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807156
NOUVEAU
MERCURE
GALANT.
VILLE DE LYG
THEQUE DELA VILLE
UN
LYON
*1893*
NI
A PARIS ,
MDCCXIV
AvecPrivilege du Rox.
}
MERCURE
GALANT.
Par le Sieur L. F.
Mois
de Juin
1714.
Leprix eſt 30. fols reliéen vean ,&
25. ſols , broché.
A PARIS ,
Chez DANIEL JOLLET , au Livre
Royal, au bout du Pont S. Michel
du côté du Palais .
PIERRE RIBOU , à l'Image S. Louis,
fur le Quay des Auguſtins.
GILLES LAMESLE, à l'entrée de la rud
du Foin, du côté de la ruë
Saint Jacques.
AvecAprobation, PrivilageduRei.
MERCURE DEL
=
LYON
NOUVEAU 1893
E croy en effet
J qu'il n'est pas
de meilleur métier
pour faire bientôt
connoillance avec tout
le monde que celui
d'auteurdu Mercure
7
galant
: mais je croy auffi
Juin 1714. Aij
4 1
MERCURE
qu'il n'en eſt pas de plus
importun. Eſtre diſtrait
par toute la terre , s'entretenir
pour le public
descorrefpondances par
tout, & faire un livre
tous les mois : voila juftement
l'employ dont je
fuis charge.
1 On me dit , pour
m'encouragen , qu'on a
eu affez d'indu gence
pour mon premi tvor
Jume Ce fuffrage m'eſt
indifferent ; je n'en yeux
A
1
GALANT. }S
point pour les ouvrages
que je donne : ils ne
m'appartiennent pas afſez
pour meriter tant de
grace , & ce feroit tout
de que je pourrois exiger
, ſi j'étois l'inventeur
ou le garantdes faitsque
je rapporte. D'ailleurs ,
à examiner de plus prés
ce ſentiment d'indulgence
, qu'on me fait afſez
valoir , je ne voy pas
qu'il y ait beaucoup de
quoy flater la vanité d'un
A iij
6 MERCURE
homme à qui le public ,
fans offenſer ſa delicateſſe
, peut ſçavoir meilleur
gré de ſes nouvelles.
Tant de perſonnes
m'ont queſtionné ſur le
chapitre de cette riche
eſclave dont j'ai parlé
dans mon premier Mercure;
j'ai vu tant de Cavaliers
de bonne mine
me demander ſi cette
hiſtoire n'étoit pas un
conte de ma façon ; j'ai
en un mot rafſuré tant
GALANT. 7
१
de monde ſur le merite,
la richeffe & les intentions
de cette fille , que
j'ai vûë à Madrid, & que
pluſieurs Miniſtres étrangers
, & mille honnêtes
gens qui font ici
ont vûë comme moy ,
que ce ſeul article devoit
engager tous les
pretendans à publier
qu'un homme qui donne
de fi bonnes adref
fes , merite plûtôt des
applaudiſſemens foli-
Aiiij
8 MERCURE
des qu'une ſeche indulgence.
Mais vous n'y
fongez pas , me dit- on ,
de faire tant le delicat
fur les fuffrages qu'on
vous ête , ou qu'on vous
accorde ; le public aime
auſſi peu les détails que
les repliques , &fi vous
voulez être de ſes amis ,
ne ſongez qu'à lui donner
ſouvent de bonnes
pieces , un grand nombre
de faits , & peu de
reflexions ; il eſt affez
GALANT. 9
C fage pour faire lui même
celles qui lui conviennent.
Je remercie le
donneur d'avis ; fon conſeil
me paroît ſi raifonnable
, que je vais , fans
autre prélude , debuter
par cette hiſtoire , & copier
l'original que m'en
a donné celui qui en a
été le principal acteur.
Son nom est Olivier de
la Barriere , a prefent
Capitaine commandant
un bataillon François.
10 MERCURE
Il m'a paru que la
fuite d'une histoire interrompuë
par des defcriptions
de palais, de
villes & de campagnes ,
refroidiſſoit l'attention
du lecteur, dont naturellement
l'esprit n'a pour
objet que le dénoûment
de l'intrigue qu'on lui raconte.
Si quelqu'un doute
de l'effet dégoûtant de
ces digreffions ,je lui confeillede
prendre la peine
ou le plaisir de lire
GALANT. 11
i
Clelie, Polexandre, Cyrus,&
vingt autresRo.
mans semblables , où il
verra ſouvent, àlasuite
d'un combat àoutrance ,
ou du raviſſement d'une
belle Princeße ,la Princeffe&
leChevalierfaire
un inventaire des
meubles & des tableaux
admirables dont étoient
ornezles Palais de leurs
ayeux. Pourmoy , je ne
Sçaifi c'estfaute de goût
pour l'architecture , que
1
12 MERCURE
lorſque j'ai rencontré
quelques-uns de ces édi
fices superbes je les ai
toûjours fautez , pour
me remettre plûtôt à
l'histoire , & j'ai pense
que les lecteurs qui trouveroient
de pareilles
descriptions dans mon
Mercare , pourroient
bienfauter tout mon liure.
Il y a cependant
des circonstances dont le
détail , neceſſaire à l'in
telligence de l'histoire
GALANT .
Erablit pour les acteurs
des fituations interesfantes
s'il nefaut ni les
negligers nitrop les éten
- Pour ne rien laiffer à
desirer au lecteur qui
veut s'inſtruire , j'ai crû
ne pouvoir mieux faire
que de marquer d'un
chiffre tous les endroits
dont je ne pourrai tui
faire la peinturefansin
terrompre le fil de ma
narration ,& de to rom
14 MERCURE
voyer , par le moyen de
ces chiffres , à lafin de
Chiſtoire, où il trouvera
tout ce qui manquoit à
Sacuriosité. J'aurai tous
les mois la même еxас-
丸
HISTOIRE
JE fuis bich aife, Mon
ſieur, devous envoyer l'hif
toire des quatrespionniers
mois desterco campagne,
し
GALANT. 15
avant que l'armée du Prince
Eugene nous enferme
dans Mantouë, bu olorist
Ne vous imaginez pas
fur ce titre que je veüille
vous entretenir à preſent
de mille actions de valeur
qui ſe font , & s'oublient
ici tous les jours, Rienn'eſt
ſi commun que ces nouvelles;
parce que , qui dit
homme de guerre dic
homme d'honneur. Ilaya
preſqueperſonne qui n'aille
la guerre , par confequent
preſque tout le mondea
de l'honneur , & le heroif.
ف
16 MERCURE
me eſt la vertu detous les
hommes : maisje veux vous
faire le détail d'une intrigue
, dont les caprices du
fort femblent n'avoir amené
tous les incidens qui la
compoſent , que pour en
rendre les circonstances bizarres&
galantes plus intereſſantes
aux lecteurs.
Nous étions moüillez jufqu'aux
os , nos tentes& nos
barraques culbutées la
pluie , la grêle & le ton.
nerre avoient en plein Eté
répandu une effroyable nuit
au milieu du jour : nous
avions
GALANT
avions enfin marché dans
les tenebres pendant plus
de trois quarts d'heure ,
pour trouver quelque azi
le , lorſque nous arriva
mes, deux de mes amis &
moy , à la porte d'une caffine
à deux mille de Mani
touë. SainteColombe, Lieu
tenant de dragons dans
Fimarcon ,& Mauvilé, Capitained'infanterie
comme
moy , étoient les deux bra
vesquim'accompagnoient.
Désque nous eûmes gagné
cette amaiſon , nous fon
geâmes a nous charger de
Juin 714 .
1
18 MERCURE
1
javelles de ſarmens dont la
grange étoit pleine , pour
aller plutôt ſecher nos
habits. D'ailleurs , nous
croyions cette caffine del
ferte, comme elles l'étoient
preſque toutes aux envi
rons de Mantouë : mais en
ramaſſant les fagots que
nous deſtinions à nous fer
cher , nous fûmes, bien furpris
de trouver ſous nos
pieds des bayonnettes ,des
fufils& des piſtolets chars
gez , & quatre hommes
morts étendus ſous ounc
couche de foin Nous ting
GALANT. 19
2
mes auffitôt un petit conſeil
de guerre entre nous
trois , & en un moment
nous conclûmes que nous
devions nous munir premierement
des armes que
nous avions trouvées &
faire enfuite la viſite de
cette caffine. Cette refolution
priſe , nous arrivâmes
àune mauvaiſe porte , que
nous trouvâmes fermée.
Unbruit confus de voix&
de cris nous obligea à prêter
foreille. A l'inſtant nous
entendîmes un homme qui
difoit à fes camarades en
Bij
20 MERCURE
jurant : Morbleu la pitié eſt
une vertu qui ſied bien à
des gens indignes comme
vous ! Qui eſt-ce qui nous
ſçaura bon gré de nôtre
compaffion ? Ce ne ſera tout
au plus que nos méchantes
femmes , que ces chiens- là
deshonorent tous les jours.
Pour moy , mon avis eft
que nous égorgions tout à
l'heure celui- ci. Mais d'où
te vient tant de lâcheté,
Barigelli? Tu n'es pas content
d'avoir ſurpris ce François
avec ta femme,tuveux
apparemment qu'il y re
GALANT. 21
tourne. Non non , dit Barigelli,
à Dieu ne plaiſe que
je laiſſe cet outrage impuni
; je ſuis maintenant le
maître de ma victime , elle
ne m'échapera pas : mais
je veux goûter à longs traits
le plaiſir de ma vengeance.d
Mon infidelle eſt enchaî
née dans ma cave ; je veux
que ce traître la voye expirer
de rage & de faim dans
les ſupplices que je lui def
tine , & qu'auprés d'elle ,
chargé de fers , il meure de
lamême mort qu'elle, Surat
le champ la compagnic ap-
J
22 MERCURE
7
prouva ce bel expedient
mais nous ne donnâmes
pas à ces Meſſieurs le loifir
de s'en applaudir longtemps.
Du premier coup
nous briſames la porte , &
nous fimes main baſſe , la
bayonnette au bout du fu
fil , fur ces honnêtes gens ,
qui ne s'attendoient pas à
cet aſſaut. Ils étoient quatre.
Nous lesbleſſames tous,
ſans en tuer un ; nous leur
liâmes les mains derriere
le dos , nous délivrâmes le
malheureux qu'ils alloient
1.
facrifier comme ja viens
GALANT. 23
de vous dire , nous lui donnâmes
des armes , & tous
enſemble nous allames
joindre un Capitaine de
nos amis , qui étoit détaché
avec cinquante hommes
à un mille de la caf
fine où nous étions , dans
une tour qui eft au milieu
d'un foffé plein d'eau , à la
moitié du chemin de la
montagne noire à Mand
Dés que nous fûmes ar
rivez à cette tour, le fenti
nelle avancé appella la gar
de qui vint nous recevoir,
24 MERCURE
1
Nous paſſames auffitôt a
vec tout notre monde au
corps de garde de l'Offi
cier , qui nous dit en riant :
Je ne ſçai quelle chere vous
faire,Meſſieurs ; vôtre com
pagnie eſt ſi nombreuſe ,
qu'à moins qu'on ne vous
trouve quelque choſe à
manger , vous pourrez bien
jeûner juſqu'à demain.
Mais , continua stil , en
m'adreſſant la parole , que
ſignifie ce triomphe ? Eltce
pour ſignaler davantage
vôtre arrivée dans matour ,
qué vous m'amenézpçes
capGALANT.
25
captifs enchaînez. Il n'eſt
pas , lui dis je , maintenant
queſtion du détail de ces
raiſons. Nous vous confignons
premierement ces
priſonniers , & en ſecond
lieu nous vous prions de
faire allumer du feu pour
nous ſecher , de faire apporter
du vin pour nous rafraîchir
, & d'envoyer à
cent pas d'ici nous acheter
poulets & dindons , pour
les manger à votre mode
morts ou vifs. Nous vous
dirons enſuite tout ce que
vous avez envie d'appren-
Juin 1714. C
26 MERCURE
dre. A peine l'Officier eur
ordonné à un de ſes ſoldats
d'aller nous chercher ces
denrées , que nous entendîmes
tirer un coup de fufil.
Auſfitôt on crie , à la
garde. Un Caporal & deux
foldats vont reconnoître
d'où vient cette alarme. Un
moment aprés on nous
amene une jeune fille fort
belle , &un jeune homme,
que le ſentinelle avoit bleſſé
du coup de fufil que nous
avions entendu tirer. L'imprudent
qui couroit aprés
cette fille ne s'étoit pas ar
GALANT.
27
rêté ſur le qui vive du foldat
en faction. On le panſa
fur le champ , & la fille ſe
retira avec nous dans la
chambre de l'Officier. Elle
ſe mit ſur un lit de paille
fraîche , où nous la laiſiames
repofer & foûpirer ,
juſqu'à ce que l'on nous cût
accommodé la viande que
le foldat nous apporta. Nous
fimes donner du pain & du
vin à nos prifonniers ; & de
nôtre côté , pendant que
nous mangions un fort
mauvais ſoupé avec beaucoupd'appetit,
la jeune fille,
Cij
28 MERCURE
qui n'en avoit gueres , m'a
dreſſa le beau difcours que
vous allez lire .
Eſt il poſſible,traître, dit.
elle , en me regardant avec
des yeux pleins d'amour&
de colere,&tenant à lamain
un de nos coûteaux qu'elle
ayoit pris ſur la table , que
tu ayes tant de peine à me
reconnoître ? Oui eſt il poffible
que tu me traites avec
tant de rigueur , & que tu
fois auſſi inſenſible que tu
l'es aux perils où je m'expoſe
pour toy Je ſuis bien
faché , lui disje , en lui ôGALANT.
29
!
tant doucement le coûteau
della main que vous me
donniez les noms de traître
& d'inſenſible ; je ne les
merite en verité point , &
je vous affure que depuis
que je ſuis en Italie , je n'ai
encore été ni amoureux ,
ni cruel. Comment , lâche,
tu ofes me dire en face
que
tu n'es pas amoureux ? Ne
t'appelles tu pas Olivier de
la Barriere ? Ne viens tu pas
loger à vingt pas de la porte
Pradelle , lorſque tu ne
couches pas au camp ? Ne
t'es tu pas arrêté trente fois
C iij
30
MERCURE
1
la nuit à ma grille ? Ne
m'as - tu pas écrit vingt lettres
, que j'ai cachées dans
nôtre jardin & ne reconnois-
tu pas enfin Vefpafia
Manelli ? En verité lui dis
je , quoique je fois perfuade
depuis long temps que vous
êtes une des plus belles
perſonnes de l'Italie , je ne
vous croyois pas encore fi
belle que vous l'êtes , & je
ne m'imaginois pas que
vous euffiez des ſentimens
fi avantageux pour moy .
Je ne vous ai jamais vûë
que la nuit à travers uneja
GALANT.
31
loufie affreuſe ; & comme
je n'établis gueres de préjugez
ſur des conjectures ,
je pouvois ( à la mode de
France ) vous dire & vous
écrire ſouvent que vous
êtes belle , que je vous aime
, & que je meurs pour
vous , ſans m'en ſouvenir
un quart - d'heure aprés
vous l'avoir dit : mais à prefent
, je vous jure devant
ces Meffieurs , qui font mes
camarades & mes amis ,
que je ne l'oublirai jamais.
Ajoûte , infolent , me ditelle
, tranſportée de fureur
C iiij
32
MERCURE
& de depit , ajoûte la raillerie
à l'outrage. Où ſuisje
, & que deviendrai - je ,
grand Dieu ! fi tes amis ,
qui te voyent & qui m'entendent
, font auffi ſcelerats
que toy ?
Mauvilé, que ce diſcours
attendriſſoit déja , me regarda
, pour voir ſi j'approuverois
qu'il lui proposât
des expediens pour la
dedommager de mon infidelité
pretenduë : mais le
ſens froid exceffif que j'affectois
avec une peine infinie
, n'étoit qu'un foible
GALANT.
33
voile dont je m'efforçois
de me fervir , pour eſſayer
de dérober à mes camarades
la connoiſſance de l'a
mour dont je commençois
à brûler pour elle Je temoignai
neanmoins à Mauvilé
que je ne deſapprouverois
point ce qu'il lui diroit
pour m'en défaire , ou
pour la conſoler. Ainſi jugeant
de mes ſentimens
par mes geftes : Mademoifelle
, lui dit- il en Italien
qu'il parloit à merveille ,
nous ſommes d'un pays où
tout ce qu'on appelle infi
34
MERCURE
delité ici eſt ſi bien établi ,
qu'il ſemblequ'on ne puiſſe
pas nous ôter la liberté de
changer , ſans nous ôter en
même temps le plus grand
agrément de la galanterie.
La conſtance eſt pour nous
autres François d'un uſage
ſi rare ou fi difficile , qu'on
diroit que nous avons attaché
une eſpece de honte
à nous en piquer : cependant
vous êtes ſi belle, que ,
fans balancer , je renoncerois
à toutes les modes de
mon pays , pour m'attacher
uniquement à vous , fi ,
GALANT.
35
guerie des tendres ſentimens
que vous avez pour
mon ami , vous me permettiez
de vous offrir un coeur
incapable des legeretez du
ſien. Je ne ſçai , lui répon-,
dit- elle , affectant une fermeté
mépriſante , ce que je
ne ferois pas pour me vanger,
ſi je le croyois ſenſible
aux offres que vous me faites
: mais , Monfieur , quelque
emportement que j'aye
marqué , il ne s'agit pas
maintenant d'amour , & je
ne ſuis venuë ici ni pour
yous ni pour lui. Enfin
56 MERCURE
lorſque j'ai fongé à profiter
de l'orage qu'il a fait au
jourd'hui , pour me délivrer
de la plus injuſte perfecu
tion du monde, je n'ai point
regardé cette tour comme
un lieu qui dût me ſervir
d'azile;& fans l'imprudence
du jeune homme qui m'a
poursuivie ,j'aurois pris ſur
la droite , j'aurois évité vôtre
fentinelle , & je ſerois à
preſent arrivée à une maifon
, où j'aurois trouvé plus
de commodité , plus de re
pos , & autant de fûreté qu'-
ici. J'ai ſeulement une gra
GALANT. 37
ce à vous demander ; je prie
l'Officier qui commande
dans ce fort de garder pendant
trois jours le jeune
homme que le ſentinelle a
bleffé , & de me laiſſer de.
main fortir ſeule de cette
tour avant le lever du ſoleil.
Elle nous acheva dette petite
harangue d'un air
touchant & fi naturel , que
je ne fus pas le maître de
mon premier mouvement.
Enfin il me fut impoffible
de diffimuler plus longtemps
, & de ne lui pas dire
avec chaleur : Non , belle
38 MERCURE
Vefpafie , je ne vous quitte
rai pas , je veux vous ſuivre
où vous irez , courir la même
fortune que vous , &
vous ſervir juſqu'à la mort.
Helas , me dit- elle , en mé
jettant , avec un ſoûpir , un
regard d'étonnements jus'il
vous eſt ſi facile de paffer
de l'indifference à l'amour,
ne dois-je pas apprehender
que vous ne repaffiez éga
lement bientôt de l'amour
à l'indifference ? Maisquoy
quilen
qu'il en puiſſe être , vous ne
ſçauriez me propoſer rien
que je n'accepte. Où pouGALANT.
39
vez- vous me ſuivre ? où me
voulez vous conduire?Tout
ce pays eft couvert d'enne
mis, les Imperiaux ont deux
ponts de bateaux fur le Pô ;
Borgoforte , Guastalla , &
San Benedetto , qui font
lesſeules portes par où nous
pourrions fortir , font les
poftes qu'ilsoccupent.Non,
lui dis-je , non , charmante
Vefpafie,ne cherchons point
de ces retraites ſcandaleuſes
dont l'uſage eſt impra.
ticable à des gens d'honneur.
C'eſt à Mantouë que
vous devez retourner avec
40 MERCURE
moy. Nous y entrerons par
la porte del Té. Ce ſera demain
unCapitaine de nôtre
regiment qui y montera la
garde , je prendrai avec lui
de juftes meſures pour vous
introduire dans la ville,ſans
que perſonne vous y voye
entrer , & je vous donnerai
un appartement , où je vous
aſſure qu'on ne viendra pas
yous troubler. Mais , mon
Dieu ! reprit elle , je tremble
que mes freres ne ſçachent
où je ſerai : ahd s'ils
me découvrent , je ſuis à jamais
perduë. Ne vous inquietez
GALANTA
41
quierez pointis lui dis -je
nous mettrons bon ordre à
vôtre fûreté , & je vous ret
pons que la maiſon de nôtre
General ne fera pas mieux
gardéeque la vôtre. Prenez
maintenant un eſprit de
confiance & de liberté , &
contez nous , s'il vous plaît,
par quel hazard vous vous
êtes ſauvée juſques dans
Cette tour.
T
Vous ſçavez , dit alors
Vefpafie , que je demeure à
vingt pas de la porte Pradelle:
mais vous ne sçauriez
vous imaginer dans quel
Juin 1714. D
42 MERCURE
esclavage j'ai vécu depuis
mon enfance juſqu'à preſent.
Je ſuis fille de Julio
Lanzilao . Cette Maiſon eft
ſi conue en Italie , que ce
nom ſuffit pour vous donner
une juſte idée de ma
naiſſance. Je n'avois que
quinze ans lorſque mon
pere mourut ; il y en a trois
depuis ſa mort , que deux
freres que j'ai , s'imaginant
avoir herité de l'autorité
que mon pere avoit fur
moy , comme des biens de
nôtre famille , ſe ſont rendus
les tyrans de ma liberté.
GALANT.
43
Ils ont contracté depuis
long-temps une amitié fi
étroite avec un Gentilhom
me de Mantouë , qu'on appelle
Valerio Colucci , ( que
je n'ai jamais pû ſouffrir )
qu'il y a deux ans qu'ils
sacharnent à vouloir me
rendre la victime de la
tendreſſe qu'ils ont pour
lui. Ma froideur & mes
mépris ont ſouvent rompu
toutes leurs meſures : mais
les mauvais traitemens qu'-
ils m'ont faits ne l'ont que
trop vangé de mon indifference.
Enfin laffé lui-
Dij
44
MERCURE
même de l'injustice de mes
freres , qui lui avoient donné
la liberté de me venir
voir quand il lui plairoit ,
il me dit , en entrant un
ſoir dans ma chambre , à
une heure où je n'avois
jamais vû perſonne : Je ne
ſçai , Mademoiselle , ſous
quel titre me preſenter à
vos yeux ; c'eſt moy ( qui
ſuis l'objet de vôtre haine )
que vous accuſez de la rigueur
de vos freres : mais
je veux , pour vous détromper
, être plus genereux à
vôtre endroit ,qu'ils ne font
GALANT.
45
obſtinez à vous perfecuter.
Secondez moy , & vous
verrez qu'inceſſamment je
vous affranchirai du joug
qu'ils vous ont impoſe.
Vo
Voicy mon deſſein. Vous
avez à un mille & demi de
la Madona della gratia² , un
Palais où demeure vôtre
tante , qui vous aime , &
dans la ville le Convent de
SainteTherese ; ( qui n'eſt pas
lazile le moins libre que
vous puiffiez trouver ) choifiſſez
l'une de ces deux
maiſons. Si je dois , lui disje
, compter de bonne foy
46 MERCURE
fur le ſecours dont vous me
flatez , mettez - moy entre
les mains de ma tante ; elle
eſt ſouveraine dans ſon Palais
, elle n'aime pas mes
freres , & je vivrai certainement
mieux avec elle
qu'ailleurs. Cela étant , me
répondit- il , affectez en leur
prefence plus de complaiſance
pour moy, & ne vous
effrayez plus tant de la propoſition
qu'ils vous feront
encore de nous unir enſemble.
Ecrivez cependant
à vôtre tante de vous en.
voyer aprés demain fon
GALANT.
47
caroſſe à la porte del Té. Je
lui ferai tenir vôtre lettre
par un inconnu , j'écarterai
les gardes qui vous envi
ronnent, je vous aiderai à
ſortir d'ici ; enfin , quoy
quoy qu'il m'en coûte , je
vous eſcorterai juſqu'au
rendez- vous , plus content,
dans mon malheur , d'être
moy-même la victime du
ſacrifice que je vous fais ,
que de vous voir plus longtemps
l'objet de la rigueur
de vos freres. Je reſtai plus
d'une heure fans pouvoir
me refoudre. Je me mis
:
48 MERCURE
moy-même à la place d'un
amant toûjours haï , tou
jours malheureux , & j'eus
une peine extreme à pou
voir accorder des foins fi
genereux avec un amour
fi malrecompensé : mais il
échape toûjours quelque
choſe à nos reflexions ;
ce qu'on ſouhaite fait oublier
ce qu'on riſque , &
nôtre bonne foy determine
ſouvent nôtre eſprit à ne
gliger les raifons de nôtre
défiance. Je ne fongeai pas
feulement qu'ile fuffifoit ,
pour me faire un procés
crimi.
GALANT.
49
criminel avec mes freres ,
qu'ils me ſoupçonnaſſent
d'avoir écrit à ma tante. En
un mot je donnai dans le
piege , &je confiai ce billet
àmon fourbe.
Jene vous fais part qu'en
tremblant , Madame , du plus
important fecret de ma vie :
jevais enfin fortir d'esclavage.
Valerio Colucci , que j'ai tou
jours crû d'intelligence avec
mes freres ,fe charge lui-même
duſoin de me remettre en vos
mains , pourveu que vôtre caroſſe
m'attende aprés demain
Juin 1714.
E
50
MERCURE
1
aufoir à la porte del Té.Jene
fçaipas ce que je ferai s'il me
tient parole : mais je m'imagine
que je vousprierai de me permettre
d'être aufſſi genercuſeque
lui , s'il fatisfait l'impatience
que j'ai de me rendre à vous.
Il reçut cette lettre fatale
de ma main ; il la baiſa
avec mille tranſports , &
fur le champ il s'en alla ,
aprés m'avoir dit encore :
J'en ai maintenant plus
qu'il n'en faut , belle Vefpafie
, pour vous tirer inceffamment
de la ſerviGALANT.
SI
tude où vous vivez .
Il n'y avoit alors , conti
nua telle en s'adreſſant à
moy , que quatre ou cinq
jours que vous m'aviez écrit,
Seigneur Olivier, que
l'on vous envoyoit avec vôtre
compagnie à la Madona
della gratia , où vous apprehendiez
fort de refter deux
ou trois mois en garniſon.
Le defir de m'approcher de
vous , l'intention de vous
écrire , & l'efperance de
vous voir m'avoient determinée
à preferer la maiſon
dema tante au Convent de
1
E ij
St MERCURE
fainte Thereſe. Ce n'étoit
même qu'à votre confideration
, & que pour enga
ger davantage Valerio Con
lucci dans mes interêts, que
je l'avois flaté dans lebillet
que je lui avois confié , de
l'eſpoir d'être auffi genereuſe
que lui : mais il ne fit
de ce malheureux billet ni
l'uſage que j'en aurois ap
prehendé du côté de mes
freres , ni celui que j'en au
rois eſperé du mien. Il s'en
fervit ſeulement pour rendre
ce gage de ma credulité
le garant de ſa précaus
GALANT!
53
tion. Le jour marqué pour
ma fuire , il fit tenir un caroſſe
ſur l'avenue decla
porte del Té, derriere lePalais
de Son Alteſſe Serenif.
ſime , où je m'étois renduë
d'affez bonne heure avec
Leonor,malheureuſe épouſe
d'un nommé Barigelli, à qui
j'avois fait confidence de
cette entrepriſe. Nous nous
étions retirées toutes deux
dans un cabinet fombre &
frais , en attendantValerio ,
lorſque vous arrivâtes aſſez
a propos avec Monfieur *
* Sainte Colombe.
Eiij
54
MERCURE
pour nous délivrer d'un
danger où nous aurions
peut- être ſuccombé fans
vous. Les promptes & funeſtes
circonstances dont
fut fuivie l'action que vous
fites pour nous vous priverent
du plaifir de connoître
les gens que vous veniez
de fauver , & nous de
la fatisfaction de vous en
marquer nôtre reconnoif
fance.
Vous êtes deux ici qui
m'entendez : mais ce que
je viens de dire eſt peutêtre
pour ces autres Mef
GALANT.
55
ſieurs une énigme , que je
vais leur débroüiller.
Quoique vous ſoyez étrangers
dans ce pays , il y
a déja ſi long- temps que
vous campez ſur le glacis
de Mantouë , & que vos
troupes font en garnifon
dans cette ville, que je croy
qu'il n'y a pas un François
parmi vousquineconnoiffe
à merveille toutes les maifons
de Son Alteſſe , & fur
tout le Palais del Tés ; aufli
nevous en parlerai- je point;
mais je vais vous raconter
ce qui m'arriva derniere
E inj
36 MERCURE
ment dans le jardin de ce
Palais .
Je m'étois , comme je
vous ai dit , retirée avec
Leonordans un cabinet ſom
bre , d'où ( l'eſprit rempli
d'inquietudes ) j'attendois
que Valerio vinſt me faire
fortir , pour me conduire au
caroſſe de ma tante ', qui
devoit me mener à laMadona.
Je commençois déja
même à m'ennuyer de ne
le pas voir arriver , lorſque
tout à coup je fus laiſie de
crainte & d'horreur , à la
vûë d'un ſerpent + d'une
GALANT. 57
groffeur énorme. Je vis ce
terrible animal fortir d'un
trou , qu'il avoit apparemment
pratiqué ſous le piéd'eſtal
d'une ſtatuë de Diane
, qui étoit à deux pas de
la porte du cabinet oùj'étois.
Je pouſſai auffitôt un
grand cri , qui lui fit tourner
la tête de mon côté ;
je tombai à l'inſtant , &je
m'évanoüis. Cependant ces
Meſſieurs * , qui ſe promenoient
alors affez prés du
cabinet , vinrent à mon ſecours.
J'ai ſçû de Leonor
* Olivier & Sainte Colombe.
58
MERCURE
qui eut plus de fermeré que
moy , ce que vous allez apprendre.
Le ferpent ne s'effraya
point de voir deux
hommes courir ſur lui l'é
péeà la main ; au contraire
il s'éleva de plus de deux
pieds de terre pour s'élancer
ſur ſes ennemis , qui
m'entendent , & qu'il auroit
certainement fort embaraſſez
, quelque braves
qu'ils foient , ſi dans le moment
qu'il fit ſon premier
faut le Seigneur Olivier n'avoit
pas eu l'adreſſe de lui
couper la tête , qui alla fur
GALANT.
59
le champ faire trois ou quatre
bonds à deux pas de lui,
pendant que le reſte de ſon
corps ſembloit le menacer
encore : mais à peine cette
action hardie fut achevée ,
que le perfide Valerio me
joignit avec trois eftafiers
qu'il avoit amenez avec lui .
Les morceaux difperfez du
ſerpent qui venoit d'être
tué , le defordre où il me
trouva , & deux hommes
- qu'il vit l'épée à la main à
la porte du lieu où j'érois ;
tout ce ſpectacle enfin ex-
-cita dans ſon ame de ſi fu60
MERCURE
ne dis
rieux mouvemens de ja
louſie , qu'aprés avoir abattu
mon voile ſur mon vi
ſage , il me prit bruſquement
par le bras , & me fir
fortir du jardin , ſans me
donner le loiſir , je ne
pas de remercier mes liberateurs
d'un ſi grand fervice
, mais même de me
faire reconnoître à leurs
yeux. Il me fit auſſitôt monter
avec Leonor dans le
caroffe qu'il nous avoit deftiné
; & au lieu de me me.
ner à la maiſon de ma tante
, il nous eſcorta avec ſes
GALANT. 61
eftafiers qui alloient avec
lui , tantôt devant , tantôt
derriere ,juſqu'à une caffine
qui eft à un mille d'ici , &
dont il étoit le maître : mais
il fut bien trompé , en arri
vantà la maison , d'y trouver
des hôtes qu'il n'y avoit
pas mandez. Une troupe de
deferteurs ( ou de bandits ,
ſijene metrompe ) en avoit
la veille enfoncé les portes;
elle en avoit afſommé le
fermier , pillé la baſſe cour,
la cuiſine ,la cave & le grenier,&
mis en un mottouse
lacaffinedansun fi grand
62 MERCURE
fi
defordre , que Valerio ne
put s'empêcher de ſe plaindre
de leur violence , & de
les menacer de les faire
punir.Ces furieuxà l'inftant
lechargerent lui &les fiens
cruellement , qu'aprés
l'avoirtué avecſes eſtafiers,
ils le jetterent avec ſes armes
, fon bagage & ſa compagnie
à l'entréede la grange.
Ils couvrirent ces corps
de quelques bottes de foin,
enſuite ils vinrent à nôtre
caroffe , où ils nous trouverent
effrayées mortellement
de tout ce que nous
GALANT.
63
venions de voir. Ils nous
tinrent d'abord pluſieurs
diſcours inutiles pour nous
raffurer ; puis ils nous firent
deſcendre dans la ſalle où
ils étoient , & dont la table
& le plancher étoient auſſi
mouillez du vin qu'ils avoient
répandu , que leurs
mains l'étoient encore du
ſang qu'ils venoient de verfer.
Cependant un d'entr'eux
', moins brutal que
- les autres , s'approcha de
. moy , & me dit d'un air
d'honnête homme: Je vous
trouverois , Madame , bien
64
MERCURE
plus à plaindre que vous ne
l'êtes , d'être tombée entre
nosmains , ſi je n'avois pas
ici une autorité que qui que
ce ſoit n'oſe me diſputer, &
fi toutes les graces que je
vois dans vôtre perſonne
ne me déterminoient pas à
vous conduire tout àl'heure
dansun lieu plus commode,
plus honnête & plus fûr.
Remontez en caroffe , &
laiſſez vous mener à la Cafa
bianca., C'est une maiſon
fort jolie , entourée d'eaux
de tous côtez , ſituée au
milieu d'un petit bois , derriere
GALANT 5
riere la montague noire :
en un mot c'eſt une elpece
de citadelle qu'on ne peut
preſque inſulter fans canón
Vous y prendrez,Madame,
le parti qui vous plaira , dés
que vous vous ferez remife
de la frayeur que vous ve
nez d'avoir. Au reſte , il me
paroît, à vôtre contenance,
que nous ne vous avons
pas fait grand tort de vous
délivrer des infolens qui
vous ont conduite ici : cependant
ſi nous vous avons
offenſée , apprencz-nous a
reparer cette offense ; ou fi
Juin 1714. F
!
66 MERCURE
nous vous avons rendu
ſervice , nous sommes prêts
à vous en rendre encore. Je
ne ſçai , lui dis - je , quel
nom donner à preſent à ce
que vous venez de faire ,
quoique vôtre diſcours
commence à me raffurer :
maisj'eſperetout dufecours
que vous m'offrez . Vous
avez raiſon , Madame , reprit
il, de compter ſur moy;
je ne veux être dans vôtre
eſprit que ce que vous pouvez
vous imaginer de meil.
leur. Hâtons - nous ſeulement
de nous éloigner d'ici,
GALANT. 67
quoique la nuit commence
à devenir fort noire , & ne
vous effrayez point de vous
voir accompagnée de gens
qui vous eſcorteront peutêtre
mieux que ne pourroit
faire une troupe de milice
bien diſciplinée. Ainſi nous
marchâmes environ deux
heures avant que d'arriver
à la Caſa bianca , où nous
entrâmes avec autant de
ceremonie,que fi on nous
avoit reçûs de nuit dans une
ville de guerre. Alors le
Commandant de cette petite
Place,qui étoit le même
Fij
68 MERCURE
homme qui depuis la maifon
de Valerio juſqu'à fon
Fort m'avoit traitée avec
tant de politeffe , me de
manda ſije voulois lui faire
l'honneur de fouper avec
lui. Je lui répondis qu'il
étoit le maître , que cependant
j'avois plus beſoin de
repos que de manger , &
que je lui ferois obligée s'il
vouloit plûtôt me permet
tre de m'enfermer &de me
coucher dans la chambre
qu'il me deſtinoit. Volontiers
, Madame , me dit il ;
vous pouvez vous coucher
GALANT. 69
quand il vous plaira , cela
ne vous empêchera pas de
fouper dans votre lit. Auffitôt
il nous mena ,Leonor
&moy, dansune chambre
perduë , où nous trouvâmes
deux lits affez propres.
Voila , me dit-il , le vôtre ,
Madame , & voila celui
de vôtre compagne. Pour
moy , vous me permettrez
de paſſer la nuit ſurun fiege
auprés de vous ; les partis
qui battent continuelle
ment la campagner nous.
obligent à veiller prefque
toutes les nuits &rib ne
70 MERCURE
fera pas mal à propos que
je ne m'éloigne pas de
vous , pour vous guerir des
frayeurs que pourroient
vous caufer certaines furprites
auſquelles je ne vous
croy gueres accoûtumées.
Je vais cependant , en attendant
le ſouper , placer
mes fentinelles , & donner
les ordres qui conviennent
pour prévenir mille accidens
dont nous ne pouvons
nous mettre à couvert que
par un excés de précaution.
Dés qu'il nous eut quitté ,
Leonormedit en ſoûpirant:
GALANT.
71
Eſt- il poffible qu'un ſi hơn.
nête homme faſſe unmétier
auſſi étrange que celuici
, & que nous joüions à
preſent dans le monde le
rôle que nous joions dans
cette maiſon . Je cours de
moindres riſques que vous,
n'étant ni ſi jeune , ni fi
belle : mais quand tout ſeroit
égal entre nous deux ,
eſt-il rien d'horrible comme
les projets que vos freres
&mon mari forment à
preſent contre nous ? De
quels crimes peut on ne
nous pas croire coupables ,
72
MERCURE
ſi l'on ſçait jamais tout ce
qui nous arrive aujourd'hui
? A peine échapées
d'un peril nous retombons
dans un autre plus grand.
