Ruffiens de vouloir infulter
nos Côtes , ou d'y faire une defcente.
On travaille avec empreffement à des nouvelles
levées , pour augmenter nos Troupes
de 10000 hommes , fans compter celles
du Landgrave de Heffe Caffel , & d'autres
Princes de l'Empire , qui doivent paffer
dans ce Pays au Printemps prochain .
Les Rulliens publient qu'ils vont faire
conftruire des baraques en Finlande pour
leurs Troupes , afin de tenir en alarmes celles
de Suede perdant cet hyver.
Les points préliminaires de paix propofés
par M. le General Poniatowski ,,
pour
Lij
124 LE MERCURE
êtablir une folide Paix entre S. M. le Roy
de Pologne Augufte II , Electeur de Saxe ,
& S. M. la Reine de Suede , ont été rendus
Publics , avec la réponſe donnée de la part
de S. M. la Reine de Suede , aux Propofitions
de ce General. Suivant toutes les
apparences , ces deux Couronnes feront
bientôt d'accord .
On a découvert une confpiration formée
par les Païfans d'Ofter Gothland , qui ont
voulu reconnoître le Czar pour Souverain,
quelque temps avant l'évacuation de fes
Troupes de la Suede. Pour cet effet , ils
s'étoient retirez au nombre de 4 à 500
dans la petite Ville de Suder- Coping , avec
offre de fournir à ce Prince 4000 chevaux ,
à condition qu'il les prendroit fous fa
protection. Les Chefs de cette conjuration
ont été arrêtés par ordre du Gouvernement.
M. Eckebladt , Confeiller du Royaume ,
& M. Stiernkorn , Chancelier de la Cour
ont été nommés Commiffaires , pour inftruire
& faire le Procés de ces Païfans. On
prétend que quelques Gentils- hommes ont
eu part à cette confpiration.
Les fourages font d'un prix fi exceflif
dans le Royaume , que ce qui coûtoit aufois
cinq écus , en vaut à preſent 60 .
On a appris ici avec toute la joye imaginable
, que l'Armistice pour 6 mois , entre
la Reine de Suede & le Roy de Danemarc
DE NOVEMBRE. 725
avoit été fignée le 30 Octobre à Copenha→
gue par Milord Polworth iniftre Anglois,
au nom de la Reine de Suede. Cette Treve
aura lieu des le 8 de ce mois dans la Mer
Baltique , & 10 jours aprés dans la Mer
du Nord. Il reviendra à la Suede par ce
Traité , Stralfund , Malcftrand , l'ile de
Kugen avec fon Diſtric , juqu'à la Riviere
de Pene , &c. La Reine de fon côté ,
cede à S. M. D. Wilmar , à condition que
cette Place ne pourra être vendue , hypotequée
, ni fortifiée .
บ
Le teu a confumé le ro d'Octobre dans
le Fauxbourg Septentrional de cette Ville
2 à 300 Mailons . Le Prince , Epoux de la
Reine , quoiqu'indifpofé , y courut à cheval
dés la pointe du jour , afin d'y donner
les ordres convenables . Mellieurs Rumpf
& de Bie , Miniftres des Etats Generaux ,
ayant prefenté un Memoire à la Reine ,
pour obtenir la reftitution des Vaiffeaux
Hollandois , S. M. leur a fait une réponſe
favorable, avec promeffe de faire relâcher
tous les Vaiffeaux qui leur ont été enlevés
pendant le cours de cette Guerre , autant
qu'ils pourront être dêcouverts , & fuivant
ce qui fera déterminé par des Commiffaires
nommés de part & d'autre .
Le Congrès de l'Iſle d'Ahland étant entierement
rompu , le Baron de Lilienftedt &
le Chevalier Berkeley , revinrent le deux
Liij
126
LE MERCURE
d'Octobre de cette Ifle dans cette Capitale ,
fans avoir pû executer la Commiſſion dont
ils étoient chargés .
Monfieur de Campredon , Miniftre de
France , prefenta ces jours paffés un Memoire
, pour offrir la mediation du Roy fon
Maître , afin de contribuer au rétabliffement
de la Paix dans le Nord . La Reine a
accepté cette offre.
M. le Comte de Sparre , qui a été fait
Velt-Marêchal, & qui étoit parti pour aller
à la Cour de France , en qualité de Plenipotentiaire
a eû ordre par un Exprès que
la Cour lui depêcha le 9 du paffé , de fufpendre
ce voyage , & de revenir ici . Le
bruit s'eft répandu depuis , qu'il fera chargé
de quelqu'autre Commiffion , & que
M. Charles Bielke , Gencral-Major , fe
rendra à la Cour de France.
On continue de travailler avec fuccès au
rétabliffement des Mines qui ont été détruites
, ou fort endommagées par les Mof
covites.
La Reine a fait un prefent de dix mille
écus à l'Amiral Noris , qui retourna le 20
du paffé à bord de fon Eſcadre , pour repaffer
en Angleterre.
M
DE
NOVEMBRE.
DANEMARck.
A Copenhague le 15 Novembre 17,19 .
Ccès de l'expedition de l'Amiral Tor-
Ette Cour a appris avec plaifir le fucdenſchild
, contre les Suedois , dans le Port
d'Elsbourg. La Lettre de cet Amiral écrite
à S. M. eft datée du 9 Octobre , du Vaiſ
feau de Laaland, prés de Marftrad : en voici
la fubftance.
Les Suedois s'étant rendus Maîtres d'une
partie de mon Armement , que le General Severin
& Amiral Ehrenfeld avoient crû
mettre en sûreté dans le Port d'El, bourg , je
formai le deffein de les ſurprendre . Dans cette
vië , je m'avançai le 8 fur les 9 heures du
foir , avec 3 Chaloupes doubles , & s fime
ples , à l'entrée de ce Port . Je me gliſſai avec
tant de filence , entre deux nouvelles batteries
de 24 Canons , qui étoient placées prés
de la Fortereffe de Neusbourg , que je furpris
la fentinelle , composée de deux Enfeignes , 12
Soldats , & de quelques hommes qui devoient
fervir Artillerie. Mon premier foin fut de
faire enclouer les Canons des Ennemis ; aprés
quoi ilfut facile de m'emparer des Vaiſſeaux
Galeres qui étoient dans le Port . J'ai
donc en le bonheur de ramener le Prince
Charles , Galere montée de 36 Canons , la-
Lij
*28
LE MERCURE
quelle m'avoit été enlevée par les Suedois
j'ai pris auffi le Comte Morner , Fregate de
pareil nombre de Canons ; le Langefunt ,
Vaiffean Marchand, & la Galiotte S. Jean,
les 2 Machines flottantes , fçavoir la Lange-
Maren & le Spytftauge , que les Ennemis
m'avoient enlevées précedemment auprés de
Gottembourg , ont été brûlées , parce quel
les étoient fans voiles.
L'Efcadre commandée par l'Amiral Norris
, venant des côtes de Suede , a paru devant
Copenhague , & a mis enfuite à la
voile pour s'en retourner dans les Ports
d'Angleterre. Cet Amiral a laiffé feulement
à Carelícroon quelques Fregattes qui doivent
hiverner en Suede.
M. d'Ahlefeld a été nommé par S. M.
pour affifter de fa part au Congrès de
Brunſwicx , où l'on doit traiter d'abord ,
de l'affaire de Stralfund & de Rugen . L'Amirauté
a envoyé ordre aux Armateurs de
rentrer dans nos Ports ,
Le Roy , à la requifition de l'Empereur
& du Roy de la Grande Bretagne , a donné
fes ordres pour faire retirer la Fregate qui
bloquoit depuis fi long- temps le Port de
Travemunde , à condition cependant que
les Negocians de Lubec n'envoïeroient plus
dorénavant aucune marchandiſe de contrebande
en Suede.
Le 6 on publia dans cette Ville la DeDE
NOVEMBRE. 129
claration , pour une fufpenfion d'armes
entre cette Couronne & celle de Suede .
L'Amiral Judiker a remis pat fes foins
à flot 4 Fregates Suedoifes qui avoient été
enfoncées cy- devant par les Suedois , prés
de Maſtrand , dans la crainte qu'elles ne
tombaffent en notre pouvoir. On les at
tend inceffamment , pour les radouber
dans notre Port . On a auffi repêché les Canon's
que les Suedois avoient jettés à la
mer près de Stromſtadt.
. A Hambourg le 18 Novembre 1719%
M
Onfieur Schmid , Agent de Hano
vre , a reçû de cette derniere Cour
33 barils en efpeces d'or & d'argent ; il y
avoit dans un de ces Barils , cent mille Rif
dales qui doivent être inceffament remifes
à la Reine de Suede . Le tout fe monte à
cent mille marcs d'argent.
Le 26 du mois paffé , M. le Syndie Anderfon
, & Monfieur le Confeiller Peli , furent
envoyés en qualité de Deputez à Hanovre
, pour prier le Roy d'Angleterre de
vouloir employer fes bons offices auprés
de l'Empereur , afin de faire leur Paix avec
S. M. I. qui a lieu d'être mécontente des
defordres que la populace de cette Ville
commit dernierement à l'Hôtel de fon Miniftre
, & à la Chapelle des Catholiques.
130 LE MERCURE
Des Lettres de Roftock portent que la
Commiffion Imperiale a enfin prefcrit un
certain terme au Duc de Mekelbourg, pour
répondre aux demandes & prétentions de
fa Nobleffe ; faute de quoy elle fera obligée
de condamner S. A. S. par contumace.
On apprend que plufieurs Marchands Anglois
ont paffé de Riga à Dantzig avec leurs
meilleurs effets , dans la crainte d'une rupture
prochaine entre S. M. B. & S. M. Č.
Le Czar demande de nouveau 2 millions
à la Regence de cette derniere Ville.
Elle a lieu de craindre que faute de protection,
elle ne foit encore expofée à quelques
nouveaux malheurs . D'un autre côté, la Nobleffe
de Curlande eft fort tourmentée par
les exactions continuelles que les Ruffiens.
font dans leur Pays , parce qu'elle refufe
conftament d'entrer dans aucune negocia
tion , au fujet de la Succeffion provifionelle
de ce Duché.
M. Franz , Capitaine de Vaiffeau Mofcovite
, fe tient toujours avec les trois Frcgates
dans le Port de Dantzik , pour éviter
de tomber entre les mains de deux Vaiffaux
Suedois qui croifent depuis plus d'un mois
devant la Rade de cette Ville. Le Czar a
mandé à ce Capitaine de fe défendre jufqu'à
l'extremité ; & il a fait de plus entendre
aux Magiftrats , que s'ils ne le protegeoient,
DE NOVEMBRE. 137
au cas d'infulte de la part des Suedois , il
fauroit bien fe faire juftice. Ces menaces
e les intriguent pas peu , apprehendant de
s'attirer à dos , quelques précautions qu'ils
prennent , l'une de ces deux Puiffances . Ce
qu'il y a de fâcheux , eft qu'aucun Bâtiment
n'a la liberté d'entrer , ni de fortir de ce
Port.
On écrit de Frauftad du 7 Novembre ,
qu'il y avoit été refolu le s dans le Confeil ,
que le Roy expedieroit des Univerfaux
pour convoquer la Diette generale à Varfovie
au 30 de Decembre , & non au Prin
temps prochain , comme on l'avoit `crû ;
les affaires du Royaume ne pouvant s'ac➡
commoder d'un fi long délai.
Le Duc de Holſtein Gottorp a jugé à propos
de prendre le nom du Comte Reyn
becq , pendant le ſejour qu'il fera dans les
Cours de Hanovre , de Berlin , & de Vienne
, où il va pour engager les Puiffances à
fon rétabliſſement dans la poffeffion de fes
Duchez de Gottorp & de Sleyfeuis.
Le Roy de Pruffe arriva le 1 1 à Hanovre,
pour y voir le Roy de la Grande Bretagne .
L. M. s'embrafferent fort tendrement . On
fe fçait pas encore fi S. M. P. reftera à
cette Cour jufqu'au départ du Roy.
On vient de recevoir avis que le Czar
étoit difpofé à accepter la mediation de
S. M. B.
132 LE MERCURE
En confideration des Ambaffadeurs des
Rois de France & de Sardaigne , les Cha
pelles Catholiques Romaines n'ont pas encore
été fermées à Hanovre , on n'attend
que leur départ pour les interdire. Elles font
actuellement fermées dans le Pays de Cell .
M. de Tolstoy , Miniftre du Czar à la
Cour de Pruffe , aprés avoir eu le 27 Octobre
Audiance de Congé de S. M. Pa partit
le jour fuivant de Berlin , pour retourner à
Petersbourg.
P. S. Il arriva jei le 10 un Exprés des
Deputez de cette Ville à Hanovre, avec avis
que les Troupes du Cercle de la Bafle Saxe
avoient ordre d'entrer dans le Territoire de
cette Ville , fi les Magiftrats ne donnoient
pas une prompte fatisfaction à l'Empereur ,
au fujet du dernier tumulte. Sur cet avis le
Senat convint avec le College de 180 , &
celui de Go , que la Ville feroit rebâtir l'Hồ-
tel du Reſident de l'Empereur ; qu'elle feroit
tirer à fes frais des copies des papiers
perdus , dont les Originaux fe trouveront
dans les Archives de la Cour Imperialle ; &
qu'elle dédommageroit le Refident de tou
tes les pertes qu'il avoit fouffertes à cette
occafion. Il n'y a point d'exemple d'une pareille
refolution , fans une conclufion for
melle de la Bourgeoifie ; mais comme l'affaire
preffoit , on a jugé à propos de ne pas
s'arrêter à cette formalité.
DE NOVEMBRE
135
A Vienne le
LE
15
Novembre 1719:
E 4 M. le Comte de Ligneville , Licutenant
Colonel du Regiment du Prince
Charles de Loraine , arriva ici de Sicile ,
precedé par quatre Poftillons fonnant du
corps , avec la nouvelle de la reduction
de la Citadelle de Mefline par l'armée Imperiale.
Cette importante fortereffe demanda
à capituler le 18 Octobre , & le
19 la capitulation fut arrêtée. La Garnifon
après avoir obtenu tous les honneurs de
la guerre , en fortit le 20 ; Dom Lucas,
Spinola ayant laiffé dans la place 140 picces
de canon , & les Vaiffeaux qui étoient
dans le port de Meffine. Le lendemain s
leurs Majeftez Imperiales fe rendirent dans
P'Eglife Cathedrale de faint Etienne , où
elles affifterent au Te eum qui fut chanté
en action de graces , pour cette nouvelle
conquête , que l'on efpere devoir être bientôt
fuivie de celle de la Sicile entiere .
On continue à interroger les perfonnes
qui ont été arrêtées ici ; jufqu'à prefent
on n'en a pù rien apprendre de politif.
On affûre cependant que l'on rendra bientôt
public un Faftum ou Memoire touchant
cette affaire , dans lequel on fera apparemment
inftruit des railons qui ont engagé
cette Cour à proceder contre les accufés.
234
LE MERCURE
On ne dit plus aujourd'huy que M. le
Comte de Nimpfch foit aufli coupable
qu'on l'avoit foupçonné lors de fa detention
; il eft même faux qu'on lui ait ôté la
clef de Chambellan de S. M. I. & qu'il
foit resté debout lorfqu'il a été interrogé
par le Prefident du Confeil Aulique. On
l'accufe feulement d'avoir eu un peu trop
de liaison avec l'Abbé Tedeſchy, qui faifoit
partir & recevoit fes lettres fous l'enveloppe
de ce Seigneur , que l'on dit devoir être
relegué au Château de Roshenberg , où le
Comte Sereni a été détenu priſonnier pendant
fort long- tems. On prétend que l'Abbé
Tedeſchy a été convaincu d'avoir fervi le
Roy d'Espagne en qualité d'efpion dans
cette Cour.
Ibrahim Bacha , Ambaffadeur de la Porte
en cette Cour , celebra le 24 du mois paffé
dans fon Palais la fête du grand Baïram ,
ou fête du facrifice ; une grande muſique
dans le goût des Orientaux , fe fit entendre
d'abord à huit heures du matin. Cette Ex- .
cellence ayant tenu le Divan fous une tente,
égorgea de fa propre main un mouton :
Après cette ceremonie , les principaux
Officiers de fa Maifon lui firent compliment
, & Paccompagnerent jufques dans
fon appartement qui étoit magnifiquement
paré. Cet Aimbaffadeur tint table enfuite
fous une autre tente avec tous les Officiers
DE NOVEMBRE.
135-
& Domestiques. Le refte des viandes fut
diftribué par fon ordre aux Pauvres . Après
le dîner , il y eut un nouveau concert , ainfi
qu'à 4 heures du foir ; ce qui a été pratiqué
de la même maniere jufqu'au 26 inclufivement.
Le Comte de Diederichstein a été fait Prefident
de la Chambre Aulique.
On celebra le 20 d'Octobre dans la Chapelle
du Palais , un fervice folemnel pour
le repos de l'ame de Madame la Ducheffe .
de Berry : toute la Maifon Imperiale y
affifta. L'Evêque de Vienne y officia au fon
de toutes les cloches de cette Ville & des
Fauxbourgs.
M. Bruynings , Envoyé extraordinaire
des Etats Generaux , a eu plufieurs conferences
avec le Comte de Zinzendorf, au
fujet de la derniere convention de la Bariere
dans les Païs-bas , dont l'execution
a été retardée par quelques nouvelles difficultés.
Ce même Envoyé a auffi fait de fortes
repréſentations fur l'établiffement d'une
Compagnie des Indes à Oftende , & fur
le Vaiffeau Hollandois pris & arrêté à
Oftende .
L'Electeur Palatin a écrit à l'Empereur,
pour lui reprefenter les raifons qu'il a cu
d'oter la Nef du faint Efprit aux Proteftans
d'Heidelberg , & pour l'engager à foûtenir
les interêts de la Religion Catholique ;
136 LE MERCURE
mais il paroît que S. M. pour arrêter
les nouveaux troubles que cette affaire
peut exciter dans l'Empire , ne permettra
aucune innovation , avec d'autant
plus d'apparence , que les Proteftans font
fondés fur les conftitutions de l'Empire ,
fur la Paix de la Religion faite en 1555, &
fur les Traités de Weftphalie.
Le bruit fe rêpand que les Venitiens
ayant brûlé à la portée du canon de Trieſte
un Vaiffeau Imperial , l'Empereur avoit
donné ordre d'arrêter tous les Bâtimens
Venitiens qui fe trouveroient dans les Ports
de fa domination ,
La Cour Imperiale a fait des nouvelles
plaintes à M. Bruynin , Envoyé de Hollande
en cette Cour , au fujet du retardement
que les Etats Generaux apportoient à l'entiere
execution de la nouvelle convention
touchant la Barriere , fur tout par rapport
aux difficultés que les Etats Generaux faifoient
de permettre que S. M. I. prît pol
feffion des Places qui lui ont été cedées
par ce Traité. Les Etats Generaux ont écrit
fur cela à leur Miniftre à Vienne , avec
ordre de faire de nouvelles remontrances
à cette Cour , & d'y reprefenter que la
cauſe de ces retardemens dont on ſe plạignoit
, ne dévoit nullement être attribuée
aux Etats Generaux , puifque l'execution
de ce Traité ne dépendoit que de S. M. I.
Que
DE NOVEMBRE. 137
-
Que bien plus , on ne devoit nullement
prendre en mauvaife part qu'ils employaſfent
les mefures convenables pour ſe maintenir
dans la poffeffion des Païs qui leur
avoient été accordés par la fufdite con
vention , avant que de mettre S. M. I. en
poffeffion de ce qui lui a été cedé par la
même Traité.
AFFAIRES DU PALATINAT
LES
Es Gazettes de differens Pays , depuis
cinq mois , ne font remplies que des
plaintes ameres que continuënt de faire les
Sujets Reformés du Palatinat , tant à l'égard
de ce qui a été fait contre leur Catechisme
qu'à celui de l'enlevement de la Nef du faint
Efprit à Heydelberg , dont ils étoient en
poffeffion. C'est ce que l'on a pû voir fort an
long dans ces mêmes Gazettes.
J'ay crû que le Public n'ayant encore entendu
jusqu'à prefent qu'une partie , ne fe
roit pas fâché d'entendre l'autre.
Je fatisferay done avec d'autant plus de
plaifir à la curiofité de ceux qui prennent
quelque part dans ces demeflés , qu'il m'eft
tombé fur cette matiere deux Ecrits entre les
mains , traduits de l'Allemand en François,
qui font des plus inftru&tifs .
Le premier de ces I crits eft une réponſe
de S. A. E. Monfeigneur l'Electeur Palatin
M
138
LE
MERCURE
du 7 Octobre , adreffée à S. M. R. de
Pruffe , & à S. A. S. M. le Prince de Heffe
Caffel , touchant le Catechifine de Heydelberg.
Le fecond , eft une réponse qui refute
tous les bruits & les foupçons , qui s'étoient
répandus d'une innovation en matiere de
Religion , lorfque S. A. E. a jugé à propos
de reprendre à fes Sujets reformés la
Nef de la fufdite Eglife du faint Elprit.
De Francfort le 1. Novembre 1719 .
L paroît une réponſe imprimée en date du
d'Oct . de la part de fon Alteffe Electotale
Palatine , addreffée à fa Majefté Royale
de Pruffe, & à fon Alteffe le Prince de Heffe-
Caffel , touchant un Livre intitulé : Catéshifme
de Heidelberg. Cette réponſe contient
en ſubſtance , qu'on n'avoit point eû
deffein de faire aucun changement dans
ce Catéchisme , en tout ce qui regarde les
Symboles , & les Dogmes de la Religion
reformée , ni d'empêcher les Sujets qui font
profeffion de cette Religion d'en faire librement
tous les exercices ; ou donner aucune
atteinte à la liberté de confcience, & encore
moins d'agir contre les Traités de Paix & les
Conftitutions de l'Empire, auxquelles on eft
réfolu de fe conformer en tout : mais qu'on
avoit feulement été obligé , pour des raifons
importantes , d'óter l'abus qu'on avoit
DE NOVEMBRE. 139
fait des Armes de fon Alteffe Electorale ,
én les mettant à la tête dudit Catéchisme ,
& de changer la réponſe odieufe à la 80e
Demande , & d'autres expreffions outrageantes
, qui ne font point d'ailleurs effentielles
à la Doctrine que profeffent les
Reformés. A cette réponíe , on a joint
un écrit dans lequel on expofe les raifons
folides , pour lesquelles les Catholiques ont
pris poffeffion de l'autre moitié de l'Eglife
du Saint Efprit ; & on y démontre la fauffeté
de la plupart des nouvelles qu'on avoit
debitées en differents endroits , à l'occafion
de cette prife de poffeffion , tant dans les
Gazettes que dans d'autres imprimez &
même à la très- louable Diette de l'Empire;
on en démontre , dis - je , la fauffeté , puifque
la Gazette de Leide du 6 & du 10
de ce mois , a defavoüé ce qu'elle avoit
fauffement avancé , entre autres , touchant
la Maifon de l'Univerfité ; les Reformez
même de Heidelberg ont refuté par écrit
cette nouvelle , & plufieurs femblables .
Le Bâtiment de la nouvelle Eglife qu'on
a offert aux Reformez , en échange , pour
la moitié de l'Eglife du Saint Efprit , avance
beaucoup , on y travaille avec tant de diligence
( autant que la faifon prefente le
permet ) qu'elle pourra être en état de fervic
au commencement de l'été prochain . De
tout ce-cy pourront être témoins oculaires
M ij
140 LE MERCURE
MM . les Envoyez de leurs Majeftez Royales
, Britannique , & Pruffienne , qui font
arrivez à Heidelberg ; & ils trouveront par
eux- mêmes qu'on n'a rien fait de contraire
à l'équité , & que les Reformez du Palatinar
n'ont reçû aucun tort , comme on l'avoit
mal à propos debité .
Du Palatinat le 7 Novembre 1719.
O
Na envoyé de Heidelberg à differentes
Villes Imperialles autres , les répon→
fes fuivantes , touchant les affaires de
Religion ; fçavoir , pourquoi on ne pouvoit
approuver fous la domination d'un Prince
Catholique , la réponse à la 80e Demande ,
autres expreffions outrageantes qui fe
trouvent dans un Livre intitulé Catechifme
des Reformés de Heidelberg ; c'est ce qui a
donné occafion à fon Alteffe Electorale pala
tine de faire là deffus une Ordonnance gemerale
.
No
•
COPI
P. P.
OSTRE, & C: Nous avons lû l'écrit
qu'il a plû à Vôtre Majefté Royale
de nous adreffer , en datte du 27 May dernier
, à l'occafion de l'Ordonnance genevale
que nous avons faite dans nos Pro
DE NOVEMBRE. r4r
vinces Electorales touchant le Catechifme
reformé. Je répondray fur cela à Vôtre
Majefté Royale , amiablement , & comme
il convient de le faire à un bon Oncle ,
que notre deffein n'eft pas de mettre en
queftion , fi ledit Catechifme a été reçû
depuis plufieurs années dans l'Eglife reformée
, comme un Livre fymbolique , ni s'il
a été reconnu pour tel à Dortrechs : mais
V. M. R. nous rendra auffi la juſtice de
croire , que notre deffein ne fut jamais , &
n'eſt point de donner , ni de laiffer donner
aucune atteinte aux articles de paix fa--
vorables à nos fujets de la Religion Refor
mée , ni de reftraindre ou laiffer reftrain--
dre la liberté de confcience qui leur eft
accordée par les Conftitutions de l'Empi
re ; comme le demontrent affés les préeminences
& privileges fans nombre , dont
jouiffent fi authentiquement les Reformés ,
qui demeurent dans nos Provinces Electorales
préeminences & privileges , tels
qu'il eft inoui que les Catholiques en aient
de femblables dans aucun Etat de l'Empire
, dont le Souverain fait profeffion de
La Religion Reformée ou Lutherienne.
} V. M. R. étant auffi éclairée qu'elle
Keft , jugera aisément que les injures & les
maledictions , qui font contenues dans la
Soe Demande , & en plufieurs autres en
droits dudit Catechifine , n'apportent au
142 LE MERCURE
cun avantage à la Religion reformée , &
que la liberté de confcience accordée par
les traités de Paix , ne peut aucunnement ,
de quelque façon qu'on l'interprete , favorifer
une maniere d'enfeigner la jeuneffe
fi irreguliere , & fi contraire même aux
principes de la Religion reformée , & qui
dans un Pais où il y a diverfité de Religions
, n'engendre que des haines inveterées
qu'on fuce avec le lait , des inimitiés
& des troubles ; & caule aux Princes chargés
du gouvernement des Peuples , mille
chagrins & fàcheufes affaires , comme nous
ne l'avons , helas ! que trop experimenté ;
funeftes effers ! qu'un Prince eft obligé
en confcience d'empêcher de tout fon pouvoir
, tant en vertu defdites pacifications ,
que par l'obligation que lui impoſent ſa
Charge & fa Dignité . Mais ce qui nous a
été le plus fenfible dans cette affaire , c'eſt
de voir que , fuivant l'inſtruction dudit
Catechisme , on accufe publiquement tant
dans les Chaires que dans les Ecoles la
Religion Catholique , d'une idolatrie deteftable
, & qui n'eft jamais venue en penfée
à aucun Chrétien ; & qu'ainfi Nous ,
qui par la grace de Dicu faifons profeffion
de cette Keligion , nous avons été indirectement
&par une confequence infaillible,
accufé du même crime par nos Sujets , à
qui cependant la perfonne de leur SouveDE
NOVEMBRE. 143
rain doit être en tout facrée & refpectable
; & que de cette forte ils nous ont
deshonnoré , fans fe fouvenir de leur devoir
, & du refpect qui nous eft dû ; &
que nonobftant tout cela on prétend que
nous fouffrions qu'un tel Livre foit imprimé
, fous le faux prétexte d'un privilege
par nous accordé , & d'une expreffe Ordonnance
de notre part. De tout cela V.M.
R. fuivant la droiture naturelle , peut aifément
conclure que la fuppreffion que nous
faifons defdits Catechifines , qui ont été
imprimés fous notre ſceau , & avec un
privilege fuppofé , ne doit en aucune façon
être regardée comme une atteinte donnée
à la liberté de confcience de nos Sujets
de la Religion Reformée. Nous n'avons
garde de vouloir rien ôter ou ajoûter au
dit Catechifme dans tous les articles , où
il ne s'échape point au delà des principes
de fa Religion ; car nous ne fongeons pas
à ôter à nos fujets la liberté de confcience
que les loix de l'Empire accordent à chacun .
Mais que nous fouffrions , fans témoigner
notre jufte reffentiment , les fauffetés infuportables
que nous avons remarqué cy
devant dans ce Livre , & qu'on y impute
à notre Religion ; que nous fouffrions que
nos fujets nous accufent tous les jours publiquement
, & dans leur Catechifine , &
dans le Service Divin , de commettre une
3 LE MERCURE
744
idolatrie ; c'eft , à quoi , ni la prétenduë
acceptation fymbolique de ce Catechifme ,
ni le monde équitable , ne peuvent nous
obliger.
Pour ce qui eft des expreffions & claufes
dont fe fert le Concile de Trente , & qui
paroiffent dures à ceux de la Religion reformée
, nous ne fommes pas en pouvoir
de les changer : mais il confte auffi , que
le Concile de Trente n'accufe point d'idolatrie
les Religions qui le contredifent , &
qu'on n'enfeigne point cela aux enfans dans
le Catechifme , comme un article de Foi
tiré de ce Concile. Et puifque nous fommes
obligez d'emploier tous les moyens
poffibles pour ôter par nôtre pouvoir fouverain
, conformément aux Conftitutions
de l'Empire, le ſcandale & le trouble qu'ont
caufé dans nos Provinces la 80e demande.
& autres expreffions qui fe trouvent dans
ledit Catechifme , en laiffant cependant à
chacun la liberté de confcience , pour notre
repos & celui de nos Sujets , & que d'ailleurs
on s'eft donné la licence de faire imprimer
de pareils livres dans le lieu même
de notre refidence , fous pretexte d'un privilege
par nous accordé , & d'un ordre
émané de nous à ce fuet ; entrepriſe qui
certainement ne s'eft faite qu'au fçû & du
confentement du Confeil Ecclefiaftique Reformé,
puifqu'il eft , dis- je , notoire que
ledit
DE NOVEMBRE. X45
ledit Confeil a obligé l'Imprimeur Catholique
de ce temps-là , de faire cette impreffion
, en le menaçant , en cas de refus , de
mettre un autre en fa place , auquel il feroit
imprimer ce Catechifme : tout cela nous
donne yn juſte ſujet de fupprimer ce Livre .
C'est pourquoi , mon Oncle, j'efpere que
V. M. R. dans ces conjonctures fi preffantes
, écoutera la juftice qui parle d'ellemême
, & que non feulement elle approu
vera la fuppreffion defdits Catechifmes ;
mais encore , qu'elle interpofera fes bons
offices , pour que nos Sujets de la Religion
Reformée ne fe fervent dorefnavant de leur
Catechifime , qu'avec la fuppreffion de la
Soe demande, & des autres expreffions ou
trageantes : Au refte nous fommes & c .
A Heydelberg le 14 Aouft 1719.
A Sa Majeſté Royale de Pruffe
& M. M.
HESSE CASSEL.
En réponſe à leur Ecrit du 15 Juins
N
746
LE MERCURE
Réponse à un Ecrit , au fujet du bruit qui
s'étoit rêpandu qu'on vouloit innover , en
matiere de Religion, &en particulier, touchant
la partie que les Reformes ont euë
depuis quelques années dans l'Eglife du
Saint Efprit dans lequel Ecrit on fe plaint
qu'en leur affignant un équivalent , on
enfreint le Traité de Paix de Veftphalie,
Mon très - honoré Monfieur ,
Omme vous êtes fort verfé dans la
Cconnoiffance des affaires publiques , il
ne fe peut que vous ne fçachiez les difpofitions
que le Traité de Paix de Weftphalie
a faites touchant la Religion dans le Palati .
nat , & quels droits ont poffedés & exercés
les Electeurs Palatins avant les mouvemens
de Boheme , & comine leurs fucceffeurs ont
été remis par ledit Traité de Paix , & par
l'inveftiture Imperiale dans les mêmes droits
dont ils joüiffoient avant. Ainfi il n'eſt pas
neceffaire queje m'étende fur cette matiere,
d'autant plus que fois la prefente très glorieufe
domination de fon Alteffe Electorale
Palatine , on ne donne pas le moindre fujet
aux Reformés de faire aucune jufte plainte
à cet égard. Mon deffein n'eft que de vous
marquer en peu de mots , que non feulement
l'an 170s , en l'abfence de la Cour
DE NOVEMBRE.
on a accordé aux Reformés pour l'exercice
de leur Religion , par une Declaration ad
interim , une partie de l'Eglife du faint Ef.
prit , qui a êté fondée par Rupert , Roy des
Romains , & deftinée à l'ufage de la Cour ,
&pour fervir de fepulture aux Princes de
fa Maiſon , & dotée à cette fin par fes fucceffeurs.
En effet , depuis ce temps , les
Princes & Comtes Palatins fes fucceffeurs ,
y ont été enterrés : mais outre cela , on leur
a cedé privativement & en entier , P'Eglife
de faint Pierre , qui n'eft pas d'une moindre
étendue que la premiere. Or , le Sereniffime
Electeur Jean Wilhelm , de très heureufe
memoire , frere du Prince aujourd'hui regnant
, n'ayant jamais refidé à Heydelberg,
n'a pas eu befoin dans cette Ville d'une
Eglife à l'ufage de la Cour , pour y affifter
au Service Divin , & aux autres folemnitez,
où le Prince fe trouve avec toute fa Cour :
mais ledit Electeur étant mort à Duffeldorff,
comme il fallut faire les obfeques folem
nelles, felon la coutume generalement reçûë
de tous les païs Catholiques , & comme
il fe pratique à la mort des perfonnes du
premier rang , on trouva que la partie que
les Catholiques avoient dans ladite Eglife ,
étoit trop petite pour y faire lefdites ceremonies.
C'eft pourquoy , le Prince aujour
d'huy regnant , à fon entrée dans le lieu de
fa refidence , trouvant qu'il avoit befoin de
Nij
143
LE MERCURE
ladite Eglife , tant pour les raifons alle
guées , qu'à caufe que fa Cour eft fort nombreufe
, & qu'il y a tous les jours un grand
concours d'Etrangers, a fait fçavoir très gracieuſement
, directement & indirectement
aux Confeils Ecclefiaftiques Reformés ,
qu'il vouloit leur faire bâtir une nouvelle
Eglife , en équivalent , pour la partie qu'ils
avoient dans l'Eglife du faint Elprit , à quoi
ils n'ont jamais donné aucune réponse ;
quoiqu'on ne puiffe contefter à un Souverain
le pouvoir de transferer les édifices
publics d'un lieu à un autre , quand il le
juge à propos.
Madame la Sereniffime Princeffe , &
Comteffe Palatine de Sultzbach , fille de
nôtre Electeur, accoucha au printemps d'un
jeune Prince , qui mourut après avoir reçû
le faint Baptême ; on fut obligé de laiffer le
corps de ce jeune Prince fans fepulture , à
caufe de la feparation qui étoit dans l'Eglife
du faint Efprit , où les Princes & les Comtes
Palatins ont leur fepulture : c'eſt ce
qui donna à S. A. E. une nouvelle occafion
de faire aux Reformés les mêmes offres
de leur faire bâtir une nouvelle Eglife , en
équivalent , pour la partie qu'ils avoient
dans ladite Eglife du faint Eſprit , à quoy
les Reformés ont fait entendre qu'ils ne
vouloient ni ne pouvoient accepter ces offres,
Surquoy S. A. E. a demandé le 7,
DE NOVEMBRE. 149
Septembre paffé , les clefs de cette Eglife ,
& en a fait prendre poffeffion aux Catholiques
, & renverser le mur de feparation
qui y étoit , ce qui s'eft paffé fans aucun
trouble : elle a aufli commencé à faire travailler
à une nouvelle Eglife . Or , quoique
les Reformés ayent eu jufques ici affez de
place dans la vafte Eglife de faint Pierre ,
pour y faire leurs prefches & leur fervice
à differentes heures ; cependant ils le font
fait ériger une Eglife de planches , en attendant
que la nouvelle fut achevée ; & cela ,
à deffein feulement de faire fans fujet ni
neceffité , du bruit dans les Cours mal informées
, & de leur caufer des frais inutiles
à l'occafion des Ambaffades qu'on y envoyera.
Cependant , en tout cas , les Cours
Etrangeres trouveront qu'aucun Gentilhomme
, ni Particulier non Catholique ,
ne garde fi exactement les Traités de Paix
à l'égard de fes Vaffaux Catholiques , que
S. A. E. les obferve à l'égard de fes Sujets
Reformés , les prévenant de fon amour paternel
& de fes faveurs , leur laiffant l'exercice
libre de leur Religion & la liberté de
confcience ; quoiqu'elle ait fouvent juſte
fujet de prendre en mauvaiſe part leur maniere
d'agir infupportable , & les paroles
fcandaleufes avec lesquelles ils attaquent la
Religion Catholique & dans leurs Prêches
N iij
150- LE MERCURE
publics , & dans les converfations privées
Puifque donc que la clemence de notre
Electeur Sereniffime , à l'égard de tous les
Sujets vous eft affés connue , Monfieur
& que tout le monde en peut rendre témoignage
; qu'il fait fentir les effets de cette
clemence à tous , fans avoir égard de quelle
Religion ils font , donnant les Charges tant
civiles que militaires, les recompenfes & les
graces indiftinctement , à tous : & même
quelques Reformés aiant obtenu de lui
jufques à deux , trois , & plufieurs Charges
differentes , vous pouvez ailément juger
, мonfieur , que les Reformés n'ont nul
fujet de fe plaindre , & que le bruit qu'ils
ont fait , au fujet du prétendu tort qu'on
leur faifoit , fe détruit par lui-même , &
qu'au contraire on peut ici dire tout court
>
Hoc non eft verum quòd non ex ordine rerum
Templum fit captam , vel contra foedera raptum ♬
Nam redit ad Dominum quod fuit, ante ſuum.
Je fuis avec reſpect ,
Mon trés - honoré monſieur ,
Votre Serviteur
& ami connu.
DE NOVEMBRE. ISE
A Bruxelles le 28 Novembre 1719.
Onheur Pelters , Refident de L. H.
M
P. dans cette Ville , depêcha le 26
du mois paffé un Exprés à la Haye , pour
donner avis qu'un Armateur d'Oftende s'étoit
faifi dans la Manche à la hauteur de
Douvre , d'un Vaiffeau * Hollandois , &
avoit repris en même temps dans laManche
un des deux Vaiffeaux Oftendois, enlevé par
les Croifeurs de la Compagnie des Indes
Occi lentales de Hollande fur les Côtes de
Guinée. L. H. P. renvoyerent fur le champ.
le même Exprés à M. Pefters , avec ordre
de reclamer ce Vaiſſeau , & de faire fur
cela les remontrances convenables au Marquis
de Prié. Ce Miniftre ne fit point d'au
tre réponſe à M. Pefters , finon qu'il en
avoit donné avis à la Cour Imperiale , &
qu'il en attendoit des ordres pour s'y conformer.
L'Equipage a cependant été mis en
liberté.
Les , le Capitaine Winter , qui a pris
le Vaiffeau Hollandois , eut une longue
Audience du Marquis de Prié , à qui il fic
rapport de ſon expedition , & qui le reçut
trés- gracieufement. On paroît trés-fatis-
* Ce Vaiſſeau a été conduit le 24 Octobre à
Ostende.
Niiij
252 LE MERCURE
fait de la conduite de ce Capitaine. Il paroît
une Declaration de la Regence , contenant
en fubftance : que la prife du Vaiffeau
Hollandois ne doit pas être regardée
comme une reprefaille , puifque c'eſt le
même Vaiffeau que l'Oftendois avoit pris
& conduit à Del- Mina ; & que fuivant
les Commiflions de l'Empereur , il eſt permis
à nos Vaiffeaux de tirer raifon de ceux
qui ont commis quelques hoftilités à leur
égard. On apprend que l'autre Vaiffeau
Oftendois , qui a été enlevé par ceux de la
Compagnie des Indes occidentales de Hollande
, appartient principalement à un fameux
Banquier de Hollande. M. Leathés ,
Refident de S. M. Br. ici , a fait de nouvelles
inftances , conjointement avec M.
Peſters au Marquis de Prié , pour le relâchement
de ce Vaiffeau ; mais S. Exc. s'en
eft exculée fur ce qu'elle n'avoit pas encore
reçû des ordres de l'Empereur à ce ſujet :
qu'en les attendant , elle pouvoit bien
defavouer que les Vaiffeaux Öftendois euffent
jamais eu commiffion du Gouvernement
, ni de la Cour de Vienne , pour
ufer de reprefailles contre les Vaiffeaux
Hollandois, mais qu'il étoit bien vrai qu'on
leur avoit donné la permiffion de fe défendre
en cas qu'ils fuffent attaqués .
D'un autre côté , on écrit de Hollande
que la Compagnie des Indes occidentales
DE NOVEMBRE.
153
en avoit porté fes plaintes aux E. G. qui
ont nommé des Commiffaires à cet effet.
La Province de Zéelande eft celle qui paroît
la plus irritée fur cela ; elle a propofé
méme des moyens un peu trop violens pour
en avoir fatisfaction . De plus , les Deputés
de l'Etat ont eu une conference à la Haye
fur cette affaire avec Milord Cadogan .
M. Pefters fit ces jours paffés avec le
Marquis de Prié l'échange des Actes pour
mettre l'Empereur en poffeffion des Villes
& Chatellenies de la Bariere , afin de décharger
les Magiftrats du Serment de fidelité
qu'ils avoient prêté aux E. G. Le
Marquis de Prié donna réciproquement
les ordres neceffaires , pour mettre L. H. P
en poffeffion de l'extenfion des limites de
Flandres. Le Prince Claude de Ligne a été
nommé pour aller , au nom de l'Empereur,
prendre poffeffion des Pays qui viennent
de lui être cedés , & y recevoir le Serment
de fidelité. Les Etats de Flandre ne paroif
fort difpofés à accorder le fubfide
fent
pas
qui leur a été demandé.
Les Oftendois, avec quelques Negocians
d'Anvers & d'autres Villes , ont deffein d'équiper
encore 6 Vaiffeaux pour les envoyer
le Printemps prochain , aux Indes orientales
& occidentales, fous Pavillon Imperial.
On arefolu de former dans ce Pays une
Compagnie des Indes , à l'imitation de
254 LE
MERCURE
celle de Flandres , quelques obftacles qu'on
puiffe y rencontrer.
On va travailler en même temps à la re
paration du Port d'Oftende , quoiqu'il ne
foit pas facile de le rendre praticable pour
de gros Vaiffeaux.
Le Confeil de Brabant avoit bien voulu
permettre à la veuve & aux enfans du
Doyen decapité , de prendre le deuil , mais
le 10 de ce mois , un Huiffier du Conſeil , à
la requifition du Procureur General , fit
arreft fur tous les biens de ce défunt Doyen ,
quoique fa Sentence n'ait pas encore été ininuée
à fes heritiers. Les Sentences des
Doyens condamnés devoient être effectivement
publiées ; mais tout à coup , il eſt furvenu
un contr'ordre , & l'on a enlevé zoo
des exemplaires , jufqu'aux maculatures .
On a même tiré ferment de l'Imprimeur &
des ouvriers , pour fçavoir s'ils n'en avoient
retenu aucuns , avec defenſe d'en faire pa-
-roître un feul , fous peine de la vie & de
confifcation des biens. Il fe retire tous les
jours un grand nombre de Bourgeois de
cette Ville , qui vont fe refugier à S. Tron .
Le 4 , Fête de S. Charles Borromée
dont l'Empereur porte le nom , on fit les
Ceremonies accoutumées en pareil cas
CE 22
$
DE NOVEMBRE. 135
HOLLANDEW
A Amfterdam le 25 Novembre 1719.
La
A Ville d'Amfterdam a fait declarer
qu'elle confentoit à l'acceffion de la
quadruple Alliance. Le Marquis de Beretti
a donné un nouveau Memoire à leurs
Hautes Puiffances , pour leur repreſenter
les raifons qui doivent les porter à rejetter
cette alliance.
M. Robethon , Secretaire du cabinet de
S. M. B. eft entré plufieurs fois en confe
rence avec les Députés de l'Etat , fur les
affaires de la Religion dans le Palatinat. Ib
a affuré l'Etat que le Roy fon maître n'abandonneroit
point cette caufe , que l'Electeur
Palatin n'eût rendu juftice à fes Sujets
Proteftans ; il ajouta qu'au cas que
S. A. E. ne s'y déterminât pas
ment , S. M. fe flattoir que L. H. P. fuivroient
fon exemple , & uferoient de reprefailles
envers les Catholiques Romains de
ce Pays- cy.
inceffam-
L'affaire de la fucceffion du feu Roy
Guillaume , eft toujours dans le même état .
M. de Meinerthagen a envoyé à Berlin un
érat au vrai des dettes dont cette fucceffion
eft chargée . Milord Cadogan fait efperer
à cet Etat que le Roy fon maître tâchera
t
156
LE MERCURE
de difpofer le Roy de Pruffe à entrer dans
des voies d'un accommodement juſte &
raiſonnable . C'est ce que les Provinces
Unies fouhaitent ardemment .
On ne doute pas que M. de Burmania ne
foit prefentement arrivé en Suede. Ses inf
tructions portent entre autres, de renouveller
le Traité de Commerce conclu à Nimegue
entre la Suede & cette Republique ,
étant expiré depuis long- temps . Cependant
les Etats de Hollande font toûjours dans
les mêmes difpofitions touchant cet Ainbaffadeur
, ils ont même donné à entendre
à M. Preis , Refident de Suede à la Haye ,
que la Province de Hollande n'aura aucun
égard à tout ce qui pourra être conclu à
Stokolm par le miniftere de eet Ambaffadeur
; & que comme cette Province eſt la
plus intereffée dans le commerce de la mer
Baltique , elle étoit refoluë d'envoyer à Sto
kolm une perfonne de credit de leur Corps,
pour traiter de cette affaire . On prétend
que M. Preis a promis d'en donner avis à
la Cour de Suede.
M. le Comte de Windifgratz Miniftre de
F'Empereur , avoit fait naître quelques difficultés
au fujet de la prefentation de fes Lettres
de creance à l'Etat , qu'il vouloit faire
remettre par fon Secretaire contre l'ufage
ordinaire en pareil cas ; mais il s'eft enfin
determiné par l'entremife des Comtes de
DE NOVEMBRE. 457
Morville & Cadogan , à les prefenter luimême
au Prefident de femaine des Etats
Generaux.
Dans la premiere Conference qu'il eut
avec les Deputés de l'Etat , il donna des
affûrances de la part de l'Empereur touchant
les difpofitions de S. M. I. à entretenir
une bonne intelligence avec cet Etat ;
il leur recommanda enfuite l'affaire de la
quadruple Alliance , fe flattant qu'il auroit
l'honneur de figner inceffamment cette
acceffion de l'Etat. Les Deputés lui témoignerent
qu'il y avoit lieu de croire que
tout fe termineroit à la fatisfaction de
S. M: I. & de fes Alliés . Ils fe fervirent
de cette occafion , pour lui recommander
l'affaire de la Barriere , le priant d'en écrire
à la Cour Imperiale pour en procurer une
prompte & entiere execution . Ils pafferent
enfuite à l'affaire du Vaiffeau Hollandois ,
pris par les Offendois , à quoi le Comte
de Windifgratz répondit qu'il n'avoit aucu
ne inftruction fur ce fujer ; mais on fçait
que ce Comte a ordre de la Cour Imperiale
d'être ferme fur cela , & de ne point
confentir au relâchement de ce Vaiffeau ,
que préalablement l'Etat n'ait fait donner
une entiere fatisfaction aux Intereffés dans
les deux Vaiffeaux Oftendois pris par ceux
de la Compagnie Occidentale dans ce Païs,
On continue à faire les difpofitions pour
158 LE MERCURE
recevoir S. M. B. à Helvoetsluys , & les pre
paratifs pour fon embarquement.
M. de Marfey Refident de S. M. B. à
Geneve , a reçû ordre du Roy fon maître
de demander aux Magiftrats de cette derniere
Ville , que le Lord Marr fut refferré
-plus étroitement , à caufe de quelques nouvelles
intrigues qu'on avoit découvertes.
Il paroît à la Haye ene Relation contemant
les motifs du retour de la flotte Ruffienne
dans les Ports de Revel& de Cronflot,
pour détruire les bruits qu'on avoit répan
dus , qu'elle s'étoit retirée fur les avis de la
jonction de la Flotte Angloife avec celle de
Suede. On y a joint une Lettre de S. M. Cz.
écrite à l'Amiral Norris , à bord de l'Ingermanie
le 18 Juin nouveau ſtyle , avec deux
antres Lettres de l'Amiral Norris an Czar,
P'une du 11 Juillet , l'autré du 12 Septembre,
& une de Monfieur Bruffſe General ·
de l'Artillerie , au Lord Carteret, du 22 Septembre
nouveau style.
P. S. le Comte Cadogan ayant eu avis
par un Exprès , que le Roy de la Grande
Bretagne devoit arriver le 22 au foir à
Schoonhouen , partit pour aller à la rencontre
de S. M. Le Comte de Sunderland
a dû s'y rendre le lendemain. "
DE NOVEMBRE. 159
GRANDE- BRETAGNE.
De Londres le 23 Novembre 1719.
Le
E premier de ce mois , le Major Deviffcher
, Aide de Camp du Lord Vicomte
Cobham , arriva de Vigo , avec la Relation
fuivante .
Son Excellence le Lord Vicomte Cobham,
avec les Vaiffeaux de guerre , commandés
par le Vice -Amiral Mighels , & les Troupes
à bord des Vaiffeaux de tranfport , étant arrivé
fur les Côtes de Galice , il reſta à croifer
pendant 3 jours à la hauteur , où l'on
avoit ordonné au Capitaine Johnfon de vevir
joindre la Flotte ; mais n'en ayant aucunes
nouvelles , & le danger qu'il y avoit
de refter dans cette faifon fur la Côte avec
les Bâtimens de tranſport, demandant qu'on
prit des mefures pour agir fans lui , & le
Vent étant favorable pour Vigo , S. Excel.
prit la réfolution de faire voile vers cet endroit.
Le 10 Octobre , nous entrâmes dans le
Port de Vigo , & les Grenadiers ayant été
d'abord mis à terre , environ à 3 milles de
la ville , ils avancerent le long de la Côte,
Quelques Païfans tirerent fur eux du haut
des Montagnes , mais à une trop grande diftance
, & fans aucun effet. Le Lord Cobham
1260 LE MERCURE
Le fit mettre à terre avec les Grenadiers , &
le refte des troupes le joignirent auffi promtement
que les chaloupes purent les y tranfporter,
Cette nuit & le jour fuivant , jufqu'au
lendemain , les troupes refterent fous
les armes. Cependant , on envoya à terre
des proviſions pour 4 jours , & l'on poſta
des Gardes fur diverfes avenues , jufqu'à un
mille environ dans le Païs.
Le 12 le Lord Cobham s'approcha plus
prés de la Ville avec les troupes , & fe campa
dans un pofte avantageux, la gauche s'étendant
vers la Mer prés du Village de Boas,
& la droite vers les montagnes. Ce mouvement
de nos troupes , & quelques détachemens
qui avoient été envoyés pour reconnoître
la Ville & la Citadelle , firent juger
aux Ennemis qu'on fe préparoit à les aller
attaquer. Sur quoi ils mirent le feu aux
affuts des canons de la Ville , encloüerent
cès canons , & firent connoître par tous
leurs mouvemens , qu'ils avoient deffein
d'abandonner la Ville aux foins des Magiftrats
& des Habitans , & de fe retirer dans
la Citadelle avec les troupes reglées . Sur
cela le Lord Cobham fit fommer la Ville de
fe rendre , ce que les Magiftrats firent fans
aucune difficulté, Sur le foir , le General
envoya le Brigadier Honyvvood avec 800
hommes , pour prendre pofte dans la Ville,
& dans le Fort S. Sebaftien que les Ennemis
avoient
DE
NOVEMBRE. 161
avoient auffi abandonné.