Vous fuyez la tyrannie de
vos freres , un ſerpent nous
menace , deux avanturiers
nous en délivrent ; võrre
amant vous trahit , des fol
dats l'affomment ; une trou
pe d'inconnus nous entraî
ne au milieu d'un bois , ou
nous enferme dans une
maiſon , où tout nous me
nace de mille nouveau
malheurs. Que ne peut-ik
pas
GALANT.
73.
pas nous arriver encore ?
Tout cela neanmoins ſe
paſſe en moins d'un jour.
Enfin reſoluës le matin à
tenter une avanture qui
nous paroît raiſonnable ,
nous ſommes expolées &
determinées le ſoir à en affronter
mille étonnantes.
Les reflexions que je fais ,
lui dis-je, ne ſont pas moins
funeſtes que les vôtres , &
la mort me paroît moins
affreuſe que tous les perils
que j'enviſage : mais nous
n'avons qu'une nuit à paf
fer pour voir la fin de ce
Juin1714 G
74 MERCURE
defordre. Efperons , ma
chere Leonor, efperons tout
de l'humanité d'unhomme,
peut être affez malheureux
lui même pour avoir pitié
des miferables. Il eſt ( fuje
ne me trompe ) le chefdes
brigans qui font ici : mais
l'autorité qu'il a fur eux ,
& l'attention qu'il a pour
nous , nous mettent à l'a
bri de leurs inſultes. Je ne
İçai , reprit Leonor , d'où
naiſſent mes frayeurs : mais
je ſens qu'il n'y ariend'aſſez
fort en moy pour diffiper
Thorreur des preſſentimens.
A
GALANT.
75
qui m'environnent.Ce n'eft
pas d'aujourd'hui que je
connois le vilage de nôtre
hôte , & je ſuis fort trompée
s'il n'eſt pas le frere
d'un jeune homme dont je
vous ai parlé pluſieurs fois.
Demandez lui , ſitôt qu'il
ſera revenu , deiquelle ville
il eft , & s'il ne connoît pas
Juliano Foresti , natifdeCarpi
7 dans le Modenois . Ce
Juliano elt fils d'un François
& d'une Françoiſe , qui
auroient fort mal paffé leur
temps avec l'Inquifition, fi
Sun Dominiquain ne les
Gij
76 MERCURE
avoit pas aidez à ſe ſauver
de Modene avec leur fa
mille, le jour même qu'elle
avoit reſolu de les faire ar
rêter. Oui , dit-il,Madame,
en pouffant la porte avec
Violence,
violence , oui je ſuis le frere
deJuliano Foresti dont vous
parlez. J'ai entendu toute
vôtre converſation , & vos
dernieres paroles ne m'ont
que trop appris d'où naiffent
vos inquietudes : mais
ce frere , dont vous êtes en
prine , & qui paffe pour
François aufli bien que
moy, va vous coûter dee
GALANT.
77
ſoins bien plus importans ,
s'il n'arrive pas demaindici
avant la fin du jour. Vous
têtes Madame Leonor de
Guaſtalla , femme du Signor
Barigelli , citadin de Mantouë
: Dieu ſoit loüé , je
retrouverai peut- être mon
frere par vôtre moyen ; ou
du moins s'il eſt tombé
entre les mains de vôtre
époux , comme on me l'a
dit hier au foir , vous me
ſervirez d'ôtage pour lui.
Mais pourquoy , lui ditelle
, voudriez - vous me
rendre reſponſable d'un
Giij
78
MERCURE
malheur où je n'aurois aucune
part ? Si vôtre frere
s'intereſſoit en ma fortune ,
comme il paroît que vous
l'apprehendez , vous ne ſeriez
pas maintenant à la
peine de vous inquieter de
fon fort. Il feroit au contraire
à preſent ici , puiſque
je l'ai fait avertir il y a trois ly
jours de le tenir aujourd'hui
fur l'avenuë de la Madona ,
où nous comptions ce matin
, Vefpafie & moy , d'arriver
ce ſoir : mais nous
avons eſſuyé en une demijournée
tant d'horribles
GALANT.
79
1
avantures,que tout ce qu'on
peut imaginer de plus facheux
ne peut nous rendre
gueres plus malheureuſes
que nous le ſommes.
Sur ces entrefaites , un
foldat entra d'un air effrayé
dans la chambre où nous
étions. Il parla un moment
àl'oreillede ſon General ; II
prit un petit coffre qui étoit
fous le lit que j'occupois ,
il l'emporta,&s'en alla .Nôtre
hôte nous dit alors,avec
une contenance de fermeté
que peu de gens conſerveroient
comme lui dans une
Giij
80 MERCURE
pareille conjoncturesJe ne
Içai pas quelle ſeraila fin
de tout ceci : mais à bon
compte , Madame , tenezvous
prête à executer ſur le
champ , pour vôtre ſalut ,
tout ce que je vous dirai ,
ou tout ce que je vous en
verrai dire , fi mes affaires
m'appellent ailleurs.21On
vient de m'avertir qu'il
m'arrivoit ce ſoir une com
pagnie dont je me pafferois
fortbien: maisil n'importe,
je vais ſeulement efſayer
d'empêcher que les gens
qui nous rendent viſite ſi
GALANT S
,
tard , ne nous en rendent
demain marin une autre.
Nous avons pour nous de
ſecours de la nuit cette
maiſon, dontl'accés eft difficile
, un bon ruiſſeau qui
la borde , & des hommes
refolusd'endéfendre vigou.
reuſement tous les paſſages.
Ne vous alarmez point d'a
vance , & repoſez vous fur
moy du ſoin de vous tirer
de cette affaire , quelque
fuccés qu'elle ait Alors il
nous quitta , plus effrayées
des nouveaux malheurs
dont nous étions menacées
82 MERCURE
que perfuadées par fon eloquence
de l'execution de
ſes promeſſes. En moins
d'une heure nous entendîmes
tirer plus de cent coups
de fufil ; le bruit & le va-
.carme augmenterent bien.
tôt avec tant de fureur, que
nous ne doutâmes plus que
mille nouveaux ennemis ne
fuſſent dans la maifon: Leo
nor diſparut à l'inftant , ſoit
qu'elle eût trouvé quelque
azile d'où elle ne vouloit
pas répondre àmes cris, de
peur que je ne contribuaffe
à nous faire découvrir plû
GALANT. 83
tốt , ou ſoit que la crainte
lui eût ôté la liberténde
m'entendre. Cependant à
force de chercher & de
tâtonner dans la chambre ,
je trouvai ſous une natte de
jonc, qui ſervoit de tapif
ſerie , une eſpace de la hauteur
& de la largeur d'une
porte pratiquée dans la muraille.
J'y entrai auſſitôt en
tremblant ; àdeux pas plus
loin je reconnus que j'étois
ſur un escalier , dont je def
cendis tous les degrez , au
pied deſquels j'apperçus de
loin une perite lumiere
84 MERCURE
(
qu'on avoit eu la précaution
d'enfermer ſous un
tonneau. Je m'en approchai
d'abord afin de la
prendre pour m'aider à
fortir de cette affreuſe ca
verne : mais le bruit & le
defordre ſe multipliant
avec mes frayeurs , je l'é
teignis par malheur. Neanmoins
le terrain où j'étois
me paroiſſant aſſez uni , je
marchai juſqu'à ce qu'enfin
je rencontrar une ouverture
à moitié bouchée d'un
monceau de fumier. Alors
j'apperçus heureuſement
GALANT. 85
une étoile , dont la lueur
me ſervit de guide pour me
tirer avec bien de la peine
de ce trou , où je venois de
faire un voyage épouvantable.
Je repris courage ;
&aprés m'être avancée un
peu plus loin ,je me trouvai
àl'entrée d'un petit marais
fec ,& plein d'une infinité
de gros roſeaux beaucoup
plus hauts quemoy.Enfin
accablée de laffitude & de
peur je crusque je ne
pouvois rencontrer nulle
part un azile plus favorable
que celui- là en attendant
86 MERCURE
le jour : ainſi je m'enfonçai
dans ce marais , juſqu'à ce
que je ſentis que la terre ,
plus humide en certains
endroits , moliſſoitſous mes
pieds. Je m'aflis , &je prêtai
pendant deux heures atten.
tivement l'oreille à tout le
bruir qui ſortoit de la maifon
dont je venois de me
ſauver fix heureuſement.
J'entendis alors des hurlemens
effroyables , qui me
furent d'autant plus fenfibles
, que je crus mieux reconnoître
la voix de Leonor.
Cependant au point du
GALANT 87
jour cette maiſon, qui avoit
été pendant toute la nuitun
champ de carnage & d'horreurs
,me parut auſſi tran.
quille , que fielle n'avoit
jamais étéhabitée. Dés que
je me crus affez afſurée que
le filence regnoit dans ce
funeſte lieu ,je fortis de mes
roſeaux , pour gagner à
travers la campagne un
village qui n'en est éloigné
que de quelques centaines
de pas . J'y trouvai un bon
vieillard , que les perils
dont onnefticontinuellement
menacé dansunpays
88 MERCURE
occupé par deux armées
ennemies , n'avoient pû
determiner à abandonner
ſa maiſon comme ſes voi
fins. Cebon-homme , autant
reſpectablepar le nom.
bre de ſes ans , qu'il l'eſt
dis-je pleu
par fontexperience & fa
vertu , étoit affis fur une
pierre àſa porte lorſque je
parus àſes yeux. Mon pere,
lui dis je auflitouren pleurant
ayez pitié de moy;
je me meurs de laffitude ,
de frayeur & de faim. En-
-tez dans ma maiſon , ma
Elle une répondit- il , &
vous
GALANT
89
vous y repoſez , en attendant
que mon fils revienne
avec ma petite proviſion
qu'il eſt allé chercher. Il
me fit aſſeoir ſur ſon lit ,
où il m'apporta du pain &
du vin , que je trouvai excellent.
Peu à peu le courage
me revint ,&je m'endormis.
A mon réveil il me
fit manger un petit morceau
de la provifion que
ſon fils avoit apportée ; il
me pria enſuire de lui conter
tout ce que vous venez
d'entendre. La ſatisfaction
qu'il eut de m'avoir ſecou-
Juin 1714 H
१०
MERCURE
ruë ſi à propos le fit pleurer
de joyc. Enfin il me promit
de me donner ( lorſque je
voudrois ſortir de ſa maiſon
) ſon fils & ſa mule pour
meconduire chez matante.
Je reſtai neanmoins trois
jours enfermée & cachée
chez lui , & le quatriéme ,
qui eſt aujourd'hui , j'ai crû
que je ne pouvois point
trouver une occafion plus
favorable que celle de l'orage
qu'il a fait tantôt ,
pourme ſauver au Palais de
ma tante , ſans rencontrer
fur les chemins perſonne
:
GALANT
qui put me nuire : mais à
pcine ai je été avec mon
guide àun mille de la mai
fon de ce bon vieillard ,
que nous avons été atta
quez par le jeune homme
que votreſentinelle ableſſé.
C'eſt le plus jeune de mes
freres , qui ayant appris
apparemment que je n'étois
point chez ma tante ,
m'a attendue ſur les ave-
-nuës de ſon Palais , juſqu'à
- ce qu'il m'ait rencontrée :
mais heureuſement mon
conducteur a lutte contre
lui avec beaucoup de cou
Hij
$2 MERCURE
rage , pour me donner le
temps de me ſauver . J'ai
auſfitôt lâché la bride à ma
mule , qui m'a emportée à
travers les champsaved
tant de violence , qu'elle
m'a jettée par terre à cent
pas du ſentinelle qui m'a
remiſe entre vos mains. Je
vous prie maintenant de
vous informer de l'état où
font mon pauvre guide , fa
mule & mon frere: bab
Alors nous la remerciâ.
mes tous de la peine qu'elle
avoit priſe de nous conter
une histoire auſſi intereſſanGALANTA
dou
to quedaficine ; && dont le
recit ad contribua pas peu
à me revidre ſur le champ
éperdûment amoureux d'elle.
Cependantnous ne
tâmes point que Barigelli ,
qui étoit un de nos prifonniersine
pût nous apprendre
le reste de l'avanture de
Leonor.Nous le fîmes monterànôtre
chambreavec ſes
camarades , où aprés l'avoir
traité avec beaucoup de
douceur & d'honnêteté,
nous lui demandâmes ce
qu'étoit devenuë ſa femme.
Meffieurs,nous dit-il , i
94
MERCURE
yla plus de trois mois que
le perfide Juliano Foreſti ,
que vous avez aujourd'hui
dérobé à ma vangeance ,
& qui eft maintenant, aflis
auprés de vous , cherche à
me deshonorer. J'ai furpris
pluſieurs lettres , qui ne
m'ont que trop inſtruit de
•l'intelligence criminelle
qu'il entretient avec ma
femme , j'ai ſçû la partie
que la ſcelerate avoit faite
pour voir ce traître , ſous
le pretexte de conduire la
Signora Veſpaſia chez ſa
tante. J'ai été parfaitement
GALANTM
informé de tous leurs pas ;
& fans avoir pû m'attendre
àce qui leur est arrivé dans
la maiſon du malheureux
Valerio Colucci , je n'ai pas
laiſſé de prendre toutes les
meſures imaginables , &
d'aſſembler une trentaine
-de payſans bien armez pour
lui arracher mon infidelle.
Je me ſuis mis en embuscade
aux environs de la
Caſa bianca , queje ſçavois
être l'unique retraite de
Juliano , de ſon frere , &
de tous les brigans du pays.
J'ai attaqué la maison &
96 MERCURE
tous ceux qui la défendoient
; je les ai mis tous ,
avec mes troupes, en pieces
& en fuite ; j'ai enfin retrouvé
ma perfide époufe ,
que j'ai enchaînée dans ma
cave , &j'ai été à peine forti
de chez moy , que j'ai rencontré
le perfide Juliano,
qui ne ſçavoit encore rien
de ce qui s'étoit paffé 1t
nuit chez fon frere. Il n'y
avoit pas une heure que je
l'avois pris , lorſque vous
nous avez ſurpris nous mê
mes dans la caſſine de Va
lerio.
:
SciGALANT.
97
Seigneur Barigelli, lui dit
Veſpaſia,vôtre femmen'eſt
point coupable , & la for
tune qui nous a perlecutées
depuis quelques jours d'une
façon toute extraordinaire,
a caufé elle ſeule tous les
malheurs qui vous ont rendu
ſa fidelitéſuſpecte. Enfin
nous determinâmes Bari
gelli à faire grace à la femme
, nous gardames Juliano
dans la tour , pour sçavoir
par ſon moyen des nouvel
les de ſon frere& des bandits,
dont le pays Mantoüan
étoit couvert
Juin 714.
& dont il
1
98 MERCURE
étoit le chef. Nous fimes
envaintous nosefforts pour
rendre plus docile le frere
de Vefpafie , il fut toûjours
intraitable à ſon égard. Le
Commandant de la Tous
voyant que nous n'en pouvions
rien tirer , s'empara
de ſa perſonne pour les trois
jours que fa foeur nous avoit
demandez . Enfin charmé
de toutes les bonnes qua
litez,de cette belle fille jo
la remenaiàlaville,comme
je le lui avois promis ; je lui
trouvai une maiſon fûre &
je la fisfor
commode, d'ou
LYON
* 1893
GALANT
THEQUR
tirun mois aprés, pote
voyer avec unde mes
dans la Principauté d'Orange
, aprés l'avoir épouléc
ſecretement à Mantouë.
Je profiterai de la premiere
occafion pour vous
envoyer l'histoire du
malheureux Sainte Colombe
* , qui vient d'être
*Quelque extraordinaires que foient
les circonstances de cette h ſtoire , il y
avoit plus de10. ou 12. mille hommes
de nos troupes dans Mantouë lors
qu'elle arriva ainſi on peut compter
quoique je n apprehende pas que per-
Iſonne dopoſe contre moy , pour m'accufer
de fuppofer des faits inventez ,
que je la rendrai fidelement comme
elle eft. Ii
100 MERCURE
aſſaſſiné par un marijatoux.
Remarques fur l'Histoire.
1. Si je ne me faifois pas
un ſcrupule , en parlant de
l'Italie , de paſſer pour le copiſte
de Miſſon , je m'étendrois
davantage , pour la
fatisfaction des lecteurs ,
fur les remarques que j'ai
promiſes , & je ne me piquerois
pas de la delicateſſe
de ne les entretenir que des
choſes qu'il a negligé de
voir , ou qu'il a oublié de
nous dire , aufli bien que
GALANT. 101
tous ceux qui en ont écrit.
Le Lac de Garde fournit
affez d'eau à la petite riviere
du Mincio , pour faire
de la ville de Mantouë une
eſpece de Peninſule entou
réede tous les côtez , à l'exception
de celui de la porte
Pradelle&de la porte delTé,
d'un marais large & profond,
dont les exhalaiſons
infectent l'air pendant l'Eté
, & dont le poiſſon eft
deteſtable en tout temps.
2. Le Palais del Té ( dont
Miſſon ne dit rien ) eft un
grandbâtiment dont les ga
I iij
Io2 MERCURE
leries & les appartemens
ſervirent les premieres an.
nées de cette guerre d'hôpital
aux Officiers & aux
foldats malades de nôtre
armée. Il y a du côté du
jardin , au rés de chauffée
de cet édifice , un grand &
magnifique ſalon , où l'on
voit à freſque ſur lesquatre
murailles , & à la voûte qui
le compofent, un tableau
fuperbe du combat des
Geans contre les Dieux ,
qu'on m'a aſſuré être de la
main de P. Perugin, ce que
je n'ai pas ofé croire. On
GALANT . 103
peut faire à tout moment
dans ce fallon une expe
rience aſſez finguliere.
Quand même ce ſalon
feroit plein demonde, deux
perſonnes qui s'entendent
peuvent , d'un angle du ſa
lon à l'autre angle oppofé,
en tournant le vifage vers
leur angle,ſe parler comme
fi elles ſe parloient à l'o
reille,ſans que perſonne en
tende ce qu'elles ſe diſent.
3. San Benedetto * eſt un
grand Convent de Bene.
dictins à dix mille deMan
* Misson n'en dit pas un mot
I iiij
104 MERCURE
touë. Cette maiſon eſt une,
des plus riches & des plus
ſuperbesMaiſons Religieuſes
qui ſoient en Italie. Elle
a ſervi long- temps alternativement
de logement aux
Generaux des deux armées
quiyétoientpendant la derniere
guerre. Les fondemens
de cet édifice font immenfes
, ſes cours , fes portiques
, fes eſcaliers , & fes
colydors font magnifiques.
La nefde l'Egliſe de ceMonaftere
, dont tout le pavé
eſt de marbre , eſt plus
grande ſeule que toute la
GALANT. 105
fameuſe Egliſe de Notre-
Dame de Bourg en Breſſe.
J'ai oui dire aux gens du
pays que les caves de ce
Convent étoient pleines de
tonnes d'argent , que ces
Moines amaſſoient depuis
un temps immemorial. Je
ne doute pas qu'il n'y ait eu
des grands Seigneurs affez
curieux pour examiner de
fort prés fur quoy ce bruit
étoit fondé.
4. Serpent. Dans le jardin
du Palais de Marmirol
vingt Officiers de la garnifon
de Mantouë , dont j'é
106 MERCURE
tois du nombre , en virent
une fois un qui avoit au
moins huit pieds de longueur
; il s'épanoüiffoit fur
une grande piece de marbre
que le Soleil avoit é
chauffée. Il fut tué à coups
de canne & d'épée.
5. Cafa bianca. C'est une
maiſon blanche faite à peu
prés commeje l'ai dépeinte
dans mon Hiſtoire. Elle a
ſervi ( pendant quelques
mois , du temps que M. le
Comte de Vaubecour commandoit
à Mantouë ) d'azile
aux payſans, qui eſcarmou
GALANT . 107 *
choient preſque à coup für
tous les foldats qui avoient
l'audace ou le malheur de
s'écarter de leur troupe
6. Chambre perduë. Il n'y
a gueres de maiſon raifonnable
en Italie & en Eſpagne
, où il n'y ait un petit
quartier, compoſé au moins
d'une chambre & d'un efcalier
dérobé , qu'on ne
s'aviſeroit jamais de chercher
, fi les maîtres ou les
domeftiques des maiſons
n'y conduiſoient pas ceux
1 àqui ils veulent bien montrer
ces détours.
to MERCURE
7. Regio dans le Modenois
eſtune petite ville fort jolie,
bien ſituée, bienbâtie, dont
les ruës font,comme àBoulogne
, ornées des deux cô
tez de grands portiques de
pierre, où l'on peut en tout
tems marcher à couvertde
la pluie & du ſoleil. La principale
occupation , ou plus
tôt le plus grand commerce
des habitans de cette ville ,
conſiſte en des ouvragesde.
peu de valeur. Ils font avec
des os , qu'ils travaillent
affez groflierement , des
croix , des reliquaires , des
GALANT. 109
1
bagues , & cent autres bagatelles,
qu'ils portent , ou
qu'ils envoyent dans toute
Italie.
Si ces courtes remarques
n'ennuyent point le
public, je les continuerai
dans tous mes Mercures
finon je ſouhaite
trouver quelqu'un qui
puiſſe me répondre pour
tout le monde , qu'elles
ne font du goût de perfonne
: alors je cefferai
d'en faire. Je ne me preforis
aucun arrangement,
Ho MERCURE
&je neſuis esclaved' aucune
methode ,que je ne
fois prêt d'abandonner ,
quand on voudra prendre
la peine de me mener
à mon but par une
route plus agreable. Fe
vais en paſſant , & en
attendant qu'on daigne
me parler franchement
furla conduite de cet ouvrage
, dire deux mots
du mois de Juin.
L
Juin eſt le ſixiéme mois
de l'année Romaine, où le
GALANT. Im
Soleil entre dans le ſigne
du Cancer , où eſt le ſolftice
d'Eté.
Ce mot vient du Latin
Junius , que quelques - uns
tirent àJunone. Ovide dans
le cinquiemedes Faſtes fait
dire à cette Déeſſe :
Junius à noſtro nomine nomen
babet.
C'est de mon nom que Juin
s reçoit le nom qu'il porte.
D'autres aiment mieux
le tirer à Junioribus , des
jeunes gens , comme le
mois de May étoit pour les
vieilles. Ovid. Sat.
112 MERCURE
Junius est juvenum , qui fuit
antefenum.
Lefigne des gemeaux annonce
à la vieilleffe
L'aimable retour du printemps
;
Mayréjouit les vieux, Juin
pour la jeuneffe
Se renonvelle tous les ans.
La paix qui eſt à la veille
d'être concluë entre tous
les Princes du Nord , & la
tranquilité dont l'Europe
va joüir , vont deſormais
faciliter les moyens d'éta.
blir des correſpondances ,
dont les nouvelles ne feront
ni
GALANT . 43
J
ni moins agreables , ni
moins intereſſantes , pour
n'être plus chargées du détail
des alarmes de la
fi
Les rebeles Catalans &
Barcelonois touchent au
moment de leur reduction.
Voiciunt extrait d'une
lettre que j'ai reçûë du
camp devant Barcelone ,
dattée du 29.May.
Aprés un ample détail de
tout ce qui s'eſt paffé au
- poſte des Capucins , que
Male Comte d'Eſtaires ,
Maréchal de Camp& Che -
Juin 1714 K
114 MERCURE
人
valier de la Toiſon d'Or , a
emporté avec toute la valeur
imaginable , on ajoûte
qu'on prend de ſi juſtes
meſures pour attaquer cette
ville avec la derniere vigueur
, qu'elle ne peut évi
ter d'être miſe en poudre ;
que M. Orry eſttoûjours au
camp , où il auroit voulu
traiter avec les Barcelo
nois , qui n'en ont point
voulu entendre parler , &
qui difent toûjours qu'ils
periront plutôt tous , que
de ſe rendre fans un ordre
de l'Empereur : mais mala
GALANTI
gré leurs beaux diſcours
on eft perfuadé qu'ils ne
défendront rien, fi on les
attaque auſſi vivement qu
ils l'apprehendent
On a eu avis de Varſovie
parune lettre du 12. deMay,
que le Palatin de Maſovie
feroit forti de Conſtantinople
depuis plus d'un mois
avec une entiere fatisfacu
tion , s'il avoit voulu con
fentir à figner le traité que
leGrandViſir lui a propofé
touchant lepaſſage du Roy
de Suede par la Pologhe,
& lacceffion debrUkraine.
Kij
116 MERCURE
Le Roy de Pologne a trouvécettedemandedesTurcsi
ſi injuſte , qu'il a ordonné à
ſes Generaux Saxons de te
nir leurs troupes prêtes à
marcher au premier ordre.
On apprehende fort que la
Nobleſſe de Lithuanie
celle de la grande Pologne
ne cauſe ici des defordres
anſquels il fera fort difficile
de remedier , ſi leRoyn'arrêre
pas les vexations & les
executions militaires que
les troupes Saxones font
fur leurs terres , & dont el
les demandent la fatisfac
GALANT. 117
tion qu'elles pretendent
leur être dûë.
On écrit de Hambourg ,
que la Reine d'Angleterre
a fait propoſer une ſuſpenſion
d'armes auRoy de Danemark
, à laquelle il a refufé
de conſentir auſſi bien
que le Czar.
Toutes les lettres d'Allemagne
ne parlent que de
la bonne intelligence du
Roy de Suede avec le
Grand Seigneur,qu'il a prié
de donner les ordres neceſſaires
pour fon retour
dans ſes Etats.i.amlyngby
118 MERCURE
Le May le Comte de
Seilern , Plenipotentiaire
de l'Empereur , partit de
Vienne , pour aller à l'afſemblée
de Bade en Suiſſe
travailler à la paix entre la
France & l'Empire.....
Le 11. le Comte de Goës,
auffi Plenipotentiaire de
l'Empereur , prit la même
route. Les conferences ont
été ouvertes le 4. à l'affemblée
de Bade.
On écrit de Milan que
Don Vincenzo Gonzaga ,
Duc de Guastalla , eft mort
d'apoplexie le 28. Avril, âgé
GALANT. 119
de quatre- vingt ans, a
Le s. May Aleſſandro Aldobrandini
, Nonce duPape
, fit ſon entrée publique
dans Venife.
Le 10. Fête de l'Afcenfion
,leDoge,accompagné
dusNonce , monta fur le
Bucentaure , où il fit , comme
cela ſe pratique tous les
ans à pareil jour , la ceremonie
d'époufer la mer.
Extrait d'une lettre d'Angers.
Jeindſçai fivous avez oüi
parlersde la foreur des
120 MERCURE
loups enragez qui font en
trez dans nôtre ville d'Angers
, & ont mordu plus de
cinquante perſonnes , qui
ont été obligées d'aller à
la mer. On regarde ce deſaſtre
comme un veritable
fleau. On a vû dans les an
ciens regiſtres que la même
choſe étoit arrivée il y a
cent ans dansune conjoncture
pareilleaprés les con
cluſions de la paix. On vient
de faire une proceffion generale
pour appaiſer la colere
du Seigneur. J'ai vu
pluſieurs de des pauvres
bleſſez
GALANT. 122
bleſſez qui faisoient compaflion.
Les loups les ont
mordus au vilage & à la tête.
Nôtre Prelat a été obligé
de quitter ſa charmante ſolitude
d'Evantor , où il y a
un trés- grand bois qui peut
ſervir d'azile à ces bêtes enragées.
La Connétablie ſe tiendra
chez M. le Maréchal de
Villars pendant l'absence
de M. le Maréchal de Vil
leroy , qui est allé appailer
les deſordres qui font furvenus
à Lyons
Juin 1714.
L
not
2
122 MERCURE
Le 16. Juin , à deux heures
aprés midi , Madame la
Ducheſſe de Berry accoucha
à Versailles d'une Princeſſe
, qui fut ondoyée, puis
baptifée le même jour par
le Curé de Versailles , &
nommée Loüife-Marie- Elifabeth
par M. de Pons ,
Maître de la Garderobe de
fou Ms le Duc de Berry,&
par Madame de Pompa
dour. Elle mourut le lendemain
17. à deux heures du
matin. Le 18. ſon corps fut
porteà S. Denys enFrance,
& fon coeur au Val deGracc.
GALANT. 123
MORTS.
Joſeph Remy de Livron,
Seigneur de Villenox & de
Cuile , dit le Marquis de
Livron , mourut fans alhance
le 8. May.
Il étoit frere de Jean-
Baptiſte Evrard de Livron ,
Bachelier de la Maiſon &
Societé de Sorbonne , lequel
a quitté l'Egliſe depuis
la mort de ſon frere ;
&de Marie- Françoiſe -Almodie
de Livron , mariée
le 21. Septembre 1705. avec
Lij
124
MERCURE
Marc- Antoine- Conſtantin
Valon , Seigneur de Montmain
, laquelle eſt decedée
en 1713. Il étoit fils de Joſeph-
Remy deLivron, dit le
Marquis de Livro, Colonel
d'unregimentde cavalerie,
mmoorrtteenni1687.&deFrançoiſe
Benigne de Belloix , Dame
de Villenox , & avoit pour
biſayculCharles de Livron,
Marquis deBourbone,Maréchal
desCamps&Armées
du Roy , Capitaine de so
hommes d'armes , Lieutenant
deRoy au Gouvernement
de Champagne , fait
GALANT.
125
Chevalier de l'Ordre du S.
Eſprit l'an 1633. Charles fon
ayeul , qui avoit épousé
Claude de Sallenoue , ſe fit
Prêtre aprés la mort de ſa
femme , qui mourut jeune.
Il cut l'Abbaye d'Ambournay
en Breffe. Son grandpere
maternel , M. de Villemonté
, Maître des Requêtes,
convint avec la femme
de quitter le monde ;
elley confentit ,elle ſe retira
dans un Convent : il ſe
fit Prêtre , & eut l'Evêché
de S. Malo , ſa femme vivante.
t
Liij
126 MERCURE
La maison de Livron ,
établie dans le Limoſin depuis
plus de 400. ans , eft
fortie des anciens Seigneurs
de Livron auprés de Valence
en Dauphiné , & elle
s'eſt alliée aux maiſons de
la Barre , d'Helie - Pompa.
dour, de Noailles, de Beaufremont
, de Thuiſy , de Gimel
, de Choiſeüil, d'Eſcars,
du Chatelet , de Baffompierre
, de Savigny , d'Anglure,&
autresmaiſons des
plus illuftres , tant de France
que de Lorraine. Voyez
la genealogie de Livron ,
GALANT.. 127
imprimée dans le Nobi
liaire de Champagne pa
ordre de M. de Caumartin .
Dame Genevieve - Thereſe
Chamillard , époufe de
Meffire Guy de Durfort ,
Duc de Lorge , Comte de
Quintin , mourut le 31.May
enſavingt-huitieme année.
laiſlant deux fils. Elle étoit
foeur du Marquis de Cani ,
deMadame de Dreux, femme
de M. de Dreux , grand
Maître des Ceremonies de
France , & de Madame la
Ducheſſe de la Feüillade;
Ling
128 MERCURE
tous enfans de Michel Chamillart
, Commandeur &
grandTreſorier des Ordres
du Roy , Miniſtre d'Etat ,
& ci-devant Controlleur
general des Finances , &
d'Elifabeth- Therese le Rebours.
M. de Chamillart
leur pere eſt fils de Guy
Chamillart, Maître des Requêtes
de l'Hôtel du Roy ,
mort l'an 1675. & petit- fils
de Pierre Chamillart , celebre
Avocat au Parlement
& Profeffeur en Droit,forti
d'une famille originaire de
la ville de Sens , ou des en
virons.
GALANT.
129
T
Dame Madeleine de Ri
queti, veuve de M. Jacques
du Chatelet , Seigneur de
Freſnier , Conſeiller duRoy
en fonGrandConfeil,mourut
le 3. Juin. Elle avoit été
mariée avec M. de Freſnier
en 1669. étant lors veuve de
Loüis Hurault, Seigneur de
ſaint Germain & du Cou--
dray ,& elle a eu , entre autres
enfans , Jacques du
Chatelet , Seigneur de Frefnier
, Conſeiller au Grand
Conſeil , duquel , & de Suzanne.
Genevieve Talon fa
femme, ſont ſortispluſieurs
130 MERCURE
enfans. Meſſieurs du Chatelet
ſont d'une ancienne
Nobleſſe originaire d'Artois
, alliée aux maiſons
de Rouvroy , de Choiſeuil ,
de Ligneville , de Grou
chepi , &c.
Meffire Archambaule
François Barjot d'Auneüil ,
Chanoine de la SainteChapelle
de Paris ,mourut le 9.
Juin. Il étoit fils de Loüis
Barjot, Seigneur d'Auneüil,
Maître d'Hôtel , & grand
Maître des Eaux & Forêts
de Lorraine , & Confeiller
GALANT.
131
d'Etat , & de Marie-Eliſabeth
de Baumont de ſaint
Estienne ; & pétit- fils de
Jean Barjot, Seigneur d'Auneüil
, reçû Maître des
Requêtes ordinaires de
l'Hôtel du Roy en 1587. &
depuis Conſeiller d'Etat ; &
arriere- petit fils de Philbert
| Barjot, Seigneur d'Auneüil,
Maître des Requêtes de
( l'Hôtel du Roy , & Prefident
au Grand Confeil ,
mort en 1570. & de Marie
Fernel, fille du celebre Jean
Fernel , premier Medecin
du Roy Henry II. & de
132 MERCURE
Catherine de Medicis. La
famille de Barjot eſt originaire
du Baujolois , & s'eſt
alliée aux maiſons de Beauveau
, de Broon , de Voyer
de Paulmy , & de Maillé.
Les Seigneurs d'Auneüil
font les ainez,& lesMarquis
deMoucy font les cadets.
M. Henry Jolly, Licutenant-
Colonel du regiment
de dragons de la Reine , &
Brigadier des armées du
Roy, mourut le 9. Juin.
Dame Catherine Hen
GALANT.
133
I riette d'Angennes , veuve
de Meffire Louis de la Tremoille
, Comte d'Olonne ,
mourut le 13. Juin. Elle
avoit été mariée dés l'an
1656. & avoit pour ſoeur
puînée Dame Madeleine
d'Angennes , morte depuis
peu , veuve du Maréchal
Duc de la Ferté. Elles é
toient filles de Charles
d'Angennes , Seigneur de
la Loupe , & de Marie du
Regnier de Droüé.
Meffire Claude de Saint
Georges , Archevêque &
-
34 MERCURE
Comte de Lyon , y mourut
le 9. Juin. Il avoit été d'abord
Evêque de Clermont,
puis Archevêque de Tours ,
&transferé àLyon en 1693.
Il étoit un des vingt enfans
ſortis dumariagedeClaude
de S. Georges , Seigneur de
Monceaux en Mâconnois
& de Marie de Cremeaux
d'Entragues. Il étoit frere
duChevalier de S.Georges,
Bailly de Lyon , del'Ordre
de Malte , & du Comte de
Saint Georges , Colonel du
regiment du Roy, tué à la
bataille de S. Denys en 1678.
GALANT .
138
Il étoit oncle de Marc-Antoine
de S. Georges , Seigneur
de Monceaux , marié
cn 1697. avec Claude-Eliſabeth
Apechon de Saint
André , de laquelle il a
pluſieurs enfans;& deMM.
de S. Georges , tous deux
Chanoines & Comtes de
Lyon. La maiſon dont il
étoit iſſue eſt diſtinguée par
ſon ancienneté & par ſes
alliances , & il y a grande
apparence qu'elle a la même
origine que celle des
Marquis de Verac en Poitou
, de laquelle étoit feu
136 MERCURE
M. le Marquis de Verac ,
Chevalier de l'Ordre du
S. Eſprit , pere du Marquis
de Verac d'aujourd'hui.
L'Evêque d'Autun,premier
Suffragant de l'Archevêché
de Lyon , joüit de tous les
revenus de l'Archevêché ,
en attendant que le Roy y
nomme.
M. Nicolas Meſnager
Chevalier de l'Ordre de S.
Michel , Conſeiller- Secretaire
du Roy , & ci - devant
ſon Ambaſſadeur extraor
dinaire & Plenipotentiaire
pour
3
GALANT. 137
pour la paix d'Utrecht ,
mourut le 15. Juin.
Le Chevalier de Coigni
âgé de fix ans , mourut le
18. Juin. Il étoit fils de M.
François de Franctor , Marquis
de Coigni , Colonel
general des dragons de
France , Maréchal des
Camps& Armées du Roy ,
Gouverneur & Bailly des
ville & château de Caën ,
& de Henriette de Monbourché
du Bordage ; &
petit- fils de feu M.le Comte
deCoigny, Gouverneur &
Juin 1714. M
138 MERCURE
Bailly de Caën, Lieutenant
general des armées du Roy;
& de Dame Marie - Françoiſe-
Uranie deMatignon.
Meſſieurs de Franctot d'une
famille diſtinguée dans la
Robe & dans l'Epée , & originaires
de Normandie , ſe
font alliez aux maiſons de
Montmorency , de Harcourt
,& à celles d'Ache &
de S. SimonCourtaumer, &
elle adonnédes Chevaliers
deMalthe au grandPrieuré
de France nó histoco
Dame Marie- Catherine
GALANT 139
d'Angennes , veuve de Philippe-
François Lhermite ,
Seigneur d'Hyeville de Ste
Barbe enAuge , de Mont
champ&deMelie en Normandie,
mourut le
laiſſant pour fille unique
Eliſabeth Lhermite,mariée
le Mars 1700.avec Pierre
de Monteſquiou d'Artagnan
, à preſent Maréchal
de France. Me d'Hyeville ,
qui vient de mourir , étoit
couſine-germaine de feuës
Mesdames les Comteffe
d'Olonne &Maréchale de
la Ferté , & fille de Jenn
Mij
340 MERCURE
d'Angennes , Seigneur de
Fontaine - Riant , & d'Iſabelle
Graffart ; & tante du
Comte d'Angennes , aujourd'hui
Colonel du regiment
de Normandie.