Le 14 , une Galiote à bombes commença
à bombarder la Citadelle , mais avec peu
d'effet , à cauſe de la trop grande diſtance. :
Le foir , les gros Mortiers & ceux à la Cohorne
ayant éte tranſportés dans la Ville ,.au
nombre de 40 à 5o grands & petits , & placés
fur une Batterie à couvert du Fort S. Se
baftien , ils commençerent dans la nuit à
jouer fur la Citadelle , & continuerent pen
dant 4 jours avec beaucoup de fuccés. Le
quatrième jour , le General fit debarquer du
gros canon,& le fit placer avec quelques au
tres pieces qu'on avoit trouvées dans la Ville
, fur une Batterie du Fort s. Sebaftien.
Dans le même temps , il fit fommer le Gouverneur
de fe rendre , lui declarant que s'il
attendoit jufqu'à ce que notre Batterie fût
prête , il n'auroit aucun quartier. Le Colo
nel Ligonier fut chargé de cette commiffion,
mais il trouva que le Gouverneur Don Jo-
Seph de los Cereros , ayant été bleffé , avoit
été tranfporté hors du Château. Le Lieute
nant Colonel qui commandoit en fon abfence
, demanda du temps pour envoyer fur
cela des avis au Marquis de Risbourg, & re
cevoir les ordres ; mais comme on lui dit
que les hoftilitez continueroient , s'il n'en
voyoit pas fur le champ fes articles de Ca
pitulation , ily confentit bientôt.
Conditions fous lefquelles le Colonel
Ο
"
162 LE MERCURE
Don Gonzales de Sotto , Commandant en
Chef de Caftro , offre de rendre le Château
de Caftro à fon Exc. le Lord Cobham , Generaliffime
des Troupes du Roy de la Grande-
Bretagne.
· I. Que la Garniſon de Troupes reglées
qui eft prefentement dans le Château, ſortira
aved armes & bagages , tambour battant ,
drapeaux deployer , leurs cartouches & fournimens
remplis de poudre , & des balles à
proportion ... Accordé.
II. Qu'on accordera des voitures pour les
tentes & les bagages des Officiers... La Garmifon
n'a qu'à les trouver.
III . Que la Garniſon fortira , pour ſe rendre
par terre , par le plus court chemin , au
Pont de S. Payo , en toute sûreté & avec des
provifions pour 4 jours ... Accordé.
IV. Qu'on accordera 6 pieces de Canon de
fonte, & Mortiers , avec 12 charges de ponare
& de boulets , & leurs affuts ; & s'ils ne
peuvent pas être transportez par terre , ils
pourront l'être par can juſques à Ullo ; &
que de là ils pourront être chariez pendant 6
jours , & la Garniſon 'marcher , pour aller où
etle le jugera àpropos ... Refufé.
V. Qu'on accordera des voitures pour les
Bleffés , tant Soldats que Païfans ; & cenx
qui neferont pas en état d'être tranfportez ,
refleront dans Vigo jufqu'à ce qu'ils foient
gueris,aux dépens de Roy Catholique .. AcDE
NOVEMBRE. 163
cordé , pourvû que la Garnifon trouve les
moyens de les tranſporter .
VI. Que les Milices , qui font prefentement
dans le Château , en pourront fortir ,
avec armes & bagages,fans être moleftées, &
retourner dans leurs diverfes demeures , on là
où ils le trouveront à propos... Accordé fans
armes.
VII. Que s'il fe trouve quelque Etranger
dans l'Artillerie , ou dans quelqu'autre emploi,
il ne fera point molefté ... Accordé, excepté
les Deferteurs.
VIII. Que les Officiers & les Soldats de la
Garnison auront la liberté de prendre avec
eux les habits & le linge qu'ils ont laiſsé dans
Vigo ... On les leur portera dans le Château
& il fera permis à un Officier de la Garnifon
d'aller dans la Ville , pour montrer
où ils font.
IX. Cette Capitulation étant accordér, tous
les magasins de munitions & de proviſions ſeront
fidelement remis à la perfonne , que S,
Exc.le Lord Cobham nommera pour cet effet,
la porte de S. Philippe fera auffi remiſe.
X. Que la Capitulation étant accordée, on
donnera 4jours pour l'évacuation de la Place
, le Lord Cobham en fignera une copie
Pen ferai de même... Accordé z jours.
COBHAM.
DON GONZALES DE SOTTO
Le 21 au matin la Garnifon fortit , com
O ij
164 LE MERCURE
fiftant en 7 Compagnies du Regiment d'Ef
pagne , & 4 du Regiment de Valence , faifant
en tout 469 hommes , aprés en avoir
eu 300 de tués ou bleffés par nos bombes.
Cette Place ne nous coûte que z Officiers
& 3 ou 4 Soldats de tués ; Elle étoit certainement
affez forte , pour nous donner beaucoup
plus de peine.
On n'avoit pas encore fait un état exact
de toutes les munitions de guerre qu'on a
trouvées dans la Ville & dans la Citadelle ;
mais lorsqu'il aura été achevé , il ſe trouvera
fort confiderable . Il y avoit dans la
Ville 60 pieces de gros Canons de fer qu'ils
avoient encloüées & endommagées , autant
que le tems le leur avoit permis , en les
abandonnant. Et dans la Citadelle il y
avoit 43 pieces de Canon, dont 15 êtoient
de fonte , & 2 grands Mortiers ; outre z
mille barils de poudre , & diverfes caiffes
remplies d'environ 8 mille fufils. Toutes
ces munitions & ces Canons de fonte y avoient
été debarqués des Vaiffeaux , qui au
Printemps dernier devoient venir faire une
defcente dans la Grande - Bretagne ; & les
Troupes qui ont rendu cette Place , étoient
de cette expedition: Le Lord Cobham a fait
fommer tout le Pays des environs de fourmir
des vivres , & de payer des contributions
, fous peine d'execution militaire.
Cette partie de la Province étoit dans
DE NOVEMBRE.
165
que
2
une fi grande confternation , qu'on croyoir
la moitié des habitans s'étoient enfuis
en Portugal. Il y avoit fort peu de Troupes
reglées , que le Marquis de Risbourg avoit
raffemblées , autant qu'il avoit pû , prés de
Tuy, qui eft à 3 ou 4 licues de Vigo. IL
avoit beaucoup plu pendant 3 jours. Quelques-
uns de nos Officiers , qui s'entretin
rent avec des Efpagnols , avant qu'ils fortiffent
de Vigo , leur ont oir dire , que le
Colonel Ovven avoit été dans cette Place ,
& que le ci- devant Duc d'Ormond levoit un
Regiment d'Anglois à Valladolid. Le Lord
Cobham prenoit toutes les mefures neceffaires
, pour avoir une parfaite connoiffance
des autres endroits de cette Côte. On a
pris 7 Vaiffeaux dans le Port de Vigo : On
en équipoit 3 pour aller en courfe , dont
un étoit de 24 pieces de Canon ; les autres
étoient des Vaiffeaux Marchands.
Quelques lettres particulieres de la Flotte,
difent , que les habitans de Vigo avoient eu
le temps de fe retirer avec leurs meilleurs
effets; de forte qu'on avoit trouvé la plupart
des maifons vuides , & les caves inondées
de vin , dont on avoit rempli une quantité
de tonneaux à bord de la Flotte. On igno
re fi elle fera reftée dans ce Port , ou fi elle
aura fait voile pour quelque autre entrepri
fe. Les 2 Officiers de nos Troupes qui ont
été tués dans cette attaque , font M. Mack
166 EE MERCURE -
norton , Lieutenant aux Gardes Ecoffoifes, &
M. Samprey , Capitaine des Grenadiers du
Regiment de Barvels. Les Lords Regens
ont fait compter 300 guinées au Major
Deviffecher.
On fit partir , ces jours paffés , deux
Vaiffeaux chargés de proviſions , pour
nos Troupes qui font fous le commandement
du Lord Cobham à Vigo. Le Major
Deviffecher a rapporté que l'on n'avoit
trouvé aucunes provifions dans la Ville ,
& qu'il y en avoit très - peu dans la Citadelle
parce que les Habitans qui avoienț
été avertis de notre deffein , les avoient
tranfportées dans les Montagnes. Les ordres
ont été réiterés à ce General de les faire
rembarquer , pour les ramener dans nos
Ports. On a cependant appris par un Vailfeau
arrivé depuis peu de Port à Port , que,
ce Lord s'étoit mis en marche avec un gros
détachement , pour aller attaquer Puente-
Vedra & Tuy, fur les frontieres de Portugal.
On ne fcait point encore quel fera
l'evenement de cette expedition . Ce
qui eft de certain , c'eft qu'il arriva le 20
au matin un Exprès du Lord Cobham ,
pour donner avis qu'il fe preparât à faire,
embarquer ces Troupes .
Le 9 la Cour reçût un Exprés de France ,
ayeć avis que le Duc d'Ormond , s'étoit
embarqué au Port de Saint André en BifDE
NOVEMBRE. 167
"
caye avec fept ou huit Vaiffeaux de guerre
ou Fregattes , fur lefquels il y avoit deux
mille hommes la plupart Irlandois , à deſfein
de faire une invafion dans un des trois
Royaumes de la G. Br . Sur cette nouvelle
, les Seigneurs Jufticiers dépêcherent
un Exprès à Plymouth , à Briſtol , & autres
lieux dans l'Oüeft. Le foir même le General
Carpenter reçût ordre de partir pour
l'Ecoffe ; & le le General Macarteney
fe mit en chemin pour fe rendre en Irlande.
Le General Evans eft allé à l'Oueft d'Angleterre
, afin de mettre les Troupes en état
de s'opposer aux ennemis. On ordonna en
même tems à tous les Officiers qui font
dans cette Capitale , de fe rendre chacun
à fon pofte.
Le cette nouvelle fut confirmée par
un autre Exprés dépêché par le Comte
de Stairs , qui donnoit avis que la Cour
de France avoit été informée qu'une Fregatte
Efpagnole avoit débarqué quelques
Officiers à Ovalé , petit Port fitué entre
Vannes & Port- Louis en Bretagne : que ces
Officiers avoient propofé à un Gentilhomme
dequoy armer quatorze ou quinze mille
hommes , au cas que cette Province fût
difpofée à prendre le parti de l'Efpagne ;
qu'ils joignirent à cela de grandes promeffes,
& des avantages confiderables à cette condition
; mais que ce Gentilhomme avoit
168.
LE MERCURE
répondu qu'il ne reconnoiffoit que Louis
XV. & le Regent. Que peu de tems aprés,
ces Meffieurs avoient jugé à propos
de fe
retirer fur leur Fregatte qui alla regagner
quelques autres Vaiffeaux. Sur ces nouveaux
avis , on reitera les ordres donnés
le foir précedent , afin d'être en état de
bien recevoir les ennemis , fuppofé qu'ils
vouluffent tenter une defcente. Le Duc de
Roxborough , Secretaire d'Etat pour l'Ecoffe
, & un des Seigneurs Jufticiers , allerent
trouyer le Baron de Bothmart avec qui
ils eurent une conference de deux heures
pour concerter les mesures neceffaires pour
faire échouer l'entrepriſe des Espagnols.
On a ordonné à deux Fregattes d'aller
joindre à Plymouth le Commandant Jonhfon
, qui doit aller croifer fur les côtes
d'Irlande avec les deux autresFregattes qu'ils
a rainenées d'Espagne. On n'a pu appren->
dre jufques à ce jour ce qu'eftoit devenuë
P'Efcadre Efpagnole. Comme on eft generalement
perfuadé que cette expedition
regarde l'Ecoffe , on ne pourra pas encore
en avoir de nouvelles de quelques jours. ).
M. Pultrey , un des Commiffaires nommés
pour regler les differens furvenus entre
les Anglois de l'Annapolis Royale , & ›
les François du Cap Breton , doit partir
inceffamment la Cour de France ,
pour
afin d'y relever le Colonel Bladen , & l'au
tre
DE NOVEMBRE. 169
tre Commiffaire , qui a commencé à travailler
à cette affaire avec les Commiffaires
de France.
Le 17 le jeune Mattheus , Imprimeur ,
fut pendu à Tiburn pour avoir imprimé un
Libelle, fous le titre, Vox Populi , Vox Dei. Il
y affirmoit & concluoit aprés plufieurs raifonnemens
, que le Prétendant avoit le droit
hereditaire à la Couronne de ces Royaumes,
& que tout concouroit en fa faveur ; aprés
quoy , il tâchoit par toutes fortes de raifons
d'émouvoir le Peuple à la fedition ,
&c. Sa Sentence portoit , outre le fuplice
de mort , que fon corps feroit de--
chiré en quartiers , & que fes entrailles feroient
jettées au feu . En effet , on le conduifit
fur un Traîneau au Gibet avec la Hache
les Couteaux & le bois , pour mettre en execution
l'Arreft dans fon entier prononcé
contre lui . Mais , comme il approchoit de
*
* On fçait qu'il y a un Acte paffé la quatrième
année du Regne de la Reine Anne , pour confirmer
l'Acte de la fucceffion de la Trés Illustre
Maifon d'Hanovre , qui déclare coupable de
haute trahison , celui qui affirmera par écrit ,
ou imprimera que le Prétendant , ou aucun autre
que ce puiffe être , ait aucun droit ou titre à la
Couronne de ces Royaumes. C'eft en consequence
de cet Afte , que le jeune Mattheus a fubi ce
fuplice . Il est à remarquer qu'il est le premier
qui ait jamais été condamné à mort pour crime
de haute trabifon , au sujet de la publication
aun Libelle feditieux.
P
170 LE MERCURElieu
du fuplice , il reçût grace pour la dernie
re partie. Aprés qu'il eut été étranglé , on
livra fon corps à fon frere par ordre des
Seigneurs Jufticiers pour être enterré . Le
18 au matin on diftribua par toute la Ville
une elegie fur la mort de ce malheureux,
Deux jours avant cette execution , on publia
un Libelle intitulé l'Etabliffment. M,
Lewis Miniftre , qui en eſt l'Auteur , en
promettoit un femblable toutes les femaines;
mais le lendemain 16 ce Miniftre fut arrefté
& mis à la garde d'un Meffager.
La Cour de l'Amirauté s'étant affemblée
à Old- Baily pour juger fix perfonnes
accufées de piraterie , prononça Sentence de
mort contre le nommé Guillaume Terry ,
qui fur trouvé feul coupable . Les cinq
autres furent déchargés , fuivant la Proclamation
de S. M.
Les Marchands & Trafiquans de la Religion
Romaine,preſenterent le 29uneRequê
te à la Chambre des Communes du Parlement
d'Irlande, contre leBil intitulé: ¿ &epour
affurer l'interêt Proteftant dans ce Royaume ,
& pourfaire quelques changemens aux Altes
contre les Papiftes , & pour prévenir l'accroiffement
du Papifme . Lecture en ayant
été faite , on en renvoya la confideration
au grand Comité de toute la Chambre ,
auquel le Bil eft conmmis ; & on ordonna
que les Requerans feroient ouis par leur
DE NOVEMBRE. 473
Confeil devant ledit Comité , s'il étoit
trouvé à propos.
On veut ici que la reconciliation du
Prince de Galles avec le Roy fon Pere ,
foit faite par l'entremife de la Reine de
Pruffe , & que ce qui n'en doit pas faire
douter , c'eft que S. A. R. fe propfe d'aller
à la rencontre de S. M. à fon retour
d'Allemagne.
On a reçû avis que le Vaiffeau , le Roy
George eft arrivé à Port- Mahon , venant
de Livourne. Il y a fur fon bord 400
bales de foyes que l'on eftime avec le refte
de la charge ; 92400 livres sterlin. Un
Vaiffean d'Oftende , nommé le Marquis
del Campo , a été pris par les Pirates qui
font en grand nombre fur la côte de Guinée.
Depuis quelque tems , ces Forbans ont
enlevé 30 Vaiffeaux de toutes Nations
trés richement chargés. On prétend qu'outre
les deux Vaiffeaux que l'on envoye
d'icy pour détruire ces Corfaires , la France
y enjoindra encore deux autres pour agir
de concert contre ces brigands.
Le Vaiffeau de guerre le sherness , arrivé
du Détroit, a brûlé dans une petite Baye prés
de Malaga un Armateur Efpagnol de
12 canons, nommé la Britannia. Le Headfwoft
a été pris par un Armateur Eſpagnol
& mené à Villa Nova. Un Pirate de l'Ifle
de la Providence s'eft emparé d'un Vaif-
Pij
172
LE MERCURE
feau Efpagnol dans le Golfe de Mexique
chargé de Coco & autres Marchandiſes. Les
Corfaires nous ont pris pendant cette année
1719 dans la Riviere de Gamboa 9 Vailfeaux.
On a avis que les Vaiffeaux , le
Weymouth , le winchester & le Dursley
étoient arrivés à Plymouth , venant de
croifer fur la côte de Corogne : Ils ont
détruit le 17 Septembre dans le Havre de
Ribadeus , à 16 lieues du Cap Ortegal ,
deux Vaiffeaux de guerre Efpagnols , dont
P'un nommé la Levrette , qu'ils avoient
enlevé fur nous , & l'autre de 26 canons :
ils fe font auffi rendu maîtres d'un Vailfeau
Marchand Eſpagnol de 300 tonneaux,
& on rafé un petit Fort qui défendoit ce
Havre , dans lequel il y avoit 8 canons,
Les livres pour recevoir les foufcriptions
, afin d'encourager la péche de la
Gr. Br . ont été fermés , dès qu'il y a cu
un million de foufcrit. On n'apprend pas
cependant que la Patente , pour établir cette
Compagnie , ait été encore accordée.
Les fortunes immenfes , que plufieurs
particuliers de ce païs ont faites dans le
commerce des Actions de la Compagnie
Françoife des Indes , ont déterminé un
grand nombre de perfonnes de cette Ville
à fe rendre à Paris , tant pour y achetter
des Actions , que pour prêter de l'argent
fur ces effets , en quoi ils fe propofent
DE NOVEMBRE. 17.5
de faire un profit confiderable .
On écrit de Glocester du 6 de ce mois
que dans un verger appartenant au Clerc
de l'Eglife de Saint Sauveur , plufieurs cérifiers
y portoient de nouvelles cerifes d'Au
tomne , auffi belles & auffi bonnes que
celles qu'ils avoient produites au Prin
tems dernier.
PS. Le Major Robertz arriva ici le
20 , aiant été dépêché le 29 du paffé par
le Vicomte de Cobham , pour donner avis
que le 12 du même mois le General Wad
avoit été détaché avec un corps de 1000
hommes , pour aller attaquer Pont-Vedra.
Les Espagnols qui étoient dans cette Place
en garnifon , l'abandonnerent à fon approche.
Le General Wad y étant entré , fit
brûler l'arfenal avec scoo armes , & autres
provifions de guerre ; ils enclouerent
80 canons de fer. I fe contenta de mettre
à part plufieurs canons de bronze qu'il
fit tranfporter à Vigo. Le 24 & le 25 furent
employés à faire embarquer les mor
tiers , munitions , & canons de bronze , pris
tant à Vigo qu'à Pont- vedra. Nôtre Flote
pour
lors fous le commandement du Vice
Amiral Michel , mit à la voile le 27 pour
revenir dans nos Ports. On s'attend à tout
moment d'apprendre que cette Flote fera
arrivée à Spithead où eft le rendez - vous .
M. le Comte de Stairs , Ambaffadeur
Piij
174 LE MERCURE
à la Cour de France , a été nommé Com
iffaire pour travailler avec le Colonel
Bladen & M. Pulteney , à regler certains
differens furvenus entre les Anglois & les
François dans le Nord de l'Amerique.
L
ESPAGNE.
A Madrid le 13 Novembre 1719%
E Roy n'a pas encore difpofé des Charges
du Duc de Popoli qui a été relegué
fur les terres , fans qu'on fçache encore ce
qui lai a attiré cette difgrace. Le Marquis
Scotti , qui , par ordre de cette Cour , s'étoit
rendu à celle de France pour paffer
en Hollande , eft depuis quelques jours
de retour en cette Ville . On affure qu'il
pourroit bien recevoir de nouveaux ordres
pour aller à la Haye , afin d'y executer
quelques negociations importantes. Les
efpeces d'or & d'argent deviennent de jour
en jour plus rares : il n'en faut point être
furpris , puifqu'elles fortent prefque toutes.
hors du Royaume , tant à caufe que l'on
eft obligé d'envoyer de tems en tems
de groffes fommes fur nos frontieres ,
qu'en Sicile & en d'autres Cours . Nous
recevons beaucoup de deferteurs de Portugal
, qui prenent parti dans nos Troupes.
La Cour n'a pu apprendre qu'avec
DE NOVEMBRE. 175
eplaifir , que les François s'étoient rendus
maîtres de la Cen d'Urgel , & de plu
heurs autres poftes importans en Catalo
gne ; & qu'ils fe difpofoient à pouffer la
guerre plus vigoureufement au Printems
prochain. On a été auffi informé par un
autre exprès du débarquement des Anglois
à Vigo , qui s'étoient emparés de ce Port
& de la Ville par la lacheté du Gouverneur .
Toutes ces nouvelles , jointes à ce que l'on
a appris de la fituation fâcheufe de nos affaires
en Sicile , caufent de grands mouve.
mens parmis nos Miniftres , dont plufieurs
paroiffent fort portés pour l'acceptation du
projet d'accommodement . Le Cardinal Alberoni
ne fe trouve pas peu embaraffé dans
des conjonctures fi épineufes. Ses Partifans
efperent cependant beaucoup du fuecés
d'une Efcadre Efpagnole qui eft partie
de nos Ports , pour tenter quelque entreprife
fur les côtes de Bretagne , où ils publient
qu'il y a beaucoup de mécontens qui
n'attendent que ce fecours pour fe déclarer
contre le Gouvernement prefent , mais les
plus fenfés regardent toutes ces tentatives ,
comme chimeriques . Malgré ces contretems
, la Cour a cependant donné des ordres
pour la levée de 12 Regimens de Dragons
de trois efcadrons chacun , & de 12
Bataillons , outre les autres levées ordonnées
quelque tems auparavant. On prévoit
P iiij
176 LE MERCURE
que la remonte de notre Cavalerie qui eſt
en trés-mauvais état , fe fera difficilement à
caufe de la rareté des chevaux. Sur les preffantes
inftances du Prince Pio qui commande
nos Troupes en Catalogne , on a
expedié des ordres pour faire marcher de
ce côté - là quelques Regimens , afin de
le mettre en état de s'oppofer au progrés
des ennemis , & de tenir en reſpect les Catalans
, dont on a tout lieu de fe défier ,
par rapport aux privileges de cette Province
qu'on leur a ôtés. Le Cardinal Alberoni
continue d'avoir de frequentes conferences
avec M. de Colfter Ambaffadeur
des Etats Generaux. Comme on fouhaite
fort la paix , on dit que la Cour paroît
difpofée à accepter les conditions du traité
de la Quadruple Alliance , non comme
des conditions abfoluës , mais comme des
préliminaires. Le Roy , la Reine , & toute
la Famille Royale ont toûjours joüi d'une
parfaite fanté à l'Eſcurial , où elle a fait
un fejour de plufieurs femaines.
L
ITALIE.
A Naples le 7 Novembre 1719.
E 21 du mois paffé , il arriva ici un
Exprés du Camp Imperial devant
Melline , avec avis que la Citadelle avoit
DE NOVEMBRE. 177
enfin battu la Chamade le 18. & que le
Comte de Merci avoit accordé au Gouverneur
Don Luca Spinola , en confideration
de fa bravoure & de fa belle défenſe , une
Capitulation honorable , fuivant laquelle
la Garniſon fortit le 20 avec tous les honneurs
de la Guerre , excepté le Canon
pour être tranfportée à la place la plus voir
fine , occupée par les Efpagnols .
-I.
Articles de la Capitulation de la Citadelle
de Meffine.
LA
A Garniſon fortira de la Citadelle ,
avec toutes les marques d'honneur
fes Armes , Drapeaux déployés , Tambour
battant , 2 Canons de fonte, & 16 boulets,
avec tous fes Equipages & Chevaux , pour
aller , fans aucun empêchement , au Camp
des Espagnols : que les Affiegeans fourni
ront aux Affiegés les Bâtimens & Voitures,
& qu'il fera permis à chaque Soldat d'emporter
du bifcuit & autres vivres pour 4
jours .
Accor lé de fortir avec toutes les marques
d'honneur , mais fans canon ; on fournira
pareillement les Bâtimens & Voitures à ſes
dépensfeulement , pour le tranfport des effets
appartenants à la Garnison.
II. Que les Malades & bleffés , tant Officiers
que Soldats, refteront dans le Lazares,
178 MERCURE LE
jufqu'à leur convalefcence , qu'ils feront
enfuite conduits à l'Armée Espagnole , en
leur fourniffant les Voitures .
Accordé mais à leurs dépens.
III. Qu'il fera permis d'envoyer des
Courriers au Marquis de Lede.
Accordé , mais feulement , aprés que les
Imperiaux auront pris poffeffion de tous les
Pofles de la Citadelle.
IV. Les Affiegeans ne retiendront perſon
dettes .
ne pour
(
Bien entendu qu'on laiffera des Otages, on
des bonnes cautions pour les acquiter.
V.Qu'on ne fubornera aucun Soldat de
la Garnifon , & qu'on ne retiendra , ni mnalades
, ni bleffés.
Accordé , à l'exception de ceux qui voudront
prendre parti volontairement ; mais
qu'on rendra nos Deferteurs & Prifonniers
VI. Qu'il fera permis aux Hauts Officiers
, Soldats & Valets Siciliens de fe rendre
à l'Armée.
Accordé , feulement pour les Valets qui
voudront fuivre leurs Maîtres.
VII. Auffi long- temps que les Efpagnols
feront dans la Citadelle , il ne fera
permis à perfonne d'y entrer , à l'exception
des Generaux .
Accordé.
VIII . Il ne fera non plus permis à aucun
de la Garnifon , d'entrer dans la Ville , fans
DE NOVEMBRE 179
être muni d'un Paffeport du Commandant
General. Mais on accordera la permiffion
à ceux qui voudront y aller pour leurs affaimême
aux Valets.
res ,
Accordé , à l'exception des derniers .
IX. La Garnifon emportera tous les vivres
qui fe trouvent dans la Citadelle , pour
les vendre & en faire de l'argent pour affifter
les Troupes.
Refusé , tous les vivres devant être fidelement
livrés à nos Commiſſaires.
X. Qu'il fera permis à chaque Regiment
d'envoyer des Officiers dans la Ville , pour
y regler les affaires , & qu'ils y pourront
refter 8 jours
--
Accordé , pour les petites affaires des
Hants- Officiers , lesquelles étant reglées , lefdits
Officiers feront embarqués à leurs dépens,
pour aller à leur Armée .
XI. On livrera aux Affiegeans les Portes
de l'Eſplanade de la Citadelle , avec tous les
Ouvrages desdites Portes.
Les Affiegés livreront immediatement
aprés la fignature de la Capitulation , les
Portes & tous les Ouvrages qui font devant
Don Blaſcho , de même que les deux Coupures
de la Mer , à main gauche , avec toutes
les Portes du dedans de la Citadele : permis
de plus aux Affiegés de feparer nos Sentinelles
qui entreront dans la Citadelle d'avec les
leurs.
180 LE MERCURE
XII. Aprés la fignature de la Capitulation
, on indiquera tous les Magafins , &
les Affiegés donneront un état à nos Commiffaires
de tous les Canons & Mortiers qui
s'y trouveront
Accordé,mais on indiquera les mines & tout
ee qu'on ajetté dans lesfoffés , ou dans laMer.
XIII. On livrera , outre cela , le Château
de S. Sauveur , avec toute fon Artillerie &
fes munitions , tant de guerte que de bouche;
mais les Portes n'en feront livrées qu'aprés
l'évacuation de la Citadelle , & cela
pour éviter tout defordre , aprés quoi on remettra
aux Imperiaux tous les Bâtimens
Palandres , Petaches & Galeres qui ont été
coulés à fond.
Accorde , à condition que les Affiegés
donneront un état de tout ce qui je trouvoit
fur ces Bâtimens , & fur ceux qui feront retenus
, & que le 19 à 3 heures aprés midi , on
livrera les Portes ſtipulées dans ces Articles ,
que la fortie dela Garnison fe fera le 20 ,
pour être d'abord embarquée & transportée
à l'Armée Espagnole.
Accordé.
Fait à Meffine le 18 Octobre 1719.
Le Comte de MERCY.
DON LUCAS SPINOLA
Cette Garnifon , au fortir de la Place ,
s'eft trouvée réduite à r200 hommes , &
soo bleffés ou malades ; elle a été conduite
DE NOVEMBRE. 185-
fous une Eſcorte de Troupes Imperiales ,
jufqu'au Camp du Marquis de Lede. Les
Imperiaux fe font emparés de 5 Vaiffeaux
de guerre ou Fregattes qui étoient dans le
Port , & en ont coulé 5 autres à fond qui
auroient pû s'échaper.
M. le Marquis de Lede s'eft retiré dans
l'interieur de la Sicile , aprés avoir laiſſé
des Garniſons à Rometta , Barcelonnette ,
Augufte , &c. il a fait filer du côté de Palerme
une partie de fa Cavalerie. On fait état
qu'il reste encore à ce General 12000 hommes
d'Infanterie , & environ 4000 chevaux.
Les Imperiaux ont perdu à ce Siege
4à 5000 hommes , tant tués que bleffés
& plufieurs Hauts- Officiers : mais cette
perte a été remplacée par l'arrivée de M.
le Comte de Bonneval , qui debarqua le 9 .
& le 10 d'Octobre , avec un Corps de 6
on 7000 Allemans au PPaarraaddiiffoo ,, à peude
diftance de Melazzo. La difette a été fort
grande dans cette derniere Place ; mais elle
eft diminuée confiderablement depuis l'arrivée
du grand Convoi parti de Vado , qui
a apporté quantité de provifions & de ra
fraichiffemens .
On écrit de Milan que l'on interrogeoit
prefque tous les jours M. Cinni , rrêté
dans cette Ville pour affaires d'Etat, & l'on
envoye fes dépofitions à Vienne. Les Mi
niftres de la Cour de Vienne preffent fort
# 82 LE MERCURE
le Duc de Modene , afin de payer les 150
mille livres du refte de fon contingent pour
les quartiers d'hyver. On croit que les
Princes feudataires d'Italie fourniront aufli
leur quotte part en argent.
A Rome be 14 Novembre 1719 .
E Pretendant arriva de Montefiafcone ,
Lie ze le 29 Octobre en cette Ville , avec la
Princeffe fon époufe , qui a déja donné des
indices de groffeffe. Il alla loger au Palais
qu'on lui a meublé dans la Place des Apôtres.
On voit depuis peu des medailles que
le Pretendant fait frapper ici ; un des côtez,
reprefente fa figure avec cette inféription ,
Jacobus III. Rex Anglia ; & le revers celle
de la Princeffe avec cette autre inſcription ,
Clementina Regina Angl . Tous les Cardinaux
neutres leur ont rendu vifite , & S. S.
a fait prefent au Chevalier de faint Georges
de tous les meubles & tapifferies quife trouvent
dans le Palais , qui lui étoit deſtiné :
elle a ajoûté à cette liberalité un attelage
de fix beaux chevaux pomelés. Le Pape a
été un peu incommodé ; fes deux neveux
qui étoient pour lors à la campagne , ayant
appris cette nouvelle , revinrent en pofte ,
mais actuellement le Saint Pere eft fans
fievre.
Il y a plus d'un mois que la Ducheffe de
DE NOVEMBRE. 183
Marr et partie d'ici , pour fe rendre auprès
du Duc de Marr fon époux , qui y eft
toûjours en arreft , & même plus étroitement
gardé qu'auparavant . On arrête journellement
par ordre de S. S. tous les foldais
que l'on découvre s'eftre enrôlés pour
le fervice d'Efpagne , dont le rendez - vous
étoit à Porto-Longone , où ils devoient s'embarquer
pour paffer en Sicile. La foudre
étant tombée le mois paffé fur le Palais de
Caftel- Gandolfe , y a tué fept perfonnes.
Le Pape paroît fort irrité des contributions
que le Roy de Sardaigne a exigées dans
quelques endroits de Piémont , qui appar
tiennent au faint Siege. Quelques differens
furvenus entre cette Cour & celle de Madrid,
ont engagé S. S. à faire imprimer
fecretement quelques Decrets , portant,
fuppreffion des Decimes qui ont été exigées
en Espagne , malgré les Brefs expediés à
ce fujet.
Le procès entre la Maifon de Colone´ &
la Maiſon Conti , ont été terminés par l'entremife
des Cardinaux de la Tremoille &
Albani . Par la tranfaction qui a été faite ,
les Colones , dont les prétentions montoient
à neuf cens mille écus , fe font contentés de
cent cinquante mille qui leur feront donnés
en lieux de Monts , ou en d'autres biens en
fonds . On a tenu plufieurs Congregations
pour regler les Etapes de la Cavalerie Alle184
LE MERCURE
mande , qui paffe dans le Royaume de Naples
par l'Etat Ecclefiaftique. Elle marche
fur deux colonnes . M. Mezzabarba qui eft
parti pour la Chine , & à qui le Pape a donné
une Abbaye de trois mile écus par an
dans le Milanez, a reçû des inftructions fort
amples de S. S. pour ramener à leur devoir
les Miffionnaires qui refuferoient de lui
obéir. M. Ruffo a été nommé Inquifiteur
de Malte ; mais comme il n'eft pas fort
agreable à l'Ordre de Saint Jean ; on croit
qu'il aura befoin de l'agrément du Grand
Maître, avant que de pouvoir fe rendre à
Malte. M. Maffei partit le 11 d'Octobre
pour fe rendre à Paris , où il va relever M.
Bentivoglio, il aura la qualité d'Agent Apoftolique
, jufqu'à ce qu'il plaife à S. S.
de le revêtir d'un caractere plus confiderable.
M. Cornaro Ambaffadeur de Venife ,
eft arrivé en cette Ville avec un équipage
magnifique. On apprend de Vienne que la
Cour Imperiale avoit approuvé l'avis du
Confeil Collateral de Naples , touchant la
reception de M. Aldobrandini , nommé à
la Nonciature de ce Royaume. On affùre
que l'avis de ce Confeil eft , que ce Nonce
ne pouvoit pas y être reçû , avant qu'on
eût limité les prétentions de cette Cour- ci ,
par rapport à la Jurifdiction de cette Nonciature
, lefquelles paroiffent préjudiciables
aux droits de la Couronne & aux ufages de
се
DE NOVEMBRE. 185
ce Royaume. Auffi- tôt que la nouvelle de la
reduction de la Citadelle de Meffine eût été
annoncée , on vit les gens du Cardinal del
Giudice courir par toute la Ville , pour la
rendre publique.
Le Cardinal Aquaviva a reçû par la voye
d'Avignon , une dépêche de la Cour de Madrid
, avec une remife de quarante mille
piſtoles pour l'armée d'Efpagne en Sicile.
Il y a apparence que la promotion des Cardinaux
ne fe fera pas encore fi- tôt.
Depuis la prife de la Citadelle de Meffine,
le Marquis de Lede a fait partir trois Officiers
, pour aller à Madrid rendre compte
à S. M. C. de la fituation des affaires de
Sicile.
*
1
SUISSE.
A Schafonſe le 15 Novembre 17197
Left furvenu de grands differens à Bienne
entre le Maire qui reprefente le Prince
de Porentru , Evêque titulaire de Bafle , &
le Bourguemeftre appuyé de la plus grande:
partie de la Bourgeoisie. Elle s'eft adreffée:
au Canton de Berne , pour le prier , en qual
lité d'Allié , de la maintenir dans la joiiif→
fance de ſes anciens privileges , & particu
lierement ppaarr rraappppoorrtt à la Religion contre
les attaques du Prince de Porentruy Com
186 LE MERCURE
me on leur a declaré que ce different ne paroiffoit
pas affez important pour demander
une mediation , une partie de Bourgeois
de Bienne n'étant pas contente de cette réponſe
, a jugé à propos de prendre les armes
contre la faction du Prince leur Souverain
& de piller la maifon du Maire.LePrince de
Porentru qui fe trouve très grievement offenfé
, par rapport à l'infulte que l'on a faite
au Maire qui le reprefente , en a demandé
fur le champ une promte & ample fatisfaction
au Confeil de Berne. Cependant ,
comme il a l'efprit pacifique on apprend
qu'il eft difpofé à terminer ce differend à
Pamiable , en dédommageant fon. Officier
des pertes qu'il a fouffertes à cette occafion.
C'eft ce qui a fait prendre la refolution à
Meffieurs de Berne d'engager les Habitans
de Glaris à envoyer des Deputés à Rapperfvveyl
, pour y traiter d'un accommodeinent
avec leurs Sujets de VVardenberg , à
quoi ceux- ci ont auffi donné leur confentement.
Les Cantons Proteftans ont écrit au
Roy de la Grande Bretagne , pour prier
S. M. de vouloir bien accorder fa protection
à ceux de leur Communion ; contre les attaques
de ceux qui cherchent à les opprimer.
DE NOVEMBRE. 187
MORTS.
Effire Pierre Arnoul , Seigneur de
MRochegude , Ecly , &c . Intendant de
Juftice , Police & Finances des Galeres de
France , Fortifications du département de
Marſeille , & du Commerce du Levant , &
Confeiller d'honneur au Parlement de Provence
, mourut le 18 Octobre 1719 .
Meffire André Hanicle , Curé de fainte
Marine en la Cité , mourut le 22 Octobre.
Meffire Jean Louis Braille , Prefident de
la Cour des Monnoyes , mourut le ....
Octobre.
Meffire Ennemond Allemand de Montmartin,
Evêque & Prince de Grenoble , moutut
le 28 Octobre à Fontainebleau , en venant
à Paris. Il étoit de la Maifon des Allemand
, l'une des plus anciennes du Dauphiné
, alliée à la Maifon de Savoye , dont
étoit le Cardinal Louis Allemand , Archevêque
d'Arles , mort en 1450 , qui foutine
le Concile de Bafle contre le Pape Eugene
IV. Le Prelat qui vient de mourir , étoit
le quatriéme Evêque de Grenoble de fa
Maiſon , dont les armes qui font de gueulle,
femées de fleurs de lys d'or , à la bande d'argent
brochante fur le tout , marquent la no.
bleffe. Qij
188 LE MERCURE
Meffire Charles le Bourg de Montmorel,
Aumônier de feuë Madame la Dauphine ,
& Abbé de Nôtre-Dame de Lannoy , mourut
le 30 Octobre.
Dame Claude de l'Ile , veuve de Meffire
Nicolas de Sainctor , Introducteur des Ambaffadeurs
, mourut le 30 Octobre.
Meffire Jean- Louis de Maffuau , Marquis
d'Arcèlot ; Gournay , &c. Confeiller au
Grand Confeil , mourut le 1 Novembre.
Meffire Michel Tambonneau , ancien
Prefident de la Chambre des Comptes , &
cy-devant Ambaffadeur en Suiffe , mourut
le 3 Novembre..
I
Frere Alexandre le Barbier,Prêtre, Docteur
de la Maifon de Sorbonne, Chapelain Conventuel
de l'Ordre de Malthe, Commandeur
du Sauffoy & de Biche,Prieur de S. Jean en
l'Ile de Corbeil , Vicaire general de M. le
Prieur de l'Eglife deMalthe, & Agent general
dudit Ordre enFrance, mourut le ... Nov.
Dame Michelle Aubry , veuve de Meffire
Charles de Rochechouart , Marquis de
Monpipeau , Baron du Cherer , mourut
le... Novembre .
Dame Marie- Anne Françoife Commeau,
veuve de Meffire Charles Nicolas Foulle
de Prunevaux,Conſeiller au grand Conſeil,
mourut le 6 Novembre.
Meffire Antoine Ferrand , Confeiller de
la Cour des Aydes, mourut le 6 Novembre.
DE NOVEMBRE. 189
Meffire Charles Felix Hyacinthe des
Yffars , Marquis de Caftelet , Brigadier des
armées du Roy , mourut le 10 Novembre.
Meffire François Gilbert Colbert , Marquis
de Chabanois , Saint Pouange , &c..
mourut le 11 Novembre , laiffant pofterité
de Dame Angelique d'Efcoubleau , fille
unique de Meffire François , Comte de
Sourdis , Chevalier des Ordres du Roy.
Meffire Jean le Picart, Chevalier Seigneur
de la Boiffiere , mourut le 12 Novembre.
Meffire Guillaume Euftache de Montboiffier
- Beaufort- Canillac , Seigneur de
Saunade &c.ancien Exempt des Gardes du
Corps du Roy , mourut le 16 Novembre.
Dame Anne Chevalier , veuve de Meffire
Antoine Geofroy de Coiffy , Seigneur de
Nozey , Saint Etienne & c. mourut le 17
Novembre .
Meffire Charles Claude Geneft , Abbé
de faint Willemer de Boulogne , l'un des
Quarante de l'Academie Françoife , & pre .
mier Aumônier de S. A. R. Madame la
Ducheffe d'Orleans , mourut le 19 Novem→
bre , âgé de 82 ans .
Meffire Jean Orry , Seigneur de Vignory,
de Fuluy , la Chapelle , & c . Prefident à
Mortier au Parlement de Metz , mourut
. le...Novembre.
Dom Jofeph Caron , Abbé de Pontigny,
feconde fille de l'Ordre de C. eft mort le
1 90 . LE MERCURE
... Novembre dans fon Abbaye.
M. Bignon , Intendant de Paris , doit fe
rendre le 15 du mois prochain à Pontigny ,
pour affifter à l'élection d'un nouvel Abbé.
Meffire François Sabot de Luzan , Seigneur
de Plainville , Prefident au Grand
Confeil , mourut ces jours paffés dans fon
Château de Plainville.
MORTS ETRANGERE S.
M
Adelaine Sibille , fille de Frederic
Duc de Holftein Gottorp & de
Slefwic , qui avoit épouté le 28 Novembre
1654. Guftave Adolphe Duc de Mekelbourg
Guftraw , mourut le 20 Septembre
, âgée de 88 ans , aprés 24 ans de viduité
, ne laiffant que des filles.
Jofephe de Capous , epoufe de Roch
Comte de Stella & de Sainte Croix , Lieutenant
Maréchal General de Camp de
l'Empereur , Confeiller d'Etat , & Confeiller
Aulique d'Efpagne , mourut à Vienne
le 21 Septembre âgée de 35 ans.
Jean-Baptifte Marquis Strozzi , mourut
à Rome le 24 Septembre âgé de 74 ans .
Jean - Jofeph Comte de Huyen , Con
feiller Imperial de guerre , Feldt Maréchal-
& Commandant de la Fortereffe de Sigeth
, y mourut le is Septembre âgé de
80 ans.
DE NOVEMBRE. 191
Georges Leopol Comte d'Averfperg
Maréchal hereditaire du Carniole , Chambellan
, Confeiller du Confeil de guerre ,
& General de Bataille des Armées de l'Empereur
, mourut le 30 Septembre en fa 53
année.
Georges-Adam-François Comte de Gafefin
, Confeiller d'Etat & Chambellan de
l'Empereur , & Capitaine Provincial d'Oypeln
& de Ratibor , mourut à Breſlau le 7
Octobre.
Jean- Adam Grundeman , Comte de Falckenberg
, Baron de Waldenfels , mourut à
Vienne le 27 Octobre âgé de 25 ans.
Le Baron de Vaffenaer , Gouverneur de
Bergopfom , mourut le 4 Novembre. Ce
Gouvernement fut donné au Comte de
Groveftein , & celui de Furnes & de Dixmude
fut donné au fieur de Cronftrom ,
Brigadier , frere de celui qui eft mort en
France , Envoyé Extraordinaire de Suede.
L
MARIAGES.
E Jeune Prince Guillaume Landgrave
de Heffe- Rhinfels époufa le 19 Septembre
Erneftine- Elizabeth de Pfals Sulzbach
.
Quelques jours auparavant Simon Henry-
Adolphe Comte de Lippe époufa Jeanne
Villelmine de Naffau- Idftein .
LE MERCURE
François Comte de Gondola , Chambellan
de l'Empereur , & Confeiller d'Etat de
la Haute Auftriche , époufa le 28 Seprembre
Marie- Anne Comteffe de Permerberg
, Dame de l'Imperatrice Mere .
CHARGES
Le Comte François Henry Schlick , fils
du Grand Chancelier de Boheme , fut nommé
le ... Septembre , Chambellan de
l'Empereur.
Le ... Octobre le Marquis de Rubi ,
General de l'Artillerie , cy-devant Viceroy
de Majorque , puis de Sardaigne , fut
nommé par l'Empereur Gouverneur &
Chatelain de la Citadelle d'Anvers.
Le ... Octobre , l'Empereur accorda à
N. de Lannoy , Comte de Clervaux , la
Patente de Gouverneur Capitaine General
du Pays & Comté , Ville & Citadelle de
Namur , & celle de Lieutenant Maréchal
General de Camp.
Charles-Ambroife Mezzabarba , Referendaire
des deux fignatures , aïant été nommé
par le Pape Patriarche d'Alexandrie &
Vifiteur Apoftolique , avec la faculté de
Legat à latere dans la Chine & autres
Royaumes des Indes Orientales , fut facré
à Rome le 2-1 Septembre Patriarche
d'Alexandrie , en l'Eglife de Saint Charles
Boromée , par le Cardinal Paulucci.
JOURNAL
DE NOVEMBRE. 193
JOURNAL DE PARIS.
Sacres d'Evêques.
MEffire Armand- Pierre de la Croix de
Caftries , Premier Aumônier de feuë Madame
la Ducheffe de Berry , fut facré Archevêque
de Tours le 29 Octobre dans la
Chapelle de l'Archevêché , par M. le Cardinal
de . Noailles , Archevêque de Paris ,
qui avoit pour Affiftant l'Evêque d'Alais ,
& l'Evêque de Vannes , nommé à l'Evêché
de Blois.
S
Le Prince François- Armand de Lorraine
Armagnac , fut facré Evêque de Bayeux le
5 Novembre dans l'Eglife de Paris , par le
Cardinal de Noailles , affifté de l'Evêque
& Comte de Chaalons , & de l'Evêque de
Blois.
< Meffire Charles Fontaine , Confeiller .
au Parlement , & Doyen de l'Eglife d'Orleans
, qui avoit êté proposé par le Pape
dans le Confiftoire du 18 Septembre dernier,
pour l'Evêché de Nevers , en fut facré
Evêque le , 12 Novembre en l'Eglife des
Carmes Dechauffés ,
par l'ancien Evêque
de Troyes , affifté des Evêques de Nantes
& de Clermont.
R
194
LE MERCURE
Promotion d'Archevêques & Evêques.
En Novembre. Le Roy nomma à l'Archevêché
de Narbonne , vacant par la mort
de M. le Goux de la Berchere , M. de
Beauvau , Archevêque de Tolofe.
A l'Archevêché de Tolofe , M. de Nefmond
, Archevêque d'Alby.
A l'Archevêché d'Alby , M- de la Croix
de Caftries , Archevêque de Tours.
A l'Archevêché de Tours , M. l'Abbé de
la Tour d'Auvergne.
A l'Archevêché d'Ambrun , vacant par
la promotion de M. de Voyer de Paulmy
d'Argenfon à l'Archevêché de Bordeaux ,
M. de Henin Lietard , Evêque d'Alais .
A PEvêché d'Avranches , vacant par la
mort de M. de Querhoent de Coëtanfao ,
M. le Blanc, frere de M. le Blanc, Secretaire
d'Etat.
A l'Evêché de Sifteron , vacant par la
mort de M. deThomaffin, le Pere Laffiteau,
de la Compagnie de Jefus.
Et à l'Evêché de Vannes , M. Fagon
Evêque de Lombez.
Abbayes & Benefices.
L de C. D. de S. Omer , a été donnée
'Abbaye reguliere de Clairmarets , O.
DE NOVEMBRE. 195
4
Dom Brianville , Prieur de l'Abbaye de
Cercamp en Artois.
L'Abbaye de Maurigny, Diocele de Sens ,
prés d'Etampes , a été donnée à M. l'Abbé
Malet , Aumonier du Regent.
Le Roy a nommé à l'Abbaye de Nid-
Oiſeau , vacante par la mort de Madame
de Rafilli , Madame du Cambout , Religieufe
du même Ordre.
L'Abbaye de Claire- Fontaine a été donnée
au fils de M. Camus de Filain , Prefidént
à Mortier au Parlement de B. -
L'Abbaye de S. Maur D. d'Angers , &
celle du petit Citeaux, vaquent par la mort
de M. Martinot de Princé , Chanoine de
PEglife Cathedrale d'Angers.
L'Abbaye de S. Wlemer dans la Ville de
Boulogne , eft auffi vacante par la mort de
M. l'Abbé Geneft , l'un des 40 de l'Academie
Françoiſe.
Le Roy a gratifié M. l'Abbé Bridou du
Prieuré de Sales , ou les Sales , D. de Limoges
, vacant par la mortde M. le Gras, Curé
de Chatoux.
Promotions.
M. le Chevalier de Montmain , Marêchal
de Camp , & Capitaine des Chevaux-
Legers d'Orleans , a été nommé Inſpecteur
de la Gendarmerie , avec 8000 livres d'ap
pointemens. M. le Marquis de Coëtanfao,
Rij
156 LE MERCURE
qui étoit Aide- Major , a été fait Major , &
l'Aide-Majorité a été donnée à M. le Chevalier
de S. Jal qui étoit Guidon des Gendarmes
Dauphins , dont le Guidon à paffé à
M. le Ch . de la Vieuville .
Meftres de Camp qui furent faits à la Promotion
de la Revûë du Roy , le 7 Octobre
dernier.
M. le Marquis de Benouville , M. le
Comte de Marcouville , M. le Marquis de
Saulx , M. le Marquis de Courtebonne ,
M. de Chamboy , M. le Marquis d'Atis
M. de Marivaux , M. de Magnane , M. de
Tournebu , M. le Comte de Brion , M.
de Bregis , M. le Comte de Claire , M. le
Chevalier de Martel , M. le Chevalier de
Caux.
Maréchal des Logis Ecoffois
M. de Payfas.
Le 17 de Novembre Monfieur de
Cliffon fut reçû Capitaine de Grenadiers
des Gardes Françoifes. M. Lambreval ,
Major de Bourbonois , && MM.. Chaulieu ,
furent faits Lieutenans de la même Compagnie
; Meffieurs Lanta & Montegu ,
Sous- Lieutenans , M. Fenelon & d'Antilly,
Enfeignes.
M. du Ret a eu la Compagnie de ClifDE
NOVEMBRE. 197
fon ; & M. Boiffon , l'Aide- Majorité de du
Ret, Meffieurs la Comble & Gravelles font
montés à la Lieutenance, & M. la Vilozern,
Vitermon & Prefle à la Sous- Lieutenance.
Meffieurs Peletier , Davefoles font paffés
à la Sous- Lieutenance de Grenadiers
dans la Compagnie de Brilhac ; & M. Daldar,
Capitaine de Grenadiers dans la Reine,
a eu une des fous-Lieutenances. M. Bruffe
eft monté à celle de Grenadiers dans la
Compagnie de Montgon , & M. Mouchi ,
à l'Enfeigne des Grenadiers dans la même
Compagnie. On a donné des Enteignes hors
du Corps à M. Durtubi , à M. le Comte de
Vance de Villeneuvre , à Monfieur Vizé ,
& à Meffieurs les Chevaliers de Brouffin
& Boisdavid.
M. de Diesbach de Belleroche , Lieute
nant Suiffe de la Compagnie des cent Suif
fes du Roy , a obtenu la furvivance de cette
Charge pour M. fon fils .
Difcours prononcé par M. Vattand , Procu
reur - General de la Chambre Royale de
Bretagne établie à Nantes.
MESSIEURS ,
J'apporte les Lettres Patentes d'établiffe
ment d'une Chambre Royale en cette Ville ,
R iij
198 LE MERCURE
par lesquelles il a plû à Sa Majesté vous
commettre pour la tenir . L'objet en eſt également
important , & au maintien de l'au
torité du Roy , & au falut d'une des principales
Provinces du Royaume. Vous n'y
pourrez lice fans étonnement les motifs confiderables
qui arment aujourd'hui le bras de
la Justice ; des complots contre le Gouvernement
; des attroupemens des Gentilshommes
des affociations entr'eux ; des
projets de Traités avec une Puiffance Etrangere
; des apofitions à mains armées à la
perception des deniersRoyaux: toutes pratiques
injurieules au Prince; pernicieuſes aux
Auteurs même de tels attentats , & abfolument
contraires aux veritables interêts de
leurs Concitoyens. Envain , l'auguſte &
fage depofitaire de l'abfolu pouvoir , vouloit
fignaler fa Regence par la manfuetude
& la bonté ; étouffer les premieres femences
des troubles & de la divifion , par l'indulgence
& la mifericorde ; & gagner par
une effufion abondante de graces & de faveurs
, des fujets indociles qu'il étoit en
droit de foûmettre par l'autorité & par la
force. Il s'eft trouvé , Meffieurs , dans cette
Province & dans quelques lieux circonvoifins
, des efprits inquiets , amateurs de nouveautés
, & peu jaloux de partager avec le
refte des Membres de ce grand Etat , le paifible
bonheur que les foins éclairés , & les
DE NOVEMBRE. 199
travaux infatigables du Prince Regent ,
nous affurent de plus en plus : Exemple
connu de tous les temps & de toutes les
Nations , & que nous voyons avec une douleur
amere fe renouveller de nos jours , que
les bienfaits n'ont de pouvoir que fur les
coeurs droits , fur les ames vraiment vertueufes
, & qu'ils ne font , au contraire ,
qu'ajoûter à la temerité des gens mal- intentionnés
les caracteres odieux d'ingratitude'
& de noirceur.
En fe repofant neantmoins fur vous
Meffieurs du foin de vanger fon autorité
bleffée , le Prince fait affez voir qu'il a plus
en vûë l'interêt public que fon propre ref
fentiment ; & les Lettres de Commiffion
que j'apporte , feront un monument éternel
de la fageffe & de la moderation de M.
le Regent , qui toujours lent à punir , &
lors même que tout femble crier vengeance
; ne veut point de ces châtimens d'éclat,
inftrumens d'un pouvoir arbitraire, & dont
les fuites ne peuvent être que funeftes à l'innocence
même ; il veut que la conviction
du crime precede la punition qu'il en doit
faire ; en livrant quelques coupables aux
rigueurs d'un fort qu'ils n'ont que trop merité
: il cherche à couper racine à des maux
dont la contagion pouvoit gâter un peuple
entier : en un mot , Meffieurs , s'il faut
des Exemples , il n'en demande que de juf-
Riiij
· 200 LE MERCURE
tes & d'utiles ; mais qui pourra jamais dou..
ter de la droiture & de la pureté de les intentions
? Quand on fçaura qu'il a fait choix de
Magiftrats fi dignes de lui être comme affociez
pour l'execution d'une grande entre
prife , & d'en partager avec lui la gloire ;
Que dis-je , il meritera encore l'approbation
& les applaudiffemens des Nations Etrangeres
les plus éloignées , qui ne connoiffent
pas moins que nous , les éminentes qualités
du Chef qui vous prefide , & qui ont payé
tant de fois à fes vertus le juite tribut de leur
admiration & de leurs louanges.
Animés tous du même efprit , & fingulie
rement engagés par votre état à travailler
pour la gloire du Roy , & pour le bien du
Royaume qui en eft infeparable, Vous allez,
Meffieurs , faire regner la Juſtice dans cette
Province , & par elle le Prince y regnera .
Vous allez y faire connoître , & apprendre
à refpecter fon autorité ; & en même temps
que vous repandrez le trouble & la terreur
parmi quelques Gentils - hommes feditieux
& rebelles , vous affurerez le repos & la
tranquilité des Peuples , dont , graces au
Ciel , la fidelité eft fans atteinte , & à cou
vert de toute fufpicion.
M. de Creil , Intendant de la Rochelle
& M. le Comte de Châteautiers , ont reçû
ordre de la Cour de continuer dans cette
Generalité l'établiffement de la Taille tari
DE NOVEMBRE. 201
fée qu'ils y avoient commencée avec feu
M. Renau
Le 13 l'Academie des Sciences ouvrit fes
feances. M. de Fontenelle y fit l'éloge de
feu M. l'Abbé de Louvois . M. Helvetius
le fils y lut une Differtation fur la ftructure
des fibres de l'eftomac , dans laquelle il
prétendit prouver que la Trituration ne
pouvoit le faire , comme l'ont avancé quelques
Medecins modernes . M. de Juffieux
en lut une autre fur les mines d'Ef
pagne , d'où on tire le vif- argent ; enfin
M. de Reaumur finit la feance par une Differtation
fur le travail des mouches - guêpes,
dans laquelle il fit voir le même art & la
même induftrie qu'employent les abeilles
dans la fabrique de leurs ruches.
Le 14 l'Academie des Infcriptions &
belles Lettres , fit l'ouverture de les Affemblées
. M. de Boze , Secretaire de cette
Academie , y fit l'éloge du Pere le Tellier
M. l'Abbé Anfelme lut enfuite une Differtation
fur les Livres des Sibylles , qui fur
fuivie d'une autre fur les Poemes en Profe ,
par M. l'Abbé Fraguier. Le P. Montfaucon
celebre Benedictin , finit enfin cette ſeance
par une très favante & très curieufe Differ
tation fur le papier.
Le 17 M. le Baron de Penterrider , Con
feiller du Confeil Aulique , Affeffeur du
202 LE MERCURE
Confeil des Païs- Bas , & Miniftre Plenipo
tentiaire de l'Empereur , eut Audience parriculiere
du Roy.
On affùre que M. Froulet de Martangis
quitte l'Intendance de Berry , & que M.
Amelot de Chaillou , Maître des Requêtes,
à été nommé pour le remplacer.
Le 19 M. le Vicomte de Tavannes prêta
ferment de fidelité entre les mains du Roy ,
pour la Charge de Lieutenant General du
Mâconnois , qu'il a achetée de M. le Marquis
d'Entragues.
M. le Comte du Perou , ( Aymé Marie
Gontier ) prêta auffi ferment de fidelité
pour la premiere Lieutenance de Roy de
Bourgogne, que les heritiers de M. le Comte
de la Riviere lui ont venduë.
Madame de Parabere a acheté onze cens
mille livres la Terre du Blanc en Berry ,
qui rapporte 27 à 28 mille livres de rente.
M. Law a acheté un million de M. le
Marquis de la Carte , la Terre de Roiffy.
Le Prince Emanuel de Lorraine`, qui depuis
quelques années étoit paffé au fervice
de l'Empereur , s'eft rendu ici pour prendre
des Lettres d'abolition.
Madame la Princeffe , qui étoit allée à
Chanlai , proche Auxerre , pour y voir Madame
la Ducheffe du Maine fa fille , eſt de
retour du 8 à Paris .
Le Contrat de vente de la Terre de Ligny,
DE NOVEMBRE. 203
faite par M. le Duc de Luxembourg , fut
figné le 6 de ce mois , moyennant deux millions
fix cens mille livres efpeces de France.
M. le Prince de Conty retire le Duché de
Mercoeur de M. le Marquis de Laffey qui
l'avoit acheté. M. de la Chapelle Secretaire
de ce Prince , & de l'Academie Françoife
, eft de retour ; il a été fort bien reçû
de S. A. S.
M. Hubinot de Montbrun de Reigné ,
Ecuyer du Roy , du Quartier de Janvier ,
a vendu fa Charge à M. du Chatelet , neveu
de M. le Marquis du Chatelet , Gou
verneur du Château de Vincennes.
. M. Reymond de la Renouilliere , Maître
d'Hôtel du Roy , a vendu cette Charge
180000 livres à M. Pautras.
M. de la Fare- Lopis , a obtenu du Roy
une penfion de 8000 livres. M. Miſtouflet,
Secretaire general de la Cavalerie , a été
gratifié d'un Brevet de quatre mille livres
de penfion .
M. Meffier , cy - devant Gentilhomme
ordinaire , & aujourd'huy Maître d'Hôtel
du Roy, a eu une penfion de deux mille
livres.
Le 26 M. le Grand Prieur d'Orleans fur
declaré du Confeil de Marine , comme General
des Galeres ...
Le 27 au matin il y fut admis.
L'exprès que le Regent avoit depêché à
204 LE MERCURE
Modene , avec les articles du Contrat de
Mademoiſelle de Valois & du Prince de
Modene , en arriva le 26 avec la fignature
de ces Articles. Madame la Ducheffe d'Orleans
alla l'après midy à faint Clou , an
noncer cette nouvelle à Madame.
Le 28 le Regent vint donner part au Roy
de la conclufion de ce mariage.
Le 29 deux jeunes Princes de Saxe- Gotha
ayant été prefentés par M. le Maréchal de
Villeroy à S. M. le Roy les gracieuſa.
M. de Chaſeron , ancien Lieutenant des
Gardes du Corps , & Gouverneur de Breft,
a eu la permiffion de donner fa Brigade à
fon fils aîné , Enfeigne des Moufquetaires.
Le Duc d'Ormont après avoir fait le tour
de l'Ecoffe avec fon Eſcadre , eft retourné
au Port de faint Ander en Bifcaye.
Le Roy de la Grande Bretagne arriva le
fur les trois heures après midi , à Margatte
en Angleterre.
25
Le Roy a accordé à M. l'Evêque de Clermont
une penfion de dix mille livres.
M. Panier a acheté la Charge d'Avocat
General du Grand Confeil , vacante par la
mort de M. Benoift de faint Pore . M. Panier
eft le même qui a remporté cette année
le prix en profe propofé par l'Academie
Françoife , dont nous avons donné l'extrait
dans le Mercure d'Aouft dernier. A juger
par le merite de ce diſcours , on doit s'atDE
NOVEMBRE. 205
tendre que ce nouveau Magiftrat remplira
dignement la place de fon predeceffeur.
La Chambre Royale de Bretagne , établie
à Nantes , continue fes procedures contre
les accufés. Elle a déja rendu plufieurs
Arrefts , en execution defquels on a arrêté
un grand nombre de perfonnes mal- inten
tionnées au fervice de Sa Majefté,
La
ROSES.
>
vint
E 22 Octobre l'armée du Roy étant
partie du Camp du Boulou
camper à la Jonquiere en Lampourda.
Le 23 M. le Maréchal de Berwick s'avança
fur le ruiffeau de la Mougue , &
campa fa gauche à Caftiglion , où il établit
le Quartier General , & la droite à Peralade,
Le 26 il détacha les Brigades de Poiton ,
de la Couronne , & de Caftelas , fous les
ordres de M. de Guerchy Lieutenant General
, & de M. de Lambert Marêchal de
Camp , pour venir camper devant Rofes ,
Le même jour ces Brigades furent jointes
par celle d'Alface , qui étoit venue la veille ,
fous les ordres de M. de Ceberet , de Collioure
à Cariguelle.
Le 27 Monſieur le Marêchal vint pren
dre fon Quartier à la Cafa Carbonnella
, avec l'Etat Major . Meffieurs de Cay
206
my
LE MERCURE
lus , de Maulevrier , & de Belleifle , eurent
ordre de le ſuivre avec les Brigades de Picardie
, Navarre , & Royal des Vaiffeaux : la
Brigade d'Auvergne doit être aufli de ce
Camp.
Les quinze Bataillons qui forment le refte
de l'armée , font reftez avec la Cavalerie
dans la ligne fur la Mougue .
Les vents ont été fi violents & fi contraires
, que les Tartanes & les Barques
chargées de vivres , de munitions
de Guerre & d'Artillerie , qui étoient depuis
long- tems à la plage de Rouffillon ,
n'ont pu arriver à portée de Rofes que dans
les premiers jours de Novembre. On commença
le 4 à faire le débarquement ; mais
les la mer fut fi groffe que le débarquement
ne put pas fe continuer , & le 6 le
vent augmenta à un tel point , que toutes
des Tartanes au nombre de 28 échouerent,
une partie a été brifée , & le refte fubmergé,
On a fauvé une partie des effets , & tous
les équipages , à la referve de 24 Matelots,
& une Pinque armée que commandoit le
Chevalier de Bernage , a auffi échoué , mais
il s'eft fauvé.
La Mougue s'étoit fi fort enflée par les
pluyes continuelles , que les Quartiers de
l'Armée étoient fans communication.
Les ponts de Perpignan & du Boulou ,
avoient été emportez par la rapidité & le
débordement du Tech.
DE NOVEMBRE. 207
Dans ces circonftances M. le Maréchal
de Berwick n'a pas jugé à propos d'entreprendre
le fiege de Rofes , & il a repaffé
avec l'Armée en Rouffillon les 17 & 18
de ce mois , après avoir fait rembarquer
tout ce qui avoit 5 42. été déchargé à la côte,
LE
7:
FAITS FUGITIFS.
ES Actions que nous avions anoncées
au 31 Octobre dernier , dans le précedent
Mercure à trois cens , font montées
à mille depuis le premier Novembre fufqu'au
30 inclufivement. Cette rapidité imprévue
ne peut avoir manqué de produire
une infinité de fortunes prodigieufes ; puif
que chaque Action de soo livres , en la laiffant
tranquillement dans fon Portefeuille
a donné de profit 5000 livres à l'Acquereur
de la premiere main. Suppofant donc
qu'un Particulier en ait pris pour cent mille
livres , voilà un million de profit. Combien
de gens fe trouvent dans le cas , &
combien d'autres vont ils au delà ? On
connoît plufieurs de ces Meffieurs , qui
ne comptant pas fur des gains fi peu atrendus
, ne peuvent point fe familiarifer
avec leurs millions. Quelques- uns en font
morts de furpriſe , d'autres de joye , &
plufieurs autres à force de chifrer & de
calculer , en ont perdu la tête : les femmes
-
208 LE MERCURE
fur- tout d'un certain étage , l'ont tout à
fait dérangée. Comme elles font perfuadées
que le bien feul fait profque la difference
des conditions , elles ont crû qu'avec
un équipage à la Ducheffe & un certain
air de confiance , on devenoit tout à
coup femme de qualité. Je n'en rapporteray
qu'un exemple , entre mille autres .
Une de ces Dames de nouvelle création
qui n'avoit jamais été qu'à l'amphitheatre,
fous le fauf-conduit de quelques billets de
Comediens , voulut fe dépaïfer : elle s'imagina
qu'il étoit du bel air d'aller aux
premieres Loges ; en effet , elle contenta
fon envie. S'y étant nichée , avec d'autres
petites figures que l'on foupçonna être fes
filles , elle attira bien-tôt les regards de
tout le Parterre ; elles en furent fort examinées
, parce que fous des houffes fort
riches , on y remarqua que des phifionomies
baffes & des façons contraintes . Cependant
, on étoit fort en peine de les
connoître , & de fçavoir depuis quand elles
étoient au monde . On eut beau s'en informer
; on ne put découvrir ni leur nom
ni leur origine . Pendant qu'elles fe donnoient
ainfi en fpectacle , & qu'elles faifoient
porter differens jugemens fur leurs
manieres d'être , la Comedie finit , elles attendirent
patiemment que la foule fût écoulée
; aprés quoy elles quitterent la Loge ,
pour
DE NOVEMBRE. 209
be
pour aller regagner leur équipage. Quelques
reftes de petits Maîtres fe tenoient
à la defcente de l'efcallier , pour les confiderer
de plus prés ; & les ayant fuivies
jufqu'à la porte , la plus apparente de la
compagnie prenant un ton aigu , fe mic
à appeller fes Gens qui fe trouverent dans
l'inftant fous fa main. Elle ne fut pas plustôt
montée dans une berline , aufli fuperque
celle d'un Ambaffadeur qui fait fon
entrée , qu'un des Laquais de fa fuite lui
demanda , où Madame fouhaite- elle qu'on
la conduife ...? cheus nous , répondit -elle ,
cheus nous ... A ce mot toute la Livrée
étrangere repeta comme par écho , cheus
nous , cheus nous ..• Quelqu'un de vous
autres , dit.un des petits Maîtres , connoitil
cette Madame ? ... Comment fi nous
la connoiffons ! C'eft , M. reprit un de la
troupe , une Blanchiffenfe en linge fin qui
s'eft laiffée tomber du quatrième étage dans
un caroffe , fans fe bleffer. Mais cela n'eft
spas poffible , me dira un Lecteur incredule
pourquoi non! Faut- il un exemple pour
le confirmer ? En voicy un qui n'eft pas
moins fingulier.
Lettre contenant un fait fort extraordinaire,
écrite de Meffine par l'officier même
à qui la chofe eft arrivée .
Ous fçaurés , M. que pendant le fiege
de la Citadelle de Meffine , j'obs
S
210 LE MERCURE
"
fervois avec trois de nos Generaux , des
bombes que les ennemis nous jettoient
d'un des ouvrages de cette Fortereffe.
Nous en remarquâmes une qui venoit droit
à nous ; chacun tâcha de l'éviter en prenant
un côté oppofé. Pour moi , croyant de
mieux faire , je reftay à ma place ; mais
apparemment , je n'avois pas fi bien
jugé que ces Meffieurs , de la direction &
de la chûte de cette bombe : car dans un
inftant , cette machine infernale venant
droit à moi , tomba fur mon épée qu'elle
fracaffa à mon cóté , & me jetta par terre .
M'étant relevé trop tôt , dans le moment ,
les Generaux qui me confideroient atten
tivement , me virent enveloppé tout à la
fois de flamme , de fumée & de pouffiere ,
& par confequent me perdirent de vûë .
Cet accident ne m'arriva que parce que
cette bombe s'étant crevée entre mes cuifles
, dans le tems que j'étois fur mes jambes
, me renverfa une feconde fois , & me
couvrit entierement de terre . Ce fut alors
que les Officiers dont j'ai parlé , & plu
feurs autres , regardoient de quel côté les
pieces de mon corps feroient emportées.
A la verité , ils ne furent pas peu furpris
de me voir relever & fecouer la terre dans
laquelle j'avois été comme cnfeveli . Ils
vinrent tous à moi , avec un étonnement
qui ne fe peut exprimer , pour me demanDE
NOVEMBRE. 211
der fi effectivement je n'étois pas mort...
Je leur répondis en riant , que je n'étois
pas même bleffé ; à peine s'en raportoientils
à leurs yeux ; tous me manioient , &
vouloient s'affùrer de ma refurrection .
Alors me trouvant bien vivant , ils fe re
crierent qu'il y avoit de l'enchantement
dans mon fait ; que de vingt mille hom
mes auxquels pareille aventure feroit arrivée
, il n'en feroit pas réchapé un feul.
Si vous me demandés comment cela s'eft
pû faire , c'est ce qui me paffe ; il n'y a
que Dieu feul qui en ait connoiffance
mais abandonnerai- je la rue Quincampoix,
fans en raporter quelque trait qui caracte
rife un de fes heureux habitans ? Il s'en
prefente un dans le moment fous ma plume...
Un Monfieur de la Verdure , qui
avoit troqué fa livrée pour un habit en
broderie , jugea à propos d'emballer fa Seigneurie
dans un caroffe qu'il avoit acheté
depuis peu. Il étoit devenu riche Actionnaire
; cette circonſtance fuffit, pour ne point
chicaner fur fon équipage. Il avoit pris à fon
fervice un Cocher de bonne mine , & deux
grands Laquais fort bien faits ; car il s'y
connoiffoit : ce Cocher , auffi infolent que
celui de quelque Grand Seigneur , vou
lut couper la file d'une fuite de caroffes ;
mais n'ayant pû gagner la tête des autres
chevaux par l'adreffe du Cocher à qui il
Sij
212 LE MERCURE
vouloit faire cet affront , ils prirent bientôt
querelle enſemble , ce qui fut accompagné
de part & d'autre de coups de fouëts
redoublés.
Le Maître Actionifte , ou Actionaire
n'importe ) mettant la tête hors de la
portiere : Coquin , cria- t'il au Cocher adverfaire
; veux - tu me donner la peine de
defcendre , pour t'appliquer vingt coups de
canne ? A peine eut-il prononcé le mot
de canne , qu'un Officier qui avoit été juſqu'alors
tranquille fpectateur du different ,
faute de fon caroffe , & oblige le menaçant
de mettre pied à terre. Celui- cy fit
d'abord bonne contenance ; mais , quand
il vit fon homme mettre l'épée à la main ,
il fut fi épouvanté , qu'il gagna au pied ;
& croyant avoir l'épée dans les reins , il
fe mit à crier de toute fa force : à moy
la Livrée , à moy la Livrée ! Que ne fait
pas l'habitude !
•
Croiroit-on bien qu'un boffu a trouvé
le fecret de gagner une fomme confiderable
avec fa boffe qui alloit en pente douce ,..
à peu prés comme un pupitre. On fçait
que dans la ruë , car on n'adjoûte plus de
Quincampoix , & cela à l'imitation des
Latins qui difoient Urbs par excellence ,
pour défigner la Ville de Rome ; on fçait
dis-je , qu'il s'y fait des petites fortunes ,
& même des groffes , par quantité de ftraDE
NOVEMBRE. 213
tagemes que l'avidité du gain fuggere.
Notre boffu , aprés avoir long tems medité
à quoi fa boffe pouvoit lui être bonne
, s'avifa de la faire fervir en guiſe de
bureau portatif : en effet , il l'offroit de
fi bonne grace à ceux qui cherchoient quelque
lieu propre pour écrire ou pour figner,
que l'on n'en fit point de façon . On affure
que fa boffe lui a déja raporté plus de
20000 livres. Ne pourroit -on pas lui appliquer
ce paffage ? Supra dorfum meum
fabricaverunt peccatores..
*
On écrit de Silefie du premier Novembre
, que dans le Jardin de la Comteffe
Zierottin , on y voyoit avec admiration un
arbre qui ne croît ordinairement qu'en Armenie
, appellé Alloe aculeata . Cet arbre
a pouffé en 24 heures à la hauteur defept
aulnes. On y a compté jufqu'à 25 branches
toutes garnies de fleurs , d'où découloit un
baume blanc fort doux , & fort agreable au
gout ; & du tronc de l'arbre , il en fortoit
une gomme blanchâtre . La premiere fleur
a éclos le 28 Septembre dernier. On a remarqué
que lorfque cet arbre fut prêt à
percer la fuperficie de la terre , on entendit
un bruit femblable à celui d'un coup de
canon . On ne ſe fouvient point par qui il
a été planté , ni comment il eft venu dans
* Ces arbres font cependant fort communs en
Languedoc,
214
LE MERCURE
une terre tout à fait étrangère à ces fortes
d'arbres qui ne croiffent que dans les païs
chauds . Les Naturaliftès disent qu'il faut
un fiecle entier , avant que cet arbre forte
hors du fein de la terre.
P.-S. Le 4 Decembre on publia un Arreft
du Confeil d'Etat du Roy, qui ordonne,
qu'à commencèr du jour de la publication
du prefent Arreft , les Louis d'or feront réduits
à 32 livres piece , & les écus às livres
12 fols . Au premier Janvier prochain
les Louis d'or à 31 livres , les écus à 5 livres
8 fols. Et au premier Fevrier ſuivant,
les Louis d'or à 30 livres , & les écus à 5 li S
vres 4 fols , les demis & quarts à proportion
. Fait au Confeil le 3 Decembre 1719%
Signé PHELYPEAUX .
Le même jour , on publia un Edit du
Roy , qui ordonne la fabrication de nouvelles
efpeces d'or & d'argent fin. Regiſtré
en la Cour des Monnoyes le 2 Decembre
1719. Signé GUEUDRE'.
J'a
APPROBATIO N.
Ay lù par ordre de Monfeigneur le
Garde des Sceaux , le Mercure de Novembre.
A Paris le 3 Decembre 1719.
BLANCHARD.
DE NOVEMBRE. 215
TABLE.
Hiftoire des Filles de la Maifon de France &
autres Princeffes , qui ont été données en mariage
à des Princes Heretiques ou Payens , Par
M. l'Abbé de Camps .
་
31
Des caufes qui peuvent diminuer la pesanteur de
l'air , lorfqu'il paroît le plus chargé de nua-
28
ges.
Journal des Fétes données à Dresden par le Roy
de Pologne, 38
Lettre de M. de Marivaux , contenant une avanture
.
Lettre de l'Auteur de la Carte d'Aragon ,
cée dans le dernier Mercure.
Edits , Arrefts & Déclarations.
62
annon-
74
83
Lettre écrite à l'Auteur du Mercure , au fujet de
l'extrait qui a été donné dans le mois d'Octobre
, furle Traité des Penfions Royales. 102
Poëftes. Ιός
Alla virtuofiffima Signora d'Argenen , Homma
gio debito , par M. Boucon,
Enigmes
Vaudeville.
Nouvelles étrangeres.
708
114 115
116
Affaires du Palatinat.
137
Morts Mariages . 187 & 191
Journal de Paris.
193
Fatts fugitifs.
207
Errata d'Ottobre.
Pase12 lignes PAS ,ce fait eft faux,
Age 190 lig. 9. On a donné , &c. Retran
chez ces trois ;
216 LE MERCURE
Pag. 191 lig. 1. M. de la Hubergaís , liſez
de la Guibourgere .
Pag. 191 lig . 31 Meffieurs D. & B. &c ... it's
font reftés à Paris.
Pag. 194 lig. 27 M. de Pleneuf, &c. il n'y a
rien de changé fur le compte de Meffieurs
de Sauroy & de la Jonchere , & ils continueront
à faire leurs Charges.
Pag. 211 lig. 10 N... de Monmorin , lifez
Montmartin .
AVIS.
LEViebenen Beauce,proche Toury , route
E Sieur Foufladier , Chirurgien , demeurant
de Paris à Orleans , guerit plufieurs maladies ,
tant internes , qu'ex ternes, comme les Veneriennes
, Apoplexie , mal Caduc , Vertige , Paralifie
, Rhumatifme , Migrainne , l'Afme , Hydropifie,
Diffenterie , les Retentions , Vapeurs , Jau
niffe , Fievre intermittente. Le Sieur Fouffadier
donne encore plufieurs autres Remedes ſpecifiques.
Il continue depuis 14 à 15 ans , fes cures des
Cancers occultes & ouverts , Loupes , Nodus ,
Exortofe , Ganglions , Ulceres de Matrice , de
la veffie , & ceux qui reftent aux yeux aprés la
petite verole , de même que les taches.
Il guerit les marques que l'on apporte du
ventre de la mere , les Sxirres du foye , de la
ratte , de la matrice , & des mamelles , les UL
ceres de l'Aaus , les Fiftules fans le fer , les Hemoroides
, & les Ulceres des autres parties du
corps.
LE
NOUVEAU
MERCURE
.
Decembre 17 19.
Le prix eft de vingt fols
A PARIS.
Chez GUILLAUME CAVELIER , au Palais:
La Veuve de PIERRE RIBOU, Quay des
Auguftins , à l'Image S. Louis.
Et GUILLAUME CAVELIER , Fils , ruë
S. Jacques , à la Fleur -de- Lys d'Or .
M DCC. XIX.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
THE NEW , YORK
PUBLIC LIBRARY
335117
ABTOR, LENOX AND
TILDEN' FOUNDATIONS
1990
AVIS.
prie ceux qui adrefferont
des Paquets ou
Lettres à l'Auteur du Mercud'en
affranchir le port ,
re
fans quoy
but .
ils refteront au re-
L'Adreffe de l'Auteur , eft.
A Monfieur Bu CHET , Cloître
S. Germain l'Auxerrois.
On donne avis , qu'on trouve
chez les Libraires ci - deſſus
nommez , tous les Mercures
de l'année 1718 , de même que
l'Abregé de la Vie du CZAR .
De l'Imprimerie de C. L- THIBOUST ,
Place de Cambray.
1
LE
NOUVEAU
MERCURE
Lettre de M. N. à M. de N. fur
Hiftoire de France ,fous le Regne
de Louis XIV. Par Larrey.
MONSIEUR;
Ce que j'avois vû des autres Ouvrages de
Larrey , m'avoit fi fort degoûté , que je n'euffe
jamais rien lû de ceux qu'il auroit pu donner
au Public , fi vous ne m'aviez engagé à lire fon
Hiftoire de Louis XIV. comme vous l'avez fait,
c'eft à dire , avec ces manieres . aufquelles on ne
fçauroit refifter. Je m'armaj donc d'une patience
A ij
LE MERCURE
à toute épreuve , pour aller jufqu'au bout de ce
gros volume in quarto à deux colonnes , & d'un
caractere trés menu ; je vous en fis mon rapport ;
vous me preflâtes , Monfieur , de publier par
l'impreffion ce que j'avois eu l'honneur de vous
lire en particuliers je m'en défendis fur la répu
guance que j'avois à caufer du chagrin au pauvre
Larrey qui étoit fur la fin de fa carriere ;
en effet , il eft mort peu de mois aprés ; & com- .
me tout ce qu'on fçauroit dire de fes Ouvrages
ne peut plus lui faire de peine , je veux bien ,
pour vous faire plaifir , vous donner ce que je lus
alors , afin que vous le rendiez public , fi vous le
jugez à propos.
J'ai eu l'honneur de vous le dire , Monfieur ,
je ne croi pas qu'il fe foit jamais fait aucun Ou⚫ -
vrage aufli miferable dans fon genre , que l'eft
Hiftoire de Louis XIV . par Larrey. On y trouve
des fautes enormes contre la verité de l'Hiftoire ;
des fautes de jugement monftrueufes ; des contradictions
pitoyables ; des tranfitions chétives ;
des mots forgés , des expreffions baffles , romanefques
, & même grotesques ; des pauvretés ,
& dų galimatias : c'est ce queje vais faire toucher
au doigt & à l'oeil , par des exemples : Et,
pour mettre tout cela en ordre , autant que cela
fe peut , je vous dirai , Monfieur , que deux chofes
font abfolument neceflaires pour faire une
bonne Hiftoire. La premiere , eft de fçavoir bien
les faits hiftoriques ; & la feconde , de fçavoir
l'art de les écrire : Or , Larrey ne fçait point
les faits hiftoriques de la vie de Louis XIV ; &
quand il les fçauroit bien , il ne fait point
: écrire ; ainfi , il n'a aucune des qualités qui font
neceflaires pour bien faire l'Hiftoire de Louis
XIV . J'efpere donc vous faire voir avec évidence
, que de tous les écrivains connus , nul Hifgorien
n'a été fi mal informé de ce qu'il a epDE
DECEMBRE.
trepris d'écrire , que Larrey l'a été de la vie de
Louis XIV. & que nul Ecrivain n'a jamais été
plus ignorant dans l'art d'écrire , que lui.
Je n'entreprendrai pas de difcuter ici generalement
tous les faits hiftoriques contenus
dans l'ouvrage de Larrey ; il faudroit pour cela
faire un volume aufli gros que fon Livre : Je
me contenterai de rapporter quelques uns des
plus confiderables de ces faits ; ce qui fuffira
pour former le jugement qu'on doit faire des
autres .
Le Prince de Condé , dit - il , page 19 , fi connu
par ja naiffance qui lui fut difputée , parco.
qu'il étoit né 13 mois aprés la mort de fon pere,
mais qui lui fut confirmée par Arreſt du Parlement
, & c.
>
Combien de fauffetés en quatre lignes ! Quelle
audace de publier de pareilles calomnies contre
un Prince d'une fi haute naiffance ? Qui ne fait
pas que Henri de Bourbon I. du nom , mourut
les Mars 1588 ; & que la Princeffe fa femme
qu'il laiffa groffe , accoucha le premier
Septembre de laditte année 1588 , d'un fils
nommé Henri de Bourbon II . du nom , qui eft
'celui dont parle Larrey ? Il naquit done s mois
& 25 jours aprés la mort de fon pere ! Nul fait
hiftorique n'eft plus conftant & plus notoire que
celui- là ; Eft - il donc permis à un Hiſtorien de
l'ignorer ? Et s'il ne le fçait pas , fon ignorance
lui donne-t- elle droit de deshonorer ainfi un
Prince du Sang de France ? Car , dire qu'il eft
né 13 mois aprés la mort de fon pere , c'est
dire nettement qu'il eft bâtard ; c'eft lui faire
l'outrage le plus ignominieux dont la naiffance
d'un homme puiffe être flétrie . Quoi ! parce que
Larrey eft affez ignorant pour ne pas fçavoir que
le Prince de Condé cft né s mois aprés la mort
du Prince fon pere , il pourra avancer impune-
A iij
LE MERCURE
ment qu'il n'eft né que 13 mois aprés ! il infultera
ainfi toute une branche de la Maifon
de France un fimple particulier ne demanderoit-
il pas juftice d'une injure auffi atroce fi on
Ja lui faifoit ? Qui eft ce qui a jamais difpuré à
ce Prince fa naiffance , comme le dit Larrey, au
même endroit ? Qui eft - ce qui a jamais entendu
parler del'Arrest par lequel il ajoûte qu'elle
lui fut confirmée ? Qu'il rapporte donc ce: Arreft
! Qu'il en cite donc feulement la date
Qu'il dile feulement le nom de celui qu'il prétend
lui avoir difputé fa naiffance ! Un Arrest
en confequence d'un fait qui ne fut jamais !
C'eft de cette maniete , Monfieur , que dans un
cerveau creux , comme l'eft celui de Larrey ,
& où les vifions font au même rang que les
verités , une illufion engendre une chimere !
Pour prouver une premiere faulleté , on en avance
ane feconde d'un caractere à écarter toutes fortes
de défiances ; car qui eft- ce qui pourroit
revoquer en doute un fait , pour la preuve duquel
on cite un Arreft du Parlement ? Et qui
eft ce qui pourroit croire qu'un Arreft qu'on
cire , n'eût jamais été rendu ? Ce qu'un premier
fauffaire a une fois publié dans un Livre ,
tous les Auteurs fuivans le tranfcrivent fans
fcrupule ; ils debitent fans examen ce qu'ils ont
receu fans foupçon : De là naiffent ces erreurs
populaires qu'on fe donne de main en main ,
qui paffent d'âge en âge , & fe perpétuent quelque
fois de cette forte dans la fuite de plufieurs
hecles : & c'eft ainfi que s'eft répandue une impofture
fi injurieufe à la Maifon de Condé , qui,
sûre de la verité , a dedaigné de combattre cette
calomnie , peut- être parce qu'il étoit trop aifé
de la détruire ; mais qui ne laifferoit pas de
continuer à fe tranfmettre à la pofterité , fi l'ou
ne prenoit foin d'en relancer , comme il faut ,
DE 7 DECEMBRE
les Auteurs & les complices , & de les flétrir com
me ils meritent de Pêtre .
Je ne vous dirai rien , Monfieur , de quantité
de bevûës particulieres où Larrey donne de fauffes
dates aux faits ; de faux noms & de fauffes
qualités aux lieux & aux perfonnes : tout en
et plein , & il n'y a pas de page où il n'y en
ait plufieurs ; je ne vous parlerai que des Evenemens
les plus confiderables & les plus connus
, & que par confequent il auroit dû fçavoir
le mieux ,
C'eft une Hiftoire generale de France qu'il
écrit la Bataille de Mariendal fait certainement
partie des évenemens de l'année 1649 ,
qui doivent entrer dans l'Hiftoire de France .
Cependant Larrey ne raconte point cette Bataille
, il n'en rapporte pas une feule circonftance
; il tranche l'affaire en deux mots , com .
me un homme qui n'en fçait rien ( page 1 )
Eft- ce-là écrire l'Hiftoire de France , fous le Regne
de Louis XIV ?
Il ne parle pas d'une autre maniere de la
fameufe Bataille de Norlingue qui fe donna la
même année ; il n'en dit rien qu'en termes vagues
& generaux ; il n'en fçait pas une feule
circonftance : il fait tuer le General Merci à
Paile droite de fon Armée , & à la fin de la
Bataille ; & ce fut dés le commencement , qu'il
fut tué au centre. Il dit que toute l'armée de
France étoit commandée par le Duc d'Enguien
& par M. de Turenne feuls ( page 43 ) cependant
le Maréchal de Grammont conftament
y commandoit l'aile droite de notre Armée ; il
n'y a fi perit Ecolier en matiere d'Histoire qui
ne le fache comment un homme d'une ignorance
fi crafle , ofe t- il entreprendre d'écrire
une Hiftoire ? Tout le monde fçait encore que
Jean de Vert commandoit l'aile gauche de l'Ar-
A iiij
LE MERCURE
mée des Ennemis à cette Bataille ; qu'il défit
entierement notre aile droite , & qu'il y prit le:
Maréchal de Grammont prifonnier : cependant
Larrey ne dis pas un mot de Jean de Vert. Toute
1.Armée ennemie , dit - il , p . 42 , étoit commandée
par les Generaux Merci & Gleen ; & , felon
lui , Jean de Vert n'étoit pas à cette Bataille ;
Jean de Vert qui pourtant commanda feul toute
l'Armée ennemie aprés que Merci eut été tué ,
& que Gleen eut été fait prifonnier .
Je paffe , Monfieur , une infinité de faits particuliers
tous pleins de fauffetés , où il prend pour
Suedois un Corps de Troupes tout compofé d'Allemands
; ( p. 99 ) & les Anglois , pour des François
; ( p. 612 ) il donne 78 ans au Duc de Baviere
, qui n'en avoit que 75 ; ( p. 143 ) il met
dix lieues au deffus de Rouen le Pont de l'Arche,
qui n'en eft qu'à trois lieuës ; ( p . 189. ) Il fait
trouver à la Bataille de Réthel l'Archiduc Leopold
, qui étoit alors en Flandre ; ( p . 227. ) Il
marie en 1651 Mademoiſelle de la Force à M. de
Turenne , qui ne l'époufa qu'en 1653 ; ( p. 244)
il ne donne que 40 lieuës à une marche de 80 .
( p. 265. )
Ce ne font là , pour lui , que de legeres fautes ;
& je ne veux appuïer ici , que fur les Evenemens
confiderables de l'hiftoire de France fous le Regne
de Louis XI V. Tel eft , par exemple , le fameux
combat du Pont de Jargeau , donné en 1652 ,
& du fuccès duquel dépendoit le falut du Roy ,
& celui de tout le Royaume : Larrey ne fait pas
feulement mention de ce combat ; il n'en dit pas
un mot ; il n'en a jamais rien fçû il n'en a jamais
oiii parler ; & cependant il fe croit fi favant
dans l'hiftoire de France , qu'il entreprend hardiment
d'en inftruire toutes les Nations , & tous
les ficcles !
Tel eft encore le combat du Fauxbourg d'EDE
DECEMBRE.
tampes , où la même année l'armée des Princes
perdit 4700 hommes , fçavoir 2000 qui furent
tués , & 2700 qui furent faits prisonniers par
l'armée du Roy. Larrey n'a jamais rien fçû de
de cette affaire ! il veut pourtant apprendre aux
autres l'hiftoire de cette année-là !
En 1658 nous attaquâmes le Prince de Ligne
qui menoit 300o hommes à Tournay , defquels
nous fîmes 2500 prifonniers. Larrey n'en dit
pas un mot , il n'en a jamais entendu parler :
Quelle audace d'ofer avec une telle ignorance
s'ériger en Hiftorien !
*
Il ne dit pas non plus un feul mot de l'affaire
de Ladembourg , où , en 1674 , avec 10000 hommes
nous forçâmes 14000 Allemans retranchés.
dans leur Camp au delà du Necker , nous fimes
prifonniers leurs principaux Officiers ; nous prîmes
leur canon & leur bagage ; action vigoureufe
& digne de l'immortalité , au jugement de
la France , qui a fair frapper une medaille pour
en éternifer le fouvenir ! Quant à Larrey , il
fçait peut être parfaitement ce qui fe paffoit il y
a 4000 ans dans la Terre Auftrale ; mais ce qui
fe faifoit en France il y a 45 ans , il n'en fçait
quoi que ce foit ; cependant c'eft de cela même
qu'il a la fureur d'écrire l'hiftoire !
Tout le monde , Monfieur , a oui parler de la
cele' re journée d'Ensheim , arrivée le 4 Octobre
1674. Ce fut une des plus longues & des
plus fanglantes Batailles qui eût été donnée depuis
long- temps : voici comment Larrey la raconte.
Le Vicomte de Turenne tombafur les Ennemis
à l'improvifte le 4 d'Octobre près d'Enfisheim
dans la haute Alface ; & quoique leur armée
fut plus forte de la moitié que la fienne , il
en remporta une pleine victoire. ( p . 621. ) il n'en
dit pas autre chofe . Cette Bataille dura dix heuzes
; elle eft d'un détail infini'; à peine en pou
fo LE MERCURE
*
roit-il rapporter toutes les circonstances en
vingt pages ; cependant il n'y employe que deux
lignes & demie ; & il appelle cela l'hiſtoire de
France !
•
Puifque cet endroit de fon ouvrage en prefente
une occafion naturelle , je vous avertirai ,
Monfieur , que Larrey donne encore ici un faux
nom à l'endroit où fe donna cette fameuse
Bataille il l'appel'e Enfisheim , & le nom de
cet endroit eft Ensheim. Enfisheim eft une ville ,
& Ensheim n'eft qu'un village ! Enfisheim eft
tout à la tête de la haute Alface, par de à Brifach ;
& Ensheim eft prefque tout au bas , près de
Strasbourg !
Le combat de Turckeim , qui fe donna le cin
quiéme Janvier 1675 , n'est pas moins fameux
que la Bataille d'Ensheim ; ce fut un coup decififpour
la France : M. de Turenne avec 20000
hommes chaffa de l'Alface 60000 Allemans , &
les obligea à repaffer le Rhin. Larrey entreprend
de raconter cette grande Bataille à toutes les
Nations & à tous les fecles ; & voici comme
il les en inftruit ( p . 621 ) Le 5 Janvier 1675
le Vicomte de Turenne remporta une troifiéme
victoire à Turckeim , qui contraignit les Allemans
de quitter l'Alface , & de repaffer le Rhin.
Si vous en voulés fçavoir davantage , vous pouvez
, Monfieur , l'aller chercher ailleurs ; car ,
pour l'ouvrage de Larrey vous n'y trouverez
que ces deux lignes : voilà tout ce qu'il en fçait !
ou il ne dit rien du tout des Evenemens les plus
confiderables du Regne de Louis XIV , ou il
les cftropie , ou ce qu'il en dit eft abfolument
faux. N'est- ce pas fe jouer du Public , que de
lui faire acheter une pareille rapfodie fous le
titre d'Hiftoire de France ?
En voilà affez , Monfieur , pour faire voir
que Larrey ne fçait point les faits de l'hiftoire
DE DECEMBRE. IF
qu'il a entrepris d'écrire ; mais quand il fçauroit
ces faits , il ne feroit pas pour cela capable d'écrire
l'hiftoire . Avec de la memoire on peut fçavoir
des faits ; mais la qualité la plus effentielle
à un Hiſtorien , c'eſt le jugement ; & je vais
Vous montrer que Larrey eft auffi peu judieieux
que peu inftruit des chofes qu'il a voulu
écrire .
Il veut raconter la Bataille Navale , donnée
en 1646 devant Orbitelle , entre la flote de
France & la flote d'Espagne : un malheureux
coup , dit- il , (p 86 ) parti de l'Artillerie des Efpagnols
, leur donna la victoire . Peut- on appeller
malheureux , un coup qui leur donne la victoire ?
Eft - il befoin d'un jugement exquis pour ne pas
faire de pareilles fautes ? Le fimple fens commun
ne fuffit il pas pour cela ?
Le Rhône fe deborda cette année, dit-il ( p. 245 )
endommagea les Ponts de Lyon , du Pont S. Efprit
, & d'Avignon . Eftoit -ce un prefage des maux
que caufa la guerre civile ? Quelle chimere !
Quel rapport entre uneRiviere qui ſe déborde par
l'excès des pluïes , & des guerres civiles que produifent
les feules caufes politiques ?
Comme le Prince de Condé fe retiroit de Paris ,
la nuit , dans le temps des guerres civiles , il
entendit un grand bruit d'hommes & de chevaux ;
il eft vrai que c'étoient des Coquetiers ; mais let
Prince de Condé croyant que c'étoient les Gardes
du Roy , quitta la route qu'il tenoit , & en
prit une aucre :fur cela Larrcy fe récrie ( p . 249)
Quel fpectacle de voir le Heros de Rocroy & de
Fribourg , fuir devant les Coquetiers qui venoient
à Paris ! Cette raillerie , Monfieur , n'eſt elle
pas bien judicieufe ? Quand un General auroit
gagné cent Batailles à la tête des Armées , devroit-
il attendre , lorsqu'il eft feul , une troupe
de gens qu'il croit venir pour le prendre & le
11 LE MERCURE
mener en prifon ? N'y a t- il pas bien du jugement
dans une fi fade plaifanterie ?
"
En 1654 le Roy d'Efpagne fit arrêter le Duc
de Lorraine à Bruxelles . Perfonne ne le plaignit
dit Larrey , ( p. 334 ) , ce qui eft fort rare ,
la France & l'Espagne s'aplaudit de fa prifen ,
où chacune vit avec plaifir la punition des fourberies
qu'il luy avoit faites . Il donne , comme une
chofe merveillenfe & rare , que la France &
Efpagne ayent eu une égale joie de voir le Duc
de Lorraine en prifón , dans le temps même qu'il
dit qu'elles en devoient avoir une égale fatisfaction
, puifque c'étoit comme une punition des
fourberies qu'il leur avoit également faites à l'une
& à l'autre. Comment un homme qui a affez
peu de jugement pour fe contredire lui - même
ofe t il entreprendre d'écrire l'histoire , qui eft
l'ouvrage du jugement le plus exquis , & pour
ainfi dire , le chef d'oeuvre de l'efprit humain?
A la marge de la page 377 , Larrey mer :
Mort & Eloge du Duc de Modene. Il n'y a perfonne
qui , fur cela , ne crût qu'il va faire l'éloge
du Duc de Modene ; on lit donc ; & on trouve
qu'il dit que c'étoit un Prince trop ambitieux ,
que fes chagrins le devoroient , &c. On ne
fçauroit dire plus de mal qu'il en dit de ce
Prince dont cependant il annonce l'éloge !
Parlant des Conferences qui fe tenoient en
Veftphalie pour la paix en 1659 : Tant d'habiles
Miniftres , dit il , P. 392 , y avoient travaillé
inutilement , fans avoir pù faire autre chose que
d'accommoder l'Empereur & l'Empire avec la
France la Suede. Eft ce donc avoir travaillé
inutilement , que d'avoir accommodé l'Empereur
& l'Empire avec la France & avec la Suede ?
Si Larrey en penfant de cette maniere a du jugement
, il faut que tous les autres hommes foient
foux !
DE DECEMBRE. 13
Mais voici , Monfieur , quelque chofe qui
vous va bien plus étonner ; c'est au fujet du
fiege de Candie , fait par les Turcs . Le commandast
de l'Efcadre de Malte , dit - il p . 461 ,
refufa de debarquer les Troupes de la Religion
ponr faire la conquéte de Negrepont. Tant il eft
vrai qu'il faut peu compter fur les Troupes auxiliaires
! Auffi la Republique de Venise comptant
plus fur les propres forces que fur celles de fes
Alliez , fit revenir les Troupes qu'elle avoit dans
Mantoüe pour les envoyer en Candies elles étoient
réduites à 150 hommes . S'il y avoit des hommes
affez foux pour écrire exprès , afin de fe rendre
ridicules ' , je dirois que Larrey le fait en cet endroit
; car que penfer autre chofe d'un homme
qui , parlant ferieulement à des efprits aufféclairez
que ceux de notre fiecle , vient leur dire
froidement que la Republique de Venife fe
voyant abandonnée de fes Alliez , & comptant
beaucoup plus fur fes propres forces que fur les
leurs , pour foutenir Candie contre une Armée
de cent mille Tures , y envoye 150 hommes ?
C'est par un femblable defaut de jugement
que voulant faire l'hiftoire des Evenemens de
' année 1664 , il dit que cette année là on danfa
à la Cour un Ballet de douze Entrées ; & il
raconte tout au long les fujets de toutes ces
12 Entrées . Le choix de pareilles matieres n'eftil
pas bien judicieux , & de telles fadaifes ne conviennent
elles pas bien à la gravité d'un ouvrage
auquel on donne le titre d'Hiftoire de France ?
Il veut raconter de quelle maniere M. de
Turenne fut tué : Ce grand Capitaine , dit - il ,
P. 634 , reçut un coup de canon , dont le boulet
emporta le bras de Saint Hilaire , & après doux
eu trois bonds , vintfroiſſer l'estomac du Vicomte
de Turenne. Comment ce Boulet peut- il faire
deux ou trois bonds pour arriver du bras de
Saint Hilaire , à l'eftomac du Vicomte de Tu14
LE MERCURE
renne , qui étoit à côté de lui ? Un homme qui
auroit , je ne dis pas le jugement neceffaire pour
écrire l'hiftoire , mais le fimple fens commun
tomberoit- il dans de pareilles abfurdités ?
Les Confequences qui fe tirent des faits hiftoriques
pour la Morale & la conduite de la vie ,
font encore l'ouvrage du jugement de l'Hiftorien ,
aufi bien que les Sentences dont l'hiftoire eft
quelquefois ornée : ainfi , on doit s'attendre
à en trouver de belles dans le Livre de Larrey !
En voici un Echantillon.
Tant il eft vrai , dit - il , p . 167 , qu'on ne
peut éviterfa destinée ! cela n'eft d'un grand
fens?
pas
Les Princes furent arrêtez & conduits au Cháteau
de Vincennes : Evenement fatal , & qu'on
ne peut affés admirer ! ( p . 218. ) Cela n'eft- il
pas bien admirable en effet , qu'un Miniftre qui
a en fa difpofition la Maifon du Roy , faffe arrêter
trois hommes!
Tant il eft difficile de plaire à même temps au
peuple & à ceux qui gouvernent ! ( p.234 . )
Tant il eft vrai ce que dit le Poëte , que Le
deuil la joie fe touchent ! ( p. 243. )
Tant il eft vrai qu'il n'y a point d'unions que
la Cour nefaffe , & qu'elle ne rompe ! (p . 280. )
Tant il eft vrai que la fortune n'a gueres moins
de part à faire les Heros , que la valeur ! ( p. 332)
Tant il eft rare de trouver des Heros qui ne
Je démentent point ! ( même page. )
Tant il est rare de trouver deux Generaux
n'eftre qu'un coeur & qu'une ame ! ( p . 362)
Tant ily a de jalousie parmi les Courtifans! ·
.(p. 636. )
Tant il eft vrai que les plus grands évenemens
n'ont fouvent que des caufes fort mediocres !
( P 657- )
C'eſt ainfi , Monfieur , que Larrey termine la
narration des faits les plus importans qu'il rapDE
DECEMBRE. IS
porte ; toutes ces belles chofes font la production
des plus grands efforts de fon jugement ; & il
les regarde comme des fentences qui couronnent,
admirablement bien chaque recit qu'il fait !
Un Hiftorien n'en eft pas quitte pour raconter
les faits de l'hiftoire qu'il entreprend , il faut
encore qu'il en fçache trouver les veritables
caufes pour les apprendre aux autres ,
& c'eft en
cela principalement que confifte la folidité de
fon jugement. Larrey, en qui cette folidité de
jugement domine , a trouvé un beau fecret pour
s'épargner la recherche de routes ces cauſes :
Tous les évenemens , felon lui , n'ont qu'une
feule & même caufe , fçavoir l'étoile , & la fatalité
; il n'en connoît point d'autre , il y' rapporte
tout.
L'étoile du Cardinal Mazarin , dit - il , tourna
tout à fon avantage . ( p . 17. )
L'étoile du Duc de Beaufort ne put tenir devant
celle du Cardinal. ( p . 25. }
L'Espague accordoit tour à la Hollande , &
confervoit fa haine contre la France. C'eft
que le periodefatal de la premiere révolutionétoit
arrivé , & que celui de l'autre ne l'étoit pas
encore. (p. 145. )
Il ne réuffit point alors , parce que le temps n'en
étoit point encore venu. ( p . 201. )
Qui l'eût crû ? que les Princes de Condé &
de Conti , & le Duc de Longueville euffent pâ
être amfi imenez en prifon ? C'est qu'il y a un
periode au delà duquel on ne peut aller , un non
plus ultra pour Hercule pour les plus grands
Heros , une révolution à laquelle ils font affujettis
amfi que les moindres hommes. ( p . 218 )
Tant il y eut de bizarrerie dans les troubles
de ce Royaume , que l'étoile de fon Roy diffipa !
(p. 220. )
Le Temps fatal qui devoit troubler toutes les
16
MERCURE LE
joies du Prince , n'étoit pas encore arrivé ; mais
il était à la porte. ( 343⋅ )
Voilà comme nôtre destinée eft inévitable.
( p. 254 )
Il fuffit de dire que l'étoile du Prince de Condé
s'opposa à tout. ( p. 255. ).
Comme fi l'étoile du Cardinal Mazarin eût eu
fur celle du Prince de Condé un afcendant´fatal.
( p. 257. )
Tant il est vrai qu'il y a un temps fatal pour
toutes chofes, & que tous les foins qu'on fe donne
avant qu'il foit arrivé , font inutiles ! (p. 391.)
On eût eu bien de la peine à rompre avec
Cromvel ,fi l'étoile de Louis XIV. n'avoit pas
levé cet obstacle . ( p . 411. )
La fatalité des temps força la France à remettre
Dunkerque à Cromvel. ( p . 45.8.)