こ
: MeffireCharles Boucher,
Seigneur d'Orsay, Cóſeiller
d'Etat,& ancien Prevôt des
Marchands , mourut les.
Juin , en ſa 73. année.
Dame Marie Sebrette
Veuve de M. Jerôme Me.
reau Chevalier, Confeiller
de la Grand Chambre!
GALANT. Y
mourut le dix - ſept Juin
Dame Renée- Marie Henin,
veuve de M. de Monchalt ,
Conſeiller au Parlement , dont
la fille avoit épousé M. de Barantin
, Maître des Requêtes ,
mort Intendant de Dunkerque
, mourut le 16.de ce mois.
M. le Moyne,ancien Avocat ,
& fous-Doyen des Avocats du
Parlement de Paris , celebre
par ſa probité , & infatigable
dans le travail , mourut le 15.
M. Louis de Rochouart,Duc
deMortemar, PairdeFrance ,
Prince de Tonne- Charante
&c. prit feance au Parlement
Een qualité de Pair de France
142 MERCURE
1
le 14. Juin . Le Marquiſat de
Mortemar en Poitou fut érigé
en Duché & Pairie en faveur
de Gabriel de Rochouart , bif.
ayeul de M. le Duc de Mortemar
d'aujourd'hui , Chevalier
des Ordres du Roy , premier
Gentilhomme de ſa Chambre ,
& Gouverneur de Paris par
Lettres patentes du Roy Louis
XIV. 1653. verifiées au Parlement
le 15.Sept. 1663. La maison
de Rochouart eſt une des plus
anciennes &des plus illuſtres du
Royaume,& la genealogie s'en
trouve dans l'hiſtoire des grāds
Officiers de la Couronne , aux
chap. des Maréchaux de France
& des Generaux des galeres ,
& dans les additions aux Memoires
de Caſtelnau par le Laboureur,
GALANT. 143
Le 13. Juin Nicolas- Louis de
Bailleul , Marquis de Châteaugontier,
Confeiller au Parle
ment, fut reçû dans la Charge
de Preſident au Mortier , va-
- cante par la mort de M. fon
- pere ; & il eſt le quatrième de
pere en fils qui ait rempli cette
Charge,depuis NicolasdeBailleul
, Baron de Châteaugontier,
Chancelier de la Reine , & de-
- puis Surintendant des Finances
de France , qui y futreçû le as.
Septembre 1627410 231
M. le Pelletier des Forts, Intendant
des Financesa été
nommé Conſeiller d'Etatil Ath
MARIAGE
5
Marie Louiſe-Genevieve det
Bouchet de Sourches , fille de
144 MERCURE
M. Louis François de Bouchet
de Sourches, Conſeillerd'Etat,
Prevot de l'Hôtel , & grand
Prevôt de France , &de Marie-
Genevieve de Chambes , née
Comteffe de Montſorau.épou.
fa le 16. May Jean-Baptiste-Nicolas
Demés de la Chenaye ,
Comte de Rougemont, Grand
Tranchant , Porte - Cornette
blanche,Gouverneur de Meulan
, & a eu soooo. livres de
brevet de retenuë fur ſes deux
premieres Charges.
M. deBaguevilledeBonnetot
, frere de Me la Prefidente
d'Aligre , & de Me la Premiere
Preſidente de Pontcarré , a
épouſe le 23. Juín Mademoi
ſelle de Châtillon , fille de M.
le Comte de Châtillon.
T
t
GALANT. 145
sudoJe crois que ceux qui s'adreſſent
à moy , pour cſtre
recommandez au Public , oublient
, pour me faire honneur
, tous les Attributs que
les Poëtes donnent àMercure,
&qu'ils ne ſe ſouviennent plus
qu'il fût jadis , un fourbe , un
larron infigne , & tel en un
mot qu'il eſt encore dans
la Comedie d'Amphitrion ,
pour ne luy ſuppoſer déformais
que des qualitez bienfaiſantes.
Il n'ya pas juſqu'au
Journal de Verdun , qui s'eſt
enrichi de ſa dépoüille , & de
ſon indolence , qui me pric
Juin 1714.
N
146 MERCURE
d'apprendre à tout le monde
que l'on yend à Paris , chez
Claude Jombert , à la defcen
te du Pont Neuf, proche- les
grands Auguſtins , un Livre
incitulé , Avantures fecrètes !
arrivées au Siegode Conftari
tinople.
J'y confens,de bon coeur,
& de plus j'ajoute à cette
dreſſe, que quoy que cetouvrage
ſoit l'eſſay d'une plame
naiſſante , il porte cependane
tous les caracteres de la per
fection dans ſon Gehre .
L'Auteur yudécrit d'une
maniere noble & vive les exGALANT.
147
ploits guerriers & amoureux
dedeuxgrands hommes. L'un
étoit François & fils d'un
Comte de Foix qui ayant été
dés fon enfance élevé enTurquic
By reçût le nom de
Camutza ; l'autre eſtoit Genois
d'illuftre naiffance , &
s'appelloitCantane. Ces deux
Heros aprés avoir eſſuyé pluſieurs
perifs parmi les Turcs
&une infinité de traverſes
dans leurs amours , triompherent
de leurs ennemis ,&joüirent
heureuſement du fruit del
leur tendreſſe & de leur va
leur. Cet ouvrage eſt orné de
Nij
148 MERCURE
quelques Epiſodes tirées du
fond de la matiere , qui eft
conduite avec beaucoup d'art
& de juſteſſe ; les événemens
en font heroïques , tendres &
intereſſans , les récits agréables
& bien placez , l'Histoire, la
Geographic , laCronologic &
la Politiquey paroiffent exac
tement, obſervées , enfin la
pureté du ſtile y eſt jointe à
la délicateſſe des penſées & à
la beauté du ſujet, On efpere,
que l'Auteur ne representera
pas dans la ſuite les mêmes
perfonnes fous differens
noms , parce que cela jetteroit !
GALANT. 149
le Lecteur dans un embarras,
dont il auroit peine à ſe tirer.
Il ſuffit d'avoir dit une fois ce
qui eft ,& même de l'avoir exprimé
avec tant de grace ſans
affecter une variation qui ne
convient tout au plus qu'aux
Orateurs & aux Poëtes , &
encore font ils obligez de garder
certaines regles auſquelles
l'excellence de leur profeffion
les aſſujettit.
J'ay promis des liaiſons.
Il faut tenir parole. Mais je
ne ſçay comment m'y prendre
pour paffer d'une façon agra
Niij
150 MERCURE
ble & naturelle , d'une matiere
que je connois un peu ,
à une que je ne connois point
du tour. On m'a fait preſent
de deux Memoires Litteraires
fur la Medecine; on m'aſſure
qu'ils annoncent des chofes
qu'ils
dont l'uſage eft excellent pour
prolonger nos jours. C'eſt co
que je ne ſçay pas encore , parce
que je n'ay jamais cû beſoin
de l'apprendre.
Quoy qu'il en ſoit , ils me
paroiſſent affez bien écrits , &
la force de leurs raiſonnemens
qui me fait en quelque facon
juger du merite de leurs AuGALANT
S
teurs , me détermine à les
es noMemoite Litteraire
R
of La Medecine a pris naiſſancodesobfervations
,dont lehazard
fut peüt- eſtre la premiere
&la plus feconde ſource,
aprés tuy vint l'experience, qui
les multiplia durant pluſieurs
Siecles , & forma le premier
plan d'un art qui devoit reme
dier aux maladies dont la fant
té des hommes eſt ſi ſouvent
combatuë. Cette Medecine
empirique n'eſtoit d'abord oc-
Niiij
152 MERCURE
cupée qu'à reconnoître les vertus
des Simples & de leurs differ
ens mélanges : Mais la diverfiré
deleurs effets , ſelon les
differences des accidens , ou
celles du temperament , de
l'âge, du temps , du licu , des
alimens , des paffions de l'ame
, &c. fit bien- toſt connoiſtre
que puiſque la nature,
plus changeanteque Prothée,
ne ſetrouve preſque jamais la
même , il falloit entrer dans
le détail de ſes inconſtances
pour y trouver la regle de la
juſte application des remedes.
Cette folide reflexion donna
GALANT
lieu de romarquer tous les
ſignes, qui établiſſent les pré
ſages des maladies qui diſtinguent
les unes des autres, qui
marquent leurs eſpeces dans
chaque genre , & font juger
de leurs caufes & de leurs ef
fets. Une auffi utile recherche
produifit les regles& les prin.
cipes du grand Art de guerir;
cette étude enfantales divinso
racles queHippocrateaprés les
célebresMedecin de l'Ecole de
Cnyde& les Prêtres du Tem
ple d'Eſculape, raſſembla dans
ſes ouvrages qui l'ont immortalifé
, ces fondemens de la
154 MERCURE
Medecine , avoüez, de toutes
les Ecoles du monde , auffi
anciens& auffi nouveaux que
la verité,ſont les ſeuls qui ont
mis le prix à la doctrine des
Medecins de tous les temps:
au lieu que les,vains rafine,
mens des Siſtemes , enfans
d'une ignorance preſomptucuſe
, quelques legitimes qu'ils
ayont paru , n'ont jamais porté
bien loin la Renomée deleurs
Auteurs , ni fixé pour longtemps
llastention des habiles
Praticiens. En effet quoy que
des conjectures vray- fomblables
leurs en impofent quel
2GALANT. 155
quefois , ils n'ont pas de peine
à ſe détromper, ſi- toſt qu'ils
rappellent de leurs préjugez à
la reglede l'obſervation. Ces
démarches de la nature dans
les maladies , ces points fixez
que le Medecin nedoit jamais
perdre de veuë , rempliffent
toutes les pages du ſçavant
livresde Lommius , dont Mon.
fieur le Breton , Docteur en
Medecinede la Falculté de Paris
a mis au jour l'excellente
traduction , qu'il en a faire ,
ſous le titre de Tableau des
maladies , où l'on découvre leurs
fignes & leurs évenemens, tra
156 MERCURE
duit du latın de Lommius , 4-
vec de nouvelles remarques ; ouvrage
qui renferme les obferuations
les plus importantes pour
acquerir une parfaite connoissance
detoutes les maladies , en prévoir
les ſuites , en pénétrer les cauſes ,
s' aßurer de leurs remed. s. A
Paris , chez Claude Jombert
Libraire.Quay des Augustins à
la defcente du Pont Neuf.
On vend chez le même Libraire
un Livre nouveau , inti
tulé, Principes de Phifique ,rapportez
à la Medecine Pratique,
& autres traitezsur cet Art,par
Mr Chambon, cy- devantMede
GALANT. }}
cin de Jean Sobieski , Roy de
Pologne.
**Cet ouvrage ſeroit nouveau
ſi la verité n'eſtoit pas de
tous les temps. Il eſt néan
moins nouveau en la maniere
de la propoſer. Tout lemonde
ſçait que chaque choſe àfa
naiſſance , c'est- à-dire eft faite
de l'union des ſes principes,
fonaccroiſſement , lamaturité,
ſon décroiſſement ,& en
fin ſa diſolution. C'eſt un or
drede la naturetoûjoursconftante
dans ſon inconſtance.
Il n'y a point de Phyficien qui
ne ſoit convaincude cette verité.
Cependant on nes'eftoit
158 MERCURE
3
&
point encore avisé dans les
Ecoles de parler ainfi ; parce
que des principes ſi faciles
fi ſurs ne plaifent pas aux perſonnes
qui aiment à faire mif.
tere de tout , & peut- eftre à
égarer les autres , afin de les
ramener par plufieurs détours,
au chemin d'où ils oftoient
partisang b
Mr Chambon qui joint
une sextrémehidroiture de
coeur àune parfaire connoif
fance de la nature, à évité
l'écücil des Phyſiciens ordinaires
, & nous propoſe dans
cet ouvrage les principes les
plus facilespavec une netteté
GALANT. 139
toute finguliere. La nature ,
dit- il , fait tous ſes ouvrages
en diffolvant & en coagulant;
lorſqu'elle diffout elte sein
erude; & lorſqu'elle coagule
elle cuir &meunit. C'eſt fur
ce grand principe que roule
rouve la Phyſique r& toute la
Medecine, Car enfin lainatu
reou coagule ondiffour ou
fe ropoſe quandfes ouvrages
font à leur matafités Ibreſt
vrayqu'elle nedemeute guard
en reposh qulellé,n'a pas
pluſtoſt conduit ſesouvrages
àleur perfection ,qu'elle travaille
à les détruige. Tout
160 MERCURE
ace
que doit donc faire un fage
Medecin eſt de ſuivre, la
nature dans ſes operations
fin d'empêcher les coagulations
prématurées,&les diſſolutions
trop precipitées.L'une
fert de romede à l'autre, la
coagulation empêche da trop
grande diffolution , lai diễ
folution bempèche da nerop
grande coagulations Opine
peut pas donner d'idée plus
fimple desoperations de la na
ture , & du devoirdes Medeeins
qucocelle-lashion flokar
-De ce principe il s'enfuit
quola ſaignée eſt ſouvent la
choſe
GALANT. 161
choſe la plus dangereuſe de
toutes celles que pratiquent
aujourd'huy les Medecins , &
qui a affez de rapport avec ces
fortes de remedes communs
qu'on diftribuë dans les boutiques
, ainſi que Mr Chambon
ledémontre dans ſon ouvrage.
En effet , ou le ſang
tend à ſe coaguler, ce qui cauferoit
des obſtructions dans
les viſeerés ou à ſe diffoudre ,
ce qui en ruineroit le baume ;
car de dire qu'il peut pêcher
en quantité, c'eſt une prévention
qui n'eſt formée fur
aucun princip craifonnable ,
Juin 1714.
162 MERCURE
s'il ſe coagule il y a des
remedes pour empêcher cet
te coagulation , & pour le re
mettre à fon bon naturel , s'il
tend à la diſſolution de ſes
principes,on peut l'empêcher
par des remedes coagulants.
Tous les corps , die Me
Chambon , ſont compoſez de
fel , de ſouffre & de Mercure.
La partie mercuriale continuët'il
, fait la fluidité ; la ſaline
fait le poids & la fixité , & k
fouffre la fuſibilité, le reſſerrement
,les faveurs & les couleurs.
Suivant ce principe , il
traise amplement des teintures
GALANT. 163
dont il donne les préparations
avec la netteté, & fa profondeur
ordinaire .
Il paffe de là au mal deNaples
que les Napolitains appellent
le mal François , dont il
explique la nature & les differentes
fortes conformement à
fes principes ; & aprés avoir
montré que le Mercure ne le
peut guerir radicalement , il
propoſe des ſpecifiques pour
lestrois eſpeces de cette maladie
ſçavoir la naiſſance, l'inveterée,&
l'hereditaire. Labontéde
cesſpecifiques eſt prouvée
par des raiſonnemens , & par
Oij
164 MERCURE
les experiences qu'il en faites à
cette occaſion; ildonne lespréparations
du Mercure , de
l'antimoine , du plomb , de
l'Elixir animal , de Lilium ,des
pilulles , &c. De- là pour récréer
le Lecteur , il paſſe au
récit de ſon voyage dans les
Monts de Pologne , où il entra
dans les mines de ſel , de
ſouffre, de bitume& autres ,
dont il rapporte les particula
ritez , & plufieurs autres mer
veilles de la même Pologne,
avec beaucoup d'exactitude
&de politeffe. Enfin il finit
par un traité de l'apoplexic
GALANT. 165
dontil explique la nature d'une
maniere mécanique &
conforme à fes principes ; enfuite
il établit les differentes
efpeces d'apoplexie ,& donne
les préparations des remedes
neceffaires dans ces fortes de
maladies.
On peut dire en general
que cet ouvrage eft , pour fa
folidité , fa varieté & fa nouveauté
, un des plus beaux
Chefs-d'oeuvres de la Medeci
ne,&de la Phyſique. Il ſeroit à
fouhaiter que l'Auteur voulût
faire part au Public des autres
découvertes qu'il a faites fur
166 MERCURE
quantité d'autres maladies ,
avec leurs remedes : ce ſeroir
luy faire un preſent d'autant
plus eftimable , que l'homme
n'ariende plus cher,ny de plus
précieux que la ſanté. Sans
elle il ne fait que languir ; les
plaiſirs n'ont pour luy aucun
charme , & il eſt incommode
non ſeulement à tout le monde
, mais encore à luy-même.
Quelques utiles que foient
les avis que je viens de donner,
les Memoires Litteraires ne
font pas du gouſt de tout le
monde , le nombre de ceux
GALANT 167
qui les paflent , eſt auſſi grand
que celuy de ceux qui les lifent
, & il me ſemble que
j'entends tous mes Lecteurs
dire, que chacun doit trouver
dans mon Livre au moins
un article pour ſoy. J'en
tombe d'accord , mais je leur
repeteray encore que c'eſt à
cux à faire en forte que leur
curiofité ſoit fatisfaite. Ils
veulent des pieces courtes &
diverſifiées , qu'ils m'en donnent
; qu'ils foient eux-mêmes
les Auteurs du Mercure Galant
, il doit eſtre leur ouvra
ge plutoſt que le mien. Ils
168 MERCURE
trouveront alors dequoy s'amufer
avecplaisir de la varieté
continuelle qui doit faire tour
le merite de ce Livre.
Quelque bonne que foit la
Piecede Poësie que je leurdon
ne, fi un Madrigal, uneChan
fon, une Epigrame, un Son
net leur plaiſent davantage ,
qu'ils prennent la peine d'en
faire & de m'en envoyer , je
feray tout ce qu'ils voudront
pour leur plaire. Cependant
je prie ceux qui ſe meflent de
faire des Vers de lire avec
beaucoup d'attention la Picce
de Poësie que jeleur preſente,
&
GALANT. 169
&de ſe ſouvenir dans leurs
compoſitions , avec quel art ,
& à quel prix il eſt permis d'être
Poëte.
De la Neceffité de la
Critique , ou le Grand
• Prevoſt du Parnaſſe.
On gronde contre la
Satire,
Et Cotin dit qu'on a rai-
F
fon;
Mais quoique Cotin puis ,
Sedire
Juin 1714. P
170 MERCURE
Dans l'étrangedemanделі-
fon ६
Qu'en noſtre Siecle on a
d'écrire
Il nous faut ce contre-poifon.
Ecrire en Vers' berire
Den Pr
Au temps passé, c'estoit un
fa
Art,
e
Au temps preſent , c'est
autre chose , RRR
Tant bien que mal à tout
hazard,
GALANT. 171
Rime qui veut , qui veut
compose
Se dit habile, ou le fuppose
,
Entre au Chorus , ou chan
te àpart
Eft pour un tiers ou pour
un quart
Fournit le texte en fait la
glofe,
Et tout le monde en veut
Sa part.
Dites - nous , Muses,
d'où peut naistre
Pij
172 MERCURE
Cette heureuse fecondité,
Eft- on sçavant quand on
veut l'estre ,
Cela n'a pas toûjours esté.
Il en coûtoit à nos Ancestres
,
Ce ne fut pas pour eux un
jeu,
Ce qui coûtoit à ces grands
Maistres
D'où vient nous coûte-tilfi
ة ي ح
peu.
Vanitéfotte, qui preſume
GALANT. 173
Par un aveugle &fol orgüeil
Defon esprit &desa plu
me:
Voilà d'abord le grand écuril.
Itcm, leTempledeMe
moire ,
C'est un tres- dangereux appas;
Mais en grifonnant pour
L'encre toûjours ne coule
la gloire ,
pas;
Piij
174 MERCURE
Et quelquefois avient le
cas ,
Que l'on caſſeſon écritoire.
1
:
Item ,foit à bon titre ,
ou non ,
On dit mes oeuvres , mon
Libraire ,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son Livre&fon
Nom:
Item , chacun asa folie
;
GALANT. 175
Item , aujourd'huy tout est
bon
Et tout oworage se publie
Ce qu'un hommea rêvé la
Ce qu'il a dit àſaſervan-
Cequ'ilfait entre ſept
buit ,
Qu'on l'imprime & melte
en vente ,
L'ouvrage trouve du debit;
Et quelquefois ,ſans qu'il
s'en vente ,
Piiij
176 MERCURE
L'Auteury gagne un bon
habit.
Item , quand on ne sçait
mieux faire ,
Onforge , on ment dans un
écrit.
Item, on nesçauroitſe taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand Item , ilfaut
vivre
Voilà comment fefait un
Livre.
De-lànous viennent à
foifon
GALANT. 177
Maigres livrets de toute
forte ; 1
Ils n'ont ny rime ny rai-
Son ,
Cela se vend toûjours ,
qu'importe
Tous lesſujetsfontpresque
ufez
Et tous les titres épuiſez ,
Fuſques à des contes de
Fée,
Dont on afait long- temps
Trophée ;
Le desordre croit tous les
jours
178 MERCURE
Je crie & j'appelle au fecours,
Quand viendra- t'il quelque
Critique
Pourreformer untel abus ,
Et purger noftre Republique
De tant d'Ecrivains de bibus?
A l'esprit d'un Cenfeur
farouche,
Qui fçait faire valoir fes
droits ,
Un pauvre Auteur craindra
la touche,
GALANT. 179
Et devant que d'ouvrir la
bouche
I penſera plus de deux
fois.
Je touche une facheuse
corde,
Et crois déja de tous cof
tez
Entendré à ce funeste exorde
,
Nombre d'Auteurs épouvantez
Crier tout baut , mifericorde!
180 MERCURE
Soit fait , Meffieurs , j'en
fuis d'accord;
Mais quand le Public en
furie
Contre vous &vos oeuvres
crie
Mifericorde encore plus
fort ,
Que luy répondre ,je vous
prie?
C'est un mal je ne dis
pas non ,
Qu'un Cenfeur rigide &
fevere
GALANT. 181
Qui le prend fur le plus
haut ton ,
Qu'on hait , & pourtant
qu'on revere :
Mais si c'est un mal, c'est
Souvent
Un mal pour nous bien neceffaire
;
Un Critique au Paysscavant
Fait le métier de Commif-
Saire.
Bornonsnousfans aller
plus loin
1
182 MERCURE
T
A la feule gent Poëtique
Plus que tout autre elle a
besoin
Pour Commiſſaire d'un
Critique.
Les Poëtesfont infolents
Etſouvent les plus miferables
Se trouvent les plus intraitables
Fiers de leurs prétenduës
talents
Ils prendront le pas au
Parnaffe
GALANT. 183
Et fur Virgile &(ur Horace
S'il n'est des Cenfeurs vigilants
Pour chaßer ces paffe-vollants,
Et marquer à chacun fa
place.
D'abordces petits avortons
Viennent se couler à tâtons;
Ils sont soumis , humbles ,
dociles.
184 MERCURE
Souples a prenare les lecons
Des Horaces & des Virgiles,
Etdevantdes Auteurs habiles
Sontmuetscomme des poif
fons ;
Mais quand enfin cette
vermine
Sur le Parnaße a pris racine
,
Elle s'amente&forme un
corps
Quiserevolte&semutine;
Dés
GALANT. 185
Dès qu'une fois elle domine
Adieu Virgile نب fes
conforts
Dans quelque coin on les
confine ,
Et fi Phoebus faisoit la
mine
Luy-même on le mettroit
dehars.
Comment Ronsard &
Sa Pleyade, ??
Dont un temps le regne a
Juin 1714 .
186 MERCURE
Nous l'avoient - ils defiguré
Dans leur grotesque mafcarade?
Plus bigarre qu'un Arlequin
,
Affublé d'un vieux cafaquin
Fait àpeu prés à la Françoise
is d'étoffe antique
autoife;
as goust, fans air , le
tout enfin
Brodé de grec &delatin
GALANT.187
C'estoit dans ce bel équipa
ge
Qu Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit par tout rendre
hommage;
Mais après un long efclavage
Enfin Malherbe en eut pities
Et l'ayant pris en amitié
Lui débarboüilla le vifage
Et le remit ſur un bon
pied
Qij
188 MERCURE
Renvoyant à lafriperie
Ses haillons &fa broderie.
Alors dans le facré
Vallon
On décria la vieille moda
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau
Code,
Deffendant ces vieux paf-
Sements ,
Qu'avec de grands empref-
Sements
GALAN 189
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium & dans la
Grece
Ronfard en fut triste &
marri ,
Perdant beaucoup àce déori
Cependant tout changea
deface
Sur l'Helicon & le Par
naße
C'estoit un air de propreté
:
199 MERCURE
Plein de grandeur de
nobleffe ;
Rien defade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité
Le bon goût & la politeffe
Brilloient dans lafimplicite
Laiſſant la frivole parure
Aux fades Heros de Romans
On emprunte de la natu
re
Ses plus fuperbes ornemens:
GALANT.191
Vous cuffiez vù les jours
de festes
Phæbus &les neufDoctes
Soeurs
N'employerpourorner leur
testes
Que des lauriers meſlezde
fleurs
Mais cette mode trop unie
Ennuya bien-toſtnosFran-
Au mépris des nouvelles
Ils revinrent à leurgenie
192 MERCURE
Et reclamerent tous leurs
droits
Nous aimons trop la bigarure
;
Je ne puis le dire aßez
baut,
Voilà nostre premier deffaut
Et c'est depuis long-temps
qu'il dure :
Ildureraj'ensuis garant,
Quoique le bon goût en
murmure;
Si l'on le quitte , on le reprends
&
Même
GALANT. 193
Même en dépit de la
Cenfure :
On veut du rare, du nou
veau,
27197
Letoutfans regle ,&fans
mesure ,
On outre , on caffe le pin
ceau;
Mais à charger trop le
tableau,
On vient àgâter la peina
gater la pein
ture malind
Et voulant le portrait trop
bears ८
Juin 1714. RS
194 MERCURE
On fait grimacer la figure.
:
Spit Poëtes foit Orateurs
,
C'est là qu'en font bien des
Auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit;
Nous voulons par tout de
Kefprit
Du brillant de l'enlumi-
стике сто
C'est un abus , ne forçons
rien,
GALANT. 195
Laifſſons travailler la nature
Etfans effort nous ferons
bien:
Il en coûte pour l'ordinaire
Par cet enteſtement fatal
Plus à certains pourfaire
mal
Qu'il n'en coûteroit pour
bienfaire.
Me voila dans unfort
beau champ
Rij
196 MERCURE
Mais je préche & peut
estre ennui-je
Comme bien d'autres en
consid
prêchant ,
Jefinis donc & je m'of
Suye.
១
Bel exemplefans meflatter
Si l'on vouloit en profiter.
Or durant cette mala-
છ???????????? die
Dont l'Helicon , fut infec
djtás zamb aliors :
On bannit lafimplicité
GALANT 197
Sous Malherbe tant ap
plaudies 20
Pointe's, équivoques dans
Et jeux de mots vinrent
On vit l'affemblage grotes-
Da ferieux & du burles
-
Le Phoebus , le:Galima-
--sanciovint amoy 20
Parurent avec aßurance ,
Et comme fi l'on n'estoit
pas
R iij
198. MERCURE
Affezfol , quand on veut
en France
Onfut avec avidité
Chercherjusques dans l'Italic
Desfecours dont par cha-
Elle aſſiſta noſtrefolies
Apollonfe tuoit en vain
De faire mainte remon-
Nos gens fuivoient toujours
leur train
Et tout alloit en décadence.
:
L
NOUSTHEQUE DE
199
Mais quand ce Dien
plein de prudence
*
1893*
Eut pris Boileau pourfon
Preap
Combien d'Auteurs firent
lepaut
On voyoit détaler en bande
Tous ces Meffieurs de
contrebande :
Chapelain couvertde lau
riers
Sauta luy-même des pre
miers ,
Et perdit , dit-on , dans la
crotte
Riiij
200 MERCURE
Etfa perruque &sa calottes
Il crioit prestà trébucher
Sauvez l'honneur de la
Pucelle
Mais Boileau plus dur
qu'un rocher
Neust pitié ni de luy ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer
Fit d'abord de la resistan
ce
Et parut quelque temps
luter,
CALANT. 2010
Même en Poëte d'importance;
It appella de la Sentence
Mais ilfallut toûjoursfau
ters
Et l'on n'apoint jugé l'inf
tance:
Sous le manteau de Regulus
On eut épargnésa perfonne
Mais le pauore homme
n'avoit plus 1
Que lejuſte-au-corpsd'Antigone.
202 MERCURE
Quinaut par la foule
emporté,
Quinaut même fit la culbute
Mais un appel interjetté
Le vangea bien-toft defa
chute :
On vit les Muses en rumeur
A l'envi prendre en main
Sa cause,
Quelques gens de mauvaiſe
humeur
Vouloient pouffer plas loin
la chofe
GALANT.203.
Infiftant qu'on fit au plum
toft
Le procés au pauore Prevost.
Mais Pæbus d'une
oeiltade fiere
Les rejettant avec mépris
Leurdit d'un tonferme&
favere
Paix canailles de beaux
-
Qui n'avez fait icy que
braires Aoim C
204 MERCURE
Sifur Quinaut on s'estmé
pris
Fy veilleray, c'est mon
affaire:
Quant à vous perdez tout
Et ne me rompez plus la
teste
Mon Prevost afaitfon de-
Ainsi se calma la tem-
1
Et Quinaut s'estant pre-
Dansses griefsfut écouté;
GALANT. 205
On declara vu la requeſte ,
Bien appellé comme d'a-
છછછછ????????????
Dont le Prevost resta
camus
Il fut mêmeſur le Parnaf-
-ind
Regléfans contestation
Qu'auprès d'Orphée &
250 Pd Amphion 2.200 25
Il iroit reprendresa place ;
Et puis Phoebus d'un air
humain
Lui mit fa propre Lyre en
main
206 MERCURE
Non que la fienne fut u-
See
Maispar un noble&fier
dedain
De la voir à tort méprifee
En tombant il l'avoit brifée
On enfit recueillir foudain
Tous les morceaux juſques
au moindre
Mais on les recücillit en
vain
い
Et l'on ne pût bien les
rejoindre
GALANT. 207
Tel fut le destin de Quinaut
,
Seuldetous, oùle Commis
faire,
Ason égard un peu corfaire
Sefoit trouvé pris en défaut
Sur tout le refte irreprochable
Faifantfachargeavechauteur
A tout mauvais & fot
Auteur
:
Ilfut Prevoſtinexorable ,
208 MERCURE
Il est bien vray qu'en fa
vieilleße
Illaißa tout àl'abandon ,
Etfitfa charge avec molleffe
Quand on eft vieux on dewient
bon,
Un reste de terreur empreinte
Retenoit pourtant les efprits
Et l'on ne penſoit qu'avec
crainte
Aufort de tant d' Auteurs
profcrits
Dans
GALANT 209
Dans cette violteßaine.s
puiſſante
Son ombre encore queña
Arrestoit les plus reso
33Ram? AO[
Mais cette ombre fiere&
Gette ombre même , helas!
Cependant dans cet in-
Tout degenere & deperit
Et faute dhura Prevost
qu'on craigne
Juin 1714.
S
210 MERCURE
Chacun fur pied de bel ef
stealing
prit
Arbore déja fon enseigne.
Les Cotins bravant les
- Vardards 201 offer
De tous cotez semble re-
Et comme en un temps de
! 2.pardons is
On voit hardiment repa-
Les Pelletiers, les Pra-
Le mal plus loin va fe
répandre NO
GALANT
Si l'on n'y met ordre au
Muses,ſongez à vous deffendreout
it
Au ſpecifique un bon Pre-
Un bon Prevost ; mais où
le prendre
Je pourrois, s'il m'étoitpermis
,
En nommer un digne de
Par fes foins en honneur
Et plus grand qu'il n'é-
Sij
212 MERCURE
toit peut- estre
Homere affezle fait connoistre
Il a tous les talents qu'il
Pour un employ fi neceffaire
Je ne luy vois qu'un feul
défaut
C'est que ce métier falutaires
De blâmer ce qui doit dẻ
plaire sio srio) 25 I
De reprendre & n'épar
Agner riemiang anly 11
GALANT 213
Cemétier qu'ilferoitfi-bien
Il ne voudra jamais le
faire
Attaqué par maint trait
si falon
Jamais contre le noir frelon
Iln'employaſes nobles veilles
Et comme le Roy des a
beilles
Il fut toûjours fans aiguillon.
Ason défaut cherchez
sinquelqu'autre
១៧-០៣
214 MERCURE
Qui plus bardy , qui moins
humain,
Pour vostre gloire , &pour
la nostre
Ofe à l'oeuvre mettre la
Du Parnaße arbitre fuprême;
Si vous prifez mon Zele
extrême , 29
Faites le voir en mexauçant
polling
Helas! peut estre en vous
Fais-je des veux contre
may-même.
GALANT. 215
Je ne ſçay ſi c'eſt une
varieté ou non , de mettre
des Vers à la fuite d'une
Piece de Poësie , de quelque
genre different que
l'un & l'autre puiſſe eſtre ;
mais je ſçay bien qu'un
jeune homme tres-amoureux
& malheureuſement
brouillé avec la Maîtreffe,
me preſſe de gliſſer ce dépit
dans mon Mercure.
この
216. MERCURE
1
PIT
Mes foibles yeux ont
Et
er des
ont pu troucharmes
50
Un'altmirer que vou? O
১
موت
Er you? Rypbirfaticur des plait !
fps tas plus doux, zinen
-Man caur vous raconductos
terty go wipe GIUGNE
Mais la raison diffipant Mad
Homi ab Song 771
Melaiffee enfin aapppercevoir
Empeg sund 24,2nd
१९
ma vie
beaux jours
s de 1
Sont ceux que j'ay paffez , Cli
mene,ſans vous voir.
GALANT. 217
Si l'on remarque quelque
difference confiderable
dans le ſtile dont eſt
écrite l'hiſtoire ſuivante
qu'on n'accuſe pas celuy
qui en eſt l'Autheur de
s'eſtre écarté avec trop de
liberté de la fimplicité de
l'hiſtoire ; qu'on prenne
ſeulement la peine de ſe
repreſenter les moeurs , le
langage & les Nations dont
on parle. Et qu'on ſe ſouvienne
que , comme dit
Horace ,
Quelquefois le comique enfle
fon chalumeau.
Juin 1714. T
218 MERCURE
Interdum tamen & vocem
comedia tollit.
HISTOIRE
du Bacha de Damas.
IL eſt ſi difficile de ſçavoir
poſitivement ce qui ſe
paffe dans cet Empire,qu'on
n'y demeſle ſouvent la veri.
té d'un fait , quelque éclatant
qu'il foit , que longtemps
aprés qu'il eſt arrivé.
Les nouvelles de l'Afie , &
celles de l'Europe entrent
confufément à Conftantinople
, où chacun les débite
1
A
GALANT . 219
au gré de ſes intereſts , le
Courier qui en eft chargé
les donne au grand Viſir ,le
grand Viſir au Sultan , & le
Sultanles enſevelit dans ſon
ſérail. Ainfije n'oſe encore
vous aſſeurer que les dernieres
circonstances de l'hiſtoire
que je vais vous écrire ,
foient telles qu'on les raconte
icy; mais je vous promets
que je ſeray exact à
vous detromper , ſi le temps
ou le haſard me detrompent.
Il y a quatrejours que me
promenant avec quelques
Tij
210 MFRCURE
qui
eſtrangers dans ma çaique,
fur le canal de la Mer noire,
un fameux Armenien ,
a fait toute la vie un grand
commerce d'eſclaves , me
conta à peu prés en ces
termes l'hiſtoire de Halil
Acor Bacha de Damas .
J'étois , me dit- il, un jour,
( & bien jeune alors ) à Baghlar
qui eſt un Port de
cette Mer , environ à so
lieuës d'icy lorſqu'un
* Sheieke de mes amis y arriva.
Je le priay de venir
* Predicateur Turc,
GALANT 227
loger dans le meſme * Caravanfarai
que moy. La Maifon
eſtoir alors pleine
d'hommes & de chevaux.
Le Sultan Mahomet IV. dont
le regne étoit plus tranqui
le qu'il n'avoit encore eſté,
&qu'il ne l'a eſté depuis ,
preſtoit dans ce temps au
Kan della Krimée dix
mille hommes de ſes troupes
pour les joindre à douze
mille Tartares de Budziack
& de Bialogrod , qu'il
deftinoit à quelque grande
entrepriſe. Les Janifſſaires ,
* Auberge Turque.
Tiij
222 MERCURE
3
1
les Spahis , & les Afiati
ques que le Grand Seigneur
envoyoit au Kan paffoient
alors par Baghlar où nous
eſtions . Un de ces Janiffai
res entr'autres natif de
* Chaplar en Bulgarie voulut
profiter de l'occaſion
de cette route pour mener
plus ſeurement chez luy
une belle fille qu'il avoit
epousée depuis un an à
Midia de Romanie, Nous:
la trouvâmes avec fon
mary dans le Caravanfarai
que nous avions choiſi
Ville maritime de la Mer noire.
GALANT. 223
২
lorſque nous yarrivame s .
Le hazard nous plaça auprés
d'eux , le Janiſſaire
m'en parut content , il aimoit
mieux voir à côté de
ſa femme , un Venerable
Sheieke qu'aucun de ſes camarades.
Nous ſoupâmes
cependant & nous nous
endormimes ſur la paille.
Une heure avant le jour
nous entendimes des cris
aigus qui nous réveillérent
comme tous les hoftes de
la maiſon ; la femme du
Janiſſaire que fon.Mary
n'avoit pas crue ſi proche
T iiij
224 MERCURE
de ſon terme venoit de
mettre un enfant au monde
, à coſté de mon Sheie
xe , qui ſe trouva fort ſcandaliſé
de cet accouchement.
Il ſe leva plein de
couroux , en diſant que ſes
habits étoient foülliés du
déſordre & des accidents
de cette avanture , néanmoins
la mortification &
l'embarras du Janiſſaire ,
les douleurs de ſa femme
& mes difcours l'addoucirent
; je luy perſuaday ( &
il le ſçavoit bien , ) qu'il
feroit lavé de cette tache
GALANT. 225
en lavant ſa robe & fa per
ſonne avant la premiere
priere. Je le menay au bain
qui eſtoit dans le Caravan
farai où il ſe fit toutes les
cerémonies de l'ablution
desTurcs.
Cependant je retournay
auprés du trifte Janiſſaire ,
&de ſa femme qui gemiſſoit
encore des reſtes ou du fouvenir
de fa douleur ; je lui
donnay tous les ſecours
que je pûs imaginer , on
attendant le retour de mon
Sheieke.
f
L'étoile la plus favorable
226 MERCURE
qui puiſſe veiller fur nos
jours , ne flatte pas les Mufulmans
d'une plus heureuſe
deſtinée qu'un Sheike,
ou un Emir * lorſqu'ils préfident
à la naiſſance de
leurs enfants. Celuy- cy revint
enfinà nous, prés d'une
heure après le lever du Soleil.
Et aprés avoir enviſagé
le Janiſſaire , ſa femme
& fon fils , d'un air tranſ
porté de l'excellence des
avantages qu'il avoit à leur
promettre , il leur prédit
ces choſes.
Prêtre Ture.
GALAND. 227
Letrés puiſſant trés mi
fericordieux Alla a jettéfur
vous & fur vostre fils des regards
bienfaisants le faim
Prophete efto fon meffager.
Il'a pitié de vous , & Sultan
Mahomet qui est agréable au
trés mifericordieux que le
faint Prophete oberit vous élevera
aux premiers honneurs de
fon Empire. Alla * ha Alla.
Tousoles affiftans felici
terent auffi toſt le Janiſſaire
fur la prédiction du Sheieke.
Cette nouvelle paſſa juf
qu'à fon Aga qui luy donna
d'abord de grandes mara
* Dieu. Dieu eſt Dicu.
228 MERCURE
4
ques de distinction. Enfin
le jour du départ des troupes
qui estoient à Bagblar
eſtant venu , il nous quitta
aprés nous avoir juré qu'il
n'oublieroitja mais les obli
gations qu'il nous avoit. N
nousa tenu parole , & c'eſt
de luy-meſme que j'ay appris
avec la ſuite de fa for
tune, une partiede l'hiſtoire
de ſon fils , que vous allez
entendre.
Dés que Zeinal ( c'eſt le
nom de ce Janiſſaire ) cut
remis ſa femme à Chaplar
entre les mains de fa mere,
GALANT. 229
il ne fongea plus qu'à verifier
l'oracle du Sheiere H
fitdans la Krimée des actions
éclatantes que ſon Aga fit
valoir autant qu'elles lemeritoient
aux yeux du Grand
Viſir Cuprogli , qui l'avança
en ſi peu de temps , qu'en
moins de fix ans il le fir
nommer par ſa Hauteffe
Bacha d'Albanie. Il remplit
cette grande place avec
beaucoup d'honneur pen.
dant pluſieurs années , enfin
aprés la dépoſition du
malheureux Sultan Mahomet
IV. Sitoſt que ſon frere
230 MERCURE
Sultan Soliman III . fut mon
té ſur le thrône, il voulut
à l'exemple de tous les au.
tres Bachas profiter desdefordres
de l'Empire pour
augmenter fon credit ; mais
il ſe broüilla malheureuſement
avec le fameux & redoutable
Osman Yeghen
dont le courage , la politi
que & l'audace firent trembler
Solyman juſques dans
fon ferail.
Zeinal s'étoit oppoſé aux
contributions qu'Yeghen *
Serafier de l'armée d'Hon-
* General des Armées du Grand Seigneur.
GALANT 238
grie , avoit tirez de la Ro
melie , & aux impoſitions
qu'il avoit miſes ſur tous les
Juifs & les Chrétiens qui
eſtoient à Theſſalonique ,
& qu'il avoit taxez à deux
Piaſtres par teſte. Il avoit
meſme envoyé un gros party
de Cavalerie qui avoit
taillé en piece les gens
qu'Yeghen avoit chargez de
lever ces impoſitions.
Le Grand Viſir Ismael
trembloit alors de peur
que le Serafkier ne vint à
Conſtantinople avec fon
armée , & qu'il ne le fit dé
232 MERCURE
pofer bien toſt , comme il
avoit déja fait déposer le
Grand Vifir Solyman fon
predeceſſeur. Yeghen qui
reconnut l'avantage qu'il
avoit fur ce foible Viſir ,
luy demanda la teſte de
Zeinal. Ifmael qui de fon
coſté cherchoit à l'ébloüir
par de fauſſes apparences ,
fut ravi de luy pouvoir faire
un ſacrifice dont il n'avoit
rien à apprehender ,
puiſqu'il ne le rendoit pas
plus fort , ainſi quoyque
Zeinalne fût coupable d'au .
cun crime , il le fit décapi-
: ter
GALAN 2338
ter publiquement , dans la
Cour du Serail devant la
porte du Divan.?
Cependant ſon fils Halil
Acor faiſoit alors les fonctions
de Capigibachi en Afie,
où il n'apprit la mort de
ſon pere que long - temps
aprés qu'elle fut arrivée.
Il y avoit affez d'affaires
en Hongrie pour exercer
ſon courage ; mais l'amour
produifit luy ſeul tous les
motifs de fon éloignement.
Il avoit vû par, hazard
dans le Serail de ſon pere
une belle fille de l'iſle de
Juin 1714.
V
234 MERCURE
Chypre que Zeinal deftinoir
au grand Seigneur , il en
devint éperduëment amoureux
, il mit dans ſes interêts
deux femmes qui la fervoient
, il ſéduifit deuxEu
nuques à force de preſents,
il profita de l'abſence de
ſon pere pour s'introduire
toutes les nuits dans ſon
Sérail , & enfin il engagea
cette belle fille à luy donner
les dernieres & les plus
fortes preuves de fa tendreſſe.
Plus flatée de l'efpoir
de poffeder le coeur
d'Halil que de la gloire
GALANT. 2:5
chimérique dont on repait
la vanité de celles qu'on
deſtine aux plaiſirs du
Grand Seigneur , elle avoit
conſenti que ſon Amant
l'enleva avec ſes deux femmes
& ſes deux Eunuques ,
elle estoit déja meſme affez
loin du Serail de Zeinal ,
lorſque ce Bacha revint
chez luy la nuit meſme
qu'on avoit priſe pour cet
enlevement. Maisheureu-
- ſement pour ces Amantsi!
n'entra que le lendemain
matin dans le quartier des
Femmes , où il apprit avec
Vij
236 MERCURE
tous les tranſports de la
plus violente fureur le defordre
de la nuit préceden
te. Il monta auffi - toſt à
Cheval , & de tous les côtez
il fit courir aprés fon
fils ; mais ſes ſoins & ſa diligence
furent inutiles. Halil
qui n'eſtoit pas ſi loin
qu'il le cherchoit , avoit eu
la précaution de s'affeurer
d'une Maiſon qu'un Me
decin Juif qui n'eſtoit pas
des amis de fon pere avoit
dans les montagnes. Il falloit
traverſer plus de deux
lieuës de defert avant d'y
/
GALANT. 237
arriver, & jamais Zeinal n'y
ſes amis , ny fes eſclaves
ne s'eſtoient aperceus que
fon fils connuſt ce Juif.
Halil auroit pû longtemps
profiter de la ſeureté
de cet azile , ſi les troubles
dont l'Empire eſtoit
agité , & fon courage ne
l'avoient pas preffé bien
toſt de facrifier ſon amour
à ſa gloire. Les larmes de
ſa femme , ny les prieres du
Juif qui luy promit enfin
d'en avoir foin juſqu'à la
mort , ne purent l'arreſter
davantage. Il ſe rendit à
138 MERCURE
Conſtantinople , où il fur
reconnu d'abord par un
des amis de fon Pere qui
le recommanda particulierement
au Grand Vifir Som
lyman , qui , en confideration
de l'audace , de l'efprit
, de la bonne mine de
ce Jeune homme , & du
mérite de Zeinal , luy donna
ſur le champune Com
pagnie de Spahis. Il cut ordre
d'aller ſervir en Afie ,
où en peu de temps ſa valeur
le fit parvenir à la
Charge de Capigibachi
qu'il exerça avec honneur
அ
1
GALANT. 239
juſqu'à la mort de ſon Pere .
Le Vifir Ismaël qui avoit
eu la lacheté de faire exé
cuter l'injuſte & cruel ar
reft qu'il avoit prononcé
contre Zeinal , futbien-toft
aprés la victime de fa for
bleſſe. Yeghen revint àConf
tantinople , aprés en avoir
fait chaffer honteuſement
ce Viſir , qui ne pût racheter
ſa vie qu'aux dépens de
toutes les richeſſes que fon
avarice infatiable luy avoit
fait amaſſer pendant fon
indigne miniftere. Halil y
fut rappellé en meſme
240 MERCURE
temps qu'Yeghen , avec les
troupes qui ſervoient en
Afie. Il fut auffi toft à la
maiſon de ce General àqui
il dit qu'il ne luy rendoit
cette viſite , que pour luy
demander raiſon du fang
de ſon pere qu'il avoit fait
repandre , Yeghen conſentit
àluy donner cette fatisface
tion dans une des plus fecrettes
chambres de fon
Serail , où aprés un com
bat aſſez long , Ils ſe blef
férent tous deux : cependant
Yeghen eut l'avantage;
mais il n'en abuſa pas , au
contraire
GALANT. 241
contraire , loin de fonger
à ſe défaire d'un ennemi
auſſi redoutable qu'Halil ,
Je love , luy dit- il , ton coursge
&j'approuve ton reffentiment
: il n'a tenu qu'à ton Pere
d'eftre toûjours mon amy , mais
il a voulu me perdre & je
l'ay perdu. Tu as Satisfait à
ton honneur , en eſſayant de le
vanger : Vois , & dis moy
maintenant ce que tu veux , &
ce que je puis pour toy. Halil
eftonné de la generoſité de
ce grand homme , luy répondit
, Yeghen je ne veux
maintenant,que m'efforcer d'ê-
Juin1714. X
242 MERCURE
tre auffi genereux que toy. Si tu
veux m'imiter , reprit- il ,facrifie
ta vangeance à mon amitié
que je t'offre , je vais ordonner
qu'on nous penſe de nos bleſſu
res , je prétends que tu ne
gueriffe des tiennes que dans
mon Serail. Il appelle auffitoſt
ſes Eſclaves qui menerent
fur le champ Halil
dans une chambre où ily
avoit deux lits qui n'étoient
ſeparez l'un de l'autre que
par un grand rideau de taffetas
couleur de feu qui
eſtoit directement au milieu
de la chambre dont les
GALANT 243
Croiſez qui estoient aux
deux extremitez avoient
vûë de chaque coſté ſur
les Jardins où ſe promenoient
tous les jours les
femmes & les enfants
d'Yeghen.
Dés qu'on eut arreſté
ſon ſang , & qu'il ſe fut
mis au lit , il vit entrer
dans ſa chambre le Medecin
Juif à qui il avoit confié
la belle Eſclave qu'il
avoit épousée dans ſa maifon
, aprés l'avoir enlevée
du Serail de ſon Pere. A
drianou , luy dit il auſſi toſt ,
X ij
244 MERCURE
moncher Adrianou que faítes
-vous icy ? Pourquoy
eftes vous maintenant à
Conftantinople , & dans
quel eſtat eſt ma femme ?
Je vous ay promis , reprit
le Juif , en ſoûpirant , d'avoir
ſoin de la malheureuſe
Adrabista juſqu'à ma mort.
Toutes mes précautions
n'ont pû prévenir les effets
de ſon déſeſpoir , elle eſt
à jamais perduë pour vous ,
& je ne ſuis point fâché
dans mon infortune que
les remedes que je viens
Fameuſe par les grandes avantures qu'elle
2euës depuis àRome , & que je conterayune
autre fois.
GALANT . 245
vous offrir par hazard me
preſentent à vos yeux , où
je ſuis prêt d'expier dans les
fupplices , le crime de ma
négligence où de mon
malheur. Contez moy donc
cette funeſte hiſtoire, lui dit
avec bonté , l'affligé Halil ,
& n'en épargnez aucune
circonstance à madouleur.
Il vous fouvient , reprit le
Juif, des efforts que fit Adra.
biſta , & des larmes qu'elle
répandit pour vous retenir
auprés d'elle ; vous n'avez
pas non plus oublié les
pleurs & les prieres que je
Xij
246 MERCURE
mis en uſage pour flechir
voſtre courage inhumain.
Une vertu cruelle & plus
forte que l'amour vous ravit
enfin ànosyeux.
Crois - tu , dés que vous
fuſtes parti , me dit Adrabista
, que les larmes & les
gemiſſements ſoient main
tenant les armes dont je
veux me ſervir pour mevenger
de la fureur ou de l'infidelité
de mon barbare époux
Non , Adrianou ,non.
je veux le ſuivre malgré luy
& malgré toy : ma taille
avantageuſe&mon audace
GALANT. 247
m'aideront ſuffisamment à
cacher ma foibleſſe & mon
ſexe; enfin jeveux courir les
meſmes haſards que luy,par
tout où l'entraiſnera cette
impitoyable gloire qui l'arrache
àmon amour. Je vou
lus d'abord flatter ſa dou
leur; mais malgré mes foins,
ma complaiſance criminel.
le,& mon aveuglement l'ont
précipitée dans le plus
grand des malheurs. Je luy
permis d'eſſayer le turban ,
& de mettre un fabre à ſon
coſté. Elle ſe plaiſoit quelquefois
dans cet équipage
X iiij
248 MERCURE
de guerre , d'autrefois jer
tant fon fabre & ſon turban
par terre , elle affectoit de
mépriſer ces inſtruments
qu'elle deſtinoit à ſa perte.
Enfin elle feignit de paroiftre
devantmoy conſolée de
voſtre abſence , & pendant
plusde fix ſemaines elle ne
me parla pas plus de vous ,
que ſi elle ne vous euſt jamais
connu. Cette indiffe
rence m'inquietta pour
yous , & je luy dis unjour ,
eſtes - vous Adrabista , cette
heroine qui deviez fi glo.
rieuſement ſignaler voſtre
GALANT. 249
du
tendreffe , en courant jufqu'au
fond de l'Afic aprés
un époux ſi digne de voſtre
amour. Non , Adrianou , me
dit elle , je ne ſuis plus cette
Adrabista que vous avez veue
capable des plus extravagants
emportements
monde.J'aime tousjoursHa
lil comme mon ſeigneur &
mon époux ; je ſens toutes
les rigueursde ſon abfence ;
mais le temps & mes reflexions
ont rendu ma douleur
plus modeſte;& il n'est point
de fi miferable coin fur la
terre , où je n'aime mieux
250 MERCURE
attendre ſes ordres , que
m'expoſer en le cherchant
auhafard de le deshonorer
enme deshonorant moymeſme.
Je creus qu'elle me par
loit de bonne foy , & dans
cette confiance je luy donnay
plus de liberté & d'authorité
dans ma maifon que
je n'y en avois moy-mefme.
Enfin il vint un jour un
exprés que le gouverneur de
la Valone m'envoya pour me
preſſer d'aller porter des re
medes à fon fils qui estoit à
l'extremité. Je fis auffi- toſt
GALANT. 251
part de la neceffité de ce
voyage à Adrabista , je la
priayde chercher à ſe defen
nuyer pendant mon abfence
, & je partis avec mon
guide. Mais jugez de ma
conſternation lorſqu'à mon
retour dans ma maiſon , on
me fit part des funeſtes nouvelles
que vous allez entendre.
Le lendemain de mon
départ Adrabista fit ſeller
trois chevaux qui reſtoient
dans mon écurie. Elle s'équippa
du ſabre & du turban
qu'elle avoit tant de
fois mépriſez en ma preſen;
252 MERCURE
cé, elle fit monter avec elle
ſes deux eunuques à cheval ,
elle dit à fes femmes qu'elle
alloit ſe promener dans les
vallées qui font au pied des
montagnes de la Locrida ,
elley fut en effet , mais elle
alla plus loin encore , elle
pouſſa juſqu'à Elbaffan , où
un party des troupes de
l'Empereur des Chreftiens
Farreſta . Elle demanda à
parler au General de l'armée
qui eftoit alors à Du
razzo où elle fut conduire,
&de qui elle fut receue avec
tous les égards deus à fon
GALANT . 253
fexe & à la beauté. Je yous
apprends maintenant d'épouventables
nouvelles
Halil ; mais vous ne ſçavez
pas encore le plus grand
de vos malheurs. J'ay appris
depuis quelque temps qu'elle
s'eſtoit faite Chreftienne .
C'en eſt aſſez , luy dit
Halil , fortez & ne vous repreſentez
jamais à mes
yeux, je ne ſçay ſi mavertu
ſuffiroit pour vous derober
à ma fureur.
Yeghen qui s'eſtoitjetté ſur
le lit qui eſtoit à l'autre ex.
tremite de la chambre,aprés
254 MERCURE
avoir entendu ce recit , ſe
fit approcher de l'inconfolable
Halil, à qui il dit tout
ce qu'il creut capable d'apporter
quelque foulagement
à ſa douleur. Enfin
aprés pluſieurs de ces dif
cours qui ne perfuadent
gueres les malheureux , amy,
luydit- il, jettez les yeux
fur mon jardin , & voyez fi
dans le grand nombre de
beautez qui s'y promenent ,
il n'y en aura pas une qui
puiſſe vous conſoler de la
perte de l'infidelle Adrabiſta.
Jevousdonnecellequevous
GALANT. 255
préfererez aux autres , quelque
chere qu'elle me puiſſe
eſtre. Je veux , luy répondit
Halil, à qui une propofition
fi flateuſe fit preſque oublier
toute ſon infortune
eſtre auſſi genereux que
vous , & n'écouter l'offre
magnifique que vous me
faites , que pour vous en remercier
: non , non, reprit
Yeghen, il n'en ſera que ce
qu'il me plaira ,&nous verrons
dés que vous ferez gueri
, ſi vous affecterez encore
d'eſtre , ou ſi vous ferez fincerement
auffi genereux
quemoy.
256 MERCURE
Au bout de quatre ou cinq
jours ils furent gueris tous
deux.Alors Veghenplus charmé
encore des vertus d'Halil,
lemenadans un cabiner
de ſon jardin , où à travers
une jalouſie il vit paſſertoutes
les femmes qui estoient
dans le ſérail de ce Bacha,
qui ne s'occupa pendant
cette reveuë qu'à examiner
la contenance d'Halil , &
qu'à luy demander ce qu'il
penſoit de chaque beauté
qui paſſoit au pied de la ba
luſtrade où ils eftoient.
Enfin aprés avoir longtemps
GALANT 25
1
temps confideré aſſez tranquillement
tout ce que l'Europe
& l'Afie avoient peuteſtre
de plus beau , il vitune
grande perſonne dont les
habits eſtoient couverts des
plus riches pierreries de l'O
rient , negligemment appuyée
fur deux eſclaves , &
dont les charmes divins of
Froient aux yeux un majel
tueux étalage des plusrates
merveilles du monde. Auffitoſt
il marqua d'un ſonpir le
prompt effet du pouvoir iné.
vitable de ſes attraits vainqueurs.
Qu'avez-vous , luy
Juin 1714. Y
258 MERCURE
dit àl'inſtant Yeghen , amy,
vous ſoupirez ?Ah,ſeigneur,
je me meurs , reprit Halil ,
qu'onm'ouvre àl'heuremeſ
me les portes de voſtre ſé.
rail,&ne m'expoſez pas davantage
aux traits d'unegenorofité
fi cruelle. Je vous
entends , reprit Yeghen ,
mais je ne veux pas conſentir
à vous laiſſer fortir
de mon Serail , que vous
n'ayez épousé celle de
toutes ces perſonnes qui
vous plaiſt davantage. Elles
font toutes mes femmes ,
àl'exception de la derniere
GALANT 259
qui eſt ma fille , recevez- là
de ma main mon fils , &
aimez moy toûjours.
Halil fe jetra fur le
champ aux pieds du Bacha
qui le releva dans le
moment , pour le conduire
à l'appartement de ſa fille ,
dont le même jour , il le
rendit l'heureux Epoux ; Il
prit enſuite uniquement
ſoin de ſa fortune , juſqu'à
ſa mort , qui arriva juſtement
, un mois aprés avoir
engagé le Sultan Solyman
à donner à ſon gendre le
Bachalik de Damas.
Yij
260 MERCURE
Halil a vécu depuis plus
de vingt ans avec tout l'é
clat & tous les honneurs.
dont puiſſent joüir les plus
Grands Seigneurs de l'Empire
Othoman . Mais il n'eſt
rien de fi fragile que le
bonheur des hommes , la
moindre jaloufic ou la
,
moindre eſperanceles
étourdit au milieu de leur
felicité , & il ſuffit qu'ils
ayent eſté tousjours heureux
, pour croire n'avoir
jamais d'infortune à redouter
: enyvré de leur gran
deur , leur Maiſtre ne de
GALANT . 261
vient à leurs yeux qu'un
mortel comme eux , fouvent
meſme ils prétendent
s'attirer & meriter plus
d'honneurs que leur Mail
tre
Le trés haut Sultan Achmet
àpréſent regnant , ſur la
nouvelle de la revolte du
Bacha de Bagdad , a fur le
champ envoyé aux Bachas
de Damas & d'Alep un
ordre exprés de marcher
avec toutes leurs troupes
contre ce rebelle ſujet. Sitoſt
que leur armée a eſté
en estat d'entrer en cam262
MERCURE
pagne , ils ont rencontre
attaqué &battu ce Bacha.
Le Sultan juſques-là a efté
fervi à merveille ; mais on
ajouſte qu'ébloüis appar
ramment de quelques projets
ambitieux dont on ne
ſçait encore ny le fond
ny les détails , & flattez
ſans doute de l'eſpoir
d'un ſuccez favorable , ces
deux Bachas ont entretenu
une intelligence criminelle
avec celuy de Bagdad.
Que le Bacha de
Damas a eſté convaincu de
ce crimepar des lettres qui
GALANT . 263
onteſté interceptées ,& qui
fot tombées entre les mains
du Grand Seigneur , qui a
dépeſché auſſi toſt l'ordre
ſuprême qui vient de coufter
la vie à cet infortuné
Bacha. Je ne ſçay pas encore
, files muets l'ont étranglé,
s'il a efté afſaſſiné , ou
ſi on luy a tranché la teſte ;
mais je ſçay bien que le
Sultan a prononcé l'arreſt
dont il eſt mort .
Dés que l'Armenien cuft
fini ſon recit , je le remerciay
de m'avoir appris tant
de particularitez de la vic
C
264 MERCURE
des trois Bachas Halil
Yeghen & Zeinal , & je le
priay de m'informer de
toutes les nouveautez qu'il
pourroit apprendre encore.
Il ne ſe paſſera rien dans
ce pays- cy qui vaille la peine
de vous eftre mandé
dont je ne vous faſſe pare
avec plaifir.
Je ſuis Mr. &c.
On m'a déja envoyé des
Enigmes , des avis au Public
, & des conſeils particuliers
: je remercie ceux
qui m'ont fait ces préſents
GALANT. 265
&je les prie de m'en faire
encore. Qu'ils contribuent
au rétabliſſement duMercu
re,&pour le rendre intereffant
, utile , & agréable ,
que tant de mains y travaillent
, que tous ceux qui
m'aideront à le compoſer;
ayent le plaifir d'y reconnoiſtre
leurs Ouvrages , &
que de concert avec le
Public, j'en faſſe , pour la
fatisfaction des lecteurs ,
un Livre capable de faire
leplaifirde tout le monde ,
en amuſant agréablement
ceux qu'il ne pourra pas
inſtruire. Z
266 MERCURE
1
Le mot de la premiere
Enigme du mois paſſe eſtoit
la Fable , celuy de la ſeconde
estoit l'ongle. Ceux
qui les ont deviné ſont le
Breton de la Cour de la
Moignon , la grande Angelique
, la blonde perſeverante
, l'inconſtant devenu
fidele , le Bourguignon
ſans fard , le petit Secrecaire
, le bien aimé Corio
lan , le Bailly Finet de
Dieppe, la Bertaigne éden
tée , ſon maufeu de Pincourt
, la mouchette
Guiblet, la groſſeChenille,
GALANT . 267
& l'Hoſtel de Maulevrier
ruë de Grenelle
Je ſuis obligé à un des
devineurs que je viens de
nommer du ſoin qu'il a eü
de m'envoyer une Enigme,
je l'aurois miſe volontiers
àla place d'une des miennes
, s'il avoit voulu prendre
la peine de la rendre
plus correcte .
Ce ſeroit icy la place des
Enigmes du mois , ſi je ne
jugeois pas à propos de
faire paſſer avant elles un
Madrigal & un Envoy que
j'ay reçeu de Mr Anceau ,
Zij
268 MERCURE
5
2
que je n'ay pas l'honneur
de connoiſtre
LeMMaaddrriiggaall eſt ſurmoy,
& l'envoy fur le mot de
ma ſeconde Enigme.
Je mettrois volontiers
icy toute la Lettre que
jay receuë de Mr Anceau
, fi je n'apprehendois
pasque plufieurs perſonnes
qui m'ont écrit à peu
prés comme luy , ne me
ſcuſſent mauvais gré de
lapréference , ou plutoft
GALANT. 271
ſi j'avois aſſez de place
pour contenter tout le
monde.,Cependant quoy
que j'augmente le nombre
de mes pages , &
malgré l'obligation ou
je ſuis de me refferrer , je
ne veux pas faire à Mr
L. S. D. R. Avocat au
Parlement , le chagrin de
1
n'y pas inſerer au moins
une des deux explications
qu'il m'a envoyées ſur
mes Enigmes.
Z nj
272 MERCURE
Explication de la premiere
Enigme.
La Fable qu'Eſope conta
ADame Aminte la facha
Parce qu'il demasqua fon
vive
La comparant à l'Ecreviffe.
Maintes Amintes aujourd'huy
Semblable aux Damesde
Thrace
Se rueroient fortement fur
luy ,
GALANT
Sans respecter boffe ny
face
Tel ne craint point un fon
femblable
Qui au lieu de comparai
fans
DeSymbololeess&&ddee LLeeççoonnss
Donne à deviner le mot
FableAJ
G
Autre nouvelle. Un
Laquais vient de m'apporter
un paquet où je
trouve une longue lettre
&une courte Enigme :
274 MERCURE
on me recommande l'une
& l'autre , mais je m'en
tiens à l'Enigme, àla confideration
de Mr D. L.
qui me l'envoye.
1
ENIGME.
Jeſuis auſſipoli , mais plus
blanc que l'yvoire ,
Fapproche quelquefois de
la virginité , A
Jesuis un peu fragile , &
neſuispoint tenté ,
Souvent me fait la cour
quifouvent aime à boire.
GALANT. 275
Je suis plus recherché du
genre moins buveur
En mon employ ſervile on
me guide à l'honneur ,
Une jeune beauté frémiroit
dans fon ame
Augeste d'un brutal qui
s'approche de moy.
Fene fuis pointſenſible aux
faveurs d'un grand Roy ,
Fe rougis quelquefois de
২ celles d'une Dame.
Si l'on m'en avoit envoyé
encore une , j'aurois
refervé celle- cy pour un
276 MERCURE
autre mois ; mais on ne
la pas fait ,& je n'ay pas
le temps d'attendre qu'on
le faffe.
XENIGME
2 i
Noussommes trois compagnons
M
Qui de fort prés nous joignons,
Composant un tout femelle
De taille telle que telle ,
Et qu'on ne peut définir
Parce qu'aller & venir
Défigurent un peusa taille
GALANT. 277
Qui franchement n'est rien
qui vaille ,
L'un de nous est fort mal
coëffé
L'autre est un peu mieux
etoffe
Le troifiéme par avanture
dont le beau sexe eft cum
rieux
Eft par fois parfumé ,
blanc , poli , gracieux,
Pour luy plaire par fon
allure,
Quelquefois de mille
beautez
278 MERCURE
Il est temoin , mais non
pas oculaire ,
De ce qu'il ne voit point
un peu vous vous
doutez
Lesçavoir mieux n'est pas
trop neceffaire,
Pour deviner l'Enigme
en question
Mais procedons à la conclufion
1
Tantoſt l'un de nous trois
des deux autres s'arrasche
Celuy-cy dans l'autre ſe
GALANT . 279
LIM cache 3
Et se recache aprés dans
un plaisant reduit
Et quand l'autre est cacké
dans celuy qui le ſuit
Tous trois nous nous cachons
ensemble
Dans un autre réduit
qu'on cache aprés auffi
Qui sommes nous , que
vous en femble
Quel mot feul fait en racourcy
Des maſles Compagnons
que cette Enigme indi
280 MERCURE !
que
Le nom unique.
Le 2. de ce mois le
Roy fit faire un ſervice folemnel
dans l'Egliſe de
Noftre- Dame , pour le repos
de l'ame de la Reyne
d'Eſpagne , le Cardinal de
Noailles Archeveſque de
Paris officia , & tous les
Prélats qui estoient à Paris
s'y trouverent , de mefme
que le Parlement , la
Chambre des Comptes , la
Cour des Aides , l'Univerſité
& le Corps de Ville
د
qui
1
GALANT. 281
qui y avoient eſté invitez
de la part du Roy , par le
Marquis de Dreux Grand
Maistre des Cérémonies.
Madame la Princeſſe de
Conti , Mademoiſelle de
Charolois , & Mademoiſelle
de Clermont , qui eftoient
les Princeſſes du
deüil , estoient menez par
Monfieur le Duc d'Orleans
, le Duc de Bourbon ,
&le Comte de Charolois .
Le Mauſolée de cette
grande Reyne eſtoit ſuperbe
, ſon tombeau eſtoit
placé ſur un pied d'Eſtal
Aa
282 MERCURE
fouſtenu de quatre Lyons ,
fa figure eftoit à pans fur
chaque paneſtoit affife une
Conſole qui portoit une
Girandole. On voyoit au
deffus du Tombeau la rez
preſentation couverte d'un
riche Poele & d'un Manteau
Royal , fur leſquels
eftoit poſée la Couronne
d'Eſpagne , ſur un Carreau,
couverte d'un voile ou cref
pe noir.
Au deſſus du Catafalque
eſtoit élevé un Pavillon
furmonté de quatre aigrettes
, orné de riches pentes
GALANT. 283
garnies d'ornements &
d'attributs en or , au fond
duquel eſtoir une croix de
moire d'aigrettes cantonné
des armes d'Eſpagne, duquel
pavillon partoientqua
tre grandes queües foutenuës
en l'air formant des
feftons. On voyoit ſous le
pavillon un Ange tenant
une couronne d'étoiles re
preſentant l'immortalité.
L'Autel étoit orné dans le
même goût que le tour du
Choeur. Deux cartouches
avec deviſes en bas relief
d'or y étoient aux deuxcô
A a ij
284 MERCURE
tés : au deſſus de l'Autel
étoit unDais richement orné,
dont les queües for
mant des feſtons ſe réünif
foient à la décoration du
Choeur.
Les Ecuffons , cartouches,
tympans & autres ornements
ſont dorés,profilés
&ornés de girandoles portant
des lumieres
Les inſcriptions & deviſes
ont été données par Mr.
Simon Garde du Cabinet
des Medailles du Roy .
Voicy un article où
GALANT. 285
tous les termes conſacrés
aux loüanges les mieux
meritées , font épuiſez.
Monfieur le Mareſchal de
Villars fut reçeu le 23 .
l'Academie Françoiſe. 11
fit un Diſcours d'un Heros
tel que luy. Mr de la
Chappelle luy fit au nom
de cette Illuſtre Affemblée
, un autre Diſcours
fort éloquent. J'ay pris
bien des peines inutiles
pour avoir ces deux pieces
; fi on me permet de
186 MERCURE
les faire imprimer , com
me je l'efpere , je les donneraydans
mon premier
Mercure.
MORTS.
Marie Anne Mancini Du
cheffe de Boüillon mourut
fubitement le 20 de ce
mois. Son corps fut porté
le 25. aux Theatins. Elle
avoit épousé le 20. Avril
1662. Godefroy Maurice de
la Tour Duc de Boüillon ,
Vicomte de Turenne , Duc
d'Albret & de Chasteau
GALANT. 287
Thierry , Comte d'Auvergne
, d'Evreux &c. Pair &
Grand Chambellan de
France , Gouverneur &
Lieutenant General du
haut & bas Auvergne ,
& eſtoir fille de Michel
Laurent Mancini , qui
avoit époufé Jeronime Mazarin
foeur puiſnée du Car .
dinal Mazarin , morte le
29. Decembre 1656. Leurs
enfans furent ; N. Comte
de Mancini , tué au combat
du Fauxbourg Saint Antoine
à Paris ; Philippe Julien
quijoignit à fon nomceluy
288 MERCURE
de Mazarin ; N. dit l'Abbé
Mancini , qui fut tué Malheureuſement
au College
en joüant avec ſes amis le
15. Decembre 1654. Alfonſe
mort le s. Janvier 1658.
âgé de 14. ans ; Laure alliée
le 4. Fevrier 1651. avec
Loüis Duc de Vendôme &
de Mercoeur , morte le 8.
Fevrier 1657. Olympe Sur-
Intendante de la Maiſon de
la Reine , mariée le 20 Fevrier
1657. à Eugene Maurice
de Savoye Comte de
Soiſſons , & Marie femme
de Laurent Colonne Conneftable
GALANT. 289
neſtable du Royaume de
Naples , Hortenſe qui ef
pouſa le 21. Fevrier 1661.
Armand Charles dela Porte
, Duc de la Meilleraye ,
ſubſtitué au nom & armes
de Mazarin , elle mourut
en Angleterre le 2. Juillet
1699. & Marie Anne Manncini
qui vient de mourir.
Paul Mancini Baron Romain
, aimoit les belles
Lettres , & fuft premier
Inſtituteur de l'Academie
des Humoristes , il vivoit
l'an 1600.
Dame Marie Ceberet ,
Juin 1714. Bb
$
190 MERCURE
Veuve de Mefire Hierofme
Merault , Conſeiller de la
Grande Chambre du Parlement,
mourut le 17. Juin
1714
MMeefſiirree François le Boultz
Seigneur d'Aubevois , Conſeiller
Clerc au Parlement
de Metz , mourut le 20,
Juin 1714.
• Nicolas Jean Geneſt de
Launay Secretaire du Roy,
&l'un des Fermier Generaux
de Sa Majesté , mourut
le Juin 1714 .
GALANT. 191
Jeſuppoſe que ceux
qui m'ont demendé des
rendez-vous font de mes
amis , & qu'ils n'ont pas
voulu figner les lettres
qu'ils m'ont écrites pour
avoir le plaifir de badiner
avec moy plus à leur aiſe.
C'eſt leur affaire s'ils n'en
font pas , & s'ils en font
j'en ſuis ravi , & je les
invite à bon compte à
prendre en bonne part la
réponſe que je leur fais.
Si l'addreſſe que je donne
Bb ij
292 MERCURE
à chacun en particulier ,
leur plaiſt , en general ,
qu'ils ſe trouvent au rendez-
vous , je tiendray ma
parole
RENDEZ- vous.
3
Salut,amy:Jesuis char-
Du combatfingulier ou ta
Myse m'appelle:
Je voudrgis te parler auffi
galamment qu'ellers
Mais dufacre allon,Phebus
m'a réformé
da
GALANT. 293
Tu me promets honneur
gloire ,
Tu meflattes d'un grand
fuccés.
Mais crois-moy, ne briguons,
si nous pouvons
jamais
De place au temple de
memoire.
Allons rimer au cabaret ,
Faifons en un champ de
100
victoire
,
Chantons-y nos chansons
10
àboire ,
Et laiſſons franchement
Bb iij
294 MERCURE
nos vers au Cabinet.
Jefaisfur l'Helicon une
Valde figure ,
Jemeplais mieux ailleurs:
cours live mon Mercure ,
Et trouve-toy des que tu
l'auras lù ,
Chés Mouginot où okes
Darlu
On trouve chez le Sicur
de Launay ruë Saint Jacques
à la Ville de Rome ,
prés la fontaine Saint Severin
; & chez le Sieur Rondet
ruë de la Harpe , la fuite du
GALANT. 295
Kalendrier Hiſtorique. Contenant
par ordre de datte
les Evenemens les plus remarquables
, arrivés dans
tous les Estats , & Empires
du monde , pendant les fix
derniers mois de l'année
1713. l'Extrait du pronon
céides Edits , Déclarations
&Arreſts publics dans la
meſme année avec une
Table Alphabetique des
Matieres , & un Catalogue
des Livres imprimés en
France depuis le commen
cemont de l'année 171 1
Bis S
VON
:
TABLE
PRelude , ८ Page 3
Reflexionsfurl'Histoire 10
Histoire Nouvelle 14
Remarques sur l'Histoire 100
Discoursfur le mois , HO
Nouvelles
وه
Morts , piedad A. si izz
Mariages 18,207143
Memoires litteraires 146 - ISI
Critique du Parnaffe 169
L'histoire du Bacha de Damas.
218
TABLE.
Noms de ceux qui ont deviné
les Enigmes , 266
Madrigal fur l'Autheur 268
Envoy fur le mot de lafeconde
Enigme , 269
Explication de la premiere
Enigme ,
Enigme ,
Autre Enigme ,
272
274
276
Pompe Funebre de la Reyne
d'Espagne , 280
Reception de Mr de Villars
à l' Académie Françoise 28u
Suitte des morts , 286
Reponſe de l'Autheur aux
demandé
LYON
rendez vous qu'on luy à
291
&
ERRATA.
Page 108, au lieu de Carpi a
lifez Regio.
NOUVEAU
MERCURE
GALANT.
VILLE DE LYG
THEQUE DELA VILLE
UN
LYON
*1893*
NI
A PARIS ,
MDCCXIV
AvecPrivilege du Rox.