Tant il est vrai que toutes chofes ont leur
temps , & qu'ily a unperiodefatal qu'on s'efforce
en vain ou d'avancer ou de reculer . ( p . 538.)
Il falut ceder à la fatale neceffité de la perte
de Candie , dont le Periode étoit arrivé. ( p.
549. )
Mais il en faut toujours revenir à la cause
fecrette de la fatalité des évenemens , dont toute
la prudence humaine ne peut arrêter le cours.
( P. 488. )
Cependant , il n'y a aucun de ces Evénemens
qu'il rapporte , qui n'ait une cauſe naturelle ;
une caufe phyfique ou morale ; & Larrey ne les
attribue à une étoile chimerique , ou à une fatalité
aveugle , que parce qu'il en ignore la veritable
caufe. Cette ignorance va à un tel excès , que
quelque mauvaiſe opinion qu'on ait de lui
On n'auroit jamais foupçonné qu'elle fût aufli
groffiere qu'elle l'eft , fi lui-même ne nous le
difoit. En effet , Monfieur , l'auroit-on jamais
cru , fi on ne le lifoit à la tête de fon livre ,
que
DE DECEMBRE. 17
que lui- même il ne fçait point quelle eft la
caufe qui l'a porté à le faire ? Il ne fçait point
quel eft le motif qui l'a engagé à entreprendre
cette prétendue hiftoire de Louis XIV. II
ne fait point pourquoi il l'a faite ; c'est luimême
qui le déclare . Une fatalité , dit-il , P.
2. qui prêfide aux Evénem ns , eft ce qui a décidé,
ce qui m'a porté à écrire cette histoire.
Qui eft- ce qui croira jamais qu'un homme qui
eft affés ftupide , pour ne pas fçavoir pourquoi
il écrit , & affés fou pour le dire , puifle être
capable d'écrire l'hiftoire , qui de tous les ouvrages
auxquels un homme de Lettres peut
s'appliquer , eft celui qui demande le plus de
lumieres , de fagefle , & de jugement ?
C'est au même défaut de jugement qu'il faut.
imputer toutes les extravagances dont le Livre
de Larrey eft rempli : en voici quelques exem--
ples.
La riviere de Bidasoa a l'honneur de faire
la feparation des Royaumes de France & d'Eſpagne.
( p. 390. ) Quelle pauvreté !
La Minerve de Phidias n'eut ofé fe comparer
au Bufte de marbre du Roi . ( p . 414. )
Le Vaiffeau qui portoit le corps de Deruiter,
ne fut point endommagé ; comme fi ce corps et
été un Talisman qui charmait les Brulots ! ( p.
647. )Quelle vifion ! :
Le Regne de Louis XIV. remplit le Trône plus
de 70 ans ( p . 1. )
Un Regne remplir un Trône ! Se forme-t'on
de pareilles idées , quand on a le jugement
fain Il feroit inutile de relever par des refe .
xions ces fortes de travers ; ils fe font affés featir
d'eux - mêmes ; ainfi je ne contenterai de les
indiquer.
Je n'ai fait connoitre que les bords d'un Re--
gne fi renommé far fon ambition if p.) 26 ); Less
18 LE MERCURE
;
bords d'un Regne ! L'ambition d'un Regne :
Amsterdam voioit fa Ville deferte , fi le part
d'Anvers étoit rétabli ( p . 46. ) Amſterdam a -
t - il une Ville diftincte d'Amſterdam ?
La Princeffe d'Angleterre fut amenée , de Ca-
Lais à Saint Germain , par terre ( p . 60. ) Pouvoit-
on Pamener autrement ? Y peut- on aller
par mer ?
Les Offices de Surintendant & de Controleur
Général , devoient prendre soin des Finances.
(p. 69. ) Des Offices prendre foin de quelque
chofe !
Trois femmes auffi diftinguées par leurs mau-
Taifes qualités que par leur naiẞance. ( p . 74. )
Diftingué , fe dit - il autrement qu'en bonne
*part ?
Ceux de Bordeaux prirent , pour leur devifè,
-des rubans blancs . p. ( 308. ) Comment ofe t'on
entreprendre de faire une hiftoire , quand on
me fçait pas ce que c'est qu'une devife ?
Le Cardinal Mazarin fut investi de l'Evêché
de Metz par la refignation du Titulaire ( p.
318. ) Refigne- t'on des Evêchés en France ? En
donne t'on l'inveftiture ?
Il est l'ame de tous les mouvemens qu'on voit
fe remuer. ( p. 340. ) Qui eft- ce qui a jamais vi
des mouvemens fe remuer ?
Les Ecrits de M. Peliffon font tout brillants
de bon fens. ( p . 443 ) Brillant de bon fens !
Le Roi Don Alphonse avoit repudié la Couronne
de Portugal. ( p. 139. ) Répudier une
Couronne !
On voioit les paliffades replantées un mo
ment aprés que le Canon les avoit faites . ( p .
590 ) Ne faut-il pas avoir tout à fait perdu
le fens , pour dire que le Canon fait des pa-
Laffades ?
Pour louer les Soldats Hollandois qui fe fiDE
DECEMBRE. 19
gnalerent dans la Bataille navale de l'année
1673 Et jufqu'aux Soldats , dit il , tout y
témoigna de la fureur. ( p . 599. ) Ne s'entendil
pas bien a louer les gens ?
Voions la merravagée par le fer & par lefeu..
P. 643. ) Ravager la mer !
Par tous ces endroits de l'hiſtoire de Larrey
on voit bien , Monfieur , qu'il n'a ni jugement,
ni fens commun . Cependant , on entend bien
ce qu'il veut dire ; mais il y en a d'autres totalement
inintelligibles , & où il eft impoffible
de deviner ce qu'il dit : Trois ou quatre de ces
endroits fuffiront pour juftifier ce que j'avance.
Le Duc d'Enguien , dit - il , & le Vicomte de
Turenne , ne fe reffemblorent qu'en une chofe , c'est
qu'ils étoient tous deux braves , froids dans
le commandement , refervant leur feu pour l'exécution.
Cepoint étoit l'effentiel; & la prudence du
Vicomte de Turane eut de la complaisance ou du
Suport pourle Prince dans le refte. (p.37. ) La prudence
du Vicomte de Turenne cut de la complaifance
ou du fuport pour le Prince ! Peut - on
trouver un exemple d'un pareil galimatias ?
Rien n'eft plus connu que l'histoire de Tancrede
de Rohan , ce fils veritable ou prétendu , qui
demeura caché plufieurs années , avant & aprés
la mort dy pere , qui ne parut qu'aprés le
mariage defa fæeur , s'il étoit veritablement fils:
du Duc de Roban qui épousa Chabot contre le
gré de la Ducheße fa mere. ( p . 53. ) Ce galimatias
là ne ren cherit-il pas encore fur l'autre
Le Peuple laiffa remonter à cheval le Cavalier
qui avoit manqué son coup contre Emeri
qui protesta d'y revenir une feconde fois accompagné
d'un fecond , deux conjurez à qui »»
difoit - il , en jurant il n'échaperoit pas . ( p . 126. )
Quand on a reçû , du Ciel , le talent d'écrire
avec une pareille netteté , n'eſt- on pas obligé
Bij
20 LE MERCURE
en confcience de le confacrer à l'iúſtruction
du Public ?
La Reine le Cardinal Mazarin , pouffés à
bout par Brouffel , rejolurent de le faire arrêter.
Le coup étoit hardi , tel qu'il pouvoit êtrefalutaire
s'il reuffiffoit. ( p . 157. ) Autre preuve que
Larrey étoit deftiaé du Ciel à écrire l'hiftoire,
puifqu'elle demande un Ecrivain qui ait pour
principal talent la clarté du ftile !
Comme cet Evenement n'arriva qu'en 1649 ,
nous acheverons , avant que d'en donner la relarion
, de voir ce qui ſe paſſa , celle-cy que je n'ay
pas voulu confondre avec le recit des troubles
qui l'ont occupée , &que j'ai trouvé à propos de
raporter de fuite . ( p . 165 ) . C'est bien tout ce
que peut faire Larrey , que d'entendre lui mês
me ce qu'il veut dire en cet endroit !
Le dernier Acte de la Royauté de la Reine de
Suede , merita l'admiration de tout le monde
s'il n'en remporta pas une generale aprobation .
( p. 338. ) Je ne fuis point furpris , Monfieur,
qu'un homme qui a affés peu de jugement pour
donner dans un pareil galimatias , en ait de
même affés peu pour fe croire capable d'écrire
Phiftoire , & pour l'entreprendre.
Les Exagerations font encore une marque
de
peu de jugement dans un Hiftorien , & y en
eut -il jamais de pareilles à celles qui fe trouvent
dans l'hiftoire de Larrey ? Je me contente
d'en raporter une feule : en parlant du fameux
Siege de Candie , il dir que des gréles de bombes ne
ceffoient point nijour ni nuit . ( p . 551. ) Jamais
exageration fut- elle plus outrée & plus violente:?
Il y a même des chofes veritablement gro
tefques dans l'hiftoire de Larrey , comme quand
it die le vifir étoit beaucoup fuperieur en Cavalerie
en Infanterie. ( p. 472. ) Il l'êtoir
donc en tout ! Pourquoi donc faire la diſtinction
DE DECEMBRE.
de la Cavalerie & de l'Infanterie ?
L'Ambassadeur Espagnol ( 466. ) pour dire
l'Ambasadeur d'Espagne.
Le Roy Anglois ( p. 492. ) pour dire , le
Roy d'Angleterre.
Le Roy Portugais ( p. 394. ) pour dire le
Roy de Portugal.
Mais de toutes les fautes de jugement , la
contradiction eft fans doute la plus grandes
car c'est être abfolument denué de jugement ,
que de fe contredire foi - même , comme le fait
trés-fouvent Larrey. 1
Toutes les liberalités de la France envers les
Barberins , dit-il , ( p. 54. ) ne purent les aliener
du Pape , avec lequel ils fe reconcilierent fur la fin
de l'année par l'entremise de la France. Comment
La France peut - elle vouloir les aliener du Pape ,
& s'entremettre pour les réconcilier avec lui ?
Tout fier qu'étoit le Duc d'Enguien , il fut
obligé de recourir à l'Abbé de la Riviere, Il
eft vrai que ce Duc careffa moins l'Abbé qu'il
ne le menaça . ( p. 77. ) S'il le menaça , il ne
quitta donc pas fon caractere de fierté !
>
Quand ce manque de jugement ne tombe
que fur des matieres de Phyfique , de Politique
ou de Grammaire on fe contente d'avoir
pitié de Larrey ; mais , quand la Religion
s'y trouve intereffée , & qu'on voit renverfer
les maximes les plus purès du Chriftianifme
, on ne peut s'empêcher de fe foulever.
Je fuis même perfuadé qu'il eft trés dangereux
de publier, une feconde fois ces fortes d'impietés
, & qu'on ne peut les repeter , fans fe rendre
complice de Larrey. Je n'en rapporteray
donc point d'exemples ; ceux que j'ay cités ,
fuffifent pour faire voir , independemment de la
Religion , jufqu'à quel excès le manque de juge
ment porte un homme qui veut écrire l'hiftoire.
22 LE MERCURE
Vous voyez prefentement , Monfieur , que
Larrey n'a ni les connoiffances , ni le jugement
neceffaires pour bien écrire l'hiftoire de Louis
XIV: Mais, quand il fçauroit parfaitement bien
les faits qui doivent faire la matiere de cette
hiftoire , & qu'il auroit du jugement , je foutiens
qu'avec cela il feroit incapable de l'écrire ,
parce qu'il eft féloigné de fçavoir l'art d'écrire
T'hiftoire , que quand on aura vû les preuves
que je vais en rapporter , on ne pourra jamais
comprendre comment le deffein de faire un pareil
ouvrage a pû lui venir à l'efprit.
Les Tranfitions qui fervent à lier les faits
hiftoriques , font une des chofes les plus effentielles
de l'hiftoire ; elles doivent être fi naturelles
, qu'on ne les apperçoive point , & que les
faits femblent naître l'un de l'autre ; c'eft la
partie la plus delicate de tout l'ouvrage. Dane
celui de Larrey , c'eft ce qu'il y a de plus groffier
& de plus miferable ; j'en vais rapporter
quelques unes ; vous aurés , Monfieur , de la
peine à vous empêcher de rire en les lifant .
Aprés avoir raconté les conquêtes des François
fous le Regne de Louis XIII , & le mi
niftere du Cardinal de Richelieu , il ne fçait
comment faire pour paffer à la mort de l'un
& de l'autre ; & voici la tranfition fine qu'il y
employe. Tant de profperités ne purent empêcher
la mort du Cardinal de Richelieu , ni celle
de Louis X111. ( p . 9 ) Cette tranfition
n'eft pas bien ingenieufement trouvée ?
Pour paffer de ce qui fe fir dans l'Italie en
1645 , à ce qui fe fit en Efpagne de plus
grands coups , dit-il , fe fraperent en Catalogne.
( P. 47:)
Pour en venir à ce que le Comte de Har
ourt fit cette même année là : Le Comte de
Harcourt , dit- il , ne fe tint pas en repos ( P. 47⋅ )
DE DECEMBRE. 23
Il faut dire quelle étoit cette conspiration ,
qui en étoient les principaux Chefs . ( p . 48. )
Je n'ay point encore nommé les conjurés ; il
eft tems de les faire connoître. ( p. 49. )
Je n'ay point encore dit de quelle maniere
cette conjuration avoit été concertée avec le Duc
de Toralto. Il faut le dire à preſent . ( p . sọ. )
La Cour de France fe remua un peu davantage
pour la guerre qui fe faifoit en Angleterre,
que pour celle de Candie . ( p . 8. ) Voilà com
ment il paffe , du Siege de Candie , à la guerre
d'Angleterre !
Pour paffer des expeditions militaires , aux
negotiations de paix on fir , dit- il , l'année
1645 , de plus grands pas que l'année précedente,
pour parvenir à la paix. ( p . 62. )
Finiffons cette année par ce qui fe paſſa au
Congréz de Munster. ( p. 116. )
Je croi que je puis paffer , de la guerre de la
Grande Bretagne , à celle de Candie. ( p. 116. )
Il y a long tems que nous n'avons parlé du
Duc de Guife ; parlons - en à prefent. ( p. 244. )
Je paffe , des guerres de Catalogne & d'Italie
, à celle de Flandre. ( p. 292. )
Achevons de voir les campagnes de cette année
, par la relation de celles de Catalogne &
d'Italie. ( p. 313. ):
Je paffe au fiege de Candie ( p . 337. ) Il n'y
fait pas plus de façon que cola !
Voyons ce qui fe paßa , cette année , dans le
Gouvernement civil du Royaume . ( p. 343. )
Je commencerai l'année 1657 par le rétabliffement
des Jefuites à Venife . ( p . 3.55 . )
Je ne fçai fi je ne me fuis point un peu trop
écarté de l'hiftoire de France , dont je vais reprendrela
fuite . ( p. 386. )
Je commence l'année 1663 par le mariage da
Duc de Savoye avec Melle de Valoi.. ( P. 461.) -
24 LE MER CURE
Ainfi finit l'année 1663. La fuivante commença
par le Traité de pife . ( p. 468. )
Il faut revenir de l'Afrique en Europe , &
des bords de la Mediterranée fur ceux de la Riviere
de Raab. ( p . 471 )
Finiffons cette année par deux actions de ce
Monarque. ( p. 473. ).
Trouvera- t'on , Monfieur , dans aucun autre
ouvrage , des tranfitions auffi plates , & aufli
grotesques Larrey dira peut - être qu'on va le
rechercher exprés fur les tranfitions , parce que
c'eft ce qu'il y a de plus difficile dans le ftile
hiftorique he bien , examinons fon ouvrage
par quelque chofe de moins difficile.
Il y a une grande difference entre la maniere
dont on doit écrire une hiftoire , & celle
dont on peut fe fervir en écrivant un Roman ;
le difcernement de ces deux fortes de ftiles eft
l'A. B. C. de l'Hiftorica : Larrey , qui pretend
l'être , devroit donc du moins connoître
la nature du ftile hiftorique . Cependant , vous
allés voir , Monfieur , qu'il n'employe que des
expreffions , & des façons de parler purement
Romanefques , pour écrire la prétendue hiftoire
de Louis XIV.
Ce Général avoit deffein de couronner les
triomphes de cette Campagne par la prise de
Dunkerque. ( p . 91. ) Couronner les triomphes !
Quel rapport de cette façon de parler enflée
& empoulée , avec la fimplicité que demande
le ftile hiftorique ?
Ce Prince ravi de porter la branche d'Olive
d'une main , celle de Laurier de l'autre. ( p.
162. ) Ne croiroit on pas entendre une peinture
poetique du Paftor fido , ou de quelque autre
Roman femb'able ? Il ne fe contente pas, de corrompre
l'hiftoire par fes expreffions Romanefques,
il la defigure encore par le fard de la Poëfia!
Cet
DE DECEMBRE. 23
Cet exemple fait voir que le Trône veut un
amour de respect , mais qu'un amour de tendreſſe
Poffenfe ( p. 207. ) Ne s'imagine t'on pas entendre
ici quelque extrait d'Opera , c'eft à
dire de la Poëfie la plus fardée , & la plus effeminée.
Ce Prince en parut pen allarmé; & fon courage
foutint le Heros . ( p . 248. ) Et fon courage
foutint le Heros !
Le Monarque Anglois . ( p . 294. ) Il faut
avo'r l'imagination furieufement portée au
ftile Romanefque , pour ne pouvoir pas dire ,
même dans une hiftoire , d'une maniere fimple,
& naturelle , le Roy d'Angleterre. ?
Le Roy qui , jufque là avoit fufpendu la
foudre , la lança fur la tête du rebelle Prince
de Condé. ( p. 312. )
Il ne faut point de reflexion pour faire
remarquer l'enflure de ces façons de parler Romanefques
.
Le Vicomte de Turenne n'en partit , qu'aprés
avoir fait connoître à la belle Maitreffe de la
Maifon , qu'elle ne lui étoit pas indifferente.
( P. 331. )
La Marquife de Montefpan avoit enlevé à la
Ducheffe de la Valiere le trop tendre coeur du
Roy. ( p. 639. A- t'on jamais rien trouvé de
plus fade que cela , dans le langage le plus
doucereux des faifeurs de Romans ? La belle
Maitreffe de la Maifon , pour dire , la Marquife
d'Humieres .
Les profperités nous vont preſenter des spectacles
, qui réjourront nos yeux las d'être attachés
fur des objets de fang & de carnage , infeparables
de la pompe de la gloire des triomphes.
( p. 386. ) Y a- t'il , Monfieur , dans aucun
Roman , rien de p'us bouffi que ces paroles
creufes & vuides ? Et ne croiroit - on pas en-
C
26 LE MERCURE
tendre le commencement de que qu'un de ces
Poëmes ridicules dont on cite l'Exorde , pour
faire voir jufqu'où le faux efprit de certains
Auteurs a porté l'enflure & l'extravagance ?
La clemence de Charles II . n'eut pu s'étendre
fur les parricides de Charles I. fans boucher
les oreilles à la clemence du fang Royal ( p.
426. ) Sans boucher les oreilles à la clemence du
Sang Royal!
La mort vint le coucher dans le Tombeau.
p. 427. ) Cela eft bien plus beau que de
dire fimplement : il mourut !
Le dedans du Royaume fe rejouiſſoit de la
naiffance du Dauphin. Le dehors qui avoit voulu
faire le fier , s'étoit vu contraint à s'humilier.
( p. 430. ) Le debors qui avoit voulu
faire le fier !
L'Academie de Paris a reçu une plus grande
illustration que celle d'Athenes ; la fille est
plus belle , & plus éclatante , & plus magnifique
que la mere. ( p . 510. )
Don Alfonfe refigna le lit nuptial à Don Pedre
fon frere. ( p. 512. ) .
Cette année ouvrit un theatre de guerre de
tous côtés à la France, ( p . 621. )
Voyons le Temple de Janus ne fe fermer qu'au
commencement de l'année 1679. ( P. 643. )
La mort de Ruiter donne un funeste relief
aux expeditions navales . ( P. 644. )
Le Roy étant un Heros de toutes les faifons.
( p . 660. )
Mais le Démon de la France prévakitfur cëni
du Prince d'Orange. ( 675. ).
Auroit-on jamais cru qu'une hiftoire de France
fût écrite de ce ftyle là , & qu'on cût trouvé
dans les expreffions , & les façons de parler d'un
ouvrage auffi grave , tout ce qu'il y a de plus
fade , de plus doucereux , & de plus extravar
DE DECEMBRE. 20
gant dans les Romans , dans les Opera , & dans
les Livres de Chevalerie ? Le ftyle Romanefque
eft - il donc tellement devenu le ftyle naturel
de Larrey , qu'il ne puiffe s'en défaire même
en écrivant l'hiftoire ? Si c'eft quelque chofe
de fi difficile pour lui , confiderons fon Livre
par quelque endroit qui doive lui eftre plus
aifé. Voyons fa maniere d'écrire par rapport à
la conftruction grammaticale ; il ne peut pas
s'excufer fur ce qu'il ne fçait point conftruire
une phrafe , dès qu'il entreprend d'écrire une
hiftoire ! Cependant , vous allés voir , Monfieur
, que fon Livre n'eft pas moins pitoyable
& moins grotefque par cet endroit que par
les autres .
L'animofité des deux partis étoit fi grande ,
dit- il , (p. 56 ) que fur l'avis donné à Venife
par fon Ambassadeur à Paris , d'un Confeil fecret
tenu entre le Cardinal , le Duc d'Enguien
l'Amiral , où il avoit été refolu de faire une
expedition Navale du côté d'Italie , le Senat
employa tous fes bons offices auprès du Cardinal
auprès du Pape pour les reconcilier , fans y
pouvoir réuffir. Pour fçavoir en quoi cette animofité
étoit fi grande , il faut l'aller chercher
au bout de neuf lignes .
Le peu d'agréemens que Mademoiselle avoit à
la Cour , où la Reine & le Cardinal n'avoient
guere de complaisance pour elle , & dans la maison
paternelle , où elle voyoit diffiper fes revenus par
le Duc d'Orleans fon pere , fans qu'elle eût dequoi
vivre avec un éclat proportionné à la naissance
à fes grands biens , lui faifoient fouhaitter
des fortir de leur dépendance. ( p . 58. ) lepeu
d'agrémens eft le nominatif de cette phrafe ,
& fi l'on veut trouver fon verbe , il faut aller
le chercher huit lignes après , à ces motsa
lui faifoient fouhaiter , &c.
Cij
123 LE MERCURE
Le Cardinal Mazarin s'en expliqua à la Regente
à tout le Confeil avec un tour d'esprit
qui les perfuada , ou qui ne pouvant lui répondre,
fe laifferent entrainer par la force de fon difcours,
( p. 65 ) Quand on ne peut pas conftruire regulierement
une periode de quatre lignes ,
cominent ofe t'on entreprendre d'écrire une
hiftoire ?
Il y avoit plus de fix mois que la tranchée
étoit ouverte , fans qu'on en fut neanmoins encore
fort avancé , pour la raison que je viens
de dire, que le Comte de Harcourt croyoit reduire
la place par la faim à fe rendre à difcretion
lorfque le fecours parut. ( p . 94 ) Pour fçavoir à
quoi fe rapporte ce lorsque le fecours parut , il
faut Faller chercher fix lignes au deffus , & alors
on fçaura que c'eft à ces mots : il y avoitplus
de fix mois que la tranchée étoit ouverte .
Après ane refiftance de quatre jours où le
Général de la Valette fut dangereuſement bleſſé ,
étant mort peu de jours après . ( p . 223. ) Cela
n'eft -il pas joliment conftruit ?
Le Portugal , dont l'Espagne vouloit que la
France ren ngât à l'affifter. ( p . 393. ) Il n'y a
que huit mots à cette phrafe , & il ne fçait pas
arranger feulement ces huit mots .
Le Roy voyoit l'Empereur , l'Espagne , & la
Hollande faire le 26 Janvier une ligue , pour
s'opposer à fes deffeins . ( p . 56. ) Cette conftruction
n'eft elle pas veritablement grotesque ?
Mais peut-être que la conftruction de fix
mots eft quelque chofe de trop difficile encore
pour lui : voyons donc , Monfieur , s'il mettra
bien enfemble feulement deux mots.
Les Batailles quife firent pendant la Regence .
fp. x. ) Quel autre que Larrey a- t - il jamais uni
ces deux mots ? Un François a - t - il jamais dit
ane Bataille s'eft faite , pour , une. Bataille s'efe
donnée ?
DE DECEMBRE. 29
Deux grands Princes arment toutes leurs forces
de mer de terre . ( p.xiv . ) Armer des forces !
Il fuffit d'indiquer de pareilles bévûës pour les
faire fentir.
Les Parlemens exerçoient leurs Charges avec
dignité. (p. 15.)Un Parlement a-t - il une Charge
L'envoi d'Avaux aux Conferences de Munfter .
(p. 20. ) L'envoi aux Conferences !
Les affaires avoient alors pris une pente qu'il
fut impoffible d'arrêter. ( p. 59. ) Arrête t on
une pente ? La pente eft immobile ; c'est ce qui
gliffe fur la pente qu'on peut arrêter !
Ceux du party du Duc d'Orleans ſemblqient
morguer la fierté du Duc d'Enguien . ( P 74. )
A t- on jamais dit , morguer une chofe ?
L'Envoyé de Brandebourg fut reçu avec des
ceremonies & des égards que la France n'avoit
jufques- là point eu , ¿c . ( p. 80. ) dit- on avoir
des ceremonies ?
La Monarchie commença d'être méprisée par
les difgraces. ( p . 107. ) Les difgraces font - elles
des êtres intelligens qui foient capables d'eftime
& de mépris ?
La continuation des Impôts avoit fermenté ce
levain. ( p . 120. ) Pour fentir le ridicule de ces
deux mots mis enfemble , il faut fçavoir feulement
que c'eft le levain qui fait fermenter toutes
les autres chofes . Quelle extravagance done
dedire qu'une autre chofe fait fermenter le levain
même ? C'eſt comme fi l'on difoit que quelque
chofe remuë le mouvement ! Il faut , Monfieur
que le bon homme Larrey radote , ou qu'il
n'ait jamais eu les premieres notions des chofes
les plus communes du monde !
Nous en fommes demeurez à la faifie des deux
Confeillers que la Cour fit arrêter. ( p . 156. )
Quel autre que Larrey a jamais dt , la faifie
de deux Confeillers ?
Ciij
30. LE MERCURE
Il y avoit eu plus de malice que de malheur
dans les fautes qu'il avoit commifes en la perte
de Lerida. ( p. 171. ) en la perte de Lorida !
La posterité a de la peine à croire un teb
prodige. ( p. 178. ) Il ne fçait pas diftinguer ce
qui doit être mis au futur d'avec ce qui doit
être mis au preſent !
C'est ce que nous verrons après que j'auray
parcouru les autres particularitez de cette année,
foit par rapport à l'Angleterre , & à la guerre
de Candie La France s'intereſſant dans les
troubles de la premiere , & dans le fameux fiege
de l'autre. ( p. 100. ) Il falloit donc dire , la
France s'étant intereffée , il ne fçait pas mieux
diftinguer le paffé du prefent !
La Republique Angloife depêcha une Ambaffade
à l'Espagne. ( p . 210. ) Il croit qu'on dépêche
une ambaffade comme on dépêche un Courier !
Chavigny prit lafievre , & en mourut. (p. 233)
prit la fievre !
Lui prétendoit n'en être obligé à per
fonne. ( p. 244. ) lui prétendoit , pour il prétendoit
.
4
Le Vicomte de Turenne prit l'amour pour
la Ducheffe de Longueville. ( p. 331. ) prit l'a
mour !
Il est ingrat au bienfait qu'il a reçû. ( p. 244. )
Ingrat au bienfair !
Le Prince de Condé fubit la rigueur de fon
Souverain , que fa defobéiſſance avoit meritée.
( p. 284. ) Quel jargon !
Le Prince de Condé fortit du Royaume plein
d'une vengeance qui luy fut funeste . ( p . 285.)
La Royauté du Roy ne pouvoit étre jalouse de
ce témoignage d'affection . ( p . 302. ),
Le Roy encenfa à ces Divinitez. ( p. 3.03.
Quel autre que Larrey a jamais dit encenfer a
quelqu'un ?
DE DECEMBRE.
1
Le te rain étoit mal propre à fuir. ( p . 622 )
Un terrain mal-propre à fuir!
Par tous ces exemples on voit que Larrey ne
fçait pas mettre enfemble feulement deux mots
felon la regularité de la fangue Françoife :
mais il y a bien plus , & je vais vous faire
voir , Monfieur ' , qu'il ne fçait pas employer
feulement un mot tout feul, une fimple expreffion
felon fon fens propre & naturel .
La profcription des Proteftans eft le chef- d'oeu
vre de la Royauté de Louis XIV. ( p. xvI. )
Larrey veut écrire l'hiftoire d'un Roy de Fran
ce, & il ne fçait pas feulement ce que fignifie le
mor de Royauté !
A la mort de Louis XIII . chacun.tacha
de profiter de la nouveauté ( p . 9. ) La nouveauté
au lieu de dire le changement de regne , or
ba minorité du Roy !
Le Comte de Fontaine vint avec fon arm
complette à la rencontre du boüillant Duc d'Enguren.
(p. 29. ) Il veut dire avec toute fon
armée , avec fon armée entiere ; il ne fçait pas
que complette fignifie toute autre choſe !
Ralliant les Bataillons , & les ramenant au
combat. ( p. 30. ) il veut dire , & les remen ant au
combat : Il ne fça't pas que ramener & remener
fignifient des chofes toutes differentes !
La Ducheffe de Rohan foutint la naissance
la legitimation de Tancrede ; la jeune Ducheffe
de Roban contefta la filiation . ( p . 53. )
Larrey ne fçauroit mettre un feul mot felon fa
vraie fignification , legitimation & filiation ne
fignifient point ce qu'il veut dire en cet endroits
il falloit mettre legitimité , mais il ne fçavoit
pas ce mot là .
Il dit par tout Ceremoniel pour Ceremonial.
(p. 59.83. &c. )
Je ne parleray que de la civilité reſpective des
}
C iiij
32
LE MERCURE
deux chefs . ( p. 102. ) Il ne fçait pas que le mot
de refpective ne fignifie point ce qu'il veut
dire là , mais bien celuy de reciproque .
Le Duc fe retira amenant fes Troupes avec
luy. ( p. 105. ) I falloit mettre emmenant les.
Troupes mais il ne fçait pas la difference de
ces deux mots
Tous deux s'accufant respectivement. ( p .
105. ) Refpectivement pour mutuellement ; Ces
differences le paffent , il n'en fait pas tant !
La revolte de la Sicile ne préceda que de peu
de jours. ( p. 106. ) Larrey ne fçait pas feulement
que préceder eft un verbe actif ! I le
met là fans regime , comme fi c'étoit un verbe
neutre !
La Landgrave de H fe entretint quatre mille
hommes de cheval . ( p . 147. ) A t'on jamais
dit des hommes de cheval ? 11 ne fçait pas qu'il
faut dire quatre mille hommes de Cavalerie.
L'Espagne recouvra la Royauté qui lui écha
poit. ( p. 151. )
La Royauté de Naples , pour dire , le Royaume
de Naples . Ce Garçon là ne fçait il pas bien le
François ?
Il fut chercher la veuve dans la Religion
où elle s'étoit retirée . ( p. 274. ) La Religion ,
pour dire le Couvent !
Ils ponerent les ennemis jufques à une efpece
de Ravine. ( p. 429. ) Le pauve Larrey
ne fçait pas qu'il faut dire un Ravin , & non
pas une Ravine ! Ou les mots dont il fe fert
ne fignifient point ce qu'il veut dire ; ou s'ils
le fignifient , ils font fi bas qu'un hiſtorien ne
fçauroit s'en fervir fans fe degrader lui même ,.
& deshonorer celui dont il écrit l'hiftoire : en
effet , je defie que dans aucun autre ouvrage
on trouve des expreffions & des façons de parler
plus grofficres , plus furannées , & plus
DE DECEMBRE.
子岁
baffes que celles que Larrey a employées pour
écrire fa prétendue hiftoire de Louis XIV;en voici,
Monfieur, quelques exemples ; je n'y joindray
point de reflexions; je me contenteray de les indiquer
en les tranfcrivant en caracteres Italiques.
La fortune ne fe laffa point de porter fur fon
dos le Cardinal de Richelieu . ( p . 8. )
Le Cardinal Mazarin mettoit toute la Regence
dans fon parti ; par la part qu'il lui donnoit
au gateau . ( p. 67. )
Le Controlleur General rabrona les Marchands
. ( p. 67. ),
Les criminels fe joignirent à cette racaille
qui leur ouvre les prifons. ( p. 107. )
Le Pape & l'Empereur fe renvoyant la pe
lotte l'un à l'autre. ( p. 120. )
La Cour envoye au Duc d'Orleans fois fur
fois des deputez ; il les rabroue , & leur tourne
le dos . ( p. 174. ) Ne voilà pas un joli ftile
pour une hiftoire . Larrey n'écrit il pas d'une
maniere bien noble ? Louis XIV. n'' eft- il pas
bien heureux , Monfieur , d'avoir trouvé un pareil
hiftorien ?
Il emporta Charenton à la barbe de dix mille
hommes. ( p. 180. )
Il ne crut pas avoir aſſez ſuffiſamment pour
vu à ſa fûreté. ( p . 199. )
L'Envoyé de la Republique Angloiſe n'avoit
confenti à voir la Reine d'Angleterre qu'aus'
moyen qu'elle reconnut fon caractere. ( p . 211. )
Les Ducs de Bouillon & de la Rochefoucault
ne s'étoient pas endormis . ( p . 223. )
Les Romains ne vouloient de paix avec
les Carthaginois , que moiennant qu'ils abandonnaffent
Annibal. ( p . 321. )
On battoit la Ville depuis dix mois , elle
n'en pouvoit plus. ( p. 353. )
Dunkerque étoit entre les mains des An34
LE MERCURE
glois . Le Roi ne pouvoit fouffrir qu'on fi
dangereux voilin portát la clefdu Royaume enfa
ceinture. ( P. 457. )
Cependant la Republique ne s'endormoit pas.
( p. 484. ).
L'yvoire & le marbre brillent dans les pavois
de Verfailles. ( p. 484. ) Bel éloge de
la magnificence de Verfailles !
Les Officiers de judicature aiment à pêcher
en eau trouble. ( p. 133. )
Coprogli pouffa ce fiege avec plus de vigueur
que n'avoient fait les Generaux d'avant
lui. ( p. 546. )
Les Turcs y perdirent plus de feptance mille
hommes. p. sss. )
Tant que le fiege dura il fut debout toute la
muit. p. 591. )
警
Septante ans après cette reunion . ( p. 604. )
Je ne finirois point , Monfieur , fi je vou
lois tranfcrire tous les mots bas & furannés
dont fe fert Larrey. Chacun voit donc clairement
qu'il ne fçait ni le fens , ni la proprie
té des termes nobles qu'il employe ; il n'y a
que les expreffions balles qu'il applique dans
leur veritable fignification ; mais jufques à lui
les avoit-on veuës dans un ouvrage d'un caractere
auffi relevé qu'eft l'histoire ? Et celle de
Louis XIV. fera - t'elle écrite comme les plus
miferables barbouilleurs de papier écrivent les
plus viles avantures des halles ?
Un homme qui ne fait aucun fcrupule de fe
fervir de mots auffi bas que le fait Larrey devroit
, ce femble , n'en point manquer ; cependant
il n'y en a pas encore affez de faits pour lui ,
& il en forge en toute occafion , comme fi
nous n'en avions point dans notre Langue ,
pour exprimer ce qu'il veut dire ; voici , Monfieur
, un échantillon de fes mois forgez ; je
DE DECEMBRE. 35
me contenteray encore de les indiquer en les
écrivant en caracteres Italiques.
Le Duc d'Orleans afpiroit à la Corregence.
( p. 12. )
La Reine fit le Cardinal Mazarin fon Corre
gent. ( p. 11 }
La relegation du Duc de Vendofme. ( p. 74.)
La Toutepuiẞance de l'Abbé de la Riviere
fur l'efprit du Duc d'Orleans. ( P 77. )
On n'entendoit que des difcours qui magnifioient
fon grand coeur. ( p. 113. )
4
Le Violateur du Traité. ( p. 143. ).
Les autres abandonnerent le Parlement pour
fe ratacher à la Cour. ( p. 177⋅ )
Cette fubhaftation des meubles du Cardinal
Mazarin fe fit pendant les conferences. ( P
183. )
On étoit irrité contre les Libellistes , pour
dire les faifeurs de libelles. ( p . 188. ) ·
Le procés de la Ducheffe d'Aiguillon fur
terminé par la caffation des poursuites d'une fi
ardente contredifante . ( p 206-)
On rappella le Surintendant de la relegation.
( p. 209. )
La bibliotheque du Cardinal Mazarin eft
fubhaftée. ( p. 162. )
Le Cardinal Mazarin n'avoit pas moins à
craindre par la retorfion qu'on pouroit faire
contre lui ( p . 398. )·
La Beneficence du Roy. ( p. 451. )
Il mourut malvoulu du peuple. ( p. 534. )
Il avoit paffé du Jefuitifme au Cardinalat
( p. 556. ):
Une procedure fi illegalle. ( p . 605 )
Ils fe l'entredifputoient . ( p. 615. )
L'Electeur de Brandebourg rataché aux Imperiaux
. p. 630. )
Si c'étoit un Etranger qui forgeât tous ces
LE MERCURE
mots , on l'exéuferoit fur ce qu'il ne fçait
pas affez bien la Langue Françoife : mais quand
un François même fçait fi mal fa Langue , comment
fe peut- il flatter jufques au point de prefumer
qu'il eft capable d'écrire pour le Public ,
& de donner à la France l'hiftoire de fes Rois ?
Après tout on ne doit point être furpris à
cet égard au fujet de Larrey ; la vanité eft la
compagne naturelle de l'ignorance ; le plus
ignorant des hommes eft ordinairement le
plus vain & le plus fou fe croit toûjours
le plus fage. Larrey fe croit non feulement
auffi fage que Salomon , mais il s'imagine qu'il
eft lui feul auffi fage que les fept Sages de la.
Grece enfemble , puifqu'il a entrepris de les
faire parler tous fept fe on toute l'étendue de leurs
lumieres & toute la profondeur de leur jugement
dans un livre qu'il a fait imprimer exprès
pour cela ! Que l'on nous promit feule
ment un des fept Sages de la Grece dans une
converſation , on s'attendroit certainement à
un regal charmant : Mais nous promettre que
tous les fept Sages s'y trouveront ,
nous faire efperer le plus grand plaifir que lès
gens d'efprit puiffent jamais gouter ! C'eſt
là l'attente que fait naitre le livre intitulé .
le Banquet des fept Sages de la Grece. Mais
qui eft ce qui pourra jamais remplir cette
attente ? Y a t'il un homme au monde
qui puiffe croire qu'il vaut lui feul les fept
Sages de la Grece , qu'il peut les remplacer
& dire tout ce qu'ils pouroient dire eux mêmes
entre eux s'ils étoient tous enfemble ? Se
peut-il trouver quelqu'un qni foit capable d'une
pareille prefomption ? Oui , Monfieur , il s'en
eft trouvé un de nos jours ; & c'eft Larrey ,
dont l'aveuglement va jufques à cet excès !
Larrey le plus maigre Ecrivain de notre ficcles
·
c'eft
DE DECEMBRE.
37
ce genie le plus pauvre de notre tems ; ce
Compilateur tenebi eux ; ce rapetafleur de faits
hiftoriques ; c'est lui qui a ofé entreprendre de
faire parler dans un livre les fept Sages de la
Grece ! Aufli quand on vient à lire ce livre
, au lieu des fept Sages qu'on croyoit aller
entendre , on ne trouve que le froid & le plat
Larrey avec fes glaces & fa baffeffe : on s'étoit
attendu à des penfées fublimes , à un jugement
exquis , & à une érudition pleine de folidité &
de bon fens ; & l'on n'y trouve ni genie , ni goût ,
ni difcernement ! mais fi fon Banquet des fept
Sages montre l'excès de fa vanité , on peut .
dire , Monfieur , que fa pretenduë hiſtoire de
Louis XI V. fait voir un orgueil fans bornes ,
fans exemple , & qui doit foulever tout le
monde contre lui , puifqu'il traite avec la derniere
indignité , non feulement les Particuliers,
mais les premieres Perfonnes de l'Etat , les
Princes du Sang , les Souverains , les Communautés
Religieuſes , & même les Nations enrieres.
Le Marquis de Louvois étoit , dit- il , le plus
pernicieux des Miniftres de Louis XIV. ( P.
xv. )
Le Chancelier Seguier étoit un voluptueux. ( p.
$87.)
Le Maréchal de la Feuillade êtoit flattenr
jusqu'à l'extravagance. ( p . 641. )
Le Maréchal de la Ferté étoit envieux , ja
Loux , violent ( p. 312. )
Le Duc de la Rochefoucault étoit plus Payen
que Chrétien . ( p. )
• Henry de Bourbon II . du nom Prince de
Condé , étoi non feul ment indifferent pour le bien
public, & tout apliqué à fon intereft particulier ,
mais encore trés avare ; c'étoit une éponge & ung
Sangfue d'une avidité infatiable, ( p. 19. 66 ¢
95. )
38
LE
MERCURE
Louis de Bourbon Frince de Condé ( c'eft le
Grand Condé était trop bruſque , tropfier& trop
violent. Il était colere , opiniatre , defiant,
avide de fang , & d'une avidité infatiable 2
dans fa colere à peine étoit- il un homme. Ses
fervices l'avaient trop enflé; la gloire l'avoit
enorgueilli ; la valeur qui le rendoit fi fier étoit
bien fragile : il entreprit de faire perir l'Etats
il se précipita par des avantures fi ridicu
les , qu'on ne peut affez s'étonner de fon aveus
glement. L'attaque qu'il fit de la Ville de Saint
Denis eft un explait plus digne d'un Cheval
lier errant que d'un General d'Armée. ( pages
37. 165. 215. 218. 219.233.247. 255.614 . )
Il traite le Duc de Lorraine de fourbe ( P.
334. ) Et le Roy d'Efpagne d'imbecile. (P 95. )
Ceux de la focieté des Jefuites , dit - il , fapent
bien fe fervir du couteau , ! p. 235. )
Les Génois la plus avare de toutes les Nations
qui pratique l'ufure avec le plus de
dureté. ( p. 109. )
Les François les Anglois , felon lui , font
des Furieux. Pages 370. & 609. )
On ne peut pas traiter avec plus d'infamie
ce qu'il y a de plus grand & de plus facré !
Pour concevoir jufques à quel excés va , en
cela , l'audace de Larrey , qui enorgueilli de la
prétendue beauté de fon hiftoire Romanesque ,
croit avoir droit de traiter tout le genre humain
comme il fait , il n'y a qu'à fe reprefenter
tout ce qui vient d'être dit de l'ouvrage
& de l'Auteur dans la fuite de cette Lettre.
Vous y avez vu , Monfieur , par des paffages ,
extraits de fon Livre , & rapportés mot à mot
que de tous les Ecrivains nul hiſtorien n'a été
mal informé de ce qu'il a entrepris d'écrire,
que Larrey l'a été de la vie de Louis XI V.
Dans la prétendue hiftoire , ou il ne dit rica
DE DECEMBRE. 39
des principaux faits ; ou ce qu'il en dit , eft
abfolument faux : il y donne de faux noms
& de fauffes qualités aux chofes & aux perfoanes
; on y trouve par tout de faules diftances
& de fauffes dattes. Il ne connoît ni les
Officiers de la Cour , ni la difference des divers
Corps des troupes Françoiſes , ni nos
moeurs , ni nos ufages. It parle d'un Lientenant
de notre introducteur des Ambaſſadeurs 3
d'un Aumonier de l'Ordre du Saint Eſprit , d'un
Bataillon de nos Gardes du Corps , tout fon
Livre eft plein de pareilles bevûës .
Non feulement il n'a pas ce jugement exquis
que doit avoir tour homme qui entreprend
d'écrire l'hiftoire , mais il n'a pas même le
fimple fens commun ; fes exagerations font ou
trées , fes maximes font monftrucufes , & il fe
contredit lui même d'une maniere qui fait
pitié .
D'ailleurs il n'y eut jamais un plus pauvre
Ecrivain ainfi quand il auroit été parfaitement
bien informé de ce qui s'eft paffé fous
le Regne de Louis XIV , il auroit toûjours
été abfolument incapable d'écrire fan hiſtoire :
Par tout enflé & bouffi , il n'employe que des
paroles creufes & vuides ; on trouve dans fon
ouvrage ce qu'il y a de plus fade dans les
Romans , de plus doucereux dans les Opera ,
& de plus extravagant dans les Livres de Che
valerie.
Il defigure l'hiftoire par le fard de la Poëfie
, & par le genre même de Poëfie le plus
effemine. Il ne fait pas conftruire regulierement
une periode de quatre lignes ; il ne fait pas
même mettre bien enfemble feulement deux
mots. On ne peut s'empêcher de rire en lifant
fes Transitions . Tout fon Livre eft plein de
façons de parler romanefques & empoulées , de
40 LE MERCURE ™
galimatias , & de pauvretés ; il ne fe fert que
d'expreffions bafles ou grotefques , de mots furannés
ou forgés . Si l'on vouloit tranfcrire
toutes les Equivoques ; les fens louches , &
toutes les autres fautes contre la Langue
Françoife , " dont fa prétendue hiftoire eft farcie
, cela n'auroit point de fin ; je n'ai rapporté
que quelques exemples de chaque forte
de fautes ; & , fans celles qui me font échapées
, j'y en ai trouvé plus de quatre mille de
compte fait , qui font toutes foulignées dans
l'Exemplaire que j'ai : en forte qu'on peut affûrer
qu'il ne s'eft jamais fait aucun ouvrage auffi
miferable dans fon genre que l'eſt celui - ci ,
& qu'il femble qu'il n'ait été composé que
pour faire voir jufqu'où l'ignorance & le faux
efprit peuvent porter l'extravagance : Cependant
c'est l'Autheur d'un pareil ouvrage , qui
fier de fon prétendu merite , fe croit lui feul
auffi fage , que les fept Sages de la Grece , ofe
infulter à ce qu'il y a de plus refpectable dans
les trois Ordies du Royaume ; & traite avec
la derniere infamie ce qu'il y a de plus grand
& de plus facré dans le monde !
Voilà , Monfieur , ce que vous avez defiré
que je vous donnaffe par écrit ; vous le pouvez
donner au Public , fi vous le fouhaitez ,
puifque cela ne peut plus faire de peine à Larrey
, & que cela peut être de quelque utilité
à ceux qui voudront bien fe donner la peine
de le lire.
નારી
Suite
DE DECEMBRE . 41
Suite de la Lettre de M. de Marivaux.
NOR
'On , mon cher , je ne vous manqueray
point de parole ; je vous ai promis
la fuite de l'hiftoire en queſtion ;
vous fouhaitez que j'entre d'abord en matiere
, & je commence.
Je vous ai dit qu'un petit bruit que je
fis , avoit interrompu la Dame qui parloit ,
& qu'elle étoit fortie du cabinet avec fa
tendre compagne , dans le deffein de con
tinuer une autre fois fon difcours . Le lendemain
je les épiay fi bien toutes deux , que
je les vis fur le foir fe prendre fous le
bras , & fe retirer dans le cabinet , d'où
j'avois tout entendu la veille ; je me glif
fay donc à ma place , & je croi être obli
gé de vous conter la nouvelle converfation
qu'elles eurent enſemble , avant que
la Dame qui avoit commencé ſon hiftoire
la pourfuivît.
Hé bien , ma chere , dit la Dane fo→
lâtre à fon amie ! comment as tu paffé la
nuit ? Mon Dieu , répondit l'autre ! j'ai
honte de te le dire . Ah ! j'entends , reprit
Pamie ; je fçai ta nuit par coeur ; je la lûs
hier en me couchant. Tu l'as lûe ?turêves,
dit Pautre: non , je te dis vrai, repartit- elle
D
42 LE MERCURE
Je lifois hier Caffandre ; l'Auteur fuppofe
fon amant abfent , & j'en étois aux agi
tations qui tourmentoient fon coeur pendant
la nuit ; ainfi tu vois bien que je dois
favoir l'hiftoire du tien ; car apparemment
il n'a pas dérogé , & l'exercice de toutes
ces nuits-là eft uniforme . Tiens , je te
dirois de la tienne le commencement
le milieu , & la fin , par ordre alphabetique :
gageons que c'eft d'abord une reflexion
cruelle qui produit un foupir douloureux ,
ou bien , fi tu le veux , c'eft le foupir qui
précede la reflexion ; car les coeurs de ton
efpece foupirent fouvent d'avance , en atpendant
de favoir pourquoi .
Il en eft d'eux là- deffus , comme de ces
Poëtes qui font la rime avant que d'avoir
trouvé la raifon ; mais d'ordinaire , c'est la
reflexion qui produit le foupir ; le foupir
à fon tour eft le pere d'une apostrophe à
l'amant abfent : cher Pyrame , quand le
ciel permettra- t'il que je te renvoye ? En
yoila Pexorde : après on fe parle à foymême
; ô fille , ou femme infortunée , &c.
enfurte , il y a des pofes , je veux dire ,
en fé taît , on parle , on s'agite ; une famille
de nouveaux foupirs naît encore de
tout cela ; ils ont auffi pour enfans de nouvelles
apoftrophes à la nuit , au lit où l'on
repofe, à la chambre où l'on eft ; car dans.
cet état le coeur fair inventaire de tout
DE DECEMBRE.
43
dis moi la verité ; voilà la genealogie des
actions de ta nuit ; voilà du moins comment
l'original en eft dans Caffandre . A la
pointe du jour tu t'es endormie d'abbatement
, & je gage encore que ton fomeil
étoit orageux , nuifible à l'eftomac par la
quantité des foupirs qui l'ont gonflé.
Après tant de railleries , répondit l'autre
Dame en fouriant , ( car , fans la voir , je
devinois qu'elle foûrioit par fon ton , ) tu
ne merites pas que je te confie ce que j'ai
fenti cette nuit. Ah ! ma-toute bonne , repartit
l'autre , rends - moi compte , je t'en
prie , fi tu n'as pas été fi tourmentée qu'à
Pordinaire'; c'est une fortune que tu me
dois je t'ay donné des remedes qui t'ont
foulagée ; parle.
1
As-tu obfervé , dit l'autre Dame , l'empreffement
que Lifidor marquoit hier aut
foir pour moi ; oui fans doute , dit fa compagne
, & ma vanité commençoit à fouffrir
un peu de voir tes appas preferés aux miens ;
( car tu fçais que voilà la regle entre nous
autres femmes. ) Quand' deux Cavaliers
ont paru fe difputer l'honneur de me plaire ,
leur hommage m'a raccommodée avec toi :
je t'ay pardonné , Lifidor , en leur faveur ;
je t'avoue qu'alors je t'ay perduë de vûë
& que mon acquifition m'a fait oublier la
rienne. Hé bien continue , qu'eft il arrivé
de cet empreffement ? mais , dit l'autre,
Dij
44 LE MERCURE
:
il eft arrivé.... j'ai de la peine à te l'avoüer.
Que fignifie cela , répondit fon amie ? Py-.
rame eft- il forti de ton eſprit ? N'aimes - tu
plus qu'Alidor ? je te loüerois de ce double
impromptu , fi tu n'avois que quatorze.
ans ; je t'ay déja dit qu'à cet âge mon coeur
avoit joué le mêine tour à fa premiere inclination
; mais à vingt- cinq ans , ma chere,
ce n'eft plus là pour nous qu'un tour d- enfant
change , fois volage , quand le coeur
t'en dira ; à la bonne heure : mais tu n'as
pas tant befoin de favoir changer de pcn- .
chant , que tu as befoin de favoir changer
ta façon d'en prendre . Tu aimois. Pyrame ;
il étoit abfent ; tu t'étois enfevelie dans la
douleur : voilà ce qu'on appelle l'amour
pris de travers. Alidor le chaffe fubitement
de ton coeur , c'eft quelque chofe ; & cela
marque qu'on peut te conduire à mieux ;
mais fi tu recommences avec ce dernier un
cours de tendreffe pareil à celui que tu
quittes : fi tu vas avec lui doubler encore .
Caffandre ou Cleopârre ; plus de commerce
entre nous , je me retire ; auffi bien je
m'imagine que tu as des devoirs folitaires
à remplir , des reflexions à faire fur la
honte de ton amour naiffant : tu n'as qu'à
dire , & je te laiffe fur le champ la liberté
d'être honteuse à ton aife : mais fi tu veux
être raisonnable , faire le profit de ton .
amour propre & de ton coeur , aimer LifiDE
DECEMBRE.
45
dor , parce qu'il te plaît , en te confervant
Pyrame , parce qu'il t'aime : oh , tu feras
de ce monde ! je fuis toute à toy , & je te
continue mes confeils pour ta converfion .
En verité , tu n'es qu'une étourdie , repondit
alors l'autre Dame ; tu ne m'as pas
donné le tems de m'expliquer , & depuis
que tu taules , tu n'as combattu que tes
chimeres , & point du tout mes idées : &
qu'importe , reprit l'autre ? J'y ay toûjours
gagné , puifque je fuis femme , & que j'ai
parlé long temps ; mais quelle eſt , donc
ta penſée ? La voilà , repartit fon amie ;
c'eft que , Dieu me pardonne , il me fembloit
cette nuit , que j'aimois Pyrame fans
douleur , tout abfent qu'il eft , & qu'Alidor
me plaifoit encore , fans que je l'ai
maffe . D'abord , cela m'a fait peur à caufe
de ce pauvre garçon qui eft éloigné de
moi je craignois de lui faire tort ; mais,
autant qu'il m'en fouvient , cela faifoit'
dans mon coeur un mélange d'amour &
de vanité , qui reffembloit affés à ce que
tu m'en enſeignes. J'ai perdu quelque
tems à m'examiner , par fcrupule pour
l'abfent ; mais j'ai vu qu'il n'entroit rien
là dedans contre les interêts : en effet , le
chagrin que j'avois en l'aimant , ne lui
rapportoit rien. Oh ! fr fait , fi fait ; il lui
rapportoit , reprit fon amie , en fouriant ;.
& qui déveloperoit ce chagrin , y trou
46 LE MERCURE
veroit un furieux aliage d'amour ; & voilà,
juftement la zizanie qui étouffoit la joye :
laiffe la hardiment mourir ; il n'y a que les
duppes qui fe chicannent là- deffus ; je fuis
trés- contente de toi ; à tes fcrupules prés ,
tu marches à pas de geant dans la bonne
voye ; avance , & ferme les yeux.
Tu as beau dire , reprit l'autre , je me
reproche encore quelque chofe ; mais , fi
Alidor continue à m'en vouloir , j'espere.
que cela fe paffera. Bon ! dit fon amie ;
puifque tu vas jufqu'à l'efperer , cela vaut
fait ; jamais ces efperances là ne trompent.
As-tu vu ce matin Alidor ? Je le quitte
il n'y a qu'un moment , dit-elle ; il eft
venu favoir tantôt fi j'étois levée . Tu l'é-.
tois fans doute , reprit fa compagne. Point,
du tout , repartit - elle comme je n'ai
point fermé l'ail de toute la nuit , j'ai
tâché de m'affoupir ce matin ; car tu fçais
qu'on eft à faire peur , quand on n'a pointdormy.
Comment s'écria l'autre ; tu crains.
déja de faire peur. Oh ! mon enfant , ton
coeur a fait un coup de maître ; le mien
ne fait rien de plus fin. N'importe , reprit
la convertie ; tu feras bien de m'achever
ta vie , cela me fortifiera . J'y coniens , dit
fon amie ; aufli bien l'habitude d'aimer
languiffamment , t'a laiffé je ne fai quelle
bigoterie de langage dont je veux te dé--
faire. Cela me fortifiera , dis-tu . A t'en
DE DECEMBRE. 47
tendre , on diroit d'une devote qui fait une
action libertine . Tu ris , mais je veux mou
rir fi cela ne reffemble. A propos de ma
vie , où en étois-je ? Aux conquêtes que
tu fis un foir , lui dit l'autre Dame , & qui
te firent oublier fubitement l'inconftance
de ton premier amant : nous y voila
prit l'autre.
re-.
Je fus le refte de la foirée dans une fi
tuation de coeur , qui par intervalle , me
fourniffoit des fécouffes de joye. Les deux
jeunes gens , qui s'étoient déclarez pour
moi , me revenoient dans l'efprit avec leurs
petites façons à cela , fe joignoit une apparition
fubite des plaifirs de coqueterie
que me vaudroit leur amour. Quelle vûë ,
ma chere , pour une fille , & pour une fille
de mon âge Auffi je n'y pouvois tenir, & je
treffaillois entre cuir & chair , tout autant
de fois que cela me paffoit dans l'efprit.
Cela ne m'y paffoit cependant que d'une
façon trés- confule , parce que la prefence
de mon pere & de ma mere me gênoit ; »
j'en refervay donc l'examen , & j'en fis ma
tâche pour la nuit.
Quand il fut l'heure de fe coucher , je
volai dans ma chambre pourme deshabiller,
& pour me voir : oui , pour me voir ,
car j'étois preffée d'une nouvelle eſtime
pour mon viſage , & je brûlois d'envie de
me prouver que j'avois railon.. Tu penfes
48
LE
MERCURE
bien que mon miroir ne me mit pas dans
mon tort ; je n'y fis point de mine , qui ne
me parut meurtriere ; & la contenance la
moins façonnée de mes charmes , pouvoit ,
à mon goût , achever mes deux amans.
Te ferai- je le détail de mes petites grimaces
? Nous fommes toutes deux du même
fexe , & je ne t'apprendrai rien de
nouveau : tantôt c'eſt un mixte de langueur
& d'indolence , dont on attendrit
negligemment une phyfionomie ; c'eft un
air de vivacité dont on l'anime ; d'uſage
& d'éducation dont on la diftingue ; enfin,
ce font des yeux qui jouent toutes fortes
de mouvemens ; qui fe fâchent , qui fe
radouciffent , qui feignent de ne pas entendre
ce qu'on voit bien qu'ils comprennent
; des yeux hipocrites , qui ajuftent
habilement une réponſe tendre ; à qui cette
réponſe échappe , & qui la confirment par
la confufion qu'ils ont de l'avoir faite.
Voilà en gros les afpects fous lefquels je
m'admirai pendant un quart d'heure : je me
retouchay cependant fous quelques- uns
non que je ne fuffe bien , mais pour être
nieux ; après quoi , je me couchay remplie
de fecurité fur l'avenir ; mais je me couchay
fans envie de dormir : j'avois trop
bonne compagnie d'idées ; les deux jeunes
gens , leurs tendres difpofitions , ma gloire
prefente & avenir , la bonne opinion de
-
..
moiDE
DECEMBRE. 49
moy-même , tout cela me fuivit au lit.
Je me mis donc à rêver , & à faire mille
projets de conduite : j'arrangeois les phrafes
futures de mes amans & les miennes ;
j'imaginois des incidens , je troublois leur
repos , je les calmois , j'inventois des caprices
dont je me divertiffois de les voir
dépendre ; & toute jeune que j'étois , je
commençois à comprendre la valeur de nos
inégalités d'humeur avec les hommes : je
jugeois qu'elles nous varioient à leurs yeux,
& nous expofoient fous differentes formes,
dont l'inconftance les obftinoit à nous fixer
dans la bonne ; mais qu'il ne falloit pas
qu'ils puffent s'en affûrer , & qu'ainfi leur
temps fe paffoit à nous chercher , & à ne
nous trouver , comme ils fouhaittoient
qu'à la traverfe.
Voilà , ma chere , jufqu'où portoient alors
mes lumieres naturelles : enfin , mon enfant,
de fomeil me prit au milieu de toutes ces
‹idées , & je m'endormis fans m'en appercevoir.
Le jour vint ; je ne m'étois pas trompées
nos deux jeunes gens étoient bleffés . A mon
égard , j'étois faine & fauve , & je n'avois
encore que ma vanité d'intriguée .
Mais l'amour eft comme un mauvais air
que nous portent les amans qui nous approchent.
Un des miens fut deux jours fans
venir au logis ; mon coeur s'avifa naïve-
E
LE MERCURE
ment de s'en appercevoir ; je ne m'amufay
point à me le vouloir cacher ; ç'eût été trop
de peine , & je hais l'embarras qui ne mene
à rien. Je pris la choſe tout comme mon
coeur me la donnoit ; je vis qu'il avoit de
P'amour , j'y acquiefçay.
Tu ne le croiras peut-être pas ; mais rien
ne nuit tant à l'amour que de s'y rendre
fans façon, Bien fouvent il vit de la refiftance
qu'on lui fait , & ne devient plus
qu'une bagatelle quand on le laiffe en repos.
Telle que tu me vois , je fuis un peu Philofophe
moi. Tiens , j'ay trouvé que la rai
fon nous rend nos plaifirs plus chers en
les condamnant. Si l'on s'en abftient , on
en fauffre , & j'aimerois autant rien ; le
plus court pour en perdre le goût , c'eſt de
fe les permettre , je dis , quand ils ne choquent
pas abfolument les moeurs que doit
avoir une honnête femme du monde ; car
je ne fuis pas une libertine au moins ; mais
fe pardonner quelqu'amour dans le coeur
n'eft pas un fi grand crime ; & je t'avoie
d'ailleurs que je n'efpererois rien de bon de
la conduite à venir d'une femme qui combattroit
un grand penchant dont elle feroit
prévenue. Si le penchant l'entraîne , garre
qu'il n'en faffe cequ'il veut; car elle eft bien
fatiguée , & ne peut gueres ménager de
conditions avec fon vainqueur . Il n'est
point de gens plus extrêmes dans leurs
DE DECEMBRE.
excès , que ceux qui Pétoient dans leurs
fcrupules. Ils vont toûjours plus loin que
la tentation ne leur propofoit ; elle n'a du
moins qu'à fe prefenter pour être obéie .
Voilà un échantillon de ma philofophie ,
& je te le donne pour excufer ma façon
d'agir avec cet amour naiffant dont je m'apperçus.
Celui de qui je le tenois , vint le lendemain
; il entra dans le moment que je
m'occupois à le fouhaiter. Comme il me
furprit , je n'eus pas le temps de m'empêcher
d'être ingenuë , je defirois de le voir ;
je le reçûs en conformité ; en un mot il
connut qu'il me faifoit plaifir ; il en devint
plus aimable ; car en amour , pareille découverte
donnera toû ours de nouvelles
graces à l'homine d'efprit qui la fait : &
generalement parlant , nos talens augmentent
toujours à proportion qu'on nous
eftime.
Le nouvel agrément qu'il prit , ne m'échappa
pas ; mon coeur n'en perdit rien ; il
lui en tint compte , & je ne vis qu'avec plus
de complaifance une paffion qui s'augmentoit
des faveurs qu'on lui faifoit .
Quelques vifites qui vinrent alors , abregerent
le bon accueil qu'il recevoit de moi ;
non que je lui euffe dit que je l'aimois :
j'avois été plus modefte , fans être pourtant
moins claire , & j'en avois gliffé l'aven
E ij
57 LE MERCURE
fous des plaintes affés empreffées de fon
abfence .
On nous interrompit donc ; j'allay recevoir
la compagnie qui venoit , & avec laquelle
il fortit trois heures après.
J'oubliois à te dire que fon rival en étoit,
de cette compagnie; fa prefence écarta fans
les renvoyer ,les fentimens de preference que
j'avois pour le premier de deux adorateurs.
Rifquer d'en perdre un , pas trop de naïyeté
pour l'autre , c'étoit jouer trop gros
jeu; & je n'étois pas d'humeur à ruiner les
plaifirs de ma vanité , en faveur de ceux de
mon amour.
D'ailleurs , j'étois un peu fâchée que
le jeune homme preferé m'eût fait un larcin
de mon fecret , quand il m'avoit furprife
, & comme iln'entroit pas dans mes
petites maximes , que fa certitude lui durât
long- temps , je me determinay tout d'un
coup à le dérouter , en fêtant fon rival .
Trois ou quatre minauderies , tant en
gettes , qu'en paroles , corrigerent le premier
de la fecurité , & firent germer l'efpoir
dans le coeur du fecond : de là , je
vis naitre des nuages fur le vifage de l'un
& la ferenité fur le vifage de l'autre .
La paix en fouffrit ; le favorifé railloir
le malheureux ; il abufoit infolemment de
fa fortune , & le malheureux repandoit
un efprit d'envie fur tout ce qu'il répon
DE DECEMBRE.
doit , mais d'une envie doulourcufe , plus
plus humiliée que brufque.
Cela me toucha , l'amour dans mon
coeur plaida fa cauſe , & la gagna , mais
fi adroitement , que j'avois déja foulagé
la douleur de ce pauvre garçon , quand
je croiois en être encore à décider du par
ti que je devois prendre.
·
Voilà les furpriſes de l'amour , mais
t'avouerai je toutes mes folies ? Ce foir
là , je fis & defis plufieurs fois la même
chofe , tombant tour à tour d'un acte de
pur amour , dans un acte de vanité ; je
ne croi pas qu'il y ait rien de fi divertiffant.
: Cependant , l'heure de fe retirer vint
& mes deux amans fortirent plus piqués ,
& plus incertains que jamais de leur deftinée.
Quand je les vis partir , j'étois bien
tentée de finir la fcene à la fatisfaction
de mon amour ; il n'étoit queſtion que
d'un petit tour de gibeciere , du moindre
petit clin d'oeil , fait en cachette & reçû de
même. Je ne fçais pas comment je m'en
abſtins , en voiant l'air mortifié de celui que
j'aimois ; mais je regardai ailleurs par un
efprit de menage fur mes plaifirs. Je me
dis qu'il falloit en referver pour le lendemain
, & que fi mon amant partoit confolé
, je m'ôtois la douceur de jouir plus
au long de fon inquietude , & de l'effet
de mes bontez .
E iij
54 LE MERCURE
Je paffai la nuit à merveille ; il y avoit
long tems que je ne m'occupois plus à rêver
éveillée , j'avois pris de cet amufement
là , jufqu'à farieté , & je n'y trouvois plus
rien de piquant , en effet , il n'eft bon qu'à
des filles novices . Devine qui me rendic
vifite le lendemain ? L'amant de Couvent,
mon infidele ! Devine encore ce qu'il m'ariva
quand on me l'annonça t'y attendrois
tu ? le coeur me battit.
Mais , mon enfant , je fonge qu'il fe fait
tard , dit elle , en s'interrompant ; on peut
nous attendre pour dîner; remettons le refte
- à tantôt.
Et vous , mon cher , vous voulez bien
que je m'interrompe auffi, avec promeffe de
Vous dire la fuite , à condition que je l'apprendrai.
Edits , Arrêts & Déclarations.
RREST du Confeil du 21 Novembre
1719 , par lequel Sa Majesté
étant en fon Confeil , de l'avis de
Monfieur le Duc d'Orleans Regent , a Ordonné
& Ordonne que nonobſtant la fuppreffion
des Offices de Paycurs & de Controlleurs
des Payeurs des Augmentations
de Gages créés depuis le premier Janvier
DE DECEMBRE.
55
1719. le payement des arrerages defdites
Augmentations de Gages , jufques & compris
la preſente ' année 1719. fera fait par
leidits Payeurs ; A l'effet de quoi les fonds
neceffaires leur feront remis fur les Etats
de Diftribution qui feront arrêtez au Confeil
. Fait au Confeil d'Etat du Roy , Sa
Majesté y étant , tenu à Paris le vingtuniéme
jour de Novembre mil fept cent
dix- neuf. signé , PHELYPEAUX .
ARREST du Confeil du 21 Novembre
1719 , par lequel Sa Majesté étant en fon
Confeil , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a Evoqué à foi & à
fon Confeil les differens mûs & à mouvoir
au fujet des Negociations des Actions
de la Compagnie des Indes ; les a revoyez-&
renvoye pardevant les S.rs de la
Houffaye Confeiller d'Etat ordinaire , d'Or
meffon , de Gaumond , de Baudry , de Pomereu
, de la Grandville , Orry , Regnault,
le Pelletier de Signy & d'Argenfon Maîtres
des Requêtes , que Sa Majeſté a commis
& commet pour être par Eux jugez
fommairement & en dernier Reffort , au
nombre de fept au moins, leur en attribuant
à cet effet toute Jurifdiction & connoiffance
, & icelle interdifant à fes Cours &
Juges Fait défenfes aux Parties de fe
pourvoir ailleurs , à peine de nullité , caffation
de procedures , dommages & interêts,
E iiij
5.6 LE MERCURE
& de trois mille liv. d'amende . Fait au Confeil
d'Etat du Roy, Sa Majefté y êtant,tenu à
Paris le vingt uniéme jour deNovembre mil
fept cent dix - neuf. Signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Confeil du 21 Novembre 1719,
par lequel Sa Majefté étant en fon Confeil,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent
, a Ordonné & Ordonne , Que tant à
Paris que dans les autres Villes du Royaume
où il a été & fera Etabli des Bureaux de
Banque , les Receveurs des Confignations ,
Commiffaires aux Saifies réelles & autres
Depofitaires publics , fous quelque Titre
& denomination que ce puiffe être , ne
pourront faire fupporter aux Parties intereffées
aucunes diminutions fur les Efpeces
qui leur ont été ou feront confignées.
Veut Sa Majefté qu'à Paris & dans les
autres Villes du Royaume où il y a des
Bureaux de Banque établis , le prefent Arrêt
ayt lieu du jour de fa Publication , Et
dans les Villes où les Bureaux n'ont pas encore
été établis,du jour de l'ouverture & Etabliffement
defdits Bureaux feulement , Et
qu'il foit executé nonobftant oppofitions
& autres empêchemens quelconques , dontfi
aucuns interviennent , Sa Majesté s'en
eft refervé & à fon Confeil la connoiſſance,
& l'a interdite à toutes fes Cours & Juges ;
Et fur le prefent Arrêt toutes Lettres neceffaires
feront expediées, Fait au Confeil
DE DECEMBRE: ST
d'Etat du Roy , Sa Majefté y étant , tenu
Paris le vingt- uniéme jour de Novembre
mil fept cent dix - neuf. Signé , PHELYPEAUXCollationné
à l'Original.
ARREST duConfeil du 2-3 Novembre 1719,
par lequel Sa Majesté étant en fon Confeil ,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent
, à commis & commet les S.rs le
Peletier Doyen du Confeil & Confeiller
au Confeil de Regence , de Caumartin
Confeiller d'Etat , d'Armenonville Confeiller-
Secretaire d'Etat , le Peletier Desforts
, de la Houffaye , & Fagon Confeil-,
lers d'Etat & au Confeil de Regence pour
les Finances , de Saint Conteft , & Ferrand
Confeillers d'Etat , d'Ormeflon d'Amboile,
de Gaumond , Tachereau de Baudry Maîtres
des Requêtes & Confeillers au Confeil
des Finances , de la Grandville , Orry
le Pelletier de Signy , Bignon de Blanzy ,
& d'Argenfon Maîtres des Requêtes , pour,
proceder à la Liquidation des Finances
payées par les Engagiftes des Domaines
fur les Contrats , Quittances de Finance ,
& autres Titres de proprieté qui en feront
rapportez , Et en même temps juger en
dernier Reffort toutes les Conteſtations qui
pourtont furvenir à l'occafion de ladite réünion
, pourveû que lefdits Srs Commiffaires.
foient au nombre de fept au moins , le tout
conformément audit Arrreft du 21 du pre
و ا
$8
LE
MERCURE
lent mois. Fait au Confeil d'Etat du Roy ,
Sa Majesté y étant , tenu à Paris le vingttroifiéme
jour de Novembre mil fept cent
dix neuf. Signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Confeil duz4Novembre 1719,
Par lequel Sa Majesté étant en fon Confeil
, de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a fupprimé & fupprime tous
lefdits Offices de Grands Maîtres Alternatifs
& Mitriennaux , créez par lefdits - Edits
des mois de Septembre & Novembre 1706
qui font poffedez feparément defdits Offices
de Grands Maitres anciens.Veut Sa Majefté
que lefdits Offices Alternatifs & Mitriennaux
poffedez par un feul Grand Maître,
ou réunis aux anciens , ne faffent à l'avenir
qu'un même Corps d'Office , fans qu'ils
puiffent être divifez : Que les fommes financées
par les Titulaires pour l'acquifition
defdits Offices , tiennent lieu aux pourvûs
d'augmentation de Finance defdits Offices
anciens. Et attendu que l'Office de Grand
Maître ancien des Eaux & Forefts du Departement
de Caën eft vacant par la mort,
du Sieur Ferrand Grand Maître ; Ordonne
Sa Majefté que ledit Office refterá fupprimé
, & que celui de Grand Maitre Alternatif
dudit Departement de Caen fera reputé
ancien & fubfiftera en cette qualité.
Veut Sa Majefté que les Pourvûs & Proprietaires
defdits Offices fupprimez foient
DE DECEMBRE.
ر و
renus de reprefenter pardevant les Sieurs
Fagon Confeiller d'Etat , d'Ormeffon , de
Gaumond & de Baudry , Maitres des Requêtes
, tous Confeillers au Confeil de
Finance & Commiffaires de fon Confeil ,
qu'Elle a Commis à cet effet , leurs Quittances
de Finance & autres Titres de Pro
prieté , pour être procedé à la Liquidation
des fommes qui leur feront deües pour les
Finances defdits Offices , & enfuite pourvû
au Remboursement defdites Finances , fur
les Quinze cens millions que la Compa
gnie des Indes doit prêter à Sa Majesté
N'entend Sa Majefté comprendre dans la
dite fuppreffion l'Office de Grand Maître
Alternatif des Eaux & Forefts du Depar
tement d'Orleans ; & pour l'execution du
prefent Arreſt toutes Lettres neceffaires feront
expediées . Fait au Confeil d'Etat du
Roy, Sa Majesté y étant , tenu à Paris le
vingt -quatrième jour de Novembre mil
fept cent dix neuf. signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Confeil du 24Novembre 1719%
par lequel Sa Majefté étant en fon Con
feil , de l'avis de Monfieur le Duc d'Or
leans Regent , a ordonné & ordonne , Que
les Engagiftes des Bois alienez en execution
des Edits des années 1601 , 1645 , 16.5.2,
& autres réunis au Domaine de Sa Majefté
par ledit Arrêt du 12 Novembre du
prefent mois , feront tenus conformément
во LE MERCURE
à icelui , de remettre inceffamment entra
les mains du Sieur Paffelaigue Greffier des
Commiffions extraordinaires du Confeil ,
que Sa Majesté a commis à cet effet , leurs
Quittances de Finance , Contrats , & autres
Titres d'engagemens défaits Bois réunis
, pour être par lefdits Sts Commiffaires
nommez par ledit Arrêt , procedé à la Liquidation
des Finances payées par lefdits
Engagiſtes à cauſe defdits engagemens , fuivant
& en la maniere portée audit Arrêt.
Fait au Confeil d'Etat du Roy , Sa Majesté
y étant , Monfieur le Duc d'Orleans Regent
prefent , tenu à Paris le vingt - qua •
triéme jour de Novembre mil fept cent
dix- neuf. Signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Confeildu 25 Novembre 1719,
par lequel le Roy étant en fon Confeil ,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a Ordonné & ordonne , Que le
Remboursement des Principaux des Rentes
de l'Hôtel de Ville de Paris & de Teu .
loufe , dont les arrerages font affignez fur
le Clergé , fera fait fur le pied du denier
douze , quoique par les Partages & autres
Titres aucuns defdits Rentiers en foient
Proprietaires fur le pied d'un denier plus
foible ; & pour ce qui concerne le paye .
ment des atrerages , Veut & entend Sa
Majefté qu'en payant aufdits Rentiers
Payeurs & Controlleurs l'année qu'ils com
"
BE DECEMBRE.
ptent 1679 , & qui au moyen du retranchement
anciennement fait d'un quartier &
demi , eft réellement & de fait l'année
1719 , les Payeurs defdites Rentes, le Clergé
& tous autres en demeurent quittes &
valablement déchargez. Enjoint Sa Majeſté
aux Agents Generaux du Clergé , de tenir
la main à l'execution du prefent Arreft , qui
fera executé nonobftant toutes oppofitions
& tous autres empêchemens quelconques,
dont fi aucuns interviennent , Sa Majesté
s'en referve à foi & à fon Confeil la con
noiffance , & l'interdit à toutes les Cours
& autres Juges . Fait au Confeil d'Etat du
Roy , Sa Majesté y étant , tenu à Paris le
vingt - cinquième jour de Novembre mil
fept cent dix- neuf. Signé , PHELYPEAUX.
Collationné à l'Original.
ARREST du Confeil du 26 Novembre
1719 , par lequel Sa Majefté étant en fon
Confeil , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a permis & permet aux
Proprietaires des Augmentations de gages ,
gages hereditaires , taxations fixes & hereditaires
, fommes annuelles employées dans
les états de Sa Majefté fous le titre de rentes
, d'interefts ou de joüiffances en attendant
le remboursement , ou pour tenir lieu
d'indemnité , & generalement de toutes autres
parties employées dans les états de Sa
Majefté , fous quelque dénomination & à
LE MERCURE
re que ce foit , qui ne font point
Corps des Offices , & qui font
les fonds & revenus de Sa
1 recevoir le rembourfement ;
tes augmentations de gages &
Les parties ayent été créées & établies
avant le premier Janvier 1689 ; à l'effet de
quoi lesdits Proprietaires rapporteront au
Garde du Trefor Royal leurs quittances de
finance , titres de proprieté, & autres pieces
neceffaires, fur lesquelles il leur fera delivré
des recepiffez du montant de leurs quittances
de finance , payables au porteur fur le
Caiffier de la Compagnie des Indes , à va
loir fur les quinze céns millions que ladite
Compagnie s'eft engagée de prefter à Sa
Majefté. Et pour l'execution du prefent
Arreft feront toures Lettres neceffaires expediées.
Fait au Confeil d'Etat du Roy , Sa
Majefté y êtant , tenu à Paris le vingt -fixié
me jour de Novembre mil fept cent dixneuf.
Signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Conſeil d'Etat du Roy , du
premier Decembre 1719 , qui ordonne :
Article I. Qu'à commencer du jour de
la publication du prefent Arreft , il ne fera
reçû au Bureau general de la Banque à Paris
aucunes efpeces d'or ou d'argent pour eftre
converties en Billets de Banque.
II. Veut cependant Sa Majefté , conformément
à l'Article V. de l'Arreſt de fon
DE DECEMBRE. 63
Confeil du 25 Juillet dernier , que tant à
Paris que dans les Villes où il y a des Bu
reaux de Banque établis , il foit permis aux
Creanciers d'exiger de leurs Debiteurs leurs
payemens en Billets de Banque, même dans
le cas où lefdits Billets gagneroient fur les
efpeces , & fans qu'ils puiffent eftre obligez
d'en recevoir aucunes parties en efpeces
d'or ou d'argent , fi ce n'eft pour les appoints
.
III. Declare Sa Majesté nulles & de nul
effet les offres judiciaires de payement pour
caufe de Retrait , & autres judiciaires & extrajudiciaires
, de quelque nature qu'elles
puiffent eftre , qui ne feront pas faites en
Billers de Banque , fans neanmoins déroger
aux formalitez prefcrites par les Coûtumes
du Royaume en ce qui n'eft pas contraire
à la difpofition du prefent Article , & ce à
commencer du jour de la publication du
prefent Arreft , tant à Paris que dans les
Provinces.
IV. Entend Sa Majefté que les Porteurs
des Recepiffez tirez fur le Caiffier de la
Compagnie des Indes , en confequence des
differens Arrefts de for Confeil , jouiffent
de la même faculté portée en l'Article 11 .
& qu'ils puiffent exiger leurs payemens en
Billets de Banque. Veut auffi que les fommes
qui refteront dues à Sa Majefté par ladite
Compagnie fur les quinze cens millions
24
LE MERCURE
qu'Elle s'eft engagée de lui prefter , même
celles provenantes des differens recouvremens
dont Elle eft chargée , foient pareillement
acquittées en femblables Billets ; à
P'effet de quoi & à commencer à Paris &
dans les Villes où il y a des Bureaux de Banque
établis , huit jours aprés la publication
du prefent Arreft , & dans les autres Villes
& lieuxdu Royaume,au premier Avril prochain
, la Compagnie pourra exiger des
contribuables & debiteurs des droits & impofitions
le payement dans les mêmes Billets
de Banque.
V. Ordonne cependant Sa Majefté qu'à
l'échéance des delais portez en l'Article
precedent , il fera fait par les Sieurs Intendans
& Commiffaires départis à Paris &
dans les Provinces , des procès verbaux des
fommes qui fe trouveront en efpeces d'or
& d'argent dans les Caiffes de tous les Receveurs
de la Compagnie des Indes , lefquelles
feront reçues par Sa Majeſté en
payement , & fans qu'après lefdits procès
verbaux , ladite Compagnie puiffe faire fes
payemens d'autre maniere qu'en Billets de
Banque.
VI. Et pour la commodité du Public , les
Billets endoffez & ceux que l'on voudra
convertir en d'autres Billets de moindres
fommes , feront reçûs & convertis en Billets
au choix & à la volonté des Porteurs.
VII.
DE DECEMBRE. 65
VII . Ordonne Sa Majefté que le prefent
Arreft fera executé nonobftant oppofitions
ou autres empêchemens quelconques , dont
fi aucuns interviennent , Sa Majesté s'en
reſerve & à fon Confeil la connoiffance , &
icelle interdit à toutes fes Cours & Juges :
Et pour l'execution du prefent Arreft , toutes
Lettres neceffaires feront expediées . Fait
au Confeil d'Etat du Roy , Sa Majefté y
étant , tenu à Paris le premier jour de Decembre
1719. Signé , PHELYPEAUX.
EDIT du Roy donné à Paris au mois de
Decembre 1719 , qui ordonne :
Article 1. Qu'il fera inceffamment fabriqué
dans l'Hoftel de ladite Monnoye de
Paris des Quinzains d'Or , du titre de vingt--
quatre Karats , au remede d'un quart de
Karat , à la taillé de 65 au remede de
6
I I
de pieces par Marc , qui auront cours
dans tous les Païs , Terres & Seigneuries
de notre obéiffance pour quinze liv . piece.
II. Et des livres d'argent du titre dè douze
deniers de fin , à la même taille de foixantecinq
par Marc , au remede de fix grains
pour le fin , & de dix- fept onzièmes de piece
pour le poids , lefquelles livres d'argent
auront cours pour vingt fols chacune ,
demies à proportion.
dess
III. Lefquelles efpeces d'or & d'argent
porteront les empreintes figurées dans le
E
66
MERCURE LE
cahier attaché fous le contre- fcel du prefent
Edit .
IV. Le travail de laquelle fabrication fera
jugé en nos Cours des Monnoyes en la maniere
accoûtumée ; mais comme Nous fommes
informez que fur le pied qu'il Nous eft
compté de la regie des Monnoyes , les foiblages
& écharcetez tournent naturellement
à notre profit , & que s'il ne paroît
quelquefois pas y tourner entierement , la
difference provient plutôt des incertitudes
des effais , ou du fray des efpeces , que
d'une fraude faite de concert entre tous les
Officiers de chaque Monnoye , laquelle
n'eft pas à prefumer ; Nous voulons bien ,
pour mettre les Directeurs des Monnoyes
à couvert des pertes que leur cauferoient les
condamnations fr elles s'executoient à la
lettre , ordonner ainfi que Nous ordonnons
par le prefent Edit , qu'en juftifiant par les
Certificats du Directeur general des Monnoyes
que Nous avons profité des foiblages.
& écharcerez énoncez par les Jugemens à
an quart des remedes près , leídits. Directeurs
en foient déchargez. Voulons qu'au
cas que par lefdits Certificats la difference
d'entre les comptes & les Jugemens ſe trou,
ve Nous caufer un préjudice de plus d'un
quart des remedes , lefdits Directeurs foient
tenus de payer l'excedent entre les mains.
du Receveur des Boëtes de la Cour des
DE DECEMBRE. 67
Monnoyes , lequel en comptera : & pour
empêcher que lesdits Directeurs ne puiflent.
même profiter dudit quart des remedes ,
Nous enjoignons aux Officiers defdites.
Monnoyes d'exercer leurs Offices avec tant.
d'exactitude chacun à leur égard , que toutes
les matieres mifes en fontes foient regulierement
regitrées , & les elpeces délivrées
, employées fur le papier des delivrances
précitément comme elles fe trouveront
par le compte & les pefées qui en feront:
faites en leur prefence.
Défendons à toutes perfonnes , telles
qu'elles puiffent eftre , de contrefaire ou alterer
lefdites efpeces , d'en apporter aucunes
du païs étranger , ou d'en expofer de
contrefaites , à peine d'être punis comme:
faux Monnoyeurs , & de conafcation de lat
valeur defdites efpeces au profit des faififfans
ou dénonciateurs , enfemble des chevaux
, charrettes , ou autres voitures fur:
lefquelles feront lefdites efpeces , même:
des marchandifes avec letquelles elles fe:
trouveront emballées .
SI DONNONS EN MANDEMENT , & co
Car tel eft notre plaifir. Et afin que ce:
foit chofe ferme & ftable à tout ours , Nous
y avons fait mettre notre Sccl. DONNE
à Paris au mois de Decembre , l'an de grace
mil fept cent dix- neuf , & de neure Regne
le cinquième. Signé ,, LOUIS. Et pluss
- Fiji
68 LE MERCURE
bas , Par le Roy , le Duc d'ORLEANS ,
Regent prefent. PHELYPEAUX. Vifa Dɛ. :
VOYER D'ARGENSON . Et fcellé du grand
Sceau de cire verte .
Lû , publié & registré , oũy & ce requerant
le Procureur General du Roy , pour
eftre executé felon fa forme & tenear , fui-;
vant l'Arreft de cejour. Fait en la Cour des
Monnoyes , les Semeftres affemblez le deuxiéme
jour de Decembre mil fept.cent dix- neuf.
Signé , GUEUDRE' ..
ARREST du Confeil du 2 Decembre 1719,
par lequel Sa Majefté étant en fon Confeil
, de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a commis &. cominet les
Sieurs Bidé de la Grandville , Orry de Vig-
Hory , Doublet de Perfan , Ollier de Touquin,
& d'Argenfon Maiftres des Requêtes,
pour conjointement avec lefdits Sieurs le
Peletier , de Caumartin , le Peletier Desforts
, de la Houffaye & Fagon Confeillers
d'Etat , & ledit fieur de Pomereu Maiftre
des Requeftes , proceder à la liquidation
des rembourfemens reftans à faire des Offices
fupprimez par lefdits Edits des mois de
May , Juin Juillet & Aouft 17 15. , & des
finances payées par les affranchiffemens perfonnels
de Tailles , revoquez par ledit Edit
du mois d'Octobre 1713. Fait au Confeil.
d'Etat du Roy , Sa Majefté y étant , tenu à
Paris le deuxième jour deDecembre mil ſept
sent dix-neuf. signé , PHELYPEAUX.
DE DECEMBRE. 69
ARREST du Confeil du 3 Decembre 1719,
par lequel LE ROY ESTANT
• que
3
EN SON
CONSEIL , de l'avis de Monfieur le Duc
d'Orleans Regent , a ordonné & ordonne
que les Particuliers domiciliez en Bretagne
, qui ont des Contracts de conftitution
fur lefdits états, auront l'option d'accepter
leur rembourſement aux conditions.
portées par l'Arreft du 11. Nembre 1719,
it
ou de reduire volontairent leurs rentes
à trois pour cent par an , à compter du premier
Janvier 1720 , & faute par eux dans
ledit temps d'avoir confenti volontairement
la reduction de leurs Contracts à trois pour
cent , à compter dudit jour premier Janvier
1720 ils en feront déchûs , & tenus de recevoir
leur remboursement , conformément
andit Arrest du 11 Novembre dernier.
Ordonne Sa Majefté qu'en reduifant volon
tairement par les Particuliers de ladite Province,
creanciers des Etats , les rentes qu'ils ›
ont fur lesdits Etats de Bretagne , à raiſon
de trois pour cent par an ,
les arrerages
.
feront payez à commencer du premier Janvier
1720 , des fonds que lefdits Etats feront
enrre les mains de leur Treforier. Ordonne
en outre . Sa Majefté que les fonds.
qui feront faits entre les mains dudit Treforier
des Etats pour payer leídits arrerages,
ne feront point fujets aux taxations attribuées
audit Treforier pour la recette-
2
70 LE MERCURE
actuelle. Fait au Confeil d'Etat du Roy,
Sa Majesté y étant , tenu à Paris le troifiémet
jour de Decembre mil fept cent dix- neuf.
Signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Confeil du 3 Decembre 1719,
qui ordonne ,
Article I. Que les Creanciers des Etats
de Bretagne, porteurs de quittances d'avance
delivrées le feu fieur d'Harroüys
A
leur Trelorier , fur le prix de la Ferme des
devoirs de 1697 & 1688 , au payement
defquelles lefdits Etats ont efté condamnez
par Arreft du Confeil du 29 Mars 1689 , reprefenteront
inceffamment dans la Ville de
Paris , pardevant les fieurs Evêques de
Nantes , Duc de Lorges , Dondel , & de la
Guibourgere , députez par lefdits Etats à la
Cour , les originaux defdites quittances
d'avance , & les pieces fervant à juftifier
leurs qualitez , pour eftre procedé à la li
quidation desdites quittances d'avanće , tant
en principal qu'interefts , jufqu'au premier
Janvier 1720 , fur lefquelles liquidations
& autres pieces qui feront par eux remifes
au fieur de Montaran Treforiers defdits
Etats , ils recevront leurs rembourfemens
en Recepiffez dudit fieur de Montarân , vifez
defdits fieurs députez , ou de deux d'éntre
eux , payables au porteur le premier
Janvir 120 , fur le Caiffier de la Compagnie
des Indes , qui les acquittera à
DE DECEMBRE.
71
compte des quinze cens millions que ladite
Compagnie s'eft obligée de prester à Sa
Majefté , & jouiront les Porteurs deſdits
Recepiffez des mêmes avantages que les
Porreurs de ceux délivrez
Hallée & Renault.
par les fieurs
II. Veut Sa Majesté qu'après ledit jour
premier Janvier 1720 les interefts defdites:
quittances d'avance ceffent , & qu'ils commencent
à courir du même jour au profit
de Sa Majefté , à raiſon de trois pour cent
des fommes à quoy monteront lefdits rembourfemens
; à l'effet dequoy Sa Majesté
demeurera fubrogée à tous les droits des
Creanciers rembourfez ; & en confequence :
en fera paffé Contract à fon profit par lefdits
Etats.
HI. Permet neanmoins Sa Majefté aux:
Particuliers domiciliez dans ladite Provinçe
, Creanciers & Porteurs defdites quittances
d'avance de reduire les intereſts
deſdites quittances d'avance à trois
pour cent , à compter du premier Janvier
*720 , ce qu'ils feront tenus de faire avant
le premier Fevrier de ladite année 1720 ,.
paffé lequel temps ils en demeureront déchûs
, & feront tenus de recevoir leurs
rembourfemens , ainfi & de la maniere
qu'il eft ordonné par le prefent Arreft.
IV. Ordonne Sa Majesté que ceux def72
LE
MERCURE
dits Creanciers domiciliez dans ladite Province
, qui reduiront volontairement les
interefts de leurfdites quittances d'avance
à trois pour cent devant le premier Fevrier
1720 , feront payez des interefts
defdites Quittances d'avance à la fufdite
raifon de trois pour cent par an en la maniere
accoutumée , des fonds qui feront
faits par lefdits Etats entre les mains de
leur Treforier , lefquels fonds ne feront
point fujets aux taxations attribuées au
Treforier defdits Etats pour fa recette
actuelle. Fait au Confeil d'Etat du Roy ,
Sa Majesté y étant , tenu à Paris le troifiéme
jour de Decembre mil fept cent dixneut.
Signé , PHELYPEAUX.
ARREST du Confeil du3 Decembre 1719,
par lequel le Roy étant en fon Confeil , de
Pavis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent,
a ordonné & ordonne , Que l'Edit de 1669 ;
la Déclaration de 1711 , & les Arrêts da
Confeil rendus pofterieurement , feront executez
felon leur forme & teneur en ce qui
regarde l'extinction & la fuppreffion de tous
les Billets & Effets y mentionnez. Fait Sa
Majefté trés expreffes inhibitions & défenfes
à toutes perfonnes , de quelque qualité
& condition qu'elles foient , d'expofer dans
le Commerce , ni de nogocier ou donner en
payement lefdits Billets & Effets éreints &
Supprimez, à peine contre les contrevenans
de
DE DECEMBRE. 73
de trois mille livres d'amende , dont un
tiers applicable au profit de Sa Majefté , &
les deux autres tiers aux denonciateurs , fans
que ladite peine puiffe être reputée comminatoire.
Défend Sa Majeſté à tous Juges
d'avoir égard aux negociations qui pourroient
avoir été faites ou ftipulées pour raifon
defdits papiers & effets , leur enjoignant
de les declarer nuls. Et fera le prefent Arreft
executé, nonobftant oppofitions & autres
empêchemens quelconques , pour lesquels
ne fera differé , & dont fi aucuns interviennent
, Sa Majesté s'eft refervé & à fon Confeil
la connoiffance. Ordonne Sa Majefté
que le preſent Arreſt ſera publié & affiché à
ce que perfonne n'en ignore. Fait au Confeil
d'Etat du Roy , Sa Majeſté y étant , tenu
à Paris le troifiéme jour de Decembre mil
fept cent dix-neuf. Signé , PHELÝ PEAUX .
ARREST du Confeil du7 Decembre 1719,
par lequel Sa Majeſté étant en fon Confeil
, de l'avis de Monfieur le Duc d'Or
leans Regent , a commis & commet les
Sieurs Baron , Poftel , Ravoifié , & Lauriau
, pour viſer pour les Directeurs de la
Compagnie des Indes , les Certificats qui
feront delivrez à l'avenir aux Porteurs des
Soulcriptions de ladite Compagnie. Fait au
Confeil d'Etat du Roy , Sa Majesté y étant ,
tenu à Paris le feptième jour de Decembre mil
fept cent dix- neuf. Signé , PHELY PEAUX.
G
74 MERCURE LE
ARREST du Confeil du9 Decembre 1719,
par lequel Sa Majefté étant en fon Confeil
, de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent, a commis & commet les Sieurs
Vedier, Saubion, Dupuis , Olivet , Fremyet,
& Renaud , pour figner concurremment
avec ceux qui ont été nommez par les précedens
Arrefts , les Billets de Banque de
mille livres , cent livres , & dix livres , pour
les Sieurs Bourgeois , Fenelon , & du Reveft
, Officiers de la Banque. Fait au Con
feil d'Etat du Roy , Sa Majeſté y étant , tenu
à Paris le neufviéme jour de Decembre mil
fept cent dix- neuf. Signé , PHELY PEAUX.
ARREST du Confeil dug Decembre 1719 ,
par lequel Sa Majesté étant en fon Confeil ,
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans Regent
, a déclaré & déclare , qu'Elle n'entend
pas que l'Edit du prefent mois change rien
à la difpofition de l'Arreft du 25 Juiller
dernier , conformément auquel la Compa
gnie des Indes continuera de jouir de tout
le Benefice de la Fabrication qui fe fera dans
les Monoyes , jufqu'au premier Aouſt 1728,
à quelques fommes qu'ils puiffent monter ,
enfemble des droits & émolumens attribuez
pour les affinages & départs d'or & d'ar
gent aux Maîtres Affineurs par la Déclara
tion du 25 Octobre 1689 , de la maniere
qu'en ont joui jufqu'à prefent les Pourvûs
des Offices d'Affineurs créez par Edits des
4
DE DECEMBRE. 75
mois de Decembre 1692 & Novembre
1693. Et ce à commencer du premier Janvier
1720. Lefquels Offices Sa Majesté a
éteints & fupprimez par le prefent Arreſt ,
ainfi que celui d'Infpecteur des affinages à
Paris , & les droits d'Infpecteur Effayeur
& Syndics des affinages de Lyon , réunis
aufdits Offices d'Affineurs par Edits des
mois de Septembre 1705 , & May 1706 .
Veut Sa Majefté que les Proprietaires defdits
Offices & droits foient inceffamment
rembourfez de toutes leurs Finances par l'un
des Gardes du Trefor Royal , en affignations
fur la Compagnie des Indes , à compte
des quinze cens millions qu'Elle s'eſt engagée
de prêter à Sa Majefté , fuivant les
Quittances de Finance que lefdits Proprietaires
rapporteront dans un mois pardevant
le Sieur le Peletier Desforts Confeiller d'Etat
& au Confeil de Regence pour les Finances.
Veut encore Sa Majefté que ladite Compagnie
joüiffe de tous les Affinoits , Fourbeaux
& autres lieux deftinez pour les affi
nages , ainfi que de toutes les Matieres d'Or
& d'Argent , Outils , Machines , Uftenciles
& provifions de Plomb , Bois , Charbon ,
& autres qui fe trouveront dans les Hôtels
des Monnoyes de Paris & de Lyon , appartenans
aufdits Afhaeurs , conformément
aux inventaires qui en feront faits par
les Commiffaires defdites Monnoyes , à la
Gij
76 LE MERCURE
charge par ladite Compagnie d'en rembourfer
comptant le prix auxdits Affineurs , fui .
vant l'eftimation : Permet Sa Majeſté à ¦adite
Compagnie des Indes d'établir des Laboratoires
d'affinages dans les lieux qu'Elle
jugera les plus convenables , même hors
les Hôtels des Monnoyes , & d'y faire fondre
toutes fortes de matieres & efpeces d'or
& d'argent , nonobftant les Ordonnances
contraires aufquelles Sa Majefté a dérogé
& déroge par le prefent Atreft , à condition
toutesfois que les Lingots qu'Elle livrera aux
Marchands Negocians & Ouvriers , foient
au moins au Titre de vingt- trois Karats
26 .
32.
pour l'or , & de onze deniers dix -huit
Grains pour l'argent. Défend Sa Majeſté à
toutes autres perfonnes , de quelque qualité
qu'elles foient , d'affiner & départir aucunes
matieres d'or & d'argent , ou d'avoir aucuns
outils & uftenciles fervant à cet uſage ,
fous quelque pretexte & occafion que ce
puiffe être , à peine de trois mille livres
d'amende , & d'être procedé extraordinairement
envers les contrevenans , même à
peine contre les Maîtres Orfevres , Tireurs
d'or & autres , d'être déchus de leur Maî
trife , & contre les Compagnons d'incapacité
d'y parvenir . Enjoint Sa Majesté aux
Officiers des Cours des Monnoyes de Paris
& de Lyon , de tenir la main à l'execution.
du prefent Arreft , fur lequel toutes Lettres
DE DECEMBRE 77
neceffaires feront expediées. Fait au Confeil
d'Etat du Roy , Sa Majefté y étant ,
tenu à Paris le neufviéme jour de Decembre
mil fept cent dix- neuf. Signé , PHELY
PEAUX .
Registré en la Cour des Monnoyes . Signé,
GUEUDRE'.
>
ARREST duConfeil duroDecembre 1719,
par lequel Sa Majesté étant en fon Conſeil
de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a ordonné & ordonne ; Qu'à commencer
au premier Janvier prochain , les
Pieces de vingt fols de la fabrication de
1718 n'auront cours dans le Commerce que
pour dix- huit fols , & les pieces de dix fols
pour neuf ; Et qu'au premier Fevrier ſuivant
, lefdites pieces demeureront reduites
fçavoir , celles de vingt fols à dix- fept fols,
& les Pieces de dix fols à huit fols fix deniers
, fur lequel pied elles auront cours
dans le Commerce & par tout ailleurs , jufqu'à
ce qu'autrement il en ait été ordonné.
Enjoint Sa Majesté aux Officiers des Cours
des Monnoyes , & aux Sieurs Intendans &
Commiffaires departis dans les Provinces
& Generalitez du Royaume , de tenir
la main à l'execution du prefent Arreft
qui fera lû , publié & affiché par tout où
befoin fera . Fait au Confeil d'Etat du Roy ,
Sa Majesté y étant , tenu à Paris le dixiéme
jour de Decembre mil fept cent
G iij
78
ހ
LE MERCURE
dix - neuf. Signé , PHELY PEAUX.
ARREST du Confeil d'Etat du Roy , du
douze Decembre 1719 , qui ordonne ,
Article I. Les Receveurs generaux des
Finances des vingt Generalitez des païs
d'election , & ceux des Provinces d'Alface,
Metz , Franche - Comté , Flandres , Haynaut
& Rouffillon , & les Receveurs des Tailles
& Particuliers des mêmes Païs & Provinces,
drefferont inceffamment , chacun en ce qui
les concerne , des états des Reſtes de toutes
les impofitions & réimpofitions dues par les
contribuables au 15 Octobre dernier fur les
années 1719 & precedentes : lefquels états
feront diftinguez par année d'exercice &
nature d'impofitions , & certifiez par lefdits
Receveurs , à peine du quadruple.
H. Seront compris dans les états que
fourniront les Receveurs des Tailles , les
reftes des impofitions dont le recouvrement
fe fait par des Prepofez à la nomination des
fieurs Intendans & Commiffiires départis i
dans les Provinces & Generalitez ; à l'effet
dequoy lefdits Prepofez leur en fourniront
des états certifiez veritables , à peine du quadruple
; & feront lefdits états annexez à ceux
des Receveurs des Tailles , pour leur fervit
de décharge en cette partie feulement.
III. Les états des Reftes feront vifez par
les fieurs Intendans , & il en fera fait trois
expeditions , l'une pour la Compagnie des
DE DECEMBRE. 79
Indes, l'autre pour les Receveurs Generaux ,
& la troifiéme pour les Receveurs des
Tailles.
IV. Le recouvrement des Reftes fera fait
par les Receveurs des Tailles , & par ceux
qui feront Prepofez aux Recettes generales
fur la nomination & prefentation de la Compagnie
des Indes , chacun en ce qui les concerne
, pour en compter à ladite Compagnie
en deniers , décharges , moderations , nonvaleurs
& cottes inexigibles .
V. Et attendu que les Receveurs generaux
des Finances , les Receveurs des Tailles &
autres Receveurs particuliers , compteront
en la forme ordinaire de toutes les impofitions
dont lefdits Reftes font partie , & des
charges affignées fur icelles , la Compagnie
des Indes comptera feulement au Confeil du
montant des Reftes : la recette de fon compte
fera établie fur les états des Reftes ; la dépense
fera compofée des fommes payées au Trefor
Royal fur le recouvrement defdits Reſtes ,
& il fera paffé en reprife les décharges
moderations , non - valeurs fur la Capitation
& Dixiéme , même les cottes inexigibles fur
la Taille , & ce fuivant les états qui en le
ront arrêtez par les fieurs Intendans & Commiffaires
départis. Ne pourra neanmoins ladite
Compagnie employer en dépenfes les
remifes & taxations qui lui feront dûës pour
le recouvrement des Reftes , dont il luy fera
G iiij
80 LE MERCURE
fait raison par les Receveurs generaux & particuliers
, lefquels en feront dépenfes dans
leurs comptes.
VI. Les fonds neceffaires aux Receveurs
generaux & particuliers pour acquitter les
charges affignées fur les Recettes generales,
& particulieres , même pour les parties revenantes
au Trefor Royal pour la prefente
année & les precedentes , feront pris fur les
deniers que lefdits Receveurs generaux &
particuliers fe trouveront avoir entre leurs
mains , provenans de leurs recouvremens ,
enfuite fur ceux des Reftes que la Compagnie
des Indes aura perçûs , & en cas d'infuftifance
fur les quinze cens millions que ladite Compagnie
s'eft engagée de prêter à Sa Majeſté.
VII. Il fera arrêté inceffamment au Confeil
des Eftats de finance pour toutes les années
où il n'en aura point été fait , jufques
& compris la preſente ; en conſequence def
quels les charges affignées fur les recettes
generales & particulieres feront acquittées ,
& neanmoins les parties prenantes qui auront
des railons pour eftre payées avant la
confection defdits états , fe pourvoiront pardevant
les fieurs le Pelletier de la Houffaye
Confeiller d'Etat ordinaire & au Confeil
Royal de Regence , d'Ormeffon , de Gaumont
& de Baudry Maîtres des Requêtes ,
& Dodun Prefident aux Enqueftes , tous
Confeillers au Confeil de Finances , que Sa
4
DE DECEMBRE. 81
Majefté a commis , pour eftre comprifes en
des états de diftribution provifionnels , fur
lefquels lefdites parties prenantes recevront
leur remboursement par les mains des Receveurs
generaux & particuliers , des deniers
qu'ils auront entre leurs mains provenans
des recouvremens par eux faits jufqu'au
15 Octobre dernier ; & après que les deniers
provenans defdits recouvremens auront
efté confommez, lefdits Receveurs generaux
& particuliers fourniront leurs recepiffez
fur le Caiffier de la Compagnie des Indes ,
lefquels feront vifez à Paris par l'un desdits
fieurs Commiffaires , & dans les Provinces
par les fieurs Intendans ou leurs Subdeleguez
, & payez comptant par les Commis
à ce prepofez par ladite Compagnie dans les
Chefs- lieux des Generalitez & Provinces.