}
MERCURE
GALANT.
Par le Sieur L. F.
Mois
de Juin
1714.
Leprix eſt 30. fols reliéen vean ,&
25. ſols , broché.
A PARIS ,
Chez DANIEL JOLLET , au Livre
Royal, au bout du Pont S. Michel
du côté du Palais .
PIERRE RIBOU , à l'Image S. Louis,
fur le Quay des Auguſtins.
GILLES LAMESLE, à l'entrée de la rud
du Foin, du côté de la ruë
Saint Jacques.
AvecAprobation, PrivilageduRei.
MERCURE DEL
=
LYON
NOUVEAU 1893
E croy en effet
J qu'il n'est pas
de meilleur métier
pour faire bientôt
connoillance avec tout
le monde que celui
d'auteurdu Mercure
7
galant
: mais je croy auffi
Juin 1714. Aij
4 1
MERCURE
qu'il n'en eſt pas de plus
importun. Eſtre diſtrait
par toute la terre , s'entretenir
pour le public
descorrefpondances par
tout, & faire un livre
tous les mois : voila juftement
l'employ dont je
fuis charge.
1 On me dit , pour
m'encouragen , qu'on a
eu affez d'indu gence
pour mon premi tvor
Jume Ce fuffrage m'eſt
indifferent ; je n'en yeux
A
1
GALANT. }S
point pour les ouvrages
que je donne : ils ne
m'appartiennent pas afſez
pour meriter tant de
grace , & ce feroit tout
de que je pourrois exiger
, ſi j'étois l'inventeur
ou le garantdes faitsque
je rapporte. D'ailleurs ,
à examiner de plus prés
ce ſentiment d'indulgence
, qu'on me fait afſez
valoir , je ne voy pas
qu'il y ait beaucoup de
quoy flater la vanité d'un
A iij
6 MERCURE
homme à qui le public ,
fans offenſer ſa delicateſſe
, peut ſçavoir meilleur
gré de ſes nouvelles.
Tant de perſonnes
m'ont queſtionné ſur le
chapitre de cette riche
eſclave dont j'ai parlé
dans mon premier Mercure;
j'ai vu tant de Cavaliers
de bonne mine
me demander ſi cette
hiſtoire n'étoit pas un
conte de ma façon ; j'ai
en un mot rafſuré tant
GALANT. 7
१
de monde ſur le merite,
la richeffe & les intentions
de cette fille , que
j'ai vûë à Madrid, & que
pluſieurs Miniſtres étrangers
, & mille honnêtes
gens qui font ici
ont vûë comme moy ,
que ce ſeul article devoit
engager tous les
pretendans à publier
qu'un homme qui donne
de fi bonnes adref
fes , merite plûtôt des
applaudiſſemens foli-
Aiiij
8 MERCURE
des qu'une ſeche indulgence.
Mais vous n'y
fongez pas , me dit- on ,
de faire tant le delicat
fur les fuffrages qu'on
vous ête , ou qu'on vous
accorde ; le public aime
auſſi peu les détails que
les repliques , &fi vous
voulez être de ſes amis ,
ne ſongez qu'à lui donner
ſouvent de bonnes
pieces , un grand nombre
de faits , & peu de
reflexions ; il eſt affez
GALANT. 9
C fage pour faire lui même
celles qui lui conviennent.
Je remercie le
donneur d'avis ; fon conſeil
me paroît ſi raifonnable
, que je vais , fans
autre prélude , debuter
par cette hiſtoire , & copier
l'original que m'en
a donné celui qui en a
été le principal acteur.
Son nom est Olivier de
la Barriere , a prefent
Capitaine commandant
un bataillon François.
10 MERCURE
Il m'a paru que la
fuite d'une histoire interrompuë
par des defcriptions
de palais, de
villes & de campagnes ,
refroidiſſoit l'attention
du lecteur, dont naturellement
l'esprit n'a pour
objet que le dénoûment
de l'intrigue qu'on lui raconte.
Si quelqu'un doute
de l'effet dégoûtant de
ces digreffions ,je lui confeillede
prendre la peine
ou le plaisir de lire
GALANT. 11
i
Clelie, Polexandre, Cyrus,&
vingt autresRo.
mans semblables , où il
verra ſouvent, àlasuite
d'un combat àoutrance ,
ou du raviſſement d'une
belle Princeße ,la Princeffe&
leChevalierfaire
un inventaire des
meubles & des tableaux
admirables dont étoient
ornezles Palais de leurs
ayeux. Pourmoy , je ne
Sçaifi c'estfaute de goût
pour l'architecture , que
1
12 MERCURE
lorſque j'ai rencontré
quelques-uns de ces édi
fices superbes je les ai
toûjours fautez , pour
me remettre plûtôt à
l'histoire , & j'ai pense
que les lecteurs qui trouveroient
de pareilles
descriptions dans mon
Mercare , pourroient
bienfauter tout mon liure.
Il y a cependant
des circonstances dont le
détail , neceſſaire à l'in
telligence de l'histoire
GALANT .
Erablit pour les acteurs
des fituations interesfantes
s'il nefaut ni les
negligers nitrop les éten
- Pour ne rien laiffer à
desirer au lecteur qui
veut s'inſtruire , j'ai crû
ne pouvoir mieux faire
que de marquer d'un
chiffre tous les endroits
dont je ne pourrai tui
faire la peinturefansin
terrompre le fil de ma
narration ,& de to rom
14 MERCURE
voyer , par le moyen de
ces chiffres , à lafin de
Chiſtoire, où il trouvera
tout ce qui manquoit à
Sacuriosité. J'aurai tous
les mois la même еxас-
丸
HISTOIRE
JE fuis bich aife, Mon
ſieur, devous envoyer l'hif
toire des quatrespionniers
mois desterco campagne,
し
GALANT. 15
avant que l'armée du Prince
Eugene nous enferme
dans Mantouë, bu olorist
Ne vous imaginez pas
fur ce titre que je veüille
vous entretenir à preſent
de mille actions de valeur
qui ſe font , & s'oublient
ici tous les jours, Rienn'eſt
ſi commun que ces nouvelles;
parce que , qui dit
homme de guerre dic
homme d'honneur. Ilaya
preſqueperſonne qui n'aille
la guerre , par confequent
preſque tout le mondea
de l'honneur , & le heroif.
ف
16 MERCURE
me eſt la vertu detous les
hommes : maisje veux vous
faire le détail d'une intrigue
, dont les caprices du
fort femblent n'avoir amené
tous les incidens qui la
compoſent , que pour en
rendre les circonstances bizarres&
galantes plus intereſſantes
aux lecteurs.
Nous étions moüillez jufqu'aux
os , nos tentes& nos
barraques culbutées la
pluie , la grêle & le ton.
nerre avoient en plein Eté
répandu une effroyable nuit
au milieu du jour : nous
avions
GALANT
avions enfin marché dans
les tenebres pendant plus
de trois quarts d'heure ,
pour trouver quelque azi
le , lorſque nous arriva
mes, deux de mes amis &
moy , à la porte d'une caffine
à deux mille de Mani
touë. SainteColombe, Lieu
tenant de dragons dans
Fimarcon ,& Mauvilé, Capitained'infanterie
comme
moy , étoient les deux bra
vesquim'accompagnoient.
Désque nous eûmes gagné
cette amaiſon , nous fon
geâmes a nous charger de
Juin 714 .
1
18 MERCURE
1
javelles de ſarmens dont la
grange étoit pleine , pour
aller plutôt ſecher nos
habits. D'ailleurs , nous
croyions cette caffine del
ferte, comme elles l'étoient
preſque toutes aux envi
rons de Mantouë : mais en
ramaſſant les fagots que
nous deſtinions à nous fer
cher , nous fûmes, bien furpris
de trouver ſous nos
pieds des bayonnettes ,des
fufils& des piſtolets chars
gez , & quatre hommes
morts étendus ſous ounc
couche de foin Nous ting
GALANT. 19
2
mes auffitôt un petit conſeil
de guerre entre nous
trois , & en un moment
nous conclûmes que nous
devions nous munir premierement
des armes que
nous avions trouvées &
faire enfuite la viſite de
cette caffine. Cette refolution
priſe , nous arrivâmes
àune mauvaiſe porte , que
nous trouvâmes fermée.
Unbruit confus de voix&
de cris nous obligea à prêter
foreille. A l'inſtant nous
entendîmes un homme qui
difoit à fes camarades en
Bij
20 MERCURE
jurant : Morbleu la pitié eſt
une vertu qui ſied bien à
des gens indignes comme
vous ! Qui eſt-ce qui nous
ſçaura bon gré de nôtre
compaffion ? Ce ne ſera tout
au plus que nos méchantes
femmes , que ces chiens- là
deshonorent tous les jours.
Pour moy , mon avis eft
que nous égorgions tout à
l'heure celui- ci. Mais d'où
te vient tant de lâcheté,
Barigelli? Tu n'es pas content
d'avoir ſurpris ce François
avec ta femme,tuveux
apparemment qu'il y re
GALANT. 21
tourne. Non non , dit Barigelli,
à Dieu ne plaiſe que
je laiſſe cet outrage impuni
; je ſuis maintenant le
maître de ma victime , elle
ne m'échapera pas : mais
je veux goûter à longs traits
le plaiſir de ma vengeance.d
Mon infidelle eſt enchaî
née dans ma cave ; je veux
que ce traître la voye expirer
de rage & de faim dans
les ſupplices que je lui def
tine , & qu'auprés d'elle ,
chargé de fers , il meure de
lamême mort qu'elle, Surat
le champ la compagnic ap-
J
22 MERCURE
7
prouva ce bel expedient
mais nous ne donnâmes
pas à ces Meſſieurs le loifir
de s'en applaudir longtemps.
Du premier coup
nous briſames la porte , &
nous fimes main baſſe , la
bayonnette au bout du fu
fil , fur ces honnêtes gens ,
qui ne s'attendoient pas à
cet aſſaut. Ils étoient quatre.
Nous lesbleſſames tous,
ſans en tuer un ; nous leur
liâmes les mains derriere
le dos , nous délivrâmes le
malheureux qu'ils alloient
1.
facrifier comme ja viens
GALANT. 23
de vous dire , nous lui donnâmes
des armes , & tous
enſemble nous allames
joindre un Capitaine de
nos amis , qui étoit détaché
avec cinquante hommes
à un mille de la caf
fine où nous étions , dans
une tour qui eft au milieu
d'un foffé plein d'eau , à la
moitié du chemin de la
montagne noire à Mand
Dés que nous fûmes ar
rivez à cette tour, le fenti
nelle avancé appella la gar
de qui vint nous recevoir,
24 MERCURE
1
Nous paſſames auffitôt a
vec tout notre monde au
corps de garde de l'Offi
cier , qui nous dit en riant :
Je ne ſçai quelle chere vous
faire,Meſſieurs ; vôtre com
pagnie eſt ſi nombreuſe ,
qu'à moins qu'on ne vous
trouve quelque choſe à
manger , vous pourrez bien
jeûner juſqu'à demain.
Mais , continua stil , en
m'adreſſant la parole , que
ſignifie ce triomphe ? Eltce
pour ſignaler davantage
vôtre arrivée dans matour ,
qué vous m'amenézpçes
capGALANT.
25
captifs enchaînez. Il n'eſt
pas , lui dis je , maintenant
queſtion du détail de ces
raiſons. Nous vous confignons
premierement ces
priſonniers , & en ſecond
lieu nous vous prions de
faire allumer du feu pour
nous ſecher , de faire apporter
du vin pour nous rafraîchir
, & d'envoyer à
cent pas d'ici nous acheter
poulets & dindons , pour
les manger à votre mode
morts ou vifs. Nous vous
dirons enſuite tout ce que
vous avez envie d'appren-
Juin 1714. C
26 MERCURE
dre. A peine l'Officier eur
ordonné à un de ſes ſoldats
d'aller nous chercher ces
denrées , que nous entendîmes
tirer un coup de fufil.
Auſfitôt on crie , à la
garde. Un Caporal & deux
foldats vont reconnoître
d'où vient cette alarme. Un
moment aprés on nous
amene une jeune fille fort
belle , &un jeune homme,
que le ſentinelle avoit bleſſé
du coup de fufil que nous
avions entendu tirer. L'imprudent
qui couroit aprés
cette fille ne s'étoit pas ar
GALANT.
27
rêté ſur le qui vive du foldat
en faction. On le panſa
fur le champ , & la fille ſe
retira avec nous dans la
chambre de l'Officier. Elle
ſe mit ſur un lit de paille
fraîche , où nous la laiſiames
repofer & foûpirer ,
juſqu'à ce que l'on nous cût
accommodé la viande que
le foldat nous apporta. Nous
fimes donner du pain & du
vin à nos prifonniers ; & de
nôtre côté , pendant que
nous mangions un fort
mauvais ſoupé avec beaucoupd'appetit,
la jeune fille,
Cij
28 MERCURE
qui n'en avoit gueres , m'a
dreſſa le beau difcours que
vous allez lire .
Eſt il poſſible,traître, dit.
elle , en me regardant avec
des yeux pleins d'amour&
de colere,&tenant à lamain
un de nos coûteaux qu'elle
ayoit pris ſur la table , que
tu ayes tant de peine à me
reconnoître ? Oui eſt il poffible
que tu me traites avec
tant de rigueur , & que tu
fois auſſi inſenſible que tu
l'es aux perils où je m'expoſe
pour toy Je ſuis bien
faché , lui disje , en lui ôGALANT.
29
!
tant doucement le coûteau
della main que vous me
donniez les noms de traître
& d'inſenſible ; je ne les
merite en verité point , &
je vous affure que depuis
que je ſuis en Italie , je n'ai
encore été ni amoureux ,
ni cruel. Comment , lâche,
tu ofes me dire en face
que
tu n'es pas amoureux ? Ne
t'appelles tu pas Olivier de
la Barriere ? Ne viens tu pas
loger à vingt pas de la porte
Pradelle , lorſque tu ne
couches pas au camp ? Ne
t'es tu pas arrêté trente fois
C iij
30
MERCURE
1
la nuit à ma grille ? Ne
m'as - tu pas écrit vingt lettres
, que j'ai cachées dans
nôtre jardin & ne reconnois-
tu pas enfin Vefpafia
Manelli ? En verité lui dis
je , quoique je fois perfuade
depuis long temps que vous
êtes une des plus belles
perſonnes de l'Italie , je ne
vous croyois pas encore fi
belle que vous l'êtes , & je
ne m'imaginois pas que
vous euffiez des ſentimens
fi avantageux pour moy .
Je ne vous ai jamais vûë
que la nuit à travers uneja
GALANT.
31
loufie affreuſe ; & comme
je n'établis gueres de préjugez
ſur des conjectures ,
je pouvois ( à la mode de
France ) vous dire & vous
écrire ſouvent que vous
êtes belle , que je vous aime
, & que je meurs pour
vous , ſans m'en ſouvenir
un quart - d'heure aprés
vous l'avoir dit : mais à prefent
, je vous jure devant
ces Meffieurs , qui font mes
camarades & mes amis ,
que je ne l'oublirai jamais.
Ajoûte , infolent , me ditelle
, tranſportée de fureur
C iiij
32
MERCURE
& de depit , ajoûte la raillerie
à l'outrage. Où ſuisje
, & que deviendrai - je ,
grand Dieu ! fi tes amis ,
qui te voyent & qui m'entendent
, font auffi ſcelerats
que toy ?
Mauvilé, que ce diſcours
attendriſſoit déja , me regarda
, pour voir ſi j'approuverois
qu'il lui proposât
des expediens pour la
dedommager de mon infidelité
pretenduë : mais le
ſens froid exceffif que j'affectois
avec une peine infinie
, n'étoit qu'un foible
GALANT.
33
voile dont je m'efforçois
de me fervir , pour eſſayer
de dérober à mes camarades
la connoiſſance de l'a
mour dont je commençois
à brûler pour elle Je temoignai
neanmoins à Mauvilé
que je ne deſapprouverois
point ce qu'il lui diroit
pour m'en défaire , ou
pour la conſoler. Ainſi jugeant
de mes ſentimens
par mes geftes : Mademoifelle
, lui dit- il en Italien
qu'il parloit à merveille ,
nous ſommes d'un pays où
tout ce qu'on appelle infi
34
MERCURE
delité ici eſt ſi bien établi ,
qu'il ſemblequ'on ne puiſſe
pas nous ôter la liberté de
changer , ſans nous ôter en
même temps le plus grand
agrément de la galanterie.
La conſtance eſt pour nous
autres François d'un uſage
ſi rare ou fi difficile , qu'on
diroit que nous avons attaché
une eſpece de honte
à nous en piquer : cependant
vous êtes ſi belle, que ,
fans balancer , je renoncerois
à toutes les modes de
mon pays , pour m'attacher
uniquement à vous , fi ,
GALANT.
35
guerie des tendres ſentimens
que vous avez pour
mon ami , vous me permettiez
de vous offrir un coeur
incapable des legeretez du
ſien. Je ne ſçai , lui répon-,
dit- elle , affectant une fermeté
mépriſante , ce que je
ne ferois pas pour me vanger,
ſi je le croyois ſenſible
aux offres que vous me faites
: mais , Monfieur , quelque
emportement que j'aye
marqué , il ne s'agit pas
maintenant d'amour , & je
ne ſuis venuë ici ni pour
yous ni pour lui. Enfin
56 MERCURE
lorſque j'ai fongé à profiter
de l'orage qu'il a fait au
jourd'hui , pour me délivrer
de la plus injuſte perfecu
tion du monde, je n'ai point
regardé cette tour comme
un lieu qui dût me ſervir
d'azile;& fans l'imprudence
du jeune homme qui m'a
poursuivie ,j'aurois pris ſur
la droite , j'aurois évité vôtre
fentinelle , & je ſerois à
preſent arrivée à une maifon
, où j'aurois trouvé plus
de commodité , plus de re
pos , & autant de fûreté qu'-
ici. J'ai ſeulement une gra
GALANT. 37
ce à vous demander ; je prie
l'Officier qui commande
dans ce fort de garder pendant
trois jours le jeune
homme que le ſentinelle a
bleffé , & de me laiſſer de.
main fortir ſeule de cette
tour avant le lever du ſoleil.
Elle nous acheva dette petite
harangue d'un air
touchant & fi naturel , que
je ne fus pas le maître de
mon premier mouvement.
Enfin il me fut impoffible
de diffimuler plus longtemps
, & de ne lui pas dire
avec chaleur : Non , belle
38 MERCURE
Vefpafie , je ne vous quitte
rai pas , je veux vous ſuivre
où vous irez , courir la même
fortune que vous , &
vous ſervir juſqu'à la mort.
Helas , me dit- elle , en mé
jettant , avec un ſoûpir , un
regard d'étonnements jus'il
vous eſt ſi facile de paffer
de l'indifference à l'amour,
ne dois-je pas apprehender
que vous ne repaffiez éga
lement bientôt de l'amour
à l'indifference ? Maisquoy
quilen
qu'il en puiſſe être , vous ne
ſçauriez me propoſer rien
que je n'accepte. Où pouGALANT.
39
vez- vous me ſuivre ? où me
voulez vous conduire?Tout
ce pays eft couvert d'enne
mis, les Imperiaux ont deux
ponts de bateaux fur le Pô ;
Borgoforte , Guastalla , &
San Benedetto , qui font
lesſeules portes par où nous
pourrions fortir , font les
poftes qu'ilsoccupent.Non,
lui dis-je , non , charmante
Vefpafie,ne cherchons point
de ces retraites ſcandaleuſes
dont l'uſage eſt impra.
ticable à des gens d'honneur.
C'eſt à Mantouë que
vous devez retourner avec
40 MERCURE
moy. Nous y entrerons par
la porte del Té. Ce ſera demain
unCapitaine de nôtre
regiment qui y montera la
garde , je prendrai avec lui
de juftes meſures pour vous
introduire dans la ville,ſans
que perſonne vous y voye
entrer , & je vous donnerai
un appartement , où je vous
aſſure qu'on ne viendra pas
yous troubler. Mais , mon
Dieu ! reprit elle , je tremble
que mes freres ne ſçachent
où je ſerai : ahd s'ils
me découvrent , je ſuis à jamais
perduë. Ne vous inquietez
GALANTA
41
quierez pointis lui dis -je
nous mettrons bon ordre à
vôtre fûreté , & je vous ret
pons que la maiſon de nôtre
General ne fera pas mieux
gardéeque la vôtre. Prenez
maintenant un eſprit de
confiance & de liberté , &
contez nous , s'il vous plaît,
par quel hazard vous vous
êtes ſauvée juſques dans
Cette tour.
T
Vous ſçavez , dit alors
Vefpafie , que je demeure à
vingt pas de la porte Pradelle:
mais vous ne sçauriez
vous imaginer dans quel
Juin 1714. D
42 MERCURE
esclavage j'ai vécu depuis
mon enfance juſqu'à preſent.
Je ſuis fille de Julio
Lanzilao . Cette Maiſon eft
ſi conue en Italie , que ce
nom ſuffit pour vous donner
une juſte idée de ma
naiſſance. Je n'avois que
quinze ans lorſque mon
pere mourut ; il y en a trois
depuis ſa mort , que deux
freres que j'ai , s'imaginant
avoir herité de l'autorité
que mon pere avoit fur
moy , comme des biens de
nôtre famille , ſe ſont rendus
les tyrans de ma liberté.
GALANT.
43
Ils ont contracté depuis
long-temps une amitié fi
étroite avec un Gentilhom
me de Mantouë , qu'on appelle
Valerio Colucci , ( que
je n'ai jamais pû ſouffrir )
qu'il y a deux ans qu'ils
sacharnent à vouloir me
rendre la victime de la
tendreſſe qu'ils ont pour
lui. Ma froideur & mes
mépris ont ſouvent rompu
toutes leurs meſures : mais
les mauvais traitemens qu'-
ils m'ont faits ne l'ont que
trop vangé de mon indifference.
Enfin laffé lui-
Dij
44
MERCURE
même de l'injustice de mes
freres , qui lui avoient donné
la liberté de me venir
voir quand il lui plairoit ,
il me dit , en entrant un
ſoir dans ma chambre , à
une heure où je n'avois
jamais vû perſonne : Je ne
ſçai , Mademoiselle , ſous
quel titre me preſenter à
vos yeux ; c'eſt moy ( qui
ſuis l'objet de vôtre haine )
que vous accuſez de la rigueur
de vos freres : mais
je veux , pour vous détromper
, être plus genereux à
vôtre endroit ,qu'ils ne font
GALANT.
45
obſtinez à vous perfecuter.
Secondez moy , & vous
verrez qu'inceſſamment je
vous affranchirai du joug
qu'ils vous ont impoſe.
Vo
Voicy mon deſſein. Vous
avez à un mille & demi de
la Madona della gratia² , un
Palais où demeure vôtre
tante , qui vous aime , &
dans la ville le Convent de
SainteTherese ; ( qui n'eſt pas
lazile le moins libre que
vous puiffiez trouver ) choifiſſez
l'une de ces deux
maiſons. Si je dois , lui disje
, compter de bonne foy
46 MERCURE
fur le ſecours dont vous me
flatez , mettez - moy entre
les mains de ma tante ; elle
eſt ſouveraine dans ſon Palais
, elle n'aime pas mes
freres , & je vivrai certainement
mieux avec elle
qu'ailleurs. Cela étant , me
répondit- il , affectez en leur
prefence plus de complaiſance
pour moy, & ne vous
effrayez plus tant de la propoſition
qu'ils vous feront
encore de nous unir enſemble.
Ecrivez cependant
à vôtre tante de vous en.
voyer aprés demain fon
GALANT.
47
caroſſe à la porte del Té. Je
lui ferai tenir vôtre lettre
par un inconnu , j'écarterai
les gardes qui vous envi
ronnent, je vous aiderai à
ſortir d'ici ; enfin , quoy
quoy qu'il m'en coûte , je
vous eſcorterai juſqu'au
rendez- vous , plus content,
dans mon malheur , d'être
moy-même la victime du
ſacrifice que je vous fais ,
que de vous voir plus longtemps
l'objet de la rigueur
de vos freres. Je reſtai plus
d'une heure fans pouvoir
me refoudre. Je me mis
:
48 MERCURE
moy-même à la place d'un
amant toûjours haï , tou
jours malheureux , & j'eus
une peine extreme à pou
voir accorder des foins fi
genereux avec un amour
fi malrecompensé : mais il
échape toûjours quelque
choſe à nos reflexions ;
ce qu'on ſouhaite fait oublier
ce qu'on riſque , &
nôtre bonne foy determine
ſouvent nôtre eſprit à ne
gliger les raifons de nôtre
défiance. Je ne fongeai pas
feulement qu'ile fuffifoit ,
pour me faire un procés
crimi.
GALANT.
49
criminel avec mes freres ,
qu'ils me ſoupçonnaſſent
d'avoir écrit à ma tante. En
un mot je donnai dans le
piege , &je confiai ce billet
àmon fourbe.
Jene vous fais part qu'en
tremblant , Madame , du plus
important fecret de ma vie :
jevais enfin fortir d'esclavage.
Valerio Colucci , que j'ai tou
jours crû d'intelligence avec
mes freres ,fe charge lui-même
duſoin de me remettre en vos
mains , pourveu que vôtre caroſſe
m'attende aprés demain
Juin 1714.
E
50
MERCURE
1
aufoir à la porte del Té.Jene
fçaipas ce que je ferai s'il me
tient parole : mais je m'imagine
que je vousprierai de me permettre
d'être aufſſi genercuſeque
lui , s'il fatisfait l'impatience
que j'ai de me rendre à vous.
Il reçut cette lettre fatale
de ma main ; il la baiſa
avec mille tranſports , &
fur le champ il s'en alla ,
aprés m'avoir dit encore :
J'en ai maintenant plus
qu'il n'en faut , belle Vefpafie
, pour vous tirer inceffamment
de la ſerviGALANT.
SI
tude où vous vivez .
Il n'y avoit alors , conti
nua telle en s'adreſſant à
moy , que quatre ou cinq
jours que vous m'aviez écrit,
Seigneur Olivier, que
l'on vous envoyoit avec vôtre
compagnie à la Madona
della gratia , où vous apprehendiez
fort de refter deux
ou trois mois en garniſon.
Le defir de m'approcher de
vous , l'intention de vous
écrire , & l'efperance de
vous voir m'avoient determinée
à preferer la maiſon
dema tante au Convent de
1
E ij
St MERCURE
fainte Thereſe. Ce n'étoit
même qu'à votre confideration
, & que pour enga
ger davantage Valerio Con
lucci dans mes interêts, que
je l'avois flaté dans lebillet
que je lui avois confié , de
l'eſpoir d'être auffi genereuſe
que lui : mais il ne fit
de ce malheureux billet ni
l'uſage que j'en aurois ap
prehendé du côté de mes
freres , ni celui que j'en au
rois eſperé du mien. Il s'en
fervit ſeulement pour rendre
ce gage de ma credulité
le garant de ſa précaus
GALANT!
53
tion. Le jour marqué pour
ma fuire , il fit tenir un caroſſe
ſur l'avenue decla
porte del Té, derriere lePalais
de Son Alteſſe Serenif.
ſime , où je m'étois renduë
d'affez bonne heure avec
Leonor,malheureuſe épouſe
d'un nommé Barigelli, à qui
j'avois fait confidence de
cette entrepriſe. Nous nous
étions retirées toutes deux
dans un cabinet fombre &
frais , en attendantValerio ,
lorſque vous arrivâtes aſſez
a propos avec Monfieur *
* Sainte Colombe.
Eiij
54
MERCURE
pour nous délivrer d'un
danger où nous aurions
peut- être ſuccombé fans
vous. Les promptes & funeſtes
circonstances dont
fut fuivie l'action que vous
fites pour nous vous priverent
du plaifir de connoître
les gens que vous veniez
de fauver , & nous de
la fatisfaction de vous en
marquer nôtre reconnoif
fance.
Vous êtes deux ici qui
m'entendez : mais ce que
je viens de dire eſt peutêtre
pour ces autres Mef
GALANT.
55
ſieurs une énigme , que je
vais leur débroüiller.
Quoique vous ſoyez étrangers
dans ce pays , il y
a déja ſi long- temps que
vous campez ſur le glacis
de Mantouë , & que vos
troupes font en garnifon
dans cette ville, que je croy
qu'il n'y a pas un François
parmi vousquineconnoiffe
à merveille toutes les maifons
de Son Alteſſe , & fur
tout le Palais del Tés ; aufli
nevous en parlerai- je point;
mais je vais vous raconter
ce qui m'arriva derniere
E inj
36 MERCURE
ment dans le jardin de ce
Palais .
Je m'étois , comme je
vous ai dit , retirée avec
Leonordans un cabinet ſom
bre , d'où ( l'eſprit rempli
d'inquietudes ) j'attendois
que Valerio vinſt me faire
fortir , pour me conduire au
caroſſe de ma tante ', qui
devoit me mener à laMadona.
Je commençois déja
même à m'ennuyer de ne
le pas voir arriver , lorſque
tout à coup je fus laiſie de
crainte & d'horreur , à la
vûë d'un ſerpent + d'une
GALANT. 57
groffeur énorme. Je vis ce
terrible animal fortir d'un
trou , qu'il avoit apparemment
pratiqué ſous le piéd'eſtal
d'une ſtatuë de Diane
, qui étoit à deux pas de
la porte du cabinet oùj'étois.
Je pouſſai auffitôt un
grand cri , qui lui fit tourner
la tête de mon côté ;
je tombai à l'inſtant , &je
m'évanoüis. Cependant ces
Meſſieurs * , qui ſe promenoient
alors affez prés du
cabinet , vinrent à mon ſecours.
J'ai ſçû de Leonor
* Olivier & Sainte Colombe.
58
MERCURE
qui eut plus de fermeré que
moy , ce que vous allez apprendre.
Le ferpent ne s'effraya
point de voir deux
hommes courir ſur lui l'é
péeà la main ; au contraire
il s'éleva de plus de deux
pieds de terre pour s'élancer
ſur ſes ennemis , qui
m'entendent , & qu'il auroit
certainement fort embaraſſez
, quelque braves
qu'ils foient , ſi dans le moment
qu'il fit ſon premier
faut le Seigneur Olivier n'avoit
pas eu l'adreſſe de lui
couper la tête , qui alla fur
GALANT.
59
le champ faire trois ou quatre
bonds à deux pas de lui,
pendant que le reſte de ſon
corps ſembloit le menacer
encore : mais à peine cette
action hardie fut achevée ,
que le perfide Valerio me
joignit avec trois eftafiers
qu'il avoit amenez avec lui .
Les morceaux difperfez du
ſerpent qui venoit d'être
tué , le defordre où il me
trouva , & deux hommes
- qu'il vit l'épée à la main à
la porte du lieu où j'érois ;
tout ce ſpectacle enfin ex-
-cita dans ſon ame de ſi fu60
MERCURE
ne dis
rieux mouvemens de ja
louſie , qu'aprés avoir abattu
mon voile ſur mon vi
ſage , il me prit bruſquement
par le bras , & me fir
fortir du jardin , ſans me
donner le loiſir , je ne
pas de remercier mes liberateurs
d'un ſi grand fervice
, mais même de me
faire reconnoître à leurs
yeux. Il me fit auſſitôt monter
avec Leonor dans le
caroffe qu'il nous avoit deftiné
; & au lieu de me me.
ner à la maiſon de ma tante
, il nous eſcorta avec ſes
GALANT. 61
eftafiers qui alloient avec
lui , tantôt devant , tantôt
derriere ,juſqu'à une caffine
qui eft à un mille d'ici , &
dont il étoit le maître : mais
il fut bien trompé , en arri
vantà la maison , d'y trouver
des hôtes qu'il n'y avoit
pas mandez. Une troupe de
deferteurs ( ou de bandits ,
ſijene metrompe ) en avoit
la veille enfoncé les portes;
elle en avoit afſommé le
fermier , pillé la baſſe cour,
la cuiſine ,la cave & le grenier,&
mis en un mottouse
lacaffinedansun fi grand
62 MERCURE
fi
defordre , que Valerio ne
put s'empêcher de ſe plaindre
de leur violence , & de
les menacer de les faire
punir.Ces furieuxà l'inftant
lechargerent lui &les fiens
cruellement , qu'aprés
l'avoirtué avecſes eſtafiers,
ils le jetterent avec ſes armes
, fon bagage & ſa compagnie
à l'entréede la grange.
Ils couvrirent ces corps
de quelques bottes de foin,
enſuite ils vinrent à nôtre
caroffe , où ils nous trouverent
effrayées mortellement
de tout ce que nous
GALANT.
63
venions de voir. Ils nous
tinrent d'abord pluſieurs
diſcours inutiles pour nous
raffurer ; puis ils nous firent
deſcendre dans la ſalle où
ils étoient , & dont la table
& le plancher étoient auſſi
mouillez du vin qu'ils avoient
répandu , que leurs
mains l'étoient encore du
ſang qu'ils venoient de verfer.
Cependant un d'entr'eux
', moins brutal que
- les autres , s'approcha de
. moy , & me dit d'un air
d'honnête homme: Je vous
trouverois , Madame , bien
64
MERCURE
plus à plaindre que vous ne
l'êtes , d'être tombée entre
nosmains , ſi je n'avois pas
ici une autorité que qui que
ce ſoit n'oſe me diſputer, &
fi toutes les graces que je
vois dans vôtre perſonne
ne me déterminoient pas à
vous conduire tout àl'heure
dansun lieu plus commode,
plus honnête & plus fûr.
Remontez en caroffe , &
laiſſez vous mener à la Cafa
bianca., C'est une maiſon
fort jolie , entourée d'eaux
de tous côtez , ſituée au
milieu d'un petit bois , derriere
GALANT 5
riere la montague noire :
en un mot c'eſt une elpece
de citadelle qu'on ne peut
preſque inſulter fans canón
Vous y prendrez,Madame,
le parti qui vous plaira , dés
que vous vous ferez remife
de la frayeur que vous ve
nez d'avoir. Au reſte , il me
paroît, à vôtre contenance,
que nous ne vous avons
pas fait grand tort de vous
délivrer des infolens qui
vous ont conduite ici : cependant
ſi nous vous avons
offenſée , apprencz-nous a
reparer cette offense ; ou fi
Juin 1714. F
!
66 MERCURE
nous vous avons rendu
ſervice , nous sommes prêts
à vous en rendre encore. Je
ne ſçai , lui dis - je , quel
nom donner à preſent à ce
que vous venez de faire ,
quoique vôtre diſcours
commence à me raffurer :
maisj'eſperetout dufecours
que vous m'offrez . Vous
avez raiſon , Madame , reprit
il, de compter ſur moy;
je ne veux être dans vôtre
eſprit que ce que vous pouvez
vous imaginer de meil.
leur. Hâtons - nous ſeulement
de nous éloigner d'ici,
GALANT. 67
quoique la nuit commence
à devenir fort noire , & ne
vous effrayez point de vous
voir accompagnée de gens
qui vous eſcorteront peutêtre
mieux que ne pourroit
faire une troupe de milice
bien diſciplinée. Ainſi nous
marchâmes environ deux
heures avant que d'arriver
à la Caſa bianca , où nous
entrâmes avec autant de
ceremonie,que fi on nous
avoit reçûs de nuit dans une
ville de guerre. Alors le
Commandant de cette petite
Place,qui étoit le même
Fij
68 MERCURE
homme qui depuis la maifon
de Valerio juſqu'à fon
Fort m'avoit traitée avec
tant de politeffe , me de
manda ſije voulois lui faire
l'honneur de fouper avec
lui. Je lui répondis qu'il
étoit le maître , que cependant
j'avois plus beſoin de
repos que de manger , &
que je lui ferois obligée s'il
vouloit plûtôt me permet
tre de m'enfermer &de me
coucher dans la chambre
qu'il me deſtinoit. Volontiers
, Madame , me dit il ;
vous pouvez vous coucher
GALANT. 69
quand il vous plaira , cela
ne vous empêchera pas de
fouper dans votre lit. Auffitôt
il nous mena ,Leonor
&moy, dansune chambre
perduë , où nous trouvâmes
deux lits affez propres.
Voila , me dit-il , le vôtre ,
Madame , & voila celui
de vôtre compagne. Pour
moy , vous me permettrez
de paſſer la nuit ſurun fiege
auprés de vous ; les partis
qui battent continuelle
ment la campagner nous.
obligent à veiller prefque
toutes les nuits &rib ne
70 MERCURE
fera pas mal à propos que
je ne m'éloigne pas de
vous , pour vous guerir des
frayeurs que pourroient
vous caufer certaines furprites
auſquelles je ne vous
croy gueres accoûtumées.
Je vais cependant , en attendant
le ſouper , placer
mes fentinelles , & donner
les ordres qui conviennent
pour prévenir mille accidens
dont nous ne pouvons
nous mettre à couvert que
par un excés de précaution.
Dés qu'il nous eut quitté ,
Leonormedit en ſoûpirant:
GALANT.
71
Eſt- il poffible qu'un ſi hơn.
nête homme faſſe unmétier
auſſi étrange que celuici
, & que nous joüions à
preſent dans le monde le
rôle que nous joions dans
cette maiſon . Je cours de
moindres riſques que vous,
n'étant ni ſi jeune , ni fi
belle : mais quand tout ſeroit
égal entre nous deux ,
eſt-il rien d'horrible comme
les projets que vos freres
&mon mari forment à
preſent contre nous ? De
quels crimes peut on ne
nous pas croire coupables ,
72
MERCURE
ſi l'on ſçait jamais tout ce
qui nous arrive aujourd'hui
? A peine échapées
d'un peril nous retombons
dans un autre plus grand.
Vous fuyez la tyrannie de
vos freres , un ſerpent nous
menace , deux avanturiers
nous en délivrent ; võrre
amant vous trahit , des fol
dats l'affomment ; une trou
pe d'inconnus nous entraî
ne au milieu d'un bois , ou
nous enferme dans une
maiſon , où tout nous me
nace de mille nouveau
malheurs. Que ne peut-ik
pas
GALANT.