VIII. Ordonne Sa Majesté que dans un
mois pour tout delay , du jour de la publi
cation du prefent Arreft , ceux qui auront
obtenu des décharges ou moderations de
Capitation , ou du Dixiéme , feront tenus
d'en rapporter les Ordonnances aux Receveurs
des Tailles & autres Prepofez aux recouvremens
defdites impofitions : faute de
quoy , & fans que la prefente difpofition
puiffe eftre reputée comminatoire , lesdites
Ordonnances feront de nul effet , & les rede--
vables contraints en vertu du prefent Arreſt,
au payement de la fomme totale à laquelle
82 LE MERCURE
ils auront efté impofez dans les rôles & états
de repartition contre lefquels ils s'étoient
pourvûs.
IX . Pour mettre les Receveurs generaux
en état d'acquitter la partie du Trefor Royal ,
& de fournir aux Receveurs particuliers leurs
quittances comptables pour la partie revenante
à la recette generale , lefdits Receveurs
generaux remettront à la Compagnie
des Indes leurs Recepiffez vilez de l'un deſdits
fieurs Commiffaires nommez par le pre
fent Arreft , jufqu'à concurrence du montant
des Reſtes dûs au 15 Octobre dernier ,
déduction faite des fommes qui auront eſté
tirées , tant par eux que par les Reveveurs
des Tailles pour le payement des Charges
affignées fur les recettes generales & particulieres
, fur lefquels Recepiffez la Compagnie
des Indes leur en fournira du Trefor
Royal à leur décharge , pour le parfait payement
de la partie qui y doit eftre remife ,
& en confequence les Receveurs generaux
délivreront aux Receveurs particuliers les
quittances comptables qui leur feront neceffaires
pour la partie de la recerte generale
, fur les reconnoiffances que les Receveurs
particuliers leur en donneront au
pied des copies des quittances comptal les.
X. Pour ce qui concerne les impofitions
dont les recouvremens auront été faits di
rectement par les Receveurs generaux,il leur
DE DECEMBRE. 83
fera delivré des Recepiffez du Trefor Royal
à leur décharge , jufqu'à concurrence des
Reftes qui en feront dûs , defquels Recepiffez
ils fourniront à la Compagnie des
Indes leurs reconnoiffances vifées par les
fieurs Intendans ; & à l'égard des impofitions
dont les receveurs des Tailles ne remettront
point les fonds aux recettes generales
, les Fermiers , Traitans , ou autres ayant
droit de les recevoir , feront tenus de rapporter
aux fieurs Commiffaires nommez par
le Prefent Arreft , leurs pieces & titres ,
pour eftre employés dans un état de diftribution
, en execution duquel ils feront payez
par les Receveurs des Tailles , ainſi qu'il a
été expliqué dans l'Article VII , du preſent
Arreft pour les parties prenantes.
XI. Les avances faites par la Compagnie
des Indes aux Receveurs generaux & particuliers
, outre & pardeffus les reftes dont
ladite Compagnie aura fait le recouvrement,
lui feront remboursées en Ordonnances de
comptant , pour valeur des Recepiffez donnez
par lefdits Receveurs generaux & particuliers
; & feront lefdites Ordonnances.
reçues au Trefor Royal , à valoir fur les
quinze cens millions que ladite Compagnie
s'eft engagée de prefer à Sa Majefté : &
pour l'execution au prefent Arreft feront
toutes Lettres neceffaires expediées. Fait
au Confeil d'Etat du Roy , Sa Majeſté y
1
$4
LE MERCURE
étant , tenu à Paris le douzième jour de
Decembre mil fept cent dix - neuf.
Signé , PHELYPEAUX .
ARREST du Confeil du 14 Decembre
1719 , par lequel Sa Majefté étant en fon
Confeil , de l'avis de Monfieur le Duc d'Orleans
Regent , a ordonné & ordonne , que les
Rentiers de l'Hôtel de Ville de Paris feront
tenus de recevoir avant le premier Janvier
1720 les fonds qui ont été remis aux Payeurs
depuis le premier Janvier dernier , pour
payer les rentes pendant la prefente année
1719 , faute de quoy & ledit temps paffé ,
fans efperance d'autre delay , tous les deniers
qui referont entre les mains defdits Payeurs ;
feront par eux portez au Trefor Royal , pour
eftre enfuite delivrez aux Rentiers, ainſi qu'il
fera ordonné par Sa Majefté : Et fera le
prefent Arrest lû , publié & affiché par tour
où befoin fera . Fait au Confeil d'Etat du
Roy , Sa Majefté y étant , tenu à Paris le
quatorziéme jour de Decembre mil fept cent
dix-neuf. Signé , PHELYPEAUX ,
ARREST du Confeil d'Etat du Roy ,
qui porte:
Article I. Que l'argent de Banque, fera
& demeurera fixé à cinq pour cent au deſſus
de la valeur de l'argent courant , auquel
prix il fera delivré des Billets de Banque ,
tant au Bureau general de Paris , que
dans les Bureaux particuliers établis dans
les Provinces , fauf aux Porteurs defdits
DE
85
DECEMBRE.
Billets , après que ceux de la Banque auront
efté diftribuez , à les negocier à tel plus
haut prix qu'ils jugeront à propos.
11. Veut Sa Majefté qu'à commencer du
jour de la publication du preſent Arreſt dans
la Ville de Paris , au premier Mars prochain
dans celles où il y a Hôtel des Monnoyes ,
& au premier Avril fuivant dans les autres
Villes & lieux de fon Royaume , les efpeces
d'Or & d'Argent , tant de la fabricatio.n
ordonnée par Edit du mois de May 1718 ,
que de celles du prefent mois de Decembre ,
ne puiffent eftre offertes ni reçûës dans les
payemens ; fçavoir , les efpeces d'Argent ,
que pour ceux au- deffous de dix livres , &
celles d'or que pour les payemens audeffous
de 300 liv. & que les payemens audeffus
defdites fommes foient faits en Billers
de Banque, à peine de confifcation du montant
des payemens , & de trois cens livres
d'amende contre les contrevenans.
III. Entend Sa Majefté que la Compagnie
des Indes payé en Billets de Banque le montant
des impofitions & droits dont elle
aura fait le recouvrement , & que pour les
payemens qu'elle fera en argent , & qui
proviendront des parties au- deffous de dix
livres en Argent , & de trois cens liv. en Or,
que les Commis & Prepofez auront reçûës ,
elle paye les cinq pour cent d'augmentation ;
Sa Majesté l'autorifant à recevoir les mêmes
cinq pour cent des debiteurs & contribuables,
86 LE MERCURE
fur les payemens au- deffous de dix livres
en Argent , & de trois cens livres en Or.
IV. Veut auffi Sa Majefté qu'à compter
du jour de la publication du preſent Arreft ,
les payemens des Lettres étrangeres foient
faits en Billets de Banque , & ce nonobſtant
l'Arreft du 27 May dernier , auquel Sa
Majefté a dérogé : Et pour l'execution du
prefent Arreft feront toutes Lettres neceffaires
expediées. Fait au Confeil d'Etat du
Roy , Sa Majefté y étant , tenu à Paris le
vingt- uniéme jour de Decembre mil fept
cent dix-neuf. Signé , PHELY PEAUX ,
•
AUTRE ARREST , par lequel Sa Majefté
étant en fon Confeil , de l'avis de
Monfieur le Duc d'Orleans Regent , a remis
& remet à fes Sujets des vingt Generalitez
des Pays d'Election , & des Provinces
d'Alface , Metz , Franche-Comté , Flandres
, Haynaut , & Rouffillon , les reftes des
impofitions de quelque nature qu'elles puif
fent efire , même de la Capitation & du
Dixième , anterieures à la prefente année
1719 , & pour leur procurer les moyens
d'acquitter leurs dettes , & de s'attacher de
de plus en plus à la culture des terres , Sa
Majefté declare qu'à commencer au premier
Juillet prochain , Elle leur prêtera fur les
biens- fonds qu'ils poffedent , à raifon de
deux pour cent par an , les fommes dont ils
auront befoin , par proportion à la valeur
DE DECEMBRE. 87
d'iceux ; à l'effet de quoy , & pour connoître
les hypoteques & affectations defdits
biens - fonds , il fera établi des Regiftres des
hypoteques dans les lieux & en la forme qui
feront expliquez par un Reglement particulier.
Et pour l'execution du preſent Arrest
feront toutes Lettres neceffaires expediées.
Fait au Confeil d'Etat du Roy , Sa Majeſté
y étant , tenu à Paris le vingt- uniéme jour
de Decembre 1719. Signé , PHELY PEAUX ,
L'ACTIONNAIRE BIGAME.
UN
AVANTURE.
Ne jeune Dame , veuve depuis deux
ans d'un homme d'épée , qui lui avoit
laiffé pour toute dot un nom fort connu
& beaucoup d'affaires , fut obligée d'abandonner
la Province & de venir à Paris ,
pour prevenir les pourfuites d'un procès dont
elle étoit menacée. Ce n'étoit pas une de
ces femmes qu'on pût dire regulierement
belle ; mais il y avoit & dans fon viſage &
dans les manieres , quelque chofe de ſi vif
& de fi piquant , que ces agrémens foûtenus
de beaucoup d'efprit , avoient de quoi
engager les plus infenfibles. Son , merite fit
bien- tôt l'effet qu'elle en avoit attendu,
On lui fit la cour avec empreffement ; &
ceux dont elle voulut bien recevoir les foins,
cherchoient avec plaifir les occafions de
88 LE MERCURE
·
l'obliger. Un jeune Marquis d'une Maifon
illuftre , fe diftingua entre tous les autres ,
par l'ardeur qu'il fit paroître à lui prouver
qu'il étoit véritablement dans fes interefts
. Comme il avoit de fort grandes Alliances
qui augmentoient encore fon credit ,
la jeune veuve fut bien aife de le menager.
Le Marquis étoit d'une figure à plaire
par-tout , & fe diftinguoit par une conduite
fi fage , & fi pleine de refpect , qu'on
ne pouvoit lui refufer fon eftime. Notre
veuve avoit trop d'efprit pour ne pas s'appercevoir
que les fentimens alloient à l'amour
, & qu'il feroit aifé de s'en faire aimer
avec excès , pour peu qu'elle voulût
y répondre ; mais le Marquis dépendoit
d'un pere fort riche , encore affez jeune ,
& en même temps fi avare , qu'à peine
pouvoit-il en tirer dequoi paroître dans le
monde fuivant fa condition . D'ailleurs , ce
pere étoit fi abfolu & fi entier dans fes
fentimens , que s'il l'avoit foupçonné de
penfer à difpofer de lui- même , il n'y a
point d'extremité à laquelle il ne fe fût
porté contre fon fils. La connoiffance que
la veuve eut de toutes ces circonſtances ,
l'obligea de refifter au penchant qui l'entraînoit
infenfiblement vers le Marquis.
·
Ainfi, dés que ce jeune Cavalier cornmençoit
à l'entretenir de ce qui fe pafloit dans
fon coeur , elle le prioit d'ouvrir les yeux
far
DE DECEMBRE. 89
fur l'inutilité de l'engagement qu'il vouloir
prendre , fans lequel il ne la trouveroit jamais
difpofée à l'écouter favorablement :
qu'il fit reflexion que dans la dépendance où
il vivoit , il ne pouvoit lui être permis
de s'abandonner à des fentimens qui convinffent
à une perfonne de fon caractere ;
& que de toutes les confiderations qui
pouvoient occafionner des liaiſons , aucune
ne pouvoit la faire manquer à tout ce qu'elle
fe devoit. Quelque plaifir même qu'elle eût
à le voir , elle pouffa fi loin fes fcrupules ,
qu'elle s'obftina à lui défendre des vifites
affidues , qui pouvoient porter atteinte à fa
reputation. Ce n'étoit pas fans fe faire violence
qu'elle lui faifoit cet aveu ; mais tout
ce que lui dictoit fon coeur , en s'y oppofant
, lui étoit fufpect , & le Marquis fur
enfin contraint de le foûmettre à un confeil
qui lui parut un commandement ; cependant
cet obftacle ne fit qu'irriter ſa paffa
fion. Comme elle lui avoit en quelque maniere
promis de la voir de tems en tems , it
ne reffentit de joye, que dans les heures qu'il
paffoit chez elle ; & comme il ne voyoit
aucun jour à obtenir de fon pere ce qu'il
en fouhaittoit fi ardemment , il fe contentoit
de l'affurer d'une amitié conftante &
éternelle , puifqu'il étoit affez malhûreux
de n'être point maître de fa deftinée . Cette
Veuve , qui fe felicitoit d'avoir amené le
H
90 LE MERCURE
"Marquis à fon but , fans l'avoir aliené d'elle,
ne fit point difficulté d'employer le credit
du Marquis , pour avoir un accés plus libre
auprés de fon Raporteur dont il étoit
proche parent : l'affaire dont il s'agiffoit étant
fort délicate , avoit befoin d'un homme vif,
judicieux & entendu , & qui fournît même
un peu aux frais du Palais. Or , ce point
étoit le plus effentiel. Notre Veuve ne fçavoit
à qui s'adreffer pour cela , lorfque le hazard
lui procura chez une de les amies la connoiffance
d'un Actionnaire, qui avoit fait une
trés groffe fortune dans l'Occident. La con
verfation roula à l'ordinaire fur les Actions, &
la Veuve parla enfuite de fon Procès . Nôtre
Miffiffipien parut s'y intereffer & lui fit offre
de fervice. La Dame de la maifon y joignit
encore fa recommandation qui étoit de trop;
car la Veuve avoit celle de fa beauté & de
fon merite ; ce qui fuffifoit pour l'Actionnaire.
Ayant obtenu permiffion de lui rendre
vifite , il en profita , & fous pretexte de
lui demander certains éclairciffemens , il fe
paffoit peu de jours , qu'il ne la vît ; & à
force de la voir , il en devint éperdument
amoureux. Le Solhciteur étoit un de ces
hommes polis , & aimables dont la converfation
étoit enjouée & amusante ; & elle
le devint encore dans la fuite bien davantage
pour la belle Plaideufe , par les douceurs
dont il affaifonnoit auprès d'elle fes
DE DECEMBRE. 91
difcours. Le befoin caufe fouvent de grandes
revolutions dans le coeur d'une jeune Veuve.
Les fecours obligeans qu'elle en recevoit
continûment , l'engagerent peu à peu à correfpondre
à un procedé fi noble & fi galant
, par tous les retours de complaifance ,
& par tous les égards qui ne commettoient
point fa vertu. Avec des manieres fi feduifantes
, elle ne fit qu'augmenter la palfion
de cet homme pour elle , & celle de
la fervir fans referve auprés de fes Juges :
en effet , il foûtint fi bien le droit de la
Veuve , malgré fon penchant pour la Ruë
Quincampoix , qu'il eut le plaifir de venir
lui annoncer
au moment qu'elle s'y at
tendoit le moins , le gain de fon Procès.
A peine fut- elle hors d'embaras , que le jeune
Marquis qui avoit joint fes follicitations
à celles de fon Rival , fans cependant le
croire tel , pria la Veuve de lui permettre
de faire un voyage auprés de fon pere ,
qui le preffoit depuis long - tems de fe rendre
auprés de lui . A cette déclaration , elle
parut d'abord émuë ; mais aprés un effort
qu'elle fit fur fon efprit , elle lui dit froidement
, qu'elle fouhaitoit pour fon repos &
fa tranquilité , que l'éloignement qu'il recherchait
, produisit l'effet qu'il en devoit
efperer. Ce reproche donna lieu au Marquis
de faire à la Veuve les plus tendres
& les plus fortes proteftations , en l'affûrant
Hij
92 LE MERCURE
d'une conftance à toute épreuve. ERfin
le Marquis partit , & fon départ apprit
à la Veuve qu'elle aimoit beaucoup
plus qu'elle ne fe l'étoit imaginée. Quoi
qu'un doux penchant l'entraînât vers le
Marquis , & que fon coeur en fouffrît de
l'alteration , elle crut comprendre que ne
pouvant en faire fon mari , cette feparation
lui rendroit dans peu fa première tranquilité.
Pour plus grande précaution , elle
avoit défendu au Marquis de lui écrire ,
aprehendant le poiſon caché que ces fortes
de billets infinuent ordinairement dans un
coeur que l'amour a commencé de bleffer.
Nôtre riche Miffiffipien , qui continuoit
d'avoir un libre accés chez la Veuve , &
qui en étoit toûjours bien reçû , découvroit
de jour en jour de nouveaux charmes en
elle : ils furent fi puiffans , que ne pouvant
plus y refifter , il refolut de lui faire une
déclaration de mariage. Avant que d'en venir
à cette démarche , il auroit bien voulu
tenter la Dame par quelque autre endroit ;
mais la fageffe de cette aimable Veuve lui
étoit trop connuë ,, ppoouurr ofer rien rifquer.
Aprés bien des détours en pareille occafion,
nôtre Millionaire lui propofa de l'époufer.
Cette propofition la jetta d'abord dans
quelque embaras, D'un côté , elle confideroit
que cet homme , outre fes grands biens ,
étoit d'un caractere qui convenoit affez au
DE DECEMBRE. 93
fien , ce qui ne fe trouvoit que trés rarement
reüni dans les mariages : d'une autre
côté , être la femme d'un Roturier aptés
avoir été celle d'un Officier diftingué , qui
lui avoit laiffé un rang dans le monde , cette
feconde reflexion étoit accablante .
Combattuë par ces divers intereſts , elle
demanda un peu de tems pour reflechir ,
& pour fe determiner fur une affaire qui
devoit influer fi fort fur le bonheur ou le
malheur defa vie. L'incertitude où elle mit
nôtre Actionnaire , ne fervit qu'à l'enflamer
davantage , & à la preffer de plus en plus
de lui dire fans feinte quelle pouvoit être
la caufe de fon irrefolution. Après bien des
inftances , elle lui avoua ingenûment , que
portant un nom rendu illuftre par un grand
nombre d'actions éclatantes , elle avoit
peine à y renoncer pour prendre le fien.
Le Miffiffipien qui ne s'attendoit pas à cette
forte de delicateffe , en fut allarmé. Il ne
voulut pas cependant donner le tems à eetre
chimere de fe fortifier ; il chercha à l'eluder
en homme d'efprit, en convenant qu'elle
pouvoit avoir raifon à cet égard , mais que ce
motifpouvoit aufli être balancé par tant d'autres
confiderations , qu'il la croyoit trop raifonnable
, pour ne pas autorifer fa recherche
fur les avantages réels qu'elle trouveroit en
lui donnant la main . Que d'ailleurs , comme
il ne vouloit la defobliger en rien , elle
24 LE MERCURE
étoit la maîtreffe de garder un nom qui
lui étoit fi cher ; que pour cet effet il n'y
avoit qu'à tenir dans le fecret leur mariage :
qu'il ne feroit pas même difficulté de lui
avouer qu'il avoit des raiſons d'intereſts ,
pour fouhaiter qu'il ne fût pas revelé fitôt ,
à ciufe d'une groffe fucceffion dont il feroit
fruftré fi on le fçavoit engagé. Il adjouta
à ces raifons qu'ils n'en vivroient que plus
heureux & plus contens ; puifque leur amour
ayant toûjours un air de miſtere , n'en auroit
que plus d'agrément dans la fuite.
Aprés quelques autres raifonnemens de la
forte , la Veuve s'accommoda du parti.
L'abſence du Marquis dont elle n'avoit plus
rien à eſperer , ne contribua pas peu à la
determiner , & fon coeur lui parut affez
libre , pour ne plus differer à partager la
fortune du Miffiffipien en lui donnant la
main. Il fut enfin conclu ce mariage , mais
fi fecretement , qu'exceptez les témoins neceffaires
, perfonne n'en eut le moindre foupçon.
Nos nouveaux mariez étoient même
convenus de retrancher les vifites frequentes
qu'ils fe rendoient avant leur union . ils
étoient contens. L'amour étoit genereufement
payé . Ils fe mettoient à couvert de
tous les contes aufquels ils feroient expofez
fans cette précaution , & ils évitoient
les dégoûts que ne manque jamais de
caufer aux gens mariez la neceffité de fe
voir fans ceffe. Deux mois fe pafferent de
DE DECEMb'r e . 99
la forte avec une égale fatisfaction de part
& d'autre. A peine ce terme fut - il expiré ,
que nôtre Merle commença à devenir rêyeur
& chagrin. Un changement fi prompt
engagea la Dame à lui en faire quelques re
proches elle lui fit entendre qu'elle apprehendoit
que ce ne fût un effet du mariage
, qui occafionne fouvent à ne pas
eftimer , autant qu'on le devroit , ce qu'on
eft affùré de ne point perdre. L'Actionnaire
feignant d'avoir des fentimens plus nobles
& plus relevés , rejettoit fa revêrie fur les
variations du papier , qui l'inquiettoient plus
par rapport à elle , que par rapport à luimême.
Il eut beau s'étudier pour fe contenir
, fon vifage , fa démarche , & fa diftraction
, furent des preuves plus que fuffifantes
de la melancolie qui lui rongeoit le
coeur. Dans une fituation fi peu attendue ,
la Dame commença à fe chagriner de fon
côté , & à regretter fon état de Veuve , quel
que avantage qui lui en revînt par le mariage
qu'elle venoit de contracter. De plus ,
un relte de tendreffe pour le jeune Marquis
, achevoit de la deconcerter : mais, ſi jamais
elle eut fujet d'en concevoir un veritable
repentir , ce fut un jour , qu'abandonnée
feule dans fa chambre aux fuites fâcheufes
d'un pareil hymenée elle vit tout à
coup,fans en avoir été avertie , entrer le jeune
Marquis avec une joye inexprimable de la
96 LE MERCURE
revoir. Son habillement la frapa d'abord ;
il portoit le deuil de fon pere qui étoit mort
en quatre jours ; & il n'étoit revenu que
pour lui offrir fa fortune qui étoit trés - confiderable.
Quel étrange contre- temps pour
une perfonne mécontente ! Heureufe qu'elle
auroit été toute la vie , en époufant le Marquis
, elle fe voyoit au contraire condamnée
à couler fes jours avec un homme qui fe
croyoit malheureux. Comme elle n'avoit
aucune bonne raiſon qui pût juftifier le refus
qu'elle venoit de faire en quelque maniere
du Marquis , elle fe contenta de lui
reprefenter que le mariage étoit une affaire
trop delicate , pour s'y engager fi legerement::
qu'il agiffoit en jeune homme rempli d'une
paffion aveugle : qu'il etoit bon qu'il examinât
mûrement cet engagement, avant que
de s'y embaquer : qu'il falloit prévenir tous
les fujets de repentir que caufe fouvent un
mariage prematuré qu'enfin , pour lui
prouver combien elle l'eftimoit & l'aimoit
elle ne pouvoit lui en donner des marques
plus certaines , qu'en lui conſeillant
de s'éprouver encore quelques mois fur l'amour
qu'il difoit reffentir pour elle : que
s'il fubfiftoit pour lors , elle feroit plus
hardie à fe déterminer. Le Marquis
aprés l'avoir écoutée avec émotion , entrè
prit de lui perfuader qu'il étoit incapable
de changement ; que fon amour ne finiroie
:
qu'aveci
DE DECEMBRE. 97
qu'avec la vie ; que tout autre que lui regarderoit
ce delai comme une injure, & qu'il
ne pouvoit s'imaginer qu'elle lui parlât fincerement.
En vain la tenta- t- il par toutes
fortes d'endroits , pour avancer fon bonheur
, il ne lui fut pas poffible de la faire
changer de fentiment : il fe fepara d'elle , &
après bien des larmes répandues , il courut
en amant defefperé chez l'Actionnaire qu'il
fçavoit être toûjours des amis de la Dame
depuis le jugement du procès. Il lui fit part
de l'arreft cruel qu'elle venoit de prononcer
contre lui ; qu'il avoit recours à fes bontés
pour le conjurer de fléchir la veuve en fa
faveur , & d'avoir pitié de l'état violent
dans lequel elle l'avoit réduit. Notre
homme parut entrer dans fes peines
& Paffûra dans des termes les plus polis &.
les plus gracieux , que rien au monde ne
le touchoit plus fenfiblement , que de le
voir dans de pareils fentimens , & qu'il
appuyeroit volontiers fa recherche auprèsde
la belle veuve . Au milieu de ces agitations
, la Dame reffentoit une double affli-
&tion , foit par le refroidiffement qu'elle
éprouvoit de plus en plus de la part de fon
mary , foit par l'impoflibilité où elle fe
trouvoit de pouvoir remplir les voeux ardens
du Marquis & les fiens : Il n'en étoit
pas cependant moins affidu chez elle ; &
comme les vies de ce jeune Cavalier ne
I
,
98 LE MERCURE
tendoient qu'au mariage , il n'en faifoit .
aucun fecret à fes amis , fans taire toutes
les difficultez que prétextoit la veuve pour
en éloigner la conclufion. Tous ceux de la
Dame qui connoiffoient le merite & le
bien du jeune Cavalier, condamnoient hautement
fa refiſtance à refufer un parti fi
avantageux : ils la blâmoient mal à propos,
puifqu'ils ignoroient les refforts fecrets qui
la faifoient agir fi fort , en apparence , contre
fes veritables interefts . Il étoit de la prudence
de la Dame de les écouter , fans ofer
fe deffendre ; mais , ce n'étoit pas là fon
moindre embarras. Ce qui excitoit davan
tage fa furpriſe, c'eft lorfqu'elle fe plaignoit
par bienfeance à fon mari des affiduités trop
frequentes du Marquis, & qu'elle lui témoignoit
que ce feroit lui faire plaifir de les interrompre
; il la prioit avec inftance de ne
s'en point allarmer , que fa vertu la garantiffoit
de tout foupçon injurieux , & que fi
c'étoit par confideration pour lui qu'elle prît
ces précautions , il pouvoit l'affurer qu'elle.
n'avoit point à apprehender qu'il en conçût
jamais aucune jaloufie , & qu'il lui confeilloit
même de recevoir le Marquis chez
elle à fon ordinaire . Les chofes étoient en
cet état , lorfqu'un mary fi complaifant fur;
attaqué d'une petite verole, Les accès en
furent très violens , & le reduifirent bientôt
à l'extremité , les Medecins même en
DE DECEMBRE.' 29
defefpererent. Dès qu'il fe fentit malade ,
il écrivit un billet à la Dame , par lequel il
lui enjoignoit expreffément de s'abstenir
de le venir voir , à cauſe du rifque qu'il y
avoit pour fa fanté. Elle fut docile les 4 ou
5 premiers jours ; mais fitoft qu'elle fçut
qu'il y avoit du danger , elle ne balança pás
à fe rendre chez fon époux pour s'enfermer
avec lui . On l'annonça au malade , qui défendit
abfolument qu'on la laiffât entrer :
elle infifta fortement , & voulant uſer des
droits qu'elle prétendoit avoir ; elle menaça
ceux qui avoient la garde du malade d'appeller
un Commiffaire pour les forcer à oùvrir.
Peu s'en fallut que dans ce premier
moment de vivacité , elle ne gardât plus de
mefure , & ne fit plus de miftere de fon
mariage. Ce fecret fi important alloit même
lui échaper , lorfqu'au vacarme qu'elle caufoit
, un ami du Miffiffipien qui s'étoit enfermé
avec lui , fortit heureufement pour
tâcher de la calmer.Cette Dame le reconnut
auffi-tôt , pour avoir été un des témoins de
leur union : & fe récriant fur l'injuſtice
qu'on lui faifoit , elle s'emporta en femme
irritée contre lui , de ce qu'on vouloit l'empêcher
de voir fon mary , & de l'affifter de
fes foins. Le pauvre homme eut beau lui
reprefenter que l'on ne s'étoit oppofé à fes
volontés que par le vif intereft que l'on
prenoit à la fanté , & pour la preferver d'un
I ij
335117
100 LE MERCURE
mauvais air qui pouvoit lui être contagieux ,
& que d'ailleurs on avoit eu toute l'attention
poffible à lui procurer toutes fortes de
fecours. Malgré ces raifons , elle perfifta
dans fon premier fentiment. Cette opiniâtreté
de la part de la Dame jetta notre homme
dans un extrême embarras . D'un côté
il avoit des ordres précis & abfolus de ne
la point introduire . De l'autre , il craignoit
l'éclat qui s'enfuivroit s'il ne la fatisfaifoit
promtement. Lui ſeul étoit inftruit à fonds
des motifs preffans qui obligeoient l'Actionnaire
à éviter ces deux extremités ; comment
cependant fe tirer d'un pas fi gliffant ?
l'expedient qui lui fembla le plus fûr, fut
de fupplier la Dame de lui permettre de
rentrer pour un moment , & qu'il eſperoit
qu'elle auroit bientoft fatisfaction entiere.
Notre confident après avoir confulté quelque
temps avec le malade , revint trouver
la Dame avec un porte-feüille à la main .
Il lui dit que fon mary perfeveroit conftamment
dans la reſolution de ne la point expofer
à une vûë fi defagreable que la fienne,
ni au péril de lui communiquer fon mal ..
Et une preuve , Madame , ajoûta cet ami ,
de toute la confideration & de la fincere
amitié qu'il a pour vous ; voilà cent mille
écus en Billets de Banque , qu'il m'a remis
pour vous confirmer l'une & l'autre . A cette
vue la Dame je radoucit , car il eſt à pré
DE DECEMBRE. 101
pour celle du
fumer qu'elle apprehendoit du moins autant
pour la perte du porte- feuille , que
celle du mary. Elle joüa encore quel
que inftant le rôle de femme fâchée &
affligée : quelques foupirs accompagnés de
larmes , finirent enfin cette 1cene. Elle fit
promettre au confident de lui envoyer fouvent
des nouvelles de l'état de la fanté de
fon époux ; après quoy elle retourna chez
elle fort confolée.
La poffeffion de ces Billets ne laiffa que
de la reconnoiffance dans fon coeur ; toute
fa tendreffe fut pour eux & non pour le
mary. De plus , on fçait qu'elle n'avoit
pas lieu d'être contente de fes manieres ;
mais ce qui acheva de lui effuyer fes pleurs,.
c'eft que ne doutant nullement que mort
ne s'enfuivit dans peu , fur le rapport d'un
tres-habile Medecin qui le traitoit , elle fe
voyoit en état par là de tenir fa parole au
jeune Marquis : Elle fçut même fi bien fe
déguiſer à fes yeux , qu'il ne s'apperçut
d'aucune alteration dans fon vilage ; il
crut même y remarquer une certaine ferenité
qu'il regardoit comme un heureux
préfage pour lui. En effet , depuis ce jour
les égards de la veuve pour ce Cavalier
augmenterent à proportion qu'elle appre
noit que fon malade baiffoit : & elle douta
fi peu qu'il n'en mourût , que fans attendre
le decès elle prefcrivit au Marquis le terme
I iij
102 LE MERCURE
d'un mois pour s'époufer. Après ces affurances
, nos deux futurs ne penferent plus
qu'aux préparatifs pour ce jour bienheu
reux ; toilettes , habits , caroffes , enfin tout
l'équipage des nôces furent commandés .
Mais, projets conçus anffi- tôt qu'évanouis !
L'Actionnaire en rapella contre la décifion
des Medecins. Quel contre-temps fâcheux
! Et dans quelles nouvelles agitations
fon ame ne fut - elle pas replongée ? par
ce contre- coup , elle le voioit reduite non
feulement dans l'impoffibilité de pouvoir
tenir la parole qu'elle avoit donnée au Mar
quis , qu'elle aimoit ; mais obligée de traîner
une vie languiffante & pleine d'amertume
avec un homme qu'elle ne pouvoit
plus eftimer. Elle fe livra pour lors à la
plus vive douleur... Dans une fituation fi
trifte , & dechirée par les remords les plus
cuifans , fon defefpoir la confeilla tout à
coup de déceler au Marquis l'état déploplorable
dans lequel elle s'étoit jettée en
époufant l'Actionaire ; & après cet aveu, de
fe retirer dans une retraite éternelle . Si fon
amant fût furvenu dans ces circonstances ,
tout étoit dévoilé , & ils fe rendoient malheureux
pour toûjours. Heureufement pour
l'un & pour l'autre , la fortune repara en
un moment tout le défordre que le rétabliffement
de la fanté du . Miffiffipien avoit
DE DECEMBRE. 103
caufé ; & ce rétabliffement que cette Dame
enviſageoit , comme le plus affreux des
malheurs , contribua au contraire à mettre
le comble à fes defirs & à ceux du Marquis.
L'heure approchoit que ce dernier venoit
regulierement voir fa charmante veave,
qui étoit , comme nous l'avons dit , dans
la refolution de ne lui rien cacher de fon
mariage avec l'Actionnaire ; lorfque le même
homme qui lui avoit donné le portefeuille,
fe fit anoncer , & entra avec un air
fombre , embaraffé & chagrin .... Quelle
nouvelle m'apportez - vous , Monfieur , dit
la Dame ? à juger par l'abbatement de vôtre
vifage , il fembleroit que mon mari eſt
retombé. Qu'en est - il ? tirés - moi , je vous
prie , au plûtôt d'inquietude.... Non ,
Madame , reprit le Confident ; il eft parfaitement
gueri : mais , quoique fa fanté me
touche autant qu'à vous , je vous avouerai
neanmoins que la mort lui auroit peutêtre
fait plus de plaifir que la vie.....
Oui , Madame , aprés ce qu'il m'a revelé,
il doit s'eftimer l'homme du monde le
plus à plaindre..... Par ce debut la Dame
fe perfuadant qu'il avoit apparemment
decouvert toute fon intrigue avec le
Marquis , l'interrompit brufquement....
Eh bien, Monfieur , puifque vous me forcez
à parler fur une matiere fi delicatte & fi trifte
pour moi , ne dois - je pas me conſiderer
I iiij
104 LE MERCURE
comme la plus infortunée des femmes ? Aprés
ce qui s'eft paffé , je croiois rencontrer , en
époufant vôtre ami , un homme qui devoit
au moins reparer par fes bonnes manieres
en mon endroit , le defaut de fa naiffance
: je trouve au contraire un mari froid ,
réveur , & fur la phifionomie duquel étoit
peint le repentir de m'avoir choifi pour fa
femme. Apprennez , Monfieur , que c'eft la
gratitude feule,& non aucune tendreffe pour
lui , qui m'a engagé à lui donner la main .
Il m'a fait à la verité quelque avantage
par fon Contrat de mariage , en ai -je joui ?
Vous le fçavez , quelle vie obfcure & con.
trainte n'ai- je pas menée depuis fix mois que
nous fommes enfemble , ou plûtôt que nous
n'y fommes pas ? Aprés une telle conduite
de la part , qu'a- t-il à me reprocher ? Eh
bien ! quand fur la foy des Médecins & des
fujets fans nombre de mécontentemens , qu'il
eft inutile de retracer , j'aurois .... Elle alloit
trancher le mot , été tentée d'époufer le
Marquis , lorfque notre confident lui coupa
Ja parole , & ne lui donna pas le tems d'achever.
Je conviens , Madame , qu'il eſt
plus encore dans fon tort que vous ne vous
l'imaginez J'entre infiniment plus que
vous ne penfez dans toutes vos peines , &
je voudrois pouvoir vous les rendre plus
fuportables ; il ne tiendroit cependant qu'à
vous de faire changer votre fort ... Eh.
la
DE DECEMBRE. 105
comment ce miracle eft- il-faiſable , repliqua
la Dame ? En reprenant votre titre de veuve
, ajouta le confident ; je fuis le maître
de vous le rendre ce titre avec fes droits :
en un mot , vous pouvez aujourd'huy devenir
votre maîtreffe , & n'être plus la
femme de mon amy... Volontiers , reprit
la Dame , parlez fans crainte , M. développez
moy, fans me faire languir, cet énigme,
& comptez fur une docilité parfaite de ma
párt... Après cette affurance , Madame ,
je ne dois plus apprehender d'éclaircir ce
furprenant myftere. Scachez que celui que
vous avez regardé jufqu'à preſent fur le
pied d'époux , ne l'eft pas , & n'a pû le
devenir , puifqu'un autre mariage a precedé
le vôtre , & que la femme eft vivante....
Que m'apprenez- vous Monfieur ?
s'écria-t-elle , quelle affreufe & quelle infigne
perfidie ! j'en mourrai ! puis - je furvivre
après ce cruel affront ! Grand Dieu !
c'eft trop me punir à la fois. Eft-il poffible
M. que vous ayez eu la barbarie de me
tirer de mon erreur ? Mais , que dis- je, vous
êtes encore cent fois plus fcelerat que lui.
Quoi ! vous le fçaviés marié , & vous avés
eu la noirceur de prêter votre lâche miniftere
pour lui fervir de témoin à me tromper
& a me deshonorer .... Vous ne vous
en tenez pas , Madame , à ce que vous
m'aviez promis , reprit froidement le confi
706 LE MERCURE
.
dent , j'excufe neanmoins vos juſtes tranfports
; & vos reproches ne font que trop
bien fondez à l'égard de votre prétendu
mary ; mais ne m'imputez pas un crime
que j'aurois été incapable de partager . Il
ne m'a fait confidence de fon indigne procedé,
que depuis le jour qu'il s'eft crû en
danger. J'ignorois entierement fon premier
engagement : Ceci doit me juftifier dans votre
elprit , & m'épargner des epithetes qui
ne me conviennent pas. Je ne remplis ici que
le devoir de mediateur . Je veux empêcher
un éclat qui , en perdant cet homme , retomberoit
cruellement fur vous... & comment
, ajoûta-t-il, pouvois- je être inſtruit
qu'il eût époufé precedemment une autre
-femme que vous ? il eft né dans une des extremitez
du Royaume ; je ne le connois que
depuis qu'il eft à Paris . Ce n'eft qu'à la vûë
du péril éminent qui le menaçoit, que fa confcience
l'a forcé de me faire le dépofitaire de
la trahifon qu'il a commife envers uneDamet
qui ne meritoit pas d'être la victime de fa
criminelle paffion. Vous ferez peut être curieufe
de fçavoir les motifs qui l'ont obligé
d'abandonner la Province & fa femme :
voilà en peu de mots ce qu'il m'en a appris ...
Mon premier malheur , me dit-il , vient de
mon ambition : comme j'étois fans naiffance
, quoi qu'avec une fortune affez paffable
pour la Province , je me mis en tête de
'illuftrer en époufant une jeune DemoiDE
DECEMBRE. 107
felle , fille d'un Gentilhomme de Bearn :
elle avoit de la beauté , de l'agrément , &
ce fut là toute fa dot ; elle m'avoit féduit
enfin , & j'ofai l'époufer avec de fi mauvais
garants Je ne fus pas long- temps fans me
repentir de mon imprudence : coquette ,
joueule , diffipatrice , emportée , capricieufe
; & pire que tout cela , me reprochant
fans ceffe l'obfcurité du lieu d'où je fortois
& ne me citant telle étoit
que fes ayeux :
ma femme. Avec un caractere fi oppofé au
mien , je prévis qu'il ne me feroit pas poffible
de continuer à vivre avec une pareille
furie. Je ne penfay plus alors qu'à m'en feparer
, & à m'éloigner d'une demeure fi
empoifonnée pour moy. J'avois eu ſoin de
ramaffer un nombre de Billets d'Etat que
j'avois acheté au tiers de la fomme qu'ils
portoient. Avec ces papiers & quelque argent
comptant , je partis à l'infçu de mon
époufe : je n'avois fait part de mon deffein
qu'à deux intimes amis , fur la difcretion
defquels je pouvois compter. Je les avois
même prié de répandre dans la Ville que
j'étois paffé en Efpagne ; & pour mieux.
confirmer ce bruit , je leur avois laiffé plufieurs
lettres dattées de Madrid , qu'ils montrerent
un mois après mon départ, & quand
ils le jugerent à propos. Cette précaution
m'étoit neceffaire pour donner le change à
mon demon domestique , qui n'auroit pas
108 LE MERCURE
manqué de me venir trouver en quelque
lieu de France que je me fuffe retiré , fi elle
n'avoit été perfuadée que j'étois dans un
Pais étranger. J'arrivay à bon port à Paris ,
& fous un autre nom que le mien , précifément
dans le temps que la Compagnie du
Milliffipi , aujourd'hui la Compagnie des
Indes , recevoit des foufcriptions en Billets
d'Etat. J'y plaçay tous ceux que j'avois ap
portés, qui m'ont produit par la fuite quelques
millions. Voilà au jufte , Madame , ce
qu'il m'a confié. Vous fçavez le refte ; il
vous vit ; il vous adora , & perdant alors
toute efperance de vous poffeder autrement
que par le Sacrement , il en a fait le mauvais
ufage qui eft la fource aujourd'hui des
malheurs de l'un & de l'autre . Convenés
cependant , Madame , que fon fort eſt encore
plus déplorable que le vôtre. Il n'eft
pas le maître de fe défaire de fa femme ,
comme il vous cft libre de n'être plus la fienne.
Cependant il vous craint encore plus que
la premiere. Si, pour vous pacifier il ne faut
que de l'argent , il facrifiera tout pour y
parvenir. Vous avez entre les mains cent
mille écus , il vous en offre encore autant ,
à condition que vous garderez un profond
filence fur cet évenement. Parlez, Madame,
de votre decifion dèpend votre bonheur ou
votre malheur commun ; car demain matin
il ne fera peut- être plus tems , puifqu'il
DE DECEMBRE. 109
eft dans la refolution de fortir de France
avec tous les effets .
La Dame , qui pendant tout ce recit avoit
feint une veritable douleur , accompagnée
de larmes & de fanglots , fembla reprendre
fes efprits : une joie fecrete qu'elle éprouvoit
dans l'ame , ne lui permit pas de s'évaporer
en nouvelles injures. Les deux cens
mille écus qu'elle gagnoit par là , avec fon
cher Marquis , & plus que tout cela , le
plaifir de le voir délivrée des chaînes in-
Lupportables qui la lioient à l'Actionnaire,
lui firent prendre un ton plus humain . Elle
auroit pu à la verité exiger encore une
fomme plus confiderable que celle qu'on
lui prefentoit , & ç'avoit été , d'abord
fon intention ; mais ce que venoit de
lui dire le confident des mefures concertées
par le Bigâme , pour le mettre à couvert
des pourfuites de la Juftice , la détourna
de ce deffein. Elle accepta en femme
adroite le parti avantageux qu'on lui
offroit. L'ami auffi charmé que la veuve du
fuccès de la negociation , lui- compta les
trois cens mille livres dont on etoit convenu
; après quoi on fe fepara avec un
ègal contentement,
A peine une affaire fi épineuſe étoit elle
terminée , que le jeune Marquis entra ; il
fut reçu encore mieux qu'il ne l'avoit été
auparavant . La Dame qui s'étoit défendue
710 LE MERCURE
jufqu'à lors d'en recevoir aucun falut , ne
fut pas fachée qu'il ufât de cette liberté.:
Comme tous les empêchemens ceffoient
par l'accord qui venoit d'être cimenté ;
elle fut la premiere à preffer fon futur de
faire dreffer leur Contract ; elle avoit plus
d'une raiſon pour ne plus differer . Les
articles furent fignez le foir même , & trois
jours après , le mariage qui avoit toûjours
été le terme de leurs defirs , fut accompli
P. S. On apprend dans le moment que
la femme de Bearn ayant deterré fon mary,
eſt venue ſe camper chez lui pour l'enterrer
tout à fait.
177
Souhait d'un Poëte pour avoir des Actions.
Nouveau papier de l'Occident ,
Enfant d'unfago miniftere ,
Venés au jour ; on vous attend
Comme notre Ange tutelaire.
Heureux , ainfi que vôtre frere ,
Voas faites fortune en naiſſant s
Vous gagnerez mille pour cent ,
Au gré de vôtre illuftre pere :
Auprés de vous plein de talens ,
Merite n'est plus que chimere ,
Et ne gagneroit pas en mille ans
Ainfi que vous l'ailez faire .
Efprit , fçavoir , bon jugement ,
Comme on fait , ne rapporte gueres. ;
Il n'eft qu'être Adionaire;
1
DE DECEMBRE. 141
On yfait fortune en dormant ,
Sans être propre qu'à rien faire ,
On s'agrandit , & l'on profpere.
Les ris , les jeux à tout moment
Bercent votre Proprietaire .
Pour lui Venus & fon Enfant
N'ont point de trait qui foit fevere.
Que vous feriés bien mon affaire ,
Nouveau papier de l'Occident !
Pour vous acquerir , comment faire ?
N'est-ce point en me foumettant.
A ce prix venez à l'instant.
De Soumiffions je fais lutiere;
Mais , s'il faut de l'argent comptant ',
Adieu papier de l'Occident :
·2
Qu'un autre que moy vous acquiere i
Car je n'ai pas denier vaillant.
Sur mon pupitre rimaillant ,
Je n'ai gagné rente , ni terre ;
A rimer le profit n'est grand,
Témoin mon corps , comme le verre
Devenu frefle transparent.
Devant moi fo tune legere
Fuit auffi vite que le vent.
Ce feroit un beau coup à faire
Que vùider nôtre different ;
Mais belas je le defefpere ,
Si Lavu un jour ne l'entreprend.
Stances Bachiques.
DEsplus riantesfleurs venez ceindre ma tête ,
Hola ! qu'on m'apporte du Vin !
De l'aimable Cloris je célebre la Fête ,
búvons , amis , buvons fans fin.
Faifons , le verre en main , un éloge fincére
Defes charmes , de fes attraits !
La verite toujoursfe trouve aufond du verre ;
112 LE MERCURE
Les Búveurs ne mententjamais .
Que lefeul Dieu du vin échauffe nôtre veine !
Les Vers que dictent fes fureurs`,
N'en cedent rien à ceux qu'aux bords de l'Hippocréne
Apollon infpire aux neuf Soeurs.
Quelle Bachique ardeur en ce moment mefreſſe !
Un délire heureux me féduit ;
Cloris vient , je la vois ; qu'une agréab e`yvreſſe
Célébre le jour qui nous luit !
4
Confiderés , amis , à travers ce Bourgogne
Cet air, ce regard gratieux !
Qu'ony boive, verfez; qu'il eft doux d'etre yvrogne
Quand on boit à de fi beaux yeux !
Leur éclat à l'égal de la liqueur divine
Sçait trouver le chemin du coeur :
Si le vin peut chaffer l'ennuy qui le domine ,
Ses yeux en chaffent la froideur.
Qu'on ornefon bouquet de pampre & de lierre ,
Arbres confacrés à Bacchus !
Qu'on y méle le mirthe & l'utilefougere
Aux bons Bûveurs comme à Venus !
Bûvons à fes appas ; que le Dieu de la treille
Fafle couler fes jours heureux !
Dans cent ans , chers amis , qu'en vuidant la
bouteille
Elle aitencore part à nos voeux .
EPITRE
DE DECEMBRE.
113
EPITRE
à Mademoiselle Chaftean , Peintre de
Portraits en Mignature .
Et
Par M. le Camus.
ftimable Chasteau , rare & parfaite amie,
Vous feule réveillés une Mufe endormie ;
De ma Lyre aujourd'hui vous ranimés les fons.
Mais je ne fisjamais que de foibles chansons ;
Et d'Auteur déclaré redoutant le vain titre ,
Mon orgueil a'alla'pas jufqu'àfaire une Epitre:
Foferai cependant , quelque foit mafrayeur ,
Rendre hommage au talent dont vous faites l'honneur.
Chafteau , qui , miexx que vous, en connoît l'excellence
?
On fait que vous joignés l'exacte reſſemblance
A l'art ingenieux du plus docte pinceau ,
Et que cet Art en vous formé dés le berceau ,
Fut le don prérieux d'une merefçavante ,
Qui l'emporta toujoursfur tout ce qu'on nous vante.
Verries- vous les travaux avec des yeux jaloux ?
Vous , dont la main centfois les a furpaffés tous
De tant d'amans, heureux les vivantes images
Ont en votrefaveur emporté les fuffrages .
Je vous vois de l'amour partager les autels ;
Vous faites avec lui le bonheur aes mortels ;
Votre aimable fecours , votre fçavoir fuprême ,
Fait que l'on eft fans ceffe avec l'objet qu'on aime
Parlés ! combien de fois de l'empire amoureux
Avés- vous adouci les tourmens rigoureux ?
Et corrigeant l'horreur d'une trop longue abfence
Soutenu dans un coeur l'amour & la conftance ?
Combien defois auffi par un crime innocent ,
K
114 MERCURE LE
•
Avés-vous d'un Iphis fçu faire un inconftant ?
Damon qui croit qu'Iris n'aura point de pareille ,
Dans un Portrait fini trouve une autre merveille ;
· Etfes regards féduits par des traits imités ,
Lui font , pour l'aimer trop , mille infidelités.
Il y voit cet air doux , ce tendre caractere ,
Cefront poli , ce nés , & ces yeux faitspour plaire ;
Cette bouche où l'amour fe trouve refferré ,
Ces cheveux d'un beau noir ajuftés àſon gré,
Ce coloris charmant , cette blancheur parfaite ;
Enfin , tel eft l'excés oùfon erreur lejette ,
Quepour trop s'occuper d'un spectacle fi doux ,
Il ne fe fouvient plus d'un tendre rendés -vous :
Ce bien trompeur nourrit & fatisfait fa flamme ;
lly voit de l'efprit , ily trouve de l'ame :
Cette Iris à fesyeux n'a rien de different.
Tel eft le rare effet de vôtre heureux talent ,
Chafteau ; mais en loüant vôtre Pinceau fidelle ,
Puis -je , fans trop ofer , porter plus loin mon zele ,
Et célébrant ici vos rares qualités ,
Vous dire , malgré vous d'aimables verités ?
Depuis l'instant heureux que l'amitié nous lie ,
Cette fage union ne s'est point affoible ;
Et mes efprits pour vous juftement prévenus ,
M'ontfait depuis long temps admirer vos vertus :
Il n'en eft point, Chafteau , dont le Ciel ne vous pare,
Ce n'eft point de l'encens qu'icije vous prépare ;
On fait affez ,fans moy , quelle eft vôtre douceurs
Quels noblesfentimens regnent dans vôtre coeur.
Vous obfervés en tout l'exade politeffe ,
Vous nepenfès jamais qu'avec délicateffe ,
Et voire efprit egal , gracieux , complaisant ,
Pour les fenfibles coeurs n'est que trop féduiſant :
Mais en vain de l'amour vous allumés la flamme ,
Les voeux les plus foumis bleffent toujours vôtre
ame
Cependant, quelmortel peut vous voir fans danger?
Le plus indifferent est prest à s'engager ,
Quand, pour bien imiter les traits qu'il vous préfente
,
Y
DE DECEMBRE. 217
> par
>
Prouvez , amans des effets ,
Le doux pouvoir de nos atraits
Et non par des paroles s
Vos complimens les plus parfaits
Ne font que fariboles :
Faites-nous de plus doux billets ,
Non des écrits frivoles.
Suprimez votre paffion ,
Je veux de la foumiffion
Et non de la conftance ,
Pour peindre votre affection
Avec plus d'éloquence ;
Amans , parlez-nous d'Actions ;
Ou gardez le filence.
J'aime à prefent mieux mille fois
Le doux fejour de Quinquempoix ,
Que l'Ile de Cythere :
On y fait d'aimables emplois
Sans Contrat , ni Nótaire ; ·
L'amour a vendu fon carquois
Pour être Actionnaire .
Il tient là fon petit comptoir ,
Et fait fort bien faire valoir ,
Ses effects fur la Place :
>
A chaque instant croift fon pouvoir ;
Des trefors il entaffe :
Auprés de lui qu'il fait beau voir
Agroter les Graces !
Fr8
LE MERCURE
NOUVELLES ETRANGERES.
PERSE.