73.
pas nous arriver encore ?
Tout cela neanmoins ſe
paſſe en moins d'un jour.
Enfin reſoluës le matin à
tenter une avanture qui
nous paroît raiſonnable ,
nous ſommes expolées &
determinées le ſoir à en affronter
mille étonnantes.
Les reflexions que je fais ,
lui dis-je, ne ſont pas moins
funeſtes que les vôtres , &
la mort me paroît moins
affreuſe que tous les perils
que j'enviſage : mais nous
n'avons qu'une nuit à paf
fer pour voir la fin de ce
Juin1714 G
74 MERCURE
defordre. Efperons , ma
chere Leonor, efperons tout
de l'humanité d'unhomme,
peut être affez malheureux
lui même pour avoir pitié
des miferables. Il eſt ( fuje
ne me trompe ) le chefdes
brigans qui font ici : mais
l'autorité qu'il a fur eux ,
& l'attention qu'il a pour
nous , nous mettent à l'a
bri de leurs inſultes. Je ne
İçai , reprit Leonor , d'où
naiſſent mes frayeurs : mais
je ſens qu'il n'y ariend'aſſez
fort en moy pour diffiper
Thorreur des preſſentimens.
A
GALANT.
75
qui m'environnent.Ce n'eft
pas d'aujourd'hui que je
connois le vilage de nôtre
hôte , & je ſuis fort trompée
s'il n'eſt pas le frere
d'un jeune homme dont je
vous ai parlé pluſieurs fois.
Demandez lui , ſitôt qu'il
ſera revenu , deiquelle ville
il eft , & s'il ne connoît pas
Juliano Foresti , natifdeCarpi
7 dans le Modenois . Ce
Juliano elt fils d'un François
& d'une Françoiſe , qui
auroient fort mal paffé leur
temps avec l'Inquifition, fi
Sun Dominiquain ne les
Gij
76 MERCURE
avoit pas aidez à ſe ſauver
de Modene avec leur fa
mille, le jour même qu'elle
avoit reſolu de les faire ar
rêter. Oui , dit-il,Madame,
en pouffant la porte avec
Violence,
violence , oui je ſuis le frere
deJuliano Foresti dont vous
parlez. J'ai entendu toute
vôtre converſation , & vos
dernieres paroles ne m'ont
que trop appris d'où naiffent
vos inquietudes : mais
ce frere , dont vous êtes en
prine , & qui paffe pour
François aufli bien que
moy, va vous coûter dee
GALANT.
77
ſoins bien plus importans ,
s'il n'arrive pas demaindici
avant la fin du jour. Vous
têtes Madame Leonor de
Guaſtalla , femme du Signor
Barigelli , citadin de Mantouë
: Dieu ſoit loüé , je
retrouverai peut- être mon
frere par vôtre moyen ; ou
du moins s'il eſt tombé
entre les mains de vôtre
époux , comme on me l'a
dit hier au foir , vous me
ſervirez d'ôtage pour lui.
Mais pourquoy , lui ditelle
, voudriez - vous me
rendre reſponſable d'un
Giij
78
MERCURE
malheur où je n'aurois aucune
part ? Si vôtre frere
s'intereſſoit en ma fortune ,
comme il paroît que vous
l'apprehendez , vous ne ſeriez
pas maintenant à la
peine de vous inquieter de
fon fort. Il feroit au contraire
à preſent ici , puiſque
je l'ai fait avertir il y a trois ly
jours de le tenir aujourd'hui
fur l'avenuë de la Madona ,
où nous comptions ce matin
, Vefpafie & moy , d'arriver
ce ſoir : mais nous
avons eſſuyé en une demijournée
tant d'horribles
GALANT.
79
1
avantures,que tout ce qu'on
peut imaginer de plus facheux
ne peut nous rendre
gueres plus malheureuſes
que nous le ſommes.
Sur ces entrefaites , un
foldat entra d'un air effrayé
dans la chambre où nous
étions. Il parla un moment
àl'oreillede ſon General ; II
prit un petit coffre qui étoit
fous le lit que j'occupois ,
il l'emporta,&s'en alla .Nôtre
hôte nous dit alors,avec
une contenance de fermeté
que peu de gens conſerveroient
comme lui dans une
Giij
80 MERCURE
pareille conjoncturesJe ne
Içai pas quelle ſeraila fin
de tout ceci : mais à bon
compte , Madame , tenezvous
prête à executer ſur le
champ , pour vôtre ſalut ,
tout ce que je vous dirai ,
ou tout ce que je vous en
verrai dire , fi mes affaires
m'appellent ailleurs.21On
vient de m'avertir qu'il
m'arrivoit ce ſoir une com
pagnie dont je me pafferois
fortbien: maisil n'importe,
je vais ſeulement efſayer
d'empêcher que les gens
qui nous rendent viſite ſi
GALANT S
,
tard , ne nous en rendent
demain marin une autre.
Nous avons pour nous de
ſecours de la nuit cette
maiſon, dontl'accés eft difficile
, un bon ruiſſeau qui
la borde , & des hommes
refolusd'endéfendre vigou.
reuſement tous les paſſages.
Ne vous alarmez point d'a
vance , & repoſez vous fur
moy du ſoin de vous tirer
de cette affaire , quelque
fuccés qu'elle ait Alors il
nous quitta , plus effrayées
des nouveaux malheurs
dont nous étions menacées
82 MERCURE
que perfuadées par fon eloquence
de l'execution de
ſes promeſſes. En moins
d'une heure nous entendîmes
tirer plus de cent coups
de fufil ; le bruit & le va-
.carme augmenterent bien.
tôt avec tant de fureur, que
nous ne doutâmes plus que
mille nouveaux ennemis ne
fuſſent dans la maifon: Leo
nor diſparut à l'inftant , ſoit
qu'elle eût trouvé quelque
azile d'où elle ne vouloit
pas répondre àmes cris, de
peur que je ne contribuaffe
à nous faire découvrir plû
GALANT. 83
tốt , ou ſoit que la crainte
lui eût ôté la liberténde
m'entendre. Cependant à
force de chercher & de
tâtonner dans la chambre ,
je trouvai ſous une natte de
jonc, qui ſervoit de tapif
ſerie , une eſpace de la hauteur
& de la largeur d'une
porte pratiquée dans la muraille.
J'y entrai auſſitôt en
tremblant ; àdeux pas plus
loin je reconnus que j'étois
ſur un escalier , dont je def
cendis tous les degrez , au
pied deſquels j'apperçus de
loin une perite lumiere
84 MERCURE
(
qu'on avoit eu la précaution
d'enfermer ſous un
tonneau. Je m'en approchai
d'abord afin de la
prendre pour m'aider à
fortir de cette affreuſe ca
verne : mais le bruit & le
defordre ſe multipliant
avec mes frayeurs , je l'é
teignis par malheur. Neanmoins
le terrain où j'étois
me paroiſſant aſſez uni , je
marchai juſqu'à ce qu'enfin
je rencontrar une ouverture
à moitié bouchée d'un
monceau de fumier. Alors
j'apperçus heureuſement
GALANT. 85
une étoile , dont la lueur
me ſervit de guide pour me
tirer avec bien de la peine
de ce trou , où je venois de
faire un voyage épouvantable.
Je repris courage ;
&aprés m'être avancée un
peu plus loin ,je me trouvai
àl'entrée d'un petit marais
fec ,& plein d'une infinité
de gros roſeaux beaucoup
plus hauts quemoy.Enfin
accablée de laffitude & de
peur je crusque je ne
pouvois rencontrer nulle
part un azile plus favorable
que celui- là en attendant
86 MERCURE
le jour : ainſi je m'enfonçai
dans ce marais , juſqu'à ce
que je ſentis que la terre ,
plus humide en certains
endroits , moliſſoitſous mes
pieds. Je m'aflis , &je prêtai
pendant deux heures atten.
tivement l'oreille à tout le
bruir qui ſortoit de la maifon
dont je venois de me
ſauver fix heureuſement.
J'entendis alors des hurlemens
effroyables , qui me
furent d'autant plus fenfibles
, que je crus mieux reconnoître
la voix de Leonor.
Cependant au point du
GALANT 87
jour cette maiſon, qui avoit
été pendant toute la nuitun
champ de carnage & d'horreurs
,me parut auſſi tran.
quille , que fielle n'avoit
jamais étéhabitée. Dés que
je me crus affez afſurée que
le filence regnoit dans ce
funeſte lieu ,je fortis de mes
roſeaux , pour gagner à
travers la campagne un
village qui n'en est éloigné
que de quelques centaines
de pas . J'y trouvai un bon
vieillard , que les perils
dont onnefticontinuellement
menacé dansunpays
88 MERCURE
occupé par deux armées
ennemies , n'avoient pû
determiner à abandonner
ſa maiſon comme ſes voi
fins. Cebon-homme , autant
reſpectablepar le nom.
bre de ſes ans , qu'il l'eſt
dis-je pleu
par fontexperience & fa
vertu , étoit affis fur une
pierre àſa porte lorſque je
parus àſes yeux. Mon pere,
lui dis je auflitouren pleurant
ayez pitié de moy;
je me meurs de laffitude ,
de frayeur & de faim. En-
-tez dans ma maiſon , ma
Elle une répondit- il , &
vous
GALANT
89
vous y repoſez , en attendant
que mon fils revienne
avec ma petite proviſion
qu'il eſt allé chercher. Il
me fit aſſeoir ſur ſon lit ,
où il m'apporta du pain &
du vin , que je trouvai excellent.
Peu à peu le courage
me revint ,&je m'endormis.
A mon réveil il me
fit manger un petit morceau
de la provifion que
ſon fils avoit apportée ; il
me pria enſuire de lui conter
tout ce que vous venez
d'entendre. La ſatisfaction
qu'il eut de m'avoir ſecou-
Juin 1714 H
१०
MERCURE
ruë ſi à propos le fit pleurer
de joyc. Enfin il me promit
de me donner ( lorſque je
voudrois ſortir de ſa maiſon
) ſon fils & ſa mule pour
meconduire chez matante.
Je reſtai neanmoins trois
jours enfermée & cachée
chez lui , & le quatriéme ,
qui eſt aujourd'hui , j'ai crû
que je ne pouvois point
trouver une occafion plus
favorable que celle de l'orage
qu'il a fait tantôt ,
pourme ſauver au Palais de
ma tante , ſans rencontrer
fur les chemins perſonne
:
GALANT
qui put me nuire : mais à
pcine ai je été avec mon
guide àun mille de la mai
fon de ce bon vieillard ,
que nous avons été atta
quez par le jeune homme
que votreſentinelle ableſſé.
C'eſt le plus jeune de mes
freres , qui ayant appris
apparemment que je n'étois
point chez ma tante ,
m'a attendue ſur les ave-
-nuës de ſon Palais , juſqu'à
- ce qu'il m'ait rencontrée :
mais heureuſement mon
conducteur a lutte contre
lui avec beaucoup de cou
Hij
$2 MERCURE
rage , pour me donner le
temps de me ſauver . J'ai
auſfitôt lâché la bride à ma
mule , qui m'a emportée à
travers les champsaved
tant de violence , qu'elle
m'a jettée par terre à cent
pas du ſentinelle qui m'a
remiſe entre vos mains. Je
vous prie maintenant de
vous informer de l'état où
font mon pauvre guide , fa
mule & mon frere: bab
Alors nous la remerciâ.
mes tous de la peine qu'elle
avoit priſe de nous conter
une histoire auſſi intereſſanGALANTA
dou
to quedaficine ; && dont le
recit ad contribua pas peu
à me revidre ſur le champ
éperdûment amoureux d'elle.
Cependantnous ne
tâmes point que Barigelli ,
qui étoit un de nos prifonniersine
pût nous apprendre
le reste de l'avanture de
Leonor.Nous le fîmes monterànôtre
chambreavec ſes
camarades , où aprés l'avoir
traité avec beaucoup de
douceur & d'honnêteté,
nous lui demandâmes ce
qu'étoit devenuë ſa femme.
Meffieurs,nous dit-il , i
94
MERCURE
yla plus de trois mois que
le perfide Juliano Foreſti ,
que vous avez aujourd'hui
dérobé à ma vangeance ,
& qui eft maintenant, aflis
auprés de vous , cherche à
me deshonorer. J'ai furpris
pluſieurs lettres , qui ne
m'ont que trop inſtruit de
•l'intelligence criminelle
qu'il entretient avec ma
femme , j'ai ſçû la partie
que la ſcelerate avoit faite
pour voir ce traître , ſous
le pretexte de conduire la
Signora Veſpaſia chez ſa
tante. J'ai été parfaitement
GALANTM
informé de tous leurs pas ;
& fans avoir pû m'attendre
àce qui leur est arrivé dans
la maiſon du malheureux
Valerio Colucci , je n'ai pas
laiſſé de prendre toutes les
meſures imaginables , &
d'aſſembler une trentaine
-de payſans bien armez pour
lui arracher mon infidelle.
Je me ſuis mis en embuscade
aux environs de la
Caſa bianca , queje ſçavois
être l'unique retraite de
Juliano , de ſon frere , &
de tous les brigans du pays.
J'ai attaqué la maison &
96 MERCURE
tous ceux qui la défendoient
; je les ai mis tous ,
avec mes troupes, en pieces
& en fuite ; j'ai enfin retrouvé
ma perfide époufe ,
que j'ai enchaînée dans ma
cave , &j'ai été à peine forti
de chez moy , que j'ai rencontré
le perfide Juliano,
qui ne ſçavoit encore rien
de ce qui s'étoit paffé 1t
nuit chez fon frere. Il n'y
avoit pas une heure que je
l'avois pris , lorſque vous
nous avez ſurpris nous mê
mes dans la caſſine de Va
lerio.
:
SciGALANT.
97
Seigneur Barigelli, lui dit
Veſpaſia,vôtre femmen'eſt
point coupable , & la for
tune qui nous a perlecutées
depuis quelques jours d'une
façon toute extraordinaire,
a caufé elle ſeule tous les
malheurs qui vous ont rendu
ſa fidelitéſuſpecte. Enfin
nous determinâmes Bari
gelli à faire grace à la femme
, nous gardames Juliano
dans la tour , pour sçavoir
par ſon moyen des nouvel
les de ſon frere& des bandits,
dont le pays Mantoüan
étoit couvert
Juin 714.
& dont il
1
98 MERCURE
étoit le chef. Nous fimes
envaintous nosefforts pour
rendre plus docile le frere
de Vefpafie , il fut toûjours
intraitable à ſon égard. Le
Commandant de la Tous
voyant que nous n'en pouvions
rien tirer , s'empara
de ſa perſonne pour les trois
jours que fa foeur nous avoit
demandez . Enfin charmé
de toutes les bonnes qua
litez,de cette belle fille jo
la remenaiàlaville,comme
je le lui avois promis ; je lui
trouvai une maiſon fûre &
je la fisfor
commode, d'ou
LYON
* 1893
GALANT
THEQUR
tirun mois aprés, pote
voyer avec unde mes
dans la Principauté d'Orange
, aprés l'avoir épouléc
ſecretement à Mantouë.
Je profiterai de la premiere
occafion pour vous
envoyer l'histoire du
malheureux Sainte Colombe
* , qui vient d'être
*Quelque extraordinaires que foient
les circonstances de cette h ſtoire , il y
avoit plus de10. ou 12. mille hommes
de nos troupes dans Mantouë lors
qu'elle arriva ainſi on peut compter
quoique je n apprehende pas que per-
Iſonne dopoſe contre moy , pour m'accufer
de fuppofer des faits inventez ,
que je la rendrai fidelement comme
elle eft. Ii
100 MERCURE
aſſaſſiné par un marijatoux.
Remarques fur l'Histoire.
1. Si je ne me faifois pas
un ſcrupule , en parlant de
l'Italie , de paſſer pour le copiſte
de Miſſon , je m'étendrois
davantage , pour la
fatisfaction des lecteurs ,
fur les remarques que j'ai
promiſes , & je ne me piquerois
pas de la delicateſſe
de ne les entretenir que des
choſes qu'il a negligé de
voir , ou qu'il a oublié de
nous dire , aufli bien que
GALANT. 101
tous ceux qui en ont écrit.
Le Lac de Garde fournit
affez d'eau à la petite riviere
du Mincio , pour faire
de la ville de Mantouë une
eſpece de Peninſule entou
réede tous les côtez , à l'exception
de celui de la porte
Pradelle&de la porte delTé,
d'un marais large & profond,
dont les exhalaiſons
infectent l'air pendant l'Eté
, & dont le poiſſon eft
deteſtable en tout temps.
2. Le Palais del Té ( dont
Miſſon ne dit rien ) eft un
grandbâtiment dont les ga
I iij
Io2 MERCURE
leries & les appartemens
ſervirent les premieres an.
nées de cette guerre d'hôpital
aux Officiers & aux
foldats malades de nôtre
armée. Il y a du côté du
jardin , au rés de chauffée
de cet édifice , un grand &
magnifique ſalon , où l'on
voit à freſque ſur lesquatre
murailles , & à la voûte qui
le compofent, un tableau
fuperbe du combat des
Geans contre les Dieux ,
qu'on m'a aſſuré être de la
main de P. Perugin, ce que
je n'ai pas ofé croire. On
GALANT . 103
peut faire à tout moment
dans ce fallon une expe
rience aſſez finguliere.
Quand même ce ſalon
feroit plein demonde, deux
perſonnes qui s'entendent
peuvent , d'un angle du ſa
lon à l'autre angle oppofé,
en tournant le vifage vers
leur angle,ſe parler comme
fi elles ſe parloient à l'o
reille,ſans que perſonne en
tende ce qu'elles ſe diſent.
3. San Benedetto * eſt un
grand Convent de Bene.
dictins à dix mille deMan
* Misson n'en dit pas un mot
I iiij
104 MERCURE
touë. Cette maiſon eſt une,
des plus riches & des plus
ſuperbesMaiſons Religieuſes
qui ſoient en Italie. Elle
a ſervi long- temps alternativement
de logement aux
Generaux des deux armées
quiyétoientpendant la derniere
guerre. Les fondemens
de cet édifice font immenfes
, ſes cours , fes portiques
, fes eſcaliers , & fes
colydors font magnifiques.
La nefde l'Egliſe de ceMonaftere
, dont tout le pavé
eſt de marbre , eſt plus
grande ſeule que toute la
GALANT. 105
fameuſe Egliſe de Notre-
Dame de Bourg en Breſſe.
J'ai oui dire aux gens du
pays que les caves de ce
Convent étoient pleines de
tonnes d'argent , que ces
Moines amaſſoient depuis
un temps immemorial. Je
ne doute pas qu'il n'y ait eu
des grands Seigneurs affez
curieux pour examiner de
fort prés fur quoy ce bruit
étoit fondé.
4. Serpent. Dans le jardin
du Palais de Marmirol
vingt Officiers de la garnifon
de Mantouë , dont j'é
106 MERCURE
tois du nombre , en virent
une fois un qui avoit au
moins huit pieds de longueur
; il s'épanoüiffoit fur
une grande piece de marbre
que le Soleil avoit é
chauffée. Il fut tué à coups
de canne & d'épée.
5. Cafa bianca. C'est une
maiſon blanche faite à peu
prés commeje l'ai dépeinte
dans mon Hiſtoire. Elle a
ſervi ( pendant quelques
mois , du temps que M. le
Comte de Vaubecour commandoit
à Mantouë ) d'azile
aux payſans, qui eſcarmou
GALANT . 107 *
choient preſque à coup für
tous les foldats qui avoient
l'audace ou le malheur de
s'écarter de leur troupe
6. Chambre perduë. Il n'y
a gueres de maiſon raifonnable
en Italie & en Eſpagne
, où il n'y ait un petit
quartier, compoſé au moins
d'une chambre & d'un efcalier
dérobé , qu'on ne
s'aviſeroit jamais de chercher
, fi les maîtres ou les
domeftiques des maiſons
n'y conduiſoient pas ceux
1 àqui ils veulent bien montrer
ces détours.
to MERCURE
7. Regio dans le Modenois
eſtune petite ville fort jolie,
bien ſituée, bienbâtie, dont
les ruës font,comme àBoulogne
, ornées des deux cô
tez de grands portiques de
pierre, où l'on peut en tout
tems marcher à couvertde
la pluie & du ſoleil. La principale
occupation , ou plus
tôt le plus grand commerce
des habitans de cette ville ,
conſiſte en des ouvragesde.
peu de valeur. Ils font avec
des os , qu'ils travaillent
affez groflierement , des
croix , des reliquaires , des
GALANT. 109
1
bagues , & cent autres bagatelles,
qu'ils portent , ou
qu'ils envoyent dans toute
Italie.
Si ces courtes remarques
n'ennuyent point le
public, je les continuerai
dans tous mes Mercures
finon je ſouhaite
trouver quelqu'un qui
puiſſe me répondre pour
tout le monde , qu'elles
ne font du goût de perfonne
: alors je cefferai
d'en faire. Je ne me preforis
aucun arrangement,
Ho MERCURE
&je neſuis esclaved' aucune
methode ,que je ne
fois prêt d'abandonner ,
quand on voudra prendre
la peine de me mener
à mon but par une
route plus agreable. Fe
vais en paſſant , & en
attendant qu'on daigne
me parler franchement
furla conduite de cet ouvrage
, dire deux mots
du mois de Juin.
L
Juin eſt le ſixiéme mois
de l'année Romaine, où le
GALANT. Im
Soleil entre dans le ſigne
du Cancer , où eſt le ſolftice
d'Eté.
Ce mot vient du Latin
Junius , que quelques - uns
tirent àJunone. Ovide dans
le cinquiemedes Faſtes fait
dire à cette Déeſſe :
Junius à noſtro nomine nomen
babet.
C'est de mon nom que Juin
s reçoit le nom qu'il porte.
D'autres aiment mieux
le tirer à Junioribus , des
jeunes gens , comme le
mois de May étoit pour les
vieilles. Ovid. Sat.
112 MERCURE
Junius est juvenum , qui fuit
antefenum.
Lefigne des gemeaux annonce
à la vieilleffe
L'aimable retour du printemps
;
Mayréjouit les vieux, Juin
pour la jeuneffe
Se renonvelle tous les ans.
La paix qui eſt à la veille
d'être concluë entre tous
les Princes du Nord , & la
tranquilité dont l'Europe
va joüir , vont deſormais
faciliter les moyens d'éta.
blir des correſpondances ,
dont les nouvelles ne feront
ni
GALANT . 43
J
ni moins agreables , ni
moins intereſſantes , pour
n'être plus chargées du détail
des alarmes de la
fi
Les rebeles Catalans &
Barcelonois touchent au
moment de leur reduction.
Voiciunt extrait d'une
lettre que j'ai reçûë du
camp devant Barcelone ,
dattée du 29.May.
Aprés un ample détail de
tout ce qui s'eſt paffé au
- poſte des Capucins , que
Male Comte d'Eſtaires ,
Maréchal de Camp& Che -
Juin 1714 K
114 MERCURE
人
valier de la Toiſon d'Or , a
emporté avec toute la valeur
imaginable , on ajoûte
qu'on prend de ſi juſtes
meſures pour attaquer cette
ville avec la derniere vigueur
, qu'elle ne peut évi
ter d'être miſe en poudre ;
que M. Orry eſttoûjours au
camp , où il auroit voulu
traiter avec les Barcelo
nois , qui n'en ont point
voulu entendre parler , &
qui difent toûjours qu'ils
periront plutôt tous , que
de ſe rendre fans un ordre
de l'Empereur : mais mala
GALANTI
gré leurs beaux diſcours
on eft perfuadé qu'ils ne
défendront rien, fi on les
attaque auſſi vivement qu
ils l'apprehendent
On a eu avis de Varſovie
parune lettre du 12. deMay,
que le Palatin de Maſovie
feroit forti de Conſtantinople
depuis plus d'un mois
avec une entiere fatisfacu
tion , s'il avoit voulu con
fentir à figner le traité que
leGrandViſir lui a propofé
touchant lepaſſage du Roy
de Suede par la Pologhe,
& lacceffion debrUkraine.
Kij
116 MERCURE
Le Roy de Pologne a trouvécettedemandedesTurcsi
ſi injuſte , qu'il a ordonné à
ſes Generaux Saxons de te
nir leurs troupes prêtes à
marcher au premier ordre.
On apprehende fort que la
Nobleſſe de Lithuanie
celle de la grande Pologne
ne cauſe ici des defordres
anſquels il fera fort difficile
de remedier , ſi leRoyn'arrêre
pas les vexations & les
executions militaires que
les troupes Saxones font
fur leurs terres , & dont el
les demandent la fatisfac
GALANT. 117
tion qu'elles pretendent
leur être dûë.
On écrit de Hambourg ,
que la Reine d'Angleterre
a fait propoſer une ſuſpenſion
d'armes auRoy de Danemark
, à laquelle il a refufé
de conſentir auſſi bien
que le Czar.
Toutes les lettres d'Allemagne
ne parlent que de
la bonne intelligence du
Roy de Suede avec le
Grand Seigneur,qu'il a prié
de donner les ordres neceſſaires
pour fon retour
dans ſes Etats.i.amlyngby
118 MERCURE
Le May le Comte de
Seilern , Plenipotentiaire
de l'Empereur , partit de
Vienne , pour aller à l'afſemblée
de Bade en Suiſſe
travailler à la paix entre la
France & l'Empire.....
Le 11. le Comte de Goës,
auffi Plenipotentiaire de
l'Empereur , prit la même
route. Les conferences ont
été ouvertes le 4. à l'affemblée
de Bade.
On écrit de Milan que
Don Vincenzo Gonzaga ,
Duc de Guastalla , eft mort
d'apoplexie le 28. Avril, âgé
GALANT. 119
de quatre- vingt ans, a
Le s. May Aleſſandro Aldobrandini
, Nonce duPape
, fit ſon entrée publique
dans Venife.
Le 10. Fête de l'Afcenfion
,leDoge,accompagné
dusNonce , monta fur le
Bucentaure , où il fit , comme
cela ſe pratique tous les
ans à pareil jour , la ceremonie
d'époufer la mer.
Extrait d'une lettre d'Angers.
Jeindſçai fivous avez oüi
parlersde la foreur des
120 MERCURE
loups enragez qui font en
trez dans nôtre ville d'Angers
, & ont mordu plus de
cinquante perſonnes , qui
ont été obligées d'aller à
la mer. On regarde ce deſaſtre
comme un veritable
fleau. On a vû dans les an
ciens regiſtres que la même
choſe étoit arrivée il y a
cent ans dansune conjoncture
pareilleaprés les con
cluſions de la paix. On vient
de faire une proceffion generale
pour appaiſer la colere
du Seigneur. J'ai vu
pluſieurs de des pauvres
bleſſez
GALANT. 122
bleſſez qui faisoient compaflion.
Les loups les ont
mordus au vilage & à la tête.
Nôtre Prelat a été obligé
de quitter ſa charmante ſolitude
d'Evantor , où il y a
un trés- grand bois qui peut
ſervir d'azile à ces bêtes enragées.
La Connétablie ſe tiendra
chez M. le Maréchal de
Villars pendant l'absence
de M. le Maréchal de Vil
leroy , qui est allé appailer
les deſordres qui font furvenus
à Lyons
Juin 1714.
L
not
2
122 MERCURE
Le 16. Juin , à deux heures
aprés midi , Madame la
Ducheſſe de Berry accoucha
à Versailles d'une Princeſſe
, qui fut ondoyée, puis
baptifée le même jour par
le Curé de Versailles , &
nommée Loüife-Marie- Elifabeth
par M. de Pons ,
Maître de la Garderobe de
fou Ms le Duc de Berry,&
par Madame de Pompa
dour. Elle mourut le lendemain
17. à deux heures du
matin. Le 18. ſon corps fut
porteà S. Denys enFrance,
& fon coeur au Val deGracc.
GALANT. 123
MORTS.
Joſeph Remy de Livron,
Seigneur de Villenox & de
Cuile , dit le Marquis de
Livron , mourut fans alhance
le 8. May.
Il étoit frere de Jean-
Baptiſte Evrard de Livron ,
Bachelier de la Maiſon &
Societé de Sorbonne , lequel
a quitté l'Egliſe depuis
la mort de ſon frere ;
&de Marie- Françoiſe -Almodie
de Livron , mariée
le 21. Septembre 1705. avec
Lij
124
MERCURE
Marc- Antoine- Conſtantin
Valon , Seigneur de Montmain
, laquelle eſt decedée
en 1713. Il étoit fils de Joſeph-
Remy deLivron, dit le
Marquis de Livro, Colonel
d'unregimentde cavalerie,
mmoorrtteenni1687.&deFrançoiſe
Benigne de Belloix , Dame
de Villenox , & avoit pour
biſayculCharles de Livron,
Marquis deBourbone,Maréchal
desCamps&Armées
du Roy , Capitaine de so
hommes d'armes , Lieutenant
deRoy au Gouvernement
de Champagne , fait
GALANT.
125
Chevalier de l'Ordre du S.
Eſprit l'an 1633. Charles fon
ayeul , qui avoit épousé
Claude de Sallenoue , ſe fit
Prêtre aprés la mort de ſa
femme , qui mourut jeune.
Il cut l'Abbaye d'Ambournay
en Breffe. Son grandpere
maternel , M. de Villemonté
, Maître des Requêtes,
convint avec la femme
de quitter le monde ;
elley confentit ,elle ſe retira
dans un Convent : il ſe
fit Prêtre , & eut l'Evêché
de S. Malo , ſa femme vivante.
t
Liij
126 MERCURE
La maison de Livron ,
établie dans le Limoſin depuis
plus de 400. ans , eft
fortie des anciens Seigneurs
de Livron auprés de Valence
en Dauphiné , & elle
s'eſt alliée aux maiſons de
la Barre , d'Helie - Pompa.
dour, de Noailles, de Beaufremont
, de Thuiſy , de Gimel
, de Choiſeüil, d'Eſcars,
du Chatelet , de Baffompierre
, de Savigny , d'Anglure,&
autresmaiſons des
plus illuftres , tant de France
que de Lorraine. Voyez
la genealogie de Livron ,
GALANT.. 127
imprimée dans le Nobi
liaire de Champagne pa
ordre de M. de Caumartin .
Dame Genevieve - Thereſe
Chamillard , époufe de
Meffire Guy de Durfort ,
Duc de Lorge , Comte de
Quintin , mourut le 31.May
enſavingt-huitieme année.
laiſlant deux fils. Elle étoit
foeur du Marquis de Cani ,
deMadame de Dreux, femme
de M. de Dreux , grand
Maître des Ceremonies de
France , & de Madame la
Ducheſſe de la Feüillade;
Ling
128 MERCURE
tous enfans de Michel Chamillart
, Commandeur &
grandTreſorier des Ordres
du Roy , Miniſtre d'Etat ,
& ci-devant Controlleur
general des Finances , &
d'Elifabeth- Therese le Rebours.
M. de Chamillart
leur pere eſt fils de Guy
Chamillart, Maître des Requêtes
de l'Hôtel du Roy ,
mort l'an 1675. & petit- fils
de Pierre Chamillart , celebre
Avocat au Parlement
& Profeffeur en Droit,forti
d'une famille originaire de
la ville de Sens , ou des en
virons.
GALANT.
129
T
Dame Madeleine de Ri
queti, veuve de M. Jacques
du Chatelet , Seigneur de
Freſnier , Conſeiller duRoy
en fonGrandConfeil,mourut
le 3. Juin. Elle avoit été
mariée avec M. de Freſnier
en 1669. étant lors veuve de
Loüis Hurault, Seigneur de
ſaint Germain & du Cou--
dray ,& elle a eu , entre autres
enfans , Jacques du
Chatelet , Seigneur de Frefnier
, Conſeiller au Grand
Conſeil , duquel , & de Suzanne.
Genevieve Talon fa
femme, ſont ſortispluſieurs
130 MERCURE
enfans. Meſſieurs du Chatelet
ſont d'une ancienne
Nobleſſe originaire d'Artois
, alliée aux maiſons
de Rouvroy , de Choiſeuil ,
de Ligneville , de Grou
chepi , &c.
Meffire Archambaule
François Barjot d'Auneüil ,
Chanoine de la SainteChapelle
de Paris ,mourut le 9.
Juin. Il étoit fils de Loüis
Barjot, Seigneur d'Auneüil,
Maître d'Hôtel , & grand
Maître des Eaux & Forêts
de Lorraine , & Confeiller
GALANT.
131
d'Etat , & de Marie-Eliſabeth
de Baumont de ſaint
Estienne ; & pétit- fils de
Jean Barjot, Seigneur d'Auneüil
, reçû Maître des
Requêtes ordinaires de
l'Hôtel du Roy en 1587. &
depuis Conſeiller d'Etat ; &
arriere- petit fils de Philbert
| Barjot, Seigneur d'Auneüil,
Maître des Requêtes de
( l'Hôtel du Roy , & Prefident
au Grand Confeil ,
mort en 1570. & de Marie
Fernel, fille du celebre Jean
Fernel , premier Medecin
du Roy Henry II. & de
132 MERCURE
Catherine de Medicis. La
famille de Barjot eſt originaire
du Baujolois , & s'eſt
alliée aux maiſons de Beauveau
, de Broon , de Voyer
de Paulmy , & de Maillé.
Les Seigneurs d'Auneüil
font les ainez,& lesMarquis
deMoucy font les cadets.
M. Henry Jolly, Licutenant-
Colonel du regiment
de dragons de la Reine , &
Brigadier des armées du
Roy, mourut le 9. Juin.
Dame Catherine Hen
GALANT.
133
I riette d'Angennes , veuve
de Meffire Louis de la Tremoille
, Comte d'Olonne ,
mourut le 13. Juin. Elle
avoit été mariée dés l'an
1656. & avoit pour ſoeur
puînée Dame Madeleine
d'Angennes , morte depuis
peu , veuve du Maréchal
Duc de la Ferté. Elles é
toient filles de Charles
d'Angennes , Seigneur de
la Loupe , & de Marie du
Regnier de Droüé.
Meffire Claude de Saint
Georges , Archevêque &
-
34 MERCURE
Comte de Lyon , y mourut
le 9. Juin. Il avoit été d'abord
Evêque de Clermont,
puis Archevêque de Tours ,
&transferé àLyon en 1693.
Il étoit un des vingt enfans
ſortis dumariagedeClaude
de S. Georges , Seigneur de
Monceaux en Mâconnois
& de Marie de Cremeaux
d'Entragues. Il étoit frere
duChevalier de S.Georges,
Bailly de Lyon , del'Ordre
de Malte , & du Comte de
Saint Georges , Colonel du
regiment du Roy, tué à la
bataille de S. Denys en 1678.
GALANT .
138
Il étoit oncle de Marc-Antoine
de S. Georges , Seigneur
de Monceaux , marié
cn 1697. avec Claude-Eliſabeth
Apechon de Saint
André , de laquelle il a
pluſieurs enfans;& deMM.
de S. Georges , tous deux
Chanoines & Comtes de
Lyon. La maiſon dont il
étoit iſſue eſt diſtinguée par
ſon ancienneté & par ſes
alliances , & il y a grande
apparence qu'elle a la même
origine que celle des
Marquis de Verac en Poitou
, de laquelle étoit feu
136 MERCURE
M. le Marquis de Verac ,
Chevalier de l'Ordre du
S. Eſprit , pere du Marquis
de Verac d'aujourd'hui.
L'Evêque d'Autun,premier
Suffragant de l'Archevêché
de Lyon , joüit de tous les
revenus de l'Archevêché ,
en attendant que le Roy y
nomme.
M. Nicolas Meſnager
Chevalier de l'Ordre de S.
Michel , Conſeiller- Secretaire
du Roy , & ci - devant
ſon Ambaſſadeur extraor
dinaire & Plenipotentiaire
pour
3
GALANT. 137
pour la paix d'Utrecht ,
mourut le 15. Juin.
Le Chevalier de Coigni
âgé de fix ans , mourut le
18. Juin. Il étoit fils de M.
François de Franctor , Marquis
de Coigni , Colonel
general des dragons de
France , Maréchal des
Camps& Armées du Roy ,
Gouverneur & Bailly des
ville & château de Caën ,
& de Henriette de Monbourché
du Bordage ; &
petit- fils de feu M.le Comte
deCoigny, Gouverneur &
Juin 1714. M
138 MERCURE
Bailly de Caën, Lieutenant
general des armées du Roy;
& de Dame Marie - Françoiſe-
Uranie deMatignon.
Meſſieurs de Franctot d'une
famille diſtinguée dans la
Robe & dans l'Epée , & originaires
de Normandie , ſe
font alliez aux maiſons de
Montmorency , de Harcourt
,& à celles d'Ache &
de S. SimonCourtaumer, &
elle adonnédes Chevaliers
deMalthe au grandPrieuré
de France nó histoco
Dame Marie- Catherine
GALANT 139
d'Angennes , veuve de Philippe-
François Lhermite ,
Seigneur d'Hyeville de Ste
Barbe enAuge , de Mont
champ&deMelie en Normandie,
mourut le
laiſſant pour fille unique
Eliſabeth Lhermite,mariée
le Mars 1700.avec Pierre
de Monteſquiou d'Artagnan
, à preſent Maréchal
de France. Me d'Hyeville ,
qui vient de mourir , étoit
couſine-germaine de feuës
Mesdames les Comteffe
d'Olonne &Maréchale de
la Ferté , & fille de Jenn
Mij
340 MERCURE
d'Angennes , Seigneur de
Fontaine - Riant , & d'Iſabelle
Graffart ; & tante du
Comte d'Angennes , aujourd'hui
Colonel du regiment
de Normandie.
こ
: MeffireCharles Boucher,
Seigneur d'Orsay, Cóſeiller
d'Etat,& ancien Prevôt des
Marchands , mourut les.
Juin , en ſa 73. année.
Dame Marie Sebrette
Veuve de M. Jerôme Me.
reau Chevalier, Confeiller
de la Grand Chambre!
GALANT. Y
mourut le dix - ſept Juin
Dame Renée- Marie Henin,
veuve de M. de Monchalt ,
Conſeiller au Parlement , dont
la fille avoit épousé M. de Barantin
, Maître des Requêtes ,
mort Intendant de Dunkerque
, mourut le 16.de ce mois.
M. le Moyne,ancien Avocat ,
& fous-Doyen des Avocats du
Parlement de Paris , celebre
par ſa probité , & infatigable
dans le travail , mourut le 15.
M. Louis de Rochouart,Duc
deMortemar, PairdeFrance ,
Prince de Tonne- Charante
&c. prit feance au Parlement
Een qualité de Pair de France
142 MERCURE
1
le 14. Juin . Le Marquiſat de
Mortemar en Poitou fut érigé
en Duché & Pairie en faveur
de Gabriel de Rochouart , bif.
ayeul de M. le Duc de Mortemar
d'aujourd'hui , Chevalier
des Ordres du Roy , premier
Gentilhomme de ſa Chambre ,
& Gouverneur de Paris par
Lettres patentes du Roy Louis
XIV. 1653. verifiées au Parlement
le 15.Sept. 1663. La maison
de Rochouart eſt une des plus
anciennes &des plus illuſtres du
Royaume,& la genealogie s'en
trouve dans l'hiſtoire des grāds
Officiers de la Couronne , aux
chap. des Maréchaux de France
& des Generaux des galeres ,
& dans les additions aux Memoires
de Caſtelnau par le Laboureur,
GALANT. 143
Le 13. Juin Nicolas- Louis de
Bailleul , Marquis de Châteaugontier,
Confeiller au Parle
ment, fut reçû dans la Charge
de Preſident au Mortier , va-
- cante par la mort de M. fon
- pere ; & il eſt le quatrième de
pere en fils qui ait rempli cette
Charge,depuis NicolasdeBailleul
, Baron de Châteaugontier,
Chancelier de la Reine , & de-
- puis Surintendant des Finances
de France , qui y futreçû le as.
Septembre 1627410 231
M. le Pelletier des Forts, Intendant
des Financesa été
nommé Conſeiller d'Etatil Ath
MARIAGE
5
Marie Louiſe-Genevieve det
Bouchet de Sourches , fille de
144 MERCURE
M. Louis François de Bouchet
de Sourches, Conſeillerd'Etat,
Prevot de l'Hôtel , & grand
Prevôt de France , &de Marie-
Genevieve de Chambes , née
Comteffe de Montſorau.épou.
fa le 16. May Jean-Baptiste-Nicolas
Demés de la Chenaye ,
Comte de Rougemont, Grand
Tranchant , Porte - Cornette
blanche,Gouverneur de Meulan
, & a eu soooo. livres de
brevet de retenuë fur ſes deux
premieres Charges.
M. deBaguevilledeBonnetot
, frere de Me la Prefidente
d'Aligre , & de Me la Premiere
Preſidente de Pontcarré , a
épouſe le 23. Juín Mademoi
ſelle de Châtillon , fille de M.
le Comte de Châtillon.
T
t
GALANT. 145
sudoJe crois que ceux qui s'adreſſent
à moy , pour cſtre
recommandez au Public , oublient
, pour me faire honneur
, tous les Attributs que
les Poëtes donnent àMercure,
&qu'ils ne ſe ſouviennent plus
qu'il fût jadis , un fourbe , un
larron infigne , & tel en un
mot qu'il eſt encore dans
la Comedie d'Amphitrion ,
pour ne luy ſuppoſer déformais
que des qualitez bienfaiſantes.
Il n'ya pas juſqu'au
Journal de Verdun , qui s'eſt
enrichi de ſa dépoüille , & de
ſon indolence , qui me pric
Juin 1714.
N
146 MERCURE
d'apprendre à tout le monde
que l'on yend à Paris , chez
Claude Jombert , à la defcen
te du Pont Neuf, proche- les
grands Auguſtins , un Livre
incitulé , Avantures fecrètes !
arrivées au Siegode Conftari
tinople.
J'y confens,de bon coeur,
& de plus j'ajoute à cette
dreſſe, que quoy que cetouvrage
ſoit l'eſſay d'une plame
naiſſante , il porte cependane
tous les caracteres de la per
fection dans ſon Gehre .
L'Auteur yudécrit d'une
maniere noble & vive les exGALANT.
147
ploits guerriers & amoureux
dedeuxgrands hommes. L'un
étoit François & fils d'un
Comte de Foix qui ayant été
dés fon enfance élevé enTurquic
By reçût le nom de
Camutza ; l'autre eſtoit Genois
d'illuftre naiffance , &
s'appelloitCantane. Ces deux
Heros aprés avoir eſſuyé pluſieurs
perifs parmi les Turcs
&une infinité de traverſes
dans leurs amours , triompherent
de leurs ennemis ,&joüirent
heureuſement du fruit del
leur tendreſſe & de leur va
leur. Cet ouvrage eſt orné de
Nij
148 MERCURE
quelques Epiſodes tirées du
fond de la matiere , qui eft
conduite avec beaucoup d'art
& de juſteſſe ; les événemens
en font heroïques , tendres &
intereſſans , les récits agréables
& bien placez , l'Histoire, la
Geographic , laCronologic &
la Politiquey paroiffent exac
tement, obſervées , enfin la
pureté du ſtile y eſt jointe à
la délicateſſe des penſées & à
la beauté du ſujet, On efpere,
que l'Auteur ne representera
pas dans la ſuite les mêmes
perfonnes fous differens
noms , parce que cela jetteroit !
GALANT. 149
le Lecteur dans un embarras,
dont il auroit peine à ſe tirer.
Il ſuffit d'avoir dit une fois ce
qui eft ,& même de l'avoir exprimé
avec tant de grace ſans
affecter une variation qui ne
convient tout au plus qu'aux
Orateurs & aux Poëtes , &
encore font ils obligez de garder
certaines regles auſquelles
l'excellence de leur profeffion
les aſſujettit.
J'ay promis des liaiſons.
Il faut tenir parole. Mais je
ne ſçay comment m'y prendre
pour paffer d'une façon agra
Niij
150 MERCURE
ble & naturelle , d'une matiere
que je connois un peu ,
à une que je ne connois point
du tour. On m'a fait preſent
de deux Memoires Litteraires
fur la Medecine; on m'aſſure
qu'ils annoncent des chofes
qu'ils
dont l'uſage eft excellent pour
prolonger nos jours. C'eſt co
que je ne ſçay pas encore , parce
que je n'ay jamais cû beſoin
de l'apprendre.
Quoy qu'il en ſoit , ils me
paroiſſent affez bien écrits , &
la force de leurs raiſonnemens
qui me fait en quelque facon
juger du merite de leurs AuGALANT
S
teurs , me détermine à les
es noMemoite Litteraire
R
of La Medecine a pris naiſſancodesobfervations
,dont lehazard
fut peüt- eſtre la premiere
&la plus feconde ſource,
aprés tuy vint l'experience, qui
les multiplia durant pluſieurs
Siecles , & forma le premier
plan d'un art qui devoit reme
dier aux maladies dont la fant
té des hommes eſt ſi ſouvent
combatuë. Cette Medecine
empirique n'eſtoit d'abord oc-
Niiij
152 MERCURE
cupée qu'à reconnoître les vertus
des Simples & de leurs differ
ens mélanges : Mais la diverfiré
deleurs effets , ſelon les
differences des accidens , ou
celles du temperament , de
l'âge, du temps , du licu , des
alimens , des paffions de l'ame
, &c. fit bien- toſt connoiſtre
que puiſque la nature,
plus changeanteque Prothée,
ne ſetrouve preſque jamais la
même , il falloit entrer dans
le détail de ſes inconſtances
pour y trouver la regle de la
juſte application des remedes.
Cette folide reflexion donna
GALANT
lieu de romarquer tous les
ſignes, qui établiſſent les pré
ſages des maladies qui diſtinguent
les unes des autres, qui
marquent leurs eſpeces dans
chaque genre , & font juger
de leurs caufes & de leurs ef
fets. Une auffi utile recherche
produifit les regles& les prin.
cipes du grand Art de guerir;
cette étude enfantales divinso
racles queHippocrateaprés les
célebresMedecin de l'Ecole de
Cnyde& les Prêtres du Tem
ple d'Eſculape, raſſembla dans
ſes ouvrages qui l'ont immortalifé
, ces fondemens de la
154 MERCURE
Medecine , avoüez, de toutes
les Ecoles du monde , auffi
anciens& auffi nouveaux que
la verité,ſont les ſeuls qui ont
mis le prix à la doctrine des
Medecins de tous les temps:
au lieu que les,vains rafine,
mens des Siſtemes , enfans
d'une ignorance preſomptucuſe
, quelques legitimes qu'ils
ayont paru , n'ont jamais porté
bien loin la Renomée deleurs
Auteurs , ni fixé pour longtemps
llastention des habiles
Praticiens. En effet quoy que
des conjectures vray- fomblables
leurs en impofent quel
2GALANT. 155
quefois , ils n'ont pas de peine
à ſe détromper, ſi- toſt qu'ils
rappellent de leurs préjugez à
la reglede l'obſervation. Ces
démarches de la nature dans
les maladies , ces points fixez
que le Medecin nedoit jamais
perdre de veuë , rempliffent
toutes les pages du ſçavant
livresde Lommius , dont Mon.
fieur le Breton , Docteur en
Medecinede la Falculté de Paris
a mis au jour l'excellente
traduction , qu'il en a faire ,
ſous le titre de Tableau des
maladies , où l'on découvre leurs
fignes & leurs évenemens, tra
156 MERCURE
duit du latın de Lommius , 4-
vec de nouvelles remarques ; ouvrage
qui renferme les obferuations
les plus importantes pour
acquerir une parfaite connoissance
detoutes les maladies , en prévoir
les ſuites , en pénétrer les cauſes ,
s' aßurer de leurs remed. s. A
Paris , chez Claude Jombert
Libraire.Quay des Augustins à
la defcente du Pont Neuf.
On vend chez le même Libraire
un Livre nouveau , inti
tulé, Principes de Phifique ,rapportez
à la Medecine Pratique,
& autres traitezsur cet Art,par
Mr Chambon, cy- devantMede
GALANT. }}
cin de Jean Sobieski , Roy de
Pologne.
**Cet ouvrage ſeroit nouveau
ſi la verité n'eſtoit pas de
tous les temps. Il eſt néan
moins nouveau en la maniere
de la propoſer. Tout lemonde
ſçait que chaque choſe àfa
naiſſance , c'est- à-dire eft faite
de l'union des ſes principes,
fonaccroiſſement , lamaturité,
ſon décroiſſement ,& en
fin ſa diſolution. C'eſt un or
drede la naturetoûjoursconftante
dans ſon inconſtance.
Il n'y a point de Phyficien qui
ne ſoit convaincude cette verité.
Cependant on nes'eftoit
158 MERCURE
3
&
point encore avisé dans les
Ecoles de parler ainfi ; parce
que des principes ſi faciles
fi ſurs ne plaifent pas aux perſonnes
qui aiment à faire mif.
tere de tout , & peut- eftre à
égarer les autres , afin de les
ramener par plufieurs détours,
au chemin d'où ils oftoient
partisang b
Mr Chambon qui joint
une sextrémehidroiture de
coeur àune parfaire connoif
fance de la nature, à évité
l'écücil des Phyſiciens ordinaires
, & nous propoſe dans
cet ouvrage les principes les
plus facilespavec une netteté
GALANT. 139
toute finguliere. La nature ,
dit- il , fait tous ſes ouvrages
en diffolvant & en coagulant;
lorſqu'elle diffout elte sein
erude; & lorſqu'elle coagule
elle cuir &meunit. C'eſt fur
ce grand principe que roule
rouve la Phyſique r& toute la
Medecine, Car enfin lainatu
reou coagule ondiffour ou
fe ropoſe quandfes ouvrages
font à leur matafités Ibreſt
vrayqu'elle nedemeute guard
en reposh qulellé,n'a pas
pluſtoſt conduit ſesouvrages
àleur perfection ,qu'elle travaille
à les détruige. Tout
160 MERCURE
ace
que doit donc faire un fage
Medecin eſt de ſuivre, la
nature dans ſes operations
fin d'empêcher les coagulations
prématurées,&les diſſolutions
trop precipitées.L'une
fert de romede à l'autre, la
coagulation empêche da trop
grande diffolution , lai diễ
folution bempèche da nerop
grande coagulations Opine
peut pas donner d'idée plus
fimple desoperations de la na
ture , & du devoirdes Medeeins
qucocelle-lashion flokar
-De ce principe il s'enfuit
quola ſaignée eſt ſouvent la
choſe
GALANT. 161
choſe la plus dangereuſe de
toutes celles que pratiquent
aujourd'huy les Medecins , &
qui a affez de rapport avec ces
fortes de remedes communs
qu'on diftribuë dans les boutiques
, ainſi que Mr Chambon
ledémontre dans ſon ouvrage.
En effet , ou le ſang
tend à ſe coaguler, ce qui cauferoit
des obſtructions dans
les viſeerés ou à ſe diffoudre ,
ce qui en ruineroit le baume ;
car de dire qu'il peut pêcher
en quantité, c'eſt une prévention
qui n'eſt formée fur
aucun princip craifonnable ,
Juin 1714.
162 MERCURE
s'il ſe coagule il y a des
remedes pour empêcher cet
te coagulation , & pour le re
mettre à fon bon naturel , s'il
tend à la diſſolution de ſes
principes,on peut l'empêcher
par des remedes coagulants.
Tous les corps , die Me
Chambon , ſont compoſez de
fel , de ſouffre & de Mercure.
La partie mercuriale continuët'il
, fait la fluidité ; la ſaline
fait le poids & la fixité , & k
fouffre la fuſibilité, le reſſerrement
,les faveurs & les couleurs.
Suivant ce principe , il
traise amplement des teintures
GALANT. 163
dont il donne les préparations
avec la netteté, & fa profondeur
ordinaire .
Il paffe de là au mal deNaples
que les Napolitains appellent
le mal François , dont il
explique la nature & les differentes
fortes conformement à
fes principes ; & aprés avoir
montré que le Mercure ne le
peut guerir radicalement , il
propoſe des ſpecifiques pour
lestrois eſpeces de cette maladie
ſçavoir la naiſſance, l'inveterée,&
l'hereditaire. Labontéde
cesſpecifiques eſt prouvée
par des raiſonnemens , & par
Oij
164 MERCURE
les experiences qu'il en faites à
cette occaſion; ildonne lespréparations
du Mercure , de
l'antimoine , du plomb , de
l'Elixir animal , de Lilium ,des
pilulles , &c. De- là pour récréer
le Lecteur , il paſſe au
récit de ſon voyage dans les
Monts de Pologne , où il entra
dans les mines de ſel , de
ſouffre, de bitume& autres ,
dont il rapporte les particula
ritez , & plufieurs autres mer
veilles de la même Pologne,
avec beaucoup d'exactitude
&de politeffe. Enfin il finit
par un traité de l'apoplexic
GALANT. 165
dontil explique la nature d'une
maniere mécanique &
conforme à fes principes ; enfuite
il établit les differentes
efpeces d'apoplexie ,& donne
les préparations des remedes
neceffaires dans ces fortes de
maladies.
On peut dire en general
que cet ouvrage eft , pour fa
folidité , fa varieté & fa nouveauté
, un des plus beaux
Chefs-d'oeuvres de la Medeci
ne,&de la Phyſique. Il ſeroit à
fouhaiter que l'Auteur voulût
faire part au Public des autres
découvertes qu'il a faites fur
166 MERCURE
quantité d'autres maladies ,
avec leurs remedes : ce ſeroir
luy faire un preſent d'autant
plus eftimable , que l'homme
n'ariende plus cher,ny de plus
précieux que la ſanté. Sans
elle il ne fait que languir ; les
plaiſirs n'ont pour luy aucun
charme , & il eſt incommode
non ſeulement à tout le monde
, mais encore à luy-même.
Quelques utiles que foient
les avis que je viens de donner,
les Memoires Litteraires ne
font pas du gouſt de tout le
monde , le nombre de ceux
GALANT 167
qui les paflent , eſt auſſi grand
que celuy de ceux qui les lifent
, & il me ſemble que
j'entends tous mes Lecteurs
dire, que chacun doit trouver
dans mon Livre au moins
un article pour ſoy. J'en
tombe d'accord , mais je leur
repeteray encore que c'eſt à
cux à faire en forte que leur
curiofité ſoit fatisfaite. Ils
veulent des pieces courtes &
diverſifiées , qu'ils m'en donnent
; qu'ils foient eux-mêmes
les Auteurs du Mercure Galant
, il doit eſtre leur ouvra
ge plutoſt que le mien. Ils
168 MERCURE
trouveront alors dequoy s'amufer
avecplaisir de la varieté
continuelle qui doit faire tour
le merite de ce Livre.
Quelque bonne que foit la
Piecede Poësie que je leurdon
ne, fi un Madrigal, uneChan
fon, une Epigrame, un Son
net leur plaiſent davantage ,
qu'ils prennent la peine d'en
faire & de m'en envoyer , je
feray tout ce qu'ils voudront
pour leur plaire. Cependant
je prie ceux qui ſe meflent de
faire des Vers de lire avec
beaucoup d'attention la Picce
de Poësie que jeleur preſente,
&
GALANT. 169
&de ſe ſouvenir dans leurs
compoſitions , avec quel art ,
& à quel prix il eſt permis d'être
Poëte.
De la Neceffité de la
Critique , ou le Grand
• Prevoſt du Parnaſſe.
On gronde contre la
Satire,
Et Cotin dit qu'on a rai-
F
fon;
Mais quoique Cotin puis ,
Sedire
Juin 1714. P
170 MERCURE
Dans l'étrangedemanделі-
fon ६
Qu'en noſtre Siecle on a
d'écrire
Il nous faut ce contre-poifon.
Ecrire en Vers' berire
Den Pr
Au temps passé, c'estoit un
fa
Art,
e
Au temps preſent , c'est
autre chose , RRR
Tant bien que mal à tout
hazard,
GALANT. 171
Rime qui veut , qui veut
compose
Se dit habile, ou le fuppose
,
Entre au Chorus , ou chan
te àpart
Eft pour un tiers ou pour
un quart
Fournit le texte en fait la
glofe,
Et tout le monde en veut
Sa part.
Dites - nous , Muses,
d'où peut naistre
Pij
172 MERCURE
Cette heureuse fecondité,
Eft- on sçavant quand on
veut l'estre ,
Cela n'a pas toûjours esté.
Il en coûtoit à nos Ancestres
,
Ce ne fut pas pour eux un
jeu,
Ce qui coûtoit à ces grands
Maistres
D'où vient nous coûte-tilfi
ة ي ح
peu.
Vanitéfotte, qui preſume
GALANT. 173
Par un aveugle &fol orgüeil
Defon esprit &desa plu
me:
Voilà d'abord le grand écuril.
Itcm, leTempledeMe
moire ,
C'est un tres- dangereux appas;
Mais en grifonnant pour
L'encre toûjours ne coule
la gloire ,
pas;
Piij
174 MERCURE
Et quelquefois avient le
cas ,
Que l'on caſſeſon écritoire.
1
:
Item ,foit à bon titre ,
ou non ,
On dit mes oeuvres , mon
Libraire ,
Et l'on voit en gros caractere
Afficher son Livre&fon
Nom:
Item , chacun asa folie
;
GALANT. 175
Item , aujourd'huy tout est
bon
Et tout oworage se publie
Ce qu'un hommea rêvé la
Ce qu'il a dit àſaſervan-
Cequ'ilfait entre ſept
buit ,
Qu'on l'imprime & melte
en vente ,
L'ouvrage trouve du debit;
Et quelquefois ,ſans qu'il
s'en vente ,
Piiij
176 MERCURE
L'Auteury gagne un bon
habit.
Item , quand on ne sçait
mieux faire ,
Onforge , on ment dans un
écrit.
Item, on nesçauroitſe taire,
Et nous avons tous trop
d'esprit.
Autre grand Item , ilfaut
vivre
Voilà comment fefait un
Livre.
De-lànous viennent à
foifon
GALANT. 177
Maigres livrets de toute
forte ; 1
Ils n'ont ny rime ny rai-
Son ,
Cela se vend toûjours ,
qu'importe
Tous lesſujetsfontpresque
ufez
Et tous les titres épuiſez ,
Fuſques à des contes de
Fée,
Dont on afait long- temps
Trophée ;
Le desordre croit tous les
jours
178 MERCURE
Je crie & j'appelle au fecours,
Quand viendra- t'il quelque
Critique
Pourreformer untel abus ,
Et purger noftre Republique
De tant d'Ecrivains de bibus?
A l'esprit d'un Cenfeur
farouche,
Qui fçait faire valoir fes
droits ,
Un pauvre Auteur craindra
la touche,
GALANT. 179
Et devant que d'ouvrir la
bouche
I penſera plus de deux
fois.
Je touche une facheuse
corde,
Et crois déja de tous cof
tez
Entendré à ce funeste exorde
,
Nombre d'Auteurs épouvantez
Crier tout baut , mifericorde!
180 MERCURE
Soit fait , Meffieurs , j'en
fuis d'accord;
Mais quand le Public en
furie
Contre vous &vos oeuvres
crie
Mifericorde encore plus
fort ,
Que luy répondre ,je vous
prie?
C'est un mal je ne dis
pas non ,
Qu'un Cenfeur rigide &
fevere
GALANT. 181
Qui le prend fur le plus
haut ton ,
Qu'on hait , & pourtant
qu'on revere :
Mais si c'est un mal, c'est
Souvent
Un mal pour nous bien neceffaire
;
Un Critique au Paysscavant
Fait le métier de Commif-
Saire.
Bornonsnousfans aller
plus loin
1
182 MERCURE
T
A la feule gent Poëtique
Plus que tout autre elle a
besoin
Pour Commiſſaire d'un
Critique.
Les Poëtesfont infolents
Etſouvent les plus miferables
Se trouvent les plus intraitables
Fiers de leurs prétenduës
talents
Ils prendront le pas au
Parnaffe
GALANT. 183
Et fur Virgile &(ur Horace
S'il n'est des Cenfeurs vigilants
Pour chaßer ces paffe-vollants,
Et marquer à chacun fa
place.
D'abordces petits avortons
Viennent se couler à tâtons;
Ils sont soumis , humbles ,
dociles.
184 MERCURE
Souples a prenare les lecons
Des Horaces & des Virgiles,
Etdevantdes Auteurs habiles
Sontmuetscomme des poif
fons ;
Mais quand enfin cette
vermine
Sur le Parnaße a pris racine
,
Elle s'amente&forme un
corps
Quiserevolte&semutine;
Dés
GALANT. 185
Dès qu'une fois elle domine
Adieu Virgile نب fes
conforts
Dans quelque coin on les
confine ,
Et fi Phoebus faisoit la
mine
Luy-même on le mettroit
dehars.
Comment Ronsard &
Sa Pleyade, ??
Dont un temps le regne a
Juin 1714 .
186 MERCURE
Nous l'avoient - ils defiguré
Dans leur grotesque mafcarade?
Plus bigarre qu'un Arlequin
,
Affublé d'un vieux cafaquin
Fait àpeu prés à la Françoise
is d'étoffe antique
autoife;
as goust, fans air , le
tout enfin
Brodé de grec &delatin
GALANT.187
C'estoit dans ce bel équipa
ge
Qu Apollon noir comme
un lutin
Se faisoit par tout rendre
hommage;
Mais après un long efclavage
Enfin Malherbe en eut pities
Et l'ayant pris en amitié
Lui débarboüilla le vifage
Et le remit ſur un bon
pied
Qij
188 MERCURE
Renvoyant à lafriperie
Ses haillons &fa broderie.
Alors dans le facré
Vallon
On décria la vieille moda
Et Malherbe fous Apollon
Fit publier un nouveau
Code,
Deffendant ces vieux paf-
Sements ,
Qu'avec de grands empref-
Sements
GALAN 189
On alloit chercher piece à
piece
Au Latium & dans la
Grece
Ronfard en fut triste &
marri ,
Perdant beaucoup àce déori
Cependant tout changea
deface
Sur l'Helicon & le Par
naße
C'estoit un air de propreté
:
199 MERCURE
Plein de grandeur de
nobleffe ;
Rien defade ni d'affecté
N'en alteroit la dignité
Le bon goût & la politeffe
Brilloient dans lafimplicite
Laiſſant la frivole parure
Aux fades Heros de Romans
On emprunte de la natu
re
Ses plus fuperbes ornemens:
GALANT.191
Vous cuffiez vù les jours
de festes
Phæbus &les neufDoctes
Soeurs
N'employerpourorner leur
testes
Que des lauriers meſlezde
fleurs
Mais cette mode trop unie
Ennuya bien-toſtnosFran-
Au mépris des nouvelles
Ils revinrent à leurgenie
192 MERCURE
Et reclamerent tous leurs
droits
Nous aimons trop la bigarure
;
Je ne puis le dire aßez
baut,
Voilà nostre premier deffaut
Et c'est depuis long-temps
qu'il dure :
Ildureraj'ensuis garant,
Quoique le bon goût en
murmure;
Si l'on le quitte , on le reprends
&
Même
GALANT. 193
Même en dépit de la
Cenfure :
On veut du rare, du nou
veau,
27197
Letoutfans regle ,&fans
mesure ,
On outre , on caffe le pin
ceau;
Mais à charger trop le
tableau,
On vient àgâter la peina
gater la pein
ture malind
Et voulant le portrait trop
bears ८
Juin 1714. RS
194 MERCURE
On fait grimacer la figure.
:
Spit Poëtes foit Orateurs
,
C'est là qu'en font bien des
Auteurs.
Nous nous mettons à la
torture
Pour alambiquer un écrit;
Nous voulons par tout de
Kefprit
Du brillant de l'enlumi-
стике сто
C'est un abus , ne forçons
rien,
GALANT. 195
Laifſſons travailler la nature
Etfans effort nous ferons
bien:
Il en coûte pour l'ordinaire
Par cet enteſtement fatal
Plus à certains pourfaire
mal
Qu'il n'en coûteroit pour
bienfaire.
Me voila dans unfort
beau champ
Rij
196 MERCURE
Mais je préche & peut
estre ennui-je
Comme bien d'autres en
consid
prêchant ,
Jefinis donc & je m'of
Suye.
១
Bel exemplefans meflatter
Si l'on vouloit en profiter.
Or durant cette mala-
છ???????????? die
Dont l'Helicon , fut infec
djtás zamb aliors :
On bannit lafimplicité
GALANT 197
Sous Malherbe tant ap
plaudies 20
Pointe's, équivoques dans
Et jeux de mots vinrent
On vit l'affemblage grotes-
Da ferieux & du burles
-
Le Phoebus , le:Galima-
--sanciovint amoy 20
Parurent avec aßurance ,
Et comme fi l'on n'estoit
pas
R iij
198. MERCURE
Affezfol , quand on veut
en France
Onfut avec avidité
Chercherjusques dans l'Italic
Desfecours dont par cha-
Elle aſſiſta noſtrefolies
Apollonfe tuoit en vain
De faire mainte remon-
Nos gens fuivoient toujours
leur train
Et tout alloit en décadence.
:
L
NOUSTHEQUE DE
199
Mais quand ce Dien
plein de prudence
*
1893*
Eut pris Boileau pourfon
Preap
Combien d'Auteurs firent
lepaut
On voyoit détaler en bande
Tous ces Meffieurs de
contrebande :
Chapelain couvertde lau
riers
Sauta luy-même des pre
miers ,
Et perdit , dit-on , dans la
crotte
Riiij
200 MERCURE
Etfa perruque &sa calottes
Il crioit prestà trébucher
Sauvez l'honneur de la
Pucelle
Mais Boileau plus dur
qu'un rocher
Neust pitié ni de luy ni
d'elle.
Pradon voulant parlementer
Fit d'abord de la resistan
ce
Et parut quelque temps
luter,
CALANT. 2010
Même en Poëte d'importance;
It appella de la Sentence
Mais ilfallut toûjoursfau
ters
Et l'on n'apoint jugé l'inf
tance:
Sous le manteau de Regulus
On eut épargnésa perfonne
Mais le pauore homme
n'avoit plus 1
Que lejuſte-au-corpsd'Antigone.
202 MERCURE
Quinaut par la foule
emporté,
Quinaut même fit la culbute
Mais un appel interjetté
Le vangea bien-toft defa
chute :
On vit les Muses en rumeur
A l'envi prendre en main
Sa cause,
Quelques gens de mauvaiſe
humeur
Vouloient pouffer plas loin
la chofe
GALANT.203.
Infiftant qu'on fit au plum
toft
Le procés au pauore Prevost.
Mais Pæbus d'une
oeiltade fiere
Les rejettant avec mépris
Leurdit d'un tonferme&
favere
Paix canailles de beaux
-
Qui n'avez fait icy que
braires Aoim C
204 MERCURE
Sifur Quinaut on s'estmé
pris
Fy veilleray, c'est mon
affaire:
Quant à vous perdez tout
Et ne me rompez plus la
teste
Mon Prevost afaitfon de-
Ainsi se calma la tem-
1
Et Quinaut s'estant pre-
Dansses griefsfut écouté;
GALANT. 205
On declara vu la requeſte ,
Bien appellé comme d'a-
છછછછ????????????
Dont le Prevost resta
camus
Il fut mêmeſur le Parnaf-
-ind
Regléfans contestation
Qu'auprès d'Orphée &
250 Pd Amphion 2.200 25
Il iroit reprendresa place ;
Et puis Phoebus d'un air
humain
Lui mit fa propre Lyre en
main
206 MERCURE
Non que la fienne fut u-
See
Maispar un noble&fier
dedain
De la voir à tort méprifee
En tombant il l'avoit brifée
On enfit recueillir foudain
Tous les morceaux juſques
au moindre
Mais on les recücillit en
vain
い
Et l'on ne pût bien les
rejoindre
GALANT. 207
Tel fut le destin de Quinaut
,
Seuldetous, oùle Commis
faire,
Ason égard un peu corfaire
Sefoit trouvé pris en défaut
Sur tout le refte irreprochable
Faifantfachargeavechauteur
A tout mauvais & fot
Auteur
:
Ilfut Prevoſtinexorable ,
208 MERCURE
Il est bien vray qu'en fa
vieilleße
Illaißa tout àl'abandon ,
Etfitfa charge avec molleffe
Quand on eft vieux on dewient
bon,
Un reste de terreur empreinte
Retenoit pourtant les efprits
Et l'on ne penſoit qu'avec
crainte
Aufort de tant d' Auteurs
profcrits
Dans
GALANT 209
Dans cette violteßaine.s
puiſſante
Son ombre encore queña
Arrestoit les plus reso
33Ram? AO[
Mais cette ombre fiere&
Gette ombre même , helas!
Cependant dans cet in-
Tout degenere & deperit
Et faute dhura Prevost
qu'on craigne
Juin 1714.
S
210 MERCURE
Chacun fur pied de bel ef
stealing
prit
Arbore déja fon enseigne.
Les Cotins bravant les
- Vardards 201 offer
De tous cotez semble re-
Et comme en un temps de
! 2.pardons is
On voit hardiment repa-
Les Pelletiers, les Pra-
Le mal plus loin va fe
répandre NO
GALANT
Si l'on n'y met ordre au
Muses,ſongez à vous deffendreout
it
Au ſpecifique un bon Pre-
Un bon Prevost ; mais où
le prendre
Je pourrois, s'il m'étoitpermis
,
En nommer un digne de
Par fes foins en honneur
Et plus grand qu'il n'é-
Sij
212 MERCURE
toit peut- estre
Homere affezle fait connoistre
Il a tous les talents qu'il
Pour un employ fi neceffaire
Je ne luy vois qu'un feul
défaut
C'est que ce métier falutaires
De blâmer ce qui doit dẻ
plaire sio srio) 25 I
De reprendre & n'épar
Agner riemiang anly 11
GALANT 213
Cemétier qu'ilferoitfi-bien
Il ne voudra jamais le
faire
Attaqué par maint trait
si falon
Jamais contre le noir frelon
Iln'employaſes nobles veilles
Et comme le Roy des a
beilles
Il fut toûjours fans aiguillon.
Ason défaut cherchez
sinquelqu'autre
១៧-០៣
214 MERCURE
Qui plus bardy , qui moins
humain,
Pour vostre gloire , &pour
la nostre
Ofe à l'oeuvre mettre la
Du Parnaße arbitre fuprême;
Si vous prifez mon Zele
extrême , 29
Faites le voir en mexauçant
polling
Helas! peut estre en vous
Fais-je des veux contre
may-même.
GALANT. 215
Je ne ſçay ſi c'eſt une
varieté ou non , de mettre
des Vers à la fuite d'une
Piece de Poësie , de quelque
genre different que
l'un & l'autre puiſſe eſtre ;
mais je ſçay bien qu'un
jeune homme tres-amoureux
& malheureuſement
brouillé avec la Maîtreffe,
me preſſe de gliſſer ce dépit
dans mon Mercure.
この
216. MERCURE
1
PIT
Mes foibles yeux ont
Et
er des
ont pu troucharmes
50
Un'altmirer que vou? O
১
موت
Er you? Rypbirfaticur des plait !
fps tas plus doux, zinen
-Man caur vous raconductos
terty go wipe GIUGNE
Mais la raison diffipant Mad
Homi ab Song 771
Melaiffee enfin aapppercevoir
Empeg sund 24,2nd
१९
ma vie
beaux jours
s de 1
Sont ceux que j'ay paffez , Cli
mene,ſans vous voir.
GALANT. 217
Si l'on remarque quelque
difference confiderable
dans le ſtile dont eſt
écrite l'hiſtoire ſuivante
qu'on n'accuſe pas celuy
qui en eſt l'Autheur de
s'eſtre écarté avec trop de
liberté de la fimplicité de
l'hiſtoire ; qu'on prenne
ſeulement la peine de ſe
repreſenter les moeurs , le
langage & les Nations dont
on parle. Et qu'on ſe ſouvienne
que , comme dit
Horace ,
Quelquefois le comique enfle
fon chalumeau.
Juin 1714. T
218 MERCURE
Interdum tamen & vocem
comedia tollit.
HISTOIRE
du Bacha de Damas.
IL eſt ſi difficile de ſçavoir
poſitivement ce qui ſe
paffe dans cet Empire,qu'on
n'y demeſle ſouvent la veri.
té d'un fait , quelque éclatant
qu'il foit , que longtemps
aprés qu'il eſt arrivé.
Les nouvelles de l'Afie , &
celles de l'Europe entrent
confufément à Conftantinople
, où chacun les débite
1
A
GALANT . 219
au gré de ſes intereſts , le
Courier qui en eft chargé
les donne au grand Viſir ,le
grand Viſir au Sultan , & le
Sultanles enſevelit dans ſon
ſérail. Ainfije n'oſe encore
vous aſſeurer que les dernieres
circonstances de l'hiſtoire
que je vais vous écrire ,
foient telles qu'on les raconte
icy; mais je vous promets
que je ſeray exact à
vous detromper , ſi le temps
ou le haſard me detrompent.
Il y a quatrejours que me
promenant avec quelques
Tij
210 MFRCURE
qui
eſtrangers dans ma çaique,
fur le canal de la Mer noire,
un fameux Armenien ,
a fait toute la vie un grand
commerce d'eſclaves , me
conta à peu prés en ces
termes l'hiſtoire de Halil
Acor Bacha de Damas .
J'étois , me dit- il, un jour,
( & bien jeune alors ) à Baghlar
qui eſt un Port de
cette Mer , environ à so
lieuës d'icy lorſqu'un
* Sheieke de mes amis y arriva.
Je le priay de venir
* Predicateur Turc,
GALANT 227
loger dans le meſme * Caravanfarai
que moy. La Maifon
eſtoir alors pleine
d'hommes & de chevaux.
Le Sultan Mahomet IV. dont
le regne étoit plus tranqui
le qu'il n'avoit encore eſté,
&qu'il ne l'a eſté depuis ,
preſtoit dans ce temps au
Kan della Krimée dix
mille hommes de ſes troupes
pour les joindre à douze
mille Tartares de Budziack
& de Bialogrod , qu'il
deftinoit à quelque grande
entrepriſe. Les Janifſſaires ,
* Auberge Turque.
Tiij
222 MERCURE
3
1
les Spahis , & les Afiati
ques que le Grand Seigneur
envoyoit au Kan paffoient
alors par Baghlar où nous
eſtions . Un de ces Janiffai
res entr'autres natif de
* Chaplar en Bulgarie voulut
profiter de l'occaſion
de cette route pour mener
plus ſeurement chez luy
une belle fille qu'il avoit
epousée depuis un an à
Midia de Romanie, Nous:
la trouvâmes avec fon
mary dans le Caravanfarai
que nous avions choiſi
Ville maritime de la Mer noire.
GALANT. 223
২
lorſque nous yarrivame s .
Le hazard nous plaça auprés
d'eux , le Janiſſaire
m'en parut content , il aimoit
mieux voir à côté de
ſa femme , un Venerable
Sheieke qu'aucun de ſes camarades.
Nous ſoupâmes
cependant & nous nous
endormimes ſur la paille.
Une heure avant le jour
nous entendimes des cris
aigus qui nous réveillérent
comme tous les hoftes de
la maiſon ; la femme du
Janiſſaire que fon.Mary
n'avoit pas crue ſi proche
T iiij
224 MERCURE
de ſon terme venoit de
mettre un enfant au monde
, à coſté de mon Sheie
xe , qui ſe trouva fort ſcandaliſé
de cet accouchement.