D'IS PAHAN le 30 Juin 1719
ON
Na reçu ici un Exprès de l'Inde , avec
avis d'une confpiration qui avoit été
executée contre le Grand Mogol , à l'occafion
de fon mariage avec une Princeffe
Payenne , fille d'un Prince voifin de fes
Etats. Ce mariage déplaifant infiniment à
fes Sujets , à caufe de la difference extréme
entre la Religion Mahometane & celle des
Payens , fes Miniftres lui avoient fait fouvent
de tres fortes remontrances , pour le
porter à repudier cette Princeffe. Bien loin
d'écouter leurs confeils , il avoit laiffé prendre
à cette Princeffe un fi grand empire far
fon efprit, qu'elle étoit devenue la maîtreffe
abfolue non feulement de fa perfonne , mais
auffi du Gouvernement, jufques - là qu'ayant
attiré un grand nombre de Payens dans
la Capitale , ils y étoient devenus fi puiffans
, qu'on craignoit qu'il ne fe laiſſat
perfuader à embraffer & à introduire la Religion
Payenne dans fes Etats . Cette crainte
détermina tous les principaux Seigneurs de
fa Cour , non feulement à la détrôner , mais
DE DECEMBRE. 119
mêmeà le faire mourir par le poifon , après
lui avoir crevé les yeux ; & l'on mit d'abord
fur le trône un autre Prince , fils de fon predeceffeur
, âgé de douze ans . Cette revolution
s'eft faite en cinq heures de temps , fans
avoir caufé aucune émotion ni à la Cour ,
ni parmi le Peuple ; & la tranquilité a été
affermie par la fuite des Payens, qui s'étoient
trop ingerés dans les affaires d'Etat . La guerre
continue toûjours dans ce Royaume- ci ,
fans que le Sophi ni le rebelle Mervehis
ayent encore entrepris rien de confiderable
P'un contre l'autre , & leurs armées font fort
tranquilles de part & d'autre.
POLOGNE.
A Varfovie le 8 Decembre 1719.
Munch , Commandant de cette
Mville , arriva ici de Frauftadt le 15
du mois dernier avec les Univerfaux du
Roy, pour la convocation de la Diete ge
nerale du Royaume, dont l'ouverture ſe fera
le premier Janvier prochain. Le Roy qui eft
retourné le 10. de Frauftadt à Drefde , doit
fe rendre dans cette Capitale fur la fin de
Decembre. Le Fourier de la Cour eft actuellement
occupé à retenir les logemens pour
les Miniftres & Officiers de la Maifon du
Roy. Il a été ordonné qu'on feroit une viIZO
LE MERCURE
fite exacte dans toutes les maiſons de cette
Ville , afin de reconnoître s'il n'y avoit aucun
refte de mal contagieux . Il a été refolu
de placer en même temps des gardes à toutes
les portes & fur les avenuës , afin d'empêcher
qu'il ne s'y gliffât des Vagabonds des
pais infectez. Le Palatin de Matovie , nommé
par le Roy Ambaffadeur vers le Czar ,
eft fur fon départ pour fe rendre à Petersbourg.
Comme le grand Treforier n'a pû
lui délivrer les cinquante mille Timfes poar
les frais de fon voyage , le Prelat nommé
à l'Evêché de Cracovie , a fait compter à ce
Palatin cette fomme. Ce dernier a été obligé
d'hypotequer à cet Evêque pour fureté
de cet argent une de fes Tetres. Le Roy ne
fut pas plûtôt de retour à Drefde , qu'il y
donna ordre d'augmenter tous fes Regimens
, & de remettre fur pied la Milice qui
avoit été congediée ; ce qui fait préfumer
que cette armée pourroit bien être deſtinée
pour la défente de la Pologne. Nos avis de
Mofcou & de Petersbourg conviennent
tous unanimement des grands preparatifs de
guerre qui fe font dans toute l'étendue des
Etats du Czar , tant par terre que par mer.
On mande de Lithuanie que les Troupes
Mofcovites qui avoient campé fous le canon
de Riga , s'étoient miles en marche
pour fe rendre en Finlande , afin d'y former
une armée de cinquante mille hommes ,
Sa
DE DECEMBRE.
12r
Sa Majesté Czarienne prétend faire agir fes
Troupes cet hiver contre la Suede , dans le
deffein d'obliger par la force des armes cette
Couronne à faire la paix,avant qu'elle puiffe,
être fecourue au printems prochain par
quelques Puiffances. Ce même Monarque.
a auffi refolu de faire avancer vers la Curlande
un autre gros Corps de Troupes , &
il a en même temps donné d'autres ordres
pour affembler un Camp volant de trente
mille hommes , tout compofé de Cofaques
`& de Kalmonques qui camperont auprès de
Kiovie , afin d'être prêts à tout évenement.
Le Roy à fon arrivée à Drefde , regala
la Princeffe fa belle fille , d'un collier de
perles , eftimé cinq cens mille florins , &
d'une peau de Sobole du prix de cinq cens
ducats. M. Bentkowsky ayant enlevé dernierement
la femme de M. Gorreky , celuicy
monta d'abord à cheval, & trouva le Raviffeur
dans une Hôtellerie avec ſon Epoufe.
Ces deux Gentils- hommes en vinrent
bien- tôt aux mains : ils
commencerent d'abord
leur combat par le fabre , & le finirent
à coups de piftolet ; mais le pauvre
Gorreky eut le malheur d'être tué. M. Bentkowsky
fut arrêté fur le champ avec la
femme du mort, & les deux Coupables ont
eſté conduits dans les prifons de Lublin , où
l'on inftruit leur procès , On continuë toû-,
jours à dire que la Porte refufe de renou-
L
122 LE MERCURE
veller la tréve avec le Czar ; ce qui pourroit
bien être ſuivi d'une rupture entre ceș
deux Puiffances.
INGERMANIE.
A Peterbourg le premier Decembre 1719.
Lazac & autres
E. Czar a envoyé plufieurs Officiers à
Dantzic & autres Ports, avec ordre d'y
énrôller tous les Matelots qui voudront
entrer à fon fervice ; d'augmenter les gages
ordinaires , & de ne rien épargner pour engager
ceux qui font experimentés dans la
navigation . On a publié ici , de même qu'à
Riga , Rével , & autres Ports , une Ordonnance
de Sa Majefté Czarienne , par laquelle
il eft expreffément enjoint à fes Fregates
& Armateurs , de traverfer , autant
qu'il fera poffible , la navigation des autres
Nations avec la Suede , fous promeffe de
donner à chaque Matelot une recompenſe
au delà du butin qu'il pourra faire.
Le Czar , qui partit de cette Ville au commencement
de l'autre mois , pour aller à
Ivanogrod , n'eft pas encore de retour ; il
eft allé vifiter le canal de communication
que l'on a fait entre les lacs de Lonega & de
Ladoga. On a retiré depuis deux ans par
ce dernier lac, des materiaux fuffifans pour
conftruire cinquante Vaiffeaux de Guerre ,
DE DECEMBRE. 123
que
outre les Galeres & autres petits bâtimens.
Sa Majesté fe flatte que ces travaux feront
achevez dans deux ans. Comme il y aura
une communication de ces Canaux dans le
Volga , Elle efpere attirer par là le commerce
de la Perfe dans fes Etats , & c'eft dans
cette vûë que ce Monarque fit partir le printems
dernier un Miniftre chargé de riches
prefens pour le Roy de Perfe. On travaille
ici fans relâche à la conftruction des Vaiffeaux
; & Sa Majefté Czarienne a fi fort à
coeur cet ouvrage , que pour animer davantage
les ouvriers , elle leur fait donner double
paye. A juger par les autres preparatifs
de guerre extraordinaires l'on fait ici ,
il paroît que Sa Majefté veut agir avec
de grandes forces. Ce Prince a confié
âu General Amiral Apraxin le commandement
en chef de toutes les forces , tant
navales que militaires fur la frontiere de
-Finlande . Plufieurs Ingenieurs font paffez
dans cette Province , pour y fortifier les
Villes d'Abo & celle d'Heifinguos. Le Colonel
du Regiment de Mekelbourg a eu la
tête tranchée par ordre de ce Monarque , &
le Lieutenant Colonel a été empalé. M. Jef
freys, qui a été Miniftre du Roi de la Grande
Bretagne auprès de Sa Majefté Czarienne,
a quitté cette Cour, & s'en eſt retourné
en Angleterre.
Lij
ཱ་ མ
824
LE MERCURE
SUEDE .
A Stokolm le 6 Decembre 1719.
E Traité entre le Roy de la Grande
Bretagne & cette Cour, fut figné le
20 du mois paffé par les Miniftres Plenipotentiaires
des deux Courones : ils font
occupez prefentement à l'Acte de renou
yellement de l'Alliance entre S. M. Britanique
& Suedoife . Depuis la publication
de l'armistice , ou fupenfion d'armes entre
cette Couronne & celle de Danemarc , la
joye s'eft generalement repandue dans toutes
les parties de ce Royaume.
Les Etats du Royaume , compofés des
Députés du Clergé , de la Nobleffe , des
Bourgeois, & des Payfans , s'affemblerent
le 25 de ce mois , fuivant les Lettres patentes
que la Reine fit publier le 12 du
mois paffé.
Milord Carteret , Ambaffadeur du Roy
de la Grande Bretagne , a été difpenfé par la
Reine de faire fon entrée publique dans cette
Capitale , fuivant la coutume . Sa M , Suedoife
n'en a ufé ainfi , qu'afin qu'il n'interrompît
point fes conferences avec les Commiffaires
de cette Cour : elles roulent fur la
reftitution des Vaiffeaux Anglois qui ont été
cy- devant confifqués , Les affaires, touchant
DE DECEMBRE.
cette commiffion , font tellement avancées,
que l'on fe flate qu'à l'ouverture du Congrés
de Brunfwik , toutes les parties intereffées
feront pour lors d'acord. M. Burmania
, Ambaſſadeur Extraordinaire des
Etats Generaux , arriva le 25 de l'autre
mois en cette Ville.
M. Rantzau, Envoyé du Duc de Holſtein,
a reçû ordre de fe retirer inceffamment du
Roïaume, n'ayant pû être admis à l'audience
de S. M. ni obtenir la permiffion de delivrer
les lettres dont il étoit chargé , tant
pour la Reine , que pour les Senateurs &
les Etats du Royaume. On fçait que ces
lettres tendoient , non feulement à juſtifier
les raifons qui ont engagé le Duc fon
Maître à prendre le titre d'Alteffe Royale ;
mais encore à prouver fon droit inconteftable
à la fucceffion de la Couronne , en
qualité du plus proche heritier , après la
mort de la Reine. Comme ces pretentions
font directement oppofées aux refolutions
prifes par les Etats du Royaume , fçavoir,
qu'aprés le decés de S. M. la Couronne fera
déclarée élective , la Reine a jugé à propos
de faire retirer cet Envoyé , pour prevenir
les divifions que ce MMiinniiffttrree aauurrooiitt pu femer
dans l'Affemblée des Etats du Royaume.
LaReine ayant touché des fommes confiderables
de plufieurs Cours, a ordonné que l'on
recruteroit les troupes , ce qui poura fe faire
Liij
126 LE MERCURE T
facilement dans quelques Cantons , & trés
difficilement dans quelques autres. Le tour
doit monter à quatorze mille cinq cens
hommes. La Reine & le Senat ont fi fort in
fifté auprés du Roy de la Grande Bretagne ,
pour faire reftituer la Pomeranie à cette
Couronne , qu'ils en ont reçû une réponſe
favorable.
Il a été réfolu dans le Confeil d'Etat de
congedier tous les Officiers Allemans qui
font à notre ſervice , excepté le Colonel
Durin qui confervera fon Regiment Allemand
compofé de quinze cens hommes..
Le Baron de Knyphaufen , Miniftre Ple
nipotentiaire du Roy de Pruffe , eft arrivé
depuis un mois en cette Cour , & a eu
un accueil favorable de la Reine & du
Prince hereditaire . Milord Carteret
doit fe rendre au Congrés de Brunſwik ,
en qualité de Miniftre Plenipotentiaire de
S. M. Britannique , dés que les Traités auront
été mis en état d'être conclus &
fignés. M. Withwort y aura la même
qualité de Plenipotentiaire. Ce dernier fera
chargé de dreffer lefdits Traités avec les
Plenipotentiaires des autres Puiffances intereffées
à la paix du Nord.
A Hambourg le 18 Decembre 1719.
E Syndic Anderſon , & le Conſeiller
Fell,qui étoient allés à Hanover de la
DE DECEMBRE. 127
part du Magiftrat, en revinrent le 3 en cette
Ville. Suivant leur rapport , le Miniftre de
l'Empereur ne veut entrer dans aucune ne
gociation , au fujer de la Maifon Imperiale
& de la Chapelle qui ont été pillées . Surquoy
nôtre Magiftrat a écrit une Lettre fort
foumife à S. M. I. pour la prier de vou→
loir bien moderer les demandes de M. Lemcke
ſon Reſident : Que pour preuve de
la droiture de fes intentions , il étoit prêt
d'executer les 4 points fuivans. 1o. De rendre
, ou de faire bons tous les effets enle
vés à fon Refident . 20. D'acheter la Place
de la Chapelle , & celle de la Mailon de cet
Envoyé. 30. De payer tous les Ornemens ,
Vafes facrés, & effets pillez dans le dernier
tumulte , & de donner enfin audit Refident
un logement pour cent perfonnes : cependant
, nous fommes menacés d'être bientôt
vifités par deux Regimens Imperiaux , au
cas qu'on differe plus long-temps à donner
une prompte & entiere fatisfaction à Sa
M. I.
On eft fort impatient d'apprendre de
quelle maniere tourneront les affaires du
Duc de Mekelbourg - Swerin , avec d'autant
plus de raiſon que le dernier terme
prefcrit à ce Prince , va expirer. Comme il
refufe toûjours de liquider fes droits avec
la Nobleffe de fon païs , devant les Commiffaires
établis par l'Empereur, cette Nobleffe
Liiij
128 LE MERCURE
a fupplié très inftamment S. M. Imperiale
de donner un nouveau Mandement pour
ôter à ce Prince tout pretexte d'exception
contre fes Commiffaires .
On mande de Drefde que pendant les
fêtes qui s'y font données à l'occaſion du
mariage du Prince Electoral & de l'Archiducheffe
, il y eft arrivé un Evenement affez
fingulier... On portoit en terre une femme
que l'on croyoit morte ; on étoit prét de la
mettre dans la foffe , lorfque cette femme
faifant effort , enleva le couvercle du cercueil
, & fe mit fur fon feant , en criant de
toute la force & d'une voix lugubre. Tous
les affiftans en furent fi fort effrayez , qu'ils
prirent la fuite. Le mary qui fe trouva prefent
à une apparition fi extraordinaire, en
fut fifaifi lui même , qu'il tomba mort fur la
place. Quelques perfonnes s'étant raſſurées ,
revinrent fur leurs pas , & furent fort furprifes
de trouver lafemme en vie , & Son
époux veritablement mort . On remmena cette
femme chez elle , & on remit dans le même
cercueil ce pauvre homme. * Cette femme
eft actuellement en parfaite fanté.
Le Czar eft fort irrité de ce que le Capi-
* Ce fait n'eft pas récent , & il y a un anacronifme
de 20 ans , puifque ce fut en 1 680 que cet
évenement arriva. Il est bien vrai que cette femme
eft morte , & a été enterrée au mois de Septembre
dernier , âgée de 82 ans.
DE DECEMBRE. 729
aine France a été obligé de brûler * fes
trois fregates qui étoient bloquées depuis
long-temps par les Vaiffeaux Suedeis , auprés
de Dantzic. Ce Capitaine qui avoit refolu
de fe retirer avec les équipages de fes
Fregates , par terre en Mofcovie , a changé
de deffein ; il veut auparavant attendre les
ordres du Czar fon maître. L'ordonnance
pour la fufpenfion d'armes & la ceffation
de toutes hoftilitez par terre & par mer durant
fix mois , entre le Dannemarc & la
Suede, a été publiée à Coppenhague & dans
toute la Norwege , & s'obferve exactement
de part & d'autre.
Le Vaiffeau fur lequel s'étoit embarqué
à Stokholm le Sieur de Bie , cy- devant Miniftre
des Etats Generaux à la Cour de Suede
, pour retourner en Hollande, eft péri le
14 du mois paffé fur les côtes de Jutlande,
avec tout l'équipage , dont il ne s'eft fauvé
que neuf Matelots . Ce Miniftre eſt un de
ceux qui a eu le malheur de périr , de même
que fon Epoufe , dont les corps ont été
pêchez & tranfportés dans la maifon du
Miniftre de cette Ifle.
Le Vice-Amiral Tordenfchild eft rentré
dans le Port de Coppenhague. Le Roy de
la Grande Bretagne a declaré le Baron de
* D'autres Lettres portent qu'il s'eft contenté
d'en faire defarmer deux,
130 LE MERCURE
Bulow Gouverneur des Duchez de Bremen
& de Ferden. On croit que S. M. Britanique
conferera le commandement general
de fes Troupes Hanovriennes , au Comte
de Schulembourg , qui eft actuellement au
ſervice de la Republique de Venife.
Le Roy de Dannemarc fait recruter fes
Troupes , & prétend que la remonte de fa
Cavalerie fera entierement finie au premier
Mars prochain.
A Vienne le 15 Decembre 1719 .
Ldition de la Citadelle de Meffine , eft
A joie que l'on a conçûë ici de la redinexprimable.
On ne doute plus à prefent
que le reste de la Sicile ne foit enfin forcé
de fe foumettre à la domination de Sa Ma
jesté Imperiale. Cette Cour paroit fort irritée
contre les Païfans de cette Ifle , qui
n'ont fait aucun quartier à tous les Imperiaux
qui leur tomboient entre les mains ;
ils avoient même eu l'infolence de inertre
Tur leurs Drapeaux , cette devile, Sepulchram
Germanorum , autrement le tombeau des
Allemans. Leurs Majeftez Imperiales étant
allées prendre le divertiffement de la chaffe
auprès de Lintz , y inviterent l'Ambaſſadeur
de la Porte pour s'y trouver. On le plaça
dans un des meilleurs endroits , pour tirer
avec des fleches fur les bêtes fauves qui y
DE ** 13 % DECEMBRE.
pafferoient. Ce Miniftre dans fon compliment
de remerciement , dit , entr'autres
qu'il ne meritoit point tous les honneurs
dont il étoit comblé par S. M. I. ne les
attribuant qu'à fon feul caractere d'Ambaffadeur
, & non à fa perfonne , & qu'il ne
manqueroit pas d'en faire fon rapport au
Grand Seigneur fon maître.
Nos dernieres Lettres de Conftantinople
portent que le Comte de Virmond , Ambaf
fadeur extraordinaire de l'Empereur à la
Porte , étoit venu prendre un logement au
Fauxbourg de Pera , attendant toujours fon
audience de congé . Il y avoit plus de deux
mois qu'il campoit fous des tentes , à caufe
de la pefte qui faifoit de grands ravages
dans la Ville : Elle eft à prefent confidera
blement diminuée . Les Turcs continuent
à établir plufieurs ponts fur le Danube , &
à faire défiler des Troupes vers les frontie
res de Mofcovie : Pour plus grande précau
tion, la Cour a ordonné que l'on envoyeroit
plufieurs Barques chargées de provifions de
guerre & de bouche , pour en pourvoir les
principales Places qui font fur le Danube .
Le 22 du mois paffé , l'ouverture de la
Diete des Etats de la Baffe Autriche fe fir
avec les ceremonies ordinaires. L'Empereur
s'étant affis fur fon Trône dans la grande
Salle où le tient cette Affemblée , le Comte
Philippes-Louis de Sinzendorf, Chancelier
132
LE MERCURE
Aulique , declara aux Prelats , Seigneurs ,
Nobles, & Deputez des Villes & des Bourgs,
les intentions de S. M. I. par un difcours
qu'il leur adreffa , par lequel il conclur
que S. M. I. attendoit de la fidelité & de
F'obéiffance des Etats , qu'ils lui accorderoient
un fecours promt & fuffifant pour
pouvoir contribuer au bien public , & au
fuccès de fes intentions, L'Empereur ayant
enfuite parlé fur le même fujet , le Comte
Louis-Thomas Remond de Harrach , Marêchat
Provincial & Colonel General de la
Baffe Autriche , répondit que les Etats recevoient
avec reconnoiffance les témoignages
de bonté, & les foins paternels de S.M.I.
Qu'ils examineroient avec foin leurs forces
qui étoient fort diminuées par les grands
fubfides accordés depuis plufieurs années ,
afin d'executer , autant qu'il leur feroit
poffible , ce qu'Elle leur faifoit propoſer ;
& foutenir les juftes entreprifes pour parvenir
au promt rétabliffement du repos public
, à l'augmentation de la gloire immortelle
de S. M. I. lui fouhaittant en même
tems une nombreuſe pofterité. Le Refultat
des Deputez des Etats d'Autriche a été enfin
d'accorder à l'Empereur neuf cens deux
mille florins , & deux mille trois cens quatorze
hommes de recrûë , outre les chevaux
de remonte , la farine & le fourage. D'un
autre côté le ſubſide accordé par les Etats
DE 133
DECEMBRE.
de Flandre à l'Empereur , monte à huit
cens trente mille florins.
Le 29 du mois dernier la Cour reçut un
Exprès de la Haye , depêché par le Comte
de Windifgratz , notre Miniftre auprès des
Etats Generaux , avec la convention conclue
le 14 du même mois entre l'Empereur,
le Roy Tres-Chrétien , & le Roy de la
Grande Bretagne , au fujet d'un nouveau
terme de trois mois accordé à l'Eſpagne
pour accepter les conditions ftipulées par
fe Traité de la quadruple alliance . S. M.I.
doit envoyer dans peu un Miniftre à Stokholm
, & le Comte Conrad de Staremberg
fe difpofe à partir pour Londres , en
qualité d'Envoyé extraordinaire & Plenipotentiaire
de S. M. I.
On mande de Suiffe que les differends
furvenus entre le Canton de Glaris & les
Habitans d'Ovvartemberg , & le Prince de
Porentru , Evêque Titulaire de Bâle , & la
Bourgeoisie de Bienne , ont été terminés à
l'amiable .
L'affaire du Palatinat eft toûjours fur le
même pied. Toutes les inftances des Miniftres
des Puiffances Proteftantes ont été
inutiles jufqu'à prefent. L'Empereur qui
en prévoit les fuites , a ordonné au Comte
de Schonborn Chancelier de l'Empire , de
fe rendre à Heildelberg , pour tâcher de
terminer ce differend. On ne voit que nou£
34 LE MERCURE
veaux Memoires de part & d'autre fur cette
affaire. I eft certain que le Roy de la
Grande Bretagne a ufé de reprefailles dans
fes Etats d'Hannover ; en faifant fermer
plufieurs Chapelles de Catholiques Romains.
De plus , le Miniftre du Roy de
Pruffe , qui eft en cette Cour , a declaré à
P'Empereur que le Roy fon maître étoit
dans la refolution de mettre en poffeffion
fes Sujets Reformés , de l'Eglife Cathedrale
de Minden , & du Couvent Hamersleben
occupés par les Catholiques Romains.
Le jeune Duc de Holftein- Gottorp arriva
en cette Cour le 15 du mois paffé ,
avec une fuite peu nombreuſe.
Le 12 on envoya de Hambourg à Coppenhague
& à Stokholm , les Lettres Imperiales
, pour exhorter le Roi de Danemarc
& la Reine de Suéde , à envoyer inceffamment
leurs Plenipotentiaires au Congrés de
Brunſwik ; & l'on mande de Vienne que
de pareilles Lettres avoient été envoyées au
Czar de la part de S. M. I. Quelques avis
de Petersbourg , portent que le Czar avoit
dépêché un Lieutenant General , pour prier
l'Empereur de vouloir être Mediateur entre
S. M. Czarienne & la Reine de Suede.
On parle d'établir ici un Confeil pour
les affaires du Commerce d'Orient. L'Empereur
doit fournir pour la côte- part cent
mille florins. A fon exemple , plufieurs MiDE
139
DECEMBRE.
niftres & autres Seigneurs de la Cour y
emploieront de groffes fommes , pour faire
Heurir ce Commerce.
GRANDE- BRETAGNE.
A Londres le 25 Decembre 1719.
.
E Roy ayant mis à la voile de Helvoeftluys
le 24 du mois paffé , arriva
le 25 à Gravefend . S. M. étant montée
en caroffe , vint defcendre fur les fept heures
du foir au Palais de Saint James , au bruit
du canon du Parc & de la Tour , & aux acclamations
des Peuples. Il y eut des illu
minations de feu , & des rejoüiffances par
toute la Ville. Le 26 la Nobleffe , les Miniftres
Etrangers , fe rendirent au Palais ,
où ils eurent l'honneur de faluer S. M. &
de la feliciter fur fon heureux retour,
Me. La Ducheffe de Kendalle & les autres
Dames , qui avoient accompagné le Roi
dans fon voyage , debarquerent en même
tems que S. M, & la fuivirent au Palais .
Le 27 le Lord Maire , accompagné des Aldermans
de cette Ville , alla faluer le Roi
à Saint James , qui le recut trés-gratieufement.
S. M. honora du titre de Chévaliers
, le Sieur Jean Tash un des Scherifs ,
& le Sieur George Ludland , Chambellan
de cette Ville .
136 LE MERCURE
Il s'éleva la nuit du 25 au 26 , le lendemain
de l'arrivée du Roi , un orage fi
violent , qu'une barque Flamande venant
de Lisbonne , fit naufrage prés de Gravefend
; un brigantin fila fur fes anchres dans
les Dunes , & alla échouer dans la Baye de
de Sandwich , & cinq Vaiffeaux firent naufrage
fur la côte de Hollande .
Le 3 il fe tint une Affemblée de plus
de foixante des principaux Membres de la
Chambre Baffe , du parti de la Cour , dans
le Bureau de M. Craggs , & le même.
foir il y eut un grand Confeil à S. James.
Le 4 le Roi fe rendit dans la Chambre
des Pairs avec les ceremonies accoûtumées .
S. M. ayant mandé les Communes , donna
fon diſcours par écrit , qui fut lu par le
Lord Parcker Chancelier.
MYLORDS ET MESSIEURS.
LASatisfaction avec laquelle j'ai accoûtnmé
de me trouver avec vous , eft confiderablement
augmentée dans cette conjoncture
; puifqu'il a plu à Dieu de favorifer
les armes de la Grande Bretagne & celles
de nos Alliés , & de faire tellement profperer
nos diverfes Negociations , que par la
benediction qu'il a repanduë fur nos travaux ,
nous pouvons raiſonablement nous promettre
de recueillir bien- tôt les fruits de nosfuccés .Je
fuis
DE DECEMBRE. Y37
10
fuis perfuadé que tous mes bons Sujets conviendront
, que c'est un dédommagement ſuffifant
pour quelques depenfes extraordinaires
qu'il a fallu fatre , puifque toute l'Europe
eft fur le point d'être delivrée des calamités de
la guerre , par l'influence des Armes & des
Confeils de la Grande Bretagne . Un Royaume
Proteftant a déja été ſauvé par l'interpofition
que Nous y avons employée fi à propos ,
& nos derniers Traités ont posé un fondement
& une union entre les plus conſiderables
Puiffances , qui contribuera trés - efficacement
à la fûreté de notre fainte Religion.
Je croy que vous ne pouvez qu'être fort
furpris de la continuation d'une guerre dans
laquelle nos Ennemis ont tout à craindre
rien à efperer ; il feroit en effet fort
difficile de former aucun jugement des Confeils
qui ont éclaté , depuis quelques tems ,
par des mesures fi temeraires , & fi mal
concertées. S'ils comptent far nos divifions
domestiques , je ne doute pas qu'en fort pen
de tems les efperancès que cette attente leur
a données, ne foient auſſi vaines, & auſſi mali
fondées , qu'aucuns ' de leurs precedens projets.
En me rejoüiffant avec vous de cette heureufe
fituation des affaires, Je dois vous dire que
comme j'ai rempli de mon côté avec beaucoup
defidelité & d'exactitude , mes divers engagemens
avec mes Alliez, auſſi j'ai reçû de
M
138
LE
MERCURE
lear part des retours d'aſſiſtances ſi fincèrès
¿ſi puiſſans , que Je ne doute pas qu'ils
·´n'établiſſent une amitié durable entre Nous.
Malicuts de la Chambre des
Communes.
a
Vous verrez par les comptes que fai or
donné que Pon vous remit , avec quelle
moderation Je me fuis fervi du pouvoir que
vous m'avez donné a'augmenter més forces
de Mer& de Terre. Je me repoſe ſur cette
affection & fidelité éclatante que vous avez
toûjours fait paroître pour ma Perſonne ¿ª
mon Gouvernement ; m'affûrant que vous
montrerez toute la vigueur requife en accor
dant les fubfides de cette année. Pour cet
effet , J'ai ordonné qu'on vous preſentât les
eftimations neceffaires ; Je dois en mêmetems
vous recommander de rechercher les moyens
les plus propres à diminuer les dettes de la
Nation.
Mylords & Meffieurs.
Vous ne pouvez qu'être fenfibles à tant
de troubles peu meritez & denaturez ›
que J'ai éprouvés pendant le cours de mon
Regue : Nos diviſions domeftiques , exageréès
d'ici an dehors , en infpirant à quelques
Puiffances Etrangeres une fauffe opinion de
nos forces , les ont engagés à Nous traiter
>
DE DECEMBRE
139
d'une maniere, que la Couronne de la Grande
Bretagne ne fouffrira jamais , tant que Je la
porterai. Les difficultés & les dépenſes que
ces Puiſſances nous ont cauſées , ont été le ſujet
des plaintes ¿& des clameurs de ceux qui
y avoient donné lieu : mais , comme J'ai combattu
jufqu'ici ces mêmes difficultés par votre
affistance , F'espere par cette même affiftance
les furmonter dans peu entierement ; la main
de Dieu nous ayant fi favorablement protegés
dans toutes nos entreprises.
Si les neceffités de mon Gouvernement ont
excité quelquefois votre fidelité & votre affection
pour Moi , jufques à me confier un
pouvoir que vous devez toûjours être foi
gneux d'empêcher qu'on n'y donne atteinte,
vous devez reconnoître que ces occafions ont
été autant de preuves de l'entiere confiance
que vous pouvez toûjours prendre en moy : ¿
comme Je puis affirmer avec verité que jamais
aucun Prince n'a été plus appliqué à
étendresa propre autor té, que fe le fuis, à proteger
la liberté de mon Peuple , J'espere que
vous penſerez aux moyens les plus convenables,
pour fixer & tranſmettre à votre poſterité, la
liberté de notre heureuſe Constitution ,&particulierement
pour prendre soin de cette partie
dent on peut le plus abufer. Je mefçai bon
gré d'être le premier qui aie donné occaſion
de la mettre en fûreté ; & Je dois vous recommander
d'amener à leur perfection les me-
Mij
140
LE MERCURE
fures qui font demeurées imparfaites dans la
derniere Seance : autant que la prudence
•·humaine en peut juger , l'unanimité de cette
Seance doit établir avec la paix de l'Europe ,
la gloire & le commerce de ces Royaumes , fur
un fondement folide. Je croy que chacun
peut voir que Nous touchons à la fin de nos
travaux, tout ce que J'ay à vous recommander
, c'eft de vouloir confentir à être un
Peuple grand & floriſſant , puisque c'est par
ce feul moyen que Je defire de devenir un
Roi heureux.
Ce même jour les Seigneurs & les Communes
ayant refolu de prefenter leurs Adreffes
au Roi pour le remercier de fa Harangue
, prirent jour pour le 7. Voici celledes
Seigneurs.
TRES- GRACIEUX SOUVERAIN.
Nous , les Trés-humbles &trés-fideles Sujets
de V. M. les Seigneurs Spirituels
Temporels affemblés en Parlement , demandons
permiffion de feliciter V. M. de fon
beureux retour dans ce Royaume, &fur les
grands fuccés dont il a plu à Dieu de benir les
fages mefures que V. M. a prifes pourprocurer
la paix en Europe.
C'est avec une joye & une fatisfaction
inexprimable , que nous voyons la preſente
DE DECEMBRE. 141
heureuſe union entre S. M. & les autres
grandes Puiffances Proteflantes, laquëlle
tend fi vifiblement à la fûreté de notreſainte
Religion. Nous souhaiterions pouvoir exprimer
notre profonde reconnoiffance de l'interpofition
que V. M. a faite fi à propos pour
les pauvres Proteftans , perfecutés dans les
Pays étrangers , & nous fuplions trés - humblement
V. M. de vouloir bien leur continuer
votre puiffante protection , & vos bons
offices.
Nous demandons auſſi permiſſion d'aſſirer
V. M. que nous employerons tout notre
pouvoir , pour affifter & foutenir V. M.
dans toutes les autres mesures qu'Elle jugera
neceſſaires par la fuite pour parvenir au
grand point de vûë qu'elle se propoſe ; ſçavoir
, la fûreté du Commerce , la gloiré de
ces Royaumes , & la tranquilité generale de
toute l'Europe ; & nous nous promettons que
toute la Terre fera dans peu convaincuë“ ,
avec combien peu de fondement les ennemis
de V. M. de vos Royaumes fe font flattez
de retirer quelque avantage de nos divifions
domestiques.
Nous manquerions à notre devoir envers
V. M.& notre Patrie, fi nous ne rendions pas
à V. M. nos plus finceres remerciemens pour
ce tendre foin, & cette affection fans exemple,
qu'il a plu à v. M. de nous témoigner
dans fa trés gracieufe Harangue , pour les li
342 LE MERCURE
celles de notre
heureufe Conftitution ; ce qui doit neceſſairement
attirer à V. M. une trés profonde
reconnoiſſance de tous fes fideles Sujets , qui
estiment fincerement un bonheur fi prebertés
de votre Peuple ,
cieux.
M
Rêponſe du Roy.
YLORDS, La reconnoiſſance que
vous metémoignez dans cette Adreffe
au fujet des efforts que fai faits pour le
bien commun , m'eft fort agreable ; les affùrances
de votre affistance contribueront beau
coup à parvenir à ces grandes & bonnes fins
que nous nous propoſons , ¿ vous pouvez
compter fur la continuation de mes meilleurs
offices en quelque occafion que ce foit en fa
veur du parti Proteftant.
Adreffe des Communes prefentée au Roy
le même jour.
Nous les tres humbles & fideles Sujets
de V. M. les Communes de la Grande
Bretagne , affemblés en Parlement , rendons
de trés finceres actions de graces à V. M.
pour votre trés gracieux difcours émané de
fon Trone , & affûrons V. M. que nes
caurs font remplis d'une joye inexprimable
pour fon heureux retour dans ces Royaumes,
d'une jufle reconnoiffamce pour les tra
DE DECEMBRE. 145
Daux infatigables de V. M. pour le bien
¿ la fûreté de la Religion Proteftante,
Nous nous rejouiſſons avec V. M. dufuccés
de nos Armes , & la remercions trés -humblement
de ces meſures priſes par l'influence des
Confeils de la Grande Bretagne,lefquelles nous
donnent une apparence fort prochaine d'une
paix generale au dehors , & de jouir avec
gloire des avantages du Commerce & de la
tranquilité.
Nous demandons permiffion d'affûrer V.
·M. que de notre côté , par la vigueur de
nos refolutions à foutenir votre Gouverne
ment , & par la diligence que nous ferons
à trouver les fubfides neceffaires, nous convaincrons
toute la Terre que fi nos ennemis
ont conceu quelquè esperance de nos divifions
domeftiques, jamais projet n'a été plus vain ,
& nous mettrons en état V. M. de concert
avec vos bons Alliez , de foutenir & d'accomplir
efficacement ces juftes & équitables
meſures qui ont été priſes pour établir une
paix generale.
Et nous affûrons deplus V.M. que nous NOUS
attacherons à trouver les moyens les plus propres
pour diminuer les dettes de la Nation,
pour foutenir le credit public , & que
nous concourrons de la maniere la plus propre
& la plus efficace , pour établir & con-
Server la liberté de notre heureuſe Conftitution
, pour laquelle Votre facrée Majesté a
144 LE MERCURE
donné tant de preuves cordiales de fes foins
de fon affection .
Le 6 les Seigneurs porterent un Bill , pour
regler le nombre des Pairs dans la Grande
Bretagne . Le même jour on propofa dans
la Chambre des Communes d'accorder un
fubfide au Roi , & le 11 les Communes
ayant travaillé en grand Comité , il fut
refolu d'accorder à S. M. 13500 hommes
pour le fervice de la Marine de l'année
1720 , à raifon de 4 liv. fterlin par mois
pour chaque tête , & cela pendant i ; mois ;
ce qui fe monte à la fomme de 702000
liv. fterlin , y compris l'ordonnance. Le
même jour les Seigneurs pafferent le Bill ,
pour regler le nombre des Pairs de la
Grande Bretagne , & l'envoyerent aux
Communes.
Le 12 la Chambre Baffe fit la premiere
lecture du Bil de la Pairie , & il fut refolu
à la pluralité de 208 voix contre 150 ,
qu'il feroit leu pour la feconde fois le Mar
di fuivant 19 .... La feconde lecture en
aiant été faite à ce jour marqué , il s'éleva
de grands débats de part & d'autre ; &
aprés plufieurs difcours faits pour & contre
, la Chambre s'étant divifée , la pluralité
des voix l'emporta pour la negative ,
fçavoir , 269 contre 177 , ainfi ce Bill fut
rejetté. On remarque que tous les Torris
& les riches Wighs voterent contre.
Le
DE DECEMBRE. 145:
Le
25 les Communes en grand Comité
fur le fubfide, refolurent d'accorder 120000-
livres sterlin , pour faire bon ce qui manque
de l'impofition fur le Mal, &c. 8590
livres 16 fols 8 den. pour ce qui manque
fur l'houbion. 88849 livres pour ce qui
manque fur le fond general. 20530 liv..
18 fols 10 den. pour l'extraordinaire dépenſe
pour le tranfport . 16331 livres 10
fols pour les Penfionnaires qui font hors:
de l'Hôpital de Chelsea pour 1720 .....
99768 livres & fols 1 den. pour les dé
penfes extrordinaires pour les Troupes de
terre pour 1719 auxquelles le Parlement
n'avoit pas pourvû. On n'a fait le raport
du Bill pour lever la taxe fur les terres ,
& on l'a renvoyé à demain 26 .
I
Les Actions de la Compagnie de la Mer
du Sud font montées ces jours cy à 120
& ainfi des autres fonds publics à proportion.
Le Change au contraire pour la France
a baiffé jufqu'à 25. Ce qui l'a fait
diminuer fi confiderablement c'eſt
,
nos Banquiers ne trouvent que fort peu
d'argent à remettre en France.
que
On fit partir au commencement du mois
fous une eſcorte de Grenadiers à cheval
une groffe fomme d'argent pour Porfmouth'
afin de payer les troupes qui ont fervi à
l'expedition de Vigo. M. Nolleray Canitaine
de Vaiffeaux , qui a acccn.pagné My
146
LE MERCURE
lord Cobham dans cette expedition , de la
part du Regent de France , a été gratifié
de 200 livres sterlin , & les deux Ingenieurs
François que le Duc de Berwick avoit envoyés
à ce Lord , ont reçû chacun une
pareille gratification . Lorfque Mylord Cobham
eut l'honneur de faluer le Roi , S. M.
lui témoigna qu'elle étoit fort contente de
fa conduite. On fait monter à 60 mille
livres fterlin le dommage caufé aux Efpagnols
dans cette occafion , foit à la prife
de Vigo , foit à celle de Ponte -Vedra .
Un grand nombre de nos plus confiderables
Negocians , a fait un projet pour
établir une deuxième Compagnie d'Affurance
pour les Vaiffeaux & les Marchandifes
qu'on tranfporte par Mer. A cet effet
ils ont nommé le fieur Rams Banquier ,
pour recevoir des foufcriptions jufqu'à la
fomme de 140 mille livres sterlin. Ces
Meffieurs ont vu plufieurs fois le Lord
Chancellier , pour le prier de leur en faire
expedier une Patente.
Il y a fous preffe une relation de tout
ce qui s'eſt paflé de remarquable dans la
Marine , tant ancienne que moderne ; &
principalement depuis l'avenement du Roi
Jacques I. à la Couronne. L'Auteur dedie
fon ouvrage au Roi.
Le Roi a envoyé M. Cook fon Chambellan
, à la Princeffe de Galles , pour luy
DE DECEMBRE .
147
"
fignifier qu'elle ne vint qu'une fois par temaine
voir les Princeffes fes filles à Saint
James , aprés en avoir même obtenu la permiffion
de S. M. En confequence de cet
ordre , la Princeffe de Galles s'eft adreffée
au Capitaine de la garde , pour le prier de
faire fçavoir au Roi , s'il plaifoit à S. M.
de lui accorder cette permiffion , ce qu'elle
obtint fur le champ. Le Prince ayant envoyé
au Roi le Comte de Grantham ſon
Chambellan , pour faluer S. M. de fa part
ce Comte s'adreffa pour cela au Gentilhomme
de la Chambre , qui en donna auffitôt
avis au Roi. S. M. ordonna au dernier,
que fi ce Comte apportoit une lettre au nom
du Prince , il eût à la prendre ; ou que fi
c'étoit quelque commiffion verbale, il eût à
P'entendre , pour lui en faire enfuite le raport
, finon de faire retirer le Chambellan
du Prince. Comme le Comte de Grantham
répondit qu'il n'avoit point de lettres à remettre
à S. M. mais qu'il venoit pour lui
communiquer une affaire de grande importance
fur cela le Gentilhomme de la
Chambre lui ordonna de la part du Roi
de s'en retourner.
,
M. Scot a été nommé Envoyé auprés du
Roi de Pologne. Le Colonel Bladen eft ici de
retour de France , où il étoit allé en qualité
de Commiffaire , pour regler les differens
furvenus entre les Anglois de PAnnapolis
Nij
148 LE MERCURE
Royale & les François du Cap- Breton. Le
Colonel Stanhope eft auffi arrivé de l'armée
du Rouffillon , commandée par le Maréchal
de Berwick.
On confirme que le Comte de Cadogan
doit aller au commencement du nouvel an
à la Cour de Vienne en qualité d'Ambaſſadeur.
On dit , 1o. Qu'entre autres inftructions
, ce Seigneur eft chargé de folliciter
fortement S. M. 1. d'interpofer fon autorité
, pour obliger l'Electeur Palatin à donner
une fatisfaction convenable à fes Sujets
reformés , afin d'éteindre par là ce feu naiffant
, qui pouroit allumer une guerre de Rcligion
, & rompre toutes les mesures prifes
pour le repos general en Europe . 20. De
concerter avec la Cour Imperiale fur les
mefures neceffaires , pour pouffer vigoureufement
la guerre au Printems prochain contre
l'Espagne , au cas que cette Couronne
n'acceptât pas la paix avant ce tems là .
De fe joindre à M. de Saphorin & au
Miniftre de Hanover , pour faire regler l'affaire
de la dignité qui doit être annexée
à l'Electorat de Brunswick. 4°. De prendre
des mesures avec la Cour Imperiale ,
pour obliger le Czar à prendre des fentimens
de paix, & à moderer les pretentions,
De regler quelques points preliminaires
touchant la paix du Nord qu'on doit trairer
dans le Congrés de Brunfwick. 6° . De
5°.
DE DECEMBRE. 149
refferer encore plus étroitement les noeuds
de l'alliance entre L. M. Imperiale & Britannique.
Il y a encore quelques autrēš
points que l'on ignore.
Les auteurs des feuilles du Poftboy , du
faint James , & du Daily- Poft , ont été arrêtés
, pour avoir inferé dans leurs imprimez
qu'on alloit faire des changemens à
la Cour.
Les Troupes Hollandoifes font en pleine
marche , pour venir s'embarquer à Harrwichc
, & à Graveſcend , d'où elles repafferont
en Hollande.
P• ས་
Le 19 , le nommé Henri Mills , Ecoffois
, fut arrêté , comme il éroir prêt de
s'embarquer avec plufieurs Ouvriers qu'il
avoit engagés pour travailler aux Manufac
tures de France. Il a été conduit dans la
prifon de Newgatt .
L'Envoyé du Roi de Pruffe eft arrivé
dans cette Capitale ; il a apporté des lete
tres de revocation pour M. Bonnet , ancien
Miniftre de S. M. Pruffienne en cette Cour.
Le 17 le Marquis de Courranfes , Envoyé
extraordinaire du Roi de Sardaigne , eut
fa premiere audience particuliere du Roi.
La nouvelle apportée le 21 , par un Exprès
depêché de France en cette Cour , a
caufé un joye univerfelle . L'on a fçu par
cette voye que le Roi d'r fpagne avoit envoyé
une lettre de Cachet , ou Decret
Nij
150 LE MERCURE
au Cardinal Alberoni , avec ordre à cette
Eminence de quitter Madrid en huit jours ,
& de fe retirer , dans l'efpace d'un mois ,
de la dépendance des Etats de S. M. C.
On efpere que cet évenement imprévû ſera
fuivi d'une paix fort prochaine.... La femaine
paffée , on lança à Linnehouſe , un
Vaiffeau de fix cens tonneaux , pour la
Compagnie des Indes France , qu'on nomma
le Saint André ; on en doit lancer un
autre inceffamment dans le même chantier
pour la même Compagnie.
L'Efcadre du Chevalier Jean Norris ,
venant de la Mer Baltique , eft arrivée
heureuſement dans nos Ports , à la referve
du Vaiffeau de guerre le Worchester qui en
a été feparé par la tempête ; on efpere qu'il
fe fera retiré dans quelque Port du Nord.
A la Haye le 26 Decembre 1719.
E les Etats de Hollande fe raffem-
Lerene atalujet
blerent au fujet de la continuation du
centiéme denier. Comme il n'y ont traité
d'aucune autre affaire , cette féance a été
fort courte.
Le Marquis Beretti- Landi defavouë le
Memoire qui a été imprimé fous fon nom ,
& infcré dans les Gazettes de ce païs. Il
s'en eft plaint à L. H. Puiffances , qui font
rechercher l'Imprimeur.
DE DECEMBRE.
151
Le Major General Groveftin a ' refuté le
Gouvernement de Bergopfom , à caufe qu'il
rapporte quatre mille florins de moins que
celui de Furnes & de Dixmude , dans lequel
il prétend rentrer . Cette affaire intrigue
L. H. P. par rapport à M. de Cronſtrom à
qui ce dernier gouvernement a été donné.
·
Quelques Villes de la Nort- Hollande
ont fait des reprefentations aux Etats fur
la décadence de la Marine de cette Repu¬
blique. Elles fe plaignent entr'autres que
la puiffance maritime des Provinces Unies
eft negligée d'une maniere inexcuſable ,
quoique la confervation de ces mêmes Provinces
, & de celles de Hollande en particulier
, en dépende entierement . Toutes nos
Amirautez font accablées de dettes , & ne
payent ni capital ni intereſts. Les Magazins
font dépourvûs de tout ce qui eft neceſſaire ,
les Vaiffeaux pourris , ou hors d'état de
fervir les Ouvriers & les Matelots mal
payés ; de forte que tous les Colleges des
Amirautez de ce païs feroient fort embaraffez
pour mettre dix Vaiffeaux de guerre en
mer en trois mois de tems ; au lieu qu'autrefois
dans un eſpace beaucoup plus court ,
ils auroient pû en équiper cinquante . Les
autres Villes de Hollande ont pris fes reprefentations
ad referendum : il n'en fera parlé
que dans l'Affemblée de Janvier prochain .
Le Comte de Tarrouca Ambaffadeur de
N iiij
752
LE MERCURE
Portugal , qui avoit reçu des ordres pofitifs
de la Cour de retourner inceffamment à
Lisbonne , en a reçu de nouveaux qui lui
permettent de differer fon départ autant de
tems qu'il le jugera à propos.
M. de Meineftshagen a eu depuis un
mois plufieurs Conferences avec les Dépu.
rés de l'Etat , fur les affaires de la Religion
dans le Palatinat. Il follicite fortement
L. H. P. à prendre une refolution vigoureufe
contre les Catholiques Romains répandus
dans les Provinces-Unies . Il y a
apparence que l'Etat fe contentera des démarches
qui ont déja été faites dans les Provinces
de Gueldre , Overiffel & Gronningue
, où l'on a interdit quelques Chapelles
de Catholiques Romains.
Depuis le départ de M. de Burmania pour
Stokholm , L.H. P. ont fuſpendu leurs dé
liberations fur leurs affaires de Suede , fur
tout par rapport au Commerce de la Mer
Baltique. M. Preis leur ayant demandé une
réponſe fur l'emprunt d'un million d'écus ,
que la Cour de Suede follicite depuis quelques
mois auprès des Etats Generaux ; ce
Miniftre a été renvoyé jufqu'à l'arrivée de
M. de Burmania à Stokholm , qui a reçû
des inftructions fur cette affaire .
Le Pere Quefnel , Prêtre de l'Oratoire
de France , qui s'étoit retiré à Amfterdam
en 1704 , y mourut le 2 de ce mois , âgé
DE DECEMBRE.
Ist
de 85 ans , après avoir reçû les Sacremens
de l'Eglife Romaine .
On mande de Bruxelles qu'il y avoit eu
de frequentes conferences entre le Marquis
de Prié , les Miniftres de Sa Majefté Britanique
, & ceux des Etats Generaux. On
affure que ce n'eft pas tant fur la reftitution
du Vaiffeau Hollandois arrefté à Oftende
, que fur l'entiere execution du Traité
de la Barriere ; fuivant la nouvelle convention.
O
A Naples le 12 Decembre 1719.
le
N preffe fort ici l'embarquement des
Troupes , & des munitions de guerre
& de bouche que l'on doit envoyer en Sicile.
Le General Mercy a été obligé par
defaut des fourages d'envoyer une partie
de fa . Cavalerie en quartier d'hyver dans la
Calabre. Le Marquis de Lede a mis fes
Troupes en quartier dans le plus fertile
canton de la Sicile , fçavoir depuis Paterno
juſqu'à Polliki, Calafcibetta , & Caftro- Giovanne
, places très fortes , fituées dans le
milieu de la Sicile . M. de Lede établit fes.
magazins à Caftro- Giovanne. Il paroît que
M. le Comte de Mercy a deffein de laiffer
de bonnes garaifons dans la Ville & Cita
delle de Meffine , ainfi qu'à Melazzo , &
autres poftes voifins , & fe faire tranfpor154
LE MERCURE
ter enfuite par mer à Siracufe avec fon armée.
Il y a eu pour cela plufieurs Conferences
avec le Chevalier Bing , à bord du
Barfleur.
Le Duc de Monteleon , qui a été pourvû
par la Cour Imperiale de la Viceroyauté de
Sicile , fit le 12 du mois paffé fon entrée
à Meffine. Il fut falué de trois décharges
de l'Artillerie de la Place , & de celle des
Vaiffeaux Anglois.
Plufieurs Batimens de charge font prêts
à mettre à la voile , pour porter en Sicile
des recrûës arrivées d'Allemagne avec des
chevaux de remonte ; on en fait même
partir à mesure que le temps le permet :
& comme le Commiffaire des Guerres qui
eft à Reggio arrête tous les Bâtimens & les
Tartannes qui apportent des bleds & de la
farine en cette Ville , la cherté y eft fort
augmentée. Un Vaiffeau Anglois qui tranfportoit
300 foldats de la garniſon Eſpagnole
, fortie de la Citadelle de Meffine , a fait
naufrage dans le Fare , ne s'en étant ſauvé
que 30 hommes. Un autre Bâtiment Anglois
de 36 pieces de canon , prêt à partir
pour Meffine , a été brûlé par accident dans
notre Port , mais tout l'équipage a eu le
bonheur de fe fauver.
P. S. Le convoy qui étoit parti d'ici pour
la Sicile , a été obligé par le mauvais temps
de rentrer dans ce Port , en attendant un
DE DECEMBRE
.
155
vent favorable , pour faire voile avec un
fecond convoi qui eft prêt. On prétend que
les 8000 homines qui avoient été embarquez
fur les Vaiffeaux de l'Amiral Bing , &
dont une partie devoit être portée à Siracufe
, & l'autre à Trapani , ont fait leur defcente
à Solento , à huit milles de Palerme ,
où on croit qu'ils ont des intelligences , &
qu'ils feront reçûs en arrivant ,
La réintegration de Vicentini à Naples ,
n'eſt pas encore une affaire fi parfaitement
reglée , qu'elle ne puiffe être fujette à quelques
nouvelles brouilleries : en effet , le
Collateral s'oppofe toujours à la collecte de
la dépouille des Eglifes vacantes , & de
celle de la Fabrique de faint Pierre .
L'Amiral Bing a detaché de ſon eſcadre
deux Vaiffeaux pour aller à Malthe reclamer
les prifes que les Armateurs Maltois
avoient faites fur les Anglois , avec pavillon
Efpagnol . Sur cette requifition le grand
Maître a fait arrêter ces Armateurs avec
leurs affociez .
Le Cardinal Scrottenback notre Viceroy,
défendit le 2 de ce mois par un Placard
affiché , tout commerce avec la Republique
de Venife . Sur cette défenſe les Negocians
de cette Ville ayant repreſenté que
Ï'Empereur couroit rifque de ne pouvoir
plus faire tenir d'argent de Naples à Vienne
, ni de cette derniere Ville à la premiere,
156 LE MERCURE
& que d'ailleurs leur commerce en fouffriroit
beaucoup ; ces raifons ont été cauſe
que l'on en a fufpendu l'execution , en
attendant de nouveaux ordres de Vienne.
Cependant , on a commencé par faifir &
fequeftrer les effets des Venitiens , que l'on
a pû découvrir dans ce Royaume ; on a
même arrêté quatre Marfilianes à Manfredonia
, quoique munies de paffeports du
Viceroy , & tous les équipages ont été
emprifonnez. C'eft en reprefailles de ce que
Fon a arrêté à Venife une Barque avec pavillon
de l'Empereur , & de ce que l'on
vifitoit les Bâtimens Imperiaux , quoi qu'ils
prétendent être exempts de toutes recherchec
faur la hanniere de SMI
- VHO je vanlive U • NAV20 28
A Rome le
1.3
Decembre 1719.
L'
E 23 Novembre Fête de Saint Clement
, jour de l'anniverfaire de la
creation du Saint Pere , il y eut , fuivant
la coutume , Chapelle au Quirinal. S. S.
contre l'attente de toute la Cour , voulut
y affifter. Elle donna le Pallium à M. le
Cardinal de la Tremoille , comme Archèvêque
de Cambray. Elle reçut , au retour
de la Chapelle , les complimens ordinaires
du Cardinal Aftalli , Doyen , ad multos an-
Bos. S. S. étant entrée ce jour- là dans la
DE DECEMBRE. 157
vingtième année * de fon Pontificat , elle
fit dans cette occafion une réponse au Doyen
qui dura prés d'une demi - heure.
Le 29 S. S. tint Confiftoire , dans lequel
elle fit une promotion de neuf Cardinaux,&
en referva un dixiéme in petto. Les
Promûs font M. de Gefures Archevêque,
de Bourges. M. l'Archevêque de Reims ,
M. Spinola Nonce auprés de l'Empereur.
D. Bentivoglio , cy-devant Nonce à la Cour
de France. M. Boffu Archevêque de Malines
. M. Belluga Evêque de Cartagene &
de Murcie. M. Pereira de Lacerda Evêque
de Faros dans les Algarves . M Altam
Evêque de Vaccia en Hongrie , & le Pere
Salerno Jefuite qui a fi fort contribué à
la converfion du Prince Electoral de Saxe.
Les Cardinaux de la Tremoille , Delgiudice
, Acquaviva , & Gualterio n'ont point
jugé à propos d'affifter à ce Confiftoire , &
n'ont donné aucunes des demonſtrations de
joye accoutumées en pareille occafion.
Il paroît que la Cour de Rome n'eft point
11
. י
On peutremarquer en paffant, qu'entre 242
Papes qui l'ont precedé depuis Saint Pierre , on
a'en trouve que 4 qui ayent gouverné l'Eglife
plus long tems que Clement XI . Sçavoir
Adrien 1. qui mourat en 795 , aprés 23 ans
de Pontificat. Leon III en 816 , aprés l'avoir
tenu 20 ans & 6 mois, Alexandre III mort en
1181 , aprés 22 ans ; & Urbain VIII décédéen
1644 , aprés 22 ans de Pontificat.
158 LE MERCURE
contente de cette nomination , ſe plaignant
de ce qu'il ne fe trouve dans le Decret de
creation aucun Romain.
On croyoit que M. Barbarige Evêque
de Breffe , feroit compris dans cette promotion
; mais comme la Republique de
Venife a perfité dans le refus d'accorder la
main levée du fequeftre des Abbayes du
Cardinal Orthoboni , S. S. qui ne vouloit
le faire Cardinal qu'à cette condition , l'en
a exclus. Dans les audiences que le S. Pere
a données à fes Miniftres , il a eu la complaifance
de lire à quelques- uns d'etre eux
le difcours qu'il avoit fait dans le dernier
Confiftoire , au Sacré College. Le Duc
de Mondragone , actuellement priſonnier
au Château Saint Ange pour fait d'Inquifition
, a été condamné à dix années de
prifon dans le même Château , quoi qu'il
ait fait abjuration de fes erreurs . M. Paffionei
eft arrivé de Foffombrone en cette
Ville. On a été un peu furpris du retour
de cet Abbé , attendu qu'il s'étoit retiré
depuis quelque tems de cette Cour , aprés
avoir refufé l'Inquifitorat de Malte. Il a eu
deux audiences du Pape ; & l'on ne doute
pas qu'il ne foit bien-tôt pourvû de quelques
places confiderables. L'affaire de la
Nonciature de Naples a été enfin terminée
à Vienne , à la fatisfaction du Pape ; Cette
Cour ayant appris avec plaifir le retour à
DE DECEMBRE. 159
Naples de M. Vicentini fon Nonce , de ſa
reintegration dans cette Nonciature &
dans tous les droits & privileges attachés
à fa Dignité.
›
Le procés que les Jefuites avoient intenté
aux Dominicains pour le bâtiment
dé la Bibliotêque de la Minerve fondé par
le Cardinal Cazanat , a été terminé à l'amiable.
Ces deux Ordres Religieux preparent
un magnifique prefent de peinture
& de ftatuës , pour Don Alexandre Albani
, en reconnoiffance de fa mediation , pour
terminer le different qu'ils avoient entre
eux. Le General Marcilli ayant employé
tout fon bien à fonder une Academie des
Sciences dans la Ville de Bologne fa patrie
, a obtenu de S. S. une penfion de
300 écus fur le revenu du Fort Urbin.
Le Chevalier de Saint George , & la
Princeffe fon Epoufe , rendent de tems en
tems vifite au Pape , qui continuë de les
recevoir avec bonté. Le Cardinal Acquaviva
a fait preſent , de la part du Roi d'Ef
pagne , à ces deux nouveaux Epoux , de
30 gros balots de tapifferie , d'étoffe d'or ,
de damas , de draps & plufieurs autres ráretés
d'Eſpagne & des Indes .
Le Pere Mikylius Jefuite , arrivé depuis
peu de la Chine , a été chargé par le Roi
de ce pays de deux lettres , l'une adreffée
à l'Empereur , & l'autre au Pape,
160 LE MERCURE
Le Saint Pere fit partir la femaine paffée
M. Ralponi , pour porter le bonnet au nouveau
Cardinal Bentivoglio qui eft de retour
de fa Nonciature de France à Ferrare . S. S.
ne l'envoyera aux autres nouveaux Cardinaux
, qu'après le retour des Couriers
qui ont été dépêchez en France , en Alle.
magne & en Espagne :cependant M. Spinelli
, neveu du Cardinal Imperiali , eſt
destiné pour le porter au Cardinal Spinola
à Vienne. L'Empereur a nommé pour Commiffaire
le General Lauternati , qui ſe rendra
avec les Commiffaires du Pape à Pavie,
pour y terminer ce qui regarde l'affaire de
l'écoulement des eaux du petir Ren dans
le Po , à laquelle les Venitiens s'opposent
de toutes leurs forces ; plufieurs Nobles
Venitiens qui ont des terres dans les Polefines
, apprehendant que le Po groffi par
ces nouvelles eaux ne ravage leurs terres.
C
A Madrid le 15 Decembre 1719.
de ce mois , le Roy envoya au
LCardinal Alberoni par Don Miguel
Duran , Secretaire d'Etat , un Decret écrit
de fa main , portant défente à cette Eminence
de fe méler du Miniftere , & paroître
au Palais ni ailleurs devant leurs Majeftés
Catholiques , ni deyant aucun Prince
de la Mailon Royale , ni de parler à aucun
Miniftre avec ordre de fortir de cette Ville,
dans
X
7
DE DECEMBRE. 161
dans huitjours, & des Terres de la domination
d'Eſpagne dans trois femaines . Sa Majefté
a marqué dans fon Decret qu'elle avoit
pris cette refolution, pour ôter tout obſtacle
à la paix.
Le Marquis Scotti , Miniftre du Duc de
Parme , continuë à refiler ici , fans qu'on
fçache encore pofitivement s'il fe rendra en
Hollande , ainfi que le bruit en avoit couru.
M. de Seiffan qui étoit cy- devant au
fervice du Roi de Pologne , en qualité de
Major General , eft arrivé en cette Ville.
Le Duc d'Ormond qui eft revenu des côres
de Bretagne au Port de Saint André,
n'a pas remis à la voile , comme on l'avoit
cru , pour aller tenter un débarquement en
Angleterre ou en Ecoffe , avec un détachement
de 1500 hommes. Ce fut le 24 du
mois dernier que la Cour arrva de l'Efcurial
au Pardo. Les Manufactures établies en
ce pays fous la direction du Baron de Riperda
, n'ont pas eû le fuccés qu'on s'en
étoit promis. La Cour a donné cette direction
à un François qui prétend les rétablir.
On écrit de Cadix , qu'il en étoit
parti un Vaiffeau de Regiftres pour Caraqués
, & que deux autres Vaiffeaux deftinez
pour l'Amerique , avoient mis à la
voile pour ce pays , & y donner avis en
même tems que la Cour y envoyeroit les
gallions au Printems prochain.
162 LE MERCURE
P. S. Voici la Sentence rendue à Vienne
contre le Comte Jean Frederic de Nimſch
detenu depuis quatre à cinq mois dans ſa
maiſon.
S. M. I. notre trés clement Seigneur
ayant fur les plaintes de S. A. Monfeigneur
le Prince Eugene de Savoye , Lieutenant General
de S. M. ordonné une députation pour
examiner Jean Frederic Comte de Nimſch ;
S. M. a réfolu fur le trés humble raportfait
à ce sujet , que ledit Jean- Frederic Conte
de Nimfch à cause de ſes offenſes commiſes ,
feroit privé de la Clefd'or , & de la Charge
de Confeiller Imperial Anlique ; qu'il
demanderoit pardon à S. A. Monfeigneur
Le Prince Eugene de Savoye , & à S. Ex. M.
Le Comte d'Althangrand Ecuyer de l'Empereurfuivant
le Formulaire preferit ; & qu'il
feroit conduit à la Fortereffe de Gratz , pour
y refter pendant deux ans , & s'abſenter à
perpetuité de la Cour Imperiale , en quelque
endroit qu'elle puiffe fe trouver , de même
que de fa refidence de Vienne . Donné à
Vienne le 7 Decembre 1719.
On écrit de Drefde du 20 , que le Roi
aprés avoir tenu un Confeil fecret , étoit
parti la veille pour Varfovie.
Le Prince Clement Augufte de Baviere,
Evêque de Munfter , fit le 14 fon entrée
publique dans cette derniere Ville , avec un
ortege de 64 Caroffes à fix Chevaux.
DE DECEMBRE. 163
T
་
ODE AU REGENT.
El qu'un Pilote téméraire ,
Fol ennemi de fon repos ,
Ofe défier la colere
De l'intraitable Dieu des Flots ;
De rochers fa routé est couverte ,
Les vents fe difputent fa perte ,
Et d'effroi les Astrés ont fui :
Au feu de la foudre qui gronde ,
Il court chercher un nouveau monde
Que les Dieux n'ont pas fait pour lui.
Tel & plus téméraire encore
Moy-même , où vais -je m'embarquer ?
Tu vois , Dieu des vers , que j'implore ›
Quel naufrage j'ofe rifquer.
Mon projet veut ton art fuprême ;-
Daigne l'executer toi- même ;
Ce feroit peu de l'agréer :
Je chante une France nouvelle
Que l'Intelligence & le Zele
Viennent à l'envi de créer.
Dans ces jours où d'un deuil fincere
Se couvrit l'Empire François ,
La Defiance & la Mifere
L'accableient fous un double poids
Le fardeau des dettes immenfes.
Chaffoit jufques aux espérances
D'y revoir un âge plus doux .
Nous demandions cette Patrie ,
Fadis fi riche fi fleurie
Qui fembloit avoir fui de nous .
164 LE MERCURE
Pour comble , ure jalouſe haine ,
Agitoit encor nos voïfinsi ,
A notre ruine prochaine
Tout follicitoit les Destins
La peur d'une ligue funefte
Est alors tout ce qui nous reste
Des exploits heureux d'un grand Roy ;
Et farte de notre impuiſſance ,
L'Europe irritoit fa vengeance
Du fouvenir de fon effroy.
PHILIPPE , ježi de la gloire
De réparer tant de malheurs ;
Goûte ta plus douce victoire ,
Tu vas concilier les coeurs.
Ta foi, ta droiture héroïque ,
Sainte & puifante politique ,
Diffipe les inimitieų :
La Difcorde dont tu te vanges
Voit , en frémiffant , que tu changes
Nos Ennemis en Alliez.
Mais quoi , la Paix fans l'Abondance
N'est qu'un des fruits de ta veris ;
Il faut encor que en prudence
Ranime l'Etat abatu.
Sur cette campagne épuisée
Qui fera tomber la rofée
Que bui refuſe un ciel d'airain ?
Pour nous faire dublier la guerre ,
Qui retirera de la serre
Nos trésors ventrés dans fon fein ?
Attendrons-nous qu'un nouveau Lulle ,'
Fier de fes chimiques travaux ,
* Celebre Chimifte qui paffe pour avoir trouvé
La pierre Philofophale.
"
1
DE DECEMBRE. 165
Promette à nôtre espoir crédule
L'art de commander aux métaux é
Qu'il nous vante dans fon délire
Ce fable fouvera n qu'il tire
D'unfeu fçavament méſuré ;
Qu'il ordonne à fa vaine poudre
De tout changer , de tout diffoudre` ,
Et d'enfanier l'or à fan gré?
Non , le Ciel nous offre un Genie
De qui les talens bienfaiteurs
Vont réaliser la manie
De ces prétendus Créateurs.
Plus hardi que nôtre eſpérance ,
Dans le fein même de la France
Il ouvre un nouveau Potofi s
Son Siftime plus efficace.
Semble par fa fublime audace ,
Plûtôt révélé que choisi.
>
Ce Sisteme tu fçais l'entendre .
PHILIPPE , tu fçais le goûter 3.
Mais le goûter le comprendre
En efprit né pour l'inventer :
Ses fuittes à tes yeux tracées ,
Te montrent tes propres pensées
Diftraites par mille autres foins ;
Et tu découvres dans fa caufe
Cette heureuse métamorphofe ,
Dont nous ne sommes que témoins..
Loin de nousy Préjugé timide
Qui crains tout ce qui te furprend 5
De ce que PHILIPPE décide
La Sagesse même eft garand :
" In vain s'éleve maint obſtacle ,
La plus riche mine du Perou.
166 LE MERCURE
Il fçaura båter ce miracle
Par un courage intelligent ;
Pour chaffer le Befoin finistre ,
Il auroit été le Miniftre ;
S'il n'avoit été le Regent.
vous , croiffez , jeune Monarque ,
Pour un bonheur qui croit toûjours ;
PHILIPPE fournit à la Parque
L'or dont elle file vos jours :
Heureux qu'en vous tout nous prépare
Un Roy qui jamais ne sépare
Ses devoirs & les volontés ;
Un Roy que l'Equité dirige ,
Dont la vertu foit un prodige
Egal à nos profperités.
Qu'une bienfaifante Puiffance ,
Modefte arbitre des Deftins ,
Soit le fecours & l'espérance ,
Non la terreur de nos voisins.
Devenons l'amour de la Terre ,
Paifibles Juges de la Guerre ,
Et Protecteurs de tous les droits.
Allez , partez Ode immortelle ;
Marquez cette époque nouvelle
Dans l'hiftoire du Nom François.
A MONSIEUR LAW.
Avec
Deffy.
Vec cing petits pains & trois petits poiffons
Dieu nourrit autrefois une troupe innombrable :
Lavu parfon genie admirable
Subftante ainfi fes heureux nourriffons i
Les petits cinq.cent francs , prodige inconcevable !
Multipliés en cent façons
Ont affouvilafaim la plus infatiable.
<
DE DECEMBRE. 167
Un miracle moins éclattant ,
Auffi difficile pourtant ,
C'étoit jufqu'à ce jour d'enrichir un Poëte ;
Malgré le proverbe commun
N'en doutons plus , la chofe est faite
Lavv en a mis à ſon aiſe plus d'un.
> Pouffer enfin le miracle à l'extrême
C'est faire d'un Peintre un Créfus ;
Coppel en devient un , il pourra là-deffus
Nous attefter de Lavu la puiſſance fuprême ;
Et ce miracle , aſſurément ,
On fait que le Seigneur lui- même
Ne l'a fait que trés- rarement.
O Vous , le Jofeph de la France
Qui de lointain Pais en ces lieux transporté,
Du fein de la fterilité
r faites naître l'abondance ,
9
*
Aprés tant de hauts faits , qui pourra concevoir
Une borne à votre pouvoir ?
Qui?moypeut- être encor, quifuis Peintre & Poëte.
Contre ces tîtres reünis ,
Ouy, votre puissance est parfaite ,
Et vos miracles font finis.
L'affreux Befoin , hydre plein de furie
Entré chez moi par deux endroits
En a fait fa chere Patrie ,
Et là , sûr de fon fort , il defie à la fois
Votre force & vôtre induftrie.
Comme Hercule , dit -on , vous avez ſçû dompter
Le fier dragon des Hefperides :
Nous le croyons ; le moyen d'en douter ,
Vous en donnés des preuves fi folides ;
Mais l'hydve, au double chef que je viens de citer ,
Effle nec plus ultra qui doit nous arrêter.
-168
LE MERCURE
Coypel pourtant , allez- vous me répondre ,
Eroit Poete Peintre en même temps :
Par là vius croyés me confondre ,
Et c'est là queje vous attends.
Cet exploit qu'aujourd'huy vôtre valeuracheve
LE REGENTfon illustre Eleve
L'avoit jadis fort avancé :
Son merite récompensé
Vous avoit levé maint obſtacle :
Pour empêcherun homme en tel cas d'être gueux ,
Et de tout point accomplir le miracle ,
Il vousfallut au moins tous deux.
kem , & cet item nus fort à vôtre gloire ,
Coypel,foit à rimer ,foit à peindre l'histoire ,
Eft par tout un homme excellent
Et fon fçavoir en ce double talent
Facilitoit votre victoire ,
L'effort enfut moins violent :
2
Or moins je fais bien l'un & l'autre ,
Et plus mon afcendant eft au - deffus du vôtre ,
Plus je vous défie hardiment
De mettre à fin l'enchantement.
Si cependant vous vouliez l'entreprendre ;
Il me vient dans l'esprit , Seigneur ,
Certain moyen qui vousfsferoit honneur ,
Et pour l'amour de vous je veux bien vous
prendre;
Carj'ayfort votre gloire à coeur
Et fuis bien votre ferviteur.
Lap-
Par Drammes & Tableaux , par lyriques parolles
Que l'Opera d'avance a ſçû récompenfer ,
A la finj'ay pu ramaffer
Cent prodigieufes pistoles ,
Et vouspourriez je crois , affez bien les plater.
1
Voicy
DE DECEMBRE. 169
Voicy done comme ilfaudroitfaire,
De petits cinq cens francs recevoir une paire ,
Et m'en don ser aprés doublefoufcription .
Quel peché , feries - vous en cette occafion,
Qu'un charitable & juste Anacronisme
Dont je vous garanijs pleine abſolution
Par un fuppoft même du F...
Que ne pouvois-je helas ! fuivre l'intention
De la Faye , amy plein de zele ,
Lorfque gonflé d'eſpoir , rouge d'émotion ,
D'un heureux avenir m'annonçant la nouvelle
Il m'auroit déja par confolation
De mon petit pecule ample augmentation.
Mais l'artifice noir d'une famille ingratte
Et digne de punition
L'avoit fait mettre en fubftitution ,
Et ma bourfe alors étoir platte .
C'est là quej'ai fenti le plus coupable effort
Du couroux enragé de mon barbare fort.
Ciel !fans cela , quelle étoit ma fortune !
Que j'aurois d' Actions ! il ne m'enfaudroit qu'une
Pour être plus heureux qu'un Roy i
Ouy , je dis plus ; car Dieu merci chez moy
Il n'est ambition aucune ;
Au contraire , amour du travail;
Avoir pour mon métier un commode atsirail ,
Rimer la nuit , le jour peindre juſqu'à la brune ,
Voilà mes vrays , mesfolides plaifirs ,
Et le terme de mes defirs .
Car , on le fait , je vis en veritable hermite ,
Solitaire,frugal , je puis m'en faire honneur ,
Et par ma foy j'ay du malheur
Beaucoupplus que je ne merite.
P
ן י
170
LE MERCURE
Vous me connoiffés , me voilà.
Vous donc , quoyque vainqueur , auffi - tôt qu'edverfaire
De notre fortune contraire ,
Oferies-vous à mon fort dire hola ?
Quoy moy , Peintre & Poëte, & heros en mifere ,
Depuis long-temps três - illustre par là ,
Vous m'attaqueriez vous ? Voyons un jeu cela,
EPIGRAMME.
DAmonfervoit gentille Toulouzaine,
Et s'y trouvoit bien domicilié.
Mais , coeurs conftans ne font à la douzaine ,
Il s'éloigna feulement pour quinzaine
Un autrey vint, Damonfut oublié.
<
A fon retour de bien jurer contr'elle ;
Quoy, ce dit-il, femme ingrate , infidelle ,
Faire tel cas de mon fincere amour!
Grand Chevalier j'ay tort , repartit- elle ,
Livre ton coeur au transport qui te prend ,
Fure, tempête, & finiffons querelle ,
Car , entre nous , l'autre est là qui m'attend,
DE
DECEMBRE.
171
JOURNAL DE PARIS .
Etat des Officiers Generaux qui doivent être
employez pendant l'hyver fous les ordres
de M. le Maréchal de Bervvick :
SCAVOIR ,
En Rouffillon & Cerdagne Espagnole ,
MⓇ
Onfieur de Fimarcon Lieutenant goneral.
Monfieur de Rooth Maréchal
de Camp . M. Phelippe, & M. Dantremaux,
Brigadiers.
Conque de Tremps Vrgel.
M. de Bonas Marêchal de Camp . M. de
Mizon, & M.de la
Villemeneve, Brigadiers.
Haut Languedoc, Pays de Foix & Conferans.
" Monfieur de Cailus Lieutenant General.
M. de Damas Marêchal de Camp . M. de
Leuville , & M. de Lenck , Brigadiers .
Bigorre , Armagnac , Comminge , & Vallée
d'Arran.
M. le Guerchois Lieutenant General.
Pij
172
LE MERCURE
M. de Cadrieu Marêchal de Camp , &
M. de Bettens , Brigadier.
Bearn , Navarre , Pays de Labour , &
Guypuzcoa .
Monfieur de Cilly , Lieutenant General
M. de Puynormand . M. de Belrieu . M. le
Chevalier de Givry , & M. Dauzeville ,
Marêchaux de Camp . M. de Rambion
l'aîné , & M. de la Motte , Brigadiers.
Baffe Navarre.
M. de Danois , Brigadier,
Guyenne,
M. le Chevalier de Pezeux ', Lieutenant
General . M. de Tarneau , & M. le Duc de
Duras , Marêchaux de Camp. M. de Bulkeley
Brigadier .
Le premier Decembre M. de la Grandville,
gendre de M. Pinçonneau Maiſtre des
Requêtes, a été admis au Confeil de Marine .
Le 2 Decembre le Roy ayant fçu que
Madame êtoit de retour de Saint Cloud ,
alla rendre vifite à cette Princeffe.
Le 3 la Charge de premier Gentilhomme
de la Chambre de S. A. R. vacante par la
mort de M. de Conflans , eft paffée à
M. d'Armentiers fon neveu , qui en avoit
DE DECEMBRE. 173
la furvivance, M. le Chevalier de Conflans
a eu la permiffion de l'exercer , jufqu'à ce
que M. d'Armentiers foit en âge d'en faire
les fonctions.
Le Roy a gratifié Madame de Châteautiers
, Dame d'honneur de Madame , d'un
don de Soo mille livres.
Le 4 le Regent pofa la premiere pierre
du nouveau bâtiment de l'Eglife de Saint
Sulpice. On a jetté dans les fondemens de
cet édifice plufieurs medailles avec cette
infcription : Philippus Aurelianus , Regni
Moderator , Aras Deo , opes Populo , Regi
Sua jura ftabilivit anno 1719 .
La furvivance de M. Biet Apoticaire du
Roy , a été donnée au fils de M. Imbert
Apoticaire de S. A. R.
Les M. le Duc de Villars- Brancas pere,
a obtenu une penfion de douze mille livres.
Le Regent a fait prefent d'un million à
l'Hôtel-Dieu , à l'Hôpital General , & aux
Enfans Trouvez , pour les employer au befoin
de ces Maifons .
Le 6 on a appris par les Lettres de Marfeille
que Madame du Borg , femme du
Chevalier de ce nom , s'étant embarquée
dans ce Port fur un Vaiffeau Genois , pour
aller joindre fon mary en Espagne , avoit
eu le malheur d'être enlevée par un Corfaire
Algerien. Ce Pirate après la prife de
ceVaiffeau, fur lequel étoit cette Dame avec
Piij
174 LE MERCURE
fon fils , fes deux filles , un précepteur &
une femme de chambre , les a emmenés
en captivité en Barbarie.
M. le Marquis de Senneterre , Ambaffadeur
extraordinaire de France à la Cour
d'Angleterre , & qui avoit fuivi le Roy à
Hannover, en eft de retour depuis quelques
jours.
›
Le 7 la Tournelle criminelle a rendu un
Arreft notable contre un Gentilhomme ,
convaincu d'avoir abufé de fa propre fille' ,
d'en avoir eu deux enfans & d'avoir
debité des maximes impies & fcandaleufes
contre la Religion . Pour reparation
de ces délits , il a été condamné à avoir
la langue percée , & enfuite à être conduit
aux Galeres.
Le 8 M. Law a fait fon abjuration * à
Melun , entre les mains de M. Tancin ,
Abbé de Vezelay , & grand Vicaire de
Sens.
Le 9 M. le Maréchal de Berwick eut
l'honneur de faluer le Roy , à qui il rendit
compte de toutes les operations de la campagne.
Le 10 M. l'Archevêque de Bourges vint
faluer le Roy , & preſenta à Sa Majeſté la
calotte que le Pape lui avoit envoyée , &
cette Eminence eut la permiffion de s'en
*
Cette abjuration a été faite dans le mois
de Septembre 1719.
DE DECEMBRE. 175
1
Couvrir . Le même jour M. de Bezons , Archevêque
de Rouen , prêta ferment entre
les mains de S. M. en preſence de Monfieur
le Duc d'Orleans .
Le 11 M. l'Abbé de Seve , Docteur de
la Maiſon & Societé de Sorbonne , &
Grand Vicaire d'Arras , fut nommé Coadjuteur
de M. l'Evêque d'Arras .
Le même jour M. le Duc s'eft chargé du
détail des Officiers de la Maifon du Roy ,
qui doivent fervir & accompagner jufqu'à
Antibes Mademoiſelle de Valois , en qualité
de Princeffe de Modene , & cela ad
inftar du même traitement qui fut fait par
le feu Roy , à l'égard હૈ de Mademoiſelle
d'Orleans , quand elle paffa en Lorraine
pour y époufer le Duc de ce nom.
Voici ceux qui ont été choifis pour ce voyage.
M. Bontems fils , premier Valet de
Chambre du Roy. M. Quentin Maiftre
d'Hôtel. M. Affelin Controlleur . Meffieurs
de la Beauvoifiere pere & fils Ecuyers ;
l'un commandera à l'Ecurie , & l'autre pour
la main. M. des Aubierz , & M. Colin de
Varenne , Huiffiers de la Chambre. M. de
Chareau Maréchal des Logis . M. Courteil
& M. le Moine Valets de Chambre du Roy.
M. Julienne & M. Berteville , Valets de
Chambre Tapifliers du Roy ; trois Fouriers
, fix Pages de la petite Ecurie , huit
Valets de pied ; fçavoir , quatre de la
P iiij
176 LE MERCURE
grande , & quatre de la petite.
M. de la Grange le fils a vendu 82 mille
livres fa Charge de Garçon ordinaire de
la Chambre, du Roy , à M. Benvilé. Ce
dernier a obtenu un Brevet de quarante
mille livres.
Le 12 qui étoit le jour d'audience des
Ambaffadeurs , le Roy les fit remercier , &
alla dîner au Château de la Muette.
Le 13 M. de Louvin , Ecuyer de Quartier
du Roy , & Ecuyer Cavalcadour de la perite
Ecurie , à qui le Roy avoit donné l'agrément
de difpofer de la Charge d'Ecuyer de
Quartier , vacante par la mort de M. Feydeau
, a vendu cette Charge à M. de Chambor.
Le 14 M. Law fut reçu Academicien
honoraire à l'Academie des Sciences , à la
place de M. le Chevalier Renau.
Le 15 M. le Duc de Richelieu ayant eu
la permiflion de revenir à la Cour , a vendu
à vie 80000 liv. à Madame la grande
Ducheffe de Tolcane l'Hôtel de Richelieu.
Le 16 un jeune Seigneur Etranger , devenu
éperdument amoureux de Madame
la D.... a eu la folie de fe tuer , fans
avoir jamais ofé declarer auparavant fon
amour à cette Dame . Ce n'eft que par un
Billet écrit de fa main , que l'on a été informé
du motif qui l'avoit engagé à s'ôter
la vie . -
DE DECEMBRE. 177
Le 17 Madame Colbert de Croiffy , Ab
beffe de Panthemont , a été nommée à
l'Abbaye Royale de Maubuiffon , Ordre
de Citeaux ; Madame de Bourbon , Religieufe
de Fontevrault ne l'ayant pas acceptée
.
Le 19 , M. Rollin , ancien Recteur de
l'Univerfité , & Profeffeur Royal en Eloquence
, prononça dans la Salle des Ecoles
exterieures de Sorbonne , un fort beau difcours
Larin , en actions de graces au Roy,
pour la fondation qu'il a faite de l'Inftruction
gratuite dans les Colleges qui la compofent.
Le Cardinal de Noailles y aſſiſta ,
avec plufieurs Prelats , & un grand nombre
de perfonnes de diftinction.
Le 21 , le Pere de la Sante , Jefuite, un
des Profeffeurs de Rhetorique au College
de Louis le Grand , en prononça un autre
fort éloquent , fur l'établiffement des trois
Academies de Litterature en cette Capitale,
le fiecle paffé . L'Affemblée fut des plus
belles & des plus nombreuſes ; les Cardinaux
de Rohan & de Biffy s'y étant trouvés
avec plufieurs Prélats .
Le même jour , M. le Marquis de Nangis
a vendu 40 mille écus le Regiment du Roy
Infanterie , à M. le Chevalier de Pezé , Capitaine
aux Gardes. Le premier s'eft confervé
la penfion de 8000 livres , attachée à ce
Regiment ; & a été en même temps pourvû
178 LE MERCURE
du Gouvernement de Salces en Rouſſillon,
fur la demiffion de M. de S. Abre qui en a
touché 40 mille livres , & les apointemens
de ce Gouvernement ont été augmentés en
faveur de M. de Nangis de 8ooo livres . Le
Roy a accordé 4000 livres de Penfion à M.
'de S. Abre.
Le 10 , Meffire Denis de Blecourt , Lieutenant-
General & Gouverneur du Navarrin,
étant mort , le Roy a accordé ce Gouvernement
à M. de Rouville Lieutenant Colonel
du Regiment de Normandie.
Le 21 M. Coëpel le fils a obtenu du Roy
la furvivance de la garde des Deffeins & Tableaux
de S. M. La Charge de Garde des
Medailles du Roy , vacante par la mort de
M. Simon , a été donnée à M. de Boze de
l'Academie Françoife , & Secretaire de
l'Academie des Infcriptions & Belles Lettres
.
Le 22 M. le Duc de Chatillon retire de
M. le Duc de Lorraine , la Terre de Ligny
en Barrois ; & M. le Prince de Tingry rentre
par droit lignager dans l'Hôtel de Luxembourg
, proche la Place de Louis te
Grand , que M. le Duc de Luxembourg
avoit vendu depuis quelque tems.
Le 23 M. l'Abbé Bignon a vendu à M.
Law fa belle Biblioteque 180000 liv.
M. l'Abbé Dubos , connu par plufieurs
Ouvrages de Litterature , fur êlû d'une voix
DE DECEMBRE. 179
ananime à l'Academie Françoife , à la place
de feu M. l'Abbé Geneft.
Le 24 l'on prepare pour le Carnaval prochain
le Theatre de l'Antichambre , fur lequel
on reprefentera devant le Roy la Comedie
de l'Inconnu , de feu Thomas Corneille.
Le Sieur de la Lande Surintendant de la Mufique
de S. M. a compofé des Intermedes
<nouveaux pour cette piece , & le Sieur Balon
Maître à danfer, & compofiteur des Balets
du Roy , fera execurer le Balet .
Le 25 , Fête de Noël , le Roy fe confeffa
à M. l'Abbé Fleury fon Confeffeur , & enfuite
S. M. entendit la grande Meffe célébrée
pontificalement par le même Evêque ,
& chantée par la Mufique. L'aprés midi , le
Roy entendit le Sermon de M. l'Abbé de
Barcos , & enfuite S. M. affifta à Vêpres ,
où le mêine M. l'Evêque de Tarbes officia.
M. Law a fait un don de roo mille écus ,
pour achever l'Eglife de S. Roch , & a été
fait Marguillier d'honneur de cette Paroiffe,
à la place de M. le Duc de Noailles . Il a fait
auffi diftribuer 100 mille écus aux Anglois
de S. Germain en Laye , dont les Penfions
ont été fupprimées.
Le 26 , l'Abbaye de Malnouë a été donnée
à Madame de Breauté , celle de Panthemont
, à Madame de Rohan, Religieufe de
l'Abbaye de S. Antoine , & fille de la feuë
180 LE MERCURE
Princeffe de Guimenée ; & l'Abbaye de Villiers
, à Madame de Clermont de Chate.
Les Lettres de Madrid portent , que par
la retraite du Cardinal Alberoni , M. le
Comte d'Aguilard avoit été choifi par la
Cour pour être premier Miniftre d'Eſpagne.
Le 27 M. le Prince d'Auvergne , connu
ci devant fous le nom de M. le Chevalier de
Bouillon , époufe Mademoiſelle de Trente,
Angloife , qui poffede de trés gros biens.
Le 28 , M. de Saintot , Introducteur
des Ambaffadeurs , a obtenu une Penfion de
Gooo livres.
Le 30 , M. de Marcieux , Colonel du
Regiment de la Couronne , arrivé depuis
peu d'Espagne , a eu ordre d'aller attendre
en Rouffillon le Cardinal Alberoni qui a
obtenu un Paffeport de la Cour. Cet Offi
cier eft chargé de conduire cette Eminence
jufqu'à Antibes.
* Le même jour , l'Affemblée de la Compagnie
des Indes fe tint à 10 heures & demie
du matin , dans la grande gallerie neuve
de l'Hôtel de la Banque , où l'on avoit
dreffé un Dais pour le Roy. Le Regent qui
y préfidoit , avoit à fa droite M. le Duc de
Chartres,& M. le Duc : A fa gauche étoient
* L'on n'entroit à cette Aſſemblée , qu'en vertu
d'un Certificat , que le Porteur étoit Proprietaire
de so Actions , pour avoir une voix. Il y avait
environ 1000 personnes.
DE DECEMBRE. 181
M. le Duc de Chaulnès , & autres Seigneurs
à droite & à gauche , fans diftinction . Visà
vis M. le Regent , M. Law qui avoit à les
côtés Meffieurs les Directeurs , affis fur des'
Tabourets. M. Corneau , Avocat ès Con
feils du Roy , l'un defdits Directeurs , fit
um difcours préliminaire , élegant par fa
précifion. Il reprit l'état où fe trouvoit la
Compagnie lors de la derniere Affemblée,"
H y détailla les differentes operations qu'elle
a faites depuis les engagemens dans lefquels
elle est entrée pour le Roy , & cxpofa
tous les moyens qu'elle avoit employés
pour y fatisfaire. Il fit enfuite fa propofition
generale à toute la Compagnie , pour
ky faire ratifier ces mêmes operations ;
aprés quoi il leut un état contenant 30 articles
, à chacun defquels le Regent demandoit
à Meffieurs les Directeurs les explications
qu'ils jugeoient neceffaires , S. A. R.
ordonna en même temps de faire lecture des
Arrêts , en vertu defquels la Compagnie a
été autorisée , au nom du Roy , à ces opera.
tions ; elle eut même la bonté , fur les plus
importans articles , de ne rien ftatuer , fans
le confentement libre de la Compagnie
affemblée , qui approuva par des battemens
de mains ces divers Reglemens . Cette feance
finit à midi & demi. On donnera le mois
prochain an Extrait des 30 Articles qui ont
été lûs.
182 LE MERCURE
Par le dernier refultat de l'Affemblée
la Compagnie des Indes s'eft trouvée en
état de donner aux Porteurs d'Actions
remplies , un dividande , ou revena de 40
pour cent par Action , c'eft-à- dire , 2001.
de rente pour la prefente année 1720 ; de
forte que ceux qui ont des Actions d'Occident
de la premiere main , & qui ne leur
coutent que soo livres , ont par Action
200 livres . Les Porteurs des nouvelles Soumiffions
qui voudront faire à la fois les 9
payemens , auront les mêmes 200 livres
pour leurs 5000 livres ; & ceux qui ont
acheté à mille , & qui voudront auſſi remplir
, auront les mêmes 200 livres. Outre
cela , ils jouiront encore des 4 premieres
repartitions de 1718 & 1719 , qui montent
en tout à 40 livres .... Pour les premiers
, c'eft 40 pour cent. Pour les feconds.
c'eft 4 pour cent , outre les 40 livres . Et
pour les derniers , c'eft 2 pour 100 , outre
lefdits 40 livres .
La Compagnie des Indes ayant établi des
Bureaux pour vendre & tacheter des Actions
; le 2 de Janvier , elle les acheta 900
liv. & les vendit 910 ; le 4 , elle les prit à
910 , & les donna à 920 ; le 5 , elle les
acheta 930 , & les revendit à 940.
M. l'Archevêque de Rheims , qui s'étoit
rendu depuis quelque temps à Paris , retourna
le 31 de ce mois dans fon Diocele.
DE DECEMBRE. 183
Ce Prelat a eu permiffion du Regent de
figner le Cardinal de Mailly , en écrivant
au Pape , aux Cardinaux , & dans les Païs
étrangers , & non en France.
M. le Prince de Bournonville a vendu
40 mille écus le Regiment de Condé Cavalerie
, au fils de M. le Comte d'Uzez.
M. de Montgomery ancien Marêchal
de Camp , a eu une penfion de trois mille
livres , & Madame la Ducheffe d'Eftrées la
jeune , une de quatre mille livres.
Le Contrat de vente du Comté de Clermont
, vendu par M. le Comte de Guife , à
M. le Duc , fut figné le 31 de ce mois.
Le Roi a fait deux Grands- Croix de l'Ordre
de Saint Louis ; fçavoir , M. de Bruffac
Major des Gardes du Corps , & M. de
Segur le Pere ; S. M. a donné en même
tems le Grand Cordon Rouge du même
Ordre à Meffieurs de Villars Ayde- Major
des Gardes , de Nocé Lieutenant Colonel
de Vermandois , à M. le Camus des Touches
Lieutenant General d'Artillerie , à M.
Trudaine Commandant de la Gendarmerie:
à M. de la Fare , & à M. de la Billarderie
Lieutenant des Gardes du Corps.
P.S. On écrit de Nancy que le feu
s'étant pris dans un tuyau de cheminée ,
qui faifoit craindre pour la maiſon entiere ,
quelques Gardes par ordre de S. A. R.
le Duc de Lorraine , y accoururent pour
184 LE MERCURE
en empêcher l'effet ; & fur le refus qu'on
leur fit d'en ouvrir les portes , ils furent
obligez de les enfoncer. Aprés avoir parcouru
toutes les chambres , ils reconnurent
que ce feu prenoit fon origine dans les caves
qu'ils vifiterent exactement. Ces Gardes
furent fort furpris d'y voir un balancier
, des fourneaux , creufets , & matiere
d'or & d'argent preparée. Ils en firent auffitôt
avertir S. A. R. qui donna ordre qu'on
arrêtât le fieur .... qui étoit allé fouper
en Ville. Son autre affocié fut d'abord affés
heureux pour ſe fauver ; mais on a fçû depuis
, que l'on s'étoit faifi de lui fur les
frontieres de la Franche- Comté. Toutes les
efpeces que l'on a trouvées , tant d'or que
d'argent , étoient au même titre , poids , &
karat , que celles de France, & l'empreinte
toute femblable à nos nouveaux Louis &
Ecus. On a découvert que ces deux affociez
tiroient , tant de France , que des Païs
étrangers , tout autant de vieilles efpeces
qu'ils pouvoient , pour en fabriquer de
neuves fur lesquelles ils faifoient un profit
exorbitant. On a pareillement arrêté
à Paris la femme d'un de ces Meffieurs ,
laquelle y faifoit de frequens voyages , pour
fe défaire de cette nouvelle monnoye , &
en rapporter en échange d'ancienne.
Le Public a eu enfin la fatisfaction de
voir ce mois - cy , la repreſentation de deux
nouvelles
DE DECEMBRE. 185
V
nouvelles Pieces de Theatre. La premiere
eft une Tragedie intitulée les Heraclides,
dont M. Danchet eft l'Auteur ; & l'autre ,
une Comedie Françoile en Profe & en
trois Actes pour le Theatre Italien , ſous
le titre de Melufine de la compofition de
M. Fuzelier , Auteur de Momus Fabulifte ,
qui fe vend chez la Veuve Ribou Quay
des Auguftins à l'Image Saint Louis.
M. Fremy va donner au Public l'Effay
d'un nouveau Syfteme , pour l'explication
des Auteurs en Latin , & en toutes autres
Langues , ainfi que pour la compofition .
Cet Auteur prétend par l'ufage d'une feule
regle Monofyllabique , fuppléer au nombre
prodigieux des regles ordinaires : il y joindra
quelques Hieroglifes fecourables à la
memoire. Le tout par une efpece de Démonftration
proportionnée à la capacité des
moins intelligens ; il en fera une application
fur Phedre & fur Perfe , pour rendre
fa regle plus fenfible .
MORTS ETRANGERES.
A Princeffe hereditaire Palatine de
Sultzbach , accoucha le 8 Novembre
1719 d'un Prince , qui n'avoit été porté
que fix mois , lequel fut baptifé , & mourut
peu aprés. C'étoit le fecond Prince dont
elle étoit accouchée avant terme.
Rofine - Apollonie Comteffe de Geyerf
perg & Ofterberg , Epoufe de François186
LE MERCURE
Antoine Comte de Walfeg , de Stupach ,
Clam , &c. Conſeiller d'Etat de l'Empereur
, & au Confeil des Finances , & Pre.
fident de la Chambre Aulique , mourut le
16 Novembre , âgé de 47 ans.
François Louis Baron de Rofenbach ,
Confeiller d'Etat de l'Evêque de Wirtzbourg,
mourut à Paris le 24 Novembre.
Jean- Philippe- Charles Baron d'Honſtein,
Chanoine de Treves & de Liege , mourut
à Paris le 8 Decembre.
CHARGES ET DIGNITEZ.
E Comte de Walfeg , dont il eft par-
Lié dans cette lettre en vous apprennant
la mort de fa femme , s'étant demis à caufe
de fes infirmités , de la Charge de Prefident
de la Chambre Aulique , S. M. Imperiale
l'a conferée à Jean-François - Gode
froy Comte de Dietrichftein , qui étoit
Prefident de la Banque.
Et donné celle de Prefident de la Banque
à Ferdinand Crackowski , Comte de
Colowart.
Bernard Georges de Mikos , Confeiller
de la Chambre Aulique de l'Empereur , a
été nommé en Novembre, Confeiller d'Etat
& de la Conference fecrette des Finances ,
& Baron du Saint Empire.
Le... Novembre le Roi d'Efpagne a
nommé à l'Evêché de Nicaragua dans la
Nouvelle Efpagne le Pere Jofeph Giron ,
DE DECEMBRE. 187
de l'Ordre de Saint Dominique , & Provincial
de la Province de Saint Vincent ,
de Chiapa , & de Guatemala.
Et a donné un titre de Marquis en Cafille
à Don Miguel Fernandez Duran , Secretaire
d'Etat pour la Guerre , la Marine &
les Indes.
Le 2 Decembre le Roi d'Angleterre a
donné l'Ordre de la Jarretiere , à N. Spencer
, Comte de Sunderland .
M
MORTS DE PARIS.
Effire Charles le Tonnelier- Breteuil,
Baron d'Ecouché , &c. mourut fansalliance
le premier Decembre. Il étoit fils
unique de Mre Claude le Tonnelier - Breteuil
, Baron d'Écouché , Confeiller de la
Grande Chambre , & de Dame Marie-Therefe
de Froulay , à prefent Veuve de Mre
René François Marquis de la Vieuville.
Mte Philippe Alexandre de Conflans ,
Marquis de Saint Remy , &c. Premier
Gentilhomme de la Chambre de S. A. R.
Monfeigneur le Duc d'Orleans , Regent ,
mourut le 2 Decembre.
Mre Baltafar de Pardailhan de Gondrin ,
Marquis de Bellegarde , Chevalier de l'Ordre
de Saint Louis , Capitaine de Vaiffeau
de S. M. & Surintendant des bâtimens en
furvivance de M. le Duc d'Antin fon pere,.
mourut les Décembre , âgé de 30 ans.
M. Simon , Garde des Medailles de S..
Qij
188 LE MERCURE .
M. & l'un de Meffieurs de l'Academie
Royale des Inſcriptions & Medailles , mourut
le 11 Decembre.
Mre Jean Morel , Confeiller Honoraire
de la Grande Chambre du Parlement , &
Abbé de Saint Arnoul de Metz , mourut
le 17 Décembre.
Mre Nicolas de Creil , Seigneur de Bazoches
, Confeiller de la Grande Chambre,
mourut le 18 Decembre.
Dame Anne-Henriette de Cordouan de
Langey , Epoufe de Mre Charles Hoüel ,
Marquis de Gadeloupe , Hoüelbourg , Seigneur
de la Roche- Bernard , Varenne , &c.
Maréchal des Camps & Armées du Roy,
& Capitaine au Regiment des Gardes de
Sa Majefté , mourut le 20 Decembre.
Mre N. Marquis de Vivans , Lieutenant
General des Armées du Roi , mourut le 7
Novembre 1719. Il avoit été nommé Maréchal
de Camp en Decembre 1702 , &
Lieutenant General en Octobre 1704. Servit
en cette qualité à la prife des Lignes de
Stholhoffen en May 1707. Défit peu de
jours aprés un Corps de quatre à cinq cens
Cuiraffiers Allemans prés de Phortzheim :
commanda la même année un Corps de
ooo hommes du côté de Lutterbourg &
du Fort-Louis , & fervit au fiege de Landau
& de Fribourg en 1713. Le Roy a
accordé une penfion de deux mille francs
La Veuve
DE DECEMBRE. 189
Dame Marguerite le Cordier du Tronc ,
Abbeffe de l'Abbaye Royale de Villiers
O. de C. proche la Ferté Aleps , mourut
le 6 Decembre. Madame du Tronc étoit
foeur de M. le Marquis de la Londe , de
M. le Marquis du Tronc , Maréchal des
Camps & Armées du Roi , & de Madame
dè Savari , dont le mari eft Grand Maître
des Eaux & Forefts de Normandie : elle
étoit auffi niece de feu M. Bontems premier
Valet de Chambre du Roi.
Dame Marie Senteüille , Veuve de Mre
Jacques Defita , Confeiller du Roi, Lieute
nant Criminel en fon Châtelet de Paris ,
mourut ici le 23 Decembre en odeur d'une
grande pieté.
Madame Charlotte Elizabeth de Cochefilet
, de Vauvineux , Epoufe de Charles
de Rohan Prince du Guemené , Duc de
Montbazon , &c. mourut fubitement le 24
Decembre âgée de 57 ans : elle étoit fille
unique de Mre Charles de Cochefilet ,
Comte de Vauvineux , &c. & petite fille
de Mre André de Cochefilet , Baron de
Vaucelas , &c. Chevalier des Ordres du
Roi , & Ambaffadeur en Efpagne & en Savoye.
Mre Jean- Baptifte Hüe , Marquis de Miromenil
, Maréchal des Camps & Armées
du Roi , mourut le 27 Decembre en fa 53
année , ne laiffant que deux filles de Dame
190
LE MERCURE
N. Hebert , fille de feu M. Hebert , Seigneur
du Buc , Maître des Requêtes , &
Dame N. le Gendre.
Mre François Amable de Moneftay, Marquis
de Chaferon , Lieutenant General des
Armées du Roi , & Gouverneur de Breft ,
mourut le 28 Decembre , âgé de 61 ans.
Il étoit fils de Mre François de Moneſtay ,
Marquis de Chaferon , &c. Chevalier des
Ordres du Roi , Lieutenant General de
fes Armées , & de la Province de Rouſſillon
, & Gouverneur de Breft , mort en
1697.
Mre René Merault, Seigneur de Villeron ,
Confeiller au Parlement , mourut le 28
Decembre..
Mre Eftienne Jacques de Guillerault , Seigneur
de Bleré, Baron de la Croix , & c . auli
Confeiller au Parlement , mourut le 30
Decembre.
Mre Jean Yves , Seigneur de Saint Preft,
Secretaire des Commandemens de S.
A. R. M. la Ducheffe d'Orleans , & Directeur
de l'Academie des affaires étrangeres
, auffi recommandable par fes bonnes
moeurs , que par fon érudition , mourut à
Paris le 31 Decembre.
DE DECEMBRE. 192
Compliment fait au Roy le premier jour
de l'an , par M. de la Motte ,
de l'Academie Françoiſe.
LE Pere des faifons recommence fon cours 3
Mais il ne fournira que la même cariere
Etfans accroiffement , c'est la même lumiere
Qui nous va difpenfer les jours.
Il n'en est pas ainfi du cours de tes années ;
Cher Prince !fous tes pas ta cariere s'étend ;
Ilfaut que pour remplir tes hautes deftinees ,
Tous tes jours foient marqués d'un progrés éclatant.
Tu n'as point jufqu'ici trompé nôtre eſperance ; :
Unjournous tient ce qu'un autre promet
Et tandis que le temps s'avance ,
Où toi-même tu dois exercer ta puissance ,
Le jour au jour fuivant te Laiffe plus parfait.
Heureux tes refpectables Maitres ,
De voir de leurs leçons multiplier les fruits
Heureux tes Auguftes Ancêtres ,
De fe voir en tot feul chaque jour reproduits.
Heureux tout un Peuple qui t'aime ,
De te voir croitre ainfi pour combler tous fes voeux,
Mais encore plus heureux toi- même
De croitré pour nous rendre heureux.
Avis de l'Auteur du Mercare , an Public
I Es frais pour la compofition du Mercure
plufieurs mois , tant par la cherré du Papier ,
que par celle de l'Impreffion &c . l'Auteur fe voit
obligé d'en augmenter le prix de cinq fols : de
forte qu'à commencer par le Recueil de Janvier
prochain 1710 , ce Livre fe vendra à l'avenir
vingt cinq fols chez les mêmes Libraires qui
le debitent.
APPROBATION .
J'
'Ay lû par ordre de Monfeigneur le
Garde des Sceaux , le Mercure de Decembre
1719. A Paris le s Janvier 1720.
BLANCHARD.
TABLE.
LEttre de M. N. à M. N. fur Phiftoire de
France , fous le Regne de Louis XIV. par
Larrey. 3
Suite de la Lettre de M. de Marivaux. 41
Edits , Arrefts , & Declarations.
L'A&ionnaire Bigame , Avanture.
Poëfies.
Enigmes.
Vaudeville.
54
$7
115
115
116
118 Nouvelles Etrangeres.
Ouverture du Parlement d'Angleterre 136
Ode au Regent.
Deffy à M. Lavupar M. Hauterot.
Journal de Paris.
Morts Etrangeres.
Charges Dignitez.
163
166
171
185
186
Morts de Paris. 187
Compliment fait au Roy le premier jour de
l'an , par M. de la Motte.
Avis neceffaire.
191
191
CR
!
FEB 19 1931
Presented by
the Century Associations
to the
New York
Public
Library
Qualité de la reconnaissance optique de caractères