Il ſe leva plein de
couroux , en diſant que ſes
habits étoient foülliés du
déſordre & des accidents
de cette avanture , néanmoins
la mortification &
l'embarras du Janiſſaire ,
les douleurs de ſa femme
& mes difcours l'addoucirent
; je luy perſuaday ( &
il le ſçavoit bien , ) qu'il
feroit lavé de cette tache
GALANT. 225
en lavant ſa robe & fa per
ſonne avant la premiere
priere. Je le menay au bain
qui eſtoit dans le Caravan
farai où il ſe fit toutes les
cerémonies de l'ablution
desTurcs.
Cependant je retournay
auprés du trifte Janiſſaire ,
&de ſa femme qui gemiſſoit
encore des reſtes ou du fouvenir
de fa douleur ; je lui
donnay tous les ſecours
que je pûs imaginer , on
attendant le retour de mon
Sheieke.
f
L'étoile la plus favorable
226 MERCURE
qui puiſſe veiller fur nos
jours , ne flatte pas les Mufulmans
d'une plus heureuſe
deſtinée qu'un Sheike,
ou un Emir * lorſqu'ils préfident
à la naiſſance de
leurs enfants. Celuy- cy revint
enfinà nous, prés d'une
heure après le lever du Soleil.
Et aprés avoir enviſagé
le Janiſſaire , ſa femme
& fon fils , d'un air tranſ
porté de l'excellence des
avantages qu'il avoit à leur
promettre , il leur prédit
ces choſes.
Prêtre Ture.
GALAND. 227
Letrés puiſſant trés mi
fericordieux Alla a jettéfur
vous & fur vostre fils des regards
bienfaisants le faim
Prophete efto fon meffager.
Il'a pitié de vous , & Sultan
Mahomet qui est agréable au
trés mifericordieux que le
faint Prophete oberit vous élevera
aux premiers honneurs de
fon Empire. Alla * ha Alla.
Tousoles affiftans felici
terent auffi toſt le Janiſſaire
fur la prédiction du Sheieke.
Cette nouvelle paſſa juf
qu'à fon Aga qui luy donna
d'abord de grandes mara
* Dieu. Dieu eſt Dicu.
228 MERCURE
4
ques de distinction. Enfin
le jour du départ des troupes
qui estoient à Bagblar
eſtant venu , il nous quitta
aprés nous avoir juré qu'il
n'oublieroitja mais les obli
gations qu'il nous avoit. N
nousa tenu parole , & c'eſt
de luy-meſme que j'ay appris
avec la ſuite de fa for
tune, une partiede l'hiſtoire
de ſon fils , que vous allez
entendre.
Dés que Zeinal ( c'eſt le
nom de ce Janiſſaire ) cut
remis ſa femme à Chaplar
entre les mains de fa mere,
GALANT. 229
il ne fongea plus qu'à verifier
l'oracle du Sheiere H
fitdans la Krimée des actions
éclatantes que ſon Aga fit
valoir autant qu'elles lemeritoient
aux yeux du Grand
Viſir Cuprogli , qui l'avança
en ſi peu de temps , qu'en
moins de fix ans il le fir
nommer par ſa Hauteffe
Bacha d'Albanie. Il remplit
cette grande place avec
beaucoup d'honneur pen.
dant pluſieurs années , enfin
aprés la dépoſition du
malheureux Sultan Mahomet
IV. Sitoſt que ſon frere
230 MERCURE
Sultan Soliman III . fut mon
té ſur le thrône, il voulut
à l'exemple de tous les au.
tres Bachas profiter desdefordres
de l'Empire pour
augmenter fon credit ; mais
il ſe broüilla malheureuſement
avec le fameux & redoutable
Osman Yeghen
dont le courage , la politi
que & l'audace firent trembler
Solyman juſques dans
fon ferail.
Zeinal s'étoit oppoſé aux
contributions qu'Yeghen *
Serafier de l'armée d'Hon-
* General des Armées du Grand Seigneur.
GALANT 238
grie , avoit tirez de la Ro
melie , & aux impoſitions
qu'il avoit miſes ſur tous les
Juifs & les Chrétiens qui
eſtoient à Theſſalonique ,
& qu'il avoit taxez à deux
Piaſtres par teſte. Il avoit
meſme envoyé un gros party
de Cavalerie qui avoit
taillé en piece les gens
qu'Yeghen avoit chargez de
lever ces impoſitions.
Le Grand Viſir Ismael
trembloit alors de peur
que le Serafkier ne vint à
Conſtantinople avec fon
armée , & qu'il ne le fit dé
232 MERCURE
pofer bien toſt , comme il
avoit déja fait déposer le
Grand Vifir Solyman fon
predeceſſeur. Yeghen qui
reconnut l'avantage qu'il
avoit fur ce foible Viſir ,
luy demanda la teſte de
Zeinal. Ifmael qui de fon
coſté cherchoit à l'ébloüir
par de fauſſes apparences ,
fut ravi de luy pouvoir faire
un ſacrifice dont il n'avoit
rien à apprehender ,
puiſqu'il ne le rendoit pas
plus fort , ainſi quoyque
Zeinalne fût coupable d'au .
cun crime , il le fit décapi-
: ter
GALAN 2338
ter publiquement , dans la
Cour du Serail devant la
porte du Divan.?
Cependant ſon fils Halil
Acor faiſoit alors les fonctions
de Capigibachi en Afie,
où il n'apprit la mort de
ſon pere que long - temps
aprés qu'elle fut arrivée.
Il y avoit affez d'affaires
en Hongrie pour exercer
ſon courage ; mais l'amour
produifit luy ſeul tous les
motifs de fon éloignement.
Il avoit vû par, hazard
dans le Serail de ſon pere
une belle fille de l'iſle de
Juin 1714.
V
234 MERCURE
Chypre que Zeinal deftinoir
au grand Seigneur , il en
devint éperduëment amoureux
, il mit dans ſes interêts
deux femmes qui la fervoient
, il ſéduifit deuxEu
nuques à force de preſents,
il profita de l'abſence de
ſon pere pour s'introduire
toutes les nuits dans ſon
Sérail , & enfin il engagea
cette belle fille à luy donner
les dernieres & les plus
fortes preuves de fa tendreſſe.
Plus flatée de l'efpoir
de poffeder le coeur
d'Halil que de la gloire
GALANT. 2:5
chimérique dont on repait
la vanité de celles qu'on
deſtine aux plaiſirs du
Grand Seigneur , elle avoit
conſenti que ſon Amant
l'enleva avec ſes deux femmes
& ſes deux Eunuques ,
elle estoit déja meſme affez
loin du Serail de Zeinal ,
lorſque ce Bacha revint
chez luy la nuit meſme
qu'on avoit priſe pour cet
enlevement. Maisheureu-
- ſement pour ces Amantsi!
n'entra que le lendemain
matin dans le quartier des
Femmes , où il apprit avec
Vij
236 MERCURE
tous les tranſports de la
plus violente fureur le defordre
de la nuit préceden
te. Il monta auffi - toſt à
Cheval , & de tous les côtez
il fit courir aprés fon
fils ; mais ſes ſoins & ſa diligence
furent inutiles. Halil
qui n'eſtoit pas ſi loin
qu'il le cherchoit , avoit eu
la précaution de s'affeurer
d'une Maiſon qu'un Me
decin Juif qui n'eſtoit pas
des amis de fon pere avoit
dans les montagnes. Il falloit
traverſer plus de deux
lieuës de defert avant d'y
/
GALANT. 237
arriver, & jamais Zeinal n'y
ſes amis , ny fes eſclaves
ne s'eſtoient aperceus que
fon fils connuſt ce Juif.
Halil auroit pû longtemps
profiter de la ſeureté
de cet azile , ſi les troubles
dont l'Empire eſtoit
agité , & fon courage ne
l'avoient pas preffé bien
toſt de facrifier ſon amour
à ſa gloire. Les larmes de
ſa femme , ny les prieres du
Juif qui luy promit enfin
d'en avoir foin juſqu'à la
mort , ne purent l'arreſter
davantage. Il ſe rendit à
138 MERCURE
Conſtantinople , où il fur
reconnu d'abord par un
des amis de fon Pere qui
le recommanda particulierement
au Grand Vifir Som
lyman , qui , en confideration
de l'audace , de l'efprit
, de la bonne mine de
ce Jeune homme , & du
mérite de Zeinal , luy donna
ſur le champune Com
pagnie de Spahis. Il cut ordre
d'aller ſervir en Afie ,
où en peu de temps ſa valeur
le fit parvenir à la
Charge de Capigibachi
qu'il exerça avec honneur
அ
1
GALANT. 239
juſqu'à la mort de ſon Pere .
Le Vifir Ismaël qui avoit
eu la lacheté de faire exé
cuter l'injuſte & cruel ar
reft qu'il avoit prononcé
contre Zeinal , futbien-toft
aprés la victime de fa for
bleſſe. Yeghen revint àConf
tantinople , aprés en avoir
fait chaffer honteuſement
ce Viſir , qui ne pût racheter
ſa vie qu'aux dépens de
toutes les richeſſes que fon
avarice infatiable luy avoit
fait amaſſer pendant fon
indigne miniftere. Halil y
fut rappellé en meſme
240 MERCURE
temps qu'Yeghen , avec les
troupes qui ſervoient en
Afie. Il fut auffi toft à la
maiſon de ce General àqui
il dit qu'il ne luy rendoit
cette viſite , que pour luy
demander raiſon du fang
de ſon pere qu'il avoit fait
repandre , Yeghen conſentit
àluy donner cette fatisface
tion dans une des plus fecrettes
chambres de fon
Serail , où aprés un com
bat aſſez long , Ils ſe blef
férent tous deux : cependant
Yeghen eut l'avantage;
mais il n'en abuſa pas , au
contraire
GALANT. 241
contraire , loin de fonger
à ſe défaire d'un ennemi
auſſi redoutable qu'Halil ,
Je love , luy dit- il , ton coursge
&j'approuve ton reffentiment
: il n'a tenu qu'à ton Pere
d'eftre toûjours mon amy , mais
il a voulu me perdre & je
l'ay perdu. Tu as Satisfait à
ton honneur , en eſſayant de le
vanger : Vois , & dis moy
maintenant ce que tu veux , &
ce que je puis pour toy. Halil
eftonné de la generoſité de
ce grand homme , luy répondit
, Yeghen je ne veux
maintenant,que m'efforcer d'ê-
Juin1714. X
242 MERCURE
tre auffi genereux que toy. Si tu
veux m'imiter , reprit- il ,facrifie
ta vangeance à mon amitié
que je t'offre , je vais ordonner
qu'on nous penſe de nos bleſſu
res , je prétends que tu ne
gueriffe des tiennes que dans
mon Serail. Il appelle auffitoſt
ſes Eſclaves qui menerent
fur le champ Halil
dans une chambre où ily
avoit deux lits qui n'étoient
ſeparez l'un de l'autre que
par un grand rideau de taffetas
couleur de feu qui
eſtoit directement au milieu
de la chambre dont les
GALANT 243
Croiſez qui estoient aux
deux extremitez avoient
vûë de chaque coſté ſur
les Jardins où ſe promenoient
tous les jours les
femmes & les enfants
d'Yeghen.
Dés qu'on eut arreſté
ſon ſang , & qu'il ſe fut
mis au lit , il vit entrer
dans ſa chambre le Medecin
Juif à qui il avoit confié
la belle Eſclave qu'il
avoit épousée dans ſa maifon
, aprés l'avoir enlevée
du Serail de ſon Pere. A
drianou , luy dit il auſſi toſt ,
X ij
244 MERCURE
moncher Adrianou que faítes
-vous icy ? Pourquoy
eftes vous maintenant à
Conftantinople , & dans
quel eſtat eſt ma femme ?
Je vous ay promis , reprit
le Juif , en ſoûpirant , d'avoir
ſoin de la malheureuſe
Adrabista juſqu'à ma mort.
Toutes mes précautions
n'ont pû prévenir les effets
de ſon déſeſpoir , elle eſt
à jamais perduë pour vous ,
& je ne ſuis point fâché
dans mon infortune que
les remedes que je viens
Fameuſe par les grandes avantures qu'elle
2euës depuis àRome , & que je conterayune
autre fois.
GALANT . 245
vous offrir par hazard me
preſentent à vos yeux , où
je ſuis prêt d'expier dans les
fupplices , le crime de ma
négligence où de mon
malheur. Contez moy donc
cette funeſte hiſtoire, lui dit
avec bonté , l'affligé Halil ,
& n'en épargnez aucune
circonstance à madouleur.
Il vous fouvient , reprit le
Juif, des efforts que fit Adra.
biſta , & des larmes qu'elle
répandit pour vous retenir
auprés d'elle ; vous n'avez
pas non plus oublié les
pleurs & les prieres que je
Xij
246 MERCURE
mis en uſage pour flechir
voſtre courage inhumain.
Une vertu cruelle & plus
forte que l'amour vous ravit
enfin ànosyeux.
Crois - tu , dés que vous
fuſtes parti , me dit Adrabista
, que les larmes & les
gemiſſements ſoient main
tenant les armes dont je
veux me ſervir pour mevenger
de la fureur ou de l'infidelité
de mon barbare époux
Non , Adrianou ,non.
je veux le ſuivre malgré luy
& malgré toy : ma taille
avantageuſe&mon audace
GALANT. 247
m'aideront ſuffisamment à
cacher ma foibleſſe & mon
ſexe; enfin jeveux courir les
meſmes haſards que luy,par
tout où l'entraiſnera cette
impitoyable gloire qui l'arrache
àmon amour. Je vou
lus d'abord flatter ſa dou
leur; mais malgré mes foins,
ma complaiſance criminel.
le,& mon aveuglement l'ont
précipitée dans le plus
grand des malheurs. Je luy
permis d'eſſayer le turban ,
& de mettre un fabre à ſon
coſté. Elle ſe plaiſoit quelquefois
dans cet équipage
X iiij
248 MERCURE
de guerre , d'autrefois jer
tant fon fabre & ſon turban
par terre , elle affectoit de
mépriſer ces inſtruments
qu'elle deſtinoit à ſa perte.
Enfin elle feignit de paroiftre
devantmoy conſolée de
voſtre abſence , & pendant
plusde fix ſemaines elle ne
me parla pas plus de vous ,
que ſi elle ne vous euſt jamais
connu. Cette indiffe
rence m'inquietta pour
yous , & je luy dis unjour ,
eſtes - vous Adrabista , cette
heroine qui deviez fi glo.
rieuſement ſignaler voſtre
GALANT. 249
du
tendreffe , en courant jufqu'au
fond de l'Afic aprés
un époux ſi digne de voſtre
amour. Non , Adrianou , me
dit elle , je ne ſuis plus cette
Adrabista que vous avez veue
capable des plus extravagants
emportements
monde.J'aime tousjoursHa
lil comme mon ſeigneur &
mon époux ; je ſens toutes
les rigueursde ſon abfence ;
mais le temps & mes reflexions
ont rendu ma douleur
plus modeſte;& il n'est point
de fi miferable coin fur la
terre , où je n'aime mieux
250 MERCURE
attendre ſes ordres , que
m'expoſer en le cherchant
auhafard de le deshonorer
enme deshonorant moymeſme.
Je creus qu'elle me par
loit de bonne foy , & dans
cette confiance je luy donnay
plus de liberté & d'authorité
dans ma maifon que
je n'y en avois moy-mefme.
Enfin il vint un jour un
exprés que le gouverneur de
la Valone m'envoya pour me
preſſer d'aller porter des re
medes à fon fils qui estoit à
l'extremité. Je fis auffi- toſt
GALANT. 251
part de la neceffité de ce
voyage à Adrabista , je la
priayde chercher à ſe defen
nuyer pendant mon abfence
, & je partis avec mon
guide. Mais jugez de ma
conſternation lorſqu'à mon
retour dans ma maiſon , on
me fit part des funeſtes nouvelles
que vous allez entendre.
Le lendemain de mon
départ Adrabista fit ſeller
trois chevaux qui reſtoient
dans mon écurie. Elle s'équippa
du ſabre & du turban
qu'elle avoit tant de
fois mépriſez en ma preſen;
252 MERCURE
cé, elle fit monter avec elle
ſes deux eunuques à cheval ,
elle dit à fes femmes qu'elle
alloit ſe promener dans les
vallées qui font au pied des
montagnes de la Locrida ,
elley fut en effet , mais elle
alla plus loin encore , elle
pouſſa juſqu'à Elbaffan , où
un party des troupes de
l'Empereur des Chreftiens
Farreſta . Elle demanda à
parler au General de l'armée
qui eftoit alors à Du
razzo où elle fut conduire,
&de qui elle fut receue avec
tous les égards deus à fon
GALANT . 253
fexe & à la beauté. Je yous
apprends maintenant d'épouventables
nouvelles
Halil ; mais vous ne ſçavez
pas encore le plus grand
de vos malheurs. J'ay appris
depuis quelque temps qu'elle
s'eſtoit faite Chreftienne .
C'en eſt aſſez , luy dit
Halil , fortez & ne vous repreſentez
jamais à mes
yeux, je ne ſçay ſi mavertu
ſuffiroit pour vous derober
à ma fureur.
Yeghen qui s'eſtoitjetté ſur
le lit qui eſtoit à l'autre ex.
tremite de la chambre,aprés
254 MERCURE
avoir entendu ce recit , ſe
fit approcher de l'inconfolable
Halil, à qui il dit tout
ce qu'il creut capable d'apporter
quelque foulagement
à ſa douleur. Enfin
aprés pluſieurs de ces dif
cours qui ne perfuadent
gueres les malheureux , amy,
luydit- il, jettez les yeux
fur mon jardin , & voyez fi
dans le grand nombre de
beautez qui s'y promenent ,
il n'y en aura pas une qui
puiſſe vous conſoler de la
perte de l'infidelle Adrabiſta.
Jevousdonnecellequevous
GALANT. 255
préfererez aux autres , quelque
chere qu'elle me puiſſe
eſtre. Je veux , luy répondit
Halil, à qui une propofition
fi flateuſe fit preſque oublier
toute ſon infortune
eſtre auſſi genereux que
vous , & n'écouter l'offre
magnifique que vous me
faites , que pour vous en remercier
: non , non, reprit
Yeghen, il n'en ſera que ce
qu'il me plaira ,&nous verrons
dés que vous ferez gueri
, ſi vous affecterez encore
d'eſtre , ou ſi vous ferez fincerement
auffi genereux
quemoy.
256 MERCURE
Au bout de quatre ou cinq
jours ils furent gueris tous
deux.Alors Veghenplus charmé
encore des vertus d'Halil,
lemenadans un cabiner
de ſon jardin , où à travers
une jalouſie il vit paſſertoutes
les femmes qui estoient
dans le ſérail de ce Bacha,
qui ne s'occupa pendant
cette reveuë qu'à examiner
la contenance d'Halil , &
qu'à luy demander ce qu'il
penſoit de chaque beauté
qui paſſoit au pied de la ba
luſtrade où ils eftoient.
Enfin aprés avoir longtemps
GALANT 25
1
temps confideré aſſez tranquillement
tout ce que l'Europe
& l'Afie avoient peuteſtre
de plus beau , il vitune
grande perſonne dont les
habits eſtoient couverts des
plus riches pierreries de l'O
rient , negligemment appuyée
fur deux eſclaves , &
dont les charmes divins of
Froient aux yeux un majel
tueux étalage des plusrates
merveilles du monde. Auffitoſt
il marqua d'un ſonpir le
prompt effet du pouvoir iné.
vitable de ſes attraits vainqueurs.
Qu'avez-vous , luy
Juin 1714. Y
258 MERCURE
dit àl'inſtant Yeghen , amy,
vous ſoupirez ?Ah,ſeigneur,
je me meurs , reprit Halil ,
qu'onm'ouvre àl'heuremeſ
me les portes de voſtre ſé.
rail,&ne m'expoſez pas davantage
aux traits d'unegenorofité
fi cruelle. Je vous
entends , reprit Yeghen ,
mais je ne veux pas conſentir
à vous laiſſer fortir
de mon Serail , que vous
n'ayez épousé celle de
toutes ces perſonnes qui
vous plaiſt davantage. Elles
font toutes mes femmes ,
àl'exception de la derniere
GALANT 259
qui eſt ma fille , recevez- là
de ma main mon fils , &
aimez moy toûjours.
Halil fe jetra fur le
champ aux pieds du Bacha
qui le releva dans le
moment , pour le conduire
à l'appartement de ſa fille ,
dont le même jour , il le
rendit l'heureux Epoux ; Il
prit enſuite uniquement
ſoin de ſa fortune , juſqu'à
ſa mort , qui arriva juſtement
, un mois aprés avoir
engagé le Sultan Solyman
à donner à ſon gendre le
Bachalik de Damas.
Yij
260 MERCURE
Halil a vécu depuis plus
de vingt ans avec tout l'é
clat & tous les honneurs.
dont puiſſent joüir les plus
Grands Seigneurs de l'Empire
Othoman . Mais il n'eſt
rien de fi fragile que le
bonheur des hommes , la
moindre jaloufic ou la
,
moindre eſperanceles
étourdit au milieu de leur
felicité , & il ſuffit qu'ils
ayent eſté tousjours heureux
, pour croire n'avoir
jamais d'infortune à redouter
: enyvré de leur gran
deur , leur Maiſtre ne de
GALANT . 261
vient à leurs yeux qu'un
mortel comme eux , fouvent
meſme ils prétendent
s'attirer & meriter plus
d'honneurs que leur Mail
tre
Le trés haut Sultan Achmet
àpréſent regnant , ſur la
nouvelle de la revolte du
Bacha de Bagdad , a fur le
champ envoyé aux Bachas
de Damas & d'Alep un
ordre exprés de marcher
avec toutes leurs troupes
contre ce rebelle ſujet. Sitoſt
que leur armée a eſté
en estat d'entrer en cam262
MERCURE
pagne , ils ont rencontre
attaqué &battu ce Bacha.
Le Sultan juſques-là a efté
fervi à merveille ; mais on
ajouſte qu'ébloüis appar
ramment de quelques projets
ambitieux dont on ne
ſçait encore ny le fond
ny les détails , & flattez
ſans doute de l'eſpoir
d'un ſuccez favorable , ces
deux Bachas ont entretenu
une intelligence criminelle
avec celuy de Bagdad.
Que le Bacha de
Damas a eſté convaincu de
ce crimepar des lettres qui
GALANT . 263
onteſté interceptées ,& qui
fot tombées entre les mains
du Grand Seigneur , qui a
dépeſché auſſi toſt l'ordre
ſuprême qui vient de coufter
la vie à cet infortuné
Bacha. Je ne ſçay pas encore
, files muets l'ont étranglé,
s'il a efté afſaſſiné , ou
ſi on luy a tranché la teſte ;
mais je ſçay bien que le
Sultan a prononcé l'arreſt
dont il eſt mort .
Dés que l'Armenien cuft
fini ſon recit , je le remerciay
de m'avoir appris tant
de particularitez de la vic
C
264 MERCURE
des trois Bachas Halil
Yeghen & Zeinal , & je le
priay de m'informer de
toutes les nouveautez qu'il
pourroit apprendre encore.
Il ne ſe paſſera rien dans
ce pays- cy qui vaille la peine
de vous eftre mandé
dont je ne vous faſſe pare
avec plaifir.
Je ſuis Mr. &c.
On m'a déja envoyé des
Enigmes , des avis au Public
, & des conſeils particuliers
: je remercie ceux
qui m'ont fait ces préſents
GALANT. 265
&je les prie de m'en faire
encore. Qu'ils contribuent
au rétabliſſement duMercu
re,&pour le rendre intereffant
, utile , & agréable ,
que tant de mains y travaillent
, que tous ceux qui
m'aideront à le compoſer;
ayent le plaifir d'y reconnoiſtre
leurs Ouvrages , &
que de concert avec le
Public, j'en faſſe , pour la
fatisfaction des lecteurs ,
un Livre capable de faire
leplaifirde tout le monde ,
en amuſant agréablement
ceux qu'il ne pourra pas
inſtruire. Z
266 MERCURE
1
Le mot de la premiere
Enigme du mois paſſe eſtoit
la Fable , celuy de la ſeconde
estoit l'ongle. Ceux
qui les ont deviné ſont le
Breton de la Cour de la
Moignon , la grande Angelique
, la blonde perſeverante
, l'inconſtant devenu
fidele , le Bourguignon
ſans fard , le petit Secrecaire
, le bien aimé Corio
lan , le Bailly Finet de
Dieppe, la Bertaigne éden
tée , ſon maufeu de Pincourt
, la mouchette
Guiblet, la groſſeChenille,
GALANT . 267
& l'Hoſtel de Maulevrier
ruë de Grenelle
Je ſuis obligé à un des
devineurs que je viens de
nommer du ſoin qu'il a eü
de m'envoyer une Enigme,
je l'aurois miſe volontiers
àla place d'une des miennes
, s'il avoit voulu prendre
la peine de la rendre
plus correcte .
Ce ſeroit icy la place des
Enigmes du mois , ſi je ne
jugeois pas à propos de
faire paſſer avant elles un
Madrigal & un Envoy que
j'ay reçeu de Mr Anceau ,
Zij
268 MERCURE
5
2
que je n'ay pas l'honneur
de connoiſtre
LeMMaaddrriiggaall eſt ſurmoy,
& l'envoy fur le mot de
ma ſeconde Enigme.
Je mettrois volontiers
icy toute la Lettre que
jay receuë de Mr Anceau
, fi je n'apprehendois
pasque plufieurs perſonnes
qui m'ont écrit à peu
prés comme luy , ne me
ſcuſſent mauvais gré de
lapréference , ou plutoft
GALANT. 271
ſi j'avois aſſez de place
pour contenter tout le
monde.,Cependant quoy
que j'augmente le nombre
de mes pages , &
malgré l'obligation ou
je ſuis de me refferrer , je
ne veux pas faire à Mr
L. S. D. R. Avocat au
Parlement , le chagrin de
1
n'y pas inſerer au moins
une des deux explications
qu'il m'a envoyées ſur
mes Enigmes.
Z nj
272 MERCURE
Explication de la premiere
Enigme.
La Fable qu'Eſope conta
ADame Aminte la facha
Parce qu'il demasqua fon
vive
La comparant à l'Ecreviffe.
Maintes Amintes aujourd'huy
Semblable aux Damesde
Thrace
Se rueroient fortement fur
luy ,
GALANT
Sans respecter boffe ny
face
Tel ne craint point un fon
femblable
Qui au lieu de comparai
fans
DeSymbololeess&&ddee LLeeççoonnss
Donne à deviner le mot
FableAJ
G
Autre nouvelle. Un
Laquais vient de m'apporter
un paquet où je
trouve une longue lettre
&une courte Enigme :
274 MERCURE
on me recommande l'une
& l'autre , mais je m'en
tiens à l'Enigme, àla confideration
de Mr D. L.
qui me l'envoye.
1
ENIGME.
Jeſuis auſſipoli , mais plus
blanc que l'yvoire ,
Fapproche quelquefois de
la virginité , A
Jesuis un peu fragile , &
neſuispoint tenté ,
Souvent me fait la cour
quifouvent aime à boire.
GALANT. 275
Je suis plus recherché du
genre moins buveur
En mon employ ſervile on
me guide à l'honneur ,
Une jeune beauté frémiroit
dans fon ame
Augeste d'un brutal qui
s'approche de moy.
Fene fuis pointſenſible aux
faveurs d'un grand Roy ,
Fe rougis quelquefois de
২ celles d'une Dame.
Si l'on m'en avoit envoyé
encore une , j'aurois
refervé celle- cy pour un
276 MERCURE
autre mois ; mais on ne
la pas fait ,& je n'ay pas
le temps d'attendre qu'on
le faffe.
XENIGME
2 i
Noussommes trois compagnons
M
Qui de fort prés nous joignons,
Composant un tout femelle
De taille telle que telle ,
Et qu'on ne peut définir
Parce qu'aller & venir
Défigurent un peusa taille
GALANT. 277
Qui franchement n'est rien
qui vaille ,
L'un de nous est fort mal
coëffé
L'autre est un peu mieux
etoffe
Le troifiéme par avanture
dont le beau sexe eft cum
rieux
Eft par fois parfumé ,
blanc , poli , gracieux,
Pour luy plaire par fon
allure,
Quelquefois de mille
beautez
278 MERCURE
Il est temoin , mais non
pas oculaire ,
De ce qu'il ne voit point
un peu vous vous
doutez
Lesçavoir mieux n'est pas
trop neceffaire,
Pour deviner l'Enigme
en question
Mais procedons à la conclufion
1
Tantoſt l'un de nous trois
des deux autres s'arrasche
Celuy-cy dans l'autre ſe
GALANT . 279
LIM cache 3
Et se recache aprés dans
un plaisant reduit
Et quand l'autre est cacké
dans celuy qui le ſuit
Tous trois nous nous cachons
ensemble
Dans un autre réduit
qu'on cache aprés auffi
Qui sommes nous , que
vous en femble
Quel mot feul fait en racourcy
Des maſles Compagnons
que cette Enigme indi
280 MERCURE !
que
Le nom unique.
Le 2. de ce mois le
Roy fit faire un ſervice folemnel
dans l'Egliſe de
Noftre- Dame , pour le repos
de l'ame de la Reyne
d'Eſpagne , le Cardinal de
Noailles Archeveſque de
Paris officia , & tous les
Prélats qui estoient à Paris
s'y trouverent , de mefme
que le Parlement , la
Chambre des Comptes , la
Cour des Aides , l'Univerſité
& le Corps de Ville
د
qui
1
GALANT. 281
qui y avoient eſté invitez
de la part du Roy , par le
Marquis de Dreux Grand
Maistre des Cérémonies.
Madame la Princeſſe de
Conti , Mademoiſelle de
Charolois , & Mademoiſelle
de Clermont , qui eftoient
les Princeſſes du
deüil , estoient menez par
Monfieur le Duc d'Orleans
, le Duc de Bourbon ,
&le Comte de Charolois .
Le Mauſolée de cette
grande Reyne eſtoit ſuperbe
, ſon tombeau eſtoit
placé ſur un pied d'Eſtal
Aa
282 MERCURE
fouſtenu de quatre Lyons ,
fa figure eftoit à pans fur
chaque paneſtoit affife une
Conſole qui portoit une
Girandole. On voyoit au
deffus du Tombeau la rez
preſentation couverte d'un
riche Poele & d'un Manteau
Royal , fur leſquels
eftoit poſée la Couronne
d'Eſpagne , ſur un Carreau,
couverte d'un voile ou cref
pe noir.
Au deſſus du Catafalque
eſtoit élevé un Pavillon
furmonté de quatre aigrettes
, orné de riches pentes
GALANT. 283
garnies d'ornements &
d'attributs en or , au fond
duquel eſtoir une croix de
moire d'aigrettes cantonné
des armes d'Eſpagne, duquel
pavillon partoientqua
tre grandes queües foutenuës
en l'air formant des
feftons. On voyoit ſous le
pavillon un Ange tenant
une couronne d'étoiles re
preſentant l'immortalité.
L'Autel étoit orné dans le
même goût que le tour du
Choeur. Deux cartouches
avec deviſes en bas relief
d'or y étoient aux deuxcô
A a ij
284 MERCURE
tés : au deſſus de l'Autel
étoit unDais richement orné,
dont les queües for
mant des feſtons ſe réünif
foient à la décoration du
Choeur.
Les Ecuffons , cartouches,
tympans & autres ornements
ſont dorés,profilés
&ornés de girandoles portant
des lumieres
Les inſcriptions & deviſes
ont été données par Mr.
Simon Garde du Cabinet
des Medailles du Roy .
Voicy un article où
GALANT. 285
tous les termes conſacrés
aux loüanges les mieux
meritées , font épuiſez.
Monfieur le Mareſchal de
Villars fut reçeu le 23 .
l'Academie Françoiſe. 11
fit un Diſcours d'un Heros
tel que luy. Mr de la
Chappelle luy fit au nom
de cette Illuſtre Affemblée
, un autre Diſcours
fort éloquent. J'ay pris
bien des peines inutiles
pour avoir ces deux pieces
; fi on me permet de
186 MERCURE
les faire imprimer , com
me je l'efpere , je les donneraydans
mon premier
Mercure.
MORTS.
Marie Anne Mancini Du
cheffe de Boüillon mourut
fubitement le 20 de ce
mois. Son corps fut porté
le 25. aux Theatins. Elle
avoit épousé le 20. Avril
1662. Godefroy Maurice de
la Tour Duc de Boüillon ,
Vicomte de Turenne , Duc
d'Albret & de Chasteau
GALANT. 287
Thierry , Comte d'Auvergne
, d'Evreux &c. Pair &
Grand Chambellan de
France , Gouverneur &
Lieutenant General du
haut & bas Auvergne ,
& eſtoir fille de Michel
Laurent Mancini , qui
avoit époufé Jeronime Mazarin
foeur puiſnée du Car .
dinal Mazarin , morte le
29. Decembre 1656. Leurs
enfans furent ; N. Comte
de Mancini , tué au combat
du Fauxbourg Saint Antoine
à Paris ; Philippe Julien
quijoignit à fon nomceluy
288 MERCURE
de Mazarin ; N. dit l'Abbé
Mancini , qui fut tué Malheureuſement
au College
en joüant avec ſes amis le
15. Decembre 1654. Alfonſe
mort le s. Janvier 1658.
âgé de 14. ans ; Laure alliée
le 4. Fevrier 1651. avec
Loüis Duc de Vendôme &
de Mercoeur , morte le 8.
Fevrier 1657. Olympe Sur-
Intendante de la Maiſon de
la Reine , mariée le 20 Fevrier
1657. à Eugene Maurice
de Savoye Comte de
Soiſſons , & Marie femme
de Laurent Colonne Conneftable
GALANT. 289
neſtable du Royaume de
Naples , Hortenſe qui ef
pouſa le 21. Fevrier 1661.
Armand Charles dela Porte
, Duc de la Meilleraye ,
ſubſtitué au nom & armes
de Mazarin , elle mourut
en Angleterre le 2. Juillet
1699. & Marie Anne Manncini
qui vient de mourir.
Paul Mancini Baron Romain
, aimoit les belles
Lettres , & fuft premier
Inſtituteur de l'Academie
des Humoristes , il vivoit
l'an 1600.
Dame Marie Ceberet ,
Juin 1714. Bb
$
190 MERCURE
Veuve de Mefire Hierofme
Merault , Conſeiller de la
Grande Chambre du Parlement,
mourut le 17. Juin
1714
MMeefſiirree François le Boultz
Seigneur d'Aubevois , Conſeiller
Clerc au Parlement
de Metz , mourut le 20,
Juin 1714.
• Nicolas Jean Geneſt de
Launay Secretaire du Roy,
&l'un des Fermier Generaux
de Sa Majesté , mourut
le Juin 1714 .
GALANT. 191
Jeſuppoſe que ceux
qui m'ont demendé des
rendez-vous font de mes
amis , & qu'ils n'ont pas
voulu figner les lettres
qu'ils m'ont écrites pour
avoir le plaifir de badiner
avec moy plus à leur aiſe.
C'eſt leur affaire s'ils n'en
font pas , & s'ils en font
j'en ſuis ravi , & je les
invite à bon compte à
prendre en bonne part la
réponſe que je leur fais.
Si l'addreſſe que je donne
Bb ij
292 MERCURE
à chacun en particulier ,
leur plaiſt , en general ,
qu'ils ſe trouvent au rendez-
vous , je tiendray ma
parole
RENDEZ- vous.
3
Salut,amy:Jesuis char-
Du combatfingulier ou ta
Myse m'appelle:
Je voudrgis te parler auffi
galamment qu'ellers
Mais dufacre allon,Phebus
m'a réformé
da
GALANT. 293
Tu me promets honneur
gloire ,
Tu meflattes d'un grand
fuccés.
Mais crois-moy, ne briguons,
si nous pouvons
jamais
De place au temple de
memoire.
Allons rimer au cabaret ,
Faifons en un champ de
100
victoire
,
Chantons-y nos chansons
10
àboire ,
Et laiſſons franchement
Bb iij
294 MERCURE
nos vers au Cabinet.
Jefaisfur l'Helicon une
Valde figure ,
Jemeplais mieux ailleurs:
cours live mon Mercure ,
Et trouve-toy des que tu
l'auras lù ,
Chés Mouginot où okes
Darlu
On trouve chez le Sicur
de Launay ruë Saint Jacques
à la Ville de Rome ,
prés la fontaine Saint Severin
; & chez le Sieur Rondet
ruë de la Harpe , la fuite du
GALANT. 295
Kalendrier Hiſtorique. Contenant
par ordre de datte
les Evenemens les plus remarquables
, arrivés dans
tous les Estats , & Empires
du monde , pendant les fix
derniers mois de l'année
1713. l'Extrait du pronon
céides Edits , Déclarations
&Arreſts publics dans la
meſme année avec une
Table Alphabetique des
Matieres , & un Catalogue
des Livres imprimés en
France depuis le commen
cemont de l'année 171 1
Bis S
VON
:
TABLE
PRelude , ८ Page 3
Reflexionsfurl'Histoire 10
Histoire Nouvelle 14
Remarques sur l'Histoire 100
Discoursfur le mois , HO
Nouvelles
وه
Morts , piedad A. si izz
Mariages 18,207143
Memoires litteraires 146 - ISI
Critique du Parnaffe 169
L'histoire du Bacha de Damas.
218
TABLE.
Noms de ceux qui ont deviné
les Enigmes , 266
Madrigal fur l'Autheur 268
Envoy fur le mot de lafeconde
Enigme , 269
Explication de la premiere
Enigme ,
Enigme ,
Autre Enigme ,
272
274
276
Pompe Funebre de la Reyne
d'Espagne , 280
Reception de Mr de Villars
à l' Académie Françoise 28u
Suitte des morts , 286
Reponſe de l'Autheur aux
demandé
LYON
rendez vous qu'on luy à
291
&
ERRATA.
Page 108, au lieu de Carpi a
lifez Regio.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères